Papers by Cléo Collomb
Cet article entend proposer un concept technologique – c’est-à-dire non-anthropocentré – de trace... more Cet article entend proposer un concept technologique – c’est-à-dire non-anthropocentré – de trace numérique. Il s’agit de rappeler que l’informatique exigeant des objets et des actes qu’ils passent par l’inscription pour exister, les machines computationnelles sont parties prenantes des processus de production des traces numériques. L’enjeu d’un tel concept est de mettre en circulation une narration qui ne soit pas de l’ordre de ces discours de fin de monde décrits par Danowski & Viveiros de Castro. Ces discours racontent la vie d’humains réduits à habiter un environnement ontologiquement dévitalisé et artificialisé, comme cela semble pouvoir être le cas lorsque la valorisation technique et économique des traces numériques débouche sur une « délégation machinique de nos relations » (Merzeau) ou encore sur une « gouvernementalité algorithmique » (Rouvroy & Berns). A partir du moment où il y a des discours de fin de monde, c’est qu’une tentative est à l’œuvre : celle qui consiste à inventer une mythologie adéquate à notre présent, celle qui essaie de dire quelque chose de la fin d’une certaine aventure anthropologique. Et c’est pour participer à cette tentative tout en cherchant à éviter de contribuer aux discours de fin de monde qu’une approche technologique des traces numériques, à même de faire compter les actants computationnels parmi nous, est ici proposée.
« In our view, the web is built by people. You are the ones creating pages and linking to pages. ... more « In our view, the web is built by people. You are the ones creating pages and linking to pages. We are using all this human contribution through our algorithms. The final ordering of the results is decided by our algorithms using the contributions of the greater Internet community » (Singhal, 2008) 1 . Le message de Google, porté ici par le responsable de l'équipe moteurs de recherche, est très clair : la façon dont le web est organisé par leurs algorithmes repose sur les contributions de la grande communauté d'Internet. Mais qu'est-ce que cette grande communauté ? Comment est-elle comprise et cristallisée dans l'architecture calculatoire des automates de ranking (classement) ? Quelles valeurs, visions du monde, mais surtout quelle ontologie et donc quel politique se trouvent engagés dans ces algorithmes de hiérarchisation de l'information qui font appel à la notion de communauté ? Le référencement, sur Google, dépend du nombre et de l'importance des citateurs : chaque lien vers une page web est un vote, mais tous les votes ne se valent pas dans la mesure où un coefficient de pondération leur est attribué selon leur importance. Et si la firme de Mountain View se targue de faire appel aux contributions de la grande communauté d'Internet, c'est parce qu'elle se défend d'intervenir stratégiquement et d'imposer un schéma organisationnel au web. Ce sont les internautes qui font le web, pas les ingénieurs, ni -pire peut-être -les annonceurs. Google se présente comme ne faisant que rendre aux internautes le fruit
« Ni providence ni promesse : on pourrait dire que c’est la situation d’ensemble que la technique... more « Ni providence ni promesse : on pourrait dire que c’est la situation d’ensemble que la technique déploie. » (Nancy, 2011)
Le monde du computationnel 1 est un examen philosophique, libre et gratuit, où un héros phénoméno... more Le monde du computationnel 1 est un examen philosophique, libre et gratuit, où un héros phénoménologique qui aime l'ordinateur cherche à en savoir plus sur ce monde nouveau dans lequel nous vivons, à partir de notre rapport à lui, et qui est le fruit de cette révolution que nous appelons informationnelle. Il va donc être question d'une enquête phénoménologique non de l'accès mais par le milieu, c'est-à-dire à partir d'une immersion dans un monde qui « possède la vertu de vibrer auprès de nous avec la vivacité du sens » (p. 52). Mais avant de partir « à la recherche des composantes et des étapes de ce qui constitue pour nous le frisson du computationnel », Jean-Michel Salanskis nous propose un panorama de cette nouveauté banale que nous voulons appeler révolution.
Exposé présenté le 21 mars 2013 dans le cadre du colloque « e-réputation et traces numériques : d... more Exposé présenté le 21 mars 2013 dans le cadre du colloque « e-réputation et traces numériques : dimensions instrumentales et enjeux de société » qui eut lieu à Toulouse. À l'heure des big data, où tous les comportements dans les espaces numériques génèrent des pétabytes de données qui sont par défaut récoltés (dataveillance) et stockés dans d'immenses bases de données (datawarehousing) afin de pouvoir être traités (datamining) par des algorithmes et de générer des profils qui seront ensuite assignés aux différents individus afin de leur suggérer l'environnement qui est le plus pertinent pour eux, nous retrouvons-nous enfermés dans des bulles et des destins identitaires ? S'il est du propre de l'écriture (numérique) de permettre une discrétisation du flux de parole dans un espace bidimensionnel ou algorithmique, c'est-à-dire si elle induit une spatialisation du temps, peut-on encore parler de trace puisque ce concept renvoie par définition à l'absence et au devenir, à l'ouverture du temps et du commun ? S'il n'y a pas de « traces numériques » dans les big data, les données numériques peuvent-elles en revanche faire trace, c'est-à-dire mettre en relation des devenirs plutôt que de figer des atomes dans l'espace de leurs bulles ? Et s'il n'y avait pas de traces numériques ?
Multitudes, Jan 1, 2011
Distribution électronique Cairn.info pour Assoc. Multitudes. © Assoc. Multitudes. Tous droits rés... more Distribution électronique Cairn.info pour Assoc. Multitudes. © Assoc. Multitudes. Tous droits réservés pour tous pays.
Talks by Cléo Collomb
Le développement des technologies touche aujourd’hui tous les domaines de l’existence, et semble ... more Le développement des technologies touche aujourd’hui tous les domaines de l’existence, et semble remettre en question de nombreux repères que l’on croyait stables.
Du premier ordinateur à la naissance d’Internet, en passant par les progrès de l’automatisation et de ce que certains appellent “l’intelligence artificielle”, le développement du numérique a impliqué des mutations dans le monde des humains. Mutations des relations interindividuelles sociales (réseaux sociaux), politiques et économiques (uberisation de l’économie, trading à haute fréquence), mutations des modalités de production de la connaissance (wikipedia, data visualisation), mutations des corps (lunettes, implants) et des facultés cognitives, mutations des rapports à l’espace et au temps (télétravail, géolocalisation, communications à distance en temps réel).
Les technologies numériques sont souvent présentées de manière ambivalente: tantôt chargées de promesses, tantôt perçues comme menaçantes et aliénantes, il conviendrait, pour s’en protéger, de pratiquer une ascèse de la dé-connexion. Mais le problème est plus profond que cela, et seul le développement d’une culture technique peut permettre de construire des repères créatifs pour s’orienter dans ces grandes mutations contemporaines.
Le numérique n’est pas qu’un outil dont il faudrait apprendre à faire bon usage. En tant que système technique, il constitue un véritable milieu, qui transforme nos manières de penser, de connaître, de percevoir et d’agir. L’humain n’est pas un sujet insulaire, hors du monde, faisant face aux moyens neutres de la technique. Il est tout entier constitué par la technique, des premiers silex aux outils numériques, en passant par les systèmes d’écriture. A partir d’une définition de l’humain qui intègre la technique comme inséparable de son existence et de ses capacités, nous donnerons à voir les façons dont humains et techniques se co-constituent pour interroger les spécificités de notre milieu technique contemporain: le numérique.
Ce texte est le support de notre intervention orale en anglais au colloque Reconfiguring Humans a... more Ce texte est le support de notre intervention orale en anglais au colloque Reconfiguring Humans and non-humans : Images, text and beyond qui s'est tenu les 29 et 30 novembre à l'université de Jyväskylä (Finlande). Il servira de base à la rédaction d'un article qui approfondira certains concepts présentés ici, mais il n'a pas été rédigé dans la perspective d'une publication dans une revue. Merci donc de le lire en prenant en compte ce contexte spécifique.
I describe why film directors and authors are inflicting a tsunami of despairing tales upon us… n... more I describe why film directors and authors are inflicting a tsunami of despairing tales upon us… not because any but a few of them actually believe it, but out of storytelling laziness, pure and simple […] I've spoken elsewhere of the tedious obsession with dystopia that allows so many writers of producer/directors to be plot lazy. It also spreads a poison, undermining our confidence that dystopia can be avoided, through hard work, good will and innovation. » -David Brin, 2014
Ni providence ni promesse : on pourrait dire que c'est la situation d'ensemble que la technique d... more Ni providence ni promesse : on pourrait dire que c'est la situation d'ensemble que la technique déploie. »
Cette communication propose une réflexion sur le concept de « trace numérique » en montrant que l... more Cette communication propose une réflexion sur le concept de « trace numérique » en montrant que les cadres de pensée ont un impact sur les mondes qu’ils font à chaque fois exister. Il s’agira concrètement de montrer en quoi la référence au paradigme indiciaire de Carlo Ginzburg (1989) pose nécessairement – me semble-t-il – la question des traces numériques dans les termes de l’aliénation et de la résistance, en faisant notamment référence aux travaux récents de Louise Merzeau (2013) et de Antoinette Rouvroy & Thomas Berns (2013). Je chercherai ensuite à éprouver en quoi la trace, comprise à partir des travaux de Derrida (1971), permet d’ouvrir la possibilité d’une certaine éthique de l’anonymat, temporisant – au-delà d’une résistance à l’aliénation – des potentiels communautaires à même ce dispositif technique qu’est l’informatique en réseau. Les traces seraient ainsi des actes positifs de dissolution subjective qui, algorithmiquement organisées, permettraient d’agencer un faire-collectif dont le mode d’expression serait le désœuvrement (Nancy, 1986).
Exposé présenté le 21 mars 2013 dans le cadre du colloque « e-réputation et traces numériques : d... more Exposé présenté le 21 mars 2013 dans le cadre du colloque « e-réputation et traces numériques : dimensions instrumentales et enjeux de société » qui eut lieu à Toulouse. À l'heure des big data, où tous les comportements dans les espaces numériques génèrent des pétabytes de données qui sont par défaut récoltés (dataveillance) et stockés dans d'immenses bases de données (datawarehousing) afin de pouvoir être traités (datamining) par des algorithmes et de générer des profils qui seront ensuite assignés aux différents individus afin de leur suggérer l'environnement qui est le plus pertinent pour eux, nous retrouvons-nous enfermés dans des bulles et des destins identitaires ? S'il est du propre de l'écriture (numérique) de permettre une discrétisation du flux de parole dans un espace bidimensionnel ou algorithmique, c'est-à-dire si elle induit une spatialisation du temps, peut-on encore parler de trace puisque ce concept renvoie par définition à l'absence et au devenir, à l'ouverture du temps et du commun ? S'il n'y a pas de « traces numériques » dans les big data, les données numériques peuvent-elles en revanche faire trace, c'est-à-dire mettre en relation des devenirs plutôt que de figer des atomes dans l'espace de leurs bulles ? Et s'il n'y avait pas de traces numériques ?
Edited Collections by Cléo Collomb
The “onlife” condition is a living sphere in which our practical and ethical action do not need t... more The “onlife” condition is a living sphere in which our practical and ethical action do not need to distinguish between informational and non-informational objects. For this reason, in the last twenty years digital technologies have generated a strong interest in the philosophical scenario and, since digital tracking has become a daily routine, it started gathering around itself the work of many philosophers, sociologists, anthropologists and media theorists. The aim of this seventh issue of Azimuth is to stir a philosophical debate in the belief that digital traces can offer a new paradigm starting from which we can re-think Humanism and the human being, its environment and its technical action in the world. In other words, we suggest the possibility a computational turn in philosophy comparable with the computational turn we have seen in many ‘hard’ and ‘soft’ sciences in these last ten or fifteen years.
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Papers by Cléo Collomb
Talks by Cléo Collomb
Du premier ordinateur à la naissance d’Internet, en passant par les progrès de l’automatisation et de ce que certains appellent “l’intelligence artificielle”, le développement du numérique a impliqué des mutations dans le monde des humains. Mutations des relations interindividuelles sociales (réseaux sociaux), politiques et économiques (uberisation de l’économie, trading à haute fréquence), mutations des modalités de production de la connaissance (wikipedia, data visualisation), mutations des corps (lunettes, implants) et des facultés cognitives, mutations des rapports à l’espace et au temps (télétravail, géolocalisation, communications à distance en temps réel).
Les technologies numériques sont souvent présentées de manière ambivalente: tantôt chargées de promesses, tantôt perçues comme menaçantes et aliénantes, il conviendrait, pour s’en protéger, de pratiquer une ascèse de la dé-connexion. Mais le problème est plus profond que cela, et seul le développement d’une culture technique peut permettre de construire des repères créatifs pour s’orienter dans ces grandes mutations contemporaines.
Le numérique n’est pas qu’un outil dont il faudrait apprendre à faire bon usage. En tant que système technique, il constitue un véritable milieu, qui transforme nos manières de penser, de connaître, de percevoir et d’agir. L’humain n’est pas un sujet insulaire, hors du monde, faisant face aux moyens neutres de la technique. Il est tout entier constitué par la technique, des premiers silex aux outils numériques, en passant par les systèmes d’écriture. A partir d’une définition de l’humain qui intègre la technique comme inséparable de son existence et de ses capacités, nous donnerons à voir les façons dont humains et techniques se co-constituent pour interroger les spécificités de notre milieu technique contemporain: le numérique.
Edited Collections by Cléo Collomb
Du premier ordinateur à la naissance d’Internet, en passant par les progrès de l’automatisation et de ce que certains appellent “l’intelligence artificielle”, le développement du numérique a impliqué des mutations dans le monde des humains. Mutations des relations interindividuelles sociales (réseaux sociaux), politiques et économiques (uberisation de l’économie, trading à haute fréquence), mutations des modalités de production de la connaissance (wikipedia, data visualisation), mutations des corps (lunettes, implants) et des facultés cognitives, mutations des rapports à l’espace et au temps (télétravail, géolocalisation, communications à distance en temps réel).
Les technologies numériques sont souvent présentées de manière ambivalente: tantôt chargées de promesses, tantôt perçues comme menaçantes et aliénantes, il conviendrait, pour s’en protéger, de pratiquer une ascèse de la dé-connexion. Mais le problème est plus profond que cela, et seul le développement d’une culture technique peut permettre de construire des repères créatifs pour s’orienter dans ces grandes mutations contemporaines.
Le numérique n’est pas qu’un outil dont il faudrait apprendre à faire bon usage. En tant que système technique, il constitue un véritable milieu, qui transforme nos manières de penser, de connaître, de percevoir et d’agir. L’humain n’est pas un sujet insulaire, hors du monde, faisant face aux moyens neutres de la technique. Il est tout entier constitué par la technique, des premiers silex aux outils numériques, en passant par les systèmes d’écriture. A partir d’une définition de l’humain qui intègre la technique comme inséparable de son existence et de ses capacités, nous donnerons à voir les façons dont humains et techniques se co-constituent pour interroger les spécificités de notre milieu technique contemporain: le numérique.