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PLUTARQUE

 

OEUVRES MORALES

LES OPINIONS DES PHILOSOPHES.  

 

 

texte grec

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LES OPINIONS DES PHILOSOPHES.

PR�FACE DU TRADUCTEUR.

Le trait� des Opinions des philosophes a donn� lieu � divers sentiments sur son v�ritable auteur. Plusieurs p�res de l'�glise, tels que saint Cyrille d'Alexandrie, Eus�be, Th�odoret, et Suidas parmi les �crivains profanes, l'ont cru de Plutarque et l'ont toujours cit� comme �tant de lui. Entre les modernes, Bud�e, Xylandre, l'interpr�te latin de Plutarque, Fabricius, et en dernier lieu le P. Corsini des �coles pies, et professeur � Pis�, qui a donn� une �dition tr�s soign�e de cet ouvrage, enrichie de dissertations et de notes savantes, ont �t� du m�me avis. Ils se sont fond�s sur l'autorit� des �crivains eccl�siastiques que je viens de citer et sur le catalogue de Lamprias, fils de Plutarque, o� ce trait� est compris au num�ro 59 des ouvrages de son p�re, dont il donne la liste. Il est vrai que dans ce catalogue le titre n'est pas pr�cis�ment le m�me que celui qui se trouve dans toutes les �ditions de Plutarque. Lamprias le borne aux seules opinions des philosophes sur la physique. Mais cette diff�rence, loin de former une objection contre le sentiment de ces critiques, vient au contraire � son appui. L'ouvrage qui nous reste ne traite en effet que des mati�res de physique; il est, comme celui dont le catalogue de Lamprias donne le titre, divis� en cinq livres ; et cette double conformit� a fait conclure que ce n'�tait qu'un seul et m�me ouvrage. Il est probable, disent ces �crivains, que les �diteurs des Oeuvres de Plutarque auront, par m�prise, supprim� du titre le mot physique, et donn� par l� � cet ouvrage une g�n�ralit� qu'il n'a pas, puisqu'il ne contient que des objets purement physiques. La qualification d'abr�g� qui lui est donn�e semble confirmer encore son identit� avec le trait� qui se trouve dans le catalogue de Lamprias.

Ces preuves n'ont point paru d�cisives � d'antres critiques, qui sont persuad�s que cet ouvrage n'est pas de Plutarque. De ce nombre sont Vossius, Jonsius et surtout M. Beck, professeur de langue grecque � Leipsig, qui a donn� depuis peu une �dition de ce trait�, et qui, dans son �p�tre d�dicatoire, prouve, ce me semble, d'une  mani�re assez convaincante que Plutarque n'en est pas l'auteur. Il le regarde comme une compilation informe et mal r�dig�e par un


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auteur m�diocre qui, pour accr�diter les productions de sa plume, a emprunt� le nom d'un philosophe c�l�bre, ou qui, peut-�tre, n'a fait qu'extraire l'ouvrage m�me que Plutarque avait compos� sur cette mati�re, et qui, par l�, nous aura fait perdre le trait� plus �tendu et plus exact du philosophe de Ch�ron�e. Il est certain qu'� en juger soit par le fond m�me de l'ouvrage, soit par la mani�re dont il est �crit, on rie peut raisonnablement l'attribuer � Plutarque, � moins qu'on ne veuille supposer que c'est un fruit de sa premi�re jeunesse, dans lequel il se rendait compte � lui-m�me de ses lectures � mesure qu'il s'instruisait des opinions des anciens philosophes, et que, dans ce travail rapide, il se contentait de prendre des notes succinctes et de r�duire � quelques mots tr�s pr�cis le sentiment de chaque auteur. Il est certain qu'on y trouve souvent des citations, des tours de phrase et des expressions qui semblent d�celer la main de Plutarque. Mais il est possible aussi que l'�crivain qui aura fait l'extrait de cet ouvrage avec l'intention de le publier sous le nom de ce philosophe se soit attach�, pour couvrir son imposture, � se rapprocher, autant qu'il l'aura pu, de la mani�re de Plutarque.

C'est sur ces motifs que je suis persuad�, avec M. Beck, que c'est une compilation faite � la h�te d'apr�s l'ouvrage du philosophe de Ch�ron�e. En effet, outre les d�fauts que je viens de relever dans le fond de ce trait�, il y en a encore, sous ce m�me rapport, d'autres bien plus frappants. L'�crivain qui l'a r�dig� y est souvent en contradiction avec Plutarque, qui, dans d'autres trait�s, dont il est incontestablement l'auteur, rapporte diff�remment les opinions de quelques philosophes. Il attribue aux uns ce qui a �t� soutenu par d'autres, et d�figure m�me quelquefois les sentiments et les expressions de ceux dont il cite les passages. Il est bien vrai que Plutarque, dans quelques ouvrages, rapporte des faits ou des opinions d'anciens auteurs d'une mani�re diff�rente qu'il ne les a expos�s dans d'autres. Mais que dans un m�me ouvrage ces m�prises soient fr�quentes, c'est ce qu'on ne peut croire d'un philosophe si judicieux et si instruit, qui, m�me dans les premiers essais de sa jeunesse, �tait incapable d'extraire d'une mani�re si peu fid�le tes ouvrages qu'il lisait.

Cependant les sentiments sur le m�rite intrins�que de ce trait� n'ont gu�re �t� moins partag�s que sur son v�ritable auteur. Les p�res que j'ai d�j� cit�s en ont parl� avec �loges. Fabricius, dans sa Biblioth�que grecque, t. IIl, p. 361, le regarde comme un abr�g� utile et digne d'�tre imprim� � part pour l'instruction des jeunes gens. Mais personne n'en a fait plus de cas que te P. Corsini, qui, dans sa Vie de Plutarque, plac�e � la t�te de son �dition, page 15,


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ne craint pas de dire que de tous les ouvrages de Plutarque il n'en est aucun, si l'on en excepte ses Vies parall�les des Grecs et des Romains, qui prouve de la part de son auteur plus de travail, plus de diligence, plus de soin � m�diter, � analyser les �crits des anciens philosophes, qui montre plus d'�rudition et de savoir, qui suppose une connaissance plus profonde des divers syst�mes enfant�s par la philosophie, plus de sagacit� � en p�n�trer le sens, plus de subtilit� � en exposer les diff�rentes opinions, plus de pr�cision � r�duire � une courte et simple analyse les sentiments d'un si grand nombre d'auteurs sur tant de mati�res diff�rentes.

Des jugements si contradictoires nous ont d�cid� � traduire ce trait�, qui se trouve d'ailleurs dans toutes les �ditions grecques de Ptutarque.


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LES OPINIONS DES PHILOSOPHES.

PR�FACE DE L'AUTEUR.

(874d) La physique est l'objet de cet ouvrage. Je commencerai par la division de toutes les parties de la philosophie, afin de savoir quelle place la physique y occupe (874e) et quelle est sa nature Les sto�ciens ont dit que la sagesse est la science des choses humaines, et que la philosophie est la pratique des r�gles analogues � cette science. Or, rien n'est plus convenable � l'homme que la vertu, dont les trois esp�ces les plus g�n�rales sont la vertu naturelle, la vertu morale, et celle qui a pour objet le raisonnement (01). Voil� pourquoi la philosophie se divise aussi en trois parties, qui sont la physique, la morale et la logique (02). La premi�re traite du monde et de ce qu'il contient ; la morale donne des pr�ceptes pour la vie humaine ; la logique, qu'on appelle aussi dialectique, prescrit des r�gles pour le raisonnement. (874f) Voici comment Aristote, Th�ophraste, et presque tous les p�ripat�ticiens, ont divis� la philosophie. Il est n�cessaire, disent-ils, que l'homme, afin d'�tre parfait, connaisse ce qui est, et fasse ce qui est convenable � sa nature. Les exemples suivants peuvent faire entendre cette division. On demande si le soleil est un animal ou non ; car il para�t �tre anim�. Celui qui fait cette question est un philosophe sp�culatif; il ne se propose d'autre objet que de rechercher ce qui est. De m�me, examiner si le monde est infini ou s'il existe quelque chose au del� du monde, ce sont des questions purement sp�culatives; (875a) mais demander comment il faut r�gler sa vie, conduire ses enfants, exercer des fonctions publiques et faire des lois, voil� des recherches qui ont pour objet les actions humaines, et celui qui s'en occupe est un philosophe pratique.


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LIVRE PREMIER.

CHAPITRE PREMIER.

Qu'est-ce que la nature.

Puisque je me propose de consid�rer les choses naturelles, il me para�t n�cessaire d'expliquer d'abord ce qu'on entend par nature. Il serait absurde de vouloir parler de la nature, et d'ignorer quel est le sens et la force de ce terme. (875b) La nature donc, suivant Aristote, est tout ce qui a essentiellement en soi, et non accidentellement, le principe du mouvement et du repos (03). Ainsi, toutes les choses visibles qui ne sont pas l'effet du hasard ou de la n�cessit�, qui n'ont ni une substance ni une cause divines, sont appel�es naturelles et ont chacune leur propre nature. De ce genre sont la terre, le feu, l'eau, l'air, les plantes et les animaux. On peut y joindre les effets que nous voyons tous les jours se produire, comme les pluies, la gr�le, la foudre, les vents et les temp�tes. Toutes ces substances ont une origine, puisque aucune d'entre elles n'est �ternelle et qu'elles sont produites par un principe (04). Par exemple, les animaux et les plantes ont un principe de production, et la nature est en eux ce premier principe, non seulement du mouvement, mais encore du repos. (875c) En effet, tout ce qui a un principe de mouvement peut aussi en avoir le terme. Ainsi, c'est la nature qui est le principe du mouvement et du repos.


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CHAPITRE Il.

En quoi diff�rent le principe et l'�l�ment.

Aristote et Platon mettent de la diff�rence entre les principes et les �l�ments. Thal�s le Mil�sien croit qu'ils sont une m�me chose; cependant ils diff�rent beaucoup. Les �l�ments sont compos�s, au lieu que les principes n'ont aucune composition et ne sont pas des produits. Par exemple, nous appelons �l�ments la terre, l'air et le feu; (875d) mais nous donnons le nom de principe aux �tres qui n'ont re�u l'origine d'aucune cause qui leur soit ant�rieure. Ce qui est produit n'est pas un principe ; c'est la chose m�me qui produit (05). Il est des substances ant�rieures � la terre et � l'eau, et qui les ont produites : c'est la mati�re d'abord informe, ensuite la forme que nous appelons ent�l�chie, et la privation (06). Thal�s se trompe donc lorsqu'il dit que l'eau est un �l�ment et un principe.

CHAPITRE III.

Des principes.

Thal�s de Milet a dit que l'eau est le principe de tous les �tres. (875e) On peut le regarder comme le premier philosophe (07), et c'est de lui que la secte ionique a pris son nom,


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car il y a eu plusieurs �coles de philosophie. Thal�s, apr�s l'avoir apprise en �gypte, vint s'�tablir � Milet dans un �ge avanc�. Il enseigna que tout est compos� d'eau, et que tout doit se r�soudre en eau. Il le conjecturait de ce que les germes productifs de tous les animaux sont des principes, et par cons�quent qu'il est vraisemblable que tous les �tres ont leur principe dans l'humidit�. Une seconde conjecture, c'est que toutes les plantes sont nourries et f�cond�es par la substance humide, et qu'aussit�t qu'elles en sont priv�es, elles se fl�trissent. Une troisi�me enfin, (875f) c'est que le feu du soleil et des astres, et le inonde lui-m�me, se nourrissent des exhalaisons de l'eau. Hom�re attribue � l'eau cette production universelle, lorsqu'il dit :

Et le vaste Oc�an, p�re de tous les �tres.

Anaximandre de Milet pr�tend que l'infini est le principe de toutes choses ; que tout en vient, et que tout doit s'y replonger ; qu'ainsi il produit une infinit� de mondes qui se dissolvent ensuite dans le principe d'o� ils sont sortis. Et pourquoi y a-t-il un infini? c'est, dit-il, afin que la production destin�e � tout r�parer ne manque jamais. (876a) Mais un d�faut de ce philosophe, c'est qu'il n'explique pas ce que c'est que son infini, si c'est de l'air, de l'eau, de la terre ou quelque autre corps de cette esp�ce. Son syst�me p�che en ce qu'il n'assigne qu'une cause mat�rielle et qu'il �te toute cause efficiente; car cet infini n'est autre chose que la mati�re, et la mati�re ne peut rien produire s'il ne s'y joint une cause efficiente.

Anaxim�ne, aussi de Milet, a dit que l'air est le principe de tout ce qui existe (08) ; que tous les �tres sont faits


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d'air et qu'ils se r�solvent en air.

� Ainsi, dit-il, notre �me, qui est compos�e d'air, nous soutient et nous conserve, et le monde entier est contenu par l'air et l'esprit ; �

(876b) car ces deux mots sont synonymes. Mais il se trompe en croyant que les animaux sont compos�s d'un air et d'un esprit simple et uniforme. Il est impossible que la mati�re seule soit le principe de tous les �tres ; il faut y joindre une cause efficiente. Ainsi l'argent seul ne suffit pas pour faire une coupe s'il n'y a une cause efficiente, c'est-�-dire un orf�vre. Il faut en dire autant de l'airain, du bois ou de toute autre mati�re.

Anaxagore de Clazom�ne a admis des hom�om�ries (09) pour principe de toutes choses. Il lui paraissait impossible d'expliquer autrement comment ce qui n'est point peut donner l'existence � quelque chose, ou ce qui existe (876c) se r�duire au n�ant. Nous prenons, disait-il, une nourriture simple et uniforme, comme du pain et de l'eau ; et cette nourriture donne de l'aliment � nos cheveux, � nos veines, � nos art�res, � nos nerfs, � nos os et � toutes les antres parties de notre corps. D'apr�s cela, il faut reconna�tre que cette nourriture contient des substances de toute esp�ce, qui donnent l'accroissement � tous les corps; que par cons�quent elle renferme des parties propres � produire du sang, des nerfs, des os et toutes les autres substances que la raison nous fait apercevoir en nous. Car il ne faut pas tout borner aux parties sensibles qui sont form�es (876d) par le pain et l'eau : il y en a qui ne sont connues que par l'intelligence. Comme il y a donc dans les aliments des parties semblables � celles qui sont produites dans nos corps, il les a appel�es hom�om�ries, et en a fait les principes de tous les �tres. Ces parties similaires sont la mati�re d'o� les corps sont tir�s, et l'intelligence supr�me, qui donne � tout l'ordre convenable,


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est la cause efficiente. Voici comment il d�bute dans l'exposition de son syst�me : Toutes choses �taient dans un �tat de confusion ; l'intelligence les a divis�es et les a mises en ordre. Par ces mots, toutes choses, il entend les �tres qui ont �t� form�s. Anaxagore a eu raison de joindre � la mati�re une intelligence qui l'a mise en ordre (10).

Arch�la�s d'Ath�nes, fils d'Apollodore, disait que l'air infini, sa condensation et sa rar�faction sont les principes des �tres ; que, de ces deux derni�res propri�t�s, la premi�re produisait l'eau, et la seconde, le feu. (876e) Tels sont les philosophes qui, depuis Thal�s, se sont succ�d� dans l'�cole ionique (11).

Pythagore de Samos, fils de Mn�sarque, qui, le premier, donna le nom de philosophie � l'objet de ses �tudes, fonda une nouvelle �cole. Il assigne pour principe des �tres les nombres et leurs proportions, qu'il appelle harmonies, avec les �l�ments compos�s de ces deux principes, et qu'on nomme g�om�triques. Il compte encore au nombre des principes la monade et la dyade (12), qui est ind�finie. (876f) Le premier de ces principes se rapporte � la cause efficiente et formelle, qui est la substance intelligente ou Dieu ; et le second, � la cause mat�rielle et passible, qui est ce monde visible. Il dit que toute la nature des nombres est comprise dans la dizaine ; car tous les peuples grecs et barbares comptent jusqu'� dix, apr�s quoi ils recommencent par l'unit�. Il dit encore que le nombre dix est �minemment renferm� dans le


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nombre quatre, parce qu'en commen�ant par un et prenant les quatre premiers nombres s�par�ment, on compl�te le nombre dix ; et si l'on va plus loin que quatre, on passe aussi le nombre dix. Par exemple, si on compte d'abord un, puis deux, ensuite trois, et enfin quatre, (877a) on aura dix. Ainsi, tous les nombres, en les prenant un � un, sont compris dans la dizaine. Mais en ne consid�rant que leur puissance, ils sont renferm�s dans le nombre quatre. Aussi les pythagoriciens juraient-ils par ce dernier nombre, comme par le serment le plus sacr�.

Par le nombre de quatre, en effets admirable,
Je jure, et ce serment est le plus redoutable.

Notre �me, ajoute Pythagore, est aussi form�e sur l'analogie du nombre quatre. Ses facult�s sont l'intelligence, la science, l'opinion et la sensation. Ces quatre facult�s ont �t� les sources de tous les arts et de toutes les sciences ; et c'est par l� que nous sommes des �tres raisonnables. L'�me est l'unit�, (877b) et c'est dans l'unit� qu'elle consid�re les objets. Par exemple, dans la multitude d'hommes qui existent, il est impossible de les conna�tre tous en particulier, parce que le nombre en est presque infini. Mais nous connaissons un homme seul que nous distinguons de tous les autres, parce qu'aucun individu n'est semblable � un autre. Nous concevons de m�me un cheval seul, et non tous les individus de cette esp�ce, qui sont infinis. Tous les genres et toutes les esp�ces sont comme des unit�s. C'est pourquoi les pythagoriciens, appliquant � chacune de ces g�n�ralit�s une m�me d�finition, veulent qu'ou d�finisse l'une un animal raisonnable, l'autre un animal hennissant. Ainsi l'intelligence, qui nous fait concevoir ces id�es g�n�rales, est une unit�. La dyade, qui est ind�finie, porte � bon droit le nom de science : (877c)  car toute d�monstration, tout raisonne-


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ment qui produit la science, enfin tout syllogisme conclut une chose douteuse de deux propositions avou�es par le moyen desquelles on en d�montre une troisi�me, et la certitude des trois propositions s'appelle science. Ainsi la science est fond�e sur le nombre binaire. L'opinion, qui na�t de la compr�hension, l'est sur le nombre trois, parce qu'elle porte sur plusieurs objets, et que le nombre trois d�signe une multitude. Ainsi l'on dit :

Trois fois heureux les Grecs! ...

Voil� pourquoi l'opinion a rapport au nombre ternaire. La secte de Pythagore prit le nom d'italique, parce que ce philosophe, abandonnant Samos, sa patrie, par haine pour la tyrannie de Polycrate, alla tenir son �cole en Italie.

H�raclite et Hippasus de M�taponte ont cru que le feu est le principe de toutes choses ; que tout vient du feu, et que tout doit s'y r�soudre; que le monde fut form� apr�s son extinction, que les parties les plus denses de cet �l�ment, s'�tant r�unies, produisirent la terre ; (877d) que la terre, dilat�e par le feu, avait donn� naissance � l'eau, et que des exhalaisons de celle-ci s'�tait form� l'air; qu'un jour le monde et tous les �tres qu'il contient doivent �tre consum�s dans un embrasement g�n�ral. Ainsi, suivant ces philosophes,. le feu est le principe de tout, parce que toutes les substances sont sorties de lui, et qu'il en est le terme, parce que tout doit se r�soudre en cet �l�ment.

�picure d'Ath�nes, fils de N�ocl�s, qui adopta les opinions philosophiques de D�mocrite, �tablit pour principes des �tres, des corps qui ne sont aper�us que par la raison, qui n'admettent point de vide, qui, incr��s, �ternels et incorruptibles, ne peuvent ni se briser, ni se diviser, ni s'alt�rer. (877e) L'�me seule peut les conna�tre. Ils se meuvent dans le vide et par le moyen du vide. Ce vide est infini, comme les corps eux-m�mes, auxquels il attribue


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trois propri�t�s, la figure, la grandeur et la pesanteur.  D�mocrite ne leur en avait donn� que deux, la grandeur et la figure; �picure y ajouta la pesanteur. Ces corps, disait-il, ne peuvent se mouvoir que par l'impulsion de leur gravit�; sans cela, ils n'auraient pas de mouvement. Leurs figures sont born�es, et non infinies. (877f) Ils ne sont ni crochus, ni triangulaires, ni circulaires (13), parce que ces figures se brisent facilement ; au lieu que les atomes ne sont susceptibles ni d'alt�ration ni de rupture, et ils ont leurs figures propres que l'esprit nous fait concevoir. On les appelle atomes, non � cause de leur extr�me petitesse, mais parce qu'ils sont indivisibles, �tant incapables d'alt�ration et n'admettant aucun vide. Ainsi, qui dit atome, dit un corps qui ne peut �tre divis�, qui n'�prouve aucune alt�ration et n'a point de vide. Quant � l'existence des atomes, elle est �vidente; car il y a des �l�ments qui subsistent �ternellement ; il y a aussi des espaces vides et des unit�s.

(878a) Emp�docle d'Agrigente, fils de M�ton, admet quatre �l�ments, le feu, l'air, l'eau et la terre ; et deux principes ou facult�s, l'amiti� et la discorde, dont l'une unit les substances, et l'autre les s�pare. Voici comme il s'exprime :

Le brillant Jupiter et l'aimable Junon,
La f�conde Nestis (14), le s�v�re Pluton,
Exer�ant de concert la supr�me puissance,
A ce vaste univers ont donn� l'existence.

Il donne au feu et � l'�ther le nom de Jupiter, � l'air celui


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de Junon vivifiante, � la terre celui de Pluton, et � l'eau celui de Nestis, qui est le principe de la f�condit� humaine.

Socrate, fils de Sophronisque, et Platon, fils d'Ariston, tous deux Ath�niens, ont eu l'un et l'autre les m�mes opinions sur la formation de l'univers (15). Ils �tablissent trois principes, Dieu, la mati�re et l'id�e (16). Dieu est l'intelligence supr�me ; la mati�re est le premier sujet de la g�n�ration et de la corruption ; l'id�e est l'essence incorporelle des choses, laquelle existe dans la pens�e et l'imagination divine, et Dieu est l'�me du monde.

Aristote de Stagire, fils de Nicomachus, suppose plusieurs principes, qui sont l'ent�l�chie ou la forme, la mati�re et la privation. Il dit qu'il y a quatre �l�ments, et une cinqui�me substance de nature �th�r�e et immuable.

Z�non le Citien, fils de Mnas�as, �tablit deux principes, Dieu et la mati�re, (878c) dont l'un est cause efficiente et l'autre sujet. Il admet aussi quatre �l�ments.

CHAPITRE IV.

Comment le monde a �t� form�.

Le monde a pris de la mani�re suivante la forme sph�rique qu'il a maintenant. Les atomes n'ayant qu'un mouvement fortuit, qui n'�tait pas l'effet d'une facult� intelligente, (878d) et �tant mus constamment avec beaucoup de rapidit� autour d'un m�me point, plusieurs de ces corps se r�unirent, et prirent n�cessairement diff�rentes figures et


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diff�rentes grandeurs. Ainsi resserr�s dans un m�me espace, les plus grands et les plus pesants occup�rent le bas ; et tous ceux qui �taient l�gers, ronds, polis et glissants, press�s par le choc de tous ces corps, gagn�rent l'espace sup�rieur. D�s que la puissance dont l'impulsion les for�ait de s'�lever se fut affaiblie, et que le choc ne fut plus capable de les faire monter, comme en m�me temps il leur �tait impossible de descendre, ils furent pouss�s vers les lieux qui pouvaient les recevoir, (878e) c'est-�-dire vers les espaces qui les environnaient, o� un grand nombre de corps s'�tant repli�s, form�rent le ciel par leur r�union et leur r�flexion mutuelle. Les atomes de m�me nature et de forme diff�rente, pouss�s, comme on l'a d�j� dit, vers les r�gions sup�rieures, produisirent les astres. Le grand nombre de corps qui s'�lev�rent en exhalaisons frapp�rent l'air, le comprim�rent; et cet �l�ment ayant acquis par cette impression la nature du vent, il environna les astres, (878f) les entra�na dans sa marche, et produisit cette r�volution des corps c�lestes qui dure encore aujourd'hui. Des atomes qui occup�rent l'espace inf�rieur se forma la terre, et de ceux qui s'�taient �lev�s dans les parties sup�rieures naquirent le ciel, le feu et l'air. Comme il restait beaucoup de mati�re renferm�e dans la terre, et qu'elle avait �t� condens�e par la pression des vents et par le souffle des astres, chacune de ces petites parties fut comprim�e et produisit la substance humide. Celle-ci, par sa fluidit� naturelle, alla occuper les endroits creux qui pouvaient la recevoir et la contenir, ou bien le s�jour qu'elle fit sur certains lieux y produisit des cavit�s. C'est ainsi que se form�rent les principales parties du monde (17).


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CHAPITRE V.

(879a) S'il n'y a qu'un monde.

Les sto�ciens pr�tendent que le monde est unique, qu'il est la m�me chose que l'univers (18), et qu'il est corporel.

Emp�docle dit que le monde est unique, que cependant il n'est pas la m�me chose que l'univers, qu'il en est seulement une petite portion, et que le reste est une mati�re inerte et sans forme.

Suivant Platon, il n'y a qu'un monde et un univers, et il se fonde sur trois conjectures : la premi�re, qu'il ne serait pas parfait s'il ne comprenait tous les �tres; la seconde, qu'il ne serait pas semblable � son mod�le s'il n'�tait passa production unique (19); la troisi�me, qu'il ne serait pas incorruptible s'il existait quelque chose hors de lui. Mais il faut dire � Platon que le monde n'est point parfait, (879b) car il ne renferme pas tout ce qui existe ; et comment serait-il parfait, si quelque chose peut se mouvoir hors de lui? L'homme est parfait, et cependant il ne contient pas tout. Il peut y avoir plusieurs images du m�me mod�le, comme on le voit par les statues, les peintures et les maisons. Le monde n'est pas incorruptible, et il ne peut l'�tre, puisqu'il a �t� produit.

M�trodore dit qu'il est aussi absurde de supposer un seul monde dans un espace infini, que de vouloir qu'il n'y ait qu'un seul �pi dans un vaste champ; que la preuve qu'il existe des mondes � l'infini, c'est qu'il y a une infinit� de causes. Et si le monde �tait fini, comment les causes communes qui l'ont produit seraient elles infinies ? Il faut donc que les mondes soient infinis en nombre. (879c) D�s que les


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causes existent, les effets doivent exister aussi (20). Or ces causes sont les atomes ou les �l�ments.

CHAPITRE VI.

D'o� les hommes ont tir� la connaissance de Dieu.

Les sto�ciens d�finissent Dieu un esprit intelligent et ign�, qui n'a point de forme propre, mais qui prend toutes celles qu'il veut et s'assimile � toutes. Ils ont puis� cette notion de Dieu dans la beaut� du monde visible ; car rien de ce qui est beau n'est produit par le hasard, mais par une cause efficiente et intelligente. (879d) Or le monde est beau, et c'est ce que prouvent �videmment sa figure, sa couleur, sa grandeur, et la vari�t� des astres qui l'environnent. Il est de figure sph�rique, et c'est la plus belle de toutes, la seule qui soit semblable � toutes ses parties. Ainsi le monde est rond, et ses parties le sont aussi. C'est pourquoi, suivant Platon, l'esprit de l'homme, qui en est la portion la plus auguste, a son si�ge dans la t�te, qui est de forme ronde. La couleur du monde est belle aussi. Le ciel est teint d'un azur qui, plus sombre que le pourpre, a cependant assez d'�clat pour que la vivacit� de sa couleur p�n�tre l'air et le fasse apercevoir � une si grande distance. (879e) Le monde est encore beau par sa grandeur : car dans tous les corps de m�me genre, l'ext�rieur, qui contient et enferme le reste, a toujours de la beaut�, comme on le voit dans l'homme et dans l'arbre. Enfin tout ce qui est visible � nos yeux ach�ve la beaut� du monde. Le cercle oblique du zodiaque est distingu� dans le ciel par des images diverses.

On y voit le Cancer, la Vierge et le Lion,
L'Archer et la Balance, avec le Scorpion,
Le Chevreau, les Poissons, le Verseau, qui f�conde


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La terre en lui portant les bienfaits de son onde ;
Le B�lier, le Taureau, les G�meaux, que nos yeux
Avec �tonnement regardent dans les cieux.

(879f) Dieu a fait une foule innombrable d'autres constellations qui sont dans de semblables convexit�s du monde; ce qui a fait dire � Euripide :

Ces globes dont l'�clat pare le firmament
Annoncent aux mortels un �tre intelligent.

Ce qui nous conduit encore � la connaissance de Dieu, c'est que le soleil, la lune et les autres astres, qui, dans leur r�volution, passent sous la terre, conservent toujours leur couleur et leur grandeur, et reparaissent dans les m�mes temps et dans les m�mes lieux. Aussi, ceux qui nous ont enseign� le culte des dieux nous l'ont-ils pr�sent� sous trois formes diff�rentes : l'une physique, (880a) l'autre fabuleuse, et la troisi�me appuy�e sur le t�moignage des lois. La premi�re nous est donn�e par les philosophes, la seconde par les po�tes, et la troisi�me, qui n'est autre chose que les lois religieuses m�mes, a �t� �tablie par chaque r�publique. Toute la doctrine qui regarde les dieux se divise en sept esp�ces. La premi�re est celle qui se tire des m�t�ores et des ph�nom�nes naturels. Les hommes commenc�rent � se former une id�e de la Divinit� lorsqu'ils virent l'harmonie admirable qui r�sultait de la r�volution des astres, la vicissitude r�guli�re des jours et des nuits, des hivers et des �t�s, du lever (880b) et du coucher des constellations, et ensuite la production des animaux et des fruits terrestres. Ils regard�rent le ciel et 'la terre comme le p�re et la m�re des �tres : le ciel, parce que les eaux qu'il verse de son sein sont un principe de fertilit� ; la terre, parce qu'elle est f�cond�e par ces eaux c�lestes. Quand ils eurent vu que les astres �taient toujours en mouvement, que c'�tait au soleil et � la lune qu'on devait la vue distincte des objets,


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ils donn�rent � tous les astres le nom de dieux. Par la seconde et la troisi�me esp�ce de doctrine religieuse, on divisa les dieux en divinit�s bienfaisantes et en divinit�s nuisibles. (880c) On mit dans la premi�re classe Jupiter, Junon, Mercure et C�r�s ; dans la seconde, les peines, les Furies et le dieu Mars, dont on apaise par des sacrifices la violence et la cruaut�. La quatri�me et la cinqui�me esp�ce de doctrine eurent pour objet les actions et les affections; ils d�sign�rent les derni�res sous les noms de l'Amour, de V�nus et de Cupidon ; et les actions sous ceux de l'esp�rance, de la justice et de l'�quit�. La sixi�me esp�ce renferma les fictions des po�tes. Car H�siode, voulant donner des p�res aux dieux qui avaient �t� engendr�s, il imagina ceux-ci :

C�us et Cr�ius, Japet, Hyp�rion.

Voil� pourquoi on donne � cette esp�ce de doctrine le nom de fabuleuse. La septi�me et la derni�re fut celle de mortels qui, par leurs bienfaits envers la soci�t�, m�rit�rent les honneurs divins : de ce nombre furent Hercule, les Dioscures et Bacchus. (880d) Ils donn�rent � ces dieux la forme humaine, parce que si d'un c�t� la Divinit� est ce qu'il y a de plus excellent, de l'autre l'homme, consid�re dans son �me, est sup�rieur � tous les autres animaux par l'�clat des vertus qui en font l'ornement. Ils ont donc pens� que la forme la plus belle devait �tre le partage des �tres qui surpassent tous les autres par leur m�rite.

CHAPITRE VII.

Qu'est-ce que Dieu ?

Quelques philosophes, tels que Diagoras de M�los, Th�odore de Cyr�ne, et �vh�m�re de T�g�e, ont soutenu ouvertement qu'il n'y avait point de dieux. Callima-


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que le Cyr�n�en d�signe dans les vers suivants le dernier de ces philosophes :

(880e) Venez, accourez tous aux portes de la ville,
Approchez-vous du temple o� ce vieillard d�bile,
Qui fit de Jupiter un simple, bloc d'airain,
De ses sombres �crits distille le venin. 

Il fait allusion aux ouvrages qu'�vh�m�re composa pour prouver qu'il n'y avait point de dieux. La crainte de l'Ar�opage a emp�ch� le po�te Euripide de s'expliquer librement � ce sujet. Mais il fait entendre ce qu'il en pense quand il pr�te son opinion � Sisyphe, qui l'expose en ces termes :

Jadis l'homme sauvage habitait dans les bois,
Au d�sordre livr�, m�connaissant les lois,
Et n'ayant d'autre frein que la force et l'audace.

(880f) Il ajoute que l'�tablissement des lois r�prima l'injustice; mais, comme la loi ne pouvait arr�ter que les crimes manifestes, et qu'il s'en commettait beaucoup de secrets, un homme habile et prudent imagina de substituer � la v�rit� un mensonge officieux, en persuadant aux hommes

Que d'un �tre �ternel la supr�me puissance
Entend tout et voit tout ; que sa vaste science
Par les plus sages lois dirige l'univers;

D'autres traitent de r�ves po�tiques ces vers de Callimaque :

Connaissez-vous de Dieu la nature et l'essence ?
Il n'est rien d'impossible � sa toute-puissance.

Dieu, disent-ils, ne peut pas tout faire, ou s'il le peut comme Dieu, (881a) qu'il fasse donc que la neige soit noire, que le feu soit froid, qu'un homme assis soit debout, ou qu'un homme debout soit assis. Car Platon, qui emploie ordinairement des expressions pompeuses, en disant que Dieu a


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form� le monde d'apr�s l'id�e exemplaire qu'il avait en lui-m�me, ne r�p�te en cela que de vieilles rapsodies dignes des po�tes de l'ancienne com�die. En effet, comment Dieu, en se regardant lui-m�me, formait-il le monde? ou comment donne-t-il � Dieu une forme sph�rique, et le fait-il ainsi inf�rieur � l'homme?

Anaxagore dit qu'au commencement les corps �taient sans mouvement, mais que l'intelligence divine les mit tous en ordre, et leur donna la naissance. Platon a suppos� que les corps n'�taient pas en repos, mais qu'ils avaient un mouvement irr�gulier, et que Dieu, jugeant l'ordre pr�f�rable � la confusion, leur donna la disposition qu'ils ont actuellement. (881b) Mais ils se trompent l'un et l'autre, en ce qu'ils veulent que Dieu s'occupe des choses humaines, et que ce soit par ce motif qu'il a form� le monde. Un �tre heureux et exempt de toute alt�ration, � qui il ne manque aucun bien, incapable de tout mal, dont l'existence est dans sa propre f�licit� et dans son immutabilit�, ne peut pas s'embarrasser des choses humaines. Il serait malheureux si, comme un ouvrier ou un architecte, il se fatiguait et se tourmentait � la construction du monde (21). (881c) D'ailleurs, ou ce dieu d'Anaxagore n'existait point avant les si�cles, quand les corps n'avaient pas de mouvement, ou qu'ils erraient sans ordre; ou bien il dormait, ou il veillait, ou enfin il ne faisait ni l'un ni l'autre. La premi�re supposition est inadmissible, puisque Dieu est �ternel. La seconde ne l'est pas moins : si Dieu e�t dormi depuis l'�ternit�, il serait mort ; car un sommeil �ternel n'est pas diff�rent de la mort. Bien plus, Dieu est incapable de sommeil : l'immortalit� divine et un �tat tr�s voisin de la mort sont deux choses


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incompatibles. Si Dieu �tait �veill�, ou il manquait quelque chose � sa f�licit�, ou il �tait parfaitement heureux. Dans la premi�re supposition, il n'e�t pas �t� heureux ; celui au bonheur duquel il manque quelque chose n'est point heureux. Dans la seconde, il ne l'est pas davantage, puisque, n'ayant besoin de rien, il va s'embarrasser de soins inutiles. (881d) Enfin, s'il est Dieu, et qu'il gouverne par sa providence les choses humaines, comment se fait-il que les m�chants soient heureux ici-bas, et les gens de bien malheureux? Agamemnon,

Qui fut aussi bon roi que guerrier courageux,

est tu� par un homme et une femme adult�res ; et Hercule, l'auteur de la race de ce prince, apr�s avoir d�livr� le genre humain des fl�aux qui le ravageaient, est trahi et empoisonn� par D�janire.

Thal�s dit que Dieu est l'�me du monde ; Anaximandre, que les astres sont les dieux c�lestes ; D�mocrite, que Dieu est un esprit ign�, et qu'il est l'�me du monde. (881e) Pythagore dit que des deux principes, l'unit� est Dieu et le premier bien, qu'elle est la nature de l'�me, l'�me elle-m�me ; et que la dyade, infinie de sa nature, est le mauvais g�nie qui produit la multitude des �tres mat�riels, et qu'elle est le monde visible.

Socrate et Platon ont dit que Dieu est un, qu'il n'a qu'en lui-m�me le principe de son existence, qu'il est l'unit� et le v�ritable bien. Tous ces attributs se rapportent � l'intelligence. Ainsi Dieu est un esprit, une forme s�par�e et distincte de toute mati�re, qui n'est m�l�e � rien de passible.

Aristote croit que le Dieu supr�me est une forme distincte (881f) de toute autre, qu'il est plac� au-dessus de la sph�re de l'univers, laquelle est une substance �th�r�e, qu'il appelle quintessence. Cette substance �tant divis�e en sph�res, qui, jointes par la nature, sont s�par�es par la raison,


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il dit que chaque sph�re est un animal compos� de corps et d'�me; que le corps est d'une nature �th�r�e, et se meut circulairement ; et l'�me, un �tre raisonnable qui, immobile en soi, est par son �nergie le principe du mouvement.

Les sto�ciens disent assez g�n�ralement que Dieu est un feu artiste, qui proc�de avec m�thode � la formation du monde, et contient en lui toutes les raisons s�minales d'apr�s lesquelles le Destin donne naissance � tous les �tres. (882a) Ils disent aussi que Dieu est un souffle qui p�n�tre de son action tout l'univers, et qui re�oit des noms diff�rents, d'apr�s les changements divers que subit la mati�re dans laquelle il passe tour � tour. Dieu, selon eux, est encore le monde, les �toiles et la terre, et le Dieu supr�me est l'intelligence qui r�side dans la r�gion �th�r�e.

�picure dit que tous les dieux ont une forme humaine, mais que la raison seule peut les apercevoir, � cause de la t�nuit� des parties qui forment leurs simulacres. Il donne aussi l'incorruptibilit� � quatre autres substances, les atomes, le vide, l'infini et les parties semblables. Il appelle aussi ces derni�res parties, similaires et �l�ments.

CHAPITRE VIII.

(882b) Des g�nies et des h�ros.

Il est naturel qu'apr�s les dieux nous parlions des g�nies et des h�ros. Thal�s, Pythagore, Platon et les sto�ciens ont dit que les g�nies sont des substances spirituelles, et les h�ros, des �mes s�par�es des corps qu'elles ont autrefois anim�s ; qu'ils sont de bons ou de mauvais esprits, suivant que leurs �mes ont �t� bonnes ou mauvaises. �picure n'admet ni g�nies ni h�ros.


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CHAPITRE IX.

De la mati�re.

(882c) La mati�re est le premier sujet de la g�n�ration des �tres, de leur corruption, et de tous leurs autres changements. Les sectateurs de Thal�s, ceux de Pythagore et les sto�ciens disent que de sa nature elle est variable, changeante, et susceptible dans toutes ses parties de toutes les formes possibles. Les partisans de D�mocrite pr�tendent que les premiers principes des �tres, c'est-�-dire les atomes, le vide et les substances incorporelles, ne sont sujets � aucune alt�ration. Aristote et Platon veulent que la mati�re, � ne consid�rer que sa nature, soit corporelle, qu'elle n'ait ni forme, ni esp�ce, ni figure, ni qualit� ; mais qu'elle re�oive toutes les formes, qu'elle en soit comme la m�re, la nourrice, et le fond d'o� elles sont tir�es. Ceux qui disent que la mati�re est de l'eau, de la terre, du feu et de l'air, ne la supposent plus priv�e de toute forme, et ils lui donnent le nom de corps (22) ; mais ils veulent que la mati�re soit compos�e de corps indivisibles.

CHAPITRE X.

(882d) De l'id�e.

L'id�e est une substance incorporelle qui, subsistant par elle-m�me, donne la forme aux mati�res qui n'en ont point, et est le premier principe de leur ordre et de leur disposition. Socrate et Platon disent que les id�es sont des substances s�par�es de la mati�re, qui existent


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dans la pens�e et l'imagination de Dieu, c'est-�-dire de l'�tre intelligent. Aristote a admis les id�es et les formes, mais il ne les croit pas s�par�es de la mati�re ; et c'est d'apr�s elles que Dieu, selon lui, a tout form�. (882e) Les sto�ciens, sectateurs de Z�non, ont dit que les id�es �taient des conceptions de notre esprit.

CHAPITRE XI.

Des causes.

Une cause est ce qui produit un effet, ou � l'occasion de quoi il arrive. Platon en distingue trois, l'efficiente, la mat�rielle et la finale. Il regarde la premi�re comme la plus excellente, et c'est l'�tre intelligent lui-m�me. Pythagore et Aristote disent que les causes premi�res sont incorporelles, et que les causes secondes ou accidentelles sont corporelles ; en sorte que le monde est corporel. (882f) Les sto�ciens veulent que toutes les causes soient corporelles, puisque ce sont des esprits.

CHAPITRE XII.

Des corps.

Le corps est compos� de trois dimensions, largeur, longueur et profondeur (23). Selon d'autres, c'est une masse qui, par sa nature, r�siste � l'impression du tact, ou enfin, c'est ce qui occupe un espace. Platon dit qu'un corps est ce qui n'a ni pesanteur ni l�g�ret�, lorsqu'il se trouve dans la place qui lui convient, et qui, s'il est dans un espace qui ne lui convient pas, a une inclinaison (833a) qui lui donne de la tendance � la l�g�ret� ou � la pesanteur. Aristote pr�tend que g�n�ralement la terre est le corps


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le plus pesant, et le feu le corps le plus l�ger ; que l'air et l'eau sont tant�t plus et tant�t moins pesants. Les sto�ciens disent que des quatre �l�ments, deux sont l�gers, c'est le feu et l'air; et deux sont pesants, la terre et l'eau. Les corps l�gers sont ceux qui s'�loignent naturellement de leur propre centre, et les corps graves, ceux qui y tendent. Le centre lui-m�me n'est point grave. �picure croit que les corps sont infinis ; que les premiers �l�ments sont simples, mais que les �tres compos�s, form�s de ceux-ci, ont de la gravit� ; qu'entre les atomes, (833b) les uns sont mus perpendiculairement, et les autres ont une direction oblique ; que parmi ceux qui s'�l�vent en haut, les uns le font par impulsion, et les autres par r�percussion.

CHAPITRE XIII.

Des corps les plus petits.

Emp�docle dit qu'avant les quatre �l�ments, il y a des corps infiniment petits, compos�s de parties similaires et rondes, et qui sont comme des �l�ments ant�c�dents aux quatre (883c) premiers. H�raclite admet aussi des fragments tr�s petits, et qui sont indivisibles.

CHAPITRE XIV.

Des figures.

La figure est la superficie, le contour et la terminaison des corps. Les pythagoriciens disent que les corps des quatre �l�ments sont sph�riques, et que le feu seul, qui occupe l'espace le plus haut, est de figure conique.

CHAPITRE XV.

Des couleurs.

La couleur est dans les corps la qualit� qui les rend


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visibles. Les pythagoriciens donnent � la surface du corps le nom de couleur ; Emp�docle l'applique � ce qui  est analogue aux pores de la vue ; Platon, � la flamme qui �mane des corps, et dont les parties sont proportionn�es � celles de notre vue. Z�non le sto�cien dit que les couleurs sont les premi�res figures de la mati�re. Les disciples de Pythagore comptent quatre esp�ces g�n�rales de couleurs, qui sont le blanc (883d) et le noir, le rouge et le jaune ; ils ajoutent que les nuances interm�diaires sont produites par les divers m�langes des �l�ments, et que les couleurs des animaux viennent de la diff�rence des nourritures, et de l'air.

CHAPITRE XVI.

De la divisibilit� des corps.

Les disciples de Thal�s et de Pythagore disent que les corps sont susceptibles d'impressions, et divisibles � l'infini. D'autres philosophes pensent que les atomes et les corps qui n'ont point de parties, ont toujours la m�me consistance et ne peuvent �tre divis�s � l'infini. Aristote croit que les corps sont divisibles � l'infini en puissance et non pas en acte.

CHAPITRE XVII.

Du m�lange et de la combinaison des corps.

(883e) Les anciens ont cru que le m�lange des �l�ments se fait par un changement r�ciproque de leurs qualit�s. Anaxagore et D�mocrite disent que c'est par une opposition mutuelle des parties. Emp�docle compose les �l�ments des parties les plus petites, qui, selon lui, sont comme les �l�ments des �l�ments. Platon admet que les trois premiers corps (car il leur refuse proprement le nom


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l'autre, mais que la terre ne peut se changer en aucun dos trois autres.

CHAPITRE XVIII.

Du vide.

Tous les physiciens, depuis Thal�s jusqu'� Platon, (833f) n'ont pas admis le vide. Emp�docle a dit :

Il n'est dans l'univers ni superflu ni vide.

Leucippe, D�mocrite, D�m�trius, M�trodore et �picure disent que les atomes sont infinis en nombre, et que le vide l'est en grandeur. Les sto�ciens pr�tendent qu'il n'y a point de vide dans le monde, mais que hors du monde il y a un vide infini. Aristote dit que les pythagoriciens admettent un vide qui s'�tend jusqu'au ciel, et qui est comme l'aspiration d'un souffle immense ; il est le premier des nombres, car c'est le vide qui en distingue la nature.

CHAPITRE XIX.

(884e) De l'espace.

Platon dit que l'espace est ce qui peut recevoir successivement toutes les formes. Ainsi c'est la mati�re qu'il a appel�e m�taphoriquement espace, comme �tant la nourrice et le r�cipient des �tres/Aristote d�finit l'espace l'extr�mit� du corps contenant, appliqu� au corps contenu.

CHAPITRE XX.

De la capacit�.

Les sto�ciens et �picure ont cru que le vide, l'espace et la capacit� diff�rent entre eux ; que le vide est la privation de corps, et la capacit�, (884b) ce qui n'est occup� qu'en partie, comme le tonneau par le vin.


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CHAPITRE XXI.

Du temps.

Pythagore dit que le temps est la sph�re qui environne le monde. Platon, que c'est l'image mobile de l'�ternit� ou la dur�e du mouvement de l'univers. �ratosth�ne a dit que c'est le cours du soleil (24).

CHAPITRE XXII.

De la nature du temps.

Platon croit que la substance du temps est le mouvement du ciel. Le plus grand nombre des sto�ciens pensent que c'est le mouvement lui-m�me. Plusieurs philosophes veulent que le temps soit incr��, et Platon croit qu'on ne peut le dire cr�� que suivant notre mani�re ordinaire de concevoir les choses (25)?

CHAPITRE XXIII.

Du mouvement.

Le mouvement, selon Pythagore et Platon, est une diff�rence, un changement- dans la mati�re. Aristote dit que c'est l'acte de la puissance mobile. D�mocrite n'admet qu'une esp�ce de mouvement, c'est l'oblique. �picure en suppose deux, l'un perpendiculaire et l'autre de d�clinaison. H�rophile croit qu'il y a deux mouvements, l'un qui


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n'est sensible qu'� l'esprit, et l'autre qui l'est aux sens. H�raclite �te � tous les corps, le repos et l'immobilit�, qui, selon lui, ne conviennent qu'aux morts. Il attribue un mouvement perp�tuel aux corps �ternels, et un mouvement passager aux corps p�rissables.

CHAPITRE XXIV.

De la g�n�ration et de la corruption.

(884d) Parm�nide, M�lissus et Z�non n'ont admis ni g�n�ration ni corruption, parce qu'ils ont cru l'univers immuable. Emp�docle, �picure et tous ceux qui composent le monde de la r�union des corps les [plus petits admettent des coalitions et des s�parations ; mais ils ne veulent proprement ni g�n�ration ni corruption, parce qu'ils supposent qu'il ne se fait point de changement dans les qualit�s des substances, mais seulement dans les quantit�s, par la r�union des corps. Pythagore et tous ceux qui veulent que la mati�re soit susceptible de changer admettent � la rigueur la g�n�ration et la corruption, et croient qu'elles sont l'effet de l'alt�ration, du changement et de la dissolution des �l�ments.

CHAPITRE XXV.

De la n�cessit�.

(884e) Thal�s dit que la n�cessit� est ce qu'il y a de plus fort, car elle commande � tout. Pythagore, que la n�cessit� embrasse le monde. Parm�nide et D�mocrite, que tout est fait par la n�cessit�, et qu'elle est la m�me chose que le Destin, la Justice, la Providence et la cause efficiente du monde.

 

CHAPITRE XXVI.

De la nature de la n�cessit�.

(884f) Platon attribue certains effets � la Providence et d'au-


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tres � la n�cessit�. Emp�docle dit que la nature de la n�cessit� est la cause qui emploie dans ses op�rations les principes et les �l�ments. D�mocrite croit que c'est la r�sistance, l'action et l'impulsion de la mati�re. Platon veut que ce soit tant�t la mati�re, tant�t le rapport que la cause efficiente a avec la mati�re.

CHAPITRE XXVII.

Du Destin.

H�raclite pr�tend que tout est fait par le Destin et qu'il est la m�me chose que la n�cessit�. Platon admet le Destin comme cause des actions humaines, (885a) mais il y joint celle qui vient de notre libre arbitre. Les sto�ciens sont sur ce point du sentiment de Platon : ils disent aussi que la n�cessit� est une cause immuable et invincible ; que le Destin est un encha�nement r�gl� de causes, dans lequel sont aussi renferm�es celles qui sont d�pendantes de notre volont� ; en sorte qu'il y a des actions faites par le Destin et d'autres dont il n'est pas la cause.

CHAPITRE XXVIII.

De la nature du Destin.

H�raclite a cru que la nature du Destin est la raison ou l'�me qui p�n�tre tout l'univers ; que le Destin lui-m�me est un corps �th�r� et comme le germe de la production de tous les �tres. Platon dit que c'est la raison �ternelle et la loi invariable de la nature de l'univers. (885b) Chrysippe veut que ce soit la force spirituelle qui r�git avec ordre l'univers. Dans ses d�finitions, il dit que le Destin est la raison du monde, ou la loi des �tres qui composent le monde et qui sont r�gis par la Providence, ou la raison d'apr�s laquelle tout a �t� fait, se fait et se fera.


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Les sto�ciens le d�finissent l'encha�nement des causes, c'est-�-dire l'ordre et la liaison invariables d'apr�s lesquels elles agissent. Posidonius dit que c'est la troisi�me cause apr�s Jupiter. Ce dieu est la premi�re cause, la nature est la seconde, et le Destin la troisi�me.

CHAPITRE XXIX.

De la Fortune.

(885c) La Fortune est, suivant Platon, une cause accidentelle qui survient dans les actions dont la volont� a fait le choix. Aristote dit que c'est une cause accidentelle dans les actions que la volont� nous fait faire pour une fin particuli�re; qu'elle est cach�e et variable. il ajoute que le hasard diff�re de la Fortune ; que ce qui est fait par la Fortune peut admettre aussi le hasard, et a lieu dans les actions pratiques ; mais que le hasard ne donne pas toujours lieu � la Fortune, parce qu'il ne porte point sur les actions d�pendantes de la volont� ; que la Fortune n'est relative qu'aux �tres raisonnables, au lieu que le hasard est commun aux animaux raisonnables et � ceux qui ne le sont pas, et m�me aux choses inanim�es. �picure d�finit la Fortune une cause qui varie suivant les personnes, les temps et les m�urs. Anaxagore et les sto�ciens disent que c'est une cause inconnue � la raison humaine ; qu'il y a des choses qui sont faites par la n�cessit�, d'autres par la Fortune, (885c) celles-ci par la volont� humaine, et celles-l� par le Destin.

CHAPITRE XXX.

De la nature.

Emp�docle dit que la nature n'est autre chose que le m�lange et la s�paration des �l�ments. Voici comment il s'exprime dans 'son premier livre de la Philosophie naturelle :


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La nature n'est rien ; la mort et la naissance
Ne sont pas les effets de sa vaine puissance;
Elle est �les corps divers la secr�te union,
Et de tout compos� la s�paration.

Anaxagore pr�tend aussi que la nature n'est autre chose que l'union et la s�paration des corps, c'est-�-dire leur production et leur destruction.


(01) Le mot de vertu est pris ici dans un sens plus �tendu qu'on ne le prend ordinairement. Nous n'entendons le plus souvent par ce terme que ce qui a rapport aux m�urs et � la conduite de la vie,et c'est proprement la vertu morale. Les anciens y comprenaient les connaissances qui sont purement du ressort de l'esprit, et que nous appellerions des facult�s plut�t que des vertus.

(02) Celle division de la philosophie, dont Diog�ne La�rce attribue l'invention � Z�non, avait �t� donn�e plus anciennement par les acad�miciens et par les disciples d'Aristote.

(03) Voici le texte m�me d'Aristote : � Tout ce qui est fait par nature a en soi le principe de son mouvement et de son repos. � Il dit encore : � Et tout �tre qui a un pareil principe a ce qu'on appelle nature.� 

(04) Aristote faisait le monde �ternel et supposait que la mati�re, qui existait de toute �ternit�, avait par elle-m�me son mouvement. Ainsi, quand il parle de choses non �ternelles et produites par un principe, il faut l'entendre des esp�ces et des individus qui forment les �tres sublunaires dont il appelle les principes particuliers ent�l�chies, c'est-�-dire des natures dont la forme est incorporelle, et qui forment et organisent chaque individu.

(05) Il faut entendre par le mot de principe, non la cause effectrice des choses produites, mais les premi�res parties de mati�re qui entrent dans la composition des corps. Ainsi, sous ce rapport, principe et �l�ment sont une m�me chose, et Thal�s ne se trompait pas en les confondant l'un avec l'autre.

(06) Ces trois principes m�taphysiques ne sont que des �tres de raison, �les abstractions creuses qui n'ont ni r�alit� en elles-m�mes, ni action sur des �tres.

(07) Thal�s fut le premier qui donna naissance � la philosophie, non en ce sens qu'avant lui personne n'e�t trait� de mati�res philosophiques, mais qu'il fui le premier qui r�duisit en. quelque sorte la philosophie en art, en forma comme un syst�me, et, comme le dit Diog�ne La�rce, discourut le premier sur la nature.

(08) Diog�ne La�rce joint l'infini � l'air ; en sorte que, suivant Anaxim�ne, cet air, principe des �tres, �tait infini; mais les �tres auxquels il donnait naissance �taient en nombre d�fini ou d�termin�.

(09) C'est-�-dire des parties similaires.

(10) Anaxagore n'est pas le premier qui ait reconnu cette cause intelligente, distincte du principe mat�riel et passif des �tres ; mais il l'a mieux fait conna�tre que ses pr�d�cesseurs, ce qui lui en fait attribuer l'invention.

(11) Il ne faut pas conclure de ce qui est dit ici que la secte ionique ait fini � Arch�la�s, puisqu'il y eut apr�s lui des philosophes attach�s � la doctrine de Thal�s. L'auteur veut dire seulement que la physique cessa alors de faire le seul objet des sp�culations de cette �cole, et que Socrate, disciple d'Arch�la�s, se livra uniquement � renseignement de la morale.

(12) L'unit� et le nombre binaire.

(13) L'auteur n'expose pas bien exactement la doctrine d'�picure sur la forme des atomes; ce philosophe supposait des atomes crochus, courb�s et angulaires.

(14) M�nage, dans ses notes sur Diog�ne La�rce, croit que ce nom est form� du mot grec qui signifie nager, d'o� est tir� aussi celui de N�r�ides. Au reste, les philosophes ne s'accordaient pas sur les noms des divinit�s qui d�signaient les �l�ments. Les sto�ciens, par exemple, donnaient � l'air le nom de Junon, d'autres � la terre ; de m�me Pluton �tait tant�t le symbole de l'air et tant�t celui de la terre.

(15) Socrate n'a rien laiss� d'�crit sur ses opinions en physique ; et quoique Platon rende assez ordinairement ses sentiments dans les dialogues o� il le fait parler, on peut douter si ce n'est p:is plut�t ses propres opinions qu'il expose sur ces mati�res que celles de son ma�tre, car on sait que Socrate ne s'occupait gu�re que de morale.

(16) C'est-�-dire la forme que Dieu a donn�e aux �tres, d'apr�s l'exemplaire �ternel qu'il en avait en lui-m�me, comme l'auteur va le dire.

(17) L'auteur a pr�sent� ici la formation du monde d'apr�s �picure, quoi qu'il n'ait pas nomm� ce philosophe. Lucr�ce a d�velopp� ce syst�me dans son po�me : �Ce n'est point, dit-il, par un effet de leur intelligence. �

(18) Les sto�ciens menaient de la diff�rence entre l'univers et le monde : suivant eux, l'univers comprenait tout l'espace vide et plein, au lieu que le monde �tait l'espace plein autour duquel �tait l'espace vide.

(19) Platon supposait que le monde avait �t� forme d'apr�s les id�es exemplaires que Dieu avait �ternellement en lui-m�me.

(20) �picure se servait de cet argument pour prouver la pluralit� des mondes.

(21) Cette opinion ne peut pas dire celle de notre auteur. D�s qu'il donnait son ouvrage sous le nom de Plutarque, il se serait trahi en soutenant une doctrine aussi oppos�e � celle du philosophe religieux de Ch�ron�e. Il y a apparence qu'il fait parler encore ici �picure, dont les copistes auront pass� le nom. Cette opinion �tait celle de son �cole.

(22) Les anciens philosophes distinguaient entre mati�re et corps. Ils d�signaient par le premier nom la mati�re informe, qui n'avait pas encore re�u ses modifications ; et par le second, ils entendaient la mati�re organis�e.

(23) Cette opinion n'est attribu�e ici � aucun philosophe; mais Stob�e dit qu'elle est de Chrysippe et de Posidonius, deux c�l�bres sto�ciens. �picure d�finit de m�me le corps, suivant Sextus Empiricus, adv. Mathem., lib. I, seg. 21.

(24)  L'id�e du temps est une de celles qui a le plus exerc� les philosophes. Tout le monde conna�t le mot de saint Augustin, qui disait : Je sais ce que c'est que le temps quand ou ne me le demande point; mais je ne le sais plus quand on me le demande.

(25) Cette opinion c�l�bre de Platon, par laquelle ce philosophe para�t avoir admis que le temps est � la fois cr�� et -incr��, a donn� lieu � de vives disputes sur l'�ternit� du monde, entre les platoniciens et les disciples d'Aristote.