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Bakenranef

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Bakenranef
Image illustrative de l’article Bakenranef
Stèle commémorant la mort d'un taureau Apis en l'an six du règne de Bakenranef, trouvée au Sérapéum de Saqqarah. Le nom de Bakenranef est visible sur la pointe de la stèle.
Surnom Bocchoris
Période Troisième Période intermédiaire
Dynastie XXIVe dynastie
Fonction principale roi
Prédécesseur Tefnakht (probablement juste chef)
Dates de fonction 716 à 712 AEC[1]
Successeur Chabataka[2] (XXVe dynastie)
Famille
Père Tefnakht ?[3]

Bakenranef, connu par les anciens grecs sous le nom de Bocchoris (Βόχχωρις)[4] fut brièvement le roi de la XXIVe dynastie. Basé à Saïs dans l'ouest du Delta, il a gouverné la Basse-Égypte à partir d'environ 716 à 712 AEC.

Attestations contemporaines

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Partie de la voûte de la tombe de Bakenranef.

Peu de documents contemporains de Bakenranef ont survécu. L'inscription principale de son règne concerne la mort et l'enterrement d'un taureau Apis pendant les années cinq et six de son règne[5],[6] ; les autres sont quelques stèles que Auguste Mariette a récupérées en fouillant le Sérapéum de Saqqarah[7]. Dans une tombe à Tarquinia, en Italie a été trouvé un vase inscrit avec ses noms[8]. Une bandelette de momie en provenance d'Héracléopolis porte son nom, ce qui indique que son pouvoir a été reconnu à un moment donné dans cette ville[9]. Une fragment de décoration remployé dans le lac sacré d'Amon à Tanis porte son nom, indiquant également que le roi a oeuvré dans cette ville[9]. Une stèle de donation, dont la provenance pourrait être le Delta oriental, porte également son nom[9].

Le précédent dirigeant de Saïs et du Delta occidental est Tefnakht (Ier). Si l'historien égyptien de la période ptolémaïque, Manéthon[10] considère Bakenranef comme le seul membre de la XXIVe dynastie, certains chercheurs modernes (comme Dan'el Kahn[11] et Kenneth Kitchen) incluent son père Tefnakht dans cette dynastie en lui assignant la stèle de Shepsesrê Tefnakht, ce que certains réfutent (comme Olivier Perdu[12], Kim Ryholt[13] et Frédéric Payraudeau[14]).

Si le règne de Bakenranef commence vers 716 AEC[1], la date réelle de passation du pouvoir entre Tefnakht et Bakenranef est peut-être plus ancienne de quelques années (Tefnakht étant en tout cas encore le chef reconnu de Saïs par Piânkhy sur sa stèle des victoires de l'an 21, soit vers 723 AEC)[15].

Durée du règne

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Bien que Sextus Julius Africanus cite Manéthon comme affirmant que Bocchoris a régné pendant six ans, certains savants modernes diffèrent à nouveau et lui assignent un règne plus court de seulement cinq ans, basé sur des témoignages provenant d'une stèle funéraire d'Apis.

Réforme agraire

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Vase en faïence avec cartouche du pharaon Bakenranef, provenant de sa tombe.

Le roi Bakenranef aurait lancé une réforme agraire modifiant la propriété foncière, mais elle n'a pas été un succès[16],[17]. La brièveté de son règne et la faible étendue géographique de la région qu'il a gouvernée, ainsi que le caractère indirect des preuves historiques, ont jeté un doute sur la réalité d'une telle réforme[18].

Étendu du territoire et mort

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Le roi, originaire de Saïs, étendit rapidement sa domination à l'ensemble du Delta puis sur Memphis et Héracléopolis[9]. Son nom a été retrouvé sur plusieurs documents montrant l'étendu de son territoire[9]. C'est probablement pour cela qu'il a été reconnu comme le fondateur de la domination Saïte[9]. C'est probablement pour cela que Chabataka, le successeur de Piânkhy, a imité son prédécesseur et a combattu le roi Saïte, qu'il semble avoir tué et brûlé vif selon Manéthon[6],[19]. Si les chercheurs ont précédemment peu questionné cette affirmation de Manéthon, cette dernière a récemment été traitée avec plus de scepticisme[5].

Tradition grecque et romaine

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Manéthon est la source de deux événements du règne de Bakenranef. La première est l'histoire qu'un agneau a prononcé la prophétie que l'Égypte serait conquise par les Assyriens, une histoire plus tard répétée par des auteurs classiques tels que Claude Élien[20]. La seconde était que Bakenranef fut capturé par Chabataka, un roi de la XXVe dynastie, qui exécuta Bakenrenef en le faisant brûler vif. Le roi Koushite, Chabataka étendit son autorité sur l'ensemble de l'Égypte, divisée depuis la chute de la XXe dynastie.

Diodore de Sicile, écrivant environ trois siècles après Manéthon, ajoute quelques détails différents. Diodore déclare que bien que Bakenranef ait été « méprisable en apparence », il était plus sage que ses prédécesseurs[21]. Les Égyptiens lui attribuaient une loi sur les contrats, qui prévoyait un moyen de s'acquitter des dettes où aucune obligation n'était signée ; elle a été observée jusqu'à l'époque de Diodore[22]. Pour cela, et d'autres actes, Diodore a inclus Bocchoris comme l'un des six législateurs les plus importants de l'Égypte ancienne. Pour un roitelet mineur commandant brièvement le delta du Nil, il s'agit d'un classement étonnamment important : « C'était un choix surprenant », observe Robin Lane Fox[23], « peut-être que certains Grecs, à notre insu, avaient eu des relations étroites avec lui. De son règne, nous avons des sceaux-scarabée portant son nom égyptien, dont l'un a été trouvé dans une tombe grecque contemporaine sur Ischia, près de la baie de Naples ». Ischia était la première des colonies grecques en Italie du VIIIe siècle avant notre ère.

L'historien romain Tacite mentionne que beaucoup d'écrivains grecs et romains pensaient qu'il avait un rôle dans l'origine de la nation juive[24] :

« La plupart des auteurs, cependant, s'accordent à dire qu'une maladie défigurant horriblement le corps a éclaté sur l'Égypte ; que le roi Bocchoris, en cherchant un remède, a consulté l'oracle d'Ammon, qui l'a convié de nettoyer son royaume, et de renvoyer en une terre étrangère cette race détestée par les dieux. Ce peuple, qui avait été recueilli se trouvant dans un désert, fut pour la plupart dans un état de stupeur et de douleur, jusqu'à ce que l'un d'eux, Moïse de son nom, les avertit de ne pas chercher un soulagement de Dieu mais de faire confiance à eux-mêmes, en prenant pour chef cet homme envoyé du ciel qui doit d'abord les aider à quitter leur misère actuelle. Ils en sont convenus, et dans l'ignorance totale, ont commencé à avancer au hasard. La rareté de l'eau les avait sombré dans la détresse, prêts à périr en partant dans toutes les directions sur la plaine, quand un troupeau d'ânes sauvages a été observé à la limite de leurs pâturages ombragée par des arbres. Moïse les suivit, et, guidé par l'apparition d'une zone herbeuse, a découvert une abondante source d'eau. Après six jours d'un voyage continu, ils prirent possession le septième jour d'un pays, d'où ils expulsèrent les habitants, et dans lequel ils ont fondé une ville et un temple. »

Notes et références

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  1. a et b Payraudeau 2020, p. 556.
  2. Payraudeau 2020, p. 185.
  3. Payraudeau 2020, p. 182.
  4. Le nom de Bakenranef est toujours Bocchoris dans les récits grecs et chez Tacite ; le déchiffrement des hiéroglyphes égyptiens a permis la reconstruction de son nom égyptien authentique.
  5. a et b (en) Steffen Wenig, Studien Zum Antiken Sudan : Akten Der 7. Internationalen Tagung Für Meroitische Forschungen Vom 14. Bis 19. September 1992 in Gosen/bei Berlin, Otto Harrassowitz Verlag, , 725 p. (ISBN 978-3-447-04139-3, présentation en ligne), p. 203
  6. a et b Payraudeau 2020, p. 184.
  7. Cyril Aldred, L'Égypte du crépuscule : de Tanis à Méroé, 1070 av. J.-C.-IVe siècle, Gallimard, , p. 326
  8. (en) William D. E. Coulson, Ancient Naukratis : the survey at Naukratis : by William D.E. Coulson. Vol. 2, the survey at Naukratis and environs, Oxbow, , 202 p. (ISBN 978-1-900188-22-7), p. 179
  9. a b c d e et f Payraudeau 2020, p. 183.
  10. Manéthon, frags. 64, 65.
  11. Dan'el Kahn, « The Transition from Libyan to Nubian Rule » in Egypt: Revisiting the Reign of Tefnakht, The Libyan Period in Egypt, Historical and Cultural Studies into the 21st - 24th Dynasties: Proceedings of a Conference at Leiden University 25-27 october 2007, G.P.F. Broekman, R.J. Demarée & O.E. Kaper (eds.), p. 139-148.
  12. Olivier Perdu, « La Chefferie de Sébennytos de Piankhy à Psammétique Ier », Revue d'égyptologie no 55 (2004), p. 95-111.
  13. Kim Ryholt, « New Ligh on the Legendary King Nechepsos of Egypt », The Journal of Egyptian Archaeology,‎ 97, 2011, p. 61-72
  14. Payraudeau 2020, p. 208-209.
  15. Payraudeau 2020, p. 180.
  16. Jacques Pirenne, Histoire de la civilisation de l'Égypte ancienne, avec la collaboration artistique d'Arpag Mekhitarian, La Baconniére, , p. 90-150
  17. Jacques Pirenne, Troisième cycle de la XXIe dynastie aux Ptolémées (1085-30 av. J.-C.), La Baconnière, , p. 83-85, 149
  18. Tomasz Markiewicz, « Bocchoris the Lawgiver—or was He Really? », Journal of Egyptian History, vol. 1, no 2,‎ , p. 309–330 (DOI 10.1163/187416608786121293)
  19. Jacques Pirenne, Archives d'histoire du droit oriental, Nouvelle société d'éditions, , p. 12
  20. Claude Élien, De Natura Animalis, 12.3.
  21. Diodore de Sicile, 1.65.
  22. Diodore de Sicile, 1.79.
  23. (en) Robin Lane Fox, Travelling Heroes, Knopf Doubleday Publishing Group, (ISBN 978-0-307-27151-8, lire en ligne), p. 31
  24. Tacite, Histoires, 5:3.
  25. (en) Peter A. Clayton, Chronicle of the Pharaohs : The Reign-by-Reign Record of the Rulers and Dynasties of Ancient Egypt, Londres, Thames and Hudson, , p. 188

Bibliographie

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  • Frédéric Payraudeau, L'Égypte et la Vallée du Nil : Les époques tardives, t. 3, Paris, PUF, coll. « Nouvelle Clio », , 624 p. (ISBN 978-2130591368)