Le Comité du patrimoine mondial,
1. Ayant examiné les documents WHC-12/36.COM/8B et WHC-12/36.COM/INF.8B1,
2. Inscrit le Paysage culturel de la province de Bali: le système des subak en tant que manifestation de la philosophie du Tri Hita Karana , Indonésie , sur la Liste du patrimoine mondial sur la base des critères (iii) , (v) et (vi ) en tant que paysage culturel;
3. Adopte la Déclaration de valeur universelle exceptionnelle suivante :
Brève synthèse
Une chaîne de volcans domine le paysage de Bali et lui a donné un sol fertile qui, associé au climat tropical humide, en fait un lieu idéal pour les systèmes de culture agricoles. L’eau des rivières a été canalisée pour irriguer la terre, donnant naissance aux rizières dans les plaines et sur les montagnes façonnées en terrasses.
Le riz, l’eau qui l’irrigue et le subak, système social coopératif qui contrôle l’eau, ont façonné le paysage depuis mille ans et font partie intégrante de la vie religieuse. Le riz est considéré comme un don de Dieu et le système des subak fait partie de la culture des temples. L’eau des sources et des canaux coule à travers les temples et les rizières. Les temples d’eau sont au centre de la gestion coopérative des ressources en eau par un groupe de subak. Depuis le XIe siècle, les réseaux des temples d’eau gèrent l’écologie des rizières en terrasses à l’échelle de bassins hydrographiques entiers. Ils apportent une réponse unique au défi de nourrir une population dense vivant sur une île volcanique au relief accidenté.
Le système des subak illustre le principe philosophique balinais du Tri Hita Karana qui réunit les domaines de l’esprit, du monde humain et de la nature. Les rituels des temples d’eau favorisent la relation harmonieuse entre l’homme et son environnement à travers l’engagement actif de la population dans des concepts rituels qui mettent l’accent sur la dépendance à l’égard des forces vitales du monde naturel.
Au total, Bali possède environ 1 200 de ces réseaux de gestion collective de l’eau et entre 50 et 400 fermiers se partagent la gestion de l’eau d’une source. Le bien est composé de cinq sites qui illustrent l’interconnexion des éléments constitutifs naturels, religieux et culturels du système traditionnel des subak, lequel continue de fonctionner pleinement et au sein duquel les fermiers continuent de cultiver le riz balinais traditionnel sans l’aide d’engrais chimiques ou de pesticides, et où les paysages sont considérés comme ayant des connotations sacrées.
Les sites sont le temple d’eau suprême Pura Ulun Danu Batur construit au bord du cratère d’un volcan, le lac Batur, dont les eaux sont considérées comme l’origine ultime de toutes les sources et rivières, le paysage subak du bassin hydrographique de Pakerisan considéré comme étant le plus ancien système d’irrigation de Bali, le paysage subak de Catur Angga Batukaru avec ses terrasses, mentionnées dans une description du Xe siècle, ce qui les classe parmi les plus anciennes de Bali et les meilleurs exemples de l’architecture classique des temples balinais, et le temple royal Pura Taman Ayun, le plus grand et, d’un point de vue architectural, le plus remarquable des temples d’eau de la région, donnant toute la mesure du système subak à l’époque du plus grand royaume balinais du XIXe siècle.
Les éléments constitutifs des subak sont les forêts, qui protègent l’alimentation en eau, le paysage des rizières en terrasses, les rizières reliées par un système de canaux, de tunnels et de barrages, les villages et les temples de taille et d’importance variable qui marquent soit la source soit le passage de l’eau vers les terres des subak à irriguer.
Critère (iii) : La tradition culturelle qui a façonné le paysage de Bali, depuis au moins le XIIe siècle, est l’ancien concept philosophique du Tri Hita Karana. Les congrégations des temples d’eau qui soutiennent la gestion de l’eau dans le paysage des subak visent à entretenir des relations harmonieuses avec les mondes spirituels et naturels, à travers une série complexe de rituels, d’offrandes et de représentations artistiques.
Critère (v) : Les cinq paysages de Bali sont un témoignage exceptionnel du système subak, un système démocratique et égalitaire centré sur les temples d’eau et le contrôle de l’irrigation qui a façonné le paysage depuis mille ans. Depuis le XIe siècle, le réseau des temples d’eau gère l’écologie des rizières en terrasses à l’échelle de bassins hydrographiques entiers. Ils apportent une réponse unique au défi de nourrir une population dense vivant sur une île volcanique au relief accidenté et ne se sont développés qu’à Bali.
Critère (vi) : Les temples d’eau balinais sont des institutions uniques qui pendant plus de mille ans se sont inspirés de plusieurs traditions religieuses anciennes, dont l’hindouisme Saivasiddhanta et Samkhyā, le bouddhisme Vajrayana et la cosmologie austronésienne. Les cérémonies associées aux temples et leur rôle dans la gestion pratique de l’eau cristallisent les idées de la philosophie du Tri Hita Karana qui favorise la relation harmonieuse entre les domaines de l’esprit, du monde humain et de la nature. Cette conjonction d’idées peut être considérée comme étant d’une importance exceptionnelle et directement manifestée par la manière dont le paysage s’est développé et est géré par les communautés locales dans le cadre du système des subak.
Intégrité
Le bien recouvre pleinement les attributs essentiels du système des subak et le profond impact que ce dernier a eu sur le paysage balinais. Les processus qui ont façonné le paysage, sous la forme de cultures en terrasses irriguées par le système des subak, sont toujours vivants et forts. Les zones agricoles sont toujours cultivées selon des méthodes durables par les communautés locales et leur alimentation en eau est gérée démocratiquement par les temples d’eau.
Aucun des éléments constitutifs n’est menacé, mais le paysage des rizières en terrasses est très vulnérable à une série de changements économiques et sociaux, tels que les changements de pratiques agricoles et la pression accrue du tourisme. Le système de gestion devra soutenir les systèmes traditionnels et offrir des avantages qui permettront aux fermiers de rester sur leurs terres.
De plus, l’environnement des différents sites est fragile et subit la pression du développement, en particulier associé au tourisme. Le cadre visuel des cinq sites s’étend au-delà des délimitations du bien et souvent au-delà des zones tampons. Dans quelques cas, des développements ayant un impact négatif sont déjà intervenus. Il sera essentiel de protéger le contexte global des sites afin d’éviter d’autres pertes d’intégrité visuelle. La gestion de l’eau est également un élément crucial du maintien de la qualité visuelle du bien.
Authenticité
L’authenticité, relativement à la manière dont les paysages en terrasses, les forêts, les structures de gestion de l’eau, les temples et les sanctuaires traduisent la valeur universelle exceptionnelle et reflètent le système des subak, est évidente.
L’interaction générale entre les hommes et le paysage est toutefois très vulnérable et, si les sites doivent conserver la relation harmonieuse avec le monde spirituel et le concept philosophique du Tri Hita Karana, il sera essentiel que le système de gestion offre un soutien actif.
Les bâtiments villageois ont, dans une certaine mesure, perdu une partie de leur authenticité en termes de matériaux et de construction, même s’ils sont toujours fonctionnellement liés au paysage.
Éléments requis en matière de protection et de gestion
Le cadre juridique général assurant la protection du bien a été établi par le Décret provincial de 2008 pour la conservation et la planification spatiale des sites proposés pour inscription. Un cadre juridique spécifique pour les zones proposées pour inscription a été établi par un protocole d’accord entre le gouvernement et les régences de Bali pour l’établissement d’une Zone stratégique de Bali. Cet accord codifie légalement la conservation et la planification spatiale des cinq sites, recouvrant le patrimoine matériel et immatériel et les écosystèmes agricoles et forestiers à l’intérieur des délimitations des sites. Le Décret provincial est basé sur la Loi No. 26/2007 et le Décret du gouvernement national No. 26/2008, concernant la planification spatiale et l’établissement de Zones stratégiques nationales pour la conservation des paysages culturels cruciaux.
La plupart des subak possèdent des codes juridiques écrits, appelés awig-awig, qui détaillent les droits et les devoirs des membres du subak. Les awig-awig, ou lois et réglementations coutumières traditionnelles, couvrant la gestion des subak ainsi que la protection et la conservation traditionnelles des biens culturels, sont encadrés par la réglementation n° 5 de la province de Bali (2005) section 19, qui clarifie le zonage des sites sacrés protégés tels que les temples, sur la base de l’awig-awig local. Les rizières en terrasses présentes dans les sites sont aussi protégées contre le développement du tourisme de masse par le Décret de la régence de Tabanan No 9/2005. Les temples et les sites archéologiques sont actuellement protégés par la Loi nationale No.5/1992 concernant les biens du patrimoine culturel. Les sites proposés pour inscription sont désignés comme des Zones stratégiques, pouvant recevoir à ce titre des aides supplémentaires du gouvernement provincial.
Un plan de gestion a été adopté par le gouvernement provincial de Bali. Ce plan met en place un système de gestion qui vise à maintenir les pratiques traditionnelles et réduire les développements inappropriés. Le plan de gestion s’appuie sur des principes de gestion éprouvés de « cogestion adaptative par différentes parties prenantes » et les modifie pour les adapter au contexte balinais. Ce système met en rapport des personnes, des organisations, des agences et des institutions à différents niveaux organisationnels par l’intermédiaire d’une Assemblée directrice démocratique.
La réglementation du gouvernement de Bali No. 17, 2010 a approuvé la création de l’Assemblée directrice du patrimoine culturel de Bali. Ce décret définit la constitution de l’Assemblée directrice qui comprend des représentants de différents départements gouvernementaux et habilite les membres des communautés subak à assumer conjointement un rôle majeur dans la gestion des sites. Afin de resserrer les liens entre les ministères concernés par le bien, deux comités interministériels ont été mis en place sous la coordination du ministère pour le Bien-être social.
Tous les biens et leurs éléments constitutifs sont des sites vivants, dont l’utilisation par la communauté locale reste massive et continue. Ces sites sont entretenus collectivement de manière traditionnelle grâce au système des subak. L’entretien des temples est entre les mains de la communauté, qui y contribue traditionnellement par des dons en argent et en matériel ainsi que par du travail bénévole pour les mesures de conservation courante, en coopération avec le gouvernement local et le Bureau archéologique de la province de Bali-NTB-NTT, lesquels apportent l’expertise nécessaire.
Pour entretenir le paysage vivant, il faudra trouver des moyens supplémentaires pour soutenir les systèmes traditionnels et offrir des avantages qui permettront aux fermiers de rester sur leurs terres. La protection de l’environnement des paysages sera également essentielle pour protéger les sources d’eau qui sont à la base du système des subak.
4. Recommande que l’État partie prenne en considération les points suivants :
a) adapter les délimitations de la zone tampon aux caractéristiques du paysage, et en particulier aux bassins hydrographiques, par des études détaillées,
b) élaborer un plan de préparation aux catastrophes,
c) développer des indicateurs de suivi détaillés,
d) créer un dispositif discret pour dispenser des informations spécifiques à chaque site afin de sensibiliser au système des subak,
e) promouvoir des techniques de construction traditionnelles pour les maisons villageoises.