Cours4 17e
Cours4 17e
Cours4 17e
Le classicisme (I)
c/ L’unité de lieu – règle qui demande une seule scène, un seul lieu, un
seul décor;
- entre en vigueur vers 1650 seulement;
- la tragédie recommande comme lieu une salle de palais indéterminée,
la comédie, une pièce de maison bourgeoise ou un carrefour de rue
pour suggérer le statique et l’abstrait; *des lieux intermédiaires (le
cabinet d’un roi, l’antichambre d’un palais).
- aucun changement de décor n’est toléré. (Contre-exemple : Le Cid de
Corneille ne respecte pas cette unité, l’action se passe dans quatre
lieux différents : dans le palais du roi, dans la maison de Chimène,
dans la maison de Rodrigue et dans une place publique. Selon la
conception de Corneille, il pouvait s’agir des lieux où les personnages
étaient capables de se rendre en 24 heures);
*À ces trois unités s’ajoute une quatrième, la plus
importante peut-être parce que les trois autres en
découlent : l’unité de ton qui exclut le mélange des
genres (Horace)
**Dans son Troisième Discours, Pierre Corneille parle
de l’unité de jour: « …je voudrais laisser cette
durée à l’imagination des auditeurs, et ne déterminer
jamais le temps qu’elle emporte, si le sujet n’en
avait besoin, principalement quand la vraisemblance
y est peu forcée comme au Cid, parce qu’alors cela
ne sert qu’à les avertir de cette précipitation. »
Les règles du théâtre classique
2. Les bienséances (décence, honnêteté)
- désignent la qualité de ce qui sied bien (quod decet);
- la bienséance est une valeur sociale qui définit les limites à l’intérieur
desquelles doit se tenir l’honnête homme;
- désignent le fait que la pièce respecte certains principes de cohérence;
Le personnage dramatique doit :
• ne pas changer de caractère au cours de la pièce; Rodrigue est héroïque
dès le début du Cid de Corneille et doit le rester jusqu’au dénouement;
• agir conformément à son rang; un roi ne peut ainsi recourir à la ruse ou
au mensonge comme le ferait un valet de comédie;
• respecter ce que le spectateur sait déjà de lui sur scène comme dans
l’histoire ou la mythologie; ces principes sont parfois appelés
bienséance interne.
ce qui choquerait dans la vie réelle risque aussi, une fois porté à la
scène, de choquer le public du théâtre; pour cette raison, un certain
nombre de réalités ne sont pas représentées directement (la violence et
notamment la mort, les réalités corporelles et, notamment, sexuelles);
ces principes sont parfois appelés bienséance externe.
Les règles du théâtre classique
3. La vraisemblance
- raconter ce qui pourrait arriver, c’est-à-dire les événements imaginaires,
mais crédibles. Ce n’est pas le réel ou ce qui a pu se passer, mais ce qui
pourrait se passer; l’abbé d’Aubignac la définit dans La Pratique du
théâtre (1657), comme « l’essence du poème dramatique, et sans
laquelle on ne peut rien faire ni rien dire de raisonnable sur la scène »;
- concept qui peut être envisagé de deux points de vue : interne et
externe. Du point de vue interne, une œuvre est vraisemblable lorsque
son intrigue ne laisse pas une place abusive au hasard (dans ce sens la
vraisemblance est liée à la prévisibilité du récit). Du point de vue
externe, une œuvre est perçue comme vraisemblable quand les lieux,
faits ou personnages « ressemblent » ou sont conformes à la réalité
sociale et culturelle de l’époque. La vraisemblance est donc liée à l’idée
de crédibilité. Elle fonde le « pacte de lecture », selon lequel un texte
est jugé recevable, réaliste ou fantaisiste; selon Boileau (L’Art poétique,
1674) « le vrai peut quelquefois n’être pas vraisemblable »: il arrive
parfois, dans la vie réelle, que le hasard produise des faits proprement
incroyables; le théâtre, quant à lui, ne doit montrer que des événements
crédibles.
Le héros classique
- est une personne « ni franchement vertueuse, ni totalement
monstrueuse » (Aristote);
- ne doit pas être criminel (Aristote - Poétique : « ni trop vertueux, ni
trop juste »);
- Le héros tragique est glorieux par la naissance (héros mythologique,
roi ou prince, sa haute condition est inséparable du genre). Il implique
jusque dans ses passions les affaires de la Cité. La dignité l’affecte
indubitablement. Soumis à la fatalité des dieux, le héros tragique fait
preuve d’une liberté ou volonté qui met en cause le cours de son
destin et fait apparaître à sa conscience la faute à châtier (le héros
cornélien suscite l’admiration, tandis que chez Racine, Phèdre,
incapable de dominer sa nature, s’inflige la mort pour avoir cédé aux
tentations de Vénus et Hippolyte paie de sa vie le crime d’aimer celle
qui modifie l’ordre dynastique d’Athènes (la princesse Aricie). Le
héros racinien suscite l’émotion : il assiste impuissant à la défaite de
sa volonté.
* Molière se moque des règles, mais il les respecte en général. Après
1660, c’est la notion de goût qui l’emporte sur les fameuses règles.
Genres cultivés: la tragédie, la comédie
a/ La tragédie – doit avoir un caractère cérémonial : une action simple
et noble, une langue poétique et majestueuse (un langage soutenu)
- écrite en vers (1500-2000);
- comportera cinq actes (séparés par des entractes) et divisés en scènes
- la structure – une exposition, une progression de l’action dramatique
et un dénouement obligatoirement malheureux (la mort des héros);
- les sujets modernes sont exclus;
- le but de la tragédie est la catharsis (la purgation des passions). Ce but
est donc purificateur et initiateur. L’admiration et l’amour sont des
passions nobles;
- les grands thèmes de la tragédie ancienne sont encore présents au
XVIIe siècle : le thème de la révolte (Horace), de l’opposition à des
forces adverses (Andromaque), de la fatalité (Phèdre). L’action
dynamique évolue vers l’intériorisation psychologique et vers
l’analyse lucide des sentiments;
- les obstacles sont intérieurs et extérieurs ; il y a de vrais obstacles (les
dilemmes) ou de faux obstacles (les quiproquos).
« Lorsqu’on met sur la scène un simple intrique(1) d’amour
entre des rois, et qu’ils ne courent aucun péril, ni de leur vie,
ni de leur État, je ne crois pas que, bien que les personnes
soient illustres, l’action le soit assez pour l’élever jusques à
la grande tragédie. Sa dignité demande quelque grand
intérêt d’ État, ou quelque passion plus noble et plus mâle
que l’amour, telles que sont l’ambition ou la vengeance, et
veut donner à craindre des malheurs plus grands que la perte
d’une maîtresse. Il est à propos d’y mêler l’amour, parce
qu’il a toujours beaucoup d’agrément, et peut servir de
fondement à ces intérêts, et à ces autres passions dont je
parle; mais il faut qu’il se contente du second rang dans le
poème, et leur laisse le premier. »
Pierre Corneille, Premier Discours (1660), « De la tragédie »
(1) Le masculin était d’un usage plus ancien que le féminin.
Genres cultivés: la tragédie, la comédie
De tous vos ennemis connaissez mieux le pire : En est-ce assez, ô ciel ! et le sort, pour me nuire,
Si vous régnez encore, seigneur, si vous vivez, A-t-il quelqu’un des miens qu’il veuille encore
C’est ma jalouse rage à qui vous le devez. séduire?
Un vertueux remords n’a point touché mon âme ; Qu’il joigne à ses efforts le secours des enfers ;
Pour perdre mon rival, j’ai découvert sa trame ; Je suis maître de moi comme de l’univers ;
Euphorbe vous a feint que je m’étais noyé Je le suis, je veux l’être. O siècles, ô mémoire !
De crainte qu’après moi vous n’eussiez envoyé : Conservez à jamais ma dernière victoire !
Je voulais avoir lieu d’abuser Émilie, Je triomphe aujourd’hui du plus juste courroux
Effrayer son esprit, la tirer d’Italie, De qui le souvenir puisse aller jusqu’à vous.
Et pensais la résoudre à cet enlèvement Soyons amis, Cinna, c’est moi qui t’en convie :
Sous l’espoir du retour pour venger son amant ; Comme à mon ennemi je t’ai donné la vie,
Mais au lieu de goûter ces grossières amorces, Et, malgré la fureur de ton lâche destin,
Sa vertu combattue a redoublé ses forces, Je te la donne encore comme à mon assassin.
Elle a lu dans mon cœur ; vous savez le surplus, Commençons un combat qui montre par l’issue
Et je vous en ferais des récits superflus. Qui l’aura mieux de nous ou donnée ou reçue.
Vous voyez le succès de mon lâche artifice. Tu trahis mes bienfaits, je les veux redoubler ;
Si pourtant quelque grâce est due à mon indice(1), Je t’en avais comblé, je t’en veux accabler :
Faites périr Euphorbe au milieu des tourments, Avec cette beauté que je t’avais donnée,
Et souffrez que je meure aux yeux de ces amants. Reçois le consulat pour la prochaine année.
J’ai trahi mon ami, ma maîtresse, mon maître, Aime Cinna, ma fille, en cet illustre rang,
Ma gloire, mon pays, par l’avis de ce traître ; Préfères-en la pourpre à celle de mon sang ;
Et croirai toutefois mon bonheur infini, Apprends sur mon exemple à vaincre ta colère :
Si je puis m’en punir après l’avoir puni. Te rendant un époux, je te rends plus qu’un père.
Et je me rends, seigneur, à ces hautes bontés ; Cesse d’en retarder un oubli magnanime ;
Je recouvre la vue auprès de leurs clartés : Et tous deux avec moi faites grâce à Maxime :
Je connais mon forfait qui me semblait justice ; Il nous a trahis tous ; mais ce qu’il a commis
Et (ce que n’avait pu la terreur du supplice) Vous conserve innocents, et me rend mes amis.
Je sens naître en mon âme un repentir puissant,
Et mon cœur en secret me dit qu’il y consent. (A Maxime.)
Le ciel a résolu votre grandeur suprême ; Reprends auprès de moi ta place accoutumée ;
Et pour preuve, seigneur, je n’en veux que moi- Rentre dans ton crédit et dans ta renommée ;
même : Qu’Euphorbe de tous trois ait sa grâce à son
J’ose avec vanité me donner cet éclat, tour;
Puisqu’il change mon cœur, qu’il veut changer Et que demain l’hymen couronne leur amour.
l’État. Si tu l’aimes encore, ce sera ton supplice.
Ma haine va mourir, que j’ai crue immortelle ;
Elle est morte, et ce cœur devient sujet fidèle ; AUGUSTE
Et prenant désormais cette haine en horreur,
L’ardeur de vous servir succède à sa fureur. J’en accepte l’augure, et j’ose l’espérer :
Ainsi toujours les dieux vous daignent inspirer !
CINNA Qu’on redouble demain les heureux sacrifices
Seigneur, que vous dirai-je après que nos Que nous leur offrirons sous de meilleurs
offenses auspices,
Au lieu de châtiments trouvent des Et que vos conjurés entendent publier
récompenses? Qu’Auguste a tout appris, et veut tout oublier.
O vertu sans exemple ! ô clémence, qui rend
Votre pouvoir plus juste, et mon crime plus
grand! P. Corneille, Cinna, Acte V, scène 3
Polyeucte Martyr (1643)
tragédie historique en 5 actes;
l’action se situe en Arménie, au IIIe siècle après Jésus-Christ, lors de la persécution
des chrétiens par l’empereur romain Decius. Corneille évoque les conséquences de
la conversion au christianisme de Polyeucte: conséquences psychologiques et
sociales pour le convertir lui-même, qui doit rompre avec ses attaches humaines et
conséquences politiques puisqu’il est le gendre du gouverneur romain, Félix.