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Maison des Quatrans

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Maison des Quatrans
Façade sur la rue de Geôle
Présentation
Destination initiale
Construction
Propriétaire
Famille Le Fevre
Patrimonialité
Localisation
Commune
Coordonnées
Carte

La maison des Quatrans est une maison à colombages construite dans les années 1460 dans le centre-ville ancien de Caen. La totalité de l'ancien hôtel des Quatrans fait l’objet d’un classement au titre des monuments historiques depuis le [1]. La maison tire son nom d'une confusion avec un autre hôtel, dit manoir du Four Quatrans, ayant appartenu à la famille des Quatrans, tabellions du roi à Caen, et qui se situaient légèrement plus au nord[2].

Des origines à la Seconde Guerre mondiale

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Le , Jean IV Quatrans fieffe à Michel Le Fevre, riche tanneur caennais, un terrain dont il a probablement fait récemment l'acquisition, situé à l'est de la venelle reliant la rue de Geôle à la rue des Teinturiers[2]. Le , Michel Le Fevre achète la propriété voisine à Jean Nollent. Sur ces deux parcelles, il se fait construire vers 1460 une maison avec une longue façade donnant sur l'une des principales rues de la ville[2]. Au sud de la cour, le long du Petit Odon, est établie une tannerie[2]. La maison est légèrement modifiée par son fils, Jean Le Fevre[2]. Vers 1510, il fait notamment orner le mur du premier étage du corps de logis par une peinture murale[2]. Le , il agrandit encore la propriété vers le sud, au-delà de l'Odon[2]. Le fils de Jean, Louis Le Fevre modifie plus profondément la demeure[2]. En 1541, la tour d'escalier dans la cour est reconstruite dans le style Renaissance[3]. Les deux lucarnes sur cour, de part et d'autre de la tourelle, sont également reconstruites à cette époque[2]. Ces deux baies en arc en plein cintre encadrées par des pilastres portant un entablement à ressauts et un fronton de forme complexe étaient similaires à celles de l’hôtel d'Escoville érigé à la même période[2]. Il fait également entourer la propriété d'une muraille[2].

Aux alentours de 1590, la maison est vendue à Jean Le Boucher, grénetier pour le roi au grenier à sel de Caen[2]. Un jeu de paume est indiqué en 1610 dans les lots et partages de la succession de Jean Le Boucher et sur le plan de 1629[2]. La tannerie, toujours présente en 1610, n'est plus mentionnée en 1657 à la mort de Gabriel Le Boucher[2]. Après la mort de Gabriel Le Boucher, la maison passe à sa sœur, Anne Le Boucher, épouse de Guillaume Macé. Celle-ci divise la grande salle à l'étage et fait orner le plafond de la partie principale d'un décor peint[2].

Depuis 1944

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En 1944, pendant la bataille de Caen, les toitures sont soufflées lors d'un bombardement et les maçonneries fortement ébranlées ; le pignon sud et la tourelle de l’escalier sont gravement endommagés. En 1945, est ouverte une instance de classement pour la maison des Quatrans ; la maison et le terrain contigu sont classés en 1953. En 1948, l’association syndicale de remembrement émet le vœu que la maison des Quatrans soit déplacée, mais finalement on décide de modifier le tracé de la nouvelle rue de Geôle. En mai 1951, l’entreprise Lefèvre, inadaptée au travail de restauration[4], est chargée de la dépose de la partie supérieure de la tourelle d’escalier en vue de sa restauration ; ce travail est effectué brutalement et la tourelle, ainsi que les lucarnes, sont totalement détruites[2]. La chambre haute n'est donc pas reconstruite[5].

Jusqu’en 1944, l’hôtel a conservé sa fonction d’habitation. En 1945, l’administration des monuments historiques a lancé une procédure d’acquisition de cet immeuble et y installa son agence dès 1953. De 1958 à 1960, on dessine le projet du jardin. Il est décidé de le clore, mais en l’entourant d’une grille pour permettre de « laisser passer le regard » vers l’intérieur de l’îlot[5]. C’est une sorte de jardin archéologique où sont entreposées des pierres sculptées récupérées dans les ruines, appartenant pour certaines à la Société des antiquaires de Normandie. Par suite de l’extension des missions de la conservation, puis des services de la Direction régionale des Affaires culturelles, la maison des Quatrans est devenue de plus en plus inadaptée ; la DRAC a alors déménagé pour intégrer des locaux du Bon-Sauveur, rue Saint-Ouen. La maison des Quatrans accueille aujourd’hui plusieurs associations culturelles, notamment « Le Far » (agence musicale régionale).

Architecture

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Avec les n° 52 et 54 de la rue Saint-Pierre, cette maison est une des rares survivances de l’architecture médiévale civile à Caen. Comme souvent dans la cité ducale, seule la façade (sur mur gouttereau) donnant sur rue est construite en pans de bois pour des raisons essentiellement esthétiques. Chaque étage est légèrement en saillie sur l’étage inférieur. Très sobre dans sa décoration, cette façade a permis un maximum d’ouvertures sur la rue ; les fenêtres sont agrandies au XIXe siècle, mais on reconstitue les baies originales lors des restaurations rendues nécessaires par les bombardements de 1944. Pour comprendre cette utilisation purement esthétique du bois, il faut rappeler l’importance de l’extraction de la pierre de Caen au Moyen Âge et donc l’abondance de ce matériau qui limitait singulièrement la nécessité d’utiliser du bois dans la construction proprement dite. Beaucoup de maisons de haut rang avaient de telles façades, souvent en pignon comme les n° 52 et 54 de la rue Saint-Pierre, mais le corps principal de la maison était en pierre. À l’arrière, on abrite l’escalier dans une tour polygonale surmontée d’une chambre haute rectangulaire reposant sur des trompes caennaises, typique de la région.

Au premier étage, subsiste partiellement une peinture murale réalisée vers 1510 et représentant une bergerie[2]. Une partie de la salle du premier étage est orné d'un plafond peint de la deuxième partie du XVe siècle qui représente, au centre, la Renommée reposant sur un écu portant les armes des Le Boucher (d’azur à la fasce accompagnée en chef d’une aigle entre deux merlettes et en pointe de trois roses le tout d’or) et, sur la solive juste à côté, un monogramme associant les lettres A, L et B[2].

Insertion urbaine

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Au XVe siècle, la maison est construite dans la rue Cattehoule (rue de Geôle), l’une des rues les plus importantes de Caen, puisqu’elle reliait la porte Saint-Julien à la place Saint-Pierre. Avant 1944, la Maison des Quatrans était au cœur d’un quartier dense et faisait partie d’une chaîne d’hôtels particuliers qui s’alignaient le long de la rue de Geôle.

Elle se retrouve aujourd’hui doublement isolée du fait, d’une part de la démolition au début des années 1960 des maisons ayant survécu aux bombardements, afin d’élargir la rue de Geôle et de dégager la vue sur le Château, et d’autre part, de sa position en retrait du dispositif urbain moderne qui lui tourne le dos ; la maison se trouve en effet exclue visuellement de la place Letellier, cœur de ce quartier qui a pourtant pris le nom de l’hôtel médiéval. En définitive, la maison des Quatrans a donc été projetée aux marges du centre-ville proprement dit ; à l’autre extrémité du quartier, rue Gémare, l’hôtel de Mondrainville se trouve également isolé et peu mis en valeur. Le quartier des Quatrans qui devait faire le lien entre le château et le centre-ville ancien reste donc aujourd’hui peu dynamique[6].

Notes et références

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  1. « Ancien hôtel des Quatrans », notice no PA00111154, sur la plateforme ouverte du patrimoine, base Mérimée, ministère français de la Culture
  2. a b c d e f g h i j k l m n o p q et r Étienne Faisant, « Un « passé réinventé » ? La maison des Quatrans à Caen » dans Annales de Normandie, 2010, 60e année, no 1, pp. 71 - 91 [lire en ligne]
  3. Jean-Jacques Gloton, « Orientation de l'architecture civile à Caen au temps de la Renaissance » dans Annales de Normandie, 1957, 7e année, no 1, pp. 35-52 [lire en ligne]
  4. En 1956, cette même entreprise détruisit par mégarde la façade du XVIe siècle de l’ancien collège du Mont. Voir l’extrait de la séance du 8 juin 1957 de la Société des antiquaires de Normandie.
  5. a et b Patrice Gourbin, Construire des monuments historiques ? La confrontation des monuments historiques et de la modernité dans la reconstruction de Caen après 1944, Paris, Université Paris 1, 2000
  6. Agences d'études d'urbanisme de Caen-Métropole, Analyse de la morphologie urbaine, Caen, mai 2008, p. 8 [(fr) texte intégral (page consultée le 14 novembre 2008)]

Articles connexes

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Liens externes

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