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Sphinx (mythologie grecque)

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Sphinx
Description de cette image, également commentée ci-après
Sphinx funéraire archaïque, vers
(Musée national archéologique d'Athènes).
Créature
Groupe Mythologie
Sous-groupe Monstre
Caractéristiques Buste de femme
Corps de lion
Ailes d'oiseau
Habitat Thèbes
Proches Chimère
Origines
Origines Mythologie grecque
Région Grèce antique
Première mention Hésiode, Théogonie, IXe ou VIIIe siècle av. J.-C.

Dans la mythologie grecque, le Sphinx (en grec ancien : Σφίγξ / Sphígx) est un monstre féminin auquel étaient attribués le corps d'un lion, la figure d'une femme et des ailes d'oiseau. La légende d'Œdipe s'y rattache.

Étymologie

Le substantif masculin[1],[2],[3] sphinx est un emprunt[1],[4], par l'intermédiaire du latin sphinx[1],[3], au grec ancien Σφίγξ / Sphígx[1],[3], dont l'étymologie n'est pas assurée. Le rapprochement que les Grecs faisaient avec le verbe σφίγγω / sphíggō, signifiant « étrangler », est une étymologie populaire qui ne repose sur rien[5] ; la forme originelle est peut-être Φίξ / Phíx, utilisé chez Hésiode[6].

Le mot grec est féminin, ce qui explique les transcriptions anciennes « Sphinge » ou « Sphynge »[7]. Si l'usage français a retenu le masculin pour le mot commun[8], la désignation de nombreuses statues étrusques utilise la forme féminine[9].

Les Grecs connaissaient également le Sphinx égyptien, mâle, nommé ἄνδροσφιγξ / ándrosphigx[5].

Mythe

« Monstre féminin, à qui l'on attribuait la figure d'une femme, la poitrine, les pattes et la queue d'un lion, mais qui était pourvu d'ailes, comme un oiseau de proie », le sphinx est, selon Pierre Grimal, « surtout attaché à la légende d' Œdipe et au cycle thébain », d'où sa présence déjà dans la Théogonie d'Hésiode.

Plusieurs origines sont proposées :

Le Sphinx « fut envoyé par Héra contre Thèbes pour punir la cité du crime de Laïos, qui avait aimé le fils de Pélops, Chrysippos d'un amour coupable »[13].

Le Sphinx, envoyée par Héra en Béotie à la suite du meurtre du roi de Thèbes, Laïos, commence à ravager les champs et à terroriser les populations. Ayant appris des Muses une énigme, elle déclare qu'elle ne quittera la province que lorsque quelqu'un l'aura résolue, ajoutant qu'elle tuera quiconque échouera. Le régent, Créon, promet alors la main de la reine veuve, Jocaste, et la couronne de Thèbes à qui débarrassera la Béotie de ce fléau. De nombreux prétendants s'y essaient, mais tous périssent. Arrive Œdipe, la Sphinx lui demande :

« τί ἐστιν ὃ μίαν ἔχον φωνὴν τετράπουν καὶ δίπουν καὶ τρίπουν γίνεται »

— (Apollodore, Bibliothèque, III, 5, 8)

« Quel être, pourvu d'une seule voix, a d'abord quatre jambes le matin, puis deux jambes le midi, et trois jambes le soir[14] ? »

« (…) Œdipe trouva la solution : il s'agissait de l'homme. De fait, lorsqu'il est enfant, il a quatre jambes, car il se déplace à quatre pattes ; adulte, il marche sur deux jambes ; quand il est vieux, il a trois jambes lorsqu'il s’appuie sur son bâton[14]. »

— (ibid.)

Furieuse de se voir percée à jour, la Sphinx se jette du haut de son rocher, ou des remparts de Thèbes selon les auteurs, et meurt. C'est ainsi que, Créon tenant sa promesse, Œdipe devient l'époux de Jocaste, contractant ainsi avec sa mère une union incestueuse[réf. nécessaire]

D'autres auteurs racontèrent également cette histoire, tels qu'Hygin dans ses Fables[Note 4].

Interprétations

Cet affrontement entre Œdipe et le Sphinx diffère fondamentalement de la plupart des autres affrontements mythologiques. En effet, si Héraclès, Persée ou Thésée battent leurs adversaires par la force, Œdipe, comme Ulysse, triomphe avant tout par son astuce et sa sagacité, sa mètis[15].

Par ailleurs, Pausanias le Périégète[Note 5] donne deux explications « historiques » à la légende du Sphinx : il s'agirait d'une expédition pirate défaite par Œdipe, arrivant de Corinthe avec une grande armée, ou bien d'une fille naturelle de Laïos souhaitant garder le trône pour elle.

Développements ultérieurs

Pline l'Ancien, dans son Histoire naturelle, cite le sphinx parmi les créatures habitant l'Éthiopie[Note 6].

Le thème général du sphinx est populaire chez les peintres symbolistes et parfois repris dans la sculpture décorative de la même époque. Mais c'est le sphinx égyptien, sans ailes, qui est le plus largement représenté[réf. nécessaire].

Annexes

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Sources antiques

Bibliographie

  • 1951 : Pierre Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, PUF, 1re éd. 1951, 10e éd. 1990, entrée: « Sphinx », (ISBN 2 13 043131 3).
  • 1971 : (en) Lowell Edmunds, The Sphinx in the Oedipus legend, Königstein/Ts : A. Hain, 1981.
  • 1977 : [Vadé 1977] Yves Vadé, « Le Sphinx et la chimère », Romantisme, no 15 « Mythes, rêves, fantasmes »,‎ , p. 2-17 (DOI 10.3406/roman.1977.5070, lire en ligne [fac-similé], consulté le ).
  • 1984 : Jean-Marc Moret, Œdipe, la Sphinx et les Thébains. Essai de mythologie iconographique, 2 volumes, Genève, Institut suisse de Rome, 1984.
  • 2006 : Thierry Petit, Œdipe et le chérubin, dans la revue Kernos, no 19, 2006, mis en ligne le 22 mars 2011. [lire en ligne].

Articles connexes

Liens externes

Notes et références

Notes

  1. Hésiode, Théogonie (lire en ligne) : "Échidna, s'accouplant avec Orthos, engendra la Sphinx, si fatale aux enfants de Cadmus".
  2. Pseudo-Apollodore, Bibliothèque, livre III, Chapitre V., § 8. (lire en ligne) : "Damasistrate, roi des Platseens, donna la sépulture à Laïus, et Créon fils de Ménœcée, monta sur le trône de Thèbes. Cette ville fut affligée sous son règne d'une grande calamité ; Héra leur envoya le Sphinx, monstre né de Typhon et de l'Echidne, qui avait le visage d'une femme, le reste du corps d'un lion, et des ailes d'oiseau. Il se posa sur le Mont Phicée, et là, il proposait aux Thébains une énigme qu'il avait apprise des Muses, et qui consistait à savoir, quel est l'animal qui n'a qu'une voix, et qui d'abord quadrupède, devient successivement bipède et tripède ? L'oracle ayant prédit aux Thébains qu'ils ne seraient délivrés du Sphinx, que lorsqu'on aurait deviné l'énigme, ils se rassemblèrent plusieurs fois pour en chercher l'explication; et comme ils ne la trouvaient pas, le Sphinx en enlevait à chaque fois un, et le dévorait ; il en avait déjà fait périr plusieurs, et en dernier lieu Hæmon fils de Créon. Alors Créon fit publier qu'il donnerait le royaume et la veuve de Laïus à celui qui devinerait l'énigme. Œdipe se présenta et l'expliqua, en disant que l'animal dont parlait le Sphinx, était l'homme, qui est quadrupède en naissant, puisqu'il se traîne sur ses pieds et sur ses mains ; parvenu à l'âge viril, il est bipède ; il est enfin tripède, lorsque devenu vieux, il est obligé de prendre un bâton pour se soutenir. Le Sphinx se précipita alors du haut de la citadelle ; Œdipe monta sur le trône, et épousa sa mère sans la connaître. Il eut d'elle deux fils, Polynice et Étéocle, et deux filles, Ismène et Antigone. D'autres disent qu’il avait eu ces enfants d'Euryganie (en) fille d'Hyperphas (en).
  3. Hygin, Fables, CLI (151), Enfants de Typhon et d'Échidna (lire en ligne, en anglais) : "De Typhon le géant et d'Échidna naquirent Gorgone, le chien à trois têtes Cerbère, le dragon qui gardait les pommes des Hespérides au-delà de l'Océan, l'Hydre qu'Hercule tua près de la source de Lerne, le dragon qui gardait la toison du bélier en Colchide, Scylla qui était femme en haut et chien en bas, avec six formes de chien nées de son corps, le Sphinx qui était en Béotie, la Chimère en Lycie qui avait la partie antérieure d'un lion, la partie postérieure d'un serpent, tandis que la chèvre elle-même formait le milieu."
  4. Hygin, Fables, LXVII (67), Œdipe (lire en ligne, en anglais) : "Œdipe, fils de Laïos et de Jocaste, devint un homme courageux, et ses compagnons, jaloux, lui reprochèrent de ne pas être le fils de Polybe, car Polybe était si doux et lui si téméraire. Œdipe comprit que cette raillerie était fondée. Il partit donc pour Delphes pour s'informer de ses parents. Cependant, des prodiges avaient révélé à Laïos que la mort de son fils était proche. Comme il se rendait à Delphes, Œdipe le rencontra et, quand des serviteurs lui demandèrent de céder le passage au roi, il refusa. Le roi pressa ses chevaux, et une roue effleura le pied d'Œdipe. Furieux, il arracha son père du char, sans savoir qui il était, et le tua. Après la mort de Laïos, Créon, fils de Ménécée, gouverna ; entre-temps, le Sphinx, fils de Typhon, fut envoyé en Béotie et ravagea les champs des Thébains. Elle proposa à Créon de participer à un concours : si quelqu'un expliquait l'énigme qu'elle lui avait donnée, elle partirait, mais si quelqu'un ne parvenait pas à la comprendre, elle le tuerait et ne quitterait le pays sous aucun prétexte. Le roi ayant entendu cela, il fit publier une proclamation dans toute la Grèce, promettant de donner le royaume et sa sœur Jocaste en mariage à celui qui trouverait la solution de l'énigme du Sphinx. Beaucoup de gens vinrent par avidité pour le royaume et furent dévorés par le Sphinx, mais Œdipe, fils de Laïos, vint et expliqua l'énigme. Le Sphinx se tua en sautant. Œdipe reçut le royaume de son père et Jocaste sa mère pour femme, sans le savoir, et engendra d'elle Étéocle, Polynice, Antigone et Ismène. Pendant ce temps, Thèbes était dans une situation de stérilité et de disette à cause des crimes d'Œdipe. Tirésias, interrogé sur les raisons de cette persécution, répondit que si quelqu'un de la race du dragon survivait et mourait pour sa patrie, il délivrerait Thèbes de la peste. Alors Ménécée se jeta du haut des murs. Pendant que ces événements se passaient à Thèbes, Polybe mourut à Corinthe. Œdipe prit la nouvelle très mal, croyant que son père était mort. Mais Périboée révéla son adoption, et Ménoétès, le vieillard qui l'avait dénoncé, reconnut lui aussi le fils de Laïos aux cicatrices qu'il avait aux pieds et aux chevilles. Œdipe, ayant appris cela et comprenant qu'il avait commis de si atroces crimes, arracha les fibules du vêtement de sa mère, se creva les yeux, donna la royauté à ses fils pour un an et demi, et s'enfuit de Thèbes, sa fille Antigone le conduisant."
  5. Pausanias le Périégète, Description de la Grèce, IX, 26 (lire en ligne) : "Plus loin est la montagne d'où l'on assure que le Sphinx s'élançait pour enlever et faire périr ceux qui ne devinaient pas son énigme. Il y en a qui disent que c'était un pirate, qui parcourait les mers avec quelques vaisseaux, et qui s'arrêta dans les parages d'Anthédon ; s'étant emparé de cette montagne, il se livrait au pillage ; ce qui ne cessa que lorsque Œdipe, ayant amené de Corinthe une armée, l'eut tué après l'avoir vaincu. On dit aussi que ce Sphinx était une fille naturelle de Laïos, qui, par amitié pour elle, lui avait appris l'oracle qui avait été rendu à Cadmos à Delphes ; cet oracle n'avait été jusqu'alors connu que des rois. Lors donc que quelqu'un de ses frères se présentait pour lui disputer le trône (car Laïos avait eu des fils de plusieurs concubines, et l'oracle qui lui avait été rendu à Delphes ne concernait qu'Épicaste et les enfants qu'il pourrait avoir d'elle), elle leur disait, en employant la ruse suivante que, s'ils étaient réellement fils de Laïos, ils devaient connaître l'oracle rendu à Cadmos. Comme ils ne savaient que répondre, elle les faisait mourir, comme élevant des prétentions à un trône et à une extraction auxquels ils n'avaient aucun droit. Œdipe, avant de se présenter, avait été instruit de cet oracle par un songe. Les ruines de la ville d'Oncheste sont à quinze stades de cette montagne ; c'était là, à ce qu'on dit, que demeurait Onchestos, fils de Poséidon."
  6. Pline l'Ancien, Histoire naturelle, Livre VIII, XXX. (lire en ligne) : "L'Éthiopie produit des lynx en grand nombre, des sphinx au poil roux, avec deux mamelles à la poitrine, et beaucoup d'autres animaux monstrueux[...]."

Références

  1. a b c et d Informations lexicographiques et étymologiques de « sphinx » (sens B, 1) dans le Trésor de la langue française informatisé, sur le site du Centre national de ressources textuelles et lexicales [consulté le ].
  2. Entrée « sphinx », dans Émile Littré, Dictionnaire de la langue française, t. 4 : Q – Z, Paris, Hachette, , 1232 p., gr. in-4o (BNF 30824717, lire en ligne [fac-similé]), p. 2033 (fac-similé) [consulté le ].
  3. a b et c Entrée « sphinx », sur Dictionnaires de français [en ligne], Larousse (consulté le ).
  4. Entrée sphynx, dans Alain Rey (dir.), Marianne Tomi, Tristan Hordé et Chantal Tanet, Dictionnaire historique de la langue française, Paris, Dictionnaires Le Robert, (réimpr. 2011), 4e éd., XIX-2614 p., 29 cm (ISBN 978-2-84902-646-5, 2-84902-646-8 et 2-84902-997-1, OCLC 757427895, BNF 42302246, SUDOC 147764122) [consulté le 5 janvier 2017].
  5. a et b Pierre Chantraine, Dictionnaire étymologique de la langue grecque, Paris, Klincksieck, 1999 (édition mise à jour), 1447 p. (ISBN 978-2-25203-277-0) à l'article σφίγγω.
  6. Hésiode, Théogonie [détail des éditions] [lire en ligne], 326.
  7. Mentionnées par le TLF à l'article « sphinx » [lire en ligne].
  8. Voir par exemple la huitième édition du dictionnaire de l'Académie française à l'article « sphinx » [lire en ligne].
  9. Sphinge de Chiusi.
  10. Vadé 1977, p. 2.
  11. Vadé 1977, p. 4.
  12. Vadé 1977, p. 16, n. 2.
  13. Pierre Grimal, Dictionnaire de la mythologie grecque et romaine, Paris, PUF, 1re éd. 1951, 10e éd. 1990, entrée : « Sphinx », p. 428.
  14. a et b Traduction d'Ugo Bratelli, cf. Sources.
  15. « La mètis des Grecs », sur France Culture (consulté le ).