Le Comité du patrimoine mondial,
1. Ayant examiné les documents WHC-12/36.COM/8B et WHC-12/36.COM/INF.8B1,
2. Inscrit le Paysage de Grand-Pré, Canada, sur la Liste du patrimoine mondial sur la base des critères (v) et (vi) en tant que paysage culturel ;
3. Adopte la Déclaration de valeur universelle exceptionnelle suivante :
Brève synthèse
Le « marais » de Grand-Pré et les vestiges des anciens villages associés constituent un paysage culturel qui témoigne d’un effort technique multiséculaire remarquable de poldérisation agricole, dans une situation maritime aux coefficients de marées exceptionnels. Il montre en particulier la permanence de son système de drainage hydraulique à base de digues et d’aboiteaux et de son usage agricole par le biais d’un système communautaire de gestion fondé par les Acadiens et repris par les Planters et leurs successeurs contemporains. Grand-Pré témoigne également de l’histoire des Acadiens aux XVIIe et XVIIIe siècles et de leur déportation.
Le territoire de Grand-Pré forme un vaste espace de polders ou marais, dont le parcellaire, les méthodes de culture et les productions agricoles se sont poursuivies pendant trois siècles. C’est le plus important exemple de ce type en Amérique du Nord. Le paysage agricole est complété par le parcellaire en lanières de la bande côtière, témoignage de la colonisation française du XVIIe siècle. Le système hydraulique est basé sur un ensemble exemplaire de digues, d’aboiteaux pour l’évacuation des eaux et d’un réseau de drainage. Sa continuation technique et sa gestion communautaire se sont poursuivies jusqu’à aujourd’hui. Le bien comprend les vestiges archéologiques des villages de Grand Pré et d’Hortonville, qui témoignent des implantations et des modes de vie des colons acadiens puis de leurs successeurs. Le bien et son paysage comprennent la trace des plus importants chemins qui traversent le marais et qui organisent l’espace côtier adjacent. L’emplacement du village de Grand Pré et d’Horton Landing possède des édifices mémoriels et des monuments, implantés durant le XXe siècle en hommage aux ancêtres acadiens et à leur déportation, à partir de 1755. L’ensemble du bien forme le paysage symbolique de référence de la mémoire acadienne et le lieu principal de sa commémoration.
Critère (v) : Le paysage culturel de Grand-Pré témoigne de manière exceptionnelle d’un établissement agricole traditionnel, créé au XVIIe siècle par les Acadiens dans une zone côtière aux marées parmi les plus fortes au monde. La poldérisation a utilisé des techniques traditionnelles de digues, d’aboiteaux et de réseau de drainage, ainsi qu’un système communautaire de gestion encore en usage. Les riches terres alluviales ainsi constituées ont permis un développement agricole continu et durable.
Critère (vi) : Grand-Pré est le lieu mémoriel par excellence de la diaspora acadienne dispersée par le Grand Dérangement, dans la seconde moitié du XVIIIe siècle. Son paysage de polder et ses vestiges archéologiques témoignent des valeurs d’une culture de pionniers ayant su créer son propre territoire, tout en vivant en harmonie avec le peuple autochtone des Mi’kmaqs. Ses constructions mémorielles forment le pôle de la réappropriation symbolique de la terre de leurs origines par les Acadiens, au XXe siècle, dans un esprit pacifique et de partage culturel avec la communauté anglophone.
Intégrité
Les conditions d’intégrité de l’ensemble matériel et paysager constitué par le bien sont réunies, ainsi que pour ses valeurs mémorielles et symboliques. Toutefois, l’instabilité côtière due aux courants de marée rend cette intégrité fragile dans la longue durée. Par ailleurs, la possibilité de projets de développement d’éoliennes dans l’environnement maritime et côtier pourrait également l’affecter.
Authenticité
Les conditions d’authenticité sont remplies tant pour les éléments matériels constitutifs du marais et de ses paysages que pour la gestion hydraulique, régionale et agraire du marais. Elles le sont aussi pour les éléments mémoriels de la culture acadienne et pour la dimension symbolique de ses paysages.
Éléments requis en matière de protection et de gestion
Les mesures de protection du bien sont adaptées et elles sont efficaces parce qu’elles correspondent à des orientations et à des choix clairs, bien acceptés par les habitants comme par la diaspora acadienne. Elles sont appliquées aux lieux principaux de mémoire directement par l’agence fédérale Parcs Canada, ailleurs par les autres acteurs de la gestion pratique du bien : les instances techniques régionales, la municipalité, le Grand-Pré Marsh Body et les exploitants agricoles. La zone tampon a été élargie dans sa composante maritime afin de garantir l’intégrité visuelle du bien vu depuis la zone côtière de l’ancien village de Grand Pré à Horton Landing.
Le système de gestion du bien est en place et il agit de manière efficace. Il concerne une série d’organismes spécialisés soit à caractère public comme la gestion des parcs fédéraux ou provinciaux, soit des organismes traditionnels comme l’autorité de gestion du marais. La coordination transversale des différents acteurs a été confirmée par la mise en place du Comité d’intendance et de ses personnels, ainsi que le calendrier de la mise en œuvre des actions prévues au Plan de gestion. La dimension mémorielle du bien est prise en charge par la Société Promotion Grand-Pré.
4. Recommande que l’État partie prenne en considération les points suivants :
a) appliquer sans délai le Plan de gestion archéologique annoncé à l’ensemble du bien, envisager de l’étendre à la zone tampon et aux environs côtiers du bien,
b) approfondir le dispositif de suivi du bien par une évaluation régulière des évolutions dans l’utilisation du sol et du bâti.