Abus sexuels dans les Foyers de charité
Les abus sexuels dans les Foyers de charité sont les sévices sexuels commis au sein de cette institution par certains de ses membres.
En mai 2020, les responsables des Foyers indiquent qu'à leur connaissance, depuis 1950, 13 membres des Foyers de charité, prêtres ou laïcs, ont fait l’objet d’accusations d’abus sexuels. Georges Finet, cofondateur avec Marthe Robin des Foyers de charité en 1936, est impliqué dans ces accusations. En juin 2023, une commission pluridisciplinaire est installée pour enquêter sur ces abus. En mars 2024, l'ensemble des membres de cette commission démissionnent considérant ne pas avoir pu obtenir les moyens nécessaires pour accomplir leur mission.
Traitement des abus
[modifier | modifier le code]En mai 2020, la direction des Foyers de charité rend publique une enquête sur les accusations d’abus sexuels en son sein : « Nous pouvons affirmer qu’à notre connaissance, depuis 1950, 13 membres des Foyers de charité, prêtres ou laïcs, ont fait l’objet d’accusations d’abus sexuels »[1].
En effet, plusieurs membres des Foyers font l'objet d'accusation : « André Van der Borght à Tressaint, Michel Tierny à Courset, René Bonnafous à Roquefort-les-Pins, Henri Oury à Spa, en Belgique ». Ils sont reconnus par les Foyers de charité comme des agresseurs sexuels dans le cadre de la confession ou d'un accompagnement spirituel, sur des femmes majeures et mineures[1].
Le 10 février 2022, à la suite des affaires d'abus sexuels, le pape François nomme le cardinal Jean-Pierre Ricard, archevêque émérite de Bordeaux, délégué pontifical pour les Foyers de charité, afin de « gouverner l’association, de manière temporaire »[2]. Mais celui-ci renonce à cette mission – officiellement pour des raisons de santé, et d’après Libération, à la demande de l'archevêque Éric de Moulins-Beaufort –, quelques mois avant de s'accuser publiquement en novembre de faits de nature sexuelle commis trente-cinq ans auparavant sur une adolescente de 14 ans[3],[4]. Le , le pape nomme Michel Dubost délégué pontifical des Foyers de charité. Il est assisté de deux vice-délégués pontificaux avec Laurent Landete ancien modérateur de la communauté de l'Emmanuel, membre du Dicastère pour les laïcs, la famille et la vie, et Christine Foulon, religieuse assomptionniste[5].
En juin 2023, une commission pluridisciplinaire[a] est installée pour enquêter au sein des Foyers de charité afin de déterminer d’éventuelles « déviations théologiques » ayant pu conduire à des « abus spirituels et sexuels »[6].
François Jaclot président de la Fondation des Foyers de charité[7], refuse d'accepter une convention de recherche prévue avec l'École pratique des hautes études et de financer les travaux de la commission pluridisciplinaire[8]. Le travail de la commission est alors arrêté le 1er décembre 2023[9].
Le 22 janvier 2024, une réunion entre les représentants des membres de la commission et les trois délégués pontificaux (Michel Dubost, Laurent Landete et Christine Foulon) se tient pour déterminer les conditions de la reprise du travail. Les membres de la commission rapportent : « nous avons été les témoins impuissants des fortes dissensions qui s’exprimaient entre nos interlocuteurs, dissensions auxquelles nous avons eu la conviction que notre commission servait de prétexte »[9].
Michel Dubost démissionne en janvier 2024, cette démission est acceptée le mois suivant[10]. En février 2024 Laurent Landete et Christine Foulon sont nommés codélégués pour diriger les Foyers de charité.
En mars 2024, les membres de la commission refusent les exigences des deux délégués pontificaux concernant leur liberté de travail et démissionnent. Cette décision est prise à l’unanimité des membres. Pour Marie-Jo Thiel, membre de cette instance, l'impossibilité de travailler n'est pas venue de Michel Dubost, on s'est servi de la commission sans écouter ses membres. Elle pressent qu'il existe au sein des Foyers « de gros intérêts de pouvoir, mais aussi matériels et financiers ». Elle indique par ailleurs : « Nous avons eu des témoignages d’abus de pouvoir, spirituel ou sexuels dans pratiquement tous les foyers. Le statut des Pères placés à la tête des foyers est un facteur de risque spécifique »[9].
Affaires médiatisées
[modifier | modifier le code]Georges Finet
[modifier | modifier le code]En septembre 2019, à la suite d'un témoignage diffusé sur France Culture, une enquête interne est engagée concernant le père Georges Finet. Un rapport, publié en mai 2020, fait état de témoignages de 26 femmes victimes d’agressions sexuelles[11]. En septembre 2020, d'anciennes élèves des Foyers de Charité portent plainte contre X pour diffamation et veulent prendre la défense du père Finet[12]. De même, la famille du Père Finet réfute les comportements déviants attribués à leur parent[13],[14].
Ces révélations posent la question de ce que Marthe Robin savait des abus commis par son directeur spirituel[15]. Dans La Trahison des pères publié en 2021, la journaliste et essayiste Céline Hoyeau s'interroge sur la « caution Marthe Robin » revendiquée par certains fondateurs de communautés nouvelles coupables d'abus sexuels : « s'est-elle trompée ? A-t-elle été instrumentalisée, y compris par son directeur spirituel, le père Finet ? Etait-elle une caution malgré elle ? [...] Ou fut-elle une "fausse mystique" comme le croit le carme Conrad De Meester ? »[16].
Foyer de charité de Baye
[modifier | modifier le code]Au sein du Foyer de charité de Baye, le père Michel Blard, a été reconnu par les autorités ecclésiales coupable de violences sexuelles à l’encontre de mineurs[1].
Foyer de charité de Tressaint
[modifier | modifier le code]Le prêtre André Marie Van Der Borght rencontre Marthe Robin, en 1960, elle l'incite alors à devenir Père d'un Foyer. C'est en 1966 qu'il fonde le Foyer de charité de Tressaint, à Lanvallay près de Dinan[17].
Les Foyers de charité dévoilent en 2018 qu'André Marie Van Der Borght a eu des gestes déplacés et des comportements inappropriés à l'égard de plusieurs femmes[18],[19]. Près de 90 femmes affirment avoir été agressées sexuellement par André-Marie Van Der Borght[20], notamment pendant la confession ou de l'accompagnement spirituel. Les faits allégués concernent des mineures mais aussi des majeures. Il interrogeait ses interlocutrices sur des questions sexuelles, ses mains caressant alors un sein ou les fesses. Son comportement était systématique[17].
André-Marie Van Der Borght meurt en 2004 et Hervé Gosselin lui succède. D'anciennes pensionnaires l'informent des agressions sexuelles subies. Toutefois pendant les douze années où il dirige le foyer de charité de Tressaint, il s'efforce de passer sous silence les témoignages. En 2015, il est nommé évêque d'Angoulême et quitte le foyer[21]. En , les journalistes de Mediapart publient une enquête à son encontre, où ils révèlent qu'il « continue d’exercer des pressions sur les victimes et les lanceuses d’alerte »[22],[23].
Par ailleurs, en 1993, un homme, laïc consacré, a été déplacé au foyer de Châteauneuf-de-Galaure, puis au Pérou peu après des dénonciations pour agressions sexuelles. Finalement en 2022, alors qu'il est âgé de 72 ans, il est condamné par le tribunal de Saint-Malo, pour des agressions sexuelles de quatre femmes de la communauté dans les Foyers de charité de Tressaint et Dinard[24],[25]
Foyer de charité de Courset
[modifier | modifier le code]Michel Tierny (1924-2011) est le fondateur et responsable du Foyer de charité de Courset, dans le Pas-de-Calais, ouvert en 1971 et d'une école ouverte en 1975, l’école Sainte Odile.
En 2020, une plainte, via une lettre ouverte, accuse Michel Tierny, d'abus spirituels, d’abus sexuels et d’abus d’autorité. Le prêtre est démis de ses fonctions en 2006 par Jean-Paul Jaeger, évêque d’Arras, après lui avoir avoué ces faits. Mais, Jean-Paul Jaeger ne prévient pas la justice. Michel Tierny réside alors à Arras sans exercer de mission ecclésiastique et meurt en 2011[26],[27]. En 2022, une plainte est déposée par une ancienne élève du Foyer de charité de Courset[28].
Foyer de charité de Spa
[modifier | modifier le code]En Belgique, Henri Oury (1914-1987) a fondé le Foyer de Charité de Spa, située à Nivezé près de Spa, en 1957 et l'a dirigé jusqu’à sa mort en 1987. En 2020, la communauté du Foyer de charité de Spa indique qu'Henri Oury s'est rendu « coupable d’abus sexuels, d’abus de pouvoirs et d’abus d’autorité pendant trente ans »[29],[1].
Notes et références
[modifier | modifier le code]Notes
[modifier | modifier le code]- La linguiste Alessandra Pozzo préside la commission, et comprend sept autres membres : Philippe Portier (politologue), Denis Pelletier (historien), Thierry Baubet et Jean-Georges Rohmer (psychiatres), ainsi que Lionel Siben, Joël Molinario et Marie-Jo Thiel (théologiens).
Références
[modifier | modifier le code]- Sophie Lebrun, « « Piégée », « J’ai pensé mourir » : des victimes de violences sexuelles dans les Foyers de charité se confient », La Vie, (lire en ligne, consulté le ).
- Juliette Paquier, « Les Foyers de charité placés sous la gouvernance d’un délégué pontifical », La Croix, (lire en ligne).
- « Abus sexuels dans l'Église: la victime du cardinal Ricard a vécu "un traumatisme d'une grande violence" », BFMTV, (lire en ligne, consulté le )
- Bernadette Sauvaget, « Violences sexuelles : 8 évêques français dont un cardinal «mis en cause» pour abus », Libération, (lire en ligne, consulté le )
- Mélinée Le Priol, « Les Foyers de charité placés sous la gouvernance d’un délégué pontifical Foyers de charité : Mgr Dubost succède au cardinal Ricard comme délégué pontifical », La Croix, (lire en ligne, consulté le )
- « Foyers de charité : une commission enquête sur d’éventuelles « déviations théologiques » », La Croix, (lire en ligne, consulté le )
- Andrine Vanderdooren et Ariane van Caloen, « Mozart de la finance », La Libre Belgique, (lire en ligne)
- Antoine Pasquier, « Imbroglio autour de la commission d’enquête des Foyers de Charité », Famille Chrétienne, (lire en ligne, consulté le )
- Maurice Page, « La Commission d’enquête sur les Foyers de charité rend son tablier », Cath.ch, (lire en ligne, consulté le )
- Héloïse de Neuville, « Démission de Mgr Dubost : la difficile réforme des Foyers de charité », La Croix, (lire en ligne, consulté le )
- Nathalie De Keyzer, « Un rapport accablant sur les agissements du père Finet, fondateur des Foyers de charité », ici, par France Bleu et France 3, (lire en ligne, consulté le )
- « Foyers de charité: d’anciennes élèves portent plainte contre X », Vatican News, (lire en ligne, consulté le )
- Sabine Cessou, « Abus aux Foyers de la Charité: des doutes sur les accusations contre le père Finet », RFi, (lire en ligne)
- Pierre Vignon, Marthe Robin en vérité, Paris, Artège, , 269 p. (ISBN 979-10-336-1087-8), p. 236 et suiv.
- Céline Hoyeau, « Les Foyers de charité : que savait Marthe Robin des abus commis par le père Finet ? », La Croix, (lire en ligne)
- Hoyeau 2021, p. 96 à 107
- Hoyeau 2021, p. 29 et 30
- Golias, « Foyers de charité : mains basses sur les retraitantes », sur Éditions Golias, (consulté le )
- G.D. avec AFP, « Les Foyers de charité dévoilent les "gestes déplacés" d'un de leurs prêtres, mort en 2004 », BFM TV, (lire en ligne, consulté le )
- Marie-Laurence Dalle, « Violences sexuelles dans l'Église : l'évêque d'Angoulême accusé de silence par Médiapart », France Bleu, (lire en ligne, consulté le )
- Myriam Thiébaut, « Agressions sexuelles dans une communauté catholique près de Dinan. L'évêque dément avoir couvert des faits », France Info, (lire en ligne, consulté le )
- Sarah Brethes et Antton Rouget, « Violences sexuelles dans l’Église : Hervé Gosselin, l’évêque qui prêche le silence », Mediapart, (lire en ligne, consulté le )
- Matthieu Lasserre, « Mgr Hervé Gosselin accusé d’avoir couvert des abus au Foyer de Charité de Tressaint », La Croix, (lire en ligne, consulté le )
- « Dinard. Un membre d’un foyer de charité condamné pour des agressions sexuelles », Ouest France, (lire en ligne, consulté le )
- « Dinard et Tressaint : un membre des Foyers de charité condamné pour agressions sexuelles », Le Pays Malouin, (lire en ligne, consulté le )
- M.C., « Un ancien responsable du Foyer de charité de Courset soupçonné d'abus sexuels et d'autorité », France 3 Hauts-de-France, (lire en ligne, consulté le )
- UNADFI, « Série d’abus au sein des Foyers de Charité », sur www.unadfi.org, (consulté le )
- « Foyer de charité de Courset : une plainte déposée pour « agression sexuelle et violences » », La voix du Nord, (lire en ligne, consulté le )
- « Information du Foyer de Charité de Spa, au sujet du père fondateur Henri Oury (1914-1987) », sur foyerspa.be, (consulté le )
À voir
[modifier | modifier le code]Bibliographie
[modifier | modifier le code]- Céline Hoyeau, La Trahison des pères, Paris, Bayard, , 352 p. (ISBN 978-2-2274-9870-9, lire en ligne)