Aller au contenu

Utilisateur:Zunkir/Chine

Une page de Wikipédia, l'encyclopédie libre.

La conquête et la mise au pas de la Chine par les Mandchous

[modifier | modifier le code]

L'origine de la dynastie mandchoue

[modifier | modifier le code]
Nurhaci.
Les cinq langues de la dynastie Qing, inscrites au fronton de la résidence de montagne de Chengde : nom de la « porte de la Beauté et de la Justice » écrit en mongol, ouïghour, chinois, tibétain et mandchou.

La dynastie fut fondée non pas par les Hans, qui constituent la majorité de la population chinoise, mais par des Mandchous, qui de nos jours ne représentent plus qu'une minorité ethnique en Chine. Il faut manifestement chercher l'origine des Mandchous chez les Jürchens (女真), un peuple toungouse qui vivait dans la région comprenant l'actuelle province russe du kraï du Primorie et la province chinoise du Heilongjiang.

La dynastie a été fondée par Aliou Shetima, du clan Aisin Gioro (ou Aixinjueluo, chinois traditionnel : 愛新覺羅, chinois simplifié : 新觉), dans le Nord-Est de la Chine actuelle, en Mandchourie. La classe dirigeante des Qing parlait mandchou, une langue toungouse. Les nobles mandchous étaient appelés « personnes des Huit Bannières » (bāqírén, 八旗人 en mandarin), par référence aux Huit Bannières, les armées de la confédération mandchoue.

Nurhaci était le chef d'une tribu mineure jürchen dans le Jianzhou (建州), au début du XVIIe siècle. Vassal de la dynastie des Ming, il fut à partir de 1582 mêlé à un conflit opposant les différentes tribus mandchoues. Les luttes armées entre tribus devinrent bientôt une guerre régionale, visant à l'unification des tribus jürchens du Jianzhou. Dès 1616, Nurhaci avait suffisamment pris de pouvoir sur la région pour s'auto-proclamer « Khan du Grand Jin », en référence à la précédente dynastie jürchen. Les historiens désignent cette entité pré-Qing comme la dynastie des Jin postérieurs (後金 ; Hòu Jīn), pour la distinguer de la première dynastie Jin.

En 1618, Nurhaci entre ouvertement en rébellion contre les Ming en émettant les Sept Griefs contre la tyrannie impériale[1]. Cela lui permet d'unifier sous sa bannière les dernières tribus jürchens encore alliées à la dynastie Ming. Remportant une série de victoires militaires contre les Ming, Nurhaci déplace sa capitale de Hetu Ala à de plus grandes cités récemment conquises dans la province du Liaodong, telles que Liaoyang (辽阳) en 1621, puis Shenyang (沈阳, par la suite renommée Shenjing (盛京). Les Mandchous assurent par la force leur autorité sur les Hans, les premières révoltes étant matées de manière sanglante.

En déplaçant sa cour du Jianzhou vers le Liaodong, Nurhaci s'assure d'importantes ressources matérielles et humaines, se rapprochant également des tribus mongoles. La nation mongole née sous Gengis Khan n'était depuis longtemps plus qu'un peuple fragmenté : ces tribus désunies présentaient cependant toujours une sérieuse menace pour les Ming. Nurhaci s'assure l'amitié et la coopération des Mongols, qui lui apportent leur savoir-faire militaire : il favorise les mariages entre les lignées des aristocraties jürchen et mongole, créant des liens familiaux entre les élites des deux peuples ; la politique de Nurhaci prend également l'aspect d'un rapprochement culturel, créant pour la langue mandchoue un nouvel alphabet, inspiré de l'écriture mongole. Une administration civile et militaire est également mise en place pour favoriser l'unité des tribus jürchens, formant l'embryon du système des Huit Bannières.

Carte de l'Empire Chinois et du Japon, Alexandre Émile Lapie, 1832.

En janvier 1626, Nurhachi connaît sa première défaite militaire majeure, ses troupes étant battues par celles du général Yuan Chonghuan durant le siège de la ville ming de Liaoning ; il meurt quelques mois plus tard, soit de maladie, soit des suites de blessures subies sur le champ de bataille. Après une brève rivalité successorale, son huitième fils Huang Taiji prend la tête des Jürchens. Le règne de Huang Taiji commence dans un contexte militaire difficile, les Jürchens étant à nouveau battus en 1627 par les troupes de Yuan Chonghuan, l'armée Ming bénéficiant de nouveaux et puissants canons achetés aux Portugais. La même année, Huang Taiji envahit la Corée, à laquelle il impose des traités commerciaux. Pour remédier à cette disparité de moyens, Huang Taiji crée en 1634 son propre corps d'artillerie, à l'aide de soldats hans et d'artisans chinois capturés, qui confectionnent des canons sur le même modèle que ceux des Ming.

Huang Taiji.

En 1635, Huang Taiji adopte le nom de « Mandchou » (chinois : 滿洲 ; mandchou ; alphabet mandchou : ) pour désigner l'ensemble du peuple qui constitue le cœur de son État. De ce fait, plutôt qu'un peuple ancien préexistant à son empire comme on l'a longtemps pensé, les « Mandchous » peuvent être vus à ce stade comme « une organisation de personnes créée de manière délibérée dans un but de conquête » (W. T. Rowe) et non comme une ethnie à proprement parler, ce qu'ils deviennent avec la consolidation de l'empire après 1644[2]. En 1636, après s'être vu remettre par Ejei Khan, le fils du Grand Khan mongol Ligdan Khan, récemment décédé, le sceau impérial de la dynastie Yuan, Huang Taiji adopte pour l'État mandchou le nom de Grand Qing, abandonnant le titre de Khan pour celui d'Empereur. Le choix du nom de Qing, signifiant Clair est probablement motivé par le désir de signifier l'opposition aux Ming, dont le nom est représenté par le sinogramme 明, composé des caractères 日 (soleil) et 月 (lune), associés au feu ; le nom de Qing est par contre représenté par le sinogramme 清, alliant 水 (eau) et 青 (bleu) et associant ainsi la dynastie à l'élément aquatique, par opposition au « feu » des Ming.

En 1635, les alliés mongols sont entièrement incorporés, dans une Bannière distincte mais sous le contrôle direct des Mandchous. En 1636, face aux velléités d'autonomie des Coréens, les troupes de Huang Taiji envahissent à nouveau la Corée, réduisant la dynastie Chosŏn à la vassalité. En 1637, les deux premières bannières hans sont créées ; en 1642, les Huit Bannières sont formées. Ces réformes militaires contribuent aux succès de Huang Taiji, qui bat les troupes Ming dans une série de batailles entre 1640 et 1642, prenant le contrôle des territoires de Songshan (松山区, en Mongolie-Intérieure) et de Jinzhou (锦州市, dans le Liaoning). Cette dernière victoire permet aux Jürchens d'obtenir la reddition des troupes les plus puissantes de l'armée des Ming, et le retrait des défenses au nord de la muraille de Chine.

Au fil des années et des progrès de ses troupes, Huang Taiji constitue une bureaucratie étatique semblable à celle des Ming, suivant les conseils de fonctionnaires impériaux ralliés à sa cause. Contrairement à son père, le souverain jürchen ne considère pas les Hans comme des ennemis potentiels et s'emploie au contraire à leur faire une place dans son administration et son armée, s'assurant des loyautés.

La chute des Ming et la conquête mandchoue

[modifier | modifier le code]

La mort de Huang Taiji, en septembre 1643, laisse les Qing dans l'incertitude, aucune règle claire de succession n'existant à l'époque. Hooge (en), fils aîné de Huang Taiji, et son demi-frère Dorgon revendiquant tous deux la succession, la situation est résolue par le choix de Fulin, fils cadet de l'Empereur Qing, alors âge de cinq ans, connu sous le nom de règne de Shunzhi. Dorgon assure la régence.

Les Ming, particulièrement affaiblis militairement et économiquement, se révèlent incapables de profiter de l'incertitude politique momentanée des Qing. Parallèlement au conflit avec les Qing, les Ming ont à affronter les soulèvements des forces armées et des paysans en révolte, les armées rebelles étant menées par Li Zicheng et Zhang Xianzhong. Le 25 avril 1644, les troupes rebelles de Li Zicheng prirent Pékin : Chongzhen, le dernier empereur ming, se suicide. Li Zicheng se proclame empereur du Grand Shun (大順), et part ensuite affronter l'armée ming à Shanhaiguan, passage de la Grande muraille. Le général Wu Sangui, qui commande les troupes à Shanhaiguan, se rallie alors aux Qing. Li Zicheng célèbre en toute hâte son couronnement le 29 avril, avant de quitter la capitale le lendemain[3]. Les armées qing, désormais alliées à une partie des anciennes troupes Ming, vainquent les rebelles le 27 mai et prennent Pékin le 6 juin. Le 30 octobre, le jeune Shunzhi est proclamé Fils du ciel, les Qing revendiquant le mandat céleste. Des funérailles officielles sont organisées pour l'Empereur Chongzhen, assurant une apparence de légitimité à la succession. Les combats contre les rebelles se poursuivent : Li Zicheng est tué dans le courant de l'année 1645 et Zhang Xianzhong, au début de 1647.

La mise en place de l'ordre mandchou

[modifier | modifier le code]
L'Empereur Kangxi.

Les premières années du règne de Shunzhi sont marquées par la régence de son oncle, le prince Dorgon. Ce dernier prend soin de conserver la bureaucratie ming, ce qui assure la stabilité du système politique qing. Suivant l'exemple de Huang Taiji, il exerce un pouvoir fortement centralisé. En juillet 1645, Dorgon émet un édit impérial imposant sous peine de mort aux Chinois hans l'adoption de la coiffure mandchoue, en se rasant le devant du crâne et en nouant les cheveux restants à l'arrière, sous forme de natte. Cette exigence, conçue comme un témoignage de loyauté, est vécue par une partie de la population chinoise comme une humiliation et provoque de violentes révoltes, qui sont réprimées dans le sang[4]. Les femmes sont par contre autorisées à conserver les costumes et coiffures hans. Les fonctionnaires sont tenus d'adopter le costume mandchou, les serviteurs pouvant conserver l'habit han. Progressivement s'opère une fusion des coutumes mandchoues et hans sur tous les plans culturels, vestimentaires ou culinaires[5]. L'Empire Qing adopte une politique autocratique sur le plan culturel, censurant de manière rigoureuse les œuvres littéraires et punissant tout auteur soupçonné de critiques politiques, même voilées. Une importante action est cependant menée pour préserver le patrimoine littéraire chinois, établissant une vaste collection de livres anciens ; la censure politique n'est cependant pas absente de ce travail patrimonial, certaines œuvres anciennes étant détruites si leur contenu déplait au pouvoir politique[6].

Les Qing doivent encore mener des combats féroces pour pacifier la Chine, des chefs militaires, comme Koxinga, étant toujours loyaux aux Ming. Zhu Youlang, dernier prétendant au trône ming, est capturé et exécuté en 1662. La Chine n'est réellement pacifiée qu'en 1683.

Le 31 décembre 1650, Dorgon meurt dans un accident de chasse, la régence passant aux mains de la mère de Shunzhi, l'impératrice douairière Xiao Zhuang. En 1661, quelques années après avoir commencé son règne personnel, Shunzhi meurt, probablement de la variole, à l'âge de 24 ans. Son troisième fils Xuanye, âgé de sept ans, lui succède sous le nom de règne de Kangxi. Afin d'éviter une répétition de la régence de Dorgon, Shunzi désigne sur son lit de mort un conseil de régents, composé de quatre hauts fonctionnaires. Le pouvoir est néanmoins accaparé au fil du temps par l'un des régents, le chef militaire Oboi. En 1669, l'Empereur, alors âgé de 15 ans, réalise un coup de force pour prendre personnellement le pouvoir, emprisonnant le régent Oboi.

Les élites chinoises face à la conquête

[modifier | modifier le code]

Le XVIIIe siècle : l'âge d'or de la dynastie Qing

[modifier | modifier le code]

Évolutions politiques et militaires

[modifier | modifier le code]

La stabilisation du pouvoir à l'intérieur

[modifier | modifier le code]

Le règne de l'Empereur Kangxi dure 61 ans et amène une progressive stabilisation du pays. La Chine doit encore, au début de son règne, affronter de nombreux conflits internes et externes : plusieurs affrontements militaires opposent la Russie et la Chine entre les années 1650 et 1680. Vers 1674, l'Empereur doit affronter la révolte des trois feudataires, menée par les généraux Wu Sangui, Geng Jingzhong (en), et Shang Kexi (en). Wu Sangui tente en 1678 de prendre le pouvoir en se proclamant Empereur mais mourut peu après, et la révolte est matée en 1681. En 1683, l'île de Taïwan, prise vingt ans plus tôt par Koxinga, est reprise par les Qing, mettant une fin aux révoltes naguère lancées par les loyalistes ming. En 1689, le traité de Nertchinsk est conclu avec la Russie, mettant un terme aux conflits entre les deux pays, établissant entre eux des relations commerciales et écartant la menace russe sur la Mandchourie. L'Empereur doit également gérer les relations avec les différentes tribus mongoles : en 1696, il prend personnellement la tête d'une campagne militaire contre les Dzoungars. La rébellion des Dzoungars continue dans les années suivantes ; ils s'emparent de Lhassa en 1717, la ville n'étant reprise qu'en 1720. La Chine poursuit son expansion, imposant au fil des décennies son protectorat au Tibet, à la Mongolie et au Xinjiang.

L'Empereur Qianlong.

Les règnes de Yongzheng (de 1723 à 1735) et Qianlong (1735-1796) sont considérés comme le zénith de la puissance de l'Empire Qing, qui s'étendait alors sur 13 millions de kilomètres carrés. Administrateur autoritaire, Yongzheng réforme l'examen impérial et réprime la corruption financière et le trafic de pièces chez les fonctionnaires. En 1733, l'Empereur crée le Grand Conseil, qui fait office d'organe de décision à la cour impériale. À la mort de Yongzheng, son fils Hongli lui succède sous le nom de règne de Qianlong. Général compétent, il mate des révoltes dans le Xinjiang, au Tibet, dans le Sichuan et en Mongolie.

En 1788 et 1791, les Gurkhas (venant de l'actuel Népal), envahissent le Tibet. Celui-ci, incapable de se libérer par lui-même, demande l'aide de Qianlong, qui y envoie des armées pour rétablir le dalaï-lama, il lui associe alors un résident qing (Amban) et une garnison. En 1792, il émet un décret en 29 points qui resserre le contrôle chinois sur le Tibet. La monnaie tibétaine jusqu'alors produite au Népal est dès lors produite en Chine.

Le temple de Putuo Zongcheng à Chengde, construit au XVIIIe siècle sous le règne de Qianlong.

Le règne de Qianlong est cependant marqué par un développement de la corruption chez les fonctionnaires impériaux. Déclenchée en 1796, la révolte des mouvements désignés sous le nom collectif de secte du lotus blanc, combine des revendications contre les impôts et un sentiment anti-mandchou ; le mouvement met huit ans à être maté, au cours d'un conflit qui se solde par environ 16 millions de morts.

La Chine poursuit entre-temps sa politique de fermeture à l'étranger. En 1793, la mission diplomatique de George Macartney, envoyée par le royaume de Grande-Bretagne, échoue à établir une ambassade permanente à Pékin comme à obtenir une libéralisation des échanges commerciaux entre les deux pays. La Chine retarde ainsi le moment de son contact avec l'Occident.

L'expansion territoriale

[modifier | modifier le code]

L'organisation de l'empire

[modifier | modifier le code]

L'empereur et la cour impériale

[modifier | modifier le code]
  • des empereurs qui gouvernent
  • images du pouvoir
  • harem et dignitaires

Les capitales

[modifier | modifier le code]

L'administration et le système des examens

[modifier | modifier le code]

Société et économie

[modifier | modifier le code]

Expansion démographique et mobilités géographiques

[modifier | modifier le code]

Essor économique

[modifier | modifier le code]

Groupes sociaux

[modifier | modifier le code]

Lignages, famille et relations de genre

[modifier | modifier le code]

parentés / parentèles

Vie intellectuelle et artistique

[modifier | modifier le code]

Peinture et calligraphie

[modifier | modifier le code]

Littérature

[modifier | modifier le code]

La Chine et le Monde

[modifier | modifier le code]

Les crises du XIXe siècle

[modifier | modifier le code]

Le tournant du XIXe siècle : les premières secousses

[modifier | modifier le code]

Les premières incursions Européennes

[modifier | modifier le code]

Dans le courant du XIXe siècle, le pouvoir des Qing fut confronté à de nombreux problèmes intérieurs. La stagnation économique du pays, combinée à la forte augmentation de la population, conduisit à des disettes croissantes et à des troubles sociaux, tandis que la bureaucratie impériale, trop rigide, s'avérait incapable de gérer la situation. Malgré l'interdiction, le christianisme continua à être diffusé en Chine, via Canton et Macao.

Bataille de la première guerre de l'opium ; lithographie britannique de 1843.

La fin des guerres napoléoniennes permit l'expansion impériale britannique, et entraîna une augmentation du commerce mondial, la Chine offrant un immense marché à conquérir. Le commerce avec l'Occident augmenta, les lourdes restrictions imposées par les Chinois suscitant des préoccupations et des tensions accrues. La grande demande en Occident pour des produits chinois comme la soie, le thé ou la céramique représentait un problème pour les commerçants européens, les Chinois n'acceptant de paiement qu'en argent. À partir des années 1830, les commerçants européens firent pression sur leurs gouvernements pour obtenir un relâchement des restrictions draconiennes posées aux échanges avec la Chine. La seule exportation que les Occidentaux arrivèrent à imposer en Chine était l'opium en contrebande. La lutte des autorités impériales contre ce traffic de drogue aggrava les tensions et aboutit à un conflit ouvert entre la Chine et le Royaume-Uni : l'action du commissaire impérial Lin Zexu contre l'importation illégale d'opium entraîna la mise sur pied d'une armada britannique, qui intervint en Chine et vainquit avec une certaine facilité des troupes chinoises pourtant très supérieures en nombre. La Chine fut contrainte de signer le 29 août 1842 le traité de Nankin, premier d'une série de « traités inégaux » : l'Empire cédait Hong Kong aux Britanniques, tout en concédant l'ouverture de cinq ports au commerce international. L'humiliation inattendue de la Chine, sur les plans militaire et politique, aboutit à entamer très nettement le prestige des Qing.

La révolte des Taiping et ses suites

[modifier | modifier le code]
Bataille navale sur le Yangtsé entre les Qing et les Taiping.

En sus de son humiliation sur le plan international, l'Empire Qing est affaibli sur le plan intérieur par une succession de révoltes. Les catastrophes naturelles viennent aggraver les tensions sociales : le Sichuan connait une terrible famine de 1839 à 1841, de même que le Hunan en 1851. La crue du Yangzi Jiang en 1849 provoque des inondations[7]. En 1851 et 1855, le fleuve Jaune sort de son lit, noyant des milliers de personnes, et contribuant à provoquer la révolte des Nian. Déclenchée en 1851, la révolte des Taiping, menée par Hong Xiuquan, rebelle converti à une forme personnelle de christianisme, aboutit à la création d'une monarchie s'opposant à celle des Qing, le « Royaume céleste de la Grande paix ». L'empire de Chine, aidé du Royaume-Uni et de la France mate finalement la rébellion en 1864, au bout d'un conflit particulièrement long et meurtrier ayant fait entre 20 et 30 millions de morts.

Drapeau impérial, adopté en 1862.

La mise au pas de la Chine par les puissances étrangères

[modifier | modifier le code]

La Chine est contrainte de signer avec les puissances occidentales une série de traités qui libéralisent les relations commerciales, tout en établissant progressivement des concessions étrangères : en 1843, le traité de Huangpu accorde à la France des droits équivalents à ceux que le Royaume-Uni avait retirés du traité de Nankin. Le traité de Wangxia accorde en 1844 des droits commerciaux aux États-Unis (tout en proscrivant le commerce de l'opium).

Pillage de l'ancien palais d'été en 1860.

Les revendications des pays occidentaux quant à la sécurité de leurs marchands et de leurs missionnaires aboutissent en 1856-1857 à de nouvelles interventions, désignées sous le nom collectif de seconde guerre de l'opium : l'arraisonnement du navire commercial Arrow conduit à l'intervention du Royaume-Uni, et l'exécution du missionnaire Auguste Chapdelaine, à celle de la France. L'Empire Qing, déjà mis en grande difficulté par la révolte des Taiping, n'est pas en mesure de résister ; les troupes chinoises sont à nouveau battues et les Qing doivent accepter le traité de Tianjin. L'empire russe obtient également la signature du traité d'Aigun, qui révise le traité de Nertchinsk et lui permet de réviser la frontière russo-chinoise à son avantage, en annexant des territoires.

En 1860, les réticences chinoises à ratifier le traité de Tianjin amènent à une nouvelle intervention anglo-française, qui se solde par une nouvelle défaite chinoise : après avoir écrasé les troupes chinoises à la bataille de Palikao, les troupes françaises et anglaises pillent et incendient le palais d'été, tandis que l'Empereur Xianfeng est contraint à la fuite. La Chine est obligée de signer la convention de Pékin.

Économie : une « grande divergence » en question

[modifier | modifier le code]

Tentatives de modernisation du pays

[modifier | modifier le code]
Zhang Zhidong, artisan du Mouvement d'auto-renforcement.

L'Empereur Xianfeng meurt en 1861 : son successeur, Tongzhi, est un enfant de cinq ans. Un coup d'État mené par l'impératrice douairière Cixi (Ts'eu-hi), ancienne concubine de Xianfeng et mère du nouvel Empereur, écarte le conseil des huit régents ; la régence est assurée par elle-même, ainsi que par Yixin, le Prince Gong, frère de Xianfeng, et l'impératrice douairière Ci'an, autre ancienne concubine de l'Empereur défunt. Le Zongli Yamen, un équivalent de ministère des Affaires étrangères, est créé. Tandis que le Prince Gong tente d'améliorer les relations avec les puissances occidentales, de hauts fonctionnaires impériaux, comme Zhang Zhidong ou Li Hongzhang se font les avocats d'une modernisation du pays, en intégrant les leçons et la technologie occidentales pour renforcer la Chine. Armes et machines occidentales sont acquises, tandis que des usines à l'occidentale sont construites et que des militaires étrangers sont engagés pour entraîner l'armée chinoise. Ce mouvement, désigné sous le nom d'« Auto-renforcement » (自強運動) prône également la mise sur pied de forces terrestres et navales modernes, celles d'écoles techniques, la création de bureaux de traduction, ainsi que la traduction et la diffusion en Chine des ouvrages scientifiques occidentaux. La Chine doit également s'ouvrir aux cultures extérieures en envoyant ses élèves étudier à l'étranger[8].

Les industries militaires créées par les partisans de la réforme souffrent cependant de la sclérose administrative de l'Empire, qui se traduit par un personnel pléthorique. La construction et l'installation des équipements sont également totalement dépendantes de l'étranger, traduisant l'insuffisance de capitaux et le manque de ressources logistiques du pays[8].

Entre 1872 et 1885, les entreprises se développent grâce à des capitaux propres privés, dans des domaines aussi variés que l'industrie de la soie, la navigation marchande à vapeur ou l'exploitation des mines de charbon. Ces industries connaissent une certaine prospérité, mais n'ont que peu d'effet sur l'ensemble de l'économie nationale, le pouvoir central y voyant avant tout une source de recettes fiscales ; les entreprises chinoises modernisées doivent en outre faire face à la concurrence des produits étrangers importés, favorisés par les traités inégaux, et à la production des entreprises étrangères implantées en Chine avec une main-d'œuvre locale, et disposant du réseau financier de plus d’une dizaine de banques étrangères.

La Chine des Qing en 1882.

Nouvelles défaites

[modifier | modifier le code]
Dessin politique britannique de 1894 : le « petit » Japon triomphe de la « grande » Chine.

Contre la France

[modifier | modifier le code]

La conquête française de l'Indochine et le litige sur la circulation dans le fleuve Rouge aboutissent à un conflit entre la Chine et la France. La flotte française commence par aller couler, dans leur port d'attache, les navires de guerre flambant neufs que la Chine venait de lui acheter. Malgré des succès militaires chinois, les Français remportent finalement la victoire, la Chine reconnaissant par le traité de Hué (1883) le protectorat français sur l'Annam et le Tonkin.

Contre le Japon

[modifier | modifier le code]

Avec l'ère Meiji, l'empire du Japon a, contrairement à la Chine, réussi son ouverture au monde extérieur et sa transformation en nation industrialisée moderne. Le Japon annexe en 1879 le royaume de Ryūkyū (archipel situé entre le Japon et Taiwan), sous suzerainenté chinoise. Intervenant en Corée, les Japonais battent les Chinois en 1895, les contraignant à signer le traité de Shimonoseki. La Chine perd sa suzeraineté sur la Corée, tandis que le Japon annexe Taïwan. La défaite de la Chine face au Japon, considéré jusque-là comme une puissance secondaire, est une humiliation considérable pour le pouvoir qing.

Sclérose du pouvoir central et mouvements d'insurrection

[modifier | modifier le code]
L'impératrice Cixi.
L'Empereur Guangxu, âgé d'une vingtaine d'années.
Caricature politique française montrant le partage de la Chine entre les puissances étrangères (fin des années 1890).

À la mort prématurée, en 1875, de son fils l'Empereur Tongzhi, l'impératrice douairière Cixi favorise la montée sur le trône de son neveu Guangxu, alors âgé de trois ans. L'éviction du prince Yixin et la mort de l'impératrice douairière Ci'an laissent en 1881 Cixi seule régente de l'Empire. La corruption se généralise dans l'administration impériale ; l'Empire est militairement affaibli par la perte de sa flotte modernisée dans la guerre contre le Japon ; la domination des puissances étrangères sur la Chine rend de plus en plus évidente l'arriération technique et politique de la Chine. Le pouvoir chinois tente d'améliorer la situation en modernisant son armée, créant la Nouvelle Armée, équipée et organisée à l'occidentale, et placée sous le commandement de Yuan Shikai.

Dans les années 1890, les mouvements nationalistes opposés tant à l'impérialisme étranger qu'à l'empire mandchou se développent, comme le Xingzhonghui (Société pour le redressement de la Chine ou Association pour la renaissance de la Chine) fondé à Honolulu en 1894 par Sun Yat-sen, ou le Huaxinghui (Société pour faire revivre la Chine), fondé par Huang Xing.

Échec de la réforme des institutions

[modifier | modifier le code]

En 1898, l'Empereur Guangxu accorde une audience au lettré réformateur Kang Youwei et se rallie à ses idées : un audacieux programme de modernisation politique et administrative de la Chine est aussitôt lancé, incluant une réforme en profondeur du système éducatif et l'adoption d'une constitution. Cette réforme se heurte cependant rapidement à l'opposition du camp conservateur, représenté par Cixi : cette dernière, avec l'aide du général Ronglu et bénéficiant de l'assentiment de Yuan Shikai, réalise un coup d'État, s'emparant à nouveau de la réalité du pouvoir, au détriment de son neveu. L'Empereur est déclaré incapable de régner et enfermé dans son propre palais, tandis que les réformateurs sont réprimés.

Révolte des Boxers

[modifier | modifier le code]

À partir de 1898, un ensemble de sociétés secrètes mystiques et nationalistes, bientôt désignées sous le nom collectif de Poings de la justice et de la concorde (ou « Boxers », soit en français Boxeurs) agissent contre les étrangers, les symboles de modernité et les chrétiens chinois, multipliant les attaques et les meurtres. Les éléments les plus conservateurs de la cour impériale, comme le Prince Duan leur apportent bientôt leur soutien, malgré l'opposition d'autres officiels comme Yuan Shikai. L'impératrice Cixi est convaincue à son tour de soutenir les Boxers, vus comme des armes contre la domination étrangère. Les autorités impériales laissent les Boxers envahir Pékin et assiéger les légations étrangères, provoquant une réaction des Occidentaux et des Japonais. Les puissances étrangères forment l'Alliance des huit nations qui intervient militairement en Chine : en réaction, la cour impériale déclare la guerre à la coalition, mais subit une défaite militaire, tandis que les Boxers sont dispersés. Les autorités qing se retournent contre leurs alliés et participent à la répression menée contre les Boxers ; la Chine doit cependant signer le protocole de paix Boxer et payer de lourds dommages de guerre, cette nouvelle humiliation s'ajoutant au discrédit de la cour.

Vie intellectuelle et artistique

[modifier | modifier le code]

La chute de la dynastie Qing

[modifier | modifier le code]
Carte de l'Empire chinois en 1910 par Cambridge University Press, publié en 1912 dans The Cambridge Modern History Atlas. La Chine est représentée en jaune vif, les dépendances de la Chine (dont le Tibet) en jaune clair.
Puyi.

Dans les premières années du XXe siècle, des réformes sont entreprises pour tenter de sauver le système impérial : la suppression de l'examen impérial en 1905 représente un bouleversement majeur dans l'ordre social et politique du pays. Les réformes viennent cependant trop tard, et ne sont pas toutes achevées lors de la chute des Qing. En 1908, Puyi, âgé de moins de trois ans, est choisi par Cixi pour succéder à Guangxu. Les décès successifs, en quarante-huit heures, de Guangxu et de Cixi, laissent l'Empire dirigé par un enfant ; la régence est assurée par le père de Puyi, Zaifeng (second Prince Chun). La cour impériale s'avère à nouveau incapable de répondre à la gravité de la situation du pays, mécontentant les milieux d'affaires en voulant nationaliser les chemins de fer, ou tardant à réagir aux désastres causés par la crue du Yangzi Jiang. À la mi-1911, le régent crée un cabinet ministériel majoritairement composé de nobles mandchous issus du clan Aisin Gioro, suscitant l'irritation d'une partie des élites.

Le , le soulèvement de Wuchang signe le départ de la révolution, dite révolution Xinhai, menée notamment par les membres du Tongmenghui ; les provinces passent l'une après l'autre sous le contrôle des insurgés. Le , la république de Chine est proclamée, avec Sun Yat-sen comme président provisoire. Le premier ministre Yuan Shikai, ayant reçu des insurgés la promesse de la présidence de la République, parlemente avec la famille impériale et obtient de l'impératrice douairière Longyu la signature de l'acte d'abdication de Puyi. Le , l'édit impérial annonçant l'abdication est publié, mettant un terme au règne de la dynastie Qing comme à l'empire de Chine.

Quelques années plus tard, le , le seigneur de la guerre Zhang Xun, ayant investi Pékin, décréta la restauration de Puyi avec le soutien de Kang Youwei ; cette tentative échoue cependant, et le 13 juillet, Duan Qirui décrète à nouveau la déposition de Puyi. Ce dernier est, des années plus tard, remis au pouvoir par les Japonais, mais sur le trône de l'état fantoche du Mandchoukouo.

Références

[modifier | modifier le code]
  1. Guillaume Pauthier, Chine ou description historique géographique et littéraire ce vaste empire, d'après des documents chinois, première partie, Firmin Didot, 1838.
  2. « an organization of persons deliberately created for the purpose of conquest » : Rowe 2009, p. 12-13.
  3. Histoire et civilisation de Chine, Éditions Zhong Yang Wen, 2006, p. 177.
  4. Frederic Wakeman, , The Great Enterprise: The Manchu Reconstruction of Imperial Order in Seventeenth-century China, University of California Press, 1985, p. 646-680.
  5. Histoire et civilisation de Chine, Éditions Zhong Yang Wen, 2006, p. 202-203.
  6. Histoire et civilisation de Chine, Éditions Zhong Yang Wen, 2006, p. 184-185.
  7. Jacques Reclus, La Révolte des Taiping, L'insomniaque, 2008, page 21.
  8. a et b Histoire et civilisation de Chine, Éditions Zhong Yang Wen, 2006, p. 192-193.

Histoire et contexte

[modifier | modifier le code]

Paternité et histoire textuelle

[modifier | modifier le code]

L'époque des Royaumes combattants

[modifier | modifier le code]

Commentaires

[modifier | modifier le code]

Thématiques

[modifier | modifier le code]

Approche stratégique : la recherche de l'efficacité

[modifier | modifier le code]

https://journals-openedition-org.wikipedialibrary.idm.oclc.org/extremeorient/373

Approche philosophique : le « non-agir »

[modifier | modifier le code]

Réceptions en Occident

[modifier | modifier le code]

Traductions

[modifier | modifier le code]

Un ouvrage à succès

[modifier | modifier le code]

Origine du terme

[modifier | modifier le code]

Cadre géographique : les routes de l'Asie centrale

[modifier | modifier le code]

Tendances générales : la route de la soie dans l'histoire globale

[modifier | modifier le code]

Historique de l'interconnexion des régions de l'Eurasie

[modifier | modifier le code]
  • histoire de l'interconnexion avant l'Antiquité tardive
  • phénomène = mise en relations de Moyen-Orient+Inde et Chine
  • une des deux alternatives possibles : cf. route maritime, qui triomphe finalement
  • période de l'expansion européenne = fin ?

Le rôle des empires et des hégémonies

[modifier | modifier le code]
  • rôle déclencheur = conquête chinoise
  • empire et impérialismes en tant que déclencheur de la mise en relation
  • rôle des empires dans les échanges, la circulation d'idées
  • cas des Mongols par ex

Marchands, réseaux et diasporas : la circulation des personnes

[modifier | modifier le code]
  • notions de réseaux de marchands
  • diasporas
  • différents types de personnes concernées

Nature des échanges de biens

[modifier | modifier le code]
  • commerce terrestre = conditions
  • échelles des échanges
  • échange de biens de luxes avant tout

Les échanges culturels

[modifier | modifier le code]
  • échanges de savoir-faire
  • échanges religieux
  • relations artistiques

Origines et premier essor

[modifier | modifier le code]

La préhistoire de la route de la soie =

[modifier | modifier le code]

L'expansion des Han vers l'Ouest

[modifier | modifier le code]

L'âge d'or de la route de la soie (v. 300-750) =

[modifier | modifier le code]

Histoire politique

[modifier | modifier le code]

Les marchands sogdiens

[modifier | modifier le code]

L'expansion du bouddhisme

[modifier | modifier le code]

Les échanges artistiques

[modifier | modifier le code]

Transmissions des techniques

[modifier | modifier le code]

L'époque de l'essor de l'islam

[modifier | modifier le code]

L'époque des conquêtes mongoles

[modifier | modifier le code]

Le déclin de la route de la soie

[modifier | modifier le code]
  • Atlas de la Chine : un monde sous tension / Thierry Sanjuan (Autrement 2013)
  • La Chine contemporaine / Alain Roux (2010)
  • La Chine / Yves Guermond
  • Histoire de la société chinoise : 1949-2009 / Tania Angeloff
  • Une sociologie de la Chine / Jean-Louis Rocca
  • La voie chinoise : capitalisme et empire / Michel Aglietta, Bao Guai
  • Économie de la Chine / Bruno Cabrillac (QSJ 2009)
  • L'économie de la Chine / Françoise Lemoine (Rep 2006)
  • La Chine du 21e siècle : une nouvelle super puissance ? / François Gipouloux
  • Atlas de la chine contemporaine : 1949, 1989, 1999 : des révolutions en marche / Robert Benewick et Stéphanie Donald (Autrement)
  • La Chine et le monde chinois : une géopolitique des territoires / Thierry Sanjuan, Pierre Trolliet
  • Le monde chinois dans le nouvel espace mondial / Claude Chancel, Eric-Charles Pielberg
  • La Chine depuis 1949 / Linda Benson

Combattants - légisme

[modifier | modifier le code]

La centralisation étatique

[modifier | modifier le code]

La dynamique guerrière de la période des Royaumes combattants conduit les États majeurs à renforcer leur autorité. Les plus puissantes des anciennes principautés deviennent au fil des réformes de véritables royaumes centralisés, dirigés par un monarque concentrant de plus en plus de pouvoir, lui-même appuyé sur une nouvelle classe politique spécialisée dans la direction des affaires de l'État et dévouée à son service. Cette période voit donc se produire une « révolution étatique[1] », phénomène qui accouche donc d'un nouveau type d'organisation politique, surtout connu pour le royaume de Qin, qui fournit la base des expériences impériales de la dynastie Qin et de la dynastie Han. Il reste cependant difficile de connaître les modalités concrètes de l'exercice du pouvoir, car les sources disponibles sont avant tout des récits historiques, des vies de personnages importants, ou bien des traités de ministres qui ne contiennent pas d'informations détaillées sur l'organisation de l'administration des Royaumes combattants, ce qui s'ajoute au déséquilibre documentaire qui favorise la connaissance des institutions de Qin. Néanmoins, les découvertes de textes juridiques et administratifs dans des tombes depuis un demi-siècle permettent d'éclairer un peu mieux les pratiques administratives.

L'affirmation du pouvoir des souverains

[modifier | modifier le code]

La période des Printemps et Automnes était marquée par des entités politiques peu centralisées, où la noblesse disposait de solides assises territoriales et donc d'une large autonomie, concurrençant le pouvoir des princes locaux. Les conflits croissants, mobilisant des troupes plus importantes, ont concentré plus de pouvoirs entre les mains de certains lignages, qui après de longues luttes internes ont diminué en nombre. Au final, plusieurs principautés voient des lignages nouveaux accéder au pouvoir en renversant la dynastie régnante. Durant le IVe siècle, les sept grands royaumes combattants sont dirigés par un monarque et sa cour concentrant un pouvoir inédit. Le roi incarne l'État symboliquement. C'est ce que M. E. Lewis a qualifié de « ruler-centered state », « État centré sur le souverain ». Ces évolutions préparent le terreau sur lequel émerge l'idéologie impériale des Qin et des Han[2].

Cela s'accompagne sur le plan symbolique d'un changement dans la titulature des chefs de royaumes. Le roi de Zhou dispose d'une primauté qui n'est plus que de façade depuis le début de la période des Printemps et Automnes[3]. Au gré de leurs succès militaires, les véritables maîtres de la Chine, les chefs des sept grandes puissances, rejettent leurs anciens titres (que l'on traduit couramment par « duc ») pour adopter celui de « roi », wang (sauf le roi du Chu qui portait ce titre depuis la période précédente), auparavant réservé au seul roi Zhou[4]. Le duc Hui de Wei est le premier à le faire en 344, puis il persuade le duc Wei de Qi de l'imiter dix ans plus tard, après que ce dernier l'ait vaincu. Huiwen de Qin fait de même après de brillantes victoires en 325, puis la même année c'est au tour du roi de Han. Enfin, deux ans plus tard les rois de Zhao, de Yan et même de Zhongshan (qui n'est pas reconnu comme un des sept grands) font de même. En 288, à l'apogée de l'alliance entre Qi et Qin, les rois de ces deux États prennent d'un commun accord de titre de Di (respectivement « Di de l'est » et « Di de l'ouest »), auparavant réservé aux divinités[5]. Mais ils l'abandonnent vite sous la pression des autres rois. Ce terme qui donne au souverain terrestre un aspect divin est repris par le premier empereur Qin. Un autre moyen symbolique de renforcer le prestige des monarques est la constitution d'une lignée ancestrale aussi prestigieuse que celle des Zhou qui reposait sur des ancêtres remarquables (le Seigneur Millet, les rois Wu et Wen) et aussi l'appropriation d'un ensemble de rituels prestigieux leur permettant d'affirmer leur puissance. Cela contribue ainsi à abattre définitivement la force symbolique des rois Zhou et à précipiter la fin de cette dynastie[6].

Les écoles de pensée de la période sont solidaires de ces changements. Plusieurs d'entre elles développent leurs conceptions propres du monarque idéal, qui bien que divergentes se rejoignent pour affirmer sa suprématie[7], en le voyant notamment comme le pendant terrestre à la divinité suprême qui organise l'univers depuis le Ciel[8]. Elles nourrissent la pensée politique des grands ministres réformateurs qui participaient aux aussi à l’affirmation du pouvoir royal. Le cas le plus emblématique vient comme souvent de Qin, où le ministre Fan Sui a fait écarter les nobles les plus en vue à la cour, et stopper la pratique de leur concéder des domaines qui à la longue leur permettaient d’amasser une fortune et de constituer des armées personnelles dangereuses pour le pouvoir royal. Il fait en sorte que tout le pouvoir se concentre entre les mains du souverain[9]. À Chu, le premier ministre Wu Qi tente lui aussi de rabaisser les familles nobles, mais périt dans la réaction de celles-ci face à ses réformes, qui ne furent donc pas durables.

L'affirmation de la figure royale se manifeste aussi dans les réalisations architecturales, connues par les textes anciens et les fouilles archéologiques récentes. Les capitales des Royaumes combattants sont dominées par des complexes palatiaux isolés du reste de l'espace urbain par des murailles, parfois même à l'écart de l'enceinte principale dans une sorte de seconde ville, et construits sur de grandes terrasses (tai)[10]. D'autres constructions de plus en plus monumentales illustrent cette volonté de puissance : les grandes portes à piliers (que) et les tours (guan) qui les flanquent. L'ampleur de constructions évoquées dans les textes a trouvé confirmation dans les fouilles des capitales et de leurs alentours. Les fouilles de Xianyang, la capitale de Qin, ont révélé un important complexe palatial développé entre la dernière phase des Royaumes combattants et la période du Premier Empire. Le bâtiment le mieux connu de ce groupe monumental est le « palais n°1 », dont les fondations mesurent 60 × 45 mètres. Il est constitué de deux ailes comprenant des pavillons, disposant sans doute de trois étages entourés de colonnades, dont un rez-de-chaussée servant d'espace résidentiel avec des chambres aux murs peints et peut-être un grand hall donnant sur une terrasse au premier étage, un espace de réception. Il pourrait correspondre au palais Jique construit au temps de Shang Yang et décrit par Sima Qian[11].

L'autre type de monument illustrant de façon spectaculaire la croissance du pouvoir royal est le complexe funéraire royal, dont des exemples ont été dégagés dans plusieurs royaumes[12]. Celui du roi Cuo de Zhongshan, retrouvé à Pingshan (Hebei) et resté inachevé, est un bon exemple d'autant plus que les fouilleurs y ont retrouvé un plan gravé sur une plaque de bronze[13]. Il est constitué de cinq tombes, le roi occupant la plus vaste au centre, entourée par de chaque côté par deux tombes de ses concubines ; les tombes formaient un tumulus arboré rectangulaire, qui servait de terrasse pour les pavillons à plusieurs étages, servant pour le culte funéraire, qui surmontaient chacune d'elles ; des fosses à offrandes (chars, chevaux, bateaux) accompagnaient les défunts ; le complexe est compris dans une double enceinte, la plus vaste mesurant 410 × 176 mètres. De tels ensembles pouvaient être bâtis sur des terrasses artificielles et des collines pour élever encore plus le souverain décédé. Cette tradition trouve ensuite son apogée dans le célèbre mausolée du Premier empereur.

Recomposition de l'élite politique

[modifier | modifier le code]

Les souverains s'appuient sur un nouveau groupe de serviteurs présentant de grandes différences avec les élites politiques des périodes précédentes qu'ils supplantent[14]. Les royaumes étaient traditionnellement dominés par des grands lignages nobles disposant de bases territoriales et occupant les principaux postes civils et militaires, jusqu'à celui de « premier ministre » dirigeant dans les faits la majorité des affaires du royaume. Tout en conservant une place élevée, comme l'illustrent les « Quatre Seigneurs des Royaumes combattants » dont Sima Qian a rédigé les biographies (quasiment tous liés à la famille régnante de leur royaume), ces aristocrates sont de plus en plus concurrencés par les membres la classe des « gentilshommes » (shi) dont les membres, issus de lignages secondaires de familles nobles, occupaient traditionnellement des fonctions administratives et militaires de second rang. C'est parmi eux que se recrutent désormais les principaux serviteurs du souverain[15]. Il s'agit d'un groupe de spécialistes du savoir ou des armes, donc tout disposés pour les charges qui leur sont attribuées. Ils sont mus par des motivations diverses : sens du devoir envers le souverain et le bien public, ou bien appât du gain, arrivisme et carriérisme car le service de l'État est alors le moyen le plus efficace et rapide d'enrichissement et d'ascension sociale. Désormais dépendants de la seule volonté du roi car leur charge est vue comme découlant du pouvoir de celui-ci, ils se distinguent par leurs capacités et non plus le fait qu'ils proviennent d'un lignage prestigieux, l'hérédité étant moins déterminante[16]. Cela aboutit à l'époque impériale à la constitution d'une élite de fonctionnaires lettrés spécifique à la Chine (justement désignée par le terme de shi dont le sens a progressivement évolué), qui voit la source de son prestige dans le service de l'État où elle montre ses talents intellectuels et dispose d'une autorité morale sur le reste de la société.

Quelle que soit leur origine, les proches conseillers du roi profitent de sa proximité pour amasser des fortunes considérables. Ils peuvent constituer de véritables cours autour d'eux, attirant des petits gentilshommes lettrés qui deviennent leurs clients et serviteurs. Le prestige d'un ministre se mesure à l'ampleur et à la qualité de sa clientèle[17]. C'est sous les auspices des hauts dignitaires que se développent les courants de pensée de la période des Royaumes combattants, les cours étant des lieux de débats intenses. La richesse de ces personnages se voit également dans les tombes de plus en plus vastes et richement dotées qu'ils se font construire[18]. La menace que représentent les puissants dignitaires pour le pouvoir central n'a en fin de compte jamais été totalement éliminée, et c'est de l'opposition des descendants des grandes familles des Royaumes combattants qu'est venue la chute de l'empire Qin[19].

La classe politique lettrée est à l'origine d'une production littéraire abondante qui contient des conseils sur le bon gouvernement, les réformes à appliquer, aussi bien sur la fiscalité que l'économie, ou encore l'organisation et l'art militaire qui sont une préoccupation majeure. C'est le cas de tous les grands penseurs de la période qui seront abordés plus loin, dont le but premier des écrits est politique. Des livres politiques sont également associés au nom d'un ministre prestigieux sans qu'on ne sache s'il l'a réellement écrit. Des figures fameuses de ce type d'écrivains-hommes politiques (supposés) sont Li Kui, ministre de Wei à la fin du Ve siècle, Shen Buhai qui officie à Han un demi-siècle plus tard[20], Wu Qi à Wei puis Chu au début du IVe siècle, et surtout Shang Yang, ministre de Qin au milieu du IVe siècle, à qui sont attribuées les principales réformes qui ont fait de cet État la plus grande puissance de la Chine, bien qu'il soit probable qu'il ne soit pas à l'origine de toutes[21],[22]. Lui-même originaire de la petite principauté de Wey, il sert Wei avant d'être obligé de le fuir, et se réfugie à Qin où il assiste le souverain Xiao pendant plusieurs années, avant d'être exécuté suite à des manigances de rivaux après la mort du prince qui le protégeait.

Cette période se caractérise en effet par une grande instabilité du personnel politique, dans un contexte de luttes âpres pour gagner les faveurs des monarques et pour l'emporter sur les rivaux. Les hauts serviteurs de l'État sont souvent des déracinés à la loyauté fluctuante, qui se déplacent de royaume en royaume à la recherche d'un souverain acceptant de les employer, ce qui constitue un véritable « marché des talents » politiques où les cours se concurrencent[23]. Ils préparent des plans d'action souvent fondés sur la ruse et la violence, qu'ils proposent à celui qui voudrait bien les écouter. Cela confère une relative autonomie à ces hommes politiques, ce qui est une source de méfiance pour les rois qui les accueillent, leur loyauté ne leur étant pas acquise. Certains d'entre eux (appelés shui, quelque chose comme « sophistes ») se sont spécialisés dans l'art du langage, de la persuasion, et donc de la ruse, de la duplicité et de la tromperie[24]. Leurs stratagèmes politiques ont été couchés par écrit dans des traités de l'« école de la diplomatie », comme le Zhanguoce (Stratagèmes des Royaumes combattants), compilant des anecdotes de stratégies politiques qui auraient été employées dans les différents royaumes de cette époque, pas forcément fiables historiquement, mais révélant le peu de scrupules des membres des cours royales d'alors et se plaisant parfois à les opposer aux propos plus nobles des moralistes, qui sont rarement suivis[25]. Les États s'efforcent donc de mettre en place des techniques de contrôle et de surveillance plus poussées de ce personnel politique aux rapports ambigus avec le pouvoir royal.

Les nouveaux cadres et agents du pouvoir

[modifier | modifier le code]

Les réformes mises en place dans plusieurs des principaux États durant la période des Zhou de l'Est contribuent à la constitution de véritables entités politiques centralisées. Ce mouvement débute dès la période des Printemps et Automnes, durant laquelle il a déjà ses figures marquantes comme Zi Chan à Zheng et Guan Zhong à Qi. Durant la période des Royaumes combattants, il est porté par l'essor des idées légistes, qui sont appliquées le plus strictement à Qin sous l'impulsion de Shang Yang, Fan Sui et Li Si. Telles qu'elles ont été mises en évidence, notamment par L. Vandermeersch[26], les réformes se concentrent sur quelques points principaux visant à bouleverser l'ordre ancien remontant à la période des Zhou de l'Ouest :

  • des nouvelles circonscriptions administratives dirigées directement par l’État se substituent aux anciens « fiefs » des clans aristocratiques ;
  • les agents de l'État sont recrutés en fonction de leurs mérites et non plus de leur appartenance à un groupe familial influent ;
  • la société rurale est réorganisée autour de regroupements de familles formant des unités économiques et militaires disposant de leurs propres terres ;
  • des lois souvent s'appliquant à tout le monde visent à instaurer l'ordre en châtiant durement les délits et en récompensant les agissements conformes aux volontés de l’État.

Ces réformes sont appliqués avec des succès divers mais contribuent à une importante recomposition des institutions et de la société.

Dans les détails, l'administration territoriale n'est pas homogène dans les différents royaumes et les réformes les éloignant des formes traditionnelles d'organisation politique ont été plus ou moins poussées selon les pays. L'unité de base est généralement le « district » ou « canton » (xian) qui apparaît à Chu durant la période des Printemps et Automnes. C'est alors un territoire conquis attribué à des membres de la noblesse de façon héréditaire, leur permettant de se constituer une base locale de puissance. Avec le temps, le gouvernement central prend l'habitude de conserver ces circonscriptions et de s'en servir pour attribuer des fiefs non héréditaires à ses serviteurs des couches basses de la noblesse, de façon à éviter la constitution de pouvoirs locaux tels qu'il en existait auparavant). Les réformes de Shang Yang à Qin ont pour effet d'étendre le modèle du district aux territoires plus anciens. Cette unité devient progressivement la circonscription de base de la Chine, ce qu'elle est encore aujourd'hui. Les districts sont regroupés dans des unités plus vastes, les « commanderies » (jun). Ces circonscriptions disposent généralement d'un gouverneur civil et d'un gouverneur militaire, et au niveau local des administrateurs servent de relais entre la population et l’État. Les réformes territoriales de Qin s'accompagnent de l'institution d'une nouvelle taxe, la capitation (fu) pesant sur les maisonnées en fonction du nombre d'adultes mâles, ce qui suppose le recensement des personnes, et aussi probablement celui de la superficie de terres dont ils disposent. Les paysans sont ainsi réorganisés dans de nouvelles relations avec le pouvoir, écartant l'autorité des aristocrates locaux qui auparavant encadraient les travaux ruraux et plus largement les groupes familiaux grâce à l'autorité de leur lignage (voir plus bas)[27].

Les agents du pouvoir sont de plus en plus recrutés en fonction de leurs mérites, suivant une volonté mise en avant en particulier par Shen Buhai alors qu'il était ministre à Han. Le texte de loi retrouvé dans une tombe de Shihuidi consiste en une sélection d'articles d'un code de loi de Qin concernant les tâches prioritaires d'un bon fonctionnaire : bonne tenue des comptes et registres officiels, inspection des subordonnés, surveillance constante des magasins royaux qui lui sont confiés ; les sections finales expliquent plusieurs termes juridiques contenus dans les articles précédents ainsi que des conseils pour bien mener enquêtes et interrogatoires. La même tombe comprenait un texte décrivant le fonctionnaire idéal : obéissance à la hiérarchie, loyauté au pouvoir, impartialité et étude des faits pour la prise de décision et les enquêtes juridiques, et rejet des ambitions personnelles[9]. On cherche ainsi à façonner l'image d'un serviteur idéal de l'État, qui délaisse les solidarités lignagères et locales.

Les écrits politiques et juridiques des Royaumes combattants décrivent également les moyens mis en œuvre pour assurer le contrôle de la nouvelle classe politique par le pouvoir. Les fonctionnaires doivent être choisis et révocables. Leurs compétences sont contrôlées de différentes manières, certains cadres devant rendre des comptes annuellement sur les moyens humains et financiers dont ils disposent pour l'exercice de leur fonction. Les actes administratifs sont contrôlés par le biais de méthodes d'authentification des documents officiels plus poussées (scellements, documents en deux parties imbriquées séparées entre le donneur d'ordre et l'exécutant, etc.). Les agents de l'État sont rétribués en fonction de leur mérite, par des salaires en grain, mais aussi en argent et en or s'ils sont particulièrement méritants, ou bien par l'attribution de « fiefs » (feng) non héréditaires. Les plus riches ministres peuvent obtenir les revenus de plusieurs milliers de familles paysannes, même s'ils n'ont apparemment pas ou peu de pouvoirs sur ces hommes. Ces donations profitent aussi aux membres des familles royales. Tout un ensemble de réformes est donc pris pour s'assurer de la loyauté des serviteurs de l'État, et ainsi renforcer l'efficacité de l'État centralisé[28]. Cela n'a cependant pas empêché la chute de l'empire Qin face aux forces centrifuges peu après sa fondation, et il faut attendre la dynastie Han pour voir le triomphe de ces tendances centralisatrices.

Un dernier ensemble de changements servant et illustrant le renforcement de l'autorité étatique concerne directement les sujets des royaumes : il s'agit des modifications des corpus de lois et de mesures relevant de la politique économique. Cela a pour but de servir la centralisation autour du pouvoir étatique, en lui assurant le contrôle d'une société uniformisée dont les hommes et les productions servent à élever la puissance militaire. Le concept de loi (fa) est fondamental dans l'esprit de nombreux hommes politiques des Royaumes combattants, ceux que la tradition postérieure a rattaché au groupe des « légistes[29] ». Chez eux, la loi est vue comme supérieure à toutes les personnes de la société, s'appliquant de façon objective sans distinction de rang, pour permettre à l'ordre de régner. Les autorités juridiques chargées de l'appliquer sont les représentants de l'administration, en dernier lieu le monarque en personne. Depuis le milieu de la période des Printemps et Automnes, les États avaient pris l'habitude d'inscrire les lois par écrit, ce qui allait contre l'habitude ancienne d'une justice coutumière dont les autorités lignagères étaient les garantes (importance des liens du sang). L'apparition d'une loi écrite est une autre manière pour l’État de prendre la place des pouvoirs anciens et d'affaiblir l'aristocratie traditionnelle[30].

Les principes de la justice sont surtout connus pour les débuts de la période impériale, mais les récits relatifs aux Royaumes combattants indiquent que les bases étaient posées dès cette période. Suivant les conceptions de la Chine ancienne, les hommes participent à un ordre universel qui ne doit pas être déstabilisé. Un délit juridique est vu comme une perturbation de cet ordre, et il doit être puni en proportion de la faute pour rétablir la bonne marche du cosmos[31]. Concrètement, cela justifie un principe de peines différenciées en fonction de la faute : les cas les plus graves étaient punis de mort (généralement la décapitation), ou par des mutilations et autres peines afflictives (amputation du nez, d’une jambe, castration, rasage de la barbe et des cheveux, marque infamante) ; viennent ensuite les peines pour les fautes qui peuvent être compensées pécuniairement par des amendes ou par une période de travail forcé, voire la mise en esclavage pour le compte de l'État[32].

La gravité des peines est évaluée suivant des critères tels que la préméditation pour l'homicide, ou la distinction entre l'auteur d'un délit et une tierce personne l'ayant incité à le commettre, mais aussi suivant d'autres principes révélant plus profondément la mentalité de l'époque, comme la place de la victime ou du coupable dans la hiérarchie sociale : les plus honorables (notamment les hauts dignitaires et fonctionnaires) peuvent souvent s'en sortir en payant des amendes ou en rendant certains de leurs titres honorifiques (une compensation symbolique forte), tandis que les plus pauvres, ne pouvant payer des amendes, sont plus susceptibles des travaux forcés. La prise en compte de la communauté familiale et locale est également primordiale. Les enfants sont dans une situation hiérarchique inégale face à leurs parents, tandis qu'un groupe familial peut être tenu responsable de la faute d’un de ses membres, et être amené à devoir la compenser (jusqu’à être réduit au travail forcé ou exécuté) suivant le principe de « l'implication mutuelle » (lian zuo). Cette responsabilité collective justifie l'exigence de la part de l'État que les gens dénoncent des méfaits d’un proche. Là encore, cela se retrouve dans l'organisation militaire, tous les membres d'une unité étant exécutés si l'un d’eux s'enfuit[33].

La contrepartie à ce système de punitions pour les non méritants est le fait que les méritants sont récompensés par des cadeaux en nature ou en argent, des terres, des titres honorifiques, etc., s'ils accomplissent des actes remarquables pour le pouvoir (notamment au combat) ou dénoncent des coupables de méfaits. C'est une des bases de la réorganisation de la société voulue par Shang Yang à Qin[34].


Histoire 61 Société 39 Religion 25 Arts 33 + 6 Littérature 15

Deux bateaux destinés au transport fluvial datés de l'époque Tang ont été exhumés dans le Jiangsu, à Rugao et Yangzhou, deux importants centres d'échanges ; ce qu'il en restait lors de leurs fouilles mesurait respectivement environ 17 et 18 mètres, et ils étaient divisés en plusieurs compartiments étanches, suivant une méthode qui se diffusait alors[35].


Bien qu'étant d'anciens ennemis, les Tang acceptent des fonctionnaires et généraux de Goguryeo dans leur administration et leur organisation militaire, comme les frères Yeon Namsaeng (634–679) et Yeon Namsan (639–701). Entre 668 et 676, l'empire Tang contrôle le nord de la Corée. Toutefois, en 671 les Silla commencent à y combattre les forces Tang. En même temps, les Tang font face à des menaces sur leurs frontières occidentales lorsqu'une importante armée chinoise est battue par les Tibétains sur le fleuve Dafei en 670[36]. En 676, l'armée Tang est chassée de la Corée par les Sila unifiés[37]. À la suite d'une révolte des Turcs orientaux en 679, les Tang abandonnent ses campagnes coréennes[36].

Bien que les Tang combattent également les Japonais, ils conservent des relations cordiales avec le Japon. Il existe plusieurs ambassades impériales chinoises au Japon. Ces missions diplomatiques ne sont pas interrompues avant 894 et l'empereur Uda (r. 887-897), convaincu par Sugawara no Michizane (845–903)[38]. L'empereur Temmu du Japon (r. 672–686) établit même son armée enrôlée sur le modèle chinois, ses cérémonies d'état selon le modèle chinois et construit son palais à Fujiwara en s'inspirant de l'architecture chinoise[39].

Plusieurs moines bouddhistes chinois se rendent au Japon pour y aider à la propagation du bouddhisme. Deux moines du VIIe siècle en particulier, Zhi Yu et Zhi You, visitent la cour de l'empereur Tenji (r. 661–672), après quoi ils présentent un cadeau de chariot pointant le sud qu'ils ont fabriqués[40]. Ce compas véhicule datant du IIIe siècle (utilisant un mécanisme différentiel) est à nouveau produit pour l'empereur japonais en 666, comme l'atteste le Nihon Shoki en 720[40]. Les moines japonais se rendent également en Chine, comme par exemple Ennin (794–864), qui écrit sur ses expériences de voyage dont ses voyages le long du Grand canal de Chine[41],[42]. Le moine Enchin (814–891) reste en Chine entre 839 et 847 puis entre 853 et 858, s'installant près de Fuzhou puis près de Taizhou durant son second voyage en Chine[43],[44].


Il existe une longue série de conflits avec le Tibet dans le bassin du Tarim entre 670 et 692. En 763 les Tibétains capturent la capitale chinoise, Chang'an, pendant cinquante jours durant la révolte d'An Lushan[45],[46]. En fait, c'est durant cette révolte que les Tang retirent les garnisons stationnées en occident dans les provinces actuelles du Gansu et Qinghai, que les Tibétains occupent avec le territoire actuelle du Xinjiang[47]. Les hostilités entre les Tang et le Tibet continuent jusqu'à la signature formelle d'un traité de paix en 821[48]. Les termes de ce traité définissent les frontières entre les deux empires[49]. En 823, une stèle connue sous le nom de « Tablette de pierre de l’Unité du long Terme » est érigée devant la porte principale du Temple de Jokhang à Lhassa. Deux autres copies existeraient, l'une dans la capitale de la Chine à Cha'ang an à la porte de l'empereur, et l'autre à la frontière tibéto-chinoise sur le Mont Guru Meru[50]. Ces stèles reprennent les termes du traité dans les deux langues[51]. La paix fut ainsi assurée pour presque deux décennies[52].


La guerre civile en Chine est presque à son terme en 626, avec la défaite en 628 du seigneur de guerre chinois d'Ordos, Liang Shidu. Après ces conflits internes, les Tang commencent une offensive contre les Turcs[53]. En 630, les armées Tang capturent le désert d'Ordos, dans la province actuelle de Mongolie-Intérieure, et le sud de la Mongolie aux Turcs[54],[55]. Après sa victoire militaire, l'empereur Taizong remporte le titre de Grand Khan auprès des nombreux Turcs de la région qui lui prêtent allégeance ainsi qu'à l'empire chinois, qui se traduit par le déplacement de plusieurs centaines de Turcs vers la ville chinoise de Chang'an. Le 11 juin 631, l'empereur Taizong envoie également des ambassadeurs aux Xueyantuo en apportant or et soie afin de les persuader de relâcher les prisonniers chinois capturés à la frontière du nord durant la transition entre les dynasties Sui et Tang. Cette opération permet de libérer 80 000 hommes et femmes chinois[56],[57].


Certains royaumes paient des tributs à la dynastie Tang dont le Cachemire, le Népal, Hotan, Kucha, Kashgar, le Japon, la Corée, Champa et les royaumes localisés dans les vallées d'Amou-Daria et Syr-Daria[58],[59]. Les nomades turques considèrent l'empereur Tang de Chine comme leur Tian Kehan[60]. Après la répression de l'importante révolte des Köktürks du Khan Shabolüe à Yssyk Koul en 657 par Su Dingfang, l'empereur Gaozong établit plusieurs protectorats gouvernés par un Général de Protectorat ou un Grand Général de Protectorat. Ceux-ci étendent la sphère d'influence des Chinois jusqu'à Hérat en Afghanistan occidental[61]. Les Généraux de Protectorat possèdent une grande autonomie pour résoudre les crises locales sans attendre l'approbation du gouvernement central. Après le règne de Xuanzong, les gouverneurs militaires (jiedushi) possèdent un énorme pouvoir, dont la capacité à maintenir leur propre armée, collecter les taxes et transmettre des titres de façon héréditaire. Cette situation est communément reconnue comme le début de la chute du gouvernement central Tang[62],[63].


La milice instaurée par les Zhou du Nord (557-581) perdure au cours de la dynastie Tang, ainsi que les fermiers-soldats qui servent dans la capitale ou près des frontières afin de recevoir des terres agricoles appropriées. Le système de répartition égalitaire des terres des Wei du Nord (386-534) est également conservé, même s'il connaît quelques modifications[64].


Histoire mini

[modifier | modifier le code]

La fondation de la dynastie

[modifier | modifier le code]
L'empereur Taizong recevant une ambassade du Tibet, peinture de Yan Liben (600-673).

La dynastie Tang fut fondée en lieu et place de la dynastie Sui, qui fut de courte durée (581-618), mais joua un rôle crucial parce qu'elle parvint à réunifier la Chine après plus de deux siècles et demi de division. S'appuyant sur une élite administrative et militaire venue du Nord-Ouest de la Chine, d'où est issu le lignage qui fonda la dynastie Tang, la dynastie Sui sombra avec les projets ambitieux de son second empereur, Yangdi, qui entreprit la coûteuse construction du Grand Canal et surtout une campagne militaire désastreuse en Corée. La révolte aristocratique qui s'en suivit emporta la dynastie. L'expérimenté général Li Yuan réussit à prendre le pouvoir, fondant la dynastie Tang (nom de règne Gaozu, 618-626). Son fils Li Shimin s'affirma néanmoins comme le véritable chef du clan et écarta son père pour prendre le pouvoir en 626. Il est passé à la postérité sous le nom de Taizong (626-649)[65],[66],[67].

Le premier siècle des Tang

[modifier | modifier le code]

Si l'empire Tang est souvent présenté comme un « âge d'or » de la civilisation chinoise aussi bien par ses accomplissements militaires que culturels, il le doit à son premier siècle d'existence (v. 626-740). Héritière des premiers empires (Qin et Han) ainsi que des évolutions marquées de la période de division (les « Six dynasties ») puis des réformes de l'éphémère dynastie Sui, cette période est caractérisée par un État très centralisé, dominé politiquement, économiquement et culturellement par sa capitale Chang'an, une armée divisée entre des troupes frontalières et des troupes de la capitale composées d'une grande partie de « Barbares », et la prépondérance sociale d'un nombre limité de grandes familles disposant des plus hautes charges et des plus vastes domaines leur permettant d'exercer une grande influence à l'échelle provinciale

Taizong (626-649) consolida l'empire par un ensemble de réformes qui concernèrent aussi bien l'administration, l'armée, la fiscalité, que l'agriculture. Les victoires de ses armées contre les Turcs ajoutèrent à ses succès, même si les revers qu'il connut en Corée et les tensions persistantes avec plusieurs grandes familles révélèrent les limites de l'empire. Gaozong (649-683) pu cependant lui succéder sans difficultés. La cour passa progressivement sous la coupe d'une de ses concubines, Wu Zetian, qui régnait sans partage au moment de la mort de l'empereur et pu écarter à sa guise les deux fils de Gaozong qui montèrent sur le trône (Zhongzong puis Ruizong), avant de se faire proclamer impératrice en fondant sa propre dynastie, appelée Zhou[68],[69]. Cette figure controversée, envers laquelle l'historiographie chinoise a été particulièrement dure, procéda à une recomposition de l'élite politique, écartant souvent ses opposants par des mesures brutales tout en promouvant des administrateurs capables[70],[71]. Elle se maintint au pouvoir jusqu'en 705 quand elle fut renversée par son propre fils Zhongzong. Les intrigues politique qui s'ensuivirent, dans lesquelles les femmes de la cour impériale eurent à nouveau un grand rôle, aboutirent à l'arrivée sur le trône de Xuanzong, un fils de Ruizong[72],[73].

Les provinces de l'empire chinois au milieu du règne de Xuanzong, vers 742.

La première moitié du règne de Xuanzong est souvent vue comme l'apogée de la dynastie Tang, tant l'empire donnait alors une impression de puissance et de prospérité. L'exercice du pouvoir s'appuyait de plus en plus sur des hauts fonctionnaires disposant de mandats exceptionnels pour entreprendre des réformes importantes, leur conférant ainsi un grand pouvoir, ainsi que sur des généraux disposant de pouvoirs importants sur les provinces militaires qui leur étaient confiées[74],[75]. L'empire étendait alors son influence jusqu'en Asie centrale, disposait de nombreux tributaires, même s'il connut se premiers revers contre les Tibétains, les arabo-musulmans (bataille de Talas en 750) et le Nanzhao[76].

Le destin de l'empire bascula quand An Lushan, général d'origine sogdienne qui avait accumulé de nombreux pouvoirs grâce à la faveur de l'empereur et celle de sa concubine favorite, Yang Guifei, sentit sa position menacée à la cour, s'enfuit et se souleva. Cette révolte plongea l'empire dans plusieurs années de chaos, obligeant l'empereur à fuir Chang'an, livrée à la soldatesque qui la ravagea à deux reprises, puis à abdiquer. La dynastie Tang fut sauvée en monnayant chèrement l'intervention des Ouïghours, qui contribuèrent à défaire les rebelles[77],[78].

La seconde époque des Tang

[modifier | modifier le code]

La révolte d'An Lushan et la fin de règne de Xuanzong marquent une rupture fondamentale dans l'histoire chinoise, et la seconde partie de la dynastie Tang (v. 760-900) est par bien des aspects différente de la première. Ce phénomène a été mis en évidence par l'historien japonais Naitō Torajirō, qui y voyait une période de transition entre une Chine « médiévale » et une Chine « pré-moderne », posant les bases de la prospérité de la dynastie Song (960-1279), et son intuition a été confirmée par de nombreux travaux. Cette période est marquée par des évolutions affectant toute la société : les institutions politiques, économiques et militaires héritées de l'empire Han et de ses tendances centralisatrices sont abandonnées, en faveur d'une société et d'une économie marquées par un poids moins important des institutions étatiques, une plus grande importance de l'urbanisation et du commerce. Une nouvelle forme de gouverner se met en place, avec la fin de l'aristocratie traditionnelle supplantée par les gouverneurs militaires disposant d'une armée personnelle et les commissionnaires et autres grands administrateurs issus de catégories sociales plus variées qu'auparavant. Géographiquement, les régions du bassin du Yangzi et de l'extrême Sud deviennent prépondérantes aussi bien sur le plan démographique qu'économique, avec notamment l'essor vigoureux du commerce maritime[79].

Daizong (762-779) et Dezong (779-805) eurent à leur services plusieurs ministres habiles qui entreprirent d'importantes réformes rétablissant l'empire, même si le pouvoir des chefs militaires et des gouverneurs provinciaux avait crû de telle manière qu'il faisait désormais peser une menace constante sur l'autorité impériale[80]. À l'extérieur, ils durent faire face à l'affirmation du Tibet et à la menace toujours pesante que représentaient les Ouïghours. Xianzong (805-820) parvint dans un premier temps à renforcer le pouvoir central face aux forces centrifuges, réprimant durement des révoltes provinciales, mais la cour plongea dans une période de conflits entre les ministres et les eunuques, marquée par plusieurs épisodes de violences qui virent le triomphe des seconds. Ils purent par la suite faire et défaire les empereurs Jingzong (820-827) et Wenzong (827-840). Wuzong (840-846) et Xuanzong (846-859) réduisirent leur influence et remportèrent des succès à l'extérieur (face aux Ouïghours notamment, alors que l'empire tibétain s'effondrait) et à l'intérieur (soumission de provinces rebelles)[81],[82],[83].

La chute de la dynastie

[modifier | modifier le code]

Les années 860 virent l'empire se fragmenter, les potentats locaux prenant définitivement le pas sur l'autorité centrale. Une grande révolte éclata dans le Guangxi puis embrasa la vallée du Yangzi et fit des émules dans plusieurs parties de l'empire. Les troupes impériales furent vaincues à plusieurs reprises, et en 880 et 881 Luoyang et Chang'an n'étaient plus bien défendues et furent prises et pillées. L'empire se fragmentait autour de plusieurs chefs de guerre, tandis qu'à la cour les empereurs étaient sous la coupe des eunuques. Un des généraux insurgés, Zhu Wen, mit finalement la main sur la cour en 903, éliminant les eunuques. Il destitua en 907 le dernier empereur Tang pour se proclamer Empereur de la dynastie des Liang postérieurs[84]. Mais d'autres chefs de guerre revendiquèrent à leur tour la dignité impériale, entérinant la division politique de la Chine durant la période des Cinq Dynasties et des Dix Royaumes (907-960). Il faudrait attendre 960 pour que le pays soit réunifié sous la coupe des Song.

Gouvernement et société

[modifier | modifier le code]

Taizong entreprit de résoudre les problèmes internes avec le gouvernement, qui ont constamment rongé les dynasties passées, même s'il pouvait se reposer sur les importantes réformes des Sui qui ont déjà posé des bases solides.

La situation économique de la période de la dynastie Tang profita des progrès agricoles et commerciaux de la période de division. Elle fut d'abord marquée par une forte présence de l’État, qui se relâcha durant la seconde moitié de la dynastie. L'unification du pays permit la constitution d'un commerce interrégional très dynamique, qui profita notamment de la construction du Grand Canal. Les activités commerciales se développèrent et permirent l'essor d'une agriculture et d'un artisanat à vocation commerciale. Les villes qui servaient de principaux centres de production artisanale et lieux d'échange bénéficièrent également de ces progrès. Ce furent en particulier les régions méridionales qui connurent la plus forte croissance. Les propriétaires des grands domaines agricoles et les marchands les plus importants s'enrichirent considérablement, tandis que les groupes sociaux les moins aisés perdirent de plus en plus leur autonomie économique, qu'il s'agisse des paysans, artisans ou petits commerçants. La période finale des Tang annonce les développements économiques que connut la période de la dynastie Song, avec notamment l'essor de l'agriculture commerciale spéculative et d'instruments d'échanges plus élaborés comme la monnaie papier.

L'empereur et le centre de l'empire

[modifier | modifier le code]

L'administration centrale des Tang était organisée autour de trois départements (省, shěng), qui devaient respectivement exécuter, revoir et rédiger les politiques de l'empire, décidées par le Conseil réuni autour de l'empereur : le Département des Affaires d’État (shangshu sheng), la Chancellerie (menxia sheng) et le Grand Secrétariat (zhongshu sheng). Il existait également six ministères (部, ) placés sous la direction du Département des Affaires d’État. Chacun d'entre eux avait des domaines de compétence spécifiques : fonctionnaires (libu), finances (hubu), rites (libu), armée (bingbu), justice (xingbu) et travaux publics (gongbu)[85],[86]. Bien que les fondateurs de la dynastie Tang se plaçaient dans la lignée de la prestigieuse dynastie Han, la base de leur organisation administrative était héritée des dynasties du Nord et du Sud qui les précédaient plus directement[64].

Dans les faits, les empereurs Tang, qui pouvaient changer les titulaires de ses postes suivant leur volonté, se sont plus ou moins appuyés sur cet appareil bureaucratique, et ont pu trouver des moyens de le contourner pour exercer un pouvoir plus autocratique, en créant de nouveaux postes concédés à des personnes sur lesquelles ils désiraient s'appuyer. Xuanzong s'écarta ainsi de l'administration traditionnelle en créant des commissions chargées de missions de première importance (campagnes de recensement et de taxation, amélioration du transport et du contrôle du Grand Canal), confiées à des personnages qui en tiraient un grand prestige[87]. Il se reposa également sur un groupe de lettrés, l'« Académie Hanlin », chargés de le conseiller dans sa prise de décision et de rédiger des actes impériaux en dehors des cadres habituels[88],[89]. Les luttes de faction à la cour pouvaient faire bouger l'appareil politique, en fonction de la capacité de l'empereur à leur résister ou non, comme en témoignent la période entre le règne de Gaozong et celui de Xuanzong où tous furent fortement influencés par des impératrices et princesses, qui favorisèrent leurs parents ou clients[90]. Il fallait également compter avec les grandes familles de l'aristocratie, jusqu'à son déclin dans la seconde partie de la dynastie. Les empereurs d'alors se posaient essentiellement sur une haute administration constituée de lettrés, et de plus en plus sur les eunuques. Les luttes de factions qui firent rage à la cour dans la première moitié du IXe siècle tournèrent en faveur des seconds, qui furent même en mesure de faire un coup d’État en 827[91].

Coupe en or et argent avec motifs de fleurs de la période Tang.

L'administration de l'empire

[modifier | modifier le code]

L'empire Tang est divisé en quinze vastes provinces (dao). Celles-ci sont subdivisées en plusieurs entités ayant souvent des origines antiques : les préfectures (zhou), les sous-préfectures ou districts (xian), les cantons (xiang) et les villages et quartiers urbains (li). Les administrateurs de ces circonscriptions peuvent disposer d'une grande latitude dans leur gestion, avec la possibilité de créer des taxes spéciales, des droits de douanes, disposant de milices et troupes de corvéables importantes si la situation locale le préconise ; dans ce cas les risques de corruption et dérives autoritaires sont notables. D'autres provinces sont en revanche placées plus étroitement sous le contrôle de l’État[92]. Ces charges sont généralement contrôlées sur plusieurs générations par les lignages de l'élite provinciale, participant activement aux examens impériaux, bien qu'elle soit sauf exceptions tenue à l'écart des postes de l'administration centrale[93].

Les Tang préservèrent l'habitude d'interventionnisme étatique dans l'économie : émission de monnaie, contrôle des prix et des modalités des échanges, etc. Le système de répartition égalitaire des terres des Wei du Nord (386-534) fut également conservé, même s'il connut quelques modifications[64]. Divers impôts et taxes étaient prélevés. Les plus importants pesaient sur les paysans : il s'agissait d'impôts sur les terres (évalués en fonction de leur surface) et sur les hommes. Les activités commerciales étaient elles aussi fortement imposées. De plus, les sujets devaient des périodes de corvées à l’État. Enfin, une autre forme importante d'intervention du gouvernement dans l'économie était l'existence de monopoles étatiques sur le sel et le thé[94]. Ces monopoles devinrent de plus en plus importants durant la seconde moitié de la dynastie avec l'essor des échanges sur lesquels ils pesaient. Cela permit la constitution de fortunes considérables, ceux qui les dirigeaient devenant des personnages majeurs dans la vie politique de l'empire. Cette même période vit une refonte complète du système de taxation de l'agriculture, avec l'instauration du système des « deux taxes saisonnières » (liangshui fa), qui devait son nom au fait qu'elle était prélevée deux fois dans l'année, en été et en automne. Elle reposait sur les revenus des paysans, et non plus sur la surface cultivée[95].

Se fondant sur le code juridique des dynasties du Nord, Taizong fait paraître le Code Tang, sur lequel les dynasties suivantes, mais également les voisins au Viêt Nam, en Corée et au Japon vont se baser[64]. Le code juridique le plus ancien à survivre est celui établi en 653. Il est divisé en 500 articles spécifiant les différents crimes et peines qui peuvent être dix coups avec un bâton léger, cents coups avec une lourde tige, l'exil, la servitude pénale ou l'exécution[96]. Le code juridique distingue clairement différents niveaux de sévérité dans les peines infligées lorsque des membres de la hiérarchie sociale ou politique commettent le même crime[97]. Par exemple, la sévérité de la peine est différente lorsqu'un serviteur ou un neveu tue un maître ou un oncle et lorsqu'un maître ou un oncle tue un serviteur ou un neveu[97]. Le Code Tang est en grande partie conservé par les codes juridiques suivants, comme ce fut le cas pour le code de 1397 avec la dynastie Ming (1368-1644), même si plusieurs révisions sont apportées par la suite[98]. Concrètement, l'exercice de la justice était confié aux administrateurs locaux, à moins que l'affaire soit trop complexe et trop importante, auquel cas elle pouvait être renvoyée à des administrateurs de rang supérieur. Les accusés pouvaient être emprisonnés et torturés, de façon à obtenir leurs aveux. Les audiences étaient publiques et mises en scène de façon très cérémonielle[99].

À partir du début du VIIIe siècle, les gouverneurs militaires (jiedushi) prirent une place plus importante dans le gouvernement des provinces, en particulier aux frontières de l'empire. Ce fut notamment à partir de cette fonction qu'An Lushan acquit la puissance qui lui permit d'ébranler l'empire. Les empereurs Tang ayant dû s'appuyer sur d'autres généraux pour mater sa révolte et ses séquelles, le pouvoir des ces gouverneurs militaires en sortit renforcé[100]. Cette même époque vit l'affirmation des commissionnaires chargés de gérer les monopoles, qui cumulaient souvent cette charge avec celle de gouverneur. Celui chargé du très lucratif monopole du sel, établit à Yangzhou, disposait ainsi d'une sorte de gouvernement parallèle[101],[102]. Les rébellions provinciales puis le délitement du pouvoir impérial dans le courant de la seconde moitié du IXe siècle permirent aux grands généraux de prendre leur autonomie, puis leur indépendance au moment de l'effondrement de la dynastie[103].

Fonction publique et examens impériaux

[modifier | modifier le code]
Statue Tang d'un fonctionnaire civil habillé d'un Hanfu, fabriquée en style sancai.

Pour recruter ces fonctionnaires que l'on veut talentueux et dévoués, les Sui ont abandonné le système des neuf-rangs en vogue durant la période de division, en faveur d'un système d'examens impériaux qui est systématisé par les Tang[104]. Ceux qui aspirent à un poste dans la fonction publique et à progresser dans l'échelle des grades ouvrant des postes de plus en plus prestigieux doivent passer plusieurs examens. Les examens de doctorat (ju) sont la première étape, donnant un rang modeste, ouverts aux fils des familles éminentes mais aussi à des personnes plus modestes dont le talent potentiel a été repéré par les autorités de leur province. À ce stade deux types d'examens sont plus importants : le mingjing et le jinshi[105]. Le mingjing se fonde sur les classiques confucéens et teste les connaissances des étudiants sur une grande variété de textes[105]. Le jinshi teste les capacités littéraires des étudiants en proposant l'écriture d'essais en réponses à des questions sur la gouvernance et la politique, mais également les compétences à écrire de la poésie[106]. Les candidats sont également jugés sur leur comportement, leur apparence, leur aisance orale et le niveau de compétence en calligraphie, des critères suffisamment subjectifs pour permettre de ne choisir que les candidats des familles aisées au détriment des plus modestes, qui n'ont pas les moyens d'être éduqués aux compétences de la rhétorique et de l'art de l'écriture[107]. Une fois admis au doctorat, les fonctionnaires de rang secondaire peuvent passer l'examen de choix des fonctionnaires (xuan), ouvrant aux fonctions supérieures[108].

Le système de recrutement des fonctionnaires n'est donc pas réellement méritocratique, mais fortement offert aux « héritiers ». Les charges les plus importantes ne sont en principe accessibles qu'aux membres des familles les plus éminentes, à savoir ceux qui avaient un certain degré de parenté avec l'empereur et dont les aïeux servaient déjà l’État. Après avoir reçu une première éducation solide (classiques confucéens, calligraphie, poésie), ils étudient dans les académies les plus importantes de la capitale, recevant donc la formation adéquate pour réussir les concours dont ils monopolisent les places d'honneur. À l'inverse les lignages d'origine récente et des provinces ont moins de chance de réussite dans une carrière de la haute fonction publique, et sont cantonnés aux fonctions subalternes[109]. Cependant il reste en principe essentiel d'avoir un parcours méritant (présentation du dossier personnel avec notation des supérieurs hiérarchiques précédents) et de passer plusieurs contrôles, chaque fonctionnaire devant passer un examen annuel contrôlant ses mérites[108].

On estime néanmoins que cette procédure compétitive classant les élites de l'empire dans des rangs et fonctions étroitement contrôlées par l’État permet d'intégrer les meilleurs talents au gouvernement et d'administrer le plus efficacement possible le vaste territoire impérial tout en évitant l'accaparement du pouvoir local par une sorte d'aristocratie héréditaire[110]. En effet, les dirigeants Tang, conscients que la dépendance impériale envers les familles aristocratiques et les seigneurs de guerre peut avoir des conséquences déstabilisantes, créent un corps de carrière de fonctionnaires n'ayant aucun pouvoir territorial autonome. Le code Tang assure la division égale des propriétés héritées entre les héritiers légitimes, permettant un peu de mobilité sociale et évitant l'accumulation de pouvoir dans certaines familles via la primogéniture[111]. Il s'avère que les fonctionnaires acquièrent un statut local qui s'ajoute au statut qui leur vient du fait de partager les valeurs qui sont celles de la cour impériale. Ils servent ainsi souvent d'intermédiaires entre les classes de bas niveau et le gouvernement. Les dynasties Sui et Tang posent donc les bases d'une fonction publique constituée de fonctionnaires érudits partageant une culture commune forgée en partie par ces examens, et ils institutionnalisent cette pratique. Elle fut par la suite approfondie par les Song et les dynasties suivantes[112],[113],[114].

L'empereur Tang Xuanzong habillé de la robe et d'un chapeau de fonctionnaire.

Les élites sociales

[modifier | modifier le code]

La société chinoise était traditionnellement divisée par les textes chinois en « quatre peuples » (si min) : les lettrés, partie la plus valorisée de la société, chargée de l'exercice du pouvoir ; les paysans, dont la fonction était valorisée, mais qui en pratique étaient mal considérés ; les artisans ; et les marchands, peu considérés mais potentiellement en mesure de connaître un enrichissement marqué[115]. Les lettrés étaient par ailleurs organisés en plusieurs degrés, parfois subdivisés en classes, qui conféraient à leurs détenteurs un niveau d'honorabilité spécifique ; ces rangs étaient attribués en fonction de la réussite aux examens et aussi par l'hérédité[116]. Dans la pratique la société chinoise comprenait d'autres catégories de population, notamment les militaires, très nombreux, mais aussi des vagabonds, prostituées, danseuses, vagabonds, esclaves, etc.

Les élites chinoises médiévales se caractérisaient par leur rapport au savoir lettré et à l'éducation, n'ayant pas vraiment d'égard pour le métier des armes. Selon une des plus célèbres nouvelles de l'époque, « un lettré naît en ce monde pour établir ses mérites et se faire un nom, partir général et rentrer ministre, manger dans une rangée de tripodes (récipients utilisés au cours des banquets des plus riches), écouter une musique choisie, couvrir de gloire son clan et enrichir sa famille »[117]. Depuis l'époque des Han, tel est l'idéal répandu par les élites lettrées chinoises, dont le meilleur destin est de servir l’État et plus largement toute la société de la meilleure manière possible. Cela passe par l'étude, garantie d'une bonne morale, d'un savoir et d'un raffinement adéquats pour rencontrer le succès, qui en retour garantit fortune et gloire pour le fonctionnaire et son lignage[118]. Comme cela a été évoqué plus haut, en dépit de leur caractère inégalitaire, les examens impériaux restent un moyen de mobilité sociale non négligeable.

L'empire des Tang était néanmoins dominé par une « super-élite » constituée au début de la dynastie d'un nombre limité de familles qui se targuaient (à tort ou à raison) d'une grande ancienneté et d'aïeux prestigieux, mais dont la caractéristique essentielle était d'avoir rapidement décidé de servir la famille impériale, et rejoint à la capitale, car l'exercice de fonctions à la cour était essentiel pour intégrer cette élite. Ce groupe était dominé par des familles originaires de la région de Chang'an, qui avaient accompagné l'ascension des familles impériales des Sui et des Tang. Après elles venait un ensemble de lignages d'origine provinciale, d'extraction souvent plus récente. Les pouvoir impérial des Tang, sans le souci de mieux contrôler cette élite, procéda à leur enregistrement et attribua plus de prestige à ceux qui l'avaient bien servi, plutôt qu'à l'ancienneté du lignage[119].

Les évolutions politiques et économiques de la seconde partie de la dynastie érodèrent progressivement la puissance des grandes familles aristocratiques, alors qu'émergeaient de nouveaux lignages provinciaux, dont l'ascension sociale était moins liée au pouvoir politique et plus aux activités économiques, bien qu'ils furent nombreux à exercer des fonctions financières pour le compte de l’État (notamment dans les monopoles, la fiscalité)[120]. Les purges de la fin de la dynastie, notamment provoquée par Huang Chao, provoquèrent la disparition des anciens lignages aristocratiques et un renouvellement important de l'élite[121].

Démographie

[modifier | modifier le code]
Palefrenier menant deux chevaux, par Han Gan (706–783), artiste de la cour sous Xuanzong.

Le gouvernement de la dynastie Tang tente de créer un recensement efficace à la mesure de la population de l'empire, principalement pour une taxation plus efficace et pour définir les circonscriptions militaires de chaque région. Les premiers gouvernements Tang mirent en place à la fois la taxe sur le grain et sur les vêtements à un taux relativement faible pour chaque foyer de l'empire. Celles-ci ont pour but d'encourager les foyers à s'enregistrer pour la taxe et de ne pas éviter les autorités, ainsi que de fournir au gouvernement une estimation la plus précise possible[64]. Lors du recensement de 609, la population est comptée grâce aux efforts du gouvernement et atteint 9 millions de foyers, soit environ 50 millions d'habitants[64]. Le recensement de 742 estime également approximativement la taille de la population chinoise à environ 50 millions de personnes[122]. Patricia Ebrey écrit que même si un nombre assez significatif de personnes ont évité le processus d'enregistrement du recensement, la taille de la population sous la dynastie Tang n'a pas significativement augmenté depuis la dynastie Han (le recensement de la seconde année estimait la population chinoise à 58 millions d'individus)[64]. S. A. M. Adshead est toutefois en désaccord et il estime la population chinoise à 75 millions de personnes en 750[123].

Dans le recensement Tang de l'an 754, 1 859 villes, 321 préfectures et 1 538 comtés sont dénombrés dans l'empire[124]. Bien qu'il existe d'importantes cités durant la période Tang, les zones rurales et agraires constituent la majorité de la population de la Chine dans une proportion allant de 80 à 90 %[125]. Il existait également un important flux migratoire du Nord vers le Sud de la Chine, puisque le Nord représente peut-être jusqu'à 75 % de la population au commencement de la dynastie mais seulement 50 % à son terme[126].

Les campagnes

[modifier | modifier le code]

Le monde rural était caractérisé par la présence d'une paysannerie populeuse, dont les assises économiques étaient précaires, car elle avait peu accès à la propriété de la terre. Des réformes agraires visant à lui assurer un meilleur accès aux terres furent tentées au début de la dynastie, mais elles ne semblent pas avoir été bien appliquées en dehors de quelques régions[127],[128]. De fait, l'expansion des grands domaines des élites de la capitale et des provinces ne fut plus contestée par la suite, et le phénomène de concentration des terres, caractérisé par le rachat par de grands propriétaires des petites exploitations de paysans indépendants surendettés à la suite de revers de fortune, de crises comme celles causées par des accidents climatiques, ou encore en raison d'une trop forte pression fiscale, fut constant durant la période Tang[129],[130]. Les grands domaines privés, les « ferme-jardin » (zhuang yuan) étaient souvent divisés en plusieurs exploitations permettant de pratiques différentes cultures, et exploités par les dépendants du grand propriétaire ou bien des journaliers[131],[132].

Les cultures reposaient avant tout sur la céréaliculture traditionnelle : millet et blé au Nord, riz au Sud. Les régions méridionales connurent un important essor agricole grâce à la diffusion des pratiques de repiquage et de sélection des espèces les plus résistantes et adaptées à plusieurs récoltes annuelles, combinées à la mise en culture de nouvelles terres. Elles devinrent essentielles pour la production de nourriture dans l'empire[133],[134]. Les cultures spéculatives profitèrent quant à elles de l'amélioration des routes commerciales et de l'essor des marchés urbains. Le thé devint un produit de consommation courante, surtout cultivé dans les régions méridionales (Zhejiang et Jiangsu). La culture de la canne à sucre connut aussi un progrès marqué[135], de même que celle du bois d’œuvre, ou plus largement l'horticulture. Ces cultures commerciales furent surtout développées dans les grands domaines, qui purent pratiquer une agriculture spéculative à destination des marchés urbains, générant d'importants revenus[136],[137].

Villes et activités urbaines

[modifier | modifier le code]
La petite pagode de l'oie sauvage, VIIIe siècle, exemple de l'architecture religieuse de Chang'an sous les Tang.
Plan schématique de Chang'an sous la dynastie Tang.

Les villes de l'époque des Tang reprennent les caractéristiques des villes des époques précédentes, marquées par une séparation physique entre le pouvoir politique et les espaces résidentiels et commerciaux, en particulier visible dans les capitales. Chang'an, la première capitale des Tang, avait fait l'objet d'une reconstruction sous les Sui, et son organisation fut peu modifiée par la suite. Il s'agissait d'une ville de forme rectangulaire, d'environ 8,6 km nord-sud et environ 9,5 km est-ouest, parcourue par des voies rectilignes divisant 108 quartiers. Le secteur des palais impériaux occupait le nord de la ville, comprenant les quartiers administratifs, la résidence de l'empereur, et des parcs. C'était alors une métropole cosmopolite, comprenant peut-être 2 millions d'habitants, plusieurs marchés très actifs, des centaines de sanctuaires, de nombreuses auberges et lieux de divertissement, etc.[138],[139] La seconde capitale des Tang, Luoyang, reconstruite par Wu Zetian, suivait une organisation semblable, même si la topographie de la ville était marquée par la rivière Luo, qui coupait la ville en deux, les quartiers officiels étant au nord, et les quartiers résidentiels et commerciaux surtout disposés au sud[140].

Les villes provinciales, qui servaient de centres administratifs, connurent un essor commercial marqué durant la période Tang, en particulier dans les régions proches du Grand Canal, dont la mise en place eut un effet important sur les échanges inter-régionaux, et également dans les régions méridionales qui bénéficièrent de l'intensification des échanges maritimes vers le Sud en plus de l'expansion agricole[141],[142]. L’État exerçait traditionnellement un contrôle sur les activités commerciales et artisanales dans ces centres urbains, tout en maintenant des monopoles sur des denrées sensibles et stratégiques comme le sel, l'alcool et le thé, confiant leur commercialisation à des marchands mandatés qui en tiraient de grands profits. C'est dans ces milieux qu'apparurent de nouvelles pratiques commerciales, comme le papier-monnaie (feiqian) permettant d'éviter de déplacer de grandes quantités de monnaie[143],[144],[145]. Progressivement, les activités privées prirent le devant, notamment dans la seconde partie de la dynastie, marquée par un retrait du contrôle étatique sur les échanges et les activités urbaines, notamment l'apparition de marchés non réglementés. Les villes provinciales se développèrent de façon plus autonome, en dehors de la planification étatique[146] Jiangdu (Jiangsu, près de Yangzhou), localisée au croisement du Yangzi et du Grand Canal, et siège du monopole du sel à partir de la seconde moitié du VIIIe siècle est l'illustration la plus éclatante de ce phénomène, atteignant peut-être 500 000 habitants[147].

L'âge d'or de l'empire Tang (618-755)

[modifier | modifier le code]
Dragon en bronze doré, probablement un élément architectural, Chang'an (Xi'an), VIIIe siècle, musée d'Histoire du Shaanxi.

Si l'empire Tang est souvent présenté comme un « âge d'or » de la civilisation chinoise aussi bien par ses accomplissements militaires que culturels, il le doit à son premier siècle et demi d'existence. Héritière des premiers empires (Qin et Han) ainsi que des évolutions marquées de la période de division (les « Six dynasties ») puis des réformes de l'éphémère dynastie Sui, cette période est caractérisée par un État très centralisé, dominé politiquement, économiquement et culturellement par sa capitale Chang'an, une armée divisée entre des troupes frontalières et des troupes de la capitale composées d'une grande partie de « Barbares », et la prépondérance sociale d'un nombre limité de grandes familles disposant des plus hautes charges et des plus vastes domaines leur permettant d'exercer une grande influence à l'échelle provinciale.

Histoire politique

[modifier | modifier le code]

La chute des Sui et la fondation de la dynastie Tang

[modifier | modifier le code]

La dynastie Sui avait été fondée en 581 par l'empereur Wendi (581-604), après le renversement de l'empereur des Zhou du Nord. En 589, l'empereur de la dynastie méridionale des Chen se rendait, acte qui aboutissait à la réunification de la Chine sous la coupe d'un seul empereur, phénomène inédit depuis l'effondrement des Jin occidentaux en 317. Plus largement, c'est la longue période d'instabilité politique et de division de la Chine depuis la chute des Han entre 184 et 220 qui s'achevait. Wendi entreprit d'importantes réformes, poursuivies par son fils et successeur Yangdi (604-617), passé à la postérité comme l'initiateur de la construction du Grand Canal et comme un personnage trop ambitieux et dépensier. Une situation politique encore instable, aggravée par ses échecs militaires en Corée contre le royaume de Koguryo et contre les Turcs, ouvrirent la voie en 613 à un soulèvement conduit par des généraux issus tout comme les Sui de l'aristocratie des Zhou du Nord, aux origines Xianbei (ethnie non-chinoise mais depuis longtemps fortement sinisée) et Han (chinoises). C'est finalement le général responsable de la garnison de Taiyuan (Shanxi), Li Yuan, qui profita de la situation. Avec son prestige et son expérience militaire, il monta une rébellion avec ses fils Li Shimin et Li Jiancheng et également sa fille la princesse Zhao de Pingyang, qui rassembla et commanda sa propre armée[148]. En 617, Li Yuan, paré du titre de « Prince de Tang », occupa la capitale Chang'an et devint régent du jeune empereur Sui Gong, reléguant l'empereur Yang à la fonction d'empereur retiré. Le 18 juin 618, l'empereur Yang fut assassiné par son général Yuwen Huaji. Li Yuan se proclama alors empereur d'une nouvelle dynastie, les Tang, prenant le nom de Gaozu (618-626). Il fallut encore quelques années à ses fils pour soumettre les généraux rivaux, tout en achetant au prix fort la paix avec les Turcs[149],[150],[66],[151].

L'empire ne fut pacifié qu'en 628. Entre temps, Li Shimin, qui commandait des troupes depuis l'âge de dix-huit ans, s'était affirmé comme le plus grand chef de guerre de l'époque, reconnu comme un cavalier hors pair[64],[152]. Combattant face à une armée plus nombreuse, il bat Dou Jiande (573-621) à Luoyang lors de la bataille de Hulao, le 28 mai 621[153],[154]. Dans une violente élimination de la famille royale de crainte d'assassinats, Li Shimin est pris dans une embuscade et tue deux de ses frères, Li Yuanji et le prince Li Jiancheng au cours de l'incident de la porte Xuanwu le 2 juillet 626[155]. Peu de temps après, son père abdique en sa faveur et Li Shimin accède au trône. Il prend comme nom de temple Taizong. Bien que tuer deux frères et déchoir son père est contraire aux principes confucéens de la pitié filiale[155], Taizong se montre comme un dirigeant capable qui écoute les conseils des membres les plus sages de son conseil[64] .En 628, l'empereur Taizong érige un mémorial bouddhiste pour les victimes de la guerre et fait ériger en 629 des monastères bouddhistes sur les sites des principales batailles afin que les moines puissent prier les morts des deux camps[156].

Considéré comme le véritable fondateur de la dynastie Tang[155], Taizong doit en grande partie sa réputation sur ses conquêtes militaires. Les Turcs se déchiraient en effet au même moment, et leur empire se scinda en deux tandis que plusieurs révoltes renforcèrent leur affaiblissement. Les troupes chinoises en profitèrent pour leur infliger plusieurs défaites qui aboutirent à leur soumission entre 630 et 642. Entre temps, il avait entrepris d'importantes réformes administratives continuant celles des Sui : réorganisation des provinces, de la justice, de l'armée, réforme agraire, fiscale, etc. Ses dernières années furent cependant marquées par des difficultés croissantes : nouvel échec militaire en Corée, tensions avec les hauts dignitaires, tandis qu'une grande partie de son empire restait hors de son contrôle, soumise à des potentats locaux, et que sa base restait surtout Chang'an et sa région, qui étaient déjà le cœur de l'empire des Zhou du Nord et des Sui[157].


Premières réformes

[modifier | modifier le code]

Taizong planifie de résoudre les problèmes internes avec le gouvernement, qui ont constamment rongé les dynasties passées. Se fondant sur le code juridique des Sui, il fait paraître le Code Tang, sur lequel les dynasties suivantes, mais également les voisins au Viêt Nam, en Corée et au Japon vont se baser[64]. Le code juridique le plus ancien à survivre est celui établi en 653. Il est divisé en 500 articles spécifiant les différents crimes et peines qui peuvent être dix coups avec un bâton léger, cents coups avec une lourde tige, l'exil, la servitude pénale ou l'exécution[96]. Le code juridique distingue clairement différents niveaux de sévérité dans les peines infligées lorsque des membres de la hiérarchie sociale ou politique commettent le même crime[97]. Par exemple, la sévérité de la peine est différente lorsqu'un serveur ou un neveu tue un maître ou un oncle que lorsqu'un maître ou un oncle tue un servant ou un neveu[97]. Le Code Tang est en grande partie conservé par les codes juridiques suivants tels que le code de 1397 de la dynastie Ming (1368-1644)[158], même si plusieurs révisions sont apportées par la suite, comme l'amélioration du droit des femmes durant la dynastie Song (960-1279)[98],[159].

Les Tang possèdent trois départements (省, shěng), qui doivent respectivement rédiger, revoir et accomplir les politiques de l'empire. Il existe également six ministères (部, ) dans l'administration qui accomplissent la politique, chacun d'entre eux étant assigné à une tâche différente. Ces bureaux administratifs contiennent du personnel pour les travaux administratifs, financiers, rituels, militaires, judiciaires et publiques, le tout dans une organisation administrative qui perdurera jusqu'à la chute de la dynastie Qing (1644-1912)[85]. Bien que les fondateurs de la dynastie Tang soient liés à la prestigieuse dynastie Han, la base de la plupart de leur organisation administrative est similaire aux précédentes dynasties du Nord et du Sud[64]. La milice instaurée par les Zhou du Nord (557-581) perdure au cours de la dynastie Tang, ainsi que les fermiers-soldats qui servent dans la capitale ou près des frontières afin de recevoir des terres agricoles appropriées. Le système de répartition des sols des Wei du Nord (386-534) est également conservé, même s'il connaît quelques modifications[64].

Coupe en or et argent avec motifs de fleurs de la période Tang.

Bien que les gouvernements locaux et centraux conservent d'énormes archives sur la propriété foncière afin de récolter des taxes, une pratique courante sous les Tang pour les personnes alphabétisées et aisées consiste à créer ses propres documents et contrats signés[160]. Ceux-ci contiennent leur propre signature et celle d'un témoin et sont écrits pour prouver si nécessaire à la cour qu'ils réclament à juste titre leur propriété[160]. Le prototype de cette pratique remonte à la dynastie Han, alors que le langage contractuel est devenu plus commun et a été intégré à la culture littéraire chinoise dans les dynasties suivantes[160].

Le centre du pouvoir politique des Tang est la capitale Chang'an (actuellement Xi'an, où l'empereur entretient ses importants palaces et divertit les émissaires politiques avec musique, sports, cascades acrobatiques, poésie, peinture et pièces de théâtre). La capitale est également remplie d'un nombre incroyable de riches et de ressources à revendre. Alors que les fonctionnaires du gouvernement préfectoral voyagent dans la capitale en 643 pour donner leur rapport annuel sur les activités de leur district, l'empereur Taizong découvre que beaucoup n'ont pas de quartiers pour se reposer et louent des chambres auprès de marchands[161]. Par conséquent, l'empereur ordonne aux agences gouvernementales chargées de la construction municipale de construire pour chaque fonctionnaire un manoir dans la capitale[161].

Statue Tang d'un fonctionnaire civil habillé d'un Hanfu, fabriquée en style sancai.

Suivant l'exemple de la dynastie Sui, les Tang abandonnent le système à neuf rangs en faveur d'un vaste système de fonction publique[104]. Les étudiants des études confucéennes sont des candidats potentiels aux examens impériaux, le diplôme qui permet d'accéder aux gouvernements local, provincial et central. Cette procédure compétitive permet d'intégrer les meilleurs talents au gouvernement. Les dirigeants Tang, conscients que la dépendance impériale envers les familles aristocratiques et les seigneurs de guerre peut avoir des conséquences déstabilisantes, créent un corps de carrière de fonctionnaires n'ayant aucun pouvoir territorial autonome. Le code Tang assure la division égale des propriétés héritées entre les héritiers légitimes, permettant un peu de mobilité sociale et évitant l'accumulation de pouvoir de familles via la primogéniture[111].

L'empereur Tang Xuanzong habillé de la robe et d'un chapeau de fonctionnaire.


Wu Zetian et la période de domination féminine

[modifier | modifier le code]
Fresque murale représentant des femmes du palais dans un jardin, découverte sur le mur de la tombe du prince Li Xuan dans le Mausolée de Qianling, où l'impératrice Wu Zetian a également été enterrée en 706.

Gaozong (649-683) succéda à Taizong en 649. Il tenta de prolonger les réformes de son père, et parvint à plusieurs reprises à faire venir sa cour à Luoyang, la capitale orientale, signe qu'il avait réussi à renforcer son autorité dans la plaine Centrale. L'histoire a surtout retenu de son règne l'influence croissante qu'exerça sur lui sa concubine Wu Zhao. Il la fit impératrice de second rang en 655. Suivant l'historiographie traditionnelle, Wu parvint à prendre le pouvoir à la suite d'une tactique cruelle et calculée. La théorie populaire du complot prétend qu'elle a tué son propre bébé pour accuser l'impératrice de Gaozong et la faire rétrograder[107]. Alors que l'empereur commençait à souffrir de maladies chroniques l'empêchant de régner activement, elle fit finalement éliminer l'impératrice Wang et une autre favorite, devenant la personne la plus influente de la cour. Wu commença alors à prendre beaucoup de décisions à la place de l'empereur, discutant des affaires d'état avec ses conseillers, qui prenaient les ordres d'elle, bien qu'elle soit assise derrière un écran (c'est-à-dire qu'elle n'est pas présente officiellement sur le trône)[162]. Quand le fils aîné de Wu, le prince héritier, commença à asseoir son autorité et à préconiser des politiques opposées à l'impératrice Wu, il meurt subitement en 675. Certains historiens suspectent que Wu l'ait empoisonné. Bien que l'héritier suivant a un profil inférieur, en 680, il est accusé par Wu de conspirer une rébellion et est banni puis forcé au suicide[163]. À la mort de Gaozong en 683, son fils Zhongzong lui succéda, avant d'être écarté par sa mère qui intronisa son autre fils Ruizong, tout en conservant le pouvoir en tant qu'impératrice douairière. Cette situation poussa un groupe de princes Tang à se soulever en 684. L'armée de Wu anéantit la rébellion en seulement deux mois[163]. En 690, elle força Ruizong à abdiquer, pour prendre elle-même le pouvoir en 690, sous le nom de Wu Zetian, fondant une nouvelle dynastie, du nom de Zhou[68],[69],[164].

L'historiographie chinoise, peu disposée à l'égard des femmes, a laissé une image sombre de Wu Zetian, seule impératrice de l'histoire chinoise. Elle lui attribue de nombreuses atrocités et immoralités : assassinat de son propre enfant pour se débarrasser d'une rivale, nombreuses exécutions, nombreuses liaisons sexuelles, pratique de magie et nécromancie, etc.[165] Elle est considérée comme une fervente bouddhiste, mais ne semble pas s'être laissée dominer politiquement par les moines, et ne délaissa pas le taoïsme, qui pourrait en fait avoir été sa religion de prédilection[166],[167]. S'il faut envisager de nombreuses exagérations à son propos, il est indéniable que son règne fut marqué par des mesures brutales qui ont suscité une grande animosité contre elle. Elle régna depuis Luoyang, de façon à échapper à l'emprise de l’aristocratie de Chang'an, et bouleversa la composition de la haute administration de l'empire en se débarrassant de la plupart des ministres importants et en créant de nouveaux postes de premier ordre qu'elle confia à des hommes nouveaux[168]. Il est souvent admis qu'elle s'appuya également sur des lettrés promus via le système des examens, ce qui en ferait une partisane d'un système plus méritocratique, moins autocratique, se reposant plus sur la bureaucratie[169],[170]. Mais il semble aussi que Wu Zetian gouverna avec l'aide d'un groupe de lettrés utilisés pour contourner l'administration officielle, les « Lettrés de la Porte du Nord ». Certains estiment, contre l'opinion couramment admise, que son règne fut un moment plutôt autocratique[171].

Wu Zetian fut renversée par son fils Zhongzong (705-710). Les femmes de la famille impériale continuèrent à jouer un rôle important à la cour, en premier lieu l'impératrice Wei et sa fille la princesse Anle, qui auraient organisé l'empoisonnement de l'empereur, pour introniser un empereur fantoche qu'elles dirigeraient. Mais elles se heurtèrent à l'opposition de l'autre grande figure féminine de la cour, la princesse Taiping, fille de Wu Zetian, qui les fit éliminer avec l'appui du prince Li Longji, fils de Ruizong. Ce fut ce dernier qui monta à nouveau sur le trône, avant d'abdiquer en faveur de son fils, passé à la postérité sous le nom de Xuanzong. La princesse Taiping tenta de s'opposer à cela, mais échoua et fut acculée au suicide[72],[73].

La Grande pagode de l'oie sauvage à Chang'an (actuelle Xi'an), construite en 652 et réparée par l'impératrice Wu Zetian en 704.

Le règne de Xuanzong

[modifier | modifier le code]
Les provinces de l'empire chinois au milieu du règne de Xuanzong, vers 742.

La première partie du règne de Xuanzong, l'ère Kaiyuan (713-741), est traditionnellement considérée comme l'apogée de la dynastie Tang, à la suite de la mise à l'écart des femmes des affaires politiques. Dans les faits, la première décennie de son règne n'apporta pas de grands bouleversements par rapport aux années précédentes, puisque le personnel politique dominant resta celui qui avait été promu par Wu Zetian et les impératrices et princesses suivantes, dont on reconnaissait pourtant la trop grande importance numérique, conséquence de la volonté de ces femmes de promouvoir des hommes nouveaux richement dotés[172]. Comme sa grand-mère, il fut assisté par un groupe de lettrés servant de proches conseillers et de secrétaires, la « Forêt de plumes » (Hanlin)[88]. Mais Xuanzong s'appuya sur des ministres importants qu'il laissa en poste plus longtemps que ne le permettaient ses prédécesseurs, notamment son loyal confucéen Zhang Jiuling (673–740), qui travailla à réduire la déflation et à augmenter l'offre de monnaie en soutenant l'usage de monnaies privées[173]. Au fil du temps, l'empereur se reposa de plus en plus sur l'aristocratie de Chang'an et du Nord-Ouest, comme les premiers Tang, parmi lesquels il recruta notamment des administrateurs chargés de missions ad hoc, en dehors des cadres administratifs habituels. Ainsi Yuwen Rong fut chargé du recensement de familles échappant à l'administration fiscale, Pei Yaoqing de l'amélioration du transport sur le Grand Canal, tandis que les superviseurs des monopoles du sel prenaient aussi une grande importance. Dans l'armée, les gouverneurs des provinces frontalières prirent un poids croissant[74],[174].

Yang Guifei montant sur un cheval avec l'aide de ses servantes, peinture de Qian Xuan (XIIIe siècle).

La seconde partie du règne de Xuanzong, l'ère Tianbao (742-756) est une phase de déclin. L'empereur fut alors moins actif dans la direction de l'empire, qui fut confiée au ministre Li Linfu, qui en vint à exercer un pouvoir autocratique après avoir accompli de nombreuses purges, éliminant de fait les plus talentueux ministres et s'appuyant sur des généraux d'origine étrangère, comme le sogdien An Lushan et le coréen Gao Xianzhi. C'est aussi une période de retour de l'influence féminine à la cour, avec l'ascension de la première concubine (guifei), Yang Yuhuan (ou Yang Guifei). Le frère de celle-ci, Yang Guozhong, fut un concurrent de Li Linfu, et quand ce dernier mourut en 752, il tenta de prendre sa place. Il voulut écarter An Lushan, mais celui-ci fut épargné car il avait l'appui de Xuanzong et de Yang Guifei qui en avait fait son fils adoptif. An Lushan en profita pour s'enfuir de la capitale et préparer sa révolte[175],[176].

Politique militaire et étrangère

[modifier | modifier le code]

Les conquêtes des premiers Tang

[modifier | modifier le code]

La première période de la dynastie Tang correspond à une expansion territoriale remarquable, conduisant les armées impériales sur des terrains qui n'avaient plus été soumis par des armées chinoises depuis l'époque glorieuse des Han, et même au-delà.

La défaite des Turcs
[modifier | modifier le code]

Le premier adversaire extérieur des Tang furent les Turcs, ou Tujue, qui avaient constitué au milieu du VIe siècle un puissant empire après avoir supplanté les Ruanruan. Leurs souverains, appelés qaghan, dominaient une sorte de confédération regroupant différents groupes de populations sur un vaste territoire allant de la Caspienne à la Mandchourie. Au début des Han, les Turcs étaient divisés en deux grandes entités, Turcs orientaux et Turcs occidentaux, ce qui ne les avait pas pour autant affaiblis, les seconds prenant le pas sur les premiers, minés par une série de conflits successoraux. Les deux premiers empereurs Tang avaient repris l'attitude des empires chinois précédents vis-à-vis des Turcs, c'est-à-dire une politique de présents visant à acheter leur soutien, ou du moins leur non-intervention. Ces relations pacifiques étaient facilitées par le fait qu'ils connaissaient les Turcs depuis longtemps car ils étaient à l'origine à la tête de garnisons frontalières faisant face à eux, connaissaient bien leurs techniques de combat car leurs troupes comprenaient sans doute des mercenaires turcs, et que comme de nombreux aristocrates des Zhou du Nord leur famille avait sans doute des liens matrimoniaux avec les élites turques. Au début du règne de Taizong, les Turcs se retrouvèrent cependant affaiblis, faisant face à des révoltes et à des problèmes climatiques ayant décimé leurs troupeaux et leurs récoltes. En 629, les troupes Tang s'allièrent aux insurgés pour infliger une sévère défaite aux Turcs orientaux. Taizong prit le titre de « Qaghan céleste », symbolisant sa suzeraineté sur les tribus turques de l'Est. Il en profita pour incorporer à nouveau des guerriers turcs parmi ses troupes[177],[178].

Les campagnes du règne de Tang Taizong dans le Turkestan oriental.
L'expansion occidentale
[modifier | modifier le code]

Ce premier succès aboutit donc au renforcement de l'armée des Tang. Les terres du Nord-Ouest étaient un atout crucial pour lui permettre d'utiliser les importants pâturages pour élever des chevaux dont elle avait désespérément besoin[48],[179]. Cela servit de base à de nouvelles conquêtes vers l'Ouest. Les Xueyantuo, qui avaient appuyé auparavant les Tang contre les Turcs, puis les Turcs occidentaux furent vaincus. Dans les années qui suivirent, les grandes cités du Turkestan oriental passèrent sous domination chinoise : Hami, Turfan, Karashahr, Kucha. En 649, à la mort de Taizong, les Turcs se révoltèrent pour s'extraire du joug Tang, mais ils furent défaits à nouveau. Les troupes chinoises étendirent alors leur influence au-delà du Pamir, sur les cités du Turkestan occidental : Samarkand, Bukhara, Tashkent, etc. En 648, un général chinois intervient même dans une querelle successorale en Inde du Nord[180],[181].

Les guerres orientales
[modifier | modifier le code]

À l'Est de l'empire, le principal adversaire était le royaume coréen de Koguryo, qui avait réussi à repousser les Sui, durant une campagne dévastatrice qui avait largement participé à la chute de cette dynastie. Il n'était pour autant pas dominant dans sa propre région, puisqu'il partageait la péninsule coréenne avec deux autres royaumes, Paekche et Silla. Ces trois royaumes avaient envoyé des présents au premier empereur Tang, symbole de leur soumission nominale, et envoyé des princes pour étudier à Chang'an, mais ils restaient indépendants. En 642, le prince sinisé qui devait monter sur le trône de Koguryo fut renversé, ce qui provoqua l'intervention des Tang. Trois campagnes furent repoussées durant les dernières années du règne de Taizong. Son successeur Gaozong eut plus de succès : il s'allia avec Silla, envoya ses troupes occuper Paekche, puis l'emporta enfin contre Koguryo. Les conflits suivants permirent à Silla d'unifier la péninsule coréenne, parachevée dans les années 670[182].

Protectorats et tributaires

[modifier | modifier le code]
Portrait d'un cheval favori de Taizong, équipé d'une selle et d'étriers. Un général lui retire une flèche. Bas-relief, tombe de l'empereur Taizong.

Le VIIe siècle et la première moitié du VIIIe siècle sont généralement considérés comme le zénith de la dynastie Tang. L'empereur Tang Xuanzong mène l'Empire céleste à son âge d'or alors que la route de la soie prospère, avec une influence en Indochine dans le sud, la main mise sur le massif du Pamir et le protectorat du Cachemire à la frontière perse à l'ouest[183].

Certains royaumes payaient des tributs à la dynastie Tang dont le Cachemire, le Népal, Hotan, Kucha, Kashgar, le Japon, la Corée, Champa et les royaumes localisés dans les vallées d'Amou-Daria et Syr-Daria[58],[59]. Un autre moyen employé par les Tang pour renforcer leurs liens avec les royaumes voisins était l'alliance matrimoniale, des princesses étant mariées à des souverains étrangers à plusieurs reprises[184].

Après la répression de l'importante révolte des Turcs en 657, l'empereur Gaozong établit plusieurs protectorats gouvernés par un Général de Protectorat ou un Grand Général de Protectorat. Ceux-ci étendirent la sphère d'influence des Chinois jusqu'à Hérat en Afghanistan occidental[61]. Les Généraux de Protectorat possédaient une grande autonomie pour résoudre les crises locales sans attendre l'approbation du gouvernement central. Par la suite, ce furent les gouverneurs militaires des marches frontalières (jiedushi) qui jouèrent le plus grand rôle.

L'évolution de l'organisation militaire

[modifier | modifier le code]

Les grandes conquêtes des Tang reposaient sur un appareil militaire hérité des dynasties du Nord (Wei du Nord, Wei de l'Ouest, Zhou du Nord). Il était encadré par l'élite militaire du Nord-Ouest, composée de grandes familles aux racines chinoises, xianbei et parfois turques, dont les lignages fondateurs des dynasties Sui et Tang sont de parfaits exemples. Ils disposaient de troupes héréditaires d'élite issues de l'aristocratie, ainsi que de troupes étrangères (de plus en plus turques) qui avaient été incorporées à la suite de victoires militaires. À la suite des réformes militaires de Gaozu et Taizong, les troupes des Tang reposaient sur l'armée prétorienne stationnée dans la capitale Chang'an et ses alentours, servant de sorte de garde impériale, et les garnisons appelées fubing, composées de soldats-paysans et disséminées dans toute la partie Nord de l'empire, qui devaient en principe assurer leur propre équipement de base par leurs activités agricoles (qui étaient souvent dévolues à des sortes de serfs attachés aux terres des garnisons), tout en maintenant un entraînement régulier, le gouvernement central leur fournissant l'équipement le plus lourd et dispendieux et les exemptant de taxes et de corvées[185],[186]. Le corps d'élite de ses troupes était la cavalerie, héritière des innovations militaires de peuples du Nord et du Nord-Ouest, qui avaient été adoptées en Chine durant la période de division. Les haras impériaux fournissaient les chevaux nécessaires à ce corps d'armée[187].

La menace croissante que faisaient peser les adversaires occidentaux de l'empire, au premier chef les Tibétains, entraîna une évolution de cette organisation militaire, plutôt efficace pour les guerres offensives. Les gouvernements de Wu Zetian et de Xuanzong durent se reposer de plus en plus sur des garnisons stationnées aux frontières. Elles furent formalisées en 737 : on détermina un quota de soldats à recruter pour les occuper, que l’État devait rémunérer par un salaire, tout en les exemptant de corvées et de taxes, et en leur offrant si besoin des terres à faire exploiter par leurs dépendants. Les garnisons intérieures fubing furent finalement abolies en 749. L'armée de la capitale préserva son importance, mais il fallait désormais compter de plus en plus avec les troupes frontalières et leurs commandants, de plus en plus des généraux d'origine étrangère. Les élites du Nord-Ouest se détournèrent alors des carrières militaires, d'autant plus qu'elles en furent souvent écartées par les gouvernements successifs, qui s'en méfiaient[188]. En 742 furent établies des provinces militaires frontalières, confiées à des gouverneurs militaires (jiedushi) disposant de prérogatives importantes, qui empiétèrent sur celles de l'administration civile, en premier lieu la collecte des taxes et l'octroi de titres[62],[63]. Ils devinrent en quelques années de véritables potentats dominant les régions frontalières, et disposant du gros des forces militaires de l'empire. En 747, le ministre Li Linfu décréta qu'ils ne devaient être recrutés que parmi les généraux non-Chinois, sous prétexte qu'ils étaient de meilleurs commandants militaires. Cela permit l'émergence de généraux puissants et ambitieux, dont les archétypes sont Gao Xianzhi et surtout An Lushan, qui précipitèrent le déclin de l'empire[189].

Les premiers revers
[modifier | modifier le code]

La période des conflits coréens de l'empire Tang coïncida à l'Ouest avec l'émergence d'un nouvel adversaire, le Tibet (le royaume de Tubo des textes chinois de l'époque). Les premières relations entre les deux entités furent pourtant d'apparence cordiales : la tradition a retenu le mariage de la princesse chinoise Wencheng au roi tibétain Songtsen Gampo[190],[191]. Cette soumission apparente n'empêcha pas les Tibétains de s'étendre en direction du Sud-Ouest de l'empire Tang, s'alliant au royaume de Nanzhao situé dans l'actuel Yunnan. Les années suivant la mort de Songtsen Gampo, surtout après 670, virent les troupes tibétaines devenir plus offensives contre les chinois, s'étendant en direction de leur Nord. Elles prirent plusieurs grandes villes du Turkestan oriental : Khotan, Yarkand, Kashgar et Kucha. Les Tang tentèrent alors de leur faire face en cherchant des alliés contre eux en Inde du Nord, mais ils n'avaient pas les moyens de les vaincre militairement après leurs difficiles campagnes coréennes[192],[193]. Ce revers n'était que le premier d'une série qui devait amorcer le déclin de l'influence des Tang en Asie. En 750, le Nanzhao, devenu plus puissant, s'étendait sur les provinces du Sud-Ouest de l'empire. Au même moment, les troupes chinoises dominant le Turkestan occidental dirigées par Gao Xianzhi faisaient face à l'arrivée des troupes arabo-musulmanes. Celles-ci leur infligèrent une défaite cinglante à Talas en 751 et placèrent par la suite la région sous leur coupe. Plus près de l'empire, la région de Hami vit la formation dans ces mêmes années du royaume des Ouïghours, amené à être un rival de taille pour les Tang[194].


Protectorats et tributaires

[modifier | modifier le code]
Bas-relief d'un soldat et son cheval, équipé d'une selle et d'étriers, découvert dans la tombe de l'empereur Taizong.

Le VIIe siècle et la première moitié du VIIIe siècle sont généralement considérés comme le zénith de la dynastie Tang. L'empereur Tang Xuanzong mène l'Empire céleste à son âge d'or alors que la route de la soie prospère, avec une influence en Indochine dans le sud, la main mise sur le massif du Pamir et le protectorat du Cachemire à la frontière perse à l'ouest[183].

Certains royaumes paient des tributs à la dynastie Tang dont le Cachemire, le Népal, Hotan, Kucha, Kashgar, le Japon, la Corée, Champa et les royaumes localisés dans les vallées d'Amou-Daria et Syr-Daria[58],[59]. Les nomades turques considèrent l'empereur Tang de Chine comme leur Tian Kehan[60]. Après la répression de l'importante révolte des Köktürks du Khan Shabolüe à Yssyk Koul en 657 par Su Dingfang, l'empereur Gaozong établit plusieurs protectorats gouvernés par un Général de Protectorat ou un Grand Général de Protectorat. Ceux-ci étendent la sphère d'influence des Chinois jusqu'à Hérat en Afghanistan occidental[61]. Les Généraux de Protectorat possèdent une grande autonomie pour résoudre les crises locales sans attendre l'approbation du gouvernement central. Après le règne de Xuanzong, les gouverneurs militaires (jiedushi) possèdent un énorme pouvoir, dont la capacité à maintenir leur propre armée, collecter les taxes et transmettre des titres de façon héréditaire. Cette situation est communément reconnue comme le début de la chute du gouvernement central Tang[62],[63].

Soldats et enrôlement

[modifier | modifier le code]

En l'an 737, l'empereur Xuanzong écarte la politique d'enrôlement des soldats qui sont remplacés tous les trois ans, pour les remplacer par des soldats de long service qui sont plus aguerris et plus efficients[195]. Cette solution est également plus viable économiquement puisque l'entraînement des nouvelles recrues et l'envoi des troupes tous les trois ans vers les frontières coûtent très cher[195]. À la fin du VIIe siècle, les troupes de l'ancien système commencent à abandonner le service militaire et des maisons leur sont mis à disposition de façon équitable. Alors que chaque famille est censée se voir attribuer 100 mu chacune, cette norme est décroissante dans les endroits où la population est importante et où la plupart des terres ont été achetées par les familles riches[196]. Les paysans et vagabonds aux abois sont alors induits au service militaire avec la garantie d'exonération à la fois des impôts et du service de corvée, mais aussi la mise à disposition de terre et de logement pour les personnes à charge qui les accompagnent aux frontières[197]. En 742, le nombre total des troupes dans les armées Tang atteint 500 000 hommes[195].

Régions turques et mongoles

[modifier | modifier le code]
Jarre en argent de la période Tang, en forme de sac en cuir des nomades du nord[198] décorée avec un cheval dansant avec une coupe de vin dans sa bouche, comme les chevaux de l'empereur Xuanzong étaient entraînés à le faire[198].

Les Sui et les Tang effectuent des campagnes militaires victorieuses contre les nomades des steppes. La politique étrangère des Chinois au nord et à l'ouest doit faire face aux nomades turques, qui deviennent le groupe ethnique dominant en Asie centrale[199],[200]. Pour manipuler les Turques et éviter les trahisons, le gouvernement Sui répare ses fortifications et reçoivent des missions de commerce et de tribut[106]. Il envoie des princesses royales pour se marier avec les dirigeants de clan turcs en 597, 599, 614 et 617[201],[202]. Dès la dynastie des Sui, les Turcs deviennent une force militaire importante utilisée par les Chinois. Lorsque les Khitans commencent leurs raids au nord-est de la Chine en 695, un général chinois mène 20 000 Turcs contre les envahisseurs, puis distribue le bétail et les femmes khitanes en récompense aux Turcs[54]. À deux occasions entre 635 et 636, des princesses royales Tang sont mariées à des mercenaires et généraux turcs[202]. Tout au long de la dynastie Tang jusqu'à la fin de l'année 755, environ dix généraux turcs servent sous les ordres Tang[203],[204]. Alors que la plupart de l'armée Tang est composée de Chinois enrôlés, la majorité des troupes menées par les généraux Turcs n'ont pas d'origine chinoise. Ces troupes officient essentiellement aux frontières occidentales où les troupes chinoises sont peu nombreuses[205]. Certaines troupes turques sont composées de Chinois Han nomadisés, un peuple désinisé[206].

La guerre civile en Chine est presque à son terme en 626, avec la défaite en 628 du seigneur de guerre chinois d'Ordos, Liang Shidu. Après ces conflits internes, les Tang commencent une offensive contre les Turcs[53]. En 630, les armées Tang capturent le désert d'Ordos, dans la province actuelle de Mongolie-Intérieure, et le sud de la Mongolie aux Turcs[54],[55]. Après sa victoire militaire, l'empereur Taizong remporte le titre de Grand Khan auprès des nombreux Turcs de la région qui lui prêtent allégeance ainsi qu'à l'empire chinois, qui se traduit par le déplacement de plusieurs centaines de Turcs vers la ville chinoise de Chang'an. Le 11 juin 631, l'empereur Taizong envoie également des ambassadeurs aux Xueyantuo en apportant or et soie afin de les persuader de relâcher les prisonniers chinois capturés à la frontière du nord durant la transition entre les dynasties Sui et Tang. Cette opération permet de libérer 80 000 hommes et femmes chinois[56],[57].

Gardien de tombe, sculpture en terre cuite, dynastie Tang, début du VIIIe siècle.

Alors que les Turcs sont installés dans la région d'Ordos (ancien territoire des Xiongnu), le gouvernement Tang mène une politique militaire pour dominer les steppes centrales. Comme lors de la précédente dynastie Han, les Tang (avec les alliés Turcs) conquièrent et assujettissent l'Asie centrale durant les années 640 et 650[106]. Durant le seul règne de l'empereur Taizong, d'importantes campagnes sont lancées contre les Köktürks, les Tuyuhun, les Tufan, les états de Xiyu et Xueyantuo.

Conflits avec l'empire du Tibet

[modifier | modifier le code]

L'empire Tang défie l'Empire du Tibet pour le contrôle des régions en Asie centrale, qui sont colonisées à cette époque grâce au mariage de la princesse Wencheng à Songtsän Gampo[190],[191]. Une tradition tibétaine mentionne que les troupes chinoises ont capturé Lhasa après la mort de Songtsän Gampo[207], mais aucune invasion n'est mentionnée ni dans les annales chinoises ni dans les manuscrits tibétains de Dunhuang[208].

Il existe une longue série de conflits avec le Tibet dans le bassin du Tarim entre 670 et 692. En 763 les Tibétains capturent la capitale chinoise, Chang'an, pendant cinquante jours durant la révolte d'An Lushan[45],[46]. En fait, c'est durant cette révolte que les Tang retirent les garnisons stationnées en occident dans les provinces actuelles du Gansu et Qinghai, que les Tibétains occupent avec le territoire actuelle du Xinjiang[47]. Les hostilités entre les Tang et le Tibet continuent jusqu'à la signature formelle d'un traité de paix en 821[48]. Les termes de ce traité définissent les frontières entre les deux empires[49]. En 823, une stèle connue sous le nom de « Tablette de pierre de l’Unité du long Terme » est érigée devant la porte principale du Temple de Jokhang à Lhassa. Deux autres copies existeraient, l'une dans la capitale de la Chine à Cha'ang an à la porte de l'empereur, et l'autre à la frontière tibéto-chinoise sur le Mont Guru Meru[209]. Ces stèles reprennent les termes du traité dans les deux langues[51]. La paix fut ainsi assurée pour presque deux décennies[52].

Empire perse

[modifier | modifier le code]

Durant la conquête musulmane de la Perse (633-656), le fils du dernier dirigeant de l'Empire Sassanid, le prince Peroz, fuit vers la Chine Tang[58],[210]. Selon le livre des Tang, Peroz prend la tête du Gouvernorat de Perse dans la ville actuelle de Zaranj, en Afghanistan. Durant sa conquête de la Perse, le calife Othmân ibn Affân (r. 644–656) envoie un ambassadeur à la cour des Tang à Chang'an[204]. Dans les années 740, les arabes du Grand Khorasan établissent une présence dans le bassin de Ferghana et en Sogdiane.

À la bataille de Talas en 751, les mercenaires Karlouks sous les ordres des Chinois font défection, aidant les armées arabes du calife musulman à battre le forces Tang sous le commandement de Go Seonji (également connu sous le nom de Gao Xianzhi, descendant d'un général de Goguryeo). Bien que la bataille elle-même ne soit pas significative d'un point de vue militaire, il s'agit d'un moment pivot dans l'histoire. Elle marque l'expansion de la fabrication de papier par les Chinois[211],[212] dans les régions occidentales, lorsque des soldats chinois capturés en révèlent les secrets aux arabes. Ces techniques atteignent finalement l'Europe au XIIe siècle à travers l'Espagne contrôlée par les arabes.

Malgré l'affrontement à Talas, une ambassade abbasside ouvre le 11 juin 758 à Chang'an, en même temps que l'envoi de cadeaux de la part des Turcs Ouïghours pour l'empereur Tang[213]. Venant de plus loin à l'ouest, une ambassade arrive à la cour de Taizong en 643 en provenance des Patriarches d'Antioche[214]. En 788 les Chinois concluent une alliance militaire avec les Turcs Ouïghours qui ont battu deux fois les Tibétains en 789, près de la ville de Kuch'eng en Jungharia et en 791 près de Ning-hsia sur le fleuve Jaune[215].

Corée et Japon

[modifier | modifier le code]
Modèle en argile de bateau haniwa, de la période Kofun du Japon (250–538).

À l'est, les campagnes militaires chinoises sont moins victorieuses qu'ailleurs. Comme les empereurs de la dynastie Sui, Taizong lance une campagne militaire en 644 contre le royaume coréen de Goguryeo. Toutefois, cette dernière conduit à un retrait de la première campagne face à la défense efficace du général Yeon Gaesomun. S'alliant avec le royaume coréen de Silla, les Chinois se battent contre les Baekje et leurs alliés japonais Yamato durant la bataille de Baekgang en août 663, une victoire décisive pour les Tang et les Silla. La marine de la dynastie Tang possède différents types de navires à sa disposition pour mener une guerre navale. Ces navires sont décrits par Li Quan dans son livre Taipai Yinjing en 759[216]. La bataille de Baekgang est en réalité un mouvement de restauration des forces survivant de Baekje, puisque leur royaume a été renversé en 660 par l'invasion Tang-Silla, menée par le général coréen Kim Yushin (595–673) et le général chinois Su Dingfang. Dans d'autres invasions menées avec les Silla, l'armée Tang affaiblit sévèrement le royaume de Goguryeo dans le nord en capturant ses forts extérieurs en 645. Les attaques conjointes de armées Silla et Tang sous le commandement de Li Shiji (594–669) mènent finalement à la destruction du royaume de Goguryeo en 668[183].

Peinture murale du Xe siècle dans les caves Mogao à Dunhuang montrant une architecture monastique du mont Wutai. L'architecture japonaise de cette période est influencée par l'architecture chinoise des Tang.

Bien qu'étant d'anciens ennemis, les Tang acceptent des fonctionnaires et généraux de Goguryeo dans leur administration et leur organisation militaire, comme les frères Yeon Namsaeng (634–679) et Yeon Namsan (639–701). Entre 668 et 676, l'empire Tang contrôle le nord de la Corée. Toutefois, en 671 les Silla commencent à y combattre les forces Tang. En même temps, les Tang font face à des menaces sur leurs frontières occidentales lorsqu'une importante armée chinoise est battue par les Tibétains sur le fleuve Dafei en 670[36]. En 676, l'armée Tang est chassée de la Corée par les Sila unifiés[37]. À la suite d'une révolte des Turcs orientaux en 679, les Tang abandonnent ses campagnes coréennes[36].

Bien que les Tang combattent également les Japonais, ils conservent des relations cordiales avec le Japon. Il existe plusieurs ambassades impériales chinoises au Japon. Ces missions diplomatiques ne sont pas interrompues avant 894 et l'empereur Uda (r. 887-897), convaincu par Sugawara no Michizane (845–903)[38]. L'empereur Temmu du Japon (r. 672–686) établit même son armée enrôlée sur le modèle chinois, ses cérémonies d'état selon le modèle chinois et construit son palais à Fujiwara en s'inspirant de l'architecture chinoise[39].

Plusieurs moines bouddhistes chinois se rendent au Japon pour y aider à la propagation du bouddhisme. Deux moines du VIIe siècle en particulier, Zhi Yu et Zhi You, visitent la cour de l'empereur Tenji (r. 661–672), après quoi ils présentent un cadeau de chariot pointant le sud qu'ils ont fabriqués[40]. Ce compas véhicule datant du IIIe siècle (utilisant un mécanisme différentiel) est à nouveau produit pour l'empereur japonais en 666, comme l'atteste le Nihon Shoki en 720[40]. Les moines japonais se rendent également en Chine, comme par exemple Ennin (794–864), qui écrit sur ses expériences de voyage dont ses voyages le long du Grand canal de Chine[41],[42]. Le moine Enchin (814–891) reste en Chine entre 839 et 847 puis entre 853 et 858, s'installant près de Fuzhou puis près de Taizhou durant son second voyage en Chine[43],[44].

Route de la soie

[modifier | modifier le code]
Un cavalier sur son cheval. Émail tricolore, dynastie Tang.

La route de la soie est la plus importante route commerciale de l'Eurasie prémoderne. Durant cette période de Pax Sinica, la route de la soie atteint son âge d'or, alors que les marchands perses et sogdiens tirent bénéfice du commerce entre Occident et Orient. Dans le même temps, l'empire chinois accueille les cultures étrangères rendant ainsi ses centres urbains très cosmopolites.

Bien que la route de la soie entre la Chine et l'Occident soit initialement mise en place durant le règne de l'empereur Han Wudi (141-87 avant J.-C.), elle est rouverte sous les Tang en 639 lorsque Hou Junji conquiert l'ouest. Elle restera ouverte encore pendant près de quarante ans. Elle est de nouveau fermée après sa capture par les Tibétains en 678, mais en 699, sous le règne de l'impératrice Wu, la route de la soie rouvre à la suite de la capture par les Tang des quatre garnisons d'Anxi[217], reconnectant ainsi la Chine à l'Occident directement par le commerce terrestre[218]. Les Tang conquièrent la route vitale de la vallée de Gilgit au Tibet en 722, avant de la perdre au profit des Tibétains en 737 et de la reconquérir sous le commandement du général coréen Gao Xianzhi[219]. À la fin de la révolte d'An Lushan en 763, l'empire Tang perd une nouvelle fois le contrôle de la route de la soie puisque les Tibétains en capturant des territoires occidentaux coupent l'accès direct de la Chine à la route[48]. Une rébellion interne en 848 évince les dirigeants tibétains et permet aux Tang de reconquérir les préfectures du nord-ouest au Tibet en 851. Ces terres deviennent un atout crucial pour les Tang qui peuvent utiliser les importants pâturages pour élever des chevaux dont la dynastie a désespérément besoin[48],[179].

Bien que de nombreux voyageurs occidentaux viennent en Chine pour vivre et commercer, ils sont nombreux, principalement des moines religieux, à reporter les strictes lois que les Chinois ont mises en place aux frontières[220]. Comme le moine Xuanzang, de nombreux voyageurs attestent que la Chine a installé de nombreux points de contrôle sur la route de la soie qui vérifient les permis de voyage vers l'empire Tang[220]. Par ailleurs, le banditisme est un problème près des points de contrôles et des villes oasis, comme en témoigne Xuanzang qui raconte que son groupe de voyageurs a été attaqué par des bandits à de nombreuses occasions[220].

Ports et commerce maritime

[modifier | modifier le code]

Les délégations chinoises naviguent à travers l'Océan Indien vers l'Inde depuis peut être le IIe siècle av. J.-C.[221],[222], alors que c'est durant la dynastie Tang qu'une forte présence maritime chinoise est trouvée dans le golfe Persique, la mer Rouge, en Perse, Mésopotamie (à travers le fleuve Euphrate), Arabie, Égypte, Aksum (Éthiopie) et en Somalie dans la corne africaine[223]. Originaire de la même tribu Quraysh que Mahomet, Sa'd ibn Abi-Waqqas navigue de l’Éthiopie vers la Chine durant le règne de l'empereur Tang Gaozu. Il retournera par la suite en Chine avec une copie du Coran, établissant la première mosquée en Chine, la Mosquée du Souvenir, durant le règne de l'empereur Tang Gaozong. À ce jour, il est toujours enterré dans un cimetière musulman à Guangzhou.

Figurine d'un marchand étranger de la dynastie Tang, VIIe siècle.

Au cours de la dynastie Tang, des milliers d'étranger viennent et vivent dans différentes villes chinoises pour le commerce, nouant ainsi des liens commerciaux entre la Chine et notamment les Perses, les Arabes, les Indiens, les Malais, les Sinhalais, les Khmers, les Chams, les Juifs et les Chrétiens nestoriens parmi d'autres[224],[225]. En 748, le moine bouddhiste Jian Zhen décrit Guangzhou comme un centre commercial animé où d'imposants bateaux étrangers viennent mouiller. Il écrit dans Yue Jue Shu que « plusieurs gros bateaux viennent de Bornéo, de Perse, de Qunglun (Java, en Indonésie)... avec .. des épices, des perles et du jade entassés en hauts monticules[226],[227]. » Après le pillage de Guangzhou en 758 par des pirates arabes et perses[48], le gouvernement Tang réagit en fermant le port pendant près de cinq décennies, les navires étrangers s'arrêtant à Hanoï à la place[228]. Toutefois, dès sa réouverture, le port continue de prospérer. En 851, le marchand arabe Suleiman al-Tajir observe la fabrication de porcelaine chinoise à Guangdong et en admire sa qualité de transparence[229]. Il fournit également une description de la mosquée de Guangzhou, de son gouvernement local, des soins apportés aux voyageurs avec l'usage de céramiques, vin de riz et thé[230]. Toutefois, en 879 la ville connaît un nouvel épisode sanglant. Le rebelle chinois Huang Chao saccage la ville et assassine prétendument des milliers de Chinois, ainsi que des étrangers juifs, chrétiens et musulmans[231],[232],[233]. La rébellion de Huang prend fin en 884.

Les navires coréens de Silla, de Balhae et de la province Hizen au Japon sont impliqués dans le commerce sur le fleuve Jaune, qui est dominé par Silla[234]. Après que Silla et le Japon recommencent leurs hostilités à la fin du VIIe siècle, la plupart des marchants maritimes japonais choisissent de partir de Nagasaki vers l'embouchure des fleuves Huai et Yangzi et même vers la baie de Hangzhou encore plus au sud, afin d'éviter les navires coréens dans la mer Jaune[234],[235]. Dans le but de revenir au Japon en 838, les délégations japonaises en Chine affrètent neuf navires et soixante marins coréens dans les quartiers coréens de Chuzhou et Lianshui le long du fleuve Huai[236]. Les navires chinois qui voyagent au Japon quant à eux ont pour habitude de partir de différents ports des côtes des provinces du Zhejiang et du Fujian[237].

Le grand basculement : évolutions et transition (756-907)

[modifier | modifier le code]

La révolte d'An Lushan et la fin de règne de Xuanzong marquent une rupture fondamentale dans l'histoire chinoise, et la seconde partie de la dynastie Tang est par bien des aspects différente de la première. Ce phénomène a été mis en évidence par l'historien japonais Naitō Torajirō, qui y voyait une période de transition entre une Chine « médiévale » et une Chine « pré-moderne », posant les bases de la prospérité de la dynastie Song (960-1279), et son intuition a été confirmée par de nombreux travaux. Cette période est marquée par des évolutions affectant toute la société : les institutions politiques, économiques et militaires héritées de l'empire Han et de ses tendances centralisatrices sont abandonnées, en faveur d'une société et d'une économie marquées par un poids moins important des institutions étatiques, une plus grande importance de l'urbanisation et du commerce. Une nouvelle forme de gouverner se met en place, avec la fin de l'aristocratie traditionnelle supplantée par les gouverneurs militaires disposant d'une armée personnelle et les commissionnaires et autres grands administrateurs issus de catégories sociales plus variées qu'auparavant. Géographiquement, les régions du bassin du Yangzi et de l'extrême Sud deviennent prépondérantes aussi bien sur le plan démographique qu'économique, avec notamment l'essor vigoureux du commerce maritime[238].

La révolte d'An Lushan

[modifier | modifier le code]
Le Grand Bouddha de Leshan, 71 m de haut, construit entre 713 et 803.

La révolte d'An Lushan éclata vers la fin de l'année 755. Le général s'était alors réfugié dans sa province militaire, le Hebei, où il disposait d'importantes troupes. Il réussit à s'emparer de Luoyang, et se proclama empereur d'une nouvelle dynastie, celle des Yan. Puis il conduisit une attaque en direction de Chang'an, qui fut stoppée dans la passe de Tong par les troupes impériales conduites par le général Guo Ziyi, l'un des plus puissants gouverneurs militaires[62],[239]. Le ministre Yang Guozong commença alors à redouter ce dernier, et convainquit l'empereur Xuanzong de conduire une offensive contre An Lushan. Celle-ci fut catastrophique pour les Tang, et cela incita Yang Guozong à organiser la fuite de l'empereur dans le Sichuan, région bien protégée des offensives extérieures, d'où sa famille était originaire, pendant que An Lushan pouvait investir Chang'an. Cependant, durant cet exil, la garde impériale se révolta, exécuta Yang Guozong puis sa sœur la concubine Yang Guifei, à qui ils imputaient les malheurs de l'empire, devant un Xuanzong impuissant. Une fois dans le Sichuan, l'empereur fut démis par son fils, Suzong (756-762)[240].

Malgré leurs premiers succès, les troupes rebelles d'An Lushan ne purent pousser leurs offensives plus loin, étant bloquées par les généraux loyalistes aussi bien dans leurs tentatives d'expansion vers l'Ouest que dans celles vers le Sud. An Lushan fut finalement assassiné par ses généraux. Sa succession fut prise par son fils, An Qingxu[241]. Cela offrit au gouvernement Tang, conduit par le ministre Li Bi (ou Li Mi) l'opportunité de reprendre la main sur les opérations militaires. Comme il fallait compenser le fait que le gros des troupes impériales avait été détruit à la suite des défaites en Asie centrale et au Yunnan puis contre les rebelles, il s'allia aux Ouïghours contre un lourd tribut[242]. Ceux-ci détachèrent 4 000 cavaliers pour le soutenir. Avec leur appui, le général Guo Ziyi parvint à reprendre Chang'an puis Luoyang à la fin de l'année 757. Les Tang arrêtèrent alors de payer les troupes ouïghours, qui repartirent. Les généraux loyalistes échouèrent à remporter une victoire décisive contre les rebelles en raison d'une tempête de sable qui reporta la bataille, et chacun retourna dans ses bases respectives, laissant le conflit en suspens. Cela offrit donc un répit aux insurgés : An Qingxu fut assassiné par un de ses lieutenants, le turc Shi Shiming, qui s'établit dans le Hebei et se proclama à son tour empereur de la dynastie Yan. Celui-ci fut assassiné en 761 par son propre fils Shi Chaouyu. Pour en finir, les Tang firent à nouveau appel aux Ouïghours, à qui ils livrèrent Luoyang avec la possibilité de la piller pour payer leurs services. Cela eut au moins pour effet d'affaiblir définitivement les rebelles. L'année suivante, Shi Chaoyu se suicidait, mettant fin à la période de troubles initiés par le soulèvement d'An Lushan[243],[244].

Évolution des rapports de pouvoir

[modifier | modifier le code]

La rébellion avait considérablement affaibli l'autorité des empereurs Tang, même si ceux-ci restaient reconnus comme souverains de l'empire. Ils composèrent dans les provinces avec des généraux disposant d'un pouvoir et d'une autonomie de plus en plus importantes, et à la cour avec des ministres et également des eunuques prenant un rôle croissant dans les affaires. Une poignée d'empereurs dynamiques assura cependant la continuité de la dynastie pendant près d'un siècle, à la suite de réformes fiscales et également de concessions aux pouvoirs provinciaux.

Le difficile rétablissement de l'autorité impériale

[modifier | modifier le code]
Portait de l'empereur Xianzong.

L'incapacité du gouvernement central à exercer pleinement son autorité rejaillit inévitablement sur le prestige des empereurs. Sauf quelques exceptions, les empereurs de la seconde partie de la période Tang furent des personnages peu influents, souvent considérés comme médiocres. Daizong (762-779) fut peu efficace face aux chefs militaires, dans un empire qui pensait encore les plaies laissées par la révolte. Le règne de Dezong (779-805), appuyé par des ministres très actifs (Yan Yang, Lu Zhi) qui remirent en particulier en ordre le système fiscal, fut l'un des plus volontaires, mais dut reculer devant l'opposition militaire des provinces. En plus de se reposer sur des ministres lettrés ayant souvent accompli des études poussées et réussi brillamment leurs examens, cet empereur favorisa également la croissance du rôle des eunuques à la cour impériale, puisqu'il leur confia la direction de sa garde, l'« Armée de la divine stratégie » (shence jun)[80].

Xianzong (805-820) tira parti des avancées de son prédécesseur pour remporter des succès aussi bien dans les affaires intérieures qu'extérieures, mettant au pas plusieurs provinces et renforçant l'efficacité du système fiscal. Mais l'importance croissante des eunuques, dont les troupes avaient activement participé aux victoires de l'empereur, finit par se retourner contre le pouvoir impérial[245]. Le dernier grand dirigeant ambitieux de la dynastie Tang est l'empereur Tang Xianzong. Son règne est marqué par des réformes fiscales dans les années 780, dont le monopole d'état sur l'industrie du sel[246]. Il possède également une armée impériale très bien entraînée stationnée à la capitale et dirigée par ses eunuques. Cette armée porte le nom d'Armée de la divine stratégie et compte 240 000 soldats en 798[247]. Entre 806 et 819, l'empereur Xianzong conduit sept campagnes militaires majeures pour réprimer les provinces rebelles qui réclament une autonomie vis à vis du pouvoir central, parvenant ainsi à toutes les maîtrise à l'exception de deux[44],[248]. Son règne connaît également une fin provisoire des jiedushi héréditaires, puisque Xianzong nomme ses propres officiers militaires et affecte aux bureaucraties régionales de nouveaux fonctionnaires civils[44],[248].

Toutefois, les successeurs de Xianzong se montrent moins capables et plus intéressés aux loisirs de la chasse, la fête et les sports d'extérieur, permettant aux eunuques d'amasser plus de pouvoir et conduisant à des conflits entre factions dans la bureaucratie[248]. Le pouvoir des eunuques devient incontesté après l'échec de la conspiration de l'empereur Tang Wenzong pour les renverser. Au lieu de cela, les alliés de l'empereur Wenzong sont publiquement exécutés sur le marché de l'ouest de Chang'an, sous le commandement des eunuques[249].

Cette tendance s'affirma sous les règnes suivants, qui virent également l'émergence des « factions » (dang) opposant les ministres les plus en vue à la cour, comme Niu Sengru et Li Deyu dans les années 820. La vie à la cour devint alors plus violente, et le pouvoir impérial en pâtit. En 827, les eunuques assassinèrent l'empereur Jingzong et le remplacèrent par Wenzong (827-840), qu'ils placèrent sous leur coupe. En 835 ce dernier tenta de les renverser (l'« Incident de la rosée douce »), mais il échoua[250],[83]. Wuzong (840-846) et Xuanzong (846-859) réussirent à maintenir l'autorité impériale, en réduisant l'influence des eunuques et en remportant des succès à l'extérieur (chute de l'empire tibétain, défaite des Ouïghours) et contre des gouverneurs militaires ; le premier est aussi passé à la postérité pour sa politique de répression du bouddhisme en 845-846[251]. Leur règne fut une sorte d'« été indien » (S. A. M. Adshead) de la dynastie Tang, durant lequel l'administration était redevenue efficace, l'insécurité intérieure et les menaces extérieures jugulées[44]. Après eux, le pouvoir des empereurs Tang entra dans un déclin irrémédiable[252].

Les rivalités entre la cour et les provinces

[modifier | modifier le code]

Un des héritages que le gouvernement Tang laisse depuis 710 est la montée graduelle des gouverneurs militaires régionaux, les jiedushi. L'inflation considérable du pouvoir placé entre leurs mains avait permis aux rebelles de disposer de troupes et de moyens militaires considérables. La victoire des Tang ne fut pourtant pas l'occasion de remédier à cela, bien au contraire. Ils avaient dû s'appuyer sur des généraux disposant de postes de gouverneurs militaires frontaliers, et également implanter des gouverneurs militaires dans des provinces intérieures. Ce fut donc l'occasion pour de nouveaux généraux d'émerger. Le pouvoir autonome et l'autorité accumulés par les jiedushi au Hebei outrepassent ainsi le contrôle du gouvernement central. De plus, les chefs rebelles du Nord-Est s'étant soumis aux Tang en 763 reçurent également des titres de gouverneurs. Comme chacun disposait de ses propres troupes et de son propre commandement, la coordination générale des opérations était compliquée, voire impossible en raison des rivalités entre chefs de guerre. À la fin de la rébellion, une quarantaine de gouverneurs combinant pouvoirs civils et militaires avait été installée dans les provinces[100].

La rivalité entre ces potentats provinciaux et la cour centrale qui s'installa alors devait durer jusqu'à la fin de la dynastie. Elle éclata en premier face aux gouverneurs dans le Nord-Est et l'Est (actuels Hebei et Shandong, régions des rivières Han et Huai), dont plusieurs anciens rebelles. Leurs liens avec le pouvoir central étaient en effet très distendus, et leur soumission n'était que nominale, en dehors des impôts qu'ils envoyaient régulièrement à la capitale, puisqu'ils nommaient leurs propres successeurs, fondant ainsi de véritables dynasties locales. En 781, l'empereur Dezong envoya ses troupes contre le gouverneur de Chengde (Hebei), mais les faibles moyens alloués aux gouverneurs militaires chargés de la répression entraîna l'échec final de celle-ci, le rejet de l'autorité impériale par d'autres potentats locaux, et la cour dut trouver un compromis aboutissant à l'autonomie de fait de plusieurs des provinces du Nord-Est et de l'Est en 786[253]. Le gouvernement s'appuie sur ces gouverneurs et leurs armées pour protéger l'empire et supprimer les locaux qui voudraient prendre les armes contre le gouvernement. En retour, le gouvernement central reconnaît le droit à ces gouverneurs de maintenir une armée, collecter les taxes et même de transmettre leur titre à leurs héritiers[62],[254].

Le pouvoir central fut en revanche moins conciliant avec l'autonomisation des provinces disposées le long du Grand Canal, essentiel pour l'approvisionnement du Nord et sa survie économique, comme en témoigne la répression de leur soulèvement sous le règne de Xianzong. Fort de cela, cet empereur parvint à contrôler les nominations d'un plus grand nombre de gouverneurs que ne le faisaient ses prédécesseurs, et réduisit leur pouvoir militaire[255],[256]. La dernière grande victoire du pouvoir impérial contre les provinces eut lieu sous le règne de Wuzong, avec la défaite de la province de Zhaoyi (entre les actuels Shanxi, Hebei et Henan)[251],[252]. Au fur et à mesure, les gouverneurs militaires suppriment donc graduellement les fonctionnaires civils recrutés par les examens impériaux et deviennent de plus en plus autonomes vis à vis de l'autorité centrale[62]. La loi des puissants gouverneurs militaire dure jusqu'en 960, lorsqu'un nouvel ordre civil est établi sous la dynastie Song.

Les réformes de la seconde moitié de la dynastie et leurs conséquences

[modifier | modifier le code]

Les pertes territoriales et la désorganisation administrative de l'empire imposaient de façon urgente une réforme du système de taxations pour à nouveau donner des moyens financiers à l'administration impériale. Ces réformes furent conduites sous les règnes de Daizong (762 — 779) et Dezong (779 — 805). À l'initiative du ministre Liu Yan (715-780), on instaura un monopole gouvernemental sur le sel et le fer. Le premier en particulier devait permettre de générer des revenus considérables pour l’État, car c'était une denrée de première nécessité indispensable à la vie de tous les jours. La commission gérant le monopole sur le sel, installée dans le Sud à Yangzhou, devint un véritable gouvernement parallèle, doté d'une grande puissance[101],[95]. Dès 780, il fournissait la moitié des revenus de l’État. Ces deux premiers monopoles furent complétés par ceux sur l'alcool en 764, et sur le thé en 793. La fiscalité reposant sur les échanges devint désormais essentielle pour l’État, profitant du formidable essor commercial que connut le pays à partir du VIIIe siècle[257], concernant en premier lieu le Sud, devenu essentiel pour l'empire après la perte de contrôle des provinces d'une large partie du Nord[258].

En 780, le système fiscal de base fut réformé de fond en comble avec l'instauration du système des « deux taxes saisonnières » (liangshui fa), initiative du ministre Yang Yan qui avait supplanté Liu Yan. Il n'était en effet plus possible de procéder au recensement des familles permettant à l'ancien système de taxation par tête de perdurer, et on le remplaça par un système reposant plus sur les revenus. Désormais, chaque maisonnée de cultivateur devait s'acquitter de cette taxe deux fois par an (en été et en automne), d'où le nom de l'imposition, en fonction de son rang déterminé par la superficie qu'elle mettait en culture[259],[95],[260].

Le règne de Dezong vit également la mise en place de contributions officieuses, des tributs payés par les gouverneurs qui allaient directement dans la caisse de l'empereur. Cela permit à ses successeurs qui poursuivirent la pratique de disposer de revenus qu'ils pouvaient utiliser suivant leur volonté, inaccessibles à l'administration formelle[261].

Avec le temps, le pouvoir des commissions chargées du monopole du sel, de loin le plus lucratif et le plus aisé à contrôler en raison du peu de régions productrices, s'étendit au reste de la fiscalité. En 810 elles prirent le contrôle des taxes agricoles dans le Sud. Prenant alors une importance croissante, elles devinrent quasiment une administration civile de ces territoires, d'autant plus que l'habitude fut prise de nommer gouverneurs des commissionnaires chargés du monopole du sel. Le succès de ce système profita aussi à ceux qui avaient émergé au sein de son administration au niveau local, développant une expertise fiscale et financière sur laquelle ils surent capitaliser pour prendre une plus grande importance dans l'administration et la société[262].

La rétraction de l'empire à l'extérieur

[modifier | modifier le code]

Les années précédant la révolte d'An Lushan avaient vu les troupes Tang essuyer leurs premiers revers majeurs à l'extérieur : défaites contre le Nanzhao en 750, à Talas dans le Turkestan occidental en 751, pertes territoriales contre les Tibétains, émergence du royaume ouïghour. La révolte empêcha les Tang d'être actifs à l'extérieur, et au contraire elle les poussa à chercher des alliés étrangers pour la réprimer. Les Ouïghours profitèrent de la situation pour faire payer leur soutien à fort prix, tout en s'étendant dans le Gansu et autour de Turfan. Le reste des anciennes possessions Tang dans le Turkestan oriental (l'actuel Xinjiang) tomba sous la coupe des Tibétains. En 763, alors que les troupes Tang sont concentrées vers Luoyang, ils parviennent à piller les haras impériaux de Ningxia, puis la capitale Chang'an[263].

Dès lors, les Tibétains effectuèrent régulièrement des razzias contre la frontière occidentale de l'empire Tang, située désormais vers l'actuel Gansu oriental (passe de Yumen). Dezong passa en 783 un traité avec eux pour établir une paix durable, au prix de la reconnaissance de leurs conquêtes. Mais les Tibétains passèrent outre les dispositions de l'accord, appuyant les révoltes de gouverneurs chinois. Dezong raviva alors l'alliance avec les Ouïghours pour contrer les Tibétains, mais cela se solda par un échec militaire en 790, marquant l'apogée de l'empire tibétain. C'est le gouverneur militaire du Sud-Ouest du Sichuan, Wei Gao, qui parvint à renverser la situation. Il s'allia au Nanzhao en 794, et remporta dès lors plusieurs victoires contre les Tibétains, qui culminèrent avec la prise de leur capitale Lhassa en 801. L'empire tibétain tomba alors dans une phase de déclin et s'effondra durant les années qui suivirent, ce qui permit un retour de l'administration chinoise en direction du Nord-Ouest[264]. Au Sud-Ouest en revanche, les gouverneurs militaires succédant à Wei Gao ne purent pas faire face aux entreprises grandissantes du Nanzhao. Le Sichuan subit plusieurs expéditions, qui parvinrent parfois jusqu'à Chengdu, et l'extrême Sud de l'empire, autour de l'actuelle Hanoï, fut perdu en 827. Une grande expédition fut lancée en 865-867 contre ce rival méridional, la dernière que put entreprendre le pouvoir Tang, mais elle échoua et fut suivie par une contre-offensive conclue par la perte de Chengdu, qui dura quelques années[265].

À l'Est, le royaume coréen de Silla s'était rendu définitivement autonome des Tang. Ceux-ci conservèrent des relations cordiales avec le Japon. Plusieurs ambassades impériales chinoises au Japon sont attestées pour cette époque. Ces missions diplomatiques ne furent pas interrompues avant 894 et l'empereur Uda (r. 887-897), convaincu par Sugawara no Michizane (845–903)[38].

Révolte d'An Lushan et catastrophes naturelles

[modifier | modifier le code]
Le Grand Bouddha de Leshan, 71 m de haut, construit entre 713 et 803.

L'empire Tang est à son apogée jusqu'au milieu du VIIIe siècle, lorsque la révolte d'An Lushan (16 décembre 755 - 17 février 763) détruit la prospérité de l'empire. An Lushan est un commandant Tang à moitié sogdien et à moitié turc. Il occupe ce poste depuis 744 et a acquis de l'expérience en combattant victorieusement les Khitans en 744[62],[239], même si la plupart de ses campagnes contre ce peuple ont été des échecs[266]. Il se voit donner une grande responsabilité au Hebei, qui lui permet de se rebeller avec une armée de 100 000 hommes[62]. Après la prise de Luoyang, il s'auto-déclare empereur de l'éphémère état Yan[239]. Malgré les premières victoires du général Tang Guo Ziyi (697-781), les nouvelles troupes de la capitale ne sont pas en mesure d'affronter les vétérans des frontières menés par An Lushan, la cour s'enfuit donc de Chang'an[62]. Alors que l'héritier du trône monte une armée au Shanxi et que Xuangzong fuit vers la province du Sichuan, ils demandent une aide aux Turcs Ouïghours en 756[267]. Le khan ouïghour Moyanchur est très excité à cette perspective et marie sa propre fille à l'ambassadeur chinois dès son arrivée, recevant en retour une princesse chinoise en mariage[267]. Les Ouïghours participent à la reprise de la capitale Tang, mais ils refusent de partir tant que les Tang ne leur paient pas un lourd tribut en soie[62],[267]. Même les arabes abbassides aident les Tang à abattre la rébellion[267],[268]. Les Tibétains profitent de l'opportunité pour prendre le contrôle de terres sous contrôle chinois et même après la chute de l'empire tibétain en 842 et des Ouïghours peu après, les Tang ne parviennent pas à reconquérir l'Asie centrale après 763[62],[269]. Les pertes sont telles qu'un siècle plus tard des candidats aux examens impériaux sont mis à contribution pour écrire un essai sur les causes du déclin des Tang[270]. Alors qu'An Lushan est tué par un de ses eunuques en 757[267], cette période de troubles et d'expansion d'insurrection continue jusqu'à ce que le rebelle Shi Siming soit tué par son propre fils en 763[267].

Mur en soie du VIIIe siècle à Dunhuang, montrant le paradis d'Amitabha.

Un des héritages que le gouvernement Tang laisse depuis 710 est la montée graduelle des gouverneurs militaires régionaux, les jiedushi, qui petit à petit défient le pouvoir du gouvernement central[63]. Après la révolte d'An Lushan, le pouvoir autonome et l'autorité accumulés par les jiedushi au Hebei outrepassent le contrôle du gouvernement central. Après une série de rébellions entre 781 et 784 au Hebei, Shandong, Hubei et Henan, le gouvernement doit officiellement reconnaître leur titre héréditaire. Le gouvernement Tang compte sur ces gouverneurs et leurs armées pour protéger l'empire et supprimer les locaux qui voudraient prendre les armes contre le gouvernement. En retour, le gouvernement central reconnaît le droit à ces gouverneurs de maintenir une armée, collecter les taxes et même de transmettre leur titre à leurs héritiers[62],[254]. Au fur et à mesure, les gouverneurs militaires suppriment graduellement les fonctionnaires civils recrutés par les examens impériaux et deviennent de plus en plus autonomes vis à vis de l'autorité centrale[62]. La loi de ces puissants gouverneurs militaire dure jusqu'en 960, lorsqu'un nouvel ordre civil est établi sous la dynastie Song. De plus, l'abandon du système équitable de partage des champs conduit les personnes à acheter et vendre des terres librement. Beaucoup de familles pauvres et endettés sont donc forcées de vendre leurs terres aux familles plus aisées ce qui conduit à la croissance exponentielle des grandes propriétés[62]. Avec la fin du système d'allocation des terres après 755, l'état central chinois interfère à peine dans la gestion agricole et agit simplement en collecteur de taxes pendant presqu'un millénaire, comme le montre par exemple l'échec des Song à nationaliser les terres durant les guerres contre les Mongols au XIIIe siècle[271].


Quatre vingt sept êtres célestes, peinture d'une fresque par Wu Daozi (c. 685–758)

La fragmentation de l'empire et la fin de la dynastie

[modifier | modifier le code]

À partir des années 860, le fragile équilibre qui avait permis le rétablissement de l'empire Tang se rompit. Les empereurs qui furent installés se révélèrent peu capables, et ne purent endiguer le déclin de leur dynastie. La vieille aristocratie qui avait occupé les postes principaux des empires chinois depuis la période de division et durant la première partie de la dynastie avait laissé la place à de nouvelles figures. Ces postes décisifs étaient ceux des gouverneurs militaires provinciaux disposant chacun de leur propre armée, des commissaires administrant les monopoles financiers et des eunuques à la cour. Avec eux s'ébauchèrent de nouvelles manières de gouverner qui devaient triompher sous les Song.

Avec l'effondrement de l'autorité du pouvoir central dans plusieurs régions de l'empire, il est rapporté qu'en 845 des bandits et des pirates des rivières par groupes de cent ou plus commencèrent à piller les colonies le long du Yanzi en rencontrant peu de résistance[272]. En 858, d'importantes inondations sur le Grand canal de Chine recouvrent d'importantes surfaces de terres dans la plaine de la Chine du nord et occasionnent la mort par noyade de dizaines de milliers de personnes[272]. La croyance au mandat du Ciel garantie aux Tang en difficulté est remise en question lorsque les catastrophes naturelles apparaissent, forçant beaucoup de personnes à croire que le Ciel est mécontent et que les Tang ont perdu leur droit de gouverner. En 873, une moisson désastreuse ébranle les fondations de l'empire. Dans certaines régions, seulement la moitié du produit agricole est recueilli et des dizaines de milliers de personnes font face à la famine[272]. Au début de la période Tang, le gouvernement central était capable de gérer les crises de moissons, comme en atteste les archives de 714 à 719, lorsque le gouvernement Tang a répondu avec efficacité à des catastrophes naturelles en étendant le système de régulation des prix des greniers à tout le pays[272]. Le gouvernement était alors capable de construire un important stock de surplus de nourriture pour parer aux dangers montants de la famine et d'accroître la productivité agricole avec des terres-plein[273],[272]. Au IXe siècle, toutefois, les Tang sont dans l'incapacité de faire face à n'importe quelle calamité.

La chute s'amorça à partir de la révolte conduite par le général Pang Xun en 868 dans le Guangxi, qui s'étendit dans le bassin du Yangzi et de la Huai avant d'être difficilement réprimée à la suite d'épisodes de crise qui frappèrent l'empire, en premier lieu dans le Nord où des famines sévirent dans les années 870. Des groupes de pillards émergèrent dans les franges orientales en 874, dirigées par des rebelles enrichis dans la contrebande du sel, d'abord Wang Xianzhi qui fut exécuté en 874, puis Huang Chao. Surtout actives dans le Henan et le Shandong au début, elles s'étendirent progressivement vers le bassin du fleuve Jaune. Des troupes de rebelles agirent aussi en direction du Sud, parvenant jusqu'à Canton qui fut pillée en 879. Mais leurs plus gros succès eurent lieu au Nord. Luoyang fut prise en 880, puis Chang'an l'année suivante, avant une contre-attaque des troupes impériales qui ravagèrent à leur tour la capitale, puis se retirèrent pour laisser la place à un retour des insurgés qui achevèrent de dévaster la ville. Dès lors, celle-ci ne fut plus que l'ombre de ce qu'elle avait été. Elle passa en 883 sous le contrôle d'un général turc qui avait été à la solde des Tang, Li Keyong[103],[252]. Repoussé, Huang Chao mourut en 884, sans doute acculé au suicide, ou bien tué par un parent[274].

Les empereurs Tang étaient alors passés sous le contrôle des eunuques, tandis que des seigneurs de guerre dépeçaient l'empire et n'étaient plus contrôlables par un pouvoir central qui n'existait plus. Dans les années qui suivirent, la fragmentation de l'empire fut actée par la fondation de royaumes autonomes à partir de provinces déjà indépendantes de fait depuis quelques années. Zhu Wen, ancien lieutenant de Huang Chao, élimina la faction des eunuques en 903 et plaça ce qu'il restait de la cour sous son contrôle. Il destitua finalement le dernier empereur Tang en 907 et fonda alors la dynastie des Liang postérieurs qui domina la majeure partie du bassin du fleuve Jaune, à partir de la ville de Kaifeng. Les autres provinces étaient dominées par d'autres généraux qui fondèrent à leur tour leurs propres dynasties impériales ou royales : c'est la période des Cinq Dynasties et des Dix Royaumes (907-960), qui s'acheva par la réunification de l'empire par les Song (partielle si on prend en compte la dynastie Liao au Nord)[275],[276].

Littérature

[modifier | modifier le code]
Calligraphie de l'empereur Tang Taizong sur une stelle Tang.

La période Tang constitue un âge d'or de la littérature et de l'art chinois. Plus de 48 900 poèmes y ont été écrits par environ 2 200 auteurs connus[277],[278]. Perfectionner ses compétence à écrire de la poésie devient une étude requise à quiconque souhaite passer les examens impériaux[279], ce qui rend ce domaine très compétitif. Les concours de poésie avec d'éminents invités sont ainsi couramment organisés durant la période Tang[280]. Les styles de poésie qui sont populaires à cette époque sont le gushi et le jintishi, avec le reconnu poète Li Bai (701-762) pour le premier et des poètes comme Wang Wei (701-761) et Cui Hao (704-754) pour le second style. La poésie jintishi, ou vers réguliers, est composée de huit stances en ligne ou sept caractères par ligne avec un modèle fixe de tons qui requiert que les second et troisième couplets soient antithétiques (bien que l'antithèse est souvent perdue dans la traduction en d'autres langues)[281]. Les poèmes Tang restent encore aujourd'hui parmi les plus populaires de toutes les périodes historiques chinoises. Cette grande émulation pour la poésie Tang commence durant la dynastie Song. À cette époque, Yan Yu affirme qu'il est le premier à désigner la poésie des Grands Tang (713-766) comme un matériau orthodoxe avec un « statut canonique avec la tradition poétique classique[282]. » Yan Yu a la plus haute estime parmi tous les poètes Tang pour Du Fu (712-770)[282], qui n'est pas vu comme tel par ses contemporains et désigné par ses pairs comme un rebelle anti-traditionnel[283].

Il existe également d'autres formes littéraires durant la période Tang. Le Youyang Zazu de Duan Chengshi est une collection de divertissement de légendes et rumeurs étrangères. Le livre regroupe des phénomènes naturels, des courtes anecdotes, des récits mythiques et banals, mais également des notes sur divers sujets. La catégorie ou classification littéraire exacte du récit informel de Duan est toujours en cours de débat parmi les universitaires et les historiens[284].

Les récits et fictions d'histoires courtes sont également populaires sous les Tang, dont l'un des plus célèbre est La Biographie de Yingying par Yuan Zhen (779-831), qui est largement diffusé de son temps et sous la dynastie Yuan (1279-1368) est devenu la base pour des pièces de l'opéra chinois[285],[286]. Timothy C. Wong place cette histoire dans le contexte plus large des récits d'amour des Tang, qui suivent le même schéma narratif : passion rapide, pression sociale inévitable qui conduit à l'abandon de la romance, suivi d'une période de mélancolie[287]. Wong affirme que dans ce schéma il manque les vœux éternels et l'engagement total de soi dans l'amour tels que l'on trouve dans les œuvres occidentales comme par exemple Roméo et Juliette, mais que les valeurs traditionnelles chinoises sous-jacentes comme indissolubilité de l'être à un environnement sert à créer le dispositif nécessaire à la tension romantique[288].

Pagode de la petite oie sauvage, construite en 709, adjacente au temple de Dajianfu à Chang'an, où les moines bouddhistes d'Inde et d'ailleurs se réunissent pour traduire les textes sanskrits en Chinois[289].

D'importantes encyclopédies sont compilées sous les Tang. L'encyclopédie Yiwen Leiju est compilée en 624 par l'éditeur en chef Ouyang Xun (557–641) mais également avec Linghu Defen (582–666) et Chen Shuda (d. 635). L'encyclopédie Traité en astronomie de l'ère Kaiyuan est terminée en 729 par Gautama Siddha, un astronome, astrologue et érudit d'origine indienne né dans la capitale Chang'an.

Les géographes chinois tels que Jia Dan écrivent des descriptions précises de lieux éloignés. Dans son travail écrit entre 785 et 805, il décrit la route maritime allant vers la bouche du golfe Persique et que les iraniens médiévaux (qu'il appelle peuple de Luo-He-Yi) ont érigé des piliers ornementaux dans la mer pour les utiliser comme phares lumineux pour être vus des bateaux égarés[290]. Confirmant le rapport de Jia sur ce point, les écrivains arabes écrivent un siècle après Jia sur les mêmes structures. Le diplomate chinois de la dynastie Tang Wang Xuance voyage vers Magadha (au nord-est de l'Inde actuelle) durant le VIIe siècle[291]. Par la suite, il écrit le livre Zhang Tianzhu Guotu (Rapports illustrés d'Asie centrale), qui contient une richesse d'informations géographiques[292].

De nombreuses histoires des précédentes dynasties sont compilés entre 638 et 659 par les fonctionnaires de la cour durant et peu de temps après le règne de l'empereur Tang Taizong. Cela inclut le Livre des Liang, le Livre des Chen, le Livre des Qi du Nord, le Livre de Zhou, le Livre des Sui, le Livre des Jin, l' Histoire des dynasties du nord et l'Histoire des dynasties du sud. Bien que non inclut dans l'officiel Vingt-Quatre Histoires, le Tongdian et le Tang Huiyao sont tout de même des écrits historiques de qualité de la période Tang. Le Shiton écrit par Liu Zhiji en 710 est un ouvrage qui couvre l'historiographie chinoise dans les siècles passés jusqu'à son temps. Le Rapport du voyage en Occident à l'époque des Grands Tang, compilée par Bianji, narre le voyage de Xuanzang, le plus connu des moines bouddhistes de la période Tang.

Le Mouvement de la prose ancienne est largement stimulé en partie par les écrits des auteurs Tang Liu Zongyuan (773-819) et Han Yu (768-824). Ce nouveau style en prose est en rupture avec la tradition de la poésie du piantiwen initiée dans l'ancienne dynastie Han. Bien que les écrivains du Mouvement de la prose ancienne imitent le piantiwen, ils le critiquent pour son contenu souvent trop vague et l'absence de langage familier, se focalisant plus sur la clarté et la précision en rendant leurs écrits plus directs[293]. Ce style guwen (prose archaïque) peut remonter jusqu'à Han Yu et sera plus largement associé avec le néoconfucianisme orthodoxe[294].

Les arts des lettrés

[modifier | modifier le code]

Calligraphie

[modifier | modifier le code]

L'art calligraphique, qui était intimement lié à celui de la poésie qu'il complétait, avait connu un essor remarquable durant la période de division, notamment à la suite de Wang Xizhi (303-361), considéré comme le plus grand calligraphe chinois, notamment par sa maîtrise des graphies courante (xingshu) et cursive (caoshu). L'empereur Taizong en était un grand admirateur, cherchant à acquérir des écrits originaux de ce maître. Sun Guoting rédigea en 687 le Traité sur la calligraphie (Shupu), un ouvrage théorique majeur sur la calligraphie chinoise, en employant le style de Wang Xizhi[295]. D'autres lettrés appréciés de Taizong s'illustrèrent dans ce style, comme Yu Shinan (558-638), qui avait appris auprès du moine bouddhiste Zhiyong (fin du VIe siècle)(descendant de Wang Xizhi) et qui fut directeur de la bibliothèque impériale[296]. Comme les autres grands calligraphes de la période Tang il est également reconnu pour sa maîtrise du style régulier (kaishu), à l'image d'Ouyang Xun (557-641)[297] et Chu Suiliang (596-658)[298], puis durant la seconde partie de la dynastie Yan Zhenqing (709-785)[299] et Liu Gongquan (778-865)[300] qui achevèrent la mise en place les formes classiques du style régulier, leur propre style servant de modèle par la suite (on distingua un « style d'Ou(yang) », un « style de Yan », un « style de Liu »). Dans un registre moins conventionnel, le style cursif sous la plume de certains lettrés au tempérament plus sanguin accoucha du style de la « cursive folle » (kuangcao), aux formes plus libres et débridées. Sont en particulier représentatifs de ce style Zhang Xu (première moitié du VIIIe siècle, surnommé « Zhang le fou » en raison de son style calligraphique)[301] et le moine bouddhiste Huaisu (725-785)[302],[303]. C'est que l'art calligraphique ne consiste pas seulement à présenter des signes élégants et clairs, mais aussi les énergies vitales en action dans l'univers que capte le calligraphe au moment où il écrit. Le calligraphe est censé être dans une sorte d'état méditatif, reflétant son caractère et sa capacité à être en harmonie avec ce qui l'entoure[304]. Peu d’œuvres originales de la période sont parvenues jusqu'à nos jours, et encore moins en bon état ; néanmoins quelques-unes ont pu être préservées sous forme de copies.

Les maîtres de la peinture

[modifier | modifier le code]

La peinture n'était pas exercée seulement par des artisans, ou des professionnels possédant une certaine culture (essentiellement religieuse), elle était aussi pratiquée par des fonctionnaires lettrés, hauts dignitaires au service de la cour et véritables peintres de cour qui introduisaient, pour certains, un regard et des moyens nouveaux.

La peinture chinoise à l'époque des Tang était encore en grande partie l'affaire d'artisans qui n'avaient que rarement le statut de lettré et qui utilisaient des couleurs vives et contrastées. Une première évolution s'était faite durant la période de division avec en particulier l'apparition d'ouvrages théoriques sur la peinture (surtout celui de Xie He) qui l'élevaient au rang d'art majeur. La peinture, du point de vue des lettrés, était considérée comme un exercice spirituel au même titre que la calligraphie et la poésie. Le peintre devant parvenir à retranscrire ce que les mots de la poésie et les écrits de la calligraphie ne pouvaient faire seuls. Les lettrés jetèrent vite leur dévolu sur la peinture de paysage, tracé avec des lignes simples, de plus en plus avec une seule couleur, et de grands espaces vides alternant avec les pleins pour symboliser l'animation de l’œuvre par la circulation des forces vitales[305]. L'archétype du peintre lettré fut Wang Wei qui excella dans la peinture de paysage. Cette peinture participait de la même esthétique bucolique que ses écrits poétiques. Il développa les procédés dans l'emploi de la seule encre noire pour peindre[306]. Durant le dernier siècle des Tang, Zhang Yanyuan (seconde moitié du IXe siècle), lui-même peintre et calligraphe et grand collectionneur d’œuvres, rédigea le Mémoire des peintres célèbres de l'histoire (Lidai minghua ji) qui consacra le rôle du peintre pour retranscrire l'ordre naturel[307]. La figure du peintre-lettré n'apparut cependant véritablement que sous les Song.

Les peintres de l'époque Tang œuvrèrent sur différents supports, pour différents types de commanditaires : comme est évoqué plus bas, les monastères bouddhistes demandaient des œuvres rapportant leurs mythes et croyances, pour orner les murs de leurs temples et monastères, tandis que les aristocrates employaient les peintres pour orner les murs de leurs tombes ; mais les peintres réalisaient également des peintures destinées à être admirées dans un contexte profane (même si cela ne les empêchait pas forcément d'avoir une thématique religieuse), sur des supports en papier ou en soie.

La postérité a retenu le nom de plusieurs peintres illustres de la dynastie Tang, à défaut d'avoir conservé leurs œuvres autrement que par des copies, en dehors de quelques-unes dont il est possible (mais jamais assuré) qu'elles aient été faites par ces maîtres[308]. C'est le cas de Yan Liben (600-673)[309], haut dignitaire au service de Taizong et principal peintre de cour sous son règne, resté célèbre pour ses peintures de personnages. On lui attribue habituellement la série sur rouleau de papier des Treize empereurs, bien qu'il est probable qu'il n'en soit pas l'auteur[310]. Li Sixun (651-716)[311] et son fils Li Zhaodao (670-730)[312] furent réputés pour leurs peintures de personnages mais aussi de paysages, de même que Wu Daozi (première moitié du VIIIe siècle), considéré comme le plus grand peintre de l'époque Tang, qui fit également des peintures pour des temples bouddhistes[313]. Son contemporain Zhang Xuan était renommé pour ses peintures de dames aux formes arrondies[301]. Les peintures de Wang Wei s'inscrivaient quant à elle dans le mouvement évoqué plus haut qui voit la constitution progressive d'une peinture de lettrés, tournée vers la représentation de paysages, l'importance du mouvement du pinceau transmettant le souffle vital plutôt que la recherche d'une représentation fidèle du sujet[306]. Han Gan (seconde moitié du VIIIe siècle) fut pour sa part réputé pour ses peintures de chevaux[314].

Galeries en ligne :

Art et architecture bouddhistes

[modifier | modifier le code]

Monastères et temples

[modifier | modifier le code]

Il ne reste aujourd'hui pas grand-chose des monastères urbains, en dehors de pagodes comme celles de Xi'an qui ont subsisté après diverses restaurations et des remaniements[316]. Deux temples d'époque Tang ont également été préservés, quoique également remaniés au cours de restaurations postérieures, sur le mont Wutai (les temples Foguang[317] et Nanchan). Les exemples remarquables de monastères bouddhistes de la période Tang, pour la plupart apparus sous les dynasties du Nord, sont ceux situés en périphérie des grandes villes sur des sites rupestres du Nord, où des sanctuaires et cellules monacales avaient été aménagés dans des cavités naturelles ou plus souvent artificielles, qui sont les sources majeures pour la connaissance de l'art bouddhiste de la période : Mogao[318], Longmen[319], Bingling[320], Maijishan[321], Tianlongshan[322].

Les sanctuaires bouddhistes bénéficiaient d'importantes donations de la part des élites et des empereurs, et ce même après la répression de 845. Des textes sacrés du bouddhisme fournissaient d'ailleurs des listes de matériaux à employer dans les objets liturgiques, en premier lieu l'or, l'argent et le verre. De plus, les commanditaires s'attachaient manifestement à ce que les artisans produisent des œuvres de grande qualité, expliquant le haut niveau atteint par l'art bouddhiste[324]. Les formes d'art bouddhiste de l'ère des Tang sont directement dérivées de celles de la période de division, elles-mêmes le produit d'une adaptation locale des traditions artistiques d'Asie centrale et de l'Inde (en particulier les écoles de l'époque des Gupta). La sculpture sur pierre consistait en des statues de bouddhas et bodhisattva de diverses tailles, jusqu'aux impressionnantes statues en haut-relief des sanctuaires rupestres, mais aussi en des stèles aux différents registres représentant des scènes parfois complexes. Les statuettes en bronze doré, notamment celles représentant les personnages sacrés nimbés, étaient également très populaires.

La peinture bouddhiste est connue grâce aux fresques conservées dans plusieurs sanctuaires, comme les représentations du paradis d'Amithaba à Dunhuang, ainsi que par des fragments de peintures sur soie représentant la vie de Bouddha découvertes sur le même site[325].

Le trésor du temple Famen

[modifier | modifier le code]

La documentation sur l'art bouddhiste de la période Tang est cependant plus variée que celle des périodes précédentes grâce à la mise au jour d'un trésor exceptionnel, celui du temple Famen, révélé après la destruction de la pagode qui le surplombait après une tornade en 1981. Sur ce site qui passait pour abriter une relique du Bouddha (des phalanges), un exceptionnel dépôt votif consacré par l'empereur Xizong en 874, accomplissant ainsi un vœu de son prédécesseur le très pieux Yizong, décédé l'année précédente. Parmi les objets exhumés se trouvaient quatre reliquaires luxueux contenant des phalanges, placés dans quatre endroits distincts. Ont également été mis au jour des objets luxueux en argent doré (vaisselle, brûle-parfum, représentation de bodhisattva)[326],[327].

Architecture et art funéraires

[modifier | modifier le code]

Les fouilles archéologiques ont mis au jour de nombreuses sépultures de l'époque des Tang. Les plus importantes découvertes sont celles ayant eu lieu dans la région de Chang'an, concernant l'élite dirigeante de l'empire. D'autres ont été fouillées dans les provinces, et témoignent de l'existence d'une diversité de pratiques funéraires régionales, dont il est malaisé de dresser un tableau. On se concentrera ici sur les premières. Ces tombes, relevant des élites, fournissent une documentation de première importance pour la connaissance de la civilisation des Tang, puisqu'elle concerne aussi bien son système social, ses croyances religieuses, son organisation politique que ses goûts artistiques[328]. Le culte ancestral chinois a été vu précédemment dans la partie sur la religion ; la partie sur les arts décoratifs revient plus loin sur plusieurs formes d'arts funéraires (objets en céramique, peinture en particulier).

Les complexes funéraires de la région de Chang'an

[modifier | modifier le code]

Les tombes de la région de Chang'an ont pu faire l'objet d'un classement typologique en fonction de leur forme et du statut de leur occupant. Il existait apparemment des règles somptuaires limitant l'importance des tombes en fonction du statut du défunt. Celles des gens du commun sont de simples fosses, ou alors des petites chambres rectangulaires pour les plus aisés. Les catégories sociales les plus honorables, celles des personnes faisant partie de la hiérarchie des rangs officiels, ont droit à une chambre funéraire où était entreposé le corps du défunt et le matériel l'accompagnant dans la mort. Les rangs supérieurs ont des chambres plus vastes, avec une structure en briques, une plate-forme pour supporter le sarcophage en pierre abritant le cercueil. Les dignitaires les plus importants, ministres et membres de la famille impériale (ceux relevant du rang le plus élevé dans la hiérarchie officielle) avaient le privilège de pouvoir construire une tombe à deux chambres. En suivant cette logique, on suppose que les tombes des empereurs, qui n'ont pas fait l'objet de fouilles, disposaient de trois chambres funéraires[329].

On ne connaît des tombes impériales, dont les emplacements sont tous connus, que ce qui a pu être repéré dans leurs alentours. Elles dérivent directement de la tradition des tombes impériales Han, avec quelques aménagements. Classiquement, les tombes impériales sont recouvertes d'un vaste tumulus, qui se trouve dans une enceinte carrée percée de quatre portes ; la porte principale, conduisant à l'entrée de la tombe, est accessible depuis l'extérieur par un axe tracé en ligne droite sur un axe nord-sud, la « voie des esprits », pavée et jouxtée de tours de gardes, de stèles, piliers et diverses sculptures d'animaux réels ou imaginaires, d'ambassadeurs étrangers. Des autels étaient érigés après l'entrée principale. Le tout suit un axe nord-sud (entrée au sud). Le mausolée de Qianling, abritant les corps de Gaozu et Wu Zetian, avait une enceinte de près de 6 km de long, enserrant environ 2,4 km2. C'est le premier complexe funéraire à ne pas être bâti sous un tumulus artificiel, mais creusé sous une colline naturelle reproduisant une même forme extérieure. Cette forme devint la norme par la suite, même si les tombes furent de plus en plus modestes en taille durant la seconde partie de la dynastie. À proximité des complexes funéraires impériaux, on avait autorisé les plus éminents membres de l'élite impériale à être enterrés près des empereurs qu'ils avaient servi (plus de 200 tombes autour de celle de Taizong), reproduisant ainsi dans la mort la cohésion des dirigeants de l'empire et leur soumission au monarque. On a pu rapprocher cette organisation de celle de la capitale voisine : la forme du complexe funéraire impérial et sa taille renvoient à celle du palais impérial, et les tombes des élites à leur résidence dans la capitale[330].

Plusieurs exemples de tombes « satellites » des élites ont été fouillées. La mieux connue est celle de Li Xian (654-684), fils de Gaozu et de Wu Zetian, désigné héritier du trône avant d'être écarté à l'initiative de sa mère, puis acculé au suicide. Il fut d'abord enterré dans une tombe banale, en raison de sa disgrâce. Réhabilité par son frère Zhongzong en 706, une fois que Wu Zetian fut écartée, il eut droit à une sépulture digne d'un prince impérial, dans complexe funéraire de ses parents à Qianling, étant un des rares à bénéficier du privilège d'avoir une tombe à deux chambres. Sa tombe réplique à moindre échelle celle des empereurs, se voulant une résidence post-mortem du défunt, donc un véritable palais : creusée sous un tumulus défendu par une enceinte (surface de 2,6 hectares) elle est organisée sur 71 mètres sur un axe nord-sud, parcourant plusieurs puits verticaux, puis menant à une première chambre funéraire à plafond en forme de dôme, représentant le hall d'audience, puis la seconde tombe où se trouvent les cercueils en bois du prince et de son épouse, placés dans un sarcophage en pierre (leurs appartements privés en quelque sorte). La tombe, pillée durant la période médiévale, a néanmoins livré quelques pièces importantes, mais elle est surtout remarquable par ses peintures murales, qui comme celles des autres tombes de l'époque reflètent le mode de vie idéal des élites (voir plus loin)[331].

Statues de deux démons gardiens de tombe, fin VIe siècle-début VIIe siècle, Art Gallery of New South Wales.
Statue d'une créature hybride gardienne de tombe (type zhenmushou), v. 700, céramique glaçurée en trois couleurs (sancai), Indianapolis Museum of Art.

Matériel et arts funéraires

[modifier | modifier le code]

Les objets disposés dans les tombes visaient à fournir aux défunts de quoi leur assurer le meilleur départ possible pour l'au-delà, en leur assurant un confort matériel similaire à celui qu'ils avaient eu durant leur vie, tout en les protégeant contre les forces surnaturelles. Les ateliers de Chang'an ont produit de nombreux objets qui se trouvent dans les tombes de la région, qui sont donc essentielles pour connaître les arts de la période, tandis que d'autres provenaient de régions plus lointaines, en particulier celles situées sur la route de la soie, reflétant donc l'aspect cosmopolite des élites de l'empire. Nombre de ces objets étaient par ailleurs des présents faits par l'empereur à ses dignitaires pour les récompenser et se les attacher. D'un autre côté les monarques cherchèrent à plusieurs reprises à limiter les dépenses somptuaires destinées aux sépultures[332].

Un groupe d'objets en céramique (peinte ou glaçurée tricolore de type sancai) important consiste en des créatures protectrices : guerriers gardiens de tombes, des esprits célestes bouddhistes (comme les « rois célestes », tian wang), des statuettes des animaux du zodiaque, ainsi que des « créatures protectrices de tombes » hybrides (zhenmushou)[333],[334]. Sous les Tang, les figures protectrices de grande taille étaient souvent disposées en groupe, et par couples de même nature. Elles étaient placées sur l'axe de circulation de la tombe pour mieux accomplir leur rôle protecteur. C'est parmi ce type d'objets que se trouvent des œuvres parmi les plus remarquables de l'art funéraire de la période.

Les autres sculptures en terre cuite (souvent de la céramique peinte simple, mais aussi de type sancai) réalisées expressément dans un but funéraire représentaient des serviteurs du défunt, qui devaient participer à la reconstitution de la vie qu'il avait menée de son vivant. Elles renvoient donc à des activités humaines. On y trouve ainsi des dames d'honneur, des musiciens et musiciennes, des cavaliers ainsi que des cavalières (notamment des joueuses de polo déjà évoquées), des visiteurs étrangers (par exemple des marchands), des animaux, etc.[335],[336] Les tombes des débuts de la période Tang présentent un art funéraire surtout lié à la thématique des cérémonies et du voyage dans l'au-delà (avec des statuettes de personnel participant aux cérémonies, d'animaux et de chariots pour un cortège funèbre), tandis qu'à partir du VIIIe siècle ce sont les statuettes renvoyant à la vie domestique (serviteurs, maquettes architecturales) qui se répandent[337].

Les objets protecteurs en jade, courant dans les tombes de l'Antiquité chinoise, sont toujours populaires sous le Tang. Il s'agit de formes anciennes : les disques-bi, et les places, portant souvent des gravures de créatures mythologiques (dragons et phénix)[338].

Les autres objets retrouvés dans les tombes n'avaient pas été réalisées spécifiquement pour la tombe, mais avaient sans doute été utilisés au quotidien. C'est notamment le cas de nombreuses céramiques, notamment celles dites « trois couleurs » (sancai) durant la période d'apogée des premiers Tang. Durant la seconde partie de la dynastie, les céramiques sont moins populaires dans les tombes, supplantées par les objets en métal (vaisselle, ornements, sculptures)[337].

Les tombes des élites comprenaient également des inscriptions funéraires, des épitaphes relatant leur vie, en premier lieu le statut et la carrière qu'ils avaient eus, afin qu'ils aient le même dans l'au-delà[339]. Ces inscriptions funéraires étaient rédigées sur des tablettes en pierre dure, notamment des tablettes de jade, matériau plus prestigieux[340].

Les peintures des tombes des alentours de Chang'an font partie des plus importantes découvertes contemporaines sur l'art de l'époque des Tang. Elles dérivent des traditions des dynasties du Nord, elles aussi de mieux en mieux connues grâce aux fouilles archéologiques, en particulier celles des Qi du Nord. Les tombes princières du début du VIIIe siècle, enfants et petit-enfants et victimes de Wu Zetian, à savoir celle de Li Xian déjà évoqué, mais également Li Shou, Zhang Huai, Yide, etc. Elles se trouvent à une période transitoire dans les peintures funéraires : auparavant dominaient les scènes de la vie aristocratique, des scènes sportives (parties de polo dans la tombe de Zhang Huai), et surtout des cortèges funèbres impliquant un grand nombre d'individus (les hauts dignitaires de l'empire, des émissaires étrangers, des serviteurs et servantes, etc.) ; puis le début du VIIIe siècle voit se développer des scènes plus ancrées dans le quotidien, les plaisirs de la vie du milieu des élites (promenades, banquets, concerts), ainsi que des scènes religieuses[341],[342].

Céramiques

[modifier | modifier le code]

Les céramistes Tang ont développé plusieurs nouvelles formes de céramiques, qui connurent des fortunes diverses. Le VIIIe siècle vit la vogue de la technique des « trois couleurs » (sancai ; il était en fait courant que seulement deux couleurs soient utilisées), une céramique confectionnée dans une argile claire et cuite à basse température (au maximum 1 000 °C), en y ajoutant des pigments minéraux (oxyde de fer pour le jaune/brun, oxyde de cuivre pour le vert, cobalt pour le bleu, manganèse pour le violet). En général ces pigments étaient appliqués avec soin sur les objets avant cuisson. Parfois, on procédait avec moins de soins de façon à les laisser s'écouler lors de la cuisson et former des coulures qui jouèrent dans le succès de cette technique. La céramique tricolore fut employée aussi bien dans la conception de figurines funéraires que dans celle de vases, dont une grande quantité a été exhumée dans des tombes en tant que mingqi (substituts dans des dépôts funéraires). À partir du IXe siècle, elle devient moins populaire[343].

À partir du milieu du VIIIe siècle et surtout au IXe siècle, ce sont de nouveaux types de céramiques monochromes cuits à haute température qui se développèrent, avec une plus grande recherche sur l'argile utilisée. Elles supplantèrent la vaisselle en métal précieux, peut-être parce qu'elle était moins accessible en ces temps troublés, ou bien parce qu'un nouveau goût plus porté sur de la céramique de qualité s'était développé chez les hautes couches de la société (peut-être en lien avec le développement de l'art de boire du thé). Quoi qu'il en soit, émergèrent alors plusieurs centres artisanaux spécialisés dans différents types de céramique monochromes : Xing et Ding au Hebei, très réputés pour leur céramique blanche crémeuse, Gongxian au Henan, Changsha au Hunan, plutôt gris-brun, et Yue dans le Zhejiang qui avait une longue tradition de cuisson de céramique glaçurée à haute température, aux reflets verdâtres imitant le jade[344],[345]. Les céramiques plus colorées, notamment par leur décor, semblent plutôt destinées à la clientèle extérieure à la demande de laquelle de nombreux ateliers chinois se sont adaptés, comme en témoignent les dizaines de milliers de céramiques, surtout issues des fours de la région de Changsha, retrouvées dans l'épave de Belitung (début du IXe siècle).

Arts du métal

[modifier | modifier le code]

Le début de la dynastie Tang est une des rares périodes durant laquelle les artisans métallurgiques chinois ont développé un art en or et en argent de grande qualité, prisés par les élites de la région de Chang'an et celle de Luoyang, où ils étaient probablement produits dans les ateliers impériaux. Il s'agit au départ d'un artisanat très marqué par les influences occidentales (surtout sogdienne), avec la création de boîtes à cosmétiques, de coupes, de plats décorés avec des animaux issus d'un bestiaire occidental ou des motifs floraux[346]. L'art traditionnel des miroirs en bronze chinois adopta également ces motifs étrangers, les figures animales et florales les ornant étant réalisés suivant la méthode de l'incrustation en argent, or ou laque[347]. Durant la seconde partie de la dynastie Tang, la production d'objets luxueux en métal se déplaça vers le Sud, autour de Yangzhou, où l'influence centre-asiatique est moins affirmée même si les types d'objets produits restent dans la droite ligne de ceux de la première partie de la dynastie[348].

  1. Selon les mots de Gernet 2006, p. 111 et 113
  2. Lewis 1999, p. 597-602 ; Gernet 2006, p. 88-89
  3. Gernet 2006, p. 83 ; Cheng 2002, p. 54-56
  4. Lewis 1999, p. 602-603
  5. Lewis 1999, p. 637
  6. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées cook250
  7. Pines 2009, p. 25-53
  8. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées levi207
  9. a et b Lewis 2007, p. 37
  10. Wu 1999, p. 660-662 et 665-673
  11. Wu 1999, p. 673-675. J.-P. Desroches, « L'irrésistible ascension de l'État de Qin (IXe-IIIe siècle av. J.-C.) », dans J.-P. Desroches, G. André et W. Han (dir.), Chine, le siècle du premier empereur, Arles et Monaco, 2001, p. 134-138.
  12. Wu 1999, p. 709-717
  13. D. Elisseeff et J.-P. Desroches (dir.), Zhongshan, Tombes des rois oubliés, Paris, 1984
  14. Cette évolution sociale a été mise en évidence dans (en) C. Y. Hsu, Ancient China in transition: An analysis of social mobility, 722-222 BC, Stanford, 1965
  15. Pines 2009, p. 136-162
  16. Lewis 1999, p. 604
  17. Gernet 2006, p. 108
  18. Wu 1999, p. 716-717
  19. Lewis 2007, p. 60
  20. Lewis 1999, p. 604-606
  21. Lewis 1999, p. 611-616 ; Gernet 2005a, p. 112-113 ; Bodde 1986, p. 34-38
  22. Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées shangyang
  23. Pines 2009, p. 163-184
  24. J. Lévi, « Ma-Chine à trahir, Sophistes et délateurs dans la Chine ancienne », dans Le Genre Humain 16-17, La trahison, 1987-1988, p. 355-373, repris dans Id., Les fonctionnaires divins, Politique, despotisme et mystique en Chine ancienne, Paris, 1989 ; dans ce dernier livre, voir aussi « Stratagèmes et prévoyances dans la Chine pré-impériale », p. 13-60
  25. Lewis 1999, p. 590-591
  26. L. Vandermeersch, La formation du légisme, Recherche sur la constitution d'une philosophie politique caractéristique de la Chine ancienne, Paris, 1965
  27. Lewis 1999, p. 613-615 ; Gernet 2006, p. 94
  28. Lewis 1999, p. 606-610 ; Gernet 2005, p. 78-80
  29. Bodde 1986, p. 36-37 ; Gernet 2006, p. 114-115 ; Gernet 2005, p. 82-83 ; Cheng 2002, p. 239-241
  30. Gernet 2005, p. 71-72
  31. Lewis 2007, p. 230-232
  32. Lewis 2007, p. 234-235
  33. Lewis 2007, p. 232-236
  34. Lewis 1999, p. 612
  35. (en) J. Kimura, « Historical development of shipbuilding technologies in East Asia », dans Shipwreck ASIA: Thematic Studies in East Asian Maritime Archaeology, Adelaïde, (lire en ligne), p. 5-9
  36. a b c et d Graff 2002, p. 201.
  37. a et b Kang 2006, p. 54.
  38. a b et c Kitagawa et Tsuchida 1975, p. 222.
  39. a et b Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 144.
  40. a b c et d Needham 1986b, p. 289.
  41. a et b Needham 1986c, p. 308.
  42. a et b Reischauer 1940, p. 152.
  43. a et b Reischauer 1940, p. 155.
  44. a b c d et e Adshead 2004, p. 51.
  45. a et b Beckwith 1987, p. 146.
  46. a et b Stein 1972, p. 65.
  47. a et b Twitchett 2000, p. 109.
  48. a b c d e et f Benn 2002, p. 11.
  49. a et b Van Grasdorff 2006, p. 76 et suivantes.
  50. Tibet : Histoire
  51. a et b Richardson 1985, p. 106–143.
  52. a et b Beckwith 1987, p. 165-167.
  53. a et b Xue 1992, p. 226–227.
  54. a b et c Ebrey 1999, p. 111.
  55. a et b Xue 1992, p. 380–386.
  56. a et b Benn 2002, p. 2.
  57. a et b Xue 1992, p. 222–225.
  58. a b c et d Whitfield 2004, p. 47.
  59. a b et c Twitchett 2000, p. 116–118.
  60. a et b Twitchett 2000, p. 124.
  61. a b et c Twitchett 2000, p. 118, 122.
  62. a b c d e f g h i j k l m et n Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 100.
  63. a b c et d Wang 2003, p. 91.
  64. a b c d e f g h i j k et l Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 91.
  65. Adshead 2004, p. 38-42.
  66. a et b Gernet 2005, p. 301-302.
  67. Lewis 2009, p. 31-34.
  68. a et b Adshead 2004, p. 44-45.
  69. a et b Lewis 2009, p. 35-36.
  70. Adshead 2004, p. 45-47.
  71. Lewis 2009, p. 36-38.
  72. a et b Adshead 2004, p. 47.
  73. a et b Lewis 2009, p. 38-40 et 180-181.
  74. a et b Adshead 2004, p. 48.
  75. Lewis 2009, p. 40-42.
  76. Gernet 2005, p. 322-323 et 326.
  77. Adshead 2004, p. 48-50.
  78. Lewis 2009, p. 42-44 et 58-60.
  79. Lewis 2009, p. 2-4
  80. a et b Lewis 2009, p. 62-63.
  81. Lewis 2009, p. 66-69.
  82. Adshead 2004, p. 50-51.
  83. a et b Xiong 2009, p. 30-31.
  84. Gernet 2005, p. 329-330.
  85. a et b Fairbank et Goldman 2006, p. 78.
  86. Kamenarovic 1999, p. 88-94.
  87. Adshead 2004, p. 46-48.
  88. a et b Xiong 2009, p. 203-204.
  89. Lewis 2009, p. 42.
  90. Lewis 2009, p. 180-182.
  91. Lewis 2009, p. 62-69.
  92. Kamenarovic 1999, p. 71-72.
  93. Lewis 2009, p. 49.
  94. Kamenarovic 1999, p. 107-108.
  95. a b et c Lewis 2009, p. 61.
  96. a et b Ebrey 1999, p. 111–112.
  97. a b c et d Ebrey 1999, p. 112.
  98. a et b Ebrey 1999, p. 158.
  99. Kamenarovic 1999, p. 105-106.
  100. a et b Lewis 2009, p. 59-60.
  101. a et b Adshead 2004, p. 50.
  102. Lewis 2009, p. 61-63 et 82-83.
  103. a et b Gernet 2005, p. 337-341.
  104. a et b Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 96.
  105. a et b Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 91–92.
  106. a b et c Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 92.
  107. a et b Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 97.
  108. a et b Kamenarovic 1999, p. 99-102.
  109. Lewis 2009, p. 202-209.
  110. Kamenarovic 1999, p. 81-83.
  111. a et b Fairbank et Goldman 2006, p. 83.
  112. Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 159.
  113. Fairbank et Goldman 2006, p. 95.
  114. Adshead 2004, p. 54.
  115. Kamenarovic 1999, p. 77-80.
  116. Kamenarovic 1999, p. 80-83.
  117. Histoires extraordinaires et récits fantastiques de la Chine ancienne. Chefs-d'œuvre de la nouvelle (Dynastie des Tang, 618-907). II, trad. A. Lévy, Paris, 1998, p. 57
  118. Kamenarovic 1999, p. 189-191.
  119. Lewis 2009, p. 195-200.
  120. Lewis 2009, p. 206.
  121. Cf. à ce sujet (en) N. Tackett, The Destruction of the Medieval Chinese Aristocracy, Cambridge (Mass.), 2014
  122. Ebrey 1999, p. 141.
  123. Adshead 2004, p. 72.
  124. Benn 2002, p. 45.
  125. Benn 2002, p. 32.
  126. Adshead 2004, p. 75.
  127. Gernet 2005, p. 311-313.
  128. Lewis 2009, p. 121-122.
  129. Gernet 2005, p. 331.
  130. Lewis 2009, p. 122-126.
  131. Kamenarovic 1999, p. 121-122.
  132. Lewis 2009, p. 127-128.
  133. Gernet 2005, p. 334-335.
  134. Lewis 2009, p. 129-136.
  135. Lewis 2009, p. 142-144.
  136. Gernet 2005, p. 331-332.
  137. Lewis 2009, p. 126-127.
  138. Kamenarovic 1999, p. 60-68.
  139. Lewis 2009, p. 86-99.
  140. Lewis 2009, p. 99-101.
  141. Gernet 2005, p. 303-304.
  142. Lewis 2009, p. 21-25 et 138.
  143. Kamenarovic 1999, p. 128-129.
  144. Gernet 2005, p. 333-334.
  145. Lewis 2009, p. 118-119.
  146. Lewis 2009, p. 113-118.
  147. Lewis 2009, p. 116.
  148. Adshead 2004, p. 40.
  149. Graff 2000, p. 78.
  150. Adshead 2004, p. 38-41.
  151. Lewis 2009, p. 31-33.
  152. Graff 2000, p. 80.
  153. Adshead 2004, p. 40–42.
  154. Graff 2000, p. 78, 82, 85–86, 95.
  155. a b et c Adshead 2004, p. 42.
  156. Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 93.
  157. Lewis 2009, p. 33-34.
  158. Andrew et Rapp 2000, p. 25.
  159. Bernhardt 1995, p. 274–275.
  160. a b et c Brook 1998, p. 59.
  161. a et b Benn 2002, p. 59.
  162. Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 97–98.
  163. a et b Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 98.
  164. Xiong 2009, p. 551.
  165. Lewis 2009, p. 36.
  166. Adshead 2004, p. 45-46.
  167. Watt et al. 2004, p. 39.
  168. Lewis 2009, p. 36-37.
  169. Adshead 2004, p. 46-47.
  170. Xiong 2009, p. 551-552.
  171. Lewis 2009, p. 37-38.
  172. Lewis 2009, p. 40-41.
  173. Adshead 2004, p. 89.
  174. Lewis 2009, p. 41-42.
  175. Adshead 2004, p. 47-48.
  176. Lewis 2009, p. 42-43.
  177. Gernet 2005, p. 318-319.
  178. Lewis 2009, p. 148-152.
  179. a et b Whitfield 2004, p. 57, 228.
  180. Gernet 2005, p. 320-321.
  181. Lewis 2009, p. 152.
  182. Lewis 2009, p. 154.
  183. a b et c Benn 2002, p. 4.
  184. Lewis 2009, p. 181.
  185. Lewis 2009, p. 44-45.
  186. Xiong 2009, p. 164-165.
  187. Gernet 2005, p. 325.
  188. Lewis 2009, p. 45-46.
  189. Lewis 2009, p. 46-48.
  190. a et b Whitfield 2004, p. 193.
  191. a et b Sen 2003, p. 24, 30–31.
  192. Gernet 2005, p. 322-323.
  193. Lewis 2009, p. 157.
  194. Gernet 2005, p. 326.
  195. a b et c Benn 2002, p. 9.
  196. Graff 2002, p. 208.
  197. Graff 2002, p. 209.
  198. a et b Ebrey 1999, p. 127.
  199. Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 113.
  200. Xue 1992, p. 149–152, 257–264.
  201. Benn 2002, p. 2–3.
  202. a et b Cui 2005, p. 655–659.
  203. Xue 1992, p. 788.
  204. a et b Twitchett 2000, p. 125.
  205. Liu 2000, p. 85–95.
  206. Gernet 1996, p. 248.
  207. (en) Charles Bell, Tibet Past and Present, Oxford University Press, , 376 p. (ISBN 81-208-1048-1, lire en ligne), p. 28.
  208. (en) Tieh-tseng Li, The historical status of Tibet, King's Crown Press, Columbia University, (lire en ligne), p. 6.
  209. Tibet : Histoire
  210. Schafer 1985, p. 10, 25–26.
  211. Bai 2003, p. 242–243.
  212. Eberhard 2005, p. 183.
  213. Schafer 1985, p. 26.
  214. Needham 1986b, p. 476.
  215. (en) =S. K. Sharma et Usha Sharma, Encyclopaedia of Tibet: History and geography of Tibet, Anmol Publ., (ISBN 81-7488-414-9, lire en ligne), p. 46.
  216. Needham 1986c, p. 685–687.
  217. Twitchett 2000, p. 118.
  218. Eberhard 2005, p. 179.
  219. Sen 2003, p. 30–32.
  220. a b et c Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 112.
  221. Sun 1989, p. 161–167.
  222. Chen 2002, p. 67–71.
  223. Bowman 2000, p. 104–105.
  224. Benn 2002, p. 46.
  225. Schafer 1985, p. 20.
  226. Tang 1991, p. 61.
  227. Schafer 1985, p. 15.
  228. Schafer 1985, p. 16.
  229. Shen 1996, p. 163.
  230. Woods 1996, p. 143.
  231. Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 108.
  232. Schafer 1985, p. 10, 16.
  233. Eberhard 2005, p. 190.
  234. a et b Schafer 1985, p. 11.
  235. Reischauer 1940, p. 157.
  236. Reischauer 1940, p. 162.
  237. Reischauer 1940, p. 155–156.
  238. Lewis 2009, p. 2-4
  239. a b et c Eberhard 2005, p. 184.
  240. Lewis 2009, p. 43-44.
  241. Lewis 2009, p. 58.
  242. Adshead 2004, p. 49-50.
  243. Lewis 2009, p. 58-60.
  244. Xiong 2009, p. 451 et 448-449.
  245. Lewis 2009, p. 64-66.
  246. Benn 2002, p. 14–15.
  247. Benn 2002, p. 15.
  248. a b et c Benn 2002, p. 16.
  249. Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 101.
  250. Lewis 2009, p. 66-68.
  251. a et b Lewis 2009, p. 69.
  252. a b et c Xiong 2009, p. 31.
  253. Lewis 2009, p. 61-62.
  254. a et b Graff 2008, p. 43–44.
  255. Lewis 2009, p. 64-65.
  256. Xiong 2009, p. 30.
  257. Gernet 2005, p. 332-333.
  258. Lewis 2009, p. 81.
  259. Gernet 2005, p. 332.
  260. Xiong 2009, p. 135.
  261. Lewis 2009, p. 63.
  262. Lewis 2009, p. 82-83.
  263. Gernet 2005, p. 329.
  264. Lewis 2009, p. 63-64 et 69.
  265. Gernet 2005, p. 330.
  266. Xu 1993, p. 455–467.
  267. a b c d e et f Eberhard 2005, p. 185.
  268. Schafer 1985, p. 9.
  269. Sen 2003, p. 34.
  270. Gascoigne et Gascoigne 2003, p. 97.
  271. Adshead 2004, p. 90–91.
  272. a b c d et e Bowman 2000, p. 105.
  273. Benn 2002, p. 7.
  274. Xiong 2009, p. 226.
  275. Gernet 2005, p. 338-341.
  276. Xiong 2009, p. 31-32.
  277. Ebrey 1999, p. 120.
  278. Harper 2005, p. 33.
  279. Benn 2002, p. 259.
  280. Benn 2002, p. 137.
  281. Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 102.
  282. a et b Yu 1998, p. 76.
  283. Yu 1998, p. 75.
  284. Reed 2003, p. 121.
  285. Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 104–105.
  286. Wong 1979, p. 97.
  287. Wong 1979, p. 95–100.
  288. Wong 1979, p. 98–99.
  289. Kiang 1999, p. 12.
  290. Needham 1986c, p. 661.
  291. Sen 2003, p. 9, 22–24.
  292. Needham 1986a, p. 511.
  293. Ebrey, Walthall et Palais 2006, p. 106.
  294. Huters 1987, p. 52.
  295. Xiong 2009, p. 483.
  296. Xiong 2009, p. 640.
  297. Xiong 2009, p. 386.
  298. Xiong 2009, p. 103.
  299. Xiong 2009, p. 604-605.
  300. Xiong 2009, p. 324.
  301. a et b Xiong 2009, p. 666.
  302. Xiong 2009, p. 224.
  303. Elisseeff 2008, p. 286-287.
  304. Kamenarovic 1999, p. 197-199.
  305. Kamenarovic 1999, p. 199-201.
  306. a et b Erreur de référence : Balise <ref> incorrecte : aucun texte n’a été fourni pour les références nommées wangwei
  307. Xiong 2009, p. 667.
  308. Elisseeff 2008, p. 107-108.
  309. Xiong 2009, p. 603.
  310. Elisseeff 2008, p. 288-289.
  311. Xiong 2009, p. 302.
  312. Xiong 2009, p. 306.
  313. Xiong 2009, p. 549.
  314. Xiong 2009, p. 200.
  315. Arts de la Chine. Peinture - Calligraphie - Estampages - Estampes, par Werner Speiser, Roger Goepper et Jean Fribourg. 360 pages. Office du Livre, Fribourg 1964, réédition 1973. Page 57.
  316. Elisseeff 2008, p. 268-271.
  317. Elisseeff 2008, p. 267-268.
  318. Elisseeff 2008, p. 242-245.
  319. Elisseeff 2008, p. 256-257.
  320. Elisseeff 2008, p. 252-253.
  321. Elisseeff 2008, p. 250-251.
  322. Elisseeff 2008, p. 254-255.
  323. Steinhardt 2004, p. 228–229.
  324. O. Moore, « Art et mécénat sous la dynastie des Tang », dans Chine, la gloire des empereurs 2000, p. 289-290
  325. Elisseeff 2008, p. 294-297.
  326. Chine, la gloire des empereurs 2000, p. 314-345.
  327. Elisseeff 2008, p. 272-273.
  328. Eckfeld 2005, p. 136-137.
  329. Eckfeld 2005, p. 50-52.
  330. Eckfeld 2005, p. 9-28.
  331. Eckfeld 2005, p. 29-44.
  332. O. Moore, « Art et mécénat sous la dynastie des Tang », dans Chine, la gloire des empereurs 2000, p. 288-289
  333. Eckfeld 2005, p. 44.
  334. Chine, la gloire des empereurs 2000, p. 302-303
  335. Watt et al. 2004, p. 306-314.
  336. Elisseeff 2008, p. 279-280.
  337. a et b Eckfeld 2005, p. 45.
  338. Chine, la gloire des empereurs 2000, p. 307-308
  339. Eckfeld 2005, p. 33.
  340. Par exemple Chine, la gloire des empereurs 2000, p. 304-305.
  341. Elisseeff 2008, p. 274-277.
  342. Watt et al. 2004, p. 302-305.
  343. Elisseeff 2008, p. 105 et 284-285.
  344. Elisseeff 2008, p. 104-105.
  345. (en) R. Krahl, « Chinese Ceramics in the Late Tang Dynasty », dans Shipwrecked: Tang Treasures and Monsoon Winds, Singapour, (lire en ligne)
  346. Watt et al. 2004, p. 41-42 et 315-320.
  347. Watt et al. 2004, p. 321-322.
  348. (en) D. Qi, « Gold and Silver Wares on the Belitung Shipwreck », dans Shipwrecked: Tang Treasures and Monsoon Winds, Singapour, (lire en ligne)