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Les tumeurs cardiaques

2010, Revue de Pneumologie Clinique

La tumeur cardiaque primitive est une affection rare, avec une fréquence entre 0,001 et 0,03 %. Quatre-vingts pour cent sont des tumeurs bénignes et, parmi elles, 70 % sont des myxomes. Les autres tumeurs bénignes sont les fibroélastomes, rhabdomyomes, fibromes, angiomes et lipomes. Quatre-vingt-quinze pour cent des tumeurs malignes sont des sarcomes, les 5 % restants des lymphomes. Les métastases cardiaques sont plus fréquentes que les tumeurs primitives. Le diagnostic est fait par échocardiographie, scanner ou résonance magnétique. La chirurgie est le traitement de choix pour les tumeurs bénignes et les sarcomes quand ils sont localisés, la chimiothérapie pour les sarcomes avec une extension locale ou à distance. La radiothérapie associée à la chimiothérapie pour les lymphomes. Les tumeurs bénignes ont un excellent pronostic. La survie moyenne d'un sarcome est de 11 mois, celle des lymphomes de cinq ans.

Revue de Pneumologie clinique (2010) 66, 95—103 PATHOLOGIE DU MÉDIASTIN Les tumeurs cardiaques Cardiac tumors A. Riberi ∗, V. Gariboldi , D. Grisoli , F. Collart Service de chirurgie cardiaque adulte, hôpital de la Timone, 264, rue Saint-Pierre, 13005 Marseille, France Disponible sur Internet le 18 février 2010 MOTS CLÉS Tumeur cardiaque ; Myxome ; Fibroélastome ; Sarcome ; Lymphome KEYWORDS Cardiac tumor; Myxoma; Fibroelastoma; Sarcoma; Lymphoma ∗ Résumé La tumeur cardiaque primitive est une affection rare, avec une fréquence entre 0,001 et 0,03 %. Quatre-vingts pour cent sont des tumeurs bénignes et, parmi elles, 70 % sont des myxomes. Les autres tumeurs bénignes sont les fibroélastomes, rhabdomyomes, fibromes, angiomes et lipomes. Quatre-vingt-quinze pour cent des tumeurs malignes sont des sarcomes, les 5 % restants des lymphomes. Les métastases cardiaques sont plus fréquentes que les tumeurs primitives. Le diagnostic est fait par échocardiographie, scanner ou résonance magnétique. La chirurgie est le traitement de choix pour les tumeurs bénignes et les sarcomes quand ils sont localisés, la chimiothérapie pour les sarcomes avec une extension locale ou à distance. La radiothérapie associée à la chimiothérapie pour les lymphomes. Les tumeurs bénignes ont un excellent pronostic. La survie moyenne d’un sarcome est de 11 mois, celle des lymphomes de cinq ans. © 2010 Publié par Elsevier Masson SAS. Summary Primary cardiac tumor is a rare disease, with an incidence ranging from 0.001 to 0.03%. Eighty percent of them are benign tumors, and among them 70% are myxomas, the others are: fibroelastoma, rhabdomyoma, fibroma, angioma and lipoma. Primary malignant tumors of heart are in 95% of cases sarcomas, the remaining 5% are lymphomas. Cardiac’s metastases are more frequent than primary tumors. Diagnosis is made by echocardiography TAC and MRI. Whereas surgery is indicated in patients with benign tumors, or localised sarcomas, chemotherapy in those with widespread disease and radiotherapy and chemotherapy in lymphoma. Prognosis is excellent in benign cardiac tumor. Mean survival for sarcomas is 11 months, and lymphoma 5 years. © 2010 Published by Elsevier Masson SAS. Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (A. Riberi). 0761-8417/$ — see front matter © 2010 Publié par Elsevier Masson SAS. doi:10.1016/j.pneumo.2009.12.012 96 Introduction Les tumeurs cardiaques primitives sont une entité rare avec une fréquence de 0,001 à 0,030 % [1]. Environ 80 % de ces tumeurs sont bénignes et parmi elles 70 % sont des myxomes. Les autres sont des rhabdomyomes, fibromes, fibroélastomes et lipomes. Les tumeurs malignes primitives du cœur sont dans 95 % des cas des sarcomes et dans les 5 % restants des lymphomes [2]. Les plus fréquents sont les sarcomes indifférenciés suivis des angiosarcomes, leïomyosarcomes et rhabdomyosarcomes. Les tumeurs secondaires du cœur sont entre 40 et 100 fois plus fréquentes que les tumeurs primitives [3], elles représentent en général un stade très avancé de la maladie cancéreuse. Les tumeurs qui métastasent le plus fréquemment dans le cœur sont les cancers du poumon, du sein, du rein et les mélanomes. Le pronostic des tumeurs bénignes est excellent. En revanche, les tumeurs malignes survivent en moyenne un an après leur diagnostic du fait des difficultés du traitement chirurgical et de la présence d’une extension, locale ou à distance, fréquemment rencontrée au moment du diagnostic (Tableau 1). Clinique Selon leur topographie, la plupart des tumeurs cardiaques présentent une symptomatologie qui est différente. Ainsi les tumeurs intracardiaques peuvent simuler les signes d’hypertension pulmonaire : dyspnée ou orthopnée ou provoquer un œdème aigu du poumon. Les lipothymies et les syncopes sont aussi une forme fréquente de présentation des tumeurs des cavités gauches et sont l’expression d’une obstruction au flux sanguin, la plupart du temps à travers la valve mitrale. Les embolies systémiques sont présentes dans un cas sur dix et concernent les tumeurs intracardiaques. Ces embolies sont représentées dans la grande majorité des cas par des accidents ischémiques transitoires ou bien des accident vasculaire cérébral (AVC), moins fréquemment par des embolies des membres et plus rarement par des embolies coronariennes produisant un syndrome coronarien [4,5]. Enfin les syndromes fébriles (arthralgie, asthénie et perte de poids) peuvent parfois poser des problèmes diagnostiques avec les maladies de système ou bien des endocardites infectieuses ou d’autres maladies infectieuses. Elles peuvent être présentes aussi bien dans les tumeurs bénignes que dans les tumeurs malignes du cœur. Les tumeurs qui se trouvent en dehors des cavités cardiaques, soit dans le péricarde, soit dans la paroi cardiaque, se manifestent par des signes de tamponnade, moins fréquemment des troubles du rythme. Diagnostic L’échocardiographie est l’examen qui a la plus grande sensibilité et spécificité pour le diagnostic des tumeurs intracavitaires. Elle peut par ailleurs évaluer la fonction A. Riberi et al. ventriculaire gauche, droite, et des valves cardiaques. En cas d’épanchement péricardique, elle peut aisément évaluer la quantité du liquide ainsi que le retentissement sur la fonction diastolique. Le scanner et l’IRM permettent une bonne évaluation des atteintes extracavitaires de la tumeur, bien qu’ils permettent aussi de visualiser les lésions intracavitaires. De plus, ils permettent d’explorer le médiastin et les structures proches du cœur et du péricarde. L’angiographie coronarienne doit être réalisée chez les patients ayant un risque de lésion coronaire, ou bien lorsqu’on suspecte une atteinte coronarienne par la tumeur. Dans les cas complexes, l’association de ces examens permet de faire un diagnostic précis et une évaluation complète de la situation, cela est particulièrement important pour les tumeurs malignes (primitives et secondaires), où l’on doit évaluer la topographie de la tumeur mais aussi rechercher une éventuelle extension (Tableau 2). Description des différentes tumeurs cardiaques Le myxome est la plus fréquente de toutes les tumeurs cardiaques primitives. Compte tenu de la multiplicité des signes cliniques et paracliniques qu’ils peuvent présenter, ils méritent d’être décrits à part (Tableau 3). Tumeurs cardiaques bénignes Myxome Le myxome est la tumeur cardiaque la plus fréquente. Quatre-vingt-dix pour cent des myxomes sont diagnostiqués entre 30 et 60 ans. Leur localisation est huit fois sur dix dans l’oreillette gauche et dans 60 % des cas leur insertion se trouve sur le versant gauche de la fosse ovale. Dix pour cent des myxomes sont localisés dans l’oreillette droite, 3 % dans le ventricule gauche et 5 % dans le ventricule droit. Exceptionnellement les myxomes peuvent se trouver sur les sigmoïdes aortiques ou pulmonaires. Ces tumeurs peuvent donner des obstructions du flux sanguin, provoquant une hypertension pulmonaire ou bien simuler des signes d’insuffisance droite si l’obstruction se fait dans les cavités droites. Les signes d’embolisme sont présents dans 11 % des cas. Très fréquemment, il s’agit d’embolie à destinée cérébrale produisant des accidents vasculaires cérébraux ou bien des accidents vasculaires transitoires. Plus rarement des signes d’ischémie périphérique des membres supérieurs ou membres inférieurs ou des embols dans les artères coronaires produisent un syndrome coronarien aigu. [5,6]. Les myxomes peuvent donner des signes systémiques tels que fièvre, perte de poids, vitesse de sédimentation élevée, anémie et hyperleucocytose. Les myxomes peuvent être multiples avec un caractère familial et dans ce contexte peuvent être diagnostiqués chez des patients jeunes. Ils rentrent dans le cadre du syndrome de Carney qui associe de multiples anomalies avec la présence d’éphélides, une neurofibromatose et des nævi [7,8]. Les tumeurs cardiaques Tableau 1 Tumeurs cardiaques : séries autopsiques parues dans la littérature. Auteur Origine Cancers (n) Tumeurs cardiaques Tumeurs cardiaques bénignes Tumeurs cardiaques malignes Tumeurs cardiaques secondaires Histologie Tumeur primitive De Loach 1941—1951 (2547) Cancéro 980 137 NP NP 137 Carcinome 46 LNH, LA, LC 51 LNH Poumon LA, LC Mélanome Sein De Loach 1933—1950 (52 491) Bisel 1948—1950 (500) Toutes origines 10 585 NP NP NP 511 NP NP Cancéro 500 106 NP NP 106 LA, LC 109 69 LNH + MH Carcinomes 304 LA, LC LNH + LH Poumon Sein Mélanome Autres 109 69 26 15 3 4 Abraham 1981—1987 (3314) Cardio Cancéro 806 95 NP NP 95 NP Poumon LNH, LH Sein Mélanome Estomac 30 8 13 5 5 32 22 15 13 10 LNH : lymphome non Hodgkin ; LH : lymphome d’Hodgkin ; LA, LC : leucémie aiguë, chronique ; NP : non publié ; Cancéro : cancérologie ; Cardio : cardiologie. 97 98 Tableau 2 A. Riberi et al. Tumeurs cardiaques primitives : séries médicochirurgicales. Auteur Diagnostic Nombre Bénigne Maligne Localisation Décès Murphy 1964—1989 Blondeau 1961—1988 Cooley 1957—1989 Examen histologique NP Examen histologique 116 533 127 102 480 96 14 sarcomes 53 primitives 31 NP NP NP 10/14 45/53 NP Endo 1993—1994 Examen histologique 161 98 17 primitives 46 secondaires Becker Registre Anapath Cardiaque 114 102 12 sarcomes Og8, Vg3 Og + Vg1 Od13, Vd7 Od + Vd3 Vd + Og4 Péricarde 24 NP NP Kamiya 1973—2000 Examen histologique 34 30 4 sarcomes Od2 Og2 4/4 NP : non publié ; Og : oreillette gauche ; Od : oreillette droite ; Vd : ventricule droit ; Vg : ventricule gauche. D’un point de vue macroscopique, les myxomes peuvent avoir une base pédiculée ou sessile. La taille moyenne au moment du diagnostic est de 5 cm. Leur consistance est la plupart du temps gélatineuse et est très friable. Dans un tiers des cas, ils sont de consistance ferme. Ils prennent leur origine dans des cellules mésenchymateuses à grand potentiel de différenciation. Ces cellules ont été retrouvées dans des séries autopsiées dans la fosse ovale du septum intra-atrial dans 90 % des cas. Dans 10 % des cas, on peut trouver des foyers de calcification. D’un point de vue histologique, on trouve des cellules polygonales à cytoplasme éosinophile, qui sont les cellules myxomateuses pathognomoniques de cette tumeur. Ces cellules sont contenues dans du tissu colloïde riche en mucopolysacharides. Il est fréquent de trouver des noyaux hémorragiques. La tumeur doit être différenciée de certains sarcomes comme le liposarcome myxoïde, le chondrosarcome ou le fibrohistiocytome pléïomorphe. Cela a été à la base de certaines publications qui ont attribué un comportement biologique malin à cette tumeur. Dans 2 % des cas, on peut retrouver des foyers d’hématopoïèse. Dans 1 % des cas on peut trouver des formations glandulaires identiques à celles trouvées dans l’intestin grêle [9] (Fig. 1). Fibroélastome Le fibroélastome est une tumeur bénigne du cœur dont la fréquence est de 0,001 à 0,33 % dans les séries autopsiques [10]. Elle est par ailleurs la deuxième tumeur bénigne la plus fréquence chez l’adulte. Certains auteurs la décrivent comme étant la tumeur la plus fréquente car dans 90 % des cas elle se trouve localisée dans l’endocarde de la valve aortique ou mitrale et en l’absence de symptomatologies elle peut passer inaperçue [11]. Une partie de ces fibroélastomes peut être emboligène. Ils peuvent aussi produire une mort subite par occlusion d’un orifice coronaire. Tableau 3 Tumeurs primitives du cœur traitées dans le service de chirurgie cardiaque de l’hôpital de la Timone entre 1999—2009. Tumeurs primitives Myxome Fibroélastome Sarcome angiosarcome rhabdomyosarcome Lymphome Total Tumeurs secondaires Sarcome Tumeur du rein Autre Total Nombre Traitement chirurgical Traitement médical Morbidité Mortalité 64 13 64 12 0 1 3 AVC1 récidive 0 0 0 Chimiothérapie Hémopéricarde 23 mois 32 mois 7 mois 3 (3,7 %) 2 1 1 80 77 4 8 3 15 3 8 1 12 Chimiothérapie 3 Chimiothérapie 1 Chimiothérapie 2 3 3 (23, 25, 17 mois) 5 (1, 3, 6, 12, 11 mois) 2 10 (66 %) Les tumeurs cardiaques 99 Hémangiome C’est une tumeur peu fréquente représentant seulement 2 % des tumeurs cardiaques primitives, plus fréquente chez l’homme que la femme et leur localisation est souvent épicardique. Ils peuvent être, d’un point de vue histologique, uniformes avec formation de vacuoles (hémangiome caverneux). Ils peuvent présenter un certain degré de dysplasie avec des artérioles infiltrant le myocarde sous-jacent [9]. Lipome et hypertrophie lipomateuse du septum Figure 1. Myxome. D’un point de vue morphologique, il s’agit d’une tumeur de petite taille entre 5 et 15 mm en moyenne dont la forme a été comparée à celle d’une anémone de mer. Elle est formée de tissu conjonctif couvert de cellules endothéliales. Le tissu conjonctif contient des fibres collagènes, élastiques et parfois des cellules musculaires lisses. Les fibroélastomes doivent être différenciés des excroissances de Lambl qui sont filiformes et sans tissu élastique [12]. Rhabdomyome C’est la tumeur la plus fréquente chez l’enfant. Il s’agit d’une tumeur de localisation intramurale qui peut être unique ou multiple. Il est souvent associé dans ses formes multiples à une sclérose tubéreuse de Bourneville ainsi que des hamartomes cérébraux. Cette association est retrouvée dans 40 % des cas. À l’histologie, on voit des cellules musculaires striées disposées en lignées. On peut distinguer de grandes cellules rondes avec un cytoplasme en travée linéaire fine, cellules appelées spider cells qui ont été considérées comme des cellules dérivées de la lignée nodale. Il n’y a pas de mitose dans cette tumeur, ce qui détermine bien son incapacité à l’évolution. En microscopie électronique, on peut noter la présence de glycogène [13]. Fibrome Le fibrome cardiaque est une tumeur congénitale qui affecte les enfants de moins d’un an au moment du diagnostic. Il s’agit de la tumeur la plus fréquemment réséquée chez l’enfant, tumeur intramurale et dans 60 % des cas intéressant le septum intraventriculaire. Les patients porteurs d’un fibrome peuvent présenter une symptomatologie d’insuffisance cardiaque : arythmie et mort subite. C’est une tumeur qui se localise dans l’épaisseur du myocarde et qui n’a pas de capsule et bien qu’il s’agisse d’une tumeur bénigne, elle peut infiltrer le myocarde. À l’histologie, on visualise une prolifération homogène de cellules fusiformes dans un stroma de fibres collagènes. Les mitoses sont uniquement présentes dans les cellules du jeune adulte [9,13,14]. Les lipomes constituent 10 % des tumeurs primitives du cœur. Leur localisation est le plus souvent épicardique. Il s’agit la plupart du temps de tumeurs de petite taille mais il a été rapporté dans la littérature des tumeurs de grande taille qui peuvent comprimer les artères coronaires [15]. L’infiltration lipomateuse du septum interatrial est le résultat d’une hyperplasie des adipocytes et elle a été corrélée à la surcharge pondérale des patients [15]. Tumeur des cellules de Purkinje Il s’agit de tumeurs d’allure kystique mesurant entre 2 et 6 mm qui se localisent à la base du septum interatrial dans la portion attenante au nœud atrioventriculaire. L’âge moyen des patients au moment du diagnostic est de 38 ans, trois fois plus fréquemment chez la femme que chez l’homme. À l’examen histologique, elles sont composées de tissu conjonctif recouvert d’un épithélium cubique. Ces tumeurs sont extrêmement rares, mais leur importance réside du fait qu’elles peuvent produire des arythmies graves. La plupart d’entre elles sont découvertes à l’autopsie [9]. Tumeurs cardiaques malignes Sarcomes Les sarcomes primitifs du cœur sont des tumeurs rares (10 % des tumeurs primitives) et sont représentés par un large éventail de tumeurs. Angiosarcome Il s’agit de la tumeur maligne primitive du cœur la plus fréquente (40 %), localisée dans la plupart de cas dans l’oreillette droite, et plus fréquente chez l’homme. Les symptômes sont la dyspnée et la douleur thoracique, dues au développement d’un hémopéricarde. L’électrocardiogramme met en évidence des anomalies du segment ST et un bloc de branche droit. L’aspect morphologique est celui d’une masse hémorragique infiltrant les cavités cardiaques, la veine cave inférieure, la valve tricuspide et le péricarde voisin. L’histologie montre des structures vasculaires entourées des cellules pleïomorphiques atypiques avec présence de mitoses et de foyers de nécrose [16]. Sarcome indifférencié Les sarcomes indifférenciés représentent un quart des tumeurs malignes primitives du cœur. Ils se présentent comme une masse polylobée de 10 cm de diamètre en moyenne. Leur localisation est intramurale 100 A. Riberi et al. ou intracavitaire, la plupart du temps localisée dans les oreillettes. L’étude histologique met en évidence la présence de cellules de petite taille et de cellules épithélioïdes d’aspect pleïomorphique très indifférencié et inclassable. Les sarcomes indifférenciés de haut grade, appelés dans le passé fibrohistiocytomes pleïomorphes malins, sont diagnostiqués entre la cinquième et la sixième décennie. Ils atteignent dans la même proportion les hommes et les femmes [6,12]. L’étude microscopique montre des cellules allongées, histiocytes et monocytes. La matrice de cette tumeur peut être myxoïde, la tumeur peut être confondue avec un myxome [6]. Ostéosarcome L’ostéosarcome est une tumeur de l’oreillette gauche. Les symptômes sont une dyspnée et une tachycardie. L’aspect macroscopique est celui d’une masse mesurant en moyenne 6 cm, avec une implantation sessile. Elle peut être localisée dans le ventricule gauche [6]. L’examen microscopique montre une histologie de fibrosarcome ou bien de fibrohistiocytome avec des foyers d’ostéosarcome ou de chondrosarcome. Figure 2. Rhabdomyosarcome de l’artère pulmonaire (AP). Angiographie. Leïomyosarcome Le leïomyosarcome est une tumeur qui représente 9 % des tumeurs malignes primitives du cœur. Sa localisation la plus fréquente est dans l’oreillette gauche. L’insuffisance cardiaque droite, les troubles du rythme, les douleurs thoraciques, l’hémopéricarde et parfois la mort subite ont été rapportés [17]. L’histologie montre des bandes compactes de cellules de forme elliptique, avec un noyau rond. On peut observer une importante activité mitotique ainsi que des zones de nécrose [5]. Figure 3. Rhabdomyosarcome. Pièce d’exérèse chirurgicale. Rhabdomyosarcomes Les rhabdomyosarcomes sont des tumeurs très rares, pouvant siéger sur toutes les cavités cardiaques. Leur symptomatologie n’est pas spécifique [2]. La taille moyenne est de 10 cm. L’aspect microscopique met en évidence des rhabdomyoblastes contenant du glycogène et de la myoglobine [9] (Fig. 2 et 3). Liposarcomes Les liposarcomes sont des tumeurs rares d’aspect bosselé. Elles siègent à la surface du cœur, pouvant atteindre 10 cm de diamètre. L’histologie est identique aux liposarcomes extracardiaques [18] (Fig. 4). Lymphomes Les lymphomes cardiaques sont très rares, l’institut d’anatomopathologie des forces armées des États-Unis d’Amérique avait rapporté 38 cas entre 1945 et 1994 [6]. D’autres études ont collecté un total de 56 cas [19]. Actuellement leur fréquence est en augmentation due à une plus grande proportion des patients immunodéprimés (sida). Par ailleurs, chez les patients transplantés, et en particulier chez les transplantés cardiaques et pulmonaires, on peut Figure 4. Liposarcome cardiaque avec métastase abdominale. Résonance magnétique nuclaire (RMN). Les tumeurs cardiaques Figure 5. RMN. 101 Lymphome cardiaque chez un transplanté cardiaque. observer des lymphomes cardiaques avec une incidence plus importante que chez les transplantés du rein et du foie [9]. Des signes d’insuffisance cardiaque droite sont souvent présents, ainsi que des troubles du rythme. Du point de vue macroscopique, il s’agit de masses polylobées de couleur jaunâtre, infiltrant les parois cardiaques. L’examen microscopique met en évidence une prolifération des lymphocytes B (Fig. 5). Tumeurs péricardiques Les tumeurs péricardiques peuvent être bénignes (tératomes, fibromes, angiomes) ou malignes (mésothéliomes). Mésothéliomes La moitié des tumeurs péricardiques sont des mésothéliomes. L’altération de l’état général associée à des signes d’insuffisance cardiaque droite est la présentation clinique la plus fréquente. L’examen macroscopique montre des nodules péricardiques qui infiltrent le massif cardiaque. L’aspect histologique ne diffère pas du mésothéliome pleural [9]. Tératomes intrapéricardiques Les tératomes intrapéricardiques sont des tumeurs solides situées en avant et à gauche du massif cardiaque, dans la cavité péricardique. Ce sont des tumeurs essentiellement du nouveau-né et de l’enfant jeune [20]. Les signes d’insuffisance cardiaque droite sont présents dans la plupart des cas. L’aspect macroscopique est celui d’une masse polylobée d’allure hétérogène. L’examen microscopique met en évidence du tissu osseux, des épithéliums de différents types (respiratoire, digestif), voire du tissu glandulaire (pancréatique, digestif). Leur origine est la migration et le logement de cellules gonadales avec un grand potentiel de différenciation à travers le mésenchyme périaortique. Cette tumeur se trouve toujours insérée sur la paroi aortique par l’intermédiaire d’un pédicule [20]. Tumeurs secondaires du cœur Les tumeurs secondaires du cœur, bien que plus fréquentes que les tumeurs primitives, restent rares. Néanmoins, la fréquence des métastases cardiopéricardiques a augmenté Figure 6. Métastase d’un cancer du sein dans le ventricule gauche. Échocardiographie. du fait d’un meilleur pronostic des cancers dû aux progrès réalisés en matière de chimiothérapie et radiothérapie [7]. Par ailleurs, ces tumeurs secondaires sont souvent constatées lors des bilans d’extension de la maladie initiale, ou bien trouvées au moment de l’autopsie, car la plupart d’entre elles restent asymptomatiques [2]. Les équipes chirurgicales sont amenées à prendre en charge un pourcentage infime de ces tumeurs qui relèvent d’un traitement chirurgical rarement à visée curative, plus souvent à visée palliative. Le patient atteint d’une maladie néoplasique qui développe une symptomatologie comme des signes d’insuffisance cardiaque droite, gauche, ou une tamponnade, doit être exploré par échocardiographie, un scanner ou une IRM cardiaques. La dissémination vers le cœur et le péricarde peut se faire par voie lymphatique, par envahissement direct ou par voie hématogène à travers les vaisseaux (veine cave inférieure, veines pulmonaires). Les tumeurs qui donnent des métastases cardiopéricardiques sont le cancer du poumon, du sein, les mélanomes, les cancers du rein et les thymomes. D’autres tumeurs comme le cancer de l’estomac, du rectum, du foie, de l’utérus et les lymphomes peuvent plus rarement donner des métastases cardiopéricardiques [9,21] (Fig. 6). Traitement Le traitement des tumeurs cardiaques bénignes est chirurgical. La résection des tumeurs des cavités gauches nécessite la mise du patient en circulation extracorporelle et le clampage de l’aorte. Pour les tumeurs de l’oreillette gauche, l’atriotomie gauche permet un abord aisé de la tumeur. Dans les cas des myxomes, la résection doit être faite avec la paroi sous-jacente à la base d’implantation. La résection peut intéresser une surface importante de la paroi atriale lorsque la tumeur est de grande taille et sessile. La reconstruction est faite à l’aide du péricarde autologue ou d’autre matériel. Lorsque la tumeur siège sur une valve (c’est souvent le cas des fibroélastomes et exceptionnellement des myxomes), la résection doit être faite de telle sorte à pouvoir conserver la valve. 102 Dans de rares cas, un remplacement valvulaire par prothèse est nécessaire. Les tumeurs intrapariétales bénignes nécessitent des résections complètes et assez agressives, et la reconstruction des structures compromises par la résection. C’est le cas du fibrome cardiaque. La transplantation cardiaque peut être envisagée dans certains cas. Une exception est représentée par le rhabdomyome dont la surveillance est la règle car cette tumeur a tendance à involuer avec la croissance du patient. Il est parfois nécessaire de pratiquer des résections partielles. Les tumeurs malignes primitives du cœur sont peu accessibles à un traitement chirurgical curatif. En effet, le diagnostic souvent tardif et l’infiltration des parois ventriculaires rendent la plupart du temps impossible une résection complète. Les tumeurs malignes les plus accessibles à la résection chirurgicale sont celles localisées dans l’oreillette droite ou l’oreillette gauche. Certaines techniques comme l’autotransplantation ont été décrites [22—25]. Les traitements adjuvants tels que la chimiothérapie sont limités du fait que la substance la plus souvent utilisée pour les sarcomes des tissus mous est l’anthracycline et que ce produit a une toxicité cardiaque importante. La radiothérapie ne peut être utilisée qu’à des doses allant de 60 à 80 Gy [26]. Cette thérapie peut produire aussi des myocardites et des péricardites radiques, ce qui limite son utilisation. Dans certains cas, la combinaison chirurgie, chimiothérapie et radiothérapie peut s’avérer nécessaire. Les différents rapports de la littérature n’ont pas montré d’amélioration pronostique avec l’utilisation de la chimiothérapie et/ou de la radiothérapie. Les tumeurs secondaires du cœur sont sujettes aux mêmes règles. Le traitement chirurgical est souvent utilisé pour la résection des tumeurs envahissant l’oreillette droite ou l’oreillette gauche, ou la veine cave inférieure ou supérieure. Le lymphome cardiaque relève du traitement médical avec l’association doxorubicine, cyclophosphamide, vincristine et prednisolone. La transplantation cardiaque peut être discutée dans certains cas de tumeur maligne primitive du cœur [24,27,28]. Pronostic Le pronostic des tumeurs bénignes du cœur est excellent. Dans la grande majorité des cas, la résection est complète et curative. La récidive, très rare, de certains myxomes semble plutôt tenir au fait que dans certains cas ces tumeurs ont une origine multifocale. En ce qui concerne les tumeurs primitives malignes du cœur, leur pronostic est très sombre. La médiane de vie après le diagnostic est de 11 mois. Quant aux tumeurs secondaires du cœur, elles représentent souvent un stade terminal de la maladie. Le traitement chirurgical vise à traiter l’obstruction des gros vaisseaux et de la cavité cardiaque par la tumeur chez des patients jeunes. Il n’est en aucun cas curatif. Conflit d’intérêt Aucun. A. Riberi et al. 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