Le Comité du patrimoine mondial,
1. Ayant examiné les documents WHC-12/36.COM/8B et WHC-12/36.COM/INF.8B1,
2. Inscrit la Masjed-e Jāme’ d’Ispahan, Iran (République Islamique d’), sur la Liste du patrimoine mondial, sur la base du critère (ii) ;
3. Adopte la Déclaration de valeur universelle exceptionnelle suivante :
Brève synthèse
Masjed-e Jāme’ est la plus ancienne mosquée du Vendredi (congréganiste) d’Iran, dans le centre historique d’Ispahan. Ce monument illustre une succession de styles de construction architecturale et de décoration datant de différentes périodes de l’architecture islamique iranienne et couvrant 12 siècles, essentiellement les époques abbasside, bouyide, seldjoukide, ilkhanide, muzaffaride, timouride et safavide. Après son agrandissement par les Seldjoukides et l’introduction caractéristique des quatre iwans (Chahar Ayvān) sur le pourtour de la cour ainsi que de deux coupoles exceptionnelles, la mosquée devint le prototype d’un style distinctif d’architecture islamique.
Le caractère de prototype est bien illustré dans les structures côtelées à double coque de la coupole Nezam al-Molk, la première utilisation de la typologie des quatre iwans (Chahar Ayvān) dans l’architecture islamique et le caractère typique de la Masjed-e Jāme’ en tant que compilation de styles architecturaux islamiques. La Masjed-e Jāme’ d’Ispahan est un exemple exceptionnel d’innovation en matière d’adaptation et de technologie architecturales appliquées au cours de la restauration et de l’agrandissement d’un ancien ensemble de mosquée durant l’ère seldjoukide, qui fut encore complété dans des périodes islamiques ultérieures grâce à l’ajout d’extensions et de décorations d’une grande qualité.
Critère (ii) : La Masjed-e Jāme’ est le premier édifice islamique ayant adapté la configuration des palais sassanides avec une cour à quatre iwans (Chahar Ayvān) à l’architecture islamique religieuse, devenant ainsi la construction prototype utilisée pour la conception de moquées d’une configuration et d’une esthétique nouvelles. La coupole Nezam al-Molk est la première structure de coupole côtelée à double coque de l’empire islamique, qui introduisit de nouvelles compétences en ingénierie, ayant permis de construire ultérieurement des coupoles plus travaillées de mosquées et d’ensembles funéraires. Sur la base de ces deux éléments, la Masjed-e Jāme’ est un prototype reconnu pour la conception, la configuration des mosquées et la construction de leurs coupoles, qui sera repris ultérieurement à d’autres périodes et dans d’autres régions du monde islamique.
Intégrité
La Masjed-e Jāme’ renferme une séquence continue de styles architecturaux islamiques, dont les plus éminents remontent à la période seldjoukide. Les vestiges de l’ère seldjoukide, notamment les éléments clés du plan au sol, les quatre iwans et les deux coupoles, sont suffisants pour illustrer les avancées réalisées à cette époque dans le domaine de l’architecture des mosquées et des coupoles. Les délimitations du bien sont appropriées pour inclure la totalité de l’ensemble de la mosquée, avec toutes ses extensions et fonctions importantes au fil du temps. Toutefois, l’intégrité du bien est très vulnérable aux projets de développement à proximité. Pour cette raison, tout projet proposé devrait être soigneusement évalué dans le cadre d’une étude d’impact sur le patrimoine complète, et devrait respecter le cadre historique et les proportions urbaines autour de la Masjed-e Jāme’.
Authenticité
La plupart des éléments de la mosquée, en particulier les quatre iwans et les coupoles Malek al-Molk et Taj al-Molk, sont authentiques en ce qui concerne les matériaux, la conception et l’emplacement. Des travaux de restauration et de reconstruction, devenus nécessaires à la suite de l’attaque aérienne de 1984, ont été réalisés suivant des normes appropriées, en recourant au travail artisanal et aux matériaux traditionnels. Un des aspects les plus importants de l’authenticité réside dans la fonction de la Masjed-e Jāme’ d’Ispahan, à la fois en tant que mosquée, qui continue d’être fréquentée pour les prières, et comme élément du tissu du bazar historique d’Ispahan. Étant reliée au réseau de rues de la zone du bazar et accessible à partir de celui-ci, la mosquée possède un environnement significatif qui est très vulnérable à tout changement du caractère urbain. Afin de respecter l’authenticité de l’esprit du lieu, la fonction du musée de la Masjed-e Jāme’ doit rester proche de son utilisation religieuse, tant dans la conception des panneaux d’information que dans le nombre de visiteurs.
Éléments requis en matière de protection et de gestion
La Masjed-e Jāme’ d’Ispahan est désignée comme monument national (no. 95 de 1932) en vertu de l’article 83 de la Constitution de la république islamique d’Iran (1920). De même, sa zone tampon est protégée par une réglementation spécifique élaborée par l’ICHHTO (l’autorité responsable de la conservation et de la protection des monuments culturels historiques), à la suite d’une décision du cabinet adoptée en 2001, stipulant que les zones tampons relèvent de la législation nationale. Cependant, il est essentiel que le bien désigné et sa zone tampon soient intégrés dans le règlement de zonage et le plan directeur d’Ispahan et qu’une coopération continue entre l’ICHHTO et les autorités municipales soit établie.
La gestion du bien est coordonnée par trois organismes : un comité directeur, un comité technique et le bureau de gestion du site. Le comité directeur est composé de représentants de l’ICHHTO, des autorités du Vaqf, du gouverneur et du maire d’Ispahan ainsi que d’experts réputés et il est chargé de superviser la protection et la conservation du site. Le comité technique est chargé d’étudier et d’approuver les projets détaillés et programmes d’activités et examine l’avancement des travaux à intervalles réguliers. Le bureau de gestion du site est responsable de la coordination et de la supervision au quotidien des activités. Il est actuellement situé dans le quartier de la Masjed-e Jāme’, mais est en train de s’installer dans une base permanente au sein de l’ensemble de la mosquée.
Un plan intégré de gestion et de conservation du bien, incluant des sections dédiées à la stratégie de gestion des visiteurs et de préparation aux risques, devrait être élaboré et adopté en grande priorité.
4. Demande à l’État partie de :
a) renforcer la protection de la zone tampon et de l’environnement plus large et étendre les mécanismes de suivi liés au développement de l’urbanisme, en particulier au travers de l’intégration de la zone tampon dans le plan directeur d’Ispahan et dans les dispositions municipales,
b) développer et adopter un plan intégré de gestion et de conservation, avec des sections spéciales sur les stratégies de gestion des visiteurs et de préparation aux risques,
c) réviser davantage le projet Meydan-e Atiq, en particulier l’angle nord-ouest à proximité immédiate de la Masjed-e Jāme’ d’Ispahan, de manière à :
i) ne prévoir aucune liaison structurelle entre les nouvelles galeries et les murs historiques de la mosquée ou les structures reliées aux murs de la mosquée, qui pourraient leur transmettre des charges ou des vibrations,
ii) offrir un vaste passage pour les piétons, en particulier grâce à une nouvelle conception de l’emplacement de la porte d’entrée donnant sur le Meydan dans l’angle nord-ouest, pour s’assurer que la mosquée et ses structures historiques adjacentes ne seront pas mises en péril par des foules se rendant sur la place lors d’événements majeurs,
iii) garantir le caractère approprié de la conception générale par rapport à la tradition de la conception urbaine locale et à l’environnement de la mosquée, ainsi que son respect de la valeur universelle exceptionnelle,
iv) suivre un calendrier de mise en œuvre révisé prévoyant un délai suffisant pour évaluer la révision au moyen d’une étude d’impact sur le patrimoine complète et pour conduire d’autres fouilles archéologiques ;
d) lorsqu’une conception du projet révisé pour Meydan-e Atiq (suivant les critères énoncés ci-avant) sera disponible, conduire une étude d’impact sur le patrimoine (EIP) complète pour garantir que la proposition de projet révisé ne provoque aucun impact négatif sur la structure historique de la mosquée ni sur son environnement ;
5. Prend note de la déclaration faite par l’État partie que le projet Meydan-e Atiq ne sera mis en œuvre que dans la partie de la zone tampon la plus éloignée du bien afin de respecter la Valeur universelle exceptionnelle ;
6. Encourage l’État partie à inviter une mission consultative afin d’aider à la révision du projet Meydan-e Atiq ;
7. Recommande que l’État partie prenne en considération les points suivants :
a) s’assurer que la conception et la présentation des informations dans le bien sont basées sur le principe d’une intervention minimale dans le plein respect de la signification religieuse et esthétique de la Masjed-e Jāme’ d’Ispahan,
b) accorder une attention prioritaire au défi posé par le retrait nécessaire des contreventements dans les zones shabestani coiffées par des coupoles ;
8. Recommande également que des études d’impact sur le patrimoine soient effectuées pour tout développement futur dans la zone tampon, comme d’autres travaux de réhabilitation du bazar historique avoisinant ou les installations pour les ablutions prévues au nord-ouest de la mosquée, en particulier s’il est envisagé de les rattacher directement à l’ensemble de la mosquée ou de les placer dans son voisinage immédiat, afin de s’assurer qu’aucun développement n’aura d’impact négatif sur le bien et son environnement plus large ;
9. Demande également à l’État partie de soumettre d’ici le 1er février 2013 un rapport au Centre du patrimoine mondial sur les progrès faits dans la mise en œuvre des demandes et recommandations ci-dessus, pour examen par le Comité à sa 37e session en 2013.