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Fascisme et religion

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Le fascisme, en tant qu'ensemble d'idéologies et de régimes politiques, et la religion, en tant qu'ensemble de système de croyances et d'institutions, entretiennent des rapports très hétérogènes[1]. Du fait de sa souplesse doctrinale et de son adaptabilité, les modalités d'acceptation ou de rejet des fascismes à l'égard des religions diffèrent selon les doctrines, les époques et les lieux[2].

Rapports entre fascismes et religions

Le fascisme comme adversaire de la religion

Le fascisme soutenu par la religion

Le fascisme et la religion ne sont pas mutuellement exclusifs. Le Franquisme s'est présenté comme « national-catholique », et les milices fascistes qui portent le général Franco au pouvoir sont catholiques. En Italie fasciste naît le courant du fascisme clérical, qui propose une synthèse du fascisme et du cléricalisme catholique[3] ; Benito Mussolini fait du catholicisme la religion officielle de son régime[4]. En Autriche, le chancelier Engelbert Dollfuss est également un soutien de ce fascisme clérical entre 1933 et 1934[5].

La Slovaquie a vu un régime fasciste être dirigé par une autorité religieuse catholique, le prêtre Jozef Tiso[5]. En Roumanie, en Hongrie et en Croatie, le catholicisme est utilisé pour légitimer le chef fasciste. En Roumanie, Corneliu Codreanu mobilise ainsi le registre de la religion catholique et de la sainteté pour être légitimé par sa population[6].

Le fascisme comme religion

L'historien de la politique Emilio Gentile remarque que le fascisme se veut être une nouvelle religion. Les décideurs politiques fascistes se caractérisent par des relations ambiguës ou agressives à l'égard des religions institutionnalisées car ils souhaitent établir leur idéologie comme nouvelle religion totale, ce qui exclut de facto la persistance d'une autre religion[7].

Les régimes fascistes sont producteurs de sacré en ce qu'ils souhaitent établir un lien sacré entre le peuple et le dirigeant, et qu'ils appellent à l'adoration d'une figure supérieure. Gentile remarque ainsi que l'Italie fasciste fit célébrer des fêtes de la nation comme des rituels, imposa le culte des héros morts et du Duce[7]. Le fascisme serait donc une religion politique[8]. Pierre de Senarclens remarque qu'au-delà du fascisme même, « les nationalistes, même lorsqu'ils s'affirment contre les Églises, entretiennent avec les représentations et les pratiques religieuses des liens de convergence et de mimétisme évidents »[9].

Raymond Aron qualifie ainsi les fascismes de « religions de substitution ». Ceux-ci prônent une sacralisation (de la nation, de la race, du combat) et érigent des cultes à ces fétiches[5]. Michel Onfray abonde dans ce sens, en soulignant que « la masse dirigée par un chef charismatique, inspiré; le mythe, l'irrationnel, la mystique promus au rang de moteur de l'Histoire ; la loi et le droit créés par la parole du chef; l'aspiration à abolir un vieux monde pour en créer un nouveau [...] le vitalisme de la vision du monde doublé d'une passion thanatophilique sans fond » sont autant de caractéristiques religieux que l'on retrouve dans les fascismes, dont l'islamofascisme[10].

Cas particuliers

Japon impérial

Allemagne nazie

Le nazisme comme nouvelle religion

Adolf Hitler dit et écrit que le nazisme va au-delà du simple pouvoir temporel, c'est-à-dire au-delà du pouvoir politique, et a une dimension spirituelle. Il confie en 1939 à Hermann Rauschning que « Celui qui ne comprend le national-socialisme que comme un mouvement politique n'en sait pas grand'chose. Le national-socialisme est plus qu'une religion : c'est la volonté de créer le surhomme ». Durant la journée du parti nazi en 1935, il soutient que « Le national-socialisme est une conception du monde ».

La position du nazisme comme nouvelle religion est soutenue par nombre de cadres nazis. Heinrich Himmler, dans une circulaire interne du parti, écrit qu'« Il est de toute évidence que jamais un membre du parti national-socialiste ne pourra se targuer de ne pas avoir la foi, puisque l'idéologie national-socialiste présuppose une attitude religieuse »[11]. Le 16 octobre 1928, Joseph Goebbels assimile dans son journal le nazisme à une religion, et le parti unique à l’Église[12].

Carl Gustav Jung écrit en 1939 : « Nous ne savons pas si Hitler est en train de fonder un nouvel Islam. Il est en tout cas déjà en chemin ; il est comme Mahomet. L’émotion en Allemagne est islamique, guerrière et islamique. Ils sont tous comme ivres d’un homme sauvage »[12]. La même année, Hans Joachim Schoeps qualifie le nazisme de verkappte Religionen (religion déguisée, ou cachée)[12].

Le nazisme et les religions établies

Les Nazis, arrivés au pouvoir, entament des attaques plus ou moins ouvertes envers les religions organisées ou institutionnalisées, notamment le catholicisme et le protestantisme. Du fait de son adhésion aux idées pangermaniques et à la pensée völkisch, les croyants au mythe de la race aryenne étaient anti-catholiques et anti-méditerranéens[13].

L'establishment nazi évite de soulever la question de la religion protestante et catholique trop ouvertement, notamment dans leurs premières années au pouvoir, car il sait que la question pourrait diviser les membres du parti et la population. Le rapport des élites nazies au catholicisme sont teintées d'admiration et de jalousie du fait de l'autorité que la papauté a réussi à instaurer en Europe. Himmler est remarqué pour son admiration envers les Jésuites. Du côté de l'institution catholique, jusqu'en 1932, plusieurs évêques allemands interdisent aux catholiques de rejoindre le NSDAP[13].

En ce qui concerne le protestantisme, des liens très forts existent entre le luthéranisme et le nazisme. Certains hauts cadres nazis étaient impliqués directement dans des églises protestantes, comme Erich Koch qui était le cofondateur de Deutsche Christen et président d'une église évangélique[13].

Italie mussolinienne

Le fascisme comme religion politique

Quoiqu' anticlérical, Mussolini fait du fascisme une religion dans son ouvrage séminal La Doctrine du fascisme. Le fascisme mussolinien, contrairement au fascisme nazi, ne revendique jamais un caractère messianique[8]. L'emprise de cette nouvelle religion politique sur les masses n'est toutefois jamais totalement réalisée[14].

Mussolini écrit que « le fascisme est une conception religieuse, dans lequel l’homme est vu dans son rapport immanent avec une loi supérieure, avec une Volonté objective qui transcende l’individu et l’élève comme membre conscient d’une société spirituelle. Celui qui, dans la politique fasciste, s’est seulement arrêté à des considérations de pure opportunité, n’a rien compris au fascisme »[12].

Rapports ambigus avec la papauté

Issu des rangs de l'extrême gauche, Benito Mussolini est dans sa jeunesse anticlérical. En 1919, il se pose en faveur de la svaticanizzazione, c'est-à-dire de la séparation totale de l’Église et de l’État, avec une confiscation complète du patrimoine ecclésiastique[15].

Constatant à son arrivée au pouvoir la force et l'attachement du sentiment religieux au catholicisme, Mussolini modifie sa doctrine et rallie l’Église catholique à son œuvre. Le règlement des escouades d'action de juillet 1922 affirme que les miliciens fascistes sont « au service de la Patrie et de Dieu ». Le 16 novembre 1922, « il déclare que toutes les religions seront respectées, mais avec une considération spéciale pour cette religion dominante qui est le catholicisme »[15]. Il met en place en 1923 une réforme scolaire qui lève les interdictions précédemment votées au sujet de la présence du catholicisme dans les écoles : les crucifix sont réinstallés dans les salles de classe et dans les tribunaux. Le pape Pie XI remercie en 1925 Mussolini de « tout ce qui depuis quelques temps se fait en faveur de la Religion et de l’Église »[3].

Notes et références

  1. Encyclopaedia Universalis, Dictionnaire des Idées: Les Dictionnaires d'Universalis, Encyclopaedia Universalis, (ISBN 978-2-85229-934-4, lire en ligne)
  2. Peter D. Tame, La Mystique Du Fascisme Dans L'oeuvre De Rober Brasillach Par Peter D. Tame, Nouvelles Editions Latines, (lire en ligne)
  3. a et b Francis Aylies, Les convertis, JC Lattès, (ISBN 978-2-7096-3881-4, lire en ligne)
  4. Georges Roux, L'Italie fasciste, Stock, (lire en ligne)
  5. a b et c (ar) Enzo Traverso et Régis Meyran, Les nouveaux visages du fascisme, textuel, (ISBN 978-2-84597-606-1, lire en ligne)
  6. Traian SANDU, Un fascisme roumain, Place des éditeurs, (ISBN 978-2-262-04754-2, lire en ligne)
  7. a et b Emilio Gentile, La religion fasciste: la sacralisation de la politique dans l'Italie fasciste, Perrin, (ISBN 978-2-262-01852-8, lire en ligne)
  8. a et b Bernard Bruneteau, Les totalitarismes, Armand Colin, (ISBN 978-2-200-29243-0, lire en ligne)
  9. Pierre de Senarclens, Le nationalisme, Armand Colin, (ISBN 978-2-200-25796-5, lire en ligne)
  10. Michel Onfray, Traité d'Athéologie, Grasset, (ISBN 978-2-246-64809-3, lire en ligne)
  11. Jean-Pierre Sironneau, Sécularisation et Religions Politiques: With a summary in English, Walter de Gruyter, (ISBN 978-3-11-082279-3, lire en ligne)
  12. a b c et d Didier Musiedlak, « Fascisme, religion politique et religion de la politique », Vingtième Siècle. Revue d'histoire, vol. 108, no 4,‎ , p. 71 (ISSN 0294-1759 et 1950-6678, DOI 10.3917/ving.108.0071, lire en ligne, consulté le )
  13. a b et c John Pollard, « Fascism and Religion », dans Rethinking the Nature of Fascism, Palgrave Macmillan UK, (ISBN 978-0-230-27296-5, lire en ligne), p. 141–164
  14. Jean-Yves Dormagen, Logiques du fascisme: l'état totalitaire en Italie, Fayard, (ISBN 978-2-213-63159-2, lire en ligne)
  15. a et b (it) Scritti dell’esilio, vol. I, Ed. di Storia e Letteratura (lire en ligne)