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Jahvé dans Jérémie, serait-il un Dieu violent

2023, XXeme congrès international: L'extrémisme à travers les âges

Fanaticism has been, more often than not, especially after September 11, stuck to religion and the devotees. At the beginning, three monotheistic religions will be stigmatized according to the map of the regional conflicts: Jewish fanaticism in the Middle East, that of Muslims in Europe and of Anglicans in the USA. In fact, in this phase, religion has been condemned as an institution, an ideology, or simply a practice that should never be

Jahvé dans Jérémie, serait-il un Dieu violent ? BOURAOUI TRABELSI Abstract Fanaticism has been, more often than not, especially after September 11, stuck to religion and the devotees. At the beginning, three monotheistic religions will be stigmatized according to the map of the regional conflicts: Jewish fanaticism in the Middle East, that of Muslims in Europe and of Anglicans in the USA. In fact, in this phase, religion has been condemned as an institution, an ideology, or simply a practice that should never be generalized: the Muslim Brotherhood, the Zionists and the Anglicans. But soon this condemnation will affect the very foundations of religion, at a time when extreme right-wing movements and populist currents are gaining ground so much so that God himself has become fanatical; the Jew is fanatical because Yahweh is fanatical, the Muslim is fanatical because Allah is fanatical. Moreover, the episode of the Charlie Hebdo cartoons might confirm my point: the god of Mohammed was, moreover, a melancholy character whereas the god of Jesus was a cheerful character. In short, we no longer speak of political Islamism or orthodoxy, or even of deviation from certain practices, but now we accuse God himself of fanaticism. My paper will deal with the question of fanaticism, particularly from a case in the Bible, the Hebrew Bible, the image of Yahweh in Jeremiah. Was this god a god of war in a first degree reading? Was he a vengeful god and a tyrant? And if this image of vengeance and tyranny was indeed the image of Yahweh according to the prophet Jeremiah, does it reflect fanaticism or something else. ‫ملخص‬ ‫ بالدّين‬،‫ وخاصة بعد أحداث الحادي عشر من سبتمبر‬،‫ في غالب األحيان‬،‫َطرف‬ ّ ‫اقترن الت‬ ‫ على أساس خارطة النزاعات‬،‫ في بداية األمر‬،‫صم الديانات التوحيدية الثالث‬ ْ ‫ وبُنِي َو‬.‫صب األتباع‬ ُّ ‫وتع‬ ‫والتطرف اإلسالمي في‬ ،‫صم أتباع اليهودية بالتطرف في الشرق األوسط‬ ّ ِ ‫ ُو‬:‫اإلقليمية والجيوسياسية‬ ّ ‫ لكن ما نلحظه‬.‫والتطرف المسيحي في الواليات المتحدّة األمريكية‬ ‫أن هذا الوصم اقترن بتوجيه‬ ‫أوروبا‬ ّ ‫ لكن سرعان‬.‫ اإلخوان والصهاينة واالنجلكان‬:‫ والممارسة‬،‫ واإليديولوجية‬،‫اإلدانة صوب المؤسسة الدينية‬ ‫ بل أصبح‬.‫ش ْع َب ْوية في الغرب‬ َ ‫ خاصة في ظل صعود الحركات اليمينية وال‬،‫صم الدّين نفسه بذلك‬ ِ ‫ما ُو‬ ّ ّ ‫ المسلم متطرف‬،‫ اليهودي متطرف ألن يَ ُه َوه يدعوه لذلك‬،‫التطرف‬ ‫ألن هللا يدعوه‬ ‫اإلله هو نفسه مصدر‬ ‫ حادثة الصور الكاريكاتورية ل"شارلي أَبْدو" حيث برز إله مح ّمد متطرفا في‬،‫ وما يؤيد هذا الكالم‬.‫لذلك‬ ‫ فلم يعد الحديث عن الدّين السياسي أو األرتدكسية أو حتى‬.‫حين أن إله عيسى ظهر في هيئة المتسامح‬ .‫ بل أصبح الحديث عن إله متطرف ومتعصب‬،‫صب البعض وال الجميع‬ ّ ‫تع‬ ‫ يِ ْر ْميَاه المعروف في‬/‫سوف أحاول في هذه المداخلة دراسة صورة يهوه في كتاب النبي يِ ْر ْميَاهُو‬ ‫ إله حرب إذا كان القراءة من الدرجة األولى ؟ هل كان‬،‫ هل كان ذلك اإلله‬.‫المصادر العربية بأ َ ْر ِميا‬ ّ ‫ذلك اإلله المنتقم ال‬ ‫التطرف أو‬ ‫ فهل تعكس‬،‫شديد؟ وإن كانت هذه النقمة والشدة صورة يهوه عند يرمياهو‬ ّ ‫تعكس شيئا آخر؟‬ Résumé Le fanatisme était, le plus souvent, en particulier après le 11 septembre, collé à la religion et au fidèle. Au début, trois religions monothéistes seront stigmatisées selon la carte des conflits régionaux: le fanatisme juif au Proche-Orient, celui des musulmans en Europe et de l’anglican aux Etats-Unis. En fait, dans cette phase, on condamnait la religion comme étant une institution, une idéologie, ou tout simplement une pratique qu’il ne faut jamais généraliser : les Frères musulmans, les Sionistes et les Anglicans. Mais rapidement cette condamnation touchera les fondements même de la religion, au moment où les mouvements de l’extrême droite et les courants populistes, en Occident, gagnent du terrain. A tel point que le Dieu lui même est devenu fanatique : le juif est fanatique car Yahvé est fanatique, le musulman est fanatique car Allah est fanatique. D’ailleurs, ce qui peut confirmer mon propos, l’épisode des caricatures de Charlie Hebdo : le dieu de Mahomet était, en outre, un personnage mélancolique alors que le dieu de Jésus était un personnage souriant. Bref, on ne parle plus de l’islamisme politique ou de l’orthodoxie, ou même de déviation de la part de certaines pratiques, désormais on accuse Dieu lui même de fanatisme. Ma communication traitera la question du fanatisme, particulièrement à partir d’un cas dans la Bible, la Bible hébraïque, l’image de Yahvé dans Jérémie. Ce dieu était-il un dieu de guerre selon une lecture de premier degré ? Était-il un dieu vengeur et un tyran ? Et si cette image de vengeance et de tyrannie était bel et bien l’image de Yahvé selon le prophète Jérémie, est-ce qu’elle reflète le fanatisme ou autre chose. INTRODUCTION Dans la mythologie mésopotamienne et égyptienne, les dieux se faisaient la guerre entre eux : le cas d’Osiris contre Seth, Marduk contre la mère des dieux Tiamat et Zeus, dans la Titanomachie, contre Cronos. Quant à la guerre dans le livre du prophète Jérémie, nous pouvons la considérer comme une guerre par adversaires interposés. Notons à ce propos que Yahvé voulait punir son peuple élu ainsi que les autres nations du Levant, pour ce faire il a crée le roi de Babylone en vue de le servir dans cette guerre. Or, ce serviteur était sanguinaire : massacres, destructions, dispersions et captivité, voilà pourquoi la question se pose à propos du rôle du commanditaire. A noter aussi que la question de la violence de Yahvé dans le livre de Jérémie pose un grand problème : en effet, Yahvé était violent contre son peuple élu, alors que les autres nations, si nous utilisons une expression moderne, ont été victime des dommages collatéraux. Faut-il comprendre que Yahvé s’est désolidarisé de son peuple ce qui pourrait expliquer sa violence ? Dans cet article nous aborderons, en l’occurrence, le problème de l’interprétation de cette violence, du moins en répondant à trois questions : Pourquoi Jérémie serait un personnage historique ? Pourquoi Yahvé serait un Dieu violent ? Pourquoi Yahvé aurait choisi le Coran et non l’Evangile ? Pourquoi Jérémie est un personnage historique ? L’historien et la question Jérémie Il faut rappeler que tout texte religieux, pose de sérieux problèmes à l’historien puisque c’est un terrain glissant, c’est le cas du livre de Jérémie. Sans doute, dans une perspective d’enquête historique, l’historien est tenu de revenir au code de sa discipline, dite objective. C’est-à-dire revenir à son métier d’historien, qui consiste à reconstruire le contexte ou les contextes qui ont produit le texte1. Il est important de signaler, à ce stade de notre enquête, que l’approche de la critique textuelle et l’analyse littéraire, avec leurs outils de travail, notamment ceux de la linguistique et de la philologie, sont nécessaires car elles arment l’historien de postulats pour démarrer son investigation. Par ailleurs, le texte reste en fin de compte un contenu, qui a fait le voyage de l’orale à l’écrit. Compte tenu de ce qui précède, il ressort que le contenu d’un texte implique l’action de contextualiser. Sans doute l’historien a besoin de la philologie ou bien de la codicologie, de façon à ce qu’elles lui fournissent des conclusions, touchant à l’identification du texte étudié, qui seront considérées par la suite comme des postulats, pour pouvoir démarrer l’enquête avec des repères solides. Toutefois, ces postulats ne doivent jamais effacer le rôle que joue la Tradition dans cette investigation. Selon le judaïsme, Jérémie est l’auteur du livre, alors que la critique textuelle et l’analyse littéraire parlent d’une production littéraire postexilique, sauf quelques débris de traditions orales préexilique2. Finalement, selon ce postulat, il n’y a ni prophétie ni prophète, A ce propos, noter la suggestion de Jean Bottéro concernant le métier de l’historien : « la propre vocation de l’historien, ce n’est pas seulement, à travers les témoignages qui nous en restent, de trouver le passé, mais de le retrouver tel qu’il était lui-même, c’est-à-dire en le voyant, le sentant, le jugeant, non pas de notre point de vue, mais comme le voyaient, le jugeaient et le vivaient ses acteurs. S’il a vraiment le sens de son métier, un historien doit donc toujours s’efforcer de sortir de lui-même et de son temps pour se remettre à la place et dans le temps des personnages dont il étudie les faits et œuvre. » J. (1987), Mésopotamie. L’écriture, la raison et les dieux, Paris, p.158. 2 Sur ce point voir GOSSE B. (1990), «Jérémie XLV et la place du recueil d'oracles contre les nations dans le livre de Jérémie», Vetus Testamentum, Vol. 40, Fasc. 2, pp. 145-151. Disponible en ligne à l'adresse: https:// https://www.jstor.org/stable/1518987, consulté le 2 janvier 2023. 1 tout au plus un rédacteur ou bien un compilateur, qui aurait écrit ses oracles après la captivité. A vrai dire, c’est un postulat qui peut faciliter notre tâche pour fixer des repères chronologiques, Par contre, ce postulat pose de sérieux problèmes. Ainsi, le terme de la prophétie, par exemple, employé dans une analyse philologique, est défini selon la Tradition : le prophète c’est un quelqu’un qui « peut lire l’avenir »3. Il convient d’abord de préciser que la prophétie n’est pas une particularité israélite, elle est mésopotamienne, voire sémite4. De plus, quand Jérémie dit avoir lu l’avenir de Juda, de Jérusalem et de ses habitants (les massacres, la ruine de Jérusalem, les déportations, la captivité), il reste qu’il n’a pas inventé une fiction ou bien un scénario, car ses scènes de guerres qu’ils avaient annoncées sont la règle dans les guerres de l’Orient ancien, d’ailleurs le matériel archéologique l’atteste. En fait, ce que Jérémie décrit dans ses oracles nous le trouvons gravé dans les stèles, les bas reliefs et les tablettes en Egypte5 et en Mésopotamie6. Bref, si nous laissons de côté le terme prophète de la Tradition, et nous cherchons un autre terme acceptable dans la pensée séculière, nous pouvons choisir le terme « visionnaire ». Or, si ses oracles seraient des prévisions politiques, donc nous pouvons contextualiser, et par conséquent nous pouvons oser construire l’historicité du personnage, Jérémie, sans beaucoup de remords. Glaner les éléments d’historicité Jérémie, en hébreu , est né, d’après la Tradition, vers 650 au village d'Anatoth, 7‫יִ ְר ְמיָהּו‬ dans le territoire de Benjamin. Victime d’une grande hostilité de la part de ses compatriotes qui le traitent de prophète de malheur, car ils ne pouvaient pas supporter ses sacrilèges contre Yahvé, contre Jérusalem et contre les captifs. Non seulement il avait annoncé l'arrivée des chaldéens mais encore il avait annoncé la destruction de Jérusalem ainsi que l'exil des Judéens à Babylone. En outre, ces oracles ne touchaient pas seulement sa nation mais aussi les autres nations. A la fin de sa vie il a choisi l’exil en Egypte8. Après, plus un mot de lui. Deux détails sont à retenir. D’un côté, Jérémie, dans le verset 1 du chapitre 1, est un prêtre : Paroles de Yirmiahou, fils de Hilkiahou, un des cohenime qui étaient à Anathoth, au pays de Biniamine. D’un autre côté, selon le commentaire du Talmud, il est prophète : Sanhedrin 95a:1 "Pauvre [aniyya] Anathoth" (Isaïe 10:30) ? Jérémie, fils de Hilkiahou, est destiné à prophétiser sur Nabuchodonosor depuis Anathoth[...] 4 Dans cette contribution, j’ai choisi la traduction de Samuel Cahen : La BIBLE (1840), texte traduit par Samuel Cahen S., Strasbourg. Compilation réalisée par Didier Fontaine, pour Aréopage, Le Portail des Sciences Bibliques. Disponible en ligne à l'adresse : https://www.areopage.net/cahen.html. 5 Sur les coutumes de la Guerre en Égypte et lors des campagnes du Pharaon, cf. HASEL M.G B. (1994), «Israel in the Merneptah Stela», Bulletin of the American Schools of Oriental Research, Nov., 1994, No. 296, pp. 45-61. Disponible en ligne à l'adresse: https://www.jstor.org/stable/1357179, consulté le 2 mars 2023. 6 Sur les coutumes de la Guerre lors en Mésopotamie et lors des campagnes du roi, cf. TADMOR H. (1958), «The Campaigns of Sargon II of Assur: A Chronological-Historical Study», Journal of Cuneiform Studies, Vol. 12, No. 3, pp. 77-100. Disponible en ligne à l'adresse: https://www.jstor.org/stable/1359150, consulté le 2 mars 2023. 7 Yirmyāhū, Jr 1, 1 ‫ִדבְ ֵרי י ְִר ְמיָהּו בֶ ן־חִ לְ קִ יָהּו ִמן־הַּ כֹּ ֲה ִנים אֲשֶ ר בַּ ֲענָתֹות בְ אֶ ֶרץ בִ ְני ִָמן׃‬ 8 Sur quelques détails biographiques de Jérémie, cf. PIDOUX G. (1945), « Actualité de Jérémie», Revue de Théologie et de Philosophie, Vol. 33, No. 137, pp. 161-174. Disponible en ligne à l'adresse: https://www.jstor.org/stable/44351564, consulté le 15 décembre 2022. 3 Pourtant, il n y a rien de surnaturel dans la biographie et les oracles de Jérémie étant donné que ce dernier n’avait fait qu’analyser la situation géopolitique de l’Orient ancien durant son époque. Autrement dit, Il était conscient des enjeux géopolitiques de son époque : Juda9, l’un des royaumes du Levant10, se trouvait dans une situation délicate, elle jouait le rôle d’enclume où se bat les intérêts commerciaux de deux empires : l’Egypte11 et la Mésopotamie12, parce que ce petit royaume est mêlé aux enjeux du commerce caravanier venue d’Arabie via le désert de Syrie, Bādiyat al-Shām13, le monde des bédouins. Il n’est pas anodin de remarquer que Jérémie était convaincu que la bataille de Karkemish constituera un grand tournant dans l’échiquier politique du Croissant fertile : le déclin de l’Egypte face à Babylone. Il n’est pas superflu alors d’admettre ce côté visionnaire de la personnalité de Jérémie en lisant les versets 4-11 dans le chapitre 37 : 4Yirmiahou venait et allait au milieu du peuple, on ne l’avait pas (encore) mis dans la maison de détention ;" 5 "L’armée de Par’au (Pharaon) était sortie de l’Égypte ; les Casdime (Chaldéens) qui assiégeaient Ierouschalaïme ayant appris cette nouvelle, s’étaient retirés de devant Ierouschalaïme.)" 6 Alors la parole de Adonaï fut (adressée) à Yirmiahou le prophète, savoir : 7 Ainsi dit Adonaï, Dieu d’Israël : Ainsi vous direz au roi de Iehouda qui vous a envoyés vers moi pour me consulter : voici que l’armée de Par’au qui est en marche pour (venir à votre) secours, s’en retourne en son pays, l’Égypte. 8 "Les Casdime reviendront et assiégeront cette ville ; ils la prendront et y mettront le feu." 9 "Ainsi dit Adonaï : N’exaltez pas vos esprits en disant : “Les Casdime s’en iront certainement ; ” car ils ne s’en iront pas." 10 Car quand même vous auriez défait toute l’armée des Casdime qui combattent contre vous et qu’il n’en restât que des hommes percés (par le glaive), ils se relèveraient chacun dans sa tente et mettraient la ville en feu. 11 L’armée des Casdime s’étant retirée de devant Ierouschalaïme à cause de l’armée de Par’au. ‫ת־ש ְמעָם‬ ִ ֶ‫וְ חֵ יל פ ְַּרעֹּ ה יָצָ א ִמ ִמצְ ָר ִים ַּוי ְִש ְמעּו הַּ כ ְַּשדִ ים הַּ צָ ִרים עַּל־ ְירּושָ ל ִַּם א‬ ‫ַּו ֵיעָלּו מֵ עַּל ְירּושָ ל ִָם׃ ו ַּויְהִ י דְ בַּ ר־יְהוָה אֶ ל־ ִי ְר ְמיָהּו הַּ נָבִ יא לֵאמֹּ ר׃ ז כֹּ ה־אָ מַּ ר‬ MORET A. (1941), Histoire de l’Orient, Paris, t.2, p.266 et suiv. MOSCATI S. (1963), l’Orient avant les Grecs, Paris, pp.219-222. 11 Erman A. (1971), Life in ancien Egypte, translated by H.M. Tirard New York, pp.7-28. 12 VIEYRA M. (), les Assyriens, Paris, pp.17 et suiv. 13 BOSWORTH C.E., «AL-Shām», EI2, Leiden-Brill, Vol. 9, p. 261 et suiv. 9 10 ‫ֹּאמרּו אֶ ל־מֶ לְֶך יְהּודָ ה הַּ שֹּ לֵחַּ אֶ ְתכֶם אֵ לַּי לְ דָ ְרשֵ נִ י‬ ְ ‫יְהוָה אֱֹלהֵ י י ְִש ָראֵ ל כֹּ ה ת‬ ‫הִ נֵה חֵ יל פ ְַּרעֹּ ה הַּ יֹּ צֵ א ָלכֶם לְ ֶעז ְָרה שָ ב לְ אַּ ְרצֹו ִמצְ ָר ִים׃ ח וְ שָ בּו הַּ כ ְַּש ִדים‬ ‫ּוש ָרפֻהָ בָ אֵ ש׃ ט כֹּ ה אָ מַּ ר יְהוָה אַּ ל־תַּ ִשאּו‬ ְ ָ‫וְ נִלְ חֲמּו עַּל־הָ עִ יר הַּ ז ֹּאת ּולְ ָכדֻה‬ ‫נַּפְ שֹּ תֵ יכֶם לֵאמֹּ ר הָ ֹלְך יֵלְ כּו מֵ ָעלֵינּו הַּ כ ְַּשדִ ים כִ י־ל ֹּא ֵילֵכּו׃ י כִ י ִאם־הִ כִ יתֶ ם‬ ‫נִשאֲרּו בָ ם ֲאנ ִָשים ְמדֻקָ ִרים ִאיש בְ אָ הֳלֹו‬ ְ ְ‫כָל־חֵ יל כ ְַּשדִ ים הַּ נִלְ חָ ִמים ִא ְתכֶם ו‬ ‫יָקּומּו וְ שָ ְרפּו אֶ ת־הָ עִ יר הַּ ז ֹּאת בָ אֵ ש׃‬ Pour le contexte qui va nous occuper, l’ère de l’Euphrate et du Tigre au détriment du Nile, il nous semble que la classe politique judéenne et son clergé aurait sous-estimé les conséquences de ce tournant, comme le confirme l’acte du roi Joachim qui a déchiré le rouleau et l’a jeté au feu (36 :22-23)14, alors que Jérémie appelle à tisser des liens avec la nouvelle puissance pour protéger Jérusalem et le Temple. Sans trop s’attarder sur le travail rédactionnel, nous avons choisi de focaliser notre enquête sur la violence divine dans l’une des composantes du livre, d’ailleurs la plus pertinente, celle des oracles qui gardent les traces de couches de traditions orales préexiliques. Ce sont des oracles de menaces contre Israël, Juda et les autres Nations sous le règne de Josias et le règne de Sédias : Jérusalem sera détruite par une grande nation impitoyable, Babylone. Les survivants qui seront emmenés à Babylone y resteront en captivité. La catastrophe elle touchera non seulement les Judéens, mais encore les Philistins, les Moabites, les Babyloniens, et d’autres peuples étrangers. Pourquoi Yahvé est un Dieu violent ? Les aspects de la violence15 Selon l’approche de la violence psychologique, nous pouvons dire qu’une lecture rapide du Texte nous conduit à parler d’une forme de violence de la part de Yahvé envers les Judéens et les autres nations sous forme d’oracles de menace, sans toutefois engendrer un abus physique. Entre autres, le livre de Jérémie peut causer l’anxiété, la dépression. Voilà pourquoi on le traite comme le prophète de malheur. En effet, cette violence psychologique est facilement repérable dans les mots choisis, le style et les images, ce qui implique un Yahvé qui apparaît parfois coléreux et agressif quand il s’exprime. D’abord, le vocabulaire constitue un lexique de mots violents. D’une part, la trilogie de la violence jérémienne : le glaive (‫)חֶ ֶרב‬, la famine (‫)רעָב‬ ָ et la peste (‫)דֶ בֶ ר‬. D’autre part, des ‫ְהּודי שָ ֹלש ְדלָתֹות וְ אַּ ְרבָ עָה יִקְ ָרעֶהָ בְ תַּ עַּר הַּ סֹּ פֵר‬ ִ ‫כב וְ הַּ מֶ לְֶך יֹושֵ ב בֵ ית הַּ חֹּ ֶרף בַּ חֹּ דֶ ש הַּ ְת ִשיעִ י וְ אֶ ת־הָ אָ ח לְ ָפנָיו ְמבֹּ ע ֶָרת׃ כג ַּויְהִ י כִ קְ רֹוא י‬ ‫וְ הַּ ְשלְֵך אֶ ל־הָ אֵ ש אֲשֶ ר אֶ ל־הָ אָ ח עַּד־תֹּם כָל־הַּ ְמגִ לָה עַּל־הָ אֵ ש אֲשֶ ר עַּל־הָ אָ ח׃‬ 15 Sur les coutumes de la Guerre lors en Mésopotamie et lors des campagnes du roi, cf. TADMOR H. (1958), «The Campaigns of Sargon II of Assur: A Chronological-Historical Study», Journal of Cuneiform Studies, Vol. 12, No. 3, pp. 77-100. Disponible en ligne à l'adresse: https://www.jstor.org/stable/1359150, consulté le 2 mars 2023. Alfred Marx a traité la question de la violence de Yahvé dans la Torah : MARX A. (2006), « Le Dieu de l’ancien testament esquisse d’une approche canonique », Revue des sciences religieuses, 80/2 | 2006, pp.253269, mis en ligne le 10 août 2015. Disponible en ligne à l'adresse: http://journals.openedition.org/rsr/1915 ; DOI : https://doi.org/10.4000/rsr.1915, consulté le 05 avril 2023. 14 mots violents qui s’enchainent : au verset 7 du chapitre 4, nous lisons : le destructeur (‫)מַּ ְשחִ ית‬, il détruira les nations (‫ )ּומַּ ְשחִ ית ּגֹויִם‬et il créera l’angoisse (‫ ;)יָצַּ ר‬au verset 6 du chapitre 5, il dévastera et il fera périr (‫ ;)יְשָ ְדדֵ ם‬au verset 21 du chapitre 7, il brûlera (‫ ;)בָ עַּר‬au verset 13 du chapitre 8, il détruira complètement ( ‫ )אָ סֹּ ף אֲסִ יפֵם‬et il fera trembler ( ‫ ) ָרעַּש‬la terre ( ‫ָרעֲשָ ה‬ ‫ ;)כָל־הָ אָ ֶרץ‬au verset 15 du chapitre 9, il dispersera (‫ )פּוץ‬et les détruira ( ‫ ) ָכלָה‬de nouveau ( ‫ַּלֹותי אֹותָ ם‬ ִ ‫ ; )כ‬au verset 20 du chapitre 9, 9 :20 il exterminera (‫)כ ַָּרת‬, les faire mourir de faim (‫)רעָב‬, ָ il va les faire mourir, ‫ ָימֻתּו בָ ָרעָב‬, les faire consumer (‫ )אָ כַּל‬par le glaive (‫ )חֶ ֶרב‬et il les arrachera (‫ ;)נָתַּ ש‬au verset 13 du chapitre 15, il les pillera (‫ ;)בַּ ז‬au verset 4 du chapitre 16, il les frappera de maladies (‫ ; )מָ מֹות‬au verset 20 du chapitre 16, il les frappera de maladies de frayeur (‫גּורה‬ ָ ‫)מ‬ ְ et 21 :9 de la peste (‫ ;)דֶ בֶ ר‬au verset 2 du chapitre 28, il les brisera (‫)שבְ רֹון‬ ִ le joug ‫ ;שָ בַּ ְר ִתי אֶ ת־עֹּ ל‬au verset 29 du chapitre 32, il incendiera (‫ )יָצַּ ת‬et il consumera (‫ ) ְש ָרפָּה‬par le feu ‫ּוש ָרפָּה בָ אֵ ש‬ ְ et enfin, au verset 11 du chapitre 43, il les conduira à la captivité (‫)שבִ י‬. ְ Ensuite, nous avons des images fortes, au verset 7 du chapitre 4, il est dit que le destructeur des peuples sera sans merci, quiconque en sortira sera dévoré (5 :6). Ainsi, toute la terre tremblera et ses soldats viendront pour dévoreront le pays avec ce qui y est : la ville et ses habitants (8 :16). Rien ne sera épargné : leurs richesses dans les champs et tous leurs trésors seront pillés, (17 :3) et Le lieu, les hommes, les bêtes, les arbres des champs et les fruits de la terre seront brûlés sans s’éteindre (7 :20). L’image est très forte au verset 13 du chapitre 8 : Je les détruirai complètement, dit Adonaï, il ne restera pas de raisin à la vigne, ni de figues au figuier, les feuilles se faneront, et ce que je leur ai donné leur sera enlevé. ‫אֲסִ יפֵם נְ אֻם־יְהֹוָה אֵ ין ֲענָבִ ים בַּ ֶּגפֶן וְ אֵ ין ְתאֵ נִ ים בַּ ְתאֵ נָה וְ הֶ ָעלֶה נָבֵ ל וָאֶ תֵ ן‬ ‫לָהֶ ם ַּיעַּבְ רּום‬ Alors les hommes crieront et tous les habitants de la terre hurleront au verset 1 du chapitre 47, on entendra des cris d’angoisse comme les cris d’une femme dans un premier enfantement, alors la fille de Sion soupira et elle étendra les bras et elle s’exclamera : Hélas (4 :31) Mais il ne lui reste qu’à se rouler dans la cendre et à porter un deuil profond et élever des plaintes amères (6 :26), et le verset 4 du chapitre est une image frappante : 16 :4 Ils mourront consumés de maladies ; ils ne seront ni pleurés ni enterrés ; ils seront comme le fumier sur le sol ; ils périront par l’épée et par la famine ; leur cadavre sera la pâture des oiseaux du ciel et des bêtes de la terre. ‫ְממֹותֵ י תַּ ֲחל ִֻאים ָימֻתּו ל ֹּא יִסָ פְ דּו וְ ל ֹּא יִקָ בֵ רּו לְ דֹּ מֶ ן עַּל־פְ נֵי הָ אֲדָ מָ ה יִהְ יּו‬ ‫ּובַּ חֶ ֶרב ּובָ ָרעָב יִכְ לּו וְ הָ יְתָ ה נִ בְ לָתָ ם לְ מַּ ֲאכָל לְ עֹוף הַּ שָ מַּ ִים ּולְ בֶ הֱמַּ ת הָ אָ ֶרץ׃‬ Quant aux femmes, leurs yeux ruissèleront des larmes et leurs paupières se fonderont en eau (9 :17), Car des sons plaintifs retentissent à Sion (9 :18), c’est ainsi que Jérusalem sera un objet de stupéfaction et de dérision, et quiconque passera devant elle sera stupéfait et insultera à toutes ses plaies (19 :8). Le contenu du verset 27 chapitre 25 donne une image encore plus saisissante : Tu leur diras : Ainsi dit Adonaï Tsebaoth, Dieu d’Israël : Buvez, enivrez-vous jusqu’au vomissement, que vous tombiez sans vous relever devant le glaive que j’enverrai contre vous. ‫וְ אָ מַּ ְרתָ ֲאלֵיהֶ םכֹּ ה־אָ מַּ ר יְהוָה צְ בָ אֹות אֱֹלהֵ י י ְִש ָראֵ ל ְשתּו וְ ִשכְ רּו‬ ‫ּוקְ יּו וְ נִפְ לּו וְ ל ֹּא תָ קּומּו ִמפְ נֵי הַּ חֶ ֶרב אֲשֶ ר אָ נֹּ כִ י שֹּ לֵחַּ בֵ ינֵיכֶם׃‬ Et pourtant, ce destructeur n’est que le serviteur de Yahvé Tsebaoth, ‫יְהוָה צְ בָ אֹות‬, il est là pour de disperser la maison de Juda et la maison d’Israël parmi les nations, et de surcroît, le glaive derrière eux jusqu’à ce que je ils seront détruits (9 :15). Ainsi, ils se disperseront comme le vent d’orient devant l’ennemi (18 :17), comme la paille qui fuit au vent du désert (13 :24), ils seront livrés à la frayeur; ils tomberont par le glaive de leurs ennemis, tout Juda sera entre les mains du roi de Babel, qui les transportera à Babel et les tuera par le glaive (20 :4). Et, les versets 3 et 10 du chapitre 16 rajoutent : Je vous rejetterai de ce pays dans un pays qui ne vous est point connu, ni à vous ni à vos pères ; vous servirez là des dieux étrangers, jour et nuit, de sorte que je ne vous ferai plus de grâce. ‫וְ הֵ טַּ לְ ִתי אֶ ְתכֶם מֵ עַּל הָ אָ ֶרץ הַּ ז ֹּאת עַּל־הָ אָ ֶרץ אֲשֶ ר ל ֹּא יְדַּ עְ תֶ ם אַּ תֶ ם‬ ‫ַּואֲבֹותֵ יכֶם ַּועֲבַּ דְ תֶ ם־שָ ם אֶ ת־אֱֹלהִ ים אֲחֵ ִרים יֹומָ ם ָו ַּל ְילָה אֲשֶ ר ל ֹּא־אֶ תֵ ן‬ ‫ָלכֶם חֲנִ ינָה‬ J’enverrai contre eux le glaive, la famine et la peste, jusqu’à ce qu’ils soient exterminés de la terre que j’avais donnée à eux et à leurs pères. ‫וְ ִשלַּחְ ִתי בָ ם אֶ ת־הַּ חֶ ֶרב אֶ ת־הָ ָרעָב וְ אֶ ת־הַּ דָ בֶ ר עַּד־תֻמָ ם מֵ עַּל הָ אֲדָ מָ ה‬ ‫אֲשֶ ר־נָתַּ ִתי לָהֶ ם וְ ַּלאֲבֹותֵ יהֶ ם‬ De plus, nous somme en présence d’un Yahvé impitoyable, il l’avait fait savoir à son prophète à plusieurs reprises, Il lui avait signalé qu’il refuse toute forme d’intercession, et que désormais le châtiment est irréversible, une chose faite, en arabe coranique wa kāna ʼamran maqḍiyan (‫ضيا‬ ِ ‫)وكان أمرا َم ْق‬, dans le verset 16 du chapitre 7 Yahvé rappelle : Quant à toi, ne prie pas pour ce peuple-ci, n’élève pas de supplications ni de sollicitations en leur faveur, car je ne t’exauce pas. ‫ּותפִ לָה‬ ְ ‫ל־תשָ א בַּ עֲדָ ם ִרנָה‬ ִ ַּ‫ל־ת ְת ַּפלֵל בְ עַּד־הָ עָם הַּ זֶה וְ א‬ ִ ַּ‫וְ אַּ תָ ה א‬ ‫ל־תפְ ּגַּע־בִ י כִ י־אֵ ינֶנִ י שֹּ מֵ ַּע אֹּ תָ ְך׃‬ ִ ַּ‫וְ א‬ Violence ou pragmatisme Pourquoi Yahvé est si violent dans Jérémie ? Il nous semble nécessaire de rappeler que Yahvé a une histoire dans la Bible hébraïque, cette bibliothèque dont la construction a duré 10 siècles. Donc il s’agira, en premier lieu, de relire le voyage de Yahvé dans le Tanakh. Il est remarqué que Yahvé est toujours Un, Vivant et un Époux fidèle. D’abord, dans la genèse, Yahvé était un dieu cosmique, transcendant, ordonnateur du monde16. Toute rébellion qui nuira cet ordre établi est sévèrement puni, c’était l’ère des catastrophes à l’échelle cosmique17. Puis, avec les patriarches, c’est un Yahvé qui observe la semence de Noé pour créer son destin selon son dessein, il a sélectionné une et il a crée son destin ; mais il arrive qu’il oubli Sa semence18. Ensuite, avec Moise, c’est un Yahvé qui cherche une épouse légale et légitime, Il lui proposa son alliance pour la protéger, cette alliance a fait de Yahvé le Guerrier19. Avec la royauté, sa femme l’a trompé, elle s’est prostituée, il a décidé de la châtier en la privant de son amour et de sa protection, mais toujours il avait un faible pour sa femme, au verset 30 du chapitre 10, il est dit : "Toi, mon serviteur Jacob, ne crains rien, dit Adonaï, car je suis avec toi. Quand j’exterminerai tous les peuples parmi lesquels je t’ai dispersé, je ne t’exterminerai pas. Je t’ai châtié avec modération. ‫־ת ָירא עַּבְ דִ י ַּיעֲקֹּ ב נְ אֻם־יְהוָה כִ י ִא ְתָך אָ נִ י כִ י אֶ עֱשֶ ה ָכלָה‬ ִ ‫אַּ תָ ה אַּ ל‬ ‫בְ כָל־הַּ ּגֹויִם אֲשֶ ר הִ דַּ חְ ִתיָך שָ מָ ה וְ אֹּ ְתָך ל ֹּא־אֶ עֱשֶ ה ָכלָה וְ יִסַּ ְר ִתיָך ל ִַּמ ְשפָט‬ ‫וְ נַּקֵ ה ל ֹּא ֲאנַּקֶ ךָּּ׃‬ En second lieu, Yahvé avec Jérémie, c’est un Dieu pragmatique. Aussi faudrait-il noter que nous sommes en présence d’une révolution théologique. En premier lieu, et paradoxalement, la guerre de Yahvé contre Juda, Israël, Jérusalem et les autres nations, ne reflète pas un discours d’apocalypse, mais plus tôt un appel pour la soumission et la capitulation, car le salut viendra une fois que le serviteur achève sa guerre. Nous sommes en présence d’une ingénieuse propagande psychologique : le conquérant devient le libérateur du conquis, son libérateur du péché. Et cela n’a rien de surprenant : si le livre de Jérémie serait une composition préexilique, alors les menaces de Jérémie seraient un soutien psychologique dans le but de supporter le poids de la guerre, et elles pousseraient les Judéens à raisonner pour éviter l’épuration ethnique. Si le livre de Jérémie serait une BOTTÉRO J. (1992), « Le plus vieux récit du Déluge », dans Initiation à l’Orient ancien, livre présenté par le même auteur de la contribution, Paris, p.271. 17 Les scènes terribles du Déluge dans le chapitre 7 de la Genèse : ‫יז ַּויְהִ י הַּ מַּ בּול אַּ ְרבָ עִ ים יֹום עַּל־הָ אָ ֶרץ ַּוי ְִרבּו הַּ מַּ ִים ַּוי ְִשאּו‬ ‫אֶ ת־הַּ תֵ בָ ה וַּתָ ָרם מֵ עַּל הָ אָ ֶרץ׃‬... ‫ כג ַּו ִימַּ ח‬..‫יט וְ הַּ מַּ ִים ּגָבְ רּו ְמאֹּ ד ְמאֹּ ד עַּל־הָ אָ ֶרץ ַּו ְיכֻסּו כָל־הֶ הָ ִרים הַּ ּגְ בֹּ הִ ים אֲשֶ ר־תַּ חַּ ת כָל־הַּ שָ מָ יִם׃‬ ‫ַּד־רמֶ ש וְ עַּד־עֹוף הַּ שָ מַּ יִם ַּו ִימָ חּו ִמן־הָ אָ ֶרץ ַּויִשָ אֶ ר אַּ ְך־נֹּ חַּ ַּואֲשֶ ר ִאתֹו בַּ תֵ בָ ה׃ כד ַּויִגְ בְ רּו‬ ֶ ‫אֶ ת־כָל־הַּ יְקּום אֲשֶ ר עַּל־פְ נֵי הָ אֲדָ מָ ה מֵ אָ דָ ם עַּד־בְ הֵ מָ ה ע‬ ‫ּומאַּ ת יֹום׃‬ ְ ‫הַּ מַּ יִם עַּל־הָ אָ ֶרץ ח ֲִמ ִשים‬ 18 Ex 2 : 24-25 ‫ד ַּוי ְִשמַּ ע אֱֹלהִ ים אֶ ת־ ַּנאֲקָ תָ ם ַּו ִיזְכֹּ ר אֱֹלהִ ים אֶ ת־בְ ִריתֹו אֶ ת־אַּ בְ ָרהָ ם אֶ ת־יִצְ חָ ק וְ אֶ ת־ ַּיעֲקֹּ ב׃ כה ַּוי ְַּרא אֱֹלהִ ים אֶ ת־בְ נֵי י ְִש ָראֵ ל‬ ‫ַּויֵדַּ ע אֱֹלהִ ים׃‬ 19 Ex 7, 4 : ‫אתי אֶ ת־צִ בְ אֹּ תַּ י אֶ ת־ע ִַּמי בְ נֵי־י ְִש ָראֵ ל מֵ אֶ ֶרץ ִמצְ ַּריִם בִ ְש ָפ ִטים ּגְ דֹּ לִ ים׃‬ ִ ֵ‫ד וְ ל ֹּא־י ְִשמַּ ע ֲא ֵלכֶם פ ְַּרעֹּ ה וְ נָתַּ ִתי אֶ ת־י ִָדי בְ ִמצְ ָריִם וְ הֹוצ‬ 16 rédaction postexilique, alors ses oracles seaient là pour garder en mémoire les déportations, la dispersion et la captivité en vue d’établir une nouvelle alliance. En troisième lieu, Yahvé menace la classe riche, la classe dirigeante : le roi, sa cours, le clergé et les faux prophètes qui vendent des illusions. Ici la littérature rabbinique avait raison de supposer que le livre des Roi serait l’œuvre de Jérémie, car la question de la royauté posait dès le début un problème, depuis le premier roi Saül. En quatrième lieu, Jérémie était l’un des prophètes les plus audacieux vue qu’il a détruit le sacré. D’abord, il a prévenu les Judéens et les Israélites contre un sort pareil à celui qu’avaient connu les Egyptiens au temps de Moïse : "Car la mort entre par nos fenêtres, elle a pénétré dans nos palais ; elle extermine les enfants dans la rue, et les jeunes gens sur les places"(7 :20). Ensuite, il a prévenu Jérusalem contre une destruction totale : Et je leur ferai manger la chair de leurs fils et la chair de leurs filles, et l’un mangera la chair de son compagnon, pendant le siège et dans l’extrémité dans lesquels les réduiront leurs ennemis et ceux qui veulent leur ôter la vie (19 :9). Le verset 12 du chapitre 19 et le 4 du chapitre 7 nous offrent une image extraordinaire, mais qui confirme l’audace de Jérémie : Ainsi je ferai à ce lieu, dit Adonaï, et à ses habitants, et je rendrai cette ville comme Topheth. ‫יֹושבָ יו וְ לָתֵ ת אֶ ת־הָ עִ יר הַּ ז ֹּאת כְ תֹּ פֶת‬ ְ ְ‫כֵן־אֶ עֱשֶ ה לַּמָ קֹום הַּ זֶה נְ אֻם־יְהוָה ּול‬ Enfin, la maison de Yahvé, elle aussi, sera détruite : Ne vous confiez pas dans les discours mensongers, en disant : C’est le temple de Adonaï, le temple de Adonaï, le temple de Adonaï. ‫ל־תבְ טְ חּו ָלכֶם אֶ ל־דִ בְ ֵרי הַּ שֶ קֶ ר לֵאמֹּ ר הֵ יכַּל יְהוָה הֵ יכַּל יְהוָה הֵ יכַּל יְהוָה‬ ִ ַּ‫א‬ ‫הֵ מָ ה׃‬ En fin, Le peuple est prévenu contre une dispersion inévitable et qui conduira à la en captivité. En conséquence, le peuple élu deviendra le sujet de raillerie de la part des autres nations. En cinquième lieu, L’alliance que propose Jérémie, ce nouveau contrat de mariage, selon ces clauses, Dieu est censé protégé Sa femme. Néanmoins, l’épouse doit respecter son époux : de ne plus se prostituer avec les divinités des autres nations, en d’autres termes, de ne plus se laisser séduire par le culte des « statues ». Mais, La nouvelle alliance ne peut se conclure qu’après la punition de la femme adultère : Juda et Jérusalem qui adorent le culte des fausses divinités, le culte des « statues. D’ailleurs, ses enfants qui ramassent du bois, les pères qui allument le feu, et les femmes qui pétrissent la pâte pour préparer des gâteaux à la reine du ciel et faire des libations aux dieux étrangers, afin d’d’irriter Yahvé (7 :18). Une fois le peuple élu aura purgé sa peine, Yahvé le rassemblera, le rétablira et le fortifiera, ca sera la délivrance des. Nous trouvons cette promesse, d’abord, aux versets 8-10 du chapitre 30: Il arrivera en ce jour, dit Adonaï Tsebaoth, que je briserai son joug de dessus ton cou, et je délierai tes chaînes ; des étrangers ne l’assujettiront plus." 9 Ils serviront Adonaï leur Dieu, et David leur roi que je leur susciterai. 10 "Mais toi, mon serviteur Jacob, ne crains point, dit Adonaï ; Israël, ne t’effraie point, car je te délivrerai du pays éloigné, et ta postérité, du pays de leur captivité ; Jacob reviendra et sera paisible et en sécurité ; nul ne l’effrayera." ‫ּומֹוסרֹותֶ יָך‬ ְ ‫ָארָך‬ ֶ ‫וְ הָ יָה בַּ יֹום הַּ הּוא נְ אֻם יְהוָה צְ בָ אֹות אֶ ְשבֹּ ר עֻלֹו מֵ עַּל צַּ ּו‬ ‫ֲאנַּתֵ ק וְ ל ֹּא־ ַּיעַּבְ דּו־בֹו עֹוד ז ִָרים׃ ט וְ עָבְ דּו אֵ ת יְהוָה אֱֹלהֵ יהֶ ם וְ אֵ ת דָ וִ ד מַּ לְ כָם‬ ‫ל־ת ָירא עַּבְ דִ י ַּיעֲקֹּ ב נְ אֻם־יְהֹוָה וְ אַּ ל־תֵ חַּ ת‬ ִ ַּ‫אֲשֶ ר אָ קִ ים לָהֶ ם׃ י וְ אַּ תָ ה א‬ ‫מֹושיעֲָך מֵ ָרחֹוק וְ אֶ ת־ז ְַּרעֲָך מֵ אֶ ֶרץ ִשבְ יָם וְ שָ ב ַּיעֲקֹּ ב וְ שָ קַּ ט‬ ִ ‫י ְִש ָראֵ ל כִ י הִ נְ נִ י‬ ‫וְ שַּ ֲאנַּן וְ אֵ ין מַּ ח ֲִריד׃‬ Ensuite au verset 40 du chapitre 32, où il est dit : Je contracterai avec eux une alliance éternelle, de sorte que je ne me détournerai pas d’eux (en cessant) de leur faire du bien, et j’imprimerai ma crainte dans leur cœur, pour qu’il ne s’écarte plus de moi. ‫יטיבִ י אֹותָ ם‬ ִ ֵ‫וְ כ ַָּר ִתי לָהֶ ם בְ ִרית עֹולָם אֲשֶ ר ל ֹּא־אָ שּוב מֵ אַּ ח ֲֵריהֶ ם לְ ה‬ ‫וְ אֶ ת־ ִי ְראָ ִתי אֶ תֵ ן בִ לְ בָ בָ ם לְ בִ לְ ִתי סּור מֵ ָעלָי׃‬ Enfin le verset 14 du chapitre 14 qui confirme la promesse : Je contracterai avec eux une alliance éternelle, de sorte que je ne me détournerai pas d’eux (en cessant) de leur faire du bien, et j’imprimerai ma crainte dans leur cœur, pour qu’il ne s’écarte plus de moi. ‫הִ נֵה י ִָמים בָ ִאים נְ אֻם־יְהוָה ַּוהֲקִ מֹּ ִתי אֶ ת־הַּ דָ בָ ר הַּ ּטֹוב אֲשֶ ר ִדבַּ ְר ִתי אֶ ל־בֵ ית‬ ‫י ְִש ָראֵ ל וְ עַּל־בֵ ית יְהּודָ ה׃‬ Pourquoi Yahvé a choisi le Coran et non l’Evangile ? Parler de Jérémie sous l’occupation grecque et romaine ! Une question qui intrigue, surtout quand nous revenons à la situation des juifs sous l’occupation grecque et l’occupation romaine : comment et pourquoi le livre de Jérémie avait pu trouver une place dans le canon juif ? Vraisemblablement il y avait eu une vive polémique entre les Sages : Peut-on inclure ou non le livre de Jérémie dans le Tanakh ? Si je me suis posé cette question, c’est que je n’arrive pas à imaginer que le livre soit le bien venu sous les Maccabées20. Il faut rappeler qu’il y avait une lutte contre l’hellénisation forcée de la part des séleucides au IIe siècle av. J.-C.. Ou bien imaginer les Sicaires à Massada, au Ie siècle, lire Jérémie21. Ou encore Shimon bar, au IIe siècle, en pleine lutte contre l'empereur Hadrien, faire le parallèle avec Nabuchodonosor22. Trouver une réponse à cette question contribuera à élucider la question de la version longue et courte du livre de Jérémie. Une forme longue de l'hébreu et une forme courte du grec. Certains chercheurs, dans le but de confirmer la thèse de l’antériorité de la LXX, avancent l’idée que la version courte sera à la base d’un texte hébreu plus ancien que le TM23. Cependant, est-ce que j’ose dire que cette version courte serait plutôt une décision d’un collège de traducteurs, des juifs grécophones ou des juifs hellénisés et non de l’existence d’un texte plus ancien que le TM ? Lima sabachtani de Jésus ! « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? 24» Ce psaume25 est repris par Jésus juste avant d’être crucifié. Or, pas de réponse de Yahvé ? Pourtant Jérémie avait posé, presque, la même question, quand, par exemple, il avait sollicité son dieu contre ceux qui lui avaient fait du mal, et même il demandait à Yahvé de ne pas les pardonner (16 :23). Yahvé a répondu, au verset 23 du chapitre 11 : Ils n’auront point de postérité, parce que je ferai venir le malheureux sur les hommes d’Anathoth, dans l’année de leur visitation. ‫חּורים ָימֻתּו בַּ חֶ ֶרב בְ נֵיהֶ ם‬ ִ ַּ‫ָלכֵן כֹּ ה אָ מַּ ר יְהוָה צְ בָ אֹות הִ נְ נִ י פֹּ קֵ ד ֲעלֵיהֶ ם הַּ ב‬ ‫ּושאֵ ִרית ל ֹּא ִתהְ יֶה לָהֶ ם כִ י־אָ בִ יא ָרעָה אֶ ל־אַּ נְשֵ י‬ ְ ‫ּובְ נֹותֵ יהֶ ם ָימֻתּו בָ ָרעָב׃ כג‬ ‫ֲענָתֹות ְשנַּת פְ קֻ דָ תָ ם׃‬ Comment un Père peut abandonner son Fils. Comment Jésus peut-il douter du soutien de Père ? Un cri qui soit à la limite du blasphème. Nous ne pouvons comprendre ce 20 Sur la lutte anti-séleucide menée par les Maccabées, cf. BATSCH CH. (2005), «Divination, décision politique et légitimité sacerdotale en Israël de Juda Maccabée (1 M 3, 48 ET 2 M 15, 11-16)», Cahiers du Centre Gustave Glotz, Vol. 16, pp. 297-304. Disponible en ligne à l'adresse: https://www.jstor.org/stable/24359601, consulté le 2 mars 2023. 21 Sur la résistance de Massada à l’occupation romaine, cf. BONS E. (1978), «Flavius Josèphe et Masada», Revue Historique, T. 33, Fasc.1 (527), pp. 3-21. Disponible en ligne à l'adresse: https://www.jstor.org/stable/40953149, consulté le 2 mars 2023. 22 Sur la résistance de Bar Kokhba à l’occupation romaine, cf. HUTEAU L. (1978), «Les sursauts du nationalisme juif contre l'occupation romaine : de Massada à Bar Kokhba», Études juives, T. 127, n°2-3. Avril-septembre 1968, pp. 133-209. Disponible en ligne à l'adresse: https://www.persee.fr/doc/rjuiv_04848616_1968_num_127_2_1595, consulté le 3 mars 2023. 23 Sur cette question, cf. Bogaert P.M. (1977), «La tradition des oracles et du livre de Jérémie, des origines au moyen âge. Essai de synthèse», Revue théologique de Louvain, 8e année, fasc. 3, pp. 305-328. Disponible en ligne à l'adresse: https://www.persee.fr/doc/thlou_0080-2654_1977_num_8_3_1568, consulté le 6 décembre mars 2022. 24 LA SAINTE BIBLE (1991) Traduction L’École biblique de Jérusalem, Paris, Mt 27 : 46b t Mc 15 :34. 25 Ps 22, 2 : ‫עזַּבְ תָ נִ י ָרחֹוק ִמישּוע ִָתי ִדבְ ֵרי שַּ ֲאג ִָתי׃‬ ֲ ‫ב אֵ לִ י אֵ לִ י לָמָ ה‬ cri de détresse que si nous spéculons sur la présence de Yahvé dans l’Évangile, bien entendu, je parle de Yahvé le guerrier. A vrai dire, le Yahvé de l’Evangile est un guerrier de la "fin du temps" alors que Yahvé de Jérémie est Vivant, Il intervient à chaque instant. La guerre de Yahvé, bien qu’elle soit un dessein transcendant, elle reste une guerre réelle. Yahvé de l’Evangile était absent quand Jean Baptiste est tué, quand Jésus était crucifié. C’est un Yahvé indifférent, qui préfère le martyrisme, alors que Yahvé de Jérémie était franc et directe. Il l’a dit franchement à son peuple élu, si vous allez mourir c’est parce que vous avez péché, et que la génération suivante connaîtra le salut. Vous ne serez pas des martyrs même si c’est votre ennemi qui vous tuera lors du siège de Jérusalem. En fait le Yahvé au temps de Jérémie serait plus un Seigneur des tribus. La tribu dans le monde sémitique avait besoin tout le temps d’alliance avec une force divine pour garantir le butin, son voyage, sa récolte26 et son effectif. S’il n’y a plus de butin, l’époux cherchera un autre époux27. C’est cette conception tribale de Yahvé que Jérémie va rejeter et que Yahvé va éradiquer par une punition sévère, car Il a conclu que les tribus sont loin de toute discipline ou d’obéissance, puisqu’elles n’écoutent pas, elles sont séduites par toute autre alliance qui peut lui offrir des garanties de survie et de luxe. Voilà pourquoi, la nouvelle alliance ne peut se renouveler qu’avec une nouvelle génération. Lillahī junūd al samwāt wa al arḍ du prophète Muḥammad Le prophète Muḥammad va choisir ce Yahvé guerrier de Jérémie, car il ne peut faire autrement. Il ne peut pas choisir le Père de Jésus, puisque son auditoire se trouve dans un espace tribal. En Arabie, le verbe « écouter » est presque absent28. Deux épisodes peuvent confirmer notre propos : la bataille de Badr29 et celle d’Uḥud30. Allah avait fait cette mise au Il convient de noter spécialement qu’Ibn Saʽd nous a fait glisser cette anecdote sur l’attitude du deuxième calife envers une pratique païenne qui était attachée au culte de la pierre, le Bétyle : l’istisqā’. En effet, suite à une sécheresse qui s’est prolongée, le calife bien guidé, ‘Umar Ier, aurait « prit al ʽAbbās par la main, se tourna dans la direction de la Ka’ba est dit ‘ c’est l’oncle de ton prophète-que la paix soit sur lui ! Nous sommes venus en sa compagnie, afin qu’il soit un intermédiaire entre Toi et nous ; donne-nous à boire’. » Cette histoire dénote que cette foi tribale est encore présente au temps du deuxième calife, ʽUmar Ier, et pour le cas qui nous occupe, il nous paraît ainsi nécessaire de penser que cette foi tribale était bien ancrée dans l’espace sémite, et que lors des grands cataclysmes, le fait d ‘invoquer une autre divinité, autre que Dieu, n’est pas chose inimaginable dans un cadre monothéiste, du moins si ce n’est pas encore l'hénothéisme. Cf. FAHD T (1968), Le panthéon de l’Arabie centrale à la veille de l’Hégire, Paris, p.12. Voir aussi, Al Kalbī H. (2003), Al Aṣnām, Texte établi par Aḥmad b. Muḥammad ʽAbīd, Abu dabi, p33. 27 Nous trouvons les traces de cette attitude ingrate envers le Dieu en Arabie septentrionale à la veille de l’Islam. En effet, Al Azraqī nous rapporte comment le dieu Hubal a été rapporté de Syrie par ʽAmr b. Luḥayy au Ḥijāz, et comment ce personnage, mythique ou historique, a substitué l’idolâtrie au monothéisme d’Abraham, il nous dit: ‫أول‬ ّ ‫" ون‬ ّ ‫وهو‬...‫ وجاء بِ ُهبَل من هيت من أرض الجزيرة فنصبه في بطن الكعبة‬،‫صب األصنام حول الكعبة‬ ‫ من غيّر الحنيفية دين إبراهيم عليه السالم‬. cf. Al Azraqī A.W (2003), Aḫbār Makka, Texte établi par Dhayish (A.), Aḫbār Makka, p.165. Nous trouvons le même texte chez Al Kalbī, cependant, Abraham et remplacé par Ismaïl. Voir, Al Kalbī H. (2003), Al Aṣnām, Texte établi par Aḥmad b. Muḥammad ʽAbīd, Abu dabi, p33. 28 A ce propos, noter l’affirmation de Montgomery Watt : « Conséquence de la souveraine indépendance des tribus, il n’existait au désert aucune loi suprême. Il était du reste proprement impossible de maintenir la loi et l’ordre sur d’aussi vastes étendues que de celle de la steppe d’Arabie et de la Syrie, sauf là où il y avait un chef d’une influence et d’une sagesse exceptionnelle. » MONTGOMERY WATT W. (1958) Mahomet, traduction F. Dourvel, S.-M. Guillemin et F. Vaudou. Oxford, p.43. 29 MONTGOMERY WATT W., « Badr », EI2, Leiden-Brill, Vol. 1, pp. 867-868. 26 point dans le verset 123 de la sourate ʼĀl-ʽImrān: « Allāh vous a donné la victoire, à Badr, alors que vous étiez humiliés.» 31. Selon le prophète Muḥammad, Allāh a sous ses ordres des soldats extra terrestres, venus du ciel, ce sont les anges, et des soldats terrestres, Lillahī junūd al samwāt wa al arḍ. Dans les versets 125, 126, 127 de la même sourate : « Mais oui ! Si vous êtes endurants et pieux, et qu'ils [les ennemis] vous assaillent immédiatement, votre Seigneur vous enverra en renfort cinq mille Anges marqués distinctement. Et Allāh ne le fit que (pour vous annoncer) une bonne nouvelle, et pour que vos cœurs s'en rassurent. La victoire ne peut venir que d’Allāh, le Puissant, le Sage; pour anéantir une partie des mécréants ou pour les humilier (par la défaite) et qu'ils en retournent donc déçus. » 32, et dans les versets 9 et 10 de la sourate al ʼAnfāl, c’est Allāh qui les a fait gagner la bataille : « le moment où vous imploriez le secours de votre Seigneur et qu'Il vous exauça aussitôt: « Je vais vous aider d'un millier d'Anges déferlant les uns à la suite des autres. Allāh ne fit cela que pour (vous) apporter une bonne nouvelle et pour qu'avec cela vos cœurs se tranquillisent. Il n'y a de victoire que de la part d’ Allāh. Allah est Puissant et Sage.» 33 Donc La victoire ou la défaite sont dans la main d’Allah, ce n’est pas le Jihād qui fait gagner une guerre mais c’est Allah, nous lisons dans le verset 17 de la même sourate de al ʼAnfāl : «Ce n'est pas vous qui les avez tués: mais c'est Allāh qui les a tués. Et lorsque tu lançais (une poignée de terre), ce n'est pas toi qui lançais: mais c'est Allāh qui lançait, et ce pour éprouver les croyants d'une belle épreuve de Sa part ! Allāh est Audient et Omniscient.» 34. Nous trouvons cette spéculation théologienne de Jérémie, bien implantée, dans la sourate al Fatḥ, en l’occurrence, les versets 1-4 de la Sourate al Fatḥ qui confirment cette réflexion jérémienne dans le Coran : « 1 En vérité Nous t'avons accordé une victoire éclatante, 2 afin qu'Allah te pardonne tes péchés, passés et futurs, qu'Il parachève sur toi Son bienfait et te guide sur une voie droite; 3 et qu' Allāh te donne un puissant secours. 4 C'est Lui qui a fait descendre la quiétude dans les cœurs des croyants afin qu'ils ajoutent une foi à leur foi. A Allah appartiennent les armées des cieux et de la terre; et Allah est Omniscient et Sage» 35 Et, pour finir, un autre trait qui relie le prophète Muḥammad au prophète Jérémie, comme nous l'avons souligné plus haut, dans le livre de Jérémie, la désolation ne 30 ROBINSON C.F., « Uḥud», EI2, Leiden-Brill, Vol. 10, pp. 782-783. Nous utiliserons Muṣḥaf Ḥafṣ de l’édition du Centre Roi Fahd de production du Glorieux Qurʼān Al Madinah ْ َ ‫َّللا لَعَله ُك ْم ت‬ al Munawwarah. Qr 3, 123 : َ‫ش ُك ُرون‬ َ َ‫َولَقَ ْد ن‬ ُ ‫ص َر ُك ُم ه‬ َ ‫َّللا بِبَد ٍْر َوأَنت ُ ْم أ َ ِذلهةٌ فَاتهقُواْ ه‬ 31 Qr 3, 125-127: َ‫س ّ ِومِ ين‬ ْ َ ‫بلَى إِن ت‬ َ ‫س ِة آالفٍ ِ ّمنَ ْال َمالئِ َك ِة ُم‬ َ ‫صبِ ُرواْ َوتَتهقُواْ َويَأْتُو ُكم ِ ّمن فَ ْو ِر ِه ْم َهذَا يُ ْم ِد ْد ُك ْم َربُّ ُكم بِ َخ ْم‬ ْ ْ ْ َ‫ط َرفًا ِ ّمنَ الهذِينَ َكف َُرواْ أ ْو‬ ُ ‫ه‬ ‫ه‬ ُ َ ‫ط َع‬ َ ‫ِيم ْليَ ْق‬ َ ُ ُ ْ ‫ه‬ ْ ِ ‫ص ُر إِال مِ ن عِن ِد ه‬ ْ ‫َّللا إِال بُش َرى لك ْم َو ِلتَط َمئ هِن قلوبُكم بِ ِه َو َما الن‬ ِ ‫يز ال َحك‬ ِ ‫َّللا العَ ِز‬ ُ ‫ َو َما َجعَلَهُ ه‬. ْ ْ َ َ َ‫يَكبِت َ ُه ْم فيَنق ِلبُوا خَائِبِين‬ 33 Qr 8, 9, 10: ‫شرى‬ َ ‫إِ ْذ ت َ ْستَغِيثُونَ َربه ُك ْم فَا ْستَ َج‬ َ ْ ُ‫َّللا إِاله ب‬ ُ ‫ َو َما َجعَلَهُ ه‬. َ‫اب لَ ُك ْم أَنِّي ُممِ ُّد ُكم بِأ َ ْلفٍ ِ ّمنَ ْال َمالئِ َك ِة ُم ْر ِدفِين‬ ْ ُ ‫ه‬ ُ ُ ٌ ‫ه‬ ْ ِ ‫ص ُر إِال مِ ن عِن ِد ه‬ ‫ع ِزيز َحكِي ٌم‬ ْ ‫َو ِلت َط َمئ هِن بِ ِه قلوبُك ْم َو َما الن‬ َ ‫َّللا‬ َ ‫َّللا إِ هن ه‬ 34 Qr 8, 17: ‫ن َّللا‬ َ ‫ِي ْال ُمؤْ مِ نِينَ مِ ْنهُ بَالء َح‬ َ ‫سنًا إِ ه ه‬ َ ‫َّللا قَتَلَ ُه ْم َو َما َر َميْتَ إِ ْذ َر َميْتَ َولَك هِن ه‬ َ ‫فَلَ ْم تَ ْقتُلُوهُ ْم َولَك هِن ه‬ َ ‫َّللا َر َمى َو ِليُ ْبل‬ ‫علِي ٌم‬ َ ‫سمِ ي ٌع‬ َ 35 Qr 48, 1-4: ‫طا‬ ً ‫ص َرا‬ ِ َ‫علَيْكَ َويَ ْه ِديَك‬ َ ُ‫َّللا َما تَقَد َهم مِ ن ذَنبِكَ َو َما تَأ َ هخ َر َويُتِ هم نِ ْع َمتَه‬ ُ ‫ ِليَ ْغف َِر لَكَ ه‬.‫إنها فَتَ ْحنَا لَكَ فَتْ ًحا ُّمبِينًا‬ ْ َ ‫ه‬ ُ ُ َ ْ ً ‫ع ِز‬ ِ ‫ب ال ُمؤْ مِ نِينَ ِليَز َدا ُدوا إِي َمانًا هم َع إِي َمانِ ِه ْم َو ِ ه‬ ‫ّلِل ُجنُو ُد‬ ‫ ه َُو الذِي أنزَ َل ال ه‬.‫يزا‬ ْ َ‫َّللا ن‬ ُ ‫ َويَن‬.‫ُّم ْستَقِي ًما‬ ِ ‫سكِينَة فِي قلو‬ َ ‫ص ًرا‬ ُ ‫ص َركَ ه‬ َ .‫علِي ًما َحكِي ًما‬ ِ ‫س َم َاوا‬ ‫ال ه‬ ِ ‫ت َواأل ْر‬ َ ‫َّللا‬ ُ ‫ض َو َكانَ ه‬ 32 touchera que le roi, sa cours, le clergé et les faux prophètes, nous trouvons dans le Coran ce verset 16 de la sourate al ʼIsrāʽ : « Et quand Nous voulons détruire une cité, Nous ordonnons à ses gens opulents, mais ils se livrent à la perversité. Alors la Parole prononcée contre elle se réalise, et Nous la détruisons entièrement.» 36 CONCLUSION Là encore, nous ne pouvons pas accuser une religion, ou bien ses adeptes, de fanatisme, de même nous ne pouvons dessiner un Dieu, qui sera toujours et pour toujours, fanatique, mélancolique et nihiliste. Or, un Dieu a ses humeurs et ses penchants selon le contexte (l’espace et le temps). Nous ne pouvons pas comprendre le pourquoi de cette extrême violence de Yahvé si nous ne déchiffrons pas la nature de la complicité entre Yahvé et son prophète, et si nous ne sondons pas le fin fond du mea culpa jérémien. Or, une telle image de Yahvé véhiculée, hors de son contexte, je veux parler de la phase orale du récit jérémien, elle ne peut qu’attiser l’incompréhension, voire même la haine, chez le récepteur, et qui peut passer du stade de l’appropriation à la réappropriation. Dans un tel contexte, il est nécessaire de faire ses mises au point. De mon point de vue, le livre de Jérémie, en outre, est une réponse à une question cruciale qui touche le drame de la foi, et de cette réponse en dépendra l’avenir du judaïsme. Il faut rappeler que, sur un plan théologico-philosophique, le thème du «juste souffrant » est une réflexion propre aux penseurs Sémites, et qui s’est renouvelée et se renouvellera. Limitons nous à signaler qu’il est question des hommes et leurs attitudes avec les dieux. Tout avait commencé avec les premières réflexions mésopotamiennes. Il est vraisemblable que ces premiers penseurs auraient remarqué que les dieux pouvaient se montrer brutaux, impulsifs et amoraux dans leur action à l’encontre de leurs sujets, qui sont les hommes. Et pourtant, ces derniers ne s’enlacent pas de les admirer, de les respecter et de les craindre, car tout simplement ils sont bienveillants. Dans ce sens, les hommes continuaient assurer le « service », mais en retour le peuple attendait de ses dieux la paix et la richesse, puisque ce sont des dieux Justes. Pourtant, ils arrivent que les dieux rompent parfois leur contrat avec les hommes. Dès lors, cette grande question, mais toujours posée à l’échelle individuelle, du « Juste souffrant » : pourquoi cette injustice ? Plus tard, Job avait réussi à donner raison à ce drame de la foi, en dépassant le stade d’une simple méditation sur la souffrance à une réflexion sur le mystère du mal et de la souffrance. Avec Jérémie, ce n’était plus une complainte individuelle, c’était le drame de la foi de tout un peuple, tout le peuple élu était devenu ce « juste souffrant » qui voit tout s’écroule 36 Qr 17, 16 :.‫يرا‬ ً ِ‫علَ ْي َها ْالقَ ْو ُل فَ َد هم ْرنَا َها ت َ ْدم‬ َ ‫سقُواْ فِي َها فَ َح هق‬ َ َ‫َوإِذَا أَ َر ْدنَا أَن نُّ ْهلِكَ قَ ْريَةً أ َ َم ْرنَا ُمتْ َرفِي َها فَف‬ autour de lui, tout s’ébranle, même le sacré des sacré : Jérusalem qui est sous la menace de l’épée, le Temple qui est sous la menace du feu. Là encore, Jérémie, par un coup de Génie, trouve la solution, il faut briser les tabous et les sacrés en annonçant la fin du pouvoir terrestre et la chute de la Maison, al-Bayit, sous le glaive, la famine et la peste du serviteur de Yahvé. Mais après la ruine, la désertification et la mort ; le peuple élu connaîtra le salut, il connaîtra la voie de Dieu, sans toutefois connaître la réponse à la question du « juste souffrant». C’est ce message, ce discours qui a rendu Jérémie prophète dans le judaïsme, comme étant le vrai prophète, non pas parce que les faux prophètes ont mal lu l’avenir, mais parce que leur discours qui appelle à lutter, à résister et à ne pas se soumettre conduira à l’extermination du peuple élu. Jérémie était considéré comme le vrai prophète car il a trouvé que la soumission était la seule solution afin d’éviter que la maison de Juda connaîtra une situation encore plus pire que celle de la maison d’Israël. Donc, il était un visionnaire pour l’historien et un prophète pour la tradition. Plus tard, au Ḥijaz, un autre prophète, nous ne pouvons pas savoir si c’est au début de sa prêche ou à la fin, lance des oracles contre sa tribu, les cités aux alentours et les bédouins, al Aʽrāb. Il les appelle à la soumission, al ʼIslām, peut-être dans le but de les prévenir contre un autre serviteur destructeur d’Allāh.