Revue française d'anthropologie 203-204 | 2012 Anthropologie début de siècle "Un perpétuel princi... more Revue française d'anthropologie 203-204 | 2012 Anthropologie début de siècle "Un perpétuel principe d'inquiétude"
Le débat relatif à l’emploi de la notion de fétiche en anthropologie reste ouvert : devons-nous d... more Le débat relatif à l’emploi de la notion de fétiche en anthropologie reste ouvert : devons-nous déplorer la confusion où nous plonge trop fréquemment l’imprécision du terme ou apprécier qu’il confère une dénomination globale à un ensemble d’objets magico-religieux que nul n’est parvenu jusqu’ici à répartir en catégories convenables ? L’indéniable difficulté à s'en défaire n’indiquerait-elle pas qu’il correspond, en dépit de ses défauts, à quelque chose de terriblement présent pour la désignation de laquelle nous ne savons encore nous référer à aucun concept adéquat ? Le meilleur moyen de faire progresser la recherche en ce domaine est sans doute de recueillir sur le terrain les données précises qui continuent de faire défaut pour l’alimenter, tant le discrédit sur les pratiques en question induit à négliger de les observer et de les analyser avec le soin qu’elles méritent. Les articles réunis ci-dessous apporteront une première contribution en ce sens. Ils constituent le tout pr...
Le Centre pour la Communication Scientifique Directe - HAL - SHS, 2013
Michèle Coquet « Un monde merveilleux où vivre ». Opal Whiteley, l'état d'enfance et la création ... more Michèle Coquet « Un monde merveilleux où vivre ». Opal Whiteley, l'état d'enfance et la création (Oregon, Etats-Unis d'Amérique) « C'est la première fois, écrit Mona Ozouf dans Composition française où elle évoque son enfance, […] que j'ai le sentiment, violent, comblant, de jouer. A la maison, l'ours Gell (Brun, en breton) et le baigneur Yannig sont de peu de secours. Deux ou trois ans plus tard, quand je lirai l'histoire de Cosette dans les "morceaux choisis" de l'école, j'apprendrai que la contemplation éblouie d'une poupée peut à elle seule tenir lieu de "jeu ". Mais tel n'était pas mon cas, au point que j'avais inventé un double pour mon baigneur, un Yannig dit du "jardin" parce qu'il logeait dans le coin du persil et du cerfeuil. Chaque fois que je déplace, dans la bordure de buis, le petit caillou rond qui figure la porte de sa maison, il vient me rejoindre. C'est un vrai copain, plus loquace et plus affectueux que l'inerte baigneur de celluloïd 1 .» Ce « copain » imaginé, autre soi-même, jumeau, sans autre matérialité que celle du lieu, circonscrit par la fillette, de sa présence, est une figure connue de l'enfance 2. Que fait ainsi un enfant lorsque, selon nous, adultes, il joue, seul ou avec d'autres ? Que recherche-t-il ? Quels enivrements ? Quelles passions, quelles tensions l'animent, le poussent et le portent ? Avec quoi, à quoi joue-t-il ? Est-il possible de retourner à la source de ce sentiment de « comblement » de l'enfant tout entier pris à son jeu, mentionné par Ozouf ? La voie nous menant jusqu'à lui peut suivre celle de la remémoration, à laquelle se prête en effet le récit d'enfance, de nature autobiographique ; ou prendre la forme d'états fugitifs produits par la soudaine remontée à notre conscience d'un souvenir très ancien, oublié en ses profondeurs, un processus éphémère dont Marcel Proust a dépeint de manière exemplaire les effets, lorsqu'il évoquait sa dégustation du fameux «petit coquillage de pâtisserie ». D'autres voies restent possibles : l'observation in vivo d'enfants occupés à leurs jeux ; le recours aux mots qu'ils utilisent pour décrire ce qu'ils font et ce qu'ils éprouvent. C'est cette dernière approche qui sera mienne. Je m'appuierai sur le journal d'une petite Américaine de 7 ans, Opal Whiteley, rédigé dans les années 1904-1905. Ce journal,
Le Centre pour la Communication Scientifique Directe - HAL - SHS, 2006
Ce que nous désignons communément par le terme "image" recouvre, selon les contextes culturels co... more Ce que nous désignons communément par le terme "image" recouvre, selon les contextes culturels considérés, des acceptions d'une grande diversité ; en Occident, celles-ci ont considérablement varié au cours de l'histoire, un constat qu'ont établi nombre d'historiens ou de théoriciens de l'art. Les sociétés africaines, comme toutes les sociétés humaines, fabriquent des images, dans le sens de représentations visibles d'êtres ou de choses imaginaires ou réels, et les images y sont en permanence sollicitées. Cela ne veut pas dire qu'il existe de théorie autochtone, explicitement formulée, les concernant, à l'instar de celle que conçut le monde chrétien. En revanche, s'est développée une réflexion spéculative touchant non seulement aux figurations manufacturées mais aussi à ce qui, en fonction de conventions particulières propres à chaque communauté, est interprété et regardé comme faisant image : certains phénomènes naturels, comme le reflet ou le ciel étoilé, des configurations environnementales naturelles (éléments de paysage), des agencements chorégraphiques ou gestuels, des scènes oniriques, des manières de porter le vêtement et la parure ou d'agencer sa coiffure, etc. Bien souvent, ce qui fait image ne relève d'ailleurs pas du seul domaine de la vue. Le masque, pour prendre un exemple qu'évoquent immanquablement les arts de l'Afrique villageoise, est rarement compris, si ce n'est jamais, comme étant seulement la traduction matérialisée, c'est-à-dire visualisée, d'un être surnaturel. Il en propose aussi généralement une expression sonore et même olfactive. Il n'est parfois que cela, un son, celui d'un rhombe ou d'un sifflet par exemple, mais associé dans l'imaginaire à une instance que des masques représentent par ailleurs visuellement, une association qui a conduit certains auteurs à user de la formule "masque auditif" pour le définir 1. Ce qui fait alors image, c'est une coalescence de phénomènes, mobilisant divers registres sensoriels, condensés temporairement en un objet à voir ou à imaginer. Les traditions des sociétés qui ne pratiquent pas l'écriture-ce qui ne signifie pas qu'elles n'en connaissent pas l'existence ou la finalitésont fondées autant sur la parole que sur l'image. En 1965, dans l'avantpropos à son ouvrage Ethnologie et langage-La parole chez les Dogon, Geneviève Calame-Griaule notait le manque d'études consacrées à la parole et plus généralement à ses relations avec le langage et la société. Elle citait, parmi ceux l'ayant précédé dans la voie qu'elle s'était choisie en allant enquêter sur les conceptions dogon relatives à cette question,
Les chants dont les prisonniers texans rythment leurs gestes de travail ont-ils quelque chose à v... more Les chants dont les prisonniers texans rythment leurs gestes de travail ont-ils quelque chose à voir avec le geste fluide du luthier taillant un violon, celui de la scarificatrice bwaba ciselant les chairs ou celui de l’Homo erectus taillant un biface ? Resserrant la vieille question des rapports entre le beau, l’utile et le nécessaire, ce dossier choisit de privilégier celle de l’esthétique du geste technique. En quoi un tel geste peut-il être jugé beau, et cette beauté tient-elle à des caractéristiques tangibles – régularité, rythmicité, économie… – ou à des traits plus impalpables ? La question est envisagée ici à partir de la distinction opérée par Hannah Arendt entre travail et œuvre. Le travail – l’ensemble des tâches répétitives nécessitées par la survie quotidienne – est parfois sublimé par des chants ou des chorégraphies qui embellissent le labeur et allègent sa pénibilité. Tandis que l’élaboration d’une œuvre – c’est-à-dire la création d’un objet qui viendra s’ajouter dura...
C’est un catalogue splendide. Celui de la collection de Thomas G. B. Wheelock consacree a l’art d... more C’est un catalogue splendide. Celui de la collection de Thomas G. B. Wheelock consacree a l’art des peuples du Burkina Faso, soit 557 objets, de la statuaire en bois aux figurines et bijoux de laiton, œuvres en fer forge, armes, ceramique et meme costumes et ornements de danse, exposes pleine page sur fond noir et documentes par de nombreuses photographies prises in situ dont on regrettera cependant la relative anciennete (une trentaine d’annees). Du point de vue iconographique, il s’agit d’u...
Dans l'univers graphique qui est le leur, les Bwaba distinguent deux types de dessins, les un... more Dans l'univers graphique qui est le leur, les Bwaba distinguent deux types de dessins, les uns r?pondant au nom de won, les autres ? celui de w/7n/.1 Les dessins de type won se reconnaissent ? leur tendance vers une certaine figurativit?, exprim?e par remplissage de surfaces, par aplats. Les empreintes de main sur un mur, les motifs peints sur les poteries et la repr?sentation tr?s r?aliste d'objets ou d'animaux sur les masques de bois r?pondent ? cette appellation. Les dessins du second type, wiini, ont un champ d'application beaucoup plus vaste et d?signent tout ce qui est trac? en creux, de wii, "inciser". Leur ex?cution exige l'utilisation d'un outil pointu, contrairement aux graphismes du premier type. Wiini est le terme utilis? pour nommer les scarifications corporelles, ainsi que l'ensemble des signes grav?s, de nature g?om?trique, ind?pendamment de leur support: les Bwaba diront, par exemple, wii letere pour "?crire une lettre", le travail du stylo ne constituant pas l? une v?ritable incision dans le papier, mais exprimant plut?t l'id?e d'une c?sure dans l'espace blanc de la feuille. Bien que wiini soit un terme englobant toute la production par incision de dessins abstraits, leur trait? graphique varie selon le support. Sur la peau, c'est g?n?ralement la succession des traits incis?s qui constitue la forme elle-m?me. Ce style se rencontre assez rarement sur les objets, au profit d'une autre transcription, par groupement de lignes, qui n'est utilis?e alors, dans les scarifications, que pour certains signes. Cette composition par groupement ou succession de traits s'organise en figures discr?tes se r?f?rant chacune ? un micror?cit autonome au sein d'un ?nonc? plus large, faisant de l'ensemble des dessins inscrits sur le corps un ensemble signifiant. La lecture et la compr?hension de ce texte graphique ne sont accessibles qu'? quelques membres de la communaut?. La connaissance ?sot?rique des grands mythes support?s par les scarifications ne peut ?tre acquise qu'au cours d'un enseignement tr?s long et individuel concernant sp?cifiquement les forgerons. Certains sujets, particuli?rement ceux relatifs au Temps, ? sa ma?trise par le calendrier, ainsi qu'? sa repr?sentation, ne peuvent pas ?tre abord?s par des individus ?g?s de moins de quarante ans. Les forgerons, bien que soumis aux paysans dont le travail, celui de la terre, est consid?r? comme le plus noble, d?tiennent une grande partie du pouvoir religieux et du savoir sur les mythes fondamentaux. Seuls les plus vieux d'entre eux peuvent d?crypter et comprendre le langage inscrit dans la peau de chacun des membres de la communaut?, mais un savoir exot?rique est r?serv? ? ceux qui n'ont pas suivi un enseignement suffisant. Ainsi chaque dessin fait r?f?rence, ? un niveau superficiel d'interpr?tation, ? des objets mat?riels ou ? des lieux que la fr?quentation quotidienne ou rituelle rendent familiers, puis, ? un niveau plus profond, ? un ensemble de rites et de mythes tr?s complexes. Les deux niveaux sont en corr?lation ?troite, puisque les objets et les lieux demeurent les supports figuratifs indispensables d'un discours abstrait. Traditionnellement, tous les individus de la communaut? ? paysans, forgerons et griots ? sont marqu?s quelques jours apr?s la naissance2 sur le visage, de mani?re ? ce que la mati?re osseuse encore tendre de la t?te soit-elle aussi incis?e. Ces traces doivent demeurer sur les ossements afin qu'apr?s sa mort le d?funt puisse rejoindre les anc?tres et ?tre reconnu par eux. Cette condition ultime n?cessite la
Coquet Michèle. Michèle Coquet. Le soleil mangé. Du langage des formes et des matières dans une s... more Coquet Michèle. Michèle Coquet. Le soleil mangé. Du langage des formes et des matières dans une société sans écriture, les Bwaba du Burkina Faso. In: Journal des africanistes, 1994, tome 64, fascicule 1. pp. 127-130
Coquet Michèle. C. B. Steiner, African Art in Transit. In: L'Homme, 1996, tome 36 n°139. pp. ... more Coquet Michèle. C. B. Steiner, African Art in Transit. In: L'Homme, 1996, tome 36 n°139. pp. 184-185
Coquet Michèle. W. Van Damme, Beauty in Context. Towards an Anthropological Approach to Aesthetic... more Coquet Michèle. W. Van Damme, Beauty in Context. Towards an Anthropological Approach to Aesthetics. In: L'Homme, 1998, tome 38 n°148. Lignage, mariage, héritage. pp. 285-286
Revue française d'anthropologie 203-204 | 2012 Anthropologie début de siècle "Un perpétuel princi... more Revue française d'anthropologie 203-204 | 2012 Anthropologie début de siècle "Un perpétuel principe d'inquiétude"
Le débat relatif à l’emploi de la notion de fétiche en anthropologie reste ouvert : devons-nous d... more Le débat relatif à l’emploi de la notion de fétiche en anthropologie reste ouvert : devons-nous déplorer la confusion où nous plonge trop fréquemment l’imprécision du terme ou apprécier qu’il confère une dénomination globale à un ensemble d’objets magico-religieux que nul n’est parvenu jusqu’ici à répartir en catégories convenables ? L’indéniable difficulté à s'en défaire n’indiquerait-elle pas qu’il correspond, en dépit de ses défauts, à quelque chose de terriblement présent pour la désignation de laquelle nous ne savons encore nous référer à aucun concept adéquat ? Le meilleur moyen de faire progresser la recherche en ce domaine est sans doute de recueillir sur le terrain les données précises qui continuent de faire défaut pour l’alimenter, tant le discrédit sur les pratiques en question induit à négliger de les observer et de les analyser avec le soin qu’elles méritent. Les articles réunis ci-dessous apporteront une première contribution en ce sens. Ils constituent le tout pr...
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Michèle Coquet « Un monde merveilleux où vivre ». Opal Whiteley, l'état d'enfance et la création ... more Michèle Coquet « Un monde merveilleux où vivre ». Opal Whiteley, l'état d'enfance et la création (Oregon, Etats-Unis d'Amérique) « C'est la première fois, écrit Mona Ozouf dans Composition française où elle évoque son enfance, […] que j'ai le sentiment, violent, comblant, de jouer. A la maison, l'ours Gell (Brun, en breton) et le baigneur Yannig sont de peu de secours. Deux ou trois ans plus tard, quand je lirai l'histoire de Cosette dans les "morceaux choisis" de l'école, j'apprendrai que la contemplation éblouie d'une poupée peut à elle seule tenir lieu de "jeu ". Mais tel n'était pas mon cas, au point que j'avais inventé un double pour mon baigneur, un Yannig dit du "jardin" parce qu'il logeait dans le coin du persil et du cerfeuil. Chaque fois que je déplace, dans la bordure de buis, le petit caillou rond qui figure la porte de sa maison, il vient me rejoindre. C'est un vrai copain, plus loquace et plus affectueux que l'inerte baigneur de celluloïd 1 .» Ce « copain » imaginé, autre soi-même, jumeau, sans autre matérialité que celle du lieu, circonscrit par la fillette, de sa présence, est une figure connue de l'enfance 2. Que fait ainsi un enfant lorsque, selon nous, adultes, il joue, seul ou avec d'autres ? Que recherche-t-il ? Quels enivrements ? Quelles passions, quelles tensions l'animent, le poussent et le portent ? Avec quoi, à quoi joue-t-il ? Est-il possible de retourner à la source de ce sentiment de « comblement » de l'enfant tout entier pris à son jeu, mentionné par Ozouf ? La voie nous menant jusqu'à lui peut suivre celle de la remémoration, à laquelle se prête en effet le récit d'enfance, de nature autobiographique ; ou prendre la forme d'états fugitifs produits par la soudaine remontée à notre conscience d'un souvenir très ancien, oublié en ses profondeurs, un processus éphémère dont Marcel Proust a dépeint de manière exemplaire les effets, lorsqu'il évoquait sa dégustation du fameux «petit coquillage de pâtisserie ». D'autres voies restent possibles : l'observation in vivo d'enfants occupés à leurs jeux ; le recours aux mots qu'ils utilisent pour décrire ce qu'ils font et ce qu'ils éprouvent. C'est cette dernière approche qui sera mienne. Je m'appuierai sur le journal d'une petite Américaine de 7 ans, Opal Whiteley, rédigé dans les années 1904-1905. Ce journal,
Le Centre pour la Communication Scientifique Directe - HAL - SHS, 2006
Ce que nous désignons communément par le terme "image" recouvre, selon les contextes culturels co... more Ce que nous désignons communément par le terme "image" recouvre, selon les contextes culturels considérés, des acceptions d'une grande diversité ; en Occident, celles-ci ont considérablement varié au cours de l'histoire, un constat qu'ont établi nombre d'historiens ou de théoriciens de l'art. Les sociétés africaines, comme toutes les sociétés humaines, fabriquent des images, dans le sens de représentations visibles d'êtres ou de choses imaginaires ou réels, et les images y sont en permanence sollicitées. Cela ne veut pas dire qu'il existe de théorie autochtone, explicitement formulée, les concernant, à l'instar de celle que conçut le monde chrétien. En revanche, s'est développée une réflexion spéculative touchant non seulement aux figurations manufacturées mais aussi à ce qui, en fonction de conventions particulières propres à chaque communauté, est interprété et regardé comme faisant image : certains phénomènes naturels, comme le reflet ou le ciel étoilé, des configurations environnementales naturelles (éléments de paysage), des agencements chorégraphiques ou gestuels, des scènes oniriques, des manières de porter le vêtement et la parure ou d'agencer sa coiffure, etc. Bien souvent, ce qui fait image ne relève d'ailleurs pas du seul domaine de la vue. Le masque, pour prendre un exemple qu'évoquent immanquablement les arts de l'Afrique villageoise, est rarement compris, si ce n'est jamais, comme étant seulement la traduction matérialisée, c'est-à-dire visualisée, d'un être surnaturel. Il en propose aussi généralement une expression sonore et même olfactive. Il n'est parfois que cela, un son, celui d'un rhombe ou d'un sifflet par exemple, mais associé dans l'imaginaire à une instance que des masques représentent par ailleurs visuellement, une association qui a conduit certains auteurs à user de la formule "masque auditif" pour le définir 1. Ce qui fait alors image, c'est une coalescence de phénomènes, mobilisant divers registres sensoriels, condensés temporairement en un objet à voir ou à imaginer. Les traditions des sociétés qui ne pratiquent pas l'écriture-ce qui ne signifie pas qu'elles n'en connaissent pas l'existence ou la finalitésont fondées autant sur la parole que sur l'image. En 1965, dans l'avantpropos à son ouvrage Ethnologie et langage-La parole chez les Dogon, Geneviève Calame-Griaule notait le manque d'études consacrées à la parole et plus généralement à ses relations avec le langage et la société. Elle citait, parmi ceux l'ayant précédé dans la voie qu'elle s'était choisie en allant enquêter sur les conceptions dogon relatives à cette question,
Les chants dont les prisonniers texans rythment leurs gestes de travail ont-ils quelque chose à v... more Les chants dont les prisonniers texans rythment leurs gestes de travail ont-ils quelque chose à voir avec le geste fluide du luthier taillant un violon, celui de la scarificatrice bwaba ciselant les chairs ou celui de l’Homo erectus taillant un biface ? Resserrant la vieille question des rapports entre le beau, l’utile et le nécessaire, ce dossier choisit de privilégier celle de l’esthétique du geste technique. En quoi un tel geste peut-il être jugé beau, et cette beauté tient-elle à des caractéristiques tangibles – régularité, rythmicité, économie… – ou à des traits plus impalpables ? La question est envisagée ici à partir de la distinction opérée par Hannah Arendt entre travail et œuvre. Le travail – l’ensemble des tâches répétitives nécessitées par la survie quotidienne – est parfois sublimé par des chants ou des chorégraphies qui embellissent le labeur et allègent sa pénibilité. Tandis que l’élaboration d’une œuvre – c’est-à-dire la création d’un objet qui viendra s’ajouter dura...
C’est un catalogue splendide. Celui de la collection de Thomas G. B. Wheelock consacree a l’art d... more C’est un catalogue splendide. Celui de la collection de Thomas G. B. Wheelock consacree a l’art des peuples du Burkina Faso, soit 557 objets, de la statuaire en bois aux figurines et bijoux de laiton, œuvres en fer forge, armes, ceramique et meme costumes et ornements de danse, exposes pleine page sur fond noir et documentes par de nombreuses photographies prises in situ dont on regrettera cependant la relative anciennete (une trentaine d’annees). Du point de vue iconographique, il s’agit d’u...
Dans l'univers graphique qui est le leur, les Bwaba distinguent deux types de dessins, les un... more Dans l'univers graphique qui est le leur, les Bwaba distinguent deux types de dessins, les uns r?pondant au nom de won, les autres ? celui de w/7n/.1 Les dessins de type won se reconnaissent ? leur tendance vers une certaine figurativit?, exprim?e par remplissage de surfaces, par aplats. Les empreintes de main sur un mur, les motifs peints sur les poteries et la repr?sentation tr?s r?aliste d'objets ou d'animaux sur les masques de bois r?pondent ? cette appellation. Les dessins du second type, wiini, ont un champ d'application beaucoup plus vaste et d?signent tout ce qui est trac? en creux, de wii, "inciser". Leur ex?cution exige l'utilisation d'un outil pointu, contrairement aux graphismes du premier type. Wiini est le terme utilis? pour nommer les scarifications corporelles, ainsi que l'ensemble des signes grav?s, de nature g?om?trique, ind?pendamment de leur support: les Bwaba diront, par exemple, wii letere pour "?crire une lettre", le travail du stylo ne constituant pas l? une v?ritable incision dans le papier, mais exprimant plut?t l'id?e d'une c?sure dans l'espace blanc de la feuille. Bien que wiini soit un terme englobant toute la production par incision de dessins abstraits, leur trait? graphique varie selon le support. Sur la peau, c'est g?n?ralement la succession des traits incis?s qui constitue la forme elle-m?me. Ce style se rencontre assez rarement sur les objets, au profit d'une autre transcription, par groupement de lignes, qui n'est utilis?e alors, dans les scarifications, que pour certains signes. Cette composition par groupement ou succession de traits s'organise en figures discr?tes se r?f?rant chacune ? un micror?cit autonome au sein d'un ?nonc? plus large, faisant de l'ensemble des dessins inscrits sur le corps un ensemble signifiant. La lecture et la compr?hension de ce texte graphique ne sont accessibles qu'? quelques membres de la communaut?. La connaissance ?sot?rique des grands mythes support?s par les scarifications ne peut ?tre acquise qu'au cours d'un enseignement tr?s long et individuel concernant sp?cifiquement les forgerons. Certains sujets, particuli?rement ceux relatifs au Temps, ? sa ma?trise par le calendrier, ainsi qu'? sa repr?sentation, ne peuvent pas ?tre abord?s par des individus ?g?s de moins de quarante ans. Les forgerons, bien que soumis aux paysans dont le travail, celui de la terre, est consid?r? comme le plus noble, d?tiennent une grande partie du pouvoir religieux et du savoir sur les mythes fondamentaux. Seuls les plus vieux d'entre eux peuvent d?crypter et comprendre le langage inscrit dans la peau de chacun des membres de la communaut?, mais un savoir exot?rique est r?serv? ? ceux qui n'ont pas suivi un enseignement suffisant. Ainsi chaque dessin fait r?f?rence, ? un niveau superficiel d'interpr?tation, ? des objets mat?riels ou ? des lieux que la fr?quentation quotidienne ou rituelle rendent familiers, puis, ? un niveau plus profond, ? un ensemble de rites et de mythes tr?s complexes. Les deux niveaux sont en corr?lation ?troite, puisque les objets et les lieux demeurent les supports figuratifs indispensables d'un discours abstrait. Traditionnellement, tous les individus de la communaut? ? paysans, forgerons et griots ? sont marqu?s quelques jours apr?s la naissance2 sur le visage, de mani?re ? ce que la mati?re osseuse encore tendre de la t?te soit-elle aussi incis?e. Ces traces doivent demeurer sur les ossements afin qu'apr?s sa mort le d?funt puisse rejoindre les anc?tres et ?tre reconnu par eux. Cette condition ultime n?cessite la
Coquet Michèle. Michèle Coquet. Le soleil mangé. Du langage des formes et des matières dans une s... more Coquet Michèle. Michèle Coquet. Le soleil mangé. Du langage des formes et des matières dans une société sans écriture, les Bwaba du Burkina Faso. In: Journal des africanistes, 1994, tome 64, fascicule 1. pp. 127-130
Coquet Michèle. C. B. Steiner, African Art in Transit. In: L'Homme, 1996, tome 36 n°139. pp. ... more Coquet Michèle. C. B. Steiner, African Art in Transit. In: L'Homme, 1996, tome 36 n°139. pp. 184-185
Coquet Michèle. W. Van Damme, Beauty in Context. Towards an Anthropological Approach to Aesthetic... more Coquet Michèle. W. Van Damme, Beauty in Context. Towards an Anthropological Approach to Aesthetics. In: L'Homme, 1998, tome 38 n°148. Lignage, mariage, héritage. pp. 285-286
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