Ronald Dworkin est l’auteur d’une œuvre aussi riche que complexe. Celle-ci a engendré une récepti... more Ronald Dworkin est l’auteur d’une œuvre aussi riche que complexe. Celle-ci a engendré une réception prospère de par le monde, sous des formes élogieuses aussi bien que critiques. Cette surabondance justifie à elle seule de s’intéresser à la réception de l’œuvre de Ronald Dworkin en France ; aux fins d’élucider l’influence de l’œuvre dworkinienne sur la doctrine française tout en relevant les spécificités de la réception en France, au regard de ses homologues étrangers. Toutefois, l’analyse d’un tel objet suppose en premier lieu de pouvoir le circonscrire de manière précise, ce qui suppose un travail de définition aussi bien ontologique (qu’est-ce qu’une réception ?) qu’épistémologique (comment appréhender une réception ?). A cet égard, la thèse formule en guise de liminaire un double constat. Premièrement, si la doctrine juridique s’interroge occasionnellement sur son statut, ces réflexions ne la conduisent guère à définir clairement les outils de la rhétorique doctrinale, au rang desquels figure la réception. Deuxièmement, l’œuvre dworkinienne, via sa défense d’une conception originale et contestée de l’interprétation, emporte une surdétermination de la notion de réception, en lui conférant une dimension axiologique et prescriptive. Ce constat précipite l’étude dans un dilemme lié à la stipulation d’un concept de réception, stipulation qui implique soit d’épouser les thèses de Dworkin au sujet de l’interprétation, au risque de rendre inintelligible toute appréhension critique de l’œuvre, soit de rejeter a priori ses thèses, marquant dès lors une hostilité de principe à leur encontre. La thèse envisage de surmonter ce dilemme en proposant une construction du concept de réception qui s’articule autour de la discussion des grandes thèses dworkiniennes, et notamment des objections qu’il formule à l’encontre du positivisme. Alors que l’absence de définition du concept de réception comme son caractère controversé inclinerait à l’adoption d’une démarche interprétative sympathique de l’œuvre dworkinienne, nous défendons au contraire un cadre méthodologique foncièrement descriptif, d’inspiration positiviste. Cette défense passe par la construction d’une armature épistémologique à même de saisir les concepts indéterminés et contestés comme le concept de réception. Elle aboutit finalement à l’identification d’une définition plurielle du concept de réception, seule à même de rendre compte des controverses qui l’animent et du caractère dynamique du phénomène qu’il recouvre. L’étude s’attache ensuite à analyser la réception en France à l’aune de différentes conceptions du concept de réception. A cet égard, elle met en lumière différentes manières d’appréhender un phénomène qui n’a rien d’uniforme. En nous appuyant sur les théories des actes de langage, nous montrons qu’une approche descriptive est à même d’isoler différents aspects de la réception selon que l’on s’intéresse à sa forme, son contenu ou ses effets, sur l’œuvre ou plus généralement sur l’auditoire. Seule l’analyse de ces différentes facettes permet d’opposer certains traits objectivement caractéristiques de la réception, d’autres irrémédiablement sujets à la controverse. Une telle partition offre en dernière analyse un modèle de la réception en France désormais susceptible d’être comparé à d’autres réceptions. In fine, l’analyse des effets de la réception d’une œuvre conduit à montrer que les concepts d’œuvre et de réception sont indissociables en ce qu’ils se nourrissent réciproquement : s’il n’y a assurément pas de réception sans œuvre, il n’y a pas, non plus, d’œuvre sans réception.
Ce texte introductif présente les questions de recherche sur la base desquelles le projet de bila... more Ce texte introductif présente les questions de recherche sur la base desquelles le projet de bilan de 10 années de QPC a été mené au sein du CREDOF ; en particulier, il s'est agi de confronter une analyse exhaustive du corpus de 730 décisions rendues par le Conseil constitutionnel depuis 2010 aux finalités et objectifs qui avaient été assignés à cette nouvelle voie de droit par ses promoteurs. La méthodologie de la recherche est elle aussi explicité : constitution du corpus, catégories de classement et d'analyse, travail collectif, traitement statistique.
L’étude de dix ans de décisions QPC rendues par le Conseil constitutionnel est l’occasion d’appré... more L’étude de dix ans de décisions QPC rendues par le Conseil constitutionnel est l’occasion d’apprécier la manière dont ce dernier en a tiré profit pour structurer sa jurisprudence et les catégories qui s’y expriment. Nous nous intéressons plus précisément au rôle de troisième filtre que s’arroge dans ce cadre le Conseil constitutionnel. En effet, si les juridictions du filtre appliquent ouvertement des critères leur permettant d’apprécier l’opportunité de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, ce dernier examine également, quoique moins explicitement, la question de la validité de sa saisine. Un tel contrôle le conduit ponctuellement à ne pas répondre à la question posée en relevant qu’elle est fondée sur des moyens irrecevables ou des moyens inopérants. Notre contribution s’attache à éclairer ces catégories autant qu’à étudier les motivations qui s’y rattachent dans la jurisprudence relative à la question prioritaire de constitutionnalité. Elle donne à voir les stratégies discursives mises en œuvre par le Conseil constitutionnel pour éviter de répondre à la question qui lui est posée, tout en dessinant les enjeux qu’implique un tel refus pour les différents acteurs de cette procédure.
L’objectif de cette contribution est de montrer que la théorie du droit de Ronald Dworkin présent... more L’objectif de cette contribution est de montrer que la théorie du droit de Ronald Dworkin présente des traits communs avec certaines théories pédagogiques. Cette analogie invite à assimiler le juge à un enseignant ou à un apprenant, rapprochement qui, s’il est cohérent dans le cadre de la théorie dworkinienne, ne constitue pas une bonne appréhension de ce que fait le juge en réalité. Avant d’interroger la valeur de cette pédagogie du droit, il nous faut brièvement présenter notre protocole mé..
Ronald Dworkin est l’auteur d’une œuvre aussi riche que complexe. Celle-ci a engendré une récepti... more Ronald Dworkin est l’auteur d’une œuvre aussi riche que complexe. Celle-ci a engendré une réception prospère de par le monde, sous des formes élogieuses aussi bien que critiques. Cette surabondance justifie à elle seule de s’intéresser à la réception de l’œuvre de Ronald Dworkin en France ; aux fins d’élucider l’influence de l’œuvre dworkinienne sur la doctrine française tout en relevant les spécificités de la réception en France, au regard de ses homologues étrangers. Toutefois, l’analyse d’un tel objet suppose en premier lieu de pouvoir le circonscrire de manière précise, ce qui suppose un travail de définition aussi bien ontologique (qu’est-ce qu’une réception ?) qu’épistémologique (comment appréhender une réception ?). A cet égard, la thèse formule en guise de liminaire un double constat. Premièrement, si la doctrine juridique s’interroge occasionnellement sur son statut, ces réflexions ne la conduisent guère à définir clairement les outils de la rhétorique doctrinale, au rang desquels figure la réception. Deuxièmement, l’œuvre dworkinienne, via sa défense d’une conception originale et contestée de l’interprétation, emporte une surdétermination de la notion de réception, en lui conférant une dimension axiologique et prescriptive. Ce constat précipite l’étude dans un dilemme lié à la stipulation d’un concept de réception, stipulation qui implique soit d’épouser les thèses de Dworkin au sujet de l’interprétation, au risque de rendre inintelligible toute appréhension critique de l’œuvre, soit de rejeter a priori ses thèses, marquant dès lors une hostilité de principe à leur encontre. La thèse envisage de surmonter ce dilemme en proposant une construction du concept de réception qui s’articule autour de la discussion des grandes thèses dworkiniennes, et notamment des objections qu’il formule à l’encontre du positivisme. Alors que l’absence de définition du concept de réception comme son caractère controversé inclinerait à l’adoption d’une démarche interprétative sympathique de l’œuvre dworkinienne, nous défendons au contraire un cadre méthodologique foncièrement descriptif, d’inspiration positiviste. Cette défense passe par la construction d’une armature épistémologique à même de saisir les concepts indéterminés et contestés comme le concept de réception. Elle aboutit finalement à l’identification d’une définition plurielle du concept de réception, seule à même de rendre compte des controverses qui l’animent et du caractère dynamique du phénomène qu’il recouvre. L’étude s’attache ensuite à analyser la réception en France à l’aune de différentes conceptions du concept de réception. A cet égard, elle met en lumière différentes manières d’appréhender un phénomène qui n’a rien d’uniforme. En nous appuyant sur les théories des actes de langage, nous montrons qu’une approche descriptive est à même d’isoler différents aspects de la réception selon que l’on s’intéresse à sa forme, son contenu ou ses effets, sur l’œuvre ou plus généralement sur l’auditoire. Seule l’analyse de ces différentes facettes permet d’opposer certains traits objectivement caractéristiques de la réception, d’autres irrémédiablement sujets à la controverse. Une telle partition offre en dernière analyse un modèle de la réception en France désormais susceptible d’être comparé à d’autres réceptions. In fine, l’analyse des effets de la réception d’une œuvre conduit à montrer que les concepts d’œuvre et de réception sont indissociables en ce qu’ils se nourrissent réciproquement : s’il n’y a assurément pas de réception sans œuvre, il n’y a pas, non plus, d’œuvre sans réception.
Ce texte introductif présente les questions de recherche sur la base desquelles le projet de bila... more Ce texte introductif présente les questions de recherche sur la base desquelles le projet de bilan de 10 années de QPC a été mené au sein du CREDOF ; en particulier, il s'est agi de confronter une analyse exhaustive du corpus de 730 décisions rendues par le Conseil constitutionnel depuis 2010 aux finalités et objectifs qui avaient été assignés à cette nouvelle voie de droit par ses promoteurs. La méthodologie de la recherche est elle aussi explicité : constitution du corpus, catégories de classement et d'analyse, travail collectif, traitement statistique.
L’étude de dix ans de décisions QPC rendues par le Conseil constitutionnel est l’occasion d’appré... more L’étude de dix ans de décisions QPC rendues par le Conseil constitutionnel est l’occasion d’apprécier la manière dont ce dernier en a tiré profit pour structurer sa jurisprudence et les catégories qui s’y expriment. Nous nous intéressons plus précisément au rôle de troisième filtre que s’arroge dans ce cadre le Conseil constitutionnel. En effet, si les juridictions du filtre appliquent ouvertement des critères leur permettant d’apprécier l’opportunité de renvoyer une question prioritaire de constitutionnalité au Conseil constitutionnel, ce dernier examine également, quoique moins explicitement, la question de la validité de sa saisine. Un tel contrôle le conduit ponctuellement à ne pas répondre à la question posée en relevant qu’elle est fondée sur des moyens irrecevables ou des moyens inopérants. Notre contribution s’attache à éclairer ces catégories autant qu’à étudier les motivations qui s’y rattachent dans la jurisprudence relative à la question prioritaire de constitutionnalité. Elle donne à voir les stratégies discursives mises en œuvre par le Conseil constitutionnel pour éviter de répondre à la question qui lui est posée, tout en dessinant les enjeux qu’implique un tel refus pour les différents acteurs de cette procédure.
L’objectif de cette contribution est de montrer que la théorie du droit de Ronald Dworkin présent... more L’objectif de cette contribution est de montrer que la théorie du droit de Ronald Dworkin présente des traits communs avec certaines théories pédagogiques. Cette analogie invite à assimiler le juge à un enseignant ou à un apprenant, rapprochement qui, s’il est cohérent dans le cadre de la théorie dworkinienne, ne constitue pas une bonne appréhension de ce que fait le juge en réalité. Avant d’interroger la valeur de cette pédagogie du droit, il nous faut brièvement présenter notre protocole mé..
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Thèse by Thomas Acar
Toutefois, l’analyse d’un tel objet suppose en premier lieu de pouvoir le circonscrire de manière précise, ce qui suppose un travail de définition aussi bien ontologique (qu’est-ce qu’une réception ?) qu’épistémologique (comment appréhender une réception ?). A cet égard, la thèse formule en guise de liminaire un double constat. Premièrement, si la doctrine juridique s’interroge occasionnellement sur son statut, ces réflexions ne la conduisent guère à définir clairement les outils de la rhétorique doctrinale, au rang desquels figure la réception. Deuxièmement, l’œuvre dworkinienne, via sa défense d’une conception originale et contestée de l’interprétation, emporte une surdétermination de la notion de réception, en lui conférant une dimension axiologique et prescriptive.
Ce constat précipite l’étude dans un dilemme lié à la stipulation d’un concept de réception, stipulation qui implique soit d’épouser les thèses de Dworkin au sujet de l’interprétation, au risque de rendre inintelligible toute appréhension critique de l’œuvre, soit de rejeter a priori ses thèses, marquant dès lors une hostilité de principe à leur encontre. La thèse envisage de surmonter ce dilemme en proposant une construction du concept de réception qui s’articule autour de la discussion des grandes thèses dworkiniennes, et notamment des objections qu’il formule à l’encontre du positivisme. Alors que l’absence de définition du concept de réception comme son caractère controversé inclinerait à l’adoption d’une démarche interprétative sympathique de l’œuvre dworkinienne, nous défendons au contraire un cadre méthodologique foncièrement descriptif, d’inspiration positiviste. Cette défense passe par la construction d’une armature épistémologique à même de saisir les concepts indéterminés et contestés comme le concept de réception. Elle aboutit finalement à l’identification d’une définition plurielle du concept de réception, seule à même de rendre compte des controverses qui l’animent et du caractère dynamique du phénomène qu’il recouvre.
L’étude s’attache ensuite à analyser la réception en France à l’aune de différentes conceptions du concept de réception. A cet égard, elle met en lumière différentes manières d’appréhender un phénomène qui n’a rien d’uniforme. En nous appuyant sur les théories des actes de langage, nous montrons qu’une approche descriptive est à même d’isoler différents aspects de la réception selon que l’on s’intéresse à sa forme, son contenu ou ses effets, sur l’œuvre ou plus généralement sur l’auditoire. Seule l’analyse de ces différentes facettes permet d’opposer certains traits objectivement caractéristiques de la réception, d’autres irrémédiablement sujets à la controverse. Une telle partition offre en dernière analyse un modèle de la réception en France désormais susceptible d’être comparé à d’autres réceptions. In fine, l’analyse des effets de la réception d’une œuvre conduit à montrer que les concepts d’œuvre et de réception sont indissociables en ce qu’ils se nourrissent réciproquement : s’il n’y a assurément pas de réception sans œuvre, il n’y a pas, non plus, d’œuvre sans réception.
Articles by Thomas Acar
Papers by Thomas Acar
Toutefois, l’analyse d’un tel objet suppose en premier lieu de pouvoir le circonscrire de manière précise, ce qui suppose un travail de définition aussi bien ontologique (qu’est-ce qu’une réception ?) qu’épistémologique (comment appréhender une réception ?). A cet égard, la thèse formule en guise de liminaire un double constat. Premièrement, si la doctrine juridique s’interroge occasionnellement sur son statut, ces réflexions ne la conduisent guère à définir clairement les outils de la rhétorique doctrinale, au rang desquels figure la réception. Deuxièmement, l’œuvre dworkinienne, via sa défense d’une conception originale et contestée de l’interprétation, emporte une surdétermination de la notion de réception, en lui conférant une dimension axiologique et prescriptive.
Ce constat précipite l’étude dans un dilemme lié à la stipulation d’un concept de réception, stipulation qui implique soit d’épouser les thèses de Dworkin au sujet de l’interprétation, au risque de rendre inintelligible toute appréhension critique de l’œuvre, soit de rejeter a priori ses thèses, marquant dès lors une hostilité de principe à leur encontre. La thèse envisage de surmonter ce dilemme en proposant une construction du concept de réception qui s’articule autour de la discussion des grandes thèses dworkiniennes, et notamment des objections qu’il formule à l’encontre du positivisme. Alors que l’absence de définition du concept de réception comme son caractère controversé inclinerait à l’adoption d’une démarche interprétative sympathique de l’œuvre dworkinienne, nous défendons au contraire un cadre méthodologique foncièrement descriptif, d’inspiration positiviste. Cette défense passe par la construction d’une armature épistémologique à même de saisir les concepts indéterminés et contestés comme le concept de réception. Elle aboutit finalement à l’identification d’une définition plurielle du concept de réception, seule à même de rendre compte des controverses qui l’animent et du caractère dynamique du phénomène qu’il recouvre.
L’étude s’attache ensuite à analyser la réception en France à l’aune de différentes conceptions du concept de réception. A cet égard, elle met en lumière différentes manières d’appréhender un phénomène qui n’a rien d’uniforme. En nous appuyant sur les théories des actes de langage, nous montrons qu’une approche descriptive est à même d’isoler différents aspects de la réception selon que l’on s’intéresse à sa forme, son contenu ou ses effets, sur l’œuvre ou plus généralement sur l’auditoire. Seule l’analyse de ces différentes facettes permet d’opposer certains traits objectivement caractéristiques de la réception, d’autres irrémédiablement sujets à la controverse. Une telle partition offre en dernière analyse un modèle de la réception en France désormais susceptible d’être comparé à d’autres réceptions. In fine, l’analyse des effets de la réception d’une œuvre conduit à montrer que les concepts d’œuvre et de réception sont indissociables en ce qu’ils se nourrissent réciproquement : s’il n’y a assurément pas de réception sans œuvre, il n’y a pas, non plus, d’œuvre sans réception.