Le Prix à Payer
Lahcen DAKNI
Université Sidi Mohammed Ben Abed Allah, Faculté
des Lettres et Sciences Humaines
Nouvelle
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Quel mystère de la vie! L’union de deux personnes de genre différent résout tant
des problèmes
qui fatalement surgissent si chacun
restait seul; on forme un couple
homme-femme pour faire disparaitre ce que ces deux endurent dans la solitude. Pourtant
la tâche de trouver l’âme-sœur ou la personne qui puisse comprenne cette âme n’est plus si
facile. L’amour, le poison et l’antidote, est la sensation la plus sublime qui fait parfois
perdre contrôle de soi et basculer les fragiles et les hypersensibles
dans l’enfer de leurs
émotions et les pire symptômes substituent les forte sentiments d’amour, c’est une
imaginaire cocaïne sur qui nous n’avons aucune autorité et qui follement nous transporte
vers des sensations étrange et même énigmatiques.
̶ la vie est belle ! S’adressa-t-elle à son époux sous l’emprise
d’une forte
impression d’allégresse et de satisfaction.
Elle se réjouissait des beaux paysages de la nature au milieu d’un jardin, c’est un
des endroits qui ressuscitaient en elle les sentiments d’extase et d’euphorie ; elle voulait
à ce moment voler sans ailes, plutôt elle s’imaginait une colombe portant son petit enfant
sur son dos et son époux tournoyait à ses côté en posture du protecteur.
̶ Sans doute, nous somme chanceux de vivre
un tel bonheur ; plusieurs
familles l’espéraient que pour une seule journée, répondit Othmane d’un air aussi joyeux
et d’un ton du mari amoureux.
Les deux époux se baladaient dans ce jardin et la belle lueur du matin anima en
eux la force d’aimer le moindre détail de leur couple.
̶
Savez-vous, chérie ! Aimer n’a jamais été un crime et que sans cette flamme, les
plaisirs que nous proposait la vie n’auraient aucun goût, s’exclama la charmante, en
regardant deux fauvettes perchés sur un arbre, l’un auprès de l’autre ; peut être sont-ils une
femelle et un mâle, eux aussi se réjouissaient de cette belle nature.
̶
Oui, tout à fait juste. Sauf que
l’amour est une attache dans le bon sens,
plutôt c’est une chaîne que les amoureux acceptent de supporter ; ils sacrifient un peu de
leur liberté pour savourer
les délices de cette liaison, répondit le mari d’un ton
philosophique.
En effet, la réalité nous montre qu’il vaut mieux vivre enchainé près de celui
qu’on aime, que rester libre au milieu de ceux qu’on hait. Ainsi, l’amour est le grand titre
des grandes histoires. Voila, discuter sur tels propos n’ajoutait au couple que du miel. Or, il
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y avait une question qui tourmentait la femme, et autour de laquelle elle avait tourné mille
fois sans pouvoir y répondre. En vérité, il ne pouvait pas tirer les voiles sur le détail d’un
passé lointain, elle souhaitait qu’elle l’ait profondément enterré pour qu’il ne la surprenne
pas un jour, elle le refoulait, elle essayait même de l’oublier, elle croyait avoir pu le
supprimer de son esprit : sans doute le temps est le grand serviteur de l’oubli, il déchire
lentement
les anciennes pages
de notre vie, mais en sursis. Les souvenirs peuvent
remonter en surface un jour. Certainement, on ne tombe si follement amoureux que pour la
première fois de notre vie, c’est le moment où tous nos sens et nos affects sont mis en
ébullition, cela occasionne malheureusement la période de l’adolescence, ce qui donne à
cette flamme encore une grande fureur. En revanche, les amours qui viennent après ne sont
qu’une contrefaçon de la copie originale ; jamais elles n’égaleront le premier en intensité ou
en pureté. Ainsi, comme toute femme, notre héroïne camouflait une partie de sa vie, plutôt
un épisode qui reste inachevée.
̶ Certainement, l’amour, l’amour et l’amour, c’est ce qui compte davantage dans
notre vie conjugale, répliqua Othmane en regardant profondément les splendides yeux de
sa belle parure.
A chaque fois qu’il regardait la rondeur de ce beau visage, la symétrie des fines
sourcils qui couvrait les gros yeux noirs, et les rougeâtres lèvres qui ne laissent aucun
homme indifférent, il se sentait épris éperdument d’elle plus que jamais. Même à l’âge de
trente cinq ans, elle gardait encore la beauté innocente d’une fille de quinze ans ; c’est la
silhouette d’une déesse grecque; tête couverte de cheveux noirs, visage rond, distingué de la
noirceur des cheveux d’un éclat rayonnant, on disait un éclair sur les brumes, cette
blancheur fait tressaillir les entrailles de tout esprit vivant et lorsqu’elle marchait dans les
couloirs de l’hôpital, toutes les personnes qui attendaient devant les salles de consultation la
regardaient d’une grande stupéfaction , elles oubliaient les douleurs qui les avaient amenés
chez les médecins ; et à ce moment, elles ne savaient de quel folie sont-ils atteints, le
charme de la déesse était plus fort qu’eux. Voila, on disait un ange descendit sur terre, sa
beauté dépasse les limites et fait réveiller les morts de leurs tombes
Le bonheur l’entourait de tout côté, Elle gagnait sa vie telle qu’elle avait espérée ;
une vive tendresse d’un mari amoureux la comblait de joie et un sourire angélique d’une
ravissante
enfant lui rempli le cœur d’exaltation. Elle se délectait inlassablement de ce
gentil époux, on oserait dire qu’il fut taillé à sa mesure; cet homme avait été auparavant son
collègue de travail, c’est un traumatologiste comme elle ; ainsi les deux spécialistes
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exerçaient le même métier ; ils réparaient ce que brisaient la vie en redonnant espoir aux
traumatisés d’accidents. Heureusement, les deux partageaient une surprenante ressemblance
de caractères, imposée dans un premier temps par les longues années de formation aux
facultés de médecine et plus tard pas la pratique de cette fonction dans un hôpital. Le fait
qu’ils se côtoient longuement dans le même endroit chaque fois qu’ils sont en service
établissait entre eux, durant les premières années, une relation ni d’amour ni de haine,
plutôt d’accoutumance, et puis cette situation amena l’un à s’habituer de se retrouver
machinalement près de l’autre. A l’hôpital, les deux se voyaient acteurs d’une même scène
et dans laquelle leurs mains se rejoignaient pour pétrir la même pâte : guérir un blessé et
soulagé un souffrant. Au fil des jours, la belle avait eu l’idée de quitter le célibat plus par
nécessité que par passion ; arrivant à un âge mature, elle voulait se retrouver chaque nuit
auprès d’un homme, alors elle n’avait pu refuser la proposition de ce beau collègue en
considérant l’entreprise gagnant- gagnant, et du moment que les soucis financières soient
hors sujet et qu’ils avaient autant de traits communs établissant entre eux une parfaite
entente, il n’y a donc aucune raison de rejeter une telle union. Ainsi, le mariage était le
deuxième chapitre de sa vie.
La jeune spécialiste en traumatologie était tellement épanouie et du moment
qu’elle sortit de l’hôpital, elle oublia les gémissements des malades et les cris des
accidentés, ceux qui se voient proie du mauvais visage de l’existence, où le mal triomphe et
les miséricordes humaines s’évaporent. Elle regagna la maison après chaque journée de
dévouement et de sacrifice, il sentait plus de chaleur lorsqu’il fut chez elle, cette gaité
effaçait de sa mémoire l’atroce humidité qu’engendraient les douloureuses scènes à
l’hôpital, et desquelles elle tâchait de sortir indemne. Certainement, à force de feindre la
consolatrice et la bienfaitrice, elle le devint ; pratiquer ce genre de travail demandait
d’elle d’être plus courtoise, plus généreuse et même plus d’humaniste que l’humanisme.
Une fois la porte fermée, elle se lança dans son train habituel ; elle essayait d’avaler sa
dose quotidienne de jubilation en compagnie des deux autres sources de lumière, l’adorable
mari et l’adorable fille, ces deux entités formaient pour elle un soleil sans coucher ou une
étoile d’intarissable rayonnement, voila c’était une vie à trois dont les trois âmes se
fusionnèrent, donnant naissance à une irréprochable famille. Oui, c’était un nid que tout
homme rêve d’y habiter, le rire et l’humour étaient leurs adorables manières de se
détendre.
Les deux traumatologistes, l’un à côte de l’autre, parcouraient les couloirs. Du
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loin, il semble qu’ils avaient presque la même taille ; deux statue façonnées par la même
main : leur sculpteur avait eu envie
qu’ils soient de même longueur. Or, Othmane
paraissait un peu mince qu’elle, et endossant son tablier, il devient un carreau de neige,
duquel jaillissait une tête carrée que l’on croit jointe au corps sans cou.
L’enfant avait à peine avait achevé son troisième an, encore petite. Oh ! Toute
mère se rappelle les premières années de ses enfants, où elle acceptait avec joie les caprices
de leurs petits anges, c’est l’âge d’or pour ces douces créatures. Nisrine, l’enfant la plus
cajolée, c’est le seul centre de gravité de cette famille, elle ne se rassasie plus des caresses
de sa mère. D’un premier vue, on constatait qu’elle avait empruntaient de sa mère la plupart
des traits physiques, sauf les cheveux qui ne n’étaient pas de la même noirceur de sa mère,
par cette couleur l’enfant rendit un peu de justice biologique à son procréateur, il n’avait
pas voulu éveiller la jalousie de son père.
C’était dans un vendredi. Achevant sa journée de travail vers cinq heures du soir,
elle alla directement à la crèche pour récupérer son enfant, laissée à cet endroit depuis le
matin. Comme son mari ne serait pas ce soir à la maison car il s’était déplacé chez sa mère
à Casablanca, la charmante s’occuperait toute seul de l’enfant. A peine qu’elle entra à la
maison et posa sa petite sur le fauteuil en lui donnant quelque chose à manger et en lui
allumant la télé, elle reçut un appel de l’hôpital.
̶ Bonsoir docteur ! lui dit un administrateur de l’hôpital, d’un ton pressé qui
dissimile un fort mécontentement
̶ Bonsoir, lui répondait Asmaa d’un air attentif.
Elle avait reconnu la voix parlant et elle savait que cet appel n’annoncerait que de
mauvaises nouvelles. : La mort subite d’un hospitalisé ou l’arrivée d’un flux d’accidentés
qui parfois envahissaient imprévisiblement le service des urgences.
̶ Docteur, je m’excuse pour ce dérangement, mais c’est sous les instructions du
chef de service que j’ai décidé de vous appeler. Alors, suite à un grave accident de
circulation, survenu il y a quelques minutes, trois rescapés sont évacués ici, ils sont tous
dans un état critique, ainsi nous vous prions de rejoindre l’équipe des urgentistes pour
intervenir le plus vite possible, il y aura trois opérations chirurgicales à faire cette nuit.
̶ Oh ! Encore un imprévu! ; S’exclama la doctoresse d’une tonalité de femme
épuisée.
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Ceux qui rêvent d’être des médecins doivent savoir que ce n’est pas le paradis qui les attende
; le métier regorge de contraintes, il faut se dévouer pour sauver des vies. À la hâte, elle se
préparait pour regagner le bloc opératoire. Elle s’était habituée de tels événements, mais
depuis la naissance de son enfant, ses comptes ne lui tenaient pas toujours promesse.
Rapidement, elle amena l’enfant chez sa sœur, cette dernière étant enseignante dans une
école primaire, elle est libre pendant chaque soir ; ce genre de ce travail attribuait à
l’institutrice beaucoup de bonheur ; elle n’imaginait plus que le directeur de l’école lui
appelait après dix-huit heures. Cependant, Asmaa se voit plus heureuse que sa sœur, c’est
dans l’acte de sauver des vies qu’elle complète le bonheur que nous avons décrit au début
du récit.
En fait, un accident brutal avait eu lieu cette après midi aux alentours de la Capital,
causant deux mort et trois blessé graves. Quel malheur ! C’était le résultat d’un choc frontal
entre un camion et un minibus à la propriété d’une association de bienfaisance. Le véhicule
transportait de pauvres gens, qui ne sont en effet que des vagabonds et des personnes sans
domicile fixe. Le plus tragique, c’est qu’il y avait parmi eux des personnes handicapées.
Tous étaient pris en charge par cette association, elle les hébergeait dans un morne
bâtiment, disons un asile, mais au moins cela leurs offert un toit, ils pouvaient enfin vaincre
le froid glacial de l’hiver. Un des survivants s’appelle Hassan, âgé de quarante-trois ans, et
si on le voyait pour la première fois on lui donnerait plus de soixante ans, le pauvre est
victime de plusieurs fractures sur les deux jambes, il était amené à cet hôpital dans un état
tellement déplorable. L’infligé était un aveugle, il avait perdu la vue il y a quelques années
suite à une maladie chronique, qui lui peignait ce qui reste de blancheur de sa vie en noir
foncé, c’est le maudit diabète qui le rendit vieux à son jeune âge, cela en réalité n’était
que la fin fatale d’une grande déception, d’un malheur et d’une vie sans pitié. Cette
malheureuse existence lui avait déclenché cette latente maladie, qui restait jusqu’à ce jour
dormante dans les corps de ses frères et sœurs. Or lui n’avait pas pu la laisser dans son
sommeil. Oh ! Quel triste sort pour ce jeune homme ! Le destin lui dédie encore un
deuxième handicap. D’ailleurs, depuis qu’il avait perdu la vue, la notion des couleurs lui
quitta et sa vie fut bouleversée du fond au comble. Sans doute, parfois le destin frappe fort !
Avant que la traumatologiste arrive à l’hôpital, le blessé hurlait férocement,
gémissait comme une femme arrivant au bout de sa grossesse, le pauvre maudissait son
pénible destin. Il souhaitait la mort que de supporter davantage les coups impitoyable de la
vie. ̶ S’il vous plait, de la grâce, tuez-moi, c’est mieux que de me laisser souffrir comme
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ça !!! Ainsi, rugissait le brisé, voulant mettre fin à ces souffrances.
̶ Un peu de patience, Monsieur ! Les chirurgiens se préparaient pour vous opérer,
lui dit une infermière.
Soudainement, Hassan
arriva aux termes de e ses forces et s’effondra avant
l’arrivée de l’anesthésiste. L’un suivait l’autre, l’équipe des chirurgiens se rassembla dans
une salle située au voisinage de celle des opérations. Le blessé déjà inconscient, et encore
endormi plus profondément cette fois par l’anesthésie totale. Quelques minutes après, les
chirurgiens sortirent de leur salle allant à l’autre où ils devraient opérer l’infligé. Asmaa en
fait partie, d’un premier diagnostic, la pluparts des chirurgiens s’attendaient à lui faire une
ablation des deux membres, puisque la réparation de telle dommage exigeaient d’eux de
plusieurs heures et ils n’avaient pas de temps à perdre pour ce pauvre type, le stresse de la
journée leurs suffisaient. Le blessé se trouvait dans son profond sommeil, le matériel de
l’opération fut proche de ses jambes et les infirmiers-assistants sont sur place. Sans doute,
une amputation des deux membres était la courte impasse, tous les chirurgiens voulaient
classer cette journée dans leur archive et sans peine même. Puis, la doctoresse s’approchait
lentement du traumatisé et à l’instant où ses yeux distinguèrent le visage du blessé, une
véhémente émotion lui remontait des orteils vers le cœur, elle était sur le point de hurler, de
pleurer, ou de s’évanouir même. Heureusement, qu’elle soit doté d’une dose de courage,
elle masqua ses fortes sensations, elle avait pu finalement maîtriser ce débordement. En
vérité, elle avait un mot à dire et elle n’avait pas pu le prononcer devant ses collègues, elle
voulait crier « Pardon !», Oui, ce sont des sentiments incompréhensibles: mêlés de regret et
de nostalgie. Sans hésitation, il s’dressa au chef d’équipe en lui sollicitant de ne plus
amputer les jambes du pauvre.
̶ Docteur ! Je serai tellement reconnaissante si vous lui garderiez les pieds, le
pauvre ne mérite pas cette mutilation, faites cela pour moi cette fois s’il vous plait, supplia
Asmaa, voulant dévier s collègues de la première résolution.
Les autres n’avaient rien à dire devant ces suppliantes paroles, devant le charme
d’une charmante, rien ne peut être refusé. Alors, tous les urgentistes s’étaient engagés dans
une minutieuse opération, qui avait duré plus de dix heures. L’équipe s’était durement
peinée pour remettre les débris d’os à leurs places ; c’était une pièce de puzzle à
réorganiser. Les chirurgiens arrivèrent au bout de leurs forces en essayant de raccorder les
ligaments qui étaient complètement détériorés, ils avaient mobilisés touts leurs efforts pour
ne pas déchoir leur belle amie. Certainement, les chirurgiens ne seraient lancés dans tel
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défit sans l’insistance de la doctoresse ; pour eux c’est une aventures qui leurs avait pris
beaucoup du temps, et même une partie de leur repos. Les collègues s’étonnaient du
comportement d’Asmaa envers l’accidenté; est-ce par pitié que la doctoresse voulait que
ces jambes soient réparées? Ou par devoir ? Ce sont de grandes interrogations qui
n’admettaient pas de réponse immédiates. Comme l’opération s’acheva, l’homme fut
transporté directement à une chambre d’hospitalisation en compagnie d’autres malades, là
ou il devait passer quelques jours de soin et convalescence.
Notre héroïne, rentra à la maison et tout à coup sa joie fut dissipée. Elle ne savait
pas ce qui lui ait arrivé ; son esprit e focalisa sur un seul fragment de sa vie Elle ignorait à
cet instant tout ce qui l’entourait. Le lendemain matin, le mari revint de son voyage, il la
trouva tellement distraite et sentit qu’il y avait quelque chose d’anormal chez sa femme.
̶ Vous n’êtes comme d’habitude aujourd’hui ! s’exclama l’époux
̶ Non, c’est rien, je n’ai pas pu dormir suffisamment hier, lui rétorqua la femme
̶ J’espère que tu ne me dissimule pas ce qui te tourmente, répondu Rachid
̶ Non ! Ne t’inquiète pas, c’est passager.
En ce moment, la femme n’eut pas le courage de dévoiler l’origine de son souci, il
ne voulait pas donner un autre cours à sa vie, parfois il vaut mieux te taire que parler, et
c’est ce qu’elle avait fait.
Le lendemain de l’intervention chirurgical, le malheureux regagna sa conscience, mais étant
aveugle, il n’avait pas aperçu l’état pitoyable de ces pieds, enroulés de pansements et
traversés de plusieurs baguettes de fer. Le pauvre ne se souvient que du brusque choc, qui lui
avait fait vibrer les tripes et le chaos qui régnait après. Heureusement, il se sentait bien à
cette heure, sauf une légère douleur dans les cuisses. Après quelques instants, il se rendit
compte qu’il ne fut pas maître de ses pieds, il conclut enfin que ses membres fussent hors
usage et qu’ils ne lui appartenaient plus. Incapable de les mouvoir, deux gouttes de larmes
ruisselaient sur ses creuses joues, elles y traçaient deux ligne : ne pouvoir pas marcher sur
pieds : encore quel effroyable nouvelle ! .Enfin, Hassan compris qu’une autre invalidité lui
arracha la petite lueur qui lui restait de son premier handicap. Dans la salle d’hospitalisation,
ils y avaient tant de personnes, c’étaient les familles des malades venant rendre visite à leurs
proches, ils chuchotaient doucement pour ne pas déranger ceux qui dormaient, mais lui, il
interceptait tous les mots dissipés ; la nature lui réparait la perte de vue en attisant son ouïe.
Le malheureux, se voyait sans famille ; ni père, ni mère, il n’avait eu la moindre information
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sur ces frères et sœurs il y a des années, eux aussi le considéraient mort ou à l’étranger,
pourtant le désespéré se ballotait entre les coups impitoyable de la vie. Les vents le
déplaçaient n’importe où, errant comme un fou
̶ Ça va, monsieur ? Vous êtes à l’hôpital, ne vous inquiétez pas, vous avez subit
une opération et tout ira bien dans les jours qui viennent, vous allez quitter ce lieu sain et
sauf, il vous faut juste un peu de patience et que vous acceptiez les soins nécessaires, lui
disait l’infermière d’une manière consolante et rassurante. La vie ne sème pas toujours de
roses, parfois tout s’assombrit devant nos yeux.
̶ Pourquoi, moi ?
Pourquoi ce deuxième handicap? Qu’avais-je fait pour
mériter ce double châtiment ? C’est par ces interminables interrogations que le pauvre se
plaignait, maudissant son sort et voulant résoudre mystère de cette injuste vie.
̶ Patience, et un peu de courage ! Le réconforta l’infermière par ces doux mots
L’infermière fut aussi triste de savoir que l’homme était aveugle, en lui apportant
le dîner, elle aperçut que les yeux sont immobiles et l’homme ne savait pas ce qui
l’entourait.
Le lundi arriva, une autre journée de travail commença. La doctoresse se dirigea
vers la chambre de garde où elle pourrait s’enquérir de l’état de santé de son malade sans
pouvoir s’adresser directement à lui ; tout son esprit s’était centré sur l’image de ce pauvre
homme. C’était dix heure du matin, elle demanda à la infermière de garde si la santé de
l’homme allait bien et la soignante lui répondit affirmativement.
̶ J’espère que sa santé s’améliorera rapidement, pour qu’il sorte de l’hôpital en
quelques semaines, s’adressa la doctoresse à son assistante.
̶ Oh, ce monsieur m’a touché profondément le cœur, il est déjà aveugle, et je pense
qu’il a sur ses épaule un lourd passé, puisque à chaque fois que je reste près de lui en lui
parlant, il voulait me raconter ses souffrances, répondit l’infermière d’un air attristé.
En fait, la doctoresse ne savait pas auparavant que son patient est un aveugle. Et
apprenant cette mauvaise vérité, elle s’aventura pour aller lui parler en personne. Elle entra
à la chambre d’hospitalisation, elle l’aperçut, il était allongé sur son lit, les yeux ouverts,
mais il est plongé dans ces ténèbres.
̶ Bonjour, combattant ! Salua la belle en lui touchant légèrement le bras
̶ Bonjour, ma petite, répliqua le malade, il ne savait pas l’âge de celle-ci
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Je suis ton médecin, je suis ici pour te soigner, et pour que tu sortes d’ici
sain et sauf . Ne jamais perdre espoir, Monsieur. Aimez la vie, elle vous aimera, lui dit
Asmaa en essayant de l’encourager à affronter bravement son sort.
̶ Moi, j’ai tout perdu, il ne me reste rien pour quoi je vive encore,
répondit Hassan tristement et avec grand désespoir.
Malgré son chagrin, le malade se senti bien en parlant avec la traumatologue. Elle
lui examina les pieds, et demanda à l’infermière de lui changer les pansements avec une si
grande délectasse; elle voulait que cette homme ne souffrirait pas davantage. Puis, il lui
proscrit d’autres médicaments, et alla lui-même les apporter de la pharmacie. Quelle
affection montra-t-elle envers ce pauvre !
Elle s’assit auprès de lui, en lui questionnant sur sa famille, et sur son passé.
L’homme gagna sa confidence et entama le récit de son histoire.
̶ Oui, ma petite. Je suis encore prisonnier d’un passé, je serai content de vous
raconter mes supplices.
̶ Je serai aussi
tellement heureuse de vous entendre. Raconte-moi ce qui te
tourmente encore et ne me cache rien, je ne suis ici maintenant que pour vous soulager.
̶ Ma petite, le cœur est tellement fatigué, des blessures l’ont cicatrisé. Je
vais vous raconter mon passé et tout le détail d’une nostalgie, mais promet-moi de ne plus
verser une seule larme. C’est par ces pesants mots que l’aveugle commença son récit.
Hélas ! Il n’avait pas la possibilité de contempler la beauté de la femme qui lui parlait, il la
croyait encore plus jeune, dans ces trentaine, ainsi il s’adressait à elle en lui disant «ma
petite » : faute de destin.
̶ Il y a quinze ans que notre fabuleuse relation arriva à son terme, d’un seul coup et
sans raisons apparentes, elle a coupé la corde qui nous reliait durant quatre ans. Lorsqu’on
veut tuer un chien on l’accuse de la rage, c’est de cette manière qu’il a rompu le lien. Nous
sommes arrivés à un carrefour, elle a pris un chemin et moi un deuxième, et aucun de nous
ne savait ce que est devenu l’autre durant cette période. Or, moi, je lui tiens une place
privilégier dans mon esprit, elle est toujours là, elle hante mes nuits et elle occupe mes
journée.
̶ Et pourquoi n’avez-vous pas essayé de la chercher ; si on aime quelqu’un
sincèrement, on doit grimper les montagnes pour lui montrer la grandeur de cet amour ?
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Lui interrogea la belle ; elle voulait s’assurer des propos et savoir si vraiment l’homme
était amoureux, si vraiment l’homme ne mentait pas?
̶ Ce n’est plus de ma faute, ma petite : on se sent paralysé, lorsque
quelqu’un nous supprime de son quotidien en un seul coup. Elle n’a pas mesuré à quel
degré je l’ai adoré, elle a coupé l’arbre de ces racines et il ne m’a laissé aucune chance de
la trouver.
Le temps parfois répare les pertes, et dans certains autres il les stigmatise.
L’homme n’a pas pu oublier pendant ces années de séparation malgré la nette rupture ;
chaque jour, il se souvenait des savoureux moments qu’ils avaient passé ensemble au bord
de la mer et dans les fameux jardins de Rabat, Helton en l’occurrence.
̶ C’est tellement touchant de savoir cela. Dites-moi, comment vous étiez
arrivés à ce pitoyable état ? lui interrogea la traumatologiste en contemplant le pauvre
visage et les fréquents tressaillements des bras : l’homme avait reçu autant de coups, la
vie lui était trop brutale.
̶ C’est le prix à payer lorsqu’on aime sérieusement ! C’est l’effet négatif d’une
faculté si naturelle. Si vous prenez trop de drogue, vous réjouissez assez au début, après
c’est la dépendance et dans ce dernier cas, vous seriez au milieu de l’abîme. Je n’ai jamais
pensé un jour être follement amoureux de quelconque qui soit, mais cette fois j’ai capitulé
devant la magie d’une telle beauté; les actes m’étaient inconscients, je n’ai pas pu
conscientiser ce que je faisais, Voila, lorsqu’on est victime de cette épidémie, on a rien à
faire que espérer une lumière au bout du tunnel et attendre par quoi se clôturerait l’histoire.
Oui, c’est l’effet puissant de cette drogue.
En réalité, l’amour, est une fièvre, un feu, une flamme qui envahissent tout le corps
et le renversent du fond au comble.
̶ Oh, à ce point ! s’exclama la charmante
̶ Oui ! Cela vous semble étrange, mais je vous jure que c’est la vérité. J’ai
été Gendarme, plutôt un militaire que les durs stages ont rien changé en lui. Elle, était
étudiante ; j’ai été le protecteur et elle la protégée. Je l’ai rencontrée pour la première fois
en plein canicule d’une journée de Ramadan, c’est pendant ce mois sacré que la ligne de
départ s’était tracée, notre amour était aussi si sacré. Jour après jour, les rencontres se
multipliaient, le lien se fortifiait jusqu’à ce que nous imaginons inséparable et que juste la
mort qui puisse nous disjoindre. On se rencontrait régulièrement, nous passions des heures
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à parler, à discuter, et à s’aimer. Le futur et le passé n’avaient pas de place dans notre
barque, c’est toujours le moment présent qui nous intéressait, nous étions au sommet du
paradis. Toute la capitale se souvient de nous et tout les endroits de retravailles nous
connaissaient. Oui, des lieux qui restent graver jusqu’à ce jour dans ma mémoire. La
corniche, les falaises et les bancs nous ouvraient leurs bras et dans la sphère de la joie nous
étions que deux, elle et moi. La séparation m’a totalement ruiné, c’était un chute fatale, je
n’ai pas pu continuer ma carrière en armée ; des dépressions m’ont englouti, et les hôpitaux
m’étaient le seul refuge. D’une manière répétitive, je m’écroulais, et au réveil je me
trouvais au service des urgences, entouré de tabliers blancs. Là, je restais quelques heures,
les médecins me rassuraient et me conseillaient de consulter des psychologues. Je refusais
ces propositions, mais ils avaient raison ; c’est la seule spécialité qui pourrait comprendre la
bataille intérieure que je mène depuis des années. Les premiers mois de séparation, m’ont
été un enfer, obsédé d’idées suicidaires et lassé de cette existence, et le noir peignait tout
mon quotidien. J’ai essayé de trouver une remplaçante, mais en vain, elle seul possédait les
clefs de ce cœur. J’ai trouvé un peu de consolation dans la lecture, et à chaque fois que je
me plonge dans un roman je me transportais vers ce passé et après les sensations de
frustration me dévoraient. Oui, la littérature française m’a été un remède et une thérapie,
mais elle a attisé ma sensibilité et les illusions que donnaient ces lectures m’ont rendu un
grand rêveur. Au fil de l’année, je pleurais, je plaignais mon sort. Et un jour, j’ai découvert
que je suis atteint du diabète, c’est le fruit de ses longues années de mélancolie et de
dépression. Cette maladie, elle aussi, s’est comportée cruellement avec moi, elle m’a tiré la
notion des couleurs et des formes ; elle m’a rendu un mort en sursis.
La doctoresse l’écoutait, puis le sentiment de remord la dévora. Tout simplement,
parce que la femme qui avait transformé la vie de ce pauvre en un enfer était cette
doctoresse même, c’est elle qui n’avait pas estimé la grandeur d’amour que lui avait
accordé ce faible Hassan, c’est elle qui lui parlait en ce moment, en cher et en os. Le blessé
ne savait plus que c’était elle-même qui avait bouleversé son univers. Déchiré, L’aveugle
lui racontait minutieusement son passé, il lui étalait tout qu’il avait enduré durant ces
quinze années. Là, l’héroïne comprit qu’il avait effectivement commis un crime envers cet
homme, qui n’a rien lui fait de mal que de l’aimer seulement. Elle suivait la narration en
se souvenant du tout avec le moindre détail. Enfin, elle ne put retenir ses larmes ; elle
pleurait silencieusement. Tout à coup, il quitta son ex-amant et reparti chez elle, touchée et
profondément écrasée de ce récit. C’est trop tard, les pleurs ne répareront rien, doctoresse !
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Le matin du jour après, Asmaa reçut un appel de l’infermière de garde. C’était le
coup de la délivrance, c’était le verdict final ; l’infermière lui annonça le suicide de
l’homme, L’aveugle eut préparé un poigné de comprimés, c’est le contenu de deux baquets,
il l’eut avalé en un seul coup. C’étaient les médicaments que la doctoresse lui avait prescrit
et achetait même. L’homme avala les comprimés en cachette, il voulait que sa mort fût
silencieuse. La nouvelle lui tombé dessus comme un coup de foudre, elle n’avait jamais
imaginée une telle fin, la belle perdit complètement équilibre et sombra dans ses
interminables pleurs. Il se rendit compte qu’il l’avait aussi aimé, mais se sont d’autre voix
qui l’avaient éloignée de cette amour ; elle avait suivi les dogmes de la société : une
doctoresse n’épousera qu’un docteur, un noir ne doit porter que des habits noirs. Tout un
passé flotta, et l’ex-amant venait hanter ses nuits une autre fois après un long oubli. C’est
vrai qu’il était mort, mais avec cette mort, les images du passé renaquirent et cette fois
vivront éternellement. Parfois, l’amour est un poison, d’autre parfois l’antidote.
Fin
13/13