Monique Veaute
RomaEuropa
L’art contemporain, ou comment
communiquer le chaos
Andy Warhol, le pape du pop art, provoque dans les
années 1960 une rupture nette avec les pratiques artistiques des décennies précédentes. Son œuvre et sa façon
de communiquer bouleverseront les relations que les
artistes entretiendront avec leurs commanditaires et les
médias, et annonceront les dérives d’une information qui
substituera progressivement ses commentaires à la parole
de l’artiste. La tentative de prendre en otage le créateur,
de le rendre complice d’une société qui le consommerait
comme un produit, confondant communication et publicité, déclenche une réaction paradoxale dans les formes et
les communications de l’art contemporain.
Andy Warhol s’est voulu miroir de son époque et
David Bourdon (1989), ancien critique d’art du Village
Voice, s’est demandé pourquoi admirateurs et détracteurs
n’avaient « entrevu que des reflets indistincts, fugitifs et
contradictoires » de son action. « Ses admirateurs n’auraient retenu qu’un expert en élégance, l’apothéose de la
culture populaire. Ses détracteurs eux voyaient en lui le
singulier mélange de roublardise, un m’as-tu-vu patenté,
un opportuniste cynique et manipulateur qui a sali la grandeur de l’art par son mercantilisme et son désir frénétique
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de devenir l’égal des stars ». Andy Warhol a bâti sa carrière en s’appropriant les images des produits archiconnus
aux États-Unis, en détournant à son compte la gloire et
la célébrité de ses sujets depuis la soupe Campbell ou le
Coca-Cola jusqu’à Marylin Monroe. Il a converti son nom
en marque distribuée et cotée sur le marché international.
Son art était fait de provocations et c’est en occupant le
devant de la scène, savourant les polémiques qui attiraient
la presse et déclenchaient des ondes de choc, qu’il affirmait son art. Même s’il se prêtait à tout ce qui pouvait faire
parler de lui, il n’a jamais cédé à ce que beaucoup considéraient comme des conditions inacceptables. C’est lui qui
imposait ses « inventions artistiques » qui torpillaient les
idées traditionnelles sur l’originalité dans l’art en fabriquant des multiples. Les médias se pliaient à ses visions
singulières, car jamais il n’accepta la banalité de la vulgarisation de son message.
« À l’avenir chacun aura son heure de gloire » fut l’une
de ses boutades maintes fois reprise. Menace ou prémonition ? La question mérite d’être posée. Il n’a échappé à personne que depuis quelques années, les télévisions du monde
entier proposent les mêmes séries de télé-réalité. Selon
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L’art contemporain, ou comment communiquer le chaos
François Jost (2007), cet engouement est à rapprocher d’un
autre phénomène, celui de l’art contemporain qui projette
« l’objet commun dans le musée en revendiquant d’utiliser
le banal, les déchets et les poubelles ». Le célèbre urinoir
de Marcel Duchamp, « la Fontaine », serait « le signe avant
coureur de la promotion des loft à œuvre “culte” ». Joseph
Macé-Scaron (2007) s’interroge sur ce qui est à l’œuvre
dans l’art. « Comment en vient-on à donner de la valeur à
la reproduction mécanique ? Comment […] l’art a-t-il fini
par se dissoudre dans les médias ? » A moins, comme le
suggère Umberto Eco (2004), que
ce que l’on est tenté de lire comme une banalisation
n’est peut-être que l’amenuisement de l’espace entre
art de la provocation et art de la consommation.
S’il semble exister encore deux niveaux entre art
« cultivé » et art « populaire » dans ce climat défini
comme postmoderne, il s’y offre à la fois de nouvelles expérimentations, des revisitations de la tradition. De leur côté, les médias de masse ne présentent
plus aucun modèle unifié, aucun idéal de beauté. On
peut retrouver dans la publicité destinée à ne durer
que quelques semaines les expériences des avantgardes, voire des modèles des années 1920, 1930,
1940 et les formes désuètes du xixe siècle […] à côté
des drag queens et des cyborg […] dans une orgie de
la tolérance et un syncrétisme total
Pour tenter de comprendre l’évolution de l’art contemporain à la lumière de la communication, il convient, très
brièvement, de resituer historiquement cette période et
d’en donner les enjeux. Il est d’usage de considérer toutes
les œuvres produites depuis 1945 comme appartenant à
l’art contemporain, la phase dite moderne qui la précède
allant de 1850 à 1945. Pour notre argument, il a semblé
plus significatif d’analyser les quarante dernières années
du xxe siècle et de faire l’impasse sur les premiers dynamiteurs de codes que sont les dadaïstes, actifs durant la
Première Guerre mondiale (1916) en Suisse. Je m’attacherai
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au domaine des arts plastiques, mais le scénario est le
même pour le théâtre, la danse, la musique ou la littérature – d’autant que l’art contemporain s’affirme d’emblée
comme une transgression des frontières entre domaines
artistiques.
Si l’abandon d’un découpage souvent académique, qui
taillait un costume trop étroit pour l’esprit vagabond des
créateurs, a permis l’émergence d’artistes hybrides comme
Cage, Trisha Brown, ou aujourd’hui William Kentridge
et Jan Fabre, il s’est paradoxalement accompagné d’une
atomisation des rôles et d’une multiplication d’intermédiaires autour des artistes et de leurs pratiques hors cadre
que Daniel Buren (2011) dénonce comme les usurpateurs
qui tentent de se hisser au niveau des créateurs. « La santé
ébouriffante que l’on prête » à l’art contemporain, dit-il
dans la revue L’Œil, masque la réalité « d’un domaine qui,
sur le plan de la pensée, est au bord de la faillite ». Cette
prise de position fait partie des premiers signes de révolte
d’un artiste qui refuse l’appauvrissement des débats portés
par des commentateurs qui sous prétexte de médiations
s’emparent de la parole de l’artiste.
Pour un artiste, s’exposer, c’est prendre le risque
de la communication : il dévoile son univers, plus ou
moins lisible, révèle ses « obsessions », ses combats
et s’offre ou provoque le regard de l’autre, dont il attend
la réaction. Cette forme de dialogue n’est jamais simple et
demande une écoute réciproque, une négociation nécessaire qui n’édulcore pas le message, un temps long dans
l’échange. Sachant que les enjeux entre les interlocuteurs
ne sont pas les mêmes, le risque du refus, du conflit ou du
mépris menacent. Car la malédiction qui hante la communication c’est l’incommunication. Pourtant, la conscience
d’un échec probable n’a jamais découragé les artistes, à
juste titre puisqu’ils trouvent mécènes, collectionneurs et
musées pour accueillir leurs œuvres.
C’est précisément dans le paradoxe de l’incommunicabilité à l’œuvre dans la communication décuplée par la
complexité des œuvres contemporaines et le foisonnement
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des styles que le monde académique s’offrira le rôle de
médiateur, interprète du chaos.
D’emblée, chercheurs, historiens de l’art et spécialistes se sont attelés à la tâche cyclopéenne de qualifier
des objets qui refusaient d’être catégorisés et de nommer
des courants qui fuyaient les champs balisés. Les publications se sont multipliées, catalogues raisonnés et archives
rassemblèrent une documentation exceptionnelle sur la
vie, les méthodes de travail, les matériaux utilisés par les
artistes. Naîtront les premières revues L’Œil puis Art Press
qui vient de fêter ses quarante ans ; elles resteront des références intellectuelles défendant leurs choix mais ouvertes
à la parole de l’artiste et à la production pluridisciplinaire.
Une fracture s’opérera autour des nouvelles tendances de
l’art, en particulier à propos des formes les plus populaires.
E. H. Gombrich, dans son Histoire de l’Art (2001),
propose une lecture distanciée du conflit. Le « mouvement
connu sous le nom de pop art propose des idées qui ne sont
pas difficiles à comprendre. J’y ai fait allusion en parlant
du fâcheux désaccord entre l’art dit “appliqué”, “commercial” qui fait le cadre de notre vie courante, et l’art pur
qui, tel qu’il apparaît dans les galeries et les expositions,
se présente pour beaucoup comme une énigme. Le clivage
a naturellement représenté un défi pour les historiens
de l’art, ils ont pris l’habitude de défendre ce que les gens
de “goût” méprisent… Toutes les autres formes d’anti-art
sont devenues, elles aussi, sujet d’étude pour les intellectuels. Ils ont adopté l’exclusivisme et les prétentions de
l’art “abhorré” ». L’exemple du style Camp, hommage au
kitch, soutenu par Susan Sontag, en est une illustration.
« Pourquoi, soutient Gombrich, n’en serait-il pas de même
qu’en musique ? Un type de musique, la pop music, a en
effet conquis les masses et les séduit jusqu’à la dévotion la
plus hystérique… Le travail de l’historien consiste à rendre
les faits artistiques intelligibles, celui du critique à porter
un jugement de valeur » (Gombrich, 2009).
C’est ce qui va se passer. Effet de mode ou conséquence
de la complexité des messages de l’artiste et des théories
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plus ou moins contradictoires des analystes, les médias
vont se faire les paladins de l’art contemporain « longtemps méprisé et incompris » écriront Pauline Simons et
Jérôme Béglé (2009) qui, dans le Figaro Magazine, salueront ceux qui « remettent en marche une machine qui
s’était grippée ».
Qui sont-ils, ces secouristes de l’art contemporain, et
comment vont-ils s’employer à remettre en marche ce qu’ils
appellent une machine ? On les trouve dans la prolifération
de journaux, hebdomadaires, mensuels, site internet qui
se spécialisent depuis quelques années dans les arts plastiques et qui exaltent la galaxie qui gravite autour des créateurs. Beaux arts, KunstForumInternational, ArtNews,
FlashArt pour n’en citer que quelques-uns, les publications américaines comme ArtForum exportent leurs
formats en les adaptant dans les différents pays comme
le font des magazines populaires tels que Marie Claire
ou Elle. Rien de ce qui se passe dans la faune des adeptes
de l’art contemporain ne leur échappe. Leurs contenus
entremêlent « gossip », annonces d’expositions, biennales
et foires qui se multiplient sur la planète, ils publient les
manifestes annonçant un nouveau courant ou concept,
révèlent avec gourmandise la trahison d’un artiste envers
son mécène ou galeriste, se font l’écho des polémiques
entre curateurs, dévoilent les achats d’un collectionneur
en vue comme gage de la valeur de l’artiste… Critiques
et curateurs deviennent grâce à ces médias les nouveaux
protagonistes de l’art et la chose artistique l’aliment qui
nourrit les discours noyés dans un roman de mœurs entre
mondanités affaires et rivalités.
Ce qui est à l’œuvre dans le passage de la communication à la médiation académique, puis à l’information, c’est la banalisation de la spécificité de l’artiste. Il
devient peu à peu un acteur secondaire d’un reality show.
À ce propos, les palmarès publiés chaque année par Art
Review, Art Magazine et le « Power 100 » de Forbes qui
priment les stars de l’art et mettent sur les mêmes plans
artistes, curateurs, critiques, collectionneurs et directeurs
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L’art contemporain, ou comment communiquer le chaos
de musée sont révélateurs. Tout cela rassure, l’information
conseille, donne des clés de lecture compréhensibles, incite
le public avec des arguments qui n’ont plus rien à voir avec
la production artistique et qui semble réaliser le projet
lancé par Andy Warhol : rendre l’art populaire et le sortir
de son ghetto.
La dérive ne s’arrête pas là. Quand l’argent définit la
valeur d’une œuvre, quand le marché de l’art s’empare du
produit et le transforme en symbole de prestige et hisse
l’acquéreur en garant de l’importance et de l’authenticité
de l’artiste, l’art devient publicité. Les foires se substituent
peu à peu aux biennales et deviennent les grands rendezvous où les stars du cinéma, de la pop music et les milliardaires de la planète s’arrachent les œuvres à coup de
millions au grand bonheur des médias qui s’en font largement l’écho. Certains acteurs du marché notent dans les
décisions d’achat la prééminence actuelle des phénomènes
de mimétisme. Le galeriste Hervé Loevenbruck (cité dans
Bollon, 2007) explique « aujourd’hui pour beaucoup
d’acheteurs il faut exhiber sur les murs de son appartement le dernier cri de l’art qui se vend ou que collectionne
telle ou telle vedette du cinéma… tout en faisant de
bonnes affaires ». Patrice Bollon y trouve l’explication « à
l’incroyable succession des vagues : une année on monte
en épingle l’art russe, l’année suivante l’art chinois… et
l’on voit aux États-Unis des peintres de plus en plus jeunes
qui atteignent des cotes faramineuses ».
Certains artistes jouent le jeu. Génies de l’art ou des
affaires. Murakami dessine ses fleurettes manga sur les
sacs Vuitton et s’expose dans les galeries de Versailles.
Les dignes conservateurs du château pensent redonner
ainsi un coup de jeune à la royale demeure et y attirer
presse et people. Le Marie-Antoinette de Sofia Coppola
relève du même kitch. Jeff Koons, la star du New pop,
multiplie ses cœurs enrubannés et ses caniches géants qui
s’arrachent à coup de dollars. L’art de devenir un artiste
en vue devient indépendant de son talent. Le parcours est
balisé et connu, mais il faut susciter l’engouement d’un
HERMÈS 70, 2014
critique influent susceptible de provoquer un effet boule
de neige décisif.
Relativiser le rôle négatif du collectionneur « millionnaire » est important. Krzysztof Pomian nous rappelle
dans son livre Collectionneurs, amateurs et curieux qu’ils
sont à l’origine de la création des musées. Leurs galeries
privées ouvertes à une élite deviendront les musées publics
du xviiie siècle auxquels ils légueront leurs collections.
Riches marchands, princes et prélats ont affirmé leur prestige tout en finançant la production artistique. Il cite une
singularité américaine qui mérite une digression. « Entre
[…] 1865 et le krach de 1929, les collections d’art aux ÉtatsUnis ont connu leur âge d’or […] quand on étudie la population des collectionneurs on est immédiatement frappé
par la place qu’y occupent les femmes et par l’importance
de leurs rôles […] et l’impact qu’elles ont eu dans la création des musées […] qui s’ouvriront de manière exponentielle sur le territoire américain sur leurs impulsions. Elles
privilégieront les formes les plus innovatrices avec Van
Gogh, Picasso, Cézanne, Renoir […] plus ouvertes à une
rupture, même radicale avec la tradition. » Pomian émet
l’hypothèse d’un lien entre les collectionneuses et leurs
choix pour imposer l’acceptation d’un nouveau statut de la
femme dans la société. Promotion sociale, symbole identitaire, rien de nouveau donc si ce n’est l’entrée des médias
dans le cercle fermé de l’art contemporain.
La faute à Andy Warhol ?
Duchamp et Warhol ont refusé le ghetto, ont défié la
communication et, pensant la maîtriser, ils ont cassé les
codes et refusé que l’art soit l’affaire d’une élite. Le pop art
de Warhol se voulait accessible, populaire, ses multiples et
ses papiers peints un refus du carcan des matériaux nobles,
ses portraits de stars un hommage à la séduction. Quand
Duchamp installe son bidet dans le musée, il faisait aussi
un pied de nez aux cathédrales du goût qui sanctifient ce
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qu’elles présentent. Ces gestes participaient d’une liberté,
de l’affranchissement des codes trop rigides de la société
et annonçaient le bouleversement des mœurs et des pratiques culturelles.
Les dizaines de frigidaires alignés plus ou moins
vides ou remplis, de produits raffinés ou pauvres, exposés
dans le pavillon de la République tchèque à la biennale de
Venise retrouvent les gestes provocateurs des premiers
dynamiteurs contre une société de consommation et ses
injustices. Les sculptures de Bertrand Lavier transforment
les objets de la vie quotidienne en symboles et les salles de
musée en supermarchés.
Que ces œuvres soient prisées, qu’une installation de
vieux journaux ou qu’une montagne de fripes fassent la
couverture des revues, qu’importe, car la liberté de créer
est totale et ce que l’information avait dénaturé et l’argent
célébré ouvre un espace où les artistes révèlent in fine une
formidable capacité de résistance en se jouant du système
qui tentait de les piéger. Si les médias, l’argent et les people
avaient besoin d’eux pour alimenter leurs fantasmes ou
leurs business, eux étaient nécessaires au système.
Si certains se sont pliés, d’autres se sont retirés d’un
barnum incompatible avec leurs recherches et ont su
trouver des interlocuteurs à l’écoute. Mais le retrait n’a pas
tenté la majorité des artistes qui, forts de leur popularité,
ont revendiqué la centralité de leurs projets et su imposer
leurs exigences sur la présentation de leur travail comme
le raconte Boltanski dans « La vie possible de Christian
Boltanski » ou refusant de participer à des manifestations
qui dénaturaient leurs messages comme Yannis Kounellis.
D’autres encore ont dépassé les limites imposées. Paradoxe
ou reprise en main, la provocation est devenue une des
conditions pour se faire entendre.
Certains exemples sont significatifs. Damien Hirst –
celui dont on a dit qu’il jugeait sa réussite au nombre de
zéros qu’atteignaient ses œuvres dans les ventes publiques
– a récemment délaissé ses requins ou ses moitiés de veau
enchâssés dans des vitrines remplies de formol et exhibé
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un crâne humain serti de diamants. Cette représentation
contemporaine de la vanité est courante dans l’histoire de
l’art. Sa vanité rappelle que le masque « bling bling » dont
a été affublé l’art participe de la mort.
Maurizio Cattelan, autre idole de l’art, n’en finit
pas de manifester son mépris à ses commanditaires ou à
dénoncer leurs manquements. Un bras d’honneur de plusieurs mètres trône devant la Chambre de commerce de
Milan qui l’avait invité à la célébrer. À Palerme, c’est une
copie du célèbre écriteau Hollywood, à la même échelle,
qu’il a installé sur le dépotoir d’ordures aux abords de la
ville sicilienne que les édiles faisaient mine d’ignorer. Son
ultime pied de nez, il l’a adressé aux médias en créant une
revue d’art qu’il a intitulé Toilet Paper et, au grand dam de
ses collectionneurs, il a décidé de ne plus créer d’œuvre et
met désormais sa renommée, sa marque, son nom comme
logo au service d’un projet, le Crepaccio, qui invite sans
sélection de jeunes artistes à s’exposer dans des espaces
incongrus et surtout les moins institutionnels.
La liste est trop longue des rebelles à la médiation. Pourtant, il est impossible de faire l’impasse sur la
« performance », une forme artistique qui ne produit pas
d’objet et qui met l’artiste en présence directe avec le visiteur. Marina Abramovic a accueilli 100 000 personnes au
Museum of Modern Art, huit heures par jour, pendant
un mois dans un tête-à-tête où son interlocuteur décidait
du temps nécessaire à leur rencontre.
Une conclusion est-elle possible ?
La communication fait partie des xxe et xxie siècles.
Internet et l’explosion des réseaux sociaux en révèlent
le sens profond : pouvoir s’exprimer, échanger, se
confronter, exister. Être en lien direct avec l’autre était
possible dans une société cloisonnée et hiérarchisée mais
la société de consommation du xxe siècle s’était donnée
la publicité, avait créé les marques pour communiquer
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L’art contemporain, ou comment communiquer le chaos
ses produits dans un langage de séduction aussi efficace
que simple. Ceux qui voulaient échapper au ghetto et
combattre les lieux communs ou sortir de l’anonymat ont
tenté d’utiliser les mêmes moyens. Ceux qui refusaient
les compromis, essayant de sauver leurs spécificités,
devenaient inaudibles ou se condamnaient au retrait
dans leur tour d’ivoire.
Si la communication horrifie les puristes, c’est parce
qu’elle contient les germes de l’information et les tentatives
de vulgarisation qui peuvent déformer ou, pire, dénaturer
son objet. Risquer la communication malgré ses avatars
n’en est pas moins un passage nécessaire dans notre société
avide de savoir, curieuse de comprendre et soucieuse de
« transparence ».
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