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Qu’est-ce qui peut augmenter le plaisir d’enseigner ?

2015

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Document généré le 25 déc. 2023 05:00 Québec français Qu’est-ce qui peut augmenter le plaisir d’enseigner ? Caroline Marion et Louise Lafortune Numéro 175, 2015 URI : https://id.erudit.org/iderudit/81382ac Aller au sommaire du numéro Éditeur(s) Les Publications Québec français ISSN 0316-2052 (imprimé) 1923-5119 (numérique) Découvrir la revue Citer cet article Marion, C. & Lafortune, L. (2015). Qu’est-ce qui peut augmenter le plaisir d’enseigner ? Québec français, (175), 38–39. Tous droits réservés © Les Publications Québec français, 2015 Ce document est protégé par la loi sur le droit d’auteur. L’utilisation des services d’Érudit (y compris la reproduction) est assujettie à sa politique d’utilisation que vous pouvez consulter en ligne. https://apropos.erudit.org/fr/usagers/politique-dutilisation/ Cet article est diffusé et préservé par Érudit. Érudit est un consortium interuniversitaire sans but lucratif composé de l’Université de Montréal, l’Université Laval et l’Université du Québec à Montréal. Il a pour mission la promotion et la valorisation de la recherche. https://www.erudit.org/fr/ HORS DOSSIER Qu’est-ce qui peut augmenter le plaisir d’enseigner ? caroline Marion * et louise lafortune ** B on nombre d’écrits publiés dans le domaine de l’éducation visent à améliorer les pratiques enseignantes dans le but de favoriser la réussite scolaire des élèves. Une réalité qui est parfaitement compréhensible et justifiable. Et pourtant, certains thèmes, quoique moins souvent abordés, paraissent tout aussi importants dans le quotidien des praticiens et praticiennes… comme le plaisir d’enseigner. Le présent article aborde les facteurs de plaisir dans le travail enseignant, ces derniers découlant d’une recherche qualitative réalisée auprès d’enseignants et enseignantes du Québec. 38 1 75 - 2 0 15 * CAROLINE MARION Doctorante en éducation à l’Université du Québec à Montréal. Elle a enseigné 13 ans dans des écoles du Québec. [[email protected]] ** LOUISE LAFORTUNE Professeure associée à l’Université du Québec à TroisRivières et accompagnatriceformatrice dans les domaines de l’éducation et de la santé en lien avec une démarche réflexive-interactive. [[email protected]] Le pLaiSir D’eNSeiGNer Ces dernières années, on remarque une diminution du plaisir à exercer le travail enseignant, particulièrement dans les écoles secondaires du réseau public1. Cette réalité serait plus importante dans les milieux défavorisés, et présente durant les cinq premières années d’entrée dans la profession. La situation aurait pour impact premier la désaffectation du travail enseignant, telle qu’observée dans plusieurs pays. Au Québec, et seulement au secondaire, c’est près de 51 % des enseignants qui ont pensé à quitter la profession durant leurs cinq premières années de service 2. Si différentes raisons tentent d’expliquer cette baisse du plaisir, la plupart tirent leur origine d’un phénomène datant des années 1980 : la chute de l’école en tant qu’institution sacrée et son impact sur les rapports à l’autorité. Ce constat et l’intensification du travail dans la profession auraient transformé la nature du travail enseignant, générant du même coup de nombreux facteurs de souffrance3 : éparpillement dans les nombreuses tâches à accomplir ; obligation de résultats ; individualisation de la profession ; nombre élevé d’élèves par classe ; publics peu motivés, complexes et difficiles à gérer ; pression du temps ; problèmes de discipline ; manque de support ; resserrement des contrôles des directions d’établissements. Paradoxalement, il a été montré que les enseignantes et les enseignants ne recherchent pas impérativement le plaisir personnel dans leur travail4. Ils souhaitent plutôt que les aspects associés à la sphère émotionnelle (relations avec les élèves, les collègues, la direction) de leur travail leur permettent de s’enrichir, autant dans la relation pédagogique qu’au plan professionnel. Pourtant, en cherchant à augmenter le plaisir au travail, l’enseignant voit s’améliorer son humeur, mais aussi sa motivation, sa santé physique et psychologique, son implication ainsi que son désir de demeurer dans la profession. Il y aurait également des retombées positives sur l’ambiance et le climat de travail. LeS SourceS De pLaiSir coNNueS Globalement, certains enseignants et enseignantes tirent du plaisir en raison d’un sentiment d’autoefficacité, d’une tolérance face aux incongruités du système éducatif, ou encore du fait d’être authentiques ou d’avoir confiance en eux. Pour d’autres, ce plaisir est imputable au fait d’être en présence d’élèves motivés, qui comprennent et avec lesquels ils sont en symbiose. Ces éléments, certes éclairants, concernent pour la plupart le monde intérieur de la personne. Ils reposent sur son ressenti, soit sur les aspects phares reliés à son univers subjectif. On peut ainsi se demander : qu’en est-il des éléments qui réfèrent à la réalité extérieure à la personne enseignante ? Nous pensons ici à des sources de plaisir qui seraient reliées à la tâche, à la sphère psychosociale (liens et relations avec les autres) ou à l’organisation du travail. Pour répondre à cette question, une recherche a été conduite en 20115 auprès de 27 enseignants du secondaire, lesquels furent interrogés sur les circonstances et les aspects de leur travail considérés comme facteurs de plaisir. 15 pLaiSirS exterNeS DaNS Le traVaiL eNSeiGNaNt L’étude réalisée a permis d’identifier quinze sources de plaisir dans le travail enseignant en lien avec : 1) la tâche d’enseignement, 2) la sphère psychosociale et 3) l’organisation du travail. Pour les personnes enseignantes, les plaisirs liés à la tâche comptent parmi ceux les plus nommés, soit : le plaisir d’enseigner sans avoir à faire de la discipline, le sentiment d’accomplir sa mission sociale, ou encore celui d’avoir des élèves motivés devant soi. Pour d’autres enseignants, le plaisir relève davantage des liens et des relations qu’ils peuvent nouer avec leur entourage. Des participants ont ainsi élaboré sur leur plaisir d’avoir des contacts et des dialogues positifs avec les élèves. D’autres ont mentionné le plaisir d’avoir des contacts et des échanges positifs avec les collègues ou encore d’avoir une direction plus « soutenante », qui fait confiance à ses enseignants. Enfin, plusieurs enseignants ont fait part de facteurs de plaisir reliés à l’organisation du travail. Certaines personnes considèrent ainsi que le plaisir va de pair avec une gestion libre de leur temps, en lien avec le temps de nature personnelle compris dans l’horaire de travail. Pour d’autres encore, le plaisir pourrait être présent si elles avaient une direction plus ferme dans l’applica- tion des règlements, alors que des collègues croient qu’une diminution de la tâche serait source de plaisir accru. autreS pLaiSirS pLuS raremeNt éVoquéS Les plaisirs précédents furent ceux qui sont le plus ressortis dans l’étude. Or, il peut être intéressant de rendre compte des autres sources de plaisir exprimées, quoique qu’avec un nombre moins élevé de mentions. Parmi ces derniers, on relève le plaisir : a) d’avoir l’accueil, la confiance, la disponibilité et la bienveillance de la direction, b) d’exercer dans des groupes d’élèves uniformes – soit avec des élèves sensiblement de même niveau –, c) de créer des activités, d) de prendre part à des sorties avec les élèves, e) d’avoir des élèves qui ont les prérequis, et f) de ressentir le respect de tous. Le tableau qui suit reprend en synthèse les quinze facteurs de plaisir nommés par les enseignants interrogés dans le cadre de notre étude. TABLEAU 1 : SYNTHÈSE DES PLAISIRS IDENTIFIÉS PAR L’ÉTUDE nature sources de plaisirs à enseigner Tâche d’enseignement • Enseigner sans avoir à faire de la discipline • Accomplir sa mission sociale ou en avoir le sentiment • Avoir des élèves motivés Sphère psychosociale • Contacts et dialogues positifs avec les élèves • Contacts et échanges positifs avec les collègues • Direction soutenante, qui fait confiance à ses enseignants Organisation du travail • Gestion libre du temps personnel • Direction plus ferme dans l’application des règlements • Diminution de la tâche Plaisirs ayant obtenu moins de mentions • • • • • • coNcLuSioN Cet article visait à explorer les sources de plaisir liées au travail enseignant. À cet effet, il rend compte de résultats pouvant servir de guides pour augmenter le plaisir au travail des personnes enseignantes. Dans cette veine, revoir certaines des conditions d’emploi des praticiens pourrait être synonyme d’un plus grand plaisir à enseigner. Z Notes et références 1 Françoise Lantheaume et Christophe Hélou, La souffrance des enseignants : une sociologie pragmatique du travail enseignant, Paris, Presses universitaires de France, 2008, 173 p. 2 Joséphine Mukamurera, La désertion professionnelle, un problème croissant : situation chez les enseignantes et les enseignants du préscolaire-primaire et du secondaire au Québec. Communication présentée sur invitation, dans le cadre du congrès de la CSQ, Montréal, juin 2006. 3 Marie-France Maranda et Simon Vivers, L’école en souffrance : psychodynamique du travail en milieu scolaire, Québec, Presses de l’Université Laval, 2011, 191 p. 4 Caroline Letor, « Reconnaissance des compétences émotionnelles comme compétences professionnelles : le cas des enseignants », Les cahiers de recherche en éducation et en formation, no 53, 2006, p. 1-27. 5 Caroline Marion, Identification et explication de facteurs et de solutions pouvant contribuer à l’augmentation du plaisir à exercer le travail enseignant au secondaire, mémoire de maitrise inédit, Université du Québec à TroisRivières, 2011, 164 p. 1 75 - 2 0 15 travail entre collègues, voire de chercher à renforcer la qualité des liens direction-enseignants. Dans cette veine, l’implantation de communautés d’apprentissage professionnelles (CAP) parait tout indiquée. 39 commeNt iNterpréter ceS SourceS De pLaiSir exterNeS ? Les précédentes sources de plaisir recensées amènent à reconsidérer des aspects du travail enseignant. Essentiellement, il serait judicieux de revoir certaines conditions d’emploi pour que les personnes enseignantes puissent jouir d’une plus grande liberté d’action, d’une autonomie accrue. Aussi, la formation des enseignants et la conception associée à leur rôle sociétal auraient intérêt à être revues : toutes deux pourraient être orientées sur la perspective d’un travail visant à « faire apprendre aux élèves » au lieu de celle concourant à se faire « transmetteurs de savoirs ». Les regards portés à la mission enseignante s’en trouveraient dès lors modifiés positivement. La mise en place de mesures de prévention au plan psychosocial parait aussi une voie à privilégier. Il pourrait s’agir de favoriser les moments d’échanges ou de Accueil, confiance, disponibilité et bienveillance de la direction Uniformité des groupes Création d’activités Participation à des sorties avec les élèves Élèves qui ont les préalables Sentiment d’avoir acquis le respect de tous