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ÉTUDE DE DOSSIER

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Concours Assistant 2024

Acteurs de premier plan du monde économique et financier, les banques centrales sont
particulièrement observées par les médias. Elles sont amenées à concevoir leur
communication de telle manière que leurs décisions soient pleinement effectives et leurs
actions correctement comprises.

À partir des documents qui vous sont proposés, vous répondrez aux questions suivantes :
1. En quoi la communication d’une banque centrale revêt-elle un caractère stratégique dans
la conduite de ses missions ?
2. À quelles difficultés une banque centrale peut-elle être confrontée dans ses actions de
communication ?
3. Comment la Banque de France a-t-elle renouvelé ses modes de communication ces
dernières années ?

Les questions sont indépendantes. Nous vous recommandons toutefois de les traiter dans l’ordre.
Il n’est pas nécessaire de recopier l’intitulé des questions. Les réponses doivent être rédigées en langue française.

LISTE DES DOCUMENTS JOINTS

1. La politique monétaire en période de mutations et de ruptures


www.ecb.europa.eu – 25/08/2023 – 7 pages

2. La communication, pilier stratégique de la politique monétaire


www.lesechos.fr – 30/08/2023 – 2 pages

3. Pourquoi la communication est devenue un outil majeur pour les banques centrales
www.lesechos.fr – 28/11/2022 – 2 pages

4. La communication des banques centrales : du secret à la transparence


https://publications.banque-france.fr – Novembre-Décembre 2019 – 5 pages

5. Quelle feuille de route pour le nouveau directeur de la Banque de France dans le Var ?
www.varmatin.com – 07/12/2022 – 2 pages

6. Comment la Banque Centrale Européenne dialogue avec les médias


www.lesechos.fr – 02/11/2023 – 1 page

7. Les rencontres de la politique monétaire


www.banque-france.fr – 1 page
1
La politique monétaire en période de mutations et de
ruptures
Discours de Christine Lagarde, présidente de la BCE, au colloque annuel de politique
économique « Structural Shifts in the Global Economy » organisé par la Réserve fédérale
de Kansas City à Jackson Hole

Jackson Hole, 25 août 2023

Ces trois dernières années, nous avons subi une série de chocs sans précédent partout dans le
monde, bien qu’à des degrés divers.

Nous avons fait face à la pandémie, qui a entraîné une paralysie partielle de l’économie
mondiale. Nous sommes confrontés à une guerre en Europe et à un nouveau paysage
géopolitique, qui engendrent de profonds changements sur les marchés de l’énergie et une
mutation radicale de la structure des échanges commerciaux. Et le changement climatique
s’accélère, nous obligeant à faire tout notre possible pour décarboner l’économie.

L’un des effets visibles de ces évolutions a été le retour d’une inflation élevée à l’échelle
mondiale, qui a été une source d’angoisse pour de nombreuses personnes. Les banques centrales
ont réagi en resserrant leur politique monétaire. Malgré des améliorations, la lutte contre
l’inflation n’est toutefois pas encore gagnée.

Mais ces mutations pourraient également avoir des implications profondes à plus long terme.
Plusieurs scénarios plausibles laissent entrevoir une modification fondamentale de la nature des
interactions économiques mondiales. En d’autres termes, nous pourrions entrer dans une ère de
mutation des relations économiques et de rupture des régularités établies. Pour les autorités
publiques ayant pour mandat le maintien de la stabilité, cela pose un défi de taille.

Nous nous appuyons sur les régularités observées dans le passé pour comprendre la répartition
des chocs auxquels nous sommes susceptibles d’être confrontés, la manière dont ils se
transmettent à travers l’économie et la meilleure façon dont les politiques peuvent y répondre.
Mais si nous sommes dans une nouvelle ère, les régularités passées pourraient ne plus constituer
une référence utile pour comprendre le fonctionnement de l’économie.

Comment pouvons-nous alors continuer à assurer la stabilité ?

Le philosophe Søren Kierkegaard a bien cerné ce type de défi en déclarant que « la vie doit être
vécue en regardant vers l’avenir, mais elle ne peut être comprise qu’en se retournant vers le
passé. »

Compte tenu des délais de transmission de nos politiques, nous ne pouvons attendre que les
paramètres de ce nouvel environnement deviennent parfaitement clairs avant d’agir. Nous
devons nous faire une idée de l’avenir et agir de manière prospective. Étant donné que nous ne
comprendrons vraiment les effets de nos décisions qu’a posteriori, nous devrons mettre en place
de nouveaux cadres axés sur l’élaboration de politiques solides dans un contexte d’incertitude.

Je voudrais présenter aujourd’hui les trois principaux changements qui caractérisent


l’environnement actuel et la manière dont ils pourraient modifier le type de chocs auxquels

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nous pourrions être confrontés et leur transmission à travers l’économie. J’aborderai ensuite les
trois éléments essentiels de l’élaboration d’une politique monétaire résolue dans ce
contexte : clarté, flexibilité et humilité.

Les mutations de l’économie mondiale

Depuis la pandémie, les économies européennes et mondiale ont connu trois grands
changements, qui sont en train de modifier les marchés mondiaux et qui se produisent sur
différents horizons temporels.

Tout d’abord, nous assistons à une transformation profonde du marché et de la nature du travail.

Les marchés du travail sont exceptionnellement tendus dans les économies avancées — et ce
n’est pas seulement dû à la forte demande de main-d’œuvre apparue après la pandémie. Dans
certaines économies, les travailleurs qui avaient quitté le marché du travail n’ont pas tous
retrouvé une activité, que ce soit pour des raisons de santé ou du fait de l’évolution de leurs
préférences. Dans d’autres, comme la zone euro, l’emploi atteint des niveaux record, mais le
temps de travail moyen a diminué.

La pandémie a également accéléré la numérisation, qui est susceptible d’avoir des répercussions
à la fois sur l’offre de travailleurs et sur la composition des emplois. Le travail à distance s’est
développé, ce qui pourrait rendre l’offre de main-d’œuvre plus élastique. Et cela s’inscrit
désormais dans le cadre de la révolution de l’intelligence artificielle (IA) générative qui, comme
toutes les révolutions technologiques, est susceptible à la fois de détruire des emplois et d’en
créer de nouveaux.

Selon une estimation, plus d’un quart des emplois dans les économies avancées reposent sur
des compétences qui pourraient être facilement automatisées. Par ailleurs, des recherches de la
BCE concluent que la part de l’emploi dans les professions les plus exposées à l’IA a augmenté
dans la plupart des pays européens au cours de la dernière décennie, réfutant l’idée que la
révolution de l’IA entraînera nécessairement une baisse de l’emploi.

Deuxièmement, nous sommes entrés dans une phase de transition énergétique qui, conjuguée à
l’accélération du changement climatique, donne lieu à de profondes transformations sur les
marchés mondiaux de l’énergie.

Bien que l’Europe ait subi le choc le plus important, le bouquet énergétique mondial est
également en pleine évolution, en raison du retrait de fournisseurs qui, auparavant, équilibraient
le marché. Depuis quelques années, le secteur américain du pétrole de schiste s’oriente vers une
stratégie de croissance plus lente et investit moins dans les capacités de production. Les pays
membres de l’OPEP+ ont pour leur part régulièrement échoué à atteindre leurs objectifs de
production.

Dans le même temps, les efforts en faveur des énergies renouvelables s’intensifient partout, du
fait des récentes préoccupations concernant la sécurité énergétique et de la nécessité d’agir pour
le climat. L’Union européenne (UE) entend désormais porter à plus de 40 % la part de sa
production d’énergie issue de sources renouvelables d’ici à 2030, tandis que les États-Unis sont
en bonne voie pour que la majorité de l’électricité du pays soit d’origine solaire ou éolienne
d’ici à 2050.

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Troisièmement, nous sommes confrontés à un approfondissement des clivages géopolitiques et
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à une fragmentation de l’économie mondiale en blocs concurrents. Cela s’accompagne d’une
montée du protectionnisme, les pays reconfigurant leurs chaînes d’approvisionnement pour
s’aligner sur de nouveaux objectifs stratégiques.

Ces dix dernières années, le nombre de restrictions aux échanges commerciaux en vigueur a été
multiplié par dix, tandis que les politiques industrielles visant à relocaliser, dans le pays ou dans
des pays amis, les industries stratégiques se multiplient aujourd’hui. Bien que cela n’ait pas
encore conduit à une démondialisation, les signes d’une modification de la structure des
échanges sont cependant de plus en plus nombreux. La fragilité des chaînes
d’approvisionnement mondiales mise en évidence par la pandémie a également accéléré ce
processus.

Ces évolutions, en particulier celles liées à l’environnement post-pandémie et à l’énergie, ont


contribué à la forte hausse de l’inflation au cours des deux dernières années. Elles ont réduit
l’offre globale tout en redirigeant la demande vers des secteurs confrontés à des contraintes de
capacités. Ces asymétries sont apparues, du moins dans un premier temps, dans le contexte de
politiques macroéconomiques très expansionnistes destinées à contrebalancer les effets de la
pandémie, nécessitant un ajustement rapide de la part des banques centrales.

À ce stade, il est difficile de savoir si tous ces changements seront durables. Mais il est déjà
évident que, dans de nombreux cas, leurs effets ont été plus persistants que prévu initialement.
Cela soulève deux questions importantes quant à la nature des relations économiques clés.

Deux questions sur les relations économiques clés

La première question est de savoir si les chocs à l’origine des fluctuations économiques
évolueront.

Dans le monde d’avant la pandémie, nous pensions généralement que l’économie progressait
sur une trajectoire de production potentielle en constante expansion, les fluctuations étant
principalement causées par des variations de la demande privée. Mais ce modèle n’est peut-être
plus approprié.

Pour commencer, il se pourrait que nous subissions davantage de chocs du côté de l’offre.

Nous assistons déjà aux effets de l’accélération du changement climatique, ce qui se traduira
probablement par des chocs d’offre plus fréquents à l’avenir. Selon des estimations, plus de
70 % des entreprises de la zone euro dépendent d’au moins un service écosystémique. La
modification du bouquet énergétique mondial est également susceptible d’accroître l’ampleur
et la fréquence des chocs sur l’offre d’énergie, le pétrole et le gaz devenant moins élastiques
tandis que les énergies renouvelables restent confrontées aux problèmes de l’intermittence et
des difficultés de stockage.

La relocalisation sur le territoire national ou dans des pays amis impliquent également de
nouvelles contraintes d’offre, en particulier si la fragmentation des échanges s’accélère avant
la reconstitution de la base d’approvisionnement nationale. Des études de la BCE montrent que,
dans un scénario où le commerce mondial se fragmente selon des lignes géopolitiques, les
importations en volume pourraient diminuer de 30 % au niveau mondial et ne pas être
entièrement compensées par une augmentation des échanges au sein des blocs.

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Dans le même temps, notre plus grande exposition à ces chocs peut déclencher la mise en place
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de politiques publiques qui feront également évoluer l’économie. Surtout, nous devrions
assister à une phase d’investissement concentrée en début de période, largement insensible au
cycle économique, à la fois parce que les besoins d’investissement auxquels nous sommes
confrontés sont pressants et parce que le secteur public jouera un rôle central dans leur
réalisation.

Par exemple, la transition énergétique nécessitera des investissements massifs sur un horizon
relativement court — environ 600 milliards d’euros par an en moyenne dans l’UE jusqu’en
2030. Les investissements mondiaux dans la transformation numérique devraient plus que
doubler d’ici à 2026. Le nouveau contexte international imposera quant à lui une hausse
importante des dépenses ayant trait à la défense : dans l’UE, environ 60 milliards d’euros seront
nécessaires chaque année pour atteindre l’objectif de l’OTAN en matière de dépenses militaires,
de 2 % du PIB. Même si le capital à forte intensité carbone se déprécie plus rapidement, tout
cela devrait entraîner une augmentation des investissements nets.

Une telle phase d’accroissement des besoins d’investissement structurel rendra les perspectives
économiques plus difficiles à anticiper. Dans la zone euro, par exemple, l’investissement a
augmenté au premier trimestre de cette année dans un contexte de stagnation de la production,
en partie en raison des dépenses d’investissement prévues à l’avance dans le cadre du
programme Next Generation EU.

La deuxième question porte sur la manière dont ces chocs se transmettent à travers l’économie.

Le nouvel environnement ouvre la voie à des chocs sur les prix relatifs plus importants que
ceux observés avant la pandémie. Si nous sommes confrontés à la fois à des besoins
d’investissement plus élevés et à des contraintes d’offre accrues, nous assisterons probablement
à des tensions plus fortes sur les prix sur des marchés comme ceux des matières premières, en
particulier les métaux et les minéraux, qui sont essentiels pour les technologies vertes. Et les
prix relatifs devront également être ajustés afin que les ressources soient réaffectées des secteurs
en déclin vers les secteurs en croissance.

Les réaffectations à grande échelle peuvent également entraîner une hausse des prix dans les
secteurs en croissance qui ne peut être entièrement compensée par la baisse des prix dans les
secteurs en déclin, en raison de la rigidité à la baisse des salaires nominaux. Les banques
centrales auront donc pour mission de maintenir les anticipations d’inflation fermement ancrées
à leur objectif pendant que ces changements de prix relatifs se produisent.

Et ce défi pourrait devenir plus complexe à l’avenir en raison de deux changements de


comportement en matière de fixation des prix et des salaires que nous observons depuis la
pandémie.

Premièrement, face à d’importants déséquilibres entre l’offre et la demande, les entreprises ont
ajusté leurs stratégies de fixation des prix. Au cours des dernières décennies de faible inflation,
les entreprises confrontées à des hausses de prix relatifs hésitaient souvent à augmenter leurs
prix de peur de perdre des parts de marché. Mais cela a changé durant la pandémie, les
entreprises ayant dû faire face à de grands chocs communs, qui ont agi comme un mécanisme
de coordination implicite entre concurrents.

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Dans ces conditions, nous avons constaté que les entreprises sont non seulement plus
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susceptibles d’ajuster leurs prix, mais aussi de le faire de manière substantielle. Ce
comportement explique en grande partie pourquoi, dans certains secteurs, la fréquence des
modifications de prix a presque doublé dans la zone euro au cours des deux dernières années
par rapport à la période antérieure à 2022.

Le deuxième changement a été l’apparition de tensions sur le marché du travail, qui a renforcé
la position des travailleurs souhaitant compenser leurs pertes de revenu réel. Auparavant, même
lorsque les chocs se répercutaient sur les prix, le risque d’effets de second tour était contenu,
car nous étions essentiellement confrontés à une sous-utilisation persistante des capacités sur le
marché du travail. Mais comme nous le voyons aujourd’hui, lorsque les travailleurs ont un
pouvoir de négociation plus important, une forte hausse de l’inflation peut déclencher un
processus de « rattrapage » des salaires susceptible d’entraîner un processus d’inflation plus
persistant.

Nous ne pouvons certainement pas exclure que ces deux évolutions soient temporaires. De fait,
nous constatons déjà, dans la zone euro, que les entreprises modifient leurs prix moins
fréquemment, malgré un contexte de baisse des prix de l’énergie et des intrants. Et il est possible
que les tensions sur le marché du travail s’atténuent avec le ralentissement de l’économie, la
dissipation des discordances entre l’offre et la demande créées par la pandémie et, au fil du
temps, avec la numérisation, laquelle devrait entraîner une augmentation de l’offre de main-
d’œuvre, notamment en réduisant les barrières à l’entrée.

Mais nous devons également envisager la possibilité que certains de ces changements
s’inscrivent dans la durée. Si l’offre mondiale devient moins élastique, y compris sur le marché
du travail, et que la concurrence mondiale est réduite, nous devons nous attendre à ce que les
prix jouent un rôle plus important dans l’ajustement. Et si nous sommes aussi confrontés à des
chocs plus importants et plus courants, tels que les chocs énergétiques et géopolitiques, nous
pourrions voir les entreprises répercuter les hausses de coûts de manière plus systématique.

Dans ce contexte, nous devrons être extrêmement attentifs à ce qu’une plus grande volatilité
des prix relatifs ne se traduise pas par une inflation à moyen terme sous l’effet des hausses de
salaires successives visant à « rattraper » les prix. Ce phénomène pourrait rendre l’inflation plus
persistante si les hausses de salaires attendues sont ensuite intégrées dans les décisions des
entreprises en matière de fixation des prix, donnant lieu à ce que j’ai appelé l’inflation « du tac
au tac ».

Une politique monétaire résolue en période de mutations et de ruptures

Ainsi, en cette ère de changements et de ruptures, où nous ne savons pas encore si nous
retournons vers l’ancien monde ou si nous nous dirigeons vers un nouveau, comment pouvons-
nous faire en sorte que l’élaboration des politiques reste solide ?

Je pense que trois éléments essentiels doivent nous guider : clarté, flexibilité et humilité.

Tout d’abord, nous devons être clairs sur notre objectif et sur notre engagement sans faille à
atteindre cet objectif.

La clarté sera importante pour définir quel rôle la politique monétaire devra jouer dans les
transitions en cours. Nous devons être clairs sur le fait que la stabilité des prix est un pilier

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fondamental d’un environnement propice à l’investissement. Dans un monde en mutation, la
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politique monétaire ne doit pas devenir elle-même une source d’incertitude.

Cet aspect sera essentiel pour assurer un ancrage solide des anticipations d’inflation, même en
cas d’écarts temporaires par rapport à notre objectif, ce qui pourrait arriver dans une économie
plus exposée aux chocs. Il sera également essentiel pour conserver la confiance du public quant
au fait que, même dans un nouvel environnement, nous ne perdrons pas de vue notre objectif.
Nous devons maintenir l’inflation à 2 % à moyen terme et nous y parviendrons.

Or pour atteindre nos objectifs, nous avons besoin de flexibilité dans notre analyse.

Nous ne pouvons pas élaborer une politique fondée sur des règles simples ou des objectifs
intermédiaires dans une économie incertaine. Cela signifie que nous ne pouvons pas
uniquement nous appuyer sur des modèles estimés à l’aide de données anciennes, pour tenter
d’affiner la politique en fonction des prévisions ponctuelles. Dans le même temps, nous devons
également éviter l’autre écueil consistant à trop se concentrer sur les données actuelles et à
« conduire en regardant dans le rétroviseur », car une telle approche pourrait faire de la politique
monétaire une force réactive plutôt qu’une force stabilisatrice.

Nous devrons au contraire élaborer des cadres de politique monétaire qui tiennent compte de la
complexité du contexte et fournissent une couverture contre les risques qui y sont associés, ce
que les banques centrales commencent déjà à faire. À la BCE, nous avons subordonné nos
décisions futures à trois critères : les perspectives d’inflation, la dynamique de l’inflation sous-
jacente et la vigueur de la transmission de la politique monétaire.

Ces trois critères contribuent à atténuer l’incertitude qui entoure les perspectives à moyen terme
en combinant les projections de nos services relatives à l’inflation, la tendance que nous
pouvons tirer de l’inflation sous-jacente et l’efficacité de nos mesures de politique monétaire
pour contrer cette tendance. À l’avenir, je pense que ce type d’approche « multi-critères » sera
nécessaire pour calibrer efficacement la politique monétaire. Mais nous devrons également
améliorer ce processus en actualisant régulièrement nos modèles et nos technologies en matière
de projections, ainsi qu’en approfondissant l’analyse des variables qui constituent les meilleurs
indicateurs avancés.

Le troisième élément essentiel dans ce nouvel environnement est l’humilité. Si nous devons
poursuivre nos efforts pour affiner notre vision à moyen terme, nous devons également être
clairs sur les limites de ce que nous connaissons actuellement et sur ce que notre politique peut
réaliser. Pour préserver notre crédibilité auprès du public, nous devrons parler de l’avenir de
manière à mieux faire comprendre l’incertitude à laquelle nous sommes confrontés.

La BCE s’est déjà engagée sur cette voie dans son processus d’élaboration des projections, mais
il reste encore du chemin à parcourir. Nous avons publié des analyses de sensibilité de variables
clés telles que les prix de l’énergie et les salaires, et nous avons utilisé une analyse de scénarios
pendant la pandémie et après le début de la guerre en Ukraine. Nous nous efforçons également
d’être plus transparents sur la prise en compte des erreurs de nos projections.

Des travaux de recherche tendent à démontrer que les ménages font moins confiance aux
prévisions des banques centrales si leurs performances récentes ont été médiocres, mais nous
pouvons atténuer ce problème en parlant de nos prévisions de manière plus conditionnelle et en
expliquant mieux nos erreurs. Pour cette raison, les services de la BCE ont commencé à publier

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les principaux facteurs à l’origine de nos erreurs dans les prévisions d’inflation et nous avons
l’intention de continuer à le faire.

Conclusion

Je voudrais à présent conclure mon propos.

Il n’existe pas de guide sur la situation à laquelle nous sommes confrontés aujourd’hui : c’est
donc à nous de l’écrire.

La conduite de la politique monétaire en période de mutations et de ruptures exige d’avoir


l’esprit ouvert et la volonté d’adapter en temps réel nos cadres analytiques aux nouvelles
tendances. Dans le même temps, en cette ère d’incertitude, il est d’autant plus important que les
banques centrales fournissent un point d’ancrage nominal à l’économie et assurent la stabilité
des prix conformément à leurs missions respectives.

Dans le contexte actuel, cela signifie, pour la BCE, fixer les taux d’intérêt à des niveaux
suffisamment restrictifs aussi longtemps que nécessaire pour parvenir à un retour rapide de
l’inflation vers son objectif de 2 % à moyen terme.

À l’avenir, nous devons rester clairs sur nos objectifs, flexibles dans notre analyse et humbles
dans la manière dont nous communiquons. Comme l’a dit John Maynard Keynes, « la difficulté
n’est pas de comprendre les idées nouvelles, mais d’échapper aux idées anciennes. »

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La communication, pilier stratégique de la politique
monétaire
Le niveau de l’inflation repose davantage sur la perception individuelle que les
consommateurs en ont que sa valeur réelle. Afin de mieux éclairer les acteurs
économiques, les banques centrales doivent miser sur un outil majeur, une
communication claire et transparente, plaident Fabrice Hermel de la Banque de France
et Wolfgang Proissl de la BCE.

D eux tiers des Français sont préoccupés par l’inflation, selon un sondage CSA du mois
de mars. La perception en est cependant variable : la moitié l’estime inférieure à 15 %,
l’autre supérieure. Un autre sondage, réalisé par la Banque centrale européenne (BCE),
donne pour sa part une médiane de 8 % en France. Dans les faits, l’inflation en France a atteint
5,9 % en 2022 ; elle avoisinera 5,5 % en 2023 selon la Banque de France.

L’inflation ressentie varie

Comment expliquer ces écarts ? L’inflation -définie comme la hausse globale du prix des biens
et des services- est souvent appréhendée par chacun comme la hausse des prix des biens et des
services qu’il consomme personnellement. Au-delà, nous sommes plus attentifs aux
relèvements tarifaires qu’aux baisses : on remarque plus facilement l’augmentation du prix de
la baguette que la baisse du prix des abonnements téléphoniques.

La perception de l’inflation dépend également du niveau de connaissance des agents


économiques sur la politique monétaire : plus ce niveau est élevé, plus elle est fine.
Communication, pédagogie et connaissance sont étroitement liées. Cela impacte la
communication des banques centrales : autrefois anecdotique, elle est devenue un outil
essentiel.

Communication limitée

Au siècle dernier, la communication des banques centrales était souvent volontairement limitée
et parfois énigmatique. La parole des banquiers centraux, rare, était essentiellement utilisée
comme un moyen d’intervention pour corriger les mouvements indésirables du marché.

Le « whatever it takes » de Mario Draghi en 2012 s’inscrit dans cette tradition. Un exemple
classique de cette communication limitée, inversement proportionnelle au pouvoir des autorités
monétaires, est celui de la Réserve fédérale américaine, qui préférait laisser interpréter ses
décisions de taux d’intérêt par le marché plutôt que de formuler des déclarations explicites.

Cette dynamique a fondamentalement évolué avec la création de la BCE en 1998, deux


changements majeurs amplifiant le rôle de la communication pour les banques centrales. Tout
d’abord, la libéralisation des marchés financiers implique que le succès de la politique
monétaire dépende de plus en plus des attentes concernant les futures politiques de taux
d’intérêt ; la communication des banques centrales s’est donc tournée vers ceux-ci.
Parallèlement, l’indépendance des banques centrales devient la norme dans la zone euro,
rendant essentielle la garantie de transparence envers les citoyens.

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Communiquer davantage
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Fort de 346 millions de citoyens dans 20 pays, l’Eurosystème doit communiquer en 17 langues
à destination de publics aux attentes très différentes. Communiquer efficacement vers ces
nombreuses populations a constitué un défi significatif. Or, plus la communication de
l’institution est simple, mieux elle est comprise, et plus les citoyens ont confiance.

Une communication efficace est en adaptation permanente. Les stratégies sont conduites de
manière agile, constamment affinées pour éclairer au mieux les citoyens sur les différents sujets,
de la dette publique au changement climatique. Il a également été jugé nécessaire de renforcer
les messages à destination des ménages et des entreprises. Non seulement en raison d’une
impérative transparence démocratique mais également car ces acteurs jouent un rôle central
dans la fixation des prix et des salaires : éclairer et mesurer leurs anticipations est crucial.

Afin de transmettre de manière pédagogique des informations complexes au grand public, les
banques centrales ont adopté des stratégies de communication novatrices. La Banque de France
a multiplié les actions de pédagogie économique, avec la création de Citéco, musée interactif à
destination du grand public, mais aussi avec des cycles de conférences, favorisant chaque fois
que possible les opportunités d’écoute, d’échange et de partage. C’est ainsi que la BCE, la
Banque de France et l’Eurosystème, autrefois perçus comme mystérieux et lointains, sont
désormais identifiés comme étant par essence au service du bien public. Et avec eux, la politique
monétaire européenne dans son ensemble.

Fabrice Hermel
Directeur de la communication à la Banque de France

Wolfgang Proissl
Directeur général de la communication à la Banque centrale européenne

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Pourquoi la communication est devenue un outil
majeur pour les banques centrales
Longtemps restées mystérieuses sur leurs intentions et même leurs actions, les banques
centrales ont opéré un virage radical ces dernières années. Alors qu’elles peinent à freiner
une inflation galopante, elles misent de plus en plus sur la communication pour mieux
faire passer leur politique monétaire.

E xpliquer l’inflation sur un air de reggae ? Toutes les institutions ne sont pas allées
jusqu’à cette solution originale trouvée en 2020 par la Banque centrale de Jamaïque pour
s’adresser au grand public. Mais à l’heure où elles peinent à dompter l’envolée des prix,
les banques centrales cherchent toutes des moyens de mieux faire comprendre leur politique
monétaire.

Dans l’Hexagone, la Banque de France a lancé une série de podcasts il y a un an dans lesquels
elle s’attaque aux grands thèmes économiques qui font son actualité. En 4 minutes, « On parle
cash » décrypte ce qu’est l’inflation, ou encore la finance verte. Si les auditeurs veulent en
savoir plus, il existe aussi un format plus long destiné à un public plus averti. Et les audiences
sont au rendez-vous. Ces podcasts totalisent 18.000 écoutes depuis leur lancement.

« Un réel besoin de pédagogie »

L’institution a également lancé la refonte de son site pour le rendre plus accessible au grand
public et multiplie les vidéos pédagogiques sur les réseaux sociaux. Elle est l’une des plus
actives dans ce domaine. « Au moment de la crise sanitaire, nous nous sommes rendu compte
à travers les questions qui nous étaient posées qu’il y avait un réel besoin d’explications et de
pédagogie », explique-t-on à la Banque de France. Le service de communication a ainsi intégré
à ses rangs un des économistes de la Banque, Vincent Bignon, afin de mieux répondre aux
questions d’actualité.

La Banque de France est loin d’être la seule à miser sur la communication. Lors de sa dernière
revue stratégique , en 2020, la Banque Centrale européenne (BCE) a également mis en place
un portail « La BCE à votre écoute », encourageant le grand public à s’exprimer sur de
nombreux sujets. Elle a aussi lancé des podcasts et s’emploie dorénavant à expliquer de manière
simple chaque décision de politique monétaire sur son site Internet en 24 langues.

Pourquoi tous ces efforts ? Pendant longtemps, les grands banquiers centraux ont préféré agir
dans l’ombre. Alan Greenspan, ancien président de la Réserve fédérale américaine, aurait même
déclaré à la fin des années 1980 que s’il avait été particulièrement clair c’était probablement
qu’on l’avait mal compris. Et jusque dans les années 1990, la Fed ne communiquait même pas
ses décisions de politique monétaire. Cette époque est largement révolue. « Les banques
centrales se sont rendu compte que si elles étaient mieux comprises, leur politique monétaire
serait plus efficace », explique Vincent Bignon.

Des outils non-conventionnels à décrypter

Et aujourd’hui, il y a urgence. Dans un contexte d’inflation galopante, les autorités monétaires


ont besoin de convaincre non plus seulement les investisseurs, mais également les entreprises
et les ménages qu’elles réussiront à ramener l’envolée des prix à un niveau raisonnable. Leur

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but est d’ancrer les anticipations d’inflation, c’est-à-dire de convaincre les ménages et les
entreprises que la hausse des prix est temporaire afin d’influer sur les décisions
d’investissement à long terme des ménages, les négociations salariales, mais également les
politiques tarifaires des entreprises, pour éviter l’emballement des prix.

Par ailleurs, la politique monétaire a changé de forme. « La politique monétaire est devenue
beaucoup plus complexe depuis une dizaine d’années », explique Gilles Moëc, chef économiste
chez AXA IM. Depuis la crise financière de 2008, les banques centrales ont eu recours à des
instruments non-conventionnels, que ce soit l’assouplissement quantitatif ou le programme
d’achats urgence pandémie de la BCE pour soutenir l’économie lors de la crise sanitaire.

Ces interventions ont pu susciter des réticences, notamment en Allemagne. Il a donc fallu faire
preuve de beaucoup plus de pédagogie et de transparence. Une communication qui vise
également à garantir leur indépendance. « Les banques centrales doivent convaincre l’opinion
qu’elles prennent leurs décisions en toute indépendance et selon le mandat qui leur a été confié
d’assurer la stabilité des prix », explique Gilles Moëc. Un enjeu de taille à l’heure de la montée
des populismes.

Marion Heilmann

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Bulletin
de la Banque de France
Recherche économique
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226/2 - NOVEMBRE-DÉCEMBRE 2019

La communication des banques centrales : du secret à la transparence

A u cours des vingt-cinq dernières années, la


relation des banques centrales avec le public
s’est complètement inversée, passant de la
1 Pourquoi communiquer ?

Deux raisons principales justifient ce changement radical.


culture du secret à une communication extensive. Premièrement, la communication est un élément essentiel
À la fin des années 1980, la Réserve fédérale des de la trans­parence et de l’obligation de rendre des
États-Unis (la Fed) ne communiquait pas de façon explicite comptes, devoirs qui incombent à toute institution en
le taux cible des fonds fédéraux et son président, charge d’une mission d’intérêt public, mais qui revêtent
Alan Greenspan, déclarait que quiconque le trouverait encore plus d’importance pour les banques centrales.
clair avait probablement mal compris ce qu’il avait dit 1. En effet, depuis les années 1990, une plus grande
Aujourd’hui, la plupart des banques centrales des pays indépendance leur a été accordée afin qu’elles pour-
développés tiennent des conférences de presse à l’issue suivent leurs objectifs de stabilité des prix et de
des décisions de politique monétaire, pour expliquer la stabilisation de l’économie. Cette indépendance va de
politique en cours et fournir des indications quant à son pair avec l’impératif renforcé, pour les banques centrales,
évolution future. d’expliquer leurs actions de politique monétaire et la
façon dont ces actions servent les objectifs qui leur ont
Cette révolution en matière de communication a été été confiés.
initiée par les banques centrales de petites économies
ouvertes, telles que la Banque de réserve de Deuxièmement, la communication constitue aussi un
Nouvelle‑Zélande et la Banque du Canada. Dans les instrument d’amélioration de l’efficacité de la politique
années 1990, ces banques centrales ont adopté la monétaire. La plupart des banques centrales ont des
politique de ciblage de l’inflation, à savoir un cadre de objectifs en matière d’inflation et d’activité économique,
politique monétaire donnant un rôle central à la commu- mais, in fine, la fixation des prix et les décisions de
nication de leurs objectifs et des raisons qui motivent production et de consommation sont du ressort des
leurs décisions. Bien que les grandes banques centrales entreprises et des ménages. La banque centrale ne
telles que la Fed et la Banque centrale européenne (BCE) contrôle l’économie qu’indirectement : elle utilise un
n’aient pas explicitement adopté la politique de ciblage petit nombre d’instruments – principalement le taux
de l’inflation, elles ont suivi une tendance similaire. d’intérêt au jour le jour et la taille de son bilan – pour
À compter des années 1990, la Fed a commencé à influer sur les décisions des ménages et des entreprises.
publier des déclarations sur l’état de l’économie, les La compréhension par les économistes et les banquiers
raisons de ses décisions de politique monétaire et la centraux de la façon dont les banques centrales
fourchette cible des taux des fonds fédéraux (1994), influencent ces décisions a connu un changement
les votes des différents membres (2002), ainsi qu’un radical : la communication, qui était auparavant une
procès-verbal (minutes) des réunions du Comité fédéral considération de second ordre, voire une persona non
d’open market (Federal Open Market Committee – FOMC ; grata, est devenue un des principaux outils de
2005). Depuis sa création en 1998, la BCE tient une politique monétaire.
conférence de presse après l’adoption de ses décisions
de politique monétaire qui inclut un échange avec les Avant les années 1990, on pensait souvent que, pour
journalistes. Depuis 2015, elle publie un compte rendu être efficace, la politique monétaire devait prendre les
des réunions de politique monétaire. marchés par surprise (Cukierman et Meltzer, 1986).

1 Le 23 juin 1988, Alan Greenspan avait lancé cette boutade lors des remarques informelles prononcées avant un dîner de travail de la Commission trilatérale :
« Depuis que je suis banquier central, j’ai appris à marmonner avec une grande incohérence. […] Je pourrais ajouter que, concernant les questions de taux
de change et de taux directeurs abordées ce soir, si vous avez trouvé ce que j’ai dit clair et sans ambiguïté, je vous assure que vous m’avez probablement
mal compris. »

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Mais les banques centrales ont progressivement compris du moment. Néanmoins, pour éviter des engagements
que, pour influer sur les décisions des ménages et des inconditionnels, il faut communiquer davantage et non
entreprises, il valait mieux engager un dialogue que de l’inverse. Donner des indications dépendant d’un nombre
les surprendre. En effet, les décisions économiques des restreint de scénarios de référence, ainsi que mettre
entreprises et des ménages dépendent très peu de ce l’accent sur la conditionnalité des décisions futures de
que la banque centrale fait aujourd’hui – par exemple, politique monétaire à un scénario donné, peut grande-
le niveau auquel elle établit le taux d’intérêt au jour le ment améliorer la prévisibilité et, par conséquent,
jour jusqu’à la réunion de politique monétaire suivante. l’efficacité de la politique monétaire.
En revanche, la plupart des décisions en matière de
dépenses et d’emprunts dépendent des taux d’intérêt à Cela étant, une banque centrale peut également s’exposer
long terme. Ceux-ci dépendent à leur tour des anti­ au risque de trop communiquer, c’est le cas lorsque trop
cipations des banques quant à l’évolution future des de communication risque de nuire à la prévisibilité :
taux d’intérêt au jour le jour, c’est-à-dire ce qu’elles soit en surchargeant le public de détails concernant trop
prévoient que la banque centrale fera à l’avenir. d’événements possibles, soit en fournissant des indica-
tions dont la conditionnalité échappe au public. De plus,
La politique monétaire exerce donc l’essentiel de son les décisions de politique monétaire sont prises par des
influence sur l’économie en rendant prévisibles ses comités au sein desquels la multi­plicité des voix peut
décisions futures. En améliorant la prévisibilité de ces être source de cacophonie si une trop grande diversité
décisions, la communication renforce nettement le d’opinions sur la trajectoire probable de la politique
contrôle de la politique monétaire sur l’économie. monétaire est exprimée (Blinder, 2004). Pour tenter de
Quelques années seulement après que la Fed, sous la réduire autant que possible les effets indésirables de la
présidence d’Alan Greenspan, a commencé à fournir communication, plusieurs banques centrales respectent
des indications quant à la trajectoire future du taux des une période de réserve, c’est-à-dire qu’elles s’abstiennent
fonds fédéraux au début des années 2000, Kohn et de communiquer pendant la période entourant les
Sack (2004) et Gurkaynak, Sack et Swanson (2005) réunions de politique monétaire, afin d’éviter de créer
constataient déjà que les taux d’intérêt à long terme une volatilité de marché excessive et une spéculation
réagissaient bien plus fortement aux déclarations de la inutile (Ehrmann et Fratzscher, 2009 et Powell, 2019).
Fed qu’à ses mesures de politique monétaire. Les décla-
rations et les actions d’une banque centrale doivent 2 La communication en période non
cependant se comprendre comme étant complémen- conventionnelle : l’exemple de la
taires : les mots n’ont de pouvoir que si le public est forward guidance
convaincu qu’ils seront suivis d’effets. La crédibilité est
donc indispensable à la communication. Sans elle, la La récente crise financière a conduit les grandes banques
communication de banque centrale ne parvient pas à centrales à évoluer vers une communication plus active,
influencer les anti­cipations du public et la banque centrale par le biais de discours officiels plus fréquents et plus
perd alors l’essentiel de sa capacité à conduire l’éco- longs 2. Après le début de la crise, les banques centrales
nomie dans la direction souhaitée. ont introduit plusieurs politiques monétaires non conven-
tionnelles (comme l’assouplissement quanti­tatif
Être prévisible ne signifie pas s’engager inconditionnel- – quanti­tative easing). Elles ont dû expliquer les raisons
lement à mener à l’avenir une politique donnée. Un de ces politiques, ainsi que leur fonctionnement et les
engagement inconditionnel est difficilement recomman- effets qu’elles en attendaient à la fois pour répondre à
dable dans la mesure où la politique monétaire qui sera leur obligation de rendre compte et pour assurer l’effi-
appropriée demain dépendra de la situation économique cacité des mesures prises. Dans un environnement

2 Coenen et al. (2017) ont montré que la longueur des minutes de politique monétaire publiées par la Fed, la Banque du Japon, la Sveriges Riksbank et, dans
une moindre mesure, la Banque d’Angleterre, a augmenté durant la crise.

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économique hautement incertain, une communication L’ambiguïté des motivations d’une annonce relative à
plus active était nécessaire pour assurer un degré élevé la trajectoire future des taux directeurs peut involontai-
de prévisibilité des mesures de politique monétaire et rement envoyer le signal d’une situation économique
limiter le bruit supplémentaire susceptible d’être engendré plus défavorable que prévu, ce qui peut accentuer la
par une décision de politique monétaire inattendue. détérioration de l’économie, alors que l’intention initiale
de la banque centrale était d’indiquer une orientation
La crise a également poussé les grandes banques plus accommodante de la politique monétaire. Même
centrales à communiquer davantage sur les politiques si la banque centrale parvient à un consensus sur la
futures. En raison du plancher effectif des taux d’intérêt trajectoire future des taux directeurs, les inter­venants
nominaux, les banques centrales n’ont pas pu abaisser de marché peuvent inter­préter une annonce comme
les taux autant qu’elles l’auraient souhaité pour stimuler étant plutôt delphique ou plutôt odysséenne. S’ils la
l’économie. Pour assouplir encore les conditions finan- considèrent comme delphique, ils percevront la trajectoire
cières, les banques centrales ont communiqué des de taux bas annoncée comme le signal que la banque
informations sur les taux d’intérêt futurs afin de piloter centrale a reçu des mauvaises nouvelles inattendues sur
les anti­cipations relatives aux politiques monétaires la sévérité de la crise ; s’ils la voient comme odysséenne,
futures. Cette politique est appelée « forward guidance » 3. ils inter­préteront la trajectoire de taux bas annoncée
Le tableau infra­présente les trois principales formes de comme une période d’orientation encore plus accom-
forward guidance utilisées en pratique par les banques modante et de taux d’intérêt réels à long terme plus bas
centrales. Ces trois formes ne sont cependant pas exclu- (cf. Andrade et al., 2019).
sives ; par exemple, la meilleure description des
indications relatives à l’orientation de la politique Pour prévenir une telle ambiguïté, la banque centrale
monétaire fournies par la BCE depuis juillet 2019 est peut, en choisissant la meilleure forme de forward
qu’il s’agit d’un mélange de déclarations fondées sur guidance, formuler l’annonce de sorte que les observa-
des éléments temporels et sur des éléments liés à la teurs soient à même de distinguer la perception de la
situation économique. situation économique par la banque centrale (la partie
delphique) d’un changement d’orientation de la politique
Une banque centrale peut utiliser la forward guidance monétaire (la partie odysséenne).
comme instrument de politique monétaire et annoncer
qu’elle a l’intention de maintenir ses taux directeurs à La forward guidance sera probablement considérée
un niveau bas dans le futur pour au moins deux sortes comme uniquement delphique – et donc inefficace – si
de raison. La forward guidance est dite delphique les observateurs pensent que la banque centrale n’est
lorsqu’il s’agit d’une indication relative à la trajectoire pas capable de tolérer un dépassement de la cible
future des taux cohérente avec l’environnement écono- d’inflation et anti­cipent que l’inflation convergera toujours
mique futur prévu par la banque centrale. Dans ce cas, vers la cible à partir d’un niveau inférieur 5. Ce risque
la principale information a trait aux anti­cipations de la est moins prononcé i) dans une déclaration fondée sur
banque centrale en matière de durée et de sévérité de la situation économique incluant une référence explicite
la crise. La forward guidance est dite odysséenne quand au dépassement de la cible (cf. infra, l’exemple du
elle constitue une promesse que dans un premier temps FOMC en décembre 2012) ; ii) si la banque centrale
les taux augmenteront plus lentement en réponse aux met l’accent sur la nature symétrique de sa cible,
tensions inflationnistes, s’engageant à dévier temporai- suggérant qu’elle ne surréagirait pas au dépassement
rement de la cible habituelle 4. de celle-ci (comme dans la déclaration introductive de

3 Cf. Drumetz et al. (2015) pour une présentation simple.


4 Cette terminologie a été introduite par Campbell et al. (2012).
5 Eggertsson et Woodford (2003) montrent en effet que les indications de politique monétaire n’exercent un effet sur l’économie réelle que si un dépassement
de la cible d’inflation est prévu.

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Les trois principales formes de forward guidance utilisées par les banques centrales
Forme de forward guidance Banque centrale européenne Réserve fédérale américaine
Annonce non limitative concernant la « Le Conseil des gouverneurs prévoit que les « Le comité […] prévoit que les conditions
période durant laquelle les taux taux d’intérêt directeurs de la BCE resteront à économiques justifient probablement des
devraient rester au plancher effectif leurs niveaux actuels ou à des niveaux plus niveaux exceptionnellement bas du taux des
bas sur une période prolongée ». Banque fonds fédéraux sur une période prolongée ».
centrale européenne (BCE), 4 juillet 2014. Comité fédéral d’open market (Federal Open
Market Committee – FOMC), 18 mars 2009.
Annonce fondée sur des éléments « Nous prévoyons qu’ils resteront à leurs « Le comité […] prévoit que les conditions
temporels concernant la période niveaux actuels, ou à des niveaux plus faibles, économiques [...] justifient probablement des
durant laquelle les taux devraient au moins pendant le premier niveaux exceptionnellement bas du taux des
rester au plancher effectif semestre 2020 ». BCE, 25 juillet 2019 a). fonds fédéraux au moins jusque mi-2013 ».
FOMC, 8 août 2011.
Annonce fondée sur la situation « Nous prévoyons maintenant que les taux « Le comité […] prévoit que […] le taux des
économique précisant les conditions d’intérêt directeurs de la BCE resteront à leurs fonds fédéraux sera approprié au moins aussi
requises pour que les taux restent au niveaux actuels ou à des niveaux plus bas longtemps que le taux de chômage demeurera
plancher effectif jusqu’à ce que nous ayons constaté que les supérieur à 6,5 %, que l’inflation à un horizon
perspectives d’inflation convergent compris entre un et deux ans ne dépassera
durablement vers un niveau suffisamment pas de plus d’un demi-point de pourcentage
proche de, mais inférieur à 2 % sur notre l’objectif à long terme de 2 % du comité et
horizon de projection, et que cette que les anti­cipations d’inflation à long terme
convergence se reflète de manière cohérente continueront d’être solidement ancrées. »
dans la dynamique d’inflation sous-jacente. » FOMC, 12 décembre 2012.
BCE, 12 septembre 2019.
a) À cette date, les indications données par la BCE étaient également fondées sur la situation économique. La fin de la citation est la
suivante : « et, en tout cas, aussi longtemps que nécessaire pour assurer la poursuite de la convergence durable de l’inflation vers notre
objectif à moyen terme ».

la BCE datée de juillet 2019) ; iii) si la banque centrale Dans un avenir immédiat, un retour à la normale devrait
a déjà toléré un dépassement temporaire de la cible être un retour à des taux d’intérêt qui ne seront plus
dans le passé (Barthélemy et Mengus, 2018). limités par la borne zéro. Pourtant, selon de nombreux
économistes, la nouvelle situation normale à long terme
Enfin, des éléments empiriques suggèrent que les indica- sera caractérisée par une plus grande fréquence des
tions fondées sur la situation économique sont parmi les récessions déclenchant la contra­inte de la limite de la
plus efficaces pour réduire la volatilité des taux d’intérêt borne zéro. La politique monétaire doit s’ajuster à cette
(Ehrmann et al., 2019) et le plus souvent inter­prétées possibilité et la communication peut constituer une part
comme odysséennes par le public (Andrade et al., significative de cet ajustement. Plusieurs options sont
2019). En revanche, certaines formes de forward examinées dans la littérature, qui vont d’une formulation
guidance (par exemple les indications fondées sur plus claire des objectifs des banques centrales à l’adop-
des éléments temporels pour un horizon de court tion de stratégies rendant le comportement de la banque
terme) sont parfois moins efficaces qu’une absence centrale à la borne zéro des taux d’intérêt aussi prévisible
totale d’indications. que quand il en est éloigné (c’est-à-dire cibler le niveau
des prix, que la banque centrale tente de maintenir sur
3 Quelle évolution de la communication ? une trajectoire de croissance régulière).

À mesure que l’économie revient à la normale et que Indépendamment de ce qu’implique le nouveau cadre
la politique monétaire se normalise, le niveau de commu- de communication, le recalibrage de la communication
nication pourrait lui aussi se normaliser. Toutefois, à est en général jugé plus facile à réaliser par temps calme
long terme, la communication des banques centrales qu’en pleine tempête. Premièrement, apporter des modi-
devra être prête à évoluer afin de relever les défis qui fications importantes à la stratégie de communication
se présenteront. en cours de récession peut compromettre certains des

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avantages liés à la prévisibilité qui étaient, précisément, d’investissement et de consommation sont centrales pour
visés par la communication. Deuxièmement, apporter la croissance économique et l’inflation. La communication
des modifications en période de turbulences risque de banque centrale doit donc toucher ce groupe afin
d’être inter­prété comme un signe de panique et d’im- de guider les décisions individuelles.
puissance, plutôt que comme l’exercice d’un contrôle
renforcé sur l’économie. En second lieu, la communication destinée à un public
plus large contribue à répondre à la demande d’une
La communication à destination du public plus grande obligation de rendre des comptes de la part
des banques centrales, renforçant ainsi le soutien du
La communication de banque centrale est principalement public à l’indépendance des banques centrales. Ce point
calibrée à l’intention des experts et des inter­venants de est d’autant plus important dans un contexte de montée
marché. Toutefois, il est également important de commu- des populismes. Pour réussir, les banques centrales
niquer davantage à destination du grand public. doivent avoir une communication claire, simple et plus
Premièrement, les décisions des ménages en matière proche du quotidien des populations qu’elles servent 6.

6 Bholat et al. (2019) montrent que la compréhension du public peut être améliorée en rendant les messages de politique monétaire plus proches de la vie
quotidienne. Pour cela, ils appliquent un modèle expérimental à différentes versions du résumé du rapport sur l’inflation de la Banque d’Angleterre pour un
échanti­llon représentatif de la population du Royaume-Uni.

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5
Quelle feuille de route pour le nouveau directeur de la
Banque de France dans le Var ?
Fraîchement nommé directeur départemental de la Banque de France à Toulon, ce pur produit
de la grande institution financière compte être à l’écoute du tissu économique local.

Après un passage à la direction de la stratégie de la Banque de France, Jean-Luc Moya retrouve la


région Provence-Alpes-Côte d’Azur où il a déjà officié à la direction régionale. Le sexagénaire vient
d’être nommé directeur départemental de la Banque de France à Toulon. Un poste de terrain à ses
yeux, dont il nous donne les contours.

La Banque de France est-elle une institution de terrain pour vous ?

Oui, puisque nous avons deux types de missions. D’abord en direction des particuliers et notamment
les plus fragiles. À travers le droit au compte par exemple. Si une personne a eu ses comptes fermés,
elle vient rencontrer nos équipes et nous désignons une banque qui aura l’obligation de lui ouvrir un
compte. Nous sommes aussi les interlocuteurs face au surendettement. Nous sortons d’ailleurs
régulièrement un baromètre de l’inclusion financière.

Il n’y a pas d’emballement, avec même une baisse de 7% au plan national du nombre de dossiers de
surendettement mais une hausse de 3% dans le Var entre 2021 et 2022. Notre rôle est d’aider les gens
à sortir de ces difficultés et par exemple nous encourageons le microcrédit.

Vous faites de la prévention ?

Nous formons des travailleurs sociaux pour qu’ils puissent conseiller les publics les plus en difficulté
dans la gestion de leur budget et nous avons un partenariat avec l’Éducation nationale depuis 2017.
Les collèges ont l’obligation de faire passer à leurs élèves de 4e et 3e un passeport financier qui
permet d’apprendre à gérer son argent. Souvent, ce sont eux qui sensibilisent les familles.

Êtes-vous aussi l’interlocuteur des entreprises ?

Tout à fait. Notre mission première est leur cotation. Autrement dit, à partir de leur bilan, nous
évaluons le risque de défaut mais nous prenons aussi en compte des éléments qualitatifs en allant à la
rencontre des chefs d’entreprise. C’est très important car c’est ce qui va permettre aux banques de
garantir les financements et aussi de déterminer le besoin en fonds propres. En 2022, le tissu est plutôt
résistant dans le Var ; nous n’avons pas de mauvais bilans.

Dans cette période, êtes-vous attentif aux PME ?

J’ai été très frappé il y a peu par un reportage sur le témoignage d’un boulanger obligé de se lever à
2 heures du matin pour travailler à des heures où l’électricité est moins chère. Notre mission est
d’accompagner les gens comme cet artisan. Les patrons de PME sont souvent très pris par la gestion
de leur entreprise et nous devons jouer un rôle de conseil auprès d’eux afin de les orienter vers le
service le plus adapté à leurs besoins. Nous réalisons aussi des diagnostics en ligne : c’est le dispositif
Opale.

La Banque de France est indépendante, les chefs d’entreprise peuvent se livrer. Une difficulté, ça peut
être aussi parfois la nécessité de gérer une croissance exponentielle.

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07/12/2022
Comment être en prise avec le quotidien ?
5
Mon objectif en tant que directeur départemental est de passer 50% de mon temps à l’extérieur de
mon bureau et travailler avec nos différents partenaires pour accompagner le tissu économique local.
L’économie varoise a les mêmes caractéristiques que celles de l’Hexagone mais de manière
exacerbée. Il y a assez peu d’industrie, beaucoup de services, avec notamment l’hôtellerie et la
restauration, du bâtiment, de l’agriculture, mais aussi une silver economy qui doit peser autour de
15%.

Vous êtes aussi garant de la bonne connaissance de ce tissu par la Banque de France ?

La Banque s’appuie sur 8 500 chefs d’entreprise informateurs dont 125 dans le Var qui nous apportent
chaque mois leur ressenti et particulièrement en ce moment sur le recrutement, leur anticipation de
l’inflation ou encore la crise de l’énergie. Toutes ces informations nourrissent la réflexion du
gouverneur. Car la Banque de France a deux outils : son action sur les taux d’intérêt et la confiance
dans ce qu’elle dit. Cela influe sur le comportement des acteurs économiques.

Vers une courte récession en 2023 ?

Les prévisions de la Banque de France, rappelle Jean-Luc Moya, tablent sur une croissance de 2,6%
pour l’année 2022 suivie d’un ralentissement plus ou moins marqué en 2023.

"Les prévisions de croissance oscillent entre +0,8 et -0,5, on n’exclut pas une courte récession
l’année prochaine. L’année 2024 sera celle de la reprise", explique le directeur départemental pour
qui la période actuelle correspond à une normalisation après l’emballement post-Covid. "Dans le Var,
les défaillances d’entreprises sont en augmentation par rapport à 2021 mais restent inférieures à
2019 comme au plan national."

Dans sa dernière note de conjoncture, portant sur le mois d’octobre, la Banque de France fait état
d’une situation plutôt positive dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur. Dans l’industrie, le niveau
des carnets de commandes est en progression ; la situation des stocks est équilibrée et les effectifs
sont plutôt stables. À court terme, une anticipation positive est attendue.

Dans les services marchands, incluant la réparation automobile et l’hôtellerie-restauration, les carnets
de commandes permettent d’envisager une activité à la hausse en novembre. "Mais dans le bâtiment
et les travaux publics, la visibilité se réduit", commente encore Jean-Luc Moya.

Quant à l’inflation, elle devrait continuer à croître avec un pic avant la fin du premier semestre. "La
Banque centrale européenne s’est engagée à revenir à une inflation de 2% d’ici deux à trois ans."

Mercredi dernier, l’Insee a indiqué que, selon son estimation, la hausse des prix à la consommation
en France a atteint 6,2% sur un an en novembre, comme au mois d’octobre contrairement à ce à quoi
on aurait pu s’attendre.

Cette stabilité est ainsi d’autant plus positive qu’en variation mensuelle, l’inflation est passée de 1%
à 0,4% entre octobre et novembre.

Marie-Cécile Bérenger

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07/12/2022
6
Comment la Banque Centrale Européenne dialogue avec les
médias
La Banque centrale européenne (BCE) rend compte régulièrement de ses décisions devant un parterre
de médias européens et anglo-saxons aux préoccupations et à l’audience très diverses. Elle est muette
sur les sujets tabous mais dispose d’éléments de langage pour les questions les plus épineuses et
controversées.

P our la Banque centrale européenne (BCE), les médias sont évidemment un relais important de ses
décisions auprès des marchés et du grand public. L’institution tient une dizaine de conférences de
presse par an, après ses réunions de politique monétaire. Et ce sont ses réponses, plus que la teneur de
son communiqué succinct, qui ont souvent le plus d’impact sur les marchés (taux, monnaie, actions). Elle
prend très au sérieux ce travail de communication, lors duquel elle utilise des éléments de langage censés
éviter tout faux pas. Une étude* des économistes de la BCE s’est penchée sur cet exercice d’équilibriste face
à un ensemble hétéroclite de journaux et agences de 28 pays.

Sur les dix dernières années (2012-2022), la séance de questions-réponses s’est déroulée devant 124 médias
(266 journalistes). Elle dure entre trente et quarante-cinq minutes. Pour éviter de monopoliser le débat et
dans un souci de pluralisme, chaque média peut poser deux questions au maximum. Mais tous ne sont pas
logés à la même enseigne. Plus de la moitié des questions (52 %) émanent des médias de deux pays anglo-
saxons hors zone euro, les États-Unis et le Royaume-Uni. Y figurent en position dominante le « Financial
Times », le « Wall Street Journal », CNBC, et deux agences, Bloomberg et Reuters.

Ce sont eux qui posent le plus de questions sur des points techniques de la politique monétaire de la BCE,
comme les modalités de ses programmes de soutien et de rachats d’actifs. En privilégiant les grands médias
financiers anglo-saxons, la BCE cible implicitement leurs audiences dans la communauté économique et
financière (investisseurs, économistes, traders…). « Elle est au moins confiante sur le fait que leurs questions
seront pertinentes. Mais la technicité de leurs échanges limite leur portée et la compréhension par un public
plus large, celui des quotidiens nationaux », expliquent les auteurs de l’étude.

Tous sujets confondus, les journalistes allemands ont posé deux fois plus de questions que leurs homologues
français, respectivement 14,7 % contre 7,5 %. Dans l’Union européenne, les principaux médias ont été « Il
Sole 24 Ore » (Italie), puis le « Börsen Zeitung » (Allemagne), « Les Échos » (France), le Handelsblatt
(Allemagne) et l’Agence France Presse. Ils totalisent à eux seuls 45 % des questions des journalistes
européens.

La presse d’Europe du Nord et internationale interroge davantage la BCE sur l’inflation que celle du Sud,
qui est plus préoccupée par des sujets comme les banques. L’euro, qui n’est pas un objectif de la politique
monétaire, est un sujet secondaire. C’est depuis 2021 que la hausse des prix est devenue l’un des thèmes
clefs des conférences de presse de la BCE.

Parfois, l’institution botte en touche sur des questions sensibles relatives à ses délibérations et débats en
interne. Elle doit afficher une unité, au moins de façade, et ne pas laisser entendre que les discussions en
privé ont été âpres, par exemple sur l’opportunité ou non de relever encore les taux d’intérêt.

La BCE n’est pas plus explicite quand elle est interrogée sur la situation économique et financière d’un pays
de la zone euro. Les journaux avec une audience essentiellement nationale attendent en vain des réponses
sur leurs économies. Lors de chaque conférence de presse, le président Mario Draghi ou la présidente
Christine Lagarde ont répondu à une vingtaine d’interrogations et demandes d’éclaircissements. Le premier
était plus concis dans ses formulations, avec 143 mots par réponse contre 219.

* « One question at a time ! A text mining analysis of the ECB Q&A session », Siria Angino, Robert Robitu.

Nessim Aït-Kacimi

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02/11/2023
7
Les Rencontres de la politique monétaire
La Banque de France a lancé sa troisième édition des Rencontres de la Politique
Monétaire vendredi 26 mai 2023, dans la ville de Dijon.

« Une politique monétaire mieux comprise est une politique monétaire plus efficace »,
François Villeroy de Galhau, Gouverneur de la Banque de France.

Venez nombreux participer aux éditions proches de chez vous et rencontrer le Gouverneur, les
sous-Gouverneurs et Experts de la Banque de France, et poser toutes vos questions !

De juin à octobre 2023, une succession d’événements aura lieu dans l’ensemble des 13 régions
de France. Une édition spéciale aura également lieu le 15 juin à Paris, au siège de la Banque de
France.

Aller à la rencontre des Français pour discuter, échanger et répondre à leurs questions s’inscrit
dans la continuité des missions de la Banque de France. De même, être pédagogique sur les
sujets d’actualité économique est une priorité de la banque centrale.

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