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RAPPORT

Novembre 2024

Retour d’expérience 2024 des


démonstrateurs de réseaux intelligents
Rapport portant communication sur le retour d’expérience des démonstrateurs de
réseaux intelligents
26 novembre 2024

SOMMAIRE
Synthèse ................................................................................................ 3

Introduction ........................................................................................... 8
1. La CRE dresse le bilan des recommandations formulées
en 2022 ................................................................................................. 10
1.1. Un manque de rigueur persistant dans le suivi des activités de Recherche et
Développement par les gestionnaires de réseaux ............................................... 10
1.2. Des évolutions positives, néanmoins insuffisantes, en faveur du développement de
la mobilité électrique ............................................................................................... 10
1.3. Accès aux données de consommation énergétiques en opt-out : une modernisation
préalable du système d’information nécessaire ................................................... 11
1.4. Des solutions smart grids pour optimiser la planification, l’exploitation et la
maintenance des réseaux généralisées ou en cours de généralisation ............. 12
1.5. Optimiser les investissements en rendant les réseaux plus flexibles : des premiers
recours au stockage à pérenniser ......................................................................... 12

2. La CRE présente les retours d’expérience de


30 démonstrateurs en cours ou achevés récemment ...................... 13
2.1. Faciliter l’intégration de la mobilité électrique au réseau ............................. 17
2.1.1. Pilotage intelligent de la recharge et vehicule-to-grid ........................................... 17
2.1.2. Optimisation du raccordement des IRVE................................................................ 19
2.1.3. Nouveaux systèmes de recharge ............................................................................ 20
2.2. Proposer de nouveaux services aux consommateurs sur la base de leurs données
énergétiques ............................................................................................................ 21
2.3. Mobiliser la flexibilité des usagers au service des réseaux ......................... 22
2.3.1. Un pilotage plus dynamique au service de l’intégration des EnR ........................ 23
2.3.2. Ilotage et gestion d’un système comportant une forte proportion d’EnR ............ 24
2.4. Optimiser la planification, l’exploitation et la maintenance des réseaux .... 25
2.4.1. Optimisation de la planification du réseau ............................................................. 25
2.4.2. Mobilisation de la flexibilité du réseau ................................................................... 26
2.4.3. Utilisation de l’intelligence artificielle pour optimiser les opérations de
maintenance ....................................................................................................................... 27
2.5. Faciliter l’accès des productions de gaz décentralisées aux réseaux ......... 28
2.6. Exploiter les synergies entre les réseaux d’énergies.................................... 29

3. Conclusion et liste des recommandations .................................... 31

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Rapport portant communication sur le retour d’expérience des démonstrateurs de
réseaux intelligents
26 novembre 2024

Synthèse
Les réseaux intelligents : un levier au service de la transition énergétique
Dans le cadre de la transformation majeure du système énergétique induite par l’objectif de neutralité
carbone à l’horizon 2050, les réseaux électriques et gaziers devront faire face à de nombreux défis. Les
réseaux électriques se développeront fortement dans les années à venir pour accueillir les nouvelles
sources de production et les nouveaux usages, faire face à la hausse de la consommation et piloter des
flux d’électricité de plus en plus bidirectionnels et variables. De leur côté, les réseaux gaziers devront
répondre à deux enjeux : d’une part, l’adaptation des réseaux pour accueillir une production locale de
gaz vert répartie sur l’ensemble du territoire et, d’autre part, la baisse de la consommation de gaz. Ces
transformations des réseaux électriques et gaziers devront s’opérer tout en maintenant le niveau élevé
de qualité de service actuellement observé dans l’Union européenne.
Les nouvelles technologies ont un rôle majeur à jouer pour atteindre ces objectifs. Les réseaux
intelligents, ou encore smart grids, accélèreront les raccordements, permettront de limiter autant que
possible le besoin de nouveaux investissements dans les infrastructures de réseau et aideront les
consommateurs à jouer un rôle actif dans cette transformation.
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) accompagne depuis plusieurs années le déploiement
des réseaux intelligents, notamment par la régulation incitative des gestionnaires de réseaux dans les
tarifs d’utilisation des réseaux (TURPE, ATRT, ATRD1), le bac à sable réglementaire, le suivi des
activités de recherche, développement et innovation (R&D&I).
Afin de tirer toute l’utilité de ces projets, il est nécessaire d’en recueillir les enseignements et de
communiquer sur la viabilité des technologies et des cas d’usages testés. La CRE a précédemment
publié deux rapports en 20202 et 20223 présentant et analysant le retour d’expérience des
démonstrateurs de réseaux intelligents.
Dans le présent rapport, la CRE renouvelle cette démarche et publie ses analyses portant sur 30
démonstrateurs en cours ou achevés récemment, auxquels participent ou ont participé les gestionnaires
de réseaux français, et dont les conclusions n’ont jusqu’à présent pas fait l’objet d’une communication.
Tous les réseaux sont concernés (réseaux de gaz et d’électricité, réseaux de transport et de distribution)
ainsi que toutes les géographies (métropole et zones non interconnectées).

1. Des démonstrateurs réussis à industrialiser au plus vite


Plusieurs démonstrateurs ont validé la faisabilité technique des solutions testées ainsi que leur
pertinence économique. La CRE recommande la généralisation de ces solutions, si elles ne l’ont
pas déjà été jusqu’à maintenant, car elles apportent un gain pour les réseaux et les collectivités.
Faciliter l’intégration de la mobilité électrique au réseau
C’est le cas des solutions visant à faciliter l’intégration de la mobilité électrique au réseau. En effet,
le développement de la mobilité électrique est un pilier majeur de la décarbonation du transport, mais
son intégration au réseau électrique n’est pas sans conséquence et les gestionnaires de réseaux
électriques étudient depuis plusieurs années des solutions pour la faciliter. Les résultats des
expérimentations, en particulier dans le cadre du démonstrateur aVEnir, ont permis de :

1
TURPE : Tarif d’Utilisation du Réseau Public d’Electricité ; ATRT/ATRD : Tarif d’Accès des Tiers aux Réseaux de Transport /
Distribution de gaz
2
Délibération n°2020-132 de la CRE du 11 juin 2020 portant communication sur le retour d’expérience des démonstrateurs Smart
grids
3
Retour d’expérience des démonstrateurs de réseaux intelligents, CRE, mai 2022

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Rapport portant communication sur le retour d’expérience des démonstrateurs de
réseaux intelligents
26 novembre 2024

• confirmer l’intérêt du pilotage de la recharge des véhicules électriques (VE) et valider sa


faisabilité technique à travers l’envoi de signaux de modulation de la puissance de recharge.
Les solutions testées4 sont les briques technologiques essentielles pour le pilotage de la
recharge permettant la participation des infrastructures de recharge de véhicules électriques
(IRVE) aux différents mécanismes de flexibilité ;
• montrer qu’il est possible d’optimiser les coûts et délais de raccordement en proposant
aux IRVE souhaitant se raccorder dans des zones contraintes ou saturées des offres de
raccordement intégrant des limitations ponctuelles de puissance.

La CRE demande aux gestionnaires de réseau électrique de faire évoluer les procédures de
raccordement afin d’y inclure des offres de raccordement intelligentes (ORI) pour les actifs
flexibles, notamment stockages et IRVE, afin de les proposer systématiquement quand cela
s’avère pertinent.

Mobiliser la flexibilité des usagers au service des réseaux


De nombreux démonstrateurs, comme MAESTRO ou GAC, confirment aussi, comme en 2022, la
faisabilité technique de mobiliser et recourir à des flexibilités, y compris diffuses (comme le pilotage
des ballons d’eau chaude et la recharge des VE), pour la fourniture de services locaux au réseau
en lien avec les conditions réelles du réseau.

La CRE considère qu’il s’agit désormais de passer à l’échelle sur le recours aux flexibilités au
service du réseau. Cela nécessitera d’intégrer ces solutions de flexibilité à la planification et
l’exploitation du réseau et de mettre en place les mécanismes de contractualisation associés
comme ont commencé à le faire Enedis avec le lancement dès 2020 de ses appels d’offres flexibilité
locale et RTE avec l’appel d’offres expérimental sur la zone de Perquié.

Optimiser la planification, l’exploitation et la maintenance des réseaux


Les enjeux d’optimisation de la planification, de l’exploitation et de la maintenance de ces
réseaux ont fait l’objet de nombreux démonstrateurs ces dernières années qui sont désormais
terminés en grande majorité. Certains font déjà l’objet d’une généralisation comme les automates
NAZA5 en cours de déploiement et le recours au Dynamic Line Rating (DLR)6 chez RTE, ou les logiciels
de maintenance prédictive chez Enedis. En dehors de rares exceptions (projet ODRI de SRD
concernant la gestion des problématiques de réglage tension), les résultats récents des derniers
démonstrateurs n’ont pas apporté de nouveaux enseignements par rapport à 2022 notamment en
matière de pertinence économique et donc n’amènent pas à proposer des évolutions à court terme des
cadres de déploiement.

4
Chaîne de transmission du signal de « Système d’information à Système d’information » via API, transmission via le compteur
Linky, et transmission via le compteur Marché d’Affaires
5
Nouvel Automate de Zone Adaptatif, solution numérique qui permet d’éviter la saturation du réseau électrique en cas de pics
importants et ponctuels de production d’énergies renouvelables
6
Capteurs permettant d’optimiser le transit d’électricité dans les lignes existantes et ainsi limiter le développement de nouvelles
lignes

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réseaux intelligents
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Faciliter l’accès des productions de gaz décentralisées aux réseaux


Enfin, les résultats définitifs de plusieurs démonstrateurs confirment la pertinence technique des
solutions de stockage de gaz pour augmenter les capacités d’accueil de biométhane sur les réseaux de
distribution. En particulier, la solution de stockage temporaire FLORES de GRDF offre une alternative
économiquement viable au torchage du gaz ou à des renforcements en cas de congestions
locales et temporaires du réseau de distribution. GRDF prévoit de pérenniser le recours à cette
solution. La CRE constate que la solution FLORES fait l’objet d’une généralisation progressive de la
part de GRDF, mais que d’autres options sont aussi à l’étude par un acteur privé dans le cadre du
démonstrateur West Grid Synergy, ainsi qu’à travers une expérimentation via le bac à sable
réglementaire7, en utilisant la flexibilité d’une station GNV. La coexistence de ces différentes solutions
et des cadres de contractualisation associés devra faire l’objet de travaux supplémentaires.

La CRE demande aux gestionnaires de réseaux de gaz à mettre en place des solutions de
flexibilité lorsqu’elles sont plus économiques que des rebours ou maillages, ou bien de
manière temporaire en attendant la réalisation des travaux, comme ce fut le cas pour FLORES.

2. Des solutions techniques validées, mais une pertinence économique à prouver


Une majorité des expérimentations ont validé la faisabilité technique des solutions testées, mais
n’ont pas fait l’objet d’une analyse coût-bénéfice. L’absence d’éléments économiques ne permet
pas d’estimer les éventuels gains associés pour la collectivité et donc l’intérêt d’une
généralisation.

La CRE demande donc aux gestionnaires de réseaux ainsi qu’aux acteurs économiques concernés
d’étudier et de documenter systématiquement la pertinence économique de ces solutions, ce
qui permettra de les déployer s’il s’avère qu’elles présentent un gain pour la collectivité.

Proposer de nouveaux services aux consommateurs sur la base de leurs données énergétiques
Parmi ces solutions, les services de mise à disposition des données de consommation aux utilisateurs
et tiers autorisés proposés aujourd’hui par les gestionnaires de réseaux sont satisfaisants,8 mais devront
néanmoins être améliorés afin de favoriser l’émergence de nouveaux services au bénéfice des réseaux
et des consommateurs :
• les démonstrateurs les plus récents témoignent de l’intérêt de continuer à améliorer les
services existants afin de répondre aux enjeux d’interopérabilité et d’harmonisation au
niveau européen (notamment la création de plateformes européennes communes de partage
de données) ;
• certains travaux récents s’intéressent aussi à l’exploitation des données énergétiques
comme levier d’accélération de la transition énergétique au niveau local, avec par
exemple les collectivités locales pour suivre le développement des énergies renouvelables
(EnR).

7
Délibération n°2024-61 de la CRE du 28 mars 2024 portant communication de l’avancement des projets bénéficiant de
dérogations accordées dans le cadre du dispositif d’expérimentation réglementaire
8
Rapport d’évaluation de la performance des gestionnaires de réseaux sur le développement d’un réseau électrique intelligent,
CRE, décembre 2023

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réseaux intelligents
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Faciliter l’intégration de la mobilité électrique au réseau


Outre les solutions mentionnées précédemment visant à faciliter l’intégration de la mobilité électrique
au réseau, Enedis a travaillé sur des nouvelles solutions pour la recharge des VE (usage du courant
continu, induction dynamique). Ces solutions bien que prometteuses sont encore trop peu matures.
Ainsi, leur impact sur la qualité et la stabilité du réseau n’est pas encore totalement connu, les résultats
finaux des expérimentations en cours (comme celle du comptage en courant continu avec la société
NW, détaillée dans le rapport) devront permettre d’apporter des éléments de réponse à ces questions
et de confirmer l’intérêt de ces solutions.

Optimiser la planification, l’exploitation et la maintenance des réseaux


La numérisation des réseaux de gaz (installation de capteurs et actionneurs les rendant pilotables à
distance) permet une exploitation plus dynamique du réseau en lien avec l’intégration de la production
locale de gaz sur le réseau, ainsi que le développement d’outils de maintenance prédictive. La majorité
des expérimentations ont permis de valider l’intérêt et la faisabilité technique des cas d’usage testés,
mais n’ont que rarement évalué leur pertinence économique.

3. Des solutions techniques innovantes testées, mais non rentables


Exploiter les synergies entre les réseaux d’énergies
Des démonstrateurs ont pu valider la faisabilité technique des solutions visant à exploiter les
synergies entre les réseaux d’énergies (comme la valorisation d’énergie fatale libérée lors de la
détente du gaz dans les postes prévus à cet effet pour Ténore, ou le power-to-gas avec le projet
Jupiter1000 portés par GRTgaz). Cependant, la CRE constate que ces dernières ne sont pas
rentables dans le contexte économique actuel du fait de leurs coûts trop élevés. Par ailleurs, cette
analyse ne vaut que pour les démonstrateurs analysés dans ce rapport qui ne sont intéressés qu’au
couplage des réseaux d’électricité et de gaz.

Ces solutions n’ont pas vocation à être reproduites ou déployées en l’absence d’évolution du
contexte économique.

4. Améliorer le retour d’expérience des activités de Recherche et Développement des


gestionnaires de réseaux
Dans son précédent rapport de 2022, la CRE pointait des progrès à faire dans le suivi et l’exploitation
des résultats des expérimentations par les gestionnaires de réseaux, en particulier sur les volets
budgétaires et sur l’analyse économique des solutions testées, ainsi qu’un défaut de communication
sur leurs résultats.
La CRE avait alors demandé aux gestionnaires de réseaux d’assurer un suivi plus rigoureux des projets
en cours et de communiquer plus largement sur les projets en cours et achevés.
A l’issue de l’analyse des retours collectés en 2024, comme souligné précédemment, ce constat
négatif demeure pour la majorité des gestionnaires de réseaux, ce qui empêche de tirer
pleinement bénéfice de ces expérimentations : la réalisation d’une analyse coût-bénéfice (y compris
en cours d’expérimentation) doit être systématique.
Pour la CRE, il est indispensable que des travaux, financés à hauteur de plusieurs dizaines de millions
d’euros par les tarifs de réseaux, se soldent systématiquement par une conclusion argumentée justifiant
la généralisation ou non des solutions testées. La transparence et le partage des enseignements sont
dus aux consommateurs et aux citoyens finançant ces expérimentations.

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réseaux intelligents
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Les gestionnaires de réseaux ont un rôle central à jouer dans l’adaptation des systèmes énergétiques
pour permettre la transition énergétique. A ce titre, une partie de leurs travaux de R&D&I doit être
axée vers la préparation des réseaux aux évolutions à venir et permettre d'anticiper et d’accélérer
les adaptations des infrastructures de réseaux, ou de limiter le risque de coûts échoués (études de
conversion des infrastructures gazières notamment). En outre, l’enjeu de soutenabilité du tarif invite
à une maîtrise efficace des coûts de R&D&I et à l’industrialisation rapide des solutions
expérimentées au service des réseaux qui se sont avérées pertinentes.

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réseaux intelligents
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Introduction
La Commission de régulation de l’énergie (CRE) a notamment pour mission de réguler les réseaux de
gaz naturel et d’électricité et de veiller au bon fonctionnement des marchés de l’électricité et du gaz
naturel au bénéfice des consommateurs finals. Elle exerce ses missions en cohérence avec les objectifs
de la politique énergétique, en particulier ceux relatifs à la réduction des émissions de gaz à effet de
serre (GES), à la maîtrise de la demande en énergie, au développement de la mobilité propre et de la
flexibilité ainsi qu’à l’augmentation de la part de production d’énergie renouvelable (EnR) dans la
consommation d’énergie finale. Dans ce contexte, la CRE accompagne et encourage l’évolution des
réseaux d’électricité et de gaz vers des réseaux intelligents (« smart grids ») qui permettent de réduire
le coût des infrastructures et donc le coût final de l’électricité et du gaz.
Rendre les réseaux plus intelligents consiste à ajouter à la couche physique des réseaux historiques
une couche numérique à partir de laquelle il est possible de développer de nouvelles applications pour
répondre aux enjeux de la transition énergétique. Il s’agit à la fois d’un défi et d’une opportunité pour
cette transition. En effet, des réseaux électriques et gaziers intelligents permettront d’accélérer les
raccordements et l’insertion des EnR, de limiter les investissements et l’emprise physique des réseaux
et de maintenir la qualité de service malgré des flux d’électricité et de gaz complètement reconfigurés
et bien moins prévisibles.
La CRE s’est déjà dotée d’un éventail d’outils pour accompagner le développement des réseaux
intelligents :
• la publication d’un rapport bisannuel d’évaluation de la performance des gestionnaires de
réseaux sur le développement d’un réseau électrique intelligent 9 ;
• le bac à sable réglementaire, permettant de faciliter la réalisation d’expérimentations freinées
par le cadre réglementaire en vigueur 10 ;
• le financement et suivi de la recherche, développement et innovation (R&D&I) des gestionnaires
de réseaux ;
• le suivi de la performance dans le cadre de la régulation incitative des gestionnaires de réseaux.
Les acteurs du secteur réalisent depuis plusieurs années de nombreux démonstrateurs visant à tester
et évaluer la pertinence et la viabilité de solutions innovantes. Les démonstrateurs portés par les
gestionnaires de réseaux sont largement financés par les consommateurs, que ce soit au travers des
tarifs d’acheminements (TURPE, ATRT, ATRD) ou de financements publics (État, ADEME, collectivités,
programmes européens, etc.). Afin de tirer toute l’utilité de ces investissements en R&D&I, il est
nécessaire d’en recueillir les enseignements et de communiquer sur la viabilité des technologies et des
cas d’usages testés.
Le 11 juin 2020, la CRE a publié un premier retour d’expérience des démonstrateurs smart grids11. Dans
sa délibération, la CRE a communiqué sur les retours d’expérience d’une quinzaine de démonstrateurs.
Par la suite, la CRE a publié un deuxième rapport le 19 mai 2022 portant sur 36 démonstrateurs de
réseaux intelligents12 en cours ou achevés récemment, auxquels participent ou ont participé les
gestionnaires de réseau de distribution et de transport, d’électricité et de gaz. La CRE était revenue sur
les recommandations de la précédente délibération afin d’observer les évolutions intervenues, certaines
recommandations avaient été mises en œuvre quand d’autres pouvaient encore être suivies. Sur la
base de ce constat et du retour d’expérience des 36 démonstrateurs, de nouvelles recommandations
avaient été formulées par la CRE.

9
Rapport d’évaluation de la performance des gestionnaires de réseaux sur le développement d’un réseau électrique intelligent,
CRE, décembre 2023
10
Dispositif d’expérimentation réglementaire | CRE
11
Délibération n°2020-132 de la CRE du 11 juin 2020 portant communication sur le retour d’expérience des démonstrateurs Smart
grids
12
Retour d’expérience des démonstrateurs de réseaux intelligents, CRE, mai 2022

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Cette année, la CRE renouvelle cette démarche et publie ses analyses portant sur 30 démonstrateurs
en cours ou achevés récemment. Tous les réseaux sont concernés (réseaux de gaz et d’électricité,
réseaux de transport et de distribution) ainsi que toutes les géographies (métropole et zones non
interconnectées (ZNI)).
Le présent rapport a pour objet de faire le bilan de la mise en œuvre des recommandations issues du
rapport de 2022 et de continuer l’exercice de transparence entamé au travers des deux premières
éditions de ce travail en y ajoutant le retour d’expérience de ces nouveaux démonstrateurs. Enfin, une
nouvelle série de recommandations est proposée. Cet exercice s’inscrit dans une démarche globale
d’accompagnement et d’incitation des opérateurs à rendre leurs réseaux plus efficaces en tirant profit
des nouvelles technologies, notamment des smart grids. Le présent retour d'expérience s’inscrit
également dans un contexte de travaux menés sur les Tarifs d’Utilisation des Réseaux Publics
d’Electricité (TURPE 7), et les conclusions et recommandations présentées pourront conduire à
l’élaboration de nouvelles orientations de la régulation des activités de R&D&I des gestionnaires de
réseaux (RTE et Enedis dans un premier temps).

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1. La CRE dresse le bilan des recommandations formulées en 2022


Dans son rapport du 19 mai 202213, la CRE était revenue sur les recommandations formulées lors de
la première édition du rapport en 2020 en constatant des améliorations importantes et des leviers qu’il
était toujours possible d’activer et formulant ainsi une série de nouvelles recommandations. Le présent
rapport dresse à nouveau le bilan des actions entreprises à la suite du rapport de 2022.

1.1. Un manque de rigueur persistant dans le suivi des activités de Recherche


et Développement par les gestionnaires de réseaux
Dans son dernier rapport, la CRE avait constaté « un manque de rigueur dans le suivi et l’exploitation
des résultats des expérimentations par les gestionnaires de réseaux, en particulier sur les volets
budgétaires et sur l’analyse économique des solutions testées, ainsi qu’une réticence à communiquer
sur leurs résultats. Or, un suivi rigoureux est indispensable pour permettre de tirer des enseignements
des projets. La transparence et le partage des enseignements sont dus aux consommateurs et aux
citoyens finançant ces expérimentations ».
À l'issue de l'analyse approfondie des retours recueillis en 2024, il apparaît que le suivi des
résultats des expérimentations reste insuffisant chez la majorité des gestionnaires de réseaux,
ce qui limite l’exploitation des bénéfices que ces expérimentations pourraient offrir. En effet, pour
maximiser la portée de ces projets, la mise en place d'une analyse coût-bénéfice rigoureuse, y compris
en cours d'expérimentation, devrait être systématisée. À cet égard, la CRE estime qu'il est indispensable
que des travaux, financés à hauteur de plusieurs dizaines de millions d'euros via les tarifs des réseaux,
se concluent avec une analyse argumentée et détaillée. Celle-ci doit permettre de justifier, de manière
claire, la généralisation ou non des solutions testées. Toutefois, la CRE reconnaît des efforts dans la
qualité des analyses fournies par certains gestionnaires de réseaux, tels que Régaz Bordeaux, SRD,
ou encore Gérédis, qui se distinguent par une démarche plus rigoureuse.
La transparence et le partage des résultats de ces expérimentations sont essentiels vis-à-vis des
consommateurs et des citoyens qui, en finançant ces initiatives, doivent pouvoir accéder aux
enseignements tirés.
Même si la CRE partage les enjeux majeurs liés à la décarbonation, et le rôle primordial des réseaux et
infrastructures pour répondre à ces enjeux. La CRE est vigilante à ce que les tarifs de réseaux ne
financent pas des travaux en dehors du périmètre de l’activité régulée des gestionnaires de
réseaux. Ces travaux ne devraient pas inclure, par exemple, des stratégies de décarbonation pour des
acteurs privés ou encore la production d'énergie. Toutefois, certaines dépenses peuvent être
considérées comme légitimes si elles permettent d’anticiper les besoins futurs en matière d’adaptation
des infrastructures de réseaux, d’améliorer la résilience du système ou de réduire le risque de coûts
échoués. Cela concerne en particulier les études de conversion des infrastructures, qui sont essentielles
pour préparer la transition énergétique.
De manière plus générale, il est crucial de rappeler que l'enjeu de la soutenabilité des tarifs impose une
gestion efficace des coûts liés à la R&D&I. Cela implique de favoriser une industrialisation rapide des
solutions jugées pertinentes.

1.2. Des évolutions positives, néanmoins insuffisantes, en faveur du


développement de la mobilité électrique
La CRE considère que la recharge des véhicules électriques doit avoir majoritairement lieu lorsque cela
ne nécessite pas d’augmenter la production d’électricité carbonée et en dehors de la pointe de soutirage
sur les réseaux. Cela implique que le cadre réglementaire permette une restitution fidèle des signaux-
prix et que les acteurs privés s’en emparent pour piloter ou inciter à la recharge aux meilleurs moments.
Pour le cas particulier des ZNI, la CRE recommandait qu’un cadre incitatif soit élaboré pour tenir compte
des spécificités de ces territoires.

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Retour d’expérience des démonstrateurs de réseaux intelligents, CRE, mai 2022

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La CRE constate une avancée en la matière avec la mise en place d’un cadre incitatif dans ces territoires
via une aide aux bornes de recharges pilotables. En effet, le principal gestionnaire de réseau en ZNI,
EDF SEI, peut mener des actions de Maîtrise de la Demande en Energie (MDE) en finançant des actions
dont l’analyse coût-bénéfice est positive pour les systèmes électriques concernés 14. C’est dans ce cadre
qu’une action a été mise en place afin de permettre aux consommateurs de bénéficier de 200 euros
d’aide pour couvrir le surcoût correspondant au pilotage d'une borne (cablage) s’ils s’équipent d’une
prise renforcée ou d’une borne de recharge de véhicule électrique connectée. Il conviendra de s'assurer
que le pilotage de la recharge est bien mis en place par les utilisateurs de ces bornes.
Par ailleurs, les expérimentations (So MEL So Connected, SMAC et aVEnir) avaient montré que l’accès
aux données de charge des batteries a une valeur significative pour le pilotage de la recharge. La CRE
avait alors recommandé que les propriétaires des véhicules électriques (VE) puissent utiliser et partager
les données de charge de leurs véhicules avec les tiers de leur choix. Depuis, l’article 14 du règlement
européen 2023/154215 relatif aux batteries prévoit l’accès en lecture seule à des données relatives à
l’état de la batterie à son propriétaire et aux tiers autorisés à partir d’août 2024. Néanmoins, il conviendra
de s’assurer que les canaux d’accès à ces données ne freinent pas leur exploitation, par exemple via
des API16 standardisées.
Afin de faciliter l’intégration de la mobilité électrique aux réseaux, la CRE avait recommandé la
généralisation des Offres de Raccordement Intelligentes (ORI) pour les actifs flexibles, dont les
stockages et les infrastructures de recharge des véhicules électriques (IRVE), pour permettre la
généralisation des raccordements innovants des dépôts de bus, des flottes de VE. Concernant le
stockage, l’essor de la filière et la saturation du réseau public de transport par endroits à l’injection a
conduit RTE à développer des offres de raccordement optimisées (ORO) pour les stockages permettant
leur raccordement dans des zones saturées en contrepartie de limitations quelques heures par an en
cas d’apparition de contraintes. On dénombre aujourd’hui près de 2 GW de projets en file d’attente ayant
accepté une ORO. Ces offres de raccordement pour les stockages ou les IRVE sont encore au stade
de l’expérimentation sur les réseaux publics de distribution. Enedis expérimente notamment, dans le
cadre du bac à sable réglementaire 17, une nouvelle méthode d’étude de raccordement prenant en
compte le caractère contracyclique d’une installation de stockage et ses courbes de fonctionnement
envisagé permettant son raccordement dans une zone saturée à l’injection un certain nombre d’heures
par an.

1.3. Accès aux données de consommation énergétiques en opt-out : une


modernisation préalable du système d’information nécessaire
Avec le déploiement achevé des compteurs évolués sur les réseaux électriques et gaziers, l’accès aux
données de consommation fines des usagers offre de nombreuses opportunités pour la transition
énergétique et contribue à rendre de nombreux services au consommateur et à la gestion du système
électrique.

14
Délibération n°2023-59 de la CRE du 2 février 2023 portant décision relative au bilan de l’année 2021 et à la mise à jour des
cadres territoriaux de compensation pour les petites actions de MDE en Corse, en Guadeloupe, en Guyane, en Martinique, à
Mayotte et à La Réunion
15
Règlement (UE) 2023/1542 du Parlement européen et du Conseil du 12 juillet 2023 relatif aux batteries et aux déchets de
batteries, modifiant la directive 2008/98/CE et le règlement (UE) 2019/1020, et abrogeant la directive 2006/66/CE
16
Application Programming Interface ou « interface de programmation d’application » est une interface logicielle qui permet de
« connecter » un logiciel ou un service à un autre logiciel ou service afin d’échanger des données et des fonctionnalités.
17
La loi du 8 novembre 2019 relative à l'énergie et au climat, dite « loi Energie-Climat », a introduit un dispositif d'expérimentation
réglementaire (aussi appelé « bac à sable ») dans le secteur de l'énergie. Ce dispositif prévoit que la CRE puisse accorder des
dérogations aux conditions d'accès et à l'utilisation des réseaux et installations pour déployer à titre expérimental des technologies
ou des services innovants en faveur de la transition énergétique et des réseaux et infrastructures intelligents, pour une durée
maximale de 4 ans renouvelable une fois. Ce nouveau dispositif apporte un cadre juridique adapté aux projets permettant de
tester des innovations qui nécessiteraient in fine des évolutions du cadre réglementaire et législatif applicable.

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Le précédent rapport soulignait déjà les efforts fournis par les gestionnaires de réseaux, en particulier
Enedis et GRDF, dans la mise à disposition sécurisée de ces données aux consommateurs et aux
acteurs tiers autorisés. Il avait aussi souligné l’intérêt de disposer d’un historique significatif de ces
données de consommation et, pour ce faire, que le gestionnaire de réseau puisse, par défaut, collecter
et stocker les courbes de charges des compteurs, sauf opposition explicite des clients (consentement
en opt-out).
La CRE reste convaincue de l’intérêt de l’opt-out pour l’enregistrement des courbes de charges.
Cependant, les limites du système d’information actuel d’Enedis rendent impossible à court terme un
passage à l’opt-out. Pour répondre aux demandes croissantes des clients d’accès à leurs courbes de
charge, la modernisation du système d’information engagée par Enedis, afin d’augmenter sa
capacité à 50 % du parc, est considérée comme un chantier indispensable par la CRE, tout
comme le suivi de la mise à disposition et de la qualité de ces données.

1.4. Des solutions smart grids pour optimiser la planification, l’exploitation et


la maintenance des réseaux généralisées ou en cours de généralisation
La CRE avait demandé aux gestionnaires de réseaux de distribution « d’industrialiser rapidement les
fonctionnalités qui [s’étaient avérées] matures et bénéfiques pour la collectivité, et les [avait encouragés]
à continuer d’expérimenter de nouvelles fonctionnalités ».
RTE a entamé la généralisation du recours aux solutions, présentes dans le précédent rapport, que
sont les automates NAZA et les capteurs Dynamic Line Rating (DLR). Néanmoins ces solutions ont fait
l'objet d’un déploiement modéré jusqu'ici. En outre, les outils de maintenance prédictive sont de plus en
plus utilisés par les gestionnaires de réseaux tel que l’outil CARTOLINE BT d’Enedis pour la détection
de pannes, les outils de traitement big data pour la caractérisation de défaillances, l’outil DORA pour
les Diagnostic d’Ouvrage des Réseaux Aériens ou encore l’outil AGATH pour la remontée en temps réel
de l’état des transformateurs.

1.5. Optimiser les investissements en rendant les réseaux plus flexibles : des
premiers recours au stockage à pérenniser
Dans son rapport en 2022, la CRE appelait au « recours à des solutions de stockage [lorsque] leurs
coûts sont inférieurs à ceux d’autres solutions de flexibilités, d’écrêtement de la production ou de
renforcement des réseaux ».
RTE a désigné le lauréat de l’appel d’offres expérimental lancé en juin 2022 sur la zone de Perquié
dans le département des Landes. L’appel d’offres consistait à faire un arbitrage entre l’adaptation du
réseau et une solution de stockage raccordée en HTB, pour permettre de reporter ou d’éviter un
investissement réseau. De son côté, Enedis prend en compte les flexibilités, dont le stockage, pour
optimiser le dimensionnement de son réseau avec son projet Réflex ainsi que ses appels d’offres
flexibilité locale avec 41 MW de stockage sélectionnés en 2024.

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Rapport portant communication sur le retour d’expérience des démonstrateurs de
réseaux intelligents
26 novembre 2024

2. La CRE présente les retours d’expérience de 30 démonstrateurs


en cours ou achevés récemment
Dans le présent rapport, la CRE publie les retours d’expérience de 30 démonstrateurs (15 en cours, et
15 achevés récemment) auxquels participent ou ont participé les gestionnaires de réseaux de gaz et
d’électricité, et dont les conclusions n’ont jusqu’à présent pas été pleinement tirées. La répartition de
ces démonstrateurs par gestionnaire de réseau est présentée ci-dessous :

GRTgaz Terega
1 EDF SEI
GRDF 1 3
2
Régaz-Bordeaux
2

GRTGaz & GRDF


1

GRTgaz & Terega & Enedis


RTE 10
1
RTE & GRTgaz
1

Enedis & RTE


RTE
1
1
SRD Gérédis
5 1

EDF SEI Enedis Gérédis SRD


RTE Enedis & RTE RTE & GRTgaz GRTgaz & Terega & RTE
GRTGaz & GRDF Régaz-Bordeaux GRDF GRTgaz
Terega

Figure 1 : Répartition des démonstrateurs par gestionnaire de réseau

Dans son précédent rapport de 2022 portant communication sur le retour d’expérience des
démonstrateurs de réseaux intelligents, la CRE avait analysé 36 démonstrateurs en cours ou achevés
récemment, sur la période 2012-2021 pour un budget de 307 millions d’euros dont 203 millions d’euros
financés par les tarifs des gestionnaires de réseaux.
Les démonstrateurs initiés depuis la dernière édition de ce rapport représentent environ 40 millions
d’euros supplémentaires qui seront investis par les gestionnaires de réseaux dans des démonstrateurs
de réseaux intelligents. Les démonstrateurs étudiés dans cette nouvelle édition représentent environ
215 millions d’euros de budgets totaux dont 80 millions d’euros couverts par les tarifs d’utilisation des
réseaux, et 17 millions d’euros de subventions, le reste étant couvert par des acteurs externes
(entreprises privées, universités, gestionnaires de réseaux étrangers, etc.).
La répartition de ces budgets par gestionnaires de réseau est présentée ci-dessous :

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GRTgaz Terega
19 000 k€ 588 k€ EDF SEI
GRDF
14 496 k€
7 480 k€

Régaz-Bordeaux Enedis
52 k€ 36 395 k€
GRTGaz & GRDF
16 300 k€ Gérédis
670 k€

SRD
GRTgaz & Terega & 2 953 k€
RTE
39 300 k€

RTE
RTE & GRTgaz 63 000 k€
12 909 k€ Enedis & RTE
1 586 k€
EDF SEI Enedis Gérédis SRD
RTE Enedis & RTE RTE & GRTgaz GRTgaz & Terega & RTE
GRTGaz & GRDF Régaz-Bordeaux GRDF GRTgaz
Terega

Figure 2 : Répartition des budgets totaux des démonstrateurs dans lesquels les gestionnaires
de réseaux sont impliqués (k€)

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Rapport portant communication sur le retour d’expérience des démonstrateurs de
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26 novembre 2024

Les tarifs d’utilisations des réseaux (TURPE, ATRD, ATRT) contribuent aux budgets de ces projets, pour
chaque gestionnaire de réseau concerné, selon la répartition suivante :

Terega
GRTgaz
355 k€
11 200 k€ EDF SEI
14 496 k€
GRDF
7 480 k€

Régaz-Bordeaux
52 k€
Enedis
GRTGaz & GRDF 14 420 k€
3 k€
Gérédis
573 k€

SRD
GRTgaz & Terega & 1 279 k€
RTE
24 100 k€ RTE
RTE & GRTgaz
Enedis & RTE 1 600 k€
3 198 k€
1 111 k€

EDF SEI Enedis Gérédis SRD


RTE Enedis & RTE RTE & GRTgaz GRTgaz & Terega & RTE
GRTGaz & GRDF Régaz-Bordeaux GRDF GRTgaz
Terega

Figure 3 : Répartition des budgets des démonstrateurs financés par les tarifs d’utilisation des
réseaux (k€)

La baisse des budgets consacrés aux démonstrateurs smart grids s’explique par plusieurs raisons.
Premièrement, les démonstrateurs les plus récents ont des budgets moindres que ceux déjà présents
dans le précédent rapport comme l’illustre le graphique ci-dessous :

10 10 9
démonstrateurs

8
Nombre de

6 5
4 3
2
2 1
0
Budget tarif < 500k€ 500k€ < Budget tarif <1M€ Budget tarif > 1M€

Démonstrateurs déjà présents dans le précédent rapport Nouveaux démonstrateurs

Figure 4 : Comparaison des démonstrateurs selon leur niveau de financement par les tarifs
d’utilisation des réseaux et selon leur présence ou non dans le rapport 2022

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Dans le même temps, plusieurs démonstrateurs clôturés lors du dernier rapport, et donc absents du
rapport 2024, avaient des budgets importants couverts par le tarif : Millener 18 (26,5 M€), Poste
Intelligent19 (32 M€), GRHYD20 (15,3 M€) ou TEX (40 M€)21.
Cette tendance à ce que les projets plus récents fassent l’objet de budgets moins conséquents peut
s’expliquer par la nature des démonstrateurs. Alors que les premiers démonstrateurs smart grids
nécessitaient l’investissement dans des solutions matérielles notamment via le déploiement de
capteurs ou actionneurs sur les réseaux (DLR dans le cadre de Poste Intelligent ou solution de
télésurveillance sur 4 600 postes de détente pour TEX), une majorité de projets récents (8/15)
consistent en des solutions type logiciel et donc souvent moins coûteuses.

70
62
60

50 47
Budget (M€)

39
40 35
28 2022
30

17 2024
20 15
8
10 5 4
0
Modélisation et Insertion des Flexibilité et Mobilité Données
observabilité des production de exploitation des électrique
réseaux gaz réseaux
décentralisées

Figure 5 : Répartition approximative et comparaison des budgets couverts par les tarifs par
thématique (en M€)

Enfin, cette tendance s’explique aussi par la baisse globale du nombre de démonstrateurs en
cours ou terminés récemment (passage de 36 à 30).
Les retours d’expérience des démonstrateurs étudiés ont été répartis en 6 thématiques présentées ci-
dessous. Certains des 30 démonstrateurs étudiés peuvent être abordés dans plusieurs de ces
catégories.

18
Le démonstrateur MILLENER a testé de nouvelles solutions en Corse, en Guadeloupe et à la Réunion, afin de garantir en
temps réel, l’équilibre entre l’offre et la demande d’électricité (lien vers la fiche démonstrateur).
19
Le démonstrateur Poste Intelligent visait à numériser des composants des infrastructures de réseau HTB dans les postes
électriques pour avoir une connaissance plus fine de l’état du réseau et de son environnement et pour avoir une meilleure gestion
des flux sur les réseaux (lien vers la fiche démonstrateur).
Le démonstrateur GRHYD est une des initiatives pionnières en France pour le développement de l’hydrogène et du Power-to-
20

Gas (lien vers la fiche démonstrateur).


21
TEX désigne le programme opérationnel de digitalisation du réseau de distribution GRDF (lien vers la fiche démonstrateur).

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Rapport portant communication sur le retour d’expérience des démonstrateurs de
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Faciliter l’intégration de la mobilité


électrique au réseau (2.1)
4 6 Proposer de nouveaux services
aux consommateurs sur la base de
4 leurs données énergétiques (2.2)
Mobiliser la flexibilité des usagers
6 au service des réseaux (2.3)

Optimiser la planification,
9 l’exploitation et la maintenance des
réseaux (2.4)
7
Faciliter l’accès des productions de
gaz décentralisées aux réseaux
(2.5)

Figure 6 : Thématiques étudiées par les gestionnaires de réseaux dans le cadre des
démonstrateurs smart grids

Ces thématiques structurent la deuxième partie de ce rapport. De plus, dans cette édition, la CRE a
souhaité aller plus loin que dans les précédentes en ajoutant des démonstrateurs internationaux sur le
sujet des smart grids afin de mettre en valeur des innovations qui pourraient demain présenter un intérêt
pour les réseaux énergétiques français. Ces démonstrateurs internationaux sont mis en avant par des
encadrés dédiés présentant une brève description des expérimentations menées.

2.1. Faciliter l’intégration de la mobilité électrique au réseau


Le transport routier représente 29 % des émissions territoriales de gaz à effet de serre en France 22, son
électrification est un levier essentiel pour réduire le recours aux énergies fossiles ainsi que les pollutions
atmosphériques et sonores. Cette transition indispensable n’est toutefois pas sans effet sur les
réseaux électriques, le système de production et les coûts portés par les consommateurs. Les
smart grids à travers le pilotage intelligent de la recharge, l’optimisation du raccordement des IRVE et
l’expérimentation de nouvelles solutions techniques pour la recharge, sont des leviers à la main des
acteurs, et des gestionnaires de réseaux en particulier, nécessaires pour faciliter leur intégration
au système électrique.

2.1.1. Pilotage intelligent de la recharge et vehicule-to-grid


Le développement de la mobilité électrique peut générer des coûts importants pour le système
électrique. La flexibilité peut être un bon moyen de diminuer les coûts de la recharge et donc de
favoriser le développement de la mobilité électrique en facilitant son intégration. Le déplacement
de la recharge aux heures où le réseau est le moins sollicité et où le moyen marginal de production
d’électricité est décarboné est un levier pour diminuer les coûts de réseaux, de raccordement, de
l’électricité et son impact environnemental.

22
Chiffres clés des transports Edition 2024, Service des données et études statistiques, mars 2024, part des émissions du
transport intérieur imputable aux voitures particulières, poids lourds et véhicules utilitaires légers)

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Le projet EDEN4SG, récemment lancé par SRD porte sur le pilotage d’une large flotte de véhicules
électriques, la coordination entre acteurs pour le recours aux flexibilités de ces véhicules et le coût
complet de leur pilotage. Le premier objectif de l’expérimentation consiste à développer une stratégie
de gestion de l'énergie efficace, en temps réel et décentralisée, en tenant compte des contraintes du
réseau pour la recharge/décharge intelligente à grande échelle des flottes de véhicules électriques
(développement d’un algorithme). Le deuxième objectif du projet EDEN4SG consiste à quantifier le coût
économique et énergétique de la collecte et du partage des données liées aux IRVE sur le réseau (coûts
des capteurs, stockage et transite de la donnée), puis à concevoir conjointement le réseau électrique
et son infrastructure informatique de supervision dans la recherche d’un optimum technico-économique
global prenant en compte le réseau électrique et celui de l’information. Ce projet ne comporte pas de
résultats pour le moment.
Depuis le dernier rapport, les projets So MEL So Connected, SMAC (SMart CHarging) et aVEnir,
menés entre autres par Enedis, se sont clôturés. Ces derniers ont étudié différents cas d’usages du
pilotage de la recharge, allant d’un pilotage en fonction des consommations et des contraintes locales,
à l’appel au Vehicule-to-Grid 23(V2G) pour des besoins locaux du réseau en passant par le pilotage de
la recharge pour optimiser les puissances de raccordement.
Les résultats finaux du démonstrateur aVEnir confirment les premiers résultats partagés en 2022. En
particulier concernant la faisabilité technique du pilotage des IRVE. Dans le cadre du projet, trois
solutions techniques ont été testées et éprouvées sur le terrain pour la transmission d’un signal
contenant une période de modulation de puissance de recharge, ainsi que la limite de puissance
demandée sur cette période, par le gestionnaire de réseau vers une infrastructure de recharge :
transmission de « Système d’information à Système d’information » via API24, transmission via le
compteur Linky, et transmission via le compteur Marché d’Affaires25. Le démonstrateur a aussi permis
de tester et valider le cas où Enedis n’envoie pas directement des consignes de pilotage aux
opérateurs d’infrastructure de recharge selon un signal réseau comme dans les autres cas d’usage,
mais passe par une plateforme de flexibilités pour exprimer les besoins à une maille du réseau et
interagir avec un agrégateur de flexibilité. La chaine de communication du signal de modulation
de puissance passe par le portail Info-Flex, la plateforme de référence des flexibilités chez
Enedis. Le succès de cette expérimentation confirme la possibilité des IRVE à participer aux
marchés de flexibilité locale d’Enedis.

Messages & recommandations


Ces solutions sont des briques technologiques essentielles pour le pilotage de la recharge
permettant la participation des IRVE aux différents mécanismes de flexibilités, mais aussi
d’optimiser leur raccordement. Les gestionnaires de réseaux doivent désormais industrialiser
ces solutions en coordination avec les acteurs afin de s’assurer du caractère interopérable
des solutions déployées. En effet, comme en 2022, les résultats définitifs du démonstrateur
aVEnir rappellent l’importance de la standardisation des protocoles de communication.

Les démonstrateurs So MEL So Connected et SMAC qui se sont intéressés respectivement à la


flexibilité générée par les IRVE et au pilotage intelligent des recharges des VE, notamment en cherchant
une optimisation du temps de recharge de ces VE sur les périodes de production éolienne et de
consommation modérée à faible sur le réseau, n’ont pas apporté de nouveaux enseignements. La CRE
regrette que les retours d’expérience fournis ne permettent pas de comprendre clairement les
enseignements tirés, et en particulier les solutions qui ont pu faire l’objet de généralisation.

23
Le vehicle-to-grid (V2G) est un mode d’utilisation de la recharge bidirectionnelle (ou réversible) permettant de restituer une
partie de l’énergie stockée dans la batterie en la réinjectant sur le réseau public d’électricité. Chaque véhicule agit alors comme
une petite batterie connectée au réseau et qui, mutualisée avec d’autres par un agrégateur, permet de fournir des services aux
réseaux (services systèmes fréquence, arbitrage d’énergie, résolution de congestion, etc).
24
Application Programming Interface ou « interface de programmation d’application » est une interface logicielle qui permet de
« connecter » un logiciel ou un service à un autre logiciel ou service afin d’échanger des données et des fonctionnalités
25
Compteur utilisé dans le cadre des raccordements Basse Tension de puissance supérieure à 36 kVA

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26 novembre 2024

Focus international

Véolia : Les camions de collecte de déchets comme source d’électricité flexible au


Royaume-Uni

Au Royaume-Uni, l’entreprise Véolia a équipé deux camions de collecte de déchets d’une technologie
de charge bidirectionnelle. Ces véhicules, ayant la capacité de charger et décharger 110 kW, ont
permis de fournir l’électricité nécessaire à 110 foyers pendant plus de deux heures au moment de la
demande de pointe du soir. Le démonstrateur montre que les camions poubelles sont
particulièrement adaptés au V2G. En effet, leurs batteries sont six fois plus capacitaires que celles
des véhicules électriques et leur consommation est stable et prévisible. 26

2.1.2. Optimisation du raccordement des IRVE


Actuellement, le territoire métropolitain continental compte plus de 145 000 points de charge ouverts au
public27, dont 23 000 à haute puissance28. Ils assurent d’ores et déjà un bon maillage du territoire. Il est
nécessaire d’adapter le dimensionnement des infrastructures aux besoins de mobilité, en tenant
compte des capacités et des coûts induits pour les réseaux.
Le coût des raccordements joue sur l’attractivité de la mobilité électrique et peut conduire à renchérir le
coût de la transition pour la collectivité. Un raccordement coûteux est souvent un raccordement plus
long à réaliser. Or, les délais de raccordement sont souvent sur le chemin critique des projets
d’installation de points de charge. Ils doivent être maitrisés pour ne pas freiner la dynamique
d’électrification. Plusieurs leviers d'optimisation existent et permettraient des raccordements
moins chers et plus rapides.
Dans le cadre du démonstrateur aVEnir, Enedis a observé et analysé la recharge de véhicules
électriques dans différents types d’usages (sites tertiaires, voirie, résidentiel…), et des situations de
recharge naturelle (sans action extérieure) ou pilotée pour en observer les effets. Plus de 200 sites ont
été recrutés pour contribuer à l’expérimentation, représentant plus de 1 400 points de charge. L’analyse
statistique de ces données établit une corrélation inversement proportionnelle entre le nombre de points
de charge et le foisonnement de la recharge, montrant que les flottes de véhicules nombreux foisonnent
fortement. Il a été observé dans la grande majorité des cas un taux de foisonnement d’au moins 40 %,
pouvant toutefois être dépassé très ponctuellement (de l’ordre de 2 % du temps). Ce constat ne
s’applique cependant pas aux sites en voirie et aux petits sites (moins de 10 points de charge). Il a
également été observé que les puissances maximales atteintes pour recharger une flotte représentent
une période réduite (seulement 1 à 2 % du temps observé) ce qui plaide pour un pilotage de la recharge
ciblé sur ces périodes. Ces résultats confirment le potentiel d’optimisation de la puissance de
raccordement des IRVE publiques et tertiaires.
Grâce aux solutions technologiques développées durant le projet aVEnir (cf. sous-partie précédente),
Enedis a expérimenté avec succès en situation réelle des bridages de la recharge d’une IRVE
par envoi d’un signal de modulation de puissance de recharge afin de simuler le cas d’un
raccordement flexible pouvant faciliter le raccordement des IRVE dans des zones présentant des
contraintes ou saturée. Une architecture a été définie pour permettre la mise en œuvre de ces
raccordements, comprenant un dispositif de mesure de l’état du réseau BT et de remontée de ces
informations, un algorithme de décision d’action en cas de dépassement de valeurs limite de puissance
de recharge, ainsi qu’un dispositif d’envoi de demande de modulation de puissance vers l’IRVE
concernée par l’offre. L’ensemble de ces éléments constituant une chaine de détection/action
automatique, permettant de moduler la puissance de recharge uniquement dans les périodes de
contrainte. Cette expérimentation confirme ainsi l’intérêt du recours à de telles offres de raccordement

26
Pour plus d’information : https://www.veolia.com/fr/nos-medias/communiques-presse/veolia-reussit-demonstration-pionniere-
v2g-au-royaume-uni-camions
27
Baromètre national des infrastructures de recharge ouvertes au public, Avere-France, Ministère de la Transition écologique et
de la Cohésion des territoires, Gireve, Septembre 2024
28
Puissance supérieure à 50 kW

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Rapport portant communication sur le retour d’expérience des démonstrateurs de
réseaux intelligents
26 novembre 2024

intelligentes, afin de permettre un raccordement moins cher et plus rapide en échange de limitations
ponctuelles de puissance.

Messages & recommandations


La CRE demande aux gestionnaires de réseau électrique de faire évoluer les procédures de
raccordement afin d’y inclure des offres de raccordement intelligentes (ORI) pour les actifs
flexibles, notamment stockages et IRVE, afin de les proposer systématiquement quand cela
s’avère pertinent.

2.1.3. Nouveaux systèmes de recharge


En parallèle du déploiement des solutions de recharge déjà matures, de nouvelles pistes et
technologies sont à l’étude pour améliorer ou proposer des alternatives aux propriétaires de VE
et d’IRVE. L’intégration sécurisée et réussie de ces nouveaux systèmes de recharge nécessite
l’association des gestionnaires de réseaux à ces projets.
De nombreux signes démontrent un intérêt croissant pour l’utilisation du courant continu : la plupart des
installations EnR, le stockage et les véhicules électriques produisent et/ou consomment en courant
continu. Face à ce constat, certains acteurs développent des solutions mixant production
photovoltaïque, stockage et IRVE connectés entre eux en courant continu. La société NW Joules
déploie notamment des IRVE de forte puissance (150 kW) fonctionnant en courant continu adossées à
des infrastructures de stockage existantes en mutualisant les installations intérieures de conversion
AC/DC permettant de réduire les pertes. L’IRVE est alors raccordée en décompte de l’installation de
stockage en courant continu. Enedis prend part à ce projet IECharge pour expérimenter un
système de comptage en courant continu qui pourrait être réemployé dans d’autres cas d’usage.
La solution développée par Enedis a permis la certification d’un compteur adapté et la première
mise en service d’un service de décompte en courant continu fin 2022. L’expérimentation s’est
étendue à 24 sites de NW. Le retour d’expérience définitif est en cours d’élaboration et devra permettre
de déterminer les conditions pour une généralisation du décompte en courant continu.
Enedis a aussi pris part au projet européen Incet-EV pour les cas d’usage visant à tester un système
de recharge sans contact en roulant, appelé « induction dynamique ». Ce mode de charge
présente plusieurs avantages : simplicité de l’acte de recharge pour le conducteur, réduction de la taille
des batteries et donc du coût des VE, gain d’espace dans les villes. Par ailleurs, la recharge s’effectue
à puissance modérée et de manière plus diffuse le long de la route, ce qui est moins impactant pour le
réseau que la recharge via une borne ultrarapide. Enedis a réalisé avec succès les travaux de
raccordement des deux démonstrateurs. En 2023, des essais qualité de l’électricité ont été menés sur
le démonstrateur basse vitesse (30 km/h) en zone urbaine. Dans l'ensemble des tests, les résultats sont
satisfaisants à l'exception de la bande de fréquences 9-150 kHz, où des dépassements de fréquence
importants ont été observés. Il conviendra de résoudre ces dysfonctionnements avant une éventuelle
généralisation afin de garantir une compatibilité optimale avec d'autres équipements.

Messages & recommandations


De nouvelles solutions pour la recharge des VE (usage du courant continu, induction
dynamique) bien que prometteuses sont encore peu matures.
De plus, leur impact sur la qualité et la stabilité du réseau n’est pas encore totalement connu,
les résultats finaux des expérimentations en cours (comme celle du comptage en courant
continu avec la société NW, détaillée dans le rapport) devront permettre d’apporter des
éléments de réponse à ces questions et de confirmer l’intérêt de ces solutions.
La CRE encourage les gestionnaires de réseau à lancer de nouvelles expérimentations
innovantes avec les acteurs de la flexibilité en fonction de leur besoin et à industrialiser en
cas de résultats positifs les solutions testées.

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26 novembre 2024

Focus international

Incet-EV : Démocratiser l’utilisation du véhicule électrique

Incet-EV est un projet européen regroupant 8 pays avec un budget de près de 18 millions d’euros.
L’objectif premier d’Incet-EV est d’étudier et d’améliorer l’expérience des utilisateurs de véhicules
électriques. Grâce à des méthodes de recherche (revues de littérature, enquêtes, analyse de
données) et des expériences de terrain avec 9 démonstrateurs, Incit-EV souhaite accroître les
connaissances sur les préférences (conscientes ou non) des utilisateurs afin de promouvoir
efficacement la mobilité électrique.

Les démonstrateurs testent des technologies qui pourraient lever les freins existants à la mobilité
électrique. C’est le cas en France et en Espagne avec la recharge inductive, statique ou dynamique,
qui répond au problème d’autonomie des véhicules électriques. Des démonstrateurs aux Pays-Bas
ou en Lettonie cherchent, quant à eux, à pallier le temps de recharge en développant des bornes de
charge ultrarapides. Finalement, d’autres initiatives, aux Pays-Bas, se concentrent sur les effets
socio-économiques d’un système mettant à disposition des habitants d’un quartier plusieurs
véhicules électriques en autopartage ainsi que trois stations de charge bidirectionnelle.

2.2. Proposer de nouveaux services aux consommateurs sur la base de leurs


données énergétiques
Le comptage évolué et les données qui en sont issues sont une source d’innovations pour la
création de services qui apporteront des bénéfices aux consommateurs finals. Ces services sont
développés par des acteurs de l’ensemble de la chaîne de valeur (gestionnaires de réseaux,
fournisseurs d’énergie, fournisseurs de services, etc.). Dans ses précédentes publications, la CRE avait
déjà souligné que l’accès à des données fiables, de qualité et sécurisées est une condition sine qua
non du développement de nouvelles offres et services intelligents au bénéfice conjoint du système
électrique et du consommateur.
Les gestionnaires de réseaux français ont d’ores et déjà développé ces dernières années les outils pour
permettre le partage sécurisé de ces données aux consommateurs ainsi qu’aux tiers autorisés. Enedis
à travers les projets européens EDDIE et InterConnect collabore avec ses homologues européens
et les acteurs de la filière sur les enjeux d’interopérabilité et de standardisation pour l’échange
et le partage de ces données. Le projet InterConnect vise à développer un écosystème interopérable
entre GRD européens et acteurs du marché pour faciliter la transmission des données récoltées auprès
du consommateur, en vue de lui proposer des services innovants comme des offres de fourniture
dynamique et un accès à ses données en temps réel. Le projet EDDIE consiste, quant à lui, à
développer une plateforme open source unifiée et décentralisée qui permettra à des fournisseurs de
s’interconnecter aux différents distributeurs en Europe afin de proposer des services innovants. Dans
le cadre de ce projet, Enedis travaille à intégrer Data Connect (la plateforme permettant le partage et
l’accès des données issues des compteurs Linky par API) à la plateforme commune européenne. Ces
démonstrateurs doivent néanmoins faire face à plusieurs obstacles notamment techniques (définition
de standards, protocoles et solutions communes) et se conformer au cadre réglementaire, en particulier
vis-à-vis de la politique de protection des données (RGPD29).
A l’opposé de cette échelle continentale pour l’harmonisation des données et plateformes d’échange,
les gestionnaires de réseaux français s’impliquent dans des projets et démonstrateurs à des échelles
bien plus locales exploitant le potentiel des données énergétiques. Ainsi Enedis, à travers le
démonstrateur européen Response, a mis à disposition de la ville de Dijon, des données centralisées
dans un DataHub pour l’aider à faire émerger des îlots à énergie positive. L’accès à ces données
nourrissent un tableau de bord énergétique et climatique sur l'ensemble du territoire de la Métropole
dijonnaise pour suivre les résultats, aider la prise de décision et communiquer.

29
Règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques
à l'égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données

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Rapport portant communication sur le retour d’expérience des démonstrateurs de
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Dans le cadre du projet West Grid Synergy, GRTgaz et Sorégies travaillent à développer une
plateforme permettant d’échanger des données localement entre producteurs, consommateurs et
gestionnaires de réseau. Appelée « MonGazDuCoin », cette plateforme collecte et traite des données
locales, afin de permettre une visualisation de celles-ci par les différents acteurs. Les données
partagées (prévisions de consommation et production) permettent d’envoyer une alerte de type
« Ecowatt » aux producteurs de biométhane afin de les inciter à réduire leur niveau d’injection et donc
diminuer l’usage de rebours ou le recours au torchage. Le partage de ces informations est facultatif,
n’engage en rien les usagers du réseau et ne fait l’objet d’aucune incitation financière. La plateforme
répond aux objectifs d’optimisation du fonctionnement du réseau, de planification et de pilotage des
équipements.
Enfin, deux démonstrateurs, So MEL So Connected et Saint-Nicolas des Glénan, ont testé des
solutions d’usage de données énergétiques en temps réel en vue d’une consommation plus intelligente.
Pour So MEL So Connected, Enedis et EDF ont tenté de proposer des dispositifs d’affichage déporté
de la consommation à des clients. Seuls 6 foyers ont accepté de l’expérimenter, leur utilisation s’étant
limitée à quelques semaines. Un manque d’intérêt, ainsi qu’un affichage trop complexe peuvent
expliquer le faible succès de l’outil : le dispositif n’a pas fait l’objet d’une généralisation en l’absence de
résultat positif. Dans le cadre du démonstrateur Saint-Nicolas des Glénan visant la décarbonation du
réseau local isolé via le pilotage intelligent d'une communauté d’énergie, Enedis a mis en place un
signal lumineux (vert-orange-rouge) chez les consommateurs pour les informer en temps réel de la
disponibilité de la production renouvelable. A la fin de la période d’expérimentation, Enedis a recueilli
les retours auprès des principaux clients de l’île pour connaître leur perception de la solution, savoir s’ils
ont adopté des écogestes lors des phases de contraintes permettant ainsi de limiter le recours aux
groupes électrogènes. Ces échanges ont révélé un faible intérêt pour ce service. De plus, il a été jugé
que ce type de service relève davantage des responsabilités des fournisseurs d’énergie. Le service a
été abandonné, sa valeur et sa réplicabilité ayant été jugées insuffisantes pour le gestionnaire de
réseau.

Messages & recommandations


En conclusion, le niveau de service pour la mise à disposition des données de consommation
aux utilisateurs et tiers autorisés proposé aujourd’hui par les gestionnaires français est déjà
satisfaisant1.
Cependant, les démonstrateurs les plus récents témoignent du besoin de continuer à
améliorer les services existants afin de répondre aux enjeux d’interopérabilité et
d’harmonisation au niveau européen (notamment la création de plateformes de partage de
données communes au niveau européen).
Des travaux récents s’intéressent aussi à l’exploitation des données énergétiques comme
levier d’accélération de la transition énergétique au niveau local (par exemple avec la mise à
disposition de données auprès des collectivités locales pour suivre le développement des
EnR et la transition énergétique sur leur territoire).
La CRE invite les collectivités territoriales ne l’ayant pas encore fait à se saisir de ce levier
afin de tirer un maximum de profit de ces services et outils mis à disposition par les
gestionnaires de réseaux français.

2.3. Mobiliser la flexibilité des usagers au service des réseaux


Pour le système électrique, la flexibilité est la capacité d’un moyen de production, de consommation ou
de stockage à modifier sa courbe d’injection ou de soutirage à la demande. La flexibilité dite « d’équilibre
offre-demande » permet de répondre à un des besoins fondamentaux du système électrique qui est le
maintien à tout instant de l’équilibre entre les injections d’électricité et les soutirages. La flexibilité
« réseau » permet un dimensionnement au plus juste des réseaux en permettant de réduire les pics de
transit. Ces différents types de flexibilités sont plus que jamais nécessaires dans un mix électrique dans
lequel la proportion d’énergies renouvelables, non pilotables, croît.

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2.3.1. Un pilotage plus dynamique au service de l’intégration des EnR


Le projet mené sur l’île de Sein (environ 250 habitants) permettant de tester et de valider le bon
fonctionnement technique et opérationnel du microréseau de l’île à travers l’utilisation de nouvelles
techniques (Energy Management System (EMS), batteries) ainsi que par l’évolution de comportements
des usages du réseau (meilleure isolation, efficacité énergétique) a été présenté en 2022. Celui-ci est
désormais considéré comme clos. Depuis, l’utilisation de la flexibilité d’un osmoseur (installation
permettant la désalinisation de l’eau de mer) et son optimisation par l’EMS de l’île a permis de limiter
le dimensionnement des batteries et d’intégrer davantage de production renouvelable sur l’île
en positionnant les soutirages de l’installation aux moments les plus opportuns pour le réseau. Les outils
et techniques mis en place pour ce démonstrateur (faisabilité technique de l’intégration d’un fort taux
d’EnR, utilisation de batteries ou de flexibilités) ont été généralisés sur l’île et pourront servir pour
d’autres ZNI rencontrant les mêmes contraintes.
Sur l’île d’Ouessant (environ 850 habitants), une expérimentation a été menée par EDF SEI afin
d’instaurer un placement dynamique des Heures Creuses en fonction des marées. En effet, une
installation de production hydrolienne se trouve au large de l’île ce qui permet des plages temporelles
où l’électricité est très abordable et décarbonée. Le gestionnaire de réseau a mis en place cette
expérimentation avec 30 clients, les heures creuses sont placées dynamiquement sur les créneaux
horaires ou l’hydrolienne produit le plus afin d’inciter ces clients à consommer aux moments les plus
favorables pour le réseau. Le signal prix a bien été reçu par les compteurs dans 100 % des cas. Les
résidents ont réagi à ce signal en évitant ainsi l’écrêtement d’EnR durant 25 heures, bien qu’une partie
soit tout de même restée nécessaire. La généralisation de ce projet a été mise en pause à la suite de
difficultés de l’entreprise gestionnaire de l’hydrolienne.
En France continentale, SRD a réalisé une étude nommée GAC – pour Gestion Anticipée des
Contraintes – qui permet de solliciter la flexibilité à la baisse des actifs de production renouvelables,
c’est-à-dire de gérer les écrêtements de la manière la plus optimale. Un algorithme de prévision court
terme permet en effet de piloter en temps réel la production et de réduire de l’ordre de 20 % l’énergie
non injectée sur le réseau au moment de l’écrêtement. Le coût d’intégration de ce type d’algorithme à
l’outil de conduite du réseau est en cours d’évaluation.
De son côté, Gérédis a développé et expérimenté dans le cadre du démonstrateur MAESTRO (Modèle
Appliqué des Énergies Supervisées en Temps réel par du Renouvelable Optimisé), un logiciel pour
piloter automatiquement les charges électriques des ballons d’eau chaude en fonction de la production
EnR mesurée localement au poste source. Le système d’information et les algorithmes développés
permettent d'estimer en J-1 les contraintes réseaux et les besoins de flexibilité associés, puis de générer
les ordres nécessaires à envoyer aux actifs pilotés. Les essais menés en 2022 ont permis à Gérédis de
valider la solution technique développée pour le pilotage dynamique de la consommation sur la base
d’un signal émis par le GRD. Afin d’évaluer l’intérêt économique d’une généralisation du pilotage de
Ballons d’eau chaude (BEC) un travail d’extrapolation par simulation a été réalisé sur l’ensemble des
postes sources qui présentent un bon potentiel de production EnR. Une généralisation du pilotage des
VE a aussi été analysée. Gérédis a estimé le gain économique à travers la réduction du coût
d’acheminement de l’électricité annuel payé par Gérédis au gestionnaire de réseau de transport, RTE,
en maximisant l’autoconsommation à la maille d’un poste source grâce au pilotage de la consommation.
Les simulations pour un pilotage généralisé de la consommation montrent un potentiel de réduction de
la facture d’acheminement entre 12 % et 35 % avec le pilotage des BEC seuls, et de 22 à 36 % avec le
pilotage des BEC et VE, soit environ 230 k€/an d’économies pour Gérédis. Cependant, le gain sur
l’acheminement ne peut justifier tout seul une industrialisation à grande échelle de cette solution dont
le cout n’a pas été estimé, mais est déjà de 670 k€ dans sa version pilote expérimentale. Le pilotage
généralisé des BEC et VE constitue un levier de réduction des contraintes de transit et de tension sur
le réseau de distribution favorisant l’insertion des EnR et offrant un gain potentiel en termes
d’investissements évités ; ce gain n’a malheureusement pas été chiffré dans le cadre du projet.
Toutefois, une partie des développements du système d’information (estimateur d’état, optimisation
topologique, etc.) seront réutilisés par Gérédis au profit d’une meilleure observabilité du réseau.

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Messages & recommandations


Les démonstrateurs confirment, comme en 2022, la faisabilité technique de recourir à des
flexibilités, y compris diffuses (comme le pilotage des ballons d’eau chaude et la recharge des
VE), pour la fourniture de services de flexibilité locaux en lien avec les conditions réelles du
réseau.
Pour la CRE, il s’agit désormais de passer à l’échelle en généralisant le recours aux flexibilités.
Cela nécessitera d’intégrer rapidement ces solutions de flexibilité à la planification et
l’exploitation du réseau et de mettre en place les mécanismes de contractualisation associés
comme ont commencé à le faire Enedis avec le lancement dès 2020 de ses appels d’offres
flexibilité locale et RTE avec la tenue de l’appel d’offres expérimental sur la zone de Perquié.

Focus international

EUniversal : développement d’une interface pour la participation des usagers aux marchés
de flexibilités

Le démonstrateur EUniversal30, doté d’un budget de 9,7 millions d’euros, a pour objectif de
développer un écosystème de flexibilité en Europe. Le projet a commencé en février 2020 et s’est
terminé en juillet 2023. Pour cela, le consortium développe une UMEI (Universal Market Enabling
Interface), testée en Allemagne. Cet outil est une interface de programmation disponible gratuitement
qui permet de mettre en relation des usagers ayant des appareils connectés pouvant être pilotés,
des plateformes de marché de flexibilité et des gestionnaires de réseaux. Les offres de flexibilité
peuvent être transmises par les usagers à travers la plateforme de marché. Les gestionnaires de
réseaux peuvent également formuler une demande pour palier à des problèmes de congestion et/ou
de régulation de la tension sur le réseau. Les tests ont permis de valider la faisabilité technique et le
fonctionnement de la solution développée en activant et transmettant des ordres d’activation. Le
projet a aussi mis en lumière plusieurs limites : un manque d’information et/ou d’intérêt de la part des
particuliers, une incompatibilité de leurs équipements avec les outils utilisés par le démonstrateur (la
combinaison de ces deux premières limites entrainant une faible liquidité sur la plateforme), et un
cadre règlementaire (structure tarifaire, système de taxation, etc.) pas assez incitatif pour les
particuliers comme pour les industriels.

2.3.2. Ilotage et gestion d’un système comportant une forte proportion d’EnR
Les enjeux de flexibilité de la demande nécessaires à l’insertion des EnR sont décuplés dans le cadre
des réseaux de petite taille et insulaires, renforçant le rôle et l’importance des gestionnaires de réseau
pour l’équilibrage du système, de la gestion des flux et la mobilisation des nouvelles sources de
flexibilité.
Sur l’île de Sein, à Ouessant et à Saint George de l’Oyapock EDF SEI a récemment développé un
site internet31 sur lequel est retranscrit l’affichage dynamique de l’état du mix électrique de ces zones.
Ce signal envoyé aux consommateurs leur permet de réduire l’empreinte carbone de leur électricité en
consommant lorsque le baromètre du site indique que la production est plus décarbonée.

30
https://euniversal.eu/project-description/
31
https://ponant-data.edf.fr/sein.php et https://ponant-data.edf.fr/ouessant.php

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De son côté, Enedis a pris part au projet IElectrix (Indian and European Local Energy Communities for
Renewable Integration and Energy Transition) à travers le démonstrateur indien Shakti. Ce dernier,
piloté par Enedis, a permis d’expérimenter un microréseau urbain dans la ville de Delhi mettant en
œuvre un système de stockage d’énergie électrique connecté à un poste de distribution du réseau
électrique basse tension local, des unités de production photovoltaïque, des compteurs communicants,
des équipements innovants et des systèmes de pilotage intelligents au sein d’une communauté
énergétique locale. Ce démonstrateur a notamment permis de tester et valider plusieurs services
innovants rendus par la batterie comme l’ilotage du microréseau ainsi que la régulation automatique de
la tension (Automatic Voltage Regulation) en BT. Cette dernière solution permet notamment de réduire
les problématiques de tension haute générées sur le réseau de distribution par les installations EnR
décentralisées. En novembre 2022, Enedis et son homologue indien ont expérimenté le fonctionnement
en ilotage du microréseau : pendant 30 minutes le groupe scolaire local a entièrement été alimenté par
la batterie, l’ensemble étant déconnecté du réseau public. Cela a permis de valider la capacité de la
batterie à réaliser un black start32, lors de la déconnexion au réseau, et à se resynchroniser au réseau
principal lors de la reconnexion.
En dépit des résultats probants d’un point de vue technique, ce cas d’usage n’a pas fait l’objet
d’une analyse coût-bénéfice en l’absence d’un historique de données suffisant sur les
défaillances du réseau local. La CRE regrette qu’Enedis n’ait pas étudié le potentiel de
réplicabilité ou les perspectives de généralisation dans le cadre français de ce cas d’usage testé.

2.4. Optimiser la planification, l’exploitation et la maintenance des réseaux


2.4.1. Optimisation de la planification du réseau
L’optimisation du dimensionnement des réseaux permet de réduire les besoins
d’investissements et ainsi de réduire les délais de renforcements des réseaux. Ces dernières
années, les gestionnaires de réseaux ont déjà généralisé plusieurs innovations comme le recours au
dimensionnement optimal chez RTE ou le projet Reflex chez Enedis 33.
Deux démonstrateurs déjà présentés dans la dernière édition de ce rapport sont actuellement menés
par SRD sur le sujet. Le premier, le projet LabCom @LIENOR (Laboratoire d’Insertion des Energies
Nouvelles et l’Optimisation des Réseaux) devrait se clôturer en 2025 avec l’industrialisation de l’outil
IMAGE. Cet outil permet d’optimiser le réseau sur différents horizons temporels (pour l’exploitation court
et moyen terme, mais aussi pour les investissements) et à développer des modèles de prévision des
données de consommation et de production adaptés à ces usages.
Le second démonstrateur est le projet ODRI (Optimisation Des Réseaux Intelligents) qui devrait lui aussi
bientôt se clôturer et qui vise à faciliter l’insertion des énergies renouvelables sur le réseau de SRD en
palliant les problèmes soulevés par le raccordement et en particulier ceux liés à la tension. Depuis 2022,
trois selfs34 ont été commandées dans le cadre du projet, pour un total de 3,2 Mvar. Les apports
technico-économiques consistent à identifier, selon les configurations de réseau, le coût de cette
solution comparativement à d’autres (renforcement de réseau, ajout de transformateur HTA/HTA, etc.)
pour la résorption d’une contrainte de tension donnée. Les études menées ont aussi permis de montrer
qu’une ORI à destination d’un producteur HTA pour résoudre une contrainte de tension sur un
départ HTA n’est pas pertinente au vu d’une dynamique forte d’intégration des EnR sur le réseau
géré par SRD qui rend rapidement ces ORI caduques. En revanche, l’étude a permis de développer
un prototype d’outil destiné à évaluer le nombre d’heures d’écrêtement à prévoir pour le raccordement
de producteurs BT en cas de contrainte de tension. Ce prototype a vocation, dans un premier temps, à
être utilisé pour estimer le nombre d’heures d’écrêtement dans le cadre de raccordements anticipés de
producteurs BT.

32
Processus de remise en service d'une centrale électrique, d'une partie d'un réseau électrique ou d'une installation industrielle,
sans apport d'énergie électrique extérieure pour se remettre d'un arrêt total ou partiel.
Rapport d’évaluation de la performance des gestionnaires de réseaux sur le développement d’un réseau électrique intelligent,
33

CRE, décembre 2023


34
Ouvrage électrotechnique composé d’un bobinage permettant de moduler la puissance réactive qui transite sur le réseau et
ainsi de participer au réglage en tension.

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Messages & recommandations


Comme évoqué en 2022, la CRE considère que les outils de modélisation du réseau,
développés dans le cadre de démonstrateurs, peuvent s’avérer précieux pour optimiser le
dimensionnement et la maintenance des réseaux. La CRE encourage à ce que les solutions
tel que l’outil IMAGE, qui ne l’ont pas encore été pour le moment, soient industrialisées si leur
bénéfice est avéré.

2.4.2. Mobilisation de la flexibilité du réseau


Comme présenté dans la partie 2.3.1, les besoins en flexibilité peuvent être apportés par des usagers
du réseau, mais grâce à une observabilité accrue autorisant une exploitation plus dynamique du réseau,
ce dernier peut lui aussi devenir une source de flexibilité. Les gestionnaires de réseaux français ont
travaillé sur cette thématique depuis de nombreuses années avec des démonstrateurs tels que le projet
West Grid Synergy, associant les opérateurs de réseaux gaziers, dont GRTgaz et GRDF, ainsi que 8
syndicats d'énergie dans les régions Bretagne, Pays de la Loire, Centre-Val de Loire et Nouvelle-
Aquitaine, ou encore le projet Smart Occitania d’Enedis présentés dans la dernière édition de ce
rapport.
Le dispositif de Dynamic Line Rating (DLR) peut aussi être cité puisqu’il a été étudié puis déployé par
plusieurs gestionnaires de réseaux, RTE, Enedis ou encore SRD qui mène actuellement une
expérimentation sur ce sujet. Ce dispositif permet de maximiser les flux sur le réseau en définissant au
plus juste la capacité technique des lignes en fonction des données météorologiques (température,
vent, etc.). Bien que l’ensemble des lignes HTB critiques de SRD en soient déjà équipées, le
démonstrateur de SRD a pour objectif d’évaluer la nécessité d’équiper d’autres points de ces lignes non
critiques, mais pour lesquelles l’utilisation du DLR présenterait une analyse coût-bénéfice positive.
De nouveaux projets ont aussi vu le jour sur cette thématique tel que le démonstrateur européen
Interopera doté au total de 63 M€ de budget et auquel participe RTE à hauteur de 1,6 M€. L’objectif est
de démontrer l’interopérabilité des systèmes de transport d’électricité à courant continu en très haute
tension provenant de constructeurs différents, plus exactement les stations de conversion, les
éoliennes, les matériels de coupure et les dispositifs de supervision. Ce démonstrateur permettra de
faciliter le transit des flux électriques des parcs éoliens offshore aux différents réseaux de transports
européens situés aux alentours de la mer du Nord.
Autre exemple, STAR (Système de Traçabilité des Activations de Renouvelables) est le démonstrateur
français du projet Européen One NET. Ce projet, co-réalisé par Enedis et RTE, vise à simplifier et
optimiser la gestion des écrêtements EnR depuis l’activation de la limitation de production jusqu’à
l’indemnisation des producteurs en passant par le contrôle du réalisé. Ce projet, basé sur l’utilisation de
la technologie blockchain en tant que technologie de stockage et de transmission d’informations, permet
de dématérialiser et d’assurer la traçabilité de la chaine d’activation des limitations de production et leur
automatisation. La solution blockchain ne s’est finalement pas avérée pertinente, Enedis et RTE
pointent notamment la complexité technique de cette technologie et des intérêts non perçus à date pour
les cas d’usages testés, ils ont donc décidé d'opter pour des solutions traditionnelles afin d'industrialiser
le processus d'indemnisation des limitations de production évoqué précédemment. En dépit de
résultats mitigés sur l’usage de la technologie blockchain, le projet a permis des avancées sur
les aspects fonctionnels dans le cadre des limitations de production pour le dimensionnement
optimal.
Avec le démonstrateur Smart Occitania, Enedis a testé une meilleure intégration des EnR en milieu
rural grâce à l’amélioration de l’observabilité du réseau de distribution (HTA et BT) via l’utilisation de
détecteurs de défauts communicants et des centrales de mesures dans les postes HTA-BT (Pinky), déjà
présenté dans le rapport 2022. Enedis a mené plusieurs analyses cout-bénéfice dans le cadre de ce
projet, se révélant négatives pour certaines solutions (comme l’usage de centrales de mesure pour
répondre à des réclamations de clients sur la qualité de fourniture) et positives pour d’autres (comme
l’installation de détecteurs de défauts communicants couplée à une solution de réseau privé SigFox, et
la modulation de l’injection et de soutirage de stations de pompage et de méthaniseurs), Ainsi à la suite
du projet, plusieurs solutions ont été généralisées, notamment des algorithmes qui ont été réutilisés
dans la phase d’industrialisation des appels d’offre flexibilité locale.

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Côté gaz, dans le cadre de West Grid Synergy, GRTgaz a développé un outil de modélisation
dynamique d’une partie du réseau de Sorégies. Ce dernier a ainsi pu conduire une série d’études
ayant permis d’affiner le calcul des capacités d’injection de biométhane, de valider la capacité du réseau
à accueillir les producteurs, et de déterminer les consignes de pression à appliquer pour maximiser
l’injection de biométhane tout en assurant la sécurité d’alimentation des consommateurs. Ainsi sur le
réseau des Mauges (90 km de canalisation), 3 projets d’injection de biométhane ont pu voir le jour tout
en dimensionnant le réseau au plus juste en tenant compte de la présence d’un important
consommateur industriel. En s’autorisant à utiliser le réseau comme un stockage (i.e. abaisser /
augmenter la consigne de pression sur le zonage), Sorégies a pu retarder l’investissement dans un
rebours (prévu pour 2026) et réduire le torchage du biométhane lorsque la production locale est
supérieure à la consommation locale. A date, 2 des 3 projets sont en service et, sur les 6 premiers mois
de 2024, la solution a permis d’éviter le torchage de 4,5 % du productible total, soit environ 0,5 GWh. A
terme, même une fois le rebours en service, l’usage du réseau comme stockage permettra de réduire
l’utilisation du rebours et donc de faire des économies de couts d’exploitation.

Messages & recommandations


La CRE renouvelle sa demande aux gestionnaires de réseaux, déjà formulée dans son
précédent rapport, d’industrialiser rapidement les fonctionnalités qui se sont avérées matures
et bénéfiques pour la collectivité, dont la gestion des flux.
L’exploitation dynamique des réseaux permise par une meilleure observabilité et
connaissance fine du réseau est une solution sans regret et doit donc faire l’objet d’une
généralisation au plus vite.

2.4.3. Utilisation de l’intelligence artificielle pour optimiser les opérations de


maintenance
L’augmentation exponentielle de données auxquelles ont accès les gestionnaires de réseaux leur donne
l’occasion d’appliquer des outils et méthodes d’intelligence artificielle et de big data. Ces derniers sont
particulièrement pertinents pour réaliser des actions de maintenance et identifier des défauts de manière
prédictive sur des équipements du réseau, mais nécessitent une profondeur d’historique de données
importante et de qualité ce qui restreint leur champ d’application. Néanmoins, sur les réseaux
électriques, les gestionnaires de réseaux ont su tirer profit des démonstrateurs et expérimentations
menées ces dernières années35 et ont d’ores et déjà industrialisé plusieurs solutions 36.
Sur les réseaux de gaz, le projet West Grid Synergy teste des solutions de maintenance prédictive
dans les postes d’injection de biométhane, de détente, et les rebours. En particulier le projet a
expérimenté le suivi d’une mesure qui traduit un encrassement de la colonne de l'appareil de contrôle
de la qualité du gaz pour optimiser la date de la maintenance. Ainsi, GRTgaz pourra intervenir avant
que l’encrassement de cette colonne ne soit trop important, évitant ainsi des coupures d’injection. Cette
solution relativement peu coûteuse (inférieur à 15 k€ pour l’adaptation du SI) améliore notablement la
fiabilité des postes d’injection de biométhane, et s’avère pertinente économiquement puisqu’équivalent
en moyenne à l’arrêt de l’injection sur un poste de biométhane qui coûte environ 15 k€37. Ainsi un
déploiement généralisé a été décidé à la mise en service des nouveaux postes d’injection à partir
du premier semestre 2022. GRTgaz s’intéresse maintenant à la maintenance prédictive des rebours 38.
L’étude menée dans le cadre du démonstrateur a permis d’identifier certains paramètres clés permettant
d'anticiper les défaillances sur les installations de rebours dans le but à court terme de prévenir les
casses matérielles et éviter les arrêts d’injection, et à long terme d’anticiper l’usure du compresseur et
éviter les déplacements d’urgence. L’étude a démontré la faisabilité de la démarche : la méthodologie
d'analyse mise au point a montré qu’une défaillance rencontrée après la mise en service d'un rebours

35
Retour d’expérience des démonstrateurs de réseaux intelligents, CRE, mai 2022
Rapport d’évaluation de la performance des gestionnaires de réseaux sur le développement d’un réseau électrique intelligent,
36

CRE, décembre 2023


37
Ordre de grandeur pour un arrêt de 2 jours pour un poste d’injection avec un débit de 300 Nm3/h
38
Le rebours est un système de compression qui permet aux excédents de biométhane injectés sur les réseaux de distribution
de remonter vers le réseau de transport pour être acheminé vers des zones de consommation plus lointaines.

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était décelable avant l'arrêt de l’équipement. Les travaux sont encore en cours sur ce sujet, afin de
qualifier la valeur effective d‘une telle solution en mettant en regard les gains avec les coûts additionnels
de surveillance. Il conviendra de pérenniser et déployer rapidement les fonctionnalités qui se sont
avérées matures et bénéfiques pour la collectivité.

2.5. Faciliter l’accès des productions de gaz décentralisées aux réseaux


Pour atteindre les objectifs de transition énergétique, il est impératif de développer les capacités
d’accueil de sites d’injection de biométhane sur les réseaux en respectant un principe
d’efficacité économique. Le projet West Grid Synergy, débuté en 2017 et toujours en cours, regroupe
une quinzaine de partenaires dont plusieurs gestionnaires de réseaux (GRTgaz, GRDF, Teréga, Régaz
Bordeaux et Sorégies) qui collaborent et expérimentent sur leurs réseaux plusieurs solutions pour
maximiser l’injection de biométhane dans les réseaux et optimiser les coûts. Lorsqu’un site de
biométhane demande à se raccorder dans une zone saturée en injection, il peut s’avérer nécessaire
d’adapter le réseau : rebours, compressions mutualisées, maillages, ou dorsales. Ces adaptations sont
encadrées par le droit à l’injection.
Pour optimiser les investissements (i.e. les éviter ou les reporter), GRDF teste des solutions
alternatives dans le cadre du projet West Grid Synergy, notamment le stockage en conduite et le
pilotage de la consommation (en particulier les compresseurs des stations GNV et des industriels).
Ainsi, l’utilisation d’une station GNV afin de maximiser l'injection de biométhane lors des creux de
consommation a été étudiée. Cette station est en effet raccordée au même réseau de distribution,
exploité par GRDF, que les producteurs de biométhane. Concrètement, cette solution nécessite de
prévoir la consommation de la station aux différentes heures de la journée, en fonction des heures de
passage des poids lourds. Ce profil de consommation est confronté aux périodes de congestion sur le
réseau de distribution. Il s’agit ensuite d’anticiper ou de retarder le remplissage du stock de la station
GNV pour faire coïncider ce remplissage avec les périodes de congestion du réseau, tout en
garantissant la sécurité d’approvisionnement pour les clients de la station (le stock doit toujours être
suffisamment rempli pour faire face aux pics de consommation). Cette étude d'optimisation a montré
qu'il était possible de diminuer de 7 % l’utilisation du rebours (soit plus de 1 GWh par an de gaz qui n'a
pas besoin d'être comprimé par le rebours). Cette source de flexibilité permet ici de diminuer l'utilisation
du rebours, donc les coûts d’exploitation associés.
Une solution RAF (Remote Automated Flow) a été testée sur le réseau de Régaz Bordeaux. Cette
innovation technologique mise en place dans les postes de détente permet de maximiser la
consommation de biométhane local en valorisant le stock en conduite offert par le réseau de distribution
tout en évitant le déplacement d’un agent et réduisant le délai d’intervention associé au réglage
nécessaire à cette utilisation du réseau en mode stockage. Cette solution a aussi été testée sur le
réseau de Sorégies avec l’assistance de GRTgaz dans le cadre de West Grid Synergy. Les analyses
coût-bénéfice montrent que la pertinence de cette solution dépend des zones envisagées et, en
particulier, de la fréquence du besoin de modification de la consigne de pression. Sur le réseau
de Sorégies, deux réglages par an (été / hiver) sont suffisants et ne permettent pas de justifier le coût
d’installation de la solution. A l’inverse, sur le réseau de Régaz Bordeaux, la configuration locale du
réseau nécessite un ajustement hebdomadaire (semaine / weekend) une partie de l’année et le
déploiement d’une telle solution est très vite rentabilisé, compte tenu des nombreux déplacements
évités sur place. Régaz Bordeaux envisage de mettre en place un second RAF sur son réseau si
l’intégration de nouvelles installations de production de biométhane le rendait nécessaire.
La création de capacités de stockage sur les réseaux de distribution peut constituer une
alternative aux rebours et aux maillages lorsque ceux-ci s’avèrent trop onéreux vis-à-vis des
règles du droit à l’injection, afin de faciliter l’intégration des sites de production de gaz
renouvelables. Les projets FLORES 1 et 2, pour Flexibilité Opérationnelle des Réseaux, visent à
développer des solutions complémentaires aux renforcements des réseaux de transport et distribution
de gaz afin d’apporter une réponse à ces zones où les saturations liées à l’insertion des gaz
renouvelables peuvent limiter la capacité d'injection des projets. Il s’agit d’une solution temporaire
mobile de stockage du gaz excédentaire sous forme liquide (démonstrateur FLORES 1) ou gazeuse
comprimée (démonstrateur et unités pilotes FLORES 2) lors des périodes de saturation pour le
réinjecter en période de consommation. Le démonstrateur FLORES 1 a permis de démontrer la
faisabilité de la solution technique. Le projet FLORES 2 comprenait un démonstrateur qui a permis de
sauver 1 800 MWh de gaz stocké entre 2022 et 2023 et des unités pilotes.

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GRDF a chiffré le coût de cette solution à 60 €/MWh et le gain à environ 150 €/MWh correspondant
au gaz sauvé ainsi qu’aux compensations non versées aux producteurs ce qui rend l’analyse
coût-bénéfice de la solution positive. GRDF a donc décidé de pérenniser le recours à cette
solution.
Enfin, les gestionnaires de réseau de distribution de gaz ont pour mission de compter et d'allouer aux
fournisseurs et aux consommateurs les quantités d'énergie soutirées avec un maximum de précision.
Le projet Mocabio permet de modéliser les flux gaziers et produire une photographie quotidienne
de la diffusion du gaz vert sur tout le territoire de Régaz. Le Pouvoir Calorifique Supérieur (PCS) du
gaz issu du biométhane étant inférieur à celui du gaz fossile, cela permet de connaître les points de
consommation influencés par le biométhane et ainsi d’adapter tous les jours la facturation des clients :
la quantité d’énergie dont ils bénéficient pour chaque Nm 3 de gaz consommé est en effet variable. La
solution a été généralisée sur tout le réseau pour les 225 000 Points de Comptage et d’Estimation du
territoire de Régaz Bordeaux et les consommateurs peuvent donc désormais bénéficier d’une
facturation au plus juste de leur consommation d’énergie.

Messages & recommandations


La CRE demande les gestionnaires de réseau de gaz à mettre en place des solutions de
flexibilité lorsqu’elles sont plus économiques que des rebours ou maillages, ou bien de
manière temporaire en attendant la réalisation des travaux, comme ce fut le cas pour FLORES.
La CRE constate que le recours à un service de flexibilité comme solution d’aide à la conduite
du réseau fait l’objet d’une généralisation de la part de GRDF avec la solution FLORES, mais
est aussi à l’étude par un acteur privé dans le cadre du démonstrateur West Grid Synergy,
ainsi qu’à travers une expérimentation via le bac à sable réglementaire 39, en utilisant la
flexibilité d’une station GNV. La coexistence de ces deux types de solutions, et les cadres de
contractualisation associés, se pose et devra faire l’objet d’une analyse approfondie.

2.6. Exploiter les synergies entre les réseaux d’énergies


Afin d’atteindre les objectifs d’insertion d’EnR, les réseaux d’énergies devront être plus flexibles.
Cela pourrait se faire en exploitant les complémentarités des réseaux de gaz et d’électricité. Les
projets Jupiter1000, Ténore, IMPULSE 2025 et PlaneTerr ont cherché à démontrer l’intérêt de ces
solutions.
Jupiter1000 est le premier démonstrateur industriel de Power-to-Gas en France avec une puissance
d’électrolyse de 1 MWe et un processus de méthanation alimenté par la capture de dioxyde de carbone
industriel. Le projet a débuté en 2014, la phase de test a débuté en 2020 et l’exploitation du
démonstrateur et la réalisation complète des programmes d’essais n’ont, quant à elles, débuté qu’en
2024. En outre, les coûts ont augmenté de 8 M€ par rapport au budget initial. Le démonstrateur a permis
à GRTgaz, Teréga et RTE de :
• Tester l’impact de l’injection d’hydrogène sur le réseau de transport de gaz : pour plus de détails,
se référer au rapport 2022 ;
• Se familiariser avec les technologies d’électrolyseurs (alcaline et PEM) et leurs caractéristiques
(notamment leur flexibilité et les risques industriels associés) : pour plus de détails, se référer
au rapport 2022 ;
• Se familiariser avec la brique CO2 (captage et méthanation) : le retour d’expérience des
gestionnaires de réseau est à venir, la mise en service du système de captage étant attendue
pour la fin 2024.
Sur le volet économique, les coûts de production et d’injection de l’hydrogène dans les réseaux sont
encore élevés (~150-200 €/MWh contre ~90-120 €/MWh pour le biométhane) selon les analyses
économiques menées par le CEA.

39
Délibération n°2022-191 de la CRE du 30 juin 2022 portant décision sur l’octroi des dérogations des dossiers soumis à la CRE
dans le cadre du deuxième guichet du dispositif d’expérimentation réglementaire prévu par la loi relative à l'énergie et au climat

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réseaux intelligents
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Avec le projet Ténore, GRTgaz teste la valorisation de l’énergie fatale des postes de détente à
l’interface entre les réseaux dont la pression est de 60 bars environ et les réseaux dont la pression est
de 30 bars environ, en interface également avec le réseau électrique et un réseau de chaleur. A la suite
de nombreux retards, la technologie développée dans le projet Ténore a seulement été mise en service
au printemps 2024, six ans après le lancement de l’expérimentation. GRTgaz prévoit de se laisser
environ un an d’exploitation avant de tirer le bilan final du démonstrateur. Cette technologie est
réplicable dans 30 installations exploitées par GRTgaz (sous réserve d’analyses spécifiques
complémentaires) et dans des postes de clients industriels présentant des différences de pression et
débits notables. Pour l’heure, l’analyse coût-bénéfice du projet est négative sur ce démonstrateur.
Lancé plus récemment, en 2019, le projet IMPULSE 2025 vise à réaliser un démonstrateur d’un système
multiénergie (électricité, gaz et chaleur) sur un site industriel, la zone de Lacq. De la flexibilité via du
stockage ou de la transformation d’énergie (notamment power-to-gas en cas de production électrique
d’origine renouvelable excédentaire) sera mobilisée pour faire face à l’intermittence des énergies
renouvelables et les profils de consommations industrielles variables. Les échanges d’énergie entre
industriels d’une même plateforme seront favorisés pour réduire le gaspillage et améliorer l’efficacité
énergétique globale. Dans ce système, Teréga se positionne sur la partie réseaux de gaz. En effet, cela
va permettre d’anticiper et de mieux appréhender le futur rôle des infrastructures de transport/stockage
de gaz dans un système énergétique décarboné, ainsi que de contribuer au développement de
nouvelles infrastructures liées à l’hydrogène et au CO2. Pour l’heure, seule la phase 1 (pour un budget
de 588 k€ dont 355 k€ couverts par les tarifs) a démarré avec le développement d’un outil d’optimisation
et de modélisation pour identifier les configurations optimales d’un système multiénergies et
multiacteurs, dans différents contextes, notamment économiques. A date, l’outil a été testé pour un
acteur industriel de la zone de Lacq pour valider les modèles scientifiques. Il appartient désormais à
Teréga de finaliser un démonstrateur pour optimiser et mutualiser des infrastructures réseaux à l’échelle
de plusieurs industriels de la zone de Lacq ou de la zone de Bordeaux.
Le projet PlaneTerr, pour PLANification et couplage Energétique dans les Territoires, auquel participe
RTE et GRTgaz en collaboration avec TotalEnergies, OneTech, les Mines Paris PSL ainsi qu’Air Liquide
pour un budget total de 12,9 millions d’euros vise à développer un outil de modélisation et de
planification des systèmes multiénergies et à démontrer la capacité d’équipements industriels tels que
du stockage thermique, ou des IRVE à faire de la flexibilité. Celui-ci a démarré en septembre 2023 et
s’étend sur 48 mois avec une fin prévue en 2027. La part du budget du projet PlaneTerr couverte par
le tarif d’utilisation du réseau public de transport d’électricité s’établit approximativement à 3,1 M€
(auquel s’ajoutent 2,6 M€ de subventions par l’ADEME), elle concerne l’évolution du simulateur
Antares pour modéliser l’apport de flexibilité de systèmes multiénergies. Ce simulateur open
source40 reconnu, développé par RTE depuis de nombreuses années, permet de réaliser des scénarios
prospectifs d’équilibre offre-demande afin de réaliser des études permettant de dessiner l’avenir des
réseaux énergétiques. A terme, les évolutions de ce logiciel devraient permettre un gain de temps de
l’ordre de 20 à 40 % pour RTE et GRTgaz dans la réalisation de leurs études de réseau.
En conclusion, les démonstrateurs ont pu valider la faisabilité technique des solutions (valorisation
d’énergie fatale, power-to-gas). Cependant, ces dernières ne sont pas rentables dans le contexte
économique actuel du fait de leurs coûts trop élevés. Par ailleurs, cette analyse ne vaut que pour les
démonstrateurs analysés dans ce rapport qui ne sont intéressés qu’au couplage des réseaux
d’électricité et de gaz.
Les gestionnaires de réseaux ont un rôle central à jouer dans l’adaptation des systèmes énergétiques
pour permettre la transition énergétique. A ce titre, une partie de leurs travaux de R&D&I doit être
axée vers la préparation des réseaux aux évolutions à venir et permettre d'anticiper les adaptations
des infrastructures de réseaux, ou de limiter le risque de coûts échoués (études de conversion des
infrastructures gazières notamment). En outre, l’enjeu de soutenabilité du tarif invite à une maîtrise
efficace des coûts de R&D&I et à l’industrialisation rapide des solutions expérimentées au
service des réseaux s’étant avérées pertinentes.

40
Librement disponible et utilisable

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3. Conclusion et liste des recommandations

Le déploiement des smart grids est une réalité : de nombreuses briques technologiques sont
progressivement déployées rendant désormais les réseaux d’électricité et de gaz de plus en plus
intelligents. C’est le résultat des travaux menés par les acteurs du secteur qui réalisent depuis
plusieurs années de nombreux démonstrateurs visant à tester et démontrer la pertinence et la viabilité
de solutions innovantes.

Afin de tirer toute l’utilité de ces investissements en recherche, développement et innovation, il


est nécessaire d’en recueillir les enseignements et de communiquer sur la viabilité des
technologies et cas d’usages testés. C’est la raison pour laquelle, pour la troisième fois, la CRE a
analysé les retours d’expérience de 30 démonstrateurs (dont la liste figure en annexe), en cours ou
achevés récemment, auxquels participent ou ont participé des gestionnaires de réseaux, et dont les
conclusions n’avaient jusqu’à présent pas été pleinement tirées.

Messages et recommandations portant sur les démonstrateurs visant à faciliter l’insertion de la


mobilité électrique au réseau

• La CRE constate que les résultats des expérimentations, en particulier dans le cadre du
démonstrateur aVEnir, confirment l’intérêt du pilotage de la recharge des VE et valident
sa faisabilité technique à travers l’envoi de signaux de modulation de puissance. Ces
solutions sont des briques technologiques essentielles pour le pilotage de la recharge
permettant la participation des IRVE aux différents mécanismes de flexibilités, mais
aussi d’optimiser leur raccordement. Les gestionnaires de réseaux doivent désormais
faciliter le déploiement de ces solutions en coordination avec les acteurs et s’assurer du
caractère interopérable des solutions déployées. En effet, comme en 2022, les résultats
définitifs du démonstrateur aVEnir rappellent l’importance de la standardisation des protocoles
de communication.
• La CRE demande aux gestionnaires de réseau électrique de faire évoluer les procédures de
raccordement afin d’y inclure des offres de raccordement intelligentes (ORI) pour les
actifs flexibles, notamment stockages et IRVE, afin de les proposer systématiquement
quand cela s’avère pertinent. La CRE encourage les gestionnaires de réseau à lancer de
nouvelles expérimentations innovantes avec les acteurs de la flexibilité en fonction de
leur besoin et à industrialiser en cas de résultats positifs les solutions testées.

Messages et recommandations portant les nouveaux services aux consommateurs sur la base
de leurs données énergétiques

• La CRE note que les démonstrateurs les plus récents témoignent du besoin de continuer à
améliorer les services existants afin de répondre aux enjeux d’interopérabilité et
d’harmonisation au niveau européen (notamment la création de plateformes de partage de
données communes européennes). Des travaux récents s’intéressent aussi à l’exploitation
des données énergétiques comme levier d’accélération de la transition énergétique au
niveau local (par exemple avec la mise à disposition de données auprès des collectivités
locales pour suivre le développement des EnR et la transition énergétique sur leur territoire).

• La CRE invite les collectivités territoriales ne l’ayant pas encore fait à se saisir de ce levier afin
de tirer un maximum profit de ces services et outils mis à disposition par les gestionnaires de
réseaux français.

Messages et recommandations portant sur la capacité à mobiliser la flexibilité des usagers au


service des réseaux

• Les démonstrateurs confirment, comme en 2022, la faisabilité technique de recourir à des


flexibilités, y compris diffuses (comme le pilotage intelligent des ballons d’eau chaude et la
recharge des VE), pour la fourniture de services de flexibilité locaux en lien avec les
conditions réelles du réseau.

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• Pour la CRE, il s’agit désormais de passer à l’échelle en généralisant le recours aux


flexibilités. Cela nécessitera d’intégrer rapidement ces solutions de flexibilité à la
planification et l’exploitation du réseau et de mettre en place les mécanismes de
contractualisation associés comme ont commencé à le faire Enedis avec le lancement dès
2020 de ses appels d’offres flexibilité locale et RTE avec la tenue de l’appel d’offres
expérimental sur la zone de Perquié.

Messages et recommandations portant sur l’optimisation de la planification, l’exploitation et la


maintenance des réseaux

• La CRE considère que les outils de modélisation du réseau, développés dans le cadre
de démonstrateurs, peuvent s’avérer précieux pour optimiser le dimensionnement et la
maintenance des réseaux. La CRE souhaite que les solutions tel que l’outil IMAGE, qui
ne l’ont pas encore été pour le moment, soient industrialisées si leur bénéfice est avéré.

• La CRE renouvelle sa demande aux gestionnaires de réseaux, déjà formulée dans son
précédent rapport, d’industrialiser rapidement les fonctionnalités qui se sont avérées
matures et bénéfiques pour la collectivité, dont la gestion des flux. L’exploitation
dynamique des réseaux permise par une meilleure observabilité et connaissance fine du
réseau est une solution sans regret et doit donc faire l’objet d’une généralisation au plus
vite.

Messages et recommandations portant les démonstrateurs visant à faciliter l’accès des


productions de gaz décentralisées aux réseaux

• Dans leur ensemble, la CRE demande aux gestionnaires de réseau de gaz de mettre en place
des solutions de flexibilité lorsqu’elles sont plus économiques que des rebours ou
maillages, ou bien de manière temporaire en attendant la réalisation des travaux, comme
ce fut le cas pour FLORES.

• La CRE constate que le recours à un service de flexibilité comme solution d’aide à la conduite
du réseau fait l’objet d’une généralisation de la part de GRDF avec la solution FLORES, mais
est aussi à l’étude par un acteur privé dans le cadre du démonstrateur West Grid Synergy, ainsi
qu’à travers une expérimentation via le bac à sable réglementaire, en utilisant la flexibilité d’une
station GNV. La coexistence de ces deux types de solutions pose des questions et des travaux
approfondis doivent être menés pour définir un cadre pour la mobilisation de flexibilités locales.

Messages et recommandations portant sur les synergies entre les réseaux d’énergies

• La CRE prend acte que les démonstrateurs ont pu valider la faisabilité technique des
solutions (valorisation d’énergie fatale, power-to-gas). Cependant, ces dernières ne sont pas
rentables dans le contexte économique actuel du fait de leurs coûts trop élevés. Par
ailleurs, cette analyse ne vaut que pour les démonstrateurs analysés dans ce rapport qui
ne sont intéressés qu’au couplage des réseaux d’électricité et de gaz. .

• Les gestionnaires de réseaux ont un rôle central à jouer dans l’adaptation des systèmes
énergétiques pour permettre la transition énergétique. A ce titre, une partie de leurs travaux
de R&D&I doit être axée vers la préparation des réseaux aux évolutions à venir et
permettre d'anticiper et d’accélérer les adaptations des infrastructures de réseaux, ou de limiter
le risque de coûts échoués (études de conversion des infrastructures gazières notamment). En
outre, l’enjeu de soutenabilité du tarif invite à une maîtrise efficace des coûts de R&D&I
et à l’industrialisation rapide des solutions expérimentées au service des réseaux qui se
sont avérées pertinentes.

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Table des illustrations
Figure 1 : Répartition des démonstrateurs par gestionnaire de réseau 13
Figure 2 : Répartition des budgets totaux des démonstrateurs dans lesquels les gestionnaires
de réseaux sont impliqués (k€) 14
Figure 3 : Répartition des budgets des démonstrateurs financés par les tarifs d’utilisation des
réseaux (k€) 15
Figure 4 : Comparaison des démonstrateurs selon leur niveau de financement par les tarifs
d’utilisation des réseaux et selon leur présence ou non dans le rapport 2022 15
Figure 5 : Répartition approximative et comparaison des budgets couverts par les tarifs par
thématique (en M€) 16
Figure 6 : Thématiques étudiées par les gestionnaires de réseaux dans le cadre des
démonstrateurs smart grids 17
Tableau 1 : Démonstrateurs « Smart Grids » étudiés 34

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Annexe : Démonstrateurs ayant fait l’objet d’un suivi


en 2024
Dans le présent rapport, la CRE publie les retours d’expérience de 30 démonstrateurs auxquels
participent ou ont participé les gestionnaires de réseaux de gaz et d’électricité, et dont les conclusions
n’ont jusqu’à présent pas été pleinement tirées. Parmi eux :
• 15 projets sont encore en cours et 15 se sont achevés récemment ;
• 8 projets sont portés par des entreprises locales de distribution (ELD) ;
• 4 ont impliqué une collaboration entre plusieurs gestionnaires de réseaux ;
• 3 ont concerné les réseaux de transport de gaz et d’électricité ;
• 9 ont concerné la production de nouveaux gaz ou les réseaux de gaz.
La liste complète des projets est reportée ci-dessous :
Tableau 1 : Démonstrateurs « Smart Grids » étudiés

Nom du démonstrateur Opérateur Budget approximatif couvert Statut


par les tarifs (k€)
Maestro Gérédis 573 Terminé
IMAGE (LabCom
359
@Lienor) SRD En cours
ODRI SRD 726 En cours
GAC/SANO SRD 41 Terminé
DLR SRD 120 En cours
EDEN4SG SRD 33 En cours
Iles de Sein EDF SEI 496 Terminé
Ouessant EDF SEI - Terminé
Saint Georges de
EDF SEI 14 000
l'Oyapock Terminé
aVEnir Enedis 4 898 Terminé
Saint Nicolas des
Enedis 1 400
Glénan & Narcisse Terminé
Smart Occitania Enedis 2 956 Terminé
SMAC Enedis 428 Terminé
So Mel So Connected Enedis 3 566 Terminé
InterConnect Enedis 67 En cours
RESPONSE Enedis 80 En cours
IElectrix Enedis 702 Terminé
IncetEV Enedis 300 En cours
EDDIE Enedis 23 En cours

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STAR (Système de
Traçabilité des 1 111
Renouvelables) Enedis & RTE Terminé
InterOPERA RTE 1 600 En cours
PlaneTerr RTE & GRTgaz 3 198 En cours
Jupiter1000 GRTgaz & Terega & RTE 24 100 En cours
Tenore GRTgaz 11 200 En cours
GRTgaz & GRDF & Régaz-
3
West Grid Synergy Bordeaux En cours
IMPULSE 2025 Terega 355 En cours
Flores 1 GRDF 1 300 En cours
Flores 2 GRDF 6 180 Terminé
RAF Régaz-Bordeaux 25 Terminé
Mocabio Régaz-Bordeaux 26 Terminé

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