Graal Montsegur Rahn1951

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Le Graal et Montségur

par Paul CONTE, Instituteur honoraire

Dans une étude intitulée :«Louise de Roquelaure


disions au chapitre V : «Suzanne et Louise de Roquelaure parais-
»,
nous 1

sent avoir eu vaguement conscience du «prestige de surnaturel et


de légende » dont s'environne Montségur. (1)»

n
En effet, au moment oùnous parlons, Montségur est beau-

illo
coupen question dans les groupes théosophiques et philosophiques.
C'est ainsi que, du 12 au 17 septembre 1950, s'est tenu à
Ussat-le-Bains et à Montségur le 3me Congrès international de la
Ga »
«Société du Souvenir et des Etudes Cathares qui s'est terminé
dans les ruines du château par le commentaire de communications
fort intéressantes auxquelles il m'a été donné de prendre part et ;
de
que, cette année encore, , des, travaux non moins importants figu-
raient àl'ordre du jour du Congrès qui s'est tenu << enplein cceur de
ure

l'hérésie albigeoise », à Carcassonne et à Montségur, pendant les


vacances de Pentecôte.
Les bulletins de diverses sociétés rappellent tous le rôle. la
erc

au trésor :
puissance, le martyre de Montségur, et pas un qui ne fasse allusion
trésor 'purement matériel pour les affairistes, trésor
M

spiritueld'une haute portée pour les nombreux historiens et savants


venus de tous les pays du monde escalader le pitonrocheux pour
en percer le mystère.
;
Le

Pour les uns, le principal de ce trésor semble être la décou-


verte du Livre Saintdes cathares pour d'autres, il s'agirait,
plutôt, de la mise à jour du Saint-Graal et des tombeaux des nobles
chevaliers préposés à sa garde !.
Mais, à côté de cette préoccupation spéciale, Montségur appa-
raîtcomme un lieu historique d'un rare intérêt.
Alex COUTET, dans une série d'articles publiés par La Dépêche
de Toulouse; relate, lui aussi, paraphrasant les affirmations du
célèbre publiciste et spéléologue allemand, Otto RAHN, l'auteur de
«la Croisade contre le Graals,que «la montagne sacrée, célébrée
par lepoète roman de la chanson de la Croisade, serait le même,
Montsalvat qui gardait le graal duchevalier au cygne «Etlà, c'est
».
de Montségur qu'il s'agirait, s'élève un temple sur la roche »,
C'est
le temple du Graal.
Montségur aurait donc eu le rare privilège d'accueillir dans sa
(1) Bulletin Société archéologique du Gers,3me trim. 1950.
Ilef en berceau, le vase sacré où Joseph d'Arimathie recueillit le sang
du Christ au lendemain de la Cène ultime
sions-nous remarquer, pour que, « ».S'en est assez, fai-
«
amoureuse de la montagne
sacrée, pareille à la colombe, dont parle Lohengrin, la dame de
Roquelaure vint, tous les
ans, lui rendre sa splendeur.

n
illo
Ga
de
ure
erc

Le Temple du GRAAL
iniais, comment la précieuse relique, après bien des pérégri-
nations à travers les âges. d'orient
M

a Montségur et quelle en occident, était-elle parvenue


en est l'odyssée ?
C'est ce que
Pour repondre à
nous allons essayer de mettre en lumière.
questions nous nous permettrons une in-
Le

ces
cuision dans le pays cher à Cervantès,
de la pensée de l'Islam. pays longtemps dépositaire
Le poète-troubadour provençal KYOT (Guyot français),
en
nourri à l'Ecole de Tolède, paraît avoir révélé les secrets de l'astro-
logue arabe Flégétanis, secrets recueillis le pasteur souabe
par
\Aolframd'Eschenbacli et immortalisés par Lohengrindansl'Opéra
de Wagner.
Henri COLLET, attaché d'ambassade à Madrid, a fait un I - 19
séjour en Espagne. Il a fouillé les bibliothèques provinciales et
soigneusement consulté les richesses littéraires et artistiques de
la Bibliothèque de l'Escurial. Et il la joie de découvrir une
bibliographie manchoise publiée a eu
par un saint ecclésiastique «doc-
teur ès-sciences» et datée de 1845, à Madrid.
« Qui dira jamais la stupeur où je fus plongé, dit H. COLLET,
en lisant respectivement aux numéros 847 et 912 de ladite biblio-
graphie, deux documents sensationnels datés de 1567 et 1570 à
Argamasilla, et desquels il résulte qu'Alonso Quijano, dont il y
est parlé, était don Quichotte lui-même, ainsi que le laisse entendre
Cervantès, à la première page du fameux roman.
Alonso Quijano, tel un nouveau Christ, ERRA par monts et
vaux pour redresser les torts, corriger les abus, protéger les faibles.
secourir les nécessiteux et donner à tous des leçons de charité et
de justice. Et ce noble hidalgo, cet Alonso Quijano, avait bel et
»
bien existé. (2)
:
Dès lors, H. COLLET n'eut qu'une pensée étudier la généalogie
de l'illustre personnage.
-

II se rendit à Argamasilla, berceau de la famille d'Alonso


Quijano et eut l'heureuse fortune de découvrir un descendant en

n
la personne de Don Rodrigo Patchéco.

illo
tilhommière de Cinco Casas, faisait deux parts de sa vie l'une
Ga
consacrée aux plaisirs de la chasse et de la pêche
:
Don Rodrigo Patchéco, bourgeoisement installé dans sa gen-

; l'autre, à la
lecture et aux rapports de bon voisinage avec les braves paysans
manchois dont il était vénéré. Car. Don Rodrigo Patchéco était un
érudit dans l'acception la plus haute du terme. Il connaissait
de
parfaitement les œuvres de Cervantès et des autres auteurs espa-
gnols. Il possédait dans les moindres détails la vie de son illustre
ure

aïeul, et, comme lui, pratiquait les vertus de sa race.


Dans leurs conversations, H. Collet et don Rodrigo abordaient
erc

les sujets les plus divers.


Les romans de chevalerie et les recherches autour de la
légende wagnérienne concernant le Graal les passionnaient au plus
M

haut point.
A ce sujet, don Rodrigo Patchéco possédait une documenta-
tion luxuriante puisée aux sources les plus sûres et une érudition
Le

jamais prise en défaut.


Et, à la demande d'H. Collet, le petit-fils héroïque du Chevalier
aux Lions lui donna force détails sur « le Graal païen et le Graal
pyrénéen. »
Il lui fit d'abord la description de ce vase que l'on vénérait à
Valence et qui, selon lui. n'était qu'une copie, l'original se trouvant
à San Juan de la Pena qui l'avait primitivement recélé.
« Le Calice très saint où notre Rédempteur, rapporte H. Collet,
fit la consécration au soir de la Cène ultime, et qui contint, pour
la première fois, son sang divin, était une simple coupe d'agate,
dite cornerine orientale, semi-sphérique. de la grosseur d'une
orange, et pourvue d'un pied d'écaille. Telle qu'on la voyait à
Valence, la coupe s'adornait d'anses et d'appliques d'or sur les-
quelles étaient montées vingt-six perles fines, deux rubis et deux
(2) H. :
COLLET L'Ile de Barataria, p. 9.
émeraudes, ajoutées seulement au xnïme siècle», lors de son trans-
fert à Montségur.
« L'ensemble, continue H. Collet, reposait sur un modeste pié-
destal dont les quatre soutiens étaient autant d'anges en argent
»
ciselé. (3)
Mais comment un pareil joyau se trouvait-il à Valence. et
quelle était, au juste, l'odyssée du Saint-Graal à travers les âges ?.
«C'est ici que se place l'histoire merveilleuse et cependant
vraisemblable, poursuit H. Collet.
» Le Seigneur, au moment auguste de la Cène, prit le Calice,

Luc, MATHIEU et MARC :


rendit grâces, et présenta la Coupe en ces termes rapportés par
«Le Calice est le Nouveau Testament en
mon sang, qui sera versé pour vous. » Le Pater familias qui lerece-

n
vait, nommé Chusa, peut-être l'un de ses disciples, à coup sûr,

illo
homme opulent et d'Hérode le Tétrarque, pouvait en
vérité faire usage, procureur
en sa riche maison, de vaisselles luxueuses et
particulièrement de hanaps de prix, ainsi que tant d'autres illus-
Ga
tres personnages hébreux
ou grecs.
>5 LeSacrement eucharistique institué et le Seigneur étant sur
de
la Croix, il est permis decroire, toujours d'après H. Collet,
que
ous les objets qui l'avaient touché de près devinrent des reliques
inestimables
ure

pour ses diciples.


»De,
le Calice nêIne que la Croix, la Couronne d'épines
saintPierre,
et J
le saint suaire,
de la Cène dut être sauvegardé. Par la vierge-mère, par
erc

doute que le vase


?
par tel autre disciple Mystère !. Mais il est hors de
sacré fut recueilli etprobablement porté à Rome
avec les reliques principales de la Passion.
M

»Augustin SALES penche pour la translation du Calice par saint


Pierre. Toujours est-il jusqu'au temps du pape Sixte II, l'on
que,
la
Le

vénéra le Calice la ville Sainte comme relique la plus pré-


en
cieuse du Sauveur et
lorsquil que c'est de ce pape que l'obtint saint Laurent,
se disposait à partir pour l'Espagne, au moment des per-
sécutions de l'empereur Valérien. Saint Laurent fut arrêté, empri-
sonne et martyrisé en 258, mais il avait eu le temps de mettre en
lieu sûr les trésors que l'Eglise lui avait confiés.

brables historiens.
» On possède une iettre de lui, à un destinataire inconnu, qu'il
à
charge du dépôt sacré, et de son envoi Huesca, en Espagne, d'où
le saint était originaire. Le fait est, paraît-il, constaté
par
»En 713, l'évêque deHuesca, Audebert, transporta le Calice
à la grotte voisine de San Juan de la Pena, dans la montagne,
d'innom-

lorsque, après l'invasion mauresque, il put croire la plaine arago-

(3) H. :
COLLET L'Ile de Barataria.
naise menacée. Lui-même se réfugia dans la forteresse naturelle

- - .-----
du mont Pano, et ses successeurs s'y retranchèrent aussi jusqu'en
1060, date où le siège épiscopal fut transféré à Jaca.
» La marée mauresque battit en vain les rocs de la montagne et
finit par s'étaler à ses pieds. Inaccessible demeura le bastion
rocheux que défendaient plus de 300 chevaliers ayant à leur tête
le saint roi Garci Ximénez.
» Cependant, le monastère de San Juan s'enrichissait chaque
jour et devint un somptueux couvent digne de ces abbayes châte-
laines que nous devons à la munificence des grands ordres
médiévaux.
» En 1134, le Calice s'y trouvait, enfermé dans une arche d'ivoire
loin des regards haineux et cupides des mécréants.
» Alors, une légende naquit sur cette tombe
close :la
du Saint-Graal., du vase sacré où Joseph d'Arimathie recueillit
légende

n
illo
le sang du Christ, cloué en croix, et qui ne serait autre que le
Calice de la Cène.
» Le mot graal est sans doute une dérivation du grasal pro-
Ga
vençal, du grial limousin, du grésal catalan qui signifient tasse,
»
vase ou calice. Un grazal ou uno grazalo, au féminin, en langue-
docien, est une sorte de poterie, en forme de cône tronqué renversé,
de
destinée à recueillir, d'abord, le sang du porc et, ensuite, la chair
à saler pour la conservation.
la
ure

Cette similitude, qu'on nous pardonne comparaison, est


pour le moins curieuse.
«Et le graaldevient, au xnŒne siècle, la cellule lyriquedes
erc

récits du cycle de la Table Ronde. »


Tous les héros de ces récits : Artus, Lanzaroté.- Galaad, Par-
M

sifal,tous sont liés, par leurs exploits divers, à l'histoire du Saint-


Graal. Mais l'intérêt universel s'est surtout porté sur leParsifal
évoqué par Chrétien de Troyes, Wolfram d'Eschenbach, et, de nos
jours, par Richard Wagner.
Le

Qui ne connaît l'œuvre sublime du poète-musicien allemand


oùle Rédempteur futur, Parsifal, le simple, le pur, reprend à l'en-
chanteur Klingsor la lance sacrée que celui-ci avait ravie à l'indi-
gne chef des Chevaliers du Graal, Amfortas, et, après avoir triom-
phé des embûches de Goundry, sept fois impure de corps et d'âme,
s'avèreseulcapable, de réformer le culte menacé du Saint Calice !.
,

N'y a-t-il point un évident rapport entre le Parsifal despoèmes


,le
et GarciXiménez qui, au IXme siècle, sauve la Coupe de San Juan
de la profanation des impies?
Et les chevaliers du Graal, ne font-ils pas songer aux ermites-
soldats de la grotte mystérieuse du mont Pano ?» (4)
Maintenant, il faut bien envisager laquestion du transfert
du Graal de San Juan de la Pena à Montségur.
Lorsque Lohengrin, dans l'opéra de Wagner, s'avance pour1
:
(4) H. COLLET L'Ile de Barataria Montsalvat
« », p. 163 à170.
J
proclamer : «Il est un burg qu'on nomme Montsalvat
Montségur qu'il faut entendre.
»,
Le mythe wagnérien place, en effet, le burg de Parsifal et de
c'est

Lohengrin dans la région pyrénéenne.


Et Lohengrin poursuit sur un ton pathétique
«Et lit s'élève un temple sur la roche.
:
Rien n'est, au monde, égal à son éclat
Comme le Saint des saints, avec mystère,
!
On garde un vase auguste, dans ses murs ;
Les anges l'ont remis sur cette terre,
Aux soins pieux des hommes les plus purs.
Une colombe, en franchissant l'espace,
Vient, tous les ans, lui rendre sa splendeur :

n
C'est le Saint-Graal. Par la divine grâce,

illo
Les chevaliers puisent en lui l'ardeur
De le servir. Quiconque obtient la gloire,
Ga
S'élève au rang d'un être surhumain.
Par lui, le Juste est sûr de sa victoire ;
L'effort du crime expire dans sa main.
de
S'il doit partir vers une autre contrée,
Pour protéger le droit et la vertu,
ure

Son pouvoir est durable et sa force est sacrée,


Tant que, de tous, il demeure inconnu. (5) »
U.0S ecrIvain français se sont emparé du texte allemand et ont
erc

f" e rapprochement. L'éminent P. B. Gheusi, dans Montsalvat,


Parsifal-Perelha, s'est
r. fait l'apôtre de cette thèse.
M

voici une autre voix bien indépendante etplus lointaine,


cellelà,qui s'est fait entendre les bords du Rhin.
sur
:
C'est celle d'un spéléologue, écrivain et journaliste allemand,
Otto RRahn qui, dans
Le

son ouvrage «La Croisade contre le Graal»,


après avoir décrit la levée de boucliers contre les cathares, l'inves-
tissement et la chute de Montségur, explique tout ceci est
bien la suite du mystique Graal dont Montségur que fut le siège, dans
la première moitié du
XIIIme siècle.
Après un long séjour dans l'arche d'ivoire de San Juan de la
Pena. sous la garde vigilante des ermites-soldats du Pano,
mon
«Pour protéger le droit et la vertu », le Saint-Graal dut partir
vers une autre contrée.
Cette contrée se situe dans un château, «sur la roche
nord des Pyrénées aragonaises.
», au
Et ce serait le roi d'Aragon et de Catalogne, Pierre II, gendre
du Comte de Montpellier et beau-père de Raymond VI, comte de
TouIOle, qui aurait facilité l'évasion,
(5) WOLFRAM :
CI'ESCHENBACH Lohengrin.
pour en confier la garde à
son vassal, le valeureux chevalier cathare dont Wolfram d'Eschen-
bach se plaît à reconnaître Parsifal, en la personne du jeune et
prestigieux Trencavel de Carcassonne.
On suppose, avec raison, que les chevaliers du Graal auraient
emprunté la vallée supérieure de la Sègre, voisine de celle de la
Haute Ariège, puis le col de Puymorens et qu'ils auraient conduit
le dépôt sacré, d'abord dans les grottes d'Ussat et d'Ornolac, si
riches en souvenirs gnostiques et mithriaques, ensuite, non loin
de là, au château templier de Montréalp-de-Sos, et, enfin, par le
sentier secret du mont Saint-Barthélemy, à Montségur.
Otto RAHN, que j'ai vu dans les ruines du château où il avait
planté sa tente, pendant l'été de 1933, s'est longuement fixé dans la
haute Ariège. Il a exploré en détail et la montagne de Montségur

n
et les grottes aménagées pour le culte ou fortifiées pour la résis-

illo
tance des environs d'Ussat-les-Buins.
Il a fouillé nos bibliothèques méridionales et soigneusement
Ga
consulté le fonds roman.
Il en est résulté que, Otto RAHN, dans son volumineux ouvrage
à la documentation robuste nous dit à son tour :
de
«La montagne du Graal. c'est Montségur, et les dépositaires
du vase précieux, ce sont les Cathares. Toute la mystique wagné-
ure

rienne part de là. Parsifal, c'est bien le Perceval de France et ce


Graal, une pierre précieuse tombée du ciel dans la lutte entre les
anges et Lucifer.
erc

Ce Graal, ce trésor symbolique, c'est à Montségur qu'on le


»
gardait. (6)
M

« De Montségur à Wagner, remarque Alex COUTET. la filière


est établie. C'est dans l'œuvre du minnesœnger allemand du moyen
âge, Wolfram d'Eschenbach ,que le génial allemand a puisé le
Le

livret de ses deux œuvres, Parsifal et Lohengrin. Wolfram d'Es-


chenbach. dont Otto Rahn possède l'œuvre à fond, dut écrire SON
Parsifal vers 1215. C'est l'époque de nos grands troubadours que
le poète allemand a côtoyés. Il ne s'en cache pas du reste, et il
cite son grand inspirateur, le« provençal Kyot », qui pouvait vivre
vers 1150. «Parsifal est considéré par Otto Rahn comme d'ins-
piration romane. La démonstration qu'il en fait est passionnément
intéressante. Suivant pas à pas Wolframd'Eschenbach, il nous
montre que c'est toute l'épopée romane.
« Les noms géographiques de chez nous abondent dans le récit
du minnesœnger allemand. »
On ne peut pas s'y tromper.
«Les gloses et les interprétations sont, elles-mêmes, frappan-
tes de vraisemblance. »Jugez-en plutôt.
(6) Otto RAHN : La Croisade contre le Graal.
Parsifal serait Trencavel de Carcassonne. D'après l'étymologie
saxonne, Parsifal signifierait «couper en deux». Trencavel, en
roman, signifie «bien couper ou bien trancher ». Parzival, d'après
Wolfram, se retire dans les solitudes de Fontaene de la Salvaeche.
Trencavel, d'après le poète
roman, chercha l'isolement dans la
;
grotte de Fontanet. Dans la solitude, Parzival, d'après Wolfram,
est initié au mystère du Grcùciï par l'ermite Trévrizent
monte vers Montsalvat. Dans la grotte, Trencavel, d'après le poète
roman, rencontre un cathare qui l'initie au mystère du grand
sur ce, il

consolateur ; et, sur ce, il monte à Montségur.


Et c'est ainsi que l'analogie des personnages que nous venons
de Constater poursuit tout le long de l'interminable poème de
Wolfram avec se
ceux de notre midi héroïque.
J'ouvre une parenthèse.

n
La grotte de Fontanet, dont il est question ci-dessus, est

° illo
située sur la rive droite de l'Ariège, non loin d'Ornolac-Ussat-Ies-
Bains, dans le groupe de montagnesdu Saint Barthélémy, où,
Ga par
un sentier secret, on accédait à Montségur.
«Wolfram d'Eschenbach n'avait jamais été commenté de cette
sorte,nous dit Alex Coutet, et, probablement, jamais autant lu
de
que
Rahn qui connaît, d'ailleurs, à fond,nos troubadours, et
r
c'ont ouvrage
oriens, annalistes s'autorise d'une monumentale bibliographie de nos
ure

méridionaux et de nos romanistes.


Irument
infl
a tIlèse de l'écrivain de «la Croisade contre le Graal
séduisante.
» est
erc

c h
each est impressionnante quand on songe
Ellepuisa,
- que Wolfram. d'Es-
aussi, chez notre Chrétien de Troyes, entre 1170
la il le dit, chez ce Pérceval le Gallois, expression du
M

et 1190deet,
roman Table Ronde, et que, pour le reste, il dut être animé
par ou
le grandcourant
lyrique de la Cour de Thibaut de Champagne,
Le

Otopassa le trouvère allemand.


Kyo
K
a
Ce a la
Rahn émet la supposition
que Wolfram a pu rencontrer
Ce,.
textes
11
soulignés
a Cour
Cour
parallélisme
de Frédéric Barberousse, empereur d'Allemagne,
d'Allemagne.
des deux inspirations, cette compénétration des
et français sontassez troublants pour ne pas être
Rattacher,eneffet,l'inspiration wagnérienne
denotrehistoire méridionale, au plus profond
t en déceler l'origine dans l'œuvre de
nos roubadours, et ceci à l'aide d'une succession ininterrompue
de comparaisons de

rulnes textes, c'est de l'argumentation persuasive. (7)


Letemple du Graal en sort grandi. Une nouvelle auréole
évocatrices du vieux château et «Rien n'est
au Tmnonde égal à son éclat», clame Lohengrin.
se

Ainsi donc, Montségur aurait recélé dans


son temple,«sur
la roche », le graal pyrénéen, jusqu'au jour où. « connu », et «crai-
gnant pour son sort », il dut partir «vers une autre destination
inconnue».
Dans les légendes celtiques du roi Arthur, «le château du
»
1, Graal se dressait en un lieu désert, stérile, ou «sur la roche »,
au voisinage duquel on trouvait abondamment les sept minéraux
de base, symbole des richesses spirituelles.
De même qu'aux environs du château templier de Montréalp-
de-Sos, près de Tarascon-sur-Ariège. où un centre initiatique paraît

n
illo
Ga
de
ure
erc
M

Montségur au clair de lune


Le

avoir fonctionné entre le IIme et le xiVm" siècle (8), la montagne de


Montségur recèle du fer, du cuivre, du plomb argentifère, du
manganèse.
Ce n'est pas par hasard, en effet, qu'on peut voir encore, en
un lieu dénommé «le Minier »,
des indices certains de fouilles
anciennes et qu'au pied du château, avant d'arriver au village,
une section est désignée sous le nom de «Largenlièro ». La encore,
des traces d'exploitations anciennes subsistent.
Mêmes constatations à «la Beino »
(la veine) à l'Ouest du
village, où il me souvient avoir trouvé un fragment roulé de
minerais de cuivre, avec de belles efflorescences de vert-de-gris, et

;
(7) Alex. COUTET
(8) D. ROCHE
La Dépêche de Toulouse, année 1932.
:
Cahiers d'Etudes Cathares, n° 3, année 1949.
qui est venu enrichir la collection de minéraux de mon musée
scolaire.
Il résulte de ceci et des recherches de nombreux historiens
sur les centres initiatiques cathares dans la région pyrénéenne,
»
que le « haut lieu de Montségur, baigné d'air pur et de lumière,
aurait été, d'abord, un temple au soleil celtique qui a pu servir de
temple d'initiation pour la jeunesse (les jeunes hommes seulement
à ce qu'il nous semble).

tale où jouaient
un
:
C'est autour du temple au soleil que les Celtes fêtaient le
rythme des saisons fêtes de vie, de mort et de résurrection végé-
grand rôle les symboles de la génération
lance fécondatrice et la
la :
coupe génératrice figurée par «le Graal».
-
Puis, plus tard, «sur la roche », le château du Graal, que deux

n
cathares, deux compagnons anonymes auraient édifié sur les ruines

illo
du temple, devint centre initiatique célèbre voué à la contem-
un
plation du principe divin dans
sa nef en berceau. Ga
Quant à la prise du château lui-même, les annalistes sont assez
accord
, pour rapporter qu'en plein siège, le patriarche, Bertrand
artin, pressentant la fin prochaine de la forteresse pyrénéenne,
de
réussit à faire évader, la nuit de Noël 1243,
qduatr hommes, le diacre Mathéus et trois par un passage secret,
u compagnons, porteurs

d,'
ure

trcsor.
Quatre hommes., ce,n'est pas beaucoup pour emporter des
richesse !.
ngIne,
IIC esses
..1 pas du trésor symbolique t.. et
erc

1 Ne
N s'agit-il b 1. mystérieux
dont
se perd dans la nuit des légendes celtiques ou
bl
saxonnesP?u*~^re
saxonnes
T Rnenens, Peut "t dud précieux G l idéal
Graal, .d" 1 d des conquêtes des
d
M

At

Table Ronde ?. tout comme de nos chevaliers bretons de la


Ce trésor est-il
passé, avec les fugitifs de Montségur, par les
Le

rOlltehs vallées d'altitude


dape la haute
du Touyré et du Lasset, dans la vallée
Ariège ?
d serait
On eologIques tenté de le croire quand on pense aux découvertes
ssat et historiques faites dans les grottes des environs
d'Ornolac,

t- de et ainsi qu'à Montréalp-die-Sos, non loin de là.


ava assisté à «la fin de Montségur
soir meme », ?
Et le reste du trésor, qu'est-il devenu Des témoins
oculaires
assurent qu'il fut enlevé le
la reddition, le 16 mars 1244, par de hardis compa-
glionsle Aniiel Aicart et
dans voisinage du son ami Hugo, qui, attachés par des cordes,
nVinaperçus, passage « du Porteil », descendirent la falaise
eus'
rcoocmh
roc
hcom
ef Pdela
IcIte
l' au revers de l'assaillant, grâce à la
des hommes de « Camon », secrètement d'accord
forteresse, Pierre Roger de Mirepoix. (9) avec le

:
(9) F. Niel Cahiers d'Etudes Cathares, n's 5 et 6, année 1950.
Il y en avait une «flaciata, dit le scribe roman, c'est-à-dire
le contenu d'une couverture de lit.
Cette dangereuse sortie de la place, la dernière, s'effectuait à
lalueur du brasier ardent qui, plus bas, au col du Tremblement,
achevait de consumer Esclarmonde et les 204 cathares irréducti-
bles qui avaient préféré la mort sur le bûcher à l'abjuration «in
pace».
«
Puléou crama que renuncia », telle était leur devise.
On suppose que ces richésses, par les sentiers de la montagne
;
du Bidorte, parvinrent à Caussou, dans la vallée de la haute
Ariège de là, à Prades, par le col de Marmare
château du seigneur d'Alion, sur le plateau.du Capcir.
et, enfin, au
Après la capitulation de Montségur, le mystique Graal paraît
avoir séjourné dans la région du Sabarthez. Là, sous l'impulsion

n
illo
du dernier ministre cathare, le célèbre Pierre Authîé, il continuait
à réchauffer l'âme des derniers survivants de la secte et présidait
encore à l'initiation des nouveaux croyants.
Ga
Par la suite, les derniers fugitifs, flambeaux vacillants d'une
civilisation décadente, s'étant retirés en Lombardie, il a pu réin-
tégrer les gorges profondes des monts de Jaca, en Aragon.
de
H. Collet nous apprend, en effet «que le Calice de San Juan
aurait été transféré à Valence par la volonté du roi d'Aragon et de
ure

Sicile, Don Martin l'Humain, qui, à l'occasion de son couronnement


solennel, en lacathédrale, le 13 avril 1399, l'aurait sollicité ».
daté
erc

« Un acte de donation, poursuit H. Collet, existe, en effet,


du 26 septembre de la même année. Et le roi aurait offert, en
échange, au monastère de San Juan, une riche coupe en or. 1
M

Le Calice, déposé d'abord dans la chapelle royale de AljaférÜÚ


puis au palais, ne fut destiné à la cathédrale qu'en 1437. 4
Et l'on peut vérifier par les inventaires successivement dressés
Le

jusqu'à nos jours,des trésors de la cathédrale, la présence indu"


bitable de la Coupe. 1

Toutefois, il paraît difficile d'admettre que le zèle mystique'


des anachorètes de San Juan de la Pena ne se soit pas refroidi efl
présence d'un faux Calice, si riche fut-il. 1

Ce qui attira les Chevaliers et les ermites au mont Pano, C'C$IJ


le Saint-Graal. 1
Une fois le vase ravi à ses défenseurs séculaires, il n'y a phS¡
de raison que ceux-ci demeurent ensevelis dans leur farouche solil
tude ; mais il y a tout lieu de s'attendre, au contraire, à ce qlte,
l'ascétique congrégation du mont Pano, fautéd'une puissant attr^i'
pour de neuves recrues, s'achemine peu à peu vers la décrépitud
et la mort.
Or, il n'enest rien. à
,
heure'
cettehetire'
n'est, àcette
est rien. Nullecongrégation
Nulle cong régationn"est,
toujours d'après H. Collet, aussi vivace que celle qui s'abrite au
cœur des Pyrénées aragonaises.
De plus, on sait qu'en 1744. 500 ans exactement après la capi-
tulation de Montségur, le Calice de Valence fut brisé, involontai-
rement, sur les dalles du choeur, par un archidiacre de la cathé-
drale. Cependant, aucune trace de brisure n'apparaît sur la Coupe,
aujourd'hui exposée à la vue d'es fidèles ! ! !
Croirons-nous, comme certains, que les artistes chargés de
su faire disparaître jusqu'à la félure indicatrice?
la réparation ont
Si donc l'on tient compte, d'une part, de la volonté ferme de
amt-Laurent, de voir
; ;
conserver le Vase Sacré dans les gorges
profondes de son pays natal d'autre part, de la survivance fictive
de l'ordre contemplatif de San Juan et, enfin, de l'aspect de la

n
Coupe de Valence, jadis brisée, et intacte à présent,
on hésite,

illo
malgré soi, à affirmer l'authenticité du Calice de la cathédrale

1
de Valence. Ga
Il faut donc conclure qu'il y a dans cette fascination des ordres
contemplatif et mystique par l'asile primitif du Graal, un indice
en faveur de la réinstallation de la vraie coupe au monastère de

a
San Juan de la Pena. »
de
(10)
Et, ensuite,
que l'exposition de cette Coupe à la vue des fidèles,
ure

cathédrale valentienne, est en contradiction avec l'esprit de


Lohengrin
o e quand il proclame :
«Du graal, pourtant, le merveilleux mystère,
erc

A Iceil de nul mortel


Chacun de
nous
ne peut s'offrir.
subit la loi sévère :!
M

S'il est
connu, soudain, il doit partir »
De tout ceci, il résulte qu'on
mativement, le refuge du Graal après ne saurait situer, même approxi-
la prise de Montségur.
Le

E,St-l1 resté, enfoui,


ans
d quelque part. dans sa nef en berceau ou
une des nombreuses grottes qui couvrent la montagne ? Cette
opinion est assez répandue.
Ceci s'éclaire, d'ailleurs, d'un jour En effet, des
asseurs d'isards d'une commune voisinenouveau. n'ont-ils pas récem-
ment découvert dans une excavation, près du passage qu'emprun-
aient jadislesmessagers cathares, DEUX URNES du plus haut
intérêt ?.
Soit dit en passant, il est profondément regrettable que dans
leur ignorance
ou l'euphorie de leur découverte, nos vaillants
nemrods n'aient pas songé à alerter les services compétents qui
auraient procédé à l'inventaire et à l'identification de ces vestiges
du passé.

(10) H. :
COLLET L'Ile de Barataria, p. 170.
Ou bien, le Graal, a-t-il été enlevé, avec le reste du trésor,
comme \1 a été dit, au moment ultime de la résistance, ?
Toujours est-il que les fouilles entreprises àdiverses époques
sont restées muettes. La roche sainte garde touj ours son secret.
Ainsi, qu'il s'agisse du Graal païen ou du Graal pyrénéen,
»
puisque les deux n'en font qu'un, «la quête demeure toujours
possible à celui qui a soif de savoir. -
« Le savoir caché du Graal, a écrit Rudolf Steiner, sera mani-
festé et pénétrera progressivement comme une force intérieure
toutes les manifestations de la vie.» (11)
Et aujourd'hui, comme alors, le vérifable secret du Graal ne
se découvre pleinement qu'à celui qui ne craint pas les aventures
de l'esprit et s'engage résolument dans la voix de la connaissance.

n
illo
Si nous nous intéressons au Graal, ce n'est pas seulement par
admiration pour le passé, mais aussi par amour pour l'avenir.
Nous voulons rechercher ce qu'il y a de profondément vrai
Ga
dans les croyances anciennes pour en féconder notre civilisation
en danger.
C'est pourquoi, nous ne voudrions pas mettre le point final
de
sans vous faire connaître la réponse de Mme Wiersma Verschaffeld,
:?

--
Docteur-ès-sciences historiques de l'Université de La Haye, à la
ure

question «Qu'est-ce que l'essence du Graal, pour nous, hommes


modernes ».
erc

« En vérité, dit MmeWiersma, le Graal est la possibilité et le


lieu de la réalisation, de l'incarnation des forces morales créa-
trices, et chacun de nous peut être, tour à tour, le Graal du
M

moment, que cette action créatrice se manifèste en lui, fût-ce par


la création d'un enfant, ou d'une œuvre d'art, ou d'une œuvre de
science.
Le

Tous ensemble, nous sommes le Graal, s'il nous est permis


d'ouvrir notre cœur à ces mêmes forces créatrices, et s'il nous est
possible, par là, de donner un avenir meilleur à l'Humanité.
Nous ajouterons, pour notre part, que dans la période trou-
(12) »
blée que nous vivons, le Graal du moment ne saurait être une
».«j
:
Coupe insaisissabe, ni une «pierre précieuse tombée du ciel
C'est quelque chose de plus précieux encore c'est la lumière
intérieure qui éclaire les valeurs spirituelles encore intactes et
encore capables de rechercher la Vérité, de conserver la Paix aux
hommes et deréaliser la Fraternité Humaine. A
C'est, pour tout dire la Gnose, la Gnose de Platon et celle des
Cathares, c'est-à-dire, «l'Idéal le plus haut que l'homme puisse
(11) RUDOFKSTEINER
(12) DR
: Les Mystères du Graal.
WIERSMA VERSCHAFFELD : Les trois degrés
païen, Cahiers d'Etudes Cathares, n° 3, année 1949.
d'initiation au Graal
se faire de sa propre évolution », au sein même et au profit de la
communauté Humaine. 1

Et pour terminer, nous formulerons un vœu Si jamaisles


hasards de la vie vous amenaient dans ce coin de l'Ariègé où la
:
Maréchale-de Roquelaure et sa fille Louise, Marquise de Mirepoix,
ont laissé le meilleur de leur cœur, ne le quittez pas sans faire
l'ascension du piton rocheux de Montségur.

n
illo
Ga
de

,—•_Le rocher de Montségur et '--"


ure

-
le village

Vous serez d'abord récompensés de vos peines par •un pano-
erc

bna grandiose, ouvrant de vastes horizons sur le pays de Foix,


l' o lmès, le
pays de Sault et les avancées des Pyrénées.
M

* Il est peu de sites enFrance qui parlent plus à l'imagination


que Montségur» écrivait déjà, en 1874, Albert Réville, dans la
Revue des Deux Mondes, et dont le moins qu'on puisse dire, c'est
Le

que le Destin de la France est resté longtemps suspendu à "es


creneaux.
C'est bien notre avis. Aucun autre site ne frappe davantage
esprit que le cône rocheux surmonté des ruines du temple, tel
qu'on l'aperçoit
en venant du pays de Foix.
Et puis,, interrogez les vieilles pierres!. Contemplez et
essayez de comprendre.
A défaut de riches sarcophages, de rutilantes armures, de
bibles cathares, à défaut du mystique Graal, représentez-vous, de
la-haùt, les combats titanesques résultant du choc de deux doctri-
nes, de deux civilisations qui s'affrontent pour se détruire
nieditez les enseignements de toutun peuple de martyrs, dont le
et ;
courage, l'abnégation, l'ardeurde la foi dans son MM ont failli
ébranler les assises, pourtant solides, du pouvoir royal et de
l'Eglise romaine au Moven Age.

:Les
(13) Rudolf STEINER MystèresduGraal.

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