L’éducation par la nature
Virginie Boelen, Laura Nicolas
To cite this version:
Virginie Boelen, Laura Nicolas (Dir.). L’éducation par la nature : Théories, pratiques, formations.
Éditions Le Manuscrit, 2024, Langues et langages du vivant, Joëlle Aden. hal-04566442
HAL Id: hal-04566442
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Submitted on 2 May 2024
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Copyright
L’éducation par La nature :
théories, pratiques, formations
Dans la même collection
Empathie et bienveillance au cœur de l’apprenance, Joëlle Aden, Sandrine
Eschenauer, Emmanuelle Maître de Pembroke (dir.), 2023.
Médiations dans l’enseignement des langues. Perspectives translangagières et
transculturelles, Joëlle Aden, Vera Delorme, Laura Nicolas (dir.),
2023.
L’Arbre du savoir-apprendre. The Art of Learning and the Knowledge
Tree. Vers un référentiel cognitif. Toward a Cognitive Framework, Hélène
Trocmé-Fabre, 2022.
Approche culturelle en didactique des langues. Hommage à Albane Cain,
Joëlle Aden, Françoise Haramboure, Christiane Hoybel, Anne-Marie Voise (dir), 2012.
Didactique des langues-cultures. Univers de croyance et contextes, Joëlle
Aden (dir), 2009.
Apprentissage des langues et pratiques artistiques. Créativité, expérience
esthétique et imaginaire, Joëlle Aden (dir), 2008.
Construction identitaire et altérité en didactique des langues, Joëlle Aden
(dir), 2007.
L’entretien : ses apports à la didactique des langues, Albane Cain et Geneviève Zarate, 2006.
ISBN 978-2-304-05530-6
© Éditions Le Manuscrit, janvier 2024
Virginie BoeLen et Laura nicoLas (dir.)
L’éducation
par la nature :
Théories, pratiques, formations
Langues et langages du vivant
Éditions Le Manuscrit
Paris
Comité scientifique/de lecture
Joëlle Aden
Jean-Philippe Ayotte-Beaudet
Ziad Dabaja
Vera Delorme
Magali Hardouin
Laure Kloetzer
Élodie Oursel
Thierry Pardo
Anne-Caroline Prévot
Ismaël Zosso
Aurélie Zwang
La collection
Les bouleversements écologiques remettent en question
le sens de notre rapport au monde. Ils appellent des
transformations radicales et rapides que nous devrons imaginer
ensemble en reconsidérant notre place au sein du vivant. Dans
quelles mesures une éducation aux langues et aux langages du
vivant peut-elle constituer un levier pour penser autrement
notre rapport à nos environnements, aux autres et à nousmêmes ? Parallèlement, des langues s’éteignent et avec elles
une partie inexplorée du patrimoine de l’humanité. D’autres
s’hybrident et se transforment de plus en plus rapidement. Face
au défi de la transculturation du monde se pose la question
d’une éducation écologique qui nous permettra de nous intercomprendre afin d’écrire un destin commun.
Cette collection s’intéresse aux propositions didactiques et
éducatives ayant une visée transdisciplinaire et énactive. Elle
a pour vocation de diffuser des travaux de recherche relatifs
à l’éducation aux langues, aux cultures et à toutes les formes
de langages, artistiques et scientifiques, dans une écologie
holistique, plurilingue et pluriculturelle.
5
Sommaire
Préface
Joëlle Aden ............................................................................ 11
Introduction
Laura Nicolas et Virginie Boelen ...................................... 15
Partie 1 :
Enjeux épistémologiques et méthodologiques �����������29
L’être humain est une aventure : que faire de l’être
humain dans une éducation dans et par la nature ?
Bernard Charlot ................................................................... 31
Accéder à l’expérience « invisible » en pleine nature :
un défi théorique et méthodologique ?
Bréwal Soyez-Lozac’h, Léa Gottsmann, Julien Fuchs ...... 45
7
L’éducation par la nature
Le rapport entre éducation et nature : représentations,
visées et pratiques pédagogiques
Christine Partoune, Lucie Sauvé........................................ 59
Partie 2 :
Pratiques pédagogiques ����������������������������������������������85
Des expériences de nature dans les interstices
pédagogiques ? Activités en classe et sorties naturalistes
dans le cadre du projet « Le Bruit des loups »
Thierry Deshayes ................................................................. 87
La promenade sonore comme révélateur d’un monde
autre
Pascale Goday ....................................................................109
Faire vivre des expériences de nature : le cas
d’enseignants d’éducation physique et sportive (EPS)
Anne Bertin-Renoux, Julien Fuchs, Léa Gottsmann ......127
Photovoice : un outil pour explorer l’expérience
des jeunes en nature
Laure Kloetzer ...................................................................147
Observer un animal : des savoirs scientifiques
peuvent-ils s’acquérir par l’expérience en pleine nature ?
Marine Jacq, Patricia Marzin-Janvier, Damien Grenier ..171
Bilan et enjeux didactiques des pratiques d’éducation
scolaire par la nature aux concepts et méthodes
de l’écologie scientifique en France
Sébastien Turpin, Nicolas Lieury .................................... 189
8
Sommaire
Partie 3 :
Dispositifs de formation �������������������������������������������� 209
Le soi écologique en formation des éducateurs
Dominique Cottereau .......................................................211
Un dispositif d’accompagnement dans l’intégration
d’une didactique organique en relation avec le territoire
naturel à proximité de l’école
Virginie Boelen...................................................................225
Un dispositif de formation et d’accompagnement
pour une éducation par la nature
Mathieu Point, Geneviève Bergeron, Sébastien Rojo .....243
Quels besoins pour la formation aux pratiques
scolaires d’éducation au développement durable ?
Le point de vue d’enseignants français du primaire et
secondaire
Cécile Redondo ..................................................................263
Comment former les enseignants du primaire pour
qu’ils aient envie d’enseigner dehors ? Une analyse des
limites d’un dispositif belge de formation initiale
Christine Partoune .............................................................281
Le modèle de la transposition méta-didactique
comme cadre d’analyse de la formation en éducation
par la nature : le cas de stages formatifs sur
terrain associatif
Antoine Le Bouil, Laura Nicolas ..................................... 305
Préface
Joëlle Aden
Groupe Languenact, IMAGER (EA3958)
Université Paris-Est Créteil
C’est avec enthousiasme que notre groupe de recherche
Languenact accueille la proposition de Laura Nicolas et de
Virginie Boelen d’ouvrir un nouvel axe d’étude sur « Les
pratiques d’éducation par la nature ». Déjà, en 2020, cette
proposition de Laura Nicolas en France venait enrichir et
compléter la réflexion de notre équipe qui étudie l’éducation
aux langues, langages et cultures au travers du prisme énactif
(Varela, 1996a, 1996b, 2017). Après la création, en 2022,
d’un colloque en France sur cette question, elle s’associe à
sa collègue québécoise Virginie Boelen, spécialisée sur cette
même question avec, en 2023, la création d’un colloque à
l’Association canadienne-française pour l’avancement des
sciences (Acfas) sur les épistémologies qui sous-tendent les
éducations dans et par la nature.
11
L’éducation par la nature
L’ontologie de ce paradigme – qui s’inscrit dans la
complexité – est relationnelle par essence et repositionne
l’espèce humaine au cœur de ses relations avec son
environnement terrestre et cosmique. Il postule que nos
connaissances émergent tout au long de la vie dans nos
interactions avec le monde (Maturana et Varela, 1987).
En effet, nous sommes constitués de la même substance
organique que le monde dans lequel nous évoluons et étudier
ce monde comme si nous en étions séparés est une erreur
épistémologique. Ceci invite les pédagogues et les chercheurs
à tracer les contours d’une éducation sensible et réflexive
de notre relation avec la nature et c’est précisément la
contribution cruciale qu’apporte cet ouvrage.
À l’ère de l’anthropocène, notre récit collectif parle
d’extinction des espèces, de dérive écologique, d’inégalités
planétaires indécentes et nous n’en sommes plus à tenter de
prévenir le désastre qui pourrait arriver demain. Aujourd’hui,
nous sommes dans l’œil du cyclone et les auteurs de ce livre
posent des questions essentielles, notamment : Quelle part
prenons-nous, en tant qu’éducateurs, formateurs, parents,
chercheurs, pour activer les freins dont nous disposons ?
Comment s’organiser en communautés locales et globales
pour changer de cap face à l’iceberg titanesque droit
devant ? Ou encore, comme le disait avec tant d’élégance la
chorégraphe Maguy Marin : « Quel est le moment de l’histoire
du monde que nous façonnons concrètement par chacun de
nos actes1 ? »
J’aimerais, en préambule, mettre en lumière deux grands
pièges qui freinent aujourd’hui l’action éducative en faveur de
l’éducation par la nature. Le premier serait de penser que les
sciences et la technologie ont des solutions quasi magiques
pour permettre à l’humanité de continuer à se « développer »
1 Dans le film Urgence d’agir, de David Mambouch. Océan Films Distribution, sorti le 6 mars 2019.
12
Préface
dans son écosystème. Une telle pensée nous maintient dans le
mythe de domination de l’humain sur le vivant. Il ne s’agit pas
de nier les connaissances et les réalisations magnifiques que
l’humanité a déployées au cours des siècles, mais aujourd’hui
nous connaissons précisément le prix à payer pour nous être
dissociés de la nature. L’urgence absolue est de « lever les
yeux », pour reprendre le titre du film Don’t Look up, réalisé en
2021 par Adam McKay, qui met en scène le déni du désastre
écologique dans lequel nous nous maintenons.
Le second piège serait de rester dans une idée romantique
du vivant selon laquelle la nature est au service de notre bienêtre psychologique et cognitif. Si le poète David Thoreau, dans
Walden ou la vie dans les bois (1854) a raison d’affirmer que la
nature contribue à notre bien-être, ou encore si le neurologue
Michel Le Van Quyen explique que notre cerveau a besoin de
la beauté du monde pour apprendre, ces constats nécessaires
à rappeler restent insuffisants s’ils n’entraînent aucune action
radicale de transformation de nos comportements pour un
rapport au monde plus sain.
Rappelons que nous ne pouvons progresser dans la
compréhension de l’action et de l’esprit humains si nous
nous appuyons uniquement sur des données scientifiques
« objectives », enregistrables et mesurables. Notre expérience
sensible et partagée du monde précède la pensée scientifique
et c’est la raison pour laquelle Varela (1996) invitait les
chercheurs à développer « une science de la conscience »
et à nous doter d’une méthode rigoureuse pour étudier
l’expérience humaine dans toutes ses dimensions, y compris
spirituelle. En 1992, dans un colloque transdisciplinaire
réunissant des scientifiques, des artistes, des économistes et
des responsables spirituels, il s’indignait : « Comment expliquer
que dans notre monde occidental, nous n’enseignions pas et
nous n’apprenions pas la profondeur d’être au monde2 ? »
2 Extrait de l’enregistrement du colloque : « L’art rencontre la science et
13
En effet, à l’école, à l’université, au travail, « nous sommes
la plupart du temps coupés de nous-mêmes, de ce qui vibre et
vit en nous ». C’est ce que nous rappelle la philosophe Claire
Petitmengin (2022 : 172). Pour elle, « cette déconnexion à
nous-mêmes a des conséquences catastrophiques dans tous
les domaines de l’existence humaine. Retrouver le contact
avec notre expérience de la nature est le prérequis qui nous
permettrait de retrouver notre lucidité, notre dignité, et le
courage de changer de modèle de société » (ibid.).
J’ouvre donc cette publication en faisant le vœu que
les textes ci-après contribuent au nécessaire partage
d’expériences et d’idées transformantes, qu’ils soient des
occasions de nouvelles rencontres et de nouvelles actions
et qu’ils fassent émerger de nouveaux rhizomes denses et
résistants. Nos recherches, nos projets et nos engagements
individuels ne suffiront pas à changer le destin de notre
espèce sur cette planète. Il nous faut contribuer au tissage
collectif intergénérationnel d’une « nouvelle matrice
transdisciplinaire », comme le propose Hélène Trocmé-Fabre
(2015 : 71), qui nous invitait « à nous alphabétiser » (loc. cit.),
car nous sommes trop souvent des « non encore lecteurs du
grand livre du vivant » (loc. cit.). Construire ce regard et cette
littératie dans notre monde en partage est une tâche immense
et vitale.
la spiritualité dans une économie en mutation », en ligne : https://www.
youtube.com/watch?v=Womauwdyjl8&t=0s
Introduction
Laura Nicolas et Virginie Boelen
Envisagé massivement par la sphère médiatique comme
réaction aux confinements engendrés par la pandémie de
COVID-19, mais aussi vu comme alternative pour une
éducation en contexte de changements climatiques, l’essor
actuel, en territoire francophone, des démarches dites de
« pédagogie par la nature », d’« éducation par la nature »,
d’« éducation en plein air », d’« école-forêt » ou encore
d’« école/classe dehors » semble annoncer la naissance
d’une nouvelle hydre éducative à mille têtes qui interroge la
communauté scientifique de par les enjeux épistémologiques,
éducatifs et formatifs qu’elle sous-tend. Ce sont ces enjeux
pluriels que le présent ouvrage vise à présenter, dans deux
démarches complémentaires : celle d’une filiation avec les
questionnements déjà présents en sciences de l’éducation
et de la formation et celle d’une rupture épistémologique
due au caractère intrinsèquement transdisciplinaire, voire
15
L’éducation par la nature
« transdidactique », de l’objet « éducation par la nature », dont
il convient, avant toute chose, de dessiner les contours.
Ce terme désigne l’ensemble des pratiques scolaires ou
non scolaires ayant lieu dans un environnement végétalisé,
minéralisé et animalisé et visant à mettre directement,
cognitivement et sensoriellement les jeunes en relation avec
cet environnement3. Son usage semble pouvoir établir un lien
fécond entre l’univers scolaire, plutôt cristallisé autour des
termes « école/classe dehors » et « éducation en plein air », et
l’univers associatif, plutôt coutumier des termes d’« éducation
à la nature », d’« école nature » ou de « pédagogie par la
nature », souvent repris, en France, du terme anglo-saxon
forest school ou de sa traduction « école (de la) forêt » et, plus
largement, du terme outdoor education. L’éducation par la nature
s’inscrit également dans le courant de l’éducation relative à
l’environnement (ERE) qui porte, dès les années 1990, « une
perspective éducative où l’environnement correspond à l’une
des trois sphères d’interaction à la base du développement
personnel et social : soi-même (la psychosphère), les
autres (la sociosphère) et l’environnement (l’écosphère),
[ces trois sphères étant] étroitement reliées entre elles »
(Sauvé, 1997 : 20). Dans cette approche, la construction
psychologique individuelle du jeune, enfant ou adolescent
(développement de l’autonomie, de l’estime de soi, de la
réflexivité, de la responsabilité, etc.), s’accompagne d’une
prise de conscience de l’altérité (sentiment d’appartenance
au groupe et découverte des relations, de la coopération, de
la citoyenneté, etc.) et de la construction de la relation au
milieu de vie (développement de la conscience écologique,
des connaissances naturalistes, du lien à l’écosystème global,
etc.). Dans cette perspective et au sein de cette filiation
avec l’ERE, l’éducation par la nature se différencie d’une
3 Définition proposée par Laura Nicolas en ouverture du colloque “Les
pratiques d’éducation par la nature” (18-22 juillet 2022). En ligne : https://
mapetiteforet.fr/colloque-international-leducation-par-la-nature/
16
Introduction
démarche éducative strictement « environnementale », où la
« nature » serait objet d’enseignement-apprentissage, pour
poser la « nature » comme étant indifféremment vecteur et objet
d’apprentissage. Enfin, l’usage du terme-concept « éducation
par la nature » pose une double dialectique, à la fois inclusive
et exclusive : il sous-tend, en effet, une intention d’englober
l’ensemble des pratiques éducatives pratiquées « en nature »
– avec toutes les variations qui peuvent se jouer sur la gamme
définitoire du terme ! – mais peut sembler, du même fait,
exclure tout un pan de pratiques et de littérature scientifique
associée relevant de la sphère « classe dehors » ou « en plein
air » non spécifiquement fondée sur le contact avec des
végétaux, minéraux et animaux autres qu’humains. Balades
mathématiques, visites au musée, promenades linguistiques
urbaines et autres pratiques ancrées dans le milieu se
trouveraient ainsi mises à la marge du seul fait qu’une vision
naturaliste de séparation entre, d’un côté, l’humain et sa ville
et, de l’autre, le non-humain et sa campagne, nous habite
encore.
Il importe donc de questionner premièrement les
définitions de l’objet « éducation par la nature » et les filiations
historiques et disciplinaires qu’il entretient avec de précédents
mouvements, décrits en histoire des sciences de l’éducation
(Martel et Wagnon, 2022 ; Roy, 2021) et en sciences de
l’éducation relative à l’environnement (Sauvé, 1997 ; Pineau
et al., 2005, entre autres). Quels liens l’éducation par la
nature entretient-elle avec d’autres paradigmes ou concepts
fructueux qui l’ont précédée et la questionnent, tels que ceux
d’« écoformation » (Pineau et al., 2005), d’« éducation ancrée
dans le milieu » (Lloyd et al., 2018a), d’« expérience de nature »
(Fleury et Prévot, 2017a), pour n’en citer que quelques-uns. En
amont même de ce questionnement sur le lien entre éducation
et nature se posera évidemment la question de la définition
du terme de « nature », dans ses ramifications plurielles. Cela
convoquera le champ de l’écologie (cf. Maris, 2018 ; Prévot,
17
L’éducation par la nature
2021) qu’on verra nécessairement dialoguer avec d’autres
champs, tel celui de l’anthropologie (cf. Descola, 2005). En
effet, d’une part, l’éducation par la nature apparaît comme un
objet intrinsèquement transdisciplinaire, à mi-chemin entre
sciences de l’éducation et sciences de l’environnement ; d’autre
part, du fait même qu’elle interroge les liens intra- et interespèces, elle se pose comme un objet de la sociologie, de la
philosophie, de l’anthropologie, de l’écologie et de l’éthologie,
entre autres (cf. Trocmé-Fabre, 2022). Par conséquent,
quelles précautions – épistémologiques et méthodologiques –
devons-nous prendre, en tant que scientifiques, lorsque
l’on approche des objets de recherche qui dépassent
nécessairement nos champs disciplinaires ? Se posent enfin
et toujours les questions d’ordre méthodologique : par quels
outils et démarches observe-t-on, recueille-t-on et analyse-ton les pratiques éducatives situées dans l’environnement dit
« naturel » ?
C’est à ces enjeux de description et de définition de
l’éducation par la nature et de réflexion sur les modes d’accès,
de recueil et d’analyse des données afférentes au champ que
se consacrent les chapitres de la première partie de l’ouvrage.
Bernard Charlot pose, d’entrée de jeu, les bases d’un
apprentissage qui est toujours celui d’un rapport à soimême, aux autres humains et au reste du vivant, tout en
s’interrogeant sur cet intérêt majeur porté à la nature dans
un monde en urbanisation croissante et sur ce que cet
intérêt révèle de notre société. L’auteur plaide ainsi pour une
nouvelle anthropologie utopique qui se situerait à l’encontre
de deux polarités : un posthumanisme forcené (l’Hommemachine cybernétique dominant le vivant et, du même coup,
s’en séparant) et une sorte de passéisme plaidant le retour
aux origines, qui nierait par là même la réalité de l’espèce
humaine, toujours en évolution, toujours en aventure.
Dans le chapitre de Christine Partoune et de Lucie Sauvé,
l’accent est mis sur la dimension éducative, didactique même.
18
Introduction
Ces auteures mettent en commun leur expertise pour définir
les différentes conceptions de la nature chez les enseignant·es
pratiquant l’école dehors. Cette typologie des représentations
de la nature – de « matériel didactique » à « Pachamama » en
passant par « nature-laboratoire » ou encore « musée » – est
envisagée par les auteures comme outil d’analyse des choix
pédagogiques et d’aide à la planification des situations
éducatives et porte, de ce fait, une valeur tant épistémologique
que didactique et formative.
Bréwal Soyez-Lozac’h, Léa Gottsmann, Julien
Fuchs interrogent, de leur côté, dans une perspective
phénoménologique, la manière dont sont saisies les expériences
de nature par le sujet. En effet, l’implicite ou, dit autrement,
l’invisibilité de l’expérience aux yeux de l’observateur
extérieur provoque, comme pour toute analyse de vécu,
des questions d’ordre éminemment méthodologique. Les
auteur·es prennent appui sur un dispositif en cours, portant
sur les aires marines éducatives, pour proposer une saisie
de l’expérience à travers les deux paradigmes de l’énaction
et du cours d’action, au niveau théorique, et, en termes
méthodologiques, via l’usage de l’entretien d’explicitation,
fondé sur le primat de l’expérience et de l’émotion vécues.
Implicitement, c’est la saisie des expériences de nature via
les dispositifs éducatifs qui se dessine déjà dans ce chapitre,
faisant le lien avec la deuxième partie de l’ouvrage.
Consacrée aux pratiques d’éducation par la nature, la partie
suivante propose en effet que la conduite régulière d’enfants
et d’adolescents dans des environnements dits « naturels »
questionne toute une série de dimensions pédagogiques,
psychoaffectives et institutionnelles. L’éducation étant
toujours contextualisée, ancrée dans un milieu, on peut
d’abord s’interroger sur les conduites pédagogiques dans
la proximité qu’elles entretiennent avec les éléments
végétaux, animaux et minéraux. Dans quelle mesure cette
dynamique éducative, relativement récente, suppose-t19
L’éducation par la nature
elle une adaptation des postures des professionnel.le.s de
l’accompagnement des jeunes en contexte extérieur ? Quels
sont les gestes pédagogiques pertinents face à ces situations
éducatives inédites pour de nombreux.ses professionnel.
le.s ? Comment les pratiques des professionnel.le.s et leurs
croyances affectent-elles à la fois les activités menées par
les enfants au contact des autres éléments du vivant et ce
vivant lui-même ? Quels sont les rituels pédagogiques qui
rythment les séances dehors ? Quelles innovations éducatives
pourraient émerger dans et par ce contexte dit « naturel » ?
Quelles conduites d’accompagnement se manifestent de la
part des adultes durant les séances dehors : comment gèrentils des groupes de jeunes dans des milieux extérieurs, qu’il
s’agisse de pratiques de jeu libre ou bien d’activités davantage
dirigées ?
La communauté scientifique semble s’accorder sur le fait
que l’engagement expérientiel des enfants dans des activités
se déroulant au sein de milieux dits « naturels » – c’est-àdire où l’humain côtoie les végétaux, minéraux et animaux
autres qu’humains – pourrait contribuer à une amélioration
des compétences physiques et de la santé mentale des jeunes
(Finn et al., 2018 ; Marchant et al., 2019), ainsi que de leurs
compétences sociales et collaboratives (Waite et al., 2016).
Plus particulièrement, passer du temps dans la nature
contribue chez l’enfant au développement d’un sentiment de
connexion et d’appartenance à la communauté du vivant qui
renforce son identité écologique (Cheng et Monroe, 2012 ;
Green et Rayner, 2022). Une telle reconnexion lui redonne
de l’espoir en un avenir meilleur (Barrera-Hernández et al.,
2020 ; Chawla, 2020), dans un contexte de changements
climatiques où les jeunes sont pour beaucoup frappés par
le phénomène d’écoanxiété (Ojala, 2022). De même, une
identité écologique renforcée est de nature à favoriser une
mobilisation individuelle et collective écocitoyenne (Morin et
al., 2019).
20
Introduction
En outre, on constate une amélioration des connaissances
des enfants sur (a) différentes matières du programme
scolaire, notamment les études sociales, les mathématiques
et/ou les sciences (Avci et Gümüş, 2020 ; Becker et al., 2017),
et (b) l’environnement naturel (ibid. ; Marchant et al., 2019).
En situation « hors les murs et en nature »4, les pratiques
d’accompagnement (rôles, postures, gestes professionnels)
des adultes, et les croyances qui les sous-tendent semblent d’un
côté, répondre aux mêmes caractéristiques que les pratiques
éducatives « classiques » (postures socioconstructivistes,
étayages, médiations, sécurisation, « pédagogisation » de
l’environnement et des processus d’apprentissage, attention
portée à l’expérience directe et corporelle, etc.). D’un autre
côté, elles paraissent s’émanciper de ces cadres, du fait
même que l’environnement dit « naturel » peut appeler à un
repositionnement quasi ontologique de l’individu (Cottereau,
2017 ; Morizot, 2020), tant en matière de prise de conscience
de soi et des « autres », de responsabilité (perception du
risque, en particulier – cf. Sandseter et al., 2020), qu’en
matière de pédagogie (embodiement et approche énactive de
l’apprentissage (Aden et Preller, 2020), pédagogie « ancrée
dans le milieu » (Acheroy et al., 2020 ; Partoune, 2020, etc.).
La deuxième partie de l’ouvrage interroge donc ces
dimensions pédagogiques, en assumant un parti pris qui
peut sembler aller à l’encontre d’une culture scientifique
encore dominante, celle d’une priorité donnée à l’analyse
d’une « nature – objet d’enseignement » par rapport à celle
d’une « nature sans statut », simplement présente et dont
les effets et les relations imprègnent le/la chercheur·se tout
autant que les participant·es qu’il observe, sans qu’on puisse
encore saisir scientifiquement les tenants et aboutissants de
l’ensemble des paramètres observés. On commence donc par
4 Définition proposée par Laura Nicolas en ouverture du colloque “Les
pratiques d’éducation par la nature” (18-22 juillet 2022). En ligne : https://
mapetiteforet.fr/colloque-international-leducation-par-la-nature/
21
L’éducation par la nature
donner une voix aux propositions alternatives, d’inspiration
psychosociologique davantage que didactique, pour aller
progressivement vers la saisie des objets scientifiques
appréhendés lors d’expériences de nature.
Ainsi, Thierry Deshayes interroge la survenue de ces
expériences au sein de moments-événements à la marge qu’il
nomme « interstices pédagogiques » : imprévues, périphériques,
très localisées, marginales, ces situations apparaissent
comme autant d’opportunités sensorielles et émotionnelles
d’apprentissage et de partage pour les élèves adolescents que
l’auteur a accompagnés dans le cadre d’un projet collaboratif.
Les descriptions des expériences de nature rapportées, sous
un angle ethnographique, manifestent ainsi, sans les définir
– un peu comme si les mots restreignaient la puissance de
l’expérience – l’imprégnation du vivant autre qu’humain par
les vivants humains participant au projet décrit.
Dans une approche similaire, quoique plus thématisée
puisque c’est de sonorité qu’il s’agit, Pascale Goday définit
la pratique de la promenade sonore comme une pédagogie
visant la compréhension du monde environnant. Encore peu
diffusée dans l’univers scolaire, mêlant étroitement univers
artistiques, éducatifs et environnementaux, la promenade
sonore est ici présentée comme vecteur d’un double
développement : celui d’une conscience écologique où des
espèces vivantes apparaissent aux oreilles des « écoutant·es »,
et celui d’une habileté dans le domaine de la musicalité.
L’investigation des potentialités éducatives réalisées grâce
à la mise en contact des jeunes avec des éléments de nature
se poursuit à travers le chapitre d’Anne Bertin-Renoux,
Julien Fuchs et Léa Gottsmann, cette fois dans le domaine
de l’éducation physique et sportive (EPS). Partant de la
dimension intrinsèquement « corporelle » des expériences
de nature, les auteur·es amènent deux constats, interreliés : les enseignant·es d’EPS sont souvent marqué·es par
les expériences de nature qu’ils ou elles ont vécues dans
22
Introduction
leur jeunesse et, une fois en poste, ils ou elles offrent, par
l’intermédiaire des cours d’EPS et leur entrée par le corps,
des opportunités d’expérience de nature à leurs élèves. On
se trouve ici au cœur du paradigme de l’écoformation, entre
héritage d’une incorporation du milieu et désir de transmission
de cette incorporation à des plus jeunes.
Laure Kloetzer propose ensuite la description d’un outil
pédagogique destiné à faciliter l’exploration, par des jeunes
en immersion, des paysages et éléments de nature qu’ils
rencontrent : Photovoice. L’auteure présente ainsi un parcours
en nature documenté par les photos et récits d’expérience
des jeunes et montre comment, à partir de cette méthode
visuelle de recherche communautaire et participative fondée
sur l’usage de la photographie, l’expérience a un sens pour
eux : l’analyse des entretiens réalisés avec les jeunes fait
émerger en particulier la manière dont l’expérience de nature
vient affecter le lien social entre les élèves, une dimension
prédominante en période adolescente.
Ensuite, Marine Jacq, Patricia Marzin-Janvier et Damien
Grenier présentent un cas d’immersion en nature qui montre
que celle-ci est également vectrice d’apprentissage de savoirs
disciplinaires et, entre autres, scientifiques. Les auteur·es
illustrent la manière dont se produit ce type d’apprentissage
durant une séance de pédagogie par la nature, par le biais
de l’observation d’un oiseau. Faisant usage du modèle
praxéologique développé en didactique (Chevallard, 1999),
les auteur·es proposent une modélisation par tâche de
l’observation d’un oiseau, une description fine des techniques
mises en place par les enfants et les pédagogues au cours de
la réalisation de la tâche. Ce chapitre montre que la pédagogie
par la nature crée ainsi des opportunités d’apprentissage
expérientiel, ce dernier étant vecteur non seulement de
construction des savoirs disciplinaires mais également de
renforcement du lien avec la nature et, plus globalement, de
développement personnel des enfants.
23
L’éducation par la nature
Le dernier chapitre de cette partie, rédigé par Sébastien
Turpin et Nicolas Lieury, propose, à travers une revue de
littérature scientifique, un premier bilan des recherches en
éducation à l’environnement et en didactique des sciences
portant sur l’enseignement des concepts et méthodes
d’écologie scientifique à l’école. Cette recension rigoureuse
permet d’obtenir une vue d’ensemble des divers objets
enseignés sous le « chapeau » de l’écologie scientifique – ce
qui vient conforter l’idée d’un champ pluriel et polyfocalisé –
et des concepts mobilisés par les chercheur.se.s pour saisir
ces enseignements. Ce chapitre offre ainsi une clé d’entrée
pour l’interprétation, la catégorisation et l’analyse des savoirs
scientifiques mobilisés au sein des pratiques d’éducation par
la nature et, ce faisant, pose ainsi un pont nécessaire vers
la conception de dispositifs de formation fondés sur la
recherche.
La troisième partie de l’ouvrage, consacrée justement à la
formation, culmine à la suite des deux parties précédentes
lorsqu’il est question de pérenniser les formes d’éducation
par la nature inscrites dans les pratiques instituées. En
effet, l’analyse des pratiques d’accompagnement des jeunes
hors les murs et en nature interpelle nécessairement le
champ de la formation pour adultes, notamment celui de la
formation des enseignant·es. Si « faire école, faire la classe »
a toujours interrogé les pédagogues et les formateur·ices
dans les dimensions institutionnelles et pédagogiques de
l’acte éducatif (Meirieu, 2004), faire école dehors suppose
un outillage conceptuel et méthodologique, voire logistique,
qui convoquera, dans la prochaine décennie, une ingénierie
de formation adaptée aux enjeux de terrain. Si les approches
dites « énactives » (Aden et Aden, 2017), « réflexives »,
« biographiques » (Bachelart et Pineau, 2009), ou celles de
l’auto-écoformation passant par l’autoformation (Galvani,
2020) pourraient trouver tout leur sens au sein de ces
programmes de formation, elles semblent également être
24
Introduction
efficacement complétées par d’autres approches et supposent
un dialogue permanent avec les acteurs des terrains éducatifs
et associatifs.
Les dimensions formatives de l’accompagnement des
pratiques éducatives par la nature sont ainsi forcément
interrogées : comment le système de formation, universitaire
et/ou professionnel, répond-il aux besoins des adultes
exerçant ou se destinant à exercer des démarches d’éducation
par la nature tels que les éducateur·rice.s en petite enfance,
les enseignant·es, les éducateur·rices spécialisé·es, les
animateur·rices nature, etc. ? Quelle insertion peut-on
envisager au sein des programmes de formation pour adultes,
insertion qui soit capable à la fois de créer un lien avec les
contenus existant au sein des maquettes et de proposer
des contenus spécifiquement adaptés à l’accompagnement
des apprenants en extérieur ? Faut-il, d’ailleurs, penser
« intégration » ou bien « construction » de programmes
de formation nouveaux et parallèles ? Comment, sur ce
point précisément, les recherches et les recherches-actions
participatives menées en francophonie peuvent-elles aider à
l’analyse des besoins des professionnel·les, à une intégration
efficace dans le système de formation ? Les chapitres de cette
partie offrent donc des pistes concernant les modalités d’une
telle formation.
Dans le premier chapitre, Dominique Cottereau souligne
l’importance de partir de l’éducateur·rice dans son propre
rapport au monde, ce qu’elle nomme le « soi écologique », à
la fois pour y asseoir sa pédagogie en lien avec le lieu et pour
entrer plus adéquatement en relation avec l’apprenant dans sa
propre relation au lieu. L’auteure explore ainsi la pertinence
et les moyens d’inscrire l’auto-éco-réflexivité en formation
des éducateur·ices pour une meilleure prise en compte des
pédagogies par la nature.
C’est également ce que préconise Virginie Boelen qui, pour
sa part, consacre son chapitre à l’importance fondamentale du
25
L’éducation par la nature
dispositif d’accompagnement sur mesure à la fois individuel
et collectif dans le cadre de l’implantation d’une éducation
par la nature, notamment lorsqu’il est question d’une
formation continue de personnes enseignantes. On verra que
cet accompagnement n’a de sens que s’il est effectué sur le
terrain, arrimé à la réalité de la personne enseignante, avec
la possibilité d’offrir des rétroactions immédiates, voire de
prendre le rôle de cette dernière afin d’illustrer au mieux son
propos. La dimension réflexive est également centrale pour
accompagner de tels changements profonds, tant sur le plan
épistémique du rapport au savoir qu’en ce qui concerne les
pratiques pédagogiques.
Geneviève Bergeron, Mathieu Point et Sébastien Rojo
présentent, quant à eux, un dispositif de formation et
d’accompagnement pour l’appropriation et la mise en œuvre
d’une éducation par la nature. Coconstruite dans le cadre
d’une recherche-action-formation autour de rencontres de
groupes avec quatre enseignantes du primaire, les auteur·es
identifient quatre leviers à l’appropriation d’une telle
éducation par la nature, dont l’ancrage dans le collectif, en
s’accordant le temps réflexif nécessaire à l’adoption de tels
changements de pratiques.
À la suite d’une enquête effectuée auprès d’enseignant·es
en poste, Cécile Redondo fait état d’un manque de formation
en éducation par la nature, sous couvert du concept global
d’« éducation au développement durable », en France, tant
dans le domaine de la formation initiale que dans celui de
la formation continue. Et si formation il y a, celle-ci est
encore principalement magistrale, où les mises en situation
sont fictives et sans la présence de jeunes, ne permettant
pas, ainsi, de vivre une situation d’apprentissage au plus
près de la réalité enseignante en lien avec un territoire
donné. Souvent, les enseignant·es font preuve d’initiatives
pour se former eux-mêmes selon des canaux diversifiés non
formalisés.
26
Introduction
Christine Partoune présente un exposé critique d’une
formation initiale à la pratique de l’enseignement extérieur
donnée en université belge dans le cadre d’un cours de
géographie au primaire, à la suite d’un constat d’échec de
sa mise en place par les personnes enseignantes une fois en
poste. La déconnexion de la nature des futures personnes
enseignantes en serait la principale cause. Celle-ci inhiberait
toute émotion positive de la part des étudiant·es dans le cadre
d’une mise en situation au contact du milieu naturel, où celles
et ceux-ci vont plutôt s’attarder sur une approche technique
sans accorder à l’affectivité un statut éducatif, vivant même
une situation d’inconfort face à un environnement qu’ils
connaissent très peu. De tels constats amènent à repenser
la formation initiale pour aller vers un accompagnement
qui donnerait confiance aux étudiant·es dans leur capacité
à investiguer un lieu naturel en les ouvrant à la sensibilité.
Pour l’auteure, l’un des moyens d’y parvenir serait d’effectuer
un stage d’immersion de plusieurs mois dans un territoire au
sein d’une structure associative ou parapublique.
Le dernier chapitre de cette partie, rédigé par Antoine
Le Bouil et Laura Nicolas, pourrait constituer une réponse
aux constats posés par Christine Partoune, puisqu’il propose
l’analyse d’un dispositif de formation en éducation par la
nature sur terrain associatif. À la lumière du cadre métadidactique et de ses notions clés, les auteur·es décrivent la
portée formative d’un stage de formation d’adultes. Le
caractère immersif et expérimental du dispositif, l’usage
d’objets-frontières, le partage des praxéologies et l’instauration
d’une double dialectique, éléments auxquels s’ajoute une
alliance entre temps formels et informels, semblent, mis
bout à bout, constituer un terreau fertile pour l’émergence
de transformations des pratiques d’éducation par la nature.
En guise de conclusion de ce chapitre introductif d’un
tel premier ouvrage francophone sur les enjeux, les pratiques
et les formations en matière d’éducation par la nature, on
27
L’éducation par la nature
constate que ces initiatives émergentes visent ultimement
une (re)connexion des jeunes, le rétablissement d’une
relation saine entre l’être humain et le reste du vivant dont il
est indiscutablement dépendant. Or cet appel à une écologie
profonde, qui mobilise toutes les dimensions de l’être, bien audelà du rationnel et du cognitif, faisant appel cette fois-ci, tant
sur le plan formel que sur le plan informel, aux dimensions
physiques, corporelles et sensibles, ainsi que spirituelles, ne
date pas d’hier. Il suffit de penser à l’écologie profonde du
philosophe norvégien Arne Naess (2008, 2017), lui-même
inspiré de Spinoza et de Gandhi, ainsi qu’aux sagesses
des peuples autochtones dans leur rapport au territoire,
notamment en Amérique du Nord, qui se traduit dans leur
pédagogie holistique (Cajete, 2018), trouvant des éléments
de résonance avec les épistémologies « occidentales » de
reconnexion au territoire (Boelen, à paraître). Ce ne sera
qu’au prix d’efforts de recherches et d’initiatives que ce
champ d’éducation dans les milieux tant formels que non
formels infléchira les pratiques éducatives.
Partie 1 :
Enjeux épistémologiques et
méthodologiques
L’être humain est une aventure :
que faire de l’être humain dans une éducation
dans et par la nature ?
Bernard Charlot
Résumé
Apprendre dans et par la nature. Pour sympathique qu’il
soit, un tel projet laisse de nombreuses questions en suspens.
Qu’est-ce qui s’apprend, exactement, « dans et par la nature » ?
Pourquoi proposer un tel projet dans une société de plus en
plus urbanisée ? Faut-il penser un « retour à la nature » ou
d’autres formes de rapport au monde, aux vivants, aux autres
et à soi-même dans une nouvelle utopie anthropologique ?
Introduction
Apprendre dans et par la nature : c’est là un projet
éminemment sympathique, plus encore quand on a des
31
L’éducation par la nature
doutes sur l’efficacité de longs discours professoraux et
que s’y ajoute une sensibilité aux questions écologiques.
Toutefois, immédiatement s’élève une question : c’est quoi,
cette nature dont on parle, ou, peut-être plus prudemment,
avec des guillemets, la « nature » ? On peut poser également
une autre question, moins évidente mais à la fois simple et
redoutable : apprendre dans et par la nature, c’est apprendre
quoi ? Qu’est-ce que cela veut dire, « apprendre », dans un
tel projet ? Est-ce qu’on apprend vraiment, et quoi ? Il y a
des éléments de réponse certains : les apprentissages au
sujet de la faune, la flore, etc., mais qui défend l’idée d’une
éducation dans et par la nature aspire à davantage que des
apprentissages particuliers. Qu’est-ce qui s’apprend au-delà
de quelques apprentissages particuliers ? Cette question sera
au centre de mon texte. Et ma réponse est : ce qui s’apprend,
c’est un autre rapport au monde, aux autres et à soi-même,
dans un autre rapport au savoir. Mais pourquoi s’intéresset-on aujourd’hui à cet autre type de rapport au monde et
d’éducation ?
1� Apprendre, cela veut dire quoi ?
Apprendre, c’est entrer dans une certaine activité, tout à
la fois spécifique et qui peut se déployer sous divers modes
(Charlot, 1997, 2021).
Dans cette activité, on a toujours besoin de l’autre. Ce
peut être sous une forme directe : accompagner la parole de
l’enseignant. Ou sous une forme indirecte, quand la personne
enseignante, ou une autre personne, propose un matériel
inducteur d’apprentissage ou emmène les élèves dans la
nature. Cela peut aussi être sous une forme très indirecte :
celui qui a écrit le livre ou conçu le matériel ou organisé
l’activité contribue à l’apprentissage. Quelle que soit la forme,
apprendre implique toujours un certain rapport aux autres.
32
L’être humain est une aventure
Mais apprendre, c’est aussi, et toujours, faire usage de soi
comme ressource. On a toujours besoin de l’autre, direct ou
indirect, pour apprendre, mais personne ne peut apprendre à
la place d’un autre. C’est l’expérience métaphysique de celui,
enseignant ou parent, qui tente d’enseigner quelque chose à
quelqu’un qui ne comprend pas, malgré les efforts répétés
d’explication : pourquoi ne comprend-il pas quelque chose
de si simple ? Il ne comprend pas parce que, bien qu’il soit,
comme moi, doté de raison, il est un être singulier, qui doit
effectuer son travail intellectuel singulier de compréhension.
Je ne peux pas me substituer à lui, entrer dans son cerveau et
faire le travail à sa place. Apprendre, c’est faire usage de soi,
assumer une certaine façon d’être soi.
Donc, apprendre implique non seulement un certain
rapport aux autres, mais aussi, toujours, un certain rapport
à soi-même.
Apprendre, c’est entrer dans un certain type d’activité,
mais les activités peuvent être très différentes, supposer
et exiger des rapports au monde qui sont eux aussi très
différents. Soit, pour l’exemple, trois activités : apprendre
à nager, apprendre à séduire, apprendre l’histoire (ou la
biologie, ou les mathématiques). Elles sont très différentes et
leurs résultats sont de natures totalement dissemblables.
Apprendre à nager a pour résultat un nouveau rapport à
l’environnement physique. Ce résultat est inscrit dans mon
corps, dans mon schéma corporel, ce n’est pas un énoncé,
comme le serait le résultat d’une leçon sur la natation, c’est-àdire sur les principes physiques qui nous permettent de flotter
sur l’eau. Certes, écouter une leçon sur la natation peut nous
aider à mieux nager, mais les résultats de ces deux activités
restent hétérogènes : je peux savoir nager sans aucune
réflexion théorique sur la natation et, si je n’ai reçu qu’un
enseignement théorique, je coule quand je tombe dans l’eau.
Savoir nager, c’est être entré dans une nouvelle modalité de
rapport au monde.
33
L’éducation par la nature
Apprendre à séduire, c’est construire ou s’approprier
certaines formes de relation aux autres et à soi-même, de
nouvelles formes intersubjectives et subjectives, un rapport
au monde différent de celui dans lequel on s’installe pour
apprendre à nager. Même si, bien sûr, les deux rapports
peuvent se conjuguer et se combiner, par exemple quand
on apprend à nager dans un groupe de jeunes personnes
séduisantes.
Apprendre l’histoire, ou la biologie, ou les mathématiques,
c’est s’approprier des énoncés linguistiques et les méthodes
pour les gérer ou en créer de nouveaux. Ces processus
peuvent être très sensiblement distincts, par exemple quand
il s’agit de mathématiques ou de poésie, mais il s’agit toujours
d’apprendre une forme linguistique, pensée, parlée ou écrite.
Cette figure de l’apprendre5 suppose elle aussi, comme les
deux précédentes, qu’on assume et qu’on s’installe dans un
certain rapport au monde, aux autres et à soi-même. Il s’agit
cette fois d’un rapport dans lequel le monde existe comme
objet qui peut être parlé et dans lequel je me place à une
certaine distance de cet objet. Ce rapport de dénominationobjectivation-distanciation est la caractéristique spécifique de
l’école – pour le meilleur et pour le pire. Pour le meilleur : on
apprend à l’école des choses que l’on ne peut pas apprendre
ailleurs, dans un rapport au savoir, au monde, aux autres et à
soi-même que l’on ne trouve pas ailleurs qu’à l’école (ou ses
équivalents). Mais aussi pour le pire : s’est peu à peu diffusée
l’idée que c’est seulement à l’école qu’on peut apprendre
vraiment, ou en tout cas apprendre des choses vraiment
légitimes. Ce qui se traduit par le fait que l’on utilise le mot
« savoir » à propos de figures de l’apprendre qui, en fait, sont
radicalement hétérogènes (nager, séduire, l’histoire, etc.).
Avec cette astuce rhétorique qui consiste à ajouter un adjectif
5 Que l’on ne s’effraie pas devant cette substantivation : « l’apprendre ».
Grammaticalement, il n’est pas plus étrange de substantifier le verbe apprendre (« l’apprendre ») que le verbe savoir (« le savoir »).
34
L’être humain est une aventure
ou un complément de nom : savoir empirique, savoir-faire,
savoir-être, etc. ; mais ce qui, de fait, toujours domine, c’est le
savoir sans adjectif ni complément de nom – et celui qui le
représente, « le savant ».
À enregistrer ainsi dans un même mot mal défini et trop
ample (savoir, intelligence, etc.) des processus « apprendre » si
hétérogènes, on perd son temps dans une multitude de faux
problèmes et, parfois, dans une scolastique épistémologique.
Il faudrait beaucoup de temps et d’espace pour développer
ces idées, proposées dans d’autres écrits (Charlot, 1997,
2021), mais trois points méritent une attention particulière6.
1.1 Il existe diverses figures de l’apprendre, qui sont hétérogènes
J’ai évoqué trois de ces figures, qui me semblent
fondamentales, mais il y en a d’autres. Ainsi, mes recherches
sur les élèves de milieux populaires (Charlot, 1999) ont
montré que pour eux, souvent, apprendre c’est être capable
de combiner un principe (qui peut être aussi bien « tu ne
tueras point » qu’un principe inductif du type « la confiance
est une chose dont il faut se méfier ») et une expérience,
directe ou contée par quelqu’un de crédible (mon expérience,
celle d’un parent, d’un ami ou… ce que montre la télévision) ;
on a vraiment « appris » (la vie, les gens) quand on dispose
ainsi d’une expérience et d’un principe, articulés.
Les figures de l’apprendre sont hétérogènes, mais elles ne
sont pas étanches. Elles peuvent se combiner – ce qui est
sans doute le cas dans des activités comme apprendre à lire,
par exemple. Mais elles peuvent aussi entrer en concurrence :
ce qu’il faut apprendre pour être le meilleur de la classe en
mathématiques est différent de ce qu’il faut apprendre pour
occuper une position dominante dans le trafic de drogue du
6 Ils pourraient être présentés dans un autre ordre, chacun appelant les
deux autres.
35
L’éducation par la nature
quartier – même si savoir compter est aussi une compétence
importante du trafiquant.
Il est fondamental de prendre en compte cette hétérogénéité
des figures de l’apprendre quand on veut comprendre ce qui
se passe dans les situations d’apprentissage. Dans la mesure
où elle est occultée quand on parle du « savoir », il est meilleur
de s’interroger sur l’apprendre que sur le savoir.
1.2 Tout savoir implique un certain rapport au savoir
Pour apprendre, il faut entrer dans le rapport au savoir7
qu’implique ce que je veux apprendre – et qui n’est pas le
même pour réparer son vélo, mentir de façon efficace et
apprendre les mathématiques. Si je n’entre pas dans ce rapport,
je ne peux pas apprendre ce que je prétendais apprendre : on
n’apprend pas l’histoire quand on se prend pour Napoléon,
mais seulement quand on accepte une mise en langage et à
distance – même si jouer le rôle de Napoléon dans une pièce
de théâtre peut permettre de comprendre certaines choses
au-delà du discours scolaire, dans la mesure où les figures
de l’apprendre ne sont pas étanches. Symétriquement, on ne
répare pas son vélo avec des discours, et les discours sur
le fonctionnement des ventricules cardiaques permettent
rarement de séduire sa voisine ou son voisin, bien qu’il
s’agisse de questions de cœur. Pour apprendre quelque
chose, il faut entrer dans le rapport au savoir qu’exige cet
apprendre. Donc, et c’est un principe fondamental, il n’y a
pas d’apprendre sans rapport à l’apprendre, pas de savoir
sans rapport au savoir.
7 Je continue à parler de « rapport au savoir », de façon générale, même si
la question est en fait celle du rapport à l’apprendre, car dans le champ des
sciences humaines, y compris dans mes écrits, la question s’est diffusée et
institutionnalisée sous le nom de « rapport au savoir ».
36
L’être humain est une aventure
1.3 Le rapport au savoir présente trois dimensions : épistémique,
identitaire et sociale
Le rapport au savoir (le rapport à l’apprendre) est toujours,
aussi, rapport au monde, rapport aux autres, rapport à soimême. Dans une catégorisation un peu différente, mais
parallèle (Charlot, 1997, 2021) : le rapport au savoir présente
trois dimensions, épistémique, identitaire et sociale.
C’est un rapport épistémique. Apprendre, c’est faire quoi ?
S’approprier des énoncés linguistiques ou faire autre chose ?
On notera que cette question est beaucoup plus profonde
et radicale qu’une question cognitive ou méthodologique du
type « comment faire pour apprendre ? »
Le rapport au savoir est aussi un rapport identitaire : qui
suis-je, moi qui tente d’apprendre cela ? Et en suis-je capable ?
Enfin, le rapport au savoir est également un rapport
social : quand j’apprends cela, à quel monde j’appartiens, avec
qui je partage le monde ?
Nous sommes maintenant en mesure de redéfinir de façon
beaucoup plus précise la question de l’éducation dans et par
la nature. Apprendre dans et par la nature, c’est entrer dans
quelle forme de rapport au monde, de rapport aux autres et
de rapport à soi-même ? C’est faire quoi, pour produire quoi ?
C’est être qui ? C’est partager le monde avec qui ?
2� Une éducation dans et par la nature : paradoxes et
ambivalences
Il existe aujourd’hui de nombreuses expériences
d’éducation dans et par la nature, que présentent plusieurs
chapitres de ce livre, écrits par des auteurs beaucoup plus
compétents que moi quant à ces pratiques. Ce qui m’intéresse
ici est de continuer à questionner : pourquoi une telle
ambition, aujourd’hui, dans notre contemporanéité ?
37
L’éducation par la nature
Notons d’abord qu’il est quelque peu paradoxal de
soulever la question d’une pédagogie par la nature dans une
société de plus en plus urbanisée. Il semble que plus nous
nous éloignons de la nature et plus nous exprimons un
désir de retour vers cette nature – aspiration que renforce,
évidemment, l’urgence écologique. En outre, très souvent il
s’agit de retrouver non seulement la nature mais aussi des
valeurs anciennes, perdues. Ainsi, au Brésil, Ailton Krenak,
qui appartient à une tribu dont il porte le nom, défend avec
un certain succès les valeurs indigènes de son pays, qui mérite
attention quand on débat sur la nature.
Nous nous sommes aliénés de cet organisme duquel nous sommes
une partie, la Terre, et en sommes venus à penser qu’elle est une
chose et que nous en sommes une autre : la Terre et l’humanité.
Quant à moi, je ne perçois aucune chose qui ne soit pas la nature.
Tout est nature. Le cosmos est nature. Tout ce à quoi je peux
penser est nature (Krenak, 2020a : 16-17, traduction libre).
Ce que j’ai appris au cours de ces décades, c’est que nous avons
tous besoin de nous éveiller parce que, si durant un temps c’était
nous, les peuples indigènes, qui étions menacés de rupture ou
d’extinction des sens de nos vies, aujourd’hui nous sommes tous
face à l’imminence d’une situation dans laquelle la Terre ne pourra
plus supporter notre demande (Krenak, 2020a : 45, traduction
libre).
Nous rêvons à un monde dans lequel nous, les humains, devrons
être reconfigurés pour pouvoir circuler. Nous allons devoir
produire d’autres corps, d’autres affects, rêver d’autres songes
pour être accueillis dans ce monde et pouvoir y habiter. Si nous
considérons les choses de cette façon, ce que nous sommes en
train de vivre aujourd’hui ne sera pas seulement une crise, mais
une espérance fantastique, prometteuse (Krenak, 2020b : 47,
traduction libre).
38
L’être humain est une aventure
De telles paroles font rêver, effectivement, et s’il s’agit de
prendre position dans un débat idéologique, je suis « pour »,
mais quel est leur sens dans un pays, le Brésil, dont le taux
d’urbanisation en 2022, selon la Banque Mondiale, est de
88 % (82 % en France, 56 % dans le monde)8 ? Au-delà du
discours et des rêves « pour retarder la fin du monde », selon
le beau titre d’un des livres d’Ailton Krenak (2020a), quel
est le sens d’une éducation dans et par la nature pour une
société dans laquelle une grande majorité de la population
vit en zone urbaine ? Et que signifie, dans une telle société,
l’ambition d’un retour aux valeurs indigènes ?
Un autre paradoxe peut être énoncé à partir des recherches
de Philippe Descola (2005) : le concept de « nature », en
tant qu’opposé à « culture », est un concept très occidental,
qui n’existe pas dans les cultures indigènes, généralement
animistes alors que la culture occidentale est naturaliste.
L’animisme et le naturalisme se présentent comme des
manières antithétiques de discerner les propriétés des choses :
dans le premier cas, on met l’accent sur la différence physique
entre les existants (ils ont des corps dissemblables) tout en
reconnaissant qu’ils entretiennent un même jeu de relations
(du fait qu’ils partagent une intériorité analogue) ; dans le
second on souligne au contraire la continuité physique entre
les éléments du monde (ils sont tous soumis aux lois de la
nature) pour mieux faire le constat de l’hétérogénéité des
relations susceptibles de les unir (celles-ci étant réputées
dépendre de la capacité ou non à manifester une intériorité
aux contenus variables) (ibid. : 667-668).
Dans l’animisme, il y a une continuité psychique entre les
divers types de vivants, malgré les différences corporelles,
donc il n’existe pas d’opposition entre ce qui serait « nature »
et ce qui serait « culture ». De sorte qu’il est un peu paradoxal
8 https://donnees.banquemondiale.org/indicator/SP.URB.TOTL.IN.ZS. Site consulté le 9 juillet 2023.
39
L’éducation par la nature
d’évoquer une pédagogie « de la nature » pour retrouver
les valeurs indigènes de sociétés où notre séparation
occidentale entre « nature » et « culture » n’existe pas. Ce
n’est pas contradictoire, dans la mesure où une telle ambition
s’accompagne du refus de notre rapport actuel à la « nature »,
mais cela appelle, pour le moins, une explicitation de ce que
signifie alors le concept de « nature » et de ce que l’on fait de
« l’exception humaine » (Schaeffer, 2007), base d’une grande
partie de la pédagogie actuelle.
Il convient également de ne pas oublier que, dans
l’inconscient culturel occidental, la notion de « nature »
véhicule beaucoup de fantasmes, par ailleurs ambivalents
(Charlot, 2013). Cette nature est nourricière, c’est notre
Mère Nature ; mais elle est également menaçante, source
d’inondations, de sécheresses, de tsunamis, etc., d’autant
plus menaçante que nous l’agressons constamment et qu’il
arrivera un moment de « vengeance de la nature ». Cette
nature, dans notre inconscient, est la bonne mère, qui nourrit,
mais elle est aussi la mauvaise mère, la marâtre qui frustre.
Cette Nature est à la fois la vierge (la « forêt vierge ») et celle
que l’on « viole » – Marie et Marie-Madeleine. Cela n’interdit
évidemment pas une éducation dans et par la nature, mais
il faut gérer pédagogiquement le fait que lorsqu’on utilise le
concept de « nature », sans analyse précise de ce dont on
parle, on véhicule, qu’on le veuille ou non, ces significations
inconscientes.
3� Revenir vers la nature ou penser une nouvelle utopie
anthropologique ?
Pourquoi avancer l’idée d’éducation dans et par la nature
dans une société urbanisée, dont la pédagogie repose sur
l’idée de culture ? Pourquoi le faire aujourd’hui ? Et que faire
de l’être humain dans une éducation « dans et par la nature » ?
40
L’être humain est une aventure
Mon dernier livre, Éducation ou Barbarie (2020), apporte
quelques éléments de réponse9.
Nous souffrons aujourd’hui, en éducation, d’un silence
anthropologique : on ne parle plus de quel être humain est
à éduquer mais de ce qu’il faut « étudier pour avoir un bon
métier plus tard ». Ce silence anthropologique et ce réalisme
cynique font qu’il n’existe pas de pédagogie contemporaine,
mais des bricolages de survie construits par les parents et par
les enseignants – ou des pédagogies « nouvelles » qui ont plus
d’un siècle d’existence et incorporent peu les préoccupations
écologiques et technologiques contemporaines.
Dans une telle situation, il n’est pas étonnant que l’on
assiste à une explosion de barbarie : retour de formes
antiques (nationalismes agressifs, fanatismes religieux, etc.)
et formes nouvelles de cyberbarbarie (haine et harcèlement
sur les réseaux sociaux). La barbarie est l’exact contraire
de l’éducation : alors que celle-ci est fondamentalement
humanisation, la barbarie est le refus de reconnaître et traiter
l’autre comme étant pleinement humain, aussi humain que
moi-même.
Confrontés au bricolage pédagogique et à l’explosion
de barbarie, nombreux sont ceux qui ressentent le besoin,
en éducation et, d’une façon plus générale, dans la société
contemporaine, de replacer l’être humain au centre de la
réflexion et des pratiques. Mais quel être humain ? Un être
humain qui ne soit pas l’Homme prométhéen qui exploite
sans limites et détruit la nature. Un être humain qui ne soit
pas pensé à partir de l’idée de « nature humaine » qui, de fait,
a servi tout au long de l’histoire à justifier les discriminations,
en particulier celle des femmes (qui, « par nature », ne sont pas
intellectuelles mais sentimentales…). Un être humain qui ne
soit pas non plus cette articulation d’un réseau cybernétique
9 Je ne peux ici, évidemment, que résumer quelques idées, de façon inévitablement sommaire.
41
L’éducation par la nature
avec un réseau neuronal, que beaucoup de discours actuels
tentent de nous vendre comme étant le sujet de la pédagogie.
Nous avons besoin d’une nouvelle utopie anthropologique,
d’un nouveau projet d’être humain et de monde, que les jeunes
attendent de notre dialogue avec eux, et vers lequel puissent
converger les luttes sociales, économiques, écologiques,
culturelles et pédagogiques actuelles (Charlot, 2020, 2023).
Comment penser l’être humain de cette utopie
anthropologique ? Je suis allé chercher du côté de la
paléoanthropologie et suis arrivé à la conclusion que l’Homme
n’est pas une nature humaine, ni une exception « par nature »,
mais une aventure – à laquelle les femmes ont beaucoup
contribué. L’Homme est une aventure, qui a commencé il y a
sept millions d’années et qui s’est inventée à travers plusieurs
espèces humaines, qui se sont éteintes, sauf une : Sapiens, la
nôtre. Cette espèce, et par là même l’aventure humaine, est
à son tour menacée de disparaître, elle aussi. De sorte que la
question fondamentale aujourd’hui, y compris en éducation,
est : que voulons-nous faire de cette aventure, de Sapiens, de
cet être humain qui est là ? Quelle utopie anthropologique ?
À cette question, le posthumanisme propose une réponse :
Sapiens, c’est fini, place aux cyborgs, aux robots, à l’intelligence
artificielle (Charlot, 2020). L’ambition d’une éducation dans
et par la nature propose une autre réponse ; n’aimant pas
le monde que l’aventure humaine a construit, elle aspire à
retrouver une situation préhumaine : la « nature », définie,
par un passage à la limite, comme ce qui reste quand on s’est
débarrassé de toute trace humaine. Elle aspire à retrouver,
au moins, une situation d’humanité indigène, pensée comme
première – comme si la société indigène n’avait pas, elle aussi,
une histoire. La réponse par l’éducation dans et par la nature
partage un point commun avec la réponse posthumaniste :
toutes deux tendent à éliminer, ou tout au moins à dévaloriser
l’être humain actuel, son évolution, son histoire, son futur
42
L’être humain est une aventure
possible. De sorte qu’il nous faut poser la question : que faire
de l’être humain dans une éducation « dans et par la nature » ?
J’ai le même problème que les tenants d’une éducation
dans et par la nature : penser et construire une autre façon
d’être humain, dans un autre rapport au monde, à la planète,
aux espèces vivantes, aux autres êtres humains et à soi-même.
Mais je ne cherche pas une solution en référence à un moment
très antérieur de l’aventure humaine, nommé « nature » ou
« indigène ». Je la cherche en référence à une nouvelle utopie
anthropologique, qui intègre la contemporanéité, c’est-àdire un monde urbanisé, dans lequel existent Internet et des
réseaux sociaux. Je suis intéressé par l’idée d’une « éducation
dans et par la nature », y compris pour penser une nouvelle
utopie anthropologique, mais je me demande ce que cela
signifie exactement dans le monde contemporain – au-delà
de discours amers et négatifs sur un être humain qui détruit
tout. Dans une éducation dans et par la nature, que devient
l’aventure humaine ?
Présentation de l’auteur
Bernard Charlot, agrégé de philosophie et docteur ès
lettres et sciences humaines, est professeur émérite de
sciences de l’éducation de l’université Paris 8. Depuis vingt
ans, il vit, écrit et a enseigné au Brésil, comme profesor visitante
à l’Université fédérale de Sergipe.
Accéder à l’expérience « invisible » en pleine
nature : un défi théorique et méthodologique ?
Bréwal Soyez-Lozac’h, Léa Gottsmann, Julien Fuchs
Résumé
Nous discutons dans ce chapitre des aspects théoriques
et méthodologiques permettant de comprendre comment
se transforme le rapport à la nature dans un public scolaire.
Ainsi, nous interrogeons, dans une perspective énactive de
l’activité humaine, l’intérêt et les conditions pour accéder aux
différentes composantes de l’expérience vécue (préoccupations,
perceptions, connaissances et émotions des élèves).
Introduction
La disparition d’un million d’espèces animales et
végétales à brève échéance (Watson et al., 2019) n’est pas
sans conséquence sur notre rapport à la nature. La réduction
45
L’éducation par la nature
du temps passé au contact de la nature affecte nos relations
avec celle-ci, en créant une distance et la sensation de ne pas
en faire partie. Le travail du biologiste Pyle (2003) met en
lumière cet éloignement émotionnel progressif envers la
nature, à travers le terme d’« extinction de l’expérience ». Or,
c’est bien de cette relation particulière développée au contact
de la nature, notamment pendant l’enfance, que peut naître le
désir d’agir en faveur de la nature (Chawla, 2007).
La « nature », au sens premier du terme, est définie
par le Larousse comme « le monde physique, l’univers,
l’ensemble des choses et des êtres, la réalité : les merveilles
du monde ». La permanence d’un mot n’est pas celle de ses
significations (Prost, 1996) et les significations accordées au
terme « nature » n’ont eu de cesse d’évoluer au cours des
différentes périodes de l’histoire. Aristote distinguait déjà
le « naturel », entité possédant un mouvement naturel, telle
une plante qui pousse, de l’artificiel produit par l’Homme
(technê), tel un chaudron inerte. Au xViie siècle, s’éloignant
de la philosophie scolastique, Descartes interroge le terme
de « nature » à travers son rôle utilitaire pour l’Homme et
l’expertise technique développée dans la maîtrise de cette
nature (par exemple, pour améliorer la santé des Hommes).
Ce rapport entre l’Homme et la nature se caractérise déjà
par cette dualité, et notamment par une vision utilitaire
et hiérarchique au service des besoins humains. Cette
conception dualiste, dominante dans nos sociétés modernes
occidentales, n’est cependant pas universelle. De nombreux
philosophes appellent à transformer nos rapports à la nature
à partir d’une redéfinition du terme « nature ». En effet,
l’écologie profonde de Arne Naess (1973), le symbiocène
de Glenn Albrecht (2015) ou bien le chthulucène de Donna
Haraway (2016) renoncent à faire perdurer une opposition
homme-nature et proposent de vivre en communion avec les
éléments qui composent notre monde, sans aucun rapport
hiérarchique ou utilitariste.
46
Accéder à l’expérience « invisible » en pleine nature : un défi théorique et méthodologique ?
Plus encore, les travaux de Descola (2005) auprès des
Indiens Achuar, ceux de Solón (2018) autour du buen vivir
chez les indigènes des Indes ou les nombreux travaux sur la
friluftsliv des pays scandinaves (e.g. Gelter, 2000) démontrent,
avec différents degrés d’implications, qu’une harmonie
homme-nature est possible. Boëtsch (2007), dans un
entretien avec Descola, illustre comment, chez les Achuar, le
développement de cette relation avec les non-humains passe
par un rapport corporel, sensible, émotionnel, voire spirituel,
avec la nature. Ces apprentissages non formalisés passent par
l’observation de la nature, le partage des émotions lors des
récits de chasse, les initiations pratiques ou l’interprétation
des rêves.
En France, les méthodes d’apprentissage au sein du système
scolaire ont tendance à cultiver et entretenir une vision dualiste
des relations avec la nature. La question environnementale est
principalement abordée à l’école dans le cadre de l’éducation
au développement durable (EDD). L’éducation au sujet de
l’environnement (Girault et Sauvé, 2008) y est principalement
développée, abordant la nature comme un objet d’étude avec
laquelle l’individu conserve un rapport factuel et distancié.
Les connaissances sont ainsi au centre de cette démarche,
mettant de côté la dimension sensible et corporelle du
rapport à la nature. Cette vision accentue la mise à distance
de la nature pour les élèves, physiquement, mais également
émotionnellement et sensoriellement (Coquidé, 2017), une
mise à distance cohérente avec un système scolaire qui tend
à rejeter tout ce qui est subjectif et dans lequel les corps sont
trop souvent empêchés et contraints (Pujade-Renaud, 2005).
Cette segmentation des apprentissages se confronte à une
vision écocentrique laissant davantage de place au sensible,
aux émotions et au corps.
Un ensemble de travaux scientifiques et professionnels
proposent en effet des approches pédagogiques pour
transformer le rapport à la nature, afin d’encourager un
47
L’éducation par la nature
changement de paradigme dans les relations entretenues avec
la nature. Ils mettent en avant l’importance du contact direct
avec la nature sur un temps long, permettant de vivre des
expériences à la fois physiques, émotionnelles et sensibles. Ces
propositions pédagogiques visent à dépasser l’appréhension
de sortir des espaces urbanisés, pour que les enfants vivent
des émotions positives dans la nature, suivant l’idée qu’un
contact étroit et direct avec la nature permet effectivement
de transformer le rapport à celle-ci (Louv, 2005). Plus encore,
ces expériences dans la nature renferment par essence une
dimension corporelle et sensible fondamentale, l’activité
physique, par l’expérience incorporée qu’elle permet de vivre,
constituant « un véritable levier de reconnexion entre les corps
et leur environnement » (Gottsmann et Hugedet, 2023 : 5).
Cependant, peu d’études s’intéressent au rôle du corps, « le
grand oublié de l’éducation » (Cottereau, 2012 : 13), dans la
transformation du rapport à la nature des individus.
Face à ce constat, comprendre la place des émotions, du
sensible et du corps dans les processus de transformation du
rapport à la nature nous semble pertinent, afin de favoriser
de nouvelles relations Homme-nature, dépassant toute
opposition. Cependant, comme nous l’avons évoqué, peu de
dispositifs scolaires cherchent à dépasser cet antagonisme en
offrant d’autres modalités d’interactions et de rapports à la
nature.
1� Les aires marines éducatives : un dispositif
singulier ?
Plusieurs dispositifs abordant l’éducation à l’environnement
sont présents au sein de l’école en France : l’approche au sein
des disciplines, la labellisation E3D, les écodélégués, la classe
dehors, les sciences participatives, les classes de découverte
ou, plus récemment, les aires éducatives. Ces dernières
ont l’intérêt d’offrir un autre regard sur la nature à l’école
48
Accéder à l’expérience « invisible » en pleine nature : un défi théorique et méthodologique ?
et d’intégrer cette question du rapport au corps. Les aires
marines éducatives (AME)10 ont pour objectif de reconnecter
les élèves à la nature en leur donnant l’occasion de s’engager
dans la gestion d’une petite partie de littoral. Diverses activités
sont ainsi menées au sein des AME, tout au long de l’année
scolaire : course d’orientation dans l’environnement, plongée
avec palmes, masque et tuba, activités artistiques ainsi que
campagnes de sensibilisation à destination des usagers,
création de panneaux d’affichage ou activités de ramassage
des déchets. À travers ces expériences, il s’agit d’une ouverture
sensorielle et émotionnelle face à une nature bien souvent
méconnue. Les savoirs s’incarnent alors dans la dimension
corporelle de l’activité en permettant d’apprendre autrement
qu’au sein des dispositifs traditionnels. D’abord développées
dans le premier degré, les AME concernent aujourd’hui aussi
le second degré et sont au nombre de 1 000 en France. Elles
proposent une approche transdisciplinaire de l’éducation à
l’environnement en permettant aux enseignants de diverses
disciplines de s’impliquer dans le projet et d’effectuer des
sorties sur les AME. Un référent issu d’une association
partenaire ou d’un établissement reconnu par l’Office
français de la biodiversité permet d’accompagner cette mise
en synergie.
10 Les AME, nées en 2012 aux Marquises, sont labellisées et financées
par l’Office français de la biodiversité en partenariat avec l’Éducation nationale et différents collectifs d’usagers (pêcheurs et autres métiers de la
mer, collectivités locales, scientifiques, associations d’usagers et de l’environnement). Les AME existent également sous une forme terrestre (aire
terrestre éducative) ou fluviale (aire fluviale éducative). Deux fois par an,
le conseil de la mer élargi regroupe l’ensemble des usagers de l’AME
(associations d’usagers, pêcheurs, mairie, parc naturel marin, référent
EDD de la circonscription ou de l’académie, etc.). À cette occasion, les
élèves ont la possibilité de s’exprimer et de prendre conscience que la
gestion d’un espace commun nécessite de trouver un compromis qui tient
compte d’opinions parfois divergentes.
49
L’éducation par la nature
En analysant les études qui investissent des dispositifs
d’éducation à l’environnement, se déroulant en plein air
sur un temps long, nous remarquons qu’elles s’intéressent
principalement à l’évolution du niveau de connaissances
à l’aide de tests avant et après le dispositif (e.g. Del Rey et
al., 2022), ou à l’évolution des attitudes et préoccupations
déclarées à l’aide de questionnaires (e.g. Ballantyne et Packer,
2009). Ces recherches permettent de décrire des axes de
progression et d’identifier des étapes d’apprentissage sur
les intentions d’agir déclarées en faveur de l’environnement.
En revanche, elles ne renseignent pas sur le processus de
transformation entre deux instants de mesure, c’est-à-dire sur
la façon dont le « monde de l’élève » évolue dans ce rapport
à la nature, ni sur les conditions qui favorisent ou non cette
transformation.
Quelques travaux ont porté sur l’expérience vécue
en pleine nature. Ces travaux, menés lors de jeux libres
dans un parc (Beery et Jørgensen, 2018), lors d’activités
de conservation d’abeilles (Ruck et Mannion, 2021), lors
d’ateliers artistiques (Boelen, 2017), lors d’une visite d’un
jardin botanique (Linzmayer et al., 2014), renforcent l’idée
selon laquelle les émotions jouent un rôle primordial dans la
construction d’une relation respectueuse avec la nature. Pour
aller plus loin, les travaux de Furness (2021) sur l’expérience
d’adultes vivant une semaine de conservation dans la
nature permettent de discuter de l’évolution du rapport à
la nature suite à la participation à un dispositif d’éducation
à l’environnement. En effet, les résultats montrent que le
sentiment de lien avec la nature est en constante évolution et
varie en fonction des pratiques de vie et des engagements de
la vie quotidienne. Ces différentes études nous confirment
l’intérêt de mener des recherches sur l’expérience vécue par
les élèves pour comprendre les transformations du rapport
à la nature.
50
Accéder à l’expérience « invisible » en pleine nature : un défi théorique et méthodologique ?
2� L’expérience vécue comme concept théorique pour
comprendre le processus de transformation du rapport
à la nature ?
Pour comprendre le processus de transformation du
rapport à la nature, deux questions nous apparaissent au
regard de la littérature : a) comment accéder à l’expérience
des élèves au sein des sorties sur les AME et b) comment
accéder à la transformation durable chez l’élève du rapport
à la nature ?
Pour répondre à la première interrogation, la théorie de
l’énaction présente un intérêt certain. Dans une conception
énactive de l’activité (Varela, 1989), l’environnement d’un
individu se définit comme l’ensemble des opportunités
d’interactions qui lui sont offertes dans le monde qui l’entoure.
Selon cette théorie, l’élève détermine à chaque instant ce
qui est significatif pour lui dans son environnement en
sélectionnant ses propres sources de perturbations. L’activité
est alors dite « incarnée, située et autonome ». Une algue, un
rocher, un oiseau, un mégot, un pêcheur, la mer, un camarade,
l’enseignant ou un artefact mis en place par l’enseignant, ainsi
présent dans l’environnement de l’élève, peut apparaître plus
ou moins signifiant pour chaque élève. Ainsi, s’intéresser à
l’expérience vécue, c’est tenter de comprendre l’évolution des
interactions entre l’élève et son environnement à travers la
transformation des significations accordées à ces éléments et
les apprentissages qui marquent en retour l’individu. Nous
cherchons donc à identifier l’évolution des interactions avec
les éléments naturels présents au sein de l’environnement des
élèves lors des sorties sur les AME.
Pour rendre compte de cette expérience vécue, le
programme de recherche du cours d’action (Theureau,
2006) propose d’articuler une description extrinsèque avec
une description intrinsèque de l’activité. La description
extrinsèque est réalisée en renseignant les contraintes et
51
L’éducation par la nature
effets de l’organisation intrinsèque, qui ressortent à la fois de
l’état de l’acteur (fatigue, excitation, peur, etc.), de sa situation
(activité prescrite et/ou réalisée) et de sa culture (normes,
valeurs et connaissances), tout en accordant le primat à la
description intrinsèque. Articuler les dimensions intrinsèque
et extrinsèque nécessite de filtrer les données objectives à
partir du point de vue de l’acteur au sein de la description
extrinsèque afin de conserver une certaine cohérence. Ainsi,
l’expérience vécue à chaque instant traduit le point de vue de
l’« organisation interne » de l’acteur au regard de contraintes
et d’effets externes (ibid.). Cette description extrinsèque de
l’activité filtrée par le point de vue de l’acteur nous permet
d’identifier les éléments qui ont un sens pour l’élève lors des
situations sur les AME.
Par ailleurs, pour accéder à l’organisation intrinsèque de
l’expérience, cette partie invisible pour un simple observateur,
Theureau (ibid. : 48) propose de se fonder sur ce qui peut être
« montrable, racontable et commentable », et de constituer
des unités de signification où les actions, communications,
interprétations, émotions, sentiments, remémorations, etc.,
constituent un flux continu (Poizat et San Martin, 2020). Sans
lien direct avec la question écologique, différentes études se
sont intéressées à l’expérience de l’élève et à la transformation
de sa relation avec son environnement en articulant deux
descriptions extrinsèque et intrinsèque de l’activité. Ces
études illustrent comment les perceptions (e.g. Terré et al.,
2020a), les préoccupations (e.g. Paintendre et Schirrer, 2022),
les connaissances (e.g. Terrien et al., 2020) et les émotions (e.g.
Ria et Chaliès, 2003) permettent de renseigner l’évolution
des interactions entre un individu et son environnement.
Ces travaux suggèrent des pistes intéressantes pour analyser
spécifiquement les transformations des interactions entre
l’élève et son environnement dans le cadre de l’expérience
vécue sur les AME.
52
Accéder à l’expérience « invisible » en pleine nature : un défi théorique et méthodologique ?
Par conséquent, l’analyse de l’évolution des perceptions,
des préoccupations, des connaissances et des émotions
peut permettre de comprendre ce que vivent réellement
les élèves et de caractériser les processus de transformation
d’une relation plus harmonieuse à l’environnement, lors
d’expériences corporelles, sensibles et émotionnelles.
3� Des outils pluriels pour observer l’invisible et
dépasser les contraintes du milieu naturel ?
Au regard de la littérature, analyser l’activité des élèves
nécessite néanmoins de répondre au préalable à plusieurs
défis méthodologiques : a) comment renseigner la dimension
intrinsèque et extrinsèque de l’activité des élèves en pleine
nature, b) comment accéder à l’expérience vécue des élèves
dans un cadre scolaire et c) comment articuler ces deux
dimensions sur un temps long.
Afin de recueillir et d’analyser ces transformations, le
programme de recherche du cours d’action développé
par Theureau (2006) requiert de mettre en place les outils
méthodologiques associés en adéquation avec les hypothèses
sur l’activité humaine. Dans un premier temps, l’objectif est
de renseigner la dimension extrinsèque de l’activité, c’està-dire le comportement des autres élèves, la météorologie,
l’activité prescrite, la « culture EDD » dans l’établissement,
la relation avec l’enseignant, etc. Ainsi, en mobilisant des
enregistrements audiovisuels, des documents de préparation
des intervenants, des notes ethnographiques et des carnets
de bord des élèves, ces différents éléments participent à
rendre compte de la dimension extrinsèque de l’activité sur
une longue période d’activité. Cette description extrinsèque
permet notamment de renseigner la partie corporelle de
l’activité : activité manuelle réalisée, type de déplacement,
position du corps, vitesse de déplacement, etc.
53
L’éducation par la nature
Cependant, en cohérence avec l’hypothèse de l’énaction, le
primat est accordé au point de vue des acteurs. La dimension
intrinsèque de l’activité, sa partie invisible, est renseignée
à partir des données issues d’une présence à soi continue
qui accompagne le flux d’activité (Terré, 2015), appelée
« conscience préréflexive ». Le chercheur, dans le cadre d’une
observation participante, peut mobiliser des verbalisations
décalées permettant in situ un accès à la conscience
préréflexive des élèves. Ces verbalisations sont réalisées lors
de moments de « flottement » afin de perturber le moins
possible l’activité comme lors des déplacements vers l’AME,
lors de changements d’atelier ou de situation. Les questions
permettent d’accéder à des « fragments de conscience
préréflexive » (Azéma et al., 2020 : 17) et ainsi de documenter
partiellement les dimensions de l’expérience. Elles s’inspirent
de celles qui sont posées lors d’entretiens d’autoconfrontation
menés au sein du cours d’action : « Est-ce que tu t’attendais
à ça ? » « Comment tu sais que tu dois faire ça ? » « À quoi
tu pensais quand tu faisais l’activité ? » « Qu’est-ce que tu
ressens quand tu as fait ça ? » Cette description intrinsèque de
l’activité permet notamment de renseigner la partie sensible
et émotionnelle de l’activité. Par exemple, chaque élève va
percevoir et interpréter de manière unique la sensation de
froid provoquée par le vent sur une plage. Certains vont vivre
un inconfort certain, alors que d’autres vont apprécier être
confrontés au grand air et vont l’exprimer. Ces différences de
perceptions illustrent l’importance d’enrichir la description
extrinsèque de l’activité par une description intrinsèque
en accordant le primat au point de vue de l’acteur afin de
comprendre l’expérience vécue des élèves.
Pour collecter non seulement ces verbalisations provoquées
par le chercheur mais également les verbalisations spontanées
en situation, des clés USB – dictaphones portées par les élèves
autour du cou permettent de dépasser les problématiques
liées à la distance entre le chercheur et les élèves dans un
54
Accéder à l’expérience « invisible » en pleine nature : un défi théorique et méthodologique ?
espace naturel ouvert. Cet outil offre l’avantage d’être peu
intrusif et est facilement oublié par les élèves, perturbant
alors le moins possible leur activité.
4� Les récits d’expérience pour accéder à l’expérience
vécue des élèves dans un cadre scolaire ?
Pour enrichir ce travail, les travaux de Terré et al. (2020b)
autour des récits d’expérience permettent de dépasser les
contraintes d’emploi du temps scolaire, et peuvent faciliter la
verbalisation. Mobilisé en tant qu’alternative aux entretiens de
remise en situation, le récit d’expérience peut être une source
de données pertinente pour comprendre et accéder aux
quatre composantes identifiées (préoccupations, perceptions,
connaissances et émotions) en prenant certaines précautions
méthodologiques : a) accompagner les élèves afin qu’ils
ne dérivent pas vers d’autres formes de récits (analytiques,
imaginaires) davantage valorisés à l’école que l’anecdotique
et le factuel ; b) établir une consigne favorisant la remise en
situation ; c) donner des repères aux élèves pour structurer
leurs récits, en veillant à ne pas modifier leurs contenus ;
d) accompagner les élèves dans leur première rédaction (Terré
et al., 2020b). Les récits d’expérience ont cette particularité
de permettre aux élèves de verbaliser leur expérience sans
être contraints de suivre une chronologie imposée comme
dans les entretiens de remise en situation. Identifiés dans la
discussion de leur étude pour « prévenir des phénomènes de
lassitude » (liés au caractère répétitif des récits d’expérience
écrits en cours de français) (Terré et al., 2020a : 30) et mis en
œuvre dans le cadre d’une autre étude portant notamment
sur l’activité des élèves dans une classe sans notes (Posiadol,
2020), les récits d’expérience par vidéo ont permis de capter
davantage d’éléments que les récits d’expérience manuscrits.
Ce type de dispositif permet ainsi d’enregistrer les expressions
du visage, les mimes, les attitudes, les gestes, les postures,
55
L’éducation par la nature
les hésitations, et permet à l’élève de partager à la caméra
des éléments, des documents, des dessins afin d’illustrer
la situation. À travers l’utilisation des récits d’expérience
audiovisuels, les élèves bénéficient d’une certaine liberté
de parole, sans interruption ou relance du chercheur. Dans
notre cas, à partir de récits d’expérience audiovisuels, nous
cherchons à renseigner la dimension intrinsèque de l’activité,
c’est-à-dire l’évolution des préoccupations, perceptions,
connaissances et émotions lors de chaque sortie sur l’AME.
Concrètement, il s’agit d’observer dans les verbalisations des
élèves si la place de la nature évolue.
Afin de garantir la confidentialité des propos et ainsi
permettre aux élèves de confier leurs émotions et sentiments
relevant d’une sphère intime rarement évoquée dans le cadre
scolaire, les récits d’expérience sont réalisés dans un espace
isolé à partir d’une application élaborée à cette occasion.
Cette application empêche les élèves d’avoir accès aux récits
des autres élèves, préservant par ailleurs l’originalité des récits
d’expérience.
5. Le cours de vie relatif à une pratique afin de
conserver une cohérence sur un temps long ?
Pour articuler les descriptions extrinsèque et intrinsèque de
l’expérience et ainsi comprendre les processus d’appropriation
des différents éléments présents dans l’environnement des
élèves sur un temps long, le programme de recherche du
cours d’action est doté d’un outil : le cours de vie relatif
à une pratique. Le cours de vie relatif à une pratique
permet l’identification des dynamiques d’organisation et de
réorganisation au cours d’épisodes discontinus d’activité d’une
durée considérée comme longue (Hauw et Lemeur, 2013). En
d’autres termes, l’étude de cette dynamique d’organisation
et de réorganisation nous permet, à l’échelle d’une année
scolaire, d’appréhender la transformation de l’activité des
56
Accéder à l’expérience « invisible » en pleine nature : un défi théorique et méthodologique ?
élèves au sein des AME. Nous identifions ainsi les interactions
entre l’élève et l’environnement lors de chaque sortie sur les
AME et pouvons ainsi appréhender leur évolution au fur et à
mesure des sorties. L’analyse des préoccupations, perceptions,
connaissances et émotions permet alors de rendre compte
de la dynamique d’appropriation d’une relation respectueuse
avec la nature, lors d’une expérience à la fois corporelle et
sensible sur les AME.
Conclusion
De nombreuses perspectives s’ouvrent à travers l’étude
de l’expérience vécue, notamment dans les expériences
corporelles et sensibles, pour comprendre les processus de
transformation du rapport à l’environnement. Dépasser
une simple description de l’activité humaine et accorder le
primat au point de vue des acteurs nous semble essentiel
pour comprendre ces dynamiques. Cependant, l’entièreté
de l’expérience n’est pas forcément accessible à l’aide de
verbalisations. Les travaux de Gal-Petitfaux et al. (2013)
auprès de nageurs montrent en effet les différences entre les
ressentis exprimés et les données biomécaniques. Dans le
cadre des relations avec la nature, toutes les interactions et
les transformations sont-elles perceptibles et verbalisables ?
Par ailleurs, si le temps long présente des avantages non
négligeables pour étudier les processus de transformation du
rapport des individus à la nature, il nous semble que certains
écueils peuvent également apparaître. Par exemple, certains
éléments étrangers au début de l’année pourraient intégrer la
« culture propre » (Merleau-Ponty, 1945) des élèves, celle-ci
disparaissant progressivement des verbalisations des élèves.
Ces réflexions montrent ainsi la richesse de questions encore
sans réponses, signe de l’importance de mener des recherches
alliant expérience vécue et éducation à l’environnement.
57
L’éducation par la nature
Présentation des auteur·es
Bréwal Soyez-Lozac’h : enseignant d’EPS, doctorant
dans le cadre de la réalisation d’une thèse financée par
l’ENS portant sur l’analyse de l’activité des élèves dans le
cadre des aires marines éducatives, ses travaux mobilisent le
cadre théorique et méthodologique du cours d’action pour
comprendre l’expérience des élèves dans de tels dispositifs.
Léa Gottsmann : agrégée-préparatrice au département
Sciences du sport et éducation physique de l’ENS de Rennes,
elle copilote avec Julien Fuchs (CREAD, UBO) le groupe
de recherche sur les aires marines éducatives (RAME). Ses
récents travaux portent sur l’analyse de l’activité des élèves
et des enseignants dans des dispositifs pédagogiques qui
cherchent à éduquer à l’environnement.
Julien Fuchs : professeur des universités à la faculté des
sciences du sport et de l’éducation de Brest, Julien Fuchs
mène ses recherches au sein du Centre de recherche sur
l’éducation, les apprentissages et la didactique (CREAD). Il
enseigne l’histoire de l’éducation physique et de la jeunesse.
Il est membre du projet CLASMER, qui porte sur l’intérêt
éducatif des classes de mer et, plus largement, sur la question
de l’éducation à l’environnement maritime.
Le rapport entre éducation et nature :
représentations, visées
et pratiques pédagogiques
Christine Partoune, Lucie Sauvé
Résumé
Les pratiques d’éducation dans la nature sont considérées
comme une priorité pour les personnes qui défendent l’idée
d’école « du dehors ». L’observation de telles pratiques
laisse entrevoir une grande diversité de représentations
de la nature, explicites ou implicites. Nous proposons une
typologie de ces représentations comme outil d’analyse des
choix pédagogiques et d’aide à la planification des situations
éducatives, en fonction du ou des mode(s) de rapport à la
nature que l’on souhaite privilégier.
59
L’éducation par la nature
Introduction
L’offre d’activités dans la nature caractérise depuis
bien longtemps les initiatives d’animation en contexte non
formel. Et aujourd’hui, nombreux sont les établissements
scolaires qui affirment, sur leur site Internet, favoriser l’école
« du dehors », signifiant le plus souvent « dans la nature ».
Discours promotionnel, images et témoignages à l’appui, ces
vitrines donnent à voir une palette de pratiques pédagogiques
associées à une grande diversité de visées éducatives, appariées
à une tout aussi grande diversité de représentations de la
nature. Cependant, si l’on peut y trouver des indices explicites
permettant de saisir les visées éducatives de ces initiatives
(visées cognitive, hédoniste, hygiéniste, humaniste, esthétique,
spiritualiste, thérapeutique, sociale, écocitoyenne…), les
représentations de la nature qu’elles véhiculent sont rarement
clarifiées.
À cet effet, nous proposons une typologie des
représentations de la nature que laissent présumer les
intentions éducatives déclarées et les activités pédagogiques
proposées en milieu scolaire comme dans d’autres contextes
d’action éducative. Sans doute utile pour aider chacun·e à
situer sa pratique, cette typologie sous forme de métaphore11
permet aussi de poser un regard critique sur ce qui s’observe
dans l’espace public comme formes de rapport à la nature12.
Sur le plan pédagogique, nous interrogerons les croyances
11 S’inspirant de la typologie initialement proposée par Lucie Sauvé
dans l’exposé « La nature comme “cité” », présenté dans le cadre du colloque international « Les pratiques d’éducation par la “nature” : quels
enjeux pour la formation des professionnel.le.s ? », laboratoire IMAGER
(EA 3958), université Paris-Est Créteil, juillet 2022. Cette typologie est
dans la filiation de la typologie des courants en éducation relative à l’environnement, proposée par la même auteure (Sauvé, 2017).
12 Cette catégorisation émerge d’une observation informelle de longue
durée au cours d’activités de recherche et d’accompagnement et,ou d’analyse de pratiques pédagogiques en Belgique, en France et au Québec.
60
Le rapport entre éducation et nature : représentations, visées et pratiques pédagogiques
véhiculées à l’égard des « pouvoirs » présumés de la nature
tout autant qu’à l’égard du jeu libre. Sur le plan politique,
nous questionnerons le risque associé à un mouvement
qui pourrait contribuer au renforcement des inégalités
socioculturelles du fait de l’inégal accès à un environnement
« naturel » de qualité. Sur le plan écologique, enfin, nous
mettrons en débat la soutenabilité potentielle de la « nature »,
quand elle est assaillie de projets de « lotissements » sauvages
et d’une fréquentation massive et intrusive.
Voici donc douze représentations de la nature (fig. 1)
associées à tout autant de visées éducatives et de choix
d’approches pédagogiques. L’ordre dans lequel elles
sont présentées peut susciter une discussion relative au
degré potentiel de profondeur de la relation à la nature
et de l’engagement envers celle-ci que sous-tendent ces
représentations.
Figure 1. Représentations de la nature observées
dans les pratiques éducatives.
61
L’éducation par la nature
1� La nature « cadre de verdure »
Certaines écoles proposent tout simplement de faire classe
en plein air, au vert (fig. 2).
Figure 2. École « À l’ère libre » d’Étampes (FR)13.
L’argument peut être hygiéniste, pour favoriser la santé
des enfants. Il a été souvent invoqué lors de l’épidémie de
COVID-19, tout comme lorsqu’il s’agissait de lutter contre
la tuberculose au début du xxe siècle (fig. 3). L’argument peut
aussi être pédagogique : on espère que le changement de
décor stimule l’intérêt et favorise ainsi l’apprentissage. On sait
toutefois qu’un milieu ouvert peut être source de nombreuses
distractions, ce qui exige de la part de l’enseignant·e et des
élèves le développement d’aptitudes particulières pour
maintenir l’attention et la concentration.
13 https://alerelibre.com/
62
Le rapport entre éducation et nature : représentations, visées et pratiques pédagogiques
Figure 3. Classe de forêt au début du xxe siècle
(Belgique ou Allemagne).
Les approches et les stratégies d’apprentissage ne sont
généralement pas modifiées : « Il s’agit simplement de
poursuivre son cours de mathématiques, de français ou
d’éveil artistique à l’extérieur, hors des murs de la classe »,
comme l’observe Stéphanie Lerusse, enseignante en classe de
CP et CE1 à Virton (BE). Le choix du lieu peut être celui d’un
espace de proximité, privé ou public, qui offre un « cadre de
verdure ». Et quand il n’y a pas d’espace vert à proximité,
c’est le vert qui peut entrer dans la cour d’école avec parfois
un soutien des pouvoirs publics14. En somme, c’est la même
école, mais dans la cour ou dans le parc.
2� La nature « matériel didactique »
Ici, la nature sert à piocher du matériel pour réaliser
toutes sortes de choses, comme un attrape-cauchemar ou
un mandala, ou représenter des nombres, des personnages,
des animaux, etc. (fig. 4). La nature devient une ressource,
14 Par exemple, le projet « Ose le vert - Recrée ta cour », financé par le
service public de Wallonie (BE).
63
L’éducation par la nature
comme en témoigne le propos d’une enseignante concernant
les objectifs de l’atelier « gelée de pissenlit » (école NotreDame de Thury-Harcourt-le-Hom [FR]) : « Au travers de
cette récolte, les enfants ont travaillé, entre autres, la dextérité,
la numération, la science et le vivre-ensemble »15.
Ce comportement « prédateur » devrait idéalement être
assorti de consignes encourageant le respect du vivant, au
risque de provoquer une détérioration du milieu sans prise de
conscience, au nom de la liberté de l’enfant.
Ici, le choix du lieu est aléatoire, pourvu qu’il fournisse du
matériel en suffisance.
Figure 4. Représenter un rapace en suivant un patron – école de
Puy-Saint-Vincent en classe « art et nature » au parc national des
Écrins (FR)16.
15 http://notredamethury.fr/gelee-de-pissenlit-en-ms-gs/
16 https://www.ecrins-parcnational.fr/ungardeuneclasse/art-natureecole-puy-saint-vincent
64
Le rapport entre éducation et nature : représentations, visées et pratiques pédagogiques
3� La nature « laboratoire »
La nature est un extraordinaire « laboratoire » qui offre
de multiples avenues pour l’éducation scientifique et plus
spécifiquement pour l’éducation naturaliste : stimuler la
curiosité, observer avec rigueur, décrire avec précision,
développer une réflexion itérative pour mener une
recherche, encourager la créativité scientifique, réaliser des
expérimentations, etc.
Une découverte libre de l’environnement peut servir de
point de départ pour construire une recherche qui intéresse
les enfants, mais, le plus souvent, les sorties sont articulées
autour des contenus imposés dans les programmes scolaires.
Et même si la nature se prête bien à l’apprentissage de
démarches d’investigation ou de résolution de problèmes, un
recueil de témoignages de pratiques mené en Belgique par
l’ASBL Hypothèse montre que dans les faits, les enseignant·es
ne sont pas à l’aise avec la posture d’accompagnement
pédagogique qu’il conviendrait d’adopter : les stratégies restent
transmissives, avec des exposés par l’enseignant·e ou par une
personne experte, suivis de questions/réponses des élèves ; les
traces au cahier sont peu nombreuses et se limitent souvent
à ce qui s’est fait plutôt qu’à ce qui a été appris et au final, on
observe peu de structuration écrite des apprentissages (Daro,
2022). Dès lors, les enseignants font volontiers appel à des
associations d’éducation à l’environnement pour organiser
des ateliers plus participatifs (fig. 5).
Même une cour d’école ordinaire peut se prêter à
certaines observations ou expériences, d’autant plus si elle
est accueillante pour le vivant ou, encore mieux, si le terrain
permet de créer un potager ou d’y installer des mangeoires,
par exemple. Autrement, les espaces publics urbains sont
riches à exploiter, tout comme des espaces de nature parfois
éloignés (terril, friche, forêt, rivière, prairie…).
65
L’éducation par la nature
Figure 5. Animation du contrat de rivière Meuse Aval (BE)17.
4� La nature « musée »
À cette vision de la nature, nous associons les activités
de reconnaissance et de valorisation de la riche diversité
des « objets » de nature : repérage ou collections de photos
ou de spécimens d’animaux, de plantes, de minéraux, etc.,
associés à des activités d’identification et d’interprétation.
Une telle appréciation de la biodiversité implique aussi la
conscientisation des impacts humains sur la nature : d’où des
initiatives d’éducation à la conservation de la nature, incluant
l’apprentissage de comportements visant au respect et à la
protection de celle-ci, et également l’engagement dans des
actions de préservation.
Les institutions muséales – dont les écomusées – et leurs
animateurs et animatrices spécialisés offrent des ressources de
qualité pour approfondir cette relation à la nature – objet de
culture – où se mêlent étroitement, à travers une scénographie
originale bien exploitée et des activités d’observation
17 meuseaval.be/
66
Le rapport entre éducation et nature : représentations, visées et pratiques pédagogiques
directe, apport de connaissances, célébration de la nature et
valorisation des liens créatifs entre les populations et celle-ci.
5� La nature « gymnase »
La nature devient un support pour y mener une éducation
physique et sportive au grand air, couplée à une éducation à la
santé et à la sécurité. Le rapport à la nature est essentiellement
d’ordre kinesthésique. Ces visées de l’éducation dehors sont
revendiquées comme une urgence en raison des problèmes
liés à la sédentarisation et à l’immobilisme croissant des
enfants dans la sphère familiale – notamment en raison de
l’attractivité des jeux électroniques (obésité, troubles de
l’attention, dépression, etc.). Richard Louv (2005) et François
Cardinal (2010) ont bien mis en évidence les problèmes liés
au « déficit de nature ».
L’exercice physique dans la nature est aussi utilisé
comme stratégie pour apprendre à consentir à des efforts
importants et à dépasser ses propres limites, tant physiques
que psychologiques (affermissement de la volonté, du
courage, de l’endurance, etc.). On y a parfois recours dans
des stages spécifiquement consacrés à l’insertion sociale de
jeunes en difficulté. On poursuit alors également les objectifs
d’apprendre à vivre ensemble et d’acquérir des compétences
écopsychosociales (fig. 6).
On retrouve ici parfois le jeu libre (Espinassous et al., 2015),
mais surtout des activités dirigées (marche, course, parcours
d’obstacles, escalade, randonnée, etc.) comportant plus ou
moins de risques et d’incertitudes (fig. 7). Le choix du lieu
est diversifié (parc, terrain vague, domaine privé, campagne,
forêt, montagne…), ce qui augmente les possibilités de
disposer d’espaces relativement favorables à ces pratiques
plus ou moins près de l’école.
67
L’éducation par la nature
Figure 6. Développer les compétences écopsychosociales en
itinérance pédestre – Institut Agro Florac (FR).
Figure 7. Sport d’eau proposé aux écoles par Hautes-Pyrénées
Sport Nature (FR)18.
6� La nature « habitat »
La nature est ici considérée comme un espace à
s’approprier pour y simuler une façon d’habiter ensemble.
Les visées pédagogiques sont en particulier l’éducation à la
débrouillardise et l’éducation à la vie en groupe (coopération).
Les activités s’inspirent des ateliers classiques que l’on
18 https://www.sport-nature.org/sejour/sortie-scolaire/
68
Le rapport entre éducation et nature : représentations, visées et pratiques pédagogiques
retrouve dans le scoutisme (fig. 8 et 9 : feu, cabanes, cuisine,
etc.) ou dans des publications notoires : par exemple, Copains
des bois de Renée Kayser (2000) ou Construis ta cabane de Louis
Espinassous (2021). Ce qui est nouveau, c’est l’intégration de
ce type d’activité dans le cadre scolaire.
Le lieu recherché est un coin de forêt, publique ou privée.
On peut cependant déplorer l’installation permanente de
certains équipements dans l’espace public (tente, tables et
chaises, toilettes sèches, cabane, coin de rassemblement),
constituant par là une forme de lotissement sauvage
véhiculant indirectement des valeurs à discuter (fig. 10). La
philosophie du mouvement « Sans trace » peut certes inspirer
ici les pratiques adoptées (Landry, 2019).
Figure 8. Atelier « feu de bois » – école libre
de Saint-Vaast19 et20 (BE).
19 http://ecoledudehors.canalblog.com/archives/2018/06/24/36512877.html
20 https://www.ecolelibre-saintvaast.be/notre-ecole/
69
L’éducation par la nature
Figure 9. Atelier « cabane » – association Aloha Évasion21 à
Châteldon (FR).
Figure 10. Un campement installé au cœur du terril – école libre
de Saint-Vaast (BE).
21 https://www.terra-symbiosis.org/projets/aloha-evasion-l-ecole-dudehors
70
Le rapport entre éducation et nature : représentations, visées et pratiques pédagogiques
7� La nature « cocon »
La représentation d’une nature « cocon » correspond à un
rapport hédoniste à la nature, où la recherche de bien-être est
privilégiée et revendiquée. L’enfant s’y développe comme une
chrysalide, dans le confort d’un milieu accueillant.
Loin d’être neuve, si l’on s’en réfère aux « classiques » qui
ont inspiré le grand tournant de l’éducation « par » la nature
versus l’éducation « pour » la nature (Partoune, 2011), cette
vision accorde une place primordiale – voire se limite, pour
les plus jeunes – aux approches sensorielle (fig. 11), sensible
et esthétique de la nature au service du développement de
l’enfant (entre autres, Cornell, 1979 et 1992 ; Vaquette, 1997 ;
Collectif Nature et Loisirs, 1996).
Figure 11. Approche sensorielle de la nature.
Le plus souvent, des activités dirigées sur la forme et/
ou sur le fond sont au programme, en particulier pour les
écoles. Si le jeu libre était préconisé dès les années 1990 par
certaines associations d’éducation relative à l’environnement
dans le cadre des stages extrascolaires, l’expérience vécue
n’était pas particulièrement exploitée pour construire de
nouveaux savoirs en référence au paradigme pédagogique de
l’apprentissage au cœur de l’action proposé par John Dewey,
71
L’éducation par la nature
ni en référence au concept émergent d’« écoformation »
proposé par Gaston Pineau (1992).
Ce qui est neuf aujourd’hui, c’est l’importance accordée
au « jeu libre » dans l’émergence de « l’école du dehors », en se
référant parfois au concept d’« auto-écoformation22 ». On table
ici sur la construction de l’être-au-monde, avec une pédagogie
revendiquée du « lâcher-prise », sur le rôle de la nature dans la
constitution et l’évolution de cette identité tout comme dans
le développement de la socialisation de l’enfant. Cette posture
pédagogique, qui remet confusément au goût du jour la vision
rousseauiste de l’enfant « naturellement bon », doté de manière
innée de toutes les vertus, ravive la controverse sur l’idée que
l’éducation aux valeurs serait socioculturellement fondée, et
l’humain bien plus complexe. Par ailleurs, les différences de
privilèges culturels hérités et transmis par la famille (Bourdieu
et Passeron, 1964), qui peuvent aussi concerner leur rapport
à la nature, risquent bien d’être renforcées si l’on n’y prend
garde : ainsi, les enfants n’ayant jamais fréquenté la nature
se trouvent bien dépourvus pour imaginer y faire quoi que
ce soit, alors que d’autres, plus à l’aise, prennent d’emblée
l’ascendant sur le groupe.
Le lieu idéal pour réaliser ces activités dans et par la
nature est une zone boisée à distance pédestre de l’école,
que l’on devrait pouvoir fréquenter chaque semaine, voire
quotidiennement comme le revendique la Fondation
Silviva (Wauquiez et al., 2019). La généralisation de ce choix
pédagogique soulève cependant deux questions : d’une part,
à nouveau, le renforcement des inégalités en raison des
fortes disparités spatiales concernant la disponibilité dans les
espaces « verts » à proximité des écoles ; d’autre part, l’impact
sur la nature qu’impliquerait la fréquentation régulière du
22 L’auto-écoformation désigne la relation formatrice entre le sujet et
son environnement physique et social. Elle se conjugue avec l’autoformation et la socio-formation (Pineau, 1992).
72
Le rapport entre éducation et nature : représentations, visées et pratiques pédagogiques
« petit bois derrière l’école » par toutes les classes de celle-ci
au fil des saisons et des ans. Il s’agit là de défis à relever.
8� La nature « remède magique »
Cette représentation est également très présente dans les
programmes d’école du dehors et correspond à une nouvelle
tendance, à visée thérapeutique (naturopathie, sylvopathie)
inspirée entre autres des travaux de Richard Louv (2005). On
y privilégie l’activité libre (fig. 12 et 13), telle que proposée
par Louis Espinassous (2015), et la relaxation (yoga, bains
de forêt inspirés des shinrin-yoku japonais, « petit milieu
personnel »). Certains discours témoignent d’une croyance
forte dans les pouvoirs « magiques » de la nature et dans ses
effets bénéfiques et guérisseurs (Clifford, 2018).
Cette vision semble pourtant bien naïve et réductionniste
aux yeux de Catherine Meyor :
C’est concevoir l’environnement et les stimuli comme des choses
douées en soi de qualités sensibles (bonté, beauté, laideur, chaleur,
etc.), « transcendantales » […] C’est faire fi de la dimension
subjective des émotions, tout comme de l’attribution d’une valeur
à un milieu et à une expérience dans ce milieu (Meyor, 2002 : 76).
Le lieu idéal est un grand espace diversifié (avec relief,
rivière, arbres…) mais à nouveau, dès lors que ces activités
sont menées en grands groupes, le risque de nuisance à la
nature est important, surtout si aucune éducation au respect
de la nature n’est intégrée au dispositif.
73
L’éducation par la nature
Figures 12 et 13. Phase de défoulement libre en forêt – école libre
de Dolembreux (BE).
9� La nature « matrice », « Gaïa », « Pachamama »
À la nature « matrice », nous apparions les approches
esthétique et spiritualiste, souvent associées à l’approche
thérapeutique. Le discours évoque l’éthique de la joie et de
la reliance, de la communion, de l’harmonie avec la nature
(écologie profonde) et avec le groupe, et, en toile de fond,
l’éducation à l’amour et au respect du vivant. Mais on y
74
Le rapport entre éducation et nature : représentations, visées et pratiques pédagogiques
retrouve aussi une voie de réparation des blessures infligées
à celui-ci ou le retour vers un état présumé enchanté. Cette
« mère nature » nourricière pour l’âme est sacralisée (Cornell,
2014).
Les activités favorisent la contemplation, la méditation,
la célébration de la beauté, le recueillement, l’expression de
gratitude (voire de vénération) envers la Pachamama (fig. 14).
Des exercices de pleine conscience sont aussi proposés aux
enfants pour apprendre à être à l’écoute de leurs sensations,
de leur présence au monde (fig. 15). Le lieu idéal pour entrer
en relation avec la nature « matrice », c’est un espace le plus
originel possible, sans bruit anthropique.
Figure 14. Une offrande à Mère Nature – Éveil et nature SARL23
(FR).
23 https://eveil-et-nature.com/pleine-conscience-enfants-nature/
75
L’éducation par la nature
Figure 15. Méditation individuelle – Éveil et nature SARL (FR).
10� La nature « éco-socio-système »
La nature est ici appréhendée comme un système de vie,
duquel les réalités humaines font partie. Sortir dans la nature
permet d’appréhender des milieux naturels dans toute leur
complexité (végétation, vie animale, chaîne alimentaire, eau,
météo, géologie, géomorphologie, paysage…) et de saisir
concrètement, par l’observation et l’expérimentation, des
concepts clés en écologie (communauté, interdépendance,
adaptation, énergie, cycle, changement et autres).
Cette approche cognitive du milieu est parfois assortie à
une vision ressourciste de la nature, lorsqu’il s’agit d’identifier
les « services écosystémiques » que cette dernière peut rendre
à l’humain. Il s’agit certes là d’un lien d’« utilité » à reconnaître,
mais également d’un écueil à éviter lorsque le rapport à la
nature se limite à cette visée anthropocentriste.
Les stratégies pédagogiques sont ici très diversifiées : par
exemple, une balade (ou itinéraire) exploratoire axée sur les
relations au sein du milieu, et ouvrant sur l’écologie du lieu
(fig. 16). Le choix de celui-ci est aléatoire.
76
Le rapport entre éducation et nature : représentations, visées et pratiques pédagogiques
Figure 16. À la découverte du castor – école communale de
Sprimont (BE).
11� La nature « victime à secourir »
L’accent est mis ici sur la détérioration de la nature par
les activités humaines et sur la nécessité de contribuer à la
protéger ou restaurer.
Les stratégies vont du constat des dégâts occasionnés
(fig. 17), susceptibles de susciter un choc émotionnel
négatif (tristesse, honte, colère, indignation, peur, etc.),
au rebond positif par l’intermédiaire de la mise en projet
d’une résolution de problèmes (nettoyage, réparation,
aménagements alternatifs…), débutant par une phase de
diagnostic. De nombreux projets sont ainsi soutenus par
les pouvoirs publics, en partenariat avec le milieu associatif
(fig. 18 et 19).
77
L’éducation par la nature
Figure 17. Trois jours de marche pour relever les impacts des
inondations en 2021 – école de Dolhain (BE)24.
La sensibilité des enfants mérite une attention et une
prudence particulières : en effet, si certains ont une capacité
de recul émotionnel leur permettant de rebondir aisément,
d’autres peuvent être profondément blessés par ce qu’ils
découvrent et ne pas arriver à surmonter les sentiments
d’impuissance et de découragement qui les assaillent. Une
écoanxiété non prise en compte peut conduire à la dépression
et au repli sur soi ; elle doit être transformée en levier pour
agir (Saint-Jean, 2020).
Le choix du lieu dépend de la thématique étudiée (pollution
de l’eau, de l’air, du sol ; déchets ; perte de la biodiversité ;
espèces en danger d’extinction, etc.).
24 https://www.lavenir.net/regions/verviers/limbourg/2022/04/28/
limbourg-trois-jours-de-marche-le-long-de-la-vesdre-pour-sensibiliserles-eleves-aux-inondations-BKCMO7ORY5AJDJTLAE2QII253M/
78
Le rapport entre éducation et nature : représentations, visées et pratiques pédagogiques
Figure 18. Planter une haie mellifère – école Pierre-Malardier
d’Urzy (FR)25.
Figure 19. Participation au « grand nettoyage de printemps »
organisé par le service public de Wallonie – école de Plombières
(BE).
25 https//www.lejdc.fr/urzy-58130/actualites/plantation-dunehaie-champetre-et-mellifere-par-les-eleves-de-lecole-pierre-malardier_13769456/
79
L’éducation par la nature
12� La nature « cité »
Cette fois, c’est l’éducation à l’écocitoyenneté qui constitue
la colonne vertébrale du dispositif pédagogique. Celle-ci fait
appel à une analyse critique des réalités vécues ou observées
– tenant compte du caractère essentiellement systémique
et complexe de l’environnement – susceptible de stimuler
un engagement, avec courage et détermination : dénoncer,
résister, choisir et proposer des projets alternatifs appropriés ;
débattre et négocier (Sauvé, 2017). Un tel rapport à la nature
– comme objet de responsabilité collective – fait également
appel à une éducation à l’éthique du commun et de la
solidarité. Il nous faut apprendre à vivre ensemble « ici », au
creux de la nature.
Cette vision politique de la nature est manifestement la
plus rare dans les projets d’éducation par la nature que nous
observons actuellement (De Bouver, 2022).
Diverses stratégies pédagogiques peuvent être envisagées
pour entrer dans la nature « cité » : diagnostics partagés,
études de cas problématiques, jeux de rôle, démarches de
résolution de problèmes, actions de sensibilisation, projets
communautaires (fig. 20) ; participation à des rencontres et à
des manifestations comme des ateliers-débats (fig. 21) ou des
marches conscientisantes. Ici, la pédagogie de projet est une
approche à privilégier.
80
Le rapport entre éducation et nature : représentations, visées et pratiques pédagogiques
Figure 20. Projet de création de jardins en lien avec l’adaptation au
changement climatique – Fondation Monique-Fitz-Back (CA)26.
Figure 21. Sommet jeunesse sur les changements climatiques
organisé par la Fondation Monique-Fitz-Back – Québec, mai
202327.
26 https://ecolebranchee.com/trente-huit-projets-soutenus-fondationmonique-fitz-back/
27 https://fondationmf.ca/communiques/commu-
81
L’éducation par la nature
N’importe quel lieu convient, y compris un lieu dépourvu
de nature. Même l’absence de celle-ci porte un message et fait
appel à la réflexion et à l’action pour valoriser le rapport au
monde vivant.
Conclusion
Les « types » de représentations de la nature que nous
avons identifiés jusqu’ici ne sont certes pas mutuellement
exclusifs : certains peuvent aisément s’entrecroiser dans la
complémentarité. Nous proposons cette typologie – issue de
l’observation de pratiques – comme un outil d’analyse des
choix pédagogiques, comme une aide à la planification des
situations éducatives dans la perspective d’ouvrir les choix
pédagogiques à une pluralité et une diversité de possibilités,
en fonction du ou des mode(s) de rapport à la nature que l’on
souhaite privilégier. Il importe, en effet, non seulement de
pouvoir s’adapter à chacun des contextes éducatifs mais aussi
d’enrichir le spectre des différentes façons complémentaires
de se relier à la nature.
Diversité et complémentarité sont des repères
caractéristiques d’une approche holistique de l’éducation,
pertinente en contexte. L’important, c’est de prendre
conscience de cette diversité comme autant de possibilités,
et de la valoriser en vue de contribuer à rejoindre les enfants
là où ils sont, dans toutes les dimensions et la profondeur de
leur « être-au-monde », dans, par, avec et pour la nature.
Présentation des auteures
Lucie Sauvé : professeur émérite de l’Université du Québec
à Montréal, au département de didactique. Membre du Centre
nique-sjcc23-les-dix-solutions-climatiques/
82
Le rapport entre éducation et nature : représentations, visées et pratiques pédagogiques
de recherche en éducation et formation à l’environnement et
à l’écocitoyenneté (Centr’ERE, Montréal).
Christine Partoune : professeur honoraire à l’université de
Liège, au département de géographie. Professeur honoraire
à la Haute École Libre mosane (Liège), au département
pédagogique. Membre du Centre de recherche en éducation
et formation à l’environnement et à l’écocitoyenneté
(Centr’ERE) et d’Écotopie – laboratoire d’éco-pédagogie,
ASBL (Liège).
Partie 2 :
Pratiques pédagogiques
Des expériences de nature dans les interstices
pédagogiques ? Activités en classe et sorties
naturalistes dans le cadre du projet
« Le Bruit des loups »
Thierry Deshayes
Résumé
Le présent chapitre se propose d’étudier des situations
d’« interstices pédagogiques », observés dans le cadre d’un
projet collaboratif qui portait notamment sur les relations
à la nature d’élèves de collèges et lycées de la région de
Fréjus. Ces situations peuvent-elles constituer ou devenir
des expériences de nature transformatrices pour les élèves
concerné·e·s ? Dans quelle mesure peuvent-elles nourrir les
activités pédagogiques ?
87
L’éducation par la nature
Introduction
Le présent chapitre se propose d’interroger le potentiel
éducatif des « interstices » (Gasparini, 2017) pédagogiques
à l’endroit des « expériences de nature » (Clayton et al.,
2017b ; Fleury et Prévot, 2017 ; Prévot, 2021). Pour ce faire,
il se penche sur l’étude d’un carnet de terrain tenu entre
février et avril puis en septembre 2021, à Fréjus, dans le
cadre du projet collaboratif « Le Bruit des loups » ainsi que
de quelques activités et entretiens collectifs menés avec des
élèves des établissements scolaires participant au projet. « Le
Bruit des loups » rassemblait effectivement chercheur·se·s,
enseignant·e·s, professionnel·le·s du théâtre et élèves
du secondaire (à Fréjus) autour de la question desdites
« expériences de nature » et dans le cadre de la préparation
des élèves concerné·e·s à assister au spectacle éponyme du
projet28. Dans le présent travail, il s’agit d’observer ce qui,
en dehors du protocole pédagogico-scientifique du projet, a
pu donner lieu à des expériences de nature potentiellement
transformatrices chez les jeunes. Il apparaît en effet que les
expériences de nature, que nous avons tenté d’accompagner
et d’observer dans le cadre du projet, ont (aussi) pu émerger,
28 Le spectacle Le Bruit des loups conte l’histoire d’un homme seul qui
vit dans un appartement moderne, froid et aseptisé, et qui va se voir
progressivement emporté dans un environnement fantastique constitué
d’une forêt et des personnages humains et non humains qui la peuplent.
Cet autre monde, au fond du placard, qui se déploie progressivement
tout au long du spectacle, renvoie à des souvenirs d’enfance du personnage, à ses jeux dans la nature qui se rappellent progressivement à lui et
prennent le pas sur son quotidien ; https://www.ay-roop.com/le-bruitdes-loups-etienne-saglio/. Pour un aperçu détaillé du projet collaboratif,
voir deshayes, Thierry, 2023. « Le Bruit des loups : un projet collaboratif
entre écoles, théâtres et chercheurs·ses », dans deshayes, T., dos santos, M. M., KLoetzer, L. (éds.), La Fabrique de demain à la MAPS. Essais
de transformation sociale critique, Neuchâtel, MAPS, université de Neuchâtel,
p. 27-45. En ligne. URL : https://www.unine.ch/maps/home/publications/e-books-maps.html
88
Des expériences de nature dans les interstices pédagogiques ?
au moins sous forme de potentialité, dans des situations
spatiales, temporelles, communicationnelles qu’on dira
« interstitielles ». Imprévues, périphériques, très localisées,
marginales, ces situations apparaissent en fait comme autant
d’opportunités sensorielles, émotionnelles, d’apprentissage et
de partage pour les élèves, opportunités qui n’ont pas pour
autant toujours été considérées ni exploitées par les adultespédagogues en présence. C’est donc afin d’interroger ces
potentialités éducatives que j’ai relevé et tenté de thématiser
et d’analyser lesdites situations interstitielles telles qu’elles
apparaissaient dans les observations étudiées. Dans un
premier temps, je reviendrai sur le concept d’« expérience de
nature » en psychologie et en écologie scientifique et sur celui
d’« interstice », tel qu’utilisé par le sociologue G. Gasparini.
Dans un second temps, je donnerai quelques exemples de
situations interstitielles dont je proposerai quelques pistes
interprétatives, à partir des catégories de ce dernier auteur.
Je conclurai en discutant des pistes qu’ouvre ce travail, à
la fois pour la recherche en sciences sociales à l’endroit de
l’éducation par la nature et pour le travail pédagogique qu’elle
pourrait accompagner.
1� Expériences de nature et interstices
Dans la grille de lecture que nous adoptons ici, les
« expériences de nature » renvoient à des « contacts » ou à
des « rencontres » (Prévot, 2021 : 94) entre des humains et
des « éléments de nature » (ibid.) ou « phénomènes naturels »
(Clayton et al., 2017 : 646). La « nature » dont il s’agit n’est
pas absolument déterminée puisque sa conception dépend
du contexte culturel dans lequel elle est désignée comme
telle, mais elle tend à renvoyer à des espèces, écosystèmes
et phénomènes qui ne sont pas, ou le moins possible,
affectés par les activités humaines (ibid.). Dans la littérature
concernée, la nature désigne alors tantôt des espaces, tantôt
89
L’éducation par la nature
des milieux, tantôt divers objets ou phénomènes matériels,
incluant minéraux, paysages, réalités biophysiques diverses,
végétaux ainsi qu’animaux non humains.
Fondamentalement, comme le notent Fleury et Prévot
(2017b), les expériences de nature, par le biais d’émotions, de
sensations, de production et/ou de partage de connaissances
qu’elles induisent, sont « beaucoup plus que de simples mises en
contact avec un ou des éléments de nature, mais […] changent les
personnes impliquées, jusqu’à potentiellement modifier une part de leur
identité […] » (2017b : 10). Le concept peut alors s’inscrire dans
la nécessité posée de rapprochement, de « connexion » ou de
« reconnexion » des humains à ladite nature, en particulier
dans le contexte de la crise de la biodiversité que nous vivons
aujourd’hui (Clayton et al., 2017).
Autre élément essentiel pour ce qui nous intéresse, les
expériences de nature se réalisent toujours dans des situations
et dans des contextes sociaux, historiques, culturels (ibid.).
L’histoire de l’individu ou des individus concernés, la finalité
de l’expérience, si tant est qu’elle était prévue, la façon dont elle
est vécue collectivement, si tel est le cas, le cadre culturel, le sens
qui lui sera donné, travaillé ou retravaillé en aval, notamment
de façon langagière : tous ces éléments participent à faire de
la rencontre une expérience effectivement transformatrice, ce
qui intéresse particulièrement notre travail dans la mesure où
les expériences qui vont nous concerner sont très localisées,
imprévues ou au moins relativement improvisées et pas
toujours perçues, accompagnées, interprétées, contextualisées
par les adultes-pédagogues en présence. Il s’agit effectivement
d’expériences « interstitielles ».
En effet, très localisées dans le temps, dans l’espace
et dans les contextes sociaux et institutionnels singuliers
des activités pédagogiques lors desquelles elles ont eu lieu,
les expériences en question renvoient à ce que Gasparini
appelle des « interstices » (2017). Chez ce dernier, la notion
d’« interstice » naît du constat qu’un certain nombre de
90
Des expériences de nature dans les interstices pédagogiques ?
phénomènes sociaux de la vie quotidienne sont négligés par
la plupart de ses collègues sociologues, alors même qu’ils
jouent des fonctions essentielles. Gasparini évoque alors
les temps d’attente, de jeu, de pause, de halte, de silence, de
passage, de voyage (moment du transport), de surprise, de
don, etc. Interstitium est dérivé d’interstar, qui signifie « être au
milieu, se trouver dans l’intervalle » (Gasparini, 2017 : 11).
Chez Gasparini, l’interstice renvoie alors à trois niveaux qui
vont inspirer notre démarche :
• un
premier
niveau
spatio-temporel
et
communicationnel pour lequel l’interstice identifie
un intervalle ou un laps de temps entre deux états
ou situations et les dimensions communicationnelles
qu’ils peuvent impliquer : les silences notamment ;
• un second niveau renvoyant à des rapports d’opposition
à la ou aux normes et, dès lors, à des situations de
marginalité, d’exception, de périphérie (ibid.) ;
• un troisième niveau, ludique, créatif, où les interstices
renvoient à des « univers parallèles » à la vie
quotidienne mais au cœur de celle-ci. Les expériences
correspondantes contribuent à « assurer l’équilibre
personnel des acteurs et [à] améliorer la qualité de vie
individuelle et collective » (ibid. : 13).
Par ailleurs, Gasparini associe également la notion
d’« interstice » à celle d’« institution ». Ainsi les interstices
seraient-ils à la fois en marge des cadres institutionnels, à la
fois ce qui les tient, à la fois ce qui les fait vivre, voire les fait
naître, et les fait bouger. Voici comment Gasparini classifie
l’ensemble des phénomènes qu’il a étudiés autour de cette
notion d’« interstice » dans les institutions :
91
L’éducation par la nature
Tableau 1 : extrait de Gasparini, 2017 : 14�
À partir de ces quelques pistes théoriques, et des catégories
thématiques synthétisées dans le précédent tableau, je vais
revenir sur quelques exemples concrets d’observations à base
de verbatims d’entretiens, de notes de terrain et de photos.
2� Situations interstitielles dans les photos, entretiens,
journaux produits lors du travail de terrain
Pour une meilleure lisibilité de mon propos, je présenterai
et commenterai les extraits d’entretiens et de journal qui
nous intéresseront, ainsi que quelques photos qui viendront
les illustrer, en deux grandes parties, reprenant autant que
92
Des expériences de nature dans les interstices pédagogiques ?
possible les « niveaux » proposés par Gasparini dans le
tableau ci-dessus. Je m’appuierai aussi sur certains des thèmes
correspondant à ces niveaux, qui souvent se croisent dans nos
données. Les deux parties seront ainsi intitulées : 2.1 « Pause,
halte, marche, séparer, lier, marginalité » ; 2.2 « Transgression,
jeu, humour, sottise, rêve, vivre dans d’autres mondes ».
2.1 Pause, halte, marche, séparer, lier, marginalité
[Entretien avec un groupe d’élèves de seconde, le lendemain de
leur sortie naturaliste]
Thierry / C’est quoi la nature pour vous ?
[…]
E / Non c’est vrai que pour rester humble c’est bien. Dans des
situations où ça va pas, ou peu importe si ça va, c’est bien de
retourner, d’y aller, pour remettre les compteurs à zéro.
C / Respirer aussi
Thierry / Tu peux me donner un exemple de ça pour toi ?
E / Récemment, je me suis euh disputé avec mes parents. Eh
bien je suis parti avec mon chien marcher une heure. Voilà, tout
simplement.
Thierry / Où ça ? Dans la forêt ou ?
E / Dans l’Esterel, un sentier que j’aime bien et du coup je l’ai
marqué.
Thierry / D’accord
E / Je me le suis approprié un peu
[…]
Dans cet extrait d’un entretien collectif mené auprès
d’un groupe d’ami·e·s de terminale, E., qui me confie avoir
des relations fortes avec la nature, partage une modalité
de relation qu’il entretient avec un sentier particulier dans
des circonstances de crise, après une dispute familiale. Si
l’événement relaté constitue en lui-même une expérience
singulière dans la nature, suffisamment marquante pour la
93
L’éducation par la nature
prendre en exemple, le moment de l’entretien est lui-même
un interstice potentiel, puisque l’évocation de cette partie de
sa vie, ainsi remémorée, réactivée, partagée en groupe, est
permise par ce moment particulier de la fin du projet (et
de l’année scolaire), juste après un atelier théâtre également
organisé dans son cadre. Les enseignant·e·s de cette classe,
tout comme les jeunes de ce groupe, me confirmeront
d’ailleurs que le projet les a rapprochés, en leur permettant
notamment d’aborder certains de leurs centres d’intérêt,
parfois communs, mais que l’on n’a pas l’habitude d’aborder
dans la routine scolaire.
[Extrait du journal de terrain ; durant une sortie naturaliste ; classe
ULIS]
Après cela, on descend sur la cascade, le long des rochers. On
croise des grenouilles sur le chemin. Ils sont tous intéressés. En
particulier Jules qui me dit qu’il n’en a pas vu depuis qu’il était
enfant. « C’est beau. » Il prend plein de photos et semble fasciné.
Les autres repartent vers la cascade, il reste fixé sur les grenouilles.
Je dois lui dire qu’il faut partir, nous sommes en retard sur le
groupe.
94
Des expériences de nature dans les interstices pédagogiques ?
Figure 1. Jules photographiant une grenouille.
[Extrait du journal de terrain ; durant une sortie naturaliste ; classe
ULIS]
Pendant que je parle avec l’enseignante et Jules à l’arrière, Agathe,
qui est à l’avant avec la guide naturaliste, voit une mésange. Je note
qu’elle la voit parce qu’elle n’est pas dans le groupe central, tout
comme Jules voit beaucoup de choses aujourd’hui, peut-être parce
qu’il est souvent isolé du groupe. L’effet du groupe, du clan, est-il
un frein aux relations à la nature ? Les jeunes plus indépendants,
isolés, marginaux (perçus comme) différents ont-ils plus tendance
à être sensibles à la nature ? Les jeunes les plus sociables, les plus à
l’aise, les plus « populaires » l’ont-ils moins ?
Dans les deux extraits de mon journal de terrain cidessus, issus de mes notes concernant la même sortie,
95
L’éducation par la nature
avec un groupe ULIS29, je note ce qui se vérifiera souvent.
Il semble que c’est souvent lorsqu’une certaine flexibilité
dans l’organisation spatiale du groupe, et dans l’organisation
temporelle de ses activités (ici facilitée par la petite taille du
groupe et la latence temporelle prévue par l’enseignant et la
coordinatrice), que des rencontres visiblement significatives
pour les élèves sont rendues possibles. Ce type de situation
interindividuelle (entre un·e jeune et un ou des animaux
par exemple) a été nettement moins observable avec des
groupes plus importants, des programmes plus chargés et des
activités plus « contrôlées ». Je note aussi, même si cela reste
une hypothèse, que la marginalité apparente et le décalage
social de certains profils semblent favoriser ces rencontres,
chose que je constate chez cette élève de troisième d’un autre
établissement de REP (réseaux d’éducation prioritaire), lors
d’une autre sortie. Contrairement à ses camarades moins à
l’aise dans cet environnement inhabituel pour certain·e·s
d’entre elles et eux, et qui semblent rassuré·e·s par l’effet de
groupe, elle semble s’y épanouir individuellement :
[Extrait du journal de terrain ; sortie naturaliste avec une classe de
troisième]
Léonie est une petite fille studieuse, très à l’écoute des explications,
débordante de questions, prenant des photos et notant même avec
attention une recette à base d’une plante qu’elle a ramassée pour
se soigner des piqûres d’insectes. Une autre jeune fille de la classe
lui demande : « Léonie, t’ouvres un magasin de plantes ? » Léonie
lui explique patiemment pourquoi elle a ramassé ces plantes et
sa nouvelle recette anti-piqûre. « Ah ouais ? » réagit l’autre jeune
fille. Avant de repartir, Léonie cueillera davantage de plantes pour
29 Les ULIS (unités localisées pour l’inclusion scolaire) sont des « unités
qui permettent la scolarisation dans le premier et le second degrés d’un
petit groupe d’élèves présentant des troubles compatibles ». https://
www.education.gouv.fr/la-scolarisation-des-eleves-en-situation-de-handicap-1022
96
Des expériences de nature dans les interstices pédagogiques ?
les mettre au frigo et se prémunir pour ses prochaines sorties.
« Comme ça je suis tranquille pour des milliers d’années ! » me ditelle. Pendant que Léonie continuera jusqu’à la dernière seconde
à explorer le bout du chemin forestier, et à cueillir des plantes, la
plupart des autres élèves sont déjà sur le parking, quelques mètres
plus loin, à attendre le bus du retour au collège.
À l’instar de ces quelques élèves visiblement en marge, du
moins lors des sorties, je suis moi-même un profil atypique.
Entre la guide naturaliste qui mène le pas et donne les
explications, les enseignant·es, familier·ères pour les élèves,
je suis pour ma part un observateur extérieur. Je papillonne
entre les groupes et individus, je pose des questions à droite à
gauche, je prends des notes et des photos. Ce statut me donne
un accès particulier aux discours des un·e·s et des autres.
Il me permet aussi une certaine autonomie qui m’ouvre la
porte, à mon tour, aux bienfaits de la marginalité quant à ma
propre relation à la nature environnante, qui se développera
largement tout au long du travail de terrain :
[Extrait du journal de terrain ; à la fin d’une sortie naturaliste avec
un groupe de seconde]
À la fin, juste avant de monter dans le bus, une enseignante
demande aux élèves de ramasser quelques branches, feuilles,
etc., avant de partir, qui seront mobilisés lors de l’atelier théâtre.
Certains jouent le jeu. D’autres moins. Je leur dis au revoir. Le bus
part. J’entends réellement les bruits et silences de la nature pour la
première fois de la matinée…
Ces expériences de calme et de silence, et le fait de les
distinguer et de les apprécier sont favorisés par mon statut
et les affinités que je développe durant le travail de terrain
avec certains lieux, visités à plusieurs reprises avec différents
groupes, souvent rapidement et bruyamment (inévitablement
avec des groupes de ces tailles). Une fois que je suis seul,
97
L’éducation par la nature
le contraste est saisissant et favorise chez moi une relation
particulière aux lieux que je redécouvre, une relation, calme,
lente et attentive. Je reviendrai d’ailleurs dans certains de ces
lieux pour des balades solitaires, avant de quitter la région. Le
projet m’a ainsi visiblement rapproché de certaines formes
de relation à la nature.
2.2 Transgression, jeu, humour, sottise, rêve, vivre dans d’autres
mondes
[Extrait du journal de terrain ; bilan, en classe – enregistré –, de la
sortie naturaliste de la veille avec un groupe de troisièmes]
Valentin se lance cependant. Il a aimé la grotte car « il y a plein
de petits cailloux, etc., pour grimper ». L’enseignante rebondit :
« Donc c’était le fait un peu de grimper c’est ça ? » Il répond :
« Yamakasis oui. » Rires dans la salle. L’enseignante : « Faire les
Yamakasis d’accord ! » Moi : « Dans la grotte t’as fait le Yamakasi ? »
Valentin : « Non sur le chemin pour monter à la grotte là. » Moi :
« Là où on vous a dit de faire attention ? » Lui : « Oui voilà. » Moi :
« Et toi t’as fait le Yamakasi ? » Lui : « Ouais. » Rires. Il précise
qu’il a aimé car en ville on n’a pas l’habitude de pouvoir grimper
comme ça, escalader, etc.
Ici, on peut noter plusieurs éléments. D’abord, il s’agit d’une
discussion que j’ai animée le lendemain de la sortie. Après
un travail d’échange par petits groupes où chacun·e devait
exposer ses moments favoris et ce qu’il·elle avait moins aimé,
puis face à mon insistance à connaître leurs véritables avis et
non à obtenir des « bonnes réponses », certaines langues se sont
déliées. Comme les élèves sont encore enthousiastes, peutêtre, face aux souvenirs frais de la veille, et encouragé·e·s par
ces questions étonnantes venant d’un inconnu et non de leur
enseignante, les critiques et limites apparaissent, de même que
les plaisirs peut-être les moins légitimes. Ainsi l’expérience de
« grimpe » relatée ici constitue-t-elle un moment mémorable
98
Des expériences de nature dans les interstices pédagogiques ?
pour cet élève, qui fait d’ailleurs référence à une pratique
plutôt urbaine – le parkour des Yamakasis – mais dont il
affirme qu’il n’a précisément pas l’occasion de s’y adonner en
ville ! Cette référence à un phénomène urbain dans le cadre
d’un projet sur la « nature » n’est pas isolée30. Elle constitue en
l’occurrence une transgression dans le cadre de l’activité, et
amuse d’ailleurs ses camarades. La légitimation de ce propos
a d’ailleurs permis à la discussion de s’ouvrir par la suite, avec
des arguments pour et contre les modalités de la sortie :
[Extrait du journal de terrain ; bilan, en classe – enregistré –, de la
sortie naturaliste de la veille avec un groupe de troisièmes]
H / Nous on n’a plus parlé sur le chemin du retour parce que
c’était bien, parce qu’on s’est pas arrêtés et on a pu nous-mêmes
regarder les alentours toucher un peu les roches, tout ça. Que
s’arrêter toutes les : / après on a appris des choses aussi hein je
dis pas le contraire mais c’est vrai que si on avait plus marché et
regardé un peu ce qui nous entoure, on aurait peut-être rappelé
plus de choses que s’arrêter et parler.
Thierry / D’accord. T’as l’impression que là t’étais contraint
de suivre, de t’arrêter, d’écouter, et que si t’avais un peu plus de
liberté pour expérimenter toi-même ce qui t’entoure, ça aurait été
bien aussi quoi ?
H / Ouais, mais après c’est normal qu’elle explique tout ça. Elle,
c’est – c’est son travail. Du coup c’est normal qu’elle veuille
expliquer. C’est comme quand les profs nous expliquent une
leçon ou des choses comme ça. Mais là, c’est vrai qu’on était dans
30 Ces références à la ville et à ses phénomènes culturels sont d’ailleurs
récurrents dans certains groupes dont un, d’une classe de REP, où les
élèves feront régulièrement référence, tout au long de la sortie, à la culture
du « quartier » : une tour de guet sur la montagne leur évoquant les « guetteurs » du trafic de drogue, la poudre des fleurs de pin les « fumigènes »
des « flics », le manque de batterie dans le téléphone pour prendre des
photos donnant lieu à cette remarque : « chez nous c’est la guerre des
chargeurs », etc.
99
L’éducation par la nature
la forêt. Du coup vu qu’on est jeunes, on a envie de voir et d’aller
par nous-mêmes un peu partout quoi. Voilà.
Ici, c’est l’expérience vécue du retour vers le bus qui
est mise en avant, en fait un peu dans l’urgence puisqu’il a
finalement fallu courir pour être à l’heure, autre moment
d’ailleurs beaucoup apprécié par de nombreux élèves. Le
plaisir vécu dans ces situations imprévues contraste avec les
frustrations face au fait que la sortie aurait pu être davantage
libre et autonome. L’élève oppose d’ailleurs de façon
remarquable la « normalité » scolaire au contexte de la forêt
et aux potentialités qu’il offre.
Ici, la médiation de l’activité, la valorisation et la
légitimation de la parole et des expériences interstitielles
des élèves ont potentiellement permis de leur donner une
signification nouvelle. L’hypothèse qu’on peut faire est
que ce qui peut fonder la dimension transformatrice de
l’expérience de nature se situe aussi dans l’interprétation
sociale qui en est faite en aval, collectivement, et notamment
avec le soutien des adultes. Parallèlement aux apprentissages
formels prévus, les expériences sensorielles, y compris
imprévues, ainsi revalorisées, pourraient-elles donner lieu à
une exploitation pédagogique qui permettrait aussi de parler
de nature autrement, avec peut-être davantage d’intérêt de la
part des élèves, et plus de souvenirs marquants, car réactivés
et légitimés ? Il en va de même des moments conviviaux
et détendus dans la nature, comme le pique-nique, et des
échanges moins formels qu’ils permettent entre enseignant·e·s
et élèves, ainsi que des jeux improvisés qui peuvent parfois les
accompagner, comme dans l’extrait suivant :
100
Des expériences de nature dans les interstices pédagogiques ?
[Extrait du journal de terrain ; pique-nique avec les enseignants, et
à côté des élèves sur une pelouse, proche du parking, après une
sortie nature ; classe de troisième]
Les enseignantes avec qui je déjeune ont l’air satisfaites de la
sortie. Un élève nous amène des bonbons. […] Un autre élève
décide de se déguiser en arbre en mettant des branches dans son
tee-shirt, des pommes de pin, etc. Ses amis l’aident et rient. Je les
prends en photo.
Figure 2. Déguisement et moment partagé entre amis à l’heure du
pique-nique.
[Extrait du journal de terrain ; sortie naturaliste avec des groupes
de troisièmes et de sixièmes]
Une dame vient discuter avec des élèves en marge de l’observation
en cours. Ces dernières parlent de son chien avec la dame pendant
que la guide naturaliste essaie d’animer l’activité sur les abeilles.
[…]
101
L’éducation par la nature
Lorsque la guide naturaliste parle du bousier et demande une
pierre pour le poser dessus, des enfants prennent une pierre et
la lui donnent. Elle parle du bousier mais un groupe d’enfants
découvrent des insectes qui grouillent, dont un scorpion, sous la
pierre et se mettent autour pour en parler entre eux. Ils ne suivent
donc pas toujours les explications mais parce qu’ils sont happés
par d’autres phénomènes naturels alentour.
Figure 3. Observation d’insectes grouillant sous une roche.
Dans les deux situations précédentes, les élèves sont
happé·e·s par des phénomènes naturels (même si l’on peut
bien sûr discuter de la « nature » du chien rencontré et des
discussions à son propos) qui surgissent autour d’elles et eux
et les éloignent des explications de la guide naturaliste. Dans
les deux cas, les élèves transgressent un certain ordre institué
du schéma pédagogique. Face à ces situations, deux options :
les inviter à rejoindre le « cadre » ou saisir l’opportunité
pour construire, ouvrir, discuter. La guide naturaliste qui
a l’habitude des jeunes, fait visiblement la part des choses
et dose, en fonction des groupes, les activités prévues et
les expériences sensorielles, sociales et émotionnelles qui
102
Des expériences de nature dans les interstices pédagogiques ?
adviennent. Dans le cas du chien, elle tentera ainsi de rebondir
sur les méfaits potentiels de ces animaux domestiques
– lorsqu’ils ne sont pas attachés et explorent les espaces
naturels – sur la nidification d’un certain nombre d’espèces
d’oiseaux. Quant au groupe de jeunes rassemblés autour
des insectes dévoilés par le déplacement de la pierre, elle le
rejoindra une fois son explication sur le bousier terminée,
auprès de celles et ceux qui continuaient de l’écouter.
[Extrait du journal de terrain ; lors de la préparation de la
sortie naturaliste ; classe ULIS]
L’enseignant parle de comment faire pour voir des animaux, et
amène bien sûr la fonction du calme, du silence. Il prend alors
l’exemple de « la biche » qui est apparue dans l’enceinte de
l’établissement récemment alors qu’ils travaillaient sur le projet !
Comment se sont-ils alors comportés ? Ils se sont tus, tenus à
distance de la fenêtre, etc. « Donc si l’on veut voir des animaux on
sait ce qu’il nous reste à faire. » Bien joué !
La biche ici évoquée – en fait, un chevreuil – s’est insérée
dans l’enceinte du lycée lors d’une activité de la classe
autour du projet, en février 2021. Ce moment a visiblement
marqué les élèves du groupe, ainsi que leur enseignant et la
coordinatrice du groupe, qui m’en parleront régulièrement
tout au long du projet. Au moment de l’expérience, les deux
adultes réagissent en saisissant l’opportunité : les élèves sont
invités à s’approcher doucement des fenêtres pour observer,
filment et prennent des photos. A posteriori, l’enseignant
choisit de relier l’événement à la thématique de la magie,
qui est au cœur du spectacle Le Bruit des loups. Cette manière
de faire des liens aura des répercussions jusqu’à la fin du
projet, en septembre 2021, quand nous coconstruisons avec
l’enseignant et la coordinatrice un moment de bilan qui sera
mené avec les élèves, et où ces dernier·ère.s seront invité·e·s
à s’exprimer sur leurs moments favoris du projet :
103
L’éducation par la nature
[Extrait du journal de terrain : lors du bilan – enregistré – du projet,
en extérieur, dans l’enceinte de l’établissement ; classe ULIS]
Les élèves sont invités à choisir chacun·e leur tour une vignette,
illustrant leur bilan du projet, parmi celles qui leur sont proposées.
[Élève a]. Une image de biche en référence à la biche qu’ils ont
aperçue dans l’enceinte du lycée en début d’année.
[Élève b]. Elle choisit une photo qui la représente avec d’autres
élèves lors de la sortie. Ça lui rappelle d’abord « le moment où on
a enfermé [i.a.] dans le van » mais aussi le fait qu’« on ait escaladé
des rochers ». « Ça nous a rappelé des bons moments », « on a
oublié les cours et tout ». Après relance : « après y a beaucoup de
trucs qui m’ont intéressée » « comme la biche » « c’était beau c’était
la première fois que j’en voyais une » « mais elle était perdue ».
Je lui demande : « Pourquoi tu as aimé ce moment ? » « C’était que
notre classe. » Je relance : « Qu’est-ce que vous avez ressenti à ce
moment-là ? » Elle répond : […] « ça m’a fait des émotions genre
j’avais les larmes aux yeux ». Sa camarade, qui a choisi la biche,
rebondit sur le fait que ça l’a « attristée ». Mais aussi que ça l’a
« surprise », « on s’attend pas à une biche comme ça ».
Une autre élève enchaîne : « C’était au bon moment. »
La précédente rebondit : « Pour moi c’était le destin en fait », ce
que d’autres élèves rejoignent aussi par la suite. […] La discussion
se débloque à partir de là. Les langues se délient. […]
Je relance sur leur préférence entre la sortie et le spectacle. Une
élève me coupe pour me montrer une vidéo du moment de
l’apparition de la biche.
L’enseignant choisit ensuite une image de Totoro sur son
camphrier. […] Plusieurs réagissent : « Ah oui ! »
Une élève rebondit : « Y a une relation avec la nature en fait. […] il
a une relation avec les arbres et tout. Et même ça poussait en une
nuit. C’était magique. »
L’enseignant fait un lien entre cette scène de Mon voisin Totoro
et les arbres qui apparaissent dans le spectacle Le Bruit des loups
« en une seconde ».
104
Des expériences de nature dans les interstices pédagogiques ?
Je relance ensuite sur le fait que « la biche » soit apparue là où ils
ont fait la ronde, comme dans Mon voisin Totoro où la ronde fait
pousser les plants du potager. « Et là où on est en train de faire cet
enregistrement », rebondit l’enseignant.
Dans cet extrait, on voit comment un événement
absolument impromptu, riche en émotions, peut être saisi
comme une opportunité pédagogique, mais aussi contribuer
à la cohésion d’un groupe-classe, enjeu qui tient beaucoup
à cœur, en l’occurrence, à l’enseignant et à la coordinatrice
de cette classe ULIS. Ici, l’interstice n’a pas lieu lors d’une
« sortie en nature » de l’école, mais lors d’une intrusion
de la nature dans l’école, perturbant l’ordre social institué.
L’imaginaire qui se déploie dans le groupe à partir de cet
événement est relié au film Mon voisin Totoro, également
abordé durant la sortie où des élèves imaginent la présence
du personnage dans la forêt voisine. On fait aussi des liens
avec le spectacle Le Bruit des loups. Durant l’atelier-bilan,
les adultes jouent de cet imaginaire « magique », pris eux
aussi dans ce « monde alternatif ». Tout au long du projet,
l’enseignant et la coordinatrice n’ont cessé de tisser des liens
entre les connaissances développées, les émotions vécues par
le groupe et cette expérience de rencontre avec un chevreuil,
qui deviendra en quelque sorte « fondatrice » d’un imaginaire
partagé. On peut faire l’hypothèse que ces liens créés et
entretenus par les adultes, à partir de ce moment fondateur,
ont pu contribuer à faire de l’ensemble des expériences des
expériences transformatrices, à même de marquer les élèves.
Conclusion
On a pu voir dans les quelques situations interstitielles
précédemment
exposées
comment
la
latence,
l’indétermination, l’espace et le temps laissés pour des
rencontres impromptues, des stimulations extérieures, des
105
L’éducation par la nature
sensations et émotions et leur expression, le partage et la
convivialité, les initiatives des élèves, leurs points de vue et
leurs critiques, leurs références culturelles, etc., non seulement
ne s’opposaient pas à la perspective pédagogique, mais au
contraire pouvaient grandement la nourrir.
De la même manière, la recherche peut parfois gagner à
s’effacer, et comme on peut le voir dans ces extraits, et c’est
le cas dans l’ensemble des observations, les participant·e·s
font peu de références au protocole scientifique : celui-ci est
d’ailleurs très rarement cité comme élément marquant par les
participants lorsqu’ils parlent de leur expérience du projet.
Alors même que le protocole scientifique est initialement
au centre du projet, celui-ci semble avoir surtout été un
prétexte à des réappropriations par les différents partenaires
et à la possibilité de sortir de leurs cadres de travail habituel,
s’offrant alors la possibilité d’ouvrir des interstices.
Ces interstices, permettant potentiellement l’émergence,
la valorisation, l’accompagnement d’expériences de nature,
étaient bien l’un des éléments que cherchait à provoquer le
projet. Pour autant, on passe souvent à côté au moment des
résultats de la recherche. Et pour cause : ils sont difficilement
mesurables. Cela ouvre un certain nombre de questions :
comment se saisir de ces situations dans la recherche et
dans la pédagogie et comment s’en saisir dans ce type de
projet collaboratif ? Comment les élargir, comment les
relier au quotidien et les généraliser ? Comment faire de
ces expériences, plus que des expériences interstitielles et
marginales, des expériences quotidiennes, y compris en ville,
par exemple ?
Il me semble que ces dernières expériences nous éclairent,
en miroir, sur le fonctionnement institutionnel de l’école,
de ses espaces et temporalités et de leurs spécialisations
fonctionnelles, qu’elles invitent à décloisonner. Les quelques
observations proposées ici à leur endroit ne nous invitent
plus seulement à sortir du cadre institutionnel de l’école
106
Des expériences de nature dans les interstices pédagogiques ?
le temps d’une balade ou d’une activité qui permet de « se
défouler ». Il ne s’agit pas non plus seulement de réinterroger
la place de l’école, de la ville, de l’institution « dans » la nature,
« où » il s’agirait de se rendre, de « sortir » de temps en temps.
Il me semble que ces situations interstitielles peuvent nous
aider à réinterroger, plus largement, l’école elle-même et la
place et le rôle que la nature peut jouer en son sein, et au
sein de la ville, des institutions, de la vie quotidienne. Il s’agit
alors de se demander comment l’on compose avec la nature
dans nos activités et comment celles-ci peuvent s’en trouver
transformées. Il s’agit de s’interroger sur les modalités
d’intégration des interstices de la marge vers le centre,
pas seulement pour « tenir » les institutions, mais pour les
questionner, les travailler, les critiquer, les faire bouger. Il s’agit
de se demander comment les situations interstitielles vécues et
ici observées peuvent devenir des expériences effectivement
transformatrices, non seulement pour les jeunes et les adultes
qui les vivent, mais aussi pour l’institution scolaire en général,
dans la façon dont elle organise ses activités.
Présentation de l’auteur
Thierry Deshayes est chercheur postdoctoral à l’Institut de
psychologie et éducation de l’université de Neuchâtel. Docteur
en sociolinguistique et en sciences humaines appliquées
(doctorat en cotutelle), il est spécialisé dans l’étude de la
construction discursive des espaces urbains. Depuis quelques
années, il travaille sur des projets collaboratifs autour de la
place de la nature, du vivant et des non-humains dans divers
contextes sociaux (contextes scolaires, parc zoologique…).
La promenade sonore
comme révélateur d’un monde autre
Pascale Goday
Résumé
La promenade sonore, pratique développée dans les
milieux artistiques comme dans celui de la recherche, n’a pas
encore rejoint les pratiques pédagogiques en milieu scolaire
qui tendent à développer une conscience écologique sonore.
Elle permet pourtant de donner à l’écoute une place centrale
dans la compréhension du monde afin que l’écoute soit
considérée comme un bien commun partageable (Solomos,
2023). Elle permet à l’élève d’apprendre à développer une
poétique de « l’habiter » (Ingold, 2012) par une approche
perceptive centrée sur « l’ouïr ».
109
L’éducation par la nature
Introduction
La promenade sonore est une pratique étroitement liée
à l’écologie sonore. Inventé autour des années 1970 par
Raymond Murray Schafer, ce concept permet « l’étude des
influences d’un environnement sonore ou d’un paysage
sonore sur les caractères physiques et le comportement des
êtres qui l’habitent » (Schafer, 2010 : 382). En milieu scolaire,
la promenade sonore devient un outil de conscientisation du
phénomène acoustique essentiellement centré sur l’écoute,
médium par lequel passe en partie l’appréhension des relations
personne-société-environnement (ici sonore) aux échelles
individuelle, communautaire et biosphérique (Sauvé, 1997).
Telle que l’a définie Antoine Freychet, elle est un outil de
conscientisation (citoyen et artistique) face à la problématique
sonore environnementale. C’est une « expérience intégrale en
tant qu’elle engage le corps, les différents sens, la pensée et la
mémoire. En sollicitant les facultés perceptives de l’humain,
elle ouvre sur la compréhension du monde par les sons »
(Freychet, 2022 : 36-39). Dans ce chapitre, je propose dans
un premier temps de situer la conception de la promenade
sonore en regard des différentes approches existantes, de la
terminologie employée ainsi que des champs disciplinaires
par lesquels je l’aborde. Dans un second temps, je décrirai
quels sont les questionnements qu’elle soulève en tant que
pratique engageant une conscience écologique sonore dans
notre rapport au monde. Pour terminer, j’aborderai, à partir
de témoignages de pratiques menées en France et au Québec,
les objectifs pédagogiques visés pouvant s’adapter au milieu
scolaire.
1� La promenade sonore
Pour décrire l’action d’écouter en marchant tout en ayant
des préoccupations environnementales, en résonance au livre
110
La promenade sonore comme révélateur d’un monde autre
Tuning of the World du musicien pédagogue R. Murray Schafer,
le soundwalk est souvent traduit en français par : « promenade
sonore », « promenade d’écoute », « marche sonore » ou
« balade sonore ». On peut supposer que les différentes
propositions d’appellation sont corrélées aux différents
formats des promenades sonores, ces dernières pouvant
varier d’un·e organisateur·trice à un·e autre (Belval, 2022 :
120). Déjà en son temps, Schafer distinguait la « promenade
d’écoute » de la « promenade sonore », la première étant une
écoute ne nécessitant qu’une attention simple durant une
marche, la deuxième étant une exploration du paysage sonore
à partir d’une partition, avec des consignes où le « marcheurécouteur31 » (Faubert, 2012) peut être écoutant, compositeur
ou instrumentiste (Schafer, 2010 : 304). De fait, les méthodes
d’approche de la promenade sonore sont très diversifiées, et
le vocabulaire qui lui est associé peut s’avérer parfois flou32
(Belval, 2022 : 119 ; Solomos, 2023 : 126). Freychet apporte
une différentiation supplémentaire « décalant légèrement »
celle de Schafer. Il se propose de distinguer les promenades
sonores silencieuses – à oreilles nues, pouvant inclure des
consignes et/ou itinéraires – des promenades incluant « des
interventions sonores supplémentaires » à l’aide d’un casque
audio33 (Freychet, 2022 : 35). En sollicitant les facultés
perceptives de l’humain, la promenade sonore ouvre sur la
compréhension du monde des sons et du monde par les sons
(Barbanti, 2016 ; Freychet, 2022). Hildegard Westerkamp
la définit comme « une excursion dont le but principal est
d’écouter l’environnement, exposant nos oreilles à tous les
sons qui nous entourent34 » (2001 : en ligne).
31 Définit celui qui participe à la promenade sonore. L’expression
« marcheur-écouteur » est empruntée à Julie Faubert (2012).
32 Je définirai en partie 2 les termes utilisés.
33 Ces dernières peuvent prendre différentes formes : voir, entre autres,
l’ouvrage d’Antoine Freychet.
34 Traduction libre.
111
L’éducation par la nature
Pour ma part, j’utiliserai l’expression de « promenade »,
qui ouvre sur un champ poétique plutôt que celle de
« marche » qui définit l’action de se déplacer35. De plus, la
promenade peut sous-tendre un itinéraire, une direction, un
accompagnement, elle peut induire la notion de plaisir comme
d’aménagement (Rey, 2012). Il s’agit donc d’une perception
par « l’ouïr », une écoute en acte, où l’attention est centrée sur
la dimension sonore des lieux, invitant le marcheur-écouteur à
prioriser le sens qu’est l’ouïe par rapport aux autres sens pour
appréhender le monde et prendre conscience de sa dimension
sonore dans son rapport personne-société-environnement
(ici sonore) aux échelles individuelle, communautaire et
biosphérique (Sauvé, 1997). À l’instar d’Antoine Freychet, je
fais la distinction entre trois types de promenades sonores : la
première, silencieuse36, à oreilles nues, n’exclut pas l’usage des
consignes d’écoute ou itinéraires, du stéthoscope ou d’autres
accessoires37, afin de conduire le public « à faire l’expérience
de la diversité des phénomènes sonores dans l’environnement
urbain qui s’offre à l’écoute attentive » (Belval, 2020 : 269) ;
la deuxième, augmentée, fait usage de sons amplifiés par
appareils mobiles tels que les casques audios, binauraux ou
à vibrations osseuses ; la troisième est vécue comme une
installation sonore artistique38 dans l’environnement sonore
35 Le terme de « marche » est aussi étroitement lié à l’armée.
36 La notion de « silence » est relative, on le verra par la suite, le degré de
marche silencieuse étant relatif à la façon dont est pensée la promenade
sonore.
37 J’entends par le terme « accessoire » tous types d’objets qui permettent au marcheur-écouteur de prendre conscience de l’acte d’écouter la
matière sonore, tels que l’enregistreur ou le bandeau pour masquer la vue,
par exemple.
38 Il est complexe de donner une définition à l’expression « installation sonore » qui peut aussi revêtir les noms d’« exposition sonore » ou
d’« art sonore ». Dans notre contexte, le principe est le suivant : l’artiste
conçoit une œuvre artistique sonore (de type électroacoustique par exemple) en lien avec le lieu où elle se déroule et où vont déambuler les
112
La promenade sonore comme révélateur d’un monde autre
naturel in situ. Dans le cadre de ce chapitre, je privilégierai la
première qui me semble se rapprocher le plus de « l’écoute
sans compromis » dont parle Westerkamp (2001 : en ligne).
2� Question de terminologie
Lorsqu’on aborde le sujet de la promenade sonore, il y
a des concepts qui lui sont associés et qu’il est nécessaire
de préciser : « environnement sonore », « paysage sonore »,
« écologie acoustique » et « écologie sonore ». Je prioriserai
les expressions d’« environnement sonore » et d’« écologie
sonore ». L’environnement sonore, « c’est tout l’espace perçu
ici par l’oreille, sur lequel nous n’avons pas nécessairement
la possibilité d’intervenir spontanément » (Mariétan, 2005 :
89). L’expression « paysage sonore39 » reste intéressante par
l’aspect poétique qu’elle dégage, dans le sens où elle invite à
une qualification de l’environnement qui peut se démarquer
de la notion de « gêne » qu’on attribue trop souvent au
bruit, par exemple. Elle induit fatalement un autre « regard
écoutant », la question étant de savoir jusqu’à quel point
elle l’oriente. Quoi qu’il en soit, paysage et environnement
sonore s’inscrivent dans un champ beaucoup plus large qu’on
nomme « écologie sonore » ou « écologie acoustique ».
Afin d’éviter des controverses de type « sonore versus
musical » ou encore des questionnements de type : « peuton musicaliser le son ou le bruit ? », je parlerai davantage de
marcheurs-écouteurs. Quelle que soit l’œuvre, elle est conçue en relation
avec l’environnement sonore naturel du lieu, sa fonction tient compte,
d’un point de vue acoustique, de la spatialisation du son, et d’un point
de vue sensible, de la corporéité du promeneur afin de provoquer une
expérience amenant une certaine prise de conscience. Comme une scénographie de l’écoute (Belval, 2020 ; Bosseur, 2016).
39 Traduction de l’expression soundscape, dont la paternité revient à R. M.
Schafer.
113
L’éducation par la nature
« poétisation de l’écoute40 », rappelant que tout ce qui est
musique est de fait sonore mais que tout ce qui est sonore
n’est pas forcément musique.
3� Par quel champ aborder la question du sonore dans
l’environnement ?
Lorsqu’on est touché par le son, on ne se pose pas la
question de savoir à quel champ disciplinaire on l’associe.
On réagit souvent instinctivement en fonction de notre
appartenance socioculturelle, de nos connaissances, de notre
physiologie, de notre équilibre psychologique, affectif…
Selon les champs disciplinaires par lesquels la question
du son est abordée, le public ciblé comme les finalités ne
sont pas les mêmes. Autant d’approches (acoustique,
architecturale, phénoménologique, etc.) qui font dire que le
son est fondamentalement multimodal et que ce n’est pas
simple d’en parler, d’autant que son immatérialité rend sa
conscientisation complexe. En gardant à l’esprit cette diversité
d’approches, j’opterai pour une orientation musicologique41
et éducationnelle, rappelant que « […] la marche sonore
originale était principalement axée sur l’éducation afin de
redécouvrir le sens de l’ouïe et d’apprécier l’environnement
sonore42 » (Jeon et al., 2013 : 803).
Westerkamp et Schafer considèrent la promenade sonore
comme une pratique de l’écoute : il est important de noter que
l’environnement sonore naturel, qui se trouve profondément
masqué par l’urbanité qui l’a colonisé, est ici à conscientiser
par le marcheur-écouteur. Juliette Volcler mentionne à ce
40 L’écoute s’adresse à tous les types de sons.
41 Beaucoup d’organisateurs·trices sont des artistes sonores. Je suis
moi-même musicienne-pédagogue-chercheuse. La promenade sonore en
milieu scolaire est au cœur de mes préoccupations doctorales, notamment
par la notion d’« écoute en lien avec l’environnement », qui est centrale.
42 Traduction libre.
114
La promenade sonore comme révélateur d’un monde autre
sujet les commentaires de Vinciane Despret qui, lors du
déconfinement à la suite de la crise de la COVID-19, donne
la parole aux oiseaux :
« Jusqu’à présent vous ne nous avez pas laissé beaucoup de place et
cette place nous pourrions la revendiquer. » Cette transformation
pourrait être traduite comme des revendications de la part des
oiseaux pour un peu plus de silence, ou en tous cas pour une
meilleure répartition des temps de parole (Volcler, 2022 : 10).
En milieu urbain, le concept de « nature » nécessite une
prise en compte de l’air comme élément commun de vie,
ayant l’avantage d’être en quelque sorte révélé par les sons
dont il permet la matérialisation acoustique. La dimension
imaginaire, voire poétique, est de ce fait consubstantielle à la
notion de « promenade sonore » ; elle permet de développer ce
que Tim Ingold nomme une « poétique de l’habiter » (2012 :
en ligne). Il semble donc essentiel de (re)politiser l’écoute
comme bien commun, partagé, situé (Solomos, 2023 : 121).
Dans la vie urbaine, cependant, le contact étroit avec la nature
tend à se réduire considérablement. […] Se promener est l’un des
moyens par lesquels les citadins tentent de retrouver le contact
avec la nature (Westerkamp, 2001 : en ligne).
4� Quelles pratiques actuelles de la promenade sonore ?
Les pratiques auxquelles je vais faire référence se situent
en occident : au Québec, en Russie et en France, elles
sont majoritairement effectuées dans des environnements
urbains, en intérieur ou en extérieur, dans l’espace public.
Elles s’adressent à toutes sortes d’auditeurs·trices. Elles se
pratiquent dans des contextes très diversifiés, le plus souvent
en groupes mixtes, intergénérationnels (avec la présence
possible d’enfants et d’adolescents) ou en groupes sectoriels
115
L’éducation par la nature
ciblés (urbanistes ou architectes, par exemple). Diurnes ou
nocturnes, d’une durée d’une à trois heures, elles s’appliquent
en pédagogie comme en andragogie, dans un cadre formel
ou non formel. Bien que très efficaces, les expériences de
promenades sonores en milieu scolaire sont rares.
5� La promenade sonore comme révélateur
5.1 Développer une conscience écologique sonore
La promenade sonore est un révélateur permettant à
l’élève de développer une conscience écologique sonore de
son milieu de vie. Elle insiste sur les relations être humain/
non humain/milieu. La conscience écologique se traduit
par « un rapport réel à la vie qui s’exprime par l’action et
l’expérience vécue » (Marleau, 2010 : 84). Il s’agit donc ici,
par l’écoute associée à la promenade, de prendre la mesure
de ce que nous offre, d’un point de vue sonore, le milieu
dans lequel on interagit collectivement ; ce milieu implique
« généralement une dimension réflexive, morale et éthique à
laquelle on peut ajouter les dimensions affectives, liées aux
perceptions [sonores], et cognitives, liées aux connaissances
[sonores situées] » (Marleau, 2010 : 88). « Nous habitons
toujours quelque part » (Berryman, 2005 : 14), mais bien
souvent nous ne prêtons plus attention aux sons du quotidien ;
or, par exemple redécouvrir la « musique » des lieux habituels
(comme ceux de l’école par exemple), s’incarner dans de
nouvelles expériences perceptives, c’est donner la possibilité
à notre capacité de compréhension de situer l’information,
de « comprendre sa signification, au sein d’un contexte de
relation perceptuelle directe avec nos environnements »
(Ingold, 2012 : en ligne).
116
La promenade sonore comme révélateur d’un monde autre
5.2 Questionnements
La conscientisation permet à l’élève de nuancer son
appréciation à travers les formes d’écoute développées par
la promenade sonore, ainsi il pourra modérer le sens du mot
« bruit » et attiser sa curiosité et son imaginaire à son contact.
« Le sonore est désormais appréhendé non plus comme
simple nuisance environnementale, mais bien aussi comme
réelle qualité sonore quotidienne » (Marry, 2013 : 21). Peut-on
musicaliser le son environnemental ? Le bruit ? Quelle place
pour le silence et sous quelle forme ? Quelle terminologie
aborder qui pourrait faire consensus ?
[…] il est incontournable d’envisager les notions de « musical », de
« musicalité » de manière ouverte, pouvant inclure l’écoute – une
écoute qui serait « musicale » et « musicalisante », justement – des
sons de nos milieux. […] une manière de chercher à décentrer
la musique sans renoncer à ses exigences esthétiques et sociales.
Cela permet, notamment […] de conceptualiser l’écoute comme
« artifiante », « musicalisante », comme manière de produire une
convergence entre les enjeux de l’art et les processus de la vie
(Freychet, 2022 : 45).
Le phénomène de conscientisation permet d’aborder la
dichotomie entre le visuel et le sonore. Ce que l’on entend
n’est pas systématiquement ce que l’on voit, la source sonore
n’étant pas toujours visible. Comparativement à l’ouïe, le
champ de la vue reste limité. Il s’agit donc de développer
cette faculté et de réapprendre à utiliser le sens qu’est l’ouïe,
actuellement sous-exploité. L’un des responsables de cette
situation est la portabilité du son par le développement des
appareils mobiles comme les cellulaires, les écouteurs ou les
casques, qui décontextualisent l’écoute comme si l’écoutant,
dans un espace sonore virtuel autre, était coupé de son milieu
sonore naturel. Aujourd’hui, chacun peut se « “transporter”
117
L’éducation par la nature
dans sa bulle sonore qui peut être illustrée par l’usage du
téléphone portable qui installe son utilisateur dans une
situation d’ubiquité spatiale et le décontextualise » (Ledentu
dans Marry, 2013 : 63). Anthony Pecqueux parle à ce sujet de
« torsion sensorielle » (2009 : 73).
J’interroge de ce fait, de façon plurielle, la notion et la
place du corps de l’écoutant dans son milieu en y intégrant la
notion de « corps critique » comme la décline Julie Faubert
(2012 : 431). « Le jeu dans lequel entre le marcheur-écouteur
est plutôt caractérisé par un incessant mouvement de va-etvient entre le dehors et le dedans, entre un corps-à-corps
avec la ville » (Faubert, 2012 : 433). En sollicitant les facultés
perceptives de l’humain à la fois internes et externes, elle
ouvre sur la compréhension de toutes les richesses sonores
de l’environnement (Barbanti, 2016 ; Freychet, 2022), révélant
en quelque sorte « un état où l’esprit, le corps et le monde se
répondent, un peu comme trois personnages qui se mettraient
enfin à converser » (Solnit dans Freychet, 2022 : 39).
D’un point de vue perceptif, cela permet de déconstruire
les idées préconçues sur le son en regard de la subjectivité
des appréhensions : « […] de petits bruits peuvent conduire
à de grands désordres (que l’on songe par exemple au bruit
d’une goutte d’eau) et de grands bruits peuvent être intégrés
à des représentations qui les banalisent » (Aubrey dans Marry,
2013 : 59). Cela pose directement la question de la fonction
sociale du bruit et de son acceptabilité. Le bruit de l’autobus
me gêne, mais je l’accepte car il a une fonction sociale. Il
est donc nécessaire de nuancer le propos. La gêne sonore
est inhérente à l’idiosyncrasie, à la subjectivité et à la culture
de l’individu ; le seuil de tolérance sonore est pour chacun
différent. « L’intérêt, la nécessité, le sens, l’origine naturelle ou
non de la source sonore sont donc des variables significatives
dans l’attitude des sujets percevants » (Marry, 2013 : 59).
118
La promenade sonore comme révélateur d’un monde autre
La promenade sonore questionne également la notion
de « bien-être43 » (actuellement au cœur des préoccupations
éducatives). Elle permet de constater que, paradoxalement,
les problématiques environnementales sonores restent un
combat écologique trop souvent oublié des institutions44 ;
or, « le bruit figure parmi les nuisances majeures ressenties »
(AFSSE, 2004 : 27) par les humains.
[…] les individus attribuent une valeur importante et croissante
au droit à la tranquillité sonore dans leur cadre de vie mais le
bruit n’occupe qu’une place mineure en tant que problème
d’environnement. Il n’éveille pas, il est vrai, les mêmes inquiétudes
que les autres préoccupations environnementales : il ne conduit
pas à des événements « catastrophe » non maîtrisables et ne
compromet pas les éléments fondamentaux de la vie comme l’air
et l’eau. […] Comme la nuisance sonore n’est pas traduisible en
image, le bruit est rarement sujet de reportages au journal télévisé
(ibid.).
Il est nécessaire de remettre en cause les habitudes d’écoute
tout comme nos choix orientés et la qualité acoustique de ce
que nous écoutons. Actuellement, l’écoute est conditionnée
par la musique de consommation courante, le design musical
et sonore est présent où que nous allions (magasins), quoi
que nous fassions (attente téléphonique), n’ayant de cesse
d’inonder l’environnement de nouveaux sons45. La pollution
43 La problématique de l’impact du son sur le bien-être est souvent
abordée par les domaines de la santé et de l’acoustique. Elle ne figure dans
les rapports concernant le bien-être à l’école ou le climat scolaire qu’en
termes de constats et non de solutions conscientisantes.
44 Les bâtiments scolaires en sont l’exemple même, avec, entre autres,
les cantines et les salles de sport.
45 Je fais référence ici au design sonore. Le son des notifications de
cellulaire ou les nouveaux sons d’alerte des voitures électriques en sont
un exemple.
119
L’éducation par la nature
sonore est telle qu’on s’habitue à des volumes de plus en plus
élevés. Bulle sonore et surenchérissement sont les tendances
factuelles constatées ; par le casque, l’écoutant recrée une
immersivité sélective indépendante de son environnement
naturel. La frontalité des modèles d’écoute, dans le quotidien
de l’élève, est liée à l’autorité. Pour échapper à cette contrainte,
il utilise volontiers les casques ou les écouteurs par lesquels
il retrouve ses habitudes d’écoute, mais les formats audio qui
lui sont proposés nivellent et diminuent la qualité sonore.
L’écoute de sons amplifiés pose la question des sons naturels
et/ou de la nature. Quelle place ont-ils dans notre quotidien ?
Sommes-nous encore en capacité de les reconnaître, savonsnous les décrypter ? Sont-ils encore capables de rivaliser avec
les « bing » et « ting » de nos cellulaires (Goday, 2022) ?
En tant qu’éducateurs·trices, nous devons fournir aux
élèves les clés qui leur permettent d’écouter et de comprendre
le monde dans lequel ils évoluent.
[…] Les indices sont des clés qui ouvrent les portes de la
perception, et plus vous disposez d’un grand nombre de clés, plus
vous pouvez ouvrir un grand nombre de portes, et plus le monde
s’ouvre à vous. […] c’est à travers l’acquisition progressive de
telles clés que les hommes apprennent à percevoir le monde qui
les entoure […] (Ingold, 2012 : en ligne).
6� Quels objectifs visés par la promenade sonore en
contexte scolaire ?
En quoi consiste la méthodologie de la promenade
sonore et quels sont les objectifs qu’elle se fixe lorsqu’elle
est pratiquée46 sur le terrain ? Pour répondre à cette question,
46 Ce regard porté sur la pluralité des approches nous semble nécessaire
dans la mesure où enfants, adolescents ou jeunes adultes peuvent pratiquer la promenade sonore dans un cadre formel ou non formel comme
en famille, ce qui n’interfère aucunement avec les objectifs visés.
120
La promenade sonore comme révélateur d’un monde autre
j’ai sollicité certains acteurs·rices qui l’exercent. Pour ce faire,
le protocole47 a été le suivant : j’ai procédé à des entretiens
semi-directifs individuels ou collectifs. Les échanges ont
été enregistrés et une partie d’entre eux retranscrits. Ont
accepté de participer pour le Québec : le collectif dB48
composé de Magali Babin (M.B.) et Chantal Dumas (C.D.),
toutes deux artistes sonores ; pour la France, Gilles Malatray
(G.M.)49, paysagiste sonore ; Arthur Enguehard, doctorant au
département de géosciences de l’École normale supérieure
et à l’École nationale supérieure des arts décoratifs de Paris
(A.E.)50 ; et le binôme franco-russe Raphaël Bruni (R.B.),
musicien, et Anastasia Chernigina (A.C.), doctorante en
sciences de l’éducation à Paris 8. Nous livrons, dans cette
partie, certaines de leurs réponses.
6.1 L’acte d’écouter
Tous s’accordent à dire que la promenade sonore
développe l’écoute en pleine conscience ou l’écoute globale51,
une écoute complexe, « intégrant le plus grand nombre de
dimensions du son » (Freychet, 2022 : 57). Pour mieux saisir
sa spécificité, il est important de donner quelques exemples
d’écoute auxquelles sont habituellement exposés les élèves.
Dans le monde de l’enseignement, l’écoute du point de vue
47 Dans le cadre de ma thèse de doctorat qui porte sur le développement d’écoutes spécifiques en lien avec les enjeux socio-écologiques du
son en milieu scolaire, je suis à la recherche de pratiques qui puissent
être transposables d’un point de vue didactique et pédagogique à l’enseignement en milieu scolaire. La promenade sonore est une des pratiques
visées. C’est pourquoi il m’importait de questionner des acteurs·rices sur
le terrain, qui ont développé cette pratique.
48 Projet Villeray Acoustique : https://mtlacoustique.com/
49 https://desartsonnantsbis.com
50 http://pepason.fr
51 Elle est directement liée au phénomène de conscientisation.
121
L’éducation par la nature
de l’élève est vécue en termes d’obéissance (l’enseignant
demande qu’on l’écoute), de focus (il écoute la parole de
l’enseignant pour la transmission du savoir), d’écoute de soi
(réflexivité), ainsi qu’en termes de qualité comme en musique
par exemple52. Bien que cette liste ne soit pas exhaustive,
l’écoute globale est une forme d’écoute ouverte, curieuse,
non sélective, qui demande un entraînement induisant des
notions telles que :
• la spatialisation et la géolocalisation des sons : « elle
permet de sentir qu’il y a dans l’écoute, comme dans le
regard, des profondeurs qui nous aident à trouver notre
place. On est là pour faire corps avec l’espace, sentir les
acoustiques » (G.M.). Raphaël Bruni ajoute qu’« il y a
différents moments : forts, faibles, transitoires, plutôt
mélodiques, un peu plus en suspens, des contrastes.
Il se dessine un parcours à travers l’espace urbain et
naturel » ;
• apprendre à percevoir : cela permet de « faire évoluer
et transformer les perceptions de sorte que les élèves
soient capables de reformer le monde en permanence
pour le questionner. Plus j’écoute, plus j’entends. Ma
conscientisation (re)conditionne mes perceptions,
qui s’affinent. Les formes d’écoute vont évoluer et
peuvent être plus conceptuelles, représentatives, ou
interrelationnelles entre les sens (interperceptuelles) »
(A.E.). Le simple fait de préciser que l’humain entend à
360° modifie sa manière d’écouter le son environnant
(Goday, 2023) ;
• l’écoute en acte qui « propose une expérience
phénoménologique sensorielle » (M.B.) ; elle engage le
corps différemment de la marche ordinaire qui ignore
souvent les milieux sonores traversés (Solnit, 2022).
52 En musique, les qualités d’écoute vont amener l’auditeur à se concentrer sur des paramètres tels que le timbre, le rythme, etc.
122
La promenade sonore comme révélateur d’un monde autre
•
•
De plus, elle rend l’écoute mobile (ce qui n’est pas le
cas dans le cadre de l’enseignement), « elle apporte
une notion de lenteur » (G.M.), « elle révèle le son
pourtant immatériel, invisible, éphémère, elle s’attarde
sur des spécificités acoustiques : une réverbération
intéressante, un événement, un marquage particulier »
(M.B.). « Elle permet de penser un autre rapport à la
vie » (A.E.) ;
la poétique de l’écoute, qui rejoint la poétique de la
marche. Comme le dit Freychet, l’acte d’écouter
devient un acte artistique en soi où chaque marcheurécouteur développe son propre cheminement créatif
en fonction de sa culture, de sa mémoire, de son état,
de la connaissance du lieu… Gilles Malatray nous
relate une expérience où le groupe qu’il accompagnait
s’est arrêté à la tombée de la nuit devant le chant
métallique des grues laissées au vent, ou a stationné
dans un champ de grillons pour profiter de cet instant
sonore unique. « Il faut arriver à donner aux élèves
l’appréciation musicale des sons environnementaux et
le goût de l’émerveillement » (A.C.) ;
le silence. Lors d’une promenade, les points d’écoute
offrent des qualités différentes dont certaines
approchent la « silenciosité » des lieux. Le silence
relatif est envisagé comme une respiration, nous
rappelant que nous sommes des êtres sonores.
6.2 Des valeurs écocitoyennes
La promenade sonore53 est de nature à transmettre des
valeurs écocitoyennes54 (De Bouver, 2023). Elle fédère une
53 La promenade sonore telle que définie à la partie 1, car ses pratiques
sont diversifiées.
54 Comme le dit De Bouver au sujet de l’expérience en nature et de
l’écocitoyenneté (mais transposable aux environnements urbains dans
123
L’éducation par la nature
communauté d’écoute à travers laquelle elle permet d’élaborer
un vocabulaire à partager. « Elle encourage à développer une
posture responsable et engagée à travers la santé, la qualité
des environnements de vie et l’histoire des lieux » (M.B.),
ou à travers « des réactions chocs, pour s’interroger sur des
problèmes » (R.B.), questionnant : « comment je m’entends
avec ma ville ? » (G.M.). Les échanges qui ont lieu après la
promenade sonore accentuent cette sensation.
Mémoriser des situations sonores, c’est se constituer un capital de
modèles auditifs. C’est en écoutant et en analysant le monde sonore
que l’on devient exigeant quant à sa qualité ; il ne sert à rien de
lutter contre la nuisance sonore, si nous sommes dans l’incapacité
d’exprimer le monde auditif dans lequel nous souhaiterions vivre
(Mariétan, 2012 : 3).
En entretien, Athur Enguehard ajoute :
[…] la préparation pré-balade mais surtout l’échange post-balade
comme moment de socialisation de l’expérience intime semblent
être capitales pour poser effectivement la question de la révélation
(passant par la rencontre). Le moment de discussion révèle
toujours que nous avons vécu des choses totalement différentes
et permet de faire l’expérience de la pluralité des mondes, et c’est
dans cela que se tient le potentiel démocratique et écologique de
la promenade sonore.
La promenade sonore insuffle des notions de « partage »,
de « reliance » (De Bouver, 2023 ; Goday, 2022) et de
« respect ». « Quand on écoute ensemble, on n’a pas la même
écoute que seul, il faut donc accepter la présence de l’autre.
[…] L’ouverture d’esprit est primordiale dans l’organisation
notre cas), il s’agit davantage d’« écocitoyennisation ». La promenade sonore permet un engagement émancipatoire de l’individu, notamment par
l’implication corporelle que sollicite l’écoute.
124
La promenade sonore comme révélateur d’un monde autre
d’une promenade sonore » (C.D., entretien), car « l’autre »,
qui peut aussi être à l’image de ce que David Abram (2013)
nomme le « plus qu’humain », induit une dimension pluri- et
intercorporelle de l’expérience. Au même titre que les insectes
et le vent, l’humain est un élément constituant d’un milieu
relié, dans lequel il tisse des liens, s’enracine. Les rencontres
peuvent donc être multiples.
6.3 Les formes d’écriture de la promenade sonore
De prime abord réalisée pour elle-même, la promenade
sonore peut trouver différents prolongements, notamment en
milieu scolaire. Corrélée au paysage sonore, elle est d’emblée,
selon Gilles Malatray, une couche d’écritures :
[…] une écriture cartographique, topographique par le parcours ;
une écriture synesthésique par le corps engagé dans l’espace, par la
perception de la peau ; une écriture esthétique, musicale (celle du
musicien qui écoute le paysage) ; ce sont aussi les écritures traces
(par le carnet de notes, la carte postale sonore, la vidéo, la photo)
(entretien).
Autant de pistes exploitables, de projets transdisciplinaires
à forte teneur artistique pouvant être le prolongement
de la promenade sonore comme un dispositif artistique
et pédagogique d’écoformation55 par la promenade et la
création sonore56. Cela dit, la promenade sonore peut aussi
être conçue et vécue comme une gestion créative de l’aléa,
indissociable de ce type d’expérience. Prévoir un parcours
sous-entend toujours de la part de l’accompagnateur·rice
55 Le terme d’« écoformation » utilisé dans ce titre renvoie aux multiples
rapports, ici par le médium de l’écoute, que nous entretenons avec le milieu (De Bouver, 2023).
56 Projet pédagogique initié et mené par Antoine Freychet, Raphël Bruni
et Anastasya Chernigina (Freychet, 2022 : 73-93).
125
L’éducation par la nature
une gestion spontanée de l’imprévisible : météo changeante,
événements impromptus (tels que les mariages ou insectes
qui s’invitent), autant de surprises et de découvertes qu’il est
bon de vivre dans un monde où la vie humaine est bien trop
réglée.
Conclusion
La promenade sonore, encore considérée comme trop
atypique dans le milieu scolaire, ouvre sur des dimensions
socio-écologiques et artistiques fondamentales. Elle apporte
des clés de compréhension aux élèves, défend des valeurs
essentielles et invite à se questionner sur notre posture d’être
au monde. Par elle, l’écoute devient une construction du
commun (Solomos, 2023).
Présentation de l’auteure
Pascale Goday, musicienne-pédagogue-chercheuse, est
doctorante à l’Université du Québec à Montréal (Québec), en
cotutelle avec l’université de Toulouse-Jean-Jaurès (France).
Elle est titulaire d’un master 2 en musique (université
Toulouse-Jean Jaurès), du Capes d’éducation musicale et de
chant choral (ministère de l’Éducation nationale), d’un prix
de hautbois (CRR de Montauban). Enseignante en musique,
elle est également rompue aux techniques de la direction de
chœur et de l’improvisation non idiomatique.
Faire vivre des expériences de nature :
le cas d’enseignants d’éducation physique et
sportive (EPS)
Anne Bertin-Renoux, Julien Fuchs, Léa Gottsmann
Résumé
Cette étude s’intéresse à des enseignants d’éducation
physique et sportive (EPS) engagés dans des projets
d’éducation à l’environnement avec leurs élèves. À travers
des entretiens compréhensifs, elle met en évidence le rôle
majeur des expériences vécues par ces enseignants, durant
leur enfance ou leur adolescence, dans le développement d’un
rapport sensible à la nature. Les résultats montrent également
la façon dont l’EPS peut contribuer à une éducation par la
nature à l’école. Ils soulèvent ainsi des pistes de réflexion
quant à l’intérêt de faire vivre des expériences de nature
aux futurs enseignants lors de leur formation initiale pour
revaloriser une relation corporelle sensible à la nature.
127
L’éducation par la nature
Introduction : l’éducation par la nature, une éducation
par le corps
Depuis plus de cinquante ans, les scientifiques alertent
sur les dégradations de l’environnement, l’effondrement de
la biodiversité et le changement climatique dus aux activités
humaines. Les rapports s’accumulent sans pour autant susciter
des transformations à la hauteur de l’urgence actuelle. Cette
dissociation entre la connaissance et l’action interroge notre
rapport au savoir dans les sociétés modernes, et témoigne
aussi d’un appauvrissement de la relation sensible à la nature
et au vivant. Le terme de « nature » renvoie ici à la part de
l’environnement qui n’a pas été conçue et produite directement
par les humains ; plus large que celui de « biodiversité », il inclut
des éléments abiotiques tels que la mer, le vent ou les rochers
(Maris, 2018). « En tant que culture, ce qui nous fait défaut,
c’est un sens étendu de l’intimité avec le monde vivant »,
constatait en 1978 l’entomologiste Robert Pyle, théorisant
l’extinction de l’expérience de nature (Pyle, 1978/2016 : 190).
La part sensible a été évacuée du raisonnement scientifique,
créant à la fois une distance entre l’Homme et le monde
et l’impression d’une maîtrise absolue sur cette extériorité
(Descola, 2005). Aujourd’hui, il paraît urgent de retisser des
relations sensibles avec le vivant (Tassin, 2020). À l’école
pourtant, le rapport à l’environnement est principalement
abordé à travers une approche cognitive, c’est-à-dire par une
transmission de savoirs sur la nature, entretenant une distance
vis-à-vis de celle-ci (Gottsmann et Hugedet, 2023).
Cependant, depuis quelques années, une révolution verte
(Fauchier-Delavigne et Chéreau, 2019), aussi qualifiée de
« révolution de velours » (Martel et Wagnon, 2022), s’engage
en France, portée par des acteurs de terrain (Zwang, 2022)
qui cherchent à développer une éducation par la nature au
cœur de l’école. Celle-ci relève d’un véritable changement
de paradigme éducatif, suscitant une mise en tension entre
128
Faire vivre des expériences de nature
différentes conceptions éducatives. Il s’agit, en effet, de
passer d’une conception dualiste, séparant la dimension
intellectuelle du corps et du sensible, à une approche holistique
engageant les élèves socialement et émotionnellement dans
des apprentissages axés sur l’action (UNESCO, 2021a). La
notion d’« expérience » (Dewey, 1916/2011), centrale dans
l’éducation par la nature (Fleury et Prévot, 2017a), constitue
une entrée permettant de penser de façon conjointe le
vécu corporel de l’élève et l’acquisition de connaissances
disciplinaires. Aujourd’hui, l’éducation par l’expérience du
corps en mouvement et en interaction avec son environnement
relève principalement de la discipline « éducation physique et
sportive » (EPS), en France notamment. Celle-ci s’appuie en
partie sur des pratiques permettant de vivre des expériences
en pleine nature. Comment les enseignants d’EPS abordentils la question environnementale, particulièrement ce rapport
à la nature et l’expérience vécue par l’élève ? En d’autres
termes, dans quelle mesure l’EPS peut-elle contribuer à une
éducation par la nature dans le cadre scolaire ?
1� L’EPS, un levier pour éduquer par la nature
L’EPS, par l’expérience incorporée qu’elle permet de
vivre, pourrait constituer un véritable levier de reconnexion
entre les corps et leur environnement (Gottsmann et
Hugedet, 2023). Cependant, les contenus des programmes
actuels visent davantage des apprentissages sur le corps
(connaissances du fonctionnement) et pour le corps (santé,
entretien de soi) que par le corps (Paintendre et al., 2021).
En effet, la référence sportive des pratiques en EPS rend
plus difficile la prise en compte et le travail sur le ressenti
corporel (Vigarello, 2015). La question du « sensible »
demeure principalement associée aux pratiques artistiques
et les enseignants d’EPS peinent à dépasser une gestuelle
performative issue de la culture sportive (Froissart et
129
L’éducation par la nature
Lemonnier, 2020). Ainsi, la capacité de l’élève à optimiser
son engagement, sa performance et son efficacité dans
l’action prévaut généralement sur l’expérience corporelle
qu’il vit dans l’instant (Paintendre et al., 2021).
La relation à la nature dans les pratiques physiques à
l’école est également façonnée par une approche sportive
compétitive. Le traitement des activités physiques de nature
(APN) en EPS s’oriente principalement vers des contenus
à vocation sécuritaire ou de performance. En outre, ces
activités s’organisent la plupart du temps dans un milieu
artificiel, standardisé et contrôlé (Schnitzler et Saint-Martin,
2021). La question de la relation sensible au vivant est
ainsi écartée au profit d’un rapport utilitaire à la nature,
favorisant une mise à distance et une volonté de contrôle
sur cet environnement. Cependant, les pratiques sportives,
nées d’une recherche de domination de l’environnement,
offrent paradoxalement l’opportunité aux élèves en EPS
de construire une complicité avec les autres et le milieu
naturel (Terré, 2021). Certains enseignants cherchent ainsi
à développer d’autres formes de pratiques physiques dans
la nature, privilégiant les émotions vécues par les élèves à la
recherche unique de performance.
Dans l’académie de Rennes, un groupe académique
rassemble des enseignants d’EPS qui se saisissent de
différents dispositifs (aires éducatives57, classes à option,
formation des éco-délégués, activités dans le cadre de
l’association sportive, voyages scolaires) pour proposer des
formes de pratiques favorisant une approche sensible, axée
sur l’expérience corporelle et le vécu de l’élève. Nous nous
sommes intéressés aux dispositions à agir de ces enseignants
57 L’aire éducative est un dispositif spécifique de classe en plein air, géré
par l’Office français de la biodiversité, qui s’adresse aux classes du CE2
au lycée, où les élèves gèrent de manière participative un petit territoire
naturel en collaboration avec différents acteurs locaux. https://www.ofb.
gouv.fr/aires-educatives.
130
Faire vivre des expériences de nature
qui les amènent à impulser des projets d’éducation physique
dans et par la nature dans leurs établissements. La notion de
« disposition » renvoie à des manières de faire, de dire et de
penser qui sont intériorisées par l’individu à l’issue de processus
de socialisation (Zolesio, 2018). En effet, les expériences
vécues durant la petite enfance (Chawla et Derr, 2012) sont
déterminantes dans le type de valeur affectée à la nature
(Bozonnet, 2017), en particulier les valeurs relationnelles
fondées sur le lien entre les humains et la nature (Piccolo,
2017). Il s’agit ainsi d’identifier les différentes expériences
socialisatrices favorisant l’engagement professionnel de
ces enseignants sur les questions environnementales. Un
des objectifs de cette étude est de pouvoir proposer des
pistes pour la formation des enseignants afin que chacun
puisse expérimenter et développer des projets d’éducation à
l’environnement.
Des entretiens compréhensifs (Kaufmann, 2016)
ont été menés avec douze enseignants d’EPS du groupe
académique, qui sont impliqués dans des projets d’éducation
à l’environnement dans des collèges ou des lycées. Ils se sont
déroulés dans différents lieux où les enseignants se sentaient
à l’aise pour parler librement (à leur domicile, dans un café,
une salle d’une bibliothèque ou de leur établissement). Une
cartographie des différents champs de questionnements
a servi de support aux entretiens pour appréhender la
complexité dispositionnelle et la multiplicité des expériences
de socialisation (Lahire, 2002). Ce guide souple permettait
d’explorer différentes sphères de socialisation (familiale,
amicale, professionnelle, de loisirs, etc.) au fil de l’entretien.
L’ensemble des verbatim a ensuite été rassemblé dans
différentes catégories d’analyse, concernant notamment leurs
rapports à la nature ou leurs conceptions éducatives.
131
L’éducation par la nature
2� Vivre des expériences de nature
2.1 Une socialisation dans un cadre familial et de loisirs
Tous les enseignants interrogés dans le cadre de cette
étude ont vécu des expériences de nature durant leur enfance
et/ou leur adolescence, qui les ont amenés à développer une
relation de proximité avec ce milieu. Cette socialisation s’est
déroulée la plupart du temps dans le cadre familial lors de
week-ends ou de vacances :
La nature c’étaient les vacances quand on louait une petite bicoque,
où il n’y avait pas d’électricité […]. Je partais avec les cousins en
vadrouille, à vélo à travers champs […]. Ce rapport, oui, collectif,
familial, d’aller se promener dans la nature (E3).
Le rapport à la nature est ainsi lié à un milieu social et
une culture où elle est associée aux loisirs, au temps passé en
famille et à la détente.
Dans ces situations, la relation à la nature passe par le corps
et les sens, où les souvenirs marquants sont souvent associés
à des émotions ressenties lors de certaines expériences :
Se balader, aller voir les oiseaux, les animaux, tout ça faisait partie
du spectacle en fait, et c’était juste magique. […] ça rejoint un peu
la dimension contemplative de la nature où t’es là : ouah ! (E6).
Il y a eu le matin où fallait se lever à l’aube, donc il faisait encore
nuit et on allait étudier les empreintes des animaux dans la forêt.
Mais c’est un souvenir de malade pour moi ! J’ai pas dormi de la
nuit avant parce que c’est quelque chose que je ne connaissais pas
en tant que citadine et c’est une émotion qui a été extraordinaire
alors que je me rappelle même plus de ce qu’on a vu. C’est pas
du tout la connaissance, c’est le plaisir de faire quelque chose de
132
Faire vivre des expériences de nature
nouveau dans un environnement différent. Et une vraie émotion
positive par rapport à ça (E3).
Ce rapport émotionnel et récréatif constitue pour
beaucoup des enseignants interrogés une entrée dans les APN
qui sont une manière de poursuivre ces expériences : « L’été,
j’allais me baigner dans la mer, dans les rivières, j’adorais ça.
[…] Et puis après j’ai découvert la montagne, le ski, j’ai adoré
ça et je me suis mis dans les activités de pleine nature » (E2).
2.2 L’articulation entre différents espaces de socialisation
Chez la majorité des enseignants, les APN demeurent
associées principalement aux loisirs et sont axées sur l’envie
de vivre des émotions et se fondre dans un environnement :
« La résonance avec l’environnement, je l’ai c’est sûr. Et là,
avec l’apnée, la pêche sous-marine, je la retrouve et j’essaie de
[…] faire corps avec l’environnement » (E5). « Ces pratiqueslà, c’était toujours hédoniste […] l’idée c’était d’aller en
grande voie en falaise. C’était plutôt, voilà, vivre un peu des
émotions fortes » (E7). La pratique d’activités physiques dans
et avec la nature suscite aussi un sentiment d’humilité face à
la puissance des éléments. Cette sensation est véritablement
physique ; les enseignants de l’étude perçoivent le danger et
leur vulnérabilité dans un environnement qu’ils ne maîtrisent
pas et auquel ils doivent s’adapter, par exemple lors d’une
randonnée en montagne :
Tu vis la condition météo très dure et là tu fais : « OK on est
tout petits, là. On rentre ! » […] C’est des choses fortes, c’est
émotionnel en fait, parce que ça peut être dur physiquement. Mais
surtout c’est prendre conscience de ce que tu ne maîtrises pas !
(E6).
133
L’éducation par la nature
Ces sensations se retrouvent dans différents types
d’environnements :
Je faisais de la plongée pour aller chercher des crabes. J’ai touché
un petit peu ce qu’ils disent, c’est-à-dire de sentir l’élément sur toi,
que c’est la nature qui est au-dessus. Quand la mer est forte, tu sais
t’entends, ça gronde, tu as tout un tas de sens et tu te dis : « wow,
là c’est pas moi qui domine » (E10).
Ainsi, les APN ne sont pas réalisées dans un esprit de
compétition ni de performance. « En surf, j’ai jamais fait de
compèt’. Non, l’idée c’est d’être dehors, de se baigner et puis
de s’amuser, d’avoir les sensations » (E11).
Pourtant, la plupart de ces enseignants pratiquent
par ailleurs différents sports en club (sports collectifs,
arts martiaux, athlétisme, natation) et notamment en
compétition. La dimension compétitive peut apparaître en
contradiction avec une recherche de résonance (Rosa, 2018)
et de symbiose avec la nature, générant parfois des tensions
entre ces différentes formes de pratiques. La compétition
et la coopération sont deux modes de sélection naturelle
et d’adaptation à un environnement. La compétition agit
sur les individus, sélectionnant les plus forts, alors que la
coopération agit sur les groupes, favorisant la diversité et la
complémentarité entre les individus, voire entre les espèces
(Roddier, 2021). La coexistence entre ces différentes formes
d’action et de rapport au monde caractérise la pluralité des
socialisations et des dispositions incorporées par l’individu
(Lahire, 1998). L’aspect compétitif est toutefois de plus en
plus remis en cause par ces enseignants dans leurs pratiques
pédagogiques, de façon plus ou moins radicale. Une partie
d’entre eux considère, en effet, qu’il devient urgent, voire
vital, d’éduquer les élèves à la coopération ainsi qu’au respect
et au partage des ressources environnementales.
134
Faire vivre des expériences de nature
Si tous les participants à l’enquête ont vécu des expériences
de socialisation dans la nature au cours de leur enfance et
de leur adolescence, pour certains d’entre eux l’arrivée à
l’université est l’occasion de découvrir un nouveau rapport à
la nature à travers d’autres pratiques. Tous ont suivi un cursus
en sciences du sport (licence STAPS – sciences et techniques
des activités physiques et sportives –), au cours duquel ils ont
pratiqué différentes activités, dont des activités de nature. Ces
enseignements ont permis à certains d’entre eux d’acquérir
les bases techniques pour pratiquer ensuite de manière
autonome. Ici encore, le plaisir du contact avec la nature est à
la fois le moteur et l’objectif de l’activité :
Ma première année à la fac, rapidement, j’ai pris un baudrier, une
corde et je suis allé grimper avec les copains, les copines, alors
je cherchais pas la perf ’. […] moi c’était la nature, le vent, les
oiseaux, l’odeur, c’est ces sens-là qui me plaisent (E2).
La socialisation par les pairs, dans ce nouvel
environnement, joue un rôle important dans la découverte
de nouveaux rapports à la nature :
J’ai découvert à la fac avec des amis ce que c’est que ce milieu
justement beaucoup plus proche de la nature. Clairement. Et la
nature, c’étaient les promenades sur les sentiers côtiers, c’était
ça, tu vois ? […] Les copines en question, c’est même pas… des
vertus écologiques, c’est vraiment ancré dans leur façon d’être.
[…] C’est vraiment par la culture des amis que je me suis faits
là-bas (E3).
Ces multiples expériences de socialisation ont joué un
rôle significatif dans les trajectoires personnelles de ces
enseignants, les amenant à faire des choix (lieux d’habitation
ou de vacances, loisirs) qui leur permettent de retourner
régulièrement, voire quotidiennement, dans la nature. Ils
135
L’éducation par la nature
ont conscience de l’importance de ces contacts directs
avec la nature (mer, montagne, forêt) pour leur bien-être.
Ils souhaitent faire partager aux élèves les émotions qu’ils
ont eux-mêmes ressenties, à travers la pratique d’activités
physiques.
3� Faire vivre des expériences de nature aux élèves
Le souhait de faire vivre des expériences dans la nature à
leurs élèves, à la fois pour le plaisir qu’elles procurent ainsi
que pour leurs vertus éducatives, ressort des témoignages de
tous les enseignants :
J’ai remarqué que ces expériences avec la nature, je sais pas
pourquoi, mais spontanément en fait, je l’ai mis en œuvre dès ma
première année d’enseignant-stagiaire. J’ai essayé de mettre en
place de la course d’orientation pour des sixièmes, et donc trouver
un car, monter un petit budget, et puis voilà, aller en pleine nature
(E6).
Certains des enseignants sont dans des établissements où
les élèves n’ont pas l’occasion de partir en vacances, ni même
de vivre des expériences de nature dans un cadre familial ou
de loisirs. Ils ont conscience du rôle que peut jouer l’école
dans la découverte de l’environnement naturel.
C’était plutôt là, sur un aspect culturel ou du micro-tourisme,
d’aller sortir du béton parce que c’est vraiment très moche. Et du
coup, je m’étais dit la dune, la forêt de pins, le sable, la mer, ce sera
une belle expérience pour eux (E7).
Cet éloignement de la nature n’est pas forcément
géographique, mais surtout social et culturel ; il s’agit donc
de tisser ce lien en les amenant à découvrir la richesse des
milieux naturels à proximité :
136
Faire vivre des expériences de nature
C’est ça que j’aime, amener les élèves à l’extérieur, parce qu’ici,
on est à dix minutes à pied de la digue mais t’as des élèves [au
collège], quand tu les emmènes ils te disent : « mais c’est super
beau, madame ! » Au début, la première année, je dis : « tu te fous
de moi ou quoi ? » Mais non, ils n’étaient jamais venus là ! (E1).
Ces expériences leur paraissent également essentielles pour
comprendre la nécessité de préserver cet environnement :
« on voulait leur faire [aux éco-délégués] une formation sur
le terrain, c’est-à-dire en pleine nature et qu’ils puissent vivre
l’extraordinaire » (E2).
Qu’ils [les élèves] aient des expériences positives comme ça
dans la nature, c’est… je pense que tout le côté écologique vient
forcément de là. Si t’as pas de plaisir à être dans la mer ou à côté de
la mer ou dans une forêt à bouger, à avoir des émotions positives
là-dedans, t’as aucune envie de t’occuper de ce truc-là, ça passera
pas par la morale (E3).
Ainsi, la nature est considérée comme un espace écoformateur qui permet de faire vivre des situations éducatives
aux élèves en les confrontant à des problématiques complexes
et à la nécessité de trouver une solution pour s’en sortir :
C’est toujours les mêmes choses qui m’ont amené à travailler les
APN avec les élèves. C’est ce côté « impossible d’abandonner ».
Parce qu’ils ont quand même tendance à abandonner, à être
résignés. Dès que c’est trop dur là, ils sont bah en désespoir, acquis
à l’école quand même beaucoup hein. Alors quand les élèves
s’énervent à deux sur le bateau qui n’avance pas, bah ils peuvent
s’engueuler comme ils veulent mais personne viendra. Donc là
moi j’aimais bien ce côté, on peut pas abandonner, il faut trouver
une solution à deux […]. Donc ils doivent arriver à coordonner
leurs actions (E7).
137
L’éducation par la nature
La dimension sensible et expérientielle du rapport à la
nature est davantage valorisée et recherchée :
Quand nous on va faire des pratiques sportives en pleine nature,
ce qu’on aime c’est pas forcément aller vite, c’est plutôt apprendre
à sentir l’environnement. […] en développant ces sens, peut-être
qu’on finirait par développer une conscience du milieu naturel
chez les élèves (E10).
Ainsi, solliciter le ressenti de l’élève n’est pas tant l’objet
d’un programme ou d’un contenu mais relève davantage
d’une démarche pédagogique de l’enseignant qui veille à ce
que « l’éprouvé » soit présent (Vigarello, 2015). Cependant, la
culture à la fois sportive et scolaire de l’EPS incite davantage à
une mise à distance des émotions au profit de la performance
ou de la rationalité. Par ailleurs, prendre en compte les
perceptions du corps et de l’environnement nécessite des
conditions de pratique qui sont difficiles à réunir dans le
cadre d’un cours d’EPS.
3.1 La mise en tension avec les contraintes du cadre scolaire
Lors du cours d’EPS, la gestion du temps, couplée au
grand nombre d’élèves par classe, s’accorde difficilement
avec un travail sur l’expérience vécue par chacun :
On est pris par le temps, on a 1 heure 30, on a du matériel, on a
30 gamins, et en fait, je trouve qu’on n’a pas le temps vraiment de
se centrer sur l’expérience vécue. […] À cause de cette temporalité
où il faut aller vite, on est toujours un peu à presser les élèves.
Enfin, ils s’amusent et ils progressent mais sur ce qu’ils ont
vraiment vécu, on n’a pas le temps de revenir là-dessus, on passe
à côté de ça (E10).
138
Faire vivre des expériences de nature
Aussi, pour s’affranchir de certaines de ces contraintes et
créer des conditions plus favorables à une approche sensible
de la nature, la plupart des projets portés par ces enseignants
sortent du cours quotidien d’EPS, ne s’adressant alors qu’à
une part restreinte des élèves : classe à option, élèves inscrits
à l’association sportive et plus rarement à un niveau de classe,
lors de voyages par exemple. Ces modalités de pratiques
permettent de se centrer davantage sur l’expérience vécue.
Certains projets, autour d’un voyage de classe en fin d’année
par exemple, permettent ainsi de coordonner différents
enseignements (EPS, physique, mathématiques, technologie,
professeur documentaliste) autour d’activités physiques de
nature :
L’idée c’était le cycle de vie du plastique et donc de partir faire du
catamaran pour tracter des petits filtres de plastique et voir si, dans
une zone qui était très protégée, imperméable à la mer puisque
c’est un lac, on pouvait aussi retrouver des pollutions plastiques.
Ils [les élèves] aimaient bien ce côté différent des enseignements,
ils étaient intrigués, ils aimaient beaucoup la posture de se mettre
dans la peau d’un scientifique, parce que le projet c’était quand
même de construire du matériel pour faire des recherches
expérimentales. Je trouve que ça donne un sens un peu au savoir
livresque (E7).
Si les enseignants interrogés soulignent l’intérêt de relier
les expériences de nature aux connaissances acquises dans
les autres disciplines, ils constatent également l’absence de
coordination entre les contenus d’enseignement dans le cadre
des cours traditionnels :
Ce qui va manquer, c’est l’interdisciplinarité parce qu’ils ont
beaucoup de contenu en SVT (sciences de la vie et de la Terre), en
physique là-dessus et nous on est dehors dans ces cadres-là. Donc
il faudrait des formations sur l’interdisciplinarité, la possibilité de
139
L’éducation par la nature
trouver des choses, des appuis. Voilà, c’est des profs de SVT qui
nous présentent leurs programmes et qui disent : « bah voilà, nous,
on aurait besoin de ça, faire vivre une expérience là-dessus » (E11).
Articuler l’expérience vécue avec les contenus
d’apprentissage des différentes disciplines permet non
seulement d’« incarner » et de contextualiser les connaissances
mais également de leur donner un sens en les mobilisant sur
le terrain.
Cependant, le vécu et la connaissance par corps du milieu
vivant sont considérés par une partie de leurs collègues
d’autres disciplines comme ne relevant pas du domaine
scolaire. En effet, les activités nautiques, en particulier,
associées au bien-être, aux loisirs, à la plage, sont souvent
peu perçues comme des sources d’apprentissages. Ainsi,
certains enseignants d’EPS affrontent des critiques virulentes
lorsqu’ils organisent, par exemple, une journée de découverte
du surf pour des élèves de lycée professionnel en filière Agora
(assistance à la gestion des organisations et de leurs activités).
On a essuyé des frondes pas possibles : « c’est un scandale ! Vous
allez au surf, y a pas d’autres choses à faire ? Une semaine avant
l’examen ! Les activités de détente pourraient être faites après ! »
Donc là, tu dis : « allez, je lis plus les messages », et il y en a
eu un paquet ! […] Je connaissais ces élèves-là, j’étais leur prof
principale et on les avait eus pendant le confinement et tout donc
je connaissais leurs besoins. Il y en avait 70 % qui n’avaient jamais
fait de surf de leur vie. Et c’était génial de voir ces jeunes filles,
qui ont eu du mal à me donner leur taille et leur poids, enfiler la
combi (combinaison) ce jour-là, aller dans l’eau, avoir peur, voilà.
[…] C’était très bien, les élèves ça leur a fait un bien fou et ça avait
un sens (E4).
Le développement d’une relation sensible à la nature
relève en partie de ces situations informelles, lors de jeux
140
Faire vivre des expériences de nature
libres ou de moments de détente (Girault et Galvani, 2021).
Cependant, à l’école, l’accent est mis sur les dispositifs formels
d’apprentissage, occultant en grande partie la dimension
éducative des multiples processus de socialisation par le
corps (Delalande, 2007 ; Brougère, 2007). La prise en compte
de l’expérience vécue par les élèves in situ et son articulation
avec les connaissances constitue pourtant l’une des réponses
pour faire face aux défis de l’éducation au xxie siècle. Il
s’agit, en effet, de permettre aux élèves d’appréhender le
monde réel dans sa complexité (Morin, 2015), de les amener
à tisser des liens entre les connaissances et à mobiliser ces
connaissances face à des problématiques concrètes. Ainsi, les
dispositions des enseignants interrogés à mener des projets
avec leurs élèves et à gérer une classe en extérieur contribuent
de manière significative à leur engagement dans des pratiques
d’éducation par la nature. Pourtant, la formation initiale
demeure axée principalement sur les savoirs disciplinaires,
abordés de façon cloisonnée ou en dehors de tout contexte
réel d’une classe ou d’un groupe d’élèves.
3.2 Des compétences pédagogiques et logistiques pour éduquer par
la nature
La capacité des enseignants d’EPS à porter des projets
pédagogiques dans les établissements ressort de la plupart
des entretiens : « Les projets, c’est beaucoup les profs d’EPS
[…] je suis référente “développement durable” mais aussi
référente “aide aux devoirs” » (E1). « Nous, les collègues
d’EPS, on a beaucoup l’étiquette de grands logisticiens […]
et donc les collègues, ils nous sollicitent » (E4).
On porte tellement de projets : projet voyage, secourisme, AME
(aire marine éducative58), liaisons sixième-CE2, c’est les profs
58 Une étude exploratoire sur les aires marines éducatives dans les col-
141
L’éducation par la nature
d’EPS qui vont enclencher le truc. […] on porte tout, enfin
beaucoup de choses, je dirais 90 %. Et les principaux [chefs
d’établissement] commencent à s’en rendre compte […] et là on
n’arrête pas de leur dire l’AME, ce n’est pas EPS, c’est un projet
d’établissement, il faut que les autres se l’approprient (E3).
Par ailleurs, tous les participants à l’enquête témoignent
du caractère « naturel » de l’encadrement d’élèves, en groupe
et en mouvement, dans l’environnement extérieur. Ces
compétences « logistiques » constituent une ressource pour
faire vivre des expériences de nature aux élèves.
Quand on va à l’extérieur, c’est pas du tout la même gestion de
classe. Le gamin quand il est dehors avec ses bottes en caoutchouc,
les mains dans la vase, il est pas… il peut pas être pareil qu’avec toi
en classe. […] Il y a beaucoup de profs qui sont paniqués quand ils
sont dehors parce qu’ils ont plus les élèves devant eux. Comme ils
sont paniqués, ils n’interviennent plus ou alors ils crient pour tout
et n’importe quoi (E3).
« Il faut lever les peurs, peur de pas pouvoir enseigner,
peur de perdre le contrôle sur les élèves » (E9).
Il faut dire que si la pratique sportive contribue
probablement à l’acquisition de ces compétences par les
enseignants d’EPS et à leur capacité à travailler en équipe,
leur formation initiale joue également un rôle dans le
développement de dispositions à encadrer des élèves en
extérieur.
On est mieux dotés quand on sort de la formation que les collègues,
ouaip franchement. Et puis avec l’expérience en plus, voilà, nous, on
n’a pas peur d’aller à l’extérieur, […] on sait comment réagir (E1).
lèges en Bretagne a, par exemple, révélé que les trois quarts des porteurs
de projet étaient enseignants d’EPS (Troadec et al., 2022).
142
Faire vivre des expériences de nature
En effet, tout au long de leur formation, les étudiants
en STAPS se préparant à l’enseignement de l’EPS suivent
des cours, à la fois théoriques et pratiques, pour apprendre
à gérer les élèves et à créer des conditions favorables aux
apprentissages. Ils acquièrent ainsi des connaissances et
des compétences leur permettant d’assurer la sécurité, de
gérer l’hétérogénéité des élèves, de réguler les interactions
afin de maintenir une dynamique de groupe et de favoriser
l’engagement dans les apprentissages. Certains contenus de
formation des enseignants d’EPS relatifs à l’encadrement
des élèves en extérieur paraissent ainsi être transférables à
l’ensemble des formations des enseignants, pour développer
des compétences pédagogiques et logistiques qui leur
permettraient de se sentir capables de développer ce type de
projet de nature.
Conclusion : sortir du cadre disciplinaire pour vivre des
expériences de nature, un enjeu pour la formation des
enseignants
Les entretiens menés avec les enseignants d’EPS mettent
en évidence le rôle que peut jouer cette discipline pour
développer des pratiques d’éducation par la nature dans le
cadre scolaire. Ils confirment également l’importance des
multiples expériences de socialisation dans la nature de
ces enseignants, vécues durant l’enfance et l’adolescence,
dans leur engagement pour des projets d’éducation à
l’environnement avec leurs élèves. En effet, leurs expériences
vécues dans le cadre familial ou amical, dans un esprit
d’aventure et de découverte, les incitent à vouloir proposer
des pratiques d’éducation à et par la nature en EPS. Ces
résultats soulèvent différentes pistes de réflexion pour la
formation des enseignants. En effet, une étude récente
montre que les personnes socialisées à la nature durant
l’enfance ne s’éloignent jamais vraiment, une fois adultes, des
143
L’éducation par la nature
pratiques de plein air (Van Tilbeurgh et Atlan, 2022). Il s’agit,
cependant, dans le cadre de la formation des enseignants
d’EPS, de les amener à s’interroger sur leurs rapports à la
nature, dans les pratiques sportives notamment, et de mettre
davantage l’accent sur la perception sensible et la relation à
l’environnement.
Par ailleurs, les enseignants interrogés regrettent qu’une
partie de leurs collègues considère les activités physiques de
nature, associées aux loisirs, au tourisme ou aux vacances,
comme ne relevant pas d’une formation scolaire. Pourtant, ces
situations moins formalisées sont riches d’apprentissages par
le corps et par les sens (Fuchs et Brougère, 2021 ; Brougère et
Peyvel, 2023). L’éducation par la nature questionne la place et
le statut de ces temps informels à l’école. Relier l’expérience
et le vécu du corps à l’acquisition de savoirs disciplinaires
constitue l’un des enjeux actuels de l’éducation pour amener
les élèves à développer une connaissance sensible de la
nature et du vivant. Ainsi, l’enjeu porte également sur les
futurs enseignants, qui ne perçoivent pas le potentiel éducatif
des activités dans la nature ou qui n’ont pas vécu ce type
d’expérience durant leur enfance ou leur adolescence. Dans
quelle mesure la formation initiale peut-elle permettre de
développer des affects positifs vis-à-vis de la nature ?
Des trajectoires de socialisation montrent le caractère
non définitif de la socialisation primaire à la nature, et la
possibilité de bifurcations, notamment du fait de la rencontre
avec de nouvelles instances de socialisation. La socialisation
professionnelle, non seulement à travers l’institution mais
également par les pairs, peut permettre d’intérioriser de
nouvelles réalités par une recomposition des valeurs, des
normes et des attitudes acquises (Darmon, 2016). Pour cela,
l’individu doit bénéficier de l’appui d’un groupe de référence
et d’un cadre conceptuel permettant à d’autres individus de
l’introduire émotionnellement dans une autre réalité (Berger
et Luckman, 1966/2018). Une étude récente dans le cadre de
144
Faire vivre des expériences de nature
séjours immersifs en classe de mer pour de futurs enseignants
en formation montre, par exemple, le rôle des émotions
vécues à l’occasion d’activités de loisirs dans la nature
(kayak, pêche à pied) pour appréhender d’autres modalités
d’apprentissages, par le corps et par les sens (Brougère et
al., à paraître). Faire vivre des expériences de nature aux
futurs enseignants en formation, notamment par la pratique
d’activités physiques, semble l’un des leviers possibles pour
dépasser une conception dualiste de l’éducation et conjuguer
une approche sensible de la nature avec l’objectivation
de connaissances sur cet environnement. Cependant,
ces modalités de formation sortent du cadre académique
traditionnel et engagent à tisser des liens entre l’éducation
physique et les disciplines intellectuelles pour revaloriser une
approche sensible de la connaissance.
Présentation des auteur·es
Anne Bertin-Renoux est professeur d’EPS à l’université
de Bretagne occidentale, docteure en sciences de l’éducation
et post-doctorante à l’École normale supérieure de Rennes
et au laboratoire VIPS2 (UR 4636). Ses recherches portent
sur la créativité de l’agir, l’apprentissage par l’expérience et
l’éducation à l’environnement. Elle participe au projet RAME
(recherche sur les aires marines éducatives) coordonné par
Julien Fuchs et Léa Gottsmann. https://rame.hypotheses.
org/
Julien Fuchs est professeur des universités en sciences du
sport et de l’éducation à l’université de Bretagne occidentale.
Il est membre du Centre de recherche sur l’éducation,
les apprentissages et la didactique (CREAD EA 3875).
Ses recherches portent sur les pratiques corporelles et les
mouvements socio-éducatifs. Aujourd’hui, ses travaux se
concentrent sur les acteurs éducatifs et socio-éducatifs
participant à l’éducation à l’environnement.
145
L’éducation par la nature
Léa Gottsmann est agrégée-préparatrice au département
Sciences du sport et éducation physique de l’École normale
supérieure de Rennes, responsable de la formation à
l’agrégation d’EPS et membre du laboratoire VIPS²
(UR 4636). Ses travaux de recherche portent sur l’analyse de
l’activité et de l’expérience des enseignants et des élèves dans
des dispositifs pédagogiques d’éducation à l’environnement.
Elle copilote le groupe académique « EPS et environnement ».
Photovoice : un outil pour explorer
l’expérience des jeunes en nature
Laure Kloetzer
Résumé
Ce chapitre analyse l’usage et les apports de l’outil Photovoice
dans le cadre d’un dispositif de sortie scolaire visant à
favoriser les expériences de nature des élèves adolescents.
Introduction
L’« expérience » est un terme polysémique en psychologie :
entre celle que l’on fait, qui renvoie aux éprouvés, souvent
imprévus, d’une situation, celle que l’on tire de l’aventure,
celle que l’on a acquise et que l’on peut mobiliser dans
les usages experts du corps et des mots… Le sens de
l’expérience, ainsi que les théories qui en rendent compte et
les méthodes qui permettent de l’approcher, sont variables.
147
L’éducation par la nature
Dans ce chapitre, nous cherchons à mieux comprendre
l’expérience que font de jeunes anglophones, en sortie
scolaire, dans le cadre somptueux mais exigeant des Alpes
suisses, où se situe leur école. Nous présenterons d’abord
le contexte de cette sortie, puis l’outil Photovoice que nous
avons choisi pour explorer cette expérience avec les jeunes.
Dans un deuxième temps, nous analyserons les documents,
combinant photographies et textes, produits à cette occasion,
avec une sensibilité particulière à la question de recherche
suivante : de quoi choisissent de parler les jeunes en évoquant
cette journée dans leurs documents Photovoice ? En particulier,
comment parlent-ils et elles de la nature ? Nous identifions
ainsi quelques dimensions centrales de l’expérience des
jeunes lors de ces sorties scolaires, telles qu’ils et elles nous
donnent à la voir dans leurs documents photographiques
commentés, qui peuvent probablement être généralisés à
d’autres contextes : en premier lieu, l’importance des relations
sociales et la centralité du corps dans l’expérience de nature,
tout particulièrement chez les 12-15 ans.
1� Explorer l’expérience des jeunes en sortie scolaire
scientifique
1.1 Contexte de la recherche
De septembre 2017 à juin 2019, nous avons mené une
recherche collaborative avec l’équipe enseignante de la
Leysin Alpine School, une école privée anglophone suisse,
qui propose un programme de outdoor education en milieu
montagnard. Dans ce cadre, une centaine de jeunes de 12
à 17 ans participent chaque année à une journée d’études
scientifiques en nature dans les environs immédiats de
l’école59. Les élèves sont invités, par petits groupes, à
59 Voir ici : https://www.las.ch/about/news-events/las-blog/
148
Photovoice : un outil pour explorer l’expérience des jeunes en nature
effectuer des relevés systématiques d’écologie forestière dans
des zones bien identifiées, et situées à différentes altitudes
afin de constituer un transect60 : treize carrés de 30 mètres
de côté, répartis de la vallée du Rhône (500 m d’altitude)
à la Tour d’Aï (2 331 m d’altitude), sont répertoriés par les
jeunes, encadrés par leurs enseignant·e·s de sciences. Les
élèves suivent des protocoles scientifiques précis, visant à
identifier et à mesurer les arbres, ainsi qu’à inventorier les
autres espèces présentes grâce à l’application iNaturalist. Les
élèves les plus jeunes (les 12-15 ans) réalisent également des
activités artistiques de type land art.
1.2 La méthode Photovoice
Le travail sur l’expérience des jeunes lors de ces sorties
scolaires fait partie d’un projet de recherche plus large,
où nous avons cherché à comprendre (et à mettre en
dialogue) les points de vue et expériences contrastés des
différents participant·e·s au projet : concepteurs du projet,
enseignant·e·s de sciences et élèves. Dans ce chapitre, nous
ne traiterons que les données produites avec les jeunes grâce
au dispositif Photovoice.
Photovoice (Wang et Burris, 1997) est une méthode visuelle de
recherche communautaire et participative fondée sur l’usage
de la photographie. Les chercheuses à l’origine de la méthode,
qu’elles ont initialement déployée avec des communautés de
femmes du Yunnan sur des questions de santé, en exposent
très clairement les objectifs et les enjeux : il s’agit de permettre
aux participantes « d’identifier, représenter et améliorer leur
communauté » (Wang et Burris, 1997 : 369) à l’aide de la
post/~board/las-blogs/post/science-beyond-the-classroom
60 Le transect est un concept interdisciplinaire, utilisé notamment en
géographie et en écologie, désignant une ligne imaginaire qui permet de
structurer des observations de terrain ou la représentation d’un espace le
long de ce tracé linéaire et en intégrant sa dimension verticale.
149
L’éducation par la nature
photographie, perçue comme accessible à toutes et tous.
L’approche Photovoice revendique dès l’origine une ambition
de transformation sociale : elle permet aux participant·es de
« (1) documenter et rendre visible les forces et préoccupations
de leur communauté grâce à la photographie, (2) s’engager
dans la production de connaissances et un dialogue critique
grâce à une co-analyse en petit groupe de leurs photographies,
(3) parler aux décideurs politiques »61 (Wang, 1999 : 185) (note
de bas de page). La photographie n’est pas ici en premier lieu
un outil de production de données au service des chercheuses,
mais tout d’abord un outil de documentation de leur réalité
par des groupes opprimés dans une perspective de dialogue
critique avec les autres membres de leur communauté et
avec les autorités politiques. Les participantes sélectionnent
ainsi certaines photographies, parmi toutes celles qu’elles
ont prises, pour en discuter en groupe, ce qui permet de
les contextualiser : les participantes racontent l’histoire de
ces photographies, et le groupe construit petit à petit une
représentation partagée des enjeux, forces et besoins de la
communauté. Les autrices positionnent explicitement cette
méthode dans une perspective féministe, et dans la lignée
des réflexions de Freire autour de la conscientisation par les
dominés des modalités – y compris incorporées et entretenues
par eux – de la domination. La méthode vise ainsi une forme
d’objectivation et de conscientisation de la réalité sociale par
ceux qui la vivent, sans naïveté politique.
L’approche Photovoice est surtout utilisée dans les domaines
de la santé et du travail social. Elle est particulièrement
adaptée au travail avec les jeunes (voir par exemple Dixon
et Hadjialexiou, 2005 ; Volpe, 2019 ; Wilson et al., 2007 ;
Cosgrove et al., 2022). Elle a été également utilisée dans
61 Notre traduction. Texte original : “to enable people (1) to record and reflect
their community’s strengths and concerns, (2) to promote critical dialogue and knowledge about personal and community issues through largeand small group discussion of
their photographs, and (3) to reach policymakers” (Wang, 1999 :185)
150
Photovoice : un outil pour explorer l’expérience des jeunes en nature
le monde scolaire (voir par exemple Zenkov et Harmon,
2009 ; Moletsane, 2022 ; Samonova et al., 2022). Elle connaît,
à travers ces diversifications, plusieurs évolutions : tout en
restant centrée sur une approche critique et communautaire
d’émancipation des opprimés dans certaines recherches, elle
évolue dans d’autres pour devenir une technique permettant
d’appréhender l’expérience, à la fois subjective et objective,
des jeunes. Elle se concentre alors sur l’agentivité des jeunes
et leur statut de « participant·e·s actifs·ves ». Une équipe
de recherche qui mobilise ainsi l’outil, dans une recherche
explorant les représentations des jeunes de la nature
(comme nous le ferons nous-mêmes par la suite), écrit ainsi :
« Photovoice affords children the status of active participants within the
research process. Through this participatory research method, children
are considered as collaborators who possess agency » (Adams et al.,
2017 : 5).
1.3 Mise en œuvre du projet
Concrètement, les élèves (toutes et tous doté·e·s de
téléphones munis d’appareils photo) ont été invité·e·s à
prendre des photos au fil de la sortie, puis à choisir cinq
photographies représentatives de leur expérience de la journée,
qu’ils et elles ont commentées librement. Tout en étant
utile à l’équipe de recherche, l’exercice avait une dimension
pédagogique : il visait à permettre aux élèves d’exprimer leur
point de vue afin d’améliorer le programme, et d’expérimenter
une posture réflexive par l’exercice de la sélection des photos,
du commentaire et de la discussion à leur sujet. Le protocole
Photovoice a été présenté aux enseignant·e·s encadrant les
groupes lors de la préparation de la sortie. Les instructions
écrites ont ensuite été transmises aux élèves en amont de la
journée, puis rappelées par les enseignant·e·s responsables
à leurs petits groupes le jour même. Les instructions écrites
étaient formulées de la façon suivante (voir fig. 1) :
151
L’éducation par la nature
Photovoice Project
You are participating in the IB’s annual Group 4 Day. This year,
we invite you to join a Photovoice experience!
What is Photovoice?
Photovoice is a playful means of supporting your reflection on your
experience of the day. Experience, in the psychological sense, is
not only the way that we feel on the spot, but also how we feel
and talk about it later. This reflective thinking constitutes our
experience in the long term.
How does it work?
During the day, please take pictures – as many as you want – of
significant events/moments of the day. Take pictures of the
things that best reflect your own, personal experience. Shoot
anything you wish with your mobile phone or camera.
At the end of the day, back in the classroom, you will be invited
to create a Google Doc selecting 5 of your pictures and adding a
short personal comment to each.
Don’t worry about the artistic quality of your pictures. What
matters is what the content of the photos means to you, not how
good they are as pretty pictures.
What to do next?
Enjoy the day and please, do not forget to take pictures that reflect
significant times…
…FOR YOU.
See you soon outdoors !
Figure 1. Instructions pour le protocole Photovoice.
152
Photovoice : un outil pour explorer l’expérience des jeunes en nature
Les instructions insistent sur le côté ludique de la démarche,
ainsi que sur la liberté des élèves concernant le choix de ce
qu’ils souhaitent photographier, le nombre de photos prises
lors de la journée, etc. Elles valorisent également l’expérience
propre de l’élève :
Pendant la journée, prenez des photos, s’il vous plaît, des
événements ou moments significatifs de la journée, des choses qui
reflètent le mieux votre expérience personnelle – autant que vous
le souhaitez. Photographiez tout ce que vous voulez avec votre
téléphone ou votre appareil photo (notre traduction).
Ces formulations succinctes cherchent à libérer l’exercice
Photovoice d’une approche trop scolaire, dans laquelle les élèves
donneraient à voir seulement ce qui est compris comme
attendu par les enseignant·e·s ou par l’équipe de recherche.
Nous espérions les inciter à une certaine authenticité dans
le partage de leur expérience, par l’utilisation d’un outil qui
leur est familier – leur téléphone personnel, ici utilisé comme
appareil photo. De ce point de vue, le protocole nous semble
être un succès. Aucun·e des participant·e·s n’a manifesté
d’inconfort ni avec le principe, ni avec les manipulations
techniques requises. L’usage de l’appareil photo du téléphone
portable s’est glissé naturellement dans la dynamique de la
journée, sans la parasiter.
À la fin de la sortie et de retour en classe, les jeunes étaient
invités à mettre en forme leurs photos du jour dans un
document pré-calibré, dont on voit un exemple ici :
153
L’éducation par la nature
Figure 2. Exemple de protocole complété (première page).
2� Analyse des documents photographiques produits
par les élèves
Pour ce chapitre, nous avons analysé 74 protocoles
Photovoice (54 protocoles pour les élèves de 12 à 15 ans,
20 protocoles pour les élèves de 16 et 17 ans), c’est-à-dire tous
ceux pour lesquels les élèves participant·e·s et leurs familles
ont confirmé leur accord en ce qui concerne l’utilisation du
travail à des fins de recherche (approche opt-in en matière de
154
Photovoice : un outil pour explorer l’expérience des jeunes en nature
consentement pour la recherche). Ces protocoles représentent
un total de 349 images commentées (264 pour les élèves de
12 à 15 ans, qui ont presque tous commenté 5 photos – 4,9
en moyenne –), et 85 images commentées pour les élèves de
16 et 17 ans, qui ont commenté 4,3 photos en moyenne).
Nous avons analysé les données de la façon suivante :
• Une analyse thématique a permis d’identifier les huit
catégories suivantes dans les documents Photovoice : les
relations sociales, le corps et la dimension sensible,
la science, la nature, le lieu, la collaboration, le défi
(mental et physique) représenté par cette journée en
montagne, et enfin l’art (uniquement pour le groupe
des 12-15 ans, l’activité de land art n’étant pas proposée
aux plus âgés). Nous avons, dans un premier temps,
analysé si les jeunes parlaient de ces dimensions dans
leurs documents Photovoice : sera codé par exemple,
comme parlant de nature, un document Photovoice où
au moins un des textes fait référence à un élément
de nature explicitement présent dans l’image. Nous
avons contrasté les dimensions attendues, qui sont
explicitement présentes dans les objectifs pédagogiques
de la journée et le discours des enseignant·e·s, et les
dimensions inattendues, qui apparaissent en quelque
sorte spontanément, en dehors des instructions
transmises par les enseignant·e·s aux élèves lors de la
présentation du projet.
• Dans un deuxième temps, nous avons analysé
comment les jeunes parlaient de ces dimensions,
en combinant une analyse du contenu des photos
et une analyse du contenu des commentaires qui
les accompagnent. Cette deuxième analyse est
évidemment très instructive, car s’il n’est pas étonnant
que les jeunes parlent de la nature dans une journée
qui est explicitement orientée vers des activités en
155
L’éducation par la nature
plein air, rien ne prescrit, dans la communication de
l’école, comment ils et elles devraient en parler.
2.1 De quoi parlent les jeunes dans leurs documents
Photovoice ?
Contraster les résultats des deux groupes donne des
résultats intéressants.
12–15 ans
(54 protocoles)
16–17 ans
(20 protocoles)
Dimensions attendues
Nature
80 %
95 %
Science
52 %
40 %
Lieu
37 %
30 %
Collaboration
7%
30 %
Art
43 %
Na
Relations sociales
81 %
50 %
Mon propre corps, mes
sensations physiques
61 %
35 %
Défi physique et mental
35 %
40 %
Dimensions inattendues
Tableau 1 : dimensions abordées par les jeunes dans leurs
Photovoice.
Ces résultats sont surprenants. Ils montrent que les
dimensions les plus mentionnées par les 12-15 ans sont,
dans l’ordre décroissant, les relations sociales (81 %), la
nature (80 %) et leur propre corps (61 %). Deux de ces trois
dimensions centrales sont inattendues. Ces résultats sont
encore plus frappants si on code chacune des images : 44 % de
l’ensemble des images ont un focus social (amis, camarades,
156
Photovoice : un outil pour explorer l’expérience des jeunes en nature
enseignant·e·s…), tandis que 33 % ont un focus sur la
nature (paysage apprécié comme tel, ou élément de nature,
vivant autre qu’humain, etc.) et que 23 % (soit 60 images sur
264) ont un focus qui porte sur le corps de l’élève ou ses
sensations physiques propres (froid, chaud, fatigue, blessure,
impressions sensorielles, etc.).
Un autre point frappant est qu’un jeune sur cinq dans la
tranche d’âge des 12-15 ans ne mentionne aucun élément de
nature (autre que son propre corps) dans aucune des cinq
images commentées qu’il ou elle a sélectionnées, alors que la
journée se déroulait en nature, qu’elle était présentée comme
telle par les enseignant·e·s et qu’on pouvait donc s’attendre
à ce que ce thème soit traité par les élèves. De même, il est
frappant que la dimension scientifique n’apparaisse que dans
un protocole sur deux, alors qu’il s’agit, du point de vue des
enseignant·e·s, d’une journée consacrée à l’apprentissage de
la méthode scientifique.
Chez les 16-17 ans, la nature prend la tête du classement
(présente dans 95 % des Photovoice et 64 % des images
commentées – soit 55 images commentées sur 85), suivie par
les relations sociales (50 % des Photovoice, 24 % des images
commentées, soit 20 images commentées sur 85). Les autres
dimensions sont très proches ; les activités scientifiques sont
ainsi présentes dans 40 % des Photovoice (18 images sur 85).
Les photos faisant explicitement référence à son propre
corps ou à ses propres sensations corporelles sont beaucoup
moins nombreuses, présentes dans 35 % des Photovoice mais
représentant seulement 13 % des images commentées, soit
11 images sur 85.
Il est difficile d’interpréter complètement ces écarts : une
première hypothèse serait que les plus grands se sont davantage
conformés aux attentes explicites des enseignant·e·s, ce qui
rendrait compte de l’augmentation du nombre de références
à la nature ; toutefois, cette hypothèse est contredite par
l’absence de références à la science dans 60 % des Photovoice.
157
L’éducation par la nature
Une autre hypothèse serait que les plus grands ont manifesté
plus de méfiance vis-à-vis du dispositif de recherche, et
s’en sont tenus à des photographies « inoffensives » de
nature – mais de même, cela rend difficilement compte du
peu de photographies à caractère scientifique, tout aussi
inoffensives… Quoi qu’il en soit, l’exercice souligne la
présence toujours importante de la dimension sociale (dans
50 % des Photovoice), et peut-être la complexité des relations à
la nature de ces jeunes adultes, qui peuvent être médiées par
des médiations très différentes : le vocabulaire scientifique
pour certains, la comparaison explicite entre le lieu de l’école
et son lieu d’origine pour d’autres, la présence des amis, des
souvenirs d’enfance…
2.2 Comment les jeunes parlent-ils de nature dans leur
Photovoice ?
Cette étape de notre recherche combine une analyse
du contenu des photos et du contenu des textes, pour
comprendre de quoi parlent les jeunes quand ils parlent de
nature. Nous en tirons quatre résultats principaux :
a) Les photographies retenues par les jeunes montrent
des êtres vivants autres qu’humains : des arbres en premier
lieu, omniprésents dans les parcelles, ainsi que des fleurs,
des champignons, des insectes et d’autres petites créatures
(araignées, vers, escargots…) par exemple. Les activités
scientifiques dans les parcelles, qui supposent de s’y arrêter,
d’y passer du temps et d’observer, semblent amener les jeunes
à noter, autrement, la présence de ces vivants qui existent à
une autre échelle : plus grande pour les arbres, plus petite
pour les insectes. L’attention portée à la nature s’inscrit donc
en marge des activités scolaires proposées :
158
Photovoice : un outil pour explorer l’expérience des jeunes en nature
J’ai pris cette photo parce que je voulais connaître le type de
champignon et parce que nous apprenons maintenant les
décomposeurs et j’ai déjà entendu parler de l’importance des
champignons pour pouvoir contrôler le cycle de l’écosystème et
la chaîne alimentaire, donc cela m’intéressait (notre traduction).
159
L’éducation par la nature
Cette photo a été prise alors qu’E. et moi participions au projet
Bioblitz. Je ne vois pas beaucoup de grillons rester sur la main de
quelqu’un, alors j’ai pris cette photo. Je m’ennuyais aussi un peu,
alors je me suis promené en attrapant des grillons et j’ai pris une
photo de chacun d’entre eux (cela a aussi été utile pour le projet
Bioblitz, parce que cela a permis de montrer les différents types
de grillons) (notre traduction).
Ces échelles extrêmes semblent marquer les esprits,
comme le commente une jeune femme en entretien : « Je
me suis rendu compte de la taille de l’arbre parce que je n’ai
jamais vraiment levé les yeux et ne l’ai jamais mesuré, et
cette fois, j’ai pu le voir de plus près, un peu plus en détail »
(notre traduction). La démarche scientifique stimule ici
l’observation, parfois l’émerveillement.
Par ailleurs, les élèves semblent sensibles à l’esthétique de
ce monde gigantesque ou miniature :
160
Photovoice : un outil pour explorer l’expérience des jeunes en nature
Voici ma photo préférée de la journée. Il s’agit d’une araignée
derrière sa toile. Il était très difficile de faire la mise au point
sur le sujet de la photo car nous n’avions pas d’objectif à régler.
Néanmoins, la photo réussit à montrer l’araignée et sa « vibration »
effrayante (notre traduction).
La nature est ainsi perçue à travers l’émotion qu’elle
procure, le plus souvent partagée ou mise en scène dans un
cadre social.
Dans ce Photovoice, l’élève établit un parallèle émotionnel
entre elle et la nature (abstraite), qui est personnifiée (ici par
l’arbre) et dotée des mêmes émotions que l’humaine à son
égard :
161
L’éducation par la nature
J’ai choisi cette image parce qu’il est amusant et ironique de voir
que j’étreins un arbre. Elle représente la façon dont nous aimons
la nature et dont la nature nous aime (notre traduction).
La nature est aussi, pour une partie des jeunes, associée
à une démarche de contemplation ancrée dans les émotions
qu’elle procure :
162
Photovoice : un outil pour explorer l’expérience des jeunes en nature
Cette photo montre l’emplacement d’un petit ruisseau au
printemps, après la fonte des neiges. Je l’ai choisie parce qu’elle
me semble paisible (notre traduction).
b) Cette sortie en nature est d’abord marquée par la
rupture avec le quotidien : être dehors, c’est avant tout ne
pas être en classe ; c’est aussi une rupture avec la technologie,
omniprésente dans leur quotidien :
La photo montre des étudiants se rendant sur notre site et dans
la magnifique nature des Alpes suisses. Si vous regardez de près,
vous pouvez voir que les élèves n’utilisent pas leurs téléphones
ni leurs écouteurs. Pendant cette journée, tous les participants
ont fait une pause avec les technologies qui remplissent nos vies
(notre traduction).
J’ai trouvé intéressant que personne n’écoute de musique pendant
le travail. D’habitude, lorsque nous partons en voyage, tout
163
L’éducation par la nature
le monde a des écouteurs ou regarde son téléphone, mais ici,
personne n’y a même pensé. [...] Ce projet m’a donné l’occasion de
voir ces personnes en dehors de leur téléphone, sans technologie.
D’habitude, on n’a pas souvent cette occasion (notre traduction).
Nous avons installé les ficelles et commencé à travailler. Cette
image illustre la beauté de la nature qui nous entoure, et une pause
dans nos vies accaparées par la technologie (notre traduction).
c) La sortie scolaire en nature est d’abord une expérience
sociale : l’omniprésence de photographies mettant en scène
des amis, des partenaires ou des enseignant·e·s, ainsi que
l’association de commentaires sur ces relations sociales et
d’éléments de nature photographiés, montrent que pour ces
jeunes de 12 à 17 ans (et plus encore pour les plus jeunes
d’entre eux), les relations sociales médiatisent l’expérience de
la sortie scolaire en nature. Cette expérience sociale concerne
en premier lieu les groupes d’amis mais aussi les équipes
formées dans le cadre des activités scientifiques ou artistiques,
et enfin les enseignant·e·s qui les accompagnent. Elle s’étend
parfois aux compagnons autres qu’humains, comme ici le
chien d’une des enseignantes :
164
Photovoice : un outil pour explorer l’expérience des jeunes en nature
Pour moi, c’est la partie la plus étonnante de l’événement : sortir
et commencer à randonner avec mes amis. Sur cette photo, nous
avons passé un très bon moment en tant que groupe. Je l’aime
aussi parce qu’elle montre le début de notre voyage hors des
sentiers battus. La nature, c’est tellement mieux que l’intérieur
d’une salle de classe (sans vouloir vous offenser) et cette photo
représente ce sentiment d’excitation (notre traduction).
165
L’éducation par la nature
J’ai choisi cette photo parce que ce chien était toujours avec nous
et qu’il était si mignon. Il représente le fait que nous nous sommes
bien amusés (notre traduction).
d) Enfin, nous aimerions souligner la centralité de
l’expérience corporelle, et de l’expérience sensible, dans
l’évaluation de cette sortie scientifique dans la nature, chez
les adolescents de 12 à 15 ans en particulier. De nombreux
commentaires décrivent des impressions sensorielles,
agréables ou désagréables. À la douceur du soleil et à la
fraîcheur de la forêt s’ajoutent des expériences négatives de
chutes, blessures, piqûres ou inconforts liés à des allergies,
par exemple au pollen.
La quantité de pollen était insensée. Il y en avait tellement. En
plus, c’était tellement raide que je suis tombée plusieurs fois. Je
me suis donc retrouvée COUVERTE de pollen. Extrêmement
désagréable (notre traduction).
166
Photovoice : un outil pour explorer l’expérience des jeunes en nature
Même s’il faisait beau et ensoleillé, il faisait assez froid dans la forêt
à cause du grand nombre d’arbres qui couvraient le ciel. Certaines
personnes ont eu froid. Cela me rappelle que heureusement, je
n’avais pas oublié de prendre quelques couches supplémentaires
(notre traduction).
J’ai pris cette photo après que nous avons terminé les protocoles.
Nous sommes allés au bord de la rivière. C’est un sentiment
rafraîchissant de savoir que nous avons terminé et il faisait frais
au bord de la rivière. Les plantes que l’on voit sont une sorte d’ail.
Leur odeur était très forte (notre traduction).
J’ai choisi cette photo parce qu’elle représente parfaitement ce que
mes jambes auraient dit si elles avaient pu parler (notre traduction).
167
L’éducation par la nature
I chose this photo because I cut my leg on a log and It made the rest of the
day hard.
J’ai choisi cette photo parce que je me suis coupé la jambe sur un
morceau de bois, et que cela a rendu le reste de la journée difficile.
Conclusion
La méthode Photovoice invite les jeunes à documenter leur
propre expérience d’une journée consacrée à l’exploration
scientifique de la nature. L’analyse des données produites
nous apprend donc des choses intéressantes sur l’expérience
en nature de jeunes, plutôt urbains d’origine, confrontés à
un environnement montagnard dans le cadre d’une journée
scientifique. Elle met ainsi en évidence plusieurs dimensions
centrales du point de vue des jeunes (notamment des 1215 ans) pour donner un sens à cette expérience : la centralité
des relations sociales (y compris avec les enseignant·e·s) et de
l’amitié, la mise en jeu du corps et la place du sensible, l’effort
168
Photovoice : un outil pour explorer l’expérience des jeunes en nature
physique et mental induit par cette aventure, la valorisation
de la nature comme alternative à la salle de classe et à la
technologie, par exemple. Ces thématiques, inattendues pour
les adultes, sont autant de pistes à prendre en compte sur
le plan pédagogique. Nous pensons que cet outil, facile à
mobiliser et à transmettre, constitue une contribution utile à la
formation des enseignant·e·s exerçant en extérieur, pour leur
permettre de mieux appréhender certains aspects centraux
de l’expérience des jeunes lors de sorties en nature dans un
contexte scolaire, qui pourraient autrement leur échapper
– et pourquoi pas, pour les mettre ensuite en discussion.
Présentation de l’auteure
Laure Kloetzer est professeure ordinaire de psychologie
socioculturelle à l’Institut de Psychologie et Education
de l’université de Neuchâtel (Suisse). Dans la lignée des
travaux de Vygotskij, elle s’intéresse au développement et
aux apprentissages tout au long de la vie, en particulier des
adultes dans le monde professionnel. Avec des collègues de
différents réseaux internationaux, elle crée, utilise et étudie
des méthodologies de recherche collaboratives, citoyennes,
artistiques ou développementales, qui cherchent à transformer
les relations entre les chercheurs institutionnels et la Cité.
Elle est fondatrice et coprésidente du groupe de recherche
ECSA (European Citizen Science Association) Learning
and Education. Elle travaille aussi avec des enseignant·es et
des enfants sur les relations entre les humains et les autres
vivants non humains (animaux et plantes), et sur le rôle des
jardins botaniques et des zoos dans la transformation de ces
relations.
169
Remerciements
Je remercie la direction et l’équipe de la Leysin Alpine
School, qui ont participé avec enthousiasme à cette recherche,
en particulier : M. John Harlin, alpiniste, à l’époque directeur
du LAS Alpine Institute; Mme Rachael Passant-Coy et M.
Dan Patton, enseignant·es à la LAS très impliqué·es dans
le projet ; M. Paul Magnuson, directeur du département
LAS Educational Research ; ainsi que les étudiant·es et
enseignant·es qui ont participé à ces journées et accepté de
partager leurs productions avec nous. Par ailleurs, je remercie
Mme Virginia Eufémi et de M. Roberto Sasek, à l’époque
étudiant·es en formation à l’université de Neuchâtel, qui ont
contribué à la collecte des données.
Observer un animal : des savoirs scientifiques
peuvent-ils s’acquérir par l’expérience en
pleine nature ?
Marine Jacq, Patricia Marzin-Janvier, Damien Grenier
Résumé
Nous cherchons à montrer qu’au contact d’un
milieu naturel, en situation de pédagogie par la nature,
l’enfant peut apprendre des sciences (connaissances,
méthodes, processus). Nous faisons référence au modèle
praxéologique d’Yves Chevallard (1999), ainsi qu’à la notion
d’« apprentissage expérientiel » (Rogers, 1969). À travers
l’analyse d’entretiens et d’une vidéo, nous montrons que
l’observation d’un animal est une situation d’apprentissage
qui rend possible l’acquisition de savoirs variés que nous
avons catégorisés.
171
L’éducation par la nature
1� Cadres théoriques
1.1 Apprendre par l’expérience à l’extérieur de la salle de classe
En 1946, Célestin Freinet mettait en garde contre le danger
d’une éducation à l’intérieur, qui ne permettait pas le lien avec
la vie réelle, empêchant l’enfant de se confronter aux difficultés
du monde extérieur et d’y mettre en œuvre ses apprentissages
(Freinet, 1946). Plus tard, Jean Piaget parlait de « découverte
active du vrai ». Pour lui, l’intelligence de l’enfant se structure
à partir de son expérience du réel : la restructuration induite
par l’expérience aboutit à un nouvel équilibre cognitif
(Piaget, 1969). L’« apprentissage expérientiel » est un terme
plutôt utilisé au Royaume-Uni, mais il reprend les travaux
de Piaget en intégrant d’autres approches (Dewey, Kolb,
Rogers…). Rogers, psychologue et pédagogue, a été le
premier à introduire le terme d’« experiential learning ». Il parle
d’« apprentissage expérientiel et significatif », et pose quatre
conditions (Rogers, 1969) :
• engagement personnel de toute la personne dans ses
aspects cognitifs et affectifs ;
• initiative de l’apprenti, élan venant de l’intérieur ;
• apprentissage en profondeur, modification du
comportement, des attitudes, de la personnalité ;
• évaluation par l’apprenant lui-même, qui compare le
résultat atteint à ce qu’il s’est fixé comme objectif ;
• Cette approche est celle que nous supposons être la
plus à même de décrire les situations de pédagogie par
la nature.
1.2 La pédagogie par la nature (PPN)
La PPN est pratiquée dans de nombreux pays dans le
monde : forest schools au Royaume-Uni, écoles de la forêt (ou
forest schools) en France, Waldkindergarten (jardins d’enfants en
172
Observer un animal
forêt) en Allemagne… Elle se pratique davantage en tant
qu’éducation non formelle, dans des structures d’accueil
extrascolaire : des crèches, des jardins d’enfants, plus rarement
des écoles 100 % nature (d’Erm et RPPN, 2022). Des classes
peuvent venir suivre des séances de PPN en se rendant dans
une école de la forêt. Les séances se déroulent de manière
régulière et répétée, dans un environnement naturel, si
possible boisé (Réseau de pédagogie par la nature [RPPN],
2018 ; Forest School Association [FSA], 2013).
Les enfants fréquentant ces structures ont la plupart du
temps l’âge d’être en école maternelle ou primaire, parfois en
début de collège, c’est-à-dire entre 2 et 13 ans. En France, les
adultes encadrants sont appelés « pédagogues par la nature ».
Ce sont résolument des praticiens, ayant suivi une formation
spécifique, et continuant à se former notamment par les
échanges entre pairs.
Dans le cadre de notre travail, nous ne questionnons pas
les différences de pédagogies menées entre les structures
ou entre les pays, mais nous cherchons à établir en quoi les
invariants du discours sur la PPN en différents contextes
peuvent aider à comprendre les apprentissages possibles au
contact d’un milieu naturel.
1.3 L’éducation scientifique
Enfin, l’éducation scientifique à l’école est un terrain
privilégié pour éduquer à l’environnement (Coquidé et al.,
2010). Elle permet le contact avec le réel, à l’extérieur, dans
toute sa complexité. Ces dernières années, le dehors reste
davantage un moyen d’acquérir des connaissances sur la
nature, en vue de répondre aux besoins des programmes
de sciences (Coquidé, 2017). Dans la PPN, l’absence de
programme peut faire penser que les savoirs scientifiques
ne sont pas planifiés. Nous faisons l’hypothèse que, s’ils ne
sont pas prévus, ils peuvent néanmoins être construits lors de
173
L’éducation par la nature
l’activité de l’enfant. Ce sont ces savoirs que nous cherchons
à modéliser : les savoirs scientifiques mobilisés par les enfants
lors d’une expérience en pleine nature rendue possible par
la PPN. Ils concernent des connaissances ainsi que des
méthodes et des processus utilisés par les scientifiques pour
produire des connaissances (Pélissier et Venturini, 2016).
2� Approche didactique
2.1 L’apport du modèle praxéologique d’Yves Chevallard
Le modèle praxéologique (Chevallard, 1999) permet
d’identifier des apprentissages et de modéliser des savoirs
dans toute activité humaine. Il va également nous aider à
donner une structure aux savoirs. Nous partons de l’activité
de l’enfant (la praxis) pour remonter au discours sur la
pratique (le logos). C’est une reconstruction du chercheur à
partir d’activités suggérées par les adultes et/ou observées
chez les enfants.
En des termes plus théoriques, il s’agit, pour identifier la
praxis, de modéliser des types de tâches, des tâches et des
techniques. Les types de tâches et les tâches s’établissent
en observant ce que fait l’enfant (quoi). La technique
est la manière dont l’enfant résout la tâche (comment).
Le logos, modélisation du discours par le chercheur, est
composé de technologies et de théories. Afin d’identifier les
technologies, se pose la question de la validité scientifique de
la technique utilisée : pourquoi cette technique permet-elle
de résoudre cette tâche ? La technologie vient donc justifier
la technique, lui donner un sens (pourquoi). Elle est ce que
nous appellerons « le savoir ». La théorie vient justifier la
technologie à un niveau supérieur, en faisant référence à des
concepts plus globaux.
174
Observer un animal
T (types de tâches) et t (tâches)
Que font les enfants ?
τ (techniques)
Comment les enfants résolvent-ils la tâche ?
θ (technologies)
En quoi la technique permet-elle
de résoudre la tâche ?
Θ (théories)
En quoi les techniques et les
technologies satisfont-elles aux
normes de l’institution ?
Figure 1. Questionnement pour l’analyse praxéologique.
Dans le cas de la pédagogie par la nature, il nous paraît
difficile d’accéder au niveau de justification de la théorie.
En effet, les normes de l’institution de la PPN sont plutôt
floues en ce qui concerne le niveau des références des savoirs
enseignés. Les savoirs savants dont sont issus les savoirs
enseignés sont-ils des savoirs disciplinaires, autochtones,
vernaculaires ? Ou bien trouvent-ils leur source dans la
pratique professionnelle ? Cela mériterait une analyse que
nous n’approfondissons pas ici, aussi nous nous arrêterons
au niveau de justification des technologies.
2.2 Le rapport à l’institution
D’après Chevallard, le rapport individuel au savoir dépend
du rapport institutionnel au savoir. Il n’y a pas d’existence
du savoir en dehors d’une institution. C’est elle qui impulse
chez le sujet une manière de faire et de penser (Chevallard,
1999). Les institutions peuvent être de tailles et de natures
très variées ; il peut s’agir du groupe classe, de la famille,
de l’école ou encore du système éducatif. Ainsi, avant de
modéliser des savoirs à partir de données issues du terrain
(entretiens puis vidéo d’un atelier), nous allons modéliser la
praxéologie du point de vue de l’institution de la PPN. Cette
institution se caractérise par le fait qu’il s’agit de praticiens,
organisés en réseau, qui partagent des valeurs et une certaine
175
L’éducation par la nature
éthique et échangent entre eux sur leur pratique. Les échanges
concernent notamment le partage de documents ressources.
2.3 Construction d’un modèle praxéologique institutionnel
Nous faisons le choix de prendre comme documents
ressources trois ouvrages de pédagogues : un français (d’Erm
et RPPN, 2022), un suisse (Wauquiez, 2009) et un britannique
(Knight, 2016). Ces livres sont cités comme références dans
les réseaux dans lesquels nous avons investigué, et ils sont
présents notamment sur les sites Internet du RPPN62 et de la
FSA63. Par ailleurs, ils constituent une source d’information
intéressante en termes d’activités préconisées par les
pédagogues pour une pratique d’école de la forêt avec des
enfants.
Afin de rendre plus compréhensible notre modèle
praxéologique institutionnel (MPI), nous introduisons le
concept de « genre de tâche » que Chevallard définit comme
le verbe à l’infinitif utilisé pour décrire la tâche. Cette façon
de faire nous permet de rassembler plusieurs types de tâches
sous un même genre de tâche et de présenter un modèle
praxéologique plus succinct. Notre MPI est ainsi structuré
autour de genres de tâches proposées et comporte treize
verbes : attacher, construire, créer, cueillir, cuisiner, écouter,
enflammer, grimper, identifier, mélanger, observer, ramasser,
verser.
Nous comparons ensuite ces genres de tâches issus du
MPI avec les genres de tâches issus de l’analyse d’entretiens
semi-directifs.
62 https://www.reseau-pedagogie-nature.org/
63 https://forestschoolassociation.org/
176
Observer un animal
3� Construction d’un modèle praxéologique
Nous analysons ici deux types de données à partir
d’entretiens semi-directifs et de l’enregistrement d’une
séquence vidéo.
3.1 Modélisation des tâches
Nous avons choisi d’interroger des pédagogues par la
nature afin qu’ils nous parlent de leur expérience, en tant que
professionnels, de l’apprentissage des enfants en situation de
PPN. Ce sont des praticiens qui ont à la fois organisé des
séances de PPN et observé les enfants lors de ces séances.
Nous avons également observé et filmé des ateliers avec des
enfants. Les terrains d’étude (Tn) apparaissant dans le tableau
ci-dessous sont ceux que nous utilisons pour la présente
analyse.
Code
Pays
Structure
Vidéo
Entretien
T2
Allemagne
Jardin d’enfants
E2
T4
France
Extrascolaire
E4
T5
France
Extrascolaire
E5
T6
France
Extrascolaire
E6
T7
France
Extrascolaire et
école maternelle
E7
T8
République
d’Irlande
École primaire
E8
T9
Royaume-Uni
Extrascolaire
T10
Royaume-Uni
Extrascolaire
V9
Figure 2. Description des terrains d’étude.
177
E10
L’éducation par la nature
3.1.1 Tâches décrites par les pédagogues
Les entretiens semi-directifs ont été transcrits puis nous en
avons réalisé une analyse de contenu, selon une méthodologie
préconisée pour l’analyse de récits de vie (Poirier et al., 1983).
Dans un premier temps, nous avons annoté le texte en
cherchant à voir de quoi parlait l’interviewé et à dégager des
idées communes. Dans un second temps, nous avons repris
chaque entretien afin de repérer du vocabulaire commun, des
mots partagés : nous en avons retiré un lexique comprenant
des termes récurrents dans les discours. Afin de modéliser
les genres de tâches décrits par les pédagogues, nous avons
repéré des verbes d’action communs. Nous conservons alors
les genres de tâches présents dans le MPI, ce qui nous mène
à une liste de dix genres de tâches décrites : construire, créer,
cueillir, cuisiner, écouter, enflammer, grimper, identifier,
observer, ramasser.
« Observer » est le seul genre de tâche qui soit partagé
par tous les pédagogues interrogés : c’est lui que nous allons
étudier par la suite. Parmi tous les types de tâches contenant
le verbe « observer », nous choisissons de nous intéresser
à : « observer des animaux dans leur lieu de vie ». Seul le
pédagogue irlandais ne le mentionne pas. Ce type de tâche se
réifie ensuite en tâches. C’est grâce à la notion de « variable V »
(Chaachoua et Bessot, 2019 ; Jolivet et al., 2023), à laquelle
nous donnons des valeurs, que nous pouvons établir une
organisation praxéologique. Ainsi, autour du genre de tâche
« observer », nous avons la variable « type d’objet observé ».
Pour notre étude, il s’agit de la dénomination de l’animal. De
nombreuses tâches découlent alors des différentes valeurs
que prend la variable.
178
Observer un animal
Figure 3. Tâches décrites par les pédagogues.
Les pédagogues parlent parfois de manière indéterminée :
les « bestioles », les « petits animaux dans l’eau », des « bêtes
bizarres », les « animaux dans le sol ». En ne nommant pas les
animaux, nous supposons que les savoirs mobilisés ne sont
pas du registre scientifique mais plutôt des savoirs communs.
La plupart du temps, cependant, les animaux sont
identifiés. Il est alors question d’observer différents animaux
179
L’éducation par la nature
vivant dans la forêt. Les enfants observent aussi parfois des
animaux domestiqués comme des vaches ou des chevaux.
Certains ont également besoin d’aller voir dans la forêt
s’il y a des loups ou des lions. Nous sommes alors davantage
dans le registre de l’imaginaire.
3.1.2 Tâche réalisée par l’enfant
Concernant la séquence vidéo, nous analysons une vidéo
réalisée au Royaume-Uni (T9) qui montre un enfant cherchant
à entrer en contact avec un faisan dans le but de l’attraper.
Tout au long de son activité, c’est son regard qui va guider
son action. À travers sa traque, nous nous concentrons sur la
tâche « observer un faisan ».
3.2 Modélisation des techniques
3.2.1 Techniques décrites par les pédagogues
La technique la plus décrite par les pédagogues est
l’observation de l’animal de manière fortuite. Une fois
celui-ci repéré dans son environnement naturel, les enfants
peuvent l’observer. L’autre technique décrite de manière
moins fréquente est celle qui consiste à se rendre de manière
consciente dans le lieu de vie de l’animal pour l’observer. Les
enfants peuvent aussi être amenés à prendre un animal en
photographie et à observer ensuite la photographie (E4), ou
alors à collecter des insectes dans des petites boîtes pour les
observer (E10).
180
Observer un animal
3.2.2 Techniques mobilisées par l’enfant
P1
P2
Trois enfants découvrent le faisan.
Harry court après lui.
H : « I’m gonna catch the gold pheasant! »
P3
P4
Il le suit sous les arbres, d’abord en
marchant, puis en courant, avec un
bâton à la main.
Il le suit en lui parlant.
H : « Pheasant ! »
P5
P6
Il fait le tour du bosquet
dans lequel le faisan est caché en faisant du bruit avec
sa bouche, avec ses mains.
Il s’arrête, s’accroupit à gauche du
bosquet, en appelant le faisan et
en émettant différents bruits. L’oiseau en profite pour s’échapper.
H : « Woo woo! »
H : « Pheasant ! »
181
L’éducation par la nature
P7
P8
Le faisan s’échappe, il le suit et lui
court après.
La pédagogue lui dit d’arrêter.
Il stoppe sa course et observe le
faisan s’éloigner.
H : « Come back here pheasant! »
P : « Ok I think we need to leave the
pheasant now, he is looking a bit scared.
H : – Oh !
P : – Yeah, let him go away. »
P9
P10
Il voit le chien se précipiter sur le
faisan et lui court après.
Enfin, il observe le faisan s’envoler.
H : « Hey, no Wana! »
H : « He do fly, he do fly, he flew away!
He do fly. »
Figure 4. Photogramme pour la tâche « observer un faisan ».
Au cours de sa traque, l’enfant observe le faisan dans le
but de s’en approcher pour l’attraper. Sa technique est de
suivre le faisan. Un autre type de tâche apparaît, que nous
n’avions pas anticipé : l’enfant cherche aussi à communiquer
avec l’animal. À plusieurs reprises, l’enfant appelle le faisan :
182
Observer un animal
d’abord par son nom (« pheasant »), puis en frappant dans les
mains et avec des sons proches d’un cri d’oiseau.
3.3 Modélisation des technologies
Nous nous intéressons maintenant aux technologies,
c’est-à-dire aux éléments de savoir utilisés par les pédagogues
pour justifier ces techniques.
3.3.1 Technologies décrites par les pédagogues
Savoir disciplinaire portant sur les animaux
Tout d’abord, la technique de l’observation dans un lieu
choisi peut être justifiée par des savoirs portant sur les modes
de vie, la chaîne alimentaire et les habitats.
Au bout d’une demi-heure, trois quarts d’heure, ils avaient appris
plein de choses sur la vie du blaireau, en relation avec le renard,
avec la chaîne alimentaire, avec son mode de vie. Après je leur ai
donné quelques petits compléments d’information sur le nombre
de chambres qu’on peut trouver, la profondeur et tout ça (E6).
De manière plus ponctuelle, nous repérons des savoirs
concernant les traces de la vie animale (par exemple des
rondins mangés par les champignons et les insectes), la
connaissance du lieu et l’évolution du sol en fonction des
saisons. « Y a plus rien du tout dans le sol en hiver. Regardez
dans le sol là les coléoptères reviennent, les araignées, les ceci
les cela » (E6). Des connaissances sur le nom et l’identification
des espèces animales sont susceptibles de se construire.
À d’autres endroits, nous pouvons douter du caractère
scientifique des savoirs décrits, ce qui questionne la capacité
des pédagogues à construire des connaissances scientifiques
à partir de l’observation. « On va trouver des bêtes bizarres »
183
L’éducation par la nature
(E5). « Les autres vont aller observer des petits animaux dans
l’eau » (E4).
Les savoirs peuvent même appartenir à un registre
imaginaire :
Au fur et à mesure, la question des loups ou des lions ou quoi que
ce soit s’est relativement vite réglée dans la mesure où il suffit d’un
tour en forêt pour que l’enfant oublie. Il va s’immerger dans des
sensations corporelles, donc toute la partie cognitive des peurs est
mise de côté (E4).
L’immersion dans les sensations corporelles en appelle
à l’exploration par les sens, par le sensible, comme un
engagement de toute la personne dans un apprentissage
expérientiel.
Apprentissage expérientiel
Les pédagogues justifient la technique de l’observation
fortuite en indiquant que cela amène l’enfant à observer et à
se questionner.
Beaucoup de choses viennent en fonction de ce que les enfants
amènent sur la table. Le moins nous on en fait, le mieux c’est.
Donc quand les gamins viennent : « c’est quoi ça, qu’est-ce que
c’est ? » C’est là qu’on essaie de donner des réponses. On n’a pas
toujours des réponses mais on attend plutôt, on vient par-dessus
(E2).
L’adulte n’intervient qu’une fois que le questionnement
est amorcé par l’enfant. C’est l’expérience de nature vécue
par l’enfant qui est à l’origine de la question posée. Ceci
rejoint deux points de l’apprentissage expérientiel énoncé
par Rogers : l’engagement de toute la personne et l’initiative
personnelle. La réponse apportée par l’adulte permet à l’enfant
184
Observer un animal
de mobiliser la connaissance scientifique, qu’il n’aurait sans
doute pas construite de lui-même.
Renforcement du lien à la nature
La technique de l’observation fortuite ou consciente est
justifiée par le développement d’un lien à la nature. Pour
les pédagogues, l’observation mène au respect de la nature
(E2, E4, E5, E7). Cela contribue aussi à établir un lien, une
proximité avec elle (E2, E6, E7). « Donc y a vraiment cette
conscience écologique aussi qui fait surface et ce lien avec la
nature je pense qu’ils le ressentent, le besoin d’être entouré
des arbres » (E7). Les enfants peuvent apprendre à conjurer
le dégoût et la peur des animaux et des éléments naturels,
ainsi qu’à être, tout simplement, dans la nature (E2, E4).
Développement personnel
Les pédagogues suggèrent aussi l’amélioration de la
confiance (E2, E4, E6, E10) et l’appropriation du sentiment de
liberté (E6, E7). L’intérêt des enfants à travers la mobilisation
de leur curiosité (E5, E7, E10) et de leur motivation est aussi
souvent évoqué (E4, E10).
So we try to get them to look at things and then maybe they would become
more interested. That’s a part of the picture. A lot of it is about. If they
become more confident as individuals then they’ve got more energy to look at
those other things besides themselves (E10).
L’apprentissage est ici favorisé par la confiance que les
enfants gagnent en eux-mêmes et par l’énergie que cette
confiance leur procure : nous retrouvons l’élan personnel de
l’apprentissage expérientiel.
À travers des expressions comme « apprendre la vie »
(E4), « vivre le processus » (E6), « se développer en tant que
personne » (E10), nous touchons à une autre dimension de
justification : existentielle, voire spirituelle (Boelen, 2020).
185
L’éducation par la nature
3.3.2 Technologies mobilisées par l’enfant
Dans la vidéo, l’enfant est susceptible de conscientiser que
le faisan se déplace en marchant, en courant et en volant :
« he do fly » est la seule connaissance qu’il exprime. Il est
probable qu’il conscientise aussi le lieu de vie du faisan, et
son comportement : le fait qu’il n’aime pas être approché.
Le type de tâche « communiquer avec le faisan » donne
lieu à d’autres savoirs. L’enfant commence par avoir un
comportement anthropocentré (appeler le faisan) pour
progressivement adopter un mode de communication
plus proche, pense-t-il, de celui du faisan (imiter des cris
d’animaux). Il mobilise le savoir selon lequel l’Homme et le
faisan, comme toutes les autres espèces animales, ont leur
propre mode de communication.
Enfin, en arrêtant de poursuivre le faisan et en criant sur le
chien qui le poursuit à son tour, il met en œuvre un autre type
de savoir, suggéré par l’adulte : celui de respecter l’animal…
le faisan tout au moins !
Seule la vidéo nous permet d’avoir accès au savoir mobilisé
par l’enfant. Elle nous montre aussi de quelle manière l’autre
intervient dans l’apprentissage. Si l’apprentissage se fait par
l’expérience directe en nature, l’adulte apporte l’élément
supplémentaire pour faire acquérir un nouveau savoir. Et
l’animal, lui aussi, joue un rôle : c’est son comportement
inattendu qui est à l’origine du questionnement et de la
construction du savoir.
Conclusion
L’observation, citée par tous les pédagogues dans
les entretiens, semble être une voie privilégiée pour
l’apprentissage en contexte de PPN. Ce résultat rejoint
ce que notent des chercheurs, travaillant sur l’éducation
à la biodiversité en milieu scolaire : l’importance de créer
186
Observer un animal
des moments d’observation où l’enfant peut interagir
avec des êtres vivants non humains, ceci pouvant mener
à la construction de connaissances, à la création d’un lien
affectif et au désir de prendre soin et de protéger (Simard et
al., 2022).
Notre étude ne montre pas que l’enfant a effectivement
appris, elle suggère simplement que les situations analysées
sont susceptibles de mener à l’acquisition d’une diversité de
savoirs.
Les pédagogues décrivent des savoirs de nature
scientifique, des connaissances sur la nature – qui concernent
majoritairement la vie animale mais aussi la connaissance du
lieu et l’impact des saisons –, ce qui suggère que l’éducation
par la nature peut constituer une éducation scientifique. Dans
la vidéo, nous voyons que l’enfant peut mobiliser des savoirs
concernant le comportement du faisan, notamment le fait
qu’il vole. D’autres types de savoirs relèvent de représentations
communes ou de l’imaginaire. Les méthodes et processus
scientifiques ne sont pas évoqués, rien n’est formalisé dans
ce sens.
Nous trouvons plus pertinent de parler d’« apprentissage
expérientiel ». En effet, d’après les pédagogues, l’enfant est
acteur de son apprentissage, et peut s’engager pleinement, de
manière sensible et cognitive, au contact de la nature. D’après
eux, cet apprentissage est aussi propice au développement de
soi en tant que personne.
Enfin, il est question de favoriser le lien et le respect à la
nature, par le contact direct entre l’enfant et les autres espèces
animales dans leur environnement naturel.
Les analyses des deux types de données se rejoignent sur
le caractère expérientiel de l’apprentissage. Nous percevons
ici l’importance de la vidéo pour appréhender les interactions
nécessaires dans l’apprentissage, notamment le rôle de
l’adulte dans l’acquisition des savoirs scientifiques. L’animal
semble aussi avoir un rôle à jouer dans ce sens, car le seul
187
L’éducation par la nature
savoir mobilisé par l’enfant dans notre étude survient à la
suite d’un comportement inattendu du faisan. Quelle place
pour l’animal dans l’apprentissage en PPN ? Tout comme
la nature n’intervient pas dans le système didactique, nous
pouvons légitimement nous poser la question de la place des
éléments non humains dans l’acte d’apprendre.
Présentation des auteur·es
Marine Jacq est doctorante en sciences de l’éducation,
didactique des sciences, au laboratoire du CREAD.
Patricia Marzin-Janvier est professeur des universités et
chercheuse en didactique des sciences de la vie et de la Terre
au CREAD.
Damien Grenier est professeur des universités et chercheur
en didactique de la physique au CREAD.
Bilan et enjeux didactiques des pratiques
d’éducation scolaire par la nature aux concepts
et méthodes de l’écologie scientifique en
France
Sébastien Turpin, Nicolas Lieury
Résumé
L’apprentissage à l’école des concepts et méthodes
d’écologie scientifique permettant de comprendre et gérer la
crise environnementale est parfois réalisé par le biais d’un
rapport direct, sensible et rationnel à la nature. Cette revue
de la littérature scientifique propose un premier bilan des
recherches en éducation à l’environnement et en didactique
des sciences ayant décrit, analysé et pensé les pratiques
d’enseignement français de l’écologie sur le terrain et les
apprentissages résultants.
189
L’éducation par la nature
Introduction
L’enseignement de l’écologie scientifique dans le système scolaire français
Compte tenu des conséquences des activités humaines sur
l’état des écosystèmes (IPBES, 2019), l’école doit préparer
les générations futures aux défis de la crise environnementale
(Lange, 2020). La scolarité obligatoire doit donc permettre aux
élèves « de saisir des arguments scientifiques de façon critique,
de les insérer dans un ensemble de savoirs de divers types, de
les mettre en relation » (Girault et Sauvé, 2008 : 22) afin de
soutenir leur agentivité, soit leur capacité à agir sur le monde et
à se considérer comme un acteur légitime (Simard et al., 2022).
L’éducation par la nature semble apporter les dimensions
sensibles et affectives nécessaires à une telle préparation (Dabaja,
2022 ; Prévot, 2020), mais l’incertitude et la complexité des savoirs
impliqués nécessitent d’apprendre à construire une pensée
rationnelle et collective (Lange, 2020). Cette pensée rationnelle
et collective des mécanismes de la crise environnementale est
principalement portée par l’écologie scientifique, science dont
les concepts et méthodes d’étude des interactions entre les
êtres vivants et leur environnement permettent de comprendre
mécanismes et leviers de gestion de la biodiversité (Magro
et Hemptinne, 2011). Or, l’enseignement de l’écologie est
diffusé dans différents niveaux, matières et dispositifs scolaires
(Barroca-Paccard et al., 2018). Au lycée français, par exemple,
cet enseignement concerne principalement les sciences de la
vie et de la Terre (SVT) ainsi que l’enseignement scientifique
au lycée (ES) et l’éducation au développement durable (EDD)
tout au long de la scolarité. En conséquence, l’enseignement de
l’écologie n’est pas une discipline scolaire institutionnalisée (en
France). Cet état de fait implique qu’elle n’est pas l’objet d’un
champ de recherche spécifique en didactique des sciences et il
nous semble, ce chapitre visera à le démontrer, que relativement
peu d’études sont menées sur la didactique de l’écologie.
190
Bilan et enjeux didactiques des pratiques d’éducation scolaire par la nature
L’éducation de l’écologie « par la nature »
Dans ce contexte, il paraît nécessaire d’interroger la
diversité des pratiques d’éducation à l’écologie par la
nature qui sont au cœur de cet ouvrage. Cet enseignement
regroupe l’ensemble des apprentissages recherchés par un
enseignement scolaire de l’écologie scientifique (Bogner,
1998) : savoirs portant sur les objets (reconnaissance
des espèces et des milieux) et les concepts (biodiversité,
écosystème, niche écologique…) de l’écologie scientifique ;
savoir-faire implicites (observation, reconnaissance)
ou
formalisés
(échantillonnage,
expérimentation,
modélisation…) relatifs aux méthodes de l’écologie
scientifique ; savoir-être induits par une pensée écologique
(rapport écocentré à son environnement, comportements
quotidiens limitant l’empreinte écologique…). De même,
un enseignement de l’écologie scientifique « par la nature »
correspond dans ces lignes à l’ensemble des pratiques
éducatives confrontant directement les élèves aux objets
réels de leur environnement dans toute leur complexité,
qu’il s’agisse de sorties en extérieur (découvertes de
l’environnement proche, sciences participatives, classes
vertes, visite de parcs zoologiques…) ou d’études
scientifiques d’échantillons rapportés en intérieur (mesures
allométriques, expérimentations en conditions contrôlées,
analyse de données numériques…). Dans le contexte de
l’enseignement des SVT, ces pratiques « par la nature » sont
qualifiées de « sur le terrain » (ministère de l’Éducation
nationale, 2019), et on évoque aussi la confrontation au
« réel de terrain » (Orange et al., 1999).
Objectif de l’étude
L’objectif de cette étude est de dresser un bilan actuel de
l’étude des pratiques d’enseignement scolaire de l’écologie par
191
L’éducation par la nature
la nature en France. Placent-elles les concepts et méthodes en
écologie au cœur des apprentissages ? Quelles méthodologies
d’observation sont utilisées pour rendre compte de ces
pratiques ? Quels sont les cadres théoriques utilisés en
sciences de l’éducation pour analyser ces pratiques ? Quels
sont les leviers et les freins déjà identifiés à un apprentissage
à l’écologie par la nature ?
Pour rendre compte de la prise en charge de ces
différentes problématiques par la recherche en sciences de
l’éducation, une revue sélective des publications concernant
l’enseignement de l’écologie scientifique a été réalisée. Les
recherches didactiques étant très liées à la forme scolaire,
la diversité des approches de l’éducation à l’écologie dans
le monde nous conduit à focaliser notre attention sur le
système scolaire français où l’écologie est traitée dans
plusieurs disciplines. Notre hypothèse est que ce traitement
de l’écologie par plusieurs disciplines a pour conséquence de
limiter son traitement par les chercheurs.
Notre recherche organise l’état des connaissances entre
trois points : (1) les pratiques éducatives en écologie par la
nature étudiées en sciences de l’éducation ; (2) les cadres
théoriques et méthodologiques utilisées dans ces études ;
(3) les principales conclusions et concepts issus de ces travaux.
Cet état des connaissances permettra d’identifier les enjeux et
les pistes de recherche qui sont au cœur d’une didactique de
l’écologie scientifique.
1� Méthodologie
1.1 Une revue sélective des travaux en sciences de l’éducation
Ce travail consiste en une revue sélective mais représentative
des travaux de recherche en sciences de l’éducation portant
sur l’enseignement scolaire de l’écologie scientifique sur
le terrain en France. Dans un premier temps, du fait des
192
Bilan et enjeux didactiques des pratiques d’éducation scolaire par la nature
spécificités nationales d’organisation des curriculums en
écologie, nous avons choisi de restreindre notre sélection
au contexte de l’enseignement scolaire français portant sur
les niveaux présents entre la première année d’enseignement
primaire (ou CP, élèves de 6-7 ans) et la dernière année
d’enseignement secondaire (ou terminale, élèves de 16 et
17 ans). Dans un second temps, nous avons identifié deux
champs disciplinaires des sciences de l’éducation pouvant
contenir des études de l’enseignement à l’écologie par la
nature : la didactique des sciences de la vie et de la Terre et
les sciences de l’éducation relative à l’environnement. Chacun
de ces champs dispose d’une revue scientifique francophone
spécialisée, respectivement la revue Recherches en didactique des
sciences et des technologies (RDST) et la revue Éducation relative à
l’environnement. Regards – Recherches – Réflexions (ERE). Nous
avons choisi de restreindre notre travail à ces deux revues
représentatives et de premier plan en parcourant l’ensemble
des articles disponibles sur leurs sites Internet respectifs
(https://journals.openedition.org/rdst/ et https://journals.
openedition.org/ere/). Dans un troisième temps, nous avons
parcouru les articles publiés dans ces deux revues pour y
sélectionner l’ensemble des articles portant sur l’étude de
l’enseignement scientifique de l’écologie par la nature dans
le cadre de l’enseignement scolaire français. Si nous avons
conservé l’ensemble des approches méthodologiques et
conceptuelles portées par les articles sélectionnés, nous avons
néanmoins rejeté les études ne portant pas sur le système
scolaire français ou ne portant pas au moins en partie sur
l’enseignement de l’écologie.
1.2 L’organisation de l’état des connaissances
La lecture des articles sélectionnés a permis d’en extraire
un ensemble d’informations organisées dans le tableau 1
suivant. Outre les informations de référencement, la récolte
193
L’éducation par la nature
de données s’est focalisée sur deux composantes des articles
sélectionnées : la composante relative aux pratiques éducatives
questionnées et la composante relative à l’analyse de ces
pratiques par la recherche en sciences de l’éducation. La
première composante correspond aux informations portant
non seulement sur le niveau (ex : seconde) et la discipline
scolaire (ex : SVT) mais aussi sur l’objet (ex : le concept de
« biodiversité spécifique ») et la pratique d’enseignement étudiée
(ex : un protocole de sciences participatives). Cette première
composante a permis de repérer si les recherches en sciences
de l’éducation se sont focalisées jusqu’à présent sur certaines
situations d’enseignement et lesquelles ont été oubliées. À
partir de cette première composante, nous avons catégorisé
l’article pour définir s’il se focalisait sur l’enseignement des
connaissances en écologie, sur l’enseignement par la nature
et/ou sur l’enseignement des démarches scientifiques.
La seconde composante correspond aux informations
portant sur les cadres théoriques (ex : apprentissage par
problématisation) et les outils méthodologiques (ex :
observation de séquences forcées) appelés par les différents
champs disciplinaires en sciences de l’éducation (didactique
des SVT, notamment). Cette seconde composante a permis
de repérer quelles approches scientifiques ont été abordées
ou au contraire délaissées jusqu’à présent. Enfin, l’analyse
des principales conclusions des articles sélectionnés autorise
la mise en évidence des principaux enjeux de recherche,
qui pourront établir à l’avenir les bases d’une didactique de
l’écologie. Nous proposons, dans ce travail, de représenter
cette analyse sous forme de carte mentale.
194
195
1
ERE
2
ERE
3
ERE
4
ERE
5
ERE
6
ERE
7
ERE
Vol.
Article
Éducation à
l’écologie
Éducation
Éducation
aux
Objet
Niveau
par la
démarches d’enseignement scolaire
nature
scientifiques
Oui
Non
Tous
Tous
Discipline
scolaire
Toutes
Discipline en
sciences de
l’éducation
Méthodologie de
recherche
2022 17-févr Virginie Boelen, « L’éducation en plein
air : Un espace pédagogique
écoformateur »
2021 16-févr Séverine Perron, Patricia MarzinJanvier et Bastien Castagneyrol, « Les
projets de sciences citoyennes à
l’école : pour quelles visées
éducatives ? L’exemple du projet “Les
gardiens des chênes” »
Non
Oui
Oui
Oui
Sciences
participatives
2021 16-févr Pierre Dasi, « Apprendre la nature à
l’école primaire française (18671909) »
2019 15-févr Aurélie Zwang et Yves Girault,
« Musées et aires protégées, à la
croisée de multiples enjeux pour
l’éducation relative à
l’environnement »
Oui
Oui
Non
Environnement Primaire
proche
Toutes
Oui
Oui
Non
Environnement Tous
proche
Sans objet Muséologie de
l’environnement
2019 15-févr Mathilde Gallay-Keller, « Les zoos du
Muséum national d’Histoire naturelle.
Éduquer, mais à quoi ? »
2019 15-févr Antoine Jeanne, « Sensibiliser à
l’environnement avec des animaux
empaillés : Les trophées du Musée de
la Chasse et de la Nature »
Oui
Oui
Non
Biodiversité
Tous
Sans objet Muséologie de
l’environnement
Cas d’étude
Oui
Oui
Non
Biodiversité,
lien HommeNature,
prédation
Tous
SVT
Cas d’étude
2019 15-janv Pauline Conversy, Anne Dozières et
Sébastien Turpin, « Du naturaliste
expert à l’élève : Enjeux de la
diversification des objectifs d’un
programme de sciences participatives
en France »
Oui
Oui
Oui
Sciences
participatives
Tous
Sans objet Sans objet
Primaire et SVT
secondaire
Éducation par la
Nature
Théorie
Didactique des
sciences
Questionnaire
Histoire de
l’éducation
Analyse de corpus
(cahiers,
manuels…)
Revue
Muséologie de
l’environnement
Cas d’étude
Bilan et enjeux didactiques des pratiques d’éducation scolaire par la nature
Revue Année
ERE
2018 14-févr Yves Girault, « De la prise en compte
des problèmes socio-écologiques à
l’évolution des principaux courants de
recherche en éducation relative à
l’environnement dans la
francophonie »
Oui
Non
Non
ERE
Sans objet
Sans objet ERE
Sans objet
9
ERE
2014
11
Non
Non
Oui
Capacités
Sans objet
critique, éthique
et politique
Sans objet ERE
Sans objet
10
ERE
2014
11
Lucie Sauvé, « Au cœur des questions
socio-écologiques : des savoirs à
construire, des compétences à
développer »
Jean-Marc Lange, « Curriculum
possible de l’Éducation au
Développement durable : entre
actions de participation et
investigations multi référentielles
d’enjeux »
Oui
Oui
Oui
Développement Tous
durable
Toutes
Didactique
"Éducation à"
Sans objet
11
ERE
2014
11
Angela Barthes, Aurélie Zwang et
Yves Alpe, « Sous la bannière
développement durable, quels
rapports aux savoirs scientifiques ? »
Oui
Non
Oui
Développement Secondaire
durable
Toutes
Didactique
"Éducation à"
Analyse de corpus
(panneaux
expositions)
12
ERE
2014
11
Agnieszka Jeziorski et Alain Legardez,
« Spécificités disciplinaires de
l’éducation au développement durable
dans les représentations des futurs
enseignants français des sciences de
la nature et des sciences humaines et
sociales »
Non
Non
Oui
Développement Secondaire
durable
SVT ; HG
Didactique
"Éducation à"
Questionnaire et
entretiens
13
ERE
2009
8
Hélène Hagège, Franz X. Bogner et
Claude Caussidier, « Évaluer
l’efficacité de l’éducation relative à
l’environnement grâce à des
indicateurs d’une posture éthique et
d’une attitude responsable »
Oui
Non
Non
Éducation à la
responsabilité
Tous
SVT ; FR ;
primaire
Évaluation des
pratiques et
Psychologie de
l’éducation
Questionnaire
14
ERE
2009
8
Cécile Fortin-Debart et Yves Girault,
« De l’analyse des pratiques de
participation citoyenne à des
propositions pour une éducation à
l’environnement »
Non
Non
Oui
ERE
Sans objet
Sans objet ERE
Sans objet
L’éducation par la nature
196
8
ERE
2007
6
Cécile Fortin-Debart et Yves Girault,
« Pour une approche coopérative de
l’environnement à l’école primaire
– Recherche exploratoire auprès
d’enseignants du primaire »
Oui
Non
Oui
ERE
Primaire
Toutes
ERE
Entretien
16
ERE
2007
6
Yves Girault, Jean-Marc Lange, Cécile
Fortin-Debart, Laurence Simonneaux
et Joël Lebeaume, « La formation des
enseignants dans le cadre de
l’éducation à l’environnement pour un
développement durable : problèmes
didactiques »
Oui
Non
Oui
ERE
Tous
Toutes
ERE/Didactique
"Éducation à"
Sans objet
17
ERE
2007
6
Michel Place, « Comprendre les enjeux
de l’éducation à l’environnement
grâce au suivi d’une recherche
scientifique »
Oui
Oui
Oui
Comprendre le
monde
(Écologie,
géographie,
physique…)
Primaire
Sciences
Didactique des
sciences
Retour
d’expériences
18
ERE
2007
6
Jean-Étienne Bidou, Catherine Billard
et Marc Bonneau, « Évaluer un projet
scolaire d’éducation à
l’environnement : l’opération “Gérer
l’eau, ici et ailleurs” »
Non
Oui
Oui
Gestion de l’eau Tous
Toutes
Évaluation des
pratiques
Entretien
19
ERE
2002
3
Oui
Non
Non
ERE
Sans objet Muséologie de
l’environnement
Questionnaires
20
ERE
2002
3
Cécile Fortin-Debart, « Le partenariat
école-musée en éducation relative à
l’environnement : analyse et
perspectives »
Christophe Andreux, « Éducation à
l’environnement en milieu scolaire et
partenariat avec les collectivités
territoriales – Une expérience en
Auvergne »
Oui
Oui
Non
Environnement Tous
proche
Toutes
Sans objet
Retour
d’expériences
21 RDST
2019
20
Catherine Bonnat, Patricia MarzinJanvier et Isabelle Girault, « Analyse
des conceptions d’élèves sur le vivant,
dans une situation de conception
expérimentale avec un environnement
informatique »
Oui
Non
Oui
Conception du
vivant
Didactique des
sciences
Protocole
expérimental
Sans objet
Terminale SVT
scientifique
Bilan et enjeux didactiques des pratiques d’éducation scolaire par la nature
197
15
2018
18
Robin Bosdeveix, Patricia CrepinObert, Corinne Fortin, Caroline
Leininger-Frézal, Leslie Regad et
Sébastien Turpin, « Étude des
pratiques enseignantes déclarées
concernant le programme de sciences
citoyennes Vigie-Nature École »
Oui
Oui
Oui
Sciences
participatives
Tous
Sans objet Didactique des
sciences
Questionnaire
23 RDST
2018
18
Marco Barroca-Paccard, Denise
Orange Ravachol et Pierre-Henri
Gouyon, « Quelle prise en compte du
concept de biodiversité dans les
programmes français de sciences et
technologie et de sciences de la vie et
de la Terre ? »
Oui
Non
Oui
Biodiversité
Tous
SVT
Didactique des
sciences
Analyse de corpus
(cahiers,
manuels…)
24 RDST
2018
18
Corinne Fortin, « Le statut
épistémique du vivant dans les
nouveaux curriculums français de la
scolarité obligatoire »
Oui
Non
Oui
Le vivant
Cycle 2, 3 et SVT
4
Didactique des
sciences
Analyse du
curriculum dans
ses dimensions
didactiques et
discursives
25 RDST
2018
18
Amélie Lipp et Laurence Simonneaux,
« Savoirs et controverses liés au bienêtre des bovins : comment des
enseignants de zootechnie les
prennent-ils en compte ? »
Oui
Oui
Non
Controverses
Terminale
autour du bien- en lycée
être animal
agricole
Zootechnie Didactique des
sciences
Rechercheintervention par
auto
confrontations
simples et
croisées
26 RDST
2017
16
Hélène Hagège, « L’éducation à la
responsabilité à l’École française :
obstacles et leviers à l’échelle
institutionnelle »
Oui
Non
Oui
Éducation à la
responsabilité
Tous
Toutes
Didactique des
sciences
Analyse de corpus
(textes officiels)
27 RDST
2013
8
Serge Franc, Christian Reynaud et
Abdelkrim Hasni, « Apprentissages en
éducation à la biodiversité à l’école
élémentaire : savoirs et émotions au
sujet des arthropodes »
Oui
Oui
Oui
Savoirs et
émotions au
sujet des
arthropodes
École
Biologie
élémentaire
Didactique des
sciences
Questionnaire
28 RDST
2013
7
Yann Lhoste et Carole Voisin,
« Repères pour l’enseignement de la
biodiversité en classe de sciences »
Oui
Non
Non
Biodiversité en
classe de
science
École
Classe de
élémentaire sciences
Didactique des
sciences
Analyse
didactique du
concept de
biodiversité
L’éducation par la nature
Tableau 1 : Synthèse des articles sélectionnés dans le cadre de notre
étude sur l’enseignement de l’écologie en France (certains articles
ne permettaient pas d’avoir toutes les informations nécessaires pour
compléter l’ensemble des champs, ils sont alors notés « sans objet »)
198
22 RDST
Bilan et enjeux didactiques des pratiques d’éducation scolaire par la nature
2� Résultats
2.1 L’organisation de l’état des connaissances
Sur l’ensemble des articles publiés par les revues
scientifiques francophones ERE et RDST, seul 1 % s’intéresse
particulièrement à l’éducation scientifique à l’écologie par
la nature, c’est-à-dire regroupe des dimensions d’éducation
aux démarches scientifiques, aux connaissances propres
à l’écologie et aux pratiques d’éducation par la nature. En
élargissant la sélection aux articles traitant au moins une de
ces trois dimensions d’apprentissage, 5,6 % des articles ont
questionné au moins une de ces dimensions dans le cadre de
l’enseignement scolaire français (tableau 2).
ERE
RDST
Total
Éducation à l’écologie
15
8
23 (5 %)
Éducation par la nature
11
3
14 (2,8 %)
Éducation scientifique
11
6
17 (3,4 %)
Éducation scientifique à l’écologie
par la nature
3
2
5 (1 %)
Total articles sélectionnés
20
8
28 (5,6 %)
Total articles étudiés
301
195
496
Tableau 2. Résultats de la sélection d’articles scientifiques sur
l’enseignement scolaire français (un article peut être comptabilisé
dans plusieurs dimensions d’apprentissages).
Concernant les concepts et objets d’enseignement
questionnés par les revues sélectionnées, 1,8 % des articles
s’intéressent particulièrement à l’écologie scientifique
199
L’éducation par la nature
(concepts d’« écosystème », de « relations interspécifiques »,
« de flux de matière et d’énergie »…) ou à la biodiversité
(connaissances naturalistes, suivi et préservation
des populations et des espèces…). Certains articles
questionnent l’enseignement d’objets proches (découverte
de l’environnement proche et des territoires, concept d’être
vivant) sans mentionner spécifiquement la question des
interconnexions entre espèces et leur dynamique spatiotemporelle. Enfin, dans la revue ERE, la plupart des objets
de recherche sont associés au concept de « développement
durable », souvent en lien avec la mise en place d’écogestes
alors que les articles de RDST s’intéressent davantage à la
notion de « biodiversité », centrée sur les relations entre êtres
vivants dans leur milieu de vie (tableau 3).
ERE
RDST
Total
Biodiversité/écologie
5
4
9 (1,8 %)
Éducation au développement
durable/à l’environnement
8
1
9 (1,8 %)
Découverte de l’environnement
proche sans lien avec une vision
systémique
3
0
3 (0,6 %)
Vivant
0
2
2 (0,4 %)
Air/eau/sol
1
0
1 (0,2 %)
Éthique
0
1
1 (0,2 %)
Non spécifié
3
0
3 (0,6 %)
Total articles sélectionnés
20
8
28 (5,6 %)
Total articles étudiés
301
195
496
Tableau 3. Objets d’enseignement questionnés.
200
Bilan et enjeux didactiques des pratiques d’éducation scolaire par la nature
Enfin, les niveaux et disciplines d’enseignement
questionnés par les articles sélectionnés dépendent de la revue
dans laquelle ils ont été publiés. Concernant la revue ERE,
la majorité des articles sélectionnés ne spécifie aucun niveau
ou discipline particulière en lien avec un questionnement
plus général, souvent réflexif et théorique, au sujet de
l’éducation à l’environnement (tableau 4). Si les niveaux
primaire et secondaire y semblent équitablement représentés,
la discipline scolaire des SVT ne l’est pas davantage que les
autres disciplines de l’enseignement secondaire français.
Concernant la revue de didactique des sciences RDST, en
accord avec la ligne éditoriale de la revue, le niveau scolaire
est toujours indiqué sauf s’il s’agit d’une étude du curriculum.
Comme pour ERE, les niveaux primaire et secondaire
semblent également représentés.
ERE
RDST
Primaire
5
2
Secondaire SVT
2
2
Secondaire autre
2
1
Tous niveaux scolaires
0
3
Non spécifié
12
0
Tableau 4. Niveaux et disciplines scolaires questionnés.
2.2 Un champ de recherche à investir pour interpréter les
pratiques d’éducation scientifique en écologie par la nature
On note une différence d’approche méthodologique
entre les deux revues. En ce qui concerne ERE, la moitié
des articles retenus sont des analyses théoriques ou réflexives
n’utilisant ou n’exploitant pas de données. L’autre moitié
des articles issus d’ERE et la quasi-totalité des articles de
201
L’éducation par la nature
RDST construisent des connaissances à partir de données
issues d’éléments empiriques, qu’il s’agisse d’entretiens,
de questionnaires ou d’analyses de corpus (tableau 5). En
revanche, en cohérence avec leur ligne éditoriale, la plupart
des recherches publiées dans ces revues francophones sur
l’éducation en écologie par la nature suivent une démarche
interprétative principalement qualitative.
ERE
RDST
Théorie
4
1
Revue et analyse réflexive
2
0
Cas d’étude
3
2
Corpus
2
3
Entretien
2
0
Questionnaire
4
2
Non renseigné
1
0
Total articles sélectionnés
20
8
Tableau 5. Méthodologie de recherches associées.
De même, les choix de méthodologie empirique et
analytique décrits précédemment peuvent s’expliquer en
partie par les paradigmes de recherche principalement utilisés
au sein des disciplines scientifiques dans lesquelles s’inscrivent
les articles sélectionnés. Comme attendu, les didactiques
(didactique des sciences et didactique des « éducation à »)
sont évidemment surreprésentées dans la revue RDST mais
restent aussi bien présentes dans la revue ERE (tableau 6).
Du fait de son objet de recherche, la revue ERE semble avoir
des thématiques de recherches plus diversifiées que RDST.
202
Bilan et enjeux didactiques des pratiques d’éducation scolaire par la nature
ERE
RDST
Didactique des sciences
2
6
Didactique des « éducations à »
4
2
Éducation relative à l’environnement
5
0
Muséologie
4
0
Histoire de l’éducation
1
0
Évaluation des pratiques éducatives
2
0
Sans objet
2
0
Total articles sélectionnés
20
8
Tableau 6. Disciplines scientifiques associées.
2.3 Des savoirs scientifiques extrêmement dispersés
L’ensemble des savoirs scientifiques construits par les
articles sélectionnés est présenté et organisé par la carte mentale
en figure 1. Celle-ci permet de constater que la vingtaine
d’articles sélectionnés contribue à initier une construction de
savoirs scientifiques autour des concepts épistémologiques
(« vivant », « biodiversité »), des finalités éducatives ou des
modèles d’apprentissage relatifs à l’enseignement scientifique
en écologie par la nature. Cependant, chaque proposition de
modèle ou d’interprétation est encore étayée par un nombre
réduit de travaux de recherche. En effet, un maximum
de cinq articles a été observé pour souligner la finalité
épistémologique des pratiques d’éducation en écologie par la
nature. Mais la majorité des études restent isolées et dispersées
sur l’ensemble du champ de recherche.
203
L’éducation par la nature
Figure 1. Carte mentale des savoirs scientifiques mobilisés
dans les articles sélectionnés. Les chiffres au bout des branches
indiquent le nombre d’articles mobilisant le concept indiqué.
Discussion et conclusion
Pour une didactique de l’écologie scientifique
Le constat majeur de cette revue sélective des travaux
de recherche de la communauté scientifique francophone
204
Bilan et enjeux didactiques des pratiques d’éducation scolaire par la nature
étudiant les pratiques d’éducation en écologie par la nature
est la part relativement faible portée à l’enseignement de
l’écologie scientifique. Sur l’ensemble des 496 articles de
recherche publiés dans les revues RDST et ERE, seuls 5 %
s’intéressent explicitement à son enseignement. Une des
limites de notre travail est d’avoir restreint notre analyse à
ces deux revues. Bien que d’autres revues acceptent des
travaux portant sur l’enseignement de l’écologie, celles-ci
semblent néanmoins représentatives des recherches récentes
de la communauté francophone en sciences de l’éducation
pouvant s’y intéresser. Une étude plus large permettait
de confirmer nos résultats. De même, si l’écologie n’est
évidemment pas la seule à questionner et à comprendre la crise
environnementale actuelle, elle n’en est pas moins par essence
celle qui étudie les interactions entre les êtres vivants et leur
milieu de vie. Les concepts qui en découlent contribuent ou
devraient contribuer à éclairer bon nombre de nos choix de
société sur des aspects tant politiques que sociaux ou même
économiques. Il paraît donc essentiel que les apprentissages
initiaux des élèves français incluent une bonne compréhension
de ces concepts écologiques en complément d’une culture
naturaliste descriptive de leur environnement (Simard et
al., 2022). C’est en ce sens qu’ils font partie intégrante des
programmes scolaires français depuis les dernières réformes64
et65 (Barroca-Paccard et al., 2018). Il semble donc urgent
64 Ministère de l’Éducation nationale. Programmes d’enseignement
du cycle des apprentissages fondamentaux (cycle 2), du cycle de consolidation (cycle 3) et du cycle des approfondissements (cycle 4). Bulletin
officiel de l’Éducation nationale, hors-série spécial n° 11 du 26 novembre 2015 ; https://www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?pid_bo=33400 ; consulté le 9 juillet 2023.
65 Ministère de l’Éducation nationale. Programme de sciences de la vie
et de la Terre pour l’ensemble des classes de lycée. Bulletin officiel de
l’Éducation nationale, hors-série spécial n° 1 du 22 janvier 2019 ; https://
www.education.gouv.fr/pid285/bulletin_officiel.html?pid_bo=38502 ;
consulté le 9 juillet 2023.
205
L’éducation par la nature
qu’un nombre croissant de recherches puisse constituer une
didactique de l’écologie scientifique (Magro et Hemptinne,
2011) afin d’en questionner les principes épistémologiques,
les prescriptions d’enseignement, les pratiques effectives
comme les représentations sociales sans oublier les obstacles
d’apprentissages. Cette revue de littérature met en évidence,
en particulier, le faible nombre d’articles portant sur les
pratiques enseignantes et leurs impacts sur les apprentissages
des élèves en matière d’écologie scientifique.
Pour une éducation scientifique par la nature
Dans le cadre des SVT en enseignement secondaire
comme dans l’étude du vivant à l’école primaire, les
enseignants français sont aujourd’hui davantage invités
à construire des connaissances en écologie à partir de
l’observation et du suivi des écosystèmes proches de leur
établissement. Cette éducation par la nature serait un moyen
d’améliorer les chances d’atteindre les multiples objectifs
de l’éducation à la nature (Bogner, 1998), en apportant à la
fois les dimensions sensibles et affectives nécessaires à une
amélioration des rapports des élèves à leur environnement
vivant (Dabaja, 2022 ; Prévot, 2020) et les dimensions
épistémologique et critique permettant de construire une
pensée rationnelle et collective de cet environnement en crise
(Lange, 2020). Malheureusement, l’état actuel des recherches
sur le système scolaire français montre que cette éducation
en écologie par la nature n’est questionnée que par 1 % des
articles publiés dans les revues ERE et RDST. Par exemple,
Séverine Perron et ses collaborateurs ont étudié les finalités
éducatives du projet « Les gardiens des chênes », où des
élèves relèvent des traces des relations de prédation au sein
de l’écosystème forestier en participant à un programme de
sciences participatives (Perron et al., 2021). Ce type d’article
décrit comment des activités concrètes de terrain permettent
206
Bilan et enjeux didactiques des pratiques d’éducation scolaire par la nature
d’articuler construction de savoir scientifique et approche
sensible de la nature. Aucun article publié récemment dans
les revues francophones ERE et RDST ne s’intéresse aux
conséquences d’un tel enseignement sur les apprentissages
des élèves. Pourtant, le développement de ces pratiques ne
pourra pleinement se réaliser sans apporter aux enseignants
un éclairage nouveau sur leurs conséquences en matière
d’apprentissage, au regard des difficultés qu’impose leur mise
en place en ce qui concerne la prise de risque et le travail
supplémentaire (Marzin-Janvier et al., 2022). Par ailleurs, le
travail préliminaire de Denise Orange et ses collaborateurs
alerte sur les nombreux obstacles didactiques pouvant
affecter l’apprentissage des élèves confrontés à des pratiques
scientifiques d’observation et d’interprétation qu’ils ne
maîtrisent pas (Orange et al., 1999), alors qu’elles représentent
un savoir-faire préalable à cette pensée rationnelle et collective
de la nature en crise (Lange, 2020).
Pour une intensification de la construction de données empiriques
Enfin, à partir de notre carte mentale, nous mettons en
évidence que ce champ de recherche encore relativement
jeune de l’éducation en écologie par la nature nécessite
des recherches pour conforter les résultats obtenus. En
particulier, si plusieurs articles ont commencé à s’intéresser
aux pratiques de sciences participatives ou encore à la
muséologie de l’environnement, on constate que les pratiques
courantes de sorties et voyages scolaires (sortie en forêt, visite
de ferme, classe verte…) comme les activités de découverte
de l’environnement vivant à proximité de l’établissement sont
absentes de la carte mentale.
Si les politiques éditoriales des revues ERE et RDST
sont centrées sur la publication d’approches interprétatives
et critiques (Sauvé et Goffin, 1999 ; voir également site web
207
L’éducation par la nature
de RDST66) et si l’élaboration de cadres sémantiques et
théoriques est une condition de la construction de nouvelles
connaissances, il n’en reste pas moins qu’une accumulation
plus intense de données empiriques sur des pratiques
d’éducation en écologie par la nature est requise à l’avenir afin
de pouvoir questionner la diversité des pratiques ordinaires et
la robustesse des interprétations.
Présentation des auteurs
Sébastien Turpin est enseignant de sciences de la vie et de la
Terre à l’INSPÉ de Créteil et agrégé de sciences de la vie et de
la Terre et de l’univers. Diplômé de master 2 en didactique des
sciences (université de Paris Cité), il est également doctorant
en didactique des sciences (LDAR, université de Paris Cité). Il
a été anciennement coordinateur du programme de sciences
participatives Vigie-Nature École
Nicolas Lieury est enseignant de sciences de la vie et de
la Terre en classe préparatoire aux écoles agronomiques,
géologiques et vétérinaires (lycée Thuillier ; académie
d’Amiens), agrégé de sciences de la vie et de la Terre et
de l’univers, docteur en écologie (IMBE, Aix-Marseille
université) et diplômé de Master 2 en didactique des sciences
(université de Lille)
Liste de publications :
https://www.researchgate.net/profile/Nicolas-Lieury
Site de ressources pour l’enseignement secondaire de
l’écologie :
https://view.genial.ly/62c97ec9c383980018960861/
interactive-content-lecologie-au-programme
66 https://journals-openedition-org.ezproxy.u-pec.fr/rdst/153, consulté
le 9 juillet 2023.
Partie 3 :
Dispositifs de formation
Le soi écologique en formation des éducateurs
Dominique Cottereau
Résumé
Pour que l’enseignant ou l’animateur soit outillé non
seulement pour construire sa pédagogie mais aussi se mettre
en attention vis-à-vis de son public lorsqu’il s’écoforme dans les
milieux, il est nécessaire qu’il sache lui-même se positionner
dans son rapport à cette « nature ». Je me fonderai sur les
recherches en écoformation (Pineau, Galvani, Cottereau…)
ainsi que sur mes expériences d’enseignante universitaire et
de formatrice dans le champ de l’éducation à l’environnement
usant de ces techniques d’explicitation. Après avoir rapidement
resitué le concept d’« écoformation », je m’attacherai surtout
à ses apports dans la professionnalisation des pédagogues et
aux compétences que cela permet de développer. J’illustrerai
mon propos d’exemples des approches et des techniques que
j’ai pu utiliser, et je questionnerai la difficulté d’introduire
211
L’éducation par la nature
ce type d’approche dans les milieux institutionnels de la
formation des enseignants en France.
Introduction
Que l’on vive au milieu d’immeubles de vingt étages,
dans un quartier résidentiel périurbain, en centre bourg de
campagne, au milieu de champs cultivés, à l’orée d’une forêt,
au creux d’un vallon arboré…, on se laisse imprégner plus ou
moins consciemment par tout ce qui en constitue le milieu.
Brouhaha des machines ou bavardage des oiseaux, effluves
des gaz d’échappement ou émanation humide des mousses,
ombres angulaires des habitats verticaux ou lumières étalées
des prairies horizontales, chaque espace possède sa propre
écologie sensorielle au sein de laquelle nous nous coulons un
peu plus tous les jours, dans l’habitude de nos va-et-vient et
de nos agirs quotidiens. S’infiltrant en nous, ces constituants
façonnent la part semi-consciente de nos identités. Car, si
nous sommes formés tout au long de notre vie par le monde
social et culturel auquel nous appartenons, nous le sommes
aussi par le monde bio-géo-physique de nos habitats. Pour
peu qu’elles soient reflétées par la conscience, les interactions
que nous déployons avec le monde non humain constituent
notre « soi écologique ». Poursuivre, tout au long de la vie,
la dialectique des expériences dehors et de leur réflexivité
agrandit et affermit sans cesse le soi écologique, entraînant
une attention affinée et affective envers les entités naturelles :
celles-ci acquièrent une valeur pour elles-mêmes dans une
relation soucieuse de la diversité des modes de vie. Ce
processus a été nommé par Gaston Pineau « l’écoformation »
(1983), ou formation que l’on reçoit par contact direct et
réfléchi avec l’oïkos, par immersion dans les milieux, dans nos
habitats.
Cet article explore la pertinence et les moyens d’inscrire
l’auto-éco-réflexivité en formation des éducateurs pour une
212
Le soi écologique en formation des éducateurs
meilleure prise en compte des pédagogies par la nature. Nous
nous situons en cela dans le vaste champ en expansion des
travaux sur les rapports humains/environnements, en tout
premier lieu ceux sur « l’écoformation » (Pineau, 2023 ;
Cottereau, 2001, 2017)67, mais aussi ceux sur « l’identité
écologique » (Thomashow, 1995), « l’éco-ontogenèse »
(Berryman, 2003), le sentiment de « connexion à la nature »
(Marchand et al., 2022 ; Vallée, 2020 ; Aubert-Botteron, 2022),
ou encore « l’expérience de nature » (Fleury et Prévot, 2017a). Je
me baserai sur mon expérience de formatrice et d’enseignante
chercheuse en éducation relative à l’environnement,
ayant souvent utilisé cette approche de la réflexivité autoécoformatrice dans la formation d’animateurs, d’enseignants
et de formateurs d’adultes. Celle-ci vient en complément des
approches de terrain qu’il est nécessaire d’inscrire dans les
dispositifs de formation. Pour que la nature soit notre alliée
dans le projet d’une Terre habitable par tous les vivants, il faut
se mettre à l’écoute de ses enseignements, directs et indirects.
C’est le défi relevé par l’auto-socio-écoformation.
1� Le soi écologique
Le soi se définit, selon le dictionnaire Larousse en ligne,
comme un « pronom personnel réfléchi de la troisième
personne ». Le philosophe Paul Ricœur nous fait remarquer
que ce point de vue, qui est celui du grammairien, peut
aussi s’en référer à la première personne lorsqu’il est conçu
comme « se », lui-même rapporté au verbe à l’infinitif (se
présenter, se nommer) (1990 : 11). L’acte de réfléchissement
contenu dans le soi l’associe à la conscience. Conscience de
soi, estime de soi, image de soi, sentiment même de soi…
67 Le numéro 18.1 (2023) de la revue Éducation relative à l’environnement.
Regards – Recherches – Réflexions est consacré à l’écoformation. Le lecteur
et la lectrice y trouveront un paysage détaillé et les derniers résultats de
recherche sur le concept.
213
L’éducation par la nature
ont amplement été étudiés en psychologie et en philosophie,
même en biologie (Damasio, 2022). On sait depuis John
Bowlby (1969/1982) ou Donald W. Winnicott (1975) que
le soi de l’enfant se développe dans les interactions sociales
précoces avec ceux qui l’élèvent. Plus rares et plus récents
sont les travaux sur le soi construit au travers des interactions
environnementales.
Dans les années 1970, époque d’évolution importante
dans la conscience écologique en Europe et les politiques
de préservation de l’environnement en France, Arne Naess,
précurseur, développe l’idée que le soi puisse aussi être forgé
dans les interactions avec la nature (2017). Le philosophe,
fondateur de l’écologie profonde et de l’écosophie, reconnaît
qu’un « grand Soi » ou « Soi élargi » résulte chez le sujet d’une
longue expérience renouvelée au contact de la nature. Les
racines de ses positions philosophiques et métaphysiques
plongent dans une enfance attentive aux espèces du littoral
et à sa vie montagnarde. L’identification au monde non
humain est au cœur de la construction de ce « Soi agrandi
qui se révèle lorsque nous nous identifions avec toutes les
créatures vivantes et en dernière instance avec l’Univers
entier » (ibid. : 94). Tout en conférant une valeur intrinsèque
aux autres formes de vie, le « grand Soi » se manifeste dans
une conscience étendue au-delà de l’ego, et même au-delà
du soi social, embrassant toutes les entités vivantes et non
vivantes auxquelles nous pouvons nous identifier. « Une telle
identification procure des réactions affectives du type de la
compassion ou de l’empathie » envers les autres espèces (ibid. :
318). Rien n’existe de manière séparée, la frontière entre le soi
et le non-soi n’est pas une ligne distincte mais un espace de
continuité toujours mobile. « Je ne sais pas quelles sont les
frontières de mon moi ; peut-être s’épanche-t-il à l’extérieur
et s’élargit-il, peut-être au contraire se contracte-t-il. Il n’est
jamais le même. Il ressemble bien plus à un flux qu’à quoi que
ce soit de solide » (ibid. : 195). C’est ce que Naess a appelé le
214
Le soi écologique en formation des éducateurs
« relationnisme », qui nous conduit à adopter une attitude
responsable vis-à-vis de la nature (ibid. : 94).
Cette façon de concevoir un espace frontière entre l’ego et
l’environnement, fait de flux permanents, dans une épaisseur
non figée, nous rappelle le concept de « mi-lieu » du chercheur
en sciences de l’éducation Georges Lerbet. En systémicien, il
avait décrit la personne comme un système vivant, actif, « lieu
d’échange » qui « se construit dans et par le rapport à l’autre »
(1993 : 20). Le « mi-lieu », situé entre l’ego et l’environnement,
« constitue la frontière plus ou moins étendue d’espacetemps qu’un système s’approprie significativement (mais
pas forcément de manière lucide) de l’environnement pour
pouvoir échanger avec lui » (ibid. : 66). Ce mi-lieu fluctue
tant en ouverture/fermeture qu’en mollesse/fermeté selon
le degré d’acceptation au changement de la personne dans
l’environnement rencontré ou face à l’événement surgissant.
La peur, l’indifférence, le sentiment d’agression peuvent
empêcher les échanges et la complexification du système. À
l’inverse, une situation provoquant curiosité, plaisir, sécurité
peut inviter la personne à tirer parti de cet environnement.
Elle en intègre certaines données et les organise avec son état
antérieur, évoluant ainsi vers un degré supérieur de complexité.
Grandir dans les interactions permanentes avec le monde,
c’est ainsi « sentir combien l’autre et moi sommes séparés et
solidaires », nous dit Lerbet (ibid. : 134). Lerbet n’avait pas
distingué l’autre humain de l’autre non humain dans la notion
d’« environnement », je l’ai fait dans la continuité de ses
travaux en observant finement la rencontre entre des enfants
et les constituants maritimes (Cottereau, 2001). Sans encore
le nommer « soi écologique », j’avais observé comment se
reconfiguraient des identités enfantines au fil d’une situation
éducative par, dans et avec la nature.
De nombreux philosophes de l’environnement ont,
depuis, repris l’idée d’un soi plus grand que l’ego, composé
de la multitude de ses interactions avec le monde vivant et
215
L’éducation par la nature
non vivant. Baptiste Morizot, dans son dialogue avec les
loups, reprend l’expression de « soi élargi, constitué par ses
tissages. Un soi qui n’est plus le terme isolé et égotique, seul
dans l’univers face au cosmos absurde, mais qui s’est hissé au
point de vue de son être réel : comme nœud de branchements
avec d’autres vivants, son souci de soi est un souci des
interdépendances » (2020 : 276). Marielle Macé, dans un
travail d’enquête écopoétique à l’écoute des oiseaux, affirme
sa dépendance ontologique, et témoigne de ce que sa vie « est
aussi en dehors d’elle-même » (2022 : 250). Citons encore
Olivier Remaud qui implore que l’on « se désincarcère de la
prison du moi » pour comprendre la fragilité des icebergs
(2020 : 70) ou pour percevoir la danse des montagnes
(2023). Jean-Philippe Pierron, au travers de ses travaux sur
l’écobiographie, observe dans l’écriture de ses étudiants une
dimension écologique, reconnaissant que « je est un nous »,
comme l’éclaire subtilement le titre de son ouvrage (2021).
Le soi écologique peut donc être défini comme la
connaissance que l’on a de son être dans ses relations
constructives et personnalisantes avec le monde non humain.
L’être-au-monde est réfléchi dans le soi écologique, il sait y
voir ses apparentements avec des milieux, des animaux, des
végétaux, des éléments. Cela pourrait même être le signe
d’une haute maturité que d’entretenir des relations avec ce
qui diffère le plus radicalement de soi, suppose le psychiatre
psychanalyste Harold Searles (1986 : 301).
2. Le rôle de la réflexivité
Cette maturité du soi écologique s’acquiert dans la
réflexivité. La boucle autopoïétique68 de la réflexivité sur
68 L’autopoïèse est un concept inventé par les biologistes Maturana et
Varela décrivant le processus d’autonomisation des systèmes vivants dans
le jeu des différenciations et articulations avec leurs environnements. Le
mot est construit du préfixe autos : soi, et poïese : produire (voir Varela, 1989).
216
Le soi écologique en formation des éducateurs
l’expérience constitue une voie intense de formation,
formation conçue alors, selon Gaston Pineau (1983), comme
processus vital de mise en forme et en sens de soi. Se
produire soi-même, c’est se donner une forme en rassemblant
consciemment des éléments dispersés issus de la multitude de
nos expériences de vie. Elle est « une conquête émancipatrice
de notre condition humaine […], soucieuse encore de pousser
l’humain vers son plus grand accomplissement », nous dit le
psychosociologue Jean-Pierre Boutinet (2009b : 11). Par un
travail de rétroaction sur le monde et de récursivité sur soi
(Galvani, 2009 : 38), nous élaborons la conscience d’un soimême issu de la relation.
Il s’agit bien d’un travail, surtout dans le domaine de
l’environnement. Dans notre société technologique et
économiste où le non humain est conçu, de manière écrasante,
dans ses dimensions instrumentales et utilitaristes (y compris
dans la politique climatique et la gestion de la biodiversité), il
n’est pas naturel de se pencher sur son soi écologique. Déjà, la
réflexivité elle-même, qui demande de se poser, contrarie les
temporalités contemporaines de la vitesse, de l’immédiateté,
de l’instantanéité et de l’éphémère. Alors, se pencher sur
nos apparentements et nos sollicitudes envers les arbres,
les cours d’eau, les montagnes et les océans, les fleurs et les
graminées, les petits mammifères et les insectes, les sols et les
sous-sols devient rêverie pour poète bucolique. Il nous faut
donc aller les chercher, nos « êtres-avec » (Heidegger, 1927),
non seulement dans la lenteur, la curiosité, la concentration,
l’effort, mais aussi dans la suspension de l’intention, pour
s’apercevoir combien nos liens de parenté sont plus réels et
vivants que nos distinctions, et pour sortir de ces manières de
faire monde sans eux, qui nous abîment tous.
Plusieurs niveaux de conscience vont s’élaborer dans cette
écoute de l’entre-deux soi-monde.
« Le niveau pragmatique d’autoefficacité » (Pineau, 2009 :
29) n’est pas toujours celui qui apparaît en premier lieu dans la
217
L’éducation par la nature
réminiscence, car c’est celui qui se joue souvent de lui-même,
au moment de l’action, lorsque nous sommes attentifs à ce
que nous faisons. Il est constitué de nos interactions de base
qui nous permettent d’agir et de nous mouvoir avec aisance
et sécurité dans l’environnement : repérer le sentier à suivre,
entendre le courant de l’eau quelque part sur sa droite, choisir
de marcher à la lumière dans la fraîcheur du petit matin,
enjamber une flaque d’eau, cheminer avec vigilance sur un
sentier escarpé… L’autoefficacité s’acquiert au fil du temps,
avec l’habitude, dans l’apprentissage des manières de faire,
dans les gestes répétés et les repères incorporés, dans la danse
du corps au cœur du monde (Cottereau, 2011). Ces gestes sont
innombrables, mais nous paraissent si évidents qu’on ne réalise
guère qu’ils font partie des premiers niveaux d’interactions
vitales avec l’environnement (après respirer, boire, se nourrir).
Un autre niveau de conscience survient avec le
réfléchissement émotionnel : reconnaître que marcher au soleil
fait du bien à ma peau, que le chant de la grive musicienne, qui
en appelle à mon écoute active, éclaircit soudain mes pensées,
que le rocher que j’escalade dérouille mon corps tout entier. J’y
reconnais mes amitiés non humaines, ainsi que mes inimitiés.
Je ne me contente pas d’interpréter ce qu’il est nécessaire de
faire, mais aussi ce que cela me procure. L’interaction avec
le monde vivant prend une réalité intersubjective. Nous
pourrions l’appeler « le niveau sensible de la cognition ».
Nous sentons, nous percevons que quelque chose se passe
entre les corps extérieurs et notre propre corps, et cela nous
met en émoi. Un sourire peut nous venir au visage, un soupir
de soulagement accompagner notre respiration, une détente
musculaire s’amorcer dans l’affaissement des épaules. Nous
prenons conscience de nos « transcorporalités » (Remaud,
2023 : 133), qui peuvent être positives comme négatives.
Pour aller vers un troisième niveau de conscience, nous
pouvons étendre cet acte de réfléchissement sensible en
faisant l’inventaire de nos amitiés et de nos attirances. En les
218
Le soi écologique en formation des éducateurs
nommant, nous peuplons notre mi-lieu (au sens donné par
Lerbet, 1993) de toutes les entités avec lesquelles nous avons
établi des relations de familiarité. C’est le niveau du répertoire
cognitif. L’exploration, loin d’être froide, associe le corps tout
entier. L’image d’un lieu et de ses habitants, d’un paysage,
d’un élément, que l’on nomme, s’accompagne de toute la
mémoire de la sensorialité. Les odeurs, les sons, les matières,
les goûts nous arrivent en tête en même temps que nous les
évoquons, dans une sorte de composition kaléidoscopique
multi-sensorielle.
Le quatrième niveau de conscience s’opère lorsque nous
commençons à construire un système de sens avec l’ensemble
de ces amitiés ou de ces apparentements. Nous allons relier
les images entre elles et nous apercevoir que notre soi
écologique possède une certaine cohérence et une certaine
texture, qu’il est plutôt constitué de tel élément – air, eau,
terre, feu – ou de quelques-unes de leurs combinaisons, qu’un
de nos sens prend le dessus sur les autres pour élaborer les
correspondances, que nous sommes faits de paysages ouverts
plutôt que de milieux fermés, d’espèces végétales plutôt
qu’animales, de soirs d’été plutôt que de matins d’hiver. Nous
pouvons commencer à dire « je suis fait ou faite de… ».
Le cinquième niveau de conscience dépend des contextes
dans lesquels se déroule la réflexivité. Elle peut tout aussi
bien s’arrêter au quatrième niveau, même s’il n’est jamais
figé, jamais clos. Elle peut aussi se poursuivre par des
éclairages théoriques donnant encore plus de profondeur
au soi écologique et lui permettre d’atteindre une forme
d’abstraction (dans le cadre d’un mémoire universitaire, par
exemple). Il se peut, par exemple, que nous nous retrouvions
dans l’imaginaire élémental d’un Gaston Bachelard (1942),
dans l’imagination anthropologique d’un Gilbert Durand
(1969), ou peut-être proches d’une conception de la nature
en découvrant Descola (2005)… La compréhension de nousmêmes s’y renforce et gagne en signification.
219
L’éducation par la nature
3� En formation des éducateurs
Les premiers niveaux de conscience peuvent émerger
dans une rêverie solitaire, à la lecture d’ouvrages, ou dans des
moments de méditation sur soi-même. Le cheminement peut
aussi être guidé dans des instances de formation. Tout au long
de ma carrière d’enseignante et de formatrice dans le champ
de l’environnement, j’ai utilisé les techniques de réflexivité en
complément d’une pédagogie dans la nature. Ces moments
de socio-auto-écoformation renforçaient l’intérêt envers le
monde non humain. Un autre regard se déployait lors des
sorties sur le terrain, une autre attention.
Je vais décrire ici une des techniques que j’animais sur des
temps courts69. Après avoir découvert le récit de vie avec
Gaston Pineau (1983) et la méthode de réalisation du blason
avec Pascal Galvani (1991, 1997), j’avais conçu un outil que
j’intitulais tantôt « le monde écologique », pour souligner
nos mondes personnels faits des interactions entre soi et
le monde, tantôt « monde personnel de l’environnement »
pour renvoyer à la conception « lerbetienne » du mi-lieu qu’il
appelait aussi « own world ».
L’outil se présente sous cette forme : sur une page A4
sont tracées trois sphères imbriquées l’une dans l’autre, faites
de traits en pointillés affirmant l’ouverture et la porosité de
chacune d’elle. À l’intérieur des sphères sont répartis des
mots clés, portes d’entrée à l’évocation.
À l’externe, la sphère la plus grande se compose
d’invitations à nommer (ou dessiner) les entités qui peuplent
son imaginaire environnemental :
• « des objets/sujets », éléments, minéraux, végétaux,
animaux que vous aimez ;
• « des lieux », qui vous parlent, vous rassurent, vous
ressourcent ;
69 Pour un témoignage d’atelier sur temps long, voir Cottereau (2017).
220
Le soi écologique en formation des éducateurs
« des odeurs, matières, sons et goûts » qui attirent
votre attention, vous font plaisir ;
• « le temps qui passe » : moments de la journée, jours
de la semaine, saisons qui vous sont privilégiés ;
• « le temps qu’il fait » : la ou les météorologies préférées.
La sphère intermédiaire se remplit des « facilitateurs de
liens » :
Quels sont les objets, atmosphères, situations, personnes
qui vous aident à entrer en relation avec le monde biogéo-physique qui vous entoure ? À être en attention sur le
monde ? (Par exemple : des chaussures de marche, une paire
de jumelles, dessiner en pleine nature, le vent…)
La sphère intérieure invite à synthétiser son rapport à
l’environnement à l’instant T de la réalisation de l’exercice :
Par quelle « image » ou quel « symbole » pourriez-vous
résumer votre rapport à l’environnement en cet instant ? (Par
exemple : un arbre car je suis enraciné dans une terre, le soleil
car je découvre mes apparentements à la nature, la montagne
car elle m’a nourri…)
L’atelier se décompose en trois temps minimum.
Après que j’ai présenté l’exercice, ses intentions, son
déroulement et ses règles déontologiques, je laisse une
vingtaine de minutes pendant lesquelles chacun remplit son
modèle, en offrant la possibilité de rester dans la salle au milieu
des autres ou d’aller s’isoler dans un autre endroit. La feuille
se noircit plus ou moins vite, plus ou moins densément. Pour
certains c’est facile, pour d’autres il faut aller chercher loin,
car la réflexivité n’est pas dans les habitudes, encore moins en
matière d’environnement. Aucune contrainte supplémentaire,
ni quantitative ni qualitative, ne vient encadrer ce temps de
l’exercice qui doit laisser chacun libre de son implication et
de ses réminiscences.
Lorsque tout le monde semble avoir terminé, dans
une seconde phase – celle de la socialisation –, nous nous
installons en cercle, sans table devant soi si possible, pour
•
221
L’éducation par la nature
instaurer l’intimité et faciliter la fluidité de la parole. Une
première personne est invitée librement à partager son
univers. Elle le déploie avec plus ou moins de détails et
d’explicitation, selon son degré d’aisance, et ne révèle que
ce qu’elle a envie de communiquer. Les jardins secrets sont
préservés. La lenteur de la parole est nécessaire pour donner
aux autres participants le temps de façonner des images
mentales en même temps que le locuteur les énonce. Ils
s’installent dans une posture d’écoute active et silencieuse.
Aucune critique n’est à formuler, pas même au moyen du
langage non verbal. La confiance et l’empathie sont de mise.
La parole est acceptée telle quelle et accueillie pour ce qu’elle
dit de la personne qui parle et du monde qui la constitue. La
simple lecture à voix haute de tous ces éléments rencontrés
dans les expériences diverses constitue pour le groupe un
voyage imaginaire. Nous traversons ensemble les montagnes
hivernales ou les forêts automnales, nous percevons le chant
d’une alouette, nous nous couchons dans les herbes hautes
sous un soleil printanier, nous passons la main sur l’écorce
d’un bouleau. Puis d’un coup nous sommes projetés dans
la cuisine odorante de la grand-mère où mijote le ragoût
dominical, ou sous la couette, à écouter l’orage gronder et la
pluie crépiter sur la vitre. Tout un monde de sujets, vivants
et non vivants, pénètre dans la pièce et s’éclaire d’une lueur
nouvelle, prenant de l’importance et une valeur existentielle.
Souvent, écouter la description de l’autre facilite l’émergence
de nouveaux souvenirs, de nouvelles images. La présence
d’une autre entité en son soi écologique, un peu plus enfouie
dans la mémoire, surgit à l’énonciation du camarade. Opinant
du chef, on ajoute cette entité sur son propre schéma qui
continue de s’enrichir.
On passe ainsi de monde écologique en monde écologique,
non pas dans un tour de cercle régulier, mais au fur et à
mesure que quelqu’un veut bien prendre la parole. Il n’y a
222
Le soi écologique en formation des éducateurs
pas d’obligation à le faire. Si un participant ne souhaite pas
partager, sa volonté est respectée.
La troisième phase est celle de la prise de distance sur ce
qui vient de se passer, à la fois dans le moment de réflexivité
individuelle et dans sa phase de partage. Il ne s’agit pas
d’une analyse sauvage des mondes écologiques, mais plutôt
d’exprimer des sentiments personnels sur ce que cela révèle de
soi, de son rapport à l’environnement, ou de témoigner plus
avant de son parcours écoformateur. Nous construisons alors
un patrimoine collectif de relations écologiques où l’autre
non humain prend une part essentielle dans le processus de
formation permanente. Souvent, c’est une surprise pour les
participants, même ceux qui ont la conscience d’avoir grandi
avec la nature. Ils se la représentaient comme hors d’eux
et non en soi. Ils ont tout à coup pris conscience que « se
comprendre soi, c’est mesurer la démesure des liens qui sont
pour nous constituants » (Pierron, 2021 : 57). Ce n’est alors
que le début du processus réflexif auto-écoformateur qui va
s’amplifier dans une conscience se posant sur soi, le monde
et les interactions entre les deux.
Dans le cadre de la formation, non seulement les
participants, éducateurs (enseignants ou animateurs), en
apprennent sur eux-mêmes, mais cela rend aussi évidente pour
eux la nécessité d’emmener leurs publics dans la nature et de
construire une pédagogie qui laisse le temps à la rencontre
d’opérer, sans autre intention que de permettre à chaque
enfant, à chaque adolescent de tisser ses propres liens avec
le lieu et ses habitants. L’éducateur y gagne en conscience
perceptive face aux activités des enfants.
Conclusion
Pour lutter contre toutes les agressions faites à la nature,
il nous faut retrouver la joie, intense, de ressentir la vitalité
qu’elle contient. « Il n’est pas une joie perceptuelle qui ne soit
223
L’éducation par la nature
potentiellement polluée », nous dit Marielle Macé (2022 : 209).
La construction du soi écologique peut s’accompagner de la
montée en puissance d’un sentiment ambigu, tiraillé entre
le bonheur d’entendre le chant d’une alouette, de respirer le
parfum de l’ajonc, d’écouter le craquement d’un glacier, de
contempler la richesse d’un marais et la tristesse de savoir
que nos modes de vie les menacent. En même temps qu’on
découvre « l’étendue de nos compagnonnages ontologiques »
(Remaud, 2023 : 185) peuvent grandir en nous les émotions de
tristesse, de peur et de colère face à nos actes destructeurs. Mais
c’est dans cet entre-deux paradoxal que peut aussi apparaître
l’agir environnemental. Le souci de l’autre qui en émerge nous
rend responsables de son devenir et nous entraîne dans une
gestuelle et des pratiques plus attentionnées. C’est dans ce
cheminement que s’inscrit l’élaboration du soi écologique en
formation des pédagogues. Il est l’indispensable détour pour
que la pédagogie qu’ils mettront en œuvre par la suite ait du
sens au-delà des seuls apprentissages formels sur la nature.
Présentation de l’auteure
Dominique Cottereau vient d’entrer en retraite
professionnelle après avoir été tour à tour (et simultanément)
enseignante d’éducation physique et sportive, animatrice
de classes de mer, formatrice consultante en éducation à
l’environnement (association Échos d’images puis Scop
Oxalis), chargée de cours à l’université de Paris 8, enseignante
chercheuse associée à l’université de Tours et coordinatrice du
réseau d’éducation à l’environnement en Bretagne (REEB).
Un dispositif d’accompagnement dans
l’intégration d’une didactique organique en
relation avec le territoire naturel
à proximité de l’école
Virginie Boelen
Résumé
Cet article présente une réflexion concernant un dispositif
d’accompagnement développé par l’auteure, dans le cadre
d’une formation continue en enseignement destinée à
l’intégration d’une éducation par la Nature70 définie comme
70 Nous écrivons « Nature » avec un N majuscule pour signifier le fait
que cette dernière est dotée d’une valeur intrinsèque par le simple fait
d’exister. On parlera aussi de « territoire naturel » pour signifier le fait que
la Nature est associée à un territoire, un lieu géographique donné, contextualisé. Ainsi, indistinctement nous parlons d’éducation dans et par la
Nature ou d’éducation dans et par le territoire, faisant référence à la Terre
appelée aussi « Terre Mère » dans les cosmologies autochtones.
225
L’éducation par la nature
une « Pédagogie Nature » selon une didactique organique en
relation avec le territoire. Ce dispositif est mis en lumière par
l’énoncé des compétences attendues en accompagnement
dans ce cas précis. Le témoignage des enseignantes qui en
ont bénéficié permet une appréciation quant à ses modalités
et aux résultats obtenus.
Introduction
Cet article fait part d’une analyse réflexive d’un dispositif
d’accompagnement mis en place par l’auteure, dans le
cadre d’une formation continue de treize enseignantes de
la première à la sixième année du primaire au Québec, qui
souhaitaient intégrer une éducation dehors, en relation avec
la Nature à proximité de leur école.
S’il existe de nombreuses ressources pédagogiques pour
outiller les réseaux scolaires, cela ne suffit pas toujours pour
se lancer dans une telle approche pédagogique. Les personnes
enseignantes demandent à être accompagnées sur leur terrain
de pratique où de nouvelles compétences sont requises de
leur part telles que, par exemple, l’adoption d’une posture
accompagnante, l’interaction avec la Nature et le territoire à
proximité de l’école, la création de liens avec le Programme
de formation de l’école québécoise et la progression des
apprentissages, le développement de stratégies pour conserver
des traces des apprentissages effectués et créer un continuum
entre les sorties dans la Nature et les temps passés en classe.
Précisons qu’il ne s’agit pas de proposer des activités
ponctuelles d’éducation dehors, comme on le voit souvent
dans une perspective utilitariste au regard de la Nature,
mais de former les enseignants à une tout autre approche
du territoire, le considérant comme partenaire de vie et
d’apprentissage des jeunes dans leur relation à celui-ci tout au
long de leur année scolaire. Ainsi, par cette formation, il est
question d’accompagner un changement profond de pratique
226
Un dispositif d’accompagnement dans l’intégration d’une didactique organique
éducative71 pour intégrer une pédagogie que les enseignantes
qui en ont bénéficié ont appelée « Pédagogie Nature » et
dont la visée éducationnelle est de reconnecter les jeunes
au territoire tout en favorisant leur agentivité ainsi que des
apprentissages décloisonnés.
Une telle pédagogie se déploie selon une didactique
que l’on nomme « organique » pour cinq raisons : 1) on
part des intérêts des jeunes dans la relation qu’ils vivent et
développent avec le territoire à proximité de leur école pour
consolider ou générer des apprentissages ; 2) le territoire
évolue au fil du temps (les érosions, les aménagements…),
des saisons et de la météo ; 3) la relation au territoire évolue
au fil des sorties des jeunes dans ce même territoire ; 4) on
mobilise toutes les dimensions du jeune dans son rapport au
monde, soit sa dimension rationnelle, sensori-motrice (avec
les sens tels que la vue, l’odorat, le goût, le toucher, l’ouïe et
la proprioception), affective et spirituelle notamment autour
des questions de sens ; 5) cette appellation est le fait que l’on
travaille ensuite à partir des productions des élèves à la suite
de ce qu’ils ont vécu dans et avec le territoire pour à nouveau
consolider ou générer de nouveaux apprentissages en lien
avec le programme scolaire. On verra qu’un tel processus
dit « organique » sera aussi vécu avec les enseignantes en
formation.
Cette formation s’inscrit dans un projet de rechercheaction-formation (RAF) participative financé par le ministère
de l’Éducation du Québec, autant pour les écoles secondaires
que primaires (projet FA-ERE-2R72 pour 2023-2024). Dans la
71 Notons toutefois que cette pratique pédagogique peut facilement se
combiner aux pratiques usuelles.
72 FA-ERE-2R signifie « Formation continue selon une formule d’Accompagnement en Éducation Relative à l’Environnement pour Reconnecter les jeunes à la Nature et contribuer à leur Réussite éducative ». Si
nous faisons état de ce dispositif d’accompagnement au primaire, celuici est également valable auprès d’enseignants du secondaire. Vingt per-
227
L’éducation par la nature
mesure où cette pratique sort des sentiers battus, elle nécessite
un accompagnement soutenu chez les personnes enseignantes.
Nous détaillons le processus d’accompagnement mobilisé
lors de cette formation73, effectuée au primaire auprès de
treize enseignantes réparties dans trois écoles primaires, et
qui a duré de quatre à six mois en fonction des écoles. Les
outils mobilisés durant cette RAF ont été le journal de bord
de la formatrice et des enseignantes (N = 14), des captations
audiovisuelles effectuées durant les sorties (N = 30), les
enregistrements audio des retours effectués à la suite des
sorties en Nature (N = 30), des entrevues de groupe (N = 9)
ainsi que les réponses à un questionnaire de fin de formation
(N = 11).
Avant de présenter le dispositif d’accompagnement mis
en place, nous proposons en première partie un cadrage
conceptuel concernant le processus d’accompagnement
et les compétences associées recherchées chez la personne
accompagnatrice dans la pratique d’une pédagogie en
relation avec le territoire. La dernière partie laissera la parole
aux enseignantes sur leur appréciation d’une telle formule
d’accompagnement.
1� Cadrage conceptuel du processus
d’accompagnement en contexte d’éducation
L’accompagnement est un processus transformationnel
où la personne accompagnante soutient « un pair pour que
sonnes enseignantes du secondaire, toutes disciplines confondues, ont
bénéficié de cette formation dans le cadre de ce projet.
73 Il n’est pas question dans ce chapitre de présenter la pédagogie Nature selon une didactique organique qui fait l’objet de la formation selon
une formule d’accompagnement, mais bien le processus d’accompagnement qui est central dans la formation concernant la pédagogie Nature
développée. Cette dernière fera l’objet d’un ouvrage pédagogique et d’un
document audiovisuel à venir.
228
Un dispositif d’accompagnement dans l’intégration d’une didactique organique
celui-ci mette en œuvre le meilleur de lui-même et atteigne
les objectifs qu’il s’est lui-même fixés » (Vivegnis, 2020 : 4).
Ainsi, l’accompagnement mise avant tout sur la relation. Pour
le psychosociologue Boutinet (2009a), celle-ci est fondée sur
une écoute plurielle ; celle de l’autre qui « dans ce qu’il me
renvoie […] est susceptible de m’aider à définir cet espace et
ce temps de la transition » (37-38). En effet, il est question
d’une transition qui, dans ce cas-ci, mène vers une nouvelle
réalité autour du développement personnel et professionnel
de la personne enseignante. Et l’espace et le temps sont à
définir pour l’atteinte de l’objectif visé, pour savoir où l’on
veut aller, avec des étapes et des échéances à se fixer. Cette
écoute plurielle est aussi celle « de la situation ambiante
faite d’événements, d’opportunités, de disponibilités et de
contraintes » (Boutinet : 38) en relation avec les autres acteurs.
Dans notre cas, cette écoute est également celle du territoire,
ce partenaire essentiel avec lequel il s’agit d’entrer en relation.
Une telle relation d’accompagnement ne peut se faire
sans une relation de confiance entre les deux personnes,
accompagnatrice et accompagnée, de nature à soutenir la
réflexivité conditionnelle au processus transformationnel
à opérer. Comme le soulignent Vivegnis et al. (2022), un tel
modèle d’accompagnement s’inscrit dans une perspective
constructiviste où les transformations sont multiples :
personnelles (identitaires, touchant notamment aux aspects
psychologiques, affectifs) et professionnelles avec diverses
habiletés, critique, collaborative et organisationnelle, en plus
des habilités propres aux pratiques d’apprentissage.
Ce cadrage conceptuel nous amène à dresser un portrait des
compétences requises en accompagnement dans un contexte
d’éducation en relation avec le territoire naturel, appelée aussi
« éducation dans et par la Nature ou le territoire » selon une
didactique organique telle qu’elle a été définie plus haut.
229
L’éducation par la nature
2� Quatre compétences d’accompagnement pour une
éducation dans et par le territoire
Nous reprenons dans le tableau 1 les quatre compétences
de la pratique d’accompagnement d’enseignants débutants
identifiées par Vivegnis (2020) et les caractéristiques associées,
et nous les enrichissons en contexte d’accompagnement
d’enseignants dans la pratique d’une pédagogie en relation
avec le territoire. Nous nous attardons sur trois d’entre elles.
Dans notre cas, les personnes enseignantes sont des
femmes qui ont entre six et vingt-cinq années de carrière et qui
ont, pour certaines, déjà initié des pratiques d’apprentissage
en extérieur.
I/ Favoriser une relation dialogique de soutien empreinte de
confiance et de respect à l’égard de la personne enseignante
I–1) Favoriser l’expression, l’échange et le dialogue
I–2) Accueillir, soutenir et encourager l’enseignant
II/ Soutenir l’enseignant dans le développement de son identité professionnelle
II–1) Favoriser la personnalisation de l’accompagnement
II–2) Encourager la collaboration
II–3) Encourager à forger sa singularité professionnelle
III/ Conduire un entretien à visée réflexive avec la personne
enseignante et lui permettre d’adopter un regard critique
sur sa pratique professionnelle
III–1) Susciter la réflexivité de la personne enseignante
III–2) L’encourager à interpréter ses pratiques avec des savoirs
(théoriques ou acquis en formation)
III–3) Faire preuve de réflexivité en tant que personne accompagnatrice
230
Un dispositif d’accompagnement dans l’intégration d’une didactique organique
IV/ Guider l’enseignant dans l’apprentissage de la pratique
enseignante en relation avec le territoire
IV–1) Manifester et encourager un rapport dynamique aux savoirs
IV–2) Démontrer une connaissance de la pratique enseignante classique de façon à expliciter les changements
IV–3) Épauler la personne enseignante dans la mise en œuvre de sa
pratique pédagogique en Nature
Tableau 1. Les compétences d’accompagnement et les
composantes associées pour la mise en place d’une éducation en
relation avec le territoire.
L’accompagnement se situe à deux échelles qui se
complètent :
• à l’échelle individuelle, dans un rapport dyadique
permettant une personnalisation de l’accompagnement
au regard du profil socio-environnemental de la
personne enseignante ;
• au niveau collectif, où la personne accompagnatrice
met en place une communauté de pratique (CoP)
composée des personnes enseignantes bénéficiant de
la formation selon une formule d’accompagnement.
Cette CoP permet de créer une dynamique
collaborative où sont valorisés les apports de chacun
pouvant profiter à la collectivité.
Dans la perspective holistique qui est la nôtre, c’est-à-dire
qui prend en compte toutes les dimensions de la personne
dans son rapport au monde (Boelen, à paraître), le soutien de la
personne enseignante dans le développement de son identité
professionnelle, propre à la compétence II, impliquera son
soutien dans le développement de son identité personnelle
en relation avec la Nature. Ainsi, l’adaptation vis-à-vis de la
personne accompagnée (compétence I-2) dans le processus
d’accompagnement implique de partir de son vécu dans sa
231
L’éducation par la nature
relation avec la Nature, et ce, dans une perspective holistique,
à savoir à la fois corporelle, sensible, intuitive et rationnelle. De
fait, on part de la trame identitaire écologique du participant
qui est saisie au tout début de l’accompagnement.
Concernant la compétence IV-1) (« Manifester un
rapport dynamique aux savoirs »), Vivegnis (2020) la définit
comme étant pratiquée « davantage à travers une ouverture
au monde de l’éducation ou en faisant référence à certaines
connaissances issues de la recherche, qu’en sollicitant les
savoirs théoriques […] acquis en formation [initiale] » (10).
Nous l’élargissons en appelant à une ouverture à l’émergence
de savoirs par d’autres canaux que les formes instituées
classiques. Dans ce cas-ci, il est question de s’intéresser au
principe de l’écoformation, qui part du fait que les éléments
du milieu de vie (oïkos) autres qu’humain, avec lesquels
nous interagissons, participent à notre formation74. On
s’intéresse aussi aux épistémologies autochtones en relation
avec le territoire (Nelson et Shilling, 2018), une autre forme
d’apprentissage, inductive, distincte des formes classiques
de rapport au savoir. L’accompagnatrice sera également
réceptive aux propositions nouvelles de rapport à l’apprendre
des enseignantes, elles-mêmes issues de leur pratique.
Une fois ces compétences définies, détaillons le dispositif
d’accompagnement élaboré.
3� Un modèle d’accompagnement pour une éducation
en relation avec le territoire
Comme nous l’avons vu dans la partie précédente, la
première étape de l’accompagnement consiste à identifier chez
chacune des personnes participantes la trame ontologique de
74 Ce processus d’écoformation fait partie d’un processus plus large,
tripolaire, complexe, de formation permanente qui comprend également la formation par soi-même (l’autoformation) et par les autres
(l’hétéro-formation ou la socio-formation) (Pineau, 2023).
232
Un dispositif d’accompagnement dans l’intégration d’une didactique organique
son être en relation avec le monde, soit le soi écologique qui
émerge à la suite d’un processus que Dominique Cottereau
nomme, dans le présent ouvrage, « auto-socio-éco-réflexivité
en formation ». Comment entre-t-elle en relation avec le
monde, quels sont les éléments du territoire qui attirent
le plus la personne enseignante et au moyen de quels sens
privilégie-t-elle cette relation ? Quelle place est accordée
à l’imaginaire, quels temps de la journée ou saisons sont
favorisés ? On entre dans l’intimité de l’être et cela ne peut se
faire sans l’instauration d’une relation de confiance, dans un
rapport authentique à l’autre.
En seconde étape de cet accompagnement, il s’agit de
caractériser chez chaque personne enseignante son degré de
connaissance du lieu à proximité de l’école. Le connaît-elle
vraiment ? Pourrait-elle décrire la Nature qui se trouve tout
autour de l’école et partager des moments où elle aurait pris
le temps d’entrer en relation avec cette Nature ?
Si ensuite on place quelques éléments de théorie pour
asseoir notre pratique dans la Nature et permettre aux
enseignantes de comprendre les mécanismes qui sous-tendent
la Pédagogie Nature mise en avant, telle l’écoformation selon
une approche holistique en lien avec les savoirs autochtones
(Boelen, à paraître), très vite on entre dans le vif du sujet en
passant à la pratique enseignante arrimée à la réalité du terrain.
Et c’est dans cette partie que le processus d’accompagnement
est pleinement déployé.
En amont, la caractérisation du groupe-classe a toute son
importance car le profil de chaque élève est pris en compte et
valorisé à la fois individuellement et collectivement au sein du
groupe, en ayant à l’esprit que, selon le principe de l’holisme,
le groupe aura une dynamique propre aux relations des élèves
entre eux.
Durant cette phase pratique, la formatrice favorise la
proximité dans son accompagnement où elle suit chaque
personne enseignante et sa classe lors de sorties, environ
233
L’éducation par la nature
trois sur un mois. Il sera question, la plupart du temps,
d’observations participantes avec les élèves dans leur relation
avec le territoire. À la suite de chaque sortie, un échange
d’une dizaine de minutes avec l’enseignante permet un retour
sur ce qui a été vécu et les opportunités pour y générer des
apprentissages en lien avec le programme, sur la façon de
laisser des traces de ce qui a été vécu avec les enfants et les
éléments qui appellent à une suite à vivre dans la prochaine
sortie. Lorsque l’accompagnatrice n’est pas sur place, les
enseignantes ont la possibilité de partager avec cette dernière
au moyen d’un journal de bord interactif, ce qui a été vécu
durant la sortie et les façons de donner une suite à cette sortie
une fois en classe. Parfois, l’accompagnatrice prend le rôle de
l’enseignante afin de lui montrer les façons d’interagir avec
les enfants, au regard des intérêts présentés sur le moment,
et les façons de générer des apprentissages tout comme de
permettre des activités en classe qui laissent des traces de ces
apprentissages.
L’échange entre les enseignantes d’une même école est
favorisé de façon à ce qu’elles partagent ce qu’elles vivent : les
difficultés rencontrées, les façons de les surmonter et les bons
coups réalisés. Ces échanges réguliers sont la manifestation de
la mise en place d’une communauté de pratique permettant le
soutien et la stimulation de chacune.
La fin de la formation donne lieu à une dernière
rencontre de groupe afin d’avoir le bilan de chacune des
enseignantes concernant la formation reçue et sa formule
d’accompagnement, ce qui a été appris et les activités qui
pourraient être réinvesties dans d’autres classes, et enfin ce que
cette pédagogie Nature implique au niveau organisationnel et
institutionnel.
La partie suivante circonscrit l’originalité et les avantages
d’une telle formation perçue au travers des témoignages des
enseignantes.
234
Un dispositif d’accompagnement dans l’intégration d’une didactique organique
4� L’avis des personnes enseignantes concernant un tel
dispositif d’accompagnement
Une rencontre de groupe en fin de formation et les réponses
à un questionnaire ont permis de cerner l’avis des personnes
enseignantes au sujet du dispositif d’accompagnement
mobilisé.
Dans l’ensemble, cette formule d’accompagnement a
été très bien perçue par les treize enseignantes qui en ont
bénéficié. Sa durée et la taille des groupes (six personnes
maximum par école) ont permis un suivi avec des échanges
personnalisés.
E1 : Comme nous sommes un petit groupe, c’est beaucoup plus
personnalisé qu’une conférence ou une grande formation. On
discute avec aisance des enjeux qui nous touchent de plus près
ainsi que des défis qu’on rencontre avec notre groupe et certains
élèves. La formatrice nous aide à trouver des solutions.
L’élément le plus apprécié de ce dispositif
d’accompagnement a été son côté pratique. En effet,
l’accompagnement ne se limite pas à des encouragements ou
à des références ou une pile d’ouvrages à lire.
E2 : J’ai trouvé cette formation pratique. Souvent, dans des
formations, nous écoutons le formateur qui nous transmet des
connaissances, nous donne des recettes toutes faites ou des
suggestions de lecture. Ici la formatrice a vécu avec nous la
Pédagogie Nature. C’était l’approche du vivre-avec et j’ai adoré
cela.
E4 : L’accompagnatrice vient avec nous dehors et participe. Ce
n’est pas juste des conseils et des théories.
235
L’éducation par la nature
Au même titre que ce qui est demandé dans la Pédagogie
Nature, l’accompagnatrice part de l’expérience vécue par la
personne enseignante pour consolider ensuite les éléments
théoriques et donc apporter une part de théorisation à ce
qui s’est vécu spontanément. Ainsi, l’accompagnement sur
le terrain permet de mieux faire intégrer des éléments de la
théorie.
E6 : C’est de mettre des mots savants sur le senti et l’expérience.
C’est d’accompagner et de guider les enseignants après la visite.
C’est de bonifier celle-ci pour enrichir la discussion, de constater
les différentes perceptions. C’est d’ancrer pour mieux préparer la
prochaine rencontre.
Ce témoignage explicite également le fait que
l’accompagnement sur le terrain permet de faire des
rétroactions immédiates plus contextualisées et efficaces,
de donner des idées, que ce soit dans la façon d’animer les
sorties, de laisser des traces à partir de ce qui vient de se vivre
ou de saisir certains éléments vécus qui feront la transition
avec la prochaine sortie.
Une proximité dans l’échange, au plus près de la réalité
de la classe et du milieu naturel, fait que l’enseignante
vit pleinement cet accompagnement. Par ailleurs, par
l’instauration d’une relation de confiance, la personne
enseignante se sent soutenue dans les initiatives qu’elle
pourrait prendre et, de fait, ose prendre des risques sur les
différentes façons de générer des apprentissages au regard du
vécu expérientiel des enfants.
E7 : Le fait d’avoir quelqu’un avec qui on peut échanger au
moment où on essaie (rétroaction immédiate), c’est sécurisant
et cela permet de voir les possibilités en temps réel et de façon
concrète, contrairement à une formation théorique où on doit
attendre que la formation soit terminée avant d’en faire l’essai.
236
Un dispositif d’accompagnement dans l’intégration d’une didactique organique
E6 : Cette forme d’accompagnement a permis de légitimer mes
façons de faire autrement.
E8 : Je sens que je peux diminuer les barrières que le cadre
nous met pour oser se mettre en contact (marcher pieds nus),
s’émerveiller, ralentir le rythme et miser sur les activités de
connexion à la Nature.
Lorsque l’accompagnatrice prend la place de l’enseignante
afin d’illustrer ses propos, cela a été apprécié à l’unanimité.
Cela permet à la personne enseignante de prendre du recul,
de découvrir de nouvelles façons de faire et de voir ses élèves
autrement :
E6 : C’est très riche d’observer quelqu’un d’autre ! Voir faire
l’accompagnatrice dans la prise en charge de la sortie m’a permis
d’avoir du recul sur mes élèves, de les voir autrement.
E1 : Cela m’a permis de pouvoir observer plus mes élèves.
E4 : En la voyant faire, on n’a pas peur de se salir, de se tromper,
de la météo, de ne pas savoir à l’avance et ainsi de laisser les idées
émerger des éléments de la Nature.
E3 : L’accompagnatrice a fait vivre des moments de pleine
conscience avec les élèves et des moments de gratitude face à
toute cette belle Nature qui nous accompagne. Je n’avais jamais
pensé explorer ce volet avec mes élèves, ce fut une fabuleuse prise
de conscience pour moi.
L’accompagnement ne commence par sur le terrain avec les
élèves, mais dès le début de la formation où l’accompagnatrice
prend soin de chaque personne enseignante dans la spécificité
qui est la sienne :
237
L’éducation par la nature
E2 : Même sans les élèves, nous sommes allées nous énergiser en
allant marcher sur le bord de la rivière. Elle m’a appris à faire le
silence afin d’écouter le chant des oiseaux par exemple. Elle a été
un modèle pour moi.
E3 : L’accompagnement offert était différent pour chacune de
nous.
E6 : La formatrice a valorisé et accueilli chaque participante avec
sa couleur : forces, défis, personnalité, intérêts. Elle m’a permis
d’être, tout simplement. C’est ce qui doit être fait également avec
nos élèves. Elle nous prend, nous reçoit là où nous en sommes
dans nos humanités environnementales.
Enfin, l’accompagnement se poursuit dans la constitution
d’une communauté de pratique afin que chaque personne
enseignante puisse apprendre des autres, faire part des
difficultés vécues afin de trouver des solutions et de se sentir
soutenue.
E3 : Mes moments coup de foudre ont été nos moments de
partage en équipe-école où j’ai découvert toute la richesse
des collègues de mon école. Lors de ces merveilleux moments
d’échange pédagogique entre nous, j’ai trouvé riche de découvrir
ce que chacune de nous faisait de différent dans sa classe.
E2 : Cette formation m’a permis d’échanger avec mes pairs sur les
façons de vivre en relation avec la Nature avec mes élèves. Ainsi,
j’ai appris avec la formatrice et aussi par mes collègues.
Un tel accompagnement nous apparaît la meilleure façon
d’introduire la Pédagogie Nature qui s’articule autour de
l’approche inductive à partir du vécu des jeunes en relation
avec la Nature pour créer des situations d’apprentissage en
lien avec le programme scolaire. Une telle approche appelle
238
Un dispositif d’accompagnement dans l’intégration d’une didactique organique
à un nouveau rapport au savoir de la part des personnes
enseignantes et leur demande un lâcher-prise, ce qu’elles
sont arrivées à faire, elles qui avaient souvent l’habitude
de transmettre des savoirs objectifs prédéfinis selon un
processus descendant.
E1 : Beaucoup de pratique, peu de théorie. C’est apprécié et
efficace. Le fait de parler d’une approche plus intuitive, moins
préparée et collée sur de la théorie, peut sembler déstabilisant au
début, mais cela devient plus naturel après quelques sorties.
E7 : Tous les liens sont possibles à faire avec une visite à l’extérieur.
C’est plus simple à faire qu’on pense. Les élèves apprécient
beaucoup et en redemandent.
Et pour clore cette partie, soulignons le bienfait d’une
telle Pédagogie Nature qui en plus d’enrichir les pratiques
d’apprentissage, contribue de façon substantielle au bien-être
des personnes enseignantes.
E2 : J’ai adoré la formation. Elle m’a permis de renforcer mon
sentiment de bien-être lorsque je suis en relation avec la Nature.
J’ai profité du moment présent et j’ai appris à lâcher prise.
E3 : Je conserve de cet accompagnement de garder mon cœur,
mon corps et mes yeux d’enfant. De me laisser toucher et
imprégner par la beauté de la Nature. Je veux faire de la pédagogie
Nature l’inspiration et le fil conducteur de ce que nous vivrons
dans notre classe.
Un tel renforcement positif est un élément non négligeable
à prendre en considération quand on connaît l’essoufflement
récurrent témoigné par le personnel enseignant.
239
L’éducation par la nature
Conclusion
L’accompagnement dans le dispositif de formation pour
amener une personne enseignante à repenser l’éducation selon
un nouveau rapport au monde, une relation écoformatrice
holistique qui infuse tous les apprentissages tout au long
de la journée, est capital. Cet accompagnement part d’une
compréhension fine de la personne enseignante dans son
rapport au monde avant de la guider dans sa pratique. Une
telle démarche, qui inaugure un changement radical de
pratique par rapport aux approches classiques, demande de
toute évidence un engagement important à la fois de la part
de la personne accompagnatrice et de la part de la personne
accompagnée. Pour l’accompagnatrice, cet engagement a lieu
dans la préparation et le suivi individualisé de chacun des
participants, en lien avec les compétences évoquées dans le
tableau 1. De son côté, la personne accompagnée engage une
réflexivité sur sa pratique, comme le soulignent également
Vivegnis et al. (2022) au regard d’un dispositif de mentorat en
enseignement. Ce degré d’engagement est sans doute propre
à tout processus qui implique des changements profonds.
D’après les personnes enseignantes, le résultat justifie les
efforts consentis dans la mesure où non seulement cette
Pédagogie Nature enrichit les pratiques d’apprentissage, mais
elle contribue aussi de façon substantielle à leur bien-être tant
professionnel que personnel.
Présentation de l’auteure
Virginie Boelen est professeure associée au Département
de didactique de la faculté des sciences d’éducation de
l’Université du Québec à Montréal. Membre chercheure
du Centre de recherche en éducation et formation relatives
à l’environnement et à l’écocitoyenneté (Centr’ERE) ainsi
que de la chaire d’excellence en enseignement « Éducation
240
Un dispositif d’accompagnement dans l’intégration d’une didactique organique
par la nature et territoire apprenant » (ÉNa-TerrA), Virginie
s’intéresse au processus holistique de reconnexion au
territoire à activer en milieu formel et non formel en contexte
de changements climatiques, notamment en lien avec les
savoirs et les pratiques pédagogiques autochtones. Son
expertise se situe dans la formation et l’accompagnement des
professionnels à cet effet.
Un dispositif de formation et
d’accompagnement pour une éducation
par la nature
Mathieu Point, Geneviève Bergeron, Sébastien Rojo
Résumé
Ce chapitre présente un dispositif de formation et
d’accompagnement pour l’appropriation et la mise en œuvre
de l’éducation par la nature (EN) sous forme de rechercheaction-formation. Exprimés par quatre enseignantes ayant
participé à ce projet, des propos illustrant les leviers à
l’appropriation et à la mise en œuvre d’une approche d’ÉN
sont présentés et discutés.
Introduction
Associés notamment à la dégradation des écosystèmes,
à la déclinaison de la biodiversité ou encore aux inégalités
243
L’éducation par la nature
environnementales, les défis socio-environnementaux actuels
réclament un changement de paradigme qui nécessite de
passer par une prise de conscience des liens profonds et
multiples qui nous unissent à la nature (UNESCO, 2021b).
Il s’agit d’amorcer une transformation, à la fois culturelle et
personnelle, du rapport au vivant. À la fois source d’espoir
et vecteur possible de changement, le monde de l’éducation
se trouve interpellé par cet impératif. Au Canada, en 2019,
l’Association canadienne des doyens et doyennes d’éducation
(ACDE) signait l’Accord sur l’éducation pour un avenir
viable, dans lequel ils reconnaissaient la responsabilité
sociale et éthique des facultés, des collèges, des écoles et des
départements d’éducation dans le devoir d’agir. Les facultés
d’éducation sont en effet bien placées pour contribuer à la
mise en œuvre de ces changements, notamment grâce « à
leur rôle quant à la formation de la prochaine génération
d’enseignantes et enseignants, à leurs initiatives en matière
de perfectionnement professionnel et à leur contribution à la
recherche et au développement » (ACDE, 2022 : 9).
C’est en tant que professeurs et chargés de cours dans une
université québécoise que nous inscrivons notre proposition
dans cet ouvrage collectif. Depuis quelques années, nous
œuvrons à développer des projets de recherche et de
formation qui placent les médiations par la nature comme
vecteur du développement et de l’apprentissage (e.g. Rojo et
Bergeron, 2017 ou Point et Ricard, 2020). Plus récemment,
nous nous sommes intéressés plus spécifiquement au
potentiel de l’éducation par la nature (désormais ÉN), une
approche éducative perçue comme un levier face aux enjeux
énoncés précédemment (Lugg, 2007 ; Waite, 2019). En effet,
elle pourrait contribuer à ce que les apprenants développent
un rapport plus sensible à la nature, à ce qu’ils la connaissent
mieux, l’apprécient, s’y attachent et, ultimement, sentent le
besoin de se mettre en action pour la préserver (Stern et al.,
2014). Contrairement à d’autres pays, l’éducation à l’extérieur
244
Un dispositif de formation et d’accompagnement pour une éducation par la nature
des murs de l’école est un phénomène assez récent au Québec.
Bien que de plus en plus mobilisée (Ayotte-Beaudet et al., 2022),
elle serait, selon Boelen (2022), souvent opérationnalisée sous
des formes réductrices. Il faut reconnaître que l’ÉN telle que
nous la concevons se détache des approches magistrocentrées
encore très présentes dans le système scolaire québécois
(Conseil supérieur de l’éducation [CSE], 2017). L’ÉN
constitue en effet une proposition éducative plus inductive
et expérientielle (Ballantyne et Packer, 2009 ; Broda, 2002 ;
Boelen, 2022) qui exige des pratiques pédagogiques d’une
grande qualité (Waite, 2019). Cela peut donc constituer un
défi pour les personnes enseignantes qui auraient notamment
besoin de plus de formation et d’accompagnement (Boelen,
2022 ; Maziade et al., 2018).
Ayant rénové leur cour extérieure pour en faire une
« cour nature » et souhaitant en faire bénéficier les enfants
de manière optimale, une école primaire québécoise a
exprimé un besoin de formation et d’accompagnement et
nous a sollicités en 2019 afin de réfléchir à ses pratiques.
Les premières discussions ont révélé un intérêt plus large
à développer l’ÉN au sein de leur milieu et à se former à
cette approche. Nous avons donc proposé un dispositif de
formation et d’accompagnement structuré par l’intermédiaire
d’une recherche-action-formation participative. L’objectif de
cet article est de décrire ce dispositif inédit ayant pris forme
graduellement en alliant recherche et pratique. En nous
appuyant sur les propos des enseignantes lors des entrevues,
nous présenterons également quatre leviers ayant joué un rôle
déterminant dans leur processus d’appropriation de l’ÉN. La
discussion permettra de poser une réflexion sur différents
enjeux entourant la formation des personnes enseignantes à
l’ÉN.
245
L’éducation par la nature
1� Repères conceptuels
L’« ÉN » est un concept polysémique. Considérant les
visées de soutenir une appropriation de l’ÉN par des personnes
enseignantes, nous avons choisi de privilégier une définition de
l’ÉN assez englobante, ayant des paramètres généraux ni trop
directifs ni trop restrictifs. Les travaux de Waite (2019) ont été
une première source d’inspiration dans le projet. Cette dernière
décrit l’ÉN comme une proposition éducative où le contexte, à
la fois social et environnemental, joue un rôle significatif dans
l’apprentissage et qui s’inscrit dans la logique d’augmenter
l’exposition et l’attachement à la nature. Notre perspective
flexible nous amène à considérer que l’ÉN peut, à certains
moments, s’apparenter à une méthode qui permet de travailler
des objets d’apprentissage et de développer des compétences
de manière plus concrète et contextualisée qu’en classe, tout
comme elle gagne, simultanément ou non, à s’ancrer dans un
lieu et prendre naissance à même les savoirs portés par ce lieu.
Une deuxième inspiration vient donc de l’approche place based
learning en tant que démarche d’apprentissage enracinée dans le
lieu et sensible au lieu (Lloyd et al., 2018). Il s’agit de penser les
éléments vivants et non vivants d’un lieu comme les vecteurs
de l’apprentissage et des entités avec qui entrer en relation.
2� Description du dispositif de formation et
d’accompagnement
Nous présentons dans cette section le dispositif de
formation et de recherche mis en place ainsi que chacune de
ses composantes.
2.1 Partenaires du milieu scolaire et universitaire
Le dispositif collectif regroupe quatre enseignantes, une
direction adjointe ainsi qu’une conseillère pédagogique d’une
246
Un dispositif de formation et d’accompagnement pour une éducation par la nature
même école primaire de Trois-Rivières. Ils sont tous considérés
comme des chercheurs de milieu. Il s’agit d’une école de
218 élèves qui offre un programme d’éducation internationale
(PEI). Ce sont plus précisément une enseignante de l’éducation
préscolaire, une enseignante d’éducation physique et deux
enseignantes du primaire (2e et 3e cycle) qui ont pris part au
projet. Outre l’enseignante de maternelle 5 ans, les enseignantes
n’étaient pas familières avec l’ÉN, mais s’y intéressaient. Du
côté de l’université, trois chercheurs en éducation ont pris part
au projet ainsi que trois étudiants de maîtrise en éducation.
2.2 Structure générale du dispositif et posture
Ce travail groupal s’est échelonné sur deux années, de
septembre 2020 à juin 2022. Nous avons choisi de structurer
le dispositif par le biais d’une méthodologie de rechercheaction-formation (RAF).
Faisant partie de la grande famille des approches
participatives, la RAF permet d’aider les acteurs et actrices
à améliorer leurs pratiques et à résoudre des problèmes
vécus sur le terrain tout en valorisant et en tirant partie
des savoirs et de l’expertise qu’ils et elles possèdent. Loin
des postures plus traditionnelles, il s’agissait pour nous
d’inscrire notre travail dans des rapports plus égalitaires,
où la connaissance, le changement et l’innovation trouvent
leur source au sein de la participation et de la collaboration.
Dans une perspective professionnalisante, nous avons conçu
le dispositif pour qu’il engage les protagonistes dans une
logique de réflexion sur et dans l’action (Perrenoud et al.,
2008). Il nous paraissait important de penser l’émergence de
nouvelles pratiques autrement que par l’unique exposition à
des connaissances issues de la recherche ou à des activités
prêtes à l’emploi, lesquelles les auraient laissés à la merci d’une
logique d’application où la complexité des contextes et des
situations est bien souvent occultée. L’intention poursuivie
247
L’éducation par la nature
était de dépasser les formations ponctuelles et d’offrir un
accompagnement personnalisé à plus long terme, pour
permettre à cette équipe de développer sa propre capacité
à mettre en œuvre une approche d’ÉN cohérente avec les
particularités de leurs élèves, leur école et leur territoire.
La RAF s’articule dans ce projet autour de trois pôles : 1) le
pôle Action vise la mise en œuvre de situations d’apprentissage
selon une approche d’ÉN ; 2) le pôle Formation se rapporte
à l’accompagnement de l’équipe et 3) le pôle Recherche a
pour objectif de décrire les pratiques des enseignantes, les
facilitateurs, les obstacles, les retombées perçues ainsi que
les enjeux vécus dans le processus d’appropriation. Sur le
plan de la recherche, nous avons mobilisé trois méthodes :
des entrevues individuelles avec les chercheurs du milieu
après chaque année du projet (N = 11), des enregistrements
des rencontres d’accompagnement (N = 9) et un entretien
collectif au terme du projet. Ajoutons que des observations,
captées par vidéo, de situations d’apprentissage réalisées dans
et par la nature ont été effectuées dans le but de produire des
capsules vidéo de formation (N = 25).
2.3 Rencontres d’accompagnement
Le projet repose sur des rencontres collectives
d’accompagnement, pour lesquelles les chercheurs du milieu
ont été libérés, respectant une certaine fréquence. Il y a eu cinq
rencontres dont deux journées entières et trois demi-journées
à l’an 1 ainsi que quatre rencontres en demi-journée à l’an 2.
La première rencontre d’accompagnement a servi à tisser
des liens entre tous les membres du groupe. Un sondage avait
été préalablement complété pour partager nos expériences
professionnelles significatives, nos motivations à participer au
projet, nos forces, nos représentations de l’ÉN et ce que nous
changerions en éducation si nous en avions le pouvoir. Cette
rencontre a également permis de clarifier la méthodologie
248
Un dispositif de formation et d’accompagnement pour une éducation par la nature
de RAF et les rôles de chacun. Nous en avons profité pour
situer notre travail dans une posture de facilitation et non
d’expertise et, conséquemment, dans une approche plus
ascendante (bottom-up : prise de décision collective, valorisation
des savoirs qui émergent de l’expérience) que descendante
(top-down : prescription de ce qu’il faut faire).
À partir d’activités participatives, nous avons également
présenté le but général du projet, discuté des défis perçus et
vécus relativement à la mise en œuvre de l’ÉN, codéfini la
situation désirée (objectif collectif préliminaire) et anticipé
des premiers besoins de formation.
Lors de cette rencontre, nous avons exploré certains
repères pédagogiques à propos de l’ÉN dans le but d’amorcer
les discussions sur ce que peut représenter cette façon
d’envisager le développement et l’apprentissage des enfants.
Ces repères découlent d’une synthèse des écrits sur l’ÉN,
dans laquelle nous avons cherché à cerner les implications
pédagogiques de l’approche en suivant une démarche
d’investigation. Ces implications ont été regroupées en sept
grands principes, que regroupe la figure 1.
Figure 1. Sept principes pédagogiques pouvant soutenir
l’éducation par la nature.
249
L’éducation par la nature
Pour nous, ces principes constituent des repères flexibles
qui permettent d’inspirer et de soutenir la réflexion, l’idée
n’étant pas d’imposer un cadre rigide. Dans le cadre du projet,
ils ont été soumis aux enseignants qui les ont utilisés et les
ont fait évoluer. À leur suggestion, nous avons créé un outil
réflexif permettant de situer chaque principe sur une échelle
de 1 à 10 (comme un curseur que l’on pourrait moduler) à
partir de questions réflexives. Il nous semble nécessaire de
préciser que, comme pour tout outil, il n’y a pas d’application
universelle ; il doit être ajusté en fonction des singularités des
milieux. Il est d’ailleurs nécessaire de l’envisager comme un
produit sujet à évolution.
Dès cette première rencontre, les enseignantes ont été
invitées à se mettre en action en se fixant un défi personnel.
Certaines ont choisi de réaliser une activité d’apprentissage
à l’extérieur dans une perspective exploratoire, d’autres ont
choisi de faire une causerie avec leurs élèves pour leur parler
du projet et d’engager une discussion sur leur rapport à la
nature ainsi que sur leurs intérêts et préoccupations par
rapport à l’ÉN.
Comme il s’agit d’un dispositif de formation qui évolue
en fonction des besoins du groupe, chacune des rencontres
subséquentes a été différente. Néanmoins, certains éléments
essentiels peuvent être dégagés, considérant que la RAF se
caractérise habituellement par des cycles d’expérimentation,
d’analyse et de réflexion critique entourant un aspect de la
pratique professionnelle, ici l’ÉN (McNiff et Whitehead,
2006).
2.4 Expérimentations sur le terrain et coanalyse de ces dernières
Entre chacune des rencontres, les enseignantes étaient
invitées à expérimenter une ou plusieurs situations
d’apprentissage dans et par la nature avec leur groupe. Les
repères pédagogiques, que nous avons affinés collectivement
250
Un dispositif de formation et d’accompagnement pour une éducation par la nature
tout au long de la démarche, pouvaient les aider à planifier leurs
situations ou encore à en faire une réflexion critique a posteriori.
Plus d’une quarantaine d’expérimentations ont été
effectuées dans différentes disciplines : mathématiques,
sciences, histoire, éducation physique et arts plastiques. Des
situations d’apprentissage interdisciplinaires ont également
été expérimentées. Elles ont eu lieu dans la cour d’école
« nature », dans les parcs environnants tels que petits
boisés ou parcs municipaux ainsi que sur les berges de la
rivière Saint-Maurice. Progressivement, nous avons cherché
ensemble comment faire de la nature une partenaire réelle
dans l’apprentissage tout en explorant différentes postures
parfois plus instrumentales.
Lors des rencontres d’accompagnement, chaque membre
du groupe avait un temps spécifique pour présenter son
expérimentation en exposant les intentions poursuivies,
une description de sa pratique, les conditions facilitantes,
les obstacles rencontrés et une synthèse des retombées
observées. Un outil de consignation a été proposé, mais a très
peu été utilisé. Puis, une séance d’analyse collective permettait
de préciser et de comprendre le vécu expérientiel, de soulever
des forces et de proposer des pistes d’amélioration en tissant
des liens avec les principes pédagogiques, dans la perspective
de progresser graduellement.
En cohérence avec notre intention de nous attarder
davantage sur le processus d’apprentissage que sur les
résultats, nous avons créé un document collectif permettant de
formaliser les apprentissages réalisés (grands constats). Après
chaque rencontre, cette trame de notre processus était bonifiée,
puis revisitée par le groupe à des moments stratégiques.
2.5 Capsules de formation et activités expérientielles
En fonction des besoins exprimés par les membres du
groupe, nous avons exploré certaines thématiques susceptibles
251
L’éducation par la nature
de soutenir l’évolution des pratiques. Il s’agissait d’éclairer les
pratiques au contact de connaissances issues de la recherche
en stimulant les échanges du groupe. Ces connaissances
pouvaient servir à stimuler la réflexion professionnelle critique
sur l’action mise en œuvre et pouvaient permettre de soutenir
la planification des prochaines expérimentations. Par exemple,
un membre de l’équipe spécialiste en physiologie du sport a
proposé une capsule de formation sur la thermorégulation.
Nous avons également traité de gestion de classe suivant des
défis rencontrés par certains et de l’approche spécifique du
place based learning pour aider à approfondir l’ancrage dans le
territoire.
Des activités expérientielles, peu nombreuses en raison
de la COVID, ont également été réalisées pour soutenir la
compréhension de l’ÉN (par exemple, une activité collective
de résolution de problèmes).
2.6 Suivi individualisé
Certaines enseignantes ont manifesté le besoin d’obtenir
du soutien individualisé permettant d’aller plus en profondeur
que lors des rencontres collectives. Nous nous sommes
donc rendus disponibles pour des rencontres individuelles
permettant d’offrir des rétroactions plus spécifiques sur des
activités réalisées ou menant à des réflexions plus pointues
sur leurs situations d’apprentissage à venir.
2.7 Planification d’une journée collective d’ÉN multiniveau à la
fin du processus
À la fin du projet, l’équipe a décidé d’un commun accord
de se donner un défi collectif d’envergure, soit celui de
planifier une journée complète d’éducation par la nature avec
leurs élèves à l’île Saint-Quentin. Ce défi, que nous avons
tenté d’inscrire dans une approche place based learning, a été
252
Un dispositif de formation et d’accompagnement pour une éducation par la nature
l’occasion de faire évoluer les représentations de l’ÉN et
conséquemment des pratiques la soutenant, puisqu’il a fait
émerger plusieurs préoccupations et points de vue divergents.
A posteriori, l’analyse collective de cette expérience a été riche
et a permis d’identifier des pistes potentielles pour le futur.
3� Leviers à l’appropriation de l’ÉN
Dans cette section, nous portons notre attention sur
les éléments qui, selon les enseignantes, ont soutenu leur
appropriation de l’ÉN. Que ce soit dans les rencontres
collectives d’accompagnement ou dans les entrevues
individuelles, quatre leviers principaux sont ressortis :
l’ancrage dans le collectif, les expériences répétées comme
moteur à l’apprentissage, le temps accordé et à s’accorder
ainsi que des attitudes favorisant le changement de pratique.
3.1 Levier 1 : l’ancrage dans le collectif
Le levier prépondérant dans le discours des enseignantes
concerne la dimension groupale moussée par le dispositif.
En effet, il semble que le fait de prendre appui les unes
sur les autres ait joué un rôle important dans le processus
d’appropriation de l’ÉN. Cela s’est manifesté parfois au sein
des interactions et parfois directement dans l’action.
3.1.1 Au sein des interactions
Une première partie de cet ancrage s’est concrétisé dans
les interactions. D’une part, les enseignantes participantes
estiment que les discussions entre collègues leur ont permis
de se rassurer, de s’entraider et d’améliorer leurs pratiques.
Dès la première année du projet, cela transparaît dans le
discours :
253
L’éducation par la nature
Quand il y a plusieurs personnes qui participent, c’est plus facile
d’avoir un coup de pouce, de pouvoir discuter « toi, ton activité,
comment ça s’est passé ? Moi il s’est passé telle, telle chose. Je [ne]
sais pas trop comment je peux l’améliorer » donc tout l’aspect de
retour collaboratif est important selon moi (P1).
La force du collectif favorise également le partage d’idées
permettant l’enrichissement mutuel, comme en témoigne cet
extrait : « C’est partir des idées des autres. Le fait qu’[on] se
renchérit » (P5) et celui-ci : « La collaboration a amené une
coconstruction de ce qu’on veut mettre en place. Puis, j’ai
trouvé ça vraiment intéressant » (P2).
D’autre part, elles indiquent que les échanges avec les
chercheurs universitaires ont aussi soutenu leur processus
d’appropriation. Tout au long du projet, les enseignantes
ont mentionné apprécier être soutenues, que ce soit lors des
rencontres collectives ou lors des rencontres individuelles :
« Bien, vous autres, vous êtes un bon levier. Le fait qu’on
coopère avec vous aussi, c’est un bon levier » (P5). Cela
semble d’ailleurs avoir eu un effet motivant : « Je trouve que
vous nous donniez l’élan aussi puis l’envie de poursuivre puis
de chercher tout le temps à s’améliorer » (P3). L’appropriation
de l’ÉN aurait également été impulsée par les rétroactions
offertes sur les expérimentations vécues : « Avoir un regard
extérieur pour m’améliorer ou pour ajuster la fois suivante, ça
m’a vraiment aidée » (P6).
3.1.2 Au sein de l’action
Une deuxième partie de l’ancrage dans le collectif s’est
concrétisée directement dans l’action. Trois éléments
émergent des résultats.
L’un d’eux concerne l’expérimentation en coenseignement,
qui s’avère aidant pour repérer plus facilement les occasions
d’apprentissage émergentes que peut offrir l’ÉN. En effet, se
254
Un dispositif de formation et d’accompagnement pour une éducation par la nature
jumeler avec des collègues pour expérimenter une situation
d’apprentissage amène à recourir aux forces de chacune et
enrichit les pratiques :
C’est le fun quand on n’a pas la même vision tout le monde. Quand
moi je m’en vais avec elle, j’y rajoute des choses, c’est elle qui me
rajoute des choses, y a des choses qu’on voit. […] Ça permet une
vision différente puis d’apporter des idées que toi, t’as pas pensé.
Quand t’es toute seule, oui, tu vois un peu des choses, mais avec
quelqu’un d’autre on dirait que t’es comme porté à voir encore
plus ce que l’autre fait, ce que l’autre ne fait pas (P5).
Puis, bien qu’elles aient décrit l’ÉN comme déstabilisante,
l’effet de groupe permet d’oser se mettre en action. Cette
enseignante confie la plus-value apportée par le fait de
pouvoir partager avec les autres pour lui permettre de se
lancer dans l’ÉN :
On dirait qu’il a fallu que je me lance tête première à un moment
donné, bing bang, et puis là, avec la communauté qu’on avait
créée ça m’a vraiment aidée parce que je pense que j’aurais comme
encore été un petit peu sur le frein de : voyons ! Comment je vais
faire ? On dirait que ça m’a comme un peu poussé : let’s go ! Vas-y !
Puis, de voir les autres aussi qui expérimentaient, c’est ça, le petit
coup de pouce (P4).
L’accès à cette communauté de soutien semble créer un
contexte sécurisant pour l’expérimentation, tel que l’indique
cette enseignante à la fin du projet :
De pouvoir en parler, pour se rassurer, prendre en assurance,
risquer davantage, devenir plus audacieux, je pense que c’est
vraiment nécessaire pour l’implantation en éducation par la nature
parce que c’est une prise de risque (P6).
255
L’éducation par la nature
3.2 Levier 2 : les expériences répétées comme moteur à
l’apprentissage
D’abord, les enseignantes mentionnent que vivre
concrètement des situations d’apprentissage avec leurs élèves
leur permet de mieux s’approprier l’ÉN : « [Ce sont] des
expériences de vécu avec du monde, les vivre concrètement,
pas juste les lire sur papier » (P5). Cette dernière abonde en ce
sens : « Il faut comme le vivre à plusieurs reprises, parce que
ce n’est pas juste une fois qu’on se retrouve devant ce “Oh my
god!” » (P3). Les expérimentations qui se répètent semblent
en effet favoriser une évolution de leurs représentations. Lors
de la journée d’ÉN avec quatre groupes d’élèves à la fin du
projet, une enseignante constate une évolution :
C’est vraiment l’activité sur la biodiversité qui a fait évoluer ma
conception. En fait, je savais que l’éducation par la nature, à la
base, c’est vraiment de mettre l’enfant au centre […]. Mais, de
ma perspective, je trouvais ça très difficile à atteindre parce que
l’inconnu fait que c’est très difficile d’encadrer ou de réenligner
nos élèves quand on ne sait pas à quoi on va faire face […]. Quand
j’ai fait mon activité sur la biodiversité qui était vraiment dans le
cadre de classe nature pure où on va aller observer, on va voir
qu’est-ce qu’on trouve, et j’ai prévu plein de choses selon vers où
mes élèves m’amènent (P6).
Ensuite, les expérimentations ont également comme
avantage de permettre de découvrir de manière plus
authentique les retombées positives de l’ÉN :
Il y a quand même des gains que je découvre en expérimentant.
Que là, bon, ça c’est quelque chose que je peux faire à l’extérieur
que je ne peux pas obtenir comme résultat à l’intérieur (P6).
256
Un dispositif de formation et d’accompagnement pour une éducation par la nature
Selon les données recueillies, les expériences répétées
favorisent la découverte des potentialités de l’environnement
naturel sur le plan éducatif. Une enseignante explique :
Ce que je trouve qui a changé, c’est ma façon d’observer mon
environnement, c’est ma façon de voir, tu sais dans ce que je vois
dans ma progression des apprentissages (P6).
Puis, l’expérimentation semble avoir contribué à une plus
grande confiance chez les enseignantes par rapport à l’ÉN et,
ainsi, à une diminution du stress.
Je pense que c’est l’expérimentation. Je pense que plus j’en fais,
plus je prends confiance et moins j’ai l’impression de risquer gros.
Au début, chaque expérimentation, c’était une prise de risque.
Mais là, […] ça devient plus naturel. Je ressens moins de pression,
moins de stress (P6).
3.3 Levier 3 : le temps accordé et à s’accorder
D’une part, les participantes relatent l’importance de
bénéficier de temps pour planifier. Selon elles, adopter des
changements dans leur pratique et faire place à ce qui émerge
tout en respectant le programme de formation nécessite une
certaine réflexion. « Avoir un temps de planification, avoir
un temps de discussion avec des partenaires, je dirais des
collègues ou des mentors dans le cas du projet » (P6). Le temps
de réflexion collective offert par le projet est nommé par les
enseignantes comme un levier à l’appropriation et à la mise
en œuvre de l’ÉN. Elles nomment le besoin de prendre ce
temps collectivement pour réfléchir et trouver conjointement
des pistes de solution. Une enseignante ajoute que bénéficier
de temps de réflexion individuel dans leur quotidien est tout
aussi important : « Il est bénéfique de prendre des notes de
257
L’éducation par la nature
ce qui a fonctionné ou de ce qui peut être bonifié dans notre
façon de faire l’activité […] » (P5).
D’autre part, les enseignantes ont mentionné que le temps
était un facteur déterminant dans le processus d’appropriation
de l’ÉN. Selon elles, s’exposer progressivement permet de
diminuer le stress encouru par le changement de pratique et
la nouveauté.
C’est important de se respecter puis d’y aller par petits pas, donc
par progression. Donc, c’est quand même rassurant de dire que
ce n’est pas de la classe extérieure, mais c’est un pas. Donc, je me
dirige vers quelque chose (P6).
Cette nécessité d’appropriation et d’évolution progressive
revient à plusieurs reprises :
[…] il faut essayer d’arrêter de se mettre des barrières et en
rajouter un petit peu chaque année jusqu’à temps de voir, mon
Dieu, c’est ça la classe extérieure puis c’est possible même au
primaire. […] Puis d’en ajouter un morceau chaque année, dans le
sens, c’est parce que ça ne se fait pas du jour au lendemain, donc,
une journée à la fois (P4).
3.4 Levier 4 : des attitudes favorisant le changement de pratique
Parmi les leviers importants identifiés par les enseignantes,
certains se rattachent aux attitudes. Elles ont mentionné
l’importance d’une ouverture aux nouvelles approches
pédagogiques : « Tu ne changes pas de local quand tu es
dehors, tu changes ta pratique » (P3), et de l’audace : « Faut
avoir l’audace d’abord là de le faire soi-même. Ça, d’abord il
faut travailler sur soi, je dis, c’est le premier levier, c’est toi.
Ouvre la porte puis sors » (P3).
258
Un dispositif de formation et d’accompagnement pour une éducation par la nature
Elles ajoutent également qu’il faut avoir la volonté de se
développer personnellement et d’accepter de se mettre en
position de vulnérabilité. Selon les enseignantes :
On se place dans la posture où on accepte de se questionner avec
nos élèves. Parce que, quand on se laisse imprégner de ce qui se
passe, c’est se placer un petit peu en situation de vulnérabilité
parce qu’on ne sait pas tout. […] Ben, j’accepte de me mettre en
position de chercheur avec mes élèves. C’est ce qui devient aussi
très stimulant pour les élèves (P3).
Conclusion
L’ÉN repose sur un changement de paradigme et de
pratiques (Boelen, 2022 ; Dyment et Reid, 2005 ; Maynard et
Waters, 2007), ce qui peut conduire à vivre de l’insécurité,
comme en témoignent les enseignantes du projet. Ce
processus les amène à faire l’expérience de la vulnérabilité
tout en la considérant comme importante dans le processus.
La notion de « vulnérabilité » nous semble porteuse en ÉN,
notamment en l’élargissant au rapport au monde. C’est qu’en
effet les défis actuels appellent une reconnaissance de la
fragilité de tous les vivants et de leur interdépendance afin
de se tourner vers des conditions respectueuses pour chaque
forme de vie (Laugier, 2015).
En cohérence avec nos résultats, Van Dijk-Wesselius et
al. (2020) indiquent que l’ÉN exige de prendre des risques,
d’oser et de se lancer dans cette approche pédagogique par
une logique de petits pas. À cela, nous ajoutons : des petits
pas répétés. En effet, l’un des leviers du dispositif est la place
accordée à l’expérience et à la réflexion sur cette dernière.
À l’instar de Hickman et Stokes (2016), nous pensons que
cela permet d’enrichir le développement professionnel d’une
manière plus holistique et moins technique.
259
L’éducation par la nature
Notre recherche expose également que l’expérience
répétée accroît, chez les enseignantes, la capacité à reconnaître
les potentialités que peuvent offrir la nature et les lieux
fréquentés. Un enjeu important des dispositifs de formation
est d’aider les personnes enseignantes à s’appuyer sur les
particularités territoriales et les savoirs portés par les lieux.
Il s’avère important qu’elles puissent apprendre à cerner le
potentiel des lieux pour guider les enfants dans un processus
d’apprentissage significatif (Ballantyne et Packer, 2009). La
formation à l’ÉN gagne à prendre en compte les singularités
des territoires, des écoles, des personnes enseignantes et des
élèves. Cela nécessite de reconnaître qu’il n’existe pas de
modèle unique (Passy, 2014 ; Waite, 2019).
Les enseignantes de la recherche ont relevé l’importance
du temps offert par le dispositif pour planifier, réfléchir et
discuter dans un contexte où le temps est une ressource rare.
Le manque de temps est d’ailleurs situé comme un obstacle
dans les milieux (Van Dijk-Wesselius et al., 2020). S’il nous
semble important d’offrir aux personnes enseignantes
des espaces-temps de qualité, les dispositifs de formation
gagneraient certainement à proposer des moments de
réflexion critique sur le rapport au temps dans nos sociétés
de performance et d’efficacité.
Le travail collectif a permis le développement ascendant
d’un cadre commun pour l’ÉN. Cela est supporté par d’autres
travaux qui soulignent que planifier, réfléchir et collaborer
avec des collègues sont des aspects qui soutiennent cet esprit
décisif (Barfod, 2017). Il faut donc considérer l’importance
de créer des espaces collectifs de formation qui, selon nos
enseignantes, favorisent l’entraide et l’idéation en plus de
créer une matrice sécurisante pour progresser.
D’ailleurs, pour bien des auteurs, faire face aux enjeux
socio-environnementaux ne peut s’opérer sans un tissu social
fort. La transition socio-écologique repose sur les relations
entre des acteurs et actrices d’une communauté qui, bien
260
Un dispositif de formation et d’accompagnement pour une éducation par la nature
ancrés dans un territoire, décident ensemble d’agir dans une
perspective d’action collective locale et de solidarité (Audet
et al., 2019).
Présentation des auteur·es
Mathieu Point et Geneviève Bergeron sont tous les deux
professeurs à l’université du Québec, à Trois-Rivières, au
département des sciences de l’éducation, et cotitulaires de la
chaire d’excellence en enseignement ENa-TerrA portant sur
l’éducation par la nature. Pour cet écrit, ils sont accompagnés
de Sébastien Rojo, chargé de cours à l’UQTR et directeur
d’EX-Situ Expérience, ainsi que des étudiantes Andréanne
Thériault et Laurence Ruest.
Quels besoins pour la formation aux pratiques
scolaires d’éducation au développement
durable ? Le point de vue d’enseignants
français du primaire et secondaire
Cécile Redondo
Résumé
Notre proposition s’intéresse aux enjeux de formation des
professionnels de l’Éducation nationale en France concernant
les pratiques d’éducation au développement durable (EDD).
À partir d’une enquête par questionnaire diffusée aux
enseignants des premier et second degrés d’une académie du
sud de la France au printemps 2022, nous identifions une
formation à l’EDD quasi inexistante pour presque 70 % de
l’échantillon, compensée par une importante autoformation,
ce qui pose globalement problème.
263
L’éducation par la nature
Introduction
Notre proposition s’intéresse aux enjeux de formation des
professionnels de l’Éducation nationale en France concernant
les pratiques d’éducation au développement durable (EDD).
Dans le contexte d’urgence lié à l’entrée en anthropocène
(Redondo et Ladage, 2021) associé à celui de nombreuses
prescriptions (Redondo, 2022), la question des besoins en
formation des enseignants apparaît essentielle, mais prise
dans des contraintes diverses.
1� Contexte de la formation à l’EDD en France
Pour contextualiser et problématiser l’étude, baliser
le champ de l’EDD dans le contexte français, ses liens
conceptuels et empiriques avec l’éducation par la nature ainsi
que les modalités de la formation enseignante en France nous
paraît un préalable nécessaire.
1.1 L’EDD dans le contexte français
Apparue en France dans les années 2000, l’EDD constitue
une conceptualisation institutionnelle et normative des
ambitions éducatives onusiennes induites par la perspective
du développement durable (DD). En effet, depuis la
naissance du concept au niveau international en 1987 (rapport
Brundtland), on assiste à une prise en charge institutionnalisée
des questions de DD par la sphère éducative, selon des
valeurs qui sont propres aux politiques internationales du
DD et sous l’impulsion de plusieurs mouvements de grande
ampleur : les grandes conférences internationales ou sommets
de la Terre (Stockholm en 1972 ; Rio en 1992 ; Johannesbourg
en 2002 ; Rio+20 en 2012), la décennie des Nations unies
pour l’EDD (DNUEDD 2004-2015) et la feuille de route
de l’Organisation des Nations unies [ONU] 2017 avec les
264
Quels besoins pour la formation aux pratiques scolaires
17 objectifs de DD et l’Agenda 2030. Ainsi, à partir de la
problématisation des enjeux locaux sous la forme d’énoncés
environnementaux globaux, s’organise dans chaque pays la
diffusion de curricula/programmes nationaux spécifiques
inscrits dans le cadrage de la sphère politique internationale
(ONU).
En France, l’EDD s’est progressivement substituée à
l’éducation à l’environnement (EE) des années 1970 en
intégrant l’éducation formelle et le système scolaire par
plans triennaux dès 2004 : les textes officiels (circulaires)
du ministère de l’Éducation nationale (MEN) définissent
un champ éducatif non disciplinaire, interdisciplinaire et
transversal, concernant tous les niveaux d’enseignement et
toutes les disciplines, avec la prescription d’une entrée par
thématique (Redondo, 2022 : 82-83).
1.2 Liens conceptuels et empiriques entre EDD et éducation par
la nature
Historiquement, l’éducation par la nature se construit
d’abord au sein des réseaux de naturalistes (ornithologues,
paléontologues, botanistes, etc.) mobilisés auprès des jeunes
dans le cadre de l’éducation populaire : il s’agit des premiers
mouvements de l’éducation relative à l’environnement
(ERE) qui émerge dans les années 1960 en France, autour de
la prise de conscience d’un environnement fini à préserver
et d’une visée émancipatrice des jeunes par l’intermédiaire
du cadre naturel. Dans les années 1970, le mouvement des
ERE se politisant (responsabilités des politiques, visée de
partage de la nature), cette dynamique se diffuse au sein des
engagements citoyens et se structure avec les réseaux militants
et associatifs comme le Centre permanent d’initiatives pour
l’environnement [CPIE] (1972), le réseau École et nature
(1983), voire le scoutisme.
265
L’éducation par la nature
C’est donc en marge et en contrepoint de l’École75, et
en filiation avec l’ERE, que les mouvements d’éducation
par la nature se sont développés, principalement au sein
de l’éducation non formelle (voire informelle selon les
appellations) : réseaux d’apprentissage tout au long de la
vie, éducation permanente, associations (militantes), musées,
organisations non gouvernementales, formations liées à des
branches d’activité/de métier spécifiques, éducation socioscientifique, éducation populaire, etc.
On peut néanmoins considérer plusieurs liens conceptuels
et empiriques entre l’EDD et l’éducation par la nature, ce qui
justifie l’étude des enjeux formatifs que nous proposons de
faire pour l’EDD dans le contexte français, en matière de
proximité avec ceux de l’éducation par la nature :
Elles s’intègrent a priori toutes les deux au mouvement des
« éducations à » qui sont plus centrées sur l’éducation et la
formation de l’individu (ou du citoyen à part entière) que sur
la transmission de savoirs académiques.
Elles bouleversent toutes les deux les coutumes de l’École
et la forme scolaire, l’une se plaçant en intériorité du système
formel (l’EDD), l’autre en extériorité (l’éducation par la
nature), mais faisant chacune appel à de nouvelles manières
d’enseigner, d’éduquer et d’apprendre (ce qui justifie une
investigation sur la dimension pédagogique, sans toutefois
évacuer les questions qui relèvent de la didactique).
Elles relèvent toutes deux d’un lien entre éducation
et « nature » (ou entre éducation et « environnement » ou
« développement durable »), qui s’incarne dans un rapport à la
nature (ou à ses objets connexes) – existant ou à construire –
en considérant l’environnement « naturel » comme vecteur et
objet d’enseignement-apprentissage (Vitores, 2022).
75 Le terme « École » désigne ici l’institution scolaire prise dans son
ensemble.
266
Quels besoins pour la formation aux pratiques scolaires
1.3 La formation enseignante en France
En France, la formation des enseignants a été assurée
historiquement par les écoles normales d’instituteurs puis
par les instituts universitaires de formation des maîtres
(IUFM) créés en 1991, et – depuis la création des masters
Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation
(MEEF) en 2013 – par les écoles supérieures du professorat
et de l’éducation (ESPÉ) et les instituts nationaux supérieurs
du professorat et de l’éducation (INSPÉ) créés en 2019.
Assurée par des enseignants-chercheurs universitaires et
des formateurs professionnels de terrain, la formation des
enseignants intervient en début de carrière dans le cadre de
la formation initiale (FI), visant le soutien à l’entrée dans le
métier des débutants, et au niveau de la formation continue
(FC), en vue de favoriser l’évolution professionnelle des
enseignants expérimentés plus tard dans la carrière.
Les modalités de la FI relèvent principalement de
l’alternance, par le biais des stages sur le terrain (observation,
pratique accompagnée ou en autonomie) en articulation avec
des sessions en institut de formation. Dans le cadre de la
formation continuée (insertion professionnelle des novices)
et de la FC, les modalités relèvent en majorité de la visite
formative en classe, du tutorat en établissement (Ravez,
2023 : 4) et de collaborations intra- ou inter-métiers, voire
inter-institutionnelles (Redondo et al., 2022). La formation
conjugue ainsi logique d’accompagnement et de conseil,
réflexivité sur la pratique professionnelle (intégrant la double
dynamique d’universitarisation et de professionnalisation
de la formation) et ancrages dans les champs didactiques
(disciplinaires), pédagogiques (enseignement aux élèves
à besoins éducatifs particuliers, inclusion scolaire,
différenciation, numérique, etc.) et professionnels, le tout
en lien plus ou moins fort avec la recherche, selon les
composantes et les disciplines. Organisées sur place (en
267
L’éducation par la nature
institut de formation, en établissement, etc.) ou à distance
(Massive Open Online Courses [MOOC], webinaires, parcours
sur la plateforme numérique M@gistère inaugurée en 2013,
etc.), sur une courte ou longue durée (de la demi-journée à
plusieurs années de suivi), les sessions sont collectives ou
individuelles.
Dans ce chapitre, nous entendons sous le terme de
« formation » autant le « projet social (institutionnel et
pédagogique) de transformation d’autrui, concrétisé dans
des dispositifs et des pratiques » (Carré, 2020 : 33), que le
« processus personnel de transformation du sujet concerné »
(loc. cit.) contribuant à son « développement professionnel »,
soit « un processus de changement, de transformation, par
lequel les enseignants parviennent peu à peu à améliorer
leur pratique, à maîtriser leur travail et à se sentir à l’aise
dans leur pratique » (Uwamariya et Mukamurera, 2005 :
148). Considérant cela, les principaux enjeux et défis de la
formation enseignante se cristallisent à trois niveaux :
• intégrer les savoirs d’expérience des enseignants et
répondre aux attentes du terrain ;
• tenir un positionnement institutionnel sous tutelle
ministérielle ;
• adosser la formation aux recherches (Lessard, 2008 ;
Sembel, 2020).
Le positionnement des instances de formation s’inscrit
ainsi « à la croisée des logiques d’action du terrain, de
l’administration et de la science […] dans un contexte
de reconfiguration simultanée du travail enseignant, des
politiques scolaires et des finalités et modalités des recherches
en éducation » (Ravez, 2023 : 3).
268
Quels besoins pour la formation aux pratiques scolaires
2� Un cadre théorique inspiré de la didactique
permettant d’objectiver la nature de la formation à
l’EDD
En tant que didacticienne de l’EDD, nous étudions la
formation des enseignants à l’EDD instituée comme un
espace de vie et de circulation des savoirs à et pour enseigner.
Nous faisons le choix d’une approche anthropologique du
didactique (Chevallard, 2007), celle-ci visant à décrire, rendre
compte et donner plus d’intelligibilité à un phénomène en
particulier de la réalité sociale – soit la formation universitaire
et professionnelle des enseignants –, où des savoirs et des
pratiques vivent et se diffusent (par l’intermédiaire des
personnes au cœur de l’institution scolaire ciblée) de manière
plus ou moins élaborée et sous certaines conditions et
contraintes (non définies a priori).
Deux angles d’approche nous intéressent particulièrement :
qu’est-il identifiable dans la formation (existante ou à
construire) en matière de contenus ainsi qu’en matière de
pratiques pédagogiques pouvant être utiles et nécessaires à
un enseignant ayant à éduquer ses élèves au DD ?
Notre problématique porte ainsi sur les contenus et
les formats de cette formation ainsi que sur la place de
l’autodidaxie dans le champ de l’EDD en matière de
professionnalisation des enseignants.
3� Un protocole méthodologique construit autour d’une
enquête empirique par questionnaire
Notre analyse de la formation du corps professoral à
l’EDD opère par une enquête de terrain par questionnaire,
qui nous semble une manière relativement traditionnelle,
mais opérationnelle et robuste, d’accéder au déclaratif des
acteurs concernant la formation (suivie ou souhaitée) à
l’EDD. L’approche quantitative du questionnaire offre en
269
L’éducation par la nature
outre une description « élargie » du phénomène permettant de
faire émerger des caractéristiques générales de la formation à
l’EDD (existante et à créer).
3.1 Diffusion de l’enquête par questionnaire
Notre méthode de recherche s’organise ainsi autour de
la diffusion de l’outil d’enquête, adressé aux enseignants du
primaire et du secondaire d’une académie du sud de la France
au printemps 2022. Notre grille de questionnaire est construite
et hébergée en ligne dans l’interface du logiciel Google Forms.
Elle est structurée en 22 questions articulant classiquement
le bloc des questions socio-biographiques adressées au
répondant (genre, âge, niveau d’étude, profession, ancienneté,
type de poste/structure, contexte d’exercice) et celles qui sont
relatives à notre objet d’étude – la formation à l’EDD –, avec
une alternance dans la structuration des questions (fermées,
ouvertes, à échelle, à choix unique ou multiple).
3.2 Recueil, traitement et analyse descriptive des données
Notre corpus est constitué de 262 réponses exploitables
pour lesquelles nous proposons dans ce chapitre un traitement
essentiellement statistique. Nous mobilisons le logiciel SAS
pour deux opérations successives : un tri à plat, qui permet
d’établir la distribution des réponses (en matière de fréquences),
et un tri croisé (opérant par le test du Chi2 avec un seuil de
significativité à 5 %), qui vise quant à lui à déterminer l’existence
de corrélations entre certaines variables.
3.3 Description de l’échantillon
Le tri à plat des données brutes du questionnaire permet
d’établir le profil des 262 répondants dont les caractéristiques
sont résumées dans le tableau 1 :
270
Quels besoins pour la formation aux pratiques scolaires
Caractéristiques
Sexe
Âge
Ancienneté
dans la fonction
Niveau de
diplomation
Femmes
186
Hommes
76
Moins de 25 ans
77
Entre 26 et 30 ans
30
Entre 31 et 40 ans
54
Entre 41 et 50 ans
51
Plus de 51 ans
50
er
Profession
Type de
poste-structure
Effectifs
Enseignant du 1 degré (professeur des écoles
[PE])
133
Enseignant du 2d degré (professeur de collège-lycée [PCL])
71
Autre (éducateur, formateur, animateur, médiateur, conseiller principal d’éducation, etc.)
58
Moins d’un an
74
Entre 1 et 5 ans
57
Entre 6 et 10 ans
26
Entre 11 et 20 ans
47
Entre 21 et 30 ans
44
Plus de 30 ans
14
École
134
Collège
59
Lycée
28
Autre (association, entreprise, centre social,
université, etc.)
27
Doctorat
7
Master
162
Licence
84
Baccalauréat
5
Brevet des collèges
4
Tableau 1. Caractéristiques de l’échantillon.
271
L’éducation par la nature
Les analyses descriptives établies au niveau statistique
permettent ensuite de formuler cinq grandes catégories de
résultats.
4� Résultats en matière de formation à l’EDD
4.1 Présence ou absence de formation
Nos résultats établissent tout d’abord que les formations à
l’EDD sont encore trop peu développées, voire inexistantes :
67,2 % des répondants indiquent ne jamais en avoir suivi.
Les raisons invoquées concernent principalement l’absence
d’offre de formation de la part de leur institution (69,0 % des
déclarations), en particulier pour les PE et PCL (Chi2 = 23,77 ;
p < 0,01 %) en poste en école, collège ou lycée (Chi2 = 18,82 ;
p = 0,01 %), malgré un fort intérêt déclaré pour le sujet
(Chi2 = 27,65 ; p < 0,01 %), confirmé par la revendication
de fortes convictions (Chi2 = 6,07 ; p = 0,02 %). Le manque
de temps disponible est quant à lui invoqué dans 30,4 % des
déclarations.
Les enseignants qui ont moins de 25 ans (Chi2 = 10,03 ;
p = 0,04 %) et qui ont moins de 1 an d’ancienneté dans le
métier (Chi2 = 12,14 ; p = 0,03 %) sont ceux qui déclarent
significativement plus que les autres avoir suivi une formation
à l’EDD. Ces résultats sont cohérents avec l’existence plutôt
récente des formations à l’EDD dans les INSPÉ, et donc de
la plus forte sensibilisation des novices (« jeunes » en âge et
« jeunes » dans le métier) à ce domaine éducatif.
4.2 Contenus de formation
Pour le tiers des répondants, qui déclarent avoir suivi
une formation à l’EDD (32,8 %), les contenus dispensés
concernaient surtout les savoirs/connaissances de DD à
enseigner (51,6 % des déclarations), le développement des
272
Quels besoins pour la formation aux pratiques scolaires
projets d’EDD (47,4 % des déclarations), les activités à
organiser comme les sorties scolaires, la fabrication d’œuvres
d’art, etc. (45,3 % des déclarations) et la manière dont l’EDD
est intégrée dans les programmes (41,1 % des déclarations).
Les plus « jeunes » enseignants dans le métier déclarent,
significativement plus que les autres, avoir bénéficié de
formations centrées sur le développement de projets d’EDD
(Chi2 = 14,47 ; p = 0,01 %) et sur les activités à organiser
(respectivement Chi2 = 11,50 ; p = 0,04 % et Chi2 = 3,83 ;
p = 0,05 %). Cela semble encourageant au regard de la
focalisation (historique) sur les savoirs/connaissances de
DD à enseigner, qui semble encore prégnante, mais faisant
donc l’objet d’un renouvellement avec des contenus plus
innovants et intégrant une plus grande activité de l’apprenant
(en l’occurrence l’enseignant en formation, et donc
ensuite potentiellement l’élève en classe). La question du
rapprochement entre les savoirs explicitement liés à l’EDD
et ceux qui sont liés aux disciplines reste entière.
4.3 Formats des formations
Le format des formations suivies était le plus souvent
magistral/descendant (40,7 % des déclarations), ou bien
il s’agissait d’une mise en pratique de type manipulation/
fabrication/conception (d’objet technique) ou d’une mise
en situation de type débat, etc. (40,7 % des déclarations),
voire de l’analyse d’une situation ou étude de cas (34,1 % des
déclarations), ou encore de la visite d’un site emblématique
comme une forêt, une usine de recyclage ou une station
d’épuration (25,3 % des déclarations). Comme sur la question
des contenus, un renouvellement semble être ici aussi à
l’œuvre concernant les modes pédagogiques traditionnels de
formation comme le cours, témoignant ainsi d’une évolution
encourageante selon ce critère.
273
L’éducation par la nature
Il apparaît en outre que certains formats pédagogiques
sont significativement corrélés (plus que d’autres) à certains
contenus de formation :
L’analyse de situation (ou étude de cas) est corrélée à
la dimension interdisciplinaire de l’EDD (Chi2 = 6,26 ;
p = 0,01 %) et aux savoirs/connaissances de DD à enseigner
(Chi2 = 3,50 ; p = 0,06 %).
La mise en pratique ou mise en situation est corrélée aux
activités à organiser (Chi2 = 4,53 ; p = 0,03 %).
Cela renforce la cohérence souhaitée entre dimension
pédagogique et didactique des formations proposées
concernant l’adéquation pertinente entre format et contenus
de la formation (Redondo, 2022 : 105-106).
4.4 Cadre d’organisation des formations
Les formations ont majoritairement été suivies dans le
cadre d’une animation pédagogique (39,1 % des déclarations),
d’un projet collectif d’établissement ou de cycle (21,7 % des
déclarations), de l’intervention d’un organisme extérieur
comme une collectivité locale (20,7 % des déclarations),
ou d’un cours en formation initiale avec le suivi de certains
modules ou l’inscription dans une filière/option spécialisée
(18,5 % des déclarations).
Il apparaît aussi que certains cadres organisationnels
sont significativement corrélés (plus que d’autres) à certains
contenus de formation et à certains formats d’activités :
La formation initiale est corrélée aux compétences à faire
travailler aux apprenants (Chi2 = 14,28 ; p < 0,01 %), au
développement de projets d’EDD (Chi2 = 10,52 ; p < 0,01 %),
à la manière dont l’EDD est intégrée aux programmes
(Chi2 = 5,26 ; p = 0,02 %), aux savoirs/connaissances de
DD à enseigner (Chi2 = 5,18 ; p = 0,02 %) et à la dimension
interdisciplinaire de l’EDD (Chi2 = 5,00 ; p = 0,03 %).
274
Quels besoins pour la formation aux pratiques scolaires
L’intervention extérieure est quant à elle corrélée à la visite
de site (Chi2 = 13,24 ; p < 0,01 %) et à la manière dont l’EDD
est intégrée aux programmes (Chi2 = 5,24 ; p = 0,02 %).
Le développement d’un projet collectif d’établissement ou
de cycle est corrélé à la visite de site (Chi2 = 8,08 ; p < 0,01 %)
et à la mise en pratique ou mise en situation (Chi2 = 6,06 ;
p = 0,01 %).
La labellisation de l’établissement est corrélée à
l’organisation de démarches EDD en son sein à travers
différentes actions transversales à l’enseignement, le
fonctionnement, la logistique, les espaces verts, etc.
(Chi2 = 7,96 ; p < 0,01 %).
La mise en évidence de ces relations statistiques
significatives constitue un indicateur des priorités qui
peuvent être celles des acteurs intervenant en formation
(les formateurs en FI, les intervenants extérieurs, etc.). Mais
ces relations prennent place dans une logique structurelle
de carences en FI et FC, laissant un espace trop vaste pour
l’autoformation.
4.5 Engagement dans une dynamique d’autoformation
Il apparaît ensuite que les enseignants pallient le manque
de formation par des apprentissages réalisés en autodidaxie,
en s’informant grâce aux médias généralistes (50,6 % des
déclarations), en consultant leurs ressources professionnelles
(45 % des déclarations), en faisant des recherches sur
Internet (41,7 % des déclarations), en échangeant avec leurs
collègues de travail (39,4 % des déclarations) ou avec leurs
proches (38,3 % des déclarations) voire en lisant des ouvrages
spécialisés (32,8 % des déclarations).
On remarque à ce niveau-là le recours à tout un ensemble
de ressources qui ne sont pas nécessairement formalisées :
peu de suivi, de MOOC pour les PE et PCL (Chi2 = 16,96 ;
p = 0,02 %), peu de consultations d’ouvrages de spécialistes,
275
L’éducation par la nature
peu de références à des cours/modules universitaires
suivis pendant les études (arrivés en dernière et avantdernière positions de la liste). On remarque également
moins de recours qu’attendu théoriquement aux échanges
avec les collègues de travail pour les PE et PCL interrogés
(Chi2 = 15,39 ; p = 0,03 %), ainsi que la forte percolation
entre la sphère privée et la sphère professionnelle (suscitant
des échanges en famille, entre amis ou bien intégrant le relais
de la télévision, de la radio, des réseaux sociaux, etc. mais
dans une dimension relativement « personnelle » des choses
et pas toujours partagée au niveau du collectif professionnel).
Chez les enseignants interrogés, la dynamique
d’autoformation à l’EDD a été principalement initiée par
l’actualité médiatique et scientifique alertant sur les problèmes
socio-environnementaux (60,4 % des déclarations) et par un
projet initié sur le lieu de travail (30,7 % des déclarations).
On peut néanmoins s’étonner du faible poids que semblerait
jouer le recours aux ressources professionnelles du type
référentiel, programmes, socle commun, circulaires, manuels,
etc., pour les enseignants interrogés qui déclarent moins s’y
référer qu’attendu théoriquement, sauf ceux ayant entre 41
et 50 ans (Chi2 = 11,00 ; p = 0,03 %) et déclarant entre 11 et
20 ans d’ancienneté (Chi2 = 12,40 ; p = 0,03 %). Cela rejoint
le fait que le changement/renforcement des programmes en
faveur de l’EDD ne constitue pas le moment déclencheur
de la décision de s’autoformer (Chi2 = 9,77 ; p = 0,04 %)
pour tous les enseignants interrogés, toutes tranches d’âge
confondues. Leur autoformation est principalement motivée
par la qualité de l’éducation qu’ils souhaitent apporter aux
apprenants (67,5 % des déclarations), par conviction (54,1 %
des déclarations), par curiosité (43,3 % des déclarations) et/
ou par érudition (13,9 % des déclarations).
Les enseignants interrogés identifient de nombreux
avantages à leur autoformation sur le sujet de l’EDD : la
possibilité de choisir les contenus qui les intéressent (52,3 %),
276
Quels besoins pour la formation aux pratiques scolaires
l’accès ouvert à des points de vue différents comme celui des
chercheurs, des professionnels de terrain, etc. (43,8 %), la
flexibilité dans les créneaux horaires de formation (33,0 %),
le choix des formats et supports d’autoformation (32,4 %),
l’encouragement à la réflexivité (28,4 %) et une meilleure
activité en tant que formé (23,9 %). Ils retiennent également de
nombreuses difficultés à pouvoir s’autoformer sur le sujet en
lien avec le manque de temps disponible (50,3 %), la difficulté
à faire des choix dans la grande profusion de contenus
(35,4 %), le manque de reconnaissance et de validation
officielle de cette autoformation par leur institution (22,4 %),
ainsi que des empêchements au niveau matériel (21,1 %) et/
ou au niveau financier (21,1 %). Il est enfin intéressant de
repérer que les deux principales valeurs personnelles que les
enseignants associent au fait de s’autoformer à l’EDD sont la
transformation (40,6 %) et la création (39,1 %).
Ainsi, à l’heure où la formation des enseignants fait débat
et où la question des « éducations à » tente de s’imposer
comme innovation transversale dans cette même formation,
la démarche d’autoformation dont nous venons de décrire
la dynamique est à la fois le signe d’une réelle implication
individuelle, suivant probablement une prise de conscience
tant citoyenne que professionnelle, et un signe supplémentaire
des carences de la FC et des interrogations récurrentes
sur la dimension commune et transversale de la FI. Notre
discussion s’appuiera sur ce constat critique.
Discussion et conclusion
L’analyse permet d’abord de constater que le système de
formation – universitaire et professionnelle – des enseignants
français ne répond que partiellement aux besoins des adultes
exerçant ou se destinant à exercer une éducation au DD et/ou
par la nature. Notre étude permet ensuite de situer les enjeux
et les besoins de la formation, qui excèdent des ingénieries
277
L’éducation par la nature
relevant uniquement d’enjeux pédagogiques et didactiques
(Redondo, 2022) et auxquels pourraient être associées les
approches de l’autoformation (Galvani, 2020). Enfin, nos
résultats nourrissent, au moins en partie, ce que pourrait être
une formation enseignante plus utile, plus pertinente, plus
fonctionnelle et opérationnelle du point de vue des acteurs :
elle articulerait des dimensions centrales comme la pratique/
l’activité (de l’enseignant et ensuite de l’apprenant), l’ancrage
dans le collectif professionnel local ou plus distant (afin de
limiter le confinement à la sphère privée et aux pratiques
« personnelles », etc.). Sur ce point, l’exploration approfondie
des réponses aux questions ouvertes de notre questionnaire
pourra permettre de nourrir les différentes possibilités
d’insertion à envisager au sein des programmes de formation
pour adultes (contenus, formats et autoformation), dans une
dynamique de réactualisation de l’existant.
À l’heure du changement de paradigme qui s’opère
actuellement avec la remobilisation populaire et la nouvelle
dynamique militante qui s’instaure autour de l’urgence
climatique et anthropocénique – éducation en anthropocène
(Hétier, 2021 ; Wallenhorst, 2022) ; éducation aux questions
environnementales et de développement [EQED] (Barthes
et al., 2022) –, peut-on sortir de l’institué (EDD) et se
réapproprier les finalités de l’éducation par la nature dans
une visée de citoyenneté politique ? Dans cette optique de
« renaturalisation », il s’agirait d’envisager un changement de
valeurs et de finalités visant une formation des enseignants
(et donc une éducation des apprenants) plus globale et
plus politisée autour de la question de la responsabilité par
le citoyen (non culpabilisante mais émancipatoire). Reste à
savoir si le renouvellement du paysage institutionnel de la FI
et FC des enseignants en France, avec la création des écoles
académiques de la formation continue (EAFC) en 2022,
jouera un rôle sur la possible recomposition des contenus
et des formats de formation et d’autoformation. Un enjeu
278
Quels besoins pour la formation aux pratiques scolaires
majeur nous semble enfin être celui d’un troisième « D »
de l’EDD, la démarche d’enquête (Chevallard et Ladage,
2010 ; Redondo et Ladage, 2021), appliquée au DD comme
à tous les objets des « éducations à », parachevant ainsi leur
« transversalisation » et contribuant par ce moyen et cette
thématique à l’adossement à la recherche collaborative de
l’ensemble de la FI et FC des enseignants.
Présentation de l’auteure
Cécile Redondo est maître de conférences en sciences
de l’éducation et de la formation à l’université Jean-Monnet
de Saint-Étienne. Ses travaux portent principalement sur la
didactique de l’éducation au développement durable (EDD)
avec une thèse soutenue en 2018 qui a permis d’investiguer les
nombreuses initiatives pédagogiques conduites dans le champ
de l’EDD, dans leur double dimension pratique et théorique.
Ses recherches portent aussi sur des objets et perspectives
connexes : l’éducation en anthropocène et l’empowerment.
Comment former les enseignants du primaire
pour qu’ils aient envie d’enseigner dehors ?
Une analyse des limites d’un dispositif belge
de formation initiale
Christine Partoune
Résumé
Cet article présente d’abord les grands axes de la
formation à la pratique de l’enseignement en dehors de la
classe qui inspirent une équipe de formateurs en géographie,
dont l’auteure de ces lignes. Viennent ensuite les résultats
de l’analyse de deux facteurs interprétatifs de l’échec de la
stratégie mise en œuvre auprès de la majorité des étudiants :
le profil de ces derniers et les préjugés des formateurs quant à
leur motivation présumée pour l’apprentissage dehors.
281
L’éducation par la nature
Introduction
Cet article présente une analyse du dispositif de formation
initiale des enseignants du primaire à la pédagogie hors les
murs à la Haute École Libre mosane (HELMo) de Liège,
en Belgique francophone, proposé entre 2008 et 2015. En
Belgique, le curriculum de formation comporte trois années
de baccalauréat76, et à HELMo, la didactique77 du paysage78
constitue la colonne vertébrale du cours de géographie.
En Bac 1 (50 h), le milieu urbain où l’école est située
est exploité : des activités de découverte alternent et sont
couplées avec un cours sur les grands courants d’urbanisme,
ainsi qu’un cours d’initiation à la didactique du paysage ;
en géo-histoire, les étudiants ont pour projet de réaliser la
monographie d’un quartier afin de soutenir des propositions
d’amélioration de ce dernier. En Bac 2 (50 h), le milieu
rural est abordé en sciences et en géographie au cours d’un
module de quatre jours, dans un gîte géré par une association
d’éducation à l’environnement dont les animateurs sont
mis à contribution pour faire découvrir le milieu forestier.
En Bac 3 (20 h), le milieu littoral est exploité en sciences
et en géographie et comporte un module résidentiel d’une
76 Tous les pays qui adhèrent aux Accords de Bologne ont adopté le
terme « baccalauréat » pour désigner le diplôme obtenu après les trois
premières années de l’enseignement supérieur, à l’exception de la France,
qui utiliser le terme « licence », et du Portugal.
77 Le propre de la didactique est d’étudier les processus de conception
des stratégies d’enseignement et d’éducation. Elle examine notamment la
cohérence de l’articulation entre objectifs d’apprentissage, méthodes et
évaluations, compte tenu du profil des apprenants.
78 La didactique du paysage est une thématique classique de la formation des enseignants en géographie, ainsi que de la formation des animateurs en éducation relative à l’environnement. Elle porte spécifiquement
sur les façons de former au/par le paysage, à différents niveaux (de la
maternelle à l’enseignement supérieur), et dans différents contextes (éducation formelle et non formelle).
282
Comment former les enseignants du primaire pour qu’ils aient envie d’enseigner dehors ?
semaine. L’analyse réflexive qui s’ensuit porte spécifiquement
sur la didactique de terrain, qui s’intéresse à la façon dont
sont conçus et mis en œuvre des apprentissages en dehors
de la classe : elle porte sur le choix des sites, des arrêts et des
itinéraires, ce qui suppose chez les enseignants des capacités
d’investigation du milieu par eux-mêmes pour, d’une part,
en déceler le potentiel pédagogique, d’autre part, identifier
les risques potentiels à faire courir – ou non – aux élèves ;
elle encourage la conception d’activités d’apprentissage
originales, puisque chaque lieu est unique ; elle porte aussi
sur les particularités de la gestion d’un groupe, compte tenu
du profil des élèves. Les apprentissages sont réinvestis dans
d’autres sites extraordinaires, comme un terril ou une réserve
naturelle : par groupes de quatre, les étudiants explorent
et étudient le site pour préparer un dossier didactique
comprenant une présentation des contenus à aborder, un
itinéraire et un programme d’activités pour des élèves de la
fin du primaire. Enfin, les étudiants doivent témoigner d’un
transfert des acquis en stage avec un parcours didactique dans
les environs immédiats de l’école comprenant au minimum
cinq activités, y compris l’exploitation en classe de ce qui aura
été appris sur le terrain.
Cependant, les résultats étaient insatisfaisants du point de
vue des formateurs : une fois en fonction, les enseignants
exploitaient extrêmement rarement le milieu proche de
l’école79, ce qu’il était très facile de constater à l’occasion des
visites de stage et ce qu’une enquête auprès de tous les maîtres
de stage – soit 300 enseignants – a confirmé par défaut (seuls
onze d’entre eux ont répondu)80. De surcroît, bon nombre
79 À l’époque, le mouvement pour l’école du dehors n’avait pas encore
pris l’ampleur (toute modeste) qu’il a aujourd’hui.
80 Le questionnaire d’enquête transmis à tous nos maîtres de stage – soit
300 enseignants – est consultable dans les annexes de notre rapport de
recherche en 2016, p. 174-191. https://www.helmo.be/getattachment/
Recherche-Innovation/Pedagogique/Extramuros/Extramuros/Recom-
283
L’éducation par la nature
d’entre eux acceptaient du bout des lèvres que les étudiants
en stage testent des dispositifs d’apprentissage hors les murs.
Déçus par ces résultats, deux professeurs de géographie
(dont l’auteur de ces lignes) ont initié, en partenariat avec
l’Institut d’éco-pédagogie81 – une association spécialisée dans
la recherche et la formation d’adultes en éducation relative
à l’environnement et à l’écocitoyenneté –, une recherche
intitulée « Extra-muros82 » pour essayer de comprendre cet
échec, en vue d’améliorer leur enseignement. Pour les auteurs
de cette recherche, l’extra-muros recouvre toutes les situations
d’apprentissage en dehors de la classe (dans la cour, le quartier,
en forêt, mais aussi visites de musées, d’entreprises, etc.).
Dans cet article, après avoir exposé le cadre de référence
des formateurs en géographie pour concevoir la formation
des étudiants à la didactique du paysage au départ du terrain,
nous présenterons une petite partie des résultats de la
recherche, qui porte sur l’analyse du profil des étudiants,
et nous questionnerons notre didactique de formation au
regard de ce profil.
1� Finalités de la formation à la didactique du paysage
au départ du terrain
Les formateurs en géographie à HELMo-Liège délivrent
aux étudiants le message suivant : l’apprentissage expérientiel
dans, par, pour et à propos de l’environnement en tant que
milieu de vie est essentiel parce qu’il permet de rejoindre
les enfants dans leurs besoins profonds : bouger, s’amuser,
apprendre en jouant, disposer d’un espace de liberté et
mandations_extramuros_16-02-2016.pdf.aspx
81 L’Institut d’éco-pédagogie est une association sans but lucratif
(ASBL) qui a changé de nom en 2020 pour s’appeler Écotopie –laboratoire d’éco-pédagogie.
82 La recherche a été soutenue financièrement par HELMo (2015-2018)
et par le service public de Wallonie (2015-2016 et 2016-2017).
284
Comment former les enseignants du primaire pour qu’ils aient envie d’enseigner dehors ?
d’action, avoir une relation multisensorielle, émotionnelle et
intellectuelle avec ce qui les entoure, développer et entretenir
leur curiosité naturelle, inventer des stratagèmes…, mais
aussi donner un sens à leur vie sur Terre. Le milieu local
peut s’avérer très riche à exploiter, même quand il semble
ordinaire à première vue, et l’école est un acteur du territoire.
La formation à la didactique du paysage au départ du
terrain vise les finalités suivantes :
• renforcer les liens concrets avec le milieu de vie ;
• renforcer les liens concrets avec la nature ;
• devenir un écocitoyen responsable de son
environnement immédiat ;
• s’approprier certains fondements de l’éducation
relative à l’environnement ;
• expérimenter des démarches d’investigation avec
allers-retours sur le terrain ;
• exploiter un lieu donné pour y mener des apprentissages
multidisciplinaires.
La connexion et l’attachement au milieu de vie font partie
des buts spécifiques visés par les activités aux environs de
l’école (Winter et al., 2010). Par le biais d’activités ludiques
de découverte du milieu où les approches83 esthétique,
imaginaire et spiritualiste sont privilégiées (Pineau et al.,
2005), les étudiants expérimentent les approches sensorielle
et sensible de l’environnement (exemple : fig. 1) pour prendre
conscience de leurs émotions, affiner leurs sentiments à l’égard
de leur cadre de vie (Smith, 2002), élargir leurs capacités de
perception et stimuler leur questionnement.
83 La typologie des approches utilisées ici se réfère à celle qu’a proposé
Lucie Sauvé dans sa thèse de doctorat (1997). Elle est présentée succinctement dans l’ouvrage Repères de base en éco-pédagogie. Recettes et non recettes
(IEP, 2019 : 31).
285
L’éducation par la nature
Figure 1. Cartographie sensible du quartier, après une exploration
par sous-groupes où chaque étudiant a choisi un filtre particulier
(odeurs, bruits, couleurs, détails pittoresques, etc.).
L’attachement au monde vivant autre qu’humain recouvre
plusieurs enjeux : développer une capacité d’émerveillement
durable à l’égard de la nature (Cornell, 1992), dépasser ses
peurs (Terrasson, 2007), construire des repères en matière de
présence au monde et développer sa spiritualité pour se sentir
heureux dans la nature et avoir envie de la protéger (Cornell,
2018). Dans la formation, c’est durant les stages en forêt et
au littoral que les étudiants sont mis en présence d’une nature
moins affectée par l’Homme. Leur sensibilisation privilégie le
contact direct pour dépasser certaines peurs et l’approche
poétique du milieu, puis la chasse aux énigmes pour étudier
l’écosystème et communiquer les résultats sous différentes
formes (maquette, reportage vidéo, livre pour enfant, carnet
de voyage).
Le paysage est aussi l’occasion de rechercher une façon de
vivre la plus respectueuse possible de la vie en développant
une intelligence écocitoyenne et commune du territoire
(Partoune, 2012, 2018 ; Sauvé et al., 2017) :
286
Comment former les enseignants du primaire pour qu’ils aient envie d’enseigner dehors ?
Les paysages peuvent être considérés non seulement comme
des biens communs, comme des ressources communes pour
les êtres humains, mais aussi comme des lieux et des conditions
de la fabrication du commun, voire comme des enjeux pour le
commoning (Besse, 2018 : 5).
La cour et les autres espaces de détente de l’école sont
exploités pour poser un diagnostic, esquisser des perspectives,
définir un projet commun, négocier un plan d’action,
s’impliquer dans l’aménagement et la gestion des lieux.
Certains projets sont articulés au territoire, autour de la
résolution de problèmes réels dans l’espace public, en lien
avec les acteurs locaux : en Bac 1, les étudiants explorent
un quartier « en rôle » (promoteur immobilier, comité de
quartier, promoteur touristique) en vue d’imaginer un
projet d’aménagement pertinent et cohérent avec le milieu
(Partoune, 2020 : 111) ; des interactions avec les enseignants
sont prévues pour structurer certains savoirs et savoir-faire,
mais aussi pour apprendre comment appliquer une démarche
itérative avec des allers-retours sur le terrain ; en Bac 2, les
étudiants découvrent une association en éducation relative à
l’environnement et l’existence d’un réseau de bénévoles au
service du « bien commun » ; ils prennent conscience de la
possibilité de créer des liens avec certains membres de cette
communauté.
Concernant l’appropriation des fondements de l’éducation
relative à l’environnement, deux approches spécifiques
sont approfondies : l’approche sensorielle et l’approche
sensible. L’approche sensorielle vise le développement
d’aptitudes personnelles dans l’utilisation des sens pour
percevoir plus finement l’environnement. Pas seulement
les cinq sens identifiés par Aristote, mais aussi l’équilibre,
la proprioception, la kinesthésie, l’orientation dans l’espace,
la perception du temps, des risques ou du danger, etc. Les
objectifs sont aussi d’acquérir le vocabulaire spécifique
287
L’éducation par la nature
pour décrire sensations et perceptions. En toile de fond,
l’approche sensorielle invite à un changement d’attitude au
quotidien – une attention fine aux paysages et la découverte
du plaisir que peut procurer la perception des nuances. Quant
à l’approche sensible du paysage, elle a pour but d’amener
les étudiants à sortir de l’indifférence à son propos. C’est un
processus d’éveil complexe qui relève de l’éducation affective
et qui table sur notre aptitude à donner de la place à nos
« écoémotions84 » (Saint-Jean, 2020), à prendre conscience de
la façon dont l’environnement nous habite et à y attacher un
jugement de valeur. Ce sont les moteurs de notre motivation
pour comprendre et agir quand un environnement nous
rend malheureux ou quand notre bien-être est menacé.
Edgar Morin va encore plus loin : « La faculté de raisonner
peut être diminuée, voire détruite, par un déficit d’émotion ;
l’affaiblissement de la capacité à réagir émotionnellement
peut même être à la source de comportements irrationnels »
(1999 : 6).
L’exploration dehors permet de vivre d’authentiques
expériences qui vont stimuler le questionnement et motiver
la recherche de réponses (Mattox et al., 2008 ; Kolb, 1984).
Une investigation, au départ, des énigmes posées par la
physionomie des paysages (exemple : fig. 2) ou par les
phénomènes que l’on observe (exemple : fig. 3) est proposée
aux étudiants en nous référant au concept d’« expérience
immédiate » développé par John Dewey (Rozier, 2010) pour
construire ensuite une investigation plus réfléchie et ciblée.
84 Karine Saint-Jean appelle « écoémotions » les émotions qui « créent
le lien avec la Terre et avec les êtres vivants » (140).
288
Comment former les enseignants du primaire pour qu’ils aient envie d’enseigner dehors ?
Figure 2. Observation des phénomènesd’érosion, de transport et
de sédimentation sur une plage.
Figure 3. Le littoral au Cran d’Escalles (Côte d’Opale – France)
présente une physionomie particulière, avec une falaise vive
composée de différentes zones subhorizontales de couleurs
différentes, de la végétation à mi-parcours et des traces
d’éboulement récent ; l’estran est lui aussi énigmatique, comprend
de gros galets au pied de la falaise et, par endroits, des arbres
fossilisés et de la tourbe.
289
L’éducation par la nature
Exploiter les environs de l’école permet de réaliser des
observations, des expériences ou des mesures qui méritent
d’être répétées ou renouvelées. Cette démarche d’investigation
avec allers-retours sur le terrain est proposée aux étudiants en
Bac 1 pour réaliser l’étude d’un quartier, et individuellement
en Bac 3, durant le séjour au littoral, afin d’instruire une
question de recherche définie librement. Le questionnement
de départ n’est pas figé, pas plus que les hypothèses de travail,
la méthodologie utilisée ou le type de solution imaginé. La
façon dont les observateurs perçoivent l’environnement et
les filtres qui biaisent leurs observations tout comme leurs
opinions sont discutés tout au long du processus ; l’évolution
de la perception du milieu en cours de processus est aussi
mise en lumière. Cette démarche vise à susciter chez les
apprenants une curiosité profonde pour le milieu ambiant
(Hidi, 1990).
Apprendre à exploiter un lieu pour y mener des activités
d’apprentissage multidisciplinaires passe par deux étapes :
d’abord, apprendre à déceler le potentiel pédagogique d’un
lieu donné ; ensuite, concevoir un dispositif d’apprentissage
au départ du terrain et mettre au point des activités originales
et pertinentes pour atteindre les objectifs visés. En Bac 3,
une analyse réflexive est conduite avec les étudiants afin de
cerner les paramètres à prendre en compte pour préparer
l’exploitation d’un lieu. Le résultat est traduit sous forme
d’une carte mentale (fig. 4). Sur cette base, les étudiants
explorent une petite ville ou un site particulier pour déceler
son potentiel au départ de la physionomie des paysages,
puis ils collectent des informations sur le lieu et définissent
un itinéraire pour une classe donnée, avec cinq activités à y
réaliser.
290
Comment former les enseignants du primaire pour qu’ils aient envie d’enseigner dehors ?
Figure 4. Carte mentale pour préparer une sortie extra-muros.
291
L’éducation par la nature
2� Analyse du manque d’intérêt des étudiants pour la
pédagogie extra-muros
En dépit d’une formation initiale consacrée à la didactique
de terrain, et alors que les instructions officielles préconisent
ce type d’approche, nous avons constaté, par le biais de nos
stagiaires qui sont accueillis par environ 300 maîtres de stage,
une pratique très rare dans les écoles primaires. En 2016, un
focus group avec des formateurs issus de sept hautes écoles
en Fédération Wallonie-Bruxelles et une enquête auprès de
150 enseignants du primaire a confirmé ce constat. Pour
analyser cet échec, nous avons étudié deux paramètres : le
profil de nos étudiants et nos présupposés pédagogiques
comme formateurs.
2.1 Le profil de nos étudiants
Les sources sur lesquelles nous nous sommes appuyés
pour dresser le profil de nos étudiants sont d’une part une
enquête approfondie par questionnaire85 en 2015-201686
concernant la relation à la nature de nos étudiants (une
petite centaine a répondu sur 223 étudiants, soit 44,5 %),
85 Le questionnaire utilisé est consultable dans les annexes de notre rapport de recherche de 2016, p. 193-211. https://www.helmo.be/getattachment/Recherche-Innovation/Pedagogique/Extramuros/Extramuros/
Recommandations_extramuros_16-02-2016.pdf.aspx
86 L’ancienneté des données mériterait que l’enquête soit renouvelée.
Il y a cependant tout lieu de présumer qu’une large part des étudiants
actuels – qui étaient adolescents à l’école secondaire durant la période
Covid – ont été marqués négativement par cet épisode, renforçant leur
tendance au sédentarisme et à la procrastination, voire à la dépression.
Toutefois, le mouvement « école du dehors » suscite un certain intérêt :
en 2021, nous avons eu l’occasion d’organiser une journée de découverte
pour quelques étudiants de dernière année intéressés par le mouvement
« école du dehors » pour leur travail de fin d’études : une quinzaine y a
participé (sur 130 étudiants).
292
Comment former les enseignants du primaire pour qu’ils aient envie d’enseigner dehors ?
d’autre part les observations des formateurs durant les
sorties sur le terrain (expériences informelles de plusieurs
années, collectées au cours de deux focus groups réunissant
une quinzaine de formateurs). Une analyse de la littérature
scientifique francophone et anglophone nous a permis de
confronter ce profil à celui d’autres cohortes d’étudiants
ailleurs dans le monde.
Le profil de nos étudiants correspond à une génération qui
grandit en déconnexion avec le milieu environnant, et avec la
nature en particulier : 13 % ont un contact avec la nature
plusieurs fois par semaine mais 47 % sortent dans la nature
moins d’une fois par mois ; 18 % déclarent que la nature n’a
pas d’importance pour leur entourage familial.
Les conséquences d’un mode de vie sédentaire sont
observables : la plupart des étudiants manquent d’endurance,
ils sont vite « épuisés » par le grand air et découragés par
une météo maussade. Sur le plan cognitif, l’ignorance de nos
étudiants par défaut d’expérience87 et une culture scientifique
très pauvre88 font écho aux résultats des tests PISA en 2015 :
23 % des élèves francophones de quinze ans n’atteignent pas
le niveau 2 et 48 % n’atteignent pas le niveau 3, sur une échelle
comportant 6 niveaux (Lafontaine et al., 2017). Ils véhiculent
depuis l’enfance un corpus important de conceptions
erronées à propos du milieu naturel, en particulier en sciences
de la terre (Petcovic et Ruhf, 2008 ; Johnson et Tymms,
2011 ; Gunckel et al., 2012). Comme nous n’avons guère le
temps d’aborder, en formation initiale, toutes les matières
scientifiques à enseigner au primaire, ils finissent par les
87 Par exemple, la très grande majorité des étudiants est incapable de
dire dans quel sens va la course du soleil, ou si un banc de pierre est a priori plus chaud ou plus froid qu’un banc de bois en hiver.
88 En Belgique francophone, 65 % des étudiants qui souhaitent devenir
enseignants du primaire ont suivi une filière technique dans le secondaire,
avec un programme en sciences très réduit.
293
L’éducation par la nature
enseigner entachées inconsciemment de ces erreurs – erreurs
que l’on peut retrouver également dans des manuels89.
La plupart de nos étudiants ont aussi un mode de
raisonnement spontané à propos des phénomènes naturels
très éloigné du raisonnement scientifique, ce qu’ont souligné
plusieurs auteur·es par ailleurs (Gunckel et al., 2012 ; Duncan
et Hmlo-Silver, 2009), attribuant volontiers des intentions
aux éléments naturels (par exemple, « l’eau cherche à
rejoindre la mer », « la naturerecherche l’équilibre »). La rareté
de la confrontation avec le monde concret conduit aussi à
un manque de présence d’esprit au quotidien (Partoune,
2020)90 et ces conceptions erronées finissent par former un
système très résistant au changement (Nelson et al., 1992 ;
McDonald et Dominguez, 2010). À cela s’ajoute une
absence d’expérience d’apprentissage extra-muros à l’école
primaire et la crainte de ne pas être soutenu dans ce sens
par la direction ou les collègues. D’où une réelle difficulté à
se projeter dans ce contexte : alors qu’en fin de curriculum,
93 % de nos étudiants déclarent que l’école doit favoriser
les apprentissages à l’extérieur, 30 % d’entre eux envisagent
vraiment de le faire.
En conclusion, la place congrue des cours de géographie,
d’histoire et de sciences dans notre dispositif de formation
peut difficilement infléchir le profil dominant des étudiants
actuels, dès le moment où il touche à un mode de vie
sédentaire très prégnant. Il apparaît aussi qu’il conviendrait de
faire bouger le système en ce qui concerne les établissements
scolaires, afin que les étudiants se sentent mieux accueillis
89 Par exemple : une nappe phréatique, c’est un lac souterrain ; une roche,
c’est dur – donc le sable, ce n’est pas une roche ; un nuage, c’est du gaz.
90 Par exemple, sur le thème des marées : « Il y a deux marées par jour »
– sous-entendu, partout dans le monde, alors que ce que nous observons
sur le littoral atlantique français ou belge, c’est l’exception. L’expérience
d’autres rivages devrait en principe amener les étudiants à être plus critiques par rapport à cette théorie toute relative.
294
Comment former les enseignants du primaire pour qu’ils aient envie d’enseigner dehors ?
lorsqu’ils proposent des pédagogies innovantes (Nundy et al.,
2009).
2.2 Les préjugés pédagogiques des formateurs concernant
l’attractivité du dehors
Pour analyser nos pratiques de formation, nous avons
utilisé plusieurs grilles de lecture91 et consulté la littérature
scientifique francophone et anglophone concernant la
formation des enseignants sur le terrain, principalement
dans les cours de sciences, de géographie et d’éducation
relative à l’environnement. Compte tenu des limites de cet
article, nous présentons ce que nous avons appris en nous
intéressant à la place de la dimension affective dans nos
stratégies de formation. Nous entendons tout simplement
par « affectivité » l’aptitude à être touché ou ému. Nous
avions en effet identifié quelques préjugés qui fondent notre
engouement comme formateurs pour la pédagogie de terrain,
dont voici trois exemples :
• Sortir pour enseigner, c’est ce qu’il y a de mieux,
surtout si les sites sont exceptionnels.
• Proposer une relation émotionnelle avec la nature/le
milieu, c’est important.
• Les étudiants devraient apprécier les temps
d’investigation en autonomie.
En particulier, l’ouvrage de Catherine Meyor – L’Affectivité
en éducation. Pour une pensée de la sensibilité (2002) – nous a permis
de nous remettre en question grâce à une typologie du statut
de l’affectivité dans les pratiques éducatives assortie d’une
critique solide. D’autres auteur·es ont également enrichi
notre réflexion ; ils seront cités le moment voulu.
91 Pour plus de détails sur la méthodologie de recherche, les grilles de
lecture utilisées et les résultats de notre analyse, voir notre rapport établi
en 2016 (op. cit.).
295
L’éducation par la nature
Prenons notre premier préjugé : nous étions persuadés
qu’aller sur le terrain allait de facto enthousiasmer les étudiants
et que les qualités du milieu à explorer allaient modifier
positivement leurs dispositions à l’égard de la nature ou
du patrimoine. Les activités de terrain sont également vues
comme des occasions de développer certaines attitudes
propres au fait de devoir s’adapter aux conditions du milieu
(faire attention à sa sécurité et à celle des autres, veiller à
s’équiper en fonction du temps et de l’état du terrain, oser
s’aventurer en autonomie dans un espace inconnu, atténuer
sa peur des insectes…) et d’agir de façon appropriée sur son
environnement. Au fond, de tendre vers le « bon » citoyen
en internalisant les conduites appropriées. Quand certains
étudiants manifestent de l’apathie lors de nos sorties,
nous invoquons volontiers un contact rare ou absent avec
« la nature » comme facteur explicatif, comme une forme
de conditionnement passif les privant de rencontrer des
occasions stimulantes et formatrices.
En y réfléchissant, il nous semble que cette vision
témoigne d’un statut « fonctionnel » accordé à l’affectivité, que
Meyor apparie aux courants de la psychologie behavioriste,
qui considère que les conduites humaines répondent
exclusivement à des stimuli. Au fond, nous considérions
effectivement que l’environnement joue un rôle primordial
comme facteur conditionnant du comportement et nous nous
reconnaissons dans le postulat que « les émotions, les valeurs
et les sentiments sont appris à partir d’un environnement
favorable et de stimuli appropriés » (Meyor, 2002 : 76).
Catherine Meyor est très critique à l’égard de cette vision
qu’elle considère comme naïve, révélant une posture réaliste
et réductionniste probablement inconsciente :
C’est concevoir l’environnement et les stimuli comme des choses
douées en soi de qualités sensibles (bonté, beauté, laideur, chaleur,
etc.), « transcendantales » […]. C’est faire fi de la dimension
296
Comment former les enseignants du primaire pour qu’ils aient envie d’enseigner dehors ?
subjective des émotions, tout comme de l’attribution d’une valeur
à un milieu et à une expérience dans ce milieu (loc. cit.).
Ce que nous avons tendance à négliger, c’est que les
étudiants sont des êtres désirants, et que leurs désirs, leurs
projets, leurs rêves et la façon de les réaliser ne s’accordent
pas forcément à notre vision idéaliste. Notre erreur, selon
C. Meyor, c’est de « considérer l’être humain comme un objet,
qui résulte en une combinaison de réactions conditionnées ou
de comportements sélectionnés par le milieu » (loc. cit.). Elle
dénonce aussi la recherche de la « lumière de l’évidence »,
de la « pureté » de l’objectivité, qui transparaît dans certaines
consignes : « Lorsque l’éducateur pose des objectifs spécifiés
en termes de “choix approprié”, de “projets valables”, […]
de “questions pertinentes”, […] il semble, pour qu’une
question soit “pertinente”, […] qu’un jugement ait été
préalablement posé… » (ibid. : 87). Elle questionne quel type
d’individu il s’agit d’éduquer, en fonction de quels critères,
d’où viennent ces critères et en quoi ils sont légitimes. Elle
invite les enseignants qui se reconnaîtraient dans cette vision
à questionner l’obturation du sens, tout comme de celle de la
mémoire et de la culture, et à « assumer la relation pédagogique
dans le versant désirant qu’elle porte » (ibid. : 96).
Quant au caractère exceptionnel des sites que nous
proposons, la surprise et la découverte étant pour nous des
facteurs puissants de motivation, certain·es auteur·es ont
tempéré notre enthousiasme : plusieurs recherches ont mis
en évidence l’importance d’une préparation substantielle
avant de mener une investigation sur le terrain dans un milieu
extraordinaire, le caractère trop « nouveau » d’un territoire
à investiguer pouvant décourager les étudiants (Orion et
Hofstien, 1994 ; Orion et Ault, 2007 ; Kempa et Orion,
1996 ; Tretinjak et Riggs, 2008 ; Rebar et Enochs, 2010).
En particulier, ceux qui ont peu d’expérience personnelle
de terrain, ou qui ont peu voyagé, se trouvent incapables
297
L’éducation par la nature
d’apprécier en profondeur le caractère intéressant du lieu
et sont vite dépassés par l’ambition de devoir interpréter sa
physionomie92, tant l’environnement leur apparaît comme un
chaos indéchiffrable.
Notre second préjugé concerne la place des émotions
dans nos stratégies de formation. Si elle est très présente dans
les activités ludiques pour entamer la phase exploratoire93,
qui sont d’abord conçues pour être plaisantes et pour offrir
une perception originale et surprenante de l’environnement,
sur un mode léger qui peut surprendre les étudiants (« On
ne doit rien noter ?! — Non, vivez pleinement l’activité
pour vous-mêmes »), nous devons reconnaître qu’ensuite,
« nous n’en faisons rien ». Ainsi, dans les activités qui suivent
sans transition, le langage classique autorisé pour décrire le
paysage est davantage celui de l’anatomie et l’effort porte sur
l’acquisition par les étudiants du vocabulaire spécialisé pour
le faire. Il en va de même pour le croquis géographique,
attendu comme le plus « fidèle possible » à la réalité (nous
retrouvons là cette recherche d’objectivité dénoncée supra).
Dans ce cas, en nous référant à la typologie de C. Meyor,
il nous semble que l’affectivité a un statut instrumental au
service de l’approche cognitive, où les émotions – positives
ou négatives – sont prises en compte pour éviter d’entraver
ou pour soutenir les apprentissages cognitifs, sans pour
autant être prises en considération pour ce qu’elles sont. Le
géographe Paul Claval avait déjà pointé du doigt la faiblesse de
92 En géographie comme en écologie, la description et l’interprétation
du paysage se fonde notamment sur sa physionomie, à savoir la façon
dont un observateur peut le percevoir visuellement à moment donné,
d’un point de vue donné. L’identification des éléments du paysage, leurs
caractéristiques, leur localisation relative et leur articulation fondent l’analyse paysagère. Les approches sensible et cognitive sont aujourd’hui
reconnues dans cette analyse.
93 Par exemple, réaliser un pastiche du paysage à la façon des impressionnistes.
298
Comment former les enseignants du primaire pour qu’ils aient envie d’enseigner dehors ?
ces « tableaux géographiques » minutieux, qui ont remplacé les
récits en forme d’épopée : selon lui, ils manquent de tension
dramatique (Claval, 2001). N’hésitons pas à reconnaître que
la géographie, limitée à cette approche, est véritablement
asséchante. C’est comme si nous devions dissocier ce que
nous avons appris par notre vécu, dans la globalité de notre
être ressentant et pensant, pour ne considérer comme digne
d’intérêt que le « résidu sec » de nos idées (Partoune, 2004 :
34).
En outre, au lieu de faciliter un contact positif fort avec le
paysage, c’est une pression inhibitrice qui est installée lorsque
la description doit être ordonnée selon un schéma rarement
contesté (description par plans, de l’arrière à l’avant-plan), qui
génère un autre type d’émotion, lié à l’angoisse de mal faire et
à l’incertitude concernant les attentes de l’enseignant.
Le grand écart entre les deux registres (cognitif et affectif)
met probablement les étudiants en situation de dissonance
affectivo-cognitive, mais celle-ci n’est pas traitée. Ils peuvent
difficilement donner un sens au fil conducteur de notre
programme d’activités. Si nous reprenons l’exemple de la
description de paysage, une transition plus cohérente avec
l’ancrage affectif proposé en préambule serait de considérer
qu’elle n’aurait pas (seulement) pour fonction de « faire voir »
mais de « donner à voir », au sens de permettre au lecteur de
construire ses propres images mentales à partir des stimuli qui
lui sont donnés, de décrypter et de comprendre ses propres
« réalités » du monde, que le descripteur n’a jamais vues, par un
phénomène de projection et de recontextualisation. Comme
l’indique Catherine Tauveron : « La description me sert à
voir les beautés de mon monde. Il faut renoncer au critère
de fidélité pour celui d’intelligibilité, sélectionner et orienter
les détails en tant que porteurs d’une signification qui ne leur
préexistait pas » (1999 : 20). Les enjeux de la lecture paysagère
deviendraient alors de « tenter d’analyser comment les objets
du paysage se transforment en images, en sensations, en rêves,
299
L’éducation par la nature
en émotions, saisir l’intimité et la complexité des liens qui
unissent l’Homme à son environnement quotidien » (Loiseau
et al., 1993 : 21). C’est alors accorder à l’affectivité un statut
fondamentalement éducatif, où l’on considère qu’il convient
d’instaurer une sensibilisation au sensible (Meyor, 2002).
Nous avons également retenu que la sensibilisation au
sensible dépend de notre culture. Il nous faut donc prendre
en considération les grandes inégalités socioculturelles
à cet égard. Tous nos étudiants ne sont pas « initiés » par
leur famille, tant s’en faut94, ce qui explique pour partie que
l’intérêt situationnel suscité par les activités de terrain que
nous considérons comme motivantes peut s’avérer éphémère.
Pour qu’il persiste à long terme et devienne un intérêt profond
et une caractéristique de leur personnalité, les amenant à
faire des choix de loisirs, d’études ou de profession dans le
but de nourrir cet intérêt, il convient de maintenir l’intérêt
situationnel durant un certain temps (Hidi et Harackiewicz,
2000).
Toutefois, pour nous, il conviendrait de veiller à ne pas
en rester à une vision dualiste qui considère qu’émotion et
cognition appartiennent à des registres différents, que l’on
pourrait cloisonner aisément par des mises en situation et des
injonctions didactiques précises. La définition de la notion de
« représentation » qui suit nous paraît davantage significative de
l’intrication des deux : une représentation est un phénomène
mental qui correspond à un ensemble plus ou moins conscient,
organisé et cohérent, d’éléments cognitifs, affectifs et du
domaine des valeurs concernant un objet particulier. On y
retrouve des éléments conceptuels, des attitudes, des valeurs,
des images mentales, des connotations, des associations, etc.
C’est un univers symbolique, culturellement déterminé, où
se forgent les théories spontanées, les opinions, les préjugés,
94 Nous faisons référence ici au concept d’« héritage culturel » issu du
milieu familial comme facteur d’inégalités scolaires, mis en lumière par
Bourdieu et Passeron (1964).
300
Comment former les enseignants du primaire pour qu’ils aient envie d’enseigner dehors ?
les décisions d’action, etc. (Garnier et Sauvé, 1999 : 66).
L’importance est essentielle et existentielle, dans la vie, du
ressenti, des sentiments, et aussi de l’intuition, reconnus
comme une forme d’intelligence, comme quelque chose qui
est liée au mode de pensée et qui ne peut pas en être séparée.
Quant à notre troisième préjugé, qui concerne l’attractivité
présumée du travail en autonomie, il faut reconnaître que nous
faisions largement fausse route. En effet, dans la formation
aux démarches d’investigation, notre posture constructiviste
privilégie la responsabilisation de l’étudiant dans son
cheminement, les formateurs étant parfois personnesressources, mais surtout facilitateurs à sa disposition. Mais
dans les faits, ce sont souvent les mêmes étudiants qui
s’impliquent, et quand ils sont sollicités pour proposer des
hypothèses interprétatives, la plupart hésitent à s’engager, par
peur de « dire une bêtise ». Ils acceptent mal que l’enseignant
ne soit pas dispensateur de réponses, lui reprochant de les
mettre en situation de dévoilement de leur ignorance ou de
failles dans leur mode de raisonnement. Une fois en fonction,
ils chercheront probablement à éviter de telles situations
déstabilisantes.
Plusieurs études nous ont amenés à adopter un point de
vue plus critique. Il a en effet été démontré que faire des
sciences à partir d’une investigation sur le terrain est en soi
inconfortable pour les étudiants et ne donne pas toujours
les résultats escomptés, voire même sont contreproductifs si
les étudiants sont sortis trop loin de leur zone de confort
(National Science Resource Center, 1997 ; Lieberman et Hoody,
1998 ; Nelson et al., 1992 ; Akerson et al., 2000). Un des
paramètres de cette zone de confort, c’est la familiarité
avec les lieux investigués ; pour des étudiants déconnectés
de l’environnement, y compris de leur milieu de vie, tout le
territoire ou presque est terra incognita. Un autre paramètre
qui rend inconfortable l’investigation sur le terrain, c’est que
ce dernier est très perturbant de prime abord car la réalité
301
L’éducation par la nature
observée ne correspond jamais exactement aux schémas
théoriques : ceux-ci correspondent à une modélisation du
réel.
Pour améliorer l’accompagnement des étudiants, Meyor
(2002) insiste sur la prise en compte par l’enseignant de la
dimension affective de la construction des connaissances
(statut éducatif de l’affectivité). Être sur le terrain autorise un
rapport différent à l’étudiant et permet de briser l’anonymat
en étant attentif à la gêne ou la honte qui empêchent les
étudiants de s’impliquer dans l’investigation. La mise au jour
de leurs conceptions peut aussi se faire de manière beaucoup
plus fine et individualisée, conduisant à un accompagnement
différencié pour les faire évoluer. Favoriser cette attention
peut aider les étudiants à prendre confiance dans leur capacité
à réfléchir par eux-mêmes. Et si les enseignants s’aventurent
dans des sites et des situations qu’ils ne maîtrisent pas au
préalable, ils peuvent se mettre à chercher à côté des étudiants
en révélant leurs propres limites.
Conclusion
Le terrain aux environs de l’école primaire est rarement
utilisé dans les pratiques enseignantes alors qu’il permet
d’inscrire les apprentissages au départ d’un contact étroit
avec le monde concret au bénéfice du développement
physique, cognitif, personnel, social et écocitoyen de l’enfant.
À la Haute École Libre mosane, malgré une initiation des
futurs enseignants du primaire à la didactique de terrain qui
semblait cohérente, les résultats sont décevants.
L’analyse du profil des étudiants, de plus en plus sédentaires
et déconnectés du milieu naturel, a permis de cerner les
limites du pouvoir des formateurs. L’analyse critique du
statut de l’affectivité dans nos pratiques de formation nous a
en outre amenés à sortir d’une forme d’illusion à l’égard du
caractère attractif des sorties sur le terrain, que nous avions
302
Comment former les enseignants du primaire pour qu’ils aient envie d’enseigner dehors ?
tendance à considérer comme allant de soi. En particulier,
une sensibilisation profonde des étudiants à la sensibilité aux
lieux s’avère essentielle, tout comme un accompagnement
pour leur donner confiance dans leur capacité à investiguer
un milieu par eux-mêmes. La systématisation d’une approche
holistique de l’apprenant et une articulation entre émotion et
cognition dans la construction des connaissances constituent
une autre perspective importante. Cela implique toutefois d’y
consacrer davantage de temps et de moyens, ce qui pourrait
s’envisager dans des stages d’immersion de plusieurs mois
sur un territoire, au sein d’une structure associative ou
parapublique (voir l’expérience « écostage », relatée dans
Partoune, 2020 et Partoune et al., 2022).
Présentation de l’auteure
Christine Partoune est professeur honoraire à l’université
de Liège, au département de géographie, professeur honoraire
à la Haute École Libre mosane (Liège), au département
pédagogique et membre du Centre de recherche en éducation
et formation à l’environnement et à l’écocitoyenneté
(Centr’ERE) et d’Écotopie – laboratoire d’éco-pédagogie,
ASBL (Liège).
Le modèle de la transposition méta-didactique
comme cadre d’analyse de la formation en
éducation par la nature : le cas de stages
formatifs sur terrain associatif
Antoine Le Bouil, Laura Nicolas
Résumé
Ce chapitre présente l’analyse d’un dispositif immersif de
formation en éducation par la nature à la lumière d’un cadre
développé en didactique, le modèle de la transposition métadidactique. Avec l’apport de quatre notions – l’objet-frontière,
le courtage de connaissances, le partage des praxéologies et la
double dialectique –, on décrira les moments et dimensions
clés du dispositif.
305
L’éducation par la nature
Introduction
Alors même qu’on s’interroge toujours sur les
caractéristiques des actes d’éduquer et d’apprendre et des
spécificités de ces deux phénomènes lorsqu’ils se produisent
dans et par une « nature » encore peu définie (cf. Charlot,
dans ce même ouvrage), la question de la formation à
l’éducation dans et par la nature émerge déjà. Dans un champ
dont on dessine à peine les contours en termes scientifiques,
comment penser la formation des adultes à cette éducation
éminemment transdisciplinaire et qui met, de ce fait, les
didactiques en discussion ? Deux chemins, non exclusifs,
peuvent s’offrir aux chercheurs, formateurs et ingénieurs de
formation :
• considérer l’éducation par la nature comme un objet de
formation intrinsèquement distinct des autres objets
ou domaines déjà bien balisés tant par la recherche
que par les organismes de formation (telles celles qui
sont relatives à l’éducation aux langues, aux médias ou
à l’environnement, par exemple) ;
• envisager les liens que cet objet de recherche et de
formation entretient avec d’autres objets plus classiques
des sciences humaines et sociales. Des notions clés
opéreraient, par exemple, comme médiatrices et portes
d’entrée communes pour l’analyse et l’enseignement
de l’éducation par la nature, telles que le « rapport au
savoir » (Charlot, 1997), le « contrat didactique » et
son « milieu » (Brousseau, 1990), l’« écoformation »
(Pineau et al., 2005), l’« autoformation » (Galvani,
2020), pour n’en citer que quelques-unes.
Pour opposées qu’elles puissent paraître à première vue,
ces deux approches peuvent en fait s’articuler à travers deux
démarches complémentaires. La première porte sur l’objet
de formation (l’éducation par la nature), la seconde sur le
processus en lui-même (la formation). Premièrement, en
306
Le modèle de la transposition méta-didactique
ce qui concerne l’objet de formation, il s’agit d’envisager
l’éducation par la nature dans les liens qu’elle entretient,
historiquement et épistémologiquement, avec les champs
qui l’ont sans doute fait naître – celui de l’éducation, au
sens large, puis, plus particulièrement, celui de l’éducation
(relative) à l’environnement et celui de l’éducation populaire
(cf. Martel et Wagnon, 2022, pour un panorama historique).
Il s’agit, en même temps, d’observer et d’analyser les
pratiques de terrain qui se reconnaissent explicitement,
si ce n’est dans l’appellation – qui se veut fédératrice mais
jamais enfermante – d’« éducation par la nature » mais au
moins dans sa dynamique immersive, transdisciplinaire
et pluri-contextuelle. Des expériences de terrain, et des
cadrages notionnels que l’on pose sur ces dernières, vont
se dessiner les grands traits, pédagogiques et logistiques,
de l’objet « éducation par la nature » auquel on souhaite
former des adultes. Certains de ces traits entretiennent des
liens forts avec des pratiques préexistantes (classes de plein
air, éducation scientifique de terrain, classes de découvertes,
etc.), d’autres peuvent émerger comme pratiques nouvelles,
du moins dans les territoires francophones (par exemple, le
transfert des pédagogies dites « de forest school » et « d’outdoor
education »), et s’ancrer dans un contexte économique,
politique et social propre à l’époque (impact de la pandémie de
COVID, conscientisation du réchauffement climatique, luttes
sociales autour des ressources en eau, militantisme autour de
l’exploitation animale, politisation des questions autour de
l’instruction en famille en France, etc.) et, de fait, absent des
dynamiques éducatives « dehors » précédemment évoquées.
Il s’agit finalement de penser l’objet dans son ancrage présent
sans trahir les filiations du passé.
Deuxièmement, en ce qui concerne le processus même
de formation, on semble pouvoir – malgré les spécificités de
l’objet que l’on vient de mentionner – largement s’appuyer
sur ce que les sciences de l’éducation et le domaine de
307
L’éducation par la nature
l’andragogie, y compris dans la sphère entrepreneuriale,
ont déjà largement travaillé : les dynamiques de gestion de
groupes d’adultes, les postures de médiation, les rapports
aux savoirs, les auto-socio-écoformations individuelles, les
répertoires didactiques, le rapport à la professionnalisation et
au développement de compétences, etc.
Parmi ces modèles et outils précédemment développés,
le modèle de la transposition méta-didactique (Arzarello et
al., 2014), proposé en didactique des mathématiques, semble
constituer un outil fécond en matière d’analyse de dispositifs
de formation. Le propos de ce chapitre est ainsi, sans
ouvrir de débat sur la nature même de l’objet de formation
(l’éducation par la nature, la classe dehors, etc.) d’observer
les dynamiques de formation qui peuvent émerger au sein
d’un stage pratique de formation, et ce, en se servant d’outils
préalablement pensés par des didacticiens. En trame de fond,
se posera ainsi une réflexion sur les paramètres entrant en
ligne de compte dans l’acte de « former à » (l’éducation par
la nature), quand on est « dans » (la nature) et « avec » (les
enfants et les autres éléments de nature).
De format d’écriture volontairement hybride, cet article
poursuivra un double objectif :
• scientifique, en ce que l’on cherche à analyser les
données recueillies à partir du modèle et, dans un
mouvement d’aller-retour, à exemplifier les éléments
constitutifs du modèle grâce aux données ;
• formatif, en ce que l’on vise un partage de ces pratiques
de formation et une ouverture de pistes de discussion
auprès de la communauté des lecteurs chercheurs et/
ou formateurs.
Après avoir présenté le double ancrage du dispositif
– expérimentation et immersion – ainsi que le modèle de
la transposition méta-didactique qui servira de cadre à
l’analyse, on présentera le contexte de recueil de données,
avant d’inviter le lecteur à l’analyse de quelques moments
308
Le modèle de la transposition méta-didactique
signifiants du dispositif, à partir des notions clés proposées
par le cadre.
1� Former à éduquer dans et par la nature
1.1 Une péda-andragogie de l’expérience et de l’immersion dans
le milieu
Le stage pratique en éducation par la nature95, qui fait
l’objet de ce chapitre, a été mis en place par l’association
Sologna Nature & Culture96 dans l’objectif de favoriser le
passage à l’acte ou la montée en compétences des éducatrices
et éducateurs souhaitant soit pratiquer la classe dehors avec
leurs élèves, soit monter une structure de type accueil de
loisirs en nature.
La logique de formation du stage s’ancre dans deux
paradigmes clés des sciences de l’éducation : le paradigme
de l’idéologie expérimentale proposé par John Dewey
(1925/2012) et celui de l’immersion.
D’ancrage pragmatique, le courant de l’idéologie
expérimentale pose que c’est à travers l’expérience, entendue
comme « mise en action », que l’individu incorpore les
connaissances de la vie97. Dans cette logique, le stage met
les éducatrices et éducateurs en situation d’accompagnement
de groupes d’enfants au sein d’un milieu forestier. La
spécificité de ce dispositif est ainsi qu’il inclut intégralement
les enfants des stagiaires, présents sur place durant toute la
95 Ce stage est présenté sur cette page : https://mapetiteforet.fr/stages-pratiques-formation-lecole-du-dehors/
96 On trouvera le descriptif et les actions menées par l’association sur
cette page : https://sologna.fr/
97 Les actions pédagogiques de Dewey ne sont pas sans rappeler les
fondements de l’éducation par la nature : en construisant eux-mêmes une
mini-ferme, les enfants de l’école que Dewey avait créée maîtrisaient peu
à peu l’ensemble du programme mathématique (voir Rozier, 2010).
309
L’éducation par la nature
durée du stage, ces enfants étant eux-mêmes en situation
d’expérimentation, donc sujets, mais également « objets »
d’analyse et de pratiques pédagogiques pour les adultes
stagiaires qui les accompagnent.
Par ailleurs, inspiré par le courant socioconstructiviste qui
veut que l’environnement immédiat de l’enfant participe de
manière prépondérante à ses acquisitions et apprentissages
(Vygotski, 1985 ; Bruner, 1983), le paradigme de l’immersion a
trouvé un écho particulièrement actif du côté de la didactique
des langues, via le design de programmes d’immersion
linguistique98, et, du côté des sciences de l’éducation relative à
l’environnement, où l’immersion dans le milieu est reconnue
comme participant à l’écoformation de l’individu (Pineau et
al., 2005). Cette vision éco-socioconstructiviste de l’individu
est rejointe, en sociologie, par le paradigme dispositionnaliste
proposé par Bernard Lahire : la plongée répétée, sur le long
terme, dans un certain milieu (linguistique, culturel, social,
« naturel », etc.) vient configurer des dispositions (Lahire, 2002)
individuelles à penser, agir et ressentir d’une telle manière
ou d’une autre. Non fondamentalement déterministes pour
autant, ces approches ont pour point commun de reconnaître
la porosité des dimensions physiques, psychologiques,
culturelles et sociales de la construction individuelle : je suis
issu de mes mondes de référence en même temps que je
participe à leur construction.
Ces deux approches, expérimentale et immersive,
partagent une vision pragmatique du monde, une vision qui
s’actualise, dans le présent dispositif, à travers un déroulé de
formation où les temps d’action et d’immersion, encadrés par
des temps de réflexion, en amont, et de rétroaction, en aval,
constituent le cœur du stage.
98 Pour exemple, voir le principe des cours EMILE (enseignement de
matières par l’intégration d’une langue étrangère) sur Eduscol : https://
eduscol.education.fr/document/632/download
310
Le modèle de la transposition méta-didactique
Expérimental et immersif, le stage revêt également
les caractéristiques organisationnelles d’un dispositif de
formation institutionnel tel que défini par Albero (2010 : 52) :
•
•
•
•
une conception rationnelle finalisée, orientée par un projet
d’action et un ensemble cohérent de buts et d’objectifs ;
une combinaison adaptée de moyens matériels et humains,
hétérogènes mais cohérents ;
une capacité organisée d’adaptation aux variations de
circonstances, d’espace et de temps ;
dans le cas de dispositifs très évolutifs, une capacité d’autoorganisation régulatrice par intégration de boucles récursives
de feedback dans la conduite de l’action individuelle et
collective.
De fait, le dispositif, présenté ici comme un objet
relativement stable et finalisé, s’est en fait construit, durant
deux années, sur la base des attentes des participants et à travers
l’analyse de leurs retours post-stage. Il a subi de multiples
agencements, non seulement avant chaque nouvelle session
mais aussi pendant les sessions elles-mêmes, en fonction
des besoins identifiés sur place, des envies et humeurs des
enfants et des participants et, bien entendu, des conditions
météorologiques. Pour autant, la nécessité s’impose toujours, à
un moment donné de l’évolution des dispositifs de formation,
d’une analyse scientifiquement documentée qui permet
d’ancrer durablement, en les formalisant, les propositions
de formation. Aussi, le choix s’est-il porté, comme cadre
d’analyse du dispositif, sur le modèle de la transposition
méta-didactique, en ce qu’il est particulièrement pertinent
pour l’analyse de ce type d’objet, transdidactique, mêlant
plusieurs niveaux de pratiques et se situant aux frontières du
cadre institutionnel. Nous proposons une brève description
de ce modèle dans les paragraphes suivants.
311
L’éducation par la nature
1.2 Le modèle de la transposition méta-didactique, un cadre
d’analyse des pratiques formatives
Arzarello et al. (2014) ont proposé le modèle de la
transposition méta-didactique (TMD) pour analyser des
programmes de formation d’enseignants. Ce modèle est
inspiré de la transposition didactique des différents savoirs
issue de la « théorie anthropologique du didactique »
(Chevallard, 1992). La TMD vise à caractériser la dynamique
complexe d’interactions entre les différentes communautés
(chercheurs/formateurs, enseignants/formés) ainsi que
les contraintes des différentes institutions au sens large. Il
permet la mise en évidence des ressorts de la diffusion de
connaissances menant au développement professionnel des
enseignants dans un contexte de formation.
Figure 1. Illustration du modèle de la transposition métadidactique tiré de Demonty (2023 : 318), inspiré et traduit de
Arzarello et al. (2014 : 355).
La TMD repose sur plusieurs notions indiquées en figure 1,
qui nous semblent pertinentes pour la présente analyse99.
99 Ces notions sont présentées sommairement ici dans la mesure où ils
312
Le modèle de la transposition méta-didactique
Le brokering ou « courtage de connaissances » vise à favoriser
le partage de connaissances. Le rôle du broker ou « courtier
en connaissances » peut être pris par le chercheur/formateur
ou bien par une personne ressource dont l’expertise et les
compétences font d’elle une référence.
« L’objet-frontière » est l’objet médiateur qui va permettre
le courtage de connaissances ; il est défini par Monod-Ansaldi
et al. (2019) « comme un dispositif permettant d’amorcer
un travail commun entre plusieurs mondes et assurant une
flexibilité suffisante pour que chaque acteur puisse trouver
un intérêt à son étude ou à son usage » (64). Trois types
d’interactions sont alors développés entre chercheurs et
enseignants autour de l’objet-frontière : transfert, traduction,
transformation.
Le partage des praxéologies entre chercheurs et
enseignants correspond à la résultante du courtage de
connaissances à l’aide de l’objet-frontière. Selon Chevallard
(1992), toute activité humaine peut être décomposée en une
série de tâches. Une organisation praxéologique comprend
un type de tâche dont l’accomplissement suppose la mise en
œuvre d’une certaine technique. L’assemblage d’un type de
tâche et d’une technique forme un bloc praxique tandis que
la technologie (justification) et la théorie, vue comme « un
niveau supérieur de justification-explication-production »
(Chevallard, 1998 : 94), constituent le bloc du logos, le
discours raisonné sur la pratique. Chacune des communautés
(chercheurs et enseignants) présentent des praxéologies
propres à leur communauté (composants internes) et la
formation consiste à intégrer, internaliser des composants
externes par l’intermédiaire du courtage de connaissances
et de l’objet-frontière. Ces nouvelles praxéologies enrichies
sont dites « partagées » entre les deux communautés et
constitutives de leur développement professionnel.
seront détaillés et exemplifiés en partie 3 (« Analyse »).
313
L’éducation par la nature
La double dialectique considère une première dialectique,
qui se situe au niveau didactique entre savoirs à enseigner
et savoirs enseignés et qui a lieu avec élèves et enseignants ;
la seconde se situe au niveau méta-didactique au sujet de la
construction et la justification de situations didactiques, et
elle se développe entre chercheurs/formateurs et enseignants
en formation.
Après avoir présenté le cadre méthodologique de l’étude,
on s’emparera donc de ces quatre notions afin d’analyser le
dispositif au double niveau didactique et méta-didactique.
2� Méthodologie
2.1 Le contexte
L’analyse qui va suivre porte sur quatre sessions de
stage effectuées entre août 2021 et août 2023. Au total,
45 stagiaires ont suivi ce stage, accompagnés par 117 enfants.
D’une durée de quatre jours, le stage pratique se déroule en
forêt de Sologne, en région Centre-Val de Loire, en France,
sur les lieux de l’association Sologna Nature & Culture où se
trouvent :
• une « école-forêt », qui accueille chaque semaine des
enfants et leurs parents pour des séances d’éducation
par la nature. Cette école-forêt est composée d’un
chalet en bois, de structures de grimpe naturellement
agencées à partir d’arbres malades coupés dans la
propriété, d’un bac à sable, d’un « sentier pieds nus », dit
aussi « sentier sensoriel », et d’un sentier pédagogique
qui se déroule sur 500 mètres, au sein d’un bois. La
superficie des lieux de l’école-forêt est de 1,2 hectare ;
• un sanctuaire animalier (équidés et félins), s’étendant
sur 1,5 hectare distinct des lieux réservés à l’écoleforêt. L’accueil d’animaux abandonnés, maltraités ou
vieillissants sur le site participe d’une vision intégrant
314
Le modèle de la transposition méta-didactique
la question animale au cœur de l’éducation par la
nature.
Dans la double logique de l’expérimentation et de
l’immersion, les séances d’accompagnement des enfants par
les adultes stagiaires, d’une durée de 1 heure 30, constituent
le cœur du stage. Elles sont articulées avec des temps de
préparation, en amont des séances, et de réflexion sur
l’action ou « rétroaction », en aval. Les enfants, généralement
au nombre d’une trentaine, sont répartis en 2 ou 3 groupes
d’âge. Ils sont accompagnés par cinq formatrices, dont une
chercheuse auteure du présent article100.
2.2 Les recueils de données
Pendant deux ans, différents types de données ont été
recueillis :
• les vidéos des stages : sur les quatre sessions de
stages effectuées depuis 2021, trois d’entre elles
ont été enregistrées en format vidéo. Les 22 heures
d’enregistrement sauvegardées ont servi de base à
l’analyse qui va suivre101 ;
• les attentes des participants : en amont de chaque stage,
les attentes des participants, en termes pédagogiques et
logistiques, ont été recueillies par questionnaire et ont
servi de base à la confection du stage. 34 participants
ont partagé leurs attentes ;
100 Le stage repose sur une organisation bénévole gérée par une quinzaine de personnes, ce qui monte à 70, en général, le nombre de personnes présentes sur les lieux du stage. La lourde dimension logistique de
ce type d’expérience de formation est sans doute l’une des raisons pour
lesquelles ce format est peu courant.
101 Seul ce premier type de donnée, les vidéos des stages, a été utilisé
pour la présente analyse. Les suivants sont mentionnés à titre indicatif, en
ce qu’ils participent de l’ingénierie de la formation.
315
L’éducation par la nature
•
les retours des participants : à l’issue de chaque
stage, un formulaire de satisfaction sur les
dimensions pédagogiques et logistiques a été envoyé
aux participants. Sur l’ensemble des stagiaires,
30 personnes ont répondu. Ces réponses ont
contribué à l’amélioration progressive de l’ingénierie
de formation proposée.
3� Analyse du dispositif à la lumière du cadre métadidactique
Ce type de dispositif est intrinsèquement collaboratif en
ce qu’il vise un partage des praxéologies entre chercheurs et
participants. En ce sens, il partage les objectifs des dispositifs
construits à partir des recherches intégrant la transposition
méta-didactique : « Le résultat attendu de ce processus consiste
dans le développement professionnel des enseignants qui se
construisent un regard nouveau sur leurs pratiques, qui peut
les conduire à les modifier » (Sanchez et Monod-Ansaldi,
2015 : 89). À défaut d’une exemplification exhaustive,
quelques moments ou dimensions clés du dispositif vont être
décrits dans les paragraphes suivants, afin d’en questionner la
portée formative à la lumière du cadre.
3.1 L’objet frontière amène brokering et partage des
praxéologies : l’exemple de la « roue des animaux »
La « roue des animaux », ou « roue transpersonnelle »,
est un outil de développement personnel et professionnel
mis au point par Hervé Brugnot, formateur en éducation à
l’environnement102. D’ancrage ethnologique, cet outil permet
102 Hervé Brugnot présente cet outil sur sa chaîne You Tube, dans une
vidéo que l’on trouvera sur cette page : https://youtu.be/qGlAMvjSggg?si=pBg-Cvi5RLydk2Qv. On invite les lecteurs à visionner cette vidéo
pour saisir pleinement la description qui est faite de l’outil dans la suite
316
Le modèle de la transposition méta-didactique
de comprendre les composantes clés de la personnalité, chacun
des quatre animaux – loup, ours, bison et aigle – représentant
un aspect dominant de la personnalité, et de les transférer
ensuite aux besoins des enfants et aux postures pédagogiques
associées en réponse à ces besoins103. Avec l’autorisation
de l’auteur, nous avons, en tant que chercheure-formatrice,
transformé cet outil de compréhension du monde en outil
de formation qui nous a semblé particulièrement pertinent
à utiliser dans le cadre de l’éducation par la nature : d’abord,
au regard des références au monde animal qui sont faites au
travers de la roue, ensuite, de par le caractère intrinsèquement
transdisciplinaire des pratiques d’éducation par la nature.
Au regard de la TMD, cet outil peut être considéré comme
un objet-frontière dans le sens où il permet d’organiser le
courtage de connaissances associées selon les trois phases
associées de transfert, traduction, transformation (MonodAnsaldi et al., 2019 : 65).
Voici le déroulé tel qu’il est proposé aux stagiaires104 :
• Phase 1 – Transfert : chaque visuel d’animal est
placé sur une table, avec le descriptif des traits de
personnalité dominants. Les stagiaires sont invitées
à réfléchir sur leurs modalités de fonctionnement
dominant à partir de cette première cartographie.
Du point de vue de l’objet-frontière, cette phase
correspond au transfert de connaissances où « il s’agit
d’interactions qui peuvent produire des désaccords,
mais pour lesquelles les échanges concernent des
du texte.
103 On trouvera, sur cette page, la vidéo explicative des postures pédagogiques : https://youtu.be/VIx6IGFRYfo?si=9eLz6Ow7GLoGINKQ.
On invite les lecteurs à visionner cette vidéo pour saisir pleinement la description qui est faite des postures dans la suite du texte.
104 Le féminin est utilisé à partir d’ici car une très large majorité des
adultes formés sont des femmes.
317
L’éducation par la nature
•
aspects concrets, syntaxiques de l’objet-frontière »
(ibid.).
Phase 2 – Traduction :
◦ Des cartes où sont inscrits des verbes d’action
sont distribuées aléatoirement aux stagiaires, qui
sont invitées à les placer près des visuels des
animaux qui sont, d’après elles, les plus à même
de réaliser ces actions. Par exemple, les verbes
« bouger » ou « construire » correspondent au
mode « ours ». Suit un temps d’échanges et
éventuellement de reconfiguration des cartes
de verbes. On amène la discussion vers la
conscientisation de l’hétérogénéité des besoins
d’un groupe d’enfants, nécessairement composé
des « quatre animaux ». On entre ici dans la
phase de traduction où « la recherche d’un sens
commun, partagé conduit à une négociation où
la frontière se déplace au sein d’interactions qui
concernent le sens de certaines composantes, et
qui aboutissent à des changements de points de
vue, l’objet agissant comme médiateur cognitif
entre les communautés » (ibid.). Les verbes d’action
sont parfois mis en lien avec les programmes
institutionnels ; la chercheure-formatrice dit
notamment : « Observer le monde, questionner le
monde, on l’a au programme de maternelle. » La
mise en lumière de la correspondance entre l’outil
proposé et les programmes institutionnels vise
une internalisation des composants externes des
praxéologies des stagiaires.
◦ Des cartes où sont inscrites les catégories
disciplinaires ou pédagogiques (« naturaliste »,
« ludique », par exemple) sont ensuite distribuées.
De la même manière qu’avec les verbes, les
stagiaires placent ces catégories autour des visuels
318
Le modèle de la transposition méta-didactique
d’animaux, terminant ainsi une constellation
ressemblant à une roue. Un temps d’échanges, et
éventuellement de reconfiguration des cartes, suit
ensuite. On amène la discussion vers la conclusion
d’une pédagogie nécessairement plurielle.
Figure 2. Photographie de la session de formation présentant la
roue des animaux.
•
Phase 3 – Transformation :
◦ On invite ensuite les stagiaires à préparer une
séance d’1 heure 30 en forêt qui réponde, par
différentes approches pédagogiques inscrites
sur le second lot de cartes, aux besoins d’action
des enfants inscrits sur les premières cartes
déposées autour des visuels d’animaux. Ce
moment correspond au début de la phase de
transformation : « Les connaissances en jeu sont
alors transformées par la négociation entre les
acteurs dans une création d’un nouveau savoir
partagé utilisable dans les pratiques de chaque
communauté » (ibid.). En effet, les éléments de la
roue des animaux discutés lors du placement des
verbes d’action et des catégories disciplinaires ou
319
L’éducation par la nature
◦
◦
pédagogiques sont alors investis dans la pratique
pour la préparation d’une séance.
Les stagiaires mènent leur séance, en binôme.
Un temps de rétroaction permet ensuite la
description et l’analyse de la mise en place de la
séance, des actions des enfants, des ressentis des
stagiaires, des obstacles rencontrés, des solutions
trouvées in situ, etc. La mise en œuvre et le
temps de rétroaction poursuivent cette phase de
transformation. La praxéologie enseignante est
alors enrichie par le travail de réflexion autour
de l’objet-frontière et la préparation – mise en
œuvre – rétroaction d’une séance.
3.2 Courtage de connaissances
Pendant le temps de formation via l’objet-frontière de la
roue des animaux, le rôle de courtier en connaissances est
pris par la chercheure-formatrice qui dispense la formation.
Cette activité permet de faire le lien entre la communauté des
chercheurs et celle des enseignants et assure une légitimité et
une reconnaissance au sein de la communauté des enseignants.
Il est parfois reproché aux formations d’enseignants de ne
pas être suffisamment « connectées » à la réalité du terrain
ou d’être trop théoriques. Ici, la chercheure-formatrice est
également praticienne de l’école dehors (elle anime une écoleforêt une demi-journée par semaine) ; de plus, les concepts
proposés sont mis en pratique immédiatement pendant
le stage, ce qui permet d’éviter cet écueil d’une formation
déconnectée des réalités de terrain.
Ce rôle de courtier en connaissances, qui vise à faciliter
les échanges entre formateurs et stagiaires, est parfois pris
par les quatre personnes référentes associées à la formation,
les « coformatrices ». Expertes des questions de sécurité, de
naturalisme, d’une pratique d’école dehors hebdomadaire,
320
Le modèle de la transposition méta-didactique
d’accueil jeunes enfants ou d’autres domaines, les
coformatrices opèrent des partages de praxéologies de terrain,
non théoriques. Collaboratrices régulières au sein du stage,
et par ailleurs, pour plusieurs d’entre elles, déjà formatrices
d’enseignants ou d’éducatrices et éducateurs de jeunes
enfants, elles insèrent leurs partages de manière à ce qu’ils
constituent des médiations entre les propos des participants
et de la chercheuse. Ainsi, le courtage de connaissances
s’effectue avec plusieurs interlocutrices, chacune possédant
une expertise particulière.
3.3 L’enjeu d’une double dialectique
Le cadre souligne l’importance de la mise en place d’une
double dialectique comme socle du processus formatif : celle
des savoirs à enseigner – savoirs enseignés, d’une part, et la
construction-justification de situations didactiques, d’autre
part. D’ordinaire, ces dialectiques respectives s’effectuent
sur des temps longs et distanciés : les enseignants vivent une
transposition des savoirs à enseigner en savoirs enseignés
durant des séances de cours (temps 1) et travaillent ensuite
en collectif, accompagnés par les chercheurs/formateurs, la
construction-justification des situations didactiques vécues,
puis à vivre (temps 2). Le stage pratique condense ce double
processus et vise à l’amplifier par deux stratégies :
• la mise en place de temporalités courtes, intensives et
rapprochées les unes des autres où interviennent, sous
forme de triptyque, les deux dialectiques décrites, la
première en deux temps, la seconde en un temps :
◦ Temps 1. Les temps de formation commencent
par une réflexion, individuelle ou en binôme, sur
la manière dont des savoirs scolaires à enseigner
(par exemple, l’apprentissage de l’alphabet ou le
théorème de Pythagore) vont être didactisés pour
321
L’éducation par la nature
◦
◦
pouvoir être enseignés dans un milieu hors les
murs et forestier.
Temps 2. Les séances de pratique « classe dehors »
avec les enfants constituent le moment de
transposition : pendant 1 heure 30, accompagnées
par les formatrices, les stagiaires enseignent en
nature le contenu scolaire choisi, auprès du public
d’enfants choisi, selon l’âge des enfants qu’elles
accompagnent dans leur profession. Elles mettent
en place des stratégies d’enseignement qui leur
sont, pour la plupart, nouvelles, telles qu’insérer
du jeu libre en amont de leur séance d’activité
dirigée pour que les enfants prennent leur place
dans le milieu ouvert, proposer ensuite d’observer
les formes des nuages ou des arbres, essayer d’y
trouver une forme qui ressemble à la lettre A,
la reproduire à l’aide d’un bâton dans la terre
ou le sable puis partir à la chasse à cette lettre,
cartonnée et cachée dans la forêt. Une évaluation
des acquis permet de s’assurer ensuite que le
savoir à enseigner (par exemple, la lettre A) est
devenu « savoir enseigné » et « savoir acquis » par
les enfants.
Temps 3. Les temps de rétroaction sont effectués
immédiatement après la séance, après une courte
pause qui permet aux « meneuses de séance » de
laisser retomber la pression éventuellement vécue
durant la séance. Ces temps de rétroaction voient
s’effectuer un processus méta-didactique où les
situations vécues sont d’abord décrites par les
meneuses de séance, puis commentées par elles,
puis par les observatrices. À l’aide des quatre
questions, Qu’est-ce qui s’est bien passé ? Qu’est-ce qui
peut être amélioré ? Qu’est-ce que j’ai appris ? Qu’est-ce
que je souhaite pour la prochaine fois ?, les situations
322
Le modèle de la transposition méta-didactique
•
didactiques vécues sont justifiées et servent de
point de départ pour l’intégration de nouvelles
praxéologies à exercer lors d’une prochaine
séance ;
la constitution d’une communauté de vie qui vient
renforcer la communauté de pratiques. La présence
des enfants des participantes, souvent accompagnées
par leurs conjoints, sur les lieux de formation, conduit
à la constitution d’un village éphémère où temps
informels et formels se succèdent, s’articulent, voire se
superposent. Ainsi, les « balades nocturnes » proposées
en soirée constituent un exemple de la portée de cette
articulation entre dialectiques, didactique et métadidactique. Une formatrice naturaliste accompagne le
groupe, parents et enfants confondus, en forêt, pour
une durée de 1 heure 30. Les stagiaires ont l’occasion
d’observer – en même temps qu’elles vivent ellesmêmes l’activité – la manière dont un savoir naturaliste
à enseigner (par exemple, le comportement des vers
luisants ou des chauves-souris) est effectivement
enseigné. Le lendemain, la séance est prise pour objet
d’analyse durant un temps où les adultes participant à
la balade vont déconstruire la situation pour ensuite
intégrer ce qui leur a semblé efficace dans la séance
qu’ils vont mener. Ce temps apparemment informel,
facultatif et récréatif vient renforcer la portée
formative des moments plus formels, constitutifs
du stage. Il faut souligner enfin la portée, en termes
psychoaffectif et social, de la constitution d’une
communauté de vie, sur place, pendant une petite
semaine : de nombreuses praxéologies sont discutées
et échangées durant les temps de repas et les soirées
autour du feu, et de fortes amitiés sont créées entre
les enfants et entre les participantes. Le sentiment
d’appartenance à ce groupe, bien qu’il soit éphémère,
323
L’éducation par la nature
participe très largement au démarrage de projets
éducatifs dans et par la nature que les participantes
engagent dans la foulée du stage.
Conclusion
L’objectif du processus de formation collaborative, tel
qu’il est proposé par Sanchez et Monod-Ansaldi (2015), est
de conduire « à la mise en place d’une praxéologie partagée
pour le prototypage de dispositifs techno-pédagogiques
expérimenté en conditions écologiques » (88). La constitution
d’un répertoire commun en termes de praxéologies – que,
faute de place, nous n’avons pu commenter ici – arrive
comme résultat du dispositif présenté : lors du temps métadidactique (temps 3, présenté ci-dessus), un tableau commun
est constitué à partir des échanges (qu’il s’agisse des postures,
des activités elles-mêmes, de l’aménagement du lieu, des
questions disciplinaires ou autres). Ce tableau commun,
ensuite thématisé, est remis aux participants pour leur servir
de base praxéologique.
Pour parvenir à cette fin, on a, trop brièvement, pu
constater au fil des exemples donnés que :
• Le cœur de cette construction des praxéologies
communes repose sur la double dialectique
« savoirs à enseigner – savoirs enseignés » et
« construction – justification de la situation
didactique », d’autant plus efficace qu’elle se réalise
dans une temporalité intensive et médiée par des
temps à forte teneur psycho-affective.
• La mise en partage d’objets-frontières – telle la Roue
des animaux –, qui font naviguer les stagiaires entre
savoirs empiriques (comportements, profils, envies des
enfants) et stratégies didactiques (typologie d’activités
venant en réponse adéquate aux styles de profils
des enfants), en même temps qu’ils rassemblent les
324
Le modèle de la transposition méta-didactique
participants – stagiaires, coformatrices, chercheuse –
et rendent possibles des échanges autour de leurs
personnalités, fait intrinsèquement partie d’un
dispositif visant la transformation des représentations
et des pratiques de tous les participants.
• La mise en place systématique de courtage de
connaissances de la part d’une pluralité d’acteurs
– coformatrices, chercheuse, stagiaires elles-mêmes, et
la place nous a manqué ici pour commenter l’apport
indéniable des enfants eux-mêmes dans ce processus
de courtage – est une condition essentielle pour
aboutir à un partage de praxéologies véritablement
collaboratif. Les médiations multimodales opérées par
les courtiers participent, pendant les temps formels
comme informels, au processus de transformation
visé par le stage.
À l’issue de cette brève analyse restent en suspens un
certain nombre de questions, dont deux principales, d’ordre
méthodologique, d’abord, et logistique, ensuite. D’abord, si
les retours par questionnaire renvoyés par les participantes
amènent à constater une transformation effective des
pratiques (elles commencent à faire classe dehors ou
montent effectivement une structure éducative en nature,
elles diversifient les savoirs scolaires enseignés dehors,
elles utilisent les outils testés pendant le stage, etc.), on est
confrontés à la difficulté méthodologique, que permettrait
une analyse longitudinale portée par une équipe de recherche
dédiée, d’observer ces transformations sur le moyen ou long
terme. Se pose aussi la question de l’institutionnalisation de
ce type de dispositif, lui-même presque objet-frontière entre
plusieurs mondes : celui de la recherche, de la formation et
du monde associatif. En effet, la logistique permettant ce
stage – accueillant les enfants, donc toujours en période de
vacances scolaires, sur un terrain permettant le campement,
et nécessitant la participation d’une quinzaine de bénévoles
325
L’éducation par la nature
sur une semaine de temps – semble difficile à transférer dans
un contexte plus institutionnel (celui de la formation initiale
d’enseignants, par exemple). Le fonctionnement informel de
la structure d’accueil, associative, permet une forme d’agilité
logistique difficilement permise par les impératifs de cadrage
des institutions telles que l’université ou l’école publique.
Aussi, pour en revenir aux réflexions que l’on posait en
introduction, l’objet « formation en éducation par la nature »
demanderait certainement, de par ses propriétés mêmes,
de sortir des cadres de fonctionnement encore cloisonnés
des institutions pour aller vers des formes partenariales
qui bénéficieraient à l’ensemble des parties (organismes
partenaires, formateurs, chercheurs, enseignants). Ces modes
de fonctionnement collaboratifs et partenariaux viendraient
ainsi boucler la boucle pluri-niveaux et inter-mondes pour
laquelle plaide déjà, au niveau didactique, le cadre d’analyse
du dispositif présenté ici.
Présentation des auteurs
Antoine Le Bouil est docteur en physique (2014) et en
sciences de l’éducation et de la formation (2022). Il est qualifié
aux fonctions de maître de conférences dans les sections
CNU 28 et 70, en didactique de la physique et sciences de
l’éducation et de la formation.
Laura Nicolas est maître de conférences en sciences de
l’éducation et de la formation et en sciences du langage à
l’université Paris-Est Créteil. Également fondatrice de
l’association Sologna Nature & Culture et du site-ressource
Ma Petite Forêt, elle travaille sur les interactions langagières
dans les contextes interculturels, d’une part, et d’éducation
par la nature, d’autre part, ainsi que sur la formation des
éducateurs dans ces deux domaines.
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