Anne Goarzin
Head of the Doctoral School for Arts Languages and Literature, Brittany Region
Former Chair of SOFEIR, Société Française d'Etudes Irlandaises and Director of GIS EIRE : Etudes irlandaises, réseaux et enjeux
Phone: + 33 (0) 2 99 14 16 21
Address: English Department, Campus Villejean, Place du recteur Henri Le Moal, CS 2430735043 Rennes cedex
University Web page : http://perso.univ-rennes2.fr/anne.goarzin
Former Chair of SOFEIR, Société Française d'Etudes Irlandaises and Director of GIS EIRE : Etudes irlandaises, réseaux et enjeux
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Books by Anne Goarzin
Collections : Reimagining Ireland
Edited By Anne Goarzin and Maria Parsons
Oxford, Bern, Berlin, Bruxelles, New York, Wien, 2020. X, 192 pp., 10 fig. col., 10 fig. b/w
£USD* 60,95 $
This volume embraces the critical turn of new materialism in order to address how creative and social practices allow for the definition of alternative subject positions and to examine how power relations operate at an embodied, relatable level: it proposes to think global but act local. The contributions by scholars and artists offer new ways of engaging and understanding Ireland’s contemporary political, activist and artistic landscape. They open up onto epistemological ways of considering not only the inventions of creative and scholarly research and practice, but also invention and experimentation itself. The volume provides a space for conversation and brings out the potential of non-linear thinking by bringing together artists and scholars to consider the materiality of identity and place through the body, migrancy, ecology and digital technologies. The contributors draw new maps, making new connections, diffracting Irish social imaginaries. This multidisciplinary collection proposes strategies and methods to ethically respond to and engage with the complex situations and urgent challenges that preoccupy our contemporary present. There is something in this book for both the specialist and non-specialist alike and it is essential reading for anyone with an interest in new methodologies in Irish studies.
In a world apparently dominated by what Pascale Casanova has called “la langue mondiale”, i.e. English, the question that scholars outside the anglosphere may ask themselves is what contribution they make to the debates and study of Anglophone literature. The present volume addresses this issue through the presentation of recent essays on the poet Louis MacNeice. Adolphe Haberer, whose “Personal MacNeice A-Z” reflects on his relationship with the work of the poet, was the first academic in any language to devote his doctoral thesis to the Belfast born poet. Published in two volumes by the Presses universitaires de Bordeaux in 1986, Louis MacNeice (1907-1963): l’homme et la poésie, is a monumental work that laid the groundwork for much of the scholarship in MacNeice studies that was to follow.
Adolphe Haberer’s thesis was written under the regime of the “thèse d’état” a second major thesis that academics in France had to write before being eligible to apply for posts as full professor. The length of the thèse d’état (over 1000 pages) and its duration (an average of 8 years, with some taking more than 15 years to complete) were factors that led to its abolition in 1984. But while the temps long de la recherche française may have been foreshortened, the agrégation, that other French institution which has led to much interest being focussed on MacNeice continues to function. In recent years MacNeice’s final collection The Burning Perch was on the programme from 2014-16. It led to the reappraisal of MacNeice’s work in the French context. Some of the essays collected in this volume bear witness to a French flavour in MacNeice studies. Articles like those of Mélanie Lebreton, Yann Tholoniat or Xavier Kalck deploy the French approach to close reading. Others, like that of Thomas Dutoit or Joanny Moulin, explore MacNeice’s work via French theory. Lacy Rumsey examines MacNeice’s poetics in a detailed analysis of metrics that takes account of MacNeice’s engagement with formal constraints and his simultaneous desire to escape from their clutches. The sonic dimension of MacNeice’s poetry is echoed in Claire Davison’s article on the poet’s radio plays. Robert Jordan examines his personal proximity to the classical education received by Louis MacNeice and decodes the connections to Byzantine Greece. The influence of the classics is also addressed in the article written by Florence Impens. The poet Michael O’Loughlin, offers a reading of Louis MacNeice’s rapport with Galway and its hinterland. He explores the idea of generational trauma proposing an innovative reading of some of MacNeice’s autobiographical poetry. Anne Karhio translates “Budgie” into Finnish and her article explores the challenges and revelations encountered in the process. Bernard O’Donoghue’s poem is testament to the connection between poets and their readers, rendering tribute to Adolphe Haberer, hinting at his embodiment of MacNeice’s ideal reader.
Cet ouvrage est le fruit du colloque international Bretagne-Monde Anglophone : Bretagne Irlande, qui s’est tenu à l’Université de Bretagne Sud les 13 et 14 juin 2014 en partenariat entre les équipes de recherche CRBC et HCTI et avec le soutien de la Région Bretagne, de la ville de Lorient, du Festival Interceltique de Lorient et des universités Rennes 2 et UBS.
Cette manifestation, inscrite dans la continuité des premières rencontres BMA organisées par le CRBC à Brest et Quimper en 2012, s’est intéressée aux liens culturels historiques et contemporaines qui contribuent à la richesse des échanges et du dialogue entre la Bretagne et l’Irlande. Les actes, divisés en deux chapitres : « des origines à la post-modernité » et « capillarités artistiques et culturelles », proposent des analyses comparées des situations économiques, sociales et linguistiques de territoires qui, au-delà de capillarités mutuellement enrichissantes, posent des problématiques comparables.
Adolphe HABERER
Professeur émérite,
Université Lumière-Lyon 2
Je n'ai pas hésité longtemps quand Yann Bevant m'a demandé d'écrire un avant-propos pour les mélanges offerts à Jean-Brihault par ses collègues, à l'occasion de son départ à la retraite. Départ d'un homme encore dans la force de l'âge, au terme d'une carrière qui, depuis son début comme assistant en 1974, s'est déroulée à l'Université de Rennes 2. L'estime que j'ai pour le spécialiste en études irlandaises, l'admiration que j'éprouve pour le dévouement et la compétence avec lesquels il a accepté et exercé de nombreuses responsabilités administratives, jusqu'aux plus hautes qui peuvent être confiées à un universitaire, les liens d'amitié, enfin, qui se sont tissés entre lui et moi au fil du temps — tout m'invitait à dire oui et à participer ainsi, bien modestement, à l'hommage qui lui est rendu.
Spécialiste en études irlandaises, Jean Brihault l'a été dès son entrée à Rennes 2, quand il entreprit, sous la direction de Jean Noël, une recherche originale et novatrice sur Lady Morgan. Il s'agissait de ce qu'on appelait « la grande thèse » pour un doctorat d'État, thèse qu'il soutint en 1985 et publia l'année suivante sous le titre de Lady Morgan et l'Irlande. De Lady Morgan, avant Jean Brihault, on ne savait pas grand chose en France, et malgré ses recherches il demeure des zones obscures dans l'histoire de cette écrivaine (comme on dit aujourd'hui) toute petite de taille (« less than four feet tall », selon une inscription que l'on peut lire au Victoria & Albert Museum), mais, sans doute par compensation, très prolifique. On ne sait pas précisément, par exemple, la date de sa naissance, généralement donnée comme « ca. 1776 ». Petite femme, mais grande coquette, Lady Morgan écrit en effet au tout début de son autobiographie : « I take the opportunity to enter my protest against DATES. What has a woman to do with dates? […] I was born on Christmas Day […] in ‘Ancient ould Dublin’ ». Certains affirment qu'elle est née de façon plus romanesque encore au cours d'une traversée en bateau entre l'Angleterre et l'Irlande, et je trouve plaisant de penser que cette naissance dans un entre-deux maritime a quelque chose d'analogue avec l'engagement de l'universitaire qui s'est partagé entre la Bretagne qui l'a si bien adopté et l'Irlande dont il est tombé amoureux. Et puis, comment ne pas remarquer que, Lady Morgan se disant être née le jour de Noël, nul autre que le professeur Jean Noël ne pouvait proposer à un jeune assistant prometteur de lui consacrer sa thèse de doctorat !
Outre cette thèse, la liste des travaux et des publications de Jean Brihault est longue, de même que celle de ses participations à des colloques et à des ouvrages collectifs. Jean a des goûts éclectiques. Son domaine, c'est tout ce qui touche à la matière d'Irlande, et à cet égard l'éventail largement ouvert des sujets qui sont abordés dans ces Mélanges est pleinement justifié. On note que Jean Brihault a continué à travailler sur l'œuvre de Lady Morgan, qu'il s'est intéressé à Joyce et à McGahern, qu'il a publié plusieurs articles portant sur les violences en Irlande du Nord, et qu'il a consacré de belles études aux poètes irlandais, à Seamus Heaney et à John Montague notamment. Très tôt, son inlassable bonne volonté fut repérée, ainsi que son autorité naturelle, mise au service de l'intérêt collectif, de l'organisation et de la bonne gestion des choses. Il participa à la création des Cahiers du Centre d'Études Irlandaises de l'Université de Rennes 2, dont il fut le secrétaire puis le Rédacteur en chef. Il fut ensuite Rédacteur en chef d'Études Irlandaises après la fusion des Cahiers du Centre de Rennes 2 avec Gaeliana (Caen) et Études Irlandaises (Lille III). Il fut également pendant dix ans directeur du Centre de recherche en Études irlandaises de Rennes 2 et, à ce titre, organisateur de nombreux colloques, puis vice-président et enfin président de la SOFEIR. Sa compétence et son rayonnement intellectuel attirèrent vers lui un grand nombre de jeunes chercheurs dont il dirigea les travaux, et il est difficile de faire le compte de tous les jurys de soutenance de thèse ou d'habilitation à diriger des recherches auxquels il participa.
Sans jamais renoncer à ses travaux sur l'Irlande ni à son engagement d'enseignant et de chercheur, Jean Brihault a très tôt exercé des responsabilités proprement administratives. Très tôt comme directeur adjoint de son UFR, plus tard comme Président de la Commission de Spécialistes (11e section) et responsable des échanges Erasmus avec l'Irlande. Comme Directeur du Service de la Formation Continue de l'Université, Président de l'Université du Temps libre en Bretagne, puis Président du Conseil national du Sport Universitaire — ceci donné un peu dans le désordre et sans chercher à être exhaustif. Reste à dire que ses qualités humaines, la droiture de son caractère, la sûreté de son jugement, son sens du service public, l'efficacité dont il avait fait preuve dans l'exercice des fonctions qui lui avaient été confiées — tout destinait Jean Brihault aux plus hautes responsabilités : vice-président de l'Université de Rennes 2 de 1991 à 1996, il fut ensuite élu président pour un mandat qu'il remplit de 1996 à 2001. Dans le monde universitaire, l'exercice de fonctions électives est toujours une marque de reconnaissance, la marque de l'estime dans laquelle on est tenu par ses collègues et par ses pairs, et le cas de Jean Brihault est à cet égard tout à fait exemplaire. Les qualités qui l'avaient porté à la tête de son université furent vite reconnues au plan national et européen, et Jean Brihault fut élu vice-président de la Conférence des Présidents d'université, Président du Pôle universitaire européen de Rennes, et il devint notamment encore membre de la Commission française pour l'UNESCO et membre de divers groupes d'expertise. En somme, une carrière exceptionnelle au terme de laquelle il fut à juste titre fait chevalier de la légion d'honneur.
J'ai dit l'amitié que j'ai pour Jean Brihault. Aussi vais-je me permettre d'évoquer quelques souvenirs personnels. Je me souviens de la première fois que je l'ai rencontré. C'était à Reims, en mars 1991, à l'occasion d'un colloque de la SOFEIR organisé par Claude Fiérobe. Il y avait du beau monde — notamment Jacqueline Genet, Thomas Kilroy, Colin Meir, Terence Brown et le regretté Paul Brennan. Le thème du colloque portait sur la terre d'Irlande (The Sense of Place) chez les écrivains irlandais et Jean, quand vint son tour, présenta une belle communication, à propos de The Dead Kingdom de John Montague. Dois-je l'avouer ? Ce qui est resté gravé dans ma mémoire n'est pas tant ce qu'il nous en a dit, de Nerthus et de la poésie de Montague, mais le fait qu'avant de commencer, comme font les athlètes pour s'échauffer avant une épreuve, d'une belle voix forte, juste et bien timbrée, Jean nous a chanté les couplets d'une vieille ballade irlandaise, ce qui en disait déjà long de l'authenticité de son propre attachement à la terre d'Irlande.
Je me souviens surtout du congrès de la SAES qui eut lieu à Rennes en mai 1998, dans les locaux de l'Université dont Jean était alors le président. Sophie Marret était à la tête du comité d'organisation. Congrès mémorable à plus d'un titre. Je me souviens d'abord que les anglicistes débattaient déjà alors de certains projets de réforme du CAPES préparés par le Ministère. La Table ronde exceptionnelle qu'en tant que président de la SAES j'avais organisée sur le sujet, et à laquelle j'avais invité Michel Oriano, le conseiller du ministre chargé du dossier, avait réuni un très grand nombre de collègues, certains tout prêts à en découdre. Il y avait eu de longs débats, et puis à la fin des échanges polémiques particulièrement violents, à tel point que Jean, homme de caractère, avait vivement quitté la tribune en disant qu'il n'acceptait pas d'entendre proférer certains mots dans l'enceinte de l'université dont il était le président.
À Rennes, l'invité d'honneur du congrès était Seamus Heaney. Celui-ci, déjà venu la même année, deux mois plus tôt, à Nice, honorer de sa présence le congrès de la SOFEIR, avait accepté la très pressante et chaleureuse invitation conjointe que Jean et moi lui avions adressée, au nom de l'amitié comme au nom de l'évidente connexion celtique entre la Bretagne et l'Irlande. Je me souviens du dîner où Heaney avait demandé qu'on lui serve des huîtres (« Oh I simply love oysters » avait-il dit). Je me souviens surtout que Jean avait présenté le poète, dans des termes à la fois d'une grande sensibilité et d'une grande élégance, avant que Heaney ne se mette à lire et à commenter un choix de ses poèmes dans un amphithéâtre bondé où il faisait si chaud que le poète avait effectivement mouillé sa chemise bleue. J'ai des photos qui en témoignent. Je me souviens encore qu'à la fin du banquet traditionnel clôturant le congrès, encouragée par son mari, Marie Heaney avait chanté, les yeux fermés, d'une voix parfaitement posée, limpide, très émouvante, quelques vieilles chansons irlandaises. « She always closes her eyes when she sings », nous avait dit Heaney avec une infinie tendresse dans la voix.
Je me souviens encore être venu à Rennes pour une soutenance de thèse et avoir été reçu chez lui par Jean. Mout, sa femme (je n'ai jamais su si elle avait un autre nom que celui de Mout), avait préparé un délicieux dîner et nous avions bavardé longuement. Il m'avait parlé de tout et de rien, de ses fils, de sa passion pour le sport, de ses premiers séjours en Irlande, de ses fréquents voyages à Paris, de ses recherches, de ses thésards. Je me souviens que je lui avais demandé comment il parvenait à mener de pair toutes ses activités et il m'avait répondu tout simplement, comme si cela allait de soi, qu'il travaillait la nuit, car il dormait très peu.
La passion que Jean Brihault avait pour le sport, il l'avait depuis toujours, et rien qu'à voir sa silhouette athlétique, le dos tenu droit sans raideur, les épaules carrées sous le veston, la démarche assurée, la poignée de main vigoureuse, on pouvait deviner le sportif de haut niveau que, tout président d'université qu'il était, il n'avait jamais cessé d'être. Il en pratiquait d'autres, mais son sport de prédilection était, et demeure toujours aujourd'hui, le handball. Il l'a pratiqué comme joueur, au Cercle Paul Bert de Rennes, puis comme arbitre (on dit qu'il a arbitré plus de mille matchs dans sa carrière), comme formateur d'arbitres, dirigeant national et international. Il est en effet depuis 2004 vice-président de la Fédération européenne de handball, une très grosse organisation qui regroupe pas moins de 49 fédérations nationales. Jean Brihault y exerce de très lourdes responsabilités avec les mêmes qualités de sérieux, de clairvoyance et de diplomatie qu'il avait auparavant mises au service de l'Université. On peut se réjouir que lui qui s'est un jour décrit comme « un pur militant du handball », soit dit en passant, ait pu connaître des moments très exaltants quand l'équipe de France masculine de handball a été championne olympique à Pékin, en 2008 et, en 2009, championne du monde en Croatie.
Reste à dire en conclusion que celui pour qui ces Mélanges ont été réunis fait songer à l'idéal de l'homme complet dont bien peu, dans le monde universitaire, ont pu s'approcher. Brillant intellectuel et sportif de haut niveau, chercheur et enseignant, président d'Université et dirigeant du handball européen, homme public et homme attaché au cercle intime de sa famille et de ses amis, Jean Brihault, mutatis mutandis, bien entendu, me rappelle le Major Robert Gregory, ou plutôt ce qu'en dit Yeats : « Our Sidney and our perfect man » —, « Soldier, scholar, horseman, he, / And all he did done perfectly / As though he had but that one trade alone. » Le rapprochement peut sembler audacieux : à mes yeux la différence qui compte le plus est que Yeats écrivait un In Memoriam pour son ami mort au combat, alors que moi je fais ici en ami l'éloge d'un homme à qui je souhaite d'avoir encore devant lui de longues et heureuses années d'activité.
Avant-propos
La dernière décennie a connu de nombreuses transformations sociales, économiques et culturelles en Irlande. Les perceptions et les représentations de la société irlandaise, à la fois fruit et acteur de ces changements, en ont été profondément modifiées. Ce numéro d’Etudes Irlandaises tente de cerner la nature, le degré et les enjeux de certaines de ces mutations dans une perspective résolument contemporaine, en s’intéressant en priorité à la façon dont les habitants de l’Irlande les incarnent ou s’en démarquent.
L’expression ‘new Irish’ apparaît régulièrement depuis quelques années dans la presse irlandaise. Elle est souvent employée entre guillemets, pour qualifier les nouveaux arrivants en Irlande, et son utilisation, de même d’ailleurs que l’usage des guillemets, posent d’emblée la question de l’intégration identitaire et citoyenne des immigrés. La question de l’impact de cette nouvelle population sur les représentations identitaires en Irlande se pose d’autant plus que jusqu’à présent la conception populaire de l’irlandité se caractérisait avant tout par un lien culturel fort avec le passé, dans une perspective de continuité identitaire avec une population perçue comme homogène. Les références aux ‘nouveaux Irlandais’, qui jouent souvent de l’attrait de cette ‘nouveauté’ et s’inscrivent bien davantage dans une démarche tournée vers l’avenir, signalent en elles-mêmes une rupture avec cette logique identitaire traditionnelle porteuse d’exclusion. L’éditorialiste Kevin Myers ne s’y est pas trompé, qui fustigeait dans un article paru dans l’Irish Independent le 5 septembre 2007 l’« utilisation incessante » par les journalistes comme par les politiciens de l’expression « the New Irish », qu’il qualifiait de « cliché idiot », insistant sur le fait que vivre en Irlande ne faisait pas d’un étranger un Irlandais et préférant mettre en garde, avec de forts accents powelliens, contre le « raz-de-marée » des immigrants. En contrepoint de cet exemple extrême, la multiplication des initiatives dites multi- ou inter-culturelles témoigne de la volonté de nombre d’Irlandais de développer des stratégies d’adaptation et d’inclusion. L’Irlande du Nord accueille elle aussi, dans une moindre mesure, de nouveaux arrivants, mais la dichotomie politique, sociale et, jusqu’à un certain point, religieuse semble pour le moment laisser peu de place à la prise en compte de ces nouvelles minorités malgré les avancées politiques considérables de ces dernières années. L’élection en mars 2007 à l’Assemblée de Stormont d’Anna Lo, politicienne de l’Alliance Party née en Chine, une première européenne, ne peut pas masquer le fait que la violence endémique dans la région fait plus souvent qu’ailleurs de ces ‘nouveaux nord-irlandais’ une cible de choix, comme le montrent plusieurs études nord-irlandaises et européennes, dont certaines vont jusqu’à qualifier Belfast de capitale européenne de la haine raciste.
Les ‘nouveaux Irlandais’ peuvent donc être d’abord compris comme les nouveaux habitants de l’Irlande, mais les transformations récentes sont telles que l’expression peut aussi être entendue comme dépassant largement le cadre d’un questionnement sur la nouvelle population immigrée. La croissance économique a profondément modifié les perspectives et les attentes de la nouvelle génération, comme elle a transformé la société tout entière. La nouvelle Irlande est prospère comme elle ne l’a jamais été ; d’après le Rapport sur la richesse de la nation de la Banque d’Irlande de 2007, la République est le deuxième pays le plus riche du monde après le Japon, et le même rapport estime à 33 000 le nombre de millionnaires. Les anciennes cartes postales qui représentaient l’‘heure de pointe irlandaise’ par un troupeau de moutons sur la route font toujours recette semble-t-il malgré leur inadéquation manifeste avec la réalité contemporaine de l’Irlande urbaine et montrent que l’Irlande cherche toujours à vendre une certaine image touristique, mais elles côtoient maintenant des cartes représentant le groupe de statues qui commémore la Grande Famine sur Custom House Quay en contrepoint des tours de verre flambant neuves de la Banque d’Ulster de l’autre côté de la Liffey. La pauvreté du passé semble ainsi faire place à la richesse du présent dans un contraste saisissant, mais tous les Irlandais ne profitent pas pareillement de la manne du Tigre celtique, comme le rappellent certaines créations comme les photographies de Curtin O’Donoghue ou la série télévisée de RTE1 diffusée en septembre 2007 qui, sous le titre ironique “Prosperity” s’attachait à décrire le quotidien de laissés pour compte de la croissance économique à Dublin. La prospérité nouvelle, indéniable pour une bonne partie de la population, s’accompagne néanmoins d’une flambée des prix de l’immobilier et des produits de consommation en général qui relativise l’augmentation du pouvoir d’achat des Irlandais, tandis que les infrastructures publiques ne tiennent pas le rythme de la transformation du pays, comme en témoignent les situations de crise dans le transport, dans les hôpitaux et dans les écoles. Les nouvelles générations peuvent espérer rester en Irlande, contrairement à nombre de leurs aînés, elles évoluent dans un espace urbain profondément transformé et toujours en pleine effervescence aujourd’hui, notamment dans la capitale et ses environs, leurs attitudes et habitudes sociales ont elles aussi évolué, elles adoptent par exemple avec un enthousiasme particulier – comparé aux autres jeunes Européens – les nouvelles technologies comme moyens de communication et d’expression, mais elles doivent aussi faire face à un certain nombre de problèmes politiques et sociaux nouveaux ou persistants.
La production artistique récente se fait l’écho de ces préoccupations, en élargissant sa palette critique et formelle pour s’affranchir des diktats de la forme, ce qu’Aidan Dunne appelle les « monolithes » du minimalisme ou du conceptualisme dans le catalogue d’une exposition qui fut emblématique à double titre : « After the Thaw » fut présentée à Cork en 2005, l’année où la ville fut nommée « capitale européenne de la culture ». Elle mettait en avant des œuvres qui font écho aux changements en cours dans le pays. En première ligne parmi les thèmes revisités se trouvent celui de l’Irlande rurale et romantique, sur lequel les artistes contemporains portent un regard critique à l’heure de l’urbanisation massive du pays et du développement des banlieues, s’interrogeant sur la porosité des frontières entre ville et campagne, la persistance de « non-lieux » postmodernes ou de zones intermédiaires, qu’ils transcrivent dans leurs œuvres et leurs installations. La question de la représentation du sujet, autre grand thème postmoderne, fait aussi l’objet de nombreuses représentations picturales comme littéraires : écrivains et artistes visuels sont confrontés à la difficulté de représenter un sujet complexe pris dans la trame de sa propre histoire, mais aussi dans celle de la nation et celle du monde, en une multitude d’interactions que traduisent souvent la superposition des médias artistiques, ou des voix dans la littérature et le théâtre.
Parmi les articles consacrés à la culture, à la société et à la politique, celui de Catherine Piola propose un bilan socio-démographique de la population irlandaise grâce aux premiers résultats du recensement de 2006 qui, tout en faisant la part belle à la profonde mutation que représente l’arrivée d’une population immigrée d’origines très diverses, cherche à rendre compte aussi plus largement des transformations dans les modes de vie qui sont le résultat à la fois de la croissance économique et d’une évolution des mentalités qui tend à rapprocher la population irlandaise des autres populations européennes dans ses comportements. Bairbre Ní Chiosáin, en analysant les débats qui ont précédé le referendum de 2004 sur la citoyenneté irlandaise, qui a eu pour conséquence la remise en question du droit du sol en Irlande, pose directement la question identitaire et citoyenne en regard des nouveaux arrivants et de leurs enfants, et traite notamment de la question du racisme et du traitement politique de l’immigration en Irlande.
Kieran Allen s’attaque à la représentation d’une Irlande homogène socialement où tous les habitants pourraient cocher la case ‘classe moyenne’ popularisée dans le livre à succès de David McWilliams sur « les enfants du Pape » en déconstruisant les arguments avancés et cherche en parallèle à apporter une explication alternative à l’hypothèse de la ‘culture du contentement’ avancée par certains comme facteur principal de la domination politique persistante du Fianna Fáil en République d’Irlande.
Dans son article sur « Les Nouveaux Republicains », Agnès Maillot s’intéresse à la transformation du Sinn Féin, qui cherche à s’adapter à la nouvelle donne socio-économique et politique en République d’Irlande en renouvelant son discours et ses stratégies et dont le nouveau visage attire une partie de la jeune génération. L’article de Kieran Allen comme celui d’Agnès Maillot font aussi état chacun à leur manière des inégalités socio-économiques persistantes, voire accrues, et du malaise diffus d’une partie de la population qui ne se reconnaît pas dans le portrait qui est fait d’elle par certains commentateurs.
Dans une perspective un peu différente, Claire Lynch explore les nouveaux modes d’expression et de socialisation de la jeune génération irlandaise, qui s’est appropriée la technologie internet et a investi l’espace virtuel avec un enthousiasme exceptionnel. Elle montre de quelle manière les forums de représentation du moi virtuel évoluent et se multiplient, s’attachant particulièrement à rendre compte des débats liés à l’identité irlandaise tels qu’ils se font jour dans ces espaces. Même si les représentations traditionnelles ou renouvelées de l’Irlande véhiculées sur internet se retrouvent pour la plupart dans les autres médias, la possibilité pour un grand nombre de s’exprimer, les mises à jour parfois quotidiennes des blogs ou des personnalités virtuelles des internautes, la dimension interactive et le caractère mouvant et instable des supports d’une manière générale peuvent aussi faciliter la multiplication des points de vue exprimés et rendre compte en direct non seulement des multiples facettes de l’identité irlandaise mais aussi du caractère fondamentalement fluide et changeant des identités individuelles et collectives, au delà des réductions et clichés toujours présents.
Les articles consacrés à la littérature, aux arts et à l’architecture contemporains mettent eux aussi l’accent sur les changements à l’œuvre dans la représentation de cette « nouvelle » Irlande. Sylvie Mikowski questionne le rapport à la ville dans la littérature contemporaine, dans un article où elle perçoit Dublin comme le lieu stimulant d’un discours renouvelé sur la modernité et la postmodernité. Si Dermot Bolger et Roddy Doyle ont amorcé cette relecture de la ville dans le sillage de Joyce, S. Mikowski montre que des romanciers comme Ridgway, Madden ou O’Reilly envisagent la ville dans ce qu’elle a de fragmentaire, disloqué et pluriel. La forme échappe, la paranoïa gagne dans cet environnement urbain où les traditionnels repères historiques et communautaires sont fragilisés et cèdent parfois la place à de nouveaux espaces, telles les marges insaisissables de la ville.
L’article de Carmen Zamorano Llena porte sur les recueils de poèmes récents de Heaney, Derek Mahon et de Paul Durcan (de 2004 à 2006). Il montre comment s’y élabore une nouvelle perception du rôle du poète et examine les rapports changeants que le poète entretient avec sa terre natale, sa communauté et les lieux de mémoire, qui se traduisent chez Heaney par le recours à des images à la fois familière et renouvelées. Dans le cas de Mahon, le choix de puiser son inspiration hors de l’Irlande fait du poète un « nomade postmoderne », aux prises avec un sujet fluctuant et avec la mondialisation ; tandis que Paul Durcan évoque avec émotion mais sans concession les évolutions d’un pays qui est en proie à un consumérisme jugé excessif par le poète, mais apprend aussi à se départir des discours monologiques sur sa propre identité.
La question de la représentation se pose avec une acuité particulière en Irlande du Nord, suggère Eva Urban, qui consacre son article à la manière dont la compagnie de théâtre Tinderbox a mis en scène sept courtes pièces dans l’enceinte du palais de justice de Crumlin Road à Belfast en 2000: leur représentation se veut mise en abîme, réflexion sur le pouvoir judiciaire et la place des citoyens dans ce lieu institutionnel et dans la province. La performance, souvent accompagnée d’installations artistiques, brouille la frontière entre les événements historiques et leur représentation et pose la question de l’accès de la population au débat artistique.
Cette préoccupation rejoint celle de Catherine Marshall, qui propose un bilan critique de la production artistique récente en Irlande : les idées reçues sur l’identité irlandaise ne sont plus de mise chez les jeunes artistes, qui se détachent des discours convenus sur la nation post-coloniale et disent avec audace autant du point de vue thématique que formel et toujours avec humour, leur intérêt pour des questions qui dépassent largement le local et le national pour s’ouvrir sur le monde. Cela va de pair avec l’internationalisation de leurs œuvres qui s’exposent avec succès, à l’étranger comme en Irlande, comme le souligne Gemma Tipton dans « The Shape of Things to Come : Building for the Arts in Ireland ». Elle pose la question du rapport entre art et prospérité et s’interroge sur la multiplication et la création de bâtiments dont l’ambition est à la fois de présenter des œuvres de qualité et de stimuler les initiatives socio-économiques locales. Son approche de quelques lieux centraux pour l’art en Irlande offre un décryptage critique de lieux d’exposition tels l’IMMA ou la Gallery of Photography à Dublin, ou encore la Glucksman Gallery à Cork.
Karin Fischer et Anne Goarzin
Papers by Anne Goarzin
Collections : Reimagining Ireland
Edited By Anne Goarzin and Maria Parsons
Oxford, Bern, Berlin, Bruxelles, New York, Wien, 2020. X, 192 pp., 10 fig. col., 10 fig. b/w
£USD* 60,95 $
This volume embraces the critical turn of new materialism in order to address how creative and social practices allow for the definition of alternative subject positions and to examine how power relations operate at an embodied, relatable level: it proposes to think global but act local. The contributions by scholars and artists offer new ways of engaging and understanding Ireland’s contemporary political, activist and artistic landscape. They open up onto epistemological ways of considering not only the inventions of creative and scholarly research and practice, but also invention and experimentation itself. The volume provides a space for conversation and brings out the potential of non-linear thinking by bringing together artists and scholars to consider the materiality of identity and place through the body, migrancy, ecology and digital technologies. The contributors draw new maps, making new connections, diffracting Irish social imaginaries. This multidisciplinary collection proposes strategies and methods to ethically respond to and engage with the complex situations and urgent challenges that preoccupy our contemporary present. There is something in this book for both the specialist and non-specialist alike and it is essential reading for anyone with an interest in new methodologies in Irish studies.
In a world apparently dominated by what Pascale Casanova has called “la langue mondiale”, i.e. English, the question that scholars outside the anglosphere may ask themselves is what contribution they make to the debates and study of Anglophone literature. The present volume addresses this issue through the presentation of recent essays on the poet Louis MacNeice. Adolphe Haberer, whose “Personal MacNeice A-Z” reflects on his relationship with the work of the poet, was the first academic in any language to devote his doctoral thesis to the Belfast born poet. Published in two volumes by the Presses universitaires de Bordeaux in 1986, Louis MacNeice (1907-1963): l’homme et la poésie, is a monumental work that laid the groundwork for much of the scholarship in MacNeice studies that was to follow.
Adolphe Haberer’s thesis was written under the regime of the “thèse d’état” a second major thesis that academics in France had to write before being eligible to apply for posts as full professor. The length of the thèse d’état (over 1000 pages) and its duration (an average of 8 years, with some taking more than 15 years to complete) were factors that led to its abolition in 1984. But while the temps long de la recherche française may have been foreshortened, the agrégation, that other French institution which has led to much interest being focussed on MacNeice continues to function. In recent years MacNeice’s final collection The Burning Perch was on the programme from 2014-16. It led to the reappraisal of MacNeice’s work in the French context. Some of the essays collected in this volume bear witness to a French flavour in MacNeice studies. Articles like those of Mélanie Lebreton, Yann Tholoniat or Xavier Kalck deploy the French approach to close reading. Others, like that of Thomas Dutoit or Joanny Moulin, explore MacNeice’s work via French theory. Lacy Rumsey examines MacNeice’s poetics in a detailed analysis of metrics that takes account of MacNeice’s engagement with formal constraints and his simultaneous desire to escape from their clutches. The sonic dimension of MacNeice’s poetry is echoed in Claire Davison’s article on the poet’s radio plays. Robert Jordan examines his personal proximity to the classical education received by Louis MacNeice and decodes the connections to Byzantine Greece. The influence of the classics is also addressed in the article written by Florence Impens. The poet Michael O’Loughlin, offers a reading of Louis MacNeice’s rapport with Galway and its hinterland. He explores the idea of generational trauma proposing an innovative reading of some of MacNeice’s autobiographical poetry. Anne Karhio translates “Budgie” into Finnish and her article explores the challenges and revelations encountered in the process. Bernard O’Donoghue’s poem is testament to the connection between poets and their readers, rendering tribute to Adolphe Haberer, hinting at his embodiment of MacNeice’s ideal reader.
Cet ouvrage est le fruit du colloque international Bretagne-Monde Anglophone : Bretagne Irlande, qui s’est tenu à l’Université de Bretagne Sud les 13 et 14 juin 2014 en partenariat entre les équipes de recherche CRBC et HCTI et avec le soutien de la Région Bretagne, de la ville de Lorient, du Festival Interceltique de Lorient et des universités Rennes 2 et UBS.
Cette manifestation, inscrite dans la continuité des premières rencontres BMA organisées par le CRBC à Brest et Quimper en 2012, s’est intéressée aux liens culturels historiques et contemporaines qui contribuent à la richesse des échanges et du dialogue entre la Bretagne et l’Irlande. Les actes, divisés en deux chapitres : « des origines à la post-modernité » et « capillarités artistiques et culturelles », proposent des analyses comparées des situations économiques, sociales et linguistiques de territoires qui, au-delà de capillarités mutuellement enrichissantes, posent des problématiques comparables.
Adolphe HABERER
Professeur émérite,
Université Lumière-Lyon 2
Je n'ai pas hésité longtemps quand Yann Bevant m'a demandé d'écrire un avant-propos pour les mélanges offerts à Jean-Brihault par ses collègues, à l'occasion de son départ à la retraite. Départ d'un homme encore dans la force de l'âge, au terme d'une carrière qui, depuis son début comme assistant en 1974, s'est déroulée à l'Université de Rennes 2. L'estime que j'ai pour le spécialiste en études irlandaises, l'admiration que j'éprouve pour le dévouement et la compétence avec lesquels il a accepté et exercé de nombreuses responsabilités administratives, jusqu'aux plus hautes qui peuvent être confiées à un universitaire, les liens d'amitié, enfin, qui se sont tissés entre lui et moi au fil du temps — tout m'invitait à dire oui et à participer ainsi, bien modestement, à l'hommage qui lui est rendu.
Spécialiste en études irlandaises, Jean Brihault l'a été dès son entrée à Rennes 2, quand il entreprit, sous la direction de Jean Noël, une recherche originale et novatrice sur Lady Morgan. Il s'agissait de ce qu'on appelait « la grande thèse » pour un doctorat d'État, thèse qu'il soutint en 1985 et publia l'année suivante sous le titre de Lady Morgan et l'Irlande. De Lady Morgan, avant Jean Brihault, on ne savait pas grand chose en France, et malgré ses recherches il demeure des zones obscures dans l'histoire de cette écrivaine (comme on dit aujourd'hui) toute petite de taille (« less than four feet tall », selon une inscription que l'on peut lire au Victoria & Albert Museum), mais, sans doute par compensation, très prolifique. On ne sait pas précisément, par exemple, la date de sa naissance, généralement donnée comme « ca. 1776 ». Petite femme, mais grande coquette, Lady Morgan écrit en effet au tout début de son autobiographie : « I take the opportunity to enter my protest against DATES. What has a woman to do with dates? […] I was born on Christmas Day […] in ‘Ancient ould Dublin’ ». Certains affirment qu'elle est née de façon plus romanesque encore au cours d'une traversée en bateau entre l'Angleterre et l'Irlande, et je trouve plaisant de penser que cette naissance dans un entre-deux maritime a quelque chose d'analogue avec l'engagement de l'universitaire qui s'est partagé entre la Bretagne qui l'a si bien adopté et l'Irlande dont il est tombé amoureux. Et puis, comment ne pas remarquer que, Lady Morgan se disant être née le jour de Noël, nul autre que le professeur Jean Noël ne pouvait proposer à un jeune assistant prometteur de lui consacrer sa thèse de doctorat !
Outre cette thèse, la liste des travaux et des publications de Jean Brihault est longue, de même que celle de ses participations à des colloques et à des ouvrages collectifs. Jean a des goûts éclectiques. Son domaine, c'est tout ce qui touche à la matière d'Irlande, et à cet égard l'éventail largement ouvert des sujets qui sont abordés dans ces Mélanges est pleinement justifié. On note que Jean Brihault a continué à travailler sur l'œuvre de Lady Morgan, qu'il s'est intéressé à Joyce et à McGahern, qu'il a publié plusieurs articles portant sur les violences en Irlande du Nord, et qu'il a consacré de belles études aux poètes irlandais, à Seamus Heaney et à John Montague notamment. Très tôt, son inlassable bonne volonté fut repérée, ainsi que son autorité naturelle, mise au service de l'intérêt collectif, de l'organisation et de la bonne gestion des choses. Il participa à la création des Cahiers du Centre d'Études Irlandaises de l'Université de Rennes 2, dont il fut le secrétaire puis le Rédacteur en chef. Il fut ensuite Rédacteur en chef d'Études Irlandaises après la fusion des Cahiers du Centre de Rennes 2 avec Gaeliana (Caen) et Études Irlandaises (Lille III). Il fut également pendant dix ans directeur du Centre de recherche en Études irlandaises de Rennes 2 et, à ce titre, organisateur de nombreux colloques, puis vice-président et enfin président de la SOFEIR. Sa compétence et son rayonnement intellectuel attirèrent vers lui un grand nombre de jeunes chercheurs dont il dirigea les travaux, et il est difficile de faire le compte de tous les jurys de soutenance de thèse ou d'habilitation à diriger des recherches auxquels il participa.
Sans jamais renoncer à ses travaux sur l'Irlande ni à son engagement d'enseignant et de chercheur, Jean Brihault a très tôt exercé des responsabilités proprement administratives. Très tôt comme directeur adjoint de son UFR, plus tard comme Président de la Commission de Spécialistes (11e section) et responsable des échanges Erasmus avec l'Irlande. Comme Directeur du Service de la Formation Continue de l'Université, Président de l'Université du Temps libre en Bretagne, puis Président du Conseil national du Sport Universitaire — ceci donné un peu dans le désordre et sans chercher à être exhaustif. Reste à dire que ses qualités humaines, la droiture de son caractère, la sûreté de son jugement, son sens du service public, l'efficacité dont il avait fait preuve dans l'exercice des fonctions qui lui avaient été confiées — tout destinait Jean Brihault aux plus hautes responsabilités : vice-président de l'Université de Rennes 2 de 1991 à 1996, il fut ensuite élu président pour un mandat qu'il remplit de 1996 à 2001. Dans le monde universitaire, l'exercice de fonctions électives est toujours une marque de reconnaissance, la marque de l'estime dans laquelle on est tenu par ses collègues et par ses pairs, et le cas de Jean Brihault est à cet égard tout à fait exemplaire. Les qualités qui l'avaient porté à la tête de son université furent vite reconnues au plan national et européen, et Jean Brihault fut élu vice-président de la Conférence des Présidents d'université, Président du Pôle universitaire européen de Rennes, et il devint notamment encore membre de la Commission française pour l'UNESCO et membre de divers groupes d'expertise. En somme, une carrière exceptionnelle au terme de laquelle il fut à juste titre fait chevalier de la légion d'honneur.
J'ai dit l'amitié que j'ai pour Jean Brihault. Aussi vais-je me permettre d'évoquer quelques souvenirs personnels. Je me souviens de la première fois que je l'ai rencontré. C'était à Reims, en mars 1991, à l'occasion d'un colloque de la SOFEIR organisé par Claude Fiérobe. Il y avait du beau monde — notamment Jacqueline Genet, Thomas Kilroy, Colin Meir, Terence Brown et le regretté Paul Brennan. Le thème du colloque portait sur la terre d'Irlande (The Sense of Place) chez les écrivains irlandais et Jean, quand vint son tour, présenta une belle communication, à propos de The Dead Kingdom de John Montague. Dois-je l'avouer ? Ce qui est resté gravé dans ma mémoire n'est pas tant ce qu'il nous en a dit, de Nerthus et de la poésie de Montague, mais le fait qu'avant de commencer, comme font les athlètes pour s'échauffer avant une épreuve, d'une belle voix forte, juste et bien timbrée, Jean nous a chanté les couplets d'une vieille ballade irlandaise, ce qui en disait déjà long de l'authenticité de son propre attachement à la terre d'Irlande.
Je me souviens surtout du congrès de la SAES qui eut lieu à Rennes en mai 1998, dans les locaux de l'Université dont Jean était alors le président. Sophie Marret était à la tête du comité d'organisation. Congrès mémorable à plus d'un titre. Je me souviens d'abord que les anglicistes débattaient déjà alors de certains projets de réforme du CAPES préparés par le Ministère. La Table ronde exceptionnelle qu'en tant que président de la SAES j'avais organisée sur le sujet, et à laquelle j'avais invité Michel Oriano, le conseiller du ministre chargé du dossier, avait réuni un très grand nombre de collègues, certains tout prêts à en découdre. Il y avait eu de longs débats, et puis à la fin des échanges polémiques particulièrement violents, à tel point que Jean, homme de caractère, avait vivement quitté la tribune en disant qu'il n'acceptait pas d'entendre proférer certains mots dans l'enceinte de l'université dont il était le président.
À Rennes, l'invité d'honneur du congrès était Seamus Heaney. Celui-ci, déjà venu la même année, deux mois plus tôt, à Nice, honorer de sa présence le congrès de la SOFEIR, avait accepté la très pressante et chaleureuse invitation conjointe que Jean et moi lui avions adressée, au nom de l'amitié comme au nom de l'évidente connexion celtique entre la Bretagne et l'Irlande. Je me souviens du dîner où Heaney avait demandé qu'on lui serve des huîtres (« Oh I simply love oysters » avait-il dit). Je me souviens surtout que Jean avait présenté le poète, dans des termes à la fois d'une grande sensibilité et d'une grande élégance, avant que Heaney ne se mette à lire et à commenter un choix de ses poèmes dans un amphithéâtre bondé où il faisait si chaud que le poète avait effectivement mouillé sa chemise bleue. J'ai des photos qui en témoignent. Je me souviens encore qu'à la fin du banquet traditionnel clôturant le congrès, encouragée par son mari, Marie Heaney avait chanté, les yeux fermés, d'une voix parfaitement posée, limpide, très émouvante, quelques vieilles chansons irlandaises. « She always closes her eyes when she sings », nous avait dit Heaney avec une infinie tendresse dans la voix.
Je me souviens encore être venu à Rennes pour une soutenance de thèse et avoir été reçu chez lui par Jean. Mout, sa femme (je n'ai jamais su si elle avait un autre nom que celui de Mout), avait préparé un délicieux dîner et nous avions bavardé longuement. Il m'avait parlé de tout et de rien, de ses fils, de sa passion pour le sport, de ses premiers séjours en Irlande, de ses fréquents voyages à Paris, de ses recherches, de ses thésards. Je me souviens que je lui avais demandé comment il parvenait à mener de pair toutes ses activités et il m'avait répondu tout simplement, comme si cela allait de soi, qu'il travaillait la nuit, car il dormait très peu.
La passion que Jean Brihault avait pour le sport, il l'avait depuis toujours, et rien qu'à voir sa silhouette athlétique, le dos tenu droit sans raideur, les épaules carrées sous le veston, la démarche assurée, la poignée de main vigoureuse, on pouvait deviner le sportif de haut niveau que, tout président d'université qu'il était, il n'avait jamais cessé d'être. Il en pratiquait d'autres, mais son sport de prédilection était, et demeure toujours aujourd'hui, le handball. Il l'a pratiqué comme joueur, au Cercle Paul Bert de Rennes, puis comme arbitre (on dit qu'il a arbitré plus de mille matchs dans sa carrière), comme formateur d'arbitres, dirigeant national et international. Il est en effet depuis 2004 vice-président de la Fédération européenne de handball, une très grosse organisation qui regroupe pas moins de 49 fédérations nationales. Jean Brihault y exerce de très lourdes responsabilités avec les mêmes qualités de sérieux, de clairvoyance et de diplomatie qu'il avait auparavant mises au service de l'Université. On peut se réjouir que lui qui s'est un jour décrit comme « un pur militant du handball », soit dit en passant, ait pu connaître des moments très exaltants quand l'équipe de France masculine de handball a été championne olympique à Pékin, en 2008 et, en 2009, championne du monde en Croatie.
Reste à dire en conclusion que celui pour qui ces Mélanges ont été réunis fait songer à l'idéal de l'homme complet dont bien peu, dans le monde universitaire, ont pu s'approcher. Brillant intellectuel et sportif de haut niveau, chercheur et enseignant, président d'Université et dirigeant du handball européen, homme public et homme attaché au cercle intime de sa famille et de ses amis, Jean Brihault, mutatis mutandis, bien entendu, me rappelle le Major Robert Gregory, ou plutôt ce qu'en dit Yeats : « Our Sidney and our perfect man » —, « Soldier, scholar, horseman, he, / And all he did done perfectly / As though he had but that one trade alone. » Le rapprochement peut sembler audacieux : à mes yeux la différence qui compte le plus est que Yeats écrivait un In Memoriam pour son ami mort au combat, alors que moi je fais ici en ami l'éloge d'un homme à qui je souhaite d'avoir encore devant lui de longues et heureuses années d'activité.
Avant-propos
La dernière décennie a connu de nombreuses transformations sociales, économiques et culturelles en Irlande. Les perceptions et les représentations de la société irlandaise, à la fois fruit et acteur de ces changements, en ont été profondément modifiées. Ce numéro d’Etudes Irlandaises tente de cerner la nature, le degré et les enjeux de certaines de ces mutations dans une perspective résolument contemporaine, en s’intéressant en priorité à la façon dont les habitants de l’Irlande les incarnent ou s’en démarquent.
L’expression ‘new Irish’ apparaît régulièrement depuis quelques années dans la presse irlandaise. Elle est souvent employée entre guillemets, pour qualifier les nouveaux arrivants en Irlande, et son utilisation, de même d’ailleurs que l’usage des guillemets, posent d’emblée la question de l’intégration identitaire et citoyenne des immigrés. La question de l’impact de cette nouvelle population sur les représentations identitaires en Irlande se pose d’autant plus que jusqu’à présent la conception populaire de l’irlandité se caractérisait avant tout par un lien culturel fort avec le passé, dans une perspective de continuité identitaire avec une population perçue comme homogène. Les références aux ‘nouveaux Irlandais’, qui jouent souvent de l’attrait de cette ‘nouveauté’ et s’inscrivent bien davantage dans une démarche tournée vers l’avenir, signalent en elles-mêmes une rupture avec cette logique identitaire traditionnelle porteuse d’exclusion. L’éditorialiste Kevin Myers ne s’y est pas trompé, qui fustigeait dans un article paru dans l’Irish Independent le 5 septembre 2007 l’« utilisation incessante » par les journalistes comme par les politiciens de l’expression « the New Irish », qu’il qualifiait de « cliché idiot », insistant sur le fait que vivre en Irlande ne faisait pas d’un étranger un Irlandais et préférant mettre en garde, avec de forts accents powelliens, contre le « raz-de-marée » des immigrants. En contrepoint de cet exemple extrême, la multiplication des initiatives dites multi- ou inter-culturelles témoigne de la volonté de nombre d’Irlandais de développer des stratégies d’adaptation et d’inclusion. L’Irlande du Nord accueille elle aussi, dans une moindre mesure, de nouveaux arrivants, mais la dichotomie politique, sociale et, jusqu’à un certain point, religieuse semble pour le moment laisser peu de place à la prise en compte de ces nouvelles minorités malgré les avancées politiques considérables de ces dernières années. L’élection en mars 2007 à l’Assemblée de Stormont d’Anna Lo, politicienne de l’Alliance Party née en Chine, une première européenne, ne peut pas masquer le fait que la violence endémique dans la région fait plus souvent qu’ailleurs de ces ‘nouveaux nord-irlandais’ une cible de choix, comme le montrent plusieurs études nord-irlandaises et européennes, dont certaines vont jusqu’à qualifier Belfast de capitale européenne de la haine raciste.
Les ‘nouveaux Irlandais’ peuvent donc être d’abord compris comme les nouveaux habitants de l’Irlande, mais les transformations récentes sont telles que l’expression peut aussi être entendue comme dépassant largement le cadre d’un questionnement sur la nouvelle population immigrée. La croissance économique a profondément modifié les perspectives et les attentes de la nouvelle génération, comme elle a transformé la société tout entière. La nouvelle Irlande est prospère comme elle ne l’a jamais été ; d’après le Rapport sur la richesse de la nation de la Banque d’Irlande de 2007, la République est le deuxième pays le plus riche du monde après le Japon, et le même rapport estime à 33 000 le nombre de millionnaires. Les anciennes cartes postales qui représentaient l’‘heure de pointe irlandaise’ par un troupeau de moutons sur la route font toujours recette semble-t-il malgré leur inadéquation manifeste avec la réalité contemporaine de l’Irlande urbaine et montrent que l’Irlande cherche toujours à vendre une certaine image touristique, mais elles côtoient maintenant des cartes représentant le groupe de statues qui commémore la Grande Famine sur Custom House Quay en contrepoint des tours de verre flambant neuves de la Banque d’Ulster de l’autre côté de la Liffey. La pauvreté du passé semble ainsi faire place à la richesse du présent dans un contraste saisissant, mais tous les Irlandais ne profitent pas pareillement de la manne du Tigre celtique, comme le rappellent certaines créations comme les photographies de Curtin O’Donoghue ou la série télévisée de RTE1 diffusée en septembre 2007 qui, sous le titre ironique “Prosperity” s’attachait à décrire le quotidien de laissés pour compte de la croissance économique à Dublin. La prospérité nouvelle, indéniable pour une bonne partie de la population, s’accompagne néanmoins d’une flambée des prix de l’immobilier et des produits de consommation en général qui relativise l’augmentation du pouvoir d’achat des Irlandais, tandis que les infrastructures publiques ne tiennent pas le rythme de la transformation du pays, comme en témoignent les situations de crise dans le transport, dans les hôpitaux et dans les écoles. Les nouvelles générations peuvent espérer rester en Irlande, contrairement à nombre de leurs aînés, elles évoluent dans un espace urbain profondément transformé et toujours en pleine effervescence aujourd’hui, notamment dans la capitale et ses environs, leurs attitudes et habitudes sociales ont elles aussi évolué, elles adoptent par exemple avec un enthousiasme particulier – comparé aux autres jeunes Européens – les nouvelles technologies comme moyens de communication et d’expression, mais elles doivent aussi faire face à un certain nombre de problèmes politiques et sociaux nouveaux ou persistants.
La production artistique récente se fait l’écho de ces préoccupations, en élargissant sa palette critique et formelle pour s’affranchir des diktats de la forme, ce qu’Aidan Dunne appelle les « monolithes » du minimalisme ou du conceptualisme dans le catalogue d’une exposition qui fut emblématique à double titre : « After the Thaw » fut présentée à Cork en 2005, l’année où la ville fut nommée « capitale européenne de la culture ». Elle mettait en avant des œuvres qui font écho aux changements en cours dans le pays. En première ligne parmi les thèmes revisités se trouvent celui de l’Irlande rurale et romantique, sur lequel les artistes contemporains portent un regard critique à l’heure de l’urbanisation massive du pays et du développement des banlieues, s’interrogeant sur la porosité des frontières entre ville et campagne, la persistance de « non-lieux » postmodernes ou de zones intermédiaires, qu’ils transcrivent dans leurs œuvres et leurs installations. La question de la représentation du sujet, autre grand thème postmoderne, fait aussi l’objet de nombreuses représentations picturales comme littéraires : écrivains et artistes visuels sont confrontés à la difficulté de représenter un sujet complexe pris dans la trame de sa propre histoire, mais aussi dans celle de la nation et celle du monde, en une multitude d’interactions que traduisent souvent la superposition des médias artistiques, ou des voix dans la littérature et le théâtre.
Parmi les articles consacrés à la culture, à la société et à la politique, celui de Catherine Piola propose un bilan socio-démographique de la population irlandaise grâce aux premiers résultats du recensement de 2006 qui, tout en faisant la part belle à la profonde mutation que représente l’arrivée d’une population immigrée d’origines très diverses, cherche à rendre compte aussi plus largement des transformations dans les modes de vie qui sont le résultat à la fois de la croissance économique et d’une évolution des mentalités qui tend à rapprocher la population irlandaise des autres populations européennes dans ses comportements. Bairbre Ní Chiosáin, en analysant les débats qui ont précédé le referendum de 2004 sur la citoyenneté irlandaise, qui a eu pour conséquence la remise en question du droit du sol en Irlande, pose directement la question identitaire et citoyenne en regard des nouveaux arrivants et de leurs enfants, et traite notamment de la question du racisme et du traitement politique de l’immigration en Irlande.
Kieran Allen s’attaque à la représentation d’une Irlande homogène socialement où tous les habitants pourraient cocher la case ‘classe moyenne’ popularisée dans le livre à succès de David McWilliams sur « les enfants du Pape » en déconstruisant les arguments avancés et cherche en parallèle à apporter une explication alternative à l’hypothèse de la ‘culture du contentement’ avancée par certains comme facteur principal de la domination politique persistante du Fianna Fáil en République d’Irlande.
Dans son article sur « Les Nouveaux Republicains », Agnès Maillot s’intéresse à la transformation du Sinn Féin, qui cherche à s’adapter à la nouvelle donne socio-économique et politique en République d’Irlande en renouvelant son discours et ses stratégies et dont le nouveau visage attire une partie de la jeune génération. L’article de Kieran Allen comme celui d’Agnès Maillot font aussi état chacun à leur manière des inégalités socio-économiques persistantes, voire accrues, et du malaise diffus d’une partie de la population qui ne se reconnaît pas dans le portrait qui est fait d’elle par certains commentateurs.
Dans une perspective un peu différente, Claire Lynch explore les nouveaux modes d’expression et de socialisation de la jeune génération irlandaise, qui s’est appropriée la technologie internet et a investi l’espace virtuel avec un enthousiasme exceptionnel. Elle montre de quelle manière les forums de représentation du moi virtuel évoluent et se multiplient, s’attachant particulièrement à rendre compte des débats liés à l’identité irlandaise tels qu’ils se font jour dans ces espaces. Même si les représentations traditionnelles ou renouvelées de l’Irlande véhiculées sur internet se retrouvent pour la plupart dans les autres médias, la possibilité pour un grand nombre de s’exprimer, les mises à jour parfois quotidiennes des blogs ou des personnalités virtuelles des internautes, la dimension interactive et le caractère mouvant et instable des supports d’une manière générale peuvent aussi faciliter la multiplication des points de vue exprimés et rendre compte en direct non seulement des multiples facettes de l’identité irlandaise mais aussi du caractère fondamentalement fluide et changeant des identités individuelles et collectives, au delà des réductions et clichés toujours présents.
Les articles consacrés à la littérature, aux arts et à l’architecture contemporains mettent eux aussi l’accent sur les changements à l’œuvre dans la représentation de cette « nouvelle » Irlande. Sylvie Mikowski questionne le rapport à la ville dans la littérature contemporaine, dans un article où elle perçoit Dublin comme le lieu stimulant d’un discours renouvelé sur la modernité et la postmodernité. Si Dermot Bolger et Roddy Doyle ont amorcé cette relecture de la ville dans le sillage de Joyce, S. Mikowski montre que des romanciers comme Ridgway, Madden ou O’Reilly envisagent la ville dans ce qu’elle a de fragmentaire, disloqué et pluriel. La forme échappe, la paranoïa gagne dans cet environnement urbain où les traditionnels repères historiques et communautaires sont fragilisés et cèdent parfois la place à de nouveaux espaces, telles les marges insaisissables de la ville.
L’article de Carmen Zamorano Llena porte sur les recueils de poèmes récents de Heaney, Derek Mahon et de Paul Durcan (de 2004 à 2006). Il montre comment s’y élabore une nouvelle perception du rôle du poète et examine les rapports changeants que le poète entretient avec sa terre natale, sa communauté et les lieux de mémoire, qui se traduisent chez Heaney par le recours à des images à la fois familière et renouvelées. Dans le cas de Mahon, le choix de puiser son inspiration hors de l’Irlande fait du poète un « nomade postmoderne », aux prises avec un sujet fluctuant et avec la mondialisation ; tandis que Paul Durcan évoque avec émotion mais sans concession les évolutions d’un pays qui est en proie à un consumérisme jugé excessif par le poète, mais apprend aussi à se départir des discours monologiques sur sa propre identité.
La question de la représentation se pose avec une acuité particulière en Irlande du Nord, suggère Eva Urban, qui consacre son article à la manière dont la compagnie de théâtre Tinderbox a mis en scène sept courtes pièces dans l’enceinte du palais de justice de Crumlin Road à Belfast en 2000: leur représentation se veut mise en abîme, réflexion sur le pouvoir judiciaire et la place des citoyens dans ce lieu institutionnel et dans la province. La performance, souvent accompagnée d’installations artistiques, brouille la frontière entre les événements historiques et leur représentation et pose la question de l’accès de la population au débat artistique.
Cette préoccupation rejoint celle de Catherine Marshall, qui propose un bilan critique de la production artistique récente en Irlande : les idées reçues sur l’identité irlandaise ne sont plus de mise chez les jeunes artistes, qui se détachent des discours convenus sur la nation post-coloniale et disent avec audace autant du point de vue thématique que formel et toujours avec humour, leur intérêt pour des questions qui dépassent largement le local et le national pour s’ouvrir sur le monde. Cela va de pair avec l’internationalisation de leurs œuvres qui s’exposent avec succès, à l’étranger comme en Irlande, comme le souligne Gemma Tipton dans « The Shape of Things to Come : Building for the Arts in Ireland ». Elle pose la question du rapport entre art et prospérité et s’interroge sur la multiplication et la création de bâtiments dont l’ambition est à la fois de présenter des œuvres de qualité et de stimuler les initiatives socio-économiques locales. Son approche de quelques lieux centraux pour l’art en Irlande offre un décryptage critique de lieux d’exposition tels l’IMMA ou la Gallery of Photography à Dublin, ou encore la Glucksman Gallery à Cork.
Karin Fischer et Anne Goarzin
I wish to examine the conditions of emergence of texts that diffract knowledge and perception through a conversation with things. Far from congealing into subjectivity (Cole 2005), they surprise us by reassembling, or reattaching themselves to phenomena, things and beings. The selected texts revisit porous modes of existence (Latour 2014) in the form of borderline situations such as social isolation or mental disjunctures. They point to the obtuse, erratic or overlooked experiences that make up what K. Stewart has termed “ordinary affects” (2007). I also aim at emphasizing how the images of liquidity that traverse them serve as a medium through which perceptions are intersected and patterns of connectedness are renewed. I will argue that these texts reach beyond the reader’s habitual critical comfort zones by activating instead unexpected contact zones, involving her through her own affective attachment (Bennett 2010, Blackman 2015).
I will conclude by considering how one may investigate the resistance of such texts in order to conceive of reading as a generative site for “composing and co-creating [and] forging links between things that were previously unconnected” (Felski 2015; Gibbs, in Knudsen and Stage, 2015).
Relying on current examples in the visual and intermedial arts, I propose to assess how select contemporary artworks and practices illustrate these new possibilities. I will focus on issues pertaining to art as assemblage ; the material and the political and current entanglements.
PARTICIPATION :
MAKING COMMUNITY IN CONTEMPORARY IRISH ARTS
University of Rennes 2, France, 4-5 June 2020
In recent years, artists in Ireland have taken part in and sometimes spearheaded the campaigns for Marriage Equality (2015) or for abortion rights (2018) through collectives like the Artist’s Campaign to Repeal the Eight, and, with Brexit looming large, artists have initiated participatory projects with local border communities. The question of human rights has been central to artistic creation in Northern Ireland since the mid-1990s however, with the channeling of European funds through international bodies and the Special European Union Programmes Body (SEUPB) leading to the professionalization of community arts and the growth of socially engaged arts projects. On the European scale, the involvement of arts organizations in cultural networks such as Trans Europe Halles (TEH) or Caravan has contributed to anchoring Irish arts in Europe and strengthening partnerships among practitioners championing social engagement and the defence of Human Rights. Programmes such as Creative Europe have allowed artists’ collectives to obtain funding for transnational projects reaching out to communities regardless of national border (‘Corners of Europe’, 2010 and 2016). Have these initiatives had a lasting impact, and what have been the challenges in implementing the recommendations of the UNHC’s High Commission to “increas[e] social interactions, mutual understanding and trust that can be built or rebuilt through these initiatives”?
Contemporary collaborative projects, happenings and performance art that induce interaction with the spectator are increasingly premised on ethical readings. Nicolas Bourriaud’s seminal work Relational Aesthetics (2002) inaugurated a change in critical approaches to art by focusing on the inter-human aspect of art practices and emphasizing proximity as a means of resisting an increasing fragmented society. More recently, Corine Pelluchon calls for an “ethics of consideration” to reconcile theory and practice and reason and affect in the context of a pluralistic, multicultural democracy endowed with tremendously powerful technologies. This ethics should articulate the intersubjective, the environmental and the civic, and aim to restore faith in the ideal of emancipation through social justice prompted by Enlightenment philosophy (Ethique de la considération, 2018). Jacques Rancière, on the other hand, offers a critique of post-utopian aesthetics. He contends that in a time when discourses and practices tend to make art into an entertaining form of social mediation or public service, what is lost in ethics is the radicality of art (Malaise dans l’esthétique, 2004). Claire Bishop examines the aesthetic and ethical issues triggered by collaborative practices, focusing on the evolution of spectatorship (Artificial Hells: Participatory Art and the Politics of Spectatorship, 2012) while art critic Grant H. Kester approaches relational or dialogical art as a contemporary global form and Charlotte McIvor’s Migration and Performance in Contemporary Ireland, Towards a New Interculturalism (2016) scrutinizes performative practices in the context of recent social changes in Ireland.
In a time that calls for “response-ability” (R. Braidotti, The Posthuman, 2013) this conference seeks to explore creative practices and processes in Irish visual and performing arts, whether they are “disruptive and interventionist [or…] constructive and ameliorative” (Participation, Documents on Contemporary Art, 2006). It will also offer an opportunity to critically assess artistic modalities, as well as political and cultural agendas, in a context of growing distrust for representative democracy which often demands increased awareness of the artist’s own vulnerability in creating a common “we” (Guillaume Leblanc, Que faire de notre vunérabilité?, 2011).
The organisers invite submissions for papers exploring the forms and challenges met by participatory contemporary arts in Ireland. Possible topics include, but are not limited to :
• Engagement with issues of citizenship through education and institutions; activism and militant art ; participation and representation.
• Subjectivity and authorship or authorial control (artist collectives, single artists), ownership and contents creation ; legitimacy ; agency and control.
• Social and cultural interactions in order to address rights and discriminations based on gender, age, sexual orientation, nationality, origins, skin colour, religion, disabilities, class, education, language.
• The social dimension of the posthuman through local, national and international solidarities and political and social initiatives ; the entanglement of the human and the environment, climate action, borders.
• Artistic models and methods : research-creation, residencies and artistic communities or collaborations, curatorial practices ; cross-overs of arts and sciences, new media or materials archives and conservation; public and site-specific works, experimentations.
• Impact and traces of the art event : how the performance is remembered, exhibited, documented, curated, archived.
The deadline for abstracts for 20-minute presentations is 14 February 2020. The 250-words abstracts and a short biographical note should be uploaded on the conference website :
https://irishartscom.sciencesconf.org/
Information on accepted papers will be available by 7 March 2020. We also welcome proposals for creative contributions, round tables and thematic discussion panels. For questions and queries, please contact : [email protected] ou [email protected]
Confirmed invited speakers and artists
• Rachel Fallon, visual artist, Rua Red Gallery, Tallaght
• Fiona Kearney, director of The Glucksman Gallery, University College Cork
This conference is organized under the auspices of GIS EIRE and of CRBC (U. Rennes), with the participation of LISAA (UPEM), TIL (U. Bourgogne), CERVEPAS-CREW (U. Paris 3).
Organisers :
• Anne Goarzin, Université Rennes 2
• Cécile Maudet, Université Rennes 2
• Hélène Alfaro-Hamayon, UPEM, Université Paris-Est
• Valérie Morisson, Université de Bourgogne
• Fabrice Mourlon, Université Sorbonne Nouvelle-Paris 3
The conference will be held at
Hôtel Pasteur
2 Place Pasteur
35000 RENNES
http://www.hotelpasteur.fr/
Web and print versions available here :
https://we.tl/t-lyF1pksULD
This report has been commissioned by GIS E.I.R.E (Groupement d'intérêt scientifique : Études Irlandaises: Réseaux et Enjeux) with the aim of highlighting and encouraging increased interaction and cooperation between Irish artists and the French institutions that provide artistic, financial and social support by way of residencies. This overall aim has been broken down into three components: first, an overview of the background and context from which this relationship has emerged, second, interviews with practitioners that have taken advantage of the opportunities and cultural encounters that are on offer and finally, suggestions on how emerging Irish artists can harness the expertise of both French and Irish policymakers and cultural institutions. This intercultural dialogue will, in turn, foster and open up new associations between the practitioner and the organizational policies and practices that allow Irish artists to develop and experience wider cultural diversity. Increased mobility is an integral part of the development of young and emerging artists and there are opportunities that can promote increased interaction and cultural exchange which is beneficial to both artists and cultural institutions. The targeted mission of the report is to focus on emerging artists that may not be aware of the steps and competency required to avail of the opportunities that are available to them in France.