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À la claire fontaine

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Partition canadienne de 1922

À la claire fontaine est une chanson française en laisse[1] traditionnelle qui vient d'un poème anonyme écrit entre les XVe[2] et XVIIIe siècles. Selon l'ethnomusicologue canadien Marius Barbeau, la chanson aurait été composée par un jongleur du XVe ou du XVIe siècle. James Huston, journaliste canadien, écrit que « l'air et les paroles paraissent avoir été composés par un des premiers voyageurs canadiens »[3].

Il s'agit d'une chanson composée d'hexasyllabes ou d’alexandrins assonancés en /e/. Très populaire en France, elle l'est aussi en Nouvelle-France / Québec depuis le XVIIIe siècle, où elle a été historiquement chantée par les coureurs des bois lors de longs voyages en canot et par les Patriotes lors des insurrections de 1837-1838 contre l'hégémonie anglaise[4]. Cette chanson a connu plus de cinq cents versions.

Paroles selon les versions

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Paroles originales supposées intitulées « En revenant des noces »[5]

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En revenant de noces, j’étais bien fatiguée,
Au bord d’une fontaine, je me suis reposée
Et l’eau était si claire, que je m’y suis baignée ;
À la feuille du chêne, je me suis essuyée...

Sur la plus haute branche, le rossignol chantait :
Chante, rossignol, chante, toi qui as le cœur gai !
Le mien n’est pas de même, il est bien affligé !
C’est de mon ami Pierre, qui ne veut plus m’aimer,
Pour un bouton de rose, que j’ai trop tôt donné.

Je voudrais que la rose fût encore au rosier,
Et que mon ami Pierre fût encore à m’aimer.

Paroles de la tradition française (en hexasyllabes)

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À la claire fontaine
M'en allant promener
J'ai trouvé l'eau si belle
Que je m'y suis baignée

Il y a longtemps que je t'aime jamais je ne t'oublierai

Sous les feuilles d'un chêne
Je me suis fait sécher
Sur la plus haute branche
Un rossignol chantait

Il y a longtemps que je t'aime jamais je ne t'oublierai

Chante, rossignol, chante
Toi qui as le cœur gai
Tu as le cœur à rire
Moi, je l'ai à pleurer

Il y a longtemps que je t'aime jamais je ne t'oublierai

J'ai perdu mon ami
Sans l'avoir mérité
Pour un bouton de rose
Que j'ai trop tôt donné

Il y a longtemps que je t'aime jamais je ne t'oublierai

Je voudrais que la rose
Fût encore au rosier
Et que mon ami Pierre
Fût encore à m'aimer

Il y a longtemps que je t'aime jamais je ne t'oublierai

Interprétation

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La signification de ce texte pose des problèmes d'interprétation[6].

Selon Hanotaux, les chanteurs ont eu raison d'écarter le premier vers En revenant de noces parce qu'il ne s'agit pas du thème central. Cette interprétation y voit une querelle d'amoureux au sujet d'une fleur. La narratrice est une jeune fille invitée à une fête et qui, en dépit des heureuses circonstances (la noce, l'eau claire, le chant du rossignol), se trouve triste. Elle a repoussé son ami Pierre (elle lui a refusé la rose). Le dernier vers je voudrais que la rose indique qu'entre-temps elle a donné la rose à un autre, ce qu'elle regrette maintenant.

Selon Jules Gilliéron, le premier vers est important. La narratrice est la mariée. Elle a refusé un bouton de rose à son premier amant Pierre, qui l'a donc repoussée, et s'est ensuite mariée à un autre, quoi qu'elle aime encore Pierre. Elle regrette que la rose ne soit plus au rosier, car elle préfèrerait pouvoir la donner à Pierre, ce qu'elle ne peut plus. Cet auteur y voit au surplus une interprétation figurée du bouton de rose, représentant la sexualité.

Le rossignol représentait en langage populaire un jeune garçon ayant des mœurs légères et un pouvoir attractif certain sur les femmes.

La première version est l'originale désignant une jeune fille revenant de son mariage (désignant son ami Pierre, ami ou ma mie désignant, dans les mariages d'un certain rang les compagnes et compagnons), mariage long donc d'un niveau élevé.

Elle, promise, vierge, ayant encore son « bouton de rose » pur se retrouva compromise par un rossignol chantant trahissant ainsi sa promesse envers son nouveau compagnon car de bouton de rose il n'y aura plus.

À la claire fontaine au format midi.


Interprètes et reprises

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Au XIXe siècle, cette chanson est reconnue pour avoir été chantée par les patriotes canadiens lors des Troubles de 1837-1838 dans le Bas-Canada[4]. En 1878, l’association Saint-Jean-Baptiste de Montréal adopte un air national pour les Canadiens français : À la claire fontaine[7],[8]. Des extraits de vers ont été également repris par des romanciers et poètes Canadiens français du XXe siècle, dont Louis Hémon (Maria Chapdelaine, 1914) et Alfred Desrochers (À l'ombre de l'Orford, 1929).

Liste non exhaustive d'artistes qui ont interprété cette mélodie
Années Interprète
1917 Éva Gauthier(78 tours, Victor)[9]
1962 Henri Salvador[10]
1973 Nana Mouskouri[11]
1976 Lougarou (Garolou)
1982 Dorothée
2008 Grégoire
2007 Shang Wenjie (尚雯婕)
sous le titre 《梦之浮桥》 en mandarin et en français,
et sous le titre À la claire fontaine en français
  • Le chanteur argentin Jairo a interprété la chanson en espagnol, sous le titre La Clara Fuente, dans son album Liberté (1978).
  • Claude François en chante une adaptation, C'est pour vous que je chante, parue en 1979. Il en avait auparavant chanté un extrait en 1974 en duo avec Mireille Mathieu dans l'émission Top à produite par Maritie et Gilbert Carpentier qui lui était consacrée.
  • En 1976, le groupe Québécois Garolou fait une reprise sur son album Lougarou utilisant les paroles avec laisse, mais en remplaçant « Il y a longtemps que je t'aime [...] » par « Fendez le bois, chauffez le four, dormez la belle il n'est point jour ».
  • En 1981, Dorothée l'enregistre pour l'émission Discopuce, diffusée dans Récré A2. Sa reprise paraît une première fois sur l'album Promenons-nous dans les bois avec Dorothée et les Récréamis associé à l'émission en 1981, avant d'être reprise en 1982 sur la face B de son 45 tours comprenant en face A Enfin Récré A2 !, générique de Récré A2 mercredi.
  • Michèle Bernard l'enregistre en 2001 et l'intègre au volume 10 de son intégrale parue en 2020[12],[13].
  • Le chanteur français Jean-Louis Murat en interprète une version « arabisante »[14] intitulée À la morte fontaine dans son album Lilith, paru en 2003 (Labels). Il s'agissait, pour l'artiste de rendre compte de la pollution qui touche la campagne : « J’ai écrit À la morte fontaine parce que même chez moi, à la campagne, on ne peut plus boire l’eau des fontaines, tout est pollué. Tout est dangereux en ce moment : l’eau, la bouffe, le tabac, la voiture, la drogue. On nous dit que tout ça entraîne la mort. On est fascinés par la mort, c’est assez étonnant… »[15]
  • En 2015, le comédien Daniel Picard propose À la plus haute branche pour le futur album de Céline Dion, Encore un soir (2016). Parmi les 4000 chansons proposées à l'interprète, le titre fait partie des 25 présélectionnés. 70 000 internautes portent leur choix sur ce titre « inspiré d'une des premières chansons [du Québec] ». Le titre débute par les paroles « À la claire fontaine / M'en allant promener », le reste du couplet original est sifflé puis débute la chanson avec une mélodie inspirée librement de À la claire fontaine. La chanteuse révèle ce titre pour la toute première fois à Montréal le 31 juillet 2016 lors de sa tournée Francophone estivale[16].
  • En 2023, le collectif hip-hop québécois Alaclair Ensemble fait une interpolation de la chanson sur « Alaclair Fontaine », premier extrait de l'album LAIT PARTERNEL.

Cinéma et télévision

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Autres utilisations

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Bibliographie

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Notes et références

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  1. Léandre Sahiri Le bon usage de la répétition dans l'expression orale et écrite 2013 p. 60
  2. et a-la-claire-fontaine-emc À la claire fontaine sur L'Encyclopédie canadienne.
  3. James Huston, Répertoire national, Montréal, .
  4. a et b Marc Robine, Anthologie de la chanson française : des trouvères aux grands auteurs du XIXe siècle, Paris, EPM musique/Albin Michel, , 919 p. (ISBN 2-226-07479-1).
  5. Pierre Seghers, Le livre d’or de la poésie française des origines à 1940, .
  6. J. Gilliéron, « La Claire Fontaine, chanson populaire française. Examen critique de diverses versions de cette chanson », dans Romania, tome 12, n° 46-47, 1883, p. 307-331 [lire en ligne].
  7. « Tiré de l'organisation de la fête nationale du Québec : histoire. ».
  8. Association Saint-Jean-Baptiste de Montréal, Statuts et Règlements, Montréal, Typographie Duvernay et frères et Dansereau, , 18 p., p. 17
  9. Victor 69273 (Montréal, Canada).
  10. Bossa nova pour les tout petits
  11. Nouvelles chansons de France / Vieilles chansons de France.
  12. « Michèle Bernard, intégralement vôtre », sur Nos enchanteurs, le quotidien de la chanson.
  13. « Michèle Bernard, l'inrégrale », sur EPM Musique.
  14. « Jean-Louis Murat - Lilith » (consulté le ).
  15. « Jean-Louis Murat (Entretien à l'occasion de la sortie de Lilith) | interview foutraque.com », sur www.foutraque.com (consulté le ).
  16. Alain de Repentigny, « Le conte de fées de Daniel Picard avec Céline », La Presse,‎ (lire en ligne, consulté le )
  17. « "Au revoir les enfants", de Louis Malle à la Mostra de Venise L'ami perdu », Le Monde.fr,‎ (lire en ligne, consulté le ).

Liens externes

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