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PLUTARQUE
OEUVRES MORALES QUESTIONS NATURELLES.
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page 363 QUESTIONS NATURELLES (01). Pourquoi l'eau de la mer n'est-elle pas favorable � la v�g�tation des arbres ? [911c] Est-ce par la m�me raison qu'elle n'est pas propre � la nourriture des animaux? Car une plante, suivant Platon, [911d] Anaxagore et D�mocrite, est un animal terrestre. De ce qu'elle nourrit et abreuve les plantes marines, aussi bien que les poissons, il ne s'ensuit pas qu'elle serve � la v�g�tation des arbres et des plantes terrestres. Elle est trop �paisse pour pouvoir s'insinuer [jusqu'� leurs racines, et trop pesante pour s'�lever dans leur tige et dans leurs branches. Ce qui prouve, entre plusieurs autres raisons, qu'elle est pesante et charg�e d'une mati�re terreuse, c'est que les vaisseauxet les nageurss'ysoutiennent mieux que dans l'eau douce. Est-ce que la s�cheresse est tr�s nuisible aux arbres, et que l'eau de la mer est dessiccative ? Voil� pourquoi le sel emp�che la putr�faction, et que ceux qui se baignent dans la mer ont tr�s promptement la peau s�che et rude (02). [911e] Est-ce parceque l'huile est ennemie des plantes, et fait p�rir celles qui en sont arros�es ? Or, l'eau de la mer est grasse page 364 et onctueuse; aussi s'enflamme-t-elle ais�ment et d�fend-on d'en jeter sur le feu (03). Est-ce parce que l'eau de la mer n'est point potable � cause de l'amertume que lui communique, suivant Aristote, une terre br�l�e dont elle est charg�e? Ainsi la lessive se fait en jetant de l'eau douce sur de la cendre, � travers de laquelle l'eau se filtrant perd sa qualit� potable, comme dans le corps humain la fi�vre alt�re les humeurs et les convertit en bile. Quant aux arbres et aux plantes qui croissent, dit-on, dans la mer Rouge, ils ne portent aucun fruit et tirent leur v�g�tation des rivi�res, qui, en se d�chargeant dans la mer, y d�posent beaucoup [911f] de limon. Aussi ces productions v�g�tales naissent-elles toujours assez pr�s des bords.
Pourquoi les eaux de pluie sont-elles plus propres � la v�g�tation des arbres et
des plantes, que les autres eaux don t on Est-ce, comme le croit L�tus (04), parce que la pluie, qui entr'ouvre la terre par sa chute, y forme plusieurs conduits par o� l'eau p�n�tre jusqu'aux racines? Ou cette raison est-elle fausse? et L�tus [912a] se trompe-t-il faute d'avoir observ� que les plantes mar�cageuses, telles que le roseau, le jonc et la mousse, ne peuvent ni cro�tre ni verdir quand les pluies ne tombent pas dans leur saison ? Est-ce, comme le dit Aristote, parceque l'eau de pluie est fra�che et nou- page 365 velle, au lieu que celle des �tangs est ancienne et croupie? Ou cette raison a-t-elle plus de vraisemblance que de v�rit�? Car les eaux des fontaines et des rivi�res sont toujours fra�ches et nouvelles, puisque, suivant H�raclite, ou ne descend pas deux fois dans le m�me fleuve, parce que ses eaux se renouvellent sans cesse. Cependant elles sont moins favorables � la v�g�tation que les eaux de pluie. En effet, les eaux du ciel sont l�g�res, et m�l�es d'un air vif et subtil, dont les mol�cules fines et d�li�es p�n�trent [912b] ais�ment jusqu'aux racines de la plante, et montent dans sa tige. C'est de ce m�lange d'air que viennent les bulles d'eau que la pluie forme en tombant sur la terre. Ou bien l'eau pluviale est-elle plus nourrissante parce qu'elle est plus facilement �labor�e par les substances dont elle est l'aliment? car c'est l� ce qui en fait la coction. Au contraire, quand un aliment a trop de substance pour �tre facilement �labor�, il ne se dig�re pas. Ainsi les aliments simples, l�gers, et qui n'ont pas beaucoup de suc, se d�composent ais�ment. Et telle est l'eau de pluie : form�e dans la r�gion de l'air et du vent, elle tombe pure et sans m�lange. Mais l'eau des fontaines, modifi�e parles divers sols qu'elle traverse, y contracte plusieurs qualit�s qui la rendent plus difficile � �laborer et plus lente � se convertir, par sa coction, dans la substance des corps qu'elle fait v�g�ter. [912c] Au contraire, les eaux de pluie se d�composent plus promptement, et ce qui le prouve, c'est qu'elles ont plus de facilit� � se corrompre que les eaux des puits et des rivi�res. Or, la coction est une sorte de corruption, suivant Emp�docle, qui dit:
Sous l'�corce du
bois l'humidit� s'alt�re, Ou enfin la raison la plus simple et la plus naturelle, n'est-ce pas que l'eau de la pluie, tombant du milieu des airs, o� elle est battue par les vents, est plus douce et page 366 plus saine ? Aussi les troupeaux la pr�f�rent-ils � toutes les autres ; et quand les grenouilles sentent venir la pluie, l'attente d'une eau qui adoucira celle de leurs marais et en fera comme un assaisonnement agr�able leur fait pousser des cris de joie. Aratus regarde ces cris comme un des signes [912d] de la pluie :
Aussit�t des
serpents la mis�rable proie
III.
Est-ce , comme bien des gens le croient, afin qu'ils mangent davantage et qu'ils deviennent plus gras? L'acide du sel provoque leur app�tit, et, en ouvrant les pores de leur peau, il facilite la digestion. Voil� pourquoi le m�decin Apollonius, fils d'H�rophile, voulait qu'on nourr�t les gens maigres et secs, non d'aliments doux et de pain de froment, mais de viandes sal�es, [912e] dont les parties aigu�s causent une esp�ce de frottement qui distribue la nourriture dans toutes les parties du corps. Est-ce pour entretenir la sant� de leurs troupeaux en pr�venant un exc�s d'embonpoint, qu'ils les accoutument � l�cher du sel? Il est certain qu'ils tombent malades quand ils sont trop gras, et le sel fond et dissipe leur graisse. Il fait aussi qu'apr�s qu'ils ont �t� �gorg�s, on les �corche plus facilement, parce que l'acide du sel a rendu plus d�li�e et plus flexible la graisse qui leur collait la peau � la chair. D'ailleurs, l'usage du sel donne au sang plus de fluidit�, et emp�che les humeurs de s'�paissir. Un autre avantage de cet aliment, c'est qu'il rend les animaux plus ardents et plus propres � se reproduire. Les chiennes [912f] qui mangent des viandes sal�es con�oivent plut�t que les autres ; et, dans les vaisseaux charg�s de sel, page 367 on voit plus de souris que dans les autres navires , parce que ces animaux s'y accouplent plus souvent (05). Pourquoi les eaux de pluie , qui tombent avec des tonnerres et des �clairs , et que , pour cette raison , on appelle fulgurales , sont-elles plus propres � arroser que les autres ? Est-ce parce qu' elles contiennent plus d' esprits � cause de l'agitation de l'air, et que le mouvement qu'il donne � l'eau fait qu'elle se distribue mieux dans les plantes? Est-ce que les tonnerres et [913a] les �clairs �tant produits par le combat du chaud et du froid dans l'atmosph�re (ce qui fait que le tonnerre est rare en hiver et fr�quent au printemps et en automne � cause de la temp�rature in�gale de ces deux saisons), la chaleur, en donnant � l'eau une plus grande coction , la rend plus convenable et plus salutaire aux plantes? Est-ce parce que les tonnerres et les �clairs sont plus fr�quents au printemps par la raison que nous venons de dire , et que les pluies de cette saison sont n�cessaires aux semences avant l'�t� ? Aussi les pays o� le printemps est pluvieux, comme en Sicile, sont -ils abondants en bons fruits. Pourquoi, des huit saveurs que nous connaissons, la saveur sal�e est-elle la seule qui ne se trouve en aucun fruit? Le fruit de l'olivier est amer dans le principe , et celui de la vigne est acide ; [913b] mais en m�rissant , l'amertume de page 368 l'olive se change en une liqueur grasse et onctueuse, et l'acidit� du raisin en saveur vineuse. L'�pret� des dattes et l'aigreur des grenades se convertissent en un suc doux. Quelques esp�ces de grenades et de pommes sont simplement acides, et l'�cret� est commune � un grand nombre de graines et de racines. Est-ce que la saveur sal�e n'est point naturelle aux fruits , et qu'elle ne s'y forme qu'apr�s que leurs saveurs primitives ont �t� alt�r�es ? Aussi ne peut-elle servir de nourriture aux animaux qui vivent d'herbes et de grain; elle est seulement pour quelques-uns l'assaisonnement de leur nourriture, et pr�vient en eux le d�go�t et la sati�t�. [913c] Est-ce que, comme en faisant bouillir de l'eau de mer, on lui �te son sel et son �cret�, de m�me , dans les substances naturellement chaudes, la saveur sal�e est �mouss�e par la chaleur? Ou bien la saveur des plantes n'est-elle, comme le veut Platon, qu'une eau filtr�e � travers leur tige? Or, l'eau de la mer, quand elle a �t� filtr�e, a d�pos� son sel, qui est form� de ses parties les plus grossi�res et les plus terreuses. Aussi, quand on creuse aupr�s de ses bords, y trouve-t-on des d�p�ts d'eau douce. On puise m�me au milieu de la mer de l'eau douce dans des vases de cire au travers desquels elle filtre et se d�gage de ce qu'elle contient de parties terreuses et sal�es. D'ailleurs, l'eau de la mer, en filtrant � travers l'argile, devient potable , parce que cette mati�re ne laisse point d'issue [913d] aux parties grossi�res et terreuses que l'eau contient. D'apr�s cela, il est vraisemblable que les plantes ne re�oivent pas du dehors la saveur sal�e , ou que , si elle se produit dans leur tige, elles ne la communiquent point aux fruits. La t�nuit� de leurs pores fait que les parties grossi�res et terreuses qui constituent ce sel ne peuvent pas s'y insinuer. Faut-il enfin regarder la saveur sal�e comme faisant page 369 partie de lu saveur am�re? Hom�re semble le faire entendre , lorsqu'il dit d'Ulysse : Sa bouche vomissait des flots d'une onde am�re. Platon pr�tend que ces deux saveurs ont la propri�t� de s�cher et de d�terger, mais la saveur sal�e moins que l'am�re, parce qu'elle n'a pas autant d'�pret�. Le sal� diff�re de l'amer [913e] en ce qu'il a moins de s�cheresse, quoique cependant il soit dessiccatif. Pourquoi, quand on marche fr�quemment entre des arbres couverts de ros�e , les parties du corps qui y touchent deviennent-elles galeuses? Est-ce, comme le dit L�tus, parce que les parties d�li�es et subtiles qui composent la ros�e raclent et �raillent la peau, ou bien, comme les graines mouill�es sont sujettes � se moisir, arrive-t-il aussi que les parties les plus tendres et les plus color�es de la peau �tant ramollies et gerc�es par la ros�e , il s'y forme une efflorescence nuisible qui s'attache aux parties du corps les moins sanguines, comme les jambes et les pieds, et en �corche [913f] la superficie? On ne peut douter que la ros�e n'ait une vertu mordicante, puisqu'elle fait maigrir les gens gras, et que les femmes charg�es d'embonpoint recueillent de la ros�e dans du linge ou dans de la laine, et s'en frottent le corps afin de se faire maigrir. Pourquoi les navires vont-ils plus lentement l'hiver sur les rivi�res, et qu'il n'en est pas de m�me sur la mer? Est-ce parce que l'air des rivi�res, toujours pesant et difficile � mouvoir, est encore plus condens� par le froid page 370 de l'hiver et retarde la marche des navires, ou est-ce l'eau des rivi�res qui �prouve cette condensation plut�t que l'air ? [914a] Le froid, en la resserrant, la rend plus �paisse et plus pesante, comme on peut l'observer dans les clepsydres , o� elle coule plus lentement l'hiver que l'�t�. Th�ophraste raconte qu'il y a pr�s du mont Pang�e (06), dans la Thrace, une fontaine dont le m�me volume d'eau , p�se deux fois plus en hiver qu'en �t�. Ce qui prouve que cet �paississement de l'eau rend la navigation plus lente, c'est que les bateaux portent de plus grandes charges l'hiver que l'�t�, parce que l'eau, devenue plus �paisse et plus pesante, est capable de r�sister � une plus forte pression. Pour l'eau de la mer, sa chaleur l'emp�che d'�tre condens�e par le froid, et m�me de geler pendant l'hiver ; [914b] car la condensation est une sorte de refroidissement. Pourquoi les eaux douces se refroidissent-elles quand on les remue, et que la mer s'�chauffe lorsqu'elle est agit�e? Est-ce parce que la chaleur �tant �trang�re et accidentelle aux eaux douces , le mouvement l'en fait sortir et la dissipe ; au lieu que la chaleur �tant naturelle � l'eau de la mer, les vents ne font que l'exciter et l'augmenter davantage ? Une preuve de sa chaleur, c'est sa transparence et la propri�t� qu'elle a de ne point geler, quoiqu'elle soit terreuse et pesante. Pourquoi l'eau de la mer est-elle, pendant l'hiver, moins arri�re au go�t ? [914c] Denys, celui qui a �crit sur la mani�re de conduire les page 371 eaux, pr�tend, dit-on, que la mer n'est pas si compl�tement am�re qu'elle soit priv�e de toute douceur, attendu qu'elle re�oit dans son sein un grand nombre de fleuves consid�rables. Le soleil pompe la portion d'eau douce que sa l�g�ret� tient � la surface de la mer; et comme cette �vaporation est plus abondante en �t�, au lieu que l'hiver, la chaleur du soleil �tant plus faible, il agit moins sur les eaux , il reste dans la mer une plus grande quantit� d'eau douce qui temp�re son amertume et son d�go�t. Les eaux douces elles-m�mes sont, jusqu'� un certain point, sujettes � cette vicissitude. L'�t�, elles n'ont pas aussi bon go�t qu'en hiver, parce que la chaleur r�sout en vapeurs les parties les plus l�g�res et les plus douces. Pendant l'hiver, [914d] la douceur des eaux se renouvelle sans cesse, et la mer doit n�cessairement s'en ressentir � cause de son agitation et des rivi�res qui s'y d�chargent. Pourquoi m�le-t-on de l'eau de mer dans le vin? On raconte que des p�cheurs re�urent ordre d'un oracle de plonger Bacchus dans la mer; et ceux qui sont loin de h mer mettent dans le vin du pl�tre de Zacynthe (07), cuit au four. Est-ce que la chaleur de l'eau de mer sert de pr�servatif contre le froid, ou plut�t, n'est-ce pas pour l'affaiblir et lui- �ter sa rudesse ? Ou, comme le vin est sujet � se tourner en eau et � s'�venter, les substances terreuses qu'on y met pr�viennent-elles cette alt�ration par leur vertu astringente ? Quant � l'eau de la mer, le sel qu'elle page 372 contient subtilise et dissout les substances h�t�rog�nes qui se trouvent dans le vin, [914e] et emp�che qu'il ne contracte une odeur d�sagr�able ou un go�t fade. D'ailleurs , les parties terreuses et grossi�res du vin s'attachant � ces corps �trangers et pesants qu'on y m�le, la lie se pr�cipite au fond du tonneau, et le vin se clarifie. Pourquoi ceux qui voyagent sur mer, m�me par un temps calme, �prouvent-ils plus de naus�es que ceux qui naviguent sur des rivi�res? Est-ce qu'entre nos sensations et nos passions diverses, il n'en est point qui soul�vent plus fortement le c�ur que les odeurs et la peur? D�s qu'un homme est vivement affect� par la crainte du p�ril, il tremble , il frissonne , et son estomac en est d�rang�. Ceux qui naviguent sur des fleuves n'�prouvent aucun de ces accidents; leur odorat est accoutum� � l'eau douce des rivi�res, et la navigation est sans danger. Sur mer, [914f] ils respirent une odeur d�sagr�able et � laquelle ils ne sont point faits. Ils craignent la temp�te dans le beau temps, dont la jouissance pr�sente ne les rassure pas sur l'avenir. Ainsi le calme ext�rieur ne leur sert de rien pour leur tranquillit� personnelle, et la peur qui tourmente leur �me remplit leur corps d'agitation et de trouble. Pourquoi l'huile qu'on r�pand sur la mer la rend-elle calme et transparente? Est-ce, comme le dit Aristote, parce que le vent qui glisse sur la surface unie de l'huile n'a plus d'action sur les flots et ne peut y exciter aucun mouvement? Cette raison a assez de vraisemblance pour la surface de la mer; page 373 [915a] mais on dit que les plongeurs qui prennent de l'huile dans leur bouche, et l'en font sortir en soufflant quand ils sont au fond de la mer, voient clair au travers de l'eau ; or, on ne saurait rapporter cet effet � la cause pr�c�dente: Cela viendrait-il donc de ce que l'huile, qui est un liquide tr�s doux, divise et unit l'eau de la mer, naturellement charg�e de substances terreuses et d'une surface in�gale? Mais lors m�me que l'eau se rapproche et se resserre, elle laisse toujours de petites ouvertures qui donnent passage � la vue, et lui font apercevoir les objets de la mer. Serait-ce que l'air qui se trouve m�l� avec l'eau de la mer est lumineux et transparent � cause �le sa chaleur naturelle, et qu'il ne devient in�gal et t�n�breux que quand on l'agite? Lors donc que [915b] l'huile vient par sa densit� � aplanir l'in�galit� de l'air, alors il devient uni et transparent (08). Pourquoi les filets des p�cheurs pourrissent-ils plut�t en hiver qu'en �t�, tandis qu'il arrive tout le contraire aux autres substances ? Est-ce, comme le pense Th�ophraste, parce que le chaud c�dant � l'action du froid qui le presse, et le resserre de tous c�t�s, le fond de la mer en devient plus chaud; ce qui arrive aussi dans l'int�rieur de la terre? C'est ce qui fait que les eaux des fontaines sont plus ti�des en hiver, et qu'on voit les lacs et les rivi�res fumer page 374 davantage dans cette saison, parce que la chaleur est concentr�e au fond de leur lit par le froid qui le surmonte ? Ou bien est-il vrai que les filets ne pourrissent r�ellement pas; mais qu'apr�s avoir �t� gel�s et roidis par le froid, [915c] ils sont facilement rompus par les vagues, comme s'ils �taient pourris ? La gel�e les travaille et les fatigue comme les arcs trop tendus se brisent, d'autant que dans l'hiver la mer est plus souvent agit�e. Voil� pourquoi les p�cheurs donnent � leurs filets une teinture qui, rendant le tissu plus serr�, emp�che qu'ils ne se rel�chent et ne se rompent trop facilement ; car s'ils n'�taient pas teints, ils tromperaient mieux les poissons, parce que la couleur naturelle du lin, qui approche de celle de l'air, est peu sensible dans l'eau. Pourquoi les Doriens font-ils une mauvaise r�colte en foin ? Est-ce parce qu'il ne faut pas serrer le foin quand il est humide ? On le fauche qu'il est encore vert, et il pourrit promptement [915d] s'il re�oit la pluie. Au contraire, si le froment est mouill� avant la moisson, la pluie lui sert de pr�servatif contre la chaleur des vents du midi, qui emp�chent que le grain ne se resserre dans l'�pi, et le font s'ouvrir et se rel�cher, � moins que la terre, arros�e par la pluie, ne l'humecte et ne la rafra�chisse. Pourquoi le froment vient-il mieux dans une terre grasse et forte, et forge dans un terrain sec et sablonneux? Est-ce parce que les grains d'une substance plus solide ont besoin de plus de nourriture, et que les plus faibles en demandent une moins abondante et plus l�g�re? Or, l'orge est plus faible et moins compacte que le froment: page 375 aussi est-elle moins nourrissante. Une preuve de sa l�g�ret�, c'est qu'elle m�rit dans l'espace de trois mois, [915e] et qu'elle vient mieux dans un terrain sec, parce qu'elle a moins de suc, et qu'il lui faut peu de nourriture; ce qui fait qu'elle cro�t promptement (09). Pourquoi dit-on : Semez le froment dans la boue, et l'orge dans la poussi�re ? Est-ce, comme nous l'avons d�j� dit, parce qu'il faut au froment une plus forte nourriture, et que l'orge ne pourrait supporter une humidit� trop abondante qui la noierait? Est-ce que le froment �tant plus compacte et approchant de la nature du bois, il germe mieux dans un terrain humide, o� il est amolli et d�tremp� ; que l'orge, moins dense, a besoin, quand elle commence � germer, d'un terrain sec? Est-ce qu'un sol de cette nature est, par sa chaleur, plus convenable et moins nuisible � l'orge, qui est naturellement froide? Craint-on de semer le froment dans un terrain sec, parce que les fourmis [915f] vont sur-le-champ s'y �tablir pour en emporter les grains, au lieu qu'elles ne peuvent pas transporter si facilement les grains d'orge, qu'elles ont m�me de la peine � les remuer, � cause de leur grosseur? Pourquoi les p�cheurs, pour faire leurs lignes, pr�f�rent-ils les poils des chevaux � ceux des juments ? Est-ce que dans le m�le les poils sont, comme tout le reste, plus forts que dans la femelle ? [916a] ou croient-ils que dans les juments, les poils de la queue sont moins bons page 376 que ceux des chevaux, parce qu'ils sont toujours baign�s �le l'urine de ces animaux? Pourquoi l'apparition d'un, calmar sur la mer est-elle le signe d'une grande temp�te ? Est-ce que tous les poissons du genre de ceux que les lirecs appellent mous sont tr�s sensibles au froid, parce qu'ils ont la chair d�licate et qu'ils sont nus, car ils n'ont ni peau, ni �cailles, ni coquille, et que tout ce qu'ils ont de dur et d'osseux est en dedans de leur corps; c'est pour cela qu'on les appelle mous? Leur grande sensibilit� au froid fait qu'ils pressentent de loin la temp�te. Quand le polype court vers la terre, et qu'il s'attache aux rochers, c'est un pronostic du vent qui va s'�lever; [916b] de m�me le calmar saute hors de l'eau quand il veut �viter le froid et l'agitation qui se pr�parent au fond de la mer; car il est, de tous les poissons mous, celui qui a la chair la plus tendre et la plus susceptible des impressions ext�rieures. Pourquoi le polype change-t-il �le couleur ? Est-ce, comme le dit Th�ophraste, parce que cet animal, naturellement timide, change de couleur quand ses esprits sont troubl�s, comme il arrive � l'homme dans la peur. De l� le proverbe : Le l�che craint souvent et change de couleur. Mais s'il est vraisemblable que la crainte op�re ce changement de couleur, suffit-elle pour lui faire prendre les teintes des objets dont il s'approche, par exemple de chaque rocher auquel il s'attache? Ce qui a fait dire � Pindare : page 377
Du polype imitez la
couleur variable : [916c] Th�ognis a dit aussi :
Imitez le polype et
sa changeante humeur, Aussi, dit-on que les hommes qui excellent en finesse et en ruse, et qui veulent tromper sans �tre d�couverts, ont soin d'imiter le polype, et que cette facilit� � changer est pour eux comme un v�tement qu'ils prennent et qu'ils quittent � leur gr�. La crainte peut donc �tre une premi�re cause de ce changement de couleur dans le polype. Mais il faut en chercher ailleurs la principale cause. Vous savez ce que dit Emp�docle : [916d] Chaque corps a toujours ses �manations. Elles sortent continuellement, non seulement des animaux, des plantes, de la terre et de la mer, mais encore des pierres, du cuivre et du fer. Tous les corps s'usent peu � peu, et l'odeur qu'ils exhalent atteste qu'il en �mane sans cesse une portion de leur substance qui les �puise insensiblement. Ces �manations font que les corps s'attirent les uns les autres, qu'ils s'accrochent, qu'ils s'unissent, qu'ils se frappent, se poussent et s'environnent mutuellement. Cela est vrai surtout des pierres qui, plac�es sur le bord de la mer, sont toujours baign�es et battues par les vagues qui en emportent sans cesse quelques l�gers fragments. Ils ne s'attachent pas aux [916e] autres corps, mais glissent sur ceux dont les pores sont �troits et serr�s, et ils passent � travers ceux dont les pores sont larges et ouverts. Or, il suffit de jeter les yeux sur un polype pour voir que sa peau est perc�e d'une infinit� de pores, comme un rayon de miel, et qu'elle est propre � page 378 recevoir toutes sortes d'�manations. Lors donc qu'il a peur, il serre et comprime son corps ; en sorte que les �manations des corps qui l'environnent s'arr�tent � la surface de sa peau et s'y conservent. Les rides que forme alors sa peau molle, qui se fronce de peur, sont comme des sillons tortueux qui emp�chent que les �manations qu'il re�oit ne se dissipent, qui, au contraire, les rassemblent et les fixent � la surface de son corps avec la couleur [916f] des objets d'o� elles partent (10)... Une preuve frappante de la cause que j'assigne ici de ce ph�nom�ne, c'est que le polype ne prend pas la couleur de tous les objets dont il approche, ni le cam�l�on la couleur blanche, mais seulement celle des corps dont les �manations sont proportionn�es � leurs pores (11). Pourquoi les larmes des sangliers sont-elles douces, et celles des cerfs, sal�es et d'un go�t d�sagr�able ? [917a] La chaleur et le froid respectifs de ces animaux paraissent en �tre la cause. Le cerf est naturellement froid ; le sanglier est chaud et bouillant, son temp�rament est de feu. Aussi le cerf prend-il la fuite � la premi�re attaque; l'autre fait t�te � ceux qui viennent l'assaillir, et surtout quand la col�re lui arrache des larmes. La grande chaleur qui se porte alors � ses yeux lorsque, suivant Hom�re, Ses crins sont h�riss�s, ses yeux sont pleins de flamme ; cette chaleur fait que les larmes qui en d�coulent sont douces. D'autres, comme Emp�docle, croient que les page 379 larmes sont une s�cr�tion du sang qui a �t� troubl�, comme le petit-lait s'exprime du lait qu'on agite. Ainsi, le sang du sanglier �tant noir et mordant, [917b] celui du cerf l�ger et aqueux, il est naturel que ce qui est exprim� dans la col�re de l'un et dans la frayeur de l'autre participe � ses qualit�s (12). Pourquoi les truies font-elles des petits plusieurs fois l'ann�e et chacune en diff�rents temps, au lieu que les laies ne font des marcassins qu'une fois seulement, et toutes � peu pr�s � la m�me �poque, c'est-�-dire au commencement de l'�t�, d'o� est venu ce proverbe : La laie a des petits, les nuits seront sans pluie ? Est-ce la grande quantit� de nourriture qui rend les truies si f�condes ? car on dit commun�ment : V�nus se pla�t toujours au sein de l'abondance. Cette nourriture abondante produit une fr�quente s�cr�tion de semence dans les animaux et dans les plantes. [917c] Or, les laies cherchent-elles elles-m�mes leur nourriture avec beaucoup de travail et de crainte, tandis que les truies l'ont toujours � discr�tion, soit dans les productions spontan�es de la terre, soit dans les aliments qu'on leur pr�pare ? Cette diff�rence vient-elle de ce que les unes sont dans une oisivet� continuelle et les autres toujours en action? Les truies sont naturellement paresseuses et ne s'�loignent gu�re de ceux qui les gardent. Les laies gravissent sur les montagnes et courent de c�t� et d'autre, ce qui fait que tout ce qu'elles mangent est employ� � les page 380 nourrir, et qu'il n'en reste presque point pour la semence. Est-ce parce que les truies sont toujours en troupe avec leurs m�les, ce qui les �chauffe et les invite � s'accoupler ; car, comme dit Emp�docle en parlant des hommes , Le regard seul excite un amoureux d�sir. Les laies, au contraire, vivent solitairement et ne paissent pas avec les m�les. Ainsi, leurs d�sirs, rarement excit�s, les portent moins � s'accoupler. [917d] Est-il vrai, comme le dit Aristote, que l'�pith�te qu'Hom�re donne au sanglier signifie qu'il n'a qu'un des organes g�n�rateurs, parce que ces animaux se froissent souvent ces parties en les frottant contre les arbres? Pourquoi la patte de l'ours passe-t-elle pour douce au tact, et ta chair tr�s bonne � manger ? C'est que les parties du corps qui dig�rent le mieux la nourriture ont la chair plus d�licate, et que. les parties qui dig�rent le mieux sont celles qu'un mouvement et un exercice habituels font transpirer davantage. L'ours agit de ses pieds de devant beaucoup plus que d'aucune autre partie de son corps. Il les exerce quand il marche et quand il court, et ils lui servent comme de mains pour saisir lotit ce qu'il veut prendre. XXIII. Pourquoi, dans le printemps, les chiens ont-ils plus de peine � suivre les animaux � la piste ? [917e] Est-ce parce que les chiens, qui, comme le dit Emp�docle, En suivant � l'odeur la trace de la b�te. page 381 sont attir�s par les �manations qui sortent de son corps et qu'elle laisse en passant dans les bois, ne les re�oivent au printemps qu'affaiblies et confondues avec les odeurs des plantes et des arbrisseaux, qui, dans cette saison, sont presque tous en fleur? et ces odeurs, en se m�lant aux �manations des animaux, mettent les chiens en d�faut et leur font perdre la trace. Voil� pourquoi l'on ne chasse jamais pr�s du mont Etna, en Sicile, [917f] parce que les prairies voisines sont couvertes toute l'ann�e de plantes odorif�rantes, dont les �manations continuelles font perdre la trace des animaux (13). D'ailleurs, selon la Fable, ce fut l� que Pluton ravit Proserpine pendant qu'elle cueillait des fleurs ; et les habitants, par respect pour ce lieu, qu'ils regardent comme un asile sacr�, ne font point la chasse aux animaux qui y habitent. Pourquoi, dans la pleine lune, suit-on plus difficilement la trace des animaux? Est-ce encore par la raison que je viens de dire ? Dans la pleine lune la ros�e est tr�s abondante ; [918a] aussi le po�te Alcmane dit-il que la ros�e est fille de Jupiter et de la lune :
Fille de Jupiter et
de l'astre des nuits, La ros�e est une pluie faible et l�g�re, comme la lumi�re de la lune n'est qu'une clart� d�bile. Elle pompe aussi bien que le soleil les vapeurs de notre globe ; mais, ne pouvant les attirer bien haut, elle les laisse retomber aussit�t sur la surface de la terre. page 382 Pourquoi la gel�e blanche rend-elle la trace des animaux plus difficile � suivre ? Est-ce parce que les animaux, s'�cartant peu de leur g�te � cause du froid, ne laissent pas au loin des traces de leur passage? On dit m�me qu'ils m�nagent les aliments qui sont � leur port�e afin de trouver ais�ment leur p�ture dans le voisinage et de n'avoir pas � souffrir du froid en allant la chercher [918b] trop loin. Ou faut-il non seulement que la trace de l'animal soit imprim�e sur la terre, mais encore que l'odorat du chien soit averti par l'odeur que la b�te y a laiss�e ? ce qui est plus facile en �t�, o� la voie des animaux est amollie par la chaleur, au lieu que le grand froid, resserrant cette odeur, l'emp�che de se r�pandre et de venir frapper l'organe du chien. Voil� pourquoi le vin et les parfums exhalent moins d'odeur pendant l'hiver, parce que l'air condens� par le froid concentre en lui-m�me les exhalaisons qui en �manent et emp�chent qu'elles ne se r�pandant au loin. Pourquoi les animaux, quand ils sont malades, savent-ils chercher les rem�des qui leur sont propres, et souvent se gu�rir par leur usage ? Les chiens, par exemple, mangent du chiendent pour se d�livrer de la bile qui les incommode. Les pourceaux vont chercher des �crevisses [918c] pour se gu�rir du mal de t�te. Quand la tortue a mang� de la vip�re, elle a recours � l'origan pour lui servir de contrepoison. Lorsqu'un ours est d�go�t�, il tire sa langue aupr�s d'une fourmili�re, et quand elle est couverte de fourmis, il les avale et se gu�rit. Ces animaux cependant ne doivent la connais- page 383 sance de ces rem�des ni au hasard ni � l'exp�rience.
Serait-ce que, comme
les abeilles sont attir�es par le miel et les vautours par les cadavres, de m�me
les pourceaux le sont par les �crevisses, les tortues par l'origan et les ours
par les fourmis, et que cette attraction est l'effet des �manations odorantes
qui sortent de ces derniers animaux, et non d'un sentiment qui enseigne aux
premiers ce qui leur est utile? [918d] Cela vient-il de la constitution de leur corps,
qui cause, dans les animaux malades dont les humeurs sont alt�r�es, des app�tits
extraordinaires, des aigreurs, des fadeurs ou d'autres sensations �tranges,
comme il arrive m�me aux femmes grosses, qu'on voit manger quelquefois des
pierres et de la terre ? Aussi les m�decins habiles connaissent-ils, par les
app�tits et les go�ts de leurs malades, si leur �tat est sans ressource ou s'ils
gu�riront de leur maladie. Le m�decin Mn�sith�e (14)
raconte qu'un pulmonique qui, au commencement de sa malaladie, eut envie de
manger des oignons, fut gu�ri, et qu'un autre, qui avait demand� des figues,
mourut : c'est que les app�tits et les go�ts suivent les dispositions du corps,
et que les dispositions sont analogues � la nature des maladies. [918e] Il est donc
vraisemblable que les animaux dont les maladies ne sont pas d�cid�ment
mortelles, se trouvent dans des dispositions qui produisent en eux des app�tits
par lesquels ils sont pouss�s vers les rem�des Pourquoi le vin nouveau se conserve-t-il longtemps doux quand le vaisseau qui le contient est expos� � un air froid ? Est-ce que le changement de la saveur douce en li- page 384 queur vineuse, �tant une sorte d�coction produite par la chaleur, le froid emp�che que ce changement ne s'op�re ? Ou, au contraire, la saveur douce n'est-elle pas naturelle au raisin ? et n'est-ce pas ce qui fait dire qu'il m�rit lorsqu'il devient doux? Or, le friod, qui concentre la chaleur du vin nouveau et l'emp�che de s'�vaporer, [918f] lui conserve longtemps sa douceur. C'est ce qui fait que lorsqu'on vendange par la pluie, le vin nouveau ne fermente pas si bien, parce qu'il ne peut bouillir que par l'action de la chaleur, et que le froid la comprime et l'emp�che d'agir. Pourquoi, de tous les animaux sauvages qu'on prend dans des filets, l'ours est-il celui qui les d�chire le moins, au lieu que les loups et les renards ont coutume de les rompre avec les dents? Est-ce que les dents de l'ours �tant plac�es bien avant i!ans sa gueule, il ne peut saisir les cordes des filets, parce que ses l�vres, qui sont larges et �paisses, se mettent entre deux? [919a] Est-ce qu'ayant plus de force dans ses pattes de devant, il s'en sert pour arracher les toiles? Ou bien use-t-il � la fois des pattes et des dents, des premi�res pour d�faire les filets, et des secondes pour se d�fendre contre les chasseurs. Mais rien ne lui sert davantage que de se rouler, car au lieu d'avoir besoin de ses dents pour d�chirer les toiles, souvent il passe par-dessous et s'�chappe. Pourquoi sommes-nous plus �tonn�s de voir des sources d'eau chaude que des sources d'eau froide, quoique la chaleur soit la cause des premi�res, et le froid celle des autres? Il ne faut pas croire, avec quelques physiciens, que la chaleur �tant une qualit� r�elle, [919b] le froid ne soit qu'une page 385 simple privation de chaleur, car il s'ensuivrait alors que ce qui n'a point d'existence produirait un �tre r�el. Mais il semble qu'on soit port� naturellement � admirer ce qui est rare, et qu'on recherche avec plus d'empressement ce qu'il n'est pas ordinaire de voir.
Regarde au haut des
airs cet espace azur�, Combien la nuit il �tale de merveilles ! Que de beaut�s il nous offre pendant le jour ! Cependant la plupart des hommes ne les admirent pas : ils ne sont pas frapp�s ni des couleurs de l'arc-en-ciel, ni des teintes si vari�es des nuages, ni des �clairs qui les entr'ouvrent et les sillonnent par des traits si vifs de lumi�re... (15). Pourquoi compare-t-on � des boucs les vignes et les jeunes plantes qui ne portent point de fruit? [919c] Est-ce parce que les boucs qui sont trop gras sont peu propres � engendrer et que l'exc�s de leur graisse fait qu'ils ont de la peine � s'accoupler avec leurs femelles? Car les germes productifs dans ces animaux sont le superflu des aliments qui servent � leur nourriture. Quand donc un animal ou un arbre est trop �pais et trop gras, c'est une preuve qu'il consume pour son accroissement tout ce qu'il prend de nourriture, et qu'il n'en reste point ou presque point de superflu. Pourquoi la vigne s�che-t-elle lorsqu'on l'arrose avec du vin, m�me de celui qu'elle a produit ? Est-ce qu'il en est de la vigne comme des ivrognes, qui page 386 deviennent chauves parce que la chaleur du vin fait �vaporer l'humidit� de leur cerveau? Est-ce que la liqueur vineuse est un effet de l'alt�ration du vin, comme le pr�tend Emp�docle ?
[919d] Sous l'�corce du
bois l'humidit� s'alt�re, Lors donc qu'on arrose la vigne avec du vin, cette liqueur est pour elle comme un feu qui consume l'humidit� destin�e � la nourrir. Ou bien le vin, qui est astringent, emp�che-t-il, en p�n�trant jusqu'aux racines du cep, dont il resserre et condense les pores, que l'eau, qui doit abreuver la plante et la faire bourgeonner, ne s'�l�ve dans sa tige ? Ou est-il contre la nature de la vigne qu'elle re�oive de nouveau dans son sein ce qui en a �t� tir� ? Car l'humidit� qui est dans les plantes et qui les a fait fleurir ne peut plus servir � leur nourriture, [919e] ni faire une seconde fois partie de leur substance. (01) Les questions dont Plutarque se propose la solution dans ce trait� appartiennent toutes � la physique, comme le litre l'indique. Nous avons d�j� observ� que ce n'�tait pas la partie brillante de la philosophie des anciens. Tout cependant n'y est pas � rejeter. Au milieu des erreurs qui y dominent on voit briller des traits de lumi�re. Si quelques unes de ces questions sont indiff�rentes ou oiseuses, si d'autres ne sont pas r�solues par les principes d'une saine physique, plusieurs sont int�ressantes par leur objet, et offrent des solutions satisfaisantes. (02) L'eau de la mer contient une mati�re grasse qu'on a crue longtemps un bitume min�ral, mais que les physiciens modernes regardent comme une substance animale qui provient des animaux marins. (03) La substance grasse que l'eau de la mer contient est cause qu'elle s'enflamme plus ais�ment qu'aucune autre esp�ce d'eau, et qu'elle augmente l'action du feu. Auguste dut en grande partie la victoire d'Aclium au feu que ses soldats mirent aux vaisseaux d'Antoine, et dont ils augment�ront tellement les progr�s en y jetant de l'eau de la mer, qu'il ne fut plus possible d'arr�ter l'incendie. (04) Je ne connais d'autre �crivain de ce nom qu'un historien latin, sur nomme Pomponius, qui avait �crit sur les m�urs des Romains. J'ignore si c'est de lui que Plutarque parle. (05) C'est une v�rit� g�n�ralement reconnue que cette influence du sel sur lisante des troupeaux, sur leur f�condit�, sur la beaut� et la finesse de leurs laines. Il est d'exp�rience que, dans les pays o� le sel est assez commun pour qu'ils plissent en faire un usage ordinaire, ils sont rarement sujets � des maladies contagieuses. Que de motifs pour faciliter partout cet usage ! et c'est pr�cis�ment ce qu'on ne fait pas. (06) Le mont Pang�e est situ� le long du fleuve Nestus, dans le voisinage de l'ancienne Mac�doine. Il avait d'abord port� le nom de mont Caramamus. (07) Zacynthe, aujourd'hui Zante, avait fait partie des �tats d'Ulysse; c'est une des �les les plus agr�ables de la mer de Gr�ce, au couchant de la Mor�e ; elle est tr�s fertile, et surtout en raisins de Corinthe. Il y a un lac d'o�, suivant H�rodote, liv. IV, ch. 195, on lirait de la poix. Il en fournit encore beaucoup, et elle est tr�s bonne a calfeutrer les vaisseaux. (08) Cette propri�t�, de l'huile, de calmer les vagues de la mer, rapport�e par Aristote, Pline el Plutarque avait �t� mise par nos modernes au rang des fables absurdes dont la physique des anciens nous offre plus d'un exemple. Elle a �t� cependant attest�e par 1os t�moignages les plus graves elles plus nombreux. On en trouve les preuves dans une lettre �crite � la Soci�t� royale de Londres, par le c�l�bre Franklin, et pr�c�d�e d'une autre lettre sur le m�me sujet, � un ami de ce grand physicien. Elles contiennent un grand nombre de faits qui ne permettent gu�re, ce semble, de r�voquer en doute cette propri�t�. (09) Il y aune esp�ce d'orge, appel�e orge carr�e, qu'on s�me en hiver. Les autres esp�ces, qui se s�ment au printemps, m�rissent de bonne heure, et viennent mieux dans un terrain doux que dans un sol argileux. (10) Il y a ici une lacune dans le texte. (11) Ce changement de couleur dans le cam�l�on est confirm� par les observateurs modernes; mais il ne para�t pas qu'il prenne constamment celle des objets dont il approche. (12) La cons�quence que Plutarque tire ici parait contraire � la proposition �nonc�e dans le titre de la question. Si le sang du sanglier est noir et mordant, et que les larmes, qui s'en expriment doivent tenir de ses qualit�s, il semble qu'elles ne devraient pas �tre douces. Peut-�tre y a-t-il quelque alt�ration dans le texte. (13) Cic�ron, dans son oraison de Signis contre Verr�s, atteste ce que dit ici Plutarque. On peut y lire la charmante description qu'il fait de ces prairies d�licieuses, o� r�gnait un printemps perp�tuel. (14) Mn�sith�e �tait un m�decin d'Ath�nes cit� avec beaucoup d'�loges par Galien et Pausanias. (15) La fin de cette question est mutil�e. |