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PLUTARQUE

 

OEUVRES MORALES

LES OPINIONS DES PHILOSOPHES.  

 

 

texte grec

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LES OPINIONS DES PHILOSOPHES.

PR�FACE DE L'AUTEUR.

[892e] Apr�s avoir trait� sommairement, dans les deux premiers livres, des corps c�lestes, parmi lesquels la lune occupe le dernier rang, je parlerai dans le troisi�me des m�t�ores, c'est-�-dire des corps qui s'�tendent depuis le cercle de la lune jusqu'� la terre m�me, que quelques physiciens placent au centre de tout l'univers. Je commencerai par la voie lact�e.

LIVRE TROISI�ME.

CHAPITRE PREMIER.

De la voie lact�e.

C'est un cercle n�buleux qui para�t constamment dans les airs, et auquel sa blancheur a fait donner le nom de voie lact�e. [892f] Quelques pythagoriciens ont dit que, lorsque Pha�ton incendia l'univers, un astre qui se d�tacha de sa place br�la tout l'espace qu'il parcourut circulairement, et forma la voie lact�e. D'autres croient que ce cercle fut dans les commencements du monde la route du soleil. Suivant d'autres, c'est une simple apparence d'optique, produite par la r�flexion que les rayons solaires �prouvent sur la vo�te des cieux, comme sur un miroir, et semblable � celle qui se fait dans l'arc-en-ciel et dans les nuages. M�trodore dit que c'est la trace du passage du soleil qui fait sa r�volution dans ce cercle. Parm�nide pr�tend que cette couleur de lait r�sulte du m�lange d'un air dense et d'un air rar�fi�. [893a] Anaxagore pense que ce m�t�ore est l'effet de l'ombre de la terre, qui se projette sur cette partie du ciel, quand le soleil, parvenu sous la terre, n'�claire


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plus tout l'univers. D�mocrite dit que c'est la lueur de plusieurs petites �toiles qui sont tr�s pr�s les unes des autres, et qui par leur voisinage s'�clairent r�ciproquement (01). Aristote croit que c'est une masse consid�rable de vapeurs s�ches qui, en s'enflammant, forment au-dessous de la r�gion de l'�ther, et beaucoup plus basque celle des plan�tes, une chevelure de feu. Posidonius dit que ce cercle est un compos� de feu plus rar�fi� que celui des astres, mais d'une lumi�re plus dense.

CHAPITRE II.

Des com�tes, des �toiles tombantes et des poutres de feu.

[893b] Suivant quelques pythagoriciens, la com�te est un de ces astres qui ne paraissent pas toujours, mais qui se montrent p�riodiquement � un temps d�termin�. D'autres croient que c'est une r�flexion de notre vue sur le soleil, comme les objets sont r�fl�chis sur un miroir. Anaxagore et D�mocrite veulent que ce soit le concours de deux ou de plusieurs astres qui unissent leur lumi�re (02). Aristote dit que c'est un amas d'exhalaisons s�ches qui s'enflamment ; [893c] Straton, que c'est la lueur d'un astre environn� d'un nuage �pais, et semblable � celle qui brille � travers une lanterne. H�raclides de Pont croit que c'est un nuage plac� dans la r�gion sup�rieure, et qu'�claire une lumi�re tr�s


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�lev�e. Il attribue � la m�me cause les pogonies, les aires, les poutres de feu, les colonnes, et les autres ph�nom�nes semblables, qu'il fait venir, comme tous les p�ripat�ticiens, des diff�rentes formes que prend le nuage. Suivant Epig�ne, la com�te est un air m�l� de terre qui s'�l�ve dans la r�gion des astres et s'y enflamme. Bo�thus croit que c'est une simple apparence de lumi�re, caus�e par un air tr�s rar�fi�. Selon Diog�ne, les com�tes sont des �toiles. Anaxagore pr�tend que les �toiles tombantes sont comme des �tincelles qui sortent de l'�ther, et que c'est pour cela qu'elles s'�teignent promptement. [893d] M�trodore pr�tend que ce sont les �tincelles qui jaillissent du soleil, quand ses rayons tombent avec violence sur un nuage. X�nophane croit que tous les ph�nom�nes de ce genre ne sont que la r�union de plusieurs nuages enflamm�s et leur mouvement de scintillation.

CHAPITRE III.

Des tonnerres, des �clairs, des foudres, des vents br�lants et des tourbillons.

Anaximandre attribue tous ces effets � l'air. Lorsqu'il est renferm� dans un nuage �pais , la subtilit� et la l�g�ret� de ses parties font qu'il s'en d�gage avec violence ; son explosion est accompagn�e d'un grand bruit ; le nuage cr�ve, et, du sein de son obscurit�, il sort une flamme brillante. [893e] M�trodore dit que ces divers m�t�ores ont lieu quand l'air, se trouvant resserr� dans un nuage dense et �pais, l'effort qu'il fait en le divisant cause le bruit du tonnerre; en faisant crever le nuage, il produit l'�clair; la rapidit� de son mouvement fait que le soleil lui communique une grande chaleur ; alors la foudre part, et la foudre en s'affaiblissant se change en un vent br�lant. Suivant Anaxagore, quand le chaud et le froid, c'est-�-dire l'�ther et l'air, se trouvent m�l�s ensemble, l'explosion


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qui suit de leur m�lange forme le tonnerre; l'obscurit� de la nu�e donne, par sa couleur m�me, naissance � l'�clair ; la force et la vivacit� de la lumi�re engendrent [893f]  la foudre ; quand le feu a plus de consistance que la nu�e, il cause un tourbillon, et, s'il en a la l�g�ret�, un vent br�lant. Les sto�ciens pensent que le tonnerre vient du choc des nuages, que l'�clair est la lumi�re produite parce choc; que la rapidit� de la lumi�re cause la foudre, et sa faiblesse un vent br�lant. Aristote veut encore que ces divers accidents soient l'effet d'exhalaisons s�ches qui, se trouvant comprim�es dans des vapeurs humides, cherchent � se faire jour avec violence. Le choc et la rupture du nuage causent le bruit du tonnerre ; l'inflammation des vapeurs s�ches produit l'�clair. Les vents br�lants et les tourbillons viennent du plus ou du moins de mati�re que ces m�t�ores attirent. Quand la chaleur y domine, c'est un vent br�lant; si elle a plus de densit�, c'est un tourbillon (03).

CHAPITRE IV.

Des nu�es, des pluies, des gr�les et des neiges.

[894a] Suivant Anaxim�nes, les nu�es se forment d'un air tr�s condens�. S'il se coagule encore davantage, elles se r�solvent en pluie ; si l'eau se g�le en tombant, elle produit la neige ou la gr�le, quand elle est saisie dans sa chute par un vent froid. M�trodore croit que les nu�es sont le r�sultat des exhalaisons aqueuses qui s'�l�vent dans les airs. �picure les croit form�es par des vapeurs. Quant � la rondeur de la gr�le et des gouttes de pluie, il pense qu'elle est l'effet de la pression qu'elles �prouvent dans une longue chute.


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CHAPITRE V.

De l'arc-en-ciel.

Entre les m�t�ores, les uns ont une existence r�elle, comme la pluie et la gr�le, d'autres n'en ont que les apparences, et n'existent pas r�ellement; ainsi, quand nous naviguons dans un bateau, nous croyons voir le rivage marcher. L'arc-en-ciel est un m�t�ore de la seconde esp�ce. Suivant Platon (04), on rapporte son origine � Thaumas, � cause de l'admiration qu'il cause. Hom�re a dit :

Iris vient �taler ses brillantes couleurs.

La Fable lui donne une t�te de taureau, et suppose qu'elle absorbe l'eau des fleuves. Mais comment se forme l'arc-en-ciel? Il faut d'abord observer que nous voyons les objets par des lignes qui sont ou [894c] droites, ou courbes, ou r�fl�chies ; lignes qui n'ont point de corps et sont invisibles � nos yeux, mais que notre raison con�oit. Nous voyons par des lignes droites les objets qui sont dans l'air, et � travers les pierres transparentes et les cornes, parce que ces corps diaphanes sont compos�s de parties tr�s subtiles. Nous voyons par des lignes courbes les objets qui sont dans l'eau ; car notre vue se plie avec force � cause de la densit� de ce liquide, et une rame que nous voyons de loin dans la mer nous para�t rompue. La troisi�me mani�re de voir se fait par des lignes r�fl�chies, comme dans les miroirs, et c'est ainsi que nous voyons l'arc-en-ciel. [894d] Il faut concevoir que les vapeurs humides qui s'�l�vent dans les airs se changent en nuages, et deviennent peu � peu des gouttes d'eau. Quand donc le soleil baisse vers l'occident, il faut n�cessairement que notre vue, tombant sur ces gouttes d'eau, et y �prouvant


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une r�flexion qui produit l'arc-en-ciel, ce ph�nom�ne paraisse toujours en face du soleil. Ces gouttes ne d�terminent point la forme de l'iris, mais ses couleurs. La premi�re est le rouge, la seconde est le pourpre, et la troisi�me le vert. Le rouge est produit par l'�clat et la vivacit� des rayons du soleil, qui, donnant dans ces gouttes d'eau, y �prouvent la r�flexion d'o� na�t cette couleur. La seconde [894e] partie de l'iris devenant plus obscure, et d�layant, pour ainsi dire, dans les gouttes d'eau, la lumi�re brillante du soleil, donne le pourpre, qui n'est qu'une teinte affaiblie du rouge. L'extr�mit� de l'iris s'obscurcissant encore davantage, il en r�sulte le vert. Une exp�rience commune confirme ces observations. Si quelqu'un met de l'eau dans sa bouche, et que plac� en face du soleil, il la fasse sortir en vapeur, de mani�re que ces gouttes d'eau r�fl�chissent les rayons de cet astre, il verra les couleurs de l'arc-en-ciel. C'est encore ce qui arrive � ceux qui, ayant mal aux yeux, fixent la lueur d'une lampe. Anaxim�nes croit que l'arc-en-ciel est form� parles rayons du soleil, qui, tombant sur une nu�e dense, �paisse et noire qu'ils ne peuvent p�n�trer, se r�unissent � sa surface. [894f] Anaxagore dit que c'est la r�flexion des rayons solaires sur une nu�e �paisse toujours oppos�e au soleil, comme les objets se r�fl�chissent sur un miroir. Il explique par la m�me cause les- par�lies qu'on voit souvent dans le Pont. Selon M�trodore, quand le soleil brille � travers une nu�e, le nuage para�t vert, et le rayon solaire prend la couleur rouge (05). 


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CHAPITRE VI.

Des verges.

Les verges et les anth�lies ont en partie une existence r�elle, [895a] et ne sont en partie qu'apparentes. Les nu�es o� elles se forment existent v�ritablement, mais non dans leur couleur naturelle; elles en prennent une �trang�re qui n'est qu'apparente. Ce qui est naturel � ces ph�nom�nes, et ce qu'ils ont d'accidentel, est le m�me dans tous (06).

CHAPITRE VII.

Des vents.

Anaximandre dit que le vent est un air fluide dont le soleil met en mouvement ou dissout les parties les plus subtiles. Suivant les sto�ciens, tous les vents sont [895b] des courants d'air, qui changent de nom, suivant les pays d'o� ils soufflent. Le vent d'occident s'appelle Z�phyre, celui d'orient Ap�liotes. On donne au vent qui souffle du septentrion le nom de Bor�e, et au vent du midi le nom d'Africain. M�trodore pr�tend que les vapeurs aqueuses qui s'�l�vent dans les airs, �tant �chauff�es par le soleil, occasionnent des vents rapides et violents, et que les vents �t�siens soufflent quand l'air, que le soleil avait com-


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prim� vers les p�les, reprend un libre cours, � mesure que le soleil s'�loigne du tropique d'�t� (07).

CHAPITRE VIII.

De l'hiver et de l'�t�.

[895c] Suivant Emp�docle et les sto�ciens, l'hiver est produit par la condensation de l'air qui force le feu de se retirer vers les r�gions sup�rieures, et l'�t� revient quand le feu acqu�rant plus de force s'abaisse vers nous (08).

Apr�s avoir trait� de ce qui regarde les m�t�ores, je vais parler de la terre.

CHAPITRE IX.

De la terre, de sa nature et de sa grandeur.

Thal�s et ses sectateurs croient qu'il n'y a qu'une terre. Icetas le pythagoricien pr�tend qu'il y en a deux: la n�tre et- celle qui lui est oppos�e, ou les antipodes. Les sto�ciens disent qu'il n'y a qu'une terre, et qu'elle est limit�e. [895d] Suivant X�nophane, sa partie inf�rieure s'�tend � une profondeur infinie, et sa masse est compos�e d'air et de feu. M�trodore enseigne que la terre est le s�diment et comme la lie de l'eau, et le soleil le s�diment de l'air.

CHAPITRE X.

De la figure de la terre.

Thal�s, les sto�ciens et leurs sectateurs disent que la terre a la forme d'une sph�re. Anaximandre la compare � une colonne de pierre unie dans sa surface (09). Anaxi-


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m�nes veut qu'elle ait la forme d'un trap�ze, et Leucippe celle d'un tambour. Suivant D�mocrite, elle a dans sa largeur la figure d'un disque, mais elle est creus�e dans le milieu.

CHAPITRE XI.

De la position de la terre.

[895e] Les sectateurs de Thal�s croient que la terre est au centre du monde. Suivant X�nophane, elle est la premi�re entre les corps qui composent l'univers, et ses racines s'�tendent � l'infini. Philola�s le pythagoricien place le feu au centre, parce qu'il est le foyer de l'univers (10), ensuite la terre des antipodes, et puis la n�tre, qui environne la pr�c�dente, de mani�re que les habitants de l'une ne peuvent pas voir ceux de l'autre. Parm�nides est le premier qui ait fix� les r�gions habitables de la terre aux deux tropiques (11).

CHAPITRE XII.

De l'inclinaison de la terre.

[895f] Leucippe pense que la terre a �t� inclin�e vers le midi � cause de la rar�faction de l'air qui occupe les parties australes; les parties bor�ales sont condens�es par le froid,


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et les parties oppos�es sont �chauff�es par l'ardeur du soleil (12). Suivant D�mocrite, cette inclinaison vient de ce que l'air qui environne la terre dans ses parties australes �tant plus faible, la terre s'y abaisse par l'effet de sa plus grande pesanteur. Car les parties bor�ales sont tr�s froides, et celles du midi ont une temp�rature fort douce ; et cela fait que les fruits qui croissent en abondance dans ces r�gions en augmentent la masse et y rendent la terre plus pesante.

CHAPITRE XIII.

Du mouvement de la terre.

[896a] Tous les autres philosophes croient la terre immobile : mais le pythagoricien Philola�s dit qu'elle se meut autour de la r�gion du feu, en d�crivant un cercle oblique, comme le soleil et la lune. H�raclides de Pont et le pythagoricien Ecphantus font mouvoir la terre, non qu'elle passe d'un lieu � un autre, mais elle est comme une roue fixe qui tourne sur son centre, et ce mouvement se fait d'occident en orient (13). Suivant D�mocrite, la terre, dans


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les commencements, errait �� et l�, � cause de sa petitesse et de sa l�g�ret� ; mais dans la suite, [896b] ayant augment� de densit� et de pesanteur, elle devint immobile.

CHAPITRE XIV.

De la division de la terre et du nombre de set zones.

Pythagore dit que la terre, aussi bien que la sph�re de l'univers, est divis�e en cinq zones, l'arctique, celle de l'�t�, celle de l'hiver, l'�quinoxiale et l'antarctique. L'�quinoxiale, situ�e au milieu, d�termine le milieu de la terre , et s'appelle la zone torride. La partie habitable de la terre qui est temp�r�e s'�tend de chaque c�t� entre la zone d'�t� et celle d'hiver.

CHAPITRE XV.

Des tremblements de terre.

[896c] Thal�s et D�mocrite attribuent � l'eau les tremblements de terre  (14). Ils arrivent, suivant les sto�ciens, quand l'humidit� qui est dans le sein de la terre se rar�fie et s'en d�gage avec violence. Anaxim�nes les fait venir de la s�cheresse et de l'humidit� de la terre, dont l'une est caus�e par les chaleurs excessives, et l'autre par les pluies abondantes. Anaxagore croit qu'ils sont occasionn�s par l'air qui est dans l'int�rieur de la terre, et qui, se pr�sentant � sa surface pour en sortir, retenu par la densit� de la mati�re terrestre, et ne pouvant trouver une issue, la secoue avec violence. Aristote les attribue � l'action du froid qui est au-dessus et au-dessous de la terre. Le chaud, � raison de sa l�g�ret�, tend naturellement en haut ; ainsi


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les exhalaisons s�ches [896d] qui sont dans le sein de la terre, ne trouvant pas le moyen de s'�lever, les efforts qu'elles font pour s'ouvrir un passage, agitent violemment la terre. M�trodore dit que tout corps qui occupe sa place naturelle ne se meut qu'autant qu'un autre le pousse ou l'entra�ne avec force, que la terre, qui est � sa place naturelle, ne peut �tre remu�e ; mais quelques unes de ses parties se rapprochent les unes des autres. Selon Parm�nides et D�mocrite, la terre �tant dans toutes ses parties �galement distante du ciel, et n'ayant rien qui la d�termine � pencher d'un c�t� plut�t que d'un autre, elle reste en �quilibre ; que, par cons�quent, elle peut �tre secou�e, mais non changer de place. Anaxim�nes croit qu'elle est dans sa largeur port�e sur l'air, qui l'agite m�me quelquefois. [896e] D'autres pr�tendent qu'elle flotte sur l'eau, comme les planches et les tables, et qu'ainsi elle est en mouvement. Platon, qui distingue six sortes de mouvements en haut, en bas, � droite, � gauche, en avant et en arri�re, pr�tend que la terre ne peut avoir aucun de ces mouvements, parce que �tant plac�e dans le lieu le plus bas de l'univers, et n'ayant rien qui la fasse incliner d'un c�t� plut�t que d'un autre, elle reste immobile ; mais que certaines parties de son globe, �tant moins compactes, sont susceptibles d'�tre agit�es. �picure croit que la terre peut �tre fortement secou�e par l'air �pais [896f] et aqueux qui est au-dessous de son globe ; qu'il est possible aussi qu'�tant pleine de fentes et de crevasses dans ses parties inf�rieures, elle soit violemment agit�e par l'air qui p�n�tre dans ces cavit�s profondes.

CHAPITRE XVI.

De la mer, de sa formation et des causes de son amertume.

Anaximandre pr�tend que la mer est le r�sidu de l'humidit� originelle, dont la plus grande partie fut dess�ch�e


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par le feu, et le reste, alt�r� par la chaleur, contracta de l'amertume. Anaxagore croit que l'humidit� primitive qui �tait en stagnation, ayant �t� enflamm�e par le mouvement de rotation du soleil, et ses parties grasses r�duites en vapeurs , ce qui resta d�g�n�ra [897a] en une saveur am�re et sal�e. Suivant Emp�docle, la mer est la sueur de la terre embras�e par le soleil, et cette sueur, ayant �t� d�lay�e et racl�e de la surface de la terre, fut port�e dans la mer et la rendit sal�e. Antiphon dit que c'est la sueur des parties �chauff�es du globe, qui, s'�tant s�par�es des parties humides par la coction qu'elles �prouv�rent, donn�rent aux eaux ce go�t sal� qu'ont toutes les sueurs. Selon M�trodore, la mer, en filtrant � travers la terre, se charge de ses parties les plus grossi�res, comme il arrive aux fluides qui coulent � travers les cendres (15). Les platoniciens veulent que la portion de l'eau �l�mentaire que le froid de l'air a condens�e soit douce, et que celle qu'une chaleur forte fait r�soudre en vapeurs soit sal�e.

CHAPITRE XVII.

Du flux et du reflux de la mer.

[897b] Aristote et H�raclite attribuent ces deux effets au soleil, qui, par son mouvement, excite les vents et les entra�ne ; lorsqu'ils viennent � souffler avec violence sur la mer Atlantique, ils la soul�vent et la poussent, et occasionnent ainsi la mar�e ascendante ; quand leur action cesse, la mer baisse et le reflux a lieu. Pyth�as de Marseille dit que la pleine lune cause le flux, et son d�cours, le reflux. [897c] Platon l'attribue � un soul�vement consid�rable des eaux, qui se fait par les ouvertures que la mer a dans son fond, et qui, en amenant successivement de nou-


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velles vagues, produit ce mouvement alternatif des flots. Selon Tim�e, les rivi�res qui des montagnes de la Gaule Celtique tombent dans la mer Atlantique, sont la cause de ce ph�nom�ne. Quand elles entrent dans cette mer, l'imp�tuosit� de leur chute la pousse avec violence et occasionne la mar�e ascendante ; quand par intervalles leur cours est moins rapide, les eaux de la mer rentrent dans leur lit, et le reflux a lieu. Le math�maticien S�leucus, qui suppose la terre mobile, dit que la lune dans sa r�volution rencontre et repousse le globe de la terre, et que l'air qui se trouve intercept� entre ces deux globes, �tant pouss� en sens contraire, vient donner contre la mer Atlantique, et doit naturellement la soulever.

CHAPITRE XVIII.

De l'aire.

[897d] Voici comment l'aire se forme. Entre le globe de la lune ou de tout autre astre et notre vue, il se rencontre et s'arr�te une vapeur �paisse et n�buleuse qui fait que notre vue se rompt et s'�largit, au point que lorsqu'elle parvient au cercle de l'astre, il nous semble qu'il se forme � sa circonf�rence ext�rieure un cercle qui para�t lui �tre parall�le. Nous donnons � ce cercle apparent le nom d'aire, parce qu'il para�t se former tout aupr�s de l'astre, dans l'endroit o� se porte notre vue �largie.


(01) Nous n'en savons pas plus que les anciens sur la nature de la voie lact�e, puisque, � quelle que soit la force du t�lescope, on d�couvre toujours au del� de ces �toiles un fond blanc qui ne se divise plus ; et il y a des parties de la voie lact�e o� l'on ne d�couvre point d'amas d'�toiles. On voit enfin dans plusieurs parties du ciel des blancheurs semblables, sans que le t�lescope y fasse d�couvrir des multitudes d'�toiles. � 

(02) La vari�t� des opinions des anciens sur les com�tes prouve qu'ils connaissaient aussi peu leur nature que leur cours. Nous ne sommes gu�re plus avanc�s qu'eux sur le premier point. Nous savons seulement avec plus de certitude que ces astres, comme Pythagore l'avait cru, ne paraissent qu'� certaines �poques dont on a d�montr� la p�riodicit� et calcul� le retour.

(03) La d�couverte de l'�lectricit� et les observations des physiciens modernes sur les efforts des frottements �lectriques ont donne la vraie cause du tonnerre, et fait dispara�tre ces id�es pu�riles de la vieille physique.

(04) Thaumas, dont le nom signifie admirable, �tait, selon les po�tes, fils de l'Oc�an.

(05) Les anciens n'ont pas bien connu l'origine de l'arc-en-ciel. Newton a d�couvert que la diff�rence des couleurs provenait de ce que chaque rayon simple, c'est-�-dire rouge, jaune, bleu, n'ayant pas le m�me degr� de force que son voisin, il arrive que, tous pris ensemble, �prouvent une r�fraction in�gale quoiqu'ils passent par un milieu homog�ne, parce qu'ils sont oblig�s, en rencontrant un milieu diaphane mais dense, de vaincre une r�sistance qui ne permet pas aux plus faibles de suivre la m�me direction que les plus forts. Quant � la forme arqu�e de l'iris, voici l'explication qu'en donnent nos physiciens modernes. Solon eux, l'iris a cette forme, parce que les rayons de lumi�re forment un c�ne dont la base est la nu�e sur laquelle l'iris est r�pandue, et , au sommet duquel se trouve le spectateur. Antonio de Dominis. archev�que de Spalatro en Dalmatie, a le premier fait voir par une exp�rience c�l�bre coque c'�tait que la th�orie de l'arc-en-ciel, el comment se formait la vari�t� des couleurs qu'on y d�couvre.

(06) Ces anth�lies, qu'on nomme aussi par�lies, sont des nuages, et, comme disent les physiciens, des spectres solaires. La caus� de cette illusion est dans la r�fraction des rayons du soleil sur notre atmosph�re. On peut comparer cette multiplication de l'image du soleil � la r�p�tition qui se fait d'un m�me objet dans un miroir � facettes.

(07) Nous ne sommes pas beaucoup plus avanc�s sur la connaissance des vents que ne l'�taient les anciens.

(08) La plus longue absence du soleil de dessus noire horizon, l'obliquit� et la faiblesse de ses rayons sont les causes qui ram�nent r�guli�rement l'hiver comme les causes contraires produisent l'�t�.

(09) Anaximandre dit que la terre est de forme sph�rique, et qu'elle occupe le centre du monde. Dans la suite, et du temps de Pline, comme on le voit dans ce naturaliste, on croyait commun�ment la terre ronde, mais non d'une rondeur parfaite. Aujourd'hui l'opinion assez g�n�rale est que le globe terrestre a la ligure d'un sph�ro�de aplati vers les p�les. Cependant quelques physiciens la croient au contraire plus allong�e vers les p�les qu'� l'�quateur. 

(10) Philola�s place au centre le feu, qu'il appelle le domicile de Jupiter, le p�re des dieux et l'autel de la nature. Il suppose ensuite un autre feu, qui occupe la r�gion sup�rieure. Le premier occupe le centre, autour duquel sont plac�s les dix corps c�lestes, le ciel, les plan�tes, le soleil, au-dessous la lune, ensuite la terre que nous habitons, et apr�s elle, la terre des antipodes. 

(11) La division de la terre en zones parait plus ancienne que Parm�nides; elle avait �t� connue de Thal�s et d'autres philosophes ant�rieurs. 

(12) Cette raison de Leucippe, loin de montrer que la terre doit �tre inclin�e vers le midi, prouverait au contraire qu'elle doit y �tre plus �lev�e. En effet, si les parties australes sont plus rar�fi�es par la chaleur, elles doivent �tre aussi plus l�g�res, et les parties bor�ales plus pesantes, puisque le froid les a condens�es. On pourrait donc soup�onner qu'il faut lire les parties bor�ales au lieu des parties australes, si Diog�ne La�rce, lib. IX, seg. 33, ne disait la m�me chose en exposant le sentiment de Leucippe. Le P. Corsini, pour lever cette difficult�, propose, dissert. I, p. 32, de transporter ici ce qui est dit � la fin du chapitre, de la plus grande abondance des fruits qui croissent dans les parties australes, attendu que cette cause, qui est intrins�que � la nature de la terre et aux accidents que la chaleur ou le froid ont pu lui faire �prouver, ne fait rien pour l'opinion de D�mocrite, qui tire l'inclinaison de la terre de l'in�galit� de l'air ext�rieur qui l'environne, au lieu que cette cause rend plus claire et plus sensible l'opinion de Leucippe. Il parait donc n�cessaire de faire la transposition propos�e par le P. Corsini. 

(13) Ce que l'auteur dit ici d'H�raclide et d'Ecphanlus est aussi attribu� � plusieurs autres philosophes, et en particulier � Platon. Cependant Platon ne dit pas que la terre tourne, mais qu'elle est soutenue. Voici ses propres paroles, tir�es de son Tim�e et interpr�t�es par Cic�ron : �La terre, dit-il, est notre nourrice, et, soutenue par l'axe qui la traverse, elle produit la nuit et le jour, et elle est la premi�re et la plus ancienne gardienne des corps c�lestes. �

(14) Thal�s et D�mocrite disaient que la terre est port�e sur l'eau, comme un navire, et que de temps en temps elle est agit�e par les flots.

(15) Aristote donne la m�me cause � l'amertume de la mer.