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Une volumineuse tumeur hépatique asymptomatique

2009, Revue de Médecine Interne

La Revue de médecine interne 30 (2009) 172–173 Image Une volumineuse tumeur hépatique asymptomatique A voluminous and asymptomatic hepatic tumor P.-O. Lang ∗ , Y. Hasso, A. Gkomouzas Département de réhabilitation et gériatrie, service de médecine interne et réadaptation, hôpital des Trois-Chêne, université de Genève, hôpitaux universitaires de Genève, 3, chemin du Pont-Bochet, 1226 Thônex-Genève, Suisse Disponible sur Internet le 29 avril 2008 Mots clés : Échinococcose alvéolaire ; TEP-scan Keywords: Alveolar echinococcosis; PET-CT 1. L’histoire Une femme de 81 ans, d’origine italienne, a été hospitalisée pour bilan étiologique d’une cholestase anictérique biologique de découverte fortuite (ASAT, ALAT : N, phosphatases alcalines : 2N, ␥-GT : 9,5N, bilirubine totale : 14 ␮mol/l, N : 7–25). Sans antécédent, ne prenant aucun médicament et ne consommant pas d’alcool, la patiente était en revanche une randonneuse invétérée, notamment dans les forêts du canton du Jura. Elle ne signalait aucun animal domestique dans son entourage. Une échographie abdominale était réalisée et l’aspect tumoral du foie droit conduisait à la réalisation d’un scanner abdominal (Fig. 1). 2. Le diagnostic Une échinococcose alvéolaire de stade I (P1N0M0). 3. Les commentaires L’aspect multikystique de cette tumeur et la présence de calcifications en son sein ont motivé la recherche d’une échinococcose. Les sérologies d’Echinococcus multilocularis (Elisa : 3,48 OD, N : 0,47) et d’Echinoccocus granulomatis (Elisa : 1,91 OD, N < 0,50, IHA 2048, N < 128) étaient toutes deux très positives. En raison de réactions croisées, observées entre l’hydatidose et l’échinococcose alvéolaire, la recherche de l’antigène EmG-11, plus spécifique de l’échinococcose alvéolaire, a été réalisée. Après réalisation d’un bilan d’extension par ∗ Auteur correspondant. Adresse e-mail : [email protected] (P.-O. Lang). 0248-8663/$ – see front matter © 2008 Elsevier Masson SAS. Tous droits réservés. doi:10.1016/j.revmed.2008.03.016 la réalisation d’un TEP-scan (Fig. 2), compte tenu de l’âge de la patiente et du stade, un traitement médical par albendazole (15 mg/kg par jour) a été initié. Une surveillance annuelle par TEP-scan a été associée. L’échinococcose alvéolaire est une maladie parasitaire causée par E. multilocularis. Ce parasite doit être différencié d’E. granulomatis responsable de l’hydatidose [1]. Les zones d’endémie européennes sont : le Sud de l’Allemagne, l’Autriche, l’Est de la France (Massif central, Franche-Comté, Lorraine et Alpes) et la Suisse (canton du Jura). L’incidence annuelle est estimée à un cas par million d’habitants en Europe et une quinzaine de cas en France (d’après les données du registre français FrancEchinoReg) [2]. L’homme, hôte intermédiaire, se contamine accidentellement par ingestion des œufs du parasite, par la consommation de végétaux et de baies souillées par les excréments et non les urines de renards, chiens et chats. Les œufs d’E. multilocularis sont généralement détruits par la cuisson [1]. Il existe une période de latence de plusieurs années entre l’infestation et les premières manifestations cliniques. La larve se développe lentement dans le foie sous la forme d’une pseudo tumeur, longtemps asymptomatique. Fièvre, hépatalgie, troubles digestifs, ictère sont des signes tardifs. Le plus souvent c’est fortuitement, lors d’une échographie, scanner ou IRM abdominale, qu’une « tumeur parasitaire » microkystique, dont les calcifications sont caractéristiques, est découverte [1]. Le parasite va progressivement et lentement envahir le parenchyme hépatique, puis le long des vaisseaux sanguins et/ou du tractus biliaire, secondairement, les tissus et/ou organes de voisinage. Une dissémination métastatique via les ganglions et les vaisseaux sanguins permet l’infestation d’organes à distance [2]. Sans limites nettes entre le parenchyme sain et le tissu infecté, cette tumeur présente souvent des zones nécrosées qui peuvent secondaire- P.-O. Lang et al. / La Revue de médecine interne 30 (2009) 172–173 Fig. 1. Scanner abdominal : masse intrahépatique, hypodense, formée de multiples petits kystes, dont le plus grand mesure 1 cm de diamètre, localisés dans le segment V et surtout le segment VI, multiples calcifications à la périphérie du segment VII, absence de rehaussement de la masse après injection. 173 vaux ou après avoir toiletté son animal de compagnie et de cuire les aliments provenant des champs, des forêts ou des jardins potentiellement accessibles aux renards [2]. En cas d’infection, il repose sur la chirurgie qui vise l’exérèse complète des lésions. L’albendazole (10–15 mg/kg par jour) constitue le traitement médical le plus utilisé, mais qui n’aboutit pas à la guérison. Il est utilisé en complément de la chirurgie, dix semaines avant et au moins durant deux années après, voir au long cours en cas de chirurgie incomplète ou impossible. En l’absence de traitement, l’espérance de vie ne dépasse pas 10 % à dix ans et en revanche dépasse 80 % en cas d’association chirurgie et traitement médical. Les récidives restent cependant fréquentes, même plusieurs années après une chirurgie curative, voire une transplantation hépatique [3]. La stratégie thérapeutique est guidée par l’extension de l’infection parasitaire appréciée selon une classification dite PMN (P : masse parasitaire hépatique, N : envahissement des organes de voisinage, M : métastase). À partir du PNM, le stade de la maladie parasitaire est déterminé (stade 1 : maladie localisée au foie, stade 4 : forme métastatique) [1]. L’échographie, le scanner et l’IRM sont longtemps restés les examens de référence en matière d’échinococcose alvéolaire, mais sont maintenant supplantés par la tomographie par émission de positons (TEP) combinée à un scanner et/ou une IRM [1,4]. Cette technique d’imagerie fonctionnelle et moléculaire présente l’avantage d’un niveau de résolution bien meilleur et de permettre de fusionner en un seul examen les informations métabolique et anatomique [5]. Cette technique s’est imposée dans la surveillance de l’échinococcose alvéolaire, notamment chez les patients inopérables sous traitement par benzimidazole, en permettant une évaluation de l’activité inflammatoire et, de façon indirecte, l’activité de l’infection parasitaire [4]. Références Fig. 2. TEP au 18 F-FDG associée à un TDM cervico-thoraco-abdominal en coupes transversales de 2 mm : volumineuse masse hépatique des segments V et VI sans activité métabolique en faveur d’une lésion parasitaire tuée et nécrotique ; hypermétabolisme dans le segment V à la partie supérieure de la masse, en faveur d’une lésion parasitaire active ; à noter que l’inflammation périlésionnelle peut également donner un aspect hypermétabolique. ment se surinfecter. Le diagnostic est confirmé par les sérologies [1]. Le traitement de l’échinococcose alvéolaire est avant tout préventif. Dans les zones de forte endémie, il est recommandé d’éviter de consommer les baies sauvages, de porter des gants pour les travaux en plein air, de se laver les mains après ces tra- [1] Kern P, Wen H, Sato N, Vuitton DA, Gruener B, Shao Y, et al. WHO classification of alveolar echinococcosis: Principles and application. Parasitol Int 2006;55:S283–7. [2] Troillet N. Encéphalite à tique, rage et échinococcose : situation en Suisse. Rev Med Suisse 2006;11:2270–2, 2274-5. [3] Bresson-Hadni S, Koch S, Miguet JP, Gillet M, Mantion GA, Heyd P, et al. Indications and results of liver transplantation for Echinococcus alveolar infection: an overview. Langenbecks Arch Surg 2003;388:231–8. [4] Talbot JN, Petegnief Y, de Beco V, Nataf V, Balard M. Bases de la TEP et de la TEP/TDM : machines et médicaments radiopharmaceutiques pour le diagnostic clinique. Presse Med 2006;35:1331–7. [5] Stumpe KD, Renner-Schneiter EC, Kuenzle AK, Grimm F, Kadry Z, Clavien PA, et al. F-18-fluorodeoxyglucose (FDG) positron-emission tomography of Echinococcus multilocularis liver lesions: prospective evaluation of its value for diagnosis and follow-up during benzimidazole therapy. Infection 2007;35:11–8.