Histoire Des Marty 02 Cres
Histoire Des Marty 02 Cres
Histoire Des Marty 02 Cres
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HISTOIRE
DES
ARTYRS
PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ DES LIVRES RELIGIEUX
DE TOULOUSE
JEAN CRESPIN
ÉDITION NOUVELLE PRÉCÉDÉE D'UNE INTRODUCTION
PAR
DANIEL BENOIT
ET ACCOMPAGNÉE DE NOTES
MATTHIEU LELIÈVRE
T0.\!£ DEUXIÈME
TOULOUSE
^OCIÉTF DE^ 1 I\KLS RELIGIEUX
DÉPÔT : RUE ROMIGUIÈRES, 7
1887
AVERTISSEMENT
Ces limiles, toutefois, nous /es avons peut-être un peu étendues, et /es
cinnotiitions de ce second volume sont p/us nombreuses et plus développées
ces six années qui virent monter sur le bûcher ou sur l'échafaud : en Angle-
terre, une reine d'un jour, lady Jane Grey ; un archevêque, Cranmer ; les
évêqucs Hooper, Latimer, Ridley et Ferrar ; des théologiens tels que Ro-
gers et Philpot , sans parler de centaines de victimes aussi fidèles , quoique
moins illustres ; et, en France, des prêtres convertis comme Gudlaume Neel,
Pierre Serre , Guillaume de Dongnon , Jean Rabec ; des pasteurs et des
les armes à la main , leur place au soleil, il nous a paru nécessaire d'en-
tourer lerécit de Crespin des éclaircissements que les documents contem-
porains pouvaient nous fournir. Nous avons surfout voulu tirer parti des
variantes, parfois fort considérables, que présentent les diverses éditions du
Martyrologe , et conserver en notes certains détails qui avaient disparu
d'une édition à l'autre.
Nous exprimons notre vive reconnaissance à tous ceux qui ont bien voulu
les fois que nous l'avons réclamé. Nous avons, comme lui, trouvé en
M. Sepp un collaborateur aussi aimable que savant, pour les martyrs des
Pa/s-Bas. MM. Emile Lcsens, de Rouen, Raoul de Ca:{cnove, de Lyon,
AVERTISSEMENT. VII
(1) C'est le nom de M. Calltiaud qui doit remplacer celui qui se trouoe par erreur à la ligne 15 de
la note 2 de la page i ç i ■
VIII AVERTISSEMENT.
Matthieu Lelièvre.
LIVRE CINQUIEME
cheminer, en fuyuant les lieux fours, plus prompts à cercher fa bonne grâce
finalement fe rendit aux marches (i) que prefts à rendre le pareil après
de Nortfolc & de SufFolc, où elle fa- auoir receu le plaifir. Mais il refte
uoit que le nom du Duc eftoit hay , à vne confolation aux miferables : c'eft
rail'on de la récente deffaite des qu'encoresde que la foi&& neéquité foyent
forclofes la terre fe trouuent
payfans (2). Là , ayant amalTé d'vne parmi les hommes, fi fe trouueront-
part & d'autre fecours du peuple , fe elles certainement au ciel par deuers
tint quelque temps au chafteau de
Freminghamen (3). le Seigneur. Mais pourautant que
Ceux de Cevx de Suflblc (qui toufiours ont
Suffolc portent efté fingulierement afTeftionnez à auan- nous recitons fimplement l'hiftoire ,
aide à la lailTons ceux de Suffolc, fans autre-
Roine Marie. cer l'Euangile) accoururent tous pre- ment enquérir combien ils ont mérité
miers à elle , offrans l'aider de leur enuers la Roine par leur promptitude
t& diligence. Quant à la recompenfe
pouuoir , pourueu qu'elle ne chan-
geaft rien Edouard
fon frère de l'eflat auoit
de lainftitué.
religion Pour
que faite par elle, le fait &la toute l'hiftoire
de cefte perfecution déclare haut
& clair. Voici donc maintenant Marie
le faire bref, elle accepta celle condi-
tion & donna la foi, de forte que cha- deuenue Roine de fugitiue, tellement
cun fe tenoit pour affeuré. Que fi , efchappee de grans périls & terreurs,
puis après, elle eufl autant conrtam- qu'elle eft terrible aux autres. Elle a
ment gardé les paches (4), qu'iceux maintenant l'efpee en la main , dont
la défendirent franchement d'armes & elle a frappé les fidèles, comme nous
de corps, elle euft fait vn ade digne de verrons ci après , & premièrement
noblefie , & eufl rendu fon royaume cefte Princeffe tant noble & ver-
tueufe.
plus ferme & paifible & de plus lon-
gue durée. Car quelque puiffante que
puiffe eftre la perfonne, ce neantmoins
à grand'peine la defloyauté peut fub-
fifter longuement , encores moins la
Marie munie terreur, & fur tout la cruauté. Marie,
du fecours des
ainfi munie du fecours des Euangeli- Iane GrayeSuffolc
, fille(i).
du Duc de
Euangeliques. ques ,contraignit quand & quand les
autres & le Duc mefme de fe rendre.
Or les chofes ainfi auenues, on trouua Entre toutes les femmes d'A ngleterre
au/quelles de ce temps le Seigneur
fort eftrange la refponfe qu'elle fit à a manifcjlé fa conoijfance , cefte
ceux de Suffolc , qui la fommoyent
par vne requefte de garder la foi pro- Iane de Suffolc fe trouuera auoir
mife. « Pourautant (dit-elle) que vous efté la perle, non feulement pour les
eftans les membres, voulez nonobllant dons & grâces fingulieres qu'elle
gouuerner vollre chef, vous entendrez auoit , mais fur tout pour la con-
finalement que les membres doyuent fiance admirable que Dieu lui a
eftre au delTous & non au delTus de donnée de maintenir fa fainàe doc-
leur chef. »
trine au milieu d'vn royaume de
De ce temps , & pour la mefme nouueau reuoUé contre l'Euangile.
Le feiçneur caufe , vn noble feigneur , nommé
ddb. Apres que Marie, comme dit a
Dob (5) , qui fe tenoit près de la
ville de Vindan (6) , fut par trois fois efté, fe vid ainfi exaltée par ceux de la
mené au milieu du marché & forcé de religion (2), fes ennemis domtez, tout
faire amende honorable. Or il auient lui eftre feur , elle partit du camp
ordinairement , félon la couftume des pour venir à Londres , où elle fut re-
hommes , que quand nous auons be- ceue à grand'ioye extérieure de quel-
foin de l'aide d'autrui , nous fommes ques vns , mais pour crainte de la
plufpart , par flatterie exceffiue de
(i) Marches : frontières. tous. Là, tout premièrement, elle Eu efgard à
(2) 11 s'agit d'une émeute survenue dans dédia l'entrée de fon règne par le fang
les comtés de l'Est sous Edouard VI, et que de cefte ieune dame Jane, laquelle elle fon nement.
emprifon-
Northumberland avait réprimée.
(î) Cliàteau de Framiingham. fit conftituer prifonniei'e à fa venue, &
(4) Les conventions.
(î) Foxe le nomme Dobbe, et en fait un
simple gentleman, et non un seigneur (t. VI, (1) Sur Jane Grey et sa mort, voy. Foxe,
p. 587). t. VI. p. 415-425-
(6) Wyndham. (2) Edit. préced. : les Evangcliquos.
LIVRE CINQUIEME.
virilement. » Iane. « Voftre venue
tort après exécuter auec fon mari. Et
m'eft bien agréable, pourueu que vous
combien
trine vouians ennemis les
, que lesobfcurcir grâcesdoc-
d'icelle du y foyez venu pour me donner quelque
exhortation Chreftienne. Au regard de
Seigneur par ce prétexte, qu'elle au- l'affliftion , tant s'en faut (grâces à
roit elle exécutée pour crime d'auoir
afpiré à la couronne, contre le droit lefus Chri(l) qu'elle me foit en-
de légitime fucceffion : ce neantmoins
nuyeufe, que ie l'eftime vn figne de
il a eflé conu qu'à fon grand regret grande faueur Diuine, & telle qu'onc-
elle auroitefté proclamée Roine d'An- ques il in'ait monflré. Parquoi il n'eft
gleterre, & que le tout s'ertoit dé- befoin que certe chofe tant à moi fa-
mené par lean, Duc de Northombe- lutaire vous contrifte, ou ceux qui me
land, homme feditieux, pour attirer la portent faueur. » F. « le fuis ici en-
couronne en fa maifon, ayant allié uoyé de la part de la Roine &. de fon
par mariage Guilford Dudley, fon (ils, confeil , pour vous inftituer en la foi
auec ladite Jane. Northombeland en
catholique, bien que i'ai opinion que
receut fon falaire puis après & fut dé- n'en auez aucun befoin. » I. « Certes,
capité fuyui
, au mefme fupplice du ie remercie la maiellé de la Roine qui
Duc de SufTolc. Les autres nobles a fouvenance de moi fa poure fuiette ;
furent feulement punis par la bourfe, enfemble ie me fie que vous vous ac-
de leur rébellion. Quant à Jane, il eft quiterez fainélement & purement de
alTez notoire que Marie, fa coufine, la charge qui vous efl eniointe. »
F. « Quelle chofe efl requife à vn De la Foi.
ne l'affligea pour autre caufe que pour
haine de la Religion qu'elle maintcnoit Chreflien .> » I. « C'efl de croire en
auec telle confiance & intégrité, que Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le
les ennemis en eftoyent eflonnez. Et S. Efprit : trois perfonnes & vn
qu'ainfi foit , quatre iours douant Dieu. » F. « N'y a-t-il autre chofe
lu'elle enduraft la mort, Feknam (i),
epuis efleu Abbé de Weftmonder ,
requife à vn Chreftien, finon de croire
en Dieu? » I. « Si a bien : il nous
fut enuoyé vers elle , du vouloir de la conuient croire en lui, l'aimer de tout
Roine, pour la diuertir de cette con- noflre cœur, de toute noflre ame& de
ftance & de fa foi & religion , & pour toute noflre penfee, & nollre prochain
la réduire à la difcipline Papale & comme nous mefmes. » F. « Il s'en-
ramener au bon chemin , comme ils fuit donc que la foi ne nous iurtifie Rom. }.
eftiment. pas. » I. « Si fait véritablement, la
roit bon deNous auons
mettre pensé
ici le qu'il fe-
fommaire de feule foi , comme dit S. Paul , nous
leur deuis & conférence, en la forte iurtifie. » F. « Pourquoi donc, dit S.
Paul : « Si nous auons toute la foi &
qu'elle l'a recueillie & publiée , à ce Gai. 1.
que le ledeur en puiffe donner fon que
auis. rien } n'ayons
» I. « Ilcharité
eft vrai , ; ilcar necomment
profite
pas, & y eut plufieiirs autres propos du diable ; autrefois efpoufe de Chrift,
entre nous, mais voila les principaux. mais A prefent le deshonefte paillard
Ainfi ell-ii, Jane Dvdley. de l'Antechrift ; autrefois mon frère
fidèle , mais maintenant eflranger &
apoftat ; voire mefme autrefois vn
QvAND Feknam vid qu'il ne pouuoit
rien gagner, il print congé d'elle , en ferme & afl"euré champion de Chrift,
mais maintenant reuoité & fugitif.
lui difant qu'il elloit grandement def-
" Car Toutes les fois, di-ie, que ie confidere
dit-il) ie pour
filaifant l'amourqued'elle.
fuis alTeurti iamais nous les menaces & promeffes de Dieu
ne nous trouueronsl'vn Vautre. » « Ilefl enuersment ,ie
tousfuis
ceux qui l'aiment fidèle-à
vrai, refpondit lane , fi vous ne faites contrainte de parler
pénitence , & vous retournez à Dieu; toi, Toi femencede Satan, & non pas
car vous eflcs en mauuais erreur. Je de Juda ; que le diable a deceu , que
prie Dieu que, par fa mifericorde, il le monde a trompé, & le defir de
vous donne fon fainft Efprit ; & cefte vie miferable a fubuerti , & fait
comme il vous a donnii quelque don d'vn Chreflien vn infidèle. Pourquoi
de la langue, suffià conoiftre
qu'il lui plaife vous;» as-tu pris le teftament du Seigneur en
illuminer le cœur fa vérité ta bouche .' pourquoi as-tu maintenant
& ainfi fe départit. dédié ton corps aux mains fanglantes
des aduerfaires & cruels tyrans }
Pourquoi as-tu par ci deuant inftruit
les autres d'eftrc fermes en Chrift, &
Nous auons ici infcré vne Epijlrc maintenant toi-inefme abufes du Tef-
quelle efcriuit en vulgaire Anglois à tament & de la Loi du Seigneur .>
vn perfonna^e (1), qui, par crainte Toi qui as prefché qu'on ne defrobe,
du monde 6- tar ambition, s'elhit tu defrobes trefabominablement, non
de/tourné du bon chemin; laquelle pas les hommes, mais Dieu ; & comme
ejl pleine de doctrine & de pieté; vn facrilege tu defrobes Chrift ton
& de mot à mot traduite, contient ce Seigneur du droid de fes membres;
& defrobes & defraudes & ton corps
qui s'enfuit.
& ton ame , quand tu te monftres ai-
QvAND ie rcdui en mémoire les ter- mer mieux viure miferablemcnt auec
ribles &redoutables paroles de Dieu : honte en ce monde, que mourir &
Luc 19. aue (( celui qui met la main à la charrue régner en gloire & honneur auec
«Y regarde derrière lui, n'eft point lefus Chrift, duquel en mourant on
obtient la vie. Ce feroit maintenant
digne d'entrer au royaume des cieux ; »
& d'autre part que ie confidere les que tu te deurois monftrer vertueux;
paroles confortables & douces de car la vertu & force n'eft conue que
M ait h. 10.
nofire Sauueur lefus Chrift, qu'il quand on eft aft"ailli, mais au contraire
adrelTe à tous ceux qui renoncent à tu te caches deuant qu'on te pour-
eux mefmes A l'enfuiuent, i'ai grande fuyue. Miferable & malheureux, qu'es-
occafion de m'efmerueiller & de la- tu finon poudre A cendre ? veux-tu
menter pour toi , qui au temps paiïé rcfifter à ton Créateur qui t'a formé
eftois vn membre viuant de Chrifi, & & fait ? as-tu vouloir d'abandonner
maintenant es vn efclaue difforme du
celui qui t'a appelé d'vn poiire lieu
diable; autrefois le plaifant temple de de peager entre les Romains Ante-
Dieu, mais à prefent vn infeél canal chrifts, pour eftre ambaffadeur & mef-
fager de fa parole éternelle.^ Celui,
(I) Foxe le nomme, dans ses dernières di-ie, qui t'a eftabli, iS: depuis ta créa-
éditions : u Masier Harding, naguère cha-
pelain du duc de SulTolk, son père. » Mais, tion & natiuité t'a preferué, t'a nourri
dans sa première édition, que Crespin a & gardé, voire infpiré l' Efprit de fa
suivie . le marlyroloKiste anglais le désigne conoift"ance (ie nofe pas dire de grâce)
mystérieusement comme " un certain savant
n'aura-il point la iouy(rance de toi ?
homme que je connais et pourrais nommer Ofes-tu bien te donner à vn autre,
ici, si je le voulais, n II explique que , s'il
s'ahstieni de le nommer, c'est dans l'espoir veu que tu n'es point à toi .^ Comment
qu'il reviendra à la foi qu'il a abandonnée. ofes-tu ainfi mcfprifer la Loi du Sei-
L'authenticité
mais elle est dementionnée
cette lettre a été contestée,
dans la lettre à gneur &, enfuyure les vaines tradi-
Bullinger ci-dessus indiquée. Ce qui est cer-
tions des hommes.' &a\i lieu que tuas
tain, c'est que le texte de ce document a cftéprofeft'eur(i)publiquedefon Nom,
subi des retouches et contient, d'une édition
i l'autre , des variantes assez considérables. (1) Tu as fait profession.
JANE GRAVE. 7
eftre deuenu vn reiiieur de fa gloire? Jeremie, & tu en es admonnefté auffi
Tu refufes le vrai Dieu, & adores les 'en tant de lieux de l'Efcriture fainéle.
inuentions des hommes, le veau d'or, DiEV dit qu'il eft vn Dieu ialoux. Exode 20.
la putain Babylonique , la religion lequel veut qu'on lui attribue tout
Romaine, l'idole abominable
Veux-tudeen-la honneur & gloire, & 4.
qu'on
Méfie tref-abominable. feul; & Jefus Chrift au de S.l'adore
Luc,
cores tourmenter & defmembrer le en parlant à Satan qui le tentoit (qui
trefprecieux corps de noftre Sauueur eft celui mefme Satan, ce Beelzebub,
Jefus Chrift de tes dents puantes & ce diable qui t'a ainfi fubuerti). « Il
eft efcrit , dit-il : Tu adoreras le Sei-
charnelles
ait ? nepour
efté rompu te fuffit-il
nous enpoint qu'il
la croix, gneur ton Dieu, & à lui feul tu ferui-
pour nous conferuer entiers deuant la ras. » Ce palfage & les autres fembla-
maiefté de Dieu fon père r Ofes-tu bles te défendent, & à tous Chreftiens,
bien entreprendre d'offrir aucun facri- d'adorer aucun autre Dieu que celui
fice à Dieu pour nos péchez, confideré qui eftoit deuant tous les fiecles, &
que Chrift lui-mefme, comme dit qui a fondé le ciel & la terre; & tu le
veux delaiffer, honnorant vne idole
Hebr. lo. faind Paul, s'eft offert en la croix en
facrifice viuant, vne fois pour toutes ? deteftable inuentee par le Pape de
N'es-tu pas efmeu de la punition des Rome, & par l'abominable feâe des
Ifraelites , laquelle ils ont endurée fi Cardinaux? Chrift s'eft on"ert vne fois
griefue &fouuent pour leurs idolâtries? pour toutes, & le veux-tu offrir encore
les menaces terribles des Prophètes iournellement à ton plaifir ? Mais tu
ne t'efmeuuent-elles pas ? n'as-tu me refpondras que tu le fais à bonne
point horreur d'honorer vn autre dieu intention. O fource de péché! O en-
que le Dieu viuant & éternel ? n'as-tu fant de perdition ! fonges-tu là vne
bonne intention , où ta confcience te
pas efgard à celui qui n'a point efpar-
gné fon propre Fils pour toi ? veux-tu donne tefmoignage de l'offenfe de
attribuer honneur aux idoles , qui ont Dieu & de l'ire du Seigneur ? Autant ,_ sam. i.
bouche & ne parlent point, yeux & ne
en faifoit Saul; lequel d'autant qu'il
voyent point , qui périront comme n'auoit obéi à la parole de Dieu, pour
ceux qui les font ? Que dit le Pro- vne bonne intention qu'il pretendoit,
fut reietté & priué de fon royaume.
leremiephèteefcrite
Baruch , aux
recitant
luifs l'epifire de
captifs, les Toi qui effaces ainfi l'honneur de
auertiffant qu'en Babylone ils ver- Dieu, & lui defrobes fon droit, penfes-
tu auoir le royaume celefte & éternel ?
royent des dieux d'or et d'argent , de
bois, de pierre , portez fur les efpau- veux-tu ietter Chrift du ciel pour vne
les des hommes, pour donner crainte bonne intention , faire que fa mort
aux Gentils ? « Mais ne les craignez foit vaine, & anuller le triomphe de fa
point, difoit-il ; car, quand vous aper- croix, le facrifiant ainfi à ton plaifir ?
ceurez les autres qui les adoreront, veux-tu auffi, ou pour crainte de mort,
dites en vos cœurs : C'eft toi , Sei- ou efpoir de viure , denier ou reietter
ton Dieu, qui a enrichi ta poureté,
gneur, qu'il conuient adorer feulement;
car le charpentier en a ordonné le guéri ton infirmité , & reftitué en
bois, & les a ornez, voire & font dorez
vraye fanté, fi tu l'euffes gardée? Ne
d'or & esleuez en haut, argent & cho- confideres-tu point que le fil de ta vie
fes vaines, & ne peuuent parler. « Il dépend de celui qui t'a fait ? qui eft
monftre d'auantage leur abus en leurs celui qui peut à fon plaifir doubler le
acouftremens , comme les preftres ont fil pour plus durer, ou le defdoubler
acouflré leurs idoles de toute façon , pour eftre pluftoft rompu , finon lui ?
tellement que l'vn tient vn fceptre , Te fouuient-il point que le noble Roi
Dauid te le déclare au Pfeaume 104,
l'autre vn poignard en fa main ; & pour
tout cela ne peuuent iuger aucune où il dit : « O Seigneur, quand tu reti-
chofe, ne fe défendre ne garentir de res ton esprit des hommes, ils meu-
rent & retournent en poudre ; mais
la vermine ou rouillure.
roles que leur 'Voici
dit Jeremie : enles quoi
pa-
quand tu leur tranfmets, derechef tu
les remets en vie , & renouuelles la
il aprouue que c'efl chose vaine, & face de la terre? » Remets, remets en
qu'elles ne font pas dieux. En la fin
il conclud ainfi : « Confondus foyent mémoire la parole que Jefus a dite :
ceux qui les adorent, » &c. Ils ont efté « Qui aime fa vie, il la perdra, mais qui lean 12.
admonneftez par Jeremie, & tu en as la perdra pour mon Nom, il la trou-
admonnefté les autres comme a fait
uera ; " & en l'autre paffage : « Quicon-
8 LIVRE CINQUIEME.
Matth. lo. oue aime père ou mère plus que moi, les qui s'adreffent à ceux qui le nient
pour fauuer leur vie : « Que celui qui Matth. lo.
il n'eft pas digne de moi; car celui me nie deuant les hommes , ie le
qui veut eflre mon difciple , il faut
nierai deuant mon Père qui eft es
qu'il abandonne père & mère & foi-
mefmc , & qu'il porte fa croix & cieux; » & en l'Epiftre aux Hcbrieux:
m'enfuyue. » Et quelle croix eft-ce? << Ceux, dit-il, qui ont efté vne fois illu- Heb. 6.
c'eft la croix d'infamie & de honte, de minez, & ont goufté le don celefte , &
efté faits participans du faind Efprit ,
mifere & poureté , d'alllidion »& per-
fecution pour fon Nom. Souffre que & goufté la bonne parole de Dieu &
le glaiue trenchant de deux coftez te
fepare de ces affligions mondaines, les puiftances du liecle à venir, s'ils
retombent , il eft impoffible qu'ils
voire iufqu'à la moelle de ton cœur foyent renouuelez par pénitence; en-
charnel , afin que tu puiffes embraffer tant qu'ils crucifient derechef lefus
& retenir Chrift, & tout ainfi que bons Chrift le Fils de Dieu en eux-mefmes,
fuiets ne refufent point de mettre & le diffament. » Et^derechef il eft dit:
leur vie en hazard pour la dcfenfe de « Si nous péchons volontairement après Heb. lo.
leur Rouuerneur temporel , auffi ne auoir receu la conoiffance de la vérité,
t'en fui pas comme lafche traiftre , du il n'y a plus d'oblation pour le péché,
mais vne terrible attente du iugement
lieu oùdonné enton
cefteCapitame Chrift
vie. Bataille t'a or-
virilement, du ieu éternel qui deuorera les aduer-
viene la vie , viene la mort. C'eft la faires. » En lifant ces horribles fenten-
caufe de Dieu ; & fans doute la ces & menaces, ne trembles-tu point?
Contre la lieue vidoire eft à nous. Mais tu diras : Je Bien, fi ces terribles & efpouuanta-
de l'Anicchrist ne veux pas troubler perfonne, ni bles foudres ne te peuuent efmouuoir
à te ioindre à Chrift & renoncer le
& de fes fup- rompre l'vnion. Quoi ? tu ne veux pas
P"**** rompre l'vnion d'entre Satan & fes monde ; pour le moins que les douces
membres, l'union des confolations & promeffes des Efcritu-
cord de r Antechrift & deténèbres, l'ac-
fes adherans.
res , que l'exemple de Chrift tt fes
Ha! tu te déçois auec imaginations Apoftres , fainds Martyrs & Confef-
controuuees d'une telle vnion d'entre feurs te donnent courage de plus ver-
les ennemis de Chrift. Les faux pro- tueufement t'apuyer fur lefus Chrift.
phètes n'eftoycnt-ils pas en vnion ? les Enten ce qu'il dit: « Vous eftes bien- Matth. ç.
frères de lofeph & les enfans de Ja- heureux quand les hommes vous outra-
cob? les Gentils & les Amalecites? geront (& perfecuteront pour mon
Nom; car voftre rétribution eft grande
les Pherefiens & lebufiens n'eftoyent-
ils pas vnis enfemble ? les Scribes & es cieux ; ils ont auffi perfecuté les
Pharifiens n'eftoyent-ils pas en vnion? Prophètes qui ont efté deuant vous. »
Efcouteque dit Ifaie: « Necrain point ifjje ,,.
Mais ie ne garde pas l'ordre; ie
deuroi pluftoft retourner à ma matière. la maledidion des hommes, ne t'efpou-
Le Roi Dauid le teftifie clairement uante de leurs blafphemes & outrages;
au Pfeaume deuxiefme : » Ils ont con- car la vermine les mangera comme
venu enfemble à l'encontre du Sei- drap & laine ; mais ma iuftice durera
gneur ;» voire les larrons, meurtriers éternellement , & mon falut de géné-
& traiftres ont vnion enfemble; mais ration en génération. Qui es-tu donc,
fois auerti qu'il n'y a pas d'vnion , qui as crainte (dit-il) d'vn homme
De la vraye '•"0" i^ù Chrift conioint les fiens; mortel, de l'homme qui périt comme
vne fleur ? & mets en oubli le Seigneur
vnion. mefme fois du tout aft"euré que Chrift
eft venu pour mettre en guerre & di- oui t'a fait, voire qui a créé les cieux
uifion l'vn contre l'autre, le fils contre « pofé les fondemens de la terre ? Je
ie père, la fille contre la mère; & fuis le Seigneur ton Dieu, qui fai
pource donne toi garde d'eftre deceu efcumer e% enfler la mer, puis la ren
par la fplendeur & glorieux nom paifible. le fuis le Seigneur des
d' Vnion; car l'Antechrift a fon vnion, armées. le mettrai ma parole en ta
encores non pas en effed, mais en ap- bouche, & te défendrai en tournant la
main. » Et noftre Sauueur lefus Chrift
parence seulement. L'accord d'vn cha-
cun n'eft pas vnion. mais pluftoft con- dit à fes difciples : « Ils vous accufe- Luc 21.
fpiration. Tu asoui quelques menaces, ront , & vous mèneront deuant les
malediâions t% admonitions de l'Efcri- Princes & Gouuerneurs pour mon
ture , adreft'ans A ceux qui s'aiment Nom, iSi en perfecuteront aucuns, &
plus qu'ils ne font lefus Chrift; tu as les occiront ; mais ne craignez point
auffi oui les afprcs & poignantes paro-
(dit-il), & ne foyez en fouci que vous ■
R
JANE GRAVE.
fes bras pour te receuoir , eft appa- donc toufiours à mourir, abandonnez
reillé de t'embralTer, finalement te le monde, renoncez au diable, & def-
fefloyer , & te couurir de fa propre prifez la chair; prenez voftre feule
robe. S'il eftoit poffible qu'if peuft diledion au Seigneur. Repentez-vous
aller contre ce qu'il a déterminé (ce de vos offenfes , mais ne vous defef-
qui ne fe peut faire) il voudroit encore perez pas. Soyez forte en la foi, & ne
fouiïrir & efpandre fon précieux fang, prefumcz rien pourtant ; & defirez
plulloft que tu fufTes perdu. A lui , auec fainft Paul, d'eftre feparee de ce p^ji. ,.
auec le Père & le S. Efprit, foit hon- corps mortel, & eftre en la compagnie
neur, louange & gloire éternellement, de Chrift , auec lequel eftans morts
Amen. nous fommes viuans. Faites comme
Sois confiant , fois conHant ; ne le feruitcur fidèle qui eft toufiours
crain point le tourment. Christ t'a veillant, afin que quand la mort vien- Matth. 25. 21.
racheté, & le ciel eft encore pour toi. dra , comme le larron qui vient de
nuift , vous ne foyez pas trouuee la
feruante du diable en dormant, afin
que, par faute d'huile, ne foyez furprife
S'enfuit vne exhortation que ladite comme les cinq folles vierges, ou
dame lane fit la nuiâ deuant qu'elle comme celui qui n'auoit point la robe
fut exécutée, laquelle exhortation
nuptiale. Refiouïft'ez-vous en Chrift ,
elle efcriuit en la fin d'vn nouueau comme i'efpere que vous ferez ; &
Tefiament Grec , quelle enuoya à veu que portez le nom de Chreftienne,
vneficnefœur, nommée dame Cathe- enfuyuez voftre maiftre lefus Chrift,
rine (i).
& portez voftre croix , & l'embraffez.
Touchant ma mort , refiouïftcz-vous
le vous enuoye , ma bonne fœur comme ie fai, douce fœur, car ie ferai
Catherine, vn Hure, lequel, combien defchargec de cefte corruption , &
qu'il ne foit pas poli ou orné extérieu- pafferai à incorruption ; car ie fuis
rement, &couuert d'or, neantmoins aft'euree qu'en perdant la vie mortelle,
intérieurement eft plus digne que ne
l'aurai la vie immortelle, laquelle ie
font pierres precieufes. C'eft le Hure, prie Dieu vous donner , & vous faire
chère fœur, de l'Euangile du Seigneur; grâce de viure en fa crainte, & de
c'eft fa dernière volonté & tcftamcnt mourir en la vraye foi Chreftienne ;
qu'il a lailTé à nous poures miferables, de laquelle ie vous exhorte au Nom
lequel vous enfeignera le vrai chemin de Dieu ne décliner, ne pour efpe-
de ioye éternelle, & fi le voulez lire rance de vie, ne pour crainte de
de bonne affedion & l'enfuiure de vrai mort , car fi vous voulez nier fa vérité
defir, il vous conduira à la vie immor- pour prolonger voftre vie , Dieu vous
telle & éternelle ; il vous enfeignera reniera ; au contraire fi vous vous
à bien viure & bien mourir ; il vous adreftez à lui , il vous prolongera vos
apportera plus de fruift & de gain iours, pour voftre confort & fa gloire.
que ne fauriez auoir de toutes les A laquelle gloire Dieu me vueille
Seigneuries & polTeffions miferables conduire & vous ci-apres quand il lui
que vous auez des héritages de voftre plaira vous appeler. Adieu, ma fœur,
père. Que fi vous appliquez voftre mettez voftre efperance en Dieu ,
eftude à entendre ce liure , & que lequel vous donnera fecours.
mettiez peine d'adreffer voftre vie & ■Voftre bien-aimee fœur,
la reiglcr à ce qui y eft contenu, vous
Iane Dvdley.
ferez héritière des richeft'es que les
hommes ne vous pourront ofter, ne
les larrons defrober, ne la tigne cor-
Pf. 119. rompre. Priez auec Dauid, bonne Les paroles dites par cefte noble Dame
fœur, d'auoir intelligence de la Loi quand on la menoit au fuplice.
du Seigneur voftre Dieu ; viucz tou-
fiours pour mourir, afin que par la Hommes frères, ie fuis adiugée à
mort puiffiez acquérir la vie éternelle ; la mort fous une loi & par la loi, non
& ne vous fiez pas que voftre aage
point pour aucun forfait par moi
vous doiue prolonger la vie ; car auffi commis contre la maiefté de la Roine
toft meurt leune que vieil. Aprenez
(car, pour protefter de mon innocence
deuant vous, ie ne me fen en rien
(1) Lady Catherine Crey. coulpable quant à ceft endroit), ains
JANE GRAVE. II
pource que contre mon vouloir & par bandeau en la main dont elle fe deuoit
force on m'a fait confentir à la chofe fermer les yeux. Sur cela le bourreau
que fauez ; mais ie confeffe auoir of- fe mettant à genoux la requit humble-
fenfé mon Dieu,auxpource que i"ai& trop
lafché la bride conuoitifes al- fit de mentbon
lui vouloir
cœur. pardonner
Puis après: ceil qu'elle
la pria
lechemens tant de la chair que du fe vouloir vn peu retirer du lieu où il
monde , & n'ai ordonné ma vie félon mettoit la paille. Ce faifant elle aper-
fa treffainte volonté, & félon la reigle ceut le tronc fur lequel on la deuoit
qui m'eft enfeignee par fa parole. Qui décapiter. Lors elle dit au bourreau:
eft la caufe pour laquelle maintenant « Je te prie que tu te depefches halli-
le Seigneur me chartie de ce genre de uement. » Les chofes acouflrees , la
ieune princeffe fe ietta à genoux ,
mort, ainfi que i'ai trefbien deferui ;
combien que de tout mon cœur ie demandant au bourreau s'il lui tren-
remercie fa bénignité, de ce qu'en ce cheroit premièrement la telle que la
monde il m'ottroye efpace de pleurer mettre fur le bloq : « Non, dit-il. Ma-
mes péchez. dame. » Elle s'eflant bandée & ayant
« Parqvoi ie vous fupplie affeftueu- la face couuerte s'efcria piteufement:
fement, frères Chreftiens, que de mon « Que ferai-ie maintenant } que me
viuant vous priez auec moi & pour faut-il faire ? où efl ce bloq f » Sur cela
moi, à ce que la diuine clémence me l'vn des affidans lui mit la main deffus.
pardonne mes péchez. Auffi ie vous Et elle baidant la telle, & fe couchant
prie me feruir de tefmoins , qu'ici tout de fon long: « Seigneur, dit-elle,
iufqu'à la fin ie tien conftamment la ie recommande mon efprit entre tes
foi Chreftienne, mettant toute l'efpe- mains. » Comme elle proferoit ces pa-
rance de mon falut au feul fang de roles, le bourreau ayant defgainé, lui
noflre Seigneur lefus Chrift. A celle
caufe ie vous fupplie maintenant tous coupa la telle, l'an du Seigneur mil
cinq cens cinquante trois, le dou-
de prier auec moi & pour moi. » Puis, ziesme de Février. Elle efloit aagee
fe tournant vers Feknam , lui dit : de dix fept ans quand elle mourut &
(iVous plait-ilque ie die ce Pfeaume ?»
« Oui, fi vous voulez, » dit-il. Lors ou- non plus, de laquelle la mort eft d'au-
tant plus à regretter, qu'elle eftoit
urant le Hure, recita de grande affec- douée d'vn excellent & fingulier ef-
tion le Pfeaume 51 : k O Dieu, aye prit (car elle auoit tellement conioint
merci de moi félon ta clémence, » &c., les lettres Grecques auec les Latines
depuis le commencement iufques à la & Hébraïques , qu'en fi ieune aage
fin. Cela fait , elle fe leua fur fes elle pouuoit promptement parler en
pieds , & bailla fes gans & mouchoir icelles langues), mais beaucoup plus
à dameTylnee, fa feruante (i), le pource que, contre le vouloir de la
Hure au feigneur Bruge (2) , frère de Roine, elle perfeuera en la vérité de
celui qui auoit charge de la tour; l'Euangile, & ainfi endura la mort
puis, fe voulant defpouiller, com- fans l'auoir deferui : & de laquelle le
mença à deftacher premièrement fa premier motif fut feulement pource
grand'robe. Là le bourreau acourut que par vne mal-heureufe deflinee
pour lui aider; mais elle le pria de la fon Northorabeland.
de père l'auoit mariée au fils du Duc
lailTer vn peu, et fe tournant vers
deux (îenes nobles feruantes fe laiffa Priée par Jean Bruge, garde de la
defveflir tour de Londres , d'efcrire quelque
lui eurentparoflé
icelles. Et après qu'elles
fes ornemens & fon chofe en fon liure pour garder en
atour de telle (5), lui baillèrent le mémoire d'elle, en peu de lignes elle
lui laiflfa ces fentences : « Puis qu'il te
plait. Seigneur capitaine, me requérir
(i) Foxe la désigne sous le nom de.Mis-
tress Ellen. que ie laiffe quelques marques de ma
(2) Masler Bruges, d'après Foxe. plume en vn liure fi notable qu'eft le
(j) Le texte anglais de Foxe porte ici : tien, fatisfaifant à ton vouloir, pre-
Il Her frovves paste and neckerchiel". « La mièrement iet'exhorte , & , pour le
première de ces deux expressions a exercé deuoir de Chreftienté , admonnefte
la sagacité des commentateurs, qui sont loin
d'être d'accord sur sa provenance et sa signi- que tu inuoques Dieu , afin qu'il fief-
duit par lefication.
mot L'édition
tiara.latine de Crespinleslavieux
En consultant tra-
textes anglais, où l'on retrouve ce mot de tain qu'il s'agit là d'une sorte de couronne
paste donné à une partie des ornements ornée de perles et de pierres précieuses
portés par les femmes , il est à peu près cer- portée par les jeunes mariées.
I2 LIVRE CINQUIEME.
bâillon de bois en la bouche , attaché
chilTe ta volonté à l'obferuance de fa
par derrière auec cordes, & de telle
Loi, qu"il t'encourage & fortifie en forte ellreint, que la bouche de grande
fcs voyes, de peur que la parole de
vérité foit ollee de ta bouche. Vi violence lui faignoit des deux coftez,
comme fi tu deuois mourir iournelle- & la face par grande ouuerture de la
ment. Meurs en telle forte que touf- bouche eftoit hideufe & desfigurée.
iours tu viues fans iamais mourir. Que C'a efié le premier en la ville de Paris
la fragile fiance de la vie incertaine ne auquel ceftenouuelle efpece de cruauté
t'abufe. Mathufalem (comme enfei- a efté faite. Et combien que la bouche
enent les faindes lettres), quelque lui fuft en cefte forte bouclée, fi ne
long temps& qu'il ait vefcu, lailToit-il point par fignes & regards
toutesfois a trouvé fa fin. eft
Et mort
cer- continuels au ciel , de donner à co-
tainement,comme annonce le fage
noiftre l'efperancc & foi qu'il auoit, de
Prefcheur, il y a temps de naiftre &
Eccl. h temps de mourir; & vaut mieux le manière qu'eftant venu à l'endroit de
l'hofpital qui eft nommé L'hoftel Dieu,
iour de la mort que celui de la naif- on le vouloit forcer de prier en paffant
fance (i). »
l'idole d'vne Noftre-Dame qu'ils ap-
pelent; mais ce faind perfonnage, ae
■f f r - -f r - -f - -*•-*' - * * - f ■îî' toute la force qui lui reftoit, tourna le
corps d'entre les mains du bourreau
qui le prelToit, & monftra le dos à
Nicolas Nail, du Mans (i). l'idole. La populace efmeuë de rage
du mefpris de l'idole , commença à
Puis que les aducrfaires Irauaillent de s'efcrier&le vouloir outrager, n'ayant
plus en plus tant qu'ils peuucnt de efgard qu'il eftoit prochain de la mort.
trouuer nouueaux tourmens pour exé- Amené qu'il fut au lieu du fupplice,
cuter leur rage , ce nous foit pour on le traita fort cruellement ; car
cnfcignement de nous fortifier tant auant qu'eftre attaché pour le guinder
plus,& aprefter à patience iïfermeté en l'air, le corps lui fut graift'é, & pu's
nos âmes & nos corps. la poudre de foulfre mife par deltus ,
tellement que le feu à grand'peine
Nicolas Nail, natif du Mans, auoit prinsau bois, que la paille flam-
boyante faifit la peau du poure corps,
compagnon cordonnier, ayant demeuré
& ardoit (i) au delTus fans que la
à Laufanne , s'auifa de mener en la flambe encore penetraft au dedans. En
ville de Paris quelque quantité de
ce tourment le Seigneur lui redoubla
liures de la fainde Efcriturc , impri- fa confolation & affiftance ; car il lui
mez à Geneue; & fut conflitué pri- fit la grâce au milieu de ce tourment
fonnier le Mardi 14. de Février, l'an d'inuoquer fon faind Nom à haute
M.D.Liii. Icelui, après avoir maintenu
la pure conoiffance de la doftrine de voix , qui fut ouye au milieu du feu ;
& ce fut après que les cordes qui te-
l'Euangile, fut affailli en la prifon par
horribles tourmens, afin de lui faire noyent le bâillon '■ furent bruflees ,
nommer ceux à qui il auoit vendu des afl"ez bonne efpace deuant que ce
Martyr expirafl.
liures ; Si combien qu'iceux tourmens
en la géhenne lui fufTent réitérez iuf-
ques à lui dilToudre les membres ,
neanlmoins il demeura confiant fans
mettre en danger aucun fidèle.
Nouucaux Depvis, efiant condamné à eftre
lourmcns. Antoine Magne, d'Auuergne (2).
bruflé vif, auant que le tirer de la
prifon pour le mener en la place Mau-
bert, lieu du fupplice, on lui mit vn
Quelque différent
les ennemis de vérité , nous entr'eux
quaycnt voyons
(i) Leicriles
lignes Martyrologe de Foxc
pour John n'a pas
Brupes, maiscesil
toutefois que finalement ils s'accor-
dent à vne chofe , c'ejl affauoir à
donne en revanche une belle prière de Jane bres.
Grcy (I. VI. p. 42) ). perfccuter Icfus'Chrijl en fes mem-
(1) Celle noiicc ci la suivante figurent déjà
dons la première édition de Crcspin , de
i{(4. Le texte n'a subi que de légères re-
touches de style. Voy. aussi VHUt. ecclt!s.
de Bèzc (èdit. de Toulouse, t. I, p. ;;). •(2) Bèzc,oit.
édil.,
(1)
l. I, p. 5). Liiire des Martyrs,
Brul p. 652.
GVILLAVME NEEL.
LIVRE CINQUIEME.
lui doit toute obeiffance ; & comme
cicr pretendoit
permis , fupplia
en fomme mettrequ'il
par luielcrit
fuU l'olllce du maillre ell de commander,
tout ce qu'il fentoit de la doftrine l'office de la feruante ell d'ouïr A faire
ce que fon maillre lui a commandé,
Les rcfponses qu'il tenon, alléguant que fouuent on lefus Chrill, en fa Cène, fe monllre
des prironnicrs aeprauoit les rofponfes d'vn prifon- eftre efpoux de fon Eglife, laquelle il
sont souucnt nier, ou melme que le prifonnier au-
dcprauces. a prife pour fa légitime efpoufe. Or,
ainli dit. leCeJefdifoit
cunefois comme
Pénitencier fut n'ayant
de cefl
l'office d'vne loyale efpoufe eft de
auis, moyennant que ce fuft dedans confentir & faire le bon vouloir de
certain iour; tellement que Neel ayant
celle permiffion , employa le temps fon
elle efpoux;
ne fera que
pasfi loyale
elle l'ait autrement&
, humble
obeiffante, ains fauffe, orgueilleufe &
qu'il lui fut donné à mettre par efcrit defobeiffante. Item, lefus Chrift, en
ce qu'il fentoit de la foi & religion
Chredienne, fuyuant les principaux fa Cène, monllre office de père qui
articles fur lefquels il auoit efté inter- eft de nourrir fes enfans, ce qu'il fait
en donnant aux Tiens fon corps & fon
rogué. Et combien que ce n'ait efté
fans grande prolixité, neantmoins le fang (fignifiez par le pain & le vin) qui
iedeur Chrellien prendra le tout de eft vne refcAion incorruptible & éter-
bonne part , conoilTant qu'au fidèle nelle. 11eft dit qu'il a prins du pain
eftant ainfi détenu par les ennemis , & du vin , difant : « C'eft mon corps
ne relie que celle feule confolation, & mon fang ; mangez & beuuez-en
tous. » Où il faut entendre que Jefus
c'ell de pouuoir parler de Ion Dieu , Chrift veut enfeigner fes difciples à
& mettre par efcrit chofe qui foit à fa
louange & gloire. Parquoi de mefme comprendre l'inftrudion qu'il leur fait,
afTedion pourra élire
uons ici affemblé des receu
efcrits cedicelui
qu'a- conoiffant l'ignorance d'iceux & la
rudelfe de leur efprit, les voyant ef-
Neel. En premier lieu ayant elle in- tre plus charnels que fpirituels, comme
fouuentesfois de ce les a repris. Et, à
tcrrogué de ce qu'il fentoit du Sacre-
vrai dire , nul ne fauroit comprendre
ment de l'autel (qu'ils appelent), a les chofes celelles & fpirituelles ,
Refponfcs de dit« par La
efcrit ce qui s'enfuit :
vraye inltitution de la Cène pource que nous fommes de nature
G. Neel.
ell que lefus Chrill print du pain & charnels; mais il faut que Dieu feul ,
Ican )
le rompit , l^ , après auoir rendu grâ- lequel eft tout fpirituel , donne à en-
tendre les chofes fpirituelles. Ce qui
ces, dit : " Prenez, c'ell ci mon corps
qui fera liuré pour vous; faites ceci apert de Nicodeme, qui eftoit ^rand
en ma mémoire. » Pareillement du dodeur de la Loi, & toutesfois ne
calice, dit : « Tenez, prenez tous, pouuoit comprendre cefte chofe dite
c'eft ci mon fang qui fera pour plu- par JefusrechefChrift, qu'ilaufaloit naiftre des
de-
fieurs refpandu en la remiffion des pour entrer royaume
péchez. » A ces paroles nous conuient cieux. I celui donc ayant conoiffance
reijarder de près, pour la vertu & di- de noftre imbécillité, propofe en fa
Cène vne chofe vilible & palpable à
gnité d'icellcs ; car tant plus la chofe
ell haute & precieufe , tant plus fe nos mains, pour nous faire entendre
faut efforcer de la garder en Ion en- vne chofe inuifible qui nourrit nos
tier, de peur de la corrompre. Or, le- âmes qui eft fon corps & fon fang, que
fus ainllitué & ordonné ce Sacrement nous ne pouuons voir ne toucher,
à fon Eglife, pour lui réduire en mé- finon par foi laquelle y eft fur tout
moire qu'elle eft rachetée de la mort requife.
& de péché par l'oblation qu'il a faite » I'ai dit que Jefus Chrift, en fa
lui-mefme de fon propre corps, comme Cène, fe monftre Maiftre, Efpoux &
Heb. 6. 7. 8. Père, en difant : « Prenez li mangez,
dit l'Apollre en fon Epillre aux He-
brieux , que lui-mefme s'eft offert vne c'eft ci mon corps. » Qui voudra donc
fois & que plus ne mourra , dit fainft eftre receu de Jefus pour feruiteur
Paul. Venons donc à regarder de obeiffant, pour efcholier, pour fils, il
près à ces paroles, pour auoir mé- lui conuient prendre it manger fon
moire qu'il a refpandu le fang de fon corps , & boire fon fang comme il
corps , lequel il a offert à Dieu fon commande , & non pas comme les
Pcre pour la remiffion des péchez de Scribes & Pharifiens ont eftimé , ne
fon Eglife, pour la fauucr éternelle- penfans à autre manducation que des
ment. En celle fainde Cène lefus dents & de la gorge , comme la chair
Chrill fe monftre maillre, & l'Eglife fe mange & le vin fe boit. Mais re-
GVILLAVME NEEL.
que lefus Chrift, par fa vidoire , eft péchez, finon le feul Dieu .' & mefme m.d.liii.
monté aux cieux, en la gloire de Dieu quant à la vertu des miracles , les
fon Père. »
Apoftres confeffent que ce n'eft pas
De l'authorité On lui propofa ce dire ancien , d'eux, mais de Jefus, par fa parole, Ades ;.
de l'Eglife. qu'on ne croiroit point à TEuangile fi qu'il leur faind
le dirent a baillée
Pierrepour porter.
& fainâ JeanAinfi
au
l'Eglife ne l'auoit receu pour Euan-
gile. Il refpondit : « L'Euangile eft boiteux qu'ils guérirent. De dire donc :
d'vne fi grande vertu & dignité qu'il n'a Je ne croiroi point à l'Euangile fi l'E-
befoin d'aucune créature qui foit au glife n'auoit receu l'Euangile, c'eft
ciel ni en les
cachez la terre, entant& qu'en
threfors lui font
richelTes de monftrer par ces paroles qu'ils ont plus
de puiffance que la parole de Dieu ,
Dieu, affauoir les promefTes de la re- comme s'ils difoyent : Nous qui fem-
miffion des péchez & du repos éter- mes l'Eglife , fi nous euffions reietté
nel par fa mifericorde. Si par viue l'Euangile, il ne feroit point Euan-
foi nous receuons ce faind Euangile gile ; au contraire de ce que les
pour Euangile de falut & parole de Apoftres ont confelTé, difans : « Ce
vie éternelle , il ne fera point trouué
n'eft point nous qui faifons ces cho-
vn autre Euangile qui ait cefie dignité fes , car nous fommes femblables à
& puifl"ance de fauuer les âmes, félon vous ; mais c'eft par Jefus Chrift qui
le tefmoignage des Aportres, lefquels nous a baillé fa parole , par laquelle
n'auoyent nulle authorité, dignité, ne nous vous monftrons fa puifi'ance ,
puiffance, premier (i) que lefus les
combien que vous l'ayez crucifié. »
euft appelez, car ils eftoyent poures pef- C'eft ici la confeffion des Apoftres
cheurs , qui n'auoyent crédit ne vertu, qui eftoyent la primitiue Eglife, &
comme gens qui efloyent idiots (2);
mais après que le bon plaifir de Jefus vne congrégation
eurent receu le fainét fi fainéle (après
Efprit) que qu'ils
telle
Chrift a efté de les appeler & prendre ne fera iamais trouuee , lefquels tou-
pour fes Apoftres, alors il les a efle- tefois n'ont rien entreprins de com-
ués en telle dignité & puilTance par
mander plus que l'Euangile de Jefus
fon Euangile, qu'il les a faits fes ani- leur commandoit, car les Apoftres ef-
baffadeurs & légats pour porter fon toyent ambalTadeurs du S. Efprit qui ^^gj ,j_
Nom par le monde vniuerfel, difant : les faifoit parler , comme ils ont dit :
et II a femblé bon au S. Efprit & à
Marc 16. « Allez , prefchez l'Euangile à toute nous. » Ce mot : Et à nous, ils ne le
créature ; qui croira & fera baptizé
fera fauué , & qui ne croira point , il prenent pas par prefomption, mais eft
fera condamné. » "Voici les Apofires , vn mot de grande humilité , voulans
dire : » Il a femblé bon au S. Elprit & à
qui font par l'Euangile conllituez en
puiffance telle , que ce font ceux par nous qui nous conformons à fon vou-
lefquels Jefus Chrift a voulu planter fon loir & parlons par lui. » Autrement
Eglife vniverfelle ; ce font ceux qui ne fe pourroit accorder ce que Jefus
ont receu exprès commandement de dit d'eux : « Ce n'eft point vous qui Matth. 10.
Jefus d'inftruire tout le monde par ceft parlez,
Euangile , qui eft la parole de Dieu mon Pèremaisquic'eft parlel'Efprit de Dieu
par vous. » Il
lean 10. fon Père , difant : « Ainfi que mon s'enfuit donc bien qu'ils attribuent
Père m'a enuoyé , ainfi ie vous en- toute authorité à la parole de Dieu
uoye, » &c. Or, il eft certain que cefte qu'ils ont receuë par lefus Chrift, &
puiffance de remettre. les péchez n'a- ne difent point : « Nous qui fommes
partient nullement à la puiffance de
l'Eglife, fi nous n'euffions receu l'E-
l'homme, mais à la puifi'ance de Dieu, uangile , l'Euangile ne feroit point
Ch. 4j. 25. car il eft efcrit au Prophète Ifaie, Euangile, » eux, di-ie, qui eftoit la
parlant en la perfonne de Dieu : « Je plus parfaite Eglife qui fut & fera ia-
fuis celui qui efface les iniquitez pour
mais, car ils n'ont prefché ni efcrit
l'amour de moi , & n'y en a point chofe qui ne foit parole de vie &
Luc 5. 21. d'autre. » En S. Luc, il eft efcrit Euangile de falut, ce qu'on ne fauroit
que les: Nous
Scribespardonnons
& Pharifiens n'ont dire de ceux qui difent que l'Euan- La vertu de
pas dit les péchez Dieu. de
& remettons les péchez, mais ils ont gile ne feroit Euangile s'ils ne l'euf- la parole
puiflance '"^'~"
bien dit : Qui eft-ce qui pardonne les en Il n'y
receu. de
fentl'Eglife Jefus Chriftdeque par fa
a point
parole, comme nous auons dit, que la
(i) Avant. puiffance de lier &deflier, remettre
(2} IgQorants. & retenir , n'a point efté donnée aux
ib LIVRE CINQUIEME.
La diflTcrence
mauuais, & des deux Eglifes, affauoir entre les vrais
ApoArcs ni à leurs fuccelTeurs, qu'en de Jefus Chrift & de fon aduerfaire
vertu d'icellc pnrole de Dieu , qui eft & faux
teurs.Pas-
la clef qui ouure & ferme le royaume l'Antechrift, fe conoit par la parole de
des cieux à ceux qui la reçoyuc nt ou Dieu ; laquelle domine , gouuernc ,
ordonne & conduit l'Eglife de Jefus
reiettent. Or ell-il euident oue l'Eglife Chrift par fes fidèles miniftres, qui
de Jefus Chrill n'a point d'autre baf- n'ontautrc dodrine. « Pource, dit faind
10 ton pour fe défendr e que cède parole
2. Cor. de Dieu ; car faind Paul le monllrc
6.
bien aux Corinthiens, difant : « Les Paul,
de Jefus que Chrift le fondement de l'Eglife
eft la dodrine des Ephef. 2
Ephcf.
6. armes de noftre guerre ne font point Prophètes & Apoftres; qui eft vne
Ephef. charnelles, mais fpirituelles ; » & pour- Eglife fans ride ne macule, » laquelle
taiil il admonnelle de prendre le glaiue eft fimple comme la colombe, pru-
de falut, qui eft la parole de Dieu, dente comme le ferpent , humble &
Hcb. dont aux Hebrieux en eft donnée la • patiente comme la brebis entre les
raifon, qui eft que cefte fainfte parole loups. 'Voila le gouuernement de la
4- eft plus trenchante que tout glaiue vertu de la parole de Dieu. L'Eglife
de l'Antechrift & de fes miniftres eft
coupant des deux coftez ; c'eft ce pleine de menfonges , de déception,
coufteau que Dieu a baillé à Hiere- de cautelle & faulTeté ; & pource
IfaiC 49.
mie , bruflant en efpece d'vn charbon
ardant , & Ifaic l'a eu dedans fa bou- qu'elle n'eft point régie par la parole
che ,trencha nt de deux ecoftez ; c'eft de Dieu , ce n'eft qu'abus de fa doc-
cefte bouche & fapienc que Jefus trine, car outre la parole de Dieu , il
Chrift donna à fes Apoftres pour vein- n'y a point de falut, il n'y aura auffi
cre leurs aduerfaires, lefquels ne leur
que
vanitéperdition,
et cruauté il n'y aura qu'orgueil,
, comme Dauid le
ont peu refifter , comme il apert aux La Synagogu<
Adles 7. Ades de faind Eftienne , & fera de
monftre bien, difant : « L'Eglise des de l'Anlechrill
tous les Chrcftiens qui prendront cefte malins m'a occis. » Nous auons les l'Eglife de
exemples de fa cruauté & inhumanité
tenir parolement
fainfteconftam pourle confefl'
nom de & fouf-
er Dieu & perfccatc
lefus, Chrirt.
contre l'Eglife de lefus Chrift. Au
vieil Teftament, Cain meurtrit Abel ,
de noftre Sauueur Jefus Chrift. l'ai
dit que l'Eglife
fa dodrine de Jefus
& nourritu Chrift
re de fon ,ame
pour , Pharao perfecuta
Jefabel occit les les enfansProphètes,
fainds d'ifrael,
n'a que la parole de lui qui eft fon Manaffes remplit les rues de lerufa-
lem de leur fang. Au nouueau Tefta-
Pafteur & efpoux. Lequel n'a point
auffi d'autres brebis que celles qui ment les Scribes & Pharifieiiss'efleuent
oyent fa voix, qui eft fon Euangile, & contre Jefus Chrift & fes Apoftres, &
lean lo. parole de Dieu fon Père : « Mes mettent à mort ceux qui prefchent le
Drebis, dit-il, oyent ma voix, & ie les falut éternel. & ce pour par
autant qu'ils
conoi , car elles me fuyuent , & leur ne font point gouucrnez la parole
donne la vie éternelle. » En vn autre de Dieu , mais par la parole de men-
Ican 8. fonge, comme on peut voir en tout le
Dcul. 8. paft^age dit : " Qui eft de Dieu , il oit
les paroles de Dieu. » Au Deutero- vieil & nouueau Teftament ; fignam-
ment (i)au Prophète Jeremiechap. 2j.
nome : << L'homme ne vit point du Parquoi ne nous arreftons pomt à
feul pain, mais de toute parole procé-
dante de la bouche de Dieu. » Et
autre chofe qu'à cefte feule parole de
laq. I. pource S. Jaques nous admonnefte de
la receuoir , difant : " Receuons en Dieu : car qui garde ce qu'elle com-
mande, Dieu le receura pour fon fer-
douceur la parole plantée , laquelle uiteur obeilTant. En cefte dodrine ie
peut fauuer nos âmes. » Et ne fera perfifte & veux mourir, eftant certain
f)oint dit ne trouué autre parole que ûue Dieu m'en fera grâce en la vertu
a parole de Dieu , qui foit dite Pa- de fon faind Nom, Ot pour l'honneur
role de vie, Euangile de falut. Auffi
nul ne fera Pafteur de l'Eglife de a& donné
diledionpour de fon cher Fils
Sauueur; qu'ilgloire
auquel nous
Icfus Chrift , que ceux qui aportent & honneur foit éternellement. Ainfi
fainemeni cefte dodrine Euangelique. foit-il. »
Que fi aucun vient nous annoncer au- Des ieufncs & des viandes eftant Des ieufnes.
tre dodrine que cefte-ci, ne la rece- interrogué, a dit que le ieufne eft bon
& faind, & du commandement de
uons point ; mais pluftoft qu'vn te
foit maudit , voire A fuft-ce vn Ange
du ciel " . ■c & ' ' lefus Chrift; non pas qu'il ait impofé
» La différence des bons Pafteurs& (i) Notamment.
GVILLAVME NEEL.
M.D.Liii. anlechrifl (& fufl-ce le Pape) lequel apoftres fe font ainfi gouuernez en
l'obein'ance de Dieu, de n'annoncer
n'a ni aura plus de pullVance que les que fa Parole ; le Pape & tous fes
Prophètes A Apollres. Or qui enfuit
ces fainds perfonnages en dodrine & prélats ont-ils plus de dignité et puif-
fance f Au contraire, ils blafphement
vie.ileftvrayement Pafleurdel'Eglife; diaboliquement le Nom de Dieu par
autrement il n'eft que deftrudeur , & leurs traditions; de forte que celui
comme vn loup entre les brebis. Je
confede bien que tous Pafleurs de qui commettra paillardife & adultère
Jefus Chrill, qui annoncent fa parole, ne fera puni, ains prifé ; mais qui man-
ont celle puilTance de faire ordonnan- gera vn petit de lard au Vendredi, ou
ces de iufnes, prières, & aumofnes , parlera contre certains abus, inconti-
nent fera mis à mort; mais Dieu qui
k>rs qu'ils verront l'ire de Dieu fur la
terre , comme guerre , pefte, famine , eft patient
& autres verges de Dieu; mais de viendra un &iour
qui les
n'en reprendre
dit encore à mot,
leur
face. Et lors ils auront beau dire :
loix perpétuelles, cela n'eft point
efcrit, lit ne fe feroit qu'il n'y euft Nous auonsefté prefque tout le monde Contre l'ob-
fuperftition & abus, & pareillement qui faifions ces chofes ; nous auons ieaion de la
idolâtrie.
enfuyui nos pères anciens qui eftoyent ■""L'hnrA':''"
Traditions. Des traditions humaines : il a dit du1 temps
^ lA Apoftres,
des /, i",-./!
les Rois « les adhère
Pape. au
que fi iamais créature auoit eu puif- grans du monde eftoyent des noftres;
fance de commander pour noftre falut eft-il poffible qu'ils ayent tant erré,
autre chofe que ce que Dieu nous a & que Dieu ait laiffé perdre tant de
commandé par fes Prophètes & Apof- peuple.^ Si en la grande multitude du
trcs, ce feroyent les Anges , qui affi- peuple eftoit le falut, la parole de
flent au throne de Dieu, & font exé- Dieu ne feroit point véritable, laquelle
cuteurs de fon vouloir, qui font fainds monftre au vieil & nouueau Tellament,
& fans aucune macule. Mais combien que la plus petite part du peuple a
efté le peuple de Dieu, voire les plus
qu'ils foyent fi dignes & fi puilfans ,
toutesfois ils n'ont iamais entrcprins vilipendez du monde. Regardez au
de rien commander du leur, mais feu-
lement fe contentent de fidèlement commencement , qu'eftoit-ce
ham et de Lot, au regard des d'Abra-
grandes
exécuter les commendemens de Dieu. villes, & de Sodome .> Regardez les
Auffi il eft dit d'eux en l'Epiftre aux enfans d'Ifrael , au regard du peuple
Hcb. 1. Hebricux , qu'ils font le vouloir de de Pharao. & d'autresnations ; comme
Dieu, & font enuoyez pour garder Moyfe, les Hures des Rois, & Daniel
ceux qui doyuent auoir le royaume, demonftrent. Regardez les Prophètes,
des cieux. Les plus excellentes créa- au regard du grand peuple fuiet à
tures après eux , ont elle les fainds Jefabel, qui mettoit à mort les bons.
Prophètes , lefquels, comme eft dit Venons au nouueau Teftament, &
ci deuant, n'ont rien inuenté ne com- voyons Jefus Chrift & fes Apoftres au
regard de fi grande multitude , de fi
mandoitmandé,de
que faire
ce que DieuJefus
& dire. leur Chrift
com-
grans Rois , Scribes & Pharifiens ,
Ican -. '^^ venu après eux qui a dit : " Ma auec tant d'autres peuples. Qu'eft-ce
dodrine n'eft point miene ; mais de des Apoftres après la mort de Jefus
celui qui m'a enuoyé. » Et au mefme Chrift, au prix du peuple qui eftoit
lieu : <i le ne parle point de moi ; mais aduerfaire ae Dieu .' LaifTons donc la
celui
le ne qui
vous m'a enuoyé
ai rien parle clu
annoncé parmien
moi. , grande multitude , veu que ce n'eft
point le peuple de Dieu; car il eft
efcrit : <■ Beaucoup font appelez, mais Matth. 20.
mais tout ce que i'ai oui de mon Père,
Ican 17. '<-' vous l'ai manifefté. La parole que peu font efleus. n Nul ne deuroit ou-
tu m'as donnée, ie l'ai baillée aux blier ce que JefusChriftdit :« Ne crai- Luc 12.
hommes que tu m'as donnez; lefquels gnez point , petit troupeau ; car il a
pieu à mon Père de vous donner le
l'ont receue. <• Les Apoftres
lement ainfi parlé. Si donc ont
les pareil-
Anges royaume des cieux. » Au contraire il dit
fi dignes, fi les Prophètes de Dieu, fi des grans : << Je te ren grâces. Père, Maiih. n
Jefus Chrift qui pouuoit dire : Je di
cela de moi , & le commande pour qu'il t'a rages
moi aux pieu cacher la conoift"ance
& prudens de
; & la reueler
mon plaifir tS: pour mon authorité, n'a à ces petis. » Qu'il foit ainfi , que la
toutesfois rien fait qu'annoncer la pa- plus petite part du monde fera feule
role de Dieu fon Perc , lui qui eft fauuee, on le void par la fimilitude
exemple de toute faindeté; & fi les de la femencc, que Jefus Chrift baille,
GVILLAVME NEEL. 21
Matth. i;. difant que le femeur en femant fa fe- corps, qui reçoyuent vne mefme nour-
riture.
mence, vne partie eft cheute (i) en la Conltûion.
De la confeffion eftant interrogué,
voye , & n'a profité ; l'autre fur la Ifaie 4;.
pierre, & n'a pareillement fait aucun refpondit qu'il n'y a que Dieu feul
profit ; l'autre entre les efpines, & n'a qui pardonne les péchez, comme il
fait auffi nul bien; mais la quatriefme teftifie par fon Prophète, difant : ((Je
partie qui eft cheute en bonne terre, fuis celui qui efface les péchez pour
a apporté grand fruift ; qui demonflre l'amour de moi, & n'y en a point d'au-
bien que la plus grande partie périt ; tre. »Ce que confeffoyent les Scribes
& Pharifiens , quand ils difoyent :
& n'y en aura qu'vn petit nombre
« Qui eft-ce qui pardonne les péchez, Marc 2.
fauve. Voyez donc que c'eft que de
finon Dieu feul ? » Parquoi à lui feul
fe fier à la grande multitude, & s'y nous nous deuons tous confelfer ,
accorder. Parquoi retirons-nous au
petit troupeau de Jefus Chrifl, qui eu comme les fainiSs Prophètes ont fait; Pf. 51.
mort pour lui donner la vie. & fignamment Dauid, lequel fait par-
Des temples.
Interrogvé qu'il fent des temples: faite confession de fes péchez, en
dit que Dieu eft efprit , qui n'a chair demandant à Dieu grâce & miferi-
ni os, & eft inuifible, auquel nulle corde. Il eft vrai que nous deuons con-
créature ne fauroit baftir ni édifier laq. 5.
fefi'er nos péchez l'vn à l'autre,
demeurance, pource qu'il la requiert comme S. laques nous admonnefte;
fpirituelle ; car il dit par fon Prophète autrement , Dieu iamais ne nous par-
Ifaie 66. donnera. Ainfi fi nous auons offenfé
Ifaie : « Quelle maison m'edifierez-
vous ? le ciel n'est-il point mon fiege, l'vn l'autre, lefus Chrift le teftifie,
& la terre mon marche-pied ?» Il faut, difant : « Si vous ne pardonnez les Matth. 6.
fi Dieu veut eftre logé, que lui-mefme péchez aux hommes qui vous ont
fe conftruife & édifie maifon ; ce qu'il offenfé , voftre Père celefte auffi ne
fait quand il purge la confcience de vous les pardonnera point. » Pardon-
nons,& il nous fera pardonné. MelTe.
l'homme par fon S. Efprit ; & après
qu'il l'a purgée en fait fon temple & SvR la Meffe eftant enquis : il a
1. Cor. 5. 16. demeurance, comme S. Paul le teftifie,
& 6. 19. & difant : « Vous eftes le temple du Dieu refpondu que l'Efcriture
tient entièrement fainde con-
les commandemens
2. Cor. 6. 16.
viuant. Le temple de Dieu eft faind , que Dieu nous commande de garder
qui eft vous; celui qui violera le tem- fi nous voulons eftre fauuez, & par lef-
ple de Dieu, Dieu le perdra. C'eft le quels les idolâtres font condamnez.
lieu où il fe plait , & duquel il dit : On trouue en Exode les commande- Exode 20.
Je marcherai entre eux , & ferai leur mens d'aimer Dieu & le prochain; Matth. f.
Dieu, & ils feront mon peuple. » On non pas de faire idoles. Au nouueau ,
demande, fi Dieu n'eft pas fous le que Jefus Chrift commande d'aimer
pain de l'autel ? i'ai défia dit que Dieu nos ennemis, de prier pour ceux qui
eft efprit , qui ne sauroit eftre autre nous perfecutent , & leur faire biens ;
qu'il eftoit auparauant ; ia n'auiene s'ils ont faim , de leur bailler à man-
que ie die qu'il foit du pain. Gardons- ger ; s'ils ont foif, leur donner à
nous de defguifer fa maiefté , qui eft
boire ; mais de Meffe, en toute l'Efcri-
incomprehenfible ; mais prions-le qu'il ture fainéle, il n'en eft mention quel-
purifie nos cœurs, & y face fa demeu-
conque. Dont n'en parlerai d'auan-
rance. Quant au temple matériel , i'ai tage, puis que l'Efcriture fainfte n'en
confefl"é qu'il eftoit de bonne ordon- parle point; pluftoft prierai Dieu qu'il
nance auquel
; tous Chreftiens doyuent vous face garder fes fainds comman-
conuenir enfemble en paix & vnion demens, & ne permette point que
pour prier Dieu. Le temple eft vne nous facions iamais chofes qui lui
mail'on d'oraifon, & où l'on s'affemble foyent defplaifantes. En ce faifant
pour ouyr la parole de Dieu & re- nous viurons par fa grâce , laquelle il
ceuoir les fainâs Sacremens, alTauoir ne veut eftre laiffee pour vn myftere
la Cène & le Baptefme; pour eftre d'abomination que Satan a fabriqué
plus incitez à nous aimer par la pré- malheureufement en l'homme de péché
dication de la parole de Dieu , qui a & fils de perdition, lequel, par fon
cefte vertu & efficace, de difpofer les orgueil & vaine prefomption, veut per-
cœurs à s'entre-aimer & aider les vns dre les habitans de la terre.
Il fut auffi interrogué des vœux; Vœux.
les autres , comme membres d'vn
& refpondit que toute créature qui
(i) Tombée. voudra entreprendre de faire vne
22 LIVRE CINQUIEME.
Vne conuerfwn tant rare, affauoir d'im (i) Le vicomte, en Normandie, était un
bourreau qui dcuoit exécuter en der- officier de robe qui rendait la justice au nom
nier fupplicc ce Martyr, rend fmgu- du roi. Nous ignorons si ce titre avait la
liere & admirable la bonté du Sei-
même signification en Bourgogne, ou s'il
gneur en la mort des fiens, & nous faut l'entendre ici dans son acception nobi-
liaire. Le maire, ou Maifur (édit. de 1554).
tcjlifie que iamais elle n'ejl fans pro- était souvent une sorte de seigneur, ayant
sa charge à vie et exerçant plusieurs droits
judiciaires assez étendus.
(i) Réfuter.
(2) Cette notice figure dans l'édition prin- (2) «nant. •)Qui
I5>4) (Edit.se dedict15Ç4.)
audict Diion l'Extermi-
Cêps de à15)4,
édition
page6Ç2. et n'a subi . d'une
l'autre , que des changements de (3) u En le baisant luy dict. >> ( Edit. de
style ecclés.,
Hist. de peut. I,
d'importance.
p. çj- Voy. Bèze , (4) « Mon amy ie nay veu ce jour homme
que i'ayme plus que toy. » ( Edit. de 1554.)
36 LIVRE CINQUIEME.
deuanl lui. Apres ie croi la refurrec- criture, par lefquels il nous eft prouué m.d.lmi.
tion de la chair & la vie éternelle , que nous n'auons que lefus Chrirt
pour Aduocat & Médiateur, & que
pour mondrcr que noflre félicité & quiconque met fa fiance en autre qu en
loye neà i,'ill en celle terre, & qu'apre- lui feul, qui en prie vn pour aduocat,
nions palfer par ce monde comme
tre vn
par paysaux
cœur mettant denof-
biens &ne délices
ellrange, ce
& n'a pas toute fa fiance en Dieu, ce-
lui-la erre. Car quand on prie quel-
monde , prenans bon courage , en at- qu'vn , c'eft d'autant ou'on en attend
tendant la venue & defcente de nof- quelque profit : ainfi donc ceftui-la fe
tre Seigneur lefus Chrirt. Ainfi donc, deftourne do la bonne & droite voye. >■
puis que Dieu me fait ce bien & cefte D.i' Si efl-il commandé de l'Eglife qu'il
grâce de le conoillre Dieu véritable faut prier & inuoquer les Sainds , à
& immortel , créateur de toutes
ce qu'ils foyent nos intercelTeurs en-
uers Dieu. » R. Il Les prie qui voudra,
chofes, âc qu'il m'a mis au monde,
créé à fon image & feniblance ; ie ce n'eft mon intention. »
le veux toufiours auoir en mémoire ,
mettre toute ma fiance en lui , le Enqvis s'il ne croid point que le Du Pape.
Pape reprefente & foit lieutenant de
craindre, aimer, feruir & obéir au Dieu, colloque au lieu de faind
mieux qu'il me fera poffible, félon fes Pierre : Dit que ce feroit à fauffes
fainds commandemens, le requérir en
toutes mes neceffitez & afaires, conoif- enfeignesde, pource
œuures qu'il ni
lefus Chrirt ne defaitfaind
les
tre que de lui feul vient tout bien, & Pierre , & ne les enfuit en rien.
cercher en lui tout mon falut & fe- D. S'il eft chef de l'Eglife Romaine.
cours, & non ailleurs.
Inuocation » Enqvis fi les fainfls qui font en R. Qu'il ne fait qui eft l'Eglife Ro-
maine, & qu'il ne conoit que l'Eglife
des fain<as Paradis ont puilTance de nous aider & Catholique , dont lefus Chrirt eft le
abaïue. fecourir en nos neceffitez . langueurs chef, ainfi que faind Paul, Ephef. i.
& afaires, & s'il les faut inuoquer, recite , que lefus a efté conrtitué chef
prier & auoir vers eux recours, afin
de
toutetoute l'Eglife,: && aux
principauté exalté dert'us
Philip. 2.
qu'ils
neurs foyent nos aduocats
& intercelTeurs , moyen-
enuers Dieu ,
Qu'il a receu vn nom par delTus tout
pour auoir remiffion de nos fautes ,
nom. fusAux Ephef.
Chrirt eft chef >.des
& Coloft".
Anges 3.& le-
de
auons dit qu'il les faut honorer , c'eft
leur porter honneur & reuerence, en tous fidèles. Et encore aux Ephef. 2.
donnant la louange à Dieu, en les en-
Le fondement de l'Eglife eft la doc-
fuyuant; mais
félon de
qu'ils trine des Apoftres tS: Prophètes. Et
Chrirt les ont enfuyuicomme
inuoquer lefus
aux Ephef. <,. lefus Chrirt ayant ra-
aduocats,
ture faindeil aucun
n'y en tefmoignage
a en toute l'Efcri-
qui en cheté fon Eglife l'a fanftifiee , afin
face mention. Et eux edans en ce qu'elle fufl gloiieufe & fans macule.
Et que quiconque fe veut ofter hors
monde, prefchans la parole de Dieu, de la ert
forme de l'Eglife
ils ne nous ont point commandé de Chrirt le chef, & fe veutdont lefus
mettre &
les prier , mais feulement de nous arrefter aux ordonnances des hommes
adrelTer à Dieu par fon Fils lefus
Chrirt , nortre feul aduocat & média- qui font de l'Antechrirt, il n'eft pas
de l'Eglife de Dieu, & renonce à la
communauté des Chrortiens & fidè-
teur, d'autant qu'il n'y a que lui feul
à qui gloire & honneur foit deu, ne les. Quant à la puiffance de lier &
qui conoirt"e nos fecrettes penfees & deflier, c'ert la parole de Dieu, qui a
foit fcrutateur de nos cœurs. C'ert lui certe vertu d'attirer vn homme à la
Ican i6. qui a dit : « En vérité , en vérité ie conoiffance de fon Euangile. Et lui
vous di que toutes chofes que deman- retiré & croyant à icelle eft deflié , &
derez àmon Père en mon Nom, il les
où il n'y croid point, il demeure lié.
vous donnera ; iufques à prefent vous Enqvis s'il croid qu'il y ait vn Purgatoire,
n'auez rien demandé en mon Nom : tiers lieu où vont les âmes pour eftre
demandez & vous l'aurez, afin que vof- purgées, que l'on nomme Purgatoire :
1. Tim. 3. tre ioye foit acomplie. » Et S. Paul a dit qu'il ne fait autre Purgatoire que
dit que nous auons nortre Seigneur celui qui eft fait par le précieux fang
lefus Chrirt pour médiateur, afin de lefus Chrirt, par lequel les iniqui-
tcz des pécheurs font purgées ; car en
qu'ayans accès par fon moyen , ne
doutions de trouuer grâce. Et plu- l'Efcriture nous ne trouuons que puif-
fieurs autres palTages en la fainftc Ef- fions eftre purgez de nos macules par
ESTIENE LE ROI , PIERRE DENOCHEAV.
autre purgation que par le fang de & noftre efprit en haut au ciel , où
lefus Chrifl, qui a pleinement fatisfait Jefus Chrift eft à la dextre de Dieu
pourà demi.
tous vrais fon Père. Nous auons preuue fuffi-
fait Or cecroyans, & n'a
feroit faire rien
les cho-
fante
criture, en plufieurs
fainéle, paffages
que Jefus de auec
Chrifl l'Ef-
fes à demi (qui
poffibilité) l'ont neantmoins
les donner & delaifferenauxfa
hommes, pour par eux nous retirer de fon corps eft monté au ciel, d'où il ne
defcendra iufques à ce qu'il viendra
ce feu de Purgatoire , en faifant œu- pour tenir fon iugement. Et ne nous
ures de leurs mains. Il vaudroit au- faut douter que par la foi que nous
tant dire que nous fuffions fauuez par auons aux promelTes de Jefus par fon
les hommes & non par lefus Chrift. faind Efprit , en prenant le pain & le
Le bon Dieu n'a rien fait à demi : vin qu'il nous laiffe en fa fainâe
il nous pardonne & le forfait & la
Cène, qu'il n'habite en nous & en
peine. « Sur ce point ie pris la hardieffe nos cœurs. Et alléguant ce que fainâ
de demander à l'Inquifiteur fi Purga- Auguftin dit en fon liure des Retrac-
toire eftoit deuant ou après l'incarna- tations : « Pourquoi prepares-tu ta
tion de noftre Seigneur lefus Chrift. bouche & ton ventre.^ croi , & tu l'as
A quoi il ne fit refponfe. Et ie lui di
mangé, » l'vn des affiftans foudain me
Matth. 7. qu'en l'Euangile noftre Seigneur a dit dit que cela ne s'entendoit que pour
que la voye eft grande & fpacieufe les malades qui ne peuuent vfer des
Marc 16. qui meine à damnation, & la fente (i) Sacremens. Mais ie lui répliquai qu'il
eftroite qui meine à faluation. Et qui n'y a que la foi que nous auons en
croira & fera baptizé fera fauué : & Jefus Chrift, croyans en lui & en fes
qui ne croira , il eft défia condamné. promeffes , qui le nous fait receuoir
En quoiQuiappert en nous, & que le dire de faind Au-
voyes. mourraqu'il n'y afera
fidèle, quefauué;
deux
& infidèle fera damné. Et lefus Chrift guftin
lades,ne s'entend pointqui
mais pour ceux pour les ma-
prenent ce
eftant en la croix , le brigand le fup- pain & vin en la Cène. Si vn Pape
Luc 2Î. Grégoire a mal interprété ces paroles,
plia : « Seigneur , quand tu viendras
en ton royaume , aye mémoire de
ou qu'on les interprète mal fous cou-,
moi. » Et le Seigneur lui refpond :
leur de lui ou de fon dire, s'enfuit-il
« Tu feras auiourd'hui auec moi en que nous deuions croire & tenir cela
autrement , que ce qui eft ci delTus
Paroles facra- paradis. »
» Enqvis touchant les paroles facra-
mentales. allégué pour véritable.'^ Noftre Sei-
mentales dites fur le pain & le vin , gneur lefus Chrift a inftitué fa Cène,
affauoir fi par icelles l'hoftie confa- pour nous afifeurer que par la commu-
cree par le preftre ne deuient point le nication de fon corps, reprefenté par
corps de lefus Chrift, tel qu'il a re- ce pain & vin, nos âmes font nourries
pofé au ventre de la vierge Marie : le en efperance de la vie éternelle. Et
refpondi que ie ne tenoi rien de cela, auffi par cela nous fignifioit & don-
mais que i'entendoi fermement que le noit à entendre
matériel a vertu , qu'ainfi que le pain
de fuftanter nos
pain & le vin en la Cène du Seigneur
nous font donnez comme tefmoignage, corps humains, auffi fon corps fait le
gage & mémorial que noftre Seigneur
nous delaiffoit en commémoration , pareil
& enuers
viuifie nos âmes , qu'il
fpirituellement ; & nourrit
mefme
afin que toutes fois & quantes que comme le vin rend l'homme fort, le
nous ferions cela , nous euffions fou- conforte & le refiouyt , auffi fon fang
uenance & mémoire de fa mort &
eft la force & la ioye & refeélion fpi-
rituelle de nos âmes , & faut touf-
paffion , qui eft fermes
tenir toufiours pour nous aft"eurer
en la &
foi. Et
iours, en prenant ce pain &vin, reue-
qu'il n'entendoit & ne parloit point nir à la chofe fpirituelle , & non
que ce pain fuft rompu pour nous, ni corporelle ne corruptible, & ne croire
ce vin refpandu pour nous , mais que que Jefus Chrift eft mort pour nous,
c'eftoit fon propre corps & fang , qui & a refpandu fon fang pour nous de-
nous eft reprefenté par ce pain & ce liurer de la mort éternelle & nous ac-
vin en faifant la Cène. Et qu'il ne fe quérir lavie. Et que ce figne eft tef-
faloit pas arrefter aux elemens cor-
moignage qu'il monftroit à fes difciples,
ruptibles; mais pour en auoir la vé-
eftoit pour leur fignifier qu'il alloit
rité, qu'il nous faloit efleuer nos yeux donner fon corps & fon fang en la re-
n'en
(i) Le sentier. miffion point
fuffent , &qu'ils
en douteafin
de plufieurs, que des
LIVRB CINQUIEME.
grands fouftenir la dodrine du Fils
grans biens & bénéfices qu'il alloit de Dieu. La cour de Parlement les
acquérir
j o par fn mort c^ paflion, il
nous en feroit capables t!t dignes pour renuoya auec arreft confirmatif de la
fentence précédente; tellement que
fentir le l'ruid cS: l'efficace d'iceux.
Or, le moyen de receuoir Jefus Chrift peu après , fans lesengarder
furent exécutez ladited'auantage,
ville de
*<m
Chartres, l'an. prédit , mil cinq cens
en nous , ce n'ell pas feulement de
croire qu'il eft mort
nous deliurer & relTufcité
de mort éternellepour& cinquante trois.
nous acquérir la vie fpirituelie , mais ■'-^-'îic^t:!^^
auffi qu'il habite en nous par fou faind
Efprit, li ell conioint aucc nous, fi
nous auons foi, en telle vnion que le
I 5*0-S:?0/«"^.'«5
L'inquifiicur que s'il vouloit fonder fon cœur, il fe au Roi , lequel il n'auoit oflfenfé non m.d.liii.
de Touloufc. trouueroit conueincu que ce qu'il fouf- plus que la iuftice ; car quant à Dieu,
tenoit n'eftoil autre chofe que la pure il eftoit tenu & tout preft de lui de-
vérité de Dieu; ce que promptement mander pardon. 11 eftoit auffi appe-
il lui prouuoit , lui cottaiit (1) les
palTages & chapitres , tant auoit-il roit lalant langue
de ce quicoupée
auoit efté
; cardit, qu'il que
attendu au-
bonne & fraifche mémoire. Nonob- le Seigneur la lui auoit donnée pour
flant il fut condamné par l'Inquiflteur le louer,ofter
il luile eftoit
& le vicaire de l'Euefque de Cofe- deuoit moyenauisdequ'on ne lui
le pouuoir
rans, à eftre dégradé & mis en la main faire fur le dernier poind de fa vie.
de la Cour feculiere. Pour faire cefte Mais nonobftant , ladite fentence fut
dégradation, il fut mené en vne petite confermee par arreft de la chambre
ville prez de Toulouze , nommée criminelle du Parlement. Toutesfois ,
Muret (2), & de là liuré au iuge des à raifon de quelque commiffion baillée
Appeaux (5) ciuils, en laSenefchaucee au premier Prefident, pour faire iuger 31
de Toulouze , qui efl auffi iuge des les procès concernans la foi , en telle
incours (4) d'herefie. Ce iuge d'entrée chambre du Parlement qu'il auiferoit ;
interrogua Pierre , de quel meflier il
eftoit ; & ayant oui de lui que depuis & que des l'année précédente il auoit
choifi la grand' chambre , il pretendoit
quelque
cordonniertemps il s'eftoit
, il lui demandamis deà eftre
quel que
en latelchambre
iugementcriminelle.
n'auoit peu eftre fait
meftier il eftoit auparauant : « Helas! Parqvoi après difner, les deux
monfieur (dit Pierre) ie ne l'oferoi chambres , aftauoir la grande & la
criminelle, furent affemblees, & Pierre
dire que fauue voflre grâce ; car i'ai
Mefchant & efté du plus vilain , mefchant & mal- derechef mandé par deuant icelles ;
malheureux heureux meftier du monde. » Plufieurs eftant venu, fut long temps fans vou-
meiher. ^g^ affiftants eflimoyent qu'il euft efté
brigand, voleur, ou faux monnoyeur, loir refpondre, difant qu'il n'auoit
plus afaire qu'à Dieu , puis que fon
& partant l'exhortoyent de le dire arreft lui auoit efté prononcé. Toutes-
hardiment ; & fembloit que le remords fois à la fin il refpondit, & perfifta en
& doleance lui fermaft la bouche. Fina- fa confeffion de foi ; & ne peut eftre
lement eftant importuné , dit auec deftourné par les grandes tentations
foufpirs : « Las, miferable que ie fuis ! dont il fut lors affailli. Il fut donc
i'ai efté Preftre. » Et fur l'heure rendit ordonné que l'arreft fortiroit fon effet,
raifon pourquoi il eftimoit ceft eftat fi
mal-heureux & maudit. Adonc le iuge excepté l'amende honorable & l'abci-
fut fort irrité, peu de iours après le fion
rien de langue,
contre leur pourueu
religion. qu'il
Commene dift
on
condamna de faire amende honorable, le menoit au lieu du fupplice en paf-
& demander pardon à Dieu , au Roi , fant par deuant le collège de fainâ
& à iuftice, à auoir la langue coupée, Martial , le luge lui monftra vne
& eftre après bruflé tout vif ; dont image de la vierge Marie, c^ lui dit
Pierre Serre fe porta pour appelant.
A CAVSE dequoi il fut mené en la qu'il lui demandaft pardon. Pierre
chambre criminelle de la cour de refpondit qu'il n'en feroit rien , car il
ne l'auoit offenfee , ioint que ce
Parlement de Toulouze, où il perfifta
n'eftoit pas la vierge Marie mais vne
conftamment en fa confeffion. Inter- idole de pierre. Cela dit , le luge lui
rogué fur les griefs de fon appel , il commanda de bailler la langue , ce
Serre déclare plaida fa caufe , & dit qu'il n'eftoit qu'il fit fans délai, & endura paifible-
les caufes appelant de la mort , pource qu'il ne ment qu'elle fuft coupée. De là il fut ■
de fon appel, youloit efpargner fa vie pour l'honneur attaché au pofteau , pour eftre bruflé
de Dieu, & le tefmoignage de fa vif; où il leua les yeux au ciel, & les
vérité ; & fauoit auffi que ceux aufquels tint là fichez iufques à la mort ; fi que
il appeloit, ne lui fauueroyent la vie ; pour l'ardeur & véhémence du feu, il
mais il eftoit appelant de ce qu'on ne fe remuaDont
non tout
plus leque s'il euft efté
l'auoit condamné à demander pardon infenfible. peuple fut fort
efmerueiUé ; & fut dit par vn confeil-
1er du faire
Parlement,
mourirqu'il
les neLuthériens
faloit plus.
(i) Citant. ainfi
(2) Chef-lieu d'arrondissement de la Haute-
Garonne. attendu que cela pourroit plus nuire
(?) Appels. que profiter à leur religion.
(4) Recours en justice.
LIVRE CINQUIEME.
Molle fut arriué, on le ferra dans vne
^&«.^<5ÉS§S^^i
52
des plus horribles prifons, où il trempa
quelques mois durant lesquels diuers
l'uppofts de l'Antechrifl firent tous
Iean Molle (i), & vn Tisseran leurs efforts pour l'abalre & deltourner AITailli.
de Perule (2). de la pure dodrine du Fils de Dieu ;
mais ce fut temps perdu à eux; au
En la conllancc de ces deux raillans contraire, l'Eternel fortifia tellement
champions de nojlre Seigneur lefus fon feruiteur qu'il demeura toufiours
Chrijl , ajjaillans le Fils de perdition ferme. Eux voyans qu'ilque
ne ce
pouuoit
iufques en fa forlereffe mefme , & eftre esbranlé en forte fufl,
faijans m merueilleux procès à leurs conclurent
propres luges , les Fidèles doyuenl à lui ofler qu'il ne faloit
la vie. Ainfiplusdonc
différer
, le
receuoir vne confolation finguliere , cinquiefme iour de Septembre de
en je fouuenanl que celui qui veut l'an M.u.Liii. il fut mené auec plufieurs
dejployer (a rerlu en leur mfirmili autres , parauant emprifonnez pour le
eji plus fort que le Prince du inonde, faid de la Religion , au temple qu'ils
lequel il fait combattre & forcer es appelent Santa Maria di Minerua ,
lieux où ilfemble eflre inexpugnable. afin que ceux qui ne voudroyent
abiurer fuffent condamnez fur le champ
Condition Iean Molle cftoit natif de Mon- & enuoyez au feu. Six Cardinaux «
de I. Molle. talcin, ville affize au territoire de quelques Euefques , comme luges
Sienc. Par le malheur prefque ordi- de la caufe , fe vindrent alfeoir en
naire du temps, il auoit elle fait Cor- grande magnificence pour esblouyr les
delier, & en fa ieuneffe s'elloit foigneu- yeux du peuple & eltroyer les prifon-
fement exercé en l'eflude des fciences niers qui furent amenez chafcun tenant
(Se bonnes lettres. A ce fauoir humain vne chandelle allumée en fes mains.
Tous les prifonniers, par vne miferable
il conioignit l'eflude de Théologie, &
peu à peu, ayant par vne finguliere lafcheté, iK: pour crainte d'vne briefue
taueur de Dieu prins gouft à la pure mort
Iean corporelle,
Molle & vn feTilferan
del'direntde; excepté
Perufe.
dodrine pardiligenteledure del'Efcri- Eftant efcheu à Jean de parler à fon
ture Sainéle, il prefcha l'Euangile en tour, il demanda congé de dire ouuer-
plufieurs lieux d'Italie en toute fince-
rité &• de grand zèle, tellement que le tement ce qu'il auoit en penfee ; ce
peuple couroit ardemment après , & qui lui fut odroyé. Lors entamant le
Maintient
ne parloit-on que de lui par tout ce propos, il répéta &conferma parviues condaniment
la vérité &
pays-là. raifons, propofees d'vne grande véhé-
fance du Ce qu'eflant
Pape venuCardinaux
, de fes à laconoif-&
mence & ardeur d'efprit , tout ce qu'il
auoit parauant enfeigné & prefché en condamne
menfopLi L-
Inquifiteurs, voyans que par tels pref-
ches leur authorité decheoit de plus diuers lieux touchant les articles pour
en plus, ellant mefprifee & moquée lefquels il efloit accufé d herefie ;
comme du Péché Originel , de la
Mal voulu de chacun , refolurent d'attraper ce J unification de la foi, des bonnes
bon perfonnage. Suyuant quoi, lettres
des ennemis œuures, de la Prouidence de Dieu ,
de vcrilé. furent enuoyees au gouuerneur de
Rauenne, où Molle efloit pour lors, & de la Predeflination , de la Grâce &
au Légat du Pape auec commiffion ex- des Mérites
fon chef, de ,ladereuerence
l'Eglife &, inuocation
de Chrift
preffe defe faifirdela perfonned'icelui,
& l'amener fous forte & feure garde & adoration des Sainds, du Purga-
Emprifonne- toire, des Pardons, du Cœlibat & du
ment. bien lié & garrotté iufqu'à Rome. Cela
fut promptement exécuté, & fi tort que Mariage des Preflres, du Franc-arbi-
tre, des Sacremens , de la Confeffion
(1) Giovanni Mollio, natif de Montalcino,
auriculaire, de la MelTe, &c. Puis il
près de Sienne. Voy., sur ce martyr, VEn- répéta ce qu'il tenoit i.^ croyoit du
crcl. des .sciences religieuses; Mac-Criu, Re/. Pape et de toute la Papauté, affauoir
in IlJly, p. 95, 1^4, 26t; Fnxe. Acis anJ
Monuments . t. IV. p. 46) ; Pantalcon, Mar- que le Pape
tre S. Pierre,n'crtni fuccefleur
vicaire de de l'Apof-
Chrifl , ni
tyrum Hisloria iB&-i\\em, 156)1. lib. IX. Cet
article ne fi^'ure pas dans les éditions du le chef de l'Eglife Chrétienne; mais
Martyrologe publiil-es par Crcspin.
(2) Ce n'csl pas un tisserand . mais un que
Princevrayement
du règne il ell l'Antechrift
maudit A exécrable&
nommi- Tisserando, de Pérousc. Crespin et
Foxe ont pris l'un et l'autre un nom d'hummc de l'Antechrifl, ayant vsurpé domina-
pour un nom de profession. tion tyranniquc fur les Eglifes , auec
JEAN MOLLE ET VN TISSERAN.
autant de droit qu'vn brigand a fur Vous perfecutez & mettez à mort les
les innocens qu'il efgorge. Pour con- fidèles Miniftres d'icelui. Vous anean-
clufion, s'adrelVant aux Cardinaux & tifl'ez fes commandemens. Vous def-
Euefques, fes parties & Juges, là affis robez aux poures confciences leur
Fait terrible pour le condamner : c< Quant à vous , liberté. Vous vous apropriez tyranni-
procès à fes Cardinaux, & à vous Euefques , fi ie
luges. quement puifl'ance fur la vie & la mort Ajourne fes
fauoi (dit-il) que vous euffiez obtenu temporelle & éternelle. Pourtant
à bon droit cefte puifiance que vous i'appele de voftre procédure, & vous luges deuant
vous attribuez (laquelle pour certain adiourne , ô cruels tyrans & meur- le fiege Iudicial
de Chrift.
eft vne abomination deuant Dieu & fes triers, au dernier iour, deuant le fiege
Anges) & que fuffiez montez en ce iudicial de lefus Chrift, lequel vous
degré par quelque vertueux ade , & ne contenterez pas de vos beaux litres,
non par ambition aueuglee ou autre ni de vos pompeux & ambitieux acouf-
tremens, ni de voilre argent. Vous ne
telle mefchante pratique , ie n'en diroi
mot. Mais puis que ie voi & fçai bien l'efpouuanterez non plus de vos
menaces , ni de vos moyens , ni
que vous n'vfez d'aucune mefure ,
n'auez modeftie , honnefteté, ni vertu de vos armes. C'eft là où il fau-
quelconque en recommandation , & dra maugré
( qu'en ayez) que vous
procédez contre toute raifon mefme; rendiez compte de toute voftre vie
ie fuis contraint de vous traiter vn
paft'ee. En tefmoignage de ces chofes,
peu plus rudement, & puis à bon droit reprenez maintenant cefte chandelle
m'efleuer contre voflre Eglife qui que vous ra'auez baillée. » Quoi difant,
n'eft point de Dieu, mais de Satan, il ietta par terre le plus loin qu'il peut,
bref eft la vraye Babylone. Chacun & d'vn vifage courroucé, la chandelle
void affez quelle efl voltre dodrine, & allumée qu'il tenoit en la main. Les
furquoi voftre puiffance faullement Cardinaux & Euefques, oyans vn tel
langage , commencèrent à frémir & à
prétendue eft fondée ; tellement qu'il grincer les dents; & ne fe pouuans
n'efl pas befoin
difcours. d'en faire plus
Car certainement long
fi voftre plus contenir, commencèrent à crier
puiffance efloit Apoftolique (comme tous enfemble : « Oftez, oftez ce Eft condamné
vous le faites à croire au poure monde, malheureux. » Ainfi lean Molle auec à mort.
par façons de faire du tout infuporta- le Tifl'eran de Peroufe (qui fit vnç
bles) voftre doârine & voftre vie franche confeffion & approuua tout ce
s'accorderoit auec celle des Apoftres. que Molle auoit dit) furent condamnez
Mais puis qu'en vos vilains corps & à eftre eftranglez, puis bruflez ; ce qui
ne les eftonna point, ains Molle
en voftre vie tant abominable il n'y a
efleuant les yeux au ciel dit : « O Jefus Sa conftance
membre qui ne foit infeâé d'ordure , & a<5lion de
de menfonge, Chrift mon Seigneur, Souuerain Sacri-
croire ou dire & ded'iniquité : que puis-ie
vottre Eglife , finon
ficateur &Pafteur, il n'y a chofe qui
que c'eft vne tafniere & cauerne de m'euft fceu venir plus à gré en ce grâces.
brigands r Qu'eft-ce de voftre dodrine monde que d'efpandre mon fang pour
ton faind Nom. » Ils furent menez
autre chofe qu'vn fonge forgé par des
feduéleurs & hypocrites.- Chafcun tous deux en vne grande place nom-
fait voftre vie ; on oit la fauffeté & mée Campo de Fior , ayans les faces
feintife de vos langues , on void vos ioyeufes, comme les Apoftres, qui
mains pleines de fang , & aperçoit-on monftroyent vn grand contentement
aft"ez à vos vifages que vos ventres en leurs vifages, après auoir efté con-
damnez par les Scribes & Pharifiens.
font infatiables.
tirer ,amalTer, &'Vous ne faites
entaffer qu'at-
par toutes La mort de lui
Le Tifl'eran fut pendu & eftranglé le & du TilTeran.
fortes d'iniuftice & de cruauté. Qui premier. Allant à la mort il fe recom-
pis eft, vous eftes du tout & incelfam- manda àDieu, le remerciant de ce
ment altérez du fang des Chreftiens
fidèles. Qui fera celui donc qui vous que, par
attiré à lavnelumière
bonté de
infinie, il l'auoit
fa Parole, &
tiendra pour vrais fucceffeurs des choifi pour eftre tefmoin de la vérité
fainds Apoftres , ou pour Vicaires de de fon fainâ Euangile. Il fut inconti-
lefus Chrift.' Au contraire , ie di que nent eftranglé, & le feu allumé, où les
vous eftes membres de l'Antechrift & deux corps furent bruflez lecinquiefme
enfans du Diable. Vous mefprifez iour de Septembre, m.d.liii. Le peu-
d'vne impudence defefperee lefus ple prefent parloit en diuerfes fortes Quelle
en eutopinion
le
Chrift & fa parole. Vous ne croyez de ces deux Martyrs. Les vns en
pas mefme qu'il y ait vn Dieu au ciel. qu'il n'y
. II. auoyent compaffion, difans 5 peuple.
H LIVRK CINQUIEME.
M.D.Liii- auoit point de propos de faire mourir de Guillaume d'Alençon & du Ton-
ces exccllens perfonnages. Les autres deur cjlpour nous donner courage
les appeloyent heretiaues obflinez li en ia'uure du Seigneur, & auj'ji pour
nous humilier & aprendre à nous
endurcis. D'autresde diloyent
deuoit contenter qu'on
les bannir. fe
Ainfi desfier de nous-mcfmes, pour mettre
y auoit-ii diuerfes opinions de lefus toute nojlre fiance en ta force du
Chrid durant fa conuerfation vifible Mai/Ire duquel jamSl Paul dit : le
entre les hommes ; les vns le tenans puis toutes chojes en celui qui me
fiour un Prophète & homme de Dieu, fortifie. Phil. 4. 15.
es autres pour vn mutin & fedudeur.
Entre ceux qui ont tafché d'aider
les lideles qui font fous l'oppreffion
de la tyrannie Papale, par communi-
cation & port de liures de la fainâe
Iean Malo, Hannuyer(i). Efcriture, & qui n'ont pour ce faire
efpargné
çon, natif leur vie, Guillaume
de Montauban, d'Alen-
ne doit eftre
Cejlc pcrfcculion au pays de Haynaul oublié. Car après auoir fait plufieurs
dura ittfques à l'an fuyuant, comme voyages en diuers lieux , il fut finale-
ion verra en l'ordre des Martyrs ment conftitué prifonnier à Mont-
ci-apres. peflicr, ayant eflé trahi & liuré par
faux frères. Il fut donc prifonnier en-
Cestvi-ci eft de la femence des tre les mains de ceux de la iuftice,
fidèles ci-deuant exécutez à Mons en
lefquels après l'auoir interrogué de fa
Haynaut, en l'an m.d.xlix (2). 11 fut foi, voyans qu'il perfeueroit conftam-
mis prifonnier à Mons, pour auoir
maintenu en quelque compagnie, que ment en la confeffion
le condamnèrent de l'Euangile,
à la mort, le Samedi
le pain de la Meffe n'eftoit qu'vne feptiefme de Januier mil cinq cens
cinquante trois (i).
idole; & fonnier
fut dedans
plusvnd'un
fondan degardé
folTepri-
en Or il y auoit vn autre prifonnier
auffi détenu pour la caufe de la vérité,
grande mifere.
M.D.Liv. il fut condamné l'an
enmort.
Finalementà la qui elloit tondeur de draps de fon
Ainfi qu'on le mcnoit au fupplice , on meflier,
l'ouit difant à haute voix ce propos : deflourné lequel
de lapar infirmité
pure s'eftant
confeffion du
Fils de Dieu , fut condamné à faire
Parole no- " Quand nous eflions foldatsae l'Em-
table. pereur, combien de fois auons-nous amende honorable & élire prefent à la
mis noflrc poure vie en danger pour mort dudit d'Alençon. Le iour mefme
lui .' & maintenant craindrons-nous de ordonné pour exécuter les fufdites
la mettre pour le Seigneur ? nous ne fentences , le Seigneur fit grâce à
la faurions perdre à plus grand profit ; G. d'Alençon de tellement fortifier
mais nous ne la perdrons pas, car pour ledit perfonnage par fes exhortations
vne poure vie caduque & tranfitoirc ,
que nous lui laiffons en garde & gage, & par nouueau
receu fon exemple , qu'icelui
courage, demanda ayant
aux
nous en aurons vne éternelle & bien-
heurcufe à iamais. » Il endura ioyeu- iuges ou d'eftre remené en prifon, ou
fement la mort, en louant & benifrant d'élire bruflé auec ledit d'Alençon, &
le Nom de Dieu iufques au dernier qu'autre amende honorable il ne feroit
foufpir.
France froicstantc (2* édit.) . t. I . col. i}!.
La première édition de Crcspin (IÇÇ4) con-
«•&<>*■ î**- J**- >**■ J»»*- 5**- J**- llf* Le nom tient déjàducelle notice
martyr y est telle
écrit qu'elle est ici.
Dalençon.
(I) i-a première édition dit i;;4, et toutes
les éditions suivantes ont ce même millésime,
GviLLAVMF.
DEVRd'Alençon
de draps ,(3).
& vn TON- excepté celle de 1610 que nous reproduisons.
On a voulu y voir un changement inten-
tionnel dû nu chan(;ement de la date du
commencement de l'année (voy. In note dans
L'exemple ici propofé en la perfonnc l'édii. de Toulouse de l'Hisf. ecctés , I, 54).
Mais la preuve que ce n'est là qu'une faute
(1) Le récil de Crcspin est identique à d'impression, c'est que. quelques li},'nes plus
celui de Hicmsicdc. Malo était natif de bas, ledit, de 1619 revient a» millésime de
Mons. 15(4. La date du 7 janvier est contredite par
(2) Voy. Hist. des Martyrs, t. I, p. 460-466. le récit de Félix Flatter (voy. note ci-des-
(l) Voy. Bùzc, Hist cccUs.. t. I , p. 54. sous tqui indique le 16 janvier.
35
PAVL MVSNIER.
finon par fa mort , confefTgnt vne conoiftre Jefus Chrift, fous prétexte
mefjne d"vn voyage à vne des foires de Lyon
çon. Endoftrine comme ledit
cefte fermeté d'Alen-
& confiance s'achemina iufques à Geneue , où
moururent ces deux Martyrs de Jefus
ayant
rauant aprins ce qu'il
, retourné ignoroit,
à Orléans aupa-
effaya
Chrill, ledit d'Alençon, le jde Januier,
& l'autre le Mardi enfuyuant, lo du d'esbranler
hors de là. faMais
femme pour del'emmener
le nom Geneue
mefme mois, audit an m.d.liv. (i).
eftoit lors fi odieux, à caufe de la reli-
gion &rien
ne peut difcipline
obtenir.d'icelle
Depuis,ville, qu'il
quelques
vns lui ayans mis en tefte de fe retirer
Pavl Mvsnier, d'Orléans (2). à Londres en Angleterre , où il feroit
A quelles plus commodément, fa femme accorda
erpreuves Ce perfonnage, chauderonnier de
'aul fut réduit fon eftat , ayant conu quelque chofe finalement de l'y fuyure, tellement
depuis qu'il des abus de la Papauté & defireux de qu'ils partirent fur la fin de Décem-
»ut la conoif- bre 1550 auec deux petis enfans, &
fance de la fernme enceinte qui acoucha dedans
rr.uangile (i) Le récit, si beau dans sa brièveté, de Londres au mois de Mai enfuyuant
ifques au iour Crespin a été à la fois confirmé et complété
de fa mort. de nos jours par la publication des Mémoires d'vn fils nommé Ifaac. Tandis que le
de Félix Flatter de Basle ( Genève, 1866) , bon Roi Edouard vefcut, cefie famille
qui , étudiant en médecine à Montpellier, fut & les autres illec réfugiées pour la
témoin de ce martyre. Nous y apprenons
quequeGuillaume d'.'Mençon Religion furent Mais
inftruitsla &mort
abondam-
et , le i6 octobre 155?avait étédégradé.
, il fut prêtre, ment confolez. de ce
« C'étoit . n dit Flatter, « un prêtre converti Prince furuenue, ce fut aux poures
qui avoit apporté de Genève des livres , et fidèles à fe retirer viftement. Paul fe
séjournoit depuis longtemps en prison. Re-
vêtu de son costume ecclésiastique, il monta
fauua en grand'hafte auec fa femme &
sur unecérémonies
estrade où etl'évêque étoitdeassis. Après fes trois enfans à Diepe , & de là à
mille la lecture nombreu.x
Rouan en Norrnandie, prétendant fe
passages en latin , ses ornements sacerdo- retirer à Geneue. Là deffus la femme
tau.\ lui furent enlevés et remplacés par des
habits séculiers; on lui rasa la tonsure , on tomba griefuement malade , ce qui mit
lui coupa deux doigts, puis il fut livré à la
Paul en extrême perplexité. Il remonf-
justice séculière qui l'appréhenda sur-le- tre à fa femme, que fi Dieu la retiroit
champ et le ramena dans son cachot. Le
16 de janvier 1Ç54, il fut condamné à mort, du monde, il feroit contraint faire des
et l'après-midi même il fut supplicié. Un chofes contre fa confcience, ou mou-
homme le porta sur ses épaules hors de la
ville, à la place oîi étoit dressé un monceau rir ;que mourant, leurs petis feroyent
de bois. A la suite marchoient deux prison- en merueilleux danger. Ils délibérè-
niers :un tondeur de drap, en chemise, avec rent fur cefte difficulté, que lui mene-
une botte de paille liée derrière le dos , et roit les enfans à Paris en quelque
un homme de condition fort bien accoutré.
Dans leur égarement , tous deux renioient maifon, puis la renuiendroit trouuer.
la vraie foi. Pour d'Alençon , il ne cessoit Que fi elle eftoit decedee, il pourroit
de chanter des psaumes. Arrivé devant le fe retirer fans bruit, & pouruoir à foi
biicher, il se déshabilla lui-même jusqu'à la
chemise, rangea ses vêtements dans un coin
& aux enfans, dont la fille eftoit aagee
de neuf ans , le fils aifné de fept , &
avec autant d'ordre que s'il eût dû les re-
mettre, et, se tournant vers les deux hommes Ifaac le plus petit de trois à quatre
qui vouloient abjurer, il leur adressa des ans. Paul les ayant voiélurez à Paris,
paroles si sérieuses que sur le visage du fe retira en certaine hoftellerie, &
tondeur de drap la sueur couloit en gouttes
de ayant remis fes enfans en garde à la
les la grosseur qui
chanoines d'unfaisoient
pois. Cecercle,
que voyant
montés ,
sur des chevaux ou des mules, lui comman- maiftrelTe du logis, qu'il penfoit eftre
efcarté & propre, la pria de les garder
dèrent de finir. Alors il s'élança d'un air
allègre sur le bûcher et s'assit au milieu. iufques à fon retour au bout de quel-
Par un
une corde; trou pratiqué dans lal'escalier
le bourreau lui mit aupassoit
cou, ques iours. Tandismalade
qu'il retourna vers
lui lia les bras au corps et alluma le bûcher
fa femme , plus que deuant,
après avoir jette dessus les livres apportés cefte hofleffe follicita les trois petis
de Genève. Le martyr restoit paisible, les enfans d'aller auec elle à la melfe ; ce
yeux tournés au ciel. Au moment où le feu
atteignit les livres, le bourreau tira la corde qu'euxlesayant
vers refufé, elle
Procureurs de fela tranfporta
Trinité à
et serra le cou du patient; la tète s'inclina
sur Paris, gens qui ont charge des enfans
plus launpoitrine; seul mouvementdès lors etd'.-\lençon
son corpsne fut
fit
réduit en cendres, n qui n'ont ni père ni mère, ni conoif-
fance ou curateurs; & les auertit de
(2) L'Hist. ccelés., de Th. de Bèze, ne fait
pas mention de ce martyr. Il est absent des ce refus. Eux l'enchargerent que,
éditions publiées du vivant de Crespin. quand le père feroit de retour, elle
LIVRE CINQUIEME.
37
^& ^9 ^9
rentcndcmcnt, que toufiours vous ne noftre Seigneur Jefus Chrift, qui nous
contempliez le vrai Soleil de iuflice, purge & laue au facrifice de fa mort,
8
Commcm il qui eftî le vrai Fils de Dieu. Quant eft qui eft noftre fandification. Par ce
faut rcfponJrc j^. refpondre uux Lirgumcns, vous fai- mefme moyen Dieu reçoit pour agréa- Mérites
'"Vy^T"'' "■■« ^'i^'" ^"^ refpondre en toute (impli- blés les bonnes ccuures que nous fai-
cite, parlant félon la mefure de voftre fons
foi : comme il eft efcrit , « J'ai creu , foyentpar fa vertu,
toufiours combien
entachées qu'elles
de quelque
pourtant ie parlerai. » Vrai eft que tou- poureté. Ainfi quiconque fe voudra
tes les fubtilitez qu'ils cuident auoir apuyer fur fes mérites, il fera comme
ne font que fottifes ridicules ; mais
pendu Bref
vents. en l'air,
ceux pour branfler mériter
qui penfent à tous
contentez-vous de ce que Dieu vous
a départi de fa conoifTance, pour ren- aucune chofe fe font Dieu redeuable,
dre pur tofmoignage & fans fcintife à au lieu de quoi il nous faut tenir le
tout de fa pure bonté. Nous fommes
fa vérité.
facent, ce Car
leur quelque rifeevnequ'ils
fera comme en
foudre riches & abondans en mérites eftans
en Jefus Chrift; eftans hors de fa grâce,
à leur confufinn , quand ils n'orront ne penfons point auoir vne goutte
que ce qui eft fondé en Dieu & en fa
parole. Au refte, vous sauez qui eft de bien. Si les ennemis vous allè-
celui qui a promis de donner bouche
r;
guent ce mot decarLoyer
oint troublé, Dieu (1),
rend n'en
aux foyez
fiens Loyer.
& fagefTe aux fiens, à laquelle tous
fes aducrfaires ne pourront relifter ; oyer, combien qu'ils n'en foyent point
demandez-lui qu'il vous conduife félon dignes; mais d'autant qu'il accepte les
qu'il conoiftra cftre bon. Ils ne laifTe- œuures qu'il a mis en eux , les ayant
ront pas pour cela de vous tenir con- confacrez au fang de fon Fils lefus
ueincu d'herefie, mais autant en a-il Chrift, afin que de lA ils prenent leur
efté fait à tous-les Apoftres & Prophè- valeur. Parquoi le loyer que Dieu pro-
tes & à tous les Martyrs. Le Greffier met à fes fidèles prefuppofe la remif-
fion de leurs péchez , (Nt le priuilege
fir, mais finon
n'efcrira voftrece confeffion
qui lui viendra à plai-
ne lailTera
qu'ils ontEtd'eftre
enfans. fupportez
de fait ce mot comme fes
de iuftifier luilitier.
pas d'eftre enregiftree deuant Dieu &
fes Anges , & il la fera profiter aux emporte que Dieu nous tiene comme
iuftes afin de nous aimer, ce que nous
Tiens félon qu'il eft à defircr.
Je toucherai en bricf quelques obtenons par la feule foi, car Icfus
poinds fur lefquels ils ont tafché de Chrift feul eft la caufe de noftre falut.
vous molefter. P<->ur vous donner à Vrai eft que S. laques le prend en laq. 2.
entendre que nous ne sommes point autre fignification , quand il dit, que
Sur la iuriifica- iuftifiez par la feule grâce de Dieu, ils les œuures aident la foi pour nous
lion de la foi. ont allégué que Zacharie & plufieurs iuftifier , car il l'entend pour aprouuer
autres sont nommez iuftes. Or fur cela par effed que nous le fommes ; comme
il vous conuient regarder comment auffi il ne difpute point fur quoi noftre
falut eft fondé, & en quoi il nous faut
Dieu les a acceptez pour tels. S'il fe mettre noftre fiance, mais feulement
trouue que c'cft par fa boivté gratuite,
en leur pardonnant tout ce qui eftcjit comment eft conue la vraye foi, afin
à redire en eux , & ne leur imputant
que nul n'en abufe fe glorifiant en
point leurs fautes <Si vices, voila tout vain du titre feulement. S'ils retour-
le mérite exclud, car, en difantque la noycnt à vous plus importuner fur ce
feule foi en Chrift nous iuftifie, nous
entendons en premier lieu que nous polnd, i'efpere que Dieu vous don-
nera de quoi pour
à l'interceffion de lales vierge Quant
vaincre.Marie l'inicrcef
& Sur salnol".
fommes tous maudits, et qu'il n'y a
que péché en nous, & que nous ne des Sainds trefpaffez, rcuenez tou-
pouuons penfer ne faire aucun bien fi-
non efltant que Dieu nous gouuerne à nous fioursààcefaire
principe que ce n'eft
des Aduocats point
en Para-
par fon faina Efprit, comme membres dis, mais à Dieu, lequel a ordonné
lefus Chrift vn feul pour tous. Item,
du corps de fon Fils. D'auantage, en-
cores que Dieu nous face la grâce de que nos prières doyuent eftre faites en
cheminer en fa crainte, que nous fom- foi et par confequent reiglecs par la
mes bien loin de nous acquitter de parole de Dieu, comme dit faind Paul
Dcui. 17. noftre deuoir. Or il eft efcrit. Que au 10. des Romains. Or ert-il ainfi,
quiconque
eft commandén'accomplira
fera maudit tout ce nous
& aihfi qui qu'en toute la parole de Dieu il n'y a
point vne feule fyllabe de ce qu'ils pour toute ancienneté. Armez-vous V) m.d.liv.
difent, parquoi toutes leurs prières donc de ce feul mot , pour les rame-
fontprophanes&defplaifantes à Dieu.
ner à la pure doftrine de l'Euangile.
S'ils vous répliquent : Qu'il ne nous eft Pource que i'ai vfé de ce terme-la
pas défendu , la refponfe eft facile : contre les Papiftes , ils prenent cou-
Qu'il nous eft défendu de nous ingérer leur de dire que i'approuue & prife
à rien faire de noftre propre fens,
voire en chofe beaucoup moindre, mais ce liure-la. Or , afin que vous n'en
foyez point eftonné , ie vous affeure
furtout : Que l'oraifon eft une chofe qu'il y a vn amas de badinages fi
beaucoup priuilegiee & trop facree
lourds , que les Moines d'auiourd'hui
pour nous y gouuerner en noftre fan- n'efcriroyent point plus fottement.
tafie, qui plus eft, ils ne peuuent nier
Mais pource
fance que n'auez
de la langue point, encores
Latine conoif-
que ce qu'ils ont recours aux Sainds,
moins de la Grecque , en laquelle
ne viene
fus Chrift d'une
feul pure desfiance
ne leur quefuffi-
foit alTes Je-
S. Ignace a efcrit , fi nous auons
fant. Quant à ce qu'ils vont répliquant : quelque chofe de lui à la vérité, vous
Que la charité des Sainds n'eft que
point n'auez que faire d'entrer en cefte dif-
diminuée, la refponfe eft facile, la pute. Contentez-vous de leur refpon-
charité fe renge & limite à ce que dre que ne pouvez faillir en fuyuant
Dieu requiert d'vn chacun. Or il veut Jefus Chrift, qui eft la Lumière du
monde. Quant aux dodeurs anciens ,
que les viuans s'exercent à prier les
vns pour les autres ; des trefpaffez il ceux qui font plus exercitez leur en
n'en eft nulle mention, & en fi grandes pourront dire affez pour leur clorre la
chofes, il ne nous faut rien imaginer
de noftre cerueau , mais nous tenir à bouche;foique
vraye ce vousen foit
affeuree la affez
feule d'auoir
parole
ce qui nous eft récité en l'Efcriture. de Jefus Chrift , lequel ne peut faillir
PaiTage de QvANT à ce que les aduerfaires ni mentir. Et mefme que c'eft où les
renuoyent tous les Dodeurs anciens,
Genefc^48. allèguent, qu'il eft dit en Genefe, proteftans de ne vouloir eftre creus ,
fi"? '1" ■ qyg ]g „Qf^ d'Abraham & Ifaac doit
eftre inuoqué après leur trefpas , vrai finon entant que leur dire fera trouué
conforme à ce qui nous eft enfeigné
eft que le texte le porte ; mais c'eft
vne pure moquerie de l'amener à ce de Dieu , & qui eft contenu en fa pa-
role.
propos. Cela eft efcrit au quarante-
huitiefme de Genefe, où il eft dit que SvR la matière du Sacrement de la Sur la tranf-
Jacob, benin"ant Ephraim & Manaflfé, , quand ils vous ,parleront
Cene Tranffubftantiation de fubftantiation.
fils de Jofeph , prie Dieu que les leur il y a ref-
noms de fes pères Abraham & Ifaac ponfe propre : Que toutes ces fenten-
& le fien foyent inuoquez fur ces cès qu'ils ameinent , encores qu'elles
deux enfans, com.me fur les chefs des deufl'ent eftre entendues à leur fens ,
lignées defcendantes de lui. Or, c'eft ne fe peuuent appliquer à la Meffe.
Car comme il eft dit : « Ceci eft mon
autant comme s'il difoit qu'ils foyent
reputez & contez au nombre des corps & mon fang, » il eft auffi quand
douze lignées , & qu'ils facent deux & quand adioufté : « Prenez, mangez
teftes comme s'ils eftoyent fes enfans & beuuez tous de ce calice. » Or, en-
en premier tre eux, il n'en y a qu'vn qui mange
eftoyent naisdegré.
en Egypte les qu'ils
auffi
Joind, il loinft
par fa prière au lignage que Dieu tout,
donnent & encores
que la àmoitié
Pafques, ils n'en;
au peuple
auoit bénit & fandifié, pource que de mais il y a encores plus grand mal,
ce temps-la ils en eftoyent comme fe- qu'au lieu que Jefus Chrift dit: Pre-
parez l'apparence
félonfaçon nez ;ils prefument de faire vn facri-
Ainfi cefte de parler extérieure.
ne fignifie fice, qui doit eftre vnique & perpétuel.
finon de porter le nom d'Abraham & Et ainfi pour s'aider de ces paroles,
d'eftre reclamez de fon lignage, comme il faudroit qu'ils euffent l'vsage de la
il eft
le nom au quatriefme
dit du d'Efaie fur
mari eft reclamé : Quela Cène, ce qu'ils n'ont pas. Au reste,
vous auez toufiours à protefter , que
femme, d'autant que la femme eft fous vous ne niez pas que Jefus Chrift ne
l'ombre & conduite de fon mari. nous donne fon corps, moyennant que
nous le cerchions au ciel. Sur toutes
PafTage de SvR ce qu'on vous allègue fainél
S. Ignace. Ignace , vous n'auez point à faire les cauillations (i) qu'ils vous pour-
grande refponfe. Il y a vne fentence
là où il dit : Que Jefus Chrift lui eft (I) Mauvaises chicanes.
LIVRE CINQUIEME.
:f LIBRARY j]
RICHARD LE FEVRE.
qui m'ont eflé comme monftres (i) <^ ligion & foi Chrétienne , & pour me m.d.liv.
préparations de nouuelles guerres. réduire à leurs impietez, pource qu'ils
AulTi le Seigneur Jefus ne nous pro- fauoyent Iceux
bien que
met point en ce monde auoir paix, Geneue. donc i'auoi demouré
ont efié la caufeà
ou pour le moins guère de treues , de foliciter le Preuoft des Maref-
combien que ie l'eulTe volontiers fou- chaux (1) du pays de Dauphiné, ce-
haité. Et mefme il n'a point tenu à pendant que ie m'eftoi retiré au logis.
Lequel enuiron dix ou onze heures de
m"emp!oyer de tout mon pouuoir à nuià me vint appréhender & lier de
cercher les moyens de tranquillité;
Pf. 120. mais (comme dit Dauid) quand ie la cordes, me menant (à caufe qu'il ef-
fouhaitoi, la guerre fe prefentoit. Et toit nuicS) à la nommé
chambrela d'vn des gens
dudit Preuoft Branche, afin
qui plus eft, i'ai efté tellement fe-
coux (2) , que le plus fouuent fuis
tombé par terre , & comme eftourdi , que le lendemain ie fuft"e enferré en 41
ne fâchant de quel coflé ie me deuoi quelque prifon.
fu prefenté Ce qu'eftant
par deuant le lugefait,
de ceie
Preuoft des Marefchaux , lequel me
tourner; que fi le Seigneur n'euft eu
pitié de moi, l'y euflTe incontinent efté fit incontinent
où ie demouraimettre aux douze
enuiron baffes foft'es
iours
accablé.
rations , Or i'efpere lequebon
enfemble ces iugement
confide-
auec deux brigands qu'on deualoit le
fpirituel que le Seigneur Dieu vous a foir, qui me faifoyent grande fafcherie
donné, ne vous permettra point tom- par leurs mefchans propos; dont plu-
ber en vaines fpeculations, pour igno- fieurs honneftes perfonnages prifon-
rer la prouidence de Dieu & fon con- niers conoifl'ans mon afflidion , folici-
feil éternel, lequel feul a conduit le terent le Capitaine à ce que ie fuffe
tout iufques ici, efperant que l'ilTue oui, afin qu'après mon audience i'euflfe
fera à la gloire de fon nom , à l'édifi- la commodité & bénéfice de l'air , &
le Capitaine ayant entendu ma mifere,
comme cationdéfia
de l'Eglife&à ma confolation,
le commencement en a fit toute diligence de foliciter le luge
efté à l'édification de plufieursqui ont du Preuoft, lequel Juge ne voulant
La prifon de efié prefens à mon examen de Greno- ouyr ne prendre aucune charge de
Grenoble. ble , tant de ceux de la iuftice & des
m'interroguer, me remit deuant le 'Vi-
prifonniers de Porte-troine {]), qu'auffi bailli
moi. (2),
voulut auffi pour ce que
prendre l'Euefque
aucune ne
charge de
de gens craignans Dieu, & autres frè-
res, lesquels en pourront rendre fuf-
fifant tefmoignage , tant de mon exa- A l'occafion de quoi le premier Premier
men que des differens & propofitions iour de ma captiuité fu pourmené par examen de
contenues en mon procès. Et combien Richard,
que ce feroit chofe prolixe à reciter, la ville, prifon en
& de enuoya autre. En la
fin le Vi-bailli vn de fes aduo-
à caufe de la trop longue procédure, cats et affelTeurs, dedans la prifon de
toutefois, puischofe,
que leeftimant
defirez, que
l'en ne
reci- Porte-troine pour m'examiner auec le
terai aucune le Greffier, où, en la prefence de plu-
requérez par curiofité, mais feulement fieurs frères, ie fus examiné tant de
mon nom & furnom que du lieu de ma
pour l'édification de l'Eglife.
'Vovs fauez affez, trefchers frères, natiuité ; d'où ie venoi & où i'alloi, &
comme nous fommes expofez fouuen- que i'attendoi en la ville, enfemble de
tefois à voir & ouyr diffamer l'honneur la caufe de ma captiuité, de ines li-
de Dieu, & pour cela fuis-ie auancé ures &logis.
mon des propos que i'auoi tenus en
à défendre ia vérité félon le moyen
que Dieu m'a donné, d'autant mefme Or ayant
que par folicitations on me vouloit inci- à cela, ie furefpondu
derechefaft'ez amplement
examiné afla-
ter à accorder aucunes fuperftitions
uoir fi ie croyoi en l'Eglife Romaine.
qui eftoyent pour me diuertir de la re- R. Il Que non, mais que ie» croi
vniverfelle & catholique. D. « l'Eglise
Quelle
ment, dont ledit hofte & hofleffe m'ac- gage les Euangeliftes
cuferent en renuerfant tout , au re- complilfement de celleinterpretans l'ac-
prophétie eftre m.d.liv.
bours de la vérité. Et à cefte caufe ie en Jefus Chrift, ne font nullement
n'acceptai lefdits propos en la manière mention que ces perfonnes ainfi prians
que le Vi-bailli me les declaroit, mais ne l'entendilTent bien. Mais fur tout
ie lui recitai comment & à quelle
fin ie leur auoi remonftré : aflfauoir que fainél Paul, parlant par l'Efprit de
Dieu, a baillé fuffifante reigle & inf- Reigle des
I. Cor. 14. tous les Chreftiens doyuent prier en trudion générale des prières pour tous prières
langage entendu & de cœur, félon
deuoir eftre Chrert.ennes.
qu'il nous eft apertement enfeigné par en langage difant
Chreftiens, entenduicelles
& ce pour édifi-
la parole de Dieu , & ce afin que le cation, dont ie me contente, fans vou-
prochain en puilTe receuoir édification. loir curieufement difputer par fubtili-
Auffi que la forme de prier en langage tez & philofophies. Le Cordelier me
eftrange eftoit venue & introduite par
fuperftition , laquelle regnoit encores dit, que ie n'eftois fuffifant pour inter-
préter les fainéles Efcritures, attendu
pour le iourd'hui au monde en grande que ie n'entendoi la langue Latine, -
ignorance. Le Cordelier, oyant mon pource que, fermonnant en Latin, ie
propos, demanda permiffion de parler. requis qu'il ne me parlaft autre langue
Il me fit longue remonftrance de leur
que la miene, et qu'il n'eftoit befoin
Harangue Benedicitc , Agimiis tibi grattas, Laus me parler en Latin. Derechef me fer- Deuxiefme
^uis , requics defunclis , & monna, remonftrant des Conciles & examen,
monaSè. autres^ P^-^
-D^'^ ie ne fçai quelles prières, & des JDodeurs, auec ie ne fçai quelles
que Dieu entend tous langages & allégations qui contentoyent le Vi-
que l'Eglife Romaine auoit tenu la bailli , lequel , voulant pourfuyure à
forme de l'Eglife ancienne des Doc- l'examen des propos que mes accufa-
teurs anciens qui auoient prié en La- teurs auoyent produits, qui tendoyent
à diffamation de la perfonne du Roi ,
tin ,& qu'il s'enfuyuroit fi autrement
eftoit , qu'il ne feroit befoin de prier & fedition , au mefpris de la vierge
finon en François, adiouftant plufieurs
Marie & des Sainds, & d'inobedience
autres chofes qui feroyent longues à aux Princes & Rois , fur quoi fu de-
reciter. Le tout oui, ie requis d'eftre rechef examiné de tous les fufdits arti-
efcouté, & que mes refponfes fuftent cles, & fi refponfe, déclarant félon que
efcrites. Cela m'eftant permis, ie ref- les auoi dit & à quelle fin mes accu-
pondi : Que ie ne nie point ni ne fateurs
veux dire que prier en langue Latine, corder. m'auoyent follicité à les ac-
Hébraïque, Grecque ou autre foit mal Apres ie fus examiné par le Vi-
bailli , fi ie croi en la fainéle hoftie
fait
doit , eftre
mais faite
qu'enen compagnie la prière
langage entendu de ■que le Preftre confacre. Refp. « Que
tous pour édifier, comme fainft Paul ie ne croi ni en telle hoftie, ne confe-
crations. » D. « Pourquoi ie ne veux
en inftruit l'Eglife de Corinthe. Sur-
quoi le Cordelier recommença à faire croire au fainft facrement de l'autel ,
vn fermon, & fous cefte matière amena que Jefus a ordonné. » R. « Je croi Des Sacre-
ie ne fçai quelle fubtilité & philofo- les fainds facremens que Jefus Chrift mens,
phie de l'ordre des prières & louan- a inftituez, & que c'eft mon falut que
ges de l'Eglife, faifant feruir ce que ie defire maintenir iufques à la mort. »
recitent les Euangeliftes, de ceux qui, D. « Si ie n'ai creu autrefois à la
à l'entrée de nofire Seigneur lefus en Meffe. « R. « Que iamais n'y fus inf-
lerufalem, crioyent, Oj'iana Filio Da- truit,
Melfe,& ninedefceu iamais
telles que c'eft à mais
confecrations, dire
uid, diftinguant les mots, & les inter-
prétant, que ceux qui rendoyent telles que du S. Sacrement de la Cène de
louanges à Jefus Chrift n'entendoyent noftre Seigneur, ie croi qu'en y com-
point le langage ,_ comme fainft Hie- muniquant en foi & charité , telle
rome l'a interprété. Auquel refpondi, que S. Paul la defcrit aux Cor. 11,
que faind Hierome pouuoit bien auoir nous fommes nourris fpirituellement
efcrit que ceux qui rendoyent telles du corps & fang de noftre Seigneur
.louanges à noftre Seigneur lefus à fon Jefus, qui eft la vraye viande & le vrai
entrée, n'entendoyent pas la fignifica- de nos C'eft
âmes.comme
tion & fubftance de telles louanges & breuuage
le fpirituel
vrai autel où ie me repofe,
prières, attendu que c'eftoit comme l'Apoftre l'expcfe au 1 3 des Hebrieux,
vne prophétie de laquelle Dauid auoit & ne conoi autre Sacrement ni autre
parlé au Pfeaume u8, mais du lan- autel que celui-là. » D. " Si au Sa-
44 LIVRE CINQUIEME.
crement Jefus ChriA n'a pas dit : qu'il y ait autre moyen, & fi, après Troifiefme
Ceci efl mon corps , ceci eft mon
De la MciTc. fang, faites ceci en mémoire de moi, cefte vie, il n'y
faut demourcr iufquesà fatisfadion. »a pas vn lieu où il examen,
tV pourquoi ie ne croi en la MelTe. » R. ■< Que non, & ne croi finon la feule
R. (1 Que ic croi à ce que Jefus Chrift & fuffifante purgation que Jefus Chrift
a dit « promis par fon Euangile, a faite par le facrifice de fon fang, qui
comme ie l'ai défia confefTé & fait ef- eft le lauemcnt tSt purgation de nos
crire, mais que de MelTe iamais n'y ai péchez.
ertii inftruit. « Le Cordelier m'allégua Latin la » fimilitude L'vn des Moines me dit
qui eft au i8 en
de
le II chapitre des Corint., & appli- faind Matthieu, de celui qui ne vou-
quant ce qui efl efcrit au 6 de faind lut quitter la dette à fon compagnon,
Jean, où il eft dit : « Ma chair eft vraye- mais le Vi-bailli lui dit que nullement
ment viande, » & ce qui s'enfuit, & que on ne me parlaft en Latin , pour ce
les Do(fteurs anciens de i'Eglife l'ont que ie n'y refpondoi. Or le Cordelier
décidé aux Conciles : Que la Mefte me parla de la fimilitude, enfemble de
eft vne fainde mémoire de la mort & plufieurs matières, difant : Que Jefus
paffion de noftre Seigneur Jefus Chrift. Chrift quelquefois auoit parlé par fi-
Je lui refpondi, que ie croi fermement militudes, & toutefois il y a certaine
que le Sacrement de la Ccne eft vne fignification , comme celle où il dit :
fainde mémoire & adion de grâces de
la mort & paffion de noftre Seigneur • Qu'on ne partira point iamais qu'on
Jefus Chrift , ainfi que faind Paul le ainfi n'ait payé (a dernière maille, & par
il s'entend qu'il y a vn lieu
remonftre en l'onziefme chap. de la moyen où il faut faire fatisfadion. A
première aux Corinthiens, & que l'ef- quoi ie lui respondi : « Que quant à
preuue & la dignité qu'il defire , c'eft moi ie m'arrefte entièrement à la feule
(Sr fuffifante fatisfadion du facrifice de
d'auoir vraye repentance de fes fautes
& péchez, auoir vnion , concorde & la mort de lefus Chrift et aux promef-
charité fraternelle auec fes prochains, fes de fon Euangile, où il nous pro-
auoir ferme foi en la mifericorde de met vn plein & parfait repos, comme
Dieu, acceptant le mérite de la mort au chapitre 1 1 de S. Matthieu, où il
& paffion de fon Fils Jefus Chrift, nous appelle, difant : " Venez à moi,
pour la remiffion des péchez, qui s'eft vous tous qui trauaillez, & vous aurez
donné pour nous à la mort, nous laif- repos en vos âmes. » Au lo de faind
fant pour tefmoignages & féaux ce Jean : » le fuis l'huis, fi aucun entre
faind facrement de la Cène , comme par moi il fera fauué. » Jean 1 1 & 14.
vn gage & anneau des promelTes con- « le fuis la voye , la vérité, la vie. »
tenues en fon Euangile, qui eft la par- Auffi des morts , faind lean dit en
faite nourriture de nos âmes. Cela
l'Apocalypfe, heureux fontchapitre
les morts14 :qui
« Que bien-
meurent
croi-ie que c'eft la dignité que faind
Paul enfeigne, lequel ne donne autre en noftre Seigneur, car ils fe repofent
inftrudion, ni auffi Jefus Chrift, & que de leurs labeurs. » Et au brigand aui
ce qu'il commande à fes difciples, «x à fut crucifié auprès de Jefus Chrift, lui
toute I'Eglife, difant : << Prenez, man- eft promis le royaume de paradis le
gez, faites ceci en mémoire de moi, » iour mefme , fans autre moyen. Et
n'eft point off'rir ne facrifier, car il ne quant à laautre fimilitude
parle ni d'offrir, ni de facrifier, mais de ne fignifie chofe qu'amenez,
que, fi nous ellene
communiquer en mémoire de fa paf- pardonnons à nos prochains, Dieu ne
fion. Lefquelles chofes ie fi efcrirc nous pardonnera point , comme le
auec lefditcs refponfes, que le Vi- commencement de la fimilitude parle
bailli me fit figner. Et à caufe qu'il du pardon A reconciliation. » Le Cor-
eftoit fort tard, fus renuoyé aux pri- delier ne me voulant laifl"er dire , le
fons de Portc-troine par le Capitame. Vi-bailli lui fignifia de me laiffer ref-
Environ huit iours après , le Vi- pondrc, iS; dire tout ce que ie voudroi,
bailli me manda à fon logis, où cf- it qu'il me vouloit entièrement ouyr.
toycnt aucuns perfonnages auec quel-
ques Jacopins, & le Cordelier fufdit. Là vn lacopin rcfpondit qu'il s'en-
Et derechef fus examiné par le Vi- fuyuroit
roit ne Purgatoireà mes refponfes, qu'il, n'y
ne Limbe qui au-,
efl Le Limbi
chofe toute contraire à la foi , iv que
bailli qui m'interrogua fi ie croi au
Purgatoire. R. <i Je croi que Jefus mefme le Symbole y répugne, comme
Chrift a fait la purgation des péchez à l'article où il eft dit Dcfccndil ad
par fon fang. » D. « Si ie ne croi point
in/crna. El le Vi-bailli m'interrogua
45
RICHARD LE FEVRE.
temps auec les frères , qui pour me me donner permiffion & audience à
faire repofer auec eux , fupplierent le rcfpondre, tant à la calomnie du Cor-
Capitaine me permettre dormir auec delier, touchant l'Eglife de Geneue,
l'vn d'eux; co qui me fut permis par qu'au propos faux par lui amené ; ou
caution. Mais d'autant que chacun de bien qu'ils me lailTaffent en repos, en
la ville & des prifons vouloyent parlant tout-feuls. Le Vi-bailli fignifia
efcouter la doiftrine qui eftoit ià de- qu'on me laiffaft dire tout ce que ie
dans publique , cela vint aux oreilles
voudroi.
ment contenuEt ayant aux regardé
Pfeaumesl'auertilfe-
, que ce
du Parlement , dont la Cour fit figni-
fier au Vi-bailli que ie fulfe feparé. Cordelier tenoit en main, lui monftrai De l'ordon-
nance du iour
le Mecredi eftre feulement vne police des prières
Parquoi le "Vi-bailli me fit tranfporter ciuile fans obligation de confcience , à Geneue.
en la maifon de l'Euefque. Lequel ,
par commandement tant du Parlement & pour conuenir en vnion fraternelle,
que du Vi-bailli, me fit enferrer en fa & que les Rois anciens ont toufiours
prifon ; combien que ledit Euefquene gardé quelque police, pour entretenir
me vouloit aucunement en fa maifon, le peuple en la conoilfance & obeif-
tellement que, quelque temps après, ie fance de Dieu, & du feruice qu'on lui
fu derechef mandé deuant le 'Vi-bailli doit rendre.
Princes A l'exemple
Chreftiens de quoitelle
ont ordonné les
& fon confeil, enfemble des fufdits
Cordeliers & Jacopins, & de plufieurs police; non pas pour obliger les con-
autres de l'eftat & ordre Romain. Et fciencesmais
, pluftoft pour le foula-
là, par deuant le Vi-bailli, ie fu folli- gement d'icelles , comme auffi les
cité & requis à me réduire à la religion Apoftres ont fait félon que noftre Sei-
Papale, me prefentant toute mife- gneur lefus leur a enfeigné. De ce il
ricorde ; mais ie leur refpondi que appert au 1 5 . des Romains, où S. Paul
ie n'atten mifericorde finon de mon dit qu'il n'oferoit rien dire que Chrift
Dieu & mon Seigneur Jefus Chrift , n'euft fait par lui pour amener les
Gentils à obeilTance, par parole & par
en faueur
Sur duquel
cela le i'ai toute
Cordelier me efperance.
remonftra œuure. Auffi S. Jean, en fa féconde
auec longue déduite (i), la différence Epiftre, parlant de la doftrine de Jefus
Chrift, dit : « Si aucun vient, & ne vous
de l'Eglife Romaine & de l'Eglife or-
donnée àGeneue; pour autant que apporte cefle doélrine, ne le receuez
i'auoi dit : Qu'il n'eft licite au Pape point. )) S. Paul aux Calâtes, premier
d'impofer loix fur les confciences , chap. auertit l'Eglife, fi vn Ange ve-
fans la parole de Dieu; me remonflrant
ce qui eft efcrit au dernier chap. de çoise. A sjvoir quarante-neuf par Clément
S. lean, où il eft dit que plufieurs Marot et trente-quatre par Théodore de Bes^e,
chofes ne font efcrites, &c. Et auffi 155;. On y lit dans un avis aux Lecteurs:
... (I Considcrans que le jour du Mecredy
ce que Jefus16.Chrift dit Jean,
en l'Euangile, est ordonné pour les prières solennelles,
au 14, M. de faind où Jefus nous avons choisi entre les Pseaumes ceux
qui contiennent prières et requestes à Dieu
Chrift admonnefte fes difciples d'at- plus e.xpresses pour chanter en ce jour, re-
tendre le Confolateur, le S. Efprit servant ceux qui contiennent action de grâces
qui les ameneroit à toute vérité ; & ce et louanges du Seigneur nostre Dieu et de
ses œuvres, au jour du Dimanche, selon
que les Dodeurs
Conciles ont décidéde, enl'Eglife & les
baillant les que la table suivante vous pourra montrer. ..u
Le " Mecredy » est encore appelé plus loin
commanderaens à l'Eglife , laquelle a le » jour des prières. » La table qui suit
puiftance de lier& deflier. D'auantage, assigne à ce jour jy Psaumes. Le mercredi
que mefme à Geneue il y a des loix continua longtemps à être plus spécialement
consacré au culte de semaine. Les Ordon-
qui ne font point contenues en la pa- nances ecclésiastiques de 1561 {Calnini
role de Dieu ; me remonftrant par Opéra, X, 95), tout en établissant un prêche
tous les jours dans les trois paroisses de
mes Pfeaumes , & par l'ordre du iour Genève . ajoutait : « Mais que les prières
des prières, que le Mecredi eftoit plus
soient faites spécialement le jour du Mer-
faincl en la fepmaine, l'ayant trouué credi. »L'Ordre du Collège de Genine (; juin
par les Pfeaumes en ï'aduertift'e- 1559) obligeait les élèves à assister « les Mer-
credis au service du matin. » 11 résulte
ment (2). Sur quoi ie requi le Vi-bailli
d'ailleurs des Ordonnances de la cité de Gi."-
nèj't' (confirmées et complétées en 1609) que,
(i) Argument. dès le commencement du dix-septième siècle,
(2) Le mercredi était en effet un jour demi- et probablement avant, le jeudi était devenu
férié dans l'église de Genève. Le livre de Il jour de la prière, n et avait hérité de cette
Psaumes saisi sur Le Fèvre et auquel il est
fait allusion , était sans doute les Octante- qualité de ■> petit dimanche " qu'il a conservé
dès lors à Genève, surtout en ce qui con-
trois Psçaumes de Djuid mis en rime Fraii- cerne l'école.
LIVRE CINQUIEME.
M.D.Liv. noit annoncer autre doélrine que n'ont point introduit en l'Eglife autre
loi ni autre dodrine que la parole de
48 qu'il leurAuffi
l'Euangilc
foit excommunié. a annoncé, qu'il
Jcfus Chrill Dieu ; comme S. Pierre le remonflre
au 8, lo, iH, & 20. de faind Jean re- au mefme pafTage, difant : « Pourquoi
tentez-vous Dieu mettant vn ioug fur
monftre qu'il ell le bon Pafteur, & que
fes brebis n'cl'coutent point la voix l'Eglife, que nous ni nos pères n'auons
des eftranL'ers ; & qui eft de Dieu, oit peu porter .' mais nous croyons que
ferons fauuez par la grâce du Seigneur
la parole
porte de de
la Dieu , A qu'il eftItem
vie éternelle. la feule
que Jefus. » En outre, ilsrefcriuent en An-
comme fon Père l'a enuoyé, il enuoye tioche : qu'on s'abftiene des idoles &
autres infametez ( 1 ), qui font publiques
iamais n'ont
lefquels finon
enfeigné autre , dodrine,
fes Apollres celle en
en la Babylone du Pape. Ce qu'oyant
laquelle le Confolateur le faind Efprit le Cordelier, il ne m'euft lailTé ciire ,
les a confermez <& inllruits. Et faind
I. Pierre 4. Pierre le remonftrc aux Paftcurs de fi par permiffion ne m'euft efté ottroyé.
fon temps, & commande que ceux qui Il me remonftra comment i'auoi efté
adminillrent en l'Eglife parlent les baptizé en l'Eglife de ceux-là. a 11 eft
paroles de Dieu , & par fa puilfance , bien vrai (di-ie) que i'ai efté baptizé
fans aucunement auoir feigneurie ou au Papifme ; mais, Dieu merci, cela *
domination fur le troupeau. Au con- n'empefche pas que Dieu ne me re-
traire les Parteurs du Pape impofent tienne des fiens ; comme auffi l'ini-
loix en grande domination & feigneu- quité des hommes & leur corruption
c'efl.rie , qui monftre alTez quelle Eglife n'empefche rien la grâce de Dieu,
qu'il déclare aux fiens quand il lui
plait fe manifefter à eux par la régé-
Des Conciles. Le Cordelier répliquant, me rc- nération &renouation de vie par fon
Efprit. arroufant nos âmes du fang de
monllra
bloit lesqueAnciens
l'Eglife &ancienne affem-
Miniftres de fon Fils Jefus Chrift: comme S. Paul
l'Eglife, pour confulter & décider des l'expofe au fixicfme des Romains
afairesd'icellc, qu'au contraire l'Eglife parlant du Baptefme. » Mais vn des
de Geneue n'a confulté ni afTemblé autres qui là eftoyent, ayant affedion
aucuns Anciens pour décidera fauoir de me parler de la M elfe , qu'il
s'il faloit ainfi reformer l'Eglife; iS: m'auoit oui blafmer parauant , ne me
qu'il me monllreroit cela en mon voulant lailTer du tout acheuer, re-
Teftamment mefme , lequel il auoit;
quit le Vi-bailli pour m'en parler , ce
afin que plus euidemment ie conuffe qui lui fut ottroyé. 11 me dit que
la forme de l'Eglife. Ce que lui re- i'auoi parlé du facrifice de la Mefle La Meffe.
quis, & de confiderer la procédure en tout blafme & mefpris, & me lu
une longue remonftrance des facrifices
aes Apoflres, & qu'il n'ertimaft pas anciens, en difcernant celui de la
qu'en la reformation de Geneue on
ait procédé à la volée, & fans le con- Men"e, auec raifons pourquoi. Apres
feil du Magillrat, des Anciens & Mi- auoir le tout déclaré, fpecifié et dif-
cerné, amena en auant le 110.
niftres de l'Eglife,
auec toute &, par bon
bonne diligence ordre
& soin des,
Pfeaume
la facrificature de Dauid. qu'il expofoit
éternelle de
ée perpé-
Efcritures, à l'exemple de l'Eglife (i) tuelle de la MelTe, en ce qui eft dit
de Theftalonique & de Beree, où les
ApoftresSainâ. Paul & Silas furent en- là : Cl Tu es facrificateur éternel félon
uoycz, comme il apcrt au 1 7. des Adcs, l'ordre de Melchifedec ; » & requérant
pour fauoir s'il clloit ainfi. Mais fi on d'auifer à me réduire, fans refifler
n'a pas appelé les miniftres & fuppofts aux faindes Efcritures, me demandant
de la grande paillarde Romaine lî de
que ie vouloi dire là den"us. Je lui
fon efpoux le Pape , il ne s'enfuit pas
qu'on n'y ait procédé par bon ordre. arefpondi que l'Apofire
fuftifamment refpondu aux
pourHebrieux
moi , &
Et quant à ce qui a cfté caufe de
a inftruit toute l'Eglife de Chrift de ne
l'aft'emblee du confeil des Anciens de s'arrefter plus à ces facrifices, monf-
l'Eglife de lerufalem, pour la confir- trant que ce qui a efté allégué du
mationderEglifed'Antiochc,Ades 1 5, Pfeaume 110. au quatriefme verfet,
il appert alTez comment les Apoftres où il eft dit : « Tu es Sacrificateur éter-
nel félon l'ordre de Melchifedec, » ne
(1) L'idition
, mots dedepuis
tance les I619 :a clomis, par Inadver-
par bon ordre. (1) Inramius.
49
RICHARD LE FEVRE.
s'applique à nul facrifice qu'à celui tence auec l'appel , eftant preft de fi-
feul, vnique, ruflifant & parfaid facri- gner de mon fang mes articles tant de
fice de lefus Chnft, offert vne feule
Lyon que de Grenoble, que i'ai fignez
fois comme l'Apoftre le7.déclare feulement d'encre.
8. 9. ample-
Conclufion
ment aux Hebrieux, 10. Et Apres m'a efté monftré vn autre
pour mieux déclarer que ce verfet de du procureur
efcrit, où le procureur du Roi bailloit du Roi contre
facrificature éternelle du Pfeaume 1 10. fes conclufions : Que pour la charge le Feure.
doit eftre aproprié feulement à la per- qui m'eftoit impofee de ne vouloir dé-
fonne de Jefus Chrift , l'Apoftre allè- clarer ceux qui m'ont refcous fur la
gue ce qui eft efcrit au Pfeaume 49.
riuiere, que i'euft"e la queftion iufques
6. & 7. verfet, où il eft dit que Dieu à l'extrémité ; & pour le blafme &
n'a prins aucun plaifir en facrifice ni outrage de la perfonne du Roi & de
oblations pour le péché ; mais tant
rfie
Eglife
dont Romaine, enfemble que
ie fuis chargé, de l'here-
ie fois
feulement en l'obeiffance volontaire
du facrifice de Jefus Chrift, qui eft la mené à la place des Cordeliers, & là
auoir la langue coupée , & mon corps
volonté de Dieu. Ce que l'Apollre-
expofe au 10. des Hebrieux, décla- bruflé à petit feu. Le Vi-bailli , après
rant plus à plein, que par la feule & la ledure, me demanda que ie vouloi
vnique oblation du corps de Jefus
Chrift, il a confacré à perpétuité ceux dire là deft"us. Je refpon : Que ie n'ai
en rien peu conoiftre les noms defdits
qui font fandifiez , difant : Que nous recourans , lefquels ne fe voulurent
déclarer ne dire qui ils efloyent , ne
fommes fanîlifiez par l'oblation vne
fois faite en la croix du corps de lefus qui les menoit, fors que le zèle de la
Chrift, lequel il dit eftre affis aux cieux
religion
de moi àqueLyon
ie tien, qu'ilspartant
, & que auoyentie oui
ne
à la dextre du Père, iufques à ce qu'il
ait mis fes ennemis pour fon marche- les fauroi nommer; auffi que duie Roi,
n'ai
pied,monftrant manifeftement où eft en rien mefdit de la perfonne
le corps de lefus Chrift, & quel facri- & que ie ne fuis point hérétique, mais
fice de Meft"e il a commandé. Ce Chreftien. Ce que ie fi coucher pour
Doâeur me refpond qu'il ne s'entend refponfes aux conclufions du procureur
pas ainfi ; mais félon que parauant il du Roi. Le Vi-bailli me renuoya iuf-
• rauoitexpofé,entendantleditPfeaume ques àvne autre fois, & par deuant
de ce facrifice de Mefle. l'adiouftai , lui ie fu confronté deuant deux tef-
que le facrifice que Dieu requiert de moins , & feparement, qui teftifierent
de leur accufation contre moi, tendant
nous, c'eft la contrition & repentance aux fufdites calomnies. Mais en leur
des Chreftiens, comme il en eft parlé
au Pfeaume 51. & le facrifice de prefence remonftrai au Vi-bailli les
occafions de leurs faux tefmoignages,
louange, qiie l'Apoftre aux Hebrieux
- 13. appelé le fruift des leures. tellement que Dieu qui eft Père des
Or après plufieurs remonflrances orphelins , protedeur des eftrangers,
faites par iceux, pour m'induire à leur a conduit fi bien le tout, que les ac-
Eglife Romaine, le Vi-bailli me dit, cufateurs & tefmoins fe font trouuez
fi ie me vouloi rapporter aux Ades & ennemis capitaux , tant par leur apa-
procédures de mon procès de Lyon.
Je lui refpondi que volontiers. Lors rente procédure, qu'en partie de leur
propre confeffion. Parquoi le Vi-
me fut monftré vne partie des ades bailli me demanda refponfe fur lefdites
par moi fignez, enfemble vne fentence conclufions du procureur du Roi ;
efcrite en parchemin, contenant mon & icelle faite fi ie vouloi demeurer à
exécution, d'eftre trainé fur vne claye la fentence de Lyon auec l'appel. &
iufques aux Terreaux de Lyon, & ainfi fe font affemblez plufieurs fois
là eftre attaché à vn pofteau pour eftre pour
bruflé , après auoir efté eftranglé. cution.debatre la matière de mon exé-
Apres cefte ledure, le Vi-bailli m'in- Apres me demanda le Vi-bailli
terrogua fi le contenu eft tel , comme deuant lui & toute la iuftice , où de-
il m'a efté fignifié & prononcé à Lyon. rechef ie fu folicité , perfuadé & con-
Je refpondi que quant aux ades par feillé de me réduire à leur Eglife,
moi fignez , ce font vne partie de mon
maistreie'leur fi refponfe
délibération que de : demeurer
Que n'ai au-
en
procès; mais de la fentence, qu'elle
ne me fut pas prononcée ; & toutefois l'Eglife de lefus Chrift & fa parole ;
que ie m'en veux bien raporter au con- & que ie ne fai autre religion que
tenu ,acceptant volontiers ladite fen- celle-là, & fi aucunement la parole
II.
LIVRE CINQUIEME.
Environ les quatre heures, Tignac troit que fi ie me voulois arrefler aux m.d.liv.
retourna auec plufieurs de fon con- mots ie tomberoi en plufieurs erreurs,
feil, & ceft enfumé (i) dofteur de Sor- comme de ne croire que fubftantielle-
ment lefus Chrift ait efté vrai Dieu )j&
bone, & m'ayant fait venir deuant eux, homme au ventre de la Vierge, pource
derechef réitéra le propos de la ref-
couffe (2) , puis recitant ma rcfponfe qu'il n'eft ce
pas mot
proprement
& comme Trinité neainfi efcrit,
fe trouue
faite à cela, m'argua d'inobeiflance à
la iuflice , & pour la mefconoilTance en toute l'Efcriture, ainfi en parlant
du Sacrement , combien que ce mot
defdits recourans, me dit qu'il ne
peut eftre vrai-femblable telle fadion Tranlïïibftantiation ne s'y trouue, toute-
m'auoit efté inconue, mais ie lui monf- fois àla vérité il s'entend quand lefus
trai la raifon qui manifeftoit le con- Chrift a dit : Ceft mon corps. le le
De la présence traire. Apres il m'examina du Sacre- priai de m'efcouter, lui refpondant :
du corps du ment, afTauoir fi ie croi qu'au Sacre- Que non feulement Jefus Chrift ni fes
Seigneur. ^^^^^ ç^^^ l'efpece du pain , le vrai Apoftres , ni aucuns Doâeurs & Paf-
corps de lefus Chrift y foit. le ref- teurs de l'Eglife ancienne n'ont fait
mention de tranlTubftantier les ele-
pondi : « Que comme i'ai toufiours con- mens, mais ont inonftré du contraire,
felTé, ie croi qu'en participant au Sa-
crement, lefus Chrifl nous y prefente car ils ont voulu enfeigner les fidèles
& donne fon corps & fon fang pour à retenir la fubftance des elemens en
nous nourrir éternellement ; ainfi ie leurs propres noms, comme il apert au
communique & fuis nourri du corps & 2 & 20 des Aftes, & 10 de la i Epif-
du fang de lefus Chrift, qui eft au tre aux Corinthiens, & 11 femblable-
ciel à la dextre du Père en fa pre- tnent , par tout où il eft fait mention
fence corporelle , qui , par fon faind de la Cène. Et quand lefus Chrift a
Efprit, me fuftante & nourrit fpirituel- diftribué le Sacrement aux difciples, il
leraent de fon corps & de fon fang, leur enfeigne que le Sacrement eft
qui a efté donné pour nous nourrir vne fainfte mémoire de fa mort & paf-
éternellement en fon royaume celefte. » fion, & aftion de grâces, comme il
D. « Si ie croi que le pain foit tranf- leur déclare après, leur commandant
fubftantié. » R. « Comme les Apof- de prendre & manger en mémoire
tres & Pafteurs de l'Eglife ont creu d'icelle paffion. Et ce qu'il nomme le
& approprié les elemens, les retenant
en leur propre fubftance, pareillement pain fon Corps, c'eft en les ramenant
ie veux demeurer en leur doftrine , à fa paffion, comme l'Agneau du paf-
fage, qui n'eftoit pas le palTage ; mais
comme la reigle générale nous en eft il fignifioit le paffage & deliurance
2. Cor. 10. monftree par S. Paul, qui proprement d'Egypte, comme S. Paul en parle; >. Cor. j.
l'auoit receu du Seigneur lefus Chrift, ainfi il appelle ce qui fignifie pour la
comme il protefte, en laiffant les ele- chofe fignifiee. En telle communica-
mens en leur propre fubftance, ainfi tion lefus Chrift nous donne fon corps
qu'il dit : « Le pain que nous rompons, & fon fang, pour nous nourrir éternel-
n'eft-ce pas la participation du corps lement d'icelui par la foi en la vertu
Afles 2. de Chrift.' " Auffi il eft dit de tous les de fon Efprit. Et quant à la Trinité,
autres Apoftres touchant le Sacrement, les trois perfonnes font fuffifamment
qu'ils & apertement déclarées en vnité ,
femble eftoyent
en la Parole d'vn confentement
& oraifon , & en-
au comme S. lean le déclare, & autres i. lean ç.
brifement du pain. « Sur quoi le dofteur lieux de l'Efcriture monftrent affez
de Sorbone, requis de parler, me dit euidemment la Trinité , & auffi la di-
uinité & humanité de lefus Chrift eft
combien que les Apoftres n'ont point
TranlTubftan- vfé de ce mot Trann"ubftantiation , apertement déclarée aux Efcritures ,
comme il en eft fait mention en Ifaie,
tiationentendue
ment corn- qu'il ne s'enfuit pas que fignificatiue-
par 1 Enfumé. ^^^^^ jj ^g f^jj entendu, & me remonf-
que la Vierge enfanteroit l'Emanuel,
qui eft à dire Dieu auec nous, & au pre-
(1) Foxe, en reproduisant en abrégé ce mier de S. Matthieu & autres lieux,
récit (IV, 424) , a pris ce mot pour le nom
du docteur de Sorbonne. Pantaléon dit de où il eft parlé de l'incarnation de Je-
son côté : « Quem Fumosum appellanl « fus Chrift, mais de la Tranft"ubftantia-
(p. 296). Ce mot. employé à deux reprises tion il n'y en a fignification aucune
par Le Fèvre, est évidemment un qualiticatif en toute l'Efcriture. Le Dofteur ne
destiné à marquer l'obscurité de la Ihéoloifie
du docteur.
me permettant d'acheuer, me refpond
(2) deL'acte
lors par lequel
son premier il avait été délivré
procès. que ce que dit Jefus Chrift eft fuffi-
fant pour la Tranft'ubftantiation, quand
LIVRE CINQUIEME.
54
il dit : Voici mon corps, comme les gile ne fait mention de fe confeffer à
dofleurs de l'E^'iife l'ont entendu, & l'aureille d'vn homme fecrettement ,
mais nous deuons confeflTer nos péchez
qu'aulïl pludeiirs articles de la foi ne à Dieu, & le fang de fon Fils Jefus
font efcrits, lefquels faut croire, &
me fit vne lon^-ue exhortation où ne Chrift nous nettoyé de tout péché ,
pouuoi rien entendre pour fes fubtili- comme il apert en S. lean, & en plu- i. Ican i.
tez ; mais il ne pouuoit trouuer en fieurs lieux des Pfeaumes. Auffi quant
toute l'Efcriturc , tant des Aportres au prochain , il eft fait mention de fe
que des Duiïleurs anciens, que les ele- reconcilier pour ofter tout difcord, &
mens fe tranlfubllantienl. Il me dit S. Jacques exhorte les fidèles de fe
que fi, véritablement, mais que ie ne confefl'er les vns aux autres, mais de
voulois entendre ce qui ed au fixiefme l'auriculaire il n'en eft nouuelle.
de S. lean , & plufieurs Doéleurs de L'Enfvmé dodeur de Sorbonne me
fit vne remonftrance de la puifTance
l'Ef^'life. En fin ic lui refpondi qu'au
mefme texte allégué, lefus Chrill dé- que Jefus Chrift a baillée aux paf-
clare que telle manducation cil fpiri- teurs de fon Eglife : » A quiconque ican 20.
tuelle & non charnelle, ainfi qu'il dit vous pardonnerez les péchez , ils fe-
ront pardonnez, & à quiconque vous
après : « La chair ne profite rien, c'efl les retiendrez, ils feront retenus, »& ce
l'Efprit qui viuific, ces paroles font que lefus Chrift a remonftré au 18. de
Efprit & vie; » combien qu'il n'eft là S. Matthieu & autres lieux, où il eft
parlé- que de la foi en lefus Chrift.
loind que S. Auguflin dit du Sacre- fait mention du nettoyemcnt du la-
ment :Croi & tu l'as mangé , décla- dre . de fc prefenler deuant le Sa-
rant que la foi nous fait viure du corps
de Jefus Chrill par la vertu de fon a Abfolution crifi&cateur, &difoit que puis
Rétention, qu'il
il faut auffiy
Efprit. Il me dit que ie ne prcnoi des confeffion. le lui refpon. Que voirement
paroles de S. Auguftin, finon ce qui il y a confeffion, non pas auriculaire;
me plaifoit, non pas ce qui appartient mais en la vertu de la prédication de
entièrement à la foi de l'Eglife. le lui l'Euangile, la foi produifant les fruids
refpon que ie fuis content de fiiiiple-
ment demeurer en la dodrine des Pro- de
tionpénitence & repentance.
eft commife L'abfolu-
aux Pafteurs par la
phètes, deJefus Chrift & de fes Apof- prédication, en ce font
qu'aux obftinez
tres. endurcis les péchez retenus, auec&
TiGNAC me remonftra, puis que ne excommuniement, comme au contraire
fuis ni dodeur, ni fondé en Théolo- aux dociles & obeiftans à la prédica-
gie, ni aux Doèleurs anciens, pour- tion de l'Euangile les Pafteurs don-
quoi ie me mets tant auant à vouloir nent pleine abfolution, en vertu de la
entreprendre d'enfeigner les autres & prédication de l'Euangile. Et auffi
de corriger ce que toute l'vniuerfité Jefus Chrift, en donnant telle puif-
de l'Eglife tient. R. • Que quant à fance à fes Apoftres, leur a quand &
moi ie ne fuis point voirement dofteur,
ni fondé en Théologie pour erfeigner quand enchargéqu'ilsenfeignent publi-
quement l'Euangile, difant :" Comme i^an j^
& corriger , auffi ie n'entrepren point mon Père m'a enuoyé, ie vous enuoye,
ces chofes, ni ne veux eflre feparé de
allez, teurprefchez
me remonftra l'Euangile. » Ce Doc-
alTez longuement,
l'vnion de l'Eglife vniuerfelle, ains
comme membre d'icelle A de Jefus tant de faind Jaques que des autres
Chrin veux y demeurer , mais ic ne paffages, telle abfolution deuoir eftre
peux auoir autre créance que celle attribuée à vn Preftre, m'allèguent
que lefus Chrifl a enfeignee en fon plufieurs raifons poureuiter les incon-
Euangile, lesApoftres, & confcquem- ueniens :enfemble par les Conciles &
ment toute l'Eglife. Ainfi, puis qu'il a par philofophie me vouloit perfuader
à le croire, ie lui refpondi que quant
pieu au Seigneur Jefus Chrill m'enfei- à moi ic ne fai autre chofe que ce que
gner par fon Euangile ce que tous
Chreliiens doyucnt croire, il eft bien i'ai refpondu , que i'ai aprins des ma
raifonnable que ie le maintiene iuf- ieuneft"e en l'Euangile de noftre Sei-
gneur Jefus Chrift it de fes Apoftres.
ques au bout. Il
la confeffion. R. m'interrogua
" Oui. » D. fi" ieCom-
croi
Le Dodeur parlant au Lieutenant &
ment ,A à qui .' » R. " A Dieu A à fon confeil, dit : " le me doutoi bien
Confeffion. ceux que i'ai offensez. •> D. " La con- que ie n'y feroi rien, car il eft entiè-
feffion auriculaire ell-elle pas l'inflitu- rement r)bftiné. i^' c'a efté la caufc que
tion de lefus Chrift.- •> R. " L' Euan- ie differoi de vouloir parler à lui. » Sur
RICHARD LE FEVRE.
55
mais feulement en philofophie, raifons
quoi il print congé et s'en alla. Le humaines & fubtilitez, voulant tirer &
Lieutenant derechef m'interrogua, û
ie veux demeurer & perfifter en ces ioindre par morceaux les paroles de
I. Chrift. Et combien que par vous ie
erreurs , & qu'il m'auoit fait venir vn fuis condamné à mort comme héréti-
(1 fauant perfonnage pour m'enfeigner
& que ie penfalTe à moi. Je refpondi que, vous n'eftes luges coiTipetans de
que volontiers ie penfe à moi, mais la caufe. mais vous & moi comparoif-
trons deuant le tribunal de la iuftice
que d'erreurs, la grâce à Dieu, ie n'en de Dieu, le grand & fouuerain Juge;
tien ni n'en veux
les articles de tenir,
la foiains feulement
Chreftienne.
Puis il me demanda comme ie fai que deuant lequel il m'eft bien agréable Il entend de
d'aller premier. Qui plus eft, des long
(on premier
ce que l'appelle parole de Dieu foit temps vous m'auez follicité de toutes ment.
parole de Dieu. le lui refpon que, vos forces, & m'auez confeillé d'en
quand noftre différent confilleroit en emprifonne-
appeller deuant les Prefidens de Pa-
cela , il feroit bien tort vuidé , mais
ris, ce que nullement ie n'auoi déli-
puis que c'eft la parole de Dieu fans béré de faire , à l'occafion de quoi
aucune doute, qu'il ne lui chaille (i) m'amenaftes l'exemple de fainét Paul
qui me la fait à croire. D. « Où i'ai appelant
me à Cefar , àpour
faire accorder voftrem'induire &
confeil, &
efté premièrement enfeigné. » R. « En
Angleterre des ma ieuneffe. » A quoi mefme ne me vouluftes oncques dé-
clarer aucune fentence ; ains fu mené,
il me remonrtra qu'en ce pays-Ia il n'y
auoit pas fi long temps qu'ils auoyent & ne fai pourquoi, ni comment i'ai
delaifl'é la religion Romaine, & me de- efté empefché d'aller où Dieu m'ap-
manda comme i'auoi donc aprins. le pelloit. Or en ce temps n'auiez aucun
lui refpon : « Comment qu'il en foit , priuilege de donner arreft définitif, &
de long temps l'Angleterre auoit eu maintenant vous me dites qu'il me faut
multitude de Chreftiens qui tenoyent
pafl'erpar vos mains. » LeTignac
coutant attentiuement, confeilrefpon-
m'ef-
l'Euangile ,cruellement
tourmentez dont plufieurs
à mort,ont efté
comme
dit : Que de lui il n'y eftoit & qu'il
vous
celle nous
mefmetourmentez auiourd'hui
vérité. » 11 commanda pour
fur ne croyoit pas qu'il fuft ainfi, car il ef-
toit alors Lieutenant. le lui refpon
cela qu'on me remenaft. qu'eftant certain des paroles, ie m'en
Le "Vendredi après , i'ai elle dere- rapporte à tout le confeil lors aflem-
chef prefenté deuant ledit Tignac , blé , & que fpecialement celui appelé
auec tout fon confeil alfemblé, où on
me demanda fi ie vouloi demeurer en Tignac s'y employa du tout, lequel
pour enfeignes eftoit boiteux , ayant
des botines de cuir noir, ce qui me
mes alTembler
fait opinions meffieurs
faufi'es, pour
& qu'on auoit&
apaifer donna vraye conoiffance des perfonnes
pacifier le tout, fi ie me vouloi réduire & que tel afaire ne fe peut ignorer,
& qu'auffi le Dofteur, fainô perfon- enfemble prefent monfieur du Puis &
nage, auoit efté mandé pour me re- plufieurs autres que ne puis reconoif-
mettre en liberté. Que fi obftinément tre. Plufieurs du confeil refpondirent,
ie veux perfifter, meffieurs du Parle- qu'il pouuoit eftre vrai que le Lieute-
ment leur ont donné authorité de pro- nant fuft.
y Tignac rompant propos dit
noncer fentence definitiue , & fans
qu'il n'eftoit befoin de s'arrefter à cela,
appel. le lui refpon : « que de moi ie ne me demandant fi ie ne vouloi point
fuis ni obftin-é ni hérétique, ains Chref- changer de propos. le lui refpondi
tien ; fi le Dofteur m'a parlé, ie lui ai que ie ne fai autre chofe, & com-
fait aparoiftre deuant ce confeil , mes
attendant manda la
qu'onbonne
me remenaft. Ainfinoftre
volonté de fuis
articles de foi eftre fondez en la pa-
role de Dieu & de l'Euangile de fon Dieu , le priant qu'en toute patience
Fils lefus Chrift, conformes il me fouftiene par fa vertu, me con-
à laquelle ie fuis vni. Auffi leà Doéleur
l'Eglife
duifant à cefte vie éternelle, qu'il a
n'a par tout fon fauoir fait aparoiftre promife par lefus Chrift fon Fils ; au-
deuant ce confeil , la doflrine de ce quel feul foit toute gloire , empire &
pays auoir aucun fondement en la vé- honneur es fiecles des fiecles. Des
rité de Jefus Chrift & fes Apoftres ,
prifonsdredidefixiefrne
Lyonde àJuillet, , ce 'Ven-
Rouane 1554.
(i) Subjonctif présent du verbe chaloir,
qui n'est plus usité qu'à la ;* personne du
sing. du présent de l'indicatif 'Voila la refponfe & la Confeffion
Il signifie : u causer du souci. :» « il chaut. » dernière que Richard le Feure a
LIVRE CINQUIEME.
maintenue deuant les Juges de Lyon, de purifier , fandifier & iuftifier tous
ceux qui par ferme foi & efperance
le iour56deuant qu'il enduraft la mort ;
s'arrefteront au feul falut acquis par
en laquelle , s'il y a redite ou façon de icelui ton Fils ; en la foi duquel font
parler non vfitee, le deuoir du Ledeur
iurtifiez tous croyans , lefquels tu as
fuporter le tout, comme le nof-
fera adeerté
tre de fidèlement recueillir & efleus pour eftre tes enfans adoptez
prefenter les efcrits de ceux qui ont par icelui ton Fils lefus Chrift , pour
perleueré conftamment en la confeffion eftre faits membres de fon corps. Le-
de la vraye doftrine. quel ,pour fatisfaire à ta iuftice &
équité pour la punition du péché , &
pour nous racheter de la mort, s'eft
prefenté, par obeiftance volontaire, à
Oraifon que fil le Fcurc pour le iour fouffrir la mort ignominieufe de la
du
dii demi
dernier fupplice , en forme de croix, en faind & folennel facrifice &
confeffto
effion de foi. oblation pour les péchez de tous ceux
qui s'arrefteront & receuront par foi
DiEV tout-puilTant & tout fagc, qui, ce facrifice faind & vnique , fuffifant
des le commencement , as conu l'inconf- & perpétuel pour toufiours , qu'icelui
tance & fragilité de l'homme, lequel lefus Chrift ton Fils t'a offert en la
par fon outrecuidance fe voulant efle- croix, où il a porté fur foi la charge
uer par orgueil contre ton faind com- pelante des péchez de tous ceux qui,
mandement, eft tombé es filets du
diable & de la mort éternelle, cnfem- par feul
au fermefalut
foi &lequel
efperance,
il nouss'arrefteront
a acquis ,
ble toute fa pofterité , dont il t'a pieu cftant mort pour nos péchez, & reffuf-
f>ar ta bonté infinie auoir compaffion , cité en gloire pour notre iuftification ;
ui prouuoyant de bon remède & con- tellement que, par ce feul moyen, les
uenable, en fupportant fa fragilité, & croyans font faits enfans de Dieu,
Gen. j. lui promettant que la femence de la
membres du corps
Chrift, héritiers d'icelui
du royaume lefus
des cieux,
femme briferoit & defiruiroit la puif-
fance du ferpent , qui eft le diable , & participans de fon immortalité glo-
qui a efté inftigateur du péché, par le- rieufe, en la vertu de fa triomphante
quel la mort eft entrée au monde , à
caufe de quoi tu as eftabli ton alliance refurredion, par l'Euangile de grâce,
qui eft la bien-heureufe & ioyeufe
nouuelle du bénéfice de reconciliation
par ta fainde promenTe, & depuis l'as
prefentee & auffi confermee à Abra- & rédemption, Parquoi, Dieu trefbe-
ham, Ifaac & lacob, aux Patriarches, nin. Père de mifericorde & de toute
Prophètes & gouuerneurs de ton
confolation, comme àil merci
bonté me receuoir t'a pieu
, m par ta
ayant
Eglife d'Ifrael,
&fainfte en eftablin"ant
ordonnance de iuftice&vnefainc-
Loi
certifié cefle heureufe grâce d'elcdion
teté de vie par tes fainds commande- éternelle par l'adoption de ton Fils
mens ; en faifant conoiftre par iceux
lefus Chrift, en l'Euangile de grâce,
la peruerfité & mifere des hommes ,
par
fancelequel
de tatu fainde
m'as appelé à la volonté
& bonne conoif-
afin qu'en efperant aux diuines pro-
meftes de rédemption par le Meffias
enuers moi, tu m'as auffi eftabli en ce
promis, qui eft ton Fils bien-aimé , lieu pour eftre tefmoin de ta fainde
ils obtienent falut parce moyen. Le- vérité , par le fupplice prefent qui ce
quel Fils (quand le temps eft venu iourd'hui m'eft ordonné & appareillé.
Luc I. que tu as ordonné pour accomplir ta Ce que de bon cœur lSj franchement
fainde promelTe , félon le bon plaifir ie reçoi, eftant certain de la remiffion
de ta volonté) tu as enuoyé au monde de mes péchez par la vertu de la mort
pour vrai Rédempteur, pour ratifier bien-heureufe de ton Fils lefus Chrift,
<& feeller la promefTe de noftre faluf ; qui eft relTufcité des morts, & monté
& a efté fait nomme , chair de noftre à la gloire celefte ; en vertu de quoi
chair , »!fe os de nos os; & ce en vef- ie relTufciterai au dernier iour de fon
tant noftre nature dedans le ventre de
triomphant aduencmcnt , pour parfai-
la Vierge, de la fubftancc d'icelle, par tement iouir de fon immortalité glo-
la vertu incomprehenfible du faind rieufe auec lui éternellement; eftant
Efprit. Auffi a-il efté fuiet aux infir- aft"euré que maintenant mon efprit
fera receu en fa fainde protedion &
chofes & , paffions
mitez excepté depéché
l'homme en toutes
, cftanl pur tt fauue-garde auec les bien-heureux en
innocent, faind , iufte & parfait , afin
fon royaume éternel , en laift'ant ce
RICHARD LE FEVRE.
prefent monde parla mort corporelle, ie fois participant des tribulations 57 de m.dliv.
ton Fils lefus Chrift. Ce que ie conoi
qui m'eftdonnéeprefentement
par le fupplice enquiceà iour or-
prefent euidemment , quand ie confidere que
m'efl apareillé. Parquoi , bon Dieu, tu ne m'as
Père trefbenin & plein de mifericorde fance ; ainspoint
as baillé la feule
adioufté conoif-
la pratique
& de toute confolation , ie te prie pour me rendre à la fin homme parfait,
qu'il le fauoi bien que lefus Chrift auoit
lefus te plaife,
Chrirt, au nom
eftendre de ton
ta bonté Fils
& vertu enduré mort & paffion pour moi , me
puiffante fur moi ta poure créature;
donnant
bien leu exemple de le fuyure.
les admonitions efcritesl'auoi
par
& qu'en toute patience tu me faces
palTer outre ce pas de mort corporelle, les Apoftres & Euangelifles, que nous Matth. j.
me tendant ta main puiffante pour me fommes bien-heureux quand les hom- '• Pierre j.
retirer incontinent vidorieux de tous mes nous perfecuteront pour ton Fils
mes ennemis , me conduifant à celle lefus Chrift ; mais quoi, Seigneur .> le
vie bien-heureufe confeffe que iufques à ce que tu
en faueur de lefus que tu m'as
Chrift promife
ton Fils nof-
m'ayes fait pratiquer ce que ie fauoi
tre Seigneur , acceptant le mérite de
fa mort & paffion pour recompenfe de toi,conoiffance
en la ie n'eftoi dede beaucoup
mon falut,fi comme
aft'euré
de toutes mes fautes & péchez, en ie fuis maintenant. le n'ignoroi point Luc 12.
vertu du fainft & parfait facrifice de la promeffe que tu auois faite , que
Heb. 10. ton piis igf^s Chrift, fuffifant, vnique quand nous ferions deuant les grands
& perpétuel pour touliours; & de ceft du monde , nous ne fuffions point en
Agneau immaculé , de cefte hoftie fouci de ce que nous leur pourrions
viuante, de cède obeiffance volontaire, refpondre , & que bouche & fageffe
& de ce facré fang précieux de ton nous feroyent données par ton S. Ef-
Fils lefus Chrift, qui a efté efpandu prit, à laquelle nos aduerfaires ne
pour la remiffion de mes péchez. Et
mais ie l'ai
contre-dire;en moi-mefme,
pourroyent expérimenté
qu'en cefte forte ie me prefente en ta maintenant
gloire, honneur et louange , me cou- & que tu es le Dieu véritable. Car
urant de la iuftice & innocence de ton combien que ie ne fois fauant , tu as
Fils lefus Chrift , pour me prefenter toutesfois rempli ma bouche par ton
irreprehenfible deuant ta face. Auffi , Efprit, tellement que les fauans de ce
bon Dieu, qu'il te plaife auoir pitié de monde n'ont peu par leurs menfonges
ton Eglife , en reftaurant les diffipa- confondre ta fimple vérité. le ne recite
tions & ruines faites par la malice de point deuant toi ma vidoire , mais la
Satan, duquel vueille deftruire toutes tiene vrayement , qui rens confondus
les œuures auec fon règne d'Ante- & eftonnez mes aduerfaires. Ta gloire
chrift ; & que tu eftablifles le règne en cela en eft beaucoup plus grande,
bien-heureux de ton Fils lefus Chrift, d'autant que ie ne fuis ne fauant ni
en édifiant fon Eglife , laquelle , bon éloquent. Parquoi, mon Dieu, dere-
Dieu, ie te recommande, comme de chef ie te remercie de tant de grâces
tout temps tu en as eu le foin. Auffi, que tu me fais, te fuppliant me vouloir
Seigneur, ie recommande mon efprit toufiours augmenter la foi, comme tes
entre tes mains, qu'il te plaife le con- Apoftres t'en ont auffi requis, & me luc 17.
duire en ton royaume bien-heureux. faire cheminer de foi en foi , c'eft à
Pourtant, Seigneur, vueille-moi forti-
dire,
ai par acroiffement
grandement ; car l'en
pourfoifurmonter
befoin, de
fier en la vraye conftance, m'affifter par les tentations de cefte chair rebelle.
ta vertu & puiffance, me donnant vne
patience inuincible , pour perfeuerer O mon Dieu , encore que ie fois en
en cefte bataille fpirituelle iufques à la grand tourment & angoiffe , toutefois
fin de ma vie.
mon efprit fent défia les ioyes du ciel,
qui me font oublier la douleur, ou
pour le moins vne partie. Les tyrans
ont beau lier mes pieds & mes mains,
Autre Oraijon dudit Richard le Feure. & mettre à mort cruelle tous ces
Seignevr Dieu, Père tout-puiflant, membres ; car, en defpit d'eux, ils ref-
fufciteront & feront glorifiez , & alors
ie te remercie de ce qu'il t'a pieu ie rirai & m'efiouirai, & ils pleureront
m'appeler à la conoiffance de ton & diront : Voici ceux defquels nous- Sapience j.
fainâ Euangile , & fingulierement de
nous moquions, les eftimans fols & in-
ce que tu m'as fait ceft honneur que fenfez; voyez comment ils font main-
LIVRE CINQUIEME.
tenant nombrez entre les enfans de vn lid mol , ains mettent peine à
Dieu. Or donc, mon Dieu, mon Père, s'exercer autant que venir au dernier
58
vueilie-moi armer maintenant d'vne combat ; & toutesfois ils ne préten-
grande foi pour refiller à toutes ten- dent que d'auoir feulement vne cou-
tations; que l'horreur de la mort ne ronne corruptible. N'ai-ie pas donc
m'efpouuante , mais que ie nie recon- plus grande occafion, pour en auoir
forte en celle que lefus Chrift ton vne incorruptible & éternelle, de
Fils a gouflee tant amere, alin que m'exercer par ces petites croix, auant
celle mort que l'endurerai me foit que venir à ma grande iournee pro-
douce. Quedi-ie.' Ma mort ! Ha, mon chaine.^ Pour le moins, 6 mon Dieu, Notez CCI
Dieu, ce mot de Mort ell trop rude; fi ie fuis mis à mort fortant de cefle a(5llon de
prifon , ie ne ferai exécuté comme
ie parle improprement, car il n'y a
point de mort au Chreftien qui eft meurtrier ou brigand ; mais pour la
conioint auec Jefus Chrift, qui ert la grâces.
niefme querelle, pour laquelle font
vraye vie. le ne mourrai donc iamais; morts tant de Martyrs de ton Fils
car mon Rédempteur m'a promis, lefus Chrift. Que fi i'ai commis quel-
que puis que mon efprit a mangé fa
Ican 6.
chair & beu fon fang, ie ne mourrai bien que grand maléfice
mérité la mort , (comme
par lequel i'auoi
le moin-
dre péché du monde eft digne de
iamais,
langueur ieà ne vne ferai
vie , que
& depaffer d'vneà
maladie mort) tu l'as caché & couuert , afin
fanté perpétuelle, de douleur à ioye, que ma mort fufi referuee à feeller par
de triflelTe à lielTe, de toute malédic- mon fang la dodrine de l'Euangile.
tion àbenediélion, de famine & po- Que vaut de tant languir .> auffi bien
ureté à richeffe & toute abondance, faudroit-il mourir vne fois. Le tour-
d'ignominie des hommes à la gloire ment n'efl pas fi long ne fi grand, d'eftre
des Anges, de la crainte des tyrans à defpefché en vne heure, que de lan-
vne perpétuelle afTeurance, de fa com- guir trois mois en vn lid. Ne vaut-il
pagnie des miferables pécheurs à pas mieux mourir alaigrement pour
celle des fainds & bien-heureux. le mon Seigneur lefus Chrifi .' O Dieu
croi, mon Dieu, puis que tu m'eflis éternel, que tu me fais vn grand hon-
pour tutonmeMartyr
lour , qu'à monvirilement
feras combatre dernier neur, de ce qu'il te plait me faire
boire à la coupe de ton Fils bien-aimé
contre ma poure chair, contre le dia- lefus Chrift, & de me préparer le
ble ék le monde, afin que , pour l'édifi- niefme breuuage que lui-mefme a beu.
cation de l'Eglife, ie fois comme che- le n'ai donc plus que faire de la lu-
ualier prétendant en champ clos mière du monde , puis que tu m'ap-
.combatre & abatre mes ennemis par pelles, ômon Dieu, pour me donner
ta vertu , & par le coufteau trenchant la lumière éternelle, à laquelle vueille-
des deux codez , qui ell ta parole ; & moi maintenant conduire par ton Fils
en obtenir vidoire par la vidoire que
lefus, qui, en l'vnité du S. Efprit, vit
Jefus Chrift en a eue, par les mains & règne auec toi éternellement.
duquel la couronne me fera deliuree.
Ton faind Efprit me fera comme mon
parrin, lequel me confolera , drelTera
Heb. Conclufion du combat de Richard le
& enfeignera aux armes fpirituelles , Feure.
pour me rendre homme oicn adroit
4- pour batailler courageufement iufques
à la dernière goutte de mon fang. Et II. y a ici belle matière pour confi-
fi, en attendant cède heureufe iournee, derer vne admirable prouidence de
ie fuis exercé par grefillons (i) , fers ,
ceps, géhennes, froidures, ordures, Dieu, non feulement
mouuement vniuerfel, enil gouuerne
ce que, d'vn
les
ténèbres, faim , foif , & autres chofes
femblables, cela ne me doit eftonner, chofes, mais auffi que, d'vn foin fpe-
cial,
luitte il
de n'a voulu le
Richard orner la première
Feure de mort
car les iambes enferrées aux ceps ne
fentent pas grand mal, quand la main vidorieufe, ne qu'il
fembloit courir de foit paruenu
toute où il
fa force.
touche défia le ciel. Auant qu'entrer
en champ de bataille, les champions Ayant eflé refcoux des mains de ceux
qui doyuent combattre l'vn contre l'au- qui le menoyent à Paris, ce lui fut
tre, ne prencnt pas leurs déduits en comme vn delait, rcfpit A loifir, pour
fe difpofer à vne féconde bataille , à
(I) GrClons. laquelle le Seigneur l'auoit referué,
BREF RECIT. 59
pour le tant mieux manifefter , & ren- roit trouuer fiege pour le parquer &
dre exquife fa vocation deuant les pouruoir de feure demeurance. Fina-
lement de commun aduisil fut arrefté,
hommes. L'inquiétude de fon efprit
après celle deliurance , les longs cir- qu'on
cuis de fes voyages, & fa complexion vers leefi'ayeroit de faire quelque
Roi de Dannemarc; dont chofe
toute
Vlenhoue,
diuerfe , n'ont point empefché que le la charge en fut donnée par les an-
Seigneur n'ait parfait fon ceuure en ciens à lean à Lafco, lean "Vten- Micron.
lui , & que le dernier afte de fa vie houe (i), & Martin Micron (2). A
&n'ait
à laeftéconfolation
à la gloire de
de tous
fon fainft Nom,
les fidèles. l'inftant de cefte fortie, la plufpart de
l'Eglife fe mit en la compagnie de ces
La prifon des aduerfaires lui elloit trois perfonnages , pour faire voile en
non feulement pour efchole à toute Dannemarc. Le dixfeptiefme de Sep-
patience, mais auffi comme vn palais tembre s'embarquans au port de Graf-
royal, où il a triomphé autant magnifi- fienne (3) en Angleterre, finalement,
quement qu'homme de fa forte ; bref, après plufieurs dangers de tempeftes
il fut tout autre en la prifon , qu'il & orages , abordèrent à Hellef-
n'eftoit en liberté. Or après qu'on
l'eut mené & pourmené d'vn lieu à (1) Jean Utenhove était un des membres
autre, & que fa perfeuerance par tout de
femblable eut furmonté toute cruauté natifl'Eglise
de Gand. des Parétrangers à Londres.
sa traduction Il était
du Nouveau
Testament et des Psaumes, il travailla à ré-
des iuges; finalement après auoir re- pandre les doctrines évangéliques parmi ses
ceu fentence de mort, la langue lui compatriotes. Il a raconté lui-même les souf-
fut incifee, & fon corps bruflé vif le frances qu'il eut à endurer avec ses frères,
Samedi feptiefme de Juillet, 1554. dans la triste odyssée à laquelle les contrai-
gnirent l'intolérance catholique de Marie
Tudor et l'intolérance luthérienne du roi de
Danemark. Cet écrit de Jean Utenhove, qui
a dû servir de source à Crespin, est intitulé :
Simplex et fidelis narratio de insiitula ac dé-
BREF RECIT DE CE QUI EST muni dissipata Belgarum alioriimqae pcrcgri-
furuenu en ce temps aux mini/ïres norum in Anglia ecclcsia et pctissimiim de
susceptis postca illiiis nominc itineribus, quae-
d'Angleterre, & à la di/perfioii des que eis in illis enenerunt. In qua milita de
fidèles chajje^ dudit pa/s. Coenae Doniinicae negotio , aliisquc rcbus
lectii dignissimis tractantur. Per Joannem
Utenhovium Gandaviim. 1560. Le texte de
Apres que Marie fut paifible en fon cet écrit fut envoyé à Calvin par Utenhove,
royaume d'Angleterre , à grand'hafle qui
Mais désirait
le réformateur que Crespin en fût
jugea que l'éditeur.
le ton polé-
ayant remis fus la Papauté, les Egli-
fes qui auoyent fleuri du règne mique de ce récit ne pourrait qu'élargir la
brèche entre les Réformés et les Luthé-
d'Edouard, furent fubit miferablement riens. Crespin refusa donc de l'éditer, et ce
diffipees. lean à Lafco (i) Polonois,fu- fut Oporinus de Bâte
perintendant des Eglifes eflrangeres, prit de pai.x qui inspiraquices'en chargea.
refus L'es-
se retrouve
dans le « Bref récit >. que Crespin inséra
eflant à Londres , fut en grand foin ,
dans le Martyrologe , et où il passe légère-
ment sur les mauvais traitements que les
fuyuant l'affedion qu'il portoit au trou- exilés eurent à soulTrir en Danemark. Voy.,
peau de Chrifl, en quel pays il pour-
sur Utenhove. Burn, Hist. of tlic Foreign
Prot. Refiig. Londres, 1846, p. 186, et sur-
(i) Jean de Lasco, ou Laski, né à Varso- tout l'ouvrage hollandais du D' F. Pyper,
vie en 1499, d'une noble famille, fut attiré Jan Utenhove, syn Leven en sync Werke.
vers la Réforme par un voyage qu'il fit Leide, i88j. Ce dernier ouvrage contient la
dans l'Europe occidentale, où il entra en correspondance de Utenhove . qui mourut
relations avec Zwingle et Érasme. Elevé à en 150;. Vov.aussiles Opéra Calvini, passim.
répiscopat, à son retour, il fut contraint, par (2) Sur Martin .Micron {Maarten Micron,
sa conscience, à déposer les dignités ecclé-
siastiques, pour « servir, selon sa faiblesse, c'est-à-dire le petit) , ministre de l'Eglise
des étrangers à Londres , voy. la note du
cette Eglise du Christ qu'il ha'i'ssait au temps t. I , p. 501. Ce théologien hollandais avait
de son ignorance et de son pharisa'i'sme. » Il été médecin avant de se vouer à la théolo-
passa une dizaine d'années dans la Frise gie. Chassé des Pays-Bas par la persécu-
orientale, où il fit l'œuvre d'un réformateur. tion en liÇo, il s'associa à Londres aux tra-
Il se rendit en lîjo à Londres, où il devint vaux de Lasco, dont il traduisit plusieurs
prédicateur et surintendant des Eglises étran-
gères établies dans cette ville. II émigra avec ouvrages en hollandais. Lors de l'avènement
son Eglise, lors de la persécution sous Ma- de Marie , il accompagna les exilés en Da-
nemark,puis dans la Frise orientale, et de-
. rie, et rentra dans son pays natal, qu'il vint pasteur à Norden. 11 mourut vers la fin
.évangélisa jusqu'à sa mort . survenue en du seizième siècle. II prit une part active à
i6;o. Voy. art. Lasco, dans ['Encrcl. des la lutte contre l'ultraluthéranisme, à côté de
sciences rel. , Merle d'Aubigné, Hist. de la son ami Lasco. Voy. sur lui la Corresp. de
Réf. au temps de de Calvin,
Calvin, passim.
t. 'VU, p. 5;4-644, Calvin.
et la Corresp.
(î) Probablement Gravesend.
6o LIVRE CINQUIEME.
LIVRE CINQUIEME.
reiettafl tout foin de fa vie fur le bon foyent conus. Et de là nous auons
occafion de cercher les Efcritures, de
Dieu qui eft père & nourriffier des
vefues A des orphelins, comme il eft forte lonque l'expérimente Rom.
la dodrine de fainden Paul
vérité fé-
, que
nommé es faindos Lettres , & s'em- toutes chofes tournent en bien aux
ployafl du tout à inllruire Samuel &
Sara, qui efloyent les deux enfans fidèles, fi que d'affedion ils louent
qu'elle auoit de lui, & à les bien en- Dieu de tout ce qui auient, reconoif-
dodriner en la foi pour laquelle il don- fans qu'il l'a ainfi déterminé. D'auan-
noit à entendre qu il mourroit de bref,
tage la croix me refiouit plus qu'elle
& laquelle ils auoyent faindement ne me contrifte, quand ie penfe com-
ans. En la fin, il auer-
cinq tort bien elle eft neceft'aire généralement à
titToit depar bien
gardée choifir vn certain tous. Car Dieu veut que nous pen-
eftat & manière de viure par la con- fions plus aux chofes ilceleftes qu'aux
terreftresA caduques, veut auffi que
duite de l'Efprit du Seigneur. Il ef-
auffi l'Epillrc nous nous iugions eftrc comme pèle-
criuit
M. Martin Micron, qui contrirtéà
lors s'enfuit
rins en ce monde, n'ayans ici habita-
tion permanente, afin que nous foyions
fien perfecuti
pourtre la qu'enduro
ami en ceon mefme it vn au-
temps. toufiours appareillez à endurer perfe-
cution, renonçans aux commoditez de
« O Frère, ne nous defcourageons la vie prefente ; bref, par le moyen
en portant la &croix, mais embralTons-la des perfecutions, Chrift notifie nof-
franchement de bon cœur, eftimant tre foi à tout le monde. le vous prie
donc, trefcher frère, de vous confoler
vn grand heur d'endurer perfecution
AiSles 2. pour le nom de ChriH , comme les en l'alflidion de N., noftre frère, A
vous préparer alaigrement à porter
Apoftres fe refioulToyent d'eftre faits vne mefme croix. Au refte , il femble
dignes d'endurer pour le mefme nom.
RefiouilTons-nous , di-ie , auec adion que Dieu veuille aucugler & abrutir
de grâces , de ce que noflrc Dieu les entendemens de ceux de ce pays,
veut orner fi abondamment de tels
ce que ie m'affi-'ure qu'il fera de plus
fignes extérieurs fon Eglife efparfepar
tout le monde , car par tel moyen il en
de plus, s'ilscœur,
tout leur ne fe car
conuertift"cnt
nous voyonsà lui
le
veut donner tefmoignage que nous iugementdu Seigneur défia commencé
par fa maifon. Parquoi il me femble
femmes
Non que vrayement membres que
ie veuille affermer d'icelle.
ceux bon & vtile que vous admoneftiez
qui endurent le plus foyent pourtant iournellement noftre Eglife comment
elle fe doit porter es perfecutions ,
Satan le plus au corps
droit de l'Eglife
mettre Satan ,ducar nombre
ainfi il fau-
des
tourmenlé afin qu'au temps de probation ils
de tous. gens de bien , lequel efi toufiours en foyent munis de conoiffance & foi ne-
celfaire. La grâce de noftre Seigneur
peine & tourment , & toufiours treni-
olant quand il penfc au iour du iuge- demeure perpétuellement auec vous.»
ment, mais ie di de ceux qui endurent
pour la pure profeffion de la vérité.
Car il e(i certain que plufieurs Papif-
La mort heureufe de Ollho Cateline.
tes, Anabaptilles cSt Arians n'ont re-
combien qu'ils n'euf-
la mort,foi,
fent ladoutévraye comme il fe peut Le Samedi vingtfeptiefme d'Aurii ,
prouuer par l'Efcriture fainde, mais l'an fufdit, Ottho, aagé enuiron de
de ma part maconfcience me rend tef- trente ans, fut condamné à la mort, &
après midi mené en la place où les
moignage, confermé par l'authorité de fagots eftoyent préparez pour le bruf-
l'Efcriture fainde. que la foi laquelle
Dieu a reuelee à fon Eglife par fon 1er. Et comme il fe difpofoit de faire
faind Efprit, eft vraye it Apoftolique, quelque exhortation Chreftienne au
de laquelle le fondement ell Chrilt. peuple deuant que mourir, le Procu-
Car on ne nous peut arguer que nous reur Heft"el ne le voulut fouffrir, mais
falfifions l'Efcriture, attendu que nous crioit fouuent au bourreau : i> Defpe-
croyons & receuons tout ce qui cfi chc-le, fai ton office. » Ce qu'oyant
contenu en icelle, ce que ne font les Ottho, & voyant qu'il
fedes delTus nommées , qui efi vne cunement permis de nedefcharger
lui eftoit au-
au
I. Cor. II.
chofe digne d'eftre déplorée. Mais peuple
Diuin ,fon
A cœur
que letout embrafé lui
Procureur d'amour
difoit
quoi ? il eft neceft'aire qu'il y ait des
fedes , afin que les vrais fidèles qu'il fift ce qu'il voudroit lors qu'il fe-
lEAN FILLEVL, IVLIAN LEVEILLE.
alloyent faire à Geneue. Ils lui dirent MelTe , mais feulement eftoit appelé
& elleu pour prefcher & euangeiizer
que c'efloit pour faire leur fpirituel
profit , lequel ils ne pouuoyent faire "a parole de Dieu , (S: que s'il y auoit
au royaume de France, tant pour les
blafphemes , idolâtries & faufles doc-
3uelque falut par la Meft'e, il faudroit
ire par confequent que Jefus Chrift
trines, que pour les abus qui fe com- a enduré en vain. Outre, furent inter-
mettent es Sacremens de l'Eglife, ce rogués fi le preftre auoit puiffance de
conuertir le pain au corps de Chrift.
qui n'eft
tant queen la pure la ville& de Geneue,doèlrine
ancienne d'au-
y eft prefchee & annoncée. Alors Ils refpondirent que Dieu n'eft fuiet
aux hommes ni aux paroles d'iceux,
mais que toutes chofes lui eftoyent
pource qu'ils, les
Sacremens auoyent fait mention
interrogua des
de poind
fuiettes, et que c'eft idolâtrie de met-
en poinft, & de l'vfage d'iceux & de tre vertu & puift'ance aux paroles pro-
la dodrine qu'ils difoyent élire fi pure- férées félon l'intention des hommes.
ment prefchee à Geneue. Et premiè- Furent enquis fi les chofes fufdites ne
rement s'ils ne croyoyent pas que profitent pas pour retirer les âmes de
Jefus Chrifl fufl au pain de que
l'hoflie tel- Purgatoire , « s'ils ne croyoyent pas
lement enfermé & enclos, le pain le Purgatoire. Refpondirent que tant
n'eft plus pain , ne le vin plus vin , s'en faut qu'il leur profite , que pluf-
mais realement faits le corps & le fang toft leur viendroit à condamnation,
de Jefus Chrift, par les paroles profé-
rées du prellre. A quoi les prifonniers comme chofes qui prouoquent l'ire de
Dieu à rencontre d'eux. Et quant au
refpondirent qu'ils croyoyent que Ic- Purgatoire, dirent qu'il n'en eftoit au- Du Pur^a'
fus Chrift, ainfi, &qu'il cun , finon leleur fangditde : Vous
lefus Chrift. '«'re.
monté au ciel affiseftà efcrit,
la dextreeftoit
de Le Preuoft voulez
Dieu iuger
fon Père iufques à ce qu'il, donc nier l'interceffion & adoration
viene les morts & les viuans
des Sainfts. Ils refpondirent, que d'at-
ainfi qu'il eft efcrit au Symbole. Et que tribuer aux Sainéls l'honneur qui apar-
par ainfi le pain & vin demeuroyent tient à vn feul Dieu, c'eft contre tout
toufiours pain & vin. gré & vouloir de Sainds mefmes, car
De ivrage des Enqvis derechef par ledit Preuoft il faut que tout honneur foit rapporté
Sacrcmens.
à Dieu, comme il eft efcrit. Et quand
de ce qu'ils croyoyent touchant le Sa-
crement Refpondirent
: qu'ils croyo- ainfi feroit qu'ils nous pourroyent ai-
yent que le pain & le vin eftoyent fi- der, encores ne voudmyent-ils vfur-
gnes du vrai corps & fang de lefus per l'honneur qui apartient au feul
Chrift, & que tout ainfi comme par le Dieu, duquel vient toute puiftance.
pain le cœur de l'homme eft fouftenu Quant à l'interceffion, nous ne recon-
& afermi , & par le vin eft refioui ,
noifTons (dirent-ils) qu'vn feul qui le
auffi l'efprit eft fuftanté & fouftenu par puift'e faire, qui eft Jefus Chrift, le-
le corps précieux de Chrift & refioui quel ,de fon propre vouloir & office,
en aduocaft"e pour nous. Interroguez de
quegloire par nous
par lui le fangfommes d'icelui,receus
d'autant
du laconfeffion, & à qui il fe faloit confef- De la Confcf
Père. Enquis qu'ils croyoyent de la fer, & qui eft celui qui pardonne , & lion,
communication : Refpondirent que l'on s'ils ne croyoyent pas qu'il fe fautcon-
adminiftroit le pain & le vin en com- feft"er au Prèftre iS: s'il ne remet pas
mémoration de la mort & paffion de les péchez r Refpondirent que la con-
Jefus Chrift, & qu'en ce faifant ils ne feffion fe doit faire non point au Pref-
reçoyuent point du pain & du vin feu- tre, lequel eft pécheur comme les au-
lement ,mais le vrai corps & fang de tres hommes, mais au feul ftieu viuant
lefus Chrift, lequel purifie & fuftanté feul iufte, qui feul pardonne les pé-
De la McfTc. l'efprit par foi. Enquis qu'ils vouloyent chez, ainfi qu'il eft efcrit. Enquis fi Ifaie 45.
dire de la Meft'e : Refpondirent que les Preftres n'auoyent pas puilfance
c'eftoit une pure fuperftition & idolâ- de lier & deflierr Refpondirent qu'ils
trie inuenlee par les hommes, & qu'en eftoyent chargez de prefcher l'Euan-
cen'yauoit que condamnation. El fur gile , qui eft la parole de Dieu & la
ce plus amplement il leur demanda, vérité , fe parfait laquelle
liaifon en la laterre
liaifon & def-
comme au
les menant d'vne demande à l'autre :
Si faind Pierre n'eftoit pas Pape, & ciel. En après furent interroguez fi
premier fondateur de la MelTe. A les chofes aepofees par eux eftoyent
quoi ils refpondirent que non, & que vrayes .■• Refpondirent
telle eftoit leur foi, Aqu'oui, & que
y apoferent
jamais S. Pierfe n'auoit penfé à la
lEAN FILLEVL, IVLIAN LEVEILLÉ.
leurs feings, proteftans haut & clair vifs, s'ils vouloyent perfificr; auec vn m.d.liv,
qu'ils s'eflimoyent eftre bien-heureux relentum (i) (qu'ils difent) contenant
de fouffrir pour cefte querelle. qu'auffi leurs langues feroyent cou-
Tantost après , ce Preuoft les pées; & où ils fe voudroyent defdire,
mena de Neuers à faind Pierre le feroyent eftranglez fans voir le feu, &
Mon(lier(i), & les liura au Lieute- fans leur ofter les langues. Mais eux
nant criminel du lieu , auec les char- mefprifans l'offre , dirent : Vous nous
ges & interrogations fusdites , auquel poudrier bien faire renoncer noftreDieu
lieu furent derechef interroguez par
pour vn bien petit bénéfice; mais il n'en
plufieurs fois fur les mefmes articles,
fur lefquelsont touliours conftamment fera rent
pasacheué
ainfi.
ces Et après
mots, qu'ils eu-
on acheua de
perllllé. Quoi voyant, le Lieutenant prononcer l'arreft, lequel contenoit
appela quelques aduocats pour con- trois poinds. Le premier eftoit, qu'ils Trois points
fulter, non pas s'ils eftoyent dignes de auoyent mal parlé du faind Sacrement ; contenus en la
mort, mais de la peine à laquelle ils mais pluftoft, dirent-ils, pour en auoir fentence.
les deuoyent condamner. Sur quoi les bien & faindement parlé. Le fécond
vns opinoyent d'vne forte & les au- eftoit, par ce qu'ils auoyent nié le
tres de l'autre; toutesfois la plus faine Baptefme faun"ement. Mais , dirent-
partie à laquelle plufieurs condefcen- ils, pour l'auoir véritablement con-
dirent les deliuroyent en les banniffant fen"é. Le tiers pour auoir blafphemé
hors de France, fans iamais y retour- Dieu & les fainds. Mais au contraire,
ner, leurs biens confifquez , fi aucuns dirent-ils, pour fouftenir fon honneur.
en auoyent. A ces opinions ne fe
voulut accorder le Lieutenant criminel, Et fe regardant l'vn l'autre, s'encou-
rageoyent, difans : Nous sommes
nommé Jean Bergeron; mais les con- prefis de liurer, non feulement vn mem-
damna d'eftre bruflez vifs, faifantnuds,
pre- bre ou deux, mais tout le corps, & eflre
mièrement amende honorable ars & brufle\, foufienant la querelle de
la torche au poin, pendant vne grande nofire Dieu ; lequel tourment ne [au-
MelTe; de laquelle fentence fut ap- rait durer vne minute d'heure, pour
pelé à Paris , auquel lieu ainfi que efire bien heureux à tout iamais.
plus eftroitement ils furent examinez, EsTANS menacez par le Lieutenant
auffi Dieu leur donna force & conf-
criminel, qu'il les feroit mourir de la
iance inuincible. Car quelque faueur plus cruelle mort dont ils ouirent ia-
d'amis, quelques lettres qu'ils euffent mais parler, s'ils ne fe defdifoyent,
obtenues, par lefquelles le Roi man- ils refpondirent qu'il fift ce qu'il pour-
doit de receuoir le procès tout de roit, & que les tourmens ne les efton-
nouueau , fans tirer le précèdent en noyent nullement, car par iceux ils
confequence ; iceux ne voulurent au- paruiendroyent à l'héritage qui leur
cunement defvoyer de la vérité ; ains eftoit préparé; « quand mefme vous
toufiours perfifterent en leurs confef- nous condamneriez à auoir auiourd'hui
fions. Pendant le voyage de Paris, où vn membre ofté , & demain l'autre. »
ils furent menez , le fufdit Preuoft le Lors furent defpouillez.&demourerent
Pers , qui les auoit furpris & emprifon- depuis midi iufques à trois heures au
La mort du nez, mourut fort piteufement, touché foir, liez de cordes l'vn à l'autre. Ce-
Preuoft
Pers. le de rage & frenefie, dont plufieurs eu- pendant on les oyoit louer Dieu , de
""" rent apprehenfions diuerfes de crainte, ce qu'il les auoit fait dignes d'endurer
les autres fe confolerent , voyans vn pour fon Nom. Et chantèrent , eftans
iufte ingénient du Seigneur. Or de en ceft eftat & attente de mort horri-
Paris eflans ramenez à faind Pierre le ble , le Pfeaume fixiefme : « Ne
Monflier , le quinziefme de Januier, vueilles pas, ô Sire, Nous reprendre en
dernier iour de leur vie, furent appe- ton ire, &c; » puis le cantique de Si-
lez au Confeil , pour fauoir d'eux s'ils meon : <i Or, laiffes, Créateur, &c. »
vouloyent perfifter en leurs premières Et ce fait, le Lieutenant criminel,
opinions. Ils refpondirent qu'oui , & pour exécuter fa rage, fit venir vn Ja-
qu'autrement ils feroyent enfans infi- copin defefperé en contradidion &
dèles, fiainfi le faifoyent. Alors le
cholere , l'ayant mandé de Neuers à
Grefier prononça l'arreft donné en la ces fins. Ce Caphard eftant auprès de
cour du Parlement de Paris , lequel
contenoit qu'ils fulîent bruflez tous (i) Article que les juges n'exprimaient pas
dans un arrêt, mais qui ne laissait pas d'en
(i) Saint-Pierre-le-Moustier (Nièvre). faire partie et d'avoir son exécution.
68 LIVRE CINQUIEME.
En la ville de Tournay fut conflitué
cesdeux fidèles, & difputant contr'eux, prifonnier Thomas Calbergue, tapif-
fut tellement confus qu'il ne fceut aue iier de fon meftier , natif de la dite
dire, finon qu"il leur dit pour conclu- ville, le 19. iour de Juin, 1554.
fion : « Allez au diable. » Apres lefquel- Occafion de
les paroles, le Lieutenant criminel leur L'occafion de l'emprifonnement fut ,
prefenta à chacun vne croix de bois qu'ayant efcrit plufieurs chanfons fpi- fon nement.
emprison-
qu'il leur mit entre mains , & par ce rituelles, extraites d'vn liure qui auoit
efté imprimé à Gcneue, il prefta fon
qu'ils n'auoyent les mains franches, la extraid à vn fien familier, lequel auffi
rcietterent auec les dents, difans qu'il le communiqua à vn ieune compagnon
leur conuenoit porter vne autre croix
trop plus noble & de plus grand prix de meftier, qui tort après eftant appré-
que cefte-la. De laquelle chofe le hendé par la luftice, & trouué faifi de
Lieutenant criminel & fa fequelle fu- ce liure, nomma celui qui lui auoit
rent grandement irritez. & en fuyuant prefté ; lequel incontinent mandé au
le reknlum de l'arreft, leur commanda Challeau, à interrogué de ce liure,
qu'ils baillaffent leurs langues au bour- dit qu'il n'eftoit fien, mais qu'il l'auoit
eu de Thomas Calbergue. Les Juges
reau; ce qu'ils firent. ne tardèrent de faire venir Thomas,
En la perfonne de ces deux Mar-
tyrsle Seigneurmondra manifeflement, & l'inierroguerent fi le liure eftoit fien.
voire & au veu & fceu de tous ceux Auant ûue refpondre, il demanda de le
qui eftoyent prefens à leur exécution, voir; fien,
& l'ayant
eftoit & efcrit veu
de fa confen"a qu'il
propre main.
qu'il n'a point attaché le pouuoir de On lui demanda comment il auoit efté
parler au membre de la langue. Car
après qu'ils les eurent coupées, le fi hardi d'efcrire telles chanfons mau-
bon Dieu leur donna pouuoir de par- dites i& pleines d'erreurs. 11 refpon-
ler; car on ouit d'eux ces paroles dit qu'il n'cntendoit y eftre contenu
quand ils furent venus au heu du autre chofe que la pure vérité , la-
fupplice , comme on les attachoit : quelle ilvouloit fouftenir. Sur cela il
Nous dijons maintenant Adieu à péché, fut enquis de fa foi , de laquelle il fit
à la chair, au monde & au diable ; ia- confeffion félon les dons & grâces que
mais ne nous retiendront; & quelques Dieu lui auoit départies. Ce faid, on
le mena es prifons du Chafteau ; & y
autres propos d'exhortation au peu- fut depuis le 19. iour iufques au 24.
lufiiceple. Etles
cefsendant que de
accouftroit l'exécuteur
foulphre de
& fuyuant , qui eftoit le iour auquel les
poudre à canon, Filleul lui dit : Sale, Papiftes célèbrent la natiuité de faind
Jean Baptifte.
/aie
Apresà que
bon le ej'cient cejleefté
feu eut chair puante.&
allumé, Ce iour-la, enuiron les neuf heures
les eut faifis à la face, ils furent incon- du foir, il fut amené du chafteau en la Pf. ,4.
2t
75
GHILEYN DE MVELERE.
painpain
de eft
la Cène. Dont s'enfuit enfans de Dieu, comme vrais fuccef-
ce naturellement changé que
au feurs d'Abraham, fontdifcernezd'auec
corps de lefus Chrift. » R. « Il n'y a le monde infidèle, comme la circon-
argument qui renuerfe pluftoft voftre cifion feparoit les Ifraelites d'auec les
Tranffubftantiation que ceftui-ci. Car autres peuples. Mais ie nie que l'eau
fi le pain eft le corps réel de lefus
du Baptefme foit neceft"aire à falut,
Chrift, tous ceux-là feront fauuez qui ou qu'elle donne falut. Car cela feroit
le prenent par la bouche, Chrift di- faire vne idole du Baptefme, & attri-
fant : Quiconque mange ma chair a la buer la grâce de Chrift & la vie éter-
vie éternelle, & quiconque mange ma nelle àl'élément corruptible ; or l'eau
chair & boit mon fang, demeure en ne confère point le falut , ni ne laue I.I.Pierre
lean ). 21.
10. 4;.i. 7.
moi, & moi en lui. Tous infidèles &
nos péchez ; c'eft le fang de Chrift , Ades 4. 12. &
impenitens peuuent participer au pain duquel l'eau eft le figne. Ainfi donc le
& au vin; dont il s'enfuiuroit que les Baptefme n'a efficace que par le fang
mefchans & idolâtres feroyent fauuez. de Chrift en qui feul confifte nofte fa-
Mais il y a encor vn plus grand in- lut, comme en celui qui a efpandu fon
conuenient ; c'eft qu'auffi les chiens , fang pour effacer nos péchez, ce qui
les fouris, & autres beftes brutes man- Du Baptefme
eft reprefenté par l'eau. Toutesfois
gent le corps de Chrift , & font fau- ceux-là pèchent grandement qui mef- des petis
enfans.
uez, en cas qu'ils mangent voftre pain prifent le figne extérieur, encore qu'il
confacré ; ce qui eft horrible à penfer. ne foit neceffaire à falut. » D. «■ 'Vous
Judas mefmes a receu le pain que dites donc que ceux qui ne font bap-
Chrift nommoit fon corps, ne plus ne tizer leurs enfans , font mal ? » R.
moins que les autres Apoftres. Selon « Oui ; car puis que les enfans font
voftre dire donc, le traiftre ludas de-
meuroit en Chrift , & Chrift en lui ; comprins en l'alliance de Dieu ,
comme leurs pères & leurs mères , &
mais tout au contraire il eft dit que
Satan entra incontinent en lui. Dont puis que la promeff'e de falut leur
ie conclu , que le pain ne fe change (i) Ils coupèrent court.
LIVRE CINQUIEME.
Ecclef. 7 io R. .< le confelTc bien, que le premier point fuffifant fans voftre inuenté Pur- Heb.
28. & 9.10.
14. ij2
Ecclcf. If. 14.
homme a eu vn Arbitre franc & libre, gatoire. Or aux Hebrieux eft monf-
Ican 8. 14.
78 tré clairement, que Chrift a offert vn Exode îi- I'
Rom. 6. 12
1. Pierre i. 10,
par lequel il pouuoil faire bien ou mal facrifice éternel et parfait, oui ne peut Lcuit. 26. 2
quand il vouloit. Mais il a perdu ce
Rom. ç. 13. 17
18. & 10.
don de Dieu tout incontinent après fa pas eftre anéanti, car il eft ix demeure
toufiours en vigueur pour la purgation
Gen. 6. 13 cheute A s'ell fait efclaue du péché ,
I. Cor. 2. 14 fans aucun pouuoir de faire bien. Et & remiffion des péchez. Les facrifica-
teurs de Leui efpandoyent fouuent du
cefte corruption n'eft pas feulement fang pour le nettoyement du peuple^,
venue fur lui , comme l'audeur du
mais Chrift a vne fois efpandu fon
mal , mais aufll fur tous ("es fucccf-
feurs , c'eft à dire fur tout le genre fang pour les péchez du monde, telle-
humain, tellement que toute chair a ment qu'il ne refte maintenant autre
corrompu fes voyes & eft encline au purgation pour les péchez. Car par
mal. Par cefte reuolte du premier un facrifice ils font rendus parfaits & Î4-
homme, nous auons perdu toute puif- font nettoyez & fandifiez. Chrift eft
entré vne fois au Sainft des Sainds,
fance à bien, tant en l'entendement non auec fang de boucs ou veaux ,
& raifon qu'en la volonté ; tellement
que nous ne pouuons comprendre, mais auec fon propre fang, par lequel
faire ni vouloir de nous mefmes ce qui il nous a acquis deliurance éternelle,
eft de Dieu. Telle eft noflre nature le conclu donc de ces clairs & eui-
corrompue defcrite manifeftement par dens tefnioignages de la fainde Efcri-
Pf. 14.
le Prophète Dauid, difant : « Ils font ture, qu'il n'y a autre purgation ne-
tous deftournez & font deuenus inuti- ceft'aire pour le nettoyement des âmes
les. Iln'y a pas vn qui face bien, &c. » que le fang de Chrift, ni autre facri-
Rom. ). 12.
2. Cor. ). ?. A ce propos, dit S. Paul, que nous ne fice par lequel elles puilfent eftre ai-
lean 14. <. pouuons penfer de nous quelque chofe dées que le feul facrifice de Chrift ,
I. Ican 2. 1.
Philip. 2. de bon comme de nous mefmes, mais qui eft fuftifant pour tous les péchez
que toute noftre fuffifance vient de du monde. Parquoi voftre doftrine du
Dieu. A ceci fe rapporte auffi le tef- Purgatoire eft une doiflrine Diaboli-
moignage de Chrift : « Sans moi vous que inuentee par voftre Pape contre
ne pouuez rien. » Toute noftre puif- toute vérité des Efcritures. » Pour ré-
fance donc gift en Chrift qui , comme futation de ces palTages , ils en allé-
dit S. Paul, crée en nous le vouloir & guèrent quelques autres ne feruans
le faire félon fon bon plaifir. » D. « Ne de rien à la confirmation de leur Pur-
croyez vous pas que les âmes , après gatoire &
, fingulierement celui du
cefte vie, eftans nettoyées au Purga- 2. liure des Machabees, lefquels il 2. Machab. 10
toire,font
y deliurees par MelTes, An- réfuta aifément. Et eftant tranfporté
niuerfaires, Aumofnes & autres fem-
blables bonnes œuures .> » R. « le ne en Efprit il leur dit : « Mais qu'eft ce Le Purpatoirt
fai autre Purgatoire ou nettoyement que
du Pape qu'vne
laquelle ,lui
voftre enPurgatoire cuifine
& tous fes
cl) la cuisine
du Pape.
que le fang de Chrift, par lequel les Cardinaux, Euefques & Preftrcs & au-
âmes font parfaitement purgées de tres telle racaille, depuis le plus grand
toutes leurs taches. Les afperfions du
fang du bouc & le fang des veaux, iufques
aux defpensdu fang dufont
au plus petit, grand'chere,
pauure peuple,
auec les cendres de la genilTe rouge ,
fous prétexte de longues oraifons ? »
ont efté claires images & figures du D. ((Vous n'eflimez donc rien le Purga- 4)-
fang de Chrift, car tout ainil que le toire }» R. " Non. » Ils ne refpondi-
peuple par telles afperfions eftoit net-
toyé des taches de la chair, ainfi auffi rent que bien peu à ces paroles, d'au-
nos âmes font arroufecs du fang de tant qu'ils
efcrire. Du eftoycnt aft^ez ils
Purgatoire empefchez
tombèrentà
Chrift pour remiffion iSr lauement des De lEnfcr.
en Enfer, demandans s'il croyoit auffi
péchez. Voila pourquoi S. lean dit qu'il y euft
que le fang de Chrift nous purge de mande eft- vn
ce Enfer.
là .> le R.croi« Quelle de-
fermement
tous péchez. Si ainfi eft que tous nos u'il y a vn enfer, auquel les hommes
Du Purga- péchez font nettoyez par le fang de amnez après la mort du corps, à caufe
toire
I. lean 1. 7. Chrift, à quoi fert voftre faux Purga- de leur incrédulité, font tourmentez
Apec. I. ;. toire.' N'auez vous point de honte éternellement parle iufte iugement de
Hcb. 9. 7. 9. d'anéantir la mort & le facrifice de Dieu. De ceci il y a fi clairs tefmoi-
12 I). 14.
& 10. 4. Chrift À d'attribuer fa vertu A vos fa- gnages de l'Efcrilure fainde, que ie
I. Ican I. bles fAinfi vous faites de Chrift vn
ne fâche homme fi malicieux qui l'ofaft
fauueur à demi , le fang duquel neft
nier. » D. « Croyez-vous qu'il y ait Du Ciel.
GHILEYN DE MVELERE. 79
vn ciel, où Dieu règne auec fes An- rence agréable , enfuyuons leur doc-
ges r » Quand il ouit cefte demande trine & innocence de vie. Semblable-
ment, 20.
tant abfurde, il penlbit qu'eux mefmes
ne le croyoyent point, comme leurs adorer ie
lesdifainfts
qu'il , necarfaut nullement
il efl efcrit : 10.
œuures en rendent telmoignage. Or i< Vous adorerez voftre Dieu. » Pour- Deul. 10.
LIVRE CINQUIEME.
qu'eft plusdeteftable, vous aualez aussi oyent ma voix mais elles n'oyent
1 ame, voire la Deité de Chrift. Re- la voix de l'eftranger. » Puis il de-
gardez lavileniequevouscommcttez. » manda aux pafteurs qu'ils lui appor-
L'Inquiftteur tout courroucii de cefte taft'ent vne Bible bien correde ; &
parole, le iugea eftre hérétique. Or qu'il leur monftreroit leurs erreurs.
Sur cela ils dirent que tout iroit bien
l' Inquif,itcur
que énorme lui impo-
foit ce oui
ayant crime tout efmeu en s'il confeft"oit feulement ce poind, que
foi mefme , il dit tout haut : « Le tout ce que l'Eglife Romaine qui eft
S. Efprit tefmoigne en moi que vous gouuernee par le S. Efprit, commande,
mefmes eftes vn hérétique , vn perfe- ordonne & tient pour bon, eftoit bon.
cuteur de la vérité , & vn difciple de « Prouucz-moi, » dit-il, « que tout ce
l'Antechrift. » « le fuis, » dit l'Inqui- que l'Eglife Romaine tient pour bon
fiteur , 'I vn feruiteur du Pape & de s'accorde auec l'Efcriture fainde. »
l'Empereur. » « Tenez vous donc fer- « Qu'eft-ce à dire cela.^ » difoycnt-
mement, "ditOhileyn, «àvoftrePape; ils , " l'Eglife Romaine pourroit ap-
quant à moi , ie me tien à mon Sau- prouuer, ordonner, croire, ofter, &
ueur lefus Chrift, crucifié, qui iugera adioufter tout ce qu'elle voudroit , &
iuftement noftre caufe au iour du iuge- tout feroit bon. » « L'Eglife Romaine, »
ment, où ie vous adiourne. » L'Inqui- dit-il , « n'a que la nue lettre de l'Ef-
criture, laquelle elle corrompt par fes
fiteur" refpon dit : <' Et ie m'y trouue-
rai. Ghileyn dit : « Et vous ferez fauft"es glofes , é!r nie le vrai fens
contraint de vous y trouuer , maugré d'icelle. Secondement elle a corrompu
toutes ordonnances , & le feruice de
qu'en ayez. Lors vous verrez que nous Dieu , & a reietté le fondement de
auons feellé la vra^e doftrine de nof- noftre falut, afçauoir lefus Chrift,
tre fang. » L' Inquifitcur dit : " Nous auec tous fes mérites. Au contraire
le ferions bien auffi , fi nous y eftions
contrains. » « Vous vous en garderiez elle a introduit plufieurs inuentions
des hommes contraires à la parole de
bien, » dit Ghileyn. << Outre cela vous Dieu. le vous prouuerai tout ceci, »
auez obtenu vn placart de l'Empereur,
FRANÇOIS GAMBA.
dit-il, « & plufieurs autres chofes, & le liura au bras feculier. Bien toft
après il fut mené deuant le Baillif &
moyennant
Bible. » « Nous que vous m'ottroyez
ferions bien cela,vne» les AffelTeurs d'Audenarde , par qui
difoyent-ils, « mais nous craignons que fentence de mort lui fut prononcée.
Et fut mené comme vne brebis inno-
vous ne fucciez le venin. » « L'Elcri- cente à la boucherie. En allant, il
ture fainde, » dit-il, « eft efcrite pour
doftrine & inftruâion à tous hommes, chanta vn cantique & marcha ainfi
& Chrift commande que nous le cer- ioyeufement vers la maifonnette , qui
chions en icelle ; vous au contraire eftoit faite fur le marché, où, en inuo-
Tim. ; . i6. défendez la Bible, contre le comman-
lean ;. quant le nom du Seigneur, il fut ef-
Î9. dement de Dieu & de l'Empereur. tranglé & bruflé l'an 1554.
Neantmoins combien que vous me
défendiez la ledure de l'Efcriture
fainde , i'ai bonne affeurance en mon
Dieu & Seigneur, qui par l'on S. Ef- François Gamba, de Lombardie (i).
prit me fuggere tout ce que ie doi ref-
>a deliurance pondre. » On doit recueillir de cefte hijîoire, que
Le Lundi deuant le iour du Sacre-
heureufe fin.
ment qu'ils appellent, M. Pierre, la conoijjance de l'Euangilc du Sei-
l'vn des Curez, le vint trouuer, auec gneur rie fe peut aprendre en autre
lequel il deuifa long temps. Mais efchole qu'en la fiene : autrement le
quand icelui vid que le prifonnier ne fidèle ne pourrait demeurer ferme
pouuoit eftre deftourné de fa confef- vne feule minute de temps contre
fion, il feeftre
moqua de lui, de
d'autant qu'il tant d'ajfauts diuers qui lui font U-
vouloit fi certain la vérité; ure\, fur tout quand il ejl prochain
de la mort. En quoi nous expérimen-
lui, oyant
eftoit cela,Prophète
vn faux le reprint,
& difant qu'il
fedudeur; tons que la foi efï le fondement du
vrai feruice, & de Voheyfjance que
& le preflTa de fi près qu'il ne fçauoit nous deuons à Dieu, quand il nous
plus que refpondre. Il fe retira donc,
& s'en alla boire en l'hoflellerie, auec appelle à fouffrir pour fa vérité.
rinquifiteur. Voila tout ce qui eft
auenu à Ghileyn de Muelere en fon François Gamba, natif d'Ife (2), au
emprifonnement. Quand le temps de pays de Breffe en Lombardie , ayant
fa deliurance fut prochain , il efcriuit
receu la vraye conoiffance de l'Euan-
tout ce que deffus à quelques frères gile, vint à Geneue pour demander
au Seigneur, de qui nous l'auons re- confeil de quelque afaires qu'il auoit
trouué à communiquer. Il s'y trouuaau temps
« Chers, &frères,
adiouftaie ce
vousquienuoye
s'enfuitici:
qu'on celebroit la Cène le iour de
tout ce qui m'eft auenu pour le nom femblee y communiqua
des &fidèles.
Pentecofte, en l'af-il
Depuis, comme
de Chrift. Dieu fait ce que d'ores en retournoit, en palTant le lac de Come,
auant m'aduiendra. le penfe bien
qu'ils me bailleront la torture, car ie fut appréhendé & mené prifonnier en
ladite ville de Come; où, après auoir
ne les ai point efpargnez; ils n'efpar- conftamment maintenu la vérité de
gneront pas auffi ma chair. Mais,
chers frères , tenez vous à couuert , l'Euangile, il fut
afin de ne tomber en péril de mort; bruflé le 21. iour condamné
de luillet,à 11eftre
54.
comme il appert.
c'eft peu de cas de moi ; car ie
fuis liuré maintenant, & ie ferai facri-
fié quand il plaira au Seigneur. Par (i) Cette notice est absente des premières
éditions de Crespin , mais elle se trouve dans
quoi priez pour moi, car l'en ai befoin. celle de 1Ç70, f° 291-29;. Voy. Pantaleon ,
laq. ;. i6. Martyrumhistoria. Mb. X (Basil., 156;). avec
La prièreenuers
efficace des fidèles
Dieu. eftMais
de grand'-
gardez cette indication : Ex cpist. cu/usd. nobilis ca-
vous des faux frères qui font en grand mensis. C'est sans doute à cet ouvrage que
Crespin a emprunté cette notice. Voy. aussi
nombre. Soyez diligens en la ledure Foxe, t. IV, p. 466; Mac Crie, Rcform.
de la Parole du Seigneur. Sur tout in Italy, chap. V. Dans une lettre de Calvin
cheminezen lacraintedeDieu pendant à SIeidan (Opcra, XV, 221). le réformateur
dit en parlant de Gamba: « Nuper in oppido
qu'il eft temps. A Dieu foit louange Venetse ditionis, paulo ultra Vullurinam ,
& gloire éternellement. Amen. » admirabili constantia ad ultimum usque spi-
Ayant ainfi conftamment maintenu
ritum, piusest.vir» mihi probe notus Christum
confessus
la vérité, comme vn fidèle feruiteur de
Chrift, rinquifiteur hafta fon procès, (2) Iseo, bourg de la province de Brescia
(Lombardie), sur le lac du même nom.
86 LIVRE CINQUIEME.
mandation que rAmbaffadeur de l'Em- autre, comme i'ai dit, tenant des pro-
pereur, qui eft à Gènes, efcrit , & pos fiexcellens que tous eftoyent ef-
merueillez.
plufieurs gentils-hommes de Milan
auffi , parquoi l'exécution fut différée La luftice le voyant ainfi difpofé &
pour quelques iours, cependant vof-
tre bon frère demeure toufiours conf- fi refolu que rien plus , ordonna qu'il
feroit defpefché le lendemain. Or, fa-
tant & ferme en fon fainft propos.
Peu de temps après, voici la féconde chant quérir fin aprochoit, il m'en-
que lapour
uoya parler à moi. Entre
lettre , par laquelle il eft commandé autres chofes , il me pria bien affec-
de le defpefcher. Ainfi donques il fut tueufement de vous refcrire comment
mené du chafteau oià il eftoit prifon- il eftoit allé de fon afaire, & quelle en
nier , comme vous fauez , & prefenté
deuant le Podefta qui eft à Come , auoit efté l'ilTue ; de vous prier auffi ,
luge tant des chofes criminelles que pourtié l'honneur de portez,
que vous lui Dieu & de
pourne l'ami-
vous
ciuiles ; & là on lui prononça celle point fafcher à caufe de fa mort, puis
fentence : S'il ne fe vouloit reconoif- qu'il l'enduroit tres-volontiers pour
tre & changer d'opinion , qu'il eftoit l'amour de lefusChrift, & qu'il fen-
condamné à mourir. Alors , monf- toit vne ioye & confolation finguliere
trant qu'il eftoit
ueilleufement fort ioyeux
confolé, & mer-
remercia bien en fon efprit , reconoilfant l'honneur
& la grâce que Dieu lui faifoit de
humblement le Podefta d'vne fi bonne l'auoir daigné choifir pour endurer les
nouuelle ignominies du monde & fouffrir la
nobftant qu'il
cela , lui
le auoit
Podeftaapporté. No-
, qui auoit mort cruelle en maintenant la caufe
efté prié de ce faire par aucuns gen- de fon Fils lefus, lequel n'auoit point
tils-hom es, lgarda
e en prifon enco- efpargné fa propre vie pour le falut
res cefte fepmaine-la. Or, durant ce de tous les fidèles. fes
Au fœurs
refte,& qu'il
temps, il difputoit hardiment contre vous recommandoit les
tous, alléguant toufiours plufieurs rai- voftres, fes nepueux & niepces, priant
fons de l'Efcriture fainde pour con- Dieu de vous maintenir tous en bonne
firmation de tout ce qu'il maintenoit , paix & amitié , vous faifant la grâce
de forte que de iour à autre le cou- de confacrer toute voftre vie à fon
rage lui augmentoit, & fa confiance feruice.
Le lendemain au matin, le bourreau
fe
lailToit viure. d'autant
monftroit En la finplus , lequ'on
Podeftale
(qui eft Aleman) s'en alla vers lui ,
l'enuoya quérir, & lui dit que le len- pour l'auertir qu'il le deuoit exécuter
demain , ou dedans deux iours au
ce iour-la , & pourtant qu'il lui par-
plus , il faloit qu'il mouruft , fuyuant donnaft. Auquel voftre frère refpondit
ce qui lui eftoit commandé de faire
qu'il ne craignift point de faire hardi-
par le Sénat. Mais il lui fit la mefme inent ce qui lui eftoit cominandé, &
refponfe qu'auparauant , que c'ef- que de fa part non feulement il lui
toyent trefbonnes nouuelles pour lui.
Tentations de
Et après l'auoir bien prié derechef & pardonnoit de bon cœur, mais qu'il
toutes parts. prioit
lui fift auffi
la grâce Dieude pour lui , àfonce falut
conoiftre qu'il,
auerti longuement, s'il fe vouloit def-
dire de tout ce qu'il auoit mis en & adioufta, s'il euft eu de l'argent,
auant,oféà dire
auoit tout contre
le moins de ce qu'il
le facreraent de qu'il lui en euft donné. Apres cela, il
fut mené deuant le Podefta, qui le
la Meft'e, que ce qu'on lui auoit offert pria encores vne fois de fe vouloir
& promis fe feroit aifément , il ne lui
defdire & changer d'opinion; mais il
chalut (i) de telles promefl'es, & n'en n'en fit rien , non plus qu'auparauant.
faifoit non plus de cas que d'vne Et pource le Podefta , après l'auoir
bouffée de vent qui pafi'e , & difoit prié de ne trouuer eftrange ce qu'il
fouuent qu'il ne faloit pas acomparcr faifoit, lui déclara qu'il eftoit con-
ce quon lui promettait aux biens inej- traint par fes feigneurs de l'enuoyer
à la mort. Alors il le remercia tres-
timables qu'il ejloit affeuré de receuoir
en bref au Seigneur , affaaoir la cou- humblement, & lui dit qu'il eftoit bien
ronne d'immortalité & la pie éternelle.
Et iamais ne changea de courage , dolent en fon cœur , d'autant qu'ils
ne fauoyent pas ce qu'ils faifoyent , &
quoi qu'on lui propofaft ; plulloft on leur Dieu pour eux , afin qu'il
qu'il fift mifericorde.
prioit
voyoit fa confiance croiftre d'heure à
Incontinent que la cloche de la
(i) Il ne se soucia pas. iuftice eut fonné pour le defpefcher ,
88 LIVRE CINQUIEME.
voici deux moines Capucins qui vie- crain auffi d'eflre par trop long.
nent là pour le confelTcr, & de pre- I'adiovsterai feulement ce qu'il
mière entrée lui dirent qu'il ne fe de- fil ellant fur le poind de rendre l'ef-
uoit point fiilchcr ne contrifler ; mais prit : c'eft qu'il ietta l'œil fur moi
il leur refpondit tout court qu'il ne d'affez loin , me voyant hors d'vne
vouloit point de leur compagnie & troupe de quatre mille perfonnes , &
me lit figne de la main droite, laquelle
qu'ils
couftume fc de retiraffent.
ces bons Or frères
, félon la
, ils
n'eftoit
uenir depoint
vous liée , pourle me
efcrire toutfaire fou-
fuiuant
La croix des auoyent en leur main vnc croix, qu'ils
caphards. monllroyent pour en auoir fouue- ce que ie lui auoi promis de le faire.
Et toft après il fut ellranglé, & rendit
nance. Et il leur difoit qu'il auoit
lefus Chrift tout imprimé en fon l'efprit à Dieu le 21. iour de luillet,
cœur,cace &&la vertu
qu'il fentoit viuement
de fa mort l'effi-
& paffion en Ie ne vous puis dire autre chofe
pour le prefent, finon que ie vous prie
fon efprit. Ils repiiquoyent, s'il ne re- de vous confoler en noftre Seigneur,
gardoit
roit quand leur ilcroix , qu'il feà defefpere-
viendroit fentir les le remercier en patience , & ne vous
tcurmens du feu. Il refpondit que fon point contrifler , ne vos frères &
cœur efloit rempli de ioye & confo- fœurs auffi , mais plufloft de vous ref-
lation, & que défia il auoit iouiffance iouir , fâchant que voflre bon frère &
d'vnc liefle incomprehenfible ; & quant le mien s'en eft allé à Dieu pour iouir
au mal qu'il deuoit fentir en fon d'vne félicité éternelle auec noflre
chef 1% Capitaine lefus Chrifl, it auec
corps, qu'il palferoit incontinent, mais
que fon âme feroit tantoft partici- tous les autres fainds Martyrs. Qu'il Le nombre
vous fouuienne, . ' • iamais
touiours,, que ^1 '^" fidèles
ril loufiours petit
feroit pante
receuede la béatitude
en cellecelefte
hcureufe»S: qu'elle
com-
pagnie des Anges, pour iouir à iamais n y a euau que
tiens bien ,peu
monde & dequevrais
de Chref-
noflre "^ .
des biens que Dieu a préparé pour
fes enfans, & des grâces que les yeux temps il ne s'en
tit nombre. trouuebonqu'vn
Prenez bien ,pe-
courage &
des hommes ne virent oncques, ne vous repofez du tout en Dieu, lequel
leurs oreilles n'ouirent iamais. ie prie vous augmenter de plus en
Apres auoir tenu plufieurs tels pro- plus fes faindes grâces, vous auoir
pos pleins de confolation finguliere , en fa protedion , & gouucrner par fon
afin de lui ofter tout moyen de parler S. Efprit. le me recommande de bon
cœur à vous & à toute voflre bonne
dauantage , & qu'il ne fuft plus en-
tendu de la compagnie, on lui perça
la langue; puis il fut mené au lieu du compagnie,
en vous iepriant
tout ce que de m'employer
pourrai iamais faire
fupplice, où s'agenouillant, efleua les pourDevous.
yeux Come,
iî'i4- ce 29. iour de luillet,
ardent,au que
ciel tous
& pria
en Dieu d'vneftonnez,
elloycnt cœur fi
tant il faifoit fa prière de bonne grâce.
Eflant leué debout, il fe mit tout ainfi
que voulut le bourreau, & incontinent
fut cfiranglé. Or combien qu'il euft
efté condamné d'eflre bruflé tout vif, 'Denis le Vayr (i), de la baffe
Normandie.
ncantmoins on lui fit ce peu de bien
que de le dcpefcher fans le faire lan-
guir. Au refte , ceux qui eftoyent là De l'edal & condition des libraires ,
prefens furent tous fort efbahis, voire porteurs & conducteurs de liurcs de
cfperdus , & n'y auoit perfonne qui la Jaincle Ejcriture , le Seigneur en
feuft que dire, finon qu on aunit fait a appelé plufieurs à porter ijujnrf &
mourir vn homme de bien, voire inno- quand la parole deuant les hommes,
cent & vrai Martyr de lefus Chrifl , voire <? ac la sceller par leur fang
d'autant qu'on auoit veu en lui vne pour plus ample imprcfjion.
confiance inuincible , en laquelle il
auoit perfifié iusqu'ii la fin. Ce bon (I) Voy. Crespin (édit. de 15(6), p. 59-61 ;
perfonnage tint plufieurs autres fainds Bèzc» I, 54; Pantalcon, I, 10; Foxe. IV,
418; Kloquet. Hist. du Parlement de Nor-
propos & dignes d'eflre conus de tous, mandie ,II, 2b<) ; Leliùvre . La Réf. dans
tant durant fa prifon que quand il fut les Iles de la Manche (Bull, hisl., XXXIV,
preft à mourir, Icfquels le ne vous 9, ift-i8l; Kallue, Hisl. polit, et relig. de
puis mander pour ceflc heure, & ic lEgl. métrop et du dioc. de Rouen, III, 19).
DENIS LE VAYR.
Denis le Vayr, natif de Fonte- lui fut refpondu que c'eftoyent liures
nay (i), au diocefe de Bayeux, en la d'herefie. Il répliqua & fouftint que
baffe Normandie , après auoir quitté
non , & que c'eftoyent liures de la
fa preflrife Papale, vint demeurer à fainfte Efcriture, contenans toute vé-
Geneue, où il aprint la librairie, & de rité, lefquels lui apartenoyent, & non
là fe mit à porter liures en France à l'homme qu'ils auoyent arrefté. Sur
par plufieurs fois. Il fit depuis fa refi- l'heure, l'homme fut lafché, & le 'Vayr
dence aux ifles de Gefzé & Guer- mené prifonnier à Peries(i), oii il fut
nezé, lefquelles, comme apartenantes bien eftroitement détenu deux mois &
à la couronne d'Angleterre, furent ré- denii , pendant lequel ternps il fut
duites ài'Euangile du viuant du Tref- examiné par les luges du lieu, qui lui
chreftien roi Edouard 6 (2). Là Denis impofoyent crime de trahifon , à rai-
continuant la librairie, quelque temps fon qu'il auoit demeuré au pays fuiet
fit office de Miniftre en vn village de
d'Angleterre. A quoi il refpondit qu'il
Guernezé , y prefchant I'Euangile, ne s'y eftoit retiré pour aucune trahi-
fon ,ains pour y viure félon Dieu &
tationpource
mais que l'an
du prince des 1554. à la fufci-
ténèbres , les fon fainét Euangile. Et pource que
abus & fuperflitions Papiftiques , par les gens de iuftice dudit Peries ne
le commandement de Marie , roine haftoyent allez fon procès , par le
d'Angleterre, furent mifes efdites if- commandement du Procureur gênerai
les (5),enle Normandie
'Vayr, acompagné d'autres, pour le Roi à Rouan , le Vayr fut
reuint , délibérant de
fe retirer à Geneue. Eftant arriué en mené à Bayeux, & dix iours fi eftroi-
teiiient enferré dedans la prifon Epif-
vn village nommé la Fueillie (4) ,
conduifant vn tonneau plein de liures copale, qu'il ne fut poffible à aucun
de fes amis de le vifiter. De'là il fut
de l'Efcriture, ainfi qu'il marchandoit mené à Rouan, où il fut condamné
d'auoir vne charrette, M. Guillaume d'eftre bruflé vif & furhauffé par trois d'ertre mis
Sentence
Langlois , lieutenant du 'Viconte (ç), fois fur le feu (2). Ce iugement pro-
auec lean Langlois fon frère, procu- noncé ,on lui prefenta la queflion ex- trois fois au
reur du Roi, fe trouuerent là, & vou- traordinairepour
, déclarer ceux de feu.
lurent fauoir quelle eftoit celle mar- fon opinion. Le 'Vayr leurduditfainét
que
chandife, & l'arrefterent & l'homme tous Chreftiens amateurs
qui la gardoit. Sur ces entrefaites , le Euangile eftoyent de fon parti , dont
'Vayr furuenant , nonobftant qu'il ouift eftoit la plus faine partie du royaume
le bruit de ceft arreft, ne feignit à en
demander promptement la caufe. Il de France, & mefme de leur Parle-
ment. Au refte, que torture ne tour-
ment quelconque ne lui feroyent dire
(i) Il y a trois Fontenay dans le Calva-
autre chofe , ni eftre caufe de mettre
dos : un hameau de ce nom , qui fait partie
de la commune de Géfosses, Fontenay- le- aucun en fafcherie. Que s'il auenoit
Marmion et Fontenay-le-Pesnel. qu'il mouruft en la géhenne , il eftoit
affeuré de ne mourir au feu. Cefte
(2) Jersey et Guernesey furent évangéli-
sées par des protestants de Normandie. Dès affeurance fut caufe qu'ils ne le mi-
içjS, un arrêt de la Cour royale de Jersey rent à la queftion , mais commandè-
pourvoyait au » nourrissement et entretene- rent le mener droit au fupplice.
ment » des ministres Martin Langlois -et Av fortir de la conciergerie , il y
Thomas Johanne. Voy. les art. de M. Le-
lièvre sur la Réf. dans les îles de la Manche
(Bull., i88y, p. 4, 52, 97, 14c) auoit grand
horta àfuiurepeuple, que dele Dieu
la parole 'Vayr ,ex-
ia-
(;) La réaction catholique fut surtout
cruelle à Guernesey, d'où Le Vayr dut fuir. çoit qu'vn moine Carme fuft auec lui
Une femme. Perrotine Massy, épouse d'un dedans le tombereau. L'vn des offi-
ministre,
pour fuir qui avait dû quitter
la persécution, l'île, luidevant
fut traduite aussi, ciers s'efcria au bourreau : « Coupe,
la cour ecclésiastique, avec sa mère et sa coupe lui la langue. » Ce qui fut auffi
sœur. Renvoyées comme hérétiques devant toft exécuté que dit. Sur cela, le
la Cour royale, elles furent condamnées au moine lui prefenta vne petite croix de
feu. Perrotine Massy se trouvait enceinte et
accoucha sur le bûcher même. L'enfant, ar-
raché vivant du milieu des flammes par un (i) Périers, arrondissement de Coutances
spectateur, fut porté au bailli qui le fit reieter
(Manche ).
dans
Heyiin, le bûcher
Siirueyde of sa mère
Jersey(Fp-xe,
and 'VllI, 226; ,
Guernsey (2) H il fut condamné, par arrêt du Parle-
ment ,à avoir la langue coupée dans la cour
London, ]0;8).
(4) La Feuillie, canton de Lessay, arron- du palais, à être c"onduit au Marché aux
dissement de Coutances (Manche). Veaux et attaché à Vengin, d'où il devait
mes. » Falluejusqu'à
être plongé trois fois dans les flam-
, op. cit.
(5) 'Voy. la note de la page 25.
LIVRE CINQUIEME.
bois pour mettre entre fes mains ef- fenlenl extraordinairemenl, pour ac-
90
troitement liées ; mais ce fainft per- cufer ceux qui font vne mefme pro-
fonnage la refufa, & de tout fon pou- feffion de l'Euangile.
uoir tournoit tant qu'il pouuoit le dos De Pierre de la Vau, natif de
au moine, dont le moine cria au peu-
ple : « Voyez , mes amis , voyez le Pontillac (1), à cinq lieues de Tou-
mefchant , qui refufe la croix. » Puis louzc , la mort & la confiance aux
ils le menèrent deuant la grande tourmens a efté renommée entre les
fidèles cefle mefme année M.D.Lim(2).
&Eglife qu'ils appelent
vouloit-on donner Noflre-dame
à entendre (iau), Il edoit cordonnier de fon meftier, mais
peuple qu'il faifoit amende honorable au refte feruent en la parole de Dieu
à leurs fainds; mais le patient monf- c% bien inrtruit en icelle. Car quand il
troit »& des mains & des yeux , & par fut conrtitué prifonnier en la ville de
adorerfignes
tous vn àfeullui Dieu,
poffibles, qu'il faloitfa
détournant Nifmes, après qu'il eut maintenu la
vérité de l'Euangile , on le voulut
face de leurs idoles. Incontinent après forcer d'accufer les fidèles de fa co-
il fut mis au feu, duquel, félon fa fen- noilTance , il aima mieux endurer la
tence , il deuoit élire retiré par trois quedion extraordinaire , autant horri-
fois, ce que toutesfois ne fut exécuté, ble que mutilation & fraélure de mem-
car auffi tort que le feu fut allumé , la bres fauro'it ertre , que de mettre en
flamme monta prefque vne lance de danger perfonne. Il fut finalement
haut par delTus le patient (2) , telle- brufié vif en ladite ville de Nifmes, &
ment que les deux bourreaux pour fa
toute leur puiiïance ne le peurent re- en mort
plufieurs a efté femenceau pays
endroits de l'Euangile
(5).
louer en haut. Cependant les fergeans
frappoyent à grans coups de bafton
fur le menu peuple qui là eftoit, pour
aider aux bourreaux ; mais il n'y eut Iean Rogers, Anglois (4).
homme qui y vouluft mettre la main.
Il expira en ce martyre le neufiefme
d'Aouft, M.D.LIIII (?). La vie, les affauts & la mort de M. Ro-
gers font ici amplement defcrits ,
(1) Lisez Paulhac (Haute-Garonne).
(2) Les martyrs français enregistrés par
Crespin pour cette année 15)4 ne furent pas
Pierre de la Vav, de Languedoc (4). les seuls. Calvin , dans une lettre à SIeidan
du mois de septembre i?54i *-'n mentionne
cinq ou six, qui, depuis trois mois, étaient
Notable confiance comme du précèdent montés sur le bûcher dans le sud-ouest : " A
en la quejlion que les ennemis prc- tribus mensibus in Aquitania quinque aut scx
fuerunl exusli, in quorum morte Christus
magnilicc triumphavit « {Opéra, XV. 221).
(1) La cathédrale de Rouen. ()) " Pierre Delavau, ne pouvant contenir
(2) Bèze dit : .. Ayant le feu mcsme esté le divin message, le prêchait en pleine rue
plus humain quç les bourreaux. « avec un zèle apostolique. Il fut étranglé,
()) « La Réforme continuait toujours de puis brûlé sur la place de la Salamandre.
trouver des prosélytes dans les rangs du Ses cendres jetées au vent n'abolirent pas
clergé. Un pritre, de Fonknay-U-Pc$ncl , sa mémoire, et son supplice enfanta de nou-
près Caen, après avoir élé quelque temps veaux témoins. De ce nombre fut le prieur
en Angleterre, était venu à Rouen, où il des Dominicains, Dominique Deyron , re-
fut trouvé saisi de grand nombre de liurcs nommé pour son savoir et son éloquence.
réprouvas, qu'il colportait dans la ville. Par Déjà gagné dans le secret de son cœur aux
arrêt du Parlement . après avoir eu la langue doctrines proscrites, il avait été délégué pour
coupée dans la cour du palais, il fut conduit accompagner Delavau à la mort , et recon-
au Marché aux veaux, lycu destiné à faire quérir l'âme du patient à la foi catholique.
telles exécutions; là, il fut guyndé liault à Mais Deyron ne putvoir la sérénité du martyr
Vtngyn, puis gcclé vif au feu, doù il fut sans se sentir vaincu par cet apostolat de
retiré jusqu'à trois fois, et où. enfin, il fut l'abnégation et du sacrifice. Il ne lit cnlcndre
ars et consommé en cendres. « Floqucl , au condamné que les consolations du pur
Hisl. du Part.jie Norm., t. I! , p. 260. Evangile, dont il devint lui-même un des
(4) Vov. Bèze, t. I, p. 54; Ménard, Hist. plus zélés propagateurs sur la terre étran-
de la ville de Nîmes. 1. IV, p. 2)2; Bulletin, gère, uJules Bonnet, Derniers récits du sei-
t. XXIX, p. 492. Calvin, dans une lettre ù zième siicle , 18-6, p. IÇ2.
Bullingcr, écrite en novembre içn. parle (4) C'est l'édition latine de Foxe ( Bas.
de sept ou huit réformés incarcérés à Nîmes 1559) qui a servi de source à Crespin pour
à ce moment. De la Vau était sans doute cette notice qui. dans l'édition de 1556,
l'un d'eux (C<i')'. Op., XIV, (>((.). Cette notice p. 484,
and n'a que dixt. VI,
Monuments, lignes.
p. Voy.
Ç91. Foxe, Acts
figure dans l'édition de if7o.
lEAN ROGERS.
fon temps à efludier. Quelques mar- Il fuft en cefl eftat , iufques à ce que Théologie.
professeur en
chans le tirèrent de là & le menèrent tout fut changé en Angleterre, quand
Marie fut efleuee à la dignité royale ,
àfioitAnuers
(2), & (i), auquel
faifoit commelieulesil autres
mil'ft- laquelle renuerfa totalement ce que 91
fon frère auoit drelTé. Chrift en fut
preftres. Enuiron ce temps-la, s'ef-
toyent retirez d'Angleterre banni , & le Pape introduit , l'Euan-
de Brabant Guillaume Tindal au pays
& Mile gile chafTé & la Méfie remife, & ren-
Couerdal (3), tous deux de grand re- dit fon peuple efclaue à l'Antechrift.
nom, & fingulierement le premier à Ce neantmoins Rogers ne laiffa de
caufe de fon martyre. Rogers eut perfeuerer comme il auoit commencé,
familiarité auec eux, & commença pe- & le temps ne lui feut rien faire quit-
tit à petit, par vn inflind heureux, à ter de fon office , & les dangers ne
regarder la lumière de l'Euangile , l'ont
la Roinepeu faifoit
faire tout
flefchir; ains lors
trembler fous que
fes
iufqu'à ce que finalement, félon que
le iugement lui croiffoit, il fe defpef- menaces , & que nul à grand'peine
tra de la Preftrife Papale, & conioi- ofoit ouurir la bouche pour dire vn
gnit fon labeur auec ceux-ci , affauoir feul mot de l'Euangile, il prefcha au Se moudre
â traduire quelques liures Grecs (4). temple de Saind Paul comme il auoit fidèle feruiteur
Peu de temps après, eftant enfeigné acouflumé , admonnefla & prefla vn de Chrill.
chacun à fe monftrer confiant & ferme
par les fainéles Efcritures, qu"ésvœus en la dodrine qui leur auoit efté an-
illicites il n'y auoit , aucune
lier les confciences il eut en vertu de
horreur noncée ,& detefta les idolâtries &
le célibat Papal , & fe maria à vne fuperftitions de la Papauté (2). Ce
femme plus douce de mœurs & fo- fermon irrita les feigneurs , & d'abon-
brieté de vie que de richeffes. Auec dant (3) la faélion des Papiftes feruoit
de fouflets pour les inciter & allumer
elle il s'en alla tort après à Witem-' le feu contre ce fidèle Miniftre ; tou-
berg pour aprendre la langue Germa-
nique, & Faprit fi bien, qu'il fut or- tefois pource qu'alors il n'y auoit
donné miniftre de l'Euangile & exerça point encore d'ediéls publiez , par lef-
cède charge plufieurs années auec quels on le peuft punir de droia, Ro-
gers efchappa pour cefte fois ; neant-
grande
règne dudiligence , iufqu'à
Roi Edouard ce que& le
fut eftabli la moins ilne demeura pas longuement
prédication de la parole de Dieu mife fans punition , car bien toft après fut
en liberté , qui auoit efté long temps fait vn edid , commandant à tous mi-
niftres de l'Euangile de fe taire (4).
Perfeuere
(i) Après avoir fait ses études à l'univer-
Quelque
laiffa point edidde qu'il
fairey euft
comme, Rogers ne
il auoit
sité de Cambridge . il fut appelé à Anvers ment.
courageufe-
pour servir de chapelain à la colonie anglaise acouftumé. Eftant adiourné & accufé,
de cette ville. il eut par cornmandeiiient fa maifon
(2) Disait la messe.
(!) Sur William Tyndale et son martyre, pour prifon (5). Dieu voulut qu'on ne
voy. t. I , p. iiv et îi2. Miles Coverdalé fut
l'auteur d'une traduction de la Bible anglaise, (i) Sur Ridiey et son martyre, voy. la
complètement distincte de celle de Tyndale,
et dont la première édition parut à Zurich notice du livre 'VI.
en I5;5. (2) Ce sermon fut prêché le dimanche
2; juillet i;;;.
(4) Ces (i quelques livres grecs » n'étaient
(;) De
(4) Cet plus.
édit de Marie Tudor (voy. Fo.\e,
autres que les livres apocryphes de l'Ancien
Testament, que Rogers traduisit pour l'édi- t. VI, p. joo) porte la date du 18 août.
tion in-folio de la Bible, qu'il publia en i;)7> (5) Il résulte des State papcrs de Lord Bur-
sous le pseudonyme de Thomas Matthew, et
ghley (p. 170), que cette mesure fut prise je
qui fut. par une proclamation de Henri VIII, lô août, par conséquent avant et non après
placée dans toutes les églises. la proclamation royale.
LIVRE CINQUIEME.
I
94 LIVRE CINQUIEME.
d"vne voix. & principalement Burno (i ) qui lui feroyent propofees. Et comme
le Secrétaire : •■ Voire tu feras Pref- il eft contenu au fommaire que lui-
tre inariii, & lu n"auras iamais offenfé mefme a rédigé par efcrit (1), il fe re-
contre la loi ? » Et Rogers refpondit commanda aux prières de la vraye
ainfi : •■ Qu'il Eglife, & tous les autres auffi qui ef-
donnance de lan'auoit
Roine violé aucuneni au-
en cela, or-
toycnt perfecutez pour la mefmecaufe.
cune loi publique du royaume , veu Auffi il recommanda fa femme qui ef-
qu'il auoit elle marié au lieu où le toit là eftrangere & fes poures enfans.
mariage légitime eftoit permis & ot- Cela fut fait le i 7. iour (2) de Januier,
l'an M.D.LV.
troyé par les loix. » Et eftant intcrro-
gué où il s'efloit marié, il leur refpon-
dit : I' En Saxe. » Et dit d'auantage
que, fi cela n'eufl efté permis au La féconde iournee tenue contre lean
royaume d'Angleterre (2) lors qu'il par- Ros;crs, le XVIII. Je lanuier h),
où tit d'Alemagne
il eftoit pour, ilvenir n'euflen lailTé le lieu
Angleterre M^D.LV.
aucc fa femme & huid petits enfans.
Toutesfois le cri du peuple ne celfa Le iour enfuyuant, il fut interrogué
pas encore pour tout cela. Adonc il y par leloit Chancelier
renoncer à fesGardiner,
erreurs . s'il
par vou-
lef-
en eut aucuns qui dirent qu'il ertoit quels il auoit efté malheureufement
trop
retourné toft àvenu; fon les grandautres qu'il eftoit
malheur auec abufé auparauant, & retourner en la
tant d'enfans,
bon lui fembloit. Vn entre les autres& chacun difoit ce que commune
uee par le focieté de I'Eglife,
Parlement approu-
, & confentir
parla aftez audacieufement , que nul auec les Euefques & tout le royaume,
nomme ne peut eflre dit bon Chref- & iouyr de la mifcricorde qui lui auoit
tien , qui permet à vn Preftre de fe efté propofee le iour précèdent. A
marier. Rogers refpondit : Que i'Eglife cela
bien Rogers
confideré refpondit qu'il n'auoit
auparauant pas
que figni-
vrayement fainde ne defendoit point
à quelque homme que ce fuft , non fioit cefte mifcricorde : mais mainte-
mefmes aux Preftres , de fe marier.
Sur cela, vn fergeant le mena hors de nant il entendoit bien que c'eftoit le
pardon
Antichriftienne & .reconciliation de I'Eglife
des Romanifques , la-
la chambre , & l'Euefque de Wigorne
quel e ilprotefta franchement ne vou-
uoitprint
fe où encores
eftoit cefte à luiEglife
dire qu'il ne fa-
catholique. loir accepter ; & fi on lui vouloit per-
Et Rogers debatoit au contraire : mettreil , fe faifoit fort de confermer
auc cefte Eglife n'eftoit point cachée, par tefmoignages de la S. Efcriture &
par authorité fuftifante des Dodeurs
«X qu'il la pourroit facilement mon- anciens, qui ont efté incontinent après
flrer, s'il en eftoit befoin. Voici en
fomme quelles obiedions furent faites les auant.
Apoflres,
ce iour-la à Rogers , & auffi quelles en Mais lesle chofes qu'il dit
Chancelier mettoit
que
furent fesrefponfes. Il euft bien voulu cela ne lui feroit iamais permis; & fi
rccouurer quelque loifir d'efcrire au n'eftoit pas raifonnable auffi qu'il fe
long tous les argumens de fes aduer- Ç\i\., veu que Rogers eftoit feul qui
faires, & auffi expliquer ce qu'il euft d'authorilé priuee contredifoit au dé-
bien voulu refpondre , éi plus ample- cret & ordonnance publique du Par-
lement &. cela ne fembloit ne conue-
ment qu'on ne lui auoit permis; mais nable ne raifonnable, que ce qui auoit
ainfi Qu'il fe vouloit mettre en train ,
gens lui furent enuoyez pour lui dé- efté ratifié & eftabli par tant de voix ,
noncer qu'il lui faloit comparoiftre le fuft desfait par l'opinion d'vn feul
Icndemam deuant les luges, pour ref- homme. Et Rogers dit : •■ Il eft cer-
pondre plus amplement des chofcs
tain que fi on regarde à l'authorité
(1) Il existe deux copies de celte relation
(t) Ou plutdt Bournc. Voy. la note de la
écrite par Rogers,
Monuments ( l. VI , p,l'une
59} dans
) . cl les Acts plus
r.iutrc, and
page 9^.. complclo, dans les Lansdoainc ManuscripU
(2) RoKcrs fait allusion i l'Acte de 1^48 ,
par lequel Edouard VI révoquait <> les lois, (î'ig, fol. igo-201). Crespin suit le texte de
canons, conslitulinns et ordonnances" qui Foxc, mais en le mctianl à la troisième per-
sonne.
prohiboicnt le maria^'c des cccicsiasiiques.
Un autre Acte vint , plus tord , confirmer
(1) C'est le 27 janvier qu'il faut lire, le
celui-là et proclamer la I<ipiiimil6 de telles premier inierrogaloirc ayant eu lieu le 21.
union!!. ()) Lisc^ : j8 janvier (Voy. plus loin, p. 100) .
lEAN ROGERS. 99
feule vérité particulière de moi feul qui ne fuis
IJieu peut
autres Euefques rendoyent tefmoi-
rien , ie confelfe francheinent ce que gnage de cela au Chancelier. « le
hliger la
Miicience. vous dites; mais la vertu & maieflé de croi & fai bien , » dit Rogers, « que
la vérité des faindes Elcritures eft vous le ferez ainfi. » Le peuple qui
telle , qu'il n'y a point fi grande au- eftoit là prefent commença à foufrire ,
thorité entre les hommes ; ni les dé- car, en cefte iournee-la, il y auoit plus
terminations des Conciles ne font
grand nombre d'auditeurs d'entre le
point de fi grand poids que ma con- peuple, qu'en la iournee précédente ;
fcience en puilTe eftre obligée , finon & le iour fuyuant à grand'peine y eut
que le tout Toit aprouué & ratifié par la milliefme partie de ceux qui ef-
la vérité de Dieu , à laquelle il faut toyent venus pour ouyr , car on ne
laillbit entrer que ceux qui auoyent
necell'airement que toutes chofes obeif-
fent <& facent place. » Il vouloit encore intelligence & fait complot auec les
pourfuyure fon propos, mais le Chan- Euefques. Le Secrétaire Burno, & vn
celier lailîant le tout fe mit à dire des autreofficier de la Cour de la Roine (1)
doninie de
rdiner foli- calomnies , difant qu'il n'y auoit rien vouloyent auffi teftifier pour l'Euefque
Jcment en Rogers que pure ignorance & ar- de "Winceftre; & fur cela Rogers, pen-
rogance enflée. Quant à Fignorance , fant qu'iceux
niers loueurs den'eftoyent pas dit
les: «der-
iL-futee.
cefte farce, Et
Rogers refpondit
aueugle qu'il ne
qu il ne vift, n'eftoit point fi
fi impudent bien , c'eft tout vn , vous pouuez bien
qu'il ne confefl"aft auffi, que celle igno- parler auffi. » Voyant donc les chofes
rance efloit grande , & plus que le eftre telles, & que lui feul ne gaigne-
Chancelier mefme ne pouuoit dire ; roit pas contre tant de tefmoins, &
toutesfois il n'eftoit point fi mal fourni qu'on leur adioufteroit plus de foi en
d'aides de la pure doârine , que, cela , que non pas feulement à lui ,
moyennant la grâce de Jefus Chrifi, il mais auffi aux'Apoflres & à lefus
ne fuft maintenu
fuflfifant pour prouuer ce qu'il, Chrift mefme, s'ils eulTent efté là pre-
auoit iufques à prefent fens, il lailTa tout. Lors on vint à ce
pourueu qu'on lui permift de mettre la poinÀ, que le Chancelier fe leuant de
main à la plume. D'auantage qu'il fon fiege , par forme de deuotion, ofta
n'eftoit point fi befte ne fi ignorant fon bonnet (2), ce que firent auffi les
que le Chancelier le faifoit ; toutefois autres Euefques fes compagnons , &
Du Sacrement
quelque fauoir qu'il euft, il attribuoit interrogua Rogers du Sacrement du de la Cène.
le tout à la grâce de Dieu. Au de- corps
meurant, lemonde fauoit bien de quel que ledumefme
Seigneur,
corpsafl'auoir s'il croyoit
de lefus Chrift,
cofté eftoit la plus grande ambition, & lequel eft nai de la vierge Marie, &
ce feroit vn poure orgueil & mifera- lequel a efté pendu en la croix, fuft
ble , que lui & les autres qui eftoyent realement contenu en ce facrement.
prifonniers fous telles befles inhumai- Rogers refpondit peu fur cefte
nes , eufi'ent encore en eux quelque queftion
matière ,ilcomme
fe fuftainfi foit qu'en
toufiours cefte,
retenu
goutte d'ambition.
Adonc Gardiner commença à accu- craignant de s'y fourrer trop auant,
fer Rogers , qu'il auoit , dit tellement qu'aucuns frères l'auoyent
ment en fes fermons quepublique-
tant la pour fufped, comme fi en ceft endroit
Roine que tout le Royaume eftoyent il euft voulu eftre de contraire opinion.
obeifl'ansà l'Antechrift. R. « La Roine Toutesfois il refpondit ainfi à ces pré-
(à qui ie defire longue profperité) fe- lats vénérables : « Quant à voftre opi-
roit aft"ez bénigne & humaine enuers
fes fuiets , fi elle n'eftoit empefchee propres par un intermédiaire latin les a com-
par mauuais confeils. » Gardiner nia
plètement défigurés.
dans Auleslieu d' «précéd.)
evesque ,deil
tout incontinent cela, affermant que Camil" (Carnil édit.
la Roine auoit toufiours de fon pro- faut lire l'évèque de Carlisie, et au lieu de
1. docteur d'Adrisia, » il faut lire docteur
pre gré monftré le chemin à tous les Aldricli. Robert Aldrich, évèque d; Carlisie,
autres , & que iamais elle n'auoit efté fut toujours papiste convaincu , mais sa flexi-
bilité lui permit de se maintenir en place
pouft'ee que de fon propre mouue- sous Henri VIII, Edouard VI et Marie. Il
ment. Rogers refpondit qu'il ne vou- ne survécut que quatre semaines à Rogers.
loit & ne pourroit iamais croire cela.
(i) Sir Robert Rochesler. maître contrô-
Sur quoi l'Euefque de Camil, dodeur leur, membre du conseil privé et chancelier
d'Adrifia (i), confermoit que tous les du duché de Lancaster, fut l'un des servi-
teurs les plus dévoués de la reine Marie.
(i) Ici comme ailleurs, le passage des noms (2) Ainsi
Lambert. Voy. t. I , VIII
lit Henri lorsqu'il interrogea
p. ^2^.
lOO LIVRE CINQUIEME.
Si le temps l'euft permis . Rogers eut que leur doftrine eftoit corrompue &
bien peu faire plus longue complainte faulTe. Il difoit cela auec quelque
de l'inhumanité de fes ennemis. véhémence , & en eftendant les bras ,
Or, celle cruauté fe déclare alTez , & cefte contenance defpleut à quel-
en ce que ces belles cornues ont qu'vn qui eftoit là prefent, lequel dit :
otlé aux poures prifonniers tous leurs « Il femble que ceftui-ci veut iouër de
biens; d'auantage, preuariquans con- palTe-paft'e, & faire ici le bafteleur. »
tre leurs ordonnances propres , les Rogers ne refpondit rien à cefte fotte
ont emprifonnez fans caufe . fans les gaudifferie. Et fur cela, le Chancelier
ouyr en leurs defenfes, & les y ont pourfuyuit, commandante Rogers de
longuement tenus. Encore y a-il vn retourner le lendemain à dix heures.
poinâ qui ell pour mieux monflrer A quoi Rogers refpondit : « le ne re-
l'inhumanité du Chancelier. La femme fufe point de comparoiftre là où bon
de Rogers eftant enceinte partit de vous femblera. » Et incontinent , il
Londres pour aller en la ville de Ri- fut remené en prifon par quelques of-
chemond (i), où eftoit le Chancelier, ficiers & archers de la garde , &
auquel elle prefenta requefte , & par M. Jean Hooper eftoit mené deuant.
plufieurs fois, eftant accompagnée de Il y auoit fi grande multitude qui les
huid matrones honorables, & encores
acompagnoit, qu'à grand'peine pou-
il y eut vn perfonnage de renom & uoit-on paft'er par les rues. 'Voilà ce
d'honneur, dodeur en Loix, nommé qui fut fait cefte iournee-la qui fut le
M. Gofmold (2), qui prefenta auffi re- XXVIII. iour de Januier.
quefte au Chancelier pour Rogers ,
tanttout
de y a cela qu'il, ne ainsfutdonna
nullement efmeu
à conoiftre
ouuertement à tous quelle opinion on La troifiefme iournee tenue contre lean
doit auoir de la charité de ces Ante- Rogers le XXIX. dudit mois.
chrifts.
Or , quatre heures fonnerent, & le Le lendemain qui eftoit le vingt-
Chancelier voulant mettre fin au pro- neufiefme iour de lanuier, Rogers fut
cès, dit : « Nous pourrions bien dès derechef mené par les officiers & fer-
maintenant donner fentence definitiue
gens enuiron les neuf heures au tem-
contre toi ; toutefois , félon la pitié & ple (i), où le Confeil eftoit affemblé.
Corapaffion compaffion de laquelle nollre eglife a Le Chancelier, après auoir défia con-
de Crocodile ,
qui pleure acouftumé d'vfer toufiours enuers ceux damné Hooper, parla à Rogers , &
parauant que qui font coupables {]), or fus, nous te commença fon propos en remonftrant
deuorer fa faifons encore ceft auantage , que tu de quelle clémence il auoit vfé enuers
proye. retournes derechef ici demain, & ce-
lui, & qu'au lieu que, des le iour pré-
pendant auife fi tu aimes que la vie te cèdent, ileuft peu prononcer fentence
foit fauuee (ce que tu obtiendras de mort contre lui, toutefois il lui
quand tu retourneras au giron de auoit donné temps & loifir de prendre
l'Eglife catholique) ou bien fi tu veux auis , qui eftoit plus que le droit ne
périr hors l'eglife. » Et après que Ro- portoit , & que Rogers ne meritoit ;
gers eut refpondu qu'il ne s'eiloit fe- mais que maintenant l'heure eftoit ve-
paré decelier l'Eglife catholique,
lui dit : « Cela eft autantle comme
Chan- nue ,qu'iltention,faloit qu'il afïeftion
declaraft ilfoneftoit
in-
&de quelle
fi de noftre eglife catholique tu faifois enuers l'Eglife Catholique, fans rien
L'Eglife de vne Eglife d'Antechrifl. » Et Rogers diffimuler, affauoir s'il renonçoit à fes
l'Antechrifl. dit : « Il eft ainfi , & ne le penfe point
autrement. » Le Chancelier interro- premiers
confentir erreurs, & s'ilcommunes
aux opinions vouloit point
des
autres.
gua derechef Rogers touchant la doc-
trine du Sacrement, lequel refpondit
Rogers bien
fouuenoit refpondit à cela, lefquels
des argumens qu'il fe
ï
(;) La «à pitié
consistait et compassion
accorder " de accusées
aux personnes l'Eglise
d'hérésie trois occasions de se rétracter.
Gardiner était impitoyable au fond , mais L'interroga
(i)St-Mary-o ay, lieu
toire avait dans l'église
fort jaloux de suivre les formes consacrées. de
Mary-Over y. ver-the-W dite aussi St-
102
LIV.RE CINQUIEME.
LIVRE CINQUIEME.
en procès deuant la Roine & fon con- fachans laquelle prendre, fe font ce
feil , touchant quelques contes & ar- iour-lA fentis comme refolus , voyans
gent prellé , pour raifon duquel on d'vne part la cruauté de laquelle ces
pretendoit qu'il full obligé. Et eftant gens vfoyent contre ce perfonnage, &
au contraire fa douceur & modeftie
venu
ceftre encommença
iugement, del'Euefque de Win-
le receuoir auec
enuers eux. Et combien qu'on ne
paroles iniurieufes. L'ilTue fut qu'on puifTe reciter ici tous les mots def-
lui commanda d'aller en prifon, l'auer- quelsefté
euft vn bien
chacun d'euxdevfoit
difficile , ce qui
recueillir en
tilTant fur le chemin que ce n'eftoit
point pour caufe de la fi grand defordre , toutesfois quant à
le menoit là , ains de Religion
certain qu'on
conte
l'ordre et fommaire des matières prin-
d'argent , duquel il eftoit tenu à la cipales ,comme il n'y a point autre
Roine. Il fera monflré ci après comme tefmoignage que de la propre con-
faulTement on lui inipofa cefte dette.
fcience,
ler à tefmoinsainfi netous
faut-il
ceuxdouter d'appe-
qui affifterent
L'année fuyuante , le 19. iour de
Mars, fut appelé derechef par le com-
à la procédure, fachans qu'ils diront
mandement de l'Euefque de Wincef- comme nous, pourueu que, laiflans à
tre & certains autres Commiffaires
part toutes affeâions, ils vueillent de-
députez de par la Roine ; mais ne pofer selon ce qui en eft.
pouuant défendre
portunité fa caufe& par
dudit Euefque l'im-
la crierie
de ceux qui prefidoyent au iugement ,
fut defmis de fon Euefché. Et pour
Les Euefques de Wincejlre , de Du-
monftrer comment & pourquoi cela fe
nelnie', de Londres, de Landaue , de
fit , i'adiouflerai ici les lettres d'vn Ciceflre, luges députe^ pour faire le
perfonnage qui efloit prefent lors que procès à lean Hooper (1).
cela fe faifoit.
Estant Hooper appelé pour venir
deuant ces Juges, fut premieremerit
interrogué s'il efloit marié. Refpondit
Attejîation de la procédure tenue con- qu'oui , & que rien ne pouuoit rom-
tre lean Hooper, Euefque de Wi- pre ce mariage que la feule mort (2).
gorne , en laquelle il fut fpolié de
Lors l'Euefque de Dunelme dit :
fon Euefché en la maifon d'Efiiene (I Encore qu'il n'y euft autre chofe ,
Gardiner, Euefque de Wincelîre, le
dixneufiefme de MarsM.D.LIII.{i) c'eft bien afl'ez pour vous rendre inca-
auant Pafques. « Ceftepable decaufe,
l'Euefché que vous Hooper,
» refpondit tenez. »
« n'eft pas affez valable ne fuffifante,
PovRTANT que i'enten que le bruit fi ce n'eft que vous vueilliez deroguer
du procès de M. lean Hooper, iugé aux loix & au droit receu publique- Procédures
& expédié par le Chancelier Gardi-
ner âz autres députez pour ce fait, eft ment en ce royaume. « Il n'euft pas
fi toft dit cela, que les Juges & ceux iniques contre
Hooper.
contraire à vérité, & que, peut eflre,
il a efté femé par quelques vns qui qui eftoient à l'enlour fe mirent à
crier & à l'iniurier & fe moquer de
prenoyent plaifir à defguifer les cho- lui. L'Euefque de Ciceftre (3) l'appe-
fes, ie qui eftoi prefent lors que le fait loit Hypocrite ; Bekenfal (4) & vn
fe demenoit, ai penfé mon deuoir ef- certain Smyth , feruiteur de ceux du
tre de defcouurir fîmplement & fidè-
lement ce qui en eft, pour faire en- Confeil
tous fe (0- l'appeloyent
ietterent Befte.iniures
fur lui auec Bref,
tendre àtout le monde l'iniquité du
iugement & arreft donné par les luges
déléguez par la Roine contre Hooper, (i) Les évêqiies de Winchester (Gardiner),
de Durham (Tunstall\ de Londres (Bonner),
lequel s'eft neantmoins porté enuers de LIandaff et de Chichester furent en effet
eux le plus humblement & modefte- les commissaires délégués pour le juger.
ment qu'il efl pofllble, ne leur deman- Voy. les Harleian Mss. n° 421.
(2) Sa femme et ses enfants avaient réussi
dant iamais autre chofe , finon qu'il à s'enfuir en Allemagne. Voy. Coverdale,
fufl oui en fes iuftifications , tellement
Lctters of the Martyrs, p. 94-11 '. 126.
que plufieurs qui auparauant vacil- ()) D' Day. 'Voy. sur lui t. I , p. 52Î.
loyent entre les deux religions, ne .;4) U faut lire Tunstall. 'Voy. sur lui t. I,
p. 515.
coun-
(i) C'est i;S4 qu'il faut lire. Foxe. one of the clerks of the
cil,(î)>> icditSmith,
io8 LIVRE CINQUIEME.
que nous puiffions eflre ouys paifible- du Fils de Dieu , quand le Pape a m.d lv.
ment enfcmble auec nos aduerfaires, propofé fes refveries & menfonges ,
deuant cefle vollre lainde alTemblee, pour les faire receuoir à tous. Les ef-
& que toutes affedions foyent mifes crits des bons Pères & les fainds
bas, & que la fainde Bible foit iuge Canons condamnent les Meffes pri- '
entre nous & nos aduerfaires , à la- uees, & non feulement ne permettent
quelle nous fubmettons & nous-mef- ains
mes & la caufe trellainfte que nous Cène recommandent
du Seigneur l'vfage de laàfainde
es Eglifes tous,
maintenons. Que fi , par l'authorité & tant
auffi aumonrtrent
Miniftre auec
qu'au quel
peuple;
ordremais
on
grâce de ce tredaind Sénat, nous pou-
uons obtenir que les queftions pour la doit prendre. Il y a ordonnance
lefquelles il y a auiourd'hui différent expreffe es Canons du Concile de
entre nous foyent examinées , deba- Nicee, qu'en premier ordre les Pref-
tues &role definies tres , puis les Diacres , confequem-
Dieu par l'authorité
& par de la pa-
les tefmoignages ment tout le peuple, communient à la
des Pères , c'eft chofe toute affeuree fainde Cène du Seigneur. Mais le
que lors la meilleure partie obtiendra fils aifné de Satan , afçauoir l'Ante-
vidoire par la bonté de Dieu , & la chrift, a chaffé des Eglifes le faind
fainde & catholique foi & religion vfage de la Cène par feu & glaiue. Il
fera rertituée aux Eglifes de Chrift. eft ordonné, par la parole de Jefus
Il n'eft befoin d"vfer de long propos Chrift, que fa mort & pafilon foit dé-
pour monftrer quel œuure le Sénat clarée àtout le peuple par la prédi-
cation de fa parole ; au contraire , la
facré feroit agréable à Dieu , s"il ren-
tyrannie du Pape commande que cela
doit diuines
fes aux Eglifes d'Angleterre
& celeftes les cho-
, & oftoit les
chofes humaines & terreftres. Don- fe face par l'enforcellement d'eau ou
par coniuration de pain , ou par en-
ques, fi le Sénat débonnaire admet chantement de cendres, de rameaux,
nos humbles requefles & nous ottroye de branches & de cierges. Si vous
de plaider noftre caufe publiquement, voulez donc obéir à la volonté de
tous fidèles entendront facilement que Dieu, ô noble alTemblee, il faut que
les chofes que ces nouueaux dodeurs vous ofliez des Eglifes toutes tradi-
font auiourd'hui es Eglifes ne font tions au
remettiez humaines
deftTus farcies d'impiété
les chofes , &
diuines
que menfonges & inuentions fauffes
& faindes. Si vous refufez de ce faire,
de l'Antechrift
lement ont efléRomain , qui non
introduites outrefeu-
là vous en ferez grieuement punis, car
parole de Dieu, mais auffi font direc- Dieu requerra de vos mains la perdi-
tement répugnantes à icelle, comme tion & ruine du peuple , qui fera pro-
Contre la eft la Meffe du Pape. Car nous fa- cedee des peruerfes li faufles dodri-
Melle uons que Chrift a dit : « Prenez , nes. Ce n'eft pas affez, & ceci n'ex-
mangez, &c. Prenez, beuuez-en tous. » cufera pas deuant Dieu le fouuerain
Mais les preflres Romains prenent Sénat du Parlement , affauoir ce que
du pain & du vin à part, tous feuls, ces fuppofts Romanifques difent :
& fans qu'il y ait aucun qui leur Qu'ils fauent pour certain que les cho-
tiene compagnie. Chrift a ordonné les fes qui fe font maintenant es Eglifes
font bonnes, faindes & diuines. Car
Sacremens afin qu'ils fuffent fignes ou
féaux facrez de l'on alliance faite par il n'y a point d'autres chofes faindes
fa mort auec le genre humain , auf- & bonnes , finon celles que la parole
quels tant le miniftre de l'eglife que de Dieu reconoit pour faindes & bon-
tous fidèles deulTent participer égale- nes. Et quant à toutes autres chofes ,
ment ; mais ces nouueaux dodeurs
encore qu'elles
excellentes femblent, hautes
aux hommes toutesfois&
ont ofté au peuple cefte communica-
tion ,laquelle Chrift a ordonnée à elles font abominables deuant la face
de Dieu, & feront finalement arra- Matth. ij. 15.
toute l'Eglife, & au lieu d'icelle ont
introduit l'adoration des Sacremens. chees comme plantes que le Père
L'idole exécrable (alTauoir ce dieu celefte n'a point plantées. feigneurs
*
nouueau , que ces nouueaux dodeurs Or donc , Magnifiques ,
imaginent, forgé de pain & de vin) a
efté premièrement fourré es Eglifes puis qu'ainfi
faindes eft que nous
Efcritures tout admonefte,
l'ordre des
de Chrift par la barbarie du Pape , & que , pour obtenir la vie éternelle, il
par le mefme l'vfage de la Cène du faut , fur toutes chofes , que nous
Seigneur a efté ietté hors des Eglifes fuyons les confeils, dodrines & or-
I 12 LIVRE CINQUIEME.
I
Londres, auec grand'garde & compa-
gnie de gens en armes , <& auant que
palTer par les rues , on donna ordre
d'enuoyer premièrement des fergeans
pour erteindre les chandeles & lumiè- Ican Hooper à fes frères en L
res des fruidiers & reuendeurs , crai- Chrijl , & aux prifonniers pour vne
me/me doëlrine. .
gnans le tumulte du peuple, s'ils le
ejus
menoyent
ils aimèrentà mieux
la veue led'icelui.
mener deParnuid,
ainli La grâce de noftre Seigneur lefus
afin de le conduire plus alfeurément Chrill foit auec ceux qui défirent
la part où ils proicttuyent , & cela l'auenement du Sauueur <& Rédemp-
teur, &c. Mes chers frères & fœurs
s'accordoitfort bien, alin que le Prince
des ténèbres (duquel les afaires fe en lefus Chrill, participans des liens
faifoyent) fifl auffi fon cas en ténèbres & prifons auec moi au Seigneur, pour
par ceux qui fuyent la lumière. Mais raifon de fon Euangile, ie vous auife
que fuis tres-aife de voltre fermeté &
tout cela n'empefcha point que plu-
fieurs des bourgeois aduertis du faid perfeuerance en la perfecution & af-
ne fortiffent de leurs maifons & vinf- nidion que vous foulTrez, élr en ren
fent au deuant de Hooper, le faluaf- grâces au Seigneur, fouhaittant bien
fent à raifon de fa fermeté & conf-
lort qu'il vous face la grâce de perfif-
tance , & que tous ne mercialfent ter tt tenir bon iufques à la fin. Et
Dieu A le prialfent de le faire perfe- comme ie me fen bien aife de voflre
uerer iufques à la lin. Hooper, de fon conllance pour vollre grand bien &
collé, les exhorta inllamment auffi de profit , ainfi fuis-ie bien defplaifant
vouloir prier Dieu pour lui. Ainli donc pour l'amour de nos autres frères,
eftant Hooper mené par la grand"- lefquels n'ont encore rien goullé des
filace, fut baillé en la garde du Geo- maux que nous endurons en partie en
ier, où il demeura fix iours entiers.
Ce temps durant , nul fi hardi de fes celle prifon, en partie d'autres plus
grief*, fauoir-ell du feu par lequel il
femé bruit
Faut que
Combat de amis ne l'ofart aller voir; mais au lieu nous faut palTer. Et toutefois i'enten
Hoopcr cp
d'eux, Boner, Euefque de Londres, quelque bruit s'efire leué de moi ,
Chadfée, Harpsfild {}), auec quelque comme fi lean Hooper, après auoir i'eltoit dcdit.
prifon. peu de mefme farine , le venoyent tant paffé de tourmensen prifon, après
trouuer par fois , pour le ployer A
tant de molefics iSt trauaux pour l'a-
flefchirà leur polie, par auertilfemens, mour de Chrill , finalement après la
allechemens , promelTes & flatteries , condemnation par laquelle il ell iugé Hooper*
I
Kyngrton. Kyngfton (i) , cheualier, lequel ayant cient ma première vie. » Hooper ref-
pondit : « Si Dieu , par fa grâce &
par
elle per, le pafi'é grand ami de
dement Hoo- mifericorde , vous a fait ce bien , que
lors par comman & lettres
expreffes de la Roine , fut contraint vous foyez deuenu meilleur par mon
de faire comme les autres. Entré qu'il moyen , ie lui en ren grâces immor-
fut dans la chambre , il le trouua en telles; finon , ie prie que vous le de-
prières , & ayant ietté les yeux fur ueniez. » Or, après ces propos, ainfi
lui, les larmes commencèrent à lui
qu'ils vouloyent prendre congé l'vn de
tomber. Hooper ne le conut pas, iuf- l'autre , tous deux fe prindrent ;\ pleu-
qu'à ce qu'il lui dit : « Comment ne rer ,& Kyngfton plus abondamment.
conoilTez-vous pas Antoine Kyngrton,
voftre ami .' » « Maintenant que ie Hooper
fons où illuiauoit
protefta
efté ,qu'en tantluideeftoit
rien ne pri-
vous auife, » dit Hooper, « ie vous aduenu fi grief, qui euft peu tirer au-
reconoi afTez , monfieur Kyngfton , & tant de larmes des yeux, ne fentir au-
fuis bien aife de vous voir en fanté & tant de douleur du cœur.
en loue Dieu. » « Et moi, » dit Ce mefme iour, après difné , vn Vn garçon
Kyngfton , « ie fuis marri de voftre ieune garçon aueugle, après grandes aueugle vient
à Hooper.
inconue nien
a amené ici ;pour car vous
i'entenfaire
qu'on vous ;
mourir prières , impetra finalement des fer-
geans de parler à Hooper. Il auoit
mais (helasi) confidercz, ie vous prie, efté peu auparauant détenu prifonnier
combien doit eftre chère la vie, &, au pour la vraye dodrine (i). Hooper
contraire, combien eft rude la mort.
Par ainfi, puis que vous pouuez viure,
faites-le. La vie vous pourra encores (0 II se nommait Thomas Drowry et fut
lui-mèmo brûJL- le 5 mai iîÇ6. Il en est fait
feruir A aux autres. » « le confeft'e , menlion au livre VII de V Histoire des Mar-
tyrs, dans la notice intitulée : Plusieurs Mar-
(I) Sir Anthony Kingston, knight. tyrs exécutez en Angleterre.
lEAN HOOPER. II7
ayant efprouué fa foi & conu la caufe
icelle doftrine, & (félon l'inconftance
pourquoi il auoit eflé mis en prifon, de plufieurs ) tenir pour fauffes les
le regarda ententiuement, & pleurant,
Les paroles lui dit : " Mon enfant, noflre Seigneur choies vrayes que i'ai annoncées, i'ai
de Hooper à efté, par ordonnance & commande-
t'a ofté la veuë des yeux corporels, & ment de la Roine, ici enuoyé pour en-
l'aueugle. ce pour une caufe fecrette , laquelle
durer l'opprobre de mort au milieu de
nul ne conoit que lui feul ; toutefois vous, afin que, tout ainfi comme ie
lui-mefme t'a redonné des yeux d'au- vous ai eu iadis difciples d'icelle doc-
trine ,ie vous aye auffi maintenant
tant plus excellens
ton ame de la lumière: c'eft dequ'il
foi,a &doué
de pour tefmoins de ma mort , & de la
vraye intelligence. Ce bon Seigneur perfeuerance que Dieu me donnera ,
face, par fa mifericorde & bonté, que pour confermer, parle dernier argu-
tu rinuoques continuellement, à ce ment de mon fang , ce que ie vous ai
que tu ne perdes iamais ces yeux, de
enfeigné. Et pource que i'ai oui main-
peur que , par ce moyen , tu ne de- tenant par ces miens conducteurs (lef-
uienes quels ie remercie pour la bénignité &
Apresaueugiecela, vnde autre
corpsfuruint,
& d'efprit.
lequel» humanité de laquelle ils ont vsé en-
Hooper conoilToit eftre Papifte, qui uers moi par le chemin) que ie fuis
faifoit femblant d'eftre marri de telle mis en voflre garde & fous voftre
La refponfe calamité, en lui difant : « Monfieur, ie charge pour eftre demain bruflé, ie
fuis marri de vous voir en tel eftat. » Hooper fe
qu'il fit à vn difpofant à la
hypocrite. Hooper lui dit : « Comment , de me vous prie que vous m'ottroyez
chofe félon voftre debonnaireté & vne mort, prie
humanité , que vous faciez tellement eftrebruflé. tort
bien
voir
« De ainfi
vous ? voir
» L'autre
en ceftluieftat
refpondit
mifera- : apprefter le feu , que ie fois bien-toft
ble ; car i"ai entendu qu'on vous a ici defpefché. Au refte , ie me rendrai
amené pour vous faire mourir. » Hoo- obeyffant à tout ce que bon vous fem-
per loi dit : « Soyez pliiftoft fafché de
vous mefme & de voflre infidélité ; car blera ; que fi vous voyez que ie m'en
deftourne aucunement, faites feule-
quant eft de moi , ie m'eflime bien ment figne du doigt, & i'acquiefcerai.
porter, veu qu'il ne m'eft grief d'en- l'eulTe bien euité cefte neceffité de
durer la mort pour le Fils de Dieu. » mourir , fi i'eutTe voulu receuoir les
En cefle mefme nuid, les gardes
conditions de vie qui m'ont efté pro-
ayans pofees , comme vous fçauez. Mais
ordonné,faitmandèrent
félon qu'il leur auoit
à lenkin elle
& Bond, pource que cela ne conuenoit à mon
preuofts de Gloceftre (i), qu'ils deuoir, & encore moins eftoit expé-
fent la charge du prifonnier , & prinf-
ainfi dient pour voftre édification , ie fuis
s'en defchargerent. Lors ceux-ci, auec ici volontairement , preft à endurer
le Maire de la ville & autres de la iuf- pluftoft toutes oppreffions que défaillir
tice, vindrent au lieu oij efloit Hooper, à voftre falut & édification. Et ai
& à la première abordée, le faluerent, bonne efperance que cefte fidélité que
ie vous doi, me deliurera demain de
& lui baillèrent les mains l'vn après
l'autre, aufquels ce fainft Euefque telle forte, que ie mourrai fidèle fer-
parla en cette manière : uiteur de Dieu, & fuiet à la Roine. »
Les paroles « Monfieur le Maire, ie vous mer-
aux Maire
& eonfeillers cie grandement, & tous ces bons fei- Ceste harangue caufa vne raer-
de la ville. gneurs qui font ici auec vous , de ce ueilleul'e trifleffe es cœurs prefque de
que vous auez daigné me donner la tous, & plufieurs ne fe pouuoyent con-
main. Cela me donne quelque matière tenir de larmoyer. Cependant les
de ioye & affeurance que voftre bonne deux Preuofts fe retirèrent vn peu à
volonté & charité ancienne enuers
part, & prindrent confeil enfemble de
moi n'eft pas encore du tout amortie. tranfporter Hooper en la prifon com-
Cela auffi me fait eftimer que la fe- mune , que l'on dit de la porte de
mence & dodrine de l'Euangile n'eft Septentrion, ou du cofté de Bife (i).
point encore eftouffee en vous , la- Mais les condudeurs , officiers de la Vertu eft
admirable aux
quelle, auec grand labeur, i'ai femee, Roine, ne pouuans endurer cela,
lors que ie faifoi encore office de Paf- firent inftance aux Preuofts de ne pro- plus barbares.
teur entre vous. Et pource que ie ne céder en façon fi rude enuers leur
veux point maintenant contreuenir à
Euefque, & remonftrerent comment
il s'eftoit monftré doux & bénin tout
(i) Foxe désigne Jenkins et Bond comme
les shérifs de Gloucester.
(i) Northgate.
ii8 LIVRE CINQUIEME.
le long du chemin ; & quand ils ne tions de l'églife Romaine , ie fuis ici
trainé au fupplice. » 11 eftoit veftu de
lui donneroyent au'vn enfant pour le la longue robbe de fon hofte, laquelle
mener, il ne faudroit qu'ils craignif- il lui auoit prefté, & auoit vn chapeau
fent. Que s'ils en ont quelque doute
ou crainte , ils s'offroyent d'employer fur la tefle, & s'apuyoit sur un baf-
toute celle nuid à le garder, pluf- ton , à caufe d'vne fciatique qu'il
toft que de le voir emmener en cède auoit gaignee en la longue détention
des prifons. Apres cela, defenfe lui fut
prifon. Finaleme nt, il fut conclu qu'on
oit gens faite de ne parler plus au peuple , à
commettr fuffifans pour le gar-
der au logis où il elloit. Hooper pria quoi il rendit obeilTance , fans fonner
mot ni aux vns ni aux autres ; feule-
qu'il lui fuft loifible de fe coucher de ment il iettoit les yeux tantofl fur le
bonne heure ccfle nuid-la , d'autant
qu'il auoit plufieurs chofes en mé- peuple faifi de triftclTe , tantoft il les
efleuoit aux cieux. Et comme aucuns
moire, lefquclles il eut bien voulu re-
mettre en fon entendement à part foi, ont tefmoigné , on ne le vid oncques
en y méditant. En celle forte , il fc auoir la face plus ioyeufe ne plus ver-
coucha à cinq heures , dormit & re- meille qu'il l'eut tout ce iour-la qui
pûfa alTez bien au premier fommeil , lui eftoit ordonné pour mettre fin à
félon fa courtume , & le furplus de la fes angoiiïes. Quand il fut venu au
nuid fe paffa en oraifons & prières. lieu deftiné pour le martyre , premiè-
Se leuant au matin, requit que dere- rement ilregarda comme en foufriant
le pofteau où il deuoit eftre attaché,
chef ilfuft à part, & qu'il lui full loifi- & le bois & la matière qui eftoit là
ble de demeurer feul iufqucs à l'heure
du fupplice. Sur les huid heures , le aman"ee. Ce lieu eftoit vis à vis du
feigneur 1 ean Bridges, auec grand nom- temple & collège des preftres, auquel
bre de gens armez, Antoine Kyngrton, Hooper auoit acouftumé de prcfcher
Edmond Bridges. & autres députez par au peuple, &-à la ronde tout eftoit
1
la Roine, commandèrent que Hooper couuert & rempli de gens qui ef-
fe preparaft à la mort. Incontinent les toyent là venus pour regarder. Là
auffi eftoyent les preftres , qui de la
Preuorts l'amenèrent, & auffi tort qu'il
tour prochaine au temple regardoyent,
vid la troupe de es gens armez d'efpees,
arcs & hallebard , il dit aux Pre- prenans plaifir à ce fpedacle. Cepen-
uorts :« le n'ai point commis crime dant ce Martyr de Jefus Chrift fe pré-
de lefe maierté contre la Roine , &
pare au dernier combat, pour furmon- La mort
rnier cnne
dernier cnnem
ne lui aidepoint patience la mort fon dernier
befoin faireeflé rebelle appareil
(1 grand ; & n'elloit
de ter par
ennemi. la Il fe mit à genoux pour prier; à vcincre.
(S: quand & quand fixou fept de fes plus
gens armez
uez fait contreement
command moi. Sifeulemen
vous m'euf-
t de familiers amis mirent auffi les genoux
en terre, arroufans de larmes, & apro-
paroles,
de bois, de ie vousm'aller ietter
euffe obéi.fur» ceOr tas
la
chans le plus près qu'ils pouuoyent
Grande mul- multitude qui ertoit là alTemblee , ef-
titude pour le de leur Euefque , afin qu'ils entendif-
voir brufler. toit enuiron de fept mille hommes. fent les paroles de fon oraifon. Sa
Plufieurs d'entr'eux eftoyent venus au prière eftoit comme vne méditation
marché, mais la plufpart y eftoit pour fur le Symbole, en laquelle il demeura
voir celle tragédie. Hooper, iettant prefque vne demie heure. Cependant
fes yeux fur celle an"emblee , dit à que Hooper faifoit fon oraifon à
ceux qui ertoyent près de lui : « Hé- Dieu, vn ieune homme fe prefenta
las !il fe peut faire que celle compa- deuant lui, lequel (comme depuis on
Pardon
gnie efl ici efperant qu'elle orra quel- a penfé) eftoit enuoyé de par la enuoyé de la
que chofe de moi comme de couf- Roine Roine.
tumc ; mais maintenant, on m'a oflé tre fur, le
auecfcabeau
lettresdeuant
qu'il deuoit met-
le pofteau,
toute faculté de parler , combien que par lefquellcs pardon pour fauuer fa
i'ertime que la caufe de ma condamna- vie lui eftoit propofé. Alors Hooper
tion ne vous foit point cachée. Quand dit : " Si vous m'aimez & mon falut ,
ie faifoi entre vous office de Palleur, oftez-moi ceci. » Et derechef répétant
ie vous inflruifoi en la pure tt falu-
ce
" Simefme
vous propos,
defirez illes'efcria
falut ,dedifant
cefle:
taire doârine de l'Euangile, & main-
tenant pource que ie ne veux reprou- ame , oftez-moi ceci. » Le feigneur
uer contre ma confcience la dodrine Jean Bridges, dont a eflé parlé ci
que ie vous ai enfeignec & publiée , delTus , ayant la principale commiffion
nt .• confentir ou foufcrire aux tradi-
de cefte exécution, & voyant qu'il n'y
lEAN HOOPER.
détention des prifons , lui mefme re- du feu On apporta donc derechef
ferroit de fes propres mains le bas de d'autres fagots (caria paille & les faf-
cines de canes efloyent défia faillies)
fon ventre , iniques A ce qu'on euft
peu fiîire venir la chaine à fon poind. lefquels, d'autant qu'ils efloyent fecs,
Ces bourreaux tafcherent de faire le brullerent facilement; mais ils attei-
femblable à fon col ; mais ils s'en dé- gnirent feulement aux parties baffes,
portèrent ,voyans que le poure pa- à l'endroit defquelles ils auoyent eflé
tient refifloit à cela, trouuant eflrange mis; & le feu n'auoit gueres touché
vne fi eflroide liaifon de tant de chaî- aux parties hautes du corps, finon
nes. En cette forte donc, ce faind
qu'il
comme apparoiffoit
lefché enque la flamme
pafTant & vn auoit
peu
Martyr de noflre feigneur Jefus, preft
à cllre offert en facrifice , fut eflcué bruflé l'vne de fes oreilles auec la
debout regardant toute la multitude peau prochaine. Cependant ce faind
qui eftoit iàprefenteen ce piteux fpec- Martyr en ce fécond feu fe porta pai-
tacle de fon Euefque. Il efloit d'affez fiblement comme il auoit fait au pre-
mier : & fe ferrant en foi-mefme,
grande (lature, & d'auantage il yauoit demcuroit ferme comme celui qui
vne fcabelle fous fes pieds, en forte
qu'il pouuoit voir & eftre vcu facile- n'euft point fenti de douleur, priant
ment de tous. On conut lors facile- en cefle façon : « O Seigneur Jefus,
Fils de Dauid , aye pitié de moi, &
ment de quelle
& vertu tous efl
enuers force hommesce ,
lesl'innocen reçoi mon ame. »
Or , quand ce fécond feu eut eflé
moyennant toutefois qu'ils foyent hom- ainfi confumé , il efTuya fes yeux de
mes, & non point be/les.
SvR ces entrefaites , ainfi que ce fes mains, & regardant le peuple , dit
faind perfonnage auoit les yeux efle- d'vne voix affez baffe : « Hommes
uez au ciel, priant à part foi, le bour- frères, pour l'amour de Dieu , appli-
reau qui le deuoit brufler fe mit en quez ici plus de feu. » Cependant, du-
auant, & lui demanda pardon. Auquel rant ce temps-la, les iambes & le gras
ce vrai Pafleur dit : « Pourquoi te des iambes lui brufloyent, & les autres
parties prochaines, car comme il a eflé
pardonneroi-ie , veu que tu ne m'as dit, il y auoit fi peu de fagots, que le
point offenfé que ie fâche? » Et le
Dourreau lui dit : << Helas! mon fei- feu ne pouuoit atteindre iufques au
gneur, il m'est ordonné de mettre le plus haut du corps. D'auantage, entre
feu. >' Et Hoopcr lui refpondit : <( Il fes pieds &, la terre y auoit affez lon-
n'y a nulle offenfe en ceci. Je prie au gue efpace, ce qui lui tourna à grande
Seigneur qu'iloffice.
te pardonne fafcherie. Il y eut vn troifiefme feu
rant fai ton « Alors ; on
au demeu-
ietta au adiouflé , vn peu plus afpre & véhé-
tour de lui des fafcines de rofeaux ou ment que les deux premiers ; mais il
canes humides, lefquelles ce bon per- ne profita gueres pour le faire pluftofl
fonnage empoignant deux à deux de
mourir, ou pource qu'il efloit mal mis,
fes propres mains, premièrement les ou pource que le vent contraire oftoit
baifa , puis après les agença fous fes la vertu. Derechef ceft heureux Mar-
deux ailTelles, i^' quand & quand faifoit
figne de la main où il faloit cntaffor les voixtyr plus
en ce troifiefme feu :inuoqua
haute, difant d'vne
« O Seigneur
autres. Quand le bois & les fagots eu- lefus, aycs pitié de moi. O Seigneur
rent ainfi eflé acouftrez , commande- lefus , reçoi mon efprit. » On ne
ment fut donné de mettre le feu. Mais
l'ouit
face lui plusfufi
parler, & combien
deuenue que laà
toute noire
pource qu'il n'y aucit gucres de ces
fafcines, affauoir feulement la charge caufe de la grande funiee , & que fa
de deux cheuaux , ce qui efioit là de langue auffi fufi tellement enflée &
bois fec print plus facilement le feu :
& fut prefque dutout confumé & roide qu'il n'eufl peu proférer vn feul
bruflé auant que la flamme fufi parue- mot , tant y a nciuitmoins qu'il remuoit
nue iufqiies au plus haut. Et finale- fes leures , autant qu'il lui efloit pof-
ment le feu faifit les fagots qui le cou- fible, iufqu'à ce qu'elles auffi furent
uroyent par delfus , & commencèrent referrees par l'ardeur du feu , & la
peau reflreinte. Il ne lui refloit plus
auffi à flamboyer , mais le vent qui
qu'vne chofe , an"auoir
continuellement qu'il dufrappoit
fa poitrine poin ,
Horrible efloit véhément ce iour la , chan"oit A
fpcancic du toys propos la flamme de l'endroit de tant que l'vn des bras lui tomba bas.
^dcHoTpcr" '« 'eflc A des efpaules. lefquelles Et iufqu'à ce que les liaifons des nerfs
parties à grand'peine furent^atteintes fulfent coupées du feu , il continuoit
121
DAMIAN WITCOQ , ROLAND TAYLOR.
tionEn encelatemps,
ville des'efleua
Mons vne perfecu-
en Hainaut; Il y a en cefle hifloire grande variété
de procédure & interrogations diuer-
ou plufloft , celle
tion éeen qui de
la mort eft Jean
ci defl"us
Malo men-
(2), fes, qui de coup à autre furent pre-
fentees à ce perfonnage durant fon
continua trefafpre contre les fidèles,
emprifonnement ; par lefquelles on
à l'occafion de certaines affemblees pourra facilement cognoijlre les grâ-
que faifoyent les fidèles en ladite ville,
ces finguUeres que Dieu auoit mifes
pour ouyr la parole de JDieu. Vn iour
qu'ils efloyent en la maifon d'vn or- en ce vaiffeau , pour s'en fcruir au
feure. nommé Damian Witcoq, pour temps
tre auffi diuers qu^autré de nof-
mémoire.
prier Dieu . il y entra vne ieune fille,
coufine dudit Witcoq, laquelle, ayant
donné quelque apparence de pieté , Av mefme temps, & fous la perfe-
fut enfeignee en la pure vérité ; mais cution de Marie, Roine d'Angleterre,
enuiron deux ou trois iours après fut Roland Taylor , dodeur en droid ,
diuertie par aucuns; fi qu'eftant ap- miniftre de ï'Eglife de Haldey en la
(i) Crespin reproduit presque littérale- (i) Sur Rowland T.iylor, voy. Foxe. t. VI,
ment le récit d'Hasmstede. Voy. Troisième p. 676-70;; Harleian Mss , n" 421, art. 21.
partie
(2) du recueil
Page des Martyrs (1556), p. 577. Crespin
54, supra. Cette notice figuremaisdéjà
de 1556, trèsdans l'édition de
abrégée.
122 LIVRE CINQUIEME.
Duché de Suffolc (i), homme de gran- liuret a fait grand profit. Puis après
de érudition A pictt.\ ayant elle conf- vn autre liure (1 ) a elle mis en lumière,
fouz le nom & authorité du Roi
titué prilonnicT. fut examiné par plu-
ficurs fois de fa foi. Gardincr, ci Edouard, Prince digne de grande
dcITus nommé, Chancelier d'Angle- louange, it pour lequel nous rendons
terre, lui fit fon procès auec l'Eucfqiie grâces immortelles à Dieu; & cela
de Dunelme, & Burne, premier fecre- n'a point elle fait fans le confente-
taire. En premier examen, il l'aborda ment & approbation des plus fauans
Harantrue en la manière qui s'enfuit : G. " Nous Théologiens ; & outre cela, le liure a
du Chancelier auons efté d'auis qu'entre autres tu eflé emologué (2) par arreft de tout le
' "y °' fulTes ici appelé des premiers, afin que Parlement. Or combien que ce liure
tu puilTes louyr auec nous de la faueur
& mifericorde de la Roine, laquelle ait elle reueu & reformé (qui n'a elle
qu'vne feule fois) . neantmoins cefle
t'ell maintenant prefentee & offerte, reformation vnique a eflé fi pleine &
moyennant qu'en te releuant de celte parfaite, tt fi bien & fi proprement ra-
cheute commune & mortelle (en la- portee à la pureté de la religion Chref-
quelle nous auons eflé prefque tous tienne, qu'il peutdefacilement contenter&
enuelopez. & de laquelle nous som- la confcience tout Chreflien
mes derechef tirez par vn bénéfice fidèle, fans y lailTer aucun fcrupule.
fingulier de Dieu , ou plufloft par vn Et c'eft de cefte reformation dont ie
miracle) tu vueilles élire réduit en- veux parler. >i G. » As-tu iamais veu le
femble auec nous , & reuenir au bon
chemin; autrement, fi tu refufes cefle liure que i'ai fait des Sacremens(;) ?»
Le liure de
T. " Oui, ie l'ai leu. » G. « Que t'en
grâce & pardon volontairement offert, femble ? )■ Sur cela vn des CommilTai- Gardiner.
maintenant on te fera ton procès ainfi res loua de flatterie impudente cefte
que tu mérites. » T. « Mon feigneur, demande du Chancelier, difant :
fe releuer de cefie façon, c'eft tomber « Mfin feigneur , cefte demande que
d'vne cheute grieue & mortelle; c'eft venez de faire , a efté fi bien à propos
choir de; Chrift pour cfl
tomber fur l'An-& que rien plus. Car ie peux bien aire
techrirt ma railbn là arreftec ceci ouuertement, que ce liure a fermé
fuis refolu fur ce poind : que la forme la bouche à tous ces gens-ci, & les
de religion que le Roi Edouard a in- rend du tout muets. » T. <( Ce liure
troduite, conuient à la fainde parole (comme il femble) contient plufieurs
de Dieu, & aux inftitutions des ancef- chofes efloignees de la vérité de
tres. Parquoi ie ne pourroi iamais Dieu. » G. « Que faut-il que ie parle
fouffrir d'eflre dellourné d'icelle, tant plus auec toi } tu es homme qui te
qu'il me fera donné de viure ici bas méfies de toutes chofes. Tu es vn fot
au monde , moyennant la grâce du & babouin ignorant. » T. « Jaçoit Les mefchans
Seigneur lefus. » Bv. « Quelle or- que ie ne me metteau rang des fauans, ne peuvent
donnance de religion entens-tu ? Car porter vérité,
tant y a que ie ne fuis pas fi mal
quand clic les
cenfurc.
tu
de fais qu'ildiuin
y auoit
du plufieurs
temps dusortes exercé,fieursque ie n'aye leu,
feruice Roi fois& iufquesau bout, voire plu-
les liures
Edouard ; & entre tant de diuerfes ef- de la fainde Efcriture ; item les œu-
peces de religion , il y en auoit vne ures de S. Auguftin , de S. lean
fous le nom de Catechifme, mife en
Chryfoftome , d'Eufebe, d'Origene,
auantpar l'ArcheuefquedeCantorbie. de Grégoire Nazianzene & autres,
Eft-ce de celle-là de laquelle tu entens voire & les liures du Droit Canon.
parler , à laquelle tu te fois rangé ? » Et ma profeffion eftoit de lire en Droit
Catéchisme de T. « Vrai ufl qu'icelui a traduit vn pe- ciuil ; comme* vous-mefme , monfieur
luflus lonas. ,;, Catéchisme compofé par luMus le Chancelier, en faifiez profeffion par
Jonas (2); & combien qu'il n'en full ci-deuant. » G. " Tu as peu auoir leu
K
point l'autheur, toutefois il lui a fem-~
o\é bon de le propofer aux Eglifes en
(1) Il s'agit des deux Semice Bocks
fon propre nom; A- pour certain, ce d'Edouard VI , publiés en 1548 et 1552.
(2) Homologué.
(i) Ce livre de Gardlner est celui qui porte
(1) Hndicv riçui de hnnnc heure l'Evangile le litre suivant : Con/iitalio cavillationum ,
par la pridicaliDn de Thomas Bilney. dont
le martyre est racmié plus haut , 1. I, p. J79. qiiihiis sacrosanctiim Eucharisliic sjcrcimcn-
tiim ab impiis Cafhaniaiiis imfcti sclcl. Ce
{2} Le Catéchisme de Jusius Jonas fui en livre fut publié en 15(4. pcul-êire même en
elTcl traduit du latin en anglnis , ci publié , IÇ52. Criinmer se préparai! îi y répondre,
en
Il a H48. par les soins
été réimprimé de l'évéquc
à Oxford Cranmer.
en 1B29. maispublia
en In mon
une l'en empêcha.
réfutation Pierre Martyr
en tS59.
ROLAND TAYLOR.
M.D.LV.
toutes ces chofes , mais c'a eflé d'vn fe puifl'e marier, fi bon lui femble,
iugement corrompu. Au refte, quant à
après la mort du teftateur ; & d'auan-
ma profeflion, c'eft la fainde Théolo- tage, ie penfe que*le ferment n'a gue-
gie, en laquelle matière i'ai mis en res plus d'eflicace à obliger leur foi à * L. adigere
lumière plulieurs œuures. » T. <- Il eft Dieu, que les vœus Papiftiques. Et es
vrai ; mais vous auez compofé vn Hure * Digeftes il y a vne prouifion prefque A ut. de iure
G..rJiner a
efcril de la entre autres , qui eft intitulé De la femblable pour les filles & femmes
férues & efclaues : Que fi quelcun a
^ra\^ obeif- vraye obeiffance ( i ) ; à la miene volonté patronatus.
fance
que tous vos autres liures fuffent cor- afranchi fa feruante fous cefte condi-
refpondans à ceftui-la. » G. « Pluf- tion, qu'après l'afranchilTement elle ne
toft tu deuois parler de ce petit liure
fe puift"e marier, fi eft-ce qu'elle n'eft
que i'ai fait contre Bucer, touchant le point empefchee par vne telle obliga-
mariage des Preftres, mais quelque tion de fe ioindre à quelqu'yn par
chofe qu'il y ait, ie fai bien que tels mariage, &c. » G. « Tu difois qu'il
liures ne font gueres agréables à ceux efloit permis par les loix diuines aux
de ta fede , qui defia de long temps Preftres de fe marier; par quelle forte
auez des femmes efpoufees. » T. « Je de preuue nous pourras-tu conueincre
confelTe voirement que ie fuis marié, en ceft endroit? » T. « Les paroles de
fainâ Paul en la première Epiftre à I. Tim. 3. 2. (
Dieu m'a
& que mariage baillé neuf enfans en Tite I. 6.
faind , auquel ie ren grâces Timothee, & en F Epiftre à Tite font
immorte lles & de bon cœur, comme tant claires que rien plus; aufquels
à celui qui eft donateur de tous
ment il parle
lieux du ouuertement
mariage & exprefl'é-
des Preftres, Diacres
biens ; au contraire, quant à cefte vof-
tre doftrine , & ce que faites profef- & Euefques. Outre plus, S. Jean
fion de condam ner le le mariage, i'ofe Chryfoftome
déclare fur le pafl"age que
auffi ouuertement, de Tite (i)
le faind
2. Tim. 4. bien affermer après fainft Apoftre ,
que c'eft vne doftrine des diables, Apoftre aprouuant là le droit du ma-
comme diredement répugnante non riage, ferme la bouche à tous les hé-
feulement aux loix & ordonnances rétiques quirépugnent & contredifent
diuines , mais auffi à la nature com- aux mariages légitimes. " G. « Tu at-
mune, au Droit Ciuil , voire & au tribues fauffement à faind Jean Chry-
Droit canon, aux Conciles généraux, trôuuera aucune-
aux traditions & ordonnances des ment enfoftome
toutesce qui ne fes feœuures; & cela eft
& finaleme
Apoftres, Docteur s orthodo xes. n» des
nt à l'opinio félon la façon commune & à l'exemple
anciens D. de vos gens, qui n'ont point de honte
Obieflion de
« Tu difois n'agueres que ta profeffion de parler à fauft'es enfeignes des fainc-
l'Euefque
Dunelme. de eft de Droit ciuil, auquel les Inftitutes tes Efcritures & des anciens Doc-
font comprifes; ie penfe bien que tu teurs de TEglife. Ne difois-tu pas
auffi que le Droit canon aprouuoit le
n'ignores pas qu'entre les loix de Juf-
tinian cefte-ci eft entre autres, de pren- mariage des Preftres r ce qui eft faux
dre le ferment des Preftres ; par le- & contre toute vérité. » T. » Il appert
quel tous ceux qui ont intention de fe par les Décrets, que les quatre Con-
faire Preftres, lurent que iamais aupa- ciles généraux, an"auoir de Nicee, de Difiinc. iç.
rauant ils n'ont eflé liez par mariage ; Conftantinople , d'Ephefe & de Cal- cap. Sicut.
& en ce lieu-la il allègue le Canon & cédoinefont
, d"auffi grande authorité
Cod. de indiUa ordonnance des Apoftres. » T. « H ne
viduitate, que les quatre Euangeiiftes. Puis donc
cap. Ambigui- me fouuiènt point qu'en toutes les loix que ces Décrets mefmes, qui font te-
tales, &ff. de de Juftinian il y en ait vne telle. Je fai nus pour la principale partie de toutes
cond. & les loix & ordonnances des Papes,
bien qu'en quelque part Juftinian fait
demonjt. L. 22. cefte ordonnance : Si quelcun par tefmoignentque le Concile de Nicee,
droit de teftament laiffe quelque chofe â la perfuafion de Paphnuce (2), ra-
à fa femme, à condition qu'elle n'en- tifia que les mariages des Preftres ef-
tre point en fécondes nopces. & fi ou- toient légitimes; pourquoi ne dirons
tre cela il prend ferment d'elle pour nous que le mariage des Preftres eft
plus l'eure confinration de la foi de fa eftablipar le droit canon & authorité
promefl"e: cefte condition. & mefme le des Papes, comme vne chofe legi-
ferment, ne doit empefcher qu'elle ne
(1) Chrvscstome, Hom. II, in Ep. ad
(i) Ce traité en latin. De vera obedientia, Charnier, Panstratta
Titum, cap. i. Voy. n, g 18.
était favorable aux prétentions du roi d'être CatlwUca, t. 111, lib. XVI, cap.
le chef de l'Eglise d'Angleterre. (2) 'Voy. la note de la p. 102 , supra.
124
LIVRE CINQUIEME.
vne "fois illuminez en la conoilTance tre fort au Seigneur, l'appelant par plu-
lieursfois : " Bon palleur expofant fa
fpirituclle d'icelui , gardez-vous de vie pour fes brebis. » On le ietta de-
pécher, contreAnjjiois, l'on laind Elprit, par dans le feu , & mourut heureufement
lequel, vous elles appelez à
la celefte conoilla nce. Or le Dieu de au Seigneur, le 22. iour de Januier
M.D.LV.
toute grâce t^; conloiation vueille inf-
pirer A multiplier en vous fon bon Ef-
prit, auec toute fapience fpirituelle,
mefpris de ce monde & defir des
biens celelles , afin qu'ellans de plus
en plus enflammez dvn vrai zèle, vous Wavldrve Carlier (1) , Hanuyere.
defdaigniez les ordures de l'Antechrill
& afpiriez de bon cœur à celle féli- De cejl exemple & autres pareils, nous
cité qui conlille en la focieté du Sei- pouuons conoilhe que les cruaule\
gneur lefus »S: de fes (ideles , à la- des aduerf aires , non feulement don-
quelle icelui nollre Seigneur & fandi- nent auaneement au cours de la parole
ncateur de tous , le Fils de Dieu ,
noftre feul aduocat Jefus Chrift , nof- du Seigneur, mais auj'fi que leurs
tre vie , iullice & rédemption , vous prifons feruent d'ej choie à plujieurs,
face paruenir. Amen. Priez, priez. Le qui autrement nejloyent que petite-
tre\. ment & mcdiocremcnl inllruits en la
tout voflre, Roland Taylor, décé-
dant de celle vie prefente auec vne vraye religion , quand ils y font en-
certaine efperance de iouyr de la vie
éternelle & bien-heureule. Ce 5. de
Feurier m.d.lv. Cependant que les ennemis de
l'Euangile tonnent de tous collez tant
Pev de iours après que ces chofes horriblement contre le troupeau du
furent faites , ce tefmoin du Fils de Seigneur par edids foudroyans , il y
eut vne femme velue en la ville de
Dieu fut mené, par quelques officiers
de la Roine, de Londres à Hadley Mons en Haynaut , nommée Waul-
drue Carlier , qui fut emprifonnee
(qui ell vne petite ville de SulTolc, où
il auoit elle minillre de la parole de pour les mefmes elîeds & caufe que
La fin que Damian Witcoq ci deuant dit. Le
le Seif;neur Dieu)min,pour y élire bruflé. Par le che-
donna à Pleaumes furent chantez es lieux plus grand poind de fqn accufation
Taylor. où il palVoit cS: ceux qui le menoient tirent que les luges lui inettoyent au deuant,
pour la condamner à mort , elloit
la plus grande diligence qu'ils peurcnt,
de partir de bon matin, craignans que quelle auoit foullenu' en fa maifon
le peuple s'alTembllieu, aft. Quand ils fu- gens lifans les El'critures faiiides , en
rent paruenus au Taylor iettant contreuenant au mandement de l'Em-
fes yeux fur la multitude qui elloit là pereur. Item, qu'elle auoit foullenu
efpandue d'vn collé & d'autre , parla fon tils en fa maifon, fans l'accuferde
à eux en fomme : comme par la pro- ce qu'il lifoit la fainde Efcriture. La
uidence mefme de Dieu il efloit pre- femme (qui n'elloit que petitement
fent au milieu d'eux, pour confermer indruite es premiers rudimens de la
par fa mort iSr fon fang la foi i& la vé- Religion) fe voyant tant inhumainement
rité de la dodrine, en laquelle il les traitée pour auoir fait vn acte laind &
auoit inllruits au Seigneur. Et comme conuenable à tous Chrelliens , fut de
tant plus confirmée en la vérité de
vneperfeuer
il femblabl conllanceer , le
oite d'exhort Gouuer- à
le peuple l'Euangile, & fe difpofa totalement de
neur de la prouince , qui elloit à celle confell'er Jefus Chrill, quelque chofe
exécution, rompit fon propos, lui re- qu'on lui deuil faire. Vn iour, ellant
monllrant qu'il le fouuinll de la pro- deuant les luges, elle loua Dieu de la
melTe qu il auoit faite de ne dire mot.
grâce qu'il lui auoit faite depuis qu'elle
Et il refpondit : " Monlieur le Gou- elloit prifonniere , d'auoir plus apris
uerneur, l'ai lait ce que ic delirui faire,» en celle prifon qu'en nulles efcholes
& incontinent il defpouilla fes habille-
auparauant, & dit haut & clair : « Bé-
all'eurance de
cœur
& auec
mens ,abandon na grande
fon corps aux bour- nit foit mon Seigneur, c'ell pour lui
que ie fuis ainfi traitée. " Sa fentence
reaux. Le peuple efmcu de zèle , le
folicitoit inftamment à prendre bon (1, Wauldrc Carlier. Hasmslcde et Cres-
pin se !>unt servis de la mime source.
courage, & le prioit de s efiouir & ef-
lEAN PORCEAV , LAVRENT SAVNDERS.
(1) Sir
(2) Goodacrc, évoque d'ArmaKh.
John MorJaunt, élevé h la pairie
(1) Fotheringay.
\i) Lichncld. sous lu nom de baron Mordaunl of Turvey,
(J) Elloris. était un des juges de paix du comité d'Essex,
LAVRENT SAVNDERS.
Le chcuaiier vint aborder, le quatorziefme iour fermon tendant à admonnefier & con- m.d.lv.
Mordant taf- d'Odobre , en lui demandant où il al- fermer fon troupeau. L'argument
fon fermon efloit du chap. 11. de dela
béné-
Ser Saunders! 'oit- ficeS. « l'ai ie
,auquel me retire certain
à Londres maintenant , féconde aux Corinth. :« le vous ai con- Le fermon
pour faire office de Pafteurenuers mes
brebis. » M. « Garde toi de faire ce à vu mari,
iointsvierge pour vous prefenter '•'^ Saunders,
vne charte à Chrift , mais ie
que tu dis. » S. « De quelle façon crain que, comme le ferpent a feduit
m"acquitteroi-ie de ma charge qui Eue par fa cautelle , vos fens ne
m'eft commife, & mettroi-ie ma con- foyent femblablement corrompus , en
déclinant de la fimplicité qui eft en
fciencecuns en repos;tombaft
des miens s'il auenoit qu'au-,
en maladie Chrirt, » &c. Ayant commencé par cefle
qui euft befoin & defir de ma confola- matière , premièrement il propofa la
tion fomme de la pure dodrine, par la-
mes ,brebis
ou s'ilfulTent
auenoit qu'aucunes
tirées en erreur de
&
quelle ileft monftré comment les fidè-
les font coniointsà lefus Chrift, &
quelque feruicequiimpur .^ » M. « N'es-
tu pas celui as ces iours partez gratuitement iuftifiez en falut par foi.
prefché à Londres > » & quand & quand Au contraire, il demonftra que la doc-
lui nomma la rue , & l'endroit & le trine du Pape eft femblable à la
iour. S. « Je reconoi cefte paroiflfe fraude & déception du ferpent. Et
pour miene. » M. « Il me fouuient afin que le faid d'icelui fuft euident
que ie fu ce iour la à ton fermon , &
deuant
antithefeles entre
yeux d'vn chacun,doélrines
ces deux il fit vne ,
t'oui prefcher, & maintenant y penfes-
tu encore prefcher ? » S. » Si bon oppcfant la parole de Dieu contre
vous femble de vous y trouuer encore celle du ferpent Papiftique, pour don-
demain , vous entendrez que derechef
ie confermerai par raifons fermes des rencener à entendre
il y auoit entreau peuple quelle
les deux diff'e-
feruices
fainftes Efcritures , au mefme lieu , & les deux fortes de religion. Et com-
tout ce que i'ai enfeigné parci de- paroit le feruice Papillique à de la
uant, &là tous les propos poifon, parmi laquelle on auroit méfié
tenir mefme. » M. qu'on
« Ne m'ale oui
fai
quelque miel pour tromper plus facile-
pas. » S. « Si ainfi eft que par quel- ment ceux qui en boiroyent. Voila
que puilTance ou authorité légitime prefque toute la fomme de cefte pré-
dication.
vous m'empefchez
faut rendre de ce» M.
obéi (Tance. faire, il me
« Je ne 1L deuoit faire vn autre fermon après
le te defen point, mais feulement ie difner au peuple-; mais on lui enuoya
te baille confeil. » Sur ces entrefaites, vn officier qui le cita de comparoiftre
tous deux entrèrent enfemble en la deuant Boner, Euefque de Londres,
La trahifon ville. Mordant, d'vne malice perni- & par ce moyen fut empefché de pref-
de Mordant. (,igyfe , s'en alla droit à l'Euefque de cher. Laurent comparut deuant ceft
Londres pour lui faire fauoir que Euefque, & parla à lui en prefence de
Saunders prefcheroit le lendemain. Mordant. Il fut accufé de trois cri- Saunders ac-
Saunders s'en alla en fon logis ordi- més : de leze maiefté, de fedition , cusé de trois
naire, pour fe préparer à ce qui ertoit
d'herefie.lesBoner
donner deux promettoit
premiers, mais par- crimes,
de luiquant
de fon office. Et auffi tod qu'il y fut
arriué, montrant vne chère plus trirte
àl'herefie, qu'il auoit délibéré de for-
que de coullume, quelcun lui demanda mer procès contre lui, & tous autres
que c'eftoit qui le troubloit? Il ref- qui prefchoyent de cefte manière. Il
pondit : « le fuis pour certain en pri- remonftra
fon, iufques à ce que ie fois mis en Chreftienneque& l'inrtitution de l'Eglife
fidèle, la plus parfaite
prifon, » fignifiant , par cède façon de & aprouuee eftoit celle qui aprochoit
parler, que fon efprit feroit trifte iuf- de plus près du patron de l'Eglife pri-
; ques à ce qu'il fe fuft acquité de fon mitiue , & que l'Eglife de Chrift, qui
fermon , & que lors fon efprit feroit
ne faifoit que naiftre alors, n'auoit peu
en plus grand repos, iaçoit qu'il feuft porter ces charges pefantes des céré-
qu'on le deuoit mettre en prifon. monies & de plus grande perfection,
;• Le lendemain, qui elloit le iour de lefquellesdeuoyent fucceder après. Et
Dimanche , Saunders fit vn fort beau
que c'a efté la raifon pour quoi lefus
Chrift & les Apoftres après lui ont en-
et fut l'un des commissaires royaux dans les duré l'imbécillité de l'Eglile nailTante,
poursuitesH, contre les évangéliques. Il mourut
en 1563. encore rude, n'eftant encore
qui eftoitSaunders
dontee. refpondit à cela fe-
V
I ?o LIVRE CINQUIEME.
ietta bas en terre en toute humilité
Ion le tefmoignage de S. Augustin :
Cérémonies deuant la table où le Chancelier ef-
pourquoi Que les cerenumics auoyent efté pre- toit aflis, lequel lui dit : " Comment
introduites. mièrement intruduiieb pour aides, par
des s'eft fait cela , que tu as ofé pref-
lefquellesla
rudes (oiblefl'e iS:
ell aucunement imbécillité
auancee à mieux
cher publiquement contre l'edit de la Ezech. ). & ))
conoiflre Dieu, & pourtant, que c'ef- Roine ? » Saunders refpondit , qu'ef-
toit vn tefmoignage qu'en la primitive tant admonnefté par le prophète Eze-
Egiife il yauoit plus grande perfedion, chiel , il auoit exhorté fes brebiettes
altauoir que les fidèles n'elloyent con- de perfeuerer confiamment en la doc-
trains ou preiïez de garder telles ce • Aâes 5.
trine receuë , & qu'à l'exemple des
remonies. Et qu'il ne faloit raifon Apoflres , il faut obéir à Dieu pluf-
meilleure pour monrtrer la fuperfti- tofl qu'aux hommes, & que fur tout,
fa confcience le prelToit fort à cela.
tion de l'Eglife Papillique, que celle-
ci , alTaucir que mefme en ce grand G. « 'Vrayement voila vne belle conf-
amas de tant de cérémonies , la plus cience ,mais celle confcience pour-
part contienent blafpheme manifefte roit-elle rendre noflre Roine baf-
ou font friuoles & inutiles. Apres plu- tarde ? » S. « Nous ne déclarons ni
fieurs propos, Boner lui demanda fon ne prononçons la Roine baftarde. Que
Tranffubflan- opinion touchant la Tranlïïibftantia-
tiation. fi on defquels
ceux y vouloit les
auifer,
efcritsc'eft
fontà faire
encoreà
tion, & qu'il la lui donnaft par efcrit.
Saunders lui dit : « le voi que vous entre mains, lefquels rendent tefmoi-
auez foif de mon fang , & certes vous gnage de cela au grand deshonneur
boirez ce dont vous auez foif, & ie prie de ceux qui les ont efcrits. » Il taxoit
noftre Seigneur que vous puiffiez cf- occultement le Chancelier mefme ,
tre baptifé en icelui en nouueauté de lequel auparauant auoit compofé et
vie. » L'Euefque
defiroit, ayant obtenu
vS: fait foufcrire ce qu'il
ceft efcrit de fait imprimer vn liure" intitulé : « De
l'obein'ancc , » auquel il declaroit ex- La vérité
mefchans,
la main de Saunders (c'efl à dire le prelfément Marie élire badarde, pour
courteau dont il vouloit lui couper la gratifier au Roi Henri VI II (i). Saun- picque les
gorge) incontinent le liura à quelques ders donc , pourfuiuant fon propos , mais elle ne
officiers pour le mener au Chancelier. difoit : « Nous ne nous méfions a'au- les guérit pas.
Maisfa maifon,
en pource qu'il n'efloit point
on contraignit lors
Saunders tre choferement,la finon
Parole que
, &d'annoncer pu-
combien que
maintenant on nous défende de la
de l'attendre quatre heures en vne confefler de bouche , toutesfois il ne
chambre , iufqucs à ce qu'il furt re-
faut douter que ci après nollre fang
tourné de la Cour. Cependant qu'il
attendoit , le chapelain de l'Euefque ne laprefche. » Le Chancelier, atteint
Boner paflbit fon temps à iouer au ta- au vif de ces propos, dit ; « Prenez-
blier (i) auec quelques gentils hom- moi ce frénétique, & le menez en pri-
mes, & femblablement plufieurs fup- fon. » S. « le ren grâces à mon Dieu, Saunders fcnl
vne confolation
pofls deà mefme
celle belle de ce que maintenant il m'a donné lieu intérieure.
toyent ieu, & famille
Saunderss'efba-
eftoit de repos pour faire prière pour vous
debout contre vn buffet , & fe tenoit & pour voftre conuerfion. » Or celui
là à telle defcouuertc , & Mordant, qui depuis couchoit en vn mefme lid
qui pour lors efloit de l'ordre du Par- auec lui , a recité qu'il lui auoit oui
lement, fepromenoit.
Conférence Le Chancelier, retournant de la dire
auoit que,
fentipendant qu'on l'examinoit,
vne confolation finguliere,il
entre Gardincr
Cour, rencontra vne grande troupe comme fi vne douce récréation lui fufi
& Saunders.
entrée par tous les membres de fon
de gens plaidans , tellement qu'vne
demie heure palTa auant qu'il entrall. corps iufques au fiege du cœur.
A la fin , il vint en la chambre où ef- Or il fut détenu en celle prifon par
toit Saunders, & de là en vne autre, l'efpace de 1 5 mois , durant lequel
où Mordant lui prefenta vn billet, au- temps il efcriuit fouuentefois à plu-
quel la caufe de Saunders eftoit con- fieurs de fes familiers , comme à
tenue. Quand le Chancelier eut Ieu Crammer, à Ridié, à Latimer, à fa
ce billet , il dit : .. Où est-il .' » Et femme & autres (2), les admonnef-
ainfi on lui amena Saunders , au lieu
auquel on toutes
ner. Auant auoit acouftumé d'exami-fe
chofes, Saunders (i) Allusion au livre de Gardincr sur la
Vraie obéissance. Voy. plus haut, p. 12).
[2) Voy. plusieurs de ces lettres dans
(I) Tablier : (able de jeu. Foxe, t. VI, p. 617. Ciift, 6)0, 6)2-6)6.
LAVRENT SAVNDERS.
151
tant de la calamité publique , des plus i'auans & gens de bien de tous
les voftres, combien que plufieurs en
choqs qu'il auoit l'oullenus contre fes
aduerfaires, comme Wellon (i), du- ces changemens ont tourné vifage. »
quel, entre autres choies, efcriuant à V. " Que dis-tu.'' m'as-tu oui, ou quel-
que autre , iamais prefcher contre le
vn «fien
Le ami recite Wellon
Dodeur ce qui nous
s'enl'uit :
cil venu Pape r » S. « Il y a bien plus , ie ne
voir en la prifon auec maillre Gri- t'oui iamais prefcher , & toutefois ie
moald (2), & s'adrella droit à moi, di- n'ai point cefte opinion de toi,- que tu
fant qu'il me venoit vifiter, me faifant fois plus fage que tant d'autres. » Ou-
de grandes promefl'es & el'perances tre ceci, il y eut bien d'autres propos,
& principalement du Sacrement. Mais
magnifiques,
failbi mais, conte
pas grand voyant, il
quemeie dit
n'en : toi, mon ami, prie Dieu, prie Dieu.»
« Vous autres elles du tout endormis
en péché. » S. » Quant à moi , ie
m'efueillerai, n'ayant en oubli ce que
l'Eglife m'a des longtemps enfeigné : // efcriuit en outre de la prifon lellres
Veillez & priez. » V. « Quelle Eglife à Crammer, Ridlé & Làlimer, en
y auoit-il deuant trente ans ? -> S. partie les exhortant à confiance , en
« Quelle Eglife y auoit il du temps partie les aduertifiant de fa conjlance
&s'enfuit (i). au Seigneur comme il
des autres
du prophète Elie"!* » V. « lane Can-
tienne (3) elloit de voftre Eglife. »
S. « Non eftoit, car les noflres la chaf-
ferent. » V. « Qui elloit donc de Ie vous délire falut de bon cœur,
celle voftre Eglife auant trente ans ? » Pères & Frères honorables en noftre
Seigneur lefus. Rendons grâces à
S. « Ceux que l'Antechrill Romain Dieu immortel & viuant , Père de
& fes complices ont condamnez & re-
iettez pour hérétiques. » V. « le penfe toute mifericorde , de ce qu'il nous a
bien que c'eftoit voirement lean Wi- fait idoines {2) pour participerquià l'hé-
clelT, Thorp , Oldcaftel (4) & leurs ritage des Sainds en lumière, nous
femblables. » S. « Ceux-là & beau- a tirez hors de la puiffance des ténè-
bres & transferez au royaume de fon
coup d'autreses ,hilloires.
eft contenu desquels » leV. catalogue
a Orfus, Col. ;. 5.
Fils bien-airaé, auquel nous auons ré-
iufques ici vous auez en vos prédica- demption par fon fang. O combien
tions, pleines de mefdifances , fait elt heureufe la condition de noftre vo-
iouer vn roolle au Pape tel que vous cation veu
! que d'vne façon incom-
auez voulu, maintenant il louera vn prehenfible noftre vie eft cachée en
perfonnage tel pofllble que vous ne Dieu auec Chrift, à ce que quand I. Cor. i;. 12.
voudrez pas. » S. « Tant plus nous en Chrilt noftre vie fera aparu , nous
faut il élire marris; cependant toutes- aufft aparoiffions auec lui en gloire.
fois ceci nous apporte foulagement Cependant tout ainfi que maintenant
que le mefme eft toufiours auenu aux nous voyons comme par vn miroir en
obfcurité , auffi cheminons-nous par 2. Cor. 5. 7.
(1) Hugh Weston était doyen de West- foi & non par veuë ; toutefois combien
r
minster et recteur
ford. II prêta du Lincoln
un concours actifCollège d'Ox-
à la réaction qu'icelle noftre foi femble eftre légère
& imbecille , félon le iugement des
catholique sous le règne de Marie; mais il
encourut la disgrâce du cardinal Pôle, légat hommes, tant y a que les eleus de
pontifical , en refusant de se laisser expro- Dieu fauentbien que la fin & le poids
prier du doyenné de Westminster en faveur
des ordres religieux, que le légat voulait y de noftre foi eft d'vne gloire fi excel-
installer. Il finit pourtant par y consentir, lente & d'vne félicité fi abondante ,
et reçut, comme compensation, le doyenné que la prudence ou vanité de la chair
de Windsor. Mais il en fut, peu de temps ne la fauroit, tant peu que ce foit, com-
après, dépouillé pour immoralité. Arrêté
au moment où il quittait Londres pour aller prendre par toutes fes opinions & ima-
en appeler à Rome, il fut enfermé à la Tour. ginations. In'y
l a nuls biens que nous
Il en mourir
sortit à peu l'avènement d'Elisabeth, mais ne poftedions par cefte foi , voire tels
pour après (IS)8).
biens que l'œil n'a iarnais veus, ni I. Cor. 2.
(2) Sur Grimoald . Foxe dit que " c'était l'oreille iamais ouis, & ne font iamais
un homme ayant plus de talents que de con-
stance. >'Il mourut à la même époque que montez au cœur de l'homme. Iufques
Weston.
(;) Sur Joan of Kent, voy. VHist. des
Martyrs, t. I, p. 576. Son vrai nom était (i) Cette lettre est un peu abrégée de
Jeanne Boucher.
(4) Ibid., t. I, p. 104, II), ao2. l'original (Voy. Foxe, 'VI . 620).
(2) Propres à (lat. idoncus).
•}2 LIVRE CINQUIEME.
à prcfent nous iuions icnci grande de- le gage de noftre héritage) en rédemp-
Icibiion de voflre prcfeiicc corporelle, tion ,lequel Efprit rend tcfmoignage Rom.8 iç.16.
mais mainienant nous fommes beau- ;\ noftre Efprit, que nous fommes en-
coup plus viuemeni (bulagez de ceft fans de Dieu ; vît pourtant nous auons
allégement que nous receuons de vous receu l'efprit
en efprit , à caufe de vollre perfeuc- crions : Abba, d'aaoption
Père. Ainfi auquel nous
donc, félon
I. Cor. 4. 9. rance au Seigneur , & que vollre foi cefte mefure de don , par lequel en-
refplendil deuant les yeux de tous , femble auec l'Eglife de Chrift & vof-
donnant vn gracieux fpectacle & aux tre pieté, nous auons receu vn mefme
Anges & aux hommes. Ce que de faift efprit de foi (comme il eft efcrit : l'ai pf. 1,6.
nous expérimentons en vous auec creu, & pourtant ie parlerai , & nous
rande confolation, vous mefmes auffi
f.
e pouuez très-bien ellimer à part vous,
auffi croyans nous parlons) ayans vn
mefme combat, nous ne fommes point
afçauoir que les choCes qui nous font eftonnez pour quelque chofe que nos
aduerfaires nous facent. Et pource
auenues font auenues pour l'auance-
ment de l'Euangile, en forte que nos que cefte adminiftration nous eft im-
liens ont elle manifeflez en Chrift par pofee, félon ce que nous auons ob-
tenu mifericorde , nous ne forlignons
toute l'Europe , tellement que plu-
fieurs d'entre les frères au Seigneur point ( I ) & ne fommes point abaftardis,
ont eu confiance , & à caufe de mes ains, félon la mefure de noftre talent,
liens ont pris hardielTe de parler en nous nianifcftons la vérité , fçachans
beaucoup plus grande abondance la bien que iaçoit que nous portions ce
parole du Seigneur fans crainte. Quant threfor en des vailTeaux de terre, que
à ce qui vous touche en particulier, neantmoins nous ne fommes point fou-
combien que Chrill vous foit gain , & lez ne brifez. Nous fommes contrif- 2. Cor. 4.
en la vie & en la mort, (i que vous tez , mais nous ne fommes point def-
tituez ; nous fommes abatus, mais nous
ayez
corps,grand delirauec
& eflre d'élire
Jefusfeparez
Chrill,detant
ce ne pcrilTons point; nous foufifrons toute
y a qu'il vous e(l beaucoup plus ne- perfecution , mais nous ne fommes
point abandonnez : portans toufiours
ceffaire, pour l'attente commune de la mortification du Seigneur Jefus en
l'Eglife, que vous demeuriez encore.
Notez. Et nortre Dieu vous vueille odroyer noftre corps, afin que la vie de lefus
cela par fon Fils lefus Chrifl, à ce Chrift foit auffi manifcftée en noftre
qu'il y ait plus grand profit pour fon chair
fidèle mortelle. Car c'eft
: Si nous mourons auecvnelui,parole
nous 2. Tim. 2.
Eglife & plus grande ioye pour tous
fes fidèles, & que leur lielle abonde viurons auffi auec lui; fi nous fouffrons
en Jefus Chrift, quand vous lui ferez auec lui , nous régnerons auffi auec
rendus. Amen, Amen. lui ; fi nous le nions , il nous defa-
Mais s'il a déterminé en fon con- uouëra auffi. Et pourtant auifons à
feil que, par voftre mort, fon Nom foit nous, que noftre homme extérieur fe
de plus en plus glorifié i*!r magnifié, corrompant , l'intérieur fe renouuelle
que ce qui femble bon deuant fes yeux de iour en iour. Car noftre tribulation 1. Cor. 4.
foit fait. Tout ainfi donc que cela à qui eft de peu de durée , & légère à
vous & à nous feroit en grande re- nierueilies, produit en nous vn poids
fiouilTancc, fi par noftre vie la maiellé éternel de gloire éternelle. Nous vous
& gloire de Dieu pouuoit eftre mieux teftifions qu'en ioye nous puifons les ifaic 12 !.
conue des hommes, auffi ce ne nous eaux des fontaines du Sauueur, & ef-
feroit pas moindre gloire, fi nous pou- pere qu'auec perpétuelle le adion
uions obtenir cela mefme par noftre grâces nous célébrerons Seigneurdû pf. 68.
mort, le ren grâces à Dieu pour cela des fontaines d'Ifrael, & mefmes que
nous nous refiouyrons à iamais au
en voftre nom, qu'il vous fait ce bien
Il predii le d'endurer pour le Nom de Chrift , A banquet de l'Agneau , duquel nous
martyre de que toute l'Eglife fera vn iour enri- fommes l'efpoufe
chanterons par foi , chanfon
cefte nouuelle iV là nous&
irois cxcciicns ^.j^j^ p^p j^. tcfmoignage de vous trois.
Euefqucs
O bon Dieu ! pourrions-nous tous éternelle : Hallelu-iah. Amen; voire,
alTez fuffifamment te remercier pour 6 Seigneur Jefus, vien. La grâce de
cefte tienc bonté A libéralité ? noftre Seigneur lefus Chrift foit auec
Novs auons des long terfips receu vous. Amen.
Ephcs. I. M.
la parole de vérité,
tre falut, auquel l'Euangile
croyans de nof-
nous fommes (1) Nous ne nous écartons pas de la route
tracée.
J4.
fignez par l' Efprit de promefl"e (qui eft
LAVRENT SAVNDERS.
Dieu, il auiendra par ce moyen que la veux, tu peux obtenir mifericorde, te m.d.lv.
focieté de telle benediélion diuine s'ef- rendant obçiffant & derechef te redui-
pandra aulTi fur noftre petit Samuel. fant au bon chemin auec nous, voila ,
Et iaçoit qu'en bref (comme il fem- le pardon t'eft offert. Nous deuons
ble) la vie prefente deuft eftre oftee à bien tous confen"er auec toi, que pref-
tous deux , & que noflre petit Samuel que tous fommes tombés en erreur
demeure deftitué de tout fecours commun auec les autres ; mais nous
comme pauure orphelin , toutesfois fommes derechef releuez par repen-
il ne faut douter qu'icelui n'expéri- tance & ramenez à l'Eglife catholi-
mente quelque iour la bonté de Dieu, que, de laquelle nous-nous eftions de-
qui lui fera tuteur & curateur bénin. partis. )> Saunders en toute reuerence
Car de fait ce bon Père & Seigneur, dit au Chancelier & aux autres fei-
qui, comme il ne peut eftre trompé, gneurs qui eftoyent là afifemblez :
auffi ne peut-il tromper, a fait cefte pro- « Vos reuerences fauues , magnifi-
Gen. 17. 7. meffe : « Je ferai ton Dieu, & de ta fe- ques feigneurs , ie demande terme
mence après toi. » Et quand il faudroit pour auifer de refpondre comme ie Les calomnies.
mourir pour la confeffion de Chrifl, doi fur ce que vous me commandez. »
ou endurer quelque autre chofe fem- G. « Laiffe-lace fard de paroles pom-
blable , en forte que vous ne puiffiez peufes, & cefte rhétorique ambitieufe,
pouruoir aux neceffitez de l'enfant, & car de fait cela vous eft peculier &
qu'icelui feroit laiffé nud en vn defert, familier à vous autres, que vous-vous
tant y a que celui qui a eu compaffion plaifez merueilleufement en ces bra-
du petit enfant de la feruante Agar ues façons de parler; di nous ce que
ietté au defert , encore moins mettra- tu veux affermer ou nier. » S. « Mon-
il en oubli ceftui noilre petit Samuel, fieur le reuerend, le temps ne permet
ou le fils de quelque autre que ce foit
pas maintenant que nous-nous laf-
qui aura la crainte du Seigneur& met- chions la bride à defguifer & farder
tra fa fiance en lui. Que fi noftre foi nos paroles , la condition où ie fuis
eft fi foible (comme il auient affez de
pour cefte heure me rend affez esloi-
fois) que nous ne puiffions croire cela, gné de cefte arrogance, laquelle vous
prions noftre Seigneur en toute hu- m'attribuez. Je conoi mon petit fauoir
milité ,tant pour cela que pour quel-
conque neceffité que ce foit. Bref, & pouuoir ; cependant i'ai
toutesfois pru-
befoin de bon auis pour refpondre
dem ent àvos demandes fi hautes &
m'amie & aimée compagne , ie vous
prie aflfedueufement & exhorte que de fi grande importance; comme ainfi
vous vous efiouyffiez au Seigneur. O foit que neceflairement il me faille
quelle matière de refiouiflTance nous tomber en l'vn de ces deux dangers,
auons en lui, quand nous confiderons ou que ie perde ma confcience ou la
ce royaume éternel, qui eft propofé en vie prefente de ce corps. Et pour dire
ce bon Seigneur es lieux celeftes, par
franchement, cefte vie & liberté m'eft
la pure grâce de Dieu, à ceux qui, re- vne chofe precieufe, moyennant que ie
nonçans à eux-mefmes, en ont finale-
ment la iouyffance ! Et pour certain la peufle contregarder fans bleft"er ma
confcience. » G. « C'eft bien à propos
cela eftvrayement fuyure Jefus Chrift, confcience , vous autres n'en auez
qu'vn chacun porte fa croix. Et lors fi point , mais plus d'orgueil et d'arro-
nous endurons auec lui, nous régne- gance qu'il ne feroit de befoin ; car
rons auffi auec lui à perpétuité. Ainfi vous-vous plaifez tellement en vous
foit-il, & en bref & en bref. » mefmes , que vous-vous retirez de la
l
communication
un tefmoin & iuge de l'Eglife. » S. " l'ai
de ma confcience,
Revenans à l'hiftoire de Saunders,
il refte de reciter comment on procéda affauoir le fouuerain Seigneur , qui
contre lui pour la féconde fois, quand feul fonde les cœurs. Et quant à ce
il fut appelé deuant le fiege iudicial que vous me mettez en auant, que ie
des Inquifiteurs & Commiffaires , & me fuis retiré de cefte Eglife, laquelle
Gardiner comme il refpondit. Le Chancelier
fuU fon rtile vous tenez maintenant pour catholi-
l'interrogua en cefte façon : i< Tu ne
daportat.
peux ignorer, Saunders, que défia des que, ie repon à cela : Je n'ai encore Saunders
longtemps tu es détenu à caufe de tes changé
mefme de vousceftenousfoi auez
& Eglife, laquelle
aprinfe lors '"^P;"^^^^^/**
inconftance.
herefies exécrables & mefchante doc-
trine que tu as femee : maintenant le que ie n'auoi que quatorze ans ; afia-
temps & le iour eft venu, auquel, fi tu uoîr que n'adiouftiffions foi au fiege
Romain , ni à fes abus, & ne lui don-
i}6 LIVRE CINQUIEME.
niffions aucun crédit. Nous auons ne meritoyent pas que la terre les
puif<i ces chofes de vous mefmes , fouftinft , comme auffi elle ne vous
comme de ceux qui nous efloyent con- foufliendra pas longuement , ce que
dudeurs & maiflrcs. " G. « Or fus ,
vous expérimenterez auant qu'il foit
di-nous vn peu : Qui font les au- fept iours. » Ayant ainfi parlé, il fit of-
theurs qui vous ont abruuez de ces ter Saunders de là, lequel leur dit :
herelics, touchant le fainfl facrement Il Ce que le Seigneur nous enuoyera
de l'autel r » S. « S'il eftoit licite de foit fait, foit la vie ou la mort. Et de
commettre de deux maux l'vn , ie ma part ie vous veux bien dire qu'il y
penfe qu'il y auroit moindre caufe de aCependant
long tempsieque
vousi'aiauerti
apris àde
'mourir.
vous
punition de couper vn bras ou vn pied
d'vn corps, ou quelque autre membre, garder d'efpandre le fang innocent;
que fi on tranchoit la tefte du corps. croyez-moi , qu'vn iour il criera au
Et vous autres , meffieurs les reue- Seigneur & demandera vengeance
rends, & tout voflre ordre & alTemblce, contre vous. »
auez donné vos voix publiquement & Apres ces chofes ainfi faites, lef-
confenti quelquefois que la primauté
du fiege Romain fuft retranchée de quelles apartenoyent
la conoilTance à l'examen
de la caufe, & à
les officiers
cefte republique (comme vn chef baf- prindrent Saunders & le tirèrent hors
tard & vicieux) laquelle vous tafchez de la foule & le gardèrent iufques à
maintenant de remettre au deffus , ce que fes compagnons fuffent defpef-
ayans changédit d'opinion. » L'Euefque chez de mefme façon, pour les mener
de Londres au Chancelier : « Mon- tous enfemble en pnfon. Saunders Remonrtrance
donc attendant quelque temps dehors, de Saunders
ficur, s'il plait à voflre reiiercnce, ie au peuple.
produirai ici vne confeffion efcrite de ainfi que le peuple efloit afTemblé pour
Confcfilon fa main contre le fainft facrement de voir ce qui fe faifoit, il exhorta de
de Saunders. TauteLToi, Saunders , que refpon- grande véhémence ceux qui là ef-
dras-tu à cela.- » S. " Il ne faut point toyent , à garder la dodrine qu'ils
attendre que par ci après ie m'accufe auoyent receuë ; & reprint de légè-
moi mefme. Et vous mefmes n'aucz reté & inconftance ceux qui foudaine-
rien contre moi, dont à bon droit vous ment s'efloyent reuoltcz de Chrifl ,
vous puiffiez pleindre (i). •> G. « Con- pour fuyure l'Antechrifl. Il les admon-
tinueras-tuendurcir
d ainfi ton efprit.' ncfla, que fe dreffans de bonne heure
receuras-tu point la liberté, laquelle par repentance , ils retournalTertt à
nous te voulons offrir ? » S. « Je vou- Jefus Chrifl auec vne foi entière ,
droi fuppliervos reuerencesde moyen- maugré l'Antechrifl, le péché, la mort
ner vers la maieflé de la Roine , que
& Satan, & qu'ainfi ils auroyent re-
fon bon plaifir fuft de me donner tel- pos en toute feureté & félicité en la
lement lavie , que cependant il me faueur & benedidion du Seigneur. Il
fufl loifible de garder ma confcience eut plufieurs pareils combats & difpu- Condamnation
fauue auec ma vie. Et de ma part tes contre les Evefques, lefquels fina- <le Saunders.
i'cfpere bien tellement viure fous fa lement l'ayans déclaré excommunié,
le dégradèrent & liurerent entre les
fubieflion, qu'elle conoiflra que ie lui mains du bras feculier, comme on a
ferai fidèle & obcifTant ; finon i'ai de-
acouftumé de faire. Le Maire de Lon-
libéré d'endurer pluftofl toute extré-
mité de maux , moyennant l'aide de dres le print & le mit en prifon , qui
efl dedans les limites de la cure de
mon Dieu , que de blefl'er ma con-
fcience. »G. « C'eft bien à propos, Saunders. La rue efl appelée Brad-
qu'il foit licite à vous autres de viure Jlrel, la prifon Coiinlcr (i). Cela lui
La façon des comme bon vous femblera. Tels ef- apporta vn fort grand foulagemeiif, &
Donatiries. toyent iadis les Donatiftes , Icfquels ce d'autant qu'il trouua en cefle pri-
voulant fuiure vne façon particulière fon Cardiraker (2), fon ami & compa-
de vie, cerchoyeni de viure tout au- gnon d'vne mefme caufe & aflliflion ,
trement que les autres ; & toutesfois & pour cefle raifon principalement
qu'eflant entre fes brebis, il auoit re-
(i) La réponse de Saunders ne paraît pas couuré cefle oportunité de les exhor- •M
avoir élé bien comprise par le Iraducleur.
Il dil : " Ce que j'ai écril. je l'ai écrit; mais
ne vous attendez pas h ce que je m'accuse (1) II fut conduit par le shérif de Londres
au delà. Vous n'avez pas à me reprocher (et non le maire) dans la prison nommée
d'avoir violé vos lois lorsqu'elles étaient en thc Compter, dans Breadstrecl.
vigueur. '■ (2) Voy. plus loin la notice sur ce martyr.
LAVRENT SAVNDERS.
ter de la prifon , comme s'il euft efté retirant fon Efprit de moi vn bien peu m.d.lv.
monté en chaire , voire eux pour me laiffoit, helas miferable! ie ne fai
l'amour defquels il efloit détenu pri-
fonnier. que ie pourroi deuenir. Et quand en-
core il lui plairoit de le faire pour
m'efprouuer, fi eft-ce que ie conçoi en
mon fera
ne efprit pas vne
loin,bonne
ni longefperance qu'il
temps abfent
Copie d'vne lettre qu'il efcriuit de cejle de moi , ains félon le cantique myfti-
prifon à fa _femme & à quelques au- que de Salomon, eftant derrière la pa-
tres fes familiers & anus, après que roi, regardera les feneftres, ou par Gen. 45.
la fentence de mort eut ejlé pronon- quelque fendalTe de la paroi , pour
cée contre lui, efcrite le dernier iour ouir que ie fai. Ceft ce Jofeph, tant
de lanuier. M.'D.LV{i). plein de grand' amour, que combien
La grâce de noftre Seigneur Jefus frères femble
qu'il , & menaceparler rudement
Beniamin , fon àfrère
fes
Chrift & la confolation du faind bien-aimé & germain, de le faire met-
El'prit vous conferue par foi & con-
fcience entière, afin que vous foyez tenirtre endeprifon,
pleurertantauec
y a nous,
qu'il ne& fequand
peut
vaiffeauxdefa gloire fans fin. Amen. & quand fe ruer fur nous pour nous
embralTer de fes deux bras. Que rien
De quelles adions de grâces & donc ne vous deftourne de lui, pluftoft
louanges pourrons-nous affez célébrer delaift'ans toutes chofes , allez à lui
la bonté & mifericorde de noftre Dieu, auec Jacob le père & fes enfans , qui
& fa diledion infinie enuers nous.' &
ont laifl"é & leurs pays & toutes leurs
moi le premier, qui fuis le plus ingrat amitiez acquifes. Ce Jofeph a obtenu
de tous les hommes du monde f Pour pour nous que Pharaon mefme nous
cela ie vous prie affedueufement que fournira de haquenees & chariots, pour
priez Dieu par fon Fils Jefus Chrift nous faire palTer outre félon noftre
defir. Et nous expérimentons auffi
pour don ,moi,
tant de qu'il meslui autres
plaife forfaits
me fairegriefs
par- comment nos aduerfaires nous abrè-
& infinis , que pour cefte mienne gent fort le chemin, pour faire que
La mifericorde grande ingratitude enuers lui. Or, de nous paruenions pluftoft au repos bien
de Dieu ert heureux. & nous adminiftrent toutes
infinie. vouloir reciter par paroles, ou com-
prendre par penfees cefte mifericorde chofes feruantes à cela mefme. Bénit
foit le Seigneur. Je vous prie donc, ne Le triomphe
& bénignité de Dieu en fon Fils Je- de ceux qui
fus Chrift , qui eft vne chofe dutout vous efpouuantez aux bruits des fon- font à Chrift.
infinie & inénarrable, ce feroit autant nettes (1), ni à ces vains fpeftacles &
fantofmes , lefquels fe vienent offrir
comme fi i'entreprenoi de puifer &
par le chemin, ains pluftoft craignez le
verfer toute la grand' mer Oceane en feu de la géhenne, craignez ce ferpent
vn petit gobelet, ou de comprendre
les eftoiles en certain nombre. O ma
ennemi , qui
éternelle, auquela l'aiguillon de qui
tous ceux la mort
font
femme bien-aimee , & vous mes amis!
ie vous prie de bonne affedion que fans foi , priuez de la familiarité & fo-
vous-vous efiouiffiez auec moi, ren- cieté du Fils de Dieu (qui feul a com-
dans grâces à noftre bon Dieu de ce mandement fur la mort) font fuiets &
deftinez à la mort. Au refte , nous &
qu'il m'a fait ceft honneur, que ie glo- vous, ma bonne amie, & vous auffi,
rifie fon Euangile, non feulement par
cefte miene vie , & ces leures , & ce mes frères bien-aimez en Jefus Chrift,
cœur incirconci, mais auffi d'vn tef- lefquels Dieu a tirez hors de la puif-
moignage fi grand de ma mort & de fance des ténèbres, vous defpouillant
¥ N'auoir hor-
mon fang. Et afin que ie die ce qui en
eft, mon Seigneur lefus m'a tellement
ofté iufques à prefent toute crainte &
du vieil homme, & faifant veftir le nou-
ueau , qui eft noftre Seigneur Jefus
Chrift, la fapience , la fanâification ,
reur de la
mort ert don fentiment de la mort, que ie n'ai point
de
de l'Efprit
Dieu. horreur d'icelle ; mais fi ceft efpoux (i) L'original ne parle pas de " sonnettes.»
bien-aimé mon Seigneur Jefus Chrift, Cette phrase, rendue ici par une longue pé-
riphrase, ytient en une ligne : « Be not
afraid of fray-bugs which lie in the way. »
(i) Cette lettre fut d'abord publiée par Ce mot bizarre :"« fray-bug. » ou ( !'• édit.)
Miles Coverdale, dans son Book of Lettcrs Cl fraybuggarde, » était la désignation popu-
of thc Martyrs , en 1564, puis insérée par laire d'uri monstre imaginaire, sorte de loup-
Foxe à la suite de sa notice sur Saunders.
garou.
•38 LIVRE CINQUIEME.
I
Le iour fuyuant , qui eftoit le hui- l'exemple de ce fainâ Eue/que , &
tiefme du mois de Feurier, on le mena nous humilions aeuant Dieu , à ce
en la place pour eftre exécuté vn peu
hors la ville, près vn bofcage aflfez que puij fions refijler aux ten-
tations £■
, que la rage de ceux qui
prochain , n'ayant fur foi qu'vne lon- pourchajjent nojlre mort, pour haine
gue robe fort vfee , & fa chemife def-
fus; au demeurant il auoit la tefte & jecrelte qu'ils portent à l Euangile,
les pieds nuds. En allant , il fe iettoit J'oil furmoniee par nojlre foi & pa-
tience.
fouuent à terre & prioit Dieu , &
Saunders fe comme il aprochoit du lieu , vn de
iette fouuent Le premier Euefque qui fe trouua
en terre pour
ceux qui auoyent la charge de le faire au catalogue de ceux qui ont enduré
prier Dieu. brufler, de parla la mort après Jean Hooper, Euefque
efloitvn ceuxà qui
lui ,auoyent
reprochant qu'il
corrompu
de Gloceftre, c'eft Robert Ferror,
le royaume de la Roine parfauflfe doc- Euefque de Saind-Dauid, au pays de
trine & herefie, & l'appeloit Pertur- Galles, lequel auoit efté appelé à
bateur de la republique, & qu'a bon cefte dignité par le moyen du Duc de
droiél il deuoit eftre puni; & toutefois
Sommerfet, protefteur d'Angleterre,
reiettant du viuant du Roi Edouard VL Plu-
réduire defes bonneopinionsheure
, s'ilauvenoit à fe
bon che- fieurs iniures & fafcheries lui furent
min, encore y auoit-il efperance que faites du temps dudit Roi, après la
pardon lui feroit fait , & la vie lui fe- mort du Protecteur, à la fufcitation
roit fauuee par la grâce de la Roine ; (comme la plus commune opinion eft)
(inon il voyoit là le feu préparé , de- d'vn nommé Conftantin (2), qui fe
dans lequel on le ietteroit prompte-
ment s'il ne fe repentoit. Saunders fit defpita contre lui , à caufe qu'il auoit
cefte refponfe : » Nous qui fommes refufé vne prébende à quelcun qui ef-
ambaffadeurs de la vérité diuine, fom- toit ignorant. Quelque chofe qu'il y
mesfaulTement accufez de ceci, comme ait , foit que ce Conftantin fuft prouo-
fi nous auions offenfé la Roine , ou qué pour cefte caufe ou quelque autre,
Réfute vn on pourchaffa cefte fafcherie à ce bon
troublé la republique. Pluftoft cefle
calomniateur. accufation doit eftre reiettee fur toi &
(i) Robert Ferrar était né à Halifax, dans
fur tes femblables, qui iufqu'à prefent le Yorkshire, et avait fait ses études à Ox-
auez toufiours refifté opiniaftrement à ford. Le duc de Somerset, protecteur du
la parole éternelle de Dieu. De moi , royaume sous Edouard VI , l'employa à pro-
ie ne maintien aucunes herefies , ains pager les doctrines réformées, le fit membre
de la commission chargée de préparer la
la droite difcipline de Dieu & le
Liturjjie, elle tit, en i;47. évêque de Saint-
S. Euangile de fon Fils. C'eft ce que David . au pays de Galles. Voy., sur Ferrar,
ie maintien &croi & que i'ai enfeigné, les Acts and 'Monuments de Foxe , t. VII,
& que ie ne reuoquerai iamais. » p. ;-28of (p.
Hisf. 42; de II,
Reform., l'édit.
;47- de 1559); Burnet,
Ceftui-ci ayant oui parler Saunders de
(2) George Constantine, regislrar de Saint-
cefte façon , commanda qu'on le iet- David , fut en effet l'accusateur de Ferrar.
taft foudain dedans le feu , & inconti- Voy. les LVI chefs d'accusation, la plupart
nent Saunders fe mit de fon bon gré en d'une puérilité ridicule, et les réponses de
la main des bourreaux pour eftre lié ; révêque, dans Foxe, VII, 4-16, et dans
les Harleian Mss., n" 420, art. 17-27-
140 LIVRE CINQUIEME.
I
comparé en vertu & conllance à ce voulut faire fentir quelques angoilTes
Martyr ? auquel la main fut mife à mortelles auant que le faire mourir,
l'efpreuue fur la flamme ardente , pour l'eftonnerdu tout. Il fit apporter
par fes feruiteurs vn flambeau ardent,
mis au que
auant feu.le J'urplus du corps ait ejlé & dit à Tomkins : (c Mefchant garne-
r
(i) Foxe indique le ;o mars ou samedi to one James Hinse. that his spirit was so
avant la Passion , comme date du supplice rapt, that he felt no pain » (Foxe, VI, 718).
de Ferrar.
(2I Voy. Fo.xe, t. VI, p. 717-722. (2) D'après Foxe , ce fut le lû mars
qu'eut lieu l'exécution.
142 LIVRE CINQUIEME.
I
Eglife propofe purement la parole de
lieu que le Fils de Dieu l'a laifl"ee
Dieu fans la corrompre, n'y adiouftant pour vn mémorial & gage l'acre des
& n'en diminuant rien. Elle adminirtre chofes qui ont eflé faites, & principa-
les Sacremens purement félon la lement en commémoration de ce fa-
fainfte inflitution de fon Seigneur, elle crifice éternel qui a eflé offert vne
permet également à tous de lire les fois & paracheué en la croix. C'eft en
faindes Efcritures, à laquelle auffi vain qu'on réitère derechef ce qui a
Jefus Chrift inuite tous hommes , erté vne fois fi parfaitement acompli.
On adore le pain de la Cène, qui eft
lean 5. ;6. de quelque
foyenf. » Sondez eftat les
ou Efcritures,
condition car
qu'ils
ce chofe diredement contraire au com-
sont elles qui rendent tefmoignage de mandement qui défend d'adorer au-
Ades 21. 17. moi. » Et au liure des Ades, après la cune image ou femblance. La Cène
prédication de S. Paul , la multitude eft adminiftree en langue eftrange &
conferoit auec les Efcritures ordinai- inconuë ; t^ le poure peuple n'eft pas
I rement, pour fauoir fi les chofes dites
par fainâl Paul eftoyent vrayes ou non.
Les Prophètes exhortent de prier
inftruit au vrai vfage de ce myftere, affa-
uoir que lefus Chrift eft mort pour nos
péchez iustification
noftre & off'enfes & ; eftparrelTufcité
lequel pour
auffi
auec intelligence , fans laquelle com-
ment le peuple refpondra-il Amen .' Et nous obtenons paix enuers Dieu; &
n'y a chofe fi necefiTaire que la foi, la- de ceci ce Sacrement en eft vn figne
Rom. 10. 17. & feau infaillible. Finalement, on a
quelle efl par l'ouye , & l'ouye par la
parole de Dieu. acouftumé de prendre ce facrement en
Contre les » Avssi nous croyons & confeffons haut & l'enfermer en vne boite, &
traditions. que Dieu ne peut eftre ferui ni honoré fouuentefois fi long temps qu'il eft
mangé de vers, ou tellement relenti,
finon félon l'ordonnance de fa parole,
& non point félon le iugement des qu'il pourrit, & de cela mefmes les ru-
hommes , ni félon les décrets que la
des & ignorans prenent occafion d'en
raifon humaine a forgez ; lefquels le
parler irreuerernment, ce qu'ils ne fe-
Seigneur lui mefme redargue & re- royent fi on corrigeoit l'abus. Parquoi
iette en l'Euangile , alléguant le tef- ce que le commun populaire a ce Sa-
moignage des Prophètes, difant: « Ils crement en fi grand mcfpris, vous doit
m'honnorent en vain, enfeignans com- eftre imputé principalement , & non
mandemens &traditionsd'hommes.» Il point à nous qui prions alTedueufe-
ment le Seigneur , que ce facrement
commande exprefl'ément par fon Pro- foit remis quelque iour en fa première
phète que nous ne cheminions point
aux décrets & traditions de nos pères, pureté & en fon vrai vfage.
ains que nous nous arreftions à fes » QvANT aux paroles de Jefus Chrift,
commandemens. Et quand le Fils de defquelles il a vfé en adminiftrant
Dieu commande de laiffer père & cefte fainde Cène , nous ne nions
'44
LIVRE CINQUIEME.
eflé donné pour délibérer fut pallé, on conoillre de quelle affeâion & cfprit
les interrogua s'ils auoyent toufiours il ejloit mené & conduit à endurer la
mort.
vn mefme propos & volonté ; pour ref-
ponfe , ils rendirent tefmoignage de
leur dodrine & de leur foi comme au
Ci deffus a efté touché d'Eftiene
parauant & repoulTerent leurs aduer- Knyght , qui efioit du meftier de bou-
faires auec plus grande conrtance que
deuant & fortifièrent tant plus leurs cher, homme de grande pieté & d'ef-
prit véhément, lequel ayant receu fen-
amis ; ce que Boner ne pouuant fouf- tence de condamnation , fut exécuté
frir, fortit de la ville de Londres , les à Maulden (i). Le Seigneur a voulu
fit quand & quand emmener & quel- que la prière qu'ilrecueillie
fit auant &qu'endurer
ques autres auec eux , qui pour lors la mort ait eflé mife par
auffi eftoyent pour vne mefme caufe efcrit, pour enfeignement & certifica-
prifonniers , comme les menant en tion de l'heureufe ilTue qu'il a eu, la-
quelle a efté traduite en la manière
triomphe.
eut alTez tourmentez,Finalement il après qu'il les
y eut fentence
de mort donnée contre Thomas Cauf- qui« s'enfuit.
O Seignevr Jefus Chrift , pour
fon, Thomas Hygby, Guillaume Hun- . l'amour duquel i'expose volontiers &
ter (i), Eftiene Knygth (2), Guillaume de cœur alaigre cefte vie , aimant
Pygat, tifferan(5), lean Laurent, Mi- mieux endurer ce grief tourment de
niftre (4) , qui tous eflans condamnez la croix & perdre tous biens & facul-
à mort, furent menez à Elfex (5) au tez que confentir à ceux qui blafphe-
mois de Mars ; & le Magiftrat or- ment ton faind Nom & reiettent tes
donna à tous les gentils-hommes de commandemens, tu vois, ô Seigneur,
la prouince de fe tenir prefts pour qu'on me prefente la vie deu;e monde,
donner fecours, s'il eftoit befoin. Puis en quittant le vrai feruice de ton Nom
on les fepara, fi que les vns furent & me rendant efclaue à ton aduer-
bruslez en vn lieu , les autres en vn
faire : mais i'ai choifi par ta grâce ces
autre. CaulTon fut bruflé de grand tourmens du corps & la fortie de cefte
matin à Raili ^6) le vingtcinquiefme vie, eftimant toutes chofes comme bal-
iour de Mars (7), Guillaume Pygat lieures, afin que tu fois mon gain en
à Braintrie (8) , le 27. iour dudit la mort. Et certes ta charité a im-
mois (9), Thomas Hygby, à Horn- primé en mon poure cœur vn tel
don , le 2î. Hunter (10) à Burno- amour enuers toi, que toute mon arne
wood (il) le mefme iour, Jean Lau- foufpire après toi, comme vn cerf Pf. 42.
rent, miniftre , à Cloceftre (12), le laffé & altéré bruit après les fontaines
vingthuitiefme du mefme mois (i?). des eaux. O Seigneur, affifte-moi par
la grâce de ton S. Efprit, par laquelle
cefte imbécillité de mon corps foit mu-
nie & fortifiée , qui fans cela eft def-
tituee de toute force. Tu conois, Sei-
gneur, que ie ne fuis que poudre,
EsTiENE Knyght, Anglois (14). inutile à tout; parquoi, ô Seigneur,
tout ainfi que par ta mifericorde , la-
Par l'oraifon que ce fainâ pcrfonnage
fit à Dieu auant que mourir, on peut fait ce quelle
bien tant fouuent i'ai fentie,
de me mettre tu m'as
au reng de
tes esleus & m'en donner maintenant
(i) Voy. ci-dessous, p. 146. tefmoignage par cefte coupe que ie
(2) Voy. la notice suivante.
(;) William Pygot. Voy. Foxe , t. VI, doi boire ; auffi que ta dextre tout-
P- 7Î7- puiffante me conferme contre ceft élé-
(4) Voy. ci-dessous, p. 146. ment de feu, lequel , comme en apa-
(5) Essex est le nom d'un comté et non rence femble eftre terrible & horrible,
d'une ville. Les condamnés furent remis aux
mains du shérif d'tssex. auffi par ton ordonnance & comman-
(6) Raleigh. dement me foit rendu tolerable & paf-
(7) Le 26 mars, d'après Foxe. fable, afin qu'eftant en cefte forte armé
(8) Braintree. de la vertu & force de ton S. Efprit,
(9) Le 28 mars, d'après Foxe.
(10) Le 26 mars, d'après Foxe.
(i i) Brentwood. ie fois receu en ton fein par l'afpreté
[12) Colchester. de ce feu , & comme purgé au four-
neau, ie defpouille toute corruption
(i;) Le 29 mars,
(14) Slephen d'après
Knight. Vov.Foxe.
Fo,\e , t. VI,
P- 7Î7-
(i) Maldon.
II.
lO
LIVRIf; CINQUIEME.
I^(>
Spectacle & exemple digne de mémoire Iean Laurent eftoit pafteur de Lex-
en la perfonne de G. Hunier; la vertu douie (i). lequel ayant efié comme
con/lanle de (es parens en fa mort moulu d'ennuis , de la pefanteur des
cjl pareillemcnl digne que tous pères chaînes et de la longue détention de
& mères ayenl en admiration. la prifon , auoit acquis vn tel mal de
pieds . auoir;
vouloit qu'il lemais
faloitcependant
porter oùil on le
eftoit
Entre ceux defqueis il a efié parlé
ci delTus, Guillaume Huntcr cfioit fort fort de courage, & puiiïant en fainc-
tes tS[ bonnes paroles, & fe monftra
ieune,
rens& &craignans
cependant in"u lefquels,
Dieu, de noblesoutre
pa- vaillant champion de lefus Chrift, au
ce qu'ils l'auoyent inrtruit à aimer &■ dernier combat auquel il efioit appelé.
honorer Dieu, auffi l'auoyent-ils con- Combatant donc pour la vraye doc-
fermé à endurer la mort , furmontans trine, ilfut finalement bruflé à Glocef-
les affedions naturelles par vn vrai zèle tre (6), le 28. iour du mefme mois de
de l'honneur de Dieu. Eux voyans Mars (t). Outre les fufnommez, il y
en eut deux autres auffi bruflez ccdit
amener leur fils n'vferent oncques de
paroles lamentables pour le deftour- mois; alfauoir Ravlin Wmygt à Gar-
nei- de fon propos; mais, fuyuans diflle (B) le 27. iour & Gvillavme Di-
l'exemple de la femme vertueufe , GEL, à Damburie (9), le iour mefme
j. Macchab. 7. mère des Machabees, bailloyent cou- que Iean Laurent fut exécuté.
rage àleur fils & comme s'efiouilTans
l'incitoyent tant qu'ils pouuoyent à
lieu(1)cette
D'après Foxe, à c'est
exécution le j6 mars qu'eut
Brenlwood.
perfeuerer,
lui faloit endurer tellement que ,l'heure
la mort ils lui qu'il (2) Sur John Laurence, voy. Foxe, t. VI,
prc-
fenterent du vin à boire pour le for-
tifier Aacourager. Et en cet! endroit p. ())
740.Sur Rawljns White , voy. Foxe, t. VII,
à grand'peine eull-on feu dire de qui (4) Sur William DiKhel, voy. Foxe, t. VII,
p. (8). Ce nom fiijiire seulement dans la
p. 28.
première édition de Foxe . où quatre lignes
(n Voy. le lextc original de celte tou- lui sont consacrées.
chante pridrc dans Foxe, t. VI, p 740. (5) Lexden, village des environs de Col-
chester (Essex).
(?) Voy.38 l-oxc,
(1) Le mars,, d'après Foxe'.
t. VI, p, 722 (p. M 10 de (6) Ce n'est pas h Gloucestcr, mais à Col-
ledit, de 156)). Ce jeune homme n'avait que chcsler, que Laurence fut brûlé.
dix-neuf ans. I,e martyrologe de Foxe nous (7) Foxe indique le 29 mars.
a conservé une admirable narration de ce
(8) Cardilf (pays de Galles).
martyre, écrite par le propre frère de (9) Banbury (Oxfordshire).
William llunter. Crcspin no paratt pas avoir
connu cette pièce.
PLVSIEVRS MARTYRS.
1. Tlm. î. foils pleins de fraudes & déceptions, dez vous bien de receuoir la parole de
»
nousM courront lus, nous ne perdions Dieu en vain , trauaillez en la foi &
monftrez voftrc foi par bonnes et fainc-
ci>ur.i!,'e Apour
point conibnt
cœur alaiyre, mais, d'vn
cela, perfillions *& tes œuures, lefquelles en font vifs I. Tim. 2.
tenions ferme en la vérité que nous tefmoignages. En toutes chofes monf- Rom. 14.
auons receuë , qui cft la doarine de trez-vous exemplaires de bonnes œu-
ures, entre lefquelles vne prompte &
Maiih. 7. l'Euanj^ile. Nous n"auons point d'ac-
cès au royaume bien-heureux des docile obeift'ance enuers vos Magif-
cieux que par plufieurs tribulations. trats obtient le premier lieu, comme
de fait ils font ordonnez de Dieu ,
S"il faut endurer pour le royaume des
cieux ou pour la iudice , nous auons quels qu'ils foyent, bons ou mauuais ;
Chrifl. les Apodres »& Martyrs , def- finon qu'ils commandent chofes qui
quels répugnent ouuertement à la pure Re-
Car ilsl'exemple nous deuant
ont tous palTé ell vn bon
nousapui.
par ligion, car. en ce cas-la, il faut perpé-
celle porte bafl'eà &la voye fort11 eftroite tuellement garder la reigle de l'Apof- Afles i.
laquelle meine vie. Et nous ne, trc : Qu'il conuient plurtoft obéir à
portons la croix de ChriU , renonçans Dieu qu'aux hommes. Et en ceci il ne
à toutes chofes, voire à nous-mcfmes,
refte qu'vne
fidèle & Chreltien feule defenfe , atTauoirà le
l'homme
glaiue Ephef. 6.
& fi nous ne' le fuyuons en ceftc façon,
nous ne pouuons pas élire fes difci- fpirituel, qui eft la parole de Dieu &
la prière ardente faite en humilité &
ples. Si nous refufons d'endurer auec
Chrift & fes fainds , ce fera vn argu- abiedion d'efprit, eftant preft d'endu-
ment que nous ne régnerons point lob )7.
rer pluftoft toutes chofes que d'attirer
auffi auec eux. Au contraire , fi d'vne quelque tache de rébellion. " Qui refifte Rom. i;.
patience confiante & ferme nous en- autrement à la puilTance, refifte à l'or-
durons toutes afprctez pour l'amour donnance de Dieu ; & ceux qui y re-
fiftent receuront condamnation fur eux
de Chrifi , c'eft vn tefmoignage qu'il
nous fait et repute dignes de fon mefmes.» Et comme nous honorons pè-
res & mères en toute fubmiffion, auffi
2. ThefT. 2. royaume. Et, comme dits. Paul,'cc'e(l ceux qui tienent leur lieu & ont foin
chofe iufteà ceux
afflidion enuersquiDieu
vous. qu'il rende&
affligent de nous cSt de nos afaires. Nous ne
oppriment, & à vous qui elles affligez, deuons auffi mettre en oubli le foin de
repos auec nous en cefte iournee-la , nos familles, fur lefquelles nous fem-
quand le Seigneur Jefus fe manifefiera mes commis pour y auoir l'œil, afin
du ciel auec les Anges de fa puilTance qu'elles n'ayent faute, non feulement
& en flamme de feu, failant vengeance des chofes necelTaires au corps, mais
contre ceux qui ne conoilTent Dieu & fur tout de celles qui apartienent à la
ne rendent obeiffance à l'Euangile de nourriture intérieure de l'ame. Et
JefusChrill; lefquels foulTriront peine, pour vn troifiefme deuoir, ayons auffi
alTauoir perdition éternelle, deuant la foin des afaires de nos frères & pro-
face du Seigneur & la gloire de fa chains ,comme fi c'eftoit pour nous- Mauh. 7.
puilTance, quand il viendra pour eftre mefmes. Bref, tels que nous voulons
glorifié en fes fainds & eftre fait ad- que les autres foyent enuers nous, tels 1. Tim. 2.
mirable en tous les croyans. " Il nous monftrons nous enuers les autres ;
faut propofer ceci incelTamment de- fans faire chofe à autrui que ne vueil-
uant nos yeux, it le porter engraué en lions eftre faite à nous-mefmes. Car
cela eft le fommaire des chofes que la
nos cœurs, afin qu'en ce temps d'ad-
Loi & les Prophètes nous enfeigncnt.
uerfitérions& fermes
d'oppreffion , nous
cv conftans; demeu-
car tant plus Finalement, la charité Chreftienne &
nous auons eflé abondamment abreu- fraternelle comprend auffi nos enne-
mis félon la reigle A ordonnance de
ucz par la prédication de l'Euangile ,
voire par dcfi'us les autres, tant plus l'Euangile du Seigneur, lequel com-
Dieu nous punira grieuemcnt fi nous mande de bien faire à ceux qui nous Maitli. ç.
rciettons fa conoiffance; le royaume ont en haine , prier pour ceux qui
nous fera ofié & donné à vnc autre nous perfecutent & qui nous offenfent
& blelTcnt. Si nous le faifons ainfi , il
nation qui fera fruids dignes d'icelui. 2. Pierre 1. \
Parquoi , frères bien aimez en nofire auiendra que nous rendrons certaine
Seigneur, auifez à vos afaires & con- & ferme 1 efperance de noftre voca-
fidcrez de bien près en vous mefmes tion. Maintenant donc ie vous recom-
mande ànoftre bon Dieu & à la pa-
quel
tombergrand & horrible
es mains danger
du Dieu c'eftgar-
viuant; de role de fa grâce, lequel a bien cefte
GEORGE MARCHE.
Limoges, demandeur <.^' accufant en & que ce n'efloit qu'abus de leurs or-
crime d'herefie , A M. Guillaume de dres qu'il auoit prins, & que partant
Donf^non , natif de Jonchere , preflre il les quittoit de foi-mefme, & n'efloit
& vicaire dudit lieu, défendeur A pri- befoin que quelque Euefque les lui
fonnier détenu : Veu les charges & oftall; mais nonobllant fes appellations
informations , interrogatoires par nous fut dégradé aduellement le 19 dudit
faites audit Dongnon concernantes la
mois de Mai, & delaifl"é à la iurifdic-
foi catholique, herefies & erreurs y tion temporelle. Et le vingtiefme iour
contenus, les refponfes & confeffions,
perfonnellement faites par deuant dudit mois, les luges temporels s'af-
femblerent pour l'interroguer,
monllrer comme & re-
les autres; mais ne
nous , & réitérées par piufieurs fois ,
voire lignées de lui, par lefquelles s'eftonnant aucunement, perfifla tou-
appert que, de cœur endurci A obftiné, fiours comme il auoit fait en fes pre-
il a toufiours creu, fouflenu A défendu mières depofitions. Ce que voyans,
piufieurs propofitions erronées , héré- lefdits Juges ordonnèrent qu'il faloit
tiques t^ fcandaleufes contre la doc- auoir quelque homme de fauoir pour
trine Euangelique, détermination de l'exhorter, afin de le faire reiienir &
fainde mère Eglife & foi catholique , remettre en la foi, s'il elloit poffible ; &
mefme contre le faind facrement de fut enuoyé quérir M. Pierre de Mons,
l'Euchariflie, contre la vénération des curé, auquel enioignirent d'admonnef-
fainds , confelTion auriculaire , purga- ter ledit & le réduire de tout fon pou-
toire, ieufnes & oraifons, & autres fa- uoir. Auffi qu'il feroit mandé à toutes
cremens & inftitutions de l'Eglife , les Eglifes de la prefente ville & aux
piufieurs admonitions & exhortations
faux-bourgs . qu'ils fe niiflcnt en de-
qui lui ont cflé faites, tant par nous que
par piufieurs honnorables perfonnes uotion & prialTent Dieu qu'il lui pleufl
infpirer ledit de Dongnon de sa fainéle
affillans auec nous, pour le réduire &
remettre en la vraye foi & vnion de grâce
fall leset erreurs
mifericorde,
faulVesafin
& qu'il delaif-
reprouuees
fainde mèreains eglife contre la vraye & fainde foi catholi-
entendre, par ,grande
à quoiobftination
n"a voulu
a refirté , répugné, & demeuré en fef- auoit que.demandé
Et d'autant vnquenouueau
ledit de Teflament
Dongnon
dites herefies & erreurs. Le tout veu pour eftudier & penfer bien à fon
& confideré auec meure délibération afaire, lui en fut baillé vn. Et le len-
demain 21 . dudit mois, les Juges eftans
du confeil , qu'auons eu auec piufieurs alTemblez en la chambre royale ,
prédicateurs de la parole de Dieu ,
M. Pierre de Mons, ayant fait fon
qu'auions
Dieu premièrement auffi appelez , le Nom
inuoqué, de
par celle poffible enuers M. Guillaume de
noftre fentence definitiue , auons dé-
claré & déclarons ledit de Dongnon Dongnon, fit fa relation, & dit qu'il
elloit obftiné en fes reprouuees opi-
vrai hérétique, pernicieux & obfiiné , nions&, qu'il lui auoit elle impoffible
auons ordonné « ordonnons qu'il fera de le remettre , combien qu'il lui euft
priué & dégradé de la tonfure cléri- produit beaucoup de palTages de la
cale & facrez ordres . & comme tel fainde Efcriture; dont eftans les iuges
delailTé au bras feculier & iurifdidion indignez, donnèrent le iour fuyuant
temporelle ; l'auons condamné & con- fentence contre lui', de laquelle la te-
damnons à l'amende de cent liures neur s'enfuit de mot à mot.
tournois applicables à œuures telles
(■ Vev le procès criminel par nous
qu'il fera befoin & de raifon , & aux
defpens du procès & des officiers , la fait, requis le procureur du Roi, à
taxe d'iceux à nous referuee. Ainfi rencontre de Guillaume de Dongnon,
fii;né , Alphonfus Verfellis , Vicarius ; auditions, interrogatoires A refponfes
P. Benedidus, afi'efTor domini Officia- , réitérées, autre procédure faite par
lis; M. de Muret, 1. Beaubrueil l'official de Limoges ou fon Affeffeur,
F. Bechameil, G. Poyicne, Eiïenault,
M. Balifie. fentence psir lui baillée à l'encontre
dudit de Dongnon , le quatriefme du
procédure , auons condamné ledit les Sainfls lui eftre en aide enuers
Guillaume de Dongnon à eftre traîné Dieu , & quels Hures il auoit en fa
fur vne ciaye des priions royales du maifon quand il fut pris. Le poure pa-
prefent tient en s'efcriant dit : « Mifericorde,
publique.fiege
& iufques à laars
illec eftre grand'place
& bruflé ôures,
Jefus,finon ie n'ai nuls complices ne li-
vif. Déclaré & déclarons les biens le nouueau Teftament &
d'icelui eftre acquis & confifquez au le liure Dominicœ precationcs , & ne
Roi , & ordonnons qu'auparauant fài s'ils ont efté prins. Auffi y auoit
l'exécution du prefent iugement , il vn liure de S. Auguftin fur S. lean. »
fera mis en la torture & queflion pour En lui baillant vn autre tour de
déclarer & enefeigner les fauteurs, rouët, lui demandèrent la place où on
alliez & complices, & autres gens de prefchoit, & où premièrement il auoit
fa fede & erreur, & refpondre fur apris cefte dodrine. Il refpondit : « le
certains interrogatoires qui par nous
lui feront faits, afin que la mémoire vous ai defia dit que nul ne me l'a en-
feignee , bien
paifant par eft vrai qu'vn
S. Léonard, me ditDofteur
que, C\
de la punition en demeure pour exem-
ple & baille crainte aux mauuais de ie voulois aller à Geneue, il me nour-
commettre femblables crimes & er- riroit , mais n'eut la puiflance quand
reurs. Signé, I. Beaune, F. Lamy, il fut en chemin. » Et fur cela fut laf-
P. Martin, De la borne. De grand ché , & la pierre oftee , & derechef
chaut, Barmy, P. Gué, I. Cibot , interrogué. D. » Ne te veux-tu pas
Carneys Pradier. » réduire à la foi catholique & déclarer
De laquelle fentence ledit de Don- qui t'a apris cefte dodrine ? » R. «Je
gnon appela deuant Dieu & le Roi .
perfifte en ce que i'ai dit. » D. « Pour-
difant qu'il fouftenoit la foi Chref- quoi ne crois-tu pas ces gens doâes
tienne & la parole de Dieu, mais lui qui t'ont remonftré tes erreurs ? » R.
fut refpondu que, nonobftant fon appel, « J e ne fai s'ils font doiftes, mais non gens
la fentence feroit exécutée. de bien, de me tirer & condamner
ainfi à tort ; toutefois ie prendrai la
& Et
mis defurfaitle ,banc
tout de
à l'heure fut mené
la torture en la mort en gré , & ne me demandez au-
prefence des fufdits , & interrogué tre chofe . car vous perdrez temps. »
La queflion
donnée à G. d'où il a apris cefte doârine qu'il Or voyans les iuges la confiance du-
de Don?non. fouftient. R. « le l'ai aprife (dit-il) au dit Dongnon , firent venir deux Cor-
vieil & nouueau Teflament & Euan- deliers pour le confelTer, penfans par
gile de Dieu. » D. n Ne conois-tu là bien befongner , mais ce patient
perfonne de ta feéle ? » R. « Non; refpondit qu'il ne vouloit de telles
mefme auparauant Noël, i'erroi en la, gens defguifez, ne fe voulant confelTer
foi comme les autres ; mais depuis
qu'à
le Dieu feul
nouueau , & qu'ils
Teftament, & feeftudiafi'ent
rendiftent
Dieu m'a infpiré de croire ce que ie comme lui à la Loi & vérité de Dieu ;
croi. » D. « N'as-tu point efté en
quelque lieu fecret pour aprendre la- bref, qu'ils le fafchoyent. Mais eux
dite dodrine r & n'y a-il perfonne qui non contens l'admonnefterent derechef
t'ait fuyui? » R. « Je n'ai efté en au- qu'il fe confeffaft à quelque preftre en
cun lieu fecret pour l'aprendre, & n'ai l'honneur de la paffion de Jefus Chrift,
oui prefche , ne lefture , ne parole re-
aufquels il refpondit qu'il n'en feroit
prouuee , & croi que ce que i'ai de- rien , & qu'il n'y a Pape , Euefque ne
pofé eftà la
induit vraye foi.
fouftenir » D. paroles
lefdites ■< Qui t'a
& foudre.
preftre qui ait la puifl'ance de l'ab-
d'aller à Geneue r » R. « Perfonne
n'a parlé à moi de cela , tant s'en faut du Pev
Roi après, l'ayans
, fut liuré tiréles
entre desmains
prifons
du
qu'on m'ait induit à ce faire; mais c'a bourreau, & mis fur vne claye, ayant
efté de mon efprit , & y voulois aller vne bride qui lui tenoit vn efteuf (i)
pour fauoir s'ils tenoyent autre foi que dedans la bouche, qui le rendoit tout
k celle
ils que i'ai
viuent. » ici depofee, & comment
Apres lui auoir fait attacher pieds
desfiguré , & ce afin qu'il ne parlaft.
Eftant paruenu en la place publique,
& mains fur ledit banc, & vne pierre
à dos d'afne fur le dos , & fait tirer (i) L'esteuf ou éteuf était une petite balle
vn tour de rouet eftant au pied, lui l'in-
dique . cetteà laballe
pour jouer remplie ladesuite
étaitComme
paume. poudre
demandèrent qui eftoyent fes compli-
àfit canon
explosion qui,et lorsque
acheva la flamme l'atteignit,
le patient.
i
ces, & qu'il priaft la vierge Marie &
.56 LIVRE CINQUIEME.
cellent le fecours du Seigneur lors deux ayent fait cela par infirmité , ou
que le fidèle ejl en daute, ou qu'il pludoft que cela ait efté fait par l'af-
tuce du Chancelier, & par diffimula-
_ on agité
ejl adrejfede toute
tentations . & que
la fcience 'fans
que nous tion cauteleufe , on ne fauroit dire
aurons acquife ne fera que poudre cornment cela fe fit, fmon que ce der-
ou paille qui fera menée au gré de nier eft plus vrai femblable, alTauoir
°
nos ennemis.
1 afin que ce renard euft quelque argu-
ment & couleur de retraftation feinte,
Il a efté parlé ci deflTus de Jean laquelle il peuft propofer aux autres
Cardmaker, au lieu où mention a efté pour imiter, ou pour les mettre en face
à ceux aufquels il auroit à faire. Il en
faite de l'emprifonnement de Saun- auint ainfi . car toutes fois & quantes
ders(i). Icelui tenant vue prébende
de l'Èglife de Wellen (2), du temps que depuis il eut quelque caufe à dé-
du Roi Edouard, s'eftoit fidèlement mener contre quelques autres , il leur
employé à publier la parole de TEuan- mettoit en auant les noms de Cardma-
gile. Mais en la dilTipation & ruine de ker & Barle, & les loûoit comme
l'Eglife, il fut empoigné auec Barle , gens de grande grauité , prudence &
Barle , Euefque Euefque du diocefe de Baden (5) , & doârine. Tant y a que quant à leur
de refponfe, quelque chofe que ce fuft,
Baden. après cela on le mena prifonnier à
on commanda à Barle de retourner en
Londres.aboli
encores Lesles Parlemens
ordonnances n'auoyent
& flatuts prifon, de laquelle il fortit par ie ne fai
que le Roi Edouard auoit fait publier quel moyen, & de là alla en Alema-
auparauant , & la loi iudiciaire (la- gne, où, eftant comme relégué, fît pro-
feffion ouuerte de l'Euangile. Mais
encore quelle
remifeils appelent l'Office)
es mains des (4) n'elloit
Euefques. Cardmaker fut mis à part en vne autre
Or, auflî tofl que la puilTance & fa- prifon , en laquelle vn peu après lean
culté fut ottroyee aux Euefques de Saunders fut ferré, comme on a veu
maintenir leur authorité , on fit venir, ci delTus. Cela ne fut point fait fans
entre plufieurs autres, ces deux-ci de la quelque finguliere prouidence de
prifon , pour eftre interroguez & exa- Dieu. De fait , Cardmaker ayant la
minez de leur dodrine. Le Chancelier, faiiiiliarité de Saunders , recueillit
retournant à fa vieille chanfon, leur
plus de force à défendre l'Euangile.
propofa la mifericorde de la Roine , Auint que Boner, Euefque de Lon-
dres, fe promettant toutes chofes de
moyennant qu'ils changealTent de foi
I
& de religion,
dociles & qu'ils
& obeilTans fe monflraffent
à leur PrincefTe. lelafcheroit endiuulguoit
Cardmaker, bref de lapar tout après
prifon, qu'il
Eux refpondirent de telle forte que qu'il
tiationauroit foufcritarticles.
& autres à la Tranlfubffan-
Cardmaker
r Euefque & fes complices les laifTe-
rent aller fauues, comme les eftimans demeurant ferme en fon bon propos ,
affez catholiques (î). Et foit que ces & ne flefchilTant pour belles promeffes
ou menaces qu'on lui feuft faire, rnon-
(i) Voy. plus haut, la notice sur Saunders. ftra combien la vanterie de l'Euefque
eftoit vaine , & comment le peuple
(2) Wells.
(j) Barlow, évêque de Balh and Wells. auffi y auoit trop légèrement creu.
(4) « Afier ihe bishops had golten power
artd authority, ex officio , to exercise their Or , après que Saunders eftant fe-
paré de lui , eut efté mené à la mort
tyranny. »
(;) Il De Angliae rébus pauca et minus (comme il a efté ci delTus) & que
suavia hœc habeo. Finilo Parliamento, con-
vocari curavit Vintoniensis omnes Londini Cardmaker fut laift"é feul en prifon, il
vinclos propter verbuni Domini numéro 80, il eut beaucoup d'aflfaux par les Papif-
et cum ils poUicitationibus, prœmiis et minis tes, & longtemps, lefquels conceurent
egit , ut palinodiam canerent. Omnes per-
sisterunt constantissime, e.xceptis his duobus : grande
cordelle efperance de l'attirer
(i). Plufieurs à leurà
trauaillerent
Berloo, Balhoniensi quondam episcopo et
Cardinakero, ejusdem ecclesiae ut puto , cela , & y venoyent fouuentefois par
archidiacono. Hi enim illi cesserunt. » troupes, & faifoyent tout ce dont ils
(Lettre de Thomas Sampson. réfugié anglais,
à Calvin, datée : Strasbourg, 2; février pouuoyent s'auifer pour le deftourner :
ils debatoyent , ils le menaçoyent , ils
155;. Calvini Opéra, XV, 448). u Vintonien-
sis » signifie Etienne Gardiner, évêque de l'efpouuantoyent, ils le prioyent, ils le
Winchester. Strype (Eccl. Mem., 111, 1.
p. 241) dit au sujet de Barlow : « Il fut forcé
par Gardiner et d'autres papistes , non seule- (i) Petite corde Mot employé ici dans le
ment d'abjurer, mais de composer un livre de sens
rétractation, ce qu'il fit pour sauver sa vie.» le motoù correspondant
s'emploie vulgairement
: ficelle. aujourd'hui
.58 LIVRE CINQUIEME.
flattoycnl. Se voyant donc alTailli de ville, aufquels il tint fi long propos que
tant de fortes, i)t ne le pouuant dcf- Waren eut loilir d'acheuer fon orai-
peflrer bonnement de leurs laqs , il fon & de fe defpouiller de fes habille-
les pria de mettre leurs railons par mens & d'ellre attaché au polleau , &
finalement tout ce qui efloit propre à
cfcrit, it qu'il leur refpondroit auCfi le brufler elloit défia préparé, & de-
par cfcrit.
Ce fupcrbc Vn dodeur Lcgifte entre autres , meura là quelque temps à attendre
LeKiilc fc pria que celle charge lui full donnée ,
monltrc inepic que le feu full mis dedans le bois du-
Théologien. d'elcrire. Ce dodeur auoit nom quel il elloit enuironné. Durant le
Martin , cS: eftoit fait de la main du temps que Cardmaker fut retenu par-
Chancelier, ayant elle façonné en Ion lant aux Efcheuins , le peuple eftoit
efchole à tromper & deceuoir, homme en grand foin i*t crainte ; car ils
au demeurant d'alfez bon efprit entre auoyent auparauant oui murmurer ie
les Papilles, s'il eull voulu employer ne fai quoi ae la retradation de Card-
maker &
, ellans amenez à quelque
les grâces qu'il auoit, à défendre la
veritii kS; droiture, plulloll que s'acom- foupçon, ils n'attendoyent autre chofe
moder à vilaines flatteries, ou s'il fe finon qu'icelui full contraint de fedef-
full modellement contenu en l'es bor- dire auprès des cendres de Waren;
nes, dedans lefquelles fa profeffion mais, après que les propos furent ache-
uez , Cardmaker lailTant les Efche-
l'auoit limité, & qu'il ne fe full ingéré
plus auant que fa vocation le portoit. uins s'en vint au lieu où fon compa-
Tout ainfi qu'en cela il fc monllra plus gnon eftoit défia attaché , & eftant
impudent mainteneur que prudent encores veftu des habillemens qu'il
Théologien , aufli acquit-iJ plus de auait lors , fe mit incontinent à ge-
defhonneur à foi inefme, que de profit noux (S: pria long temps à part foi
aux autres, & fufcita beaucoup plus fans eftre oui des autres. Et cela en-
cores augmenta le foupçon du peuple,
de riotes (i) oifiues (2) en l'Eglife que
d'édification iiecelTaire. Cela fut alTez d'autant qu'en premier lieu il eftoit
déclaré par vn petit Hure, lequel il encore veflu & qu'il prioit tacitement,
compofa en langue vulgaire, l'an 1 5 54. & d'auantage qu'il ne monflroit aucun
par lequel il efmeut de grandes tragé- figne qu'il
dies contre le mariage des Prellres. tation.vouluft faire quelque
Bref, Cardinaker eftoit exhor-
en un
Ce gentil dodeur donc entra au com- eftat douteux et fort dangereux. On
bat contre Cardmaker, pour mainte- lui donnoit encore liberté de fe def- Ses tentations,
nir la Tranlfubllantiation & autres ar-
ticles. Cardmaker auffi efcriuit contre dire. S'il refufoit la condition qui lui
eftoit offerte au nom de la Roine, il
lui, L<: reprima fort dextrement la fiere voyoit la mort prefente deuant fes
audace de ce dodeur, lui remonllrant yeux, & la chofe ne pouuoit eftre dif-
Mon de que, s'il dedans
contenu eull ellefesbien fage , En
bornes. il fecelle
full férée. 11 n'auoit pas loifir de faire
longues délibérations. Des deux parts,
Cardmaker.
forte Cardmaker ayant elle long temps on attendoit ce qu'il refpondroit &
& par plufieurs fois pourfuyui , de- feroit. Il voyoit le danger de tous
meura toutefois confiant iufques au
coftez , le danger du corps d'vn , le
tourment de la mort cruelle, laquelle
danger de l'ame d'autre. Sa conf-
il endura peu après, au marché de cience le tourmentoit d'vn cofté , &
Smythfild en la ville de Londres, &
d'autre par fon et'prit eftoit miferable-
l'endura autantmaintenu
conllamment pailiblement qu'il auoit
fa caufe. ment agité pour l'ellonnement de la
mort. Mais tout ainfi qu'il voyoit ie
danger des deux coftez, auffi pre-
Déclaration Iean Waren, reuendeur (j) demeu- uoyoit-il le guerdon (1), la vie A la
plus particu- rant en la ville de Londres, fut con- vidoire; l'vne en ce monde qui eftoit
lière de la
mon de damné àeflre bruflé auec Cardmaker. facile, mais temporelle; l'autre au ciel,
Cardmaker. Quand tous deux furent paruenus au immortelle, mais dangereufe : encores
ce chois lui eftoit en liberté, laquelle
lieu du fupplicc , Cardmaker fut ap- il euft voulu eflire des deux. Les Ef-
pelé Apart par les Efcheuins (4) de la
cheuins lui auoyent permis (comme on
le pouuoit facilement coniedurer) de
(1) Disputes. choifir ce qui lui fembleroit le meil-
(1) Oiseuses. leur. Ilauoit bien befoin du fccours
()) Upholslcrer, marchand de meubles et
de lapis,
(4) Les shérifs. (1) Récompense.
RECIT D HISTOIRE.
prefent de Dieu, lequel n'abandonna fupports les mettant en inquiétude & m.d lv.
point ce poure homme en fa neceffité. rage continuelle Les Efpagnols en ce Les Efpagnols
Car, après que Cardmaker eut acheué carefTez en
temps auoyent la vogue en Angle- Angleterre.
de faire fon oraifon, il fe leua fur fes terre, àraifon du mariage de la Roine
pieds i-t fe defhabilla iufques à la che- Marie auec Philippe, Roi d'Efpagne.
mife de fon hongre, & ayant fait cela, Il y auoit en la ville de Londres vn
acourut à fon compagnon Waren au nommé Guillaume Toulee (i) , du
_^ lieu où il eftoit attaché pour eflre nombre de ceux qui n'ont autre
■- brufié, &, tendant fes bras & fes mains, moyen de viure que de feruir es
cours des Princes ou es familles des
V il bail'a le pofleau & donna la main à
B Waren, l'exhortant à prendre bon cou- grans. Auint qu'ayant rencontré vn
" rage; puis après fe prefenta alaigre- Efpagnol, il lui ofta par force fon ar-
ment & fans reliftance pour eflre at- gent. C5la eftoit vn forfait deteflable
& énorme, & encore eftimé tant plus
'"^hremen'''^ toute
taché. fon
Le attente
peuple voyant cela , contre
, fut autant refioui
grief
contre devn ce qui qu'il
eftoit auoit eftéauquel
du pays commisla
qu'auparauant il auoit elle troublé, &
commença à grand cri , voire autant Roine portoit grande faueur & toute
grand que iamais on ouit enfemble tel; la Cour auec elle. Apres que la iuf-
&& tous crioyent d'vne mefmefoitbouche tice eut conu du fait , Toulee , con-
confentement : « Dieu béni , uaincu de larrecin, fut condamné à ef-
Cardmaker, le Seigneur te vueille tre pendu ; on le mena donc auprès de
fortifier, le Seigneur Jefus reçoyue la Croix de Charing (2) pour eftre
ton efprit. » Et le peuple ne ceffa de exécuté. Deuant que mourir, il dit
continuer cefle acclamation iusques à beaucoup de chofes au peuple, comme
tant que le feu fut mis & que tous par forme de remonftrance, & fit vne
deuxfacrifice
eurent de
rendu l'efprit au Seigneur prière que les Anglois auoyent acouf-
en bonne odeur. Cela fut tumé de dire es Eglifes, du temps du
le dernier iour de Mai, l'an 155^. Roi Edouard : « Que le Seigneur les
Or Waren, qui eftoit bourgeois de deliuraft des erreurs deteftables de la
la ville de Londres, auoit fait entière Papauté & de la cruelle tyrannie de
confeflion de fa foi, le iour deuant l'Antechrift Romain (5). » Toulee, à
qu'il fut mené, l'occafion de telle prière, tomba après
le Symbole des ayant expliqué
Apoftres en bref
, & auec ce fa mort en cefle tyrannie defbordee
il déclara ouuertement fon opinion par tout. Auffitoll que le bruit eut
touchant la dodrine des Sacremens, efté femé&paruenu iufques aux oreil-
fe purgeant fuffifamment contre la les des Preftres & Euefques félon leur
condamnation de fes aduerfaires (i). couftuiiie, ils firent des bruits merueil-
leux, fe tempefterent et prindrent con-
feil qu'il ne faloit endurer vn tel ou-
trage fait contre le fiege Romain.
Ayans afi'emblé leur fynagogue comme
pour mettre chofe necelTaire & de
Rccit d'HiJïoire touchant certains pcr- grande importance fur le bureau , on
fonnagcs qui ont cjU dctcrrc\ en ce propofa le fait de Toulee , on prend
temps & brujle^ après leur mort (2). confeil, on détermine; finalement après
longues enquefles , combien que les
Ce necit qui de prime face femblera
opinions fultent diuerfes, on s'arrefta
ridicule, nous efl ici propofé pour re- à l'opinion de ceux qui furent d'auis
marquer lacruauté, ou plufloll force- que la faindeté du treffaind Père de
nerie que les aduerfaires exercent con- Rome, qui auoit eflé ainfi outragée, de-
tre les morts ; en quoi nous noterons uoit élire vengée par feu. On veut dire
qu'il que le Cardinal Pol (4) fut autheur de Le Cardinal
tion» yque
a diuerfes efpeces
Satan fufcite de perfecu-
au cœur de fes ' dite
ceft auis, car tout ainfi que le Chan- Po'usles perfe-
morts.
(i) Cette famille donna trois martyrs à la (i) Fo.xe le nomme John Tooley.
réformation anglaise. IVIary Warne, femme (2) Charing-Cross, rue de Londres.
de John Warne, souffrit le martyre au mois
de juillet suivant, et sa fille, Joan Lashford, (;) C'est
n From the la litanieof dite
tyranny de Henri
the Bishop VIII :
of Rome,
fut brûlée le 27 janvier 1550. and ail his détestable enorraities, good Lord,
(2) Voy. Foxe, t. VU , p. 90-97, où toutes deliver us. »
les pièces de cet étrange procès sont repro-
duites. (4) Le cardinal Pôle , légat pontifical.
Voy. p. 9;.
i6o
I
tes ily en a beaucoup de tels en ton Baget. « Je le penfe ainfi, monfieur
le reuerend. » Bo. <i Vrayemeni, tu
pays, qui font de celle fadion. Ne
conois-tu point Knygth c^ Piggot (i) mérites bien qu'on te dife des iniures
qui font de ton pays? » R. << Je conoi & outrages. Fol que tu es , pourquoi
Hcb. 12. 1 5
KnvRih ft bien Knygth, mais ie ne conoi point n'as-tu ainfi parlé des le commence-
Pîïgoi. l'autre. » D. " l'auoi bien penfé que ment .' car tu as bleft'é au parauant la
tu auois acquis conoilïance & familia- confcicnce de ce pauure homme igno-
rité auec telle manière de gens , qui rant, par ta folle refponfe. » Et, tour-
font de ta manière de viure, & cela nant fon propos à Haux, dit : « Tu
aufli eft a(Tcz déclaré par l'opinion vois bien que ceft homme-ci retourne
que tu as des Efcriturcs. Di-moi quels à fon bon fens. » H. « Ma foi n'eft
prefcheurs auez-vous là en ElTex. » point appuyée fur ceft hommc-ci , ne
fur vous, monfieur, ne fur homme qui
R. '< le n'en fai point. » D. « Entre foit au monde, mais elle eft fondée fur
Bagei. autres, ne conois-tu pas vn nommé Ba-
get .' » R. n le le conoi bien. » D. vn feul lefus Chrift, autheur & con-
« Le conoillrois-tu fi tu le voyois .' » fommateur de noftre foi. » Bo. « Je
R. " Oui, comme ie penfe. » Baget(2)
conoi que tu es rebelle & d'vn cœur
euoqué entra fur ces entrefaites, au- oblliné, parquoi il nous faut trouuer vn
quel Boner dit : « Baget , conois-tu autre moyen pour te faire fiefchir. » H.
ceft homme de bien .' » Baget refpon- ic Je fuis défia refolu & preft d'endurer
dit : '< le le conoi. » Et quand &
tout ce qu'on ordonnera contre moi. »
quand nous donnafmcs la main l'vn » SvR ces entrefaites on s'en alla
l'autre. Sur ce Boner lui demanda : difner. De moi, ie fu mis à la table d't urypil (1)
Vn
du principal
colleté
« Qu'en dis-tu, Baget.' ce rullre-ci a du maiftre d'hoftel, & après qu'on eut
vn enfant qu'il garde en fa maifon , acheué de difner, les Preftres A au-
fans le faire baplizer, et perfifle en fon
tres eftafiers de l'Euefque commencè-
opinion rer rent à mettre des propos en auant
Baptefme, qu'il
à fonne fils,
fera félon
adminift
la façonle d'vn cofté A d'autre. Entre autres, il
que le Baptefme e(l auiourd'hui admi-
niflré. Di-moi ton opinion fur cela .' » y auoit vn principal du collège d'Ox-
Baget , à la façon de Cour, lui ref- fort, parent bien prochain de l'Euef-
pondit : (' Monfieur le reuerend , ie que, qui difoit que i'eftoi curieux plus
qu'il n'eftoit de befoin , & tenoit ce
n'ai rien à dire fur cela. » Boner faf- propos : « Vous autres ne pouuez rien
ché lui dit : « Tu ne veux donc rien
foulfrir que ce beau liure diuin, « ainfi
dire.' ie trouucrai bien le moyen pour appelloit-il le nouueau Teftament. H.
te faire déclarer fi cefie façon A céré- " Ne penfez-vous pas que ce liure
monie du facremenl du Baptefme, qui fuftife à falut .' » Icelui dit : « le penfe
eft en l'Eglifc, eft louable ou non. » bien qu'il fulTit à falut, non pas à in-
Baget iniîfta : « Monfieur, ie vous ftrudion. » H. « le defire que ce fa-
prie, n'vfez point de rigueur enuers lut m'auiene, & quant à cefte inftruc-
moi; il a de l'aage , qu'il refponde tion , gardez-la pour vous. » Pendant
pour foi. « Boner appel la vn officier
& lui dit : « Fai moi venir le portier, que nous tenions ces propos, l'Euef-
ie te ferai donner des fouliers de bois que furuint. Bo. « Mais quoi.' ne
& ferrer eftoitement en prifon , & t'auoi-ie pas défendu de parler à per-
fonne.' » H. « le vous auoi auffi prié
n'auras que du pain A manger, & de de mon cofté que nul de vos dodeurs
l'eau à boire ; ie voi bien que ie t'ai ou feruiteurs ne me prouoquaft à ref-
par tropefpargné iufques à prefent. "
pondre. » De li\, nous ful'mes dere-
" TosT après, l'Euefque fe retira chef menez au iardin , où l'Euefque
aux iardins, où il s'affit, A commanda commença à parler en cefte façon :
qu'on lui lift venir Baget, auec lequel " Que dis-tu f Permettras-tu point que
auffi on m'apella , A l'Euefque com- ton fils foit receu au Baptefme, félon
mença àdire ainfi : » Q^e dis tu du le formulaire du liure qui eftoit en
Baptefme, lequel l'Eglifc a mainte- vfage du temps du Roi Edouard
nant.' parle ouuertement : as-tu opi- fixiefme .' » H. « Certes, ie le defire
nion qu'on en doiue vfer en l'Eglifc, grandement éit de toute mon affec-
tion. r>B. tu
mais voici, « Jeas l'ai bien penfé
maintenant ainfi ;
vn mefme
(i) Voy. plus haut, p. 14c.
(1) Nf)us ne savons rien de plus que ce
qu'il y a ici Mir ce Bogcl. (i) CoUiicc de Brnadgalcs, d'après Foxe.
THOMAS HAVX.
formulaire de faiiS. La forme & fub- & de moi ie te veux traiter amiable- m.d.lv.
ftancede la vérité c'ell : Au Nom du ment. Que veux-tu dire.' Il eft efcrit : lean 6.
Père, & du Fils, & du faitiA Efprit. Je fuis le pain de vie, & le pain que
Ce que mefme ie ne nie pas élire affez ie baillerai, c'eft ma chair, laquelle ie
en temps de neceffité. Or, afin qu'il baillerai pour la vie du monde. Qui
ne femble que nous ne vueillions rien mangera ma chair & boira mon fang ,
faire pour, toi , tu pourras demeurer demeure en moi , & moi en lui , &
en ma maifon, s'il te femble bon, & aura la vie éternelle. Ne crois-tu
cependant ton enfant fera baptizé fans pas ces chofes eftre vrayes.^ » H. « Oui
bien , comme de fait il nous faut ne-
ton feu. » H. « Sii'euffe voulu accep- ceffairement adioufter foi aux paroles
ter cefle condition , il n'eftoit befoin
qu'on m'amenaft ici, car cette mefme de l'Efcriture. » B. « le n'ai donc
condition m'a eflé offerte première- point de peur que tu ne fois pur & en-
ment chez le Comte d'Oxfort. » B. tier en la foi du Sacrement. » H.
« Tu es plus audacieux que ton aage a Monfieur, ie vous prie de ne met-
ne porte , & il fe peut bien faire que tre autre chofe en auant. ne d'autres
quelque opinion de réputation te queftions que celles defquelles on
meine. afin que tu acquières louange. m'accufe. » B. « Allons maintenant
Ne penfes-tu
fance de la Roine pas qu'il
& defoit
moien, dela com-
puif- ouyr
le dos,vefpres.
& que »ie 'Voyant
fortoi dequela iechapelle,
tournoi
mander que cela foit fait , encore que
tu y contredifes ? » H. « Je ne deba il me dit : « Comment, pourquoi n'af-
fifteras-tu pas à vefpres auec nous ? »
point maintenant
thorité de la Roinequeou peut valoir; mais
la voftre l'au- H. « Pource qu'il n'eft expédient à
édification & falut que i'aille ouyr ce
entant que touche ma confcience ,
que ie n'enten point. » B. « Mais
i'efpere qu'elle quoi.- Tu pourras cependant prier fe-
immuable. » B. demeurera ferme
<( Tu es vn ieune& cretement à part. Quels liures as-tu } »
homme merueilleufement opiniaftre. H. « Le nouueau Teftament, les Pro-
uerbes de Salomon, & le Pfautier. »
II faut que ie t'aye par vn autre
moyen. » H. « Vous & moi fommes B. « Mais tu pourras prendre des
en la main de Dieu : moyennant fa
bonté & grâce, ie fouffrirai patiemment prièresaffeftion
point du Pfautier.
de prier» en
H. ce« lieu-là,
Je n'ai
tout ce que bon lui femblera. » B. ou en autre femblable. » Alors, vn de
« Quelque opinion que tu ayes de ceci
en ton cœur, ie ne veux point que tu fes prefires
ne fera pointditparticipant
: « Qu'il auec
s'en aille
nous., il
»
en fonnes vn feul mot deuant moi.» En H. « Pour cefle raifon mefme m'ef-
• cefle forte le propos fut rompu , & time-ie plus heureux , quand ie ferai
bien loin de vous. « Et pourtant ie
chacun fe retira. Cependant, î'Euef-
que m'ayant fait venir en fa chapelle , defcendi de cefle chapelle, & m'en
me dit : « Haux, ie voi que tu es beau allai pourmener au paruis au dehors ,
ieune homme, à qui Dieu a diftribué qui eftoit entre la chapelle & la fale.
Bien toft après ils eurent âcheué leurs
de fes grâces: i'ai telle affedion en-
uers toi , que ie voudroi te faire plaifir
en toutes fortes. Tu fais que ie fuis vefpres,
chambre &fecrette
l'Euefque
auecme trois
menapreftres
en vne ,
ton pafteur, & qu'il me faudra rendre & commença à m'interroguer derechef,
compte du falut de ton ame deuant le difant : « Ne te fouuient-il point du
Juge fouuerain, fi tu n'es purement dernier
inflruit & comme il apartient. » H. touchant propos que i'ai, quand
le Sacrement eu auectu me
toi
« Ce compte que vous aurez à rendre requerois que ie ne preffalTe point ta
ne fera pas que ie demeure impuni confcience plus auant que les chofes
^ quand ie ferai quelque faute. Parquoi defquelles tu es accufé. » H. « J'ef-
■ ie fuis refolu de perfeuerer iufques à pere que vous ne ferez pas iuge &
■ la mort en ce que i'ai dit, moyennant partie
mais tucontre moi. » B. dua C'eft
me refpondras cela ,
Sacrement
l'aide de mon Dieu, & n'y a créature
qui me deftourne de mon propos. » de l'autel , du Baptefme, du Mariage
B. " Haux, ne di point cela & ne le & de Pénitence. Premièrement , en
Matth. 2,-. 28. mets point en ta fantafie. Ne fais-tu ce qui touche le facrement de l'autel,
pas que Jefus Chriftenuoya deux hom- il femble que tu n'y esaffez pur &en- De la Cène
mes en fa vigne, & l'vn dit qu'il y iroit, », H,.
tier. de
ment
1^1-^ • ■ facre- ■ appellee
« Qu'appelez-vous
1 .autel.-
Papillesdes
De moi le ne conoi sacrement de
& toutefois n'y alla point.- » H. " Le
dernier y alla. » B. « Fai le femblable, point vn tel Sacrement. « B. « Et bien, i'.'\utcl.
164
LIVRE CINQUIEME.
nous donnerons bien ordre que tu le plus pures par la parole de Dieu ,
vous ne ferez iamais que ie vous
fauras, »Sr que tu y adioufteras foi adioufte foi, encore que vous faciez
que tu partes
auant pourrez d,'ici. » H. << Vous tous vos efforts. » Boner , fur cela ,
ne le iamais faire, moyennant foufriant à fes eftafiers de Preflres,
la grâce de Dieu. » B. « Mais les fa- dit : « lefus, lefus, quel homme
gots le feront faire. » H. » le ne me
foucie point de vos fagots; vous ne ignorant & opiniaftre auons-nous
ici ! » Ces chofes fe faifoyent en fa
me ferez ("mon ce qui femblera bon à
la bonté Diuine. >- B. « Ne crois-tu chambre fecrette. Or, il parla dere-
chef à moi en cefte forte : » Defcen
pas qu'en ce trofTainiS Sacrement de
l'autel, le pain n'y demeure plus pain après moi , & demande à boire, car il
après les paroles de confecration, ains eft auiourd'hui iour de iufne, afTauoir
que feulement y demeure le vrai corps la veille de la fefte de S. leaii Bap-
& le vrai fang de Jefus Chrirt ? » En tifte, mais ie penfe que vous autres ne
difant cela, il ofta fon bonnet. H. » Je tenez conte du iufne ni de faire orai-
croi tout ce que Jefus Chrifl a exprimé fon. " H. I' l'aprouue & les iufnes &
I
par fa fainéle parole. " B. » Mais Je- les oraifons , félon que l'vn & l'autre
fus Chrift, nous enfeignant par fa pa- eft inftitué par la parole de Dieu.» Sur
cela nous mifmes fin au propos de ce
role , n'a-il pas dit ainfi : >< Prenez , iour.
mangez, ceci eft mon corps? » H.
« Je confcITe que ces paroles font de
Chri(\; toutesfois il ne s'enfuit pas de » LEiendemain.quieftoit Dimanche,
cela que voflre facrement de l'autel Boner fe difpofa pour aller à Lon-
de fait Jefus ne l'a dres ,car c'eftoit le iour folennel au-
iamaisainfiainfi
foit , & monftré de loinChrift
au peuple quel Feknam deuoit eftre inftallé
Doyen de la grande Eglife (i). le
par den"us la tefte , & n'a rien enfei- demeurai cependant en la maifon de
gné de tout ce qu'aucz en vfage. » B. Boner à Fullam (2) , où eftant requis Fullam e(l vn
« Toutefois , l'eglife catholique l'a
ainfi enfeigné. •■ H. <> Les Apoftres.
par les feruiteurs d'aller à la Meft'e, petit Heu près
qui ont cfté les Do6leurs de la pre- de ''^ Londres,
cefte
ie di quemefme ie neexcufe pas , &euxvfaique
le feroienuers
mière Eglife, ne l'ont pas ainfi enfei-
gné. » B. " Quelle raifon as-tu pour i'auoi fait parauant vers l'Euefque, le-
monftrer qu'ils n'ont pas ainfi enfei- quel fur le tard arriua de Londres.
gné ? » H. « Lifez le 2. & 20. chap. Le Lundi fuyuant , il commanda que
des Ades des Apoftres. S. Pierre & vinll'e vers lui au plus matin , eftant
S. Paul n'ont iamais inftruit les Egli- Arche- -
fes de cefte façon. >) B. « Ce ruftre-ci acompagné
diacre de Londres, auquel (?),
de Harpsfild Boner dit :
ne reçoit rien en l'Eglife, finon ce qui « 'Voici l'homme duquel ie vous auoi
eft contenu feulement en l'Efcriture, parlé , quT ne veut point que fon fils
foit baptifé , & ne peut endurer aucu-
& ce que Jefus Chrift a laifl'é nue- nes cérémonies. » Har. « Comment !
ment. » H. « Je n'adioufteroi point
foi à celui qui m'enfeigneroit d'vne mon ami vfé
mefme ? Jefus Chrift n'a-il pas
de cérémonies, lui-
quand,
autre façon que Chrift lui mefme ne
faut donc ayant fait de la boue de la poudre de
m'a enfeigné.
vous autres faciez » B. "laIlCenc auec que
vn la teiTe & de la faliue, il en mit fur
agneau , s'il ne faut rien receuoir, les yeux de l'aueugler » H. « le le fai
finon l'inftitution de Jefus Chrift. » & confefte qu'il eft ainfi, mais nous ne
H. " Cela n'eft point neceft'aire , car lifons pas qu'il ait fait cela au Bap-
quand la Cène a efté introduite , tefme. Que fi nous voulons vfer de cé-
quand tt quand les cérémonies de la rémonies l'exemple
à de lefus Chrift,
Loi ancienne ont efté abolies. >■ B. ie di que cela fe doit faire pour la
« Poure homme que tu es, ne fais-tu mefme fin qu'il le faifoit , & non au-
d'où la Ccne a eu fon origine pre- trement. )'Har. I' Et que fera-ce fi
mière,ou d'où eft procedee l'inliitu- l'enfant meurt fans Baptefme - ne lui
tion d'icelle.' » H. <• Je voudroi bien ferez-vous pas caufc d'vn grand mal .' »
que vous me fiffiez plus fauant que ie
ne fuis. » B. « Et nous defirerions
volontiers de remédier à ton igno- (1) Voy. noie de la page 4.
(2) Fulham, à 10 kii. de Saint-Paul, fait
H. pourueu
docile. »rance, que tu
" Quant te ,rcndift'es
à moi fi vous partie
de aujourd'hui du district métropolitain
Londres.
ne m'enfeignez cRofes meilleures ou ()) Voy. note de la page 114.
THOMAS HAVX.
r
H. « Quand il auiendroit, qu'en fe- à Jefus deChrift , d'in-
roit-il pourtant .- h Har. « Vous-vous uoquer contrairecréature
que , & aucune ce monde,
précipiteriez, & voftre fils, en danger
B. fe
ou fier enneautre
.1 Nous parlons de Dieu
qu'en feul. »
la confiance,
euident d'eftre damné , car ne fauez-
vous pas bien que voftre fils eft engen- mais nous difons que l'inuocation qui
dré en péché originel? » H. « Il eft s'y fait eft bonne & fainfte. Quand tu
vrai. » Har. i' Comment efl-ce que
le péché originel eft effacé? » H. la onCour,
viens à tinent ne te faitfaispasbien
tu qu'incon-
entrer en la
« Par foi en lefus Chrift. » Har. « Et prefence de la maiefté du Roi, ou de
comment pourra le poure enfant auoir
cefte foi que vous dites? » H. « Pour la Roine
vous y foit , ains fautleque
faite ilpar l'entrée
moyen des
liurcs lonl-cc > >• H. .< Les liiires de fel. I) Ce qu'ils firent, & incontinent
rArchcucfquf de Cantorbie, les fer- après, les eaux (dans lefqucUes ie pro-
mons de Latimer, les œuures de phète icta le fel) furent rendues faines
Hooper, les prelches de Bradfort , & lufques auiourd'hui , félon la parole
autres femblables , conformes à la
qu'Elifee auoit dite. Semblablement
faintSe Efcriture. » B. « Allons , quand nos fontaines deuiendront mau-
allons, i'enten bien qu'il ne veut point uaifcs & corrompues, fi û l'exemple
d'autres liures que ceux-là qu'il en- d' Elifee vous les faites deuenir bon-
tend eflre propres pour la defenfe de nes, lors i'eftimerai vos cérémonies. »
fon herefie. i> Ainfi ils me lailTerent , B. « Que diras-tu du pain bénit.' car Le pain benii
car Harpsfild cfloit houfé & efpe- tu fçais bien ce qui efi efcrit en
ronné , & prefl à monter à cheual l'Euangile , que Chrift ralTafia cinq
mille hommes de cinq pains & deux
pour s'en vers
retournai allerle àportier,
Oxl'ort.quiEt eftoit
ie m'en
ma poiffons. » H. « Si vous voulez dire
que ce pain-la fuit bénit, il faut donc
Hirtoiregarde. » Le lendemain , vn petit vieillard (i) par ce moyen que vous baillez du
*^ •*'"ii'"h'' ^'"' ^'^^^ Boner, lequel vieillard auoit poiffon bénit au peuple. » B. « 'Voyez,
viei ard. ^,^ p^^ auparauant elle depofé de fon ie vous prie, que ce galand ici fait du
fubtil. » H. " Jefus Chrill ne fit iamais
Euel'ché , à caufe qu'il s'elloit marié.
II apporta à Boner, pour prefent, des
ce
faits,miracle
afin de, les
ne imiter,
tant d'autres qu'il a
ains feulement
pommes & vn flafcon de vin. L'Euef-
que le print par la main & le mena au
iardin, où m ayant fait appeler, lui dit pour monftrer
trine, & pour que c'eftoitle depeuple
induire fa doc-à
en ma prefence : << Ce ieune homme croire en lui. Il efi bien vrai que Je-
a vn fils, lequel il ne veut permettre fus mefriie efi autheur & tefmoin que
eflre baptizé. » H. « Ains le fouhaite, tous fidèles feront de tels fignes & mi-
racles, difant : a Et en mon nom ils Marc 16.
moyennant que ce foit félon l'inrtitu- ietteront les diables hors des corps,
tion que Chrifl a laiffee. » B. « 'Vous
eftes vn grand fot , vous ne fauez que ils parleront langages nouueaux , &
vous demandez » (ce qu'il profera de s'ils boiuent quelque chofe mortelle ,
grande cholere). Le vieillard qui eftoit elle ne leur fera aucun mal. » B. « Et Notez celle
là dit : « Beau fils, il Aiut que vous- vous autres, quelles langues nouuel- refponfe.
vous montriez obeilTant aux conrtitu- les parlez-vous.' di-moi. » H. « le le
tions de l'Eglife dirai : defgorgeant iadis blafphemes &
anceflres. » B. ", Lui
& fimitateur de vos
il ne le fera ia- vilenies contre Dieu , maintenant
mais , comment .' il ne veut ouir ne
ayant fenti quec'eftoit de l'Euangile ,
rcceuoir autre chofe que l'Efcriturc , i'ai changé ma langue, & commencé
laquelle il n'entend point. S'il reiettc de parlerfaindes
chofes tout autrement , c'eft
& honnelles , & à félon
dire,
toutes les cérémonies qui font en
l'Eglife, qu'efl-ce qu'il nous dira de Dieu. » B. " Et comment efl-ce que
De l'eau bc- l'eau bénite.' » H. « J'en diroi tout vous iettez les diables hors des corps.''»
"''•=• autant que i'ai fait des autres refuc- H. « Le Seigneur eftant en ce monde,
ries, & de leurs autheurs. » B. « Tou- ietta les diables par la vertu de fa pa-
tesfois, l'Efcriture l'aprouue, car il role, laquelle il nous a laiffee, à ce que
ell par la mefme vertu, quiconque croid
fee efcrit
ictta du aux felliures des les
dedans Rois,
eaux.qu'Eli-
>■ H. en lui iette femblabiement les diables
" Il efl vrai . car les enfans des Pro-
des corps. " B. " N'as-tu iamais beu
phètes fepleignans à Elifee lui dirent : de poifon, ou quelque autre chofe
«1 Nous te prions, voici il fait bon ha- femblible r » H. " Je n'ai beu que Que c'cil
biter en celle ville, mais les eaux font trop de la poifon des fuperftitions & dhcreiie,
mauuaifcs , " aufquels il dit : « Apor- & cérémonies de l'Eglife Romaine,
tez-moi vn vaifTcau neuf, A' mettcz-y du pour lefquelles vous bataillez fi afpre-
mcnt. » B. (i Maintenant tu te monfires
vrai hérétique. » H. » Si ie fuis héré-
(r) John Bird, né à Covcniry, fui le Ircnle-
dcuxicmc cl dernier provincial des Garnies tique, ievous prie dites-moi que c'eft
anglais. Il fut é'vi'quc de Ban^'or en TÇ)'; cl qu' Herefie. >■ B. « Herefie efl tout ce
dcChcstercn 1541. Il fui déposé snus Marie qui répugne à la doélrine de Dieu. »
comme pritre marié; mais il ne larda pas :\
rentrer en (;ràcc, ayant renvoyé sa femme H. <• Si ie m'oublie iufques là, de
cl changé de vues. Il devint alors sulTraganl monftrer ou dire quelque chofe con- î
de Boner, évtque de Londres et recteur de traire à la dodrine de Dieu , ie ne re-
Dunmow, où il mourut octogénaire en i;(6.
fufe point d'eftre à bon droit cftimé
THOMAS HAVX. Ib /
hérétique. » B. « Je dis que tu es
tout muet. Et voyant qu'il s'endormoit
hérétique, & te ferai brufler, fi tu per- ainfi , ie le laifi'ai , & m'en reuins à
feueres en tes opinions, & fi tu con- mon portier. Ce fut la dernière fois
tinues comme tu as commencé. » H. que ie le vi (i).
Notable de- « Je voudroi que vous me monftriffiez,
mande. Haux alTailli
)i Le lendemain, Feknam arriua, en
s'il vous plaifoit de, où de Feknam.
Chrift ou aucun fes c'eft que furent
Apoftres Jel'us
iamais caufe de faire mourir perfonne la prefence duquel l'Euefque me com-
manda de venir en la chapelle. Où ef-
pour le faid de la Religion. » B. <( Ne tant ,Feknam me dit à fa façon de
les ont-ils point au moins excommu- parler : « Vous eftes donc celui qui
niez & bannis de la compagnie de mefprifez toutes les cérémonies de Confiderez
l'Eglife ? » H. « l'enten bien, mais il l'Eglife. l'enten que vous ne voulez ici comme en
y a fort grand' différence entre Ex- pasfouffrir que voftre fils foit baptisé , vn miroir la
communier &Brufler. » B. <> N'auez- refuerie des
finon en langue vulgaire, & fans céré-
vous iamais leu es Ades , de l'homme monie. »H. « Je ne trouue rien mau- monde.
grands de ce
& de la femme lefquels Saind Pierre uais , ni ne trouuerai , qui nous foit
fit mourir .- » H. « Il me fouuient bien commandé par les Efcritures. « F.
Ades ç. J. de ce que Thiftoire Apoflolique recite « Les cérémonies doyuent eftre re-
d'Ananias & Saphira, lefquels menti- ceiiës par authorité de l'Efcriture.
rent au Sainft Efprit ; mais cela ne N'auez-vous pas leu es Ades, que
fait rien à noftre propos de la foi. Si Saind Paul a autresfois porté habille-
vous voulez que nous croyons que mens, par lefquels on guerilToit les
vous eftes de Dieu , vfez donc de mi- malades.' » H. « Il me fouuient
fericorde, car c'eft cela principalement bien qu'il eft dit aux Ades , que
que le Seigneur demande des fiens. » Dieu faifoit des vertus non acouftu-
Boner nionllre B. « Nous te rendons la mefme mife-
ici fa Chref- mees par les mains de Paul , tant
tienté. ricorde que celle que nous auons ex- qu'auffi on portoit les linges & les fur-
périmentée en vous autres , car on ceints(2) de fon corps fur les malades,
m'ofta fi bien
me lailTa rien. mon» Euefché,
Puis , fe qu'on ne
tournant & leurs maladies fe partoyent d'eux , Aeles 19. 12.
& les mauuais efprits fortoyent dehors.
vers ceux qui eftoyent à l'entour, leur N 'eft-ce pas ce que vous voulez dire } «
dit
toit qu'il
bien me plaignoit
marri de monfort, & qu'il ef-;
inconuenient F. « Oui , que vous en femble.'' » H.
a Ce paftage n'apartient en rien aux
toutefois, qu'il ne fe desfioit point que cérémonies , car il y a ainfi au texte :
I
quelque iour le ne vinffe à me réduire. « Dieu faifoit des vertus non acouftu-
Et incontinent il s'en alla difner, & ie mees par les mains de Paul , » &c.
m'en retournai vers mon portier. Dont il appert que les malades qui re-
» Apres difné, iefu derechef appelé couuroyent fanté , eftoyent guéris par
la feule vertu de Dieu , & non par ce
en falle , où eftant, l'Euefque pria ce
vieillard qui lui auoit n'agueres apporté que vous nommez cérémonies. » F.
des prefens, de me receuoir pour « Que dites-vous de la femme malade
hofte , & me retirer en fa chambre , du flux de fang , laquelle toucha le
pour prendre vn peu de peine après bord de la robe de Jefus Chrift .> alTa-
moi , & faire tant que ie laiffafre mon uoir-mon fi par cefte cérémonie elle
opiniaftreté. Nous obeyfmes tous deux
n'obtint pas ce qu'elle demandoit .'' » Luc 8. 44. ,
àla l'Euefque H. « Nullement, car Jefus Chrift re-
chambre, , où
& nous
eftansen venus,
allafmesmon
en
garda autour de foi , & demanda qui
hofte commença de me tenir tels
Courte propos : « Vous eftes ieune homme , eftoit
Pierre celui qui l'auoit
lui refpondit touché.
: « liya Et
fi grande
liarangiie & encore de bon aage; auifez, ie vous
du vieillard . foule de peuple à l'entour de toi, &
homme propre prie , de ne paffer plus auant que la tu demandes qui t'a touché.' » & le
à dormir, vie & la feurté de voftre perfonne ne
non pas à vous commande. Ne refufez point Seigneur répliqua : « Quelcun m'a
difputer. touché, car i'ai conu que vertu eft if-
d'aprendre des plus grans, & fi me
croyez , temporifez pour quelque
temps. » H. « Je ne temporiferai (1) Foxe
encore. » ajoute : « Je suppose qu'il dort
point autrement que la parole de (2) La traduction suivie par Calvin dans
Dieu me commande. » l'attendoi qu'il son Commentaire porte : « des couvrechefs
me deuft répliquer quelque chofe , et devantiers. » La Bible de Lyon { Barthé-
mais le vieillard eftant affis en vne lémy Honorât! ), Iî8i, porte : » des mou-
chaire & furprins de foinmeil , deuint choirs, ou couvre-chefs, et demi-ceincts. »
Surccint doit signifier : vêtement^de corps.
i6B LIVRE CINQUIEME.
Paul, ofa bien afi"ermer que le diable gues, les eftime toutes inutiles, fi el-
croyoit mieux que vous , A que fa foi les ne font entendues ; vfant de la
cftoit meilleure que la voftre. Car il fimilitude de la trompette & clairon :
creut (dit-il) que lefus Chrifi auoit la "Si la trompette, dit-il, ne fonne quel-
puifi'ance de conuertir les pierres en que certain fon, pour animer les gen-
pain ; mais vous autres ne croyez point darmes àla guerre , nul d'eux ne fera
que le corps de Chrift foit au Sacre- encouragé de marcher. » Ch. « Si
ment. »H. a Ma foi n'eft point fondée
fur les hommes , car combien que (i) Voy. note de la page 114.
(2' Voy. note de la page 159.
tout le monde changeaft d'opinion ,
THOMAS HAVX.
VOUS voulez à voflre fantafie ainfi in- Chrift, depuis que ie fuis arriué m.d.lv.
terpréter les paroles de S. Paul, vous- céans. » Ch. « Dites-nous quel Euan-
vous efiongnerez grandement du but
& de fon intention, car S. Paul en ce gile ,? » H. " C'eft d'inuoquer la
vierge Marie & les autres Sainfts ;
paffage parle de la Prophétie, comme c'eft de mettre mon efperance en la
fi nous voulions prophetifer en langue
Meffe, au pain bénit, en l'eau bénite,
eflrangere & inconuë. » H. « Au con- aux images, &c. » B. « Tu parles Que c'eft
traire, ilne parle là que de langues, comme vn fot, & ne fais pas quelle didole.
pour monftrer qu'elles ne profitent différence il y a entre vne image &
rien à ceux qui ne les entendent. " vne idole, Je te di que toute idole eft
Ch. « le vous di que S. Paul parle là bien image, mais non toute image eft
vniuerfellement de Prophétie. » H. idole. « H. « Nous conoiflrons aifé-
« Il fait vne bien claire diftinétion en-
ment la différence de l'Idole & Image,
tre les langues & la Prophétie. S'il fi nous venons à les parangonner(i) en- Les Images,
aduient (dit-il) que quelcun parle en femble, car vos images n'ont-elles pas
langue eftrange, il faut pour le moins des pieds.' & toutefois elles ne chemi-
qu'il y ait vn trucheman , qui leur nent point; n'ont-elles pas bouches?
donne à entendre ce qu'on veut dire. » elles ne parlent point, qui font les
B. « A quel propos nous romps-tu les
oreilles de tant de babil? veux-tu faire vrayes marques & proprietez d'vne
idole. « Ch. » S. Paul dit : Qu'à cal. 6. 14.
ici du dofteur , pour nous cuider
aprendre ce que nous fauons mieux Dieu ne
finon en plaife qu'ildefe noftre
la croix glorifieSeigneur
iamais,
que toi.^ Il y a bien autre chofe , afin Jefus Chrift. » H. « Eft-ce ainfi que
que tu le fâches, vous entendez la gloriation de laquelle
commencement on ac'eft que bon,
trouué des &
le
fainft Paul parle en ce palTage f » Il
receu par vn trefancien & commun ne refpondit rien là deffus. Et lors
confentement de tout le monde en Boner dit : « Y a-il chofe en ce monde,
La langue l'Eglife catholique, que la langue La- laquelle nous foit plus falutaire en
Latine. jj^g .fgroit par ci après langue com- voyageant & cheminant par pays ,
mune & vfitee en toutes les Eglifes pour nous mettre en mémoire la fou-
de la Chreflienté, à ce que toutes euf- uenance des chofes faindes , que le
fent à prier en Latin, efperant que, regard & contemplation que nous fai-
par le moyen vniuerfel de cefte lan- fons de la croix .- » H. « Monfieur le
gue ,& communauté de ceux qui en reuerend , trouuez-vous aucun de tels
vferoyent, on pourroit facilement ar- exemples en toute la fainde Efcriture }
racher toutes fedes & diuerfitez d'opi- A'uez-vous iamais leu ou oui dire que
nions. I)H. « Cela a eflé introduit par Jefus Chrift ou les Apoftres en priè-
le ne fai quelle fuperllition de Ca- res & oraifons publiques ayent porté
phards & Prélats, lefquels menoyent la croix .' ou ayent iamais chanté : Nous
là où ils vouloyent les poures Empe- te faluons , ô iour de Fefte.^ » Ch.
reurs & Monarques, par crainte de o Cela fut introduit par vne certaine
leur authorité , non par la parole de Hélène.
femme, nommée Hélène (2). • H.
Dieu , ainfi qu'ils tafchent bien enco- a II eft ainfi , c'eft la mefme Hélène '
res de faire, d Ch. « 'Vous méritez qui enuoya iadis au monaftere auquel
qu'on vous dife du mal, d'autant qu'ef- i'ai efté feruiteur, vne pièce de la
tant du tout ignorant des bonnes let- croix ; mais après que les conuens &
tres, vous elles toutesfois fi outrecuidé monafteres furent mis bas en ce .
Conciles de parler contre l'authorité des Con- royaume , on vint pour vifiter ce mor-
generaux. ciles faits par les plus fages de ce
monde. » H. « le ne fuis pas feul qui ceau de croix, & on trouua que c'ef-
toit vn lopin de bois, ayant vne mem-
parle ainfi , ains la parole de Dieu brane & couuerture au delfus , d'vne
mefme & Sainâ: Paul, lefquels nous
enfeignent que quiconque prefchera lame fubtile de cuyure. >> B. «'Va, mef-
chant, n'as-tu point de honte de mef-
autre Euangile que celui qui a efté prifer ainfi les chofes facrees, & les
prefché , tel homme foit abominable expofer par tels menfonges à moque-
entre nous , & mis hors de toute com- rie ?» Eux bien courroucez de ce que
ie leur auoi dit , fe retirèrent , animez
pagnie. »Ch.apporter
qui voudroit « 'Voire autre
bien quelqu'vn
Euangile, au poffible contre moi. Et Chadfé en
mais nous autres ne faifons pas cela. »
H. m On m'a bien annoncé autre (i) Comparer.
Euangile & bien contraire à celui de {2) Mère de Constantin.
LIVRE CINQUIEME.
Chadfô auffi lefus Chrift aprochant de Lazare, le-
bon Clirollien s'en allant difoit que i'eftois indigne
que fauant de plus longuement viure. Sur ce, on quel efloit au tombeau enfeueli &cn-
Thcolo^Mcn. me remit vers ma garde.
ueloppé de linges & fuaire, s'adrelTa
à ceux qui eftoyent en authorité, c'eft
» Le iourfuyuant, qui eftoit le iour aft"auoir à fes difciples , & leur dit :
de fain<S Pierre , eflant appelé pour " Allez, it defliez-le. » Ce fut prefque
aller à la chapelle de i'Euefque, pour le principal de fon fermon, & rappor-
ouyr le fermon que le DodcurChadfé tant toutes les paroles que Chrift
deuoit faire félon la couftume du lieu, auoit dites à fes Apoftres, aux Prélats
& Euefques , & à leurs fuppofts de
i'y allai. Eflant venu à la porte de la
chapelle, ie m'arreflai là. L'Euefque Preflres, concluant par là, qu'à eux
demanda au portier fi i'eftoi venu , & feuls apartenoit la fuperintendance de
oyant cela ie refpondi : « Je fuis ici , toute l'Eglife. Finalement, ce fermon
monfieur. » B. « Que fais-tu là? que ainfi fait, chacun fe retira pour difner,
n'entres-tu dedans? » Chadfé, ayant & après difné me fut commandé de
reuenir à la chapelle pour parler à
le furpelis & l'eftole fur les efpaules ,
s'en alla au benoiticr, & prenant l'af- I'Euefque, où il y auoit quelques gens
perges(i), le bailla à Boner, pour lui de la Roine & autres que ie ne conoif-
ietter de l'eau bénite. Telle bénédic- foi point.
tion faite . le Dodeur arroufé d'eau , » BoNER m'ayant appelé à foi, dit :
de peur que, fans eftre laué & net, il « Comment eft-ce que tu t'es trouué
entreprinft vne chofe fi grande &
haute , print fon texte du i6. chap. du fermon ? car ie i'auoi exprefl"ément
de faind Matthieu, où il eft efcrit : commandé pour l'édification de vous
autres. » H. « le fuis marri que vous
H Quel dit-on eftre le Fils de l'homme ? auez perdu tant de temps en mon en-
Pierre refpondant, dit : Les vns le
droit, car ie n'y ai feu prendre ni
difent ertre Elie, les autres lean Bap- plaifir ni profit. » B. « Meffieurs mes
tifle .» les amis, ie vous prie ne vous fafcher
&c. Puis,autres
eflant l'vn
venu des Prophètes,
au lieu où il eft point de deuifer vn peu auec lui , &
dit : " Ceux defquels vous pardonne- gagner fur lui quelque chofe. » Sur
rez les péchez , feront pardonnez , & cela aucuns me dirent : « Que voulez-
ceux aufquels vous ne pardonnerez vous dire, mon ami, de vous embrouil-
point, ils ne feront point pardonnez. » ler ainfi en ces queflions & troubles? »
Cefle authorité , ait-il, n'efl baillée H. « Quels troubles ? » Ils refpondi-
Qu'aux Prélats de l'Eglife, du nombre rent : « De ce que ne vous voulez
defquels eft monfieur le reuerend qui rendre obeiftant aux ordonnances &
efl là affis, & à ceux qu'il lui plait fu- volonté de la Roine. » H. « J'en ai
broger en fa place. Or, cefle Eglife a défia dit la caufe affez amplement aux
enduré fouuent dés le commencement
Juges , aufquels la conoifTance apar-
pluficurs aduerfaires & ennemis, mais tient. I) Les feruiteurs de Boner di-
que les hérétiques crient hardiment rent : « Monfieur vous a commandé
Difputes
contre, tant qu'ils voudront, iamais de refpondre à ces mcffieurs-ci , & de
ils n'en toufiours
viendront deà bout papiiliques.
uerera mieux, ains perfe-
en mieux. leur rendre raifon de ce qu'ils vous
demanderont. » H. « Si I'Euefque
Apres qu'il eut acheué ce difcours, il veut lui mefmes m'en parler, ie ne re-
tomba fur le Sacrement de l'autel, le- fuferai point de lui refpondre , mais
quel ilmit par defTus les neuf cieux, fi
d'vfer ae redites
foit befoin. , ie tous
» Et lors ne voi qu'il enà
fe mirent
au'apres plufieurs longs propos, il vint crier contre moi , les vns difans : au
derechef à ce qui eft dit en l'Euan-
Argument gile : " Ceux defquels vous remettrez
du prcfche de feu; les autres : Qu'on le defpefche &
Chadfi. les péchez, <Scc. •■ Il laiffbit la puif-
fance A authorité de lier & deflier qu'on le pende ; les autres : Qu'on le
aux feuls Euefques & Preflres, en di- mette aux fers fi pefans qu'il ne fe
puiftTe bouger. En cefle crierie ie de-
fant qu'il faloit que tous ceux qui vou- meurai fans dire mot, & voyant qu'ils
loyent apartcnir à l'Eglife , «S: eftre ne ceffoyent de crier, ie me defrobai
dits d'eux & m'en reuin à ma garde.
auoir Chreftiens,
remiffion devinn"ent à eux pour
leurs péchez. Ce » Le lendemain matin, Boner fe cour-
qu'il prouuoit par ce qui eft efcrit en rouçant contre moi, >Sr me reprochant
Ican I I. fainâ Jean au chap. 1 1 . où il efl dit que qu'il auoit fait beaucoup pour moi, dit
puis qu'il voyoit qu'il n'y auoit plus
(i) Goupillon. d'efperance en moi , & que ie me ren-
THOMAS HAVX. 171
doi pire de iour en iour, qu'il ne diffe- dodrine quelconque. Et par ce moyen m.d.lv.
reroit plus longuement, ains m'enuoye- il s'excufoit de parler plus longuement.
roit en la prifon de Newgat. H . <> Je fuis Mais pour auoir occafion de parler
refolu. Tout ce que bon vous femblera
ordonner ou faire contre moi , il eft d'auantage lontiers feu, pourquoi
ie lui di le
queCrucifix
i'euft^e vo-
mis Pourquoi le
necelTaire que ie l'endure. » Et lors au milieu de leurs temples faifoit fe- Crucifix eft mis
Boner, tirant vn petit papier de fon
paration de la nef, qui eft le corps de ^"t^^''^^/^"
fein, me dit : " Vous verrez ce que i'ai
De la prefence efcrit l'Eglife, d'auec l'autre partie d'icelle,
ci dedans. >' Or, le fommaire de
corporelle de qu'ils appeloyent le chœur. Il me de-
lefus Chrill au l'efcrit contenoit : Sauoir 11 ie croyoi manda fil'en fauroi rendre raifon. Je
Sacremenl. ce que TEglife catholique nous enfei-
gnoit , que la prefence de Jefus Chrift répliquai que, s'il eftoit befoin , i'en
pourroi dire quelque chofe. Car (di-ie)
fuft au Sacrement après les paroles de
la confecration , ou non. Sauoir fi le quelqu'vn de vos dofteurs enfeigne
que la nef de l'Eglife, affauoir toute
pain que nous rompons, n'efl point la place qui eft depuis le Crucifix iuf-
la communication du corps de Chrift,
qu'au bout du temple, fignifie l'Eglife
& fi le calice que nous beu - militante , & que le chœur, qui eft
enuironné de chaires & clos tout à
uons , n'eft point le fang du mefme
Chrift. Cependant Boner ayant com- l'entour, fignifie l'Eglife triomphante,
mandé aux autres de fe retirer, m'ap- dans laquelle n'e(l loifible d'entrer, fi
pela à part , & tafcha à me perfuader,
par toutes rufes & flatteries, de ne me premièrement on n'a porté la croix de
Chrift.
précipiter ainfi dedans telle prifon, &
en vn danger fi euident que celui qui )) Le lendemain, qui eftoit le premier Lettres de
fe prefentoit pour moi. le lui ref- Boner au
iour de Juillet, Boner m'appela, & me Geôlier.
pondi,
roi rien commecontre ma toufiours, que'ieEtneainfi
confcience. fe- commanda de m'aprefter incontinent
pour aller droit en la prifon de New-
les chofes eftans en furfeance , ie fu
renuoyé à ma garde, me doutant bien gat, auec lettreslefquelles
à Harpsfild, au Geôliercontenoyent
qu'il bailla
que le lendemain ie ne faudroi d'eftre en subftance ce qui s'enfuit : le vous
bien matin enuoyé à la prifon, ce charge & commande que receuiez
qu'indubitablement i'euffe efté fans l'homme que ie vous enuoye, & que
que l'Archidiacre de Cantorbie fur- vous ayez à le garder eftroitement ,
uint (i), lequel l'Euefque pria de que perfonne n'ait moyen de parler à
vouloir parlera moi, depour lui , & que vous ne le deliuriez à ame
me pourroit diflraire monelTayer s'il
opinion. viuante, que ce ne foit ou au Parle-
Lequel ayant commencé par les céré- ment ou au Preuoft & Lieutenant cri-
monies & Sacremens , après plufieurs
difcours, fa conclufion fut de dire que minel. Quatorze iours après, l'Euefque
enuoya vers la prifon deux de fes fer-
le Sacrement de l'autel eftoit le pro- uiteurs pour fauoir en quel eftat i'eftoi
pre corps nai de la vierge Marie , & & comment ie m'y portoi. le leur di
attaché en l'arbre de la croix. Je lui que ie me portoi comme vn prifonnier.
di : « Jefus Chrift a efté en la croix
Et ils me dirent que l'Euefque defiroit
vif & mort, lequel des deux dites-vous bien fauoir fi ie n'auoi point changé
eftre au Sacrement.^ » L'ar. (c Je di d'opinion. le leur refpondi que ie Confiance de
Haux.
qu'il eft vif au Sacrement, & non point n'efloi point homme de deux paroles,
mort. » H. « Par quel argument
& que i'efperoi de ne l'eftre iamais.
prouuerez-vous cela? » L'ar. « Il le Ils me dirent derechef, que l'Euefque
leur maiftre me portoit bonne volonté,
lean ;. 18. faut ainfi
fainél Jean,croire. N'eft-il pas
que quiconque ne dit en
croira & ne me fouhaitoit que tout bien. Et
fera condamné.^ » H. « S. lean dit :
(( Qui ne croira au Fils de Dieu, fera ie leur di qu'ils
humblement à fa me recommandaft'ent
bonne grâce , & que
condamné; » mais il ne parle point de de ma part ils le merciaffent du bien
la foi deuë au Sacrement , ains qui
& honnefteté qu'il me defiroit. Les
plus eft, il n'y penfa oncques. » Et priant au refte qu'ils me fiffent ce bien
lors il me vint à dire qu'il n'y auoit de m'aider à impetrer enuers lui, que
point de fondement, de perdre ainfi
le temps à me tenir plus long propos, mes amis peuffent auoir entrée & ou-
uerture vers moi , ce qu'ils me promi-
puis que ie n'auoi ne foi , ne fauoir ou rent qu'ils feroyent, combien que de-
(i) Harpsfield. puis ie n'en ai oui parler. Depuis ce
temps de mon emprifonnement, & que
S
172 LIVRE CINQUIEME,
autres. En voici venir vn autre qui me teftable & mefchante, & pleine de fu- m.d.lv.
demanda quel liure i'auoi entre mains; perftition. Qu'au facrement du corps Principaux
ie lui refpondi que c'eftoit le nouueau
Teftament. Lors il me demanda s'il
i de
j 11'Chrift,
mentlefus
de .11/-
autel r^L n Sacre-
Jefus appelé
, qu'on Chrift n • y eft
A Haux.de
1articles
accufation
de
lui feroit loifible de regarder dedans. nullement, maisencore
au ciel.
creu & le croi , &c.le »l'ai
le ainfi
di à
le lui baille, & l'ayant regardé me dit
que le liure eftoit corrompu , voire au Boner" : « Arreftez-vous vn peu là ,
beau premier mot du commencement monfieur, ie vous prie. Premièrement,
d'icelui. Car il commence (dit-il) par vous n'auez que faire de ce l'ai creu
la généalogie de Jefus Chrift, & tou- par le
Ifaie ç;. tesfois Ifaie dit : « Qui fera celui qui que ie pan"é
croi ,; ie
maintenant
fuis tout , refolu
quant de
à cele
pourra reciter fa génération? » « le fe- maintenir. » Boner, prenant la plume,
roi bien content (di-ie) d'entendre de dit qu'il eftoit content pour l'amour
vous ce qu' Ifaie veut dire en ce paf- de moi de l'efcrire autrement , & en
fage. ]) « Peut eftre (dit-il) que vous ne fit lefture comme il s'enfuit : « le,
prendrez pas defplaifir fi le difciple Thomas Haux-, ai conféré & commu-
enfeigne le maiftre. Toutesfois, fi vous niqué auec mon Juge ordinaire , en-
me voulez efcouter, ie vous defcou- semble autres gens de bien & fainifts
Cauillation. urirai le fens du Prophète. Perfonne perfonnages , & neantmoins ie perfe-
(dit-il) ne peut faire génération entre uere & veux perfeuerer toufiours en
le Père & le Fils , mais ie me doute mon opinion, j « Comment (di-ie)
bien qu'auant que ie le vous die, vous voulez-vous que ie confefl"e que vous
ne l'entendiez pas. » « Si eft-ce (di-ie) autres eftes fainds, veu que, par vof-
que le Prophète ne nie point la géné- tre efcrit mefme , ie confeDferoi que
ration de Chrift. » « Pourquoi donc mon opinion eft autre que la voftre? »
(dit-il) Chritl eft-il appelé Chrift r .. B. « Pour le moins, tu ne nieras
point comment tu en as communiqué
« Par ce (di-ie) qu'il eft Meffias. » auec nous. Quant au furplus , ie fuis
« Pourquoi eft-il appelé Meffias? «
(dit-il). « D'autant (di ie) qu'il a efté content pour l'amour de toi de pafter
■ prononcé & attendu des Prophètes. » outre et de le laifler. » Et lors l'vn
« Pourquoi (dit-il) le liure eft-il liure ? n des docfteurs qui eftoyent là vint à
« Ces propos (di-ie) font plus pour ef- dire : « Mon feigneur , fi vous lui
mouuoir noife que non pas pour fer- obeifl'ez à ilrayer & canceler
uir d'édification. » Puis il me dit : reiettera, ne vous lairra pointce grand
qu'il
H Gardez de vous deftourner de refte à mettre par efcrit. » Inconti-
l'Eglife , car fi vous le faites vous de- nent après, Boner, appelant fes doc-
uiendrez hérétique. » « Tout ainfi
teurs, dit qu'il orroit les opinions d'vn
(di-ie) que vous autres nousjenez hé- chafcun d'eux qui eftoyent en la falle,
rétiques quand nous ne voulons ac- & les feroit figner. Si que finalement Cinq dodeurs
quiefcer à vos traditions, & nous ren- il y en eut cinq qui fignerent , & Bo- foufignez.
ger du cofté de voftre Eglife , ainfi ner menaça de faire pendre tous ceux
vous eflimons-nous faux-prophetes, de qui ne voudroyent figner, & me dit :
ce que, laiflans lefus Chrift, vous vous « .Afteure-toi que tu n'en demeureras
retirez vers l'Antechrift. » Cela dit, il pas ainfi. « H. « Je ne m'efpouuante
s'en alla. En voici venir vn autre, dé- pas de vos rudes menaces , ni de tou-
libéré (comme il difoit) de parler à tes vos imprécations , car ie fai que
moi, d'autant qu'il m'auoit conu vn les verges du Seigneur vous confume-
ront , & que les vers & tignes vous
peu impatient. Auquel ie di, qu'auant
que parler à lui ou à quelconque que mangeront , comme ils font les vefte-
ce fuft, ie defiroi fauoir à quel titre & mens. » B. « Tai-toi , i'efpere te re-
; authorité il vouloit parler à moi , car compenfer de ce que tu dis. » H. « Je
autrement ie ne voyoi point moyen de fai bien qu'il eft en vous autres de
ruiner vn homme par voftre crédit,
me defpeftrer de ces gens, m'abordans
quand vous le voudrez faire. » B. « Si Ecoles. 7. 17.
ainfi l'vn après l'autre.
jiCEPENDANTBonerfortitdefacham-
tu conois
moi que ie t'aye
bre et vint en sa falle , portant en pelle en iuftice et fait iniure,
me fai venir ap-
en Prou. 26.2.4$.
main certain papier auquel eftoit efcrit iugement. » H. « Salomon nous en-
ce qui s'enfuit : " le, Thomas Haux, feigne de ne plaider auec le Juge. »
protefte deuant Edmond Boner, mon » Ces propos eftans ainfi démenez de
luge ordinaire , comme Euefque de cofté & d'autre, il recommença encore
Londres, que la MefTe eft chofe de- de lire fon papier; & l'ayant leu ,
'74
1
LIVRE CINQUIEME.
voyant que ie ne pouuois eftre per- de la mort & du tourment du feu qui
fuadc^ de le (i(,'ner, il tafcha par tous leur elloit apredé , le prièrent d'au-
moyens de me le mettre dans les tant qu'il les deuoit précéder, qu'au
jnains, me commiindant de le prendre milieu des llammes, s'il elloit poffible, Signe pourfie
tant feulement , cS: puis de lui bailler il leur lill quelque figne, par lequel ils encourager
comme de main en main. le lui de- fulfent mieux acertenez s'il y auoit fi
mandai lors que ce myftere vouloit grand tourment en ce genre de fup-
dire, & que ie ne le prendroi ni de
&plice, qu'on en
conllance ne peuft
icelui.retenir
Ce quemémoire
ce bon compagnon ~
main, ni deAlors
feul coup. cœur,il ni
pliad'efprit pas vn
promptement ieune homme promit de faire fi auant
le papier & le mit en fon fcin , & en- qu'il pourroit pour l'amour d'eux , &
flammé d'ire & de courroux, demanda voici
Si la le figne& qu'ils
force eurent
violence de entr'eux
la flamme :
fa monture pour s'en aller en ElTex ,
pour voir & examiner mes autres frè- ertoit intolérable, qu'il demeurafl pai-
fible fans se bouger: mais fi elle elloit
res. Je m'en retournai en la prifon
de laquelle i'eftoi n'ai,'ueres forti. Vous tolerable, & pour élire endurée faci-
auez ici tout le conillil que i'eus auec lement, qu'il efleuafi les mains en
Boner i& fes fuppolls , déduit par le haut par delfus fa tefte auant qu'il
menu & efcrit de ma propre main , rendill l'efprit.
priant affeâueufement tous fidèles , Apres qu'ils eurent ainfi conclu en-
mes bons frères & fœurs , de prier tr'eux & confermé leurs cœurs par
noftre Dieu qu'il lui plaife me conter- mutuellesexhortations, l'heure du mar-
mer et alfeurer en la vérité iufques à tyre ellant prochaine , les bourreaux
la fin. Ainfi foit-il. » prindrent Haux & l'attachèrent au
Tels furent les affaux de Thomas pofleau eftroitement auec vne grofl'e
chaîne de fer à l'entour de fon corps.
Haux & les combats qu'il a fouftenus Il y auoit là grande compagnie tant
contre les plus cruels aduerfaires de de gentils-hommes que au commun
l'Euangile; il refte maintenant de def- peuple, aufquels Haux parla longue-
crire le dernier ade de fa vie, duquel ment, &principalement au fieur Rych,
les circonllances font notables, fur
fe pleignant de l'effiifion
nocent des fidèles feruiteursdu defang in-
Dieu.
tout la promeffe qu'il fit de donner La foi des
figne à fes compagnons lors qu'il fe- Chrcllicns eft
Finalement, après qu'il eut prié Dieu
roit dedans le feu. Ayant donc de- d'affedion ardente , le feu fut mis au inuincibic
meuré quelques mois en prifon, fina- bois ; & après qu'il eut là demeuré
H aux cil lement ilreceut fentence de mort au
quelque cfpace , ayant défia la bou-
condamné à mois de luin auec quelques autres, che retraite de la violence du feu , la
mort.
defquelsauffi nous traiterons ci après, peau loBte grillée & les doigts bruf-
moyennant la grâce de Dieu, & fut Notez bien
lez , ainfi que tous attendoyent qu'il
ramené deuil alors rendre l'efprit, fe fouuenant
mort en enla fon
villepays d' ElTex , &(i).
de Cokfhall misLaà ceci.
de la promelfe qu'il auoit faite, efleua
fin de ce ieune homme eft digne d'ef- les mains l'vne contre l'autre. Le peu-
tre récitée pour vne raifon finguliere. ple voyant cela, ne conciliant toutes -
Apres que fa fentence fut publiée, le fois le motif de cède efleuation des
M. Rych. feigneur Rych (2) fut commis pour le mains, s'efcria de grand applaudilTe-
mener à Elfex auec cinq autres fes rhent. Et Haux, fe baillant dedans le
compagnons. Ce gentil-homme ayant feu,
gens de guerre pour fa garde & quel- 10. derendit l'efprit, à Cockfhall , le
Juin m.d.lv.
ques gentils-hommes pour fe tenir
fort , fit diligence d'exécuter fa coni-
miffion. Haux, i\ toutes occafions qu'il
pouuoit auoir par le chemin , exhortoit
les compagnons , trouuant par fois
opportunité de deuifer auec eux fami- Thomas Wats (i).
lièrement. De ses propos & de fa GviLLAVME BVTLER (2).
confiance, ils eurent grande confola- Iean Symson (5).
tion & affiflance ; neantmoins efpou-
uantez de i'apprehenfion de l'horreur (1) Voy. Foxc, l. VII , p. 118-IJ).
(2) William Bamford, allas Butler (Foxc,
1. VII, p. 1)9).
(1) CogReshall.
(1) Lord Rich. Voy. la note, t. I , p. 500 ()) John Simson fFoxc, t. VII, p. 87-go).
PLVSIEVRS MARTYRS. /)
Nicolas Chamberlayn (i).
Thomas Osmvnde (2). dequoi eftans accufez
damnez à mort d'herefie
, furent tous& deux
con-
Iean Erdley (5), Anglois. bruflez Tonziefme iour dudid mois :
l'vn, c'efl alTauoir Erdley, au lieu de
On peut voir, au récit de la niort Je Raile (i), & Symfon à Rochefort (2).
Entre ceux qui furent prins auec
ces fix Martyrs d'EjJcx, combien ejl Symfon , menez deuant la iuftice , &
véritable
bouche deceSalomon,
que le S. nous
Ej'prila ,prédit
par la: finalement condamnez , y en eut vn
Prou. qui efloit plus fimple & indode que
Que les mejchans fnyent fans qu'on les autres, lequel ne pouuant guère
les pourfuj'ue ; au contraire, les lut-
tes font ajjeure^ comme le lion. bien refpondre aux interrogatoires
qu'on lui faifoit , Symfon prenant le
En l'hiftoire ci deffus récitée de parti de fon compagnon , parla haut
Haux, nous auons veu comment Bo- pour fe faire entendre de tous ceux
ner, par fes pourluites & menées, au- qui eftoyent aux enuirons. Tellement
roit tourmenté plufieurs tïdeles du
qu'ayant la voix plus robufte & hau-
taine que pièce (5) des autres, telle
paysfixd'Eflex
de . entrepour
fe prelente lefqueis
eftre larécitée
mort
que l'ont ceux qui font communément
en ce lieu. Le premier eft Thomas la bafi"e-contre es temples , il eftonna
Wats, qui fut exécuté à Chelmis- de fa voix ceux qui eftoyent à l'en-
ford (4), le iour précèdent la mort de
Haux, aflauoir le neufiefme (î) de ceft tour, & tous s'approchèrent pour en-
eflonné tendre
de ce qu'il vouloit concurrence
la foudaine dire. Boner,&
anM.D.Lv. L'onziefme iourdudit mois,
Nicolas Chamberlayn, homme crai- acclamation du peuple, demanda fou-
gnant Dieu & fort confiant , exécuté dain que c'eftoit ; il lui fut refpondu
à Gloceflre (6) de mefme cruauté & qu'on commençoit à drelTer quelque
forte de martyre. Le lendemain , qui grand bruit , tendant à confpiration à
fut le 12. dudit mois de Juin, Guil- rencontre de lui. Efpouuanté & comme Les mefchans
laume Butler & Thomas Ofmunde efperdu , il fe fauua incontinent à vau qu'autre que
fuyent , fans
furent auffi martyrifez de mefme : de route (4) , acompagné de fes doc- leur furieufe
Thomas deuant difné, en la place de teurs & preftrailles , qui lui faifoyent confcience les
Manentrie, & Guillaume après difné, efcorte. De crainte & eflonnement, &
pourfuyue.
Auffi ert-ce
au lieu d'Haruig (7). Outre ceux-là, de hafte qu'ils auoyent de fuyr, ne alTez.
il y en Iean
eut encores pouuans trouuer l'entrée de la porte ,
fauoir Symfon d'autres
& Jean : Erdley,
c"eft af-
s'entrehurtoyent & cheoyent les vns
lefquels , comme ils efioyent dvn fur les autres , comme fi les ennemis
mefme pays, tous deux Diacres, auffi fulTent à la porte. Et donnèrent à
furent-ils exécutez de mefme mort. ceux qui regardoyent ce fpedacle à
La caufe de leur emprifonnement ef- rire, & faire des huées merueilleufes,
toit qu'ils auoyent refufé à vn Pref- & telles qu'on n'a oui parler de fem-
tre , appareillé pour chanter Meffe, blables. Qui fut quafi vn mefme exem-
de lui bailler vn Meffel & les orne-
ple d'efpouuantement que celui qui
mens pour célébrer (8). Au moyen auparauant eftoit auenu aux dodeurs
Théologiens d'Oxfort , quand le feu
(1) Nicholas Chamberlain (Foxe, t. VU, fe print à leur temple (5), & n'y eut
p. 159)- différence, finon que celui qu'on pour-
(2) Thomas Osmond (Foxe, t. VII, p. 159). chaffoit lors, après auoir reietté le fa-
(;) John Ardeley (Foxe, t. VII. p. 87-90).
(4) Chelmsford. got qu'il portoit , efchappa ; mais
(5) Les mois « de Juin » sont omis dans ceux-ci en ce tumulte ayans efté laif-
toutes les éditions que nous avons sous les fez , furent toft après ramenez au lup-
yeux.
lieu le D'après
10 juin. Foxe, ce martyre aurait eu plice du feu , lequel ils endurèrent
en grande conftance auec édification
(6) D'après
Colchester Foxe.
le 14 juin. ce martyre eut lieu à des fidèles qui efioyent prefens.
(7) Ce fut le 15 juin, d'après Foxe, que
William Bamford, ij/(iis Butler , fut marty- cusation extraits des registres de l'évèché
risé à Harwich . et Thomas Osmond à Man- de Londres portent sur des hérésies doctri-
ningtree. nales, et non sur le fait que mentionne
(8) John Simson et John Ardeley sont dé- Crespin.
signés par Foxe comme de simples labou- (i) Rayleigh.
reurs, et non comme des diacres. C'est aussi (2) Rochford.
la désignation que leur donne Burnet [Hist.
de la Réf. en Angl.. trad. de Rosemond , (3)
(4,1 Aucun.
En pleine déroute
Amst., i()87, t. II, p. 740). Les chefs d"ac- (5J Voy. t. i. p. 579.
176 LIVRE CINQUIEME.
Ayant défia vfé vne bonne partie
de fon temps en celle façon de viure,
il auoit facile entrée à amaiïer des ri-
chelfes , s'il euft appliqué fon efprit à
Iean BRADFORD.Jminiftre Anglois(i). acquérir des biens : mais la prouidence
de Dieu l'auoit ordonné à vn autre
La vie de Bradford dcfcrile auec les but. S'ennuyant finalement de celle
manière de vie, et ayant diligemment
procédures ijui ont ejlé tenues contre
& fidèlement recueilli fes contes tou-
lui en public deuant les luges, en- chant les afaires de fon maillre, il lui
femble les difputes particulières qu'il demanda paifiblement congé, & fe re-
eut contre les Théologiens , ne fe- tira de fon feruice ; & fit cela afin
ront juperflues ; mais donneront en-
feignement comme le fidèle Je de- qu'eftant defpellré des autres afaires ,
ura conduire, quand pour auoir fait il fe peuft dutout adonner au feruice
de Jefus Chrift. Or vn inftind fecret
& procuré en bien , les aduerfaires
de la vocation de Dieu le poulToit à
l'accuferont faujjement ; & au lieu cela, & ne laifToit iamais fon efprit en
d' auoir appaisé la multitude, le pour-
fuyuront à mort comme feditieux & repos, àquelque
rebelle. ques ce quepart qu'il allaft,
finalement iuf-
il eufl
polTedé fon efprit entier , eftant à
Bradford, natif de la ville de foi-mefme, tellement que, combien
Manceftre, villeLancaflre
d'alTez grand renom qu'après auoir pris congé de fon maif-
au diocefe de , fut des fon
bas aage par fes parens defliné aux loix tre,,ilneantmoins
fe fuft appliqué à l'eftude
fon efprit des
ne peut
lettres. Entre fes louanges il obtint Exemple
longuement s'arrefter entre les Legif-
tes. Parquoi ayant quitté auffi celle
ceci , qu'il auoit vne grande prompti- noté.
tude & dextérité de mettre quelque façon d'ellude, en laquelle toutefois il digne d'élire
n'auoit pas perdu fon temps , du tem-
chofe par efcrit ; ce qu'auffi lui a ple des ioix ciuiles (car le collège où
ferui de beaucoup aux vfagcs necef- il demeuroit eftoit ainfi nommé) (1) il
faires de fa vie. En ce temps-la Iean
Haryngthon (2), cheualier de Tordre, s'en alla à Cambrige au temple des
eftoit threforier du Roi Henri hui- loix diuincs, pour eftudier es chofes
Haryngthon,
threforier à tiefme , ayant charge de payer les qui apartenoyent de plus près au mi-
Boulongne. gens de guerre. Il auoit pour lors niftere de l'Eglife du Seigneur. Ce
qui fera dit ci après monllrera bien
Iean Braaford en fon feruice, & l'ai- de quelle ardeur il eftoit pouffé à
moit fort & honnoroit par defTus tous
fes domelliques. Bradford auffi eftoit ccfte eftude,
mière année, aft"auoir que,dodeur
il fut créé dés la enpre-la
vtile à fon maiftre. Cependant toute- faculté de Théologie {2); & tous lui
fois fous le feruice d'icelui, il aprint à
conoiftre & eflre expérimenté en portoyent telle faueur , & l'auoyent
beaucoup d'afaires. D'autre part , le en telle admiration , qu'il
continent principal (5) du fut fait in-
collège de
Seigneur Haryngthon expérimenta Pembruch.
Bradford
moit tellement
comme fidèle,
vn threfor qu'il l'efti-
précieux , i!t Or il profitoit tellement de iour en
iour , que tous auoyent les yeux dref-
l'auoit
fes pour adioint prefque en tous
afaires. fez fur lui , & principalement il com-
mença àeftre en eftime enuers Mar-
(l) Tlie Hislory cf llic wûrtliy Martyr and tin Bucer (4), la perle des Théologiens
Servant 0/ GoJ, Master Jcltn Bradford. de ce temps , lequel fe promettant
Voy. Foxe, l. VII, p. i4)-28s. Celle notice chofes grandes du bon naturel de
de Foxc. qui a plus de 140 pages, renferme
un grand nombre de lellres de Bradford. qui Bradford, l'exhortoit de tout fon pou-
uoir à employer le talent que Dieu
furent communiquées au martyrologisle an-
glais par son ami Grindal (Voy. Slrypc , Life lui auoit baillé, au profit tt inftrudion
of Grindal. I, 2). Les ouvrages de Bradford, commune de l'Eglife de Icfus Chrift.
édiles par Townsend . ont élé republiés Sur cela Bradford alleguoit fon imbe-
par la Parker Society (Camb., 1848). Voy.
Burncl, Hist. 0) Réf., Il, ^7<), 48a (trad. fr.
de 1087, l. Il, p. 742); Sirype, Eccl. Mcm., (1) Le Temple, à Londres.
III, I. Voy. aussi sa vie par Stcvens, Lond., \i) Il fui fait maître es arts, et non doc-
18)1. leur en théologie.
(j) Sir John Harrington, trésorier des (lî II devint fellow, et non principal du
camps et des bAiimenls royaux à Boulogne, collège de Pcmbroke.
qui était alors aux Anglais. (4) Voy. l. I , p, 575 , Cl l. 1 1 , p. lûo.
lEAN BRADFORD.
I
que ni la reuerence du lieu, ni l'au- forts & violence. Ce que Bradford fit
thorité de l'Euefque de Londres, qui volontiers, &, s'eftant mis au deuant, le
couuroit par derrière de fa longue
(i) Sa faiblesse. robe; bref, il ne l'abandonna iufques
(2) Le D' Gilbert Bourne fut fait évèque àMaire
tant dequ'il fut entre
la ville les mains
& de deux autres du
de
de Batli and Wells l'année suivante. Le
congé d'élire est daté du ; mars 15Î4. 'Voy., la iuftice, par lefquels il fut mené fain
sur le sermon qu'il prononça à la Croi.\ de & fauf iufques au collège de S. Paul
Saint-Paul le i; août 1555, 'et sur le tumulte
qui s'ensuivit, Foxe, t. 'VI, p. 391; t. VU, qui eftoit prochain de là. En cefte
p. 144. forte ceft arrogant Burne, qui auoit
12
178 LIVRE CINQUIEME.
ainfi delj;orgé les outrages contre le it auffi autres gens d'autre fede lui fi-
bon Roi Edouard, fut fauué pour ccfte rent plufieurs fafcheries. Toutesfois il
fois de la mort , laquelle toutefois il ne lailfa de fortifier plufieurs infirmes
auoit méritée à bon droit à caufe de & confoler plufieurs affligez; d'auan-
fes infolences. Cela fut par le moyen tage, il fit quelques liures félon le loi-
de Bradford : ce que ne diffimuloyent fir & le temps qu'il pouuoit recouurer.
Entre autres choies, il enuoyoit plu-
point laceux
faire vengeance qui auoyent lefquels d'en
: entreintention il y fieurs lettres aux habitants de Lon-
en eut vn qui dit celte parole deiiant dres, à l'Vniuerfité & à la ville de
tous : Il Bradford, Bradford, fauues-tu Cambrige , & auffi aux habitans de
ainli la vie à celui qui n'efpargnera ■Waldene & de Manceftre; outreplus,
il efcriuit lettres à deux frères & auffi
pas la tiene ? que fi n'euû efté pour à leurs femmes & familles, par lef-
l'amour de toi, i'euffe percé cefle belle
de mon efpee. » quelles il monftroit bien quelle affec-
Av refte , ce iour-la mefme après tion Chrellienne il nourrilToit en fon
difné, Bradford fit vn fermon deuant le cœur. Finalement, après longs labeurs
peuple de Londres au milieu de la & ennuis, il fut tiré hors de la prifon
de Coucntrie & mené fecrettement en
plus grande place de la ville (i), au-
quel ilreprint aigrement tout le peu- celle de Newgat. Le lendemain, de
ple de ce fait feditieux, attendant ce- bon matin, on le mena au marché de
pendant àLondres quelle fcroit Tiffue Smythfild auec vn autre ieune homme
de cefte tragédie. Voila en fomme &
nommé Iean Liefe(i) qui n'auoit que
de poinél en poinft & à la vérité dixhui<5l ans, où tous deux furent bruf-
comment Bradford le porta en ceft lez le premier iour de Juillet mil cinq^
ade; & par cela peut on bien enten- cens cinquante cinq.
dfe quel guerdon il mcritoit deuant
des Juges équitables, pour vne œuure
fi fainde. Oyons maintenant quelle
recompenfe il en a receuë. Diucrs ajTaux liure:{ à Ican Bradford,
Trois iours après ^2) que ces cho- tant par le Chancelier aue par plu-
fes furent faites, le Sénat (5J & les sieurs Théologiens, à aiiierjes fois.
Euefques firent venir Bradford deuant Et, premièrement, des interrogations
eux , et là fut contraint de refpondre aui
lier. lui furent faites par le Chance-
de celle fadion & de l'herefie qu'on lui
L'agneau cl)
accufC- d'auoir impolbit, & l'accufoit-on de cefte fa-
çon que la brebis fut iadis accufee par Apres qu'on eut acheué de parler à
troublé l'eau.
le loup d'auoir Robert Ferror, Euefque de Saind-
toutesfois auoittroublé la fontaine
beu bien loin de (qui
li\), Dauid , duquel le martyre a efté ex-
non point qu'elle euft offensé, mais posé ci-deffus (2), Iean Bradford fut
d'autant que le loup auoit foif; non appelé & prefenté en iugement. Et ,
point qu'elle euft troublé la fontaine, premièrement, il fe mit à genoux à
la façon acouftumee. Le Chancelier,
ains d'autant qu'elle ne deuoit refifter
à l'autre ilquien l'auoit troublée. Voila auant que de lui faire aucune interro-
comment eft auenu A Bradford, gation, ietta vne veuë de defdain fur
lequel feul auoit efteint la llamme de lui & quelque temps le regarda fans
la fedition : ce nonobftant il fut mené
dire mot, afin d'efprouuer fa confiance,
en prifon (4) en laquelle il demeura
ou pluftoft pour l'intimider, ou abatre
deux ans, durant lequel temps les Pa-
piftes lui donnèrent plufieurs alTauts, par fon authorité. Bradford , d'autre
part, fe tenant alTeuré. ietta fembla-
blement les yeux droit fur le Chance-
IIU'J pi
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Klis ijails lier, leregardant d'vne voué arreftec,
uneé;;lise, bf)w Cluircli , Cheapsidc , que finon qu'il hiiufi'a vne fois fa veuë au
BraJOirJ pricha cel apix-s-miji Jii i; noùi. ciel , implorant l'aide du Seigneur ,
(2) Le 16 aoùl. derechef après les arrella tellement fur
()) Le conseil. le Chancelier , que finalement il fut
(41 II fui d'aborj enlcrnie ;i la 1 our de contraint de deftourncr fa veuë, voire
Londres, puK au Kin^-'s Beiicli, S >ulliwark,
prison placée alors sous les ordres de Sir mefme d'entrer en propos & dire à
William Kiu-Williams, qui élaii favorable Bradford que défia des longtemps il
aux évani;é'liques, et laissa à Bradford une
assez ^'rande liberté, y compris ccllej de
faire, deux fois par jour, le culte aux pri-
sonniers. (i)Voy. la notice qui suit celle de Bradford.
(J) Voy plus haut . p 1)9.
lEAN BRADFORD.
I
propres yeux, comme ceftui-ci, par vne ai rien fait que ce n'ait efté à la prière
audace & outrecuidance feditieuse , a
d'autrui, & principalement à la re-
vfurpé authorité de gouuerner & con- quefte de Burne mefme. Que s'il
duire le peuple. Ce fait demonftre af- eftoit ici prefent , il ne le voudroit
fez qu'il a efté autheur de la fedition & pas nier, & ie le fai bien. Car lui
des troubles qui ont efté efmeus. » Br. mefme m'induifit par fes prières à lui
donner fecours & à remédier au fcan-
«Tref-nobles feigneurs, comme qu'il en
aille de ce que monfieur l'Euefque de dale du peuple. D'auantage, il me
Londres aff"erme auoir veu de fes pro- pria inftamment que ie ne l'abandon-
pres yeux, toutesfois la chofe n'a efté nalîe point iufques à ce qu'il fuft hors
conduite autrement qu'ainfi qu'auez hors du danger de fa vie. Au refte ,
défia ouy de moi , comme le iufte quant à ma contenance & aux propos
que i'ai tenus deuant vous en la tour,
(1) Reprendre, blâmer. s'il y a eu quelque faute en ceft en-
i8o LIVRE Cl
NQUIEME.
droit, ou si i'ai laiffé à faire ce qui ueur, c'est la vie melme. » Ch. « Tien-
eftoit de mon douoir, ou (1 ie m'y fuis toi pour affeuré
à prefent qu'ainfile que
tu as feduit iufques
peuple par i
porte autrement qu'il ne faloit, ie vous vne dodrine faulTe et corrompue, auffi
fupplie de bon cœur me monftrer en
* ic reparerai volon- en rapporteras-tu falaire tel que tu as
tiers laoffenlé,
quoi i'ai faute. » Ch. « Afin que ne mérité à bon droit. » Br. << le ne me
foyons contrains de perdre toufiours fens nullement coulpable d'aucune fe-
ainli le temps après toi , il refte vne dudion & n'ai iamais propofé autre
chofe, c'eftque, li tu veux retourner au façon de dodrine que celle que ie fuis
bon chemin à nollre exemple & fouf- prefl maintenant de feeller de mon
crire à l'Eglife, la Roine te prefente propre fang . moyennant la grâce de
grâce A mifericorde de fon bon gré. mon Dieu. Et ouant à ce que vous
Que dis-tu.' " Br. <> le ne refufe pas appelez ma dodrine, corrompue &
la mifericorde de la Roine , moyen- diabolique, cela me feroit vne chofe
fort diftîcile à porter fi vous pouuiez
nant qu'elle foit coniointe avec la mi-
fericorde de Dieu ; mais la grâce con- monftrer par effet ce que vous dites de
iointe auec l'ire de Dieu, que profite- bouche. »
Bradford ne roit-elle .> Toutesfois , grâces à mon L'EvESQVE de Dunelme (i) : « Or
fe feni auoir Dieu, ie ne me fen point coulpable fus. di-nous maintenant quelle eft ton
Roine. 1.1 d'auoir commis quelque ofFenfe iuf-
oiicnfé opinion touchant l'adminillration de la
ques à prefent, pour laquelle iaye co.nimunion , laquelle tu vois eflre
befoin d'implorer li fort la mifericorde maintenant en vfage? » Br. « Auant
de la Roine, veu qu'en ce tcmps-la ie que ie refponde à voftre interrogation,
n'ai rien fait qui ne s'accorde tant aux il faut que ie vous face vne autre de-
loix & llatus de Dieu qu'aux edits & mande premièrement & aux autres
ordonnances publiques de ce royaume,
fcigneurs qui font ici prefens. C'eft défia Serment
& qui n'ait ferui grandement au bien, pour la fixiefme fois que ie fuis obligé folennei de n(
repos & tranquilité- publique. » Ch.
i< Et bien, fi tu perfeueres à mettre en àparfermcnt,voireparparolesexpreftes, Pape. ""
ce que ie ne confente iamais que la co"''-'"'"'
auant tels propos faux & vains, te iurifdidion du Pape foit ici reftablie
plaifant fi fort en ton babil orgueil- quelque fois ou ramenée. Parquoi ie
leux fâches
, pour certain que la vo- vous fupplie
lonté de la Roine efl de purger en en bonne foi qu'il
& mevousfaire
plaife me direfi
entendre
bref ce royaume de tels hommes que vous me demandez ceci en l'authorité
toi. >. Br. " Dieu, deuant la face du- du Pape ou non. Si ainfi eft, ie ne
vous puis refpondre en ceci fans me
deuantquel i'affille
vous,maintenant auffi gloire
conoit. quelle bien queic
periurer manifeftement. » Bvr., fecre-
me pourchafie en cefi endroit ou que taire (2). « Cela peut-il eftre vrai que
ie me fuis pourchafTé par ci-deuant. tu ayes iuré fix fois contre le Pape }
le defire grandement la bonté & mi- le te prie, quelles charges as-tu eues
fericorde de Dieu, & mefroe ie de- en la republique pour ce faire .'' » Br.
firerois atteindre iufques à la faueurde
« Le premier ferment qui m'a elle
la Roine,
viure fain &à ce fauf qu'elle
auec lesme autres
perrnift de
fuiets donné, c'a cfté à Cambrige, quand
on me voulut faire dodeur {}). Le fé-
de fon royaume, pourueu que la con- cond fut quand on m'appela en la
fcience me demeurall auffi faine & communauté de la falle de Pem-
Notable faoue. Car autrement la mifericorde bruch (4). Le troifiefme quand ambaf-
confolation. du Seigneur m'efl certes bien meil- fadeurs furent enuoyez au nom du Roi
leure Àbeaucoup plus chère que ma & toute rVniuerfité fut contrainte de
propre vie; d'auantage, ie fai es mains iurer
edits publiquement d'obferuerquand
du Roi. Le quatriefme tous les
on
de qui i'ai baillé ma vie en garde, af-
fauoir de celui qui la pourra fuffifam- me fit receuoir les ordres du facré mi-
mentgarentinV: maintenir, comme auffi niftere. Le cinquiefme fut incontinent
fans fa permiflion nul ne me la pourra après, affauoir quand ie fu efleu cha-
ofter. Il y a douze heures au iour, & noine de S. Paul. Le fixiefme & der-
tant qu'elles durent nul n'aura puif-
fancc de me l'ofter. La bonne volonté (1) Cullibcrl Tunslall. Voy. t. 1 , p. )i).
donc du Seigneur foit faite, car la vie (2) Sir Jolin Bourne. V.jy. la note de la
coniointe auec la fureur c^t indignation
(î) 96,
page Maître es arts.
de Dieu c(l pire que la mort ; au con- (4) Fctloiv du Pembroke-Hall , collège de
rUniversilé.
traire, la mort coniointe auec fa fa-
lEAN BRADFORD. i8i
nier fut vn peu deuant la mort du Roi, grâces à Dieu. » Bvr. « Mais tu ne
M.D.LV.
quand nous tous indifféremment auons peux nier que tu n'ayes efcrit des let-
prefté derechef ce ferment mefme. » tres. Pourquoi te tais-tu ? refpon. »
Sermens Ch. « Et bien, que veux-tu dire pour B. « Ce que i'ai efcrit eft efcrit. »
tout cela ? Tels fermens Herodians
Herodians. Sovthwel(i). « C'eft merueiUes de
n'obligent nullement la confcience. » l'arrogance de ceft homme, laquelle il
Br. «"Mais certes. tels fermens n'ont a monftree mefme lors qu'il eftoit en
point efté Herodians & ne doyuent adolefcence ; & encore fe porte tant
eftre reputez tels. Mon dire eft ratifié audacieufement, ofant bien fe iouer
es com- auec les Confeillers de la Roine &
I au Hure que vous auez n'aguer
pofé : De la vraye obeiffance (i). »
RocHESTER , qui eftoit vn des affif-
autres gens d'eftat. » A donc fe regar-
dans l'vn l'autre en cholere, d'vn œil
tans, & affez près de la table , dit : de trauers, comme par defdain, Brad-
« Trefhonorez feigneurs , ie n'auoi ford les regardoit auffi, & parla à eux
iamais iufques à prefent entendu la comme il s'enfuit : « Trefhonorez fei-
caufe pourquoi ce Bradfordmaint a efté con- gneurs, Dieu qui eft & fera feul Juge
ftitué prifonnier ; ie voi enant , de nous tous, fait bien que comme
i'affifte deuant fa fainde maiefté , auffi
quelque caufe qu'il y ait, que vous
auez befongné prudemment en ceci, ie me porte ici humblement deuant
quand vous l'auez ainfi fait emprifon- vos reuerences, comme il eft raifonna-
ner. Que s'il euft efté en fa liberté, enil ble, me donnan t garde autant qu'il
euft peu faire beaucoup de maux m'eft poffible , à ce que ie ne vous
ce temps-ci. Parquoi pour quelque oflfenfe ou en paroles ou en fait, félon
caufe que ce foit qu'il ait tefté détenu que ie le puis conoiftre. Que fi vous
prifonnier iufques à prefen , ie conoi 'le prenez autrement, ie fai bien que le
maintenant qu'il eft tel que, mefme temps viendra auquel Dieu reuelera
hors la caufe gardé d'eftre
, il mérite bien» Bvrne ceci. Cependant i'ai bonne efperance
eftroitement par vous. que l'endurerai paifiblement &femble volon-
fecretaire : « Qui plus eft, par le rap- tiers tout ce que bon vous ra
port du Comte de Derbe {2), nous de dire & faire. » Ch. « Ce font-la
emblee belles paroles comme de reuerence ; cepen-
auons oui dernièrement en enl'afl^ la prifon dant toutefois en toutes autres
publique, que maintenant
il a fait beaucoup plus de dommage à chofes tu n'as fait que mentir, auffi ne
a ef- fais-tu que mentir en ceft endroit. »
la religion par les lettres qu'il auant Br. « le defire que Dieu qui fonde
crites, qu'il n'auoit fait aupar
quand il prefchoit publiquement en les cœurs , & qui feul eft autheur de
liberté (3). En ces lettres, il detefte la venté, m'arrache maintenant en vos
fort les faux prefcheurs & maiftres de prefences la langue de cefte bouche
doftrine corrompue (car voila com- qui parle à vous , & qu'il monftre vn
ment il appelé la dodrine qui ne ref- exemple en moi , duquel tous autres
pond point à la fiene) & exhorte de eftez, ou délibé
fi i'ai ré de
ices à mentir admonn
foyent ici deuant vous, me gaudir
grande aff'eftion tous fes compl
perfeuerer conftamment, & fe tenir à plaifir de quelque chofe que vous
fermes en la vraye doftrine laquelle
me puiffiez interroguer. » Ch. « Pour-
ils auoyent receuë de lui & des au- quoi ne refpons-tu donc.' As-tu pas
tres. » Il y en auoit auffi plufieurs au- efcrit des lettres telles que ceux-ci te
tres du confeil de la Roine, qui attef- mettent en auant } » Br. « le fai la
Lettres de .
Bradford toyent cela mefme : « Que dis-tu mefme refponfe que i'ai fait par ci-
homm e de bien ? refpon ; voudrois-tu ce que
; I'affifte
deuantcrit. i'ai efcrit eft défia ef-
pour encoura-
ger les fidèles. nier que tu n'ayes point efcrit telles ici deuant vous, fubmis à
lettres ?» Br. « Tant s'en faut que voftre conoiffance; vous pouuez faire
i'aye rien fait ou dit par fedition , que vou-
mon procès fur ces lettres fi vous
ie ne fen point en mon cœur que lez. Que fi vous le pouuez faire, ou
iamais aucune mauuaife penfee de fe- s'il y a quelque chofe en ces lettres
y
dition foit defcendue , dont ie ren
me puilTe accufer & blaf-
à bonon droit , ie mentiroi, fi le le
de quoi
mer
(i) Voy. plus haut, p. 125. nioi. » Ch. « 11 n'y auroit iamais fin
de Derby, Edward Stanley, en
(2) Lee comte
treizièm comte de ce nom. en ceft homme-ci. Or fus, di-nous
(3) On possède un grand nombre de fort bref, veux-tu qu'on te face mifencorde,
belles lettres de Bradford écrites durant sa
captivité. Voy. Foxe, Vil, 196-28Ç. (I) Sir Richard Southwell. Voy. p.
i8: LIVRE CINQUIEME.
OU non.' » Br. ■> le prie noftre Sei- res en maniement, de reformer l'eftat
gneur qu'ilceflc
m'ottroye fa mifericorde. de l'Eglife petit à petit & comme par
Que fi iiucc milericorde de Dieu, interualle. furent changées vne fois ou
vous vouiez auflî conioindrc la voftre, deux, ou pluftoft les liures elloyent cor-
ie ne la refulcrai pas. » Alors chacun rigez(i).Tonftal, Euefquede Dunelme,
elloit cmpcfchL^ à dire fon opinion ; reprochoit cefte diuerfité aux Euange-
l'vn en parloit d'vne façon, l'autre liques , comme les accufant de légè-
reté & inconftance. Il fit donc cefte
d'vne autre, & tous deuifoyent de fon
arrogance, affauoir qu'il reiettoit-ainfi interrogation à Bradford : Quelleforme
fièrement la mifericorde que la Roine de Religion il entendoit de toutes
lui prefentoit fi libéralement. celles qui auoyent efté fous le Roi
Bradford donc parla à eux en Edouard. Bradford lui refpondit :
celle forte : « Si vous me permettez " Monfieur l'Euefque, i'ai commencé
de iouir tellement du droit & liberté
à faire office de prefcher l'an auquel
des autres citoyens, que cependant le Roi mourut. » Burne le proteno-
auffi ie puifle retenir la liberté de ma taire print alors des tablettes, aufquel-
confcience , i'aurai matière de vous les il efcriuit quelque chofe. Finale-
rendre grâces de bon cœur de vortre
ment, après qu'ils eurent fait quelque
bénignité. Et fi ie me porte autrement peu de filence, le Chancelier retourna
derechef à la dodrine tt religion du
qu'il n'eft feant à vn bon citoyen &
paifible , vous auez des loix par lef- Roi Edouard , & s'efForçoit de monf-
quelles vous me pourrez punir. Cepen- trer qu'elle eftoit hérétique , pour
dant iene requier autre chofe de vous
cefte raifon
fentoit principalement
fa rébellion , qu'elle
& lefe maiefté. Au
finon que cefte grâce commune me foit
ottroyee, de viure auec les autres ci- demeurant, il n'amenoit rien de l'Ef-
toyens, iufqu'à ce qu'on trouue en moi criture,&on pouuoit par cela(difoit-il)
chofe digne d'eftre punie de mort par facilement iuger ce qu'vn chacun
les loix. Que fi ie ne peux impetrer deuoit fentir de telle façon de doc-
trine. Br. « O fi ainfi eftoit, monfieur
ceci de vous (comme ie ne l'ai peu
impetrer iufques à prefent) la volonté le reuerend , que vous puiffiez vne
du Seigneur foit faite. Amen. » Sur bonne fois entrer au fanauaire & au
ceci le Chancelier fit vne longue di- cabinet de Dieu, & là regarder la fin
greffion , & commença à vomir d'vne & riffue de cefte voftre dodrine, la-
bouche impudente de grands outrages quelle vous prifez maintenant fi fort ! »
contre le Roi Edouard , difant que Ch. « Que veux-tu dire par cc\a? Il
plufieurs auoyent eflé feduits par fon me femble bien que, fi nous le voulons
erreur. Puis après , quand il eut mis ouir vn peu , nous pourrons mainte-
fin à ces mefdisances, il adrefia dere- nant mefme fentir Quelque flair de ré-
chef fon propos à Bradford, tafchant bellion en fcs paroles. » Br. « le ne
de le furprendre en quelque forte, &
penfe à rien moins qu'à ce que vous
lui dit : u Et toi, homme de bien, que dites ; pluftoft ie regarde à vn but tout
veux-tu dire.' » Br. « Tout ainfi que contraire à celui que les hommes
la façon & dodrinede la Religion que fe propofent couftumierement deuant
noftre bon Roi Edouard a fuyuie, & leurs yeux charnels : c'eft le but de
laquelle il nous a recommandée par ceux qui, eftans entrez au fanduaire de
fon authorité , ne m'a iamais defpleu Dieu, contemplent les chofes ccleftes
tant qu'il a vefcu , auffi maintenant de- & non point celles qui font du monde.
Car les chofes qui font telles ef-
puis fa mort
meilleure, & mem'afens femblé
de iourbeaucoup
en iour blou'iffent facilement les yeux
plus confirmé en icelle; & C\ mon hommes, & les tirent en erreur. >- des
bon Dieu le permet , ie fuis preft de Or fur ceci, le Chancelier propofa
fceller ceci dans mon propre fang, derechef les conditions de vie & par-
auffi bien que ie le teftine de paroles don à Bradford , auquel il refpondit
maintenant. »
Les liurcs des de la mefme façon qu'il auoit fait au-
cérémonies
Or, du temps du Roi Edouard, il y parauant, aft"auoir qu'il defiroit bien
de lEglife auoit plufieurs liures apartenans aux qu'on lui fift mifericorde, pourueu
du temps, du obferuations A- ceremoniesde l'Eglife,
Roi Edouard, lefquelles combien que toutes peuf- (i) Ces liturgies et formulaires, publiés
fent bien feruir à la reformation de la sous Edouard VI, ont 6li rassemblés et
forment un volume de la collection des pères
Religion, toutefois pourcc qu'il fem- de la Réformation
Parker Scciely. anglaise publiée par la
bloit bon à ceux qui auoyent les affai-
lEAN BRADFORD.
qu'elle fufl conjointe auec la niiferi- alTauoir qu'il auoit refufé affez orgueil-
corde de Dieu , & non autrement. leufement la mifericorde de la roine ,
Auffi tort que le Chancelier l'eut oui qui lui auoit efté offerte , & eftoit de-
ainfi parler, il fit figne à aucuns de fes meuré opiniaftre , ne pouuant fouffrir
gens qui eiloyent dehors, qu'ils entral- d'eflre deftourné des opinions & er-
reurs du Roi Edouard ; toutesfois
fent; car en cefte aflemblee il n'y
auoit nul outre ceux qui ont elle nom- qu'il y auoit encore efperance que la
mez, & l'Euefque de Wigorne. Apres vie lui feroit fauuee, pourueu qu'il re-
que quelqu'vn y fut entré, le l'ecre- tournaft à fon bon fens. Puis l'admon-
taire Burne dit : « le fuis d'auis qu'on nefta de regarder diligemment à foi- Captieufedu
harangue
face ici venir le Geôlier, à qui nous don- mefme, cependant qu'il en auoit le Chancelier.
nions cellui-ci en garde. Vn feruiteur loifir. Poffible il auiendroit puis après
donc alla quérir le Geôlier, de la pri- que cette oportunité lui feroit oftée ,
fon de Marchai (i); & quand il fut là & qu'il fe repentiroit trop tard. Le
venu, le Chancelier lui commanda ex- tout eftoit encore en son entier; pour
preffémentqu'ilveillaftfurluidefipres, le moins qu'il y auoit encore remède,
Bradford que nul n'euft entrée pour venir parler veu qu'il eftoit entre les limites de fa
baillé au à lui. D'auantage qu'il fe donnaft puiffance, n'eftant encore liuré au bras
Geôlier. garde qu'aucunes lettres ne fufTent feculier. Qu'il fe propofaft les exem-
enuoyéees par fon prifonnierà homme ples de Cardmaker& de Barle (i) de
du monde. Et combien qu'il ne fe uant les yeux , defquels il difoit tout ce
desfiaft de la vigilance du Geôlier,
neantmoins il eftoit belbin que cefle qu'il pouuoit à leurs louanges, afin
que, par ce moyen, il enflammaft le
remonftrance lui fuft faite, qu'il y auoit courage de Bradford à les imiter.
pour l'heure plus de raifon pourquoi il Bradford, après cefle longue ha-
deuft garder plus foigneufement ce rangue du Chancelier, voulut auffi
prifonnier, qu'auparavant. Le Geôlier parler pour foi. Premièrement, il pria
donc s'en alla auec Bradford , ayant ceux qui lui eftoyent là ordonnez pour
ceftecommiffion du Chancelier, comme iuges , de vouloir diligemment confi-
il a efté dit. Et Bradford, fortant du derer, non feulement le lieu où ils
confeil, s'en alloit ioyeux & alaigre , eftoyent affis, mais auffi de qui c'eftoit
fans changer de face, comme celui qui
qu'ils reprefentoyent la maiefté & au-
thorité; affauoir du Juge fouuerain &
eftoit prefl d'endurer toutes chofes éternel, qui, félon le tefmoignage de
extrêmes pour le tefmoignage de la
I
Dauid, eft affis au milieu des dieux & Pf. 81.
dodrine del'Euangile, voire quand fur
le champ il lui euft falu efpandre fon des Juges pour iuger. Parquoi fi eux
fang iufques à perdre la vie. veulent eftre tenus & reputez enuefs
les autres pour miniftres & vrais offi-
ciers de Dieu , s'ils veulent auffi que L'office des
leur fiege foit eftimé comme vn throne
La féconde ioiirnce & procédure tenue
ou fiege iudicial
regardent de Dieuà ,eux
diligemment faut , qu'ils
à ce luges.
par Gardincr, Chancelier & fes ad-
ioints contre Bradford, au temple qu'ils ne fe deflournent tant peu que
au on appelle de la vierge Marie (2), ce foit du patron & exemple de celui
le vingtneufiefnie de lanuier M.D. duquel ils portent la figure & image ;
LV.
ains qu'ils s'accommodent au naturel
d'icelui le plus près que faire fe pourra,
Apres que Rogers eut efté con- veu qu'ils tienent fa place, comme dit
damné, duquel les ades & le martyre eft; qu'ils ne mettent point embufches
eft ci-deiTus defcrit (5), le premier de failace au fang innocent ; qu'ils ne
circonuiennent perfonne par queftions
qu'on fît venir en iugement, ce fut
i
Jean Bradford, lequel Gardiner & les ou par interrogats captieux, par lef-
Euefques qui efloyent auec lui firent quels ils enuelopent en laqs & fraudes
comparoir deuant eux. Lors Gardiner telles gens, qui toutesfois félon la loi
répéta en peu de paroles ce qui auoit font en liberté. Quant à lui, il reco- Ferme mentargu-
des iuges deuant
efté fait en la première procédure, noit volontiers le lieu où il eft, & leur
innocent. S'il cil coulpablc , il prie pluftofl quelque guerdon ou vne répu-
tation non ingrate, il auoit elle ietté
qu'on lui face Ion procès , Iclon les en prifon, où il auoit eflé gardé défia
loix & ordonnances. S'il eft innocent,
pour le moins qu'il lui foit loifible de long temps. Et quant à ce qu'on lui
louir du priuilege commun d'vn ci- mcttoit en auant des lettres qu'il auoit
efcrites en la prifon, il ne vouloit fur
toyen innocent , duquel il n'auoit peu cela refpondre autre chofe , finon ce
iouïr iufques à ce iour-la. G. << Ce
qu'au
tu as commencement
recitii du Pfeaume, de tonaflauoir:
propos qu'il en auoit défia dit le iour au para-
uant ; à quoi il fe tenoit nonobllant
leurs contradidions. G. « Mais ce
Dieu affifle en l'afTemblee des Juges,
&c. cfl bien vrai; mais tout ce que tu iour-la mefme, il fembloit bien que tu
voululTes obftinement défendre la doc-
dis, & toute ta contenance n'eft que
pure hypocrifie & affedation de vaine trine du Roi Edouard, cerchant occa-
gloire. » Là detTus il vfa de beaucoup fion par ce moyen de nous mettre aux
laqs. » Br. ce Défia des longtemps ie
de propos, tafchant de perfuader qu'il vous ai refpondu de ce fait . que par
n'ertoit point te! qu'il appetaft l'eiïufion
du fang innocent. Au contraire, reiet- fix fois i'ai iuré contre l'authorité du
tant lebiafme fur Bradford, l'appeloit Pape. Et fur cela ie voudroi fauoir
ceci de vous , comme ie defiroi pour
Orgueilleux
la Croix de &faind arrogant, d'autant
Paul il qu'enle
auoit fait
lors, aflauoir fi c'efloit au nom du Pape
mairtre & condudeur du peuple, prin- que me faifiez cefle demande ? Que fi
cipalement en vne façon de doarine ainfi euft eflé, ie ne vous eulfe peu
& religion, laquelle il maintenoit pour refpondre fans me periurer. Toutefois
lors d'vne manière fi obrtinee; ce qui ie vous déclare que mon efprit eft
ne fe pouuoit faire, fans grandement beaucoup plus fortifié en cefle façon
troubler l'Eglife & la Religion, félon de dodrine que nous auons fuyuie fous
mie les afaires fe portoyent adonc. Et le Roi Edouard . que lors que ie fu
difoit que c'eftoit la raifon pourquoi premièrement conftitué prifonnier; &
on l'auoit mis en prifon, en laquelle il fuis preft de rendre tefmoignage de ce
n'auoit point laiffé de faire auffi grands que ie Ji , non feulement par confef-
fion de bouche, mais auffi par eflTufion
troubles qu'auparauant, veu qu'il auoit
incité les cœurs du peuple par lettres de mon fang . fi la neceffité & la vo-
lonté de mon bon Dieu le requièrent. »
I
Le Comte efcrites, à s'endurcir à vne mefinc fa-
do Darbc.
dion de dodrinc, félon que le Comte G. << Il me fouuicnt voirement que
de Darbe l'auoit rapporté au Sénat. pour lors tu as mis en auant beaucoup
D'aiiantage, il lui remonUroit comment de paroles qui ne feruoyent de rien à
il s'efloit monflré oblViné à maintenir propos, comme fi le ferment fait con-
fa dodrine en la première affemblee , tre le Pape eufl eflé de fi grande im-
quand ils debattoycnt entr'eux de la portance. Mais quoi.'' Il efl certain
Religion. En quoi il vouloit auffi main- qu'il y en a plufieurs autres que toi
tenant elTayer & fonder quelle ref- & deuant toi qui ont fait vn autre fer- n'excufc
ponfe il lui feroit. Bradford, ayant fait ment, iaçoit que la raifon ne fuft fem- tude
la reuerence au Chancelier & à l'af- blable en tout & par tout. Car ce que La muiti
femblce, refpondit : premièrement tu couures ta confcience de ferment
quant à ce qu'on le blafmoit comme n'efi qu'vne pure hypocrifie. » Br.
hypocrite & arrogant, il lailToit cela au « Le Seigneur conoit quelle eft ma
iugement de Dieu, qui quelque fois confcience; lequel, comme il doit ve-
mettroit en lumière les cœurs & pcn- nir quelquefois pour crtre iuge , auffi
fces des vns & des autres; t*t cepen- m'eft-il maintenant tefinoin fi en ceci pas.
dant ilfe contentoit du tefmoignage ie fai rien par hypocrifie ou diffimula-
de fa confcience. Mais quant à ce tion. Parquoi ie refpon maintenant ce
qu'il auoit fait en la Croix de S. Paul, que i'ai protefté ci-deuant, affauoir
tant s'en faloil qu'il fe fentifl coulpa- que, pour crainte de me periurer, ie
ble n'ofe rien refpondre es chofes dont
que deDieu ce crime, qu'il nedoutoit
ne manifertafl point
la vérité de ce vous-vous enquerez, quand il fcmble-
fait à fon grand foulagement. Et fi roit que ma refponfe deufl feruir de
iamais il auoit fait quelque choie en
Quelque chofe, pour cftablir l'authorité
toute fa vie, qui peuft feruir au public, du Pape en ce royaume. » G. « Et
Il le purge pourquoi difois-tu au commencement
du crime & lui c'efloit principalement en ce iour-la
Impofé. qu'il auoit ferui; toutesfois pour cefle de ton propos que nous fommes dieux,
mefme caufc, pour laquelle il meritoit & que maintenant nous tenons la
lEAN BRADFORD.
place de Dieu , fi tu refufes de nous que nul autre ne vous a refpondu plus
refpondre, eflant interrogué parnous?» clairement. Je ne crain que ma con-
Br. 0 Afîauoir fi ce que ie difoi lors,
fcience ,quand l'heure viendra qu'il
& ce que i'aileguoi du Pfeaume, apar- me faudra mourir; autrement ie n'euffe
tenoit A cela, que tous reputent celle fi long temps difteré. » Le Chancelier
voflre authorité ou fiege que vous oc- fur cela, adrelTant fon propos à ceux
cupez, comme vne authorité et fiege de qui là eftoyent , dit : « Vous voyez
Dieu , puis que vous le voulez ainfi.
Pour celle raifon, eflant venu au tef- quelle eft l'arrogance de ceft homme-
ci, qui s'attribue plus de fageffe & de
moignage de cette Efcriture du Pfeau- confcience que tous autres feigneurs
me, ie vouloi bien vous admonnefter & gouuerneurs du royaume, & plus
comment vous deuez vfer de celle au-
thorité que vous auez de Dieu; & que tout le refle des hommes, de quel-
Le mefchant que eftat qu'ils foyent , & nonobftant,
penfe que qu'il ne faut point que vous vous def- pour direfcienceladu tout. vérité» ,Br. con-
nulle ceux
il n'a« Que
chafcun a tourniez de la iuftice d'icelui, duquel
jerdu la con- vous vous vantez d'eflre Lieutenant. qui font ici prefens iugent en vérité &
:ience comme Et quant à ce qui me touche, icelui
lui. droiture. Il y a plus d'vn an & demi
foit iuge, fi ie me veux couurir de que ie fuis détenu prifonnier; que
quelque hypocrifie , en propofant ce monfieur le Chancelier déclare quelle
ferment. » G. u Quand il n'y en auroit caufe il a eu de me conftituer prifon-
autre chofe que ceci, fi eft-ce qu'on nier. Iln'y a pas longtemps qu'il a dit
peut facilement conoiflre ton hypocri-
(ce qu'auffi monfieur de Londres a at-
fie. Car fi tu n'eulTes point fait de telle) que i'ai fait vn fermon au peu-
fcrupule de refpondre pour autre rai- ple en la Croix de faind Paul , fans
fon que pour le ferment , tu n'eulTes mandement ou ordonnance d'aucun.
iamais parlé de ceiie façon deuant Ici maintenant, en cette affemblee ,
nous, ains tu eulTes fur le champ ref- monfieur l'Eucfque de Bade (i) affilie,
pondu au faift. Maintenant on peut lequel me prelTa inftamment de ce
aifément aperceuoir, que c'eft-ci feu- faire; voire m'adiurant par la paffion
lement vne couuerture pour bailler de noftre Seigneur. A fa requefte, ie
couleur à ton filence, veu qu'autre- montai en chaire, & ne s'en falut gue-
ment tu n'ofes refpondre au faid ; & res que ie ne fulTe frappé du mefme poi-
cependant tu perfuades au peuple que
gnard qu'on auoit ietté contre Burne,
ce que tu as fait , c'a efté en bonne car le coup me pafia près du cofté.
confcience. » Br. « Les paroles dont
Apres que l'eus appaifé le trouble, il
i'vfai alors ne tendoyent point à ce l'abandon-
que ie neque
me prialederechef
naffe. lui fi promelTe tout ce
but, qu'elles fufi'ent pour refponfes
Oppofees à vos obiedions ; veu qu'en iour-la ie m'employeroi à procurer
ce temps-la vous ne m'obiediez rien. qu'il n'euft point de mal. Apres que le
Que fi vous euffiez bien penfé & con-' fermon fut fini , comme ainfi foit qu'il
fiderénullement
eflé ce que befoin ie difoide lors
faire, il n'euft
mention n'y euft nulle affeurance, ie me mis en
chemin auec lui ; &, en grand danger
du ferment. Maintenant voyant que de ma vie , ie le menai fain & fauf en
vous ne vous rendiez pas beaucoup at- vne maifon prochaine, en laquelle il
tentifs aux chofes dites, ains penfiez à pouuoit eftre à fauueté. Apres difné,
autres, & cerchiez occafion feulement
ainfi qu'il me faloit encore prefcher,
pour me faire tomber en periure, fi
quelcun m'auertit que ie me gardafTe
i'eulTe refpondu à ce que me propofiez de reprendre le peuple en ce faid;
au nom du Pape : pour cela l'en fai que fi ie le faifoi, ie ne defcendroi vif
confcience. Je ne cerche point de fub- de la chaire.
terfuge en cell endroit , & ne tafche refloi point à Tant y a que ie ne; mais,
ceft auertilTement m'ar-
point à deceuoir le peuple par faulfes préférant le bien public au mien par-
Sainfle har- couuertures. Car fi vous, trefhonorez
dielTe & ticulier, ie reprins aigrement ce tu-
Chrertienne feigneurs, qui efles ici affis pour iuger, multe qui auoit efté fait, & le nommai
protertation de me protefiez ceci franchement , que Sédition plus de vingt fois. Et pour
Bradford. vous ne demanderez rien de ce qui tout cela voici la belle recompenfe que
me face en quelque forte violer ma
foi & le ferment fait contre ie Pape , l'en r'apporte maintenant ; première-
ie refpondrai fi ouuertement & claire- ment que vous m'auez fait conftituer
ment aux chofes que vous me deman- (i) Gilbert Bourne, évêque de Balh. Voy.
derez, que vous aurez occafion de dire plus haut, p. 177.
i86 LIVRE CINQUIEME. champ [
Calomna
rien de celier,
faitqu'auoucommencement il n'ynous
commencé entre eut efcrites fous toi. » Br. « le n'ai didé
ni efcrit lettres à Pandelton ; & ie ne
touchant la Religion ; ains vous difiez fai que fignifie ce que mettez en
auant. » Alors vn certain fecretaire du
que quelque autre fois vn temps vicn- Confeil ramentut au Chancelier les
droit, propre pour en conférer. D'auan-
lettres que Bradford auoit efcrites aux
ta^e , ainfi foit que i'aye cdé mis en habitansde Lancaftre. " Il eft vrai, dit
prifon à caufe de la Religion; toute-
fois veu que les ordonnances & loix
publiques de ce temps-là , tt que les (i) méeSir John avait
Harinpton, trésorier de ser-
{"ar-
droits du royaume eftoyent pour moi à Calais, eu Bradford h son
& ma Religion, de quelle confcience vice, comme on l'a vu. Il résulte de ce
passage et d'un autre, dans les lettres de
pouuoit-on faire alors que ie fulTe de- Bradft>rd . que ce personna(;e s'était rendu
tenu en prifon pour telle caufe.- >> coupal'>lc de malversations. Peut-être Brad-
SvR ceci, vn gentil-homme de Wod- ford, qui n'était pas alors un chrétien , y
ftoken , dit Chambreland (i), fe leua avait-il participé, au moins comme instru-
ment. Dans les Ncks and Qucrics . le Rév.
E. C. Ilarington, descendant collatéral de
debout deuant l'affiflance, iv rapporta
au Chancelier que Br.idford auoit Sir John , soutient , en s'appuyani sur Sirype
efté autrefois feruiteur de monfieur et sur Sampson. l'ami de Bradford , que
Haryngthon. Sur quoi le Chancelier celui-ci fut le seul coupable, mais qu'il ré-
para ensuite sa faute.
dit : " Voire, & fi defroba à fon maiflre
(2) La réponse
anglais, est & la defoisBradford , dans l'original
moins longue et moins
catégorique.
(!)
stock.
Masier Chamberlain , of Wood- 0) Le D' Pendleion, apostat qui abjura
deux ou trois fois.
lEAN BRADFORD.
le Chancelier, car nous auons fon ef- moyen pour y paruenir. Les Payens
criture, laquelle rend tefmoignage de penfent iouyr du ciel par lupiter , par
cela. » Juno & autres dieux forgez à leur
fantafie ; les Turcs par leur Alcoran
& Mahomet; & ainfi confequemment.
Toute la queftion donc & difficulté
Dijputcs €■ combats particuliers que efl , que fuyuans tous autres efgare-
lean Bradford eut contre diuers mens, nouscerchions le feu 1 chemin qui
Théologiens, au mois de Feurier, & meine droiél au ciel, fans fouruoyer. » •
des autres cJwfes qu'il a faites duranl B. « Si nous tafchons d'aller au ciel,
fon emprifonnement. il nous faut fur tout garder que ne
nous forgions nouuelles voyes pour y
Le quatriefme de Feurier, lors paruenir , outre celles que lefus
qu'on executoit lean Rogers , Boner Chrifl, qui eft la voye, nous a propo-
vint en la prifon de Countree (i), en- fees en fa parole & en fon Eglife. La
uiron une heure après difné, pour voye efi Jefus Chrift le Fils de Dieu , La vraye voye
dégrader le docSeur Taylor , dont félon que lui-mefme tefmoigne, difant : à falut.
mention a eflé faite ci delTus (2). Il « Je fuis la voye, &c. " Ha. a Ce que pour paruenir
lean 14. 6.
parla lors à Bradford qui eftoit auffi vous dites eft vrai. Et de fait, il eft nof-
détenu en la mefnie prifon, & lui dit : tre Père , & l'Eglife fon efpoufe eft
noftre mère. Tout ainfi que de noflre
« Pource que i'ai entendu que tu dé- vieille nature nous auons tous Adam
lires qu'on t'ameine quelques gens fa-
uans pour conférer , voici i'ai amené pour père, & Eue pour mère , fembla-
monfieurl'Archediacre Harspfild (5). » blement, en la génération fpirituelle,
Br. « Jufques à celle heure ie n'ai lefus Chrift nous eft Père , & l'Eglife
point autrement defiré de conférer, & nous eft mère. Et tout ainfi qu'Eue
ne le defire point pour le prefent ; a eflé faite de la cofte d'Adam , auffi
toutefois fi quelcun vient ici pour de- l'Eglife du cofté de Chrift, duquel le
uifer, ie ne refuferai point de parler à fang efl forti pour purger nos péchez.
lui. " Boner, fe mettant en cholere, dit Mais dites-moi : l'Eglife a-elle eflé
au Geôlier : « Quoi ? ne m'auois-tu de tout temps, ou non .'' » Br. « Elle
pas dit que ceflui-ci defiroit auoir a eflé depuis la création du monde, &
quelque homme fauant, auquel il peuft fera toufiours. » Ha. « Vous auez
defcouurir fon cœur ? » Le Geôlier bien parlé ; mais cefte Eglife eft-elle
Commentefl
l'Eglife
refpondit : « Monfieur , voici ce que vifible, ou non? » Br. « ie confelTe
i'ai dit, que fi quelcun venoit vers lui qu'elle eft vifible , en forte toutefois
pour deuifer, il le receuroit volontiers; qu'elle eft vifible comme Chrift lui-
mefme a eflé vifible entre les hommes, vifible. •
mais il ne m'a pas dit qu'il euft affec- fans oftentation ou pompe externe du
tion ,ou qu'il pourchalTart de conférer
auec quelque autre, i Bo. « Or fus, monde , & ne monftrant aucune apa-
Bradford , ie conoi que vous efles en rence de gloire mondaine. Tellement
la grâce de plufieurs; confiderez le
que, fi nous
vifible, voulonsdoiuent
nos yeux contempler l'Eglife
eftre tels que
fait ainfi qu'ilde apartient
outrecuidé refufer ,la& douceur
ne foyez &fi
ceux defquels Jefus Chrift eftoit
clémence , laquelle vos amis vous of- vrayement regardé, tandis qu'il viuoit
frent, j)Harpsfild commença d'affez au monde. Car tout ainfi qu'Eue a
haut propos aborder Bradford , du- eflé d'vne mefme fubftance qu'Adam ,
quel la fomme tendoit à ce but : Que auffi l'Eglife a vne
tous hommes, de quelque pays ou re- mune auec Chrift ; & fubftance
comme S. com-
Paul
ligion qu'ils fuffent , Turcs, Juifs, dit Ephef. (, : Elle eft chair de la
Anabaptiftes, Libertins, & auffi Chref- chair , & os des os de fon efpoux ;
tiens, eftoyent menez du defir de par-
uenir à la iouyflfance du fouuerain parquoi tout
gardans reconuainfipour
qu'ilChrift
eftoit, affauoir
aux re-
bien & béatitude ; & qu'il n'y auoit aux yeux de ceux qui le mefuroyent
nation qui par fa religion n'efperaft de par fa parole , & non point au regard
paruenir à vn bien & félicité fouue- charnel ; par cefte façon mefme ie
raine ; mais tous ne tienent vn mefme voudroi dire que fon Eglife eft vifible
en terre. » Ha. « le ne fuis pas ici couure Le Sophifte
commefe
(0 The Compter. pour confé- il peut.
venu pour difputer, mais
(2) Voy. p 121.
rer & fuyure ce que i'auoi commencé.
(5) Voy. p. 114. Je vous prie donc, dites moi, cefte
i88 LIVRE CINQUIEME.
le mefme en la nouuelle Eglifc après
Eglifc n'efl-clle
multitude pas compofee
ou alTcmhIcc d'vne»
d hommes.' le temps de Chrift, affauoir que finn pen
Br. " le ne vous nierai pas cela , comme au temps palfé, les faux-Pro- De lanoilé
fid
combien que ie fâche qu'il y ait quel- phetes , & ceux qui auoyent le gou-
que surprife cachée. » Ha. « Cède uernement principal, eftoyent contrai-
res aux vrais Prophètes de Dieu , on
Enlife n'a-elle point l'adminidration ne doit auffi attendre autre chofe en-
de la Parole par deuers foi .- " Br.
ic Vous vfez de longs circuits pour tre les Euefques de ce temps-ci &
finalement venir à quelque poind. Si, ceux qui ont la principale authorité
par le minirtere do la Parole, vous en- en l'Eglife. » Ha. « Vous faites tou-
tendez la profeffion de l'Euangile , fiours des digreffions ; fi ne lairrai-ie
i'accorde que l'Eglile a cefle adminif- point demencépourfuiure ce que
tration par deuers foi ; autrement ce de la fucceffion des i'auoi com-
Euefques.
miniflere de la parole eft fouuent em- Premièrement , ne m'accordez-vous
pefché par perfccutions. « Ha. « le pas que les Apoftres ont efté Euef-
t'enten ainfi ; mais dites moi fi l'Eglife ques.' »Br. « Nenni, finon que vous
n"a point auffi l'adminidration des Sa- donniez vne nouuelle défini tiond'Euef-
crcmens .' « Br. « le le confelTe ;
que , car ils n'ont point eu certain
toutefois, afin que ie ne vous coupe fiege pour adminiftrer leur charge. »
broche, (car ie conoi à quel but ten- Ha. c< Cela eft bien vrai, que la charge
dent ces interrogations) ie penfe que
vous ne nierez point que fi , au milieu des fice
Apoftres eftoit , difl"ercnte
des Euefques de l'of-
car la charge des
Le Baptefme Apoftres eftoit vniuerfelle, & efpandue
des Héréti- de l'Eglife des hérétiques, le Sacre-
ment du Baptefme eftoit adminiftré , par toutes les régions du monde ,
ques. comme nouslifons auoir efié du temps combien que le Seigneur a auffi lui
de S. Cyprian , tel Baptefme des hé- mefme ordonné des Euefques en
rétiques ne lairroit pourtant d'eftre l'Eglife,
Il en a félon
donnéqueaucuns
S. PaulPafteurs,
tefmoigne:
les
Baptefme , voire tel qu'on ne le doit Ephef. 4.r
autres Prophètes , &c. Ainfi peut-on
point réitérer,
hérétiques, combien anticipoit
n Bradford qu'il foit des
ces conoiftre facilement par les Efcritures
propos, à caufe de ceux qui eftoyent là que cefte fucceffion des Euefques, de
prefens , à celle fin qu'ils entendiffent laquelle i'ai fait mention , eft tenue
que combien que l'Eglife Papifiique pour vne
s'vfurpafil'adminiftrationdu Baptefme, glife. »Br.marque eft'entielle
<( le confeffe de l'E-,
voirement
pour cela toutefois ne la doit-on re- que la difpenfation de la parole de
Dieu , & les miniftres mefmes conf-
puter efloignez
vous cftre vraye deEglife.
voftre» Ha. « 'Vous&
propos,
tituent bien quelque m:irque d' Eglife;
voi bien que vous n'eftes point infe<5lé neantmoins, fi on rapporte ceci feule-
d'vne feule herefie. » Br. ■< 'Vous le ment aux Euefques & A la fucceffion
dites ; il refleroit de le prouuer par d'iceux , cela n'eft que farder le pro-
raifon. » Ha. « Ceci toutefois de- pos &, le defguifer par fubtilité cap-
tieufe. Et afin que ceci foit mieux
meure véritable,
minifiration de laque l'Eglife
Parole a l'ad-
& des Sa- La dilTercnci
conu : Quelle différence penfez-vous entre Minid
cremens. Que fera-ce donc r Ne & Eucrqufl
qu'il y ait entre les Euefques i^ les
Miniftres, que vous appelez Preftres ?»
direz-vous pas auffi qu'elle a puifTance
de iurifdiftion .' » Br. « Quelle iurif- Ha. « l'eftime qu'il n'y a nulle diffé-
diflion eft exercée au temps de la
perfecution & affliflion r » Ha. » Elle rence. »Br. (1 Ce m'cft aft"ez: pour-
a la fucceffion continuelle des Euef- fuyuez
blc bon, donc& maintenant
voyons ques'il vous
vous fem-
auez
ques, qui eft vne marqiie certaine pour gagné en cefte fucceffion de vos
prouuer l'Eglife. >. Br. « Vous ne Euefques; ce qu'il ne faut & ne
trouuerez point en foutes les Efcritu- peut-on autrement entendre finon de
res, que cefte fucceffion des Euef- ceux qui adminiftrent purement & fidè-
ques foit mife pour vne marque cer- lement laparole du Seigneur, A non
taine de l'Eglife. Premièrement, elles point de ceux qui exercent domina-
. Thcir. 2. 4. tion fur le troupeau. » Ha. <• Vous
Pier. I. II. tefmoignent que l'Antechrift fera affis vous efloignez de la vérité. Pourriez-
& 12. en l'Eglife de lefus Chrift Outre-
plus, faind Pierre nous enfeigne que, vous produire en toute voftre Eglife
tout ainfi qu'il a tittù iadis fait en vne telle fucceffion d' Euefques &
l'Eglife ancienne auant la natiuité du Prélats, outre l'adminiftration de la
Seigneur Jefus, auffi faut-il attendre parole & des Sacrcmens ? Pour cefte
lEAN BRADFORD.
raifon il faut dire necelTairement que noftre Créateur, fois propice & fauo-
rable à nous tous, & à tout ton peuple,
vous elles hors de l'Eglife, & par con-
fequent feparé de falut. PolTible que par le fang de noftre Seigneur lefus
vous produirez quelque magnifique ton Fils , & deliure-nous des faux
apparence de fucceffion en ces der- dofteurs & conducteurs aueugles, par
niers ans en voftre Eglife de quelques lefquels (helasi) il eft à craindre que
hommes nouuellement fufcitez ; mais
ce Royaume d'Angleterre ne reçoyue
pour certain , vous ne pourrez conti- quelque grand inconuenient. Bon
nuer ceft ordre , ne fuyure , ne con- Dieu & Père de toute mifericorde ,
ioindre par aages continuels, comme vueille nous faire grâce pour l'amour
en montant par degrez , auec les pre- de Jefus Chrift ton Fils, de nous con-
feruer en fa vérité auecques ta poure
miers temps de l'Eglife. » Br. « le
penfe que vous me permettrez bien Eglife , Ainfi foit-il. » L'Archediacre
de fuyure l'Efcriture comme vraye ayant fait promefi'e
lendemain, de retourner
fe retira pour ce iour. le
guide & conduite, & pour la demonf-
tration de ceci acommoder les exem-
ples des bons. En premier lieu, fainft
. & 7- Eftienne , le premier des Martyrs, a
efté blafmé & accufé par les princi- Comment r Archediacre Harpffildabor-
da lean Bradford pour [a féconde
paux gouuerneurs & prélats de l'Eglife
fois , où il eft déclaré dôdement
de fon temps , & condamné d'iceux
prefque pour la niefme raifon de la- quelle glifeefl la vtaye fucceffion de l'E-
quelle nous fommes auffi accufez & du Seigneur, & de la certitude
'ourquoi opprimez. Et faintS Eftienne, comment d'icelle quant à la doârine. Puis il
Eftiene fut fg purge-il contre les accufations eft parlé de la prefence de Chrift
—fecute. fauffement intentées contre lui ? ce aux facremens , item de ceux qui
n'eft point en montant du bas en ont forgé les pièces de la Meffe.
haut : ains pluftoft en defcendant des
fiecles hauts & precedens à ceux qui Le XVI. de Feurier, ceft Archedia-
font venus après; & ce par tels de- cre retourna derechef en la prifon ,
grez ,que fon ordre ne continue pas comme il l'auoit promis. Apres les fa-
d'aage en aage; mais commençant par lutations, répétant les propos aupara-
Abraham, & par ordre recueillant les uant tenus & commençant , vint à
monftrer la fucceffion continuelle des La fucceffion
aages precedens , il déduit le fait iuf-
ques au temps d'ifaie & iufques à la Euefques : premièrement en Angle- '^^^ Euefques.
captiuité du peuple. Puis, comme fai- terre depuis 800. ans ; en France &
fant vn grand faut , laiflfant beaucoup à Lyon depuis 1 200. ans ; en Efpa-
de fiecles, il vient iufques à fon temps, gne, en la ville de Seuile, de 800. ans ;
& à parler des principaux gouuer- à Milan & en Italie, depuis 1 200. ans.
neurs qui eftoyent alors , lefquels il Et, pour mieux faire valoir fon dire, il
appelé à bon droi<ft : Génération per- tafchoit faire le mefme de l'Eglife
uerfe. Maintenant auffi ie vous pour- Orientale. Ayant mis fin à fon pro-
rai bien prouuer quelle eft ma foi par pos ,il exhorta Bradford à reconoiftre
vn ordre femblable ; ce que vous au- cefte rer.
Eglife
tres ne pourriez faire. » Harpsfild, Bradford, l'auouër & lui àobtempé-
, refpondant ce long
voyant qu'il ne pouuoit rien gagner amas , dit qu'il n'auoit pas fi ferme
fur lui, ains que fa caufe par tels pro- mémoire , de refpondre de poinâ; en
pos pourroit eftre fufpede , fe leua
poind à ce long récit qu'on auoit fait,
pour s'en aller. Alors le Geôlier & & pourtant il refpondroit aux princi-
autres qui eftoyent là prefens, dirent paux articles de la matière en gêne-
à Bradford qu'il fe Fendit docile à rai ,vc;u que cefte fi longue harangue
monfieur le grand Archediacre , qui de Harpsfild eftoit pluftoft faite pour
repetoit fouuent ce mot, que Brad- perfuader que pour prouuer. Il dit
ford eftoit hors de l'Eglife. Mais donc : « J'eftime que, fi les Pharifiens
Bradford refpondoit qu'il n'eftoit point euft'ent requis de Jefus Chrift ou des
feparé de l'Eglife de Chrift, & qu'il Apoftres (lors qu'ils eftoyent ici bas
pourroit rendre certaine raifon de fa
au monde)
euft confentivneà fa fucceffion
dodrine,d'Eglife qui
il euft fait
doftrine & religion, par aages conti-
nuels. Et après auoir tenu ces propos, cela mefme que ie fai maintenant, af-
Oraifon de il fit fa prière à Dieu comme s'en- fauoir,
Bradford. fuit ; „ O DiEv & Père tout-pullTant, mefme &qu'il eufl produit
la parole de Dieu lareceuë
vérité ,
190 LIVRE CINQUIEME.
non point par les Pharifiens it les hors de la fynagogue. " Ha. <c Quel-
principaux Sacrificateurs qui l'ont per- que chofc qu'il y ait, vous donnez
fccuté , ains par les Prophètes, A aft"ez à conoiftre que vous ne lailTez
. hommes fimples & craignans Dieu , du tout aucune prefence de Chrill au
qui eftoyent lors reputez hérétiques Sacrement, & que vous difcordez
par cefte troupe qui fe glorifioit du d'auec nous en tout & par tout. »
titre, de i'autnorité, de la fucceffion Br. « le di que ie confelTe la vraye
I. Pierre 1. & du lieu de l'Eglife. Et faind Pierre prefence du corps de Chrift , aflfauoir
mefme m'induit aie penfer ainfi, quand qu'il eft prefent à la foi de ceux qui le
il dit : <i Telle qu'a efté la condition prenent fidèlement & fainiftement. »
de l'Eglife auant la natiuité de Chrift, Vn de ceux qui affiftoyent lui de-
elle fera auffi après. » Or eft-il ainfi manda :a Entendez-vous parler de la
que les principaux gouuerneurs de prefence de ce corps qui eft mort pour
nous r • Br. « Je di du vrai corps de
l'Eglife
la venue perfecutoyent
de Chrift , illesfaut
fidèles
donc auant
dire lefus Chrift, qui eft Dieu & homme,
Commeni les qu'ils la perfecuteront après Chrirt. » lequel nourrit
tement , realement l'ame &du defidèle
fait. prefen-
» Ha.
Eucfqucs Ha. « lela pourroi
déduire (s'ildes
fucceffion eftoit befoin)
fouuerains
Papilles « Que veut dire donc que vous niez
gardent Sacrificateurs en Icrufalem iufques à la puilTance de Dieu, en oftant du Sa- De la rece|__
l'Efcriturc. crement lavérité du miracle ? » Br.
Aaron mefme. N'auoycnt-ils pas la
Loi de Moyfe } » Br. « Oui , & mefme « le n'exclu nullement la puilTance de
l'ont çardee comme vous gardez au- Dieu, mais vous autres l'excluez. Car tien & prefeiMI
iourd'nui la Bible & les liures de la ie croi que lefus Chrift, félon fa puif-
fainde Efcriture, defquels toutefois fance infinie , baille à accomplit ce de Chrill.
vous ignorez le fens, ou le corrompez qu'il nous a promis ; & quand nous
de propos délibéré. Mais, pour le faire venons à fa fainde table . ce n'eft
court, ie fai que la mort eft tous les
iours prochaine de ma telle . & ie point
morceaupour cefte nous
de pain raifon
y eftqu'vn petit,
prefenté
l'attend de vous autres d'heure en mais c'eft à cefte fin que nos âmes
foyent remplies & raffafiees de Chrift
heure. Parquoi puis que i'ai fi peu de
temps à viure en ce monde, mon ef- par le moyen de la foi, que les infidè-
prit eft adonné à cela , de pa(Ter ce les n'ont point, & ne fe peut faire
f)eu de temps auec mon bon Dieu , & qu'ils mangent le corps de Chrift, veu
Bradford veut e prier qu'il lui plaife me donner vn que le corpsmorte de Chrift n'eftamepoint vne
entendement paifible. Vous me par- charongne & fans & vie,
racheter le
donnerez donc , fi pour cefte heure ie & que ceux qui font participans de
temps qui lui
eli court. fon corps font auffi participans de fon
pren congé, vous merciant de l'huma- De la Mein
nité it affedion qu'auez enuers moi. » Ha. »(t Vous eftimez la MelTe eftre
efprit.
Sur cela, il fe leva comme pour s'en abominable, & nonobftant on dit que
aller; mais l'Archediacre , defirant de
iafer d'auantage , lui rcmonftra par S. Ambroife l'a chantée. » Pour prou-
pluficurs paroles en quelle dangereufe uer cela, il allégua vn lopin de fen-
condition eftoyent fesafaires. Br. " l'ai tence cunsdudit S. Ambroife
lieux communs amaffez, prife d'au-
de quelque
cefte fiance que ma mort ne fera def-
agreable A Dieu , iSr que tous fidèles autheur de légère foi. Br. « Du
en receuront confolation. » Ha. « Mais temps de S. Ambroife , on ne fauoit
que feroit-ce fi vous eftes deçeu de du tout que c'eftoit de la MelTe, telle
voftre opinion ? i> Br. « Que fera-ce qu'on l'a depuis façonnée ; car quant
fi vous dites auc ce foleil ne luit Grégoire &
Scholadiqul
au canon d'icelle, S. Grégoire & Scho-
point , qui efclaire par fes rayons rongeurs
laftique en ont forgé la plus grand"- canon de dula
maintenant .' » Har. « Voila dequni part. r, Ha. « Je confeffe que S. Gré- Meire.
ie fuis efbahi de vous voir fi alTeuré
canon goiredea compofé
la MelTe.la plus grand'part
Au refte, du
ce Scho-
en voftre efprit , n'cflant point de
l'Eglife catholique. " Br. <• Jaçoit laftique. duquel tu fais mention, eftoit
que ic fois banni de voftre Eglife , deuant S. Ambroife (1).» Br. « le ne le
toutefois i'ai certitude que ie fuis en penfe pas, combien qu'en cela ie ne
l'Eglife de Chrift, de laquelle ie fuis (1) Il est probable que Scholastique était
enfant obein"ant , & me confie, qu'il cnnlcmporain de Grégoire, et par consé-
n'vfera point enuers moi de moindre quent bien postérieur à Ambroise. Vm-.
Ucllarmin. De Miss j , II, 19; Clarkson, On
humanité, qu'il a iadis monftree à Liturgits, Lond., 1689, p. 8j.
lean 9. c m. l'aueugle que les Pharifiens ictterent
lEAN BRADFORD.
191
débattrai point opiniaflrement. S. Gré- propos , e*fc en cefte forte prindrent
goire confelTe que les Apollres mef- congé amiablement l'vn de l'autre.
mes ont chanté la meire; mais c'a efté
fans le Canon , fe contentant feule-
ment de l'oraifon Dominicale. « Ha.
« Vous dites vrai , car ce Canon ici
Le propos que l'Archeuc/que d'York
n'ell pas la principale partie de la & l'Eue (que de Cieejhe (i) eurent
MelTe, mais le Sacrifice, l'Eleuation, auec Bradford, loucliant la vraye &
la Tranffubflantiation & l'Adoration.
Et ces mots : Faites ceci , monllrent
faui]e Egiij'e.
aflfez le facrifîce de l'Eglife , auquel il L'Archevesqve d'York & l'Euef-
eft impoffible que puiffiez contredire. » que de Ciceftre vindrent le xxiii. de
Br. « Vous confondez tout, ne fai- Feurier vers Bradford , & lui monf-
fant point de dillindion entre le fa- trerent figne de douceur & humanité ,
e de
le & crifîce de l'Eglife & le facrifice pour principalement l'Archeuefque. En puis
pre-
mier lieu, ils le firent couurir,
■lie.pour l'Eglife. Car le facrifice de l'Eglife
n'ell point propitiatoire , ains pluftoft alTeoir auprès d'eux pour conférer.
d'aftion de grâces; tellement que Fai- Mais quelque chofe qu'ils filTent &
tes ceci ne regarde rien moins que le allegualfent qu'obeilTance vaut mieux
facrifice ; mais il fe rapporte à toute que facrifice, Bradford demeura de- I. Sam. IÇ. 22.
l'adion de prendre, manger, &c. » bout &
, pourtant eux auffi fe leue-
Ha. « Jefus Chrift n'a point donné rent. L'Archeuefque commença fon
cefle Cène finon à fes i 2. Apoftres , à
propos , qu'ils efloyent là venus de
laquelle il n'a point admis fa mère leur propre mouuement pour un de-
mefme , ni aucun des feptante difci- uoir d'amitié , laquelle défia des long
ples. Or les Apoftres nous reprefen- temps il auoit eue vers Bradford, fe
tent les Preftres. » Sur cela , Harps- donnant de merueille , comment fe
fild amena vn palïage de Bafile ; mais pouuoit faire cela, qu'il fuft certain de
Bradford déclara fufiifamment que ce fon falut, en la religion qui défia de fi
palTage allégué n'eftoit pas allégué à long temps eftoitle condamnée
glife. Bradford remercia dede cefte
l'E-
propos. Puis il lui dit : « Le temps ne
porte pas maintenant de debatre auec bonne volonté , & dit que ce qu'il ef-
vous du fens ambigu des Dodeurs. toit certain tant de fon falut que de fa
l'ai efté long temps détenu en prifon, religion, eiioit par la parole de Dieu.
& longuement forclos de tous Hures L'a. « Cela cfl bien dit; mais com-
& moyens necelfaires pour mon ef- ment conoiftrez-vous cefte parole de
tude ; en outre, la mort, qui n'eft pas Dieu, finon que l'Eglife vous la monf- Comment
loin de moi, me contraint vous prier tre i 1) Br. « Je ne nie pas que l'Eglife 'Eglife nous
de me lailTer , afin que ie me puiffe ne férue grandement à faire conoiftre monrtre la
préparer pour ce iour bien heureux la fainde Efcriture , comme la femme
Dieu,
du fupplice qui approche. » H a. « Cer- Samaritaine feruit de beaucoup aux
tainementie
, defireroi de bon cœur citoyens de fa ville en leur annonçant lean
parole4. de
19.
vous faire quelque plaifir, tant pour Chrift ; mais quand ils virent Jefus
voftre corps que pour voftre efprit. Chrift mefme deuant leurs yeux, après
Car ie vous aft'eure que vous eftes en l'auoir oui parler, ils en eurent telle
grand danger, & de l'vn & de l'autre. » certitude qu'ils creurent à lui, non
Br. « le vous mercie de voftre vo- point pour les paroles de la femme ,
lonté. L'eftat où ie fuis (quelque mais par la parole indubitable d'ice-
chofe que vous en iugiez) ne me fem- lui, adiouftans à icelle la pleine foi. >>
bla iamais plus heureux , car la mort L'Archeuefque lui dit que cefte parole
me fera vie. » Alors Perfeual Cre-
n'eftoit encore rédigée par efcrit du
fuel (i), à fon tour, exhorta Bradford temps des Apoftres. Bradford refpon-
qu'il priaft Harpsfild de vouloir faire dit : « Cela eft vrai , s'il eft entendu
requefte pour lui. Br. « le ne vou- du nouueau Teftament & non point
droi qu'aucun fuft mis en peine pour du vieil, félon que S. Pierre tefmoi-
me faire obtenir quelque prolongation gne au premier ch. de fa 2. Epiftre ,
de temps. » Ce fut la fin de leurs où il dit : « Nous auons la parole des
(i) Percival Creswell, que Foxe appelle (i) Le D' Nicolas Heatli, archevêque
" une ancienne connaissance de Bradford » d'York {supra, 9; ), el le D' George Day,
(Vil, 167). évêque de Chichesler (t. I, p. ;2> ).
IQ2 LIVRE CINQUIEME.
i
Prophètes plus forme. » Non pas L'ev. « Cela n'eft point à propos. »
Br. « Qui auroit maintenant de tels
qu'elle full autre , mais d'autant que
les Apollres lors conuerfans auec les yeux defquels cefte Eglife-la euft peu
eftre regardée alors , vous ne diriez
hommes, i^ enuironnez (J'in(irmité, ne Il ne faut
pouuoyent élire tellement eflimez que pas que ma refponfe eft nulle. Que fi (oiiriours r6
rauthorité de la parole deuft élire ré- cefte Eglife n'eft euidente deuant les
putée 11ferme & irreuocable que celle
yeux , ce n'eft point l'obfcurité de garder
des yeuxl'EgU
coi
des Prophètes. Et toutefois l'vne & l'Eglife qui en eft caufe , mais ce font
l'autre edoit fortie d'vn mefme au- les yeux qui font efblouis, & qui ne la
theur de vérité , qui eft le S. Efprit. »
peuuent
tes voir. » L'Ev.
grandement abufé« Vous
, en vous ef-
faifant
L"a. « Les paroles de S. Pierre ne porels.
doyuent eflre entendues en cède forte
de la parole efcrite , car vous fauez ainfi
uelle comparaifon
Eglife. Nousde oyons l'ancienne & nou-
Chrift par-
qu'Irenee & les autres dofteurs ont lant ainfi : l'édifierai mon Eglife , &
toufiours plurtoll allégué l'authorité de non pas : le l'édifie. » Br. « Je ne
l'Eglife, en leurs efcrits contre les penfe pas que vueilliez fonder vn ar-
hérétiques, que les faindes Efcritu- gument de cela , comme s'il n'y auoit
Irenée auoit res. » Br. « Il ne s'en faut efbahir, point eu d'Eglife deuant la venue de
à qui
faire à gens veu qu'Irenee auoit à faire auec des Chrift ; pluftoft me diriez-vous , qu'il
nioyent j njoyent les Efcritures , & 2. Cor. ;. 6.
I Efcrilure. & ^ . •' . i a n n'y a que
finon pointDieu aucunfeulbaftiment
y mette d'Eglife,
la main ;
neantmoins tenoyent les Apoftres en
grande réputation, parquoi il faloit ne- autrement Paul plante & Apollos ar-
celTairement qu'ils fortifialTent leur roufe , mais il n'y a que Dieu qui
caufe par l'authorité des Eglifes qui donne accroiirement. » L'a. « Cef-
auoyent efté drelTees par Jes Apof- tui-ci fait comme tous autres de cefte
tres. » L'ev. <> Il eft ainfi comme vous fadion ont acouftumé de faire , de fe
dites. Car les hérétiques lors reiet- conftitueriuges&cenfeursde l'Eglife. »
toyent toutes les Efcritures , excepté Br. « Meffieurs , ie vous defcouure
vne petite partie de S. Luc Euange- fimpicment mon opinion , & defire
lifte. » Br. « Et quel befoin ell-il qu'on m'ameine fuffifante raifon. S'il
vous femble bon de réduire en mé-
donc d'alléguer l'authorité de l'Eglife moire toute la procédure & façon de
contre moi, veu que tant s'en faut que ma condamnation, ie fai pour certain
ie nie les Efcritures, que mefme l'ap-
pelle à icelles comme au iuge qui qu'il ne fe pourra faire que ne foyez
peut competemment iuger de toutes efmeus. Car vous n'ignorez pas la
chofes.- » L'a. « Il n'ell point conue- fource des chofes qui ont efté inten-
nable que vous prefumiez tant de tées contre moi , alTauoir que ie nioi
la Tranflubftantiation, & que le corps
vous, que iugiez l'Eglife; mais dites facré du Seigneur fuft communiqué
moi, quelle a elle cefte voftre Eglife
aux infidèles. Voila pourquoi ie fuis
iufques à cefte heure .' ou en quel lieu
a-elle efté veuë .' car l'Eglife qui eft excommunié; non point par l'Eglife,
de Chrift eft catholique & vniuerfelle, ains par aucuns qui fe reputent eftre
& a efté toufiours apparente deuant
les hommes. » Br. « Monfieur, ie les piUiers d'icelle. » L'Ev. « Ce
n'eft pas cela; mais i'ai entendu qu'il
vous prie, ne me prenez point pour vn y a vne autre caufe pourquoi vous
homme qui fe conftitue iuge de auez efté emprifonné , alTauoir que
vous auez exhorté le peuple à prendre
l'Eglife; feulement ie fai diftindion
entre ceux qui apartienent à la vraye les armes d'vne main, & de l'autre le
Eglife, & ceux qui n'ont que le tiltre. frafi"oil (1). » Br. " Meffieurs, ie vous
Or ie n'ai iamais nié que l'Eglife ne prie , croyez-moi en ceci , que iamais
fuft catholique & vifible, combien que vne telle parole ne fortit de ma bou-
ie confelTe cela, que tantoft elle apa- che, & mefme ne m'eft entrée en l'ef-
Di-
L'ev. ..vous
moins.de >■laquelle prit en ce fens que vous dites. »
roit plus, tantoft
tes-nous, cefte Eglife L'Archeuefque lui dit d'auantage ,
embralfez fi volontiers la dodrine, en qu'il
ment &s'eftoit porté deuant
obftinément trop audacieufe-
le confeil
quel lieu s'eft-elle monftree depuis de la Roine , en maintenant par trop
quatre cens ans r » Br. " Je ref-
cefte façon de religion , & que pour-
pondrai s'il vous plait auffi me faire
refponfe à vne chofe que ie vous de-
(i) Frassoil (édit. de i^o; : frassouil), pic
I. Rois 19. 10. manderai : où eftoit l'Eglife lors uu pioche.
14. quHelie difoit eftre delaiiïé feul - »
lEAN BRADFORD.
I
monftree en euidence. » Br. « Cela
eftimer aucun eftre de l' Eglife, finon
qu'il fouffre perfecution. " Br. « Oyez fe pourra faire facilement, moyennant
2. Tim. ). ce que dit S. Paul : « Tous ceux qui que vous ouuriez les yeux pour la con-
veulent viure religieufement en Chriit
templer, fL'ar. « Quelles marques
fouffriront perfecution. " Or, combien aura-elle, par lefquelles nous la puif-
fions aperceuoir? « Br. « Chryfoftome
âuetemps
quelquefois l'Eglife tant
pour refpirer, ait yrelafche
a que
le plus fouuent elle eft enuelopee des le vous dit, afl'ermant qu'elle eftconue
feulement par les Efcritures. Et il ré-
perfecutions. li principalement en ces
derniers temps iSc vieiliefTe extrême de (I Celapète ceeftmot-la
efcrit tant de fois. » L'a.
en Chryfoftome, en
ce monde, la face de l'Eglife efl terri- fon Oeuure imparfait (i); toutefois, la
blement dcsfiguree par angoiffes & fucceffion des Euefques eft le plus
oppreffions. » L'a. •< Mais que ref- certain moyen de conoiftre l'Eglife. o
pondez-vous à S. Auguflin.' & quel Br. <i Maiftre Nicolas de Lyra a vraye- Nicolas de
accord de peuple iSi nations monflrez- ment bien dit que l'Eglife ne gift point
vous en vollre Eglife .' » Br. >< Autant es hommes pour raifon de la puifTance
que nous fommes de fidèles au monde feculiere. ains es hommes efquels il y
& vrais amateurs de la vérité de Dieu, Lyra.
l'Eglife.
a vne vraye conoiffance & pure con-
feflion de foi & vérité (2). En outre,
nous nionfommes tous de
en cefte vnité d'vne
foi &mefme opi-»
dodrine. Hilairc de
S. Hilaireefcriuant à Auxence, tefmoi-
L'a. " S. Auguftin traite de la fuc- gne d'vne femblable façon que l'Eglife
ceffion continuée depuis le commen- eft plullort cachée en des cauernes que
cement de S. Pierre. » Br. << La voix
non pas eminente. »
de Chrill eft reconue de fes brebis, & Ils furent bien trois heures à de-
toutefois elles ne la iugent pas , mais uifer ainli ; finalement entra vn ferui-
la difcernent d'auec celle des hom- teur qui lignilia A ces prélats que
Les marques mes. » L'a. " En quelles chofes.' » l'Euefque de Dunelme les attendoit
Br. k Es chofes lelquelles vous célé- en
de la faulTc
brez en la langue eflrangere : item en Iceuxla lailferent
maifon de monfieur les
incontinent d'York.-
liures
Eglife. dillribuant à demi la Cène du Sei-
gneur & en fait
« Ce feruice autres femblables.
en Latin <• L'e.
a efté introduit (1) Chrys., In opcre imper fecto ; Hom. 49,
i. VI, p. 940. Paris, 18)0. Les censeurs
en l'Eglife afin qu'il fuft fait au chœur romains ont fait disparaître ce passage, dans
par les clers conoilfans la langue La- lequel ils veulent voir une interpolation
tine, & oue cependant les laies retirez arienne.
|ii " Eccicsia non consisiit in hominibus
arrière du clergé & occupans la nef rationc potcstatis sccularis aut ccclesiaslicee,
du temple pculFent prier à sed in hominibus in quibus est notitia vera,
chacun félon fa l;mgue. Et on peut el confcssio fidci et vcritatis. 'i
part vn
lEAN BRADFORD.
qu'ils tenoyent & dirent qu'ils ef- plaifir, il ne pouuoit faire autrement
toyent bien marris de voir ainll Brad- qu'il ne les remerciaft. Alphonfe, vou-
ford en ce mal-heur & le prioyent de lant entrer en propos auec lui , l'ad-
lire vn certain Iiure, lequel (comme monnefta auant que palTer -outre de
ils difoyent) auoit profité au dodeur
prier Dieu , à ce qu'il peuft impetrer-
Cromel (i). Ainli ayans dit gracieu- vn bon entendement pour obéir à bons
fement adieu à Bradford, s'en allè- confeils, fans eftre adonné à fon pro-
rent, & Bradford fut remené en .fa pre fens & volonté. Bradford fit fa
prifon. prière à Dieu , qu'il lui donnaft fon
Saind Efprit, par la conduite duquel
toutes leurs volontez & adions fulTent
dreffees comme il apartient à vrais en-
Conférence que deux moines Efpa- fans de Dieu. Al. dit alors : « Il faut
gnols ont auec Bradford, touchant la bien que vous priez Dieu du profond
Cène du Seigneur, en laquelle plu- de voftre cœur & non pas de langue. »
Br. « Ne iugez point, afin que ne Matth. 7. I.
■j^fieurs allégations des Doâeurs an-
d'autre.ciens font anienees d'un cojU & foyez iugé. Vous auez oui que i'ai
prié de langue & de paroles; mainte-
nant la charité requiert que vous laif-
Alphonfe de Le vingtcinquiefme de Feurier, en- fiez tout le iugement à Dieu. » Al.
Caftro eft « Vous deuez maintenant tellement
celui qui a uiron les huid heures du matin, vin-
^fcrit de nortre drent deux moines Efpagnols en la confermer voftre efprit, qu'il ne foit
temps vn gros prifon de Countree , alTauoir le con- adonné à vne partie ou à l'autre, ains
iiure contre le tenir iuftement en balance, ne pan-
les herelies, felfeur du Roy Philippe, fils de Char-
les le quint Empereur, & vn autre chant ni d'vn codé ni d'autre. Priez
plein
& ded'herefies
faulFes donc Dieu & vous lailfez gouuerner
nommé Alphonfe. Bradford leur ef-
opinions. tant amené pour conférer , ce confef- par fa entendement
voftre main & permettez qu'illui
où bon encline
fem-
feur du Roy commença à parler à
Bradford en Latin & demander s'il blera, ou autrement tout ce que nous
auoit iamais veu vn Alphonfe qui auoit pourrions dire & faire ici ne profitera
efcrit contre les herefies (2). Bradford de rien. » Br. « Si vous parlez de la
religion Chreftienne, inon opinion efl
refpondit qu'il ne l'auoit iamais veu vne certaine perfuafion, & faut que
& fi n'en auoit iamais oui parler. Et le tous Chreftiens & fidèles foyent ainfi
confeffcur lui dit : « Voici le perfon-
nage deuant vos yeux, venu exprès, affeurez. » Parquoi il rendoit grâces à
efmeu de charité & alTedion , & à la
Dieu de cefte perfuafion qu'il auoit de
perfuafionduComtedeDarbe(3),pour la dodrine pour laquelle il eftoit con-
conférer des matières de la Religion. » damné. Outreplus, il prioit Dieu qu'il
lui pleuft augmenter de iour en iour
Bradford refpondit à cela qu'il n'auoit
iamais appeté qu'aucun lui fuft amené cefte fermeté d'efprit & lui acroiftre
pour parler à lui ou pour entendre cefte afteurance , que tant s'en faloit
confeil de lui, mais pource qu'ils ef- qu'il fuft incertain de la conoiffance de
toyent là venus par charité (comme ils cefte dodrine qu'il eftoit preft d'eftre
difoyent) & pour lui faire quelque produit en lumière. Pour cefte caufe
leur venue lui eftoit agréable. Al.
ce Nous ne fauons la caufe pourquoi
(i) Le D' Edward Crome. Voy. t. I, vous auez efté condamné. » Br. « Il
p. 504.
(2) Atphoiisi a Castro Zamorensis adversus
omnes liccrcscs lihri XIV. Paris, I5;4; An- n'y a gueres moins de deux ans que ie
vers, iç68. L'édition de 1554 contient ( lib. I, fuis loit
icivousdétenu prifonnier.
en rendre quelqueOr, s'il fa-
raifon, ie Alphonfe
cap. 4) un passage, qui a été supprimé dans contrefait
l'Inquiliteur.
les autres, relatif à Pignorance de quelques ne pourroi. » Al. « Voyons donc pre-
pontifes romains. De Castro accompagna mièrement ce que vous fentez de la
Philippe II en Angleterre, en qualité de
confesseur.
Tranlfubftantiation. Ne croyez-vous
Marie voulaitA conquérirun momentla où l'époux des
. confiance de
pas que lefusChrift eft prefent en fon
Anglais, de Castro prêcha même devant lui
propre corps fous les figures & efpe-
un sermon
les hérétiques contre
(Voy.l'emploi
Fo.xe,du t.bûcher
VI, p.contre
704; ces du pain & du vin ? » Br. « Non
Burnet, t. Il, part. 2. p. 511, édit. de 1857; point. le croi que lefus Chrift affifte
p. 72; être
allait de laélevé trad. aud'Amst., 1Ô87). De Castro
siège archiépiscopal de & eft prefent à la foi de ceux qui re-
Compostelle, lorsqu'il mourut à Bru.xelles, çoyuent deuëment la Cène, voire au-
le ; février 1558. tant prefent aux yeux de la foi que le
(î) Le comte de Derby. pain & le vin font vrayement & reale-
196 LIVRE CINQUIEME.
ment prefuns aux yeux & fens des re- que c'eft fon corps. » Br. « S. Au-
gardans. » Al. « le fai que vous ne guftin le déclare, difant : De mefme
nierez pas ceci, que le corps de Chrift façon que la Circoncifion eft l'alliance
de fa nature eft limité en certain lieu. » du Seigneur, auffi le Sacrement de la
Et fur cela , il tint long propos des foi eft la foi. Et pour expliquer ceci
deux natures en Chrill , defquelles plus familièrement : tout ainfi que
l'vne cil& prefente l'eau du Sacrement du Baptefme eft
retenue limitée enparcertain
tout, lieu.
i"autre e(l
Apres la régénération , de telle façon le Sa-
qu'il eut crement du corps eft le corps du Sei-
tions lur entreietté
ce fait, ilbeaucoup de quef-
mit en oubli fon gneur. «Al. « Le lauenicnt du Bap-
tefme eft fait Sacrement de la grâce
premieren propos;
remis tram, ditmais Bradford, fe
: << Comment l'ayant
peu- diuine & de l'Efprit enclos en leau,
uent accorder ces chofes .'C'cft autant par lequel font purifiez ceux qui font
Ce fophiflc que fi on difoit : Pour ceftc raifon que lauez par le Baptefme. » Br. » Laif-
Efpagnol vous elles ici, auffi faut-il necelTaire- fons ces mots : Enclorre & Enfer-
s'embrouille
foi-mefmc ment que vous Ibyez à Rome. Et cer- mer, nAl. " La grâce diuine eft par
d'vneforie.
crtrange tainement vollre façon d'argumenter fignification au lauemcnt du Baptef-
I
n'eft point autre que cela : Pour cefle me. » Br. « le confed'c que le corps
raifon que le corps du Fils de Dieu du Seigneur lefus eft de femblable
efl au ciel, il ell aulTi necelTairement façon au Sacrement. » Al. « Ne fai-
enclos au Sacrement fous les figures tes-vous point de diftindion entre les
& efpeces du pain tSi du vin. » Al. Sacremens qui demeurent & les Sa-
(c Quoi donc- Ne voulez-vous rien cremens qui paffent .' Ceci foit pour
exemple : Le Sacrement de Tordre Des ordres.
croire s'iltamment
n'eft ent ou no-
contenuexprclTém
es faindes Efcritu- (lequel, eftant reietté par vous, eft tou-
res .- '• Br. « le veux croire tout ce tefois approuué par S. Auguftin) eft
que vous produirez ou enfeignerez par nombre entre les Sacremens qui de-
demonrtration fuflifante cS: probable des L'eau au Bap-
faindes Efcritures. » Or Alphonfe, meurent, iaçoit que la cérémonie d'ice-
lui pan"e. On en peut autant dire du terme.
fc tournant vers fon compagnon , dit : Baptefme: quand l'eaualaué le corps,
« Ceftui-ci eft du tout obftiné. » Puis, elle a fait fon office & celle d'eftre
dit à Bradford : « Quoi r Le Seigneur Sacrement. " Br. « le confefTe que
le femblable auient en la Cène du
n'e(l-il pastout-puilfant pource faire.' »
Br. <i 11 eft tout puilfant voirement ;
Seigneur; auffi tort qu'elle ceffe d'eftre
mais il n'eft pas ici queftion de la en vfage,elle ceffe auffi d'eftre Sacre-
1
puift'ance de Dieu , ains de fa vo- ment. i>
Alphonse fut fort irrité, tellement
lonté. »Al. « N'auons-nous pas les
Il fe monllre paroles claires d'icelui : Ceci eft mon qu'après plufieurs propos, il repro-
corps.' » Br. « Ce font fcs paroles, cha à Bradford fa rudeft"e, & qu'il
Aupide & mais il les faut attribuer & rapporter ne fauroit trouuer en toute l'Efcriturc Le Sophirte
abnili.
à la foi de ceux qui participent à tels que le Baptefme & la Cenc fulTent Efpagnol ert
myfteres comme il apartient. » Al. conioints en quelque fimilitude. Sur prins au filé.
a A la foi .' le vous prie, comment fe cela, vn Preftre prefentant vn nouueau
fait cela.- » Br. « "Tout ainfi que ie Tertament,
n'ai ni langue ni parc>le fuftifante pour du douzièmeBradford
chapitremonftra
de la lepremière
paft"age
bien exprimer ces myfteres, auffi vous aux Corinthiens , où il eft dit : « Nous
La foy ne femmes tous baftizez en vn mefme
n'auez point d'oreilles pour ouir &
pcui cllrt- entendre ce que ie di ; car, pour cer- corps & fommes tous abruuez en vn
expliquée. mefme Efprit. « Alors les magnifiques
tain, la foi ne peut eftrc expliquée par
force it faculté de paroles. » Al.
gaudift'eries de ces Efpagnols furent
<( Neantmoins ie peux bien expliquer
par paroles tout ce qui eft en ma foi. » abailTees, & fe rcgardoyent l'vn l'au-
tre, prenans pour refuge cefte cauilla-
Br. " Les chofes que vous croyez par tion, que S. Paul ne parloit point là
voftre foi ne font pas fort grandes, 11 du Sacrement. Bradford leur dit que
vous ne comprenez plus auant que les
fens charnels ne peuuent porter. Car ce paft"age eftoit affez clair de foi &
que les dodeurs l'interpretoyent en
tout ainfi que la méditation de l'efprit cefte façon , & principalement Chry-
foft<jme. Alphonfe , qui tenoit le liure
Cor. 2. 6. cil plus capable que n'eft la langue, auffi en la main , fueilletoit comme pour y
conçoit-elle plusdechofesquc la langue
ou la parole ne peut mettre hors. » cercher remède. Finalement, ces Ef-
Al. « lefusChrift lui mefme tefmoigne pagnols vindrcnt au palTage du chapi-
lEAN BRADFORD.
tre II. de la première aux Corinthiens, meuraft point obftiné , & Bradford m.d.lv.
où il eft dit : Que celui qui ne difcerne auffi le pria de ne fe flater point légè-
point le corps du Seigneur eft coulpa- rement en fon efprit & qu'il ne fe
ble, &c. Bradford dit : « Lifez ce qui lailTaft tranfporter. Puis il y eut vne
s'enfuit, aflauoir : qui mange de ce pain queftion entre eux de quelque chofe
& boit de ce calice, &c. Ne voyez- qu'on difoit
critures, & fe trouuer difoit
Bradford es faindes Ef-
que non.
vous pas, dit-il, que l'Apoftre le nom- Le Preftre fe faifoit fort de la trouuer
me ici pain, mefme après la confecra-
tion ? Comme il dit auffi au 10. chapi- en cinq lieux d'icelle ; finalement,
tre la mefme Epiftre : Le pain que quand le liure eut efté produit, ne le
nous rompons, &c. » Al. » N'enten- pouuant
alla comme trouuer vne feule fois, il s'en
les autres.
dez-vous point que les chofes qui font
tranfmuees retienent quelque fois les Ce mefme iour, fur les cinq heures
noms de celles qui eftoyent aupara- après midi, Wefton(i) vint voir Brad- Wefton vient
uant? La verge de Moyfe nous foit en
ford , & l'ayant falué , fit fortir ceux à Bradford.
cela pour exemple. » La Bible fut ap- qui y eftoyent , & eux deux demeurè-
portée&, le lieu trouué ne reftoit rent feuls pour conférer enfemble.
Wefton remercia Bradford de la lettre
plus que le triomphe , comme s'ils
euffent caufe gaignee. Bradford re- qu'il lui auoit efcrite , en laquelle il
Argument pouffa derechef cefl argument en celle amenoit quelques raifons contre la
tourné contre forte : « En la verge de Moyfe, il eft dit Tranffubftantiation La première rai-
fon eft déduite du temps; comme
'^ !^''.hnl''"'
en abule. qu'elle fut conuertie
", ^aparoiflfoit
,,. . telle
ni ; d'auantage
. ° yeuxla
chofe deuant les c'eft vne chofe toute notoire , que les
corporels, mais nulle de ces deux Eglifes ne fauoyent deuant
que c'eftoit de la Le concile de
chofes ne peut eftre monftree en ce Tranffubftantiation le concile
Sacrement. De fait , comme en icelui Latran 5.
de Latran ,troifieme qui fut tenu fous le Pape
Innocent, de ce nom. La
il n'y a nulle aparence de corps, auffi
il n'y a nulle mention faite de conuer- féconde eftoit prife des circonftances
fion. » Le moine fut troublé & penfa & analogie des Sacremens , & auffi
efchapper , reprochant que Bradford des tefmoignages des Dofteurs an-
eftoit trop adonné à fon fens. Brad- ciens. Tiercement, quand Chrift eut
ford dit qu'il pourroit (fi befoin eftoit) pris le pain en fa main, lui-mefme bé-
produire des DoAeurs anciens pour nit ce qu'il auoit pris, le rompit &
tefmoins de fon opinion. Al. « Mais diftribua , & de là recueilloit que le
L'Eglife du TEglife vous eft contraire. » Br. pain a efté appelé du nom du corps.
Seigneur. L'Eglife de Chrift eft pour moi , l'ef- Quartement, de la condition du ca-
poufe de lefus Chrift, la colomne de lice, qu'on deuoit auffi fentir le mefme
■Vérité. » Al.ou» ConfeCfez-vous qu'elle du pain. Car fi, après la confecration,
foit vifible non } » Br. " Elle eft le vin de la coupe eft demeuré fruid
voirement vifible à ceux à qui Dieu de vigne , il faloit neceffairement con-
donne des yeux & les lunettes de fa
clurre que le pain demeure pa'in. Cin-
quièmement, esfaindes Efcritures le
parole à ce
Al. (c le veuxqu'ils la puifi'ent
monftrer voir. »
ouuertement
pain eft appelé corps de Chrift , fem-
que toute cefte Eglife combat contre blablement le corps myftique de Chrift
vous, depuis fa première naiffance iuf- eft appelé pain. Comme ainfi foit donc
ques à noftre temps, il y a mil cinq
que nul ne vouluft dire qu'il y ait
cens ans. » Apres cela , ce confeft'eur quelque changement de fubftance ,
du Roi d'Efpagne demanda à Bradford auffi n"eft-il point raifonnable de le
quel eftoit l'autre poinft de fa con- dire en l'autre poinft. Sixiefmement ,
damnation. Bradford refpondit que puis que le Seigneur lui-mefme a ap-
c'eftoit touchant les infidèles , alVa- pelé le calice le nouueau Teftament
uoir, qu'ils ne participoyent au corps en vne mefme Cène , il apert claire-
de lefus Chrift. comme S. Auguftin, ment que, par vne femblable figure, le
parlant deludas,dit qu'icelui a pris le pain a efté nommé Corps fans Tranf-
pain du Seigneur & non point le pain fubftantiation. Finalement, cefte doc-
qui eft le Seigneur. Alphonfe lui dit trine de la Tranffubftantiation ne fut
que cela n'eftoit
Bradford pointleencontraire.
maintenoit S. Auguftin.
Sur iamais ouye en aucune de toutes les
Eglifes bien & faindement dreffees,
ces propos , ils fe départirent. Apres
tout cela,rvn des Preftres qui eftoyent comme celle de Corinthe, d'Ephefe,
là prefens pria Bradford qu'il ne de- (I) Voy. la note de la page i;i , supra.
LIVRE CINQUIEME.
lya
pnrauant fcs amis familiers , en la-
de Coloiïcs, «Je ThelTalonique, & s'il ' quelle faconfiance efi dcmonfiree.
yen a quelques autresqui ayeiil eflti in-
ftituees & formées par les Apollres, &
que rE>,'life Romaine mcfme n'^a feu Le vingtfixiefmc de Mars , le doc- vifité de plu-
que c'eftoit au temps du Pape Gelafe. teur Pandelton, le dodeur Coller, Bradrord ellfa '
fieurs auant
Et que partant on pouuoit conclurre mort.
que toute celle forte de doélrine efl qui ailoit efté
Manceftrc, & vn preuoft de l'Eglife
autre nommé de
Eftienne
nouucile. Wefton, pour la maintenir, Bech (i), vindrent voir Bradford. \
dit : " Combien qu'il n'y eufl pas long Pandelton , qui auoit conu la vérité ,
tempsTrantTubf
que l'Eglife euft demanda à Bradford les caufes de fa
TranlTuhllan- de lantiatio n ,receu ce motla
toutefois
liation. condamnation , & deuiferent fommai-
vérité auoit duré depuis la première
rement de deux poinds. Première-
inftitution de Chrirt. » D'auantage, il ment ,fi les infidèles participent au
argumentoit de S. Auguftin en celle
corps de Chrift auffi bien que les fidè-
forte : c S'il n'y a homme fi mefchant, les. Pandelton propofa vne telle X
qui en faifant fon teflament vueille trom- quelle diftindion pour faire efuanouyr
per fon héritier par figures ou paroles Solution au
defguifees, certes cela beaucoup moins l'argument , c'eft que les infidèles par-
conuiendroit-ii à ce dernier Teflament ticipent
non pas bien à vne d'vne
mefmemefme chofe,
chofe. mais d're de S. Cy-
Et quant
de lefus Chrirt. » En outre auffi ar- à la Tranffubftantiation , Pandelton
gumentoit de Saind Cyprian , lequel allégua le pafTage de faind Cyprian ,
dit que la nature du pain eft conuertie pnan.
où il dit : « Le pain eft changé de na-
en chair, & combien que le pape Ge- ture. »Bradford refpondit : « Comme
lafe expofe celle nature pour qualité, la précédente diftindion ne diminuoit
tant y Ila allégua
qu'il appelle rien de la fentence de S. Auguftin. auffi
S. Cyprlaji ne corps. ce que leS. pain fon
Cyprian
fauorife nulle- ce paft"age de S. Cyprian ne faifoit
ment à l'crrour dit en l'Epiflre efcrite à ceux qui com- rien à propos, veu que ce mot de Na-
de la Trnnf- baioyent pour l'eau. Il propofa auffi ture ne fignifioit pas la fubftance, ains
rubllaniialion, le brifement du pain fait en la pre- la qualité de la chofe. Comme quand
quoi que pré- fence des deux difcipies qui alioyent
tende Wellon. nous parlons de la nature des herbes,
en Emmaus, & mit en auant plufieurs nous ne dénotons pas la fubftance
chofes prifes,erprétacomme il difoit, de l'in- d'icelle . ains les forces & proprie-
t tion deS. Auguftin. Bradford
tez.
uefque» Ilsde parlèrent
Cantorbieauffi de liure
, du l'Arche-
de
refpondil qu'il ne fe foiicioit gueresde
l'origine du mot. <^ que c'eftoit prin- Pierre Martyr(2), des lettres efcrites à
cipalement lavérité du fait qu'il faioit Pandelton, lefquelles mefmes furent
confiderer. Wefton, entrant en d'autres propofees à Bradford après fa con-
gua detion damnation. Item de ce palfage de
propos,
nemeni, l'interro
de fa condamna & chofes-
fon emprifon
l'Efcriture : « Di le à l'Eglife, &c., »
femblables, & lui dit qu'il auoit en- alTauoir fi en ce palTage on doit en-
tendu de l'Euefque de Bade, qu'il
auoit fait rapport de lui vers la Roine culière. tendre l'Eglife vniuerfelle ou parti-
& fon Conleil. Ce deuis dura enuiron
Apres ces propos, Bradford print
l'efpace d'vne heure entière, tellement congé de Pandelton , lui difant :
que Bradford, comme las d'eftre affis, » Monfieur le Dodeur, ie répète ce
fe leua. Wefton auffi, fe difpf)fant pour
que n'agueres i'ai dit au Dodeur
s'en aller, appela le Geôlier, & en fa Wefton, quand il eftoit ici ; que tou-
prefence dit à Bradford qu'il euft bon chant la religion & dodrine, ie fuis
courage. Nonobftant , le Geôlier lui
tel auiourd'hui que i'ai efté parci de-
dit qu'il auoit entendu qu'il deuoit uant, quand ie fu premièrement mis
mourir le lendemain. Wefton, oyant ce en prifon , comme de faid , depuis ce
propos, tenoit contenance d'vn homme
efbahi. Finalement, après auoir pris temps-là, ie n'ai rien oui de ferme ou
folicle , qui puift'e deftourner mon ef-
de vin, ils fe defparlirent l'vn
vn peu l'autre.
d'auec
prit. »
(i) Le D' Pcndieton, voy. ^. 186. Collier,
mar^uillcr de MancI Ignore qui
était Sicphcn Bccch.
121 Prnhiihlcmciii la Traclalio de Sacram.
La dernière conférence qu'eut Brad- Eiicliari.slitt , Lond., 1549, ouvrage dédié à
ford auec trois qui auo/cnt e/lé au- Cranmcr.
lEAN BRADFORD.
p. 286.
^s<^
HISTOIRE ECCLESIASTIQVE
ET
l'Efcriture, qu'on appelé Synecdoche moignage à leur efprit qu'ils font de m.d.lv.
ou Métonymie , qui attribue le nom Dieu , & qu'ils font tous enfeignez de
de la chofe fignifiee au figne , comme Dieu. Par le cinquante quatriefme
la pierre eft dite Chrill, & la colombe chapitre d'Ifaie, & trente & vniefme
de leremie , Saind Jean au fixiefme
le S. El'prit. Or eft-il certain que la
pierre n'efloit point Chrift , ni la co- chapitre , & depuis le quatorziefme
cha. iufques au dixhuitiefme de S.
lombe le S. El'prit.
fubftantiation du pain Que& leur tranf-la
vin en lean, il eft monflré clairement que
chair & au fang, les fubflances & qua- c'eft la parole de Dieu. Les Prophè-
litez du pain & du vin changées , ef- tes qui ont prédit de la venue du Fils
toit vne chofe fi malheureufement &
de Dieu n'ont rien lailTé que la parole
de Dieu. S. Paul, au 8. chapitre des
brutalement inuentee , qu'vn homme
de fens raffis s'en pourroit mocquer à Romains
Dieu habitant , monftre que rend
en nous l'Efprit de
tefmoi-
bon droid. la
a delailTé Mais d'autant
vérité que le
de Dieu & monde
de le- gnage au noftre que nous fommes de
fus Chrifl pour fuiure le menfonge du Chrift , & que par icelui eft faid que De la certitude
diable & de l'Antechrift , c'eft bien nous crions Père. Lors ils de la foi.
Abba,chiens
abayerent comme contre lui,
raifon que l'efprit malin ait befongné
en eux auec efficace d'erreur, & leur pour auoir dit qu'il auoit l'Efprit de
ait fait, au lieu de receuoir la Cène
Dieu habitant en lui , & qu'il lui ren-
du Seigneur, adorer vn morceau de doit tefmoignage que c'efloit la Parole
pain & le tenir pour leur dieu. & qu'il lui imprimoit &feelloit en fon
cœur les promeffes de falut, grâce,
Et après, comme l'Efprit de Dieu faueur & amour de Dieu enuers lui ,
le poulToit , il remonflra que, depuis
auoit efté recueilli en l'Eglife du Sei- l'affeurant de fon adoption en noftre
gneur, il auroit fenti de nouueaux Seigneur lefus, & de fon falut par
mouuemens intérieurs , tant par la icelui.
prédication de la parole de Dieu que L'Inqvisitevr lui allégua lors en
l'adminiftration des Sacremens. Lef- Latin , que S. Paul difoit de foi :
quelles chofes il auoit receu comme Nihil mihi confcius fuin, fed in hoc
de la bouche de Dieu , qui fe fert de
iujlificàtus non fum, c'eft à dire : « le
la langue de fes miniftres comme d'inf- ne me fen en rien coulpable , toute-
fois pour cela ie ne fuis pas iuftifié; »
trumens ; que s'ils auoyent veu & oui laquelle fentence fut trefmal à propos
les chofes comme lui , qu'ils en iuge-
royent tout autrement qu'ils ne font. alléguée par lui, comme quelques ad-
ous aduer- L'vn des moines demanda comme ie uocats Nicodemites (i) ne fe peurent
res de vérité fauoi que le vieil & nouueau Tefla- tenir de lui dire, & ainlî fut ridicule.
)nt
:anonce pour
seul j^gj,j
, fulTent
,- j la
v parole
■ de Dieu,• &^ que
r Vn Cordelier iappoit de l'autre cofté,
.fbranler le cela ne (e doit croire, linon entant que difant que c'eftoit vne prefomption
fondement
d'icelle. l'Eglife la tient & reçoit pour telle. Il diabolique de s'afteurer ainfi du S. Ef-
refpondit prit & de la grâce de Dieu, & qu'il
parole de qu'il
Dieune couchée
croyoit pas que la
es faindes n'efloit licite d'en auoir que quelque
Efcritures foit parole de Dieu pour coniedure. Il lui fut refpondu que ce
cette raifon, mais pource que le flyle feroit poure chofe de noftre foi , fi
& langage des faindes Efcritures ell elle efloit fondée fur coniedures, mais
vn langage de Dieu didé par le S. Ef- faut qu'elle fe fonde fur les promeffes
prit aux fainds Prophètes, Apoflres de Dieu contenues en fa parole , &
& Euangelilles du Seigneur. Car au
quiconque n'a cefte certitude & alTeu-
tefmoignage que rend S. Pierre au rance , & n'en fent vn certain tefmoi-
Fils de Dieu , qui croid qu'il eft le gnage en fon cœur par l'Efprit , il ne
Fils de Dieu viuant & qu'il a les pa- lait que c'efl de Foi ni de Chref-
roles de vie éternelle , lefus lui ref- tienté, & ce qu'il en dit & babille,
pond qu'il eft bien-heureux, & que la' c'eft comme vn clerc d'armes (2). De
chair & le fang ne lui ont point reuelé la puilTance du Pape, & de fes tradi- Des traditions,
ces chofes, mais le Père celefte. Que tions, & de l'authorité des Conciles,
celui eft nai de Dieu , qui croid que & de ce que le plus grand nombre
lefus eft le Chrifl, & reçoit fes paro-
les. Quiconque oid le Fils il oid le
Père, & qui void le Fils void le Père. 1 1) Partisans secrets et timides de l'Evan-
Ceux-ci font enfeignez de Dieu , &
ont le S. Efprit en eux, qui rend tef- (2) Comme un clerc (ou homme d'église)
gile.
qui se mêlerait de parler d"armes.
206 LIVRE SIXIEME.
L'antechfl
tient les traditions de l'Eglife Ro- Romains ; mais qu'eux n'en tenoyent
maine. & non point de la Religion finon ce qui leur fait befoin pour cf-
Chredienne , il leur fut relpondu que tablir la tyrannie du Pape , qui eft
le troupeau de nollre Seigneur ell pe- Antechrift , peind au vif de fes cou- depeinâ.
tit, que la porte eft cftroite qui meine leurs au deuxiefme chapitre de la fé-
à la vie éternelle, & peu de gens en- conde aux ThefT. par l'Efprit de
trent par icelle; mais large celle qui Dieu , qui le nous a defcrit par S.
meine à la perdition. Le nombre petit Paul afin de le fuyr , pour n'eftre
qui fut fauué auec Noé en rarche , perdus auec lui. Que fi en ce monde,
par vos décrets « conciles , vous
fut allégué; & les enfans d'Ifrael qui nous condamnez comme hérétiques,
eftoyent
tout le refle en petit
du monde, pris de
au eftoyent
"nombre qui
vous aurez à faire en l'autre auec vn
idolâtres A fans Dieu & religion luge , qui nous aduouant Fidèles &
Luc 2. )4. vraye. Ils lui dirent : « Ne vois-tu catholiques, nous abfoudra i5: vous iu-
Ailes 28. 22. pas que tant de gens y contredifent \ » gera par fes éternelles ordonnances,
R. (< En cela voi-ie acomplie la pro- vous condamnant à la mort éternelle,
phétie de Simeon, que lefus Chrifl eft fi vous ne vous repentez, & delaiffans
pour figne auquel on contredira , & vos voyes damnables, où le Pape vous
au dernier chap. des Aéles , où les détient par fes menfonges , vous ne
fuiuez cefte pure vérité du Fils de
luifs refpondirent
uent bien que par àtout
S. Paul qu'ils fa-à
on contredit Dieu. A la fin , ils fe fafcherent & le
la vraye religion Chrellienne. » renuoyerent comme obfliné.
Vn Aduocat fe leua A lui dit : Hier, 17. les moines, par leur
« Vien-ça , ne fais-tu pas comme on fentence definitiue, nous déclarèrent
en a fait à plufieurs autres tels que hérétiques , & nous excommunièrent
toi, & qu'on les a fait mourir comme de l'Eglife Romaine comme membres
hérétiques.' » R. " C'eft la première pourris. Et nous, bien ioyeux, decla-
leçon que mon fouuerain Dodeur & rafmes que cela nous eftoit vn tef-
Maiflre lefus Chrift m'a aprife, que moignage
Chreftienneque, ayant
nous eftions de l'Eglife
pour chef lefus
quiconque veut eftre fon difciplq porte
fa croix i\- le fuiue, laquelle il defcrit Chrift, puisla que
nilVoit de fiene,l'Antechrift
& que nousnouseftions
ban-
&foi dépeint
mefme après, c'eft qu'il
À abandonne renonce faà
volontiers en la voye de paradis , puis que les
vie pour lui , & qui fa vie gardera, il membres de Satan nous declaroyent
la perdra. Lifez, au 12. chap. de S. que n'eftions des leurs. Loué foit le
Matthieu , que ceux qui nous afflige- Seigneur de la grâce qu'il nous a fait
ront cuideront faire feruice & facri- d'eftre fortis des horribles blafphemes
fice à Dieu , comme dit noftre Sei- de ces diables encharnez. Nous at-
gneur lefus en S. lean feiziefme. Et tendons noftre fentence de iour en
Philip. I. j6. c'eft la condition des fidèles, que non iour, & l'ift'ue que le Seigneur lefus
feulement ils croyent en lui, maisauffi nous donnera, lequel nous eft gain,
foit à la vie foit à la mort. Et bien-
qu'ils endurent pour lui. Il fut auffi heureux ferons nous, fi nous mourons
allégué ce que l'Efcriture nous tef- au Seigneur , comme il eft efcrit en
moigne , tant du vieil que du nouueau
Teftament, touchant les perfecutions l'Apocalypfe. Faites que voyez les
drefTees iufqu'à la mort aux vrais fer- lettres qu'efcriuons
frères nos Miniftres, &à aux Meffieurs
frères en&
uiteurs de Dieu, comme des trois en-
fans qui furent iettez en la fournaife gênerai , aufquels nous auons efcrit
ardante, pour ne vouloir renoncer à vne adion de grâces & remerciement
à nos trefhonorcz Seigneurs de Ge-
&leurdereligion
Daniel.& Item
adorerS.l'idole
laquesdreffee,
à. S. neue , auec une fupplication & prière
Eftienne, félon S. Luc aux Ades, fep- de reconoiftre les grâces de Dieu , &
tiefme chap. à la Ç\n , & douziefme au comme il leur donne vidoire contre
commencement. les mefchans (1), nous efiouiftiins en
Des Conciles. De l'authorité des Conciles, nous
refpondifmes que nous receuions ce (1) La ■> victoire contre les meschans . » à
qui auroit efté décrété touchant les laquelle il est fail ici allusion, est celle rcm-
poinds de la religion Chrellienne , porliie
par le ,parti
en mai des155c , sur l'imeulc
Libertins, commandésuscitée
par
pourueu que ce fuft félon la Parole Pcrrin cl Bcrthelicr. ■• Ils prenoveni leur
de Dieu, entendue félon l'analogie de couleur, " dil Bèze {Vie de Calvin, édition
la foi, comme dit S. Paul au 12. des Franklin, p. 102), <t sur ce que plusieurs
LES CÏNQ DE CHAMBERI.
\lonnance
Geiieue , noftre dernier foufpir, d'auoir entendu tenant qu'il euft à parfaire noftre pro-
c-, la fuite les fainéles ordonnances imprimées, cès dedans trois iours, fur peine de M.D.LV.
eux qui publiées & attachées (1). Le Seigneur fufpenfion de fon office pour vn an ,
;nt en ce VOUS face la grâce , & à tous frères &
nonobftant l'appel par nous interjette.
ips confpiré fœurs fidèles , de vous conformer à la Apres que la confeffion de foi par nous
Loi de Dieu & à icelles ordonnances. fut leuë , nous fut deniandé fi nous
Ce dixhuidiefme de luillet 1555. voulions perfifter en icelle. Nous ref-
Vous difant à Dieu pour la dernière
fois , & nous recommandant à vos pondifmes qu'oui
nière goutte , iufques
de noftre fang à, la der-
comme
bonnes grâces & faindes prières. Vous eftant fondée en la pure parole de
difant le grand & dernier adieu de ce Dieu. diuertir
Lors l'Inquifiteur s'efforça de
monde , pour aller à la gloire celefle, nous de la vérité de Dieu par
& receuoir la couronne qui nous eft fes vaines illufions. Mais le Seigneur
préparée par noftre Roi & Seigneur nous auoit tellement fortifiez par la
lefus. vertu de fon efprit & de fa parole ,
que nous demeurafmes fermes, & nous
en retournafmes ioyeux , glorifians
Dieu , & lui chantafmes louanges en
Epijîre contenant la confirmation des
la prifon,
vne de ce qu'il
telle affiftance nousEfprit.
de fon auoit fait
De
aâes precedens , efcrite par lean
Vernou au nom de tous (2). vous efcrire par le menu ce qui fut
dit, par qui, & à quel propos, il feroit
Messievrs & trefchers frères, de- bien difficile, veu le peu de loifir, & la
puis vendredi dernier, douziefme de fuieélion où nous fommes, ioinft le de-
ce mois, auons efté amenez deuant le fordre qui fut en toute la procédure;
Lieutenant du Vibailli, accompagné
des Vicaires de Tarentaife & Greno- combien que nous defirons d'en faire
plus long récit es lettres efcrites à
ble, de rinquifiteur de la foi, & cer- tous les frères en gênerai (i). Les
tains Cagots, & de vingt cinq à trente moines & autres faifoyent force quef-
Aduocats. Ceci fut Dimanche dernier.
tions; mais ils n'attendoyent pas la
Le Lieutenant en fit venir quatre, af- refponfe à chacune d'icelles, encores
fauoir, Laborie , Trigalet, Bataille & qu'on la requift tant & plus. Les inter-
Tauran. Car quant au frère Vernou , rogatoires furent, entre autres poinds, Les poinds
fur lefquels
il n'auoit point tant infifté fur l'appel du facrement (qu'ils appellent) du ils furent
que nous fondafmes fur les lettres des mariage , & de &l'extrême
feigneurs de Berne ; ains pluftoft fur la de la Meffe du Pape.ondion,
Chacunauffiy interroguez.
refpondit félon la mefure de fa foi , &
difpute , lufqu'à leur en dire plus
qu'ils n'en vouloyent. Puis on nous l'audience qu'on lui donna; les vns en
leut vn arreft de la Cour du parlement,
particulier par l'Efcriture, les autres
par lequel eftoit enioint au dit Lieu- en gênerai prièrent ces queftionnaires
de les interroguer de chofe meilleure
François estoyent venus habiter en la ville, que de la MelTe ou chofes semblables,
et qu'il esloit à craindre qu'ils ne la trahis- les laissant là pour autant qu'elles
sent.bons,
Cependantqui
leurestans
intention estoit d'oster valent ; que à s'ils en veulent
tous les en quelque partie ils aillent Geneue & auxdifputer
autres ,
du gouvernement leur nuisoyent, ensemble
plusieurs des François, et de changer Testât Eglifes reformées, où ils trouueront à
de la ville et de l'Église à leur plaisir. » qui parler, voire fans danger aucun,
(i) Les " sainctes ordonnances, » dont il
est ici question, sont sans doute les arrêtés encores qu'ils ne puiflfent vaincre. Les
pris par le Petit Conseil et le Conseil des moines fe plaignoyent que n'eftions
Deux-Cents à la suite de ces troubles. Le traitez plus rudement , & que cela
27 mai, les Deux-Cents arrêtèrent n que les nous rendoit fi hardis ; puis difoyent
seigneurs du Petit Conseil continueront à
faire des bourgeois à leur discrétion, au pro- qu'à Geneue ce n'eftoyent que larrons.
fitz, utilité et honneur de la ville iouxte les Mais on leur refpondit que c'eftoyent
franchises . us et bonnes coustumes comme
d'anciennetté. <> iRcg. du Cons., folio 88 !'.) eux qui s'engraifl'oyent du bien d'au-
trui ; & qu'à Geneue chacun trauail-
On comprend
par Calvin et ses combien
amis, lasurvictoire'
le partiremportée
qui avait
dans son programme l'expulsion des réfu-
giés, dut réjouir les prisonniers de Chambéry.
(2) Celle lettre a dû être écrite à la même (l) La lettre qui précède celle-ci nous
paraît être ce « plus long récit .. adressé « à
date ( 18 juillet lîjï ) et par la même occa- tous les frères en général . » tandis que
sion que la précédente; car elle traite des teurs. était probablement destiné aux pas-
celui-ci
mêmes faits, mais d'une manière sommaire.
I
208 LIVRE SIXIEME.
loit pour viure à la fueur de fon vi- m'a fait conoirtre tout le temps que i'ai
conuersé auec vous , & plus fort de-
fage. Quant au Pape , la refponfe fut :
puis mes liens , à ma grande édifica-
Si on prouuoit par l'Efcriturc qu'il fuft tion, que vous elles vrais Minillres,
le chef de l'Eglife , que vrayement on fidèles feruiteurs & enfans de Dieu,
fe fûumettroit à toutes fes ordonnances
A articles de foi. Mais il ne fut iamais abondans en foi & charité manifetle à
queflion d'obtenir ce poind. Cela fait, tous pour le tefmoignage de vollre vo-
nous fuîmes pour ce iour-la feparez cation, &gloire de noftre Dieu. Celui
l'vn d'auec l'autre, iufques à cinq heu- qui a commencé en nous, nous face
res du foir. Le Lundi, ils firent enco-
perfeuerer
frères iufqu'àiciladefin.
qui furent par Les
vousdeux
ces
res feparer Bataille & Tauran d'auec iours pafTez, nous auertirent par let-
nous, cuidans par ce moyen les efton-
ner & diuertir. Mais grâces à Dieu, tres , que defirez recouurer nos con-
feffions de foi (i). Nous euffions
ils demeurèrent fi conftans , qu'on les voulu de bon cœur fatisfaire à voftre
commanda élire remis auec nous. Par-
quoi maintenant fommes enfemble , defir. Mais depuis que le frère l. G. (2)
nous confoians, refiouilTans & con- fut dernièrement auec nous , n'auons
fermans par prières & Pfeaumes que eu papier ni Hures aucunement, ni rien
chantons au Seigneur; & mettons pour nous confoler, à caufe de quoi
peine de nous alTeurer en fes pro- n'auons eu commodité de ce faire. Et
maintenant le papier nous eft baillé à
meffes, attendans telle ilTuë qu'il lui la mefure que voyez. Il vous plaira
plaira nous enuoyer , foit par vie, ou
par mort. donc m'excufer, & en recueillant ma
Confeffion, ou le principal d'icelle de
mes précédentes lettres, enfemble tout
ce qui a elle fait iufques à noftre fen-
tence des galères, vous contenter que
Lettre d'Antoine Laborie aux Minif- ie vous auertiffe de ce qui a efté fait
tres de l'Eglijc de Gcneue, & à fes
amis ejlans à Geneue (i). par la Cour depuis ladite fentence. d'ertre mené
Condamnation
Mercrkdi palTé eut 8. iours, & ef-
Messievrs & bien-aimez pères, & toit le 21. d'Aouft. que noftre premier aux Galères.
vous mes trefchers frères en noftre luge nous vint prononcer noflre fen-
tence des galères (3), à quatre heures
Seigneur, i'ai bien expérimenté, grâ-
ces au Seigneur , combien nous vous après midi, dans noftre prifon ; fur la-
quelle refpondifmes : Que rendions
fommes chers, par la diligence qu'auez
faite pour nous fubuenir en nos liens, grâces à Dieu , de ce& qu'il nous pour
fai-
ne lailTans aucun moyen en arrière foit dignes de fouffrir endurer
fon faind Nom. Incontinent après, de
pour ce faire ; en quoi auez auffi mon-
ftré voftre charité eflre vraye enuers ce que le procureur du Roi fut appe-
nous, non telle comme de plufieurs , lant de ladite fentence, les Seigneurs
de la Cour enuoyerent quérir le frère
qui, preferans les biens & commoditez Vernou , lequel demeura ce foir long
du monde
faire aux auenfans
fecoursdequ'ils
Dieupourroyent
, aiment temps deuant eux; & pource que le
mieux voir cfpandre le fang innocent temps cftoit court, on le remit encores
au lendemain matin; & fut feparé de
deuant leurs
craignans auoiryeux fans s'y
reproche pouroppofer
Chrift ,, nous ce foir à noftre grand regret, &
ne fut fans prier Dieu ardemment
& toutefois fe vantent d'eftre grands
Chreftiens, & des plus charitables.
Mais ie ren grâces à mon Dieu , qui (1) Il s'agit
Vernou, au nomde dela confession
ses frères etdeen foisonluenom,
par
lors de leur première comparution, le 10 juil-
let. Voy. plus haut, p. 20;. Comme on le
(I) Celle lettre n'est pas datée; mais si, voit ici, elle ne put pas être envoyée à Ge-
comme un examen attentif nous le fait pen-
ser, elle fut envoyée par le même porteur l'ait omise.
nève, et c'est ce qui explique que Crespin
que celle qui la suit, elle devrait être datée
de la fin d août ou du I" septembre 1555 , (2) Probablement l'étudiant de Lausanne,
c'est-à-dire plus de six semaines après les dont il est parlé plus haut.
(f) Le tribunal de Chambéry voulut sans
deux lettres de Jean Vernou. Dans l'inter- doute donner, par cette sentence, relative-
valle se place la lettre qu'on trouvera plus ment douce, un semblant Je satisfaction aux
loin , sous le titre i Episirc commune des réclamations du gouvernement bernois. Mais,
dits prisonniers aux ministres de Cen^i'C , comme on va le voir, le procureur du roi
s'accusent d'une infrac-
à la véritéilsdans leur premier interro-
dans tionlaquelle eut soin, par un appel j minima, de ne pas
rendre cette sentence définitive.
gatoire.
LES CINQ DE CHAMBERI.
partie rccitcr par le menu ce qui fut le prier pour mes frères qui n'eftoyent
dit par ordre, mais de peur que le pa- encor mandez. Et veu que ledit Pre-
pier ne faille , A d'autant que vous le fident m'auoit accordé ce que delfus,
pouuez mieux penfer, feulement le i'eu grand defir de parler à eux , pour
mettrai la lin de nos difputes, laquelle leur annoncer le iugement de Dieu.
Accord de
plulicurs fut telle (ne fai (i c'efloit par feintife A caufe dequoi ie priai celui qui m'ap-
ou à franc
la vérité) porta àdifner que , fi Meffieurs en-
poincils de U
Religion. auoir arbitre qu'il
, que m'accorda n'y
nous fommes triiyent après difné, il leur dift que ie
iulliliez par foi , & non par œuures , les prioi de parler encor à eux, ce
que la Med'e efloit farcie de mille fu- qu'il promit de faire. Soudain, ie me
perfluitez, voire qui ne valoyent rien; mi à prier ardemment noftre Dieu
qu'elle ne pouuoit ertre facritice pour qu'il me le
monftrer fift deuoir
cefte grâce de leur
de leur charge,re-
les péchez, mais feulement d'adion de noftre innocence & le iugement de
grâces; que le corps de lefus Chrill
n'eftoit point localement au pain, ni le Dieu, le demeurai ainfi, priant & mé-
fang au vin idolâtres.
; que ceux Quant
qui l'adoroyent ditant iufqu'à deux heures après midi,
là ertoyent au Pape,
que ce
auoit parlé feruiteur me vint
à Meffieurs diremoiqu'il
pour &
qu'il n'eftoit point Euefque des Euef-
ques, mais Euefque de Rome feule- que ie vinft'e dire ce que ie voudroi.
ment, & que c'elloit chofe vraye qu'il Soudain, bien ioyeux d'vne telle nou-
viuoit trefmal , & lui & les Euefques uelle, ie m'en vai deuant Meffieurs au
lieu fufdiA, où tous eftoyent comme
& preftres, & ne s'acquittoyent en de matin. le me mi tout debout de-
rien de leur charge , & elloit à defirer
uant eux, & le Prefident me dit ainfi :
vne bonne reformation. Bref, il m'ac-
cordoit prefque tout, tellement que ie Il Maiftre Antoine, que dites-vous? » ■
fu contraint lui dire ces paroles ; Alors, eflevant mon efprit à Dieu
« Monfieur, ie voudroi que Dieu euft pour le requérir à mon aide, ie com-
fait la grâce à tous les moines de mençai aleur remonftrer le deuoir de
France d'eflre auffi bons théologiens leur charge & pourquoi Dieu les auoit
conftituez guettes (i) fur fon peuple,
que vous;
cord. Et à car nous ieferions
ce que toft ,d'ac-
puis voir il ne mefme leur auoit communiqué fon
faut pas craindre que me condamniez, Nom de Dieu & ainfi les exhortai de
fi ne le faites contre voftre confcience.
s'en acquitter félon fa volonté. Apres
Car fi ie fuis hérétique (ce que non ) leur remonftrai l'innocence de mes
vous l'eftes auffi bien que moi par frères & la miene, laquelle ils ne pou-
CratTus voftre propre confeffion. » Sur cela, uoyent ignorer, veu que de matin ils
Confciller de tous lesconfeilliers fe prindrent à rire;
Chamberi. l'auoyent confeft'ce & qu'ils ne pou-
& vn nommé Craffus, qui eftoit noftre uoyoient eftre de ceux qui iugent par
rapporteur, me dit : « Il faut que vous ignorance , au rapport & iugement
foyez hérétique comme lui , non pas des moines fur les herefies, veu que
lui comme vous. » A quoi ie refpondi : Dieu les auoit douez de grande co-
« Monfieur, ie ne le veux pas eftre noin"ance pour en faire iugement. Et
comme lui; car par auanlure ie le fe- par ainfi qu'il auifaftent à la caufe de
roi par lidion , mais ie voudroi bien lefus Chrift, puis qu'ils en eftoyent
que lui & vous tous le fuffiez comme iuges en nos perfonnes, comme eftans
fes membres, auifant bien de ne com-
&moi,
fauxà fauoir
iugement feulement
du monde.par »l'opinion
mettree lele peclpéché contre le faind Efprit;
Ce Prefident vint rouge de vifage uoi leur
fur quoi leur reprefentai le iugement
& fe print à me faire encores quelques de Dieu viuement , & finalement leur
exhortations <\ fa mode pour m;.' faire remonftrai le foin que le Seigneur a
des liens & comment il requiert leur
renoncer. &, voyant qu'il n'auançoit
rien , me firent remener pource que fang. Bref, Dieu me fit la grâce que
l'heure de leur difner les prelToit. le ie fus efcouté d'eux enuiron vne heure
fu mis en vne chambrette à part , fc- fans interruption iS leur di tout ce que
paré de mes frères, qui me fut bien le Seigneur me donna de leur dire,
dur, mefme que le les cufte bien voulu auec application des paffages , telle-
auertir des moyens cauteleux defdids
ment qu'il faut glorifier Dieu en l'af-
Seigneurs. Mais fouduin ie fu grande- fiftance qu'il me fit par fa grâce.
ment confolé , conoilTant l'affiftance Tant que ie parlai . tous auoyent
que le Seigneur m'auoit faite, à caufe
dequoi ie me mi à lui rendre grâces &
(I) Sentinelles.
LES CINQ DE CHAMBERI. 21 I
l'œil fur moi, & moi fur eux, & en mande (1). Le lendemain, famedi ma-
vi quelques vns des plus ieunes qui tin ,les frères Bataille & Tavran fu-
rent amenez & tenus toute la matinée,
auoyent la larme à l'œil. Apres que
i'eus acheué, l'vn des principaux con- aufquels le Seigneur affifla fi bien,
felTa tout ce que ie difoi élire vrai
quant à leur ofRce , mais que ie fauoi qu'ilstan triomphèrent
& fes cautelles.de Etrembarrer Sa-
après , bien
bien que Dieu a commandé par Moyfe ioyeux du commandement de la Cour,
que les hérétiques foyent punis les fuîmes remis enfemble. Le Lundi
premiers & que ie ne pouuoi nier que, après, 26. d'Aoufl, tous enfemble fuf-
combien que i'eulTe dit des chofes mes amenez deuant Meffieurs, qui fi-
rent grande remonftrance & inllance
vrayes, que ie n'euffe offenfé grande-
ment & fcandalizé mes prochains, ap- pour nous réduire. Le frère Vernou ,
pelant le Pape Antechrift, & fils de par la grâce de Dieu , refpondit am-
perdition, & la M elfe inuention du plement pour tous, de forte que glo-
diable, fingerie, & œuure de toute rifiafmes noftre Dieu & nous en retour-
abomination ; par ainfi mon fang ne nafmes viftorieux. Depuis auons efté
pouuoit ertre innocent, & plufieurs condamnez entr'eux, comme l'on dit,
à élire bruflez tous cinq. Nous rendons
autres propos. le lui accordai qu'il fa-
loit punir les hérétiques & lui alle- grâces à Dieu & attendons l'heure,
:ichel Seruet guai Seruet qui auoit edé puni à Ge- nous recommandans à vos prières.
retique puni „^.^,^ ^, j^ ^.^\^ qu'ils auifaffent bien de
ne punir les Chrefliens & enfans de
Dieu, au lieu des hérétiques, comme
toute la Cour auoit tefmoignage en Efcrit de IcanGencue
Trigalet
(2).à fes amis à
leurs confciences que nous ellions en-
fans de Dieu, & ainfi qu'ils fe gardaf-
fent de communiquer au iugement de Pvis qu'il ne plait à ce bon Dieu ,
Pilate pour fauorifer aux Princes du mes frères, nous donner la commodité
monde & Sacrificateurs de Belial. A de vous efcrire au long nos confeffions
la fin , il me pria fouuentefois par de foi, & tout ce qui a elle fait par le
beaucoup d'allechemens, de faire vne menu par nos aduerfaires contre nous,
retradation fimplement deuant eux, comme aucuns de vous défirent &
& qu'il me lairroit aller, veu que ie nous prient par leurs lettre, il faut que
pouuoi faire grand fruiâ, & ladite re- vous & nous prenions patience & nous
tradation ne feroit point dangereufe. contentions de ce qu'il lui plait enco-
Sur quoi, il mit vne MelTe toute nou- res nous faire ce bien de vous en pou-
uelle , & vn Pape tout nouueau , les uoir mander, comme par pièces, la
bigarrant de diuerfes couleurs, & me fomme de ce qui en eft , félon la me-
pria que ie receulTe celte modération.
le respondi que, pour bien amender la fure du papier & de l'ancre que nous
MelTe, il la faloit ofter du tout, & faire pouuons auoir. Car noftre defir n'eft
autre que de nous exercer, tant qu'il
I. Cor. comme faind Paul, reuenir à l'inllitu- plaira à Dieu nous lailfer viure en ce
tion première du Seigneur pour refti- monde, à vous pouuoir rendre quelque
tuer la Cène en fon entier. Touchant
petite portion des fingulieres confola-
au Pape , ie refpondi, quand il enfuy- tions & exhortations diuines que nous
uroit S. Pierre & les Apollres, en vie auons receu par vos lettres, depuis
& en dodrine, que ie le tiendroi pour
qu'il a pieu à Dieu nous faire fes pri-
Euefque. Ces chofes dites, ie fu ren- fonniers, par lefquelles nous pouuons
uoyé en ma petite chambrette. A qua-
tre heures, le frère Trigalet fut amené (i) Dans la lettre suivante.
deuant eux& leur refpondit de mefme (2) Par une inadvertance bizarre, cette
(grâces au Seigneur) comme il le vous lettre, qui porte la signature Jean Trigalet,
et qui est incontestablement de lui , est pré-
cédée, dans les diverses éditions publiées
tant du vivant de Crespin qu'après sa mort,
(i) L"exéculion de Servet avait eu lieu le de cette suscription : Autre escrit dudit An-
27 octobre IÇ5;. Labone , en approuvant toine Laborie à ses amis à Gencue. Cette
cette exécution . raisonnait comme la pres- lettre, à laquelle il est fait allusion à la fin
que universalité de ses contemporains , ca- de la précédente, raconte les mêmes faits
tholiques ou protestants. « Etran^-e position,')
dirons-nous avec M. Jules Bonnet, « que que celle de Laborie, sauf qu'écrite par
celle de cet accusé glorifiant la loi inique Trigalet, elle fait une place naturellement
plus large aux interrogatoires de ce martyr,
qui va le frapper, et n'en contestant que la et complète, à ce point de vue et à quelques
légitime application! »
autres, l'autre relation.
il2 LIVRE SIXIEME.
voulez que nous receuions le Mariage péchez. R. « La remiffion des péchez m.d.lv.
pour Sacrement, & cependant vous le
n'ert pas attribuée à l'ondion au texte,
tenez pour chofe pollue entre vous, mais notamment à la prière faite par
&rauez chalTé pour introduire la pail- foi : car la remiffion de nos péchez eft
lardife. » Comme nous parlions ainfi, au fangde Jefus Chrift & non ailleurs.»
ceft Inquifiteur dit que c'efloit trop Ils dirent que tout cela eftoit condamné
difputé , car nous eftions hérétiques. par les Conciles & que nous eftions
)e Texireme « Que dites-vous (dit-il) de l'Extrême donc hérétiques. Mais il y auoit tant
Onaion. onftion ?» R. <( Mais, Monfieur, débat- de confufion en ces propos que rien
tons premièrement du Mariage, & al- plus ; car ils eftoyent toufiours fept ou
lons par ordre, ou confelTez que vous huift à parler à la fois, & nous leur
eftesveincu.» Incontinent tous, &Offi- baillions toufiours telle defcouuerte
ciaux, Moines & Aduocats fe mirent de leur folie, que les affiftans eftoyent
à crier: «Ceft trop prefché, il ne faut contraints d'en rire. Nous fufmes in-
plus difputer . refpondez fi vous voulez. » terroguez fi ne voulions croire aux Con-
R. « Helas I Meffieurs, vous eftes bien ciles. R. « Nous accordons toufiours
haftezà faire mourir cinq poures inno- auec les Conciles & ordonnances qui Des Conciles,
cens fans vouloir entendre leur iufte font conformes à la vérité de Dieu, &
caufe ; vous voyez bien que nos aduer- fondées fur icelle, autrement non;
faires ne fauent rien prouuer de ce car pluftoft nous les auons en exécra-
qu'ils difent, vous& pource quela vous en tion, comme traditions humaines con-
eftes marris, remettez cholere treuenantes & répugnantes à la parole
fur nous. Bien, fi vous ne nous voulez de Dieu, comme S. Paul mefme com-
ouyr ici, nous auons le Juge des Ju- mandoit aux Galatiens de ce faire, voire Gai. 1.8.
ges, qui eft noftre Dieu, qui nous orra quand vn Ange du ciel nous apporteroit
benignement, & nous fera droit à tous, autre dodrine, que ce qui eft contenu
& deuant lequel il vous faudra refpon- en l'Euangile. » Sur cela, s'efmeut vne
Notez ceci, dre du tort que vous faites maintenant
à lefus Chrift fon Fils en nos perfon- grande queftionnous
uoir comment qu'ils nous firent
fauions que le: afl"a-
vieil
nes , d'autant
comme que nousIl nous
fes membres.» fommes ici
fut fait & nouueau Teftament fun"ent la parole
de Dieu , fi ce n'eft d'autant que les
commandement de refpondre fur la- Conciles & l'Eglife Romaine l'aprou-Il
dite Extrême Ondion ; car S. laques, uent, & nous en rendent certains.
dirent-ils, l'a commandée, & vous ne leur fut refpondu que , combien que
pouuez fuir à cela. R. « Nous accor- Dieu fe foit aidé & des Juifs, & des
dons qu'au commencement que l'Euan- Papiftes, pour garder les fainds Hures
de fa volonté, que pour cela nous ne
gile fut prefché par les Apoftres, d'au-
tant qu'il eftoit befoin que la doârine prenons pas d'eux tefmoignages ni ap-
Solution du fuft confermee par miracles, il y auoit probation que
, ce foit la parole de De la parole
paffage de
S. laques. jgs fignes OU facremens reprefentans Dieu; mais nous en auons vn certain de Die"-
lefdits miracles, la vérité defquels s'en tefmoignage en noftre confcience par
enfuyuoit. Comme l'impofition des l'efprit d'adoption, qui befongne en
mains , qui fignifioit le don du fainft nos cœurs, & nous rend certains plei-
Efprit , & quand & quand la vérité nement des promeffes de Dieu, nous
faifant crier Abba Père, comme S.
s'enfuyuoit
toire des Aéles. , comme il apert par ladite
Semblablement l'hif- Paul traite au 8. des Romains. Et Rom. 8. 15.
onélion d'huile eftoit tellement falu- mefme, difmes-nous, celui qui n'a
taire que la guerifon point certitude du mefme efprit , ne
raculeufement, commes'enle enfuiuoit mi-
texte mefme
peut eftre enfant de Dieu. Ce poind-la
de S. Jaques le porte. Or, quand la fut debatu pleinement, & leur fut re-
prédication de l'Euangile fut receuë monftré (grâces au Seigneur) le grand
par le monde, le don du S. Efprit vi- blafpheme qu'ils commettoyent , de
fiblement & femblablement les mira- vouloir affuiettir la parole éternelle de
cles cédèrent , & confequemment lef- Dieu à l'authorité des hommes char-
dits fignes, lefquels font vains fans la nels, & mefme des diables ; car il eft
vérité. Et puis, quelle conuenance y bien certain que iamais homme qui
a-il entre ladite onôion & voftre onc- foit mené de Dieu, & qui ait quelque
tion, & quelle guerifon s'en enfuit-il.^ raifon , ne penfera vn fi grand blaf-
'Vous ne la portezencore
Ils demandèrent qu'à lafi defefperee.
ladite onc-
tion ne conferoit pas la remiffion des Il feroit pour le prefent impoffible
pheme.
à nous de vous mander par le menu
-:'4
LIVRE SIXIEME.
tout ce qui fut dit ; toutesfois ne faut auec nous , toutesfois qu'ils nous ad-
monnedoyent de nous réduire. A quoi
omettre qu'il y en eut en la compa-
gnie qui nous dirent que c'eftoit I ef- fut refpondu
raifons autres, veu
que qu'ils n'amenoyent
de leur boutique,
prit
Dieu , diable,
du qui nousA non pointcertains
rendoit l'efprit de
de que nous auions auffi peu à faire de
ces chofes. Aufquels en refpondant leurs fer.
admonitions que du diable d'en-le
fut par nous demandé, par quel efprit Protefians toutesfois deuant
fut commandé à Abraham de facrifier
iuge & fes affiitans, de ce qu'il voyoit
fon lils Ifaac, & ils refpondirent : " Par bien que nos aduerfaires ne fauoycnt
l'Efprit de Dieu. « R. u Si Abraham & ne pouuoyent monflrer le contraire
a creu de faire vn meurtre , qui ertoit de ce que nous difions. Et par ainfi
contre veu que nollre innocence eftoit mani-
ait eu vnla mouuement
loi naturelleen, fon
il a cœur
falu qu'il
au- ferte , qu'il
tre que la chair, laquelle le pouuoit il feroit de auifafi biendequel
la caufe iugement
Jufus Chrift
bien induire à penfer que ce full vn que nous fouftenions , eftant affeuré
diable pluftoft que l'Efprit de Dieu. 3u'il
udit lui faudroitdeuant
iugement vne fois
Dieurefpondre
mefme,
Et c'eft le mefme efprit qui nous rend <i deuant nous. Sur cela nous fufmes
certains, qui befongnoit auffi en lui ,
pour lui renuoyez à la prifon, feparez l'vn de
lonté defaire
Dieu croire
; mais que c'elloit
il ne la vo-
fe faut ef- l'autre iufques à cinq heures du foir.
Le lendemain qui efloit Lundi , le G. Tauran.
merueiller fi vous ne fauez que c'eA ;
I. Cor. 14. car l'homme fenfuel ne peut iuger frère
neue ,Tauran , quirien
ni iamais n'a veu
demeuré à Ge-
ni conu de
des chofes fpirituelles. « Et beaucoup
d'autres chofes leur furent dites fur Dieu, que depuis trois mois en ça, fut
ce propos. Apres fufmes interrogucz enuoyé quérir. Et faut noter que ,
de la Cène , de la M elfe , du Purga- pensans le gaigner, l'auoyent feparé
toire, de la Confeffion, & autres leurs le foir d'auec nous ; mais Dieu lui fit la
Sacremens. Chacun article fut telle-
grâce qu'il leur refpondit, & les rem-
ment debatu entre comme
en demeurèrent eux & des
nous,fufdits.
qu'ils barra de telle forte, qu'il leur defcou-
urit toutes leurs vilenies , mieux que
Ce feroit trop long de vous efcrire n'auions pas fait. Dequoi ils furent
ce qui fut traité là delTus. Il fuflîra bien fafchez , & le rcnuoyerent auec
dire félon
dit qu'un lachacunmefurede denous y refpon-
fa foi , ot de nous, lui difant qu'il efioit auffi bien
perdu que les autres. Apres fut amené
forte que les ennemis furent rembar- auec nous, dequoi nous fufmes bien
rez de tous coflez , & confus : grâces aifes, & rendifmes grâces à noftrc bon
en foit à ce bon Dieu. Pour la (in, il
Dieu auoit
nous de la donnée
force & àperfeuerance
tous. qu'il
fut requis par nous que nous parlif- Sentence du 1
Du Pape. fions un peu du Pape, leur faifans ceft Le Meeredi 21. d'Aouft, à quatre
heures après midi, noflre luge le premier fiege.
offre que , s'ils nous pouuoyent prou-
uer par la fainde Efcriture , que le Lieutenant du Vibailli nous vint pro-
noncer noflre fentence en la chambre
Pape fufl chef de l'Eglife de Jefus
Chrirt, que nous receurions toutes fes de noflre prifon , par laquelle eflions
ordonnances ; mais iamais ne voulu- condamnez, 'Vernou , Laborie & Tri-
rent entendre à ce poind, ni en galet, pour toute noftre vie aux galè-
débattre aucunement. Et alors nous res ;& Bataille & Tauran pour dix
ans , auec prohibition & defenfe de
difmes , que puis qu'ils ne vouloycnt
prouuer que le Pape fuft chef de n'en fortir, fur peine d'eflre bruflez,
fi eflions trouuez , & les deux frères
l'Eglife, que nous offrions prouuer &
foufienir, par le texte de l' Efcriture deuant leur temps, nous demandans fi
fainde, que le Pape efl l'Antechrifl , en appelions. Et lors Laborie, au nom
& qu'ils nous baillaffent vne Bible , de tous, refpondit que non; mais que
comme nous les auions requis plufieurs receuions ce qu'il plaifoit à noflre bon
fois , & n'en voulurent iamais rien Dieu & Père nous donner, le mer-
faire. Nous commençafmes à déduire ciant humblement & louant , de ce
les cnap.
palTages qu'il nous auoit fait dignes de fouffrir
2. maisdeiamais
la féconde aux Thefl".
ne peurcnt auoir pour fon Nom. De cefle fentence
r;atience, ains fc mirent à crier comme
oups , que nous eflions plus héréti-
s'efloit
reur duporté pour
Roi de appelant
la Cour le procu-
du Bailliage,
ques que Wicleflf , H us, Luther , l'if à l'infligation du Parlement. Parquoi
incontinent après à la mefme heure ,
tous autres; & qu'il ne faloit difputer
LES CINQ DE CHAMBERI.
fut mandé venir par deuers Meffieurs éternelle ceux qui y croyent & adhe- m.d.lv.
le frère Vernou , & fut oui ledit iour rent. Et moi, ayant refpondu que cela
&nous.
le lendemain , eftant feparé d"auec contenoit vérité, ie lui di qu'il n'y Vn feul facri-
Le vendredi fuyuant au matin , fut auoit qu'vn facrifice éternel , fait par fice éternel,
le Sacrificateur éternel félon l'ordre
appelé & mené le frère Laborie , & de Melchifedec, noftre Seigneur Jefus
oui ce matin & l'apres difner bien au Chrift , lequel il a fait de foi-mefme
long, comme pouuez voir par leurs fur l'autel de la croix, pour la remif-
lettres, & fut auffi feparé de mefme. fion de nos péchez en fon fang, lequel
Ledit iour auffi à quatre heures, ie fu
eft entré
dire là haut in Sanâa
au cielfanclorum , c'eftoùà
à fon Père,
amené deuant le Sénat , & y fu iuf-
ques à fix. Lequel tint telle procédure nous auons accès & entrée par lui ,
que s'enfuit. En premier lieu, me qui eft noftre feul Médiateur, Inter-
ceflfeur & Aduocat enuers le Père,
fut commandé de m'agenouiller ; ce
fur ce alléguant le neufiefme des
qu'ayant
bleau defait . on oùme eftoit
bois, prefenta vn ta-
en couleur Hebr. Et quant au facrifice desChref-
verde vn crucifix. & me commanda le
tiens, tionqu'il confiftoit
& en
quelouange &■ ac-
Valentier premier prefident Valentier , au nom de grâces; toute la vie
premier prefi- de tout le Sénat , de mettre la main des Chreftiens, qu'ils mènent en iuf-
dent. la delTus : ce que ie refufai faire pour tice & fainéteté (qui eft vne hoftie vi-
raifon de Timage , & di que ie iureroi uante & raifonnable) eftoit le facrifice
par le Dieu viuant, leuant mes mains qu'ils deuoyent prefenter à Dieuà ,fon
fe
& mes yeux au ciel , de dire la vérité dedians & confacrans dutout
de ce qu'on m'interrogueroit touchant feruice ; en quoi ils eftoyent compa-
ma foi, dont ils auoyent ma confeffion gnons de la facrificature de noftre
par efcrit. Il demanda alors au Sénat Seigneur Jefus, pour & au nom du-
s'il fe contentoit de mon ferment. quel ils eftoyent agréables au Père,
auec tout ce qui eft du leur, combien
On refpondit qu'oui . & que ie ne
pouuoi iurer par vn plus grand. Par- qu'il foit imparfait. Apres il me dit
quoi après auoir entendu ma refponfe, que la Meft"e & la Cène eftoyent vne ta Cène &
mon nom , le lieu de ma naiflance , &
mefme chofe, & qu'il n'y auoit diff'e- la Meffe.
mon emprifonnement, il me faites
dit qu'il rence que de noms , non de la fub-
refultoit par mes refponfes au ftance; & auffi de la façon de faire,
quant aux cérémonies externes. le
Preuoft , touchant ma foi , que i'edoi
hérétique & declaré'tel par la cenfure refpondi que la Cène & la Meffe ef-
& fentence definitiue de l'Inquifiteur toyent diredement contraires , & au-
& dofteurs en Théologie. Lors ie tant différentes que le ciel & la terre;
refpondi qu'eux-mefmes eftoyent hé- & lors parlafmes Latin touchant ce
que nous deuons cercher & prendre
feparez rétiques
de,d'autant
noftre qu'ils s'efloyent
Seigneur Jefus en la Cène. & où nous conduifent les
Chrift & de fa dodrine, & s'eftoyent fignes du pain & du vin, au contraire
adioints à l'Antechrifl, & fuyuoyent fa de ce qu'offre le Preftre en fa Meffe
dodrine. Parquoi ne me pouuoyent & prefente à Dieu; & alléguai la dif-
iuger hérétique, mais que pluftoft ie férence qui eft entre le donateur &
pourroi prouuer par la parole de celui à qui on donne. Car lefus Chrift
Dieu, qu'ils eftoyent tels, s'ils m'ef- nous eft donné pour viande, & par-
coutoyent patiemment. faite & entière nourriture de nos âmes
Adonc le premier Prefident me dit à vie éternelle en la Cène du Sei-
que principalement en deux articles gneur, quand nous prenons le pain &
de ma confeffion ie me monftroi héré- le mangeons , & beuuons le vin , qui
nous font entière nourriture de nos
tique; c'eft , en difant que le facrifice
de la Meffe eftoit vn facrilege abomi- âmes pour cefte vie caduque ; ces
nable & exécrable, auquel le fang de fignes nous font aides pour confermer
noflre Seigneur lefus Chrift eftoit noftre foi & efperance de la vie éter-
foulé au pied , & le facrifice de fa nelle ,laquelle nous eft donnée en
mort & paffion du tout anéanti; en lefus Chrift, félon S. Jean au fixiefme
après qu'icelle chapitre : <( Qui void le Fils & croid
mémorial de la eftant
Cène tenue pourSei-
de noftre vn
en lui, a la vie éternelle, & ie le re-
gneur, eftoit vne inuention diabolique fufciteraiau dernier iour.» le lui dique
forgée & inuentee du diable père de ie participoi au corps & au fang de
menfonge , pour perdre à damnation Jefus Chrift par foi , par laquelle ie
2l6 LIVRE SIXIEME.
Comment il montois au ciel pour la cercher A la fiens iuftificc , & la leur reprouuee &
faut ccrcher condamnée. Lors me donnèrent congé,
Icfus Chrill. dextre du Perc, lofus Chrift mon falut
»& ma vie, & ne le ccrche pas dans le les vns difans : Quelle infolùnce! &
pain & le vin , comme les Pref- les autres par moquerie , Oculos ha-
tres & les Papilles. Là defTus il me bcnl, &c. Sur quoi ie di que cefte fen-
voulut prouuer la prefence du corps tence leur competoit, & que Dieu
du SeiRneur au pain , & du fang au nous auoit donné les yeux de la foi
vin , & pefa les mots de noftre Sei- pour voir la vérité. Le Samedi fuyuant,
gneur Jefus, qui dit en la Ccnc : les frères Bataille & Tauran furent
i> Ceci eft mon corps.» le lui refpondi menez deuant eux, & (grâces au Sei-
qu'Eft (c prenoit pour fignifier, comme gneur)tindrent bon félon la mefuredela
foi que Dieu leur a donnée. Le Lundi
en d'autres lieux : La pierre ertoit
Chrin, de la Colombe & du S. Ef- prochain de ce Samedi , nous fufmes
mandez tous enfemble & nous fut
prit , de l'agneau & de la Pafque ,&
que c'efloit vne figure vulgaire en faite vne remonftrance an"ez ample,
mais elle ne feruit de rien. Car, après
l'Efcriture, appelée Métonymie ou
Synecdoche , par laquelle le nom de que ie frère Vernou eut longuement
la chofe fignifiee efloit attribué au
dit
caufe& ou
protefté de du
de celle l'équité de Dieu
Fils de noftre,
figne. Il m'allégua le palTage de
5. lean 6 : « le fuis le pain de vie , » tous difmes Amen, & fufmes renuoyez
6, <i Qui mange ma chair & boit mon comme opiniaftres. Par leur arreft
auons efté condamnez tous cinq à
fang. I) mais
Ccne, le di de
que lalàfoi
n'eftoit parléChrift,
en Jefus de la
eftre bruflez , & penfions que noftre
lui alléguant les paroles mefmes du fentence nous fuft prononcée hier ; &
Seigneur difant : « Mes paroles font par la bonté & mifericorde de noftre
efprit Dieu eftions préparez au fupplice ,
de la &I. vie
aux ; Corinth.
» & auffi l'onziefme chap.
où les mots de
pain & de calice , que S. Paul répète pour receuoir; mais
libre courage la mort d'vnDieu
ce bon franc
nous&
par quatre fois , furent diligemment a donné encores relafche. Le prefent
poifez. Là delTus y eut beaucoup porteur eft le feruiteur de monfieur le
d'autres propos qui feroyent longs à Secrétaire M., lequel s'eft employé
reciter; & comme voyez auons faute pour nous, comme pour fes entrailles,
de papier. auquel fommcs redeuables à iamais.
Du Pape. Dv Pape auffi que ie difoi Ante- Priez le Seigneur pour lui , qu'il le
chrifl. fut difputé de fon authorité , & recompenfe , auffi celui qui eft à la
de fes ordonnances, comme elles font Cour , & les autres frères qui font
contraires à celles de Chrift. Par moi ici. Ce Dimanche, premier iour de
fut allégué le 2. de la féconde aux Septembre 1^5^. Nous nous recom-
mandons àvous tous humblement &
Then"aloniciens, & le 4. de la i. à Ti- à vos faindes prières.
mothee. Bref en fin , quoi qu'ils
fceuft'ent dire par leurs raifons , Dieu Voftrc humble fils, feruiteur &
occit l'Antechrift par l'Efprit de fa frère en noftre Seigneur,
bouche. Lors ils me firent pluficurs L Trigalet.
remonftrances , difans que , (1 ie me
vouloi remettre au giron de l'Eglife
catholique , ils me tiendroyent pour Vovs{i) auez peu entendre de nof-
tre eftat , & quelle efperance nous
leur frère, & qu'en ayant pitié de
moi-mefme ie pourroi ci-apres faire auions de l'iffue de noftre caufe , affa-
grand fruit, & eft"ayerent toutes fortes uoir qu'ayans receu fentence de
mort , fuffions menez au facrifice le
d'allechemens , afin de me faire tre- lendemain, oui cftoit iour de marché ;
bufcher; mais, par la vertu du S. Ef-
prit, ie perfiftai conftant tt inuincible, iS: de fait , les fagots c^' chaînes ef-
fans eftre efbranlé de rien. Quoi
voyans vindrent au dernier refuge , (1) Ceci n'est pas, comme on serait tenté
menaçans de me iuger félon les or- d'abord de le penser, un fosl-scriptum de
donnances du Roi ; lors ie refpondi la lettre de Trigaict , mais une lettre de l'un
de SCS compagnons, antérieure de quelques
finalement qu'il y auoit vn Juge au jours h Inphrase,
dernière sienne,elle
puisque, d'après
aurait été écrite lavant-
le jour
ciel , deuant lequel faudroit qu'ils où la première sentence, condamnant les
comparuft"ent,
fes affifes , & &adonc qu'vn les
iourliures
il tiendroit
& re-
prisonniers aux f;aléres, leur fut notifiée, et
lorsqu'ils ignoraient encore que cette sen-
giftres feront ouucrts , & la caufe des tence allait être frappée d'appel.
LES CINQ DE CHAMBERI.
toyent apreftez , & ne faloit que plan- caufe , la merci Dieu , eft meilleure.
ter les pofteaux, & difpofer les fagots
Car de noftre cofté , il n'y a aucune
pour nous mettre delTus. Mais le Sei- apparence de mal ni de renoncement,
gneur par fa bonté & mifericorde in- ains efmeus de pitié & compaffion
finie a oui les prières de ceux qui l'in- enuers cinq poures prifonniers , &
uoquoyent pour nous, dont l'effet s'en craignans l'ire de Dieu en faifant ef-
'ar la diuifion eft enfuyui tel. C'efl que Vendredi pandre tant de fang humain , ils nous
des luges, dernier, depuis deux heures après midi, ont ainfi
|)ieu prolonge
vie de ces nos Juges furent affemblez pour iuger auenu : traitez. 'Voilà ce qui nous eft
Cinq. de noftre caufe ; & eftans douze de
nombre, ils furent partis en opinions, Apres auoir longuement attendu
Du Seigneur Dieu la volonté.
tellement que les fix nous condam- Il s'ell tourné de mon collé.
noyent à eftre roftis & fricaffez, & les Et a mon cri au befoin entendu (1).
autres aux galères , ou à eflre bannis,
qui fut caufe qu'il ne fut rien arreflé Le prefent porteur eft homme cha-
ce iour. Le lendemain , ayans appelé ritable ,qui nous eft venu vifiter, & a
quelques autres en iugement , ils opi- entendu au long noftre iugement, &
nèrent derechef, & fut conclu que
Jefus Chrifl ne feroit point bruflé croi qu'il emporte'.vn double de la
fentence ; il vous dira de tout ample-
comme hérétique en nous qui fommes ment. Nous nous recommandons aux
fes membres , pour euiter le fcandale
du peuple, mais, comme vn larron ou prières
de tous denostoute l'Eglife,
frères & fœurs& voftres,
, parens &,
brigand, il feroit enuoyé aux galères. voifins & voifines , & autres ; comme
C'efl en diuerfe manière quant au en ayant autant befoin que iamais euf-
temps , car Bataille & Tauran font
condamnez pour dix ans, & mes deux mes , nous voyans prochains d'un eftat,
auquel on pourroit à bon droit préfé-
compagnons & moi pour toute nof- rer mille morts, fi on les pouuoit rece-
tre vie. Ils cuident auoir fait beau- uoir. Le Seigneur Dieu & Père de
coup pour nous, de nous auoir deli- toute mifericorde , & Dieu de toute
urez d'vne heureufe mort , pour nous confolation, aye pitié de nous, & nous
mettre en vne vie qui eft pire que fortifie de plus en plus, comme en
mille morts. Toutefois puis qu'il a ayans plus de befoin. Noftre compa-
pieu au Seigneur de nous affifter , ef- gnon & frère Laborie efcrit à fa
tans entre les mains de nos ennemis
femme bien au long ; faites-vous monf-
fur la terre , & dans les prifons de trer les lettres , & verrez quelle ref-
Chamberi , nous efperons qu'il vfera ponfe nous fommes délibérez de faire,
d'vne telle bonté enuers nous fur oyans prononcer noftre fentence; ce
mer, dans les galères, entre les
mains des commidaires & patrons; & qui fe entendu
auons doit faire (2).
auiourd'hui
Tous mes, comme
frères
que, comme nollre demeure es prifons fe recommandent à voftre bonne
n'a eflé du tout inutile à ceux qui
nous vifitoyent & eftoyent près de grâce, defirans'eftre comprins es orai-
fons de l'Eglife, & aux voftres priuees
nous, lères
qu'auffi noftrefruiâ
ne fera fans détention aux ga-
& édification. & particulières.
Il me fouuient du conte que m'auez
autrefois fait de Maioris (i); noftre ànominalisme
le concilier parisien,
avec son ilculte
mit toute'sa subtilité
patriotique pour
le seotisme. Il y gagna d'abord une grande
admiration et plus
phiste achevé. tarddifficile
Il est le renom d'un so-
de savoir ce
(i) John
pour Il s'agit de Johannes
Mair, professeurMajor, nom natif
écossais, latin
qu'était le le conte » de Maioris. C'est sans
de Hadington. Il fit ses premières études à doute
Glasgow et les perfectionna au collège de coutumeunede allusion
débiter àdans
un sesconte qu'il (Note
leçons. avait
Sainte-Barbe, à Paris (fin du quinzième siè- de M. Herminjard.) D'après Allibone (Dict.
cle). Comme il aspirait au grade de docteur of Brit. and Am. Authors), Major, après
en théologie, l'un de ses amis l'introduisit avoir professé à Paris la philosophie sco-
au collège de Montaigu, pour y préparer ses lastique, devint professeur de théologie à
examens. 11 s'y trouva si bien qu'il y resta, Saint-André, en Ecosse, oij il mourut en
et yconnu
enseigna toute desa nos
vie. réformateurs
C'est ainsi qu'il 1547. Il publia des Commentaires sur les
fut de ceu.\ qui Ecritures. Voy. la note du tome 1, p. i;6.
firent leurs études dans l'Université de Paris. (i) Ce sont les quatre premiers vers du
Quicherat (Hist. du Coll. de Sainte-Barbe, psaume XL, traduction de Théodore de
t. II, p. 96-97, 115. 159, 175), auquel nous Bèze.
empruntons quelques-uns de ces détails, dit
qu'il fut le véritable chef de l'école philoso- le (2) D'après21 la
mercredi aoûtlettre
que qui
ceUeprécède, ce fut
sentence fut
phique de son temps. Lancé dans la voie du
prononcée.
2l8 LIVRE SIXIEME.
nous, tellement que nous en auons fi vous puis-ie affeurer que la princi-
bien fenti les fruids. Et non feulement pale faute vient de ce que me fuis par
cela, mais au milieu de nous, & ceux trop retiré de la familiarité des Efcri-
qui auoyent quelque conoiffance de
tures faindes. Loué foit Dieu, qui n'a
Dieu , & les ignorans mefmes fe font pas eu efgard à mon ingratitude, mais
employez, tant pour nous confoler, m'a mené en cefte fainde efchole ,
qu'aufll aider en toutes nos neceffitez. pour la me faire reconoiftre, car ie ne
Et quand ie defcen à confiderer les
fai que ie fufi'e deuenu, fi le Seigneur
biens que i'ai receu particulièrement ne m'euft vifité. Quand ie vins en cefte
de vous, mes tres-aimez frères, qui fainde affemblee de Geneue, mon in-
ne vous eftes efpargnez en rien pour tention totale eftoit de m'adonner à
moi, ie ne fai certainement par quel l'eftude le plus que ie pourroi, & auffi
bout commencer, pour entrer en re- Dieu nous enuoye tous là , à celle fin
connoilTance , car ne vous contentans que, nous retirant du milieu du monde,
des amples & bonnes confolations, par pour eftre préparez à toute œuure
lefquelles il vous a pieu me fortifier, fainde , voire & en facrificature
vous auez ouuert vos entrailles , me royale, à cefte fin que renonçans à
communiquant de voftre bien à fuffi- nous mefmes, nous nous dédions du
Vous qui
fance, mefmes vos perfonnes y ont tout à fa gloire. Mais helas ! combien
habitez es
efté employées au befoin. Mais le Sei- mal m'en fuis-ie acquité.' Vous le fa- reformées
gneur fait combien ie le voudroi re- nez, & ie l'expérimente par trop, Eglifes
conoiftre. Il efl vrai que tout cela fe méditez ceci.
l'auoi afiez de loifir, mais i'aimoi
fait pour le refped de la querelle que mieux m'adonner à chofes de néant ,
ie eftant induit par ie ne fai quelle dé-
faitporte
fentir; mais cependant
vn fruid Dieu m'en
incomprehenfible.
& méditerfiance ou infidélité
iour & nuid , qu'àlescontempler
iugemens
Quant à la prifon , ie ne pourroi dé-
clarer de bouche ni par efcrit la dou- & ftatuts de Dieu. Aprenez donc , ie
vous prie au Nom du Seigneur, à mes
ceur, le bien & contentement que i'ai
receu en icelle. Toutesfois ie puis
defpens
car ie fai, bien
de n'eftre
à mon point
grand endormis
regret que ,
dire à la vérité, que ie ne fu iamais
mieux à mon aife, & félon le corps & plufieurs de vous font touchez de mon
félon l'efprit , que i'ai efté & fuis de- mal. Et pleuft à Dieu qu'il fuft plus
puis mon emprifonnement. Il eft vrai efchauffé en plufieurs , mais examinez
que cela ne procède pas ni de la voftre confcience , ie vous prie, & re-
beauté , ni du naturel de la prifon , gardez quel ardeur &zele vous auez à
mais de ce (comme toutes
i'ai dit) que enle la parole du Seigneur, & vous trouue-
Seigneur conuertit chofes
arezdeplus
bienque ie ne Ilvoudroi
froids. eft vrai, qu'il y en
que vous
bien à ceux qu'il aime. le vous ai
bien voulu efcrire toutes ces chofes, hantez les prefches, mais combien y
mes trefaimez frères, afin que foyez
participans de ma ioye , comme auez penfez-vous
comme le refte ledudi iour?
par acquit. c'eft
ceci pour
participé à mon afflidion, & que vous
voftre falut , d'autant que ie vous Leult. II. ). 4.
auec moi contempliez de tout voftre aime. Ne fauez-vous pas que la befte
cœur la fidélité du Seigneur, pour qui ne ruminoit pas, eftoit immonde &
vous apuyer fur icelle, & ne ferez ia- pollue par la Loi, de forte que le
Ç. &c.
mais confus ; afin auffi qu'enfemble peuple
Ruminezde donc
Dieu n'en pouuoitdemanger?
la parole Dieu ,
prions noftre bon Dieu, qu'il nous
touche viuement au cœur, pour le l'ayans ouye , & fréquentez tellement
bien reconoiftre. Car quant à moi , ie les prefches & l'Efcriture fainde, que
confeffe que i'en ai bien befoin, d'au- ne foyez point immondes, mais puri-
tant que ie me conoi fi ftupide, que ie fiez, afin que foyez prefentez en facri-
ne puis aprehender les bontez de nof- ficature de fouëf (i) odeur au Sei-
tre Dieu , voire eftant au milieu de
gneur,
flidion. ConoifTez & foyez fortifiez en temps
combien d'af-
la fapience Admonition
l'abyfme d'icelles. En quoi ie reconoi à ceux qui
& confeffe librement ma trop grande
fragilité & corruption. O mes frères , du Seigneur eft plus precieufe qu'or pourl'Euangile
ni argent, ni pierres precieufes. De- fe àfont retirez
Geneue.
pleuft à ce bon Dieu que ie vous
peufle ouurir mon cœur, pour vous meurez donc fous l'Efprit du Seigneur,
afin que par icelui foyez remplis
monftrer la douleur que i'en ail Et d'icelle, pour pouuoir iuger les œu-
d'où vient la caufe de cela .> Combien
que n'aye la puiflfance de l'exprimer, (i) Suave.
220 LIVRE SIXIEME.
ures du Seigneur. Car l'homme fpiri- palTer le pas , & ce bon Dieu nous y
tuel iuge toutes chofes, & n'eft iugé auoit bien difpofez par fa grâce ,
de nul. N'eftes-vous pas au lieu le comme à la chofe la plus defirable qui
plus propre qui foit au monde pour nous eurt peu aucnir, quoi que la chair
élire indruits? voire vous elles au parc grondall, & fill des fienes, fi ell-ce
ou théâtre du Seigneur, ou plullofl en
que l'efprit cfloit le plus fort. Toute-
fon tabernacle. Et puis l'exercice & fois voici le Seigneur, qui. contre toute
diligence des fidèles Pafteurs que noftre attente & de tous hommes, nous
Dieu vous a donnez, vous defaut-elle Pf. IJ9. <•
a retiré pour ce coup du fepulchre, &
aucunement .- Certes non , & le pou- a acompli ce qui eft efcrit au Pfeaume,
uons ainfi dire & protefter à la veritcS en coupant le cordage des mefchans.
fi iamais gens l'ont peu dire , grâces Et encores que (comme
ce ne fu(là qu'vn
au Seigneur. Quelle cxcufe auez-vous voire bien bref cela ildélai,
nous
donc, fi vous ne profitez cependant faut aprefier, & fera noflre plus feur
aue le Seigneur vous lailTe en treues, en tout euenement) neantmoins en vn
(S qu'il envousfa donne tel bénéfice, comme auffi en ce que
exercer vérité ? le
Ce loifir
vous de
fera vous
vne maintenant vous efcriuons laprefente,
confufion bien grande , fi vous elles nous auons auec vous de quoi nous
nouices , quand il faudra mettre la affeurcr de ce que dit fainél Paul , af-
main aux armes. Et telle ingratitude fauoir que ce bon Dieu nous fait plus
ne demeurera point impunie. Je me de bien que ne pourrions efperer.
fie , mes frères , que tel iugement Quand (outre le mot procédant de la
n'aura point de lieu fur vous , car ie bouche de celui qui eft la vérité
fuis certain que vous elles enfans de
Dieu. Toutefois veillez & priez, car mefme) nous auons l'expérience do-
uant nos yeux en la pcrfonne de nos
noilre ennemi ne dort pas. Faites pro- Frères , tant du palTé que du prefent,
uifion d'huile, pendant que le Sei- & fans aller plus loin, en nos propres
gneur tarde à venir, afin qu'au iour perfonnes, nous auons certes vn puif-
qu'il viendra, il vous trouue bien fant bouclier contre toutes tentations,
prouueus de ce qui vous ell requis nous auons vne forterelTe inuincible
pour veiller à fa venue , & pour le re- contre toutes les portes d'enfer, que
ceuoir. Et ainfi vous aurez repos en
Dieu ell pour nous, & s'il eft pour
vos confciences, & les tempelles d'af- nous, qui fera contre nous .^ Par ce
flidion ne vous efbranleront point. moyen nous dcfpitons& desfions tous
Or, ie prie le Dieu & Père de toute ennemis auec leur capitaine Satan , à
confolation, qui nous a confolez au l'exemple de Dauid, qui fidèles
nous repre-
fentc vn miroir de tous , aux
bcfoin , qu'il parface en vous ce qu'il
a commencé, pour vous rendre par- Pfeaumes dixhuitiefme , vingttroi-
faits en fon œuure à la gloire de fon fiefme, vingtfeptiefme , cent dixhui-
S. Nom, & édification de fon Eglife.
Ainfi foit-il. tiefme, &plufieurs autres. C'eft ainfi
qu'il nous en faut faire, pour profiter
en la foi & crainte de noflre Dieu ,
c'efl de noter diligemment telles ex-
périences auec leurs circonflances ,
EpUlre de lean Vcrnou, enuoyee à pour mieux nous en fouuenir, puis les
fon cou/in , M. D. L. P. , laquelle conioindre l'fe rapportera la parole, à
contient en fonime que , comme la ce que noflre foi tiene de fa nature :
parole du Seigneur ejl ferme , auffi que comme la parole cil ferme & éter-
doit elle cjlre noflre confiance aflèù-
ree, ejlans enuironne:[ de tant ai: bé- ferme nelle, auffi qu'à
fiance en iamaisce bon nous ayonslequel
Dieu, vne
néfices fpirituels. s'eflant de fa pure grâce obligé par fes
Mon Coufin & ami entier, fi vous excellentes
charongnes promcn"es à nous créatures
& de nature puantes
n'ofiez tant efperer en ce temps con- abominables, ne celTe de lesacomplir
traire que peuffiez communiquer auec en diuerfes & excellentes manières.
nous par lettres , félon qu'efcriuez , Que noflre cœur fe fende pour don-
encores moins l'ofions-nous. Car le ner gloire au Seigneur par viue foi ,
Seigneur nous a amenez iufques au que noftre bouche foit ouuerle pour
faire refonner par tout fes louanges,
fepulchre , & à l'ombre de mort , tel-
lement que le dernier Samedi du mois car fa mifericorde eft multipliée fur
d'Aouft nous eftions tous certains de nous, & fa vérité demeure eternelle-
221
ment. Que noftre maudite chair foit fions confoler ceux qui font en quel-
entièrement crucifiée , mortifiée , & conque tribulation , par la confolation
M.D.LV.
enfeuelie auec noftre Seigneur lefus , de laquelle nous fommles es confolez de
Dieu. Car comme afflidions de
puis qu'après tant de promeffes & ent en nous, pareillement
ofe bien Chrif t abond
d'expériences d'icelies, elle parole de auffî noftre confo latio n abonde par
faire reuoquer en doute la
noftre Dieu tant bon & vérita ble. Ja- Chrift. Et certe s voila une grâce mer-
mais argent ne fut fi bien efprouué ueilleufe que ce bon Dieu fait à tous
qu'en cefte fainde parole, nousdant en fes enfans , afl'auoir qu'eftans en po-
fommes fidèles tefmoins, & cepen vreté, angoiffe & en la mort, il les en-
cefte effrontée chair ofera bien répli- richit, confole & viuifie, tellement
quer du contraire. Seigneur, lufques à qu'ils ont dequois-cien nedépar tir aux au-
tres. Ces chofe font point vne
quand fera-ce ? Augmente-n ous la foi.
Av refte, mon bien-aimé, nous vous philofophie imaginaire qui iamais ne
des fainde s admon i- inaire
mercions tous fut à la vérité ; mais c'eft l'ordcomm e
tions que faites par vos lettres , & de pratique des fidèles, laquelle,
que prenez , & des mifes que nous, grâce s au Sei-
la peine vous voyez en
faites pour nous. Certes , quand nous gneur ,auffi la voyons-nous en vous ,
y penfo ns, nous voudr ions eftre hors félon que vos lettres nous en rendent
de ce monde , pour ne donne r plus de bon tefmo ignag e , puis que là vous
fafcherie à tant de bons perfo nnage s, proteftez fran chem ent que la maladie
qui de leur grâce font plus foucie ux qui vous eft auenu e & à voftre femrne
de nous que nous mefme s , & font ne vient d'ail-
noftre bien-aimeela fœur, main paternelle de
plus enferrez & prifonniers de cœur , leurs que de
que nous qui fommes prifonniers quant noftre bon Dieu. Conoiftre cela, c'eft
au corps. Ce bon Dieu le vous vueille vne fageffe incomprehenfible à tout
rendre, & multiplier tellement voftre fens humain , que Dieu fait compren-
cheuance (i), qu'il vous face fentir en dre par l'Efprit de vérité qu'il leur a
effet que c'eft pour lui que vous hazar- promi s. Goufter cela, c'eft vne confo.-
dez voftre bien ; & , comme il eft dit tous fes bien-aaimez
lation fpeciale à ent
On dit comm uném que qui afaire
Eccl. II. I en l'Ecclefiafte, vous iettez voftre pain
à vn homm e de bien fe repof e , enco-
aual l'eau. Cependant, puis que pour
le prefent nous ne pouuo ns autre choie res plus s'il eft affef tionn é enuer s lui.
faire , nous le prierons pour vous & Or nous auons afaire au tres-iufte ,
les voftres , & nous recommanderons tres-bon & tout-puift'ant , qui n'a pas
tous à voftre bonne grâce & vos fainc- efparpour gné nous fon prop Fils, tant
re mort li--
l'a le
ainscruel
tes prières. uré à vne
& ignominieufe , & en lui a fait auec
nous vne alliance perpéer tuelle de ia-
mais ne nous abandonn , quelques
Autre Epiftre dudit Vernou , efcrite imperfeftions & pouretez dont . nous Rien ne nous
(2), par laque le il fovon s remplis de toutes parts Que
au Sieur de B.
ons-nous > Qui empefchera P^^^J d^«°",^,7^
rtwnjlre que conoijïre la boné de voul
de nous repofpluser plei nement en lui f . g„ n^ys,
Dieu eft vne janiJen incom prehenft-
Seront-ce nos péchez ? Mais là où le
ble & vne confolatio Jpeciale de la
péché a abondé, la grâce y a plus
goufter. abondé ; & où il y a remiffion de plus
MoNSiEVR & frère . nous auons
de péchez, l'amour y eft plus grande
receu voftre lettre, par laquelle , nous enuers ce bon Dieu; tant s'en faut
auertiffez de voftre maladie , & nous que de fa bonté nous prenions occa-
priez de vous efcrire quelque mot de fion de lui faire la guerre. Seront-ce
confolation. Loué foit Dieu & Père nos miferes > mais d'autant qu'elles
de noftre Seigneur Jefus Chrift, le font grandes, d'autant icord plus fe monf-
Père de mifericorde & Dieu de toute trera grande fa mifer e enuers
le en toute nous. Sera- ce noftre infirm ité > mais
confolation, qui nous confo
n , afin que nous puif- c'eft en elle qu'ef t parfa ite fa vertu ;
noftre tribulatio forts en lui
& tant plus fomm es-n ous
que nous fomm es foible s en nous-
fi) Le bien qu'on a.
e
, ,
qujl s agit mefmes. Cela fait-il afin que nul ne
11) M.Jules Bonnet suPP°s
d'un des frères de Budé [BuUeUn, XXVIII, fe glorifie en foi , ni mefmes es grâces
p. 447 !• qu'il a receu de fa main, mais que par
222 LIVRE SIXIEME.
icelles il foit réduit & amené à fe glo- aft"auoir que celui fera bien-heureux
rifier en lui feul , & que tout foit là qui iugera fagement du poure, & qui
entendra fur lui , it que tu le fou-
rapporté Et comme cela
d'où il vient., auffi
eft bien raifonnable nous e(l-il lageras en fon infirmité. Item qu'il
tant plus piotitable , afin que nous ne nous fera mefuré félon que nous au- Mauli. 7. i,-
1er. X. I). cauions (i) point des puits qui ne puif- rons mefuré à nos prochains. Ma con-
fcnt retenir les eaux, en delailTant la fcience me rend tefmoignage que de
fontaine d'eau viue & la fource di; vie, bon cœur i'ai tafché de m'y employer.
afTauoir celui en la main duc^uel eft Ce feroit à moi vne trop grande in-
toute félicité, & à laquelle il nous gratitudfi
e , fous ombre de ce qui eft
conuie tant humainement, ayant plus mien, ie taifoi ce qui eft du tien. Par-
d'enuie de nous donner que nous de auoi, mon Dieu , regardant en la face
receuoir. Or, trefcher & fingulier de ton Chrift, ie te prierai autant har-
diment qu'humblement, qu'il me foit
àami,
vn puisqu'eftes
tel Père , & certain d'auoirafaire
tant foliciteux & de fait félon ta parole. » Allégorie de|
vous A des voftres, nous vous prions Voila vne oraifon que tous enfans
Agar feruanltl
de confiderer voftre bonheur, & quelle d'Agar la feruante, forgeurs de méri- de Sara la
fera l'ilTue de cefte afBiftion qu'il tes ,fatisfadions & franc-arbitre , ne franche.
vous a enuoyee. Nous aimons mieux fauroyent faire. Il n'y a que les fils
vous la laiffer méditer à part-vous que de promeffe & de grâce , les enfans
d'en faire long déduit. Cependant ie de la franche Sara , qui la puift"ent
vous redui en mémoire vn poind, qui faire. Puis qu'eftes de ce rang, ne
vous pourra grandement confoler : doutez de la faire en bonne conf-
c'eft qu'en vertu de noftre adoption & cicnce, en defpit de ce calomniateur,
iuflification gratuite, par laquelle tant Satan, en defpit du péché, de la mort
voftre perfonne que vos bonnes pen- & de toutes lefus,
les portes
fécs, alTedioiis iSi œuures (ou pluftoft le Seigneur qui a d'enfer.
triomphéViue
de
du S. Efprit habitant en vous) font tout cela pour nous. Confiez-vous
acceptées de voftre Père trefbenin , donc en lui, puis vous affaille qui
au Nom de noftre Seigneur Jefus voudra : il a aft"ez de force pour vous
Chrift, vous pouuez dire à l'exemple maintenir; de bon vouloir il n'en a
d'Ezechias, en vous plaignant & lui pas moins, éic de cela vous a-il donné
defchargeant priuément voftre cœur : alTez de tefmoignages. tant par parole
« Helasl Seigneur, te fouuiene que bien authentique que par œuure tant
tu m'as donné par ta degrâce quelque & plus euidenie. Il ne refte finon que
affeflion & exercice confoler les
vous face
vous le fuppliez affedueufcment
fentir par effed combien qu'il
ces
poures affligez. L'imperfedion & fouil- chofes font véritables , comme nous
lure que ma chair corrompue a méfié
parmi ton œuure, n'empelchera point fomines certains qu'il le fera, voire
que ie ne prene ceft œuure pour vn quand il n'y auroit que ce figne, le-
feau de ton falut éternel enuers moi. quel nous vous reciterons pour voftre
Car fi les grâces communes, que tu grande confolation , c'eft que ce bon
fais à toutes créatures, mefmes celles
Dieu ,donne
nous en toutes nos deoraifons
la grâce qu'il
faire, vous
qui font hors de moi, me doyuent fer-
uir de cela, à moi di-ie, qui fuis ton met toufiours deuant nos yeux, & en
fils, combien plus celles qui font fpe- nos cœurs l't bouches , mefmes nos
ciales à tes enfans, et que tu fais de- cœurs s'enflamment
uons entendu voftreplus depuis qu'a-
neceffité. Puis
dans & par moi '( D'auantage , elle
n'empefcfiera point que ie ne m'af- que ceft ardeur procède du faind Ef-
feure des promeftes faites par toi à prit, qui gémit ix crie en nos cœurs,
ton œuure en moi ; puis que toutes
c'eft figne que Dieu nous a défia exau- 'faie <>5. 14.
a. Cor. I. 20. tes promen"es ne font Oui & Amen cez pour vous, veu qu'il promet par
qu'en lefus Chrift, lequel tu m'as fait Ifaie de nous exaucer auant qu'ayons
crié.
la grâce de receuoir pour gage, ran-
çon, iuftice A fandification, puisqu'il
a efté fait péché pour moi, afin que
ie fufte iuftice en lui deuant toi. Or,
entre tes promeft'es , en voila vne que Autre lettre dudit Vernou aux nùnij-
Au Pf. 41. tu as faite par ton feruiteur Dauid,
Ires de Geneue , contenant la procé-
(I) Creusions. dure tenue contre lui & fes compa-
LES CINQ DE CHAMBERI.
enons deuant les Jeigneurs du Par- biens & aifances charnelles à la gloire m.d.lv.
lement de Chamberi (i). du Fils de Dieu, à la vie éternelle &
à la vie tant fpirituelle que corporelle
Ie fuis bien marri , trefhonnorez
de leurs prochains,
baigneront tellement
& fouilleront qu'ils
leurs mains
Seigneurs & frères , que mes compa-
gnons & moi ne vous auons peu iuf- au fang des innocens, les vns aperte-
ques à prefent faire entendre de nos ment, les autres couuertement ; les
nouuelles, & comment nous nous fom- vns direélement, les autres d'une fa-
mes portez es alTauts qui nous ont
elle liurez par les ennemis depuis mais çondesoblique : quede di-ie
enfans Dieu des innocens.''
& vrais mem-
nos dernières lettres , car ie fai com- bres de fon Fils Jefus. A la miene
bien cela vous euft efté agréable ,
volonté qu'ils eulTent autant de fageft'e
voire & en édification, d'autant plus & d'humanité que plufieurs infidèles ,
qu'en nous euffiez eu plus ample tef- qui fe leueront au iugement contre
moignage de la bonté & fidélité de tels Chreftiens baftards , qui fe for-
noftre Dieu enuers vous & tous les gent un Jefus Chrift de veloux , & vn
fiens , pour y repofer plus coye- Euangile fans croix & perfecution ;
raent (2), & le glorifier plus ardem- qui, au temps de paix ou de quelques
treues, fe vanteront à bouche ouuerte
ment ,tant en aduerfité qu'en profpe-
rité d'eftre de Chrift , mais au temps de
Satan,en ennemi
, la vie mortel
qu'en de
la mort. Mais
la gloire de l'efpreuue & au fort du fait quitte-
Dieu & de noftre commun falut , a ront fon parti deuant les hommes , &
brafl'évntout
cher tel ce qu'il ,a fâchant
oeuure peu pourqueempef-
de là ne demanderont qu'à retirer leur ef-
pingle du ieu , comme l'on dit, iuf-
s'enfuit la ruine de fon règne. Pour qu'à eftre les vrais bourreaux de nof-
cefle caufe il a tant fait par les fiens,
tre Seigneur lefus Chrift , après l'a
qu'on nous a defnué affez long temps triomphante refurredion , en la per-
de liures, ancre & papier. O fi ce bon fonne de fes inembres. Or, cefte com-
plainte me feruira non feulement pour
PèreS. n'euft
fon Efprit pourueu , pardelaces
, au défaut vertuaides
de defcharger mon cœur en voftre giron,
inférieures de nollre infirmité ! Helas puis que de voftre grâce en tout &
nous fuffions accablez de trifteffe par par tout vous vous elles monftrez mes
faute de la nourriture de nos âmes , vrais & fidèles amis , fur tout en l'ex-
nous (di-ie) qui (grâces à Dieu) pre- trême neceffité ; mais auffi elle me
nions auparauant tout noftre plaiiir à feruira d'entrée à vous raconter com-
ouir & lire iournellement cefte fainde ment Dieu nous a gouuernez depuis
Parole & à communiquer aux Sainfts nos dernières lettres ; en quoi vous
Sacremens. Nous eftions , pour vrai , aurez aprobation de ma iufte com-
comme oifeaux en cage defgarnis de plainte, le ne dirai pas tout , car la
pafture. Car iaçoit que la pafture cor- brieueté & du temps & du papier
porelle ne nous defaillift point, toute- m'en empefche. le ne reciterai le fait
de mes frères ; car puis que tout le
fois puis qu'elle eftoit feparee de la
fpirituelle , elle ne nous pouuoit finon temps de noftre audition nous auons
abrutir & meurtrir, non pas de foi, efté feparez, nous reciterons plus ai-
mais par la corruption de noftre na- fément vn chacun de nous noftre fait.
ture fi
remédié , Dieu : loué(comme dit eft)
foit fon n'y euft
Nom. Et Le Mecredi 21. d'Aouft, après que
noftre fentence des galères nous eut
efté prononcée par le Lieutenant du
Il note plu- c'eft vne chofe à déplorer, & qui de
fleurs enten- fait nous a grandement fafchez , que Vi-bailli, enuiron quatre heures après
deurs en ce Satan ait tellement la vogue, qu'il fe midi, ie fus mené deuant Meffieurs
le Chamberi. f^^rue mefme de ceux qui font profef- de Parlement, à la folicitation def-
fion d'eftre fidèles, pour meurtrir ainfi quels le Procureur du Roi auoit ap-
nos poures âmes entant qu'en eux eft, pelé ,tanquam à minima. Le premier
voire nos corps quand & quand , en Prefident me fit iurer fur les Euangi-
forte qu'ils préfèrent leurs offices , les de dire vérité ; mais quand l'eu
aperceu qu'il y auoit vn crucifix , ie
(1) Cette lettre se rapporte encore à la proteftai de ma foi contraire à la leur,
condamnation aux galères, comme les lettres quant au poinft des images. Noftre
de
plusLaborie, Trigalet
haut. Elle doit etêtre
de l'anonyme
aussi de citées
la An
d'août. Rapporteur Crallus m'allégua ce ver- Demande
fet ancien : Nam Deus ejl quod imago notable.
(2) Tranquillement. docet , fed non Deus ipsa. A quoi ie
224
LIVRE SIXIEME.
tai tant qu'ils fuflTent vuidez, fâchant gnent à vne vérité que lEjprit de
Dieu requiert en nos rejponjes (1).
bien fa rufe , qui eftoit d'aller du coq
à l'afne , comme l'on dit. 11 me dilbit
en cefte matière & quafi toutes au- l. "Vernou , A. Laborie , L Trigalet ,
tres :Que nous equiuoquions en faid B. Bataille, G. Tauran , prifon-
(voila les mots) Ot failions acroire niers de noftre Seigneur JefusChrift,
aux miniftres de Geneue , & à tous
qu'ils difoyent ce qu'ils ne dilent pas.
nos bien-aimez frères au Seigneur :
Ledit CralTus amenant le paffage des'
Corint. : Qujji per ignem, &c. , fe Grâce & paix de par Dieu noftre
monftra ridicule iufques à rougir de- Père , & de par noftre Seigneur
uant fes compagnons. Quant à Lu- lefus Chrirt, en la vertu du S. Ef-
ther ie
, lui remonllrai fa lainîte pro-
prit. Ainfi foit-il.
cédure enuers le Pape, & que l'exa-
men de la doârine apartient à vn Pvis que Dieu, par fa mifericorde,
chacun fidèle, &, par plus forte raifon, nous ayant retirez de ce mefchant
à plufieurs pays, à royaumes, &c. monde rempli de fcandales infinis ,
J'auoi bonne enuie de bien acouflrer nous a fait fes vaifl'eaux d'honneur , à
leur Meffe , mais il ne m'en donna le ce que fa gloire reluife en nous pour
C'eft le liure moyen, dont fu contraint de les ren- amener en fon Eglife nos prochains :
des Aportats c'eft bien raifon que mettions toute
de la vérité. uoyer à l'Anatomie de la Meffe, faite
par M. P. Viret (1). Finalement ie diligence , non feulement à nous con-
fus admonneflé "de n'eflre opiniaftre. tregarder de tout fcandale , mais auffi
A quoi ie refpondi que Dieu ne de toute aparence de mal , & au con-
m'auoit tant oublié , à la parole du- traire que nous foyons touchez au vif
d'vn tel zèle de la maifon de noftre
quel i'elloi preft de foumettre tous
mes fens , qu'ils me feroyent plaifir Dieu , que nous foyons comme bruf-
quand ils me monftreroyent qu'en efloi lez & confumez, à l'exemple de Da-
uid, miroir de tous fidèles , ou pluftoft
defuoyé. Et c'eftoit par là où ie
commençai le lendemain mon propos, de noftre chef& capitaine Jefus Chrift
& quafi les mefmes matières que def- par lui reprefenté. Toutefois le diable
fus furent difputees. Le lundi après , a de tout temps , & fur tout auiour-
fufmes appelez , où le Seigneur me fit d'hui, vne telle vogue par le monde,
la grâce de leur remonftrer leur faute,
que , quelque
feruiteurs folicitude
de Dieu de nequ'ayent les
fcandalifer
• en ce qu'ils
dience en vnedonnoyent
caufe de moins d'au-
telle confe-
perfonne, mais d'édifier tous , fi eft-ce
quence, qu'ils ne feroyent en quelque qu'ils n'en fauroyent venir à bout
comme ils deuroyent, comme nous
caufe priuee , en ce auffi qu'ils ne voyons en Abraham, père des croyans,
nous vouloyent pour le moins faire vn
en Loth , Dauid , Rahab , & autres
tel tour qu'on faifoit iadis , & fait-on
encore maintenant es Eglifes refor- fidèles qui font prefque venus iufques
mées, aux hérétiques, c'eft qu'on ne là, tant par la malice de Satan & des
les defgarnilToit point des armures fiens que par l'infirmité de leur chair,
qu'ont les Chreftiens , alTauoir des qu'ils ont quelquefois vfé de moyens
faindes Efcritures , & auffi des autres obliques, & comme à trauers champs,
dodeurs anciens & mefmes des Hures pour paruenir à quelque bonne fin.
de leurs aduerfaires , & en appelant En quoi le Seigneur les a voulu , &
fur ce le tefmoignage de leur propre nous en eux , inftruire à humilité &
confcience, fauoir fi iamais nous auons
crainte ; tant s'en faut qu'il en ait 15
peu déduire vne feule raifon pour nos voulu donner quelque couffin à nof-
defenfes. tre maudite chair , ou occafion de
nous efgayer en moyens illicites, que
pluftoft nous tremblions deuant fa
Epi/Ire commune de/dits prifoimiers ,
enuoyee aux minijlres de Geneue , que, félon l'alliance qu'il
monjlranl le combat que les en/ans daignépuis
abonté, faire auec nous, poures cha-
de Dieu ont eu de tout temps contre rongnes puantes , il nous traite fi hu-
mainement.
les refolutions de la chair, qui repu-
(i) Cette lettre, datée du 2; juillet, devrait
(i) Nous ne connaissons pas d'ouvrage de venir immédiatement après les deux pre-
Viret portant ce titre, ni celui d'Apostats de mières. Le cas de conscience qu'elle sou-
la venté. Voy. une note complémentaire aux lève a rapport au premier interrogatoire des
Notes et corrections, à la fin du ;» volume. prisonniers.
226 LIVRE SIXIEME.
vie, finon à celle condition ; puis que Nom de noflre bon Seigneur & Ré-
de fa grâce il nous a mis en train de dempteur lefus Chrill.
fortir du milieu de celle génération
peruerfe tt adultère, où il ellblafphemé Pvisqu'ainfi eft, matrefchere fœur,
en tant de fortes que c'ell vn horreur, que ne pouuez élire couronnez fans
pour lui aller chanter louanges immor- batailler, il ell bon que foyons fouuent
telles en la compagnie des bienheu- auertis à quels ennemis nous auons à
reux, A vous prions bien fort que, par faire , & quelles font leurs rufes de
vos oraifons enuers Dieu, vous nous
guerre. Et de faiét , c'ell vne grande
aidiez à obtenir celle requelle. Au fur-
plus aufll, quand efcrirez aux Eglifes partie
vn de la conu.
ennemi viiloire, qu'auoir
Tous fauent à bien
faire leà
de Laufanne & de Neufchallel, de les nom des ennemis communs du genre
foliciter à faire le mefme , & les re-
mercier de leur bonne affection enuers humain , & peu ens'efforcent
leurs malices, à conoillre
leur relillant à bon
nous, de laquelle & de la vollre ne efcienl; nul ne les fauroit entièrement
doutons aucunement, mais fommes comprendre , & encores moins expri-
marris que ne pouuons refpondre à mer. Car s'il n'y a que le feul Dieu
icelle, tant y a que nous-nous y ef- qui puiffe fonder la profonde malice
forçons, & fupplions ce bon Dieu de la tionchair , c'ell à dire
du cœur & de tousdelesla fens
corrup-
hu-
qu'il vous recompenfe des biens &
fpirituels& corporels que receuons de mains, qui viendra à bout des rufes
vous tous , comme de nos vrais pères & mefchancetez de ce monde , que
& nourriciers. En quoi certes nous S. lean dit eftre mis en mauuaillié , & I. lean
expérimentons bien la vérité de la de Satan , que faind Paul appelle
Maiih. 10. 39. promeffe du Fils de Dieu , alTauoir auec toute fa bande, affauoir tous ma-
lins efprits , les Principautez , les Ephef. <
qu'il n'y a nul qui ait lailTé maifons, ou PuilTances, les Reéleurs du monde &
frères, ou fœurs, ou père, ou mère ,
ou femme, ou enfans, ou champs, pour des ténèbres de ce liecle, les Malices
l'amour de lui & de l'Euengile, que fpirituelles qui font es lieux celelles ,
maintenant en ce temps-ci il n'en c'ell à dire en l'air.' De nollre part ,
reçoyuc cent fois autant , & au fiecle encores que celle fcience foit trop
à venir vie éternelle. Quand en cell haute pour nous. Il ell-ce que Dieu
endroit, i!t en plulieurs autres, l'auons veut que nous-nous y exercions iour-
trouué lîdele, nous ferions bien ingrats
& vilains, lî nous ne concluyons ce nellement,
nous mcfmes,afin& qu'ellans
defefperezabattus en
de toutes
Pf. 48. iç. qui ell efcrit : •> Ce Dieu ell nollre nos forces imaginaires , nous foyons
Dieu à touliours-mais, il nous con- redrelTez en lui, & vrayement alTeurez
duira iufques à la mort. » Par ce que en fa puiffante main. Or, entre les
deffus pouuez iuger en quelle difpo- afluces infinies du diable & de nos
autres ennemis qui lui feruent comme
fition nous
grâces à nollre fommes quant à l'efprit ,
bon Dieu. d'inllrumens, celle-ci efl bien à noter,
& le Seigneur vous y adiourne de plus
S'ensvivent autres lettres confola-
près que iamais par les afllidions qu'il
toires, extraites de celles qu'ils ont continue de vous enuoyer; c'ell que
efcrites en particulier vn chafcun à de quelque forte que ce bon père
leurs parens, femmes & amis. traide fes enfants pour les aprocher
de foirecueillis
tout , iufquesen à fon
ce royaume
qu'il lescelelle,
ait du
Dieu nous enuoye des maux, ou pluf- afflidion, fentans que c'eft que de m.d.lv.
tofl des médecines propres à la gueri- l'ire Diuine, pourdes
peu reprouuez,
qu'ils en gouf-
fon de nos maladies fpirituelles , voici tent au regard (qui
Satan qui nous voudra faire acroire fans fin feront accablez de tourmens
que ce bon Père nous hait , & par ce efpouuantables & incomprehenfibles)
moyen murmurer & grincer les dents ils remercient d'autant meilleur cou-
contre lui, comme eftant vn cruel tyran. rage ce bon Sauueur qui les a deliurez
Ainfi, félon le dire de noftre partie ad- d'vn tel gouffre, beuuans en leur lieu
uerfe , qui eft le père de menfonge , le calice adetellement
l'ire du Seigneur,
iamais Dieu ne nous aime , comment mefmes fandifié & &bénit
qui
qu'il nous traiâe, quoi qu'il nous face. leurs miferes en fa croix, qu'elles
Pvis donc que nous conoiffons leur apportent tout bonheur, entant
qu'il eft fi rufé menteur, par la parole qu'elles les inftruifent à plus grande
de Dieu, qui eft la vérité mefme; puis repentance , humilité, foi, reconoif-
fance de la grâce de Dieu & de fa
qu'après auoir promis à noftre Père vertu au milieu de leurs infirmitez ;
Gen. ?. ç. Adam tout
rendu qu'il auferoit égal femblable
rebours à Dieu , àil foi
l'a elles les defracinent des vanitez de ce
mefme, l'attirant en vne mefme per- monde pour les faire repenfer plus foi-
dition : gardons-nous bien de le gneufement à cefte vie bien-heureufe,
croire, & que les miferes infinies , & y tendre de plus grande affedion ;
lefquelles nous fentons en nous , & elles les rendent conformes à leur
voyons aux autres par le menfonge de chef noftre Seigneur lefus, non feule-
ce menteur, nous rendent fages pour ment en ce qu'ils fouffrent & meurent
comme lui , mais auffi en ce que, par
l'auenir. Et afin que le puiffions faire,
prions fans celTe le Seigneur qu'il nous ce moyen, il leur communique fa fandi-
defpouille de noftre iugement charnel, fication, à ce qu'ils foyent fainds ainfi
& qu'il nous en donne vn fpirituel par qu'il eft faind, & que par ces deux
lefus Chrift, qui l'a receu auec toutes voyes, aftauoir de la croix & de fainc-
grâces pour le nous communiquer. En teté, ils entrent auec lui en cefte ioye
après efcoutons-le parler à nous en celefte & vie éternelle. Voila des
fes faindes Efcritures, qui font lettres fruids excellens qui nous reuienent
de cefte bien-heureufe croix. Mais,
qu'il nous enuoye d'enhaut pour nous
retirer des menfonges du diable , & fuyuant
nous amener en toute vérité. Or là il nous fautl'admonition
demander de S. Jaques
à Dieu , il Ch. i.
cefte fa-
nousdeclare que quoi qu'il nousauiene, geffe, affauoir que nous fommes heu-
onoiilre que en premier lieu nous regardions tou- reux, & qu'il n'y a matière que de
es affligions fiours à lui , nommément quant aux ioye, quand nous tombons en diuerfes
viennent de afflidions, qui femblent peu conuenir tentations & miferes. Lors, en defpit
Jieu eit vne , , ^ ^ j- l- 'ai de noftre chair, nous conclurrons auec
fouueraine ^ '^ nature, que nous lâchions qu a la
Dauid : « Seigneur, il eft bon que tu pf. 119. 71.
:onfoiation. vérité c'eft lui qui les enuoye; non pas
pour plaifir qu'il y prenne, mais pour m'ayes humilié & affligé, afin que
donner quelque petit gouft aux hom- i'aprouue tes ftatuts. » Si vn tel perfon-
nage en a eu befoin , combien plus
mes, de ce qu'il monftrera manifefte-
ment au dernier iour, aftauoir qu'il eft nous? Je vous prie, quelle noncha-
iufte Juge du monde, aimant à bon lance ya-il en nous à conoiftre & faire
efcient la iuftice, & hayffant mortelle- ce que le Seigneur nous commande }
ment l'iniuftice ; tant afin de rendre Mais pluftoft quelle beftife coniointe
auec vn merueilleux orgueil , pour
d'autant plus inexcufables lesinfideles,
que pour le grand profit des fidèles. contreroller (i) Dieu en fon parler, &
Car il leur protefte qu'il ne les afflige auec vne grancle rébellion , pour nous
pas pour haine qu'il leur porte, ains rebecquer (2) contre lui, & mefmes lui
au contraire pource qu'il les aime tant faire la guerre? quel mefpris de noftre
& plus (tefmoin fon Fils qu'il a plongé Seigneur Jefus Chrift ? quelle ingra-
aux abyfmes de toutes leurs miferes titude ?combien fommes-nous tranf-
pour les en retirer) ; il veut auffi par les portez par les vanitez mondaines de
afflidions qui font les fruids de péché, la méditation de ces biens celeftes ?
les amener à vne vraye haine de pé- Ceux qui ont le mieux profité, fentent
ché, & par ce moyen les faire recou-
rir plus ardemment à la grâce de nof- mieux ce que ie di , & en gemift'ent
tre Seigneur lefus Chrift , pour en
(1) Contrôler, contredire.
eftre par lui deliurez. Il veut qu'en (2) Nous révolter.
210 LIVRE SIXIEME.
noflre afairc, quelques moyens que ne faire rien fans lui; pren vn homme
les hommes ccrchent. Par ainfi ie te qui ait la crainte de Dieu , ou ne te
prie de prier inceiïamment Dieu pour marie point. Mais ie croi que le Sei-
gneur te pouruoira, comme il conoit
nous, afin qu'il lui plaife nous donner
vne confiance inuincible , pour para- efire expédient. Prie-le donc auant
cheuer l'œuure qu'il a commencée toutes chofes , & repofe-toi fur fa
Defir de en nous. Quant à moi, ie te puis bien bonté. le l'ai prié , & le prie incef-
mourir pour la alTeurer que ic ne defirai iamais bien famment pour toi. Tu fais comment
querelle du nous-nous fommes aimez tout le
Seigneur au monde de fi grande affeélion . que
ic defire de mourir pour cefic querelle,
temps qu'il demeurer
nous faire a pieu à ce bon Dieu
enfemble. Sa
s'il piait à Dieu m'en faire la grâce ;
& y fuis (grâces à Dieu) tout préparé, paix a refidé toufiours au milieu de
& croi qu'il n'y a aucun de mes bons nous , & tu m'as grandement obéi en
toutes chofes. Je te prie que tu fois
frères & compagnons qui n'en puiffe trouuee toufiours telle, ou meilleure,
dire autant. le t'cfcri ceci, afin que tu
conoiffes & fentes au vif les grâces auec celui à qui Dieu te conioindra;
que Dieu nous fait. Et te prie de tout & Dieu fera toufiours auec toi , & en
ta race. Remémore fouuent les com-
mon cœur, que tu t'employes à le co- mencemens que tu as eu de moi
noiftre & confidcrer tout le temps de
ta vie; & monftre que tu as eu vn
mari qui eft enfant de Dieu. Et garde- (combien
mon deuoirquequeie ien'aye pas &faitcontinue
pouuoi) fi bien
toi que cefte fentence que lefus- toufiours de bafiir fur iceux , afin que
Chrifl a dite n'ait lieu en toi, alTauoir : de plus en plus tu aproches de Dieu.
Matth. 24. 40,
Que deux font en vn lid , & l'vn fera Si ton père eft auerti de ma mort,
41. prins de
uaille & tout l'autre ton delailTé. Mais tra-
cœur à conoiftrc & ie ne doute pas qu'il ne te vienne
quérir, pour te remener à la Papauté;
aimer la feule volonté de Dieu, pour mais ie te fupplie, au Nom du Sei-
y obéir toute ta vie ; exerce-toi à le gneur&, de tant que tu dois aimer
craindre & reuerer , reconoiffant les
ton falut , que tu ne l'oyes point ; re-
bénéfices que tu as receus de fa pure poulVe-le, & tien-toi aux grâces que
grâce, afin que tu demeures fa fille, Dieu t'a faites, de t'amener en fa
comme ie t'ai toufiours conue efire maifon. Helas I pourete , ne ferois-tu
marquée de lui pour telle , & qu'vn pas mal-heureufe, de lailTer la maifon
iour nous-nous puiffions voir enfem- de Dieu pour retourner au diable .- O
ble en la gloire à laquelle lefus Chrift quelle perdition te fuyuroit ! pluftoft
nous appelé.
fufi"es-tu abyfmee.
almerois Mais iecomme
mieux mourir, croi queil tu
te
Tv fais que tu es ieune, & par ainfi
eftant priuee de ma compagnie (fi ferolt plus expédient & falutaire ;
Dieu le veut ainfi pour nofire grand toutesfois prie Dieu qu'il te fortifie
bien^ confole-toi en lui, & pren lefus par fon faind Efprit. Mes père &
Chnfi pour ton Père & mari, iufques mère auffi tafcheront de recouurer
à ce qu'il t'en ait donné vn autre : & nofire petite fille , pour l'emmener
auec eux; mais ie te prie, & te com-
ie fuis certain
defolee, mais qu'il ne te lain"era
pouruoira point
à tes afaircs mande au Nom du Seigneur, que tu
mieux que lu ne faurois defirer. ne permettes vne telle mefchanceté,
Prie-le donc infiamment , aime-le ,
crain-le & de bouche & de faifl ; fré- pour quelque, que
le protefte chofe iequ'il t'auiene. Car
demanderai fon
quente les prefches, fui mefchantes fang deuant Dieu, d'entre tes mains ,
compagnies , & aime la compagnie de & que tu refpondras de fa perte , fi
ceux qui ont la crainte de Dieu. Ne elle fe pert à ta faute. Doncques pour
fai rien de ta tefle, mais par le confeil l'obeiffance que tu dois à Dieu, &
de nos amis , lefquels tu as conu te
d'autant que tu es fa mère, d'autant
Il donne porter suffi bonne volonté qu'à moi- auffi que tu m'aimes comme ton mari
mefme. Et fingulicremcnt de monficur «& fon père, ie te prie que tu la faces
confeil h (a bien infiruire en la crainte de Dieu ,
femme com- Caluin , lequel ne permettra point
ment clic (c que tes afaires aillent mal , fi tu te
incontinent qu'elle fera en aage pour
doit conduire. renges à fa volonté: tu le dois faire,
ce faire. J'eufi'e efcrit à ton père c*t à
& ic t'en fupplie. Car tu fais qu'il cfl mes perc & mcre trefvolontiers; mais
conduit par l'Efprit de Dieu. Qiiand ic n'ai ne papier ni ancre que ceci, &
lu te marieras (comme ie te le con- fi n'en puis recouurer. le te prie leur
feille) ie te prie prendre fon suis , & mander tout ce qui eft auenu de moi
LES CINQ DE CHAMBERI.
I
2H
LIVRIi SIXIEME.
oublies. Tu pourras remémorer ce tûmes à me voir comme mort, il ne te
fera rien dur de receuoir la nouuclle
queneic tet'aiferai
ie efcrilaucune
par ci-deuant,
mention. dequoi
le ne quand elle viendra à ce coup, (i Dieu
me fafcheroi pas de t'efcrire plus au le permet ; & fi feras grandement for-
long , comme ie defire ; mais ie ne
tilié à l'auenir, pour porter ce qu'il
puis,
loifir, car ic n'ai
pource quepapier ni ancre,
fommes ni
fort fou- plaira à Dieu t'enuoyer. Pour t'aider
à cela
de , ie te vefue
la bonne prie Ruth
méditer l'exemple
, leauel fi tu
uent vifitez, & n'efcriuons qu'à la def-
robee.
n'entens, le frère V. ou quelque au-
tre ne refuferont te le déclarer. Tu
trouveras, en cefle fainde hifioire, Voyez le lii
I
que dela bonne femme Ruth eflant pri- «^c Ruth
En cefie Epijirc , Laborie admonnefte uec fon mari par la mort , après
sa femme de s'acouDitmer à le voir auoir renoncé au pays de fa natiuité ,
ou conter pour morl, &, à l'exemple it à tous fes parens idolâtres pour fe
de Ruth & de Moyfe, Je commettre retirer en la terre où le Seigneur ef-
au Seigneur (i). toit adoré, ayant illec fuyui fa belle-
mere Noemi, à caufe de leur poureté,
Anne, ma bonne fœur, j'ai rcccu fut contrainte la bonne Ruth d'aller
tes lettres du quinziefme de Septem- glaner aux champs pour la nourriture
bre, auec la toile t^ chaulTes que tu de fa dite belle-mere & d'elle, fe
m'as enuoyees par le frère O. Je te commettant en toute patience au Sei-
remercie, ayant plaifir de ce qu'as eu gneur, lequel elle print pour fa garde.
fouuenance de moi mefmes au temps
Or le Seigneur ne l'abandonna point,
du froid qui nous alTaut de bien près. ains la pourueut fi bien , que la don-
Mais encores i'ai eflé plus aife d'auoir nant en mariage à Booz, de leur li-
entendu par ta lettre les grâces que gnée iffit le prophète & Roi Dauid ,
Dieu te fait ; car en cela ie voi le t^' après nofire Seigneur Jefus Chrift.
fruiél des prières que fai pour toi, à Par cela (di-ie) tu peux voir comment
fuis incité à lui en rendre grâces , le Seigneur
comme ie le fai inceiïamment. Tu mettent Alui traitte
du tout.ceux qui fe com-
m'as mandéde par
nouuclles ma ladite lettre que à les
condamnation la Ie croi ; bien que la que
poureté
pouuantc mais regarde celui t'ef-
qui
mort te furent dures de prime arriuec, te prend en charge eft plus riche que
& vn breuuage bien amer ; ie n'en toutlailTe
te le monde. Penfes-tu
auoir faute de riendonc qu'il
? Certes
doute pas , conoilTant ta foibleiïe ,
pour A laquelle refifler , ie te prie, non , pourueu que tu te fies en lui :
ains te fera abonder en ta neccffité ,
veu qu'il y a défia long temps que tu
dois eftre exercée par ma prifon , & plus que tu ne pourras comprendre ;
aucrtie dés le commencement de l'if- car ce que nous auons (Dieu merci)
Noic ccflc lue d'icelle qui eft la mort, qu'il ne te abondé iufqucs ici , n'ayans eu faute
cfpecc de fouuienne plus de moi comme eftant de rien , n'efl point venu de moi qui
confolaiinn. ^^^ ^^^j _ ç^ ^_^ ^.^.j, ^^ ^^ regardant te fuis ofté , mais de Dieu avec qui
deuant tes yeux tout bruflé, voire ré- tu demeures. Qu'il te fufiife donc
duit en cendres, & par ce moyen n'ef- que celui derineurera
viendra d'où tout bien
auec nous
toi &vient A
ne te
tant plus coniointe à moi , finon du
lien de charité fraternelle par laquelle laiffera point ; & défia il te fait fentir
tu dois prier pour moi, tant que Dieu
me fera habiter ici bas en ce corps l'expérience de fa bonté deuant le be-
miferable. Que tu te retires dutout A foin ; car auant qu'eftre contrainte
d'aller glaner comme la bonne Ruth ,
noflre bon Dieu , gardien des vefues.
il t'a fufcité non pas Booz, mais vn
Car outre ce que ce fera contre mon grand nombre defquels ie te mandai
efperance dernièrement vn rolle , pour te monf-
res que le ,Seigneur
fi je fors nous
hors face
d'ici ce
, enco-
bien trer que Dieu eft véritable en fes
de me referuer pour ce coup, i'efpere promelTes , lefquelles il te fera fentir
tant en lui, qu'il me fera cefl honneur plus viuement au befoin. Quant à ta
par fa grâce, de me faire pafTer le pas fille , il en a autant foin comme de
vne autre fois. Si donc tu t'accouf- toi ; car par fa Diuine prouidence , il
fe monftre bien eftre père des orphe- de
(i) Ecrite probablemenl vers la fin de sep- Movfe.
lins. L'exemple de Moyfe te doit fuf- L'exemple
icmlirc.
fire pour toute confirmation : corn-
LES CINQ DE CHAMBERl.
Exode 22. ment crt-il abandonné .■■ Il n'eft pas fon , ne pour mort , ou quelque tour-
feulement orphelin, mais abandonné ment qui me feuft aduenir ; ains me
de père & de mère , eft mis es eaux
comme à la defefperee. Cependant deleéle & refioui en iceux d'vne plus
la bonté paternelle de noftre Dieu grande ioye que i'aye iamais fenti,
grâces au Seigneur, & fuis quelque
veille pour celui qui ne le conoit fois contrifté que ie ne fuis détenu
point, le fait tirer de là par la fille de plus eflroitement iS: en plus grande Laborie
fouhaite lieu
Pharaon, & l'exalte pour eftre con- deftrefle pour noftre bon Dieu , afin
dufteur des enfans d'Ifrael , en la de- d'eftre plus incité à le glorifier , & me plus eltroit.
retirer du tout à lui. Non que ie
liurance d'Egypte. Regarde donc la
prouidence de noftre Dieu, & conoi vueille dire que ma chair ne me donne
que fa puifTance des alïauts bien grans; mais quelques
encore moins fa n'efl pas enucrs
bonté diminuée,
les
fiens. Contente-toi que tu es marquée alTauts que i'aye
prit fe trouue (grâces
prompt à Dieu) l'ef-
& vidorieux par
pour vne de fes filles , & moi pour delfus fans grande refiftance, telle-
fon enfant ; noftre enfant ne fera point
ment qu'ayant roulé tous mes afaires
à autre qu'à lui , car il eft Dieu de fur le Seigneur, fuis tout preft d'en
nous & de nos enfans , voire noftre
Dieu éternel. Et fur cela affeure toi receuoir ce qu'il lui plaira m'enuoyer;
& foit pour la mort , ou pour la vie ,
qu'il fe monflrera tel enuers toi & ie fuisde certain
force qu'il meà donnera
me foumettre fa volonté;la
enuers ta fille, qu'il s'eft monftré &
à Ruth & à Moyfe, & à tous fes Gen. ;8.
fidèles. ayant expérimenté en moi la promeft'e
qu'il fit à lacob, difant : « Voici ie
fuis auec toi & te garderai par tout
QvANT à moi, ie m'afleure que toi
& ta fille ferez encores plus riches où tu iras ; » & puis il adioufte : « Car
ie ne te delaifferai point, iufques à ce
après ma mort que n'eftes , car vous
ferez héritiers du bien que Dieu me
fait, à moi pour vn troifiefme, & vous que i'ayeie fait
Parquoi vousce prie
que, tant
ie t'ai
vousdit.que»
tous mes autres bons frères , que
le rendra, & beaucoup d'auantage,
après ma mort , car il eft fidèle. Et ie n'ayez aucun fouci de moi , finon de
te prie de bien imprimer cela en ton rendre grâces à noftre bon Dieu pour
cœur, afin que, fi tu venois à mourir,
tu ne tombes en desfiance pour ta moi, lité&fur moi
le prier qu'il àcontinue
iufques fa fidé-
la fin , comme
fille, laquelle & fans toi & fans moi incefl"amment
Il eft bien ie vrai,
le prie& pour
ie vous
vous tous.
veux
fera plus riche qu'auec nous , fucce-
dant aux bénéfices que Dieu nous a
familièrement communiquer , que i'ai
diftribuez par fa grâce. Seulement , efté grandement en peine, pour deux
chemine deuant Dieu fans feintifc. & chofes , depuis que fe fuis prifonnier Antoine La-
inftrui ta filleleendemeurant.
lui remets la crainte d'icelui,
Me fiant& pour le Seigneur; en peine
de l'vne defquelles '^«"echofes.
Dieu par fa grâce m a deliuré auec
donc que tu auras fouuenance de tout pour deux
grand contentement,
me tient & enmonl'autre
encores pour grandil
ce quederaiie& toi
t'ai& efcrit,
ta fille ieentre
te recomman-
les mains
bien. C'eft qu'en me voyant enui-
de celui qui a plus foin de vous que ronné & quafi accablé des grandes
ie ne faurois auoir. bontez de noftre Dieu , ie conoi en
moi tant de lafcheté & refroidilfement
à les reconoiftre, que rien plus; &
outre ce que ie fuis tant ftupide, le
Autre lettre dudil Laborie à vn fien
ami, auquel familièrement il déclare me voi rempli
corruption que iedenetant d'infirmité
lai dequoi &
ie puis
les fecretes méditations de fon cœur, feruir au monde ; qui eft caufe que
& les confolations intérieures de fon i'aprehende plus volontiers la mort ,
ame.
grâces au Seigneur, reconoiftant le
QvANT à mon eftat , Frère , & aux grand
ce bon bien
Dieuquemece deliuer
me fera,de s'il
ce plait
corpsà
grâces que Dieu me fait , comme au- miferable. Car fi Helie a requis le I. Rois 10. 4.
tresfois vous ai dit & mandé , ie vous
'puis encore maintenant aft'eurer à la Seigneur de le prendre , difant qu'il
n'eftoit meilleur que ceux qui l'auoyent
vérité que ce bon Dieu m'affifte telle-
ment de plus en plus, que iamais ie précédé, que doi-ie dire moi mifera-
ble, rance.' de toute iniquité & igno-
rempli Helas!
n'ai gémi ne pour liens , ne pour pri- Frères, ie vous fupplie
2J6 LIVRE SIXIEME.
tous,
le me priez Dieu pour
face encore mieuxmoiappréhender,
, afin qu'il voftre adoption ; voyans qu'à la vérité
pouuez protefterd'eftre du nombre de
fi que i'en puifTe recueillir le fruift ceux
« Ayez aufquels parle des
mémoire l'Apoflre. difant ,
prifonniers : f^^j,
qui sy prefenie
tellement ; & & qu'il
efueiller me de
releuer vueille
ma comme fi vous eftiez emprifonnez auec
eux; & de ceux qui font affligez,
(lupiditéfices, ,ie lui
qu'en confiderant
rende grâces fes béné-il
comme comme vousmefmes auffi l'eftans en
apartient, car c'efl le poind où ie perfonne.» Or loué foit noftre bon Dieu,
trauaiile encores. Quanta l'autre, i'ai que vous l'auez monflré aftez ample-
elle vn temps en grande triftelTe, de ment ,donnant tefmoignage par cela
voir tant de gens de bien fe trauailler que véritablement eftes membres de
pour ma deliurance, & faire fi grande noftre Seigneur Jefus Chrift. Ce que
defpenfe pour moi ; voire pour moi
voyant
receu vneau grande
milieu ioye
de ma triften"e , i'ai
& contentement
qui, comme i'ai dit, ferai inutile après
eftre forti, fi Dieu n'y pourvoid par fa en ce qu'auez fait , non tant pour le
grâce. Mefme en confiderant que, fi
foulagement & bien que i'en ai receu
le Seigneur ne permet que les moyens (duquel ie ren grâces à Dieu & à vous)
ne feruent à telle fin que vous préten- comme pour les caufes fufdites. Et à
dez ,que ce feroit vne defpenfe per- cefte caufe ie vous prie au Nom de
due &, grande afflidion & tourment
pour vous. Et en cela ai-ie tellement Dieu , puis qu'il vous faut fentir que
vaut le lien de la charité, & l'exercice
trauaillé que ieuffe voulu ne vous
d'icelle, que vouscontinuyez toufiours,
auoir iamais conu , afin que ne vous non enuers nous, car c'eft aftez, Dieu
fuffiez en rien méfié de mon empri- merci; mais enuers tous autres, con-
fonnement. fiderans que tous fommes vn corps en
Apres la Mais ce bon Dieu qui ne laifîe pas Chrift, & membres les vns des autres.
deftrerre il fent les fiens longuement en dcfirelTe , me
Ion efpnl c. n t • o Car vous n'auez point les biens de
redrelré. "' êfleuer mes yeux vers lui , & co- vous , mais de Dieu qui les vous a
noiftrc que ce n'efloit de fe
vousfaifoit
ne pour donnez. Or ne le vous a-il pas donnez
moi feulement que cela ; de
pour fait
vous vousfeoir
faireplus
aft"eoir
haut detTus; car esil
, affauoir
vous, di-ie, d'autant qu'il befongne
tellement par vous, qu'il eft bien fa- lieux celeftes en Jefus Chrift. Voulez-
vous donc derechef venir en bas.>
cile de iuger qu'il y a mis la main, &
que c'eft vn ouurage du Seigneur; & Non, mes frères, ie vous prie; mais
ie di auffi pour moi feulement , de ce regardans toufiours plus haut, vfez des
que foit que le Seigneur me retire à biens que Dieu vous a donnez, félon
foi, ou qu'il me donne à vous, voflre fa volonté. Et faites tout ainfi que vof-
charité de laquelle m'auez fubvenu ,
reuiendra grandement à la gloire de Dieutre ,Eglife,
cellequiqui
eft auiourd'hui, grâcesduà
reluit au milieu
noftre bon Dieu ; mefmement en ce monde plus abondamment en la pure
que vous aucz efié caufe que, non feu- prédication de la diuine Parole, &
lement laconfeffion de noftre foi, mais vraye adminiftration des Sacremens ,
auffi voflre charité, fera prefchee iuf- elle puifte auffi tellement reluire par
ques aux oreilles du Roi A de plu- vos œuures en toute charité , que la
fieurs autres , à la condamnation des
vns & au falut des autres , dont les clarté d'icelle n'efblouift"e pas feule-
ment, mais creue les yeux du tout à
mcfchans qui tafchent de blafmer ce maudit Antechrift Romain & à tous
fes membres , A mette tellement bas
l'Eglife de Geneue , la priuant fauffe-
ment de charité, auront encor plus de fon règne , que noftre feul chef & ca-
confufion en eux, voyans vne fi admi-
rable charité de laquelle auez vfé en- pitaine lefus Chrift puift'e régner feu!
tt par tout.
uers nous; laquelle fait A fera autant Le Seigneur Dieu vous en face
ou plus de fruifl que noftre confeffion la grâce, À vous recompenfe de tous
de loi. Et ie ren grâces A ce bon Dieu,
oui me fait voir le fruid de tous les les biens que me faites. Car c'eft ce-
lui qui rend le falaire de tels bénéfi-
deux défia deuant mes yeux . auant ces, non en efgale portion, mais en
que de mourir. Et puis il vous en fe- centuple. Frère, ie vous prie me faire
ulent àtous un grand profit; car en ce bienà ,tous
de mes
fairebons
mes amis,
recommanda-
cela auez-vous vn tefmoignage ample tions frères & '
que
vous, l'Efprit
& u fait de Dieu les
produire befongne en
fruiâs de fœurs , lefquels ie baife d'vn faind
baifer, & les prie qu'ils ne foyent faf-
LES CINQ DE CHAMBERI.
chez fi ne leur efcri à chacun comme
r
ie defireroi. Il leur plaira fe contenter ritucl de la chair & de l'e/prit, & la
félicité que nous auons par la mort.
de la prefente, laquelle ie vous prie
leur communiquer , car parlant à vous, La diledion de Dieu noilre Père, &
ie parle à tous. Je les prie au Nom la grâce de noftre Seigneur Jefus
du Seigneur , qu'ils m'efcriuent pour Chrift, auec la communication du
m'apprerter à ma départie que ie l'en S. Efprit, demeure toufiours en
prochaine. J'enten qu'ils m'admonnef- vous, Ainfi foit-il.
tent à la mort, fans plus faire mention
de deliurance , à laquelle ie fuis con- Mon père & frère en noftre Sei-
tent de ne penfer point, car fi , en la
gneur Jefus du
tres datées Chrift, l'ai receu devosJuin
dixhuitiefme let-,
penfee de la mort, le Seigneur me fur-
prend par ladite deliurance, tant plus efquelles efcriuez auoir efté efbahi, de
aurai-ie matière de glorifier, d'autant ce que ne vous auois efcrit comme
qu'il m'aura relTufcité d'entre les dor- mes compagnons auoyent fait à leurs
mans , auec lefquels ie fuis content amis , & que craigniez que fulTe en
de repofer en efprit, attendant la re-
uelation du Seigneur. Car combien plus grande
caufe, deftrelfe.
mais que Ce n'a
fus occupé efté la
à doubler
vne requefte que nous enuoyafmes,
que (Dieu merci) i'aye aprehendé car tous trois eftions liez enfemble
iufques ici la mort pour la receuoir de
bonne volonté , ie ne me puis pour- d'vne chaîne. Quant à la trifteffe que
dites auoir eu plus grande que de
tant rien promettre pour l'àuenir , veu
la grande infirmité & foiblelfes def- chofe qui vous foit auenue en vos ad-
quelles ie me fens enuelopé. Et fi uerfitez, & ce félon la chair, ie le croi
Phil. bien ; auf fi ai-ie conu toufiours par ex-
12. & S. Paul protefte qu'il ne fe repute
point encore l'auoir appréhendé, pour périence que m'auez porté affedion
paternelle, dont vous remercie. De la
eftre parfait , mais qu'oubliant les cho-
fes qui font en derrière, il s'auançoit ioye que dites auoir eue félon l'efprit,
aux chofes qui efloyent en deuant, ayant confideré l'honneur que ce bon
pourfuyuant le but propofé au prix de Dieu nous a fait, de nous auoir appe-
la fupernelle vocation de Dieu par lez pour la confeffion de fon Fils Je-
JefusChrift; ie doi bien reconoiflre fus , en cela ai-ie aperceu la vraye
vne plus grande foibleffe en moi, & amour & affedion Chreftienne ; & vous
par ce moyen fans auoir efgard à ce en remercie, vous priant & exhortant
au Nom de noftre Seigneur Jefus que
que i'ai fait iufques ici (linon pour re- perfiftiez en ce bon & faind propos;
conoilire la bonté de Dieu) ie me doi
fortifier toufiours pour pourfuyure ma & priez le Seigneur pour nous, que,
comme il nous a donné la force &
courfe iufqu'à la fin. A quoi vos lettres, vertu de commencer bonne bataille,
exhortations , & faindes prières me
feruiront grandement , comme elles il nous donne la grâce de perfeuerer
m'ont ferui iufques ici, grâces au Sei- iufques à pleine vidoire , pour rece-
gneur, le vous fupplie donc derechef uoir après le triomphe & couronne de
m'en faire participant, fi en auez au- gloire qui nous eft préparée aux cieux,
cun moyen. Frère, ie fuis bien aile de par noftre chef & capitaine, noftre
la benedidion que Dieu vous a fait Seigneur lefus. A quoi nous afpirons
expérimenter, & à la fœur voftre de plus en plus , & de iour en iour
femme (à laquelle de bon cœur me noftre defir & afTedion d'y paruenir
recommande, & à fes prières) vous s'augmente par la grâce de ce bon
donnant vn fils, & encore plus aife Sauueur & Rédempteur Jefus. le di
qu'il foit appelé Abraham. Dieu lui en vérité que l'Efprit La certitude
teur intérieur de nosde confciences,
Dieu, doc-
face la grâce d'ertre à la vérité fils
d'Abraham, pour l'enfuyure en foi & nous rend vn tel tefmoignage de noftre qu'ont fans de lesDieu.
en-
obeilTance , afin qu'il vous férue de eledion, vocation , & adoption , de la
baflon & confolation en voftre vieil- remiffion de nos péchez, de noftre re-
lelTe. conciliation &iuftification par la mort
& refurredion de noftre Seigneur Je-
fus ,qu'onques
conoilfance de falut
de mon ma vie n'eus telle
& alTeurance,
Extrait des lettres de lean Trigatet à
par les leçons & fermons que i'ai ouïs
J'on beau-pere, par lejquclles on peut en fon efchole, que l'en fens en mon
voir reprefenté au vif le combat fpi- cœur par expérience en cefte pratique
LIVRE SIXIEME.
2j8
temps A les receuoir. Or bien, quoi
& probalion d'ulflidion «S: pcrfccution ;
de forte qu'il me larde, quand ie fe- qu'il en foit, Dieu & Père de noftre
rai hors de ce corps de péché, & re- Seigneur Jefus Chrift , duquel nous
fommes prifonniers , nous fera la
ueflu d'vn corps glorieux. Il eft bien grâce de glorifier fon faind Nom &
certain que ce n'efl pas fans grande édifier fon Eglife , foit que nous paf-
bataille de la chair contre l'efprit ; de
forte qu'efl lions par feu ou par eau hors de ce
fenlence : vrai ce que contient celle miferable & damnable monde ; foit
que viuions, nous viurons en lui, foit
Ce corps lié demande fa rançon , que mourions , nous mourrons pour
lui A en lui, comme il eft efcrit :
Le veutIrcfcher
Mon laisser,pcic,
commeiV l'clpril au contraire
vnc orde(i) prifon,
Ij'vn icnd au monde, & l'autre a s'en dif- ■' Bienheureux font ceux-la qui meurent
au Seigneur. " O mort iieureufe, repos Apoc. 14. i),
[traire :
C'eft grand' pilii que de les ouir braire. de tous trauaux A paflage de la vie
— Ha, dit le corps, faut-il mourir ainfi^
— Ha, dit rclpril, faut-il languir ici •■ mortelle à la vie immortelle, par la-
— Va, dit le corps, mieux que loi ie fou- quelle niort nous entrons en pleine &
parfaite pofleffion de la gloire immor-
— Va, dit l'efpril, tu faus & moi auffi :
Ihaite
Du Seigneur Dieu la volonté foit faite (2).: telle, qui éternellement nous efl ac-
quife & préparée par nortre chef &
capitaine Jefus Chrift! Il nous a mis
Voila la vidoire que le Seigneur comme fes membres en la voye par
nous donne par la vertu de fon Efprit, laquelle il efl monté en cefte gloire.
après auoir longuement combatu ; de Et à celle caufenous refiouilTons-nous
forte que nous nous rengeons à la vo- en nos affliftions de peu de durée,
lonté de noilre bon Père , remettans
lefquelles ont vn grand poids de
le tout en fa main, efperans que, gloire à venir, dont fommes eftimez
comme en celle vie caduque il s'efl du monde fols& infenfez ; mais nous-
monllré fidèle gardien de nos corps &
nous contentons d'eflre ellimez de
âmes, qu'il le fera auffi en la vie ce- Dieu fages de la fageHTe de fon Ef-
lefle. le le fupplie au Nom de fon prit ,laquelle les hommes aueuglez
Fils Jefus , qu'il nous maintiene en par Satan A les impoflures 1% trompe-
celle foi A efperance iufques au der- ries de r.'\ntechrirt fon fils, eflans clef-
nier foufpir de cède vie. tituez des yeux de la foi, ne peuuenl
Quant à ce que nous efcriuez du aucuneinentaperceuoir ni comprendre.
voyage de Marfeille (^) , nous vous Difons donc, ni(Mi bien-aimé père,
en auons efcrit ; >& poffible que fi tous deux enfemble auec tous les fidè-
le prefent porteur ne vous apporte les :
les lettres , ne tarderez pas long
A toi , Seigneur, foit tout honneur & gloire, C"e(l la fin
Fai nous ce bien d'auoir touliours mémoire mifc au Pf. 120
(ij Sale.
(2) Ce di.xain est de Clément Marot. Il De tes biensfaits, tant en aduerfité, chanté à
figure, sous le n" XXXVIII, dans ses épi-
Comme en profperité (1). Strafbourg.
grammes (t. III , p. 18 de ses CEiivrcs, édit.
Pierre Jannet, Paris, i87i). 'I y porte la Ayons toufiours & au cœur & en la
date içu, el est adresse à Pierre Vuyard.
M. Henri Bordier , qui le cite dans son bouche cefte fainde requefte. afin que
Chansonnier huguenot {p. ;68), n'a pas re-
marqué que c'est une œuvre de Marot, et (i) Ce psaume CXX ne figure pas sous
l'a emprunté à un Recueil de plusieurs chan- cette forme dans le psautier de Marot.
sons spirituelles tant itieitles que nouvelles ,
publié en 1;^; , l'année même du martyre Comme
la fin mifcuneau note Pf. marginale
120 chanté l'indique, « c'eft»
à Strafbourg.
I
des Cinq de Chumbéry. L'épigramme de Cette version se trouve, pour la première
Marot, en passant au rang de chanson spi-
fois, dans les Psatines de Dauid, translate^
rituelle, s'enrichit d'une seconde strophe, de plusieurs aulheurs et principalement de
qui est loin de valoir la première :
Cle. Marot, Anvers, 1541. Elle se retrouve
Le corpsfoudain
Mourir vaincu délire
par l'efpril bien appris.
incelTamment , dans la Forme des prières imprimées à Stras-
bourg. M. Reuss a inséré, non sans quelque
Mais par l'efprit fagemeni ell repris, (nient. hésitation, cette version du Ps. CXX dans
— Ha, dit le corps . vien, mort, foudaine- les Œuvres de Calvin. Mais M. Félix Bovel
— Non , dit l'efprit , endure ce tourment. a prouvé que, si l'on peut à juste litre attri-
— Va. dit le corps, meilleure cfl la desfaitc. buer au réformateur les versions des psau-
— Va, dit l'efprit . il faut qu'entièrement mes XXV, XLVI, XCI et CXXXVIII ,
Du Seigneur Dieu la volonté foit faite. insérées dans la Forme des prières de Stras-
()) Il s'agit du voyage qu'ils auraient fait bourg, iln'en est pas ainsi du CXX, qui
pour se rendre aux galères , si leur pre- est anonyme (Voy. Bovet . Hisl. du Psautier,
mière condamnation neùi été réformée. noie II de l'Appendice).
LES CINQ DE CHAMBERI.
par noflre ingratitude & mefconoif- de bouche & feellons de noftre pro-
iance des biens & grâces incompre- pre fang, qui eft le principal fruid qui
henfibles que Dieu nous fait, ne con- procède de noftre heureufe mort ,
traignions comme par force ce bon auffi pour noftre refpeét particulier, il
Dieu de nous en priuer. Crions donc y a tant de bien & profit qui nous en
4. 8 auec les fainâs Martyrs : Sainél ,
fainift, fainft des fainds, à toi feul foit renient, qu'il nous eft impoffible de le
louange, honneur & gloire, & empire pouuoir comprendre,
le puiffions expliquertantpars'enparole
faut que
ou
éternellement. Ainfi (bit-il. Mon père,
ie ne puis retenir ma plume, pour parCar
efcrit.(ie vous prie) eft-ce peu de Qiiairc prifons
iardeur
ie ne vous & véhémence
efcriue encore de l'efprit,
ce motque : chofe d'eftre deliuré de quatre pri- o" "0"s
ef- 'ommes.
Que la prifon de noftre Seigneur Je- fons,enoùtrois)
tes fommes
nous pour mis en vous
eftre(comme liberté
fus eft l'efchole où on aprend plus en qui dure àmonde, iamais.qui
■• Dont
miferable nous l'vne
trompeeft par
ce
vn iour que c'ell du fruid & vertu de
la foi & quelle eft la vraye religion, fa figure pleine de vanité & abus &
déception. La féconde , noflre corps
par
fait pratique
en vn an &parexpérience théorique ,&qu'on ne
fcience infeft & farci de toute ordure & puan-
de leçon & prédication. Le Seigneur tife. La troifiefme , noflre ame auec
nous face fentir le bien qui nous re- toutes fes parties, entendement, mé-
uient & par la théorique & par la pra- moire, raifon, volonté & nos cupiditez
tiqueà, la vérité, fans hypocrifie , & & affeélions qui nous tirent ça & là,
nous touche le cœur du vif fentiment tout au rebours de ce que Dieu nous
des biens infinis qui nous y font com- commande. N'eft-elle pas vn vrai gouf-
fre & abyfme de tous vices & péchez
grats, mais muniquez,
lui en pour n'en
faireeftre
bonneiamais in-
& vraye
fi grandsreur? Ce bon & énormesDieu les quenous c'eft hor-
face bien
reconoid'ance tout le temps de nof-
tre vie, de tout noftre cœur, de bou- fentir , pour y gémir & foufpirer &
che & d'œuure ; en forte que lui feul nous y defplaire , & nous adonner à
en foit glorifié & noflre prochain édi- bien &à vertu & toute iuftice & fainc-
fié. Ainfi foit-il. teté , crucifians noftre vieil homme &
Mon trefcher & bien-aimé père raortifians noflre chair , afin que les
& frère en noftre Seigneur Jefus Chrift, mauuaifes concupifcences ne régnent
plus en nous, & que nous refufcitions
pource qu'auez entendu par nos der-
nières lettres , contenantes la confef- en nouueauté de vie, pour feruir à nof-
tre bon Dieu, & produire fruids de
fion de deuant
femble foi qu'auions faite tousde en-
les Seigneurs ce iuflice & innocence qui lui foyent
agréables , pour monflrer que nous
Parlement, par la grâce & puifl'ance fommes membres de fon Fils Jefus
de noftre bon Dieu, l'eftat de nof-
& vrayement régénérez & renouuelez
trenez àcaufe,
eftrec'eft qu'auons
bruflez, efté condam-
ne vous en ferai par fon S. Efprit, à fa gloire & édifi-
plus long procès. Bien vous puis af- cation de nos prochains. Ces chofes
feurer en vérité, félon le tefmoignage font les fruids & vtilitez que nous re- La leflure
que le faind Efprit m'en rend en ma ceuons, entre autres, de la mort & re- recommandée,
furredion de ce grand Sauueur & Ré-
confcience , que comme c'eft le plus dempteur Jefus. A ceci nous exhorte
grand bien qui peut aduenir au fidèle,
le S. Efprit par la dodrine des Apof-
de pafl'er par ce palTage pour aller à la tres; S. Paul au fixiefme, feptiefme 1. Cor. 15.
vie perdurable & éternelle , auffi n'y & huitiefme chapitre des Romains,
a-il chofe qui plus nous tarde que la
bien-heureufeiournee qu'on nous vien- es Epiftres aux Ephefiens & Colof-
dra prendre pour nous mener au facri- fiens ; S. Pierre auffi nous conuie en
fice. Car outre ce que l'honneur & fes deux Epiftres , en la lecture def-
gloire de noftre grand Dieu & Sei- quelles exercez-vous ordinairement,
& auffi en la fréquente méditation &
gneurfication& Sauueur lefusla confirmation,
de fon Eglife, Chrift, l'édi- ledure de tous les Pfeaumes , & ne
ioye & confolation de nos frères , la vous laffez iamais , mais faites-en
confufion, ruine & totale perdition de
comme du Catechifme , c'eft qu'après
Satan, de l'Antechrifl & de tous fes l'auoir leu, recommenciez, & auec
fuppofts & adherans ennemis de vé- l'aide de ce bon Dieu en fentirez vn
rité, font contenus en ce tefmoignage fruid indicible. La quatriefme & der-
publique & folennel que nous rendons nière nous eft maintenant propre par
LIVRE SIXIEME.
240
uant éternellement, nous fera viure &
la grâce de ce bon Dieu , qui nous a fubfifter en lui & auec lui , & le Père
faits prilonnicrs de fon Fils Jefus & le faind Efprit, quand nous ferons
Chrifl on ce chafteau de Chamberi, vn auec eux. Amen. La morti
où, par fa grâce, il nous a fait fentir Méditons donc cefte heureufe &
plus abondamment fes grâces & be- triomphante mort journellement, à ce nous rcilr
nedidions, tant Ipirituelles que cor- du mal.
majjirtcr
ayons
lieuauoùpremier qu'elle nous férue de magifter pour
lamais elle. qu'en autre
porelles,Voila quant nous retirer du mal , & adonner au
bien qui nous en reuient. bien. Ayons-la en prix & eftime, & y
Av refte, s'il faut confiderer la vie & prenons toute noftre deledation , veu
eftre que tous naturellement fouhait- que nousle fauons
enuers Seigneur,qu'ellePfe.eft 116.
en eftime
Que
tent i délirent tant , n'ell-ce pas la
mort heureufe , par laquelle nous al- nous n'efpargnions point noftre fang
lons en la polTeffion de la vraye vie , puant & infea
& du vrai eftre ? De la ioye & plaifir en fi grand prix en& nous, puis qu'il
eftime enuers eft
noftre
que nous aimons tant voir & en iouir, Dieu, Pfeau. 72. mefmes puisqu'il le
en auons-nous iamais la vraye , pleine
& entière iouïflTance , que par cefte requiert, & qu'il en a mémoire, &
s'en enquiert diligemment. Pf. 9. du-
plaifantc cS: defirable mort ? Le Pfeau. quel ilfera vengeance au dernier iour,
90. nous en eft inftrument alTez authen- comme fes Martyrs, c'eft à dire fes
tique, & le 105. &le 104. Brief, nous tefmoins , l'ayans efpandu pour feeler
la vérité, en requièrent la vengeance.
de termes, & appe-
ler certe changer
pouuons vie caduque tant remplie de Apocal. 6. Mais comment ne lui feroit
pouretez & miferes , vne vraye mort ; cher & précieux noftre fang, que
& la mort naturelle, qui eft feparation mefme nos larmes font recueillies par
lui, & mifes en fes barils .' Pfeau. 56.
du corpsment cle ce de l'ame
& logis ertrange vn départe-
, & pour aller à de forte qu'il ne s'en perdra pas vne
noftre propre pays , vne vie bienheu- feule goutte. Que fi elles nous bai-
reufe. Il eft bien certain gnent & mouillent par trop , il les ef-
nous la méditerons & qu'oui, quand
confidererons fuyera , Apoc. 7. & 21. & Efaie 25.
en noftre Seigneur lefus Chrift , Nos foufpirs & gemiffeniens, nos pen-
comme eftans fes membres, & non au- fees & defirs les plus fecrets , ne lui
trement. EmbralTons-la donc comme font-ils pas auffi tous patens & mani-
noftre trefdefirable amie : cSc ne l'ayons feftes .' C'eft lui qui fonde le profond
de nos cœurs. Pfe. 7. 53. & 90.
plusen horreurcomme noftre ennemie.
Paft"ons volontairement par icelle, puis 2 Chron. 14. Nos oraifons & nos cris
qu'elle ne nous peut furmonter pour ne font-ils pas auffi bien ouys de lui .'
nous rendre ignominieux & contemp- Pf. 6. & 1 58. &c. Or fus donc, cou- j. 1 im. 4J
tibles, mais nous eft vne porte de rage, que nul ne fe fafche de foufpi-
rer, gémir, crier, pleurer, perdre
gloire. Empoignons-la, puisque main- biens , efpandre fon fang , foufTrir &
tenant elle n'a plus de dard en fa main endurer tout iufques à la mort , voire
pour nous navrer à la mort éternelle,
mais bien vne clef, pour nous ouurir celle mefme qui eft tant horrible & ef-
l'huis du ciel, & nous faire voir Jefus pouuantable à la chair, & aux char-
Les commo- Chrift noftre vie éternelle. Que dirai nels; mefmement que nous qui fom-
dilez de la
mort. plus r fans elle en ce monde toufiours mes régénérez par l' Efprit du Seigneur,
mourons, & iamais ioye & plaifir la
n'auons; iamais ne iouïlfons de la pre- auecdefirions,
toute ioye 1 aimions , l'embraffions
& alegreffe de cœur,
fence de noftre entier & loyal efpoux, & d'vn courage libre & franc , puis
auec lequel & par lequel de poures que nous y voyons tant de biens pour
fommes faits riches ; de malades, fains ; nous & nos prochains, & principale-
de morts, vifs; de maudits, bénits; ment à nos frères, & à l'Eglife du
Seigneur. Et puis que noftre fang &
d'ignomirtieux , iouïft'ans de la gloire nos cendres font la femence des fidè-
immortelle . pour, eftans deliurez de
tous nos ennemis, & mefmes les ayans les de l'Eglife, verfons-le tout iufques
vaincus, & triomphé diceux , eftre à la dernière goutte. Toutesfois en
couronnez de cefte gloire immortelle, patience , longanimité & fouffrance ,
pour triompher éternellement par nof- faut enqu'attendions
car l'ift'ue heureufe,
icelle nous poftedons nos âmes.
tre fouuerain Empereur vidorieux &
triomphant, noftre Seigneur Jefus, qui, Elle
Hebr.nous
10. eft
Par grandement
icelle nous necen"aire
auons ef-,
en l'vnité du Père et du S. Efprit vi-
LES CINQ DE CHAMBERI. 241
perance. Rom. 15. par icelle nous tes armures neceffaires & m'en a
fommes efprouuez, car elle engendre fourni au befoin. Car en cela puis-ie
probation, Rom. ,. Jaq. 5. Nous conoiftre
ferons donc ce à quoi le S. Efprit miferable qu'il ne m'a pas detiréla duPapauté,
& damnable gouffre
nous exhorte par Dauid : oii i'eftoi plongé en ténèbres horribles,
27. 14. Or donc alten touliours patiemment m'ayant mis en lumière, pour m'y ren-
Le Seigneur Dieu, fouilien iufques au
Uoyer, & combien que, par ma grande
AlTeure-toi pour reflirter à tout, i bout , faute, ne fuffe fuffifant pourrefpondre
En attendant de Dieu l'auenement. aux articles qui m'ont efté propofez ,
qui requeroyent vn grand Théologien,
AviENE donc ce qui pourra auenir, toutesfois il m'a donné bouche pour
Pf. 48. & que noflre bon Dieu voudra, car rendre confus les ennemis de la vé-
icelui Dieueftnoftre Dieu à toufiours- rité. Auffi fentant ma foibleffe, & qu'il
mais , il nous conduira iufques à la y auoit grand danger pour moi, ie me
mort & éternellement. Le bon Dieu fuis du tout en tout repofé fur la grâce
& Père de mifericorde, au Nom de fon & bonté paternelle de ce bon Dieu ,
Fils Jefus Chrift, nous face la grâce laquelle il a tellement defployee vers
de nous apuyer & arrefler fur fes moi poure pécheur, que Seigneur
i'ai conu fit
queà
fainftes promelTes, auec vne ferme & la promeffe que noflre
viue foi, par la vertu de laquelle ef- fes Apoflres , ainfi qu'il eft efcrit au
tans armez & fortifiez, nous refiflions
dixiefme de fainft Matthieu, ne s'adref-
à tous nos ennemis & les defpitions, foit pas feulement à eux, quand il leur
mefme Satan & toutes les portes d'en- *difoit : « Quand vous ferez deuant les
fer, puis que nous auons la viftoire de grands de la terre, n'ayez point crainte
tous par noftre Seigneur Jefus Chrift, que vous refpondrez , car alors vous
auec lequel (qui nous conforte) nous fera mis en la bouche tout ce qu'il
pouuons toutes chofes. La vie en la- faudra que vous difiez. » le vous laiffe
quelle ce bon Dieu nous preferue, penfer, voyant cefte bonté paternelle,
nous fafche plus pour le fouci , an- que ce
goiffe & trifteffe, que nous fauons que aura feu,bon Dieu mene monftre,
ne giaiue, tourment s'il
quey
vous & toute l'Eglife auez pour nous, ce foit, qui me face reculer d'aller à
pour la peine & trauail & defpens, lui quand il m'appelera. Il eft certain
que tant de gens de bien foufFrent que non , mais vous affeurez que tous
pour nous , qui fommes poures vers les tourmens que les hommes me fau-
de terre, inutiles à tous, que pour ront bailler, ie les prendrai pour fe-
nous-mefmes. A Dieu. cours & aide pour aller à ce bon
Dieu. S'il m'appele par le feu, ie me
confole grandement , car ie fuis cer-
tain qu'il a tiré les trois enfans de la
Lettre de Guyraud Tauran , à im fien fournaife ardente, & fa force n'eft pas
ami.
amoindrie. Si c'eft par eau , il a auffi
fait
mer paffer
rouge, les fansenfants
aucun d'Ifrael
danger. par
Brief,la
La grâce de Dieu noftre Père par nof-
tre Seigneur Jefus Chrift, en la comme il lui plaira , fa volonté foit
vertu du fainét Efprit , demeure faite. J'atten en patience fa volonté,
éternellement auec vous. Amen.
eftant preftde partir quand il m'appel-
lera. Sur quoi ie ferai fin, d'autant que
Frères , fi onques lettres ont eu ie ne pourroi exprimer par longues let-
puiffance de me prefter confolation ,
tres les grâces que ce bon Dieu m'a
ç'ont efté les voftres, dont vous en re- faites, lui qui n'eft pas vn ouurier im-
mercie grandement. Par lefquelles
parfait ,mais qui acheuera l'œuure
auffi i'ai peu comprendre, qu'ettiez en qu'il a commencée en moi ; dequoi
grande trifteffe, ne fâchant l'en prie iournellement , vous priant ,
fiftance que ce bon Dieu mepoint
faifoitl'af-& & tous les frères de par-delà, de faire
fait iournellement (grâces lui en foyent le femblable.
rendues) pour ce que vous auifiez à
ce qui eftoit en moi , dont ne fuis
marri , car il y auoit dequoi fe con-
trifter. Mais en auifant au Nom de
Selon l'ordre que ci-dessus auons tenu,
qui ie combatoi, il n'y auoit nul dan- auant que venir à fijjue heureu/e de
ger, d'autant qu'il eft pourueu de tou- ces cinq Martyrs, nous auons16 ici in-
LIVRE SIXIEME.
Jeré certaines lettres cnuoyccs par que la porte vous l'oit à prefent fer-
M2 Ican Caluin, pleines de conjola-
M. mée d'édifier par doftrine ceux auf-
licn o- doârinc. aux fujdits pendant quels vous auiez dédié vollre labeur ,
le tefmoignage que vous rendrez ne
leur emprifonnenient , ^ui tej'moigne laillera pas de les confermer de loin.
le foin & folicilude qu a l'É^iJe de Car Dieu lui donnera vertu pour re-
Gêneue de ceux qu'ijonl prijonniers fonner plus outre que voix humaine ne
pour la vérité de l'Euangile (i). fauroit paruenir. Quant aux moyens
Mes frères, incontinent que nous félon le monde , ie voudroi bien que
fufmes aduertis de vollre capliuité, nous les euffions tels pour vous deli-
i'enuoyai meirager par delà pour en urer , que fans y efperer nous les fif-
fauoir certaines nouuelles, & s'il y au- fions valoir, et ne tiendr'a pas à nous y
roit moyen de vous fecourir. 11 partit efforcer; mais Dieu nous folicite à
Jeudi dernier trois heures après midi; regarder plus haut.
il retourna feulement hier au foir bien Avssi le principal ell de recueillir
tard. Maintenant il va derechef pour tous vos fens pour repofer en fa bonté
vous faire tenir nos lettres & auifer en
quoi il nous feroit poffible de vous al- &paternelle
vos corps, ne doutant
et vos âmes pas
en faqu'il n'ait
protec-
léger en vous
vollre exprimer
afrtidion. plus
11 n'eft tion &; û le fang de fes fidèles lui eft
foin de au iabe-
long
quel foin nous auons de vous & en précieux , qu'il le monllrera par effet
quelle angoilfe vos liens nous tienent en vous, puis qu'il vous a choifis pour
fes tefmoins. Et s'il lui plait fe feruir
enferrez, le ne doute pas donc, puis de vos vies pour aprouuer fa vérité,
que tant de lideles prient inftamment outre ce que vous fauez que ce lui
pour vous, que noftre bon Dieu ell vn facrifice plus qu'agréable ,
n'exauce leurs defirs & gemilfemens, confolez-vous qu'en lui remettant le
& ie voi par vos lettres comment il a tout entre fes mains vous ne perdrez
commencé de befongner en vous. Car rien ; car s'il daigne bien nous auoir
fi l'infirmité de la chair fe monllre en fa protedion durant cefte vie ca-
parmi, tellement que vous ayez des duque, àplus forte raifon, nous ayant
combats rudes & dilficiles à foullenir,
retirezdien d'ici,
de nos âmes. il fe monHiera fidèle gar-
ie ne m'en efbahi point, mais ie ma-
TovcHANT le confeil que deman-
gnifie Dieu de ce qu'il vous esleue
par delTus. De voftre collé, les frères
Laborie & Trigalel ont à fe confoler tempsdez ;(1),car
ie àcrain qu'ilienten
ce que ne foit plus
, vous
de ce que leurs plus prochains (2) fe auez fait ample déclaration de voftre
rengent doucement à la volonté de foi. Puis que Dieu vous a amenez iuf-
Dieu. Au refte, vous auez tellement
ques à ce degré , il n'ell cpjeftion de
profité en l'efchole de Jefus Clirill, reculer, remettant le tout à la proui-
dence de nollre Dieu. Cependant ,
que vous n'auez pas meftier d'ellre
exhortez par longues lettres. Seule- auifez que voftre prudence à refpon-
ment pratiquez ce que vous auez apris, dre foit vrayement de l'Efprit de Dieu
& puis qu'il a pieu au Maiftrc de vous & non pas de l'aftuce du monde. Si
employer en ce feruice , continuez à i'efperoi que voftre fupplication deuft
faire ce qu'auez commencé. Combien venir iufques au Roi, ie n'auroi garde
de l'etnpefcher; mais ie croi que ce-
lui qui le vous a promis vous a voulu
(0 Tout en annonçant dans ce préambule
•• cerloincs lettres ■■ de Calvin, les diverses feulement amufer. Toutefois afin qu'il
éditions qui du est Martyrolof;e n'enCette
insèrent ne fenible qu'il tiene ù vous, ie n'ofe
seule, la suivante. lettrequ'une
sans pas du tout contredire que vous ne
date est évidemment des premiers temps de
la captivité des cinq , et ne peut pus tire perfirtiez en l'offre que lui auez faite.
celle du ( septembre , dont il est fait men- Pource qu'en la forme que vous
tion plus haut et qui duit 6tre perdue. L'in- m'auez enuoyee , ie ne trouuoi rien
tention de Crespin, comme l'indique ce
préambule, était d insérer ici plusieurs let-
tres de Calvin. Nous répondrons donc & (I) La lettre où se trouvait cette demande
son dessein, en introduisant dans son texte, à de conseil doit avoir été perdue. Il résulte
la suite de cette pièce, une autre lettre re- du contexte que les prisonniers avaient
cueillie par '-es éditeurs, et qui renferme d'abord eu In pensée de refuser de répondre
les dernières consolations du réformateur sur leur fui , et de contester la légalité de
aux martyrs de Cliambéry. leur emprisonnement, sans doute en se ré-
(ij L'un clamant des gouvernements de Berne et de
laissé leur et I autreà Genève.
famille étaient mariés et avaient Genève.
LES CINQ DE CHAMBERl.
femblablemcnt vn glaiue fpirituel , le- & contrefaits, lefqucis ils fe font for-
Îiuel nous expérimentons quelquefois, gez fans aucune ordonnance de la
I nous continuons à faire comme parole de Dieu. Or fi la caufe
nous auons fait , & fi nous difons que d'icelles affligions eft telle, combien
Dieu n'a ne dextre ne bras, pour cefle font heureux ceux qui ont à fouf-
raifon que nous ne fauons quelle eft frir telles tentations ? Ce n'eft point
fa dextre ou fon bras ; car par vn comme fi quelque chofe nouuelle
mefme moyen nous dirons aulfi qu'il nous auenoit, laquelle autres n'euffent
n'y a ne Chrift ne Fils de Dieu. » point fenti ou expérimenté deuant
Le Commiflaire
parleroit plus: «protefta
voici enalors qu'il les
fomme ne nous ; car vrayement c'eft-ci vn
principaux poinds de tout ce qui fut figne tref certain de l'amour de nof-
tre bon Seigneur lefus Chrift , qu'en
dit, finon qu'il efchapa à ce Commif- portant la croix nous foyons faits par-
faire en fes propos de dire que le tiel pans de fes fouffrances. le vous
Le merchant fe Teftament de Ctirifi auoit efié falfifié prie, reduifons ceci en mémoire, &
defcouurc
toit ou tard. & changé, & qu'il efloit bien eflongné penfons diligemment comme par foi
de fa première inftitution & ordon- Abel a offert à Dieu vn facrifice plus Heb.
nance. Cependant toutefois il affer- Gen. 12.
agréable que n'a
cela fon frère fait Cain,
charnel & quedepar
a machiné le
moit bien que l'Eglife auoit eu cefle
liberté & puilTance de le changer. faire mourir; de femblable façon, cefte
race de Cam fe defpitera toufiours à
rencontre de nous, & ne cefTera iuf-
Exhortation que Nicolas Scheterden ques
noftre à fang. ce qu'elle
Car ilsaitvoyent
beu &bienauallé
que
laijja par ejcrit , laquelle en fomme Dieu fait plus de cas de noftre hum-
contient la différence de la vrayc ble obeifTance , coniointe auec fa Pa-
role ,que des fards de leur religion
mère Eglife , d'auec la faujfe pail-
larde &in/ame Synagogue ae l'An- masquée, par laquelle ils vendent au
techrijl ; tous fidèles font exhorte^ monde tt font valoir leur chafteté
de fuyr idolâtrie et tout ce qui agrée feinte, leur ieufne arrogant, leurs doc-
à la chair ; item de nabufer point trines erronées , efquelles il n'y a vne
des exemples des Pères anciens (1). feule goutte de fimplicité & humilité.
Or de tant plus eft-il raifonnable que
laq. 2. Estimez toute ioye, Frères, dit S.
Heb. II. nous ayons les cœurs paifibles & po-
laques , quand vous cherrez en beau- fez, puis que c'eft le chemin des vrais
Aâes 14. 12.
coup de tentations, fachans que l'ef- pères. Et n'y a homme qui ne fâche
preuue de voflre.foi engendre pa-
tience ;& par patience courons au bien, que fi, laifl"ans ce moyen du vrai
feruice de Dieu, qui nous a efté monf-
combat qui nous eft propofé. Pourtant tré par les S. Efcritures, nous voulons
donc. Frères bien-aimez, puis que fuiure la dodrine & traditions des
l'Efcriture nous enfeigne & admon- hommes , nous euiterons tous dan-
nefte, que par beaucoup de tribula- gers &, grande liberté nous fera ou-
tions ilnous faut entrer au royaume uerte à toute difl"olution ou licence;
de Dieu , il refte qu'vn chacun confi- à l'exemple
on conoit ouuertement & façon de ceux dcfquels
la vie eftre
dere cela en fon efprit, pour quelle
raifon les adliflions lui font enuoyees ; fouillée de toute impureté , comme
fi c'eft pour quelque forfait qu'il ait d'idolâtrie , blafpheme , menfonges ,
perpétré, ou fi c'eft pour auoir main- calomnies, paillardifes, paroles def-
honeftes, yurongnerie, gourmandife,
tenu la vraye religion. Si c'eft pour
quelque tort ou iniure procédante de &, pour le faire court , à toutes
lui , ou fi fes aduerfaires ont efté ef- fortes d'abominations. Et ces for-
mcus à faire cefte perfecution pour faits exécrables demeurent impunis ,
haine de la vérité, laquelle ils ne peu- voire régnent fous ombre de la liberté
uent voir régner , & pour cefte raifon de leur fainde Eglife, &, qui pis eft,
que Dieu regarde pluftoft aux vrais fa- font maintenus. Cependant on op-
crifîces & qui font inftituez par fa prime la pure difcipline de la Loi oi-
uine , i^ condamne-on les efludes de
parole , qu'à leurs facrifices fardez ceux qui tafchent à accommoder leur
(I) L'édition de Foxc que nous avons sous vie le plus près qu'ils peuuent des
faindcs Efcritures; ces cnofes, di-ie,
les yeux
mais n'a pas cette
en revanche elle enlettre de Sheterden
a plusieurs autres. , nous font pour grands argumens, pour-
NICOLAS SCHETERDEN.
quoi nous fouftenons d'vn grand cou- lui mefme fe courrouçant afprement m.d.lv.
rage & alaigre toute la force & vio- contre ceux qui l'honnorent en vain
lence de ceux-ci. Les Apoftres ont félon les ordonnances & commande-
efté tels douant nous , & les fainéls
mens des hommes, & que l'honneur
Martyrs de Dieu ont enduré oppref- & reuerence qui lui eft deuë, eft ren-
fions femblables de leurs propres al- due aux dites ordonnances & loix hu-
liez & gens de leur nation mefme.
maines. Tant s'en faut que cela puifl'e
Bref, ceci eft propre à tous les Chref- eftre agréable aux yeux de Dieu, qu'il
tiens qui font vrayement confacrez à
menace de deftruire la fagefl"e des fa-
faire la volonté de leur maiflre , qu'vn ges, & la prudence des prudens, afla-
chacun d'eux s'expofe aux dangers de uoir ceux qui, reiettans la fageft'e de
la mort , pour maintenir la vraye reli-
gion de Dieu & le Teftament de Dieu, fuyuent leur propre fageft'e
comme guide & maiftreft"e. Et ie vous
Chrift, toutes fois & quantes que be-
foin fera. Et ne faut point en forte prie,
odieufey a-il
à Dieu, chofe quequi depuifl'e eftre plus
mefprifer fon
quelconque prendre alliance ne fo- confeil , en préférant les inuentions
cieté auec ceux qui changent & ren- humaines .' Efcoutons donc d'vn efprit
uerfent ce Teftament de Chrifl, lequel humilié ce que le Seigneur veut & or-
il a feellé de fon propre fang, iufques donne, & ne nous en deftournons ia-
à tant que le Teftateur lui mefme re- mais tant peu que ce foit ; car obeif-
tourne, qui efl le Seigneur lefus. Car fance vaut mieux que toutes les
nous auons fait cefte tranfaftion au fantafies ou inventions des hommes, Deut. ç. & 17.
Baptefme , que nous adhérerons à de quelque
Chrift & à la croix, & non point aux ceuës. De zèle
fait , qu'elles
Dieu nefoyent con-
fe foucie t. Sam. 15.
ordonnances & traditions des hom-
mes, lefquelles ils tafchent de parer point deoftentation
rieufe l'apparencedesambitieufe
cérémonies& glo-
ex-
du titre plaufible de TEglife. Toutes- ternes : mais il regarde la foi vraye
fois fi nous voulons faire enquefle
tant peu que ce foit de cefte Églife & pure obeifl'ance de cœur.
Et par cefte feule marque principa-
leur mère, nous trouuerons qu'elle lement peut on bien difcerner la vraye
n'eft nullement efpoufe de Chrift , Eglife de celle qui eft fardée & contre- Matth. 24.
ains la paillarde puante de l'Ante- faite : Que
les loix partout où l'on
& conftitutions verra que
humaines fe- Dan. 9.
chrift
ritiers; de
& qu'eux
Chrift ,neprefts
font point co-he-
pour mourir ront préférées aux ordonnances & loix
auec lui, ains baftards, acharnez pour de lefus Chrift, c'eft vn trefcertain
fe perfecuter. Puis le
qu'ils font du
tels Fils
. il figne que là il y a abomination de de-
vaut mieux , félon confeil folation , laquelle eft affife au lieu où
de Dieu, les laiflTer à leur naturel , car il ne faloit pas. Y a-il abomination qui
Matth. 1;. ils font aueugles , & conducteurs foit plus pernicieufe à la religion, ou
d'aueugles. plus deteftable & odieufe à Dieu, que
Cependant de noflre cofté procu- quand les conftitutions & traditions
rons en toute diligence, & faifons que humaines obtienent le lieu de fon fer-
Ephef. 6.
nous foyons munis de l'armure de uice & font parées de l'authorité de
Col. ;. Dieu ; que fa iuftice abonde en nous ; l'honneur & reuerence de fon Nom?
que la parole de Chrift habite plantu- Moyfe dit : » Selon que le Seigneur Deut. 4. & 12.
reufement en nos cœurs, au lieu que mon Dieu m'a ordonné, vous le ferez.»
ceux-ci la reiettent. Et encore que le Et derechef: « Vn chacun ne fera point
ciel & la terre fufljent réduits à néant, ce que bon lui femble , » & toft après :
auec toute la pompe des cérémonies, « Fai feulement ce que ie te comman-
neantmoins foyons fermes & refolus de. »Outre plus, noflre Seigneur lefus
en cela , que la parole de Dieu de- dit en l'Euangile :« Mes brebis conoif- lean 10.
meure éternellement; & n'y a rien de fent ma voix & ne fuyuent la voix d'vn
quoi la vie humaine foit fi bien repeuë eflranger, ains fuyent arrière de lui. »
& fouftenue Maintenant , comment entendrons-
coulante de ,faque d'icelle
bouche en parole de-
nos âmes.
Parquoi il faut neceffairement que ce- nous qui font les eftrangers, finon qu'ils
enfeignent chofes eflranges & d'vn au-
lui qui n'en eft point repeu perilTe, ne tre efprit que le Fils de Dieu n'a en-
plus ne moins qu'il faut qu'vn corps feigné.' 'Veu donc que lefus Chrift a
Ifaie 20.
meure quand il n'a point de viandes prononcé ceci : « Vous errez ne fa-
pour eftre nourri. Nous oyons, non
Marc 7. feulement Ifaie, mais auffi le Seigneur chans les Efcritures, » & que la fauffe Matth. m.
eglife crie tout au rebours : Vous er-
2ÇO LIVRE SIXIEME.
rez en lifant les Efcritures (comme fi voix diuine & par confequent ne font Efcouicz ceci,
l'Efcrituro donnoit occafion d'errer), point de fon héritage. Et que doit-on
Apoflals (ft
on aperçoit facilement que c'efl vne dire à ceux qui, ayans efté vne fois de- la vérité.
voix eftranye & contrefaite. D'auan- liurez, retombent par crainte en la
tage, quand celle Eglife dit : Voila faulTe adoration.' Certainement ie leur
ton créateur entre les mains du Pref-
voudroi volontiers confeiller qu'ils fe
Matth. 14. fii ; it^'m : Voici, Chrift elt ici , il eft repentent de bonne heure & retour-
là, c'eft vne voix toute diuerfe de la nent au bon chemin, de peur que Dieu
voix du Fils de Dieu. Item, quand la ne leurofle le talent & ne les iette en
mefme parole de Dieu dit : >' Gardez-
ténèbres & aueuglement d'efprit , ce
vous des images, » & fainfl. Paul fem- qui eft ordinairement le gage de péché.
1. lean 5. blablement :« Quelle conuenance y a-il Frères bien-aimez, difpofez telle-
2. Cor. 6. entre le temple de Dieu & les idoles ? » ment voflre eftude à vraye imitation ,
si on réplique, aue les Images font
qu'ayez inceft"amment deuant les yeux
les liures des fimptes ou idiots, n'eft-ce le but auquel les commandemens de
Dieu nous mènent & ce que voftre
pas la voix debatent
hypocrites d'vn eftranger? Et fi les
& tafchent de office requiert. Il auiendra en ce fai-
Contre les perfuader
temporifeurs. fo trouueraqueauxc'eft tout vn,& quand
facrifices on
cérémo- fant, qu'on ne vous deftournera pas
follement du droit chemin. Si les Ca- d'Abraham.
Lexemple
nies eftranges de ceux-ci , pourueu
nanéens fe propofoyent l'exemple
qu'il n'y ait nul confentement de vo- d'Abraham pour l'imiter , qu'à fon
lonté au dedans, n'eft-ce pas voix ef- exemple ils offrilTent leurs enfans en
trangere, laquelle non feulement donne facrifice comme a fait Abraham (ainsi
fcandale aux bons , mais auffi aug-
mente l'ire de Dieu fur toute la mul- que nos finges auiourd'hui veulent Vaine imiialion
titude ?Parquoi ceux qui font tels imiter l'exemple du baftiment des Ché- des exemples.
rubins &, leur
maintenir du ferpent
images d'airain , pourie
& idoles)
auront leur portion auec les hypocri-
tes. De quelque couleur qu'ils fe vous prie quel argument tireroyent-
puift"ent ici farder, ou quelque couuer- ils de cela d'offrir leurs enfans en fa-
ture qu'ils mettent deuant les yeux crifice ?Il nous faut faire vn fembla-
des hommes, quiconque accommode ble iugement de tous les autres exem-
fa foi à telle diffimulation ne fait que ples des Pères fidèles, à ce que nous
s'abufer , car c'eft vne chofe tref-cer- eftimions qu'ils font efcrits pour vn
taine & hors de tout différent, que, s'il enfeignement de noftre foi « obeif-
eft licite de communiquer à leurs ob- fance , & non point pour lafcher la
feruations & cérémonies, il y faut af- bride à noftre chair, pour penfer folle-
fifter non feulement félon le corps , ment qu'il nous foit licite de nous
mais auffi d'ame & volonté. Il ne faut abandonner à nos propre affedions,
point clocher des deux coftez , mais ou diffimuler auec les hypocrites, fans
faut que foyons ou du tout chauds ou crainte de punition. Car pour certain
du tout froids. Il n'eft licite ne rai- on ne trouuera point vn exemple es
fonnable de feruir à deux feigneurs, fainftes Efcritures, qui enfeigne cefte
I. Rois 28. nous ne pouuons enfemble boire le feintife & diffimulation hypocritique,
Matth. 6. calice du Seigneur & le calice des
& le diable n'a point de moyen plus
I. Cor. 10. diables. Si le Seigneur eft Dieu, fui- facile ne plus court pour tromper.
I. Rois 18. uez-le. Le Seigneur hait celui qui Nous auons auiourd'hui allez d'exem-
eft double de cœur. S'ils fe couurent ples de nos faux Euangeliques, par la
de leur infirmité, pour diffimuler auec diffimuhuion defquels on void que le
les infidèles qu'ils fâchent que le glaiue de la puilTance eft mis es mains
des aduerfaires pour faire mourir les
royaume des cieux n'apartient à telle
forte d'infirmes, pluftoft c'eft vn ioug innocens.
d'infidélité. C'eft une cauerne de bri- leur doint ledeprie noftre
bonne Seigneur
heure qu'il
vne vraye
gans & retrait d'immondicité, de la- repentancc , de peur qu'il ne iure en
quelle le Seigneur nous veut retirer,
fon ire quelquefois que iamais ils n'en-
Ecci. 1. 14. difant : « Sortez du milieu d'iceux & treront en fon repos. Et fi nos aduer- Pf. 94. 11.
feparez-vous en, dit le Seigneur, & le faires femblent eftre plus fubtils que
vous receurai & puis ie vous ferai nous, vous ne deuez pour cela vous
pour père & vous me ferez pour fils cfmouuoir, car le royaume de Dieu ne
i. Cor. 6. & filles, n Que fi ceux que Dieu a ap-
peliez ne fortent hors & ne fe fepa- gift point en paroles, ains en puift"ance.
rent , ils fe rendent defobcifTans à la Que quelqu'vn
voudra foit mal
& du tout poli tantncant-
ignorant, ju'on
251
JEAN WADE , DIRIC HERMAN.
moins s'il craind Dieu fans feintife & rent bruflés tous quatre enfemble en
s'il se reprime de mal-faire, fa pieté la ville de Cantorbie, le douziefme de
fera en beaucoup plus grande eftime Juillet, & maintenant, après auoir
La rudelTe deuant Dieu, que la fcience enflée de
nenipefche le
enduré beaucoup de tribulations, vi-
deuoir. ceux qui rapportent toute leur ellude uent
Dieu. pour iamais auec le Fils de
à pourchalTer liberté ou licence char-
I. Cor. II. nel e ,pour
dront. Car lafaire toutdu ceFils
croix qu'ils vou-
de Dieu
eft folie à ceux qui perilTent, mais elle
e(l fapience à tous ceux qui obtiennent
falut. Car les Grecs cerchent fapience
& les luifs demandent des fignes, mais
Iean 'Wade , DiRic Herman &
la fapience ignorante de ceux qui fouf- autres Martyrs (i).
frent pour la vérité efl beaucoup plus
fage que tous les hommes du monde ,
& leur foibleffe eft plus forte que tous Quand Satan aura fon enfeigne dref-
les Princes du monde. Dieu par fa
grande bonté nous vueille donner vne fee
vogue& ,que les per'fecutions
aprenons de nous auront la
fortifier
telle fageffe & force , afin que nous
portions en toute bénignité & patience par patience
ceux-ci, , & qu'à
que Dieu nous l'exemple de
propoje pour
miroirs en fi grand nombre , nous
la croix qu'il nous a impofee. Au refte
combien que cefte façon de dodrine pourfuiuions toufiours le chemin au-
ait efté défia des long temps feellee quel nous fommes vne fois entrés ,
pleinement & fuffifamment par le fang fans en eftre dejîournés aucunement.
précieux du Seigneur lefus, toutesfois
le tefmoignage de mon fang y fera Le nombre
Qvi pourroit fans larmes reciter les des fidèles
adioufté, quel qu'il puiffe élire, pour afflidions que l'Eglife du Seigneur a exécutés en
rendre tefmoignage à la vérité de foufifert en ce temps } Qui ne gémira Angleterre.
Dieu & que par ce moyen i'incite & après vn fi foudain changement au
refueille les autres frères , à ce qu'ils
ertiment le fang de noftre rédemption paystésd' exercées
Angleterre,
contreoyant tant dedescruau-
le refidu fidè-
beaucoup plus que tout or & toutes
pierres precieufes. Et ne faut point les du pays.^ l'emprunterai ici le récit
douter, que le mefme Seigneur qui qu'en font ceux de la nation , qui
nous ont teftifié , & de bouche & par
eft mort & refl'ufcité pour nous , ne efcrit, que depuis que la parole de
nous tire hors de la pouffiere à la
grande honte & confufion de nos ad- l'Euangile, par le feul commandement
uerfaires. Lors nous reluirons comme d'vne femme , a efté oftee d'Angle-
terreil
, eft auenu , en moins de deux
le Soleil, receuans le royaume d'im- ans , que plus de huit cens perfon-
mortalité & de lieffe , auquel il n'y nes (2) ont efté mifes à mort, voire
aura ne larme ne trifteffe , où la fé-
conde mort n'aura nulle force à ren-
contre de ceux qui maintenant ont (1) Crespin, édit. de 1564, p. 661; édit.
gardé leurs robes teindes au fang de de 1570, f° ;6i. Cette courte notice ne
l'Agneau par diuers & beaucoup de paraît pas avoir été rédigée sur des docu-
ments bien sûrs, car les noms y sont fort
tourments, & par confequent obtien- mal transcrits. Fo.xe écrit les deux noms qui
dront la couronne de gloire immor- figurent dans ce titre : Christopher Wade et
telle & le triomphe éternel , & là ils Dinck Carver (t. VII. p. !i8, ;2i).
chanteront à iamais cefte belle mélodie (2) Le chilîre de 800 mentionné ici par
Crespin est celui que cite aussi Burnet ,
auec les Anges & tous les efleus de
d'après
Grindal. un écrit attribué à parle
l'archevêque
Dieu : Saind, Sainâ, Sainél, le Sei- Fo.xe, il est vrai, ne que de
gneur le Dieu des batailles, le ciel & 284 personnes.
Weaver, dans C'est à peu près le Ilcalcul
ses Monuments. de
compte
la terre font remplis de la maiefté de î évèques , 21 théologiens, 8 gentlemen,
fa gloire. Amen. 84 artisans. 100 ouvriers de terme et servi-
teurs, 26 veuves, 9 jeunes filles, 4 enfants.
Apres que Nicolas Scheterden & L'historien catholique Lingard estime à en-
viron 200 le nombre de ceux qui périreiit
Hunfroy Midelton , tous deux arti- pour leur foi sous le règne de Marie, mais
fans, eurent conftamment maintenu la il ne compte pas « ceux qui furent con-
vérité du Seigneur, ils furent mis & damnés comme traîtres, et ceux qui . d'après
adioints auec les deux miniftres , def- lui , auraient été jugés dignes du bûcher par
les prélats réformés eux-mêmes, pour cause
quels il a efté parlé ci deuant , & fu- d'hétérodoxie. >>
252 LIVRE SIXIEME.
de toutes les plus cruelles morts de- de quelque qualité qu'il fufl. Entre
quoi on s'eft peu auifer (i). autres, Iean Denleye & Iean Neu-
Apres ces quatre ci defTus mis , man, gentils-hommes, furent produits
plufieurs autres furent exécutez en ce pour élire menez au dernier fupplice.
mois de luiiiet. Entre autres les noms Mais auant que venir à leur mort,
nous mettrons ici les articles de leur
de ceux qui s'enfuyuent font venus à
certaine conoilTance, afTauoirque Iean accufation , qui leur furent propofez
Wade fut bruflé à Dartforde, Diri- par Edmond Boner, Euefque de Lon-
CHE Herman en la ville de Lewes ,
Iean Lander à Steuenyg, Richard dres, en la forme qui s'enfuit.
I. Premièrement, quant à la iurif-
HoRK boiteux & Thomas Everson
à Ciccdre , Nicolas Hall à Rocef- didion de l' Euefque dj Londres, ces
deux-ci y apartienent fans aucun con-
tre. Iean Polley à Tumbridge (2).
tredit. II. Secondement, qu'ils auo-
Depvis , le premier iour d'Aouft , yent nié qu'en tout le monde il y euft
GviLLAVME Ailewarde (3) mourut en
la prifon de Reading, où il auoit elle vne Eglife catholique. III. Item, qu'ils
détenu pour la confeffion de Chrifl. niaintenoyent que l'Eglife d'Angle-
terre n'eft nullement membre de l'E-
Item , le deuxiefme iour de ce mois,
Iaqves Abs fut bruflé en la ville glife catholique. IV. Outre-plus, qu'au
royaume d'Angleterre la Meffe cftoit
nommée du fepulchre de fainâ Ed- vne impieté, idolâtrie & fuperflition ,
mond , vulgairement dite Edmondf-
bury (4). & pourtant ils n'y alloyent point.
V. Que la confeffion auriculaire, telle
qu'elle eft en vfage , n'efl nullement
fondée fur aucuns certains tefmoigna-
ges de la
folution S. Efcriture.
, prononcée par VI. Que f'ab-
le preftre en
Iean Denleye & Iean Nevman ('•,). la façon acouflumee , ne confent nul-
lement àla parole de Dieu , mais y
Que l'ejial de vofire nobleffe, â nobles, répugne totalement. VII. Que le
ne vous empcfche de vaquer Ji bien
Baptefmeentre
célébré , comme il eft auiourd'hui
les Anglois, cfi contre
à l'ejlude des J'aincles Efcritures ,
au'à l'exemple de ces lirais genlils- la parole de Dieu. Autant de la
hommes, qui vous font propofe^ , confirmation des petits cnfans & des
Ordres, des matines i?t vefpres, &
puijjie:^ faire
toute gloire ferui'ceil
, quand au Roy deà
lui plaira de la confecratiom du pain & de
vous appeler en pareille caufe , pour l'eau, & telles cérémonies, comme
faire lejle aux ennemis de fa vérité. obferuations forgées à plaifir. VIII.
Qu'il n'y auoit que deux Sacremens
En ce mois d'Aouft, les aduerfaires en l'Eglife catholique , aiïauoir le
de l'Euangilc s'efleuerent en plus Baptefme & la Cène du Seigneur.
grande fureur contre les fidèles , de
IX. Que le corps de lefus Chrill ne
forte qu'il n'efpargnoyent perfonne , demeure point localement au Sacre-
(1) Ce parapraphe csl la reproduction
ment, d'autant
eflé efleué au cielque(i).pour certain il a
textuelle de quelques lignes qui se trouvent
dans la Troisième partie du Recueil des
Martyrs de Crespin, de 1556, page 405, au Refponfe aux fufdits articles (2).
commencement de la notice sur Nicolas
Ridicy.
I. Novs ne contredifons point au
(a) Nous rétablissons ces noms d'hommes
et
Wade,de àlieux
Dariford;.d'après DirickFoxe : Christopher
Carver. à Lewcs;
premier
II. Nous article.
nions entièrement le fé-
John I.aundcr. à Staining; Richard Hook cond , car, félon le Symbole, nous
et Thomas Ivcson (ou Everson), à Chiches-
(er; Nicholas Hall, à Rochestcr; Margct^y croyons qu'il y a vne Eglifeeflcatholi-
Polley (veuve), à Tunbridgc (t. Vil, p. )i8- que & vniuerfelle, laquelle édifiée
JJ7. n9)- fur le fondement des Apoflres & Pro-
()) John Aleworth. Voy. Foxe, VII, p. )j8. phètes, de laquelle lefus Chrill efl le
(4) James Abbes, brûlé à Bury-Saint-
Eamunds (SulTolki. Voy. Foxe. VII. p pS.
(5) John Denley et John Newman , aux- (i) Foxe ajoute un diTiémc chef d'accusa-
quels Foxe joint Patrick Palhingham (VII, tion ,qui se rapportait uniquement à Pathin-
)a8, 155)- Denley seul parait avoir été gen- gham ( VII, ))3)-
tilhomme. Newman était potier d'étain (2) Cette réponse fut faite par John Denley
{pewterer). Voy. Crespin, 1504, p. 601; H70, en son propre nom et au nom de ses com-
P )6i.
pagnons.
JEAN DENLEYE, JEAN NEVMAN.
chef. Outre-plus , nous croyons que ble de l'Efcriture. Car le Seigneur m.d.lv.
cefte Eglife eft compolee de la con- lefus Chrift en fa fainde Cène a or-
grégation de tous les fainfts & fidè- donné le Sacrement du pain & du vin,
à cefte fin que nous prinffions ces
les, lefquels l'Antechrift a auiourd'hui nourritures enfemblement coniointes,
diffipez par toutes les régions du
en mémoire de fon corps rompu &
monde , c*t qu'en quelque part que ce
foit ,Nom
au que deux ou trois
de noftre s'alTemblent
Seigneur lefus brifé pour pour
feruiffent nous,matière
& afin dequ'elles nous&
nourrir,
Chrift, là font les membres de l'Eglife non pour occafion d'adorer comme
fidèle & catholique , laquelle n'eft vne idole. Car Dieu n'y veut point
point limitée & comprife par certai- élire adoré, ains glorifié & loué en
nes bornes en ce monde , ains ell ef- toutes fes créatures, lefquelles toutes
parfe par toutes les régions & diuers
font
Car formées pour
il eft ainfi l'amour :de« Tu
commandé nous.
ne Exode 20.
pays où la parole de Dieu eft pure-
ment annoncée, & où les deux Sacre- te feras aucune image ou femblance
mens, alTauoir le Baptefme & la Cène, quelconque des chofes qui font là fus
font purement adminillrez. au ciel , ni en la terre ici bas , ni es
III. Nous refpondonsau troifiefme, eaux fous là terre. Tu ne les adoreras
& ne les feruiras. » Si cefte ordon-
que l'Eglife d'Angleterre, félon la foi
& religion en laquelle elle eft mainte- nance a poids enuers nous , il n'eft
nant inftruite , n'eft point portion de nullement raifonnable que nous ado-
rions le Sacrement du pain & du vin,
l'Eglife
Romaine,Catholique,
de laquelle ains de Romain
le Pape l'Eglife
car il eft dit : u Ne femblance quel-
eft chef. Car changeans & abolilTans conque&, pourtant tu ne les adore-
le Teftament de Dieu, ils ont, au lieu ras & ne les feruiras. » Et que fignifie
d'icelui , introduit au conftitutions
monde vn autre& ceci : Mettre les genoux en terre ,
teftament de leurs efleuer les mains en haut , frapper fa
ordonnances pleines de blafphemes poiftrine du poin , ofter le bonnet , fe
& menfonges. Premièrement, que le profterner en terre? Nous penfe-
Seigneur a enfeigné fes fidèles com- riez-vous fi fols , de nous perfuader
ment ilfaut prier, Mat. 6. Item, par
cela auffi que nous oyons que S. Paul que ce n'eft
adoration point
f Car là & vénération
le corps &
de Chrift nai
I. Cor. 14. dit : « Celui qui prophetife parle aux de la vierge Marie eft au ciel , fi foi
hommes à édification , exhortation &
doit eftre adiouftee à l'Apoftre au 10.
Langages. confolation. Celui qui parle langages chap. des Hebrieux: « Mais ceftui-ci,
s'édifie foi-mefme ; mais celui qui pro- ayant offert vn feul facrifice pour les
phetife édifie la congrégation. » Item, péchez & offenfes, eft éternellement
il dit bien toft après , au mefme paf- affis à la dextre de Dieu, attendant
fage : « Auffi vous, fi de vortre langue (ce qui refte) iufques à ce que fes en-
vous ne donnez parole fignifiante ou nemis foyent mis pour fon marche-
intelligible, eomment entendra-on ce pied. »Il dit outreplus en la mefme
qui fe dit ? Car vous ferez parlans en Epiftre : « lefus n'eft point entré es Heb. 6. 24.
l'air. i< Outre cela , il adioufte : « 'Vrai lieux faits de main, qui eftoyent figu-
eft que tu rens bien grâces à Dieu ; res des vrais, ains au ciel mefme, à
celle fin que maintenant il aparoilfe
mais vn autre n'en eft point édifié. le
ren grâces à mon Dieu , que ie parle pour nous deuant la face de Dieu. »
plus de langages que vous tous; mais Et Philip. 3. : « Noftre conuerfation
i'aime mieux parler cinq paroles en eft es cieux, d'où auffi nous attendons
l'Eglife en intelligence, afin que i'inf- le Rédempteur, le Seigneur lefus
truife les autres, que dix mille paroles Chrift. » Et en la première des Thef-
en langage eftrange & barbare. » fal. I . : « Ils annoncent de vous quelle
IV. Nous refpondons au quatriefme ouuerture & entrée nous auons eue à
article, que nous auons défia tant de vous, & comment des idoles vous
La Meffe fois protefté, que la Meffe, de laquelle auez efté conuertis à Dieu , pour fer-
prouueeabo- maintenant on vfe ici ordinairement uir au Dieu viuanf & vrai, en atten-
"'"^ '^' en ce royaume d'Angleterre, eft pleine dant des cieux fon fils lefus , qu'il a
d'impiété & blafphemes horribles , reffufcité des morts, lequel nous deli-
tant pour cefte caufe qu'elle monftre ure de l'ire auenir. » En outre , il eft
clairement des argumens de blafpheme dit, lean 16. : <i le fuis iffu de mon
& idolâtrie que d'autant qu'elle répu- Père, & fuis venu au monde, & dere-
gne direftement à l'authorité inuiola- chef ie delaifle le monde & m'en vai à
254
LIVRE SIXIEME.
SvR cela, quelcun de la troupe des ne pouuez alléguer rien de tout cela,
preftres de ceft Euefque dit : u Mon & n'eftoit point lors contenu en deux
ami, ie voi bien que vous n'eftes ni lieux Notez.
fimple ni idiot. » Sm. « le fuis qui ie efté. », Lecomme
preftreauffi
oyantil ces
ne propos,
l'a iamais
ne
fuis par la grâce de Dieu , & i'eftime peut autre chofe faire que ietter des
qu'elle brocards & fe mocquer de tout ce qui
moi. I) n'eft
Bonerpoint du tout inutile
fe foufriant lui diten :
Il Or fus donc , di moi quelle eft ton auoit
De efl.é dit,nous
là on puis mena
s'en alla.
en la falle de
opinion touchant l'Eglife. » Sm. « l'ai
defia refpondu fur quels fondemensla &l'Euefque,
officiers ne en firent
laquelle
autreles chose
feruiteurs
tout
le iour que nous agacer de paroles
vraye Eglife efl apuyee; & l'afferme
derechef que par l'Angleterre il y a outrageufes, iufques à ce que le Geô-
vne congrégation fidèle , comme par lier, voyant leur iniquité outrecuidee,
nous ferra en vne autre chambre en
toute la terre.
Corinthe, Et quant
ie refpon que àlàl'Eglife de
il y auoit laquelle nous eufmes plus de repos ,
vne congrégation fidèle, mais tous les
cependant que l'Euefque eftoit allé en
efleus n'y eftoyent pas enclos. " Bo. la fynagogue pour prononcer fentence
«' Qu'entens-tu par ce mot Catholi- de condamnation contre monfieur Den- l'hiftoire
De au
ces deux
que? & qu'appeles-tu Eglife.' » Sm. leye & monfieur Neuman. Cela faift,
« Ce mot Catholique lignifie vniuer- l'Euefque mena le maire de la ville inscrite. eft
en la chambre où nous eflions , afin précèdent
fel. L'Eglife efl vne compagnie ou af-
femblee d'hommes Chrefliens vnis & qu'il affiftaft à la conoilTance de noftre
conioints enfemble. " caufe. Boner me fit appeler le pre-
Quelque temps après, iefusenuoyé mier en la chambre haute ; là le Maire
au iardin, où ie demeurai quelque ef-
pace auec le frère Heroald; & ainfî & vn autre gouuerneur de la ville s'af-
firent auprès de l'Euefque, & pots, Notable
que nous eflions enfemble, vn pref- flafcons & bouteilles pleines de vin
trotoyent par tous les coins de la des luges.
tre de l'Euefque Boner vint vers préparation
moi (i) , lequel me fit cefle demande, chambre, cependant moi miferable ef-
affauoir fi ie ne penfoi pas efire pri- toi reietté loin & mefprifé de tous.
Cela me fit fouuenir comment Pilate &
fonnier. le refpondi que i'eftoi voire- Herodesfe reunirent enfemble & firent
ment prifonnier quant au corps & af-
fuietti fous la volonté de celui qui me complot contre Chrift, duquel cepen-
detenoit, mais que i'eflois afranchi du dant nul ne deploroit les torts & ou-
Seigneur par lefus Chrift. Apres cela,
trages. Finalement, après qu'ils eurent
nous difputafmes longuement de fon affez bien goufté , l'Euefque demanda
dieu & du facrement de l'autel qu'ils les articles & les fit reciter, & me de-
manda fi ie les auoi prononcez ainfi
appelent; finalement ie l'amenai à ce
poinft
fon dieuqu'il confeffadedans
deualoit ouuertement
le ventreque& qu'ils eftoyent couchez par efcrit.
Sm. « le n'ai rien proféré, di-ie , de
puis eftoit ietté au retraift, & que cela bouche , que ie ne le fente en mon
ne diminuoit rien de l'honneur de cœur. I) Boner, adreffant fon propos
Dieu , encore que les luifs, qui lui au Maire, lui dit : « Monfieur, ceft
font ennemis mortels, lui euffent cra- homme-ci eft hérétique obftiné, méri-
ché contre la face. Smyth. « Mais tant la mort ; toutesfois, pour ce que
vous qui eftes amis, de le plonger de- ce bruit court de moi, que ie me bai-
dans vn retraiâ; , ne meritez-vous pas gne au fang des hommes , combien
plus grieue condamnation ? Le pref- que Dieu me foit tefmoin, que iamais
tre , en tergiuerfant , cerchoit tous en ma vie ie n'ai appeté le fang
moyens pour efchapper, & finalement d'homme quelconque , i'ai retenu au- 17
fut contraint de recourir à ce fubter- iourd'huiceft homme-ci en ma maifon,
fuge, difant : l'humanité de Chrill in- de peur que fa caufe ne fuft démenée
comprehenfible , comme il entra à fes deuant l'audiance où i'eulTe vfé de
difciples , iaçoit que les portes fuffent mon droift & authorité , fans le faire
fermées. » Sm. « Cela ne fait rien à ici venir. Et neantmoins ici en voftre
voftre propos, car lors fes difciples &
prefence ie le prie & obtefte qu'il re-
Apoftres le voyoyent , oyoyent , ma- tourne au bon chemin. Et s'il le fait,
nioyent de leurs mains, & vous autres ie lui promets de ne lui rien imputer
de tout ce qui a efté fait iufques a
(i) Ce prèue est nommé le D' Dee. par prefent. le veux que vous , monfieur
Foxe, édit. de 156;, p. 125;. le Maire, & vous auffi qui eftes ici pre-
11.
2>8 LIVRE SIXIEME.
I
les paroles de Chrid : « C"c(l ci mon neceffaire en l'Eglife de Chrift .> »
corps,» font ouuertes, claires & fermes. Sm. n le refpon encores ce que ie di
Harpsfild, le grand Archediacre, hier : Quehommesi'ai conufontque ordinairement
les confcien-
qui elloit prefent, rompit le propos de ces des
Boner & dit : « Ce que le Seigneur a defcouuertes fous ce fard de confef-
voulu que le Sacrement de fon corps fion, que les fecrels des Rois & Prin-
fufl reprefenté fous deux parties, con- ces font reuelez par ce moyen , lef-
tient double quels eftans grandement abufez par
clare tant le myfiere,
corps que pource qu'il dé-
la paffion du les preftres , après leur auoir déclaré
corps, félon que S. Paul en rend (ef- leurs péchez , defquels ils defiroyent
moignage. Parquoi le pain efl fuit le fort cftre deliurez , depuis leur ont
corps À le vin repréfente l'effufion du donné tenir
groffeabfolution fomme d'argent
& ont achetépour ob-
chère-
fang. i> Sm. • Vous corrompez les pa-
t. Cor. II lï roles de S. Paul, pour les faire feruir ment des MelTes pour le falut & ré-
à voftre propos, car il a dit : <> Toutes demption de leurs âmes.
fois & quantes que vous mangerez de Entre ces propos & diuerfes inter-
I
ques mariés et de les contraindre de se sé-
parer de leurs femmes. )3 (Burnet, trad. confolations au milieu des ennuis ex-
franc, de 1687, p, 6Ç2.) Le même auteur trêmesfi
, la honte de reciter ceci de
estime à trois mille le nombre des ministres
expulsés de leur cure pour cette cause.
(2) Juge de paix à Cobdo, en Suffolk.
(;) John Hopton . chapelain de la reine à 1558. Il se signala par son fanatisme anti-
Marie, occupa le siège de Norwich de 15)4 déposé peu
nt. 1 futmourut
d'Elisabeth ,protestaet de l'avènement
lors après.
262 LIVRE SIXIEME.
foi mefnie ne l'cull cmpefché ; mais il CoE, à Yexford (1) , qui fut le troi-
euft elle à dcfircr que cefle ame tant fiefme de Septembre.
débonnaire ne fe fufl monftree fi mo- On en brusia auffi cinq enfemble, le
cieAe ou craintiue en ccfl endroit , fixiefme iour dudit mois, en la ville de
afin que la bonté ineftimable & la fo- Cantorbie, affauoir George Brad-
licitude de Dieu enuers les fiens fuft BRIDG , IaQVES TvTTYE , ANTOINE
tant plus telliliee à tous de ce temps BvRWARD, George Catner, & Ro-
prefent, pour plus ample confolation bert Stevter (2). Iaqves Lieff (3)
& afi"eurance en aducrfité. Ceci auffi mourut en la prifon de Newgat à
Viûon de trois efi digne d'eflre recité , de trois ef- Londres, l'onziefme iour dudit mois.
efchclles. chclles lelquelles lui furent monftrees A LiTCHFELD, ce iiiefme iour, furent
en dormant, comme il difoit, &' ce bruslez
VAY U). pour vne mefme caufc, Tho-
que plufieurs lui ont oui reciter. Elles mas Hayward & Thomas Gor-
elloyent enfemble drelfecs en haut
Richard Smyth, Gvillavme An-
vers le ciel : l'vne efioit vn peu plus dré & George Bing moururent en la
haute que les deux autres ; & finale-
ment toutes trois furent alVemblees en tour nommée des Lolards, &, après
vne. On pourroit dire que ce lui fut la voirie
leur mort (ç).
, leurs corps furent iettez à
comme vne reuelation dénonçant le
martyre, premièrement de lui, puis de
deux femmes Chreftiennes, lelquelles
furent bruflees quelque temps après
en la mefme ville, le fuyuans comme
pas à pas à la vie éternelle, defquelles PoMPONivs Algier , Neapolitain (6).
il fera parlé ci après en fan lieu , &
félon l'ordre des temps (i). Or ainfi La diiicrfité des efprits & nations rend
qu'on le menoit au dernier fupplice , les merucUles du Seigneur admira-
La vertu d'vne vne honnefle lille le vint baifer en che-
ieune filledeen niin, laquellw fut remarquée des enne-
la mort
Samuel. mis ,& on la cercha le lendemain (i) Roger Coo (et non Thomas), de Mel-
ford, en SulTolk, brûlé à Yoxford (Foxe,
pour la prendre & conftituer prifon- VII, !80.
niere, t^ puis faire brufler; m^iiis Dieu (2) George Brodbridge, James Tutty ,
la preferua de la main des tyrans, Anthony Burvvard , George Calmer et Ro-
combien quelle fud long temps après bert Strcatcr. Ils furent jugés par Thornton ,
dedans la ville, fans en fortir. Samuel évéque
était de de Douvres.
Calais ( Foxe,L'un
VII d'eux
, )8) ,). Burward ,
donc fut deliuré des tourmens de ce (l) Nous ne trouvons pas ce nom dans
Foxe.
monde, auparmilieu
endura vne mort precieufe,
du feu, qu'il
le deuxiefme (4) Thomas Hayward et John Goreway
(Foxe, Vil. ;84l.
iour de Septembre, mille cinq cens (5) Foxe indique George King. Thomas
cinquante cinq , en la ville mefme de Leycs et William Haie . comme ayant langui
dans la tour des Lollards, cl comme étant
Ipfwitch. morts, peu après en être sortis, des pri-
Andrew vations
périt qu'ils dans
y avaient enduré.
la prison William
de Newgale
S (5- f ? ■; Ç ,- ■: Ç t ^ « -t; t ^ .' -, « ^
Quant à Richard Smith, nous n'en trouvons
aucune mention dans Foxe. Voy t. VII ,
p. 171. La tour des Lollards, célèbre par
GviLLAVME Allyn, A autres en les souvenirs
diucrs lieux. existe encore lugubres
au palaisquiarchiépiscopal
s'y rattachentde,
àLambclh,
Londres. résidence
Elle tire du sonprimat
nom desd'.Anglelcrre
Lollards
Le lendemain que Robert Samuel qui y furent les premiers enfermés pour
eut efté bruflé, on exécuta Cvillayme cause religieuse.
(o) Crespin, M64, p. 674; 1570, (* j66.
Allyn, à Walfingham (2), & Thomas Comp. Pantaléon, Hislcria rcrum in Eccksia
CoBBE , A Chetford (?), & Thomas g'CsLjnim parssecunda, (" )28);2. Sur la
Réforme À Venise, voy. Jules Bonnet,
Ocniicrs Récils, p. 71, cl Bulletin . XIX,
(1) Voy. la noie 8, 2' col , p. 260, et la 145. 289, 449. Le nom du martyr était Pom-
notice à la fin du livre VI». pfnio Algieri. « Tous les détails des inter-
12) William .Allen, «ierviicur, brûlé à Wal- rogatoires d'Algieri, ■■ dit M. Bonnet, ■> sont
singham pour avoir icfusc de suivre une co[ilirmés par les documents (jriginaux du
procession. Foxc, Vil, )8i. Crc^pin, iço^, procès conservés aux archives de Venise, u
p. 674; 1(70, f" )(>6. On lit , (>' 7 de rinterro^-atoire, in fine , celle
()) Thomas Cob, boucher Je Havvrill , réponse de l'accusé
eo bulTolk, fut brûlé dans la ville de Thcl- nuo inkrcissore cl ncn :,iltri liicc Christum
in cicio. Voicicsser
les
ford iFoxe, Vil, jBi). premiers mots de cette pièce : « Constitutus
POMPONIVS ALGIER.
bles,fpecialement quand vne harmo- durable, voire plus eflroittement qu'on m.d.lt.
nie & correjpondance de doSlrine Je
ne fauroit exprimer, il n'y a chofe de
void en tous ceux de/quels il je veut
feruir en fa cauje. Voici donc vn fi grande importance (pourueu qu'elle
vous fufl vtile) que ie n'entreprinlTe.
perfonnag'e du royaume de Naplcs, Voila pourquoi ie vous ai mainte-
que le Seigneur appelle pour rendre
tefnioignare à fa vérité deuant le mefme,nant mieux aimé par
mettant fatisfaire
efcrit qu'à
(ainfi moi-
que
plus grand monjhe de la terre, affa- m'auez requis) la foi que i'ai confefîee
uoir deuant le Pape , qui lors ejloit en la prefence du magnifique Gou-
Paul IV. uerneur de cefle cité, contenant brie-
PoMPONivs Algier, ilTu de la ville uement les poinds defquels i'ai efté
interrogué , combien que ie fuis con-
de Noie, au royaume de Naples, ef- traint de confeffer franchement que ,
cholier à Padouë', eflant circonuenu s'il euft
par quelques malueillans, fut accufé tiers euitéeflé poffible ; ,mais
ce labeur i'euffe volon-
faillant de
comme contempteur de la foi & religion refpondre à voftre bonne volonté , ie
Le Podettat Chreftienne deuant le Podeftat de la defailloi auffi à la miene. le me fuis
de Padouë. ^[\i^ _ qui gfl [g Gouuerneur & iuge contenté , pour vous obéir , de vous
ordinaire d'icelle. Il fe monftra fi con- efcrire la confeffion de ma foi, que fi
ftant & vertueux, tout ieune qu'il ef- elle n'eft munie de tant d'authoritez
toit, que la renommée en fut efpan- de l'Efcriture fainfle (comme il femble
due par l'Italie, de forte qu'après qu'ayez defir), ie vous prie m'excufer,
longue détention, finalement par le attendu que pour ce faire il faudroit
Magiftrat de Venife, en fouuerain ref- meilleure commodité & beaucoup plus
Pomponius fort, fut condamné à perpétuelles ga- de temps ; & de
d'autre
:ondamné aux leres. Plufieurs des Sénateurs de Ve- feroit befoin mettrecoflé
par auffi
ordre qu'il
,&
galeres. nife voyans l'érudition & les bonnes refpondre de poind en poinft aux
lettres qui eftoyent en lui, firent tous raifons des aduerfaires, ce qui feroit
efforts de le diuertir de fa confiance ; plus long que le Quarefme , comme
mais le Seigneur qui lui auoit donné on dit ; voyant, d'autre part, que le
ce commencement, continua fon œu- loifir ne m'en eft pas donné, d'autant
ure, fi que la mort en fut trefheureufe que ie ne fuis pas en mon priué, &
en la ville de Rome, à l'inflance du mefme ce peu que l'en ai m'eft fort
Pape , qui lors efloit des Carafîes fafcheux , à caufe des chaleurs extrê-
Neapolitains , Paul IV (1), & des mes ;bref, vous attendriez , félon le
Cardinaux , comme nous dirons ci- prouerbe , « l'enfantement de l'ele- C'eft à dire
apres.
peu Quant qui
recueillir, à prefent
eft le plu?
qu'on a
, ce certain & phant, « & auriez vne chofe mal efcrite chofe impof-
de mes incommoditez. Il m'a
à caufe mieux °'^'
digne de mémoire, ce font les con- femblé de vous enuoyer feule-
feffions , & l'Epiflre que lui-mefme a ment ce que i'ai dit & refpondu , &
efcrite des prifons à fes amis, en lan-
gue vulgaire, pour leur confolation & le plusfible,
brieuement
confermé mefmequ'ilparm'ales efté pof-
propres
en tefmoignage de la grâce que Dieu lois & canons de la cour Romaine, à
lui fit & continua iufques à la fin, la- leur plus grande confufion ; & ce à
quelle epiflre a eflé traduite comme l'exemple des Apoftres, lefquels con-
s'enfuit. ueinquoyent les Juifs, par leur propre
Loi , que le Meffias eftoit venu , &
'1 Mes frères, me reconoiffant obligé
qu'icelui eftoit lefus Chrift, lequel ils
à vous de lien perpétuel & à toufiours auoyent condamné & crucifié. Il eft
bien vrai que cefte miene confeffion
Maiih. ^4. thieu : « Je frapperai le Pafteur, Aies autre chofe de confiderer l'Eglife in
brebis s'cfcarteront. » Ce qui fut dit concreto , comme on dit, & la confi-
des Aportres, defquels il elloit Paf- derer comme vn corps myflique com-
teur & Chef, comme il ell auiour- pofé de cède vnion de Chrelliens & ' Tiré de Leoi
d'hui
aucun deautre
toute nei'Ej,'life
doit catholique. Et
témérairement de Chrid, & ainfi qu'elle efi appelée
le corps de Chrift au canon ' In Ec- thclius Euet»
occuper fon lieu s'vfurpant par tyran- clefia , i. queft. i. En premier lieu, Pape à Na- 1!^
r Eglife catholique contient fous foi tantinople.
nie, par f^uerre , par extorfions, rapi-
nes, fraudes, tromperies & hypocriiie, plufieurs corps , alfauoir tous les que de Confi
les iurifduSions de Jefus Chrill , lef- Chrefiiens, & auffi contient fous foi
quelles il a acquifes & faites fienes vne chacune Eglife particulière. Et
auec fi grand prix, non point de fan^
c'eft ce que vous me demandez. le
des taureaux ou d'agneaux , comme il vous.di donc que c'efl chofe raifonna-
Heb. 9. & 10.
eft efcrit en l'Epiftre aux Hebrieux , ble qu'entre les Chrefiiens il y ait des
mais par fon propre fang , s'ofTrant Pafieurs, & mefme en toutes les par- : l
foi-mefme en facritice faind , pur &
ties apparentes de l' Eglife catholique ;
■innocent, & apaifant l'ire deBien
Dieu, & voila ce qu'on dit In concreto. Or,
en fatisfadion de nos péchez. eft
confiderant
eA feulement la fpirituelle
myllique. , ie
cardi tous
qu'elle
les
vrai
Dieuqu'en chacune
ordonne des partie de fon
Preftres & Eglife
Euef- Chrefiiens enfemble auec Chrill com-
ques, mais il ne donne à aucun d'en- pofent vn corps , non matériel , mais
tr'eux la primauté. Et vos propres fpirituel, contraire & ennemi de nof-
I
loix difent que tous ont vne mefme &
• Tiré de S. tre chair, d'autant qu'icelle n'eftant
Hierofme à égale puilTance, au canon * antepe- point de ce corps , ne peut auffi en-
nultiefme , vcrfet Si autcm , Dillinc- tendre quel il eft ; mais trop bien Si-
l'Euefque tion 9]. Mais Chrift le déclara Prince,
Euander. l'efprit l'entend & le conoit. Et de ce
Mailire , Seigneur & Chef de tous,
dont fi aucun prend hEfrdielTe en terre corps myllique n'y a autre Pafteur
que Jefus Chrift. Les Euefques mef-
de le faire appeler Seigneur, Mailire, mes font membres de ce corps &
Chef ou Prince brebis de ce Pafieur vniuerfel , qui efl
excommunié félonvniuerfel, n'eft-il
vos canons, pas
difans
Chrift. » D. « Donc fi tu confefi'es ,
• Tiré de S.
qu'il fait contre Dieu.> Les mots du auec ton babil, que l' Eglife catholiaue
lean Chryfof- Décret, en la * quaranfiefme Diflinc- efi en terre & qu'aucun n'en eft chef
tome. tion. chapitre dernier, font tels : Qui- vniuerfel que Chrift, di-nous où fe-
conque dcfire la primauté en terre ront les Pafteurs que nous te difions
trouuera là con/ujion au ciel, & qui- deuant .' » R. « le di que ces Paf-
teurs defquels S. Paul parle doyuent
tre nombre conque taj'che
entred'eflre Prince nededoit
les feruilcurs cf-
Dieu. eftre chacune partie apparente de cefte
Le mefme fe prouue auffi par le ca- Eglifecatholique. Dites-moi vne Eglife
• Tiré du Con-
cile Africain de lanon *antcpenultiefme
Diflmdion nonanteneufiefme. Si penultiefmen particulière apparente, & ie vous mon-
& de Pela^ius firerai le Pafteur qui neceffairement
D. '< Or fus, où font les Pafieurs y doit eftre. » D. ■ Si tu te dis eftre
Pape el'criuant
a tous les defquels fainft Paul fait mention
Euefqucs. membre de l'Eglife vniuerfelle «& affer- .
(comme auons dit ci-delTus), & com- mes qu'icelle doit auoir fon Pafteur en
ment fe peuuent-ils trouuer & conoif-
tre en cefie tiene Eglife catholique , chacune partie aparente, c'eft ce que
nous voulons. Refpon, où eft ton Paf-
teur .>» R. B II y a deux fortes de Paf- Deux fortes
laquelle tu dis & forges en l'air } de Parteurs.
Comment pourra-elle auoir des Paf- teurs en terre : l'vn es chofes fecu-
teurs, puis qu'elle cfl abfiraite & ima- lieres, lequel eft pour la defenfe des
ginaire r» R. « L'Eglife que ie con- bons & pour le chafiiment des mef-
ielTe, ie ne la cerche point en imagi- chans;
nation ou nuées, comme vous dites, inftruire l'autre eft pour enenfeigner
les Chrefiiens la crainte&
mais afferme qu'elle e(t ici en terre, de Dieu & foi Chreftiene , par paro-
entre ceux qui font feruiteurs de les & exemples de bonne vie , leur
Chrifl, lefquels habitent en ce monde adminifirant les Sacremens. Or ie re-
efpars çà & lA , ainfi que le confirme conoi ici pour mon Pafteur es chofes
• Tiré de S. voflre canon * CathoUca, Dillindion feculieres le magnifique Gouuerneur
AuguH. au I. 1 1. Si que tous ceux qui font Chrefliens de cefte ville de Padouë , & les fei-
de la foi
catholique. doyuent entendre qu'ils font laquelle
en l'E- gneurs de Venife, qui font mes Prin-
glifc catholique (St vniuerfelle, ces ;mais touchant la parole de Dieu
eux-mefmes font & conftituent. C'efl »^ les Sacremens , ie n'y reconoi au-
POMPONIVS ALGIER.
cun Pafteur, pourautant qu'il n'y a au- lypfe , chapitre premier, appela les
tre Eglife aparente que la fynagogue Sacremens , la vifion des Eftoiles &
Papiflique , de laquelle ie ne veux ef- Chandeliers, & au 17. nomme Sacre-
tre membre , ne demeurer auec elle ment la rcuelation de la Femme & de
en aucune forte. » D. « Si tu ne veux la Befle. Le mefme fe void en plu-
eftre auec elle , & es en cefte cité
fieurs .autres lieux de l'Efcriture
fans Pafteur , tu es donc hors de fainde , comme au 6. & i 2. ch. de la
l'Eglife ; car S. Paul dit que toutes Sapience. Toutesfois ie fai bien que
les Eglifes ont leurs Pafleurs. • R. ne m'auezinterrogué dece Sacrement-
« Cela ne s'enfuit point pourtant : Tu ci. Si vous voulez donc fauoir quels
ne vis pas en l'vnion de l'eglife apa- i'eftime Sacremens entre ceux lefquels
rente, & n"as aucun Pafteur ou Euef- vous cerchez, demandez-le moi &
que aparent : donc tu n'es pas de ie vous refpondrai volontiers. » D.
l'Eglife catholique ; car il peut eftre ic Nieras-tu que l'ordre facré ou ec-
que quelque Chreftien fe trouuera clefiaftique ne foit facrement.' » R.
entre les Turcs en pays barbares. S'il « L'ordre
en foi aucunquemyftere.
vous appelez facré que
pour autant n'a
confelTe Jefus Chrift , combien qu'il
ne foit en la congrégation des Chref- ce n'eft point le charadere extérieur
tiens & n'ait aucun pafteur Euangeli- qui conftitue ou fait le Preftre & Euef-
que, le doit-on pour cela eftimer hors que, mais l'eledion de l'Eglife. Tout
de l'Eglife catholique, & le reputer le myftere donc confifte en l'ondion
autre que Chreftien ? Les Parteurs feulement du S. Efprit , fait intérieu-
aparens doyuent eftre en l'Eglife apa- rement, le diroi bien pluftoft & con-
rente. Que fi l'Eglife n'eft aparente , fefl'eroi que le Pape eft aduerfaire de
il eft fuperflu d'y cercher des Euef- Chrift & que tous ceux auffi qui por-
ques & Pafleurs. » D. « Ne parle tent fon charadere ne doyuent point
plus, ne parle plus, la nuid appro- eftre appelez Pafteurs ou Miniftres de
che, & n'as encore refpondu des Sa- Chrift, d'autant qu'ils guerroyent fous
cremens. Va, retourne en prilbn , & vn autre eftendart & ont vn autre ca-
tu conoiftras fi tu es fans Pafleur; &
pitaine que Chrift. » D. » Nous fom-
mes donc miniftres du diable, & non
t'appareille à te retrader , fi feras
bien. » R. » En me remettant en pri- de Chrift. » R. « Jugez cela vous-
mefmes. Vos œuures vous manifef-
fon, ie di ces paroles : i'y vai volon- tent , defquelles & vous & ceux qui
tiers, voire à la mort, s'il plaifoit à
Dieu que ce fufl à cefte fois ; ie fuis voudront pourrez faire iugement. »
ici pour cela. Dieu , par fa fplendeur, D. « As-tu bien la hardielTe de dire
en illuminera vn chacun d'auantage , que les Diacres , Soufdiacres , Pref-
tellement que l'endurerai alaigrement tres & Euefques ne font point minif-
tous tourmens, d'autant que Chrift, tres de Chrift.^ » R. << Tous font de
parfait confolateur des âmes affligées,
Dieu, moyennant qu'ils ne dépendent
eft ma lumière & vraye clarté , puif-
point du Pape & qu'ils annoncent
fante pour dechaft"er toutes ténèbres. i'Euangile & prefident fur la parole
de Dieu, & non fur celle de l'Ante-
chrift, portans fa bulle & fon charac-
tere. » D. » Quel eft donc ce charac-
Second examen touchcini les Sacre- tere que tu dis eftre reprouué, & qui
mens. eft ceft Antechrift & fon règne, duquel
auffi tu fais mention en certains efcrits
& tiennes lettres .>» R. « Touchant au
D. " Combien crois-tu qu'il y ait
de Sacremens en l'Eglife? » R. « le charadere qu'on doit auoir en abomi-
ne fai pourquoi vous me demandez le nation & horreur, ie di que ce font
Tiré de S. Au- nombre des Sacremens, veu que, par les ornemens des preftres & moines,
gull. au 10. liu.
de la Cité de la définition de Sacrement, on n'entend leurs veftemens , capuchons, couron-
Dieu, cSc du nes & autres chofes femblables. Le
autre chofe qu'vne mémoire & figne
2. de la vie vifible de chofe facree , au canon Sa-
Chreflienne. Papat eft de l'Antechrift , pour autant
crijïcium & au fuyuant De confecra- qu'il eft eftabli contre le commande-
tione, Diftind. 2. Toutes les fois que
vous me monftrerez le myftere & mé- ment du Seigneur, comme i'ai dit ci- Antechrift.
deft'us, eftant ainfi que ce nom d' An-
moire d'vne chofe fainfte, en quoi techrift ne fignifie autre chofe que ce-
que ce foit, ie prendrai cela pour Sa- lui qui eft contre Chrift. Son royaume,
crement. Et S. lean en fon Apoca- ce font preftres, moines & autres, fur
268 LIVRE SIXIEME.
I
ble ; Aprenez , mes bien-aimez , en aurons véritablement perdu tous nos
combien de fortes le Seigneur ertend labeurs, veilles, fueurs & entreprifes.
fur fes feruiteurs fa douceur, bénig- Que l'homme miferabie me refponde :
nité & mifericorde ; lequel a le foin
de les vifiter en leurs tentations, & Quel foulas & remède aura-il s'il n'a
pointlasde Dieu , lequel
& médecine eft le vrai
fouueraine ; & fou-
me
daigne eftre auec eux en quelque lieu
Obieflions que ce foit, leur donnant vn efprit & veut faire à croire d'auoir la mort en
de la chair & lean 14. 6.
du monde cœur paifible. Ces chofes pourront- horreur, lui qui eft ia mort en péché ? Si
elles eftre conues du monde r non Chrift eft la voye , la vérité & la vie ,
aux martyrs de
Jefus Chrin. y a-il vie fans lui .' Les chaleurs me
certes, car l'ignorant ne dira-il pluf-
font comme vne frefcheur ombrageufe
(i) Cette lettre, écrite de Venise le 12 juillet & l'hyuer m'eft vn prim-temps au Sei-
1555, des prisons de Saint-Marc, se trouve gneur; comment craindrai-ie les cha-
aussi dans Pantaléon (p. ;28), qui tenait,
dit-il, l'original des mains de Celio Seconde leurs, veu que ie n'ai pas mefmes peur
Curione. C'est à cet auteur que Foxe ( IV, du feu .' Celui qui brusle de l'arnour
467) et peut-être aussi Crespin l'ont em-
pruntée. (i) Soulagement, consolation.
11.
LIVRE SIXIEME.
I
toutefois viuans fains & faufs, ayans pourtant ie le cercherai. » Si donc ¥
■* les iours, & Ibmmes eftimez comme mandemens de Dieu, pour fuyure le m.d.lv.
brebis J'occillon. » Mais ainfi faifaiit confeil des hommes ; car il eft efcrit
nous fuyuons nollre chef & Capitaine au Pfeaume premier de Dauid : « Bien-
i 2J^. Jel'us ChriO, lequel a dit que « le dif- miné au heureux eft l'homme
confeil des qui n'a point &che-
mefchans ne
ciple n'ell pas plus grand que le maî-
tre, ni le feruiteur plus grand que fon s'eft arrefté en la voye des pécheurs,
feigneur.» O Seigneur, tu l'as dit ! voire & ne s'eft point affis au banc des mo-
& que ceux qui te voudroyent fuyure queurs. la
" n'auiene que je renie Chrift
prinllent leur croix. au lieu de le confelîer. Je ne priferai
CoNSOLEZ-vous, mesfreres, en Dieu,
pas d'auantage ma vie que mon arrve
de forte que, quand vous tomberez en & ne changerai point la vie auenir au
diuerfes tentations, vous ne fuccom- fiecle prefent. O que certui-la eft fol
qui en certe forte nous argue de folie 1
2. biez. qui
ceux Vous
nous fauez
tuent qu'il eft faire
penfent efcritgrand
que le ne trouue aucunement honnefte
feruice à Dieu. Les angoilTes donc de d'acquiefcer en celle manière aux ma- n entend les
la mort font certains fignes & fymbo- gnifiques, fages , paifibles, mifericor- Sénateurs de
les de noftre diledion & de la vie à
dieux & illuftres Sénateurs , defquels Vemfe.
venir. Efiouyffons-nous au Seigneur , les prières me font coramandemens,
chantons lui cantiques de louange , car les Apoftres nous enfeignent :
confideransque, fans aucun crime, nous « Qu'il faut pluftoft obéir à Dieu qu'aux Ades 5. 29.
!. [7. fommez liurez à la mort, « car il vaut hommes. » Or quand premièrement
bien mieux endurer en bien faifant nous aurons ferui à Dieu , comme au
(puis que telle ell la volonté de Dieu) fouuerain Monarque du monde , nous
qu'en faifant mal.» Nous auons l'exem- fommes
ple en Chriil & es Prophètes, lef- puiftancesende après tenus lefquelles
ce monde, d'obéir auxie
quels, à caufe qu'ils parloyent au Nom defireroi eftre parfaites deuant le Sei-
du Seigneur, ont elle expofez au plai- gneur. Us font magnifiques, mais il
fir des enfans de ce monde , & main- s'en faut beaucoup deuant Dieu; ils
tenant nous les difons bien-heureux font iuftes , mais le fondement de iuf-
d'auoir enduré ces chofes. Efiouyf- tice qui eft lefus Chrift, leur défaut;
fons-nous donc en noflre innocence & ils font fages, mais où eft la crainte de
iuflice. Le Seigneur iugera ceux qui Dieu, commencement de (ageiTe? ils
nous perfecutent, à lui feul apartient font bénins, mais où eft leur charité
la vengeance. le fuis accufé de folie Chreftienne ? ils font bons , mais ie
à caufe que ie ne veux euiter la mort leur defire le vrai fondement de bonté ;
par diflimulation, donnant femblant de ils font illuftres, mais ils reiettent le
conoirtre Dieu ; ainfi me dit-on que, par Seigneurde gloire, (c Maintenant donc, pf ^
vn feul mot, ie peux remédier à tous ô vous tous Rois & Princes, entendez,
ces tourmens ; ô poure homme , qui & vous Gouuerneurs de la terre, pre-
pour auoir oublié Dieu ne vois point nez inftruétion, feruez au Seigneur en
mefmes la lumière du Soleil ! Aye crainte & vous efiouyftez en tremblant.
fouuenance de ce propos de Chrift :
Baifez le Fils, de peur qu'il ne le
. 14. (( 'Vous elles la lumière du monde. La courrouce & que ne periffiez de la
cité fituee fur la montagne ne peut ef-
voye, quand» Pourquoi
foit peu. fon ire s'embrafera
le mutinent tant
les
tre cachée. On n'allume point la
chandele pour la mettre fous le muy gens & murmurent les peuples en
mais fur le chandelier, afin qu'elle ef- vain f pourquoi fongez-vous chofes
claire à tous ceux qui font en la mai- vaines contre le Seigneur f pourquoi
j. 18. fon. 11 Et en vn autre lieu : « Vousferez s'auancent les Rois de la terre & con-
52. menez deuant les Rois & Magifirats, fultent enfemble contre le Chrift le
ne craignez ceux qui tuent le corps, Saind de Dieu ? iufques à quand cer-
mais plufloft celui qui tue l'ame. Tout cherez-vous menfonges & aurez en
homme qui me confelTera deuant les haine la vérité .' Conuertiffez-vous au
hommes, ie le confefTerai deuant mon Seigneur voftre Dieu, & ne foyez plus
Père qui eft es cieux , mais celui qui endurcis de cœur. Car qui perfecute
m'aura renié deuant les hommes, ie le les feruiteurs de Dieu , il perfecute
renierai deuant mon Père qui eft es auffi Dieu mefme, fuyuant ce qui eft
cieux. » Si donc le Seigneur a parlé fi dit : « Tout ce que les hommes vous
clairement, où eft fondé le confeil que feront ne fera pas fait à vous , mais à
me donne ce mal-heureux mondain.'
moi. "
la n'auiene que ie mefprife les com- Si ainfi eft donc que, contre l'opi-
LIVRE SIXIliMC.
276
nion commune des hommes, ie n'ai
refpondu au delir de tres-illuflres Sé-
l"uis-ie eftimé coul- La mort bicn-heureujc de Pomponius
pable, veunateurs,
que pourquoi
ie Seigneur a prédit Algier, exécuté à Rome.
que, quand nous ferons liurez deuant
les Magillrats, ce ne fera point nous Apres que Pomponius eut quelque
qui parierons, mais fon Elprit r Puis temps eftii es prifons de Padouë , il
que le Seigneur a prédit ces chofes fut mené à Venife , où par la fageffe
(lequel n'eïl point menteur) Ot que ie humaine plufieurs alTauts lui furent li- Vains clTorl»
lu: parle point de moi-mefme , ie n'ai urez : c'efl alTauoir de fauuer fa vie de la fagelTe
donc aucune couipe. Qui fuis-ie qui en faifant femblant de fe defdire. Et humaine.
puilTe reliQer à la volonté de mon
c'ert ce qu'en l'Epillre précédente il
Dieu .' S'il y a quelqu'vn qui oie re- exaggere (i) tant , & loue & magnifie
prendre telles paroles, qu'il argue le le Seigneur de ce que iamais on ne ie
Seigneur qui a ainll bel'ongné en moi. peut ne diuertir, n'efbranler, tellement
Et s'il lui femble qu'il n'y a aucune qu'à la lin pour lapariugement
moindre peine qu'on
reprehenfion en Dieu , qu'il ne m'ac- lui fouft donner, fupreme
cufe point , qui ne fuis caufe de celle de la Seigneurie , il fut condamné aux
œuure, ayant fait ce que ie ne vouloi
faire, & dit ce que ie n'auoi penfé. galères. pour
referué Mais faire
le Seigneur, qui exprès
vn meflage l'auoit
Que fi les chofes que i'ai produites
font mauuaifes, qu'ils le monftrent, & de fes iugemens aux fuppofts de l'An-
techrift Romain & à fon Clergé in-
lors
moi ie& confell'erai
non de Dieu qu'elles
; maisfortent de
fi elles fâme, fufcita le légat (2), qui lors ef-
toit à Venife, de demander Pompo-
font bonnes & aprouuees, A ne peu-
uent élire iuflement accufées , il faut, nius à latrefagreabie
Seigneurie ,à afin
offrande fon d'en faire
mairtre le
vueillions ou non , & maugré nos
Pape, qui lors elloit Paul IV. de la
dents, que nous accordions & admet-
mail'on des Carafîes, homme en fon
SairiCle tions qu'elles font précédées de Dieu. dernier aage autant inueteré en mal
confiance Lefquelles chofes admifes, qui ell-ce
qu'onques il en fuft. Le genre du der-
qui m'accufera ? fera-ce vne gent très
fage r Qui me condamnera r feront-ce nier fuppiice qu'il endura fut tres-
cruel, tant y a qu'en fa mort il effraya,
ces iugcsla trefiuftes
facent, parole de .' Dieu
Et bien qu'ils nele
pourtant par fa confiance & magnanimité, tous
les plus vénérables pères de Rome
fera ne
gile pointfera
annulée. Pournicela
empefché iugé l'Euan-
; mais fpeilateurs d'icelie , & le Seigneur
lors lui donna force & confiance con-
le royaume de Dieu fera tant plus
cher & amiable aux vrais llraelites, & uenable à la dodrine
tée & maintenue qu'il
deuant lesauoit por-
hommes.
tant plus viftement paruiendra-il aux
cfleus de lefus Chrift. Et ceux qui
feront telle chofe fentiront ie iuge-
ment de Dieu , & les homicides &
meurtriers des iufies ne feront point
fans peine. Mes tres-chers , efleuez Robert Glover , Anglois (}).
vos yeux, & confiderez les confeils de
La verge de Nous auons en cejle lii/loire vn miroir
pefle pourquoi Dieu. Le Seigneur n'agueres a monf-
enuovee. Iré vne efpece & image de pefie :
cela a efié fait pour noflre corredion. de preud'hommic nai'/ue , confite en
bonnes ô'- J'ainâes mœurs , & non
Que fi nous ne le receuons , il def- feulement en la perfonne de Robert
gainera fon glaiue, A frappera la gent Ghuer , mais aufji en fon frère
qui s'efl elleuee contre Chrift de
glaiue, pelle, famine, le prie le Sei- verger de la prifon Léonine, •> était les ter-
gneur qu'il dellourne tel fléau de ribles cachots de Saint-Marc, situés non
nous. Mes frères, i'ai efcrit ceci loin du lion de bron/e
à la république qui servait
de Venise. d'armoirie
Rome avait aussi
pour voftre confolation. Priez pour
moi. Adieu, tous feruiteurs de Dieu. sa prison Léonine, au château Saint-Ange,
où lut transféré Algieri. Voy. Bonnet, Der-
Dv trefplaifant verger de la prifon niers Récits, p. 12).
Léonine , ce douziefme du mois de (1) Dans le sens de faire valoir, faire res-
sortir.
Juillet I SS5 (i). P. Algier.
(2) Il se nommait Dclla Casa.
(!) Crcspin, édit. de 1564. p. 086; édil. de
(I) Ce que Algieri appelait u le ircrplalsanl 1570, f" J7l-)75- 'Po\M, II, t. V, p. )84-}99.
ROBERT GLOVER.
lean, duquel par occajion la vie ejl de la vertu & puiffance du Fils de m.d.lv.
ici propofee , & les combats par eux Dieu qui eftoit en ce perfonnage , le-
foulhnus.
quel s'il n'euft remis en eftat par con-
Robert Glouer eftoit ilTu de noble folations fouuent continuées, il n'euft
porté tant de douleurs & angoiffes.
parentage , & auoit fon frère Jean La caufe laquelle lui efmouuoit tant
Glouer, tous deux d'ellat honnorable de troubles n'eftoit pas de grande im-
portance ;mais voila comment il en
& condition aifee de polTeffions qu'ils auient que couftumierement ceux qui
auoyent de leur père: mais beaucoup
plus riches eftoyent-ils en la crainte font les plus fain6ls & les meilleurs
fe tienent toufiours pour fufpefts à
de Dieu & biens de l'Efprit. Défia
dés longtemps Robert auoit conoif- eux-mefmes, & cela fait qu'ils font ef-
branlez fouuentefois. Il lui auint, après
fance de l'Euangile,
demonftroit bien par voire telledequ'il
fa vie ne auoir efté premièrement illuminé en
l'auoir receue en vain. Toute fa foli- la conoiflance de la vérité , que re-
citude tendoit à ce but de monflrer tombant en fa première façon de vi-
quel il eftoit au dedans, affauoir vraye- ure, il eut depuis, reuenant à foi, tel
ment reformé par l'Euangile, & ne defplaifir, qu'il vint à vn defefpoir de
s'eftudioit point à aparoiftre deuant falut , mettant deuant fes yeux qu'il
les hommes, ains à faire que fa vie auoit péché contre le fainél Efprit.
refpondiftà fa profeffion. Mais le Seigneur, qui eft feur gardien
Or auoit-il vn fien frère, vn peu plus des fiens, modéra tellement cefte ten-
aagé que lui, nommé Jean Glouer , tation ,qu'il lui donna grand repos
duquel nous dirons quelque chofe , d'efprit & accroiflement en la conoif-
auant que venir à l'hiiloire des com- fance de l'Euangile , fi que fa vie, fes
bats que Robert a fouftenus contre mœurs & le zèle au pur feruice de
Dieu vint en euidence, voire aux en-
les aduerfaires de l'Euangile. Ce lean,
ayant laiflTé la plufpart de fes biens à
nemis & nommément de l'Euefque de
fes frères , s'eftoit referué quelque Conventrie (i), lequel incontinent en-
portion , laquelle il lailToit difpenfer à uoya lettres au Maire de Conventrie & ^
quelques fermiers, afin qu'il euft meil- au Capitaine du lieu, à ce qu'ils donnaf-
leur loifir de vaquer aux chofes diui- fent ordre que Jean Glouer fuft ap-
nes, ayant atTez bonne conoiffance des préhendé. Auffi toft que le Maire eut
lettres. Vrai eft que Robert fon frère receu les lettres de l'Euefque , il en-
eftoit vn peu plus doéle en cefte forte uoya fecrettement vn homme vers
des
bien lettres
parler;qui [Toliflent
m:is Juan l'homme
eftoit plusà lean Glouer, pour l'auertir de l'entre-
prife dreffee contre lui, afin qu'il peuft
exercé es chofes de ki \ raye religion. de bonne heure pouruoir à fes afaires.
Tous deux auoyent prefijue vn mefme Icelui fortit viftement auec fon frère
efprit ; & quant à la dextérité, il n'y Guillaume
laiffé la maifon, & àde grand'peine
veuë , que auoit-il
voici le
auoit pas grande .différence ; mais
quant au defir & reuerence de la reli- Capitaine & vne bande de gens entrè-
gion, àlaquelle tous deux fembloyent rent dedans pour prendre Jean, félon
efgalement eftre nais , ils fe relfem- le commandement de l'Euefque. Et
bloyent fi bien , qu'à grand'peine comme ainfi
trouuer, vn desfoit fergeans
qu'ils nemonta
le peuft'ent
en la
euft-on choifi lequel on deuft préférer
chambre haute, en laquelle il trouua
à l'autre, finon que, comme Robert ef-
toit plus roburte de corps, auffi aper- Robert, frère d'icelui. qui eftoit défia
des long temps malade au lid ; il le La prife de
ceuoit-on en lui
ment contre les qu'il eftoit de
ennemis plusvérité
véhé- ;
print donc au lieu de Jean fon frère , Robert.
toutefois , Jean craignoit moins les & l'emmena. Et combien que le Ca-
dangers. Et combien que Robert foit
ean OinuLT mort martyr, toutefois lean afpiroit à Robertpitaine&ne demandart
fauorifer àqu'à
toutefaire plaifir
la caufe,
afpirc ;ui de pareil defir au martyre. Robert a
maruro. enduré la mort , laquelle a efté voire- & que pour cela il fift tout ce qu'il
pouuoit pour le laiffer aller, difant
ment cruelle & afpre. lean, par plu- que ce n'eftoit celui pour lequel on
fieurs fois,ietté
a enduré angoiffes les auoit là enuoyez, toutefois vn des
& a efté fouuent dedans d'efprit
le feu
intolérable d'vne géhenne par diuer-
fes tentations. Celui qui a recueilli (i) L'évêque de Lichfield and Coventry
était alors le D' Ralph Bayne. Il fut élu en
cefte hiftoire s'eft fouuentefois efbahi 1,-54 el déposé en IÇÇ9.
LIVRE SIXIEME.
officiers
78 , infirtiint ijuiiu moins on le par leurs œuures) ont mis leur falut
dcuoit j;Mriicr iufqucs à la venue de
propre
Dieu en oubli.
me Tant laqu'il
prolonger vie plaira
en ceà }
l'Euefque, le (it mener en prifon con-
tre le gré du capitaine. Nous auons monde , ie ne cefferai de lui faire j
inféré ceci de lean Glouer pour monf- prières pour vous, à ce que, par fa \
trer ce qui a eflé touché ci-deffus , grande
de iour mifericorde
en iour en c%vous
bonté,
, etil parface
auance •'
affauoir qu'il n"a point elle exempt de
perfecution pour vne mcfme caufe de
ce qu'il a vne fois heureufement com-
l'Euangile, Quant à Robert Glouer, mencé ,c<' que le tout foit à la gloire
le Seigneur l'appela à fouffrir mort de fon Nom , & qu'il vous arme & >
pour teflifier de fa vérité. On pourra gouuerne tellement par la force fe- j
trop mieux conoiftre le difcours des crette de fon Efprit, que tous deux j
procédures tenues contre lui , par la
cnfemble , par le lien d'vn mefme ef- |
lettre qu'il manda à fa femme, bien prit (comme auffi nous fommes liez
amplement parlai efcrite pour fa con- par mariage) , nous célébrions fa
folation & de tous fidèles . comme
s'enfuit : louange en l'autre fiecle , à la confo-
lation & félicité perpétuelle de tous
deux. Amen.
Ses lelires
à fa femme, La paix de la confcience , qui fur- Or tant qu'il lui plaira vous faire
monte tout entendement, vous foit viure en ce monde , ie vous prie de
cfqucllcs il bon cœur vous accouftumer fur tou-
monrtre les ottroyee en accroiffement perpétuel ,
procédures & auec toute liefTe , confolation, force tes chofes à fouuent prier Dieu, efle-
interrogations & vertu au fainft Efprit , & foit aug- uant vos mains pures au Seigneur
des aduerfaircs
de verilé mentée en vfiftre cœur par la foi viue, (comme S. Paul admonnede) fans ire, i. Tim. 2. 8.
contre lui , ferme & confiante en noftre Seigneur contention, ne doute, inettant en ou-
durant fa lefus Chrift, feul Fils & bien-aimé de bli toute iniure & outrage qui vous
prifon. Dieu. Amen. Je vous mercie grande- auroit efté faite , & pardonnant fi
ment des lettres que m'auez enuoyees vous auez quelque chofe contre quel-
en la prifon , ma bienaimee en noftre cun , comme lefus Chrift nous par-
donne. Et afin que vous foyez de tant 1
Seigneur, lefquelles i'ai leuës par deux
fois, auec beaucoup de larmes, pro- plus facile & encline à pardonner les
cédantes non point de quelque trif- offenfes faites par autrui , ceci vous
teffe ou douleur, ains d'vne ioye & fera bon <!k vtite, que vous mefmes
reduifiez fouuentefois en mémoire
iieffe incroyable d'efprit. l'ai conu
par icelles l'œuure admirable de la l'enormité & horreur des péchez, lef-
grande mifencorde A' bonté de Dieu, quels lefus Chrift nous a pardonnez,
comme en vn vif tableau dépeint de & lefquels il nous remet tous les
viue affedion du profond de voftre iours. Il auiendra par ce moyen (comme
cœur. le ne me fuis, di-ie , peu con- faind Pierre nous remonftre) que nous
tenir que de grande reliouifrance ie entretiendrons mieux la charité mu-
tuelle entre nous . et plus facilement
n'ayc ietté larmes de mes yeux & rendu couurirons & pardonnerons les péchez
grâces au Seigneur pour vous, lequel,
félon fa grande douceur & bonté , les vns des autres , quelques griefs
s'eft monflré clément âi bénin enuers Qu'ils foyent. Et pource que la parole
vous, ou plulloft enuers moi. Pour de Dieu nous enfeigne ceci ouuerte-
ment , non feulement comme il nous
certain, ces lettres que i'ai receuës, &
le bon rapport que nos amis me font Aiut prier, mais auffi ce qu'il nous
de vous, que vous profitez de bien en faut fuyure, & ce qu'il nous faut fuyr,
mieux en la vrayeconoilTance de Dieu, dk ce qui efl agréable à Dieu ou non ;
& perfeuerez conftamment & fidele- faites , ie vous prie , que toute voftre
oraifon tende principalement A ce but,
iTient en icelle, m'allègent grandement
que le Seigneur , félon fa grâce &
en ces ennuis & fafcheries qu'il ine
faut tfius les iours endurer en la pri- bonté infinie , infpire de iour en iour
fon. Ces lettres vous feruiront quel- & de plus en plus la vraye conoif-
quefois de lefmoignage manifefle en fance de fa Parole en voftre entende-
ce grand iour du Seigneur, contre
plufieurs femmes délicates de nollre tre viement,que
t% qu'il
lesconduife tellement vof-
fruifls refpondent à la
temps , diflfolues & par trop plus conoiftlince.
adonnées aux defirs it cupiditez fu- Av furplus, puis que le faind Ef-
rieufes de ce monde qu'à Dieu , A prit appelle cefte parole : Parole d'af- i- Cor. 1. i".
lefquelles (comme on peut conoiflre flidion , aft'auoir d'autant qu'elle a
ROBERT GLOVER.
fouuent & prefque ordinairement les monde ; mais ceux-ci perfecutent , M.D.LV.
incommoditez de ce monde coniointes tuent, traînent aux feux & tourmens,
auec foi , les opprobres , les haines , fans différence, tous ceux qui acquief-
les dangers, les perfecutions, la perte cent à la pure doélrine du Fils de
tant des biens que de la vie , comme Dieu. Chrift & fon Eglife offrent vo-
vous en eftes bien admonneftee par lontairement leur dodrine pour eftre
expérience ordinaire , tant plus dili- examinée félon les fontaines de l'Ef-
de Dieu , gemment
pourdeuez-vous
implorer l'aide
vous rendre forte à liberté àcriture
tousdiuine,les & hommes laift'ent vne pleine
du monde
porter le fardeau , félon rauertilTe- d'en conférer, comme le Seigneur dit,
ment que le Seigneur nous en fait , & Jean, 5. : « Sondez les Efcritures. »
que puiffiez , par la grâce du S. El- La faufl'e Eglife tient bien toute autre
prit , demeurer ferme contre toute façon & tout au rebours , par laquelle
tempefte & orage , reduifant fouuent eft défendu au peuple d'en faire iuge-
en mémoire ce qui eft aduenu à la ment, ne permettant à homme, quel
Gen. 10. 20. femme de Lot, laquelle regarda à ce qu'il foit , d'examiner les fruids de la
qui eftoit derrière elle. Rien n'eft fi vraye conoift'ance
Efcritures. félonEglife
La vraye la reigle des
de Dieu
defplaifant
faux feruiceà inftitué
Dieu que l'idolâtrie
outre & fans , (on
ou
a toufiours eu ceci en recommanda-
commandement. Gardez -vous bien tion, de refifter de toute fa puilTance
donc de vous polluer de la MelTe, aux peruers defirs de la chair, du
qui eft pleine de blafpheme, & direc- monde & du diable , à toutes tenta-
tement répugnante à la parole de
Dieu & à hnftitution de Chrift noftre tions &cupiditez defbordees; au con-
traire on
, verra la plus grand part de
Seigneur. Combien y a-il de ceux qui ceux-ci fe plonger dedans les bour-
font tant peu que ce foit exercez en biers de toutes voluptez & ordures,
la lefture des fainftes Efcritures , qui & commettre des vilenies exécrables,
n'entendent bien qu'auiourd'hui^ en qu'il n'eft licite d'exprimer. Il eft bon
& ne s'ac-
fe fait, ne & expédient de conférer fouuent les
Angleterre pure neparole
corde à la rien qui foit faits auec les exemples de ceux qui
propre pour feruir au baftiment & ont aprobation par la parole de Dieu,
édifice de l'Eglife de Chrift r la pluf- qu'ils font vrais membres de Chrift &
part fe vantent & mettent en auant Il me à femble qu'on les
qu'ils font l'Eglife, & par ce titre-la bienEglife.
peutfon
de comparer Nemrod, lequel
s'attribuent la foi. le leur ai dit que l'Efcriture depeind fous la figure d'vn Gen. 10. 9.
la vraye Eglife ne reconoit autre chef veneurcarrobufte & d'un fort comba-
que le Fils de Dieu , noftre Seigneur tant; ceux-ci ne pouuans faire par
Jefus Chrift. Elle oit tant feulement
parole ce qu'ils veulent, ils l'exécutent
la voix de fon Efpoux; elle eft con- par le glaiue , & en defpit de tout le
duite & gouuernee par icelle , félon
monde veulent qu'on eftime qu'ils font
que le Seigneur Jefus lui-mefme dit : l'Eglife. En bonne confcience, on les
lean 10. 27. « Mes brebis oyent ma voix. Si vous
peu't nommer Enfans du diable, comme
& s ;i. demeurez en moi & fi ma parole de- auffi le Fils de Dieu appeloit ainfi lean 8. 44.
meure en vous , vous eftes vrayement
iadis leurs predecefi'eurs. Car tout
mes disciples. » L'Eglife n'adioufte que
ainfi teur le diable leur père eft men-
& n'ofte rien, & nedepreiudicie point ces
au & homicide , auffi leur royaume
Ezech. o K. Teftament facré Dieu. Mais
& Eglife , qu'ils appelent , eft compo-
& 20- orgueilleux qui iournellement m^an"ail- fee de menfonges & meurtres. Pour
cefte caufe , ma femme bien-aimee , ie
lent
toutes n'ont
chofespoint de honte
falulaires d'abolir
ordonnées par
vous prie n'ayez aucune accointance
le Fils de Dieu , & de paillarder en auec leurs doftrines , de peur que ne
leurs propres inuentions (afin que ie
participiez auec eux, aufquels la dam-
parle félon la façon de l'Efcriture) & nation éternelle eft préparée, s'ils
à fe refiouir & gaudir es œuures de ne fe repentent de bonne heure &
leurs mains. C°"'7 '^*
en vérité. Gardez-vous de leur babil
Conférence L'Eglise de Chrift a efté par tout de ceux qui f^"^^;';"'*^
de la vraye (Se jufques à cefte heure & fera ; elle a & des faux confeils
vous admonneftent de temporifer pour
laiiiie Emilie toufiours eu la croix pour compagne ,
fuietie à diuerfes fafcheries de ce c'eft chofe hor- Heb. 10. 51.
quelque
rible tomber ; car
de temps es mains du Dieu
monde & toutes fortes d'incommodi- viuant. Qu'il vous fouuiene de ce que
tez , d'autant qu'elle n'eft point du le Prophète Elle difoit : « Pourquoi
2Ro LIVRE SIXIEME. i
I. Rois iK. ji. clochez-vous des deux coftez .' Si le " Tu la fauras quand nous ferons ve-
Seigneur efl Dieu . fuyuez-le ; fi Baal nus deuant les feigneurs de la ville.
eft Dieu, fuyuez-le. ■•Ne mettez auffi Et quand & quand il me mena droit
Luc II. t<z
en oubli la l'entcnce de Jefus Chrift : en prifon , & de tant plus que l'ini-
" Celui qui met la main à la charrue quité de laquelle on a vfé enuers nous
it rej^arde derrière foi n'ell point di- eft grande , tant plus grande confola-
tion auffi Dieu nous fait fentir en nos
gne d'eflre de mes difciples. » Ceux qui miferes. Le monde fauorife en toutes
fe monflrent craintifs & fe portent
lafchement en l'afaire & œuure du fortes ceuxcontraire
qu'il tient alTuiettis à foi ;
Seigneur font mis au rang de ceux mais au il hait & detefte
Apoc. 21. I. outrageufement ceux qui ne font point
qui doyuent ertre iettez en l'eftang de
foulfre.
Proposez-vovs en outre deuant du monde. Tort après l'entrai en vne
Vfage de falle, puis fus mené en vne chambre,
l'hiftoire des où ie me repofai ouelque peu, &, de
Martyrs.
les yeux les exemples de ceux qui ,
d'vn grand courage , fe font oppofez ioye que i'auoi , larmes me fortirent
aux violences des aduerfaires pour des yeux en grande abondance. Lors
maintenir la querelle du Fils de Dieu, ie commençai à méditer ainfi en mon
(S: ont vaillamment combatu iufques à Oraifon de
efprit : ■■ O fouuerain Seigneur de Clouer.
obtenir vidnire. On peut nombrer entre tous les Seigneurs, moi miferable &
les anciens champions , Daniel & les chetif ! quel bénéfice que ie fois nom-
trois Hebrieux, qui furent iettez en la bre auec tes champions & feruiteurs
fournaife ardente , & les enfans de la tant fidèles & heureux , qui fouffrent
vefue ; & . entre les nouueaux auffi , pour maintenir la caufe de ton Euan- Effet excelle
Anne Afkeue , Laurent Saunders , du S. Efpri
gile 1 Ainfi, d'un codé, confiderant
Bradford (i), & plulleurs autres fidè- mon indignité & les miferes & ordu-
les martyrs de Jefus Chrill. S. Paul en fes cflcu-
Phil. I. res de ma vie pecherelTe , & , d'autre
dit : •< Ne foyez eftonnez en rien à part . vne infinité de grâce & bonté
caufe de vos aduerfaires, qui leur efl
de mon Dieu qui m'appelle à telle
caufe de perdition A à vous de falut. »
félicité , i'ai erté fi efpris d'efbahilTe-
Et le Seigneur Jefus nous dit : " Ne ment & rcfiouifiance , que ie me fuis
Matth. lo. 2K.
craignez point ceux qui tuent le fenti pour quelque temps comme yure.
A qui reffem- corps. " A vrai dire , la plufpart des O Seigneur qui monflres ta vertu en
bleni les ido-
lâtres. la faibloilTe, ta fapicnce en la folie, &
hommes reffemble au coq d"Efopc,
qui , ayant trouué vne perle , aima exerces mifericorde au milieu des pé-
mieux vn grain de froment. On n'en- chez, qui efl-ce qui t'empefchera d ef-
lire ceux que tu voudras, & en quel-
tend point quel ihrefor c"ert que la
parole de Dieu, à laquelle on pré- que part que tu voudras? Or tout
fère les chofes de ce monde mifcra-
ainfi que iufques à prefent i'ai fait
ble qui font plus vaines qu'vn grain confeffion de ta vérité d'vne affeftion
Tenlationv
non feinte , auffi ne me fuis-ie iamais
.lux fidèles. de froment ou d'orge. Si i'eulTe voulu
prefler l'oreille aux raifons ou argu- eflimé digne d'vn tel honneur, de
mens des hommes , beaucoup de re- foufîrir afflidion. »
tardemens fe prefentoyent : en pre- Apres vindrent vers moi les fei-
Tentation
nouuellc
gneurs Guillaume Brafbourg, Katerin
mier lieu, l'afTecSion que ie vous porte
& à nos enfans , nos biens & podef- Phinces, Nicolas Hopkin (i), pour
fions qui font aflTez amples ; mais, grâ- me perfuader que ie donnafTe quelque
ces A noflre bon Dieu, par lefus Chrirt pleige ou refpondant pour me deli-
noflre Sauueur vnique , il n'y a rien urer de la prifon. Aufquels ie ref-
de tout cela qui m'ait retardé. Jaçoit pondi en la façon qui s'enfuit : Pour
que du commencement (afin que ie le autant que les principaux feigneurs de
confeflTe franchement) ie fu faifi de
la villtr m'ont fait mettre en prifon
frayeur à la première violence de mes fans auoir eflé premièrement informez
aduerfaires , eflant efmeu de quelque que ie fulTe coulpable ; fi ie faifoi ce
apprehenfion de danger , tant y a qu'ils me confeillent , ce fcroit me
neantmoins que, par la prouidence di- rendre coulpable. S'ils n'auoyent de-
uine, cefte frayeur s'efl efvanouïe. quoi m'accufer, ils me pouuoyent laif-
QvAND le Lieutenant vint A moi, fer aller & ofler de la prifon fans
ie demandai la raifon pourquoi il ef- caution. Eux, d'autre part , propofe ■
toit là venu, lequel me refpondit :
(I) Ces noms sont écrits : W. Brasbridgc,
(I) Voy. I. I . p. «01 ; t. Il , p. I J7 . 176. C. Phincas et N. Hopkins par Foxc.
281
ROBERT GLOVER.
M.D.LV.
s félon
rent plufieurs railbns, efquelle eres, me préparant à endure que
r alai-
l'apparence, il y auoi t plus de feurté grement & de bon cœur tout ce
culi
nue d'honnefteté . mettans en auan
t feroit
la violence de FAntechrift me
faci le,/ , '.e voul o. auff i vne cho fe qui me rendit
3uil me feroit fait, de
11 Y eut
toft
rompre le ferment que 1 auoi fu aue rt.
ger le alaigre , Ceft que ie
me mettre hors de tout dan après que l'E uef que ven oit & fero it
refpondi derechef que des long temps en bref en ces quartiers-ci.
eux
i-eaoi refolu en ceft afa.re Mais
UllOVclut LauL f^.u-, - - .
mnft oyen tant plus ij^ ^±' JJ^ ';^
auec
fans forts que l'en efchapperoi
Voya nt qu ils ne tai- le vraifer-
facile cond itio n. , Gloucr intcrrogué quel eft
fovent fin de me confeiUer et prier uice diiii n , pre nd pou r mge la pn-
ieur Hop kin que mitiue Eglife.
ie refpondi à monf
la vne & et^^"
paix choi ^'J^.
^"' ten
rranc uiHit
confcience.
ede tout
de conf cienque
ainfi ce eft fort
pre- ntvES
L'E luiQVE laant
eneft arr onm'am
oniuéde, Dent on ena (ij,
dre auffi eft-elle ineftimablement peu deua maif
cieùf e. Ayan t fur cela quel que pré-
ma prière où de prem ier abord il vfad vne
de loifir pour méditer, ie adema ndant face qu'il eftoit mon Euelque & pour
fecrette à mon Dieu , lui le me
cefte caufe m'admoneftoit que n;ance.
fecours & confeil prefent , & qu en fubmiffe à lui en vray e obei
grâce
ceft inftant il m'adminiftraft par fa Puis m'interrogua fi i'eft oi inftruit aux
ce qu'i l cono iftr oit lettres ou non. le lui refp ondi que >e
& bonté fecrette ceux-ci
eftre expédient. Et lors que j'eftoi quelque bien peu. Le raporta
Chance-
'^'Zr'- eîrenrc'effé de m'exhorter, vne con- s près de lu,
lier quieftoit affi s Lors
folation finguliere vint inco furuint
ntincn nue i'eftoi Maiftre es art
faifir mon cœur . Apre s eux . Pour-
l'Euefque me fit cefte demande
monfieur Dudlee (i), & «i%d°nna quoi ie ne fréq uent e les temp les &
fait les
femblable confeil qu'auoyent t'oi au feruice diui n. lequepouu o
'e bœn -
rt aff.f __^^^ _^^^^^^
pref que de mefm es paro- Quelle raifon il y auo.t
autres, vfant renuoyai auec pareiUt par tergiuerfation .repo""^'^.,^''"V° „ que de fauuer
les lequel ie ^^ ^.-^ ^^^
refponfe que les autres. at,t Et encore mande, pource qu'il n y auoit paskmg
lafaire fon diocef e , tou- difiim uianon.
retourna-il vers moi, &deb temps que i'eftoi en
& d'au tre auec plufieurs aidé de la bonté & grâce
d\n cofté SLeftant
me vin plement
raifons, & à la fin cefte penfee de mon Dieu, ie refpondi fim
ues à ceft e heur e a, fait cela iufq ues à pre-
en refprit : Jufq e & confeffion de la que ie n'auoi re
folicité à conf tanc fent & ne le feroi déformais , enco
1 ai eu qu il me
vérité tous ceux auec lefquels que i'euft-e cinq uant e vies
E. « Je
M,n,a,-es de à faire, & ai efté com me vne trom- felluft conferuer par tel moyen.
lEuangile, nette à cc que nul ne quittaft rien ac fuis venu pour vous enfeigne
r & non
notez ceci. [^ doftrine Euangehque aux adueriai- enfe igné . .. Gl. « le
quelle infamie & point pour eftre , fi
res. Maintenant, fuis fort preft d'aprendre & meou.rpu.fte
defhonneur me feroit-ce, là fi^, abandon- vous auez quelque chofe qui
mon bou- fera celui
nant mon rang & iettde ant
la preffe ? Et bien enfeigner. » E. -< Qu.
, me retiroi
clier ie conftituerons luge ou arbie-
que tre >nous
» Gl » Jefus Chnft lui-mefm
quelle matière de triftfidè effe & de fcan- tre au
dale donneroi-ie aux cont les genfd ar- nefaifoit difficulté de permet
mes de Chrift ? & au raire, quelle fa doô rin e félon
rlaires peuple d'examiner cela ne
occafion donneroi-ie aux adue les fainaes Efcritures. Et fi
ceft e rai- rs au lu-
de fe rire & moquer ? Pour fuffit, ie me fubmets volontie
fon . mefprifant les dang ers & mena- gem ent de la prim itiu e Egh fe ou de
Heureufe
"Xirt ces de ce monde orgueilleux & tous^ celle qui eftoi t proc hain e du tenips
allechemens de la chair, le équi ne delaif- . » E. « le fuis voflre
table. des Apof tres
ferai vne caufe tant iufte & voti^ de-
ces chof es en moi- Euefque, & pour cefte raifon foi & ac-
Ainfi rumi nant
le uez vous accommoder à ma
mefme, auec repos de confcience, ment. » Gl. '<cQ^e
m-arreftai finalement à cela , de faire quiefcer à mon s iuge blan au
olt fera-ce fi vou tournez le
ce qui eftoit de mon deuoir, pluft noir & fi vous dites que
les ténèbres
à mes affe dion s parti - raifon y auro. -Il
que de feruir Lt lumière? quelle vous direz.
u de confentir à ce que
. i) Ce Dudiey est un personnage inconn
comme les précédents.
(1) Personnage inconnu.
282 LIVRE SIXIEME.
œuures fans acception de perfonne. fon ,eflroit & obfcur à horreur. Pour M.D.LV.
lle
» Voftre poure prifonnier , toute lumière, il y auoit vne fenda
qui donnoit de trauersvn bien qui peu de
)i Robert Glover. » tult
clarté. On ne me donna rien
L'inhumanité On ne me fit aucune refponfe à ces pour auoir quelque repos ou allége-
tenue à ment àmon poure corps, m efcab elle.
lettr es. Je penle que l'Eue f- ni banc , ni autr e chofe quel conque
l'endroit de
Glouer en la miene
s elier,
que en fut caufe & le Chanclettre s, pour m'affeoir , finon que ce lephcot
auoir veu mes
me fit bailler vn peu de paille en lieu
prifon. lefquels, après
tant plufto ft
ont penfé qu'il faloit
ue con- de lia pour cefte nuift-la. Mon Dieu
auancer ma mort. Ei i'ai quelqque ces par fa bonté infinie me donna fi grande
iedure qui me fait penfer ences
deux-ci ne tendoyent à autre but finon patience à porter toutes ces viol talu
& opref fions , que, quan d il m euft
de m'opprimer fecrettement en pnfon
mourir cefte nuia-la, i'eftoi du tout
en quelque forte que ce fuft , auant ; difpofé à l'endurer. Le lendemain,
que fuffe admis à défendre ma caufe
lephcot, acompagn é de Perfé (i), ier-
car ils m'ont traitéargum d'vne façon qui uite ur de l'Euefque, venant de bon
m'eft affez fuffif ant ent pour me
na matin vers moi , ie commençai à me
faire penfer ceci. Ainfi on ordon pleindre : « Voici vn grand outrage
sens qui nous deuoyent mener de
fit-on qu'on me fait, le Seigneur nous doint
Conventrie à Litchfeld, & nous edi » Us me permirent de recou-
monter à cheual vn iour de Vendr patience.
urer vn lia où ie pourroi repofer. Au
enuiron les onze heure s; cela le ht
refte , ils ne me voulurentme lama is ot-
afin que fuffions en fpeftacle ànt plu- le troye r que quel que ami vinft voir,
fieurs & afin qu'ils embrafaffe combien qu'ils me viflent en grand
contr e nous, comm e s'il n'euil mefme ne me vou--
peuple Ils h- danger de rder ma vie, ni encre, m plume, m
point efté défia affez enuenimé. es paten -
luren t acco
rent fur l'heure lire les lettr pté vn nouueau
les Hure quelconque, exce
tes par lefquelles on defendoit les Teft amen t en Latin & vn petit hure
liurès de tous bons autheurs & i'auoi apporté tours auec
commentaires fur la faiofte Efcriture de prières que defr obee. Deux
chemi n, & moi comm e à la
Nous-nousmifmesdonc en oine
en bien peu de temps nous arnuafmes après, le Chancelier & vn Chan ,
du lieu, lequelonnommoitTemfee(2)
à Litchfeld & logeafmes en affez l'hoftellerie ert
s humai- vindr ent à vers mon moi Euefque pour & m'exme hortfiren
du Ci'^ne, où nous fufme foupé , lephc ot,
d'obéir
lephcot , nement traitez. Après t
feruiteur du
feruiteur du Chancelier (1), vint vers proteftation qu'ils ne me vouloyen
Chancelier.
s non plus de mal qu'à leur prop re ame.
nous, en la garde duquel nous fufme Il fe peut faire que le Chancelier
me
liurez . Nous le priaf mes inlta m-
lors prop os, pour
ce i'auoi dit à Conventrie ce que peu aupa -
tint qu il
ment qu'il nous fuft loifible de repofer rauant
cefte nuia en l'hoftelleri e. Premi ère- e moi.
machinoit vne ruine iniufte contr
ment il nous accorda noftre requefte , A fon exhortation ie fi prefque celte
foit que ce fuftfonà la foli- obeil-
mais depuis, autre s, ou de propre refponfe que volontiers rendroi
citation des fance à celle Eglife qui fe fubmet à
mouuement , il fe defdit de la pro- me dit : « Com-
meffe qu'il nous auoit faite. Et tout
parole ment Dieu
de conoif . Et
tras-t u lailparole de Dieu ,
foudain, accompagné de beaucoup de
fi r Eglife ne te la monftre & quel enfeigne .? »
complices, il nous tira de làefton en la pri- « L'Eg life , di-ie , monftre le eft la L'Eglife n'eft
fon ,le peuple eftant tout né de , mais elle n eft pas
parole de Dieu
nous voir. le remonftrai derechef à par delTu s. lean Bapti fte grande que la
pourt ant pas plus
lephc ot, qu'il euft à faire fa charge monftre Jefu s Chrif t au peup le; s en-
laq. 2. i;
auec bénignité, autrement prépa lugement
fans mifericorde eftoit ré à fuit-il que Jean Baptifte foit par del-
fus Jefus Chrift f Ou fi ie monftre qui parole.
qui ne font point de miferi - le lau-
La mifericorde ceux corde en iuftice. Mais voici quelle eft le Roi à quelqu'v n qui ne
le
des mefchans. pour toute ma roit pas , direz-vous pour cela que
ie peu obtenir de lui er
celi
remonftrance , il me mit feul au heu fuis Jardeft-us le Roi? Le Chan fuyuit
la pn- eut la bouche clofe & ne pour
le plus bas & profond de toute
r de levé
Jephcot était au service du chancelier
(I) ng.
Dunni (0 Ce Persey était serviteu
Bayne.
(2) Temsey.
\
284
LIVRE SIXIEME.
mains de certains fergeans bien inf- quelques iours matté par prifon, on
truits à faire tout outrage & violence,
& fut enfermé en prifon obfcure , & l'enuoya quérir pour eftre amené aux
difputes, ou pluftoft débats publiques, Tiré en dif-
tourmenté longuement , voire & en efquelles eftoyent venus Papiftes en
plufieurs façons. Apres qu'il y eut de- grand nombre de toutes les contrées
meuré certain temps, fe voyant enui- du royaume ; mais quelles rifees, quel- putes.
ronné de toutes parts de la haine des les moqueries il y eut du cofté des
jgj Papiftes, voyant auffi que tout efloit aduerfaires, il n'eft befoin de reciter;
plein de fraude, defloyauté & trahifon, mieux fera d'employer le temps à Efcrit de la
extraire du traité de la Cène (i) que Cène.
il prefenta requefte qu'on delegaft lu-
ges, qui prinlfent conoilTance de fa ce faind perfonnage fit en la prifon ,
caufe, & qu'il en fuft eftabli tel nom- chofes necelTaires à édification , com-
bre qu'on fe peuft alTeurer que l'équité mençant parl'oraifon qui s'enfuit.
d'iceux ne pourroit ertre corrompue
par dons ni varier par faueur , ou Âef- (c Pere celefte, qui es le feul autheur
chir de crainte. Et pource qu'il eftoit & la fource de vérité , voire la pro- Sa prière au-
queftion de la dodlrine & religion , fondeur infinie de toute conoillance, ment du traité
commence-
qu'il en fit.
qu'il euft à refpondre deuant gens de nous te fupplions , nous poures mife-
bon iugement & fauoir. Or la plus
rables, que tu rempliffes nos cœurs de
grande confolation que ce fainâ per- ton faind Efprit , & que tu efclaires
fonnage eut, eftant en la prifon, ce nos entendemens de la fplendeur de
fut par efcrits familiers qu'il eut fpe- ta diuine grâce. Ce que nous te de-
cialement auec Hugues Latimer, au- mandons non pas en confiance de nos
trefois Euefque de Worceftre , qui
d'vn mefme temps auffi eftoit prifon- mérites , mais pour l'amour que tu
portes à ton Fils lefus Chrift noftre
nier pour vne mefme caufe, dont ci
Sauueur. Car tu vois, ô Pere débon-
après fera traité. naire ,que ce différent touchant le
^^ Pendant fon emprifonnement , les
aduerfaires, Gardiner,Tonftall, Boner, corps & le fang de ton cher Fils Je-
Heth, Day, 'Wofton (i), & autres tels fus , a troublé plus qu'on ne fauroit
eftafiers du Pape , fubornerent des croire ta poure Eglife, non feulement
hommes cauteleux & bien exercez en à prefent, mais il y a ia des ans beau-
toutes rufes & tromperies , qui vin- Francecoup ,,-tant en Angleterre
Allemagne qu'en
& Italie. Et ce
drent dire à Ridlcy, vfans de prières
par noftre faute , comme nous le con-
& promeffes , & l'exhortèrent à bien felTons, 'entant que par nos démérites
penfer de quelle dignité, de quels nous auons tant de fois prouoqué ton
honneurs & eftat il eftoit decheu , que
ire et ta vengeance fur nous. Mais
s'il vouloit fuyure le confeil qu'ils lui .toi, Dieu trefpitoyable, pren compaf-
donneroyent,tl4:s'acommoderau temps, fion de tant de maux , & nous monf-
ils lui expo.fent le bien qui lui en re- trant ta faueur ancienne , fubuien à
uiendroit , & que la Roine lui pro- noftre calamité. Tu fais tresbien, Sei-
mettoit fort amplement. Or ces ga- gneur, comment ce miferable monde,
lans voyans qu'ils ne le pouuoyent
aucunement diuertir de fon propos, & tranfporté de fes paffions, ainfi qu'vne
qu'on ne pourroit contenter le peuple, roue agitée inceffamment tantoft d'vne
finon que la chofe fuft décidée par
difpute, ils le baillèrent à vne com- (f) Ce traité sur la Cène ne se trouve pas
dans les Acts and Monuments de Foxe. C'est
mené àpagnieOxfort
de gens , d'armes pour
vniuerfité eftre
enuiron probablemenl
tulé :A Trcatisela traduction de l'écrit
0/ thc Blcsscd inti-
Sacrament.
deux iournees de Londres, & auec lui
Au lieu dans
donné, de ce latraité, Crespin
Troisième avait
partie du d'abord
Recueil
Thomas Cranmer, Archeuefque de
Cantorbie , & Latimer, lefquels peu des Martyrs (1550), une sorte de correspon-
dance entre Ridiey et Latimer, sur la ques-
de temps après, pour la mefme religion, tion de la Messe. Cette correspondance ,
'1 traduite du vulgaire anglois, >■ avait paru en
furent auffi brul'Iez. Là ayant efté anglais en cette même année 150, sous ce
titre : Certein godly, learned and comfortable
conférences belween N. Ridelcr hislwppe 0/
(i) Gardiner, évèque de Winchester et
lord chancelier d'Angleterre; Tunstall, évè- London, and Hughe Latymer. Il est curieux
de Durham;
que dres; Bonner, év-èque de Lon- qu'après avoir traduit cet écrit, qui occupe
Heath, archevêque d York ; Day, une quarantaine de pages dans son édition
évêque de Chichester; Weslon, doyen de remplacé, dans ses
Westminler (Voy. t. I, ;i ;, 325 ; Il , 9; , 06, éditions Crespin l'ait par
de i;5û, postérieures, le traité sur la
106, i;i). Cène qui suit. 'Voy. Foxe, t. VII, p, 410.
288 LIVRE SIXIEME.
fainfl: Marc n'accordent pas feulement faid en foi , comme nollre Seigneur m.d.lv.
Jefus Chrift a inftitué & diftribué ceft
à la chofe, mais qu'ils vfent prefques excellent Sacrement de fon corps &
des mefmes mots , finon que lainél
Matthieu (félon qu'on lit en quelques de fon fang, en mémoire éternelle de
exemplaires Grecs) dit que le Sei- foi, iufques à fon retour ; de foi, di-ie,
gneur Rendit grâces , & faind Marc c'eft-à-dire , de fon corps liuré pour
qu7/ bcnit ; lefquels mots en ceft en- nous, & de fon fang efpandu en la re-
droit fignilient vne mefme chofe. De- miffion des peche\. Or cefte fouue-
rechef faind Matthieu dit qu'il com- nance ou mémoire qu'il requiert des
manda que : « Tous hcujjent de la fiens n'eft point telle qu'elle doiue
coupe , » & faind Marc dit : « Qu'ils eftre tenue pour chofe de petite con-
heurent tous à l'heure. « En outre, le fequence; mais commeen c'eft
Chrift de la fufciter nous,à &lefus
de
premier dit : u De ce fruiâ, >> & l'au-
faire que nous la puiflions appliquera
tre : « Dufruià,
Venons maintenant» omettant
aux autresl'article.
deux ,
cefte inftitution , entant qu'il eft vrai
afin que nous voyons femblablement Dieu & vrai homme, auffi la puilTance
en quoi ils conuienent , & en quoi ils diuine furmonte & outrepalTe infini-
différent. Il y a en fainâ Luc : « Puis ment toutes les fouuenances que les
Luc 22. hommes pourroyent auoir, tant de ce
il priai du pain, & rendit grâces, & le
rontpil, & leur donna, difant : Ceci e(l qui leur attouche que d'autre chofe
mon corps, lequel est donné pour l'ous; quelconque. Car qui reçoit ce Sacre- En la Cène
faites ceci en niemoire de moi. Sem- ment, félon la reigle & manière que du Seigneur il
blablement il leur bailla la coupe après Chrift
fouper, difant : Cefte coupe eft le nou-
.,
il reçoit-^l'aauili
inftitué
/•(-
ou la1 en •
viemémoire
1 dei
ou la lui, y ^ "'^lïc°"ne
mort,
mort ; ce ^efte rien pour
ueau Teftament en mon fang , qui eft que nul de fain iugement ne niera, tiers lieu,
refpandu pour vous. » Mais S. Paul veu que c'eft (à mon auis) la commune
recite tout ceci vn peu plus au long opinion & foi de tous Chreftiens.
2. Cor. II. en ces termes : « Noftre Seigneur le- Auffi S. Paul l'afferme en s'adreflfant
fus, la nui£l en laquelle il fut liuré, aux fidèles qui reçoyuent deuëment ce
print du pain, & ayant rendu grâces, Sacrement. Il parle en cefte forte :
le rompit , & dit : Prene\ , mange\ , « La coupe de beneditlion, laquelle
ceci ejl mon corps, qui eft rompu pour
vous ; faites ceci en mémoire de moi. nous benijfons, n'ejl-ce point la commu-
Et femblablement print la coupe, après ioufte nion:du fang de Chr'ijll
« Le pain ^ Puis
que nous il ad-,
rompons
parlant de la table du Seigneur ,
qu'il
cjl le eut foupé,tellanient
nouueau difant :enCelte coupe
mon fang; n'eft-ce point la communion du corps de
faites ceci, toutes les fois que vous en Chrift 'f » S'enfuit donc que ceux qui
boirei , en mémoire de moi ; car toutes font vrayement participans du Corps
les fois que vous mangerei de ce pain , & du fang de lefus Chrift acquièrent
& boire:{ de cefle coupe, vous annonce- falut & vie éternelle. Puis , vn peu
rez la morl du Seigneur, iufques à ce après, parlant des infidèles, il les ad-
qu il viene. » monnefte au chapitre fuyuant, comme
eftans en vain affis à cefte Table : « Qui-
Il appert manifeftement qu'au lieu
que S. Luc a mis : « Efl donné, » conque, dit-il,
» « mangera ce pain, &
faind Paul a vfé de ce mot : « Efl boira la coupe du Seigneur indignement,
rompu. » Et comme faind Luc a ad- il fera coulpable du corps & du fang du
ioudé ces mots : i Qui eft refpandu Seigneur. » Que cerchons-nous doncr
pour vous , » à ce que faind Paul a Souhaittons-nous la vie, ou fi nous de-
dit de la coupe ; auffi faind Paul a
'9
firons efchapper la mort ? Qu'y a-il plus
conjoint au dire de faind Luc ce qui propre ou plus conuenable à cela ,
s'enfuit : « Faites ceci, toutes les fois qu'vn chafcun s'efprouue foi-mefme
que vous en boire:{ , en niemoire de auant que manger de ce pain & boire
moi. « Ce qui fuit en faind Paul au de cefte coupe r Car quiconque en
mefme chapitre & ce qui eft contenu mange ou boit indignement, il mange
au précèdent, apartient à la vraye co- & boit fon iugement, ne difcernant
noilfance de la Cène & manière de la
point le corps du Seigneur, & ne fai-
célébrer deuëment, & contient par- fant point tel honneur comme il apar-
faitement levrai vfagedonc
d'icelle. tient àvne chofe de fi grande excel-
Novs entendons , tant des
lence. Combien qu'il ne faut pas
Euangeliftes que de faind Paul , non prendre ce que nous auons dit des
feulement les paroles , mais auffi le fidèles & infidèles, de la vie & de la
u
290 LIVRE SIXIEME.
mort, comme (i nous ellimions que la lent que le pain commun, ou non ; ou
vie fufl. rellituee par ce moyen aux fi la table du Seigneur a plus de di-
hommes qui font ia morts à Dieu. gnité que celles des hommes mortels,
Des edeus. Car comme nul ne peut eftre propre
à receuoir & vfer des viandes def- qui qu'ilslement lefoyent
figne &, oula bien
figurefi de
c'eftChrifl
feu-
quelles la vie humaine eft fubllantee it rien autre chofe. Car nous tous af-
& conferuce,
rement mis au (Inon
monde,qu'il
& foit premiè-
fait iouilTant pirons là, que le pain que nous rom-
de cette vie; auffi certes il ne fe peut pons l'oit la eommunion du corps de
Chri/}. Et n'y a perfonne qui foit (i
impudent de nier que celui qui aura
faireviequ'aucun
la prene
éternelle par lacenourriture
Sacrementde, mangé de ce pain , & beu de certe
finon néréqu'il foitD premièrement coupe indignement, fera coulpable de
Des reprou- de Dieu. autrepart auffi,régé-
nul
uez. la mort du Seigneur,
gera & boira it qu'ilpource
fa condamnation, man-
ne s'acquiert en ceci damnation, que
Dieu ne dul'ait
titution reprouué
monde auant laà conf-
, & defliné mort qu'il ne difcerne point le corps au Sei-
éternelle. Et comme il y a vn confen- voix quegneur. ces
Et auffiparoles
tous confefient d'vne :
de S. Paul
tement & accord en celle doélrine , I. Cor. I
" Si nous mangeons, nous n'en auons
auffi n'y a-il perfonne qui n'ait en point moins, » fe doyuent entendre des
horreur & deteftation l'herefie des viandes ordinaires dont nous vfons ,
Hill. Trip.
liu. 4. c. 1 1. Meflaliens, autrement appelez Euchy- & non de la table du Seigneur. Au-
tes (i) , qui difoyent que les viandes cuns débattent que Chrifi rompit au-
fpirituelles que le Seigneur donne en
tre chofe que ce qu'il auoit pris. Car
fa Cène, ne peuuent rendre l'homme ayant prins le pain (difent-ils) il le
ne pire ne meilleur; & femblable- bénit (comirie faind Marc tefmoigne),
ment, ces monftres d'Anabaptilk-s tellement que, par la vertu de cefle
ne mettent aucune différence entre qui
la benedidion , il changea la nature du
pain en la benediftion de fon corps;
Cène du Seigneur & la viande qu'ils tS: de là ils veulent conclurre que
mangent ordinairement en leurs mai-
fons; or la nature de charité ert que Chrifl ne rompit point le pain, qui
nous fentions & difions vne mefme
Curiolitez chofe enfemble. Ceux la donc me pour lors n'efloit plus pain , ains feu- RcfponfeJ
lement laforiTie & la figure du pain.
pernicieufes. femblent coulpables , qui fans propos
efmeuuent queftions, lefquelles ne La première refponfe m'eft baillée
par S. Paul , lequel confute aperte-
feruent que d'allumer noifes & dilTen- ment celle refuerie , qu'on dit auoir
fions, & qui font telles que tant plus eflé née au cerueau d'vn certain In-
elles croident & font entretenues, tant nocent Pape, & laquelle, après fa
plus rendent-elles les hommes enne- mort, fut recueillie & comme adoptée
mis & fufpeds les vns aux autres ,
par vn lean l'Efcot (1), prince des So-
tellement qu'on ne fauroit trouuer philles, >& Quellionnaires. Mais cefle
vne pefte plus pernicieufe ou mortelle,
belle lille Papale ellant en peu d'an-
anéantir du tout l'vnion nées deuenue vieille , ridée i*t débile
rompre AChreftienne.
Apourconcorde Et qui eft
en tous l'es membres, par le moyen &
celui qui ne fâche que telle eft la na- diligence d'vn ie ne lai quel empiri- * Il entend va
ture de vérité, qu'elle fe défend allez boutlque (2) (* hommenonaudacieux
recouura leulementiufques au liure imprimé
quelque
La TranlTubf- de foi-mefme, fans qu'il foit befoin de à Louuain
lantiation s'aider de menfonges r Car le différent vie cV; haleine , ains nouuelle force & fous un nom ,
Papillique, qui trouble tant auiourd'hui l'Eglife vigueur. Mais que pourront faire les
refuiee en ce
(ie di celui que les hommes d'vne & fonges des hommes ni les rufes des Marc AntoinJ
emprunté d'vri
liurc, a ruin6 lequel depui*
l'Eglife. d'autre part debatent) n'eft pas affa- Gardiner,
uoir-mon fi le facrement du corps & (1) Jean Duns Scol, surnommé le Docteur s'cfl vanté
Eucfque
Wincellrc.Je
du fang de Jefus Chrill eft plusexcel- subtil.
(21 L'évéque Gardiner avait publié, sous
le pseudonyme de i' Marcus Anloninus Con-
(1) Les Massii/iVns liraient leur nom d'un
mot syro-chaldccn qui si-nilie prier. On les stantinus.ristie, où•»ilunprenait
ouvrageà en latin Cranmer.
partie sur l'Eucha-
Ca auoirconti
conv^
i ■fi'
appelait en nrcc Eiichttcs ou encore Eiilliûii- livre ptirtaci pour titre : M. Ant. Ccnslantii P. Man.
sijstcs , parce que. dit Théndoret, ils pre- Ihccicgî Lovjnicnsis Confulatio cavillalionum
naient les mouvements de leur cœur pour
les suggestions du SHint-Espri:. Ils rejetaient qiiil'iis sa tucluirisliai: sjcramciilum jb impiis
les sacrements et le culte, et prétendaient Cjpcrnjilis impcii scicl. Par. (Lci'jn. 1552.)
Pierre Martyr lui répondit, en H50, par sa
la prière
que rapport intérieure seule mettait l'âme Dcfcnsic doctrinae vetcris el aposlolicac de ss .
en avec Dieu (Voy. ChasicI , //(.■;/. cucliarisliae sacramcnto.
du chrislian., t. II, p. 411).
NICOLAS RIDLEY. 291
fophifles, oppofees à la parole de nifeftement le Seigneur appelé la
Dieu r & quel befoin eft-il de debatre coupe : (< Le fruiSl de vigne. " Donc
fi curieufement que c'eft qui fe rompt en ce Sacrement du fang, la fubftance
en la Cène, veu que fainft Paul eftant du vin demeure toufiours.
Expolition des
iiiiier entré exprelTément en propos d'icelle Et ce paffage-ci me refraifchit bien
iienl. dit : * Il Le pain que nous rompons, Jefus Chrift.
ncft-cc point la communion du corps la mémoire combien s'eft
à proposinepte paroles de
monftré ce pape Innocent, en-
de Chrijl? » defquels mots nous re-
cueillons que ce que nous rompons, auoir efté forgé que
feignant le fonge i'ai ciSideuant
de lui. donc dit
vn
mefme après l'adion de grâces , eft tout feul petit mot (affaucir : // bénit)
pain. La Cène du Seigneur ne nous duquel S. Marc a vfé faifant mention
eft-elle pas fouuent fignifiee au Hure
des Ades des Apoftres fous la fradion du pain, a fi grande v^rtu qu'il puiffe
caufer la Trann"ubftantiation, puis que
du pain? « Ils perfcucroyenl , » dit Chrift n'a point vfé de ce mot (comme
faind Luc, « en la doElrine des Apof- auffi il ne fe trouue en pas vn des
tres,& en la communion. & au brife- Euangeliftes , ni faind Paul) quand il
ment du pain. « Et vn peu après il dit a parlé de la coupe , il faut conclurre
qu'ils rompoyent le pain par les mai- de là , qu'ilau nevin.fe Car,
tantiation fait nulle tranfifubf-
la caufe oftee,
fons. Item en vn autre palTage :
•■ Les dijciples ejlans aJJemUe^ pour il faut neceffairement que l'effed foit Ceft la
rompre le pain. » S. Paul mefme, le-
réduit à néant. Or puis qu'ainfi eft
quel a mieux & plus clairement def- qu'il y a toute vne mefme raifon au
refponfe àdela
Gardiner
crit que pas vn autre, tant la dodrine
pain &
reçoit au vin, tellement
changement , auffique,
ne fifait
l'vn pas
ne 48. P.obieclion
de Martyr.
que l'vfage & manducation facramen-
tale de la Cène, par cinq fois parlant l'autre, s'enfuit de là, que la Tranf-
du pain ne l'appelle point autrement fubftantiation ne conuient ni à l'vn ni
que Pain. à l'autre. Or tous ceux qui tienent le
En après adiouflons à ceci que le
pain facramental eH appelé le corps parti de la Trann"ubftantiation difent
tous comme d'vne bouche, que ce
myftique de Chrift ; & ce non pas changement fe fait par vne certaine &
Amplement , mais ne plus ne moins
expreft'e forme de mots , & allèguent
que le corps mefme d'icelui. Et qui eft
ne Chryfoftome, faind Ambroife, & au-
fait que la compagnie des fidèles tres autheurs, qui difent que ces mots,
aftauoir : « Ceci eft mon corps , » ont
auffi appelée le corps myflique d'ice-
lui ?Or y a-il homme, s'il en fut iamais vertu de confacrer; toutefois ils con-
au monde fi defpourueu d'entende- feffent qu'ils le font, pource que ces
ment ,qui ait ofé, non pas dire, mais mots-la nous aduertiflfent fi la confe-'
feulement penfer, que ce pain-la fe cration fe fait deuant la répétition des
tranffubftantie ou tranfelemente (à vfer paroles ou non. Mais oyons les pa-
des mots de leurs erreurs) en la fubf- roles que S. Paul recite auoir efté
tance de la congrégation des fidèles f prononcées par Chrift touchant la
Auffi certes nul ne doit non plus pen- coupe : « Cède coupe eft le nouueau
fer ou dire que le pain foit tranffubf- Tejlament en mon fang, faites ceci,
tantie en la vraye & naturelle fub- toutes les fois que vous en boire^ , en
ftance de Chrifl.
mémoire de moi. » AlTauoir fi les pa-
Le troifiefme argument eft pris des roles de lefus Chrift touchant la
paroles de lefus Chrift. La vraye
iubftance du vin qui eft la matière de coupe n'ont pas vne telle puifl'ance
cefte partie du Sacrement, demeure; d'opérer, & mefme vertu de fignifier ,
comme elles pourroyent auoir eftans
il s'enfuit donc qu'il en e(î autant du prononcées du pain; & ce verbe Efï,
Sacrement du pain. Or celui qui vou- en la fentence qui fait mention du
dra contrarier en cefte difpute, niera
& effeduel-
la première partie de ceft argument ; lement (fi nouspuiffamment
pain, fignifie les en voulons croire)
parquoi il la faut prouuer par la parole le changement de la fubftance qui
de Dieu. En faind Matthieu & faind
auoit précédé , en la nature de celle
Marc , après auoir fait mention de la qui fuit, quand il prononce : « Ceci ejl
coupe, Chrift dit : « le ne boirai dé- mon corps. » Que fi les paroles, quand E.xadle
derationconli-
des
formais de ce fruicl de vigne iufques à
il eft queftion de la coupe du Seigneur,
ce iour-la que ie le boirai noiiueau auec ont toute vne mefme vertu & faculté, Jefus Chrifl.
paroles de
vous au royaume de mon Père. »
tant en faid qu'en fignification, pour-
Aduifez, s'il vous plait, combien ma- quoi n'accorderons-nous auffi que le
LIVRE SIXIEME.
292
donc vne figure , par laquelle il nous
mefme verbe £"// . quand lefus Chrift
dit : Ccjlc coupe eft le nomicau Tejîa- exhorte de communiquer à la paj'fion
menl, fait incontinent que la fubftance du Seigneur & l'imprimer en la mé-
de la coupe foit lemblablement chan- moire auec fruiEl & contentement, en-
gée en la nature du nouueau Tefta- tant que fa chair a efté pour nous na-
vrée & crucifiée. »
mcnt, veu qu'il y a mefme raifon tant
d'vne part que d'autre .' Dont il aperl Refponfe
aducrfaire
Parqvoi ie ne me puis aft"ez efton-
combien s'abufent ceux qui s'obflinent ner de l'impudence de ceux qui, ayans
à prouuer & pour maintenir , comme s'ils & l'efpril (X le fauoir aft'ez bon, ofent
combatoyent leur vie, que Chrift dire quecefte fentence de Chrift main-
tenant amenée, eft voirement figurée,
en inftituant l'es Sacrcmens, a parlé félon ie dire de faind Auguftin ; mais
fans aucune figure , & pourtant qu'il
faut prendre fes paroles nuement & que c'eft aux gens charnels, infidèles,
en leur propre fignification; car il eft A qui ne fauent que c'eft des myfteres
tout manifefte en ce paffage, que ni la de Dieu, & qu'aux fidèles ce doit ef-
tre vne locution propre & fans figure.
coupe,
peu ne ce quieftre
proprement efloit dedans,
appelez n'ont
nouueau Or ie requier que ceux qui liront ceci,
Teftament , fi tu t'attaches ainfi crue- le lifent en équité & droiture ; &
ment à la fignification des mots. Et fi quand ils auront confide.ré auec iuge-
tu prens ce mot Coupe pour la coupe ment & raifon les paroles de S. Auguf-
contenant du vin, tu reçois vne figure
en ceft endroit. Car quoi? mefmes tu tin , non feulement pource qu'il en-
ne faurois nullement prouuer que cela feigne
fe doitque ce pan"age
entendre auecdefigure
faind, Jean
mais
(encor que tu difes que ce foit vin, ou pource que ces paroles ainfi expofees,
bien que tu imagines que ce foit le outre ce qu'elles nous donnent à co-
fang de Chrift) foit le nouueau Tef- noiftre qu'il y a figure es mots de
tament finon
, auffi que tu confeffes I'inftitution du Sacrement, nous mei-
que Jefus Chrift a là parlé par figure. nent auffi comme par la main au fens
Contre ceux La figure donc, deux fois répétée nayf d'iceux. Car fi celui qui nous
qui sarreiteni g^ ^efle fentence de i'inftitution du commande de manger la chair du Fils
de l'homme ou de boire fon fang ,
à laîe.Tre",' Sacrement du fang, aide noftre caufe. femble nous commander vn forfait ou
reieuans toiiic Dont s'enfuit que ceux mentent im-
inierpretation. pudemment , qui difent que Chrift chofe illicite (ce que nous ne faurions
n'vfe de nulle figure es chofes qui nier, fi on veut prendre les mots en
concernent la foi & I'inftitution des leur propre & vraye fignification) cer-
Sacremens, & nous accufent de mef- tes eftant ainfi que Chrift aitcommandé
chanccté, lors qu'il fit fa dernière Cène auec
de recourirdifans
ainfi :aux
Quefigures
s'il eftoit
quandlicite
on
fes difciples, qu'ils mangeaffent fon
voudra , les principaux poinfts de corps & beuffcnt fon fang, il ne fem-
la foi feroyent bien-toft renuerfez. ble pas auoir moins là commandé vn
forfait ou chofe illicite (fi les paroles
Mais ie vice
moindre refponde que ce n'eft
reietter vne pas vn
figure
font confiderees) qu'auparauant en
quand elle eft requifc en vne fentence S. Jean. Et par ainfi il les faut enten-
que de la receuoir fans neceffité, & en dre fpirituellement , & par la figure
peruertift'ant
Liu. ). ch. 16. uinement le fens. S. Auguftin a di- Melon/mie
auffi bien que , c'eft à dire
celles que, S.
tranflation
Auguftin ,
cfcrit plufieurs belles fen-
tences à ce propos , en fon Hure De a amenées en auant. Laquelle expofi-
la dodrine Chreftienne : <■ Quand
tion
tant de
plusfaind
eftre Auguftin
en grande nouseftime
doit ,a'au-
que
l'Efcriture, "dit-il, •' fcmble comman-
der quelque /or/ait ou chofe illicite, ou Chrift, outre le commandement de
bien défendre ce que charité requiert , manger fon corps & boire fon fang, a
con/effe^ tout incontinent par cela que adioufte comme pour conclufion :
ceft vne façon de parler jt^uree. •■ Et " Faites ceci en mémoire de moi; » à
afin de mieux aprouuer fon dire, il l'intelligence defquels motscefte belle
emprunte vn exemple du (1. chapit. de expofition de S.que
Auguftin
l'Euangite félon faind Jean, où Chrift fait ijauerture fait vnen'a clef
pas moins
à vne
dit : " Si vous ne mange^ la chair du ferrure.
La M elfe,
Il me fouuient de quels mots nous
Fils de l'homme, £■ ne hcuue:{ fon fang, recueil de
vous n'aure^ point vie en vous. •■ Puis fournit la Meft'c à ce propos, qui eft
adioufte : « Il fcmble là commander comme le réceptacle de toute abomi- loule abomi-
vne chofe illicile & mejchante , ceft nation, defquels quand il me fouuient, nation.
NICOLAS RIDLEY.
1
par fon babil fardé & rufé, ne puiffe
obfcurcir, ou defguifer, comme nous que ce Tome des œuures d'Origene,
mis de n'agueres en lumière par
voyons qu'aucuns, pour quelque dex- Erafme, n'eftoit pas fans foupçon. Or
il eft facile à entendre , combien eft
eux , &téritéded'efprit & éloquence
laquelle qui eftbien
ils fe fauent en
chofe friuole & pernicieufe de refpon-
vanter, afin d'ofter aux rudes & fim- dre ainfi, & de condamner les vieux
ples tout fentimenl autheurs qui es anciennes librairies
ne veulent receuoir d'ouye
ni ouïr &cedeque
veuë,
les
autheurs fufdits ont (\ clairement ef- gifans en la pouffiere & moifift'ure ,
maintenant par la diligence & induf-
crit touchant le Sacrement. Mais quoi trie des gens de fauoir, retirez des
que doyuent creuer ces beaux A fub- vers & lignes qui les rongeoyent. font
tils caufeurs, fi ert-ce que la vérité mis en lumière , comme Clément
emportera en fin la vidoire.
Oyons donc maintenant parler ces Alexandrin,
toire Theodoret,
Ecclefiaftique luftin , l'hif-
de Nicephore. &
pères Grecs, qui traitent celle matière
tant doélement & pertinemment. En femblables. L'autre refponfe qu'ils
font, eft qu'il ne lui faut point adioufler
Origene. premier lieu, Origene fe prefente, qui
a vefcu il y a ia paffé mille deux cent de foi, pource qu'il a erré en d'autres
poinfts de la religion , à laquelle ref-
cinquante ans (1), lequel, fur le 1 5. ch. ponfe certes on ne fauroit defirer vne
de faind Matthieu, efcrit en cefte confutation plus peremptoire que celle
forte : •< S/ ainfi cj] que tout ce aui entre Refponfes
qu'elle apporte quand ix foi. Combien
en la bouche s'en va au ventre ècjl ietté que nous confelTons volontiers qu'il a obieiient
au relraiùl, aufji la viande quie/l Janc- failli en quelque chofe , fi eft-ce que qu'Origene
à ce qu'ils
tifiee par la parole de Dieu & par orai- fes erreurs ont efté annotez par faind a erré.
fon,
va aufélon ce qu'elle
ventre & ejl aiettee
de matériel,
au retraits'en; Hierome& Epiphanius, tellement qu'il
doit auoir auiourd'hui plus grande au-
mais, félon la prière qui lui a eflé adiouf- thorité enuers nous, & fes liures doy-
tee, ejl faite vtile par la proportion de uent eftre en plus grande eftime , ef-
la foi , faifant que le cccur ejl clair tans corrigez foigneufement par de fi
voyant ù attentif à ce qui ejl vtile. Et grands perfonnages , veu mefmement
ce n' ejl pas lamatiere au pain, mais la qu'il y a en iceux des chofes grande-
parole qui ejl dite fur icenii , qui pro- ment conuenables à noftre bien & vti-
fite à ceux qui le mangent dignement lité. Mais quant à ce qui attouche la
au Seigneur. » 'Voila et qu'il dit feule- Cène du Seigneur, ni ceux-ci ni au-
ment touchant le corps typique i*t fym- cuns autres des anciens n'ont trouué
bolique; lequel, en traitant ce poindl
fur la fin de fon propos , il veut faire que redire en lui, car s'il euft failli en
quelque poind, il faut tenir pour cer-
entendre à tous que la fubftance ma- tain qu'ils ne fen fuflTent non plus
térielle du Sacrement fe reçoit en teus que des autres fautes. Mais
l'cflomac, fe digère, comme la fubftance pourcepaffez
qu'aucuns qui de
fe ce
fontdifférent,
mis ces
tours à efcrire
(I) L'édition de 1564 ajoute : " Homme voyans que ces refponfes eftoyent plus
excelleni en docirinc et pureté de vie, cl de que réfutées & reiettees , ils en ont
fon temps le principal docteur de la reliRion
Chrertienne, Rrand aduerfairc des héréti- controuué d'autres en leur lieu , qui
ques, précepteur de plufieurs Martyrs, & ne font pas moins fottes . defquelles
fidèle expofitcur des fainctcb Efcritures. » la première eft : Qu Origene ne parle
NICOLAS RIDLEY.
d'empelcher la veuë , de peur que ce cremens , c'efl à dire fignes facrez de m u lt.
qui ert plus clair que le iour ne puifle fon corps & de fon fang, afin que
élire veu ni aperceu des hommes.
La refponfe Cefle lentence eftant ainfi expofee, il nous fuflions auertis par cela d'em-
le Moreman . brafl'er. par vne viue & certaine foi, les
en la diète y eut aucuns qui dirent que Tautheur bénéfices qu'il nous a acquis quand il
de Londres.
l'auoit ainll efcrite auant que touchant
l'Eglife a liuré fon corps à la croix pour nous,
'5)4 eull encore rien ordonné
& qu'il a efpandu fon fang, tellement
cela. Comme s'il faloit incontinent que, receuans ces lignes félon l'ordon-
tenir pour vn article de foi (ce que nance du Seigneur, auec adion de grâ-
ceft homme de bien Jean l'El'cot veut ces, nous foyons ;nourris
foi fpirituellement & tandisd'iceux en
que nous
qu'on face) tout ce que ce monftre de
Pape Innocent, auec fes eftafiers, moi- acheuons ce pèlerinage terrien pour
nes & beaux pères, ont arrefté en leurs aller aux cieux , nous foyons confer-
fynagogues. Vn autre sauance . qui mez en la crainte de Dieu , & croif-
fions en toutes vertus. Les aduerfai-
dit qu'il le faut enuoyer auec les Nef-
toriens, à l'herefie defquels il femble res répliquent que Tertullian dit en
fauorifer. Mais il y a plufieurs années ce lieu ce que nul des anciens au-
theurs deuant lui , ni depuis lui , pas
que
fous lede Concile de Calcédoine
celle faufle accufation. l'a
Orab-la
vn de ceux qu'à bon droit nous appe-
refponfe la plus vilaine qu'on puilVc lons Catholiques, n'a fait. R. « S. Les Pères
forger, c'ell celle de ceux qui difent Auguftin auec les autres Pères, n'ap- °"} appelé
que Theodoret appelle Subllance, Ac- pellent-ils
^ment,
. 1la c^ pas nommément
j j le
^u Sacre-
-A • '^u
la ^t"!!"^
figure dedu"
cident ,plus par ignorance que par ngure du corps de Cnnltr >• corps
malice. Certes celle glofe a elle auffi
• Oui (ce difent-ils) mais c'a eflé qu'il Chriii.
fubtilement inuentee que celle d'vn elloit tellement el'chauffé à difputer à
Legille fur vn décret diftin. 4. ca. Sta- rencontre d'vn hérétique qui lui re-
tuinius, lequel, après auoir longuement filloit, qu'il ne s'eft feu tenir de ietter
trauaillé pour enfanter quelque chofe ce qui lui venoit en la bouche. " R.
d'exquis, dit ainll : Statuimus, c'ell à Il II faudroit donc que vous nous fif-
fiez premièrement acroire , que vous
dire, Abrogamus.O l'homme de grand
iugement & de bon cerueau I Et tou- n'elles point des infenfez en difant
tesfois cela fe trouue en leurs loix, à cela. Oferons nous bien feulement
tout le moins en la glofe. Voila le peu
penfer qu'il n'ait point eu d'efgard à
de tefmoignages que i'ai emprunté des ce qu'il difoit, ou qu'il n'ait point en-
Grecs pour m'en feruir à ce propos, tendu ce qu'il efcriuoit en vne chofe
car de recueillir tout ce encore
qu'ils ont de 11 grande importance.- Vous fem-
touchant celle matière, que dit
ie
ble-il
vidoirevneà chofe fi belle
force de crierd'emporter
& babiller la,
le peulfe faire , ie ne le voudroi pas :
quand bien ie le voudroi, les auditeurs
que
nous pour cela confeil
donniez vous l'oyez
, de d'auis
trahir, la
&
Les irois tel-
ne rADiousTER.\i
l'auroyent pas à à ces gré.trois Grecs les
moins Latins.
trois Latins. Je commencerai par vérité
& que .-vous
Prenons
ofiez le( comme
cas qu'ainfi
vous l'oit
elles,
Tertullian. Tertullian, duquel (comme on trouue pleins de defloyauté) entreprendre de
par efcrit) S. Cyprian. martyr du Sei- ce faire. Ell-il pourtant vrai femblable
gneur, faifoit tant d'ellime, que toutes qu'vn hommemoins
& combien de bien le voulull
ce faind faire .-
perfonnage,
fois & quantes
lui baillall qu'il de
le liure demandoit
Tertullianqu'on
, il duquel nous auons en admiration &
fouloit dire : « Baillez-moi le inaif- reuerence l'efprit . le fauoir, la crainte
tre. » Ce très ancien autheur en fon
4. liure contre Marcion, efcrit ainfi : de Dieu & religion, doit-il eflre taxé '
d'vn tel foupçon.- Or afin qu'il ne
Il lefus ayant prins le pain & dijhibué femble
à fes difciples, en fit fon corps, dijani : ceci vne que
feulece fois foit& alTez qu'il aitoyez
à la volée, dit
combien de fois il perfille ailleurs en
Ceci ejt
figure de mon
nion corps
corps,', c'ell
&c. » àPardire
cellela fon propos, difputant contre cell hé-
interprétation nous voyons manifelle- rétique en fon premier liure. Voici
ment que Chrill, quand il appeloit le qu'il dit : Dieu n'a reprouué le pain ,
pain fon corps, & le vin fon fang, ia- par lequel il reprefente fon corps. Or
mais n'a entendu dire que le pain full confiderez ici vn peu ces chofes :
fon vrai corps ou le vin fon propre n'ell-ce pas tout vn de dire : Que
fang; mais il leur a attribué ces noms, Chrill a reprefente fon corps par le
pource qu'il les vouloit inllituer Sa- pain, ou bien : Que Chrill l'a inflitué,
li.
298 LIVRE SIXIEME.
afin de nous dire Sacrement pour on nous fignifioit par figures ce que
l'on nous deuoit donner; mais en ce
nous reprelenter fon corps.' Or qu'il
foit requis que pour rcprefenter vne l'acritice , il nous ell euidemment mon/-
choie, eiie-merme y foit vrayement Iré ce qui nous ell défia donné. « Or il
prefente . ie le laifTe iuger à ceux qui entend le facrifice de la croix, lequel
ne font point defpourveus de fens nous doit enfiammer à adion de grâ-
commun. ces, à caufe de la chair de Chrifi qui
s. Auguflin. Si nous venons à S. Auj^ullin (du- a elle immolée pour nous, & du fang
quel le nom & le fauoir e(l fi conu d'icelui qui a efié efpandu en la re-
miffion de nos péchez. Que fi nous
que toute l'Eglife de Jefus Chrifi fe voulons encore plus de tefmoignage
peut conftituer plèige pour lui), il a
traité plufieurs poinds de la religion pour mieux prouuer ceci, il nous fait
Chrellienne fi amplement & claire- voir ce qu'il efcrit fur le troifiefme
ment, que nos idolâtres qui adorent Pieaume': car il apert de là que
le pain au lieu de Dieu, en partie Chrill par le pain myfiique , qu'il
accablez de l'authorité du perfonnage, appeloit fon corps, entendoil la figure
de fon corps. Mais confiderons les
en partie conueincus, l'ont en tel def- mots : " Chrij], dit-il, receut ludas au
dain, qu'à Parquoi,
ils porter. grand' peine
il me le peuuent-
femble eflre banquet, auquel il bailla & ordonna à
grandement requis que i'ameine plus fes difciples la figure de fon corps &
de tefmoignages de lui que des autres.
Ceftui-ci eft excellent entre autres, l^ de l'on fang, » entendant le dernier
fouper qu'il fit eflant prochain de fa
ne fai s'il s'en pourroit trouuer vn plus mort , auquel temps il inftitua le Sa-
clair, lequel efcriuant fur le 98. Pf. , crement de fon corps. Que veut-on
traitant de cette matière , amplifie en
d'auantage, finon qu'il nous faut efti-
cède manière les paroles que Chrift mer que Dieu a cnuoyé cefi homme-ci
Contra FaiiJ- dit à fes difciples : « Vous ne mange- au monde pour mettre les articles de
tum, lib. 211. la religion Chreftienne en leur eftai ,
cap. 21.
re:{ pas ce corps-ci que vous i>oye:{ , &
ne boirc^ pas ce mien fang que rcj- pureté, lumière, & liberté première,
pandront ceux qui me crucifieront ; lefquels non feulement eftoyent fouil-
mais ie vous veux ordonner vn facre- lez des corruptions de Ion temps ,
menl, lequel fpirituellemcnl pris & en- mais auffi des pollutions pernicieufes
des aduerfaires qui sont venus après
tendu ,vous vmifiera. •■ J'elllme qu'il
n'y a celui de nous qui ne confelTe que lui , par lefquelles ils ont efié mis en
Chrifi n'a point eu d'autre corps natu- defarroi , difperfez & du tout rcnuer-
rel que celui que fes disciples voyoyent fez .' Afin donc que fa diligence ne
& oyoyent, ni d'autre fang que celui foit enfeuelie par noftre parelTe, met-
qui , eftant efpars par tous fes mem- tons peine à tout le moins que nous
bres, fut puis après rcfpandu par ceux reduifions en mémoire aux hommes,
qui le crucifièrent. Or, au dire de
S. Auguflin, il ne faut ni manger ni ûu'en ce temps-la eftoit la dodrine
des plus excellens Dodeurs. Oyons
boire ni l'vn ni l'autre, mais bien le auffi ce qu'il efcrit, en vne epillre à
Sacrement d'iceux fpirituellement en- Boniface, touchant ce propos: «Nous
tendu. Dont on peut allez conclurre: E phcf.
fi nous receuons cefle fenlcncc de ce {>arlons f'ouuent
e iour de ainfiapprochant,
Pafques , » dit-il , « nous
que
tant excellent perfonnage, que ce que di/ons : Demain ou Apres demain fera
les difciples aeuoycnt manger n'ef- la paffwn
toit pas le vrai cSc naturel corps de ait fouffert du
il y Seigneur, combien
a ia plufieurs qu'il
ans pajfe:[,
Chrifi, mais feulement le myflere
& que l'a paflicn n'ait efié faite qu'vne
d'icelui, fois, fiuis nous dijons au iour du Di-
foi. Car qui fe deuoit
comme nous aprehender par
fommes enfei-
manche :Le Seigneur efi auiourd'bui
gnez de lui en vn autre piin";igc : >< De- refi'uj'cilé, combien qu'il y ait ia fi long
uant l'auenemenl de lejus Chrijl , la temps qu 'il efi reffujcilé. Pourquoi efi-
chair & te fang de ce (acrifice elloycnl ce que le plus inepte du monde ne nous
rendus par la vérité me/me ; mais après reprend ae menfonge, finon pource que
l'afcenfion d'icelui, ib Je célèbrent par nous appelons ces iours-la félon la mul-
titude de ceux efquels ces cbofes fe font
vn facremeni de mémoire. » D'auan-
tage en vn liure qu'il a efcrit de la foi faites} tellement que nous appelons le
à Pierre Diacre, au chap. 19. il dit iour de la refurrcaion celui qui ne lefï
ainfi, confermant ce propos : « En ces
pas; mais pource
qui renient toutesquelesc'efl le jemblable,
années en fon
facrificcs (afTauoir du vieil Teflament ),
NICOLAS RIDLEY.
tour: & difons, à cauje de la célébra- Jean, les paroles qui s'enfuyuent : m.d.lv.
tion du Sacrement, qti'me chofe Je fait ■I Quand Chri/l dij'oit : Vous ne m'aure^ Matih. 26. u.
ce iour-la, qui toutes/ois ne Je fait pas, pas toufiours auec vous, il parloit de la
mais a ejlé ladis faite me feule J'ois. prej'ence de fon corps , car quant à Ja
Chrijl n'a-il pas ejlc immolé vne fois maiejU , à fa prouidence , & à fon in-
en fon corps) & toutesfois au Sacre- uincible & inuifible grâce, cela ejl
ment, non j'eulement es iours de Paf- acompli qu'il a dit de foi-mefme :
que , mais par chacun tour il ejl immolé
au peuple ;& celui ne mentira point qui Voici ie fuis auec vous iusqu'à la con- Matth. 28. 20.
J'ommation du monde. Mais quant à la
dira qu'il ejl immolé. Car fi les Sacre- chair, que la parole a vejlue , quant à
mens n'auoyent quelque fimilitude des ce qu'il a eflé nai de la Vierge, qu'il a
eflé attaché au bois , defcendu de la
certes cedej'quelles
chofes ils l'ont
ne feroyenl Sacremens,
pas Sacremens;
mais à caufe de cejle fimilitude ils pre- croix,
manifejléenfeueli
après ,fa mis au'fepulchre
refurreclion. . &
il a bien
nent Jouuenl
mes. Comme les donc, nomsen des choj'es
aucune mej-
manière dit : Vous ne in'aure:{ pas toufiours
le Sacrement du corps de Chrijl ejl auec vous.félon
conuerfé, Pourquoi'? Pource
fa prefence qu'il a,
corporelle
corps de Chrijl , & le Sacrement du
fang de Chrijl, ejl le fang de Chrifl , auec
iours fes : & difcipfes l'efpace dedequarante
eux le conduifans la veuë
aufji le Sacrement de foi ejl la foi. » & non pas le Juyuans, monta aux deux;
Qu. ;r. En celle matière , es quellions fur le il n'ejl point ici, car il fted à la dextre
Leuitique, & contre Adiniantus : » La
du Père. Et toutesfois il efl 'ici , car il
chofe qui fignifte , dit-il , a acoujlumé ne s'efl pas retiré quant à la prefence
de fa maiejlé. Ainfi , félon la prefence
d'ejlre appelée du nom de la chofe de fa inaiellé , nous auons toufiours
qu elle fignifie ; comme il e/l efcri't :
Les Chrifl; mais, félon fa prefence char-
fept Jept
vachesej'pics,
font font fepl fepl années,
années & les
, la pierre
nelle ,('/ a bien dit : Vous ne m'aure\
efloit Chrijl, & le fang ejl lame. » La-
quelle dernière fentence il enfeigne pas toujiours. Car l'Eglife l'a eu quant
fe deuoir entendre par figure & figne à fa prefence corporelle' peu de iours :
maintenant elle en iou'it par foi , mais
feulement. « Car nojlrc Seigneur, dit-il, elle ne le void point. »
Cont. Adim. n'a point fait de difficulté de dire : ■Voila ce qu'il a dit, vfant fouuent
c. 12. Ceci efl mon corps, quand il hailloit le de répétition de mots pour fpecifier
figne de fon corps. " Et en un autre lieu, vne
enflé mefme
ni arrogant, chofe, mais non haut,
point non
d'vn point
flile
il admonnefte cremens nous diligemment
ne confiderionsqu'espoint
Sa-
en paroles fuperflues, mais pleine-
ce qu'ils l'ont, mais que nous prenions ment. Car pource qu'il y en a aucuns
toufiours garde à ce qu'ils nous re- fi peu dociles & fi tardifs, il admon-
prefentent , pource que font lignes nefte fouuent & enfeigne le plus dili-
des chofes , ellans & fignifians autre gemment que faire fe peut , par quel
Coni. Maxim , chofe qu'icelles. « Car le pain celefle moyen Chrifl. nous efl prefent , alTa-
lui. î. ch. 22. (c'eft de lui qu'il parle en cell endroit) uoir, comme i'ai défia dit, par fa
ejl en aucune manière appelé le corps grâce, par fa prouidence & nature
de Chrifl ; combien qu'à la perité ce diuine; d'autre part, qu'il nous eft
abfent quant à fon corps naturel, nai
foit j'eulement
d'icelui. » le Sacrement du corps
Ces chofes font fi claires & eui- de la 'Vierge, mort, relfufcité, monté
aux cieux, où il fied à la dextre de
dentes, que nul n'y fauroit contredire, Dieu, comme nous fommes enfeignez
finon qu'il foit du nombre de ceux par les articles de noflre foi ; d'où il
Fphef. 4. lefquels
remors de(comme dit l'Apoftre,)
confcience, fans
fe font adonnez viendra, & non d'ailleurs (comme il
dit.) fur le definement du monde, pour
eux-mefmes à infameté , tellement iuger les viuans & les morts. Lors
certes les iuftes drefferont leurs tefles,
qu'ertans endurcis, & ne le fentans
point, ils aiment mieux errer & per-
filler en la faulfe opinion qui leur a quand rance
les dechaffees,
ténèbres lad'erreur & igno-
fplendeur de la
vne fois agréé , que de reconoiftre leur
faute , & defifter en humilité de leur parole de Dieu aura le delTus & ré-
gnera. Voire en ce iour-la , quand
mefchant propos. Il y a encore vn iuftice & vérité , les deux princeflfes
patlage de lui , lequel feul nous doit entre les vertus, vidorieufes, triom-
fuffire pour cent autres. On trouue, en pheront de leurs ennemis. le te prie
fa cinquantiefme Homélie fur fainft donc, ô mon Dieu, & fupplie que tu
LIVRE SIXIEME.
}00
vueilles auancer ce iour-la, car lors vérité (S droiture
droit faind Paul ;dittellement qu'à lieu
en quelque bun .
tu feras glorifié de la gloire qui eA
conuenable à ton l'ainil Nom; & nous, que Dieu enuo/era efficace d'abufion , I hetl'. 2.
remplis de
heureux &ioye & defeiour,
éternel liefTe chanterons
en ce bien- à ce ij^u'on croye à menfonge , afin que
tes louanges éternellement, tous joientOriuge^,
la vérité. ceflequi n'ont efi
vérité peint creu à
la parole
l'if lafc. PovR conclufion, ie mettrai en auant de Dieu , comme Chrill l'interprète
Gelafe, lequel eftoit du temps que lui-mefme , lequel dit ainfi au Père :
l'Eglife n'ertoit point encore abaftar- Ta parole
lumière de efl vérité,Dieu
laquelle de tout
l'ardeur <&
bon &.
die, & toute la terre n'eftoit point
encore infeftee de la poifon de la Pa- tout puiffant, en faueur de fon Fils
pauté infernale , aflauoir auant le vnique nofire Seigneur, par fon fainâ
temps du Pape Boniface , & de Gré- Efprit, vueille de plus en plus embra-
goire premier, du viuant duquel la fer nos cœurs à fa louange & gloire.
religion fut diffipee, & mille corrup- Ainfi foit-;l.
tions introduites , tellement qu'il re- Par cell efcrit . fait au temps des
gnoit
techriHes vne
cœurs des fuppofts
inhumanité de l'Aii-
& cruauté ,& plus rudes affliftions , nous auons vn
vne rage plus que brutale. Gelafe
donc , en vne fiene Epirtre contre lefmoignage
de de l'intégrité
ceft Euefque. & doârine
Car iaçoit que le
Eutyches , efcrit ainfi touchant les poinél de la Cène ait eflé diuerfement
deux natures en Chrifl : " Certes les & amplement traité , on trouuera que
Sacremens que nous brcnons du corps Ridley l'a tellement manié, qu'on ne
& du Jang de Chri/t . font chofe di- fauroit defirer chofe dite plus claire-
uine : par laquelle aufjt nous fomnies ment en peu de paroles , propres &
faits partic'pans
& toutes/ois de la nature
la fuhjlance dluine
du pain et du: afignifiantes. Mais le
ratifié & feellé principal
cefle efi <x
doélrine au'illa
& Comté de Leyceftre , dofteur en par fentences coupées, pour les faire
feruir à leur propos (i).
Théologie de l'Vniuerfité de Cam-
brige, fut Euefque de Worceftre. Il a Procédure
toufiours eu l'on affedion encline à la tenue en la
Apres que les difputes furent ache-
vraye religion & aux bonnes lettres . uees , les luges députez & Inquifiteurs condamnation
defquelles il eut grand ornement. furent affis au temple nommé de la des trois.
Tant qu'il a efté en charge d'Euefque, vierge Marie, lefquels auoyent com-
il a fidèlement tafché d'annoncer & miffion de par la Roine en ceft afaire; JOI
auancer la dodrine de noftre Seigneur & ces trois furent prefentez deuant le
Jefus. ayant toufiours efgard au profit fiege iudicial pour ouir fentence de
de fon troupeau. Les fuppofts de condamnation. Wefton (2; , qui eftoit
l'Antechrift le prefToyent fort de laif- Prefident, parla à vn chacun à part, les
fer ce duit,train
ilquitta; mais afin qu'il ; n'y
fon Euefché fuft in-
toutesfois interroguant s'ils vouloyent foufcrire
aux ordonnances delà Roine. Cepen-
il ne laiffa point le miniftere de la Pa- dant ilne leur donnoit aucun loifir de
role, car depuis reprenant courage, il faire refponfe pour leur propre fait ;
a fait tout ce qu'il a peu pour réduire feulement qu'ils dilTent en vn mot. ou
le pays d'Angleterre à la première s'ils le vouloyent, ou s'ils ne le vou-
fimplicité de la foi, & deflourner des loyent pas, & leur commandant de
bourbiers pour le ramener aux fources par la Roine de refpondre en vne forte
pures des eaux viues. Auant la con- ou autre , commença premièrement à
fultation publique faite au royaume
Liure de Cranmer, difant qu'il auoit efté veincu
Lalimer. d'Angleterre, il compofa vn liure inti- es difputes, n'ayant peu maintenir fes
tulé : L'eftat d'un royaume reformé erreurs & fauffetez. Cranmer refpon-
par l'Euangile (i). dit qu'on ne lui auoit donné loifir ni
La difpute qui fut tenue en la ville
d'argumenter, ni de refpondre. Car il
d'Oxfort entre les ennemis de la vé- y auoit vn tel trouble es efcholes, les
rité, contre Thomas Crammer, N icolas difputes tant confufes en fi grand
Ridley & Hugues Latimer. feroit par bruit. & tant de Théologiens enfem-
trop prolixe, s'il eftoit queftion de ble s'eftoyent ruez contre lui de telle
faire le récit de tant d'argumens impetuofité,
il qu'àdegrand'peine
efté loifible lui auoit-
dire vn feul mot.
qu'amenoyent les aduerfaires , faifans
bouclier des Codeurs anciens, lef- Ridley et Latimer furent à part inter-
quels le plus fouuent ils alleguoyent
roguez après lui , afl"auoir s'ils vou-
loyent maintenir la caufe de la doc-
trine, de laquelle ils auoyent fait
Cambridge, où il se au
fit remarquer profeffion. Et toft après furent amenez
par son attachement catholicisme.d'abord
Mais
les enseignements de Bilney amenèrent deuant les CommifTaires & luges dé-
bientôt une complète révolution dans ses léguez, pour ouyr fentence de con-
idées. Il se mit à prêcher les doctrines de damnation Ecclefiaftique, par laquelle
la Réformation avec un talent plein de fraî- ils furent premièrement retranchez de
cheur etdevant
d'origmalité. Henri VUI Sentence de
cher lui et lecouta avecle faveur.
fit prê-
la focieté de I'El life comme membres
.Après avoir occupé pendant quelques an- dégradation
trois les
indignes, & tous ceux qui les fauori- contre
nées, comme recteur, la paroisse de West- feroyent & defendroyent. Les Inqui-
Kington . dans le diocèse Salisburj-, il fut.
grâce à l'amitié de Cranmer et de Cromwell, fiteurs leur demandèrent s'ils enten-
nommé évêque de Worcester. Il n'occupa ce doyent acquiefcer à la fentence , ou
siège que quatre ans (I5;5-Hi9), et donna d'y renoncer. Ils leur refpondirent
sa démission lorsque commença la réaction
antiprotestante inaugurée par la loi des Six- qu'ils acheuaffent de lire iufqu'au bout
de la fentence. Apres cefte fentence
Articles. Sous le règne d'Edouard VI, il eut
une fit
qui large du part d'influence dans
protestantisme l'évolution
la religion de
d'excommunication foudroyante, cha-
cun l'vn après l'autre refpondit pour
l'Etat, tions
maisépiscopales.
il refusaCede fut
reprendre les
surtout commefonc-
prédicateur qui: exerça une action décisive (i) L'édition
sur la Réforme anglaise. Ses sermons on rtt' extraict en a ellededonné 1564 en
ajoute: <• Quelque
cefte partie que
Card, of the Plough. etc.. sont restés célè- nous avons nommée la quatrième du recueil
des Martyrs, à laquelle pour abréger nous
aussi bres
biendans l'histoire
que dans littéraire de l'Angleterre
son histoire religieuse. renvoyons le lecteur qui plus amplement en
(i; Latimer
prement dit. n'a jamais publié
et Crespin de livreenpro-
se trompe lui voudra cognoiftre. En ce volume nous reci-
terons seulement la procédure tenue par les
attribuant cet ouvrage. Ce qui approche le Inquifiteurs, laquelle a efté commune aux
plus du sujet indiqué dans ce titre est un sufdits , trois excellens tefmoins du Sei-
sermon sur Rom., XV, 4, prêché devant
Edouard VI. le 8 mars 1Î49. (2) Voy. la note de la p. m.
gneur. »
LIVRE SIXIEME.
;02
foi. Et premièrement Cranrrjer dit Septembre , enuiron les huit heures
du matin, fe trouuent à Oxfort, es ef-
ces paroles : <■ l'appelé de cefte vof-
tre fentence au iiille iugement de Dieu choles de Théologie, les Euefques de
tout puillant. ■> Ridley : « Combien Lincolne et de Glocedre, & auec eux
que vous m'ayez chaiïé de vodre auffi l'Euefque de Bridol , tous trois
compagnie, tant y a que le ne doute iuges députez en cède caufe de par
point que mon nom ne foit efcrit en
la Roine. Apres qu'ils furent affis en
vn autre lieu, auquel vodre cruelle leurs fijges, Nicolas Ridley. Euefque
fentence me fera aller plurtoft que de Londres, leur fut amené de la pri-
ie n'y fufTe paruenu par ordre de na- fon. Lequel, à la fiçon acouflumee,
ture. »LATrMER : « le ren grâces im- les falua d'arriuee comme fes Juges,
mortelles àDieu qui m'a amené en puis remit fon bonnet en la tcde. De-
cefle miene vieillelfe iufques à ce quoi ces Euefques fort defpitez, fe
poind, que ie le puiiïe maintenant fafcherent de ce qu'il fe portoit ainfi
glorifier par cefle mort. )• Or Wefton enuers eux, qui edoycnt là affis en
qui prefidoit parla à eux fur cela en l'authorité du Cardinal , légat du
cède façon : « Si par cède foi vous Cardinal
Polus.
Pape au commença
Lincolne Royaume.à fonder
L'Euefque de
Ridley,
paruenez
uiendrai iamais au ciel,auec de moi
celleie affeclion
n'y par-
pour fauoir quelle edoit fon opinion
que i'ai maintenant. » Le lendemain touchant les trois articles defqucis on
après que ces chofes furent faites, qui auoit difputé l'an précèdent; affauoir
efloit vn iour de Vendredi, on chanta de la prefence réelle au Sacrement ;
au mefme temple vne grand'MefTe, 11, de la TranfTuhdantiation ; m, s'il
auec grande folennité. Il y eut auffi
tenoit la MefTe pour un l'acrifice viui-
La procemon vne grande proceffion par toute la fiant. Quant au premier article, il ref-
du dieu des ville À rVniuerllté, en laquelle Wef- pondit que fi par ce mot Réellement ,
Pariiles. ,o„ comme prefident marchoit au ils entendoyent fpirituellement , par
milieu, portant en tri(jmplie fa belle grâce viuifiante, fon opinion edoit que
hoflie enuironnee de quatre Dofteurs rien ne pouuoit empelcher de parler
qui portoyent le poifle pour la couurir ainfi , affauoir que Chrid edoit reale-
en cède proceffion. Il fut commandé ment prefent au Sacrement ; mais fi
à Cranmcr de regarder ce beau myl"- on prenoit ce mot pour Subflant'elle- Le mot
tere de la prifon nommée Bocard (i)'- ment, il contredifoit à cela. Quant au Reaument.
& à Ridley. de la maifon d Irydrie (2), fécond, il demeuroit en cède opi-
où il edoit gardé prifonnier, Latimer.
qui edoit homme ancien, fut mené en nion, qu'après les paroles du Preflre
conl'acrant , le pain et le vin ne per-
la maifon du Bailli, par le milieu du doyent point leur nature ou fubftance.
marché de la ville. Icelui, penfant Du troifiefme, fon auis edoit qu'on
pouuoit bien dire ainfi, le facrifice du
qu'on
cier dele menad nommé
la ville, brufler, pria vn Cou-
Augudin offi-
facrifice viuifiant, mais qu'il ne le fa-
per(?)eftre
pour qu'il lui tilldeliuré
pluftod drelTervn feu legier
du tourment. loit nullement appeler f^acrifice viui-
fiant. Ilvouloit pourfuyure ces cho-
Mais quand la proceffion fut venue au fes plus au long, & les déclarer plus
marché, voyant ce qui fe faifoit, fe ouuertement;
demandé congémaisde combien
parler , qu'il
tant euft
y a
dedournant tant au'il peut, & fe reti-
rant ,ne daigna f^eulement ietter vne qu'on lui refufa tout à plat. L'Euef-
fois les yeux fur ce fpeélacle (4). que de Lincolne difoit qu'on lui auoit
baillé commiffion exprelTe de recueil-
lir fa refponfe en peu de paroles, af-
L'examen & la condamnation de Nico- fauoir qu'il did en bref, ou par affir-
las Ridley. et Hugues Lalimer.
àmatiue,
dire; ou au par rede,negatiue,
que leurce commiffion
qu'il auoit
En l'an m.d.i.v. le dernier iour de ne s'ellendoit
uantage . félon point plus ancienne
la façon auant. D'a-
de
le (I)
nomLadeprison commune
BocarJo. d'Oxford portait l'Eglife, il edoit défendu de difputer
(J, Ridley était prisonnier dans la maison contre les hérétiques. Neantmoins ils
de ValJcrnian Irish.
(}) Aii(;ustine Coopcr, que Koxe d<isit;ne traitèrent quelque chofe entr'eux.
comme •• a catchpoll , • huissier ou ser^jcnt. comme en palTant , & par forme d'in-
■4) ainfi
L'édition de 15(14k ajoute ter ogationstouchant
, l'authorité du
font aduenues Oxonc: ■■le
Ces20.chofes
iour Pape , & auffi des Sacremens. Et
d'Auril, l'an m.d.liiii. >. là delTus Ridley donna efpreuues tant
505
HVGVES LATIMER.
que l'héritage du Seigneur le conoif- auquel eft tout le bon plaifir du Père;
tra : c'eft que maintenant aparoillront vous l'auez (di-ic) qui marche deuant
ceux qui ont receu l'Euangile de vous. Le chemin par lequel il eft par-
Dieu en leurs cœurs, car tels ne fief- uenu en fa lerufalem celefte , n'eftoit
triront point , mais croiftront maugré pas à beaucoup près fi plaifant que le
l'iniure de toutes les pluyes & tem- voftre ; le confiderant depuis fa naif-
peftes du monde. Et pourtant que ie fance iufques à fa fepulture, nous
fuis perfuadé (trefchers au Seigneur) trouuerons que nous n'auons que
que de fait vous eftes femence de la beau temps & beau chemin ; mais
bonne terre de Dieu , qui croilTez & d'autant que nous nous amuferions
croiftrez, produifans fruid à fa gloire,
par la voye fans diligenter d'aller ,
comme l'occafion fe prefentera, quel- noftre Seigneur nous fufcite des ora-
ques chauds & ardents que foyent les ges & tempeftes pour hafter chemin
rayons du foleil , ie vous fignifie , deuant que la nuid viene , & que les
voire et exhorte chacun de vous de portes foyent ferrées. Le diable eft
marcher après noftre Maiftre Jefus
Chrift , ne demeurans point par les maintenant à la porte d'vn chacun lo-
gis, en la cité & région de ce monde,
fanges & bourbiers , & n'eftans efton- criant après nous pour nous faire de-
nez des orages que voyons, qui poffi- meurer & prendre logis en ce lieu ,
ble dureront longuement. Soyez cer-
voire pour nous perfuader d'attendre
tains que la fin de l'orage en ferenité que l'orage s'efcoule, non pas qu'il
engloutira toutes les peines précé- ne vouluft bien que fuffions percez de
dentes. Mettez fouuent deuant vos
la pluye iufqu'à la peau, mais afin que
yeux le confeil de S. Paul, qui eft en le temps fe paffe à noftre ruine & def-
la fin du 4. cha. de la 2. aux Corint. trudion. Parquoi donnez-vous bien
& au commencement du 5. Ce vous garde, & fuyez fes allechemens &
fera vn reftaurant pour vous foulager, perfuafions ; ne iettez point vos yeux
afin que ne défailliez. Et puis que fur les chofes prefentes, & ne regar-
tant de frères & fœurs palTent par le dez que fait ceftui-ci, ou ceftui-la ,
mefme fenlier, vous en deuez auoir mais iettez la veuë fur la bague la-
meilleur courage , & marcher plus quelle vous courez , ou autrement
ioyeufement pour la bonne compa- vous perdrez l'honneur de la vidoire.
Le plus grand Dieu n'a
ami dechemin DrelTons
but ,dedrefl"ons noftre donc
courfenoftre
, & veuë
point gnie.trouué plus beau ne au fur
temps mieux difpofé que vous auez à ceux-là qui marchent deuant nous,
prefent, en allant au lieu où nous af- afin que puiffions prouoquer & inciter
pirons , qui eft le ciel. Lifez Genefe , les autres à nous fuyure plus haftiue-
en commençant à Abel , puis Noé ,
ment. Celui qui tire de l'arc ne iette
Abraham, Ifaac & lacob, lofeph, les pas fa veuë fur ceux qui font auprès ,
Patriarches, Moyfe, Dauid , & les ou fur ceux qui fe pourmeinent , mais
fainds du vieil Teftament, & me dites pluftoft fur le but auquel il tire; au-
fi iamais aucun d'eux a trouué plus trement iln'eft pas pour gaigner le
beau chemin. Si l'Ancien n'eft alîez , pris. Ainfi, mes treschers au Seigneur,
venez au Nouueau ,& commencez à
Marie & Jofeph , & de là à Zacharie que vos yeux
auquel nous foyent
tirons, dreft"ez fur lelefus
aftauoir but
& Elizabeth, lean Baptifte, les Apof- Chrift , lequel pour la ioye qu'il fe Heb. 12. 2.
tres & Euangeliftes. Si vous efles re- propofoit, porta ioyeufement fa croix,
cors de l'Eglife primitiue, combien y en mefprifant tellement l'ignominie
en a-il qui alaigrement ontolTert leurs d'icelle, que maintenant il fe fied à la
corps à griefs tourmens , pluftoft que dextre de Dieu. Suyuons-le donc ,
d'ellre empefchez ou retardez en leur mes frères, car il a fait cela pour nous
donner courage. Nous deuons eftre
voyage .'' l'ofe bien dire qu'il n'y auoit
iour en l'année que plus de mille ne bien-an"eurez que , fi nous femons
laiflfafTent leurs maifons d'ici bas en auec lui , certes nous moilTonnerons
grande ioye, pour aller trouuer cefte quand & lui ; mais fi nous le renions,
habitation que l'entendement de il n'y anoncenulle doutecelui
qu'ilquinea honte
nous re- Marc 8. 58.
l'homme ne fauroit comprendre. Or auffi. « Car de
quand de tout cela ne feroit rien , & moi (dit-il) & de mon Euangile en
que n'auriez perfonne pour vous tenir honte
compagnie , vous auez noftre Maiftre de Anges l'aurai
deuant lesinfidèle,
cefteluigénération de Dieu au
& Capitaine Jefus Chrift, Fils vnique, ciel. » O que voila vne grieue & terri-
20
LIVRE SIXIEME.
ble}o6fentence contre ceux qui , reco- rent d'auec la paille. Vous , trefchers
noiflTans la mclTi; dire vne idolâtrie & bien-aimez, efles le froment du Sei-
abominable , pleine de blafphcme & gneur ;ne craignez point donc le van,
facrilege contre Dieu cS: Ton Chrift ne craignez point la pierre du mou-
(comme elleell à la vérité), neantmoins lin , car tout cela ne vous fera que
par crainte des hommes , & perte de rendre plus purifiez pour le Seigneur.
la vie ou des biens , voire aucuns Leou fauon
ziepo noil
cft [
Le fauon, combien qu'il foit noir, ne
rend point le linge fale , mais plurtoft
pour rentleur
& lui auantage & profit,
font hommage, l'hono-
diflîmulans l-"landres.es
commun
le fait plus blanc & plus net ; ainfi la
contre leur propre confcience , la- croix noire de Chrift nous blanchit terre & de
pays ir.\n(,'leJ
Marc 12. 4<- quelle les accufe ! Il euft mieux valu tant plus, quand Dieu nous frappe du
que tels n'euffent iamais conu la ve- baftoi (i). D'autant que vous efles les
nté, car la fin d"iceux ell pire que le brebis de Chrift. préparez-vous à la
commencement. Tels auroyent befoin boucherie , fâchant toufiours que vof-
tre mort eft precieufe deuant Dieu.
de prendre garde à l'horrible fentence .Malth. 10.
de l'Apoftre efcriuant aux Hebrieux , Les âmes qui font fous l'autel nous
fixieme i.^ dixième chapitre : lifez- attendent , pour accomplir leur nom-
les , de peur que ne trebufchiez en bre ;nous fommes heureux, fi le Sei- Apoc. (1. i).
2. Pierre 4. 12. Seigneur, n'ayez honte de l'Euangilc Croyez qu'il efl mifericordieux enuers Pf. 01. H.
de
DieuDieu, car c'eft
en falut la puilTance
à tous ceux qui dey vous, qu'il vous oit i.t vous aide. Je
fuis
uerfitéauec, &vous (dit-il)
vous en temps
deliurerai , card'ad-
il a
croyent. Soyez participans des nf-
flidions de Chrill , félon que Dieu ordonné certains limites que le dia-
vous donnera force pour les porter ,
ble & le mondv
Si toutes chofesn'outrepalTeront
vous femblent point.
eftre
n'eftimans point petite grâce de Dieu
de fouflTrir pour fa vérité. Car vous contraires, neanlmoins dites auec lob : lob 12. 15.
efles bien-heureux, comme le verrez
vne fois. Lifez le fécond chapitre de « Encores
en qu'il mele tue,
lui. » Lifez fi aurai-ieefpoir
dixième Pfeaume,
la féconde aux Corinthiens. Comme & priez pour moi voflre poure frère &
le feu ne nuit point à l'or, ams le pu- compagnon,
de Dieu ; fonperfecuté
Nom en pour
foit l'Euangile
loué, & fa
rifie, ainfi ferez-vous purifiez en fouf-
frant auec Chrifl. Le fléau & le van mifericorde me face auec vous idoine
n'endommagent ni ne froifl"i;nt point
le froment, ains le nettoycnt & fepa- (1) Baltoir dont on se sert pour laver le
linge.
(i) Dissipent.
(2) Calice.
NICOLAS DV CHESNE.
307
de foulTrir & endurer en bonne con- vous entendrez ce de quoi ie me veux m.d.lv.
Heb. 15. 14. fcience, pour l'amour de fon Nom. defdire. " Et ainfi les tenant fufpens,
Rien n'eli plus certain ni plus incer- continua
fut efcouté.fon Apropos,
la fin iltellement
leur dit : qu'il
« Il
Heb. 12. 22. tain que la mort. Bien-heureux font
ceux aufquels il donne de mourir pour
eft temps que
promesse, & quele iem'acquite
déclare dede quoi
ma
Cor. iç. 52. fa querelle. Noftre habitation n'ell ie me veux defdire. Efcoutez, il me Latimer fe
pas ici , & pourtant ayons toufiours
deuant nos yeux cefte lerulalem ce- fouuient d'auoir prefché autrefois que defdit d'auoir
lefte , à laquelle il faut paruenir par quene la
l'Antechrift
nie n'vfurperoit
en ce royaume, plus la
f qui•■./!<.
auoit tant 1 prefché
eftétyran- Papauté
reuiendroit
afflidion & fouffrance, fuyuans l'exem-
ple de noftre Sauueur 1. Chrift ; ne bien réduit à la parole de Dieu ; mais plus en Angle-
doutans point que, comme il eft relTuf- le Seigneur monftre que le plus fou- terre,
cité immortel au troifieme iour , auffi uent nous contons fans lui , nous
reffufciterons-nous en temps prefcrit, apuyant fur ces bras mortels , & fur
lors que la trompette fonnera, & les les belles aparences que nous voyons
Anges feront ouyr leur voix, & le
à l'œil , parquoi ie m'en defdi. Or ce
Fils de l'homme aparoiftra es nues en n'eft pas tout ; efcoutez donc , il y a
maiefté & grand'gloire ; & nous ferons d'auantage; c'eft qu'àuffi l'ai fouue-
efleuez aux nues pour venir au deuant
nance d'auoir dit que, s'il me faloit
du Seigneur, & viure auec lui éternelle- mourir, ce feroità Sniithfild; & main-
ment. Confolez-vous par ces paroles,
& priez pour moi au Nom du Seigneur. Oxfort tenant
ie ie trefpalferai
voi que i'ai; parquoi
menti, &ie vous
qu'à
jo8
gloisdel' an m.d.lv. auant que palTcr Depuis on l'examina de plufieurs
ouire le temps, le martyre de Nicolas poinds , fur lefquels il rendit pure &
du Chelnc pourra edre ici inféré entière confeffion , fur laquelle la
deuant les prochains deux frères exé- iullice affeant ( i ) toute caufe de con-
cutez àMalines. Sa procédure, eftant damnation, prononça fentence de mort
iointe auec celle de Paris Panier ci contre Nicolas. Aucuns lui confeil-
delfus defcrite en l'on ordre( i ), monllre lerent d'en appeler à Dole ; mais il
alFez de quelle haine la vérité du Sei- refpondit qu'il fulTent
ne penfoit
gneur ell perfecutee en la Comté de ceux de Dole plus pas
gens que
de
Bourgongne, non feulement contre bien qu'eux, car, depuis peu de temps,
ceux qui font du pays , mais auffi con- ils en auoyent fait mourir en pareille
tre les ertrangers qui palTent leur che- caufe. Le lourde deuant que Nicolas
min. Paris eftoit Bourguignon , & fut mené au fupplice , on tafcha de
cellui-ci elloit Champenois, natif de
lui perfuader
MelTe, & fe que,
mettres'il àvouloit
genouxaller à la
durant
Beaumont en Porcien, près de Re-
tel(2), ayant fa refidence en la ville de icelle, on le lailTeroit aller comme
Laufanne, en laquelle il s'elloit retiré palTant. Mais Nicolas, armé de perfe-
pour y viure félon la reformation de uerance , refpondit : » Plulloft mourir
l'Euangile. La caufe de l'arrelkr pri- que de commettre vn tel ade. » Il alla
fonnier fut qu'ertant parti de Lau- à la mort fort afi"euré , inuoquant le
fanne pour voyager en fon pays , Nom de Dieu iufques au dernier
& amener vne fiene fœur & fon mari mouuemcnt de fon corps ; ce fut le
demeurant à Retel, & quelques autres VII. d'Odobre, l'an l'ufdit; auquel
qui demeuroyent à Reims en Cham- l'ordre des temps requiert qu'il foit
remis.
pagne ,print fon chemin droit à Be-
fançon , le xxvm. iour de Septem-
bre M.D.Liiii. De Befançon cheminant
à Gray , il rencontra vn moine inqui-
fiteur qui l'accolla. Paflans deuant
vne Croix qui elloit au chemin, Nico- François & Nicolas Matthys,
Frères, de Malines (2).
las ne fit aucun femblant d'ofler fon
chapeau, qui donna occafion au moine
d'entrer en deuis de la religion, & de
Cejh hijloire d'vne mère & de quatre
contrefaire l'entendeur, pour auoir cnfans, cmprijonnc\ à Malines pour
occafionà Grai de l'attraper. Arriuez qu'ils la vérité de l Euangile , ejl notable;
furent , et que Nicolas y eut de/quels les deux , ajfauoir François
prins logis par lauis du moine, la iuf- Matthis , qui ejloit l'ai] ni, & Nicolas
tice du lieu , à la dénonce <S: accufa- Matthis , le fécond frère , ont conf-
tion dudit, empoigna Nicolas, lequel, tammenl enduré la mort en ladite
voyant fon Moine conducteur & guide ville, la mère rejlante prifonniere ,
O traillre, m'as-tu
des liuré r »ditLa: ■'iufiice
ainfiofficiers, demanda au
après la mort d'iceux.
prifonnier, d'où il elloit ; & il refpon- En la ville de Malines, au pays de
dit tenoit
, qu'iln ledes à Laufanne, en la Brabant, fiege du Parlement des pays
iurifdidio Seigneurs de Berne,
bas, il y auoit vn nommé André Dief-
& qu'il y auoit lailTé fa femme auec fen, mari d'vne nommée Catherine,
vn fien frère. On lui répliqua : « Tu de laquelle il auoit quatre enfans ,
n'en es pas natif. » « Non, (dit-il), alTauoir trois fils «& vne fille. Ayant
mais d'vn village près de Retel. » receu la conoiflTance de l'Euangile, ne
Interrogué qu'il y alloit faire , dit que fut négligent à infiruire fa famille, il
c'eftoit pour retirer fon beau-frere &
fa fœur femme d'icelui, & vn autre (i) Asseyant, établissant.
mefnage auec eux. Sur ce , il lui fut (2) Crcspin publia pour la première fois
demandé, fi la Loi de Laufanne elloit celte notice dans sa Troisiaiw pjrlic (15 $6),
p. 86-97. ^oy. aussi les édit. de 1564, p. 719-
bonne .' Il refpondit : Qu'oui , & 722, et 1570, f" Î85-J87. Le marlyrologiste
qu'on y prel'choit l'Euangile du Sei- hollandais Hœmstede a sur ces deux mar-
gneur en toute pureté de dodrine. tyrs une notice plus ample que celle de
Crespin. La famille dci Matlliys , dont le
vrai nom était Diessen , était vraisemblable-
(i) Voy. page 60, supra. ment connue de Htcmstede, qui était l'un
(2) Beaumonl-cn-Argonnc arrondi&sc- des pasteurs d'Anvers , à peu de distance
de Malines.
ment do Sedan (Ardvnnes).
FRANÇOIS ET NICOLAS MATTHYS. 309
portoit de grans regrets en fon efprit, tant perfeuera conftamment en la ve- m.d.lv.
de ce que la doârine de Jefus Chrift rite du Seigneur. Et combien que, par
eftoit ainfi foulée aux pieds en la ville l'aftuce d'vn moine, elle ait efté depuis
de Malines, & contaminée de tant efbranlee & deftournee de cefte conf-
d'idolâtries, & ne fe pouuoit conte- tance, neantmoins quand on l'amena
nir, fans quelques fois s'oppofer & deuant le Magiftrat, folicitee à fe def-
parler contre icelles. Ce que les dire, refpondit entre autres propos
preflres de la ville ne pouuans fouffrir, qu'elle les prioit de ne la mener fi
lui dreflerent grandes fafcheries ; tel- loin arrière de la vérité, && adorer
qu'en
lement que force lui fut de fortir de icelle elle vouloit demeurer,
la ville, & s'en aller en Angleterre, où vn feul Dieu, par fon Fils Jefus
il mourut en la compagnie des fidèles.
Deux de fes enfans , après auoir de- Chrift; puis chetée, fans que
autre.lui Sur
feulcesl'auoit
parolesra- ,
meuré en Alemagne quelque efpace elle receut incontinent fentence , ou
de temps, es Eglifes reformées par la pluftoft vne menace furieufe du Juge;
parole de Dieu , retournèrent à Ma- aftauoir, d'eftre mife en perpétuelle
lines vers leur mère vefue, leur fœur prifon, fi elle ne defiftoit de telles opi-
& autres leurs parens , lefquels ils nions ,& en receuant des mains du
tafcherent d'inftruire en la vraye co- Preftre le facrement, & aprouuant les
autres cérémonies acouftumees.
noiffance de l'Euangile, leur remonf-
trans en fomme que tout le falut dé- Ses deux fils ci deft'us nommez, af-
pend d'vn feul lefus Chrift, & du fauoir l'aifné & le fécond , perfeue-
précieux fang qu'il a efpandu en re- royent toufiours de force inexpugna-
miffion des péchez & fatisfadion en- ble, fe tenans à la pureté de la
uers le dodrine
de cefte iugementvientde àDieu. L'odeur
la conoilTance dodrine de Dieu, & n'y eut menaces
ne tourment qu'on leur feuft faire, qui
de la preftraille du pays. Parquoi ils les efpouuantaft. Les fuppofts de
drelTent tous moyens pour les attraper, l'Eglife Papale, voyans que toutes
& fur tous le curé de fainde Cathe- leurs inuentions profitoyent fi peu , Diuerfes rufes
, , .„ e de
enfembl ..,les amener '^'^^ ennemis
,, ^ pour efbranler
Ruard tit vnrine ànommé
Malines noftre
s'y employa,
maiïlre &Ruardus
aduer- délibérè
deuant rent
la puuiance qu ils appellent |es deux
d'Eneufe, Tappaert, Dodeur & Doyen de Lou- feculiere, acompagnez de grand nom- frères,
dofleur
Louuain.de uaip, inueteré ennemi de la vérité , & bre de moines & caphards , penfans
le folicita de venir. Icelui eftant venu
par cefte
uanter ou mafque
efblouir extérieure
ces deux efpou-
ieunes
à Malines, ce fut de foliciter au pof-
fible le Mayeur (qu'ils nomment gens. Toute cefte troupe donc eftant
Scawter) le fieur Guillaume Kleicken, venue deuant les Magiftrats, à leur
feigneur de Bouenkerken, de prendre inftance alTemblez, l'Inquifiteur com-
les deux frères auec la mère & fon mença àdire à haute voix : « Nous
troifiefme frère auec la fœur. Laquelle
auons défia depris
deftourner vosgrand'peine
erreurs, & pour vous
toutefois,
chofe ce Mayeur ne refufa de faire,
eftant requis de tant de gens , qu'ils par amitié, nous n'auons rien profité.
appelent d'eglife. Tous cinq donc Il faut donc maintenant que vous dé-
furent mis en prifon : & pendant leur clariez icivoftre foi deuant ce fiege de
détention, la preftraille cercha tous
iuftice & fuperiorité, & l'on verra
moyens de molefter & de diuertir lef- quelle elle fera trouuee. » Sur ce, ref-
dits emprifonnez de leur droite conoif- pondit le plus ieune des deux frères,
fance ; mais ils n'y profitoyent rien. afl"auoir Nicolas : « L'Apoftre S. Paul,
Parquoi on fepara la mère auec le ni les autres feruiteurs de Dieu, n'ont
plus ieune frère & la fœur, en vn au- iamais différé de faire profeffion &
tre endroit de prifon. Le plus ieune confeffion de leur foi , tant deuant la
frère & la fœur furent deftournez du puiffance ecclefiaftique que feculiere,
I
vrai chemin par les aftuces & folicita- que vous appelez, & pourquoi ne fe-
tions des ennemis, quelques exhorta- rions-nous lemefme, veu que c'eft vn
tions ou remonftrances que leur bonne mefme Efprit, qui nous donnera de
mère feuft dire ou faire. Ils paft'erent quoi vous refpondre } Ne penfez pas
par cefte condamnation
neroyent quelques iours : au
Qu'ils
pain ieuf-
& à pourtant nous intimider, nous auons
bon maiftre. » Ces aduerfaires voyans
l'eau, & qu'ils affifteroyent aux Meffes cefte promptitude , les firent feparer
& proceffions du Sacrement, veftus de l'vn de l'autre , & demandèrent pre-
linge blanc. La bonne mère nonobf- mièrementl'aifné,
à affauoir François,
I
LIVRE SIXIEME.
pour le tourmenter. Aufqiiels il dit de maiflre, & qui font vos compagnons. «
premier abord, vfant d'vn prouerbe L'aifné lui refpondit : « Quant à ce
vfité en vulgaire : « Venez-vous ici que demandez qui eft noftre maiftre,
pour me vendre des queues de re- c'eft Dieu ; mais, quant à nos compa-
Ces renards
deuiennent nards.'' hypocrites, départez vous de gnons, c'eft en vain que le demandez,
moi, & me laiflTez en paix ; car ie veux
tort après car nous nous laifl"erions pluftoft tirer
lions pour demeurer en la vérité, n'eftimant vos pièce à pièce que de les expofer aux
defchirer les dangers. » Quoi voyans, les luges & JII
brebis du fables & menfonges, encore qu'il me
courte la vie. » A celle voix furent fi ef-
Seigneur. Seigneurs commandèrent qu'ils fuîlent
frayez ces fupports de preftres, qu'ils remis en prifonPeu
demanderoit. iufques à ce qu'on
de temps après, les
ils
retournèrent vers l'aifné , lui confeil-
lant que, pour lui & pour fon frère, il furent menez deuant la iuftice, feante
aduifart de trouuer moyen de fe re- fur les fieges de iudicature, & là de-
rechef leurs articles eftans publiez, à
'concilier à l'Eglife. Mais il leur dit :
« le vous prie, contentez-vous, car ie haute voix en plein parquet , dirent
n'ai point intention de me laifl'er qu'ils perfiftoyent ; tellement qu'à
tromper ; i'ai mon efpoir en Dieu. » l'heure ils receurent fentence de con-
damnation, laquelle eftant prononcée,
Depuis cela, les preftres, voyans qu'ils
ne profitoyent rien, & que lefdits frè- le Mayeur de la ville leur dit : << Pre-
res demeuroyent refolus dutout, ils nez vn confeflTeur, car demain il vous
les firent venir deuant les luges, & là faudra mourir. » Auquel refpondirent :
furent leus leurs articles, après la lec- « Nous auons lefusChrift pour noftre
ture defquels leur demandèrent s'ils confefieur, duquel nous attendons ab-
s'en vouloyent defirter. Les deux ref- folution. » Cela dit en pleine audiance,
pondirent : « Non, fi nous ne fommes on les ramena en la prifon, & le len-
conuaincus par la fainde Efcriture. » demain Lundi XXIII. de Décembre,
Lors les Inquifiteurs dirent aux ma- auant l'exécution, ces deux frères,
giftrats, puis que ces deux prifonniers prefente toute la iuftice, auant eftre
demeuroyent ainfi obftinez, contre la menez au lieu du dernier fupplice, fe
doélrine de l'Eglife, qu'ils les retran- confoloyent l'vn l'autre. Et l'vn d'eux
choyent d'icelle , comme membres dit ces propos : « Mon frère, nous
pourris, en les excommuniant, &c. A auons vn bon maiftre qui a donné fa
cela, dit leMayeur : « Donc ne font- vie pour nous , afin que fuffions
ils plus bourgeois, & ie les puis bien fauuez ; ne nous départons point de
mettre à la torture. » Le lendemain, lui, autrement les loups nous dechi-
ces deux frères furent mis fur la quef- reroyent, & nous feroyent plonger au
lion, combien que pour cela il y euft gouffre éternel. Si on nous ofle le
différent, & ne s'accordoyent ceux du corps , il n'eft poffible de toucher à
magiftrat debatans le droit de la bour- l'ame. » Plufieurs autres paroles de
geoifie de Malines. Quoi nonobrtant, confolation & exhortation furent dites
l'aifné fut mené à la torture le pre- de l'vn à l'autre, auant qu'aller au der-
mier,auquel les Inquifiteurs dirent : nier fupplice , de forte que plufieurs
« Xu penfes , par dodrine ellrange & des affiftans auec grande compaffion
double langue , nous conuaincre ; mais pleucoyent; & cependant la preftraille
tu fentiras le chaftiment de l'eglife fe rioit auec cris , moqueries & iniu-
Romaine ta mère. » A quoi il refpon- res. Quand les xxv. ordinaires arri-
pondit : « Nous ne vqus auons aucu- uerent en la prifon, le Mayeur requit
nement conuaincus pardouble langue, que la fentence donnée contre les
ains par la pure parole de Dieu, pour deux criminels fuft leuë. La fentence
laquelle volontiers nous endurerons les declaroit obftinez & peruers héré-
toutes les peines & douleurs que vous tiques; mais Nicolas, le plus ieune des
nous pourriez faire. » Le mefme dit deux, refpondit: « Non , meffieurs les
le ieune frère, donnant courage à fon Bourgmaiftres, nous ne fommes pas
frère qui ia eftoit fur le banc de la hérétiques : nous croyons en Dieu le
torture. Ces Juges & Seigneurs voyans Père tout-puiffant, créateur du ciel &
cefte confiance, furent merueilleufe- de la terre. » Le Mayeur lui com-
ment eflonnez, & de honte des lar-
mes qui leur fortoyenl des yeux, fe manda de fe taire , & dit : « "Vous
eftes hérétiques. » Auquel il refpon-
retirèrent à part. Puis après, retour- dit : (( Nous ne nous pouuons taire,
nans vers eux, leur dirent : « Si faut-il
que vous nous déclariez qui eft vofire attendu que c'eft la parole de Dieu. »
Le Mayeur répliqua : « Vous auez
LIVRE SIXIEME.
512 efpandu
affez voflrc mefchante fe- hors de la maifon de la ville, ils fup-
mence. » Nicolas lui dit : « Nous
plierent qu'il de
dre congé leurleur
fufl mère
permis; de pren-
mais le
n'auons point femé mauuaifc femenco ;
ains parlons la parole de Dieu, félon Mayeur ne leur voulut accorder, ains
ladoflrinedes Apoflres. » Le Mayeur : leur fit mettre l'efleuf à la bouche
<c l'ai fait affez pour vous, ie vous ai pour les empefcher de parler. Et
mandé plufieurs fauans , afin de vous comme ils efloyent affez prochains du
deflourner de voflre foi diabolique. » pofteau pour eftre attachez , la petite
Non point R. u Nous ne les tenons pour fauans boule leur tomba de la bouche. Lors
fauans, mais
Salans. en la dodrine de noflre Seigneur, en- le ieune parla au peuple, exhorta &
tant qu'ils nous ont voulu deflourner pria le Mayeur le laiffer parler à fon
d'icelui, & nous mener aux elemens frère, laquelle chofe il lui permit.
& créatures, en quoi ne les auons Lors, il dit à fon frère François :
voulu aucunement croire; car Jefus « Mon frère, prenons courage; car
Chrifl eft noflre Sauueur fans aide
auiourd'hui
noftre Père.nous » Etironscommencèrent
au royaume deà
d'aucune créature. » Le Mayeur :
« Taifez-vous ; voftre femence diabo- chanter le fymbole en Aleman. Cela Notez CCS
lique eft par trop efpandue. » Refp. : fait , ils demandèrent pardon au derniers a<£le$
Matth ij. " Vos preftres font venus de nuid , & Mayeur, lequel leur dit ces paroles :
ont femé la mauuaife femence parmi « Il eft temps, puis que vous eftes liez
la bonne. »
à l'eftache. » « Nous nous confions, »
Or ainfi que les deux frères fe con- dit le plus ieune, « & nous arreflons
foloyent l'vn l'autre, amenans pafTages à lefus Chrift, lequel vous ne conoif-
de la fainde Efcriture , le Mayeur ne fez point. » c( Oui, oui, » dit le
les pouuant plus foufFrir, dit : « Nous Mayeur. Et cependant le feu eftoit
n'auons ia befoin de prédicateurs;
quand nous \oulons ouir la prédica- allumé & paruenu
le confola, & dit :au" Oieune.
mon L'aifné
frère,
tion , nous allons à noftre eglife. > encore vn petit & ce fera fait. » Puis,
Lors ils dirent : " Monficur, nous par-
lons de lefus Chrift, lequel peut élire leuant fon vifage , s'efcria : « Mon
Dieu, mon Dieu. » Et ainfi rendit fon
vous ne conoifTcz pas : mais vous co-
noilTez le Pape pour voftre Chrift, car efprit. Le plus ieune endura d'auan-
quand nous difions en noftre examen tage, & l'ouit-on au feu prier pour fes
ennemis ; mais incontinent après il
par deuant vous , aue le ciel eftoit le rendit femblablement fon efprit. On
fiege du Seigneur <x la terre fon mar- fut empefché tout ce iour de lundi
à les brufler & confumer en cendres,
chepied vous
, refpondiftes qu'il faloit
que noftre Dieu euft longues iambes. & ne fut poffible, tellement que les
Or le Seigneur ne fouffrira point vn os furent brifez auec fourches de fer
tel blafpheme fans le punir. » Ce
&, quelque eftre
feurcnt-ils boisréduits
que l'on
en ycendres(i).
mift, fi ne
Mayeur commanda qu'ils fe tculTent,
difant au bourreau qu'il leur mift vn
efteuf ( I ) en la bouche. Et le plus ieune
dit : « Ainfi nous ferez-vous comme
vos predeceft'eurs ont fait par ci de-
uant, ily a dix & fept ans, à noftre
Vn Martyr frère lean , lequel a auffi efté bruflé Bertrand le Blas, Tournefien (2).
nommé Ican
brune à pour la vérité. >■ Le Mayeur leur dit :
Matines. << Il ne vous en auiendra pas moins Ce que nous auons vcu ci deffus au
quatrième Hure auoir cJIJ fait en
qu'à lui. » Ces deux frères fe voyans
efcoutez de l'affiftance, voulurent ref-
pondre plus amplement; mais le {1) D'après Hœmsiede. le martyre eut
Mayeur ne leur voulut permettre , lieu le 2) décembre 1555. Cet auteur termine
ainsi sa notice : ■• Pour brûler ces saints
Quel iuge?
ainss'efcriadifant : • Pourquoi efcoute- martyrs, on dut dépenser neuf florins, telle-
on ces hérétiques .•■ louez maintenant ment le bois était cher cet hivcr-là »
voflre farce, ie ferai tantoft la mienne. » (j Dans la Trcisiimc parik du Recueil des
Les deux frères refpondirent alaigre- Martyrs (US'»', où cette notice ligure p 80-
8()) avant celle des frères Matthys, Crcspin
mcnt : t Faites, monficur, quand il la fait précéder de la note suivante : u En
vous femblera bon. » la fin de la féconde partie du Recueil des
Martyrs , nous avions aucunement déclaré
Cela dit , ainfi qu'on les menoit ceslc histoire sous le nom de N. le Blanc;
mais eslans plus à plain informez des actes
(1) Voy. la note de la p. i$f , ci-dessus. et procédures tenues en la cause de ce per-
BERTRAND LE BLAS.
?i6
Dieu lui donna vne perfeuerance ad- que ainfi
alla ie ne lui
de refpondroi point, & s'enil
moi. Le lendemain,
mirable parmi tous fes atTauts, à main-
tenir la vérité de l'Euangile iufqucs m'ameiiic monfieur du Puy, lieutenant
au dernier foufpir de fa vie , comme particulier de Lyon, qui me commanda
le tout plus clairement fera entendu de refpondre deuant lui. Ce que ie fi;
par les ades ci après déclarez , & fes & commençai à lui dire le fymbole
confeffions efcrites de fa propre main des Aportres : le croi en Dieu le Père
en la prifon. tout-puilTant , c^'c. Et après Tauoir dit,
ie leur rcfpondi que ie n'avoi point
eftudié, & que ie n'eftoi point clerc ;
mais que voila ma foi , que ie croi, &
Conjeffion prc micrc cnuo)yc a ja
à Gcn que c'eft ce que doit croire vn Chref-
femme à Ceneiie,
fonnement de Lyon.après J'on empri- tien ; que s'ils me vouloyent interro-
guer fur la mufique , ie leur refpon-
droi bien. Ils me firent refponfe que
Chère foeur, il faut que vous en-
cela eftoit bon , mais que ce n'eftoit
tendiez que tout premièrement après pas affez. le leur di : le ne fçai donc
que fuftes partie de celle ville, ainfi que vous me demandez. On me de-
que ie penfoi manda comme parauant fi ie ne croi
en vne maifon trouuer Baflian,& l'entrai
où les coffres balles pas que le corps de lefus Chrift fuft
efloyent , & en parlant à rhofteffe ,
voici arriuer celui qui les auoit arref- aufft grand & auffi gros qu'il eftoit en
l'arbre de la croix , contenu au pain
tees, me demandant fi ccfte marchan- de la Cène, vfant de ce terme, le lui
dife m'apartenoit; ie di que c'eftoyent refpon
meubles que i'auoi fait venir en celle noflre foique non faux
feroit , & quand
que nous
l'article de
difons:
ville , it que i'eftoi loueur d'inftru- Qu'il eft monté au ciel, & fe fied à la
mcns. Il me demanda fi i'eftoi marié. dextre de Dieu fon Père. D. Si i'auoi
R. Qu'oui. Il me demanda fi ma femme fait mes Pafques. R. Non. D. Si ie
elloit ici. le di que non, A qu'elle y ne croi pas qu'il fe faille confefter au
feroit bien tort. Venez-vous en quand
& moi (i)(dit-il)&ie vous ferai dcliurer preftre, au moins vne fois l'an. R.
Qu'il fe faut confefTer tous les iours à
voftre tent.
cas. le me
Lors il lui mena
di que chez
l'en ertoi con-
monfieur Dieu fcul. D. S'il ne faut pas prier
les Sainds & la vierge Mairie. R. Il
Buatier, grand vicaire & officiai de faut prier Dieu feul au Nom de fon
Lyon (à cefte heure-la ie me doutai Fils lefus Chrift noftre Seigneur. D.
bien que i'eftoi prins) & me prefentai Si nous n'auons point de franc arbitre ;
à ce monfieur, qui commença à m'in- & fi nous ne pouuons pas vouer chaf-
terroguer de plufieurs chofes, me de- teté, comme font Nonnains& autres.
mandant de premier abord fi le corps R. Nous n'en auons point, & tout ce
de lefus Chrift n'eftoit pas auffi grand que nous faifons de bien vient de
& gros au facrement de l'autel, comme Dieu, & non point de nous; & ne
il eftoit au ventre de la vierge Marie, pouuons vouer chafteté , entant que
ou en l'arbre de la croix? le rcfpondi continence eft vn don fpecial de Dieu.
premièrement que ie neconoiftbi celui
D. S'il y a pas vn Purgatoire. R. Que
qui m'interroguoit, & ne fauoi qui il ie n'en conoin"oye point d'autre que
eftoit. Cependant ils ne laiiïerent pas
le fang de lefus Chrift. D. S'il n'eftoit
de faire efcrire ce qu'ils voulurent. pas bon d'admettre des images. R.
Puis me dit : " le vous déclare que ie Cela nous eft défendu par le comman-
fuis grand vicaire du Pape , c% que Exode 20. 4
dement de Dieu , d'autant qu'il eft dit :
c'eft moi qui vous doi demander de « Tu ne te feras imaçe laillee ne fem-
voftre foi. » A quoi ie rcfpondi, comme blanee aucune des chofes qui font là
i'auoi fait auparauant. Il y eut vn ludas Jus au ciel, ni ci bas en terre, nies
de lieutenant du preuoft , qui me print
eaux deffous la terre; tu ne t'enclineras
&monme argent.
mena en prifon, & m'ofta tout point à icelles & ne les feruiras. »
Voila les demandes & refponfes telles
Or, le lendemain, ce monfieur Bua-
tier vint en la prifon , me demander fi que
bien Dieu me les
dit tout a données.
plein Ils m'ontlà
de badinages
ie ne m'cftoi point rauilé. le lui ref- deiïus, que ie ne vous pourroi reciter,
pon , qu'il n'eftoit point mon iuge, & & vous aft"eure que ie fu fort ioyeux ,
(i) Locution vieillie : avec moi. 3 uand le Seigneur m'eut fait la grâce
e confeffer fa parole deuant les nom-
CLAVDE DE LA CANESIERE. ?i7
mes. Et quand ie fu de retour au lieu
eft allé par poureté, mefpris , oppro-
où ie fu mis, ie rendi grâces au Sei- bres, detraiSions , brief, par la mort
gneur, le priant qu'il me donnall bou- ignominieufe de la croix .!* Oui , mais
che ,fapience & force de perfeuerer vous pouuez dire : Il me femble que
en ce que i'auoi commencé, iufques ie n'en voi point qui ait tant d'afflic-
au dernier foufpir de ma vie. Vn des tions que moi ; ie voi mon mari qui eft
;s chanoines Comtes de Lyon m'amena vn Satan en prifon , iournellement attendant la
de S. lean Je la Sorbonne , penfant me diuertir mort cruelle ; i'ai perdu fi peu de bien
't'J^^J,""''
appelez de ce que
n . i'auoi dit. Et penfoit
^ j i me
/■ que i'auoi; i'ai grande charge d'en-
Comtes. faire acroire que le corps de lelus fans , & fuis continuellement en gran-
Chrift eftoit dedans ce pain, mais par des affliâions & deftrelTes, & l'en voi
le poind mefme qu'il me monftroit, ie tant qui font à leur aife , qui ont leurs
le réfutai , tellement qu'il ne feut ob- plaifirs & délices à fouhait. le ne doute
tenirDieu
( merci) vn feul poinft fur point que telles chofes ne vous appor-
moi en toutes les fariboles qu'il me tent grande fafcherie, mais ie ren
difoit. Et me priant que ie me depor- grâces à ce bon Dieu , dequoi vous
eftes rendue auec nos enfans là où fa
taffe de tout cela, & qu'il me feroit
fortir incontinent, ie lui fi refponfe
parole eft annoncée; car afl'eurez vous
que , quant à moi , ie n'auoi rien dit que c'ert toute ma confolation. Quant
qui ne fuft bon , & que ie prioi Dieu à la perte du bien, il nous faut dire
qu'il me fifl la grâce de perfeuerer iuf- auec ce bon feruiteur lob : Le Sei-
ques à la fin en ce qu'il avoit com- gneur l'a donné, le Seigneur l'a ofté
mencé. Autre chofe n'ont eu de moi. fon Nom foit bénit. Que ce vous foit:
vn miroir de patience en vos afflic-
tions, & conoilTez par cela que le
Seigneur vous aime, ne voulant point
Lettre cnuoycc par ledit Canefiere, le que vous-vous arreftiez à ce miferable
XII. tour de May enfuyuant , à fa monde, mais que les afflidions que
femme. vous portez vous foyent vn aduer-
tiffement pour vous humilier deuant
Chère fœur & efpoufe, i'ai tou- lui, && reconoiftre vos fautes conoiftre
& off"en-
fiours retardé à vous efcrire, pource fes, vous faire pleinement
que i'attendoi ce que les aduerfaires que c'eft en Dieu feul que deuez
vouloyent faire de moi. le fai qu'elles mettre voftre apui, lailTant derrière
toutes les confiderations du fecours
fort affligée, mais vous fauez que c'efl
le chemin pour aller à la vie, puis humain, lailTant cefte maudite dé-
qu'il a pieu à ce bon Dieu m'eflire fiance qui
, naturellement eft enracinée
pour faire confefllon de ma foi deuant en nos cœurs, pour vous fier entière-
les aduerfaires de fa vérité. le vous ment en la fainde prouidence & bonté
envoyé les demandes & refponfes que paternelle de noftre bon Dieu & Père,
ie leur ai faites Amplement , félon la
duquel il nous faut afteurer qu'il aura
mefure de la grâce que Dieu m'auoit tel foin de nous (comme i'ai dit aupa-
diflribuee. le vous prie, prenez bon
courage , & vous confolez auec ce bon rauant ) dequ'il
cheueu noftrene tefte
tombera
fans fa point vn
volonté.
Dieu , qui a dit qu'il ne cherra mefme Que s'il a le foin de nos cheueux, par
point vn cheueu de noftre telle fans plus forte raifon l'aura-il de nos corps,
fa volonté. Confiderons par quels def-
troits & angoiffes tous les feruiteurs pour
Père nous adminiftrer,
de famille , tout ceainfiquiqu'un
nous bon
eft
de Dieu font entrez en la béatitude &
necelTaire ; oui bien , mais c'eft fous
félicité où ils font maintenant. Et c'efl cefte condition que nous lui rendions
2. Tim. 5. '^'^ 1"*^qui'^'^voudront
^' Pau'j viure
^u'il fidèlement
faut que tous l'obeiffance qu'il requiert de nous, &
ceux en que nous-nous foumettions entière-
lefus Chrift , fouffrent perfecution. ment àfa fainde volonté, pour rece-
Tenons-nous donc pour refolus, qu'il uoir auec humilité ce qu'il lui plaira
nous faut porter noftre croix , l] nous nous enuoyer. Que fi nous receuons
voulons fuiure noftre maiftre & Capi-
taine lefus Chrift. Penfons-nous auoir auec ioye les biens qu'il lui plait nous
auffi ne receurons-
meilleur marché que lui.^ Penfons- les pourquoi
enuoyer,
nous maux & afflidions, voire
nous aller à la vie éternelle auec ri-
chelTes , honneurs , crédits & chofes redonderont à fa nous
mefmes lefquelles gloire & àqu'elles
fauons noftre
femblables, quand nous voyons qu'il falut.^ Vous fauez que nous n'auons
LIVRE SIXIEME.
quelles le Seigneur n'a pas reuelé le d'eftre lapidé , & fuiuez Paul & Bar-
fecret de fon Père. Et pour cefte
caufe entendez ce qui eft au fécond confeillanabas. aux
Au 16. Apoftres
chap., l'Efprit
, de nede Dieu
point
AiSles 2. 40,
chapitre des Ades : a Sauuez-vous de annoncer fa parole en Afie , parce
cefte génération peruerfe. » Et au 7. qu'alors elle n'eftoit pas bien receuë ;
chapitre, Moyle s'enfuit pour fauuerfa en quoi vous eft monftré vn bel exem-
vie ; pource prenez y garde, car vous ple de parler où la parole de Dieu eft
n'eftes point plus homme de Dieu receuë. Au mefme chap., Paul fe dit
qu'eftoit Moyfe. Au 9. chap., Paul ef- Romain pour fauuer fa vie ; faites ainfi
que lui pour fauuer la voftre. Au 17.
tant appelé de Dieu , s'enfuit par les
murailles d'vne ville pour fauuer fa vie, chap., Pau! s'enfuit de nuift pour le
& s'en vint vers les Apoftres en leru- murmure des gouuerneurs, qui le vou-
loyent faire mourir; qui vous aprend
Jifcours d'vn falem. qui furent ioyeux qu'il s'eftoit de fauuer voftre vie , fi vous voulez ,
temporifeur fauué. Auquel chapitre, Paul vous en-
ignorant & feigne , qu'il ne faut pas eftre obftiné car vous n'eftes pas plus que Paul ou
impudent. en voftre opinion deuant les hom- les .\poftres de lefus Chrift. Suiuez
mes qui vous portent mauuaise vo- leurs faifts, & vous ferez bien, & ne
lonté ,mais s'enfuir & ne dire mot : donnerez point de fcandale aux fidè-
& puis que vous auez bien parlé pour
les. Au mefme chap., Paul s'enfuit
vne fois, vous vous en deuez conten- d'vne ville nommée Beroé . iufqu'en
ter, & que ce qui eft dit demeure dit. Athènes; & au 19. chap., Paul vou-
Au 12. chap.. S. Pierre fut fort aife lant aller au théâtre, comme de couf-
que Dieu lui auoit fait la grâce d'eftre tume , pour annoncer la parole de
efchappé de la main & prifon d'He- Chrift. fut auerti par fes amis , qu'on
rode, « lors il s'en alla en autre lieu, &le creut
vouloitle lapider;
confeil il
de n'y
fes entra
amis. point
Il me ,
où la parole de Dieu eftoit mieux re-
ceuë. Ce paffage vous enfeigne que femble que vous deuez faire ainfi , ou
Dieu ne demande pas la mort des fidè- vous n'efteshomme
pas bien confeillé,
les, mais le cœur & la bonne vie feu- Paul eftant de Dieu, a creu car
le
lement, pour édifier fon prochain. Au confeil de fes amis, & fi vous ne
15. chap., Paul & Barnabas fe retirè- croyez le confeil des voflres, qui vous
enfeignent véritablement . ie ne puis
contrerent eux
pour le pour murmure qu'ils devoyoyent
la parole Chrift;
& Dieu le trouua bon. Ce chapitre croire que ne foyez troublé d'efprit,
& penfe que vous le faites pluftoft de
vous reprend
il faudroit dire d'auoir trop : parlé
feulement le croi. car
en peur d'eftre repris des hommes que
fauez, qu'autre chofe. Toutesfois ie
Dieu & tout ce que fainifte Eglife
vous an"eure que , fi le plus grand de
croid , fans alléguer aucun paffage de
ceux qu'eftimez eftoit où vous eftes, il
l'Efcriture, ni rendre refponfe à leur fauueroit fa vie par le moyen ci efcrit.
demande, pour quelque menace qu'ils Au 20. chap., Paul eftant en Grèce,
facent. Au 14. chap., les Apoftres s'en- voulant aller en Syrie pour annoncer
fuirent d'vne ville en vne autre ville la parole de Dieu . fut auerti que les
luifs le vouloyent lapider; pour cefte
nommée Lyflre , de peur d'eftre lapi-
dez. Ce chapitre vous enfeigne qu'il caufe , s'en retourna en Macédoine.
ne faut point parler qu'auec les fidèles Ce chapitre vous deuant
enfeigne,
de Chrift, ou auec ceux qui le veu- faut point parler ceux qu'il
qui ne
ne
lent conoiftre & entendre fa parole ; font de Chrift ; pource regardez où
non pas parler deuant ceux qui font vous eftes. Au 22. chap., on vouloit
faux frères, defquels Chrift a dit : donner le fouet à Paul , mais il fe fit
I
« Donnez-vous garde des faux-freres. » Romain, & nia fon pays, pour fe fau-
Au mefme chapitre, Paul fut en vne uer du fouet feulement ; ce qui vous
autre ville lapidé, & fut fauué par au-
cuns difciples eftans autour de lui. Et enfeigne, qu'il fe faut fauuer en quel- Blasphemes
que forte que ce foit. Le Seigneur
Dieu le trouuera bon. car voftre mort
le lendemain qu'il eut trouué Barna- contre l'efcri-
bas, ils s'enfuirent. & n'y retournèrent ne fauroit édifier perfonne en ceft en- ture.
Voyez les plus. En ce chapitre, Paul & Barnabas droit. Au 23. chap,, Paul eftant en iu-
belles conclu- gement deuant les Juges Sacrificateurs
rions vous enfeignent. qu'il ne faut plus
retourner à ce qu'auez dit, encore qui le vouloyent faire mourir, conut
qu'il foit bien dit : car ils ne font plus qu'ils eftoyent Sadduceens & Phari-
retournez dire ce qu'ils auoyent dit. fiens; lors il s'efcria au confeil, & dit
de peur d'eftre lapidez: gardez-vous qu'il eftoit Pharifien, & fils de Phari-
%
?24 LIVRE SIXIEME.
(icn, pour luuucr fa vie. Ce chap. point ma mort, car i'ai enuie de viure
en homme de bien. Et pour toute de-
vous aprend de l'auuer vollre vie ; car
Paul n'a pas nié Chrift deuant ceux mande qu'ils vous facent, gardez-vous
qui conollfoyent Chrift; au contraire, de refpondre ni alléguer paffage de la
deuant ceux qui ne le vouloyent co- S. Efcriture. S'ils vous demandent
noillre, Paul n'a dit mot, & a trouué quelle Eglife.^ De Chrift feulement,
moyen de l'auuer l'a vie. Au mel'me fans parler de l' Eglife Romaine; car
chapitre , Paul ellant prifonnier, fut vous n'eftes point deuant les hommes,
auertiloir par vn adolefcent,
faire mourir; qu'on le
lors il trouua vou-
moyen maisChrift
de deuant les loups rauilTans
; autrement vous ferezl' Eglife
caufe
de faire auertir le Capitaine de la d'vn grand fcandale. Aux Ades 26. c,
fùrtereH'e, où il elloit prifonnier, pour Paul, Apoftre de Chrift, requit le Roi
lui l'auuer la vie. Ce chap. vous en- Agrippa, it lui fit entendre qu'il eftoit
feigne fai'ché des liens de la prifon, pour en
où vousd'efchapper
elles quantdu mauuais
;\ la chairpalTage
; de
efchapper. le m'efbahi , veu qu'eftes
l'efprit ie n'en parle, car ie fai par la homme qui auez leu, que vous ne re-
grâce de Dieu qu'il fera bien. Bref, gardez que les Apoftrcs de Chrift ont
le Seigneur vous commande en plu- efté & font plus que vous, & ont cer-
fieurs endroits d'efchapper ché par plufieurs fois les moyens de
nération peruerfe ; car il nede demande
celle gé- fauuer leur vie. Et pour cefte caufe, ie
pas la mort de fes fidèles. Penfez à vous prie, non point comme Satan,
Allégations mais comme voftre coufin & frère
vousDieu
de & auxne voftres,
tourne & contre
gardez vous
que , l'ire
car
dignes d'vn
tcmporireur. Chreftien, de penfer à vous , car voftre
il vous a oflé hors de la main des lu- édification eft en la bonne vie par la
ges ,& les a bien infpiré pour vous. grâce de Dieu : premièrement pour
Et pource prenez garde à vous, & édifier voftre femme, & puis vos trois
vous fouuiene de Pierre, Apollre de petis enfans , aufquels vous ferés
Chrift , lequel a nié Chrift plufieurs
grand'faute, & le Seigneur a dit qu'il
fois pour l'auuer fa vie, A Dieu lui a fautlabourerpourl'indigent, ce qu'aués
fait autrefois. Vous voulés-vous faire
pardonné, ainli qu'il nous fera, s'il lui
plait. le ne veux pas dire qu'ayez nié mourir à crédit .' & penfés-vous eftre
Chrift, car ie fuis auerti que l'auez plus que les autres.^ voulez-vous laif-
bien confeffé, mais ie di que vous fe- l'er voftre femme & vos petis enfans
beliftres, iS: tout pour aller deuant les
rez bien d'efchapper. Au paft'age des belles, aufquelles les fecrets de Dieu
Ades, 24. chap.
point prefché au ,temple
Paul ditdequ'il n'auoit
lerufalem, font cachez .- Et veu que vous auez le
dk. toutesfois il y auoit efté prins; mais bruit d'auoir veu les lettres , ie fuis
ce qu'il difoit n'eftoit que pour efchap- eftonné comment vous prefchez aux
per la mort. Au 25. ch., Paul eftant beftes. Car il ne fe trouue point par
deuant Feftus, lui fut demandé s'il efcrit que les hommes de Dieu ayent
vouloit eftre mené et iugé en lerufa- parlé deuant ceux qui ne conoifToyent
lem. Paul infpiré de Dieu , & auerti pas lefus Chrift; mais au contraire
qu'on le vouloit faire mourir en leru- ont diffimulé pour efchapper de leurs
falem, dit qu'il vouloit affifterau fiege mains, laquelle chofe ie vous con-
iudicial de Cefar, pour l'auuer fa vie. feille de l'aire à l'exemple d'iceux.
Vous auez appelé deuant Cefar , le- Qui fera la fin, me recommandant à
quel vous a fait auffi bien comme il fut vous ; priant Dieu le Créateur vous
fait à Paul , car vous auez arreft par donner grâce de profperer en bien.
lequel tout eft mis à néant et fans bre M ^5.
amende. Pource regardez que voulez De Paris, ce Vendredi 14. d'Odo-
dire en voftre confeflion , car il ne faut
plus efperer recours à Cefar; fi Cefar
vous a baillé moyen de fortir , foriez.
Le Seigneur vous a aidé , aidez-vous; Rcjponjc de Claude de la Caneficre,
tVc fi on vient pour vous interroguer , à la précédente, laquelle nous monjlre
dites & reprejenle quelle différence il y a
bon »Scfeulement
véritable ce
, &quinons'enfuit
autre (qui
chofeeft, entre l'homme parlant de Jon fens , &
& fans ofTenfer Chrift): lecroien Dieu,
& tout ce que fainde Eglife croid. cejlui qui parle par l'Ej'pril de Dieu.
S'ils vous :parlent CovsiN , i'ai leu vos lettres alTez
confcffion le vousde prie,
voftrene première
cerchez
amples, par lefquelles vous m'auer-
P5
CLAVDE DE LA CANESIERE.
tiflez de fuiure le contenu d'icelles le nie. Et de mes biens ils ne s'en m.d.lv.
pour toute confeffion de ma foi deuant
les hommes , ou (comme vous dites) foucient que bien peu ; car auffi n'y
en a-il pas fi grande quantité. Or en
deuant les belles. Et pour me foliciter
à croire voftre confeil , vous auez mis ce que dites que ma mort n'édifiera
perfonne, l'en laift"e le iugement à
en auant beaucoup de tefmoignages Dieu. Quant à moi, ie doi regarder
de fuiure fa volonté, & du refte lui en
de l'Efcriture faincte. Pour refponfe,
ie déplore
vous, foit &dela voftre
peine &confeil,
l'abus, en
Ibitceft
de lain"er la difpofition. Que fi aucuns
font mal édifiez de ce que, pour obéir
endroit; la peine, parce que ie feroi
à Dieu, ie fuis preft d'endurer la mort,
tres-ioyeux que ne vous en fuffiez ie penfe que tels ne feront reputez en
cela auoir bon zèle , mais feront du
méfié ; & l'abus , pource que vous &
voftre confeil (fi aucun en auez) en nombre de ceux defquels S. Paul i.Cor. i. 2;.
ceft endroit, eftes par trop lourdement parle, quand il dit que lefus Chrift
& vilainement efloignez de la fainéte crucifié eft fcandale aux luifs. Si donc
vérité de Dieu , pour prouuer voftre les luifs ou leurs femblables font mal
menfonge & fiftion tant manifefte, que édifiez en ma mort, ie ne m'en foucie
i'ai quafi honte de vous efcrire. Tou- pas, mais dirai auec mon maiftre lefus Matth. i). 14.
tesfois confiderant que ce que vous en Chrift: a Lain"ez-les, car ils font aueU' Matth. 7. 6.
aués fait, a efté d'vne affedion & gles & condudeurs d'aueugles. » En ce
amour qu'aués plus à ma vie qu'à que vous guerites
dites deuant que i'ai femé lesce mar-
les pourceaux, que
l'honneur & gloire de Dieu , ie vous
en veux bien refpondre ce qui me lefus Chrift auroit défendu , pour ref-
femble à la vérité, fans vous flatter
aucunement, mais comme mon ami. ponfe, fii'ai femé deuant les pour-
ceaux, iedi que les Prophètes, Apof-
le vous veux auertir qu'erres grande- tres & Martyrs de lefus Chrift fe
ment en toute voftre procédure & font bien abufez. Daniel & fes trois
confeil fatanique que me donnez. Ce
compagnons ont mal fait d'expofer
que ie vous veux monftrer par les mef- leur vie au feu & aux lyons. S. Ef-
tiene a mal fait de rendre raifon de fa
mes pafTages dont m'auez alTailli. foi deuant fes aduerfaires. Bref, tous
Premièrement, en ce que me con-
feillez que ie face ma féconde confef- ceux qui font morts pour la confeffion
du Nom de Chrift ont femé les mar-
fion félon voftre confeil, & tel qu'il eft
efcrit à la fin de voftre lettre , ie n'y guerites deuant les pourceaux. Saint
Pierre a mal confeillé , quand il nous i. Pierre j. ij.
voi aucune apparence,
Parlement donné contrefélonmoil'arreft
, car deil admonnefte que nous foyons toufiours
prefts de rendre raifon de noftre foi &
me lie
cial tellement,
iuge derechefqu'il
monfautprocez
que l'Offi-
dont efperance, &c.
i'auoider appelé. "Vrai ilefteftque, Quant à voftre première raifon , la-
mon marché, dit pour
que ceamen-
fera quelle vous prenez du premier des
Âdes, que les Apoftres font enuoyez
vn autre Oftîcial, que celui dont i'auoi annoncer la vérité de Dieu aux hom-
appelé; & de peur qu'il ne foit alTez mes ,& non pas aux beftes ; dequoi
auifé pour m'examiner de poinâ en
poinâ , on lui adioind vn Inquifiteur vous concluez, qu'il ne faut reueler ce
de la foi. Or penfez comment ie pour- fecrethommes
de Dieu& le
roi eftre receu à dire feulement ce que font nonPère qu'à& ceux
beftes, qui
appelez
me confeillez, afl"auoir : le croi en beftes, ceux à qui ce fecret n'eft point
Dieu , & tout ce que fainfte Eglife reuelé; pour refponfe : Les paroles
des Apoftres en ce premier chap. ne
croid. D'auantage , vous faut enten-
dre ,que fi i'euffe voulu vfer de cefte font pas telles , ni en fubftance ni en
fidion pour fauuer ma vie , il n'eftoit forme, comme vous les alléguez; re-
iabefoin d'attendre arreft ni fentence. gardez-y bien. D'auantage lefus Chrift
Car mes aduerfaires ne demandoyent ne dit pas ainfi, quand il baille cora-
autre chofe, finon que ie niaffe ce que miffion & mandement à fes Apoftres
i'auoi confen"é , & vous affeure qu'il d'aller prefcher, car il dit, au dernier
faut que ie parle pour eux en ceft en- chap. de S. Marc : « Allez par le
droit, car en ce qu'on les accufe de monde vniuerfel prefcher l'Euangile à
cercher ma mort pour caufe de mon
toute créature.') Cequ'auffi ils ont fait,
bien, i'eflime le contraire, mais le comme i'efpere le monftrer bien au
principal qu'ils requièrent en moi, c'eft long par les mefmes paft'ages que vous
que Chrift foit tué, c'eft à dire que ie m'auez alléguez des Ades. Et S. Paul
LIVRE SIXIEME.
Î26 rent de prefcher la Parole . pour le
1. I.O.. j. n. aux Corinthiens, dit qu'il a efté , lui
* '*• & les autres Apoflres, bon odeur de murmure qu'ils virent contre eux
Chrift à Dieu , tant à ceux qui font pour leur prédication. R. Il eft dit
fauuez,
vns odeurqu"à de ceux
vie, & qui
aux perilTent; aux
autres odeur notamment , qu'après que S. Paul &
Barnabas eurent prefché viuement
de mort. Vous voyez apertemeni que l'Euangile, ils furent chalTés ; lors ils
ce (ecret dont vous parlez (qui e(l la s'en allèrent ailleurs. Tout cela ne
parole de Dieu) ne doit pas feule- fait point contre moi. Car fi on me
ment eftre prefché à ceux que Dieu
veut fauuer , mais auffi à ceux qui ne vouloit chaffer, après que i'ai dit ce
que i'ai peu par la grâce de Dieu, l'en
le feront pas. l'ai quafi honte de vous feroi ioyeux. Vous me voulés persua-
en efcrire, veu que, fi vous auiez leu der de n'alléguer aucun panage de
le nouueau Teflament, vous trouueriez l'Efcriture ; mais en ce faifant , vous
le contraire de ce que m'efcriuez. me confeillés
mains, afin dede me
ietterlaiffer
l'efpee de mesà
vaincre
QvANT à ce que me confeillez, félon
mes ennemis. le vous refpon que ie
ce qu'il eftefcrit au 2. chap. des AAes,
de me fauuer de cefle génération per- n'en ferai rien, car S. Paul, en l'Epif- Au dcrn»
uerfe : le vous accorde que fi ie le
puis faire, ie le ferai ; mais non pas en tre
me aux
tieneEphefiens,
armé des m'enfeigne que &
armes de Dieu ie «•'^P-
telle forte que me confeillez, en niant
du glaiue de l'Efprit, qui eft la parole
la vérité de Dieu; qui fera pour ref- de Dieu. Vous me dites qu'au 14.
pondre,
fuite de tant à ce que
Moyfe, que de
m'alléguez
S. Paul,dequi
la desAdes.S. Paul A: Barnabas s'enfui-
rent d'vne ville en vne autre qui s'ap-
fe fit defcendre en vne corbeille par
deffus les murailles. Car vous voyez peloit Lyfire, de peur d'eftre lapidés;
ie m'efmerueille comme vous portés
apertement, que l'vn ni l'autre n'ont fi peu d'honneur à la parole de Dieu,
efchappé ni fuy en niant la vérité, mais car vous en vfez comme d'vne hif-
en enluiuant ce que noire Seigneur toire profane. Lifez le texte tout en-
Matih. 10. 2j. lefusChrirt enfcigne : « Si on vousper- tier de ce chapitre , & vous trouuerez
fecute en vn lieu , fuyez en l'autre. » qu'ils ont prefché l'Euangile publi-
Vous pouuez penfer que. fi on me laif- quement en Iconie , & que ceux qui ,
foit quelque moyen de fuir, ie feroi furent incrédules des luifs, fufciterent
comme Moyfe & S. Paul ont fait. En
querelle à l'encontre d'eux; & toutes-
ce que vous dites que i'ai bien parlé fois ypour cela ne s'enparpartirent ; mais
pour vne fois, & que ie me doi con- ils demeurèrent long temps,
tenter fans plus vouloir rien dire,
voyez, ie vous prie, comment vous prefchans & faifans l'œuure du Sei-
gneur auec fignes & miracles. Finale-
ment eft dit , que grande impetuofité
contredifés à ce qu'aués dit au para-
uant, que i'ai femé les marguerites de luifs & de Cent Is s'efleua , & au-
deuant les pourceaux ; ce qui ne peut cuns efloyent auec Paul, & les autres
contre eux, & les lapidèrent, auec
eftre , fi vous confen"és que i'ai cien
parlé. D'auantage lefus Chrifi dit : phifieurs opprobres & iniures; après
La nK-rmo 22. « Qui perfeuerera iufqu'à la fin fera ils s'en allèrent. En quoi vous voyez
fauué; » il faut donc perfeuerer en clairement que vous n'auez paffé que
bien ; fi i'ai donc bien dit , félon vof- par detTus, & n'eftes point entré de-
tre auis, ie doi perfeuerer iufaues à la
dans. Vous voyez d'autre part que
fin ; ce que i'efpere faire par la grâce Paul & Barnabas n'ont pas efté fi fa-
de Dieu , lequel m'a donné de bien ges Chreftiens .comme il y en a au-
commencer. Car ce bien ne vient pas iourd'hui en France par trop , qui ne
de moi. Que s'il lui plait me fauuer, veulent prefcher finon aux fidèles, &
il cft affés puilTant pour ce faire; finon,
fa volonté foit faite. le fuis à lui, foit non aux infidèles; mais c'eft de peur
de porter la croix de Chrift. Ce que
à la vie, foit à la mort.
S. Paul & Barnabas n'ont pas fait , fi
Vovs dites que S. Pierre fut fort vous voulez bien regarder ce quator-
zième chapitre tout au long. Et ceci
ioyeux , que Dieu l'auoit retiré de fcruira de refponfe pour beaucoup de
prifon. le vous refpon , qu'auffi fe- tels paffages ci après déclarez , par
roi-ie, fi i'efloi efchappé par le vou-
loir de Dieu , mais non pas efchappé lefquels vous me voulez induire à
contre le vouloir de Dieu. Vous croire vos interprétations menfonge-
allégués du n. chap. des Afles,
res & pleines d'erreurs. Cher ami,
que Paul A Barnabas fe retirè- pour vous auertir de ce que i'eftime de
CLAVDE DE LA CANESIERE. 327
VOUS , ie voi qu'il ne tiendra point à mis prifonniers , & le lendemain les
vous, que ne me vueillez bien defgui- Magiftrats les enuoyerent mettre de-
fer Dieu & fa vérité, afin de ne le plus
hors; lors Paul dit qu'il eftoit citoyen
conoiftre , & par ainfi que ie me fau- Romain , ce qui eftoit vrai ; mais en
uafTe la vie. Ne voila pas vn bon cela il ne faifoit point de mal, comme
ie feroi fi ie me difoi Romain. Car ià
amour ? Oui , fi l'amour du diable eft
bon enuers nous. Or i'ai quafi honte Dieu ne plaife que ie me die tel, pour
de vous refpondre à la belle conclu- fauuer ma vie. Au refte de ce que
fion qu'auez tirée de ce 14. chapitre m'alléguez du 17. i( iQ. ch. des
des A(fles ; c'eft que me confeillez de Aftes, il n'y échet aucune refponfe
ne me faire pas mourir auec les faux- iufqu'à cesmesmots
doi croire amisque dites,S. que
comme Paul iea
freres , non plus que S. Paul & Bar-
nabas. Je vous voudroi demander fi creu les fiens , ou autrement que ie
Paul & Barnabas ont efté lapidez & fuis troublé d'efprit ; & penfez que
laifl'ez comme morts (comme il appert tout ce que ie crain , c'eft de peur
en ce chapitre 14.) par les faux-fre- d'eftre repris de ceux auec lefquels
res , ou par les ennemis ouuerts? ie defire viure & habiter ; car vous di-
■Vous ferez contraint de dire que c'eft tes ,fi le plus grand de ceux-là eftoit
par les ennemis manifeftes; car la vé- où ie fuis , qu'il fauueroit bien fa vie
rité eft telle ; or pour refponfe ie par le moyen que vous refcriuez. R.
le voudroi bien croire mes amis,
craindroi beaucoup plus les faux-fre-
res que les autres ennemis. Car ils mais non pas contre le vouloir de
tafchent à faire renoncer Dieu & fa
Dieu. lob n'obéit à fes amis qui taf-
vérité , pour fauuer la vie prefente choyent de le diuertir de l'efperance
par moyens pleins de déception & de falut ; auffi ne vous veux-ie croire
menfonge. N'eft-ce pas menfonge , en ce confeil que me donnez, combien
quand vous me vouliez faire acroire
me foyez
quechair,
la & tel comme fut c'eft
ami ; mais ami deà
S. Pierre
que, depuis que Paul & Barnabas s'en lefus Chrift, quand il lui confeilloit
furent fuys, de peur d'eftre lapidez ,
ils n'y font plus retournez ? Car défia de n'endurer la mort de la croix , &
de fe fauuer la vie. Ce que lefus
il apperten ce
mefme qu'ils»
chap.ont14. efté
, voirelapidez
en deuxlà Chrift lui a dit , s'adreffe auffi à vous
diuerfes villes , afTaucir en Iconie & & à vos femblables , qui me voulez
Lyftre, & vous me dites que ie ne re- faire fauuer la vie par moyens illicites
& contre Dieu : « Va, Satan, car tu ne
tourne plus à ce que i'ai conteffé , de
comprens point les chofes qui font de
Mauh. 10. peur
la parole delapidé.
d'eftre Dieu ,Et quique ditdeuiendra
: « Que Dieu, mais des hommes. » Or de dire
bien-heureux font ceux qui endurent
que ma crainte eft telle que l'auez
perfecution pour iuftice ? « Que deuien- feroit mauuaife
foupçonnee eftoit qu'elle
fi ellerefpon
, ie vous telle ;
dra ce qu'il dit : « Ne craignez point
ceux qui tuent le corps, mais craignez toutesfois Dieu vueiUe que voftre iu-
celui qui a puift'ance de tuer le corps, gement téméraire ne foit véritable.
& mettre l'efprit en la géhenne du Quant à ceux que dites, que fi le plus
feu ? » Que fera-ce de ce que dit lefus grand d'entre eux eftoit là où ie fuis ,
Chrift, quand il prédit à fes Apoftres, il efchapperoit par le moyen que
quels affauts ils auroyent en enfei- vous confeillez , le contraire eft ve- n entend ceux
gnant fa parole , & quelles perfecu- rite, car en cefte prifon où ie fuis, qui ci deffus
tions il leur faloit endurer ? «"Vous fe- à
rez, dit-il, menez par deuant les Rois s'en font trouuez depuis deux ans en ''ont précédé
^
& Princes aux fynagogues , » &c. le ça plus de douze , non point des plus
grans, mais des petis foldats, lefquels
vous renuoye à la ledure de ce 10. n'ont point flefchi pour crainte de la
chap. & vous verrez ce que Chrift re- mort. Bien eft vrai qu'ils ont eu de
quiert de nous. tels combats que moi, & de tels con-
QvANT à ce que vous dites que S. feils que me donnez, mais cela ne les
Paul s'eft fait Romain pour fauuer fa a point efbranlez. Comment dites-
vie, & que ie face ainfi pour fauuer la vous donc que, fi le plus grand de tous
miene : vous vous abufez auffi en ceft
y eftoit , il fe fauueroit par ce moyen
endroit, car, au 16. des Aâes, eft dit
que vous confeillez .' Et auffi ne vous
qu'après que S. Paul & Barnabas eu- veux celer que puis peu de temps en
rent efté fuftigez & batus , après auoir a efté prins vn des plus petis, lequel on
prefché la parole de Dieu , ils furent a amené ici auec moi , qui a trouué
l
LIVRE DIXIEME.
8
)2 façon d'efchapper bien fauuage, auons exercée en ce monde , comme
voflre S. Paul le dit. Et pour cefte caufe ie
voire & (1 ofl en auffi grand dant^er
que moi pour le moins (i). Bref, ami, vous confeillc bien autrement que ne
toute la faute de voflre confeil ne me confeillez, aflauoir que, fi vous
eftes tel que vous dites , ie monftriez
procède que de ce feul poind : c'eft
que vous ne fauourez point les chofes par eff'ed. Vous vous appelez & efti-
qui font de Dieu , mais ce qui eft des mez fidèle & Chreftien , c'eft à dire ,
hommes, & de cefte vie prefente. qui a la foi de Chrift; faites donc la
Tout le refte de vos allégations des volonté de Chrift, & vous ferez bien-
patrages des Afles, font tous fembla- heureux, lefus Chrill dit : Qui aimera
Dles ou pires que les delTus déclarez; fa femme, fon père, fa mère, fes
biens, fes enfans, voire fa propre vie,
parquoi ie me déporte d'y refpondre.
le fuis marri de ce que vous qui vous
dites Chreftien, abufez fi lourdement plus que lui , que tel n'eft digne de
lui; auifez que c'eft à dire cela, fi
de la faintSe parole de Dieu , en con- i'vfe de fidion & menfonge pour fau-
uertilTant fa vérité en menfonge ; & uer ma vie, afTauoir fi ie veux accor-
mefmcs quand vous imputez à S. Paul,
de dermon
aux abusmaiftre
qui font& contre l'honneur
Sauueur lefus
qui n'a point nié Chrifl deuant ceux
qui le conoilfoyent , mais qu'il n'a dit Chrift , n'aime-ie pas mieux ma vie
mot deuant ceux qui ne le conoif- que
foyent, cela eft faux ; car pourquoi a-il Pour Chrift r cela fieftvous
conclufion, certain qu'oui.
trouuez ma
efté lapidé , fouetté , perfecuté r & de refponfe afpre & dure , confiderez
qui , finon par ceux qui ne vouloyent que ce n'eft point par inimitié que ie
conoiftre Chrifti' Il ne faut que toute vous porte, car ie vous defire autant
l'Efcriture, & mefme que le liure des de bien qu'à moi; mais c'eft pour au-
Afles des Apoftres, pour vous monf- tant que vous vous adreffez contre
trer le contraire de ce que vous impo- Dieu , duquel ie porte la querelle ; &
auez conuerti fa vérité en menfonge ,
fez à S. Paul. Apres, le m'esbahi de
voftre aueuglement, en ce que me pour me cuider perfuader de fauuer
confeillez que ie me doi fouuenir de ma vie. Au furplus, regardez (ie vous
S. Pierre, lequel a plufieurs fois nié prie) que cefte vie eft comme vne fu-
lefus Chrift pour fauuer fa vie, & que
Dieu lui a pardonné , comme auffi il tendremée bien toft paffee,
à vne & qu'il
autre vie nous faut
plus certaine,
me fera s'il lui plait, &c. Vous me de- laquelle nous eft acquil'e par noftre Admonition
uiez auffi confeiller que ie le trahiffe Seigneur lefus Chrift. Et pource pen-
fez à vous A à voftre vocation , la- contre les
comme ludas, & qu'il me pardonnera particulière
s'il lui plait, ou que ie paillarde auec quelle ,comme vous fauez trefbien , inllrumcns de
Mulique.
la femme de mon prochain , & puis n'eft pas légitime; ie di en vfant à la
que ie le face mourir , comme a fait
Dauid , & que Dieu me pardonnera façon
exciterquela vous en vfez
nature , afl"auoir
humaine pour
à toute
s'il lui plait ; n'eft-ce point vn beau paillardife A volupté , laquelle y eft
Note cefte
confeil que me donnez ? Vous deuricz aft'ez trop encline fans cela. le vous
rcfponfc. confeille de vous en retirer, au moins
penfer que l'Efcriture ne nous met
pas tels exemples deuant les yeux quant à ce poind; car autrement, on
pour les enfuiure , mais pour les fuir. peut vfer légitimement des inftrumens
le vous prie i^' fupplie bien affedueu- de Mufique, quand ce n'eft point con-
fement, que penfiez à vous, & auifez où tre l'honneur de Dieu. Ici ferai fin à
vous eftes cheu (2), de vouloir préférer la prefente, après auoir prefente mes
voftre vie , & les chofes de ce monde humbles recommandations, tant à
caduque à la vie éternelle, & au Dieu
viuant, & à lefus Chrift fon Fils nof- vous qu'à tous ceux qui fe difent frè-
res, & leur communiquez la prefente,
tre Roi, noftre iurtice, noftre Aduocaf
afin qu'ils conoifTent auffi leur erreur;
& feul Médiateur, & finalement nof-
tre iuge; deuant le throne duquel il priant le
vueille Seigneur
à tous donner Dieu qu'il vousfa
& augmenter
faut en bref qu'vn chacun de nous fe grâce. De Lyon es prifons , ce 1^.
trouue , & foit prefent pour rendre d'Odobre m.d.lv.
raifon de noftre vie , laquelle nous
(1) Ilmcniiomé.
dessus s'agit de François Orbouton , ci- Lctirc Jufrcmicr Je Noucmbre, cnuoyec
(2) Tombé. parjcail Cancficre àja femme, en
CLAVDE DE LA CANESIERE.
329
laquelle il la reprend de ce qu'elle de par de-là. Faifant fin, ie prie Dieu
ne s'arrelle
dence totalement à la proui-
du Seigneur. vous donnerDece Lyon
qu'il es
faitprifons,
vous eftre
necelTaire. ce
feptiefme de Nouembre.
Chère fœur, i'ai receu vos lettres ,
par Icfquelles n'ai pas efté fort ioyeux, Comme de ces efcrits de Claude
d'autant que i'ai conu par icelies que de la Canefiere nous pouuons çecueil-
ne regardez point la prouidencc de
Dieu , & comme il fe peut feruir de lir inftrudion, auffi de ce qui s'eft en-
fuyui nous n'aurons moindre confo-
nous. Vous me mandez, qu'il ne vous lation. C'eft qu'en ces entrefaites
faut plus attendre à moi , & que le
Seigneur vous veut deflituer de mari, François de Bourbon, feigneur d'An-
& de tout autre fecours humain. Il guyen (i), demanda à ceux de Lyon
femble par ces mots que vous foyez Claudebon
eftoit de loueur
la Canefiere , pource
de cornets qu'il
à bouc-
défiante de la puiffante bonté de
Dieu, par laquelle il promet affillance quin ; mais la rage enflammée des en-
à tous ceux qui par foi le requièrent demandénemis n'yvnvoulut confentir.
brigand S'il euft
ou voleur, ils
en leurs neceffitez , comme il eft dit
au Pfeaume cinquantième : l'euffent accordé ; mais pource qu'il
eftoit prifonnier pour l'Euangile, il fa-
PI. 50. 15. Inuoque moi quand opprelTé feras, loit auffi qu'en cela il fuft conforme
Lors t'aiderai, puis honneur m'en feras (i). au maiftre , lequel fut poftpofé à vn
Canelîere
Si donc vous elles oppreflfee de brigand. Auint peu après que la Cane- efchappe de
fiere auec vn fien compagnon (2) trouua
triftelTe (comme ie le penfe) non
feulement de la perte de ma perfonne, moyençon de fortir de la prifon
efmerueillable.Car de la d'vne fa-
veuë des
mais auffi de vos biens, & de plufieurs clefs entre les mains du Portier, ils prifon.
autres afflidions , c'eft maintenant conceurent & formèrent la figure dès
que Dieu eft plus près de vous que deux clefs principales, lefquelles ils
iamais , & que cefte parole efcrite
Ofee 2. 16. & enuoyerent par vn ami fecrettement
19. en Ofee s'adreffe à vous , quand contrefaire en vne autre ville, telle-
Dieu, parlant à l'ame affligée , dit : ment que. peu après, ils ouurirent la
« En ce iour-la, dit le Seigneur, tu porte, & les prifonniers fortirent , &
m'appeleras mon mari, eftoyent ia fur le pont de la Saône ,
rai éternellement , & &te iefiancerai
t'efpoufe-à
quand les fergens le virent palTer &
moi en iuftice , en jugement, en mife- fe ietterent fur Canefiere, lequel ils
ricorde , & en miferations ; voire ie
reconurent pour l'auoir veu fouuent
t'efpouferai en foi , & fauras que ie deuant les Juges, & le ramenèrent en
fuis le Seigneur. » Ma fœur m'amie , prifon. Quant& àvint
l'autre, il efchappa de
vous voyez là de belles bagues que le leurs mains à Geneue. De ceci
Seigneur voftre efpoux vous promet ; font foi les lettres dernières que ledit
car c'eft à vous & à vos femblables Canefiere manda à fa femme, du 15.
que s'adreffent telles paroles. A cefte Décembre i^^î. où eft auffi comprife
caufe fi vous eftes participante des fa dernière confeffion & fa condam-
croix de Chrift, vous le ferez auffi de
fa gloire. nation, comme f'enfuit.
Or , pour vous dire la vérité, il y a
SoEVR & efpoufe, la caufe que ne
vn mot en vos lettres qui m'a grande- vous ai pluftoft efcrit de mes nouuel-
ment refioui , quand vous dites que
vous aime^ mieux n'auoir point de mari les, eft que n'ai peu auoir la commo-
que d'en auoir vn traiftre à le jus Chrijl; dité d'auoir papier & ancre , & qu'à
car par cela ie conoi que vous elles grand'peine en ai eu pour vous auer-
en bataille de l'efprit contre la chair, tir comme ie fus fortis
me nous eftions reprins.
des C'eft com-&
prifons
& que l'iffue de cefte bataille fera à la
gloire de Dieu. Car c'eft lui qui en eft que nous vinfmes
rue faind Jean , ieentrer en la trois
vai auifer grand'-
ou
l'autheur. Mon frère Nicolas s'en va
à Geneue; il eft fort fafché, pour au- quatre fergens, lefquels ie conoilToye
tant qu'il n'a peu faire enuers moi ce
qu'il recommande,
vous auoit délibéré.& Au reftenos, ie
à tous amisle (i) François de Bourbon, duc de Mont-
pensier , seigneur d'Enghien, gouverneur
des pays d'Orléans, Touraine, Maine, Per-
che, Dauphiné et Normandie.
(i) Traduction de Clément Marot. (2) François Orbouton.
LIVRE SIXIEME.
enir comme vn bon Chreflien doit Roane(i). » Et laie fuis pour le prefent m.d.lv.
attendant le vouloir de ce bon Père ,
faire. leur remontrance
Que point ne m'a-
molifToit autrement le cœur , comme il lui plaira faire de moi. Or,
d'autant que ie n'auoi rien dit qui ne chère fœur , le l'ai qu'auez eu quelque
fufl conforme à la parole de Dieu. peu de ioye, attendant ma deliurance,
Puis dirent : >< Vous voulez donc mais elle ne vous a gueres duré ; tou- 1
fouftenir ce qu'auez dit. t « Oui tesfois elle eft bien prefte , combien 55
(di-ie) monfieur, car c'eft la parole de que ce n'eft pas en telle forte que
Dieu, & y veux viure & mourir. » Ils l'entendez. Donc refiouilTez-vous en
ce bon Dieu & ne vous contriftez ,
me dirent» :Et« fur
remède. Il n'y a donc plus de
ce recommencèrent mais regardez à ne vous prendre con-
à parler de leurs fatras & badinages; tre Dieu, car vous voyez en ma prinfe Prouidence
quand l'vn auoit celTé , l'autre recom- première & féconde que c'eft vne de Dieu en
mençoit, & à tous coups me rom- grande & notoire prouidence de Dieu '^econTè'prife
poyent mon propos, & ce que ie leur fur moi, ioint que ceux qui m'ont prins ^e Claude,
vouloi dire; mais il feroit trop long n'eftoyent aucunement aduertis, ni les
à refcrire & ne vaut la peine. Le premiers, ni les féconds. Voila comme
Lundi fuyuant , ne faillirent de venir Dieu veut appeler les fiens; refiouiffez-
pour me condamner. Et me mit-on vous donc en lui dede vous
ce qu'il
les fers aux mains, de peur que ie ne fait ceft honneur, auoir vous
donnéa
fuffe trop mauuais deuant eux, comme vn mari , lequel il a voulu produire
s'ils m'eulTent veu faire de grands ef- pour vn des tefmoins de fa vérité.
forts. Or, eftant deuant eux, ils firent Helas ! chère fœur, fi nous fauions
venir Antoine , lequel auoit efté prins confiderer le grand bien que ce
auec maiflre François, ■& lui firent bon Père celefte nous fait de nous
faire là deuant moi au parquet(pour me appeler à vne fi fainde querelle & à vn
faire plus grand defpit) amende hono- fi heureux combat, nous n'irions pas
Blafpheme rable. Je vous affeure que le cœur me feulement , mais nous y courrions à
d'vn fe defdi- partiflfoit de voir vne telle poureté & pleine courfe. Au furplus, ie ne fai fi
^^"^' mifere, en blafphemant ainfi contre l'aurai moyen de plus vous efcrire, ne
Dieu. O chère fœur, prions ce bon fâchant l'heure ni le iour qu'il plaira à
Dieu qu'il ne nous delaiffe point iuf- ce bon Père m'appeler à foi. Je vous
ques-la, mais qu'il nous tiene toufiours recommande fa crainte fur toutes cho-
la main & nous donne perfeueranceen fa fes, puis les enfans lefquels il nous a
fainde parole. .< Nul ne peut venir à donnez. Que fi vous ne vous pouuez
moi, » dit Jefus Chrift, « fi mon Père contenir, ayez auis de vous remarier &
qui m'a enuoyé ne le tire. » Prions de bien regarder de prendre vn mari
donc ce bon Père qu'il nous tire, & qui ait la crainte de Dieu & qui ne foit
que nous allions droit à ce Sauueur point adonné à l'auarice , car c'eft la
Jefus Chrift.
racine de tous maux. le fai qu'auez de
Ce beau chef d'œuure fait, ils me la poureté quant aux biens terriens,
demandèrent fi ie vouloi toufiours per- mais
fifler en mes opinions. Je leur ref- ciel ®ardez
que vousqu'eftes
auez vnbien
Pèreriche au
qui ne
vous deiaiffera point ; car fi les Pères
pondi, quant à ce que i'auoi dit, ie le terriens, qui font mauuais de nature,
vouloi fouftenir & que ie n'auoi rien fauent bailler chofes bonnes à leurs
dit qui ne fuft conforme à la parole de
Dieu & à fa vérité. Puis commandè- enfans, par plus forte raifon celui-là
rent au Greffier de lire la fentence qui eft tout bon , vous donnera ce qui
donnée contre moi , & quand il eut vous fera neceffaire & n'aurez faute
de rien. Remettez donc en lui vous
leu qu'on me declaroit hérétique &
fchifmatique , ie refpondi : « Et bien &
vous me déclarez tel pource que ie ne foinvoftre afaire & , car
de vous vous c'eft
tientluidesquifiens,
a le
veux adhérer aux edits & ordonnan- comme il le vous monftre par tefmoi-
ces Sataniques de voftre chef & voftre gnage euident. Or, pour vous donner
maiftre l'Antechrift Romain; l'en ap- vn mémorial de moi , ie vous laiflTe le
Pfeaume 73 :
pelle deuant Dieu. « Lors s'efcrie-
rent tous, quand i'eu dit Sataniques;
à l'en- Si elt-ce que Dieu ert tref-doux,
car auoit: «force
tour, il& ydirent monde
Ha, ha, le mefchant
(en faifant leur figne de croix pour (1) Sur la prison de ce nom, voy. p. s> 1
chaffer les moufches), menez -le à ci-dessus, note 2 de la 1" col.
LIVRE SIXIEME.
auec peu d'autres, maintint la caufe fe porte bien, car il y a défia douze
de la vérité , s'opposant en la pre- mois entiers, ou plus, que ie fuis de-
mière poinde aux plus grans ennemis tenu en prifon bien eftroite. Et main-
tenant ievien fauoir pour quelle caufe
d'icelle(i). A railon dequoi il fut pre-
mièrement conllitué prifonnier par vous autres m'auez fait venir. » St.
Eftienne Gardiner, Euefque de Win- « Vous eftes foupçonné de quelques
cellre, «ît puis enuoyé à Boner, Euef- herefies & opinions mauuaifes . A
que de Londres, & autres fuppolls du pourtant nous auons efté d'aduis que
Pape , comme les procédures qui v(jus fuffiez ici appelé. » Ph. « Il y a La caufe de
l'emprifonne-
s'enfuyuent tenues contre lui en ren- (\ long temps que ie fuis détenu pri-
dent tefmoignage. fonnier, A non pour autre occafion ment.
ou matière que pour la difputc qui a
elle tenue en la maifon de l'Afiem-
blee {\) , de laquelle on penfc que le
En celle première procédure il eft Jpe- peuple a eltéabreuué par mon moyen. »
Stor. « Si reiettant maintenant cette
cijlemcnt louché Je la caufe Je l'eni-
prijonnemenl Je Philpot, 6- Jes caufes difpute, vous-vous rengez à vne meil-
pour lefquelles il recufe Boner (2). leure opinion & portez comme il apar-
tient, nous vous rernettrons en liberté ;
On appela Philpot & fes compa- autrement ferez rendu à l'Euefque
gnons, qui eftoyent en prifon auec lui, de Londres pour eflre examiné par
& les ht-on venir deuant les Euef- lui. " Apres cela, Stor fe retira en la
chambre, & tort après vn meffager me
ques ; & cependant qu'ils attendoyent.
Le Dodeur le dofteur Stor (?) fortit d'vne des fut enuoyé pour m'y faire entrer. Le
Sior. chambres, lequel, après auoir ietté Secrétaire , en premier lieu , me de-
l'œil fur ces prifonniers , regarda manda quel elloit mon nom. le di :
Philpot tt lui dit : « Elles-vous ici , o lean Philpot. » Il mit mon nom par Philpot,
monfieur Philpot r ie vous voi aflTez en efcrit ; & après , Stor adiouUa que
bon poind. >< Ph. " Monfieur le doc- i'auois efté Archediacre de Winceftre, Archediacre
teur, on ne fe doit efbahir li ce corps à la pourfuite & requelle du dodeur de Winceftre.
Ponet. Ph. « le confelle que i'ai efté
(1) Philpot joua en effet un rôle considé- Archediacre ; mais ce n'a point efté
rable dans la convocation ecclésiastique qui par ordonnance & requefle de Ponet,
eut lieu au commencement du règne de ains par vne eledion beaucoup plus
Marie (octobre ■><;,. Ce fut sur lui que
porta presque tout le poids de la discussion ancienne du Chancelier, afl"auoir de
contre les partisans des doctrines romaines. celui qui eft maintenant. » St. " Sa-
Il en publia en IH^. à Bâie . un compte chez que noftre Chancelier, Euefque,
rendu, qui fut immédiatement traduit en latin de Winceftre , ne feroit iamais vn tel
par Volerandus Pollanus , sous ce titre :
Vcra expositio disputationis institulae mandate que ceftui-ci Archediacre. >• Roper (2).
D. Mariac rcginac in synode ccclesiaslica « Philpot, approchez-vous. Nous avons
(Romae, 1SÇ4) Weston , qui présidait cette oui dire que vous-vous eftes feparé de
dispute, la termina, au dire de Burnet, par
cette menace , qui découvrait le fort et le la congrégation de l'Eglife Catholi-
faible de chaque parti : « Vous avez la pa-
role, et nous avons l'épée. » ( You havc thc
cieté que,
dehorsfalut laquelle; fi il n'y retournez
vous a nulle fo-à
Word, and we havc Ihi su/or d.) Voy. Foxe , icelle, vous trouuerez graee. » Ph. « le
vol. VI, p. jyç : Burnet. Hist. oj Ihc Rcj . fuis ici maintenant deuant vos excel-
i8î7, p. 48); trad. de 168;, p. OJ4.
(j) Ces interrogatoires furent écrits en an lences, appelé par vous déléguez par
glais par Philpot lui-même et traduits en la- la Roine en cefte partie; & pour cefte
tin par Foxe, pour son édition de Bàle .
IÇ59. Sur le conseil de Crindal, Foxe cor- caufe ie vous doi obeifi"ance et la ren- Philpot
rigea le texte de Philpot, qui, écrivant de drai comme il appartient. S'il y a demande que
sa prison, avait commis quelques erreurs.
Voy. la lettre de Crindal à Foxe , dans rien qu'on puifl'e oppofer contre moi, fa caufe Toit
concernant les loix publiques de ce mife en auant.
redit, de ses œuvres, publiée par la Parker
Society, p. JJi. royaume , ie prie que vous me per-
()) Le D' John Story, commissaire de la mettiez iouir du priuilege & bénéfice
reine Marie, fut l'un des plus cruels persé- des autres citoyens. » Ro. « Com-
cuteurs des protestants. Sous le régne d'Eli-
sabeth ,il se réfugia dans les Pays-Bas . où bien que nous n'ayons aucune adion
le duc d'Albc l'employa à poursuivre l'hé-
résie. Ramené de force en Angleterre par (1) Angtici : >• The convocation-house, >■
un navire, sur lequel il s'était introduit pour la convocation ou Chambre ecclésiastique.
ytrouver,
saisir lesil livres hérétiques, qu
fut condamné pouril croyait
crime s'y
de (2) William Roper, l'un des commissaires
de la reine pour la poursuite des héréti-
haute trahison , à être pendu cl écartclé.
ques.
JEAN PHILPOT.
nî
particulière pour vous conuaincre , puiffance de me faire mourir. Quant à m d.lvi.
cela n'empefche point que nous ne l'Euefque Boner, ie le recufe entie- Phiipot
vous puiflions contraindre de vous
rement, d'autant qu'il n'eft point mon recufe Boner.
Juge ordinaire de droit quelconque. »
purger des Coupions qu'on a de vous
St. « Quelque chofe que vous difiez ,
par tout. >i Ph. « Si i'ai commis chofe
contre les flatuts , monllrez-moi ma fi eft-ce que ces paroles ont efté ouyes
faute ; & ie ne demande point que de vous en la maifon de l'Affemblee ,
vous m'el'pargniez fi i'ai mérité d'eftre lequel lieu apartient proprement au
puni. Mais fi vous ne trouuez rien en diocefe de Londres. 'Vous ferez donc
là mené en la tour des Lollards, pour
moi qui ne foit digne d'vn bon fub-
ied , qu'on ne me traite plus fi rude- eftre iugé par l'Euefque de Londres
ment comme on a fait palTé douze des chofes que vous diftes lors en ce
mois. » Ro. « Si le Juge tient en fes lieu-la. » Ph. « Y a-il chofe plus ini-
mains quelque brigand ou meurtrier,
que cefte-ci , que ie fois d'vne mefme
encore qu'il n'y ait que foupçon , fi caufe par deux fois en iugement, prin-
eft-ce que de droit il lui peut former cipalement par vn fur
Juge qui n'a nu!
fon procès & le conftituer prifonnier, droit ou authorité moi.' » Chom- Confeii de
encore qu'il n'y ait probations du for- LEE (1). « Monrtrez-vous docile & Chomlee
fait duquel il ell atteint. » St. « le voi obeifl'ant, comme vn homme fage doit
bien à quel but il tend. 11 femble faire , & ne vous perdez point ainfi.
Pour certain, ie defire vortre bien &
qu'il ait efté inftruit en l'efchole de profit. » Ph. « Seigneur, ie vous prie
2an Gard- Cardmaker (l) , & de fait il a allégué
ker Martyr jgj mefmes raifons. Au refte, ceci ne & fupplie, & les autres ordonnez Ju-
vous profitera de rien ; car le di que ges auec vous , de ne me traiter plus
vous efles hérétique , entant que vous rudement que la loi mefme vous en-
eftes ennemi de la Méfie. » Ph. « le ioint. Et fur tout, monfieur le Doc-
nie que ie fois hérétique , & que nul teur, ie vous prie par cefte amitié fa-
ne pourra intenter aâion contre moi , milière ,laquelle nous auions iadis
linon par ces paroles qui furent der- enfemble en l'vniverfité d'Oxfort, que
en l'af- vous ne procédiez contre moi à la ri-
femblee du nièrement par moi debatues
Parlement (2), en laquelle gueur. »St. u Je vous di que, fi vous
lors , par la permiffion de la Roine & retournez au bon chemin , ne doutez
du Sénat , liberté eftoit ottroyee à vn point que ie ne vous fois ami fidèle ;
chacun de traiter , difputer , & iuger & pour ce faire , ie n'ai point cefte
des difîerens de la religion propofez robe fi chère que ie ne l'employé de
par celui qui auoit la charge de met- bon cœur pour vous faire plaifir. Mais
tre en auant les articles. Pour cela, il ne vous attendez point que ie me mon-
ftre ami à vn homme hérétique. Par-
n'eftoit point conuenable
me detinlfent fi long tempsouen qu'iceux
prifon , quoi dites-moi quelle eft voftre opinion
ou que vous me moleftiez maintenant touchant le facrement de l'autel. »
fur ce mefme fait. » St. ci 'Vous ferez Ph. « Puis que tel eft voftre plaifir Phiipot
mené en la tour des Lollards (]), &
ferez là traité comme il apartient à de prefl"er ma confcience de fi près , fupplie de voir
vn hérétique, & vous fera-on refpon- ie vous prie de me faire ce bien que '^"'' ponim'f-
dre aux argumens mefmes que vous ie voye voftre commiffion ; & quand '""'
vous me l'aurez monftree , ie refpon-
propofaftes là. » Ph. .( Il y a défia drai fur chacun article , autant qu'vne
confcience Chreftienne en pourra por-
long temps que i'ai traité
tière auec monfieur de cefte ma-
le Chancelier, qui ter. » Aucuns de ces iuges eftoyent
ell mon Euefque. Icelui m'a retenu contens de lui monftrer ; mais Stor s'y
oppofa formellement , difant : <• Que
prifonnier iufques àofter
me veut maintenant prefent;
la vie, que s'il
comme toutes fortes de racailles donc ayent
il m'a ofté les biens & la liberté, il en le crédit de voir nos lettres r 11 n'en
pourra faire comme lui femblera, ce que fera pas ainfi , mais il fera mené en la
tour des Lollards. Car cela eft tout
toutesfois
faire ie ne confcience.
en bonne penfe point Etqu'il puifl"e
la raifon arrefté , que toutes les autres prifons
pourquoi il me garde fi longuement en feront vuidees de ces hérétiques, afin
que tant de gens ne vienent vers eux,
prifon , c'eft d'autant qu'il n'a point
qui pourroyent eftre infedez de leur
(1) Voy. plus haut, p. 156.
(2) La convocation. (i) Sir de
Roger Cholmley, SerJeant-at-Law,
(j) Voy. plus haut, p. 202, i' col., note 5. Recorder Londres, et Lord Chie/ Justice,
LIVRE SIXIEME.
1
fedueufement que vous vous monftriez
)j6
contagion. » Pu. " Vous auez puif-
homme fage , fans eftre fi obftiné en
fance de tracalVcr le corps ça & là, où
bon vous fcmblera : cependant toutes- vortre opinion.
vous aux Plulloft
décrets accommodez-
& ordonnances de
fois il n'ell pas en vous de rien ordon- la Roine , afin que vous viuiez. » St.
ner contre l'ame. » Stor. fur cela, ap-
pela Marfhal (i) & lui dit : « Meine a II n'y eut
ceft homme en ta maifon. A auife de diocefe de iamais homme
monfieur en tout le
le Chancelier
le ramener Jeudi prochain en ce lieu. qui fe foit monftré plus obftiné : par-
J'efpere que nous te defchargerons quoi auffi il nous a baillé commiffion
bien tort tant de lui que des autres d'vfer de toute rigueur enuers lui, ou
hérétiques, n Vn de ceux qui là ef- qu'il fuft remis à monfieur l'Euefque
toyent dit à Philpot : « Moiiftrez- de Londres. Que dites-vous ? Reuo-
vous humble enuers monfieur le doc- querez-vous voftre opinion ou non .'' »
teur, comme il efl bien conuenable à Ph. " Autant que mon iugement fe
vn homme catholique. » Ph. « Quand peut eftendre , ie n'ai rien fait que ie
i"auroi fait ou parlé autrement que ma doyue reuoquer. » St. " Quel befoin
confcience me poulTe , ce ne feroit
que vous deceuoir en diffimulant. Et eft-il de procéder plus outre .' Qu'il
foit droit mené d'ici à la tour des
quelle raifon y a-il que me folicitiez LoUards, afin dequeplus
l'Euefque
ainfi à diffimulation deuant Dieu & dres conoilfe près de de Lon-
la caufe.
deuant vous? » Ro. « Nous ne requé- Auffi bien ert-il nourri trop délicate- I
rons point que vous foyez diffimula- ment ,tt lui fait-on trop bonne chère
teur, mais que vous-vous monflriez en ccfte prifon. Car le Geôlier tefti- Le Geôlier
rend bon
fioit hier ouuertement de lui auprès tefmoiRnage d(
homme catholique. » Ph. " S'il y a
chofe en quoi i'outrepalTe TEfcriturc, de fa porte, que c'eftoit vn homme Philpot.
le fuis content d'eftre réputé héréti- doué de grâces excellentes, & qu'en
que. »St. « Vous amenez la S. Ef- toute l'Angleterre il n'y en auoit point
criture ! » Ayant dit cela, il fe leua
foudain, adiouftant ceci : " Et qui fera vn plus fauant. » Apres qu'il eut ainfi
parlé , il fe leua incontinent & s'en
tefmoin de l'Efcriturer » Le secré- alla. CoOK (i). « N'eft-il pas ainfi que
taire. "Ceft homme reffemble à fon vous combattiez opiniaftrenient contre
Wodman compagnon Wodman (2), qui, le iour le facrement de l'autel , quand les
compagnon de
Philpol. auparauant, ne pouuoit fouffrir qu'on Doileurs furent afi"emblez.' Reuoque-
rez-vous cela, ou non.^ )> Ph. a Par le
lui parlaft
faindes d'autres » chofes que des
Efcritures. commandement & la volonté de la
Roine , il eftoit lors ottroyé tS: permis
à vn chacun de propofer fon opinion,
& en mutuelle conférence traiter les
Les aSles de la féconde procédure tenue matières ; & cela ne fut nullement à
audit tobre
lieu M.D.LV.
, le XXIV. iour d'Oc- ma folicitation , ains de quelques au-
tres, tt les grans feigneurs il' confeil-
lers de la Roine y eftoyent prefens. »
Co. « La Roine permettoit-elle que
Ainsi qu'on menoit Philpot deuant
les Juges , vn de fes amis familiers le vous fiffiez l'heretique .' Mais ce n'esft
AducriilTcmcnt rencontrant en chemin , dit : « Le pas mon intention de dcbatre de cefte
de mon. Seigneur vueille auoir pitié de vous, matière contre vous. Monfieur de
Philpot, mon ami; car quant à ce Londres fera celui qui en difputera
auec vous. Que fi vous ne changez
monde, c'en eft fait; i'ai n'agueres oui
dire au dodeur Stor que le Chance- cefte voftre opinion , il pourra bien
auenir finalement que vous perdrez la
lier auoit commandé qu'ils vous fitTent vie au milieu des flammes. » Ph.
mourir en quelque forte que ce fuft. »
Auffi tort que ces Juges eurent con- 0 Premièrement l'Euefque de Lon-
fulté peu de temps enfemble, Chom- dres n'eft point mon Euefque , ne
lee le fit appeler & parla en cefte Juge. D'auantage , i'ai fullifamment
forte : « Philpot , ie vous exhorte af- refpondu de ce fait long temps y a, à
celui qui eft mon Euefque v^' dioce-
(i) Marshall no doit pas ttrc pris ici fain. Parquoi vous me ferez tort en
commecier militaire
nom propre; c'est de
le litre d'un offi-
deux fortes, fi pour vne mefine chofe
ayant charge la prison,
(j) Richard Woodman fut brûlé, avec neuf
autres, le 3J juin 1557. Voy. Foxe, vol. Vljl, Cook , rccordcr de la
cit^(1)deLe Londres.
D' William
P- H4'
3Î7
JEAN PHILPOT
l
trer fa lettre. Quand il l'euft recou-
Ph. « le ne penfe point que me faciez
ceft outrage, fi vous auez le cœur no- ( I ) A partir d'ici , le récit est à la première
ble , de m'enuoyer en cefte prifon fi personne, comme dans l'original.
vilaine, moi qui ne fuis eftranger, mais (2) The coal-house, en anglais.
(;) Thomas Whiltle. Voy. sa notice, dans
de noble race. » Co. « "Vous n'efles ce livre 'VI , à la suite de celle de Thomas
Cranmer.
point noble , car vn hérétique n'eft
22
II.
LIVRE SIXIEME.
Cefl vn urée, la defchira en mille pièces; &
tefmoignaçe Et quand i'eu acheué mon propos, il
de la cauTc de ayant fait cela , il fentit vn grand allé- me dit pour la fin , que fon maillre
Witlé. auoit vne telle volonté enuers moi,
gement en fa confcience. Sur cela ,
F'Euefque Boner ellant auerti, deuint qu'il ne me faudroit en rien de tout ce
comme forcené, & fit appeler ce Mi- qui lui feroit poffible pour mon profit.
nirtrc ; & auffi toll qu'il le vid , il fe Ainfi il nous laiffa. Tort après, l'Euef-
ietta fur lui , le frapant à coups de que enuoya vn gentil-homme de fa
poing à la face, lui arrachant fa barbe maifon pour me faire venir vers lui.
& defchirant fa face. Maintenant donc Eftanl venu , ie le trouuai feul affis à
le certifie à tous fidèles que ledit mi- table, & trois ou quatre preftrots de-
niflre a bon courage , & fe porte bout àl'entour de lui , entre lefquels
ioyeux & alaigre fous la croix , voire ertoit ce charge
Grclfier des
duquel i'ai parlé, qui
auoit la regiftres.
autant pour le moins que quelqu'vn
d'entre nous, deteflant fa première L'evesqve me dit : u M. Philpot,
infirmité. le recite ceci à celle fin ex- ie fuis fort ioyeux de vortrc venue ;
prelTément que les autres eftant ad- donnez-moi la main; voftre calamité
monneflez par ceft exemple, foyent me contrifte grandement. Croyez-moi,
beaucoup plus diligens à fe donner qu'il n'y a pas deux heures que ie ne
garde & auifer de ne bleffer follement fauoi que vous fuffiez ici. Dites-
n'amaf-
qu'ils douleur moi, ie vous prie, quelle eft la caufe
fent confcience,
leur fur de peur
leurs telles fembiable pourquoi on vous y a amené? car ie
des enfers. defire que vous me croyez en ceci ,
que
ne meie puis
ne fai rienesbahir
afTez de toutquelle
l'afaire. Et
raifon
il y a pourquoi les autres me chargent
///. Examen fait deuant Boner, Euef- des afaires d'autrui , & qui ne m'ap-
ûue de Londres, la nuiâ après que panienent en rien; & pour certain, on
Fhilpotfui ferré en fa Charbonnière. me donne vn bruit que ie n'ai pas
mérité. » Philpot lui déclara en fomme
L'evesqve enuoya vers moi vn per- que le principal & commencement de
loanfon. fonnage nommé loanfon (1), qui auoit ceft orage procedoit de la difpute qui
pour lors la charge de fes Regiftrcs. auoit elle tenue en l'affemblce publi-
quement conuoquec. Boner refpondit, Excufes de
Ce(lui-ci m'apporta de par fon mairtre Boner pleines
vn pot de bonne ceruoife, & vn plat s'efmerueillant que pour cela cefte
de viandes, auec vn pain , & me dit de trahirons.
fafcherie lui eftoit faite; mais qu'il
que fon maiftre auoit oui parler de eftoit tres
bienlieux,poffible
moi & de mes compagnons prifonniers il auoitque,monftré
depuis eftre
en d'au-
de
auec moi; dequoi il eftoit fort marri, mefme qu'auparauant , qui pourroit
& defiroit fauoir fi ie receuroi ce qu'il eftre la cefte
dedans caufe fafcherie
de l'auoir& embrouillé
calamité.
auoit enuoyé. le lui di que rendoi
F-aces à mon Dieu de ce que monfieur Ph. » lamais homme n'a oui fortir vn
Euefque a vfé de telle beneficence , feul mot de ma bouche , hors mis ces
d'auoir daigné faire cefte aumofne, & articles pour lefquels il eftoit accordé
eflargi tel bien à moi & à mes com- entre nous d'en difputer librement,
par la permiflion de la Roine A de
pagnons. Pour
faloit point refufer vn eftimé
cela i'ai qu'il ne
tel bénéfice
offert. Et incontinent ie fi mes frères tout le parlement. » Bo. << Mais i'ef-
tinie qu'il» ne
les loix. Ph.in'eft pointla permis
" Selon félonie
loi ciuile,
participans de cède libéralité, rendant
le confeffe ; mais, félon la loi diuine,
grâces à Dieu, qui, par nos aduerfai-
res mefmes, vouloit repaiftre fes poures vous le pouuez faire. Car faind Pierre i. Pierre i. i).
brebiettes. loanfon me dit : « Mon- nous commande que nous foyons
fieur l'Euefque defireroit bien fauoir prefts à rendre raifon de noftre foi &
la caufe pourquoi vous auez efté ici cfperance à ceux qui la nous deman-
deront. "Bo. « Saind Pierre voi-
enuoyez, car il dit qu'il n'en fait rien rement le tefmoigne ainfi. le vous
du tout , & s'efbahit comment on le
peux donc bien iuftement demander
charge des caufes d'autrui . voire &
principalement de ceux qui ne font que c'eft que iugez du facrement de AlTauoir fi à
point de fa iurifdidion. ■ Sur cela, ie l'autel. » Ph. « S. Ambroife cnfeigne chacun nous
lui déclarai toute la caufe par ordre. qu'on ne doit faire difpute de la loi , fommcs tenus
fi ce n'eft en grande aft"emblee de rendre
conic de
nortre foi.
(i) Johnson, regislrar de l'évÉque. ceffité ne m'eft point impofee de
Lane-
JEAN PHILPOT. 359
rendre raifon de ma foi particulière- dit le Prophète, en chofes mauuaifes, m.d.lv.
ment au premier qui me viendra for- plufioft vous deuriez pleurer , & eftre
mer quelque qucftion, finon qu'il y ait contriflé. Nous-nous
« Ph. «quelques efiou'i'f-
fons en chantant Pfeaumes, Prou. 2. 14.
efperance d'édifier. Or maintenant la
chofe va de telle façon , que ie ne
félon
efiouir que
au l'Apofire
Seigneur, commande
par hymnesnous& Ephef. 5. 19.
pourroi fans danger de ma vie décla-
rer quelle eft mon opinion touchant chanfons fpirituelles; & ne penfe point
ceci. Et pourtant, comme le mefme que foyez tant oflfenfé pour cela. »
Bo. « On vous peut ici mettre en
Ambroife refpond à 'Valentinian : Of-
tez la Loi, & il n'y aura plus que dé- auant ce que iadis lefus Chrifl repro-
bat. Et neantmoins s'il me faut entrer en FEuangile,
choit auons difant : Nous Mauii. 11. 17.
en iugement public , & que là icelle vous chanté & ioué de fleutes,
Loi me contraigne déclarer mon opi- &Boner
vous fen'auez
nionie
, ne faudiai à faire ce que ie doi . trouua point lamenté. , comme
fors perplex » Lors
voire autant ouuertement qu'homme s'il euft e([ê bien profond en la fange,
qui fe foit trouué deuant-vous. » Sur ou bien auant dedans les buiffons ,
cela Boner lui demanda quel aage il comme on dit. Car fe fafchant de ce '
auoit. Philpot refpondit qu'il auoit qu'il ne pouuoit trouuer le paffage, fi
Notez comme quarante quatre ans. Bo. « Vous ne tort qu'il eurt voulu, il eut fon recours
peu à peu faites pas donc profeffion de la foi que à fes Preftrots, à ce qu'ils le remilfent Tel maistre,
^inihiué ^"-"^ parrains & marraines faifoyent , mais ietoute
mémoire Alors mémoire , '"^'^ valets,
jadis, quand ils vous ont porté fur les en fa perdue.
eftoit fuppleai leur
fons, lors qu'ils fe conftituerent pleige faute , & monftrai le pafTage où cela
pour vous enuers Dieu » Ph. « Je fai eftoit efcrit ; qui toutefois ne feruoit
profeffion de celle mefme foi , grâces
nullement à propos, ainfi qu'il eftoit
au Seigneur.
tizé Et Chrift
en la foi de de faitcommune
i'ai efté auec
bap- allégué ; finonenqu'il euft voulu fafcherie
dire que
nous eftions perpétuelle
eux, laquelle ie maintien encore au- & triftefte, d'autant qu'eux, mefme en
iourd'hui. » Bo. « Comment fe pour- riant , ne lailTent pas de nous chanter
roit faire cela, veu qu'il n'y a qu'vne chanfons fafcheufes
autre chofe & triftes,
en la bouche que n'ayans
le feu
Ephef. 4. ç. mefme foi? « Ph. « S. Paul nous en-
feigne que , comme il y a feulement & les fagots. Poursuyuant donc
vn Dieu , ainfi il n'y a qu'vne feule mon propos, ie lui di : « Monfieur,
foi, & femblablement vn feul Bap-
eftans ferrez & preft'ez en prifon obf-
tefme, duquel auffi ie fuis fait partici- cure , nous auons befoin de récréa-
pant. I)Bo. « Il y a vingt ans paflfez tion ,de peur que félon la fentence
que vous teniez vne autre foi que celle de Salomon : La trifteft"e autrement Prou. 25. 20.
que vous fuyuez maintenant. » Ph. defmefuree n'engloutift'e le cœur. Et
« le n'auoi point lors de foi, & ne fa- pourtant
marri i'efpere
de nos que vous
Pfeaumes ne ferez
ou chanfons
uoi de quelle religion i'eftoi ; ma vie fpirituelles, veu mefme que S. Jaques laq. .;. 15.
eftoit fale & orde, & pleine d'impiété, nous admonnefte. que celui qui a
ie n'eftoi ne froid ne chaud en la
crainte de Dieu. » Bo. « Quoi donc ?
l'efprit
retirant alaigre chante.
me donna le bon» L'Euefque
foir & bonnefe
iugez-vous que la foi de laquelle nous
autres faifons auiourd'hui profeffion , nuiâ. 'Vn de fes preftres, nommé Co-
foit impure & fouillée ? » Ph. « le
voudroi bien vous fupplier, que ne me fin (i), refraifchiff'ant fa familiarité an-
contraigniez point de refpondre à cela. cienne, me pria que ie ne vouluft"e
eftre réputé feul fage. le lui di , fai-
fant allufion fur ce mot Singulier, que
le puis bien affermer ceci, que l'au- Salotnon denonçoit : « Malheur à
thorité de l'Efcriture, & la primitiue
Eglife, & tous bons & fauans dodeurs
ne difcordent en rien de la reigle de l'homme feul. » Apres ie fu ramené à Ecclef. 4. 6.
la Charbonnière de l'Euefque de
cefte foi, à laquelle ie me fuis adonné. » Londres , où ie demeurai toute cefte
Bo. « Et bien, ie vous promets cela nuiâ, auec fix autres mes compagnons
que ie ne vous veux non plus de faf- prifonniers, & dormifmes fur la paille
cherie qu'à, moi-mefme. Et pourtant autant doucement (grâces à noftre
ie me déporte de preflfer plus outre
voftre confcience pour maintenant. le Seigneur Jefus) que font ceux qui s'ef-
gayent dedans des lids bien mois.
m'esbahi feulement de ce qu'on vous
void fi ioyeux en la prifon, & que
chantez ainfi, & vous efgayez, comme
(i) Le D' Cosins, chapelain de l'évêque.
LIVRE SIXIEME.
b
vrai : le n'auoi point de foi pour lors, à cefte heure, elle n'a point efté fouil-
& ma vie eftoit pleine d'impiété, & ne lée d'aucune macule d'erreur, iufques
fauoi en quelle façon que ce fuft, que à ce qu'aucuns hérétiques fe font, de-
c'eftoit de Dieu ni de Religion. » Bo- puis quelque temps, ,efleuez,
ner dit à l'Archediacre Cole : « Mon- diffamée & blafmee par leurqui l'ont
orgueil
fieur, fivous auez quelque chofe à & ambition. » Ph. « Juges honorables,
difputer contre lui, monftrez-le main- eftimez-vous que i'aye le loifir, eftant
Allej,'ation tenant. »Col. « Que dites-vous .> fi en fi piteux eftat , en fafcheries & an-
d"vn concile
gênerai. ie vous monftre qu'il a efté ordonné, goifl"es, voire & en danger ou de per-
I
en vn Concile gênerai du temps dre la vie corporelle entre vos mains,
ou la vie éternelle deuant Dieu , de
d'Athanafe, que toute l'Eglife Chref-
tienne fe deuoit arrefter au iugement
penfer à l'amour de moi-mefme & à
& à la fentence de l'eglife Romaine.' feruir à ambition.' mais i'aime beau-
combien que maintenant il ne me fou- coup mieux tomber en vos mains, que
uiene du abufé
pan"age. » Ph. " Sifauriez
ie ne périr enuers Dieu. »
fuis bien , vous ne me Col. « Il appert par Eufebe , que
monftrer ce que vous dites du temps
l'Eglife Romaine a efté premièrement
d'Athanafe, lequel inftituee & eftablie à Rome par S.
cile de Nicee, où ferien
trouua au Con-
de femblable
I
Pierre & faindPaul. D'auantage, que
ne fut déterminé. » Col. « Encore que fainâ. Pierre mefme y a prefidé par
cela n'ait point efté fait lors, toutefois l'efpace de 25. ans. » Ph. « Si on
il a peu eftre fait en vn autre temps. » confère ces chofes auec ce que faind
i
LIVRE SIXIEME.
Paul recite au premier chapitre des feul refifter à toute la multitude des
H2 Chreftiens. » Ph. " Le plus fouuent
Galates, tant s'en faut que nous trou- le monde & la multitude de ceux que
uions Cela eflre vrai , que pluftoft on
verra vous appelez Chreftiens (qui cepen-
Aiïauoir li Pierreclairement
a demeuréqu'à
en grand'peine faind
la ville de Rome dant ne font Chreftiens que de nom
S. Pierre a
demeuré à & de titre) ont la vérité en haine à. la
la moitié de ce temps. S'il a vefcu
Rome. perfecutent. »
trentecinq ans depuis qu'il fut appelé
à l'office d'ApoQre, par certe Epiftre L'ev. de Gloceftre. « Auez-vous
aux Galates on peut conoillre que S.
Pierre a demeuré plus de 18. ans en opinion que toute l'Eglife de Chrift
foit aueugle, & que vous feul chemi-
la ville de lerufalem, après la mort de niez en lumière .' » Ph. « Cefte Eglife
l'Eglife
Jefus Chrift.Pierre
»Coi..aux« Qu'eft-ce à laquelle vous portez fi grande reue-
crit faind Galates } qu'ef-
» Ph.
I. rR. & 2. II. rence, n'a iamaisefté iufquesici l'Eglife
i< Non point faind Pierre, ains faind vniuerfelle. Car comme ainfi foit que Difpule fur
Paul, efcriuant aux Galates, fait men- le monde diuifé en trois , comprenne vniuerfelle.
tion de S. Pierre, & du temps qu'il a l'Afie, l'Afrique & l'Europe, les deux
demeuré en lerufalem. Joind que ie
parties de ces trois, alfauoir l'Afie &
pourrai bien prouuer, tant par l'autho- l'Afrique, ont toufiours refifté iufqu'à
rité d'Eufèbe mefme, que par les hif- prefeni à la primauté du Pape. » Glo.
toires des autres, que l'E^life Romaine a Cela n'eft vrai, car, au concile de
a failli manifedement ; mais en ceci il Florence , toutes ces Eglifes eftoyent
n'eft befoin d'autre argument , finon d'vn mefme accord. » Ph. « Il eft
de faire comparaifon de l'vne des Egli- bien vrai qu'aucuns femerent ce faux-
fes
auecà la
l'autre , affauoir
» Bode «laCeft
primitiue bruit,que feaprès
Sorneiies de
Boner.
Romaine. hom- furent que ceux d'Afie
départis; & d'Afri-
mais les chofes
me-ci refTcmble vn perfonnage, dont qui fe font enfuyuies ont bien monftré
l'ai leu autrefois, lequel, eflant tombé qu'il en alloit tout autrement. » Glo.
en defefpoir, s'en alla en vne foreft « le voudroi que me refpondiffiez à
pour fe pendre , & quand il fut là ceci : Qui fera finalement le luge
venu , après auoir ietté les yeux fur pour décider les differens qui fe lo-
chacun arbre, il n'en trouua point de uent ordinairement entre les Chref-
propre ,y &fuflqui fuft ;digne qu'vn tel tiens .'' » Ph. <i La parole de Dieu
nomme pendu mais, monfieur, tefmoigne cela. Les paroles, dit lefus
pourfuiuez à difputer contre lui. » Chrift, que ie vous di porteront tef-
L'ev. de Wigorne. u Eftimcz-vous que moignage contre vous au dernier iour.»
Nolez ceci
Glo. « Que fera-ce fi vous entendez
deceiiër vniuerfelle
l'Eglife n Ph. « S. puilTe faillirefcriuant
Paul, & eflre
aux ThefTaloniciens, fignifie ouuerte- ces paroles d'vnc façon & moi d'vne en maiicre de
feré à »laPh.primitiue
autre? Eglife. fera
« Le iugement de- doute,
» Glo.
ment , qu'es derniers temps deuant
l'aduenemcnt de Chrift, il y aura ,vne& « 'Vous entendez les Codeurs qui ont
reuolte commune & vniuerfelle efcrit en ce temps-la. Mais que fera-ce
fi les Codeurs mefmes font tirez en
Chrift(dit-il)dit qu'il ne viendra point,
que premièrement ceftc reuolte ne foit diuers fens, & non point eu vne autre
2. ThelT. 2. j. venue. » Col. « Ce reuoltement du- façon f Faudra-il toufiours plaider }
quel faind Paul fait mention, ne doit
L'auis qui approchera de plus près du
eftre du
entendu de l'apollafie de la foi , principal patron & original des faiiides
ains reuoltement de la monarchie Efcritures doit tenir. >i Sur cela, mef-
de l'Empire Romain. Et le mot Grec, fieurs les Euefques fe leuerent de
Difpule fur le Apoftafic, le déclare alTez. » Ph. « Ce leurs fieges , & ayans pris confeil en-
mol tafie.
d'Apof- femble, efcriuirent ie ne fai quoi en
mot d'ApoJlafie fe rapporte
ment àla foi. Pour propre-
cefte raifon , on
appelle Apojlal celui qui fe reuolte de vn papier, & i'ai cefte opinion qu'ils
la foi. Auec ce, faind Paul, bicntoft delioeroyent
Et ie fu ramené de l'eft'ufion
en ma de mon fang.
Charbon-
La mcCmc 2. 7.
après ce pafTagc mefme , parle de la nière. »
ruine de l'empire, en forte qu'il ne
lailTe plus matière de douter. » Col.
<" L'Apoftafiede dénote
feulement la foi reuoltement
, mais auffi non
de Les Aêîcs du cinquiefmc examen fait
l'Empire, qui feroit facile à demonf- pLir les Inquifiteurs qui s'enfiiyuenl ,
trer. » L'ev. de Wigorne. » J'ai com- les Euefques Je Londres, de fioehef-
paffion, vous voyant en cefte façon
tre , de Convenirie, d'Alfe, & qucl-
JEAN PHILPOT. 345
ques autres Eucfques, auec le fquels Roine ou du royaume. » Ph. « Mef- m.d.lv.
fleurs, fi la chofe eftoit telle que, par
ejîoyent Stor& ,quelques
Pandclton, Curtop ,autres
Saf'erfon
ae la, authorité publique & expreffe ordon-
Cour de la Roine , tant prcjlres que nance du Prince, elle fut mife en auant
Confeillers & gentils-hommes (i). par le Commiflfaire ou Parlier, pour
eftre traitée en public; celui qui en
traiteroit, feroit-il tenu du crime de
BoNER, Euefque de Londres, com- lefe maiefté } »
mença ceft examen, & dit : « M. Phil-
Les gens de la Roine. « A ce que
pot, il y a ici derechef plufieurs excel-
îens & fauans hommes, qui, à ma re- nous voyons, la chofe n'eft point ve-
quefte, n'ont fait difficulté de prendre nue iufques à ce danger qu'il n'y ait
la peine pour cercher voftre profit. efperance, moyennant que vueilliez re-
tracer les chofes que vous mainteniez
Comme demain
donner ainfi foit la
quedernière
i'aye délibéré de
fentence alors trop obflinément. » Ph. « Je n'ai
que trop defcouuert mon intention, en
contre vous (car il m'eft ainfi com-
mandé) i'ai toutesfois penfé de vous l'examen précèdent, aux Euefques. l'ai
fecourir en tout ce qui me fera poffi- demandé , Que s'il y auoit quelqu'vn
ble, moyennant que de vortre cofté qui vueille ou puifte prouuer que
vous quittiez quelque chofe de voftre l'Eglife Romaine, de laquelle vous-
vous vantez, foit l'Eglife catholique,
obftination, & qu'accordiez auec nous. »
Admirable Ph. » Monfieur, ie n'atten autre chofe ie promets me rendre. » L'ev. de
force & jg vous que la mort, laquelle ie fuis Conventrie. a N'adiouftez-vous point
confiance. ' n j- j r j i-i. -n
prend endurerpourl amour de Chnlt.i) foi au Symbole, où il eft dit : le croi
eftoit alTez qu'il cerchaft des efchap- voudrez, fi eft-ce que ceft homme-la
patoires. A l'heure entra l'ambaffadeur eftoit théologien. Et tant plus fuis
d'Efpagne, marri, que vous qui auez difputé auec
dres aborda lequel l'Euefque ,delailTant
tout incontinent Lon-
gens fauans, n'acquiefcez à leur iuge-
les autres Euefques auec moi. Auf- ment. » Ph. « J'acquiefcerai volon-
quels
di : Ili'adrefTai
Reuerends monPrélats
propos,& &nobles
leur tiers, & m'accorderai auec tous ceux
qui acquiefceront à Jefus Chrift & à
Seigneurs, y a-il raifon qu'on puilTe fa Parole. Et quant à vous, monfieur
monflrer que cefte vollre Eglife , la- le doéleur, ie vous prie que, pour
quelle vous appelez Romaine , eft l'odeur de quelque gain defhonnefte ,
vrayement Eglil'e catholique.' " Co. ne vous rendiez ferf des hommes, fai-
« Mais pourriez-vous prouuer le con- fant au contraire de ce que vous en-
feigne voftre fauoir. » Sa. « Jufques
traire . que r Eglil'e Romaine n'eft
point la catholique.-» Ph. « Puis que à prefent i'ai oui vos argumens; mais
ie ne peux impetrer de vous ce que ie
il me femble qu'il y a plufieurs doc-
demande, afTauoir qu'i'l vous plaife me teurs de l'Eglife ancienne qui font
contraires à voftre opinion; car fainél
fatisfaire en ceci , il n'y a nulle raifon
que celle Eglife Romaine soit tenue Cyprian, qui eft ancien dodeur ,
pour catholique, entant qu'elle eft fi aprouue expreffément la primauté de
fort efloignee des traces de la vraye l'Euefque Romain. » Ph. « Sainft
Eglife , tant en doftrine qu'auffi en Cyprian faifant mention de Corneille,
l'vfage des Sacremens. Que fi on re- Euefque
garde l'image & de l'vnela& différence
de l'autre, : Pape, ains Romain , ne l'appelé
fon compagnon Euefquepoint
( i),
on verra incontinent & ne lui donne aucun autre titre
loind ce qu'Eufebe
anciennement efcrit & des
autres qui ont
afaires de d'honneur, félon la façondece temps. »
Sa. « Vous ne monftrerez en lieu que
l'Eglife en ont dit. « Co. << Quelle ce foit où faind Cyprian appelé Cor-
autre chofe auez-vous pour monftrer neille/o;! compagnon Eucjquc. » Ph.
que l'Eglife Romaine n'eft point la 'i le vous prie, meffieurs les chape-
catholique? i> Ph. « Pource que, félon
la définition de ce mot Catholique , lains,
porte iciquelequelqu'vn
liure ded'entre
faind vous ap-
Cyprian Menfonge
elle n'eft & ne fut iamais vniverfelle , pour faire foi de ceci. » Et foudain vn
comme auffi ie le vous ai prouué. Et deteftable.
d'entr'eux courut à la librairie de
Ce palTage a
outre l'Afie & l'Afrique, dont ie vous l'Euefque, & apporta le liure. Le elle faulTement
ai parlé , que dira-on que la plus dofteur empoigna viftement ce liure , allégué &
defchiré
& de la troifiefme Epiftre du premier Sauerfon par,
grande partie de l'Europe lui répugne .-"
affauoir la Germanie, le royaume de liure des Epiftres tira vn argument ,
comme il
Dannemarc, Pologne, & vne partie penfant bien auoir vn fuffifant boaclier
pour confermer la primauté du Pape, le texte de
de la France & Angleterre .' Par cela apperra
S. par
Cyprian,
conoit-on quei voftre Eglife n'eft point où faind Cyprian parle en cefte façon :
vniuerfelle. contraire, &
" C'cfl fait de la vigueur Epifcopale qui dit au
Apres cela, l'Euefque de Londres & de la puijjance haute & diuine de
appela les autres Euefques , & me lieu.x du mefme
gouuerncr V Eglife. Il nv a nulle raifon l'Epirtre
par autres
autheur
à
en
lailTa auec quelques gentils-hommes qui nous face plus appeler Chrefliens ,
& bien peu de preftres, entre lefquels
fi on nient iufques là, qu'on ne rende Papiande , Tvnité
& au
eftoit le dodeur Sauerfon, Anglois de plus aucune obeiffance au fouuerain de l'Eglife;
traité
nation, doâeur de l'Vniuerfitéde Bo- Euefque tenant la place de Chrijl , car iamais ce
logne en Italie , lequel commença à
félon la Parole d'icclui & le confentement
tenir propos en cefte forte : « Philpot, du peuple & de fes compagnons (2). » ertabli aucun
i'ai bien fouuenance de vous auoir S.Euefque
martyr en
n'a
Sa. « Quelle raifon pouuez-vous auoir l'Eglife (ex-
conu il y a long temps , voire depuis
pour euiter l'authorité de ce paft'age , cepté vn feul
Jefus Chrirt)
ce temps-la qu'allant de 'Venife à Pa- par lequel la primauté de l'Euefque
douë, vous difputiez contre vn Cor- de Rome eft eftablie fi ouuertement .-' » par delTus les
delier, qui eftoit homme fauant. » Ph. Ph. << Monfieur le Doéleur, vous autres Euef-
« Il m'en fouuient bien. Le Moine
forcené me menaça lors qu'auffi toft (i) " Cognovimus, frater charissime , » etc.
qu'il feroit de retour à Padouë , il Cypr.Op. Bàle, ii3i, lib. I, epist. 1, p. i.
m'accuferoitd'herefie. Il eftoit moyen- (2) Cypr. Op.. lib. I. epist. III, p. 6. ques.
LIVRE SIXIEME.
alïeuré que nous ne fommes point en S. lean : « La parole que i'ai proférée
iugera au dernier iour. » Si au dernier
erreur, par cela mefme que le Sei- iour nous deuons auoir la Parole pour
gneur a promis à les fidèles de leur
donner efprit de fapience , auquel luge, par plus forte raifon efl-il moins
conuenable auiourd'hui que nous mef-
leurs aduerfaires ne pourroyent refif-
prifions vn tel Juge. D'auantage, ie
ter. Combien y a-il d'entre vous qui ne doute point qu'en ce iour-la ie n'aye
puilTe refpondre aux liures des Ale-
mans , qui ont arraché la mafque de luge de au
&ce iurtifiera parti,
monfiecle qui m'abfoudra
à venir, quoi que,
vollrc religion fardée r ou à 1' I nftitution par violence & authorité inique, vous
de M. lean Caluin, Minirtre de Ge- autres opprimiez cependant & moi &
mes femblables. Je fuis certain que ie Les Martyrs
neue? » Sa. « Vrayement c'eft vn
gentil Minirtre de ie ne fai quelles vous iugerai en ce iour-la. « St. monde. le
iugeront
gens, brigandeaux, fugitifs & rebelles. « Quoi! penfez-vous, miferable, eflre
Et n'y a pas long temps qu'il y eut fait Martyr, & eftre affis auec Chrift
contention entre lui & les complices au dernier iour, pour iuger les douze Quellion.
de fa fadion , en forte qu'il fut con- lignées d'Ifrael ? » Ph. » le n'en doute
traint de fortir de la ville ; & c'efloit nullement; puis que Jefus Chrirt lui-
touchant la matière de la Predeflina- mefme promet cela , moyennant que
tion. Je ne di rien qui ne foit certain ie fouflfre pour iurtice , laquelle vous
& vérifié ; car moi-mefme ay paffé par perfecutez maintenant en moi. » St.
là en venant ici. » Ph. « Je fai pour « Je vous demande, lors que le luge
certain que vous blàfmez à tort ce bon prononce vne fentence en fon palais
perfonnage, & la fidèle Eglife de la- iudicial contre vous , la parole qui fe
quelle il efl Minirtre. Mais c'ert la prononcera eft-elle la fentence ou le Dirt'erence
façon ordinaire de l' Eglife Romaine » Ph. « Selon l'au-
d'auoir recours aux blafmes & calom- Juge? Refpondez.
thorité de l'Efcriture, les chofes ci- entre les iuge-
nies controuuees quand elle ne peut uiles font art'uietties aux hommes qui mens ciuils
fe défendre. Car, quant à la matière font de la iurtice ciuile & politique , & la parole de
Dieu.
delà Predertination , ce bon perfon-
nage ne maintient autre chofe que ce pour ertre iugees félon l'opinion
que tous les Dodeurs ont dit deuant d'iceux; mais la parole de Dieu n'ert
point alTuiettie ni à la fantafie ni au
lui, qui auffi» s'accordent
Sav. « Et aux faindes iugement d'homme & quelconque;
Efcritures. ie vous de- elle eft conftituee ordonnée iugemais
de
mande auffi d'autre part combien y en toute fapience humaine, & de toutes
auroit-il d'entre vous qui eufl"ent la les paroles & œuures de tous les hom-
dextérité de refpondre aux efcrits de mes du monde. Parquoi, comme la
Fyfcher, Euefque de Rocheftre(i) ? »
Ph. « Défia des long temps ce liure a comparaifon qu'auez faite ne diminue l'Eglife.
efté fufififamment refuté. Il ne refteroit en rien ce que i'ai dit , auffi n'y ref-
finon que vous vouluffiez prendre la pond elle point. » Sa. « Quoi! N'ad- De l'inter-
mettez-vous point l'interprétation de prétation de
peine de cercher les refponfes de ceux F Eglife fur les Efcritures? » Ph. « Si
qui l'ont rembarré. » fai bien , moyennant que certe inter-
SvR ces entrefaites, le doâeurStor prétation refponde au mot de la vraye
entrant & nous oyant alléguer & in- Eglife. Et c'eft ce que i'ai proterté ci
fifter fur la parole de Dieu dit : « Quel den"us tant de fois. S'il y a quelcun
iuge donneras-tu pour iuger de certe qui me puirt'e prouuer que certe vortre
Parole que tu as ainfi en la bouche? »
Ph. « Quel iuge plus certain de la Eglife , qu'on appelle Romaine , ert
parole conrtituerons-nous que la Pa- vrayement la catholique, vous m'aurez
obein"ant en toutes chofes ainfi que
role mefme r >i St. « Ne voyez-vous defirez. n St. <( N'y a-il pas défia
pas l'ignorance miferable de cert héré- beaucoup de centaines d'années paf-
tique du tout brutal.' Il veut que la fees, que nos ancertres ont toufiours
parole foit iuge de la Parole mefme. tenu certe mefme Eglife que nous Recours à la
La parole pourra-elle parler.^» Ph. fuyuons pour vraye & catholique ? » longueur du
temps elt chofe
Ph. « C'ert prudemment fait à vous ,
monfieur le Dodeur, de recourir à la vaine, & n'y
(i) Il s'agit probablement du livre de John a point de
Fisher, évêque de Rochester (voy. t. I , longueur du temps; car en vne caufe prefcription
p. 295 ) , intitulé Asscrtionis Lutlieranœ coti- contrerité.la vé-
futalio. Coloniae, 1525.
mal affeuree vous n'auez que ce refuge
qui vaille; mais vous n'ignorez point
LIVRE SIXIEME.
Deux chorcs qu'aux hommes ni aux loix humaines. dire qu'il prenoit plaifir à iazer.
Or il y a deux chofes principalement Monfieur Rych fecondoit le dire de
abufont le
efquellcs les Ecclefiaftiques deçoyuent l'Euefque Boner. « Tous hérétiques,
peuple. ce royaume, alfauoir fur le Sacrement dit-il , ont toufiours acouflumé de fe
du corps & du fang de Chrift , eSc le vanter
Dieu , magnifiquement
& vn chacun veut de l'Efprit de
baftir vne Icniine Ca*
titre de l'Eglife catholique. Et com-
Eglife félon fon opinion, comme leanne tienne amené
bien qu'ils n'ayent ni l'vn ni l'autre , Cantienne (i) & les Anabaptiftes. en e.vempie.
toutefois ils s'attribuent l'vn et l'au- Cefte Jeanne fut en ma maifon fept
tre. Qiiant au Sacrement , qu'ils ap-
iours après que fa fentence fut donnée
tifiepellent de l'autel
encore . ie confermc
maintenant & ra-
cela mefme contre elle pour eftre bruflee , durant
que ie di alors en cefte afTemblee : lefqucis l'Archeuefque de Cantorbie
Que voftre Sacrement n'eft de Chrift, & auffi l'Euefque Ridiey ne faillirent
de la venir vifiter. Mais elle eftoit tel-
& qu'en icelui Chrift n'eft nullement
prefent. Et pourtant ils feduifent pre- lement conuertie en efprit, que ceux-ci
mièrement laRoine ; puis après vous ne peurent rien profiter enuers elle ,
autres, qui eftes les gouuerncurs de ce
quelques bons conseils qu'ils lui euf-
royaume, vous perfuadans eftre Sacre- fent feu donner. Toutefois elle s'en
ment ce qui ne l'eft point. Aucc ce ils alla au feu d'vn cœur obfliné, comme
vous poufl'ent à vne idolâtrie manifefte, vous faites maintenant. » Ph. « l'ai
en forte que vous adorez & honnorez conu cefte Jeanne & fon herefie ; en
comme Dieu ce qui n'eft nullement quelque forte elle meritoit d'eftre cor-
Dieu. Et pour prouuer ce que ie di , rigée ,d'autant au'elle auoit ofté vn
outre les autres probations claires ,
article du Symbole contre toute l'Ef-
lefquelles ie pourroi tirer des faindes criture. Mais quoi .' on peut facilement
Efcritures , & les monftrer tant à la conoiftre qu'il y a differenco entre vn
tel Efprit & le vrai Efprit de Dieu &
RoineOt qu'à
vie mon vous fang. , Que
voici fii'employe ma
ie faifoi cela de l'Eglife, d'autant que ce bon & S.
pour autre chofe queftant neceffaire- Efprit, fe contenant toufiours dedans
ment contraint par la vérité & ma les limites de la Parole , ne fe va la-
mais fourrer obftinement dedans les
confcience , ie le feroi à ma condam-
Faux titre de dodrines eftranges , mais fuit en tout
lEglife nation. Quant à ce qu'ils s'attribuent
le titre d'Eglife catholique, ils ne font (St par tout la S. Efcriture comme fa
catholique.
en cela qu'esblouyr les yeux du poure guide. ment
Etapuyé
de fur
moicefte
, fi ie n'eftoi ,ferme-
conduite ie ne
peuple de
chofe font bien d'vne
vantans ilsfauffement
, felaquelle loin , m'expoferoi iamais à ces dangers. »
pour vous deftourner de la vraye pu- Bo. « Or fus , puis que vous parlez
reté de l'Euangile , laquelle on enfei- maintenant du lugement de l'Efcri-
gnoit du temps du Roi Edouard. Je ture , comment accorderez-vous ces Qucflion.
ne di point ceci par orgueil , ains en paft"ages : Le Père eft plus grand que
vérité. Que fi ceux-ci peuuent monf- moi, & Le Père & moi fommes vn?
trer par quelque raifon certaine & Il faut que i'expofe ces mots en An-
fuffifante que leur Eglife eft l'Eglife glois . pource que ces bons feigneurs
catholique , ie leur quitterai la place n'entendent pas Latin : The father is
en tout Si par tout. Et vous fupplie grealcr Ihan I ,& I and thc falher are
humblement, Mcffieurs, que vous fa- one. Mais pardonnez moi, Meffieurs,
ciez tant pour moi enucrs la Roine , car plufieurs d'entre vous l'entendent
qu'il me foit loifible d'entrer en dif- bien. Mais i'ai dit cela principalement
pute contre les dix plus fuffifans de à caufe de monfieur de Schandoitz (2)
tous ceux-ci, pour eiplucher <Sr efclair-
cir cefte matière. S ils gaignent leur
(1) Voy., sur Jane of Kent, la note 2 de
caufe par quelque ferme A certaine la 2* col. de la page (76 du tome I.
authorilé , ou en difputant ou en ef- {2} Lord Chando*.
JEAN PHILPOT.
M.D.LV.
& monfieur Bridges fon frère. Mainte- monde. Pourtant S. Paul dit qu'il y Cor. 2. 16.
nant defpioyez-nous voUre fauoir en en a aucuns
ceci , & fi vous pouuez, faites conioin- odeur de vieaufquels
à vie , &l'Euangile
auffi il y eften ena
dre d'autres aufquels il eft en odeur de
Ph. ces deux fe
« Cela palfages par i'Efcriture.
peut faire facilement », mort à mort. Au 6. chap. de S. lean,
d'autant qu'il y a deux natures en on trouuera vn exemple de ceci en
Chrift ; au regard de fa nature hu- ceux qui. eftans deftituezdu S. Efprit,
maine il
, a bien dit : « Le Père eft oyoyent la parole de Dieu , mais en
plus grand que moi, » & au regard de eftoyent fcandalizez. Pour cefte raifon
la diuinité , ceci eft auffi : « Le Père & Jefus Chrift leur dit : « La chair ne
moi fommes vn. » Bo. « Mais com-
profiteuifie. » de rien , c'eft l'Efprit qui vi-
ment accordez-vous cela par l'Efcri- '
ture mefme ? » Ph. « Il y a aflez de SvR cela Philpot, fe iettant bas à Combats
deux genoux, pria tous ces Seigneurs intérieurs.
tefmoignages en I'Efcriture, par lef-
quels ie peux facilement monftrer ce qu'ils fuflfent tefmoins des chofes qu'ils
que
efcriti'aidit,
de la car, en premier
nature humaine lieu, il eft
de Chrift auoyent ouyes ce iour-te , & qu'il
n'efloit point d'vn courage fi endurci
& obftiné , ne fi defefperé (comme
es Pfeaumes : « Tu l'as fait vn peu
moindre que les Anges; » on trouuera monfieur de Londres fe perfuadoit)
ce paffage au Pfeaume 1 5 . qui com- qu'il ne fuft preft d'acquiefcer à la vé-
mence :« Les cieux racontent,» &c. Je rité, en la lui monftrant par la S. Ef-
failli aucunement au compte du Pf. (1).» criture. Rych lui demanda de quel
Ceque l'Euefque Boner empoigna in- pays il eftoit. « Eftes-vous, dit-il, de la
continent &dit : (c Ce palfage eft au maifon des Philpotsen Hampton(i).' «
Pf. Domine Doniinus no/lcr, &c., qui
Philpot
lui lui refpondit
nommant qu'il enPhilpot
meffire Pierre eftoit ,,
eft le 8. 'Vous voyez bien , meffieurs
les luges, comment ceftui-ci a bien cheualieren la prouince de Hampton.
acouftumé de dire fes heures matuti- Ry. « Il eftoit mon parent, qui fait
naies. » Ph. « Combien que ie ne dife que ie fuis tant plus marri de voftre
heures canoniales ne matutinales par encombrier. » Ph. « Je vous remercie
vn tel ordre que vous l'entendez, tou- de ce que vous ne defdaignez le pa-
tefois félon que m'en peut fouuenir de rentage d'vnie feroi
poure volontiers
captif. » beaucoup
Ry. « En
bonne foi,
long temps, ie retiens cela qu'il n'y a Prouerbe
pas longue diftance es Heures entre ces de lieues à pied pour vous faire
deux Pf. : « O Dieu noftre Seigneur, » plaifir. » Le Chambrier. « Cela gift Anglois.
& « les cieux racontent, » &c. D'auan- en fa puiffance, que bien lui foit, s'il
tage la faute du nombre ne diminue veut. » Ry. « Vous difiez n'agueres
rien de la vérité. » Bo. « Quant à la que vouliez maintenir voftre foi contre
féconde partie, comment l'accorderez- les dix principaux de ce royaume. Ce
vous par I'Efcriture } » Ph. « Le fil n'eft pas bien fait à vous de vous op-
du texte déclare aft'ez, que combien pofer ainfi à la nobleft"e de ce
qu'il royaume. » Ph. « Trefhonnoré fei-
félony fon
ait euhumanité,
amoindrifl'ement en Chrift
il demeure vn
auec le Père au regard de fa nature gneur,bien
pas entendu;moi,vous
pardonnez ne m'auez
vousauez penfé
diuine. Et l'Apoftre aux Heb. déclare que ie desfiaffe dix des nobles, & ie
cela bien au long. » Bo. « Comment n'ai rien moins penfé que cela. le
fe peut faire cela, veu que S. Paul dit parloi feulement de ceux qui font les
, Cor. ;. 6. plus renommez en fauoir en tout ce
que la lettre occit , & que c'eft l'Ef- royaume. « Ry. « Or fus, ie veux
prit qui viuifie ? » Ph. « S. Paul n'en-
tend pas que la parole de Dieu de fa
bien que vous l'ayez ainfi entendu. Si
nature occit, laquelle de foi eft or- vous obtenez, par la permiffion de la
donnée àvie; mais voici comment la
Roine, ce que vous demandez, fuiurez-
parole de Dieu eft inutile & mefme vous leur opinion ou non ? » Ph.
pernicieufe : Quand quelcun eft def- « Vous fauez, monfieur, que cela n'eft
titué de l'Efprit de Dieu, encore qu'il pas raifonnable qu'ils foyent & aduer-
foit fort prudent félon le iugement du faires & iuges tout enfemble. » Ry.
« Et qui permettriez-vous donc faire PromelTe au
s'arrefter
(i) L'indication iugement de vous.^ » Ph. « A vous captieufe de
doublement fautive.donnée par Philpot
Le passage était
cité se trouve
dans le psaume VIII , et non au psaume XV, mefmes que feriez prefens pour co- iugement
hommes.des
et le psaume XV n'est pas : u Les deux
racontent; « c'est plutôt le XIX. (i) Du Hampshire.
LIVRE SIXIEME.
communiquoyent , & non plus. » Ph. blafmé deuant vos excellences la mgi-
« Mais, monfieur,
feulement ce inflruits
les nouices n"e(loyentenpasla fon de l'AITemblee, ayant dit qu'il y
a défia tant de mois qu'il eft détenu
foi nouuellement, ains auffi ceux qui
prifonnier,
fir & qu'onvn nefeullui argument
de pourfuiure adonné loi-
de
e la puilTance n'entendoyent point les myfleres fa-
crez. » Bo. « Que refponciez-vous à
de Dieu. ceux qu'on lui a mis au deuant : ce
la puilTance infinie de Dieu ? Icelui ne qui eft faux, car on lui donna grande
peut-il pas acompUr toutes les chofes liberté de parler & de pourfuiure , &
qu'il a dites .> comme monfieur Rych a autant de loifir qu'il voulut. Et encore
n'agueres fort bien dit. le di qu'il auec tout cela, on lui rel'pondit de
n'efl point difficile au Seigneur de fe poinil en poind; mais, ne fâchant plus
mettre non feulement au pain , mais que dire, il fe print à pleurer. l'eftoi
auffi en ces tapilTeries, moyennant que fpectateur de toutes ces chofes, par-
ce foit l'on bon plaifir. « Ph. « Quant quoi l'en puis tefmoigner. Combien Le liure des
à la puilTance infinie de Dieu, ie con- qu'on porte par ci par là vn certain
Pf. JJ. felTe auec Dauid, que Dieu a fait tout Hure, plein de menfonges, auquel les aéles de la
ades de cefte difpute ont efté faulTe- difpute tenue
ce qu'ilToutefois
terre. a voulu, iltant
ne au
veutcielrien,
qu'en
finonla ment corrompus & falfifiez. Et quant au commence- ment du règne
ce qui conuient à fa parole, & ce que de Marie.
àfatisface
ce que touchant vous demandez qu'ondu vous
la matière Sa-
Blafpheme monfieur l'Euefque vient de dire efl
contre Dieu. blafpheme : Que le Seigneur peut ef- crementie
, vous propoferai la vérité
tre fait vne tapilTerie ; car comme les tirée des efcrits des anciens Doc-
anciens dodeurs ont dit : Dieu ne peut teurs. »Ph. « Grâces à Dieu, il y
faire des chofes qui font contraires à auoit lors des gentilshommes & grands
feigneurs qui furent auditeurs des
fa nature. Et il n'y a rien qui foit plus chofes, & peuuent teftifier fi elles ont
répugnant à l'acar
fait tapilferie, nature , que, qu'il
la tapilTerie ell foit
vne efté falfifiees,
honte de le direainfi en que
cefte vous n'auez
fi bonne &
créature, & Dieu eft Créateur, & ne
peut aucunement eflre fait créature. noble compagnie. Quant à mes lar-
Parquoi fi vous ne monftrez que Chrift mes, ce n'a point efté faute de matière
eft au Sacrement , autrement que par qui m'ait fait pleurer, car, grâces à
grâce & d'vne façon fpirituelle & fa- Dieu , i'auoi de quoi fournir , voire
mieux que vos grands Théologiens
cramentale , c'eft en vain que vous-
vous couurez-ici de la puilTance infi- n'auoyent de répliques pour réfuter la
vérité que ie foufteaoi ; ces larmes me Les larmes
nie. » Bo. « Quoi donc? Confefi"ez- fortirent des yeux pour vne femblable de Philpot.
vous que Chrill foit realement au
Sacrement ? ou fi vous le niez .' » Ph. caufe que lefus pleura le malheur qui
deuoit auenir fur lerufalem. le fentoi
« le ne nie pas qu'il ne foit realement défia en mon efprit les ruines de
au Sacrement, voire à ceux qui y doi-
Que fignifie le uent participer félon l'infiitution du l'Eglife Chreftienne qui deuoyent aue-
mot realement. Seigneur. » Bo. « Qu'entendez-vous nir, & quand & quand l'occifion que
par ce mot Realement .' » Ph. ie preuoyoi préparée à tant de bons
« Comme fi i'auoi dit qu'il y fuft perfonnages. »
vrayement & fans doute. » Bo. « Dieu En refpondant ceci au doéleur
Chadfé , ie fu fouuent empefché par
n'e(l-il pas par tout realement ? » Ph.
« Pourquoi non ? » Bo, » Comment monfieur Rych , me difant que ie
Ifaie 66. i. le monftrerez-vous ? » Ph. « Ifaie en donnan"e loifir à Chadfé de pour-
rend tefmoignage , que Dieu remplit fuyure fon propos, & que puis après 2J
toutes chofes par tout. Et lefus Chrift il me donneroit congé de refpondre
Matth. i8. 20.
dit : « En quelque part que deux ou à tous les articles qu'il me propofe-
trois feront alTemblez en mon Nom, roit. Mais Car
il promit ce qu'il ne pou-
ie ferai au milieu d'eux. » Bo. « Eft-ce uoit tenir. les Ecclefiaftiques qui
au regard de fon humanité.^ » Ph. là eftoyent ne lui permirent d'acom-
« Non point : mais i'enten cela au re- plir ce qu'il euft bien voulu. Quant
gard de la Diuinité, félon quoi vous au liure, ie confen"e que ce fuis-ie
interroguez. « Ry. u. Monfieur de Lon- qui ai recueilli les ades de cefte dif-
dres, permettez maintenant que le pute, & comme le tout eft auenu (i).
dofteur Chadfé difpute auec lui. »
Chadfé commença fon propos de bien
loin, mais voici prefque le fommaire I" (i)
col. Philpot
compte rendu dese ladéclare
dispute ici
de l'auteur du
155; i dont
il est parlé plus haut, p. );4, note i de la
de fes paroles. Ch. .< M. Philpot a
II.
L
LIVRE SIXIEME.
5W
l'ai pour icfmoin de cela le Doyen tenue par Chrift , l'annonciation de fa
de Roch'llre A l'Archediacre de mort pour l'édification de l'Eglife ,
Hallbrd (i), monfieur Chenee (2), qui finalement le prendre & manger, ce
tous deux font encor viuans en ce n'eft plus Sacrement. Certainement ,
■royaume. "Chadsé." Venons au poind: cefte prononciation de paroles, qui eft
Les quatre Euangeliftes, auec S. Paul la dernière partie du Sacrement , n'a
en l'Epirtre aux Corinthiens , main- point
moins deditlieu , car Jefus
: Prenez, Chrift que
mangez, n'a pas
ce
tienent ouuertement la prefence de
Chrill après les paroles ae confecra- Notez ceci
qui s'enfuit : Ceci eft mon corps. »
Ch. « Jefus Chrift difoit : Eatc, drinke,
Du fens des tion. De fait, tous s'accordent en ces
paroles de la paroles : " Ceci efl mon corps. » Ils ne & non point Eatc ye , drinke ye. »
■ ^"^' difent pas : ceci n'eft pas mon corps. Ph. « N'a-il point dit en nombre plu-
Et S. Jean au chap. 6. Jefus Chrifl riel :Prenez, mangez, & non point
promet de donner fon corps, laquelle en fingulier : Pren, mange, comme il
promefTe il a depuis acomplie en la femble que vous le prenez? » Ch.
Cène, comme on peut conoiftre par « Si ces paroles : Ceci eft mon corps,
les paroles mefmes : « Le pain que ie ne conftituent point ou ne font le
donnerai, c'eft ma chair, que ie bail- Sacrement , femblablement les au-
lerai pour la vie du monde; » ce mot tres parties qui font la benedidion, la
Baillcrji eft répété par deux fois. Au prife & manducation . ne le feront
premier, il le faut rapporter au Sacre- point. » Ph. "Je confelTe que l'vne
ment ;au fécond lieu , il le faut rap- des parties fans l'autre ne fert de rien.
porter au Sacrifice de la croix. Or, Car le facrement ne peut eftre Sacre-
auec toutes ces Efcritures tant mani-
fertes, nous auons l'authorité des Doc- mentment,&fice qui eft là fait
parfaitement n'eft entière-
acompli félon la
teurs les plus aprouuez , alTauoir
première
inftitué. » ordonnance de celui
Ch. « Niez-vous doncquioue
l'a
d'Ignace, Irenee & S. Cyprian. » Ph.
» S. Cyprian parle en cefte façon : ce foit le corps de Chrift , s'il n eft
Au fjcrificc qui cil Chriji , il ne faut pris .- » Ph. « Oui, car il ne peut eftre
j'uyurc fenduque corps de Chrift, finon à ceux qui le re-
par laChri/Î.
Loi de Enrienoutre, il eft dé-
adioufler à la ceuront deuëment , félon l'inftitution
du Seigneur. » Bo. « Le pain ordinaire
parole de Dieu, ou d'en rien diminuer.
Et S. Pierre dit : xSi quelqu'vn parle, qui eft mis fur la table, n'ell-il pas
qu'il parlecommeles paroles de Dieu." pain, encore que perfoone n'y touche
Parquoi fi aucun penfe que ces paro-
pour en
autre manger.'
raifon , car le »pain
Ph.quia eft
C'eft
mis vne
fur
les feules : Ceci eft mon corps , con-
ftituent vnc prefence réelle de Chrift , la table ordinairement eftoit pain, voire
fi outre cela il ne bénit, s'il ne prend auparauant qu'il y fuft mis. 11 n'eft pas
& mange (lefquelles trois chofes font ainfi du Sacrement, lequel n'eft point
de la fubftance du Sacrement) ceftui- Sacrement, finon entant
la eft abufé , & pour cefte raifon S. ment adniiniftré en la qu'il
table.eft»deuë-
Bo.
Auguftin dit : Que la tarolc foll con- u Qu'eftimez-vous donc que c'eft après
les paroles de confecration iufques
ioinle à l'clcmcnl , & il y aura Saerc-
mcnt. En cefte forte donc au temps qu'il foit receu r » Ph. <i Je
vne entière obferuation des ,paroles
s'il n'ydea
diroi que de
c'eft feulement
commencé la chofe facree,vn & figne
non.
Chrift en l'vfage du Sacrement, ce n'eft
plus Sacrement, non plus que les facri- point vn Sacrement, entier auant qu'il
nces que les dix lignées (?) offroyent foit pris. Car il nous faut regarder
à Dieu en Bethel, eftoyent facrifices, deux chofes au Sacrement, affauoir le
figne & la chofe figniliee, qui eft Chrift
ains ont efté reiettez , d'autant qu'ils
n'eftoyent faits félon l'ordonnance de & fapaffion. n Monsieur de 'Winfor (1)
la Loi. Et pourtant, fi auec ces paro- s'efleua & dit : " le n'ai point veu iuf-
les on n'adioufte auffi ces trois parties, ques à prefent vn feul homme qui
lefûuelles font que le Sacrement foit niaft les paroles de Chrift comme vous L'inftilution
entier A parfait, aft"auoir l'adion de faites. N'a-il pas dit lui mefine : Ceci du Seigneur
grâces rendue pour la rédemption ob- eft mon corps.- » Ph. « Monfieur, ie
vous prie , prenez la chofe comme fait ment.
le Sacre-
(1) L'édition latine deanglaises
\-'oxe porte elle doit eftre prife. Nous ne nions
fordiec. i> Les éditions ont •••■Huri-
Uni-
point les paroles de Jefus Chrift,
ford. »
(2) Chcyney.
(; Les dix tribus. (I) Lord Windsor.
JEAN PHILPOT. 355
mais nous monftrons qu'elles n'ont lefquelles on ne pourra auoir l'inftitu- m d.lv.
point autrement vertu, finon entant tion entière & parfaite de la Cène.
qu'elles l'ont accommodées à la vraye Parquoi les Grecs appelent le Sacre-
ordonnance & inllitution de lel'us ment d'vn nom qui fignitie Commu-
Chrill. Ceci l'oit pour exemple : lefus nion &; auffi pour cefte raifon le Sei-
Chrill ordonne qu'on baptize au Nom entre vous. gneur dit en )> l'Euangile
Ch. « SainA: Diftribuez
Paul ne Synaxis.
du Père, & du Fils, & du faind Ef-
prit. S'il y a quelque Preftre qui pro- l'appelé point Communion, ains Com- Communion,
nonce ces mefmes paroles l'ur l'eau , munication. » Ph. « Cela auffi de- Commumca-
lors qu'il n'y aura nul prefent qui foit clare mieux, crementque participation
doit eftre faite. »du Bo.
Sa-
pour ertre baptizé, la feule prononcia-
tion ne fera point le Baptefme. Adiouf- « Treshonnorez feigneurs , il me fait
mal de vous voir ainfi laffer après vn
tons ceci, que le Baptefme n'efl point homme fi .obftiné , veu que nous ne
vrayement Baptefme, finon à ceux qui
font arroufez d'eau, & non point à profitons de rien enuers lui. Pour le
ceux qui affilient là pour élire fpeda- prefent, ie ne vous fafcherai plus, n
teurs. » Le Chambrier. « Mes fei- Et toute la compagnie fe leua, & nul
gneurs, ie vous prie me permettre que ne me dit vne feule parole iniurieufe ,
ie lui face vne queflion: « Quelle façon & fembloit qu'ils eftoyent aucunement
de prefence trouuerez-vous au Sacre- affeftionnez. Le Seigneur vueille tour-
ner tout à bien.
ment lors
, qu'il eft deuëment pris, &
ainfi qu'il apartient? » Ph. « Quand
ceux qui s'approchent de la table fa-
creedu Seigneur lefusy vienent digne-
ment, ie confeffe que Chrill y eft pre- Les aâcs duvij.examen.{i), auquel pre-
fent auec tout le fruift de fa paffion , fidoycntles Eucfqucs de Londres &
voire en ceux qui le mangent digne- de Rochc/îre, le Chancelier de Lych-
ment ,c'eft à dire comme il apartient, fild , le doâeur Chadjé , M. Deye ,
& aufquels Jefus Chrill eft conioinft, bachelier en théologie (2). En cejl
& eux conioints à lefus Chrift. » Le
examen vij. il eft traité de l'authonté
Chambrier. « Ce m'eft alTez. » Bo. de l'EgUfe du Seigneur.
Cl Seigneurs tres-honnorez , ie vous
exhorte de ne vous arrefter à ce qu'il L'EvESQVE Boner commença cefl
dit, il ne fait que vous feduire mal- examen en cefte forte : « Nous vous
heureufement , car la fimilitude du auons fait appeler, afin que vous affif-
Baptefme qu'il araeine n'a rien de tiez à la Mefi'e ; le Roi & la Roine & Argument
commun auec le Sacrement de l'au- tous les Seigneurs de ce royaume y digne d'vn
tel ;c'eft autant comme fi ie difoi à : refuferez-vous d'y aller? Je Euefque.
Ainfi renuer- monlleur de Bridges qui fouperoit vont
vous traite trop benignement, à la vé-
:nt les chiens auec moi : Prenez, mangez, ce cha- rité. »Ph. II Si vous appelez douceur
k pourceaux _q,^ Q^^ (jjg,^ „P25 . ^ toutefois icelui & humanité d'eftre gardé en vne orde
ce qui eu r. ■ ■ ^i ■ /-^ t charbonnière, fans feu & fans lumière,
faina. n y mettroit pomt la mam. On en peut
autant dire d'vn gobelet plein de vin, vous m'auez traité benignement ; mais
quand ie diroi : Taftez de ce vin , il vous auez puiffance de traiter mon
eft bon & friand : encore qu'icelui poure corps comme bon vous fem-
blera. » Bo. « Pource que Monfieur
n'en gouftaft , eft-ce à dire que ce vin le Chancelier Gardiner eft mort ,
ne fuft pas vin pourtant? « Ph. « Pour
certain, ces exemples font du tout in- vous-vous faites acroire qu'il n'y aura
plus perfonne bruflé. Non , non.
dignes d'eftre mis en comparaifon de
myfteres fi hauts & facrez. Cj que ie Croyez-moi , ie vous enuoyerai bien-
pourroi bien clairement monftrer , fi toft au feu , fi vous ne laifl'ez voftre
ce n'eftoit que vous me furmontez opinion. » Le Chancelier ci deflus
nommé , qui eftoit à cefte feptiefme
pluftoft Chofes
caufe. en authorité qu'enconuienent
femblables raifon de difpute, dit : « M. Philpot , ne vous
auec leurs femblables ; chofes fpiri- ruinez point ainfi de voftre propre
tuelles, auec les fpirituelles. Les Sa-
cremens doyuent toufiours eftre mefu- (i) Le 17 novembre 1555.
rez par les paroles de Chrift, entre (2) Les évêques de Londres et de Roches-
lefquelles ce font-ci les principales : ter, le Chancelier de Lichfield, le D' Ched-
sey, Master Dee et un bachelier en théo-
Prenez, mangez, comme parties ne- Dee et le bachelier n'étaient pas un
ceffaires pour faire le Sacrement, fans même logie.
personnage.
I.IVRR SIXIEME. De lEgia
gré ; plufloll regardez à vous lauucr , Eglife.'» Ph. « Depuis Chrift conti-
5<^
6 5roincttcz-vous à la bonne volonté nuant iufques à les Apollres, & con-
de Monlieur de Londres & au iuge- fequemment iufques à leurs vrais fuc-
raent des autres gens fauans, & vous celTeurs. » Le Chancelier de Londres :
euiterez tout danger. » Ph. « Ma
« Je pcnfe qu'il prouuera aufli que
confcience me rend tefmoignage qu'il l'Eglife a elle deuant le temps de
n'y a nulle affedion humaine qui m'ait Chrill. .1 Ph. « Quand ie l'auroi fait,
incité , mais ie n'auroi rien dit contre la vérité.
fait faire ces vne crainte
chofes. de Dieuie m'a
Autrement fe-
roi le plus fol homme de tout le Car il ell bien certain qu'il y a eu
Eglife deuant Jefus Chrill, laquelle
monde , fi auec la perte de tant de fait vne feule Eglife catholique ; &
I
commoditez que ie pourrois obtenir pour prouuer ma foi i.^ mon Eglife ,
en ie ne prendrai autre fondement que
fur cemoimonde, i'attiroi quanddernière.
vne condamnation vS: quand»
vollre reigle tant vfitce , alVauoir de
Le Ch. « Vous n'en elles pas fi af- l'ancieneté , vniuerfilité & vnité. >■
feuré que ne puifliez élire deceu. » Bo. « Auifez, comment il ell impu-
lufqucs ici dent en fes menfonges. S. Cyprian
Bo. » Puis qu'on ne vous peut Hef-
I
Philpot cfl chir par douceur ne par raifons quel-
trailij par dif-
pules diucrfcs
conques ie
, procéderai contre vous ytefmoigne ouuertement
ait vn Pontife qu'il, auquel
fouuerain faut qu'ilil
louchant la de mon authorité & félon mon office. ell conuenable que tous les autres
dodrine. Efcoutez donc les articles que ie vous
obeilTent.
aucun chefMais
ne ceux-ci n'aprouuent»
vicaire vniuerfcl.
reciterai, car l'ordonne que vous y
refpondiez. » Sur cela, il tira vn pa-
pier de fon fein auec diuers articles Ph. a S. Cyprian ne dit pas qu'il foit
necclTaire d'auoir vn vicaire gênerai,
efcrits contre moi. Et après qu'il les car il me louuient qu'au hure de la
eut recitez, il me commanda de ref- limplicité des Prélats, il parle en celle
pondre par ordre à vn chacun. Ph. façon : 11 y a vne feule dignité Epif-
« Monlieur, ce billet contient deux copale, de laquelle vn chacun feul &
principaux poinds. Le premier ell que pour le tout tient vne partie. » Bo.
ie fuis de vollre iurifdidioii , iS: pour- u Qu'on apporte ici S. Cyprian : vous
tant vous pouuez , félon vollre office , verrez que ce lieu-la fait du tout contre
intenter procès contre moi , touchant vous. » Incontinent le dodeur Chadfé
les herelies defquelles ie fuis foup- apporta le liure, & monllra le lieu en
çonné. Mais quant au premier, vous l'epiflre efcrite à Corneille, qui elloit
fauuez du contraire , d'autant que la pour lors Euefque de Rome. Voici
prouince de laquelle ie fuis napar- prefque toute la fomme des paroles :
tient point à vollre iurifdidion. Quant
Là où on n'oblcm^crc point au sacri-
au fécond, que i'ai abandonné l'Eglife ficalcitr tic Dieu , ilauec
bonne conucnancc n'y a Ipoint
Egliseaucune
, &c.
&vous
la foi
fauez en laquelle i'ai elle en
que ie perfille baptizé
cefte, Ph. « Monlieur le dodeur prend mal
mefme Eglife & continue en la foi ca- le palTage de S. Cyprian; car par ce Le lieu de
mot de Souuerain Prellre ou Sacrifi- S. Cyprian
tholique en laquelle i'ai elle baptizé. » ciim bcnc
Non Ecctcfia
iUi
Bo. « Au diocefe de qui cHes-vous cateur, iln'entend pas Patriarche
l' Euefque de
maintenant.' dites-moi.'» Ph. « Je ne Rome, mais vn chacun en
peux nier que ie ne fois maintenant fa iurifdidion. Comme de fait il y agilur, vbi
détenu en vollre Charbonnière , le- Saccrdcli noi
auoit en ce temps-la quatre Patriar- Jummo Dei
quel lieu e(l dedans les limites de obkmpcratur
vollre prouince , & toutesfois ie ne ches qui elloyent conllituez fur l'Eglife
en gênerai. Et lors efcriuant li Cor-
fuis point de vollre diocefe. Quant au neille, ilentenduit de foi-mefme fous
fécond , ie fai profeflion encore à ce nom de Souuerain Prellre , comme
prefent de la melme foi A Eglife ca- ainli foit qu'il full Primat de toute
I. Tini. ). ç. l'Afrique, l'on authorité comniençoit
Chrilt éic latholique, qui ell l'Eglife
colomne de Jefus
éi: fermeté de la en ce temps-la à élire mefprifee des
vérité. i> Bo. « Vos parrains fuyuoyent hérétiques. Se plaignant donc de cela
bien vne autre foi que celle de laquelle par fes lettres à Corneille, il alTerme
vous faites maintenant profeflion. » que l'Eglife ne peut élire deuëment
Ph. « Mais ie n'ai point elle baptizé adminillree au lieu où on n'obtempère
en la foi de mes parrains qui ont fait fJoint à lauthorité du fouverain pre-
la promelTe pour moi , ains en la foi at , félon la difcipline & ordre de
de Chrill & de fon Eglife. » Bo. t Com- l'Efcriture, le iugement du peuple &
bien de temps a duré celle vollre le confentement de fes compagnons
557
JEAN PHILPOT.
LIVRE SIXIEME.
J58
propoferai Eufcbe , par lequel vous Apoftolique par la mefme pureté de
conoiflrez facilement tout le con-
dodrine qu'iceux ont laiffee .- Que fi
traire. »Il s'en alla donc en la librai- vous le pouuiez faire, vous auriez iufle
raifon de vous vanter de ce fiege.
rie de l'Euefque Boner, & apporta le
liufL- d'Eufebe ; mais il n'apporta pas Mais puis que vous ne le pouuez
les Conciles généraux , fe couurant faire, ceflc raifon ne vous peut non
de cefte excufe, qu'il ne les auoit peu plus profiter, que H le Turc tenoit fon Comparaisi
trouuer. Apres auoir bien fueilleté Eu- fiege à Antinche ou en lerufalem, &
febe, il ne peut monflrer le palTage , propres,
mais fe retira. Le Chancelier dit : cependant qu'il fe vantafl du- titre de
fiege Apofiolique, pource que les
« Vous voyez que tous les autres de
ce royaume font contraires à voftre Apoflres y auroyent conuerfé autres-
fois. Or quant à ce que le concile de
opinion. Et comme fe fait cela que
vous vous oppofez feul à tous ? » Carthage, par lettres efcrites à l'Euef-
Chad. adioufla : « le deflreroi que que Innocent, defiroit fon confente-
ment pour reprimer les Donatiftes,
portiffiez plus de reuerence à l'Eglife cela ne fait non plus à maintenir la
Romaine. Quedirez-vous, fi ie produi primauté du Pape , que fi ceux qui
vn pafTage d'vne Epiflre de faind Au- ont efté aft^emblez en noftre congréga-
guflin, tion enuoyerent des lettres à vn autre
auquel qu'il
tout efcrit au Pape
le concile de Innocent,
Carthage Euefque touchant certains articles ,
donne le premier lieu à l'Eglife Ro- defquels ils confentilTent entr'eux , le
maine .>» Ph. < Vous ne pourriez. » requerans que lui auffi y donnaft con-
Il apporta le Hure & monflra bien
fentemen&
t , qu'il procuraft que le
I
l'Epilire , mais il n'en pouuoit tirer fait fuft auffi publié en fon diocefe. Et
aucun argument pour prouuer ce qu'il ceft Euefque n'a point pour cela au-
vouloit dire . ex<!epté quelques con- cune occafion de s'attribuer quelque
iedures. Le Bachelier. « Vo^is voyez chofe par deffus les autres , aiTauoir
ici comment tout le concile de Car- de ce que les Frères le requièrent de
confentir auec eux. Il en faut autant
thage cfcriuant à l'Euefque Innocent,
appelé l'Eglife Romaine Siège Apof- pcnfer de ceft ordre continuel déduit
tolique. D'auantage, ils efcriuent des par S. Auguftin , lequel ne prouue
chofes qui furent fiiites en ce Con-
cile, & des Donatiftes qui auoyent nullement que Rome foit l'Eglife ca-
tholique, finon que vous vueilliez faire
erté condamnez , requerans auffi fon vne autre conclufion que S. Auguftin,
confentement en ce mefme fait. Et , car ce récit de fucceffion tendoit à ce
comme but , de prouuer que les Donatiftes
ainfi faitie, penfe,
fans duils tout
ne l'eulTent
eftimer point
certe
Eglife plus haut efleuee que les au- font hérétiques , d'autant qu'ils fai-
tres. Et il y a plus, que de là on peut foyent Eglife,
autre tout leur
tant effort
en la d'inftituer
ville de Rome vne
facilement iuger comment, félon l'auis qu'en Afrique,
ou S. Paul auoitqueinftituee,
celle queou S.quelque
Pierre
de
va faind
deuant Auguflin toutes ,lesl'Eglife
autres Romaine
, quand
icelui déduit la fucceffion continuelle autre de leurs fuccen"eurs, lefquels
icelui raconte par ordre iufques à fon
des Euefques d'icelle iufques à fon temps. Que (i vous autres pouuez
temps, comme nous fuifons auffi en- nionftrer par ceft ordre & longue fuc-
core auiourd'hui découler certe mefme ceffion, delaquelle vous-vous glorifiez
fucceffion iufques à noflre temps. Par- fi hautement , que rien de cefie doc-
quoi de cefl argument de fainâ Au- trine de laquelle nousfaifonsprofeffion
guflin, nous concluons que l'Eglife n'a ianiaiscelTeursefté receuë
de faind par aucuns
Pierre fuc-
& de faind
Romaine efl la vraye Eglife catholi-
que, n Ph. € Monfieur le Dodeur, Paul, il fe pourra bien faire que voftre
vous prenez les paroles de S. Auguf- arraifonnement aura quelque appa-
rence. » Le Chancelier de Londres
tin bien loin de fon intention : l'ap-
dit au Dofleur Chadfé : « Vous voyez
pelant Siège Apoflolique , s'enfuit-il
qu'elle eft l'Eglife catholique .' De que nous ne profitons de rien. II
confeflTer qu'elle eft fiege Apoftoli- refte donc que nous efpluchions les
que , au regard de S. Pierre & de articles qui nous ont efté commis par
S. Paul , qui en ont eftd- les premiers l'Euefque contre lui. Monfieur Phil-
fondateurs , que feruira-il , finon que pot, quelle refponfe faites-vous à ces
vous monftriez en ceux que vous vou- articles.' Et vous, monfieur Joanfon ,
lez dire leurs fuccelTeurs , vn (îcge efcriuez diligemment & enregiftrez ce
JEAN PHILPOT. 359
qu'il refpondra. « Ph. « Monfieur le mefme claréqu'on fait bien qu'il s'eft dé-
mon ennemi , à caufe que moi
Chancelier,
fance vousinquifition
de faire n'auez pasdecefte
ma puif-
foi ,
eftant parauant Archediacre, ie l'ai ex-
par laquelle vous me puiffiez con- communié, pource qu'il auoit peruer-
traindre de refpondre à ces argu- fement reprouué la Doftrine. Finale-
mens que vous auez maintenant pro- ment, file Seigneur lefus a efté tenu
pofez. Car ie ne fuis point de la pour vn homme infenfé , il ne fe faut
iurifdidion ou diocefe de l'Euefque efbahir fi on m'impute vne telle frene- Calomnie de
de Londres, comme lui en ai ref- fie. » Bo. « J'ai entendu qu'on vous
a enuoyé vn cochon rofti, qui auoit Boner.
pondu. » Le Ch. « Puis qu'ainfi eft, vn coufteau caché dans le ventre ; ie
allons nous-en donc , & que le Geô-
lier le remene. » ne fauroi dire à quelle fin il eftoit mis,
Boner con- ou fi c'eftoit pour vous tuer vous-
tinue en fes Le lendemain matin, l'Euefque en- mefmes, ou pluftoft pour me tuer.
frenefies. uoya vn de fes eftafiers pour appeler
Car il y en a alTez qui m'auertiffent
Philpot , a celle fin de le mener à la que ie me donne garde de vous au-
chappelle de l'Euefque tres, mais ie fai peu de cas de tous
Meffe , mais ce fut enpour y ouir
vain. Ceftela vos efforts. » Ph. « Je ne puis nier
procédure fut menée à tant de petites qu'on ne m'ait enuoyé vn coufteau
circonflances que rien plus ; & quand dedans le ventre d'vn cochon rofti
l'Euefque Boner voyoit d'vn cofté pour couper la viande, mais cepen-
qu'il foudain
ne protitoit de autre.
rien , ilIlfelui
tour- dant ie puis bien dire que ie ne fai
noit fur vn dit
qui l'a enuoyé, ni à quelle fin , finon
ceci, après plufieurs propos : « Mef- que celui qui m'enuoya la viande ,
fieurs les Euefques me reprenent ,
Philpot , de ce que ie ne vous ai fait penfaft que ie n'eufl'e point de couf-
teau. Et ne faut point que vous crai-
mourir pluftoft. Et i'ai diligemment gniez qu'il y ait rien d'auantage, ne
procuré enuers monfieur le Cardinal que i'eufle penfé à quelque chofe
finiftre. «
& tous les autres qui ont efté en l'af-
Apres ces chofes , ie fu mené à la
femblee , qu'ils affiftaffent pour vous
ouir ; mais monfieur de Lincolne , y chapelle de ceft Euefque, en laquelle
eftant prefent , afferma que vous eftiez eftoyent
vn homme frénétique , qui vouliez monfieur l'Euefque
Mordant, de fainift Dauid
confeiller de la,
toufiours auoir le dernier mot. Tous,
Roine, & l'Archediacre de Londres,
di-ie, d'vne mefme bouche, me blaf- & auec eux grande troupe de telles
moyent de ce que ie vous ai publi- gens ( i ). L'Euefque de Londres fe print
quement produit tant de fois deuant à dire qu'en prefence de monfieur
luges fi excellens, pour défendre vof- fainél Dauid, & de monfieur Mordant
tre caufe, & qu'il n'y a rien que vous & des autres magnifiques & nobles
appeliez plus que faire valoir vn lan- feigneurs, il propofoit des articles ef-
gage ou babil en grande affemblee de crits en vn billet. Et les ayant leus,
gens, tant eftes-vous enflé d'vne gloire il dittreàcesPhilpot
infenfee. Il m'eft donc commandé d'y articles : vous
« Je demande
refpondiezqu'ou-
auffi
procéder d'vne autre façon. Et ie vous du Catechifme qui fut fait du temps
iure en bonne foi que , fi vous ne du Roi Edouard, lors que tout eftoit
vous changez de bonne heure , ie ne plein de fchifmes & diuifions. Item
vous amuferai plus longtemps. Mais que vous refpondiez à certaines con- Catechifme
au contraire , fi vous vous repentez & du temps du
acquiefcez auec nous autres , on vous clufions publiées au
fité de Cambrige & nom de l'vniuer-
Oxfort. Et voici
roi Edouard.
pardonnera tout le pafTé ; & tout ce ie propofe pour tefmoins deuant vos
que iufques à prefent vous auez dit yeux tous ces Seigneurs ici prefens ,
ou fait fera mis en l'oubli. » A quoi qui ont affifté à la difpute de cefte
Philpot dit : « Monfieur, ie vous ai àfi"erablee-la. » Il fe fit apporter vn
défia des longtemps déclaré quelle ef- liure pour les faire iurer de teftifier de
toit mon intention, e% ce que i'ai déli-
béré de faire. Et quant à la calomnie vérité. Le prefentant à monfieur de Nouuelle
faina Dauid, il lui dit : « Monfieur,
de monfieur With (i), Euefque de Lin- ie vous déclarerai vn fecret de droit pratique
Boner. de
colne ie
, n'en fai pas grand cas, veu
lequel , poffible, vous n'auez pas en-
(I) Philpot, étant archidiacre, avait ex- core oui iufques à prefent , afl'auoir
communié White pour fausse doctrine. (I) Ce fut ie huitième examen de Philpot.
LIVRE SIXIEME,
560
qu'entant que vous eftes Euefque , guftin, ou
entend de quiconque en foitdel'autheur'
la célébration la com-
aucz priuilege de iurer feulement
après auoir veu les Euangiles , fans munion &, du vrai vfage du Sacre-
les toucher. » Parquoi il ouurit feule- ment du corps & du fang de Chrift,
ment le liure deuant lui , & puis le
ferma. Mais aux autres il ouurit le &laquelle
non point de voftre
vous auez Men"e
mife en priueede,
la place
liure pour iurer en touchant delTus. & cefte communion. Car défia des le
Le mot de
fit inférer leurs fermens dedans les re-
gillres de fon Secrétaire. commencement,
efté accommodé ceà mot de Meft'e a,
la communion mode à la
voire entre les Pères de la primitiue communion
Il s'adrella puis après à monfieur du temps des
Cofin. pour examiner Philpot (1). Eglife , & fe peut faire que tous ceux Tc acom-'
MclPères.
Cofin , lifant l'efcrit que lui auoit qui chantent la MefTe, n'entendent
baillé l'Euefque , dit à Philpot : pas la vertu de ce mot. » Ha. <■ Vous
tt Quelle eft voflre opinion touchant penfez parauenture que ce mot de
le premier article? & quel e(l le dif- Meft'e vient du mot Hebrieu Massa,
férent debatu entre vous & monfieur
comme fi nul autre n'entendoit rien
r Euefque r » Ph. « Il efl fur ce point en Hebrieu que vous. » Ph. « Je ne
à fauoir fi voflre Meffe eft vn Sacre- fuis point fi mal auifé de déduire de D'où vient le
Cofin, image ment. » Co. « Si la MelTe efl vn
d'vn ridicule l'Hebrieu vn mot que i'eftimc Latin;
Sacrement r Et qui iamais douta de car Missa vient de Mitto, qui fignifie mot de MclTe.
SophiAe. cela } » Ph. « Si la chofe vous femble
enuoyer, d'autant qu'en ce temps-la,
certaine, vous n'aurez pas grand'peine quand on celcbroit la communion,
à la maintenir; car de moi, l'en fuis ceux qui efloyent richesconlribuoyent,
fort en doute. » Co. « Je le vous au- vn chacun félon fa puiflance, des
rai tantoft facilement déclaré , & en donfi & offrandes pouj fubuenir aux
bref, elle eft figne d'vne chofe facree; poures, recommandans au Miniftre de
il faut donc neceflairement qu'elle prier pour eux en la communion facree,
foit facrement. » Ph. « le nie l'anté- & qu'il receuft tels dons & oft'randes,
cédent. »Co. « Puis que vous le & les diftribuaft pour fubuenir à la ne-
niez , ie ne voi pas que nous deuions ceffité des poures frères & fœurs. On
plus argumenter contre vous, qui a appelé cela MisSA, pour cefte caufe,
niez les principes.» Cofin donc, cefte comme plufieurs gens fauans en ren-
refponfe faite , comme pofant le bou- dent tefmoignage. Et tous ceux qui
clier & les armes , quitta la place à affiftoyent à telle célébration de
Harpsfild (2), enuoyé par l'Euefque, Meffe , communiquoyent enfemble
le liure des Epiflrcsde S. Auguftin, auec fous les deux efpeces , félon la façon
lequel parla en cefle façon : « Mon- qui auoit efté receuë de Jefus Chrift,
L'Epiftre de comme nous lifons que cela a efté
S. Au^'ullin fieur l'Euefque enuoye S. Auguftin,
obicilee. afin que \«ous y regardiez, & principa- fait mefme du temps de fainft Auguf-
lement en l'vne de fes Epiftres , la- tin. Mais comment prouuerez-vous
quelle ie vous lirai maintenant depuis
le commencement. Vous y auez mani- que cefte voftre Meft'e s'accorde aux
chofes de ce temps-la , <& à ce mot
feftement la célébration de la MelTe, Missa, lequel S. Auguftin attribue à
& comment il reprend ceux qui vont la communion , finon que vous monf-
voler ou chalTer auant triez que maintenant on garde les
es iours de fefte & qu'ouïr Meft"e,
es Dimanches
mefmes vfages & obferuations en vof-
principalement. » Ph. « J'ai pris tre Meft'e, que iadis on obferuoit en-
garde au fens de l'Epiflre, & ne voi tre les anciens.' Or il n'y a rien plus
point que cela face contre moi , ne contraire en diuerfité d'obferuation. »
La Mellc des
qu'il feruc auffi de beaucoup pour le Ha. « Niez-vous que la Meft'e foit
Sacrement de voftre Men"e. » Ha. Sacrement, veu que mefme c'eft vn Papilles.
« Quoi } Ne fait-il pas ici mention de facrifice ? » Ph. « Appelez-la de tel
la Meft"e .' ne parle-il pas nuuerte- nom que vous voudrez, toutesfois vous
mcnt auffi de la célébration d'icelle ? ne pourrez obtenir que ce foit vn fa-
Pouuoit-on parler plus clairement ou crince , comme vous imaginez , que
plus manifeflement f >• Ph. « S. Au- premièrementCarne lemonftnez
Sacrement. facrificequ'elle eft
prouient
(1) Ceci appartient au neuvième examen. du Sacrement. <• Ha. « Ne font-ce
Cosins élan un chapelain de l'évtquc de
Londres. pas ici les paroles de Jefus Chrift :
(2) Le D' John Harpsfield. Voy. p. 114, Ceci eft mon corps.' D'auantage , le
supra. Preftre ne prononce-il pas les mefmes
JEAN PHILPOT.
paroles que Jefus Chrift a pronon- laquelle vous ne faites aucune men-
cées ?j) Ph. « Ce n'eft pas alTez qu'on tion. »
prononce les mefmes paroles, finon nion des
Apres cela, ce Preftre reprint cœur, De la commu-
qu'on les acommode au mefme vlage & commença à déduire fa raifon en Sacremens.
auquel Jefus Chrift regardoit. Ceci cefte forte : « Si le Sacrement de la
eft par forme d'exemple : Vous aurez Mefte n'eft pas autrement Sacrement,
beau prononcer les paroles du Sacre- finon qu'il foit diftribué à tous, d'au-
ment du Baptefme fur l'eau , neant- tant que Chrift a dit : Prenez , man- 56.
moins tout cela ne fait point qu'il y gez , on pourra dire par vn mefme
ait Baptefme, finon que quelqu'vn fe argument que le Sacrement du Bap-
tefme ne fera point Sacrement , veu
prefente auquel l'vfage du Baptefme
foit acommode. » Ha. « Ce n'eft qu'vn feul eft receu au Baptefme :
point raifon femblable , car quand il combien que le Seigneur commande
ait : Ceci eft mon corps , c'eft pour fes difciples en cefte façon : « Allez , Mattli. 28. 19,
monftrer vn fait prefent, & par cela eft
prefchez l'Euangile à toute créature ,
expliqué ce que Dieu y fait enuers la baptizans toutes gens au Nom du
fubftance du pain & du vin. » Ph. Père, du Fils & du S. Efprit. » Ph.
« Mais, monfieur , cela n'eft pas feu- « Ce commandement du Seigneur de
lement vne demonftration, ains il y a baptizer toutes gens ne regarde point
Les paroles auffi commandement exprès. Car celui au temps du Baptefme, comme fi, en
du Seigneur vn mefme inftant , il faloit que tous
fe doyuent qui a dit : Ceci eft mon corps , lui-
conioindre. mefme auffi a dit : Prenez, mangez. receuftent le Baptefme. Ce qui ne
Et pourtant fi la première partie de peut eftre nullement fait; mais fe ra-
la Cène du Seigneur ne refpond à
l'inftitution de Chrift , il eft bien cer- porte àcluanttoute forte d'hommes
nul du Bénéfice , n'ex-
de Chrift, foit
tain que cefte dernière : Ceci eft mon
corps , ne peut eftre acommodee à Grec ou luif. Et il y a tant d'exem-
ples de ceux qui ont efté particulière-
cela ; autrement vous prendrez la ment receus au Baptefme , comme
chofe au rebours. » Vn certain Pref- quand noftre Seigneur lefus a efté
tre parla fur ce, & dit : « Vous vou-
baptizé par Jean Baptifte, & l'Eunu-
lez donc, par ce moyen, que le Sacre- que par Philippe & autres infinis. Or
vous ne me fauriez mettre en auant
ment dépende
foit eftabli par deicelle.
la réception,
» Ph. «&Jequ'il
ne vn femblable exemple touchant le
di pas que le Sacrement foit conftitué Sacrement du corps & du fang de
feulement par la réception , mais il Chrift. Pluftoft nous oyons tout le
I. Cor. II.
» faut neceffairement qu'icelie foit ap- contraire en S. Paul , lequel dit qu'il
pliquée comme
, vne partie principale faut que plufieurs communiquent à ce
Sacrement : « Toutes fois & quantes
de ceft aôe-ci , fans laquelle il n'y
peut auoir Sacrement, laquelle vous que vous-vous affemblez pour manger,
omettez en voftre Mefle, outrepan"ans attendez l'vn l'autre, « &c. Joinft que,
l'inftitution du Seigneur. Parquoi ce félon les paroles de Chrift, le miniftre
que vous faites ne peut eftre appelé
y appelé toute l'affemblee de ceux
Sacrement , d'autant que les principa- qui font là prefens , difant : Prenez
les parties défaillent. » Co. « Nous & mangez. Et par confequent tous
ne reiettons perfonne, ains nous per- ceux qui ne s'adioignent à la commu-
mettons àchacun de participer aux nion, violent le commandement du
myfteresauec nous, s'il le demande. » Seigneur. Qui plus eft , le miniftre
Ph. « Mais encore qu'il le requière, cefTe d'eftre miniftre, comme ainfi foit
fi ne fera-il point permis. Et vous ad- qu'il n'adminiftre point le Sacrement
miniftrez feulement vne efpece contre à toute la compagnie des fidèles, félon
l'inftitution de Jefus Chrift. D'auan- l'exemple de Chrift. » Ha. <c Quoi
tage, auant que chanter voftre MefTe, donc ! ne conftituez-vous point de
il faloit admonnefter les autres d'affif-
ter là auec vous en bon nombre, tant Sacrement, finon qu'il y ait commu- Il n'y a point
de Sacrement
pour rendre grâces pour la rédemption Dieu nionme
?» Ph.
meine« La
là, parole
& quandexpren"e
& quandde
de Cène fans
falutaire du Fils de Dieu , que pour le confentement de tous les anciens communion.
communiquer aux myfteres, afin qu'ils Dofteurs. Chryfoftome , efcriuant fur
foyent faits participans auec vous, fé-
l'Epiftre
vain aux Ephefiens,
oblation dit : on
eft faite quand qu'en
ne
lon l'exemple de Chrift. difant : Pre-
communique point auec le miniftre.
tion nez,
de mangez. Il faloit
la mort du auffi l'annoncia-
Seigneur, de Si donc (félon Chryfoftome) tout ce
LIVRE SIXIEME.
n'auons efté par-ci deuant. » A la fin difputes fur plufieurs poinds de la titué dementfonde-
s'apuyc
de cefte difpute , Harpsfild , voyant fur l'orpucil
Religion,
que i*t leschampion
ce fidèle durs & longs afl"autsa
de Dieu
qu'il ne pouuoit foudre les abfurditez du monde : la
qui lui eftoyent mifes au deuant , fe fouftenus contre les plus grans du
vérité fe main-
ietta fur la puift"ance de Dieu , en di- royaume d'Angleterre. On peut de là tient de foi-
mefme.
manifeftement conoiftre quel fonde-
(I) Caressantes, flatteuses. ment ont les aduerfaires Romaniftes ,
JEAN PHILPOT.
363
& fur quoi eft apuyee leur religion conftitue pas vne feule marque de la
baftarde , alTauoir fur chofes du tout fucceffion des Euefques , de laquelle
vaines , inuentecs es cerueaux des vous faites votre fpeciale parade ; Des marques
hommes , aufquels ne défaillent me- mais il met & fait précéder l'vfage de l'Eglife.
naces & outraf,'es. Il y a quelque au- des Sacremens félon la pure couftume
tre examen (i) qui fut tenu contre lui le & forme de la primitiue Eglife; &
dernier de Nouembre , auquel prefi- puis adioufle la Dodrine vniuerfelle ,
doyent l'Euefque de Dunelme, nommé déduite depuis le temps des Apoftres
Cuthbert Tonrtal (2), vieil ennemi, iufqu'à fon temps, defquelles condi-
TEuefque de Ciceftre, de Bade, & de tions voflre Eglife eft par trop eflon-
Londres, le sieur Chriftoforfon (5), le gnee. » Les aduerfaires donc ne pou-
doéteur Chadfé , le fieur Morgan uans plus porter Philpot, ni la liberté
d'Oxfort , le fieur HalTe (4) legille, le de parler qu'il tenoit en fes refponfes
doéleur Wefton, l'Archediacre Harps- par tant de fois recelées, & efquelles
fild , le dodeur Cofin , & lonfon gref- il perfiftoit en fainfte hardieffe & con-
fier de Londres; mais, en effeô, le fiance ,conclurent finalement, auec
tout ne contient que redites & chofes Boner, Euefque de Londres (duquel
traitées auparauant, finon qu'on mit au le naturel eft ci deuant pourtrait au
deuant à Philpot d'auoir feduit par let- vif) , & tous enfemble foufcrirent à la
tres vn gentil-homme nommé Grené(>), condamnation d'icelui.
auffi prifonnier pour vne mefme caufe Or le principal des difputes ci de-
de l'Euangile. Il y en eut vn autre (6), uant dites a efté recueilli des propres
fait le quatriefme de Décembre , du- efcrits qu'il a lailTez par mémoire, ce-
quel les iuges furent les Euefques de
Londres , de Wigorne , de Bangore , pendant qu'il eftoit détenu. Et com-
bien tel
dites en que toutes
ordre ouchofes n'ayent
en telle forme efté
de
& quelques autres, qui par grans alle-
chemens & promeffes de pardon de la
Roine tafcherent de deftourner Phil- paroles que lors qu'il eftoit enuironné
comme d'vne groÂTe bande d'ennemis,
pot. Et pour le dernier (7), il fut fpe- abayans tant de fois de toutes parts
contre lui, neantmoins les mefmes en
cialement aflfailli fur la queflion qu'il
auoit traitée auparauant alTauoir fi de fubftance ont efté tenues en la procé-
l'Eglife dépendIl leur
l'authorité dure, dont on pourra recueillir de bon-
role de Dieu. monftra de la pa-
viuement
nes dodrines, & conoiftre l'efprit & le
en ce vndernier naturel de plufieurs, fpecialement de
auenu cas de an"aut qu'ilfemblable
difficulté leur eftoità
Philpot, qui eftoit fauant & exercé aux
Comparaifon
celle qui auint du temps du roi Salo- faindes lettres. lean Balee au Hure
des deux
femmes que mon en deux femmes, defquelles l'vne, qu'il a fait des&Efco(Te(i),
hommesrendilluftres d'An-
iadis iugea voyant fon fils eflouffé, fe voulut fauf- gleterre tefmoignage
Salomon. de plufieurs Hures efcrits par lui , qui
fement vfurper le fils de l'autre. Et
quand ces Euefques delTus nommez , demonftrent affez les grâces excellen-
pour obtenir caufe gaignee, lui eurent tes & admirables dont il eftoit doué ,
pour lefquelles vne grande partie de
ï
amené de S. Auguftin , qu'il y auoit
quatre principales marques pour bien la nobleffe d'Angleterre tafcha de lui
fauuer la vie , voire & le colloquer
difcerner l'Eglife, alTauoir le confen-
tement de plufieurs nations , la foi aux honneurs, s'il euft voulu quelque
des facremens anciennement receus peu diffimuler. Qui fut caufe de fa
des Pères, la fucceffion des Euefques longue détention es prifons, & que
& rVniuerfalité, il leur monftra qu'ils ces interrogatoires lui furent fouuent
n'eulfent feu amener tefmoignage plus réitérez. Le Seigneur le fortifia fi bien
certain ni plus clair pour aprouuer la qu'il n'y eut ni promeflfe, ni tourment,
vraye Eglife de laquelle il fe difoit
ni menace de mort cruelle qui l'ait
membre. «Car, dit-il, S. Auguftin ne peu diuertir de fon but, qui eftoit de
i
feeller & confermer par fon fang la
(i) Ce fut le onzième examen. Voy. édit.
de 1Ç64, p. 768. dodrine tenue.qu'il auoit finalement
Il fut donc auparauant bruflé
main-
(2) Voy. la note de la p. jlj du t. I.
(;) Christopherson. vif à Londres, le 18. iour de Decem-
14) Hussey.
(;) Green.
(6) Ce fut le douzième examen. Voy.
édit. de 1564, p. 775. (i) John Baie. Voy., sur cet auteur et son
livre Scriptûrum lUustrium Britminiœ Cata-
(7) Treizième examen. Voy. édit. de IJ64, logus, la !"■■ note de la i" col., t. I,
p. 777-
p. 212.
î64 LIVRE SIXIEME.
7 TV
eftoit fi bien que , certain temps après , il fe
bre de l'an i^ç6. (i) qui <Q^
l'année 44. de fon aage (2). mit en chemin pour vifiter la France ,
& communiquer vn threfor ineflima-
r^i; ble de la grâce du Seigneur, pour re-
tirer, fipoffible
fer ceux eftoit, du Mais
qui periffoyent. gouffrecomme
d'en-
Satan ne dort iamais , & a les fiens
Iean Rabec, de Normandie (3).
qui fouflienneni fon faiél par fon Lieu-
D/t"u a voulu que ce Martyr ait rendu tenant l'Antcchrift, ce bon perfonnage
ample con/efjlon de fa foi deuant le ne fut pas long temps fans eflre def-
couuert. Et mefme après auoir efté
prince de la Roche Suryon, & au- au pays de fa naiffance, y ayant fait
tres au pays d'A niou , pour les ren- plufieurs exhortations de grand fruid,
dre inexcusables quand ils voudront
faire bouclier de leur ignorance. retourna en la ville d'Angiers (1), &
en certaine compagnie tenant propos
de la parole de Dieu, on lui mit en
Iean Rabec, natif de Cerifymon- auant plufieurs queftions. Et entre
pinfon (4), en Normandie, au diocefe
de Confiance, autres, affauoir fi S. Pierre n'auoit
frères mineurs fut
en iadis de l'ordre
la ville de Viredes; pas chanté Meffe. A quoi il fit fi
mais par quelque gouft de la vérité, bonne
lieu, il refponfe qu'auant
rendit confus que partir
la plufpart du
de fes
ayant conu que le train abominable ennemis. Par le confeil de fes amis, il
de telle fefte eft direftement contre la
volonté de Dieu, fe retira es lieux où partit d'Angiers pour faire vn voyage
rEuanf:;ile eft purement annoncé fans en fon pays, prenant fon chemin par
Chafteau-gontier, diftant de huit lieues
meflinge d'aucunes inuentions Papa- de ladite ville. Auquel lieu , deux ou
les. Il vint demeurer à Laufanne pour
trois iours après , afiauoir le premier
le as
grand
faindesdefir qu'il
lettres en auoit de profiter-
cède efchole, en d'Aouft, is?5. ainfi qu'il lifoit le liure
laquelle les feigneurs de Berne lui des Martyrs (2) en prefence de quel-
donnèrent penfion annuelle pour va- ques perfonnes du logis, fut arrefté pri-
fonnier par les officiers de la ville eftans
quer à l'eftude, & pour en faire profit à ce faire incitez par vn fergent voifin
à l'auenir. Etide faiél il s'y employa
de Premièrement
ladite maifon, qui
les l'efcoutoit.
officiers du lieu
(1) C'est KÇÇ qu'il faut lire , et non i<56.
Dans l'édition de 1564, Crespin avait mis : l'interroguans , il ne leur refpondit
« en l'an m.d lvi; >> dans les éditions sui- rien, combien que de ce faire ils l'im-
vantes, ila complété cette date, mais en
laissant subsister l'erreur de millésime. portunaffent,
timoit d'autant
fes iuges. qu'il dequoi,
Au moyen ne les ef-
le
(21 Ce fut sur la place de Smithtield , à
Magiftrat d'Angiers, fuperieur dudit
montés sur oùle bûcher
Londres, tant d'autres
, que martyrs étaient
Philpot souffrit
le martyre. En arrivant sur la place, il lieu, eftant aduerti, s'y tranfporterent
le Lieutenant criminel . l'Aduocat du
s'agenouilla et dit : " Je rendrai mes vœux
au milieu de toi, ô Smithlicld. » Arrivé au- Roi, ledudit
autres Promoteur
Angiers, de l'Euefque,
lefquels arriuez,&
près du bûcher, il baisa le bois et dit :
11 Aurais-je honte de soulîrir sur ce bûcher, interroguerent Rabec. & le trouuans
quand monmoiSauveur
frir pour n'a if;nominicuse
la mort pas refusé de desouf-la perfeuerant en fes refponfes , ils
croix. -i)|Aprés avoir récité les psaumes CVI, l'amenèrent à Angiers où il fut mis
CVll et CVIII , il distribua aux soldats l'ar- prifonnier au chafteau ; mais d'autant
gent qu'il avait
au bûcher, sur flammes
et les lui. Puisconsumèrent
le feu fut son
mis
que de
eflé fes cefte
refponfes
fede portoyent qu'il auoit
des Cordeliers , fut
corps. Un modeste monument marque la
place où Philpot et tant d'autres martyrs tranfporté es prifons de l'Euefque,
soutTrirenI pour la cause de l'Evangile et de
la Réformation, et une église commémora-
pour lui faire fon procès , où il de-
meura longuement, efquels lieux il fut
tive a été élevée en souvenir d'eux à quel-
que distance.
(;) Cette notice a paru, pour le première (1) Voy., sur les commencements de la
fois , dans la Troisième partie du Recueil des Réforme & Angers et sur les premiers mar-
Martyrs
de (I5U>), p.notables
modifications 272- joç. dans
Elle n'a
les pas subi
éditions tyrs qui y confessèrent l'Evangile, le t. I .
p. Ç27 , et Bèze, t. I, p. jO.
subséquentes du Martyrologe. Voy. édil. (2) il s'agit sans doute de la première édi-
de IÇ'>4, p. 781 ; édit. de 1570, (• 408. Voy. tion, celle de t<54, qui, sous son format
aussi l'Hisf. ecclés. de Th. de Bèze, t. I, portatif, circulait parmi les réformés de
France, et les encourageait à la fidélité.
p. 6}. Rabec avait dû en apporter de Suisse un
(4) Aujourd'hui .Cerisy-la-For6t, ou l'Ab-
baye, arrondissement de Saint-L6 (Manche). exemplaire.
JEAN RABEC. 365
par plu fleurs perfonnes, & à diuerfes intercéder pour nous, ce feroit la def-
fois, interrogué de fa foi, comme il
honnorergrandement, d'autant qu'elle
apert ne voudroit iamais rauir l'honneur
efcritespar& fes(ignées
confeffions qu'il a depuis
de fa propre main , apartenant à fon Fils , comme on le
& les auons ici inférées. void au faid contenu au fécond chap.
de faind lean. » Interrogué derechef
s'il ne la faut donc pas prier pour in-
tercéder pour nous. R. « lefus
RefponJ'cs JomniairesquideontIcan Rabec Chrift a acheté afl'ez chèrement ceft
aux interrogations ejîé faites, office, & partant il lui doit demeurer,
fans le transférer à la Vierge ni aux
fous ombre de s'enquérir de Ja foi ,
tant par les iuges & officiers de Chaf- autres Sainds. » Interrogué par mon-
teau-gontier & d'Angiers que par les fieurde Pont pierre, en la prefence du
preflres, doàeurs, & tous autres qui Prince de la Roche-Suryon (i) : " Ne
fe font prefente^ pour le fonder ou
croyez-vous pas qu'elle ait efté con-
confuter en ladite pille d'Angiers. Et ceuë fans péché originel .'' » R. « Elle
premièrement : a efté conceuë en péché originel
comme les autres, ce qu'on prouue
De l'intercef-
fion des Enqvis, ne croyez-vous point qu'il par plufieurs palTages de l'Epiftre aux
Sainfls. faille prier les Sainds, alin qu'ils in- Rom. 3. & 5. chap. 7, On m'amena le
tercèdent pour nous .^ le Rabec , fa- 4. chap. des Cantiques de Salomon :
chant qu'ils entendoyent parler des le refpondi
Sainds trefpaffez , refpondi que non , iamais parler que
en ceSalomon
liure de n'entendit
la Vierge,
d'autant qu'ils n'ont plus aucune com- mais qu'il s'expofe communément de
munication auec nous , & n'oyent nos lefus Chrift & de fon Eglife. D.
prières, ni ne voyent ce que nous fai- a Son fils la pouuoit preferuer de pé-
sons; bref, que ie ne conoid'oi autre ché originel, ce qu'il a fait ; autrement
Moyenneur, IntercelTeur, n'Aduocat, il l'auroit defhonnoree. » R. « 11
que lefus Chrift, d'autant que lui feul pourroit auffi bien mettre ludas en
nous eft propofé tel en la fainde Ef- Paradis, ce qu'il ne fait pas. » Je di
Gen. 40. criture. Quant aux Sainds qui font d'auantage à celui qui debatoit contre
lob 42.
furuiuans, ie croi qu'ils prient les vns moi,nir à pourtant qu'il: «cuidoit
force de nier tout obte-
Vous auez, pour
laq. 5. pour les autres, & font tenus de ce
fondement de voftre dire, vne raifon
faire, d'autant que l'Efcriture le com-
mande, & que nous auons plufieurs
fondée au cerueau humain, & moi l'ai
exemples en icelle. D. « Les Sainds la parole de Dieu ; auifez lequel eft
le plus fage , Dieu ou vous , & plus
voyent nos oraifons en l'effence Di-
uine A au "Verbe. » R. « Cela eft vn certain, fon iugement ou le voftre. » Et
ce fut dit auec quelque véhémence ,
dire Scholaftique, qui n'eft receuable,
d'autant qu'il ne fe peut prouuer par tellement qu'il demeura comme ef-
l'Efcriture. » D. « Puis que les tonné & confus. l'ai auffi dit que cefte
Sainds cependant qu'ils eftoyent en eft la caufe pourquoi lefus Chrift a
celle vie prioyent pour les autres , par
efté conceu par l'opération du Saind
plus forte raifon depuis qu'ils en font Efprit , fans femence d'homme , affa-
dehors en gloire , d'autant qu'ils font uoir afin qu'il fuft.fans péché ; mais fi la
confermez en plus grande charité. » Vierge auoit efté conceuë fans péché,
R. « Combien que l'antécédent foit de là s'enfuiuroit que Chrift feroit
vrai, affauoir qu'ils prient les vns pour venu en vain en fon endroit , d'autant
les autres cependant qu'ils viuent , qu'elle auroit efté idoine pour faire
toutefois le confequent eft faux, d'au- chofe agréable à Dieu , & n'auroit eu
tant qu'il ne fe peut prouuer ne con- befoin d'autre fatisfadion pour elle.
fermer par icelle. » D. « Que
Dont derechef s'enfuyuroit que lefus
fentez-vous de la vierge Marie.'' Ne Chrift ne feroit point vniuerfellement
De la vierge
Marie. croyez-vous pas qu'il la faut prier pour
intercéder pour nous.^ » R. « le croi
que la vierge eft bien-heureufe , & (i) Cliarles de Bourbon-Montpensier ,
femme bénite entre toutes les autres ; prince rablede la Roche-sur-
àla Réforme, Yon,un d'abord
devint des chefsfavo-
du
&du que de fa fubftance,
S. Efprit, par l'opération
elle a conceu & enfanté
parli catholique et l'un des lieutenants des
Guise. Voy., sur ce prince, Th. de Bèze ,
Hisl. ecclés., t. I, p. iu8, 101, 224, ;/;, jgj,
lefus Chrift, demeurant entièrement
495, 517. S'JO, 620; t. U, p. 78, 86, 162, 2J4,
vierge. Mais quant à l'inuoquer, pour 4î8, 4Î9.
LIVRE SIXIEME.
î66
Rédempteur , quant au regard mefmc Ion la chair,
cheurs en euxmais félon l'efprit.
mefmes, comme »ditPé-
S.
des eficus. Ce qui eft manifclk-ment
contre l'Efcriture. comme pouuons lean:» Si nous difonsque nous n'auons , igan i.
voir par toute l'Epiftre aux Romains, point de péché , nous-nous deceuons
l'ai ait aufll que ie feroi plus d'ertime nous-mefmes, & vérité n'eft point en
en nous. « Ce que monftre bien S. Paul
du propos
de Dieu , d'vn
que enfant
du refteayant
de latout
parolele
par
D. " toute
Il ne l'Èpiftre aux Romains.
nous apartient point de
monde ne l'ayant pas. Et ce pourtant
nous mettre du reng de S. Paul i!t
qu'à tous <S
multitude propos on m'alle},'uoit
les Pères; la
à quoi ie di des autres Sainds. » R. « Nous de-
que les Pères font à imiter en ce uons & fommes tenus d'eftre de telle
qu'ils ont fuiui le confeil de Dieu, & dùdrine
de mefme, foi & confeffion
afieuranee qu'eux
de noflre ,&
falut.»
non autrement, comme pouuons enten-
dre par cepoint
palTage d'Ezechiel : « Ne D. M Ne croyez-vous pas qu'il y ait Du Purga-
toire.
cheminez es commandemens de vn Purgatoire, où vont les âmes des
vos pères, & ne gardez point leurs iu- trefpairez ; mefmement de ceux qui
gemens, & ne foyez polluez en leurs meurent en grâce- « R. « le ne croi
idoles. le fuis le Seigneur vollre Dieu, autre Purgatoire que le fang de lefus
cheminez en mes commandemens ,
Chrift.» On m'a fort inculqué & mis en
gardez mes iugemens , & les faites. » auant ce palfage : « Il fera fauué
Par occafion , i'adiouftai qu'on abu- comme par le feu. » A quoi ie ref-
foit grandement & de long temps en pondi, que Feu en ceft endroit eft pris
la commune manière de parler de ce pour examen. Item, que S. Paul ne
Le mot de fait point là mention du Purgatoire,
Sain£l. terme
Sainds Saind , en, comme
trefpalfez l'apropriant
ainfî aux
foit pour lequel ce terme Feu fe trouuaft
que l'Efcriture le prene communément prins en l'Efcriture, félon leur intelli-
pour tous lideles , comme pouuons
gence :ce qu'il faudroit monftrer, pre-
voir par lementtoute l'Efcriture, & principa- mier que leur expofition fuft receua-
es Epiflres de S. Paul, & aux ble. Vn gras Cordelier. gardien du
Ades 9. chap. Ce propos fembla ef- conuent de cefte ville, en l'afTemblee
trange, à raifon dequoi me fut dit que des Preftresii dodeurs, m'allégua auec
nous ne pouuons eftre dits Sainds ne grand'audace, & comme penfant bien
fandifiez durant cefte vie. R. « Que besongner, ce palTage : « Sanâa & fa- 2. Macch. 12
fi, comme il appert au commencement lubris ejl co^itatio orare pro de/unâis,
de la première Epiftre aux Corin- ut à peceatis foluanlur. » Auquel ie
thiens, où il cft dit : Paul, appelé refpondi autant hardiment, difant :
Apollre de Icfus Chrifl, par la volonté a le mefbahi comme vous prenez con-
de Ùieu , & Sojîhencs nojhc frère , à firmation de voftre dire en vn Hure
l'Egli/c de Dieu cjui ejl en Corinthc , Apocryphe. « Il me répliqua, difant :
<i II eft approuué de l'Eglise. » R.
aux Janciijlci
U\ Sainêls par tous
, atiec le/'usceux
Chriji
qui, appe-
inuo- «auec
Voire
les bien
liuresquant à ce qu'il mais
Canoniques; conuient
non
quent le Nom de nojlre Seif:;neur lej'us
Chriji , etc. » D. « Ce feroit pre- pas quant aux autres chofes qui dif-
fomption de penfer cftre iufles cepen- cordent , comme eft ce palTage.
dant que nous fommes en cefte vie , D'auantage , que la fin de ce liure
& nul de nous ne peut ertre dit tel ,
monftre bien que le S. Efprit n'en eft
tandis qu'il y e(l. » R. « Que fi , pas l'autheur, car icelui Efprit ne
comme il aparoit de Zacharie & Eli- parle point langage defedueux, ains
Luc I. zabet , defquels il eft dit en S. Luc : eftablit & met en auant dodrine cer-
c Et eftoyent tous deux iuftes deuant taine & véritable, qui ne fe peut re-
Dieu , cheminans irrepreheiifiblement trader, & dont il ne fort abfurdité
en tous les commandemens & iurtifi- aucune. »
Interrogvé que ie fentoi de
cationsdu Seigneur. » le leurdid'auan-
tage , quecheurs.les fidèles font iuftes & pé- l'Eglife,
Romaine m'inculquoyent
. me cuidans faire fort l'Eglife
acroirc De l'Eglife.
Iuftes en lefus Chrift, en tant
que la ,iuftice d'icclui qu'elle fuft l'Eglife catholique. R. « le
modee & que leurs leur efl ,acom-
fautes pour croi qu'il y a vne Eglife vniuerfelle, qui
l'amour de lui, ne leur font imputées, eft la congrégation de tous les fidèles
Rom. 8. efpars par tout le monde, en quelque
comme dit S. Paul : « Il n'y a nulle
condamnation à ceux qui font en le- lieu ou place qu'ils foyent conioints
fus Chrift, qui ne cheminent point fe- & unis, non point par les liens corpo-
JEAN RABEC.
367
rels, mais par foi & efprit, laquelle eft qu'il leur bailla commandement d'aller m.d.lm.
conduite « fe gouuerne par le S. Ef- prefcherdire,
l'Euangile.
prit & la feule parole du Seigneur. vouloit que ceuxEt qui
par croiroyent
ce il leur
l
LIVRE SIXIEME.
}68
rédemption, A ert vn autre crucifie- corps du pain & du vin ; de laquelle
ment d'icelui Icfus Chrifl, d'autant Cène ie nie qu'il foii fait mention per-
qu'on la tient pour f;icrifice, combien tinente en la MelTe, d'autant que l'inf-
que lefus Chrill ait mis fin à tous les titution
facrifices de la Loi par fa mort , & a obferuee de, mais lefus du
Chrill
toutn'ycorrompue.
ell en rien
efté le dernier des facrifices, fin & MoNSiEVR du Bois, iuge criminel,
confommation de tous iceux, durant me demanda comme elle fedeuoitdonc
perpétuellement; par lequel il a plei- faire. le di deuant toute l'alfemblee ,
nement fatisfait pour nous à Dieu fon qu'en la manière qui eft exprimée au
Pare. 26. de S. Matthieu, & 11. de la pre-
Interrogvé par le fieur Pierre- mière aux Corinthiens. Il me de-
port, homme de grand fauoir en répu- manda derechef, que ie leur difTe la
tation, mais ignorant du tout de la
manière; mais, penfant que ce qu'il
vérité, en prefence du prince de la en faifoit n'elloit que par curiofité, &
Roche-Suryon , & grand nombre de auffi que les affillans ne pourroyent
preftres & gentils-hommes au chaf- prendre le loifirde m'efcouter, ie n'eu
De la prefence teau : « Ne croyez-vous pas, » dit-il, courage de me mettre à leur en par-
corporelle. « que lefus Chrill foit corporellement ler. Toutefois, monfieur du Bois me
entre les mains du Prellre , quand il prelfa tellement, ûue ie me prins à
leue l'hoftie .' » R. " Non, mais ie croi leur reciter, le plus fommairement
qu'il eft au ciel affis à la dextre du qu'il m'eftoit
comme poffibleà ,Laufanne.
on la faifoit la manière
Et
Père, d'où il viendra iuger les vifs &
les morts, comme il efl dit au Symbole ainfi, en peu de temps, ie leur en ex-
Aaes I. & ). & au liure des Ades des Apollres. » primai vne grande partie, <4 affez pour
Il me cuida bailler, comme fortant leur faire aperceuoir les grands abus
de propos, ie ne fai quelle expofition
myftique de ces vifs & morts; laquelle qu'ilsmey commettent
fans : ce rien,
contredire en qu'ils à ouyrent
caufe,
ie reiettai comme profane & abufiue,
difant que ces termes Vifs & morts, comme ie penfe , qu'à chacun mot ie
mettois en auant l'inllitution de lefus
en ceft endroit, font prins en leur pro- Chrift, la fuyuant de près félon le
pre fignification, & que lors que lefus texte. Ils m'ont fort inculqué ces pa- deDesla S.paroles
Chrill viendra tenir fon iugement, au- roles :« Ceci eft mon corps, » s ef- Cène.
cuns feront trouuez furuiuans. lefquels, forçans de prouuer par icelles, & de
auec vn changement de cefle corrup- me faire acroire que lefus Chrift fuft
tion en vn ellat immortel, feront rauis realement contenu fous les efpeces
au deuant de lefus Chrill en l'air, ce du pain & du vin. A quoi i'ai toufiours
qui leur fera réputé pour mort, ame- refpondu , que lefus Chrift par ces
nant le palTage du 4. de la première paroles ne veut dire autre chofe, finon
aux Thclfaloniciens, lui faifant obfer- que le pain & le vin en la Cène figni-
fient fon corps & fon fang, & que tel
uer de près les mots, pourtant qu'il
cuidoit paffer par delTus & le confon- cfFed qu'a le pain & le vin enuers le
corps, auffi a le corps & fang de Chrift
dre ; tellement qu'il fe trouua lui-
raefme confus, fe iettant fur ce paf- enuers l'ame. Mais, ainfi que le corps
I. Cor. i;. fage : « Nous refrufciterons tous ; eft matériel , & prend & digère fa
mais nous ne ferons pas tous im- viande auec dents corporelles, fembla-
muez. 1)A quoi ie refpondi, que ce blement l'ame, d'autant qu'elle eft ef-
palTage, en &l'ancienne verfionauquel
, elloitil prit, auffi appréhende fa viande fpiri-
corrompu, que le Grec, tuellement & auec dents fpirituelles.
faut auoir recours, porte autrement : l'ai dit d'auantage que lefus Chrift en
afTauoir que noue ne dormirons pas ceft endroit vfe d'vne manière de par-
tous, mais nous ferons tous changez. ler figuratiue, qui ell fort fréquente en
Ils ont voulu inférer que i'elloi Sacra- l'Efcriture, félon laquelle la Circon-
mentaire, & que ie vouloi nier le Sa-
ciJion,et\ Genefe, eft appelée l'Alliance
crement. A quoi i'ai refpondu que de Dieu en la chair par accord éter-
non, & que ie croi le Sacrement de la nel. S. Paul appelle la pierre du de- Ican i;. 2.
fainde Cène que lefus Chrill a inlli- fert Chrift. lean Baptifte fe dit auoir
tuô, & qu'en la prenant dignement, vcu l'Efprit de Dieu, combien qu'il
fuyuant fon inllitution , nous y rece- n'euft veu que la colombe , qui eftoit
le figne. Et principalement ie me fuis
uons le corps it le fang d'icelui fpiri- fort aidé de ce palfage de S. Paul, &
tucllement, dont nos âmes font re-
peuës en leur manière, comme efl le les ai fort prelTez par icelui, pourau-
569
JEAN RABEC.
tant qu'il efl dit au mefme propos : bien; comme par ce voulant pouruoir m.d.lvi.
1. Cor. II. „ Cefte coupe eft la nouuelle alliance à l'erreur qui deuoit aduenir, & eft
en mon fang, « difant qu'à telle raifon encores à prefent touchant ce poinâ,
qu'ils affermoyent lefus Chrift élire & que par ce figne du feul pain, ref-
corporellement fous l'efpece du pain, cindans le vin, ils proteftent & de-
en vertu de ces paroles : (( Ceci efl monftrent, entant qu'en eux eft, que
mon corps ; » pareillement ie vouloi la vie qui nous eft acquife en lefus
conclurre que la coupe eftoit realement Chrift par fa mort n'eft point entière,
la nouuelle alliance, en vertu de ces mais à demi & imparfaite, ainfi que le
paroles : « Cefte coupe eft la nouuelle repas du corps ne peut eftre acompli
alliance en mon fang. « Ils m'ont cuidé à manger feulement, ou à boire feule-
dire qu'en ceft endroit le vailTeau eft
pris pour la chofe contenue en icelui ; femble. ment, mais en manger & boire en-
MoNSiEVR du Bois me demanda, le De la MeiTe.
à quoi l'ai dit, que ie ne ne demandoi
pomt autre refponfe ; car prendre la iour de l'Affomption , fi ie voulois
chofe contenante pour ce qui eft con- aller à la Meffe ; auquel ie di que
tenu en icelle, eft vne autre manière non. 11 me demanda la raifon. » Pour-
de parler figuratiue , non moins ef- tant,di-ie, qu'elle eft mefchante. »
trange en l'Efcriture, que la fufdite , Interrogué, fi du temps que ie difoi
affauoir, félon laquelle on prend la la Mefl'e, elle ne me fembloit pas
chofe fignifiee pour le figne, & que de bonne. R. « Qu'oui pour quelque
leur refponfe mefme ie voulois inférer temps, pendant lequel ie penfoi faire
& confirmer mon propos, alTauoir que
grand facrifice à Dieu, d'autant que
&lefus Chrift n'eft qu'en figne au pain
au vin. i'eftois abufé ; mais depuis que ce bon
Dieu m'auoit amené à fa corioiffance,
De la prefence En la prefence du fufdit Prince , ie l'auoidite en grand trouble & amer-
corporelle. monfieur de Brerond m'a demandé tume de mon cœur, iufques à ce qu'il
quel inconuenient ce feroit , qu'il m'euft donné l'opportunité de me re-
y fuft corporellement. A quoi i'ai tirer en lieu où i'eun"e la fruition de
refpondu que de là s'enfuyuroit qu'il fa parole & de fon pur feruice. » D.
pourroit eftre en vn mefme temps en a Ne croyez- vous pas que le Baptefme Du Baptefme.
lieux infinis, voire mefme remplir eft bon & necelTaire ? » R. » le croi
toute la terre. D'auantage , qu'on ne que le Baptefme eft bon & necen"aire,
trouue point qu'après fa refurreélion , duquel doiuent eftre reiettez les exor-
il ait efté en plufieurs lieux à vne fois, cifmes, chrefme, fel , crachats , chan-
auffi qu'il a prouué fa refurreftion , & delles, &autres telles chofes qu'on y
qu'il n'eftoit point vn fantofme , ni vn adioufte outre l'inftitution de lefus
efprit, par ce qu'il auoit chair & os, Chrift, & doit eftre adminiftré feule-
ce qu'on n'apperçoit en ces efpeces ment en eau, comme pouuons enten-
de pain & de vin, fous lefquelles ils dre par les efcrits des Euangeliftes &
le difent eftre enclos. Outre ce, ie leur
Apoftres,
tenu. » D. &« par Ne l'vfage qu'ilspas
croyez-vous en que
ont
ai monftré , en obferuant chacun paf-
les conftitutions , comme du Qua- Des Traditions
fage du texte , qu'ils la corrompent
totalement en chacun poinét, n'imi- refme, vigiles, quatre-temps & autres humaines,
tantenrien l'inftitutionde lefusChrift; femblables foyent bonnes, & à obfer-
voire moins que ne feroyent des fin- uer } i> R. a le croi que les conftitu- 24
ges. Principalement & trop aperte- tions fuperrtitieufes, & aufquelles on
attribue mérite ou iuftification, comme
ment ils faillent en ce qu'ils la baillent les fufdits, font mefchantes, & ne font
aux gens laies (comme ils les appel-
lent) fous l'efpece de pain feulement, à garder, d'autant que par icelles on
leur déniant l'autre partie, qui eft de defpouille lefus Chrift de ce qui lui
la bailler fous l'efpece du vin. Que apartient ; mais celles qui font ordon-
s'il eftoit loifible de la bailler fous vne nées pour quelque fin politique, vtiles
efpece feulement, que ce deuroit pluf- pour la confirmation de la police & de
toft eftre fous l'efpece du vin, d'autant ta religion, ne font à mefprifer, mais
que lesus Chrift en a baillé plus ex- *
près commandement, difant : Beuuez à obferuer pour l'obeift'ance deuë aux
magiftrats
toutefois en &vferà fuperftitieufement.
toute l'Eglife, fans
Et
en tous ; ce qu'il n'a pas fait en telle
manière en baillant le pain; mais a dit
feulement : Prenez , mangez , fans combien que i'entendiffe bien que tel-
les conftitutions ne fe peuuent ni ne
adioufterH. Tous, combien qu'il s'entend fe doyuent faire fans l'affiftance & au-
LIVRE SIXIEME.
?70
thorité du Magiftrat, toutefois pour- laifl'afl parler ; en quoi ne fuft obéi ,
tant qu'ils n'entendoyont parler (félon & me remonftrant qu'en tenant tels
mon iugcmenti (Inon des ordonnances propos ie pourrois eltre caufe de ma
mort, & me mettre en grand danger,
Papilliques, faites de puilTance illégi-
time «.S: vfurpee par ambition , & à la veu qu'onlementtenaille & tourmente cruel-
dertrudion du faind feruice de Dieu, ceux qui les tienent. Auquel
& de la religion & liberté Chrellienne n'eu le loifir de refpondre autre chofe,
à nous acquife & donnée par lefus finon que ie vouloi perfiller en cefte
Chrift, atîn qu'ils n'inferalTent que ie dodrine. Ce Prince, du commence-
me voululTe attacher au Magillrat, & ment que i'arriuai en fa prefence, &
que me voulu encliner deuant lui
le mcfprifer, ie leur di que ie n'en-
tendoi parler des ordonnances faites (comme i'auoi efté aduerti par les fer-
par les Magiftrats, lefquels (di-ie) ie gens)
deuoi mefairedit tel
que honneur,
ce n'elloitmais
à luià que
vne
croi eftre ordonnez de Dieu, & confe-
quemment les loix faites par iceux, image qui ertoit en la chapelle, le ref-
aufquels il apartient de faire ordon- pondi que plurtoll à lui , d'autant que
nances pour la conferuation de la po- l'image n'elloit qu'vnc pierre, & œu-
lice & de la religion , & leur faut ure de main d'homme. Le Prince fe
monftra fort modelle ; au contraire,
obeyr comme à Dieu,
font Lieutenans, non entant
feulement en
qu'ils aux fon dodeur fort impétueux & impu-
bons 1% attrempez, mais aux mauuais dent en fes propos.
& difficiles, en toutes chofes qui ne ■Voila, trelchers frères, en fomme,
font contre Dieu & fa parole. D. mes refponfes aux erreurs & impietez
Des vœux.
« Pourquoi aucz-vous laiifé' voftre ellat qui m'ont cflé propofees, fous ombre
de m'enquerir de ma foi , lefquelles
de Religion ? » R. « Pourtant qu'il
n'efl point aprouué, mais pluftoft con- combien qu'elles foyent maigres, quant
à aucuns poinds, tant à raifon de mon
damné parde
recueillir l'Efcriture,
la fécondecommeEpiftre
on peutde inhabilité l't infuffifance, qu'à caufe
faind Pierre, & aufli qu'il confifte en que ceux qui m'ont interrogué et pro-
ordonnances fuperftitieufes, aufquel- pofé contrede moi, n'eftoyent idoines de
les on attribue mérites & iurtilication , fe méfier tel afaire, ains incapables
ce qui derogue manifellement au fang de tous bons propos (excepté Du-
de lefus Chrift. " Bois, le iuge criminel, qui en fait tel-
MoNSiEVR de Pierreport, en la lement fon deuoir que Dieu le conoit),
prefence du Prince de la Roche voire impatiens à les ouir ; y ayans
Suryon , fe vanta de me monllrer procédé en tel defordre, que ie plus
periure : Par ce, difoit-il, que ie Ibuuent tous parloycnt enfemble, de-
m'eftois apoftafié de mon eftat, & quoi mcfme le luge fembloit eflre ef-
auoi rompu mes vœux, le refpondi, merueillé; neantmoins ie les vous ai
bien voulu enuoyer, ne faifant diflinc-
que pour cela ie n'ertoi point periure, tion des lieux, temps, ne pcrfonnes,
d'autant
font faux &quecontre
les vœux quides'yDieu
la parole font:
pour euiter confufion & plufieurs ré-
à raifon dequoi il n'ell loifible de les pétitions fuperflues, fans y rien chan-
faire , ni de les garder quand ils font ger, au moins quant à la fubfiance ,
faits; mais plullod eft commandé de finon en vn article qui ell touchant la
les rompre « retrader, comme toutes ■Vierge, auquel au lieu d'auoir fimple-
ment refpondu, que fi elle auoit eflé
autres promeffes, & ce d'autant que conceué fans péché originel , de là
l'obferuation n'efl en nollre puiffance,
comme il appert du vœu de challeté, s'enfuyuroit que lefus Chrift feroit
qui en foi enclôt le mariage, fuiuant venu en vain, d'autant qu'elle auroit
les dodrines des diables, comme dit elle idoine pour faire chofe agréable
Tim. 4. ). S. Paul ; ni loifible, comme fe void au
à Dieu, & pour lui fatisfaire, i'ai mis,
vœu de pourcté , qui eft un eftabliffe- Que fi elle auoit efté conceué fans pé-
ment de mendicité , reieltee & con-
lefuschéChrift
originel,feroit
de làvenu
s'enfuyuroit
en vain que
(au
damnée parl'Efcriture. l'euiïe volon-
tiersyparlé d'auantage fur ce que
poiiid moins enefté
fon idoine
endroit),pour
d'autant
faire qu'elle
mais il auoit tel defordre tous , auroit chofe
Le Prince de parloycnt enfemble, cuidans tout ob- plaifante à Dieu, & n'auroit eu befoin
tenir par clameur : de quoi le Prince d'autre fatisfadion pour elle ; dont
la Rochc- fembloit eftre defplaifant , & com- s'enfuiuroit derechef, que lefus Chrift
Survon.
ne feroit point vniuerfcllemenl re-
manda par plufieurs fois qu'on me
JEAN RABEC. J7I
M.D.LTI.
Notez bien ce dempteur, au regard mefme des ef- Mais Dieu a déclaré qu'il fe vouloit
poi n<5l tou- leus. Or, ie vous enuoye mes articles feruir de lui en c'eft endroit. Ainfi il
chant la
rédemption demeura efdites prifons, où il eut de
\ niuerfelle. au plus près qu"il m'a elle polTible des merueilleux alfauts de la moinerie &
refponles
fur que cenfure
ce voftre i'ai faites, afin d'auoir
, & élire auerti
de ce en quoi ie puis auoir failli , fuppolls de l'Antechrifi,
monftre par comme
plufieurs lettres il de-à
efcrites
pour amender les fautes félon que fes amis, entre lefquelles nous auons
pourrai. ici inféré celle qui s'enfuit efcrite de
Av refte, ie cognoi que ces liens fa propre main.
me font le plus grand moyen pour pra-
tiquer fenfibleraent la fcience de mon Frère & ami , ce que ne vous auons
Dieu, que iamais m'auint, & que par efcrit plus fouuent n'a pas elle faute
iceux il m"a défia fait plus fentir fa d'en auoir bien le defir ; mais que toute
bénignité, que par tous les biens que opportunité conuenable nous a de-
iamais il me fit, tant par les admira- failli, tant à caufe que n'en auionsieu
bles deliurances dont il a défia vfé en- l'ouuerture ni adrelfe, qu'à raifon de
uers moi contre tout efpoir, que par
plufieurs lettres qu'auons enuoyees à
les ineftimables confolations qu'il m'a plufieurs, dont n'auons receu aucune
refponfe , ce qui nous a aucunement
enuoyé
doiuent iournellement , telles
bien fuffire pour me qu'elles
rendre refroidis & intimidez, craignans, au
lieu de confolation, de faire ennui,
tellement alfeuré de fon aide, qu'il
n'enuoyera ni ne lafchera fur moi eflifans pluftoll de fouffrir en atten-
chofe qui me nuife ou bleffe , & qui dant , que prefenter occafion de faf-
ne foit à mon auantage , & que tout cherie à perfonne. Or, maintenant
ce qu'il en fait n'ell que pour me pur- ayant trouué le moyen par l'auertilTe-
ger de mes naturels & innumerables ment de quelcun , nous vous auons
bien voulu efcrire derechef ce dequoi
vices,
encore efquels i'ai toufioursconfit
merueilleufement efié &; pour
fuis
ne pouuez eftre ignorant, alfauoir qu'il
aprendre à me fortifier, & ofler toute a pieu à ce bon Dieu (combien qu'à
fiance de moi & du monde, & m'adon- plus qu'indignes) nous ouurir la bou-
ner & ioindre du tout à lui, pour ob- che pour le confeffer ouuertement &
tenir portion auec fes enfans en fon hardiment fans diffimulation , félon la
royaume celelle. D'Angiers, ce 24. de fcience qu'il nous a donnée , & en
Mars. Iean Rabec, prifonnier pour telle manière que n'en attendons que
le tefraoignage de la parole du Sei- la mort, pour le moindre tourment
qui nous foit aprefté. Ce que le bon
gneur lefus, en la ville d'Angiers. Dieu toutesfois a différé iufques à
Apres ces Interrogatoires & Ref- prefent, outre & contre tout noftre
efpoir & iugement; parce aidant noftre
ponfes,
le tout, l'Euefque dudit lieu leayant
& fur ce confulté, veu
24. iour infirmité, & de plus en plus nous for-
tifiant &augmentant en courage, pour
d'Oftobre enfuiuant, iour du Synode refifter aux aduerfaires, lefquels de
de fon diocefe , fit amener Rabec de-
uant lui, où, en la prefence de grande tant plus qu'allons en auant, nous
multitude de preftres, le déclara par voyons plus foibles & confus, de quel-
fentence excommunié , hérétique , que braue ou haute apparence qu'ils
fchifmatique & apofiat , & comme tel foyent à l'endroit de nous. En quoi
le condamna à élire dégradé , & puis ne fanons autre chofe penfer, finon
liuré entre les mains de la iullice , que ce grand Dieu preuoyant à noftre
ijifirmité, & voulant faire reluire fa
qu'ils appelent Bras feculier, de la-
quelle fentence Rabec fe porta pour Majerté, les confond par ceux qui, en
aparence, font moins que rien au prix
appelant,
du Parlement comme de d'abus,
Paris. Au à lamoyen
cour
d'eux, empefchant la force qu'ils fe
dequoi fut renuoyé es prifons dudit promettent, les efblouilfant & efton-
Euefque , où il demeura fans autre- nant, mefme les tourmentant de leur
ment eftre procédé fur fon-dit appel , propre rage & felonnie. Ce qui apa-
iufques au roit bien en ce qu'on les void poulfez
fuiuant.dixiefme iourtemps
Pendant lequel d'Auril en-
fes amis à faire chofes plus que defraifonna-
bles, & du tout intolérables à toutes
s'efforcèrent le deliurer par le moyen
des Seigneurs de Berne , qui en ef- perfonnes de quelque nation ou con-
criuirent au Roi de France , defquels dition qu'elles foyent, comme monftre
il auoit elle efcholier audit Laufanne.
l'horrible outrage lequel ces iours paf-
LIVRE SIXIEME.
Par aulre fez ils nous ont tait, alTauoir Horri (i) principalement en vos oraifons, & de
lettre Rabec nous affifter félon le deuoir de dilec-
cfcrit que ce & fa troupe, nous fpoiiant, d'autant tion Chrellienne, en ce que conoiftrez
moine Horry que ne les voulions ouyr , ne leur dé-
avec la troupe férer en aucune manière (comme ils
avait fait en eftoyent indignes) des liures qui expédientficationàde fon
la gloire de &Dieu,
Eglife, A l'édi-
au nollre &
efpandre & voftre auantage en icelui.
ictler par nous auoyent elle faindement permis
terre vn peu du Magiftrat, félon fon droit aeuoir,
de vin & de
faifans en cela l'office du diable, tt fe Depvis, en vertu d'vne commiffion
viande qu'on
lui auoit déclarant fes enfans, qui ne tafchcnt obtenue du priué confeil du Roi, à
enuoyé. qu'à desfaire tout ordre conftitué de l'inftance & pourfuite de maiftre lean
Dieu, à efteindre fa vérité, A empef- Breron, chanoine audit Angiers, & de
maiftre Guy Lafnier dit rEnretiere(i),
cher qu'elle ne foit mife en auant , Aduocat audit lieu, adrelVant à rnaiftre
mefme qu'on ne l'aprene pour s'en Guillaume le Rat, Lieutenant gênerai
armer & munir au bcfoin ; ils l'ont,
di-ie, foigneufemenl imitée en cefl en- d'Angiers (2), fut fait commandement
droit, nous priuant de la lefture de la à l'Euefque d'exécuter fa fentence de
fainde parole de Dieu, & confequem- dégradation, nonobftant
ietté par ledit Rabec.l'appel inter-
Au moyen
ment de l'vfage d'icclle, ce c.;ui ne
peut eftre defnié à perfonnc, que con- dequoi, félon ladite cummiflion, le
tre l'exprès commandement de Dieu 10. d'Auril 1^56., qui elloit le Ven-
En quoi il femble que Dieu les poufle dredi fuiuant la felle de Pafques, s'ef-
à faire chofes, à raifon defquelles tout
tant toute cefte troupe afl'emblee de
le monde , à bon droit , fe deuroit ef- grand matin au palais Epifcopal , fa-
mouuoir contre Dieu,
eux, ainfi qu'ils s'ef- uoir eft l'Euefque, le Lieutenant le
leuent contre le deboutans, Rat, M. Chrillophie Depincé, luge
entant qu'en eux eft, de fon fiege pour criminel, M. Raoul Surgin , M. Mi-
chel le MalTon, Aduocat et Procureur
l'occuper, fuppeditans fes puiltances,
dont ne fe peut enfuiurc que tout de- du Roi, auec leurs robes d'efcarlate ,
fordre , comme l'expérience le monf- on enuoya quérir Rabec par le geô-
tre. Qui eft bien en eux vn euident lier, lui faifant accroire qu'ils le vou-
tefmoignage du règne & minillere de loyent mener à Paris, fuiuant fon ap-
pel. Comme on le menoit , ayant
l'Antechrirt, auquel ni aux fiens ne
doit eltre portée ni exhibée aucune
reuerence ni obellfance ; mais toute aperceu tant d'officiers tenans leurs
refiftance par ceux qui le peuuent & verges & battons en la main , s'arrefta
quelque peu , & eficuant les yeux au
ciel, fit vne exclamation au Seigneur,
doiucnt, lorl'que l'opportunité s'offre,
pour les repoulTer & humilier, ce &luidemanda
vouloit. auAuquel
geôlier fut
& fergens
refponduqu'on
par
qu'ils méritent bien, & qui feroit leur
plus grand bien. Auffi nous vous vn de la compagnie, que c'eftoit pour
prions de nous efcrire plus fouuent, parler à l'Euefque. Et fut conduit par
eux à la faletle du palais, en laquelle
félon
office,que
& c'eft
nous bien le deuoir
donner de voftre
les moyens de eftoyent les delTufdits aftemblez auec
vous efcrire , ce que pourriez faire leurs adherans. L'Euefque dit à Rabec
feurement (comme il nous femble) par
qu'il s'approchaft, lui commandant de
noftre foeur, qui nous minillre iournel- mettre deles faire,
genoux en terre,congé
ce qu'il
lement de tel foin éi auec telle charge refufa demandant de
de fa quelque
part, qu'il feroitalin
bienqueraifon d'y parler, qui lui fut ottroyé. El lors dit:
auoir efgard, de vous « Meilleurs, vous ne pouuez ignorer
puiflions auoir quelque confolation , comment ie fuis appellant à la cour du
car vous pouuez pcnfer quel befoin Parlement, de la fentence donnée
. nous en auons ; vous priant ne vous contre moi, & mon appel deuement
ennuyer d'auoir mémoire de nous releué , parquoi ie vous veux auertir
qu'à eux & de
conoiffance non rna
à autre
caufe.apartient
n A celala
(i) Matthieu Ory, inquisiteur. François I", Depincé refpondit : " le croi, Rabec,
par lettres-patentes du )o mai içjo, lui per-
mettait d'exercer en France la charge d'in- que vous n'ignorez qu'au Roi n'apar-
quisiteur de la fui. Henri II conlirma ses
pouvoirs en 1550. Il ùtait prieur des Domi-
nicains de Paris. Il avait été envoyé par le (i) Guy Lasnier, sieur de la Fretière , fut
roi à Angers, avec Rémi Anibrois, président maire J'Anijers. Il était " grand ennemi de
d'Aix. en Provence, pour arrêter les pro- ceux de la Religion ■• (Bére, I, lOB).
grés de l'hérésie. (1) Voy. Bèzc, 1, ûi, 85, 408; II, ua
JEAN RABEC.
?73
tient la conoilTance. » Rabec le nia. car le Seigneur Dieu eft auec vous. »
Sur ce, le Lieutenant le Rat dit :
AuquL-1 Rabec, confoié de cela, ref- La tion de Rabec.
dégrada-
« Qui e(l-ce qui en fait doute .- » De- pondit :€ Mon ami, ie le croi ainfi. »
rechef l'Euefque Apres cela, enuiron les huift heures
de fe mettre bas : commanda
« Puis vous àorrez,
Rabec»
du matin audit iour, il fut mené par
dit-il, « ce que le Roi mande. » Rabec ces fergens & appariteurs deuanl le
fit pareille refponfe que deffus. « le temple S. Maurice, où eftoit dreffé vn
ne fai, Meffieurs, que vous me voulez
faire. » Le Rat dit: « Mon ami, obeif- grand efchaffaut, fur lequel l'Euefque,
mittré, cron"é & chappé, auec plufieurs
fez à ce qu'on vous commande. » Et officiers & preftres, attendoit Rabec.
Depincé dit, que s'il ne le vouloil Lequel eftant monté, on lui prefenta
faire de beau, qu'on le forceroit à ce vne longue robe de preftre pour fe
faire. Rabec refpondit : « Si on me
fait outrage, au nom de Dieu foit ; veftir : ce qu'il ne voulut faire, iufques
à ce que les fergens & archers du
mais regardez bien à ce que vous auez Preuoft là prefens le contraignirent
à faire. par commandement à eux fait. Puis on
auec vn »defdain
Svr ceshauflant
propos,les l'Euefque,
bras, dit : lui prefenta vn linge appelé Amift (i),
« Vous voyez, Meffieurs, qu'il ne pour s'enueloper la tefte, ce qu'il re-
veut
on luifaire
dirace auffi
qu'onbien
lui eflant
dit ; toutefois,
debout, fufa bien fort, de forte qu'vn nommé
maiftre lean Cheualier, garde du re-
ueftiaire de S. Maurice , par grande
que s'il eftoitmandementàauGreffier
genoux. de» faire
Et fitlefture
com- furie lui en couurit la tefte, & lui ferra
de fes lettres de commiffion. Apres ce la gorge bien eftroittement des cor-
dons de ceft amiâ. Apres cela, on lui
fait, l'Euefque parla à Rabec, difant :
a Vous fauez
fentence bien que i'ai
de dégradation prononcé
contre vous, veftitàgrand' force vne chemife qu'ils
appelent Aube (2), & confequemment
au mois d'Odobre dernier paffé, de vne chape(3),& lui voulurent faire tou-
laquelle auez appelé comme d'abus, Dont cher le
vn calice, ce qu'illerefufa
Lieutenant Rat du
lui tout.
dit :
&donné
vous ordre.
ayant Pendant
fait anticiper, n'y auezle
ce temps,
« Maiftre lean, n'auez-vous pas enuie
Roi eftant auerti de voftre fait par d'obéir au Roi & au Magiftrat f » Au-
Meffieurs de Berne, defquels vous
quel il refpondit qu'oui. « Or donc,
eftiez déclaré eflre efcholier, m'a pourquoi refiftez vous » (dit le Rat) « à
mandé que i'euffe à lui enuoyer voftre ce qu'on vous enioint, attendu que
procez, ce que i'ai fait. Mais après c'eft le vouloir du Roi qu'il foit ainfi
l'auoir veu, vous pouuez maintenant fait r » Ce qui efmeut quelque peu
entendre ce qu'il me mande de faire. » Rabec ; toutefois fa contenance & re-
Sur ce, Rabec lui dit, que le procès
fiftance donnoit affez à conoiftre qu'il
enuoyé au Roi eftoit par lui argué de auoit tout ce badinage en horreur &
faux, comme non figné d'aucun Gref- deteftation. Là Sorbonne,
tre dodeur de defl"us, vn ftipendié
noftre maif-
de Sorbonnifte
fier. L'Euefque dit : « Suiuant ce qui impudent
traité félon
m'eft commandé du Roi, ie pafi'erai l'Euefque, eftant fur l'efchaffaut, com-
outre, nonobftant voftre appel. » Et mença à prefcher le peuple, faifant qu'il meritoit.
fur ce, ils fe départirent, laiffans Rabec
entre les mains du Concierge & offi- grand
Dieu, &préambule fur fainde
noftre mère l'honneur de
Eglife,
ciers de l'Euefque. Lors Rabec. le- difant , qu'ainfi que ce poure mal
uant les yeux en haut, dit : « O Sei- heureux qui là eftoit, auoit aban-
gneur, que iede meta repute
tre tefmoin vérité !heureux d'ef-
» Et comme donné Dieu & négligé les comman-
demens de la mère fainfte Eglife,
altercation fe leua entre les Appari-
teurs & fergens Royaux pour la garde qu'ainfi
donné , pareillement Dieu àl'auoitaban-
faifant entendre haute voix
d'icelui, fut dit par le Lieutenant, qu'il qu'il eftoit hérétique,
mal fentant fchifmatique,
de la foi. Rabec le
n'apartenoit aux fergens y mettre la
main, d'autant que l'Eglife en eftoit tout haut , difant qu'il n'ef-
encore faifie. Sur ce propos, M. Guy reprint
toit pas vrai. Neantmoins ce doc-
Lafnier refpondit, la garde des Appa-
riteurs n'eftre fuffifante pour la con- (i) Linge bénit que le prêtre met sur ses
duite d'icelui. Sur ces difputes, Rabec épaules pour dire la messe.
demanda vn peu de vin, ce qui lui fut (2) Long vêtement de toile blanche que le
ottroyé. Et celui qui lui prefenta, lui prêtre revêt quand il officie.
(5) Sorte de manteau sans plis que porte
dit : € Mon ami, prenez bon courage.
le prêtre pendant l'office.
5 74 LIVRE SIXIEME.
)8o
mifericorde , & trouuions grâce pour
que la tcmpefle s'eft monflree dange-
eftre aidez en temps opportun. Vous reufe. Premièrement , à caufe qu'il
priant, trefcher frère en Jel'us Chrift , auoit efté de l'ordre abominable de
comme fi i'efloi prefent , le prendre à la preftrife Papale, fut condamné, à la
la bonne part , & d'auffi bon cœur façon
qu'humblement me recommande à vos dégradédu; précédent
et fi receutMartyr, d'eftre
fentence de
bonnes prières & oraifons. Efcrite de mort, dont il fe porta pour appelant;
la main de voftre difciple, humble & & fon appel fut releué en la cour de
obeilTant feruiteur, lequel vous recom- Parlement de Paris. Auint que maif-
mande à la grâce & mifericorde de
noflre bon Dieu & Père celefte, en tre Rémi Ambroys,
Prouuence, prefidentcommiffion
ayant obtenu d'Aix en
faueur de ce grand Sauueur Jefus du Roi Henri II. au mois d'Auril, en
Chrift noftre Seigneur. & en la com- ceft an 1556. de faire information &
munication de fon S. Efprit, qui foit
auec le voftre. Amen. iuger au hérétiques
nommoit pays d'Aniou ceux qu'on
& Luthériens,
mit en exécution la fentence donnée
Trescher frère , ie vous ai efcrit
contre de Rouffeau , après l'auoir fait
breuement, m'afl"eurant que voftre iteratiuement r^ fpondre fur les mef-
érudition eft telle que ie ne vous fauroi mes articles & refponfes par lui con-
tant efcrire , que vous n'entendiez feft"ees & maintenues. Le vendredi
d'auantage. Parquoi ie vous prie la 22. de Mai , qui eftoit le troifiefme
mettre en effed de tout voftre pouuoir, iour après fon arriuee , comme pour
ainfi que Dieu nous commande au fa bien-venue, il le fit dégrader; & la
Deuteronome (■>. & 1 1 . chapitres , où dégradation faite, pour bien pourfuy-
il dit : t Tu aimeras le Seigneur ton ure fon chef d'œuure, il lui ht bailler
Dieu de tout ton cœur, de toute ton la queftion extraordinaire, extrême au
ame & de toute ta force , » & « ces pa- poffible par trois fois, laquelle il en-
dura conftammcnt. Et enuiron qua-
feront rolesenque ie
tonte cœur;
commande
fi les auiourd'nui
reciteras à tre à cinq heures dudit iour après
tes enfans, & parleras d'icelles quand midi , lui ayant fait couper la langue
tu demeureras en ta maifon , & che- & bâillonner d'vn bâillon de fer,
mineras en la voye , quand tu te cou- l'enuoya à la mort tout brifé & mutilé
cheras &quand tu te leueras. » Voilà
qu'il eftoit, trainé fur vue claye iuf-
vn paft'age bien à noter & à obferuer , ques au lieu du fupplice, qui eftoit
aux halles de ladite ville. Et eftant là
afin d'ofter toutes vaines cogitations
& penfecs, dont noilre efprit eft tota- guindé en l'air,fonlesaffiftance
yeux fichez au ciel,
lement agité, qui font allechemens de Dieu déclara manifefte;
car eftant défia tout noir au feu , &
péché,
nous défenddequoi toutes
parle l'Apoftre, lequel
plaifanteries ou comme à demi rofti , fon bâillon fe
vaines paroles, mais pluftoft propos défit de fa bouche, & inuoqua le
de grâce, chantans Pfeaumes « can- Nom de Dieu, difant fouuentesfois :
tiques au Seigneur, pour toufiours lui «1 Jefus Chrift, affifte-moi; Seignaur
donner gloire, à l'exemple du Prophète Dieu, affifte-moi," dont plufieursfurent
Pf. 146. Dauid , qui dit : « le louerai le Sei- eftonnez. Et ainfi finit conftamment
gneur tant que ie viurai : fa louange fon martyre.
Martyrs
fera fans ceffc en ma bouche ; mon
ame fe glorifiera au Seigneur; les Ceste perfecution contre l'Eglife iouflcz aux!
d'Angers fut merueilleufement af-
humbles l'orront & s'en efiouiront. » Il deux prece»
eft auffi efcrit que les hommes ren- pre (i) : nonobftant laquelle le trou- dcns.
peau fubfifta , grandement fortifié par
Maiih. ij. )6. dront conte au iour du iugement, la confiance des fufnommez Martyrs
& )7- mefmes de toutes paroles oifeufes
& des fuyuans, qui foufl"rirent la mort
qu'ils auront dites. Et feront iuflifiez pour la vérité de Dieu. Iceux furent
par leurs paroles, A par leurs paroles Louys le Moine, Inibert Bernard,
feront condamnez. Or nous auons à Richard Yette, Claude Donas, Guil-
laume Bois-tané , & René de Mon-
prier ce bon
en conte ni enDieu qu'il n'entre
iugement point
auec nous. gers, dit de Nizicre, duquel la con-
Vous recommandant à la parole de fa
grâce.
(i^ Ce publiées
édiuons paragraphe, qui n'est , pas
par Crcspin dans les
se retrouve
& maux à peu près textuellement dans VHist. ecclés.
réiJlvf dî 'p."dc
RoufTeaii. cc foufTrance
en '-* efté peines
Martyr a des autant paifible de Th de Bèzc, t. I, p. 61.
THOMAS CRANMER.
que mefme l'ambaffadeur en efcriuit qui euft à repouffer les efforts & ob-
au Roi, & lui donna tant bon tefmoi- iedions des Papiftes. Voire bien que
gnage de la prudence, grauité & doc- le prouerbe dife, que Hercules mef-
trine, que lui leul fut ordonné par le mes ne pourroit refifter à deux ( i ). fi
Roi arabaffadeur vers l'Empereur. eft-ce que lui feul batailloit contre tous
L'Empereur & feul refilloit à tous. Il efpluchoit
Vienne contreeftoit lors au voyage de
le Turc.
des
uoit leertimer
fondement que &c'eftde qu'on
du Pape toute de-fa
Cranmer print fon chemin par Ale-
magne, où il articula de ce faiél auec
pluTieurs, non feulement Alemans , prééminence, remonllrant
fe pouuoit prouuer qu'elle
par paffage ne
qui fuft
en toute la fainde Efcriture ; ains ne
mais auffi courtifans de l'Empereur,
qui fe rengerent à fon auis , nommé-
procedoit que d'vne
nie des hommes. ambitieufe
Et que tyran-
telles grandes
ment Agrippa (i), ellimé fauant , le-
quel feigneuries apartenoyent proprement
nionondedit auoir refpondu
Cranmer elloit bienque
la l'opi-
meil- aux Empereurs, Rois & Princes, auf-
leure , mais de la maintenir qu'il quels il l'aloit que Preftres, Euefques,
n'oferoit, de peur d'olïenfer le Pape fuffent obeili'ans
& l'Empereur. Quant à l'Empereur, fuiets, ,Cardinaux
&Papes félon le commandement de
il n'en renuoya
voulut prendre la conoillance Dieu, ne plus ne moins que toute
mais le tout à la Cour ;
autre fondement
auoit manière de negens. Ainfi,
raifon par qu'il n'y
laquelle
d'Eglife. Cranmer, eftant rappelé par
le Roi, fut bien toft après defpefché à l'Euefque Romain fe deuft préférer
Rome vers le Pape pour le mefme en dignité aux autres Euefques ; ains
afaire, où il le remondra fi viuement,
au contraire faloit qu'il reconuft fes
qu'après plufieurs altercations & dif- fuperieurs,
putes , les principaux Théologiens du dition auec&lesqu'il fuft deCarmefme
autres. bien con-
que
collège de la Rote , veincus par rai- fon authorité deuft eftre receuë & re-
Impieté des fons, furent linalement contrains con- conuë par ceux du diocèfe de Rome ,
.ourtifans de felTer que tel mariage contreuenoit
Rome. toutesfois de fouffrir vne tant defme-
bien au commandement & ordonnance furee & defordonnee anticipation &
de Dieu ; mais que pourtant il n'y dilatation de ce fiege, il n'y auoit pro-
auoit rien qui peull empefcher que,
moyennant la difpenfe du Pape, il ne eftre posfait
ni aparence,
& ordonné& comme
qu'il en des
deuoit
au-
peull eftre permis tt receu comme lé- tres. Par ainfi, qu'il lui fembloit trop
gitime. Cranmer infirtoit au contraire.
Cependant Guillaume Waram (2), plus du
rité que Roi raifonnable, que, par des
& confentement l'autho-
Ef-
>e la queftion Archeuefque de Cantorbie, mourut,
du mariage tats, l'ambitieufe domination d'vn tel
du Roi , la auquel fut furogué Cranmer. Et bien
Euefque fuft retrenchee de l'Angle-
primauté du toft après (comme l'on void qu'vne oc- terre, & qu'elle fe tinft en fon Italie
Pape eft cafion ameine l'autre) , la queftion de entre les liens, fans palfer outre aux
reuoquee en ce mariage en amena vne autre tou- nations eftranges.
doute.
chant lapuiffance & authorité du Pape,
le Cela eftant
Roi & la ainfi
Roinepan"éfurent
en parlement,
quelque
fi qu'en l'audience & afl'emblee des
plus grans (qu'on appelé Parlement), temps après citez, fous l'obeiflfance
on commença fort à douter de la pri- qu'ils deuoyent à l'Eglife, par deuant
mauté & fuperiorité de l'Eglife Ro- l'Archeuefque de Cantorbie & Gardi-
maine. Et là conut l'Archeuefque ner, Euefque de Vinceftre , Juges
Cranmer l'effet des recueils & anno- commis & députez pour le fait du
tations dont a eflé parlé ci-deuant, Mariage dont il eftoit queftion, afin
car en lui repofoit totalement défor- d"ouir& entendre ce que Dieu mefme
mais la charge & difficulté de tout ceft en ordonnoit. Le Roi ne refufe point
afaire, & n'y auoit perfonne que lui d'obéir à Dieu , ains déclare qu'il eft
preft de faire toutes chofes décentes
(i) Henri Cornélius .«^grippa de Nettes-
heim, l'un des plus originaux et des plus (i) « Mt|5' 'HpaxXri; upo; SOo. Id est : Ne
inconstants parmi les esprits distingués du Hercules quidem adversus duos; hoc est :
seizième siècle. Né en i486 à Cologne , il Nemo usque adeo viribus excellit, ut unus
mourut en i;;5 à Grenoble, et mena une
pluribus par esse possit. Neque indecorum
vie agitée, attiré par la Réformation, mais est cedere multitudini. Erit autem suavior
trop
(2) peu sérieux
William pour l'accepter.
Warham avait occupé le siège metaphora, si signilicabimus iwminem quan-
tumpis erudUum adversus duos in disputando
de Canterbury de IJ04 à 1552. suficere « (Erasmi Adag., cent. V).
LIVRE SIXIEME.
J84
& raifonnables ; mais la Roine, reiet- au Pape, n'oublièrent à donner tout
tant en cela leurs iugemens, fe porta l'ordre qui leur fut poffible, à ce que
les vieux regiftres & parchemins de
comme appelante deuant le Pape.
l'idolâtrie précédente demeuraffent en
Quoi tionobdunt , veu qu'après auoir leur entier; toutesfois vaincu finale-
exterminé l'authoritti Papale, il auoit
eflé ordonné, par arrell gênerai, que ment auec fes coadjuteurs par i'autho-
perfonne, de quelque ellat ou qualité rité des Pères anciens de l'Eglife plus
antique, voire par la Parole diuine ,
qu'il
fentence à appeler
n'eu!) dans
fuft,donnée d'aucune
le Royaume, au céda, & s'accorda au contenu du
Hure, lequel depuis fut nommé Epif-
fiege Romain, ne s'arreftans à l'appel- copal (1), fuyuant le nom & titre de
lation interiettee par la Roine, procé-
Diuorce du dèrent au iugement définitif du procès, ceux qui le compoferent. Par ce Hure,
Roi Henri 8.
& ordonnèrent que ce mariage, il efl aifé de voir comme l'Archeuef-
& de Cathe-
rine. comme illégitime & contre toute loi,
deuoit eftre nul & de nulle valeur. en laquedodrine
n'eftoit lorsdu alTez inftruit &veurefolu
Sacrement, que
la traniTubrtantiation & prefence réelle
L'Euefque de Wincellre, bien qu'au- de Jefus Chrifl y elloit maintenue &
parauant en prefence des Eftats &à comprife. 11 auoit encore quelque
folennellement il euft défia renoncé
toute domination Papale , toutesfois chofe des images, combien que ce
au dedans nourriiïoil vne particulière dernier article ne procéda iamais des
Euefques, ains y fut efcrit après &
affeiSion qu'il portoit à icelle. Au adioufié de la propre main du Roi , à
contraire, l'Archeuefque Tentant bien
que, tandis que le Pape regneroit au la folicitation de l'Euefque de Win-
ceftre, ainfi que le commun bruit efioit.
pays, il n'y auoit efperance de refor- Cela fait, on procéda puis après à
mer l'Eglife, & quecongé maintena
, les qu'on
nt afaires la ruine & desfaite des monafleres. Or,
lui auoit donné
pourroyent fe porter beaucoup mieux, l'intention du Roi elloit que ce butin
s'auança de prendre l'occafion qui fe reuinft au profit de fes finances. L'Ar-
cheuefque &autres Ecclefiaftiques ef-
prefentoit. Au moyen dequoi, voulant Les
mis conuent'
bas en |
former toutes les Eglifes félon la pa- toyent tous d'opinion contraire, di-
role et difcipline de Jefus Chrift. et fans que le profit & le deuoir de gens Angleterre.
les réduire peu à peu à la forme & Chrelliens (tels qu'ils fe difoyent)
manière de la primitiue Eglife , taf- commandoit que tout l'or & argent
choit, comme le Pape auoit efté ex- qu'on tireroit des Convens & Monaf-
terminé, d'ofter auffi fes erreurs, he- teres (qui efioit grand merueilleufe-
Efforts de refies & corruptions. Pour quoi faire ment) deuoit eftre diftribué aux poures
Cranmcr pour il impetra, tant par fon moyen que & aux efcholes. Qui fut caufe que le
la reformation
de lEglife. des autres, que certains Euefques & Roi (à l'inftigation de l'Euefque de
Winceftre, qui ne cerchoit que moyen
autres gens dodes fulTcnt commis à de retarder lEuangile) fit promulguer, des Promulgation 1
conférer des poinds principaux de la articles en|
Religion, & en faire vn Hure pour contre l'Archeuefque & fes compa- Angleterre.
gnons fouftenans vne mefme do&rine,
l'inftitution de l'Eglife, lequel fufi net la loi des Six articles (pkis pernicieufe
& purgé de toute fouillure & fuperlli-
tion Papale. Ceux qui eurent cefie qu'on ne fauroit dire) contenant fom-
charge, furent Stokiflé, Euefque de mairement le principal fondement de
Londres, Gardiner, Euefque de Win- la religion Papirtique, & la fit confer-
cellre, Samfon, Euefque de Cicefire, mer par arreft donné en Parlement,
comme il a efté dit ci den"us en fon
Repfe, Euefque de Norwic, Geofi'roy, lieu (2). Nous auons auffi dit ailleurs
Euefque d'Eli, Latimer, Euefque de combien de morts de poures innocens
Wigorne, Sharthon, Euefque de Sa-
risbery, Barlous, Euefque de faind Martyrs s'enfuyuirent, à l'occafion de
Dauid (i) Celui de Winceftre. acom- ces Six articles, l'efpace de huit ans;
toutesfois que, quelque temps après, le
pagné de trois ou quatre autres, pour
la deuotion ancienne qu'ils portoyent Roi, mieux informé de ce qui en ef-
toit, it que ce que l'Archeuefque &
autres auoyent fiiit , ne procedoit de
(I) Stolicslcy, ivôquc de ter; Londres; Gar-
diner, ivcquc de Winches Snmpson , malice , ains dvne fimplicité de con-
évêquc de Chcster ; Rcpse . évcque de
fcience , ne leur fuft plus fi rude qu'il
Norwich; Goodrich, évtque d'Ely; Lati-
mer, évftque de Worcester; Shaxton, évi-
que de Salisbury, et Barlow, évùque Je (1) Connu sous le nom de Bishcp's Book.
Saint-David. (2) Voy. t. I, p. )5i-
THOMAS CRANMER.
M.D.LVI.
auoit acoiiftumé ; ains dit-on qu'il Confeil répliquèrent qu'ils n'efioyent
auoit délibéré de modérer la rigueur
de ces Six articles, voire de reformer pas ignorans
auffi bien leurs de cela, & qu'ils ,auoyent
confciences & non
plufieurs autres chofes, s'il euft vefcu moins chères que lui-mefme ; toutes-
d'auantage. Mais ladiuine prouidence fois qu'ils auoyent aprouué ce tefla-
aima mieux laifler ces parties-la à fon ment, & que, s'il y auoit danger de
Edouard
fixiefme. fils Edovard, lequel venu à la cou- l'ame, il ne s'eftimaft pas y eftre plus
ronne, quelque temps après le deces
obligé que les autres. L'Archeuefque
de fon père, (perfuadé mefmement par
refpondit
fcience dequ'il n'elloitque
perfonne iugedede lalafiene,
con-
fon oncle Duc de Sommerfet, pro-
tedeur excellent & illuftre Prince, & & que , tout ainfi comme il ne vouloit
de cefl Archeuefque , enfemble aufli
par le commun confentement & accord preiudicier au fait d'autrui , ainfi ne
trouuoit-il bon d'engager faconfcience
des Eftats), retrencha premièrement pour vn autre, ou la mettre en hazard
iceux articles, puis après fit publier, de fairerendra
mal l'es befongnes,
fous le nom de fa maiefté, vn fécond chacun raifon de fon faitveu& que
non
Le Mure liure de reformation (i), & finalement
Royal de celui d'autrui. Touchant l'acquief-
encores vn autre plus parfait que le
cement prétendu,
en euft parlé Qu'auparauant
au Roi, il auoit défiaqu'il
dit
précèdent (2), félon que de iour en
iour la Religion s'auançoit & augmen- qu'il n'y confentiroit iamais , & que ,
toit d'auantage. Mais comme nous lorfqu'il en parla au Roi, lesle Milhors
Roi lui
voyons que les chofes humaines ne auoit trefbien dit (comme
durent iamais gueres en leur profpe- & Legiftes lui auoyent fait entendre)
rité, & ce à caufe de nos vices & pé- que le premier teftament ne le pou-
chez, ce ieune Prince, duquel on fe
uoit empefcher
de lailTer qu'il ne lui
la fucceffion fuft loifible&
à Jeanne,
promettoit tant d'heur & de bien ,
tombant, l'an fixiefme de fon règne, en que le peuple la receuft Roine, fans
maladie, & l'entant bien que ce mal fe faire tort, ce qu'ilauoir
n'auroit accepté.
venimeux lui pronoftiquoit le temps Toutesfois, après impetré du
prochain qui lui eftoit ordonné pour Roi d'en conférer auec certains hom-
s'en aller & prendre congé de ce mes fauans en droit , & qui lors ef-
monde toyent en la Cour, voyant que tous
Marie ;eftre
d'auantage conoiffant
totalement fa fœur
adonnée au afleuroyent que cela ne deroguoit
Pape, devoulut nullement aux loix, s'en reuint trouuer
aueu tout &fonordonna,
confeil par l'auis de
& gens &
le Roi, & finalement s'accorda à ce
Juftice, que Marie fuft reiettee de la qui en auoit efté ordonné défia par ar-
fuccelTion héréditaire du Royaume reft généralement donné fur ce, com-
qu'elle
Jeanne pouuoit
fufi receuëprétendre , & àquela
& admife bien qu'il le fift à regret & contre fon
coeur.
Couronne, femme de race tres-illuftre, Apres que les chofes furent ainfi
mais de plus grand fauoir & dodrine, faites, le Roi ayant vefcu prefque dix- d'Edouard.
& niepce auffi du feu Roi Henri, du fept ans entiers, mourut auec vn ex- La mort
codé de fa fœur. trême regret de tout le peuple, mais
Tovs les Eflats & plus grands Sei- calamité bien plus grande, car il eftoit
Cranmer gneurs aprouuerent ce Teftament,
foudient le aimé de tous l'es fuiets, mefmement
hors mis l'Archeuefque, difant que le des bonstant & des Defcription
aimé,fauans,
comme& ilfimeritoit
n'eftoit
droit de Marie
en la fuccef- feu Roi Henri en auoit autrement or- encore 25
de ce Prince.
fion au Roi donné par fon teflament, & que lui- d'eftre prifé, tant pour raifon de la
Edouard fon mefme auoit iadis promis & iuré de
frère. finguliere vertu & fauoir, que ce natu-
s'employer à ce que Marie, comme la rel tant heureux promettoit par delTus
plus prochaine, fuft héritière. Ce qui le traid de fon aage, comme plus en-
fouuent le picquoit & preffoit de fi core de ce qu'il portoit vn amour ex-
près, que, fans fe periurer euidemment, trême à tout fon peuple. 11 auoit le
il ne pouuoit aller contre. Ceux du naturel doux & bénin merueilleufe-
ment. Mais, à dire vrai, la malheu-
reufe & defordonnee condition des
(i) Connu sous le nom de First Prayer-
Book of Edward VI. Ceue première liturgie, hommes ne meritoit point vn tel
ou Seruicc-Book, fut approuvée par le Par-
lement en 1548. Prince. Il auoit l'efprit tant naïf &
(2) Ce second Praycr-Book d'Edouard VI tant bon , le iugement fi tres-meur &
fut approuvé, par acte du Parlement, en arrefté , que quelque chofe où il
1551. s'adonnoit, il la comprenoit & execu-
II.
LIVRE SIXIEME.
6
toitj8dextreme nt. Quant à la Religion eut bien moyen de faire conftituer
deux fois prifonnier (tout Protedeur
de lefus Chrifl, il l'aimoit «S; cherilToit
mefme des l'on enfance. L'Angleterre gênerai qu'il
finalement de efioit du trancher
lui faire royaume),la tefle,
voire
auoit bien befoin d'vn tel organe & contre le vouloir mefme du Roi, les
inllrument ; mais cependant nation de
ce monde ne le mérita oncques moins flatteurs du confeil priué faifans la
bonne mine. Mais la Roine Marie, en
qu'elle. Outre tant & fi louables par-
ties & perfedions lienes, lefquelles, cefle fedition & tumulte, après s'eftre
voire feules & fingulieres, efcheent portée pour appelante au peuple, que
Northombeland, ayantamalTé quelques
pour le iourd'hui
Princes, bien rarement
il auoit encore es
vne exafte
conoiffance & vfage des langues, auec gens defaccager,
venir guerre, eut
s'approchoit
moyen de pour
fairela
telle grâce, qu'il fembloit proprement quelque leuee de menu peuple fuffi-
lienauoirqu'auec
plus efté nai que nourri ; com-
celle fertilité de nature fi
fante pour lui faire tefle. Dequoi
auertis quelques vns de la Nobleffe
furent incontinent rengez du parti de
il euft auffi l'inftitu-
riche de heureufe,
tion iSr mefme, fous Précepteurs Marie. Ainfi profperant es afaires en
d'vne vie & doArinc finguliere. Que moins de rien, Northombeland, auerti
dirai-ie d'auantage r Ce Roi-là, doué de la faueur du peuple, & voyant qu'il
de fi royales vertus, n'eut faute que ne pouuoit refifter, fe retira à Cani-
d'vne chofe, c'cft alTauoir d'vne Repu- brige pour &fonempoignéplus feur des
; tantgens
qu'ef-
blique qui refpondit à la grandeur & tant pris de
excellence de fon Prince, tellement Marie, & de Duc fait prifonnier, auec
vne moquerie de fon malheur bien
qu'en vne différence & diffimilitude fi
grande de Roi t<: de Republique, il ne grand, fut amené à Londres, fans con-
flid ou empefchement quelconque,
fe faut efbahir fi l'vn n'a duré gucres où eftant fut fourré dans la tour.
auec l'autre. Auffi la vengeance de la
Marie , lors voyant la profperité des
main de Dieu s'approcha bien toft afaires, fe hafla de venir à Londres,
après.
Ainsi donc eftant le bon Roi où trouuant premièrement Jeanne,
Jeanne pro- Edouard trcfpaffé , Jeanne , par arreft ieune femme , mais aagee en moeurs ,
clamée Roinc. jS; aulhorité de la Cour, fut proclamée en fauoir A honnefteté, & (oui plus
Roine contre fon vouloir, refiftant tant efl) innocente en tout ceci , « ne la
qu'elle peut, mais en vain, ce qui def- pouuant deflourner de fa foi & reli-
fdeut merueilleufement prefque à tout gion, lui fit & à fon mari trencher la
e menu peuple, non pas tant pour tefle. Autant en fit-elle aux Ducs
folc
mefmes(i). de Northombeland & de Suf-
quelque grande faueur qu'il portaft à
Marie, que l'on auoit poltpofee à elle,
que par defpit & en haine du Duc de QvANT aux autres Seigneurs & gen-
Northombeland(i), duquel le fils auoit tils-hommes quiauoyent fuyui le parti
de Jeanne, après les auoir condamnez
n'agueres efpoufé cefte Jeanne, en in-
à quelque amende pécuniaire, elle
tention par auanture d'eftre Roi. Il y
auoit lors aufli différent entre la No- leur pardonna à tous, hors mis au feul
blelTe & le peuple, aui croiffoit de Archeuefque, lequel ores qu'il fift tout Marieà par-
onne tous
iour en iour, à raifon de quelques in- le deuoir du monde, tant par amis donne à tous ,
qu autrement , d obtenir mefme grâce fauf mer.
à Cran-
iures & pilleries exceffiue s, qu'on fai-
foit aux poures payfans& laboureurs;
mais celui auquel on en vouloit le plus que les autres, tant s'en falut qu'il
impetrafl rien, que mefme elle ne dai-
Northomhc- elloit Northombeland, tant à caufe du gna iamais le regarder , non pas vne
land hai du carnage & tuerie qu'il auoit recente- fois fans plus. Elle ne pouuoit oublier
AnXîi ment faite des payfans de Nordfort(2), les ofTenfes qu'elle pretendoit lui
auoir eflé faites, en la perfonne de fa
que de foupçon qu'on auoit qu'il eull
empoifonné le Ri>i. Outre ce, fe prc-
fentoit au peuple la fouuenance du feu mère, lait
auoit par Al' Archeuefque
fa mère ne fe; pouuoit l'injure qu'il
def-
SeigneurdeSOMMERSET, oncle du Roi, raciner de fon cœur. Outre ce di-
& Prince excellent, lequel la malheu- uorce. il y auoit encore le changement
reufe ambition de ce Northombeland, de Religion, lequel eftoit imputé prin-
fans qu'il cufl onques mesfait en cela, cipalement àl'Archeuefque. Et pour
l'acheuer de peindre, plufieurs feme-
(i) Northumbcrland.
(2) Norihfolk. (i) Voy. p. I-I2 , supra.
THOMAS CRANMER.
I
ple, ou bien fous ombre & prétexte l'Eglife de Cantorbie eftoit vn moine
de l'authorité d'vn tel perfonnage, pour tout potage, fait à tous vents,
fuft reftablie & re- vn vrai perroquet & mignon de table.
ceuë. que la MelTe
faire
Cranmer fe Touchant la Roine, fiqu'il
maiefté à tefmoin, iamaisappeloit
il lui enfa
purge par vn Cranmer, confiderant qu'il efloit
liure de ce expédient de mettre bien tort ordre à auoit dit la moindre chofe de ce
tout cela, fit imprimer vn liure (2) par monde. Ains qu'il feroit bien plus : fi
qu'on lui
mettoit fus.
lequel il fe purgea comme s'enfuit : fa maiefté
tendre la defenfe du permettre
lui vouloit d'en-
liure, qui, du
Qu'il n'ignoroit pas ennemi
de quelles eau-
du genre
telles Satan, ancien temps du feu Roi Edouard , fut receu
& aprouué vniuerfellement par tous
humain, ilauoit
comme eft ordinairement menteurQue&
acouflumé d'vl'er.
les feigneurs dupubliquementParlement, qu'il le
père de menfonge, ainfi vient-il à fuf- maintiendroit enuers
citer de fes minirtres, qui , du propre tous & contre tous ceux qui fe pre-
moyen dont il vfe, font après toufiours fenteroyent, tant par l'exemple de la
à forger nouuelles inuentions , pour
primitiue Eglife, que par le tefmoi-
troubler Chrift & renuerfer fa doc- gnage de la fainde Efcriture, veu que
trine, ainfi que lors principalement on
faut
tant s'en troduite la Meft"e fuft ou in-
que Chrift,
pouuoit conoiftre. Car, comme Henri parJefus ou aprouuee
huitiefmeeuft iadis commencé de cor-
riger vn peu les erreurs de la Méfie des Apoftres, qu'au
toit diredement contraire
contre, elle ef-
& auoit eri
Latine , & qu'après lui Edouard , fon foi des blafphemes horribles, & qui
fils, l'ayant arrachée & abolie du tout, ne deuoyent eftre proferez. Et par ce
euft introduit & remis le vrai vfage de
que quelques vns, par ignorance ou
la Cène de Noftre Seigneur Jefus
Chrifi, voici venir les aduerfaires ef- malice, tafchoyent d'arracher & d'abaf-
cumans & tempellans de fureur & tardir l'opinion qu'on auoit du fauoir
du dofteur Pierre Martyr (2), qu'il
rage, ne pouuans dire Adieu à leur oloit bien promettre de lui que , fi le
Mefi'e Latine, laquelle les auoit tant plaifir de la Roine eftoit de comman-
bien nourris. Et, pour mieux drefi'er der qu'on en vinft en difpute . eux-
leurs embufches, quelques vns d'en- deux, auec quatre ou cinq choifis entre
tr'eux auoyent bien ofé singerer les plus fuffîfans, fe faifoyent fort de
d'auancer vne telle menterie, & abu- prouuer, contre tous allans & venans,
fer de fon nom en chofe où il ne penfa
la Religion publiée & obferuee fous
iamais, de dire qu'il euftremis la Melîe Edouard eftre bonne & fainfte, pour-
à Cantorbie, & qu'il euft promis à la ueu qu'on s'arreftart à l'Efcriture. Et
Roine d'en faire autant en l'Eglife que, pour le prefent, il ne demandoit
S. Paul, à Londres. Quant à lui, il
à fes aduerfaires. finon qu'on redigeaft
n'eftoit pas fi aifé à fe laifl'er manier, à ce qu'eftant
digérer les caloni-
qu'il ne peuft bien (aiifquelles il eftoit
par efcrit &tout
imprimé publié par; tout, on euft
ce fait
nies des mefdifans moyen de couper toutes occafions de
défia tout acouflumé), tant qu'ils per- fuir & fe couurir par nouuelles inuen-
feuereroyent en leur iniure priuee.
tions & interpret-ations. Que s'il im-^
petroit cela de la Roine (comme certesil
(l) Le D' Thornton fut fait évêque de il l'eftimoit eftre bien raifonnable),
Douvres , et se montra un persécuteur
violent. s'afl'euroit que l'adminiftration & po-
12) Ce n'était pas un livre , mais une sim-
n'était
Burnet, te;
, d'aprèsé restrein
, qui publicit (i) S'attaquent. , . ^ , j
ple déclaration
destinée qu'à une ce
fut par suite d'une indiscré tion de Story, (->) Pierre Marlvr, appelé a Oxford , en
Chichester, qu'elle fut préma-
de publiée.
e.\-évèque turément i;47. par Cranm'er, avait collaboré à la
préparation du Prayer-Book.
LIVRE SIXIEME.
8
}8 de l'Eglife du temps du roi teur Wefton eft ordonné Cathedral,
lice
Edouard, edoit fondée en la pure pa- comme luge & arbitre fouuerain <St
role de Dieu , & en la dodrine des
fans appel, qu'on (i).
terre, Prolocuteur appelé,
Auec enCranmer
Angle-
Il cft rcccrché Apoftres. furent lors adioints Nicolas Ridley,
Ce fut la purgation & déclaration
& cmprifonnc.
que Cranmer publia d'vn courage Euefque de Londres, & Hugues La-
timer,iadis auffi Euefque de Wigorne:
certes bien grand ; mais (à ce qu'on a
eftoit mal
tion de la ilRoine,
peu voir) auerti
& des de l'inten-
occafions qui defquels ci-deuant eft l'hiftoire def-
crite (2), lefquels trois iointsenfemble
la mouuoyent long temps au parauant ; pour difputer, furent cependant mis
car, lui portant vne haine mortelle à
caufe du diuorce de fa mère, elle ne en trois diuerfes priions, iufqu'au iour
que la difpute fe deuoit faire , qui ef-
defiroit autre chofe depuis, que de toit le 16. d'Auril, m.d.liiii. L'on af-
trouuer moyen de le faire mourir figna à Cranmer deux iours, le Lundi
comment que ce fuft. On fait alTez & le Mardi ; l'vn defquels il deuoit
combien d'occafions fe donnent les refpondre aux argumens qui lui fe-
Princes communément de nuire & mal
faire, quand ils en veulent vne fois à royent
mis de propofez,
mettre en l'autre auant celuiqueeftoit
bonper-
lui
fembleroit. Ainfi fut ordonné aux au-
quelqu'vn. Or, ce difcours, après
auoir efté publié en la forte que nous tres deux. Il feroit bien long de re-
auons dit, vint finalement entre les citer le tout par le menu , & les con-
mains de ceux du Confeil ; lefquels, tentions, machinations, complots, fac-
après auoir feu que Cranmer en eftoit tions, feditions, crieries, moqueries,
l'autheur, le tirent venir, & puis l'en- outrages, reproches, fiftiemens, hurle-
uoyerent en prifon dedans la Tour, & mens, & telles defhonneftetez qui s'y
Condamné. toft après le condamnèrent comme firent , de manière que cela fentoit
coulpable de lefe maiefté. La Roine, beaucoup mieux fa confpiration que
voyant qu'après auoir pardonné à ceux difpute. Ils fe iettoyent dix ou douze
qui auoyent auffi bien offenfé que lui,
elle ne fe pouuoit exempter fans en à vn coup fur lui, comme s'ils eftri-
uoyent eux mefmes lequel d'entre eux
faire autant à lui (mefniement qu'il ef- flateroit le mieux. Cependant ce 'Wef-
toit celui qui auoit foufcrit le dernier ton (5) eftoit affis au haut throne de la
de tous, & auec le plus de regret, lors maiefté théologale , regardant bas les
que Jeanne fut eflcuë), elle le declaira efcoutans, & argumentant auffi quel-
exempt de lefe maiefté, mais, en re-
compenfe, Or, pour le faire court, ie reciterai
hérétique. elle l'accufa comme eftant quefois.
Les afaires donc de Cranmer eftans en peu de paroles l'ilTuë. Bien qu'il y
euft trois poinds à vuider en cefte dif-
en ce trouble, la Roine, par l'auis de pute, àpeine en peurent-ils expédier
fon Confeil , ordonna qu'il fuft mis vn fcul auec Cranmer, ains tous vni-
uerfellement le condamnèrent pour
hors de la Tour, i4 qu'on le remuaft
à Oxfort pour difputer auec les Doc- conuaincu , & derechef, auec vne
teurs iS Théologiens de l'Vniuerfité. grande troupe de fergcans & gens
Cependant on auertit couuertemcnt embaftonnez, le remirent en prifon.
ceux d'Oxfort qu'ils fe tinft'ent prefts Alors ils eurent ce poure perfonnage
à receuoir le choq , & à difputer vail- vaincu, ils l'eurent lié & garroté, ils
lamment. Et combien que la Roine & l'eurent condamné.
les Euefques euftent defia iuré la Cependant doncques que Cranmer
mort, fi furent-ils d'auis que difpute eftoit détenu prifonnier l'cfpace d'en-
fuft faite , afin que cela feruift de pal- uiron deux ans, la Roine & les Euef-
liation & couuerture à leur confpira- ques fubornerent & attiltrerent taci-
tion. Et de faid, leur mal-talent ne
demeura gueres à eftre exécuté ; car
*on le mené incontinent à Oxfort, puis (1) Au dire de Burnet , « le jour de la
Conférence . la langue du président lui joua
on publie le iour & le lieu où la dif- un mauvais tour. Il commença par ces mots:
pute fe deuoit faire folennellement , •1 Vous estes aujourd'hui assemblés, pour
auec vne attente »& deuotion merueil- confondre la détestable hérésie de la pré-
leufe de tout le peuple (i). Le Doc- sence corporelle de Jésus-Christ dans le
sacrement. » Tout le monde éclata de rire. »
(1) Voy. p. a86 et )oo, supra.
()) " Ce Fac-totum Weslon <> ( édit de
;oiVoy.
p. (i) aussi , sur cette dispute d'Oxford,
, supra.
THOMAS CRANMER. 589
tement quelques vns , lefquels ne
ainfi , qu'il
aimeroit le auifaft
mieux lequel des deux
: finir bien toft fail
pouuans rien gaigner fur lui par raifon
& difpute, vinlTent à le foliciter par vie au milieu des flammes & fagots
prières & promefTes , & par tous les
moyens dont ils fe pourroyent auifer ; préparez à brufler , ou bien de pour-
fuiure le refte d'icelle en authorité &
en forte que, comment que ce fuft, ils
le fiflent defdire ; car les fines gens , honneur ; & qu'il n'y auoit que ces
en matière de leur profit particulier , deux chemins. Quant à eux , ils l'ad-
monneftoyent & fupplioyent bien in-
entendoyent bien le grand dommage
ftainment
fes biens, ,à qu'il vouluft auoir
fon honneur el'gard à
& réputation,
Les machina- qui
bon fe
, &prefentoit
au contraire pour leeux , s'ilbien
grand tenoit&
tions & folici-
au repos & tranquillité de fa vieilleffe,
tations pour
commodité que ce leur feroit, fi vn
& que toutefois il n'eftoit pas tant
feduire Cran- tel perfonnage feul venoit à fe def- chargé d'aage, qu'il n'euft encore à
mer. dire. Doncques vindrent à lui tous en- viure allez long temps. Que fon excel-
femble plufieurs Théologiens, vfans lent fauoir & fes vertus fingulieres ,
de tous les moyens par lefquels ils ef- qui pouuoyent fort profiter tant à lui
peroyent le pouuoir efbranler ; princi- qu'aux autres, meritoyent bien qu'il y
palement Henri Sidal , & frère Jean
de Ville-garcine, Efpagnol (i), re- ne diligemment.
fe foucioit
penfaft Finalement,
autrement s'il
de fa vie,
monfirans le plaifir que ce feroit pour que toutefois il eftimaft la mort en
le Roi & la Roine , & le bien que fa tout temps dure & cruelle , mais plus
confcience receuroit de laiffer fes en ceft aage & grandeur où il eftoit, &
opinions; lui déclarent le bon vouloir d'auantage au tourment & douleur fl
que toute la nobleffe & les gens de horrible du feu. Par tels allechemens
iuftice ces gens de bien tafchoyent de le faire
il voudralui faire
portent ; promettent
comme qu'où
les autres, on fuccomber ; & nonobftant il tint bon
ne lui fauuera pas feulement la vie , quelque efpace de temps, iufques à
mais auffi qu'on le remettra en fon ce que, vaincu par leur importunité ou
premier honneur ; que ce qu'ils par fon infirmité mefme, finalement il
lui demandent n'eft pas chofe de fi fuccomba , & figna vn defdit duquel
grande importance, & moins encore la teneur s'enfuit (i):
difficile
efcriuift àde
faire.
fa Il ne faloit
main finon petis
quelques qu'il Defdit de
« Je, Thomas Cranmer, reiette &
traits ; ce que s'il faifoit , il efloit af- renonce à toute herefie de Luther & Cranmer.
feuré que le Roi & la Roine n'auoyent Zuingle , enfemble à toute doétrine
chofe tant precieufe qu'elle fuft , de- contraire à la pure & faine doftrine.
quoy il ne finaft tout à l'inftant , foit Outre,ment vne
ie fainéle
confefl'e & croi ferme- ,
qu'il vouluft richelTes ou dignitez, foit Eglife catholique
qu'il aimaft mieux fe retirer des com- hors laquelle il n'y a faiut aucun ; de
pagnies des hommes , & viure défor-
mais en fon repos, fans efire contraint laquelle ie reconoi l'Euefque de Rome
de fe méfier des afaires publiques. chef fouuerain,
le grand Pontifelequel ie confefl'e
& Pape, vicaireeftre
de
Seulement qu'il ne fifl que fe fouf- Chrift, auquel tous Chreftiens doiuent
figner en quelque morceau de papier eftre fuiets. Quant aux Sacremens, ie
qu'on lui bailleroit. Qu'il fe gardaft croi que le vrai corps & fang de Jefus
bien de reietter l'offre qui lui eftoit Chrift, fous efpeces du pain & du vin,
faite, autrement il pouuoit bien plier eft trefveritablenient contenu au Sa-
bagage , & n'efperer iamais trouuer crement de l'Euchariftie , & que, par
lieu de grâce & mifericorde. Que la
Roine eftoit tellement affeAionnee , vertu diuine, le pain vient à fe conuer-
tir & tranffubftantier au corps , & le
qu'il faloit que Cranmer fuft du tout vin au fang propre du Rédempteur.
catholique, ou bien qu'il ne fuft point ; autres fix , l'en croi
Et quant
comme i'ai aux fait en ceftui-ci , tout auy
(i ) Sur Henry Sydal. voy.pius bas, p. 59Ô.
Le moine espagnol, Juan de Villa-Garcia, tant que l'Eglife Romaine croid &
était un Dominicain, élève et compagnon de tient. Au furplus, ie croi que le Pur-
voyage de Carranza. Théologien et con-
troversiste habile, il s'employa à ramener
au catholicisme plusieurs théologiens évan-
de cette rétrac-
géliques. Son zèle catholique ne l'empêcha registre latin
tiré du original
(0 Le tation,texte de Bonner , évêque
pas d'être cité devant l'Inquisition, à son été inséré dans l'appen dice
retour d'Angleterre , pour se justifier du de
au vol. VIII ,dea l'édit.
Londres de Fo,\e, publiée par
la Tract Society.
soupçon d'hérésie.
LIVRE SIXIEME.
P
piteux qu'on le pouuoit voir, comme
eftant deuenu petit compagnon de La grande
trisleffe de
tant par le vifage qu'autres marques
grand feigneur qu'il efloit ,captif,
d'Ar- de fon corps, en quelle triftelTe & af- Cranmer re-
cheuefque & Métropolitain, flidion d'efprit il viuoit , leuant main-
tenant au ciel les yeux & les mains , rieurement.
présentée exté-
d'homme eflimé & honoré enuers
tous , miferable & condamné ; voire
maintenant
iettant versdelahonte
terre,qu'il
de auoit les
manière
déprimé & terraffé û tres-bas, qu'il
ne pouuoit ni mieux efperer , ni pref- qu'ayant réitéré fes pleurs & larmes
plus de vingt fois, il en auoit fa barbe
que defcendre plus bas qu'il auoit fait.
Finalement , s'adrelTant derechef blanche toute arroufee. Ceux qui fu-
à Cranmer , l'admonneftoit & prioit rent prefens, afieurent qu'ils ne virent
bien fort qu'il portaft patiemment la iamais ainfi pleurer qu'il fit tant durant
neceffité de ce qui fe prefentoit, puis
le fermon , que mefmement lors qu'il Le peuple
que c'eftoit vn faire le faut (i). Puis recita fa prière. Et ne fauroit-on ex-
primer lapitié & compaffion qui faifit compaffionné
de l'ertat
qu'il lui faloit palTer le pas , qu'il ne
deuoit douter que Dieu ne le recom- lors les cœurs de ceux qui pouuoyent miferable de
regarder vn vifage tant angoilTé , & Cranmer.
penfaft bien amplement de ce qu'il vne fi grande efïufion de larmes que
s'efloit reconu & rallié au rang des iettoit vn tant illuflre & vénérable
autres. Qu'il le propofaft deuant les vieillard.
yeux la tardiue, mais heureufe repen-
tance du Larron, auquel tant s'en faut Col , après auoir acheué fon pref-
que fes iniquitez palTees foyent venues che , voyant que le peuple commen-
en conte enuers Chrill, que mefme il çoit défia à fe retirer , l'exhorta de
fut ce mefme iour appelé pour eftre en prier Dieu, puis leur dit : « Mes frè-
Paradis auec lui. Qu'il ne regardafl res , afin que perfonne ne doute de
point le tourment qui fe prefentoit la conuerfion & repentance de cell
pour la chair , mais qu'il efleuaft fon homme, vous tous l'orrez maintenant
efprit à Dieu, lequel ne permet ia- parler. Monfieur Cranmer, ie vous
mais que foyons tentez par deffus la prie bien atTeftueufement que vous
déclariez maintenant par effeâ; ce que
force qu'il nous donne. Que puis
qu'ainfi eft, qu'il n'a occafion de dou- vous m'auez long temps promis de
ter de la grâce & mifericorde de Dieu, parole , & que vous vueilliez expofer
&de qu'à l'exemple ici publiquement la foi & la créance
faind Laurentdes& trois Hebrieux,
fainét André , que vous tenez , à celle fin que vous
Dieu ne lui adoucilTe le feu , ou bien oftiez tout foupçon aux hommes , &
lui donne force & puiflTance d'y refif- que le monde entende comment vous
ter. Pour le moins qu'il fe pouuoit efles véritablement catholique. » « le
bien affeurer que iamais Dieu ne de- le ferai, dit Cranmer, trefvolontiers. »
faudroit à fes feruiteurs & à ceux qui Et fe leuant , & mettant la main au
l'inuoquent. Ayant acheué & tenu bonnet, vfa de ces mots auant que ve-
nir à fon orailbn & au principal de ce
l'auditoire prefque deux heures , il
rendit finalement grâces à Dieu, de ce qu'il auoit à dire : « Mes amis & frè- Cranmer
res en lefus Chrirt, ie vous fupplie
qu'après auoir eftriué (2) fi long temps ment au
pour conuertir & réduire vn tel
homme , il lui auoit fait finalement tous queeffacer
vouloir priez mes
Dieupéchez,
qu'il lui plaife
lefquels parle finale-
cefte grâce de le rappeler, l'eflimant font en grandeur & nombre plus qu'on peuple.
indigne de viure, lors qu'il eftoit com- ne fauroit eftimer. Vrai efi qu'il y a
blé d'honneurs ; & maintenant qu'il vne chofe principalement, laquelle me
ne pouuoit plus viure, indigne d'ellre caufe & engendre vne triflefl'e & def-
mené ainfi à la mort. Et, afin qu'il ne plaifance extrême ; mais i'efpere vous
partit! de ce monde fans confolation ,
la dire ci après fur le difcours que l'ai
qu'il feroit fon deuoir, & lui promet- à vous faire. » Et ayant mis la main
toit, au nom de tous les preftres qui en fon fein , il tira fa prière, laquelle
eftoyent prefens, qu'il ne feroit pas fi il recita de mot à mot, & prononça de-
toft trefpaflfé qu'il ne fift pour fon ame uant le peuple prefque au mefme fens
faire prières, dire- MelTes, & toutes
qui« s'enfuit.
O SovvERAiN & tout puilTant Oraifon de
autres chofes necefi'aires
Cependant Cranmer , &demeurant
requifes. Cranmer.
Père celefte, ô Fils du Père, & Ré-
dempteur du monde , ô fainél Efprit ,
(i) Une nécessité. tous trois vn Dieu , plaife-toi eftendre
(2) Disputé. ta mifericorde fur moi, poure & mife-
LIVRE SIXIEME.
394-pécheur.
rablc
poché contre leHelas ciel &! i'ai offenfétrop
la terre, & tent peu de paroles proférées à l'heure
qu'on s'en va mourir, & touchent
plus que ie ne fauroi exprimer par pa- beaucoup plus au vif le cœur des amis,
role. Où irai-ie doncques .-• de quel qu'auparuuant tous les difcours & ha-
codé me tournerai-ie .•• à qui aurai-ie rangues de ce monde. Parquoi ie fup-
recours .■' De leuer les yeux au ciel , plie la maiefté de ce grand Dieu, qu il
me face la grâce que ce que ie vous
j'en ai honte ; quant à la terre , ie n'y
voi fecours qui foit. Me defefpe- dirai à prefent, eftant preft de prendre
rerai-ie .' à Dieu ne plaiCe. Toi , Sei- congé de vous, foit à fa gloire & à
gneur, es clément, pourfuyuant de ta voftre falut en lui. Et premièrement, Mettre fon
clémence it bonté toute perfonne qui, c'eft vne chofe bien fort déplorable , efpoir au ciel
ayant recours à toi, demande grâce & que plufieurs hommes fe plaifcnt fi & non terre.en la '
mifericorde de fes péchez & offenfes, fort en ce monde, & y mettent fi très-
qui fait que ie me retire entièrement tant leur cœur & affedion, que c'eft
à toi. Tu es feul à qui ie me ren , &
peu de chofe au reftc de l'eftat qu'ils
auquel auffi ie confefle l'infinité & font de l'amour qu'ils doyuent à Dieu
enormité de mes tranfgreffions. Hélas ! & au royaume des cieux. Première-
bon Dieu, par ta bonté infinie, vueille ment donques, mes chers frères, ie
lean r. 14. auoir merci de moi. Ce grand myftere vous admonnefie & prie que déformais
indicible, que la Parole ait elle faite les voluptez de ce monae , ni chofes
fales it defplaifantes à Dieu , ne vous
chair, n"a pas erté manifefté au monde,
pour peu ou pour petites & légères empefchent de cercher le royaume de
fautes & offenfes. Toi, Père celefte, Dieu ; ains dreffez vos efprits & rap-
n'as pas voulu que ton Fils Jefus portez toutes vos adions à Dieu & à
Chrifl noftre Seigneur fouffrift mort & la vie qui dure fans fin. Et foyez tou-
paffion pour effacer quelques delids, fiours recors(i)de ce qui cft en la pre- I. lean 4.
mais pour tous, & pour les plus grans
mière de S. lean, 4.
mi;r ce monde, est combatre contrechap. : Qv'ai-
de tout le monde , toutesfois & quan-
tes que les poures pécheurs fe retirent DiEv, & eftre fon ennemi mortel, &
de tout leur cœur à toi ; ainfi que moi
maintenant, Seigneur Dieu, ie me ren que ce foit là l'admonition première
que vous retiendrez.
& donne de toute mon affeilion à toi. ObcilTance
« La féconde , c'efl qu'après Dieu
Donques, Seigneur, par ta bonté & vous rendiez l'obeiffance à voflre Roi au fupcrieur.
pitié infinie, aye merci de moi. le ne & Reine, que vous deuez, & ce de
te demande rien pour le regard de cœur & affedion , fans murmurer ou
ma perfonne, ains ce que ie te de- vous mutiner contre. Et ne le faites
mande ell pour illuftrcr la gloire de pas de peur ou crainte que vous ayez
deux, ains pour la reucrence que
ton
ChriftNom, & pour
ton Fils l'amour
bien aimé, afin de
que lefus
tout vous deuez à Dieu, duquel ils repre-
ce qui vient de toi lui foit attribué, & fentent l'authorité et la perfonne en
non pas à nous. Maintenant donc, ce monde, aufquels quiconque refifte,
nous te prierons, par l'oraifon que : rclifie
fance. à Dieu autheur de toute puif-
lui mefmc nous a aprife, en difant
Noftre Père qui es es cieux, fanélifié « La fraternellement
tierce, c'eft quelesvous
Charité des
foit ton nom, <&c. » aimiez vns vous
les vns aux autres.
Ayant acheué fon oraifon (laquelle autres. J'ai honte de dire les hai-
il auoit prononcée auec larmes & nes & malvueillances qui régnent
foufpirs, le peuple priant auec lui), auiourd'hui mefme entre les Chref-
derechef eftant leué fur fes pieds, vfa ticns, & les cruautez qui fe commet-
de l'exhortation
s'enfuit : & remonftrance qui tent iournellement, comme s'ils n'cf-
Admonition a Tovs hommes ont cefle bonne toyent frères & fœurs entr'cux , mais
de Cranmcr tigres i*t ennemis mortels les vns des
au peuple. couftume de lailfer volontiers quelque
autres. Que donc
de fon cofté vn chacun
de profiter s'efforce
à tous, félon
manière d'exhortation au peuple fur
l'heure qu'ils doiuent partir de ce le moyen que Dieu lui a donné, & de
monde, afin d'aller rendre conte à ne nuire à perfonne, tout ainfi que
Dieu, tant pour durer plus longue- nous voudrions eftre fait à nos pro-
pres frères cS; fanirs naturels. Et que
ment en la mémoire de ceux qui l'ef- chacun retiene hardiment ceci : Celui
coutent , comme pour leur ap(jrter
quelque excellente édification. Car il
auient communément que plus empor- (1) Souvenez-vous toujours.
395
THOMAS CRANMER.
qui hait ou fait tort à fon prochain, en deuant i'aye ou dite ou efcrite. Pre-
intention de le faire, ne peut eflre mièrementie
, croi en Dieu le Père
aiméau decontraire.
Dieu, quelque opinion qu'il tout puilfant, créateur du ciel & de la
ait terre, &c. Bref, ie croi tous les arti- La dernière
confeflion de
a Finalement, que ceux qui s'enri- cles de la foi catholique, enfemble- Crannier.
chifTent félon le monde, & qui abon- ment toute parole de noftre Sauueur
dent en biens , fe propofent diligem- lefus Chrift, de fes Apoftres & Pro-
ment deuant les yeux ces mots de
phètes, comprife tant au vieil qu'au
lefus Chrift : Qv'il est bien diffi- nouueau Teftament, & m'affeure fer-
cile QVE LE RICHE ENTRE lAMAIS AV mement làdeftus. Or, ie vien mainte-
ROYAVME DES ciEvx. C'efl vne fen- nant à ce qui, pardeffus tous les pé-
tence contre le riche, mais elle eft chez & offenfes que ie fis i^piais, me
proférée de la bouche de celui qui ne tourmente & afflige le plus en ce
fait mentir. D'auantage S. lean dit : mondede : ma
c'eft main
vne foufcription
« Quiconque voit fon frère en necef- faite en vn papierqueefcrit
i'ai
fité , & ne lui fubuient , comment peut
eflre la charité de Dieu en vn tel qu'on me prefenta n'agueres ; car in-
dubitablement iel'ai faite contre vé-
homme ? » Semblablement S. laques, rité & contre ma confcience. le cui-
s'adreffant aux riches & auares : « Or doi par ce moyen euiter le danger de
fus, » dit-il, « vous autres riches, pleu- la mort, & prolonger ma vie en ce mi-
rez hardiment, commencez à braire ferable monde ; mais maintenant ie
fur vos miferes, lefquelles ne vous protefte enuers tous franchement, que
peuuent faillir; vos richeffes fe font ie reuoque & annulle tous tels efcrits
pourries, vos veftements ont efté fuiets faits ou fignez par moi depuis le temps
aux lignes , voftre or & voftre argent de ma dégradation ; ie les defauouë
s'eft corrompu, & cefle corruption ren- d'ores & défia totalement. Au refte ,
dra tefmoignage contre vous, & con- quant eft de cefte main mal-heureufe,
fumera voftre chair comme le feu.
Vous auez thefaurizé fur la fin de vos laquelle
mefchanceté m'a contre
ferui àmafouffigner cefteie
confcience,
iours. » Que tous riches mondains y la voue & dédie à eftre bruflee auant
les autres membres de mon corps, &
penfent bien, car s'il y eut iamais fi toft que ie ferai au fupplice , elle
temps auquel faluft donner aux pau-
ures, ceftui-ci l'eft, veu la multitude toute première en portera la péni-
des poures & la difficulté des viures,
bres tence,
qui a puis que& c'eft
fait elle le
exécuté de mal.
mes Quant
mem-
& d'autres chofes qu'il y a quafi par
tout. Et combien que i'aye demeuré au Pape, pour vous le faire court, ie
long temps reclus en prifon, fi fai-ie le tien & repute ennemi de Jefus
fort bien la poureté & la cherté qui Chrift, voire le mefme Antechrift, &
eft communément par tout ce royaume, detefte toute fa dodrine comme faufte,
a Et d'autant que ie fuis venu en & tous fes erreurs pernicieux & con-
traires àla parole de Dieu. Touchant
cefte extrémité, qu'il me faut mainte-
nant palTer de cefte vie en l'autre, & la Cène du Seigneur, i'en croi & main-
que fuis fur le poind de viure éternel- tien tout autant que i'en ai traité iadis,
lement auec Jefus Chrift noftre Sau-
en ma defenfe contre l'Euefque de
ueur, ou eftre damné perpétuellement Winceftre , & eftime que ce liure-là a
au gouffre d'enfer auec tous les dia- dequoi refpondre aux calomnies & ef-
bles ;voire que ie voi mefme prefen- forts des Papifles. »
tement deuant mes yeux, ou le ciel Tovs les affiftans eflonnez commen- Eftonnement
ouuert pour me receuoir fi ie di & cèrent fe regarder les vns les autres,
des Théolo-
confeflfe fans contrainte la pure vérité, & merueilleufement s'efbahir, de fe
voir ainfi deceus de leur opinion. Et y Papilles
reuolle àde la
ou la gueule de l'enfer prefte à me de- giens &
uorer & engloutir, fi ie defguife rien en eut qui lui mirent au deuant fon Cranraer.
autrement que vérité & fidélité me abnégation, lui reprochant fa del-
commande , ie vous veux maintenant
loyauté. C'eftoit vn plaifir lors de voir
vne fois pour iamais déclarer libre- la contenance des Théologiens fruftrez
ment & ouuertement quelle eft ma de leur efperance , voire que iamais
foi, & ne vous en diffimulerai rien, ne cruauté ne fe trouua ainfi moquée, ni
par crainte, ne pour recompenfe que fi bien à propos. Et ne faut douter
i'en efpere ; car ie fuis venu iufques que,
tous s'il fut demeuré
fuffent montezen au
fon fommet
abiuration,
de
là, reculer,
ou qu'il n'eft quelque
plus befoin
chofede que
diffimuler
par ci leurs ergots. Or, après auoir oui tout
96
ce 3difcours, eflans deuenus tous efper-
dus, ils ne fcurenl que faire, finon
bailTer les oreilles & efcumer leurs
LIVRE SIXIEME.
de Wltli'
PLVSIEVRS MARTYRS. 399
ofta premièrement la robe longue &
les orneraens presbyteraux , félon la bruflez, defquels les noms s'enfuiuent.
façon acouflumee ; puis, procédant à la I. Thomas Witlé.
II. Barthelemi Grene.
dégradation aduelle, qu'on appelé, III. Thomas Brovn.
lui ofta les ordres de preftrife. Apres
tous ces beaux myfteres , il lui dit : IV. Iean Tvston.
V. Iean Went.
«Va, mal-heureux, ofte-toi d'ici; tu VI. Agnes Favster.
n'es plus preftre , ains hérétique. » Et VII. Ieanne Lashefort (i).
Witlé lui refpondit : « Tenez-moi
mille fois pour hérétique, fi vous vou-
lez; ie fai bien peu de cas de tout Ils furent enfemble bruflez à Lon-
cela, moyennant que le Seigneur mon
Dieu me repute pour fon feruiteur. uier. dres l'an M.D.LVi. le 27. iour de Jan-
Mais quelque hérétique que ie fois ,
ie vous prie rendez moi mes habille-
mens
uant. ,» defquels i'eftoi veftu aupara-
Apres cela, on procéda auiugement Iean Lowmas, & autres (2).
de la caufe, auquel Witlé les attendit
quatre heures entières, difputant doc- Or après que Witlé & fes autres
tement & prudemment pour fa caufe.
Mais autant que lui les gagnoit en compagnons eurent efté exécutez en
la ville de Londres , il y en eut cinq
bonté de caufe, autant iceux le fur- autres bruflez en ce mefme mois de
montoyent en violence & oppreffion ; lanuier en la ville de Cantorbie : ce
& la fentence de mort prononcée con- fut le dernier iour de lanuier de cefte
tre lui fit la fin du procès. Eftant con- année m.d.lvi. à f;iuoir : i. Iean
damné, du fiege iudicial fut ramené Lowmas. ii. Anne Albrycht. m.
en la prifon; où il employa ce peu de Iean.^je Soalle. IV. Ieanne Painter.
temps & vie qui lui reftoit , à prier V. Agnes Snode.
Dieu, à confoler les frères , à efcrire
à fes amis. Entre autres lettres , il en
efcriuit vne excellente à deux de fes
frères, le iour deuant qu'il fuft bruflé.
Vn nommé Richard Spenfer a recueilli
Michel
de Anne Potten , & (3).
la Femme de
eft ladite lettreparce efcrit.
ici déduite peu d'hirtoire qui
Il fut bruslé
à Londres, auec celui qu'il auoit retiré
de l'erreur Arien, & auec cinq autres
conftans & fidèles Martyrs de lefus Ci dcffiismuel,
en martyr
l'hiftoire de Robert Sa-
du Seigneur , nous
Chrift. Entre ces cinq Martyrs, il y
auons fait mention de ces deux fem-
eut deux femmes de Londres : l'vne
eftoit défia aagee , matrone honorable mes ,desquelles l'hijîoire , quant à
leur mort, vient en cejl ordre de
temps.
de So'uthwork ( i ) ; l'autre eftoit encore
fille, charte & fort belle. Cefte-ci fut
aflaillie en diuerfes fortes; mais on ne
Entre celles qui ont vertueufement
la peut iamais retirer du bon chemin
de la vraye Religion, pour quelque bataillé fous l'enfeigne de lefus
Chrift, & qui ont obtenu viftoire fous
perfuafion que ce fuft ; & pourtant
elle fut bruflee auec les autres, au fa conduite, c'eft bien raifon que ces
deux femmes y foyent mifes, Anne
mefme habillement qu'elle deuoit eftre
acouftree en fes fiançailles, prenant le
Fils de Dieu pour fon époux. En ce (i) Thomas Whiule. Bartlet Green,
Thomas Brown, John Tudson , John Went,
nombre ci eftoit M . Barthelemi Grene, Isabel Foster, Joan Warne, alias Lashford.
de noble famille, qui fut pris à caufe Sur celle dernière, voy. p. i;ç), supra. Sur
Green, voy. p. 401, ci-dessous.
de quelques lettres qu'il auoit efcrites (2)Crespin, 1564, p. 809; H70, f- 425.
à vn fien ami Théologien , qui eftoit
lors en exil, comme en fon hiftoire ci Foxe, t. VII, p. 750. Les noms de ces mar-
lyrs étaient : John Lomas , Anne Albright ,
après eft contenu. Au demeurant, il y Joan Calmer, Agnes Snoth, Joan Sole.
en auoit fept en tout qui furent là (;)Crespin, 1564, p. 809; 1570, f''42;.
Foxe, t. Vlll, p. 101. Voyez aussi p. 2Ô0 ,
supra. La « femme de Michel » se nommait
(1) Southwark. Joan Trunchfield.
LIVRE SIXIEME.
ques fon magifler. Là tous deux re- donner argent pour faire le voyage.
quirent que de là ils fufTent menez à
Apres qu'Abs eut fait abiuration ,
l'Euefque il fut touché d'vne repentance telle
Lainam. Et(i), qui ils
quand eftoit pour
furent lors à
là venus,
qu'il retourna vers l'Euefque, com-
l'Euefque commença
examiner Wade incontinent
touchant fa doélrine.à bien qu'il y euft long chemin à faire ;
& ayant elpié l'occafion il fe prefenta
Et toutefois Wade demanda qu'on droit à cell Euefque, en une grande af- 1
lui donnaft certain iour pour refpon- femblee & , deuant beaucoup de gens 40
dre. Mais Abs fit quelque figne de qui là eftoyent, rendit le billet & dit
face & de contenance , comme celui
qui fembloit rire & applaudir à Wade. qu'on auoit plus efcrit qu'il n'auoit en-
tendu &
, fi rendit l'argent qu'ils lui
Quandde l'Euefque
façon eut aperceu
faire, il demanda à Abs celle
quel auoyent'fait donner pour faire fon voya-
affaire il auoit là. Lequel refpondit ge. Et voyant qu'ils ne le vouloyent
receuoir, il le ietta au milieu d'eux,
qu'il eftoit venu auec ceft homme de dilant : « Perifl'ez auec voftre argent. »
bien. « Quoi ? » dit l'Euefque, <i l'ap- Sur quoi eftant empoigné & mis en
pelez-vous homme de bien.- » Et Abs prifon , tort après receut fentence de
dit : « le l'eilime tel voirement , s'il condamnation d'eflre bruflé. Quand
perfidequand
auoit en cefte bonnede volonté
il partit qu'il»
fa maifon. il fut prochain de l'exécution, il de-
manda au luge qu'il permift au peu-
Alors l'Euefque lui dit : « Dites-moi ple de faire oraifon auec lui. Le luge
donc ce que vous fentez du Sacre- lui dit qu'il le permettoit , pourueu
ment de l'autel. » Il refpondit : « le qu'il fe vouluft conuertir. Et il dit : d'Abs après
di que c'efl la plus horrible abomina- « le croi en iefus Chrift ; à qui vou- La repentance
tion dont on ouyt iamais parler. » 11 lez-vous que ie me conuertiffe.' » Et fon abiuration.
fut incontinent mené en prifon & mis adreffant fon propos & fa prière au
aux ceps audit lieu de Lainam, & tort
après furent menez tous deux par de-
peuple, il requit tous ceux qui là ef- :a
uers le iuge Idden par Jean Mil- mourir toyent
il deeuft
prierceauec
bienluique
, & leur
qu'auant
voix
les , preuuofi de WilTon. Ce iour là fuft coniointe auec la fiene. La pluf-
le part de crainte murmuroit tout bas vn
maisluge n'eftoit point
il retourna bien en
tortfaaprès,
maison-,&
bruit de voix, & n'y en eut en toute
Wade auec fon compagnon fe pre- la troupe que trois qui efleuerent leur
fenta de fa propre & franche volonté. voix , à fauoir : i. Ammon ; 11. Iean
Le luge les renuoya derechef à Ross; & m. Alice Spenser.
l'Euefque, lequel les fit mettre en la
prifon de Berie (2). Et pource qu'il lui
fembla qu'ils eftoyent là trop benigne-
ment traitez , il les fit tranfporter en
la prifon de Norwic , & commanda Barlet , ou Barthelet Grene (i).
que laques Abs fuft là plus eftroite-
ment ferré & tenu. Il lui fit mettre
vne chaîne de fer au col & à fes deux
Ci dcjjus en l'hijhirc de Thomas
pieds Witlé (2; , nous auons parle de J'ept
largeur, fi
de qu'à
deux grand'peine
doigts pour auoit-il
fe mettrela Martyrs qui furent enfenible execu-
& pour porter le poure corps. On lui /c'^, entre le/quels Bar'thelenii Grene
bailloit environ la quatrième partie de (vulgairement nomme Barlet ou Bar-
ce qu'il faloit à fon manger, & pour thelet) en ejloil l'un, & duquel l'hif-
tout fon boire vn bien peu d'eau. crite.
toire , en ce lieu promij'e, ejl ici dej-
Finalem.ent la faim & la foif & l'hor-
reur de cefle prifon lui firent quafi
perdre tout le fens , tellement que PovR monftrer que vieux & ieunes,
cela le contraignit de fe retraôer , & nobles & ignobles ont, en ce Recueil,
l'Euefque & le Chancelier l'enuoye- part à la confolation qui y eft excel-
rent auec vn petit billet au Curé de
lente, pour repouft"er toutes excufes
la ville , afin qu'il recitaft publique- & tentations , qui empefchent ordi-
ment au temple ce qui y eftoit con-
tenu ,& lui firent quand & quand
(i)Crespin, 1564, p. 811; 1570, f° 42Î.
Voy. aussi.Foxe, t. VII, p. TM- a6Le nom
(i) De Norwich. de ce martyr étail BarUet Green.
(2) Bury. (2) Page ;97.
LIVRE SIXIEME.
402
nairement »'<: relardent le vrai feruice elTed leur parole , & qu'il defiroit
de Dieu, nous joindrons à ces bons mourir pour la confeffion du Nom de
Pères propofez ci deuant en leur Dieu. Eux voyans fa confiance et
rang , 1 exemple d'vn qui, dés fa ieu- qu'il parloit de telle ferueur , furent
nelle, s'eftoit dédié pour porter teCmoi- grandement eftonnez & ne feurcnt
gnaj,'e
iiTu deà lanoble vérité.maifon
C'efl BarletGrene,
de Londres , que refpondre, finonenqu'ils
dèrent de le mener comman-
prifon.
lequel palVa fes premiers & puérils La ellant, fut folicité par flatteries &
efludes en l'Vniuerfité d'Oxfort , & douces paroles de fes parons, voire des
prolita grandement es langues Latine Papilles , niefmcs auec larmes (car il
& Grecque. Puis s'eftant adonné à elloit grandement aimé & regretté),
l"cftude des loix, en peu de temps y au'il eu(l à garder l'honneur des Tiens
full tellement auancé , qu'il furmonta t^f fa vie, c'efl alTauoir, en fe defdi-
les autres de l'on aage, & efloit comme fant. Apres les auoir efcoutez par
vn vrai exemplaire aux autres eflu- trop patiemment , fouffigna certains
dians. Pourfaconuerfation, fesmœurs,
articles contenusen vn papier qu'iceux
fa modeftie, il n'y auoit celui qui neil amis lui auoyent drelTé pour le fau-
defiraft fon amitié. Au demeurant,
receut le comble de toute félicité, à àuer,
foi mais
& remis incontinent qu'il voye
en la droite fut revenu
, arra-
fauoir la conoilTance de la parole de cha des mains d'iceux ledit papier &
Dieu , lors que le doifteur Pierre le dcfchira par pièces. A raifon de
Martyr y efloit profelTeur en Théo- quoi, le lendemain, fans tarder, il fut
logie t% es faindes lettres. Auint de fentencié & condamné d'ertre bruflé
ce temps, en la grande fureur de cède en la place de Smithfild ; & pour cela
perfecution, que la Roine Marie, en- fut tranfporté d'vne prifon en autre ,
tre autres defenfes, ayant fait publier : alTauoir de la groffe tour (i) en New-
Que qui nul eftoyent
n'aidaft fugitifs
ne mandart lettres à gat, qui eft la prifon des brigans, auquel
ceux du Royaume
pour la feéle Lutherienc , vn certain lieu, laà nuid
criuit deuant
vn fien ami l'exécution, il ef-
vne lettre pleine
meiïager fut furprins , portant plu- de fentences de l'Efcriture t% de
fieurs lettres, entre lefquelles il y en grande confolation contre les regrets
auoit vne efcrite par ledit Grene à vn de la mort.
fien ami abfent pour celle caufe (i). Eccl. 7. I.
Ces lettres portées au Confeil de la MiEvx vaut le iour de la mort (dit
Roine, Grene, ertant adiourné à com- le Sage) que le iour de la naiflance.
paroir perfonncllement , reconnut fa L'homme nai de la femme vit peu de
lettre fans aucune difficulté. Le Chan- temps & c(l rempli de plufieurs mife- lob 14. I.
celier lui dit en pleine aflTcmblee du res ; niais bien-heureux font ceux qui Apoc. 14. I)
Confeil,
crit ladite que pourtant
lettre qu'il auoitil ef-
à vn hérétique, en meurent au Seigneur. L'homme nait
de la femme en douleurs, vit en mi-
auroit l'exécution de l'ordonnance. fcre, & acheue le cours de fes iours
Grene, d'vn cœur gay , fans hefiter, en calamité. L'homme en lefus Chrifl
refpondit : « A la miene volonté meurt en ioye pour régner en félicité.
qu'ainfi foit ; » & fur le champ pria Il e(l nai donc afin qu'il meure , &
1 aflemblee qu'ils miflent bien toll en
fort deafin
meurt la qu'il
mère viue. Incontinent
, il monftre qu'il
fa mifere
(i) Celte lettre 6talt adressée à Chrislo- par larmes; mais allant au trefpas, il
pher Goodman, l'un des plus distingués s'esjouit & glorifie le Seigneur. Dés
parmi les réfu);iés anglais , et qui fut , avec
le berceau , trois ennemis le vienent
Knox, pasteur de l'éKlisc anglaise de Ge-
nève. Le 1" juin Î5Ç8, le droit de bour- allaillir; mais, après la mort, il n'a vies.
geoisie lui fut gratuitement conféré par le Conférence
des deux
conseil de Genève. Il y travailla à la publi- aucun aducrfaire. Cependant qu'il vit
cation de la version anglaise de la tiible , ici bas, que fait-il autre chofe que
qui parut dans cette ville. Voy. sur lui les mefprifer le Seigneur? mais, après fa
Calinni Opcra , XVII, 29?, Ç66; XVIII, 56;, mort, il fe dédie à la volonté d icelui.
4)$. Koxc (VII, 7)j) raconte que la lettre En cefte vie , par le péché il efl en la
qui amena l'arrestation de Grccne était une
réponse à une lettre de Goodman, qui avait mort; mais, en la vie à venir, il vit en
demandé h son ami si le bruit qui avait couru iuflice & faindeté. Par plufieurs tri-
au sujet de la mort de la reine était fondé. bulations en ce monde il eft purgé ,
Greene avait répondu : ■■ La reine n'est pas mais au ciel il efl renouuelé à iamais
morte. » Ses juges prétendirent trouver dans
CCS Mûrie,
de mots l'indice a'un complot contre la vie
(1) La Tour de Londres.
BARLET GRENE. 403
en ioye perdurable ; ici à toutes heu- Le lendemain , qui eftoit le vingt-
res ilmeurt, mais là il vit eternelie- fixieme de lanuier, ayant ia receu
ment; ici il efl péché, là il efl iullice. fentence de mort , fut mené en la
Ici bas, place qui eft prochaine de la prifon ,
mais toute iléternité n'y a ell que làchangement
fus ; ici eft; pour y eftre exécuté. Ce fut vne
haine, & là e(l amour ; ici auons faf- chofe efmerueillable, d'vne telle force
cherie , mais là auons plaifir. Ici eft
mifere, là eft félicité; ici corruption , & conftance en cefte ieuneft'e , & du
courage fi excellent
eut à endurer & vertueux
vif le tourment du qu'il
feu,
là immortalité ; ici vanité, là conten-
tement & fermeté. O ami , quand louant & glorifiant le Seigneur. Auec
nous ferons auec la maiefté de Dieu , lui quelques autres furent exécutez,
nous ferons en ioye triomphante & defquels nous auons parlé ci deflus au
gloire perpétuelle. Cependant donc martyre de Witlé.
que ferons ici , cerchons les chofes
Le terre
nombre des Martyrs
en cefte année d'Angle-
1556. eft eftimé
qui font d'enhaut, où lefus Chrift eft
aflls à la dextre de Dieu le Père, au- monter à cent perfonnes ou enuiron ,
quel foit tout honneur & gloire éter- tant hommes que femmes (i).
nellement. De la prifon de Newgat,
le 25. de lanuier m.d.lvi.
(i) Burnet (Hist. de la Réform. en Anglet.,
Par le tout voflre frère en lefus trad. Rosemond, t. 1 1 , p. 801) estime à 85
Chrift , le nombre des « protestants qui subirent le
dernier supplice pour la foi. » Foxe dit 84
Barthélémy Grene. (i. VIII, p. 2;6).
r
HISTOIRE ECCLESIASTIOVE
ET
e ilile ordi-
naire des
qui efloit là lui dit : « Va, mefchant, demanda aux luges licence de pou-
Jucleurs fe c'eft par toi que ton père efl ainfi uoir confefter fa foi deuant le peuple.
cic^Huire en perdu. » Et, fe retournant vers le
- _>jrdelicr. bourreau, dit : « Sus, fus, officier, fai II lui fut refpondu : » 'Voila voftre
ton office, car nous nous voulons re- Cela confelTeur,
beau « père
lui. dit, foudain on le pouftaà
confen"ez-vous
tirer, auffi bien y perdons nous nos rudement à l'eftache, & là commença
peines ; ils font endiablez. » Le fils à chanter le Pfeaume xvi. :
donc fut mené en vne chambre à part, Les louanges
& là fut defueflu de fes acouftremens, Sois moi, Seigneur, ma garde & mon apui,&c. de Dieu font
& mis en ellat pour en faire facrifîce. odeur de mort
Et comme on lui mettoit la poudre & erreurs , aux
mefchans qui
Le Cordelier crioit : « Efcoutez, mef-
deuant la poidrine , il y auoit là vn iniurient le
>uauté des Quidam qui lui dit : « Si tu eQois fieurs, les mefchans erreurs qu'ils S. Efprit.
Moines.
chantent pour deceuoir le peuple. »
mon frère, ie vendroi tout mon bien Et, fe retournant vers le Cordelier,
pour auoir des fagots pour te brufler ; dit : « O poure homme, dis-tu que les
on te fait trop de grâce. » Et Baude- Pfeaumes du prophète Dauid font
chon lui refpondit : « le vous remer- erreurs f mais c'eft toufiours voftre
cie, mon ami ; le Seigneur vous face couftume, d'ainfi iniurier le S. Efprit. »
mifericorde. » Et comme aucuns qui Puis, fe retournant vers fon père, le-
ertoyent là prefens difoyent : « O
quel on lioit à l'eftache, crioit : « Cou-
Dieu, c'efl pitié de ces pouresgens ! » mon »père,
rage,fait. ce fera tout inconti-
il y eut vn Dodeur prefent, qui nent En attachant le père, le
refpondit : « Et quelle pitié vou- bourreau le frappa d'vn coup de mar-
lez-vous auoir d'eux ? ie ne leur feroi teau fur îe pied, comme pour le faire
pas tant de grâce, & ne les traiteroi renger de plus près au pofteau. Et
S. Laurent pas fi doucement, que de leur mettre
fut roUi fur l'ancien homme, ayant fenti l'angoiffe,
•ne grille par cefie
on fit poudre ; ie les» frican"eroi comme
S. Laurent. dit au bourreau : « Mon ami, tu m'as
es païens, &; bleffé ; pourquoi me traites-tu fi ru-
les fidèles dement ?» Le Cordelier, oyant cela,
tefnioins du Or cependant qu'on parloit ainfi Calomnie
Fils de Dieu contre Baudechon, fils aifné de Ro- difoit : « Ha, les mefchans! ils veu- Satanique.
n ce dernier bert, les Caphars efloyent auprès du lent auoir le nom d'eftre Martyrs, &
fiecle n'ont père pour lui perfuader au moins de quand on les attouche vn peu , ils
las elle gueres prendre vne image de crucifix : « Afin, » crient comme fi on les meurtriffoit. »
plus douce- difoycnt-ils, « que le peuple ne mur-
ment traitez Baudechon, voyant le tort qu'on faifoit
par les faux mure point, » adioufians ces paroles : à fon père, dit : u Et penfez-vous que
Chrelliens. « Ayez voftre cœur efleué à Dieu ; nous craignions les tourmens & les
vous fauez bien quece n'eft que bois. » peines de la mort? non, non ; car fi
Et en difant cela, lui lièrent l'image nous les euffions craint, nous n'euf-
entre fes mains; mais comme fon fils fions point ainfi abandonné nos corps
Baudechon defcendant le vid, s'ef- à cefte mort honteufe. » Puis après,
cria difant : " Mon père, que faites- il réitéra fouuent ces foufpirs : « O
vous .'■ ferez-vous idolâtre à voftre der- Dieu, Père éternel, ayes pour agréa-
nière heure r » En difant ces paroles, ble ce facrifice de nos corps, au nom
il lui ofta de ton Fils bien-aimé. » L'vn des
auoit liée,des& mains la croix
la ietta qu'on
arrière, lui
difant Cordeliers crioit : « Tu as menti, mef-
tout haut : « Que le peuple ne s'of- chant, ce n'eft pas ton Père ; mais tu
fenfe point en nous, pource que nous as le diable pour père. » Et ainfi, eftant
ne voulons point de lefus Chrift de en tels combats, il dreffa la veuë au
bois, car nous portons en nos cœurs ciel, & parlant à fon père, dit : « Mon
lefus Chrift, le Fils de Dieu viuant,
père, regardez, ie voi les cieux ou-
& nous fentons fa fainfte parole efcrite
au profond de nos cœurs en lettres uerts, & mille millions d'Anges ici à
d'or. » l'entour de nous, menans ioye de la
confeffion de vérité que nous auons
Ainsi
tous lesqu'on
iurez les& menoit
bandesau ordinaires
martyre, rendue deuant le monde. Refiouift'ons-
nous, mon père, car la gloire de Dieu
(qu'ils nomment les Sermens de la nous eft ouucrte. » Vn des moines
ville) eftoyent en armes, comme fi ce cria, au contraire : « le voi les enfers
fuft pour conduire vn Prince à fon en- ouuerts, A mille millions de diables
trée. Eftans paruenus au lieu du fup-
prefens pour vous emporter aux en-
plice, ils montèrent fur l'efchaff'aut fers. »Et fur l'heure, le Seigneur qui
qui eftoit dreflTé, & lors Baudechon ianiais ne delaiffe les fiens, incita le
LIVRE SEPTIEME.
toute noftrc vie, nous n'auons fenti la bons, comme Ifaie dit, que le Seigneur
pareille. Nos efprits font maintenant
enflambez de ce feu diuin ; bref, ie ne a cil pilié de l'on peuple , & a eu recor-
vous fauroi aucunement efcrire ce que dalion de l'iij]li(:;é ; & Sion a dil : Le
ce bon Dieu nous fait fentir en nos Seif;neur m'a delaiffif , & mon prolec-
leur m'a oublié. La mère peul-clle ou-
liens, & ai regret de ce que ma langue
me défaut, & que ie ne fai vous ef- fruifi blier
de fonfon
enfant , qu'elle
ventre n'ail
! encore pitié elle
quand du
crire les ioyes celcfles qu'auons ici. l'oublieroil , Jî ne t'oublierai ie pas, car
Or cependant que ie fuis en telle ioye lu es l'ccnure de mes mains. Voila le
& confolation, la charité & amour que faind Prophète de Dieu qui nous
ic vous porte me contraint de ietter confole merueilleufement , & nous
ma veuë après vous qui habitez enco- donne vne merueilleufe efperance, en
res en ce monde. Helas, helas ! quand nous propofant noflre Dieu plus
ie regarde maintenant la poure Eglife amiable que la mère vers fon enfant.
O confolation , ô ioye ! il dit , En-
(i) Les deux lettres de Martin Opuicr core que la mère oublie fon enfant,
figurent déjà dans le Ttcisiimc recueil de
ii(<>. Celle de Baudechon n'y est pas; mais
qu'il ne nous oubliera pas. Que crai-
elle figure dans l'édition de i;64 et dans
gnez-vous donc, petit troupeau, puis
toutes les suivantes. que voAre Dieu parle ainfi auec vous }
QVATRE MARTYRS DE LISLE.
412
lent O que tu es bien defiree ! Soyez d'au-
rien, Qu'ils ne foyent en crainte de ioyeux auec nous, mes Frères
mon 1 cfpere , auec l'aide & force de tant que noflre bon Dieu nous a fait
Seijjneur, auquel ie me fie, qu'ils ce bien-là de nous donner hardiede
n'auront nulle allliâion ou dommage
de confelTer fon S. Nom purement
pour moi , i'entens par ma bouche ,
moyennant l'aide de Dieu, car fans deuant tous nos ennemis, ce qu'il ne
La prouidence lui ie ne peux rien. Recommandez- fait pas à tous. Or loué foit noflre bon
de Dieu con- moi à mes deux fœurs Mariette &
fole & affeure Dieu, qui nous fait tant d'honneur,
les lidelcs. Thoinette, & les veuillez confoler par que fouffrions pour fa vérité, nous ef-
lifant pour eftre des tefmoins de fon
la parole
fiours bonde courage
Dieu ; qu'elles
en Dieu,ayentcartou-le Fils. Et quant à vous, mes Frères, Exhortation
neccITaires
Seigneur les affidera en toutes leurs feruez à Dieu purement, fans vous fous la croix
affaires & neceffitez, comme il dit : méfier auec les Papiftes & idolâtres.
« Il n'y a nul qui, ayant perdu père, Fuyezceux quienfeignentàdiffimuler,
mère,au frères,
fois double fœurs,
en ce n'en reçoiue
monde, & encentla & n'ayez point d'acointance auec eux,
comme très-bien vous a eflé enfcigné.
fin vie éternelle. » le prie noflre bon
le croi que ne l'auez pas oublié. Ne
Dieuouurante
foi qu'il luiparplail'e vousA acroiflre
charité. Dieu, mesla craignez point les& hommes, car d'eftre
en leurs mains, de confeffer pure-
frères & fœurs, à Dieu foyez-vous re- ment lefus, comme nous auons fait,
commandez. Par le tout voftre humble
il n'y a que ioye & confolation, voire
& frère & compagnon auec vous plus que ie ne fauroi dire. Nous nous
aux affligions de Chrift, Baudechon repofons maintenant en grand repos
Oguier, prifonnier pour l'Euangile. de confcience, & auec vne ioye indi-
cible, fachans que demain après difner
nous partirons de ce monde, faifans
fin à cefte poure vie, pour régner auec
Copie des lettres de Martin Oguier, noflre chef & efpoux lefus Chrift,
eftant prifonnier auec fa mère, ef- Amen. Mes Frères, nous fommes
crites en& Flandre.
eniioyees des prij'ons de grandement resjouis de vos efcrits ,
LiJIe car vous «nous auez confolé merueil-
leufemcnt ; le Seigneur vous veuille
Treschers Frères (i), ma mère & maintenir fermes iufques à la lin de
moi nous nous recommandons à vous
& A tous nos frères & fœurs en lefus vos iours. pour Ne delaifl"ez
Chrift. Nous ne les ofons nommer, de femblecs chofe quepoint
vous vosoyez,
af-
ou voyez, car le Seigneur vous gar-
ficur que nos lettres ne tombent entre dera, & fera croiflre fon Eglife de
es mains de nos ennemis, ai qu'ils plus en plus après noflre mort, & pour
n'en fouffrent alTez.
les conoiffez détriment
Vous; leur
mais direz
vous quatre perfonnes en aurez quatre
mille. Le fang des poures Martyrs de
Prières font qu'ils foyent diligens & nuiA & iour noflre Seigneur ne fera point refpandu
nccelTaircs en en prières i'^' fainéte inuocation du
l'Eglife pour
Nom de Dieu, pour nous qui femmes en
Ayezvain, croyez des
mémoire cela Martyrs
& vous yqui
afl"eurez.
feront
obtenir perfe- demain mis à mort pour le S. Nom de
ucrance en la
foi. pas maintenasntde temps
les prifonnier lefus Chrift. Il n'eft
de dormir it lefus, & enfuiuez la foi et patience
d'eftre ^ fon aifc, cependant que nous que le Seigneur leur donne. A Dieu,
qui fommes vos membres, fommes en mes Frères , iufques à ce que veniez
tourmens & en peines. Sus, fus, mes où nous allons.
Frères, foycz veillans, & nous aidez
par vos prières; aidez-nous à veiller Autre lettre confolatoire dudit Martin
encore vnc nuifl, car nous n'efperons Oguier (i).
Plus viure que iufqucs à demain. O
heurcufe iournee, en laquelle le Sei-
gneur nous donnera à boire au calice Trescher frère , nous n'auons voulu
de fon Fils, i^' en laquelle ferons cou- lailTer pafl'er cefte grande occafion que
ronnez de la couronne de martyre !
(i) L'édil.
fonnier avec fademerc,
iç<6 &ajoute : " hEflant
envoyée pri-
fon frère,
(i) L'édition de m6 fait précéder celte des prisons de Lific en Flandre.» Il semble
lettre de cette salutation : ■■ La j;racc & paix résulter de ces mots que le destinataire de
de noflre bon Dieu . par noflre Seigneur cette lettre était le propre frère des deu.\
lefus Chrifl, vous foit communiquée, a tous jeunes Oguier. Voy. la note suivante. Cette
frères & fœurs en lefus Chrifl. >■ même édition commence cette lettre par
QVATRE MARTYRS DE LISLE.
telTc ; mais le Seigneur ne les y iailTa opprobre auec tous fes Martyrs, &
gueres. Car vn iour que les moines par ce moyen nous entrerons en la
gloire du Dieu viuant. Ne doutez
vindrcnt en la pril'on pour confeillcr
la merc de lafcher à regagner fon
point, ma mère : c'eft ci le droid che-
(ils Martin & retirer de fes erreurs,
min qu'il faut tenir; car vous fauez
elle leur promit de le faire. Or, quand que, par beaucoup de croix & tribu-
le lîls fut venu auprès de la mère , lations, ilnous faut entrer en la gloire
voyant qu'elle eftoit non feulement de Dieu. » Et fur cela quelqu'vn des
efbranlee , mais diuertie du bon che- affillans, qui efloit là prefent, ayant
min, ilcommença à s'efcrier en pleu- oui ces propos & ne les pouuant por-
ter, dit : « Mefchant, on void bien
rant : Cl Ha, ma mère, qu'aucz-vous
fait.- auez-vous nié le Fils de Dieu maintenant que le diable te polTede
qui vous a rachetée.' HelasI que vous entièrement & corps & ame, comme
a-il fait, que vous lui faites telle iniure il a fait Ion père & ton frère, qui font
t*!: defhonneur .- Maintenant fuis-ic maintenant en enfer. » Martin dit :
tombé au malheur que ie craignoi le « Mon ami, vos maledidions me font
benedidions deuant Dieu & deuant
plus. Mon iufques
lailTé viure Dieu , pourquoi
à prefent m'as-tu
, pour fes Anges. » Il y eut vn temporifeur Tentationqu
diuerfes
voir ceci qui me tranfperce le cœur.-» qui dit à Martin : » Mon enfant, tu les ennemis
La mère, oyant ces piteufes complain- es bien fimple & maiauifé en ta donnent au|
tes & les pleurs et foufpirs que fon caufe ; car tu penfes trop fauoir : il Fidèles.
Conucrfion
admirable de fils faifoit, elle reprint vertu au Sei- y a tant de peuple deuant toi qui
la mère. gneur&, en pleurant cria auffi haut n'ont point eu la foi que tu tiens, &
que fon fils : " Bon Dieu, fai moi mife- cependant ils ne lailTeront point d'eflre
ricorde , & cache mes fautes fous la fauuez ; mais vous penfez faire ce que
lufiice de ton Fils, & me donne force ne ferez iamais , combien que vous
& vertu de fuiure ma première con- ayez la foi & la dodrine de Dieu. »
feffion , & me ren ferme iufques au leanne la mère, oyant ceft homme,
dernier foufpirde ma vie.» lui dit : « Mon ami , lefus Chrift dit
Pev après, vindrent ces mefmes Ca- que le chemin qui meinc à perdition
eft large, et plufieurs y entrent ; mais
phars qui l'auoyent diuertie, penfans
qu'elle eftoit encore en l'eftat où ils que la voye qui meine à falut eft ef-
l'auoyent mife ; & foudain qu'elle les troite, & bien peu y continuent. Dou- A quoi on [
connoillre J
apperceut, commença à dire : • Hors, tez-vous que nous ne foyons au che-
Satan ed chalTé min eftroit, veu les chofes que nous qu'on n'ell]
iSc rendu Satan, va t'en d'ici, car tu n'as main-
confus. tenant rien en moi. le veux figner ma fouffrons .- Voulez-vous auoir vn beau chemin.
confeffion première, & fi ie ne la figne figne par lequel on peut conoiftre point au dr
d'ancre, ce fera de mon fang. » Ainfi que vous n'eftes point au droit che-
depuis fe porta virilement ce vailTeau min .- regardez voftre vie Se la vie de
qui avoit efié tant fragile. Quand les vos preftres & moines. Quant à nous,
luges eurent apperceu leur conftance, nous ne voulons qu'vn lefus, & icelui
ils les dépefcherent tofl après , les crucifié ; nous ne voulons autre doc-
condamnant à eftre bruflez vifs & ré- trine que le Vieil «S: Nouucau Tefta-
duits en cendres, lefquelles feroyent ment ; fommcs-nous en erreur en
croyant ce que les fainds Prophètes
efparfes & iettees en l'air. La mère &
le fils ayans oui leur fentence, comme
& Apoftres fe
Cordeliers ont tourna
enfeignévers
.- » Martin
L'vn des
<.%
on les remenoit en prifon , difoyent
en allant : « Loué foit la bonté de lui dit : « Mon enfant, penfe bien à
noftrc Dieu, qui nous fait triompher, ton afaire ; car ton père & ton frerc
par Icfus Chrift fon Fils, fur tous nos ont i-econu les fept facremens de
ennemis; voici l'heure tant di.'firee, l'Eglife comme nous, éfc toi qui n'es
voici la bonne iournee qui ell venue. »
qu'vn poure & fimple aprenti , tu as
a Partant, ma mère , » difoit le fils,
oui vn mefchant hérétique , qui t'a
ainfi enchanté le cerueau, & penfes
• n'oublions l'honneur & la gloire
que noflrc Dieu nous fait de nous eftre plus fage que tous les dodeurs
(aireconformes à l'image de fon Fils. qui ont régné palfé mille ans. » Mar-
Ayez fouuenance de ceux qui ont en- tm refpondit : a la Dieu ne plaife
fuiui fes voyes, car ils ne font point que ie me vante ; mais lu peux bien Mallh. II. 3|
allez autre chemin que ce(lui-ci. Mar- fauoir ce que dit lefus Chrift : Que
chons donc hardiment , ma mère , & Dieu a caché fes fecrets aux fages Luc lo. 21
fuiuons le Fils de Dieu, portans fon de ce monde & les a reuelez aux pe-
\
lEAN HVLLIER.
tis. Et le Prophète Ifaie dit : Que le & leur dit : « Sus, fus, mes frères, pre-
Seigneur furprend les lages en leur
fageffe. Et quant à ce que tu dis que nez courage , c'eft fiiit : i'ai fouftenu
mon père & mon frère ont reconu les vn dernier alTaut. le vous prie , n'ou-
fept facremens, tu monftres bien par gile &bliez pastous
la fainde dodrine
les bons de l'Euan-
enfeignemens
cela qu'on ne doit adioufter foi à tout qu'auez ouys de noftre frère Guy (i).
ce que tu dis ; car Satan eft le père Monftrez que vous les auez receus
des menteurs. Ne te dois-tu pas bien au cœur & non pas des oreilles feu-
contenter que l'en reconoi autant que lement. Suyuez-nous, nous allons de-
la parole de Dieu m'enfeigne, alfauoir uant, & ne craignez pas, car Dieu ne
le Baptefme & la fainfte Cène ? »
Incontinent après , voici entrer vous
frères. delain"era
» Et ainfi point. A Dieu,
fe partit. mes
Tort après,
deuxde grande authorité en la ville de la mère & Martin furent liez & menez
Lifle : on nommoit l'vn monfieur Bar- au Martyre. Et ainfi que la mère ef-
ras, & l'autre monfieur Baufremés, toit montée fur l'efchaffaut , elle cria
qui promettoyent grandes chofes à après fon fils, difant : « Monte, Mar- Heureufe
tin, monte, mon fils. » Et comme fon l'enfant.
Martin, s'il fe vouloit defdire & re- mort de la
tourner àl'Eglife Romaine. Baufre- fils parloit, elle lui difoit : « Parle merc & de
més , entre autres propos , lui dit :
haut, Martin, afin qu'on voye que
« Mon fils,ta i'ai compafllon de veux
toi, nous ne fommes pas hérétiques. »
confiderant ieuneffe; fi tu te Martin vouloit faire confeffion de fa
conuertir, ie te promets que iamais foi , mais on ne lui permit pas. La
tu ne mourras de cefte mort hon-
teufe ; & outre plus , ie te donnerai mère dit haut & clair, ainfi qu'on la lioit
àl'eftache: « Nous fommes Chrefiiens,
ent liures de cent liures de gros. » Martin lui ref-
gros valent & ce que nous fouff"rons n'eft point
deux cens pondit : « Monfieur, vous me pre- pour meurtre ne pour larrecin, mais
3CUS. Mais ce fentez beaucoup de chofes de ce pource que nous ne voulons rien
idele Martyr monde; mais penfez- vous, monfieur, croire que la parole de Dieu. » Et en
de Chrill ne que ie fois tant fimple que de laiffer
^iTembloit pas vn royaume éternel pour vn peu de cela tous deux s'efiouiffbyent au Sei-
ludas, qui,
gneur. Et foudain fut mis le feu en
par auarice , vie temporelle f Non , non : il n'eft la paille , & endurèrent la véhémence
vendit fon plus temps de parler des biens mon- du feu auec trefgrande confiance ; &
mairtre. dains, ains des biens que le Seigneur leuant les yeux au ciel , difoyent tous
m'a auiourd'hui préparez au ciel : ie deux d'vn faind accord : k Seigneur
n'en veux point d'autres. Seulement , Jefus, en tes mains nous recomman-
ie vous fupplie de me donner vne
heure de relafche pour prier & inuo- donsmirent
nos auefprits. » EtTels
Seigneur. ainfifurent
s'endor-
les
fruids de cefte fainde aflemblee des
quer mon Dieu ; car vous fauez qu'il fidèles de Lifle. Il ne faut demander
y aura demain huid iours que mon
père efi parti de ce monde, & que, fur ceci fi on lailfa les autres en paix,
depuis ce temps-la, on ne m'a donné car on ne voyoit autre chofe fur les
vne feule heure de repos. Ce que i'ai chemins & par les champs que gens
eu, c'a efté pour fommeiUer & non fugitifs, tant eftoit la cruauté grande ;
point pour dormir; & ainfi en tout Dieu a efté glorifié en
nuellement huid oucarneuf
i'ai perfonnes
eu conti- fes enfans.
parlans autour de moi (i). »
Apres que ces deux feigneurs furent
départis tels qu'ils
Martin raconta y eftoyent
ce combat venus ,
à quelques
frères qui là eftoyent détenus en prifon.
Iean Hvllier', Miniftre Anglois (2).
(i) Les éditions publiées par Crespin En riulhirc de Ican Huilier , minijhc
ajoutent : « & tout voflre prétendu elloit de
me defrober mon iour bien-heureux. Ne de Pabram{}), nous auons les admo-
voulez-vous pas que ie boyue le calice que
mon Dieu me donne? Ne nous empefchez nitions qu'il fU aux fidèles d'Angle-
pas, ie vous prie, retirez-vous, car noflre
heure approche. » C'eftoit alors de crier : (i) Guy de Brès.
Au mefchant! au l'eu, au feu les malheu- (2) Crespin, 1564, p. 820; 1570. (° 420 ;
reux! Ils rcfpondirent : « Nous vous remer- 1597, (<• ;89; 1O19, f° 421. Voy. Foxe, VIII,
cions; le Seigneur vous bénie & vous donne i;i, Î78.
à cognoiUre vos fautes I » Ainfi furent de- bridge. Cam-
laifTez. » (;) Babraham, à trois milles de
LIVRE SEPTIEME.
»
do41Dieu requiert de nous. Autrement O DiKV tout puiir.int. Perc de toute
il ne faut point que nous attendions mifericorde, pour l'amour duquel
d'ellre faits participans de fes pro- l'abandonne maintenant les chofes qui
me font les plus chères & precieufes,
melfes auec les vrais enfans d'Abra- ma femme, mes enfans, mes parens &
ham ;car, comme nous fommes enfei-
Rom. 0. 6, j,'nez par S. Paul : << Ceux qui font amis, & toute la pompe & orientation
enfans de la chair ne font point en- de ce monde , mes propres defirs &
fans de Dieu. Que fi nous viuons félon délices (fi toutesfois il y a des délices
«!t plaifirs en ce monde), & finalement
la chair, nous mourrons, car l'affedion
de la chair ert mort , mais l'affeélion fuis tout preft d'expofer ma propre
de Tefprit eft'vie & paix , & fauons vie pour toi; maintenant, ô Seigneur,
que la fagefTe-de la chair eft ennemie qu'il te plaife,enparceta mien
mifericorde, grandeexamen
bonté &
&
de Dieu, d'autant qu'elle n'eft point
fuiette à la Loi, & ne le peut eflre combat , me faire grâce que rien de
auffi. Ceux donc qui font félon la tout cela ne me retarde, & ne m'em-
chair ne peuuent plaireà Dieu.» Main- pefche de batailler cefte bataille alai-
tenant, après que ie vous ai expofé- ce gremcnt & de courage prompt pour
choix, auifez auquel chemin des deux la defenfe de ton Euangile , reiettant
vous aimez mieux entrer : ou en ce tous les retardemens de cefte vie. le
Matlh. te fupplie donc, ô Père très bénin,
'■ chemin ellroid qui meine à la vie, ou
en ce chemin large qui meine à ruine
que,
liftes félon
par lata vertu
grande& clémence,
force de tontu fainft
m'af-
& perdition, auquel les enfans de ce
monde s'efbaudilTent maintenant pour Efprit , & principalement à l'heure
vn bien peu de temps. De ma part, que l'en aurai plus de befoin. Enuoye
ayant fuiui le deuoir d'vn cœur vous ton Angefecrette
folation pour me, merecréer d'vne
fortifier par con-
fon
aimant & voulant bien, i'ai auifé de fecours, me conduire au chemin tant
vous efcrire cefle brieue Epiftre , &
admonefler d'vne bonne affedion & dangereux cSî gliffant, à celle fin que,
par la porte eftroitte , ie paruienne au
pur defir (Dieu m'en efl tefmoin) à ce port affeuré de ton repos celefte. Par
qu'ellans auertis & bien informez,
vous délibériez en vous-mefmes en laquelle porte & voye noftre feul Sau-
quel chemin il vous faut entrer, & ueur Jefus Chrift, ton Fils vnique &
auifiez diligemment par quel moyen bien-aimé, eft iadis entré deuant nous
vous viendrez à obtenir falut, & ac- auec force cSi vertu, ayant obtenu vic-
Matih. II. 29. quérir paix à vos âmes. Et quant à ce
que ie vous efcri , ie fuis preft de le chemintoireplus
glorieufe , afin
facile qu'ilqui,
à ceux rendift le
par foi
viue & conftante , iroyent après lui,
figner & feeller d'ancre & en papier ; non point à ceux qui feulement ont
mais plus de le confermer & ratitier
fon Euangile en la bouche, ains qui fe
par l'elTufion
lour de fera
du fupplice monfang, quand onle
venu, auquel monftrent Euangeliqucs par bonne &
fainde vie, Ot fe conforment à bon ef-
m'oftera celle vie , lequel n'eft pas
loin . autant que bien
l'en aimez,
peux conoiftre. cient & diligemment à l'image de ton
Ainfi, 6 Frères ie vous Fils par bonne & entière conuerfation,
recommande au Seigneur lefus, du- diledion, patience, reliiiion pure, vé-
quel la grâce foit perpétuellement rité,ie me
fidélitéfubmets
& prud'hommie.
auec voftre efprit, Amen. Priez & tant maintenantEt àpour-
toi ,
veillez; priez & veillez ; priez le Sei- ô Dieu iS: Père de grande clémence ,
gneur, Ambn (1). ne mettant ailleurs mon cfperance &
fiance, qu'en toi feul A en la croix,
mort ■& fang de noftre Seigneur lefus Gai. 6. 14.
Chrift ton Fils , par lequel le monde
L'oraifon qui s'enfuit a cjlé faite par m'eft crucifié,
defirant it ne &fouhaitant
moi au autre
monde,chofe
ne
Huilier, approchant de fa paffion &
mort, & a ejlé fidèlement recueillie finon le falut de mon ame, afin que ie
& traduite en cejle forme (2). puilTe viure auec Chrift, qui eft ma
vie, ma voye, mon efperance, tout
mon foulagement, bref, toute la de-
(i) l-'idit.
ouuriras mes deIcurcs.
IÇ64 ajoute
& ma :bouche
« O Dieu,
annon-lu ledation de mon efprit A defir.
cera ta louange. Amen. »
(2) Cctle prière se trouve dans les Har-
li'Liii Mis, avec quelques variantes. Crespin (.Taphe, qui ne liRurc que dans les éditions
antérieures à H70
l'a ahrcgce en suppriinani un dernier para-
419
JEAN HVLLIER.
420
foyent aflli^ez & tentez plus que
leurs forces ne peuuent porter, ains
plufloll donnes ilfue à tes feruiteurs
fidèles au milieu de la tentation ar-
dente tt bruflante, & le fais auec Récit d'Histoire (i).
grand fruit, afin qu'ils efchapent fains Touchanl ceux qui. Je ce lemps , fu-
i*i: fauues, ou que par patience ils vie-
rent, par la bonlé Je Dieu, prejerue\
nent à obtenir vidoire. Car il n'y a
rien qui te foit impoffibie, non pas dif- des iùnçers, & de la main de leurs
ficile, ôDieu trel-grand, qui du com- aduerfaires, entre Icfif^uels ejl faite
Aélcs 6. 8. mencement as rendu Eftiene , ton menlion de la Ruine tli:^abeih.
champion fidèle, inuincible contre la
Il ne fera impertinent de déclarer,
violence de fes aduerfaires, lors qu'il
deuoit ertre lapidé pour la confeffion
Rom. 10. 10. de ton Fils Jefus ; bref, qui es riche comme en pafl'ant, qu'il y eut en ce
temps plufieurs expofez à la fureur
en mifericorde & bonté enuers tous des aduerfaires, & menez au feu & à
ceux qui inuoquent ton S. Nom en l'occifion par vne permiffion fecrette
vraye & ferme foi ; ie te prie & fup- de Dieu, mefmes qui n'ont
plie affeftueufement , toi Prince & preferuez des dangers pour peu eflre
quelque
Seigneur fur tous feigneurs, qui. des retradation qu'ils filfent; au contraire,
le commencement, as muni tous les il y en eut qui, par vne certaine dif-
Prophètes, & tous fidèles & fainds penfation diuine , fans fe defdire au-
qui ont elle mis à mort pour ton Nom, cunement ,font demeurez fains &
fauues au milieu des dangers, &,
d'vne vertu & force prefente , que tu
ne me dellitues point de la faueur de contre toute efperance humaine, ont
ta clémence L*i bonté paternelle en efté conferuez en defpit des ennemis
cède condition prefente tant mifera- de la vérité. Entre lefquels on peut
ble; plultort ton bon plaifir foit de mettre la Roinc Elizabeth, depuis ré-
maintenir ta propre querelle en ce
gnante (2) , car c'ell vne chofe digne
fait, afin que ChriA ton Fils foit glo- d'admiration , et comme auenué contre
rifié & magnifié en ce mien corps, toute efperance & opinion des hom-
maintenant dcftiné & ordonné à la
fifter mes,
en qu elle
tellea fermeté
peu fi longuement
& confiancefub-
de
mort. Je n'ai aucune efperance en
moi-mefme ; mais toute ma fiance eft pure Religion, contre tant de violen-
transférée en toi feul qui reflitues les ces & oppreffions, & contre la rage de
morts en vie. Et ie ne regarde point tant d'ennemis. La mort de l'Euefque
maintenant à autre but, finon que la de Wincellre (5) lui feruit beaucoup;
gloire immortelle de ton Nom reluife, car ellant forcené de rage contre les
& foit manifertee plainement deuant fidèles, s'il euftvefcu plus longuement
cefle affemblee de tes fidèles, à leur
grande confoiation en Jefus Chrifl,
(1) Crespin. édit. de 1564, p. 824; IJ70,
qui cil autheur et confommateur de
f"4;2: 1582, f ;92; 1597. f» 500; 1619, ^ 422.
noftre foi, & que toutes nations le
(21 Edit. de 15(14, 1570,1597: Cl aujourd'hui
louent d'vn bon accord A confente- régnante. » Elisabeth répna de 15ÇI) à lOo).
ment de louange éternelle. Amen. (5) Etienne Gardincr, évéque de Winches-
ter, mourut le 12 novembre 1555. Burnet as-
Par ces prières à Dieu , le cœur
sure qu' « il eut des remords de sa conduite
d'Huilier fut tellement fortifié et con- passée, ■• et que " ces paroles sortaient
souvent de sa bouche : Errant cum Pclro ,
folé , que
lui fut vn lagain,
mort pour
cruelle qu'il endura
le conduire à la sid non Jlcvi cum Pctro. » Il était lils naturel
de Woodville, évéquc de Salisbury, frère
vie éternelle & permanente à ia- d'Elisabeth, femme d'Edouard IV. Il était
mais (i). par conséquent parent de Henri VIII, ce qui
lui valut sans doute sa prompte élévation au
siège de Winchester. Il favorisa le divorce
(i) Crcspin suil lY'dUion latine de Koxe du roi , de
ennemi maisla ne tarda pas à Sévèrement
Réformalion. devenir l'ardent
tenu
qui, comme sa première cJilion uni^laisc, ne
donnait pas de dilails sur la fin de Huilier. à l'écart et même en captivité sous Edouard V I ,
Il se trouva ainsi tout désigné aux faveurs de
Foxe donna, dans son XII* livre, à pnriir Marie, qui fit de lui son chancelier. Il prit
de l'édition de i;6),unc relation fort émou- la tète de la réaction catholique et fut le
vante de la lin de ce martyr ^Voy. l VIII, cruel persécuteur des protestants. Ses grands
p. )7H de l'idil. toujours).
nous renvoyons de Josiah Prall, & laquelle talents furent au service d'une ambition sans
frein et sons scrupules. Sa mort ne fit pas
cesser la persécution , mais en modéra la
violence.
GEORGE EGLE.
I
forte la laiffa-on retourner faine & ce poure couflurier fon efprit plus
fauue en fa maifon auec fes poures haut qu'à fa coufture, & ayant grâce
de dire, auec quelque peu de lettres,
enfans, qu'elle auoit pour lors en s'adonna entièrement aux Efcritures,
grand nombre. Toutesfois, aucuns ont
penfé que les Papilles firent cela tout & profita à r Eglife du Seigneur. Et
exprès, de peur que , quand la mère comme fous le règne du Roi Edouard, Le temps du
Roi
feroit morte, eux-mefmes ne fulTent qui futEuangelique,
le temps deil auoit
l'illuftration Edouard VI
contraints de nourrir ce grand nombre liberté exercé && l'Euangile.
fauorable à
d'enfans. Mais quelque caufe qu'il y mis à profit le talent du Seigneur, en-
euft, fi ne faut-il point oublier la pro- core le fit-il plus amplement après,
uidence de Dieu, qui eut vn tel ef- auenant la ruine de l'Eglife de Jefus
gard à cède poure femme (i). Chrifl, lors que la plus part des pref-
cheurs de fa fainéle Parole, difperfez
(i) Crespin avait ajouté ici deu.v autres
Récits J'histoire , qu'il a retranchés dans (i) Crespin, 1Ç64, p. 826; H70, f° 4? i;
l'édition de 1570, sans doute en vue d'abré- 1582, f" !95; 1597, f 590; 1619, f° 42;.
ger, et parce qu'ils racontaient, non des his- Le nom de ce martyr était George Eagles
toires de martyres, mais des histoires de résis- (dit Trud^'eover). Voy. Fo.xe, t. VIII, p. 395.
tance et d'évasion. Voy. édit. de 1564, p.82j. (2) Voy. t. I, p. 5?8.
LIVRE SEPTIEME.
422
ça&là, n'ofoyent nullement ouurir le cerchoit, d'où il fortit foudain, &
la bouche. Georj;e, allant en diuerfes fe fourra dans vn champ d'orge oui
contrées, confola & redreffa merueil- eftoit auprès, à bien grande difficulté
Icufement les defolez , tantoft aux vil- pour le grand monde courant ça & là.
les, maintenant aux champs, & fe Ten- Ne pouuant efire trouué, les pourfui-
tant pourfuiui des ennemis, fe rctiroit uans retournèrent, hors mis vn, lequel,
& cachoit au plus profond des bois & plus fin que les autres, monta fur vn
des forefts ; de forte que, pour raifon
arbre pour voir
ou mouuoir s'il le verroit
en quelque fortir,
part. George
de la peine & fafcherie qu'il prenoit à
cheminer ça & là, fut appelé le Cou- n'oyant perfonne, & cuidant eftre hors
reur (1). Il fe trouuoit fouuent en de danger, fe mit à genoux , & ayant
leué les mains au ciel, remercia Dieu
cefte neceffité, qu'il lui faloit dormir
au ferein, & paltbit fouuent la nuiél de la grâce qu'il lui auoit faite. Eftant La rufe de
en prières & oraifons. Il viuoit fi auf- aperceu au milieu des efpics , ou bien celuiGeorge.
qui print
terement, que de trois ans qu'il com- entendu par quelque refonnance de
mença d'eftre perfecuté, l'on ne l'aper- fa voix, lors qu'il eftoit en prière,
ceut onques boire d'autre breuuage celui de l'arbre defcendit le plus
Gcorçe
qu'eau ; fi bien que , par la grâce de coyement
Dieu, ne fe fentant plus foible ou de- puis eftant(1) qu'ilà lui
venu lui ,futle poffible,
faifit &
bile pour cela, il s'y acouftuma du l'emmena à Cloceftre. Ce garnement,
tout, pour y eftre duit (2) & préparé qui fe promettoit la recompenfe pu-
lors que la neceffité fe prefenteroit. bliée, fe contenta, s'il voulut, auec prironnier.
Ayant nées,
ainfi deux efcus qu'on lui dcliura. Ainfi
allant l'efpace
& venant,de ferui
quelques an-
(x profité George fut mis en prifon à Cloceftre,
au grand regret & defplaifir de toute
à l'Eglife, principalement au pays de
Clnceftre (î)& à l'cnuiron, Satan, en- l'Eglife, & de là à Chemsford (2), où
nemi mortel (qui toufiours porte enuie il fut traité fi cruellement, qu'on ne
au falut des Chreftiens) , mit fes em- lui ordonna par fepmaine que deux
bufehes par quelques gens de luflice.
En plufieurs lieux, on mit gardes & liures
Peu dedetemps
pain, après
& quelque
, eftant peu d'eau.
amené en
efpions pour le prendre comment ce iugement, fut accufé de lefe maiefté,
fuil, & pour l'amener vif ou mort. Ils d'autant que, des
il auoit fait contre les ordonnances
aftemblees. Car on
trauaillerent en vain quelque temps,
par ce que tant lui que quelques au- auoit fait en Angleterre vne loi, fous !
tres fidèles fe tcnoyent fur leurs gar- pYetexte d'obuier à fedition
des & fe mufibyent (4) es bois, es nerie entre le peuple : Si on &trouuoit
muti-
caues & greniers des maifons. Ils plus de fix perfonnes enfemble en lieu
Cruel cdii."' firent faire vn edid au nom de la Roine
contre Gcori fecret, qu'ils futTent accufez de lefe
Marie, lequel fut publié en quatre maiefté. George oui en iugement, dé-
diocefes : c'eft affauoir d'Effexe, de fendit tellement fa caufe , iufques à
Suffolk, de Cantorbie & de North- rauir les affiftants en admiration, monf-
folk , contenant que quiconque pour- trant les raifons par lefquelles la Re-
roit prendre George Egle , il auroit ligion deuoit eflre maintenue en fon
entier. Ce nonobftant, il fut condamné
deux cens efcus , & tant qu'il viuroit,
penfion annuelle de 60. efcus. comme rebelle, d'eftre premièrement
Plvsievrs efmeus de ce prix pro- pendu, puis à demi vif eftre mis en
pofé, tafchoyent par tous moyens de quatrcquartiers. Par mefme iugement, Hilloirc
furent auffi condamnez quelques lar- admirable de
le furprendrc, & de s'enrichir aux deux larrons.
defpens & dommage du poure Egle. rons & voleurs, lefquels eftans menez
Ils firent tant, que lui eflant vn iour à enfemble le lendemain au fupplice,
Cloceflre, fut aperceu de quelcun, & George les exhorta en allant enfemble
déféré incontinent aux aduerfaires. Il
au fupplice. L'vn d'iceux, brocardant
s'en douta aucunement, & fe retira le les admonitions de ce fainft pcrfon-
plus vifte qu'il peut ; mais ce ne fut nage, dit : « Deuons-nous douter que
pas fans ertre pourfuiui. Il s'efloit nous n'allions droit au ciel, puis que
nous auons ce beau fainél pour guide,
caché en un petit bocage lors qu'on
& qui va deuant nous pour aprefler le
logis ? » George le reprint ; auffi fit vn
1) Il TrudfTcover. » rail.
2) n:\perimente. Edit, de i;6; :
)) Colchcstcr. (ij Tranquillement.
(4) Se cachoient. (1) Cholmsford.
JEAN BERTRAND.
I
Execution de de Dieu. Cependant George fut auffi telle reuerence que Dieu commande.
George. exécuté ; premièrement il fut à demi Interrogué s'il n'auoit pas dit que la
eftranglé, & puis defcendu du gibet, Meffe eftoit vne chofe tres-abomina-
& mis en quatre quartiers. Il demeura ble, par laquelle les preftres abufoyent
ferme & confiant en celle efpece de
martyre, iufques à ce que le bourreau, le
Surpoure
quoi peuple,
lui futconfeffa
demandéqu'ainfi eiloit.;
la caufe
lui ayant cruellement fourré le bras
dedans le ventre, lui arracha le cœur ((Pource(dit-il) qu'ayant, auec la grâce
de Dieu, leu & veu diligemment tant
du corps, ainfi qu'on fait communé- le vieil que le nouueau Teftament, ie
ment en ce pays-là. La telle fut mife n'y ai trouué en aucune forte ce mot
fur vn haut pofteau à Clocellre ; les
de Melfe ; parquoi ie l'ai en horreur Le mot de
quatre quartiers feruirent de monftre & abomination, en tant que S. Paul Mcire.
à Ifpwich, Haruich, Chemsford & à efcriuant aux Galates nous enfeigne, calat. i. 8
fainft Rouffy (1). En celle forte, ce Que fi vn Ange defcendoit du ciel
fainél perfonnage, & plus digne du pour nous annoncer autre Euangile
ciel que de la terre, mourut, mefprifé
& abominable en ce monde, mais ex- que ceftui-là qu'il a prefché, que nous
cellent &précieux deuant le Seigneur ne le croyions point. Ce que fembla-
blement S. Iean conferme en la fin de
Jefus Chrill & fon Eglife. fon Apocalypfe, où il dit, que les Apoc. 22. 19.
(i) Il faut lire Colchester, Ipswich, Har- " S. Rouses. » On suppose qu'il s'agit de
wich , Chelmsford et Saint-Osyth. Ce der-
nier nom est incertain. L'édition latine de Saint-Osyth , sur la côte de l'Essex.
Foxe porte » S. Roulium, » ou « Roulîum, >■ (i) Crespin, 1564, p. 828; 1570, r'4;2;
ou (. Rourtum , >i car le caractère employé 1582, i° 594; 1597, f° Î91 ; 1619. f°42)-
n'est pas clair. Les éditions anglaises ont (2) Montoire, arrondissement de 'Ven-
dôme (Loir-et-Cher).
LIVRE SEPTIEME.
424
playcs & malcdiélions efcrites en fon en cette efpece de pain, & qu'il y eft
liurc tomberont fur celui qui ofera compris en quelque forte que ce foit.
entreprendre d'adioufter ou diminuer Interrogué s'il n'auoit pas dit qu'on
vne lyilabe outre, ou pardeffus ce qui s'abufoit de penfer & croire que la
vierge Marie, les fainds *& faindes de Inlerceffion
crt elcrit. D'auantage, il adioufta des faines.
qu'elle ertoit fans aucune doute inuen- Paradis, ayent aucune puillance de
tee des hommes, veu que lefus Chrift, prier ou intercéder pour nous enucrs
fes Apolires & Prophètes n'en font Dieu ; auffi qu'il ne faloit aller en
aucune mention, & que par icelle la
mort & paffion de nollre Seigneur & voyage (i) r Refpondit qu'oui, & qu'il I. Ican 2. 2.
eftoit efcrit en l'Epiftre de S. Jean :
Sauueur Jefus ChriH e(l anéantie, en- Que nous auons vn Aduocat enuers
tant qu'ils confeffent eux-mefmes que le Père, qui ell Jefus Chrift le iufle ;
auffi qu'en l'Euangile félon faind lean 6. 44.
c'eft vn facrifice, & que facrifice ne fe
peut faire fans efîufion de fang, & par lean, Chrift lui dit mefmes : Que nul
confequent qu'ennoftre
ce faifant ils cruci- ne peut venir à fon Père finon par lui.
fient derechef Seigneur Jefus Et aux Ades des Apoftres, faind
Chrift, lequel ayant fatisfait vne fois Pierre & faind lean, remonftrans aux
Scribes & Pharifiens, difent : « lefus Aflcs 4. 12.
Heb. 9. 22. pour toutes,
la croix a dit eflant
, en mourant en l'arbre
: « Tout de
eft con- Chrift, lequel vous auez crucifié &
Ican 19. ;6.
fommé. » Et pourtant c'eft vn blaf- mis à mort , c'eft la pierre qui a eft6
reiettee de vous cdiiians , laquelle a
pheme d'y attacher la remiffion des
péchez pour les viuans, & la deli- cfté mife au principal lieu du coin , &
urance des amcs de leur Purgatoire
n'y a point de falut en autre qu'en lui.
fiour les tenir
oit pas morts.vn Interrogué
Purgatoire,s'ila ne
dit vou-
que loint auffi
donné fousqu'il n'y aentre
le ciel point les
d'autre nom
homnies,
Purgatoire.
non, & que le feul fang de noftre Sei- par lequel il nous faille eftre fauuez.»
gneur lefus Chrift fatisfaifoit à toutes
I, Ican 3. 2. nos dettes, comme faind Jean en parle Il difoit. au refte, qu'il n'eftimoit rien
conoiftre (fuyuant la doélrine de faind
Paul) finon Jefus Chrift, & icelui cru- I. Cor. ). 21.
en fa Canonique. Auffi qu'il n'y auoit cifié.
que deux &voyes
faluation, 1 autre: l'vne qui meine
à damnation éter-à Le Samedi enfuyuant , il fut dere-
nelle. Interrogué s'il n'auoit pas dit chef appelé par ledit Barbes, auec vn
autre confeillier du fiege, lefquels lui
que c'eftoit abus de croire qu'en l'hof- firent faire ledure de mot à mot de
tie , que monftre le Preftre en la
Meffe, lefus Chrift fuft compris en fes Interrogatoires & Refponfes , lui
L'honic du
chair & en os, comme il eftoit en l'ar- demandans s'il vouloit perfifter en
Prertrc bre de la croixen; voire
aucunement force itniqu'il
en n'y eftoita
vertu, icelles. R. Qu'oui, & que , moyen-
fans force & nant le plaifir de Dieu, il vouloit mou-
vertu. confeffé eftre ainfi, prouuant fon dire rir en cefte confeffion. D. « Où il
par vn des articles de noftre foi, au- auoit fait fes Pafques cefte année .-' »
quel ileft fon
dit qu'il eft &affisauffi
à la par
dextre R. « Qu'il les auoit faites en foi-mefme
de Dieu Père, les en efprit par foi. » D. « Pourquoi il
Euangeliftes: " Si on vous dit : Ici eft ne les auoit célébrées auec les autres
Chrift, ou le voici , ou le voilà , ne le comme vn bon Chrefticn ? » R. » Elles
croyez point. Que fi on dit : 11 eft au
ne fe font &ainfi
commandé faitque
aueclefus
fes .Chrift l'a
Apoftres,
defert, n'y allez pas. Il eft au cabinet,
mais font du tout changées ; & mef-
Matth. 24. 2;. ne le croyez pas. Car comme l'efclair mes eflans faites à la manière vfitee &
fort d'Orient, & fc monftre en Occi-
dent, ainfi fera l'auenement du Fils obferuee entr'eux, ne font que pure
de l'homme. " D'auantage, qu'il eft ef- idolâtrie, d'autant
Aéles ). II. crit aux Ades des Apoftres, que Jefus rer lefus Chrift en qu'au
efprit lieu d'y ado-
& venté, on
Chrift delaift"ant le monde au(quant y adore vn morceau de pain. » Vou-
humanité) >.% montant ciel,à fon
fes lant pourfuivre outre, on ne le permit
Ap<iftres& difciples le regardans mon- pas , ains le remirent à deux Doc-
ter, l'Ange s'aparut à eux, & leur dit : teurs, l'vn lacopin, & l'autre Corde-
« Hommes Galileens, pourquoi vous lier, deuant lefquels il fut mené le
arreftez-vous, regardans au ciel? ainfi Vendredi quatorziefme iour de Fe-
que vous auez veu ce lefus ici aller
au ciel, ainfi en viendra-il. n Partant, urier, en Roi,
uocat du la prefence
& deux deautres
Barbes, l'ad-
Confeil-
c'eft vn grand abus de vouloir faire
acroire au poure peuple qu'il defcend (1) En pèlerinage.
425
JEAN BERTRAND.
\
LIVRE SEPTIEME.
28
4Trescher frère & ami, nous auons vous affifle, qu'il vous fortifie & garde
grande occafion de remercier noftre
de la gueule
demain du lyon.deOr,
la inurnec frère , vous
laquelle c'efl Pf. 118. 24,
bon Dieu , en ce qu'il nous demonf- deuez dire : Voici la fainde iournee;
tre de iour en iour l'alTeftion qu'il
, l'ornanteftd'vne in- refiouift'ons nous enicelle. Le Seigneur
uincibleà fon
porte Eglife laquelle
charité, de telle Dieu qui en vous a commencé vueille
force & vertu, que ceux où elle habite en vous paracheuer par lefus Chrift
ne peuuent eftre feparez de leur chef& noftre Seigneur. Les fidèles vous fa-
capitaine Jefus Chrid noflre Seigneur, luent & prient pour vous, en vous re-
& combien que Satan, maiftre de diui- com andant àla grâce de celui du-
fion , ne tafche qu'à diuifer les mem- quel vous iouyrez pleinement en fa
bres d'icelui , toutefois l'efprit de Dieu gloire éternelle. Amen.
befongne en telle façon , que Satan
eft vaincu par la patience des cnfans
de Dieu. Nous auons oui voftrc arri- «S'<^!i'vji'»S~S'»S'*S'*S"^ji"^*'*S'S'
uee de Paris , auec le décret des lu-
ges inhumains , & auffi vortre conf- Arnavd Monier & Iean
Gafcons (i). de Cazes ,
iance it diledion enuers noftre Dieu
& fon Fils Jefus Chrift. Quant au dé-
cret & fentence , eftans d'vn mefme La promplilude de ces deux Martyrs ,
corps & Eglife que vous , nous ne thrili,
en fe pref entant au danger pour la
pouuons que n'en ayons douleur & doârine du Seigneur, nous donne à
angoitTe en nos cœurs; mais regardans conoillre que la querelle qui eft
& confiderans la conllance de laquelle
noftre bon Père vous a armé & ar- foujlenue au Nom de lefus
mera, fommes grandement confolez. eft duloul différente de celle aeu on ce
entreprend pour les chofes di
Et c'eft en quoi il nous faut refiouir, monde , en laquelle les hommes
voyant qu'eftcs efleu de Dieu & ap- auffi douteux & incertains
pelé pour eflre tefmoin de fa faincle uffi doute
vérité, difciple & efcholier du chef de cejte-ci l'on eft affeuré de la vidoire,
fon Eglife & congrégation. Jefus Chrift des l'heure que le Capitaine met
quelcun des fiens au combat.
noftre Seigneur vous appelle à ce glo-
rieux combat , pour l'enfuyure comme Arnavd Monier , natif de la ville
voftre chef tS: capitaine, en telle sorte de Sain-milion en Bourdelois (2)qu',feonnt
que verrez Satan , le monde , la chair
furmontez & veincus , attendant la aagé d'enuiron 25. ans, fut conftitué
couronne incorruptible & éternelle. prifonnier en la ville de Bourdcaux ,
le 2(,. iour d'Auril, vers les fix heures
Parquoi,courage
prenez frère & à ami, refiouift'ez
ce glorieux vous,
combat. du foir, par Antoine de Lefcure, pro-
Vous fauez pour qui vous combatez , cureur du Roi, lequel le fit mener en
Matth. 10. 24 la conciergerie
La mcfmc 25. , &fouuiene
qui eft voftre Capitaine. Qu'il vous inlerrogué on fa du Parlement
maifon, : l'ayant
en la prefence
que le difciple ne peut cftre de fes feruiteurs, de la fni & religion
plus grand que le maiftre, & que, fi on
appelé le Seigneur lefus Chrift : Dia- qu'il tenoit Et combien, que Monier
euft remonftré au vif les iugemens de
ble & fedudeur, on le fera plus aifé-
menl à fes domeftiques et feruiteurs. Dieu à Lefcure, à ce qu'il ne fouillaft
fes mains au fang des fidèles , autre-
On hait le &Seigneur
du monde, auffi fes, car il n'ert , pas
feruiteurs car ment qu'vne horrible punition de Dieu
ils font feparez du monde. Pourtant , lui eftoit apreftee, ce procureur ( com-
voyez que Satan ne vous contrifte , bien qu'il fe monrtraft aucunement ef-
La mcrme 22. mais perfeuercz conftamment, car qui
&meuremonftrances)
iV touché par ne tels lailTa
aduertift"emens
toutesfois
perfeuercra iufques à la fin, il fera
fauué.
tre nomAyez
eft efcrit cefte auaft"curance i^ue Gar-
liure de vie. vof- (i) Crcspin , 1556, p. 512; 1564, p. 8)2 ;
dez-vous de la cautclle des Caphars. n;o. 1»'4!4; 1502, f» )9r, 1597. (° iOi; 1619,
1^42?. Voy. Dom Devienne. HisI . de Bor-
Soyez prudent comme le ferpent. Per- deaux, I, 129; de Thou, Hhl.. lib. XVII;
mettez que tout voftre fang forte Gaullicur, Hist. de la Ri'/, à Bordeaux, I ,
goutte à goutte , pluftoft que voftre 14Ç. Celle notice termine In Troisiime partie
l'autre.
du Recueil des Martyrs de i(?'', et a passé
chef, qui eft lefus Chrift, foit offcnfé.
Nous fommes tous en ordre pour sans cliangcments notables d'une C-dition à
(2) Saint-Eoiilion (Gironde),
prier & requérir noftre bon Dieu qu'il
ARNAVD MONIER ET JEAN DE CAZES. 429
I
De la vierge
leur temps
fcmble ; maisils ne ontluielle à l'efchole
a oui en-
tenir aucuns vierge Marie. Bien dit qu'elle a efté Marie.
faluee par l'Ange, comme il eft efcrit
propos reprouuez. Interrogué fur fa au premier de faind Luc. Mais qu'en
foi, & fur ce qu'il croid du faind Sa- fes oraifons il n'a point acouftumé de
dire Auc Maria , pource que lefus
crement de l'autel , a dit qu'il y a
quatre ans qu'il ne s'efi confeffé , & Chrift ne l'a point adioufté en l'orai-
n'a fait Pafques; parce qu'en ce païs fon
fon qu'il
Père.a enfeignec
Il a auffi pour prier enDieu
fouftenu fes
n'y
trer alapoint
faindedeCène, miniftre pour deadminif-
cflaolie Chrift, refponfes, que noftre Seigneur Jefus
Chrift eft noftre Interceffeur ; & auffi
& qu'il faut que le miniftre ou Euef-
que ne foit point paillard ni blafphe- qu'il
mateur. Et depuis ledit temps de qua- Nom nede faut
fon prier
Fils qu'vn
lefus feul DieuAuffi
Chrift. au
tre ans , il a toufiours reccu fon
dit qu'il ne dit heures ni autres priè-
Créateur en rcpentanccde fes péchez, res, que les commandemens de Dieu,
en foi et efpril, & non autrement. Et l'oraifon Dominicale , le Symbole ,
s'il a receu auparauant ledit temps, auec certaines prières qu'il a particu-
ainfi qu'on a acnuftunié faire à Paf-
pardon lières,defauoirfes
eft, qu'il demandée
offenfes. Dieu
Interrogué
ques, ila elle abufé. Interrogué s'il
croid que le précieux corps de noftre qu'il croid du Purgatoire ? Refpond , Purgatoire.
Seigneur foit au faind Sacrement de qu'il n'y a autre Purgatoire que le
l'autel, après la prolation des paroles fang précieux de noftre Seigneur, le-
Sacramentales f Refpond que non. quel a efté refpandu pour nous, pour
le lauement & fauuement de nos
Et s'il y cftoit réellement, le Symbole amcs & confciences. Et fi on difoit
fcroit faux ; auquel eft contenu que
ARNAVD MONIER ET JEAN DE GAZES.
qu'il y euft autre Purgatoire , le fang afin que les Chreftiens viuent en cha- m.d.lvi.
précieux de noftre Seigneur feroit
refpandu en vain. En outre, a dit que fteté, fans paillardife ; et n'a trouué
que Mariage fuft facrement. Et a
quand vn homme s'en va mourir, il va figné J. de Cazes.
en paradis ou en enfer, iufques au Le lendemain, ledit de Cazes eftant Le Procez.
iour du iugement, que noftre Seigneur enuoyé quérir en la chambre de la
Tournelle, lui fut leu ce que delTus.
feparera les bons d'entre les mauuais. 451
ifnes. Quant aux ieufnes , a dit que le vrai
Et combien
fieurs qu'il luideaitfeefté
exhortations fait plu-
réduire , &
ieufne eft de les
& obferuer s'abftenir de mal faire,
commandemens de croire comme vn bon Chreftien & ca-
Dieu le mieux que Ton peut. Et ne
croid point qu'il y ait autre ieufne , à vérité, &tholique a; yditvouloir
ce que perfifter,
deft'us contenir
& ne
croire autre chofe. A efté arrefté que
tout le moins qu'il ait trouué en
iîau bénite. l'Euangile. Interrogué s'il prend de ce iourd'hui de releuee feront dépu-
l'eau bénite quand il entre aux Egli- tez quatre dodeurs de la faculté de
fes? Dit que non, par ce qu'il ne va Théologie , pour prefcher & remonf-
es Eglifes finon quand il y a prédica- trer, tant audit Monier qu'à Jean de
tion ;auffi que toutes eaux font béni- Cazes, aux fins (s'il eft poffible) de les
tes. Interrogué s'il a fait prier pour réduire à la vraye dodrine , & monf-
Trefpaffez. les ames de fes père & mère, & amis trer
fenceà del'œil lesConfeillers
trois erreurs. Et dece laenCour,
pre-
trefpalTez. dit que denon;Dieu
a la conoiffance & depuis qu'il
(il y peut & du procureur gênerai du Roi. Ce
auoir qui a efté fait. Et ledit iour de releuee
trouuéquatreen aucunes ans ou funérailles
enuiron) il nene s'eft
fer- font venus en la chambre criminelle ,
uice pour les trefpalfez. Et a dit ou- Maiftre Jean Alefme, Jean de Guillo-
che , Jofeph Eymar, Confeillers du
tre, que tout ainli qu'on baille le mé- Roi en la Cour, & M. Antoine de
vie, dedecinmefme
au malade forte
pendant
faut qu'il
prier ell
Dieuen Lefcure & la Perrière , procureur &
les vns pour les autres, quand nous aduocat généraux; auec lefquels ont
femmes en vie. Mais quant aux fuf- efté appelez maiftre Jean Cabot, doc-
teur en Théologie , frère Antoine
frages qui fe font après qu'on eft dé- Melleti, religieux & gardien de la
cédé, il ne trouué point par l'Efcri- grande obferiiance de cefte dide ville,
ture que cela foit d'aucun effeft.
Interrogué qui l'a feduit & appris frère Jean d'Engarrande , dodeurs es
telles dodrines , dit que c'eft le faind droids , religieux du conuent des Ja-
Efprit. Interrogué quels liures il a, copins, & frère Guillaume Teffieres,
leaeur & religieux au petit conuent
dit qu'il n'a à prefent aucun liure.
■Vrai eft que cideuantil aleu vne Bible, de l'obferuance de cefte ville de Bour-
laquelle eftoit imprimée à Lyon, qu'il deaux. En prefence defquels lefdits
Arnaud Monier & Jean de Cazes
acheta d'vn paffant en cefte ville, qu'il
n'a feu nommer, & lui coufta deux ef- ont efté ouys l'vn après l'autre. Et
cus ; laquelle il bailla à vn perfonnage premièrement ont efté leus audit Mo-
de Saindonge, qu'il n'a feu nommer, nier les articles l'vn après l'autre,
dont peut auoir vn an ou enuiron. qu'il
fignez auoit prefentez à la Cour, &
de fa main. Et fur iceux lefdits Tout ceci eft
AuffiDauid
de a dit, qu'il a leupar
tranflatés les Marot
Pfeaumes
, & Cabot & autres l'ufdits dodeurs leur extrait du mi
n'a leu autres liures. A efté exhorté de ont dit plufieurs raifons, & vérifié en ^^ '^ Cour de
dire, s'il a conféré les fufdites propo- endroits de la Efcri- Bourdeaux.
faindeeftoyent
fitions auec ledid Monierr dit que plufieurs
ture, comment lefdits articles
quelque fois il a conféré d'aucuns erronez, & qu'il fe faloit réduire à
poinds fufdits auec Monier, & tous Dieu, & à fa fainde Eglife catholique.
Auffi lui ont efté donnez à entendre
deux s'en accordoyent fuyuant l'El-
criture fainde. Interrogué s'il fait au- plufieurs râlions des fainds dodeurs
cuns perfonnages en cefte ville de de l'Eglife & des Conciles, reprou-
Bourdeaux, Libourne, ou ailleurs, qui uans les articles dudit Monier. Lequel
adhèrent aux fufdites opinions auec Monier a refpondu en fomme, que ce
lui? dit qu'il n'en fait point. Interro- qu'il auoit dit contient vérité , & c'eft
gué ce qu'il croid du facrement de fon falut; & ne trouué par l'Euangile
Mariage .- refpond, que le Mariage eft qu'il faille croire autre chofe. Et de
vne chofe fainde & honorable ; & que
lui n'en croira autrement, fi n'eft qu'il
noftre Seigneur a ordonné le Mariage,
aparoifl'e du contraire ou par l'Euan-
LIVRE SEPTIEME.
cile, ou bien par les fainfls Conciles; qu'ils fuffent mis en géhenne fur leurs
lefquels il a requis lui eftre communi- complices. Apres auoir veu les con-
clufions des gens du Roi, la Cour en
vrai ou non.
Et par quez,
lefdits Cabots'il&eftreligieux a elle
pour fauoir ladite chambre de la Tournelle, y ef-
remonftre^ , qu'il faloit qu'if creuft aux tant pour lors le prefident Fauguerol-
les, délibéra fur le iugement defdits
commandemensiSc traditions de l'Eglife Monier & Cazes. Là affifterent les
comme eux, c^ vn chacun bon Chref-
ticn <& catholique croyent & faut feigneurs Jean Alefme, rapporteur du
tenir. Lequel a dit qu'il veut auffi procès, Jean de Ciret,
loche, Nicolas Jean Odet
de Blois, de Guil-
de
croire tout ce que Dieu commande
par fon Euangile, & ne croira d'auan- Marth (1), Richard de Leftonnac, Jo-
fage, s'il feph Eymar, Jean du Duc, Eftiene de
traire. Etne
fur lui eft monftré
ce eue du con-
délibération ,& Beaumont, & ledit prefident de Fau-
après auoir, par lefdids dodeurs & re- guerolles. Et après auoir opiné , fe
ligieux, entendu ce que delTus, ont dit trouua que le procès fut parti en opi-
que lefdits articles lignez dudit Mo- nions, eilans aucuns des fufdits d'auis
nier font hérétiques, & ledit Monier que lefdits Monier Ot de Cazes
auffi hérétique eu deux poinds : fa- eftoyent vrais hérétiques pertinax , &
uoir eft au facrement de l'autel, & en que partant deuoyent eftre condamnez
la confeffion. Le Samedi matin, fécond à peine de mort, & eftre mis en quef-
de Mai, audit an \'j<,(y. lefdits Monier tion & torture, pour fauoir leurs com-
& de Cazes ont efté derechef enuoyez plices. Aucuns des fufnommez ef-
quérir en la Chambre. Et après auoir
toyent d'auis de faire mettre lefdits
efté admonnellez de fe réduire, & laif- Monier & Cazes en l'vn desconuents
de cefte ville, pour deux ou trois mois, L'opinion
fer tels erreurs qu'ils tenoyent, &
croire ce que noflre mère fainde auant que conftituer aucune peine à
Eglife nous commande, ont dit l'vn en rencontre d'eux. Attendu qu'ils con- d'aucuns con-
l'abfence de l'autre , fauoir eft Monier, felToyent effeduellement tous les ar- feillers modC'
I
ticles de la foi, le contenu es Prophè- rateurs
qu'il ne lui apert du contraire de ce
qu'il a mis par efcrit , & figné de fa tes, Euangelilles & Apoftres ; ioint
main ; & veut perfiller, mourir & viure
en cela. Cazes aufli, après auoir oui auffi que les articles qu'ils fouftenoyent
eftoyent au
arreftez en difpute
dernier ,Concile.
& n'auoyent efté
Et que
ledure autre
croira de fa confeffion, a dit viure
chofe , & veut qu'il ne
& tant es lettres faindes que prophanes,
mourir ait. pourEtmaintenir il n'eftoit trouué qu'aucun ait efté mis
defTus le Lundi, ce qu'il a ci-
quatriefme de au fupplice pour auoir contredit à la 1
Mai audit an, lefdits Monier & de
1
parole de Dieu , ni mefme du temps \
Cazes ont derechef efté appelez & de la primitiue Eglife, fors depuis
exhortez comme delTus , lefquels ont 40. ans en a, qui eftoit chofe fort mal
perfifté comme deuant. Et interroguez l'eante à Chreftiens. Et que cependant
qui font leurs complices, & en quelles on deuoit faire communication auf-
maifons & lieux, cv auec quels perfon- dits Monier <& Cazes, des Hures des
anciens Dodeurs, & les exhorter plus
nages ils ont conféré , ont dit qu'ils ne
le diront , car peut eftre , s'ils char- amplement. Or nonobftant toutes rai-
geoyent quelques vns, ils ne fauroyent fons alléguées , le procès fut départi
refpondre , & pourroyent fouffrir vn en la grand' Chambre, où ne fe trouua
mefme mal qu eux. A efté ordonné aucun qui ouurift la bouche pour fouf-
que ladite procédure fera communi- tenir la parole de Jcfus Chrift; ains
quée aux gens du Roi, pour prendre tous d'vne voix (quelque diuerfité
leurs conclulions. »
d'opinions qu'il y euft auparauant)
Conclurions Tantost après, Lefcure, procureur condamnèrent ces deux fidèles à mort,
des gens du gênerai du Roi,cSj la Ferriere, aduocat
Roi. comme s'enfuit.
dudit Sieur, ont conclud à ce que lef- <i Entre le procureur gênerai du Arrert du
Parlement de
dits Monier & Cazes foycnt condam- Roi , demandeur en crime d'herefie , Bourdcaux.
nez à eftre traînez fur vne claye par les d'vne part, Arnaud Monier & Jean
carefoursacouftumez de cefte ville, & de Cazes, prifonniers détenus en la
conciergerie de la Cour, défendeurs,
au deuant de l'Eglife S. André; illec,
faire amende honorable, l't demander d'autre : Veu la confeffion defdits
pardon à Dieu, au Roi, & à luftice; Monier <& Cazes, réitérée à di-
& de là eftre amenez deuant le Palais
& bruflez vifs, & auant l'exécution , (!) L'ûdit. de 1(64 dit : Odci de Matthieu.
ARNAVD MONIER ET JEAN DE CAZES.
4?3
uerfes fois , refponfes efcrites & Voila comme ces deux Martyrs
fignees par ledit Monier, exhortations de noftre Seigneur Jefus Chrift furent
& remonllrances aux fLilclits , tant en condamnez , après diuerfes fortes de
la Cour que par les Commillaires & tourmens par eux endurez depuis le
doéleurs en Théologie à ce commis & iour de leur emprifonnement, demeu-
députez ; conclufions dudit procureur rans toufiours fermes & conftans en
gênerai du Roi. & ouïs en la quellion leur confeffion de foi , combien que
& torture lefdits Monier & de Gazes,
les perfecuteurs d'vn cofté , & les
il fera dit : Que la Cour a déclaré Moines & dofleurs de l'autre , taf-
lefdits Monier & de Cazes eftre at- chaflent de les diuertir par leurs
taints&conuaincusdu crime d'herefie. finelfes & difputes, qui furent réité-
Et pour auoir mal fenti des fainéls rées plus de cinq ou fix fois audit Mo-
Sacremens , & auoir defvoyé en plu- nier, & deux fois à Cazes. Le Ven-
fieurs endroits de la détermination de dredi enfuyuant, qui eftoit le feptiefme
noftre mère fainde Eglife ; a con- iour du mois de Mai, on les tira hors
damné & condamne lefdits Monier & des prifons, pour eftre rnenez, comme
Cazes à eftre traînez fur vne claye par brebis d'occifion , à la boucherie. Ils
l'exécuteur
les rues & cantonsde la acouftumez
haute iuftice , par
decefte furent attachez par l'exécuteur fur
vne claye, par
et traînez au derrière
les rues d'vne charrette,
& fanges de la
ville de Bourdeaux,
S. André , & illec deuant l'Eglife
demander de
pardon ville de Bourdeaux, comme la bal-
à Dieu, au Roi, & à la Jullice. Et lieure du monde, acompagnez de gens
après feront bruflez deuant le Palais de luftice, huiffiers & fergens, enfem-
de la prefente ville. Et enioint ladite ble des mortes-payes (1) des chaf-
Cour audit procureur gênerai du Roi teaux Trompette & du Ha, hacque-
faire pourfuite contre les dénommez butiers(2) & hallebardiers. Quand ils
en la procédure faite contre lefdits furent deuant le temple de fainét An-
Monier & de Cazes. Et ordonne que dré , où on a acouftumé de faire les
frère Alain de Chadeuille , religieux amendes honorables, Cazes, voyant
de l'ordre de S. Augullin, & François son compagnon Monier contrifté , lui
Meftayer, marchand de cède ville de dit : « Courage, mon frère, Courage ;
Bourdeaux , feront pris au corps en ce n'eft rien qui ne fait d'auantage. »
quelque part qu'ils pourront eftre ap- Et ainfi fe confolans & fortifians l'vn
préhendezmenez
, & conduits es pri- l'autre , & déclarant la iufte caufe
fons de la conciergerie de ladite Cour, qu'ils fouftenoyent , furent ramenez
pour illec eftre & fournir à droit. Et deuant le Palais , où le dernier fup-
pour obuier à ce que les erreurs des
hérétiques ne pullulent , ladite Cour plice eftoit aprefté. Et combien qu'il
n'y euft en eux aucune refiftance, ains
fait inhibition & defenfe à toutes ma- toute fimplicité ; toutesfois ceux de la
Cour, outre la couftume ordinaire,
nières de gens de
rez hérétiques, , à non
peinefaire
d'eftre décla-
alfemblees comnianderent cftroiteinent que, pen-
& conuenticules , & ne dogmatifer & dant l'exécution, toutes les portes de
tenir aucunes propofitions mal fonan- la villeà fuft'ent
tes de la fainfte foi. Et permet au blies icelles. fermées, & gardes
Eftans donc venusefta-
au
procureur gênerai du Roi, de procé- lieu du fupplice , lefdits Monier et
der par cenfures ecclefiaftiques contre Cazes furent attachez à vne potence ;
tous ceux & celles qui fauront aucuns & pleins de confiance , ioye & affeu-
perfonnages tenir propofitions héréti- rance , s'eftimoyent
ques; pour, les reuelations & les in- efté trouuez dignes deheureux d'auoir
participer aux
quifitions veuës, eftre procédé contre affligions de Chrift. Monier eftant au
les delinquans comme il apartien- haut de la potence, dit telles paroles :
dra (i). 1)
Les dites sectes s'augmentent et fortifient
de plus en plus chaque jour, à nostre très
(i) Il semble, quand on lit un tel arrêt, grand et incroyable regret. 1. En terminant,
que le zèle du Parlement dL- Bordeaux il leur demande de « prendre en main l'ex-
contre les hérétiques n'avait pas besoin tirpation de ceste pernicieuse vermyne. »
d'être stimulé. Toutefois, le 7 décembre de (Gaullieur, t. I , p. 146.)
la même année, Henri II écrivait au.x ma- (i) Soldats qui ne faisaient pas de services
gistrats de ce Parlement : u Nos amés et et qui continuaient à recevoir leur paye.
féaulx, vous scavez assez que la cliose que Les invalides étaient des mortes-payes.
nous avons toujours désiréesecte
est d'extirper (2) Arquebusiers. On trouve ce mot sous
malheureuse et dampnée hérétique...la cette forme dans Marot.
U. 28
454 LIVRE SEPTIEME.
.1 Seigneur Dieu , ie te ren louanges robe rouge , & fuyant comme les au-
tres,fut par la foule mis par terre en
immorlelies
conduire iufques de ce ici
qu'il
en t'a pieu nous
la confe(fion la rue qu'on appelé Poiteuine , de
de ton S. Nom , it te prie nous faire manière
la grâce de pcrfeuerer iufques à la vefue de qu'il le falut
Pichon, porter
& crioit chez la:
là dedans
fin. » Et combien que, tandis que lef- « Cachez-moi, fauuez moi la vie; ie
dits Monier & Cazes parloyent , les l'efmotion
Il entend de»
trompettes fonnaffent fans celTe, pour fuis mort, ie
dernière; mesvoiamis,
cas pareil
cachezà l'efmotion
ma mule,
I
empefcher que leur voix ne fufl ouye, Gabeleurs.
qu'on ne maifons
moit les la conoifle. « Chacun
par la fer-
ville. Puis,
fi ell-ce qu'ils firent plufieurs fainaes
remonftrances au peuple , qui durè- l'effroi palTé , on demanda que c'ef-
rent alfez bonne efpace. Aucuns de la toit ; mais les ennemis de la vérité de-
lufticc commandèrent à Cazes de
meurèrent fedonnez
i & confus, qu'ils
faire
haute confeffion
voix : « dele facroi
foi, ce
en qu'il
Dieu fit leà ne fauoyent que dire , n'entendant
&point
faitque Dieu d'en-haut
trembler ainfi effraye
fes ennemis, nul ne
Perc tout-puilTant,
Et voulans faire le» femblable
& ce qui s'enfuit.
à Mo- les pourfuiuant.
nier, ildit ces mots : " Tout par vne DvRANT cefte perfecution , les ad-
bouche, tout par vne bouche ; ne pen- uerfaires prefenterent rcquefte au
fez-vous pas, quand mon frère parle, Parlement de Bourdeaux , pour faire
que ie parle auffi bien? Nous fommes plus ample inhibition & defenfe de
tous deux conformes en vne mefme chanter les Pfcaumes de Dauid, ni
tenir liures de la fainde Efcriture , de
foi & alTeurance. » Lors l'exécuteur
eflant au haut de la potence, voulant
eftrangler Cazes , comme la Cour laquelle
« SvR on donna l'Arreft
la requefte qui à s'enfuit.
prefentee la Cour
Aducrtiflcmcnt auoit ordonné qu'ils le feroyent auant par meffire François de Mauny, Ar-
d'effulion de eftre bruflez, tomba du haut en bas cheuefque de Bourdeaux, contenant
fang.
fur le pauii , tellement qu'il a eflé auerti qu'aucuns perfonna-
la telle iufques à eflufionqu'il
de fe bleffa
fang. Et ges de ladite ville de Bourdeaux, fen-
eftant releué , eftrangla Monier, qui tans mal de la foi, chantent iournellc-
ment es Eglifes & par les rues, en
fans mnuuoir rendit l'efprit paifible- leurs maifons et ailleurs, les Pfeau-
ment. Mais de Cazes, à caufe que le
feu elloit ia efpris , ne fut eftranglé , mes de Dauid , traduits en François
ains bruflé vif, endurant vn martyre par Marot & autres, en derifion &
indicible, criant : « Mon Dieu , mon grand fcandale de la religion Chref-
tienne , contre la détermination faite
Père; » tellement que, douant qu'il
expirafl, il auoit les iambes bruflees par la faculté de Théologie en la Sor-
iufques aux os. Et pour monftrer que Donne à Paris, tS: y a plufieurs librai-
noftre Seigneur Jefus Chrift en mou- res & autres marchans, qui expofent Lesaduerfaires
rant, non feulement a triomphé de fes & mettent en vente lefdits Pfeaumes metlcni entre
ennemis , mais auffi veut que fes & nouueaux Teftaments, traduits auffi liures reprou-
membres, en fouffrant pour lui, foyent en François, & plufieurs autres liures uez, les Pfeau-
participans du mefme triomphe, lors reprouuez & cenfurez ; au moyen de- mes & le nou-
que lefdits Monier & Cazes efioyent ueaumenl. Tefta-
quoi
Cour requeroit
ordonner qu'il pleuft à ladite
commandement eftre
Frayeur &
main de Dieu
prefque en cendres , telle frayeur cS:
efpouuantement faifit tous les affiflans fait , à peine de la hart , à toute ma-
fur les pcrfc- nière de gens, de ne chanter ne faire
cutcurs. à cefte exécution, que ceux de la luf-
chanter lefdits Pfeaumes en François,
tice , quelques armez qu'ils fufTent, & traduits par ledit Marot , en aucune
quelque bonne
leurs portes garde
, fans qu'ils
fauoir euiïent feà
pourquoi, manière, & aufdits libraires de ne les
mirent tous à fuyr , fe foulans aux imprimer, relier, ne mettre en vente,
pieds les vns les autres. Vn Prieur de n'aucuns autres liures reprouuez &
S. Antoine tomba, tSt grand nombre cenfurez, à mefme peine, & permettre
informer contre ceux qui ont chanté
lui deuant
palîerent Etfurentre qu'il
peuftgens
de fe releuer. autres (qui ou chantent lefdits Pfeaumes , par le
eft chofe digne de mémoire) le Greffier premier Huiffier fur ce requis. Veuô
Pontac (i), eftant fur fa mule auec fa ladite requefte, la Cour ordonne
(i) Jean de Pontac, greffier civil et cri- morency pour s'entendre avec lui sur les
minel, fut envoyé, en 15Ç9. par le prési- meilleurs
dans moyens dedeBordeaux.
le ressort tenir l'hérésie en échec
dent de Roffignac au connétable de Mont-
4? 5
PLVSIEVRS MARTYRS.
438
contraire A la faindc Cène , laquelle R. Qu'il ne conoilToit perfonne ôs
il auoit inllituee. Que la MelTc dero- dites villes à qui vendre fes liures , &
guoit de tout à la mort & paffion de fauoit bien les defenfes ; mais ce qu'il
en auoit fait efloit pour confoler &
Jcfus
treaux Chrill; & ledixiefme&onziefme
Hebrieux, prouua par l'Epif-
fubuenir aux poures Chreftiens, (!t les
chapitres, où il eft dit, que toutes les inftruire en la loi de Dieu. Interro-
cérémonies & lacrifices font abolis ;
gué s'il a prefché
tes Vallées & dogmatizé
& ailleurs aufdi-
où il portoit
& que Dieu a baillé fon Fils Jefus
Chrift pour feul & perpétuel facrificc,
liures, s'il y a des prefcheurs , s'il les
félon l'ordre de Melchifedec. Et par a ouys, & qui les a enuoyez , & fi ceux
mefme raifon, que les autres conftitu- de Gcneue l'auoyent enuoyé porter
tions Papales ne font qu'inuentions des liures .' R. Qu'il n'eftoit pas mi-
d'hommes, il s'efl refolu n'y croire. niftre ne fauant pour telle & fi fainéle
Bien y auoit quelque conformité en- charge; bien auoit-il exhorté ceux à
Du Baptcfmc. tre le Baptefme de Jefus Chrill iS: qui il auoit eu à faire , de viure félon
les commandemens de Dieu , & non
celui du Pape , d'autant qu'ils font
faits au ligne de l'eau & au Nom du félon ceux de l'Eglife Romaine, lef-
Père , du Fils & du S. Efprit ; mais quels eftoyent encontre Dieu. Que
le fel, le crachat, le crefme, les exor- d'aller A la MelTe c'eftoit vne idolâtrie;
cifmcs, & autres que le Pape y a ad- qu'il ne faloit chercher Jefus Chrift
iouflez, & dont il a veu vfer eftant à en l'hoftie, d'autant qu'il eftoit au ciel,
Poiftier, lui font endeteftijtion. Quant que Jefus Chrift auoit ordonné fa
De la confef- à la confeffion auriculaire, comme elle fainde Cène en laquelle il nous don-
fion. fe faifoit audit lieu , eft abomination. noit fon corps , lequel nous deuions
Trop bien qu'il faut confcfTer tous les receuoir par foi, en leuant les yeux au
iours à Dieu fes péchez & offenfes; ciel pour y cercher noflre falut. Il les
& fe reconcilier auec le prochain auoit auffi admonneftez de viure en
quand on l'a ofTenfé. Chreftiens, de n'eftre paillards, lar-
Interrogué depuis quel temps il a
hanté en Piedmont, mefme aux val- auroitrons ,iureurs
dit, non ni
paryurongnes
forme de ,prefche,
ce qu'il
lées d'Angrongne cSc de faind Martin ; mais en familiers deuis, fans eftre en-
où il a vendu fes liures; en quel lieu uoyé, & de fon propre mouuement.
ils font imprimez , & à qui il les a Bien auoit veu A Angrongne vn minif-
vendus.'' a dit qu'il y eftoit feulement tre nommé M. Eftiene (i), qui pref-
venu depuis le mois de Juillet précè- choit le Dimanche, Mardi, Mecredi,
& Icudi, en vn lieu à cela ordonné,
dent; qu'il auoit vendu les liures es
vallées d'Angrongne, faind Martin l't qui eftoitduvne courAuroit
en la entendu
maifon d'vn
en Dauphiné, lefquels eftoyent impri- homme pays. que
Liurcs de- la mez àGencue, comme Bibles, Infti- ledit M. Eftiene auoit cfté enuoyé du
fainiSc Efc ri- tutions Chreftiennes, Inftrudions pour
turc. pays apartenant aux Seigneurs de
les petis enfans, Pfalmes & plufieurs Berne, comme auffi vn nommé Barbe
autres, contenus Paul {2), auoit efté efleu de ceux du
e(\é trouué fur en
lui.l'inuentaire
Ne conoitquilesa
noms de ceux à qui il les a vendus, pays, félon l'ordre des Eglifes refor-
mées, pourct qu'il
bonne doftrine. Il y eftoit homme
auoit veu de
fembla-
s'il ne les void. Qu'il les auoit portez
feulement de fon propre mouuement, blement vn autre miniftre appelé Barbe
pour édifier les poures Chreftiens, fa-
Antoni {]) , & vn maiftre d'efchole
chant qu'il y en auoit piuficurs en ce François; qu'on faifoit édifier vn lieu
pays-la. Enquis de la caufe pourquoi pour prefcher auprès du temple où on
il ne les portoit vendre à Turin & au-
fouloit dire la MelTe (i). On lui mon- fon erreur. Ils lui firent lire fes inter- m.u.lvi.
ftra des lettres miffiues & mémoires, rogatoires, fpecialement en ce qui
lefquelles iljreconut; & dit les auoir concernoit la Meffe, la Cène & le
pour porter à Geneue , & auoir charge
de fauoir fi lefdits miniflres eftoyent Baptefme ; à ce qu'il declaraft par
ferment s'il y perfiftoit. Sa refponfe
yappelez à Turin,
deuoyent aller pour la difpute,
ou non (2). Lorss'ilsil fut qu'oui, & n'y vouloit rien changer
ne diminuer, & que qui alloit au con-
fut exhorté de retourner à l'eglife
Romaine , ce qu'il refufa; & par ainfi forçatraire faifoitinterpréter
de lui mal. L'Inquifiteur
les paffagess'ef-
de
fut mené prifonnier en la concierge- l'Efcriture à fa mode, & par raifons
rie du Palais de Turin. Ses informa- fophiftiques , mais Hedor demeurant
tions furent communiquées à "Vaillant, en fa fimplicité, dit qu'il les entendoit
procureur gênerai du Roi; lequel re- ainfi qu'ils eftoyent en fes refponfes
tirées de la pure parole de Dieu , &
auoir quit
encouruqu'iceluilesHeftor fufl déclaré
peines contenues en non autrement. L'Inquifiteur partant
Ordonnance l'edit du Roi , publié en ladite Cour, les emporta, pour en donner fon auis
du Roi I.]
François vingtvniefme
^ ^. ■,. d'Odobre, „• m.d.li. par efcrit, comme s'enfuit :
pour trois railons : La première pour « J'ai veu le procès contre Barthe- Rapport de
auoir porté liures de Geneue es pays
de l'obeiffance du Roi ; la féconde en lemi Hedor, détenu pour crime d'he- l'Inquifiteur.
refie, & l'ai oui parler & affermer ces
ce que lefdits liures fe trouuoyent
cenfurez & reprouuez ; la troifiefme propofitions, c'eft affauoir, que l'E-
uangile n'eft en lieu du monde plus pu-
en ce qu'eftant ignorant & non lettré, rement prefché qu'à Geneue. Que la
il s'efloit ingéré d'annoncer les opi- Méfie eft vne pure abomination &
nions qui fe tiennent audit lieu de idolâtrie. Qu'en la facree Cène (vfant
Geneue, contre les traditions & or- de ce mot), le corps de Jefus n'y eft
donnances receuës par l'Eglife Ca- pas , mais que le pain fignifie feule-
tholique. Le 16. de Mars, Barthelemi ment le corps. Qu'en la facree Cène,
fut mandé en ladite Cour; auquel on Jefus Chrift n'eft ni ne doit eftre offert,
fit lire les refponfes par lui faites à veu qu'il s'eft offert foi-mefme vne
Pinereul, pourou fauoir
rien adioufter s'il y& vouloit
diminuer; lui fut fois en la croix. Que c'eft une idolâ-
trie d'auoir des peintures de Jefus
remonftré que fes opinions eftoyent Chrift & des Sainfts. Que c'eft mal
contre Dieu, & le fainâ fiege Apofto- fait de confeffer fes péchez à autre
lique & Eglife Romaine. Il refpondit qu'à Dieu. » Il adioufta beaucoup
qu'il n'y auoit rien contre Dieu; mais d'autres chofes ; mais celles-ci font
perfiftoit & vouloit viure & mourir en les principales , pour lefquelles il con-
la cluoit , qu'on ne pouuoit douter que
ditloi& dudéclaré,
Seigneur, félonautrement;
& non ce qu'il auoit
ce le prifonnier ne fuft hérétique. Et en
modifiant à la façon vfitee au fiege
qu'on lui fit figner.
Le 27 d'Auril , il fut mené deuant Romain, il mit ces mots : « Je luge-
les deux premiers Commiffaires acom- roi toutesfois qu'il le faudroit traiter
Jacomeli, pagnez de Thomas Jacomeli , Inquifi- plus doucement, ayant aucunement
Inqiiifueur. j^^^ jg 1^ f^; . auquel les refponfes efgard à fa fimplicité; & que, par fré-
d'Heftor furent communiquées , fui- quentes exhortations, on le ramenaft à
uant l'arreft de la Cour, du 28. de repentance. Car qui fait fi le Seigneur p^^d d'hypo-
Mars précèdent. Du commencement le conuertira, & par noftre miniftere, crifie.
ils firent plufieurs exhortations pour comme la brebis perdue , le ramè-
le faire retourner en l'Eglife Romaine, nera ?»
fans autrement lui déclarer ni prouuer SvYVANT ceft auis, la Cour fit de-
rechef venir Hedor le 16. de Mai ; &
lui ayant fait ledure de fes refponfes,
(i) A la faveur de l'accalmie qui s'était l'admonnefta de fe réduire ; & auffi
produite depuis l'occupation française, les
Vaudois s'étaient mis à se bâtir des temples, à de refpondre doucement , confiderant
côté des églises catholiques vides. Le pre-
mier temple, dont parle ici Hector, fut con- qu'il eftoit deuant Dieu , le Roi & fa
struit àAngrogne, au lieu dit Saint-Laurent Juftice; que s'il fe vouloit defdire , &
(Monastier, \, 222).
(2) Les Eglises vaudoises étaient en com- ne plus croire ce qu'on lui auoit en-
munication constante avec Genève, d'où leur feigné à Geneue , on vferoit de mife-
venaient desquem ent àCalvin
pasteurs, pouret avoir
s'adressaient fré-
ses conseils
ricorde enuers lui , & que ce n'eftoit
dans les moments difficiles. qu'abus contre les commandemens de
Dieu, conftitutions de la fainde mère
LIVRE SEPTIEME.
Eglife Romaine , les fainâs Conciles s'il n'auifoit à foi ; car ce feroit la der-
generauxaprouuez de tous vrais Chref- nière fois qu'il fe trouueroit deuant la
licns , & (iblcriiez par le royaume de Cour. R. Qu'il efloit
dre libéralement & de prefl
cœur de ren-
à Dieu
France.
loit Hedor
croire refpondit,
fimplement ce qu'il vou-
qui eftoit l'ame qu'il lui auoit donnée, le fup-
elcrit aux faindes Efcritures du vieil pliant de le vouloir garder A mainte-
& nouueau Teflament, fur iefquelles nir en l'opinion qu'il auoit déclarée &
fa foi, voire celle de tous Chreftiens ,
deuoit eflre feulement fondée. On lui depofee
heureux ende fonfouffrir
procès,pour
s'eftimant très
vne telle
demanda s'il voulnit foullenir qu'à querelle;
main. ce qu'on lui fit figner de fa
Geneue on prefchaft plus purement la
Plvsievrs de la Cour, voyans que
fiarole de Dieu qu'à Poiaiers ou ail-
eurs? dit qu'il ne difoit pas cela en la fimplicitc' de ce perfonnage ne
tels termes, & qu'il y auoit d'au- pouuoit efire efbranlee ne par mena-
tres Eglifes reformées, où la parole ces ne par crainte de mort, furent au-
de Dieu eftoit purement prcfchee , & tant eftonnez que prelTez en leur con-
que, fi à Poidiers elle euft eflé fainfte- fcience, en forte que, pour fe defchar-
ment annoncée, il n'euft prins la peine ger fur autrui, ils remirent Barthelemi
entre les mains de fes parties pour
de venir fi loin qu'à Geneue. Interro- eflre iugé , iaçoit que par expérience
gué , s'il perfiftoit en ce qu'il auoit dit ils euffent conu en ce mefme faid, que
de la Melfe.' dit qu'oui; mefme que
lacomeli, inquifiteur, ne le vouloit ga-
Autel. le
dit commencement d'icelle,&c.,
: Inircibo ad alljrc, quand
eft on
vn gner d'autre luite fi), finon de cefle,
blafpheme, d'autant que les Chref- affauoir : Que fes predecelTeurs te-
tiens n'ont point d'autels ni de facri- noyent autre doélrine, & que par con-
fices, fe contentans de celui que le fcquent ceux qui teJioyent le contraire*,
Seigneur Jefus Chriil a vne fois fait eftoyent en erreur, & puniffables de
mort. Le 2. de May, Hedor, eftant
en l'autel de la croix, quand il s'eft
lui-mefme offert en oblation & facri- renuoyé par deuant lofeph Parpaille,
fice perpétuel pour tous les péchez dodeur es droits, chanoine de l' Eglife
métropolitaine , & vicaire gênerai de
du monde. Enquis s'il vouloit perfifler,
qu'au Sacrement le corps de noflre l'Archeuefque de Turin , Antoine de
Scalingue, moine & vicaire gênerai de
Seigneur n'y fuft? R. Qu'il croyoit
aux paroles de l'Euangile , que lefus l'Abbaye de Pinereul , ai ledit Tho-
mas lacomeli, au lieu de lui monftrer
Chrirt auoit proférées, difant : Prcnc'^,
mangc^, &c., & non pas : adorez-le. qu'il eftoit en erreur , & l'enfeigner
Que quand les fidèles communiquent par la parole de Dieu, ne lui parlè-
à la fainfle Cène, ils reçoiuent le rent d'autre chofc finon de fe defdire ;
corps & le fang de lefus Chrift , le- & en ce faifant qu'on lui feroit grâce,
quel fe communique à eux, efleuans autrement que la mort eftoit toute
leurs efprits à Dieu, par le moyen de prochaine. Ce fait, ils lui firent ledure
des interrogatoires & refponfes , fur
la foi. >i Interrogué, s'il perfilloit en
ce
desqu'il auoit dedit Jcfus
images eflre mal-fait
Chrift ,d'auoir
de la Iefquelles, pour fignc
faifoyent de grandes d'horreurmais
admirations; ils
vierge Marie, & autres Sainds &
Hedor, fortifié de l'Efprit de Dieu,
Images. fainftes.'' R. Que de tenir images n'auoit autre regard qu'à maintenir fa
iufte caufe. Et efleuant les yeux à
pour les lâtrie &, feruir it adorer,
que Dieu auoit c'eftoit
défendu ido-
de
faire aucunes images à fa fcmblance ; Dieu, le fupplioit qu'il lui fift la grâce
de demeurer ferme iufques à la der-
que fi aucuns ne lesadoroyent, autres nière goutte de fon fang. Puis fe
Ilancc pour
les pourroyent adorer, & partant le voyant tant importuné par fes aducr- Grande in-
faires, il leur dit refolutiuement : Que fubuertir
meilleur eftoit n'en auoir point du Heflor.
tout. On demanda s'il fouftenoit la MclTe eftoit vraye idolâtrie ; & qui-
La confcffion. ^(\j^^^ rnal fait de fe confelTer , comme conque tenoit images, fuft de lefus
la fainde Eglife Romaine commande Chrift ou des Sainds, à caufe de la re-
& ordonne .' R. c Telle confeffion n'eft ligion, eftoit idolâtre. Quant au facre-
en l'Efcriture fainde; trop bien quand ment de la Cène , ce n eftoit fon en-
on a offcnfé fon frère on fe doit re- tente que le corps de lefus Chrift y
concilier àlui , <Sc ainfi confeffcr l'vn fuft enfermé; mais qu'il y conuenoit
à l'autre fon péché. » On lui renionf-
tra qu'il fe mettoit en grand danger
(1) Lutte
BARTHELEMI HECTOR.
communiquer par foi, efleuant les yeux miniftree en briefue expédition. Bar-
en haut, y contemplant nodre Seigneur thelemi, au contraire, voyant ce nou-
Jefus Chrift en la gloire de Dieu fon ueau aduerfaire, requeroit délai lui
père. Ils lui remonftrerent derechef eflre donné pour lui refpondre, voire
Notez de
que, s'il vouloit perfifler en telles opi- qu'on lui baillaft de l'ancre & du pa-
nions, contreuenantes aux comman-
pier pour efcrire. Sur quoi lui fut re- quelles rufes
& façons de
demens de Dieu & de l'Eglife , il monftré qu'il n'auroit point de terme faire on pro-
feroit déclaré hérétique. Sa refponfe 1 cède en tous
pour difputer, mais bien .pour fe def- 44lieux contre
fut, qu'en perfeuerant en ce qu'il auoit dire & retourner au giron de leur les enfans de
confefTé , il fauoit pour certain qu'il mère fainde Eglife, & fe remettre au Dieu.
eftoit d'accord auec .les faindes Ef- iugement des Pères & facrez Conciles,
critures , fur lefquelles fa foi eftoit &"vouIant adhérer obftinement à fes
apuyee. Quoi fait, lefdits Vicaires &
Inquifiteur lui donnèrent terme & propofitions, il n'auoit befoin ni d'an-
cre ni de' papier, ni auffi de tant de
délai de lix iours d'y penfer, & de fe dilations, mais bien d'vne pure & fim-
réduire comme ils l'auoyent admon-
nefté. ple penfee. Hedor dit qu'il ne ref-
pondroit autrement, fi on ne lui bail-
LE27.dudrtmoisde May, Parpaille, loit nouueaux articles, où fuffent
Scalingue & lacomeli ne faillirent de contenus fes erreurs & les caufes
retourner à la proye , & demander à
d'iceux par la parole de Dieu. Le pro-
Barthelemi s'il auoit penfé à fon cureur répliqua : Qu'il ne le faloit plus
afaire.'' Sa refponfe fut que pas en-
ouir, puis qu'il ne fe vouloit fubmettre
core, parce qu'il n'auoit rien entre fes au iugement de leur mère fainde
mains du procès contre lui fait, ni fes
refponfes, furquoi il peufl délibérer, Eglife, & qu'il ne cerchoit que des
fubterfuges pour prolonger facaufe,
requérant à cefte fin le double & & la tenir en longueur. Pource il in-
communication d'icelui, pour pouuoir fiftoit droid lui eftre fait fur fes tefti-
mieux délibérer & refpondre ; fur cela moniales, & que fes conclufions lui
demandant quatre mois de terme. Sur fulTent accordées , proteftant à leur
quoi ils ordonnèrent que les refponfes refus d'auoir fon recours aux fupe-
par lui faites par deuant eux fur leurs rieurs.
propofitions lui feroyent communi- SvRQVoi lefdids Vicaire & Inquifi-
quées ,pour y refpondre dans le len- teur voulans (difoyent-ils) la conuer-
demain, ou bien de fe remettre au iu- fion du pécheur, & enclinans pluftoft ' C'eft à dire
gement de l'Eglife. Il leur remonflra à mifericorde
rent délai à *Barthelemi
qu'à rigueur, donnè-
feulement
qu'il ne leur pouuoit refpondre en fi
bref temps; lors ils lui prolongèrent cruauté
ragée. en-
pour refpondre fans tergiuerfer, iuf-
fon délai pour toute prefixion au Ven- ques au premier iour de luin enfui-
dredi prochain. Le terme efcheu , les
vénérables accompagnez de Gafpar uant, fans efpoir d'en auoir autre, &
ce afin qu'il fe fubmift au iugement
Viuian, procureur de la foi, retournè- de l'Eglife, & embraft'aft
rent deuers Barthelemi; mais ils n'ob- des facrez Conciles & des laPères,
dodrine
en
tindrent
vouloit viure autre &chofe de lui,
mourir finon
en la qu'il
confef- reuoquant ce dire
qu'illesauoit enfeigné au
contraire, ou caufes pourquoi
fion de foi par lui faite & propofee , il ne doit eftre déclaré hérétique.
tant en la cour de Parlement que de- Av iour affigné, ces fuppofts auec
uant eux. Sur quoi ce procureur de la leur dit procureur de la foi , firent
foi print fes conclurions à l'encontre comparoir Hedor par deuant eux, &
Conclufion
du procureur de lui, fondée fur ce : Qu'il auoit veu pour l'intimider, on lui fit vn grand
de la foi. fes refponfes par plufieurs fois réité-
rées, enfemble les admonitions qui déclarédu hérétique,
narré procès, concluant qu'il fuft
& que iuftice en
lui auoyent eflé faites de fe defdire ,
fuft faite, puis qu'il n'auoit voulu em-
d'autant qu'il eftoit en erreur; mais braffer la dodrine des Pères & Con-
tant s'en faloit qu'il euft voulu y en- ciles. Hedor, au contraire, déclara
tendre, que, par confeffions iudiciaires,
qu'il croyoit à la dodrine des Prophè-
il s'eftoit opiniaftré à cela, fans vou- tes & Apoftres, fur lefquelles la foi Ephef.
ciaires.
Acàes 2.
iudi-
loir aucunement changer. A cefte oc- des Chreftiens deuoit eftre apuyee. &
cafion , & que fes pofitions eftoyent non fur les hommes, requérant à cefte
déclarées hérétiques , mefme qu'il fin papier & ancre lui eftre bailli;z
auoit eu terme de fe repentir , reque- pour en rendre plus ample raifon. Le
roit droid lui eftre faiét, & iuftice ad-
Procureur répliqua : Qu'il l'erapef-
LIVRE SEPTIEME.
L'impiété conoit non feulement vne manifefte auec toutes charges & informations m.d.dvi.
es lugesde cri- dedans quinze iours, pendant lefquels
minels laimpieté,
u . mais
^ vn propos
.■ p délibéré
^i. ■. < j de
Papauté combatre & anéantir I authonté des Hierome efcriuit vne Epiflre aux fidè-
contre lefus faindes Efcritures pour fubllituer (en- les, les folicitant de s'alTembler &
Chrift en fes uentions
tant qu'en eux efl) les maudites in- prier pour lui, afin que nul ne fuft
membres. des hommes au lieu de la fcandalifé à fon occafion , de ce La caufe pour-
vérité de Dieu. Leur zèle auffi efl
qu'ayant eu des moyens de fe fauuer, q"oi Cafabone
tellement enragé s efloit
11"pour à, nelauué.
pouuoir faire plusqu'ils
grandpenl'ent
feruice neà r\ eftoit
il ne/• s'en
caule, Qu ■ aidé,
'■^il aimoit alléguant
-J mieux
■ aller
Bourdeaux rendre raifon de fa foi,
leur dieu de MelTe, que d'employer
leurs meilleures & plus deuotionnees que par fa fuite fes aduerfaires euffent
feftes , à faire la guerre au Dieu vi- occafion de blafmer la vérité de la
uant : ce qui fe conut manifeftement dodrine qu'il auoit maintenue. Le
en cefte procédure. Car combien que
Baille
lui euft ,faite
quelque inionélion
, le garda plus de qu'on
deux
leurs cérémonies de la fepmaine ,
mois, & lui donna plufieurs moyens
qu'ils appelent Peneufe (i), commu-
nément les occupent & amufent en de fe fauuer ; mais en fin, voyant qu'il
deuotion, & furtout au iour de leur
n'y vouloit entendre, l'enuoya à Bour-
deaux auec bien petite compagnie.
grand Vendredi faind ; fî efl-ce qu'ils
ne fe donnèrent point de relafche Ce patient, au lieu de cercher moyens
pour cela. d'efchaper, ne ceffoit par les chemins
iour, ils firentCar l'apres-difnee
derechef dudit
venir Hierome & hoftelleries d'admonnefter vn cha-
en la maifon de la ville pour le con- cun, du falut qui eft gratuitement of-
fronter & recoler contre ceux qui fert au feul Sauueur lefus Chrift ;
auoyent depofé contre lui ; lefquels d'exhorter ceux qu'il voyoit, à embraf-
fer un tel bénéfice, en quittant toutes
combien qu'il rendift confus par fes
refponfes, neantmoins le moine (à le pollutions & idolâtries.
preflre, d'vneleurimpudence Arrivé qu'il fut à Bourdeaux , &
conuertirent confufion effrontée,
en rifees , que le feruiteur du Baille eut mis fon
procès au greffe de la Cour, il ne
pour monftrer qu'ils le mefprifoyent , tarda rien à eftre iugé & confermé p^r
dequoi le luge s'aperceut , car iurant Arreft. Les luges du Parlement lui
à la façon des idolâtres, dit : « Par
faind Antoine, le prifonnier eft homme demandèrent s'il vouloit perfeuerer
en ses opinions, & fa refponfe fut
fauant. » Or cependant qu'on exami-
noit autres tefmoins , auint que le qu'oui ; voire & qu'à cefte occafion il
vicaire du temple appelé no(lre-Dame, auoit defiré de venir deuant eux, pour
portant fon dieu à quelque malade , feeller par l'effufion de fon fang la
paflTa par deuant la maifon de la ville, vraye & pure dodrine du feigneur
où eftoit ledit Hierome, auec le ferui- lefus. En la queftion qu'on lui donna, Quertion extra-
teur du Geôlier qui le gardoit, lequel pour fauoir fi à Monflanquin il en ordinaire.
fe mettant à genoux, vouloit que Hie- conoift"oit de fon opinion, il n'y eut ni
tourment ni menace qui feuft tirer de
rome s'y mill auffi ; mais eflant mené
d'vn zèle de Dieu, fit refus de ce lui aucune accufation de ceux qu'il
conoilVoit.
faire , & print occafion de remonftrer Quoi voyans, les Juges,
comme pour vn dernier remède, firent
à toute l'affiflance quelle horreur & allumer vne torche pour lui faire crier
idolâtrie c'elloit que de fe proHerner merci & pardon à Dieu , à la vierge
deuant vne idole ; que le Dieu feul
éternel & viuant deuoit eflre adoré Marie, auxfainds & faindes de para-
par Jefus Chrill, qui eftoit au ciel à la dis, & à la Juflice. Hierome pria
dextre de Dieu Ion Père, & non entre promptement Dieu , & d'affedion ar-
les mains du preftre, qui, par tels fpec- dente lui demanda pardon des fautes
tacles, abufoit & amufoit le poure po- & offenfes qu'il auoit commifes contre
pulaire. Les recolement & confronta- fa maiefté ; mais comme ils le vou-
tion acheuez, fut renuoyé en prilbn, loyent forcer de paffer outre, & de
& enioint au Baille (2), à peine de cinq venir à la vierge Marie, aux fainds,
cens liures, le mener à Bourdeaux Ot à la luftice, il le refufa , alléguant
qu'il ne les auoit en rien offenfez, &
que fupplication de pardon fans faute
(i) Semaine de la Passion. Cette locution, précédente, elloit pluftoft moquerie
temps deenMalherbe.
tombée désuétude,Voy.
s'employait encore
ce mol dans au
Littré. que deuoir. Lors lui fut commandé
(2) Valet, serviteur. de bailler la langue à couper, ce qu'il
LIVRE SEPTIEME.
6
fit44promptcmcnt. Et depuis eftant defquels
crits (1). les noms font ici après fouf
mené audesfupplice, il monftra par i'ele-
uatiun yeux & des mains au mi-
Novs confelTons tous & conftam- De Dieu.
lieu des (lainmes du feu, que c'ertoit
d'enhaut qu'il attendoit falut (1). iTient croyons qu'il n'y a qu'vn Dieu
viuant & éternel, de puiffance, fa-
pience & bonté infinie , créateur &
conferuatcur de toutes chofes, tant
vilibles qu'inuifibles. & qu'en l'vnité
Treize Martyrs, Anglois (2). de fa Dcité il y a trois perfonncs coëf-
fentielles.& coëternclles , fans confu-
fion de proprietez & relations, & fans
D'rnc troupe de Chrefliens liurc^ à la aucune inequalité, alTauoir le Père, le
mort Fils & le S. Efprit, comme il ert vraye-
gilc , pour la con/cffion
receuons de l'Èuan- ,
cc/l aducrliffcmcnl
Que le Seigneur appelLml les Jiens ment enfeigné & creu en l'Eglife de
Jefus Chrifi, fondée fur la fainde pa-
pour courir au but, ce n'e/l pas pour role de Dieu, de laquelle vraye Eglife
donner le pris à im feul, mais à tous ; nous-nous difons, & chacun de nous
afin que les vns aident les autres en fe reconoit vrai & viuant membre
commun, & tendent les bras l'un à conioind l'vn à l'autre.
l'autre pour efire auance:^ au but Novs confeffons, & fans douter
d'vne fi heureuje courfe. croyons que la féconde perfonne en la
Trinité, alTauoir le Fils éternel de Dieu
La cruelle puilTance des ennemis le Pcre, a voulu, pour l'amour de nous,
croilToit ^n ce temps au pays d'Angle- prendre nortre humanité fur lui, au
terre fous Marie, non feulement con- ventre de la bien-heureufe vierge
tre les robustes & fortifiez en la foi , Marie, eflant conceu de la propre
mais auffi contre les fimples & peu fubltance d'icelle par la vertu du faind
exercczaux combats Chrefliens. Nous Efprit, it que, dés le moment de celle
en auons ici quelques vns qui ont fur- conception, la perfonne du Fils a efté
monté toute crainte de mort corpo- vnie infeparablement auec la nature
relle, &confelTans vne dodrine vraye- humaine , en vne perfonne qui eft
Jefus Chrifl, vrai Dieu it vrai homme,
mcnt Chredienne, l'ont feellee de
leur propre fang. Leur confeffion a duquel le royaume fera fans fin. Nous
conférons & croyons de cœur tous
efté tranflatec de l'Anglois comme
s'enfuit. les articles de la foi Chreftienne, con-
tenus au Syrnbole, vulgairement ap-
pelé le Credo des Apoftres, & au
Syinbole
Avssi nous d'Athanafe.
reconoinbns fidèlement
La foi & fainâ accord des prifonniers,
que la remiffion des péchez, la redemp- De la iuftific
pre/enlé à l'Eucj\]ue
Fullam, au de M.D.LVL
mois de luin, Londres à tion, iurtification tt fandification nous
vienent entièrement & feuleincnt de
la merci & faueur gratuite de Dieu en
(1) M.Casabonnc
Jérôme Gaullieur croit que lel'exécution
eut lieu de
22 mai lîÇO. lefus Chrift, acquife par fa mort &
La veille, le lieutenant criminel avait con- par fon fang efpandu, fans aucun mé-
damné " un certain personnage convaincu rite ou œuures, quelques grandes &
d'hérésie à eslrc bruslé n sur la place du
Palais. Il fut, pour cette cause, sévèrement bonnes qu'elles puitTent aparoir; &
admonesté par la Cour , pour celte raison neantmoins de peur que quelcun ne
nous entende mal, ou penfe que
que la place du Palais était réservée à
l'exécution des arrêts du Parlement, tandis
3ue les sentences prononcées par la Cour
u sénéchal devaient être exécutées sur les (1) Voici à quelle occasion fut écrite celle
fossés des Tanneurs (Gaullieur, Réf. à Bor- confession. Le dimanche qui suivit la con-
deaux, ,I 148). damnation des treize , Fecknam , doyen de
Sainl-Paul , déclara, dans un sermon, que
(J) Crespin . 1564 . P- 84''<; "«7°. '" 44" '■
1581, f 401; 1597. f° 198; iûi<j, I* 41'- Il a ces condamnés avaient autant d'opinions
clé déjà question de ces treize martyrs plus dilTérentcs qu'ils étaient d'individus. En ré-
haut ( p. 4î'J. col. I, note 0;, où leurs noms ponse àcette accusation , ils rédigèrent cette
seulement figurent. Crespin revient sur cet confession , qu'ils( VIII envoyèrent & l'évéque de
furent en- Londres. Foxe . 15c) donne de celte
autodafé, où treize personnespour insérer confession une version fort diirérento de
semble livrées aux flammes,
forme et de fond. Nous ne nous expliquons
leur confession de foi , qu'il tenait sans doute
de l'un des réfugiés anglais de la Suisse. pas cette différence.
PLVSIEVRS MARTYRS.
447
vueillions nier ou anéantir les bonnes cible confort aux faindes perfonnes
œuures, nous reconoilTons que tous
hommes font tenus, par la parole de qui fentent en eux-mefmes l'opération
de l'Efprit
œuures de ladechair
Chrift, mortifiant
& leurs les
membres
Dieu, faire bonnes œuures ; non pas
pour deferuir quelque partie de noftre terreftres, en attirant leurs entende-
faluation, ains pour monftrer noftre mens aux chofes celeftes. Item, que
obein"ance par les fruids de la foi, afin cefte conoin"ance nous conferme gran-
que la lumière de nos bonnes œuures dement en l'éternelle faluation qui
puilTe fi bien luire deuant les hommes, eft par lefus Chrift; mais aux perfonnes
que Dieu, autheur d'icelles, en foit curieufes & charnelles, qui n'ont l'Ef-
glorifié. Et ainfi nous auons en hor- prit de Chrift, c'eft vn dangereux la-
reur cefte idole fterile & foi morte, de byrinthe par lequel le diable les peut
laquelle faind laques parle en fa Ca- abatre & mettre en defefpoir, ou inci-
ter à vie abandonnée à toute ordure.
nonique, quin'a aucune bonne œuure
la fuyuante. Et ainfi affermons que
Dieu ne nous repute pasiulles deuant Finalement,
tion par Jefusnous croyons
Chrift que faite,
vne fois l'obla-a
fon iugement , pour regard de quel- pour iamais apaifé l'ire de Dieu, & a
ques œuures noftres , defquelles la fatisfait pour tous les péchez du monde
meilleure examinée à la pureté de la
Loi , fera trouuee , feion le dire du tant
autre originels qu'aduels,
fatisfadion pour les& péchez
qu'il n'y
quea
Prophète, comme vn drap fouillé. cefte-la feule ; parquoi le facrifice de
la Meffe, auquel on dit que le Preftre
C'eft donc pour l'amour de lefus offre lesus Chrift pour les viuans &
Chrift feulement, duquel la precieufe
mort & le fang refpandu en parfaiâ les morts, eft vne tromperie tres-dan-
facrifice, eft fuffifante rançon pour les
gereufe,
fut & autant
oncques pernicieufe qu'il en
inuentee.
péchez du monde. Item, nous croyons
Baptefme. Ceste confeffion de foi fut fignee
que le facreraent
pas feulement du Baptefme
vn figne n'eft
de profeffion de ceux qui s'enfuyuent.
& marque de différence par laquelle
le Chreftien eft difcerné des autres in- Lyon de Coyxe,
Henri Wie,
fidèles, mais auffi que c'eft vn feau de Henri Adlington,
régénération, par lequel, comme par vn RODVLPHE Iacson,
inftruraent, ceux qui reçoiuent le Bap- Iean Dorefall,
tefme droitement font entez & incor-
esmonde hvrst,
porez en de
l'Eglife du Seigneur ; les Iea.n Rothe,
promeffes la remiffion des péchez George Searles,
& de noftre adoption font vifiblement
Lavrent Parmen ,
fîgnees & feellees , & la foi y eft con- ThOiMas Bower,
fermée. Que la couftume de l'Eglife William Houwel,
de baptizer les petis enfans, & eftre Elizabeth Pepper,
recommandez à Dieu par prières, doit Agnes George (i).
eftre maintenue & obferuee.
Cene. Avssi nous croyons que la Cène
Celvi qui a tranflaté cefte confef-
du Seigneur n'eft pas feulement vn
figne de l'vnion que les Chreftiens fion après celle en Anglois, fignee de
leur propre main , les a veu brufler à
doyuent
mais auffiauoir entre eux de
vn facrement l'vn noftre
à l'autre,
ré- demie lieuë de Londres, près de
demption par la mort & paffion de Stratford, ou Slrat/orbowe {2), magni-
Chrift, entant qu'à ceux qui dignement fians le nom du Seigneur autant que
faire (3).
vrais confeffeurs du Seigneur peuuent
auec
rompentfoi enfembleeft
la reçoyuent,la communion
le pain qu'ils
du
corps de Chrift; pareillement, la coupe
de benedidion leur eft vne communion
(1) Voy. p. 456, note 6 de la i" col., la
du fang d'icelui. Et n'a pas efté com- transcription exacte de ces noms. Nous
mandé d'eftre gardée & enfermée ou corrigeons les prénoms des n"' 2 et ; , que
portée par les rues, ni leuee par deffus Crespin avait écrits : Hcnrye, et dont son
la tefte, ni adorée. Nous croyons
continuateur,
nom de femme croyant qu'il
, avait fait s'agissait d'un
Henriette.
auffi que la fainde méditation de la
Predeftination. predeftination éternelle de Dieu, & (2) Stratford-le-Bow.
noftre eledion en lefus Chrift eft (;) Ilbreux
s'agit
réfugiésévidemment
anglais, quide habitèrent
l'un des nom-
Ge-
nève durant le règne de Marie.
pleine de puiffante douceur & d'indi-
LIVRE SEPTIEME.
crit ce qu'il auoit veu de cefte hif- prefentant la vérité en ce commen- m.d.lvii.
toire , duquel i'emprunteray les mots taire de tout ce qui y a efté traité, faid
& le récit, comme s'enfuit i i). & palTé. afin que dorefenauant chacun
Combien (2) que la vérité, de foy- puiiTe eftre aduerty de ne prendre les
mefme fansaucun fard ouappuy fimulé, chofes incogneues, ne iuger légère-
fuffit contre le menfonge, & donne telle ment d'icelles. Combien que la caufe
fufdite foit fuffifante pour mettre cefte
maiefté,
ble qu'outre
de rien icelle ,toutefois
innouer, il n'eft loifi-
elle hiftoire en lumière * , la grandeur auffi Le fruia &
peut eflre tellement oppreiïee par hiftoire.cefte
du faid, auec les circonftances des vtilit^é^de^
l'effort des aduerfaires que , pour vn lieux , n'a moindre poix & valeur.
long temps, elle femblera comme en- Car oij eft-il efcrit qu'au monde nou-
feuelie, mais enfin produit en lumière uellement defcouuert , il y ait eu au-
& decouure en euidence ce qui avoit cun facrifié & mis à mort pour le
efté profondement tefmoignage de la parole de Dieu >
ce théâtre de tout caché : afin
le monde , ilqu'en
y ait Nous auons veu & leu que les barba-
quelque commencement de defcou- res ont tué , facrifié & mangé aucuns
uerture des hypocrites & gens de Portugais & François ; mais pour-
double cœur (3).
quoi }d'autant que, par leur auarice &
PovR cefle caufe, comme il ell rai- ainbition defmefuree , ils auoyent ou-
fonnable de redreffer ceux qui fe tragé & offenfé lefdits Barbares. Cha-
fouruoyent du droid chemin , il eft cun conoit fort bien que les Portu-
a'uffi neceffaire de faire entendre la gais, & mefmes les François, qui ont
vérité du faift de la tragédie qui a elle
iouee en ladide terre du Brefil : ce fréquenté icelles régions, n'ont iaraais
parlé vn feul mot du Seigneur lefus
qui ne fe fauroit mieux faire qu'en re- Chrift aux poures gens de ces pays-la.
Veu donques que les trois perfonna-
ges (la mort defquels eft defcrite ci
(i) Il s'agit évidemment de Jean de Léry,
auquel Crespin se reconnaît , sans le nom- après) fe font comme prémices expo-
mer, redevable des mots et du rJ-cit qui suit. fez à la mort pour maintenir la iufte
Cet écrit publié
mémorables advenues i 1 5O1) en est la
['Histoire
terre duJcsBrésil
clioscs , querelle de l'Euangile, ce feroit chofe
dont nous avons parlé plus haut. mal feante & de trefmauuaife confe-
{2) Ici commence la reproduction pure et quence, de lailTer leur mémoire comme
simple de VHistoire des choses mémorables. enfeuelie & efteinte entre les horn-
Dans l'original, cette phrase est précédée
des lignes suivantes, qui indiquent le motif mes, & auiendroit qu"vn
fang redemanderoit iour leur
vengeance de
de celte première publication :
« Première partie de iliistoire des choses l'oubliance de ceux qui l'auroyent
mémorables aduenues en la terre du Brefil , peu faire entendre par toute la terre.
fous le gouvernement de N. de Villegaignon. Ces confiderations ont efmeu ceux
u Ce n'elt fans raifon iconime iecroy, que
plulieurs perfonnes tiennent leur iugement qui ont efté prefens à ce qui eft ici
fufpend du diuorce interuenu en la terre du recité , & entre lefquels eft paruenu
Brefil entre Nicolas de Villegaignon & les
minirtres de Geneue, qui y eftoyent palTez ce recueil , d'en faire participant le
à fon adueu pour y prefcher : & ce pour Leâeur, pour l'inftruire contre les
autant que la certitude &; vérité du faiél a calomnies qui pourroyent obfcurcir la
efté iufques auiourdhuy tenu fecrete & cou- vérité des caufes de l'entreprife , des
uerte, non fans grand intereft & preiudice
des perfonnages , aufquels on a impofé moyens , exécutions , proteftations ,
faulx blafmes & impu- fuit (i).
(voyant dentes filence)
leurcalomnies : outre les griefs, excès, reuolte , bref de tout ce qui s'en- 29
violences & iniures qu'ils ont fouftenues plus
grandes
uitude du queI urc. s'ils " fuffent tombez fous la (er- (i) Les derniers éditeurs du martyrologe,
(i) L'Histoire des choses mémorables ajoute en modifiant ici leur auteur, l'ont rendu
ici : « Qui ell celuy (avant entendu les belles moins clair. Voici la première rédaction: "Ces
protestations de N. de Villegaignon au com- raifons & caufes ont auffi efmeu ceux entre
mencement de fon entreprinfc , les vœus . les mains defquels eft paruenu ce recueil ,
l'alTedion, le zèle , Ja diligence ( bref la def- leéleur, pour l'inf-
pence). qui ne trouue auiourdhuy eftrange . den faire
truire fur les calomnies lefaulTement
participant- propofées
voire prefque incroyable , qu'il fe foit retiré gens de labien
conire defquels & d'honneur , voire
& reuolté d'un tel train, ou. pour le moins. mefme vie peut eftre en exemple
fans ample & tref-rande occalion.- laquelle à vn chacun. L'ordre de l'hiftoire commence
mefme il produit en lumière pour fa iustifi- aux caufes de lentreprinfe , aux moyens ,
cation Qui eft-ce qui auiourdhuy ne croira
exécutions, proteftations. propofitions , re-
légèrement en fesefcriis, veu qu'on n"a faifl tout ilceestquiicis'enfuyt.
uolte. bref," dedont
u calomnies
Les
question« sont
aucune refponcer Qui eft le iuge qui n'ad- cosmo-
iugera au demandeur fa pétition, après plu- une allusion à l'ouvrage de Thevet .
fieurs defaulx du défendeur? >•
II. graphe de Henri H et compagnon de Ville-
LIVRE SEPTIEME.
Villegagnon o
4>Estant Nicolas de Villegagnon or-
voulant fortir de France en honneur
fe defpilc en donné Viceadmiral en Bretaigne, en- & réputation , il lui conuenoit faire
France.
tré en difcord auec le Capitaine du
vne grande defpenfe, laquelle il n'euft
challcau de Brefl, principale fortereffe peu fournir ; ioind que le Roi euft
trouué fort mauuaisque, fans occafion,
de tout le pays, à raifon des fortifica-
tions du challeau, ce difcord engen- il euft quitté fon feruice, pour fe reti-
dra mefcontentcment & haine mortelle rer en exil volontaire auec vn genre
entre eux , iufques à efpier les occa- d'hommes les plus ellranges & eflon-
fe furprendr e Tvn l'autre. gnez d'humanité qui foyent fous le
ciel.
Leur pour
fions querelle paruint iufques aux
oreilles du Roi Henri fécond de ce Aceftecaufe, par fubiils moyens,
nom , duquel eftoit beaucoup plus fa- il s'inlinua en faueur, faifant entendre
uorifé le Capitaine du challeau que à tous ceux defquels il efperoit grand
Villegagnon, qui lui donna tres-mau- fupport , & qui pouuoyent auancer
uaife efperance de TilTuë de fa que- fon entreprife
auoit vn ardent heureufeinent , qu'il
defir & affedion in-
relle. 11ell certain qu'il efperoit abyf- croyable de cercher vn lieu de repos
ou pourpartie
mer, aduerfe le moins rendre infâme" & tranquililé , pour retirer ceux qui
fon ; mais confiderant
que peu il auançoit fon entreprife , font affligez pour l' Euangile en France ;
mefme trauaillant poffible contre la & qu'ayant longuement penfé en quelle
vérité du faid , ou contre trop grande part il feroit bon de fe retirer pour
euiter les cruautez t^ tyrannies des
faueur, des lors il commença à fe def-
hommes, il s'elloit fouuenu de la terre
plaire en ance
mefconoiff France defhonnef te , d'vne
, l'accufant at- du Brelil, de laquelle tous ceux qui y
tendu qu'il auoit confumé toute fa auoyent nauigé louoyent la tempéra-
ture, fertilité et bonté, en laquelle on
ieuneffe portant les armes pour le fer-
uice d'icelle. Il adioulloit d'auantage, pourroit commodément habiter. Ceux
que fon cœur ne pouuoit plus com- aufquels il s'eftoit adrelTé creurent fa-
cilement fes paroles, louans cède en-
porter d'y faire long fejour & refi-
recueil qu'il treprife, digne plulloft d'vn prince que
dence, receu
auoit veu le de maigre fes feruices palTez. d'vn fimple gentil-homme. Et, 'à la
Fait diuerfes
Pendant ce temps , audit lieu de pourfuite lui promirent toute faueur
Breft refidoit vn commis du Threfo- vers le Roi , pour iinpetrer toutes pourfuites
nement de fon
rier de la marine , qui frequentoit fa- chofes qui feroyent requifes à la naui- pour l'achemi-
entreprife.
milièrement ledit Villegagnon. Ce Mais en con-
Commis parlant à table & en fes gation, conoilTans que ledit fieur l'au- Chrertien trefaifant le
pour
roit pour agréable
redonderoit , attendu& gloire,
à fon honneur qu'elle
propos familiers d'vn lointain voyage tromper le
& au profit de tout fon royaume. Ceft monde , il fe
qu'il auoit autrefois fait es Indes mé- afaire fut follicité en toute diligence ,
ridionales, en la partie du Brefil, mefmc, &
louant grandement la température de trompe foi-
tellement que bien tort après Villega- dcuicnt finale-
l'air du pays, la beauté & lerenité du gnon obtint deux beaux & grans naui- ment Apollat.
, l'abon- res, armez d'artillerie , munitions &
des viuresde, la
ciel , ladancefertilité les terre
richelTes & autres chofes neceffaires , enfemble
grands biens qui prouienent en la dix mille francs pour la defpenfe des
terre, & autres chofes dignes de fin- hommes qu'il conuiendroit paffer, auec
guliere recommandation, inconues to- grand' quantité d'artillerie, poudre à
talement aux anciens; fes dcuis pleu- canon, boulets & armes pour la conf-
rent merueilleufement à Villegagnon, iruftion & defenfe d'vn fort (i). Ces
qui, par grand defir, faifoit fouuente- (i) La relation que reproduit Crespin est
fois repeter les mcfmes paroles , & ia
silencieuse sur la part que prit Coligny h
Ilmonarchie en auoit par fantafic enuahi l'Empire de
imagine vnc l'organisation de- cette entreprise, sans doute
vn nouucau toute celle terre : le defirt,d'y aller de parce qu'il eût paru désobligeant, en ijûi,
monde. iour en iour augmentoi mais les de faire intervenir le nom de l'amiral dans
moyens ne lui ciloyent grands. Car le récit d'une
avortée expédition
Mais Jean si misérablement
de Léry, publiant son
livre après la mort de Coligny, complète sur
gagnon au Brisil, intitulé : Les singularité^ ce point le récit de ifbi : ., Et de fait fous
de la France antarctique (ij!") . dans lequel ce prétexte & belle couverture , ayant gagné
il dé'fcnd son clicf contre les accusolions le-- cueurs de quelques grans feigncurs de la
religion reformée , lefqucis menez de mefme
des proleslanls. ci déverse sur eux des ca-
lomnies, dont Jean de Léry a fait justice alfeélion qu'il (Villegagnon) difoit avoir, de-
firoyent trouver telle retraite : entre iceux
dans son Histoire d'un voyage faiâ en la
terre du Brcfit. feu d'heureufe mémoire meffirc Gaspard de
PERSECVTION DES FIDELES EN AMERIQVE.
Le mal qui
s'en enfuit.
4^. Par ce foudaiii changement, plu-
irc. pourroyent euiter le cruel ioug de
fieurs tombèrent en grolTes & faf- feruitude qu'on leur vouloit impofer
chcufes maladies, defquelles ils ne fe contre toutes loix ciuiles/& humaines.
pouuoycnt releuer , veu que toutes Aucuns
rer auecelloyent d'opinion
les naturels de fe dereti-
habitans la
chofes requifes aux malades leur de-
failloyent, qui indigna deflors beau- terre, fans entreprendre plus outre;
coup de perfonnes contre ledit Ville- les autres efloyont d'opinion contraire,
gagnon , l'accufant d'vne infatiable all'auoir que plullort il fe deuoyent
rendre aux Portugais qui habitent bien
auarice,
Roi, & icelui ayantconuerii
ei'pargnii
en l'argent du
fes propres près de là ; aucuns, qui furent la plu-
vfages ralité des voix, qui fouuentefois fur-
ures &, au lieu de
chofes l'employerpour
necelTaires en vi-
la
monte la meilleure , n'approuuerent
nourriture les deux fufdites opinions, veu qu'elles
auoit menez»& enfanté
cellede lointaine
tous ceuxrégion.
qu'il leur fembloyent peu aduantageufes
11 e(l certain que les mariniers qui ef- pour obtenir pleine & entière liberté.
toyent nouueilement reuenus de ce Par ainfi vn entre les autres le plus
pays là auoyent donné à entendre audacieux, leur remonllra qu'ils s'abu-
qu'il y auoit des viures en la terre foyent grandement s'ils lailloyent lon-
fuflifamment pour fuftenter tous ceux guement viure 'Villegagnon & tous
ceux qui le voudroyent défendre. A ce
qui y palïoyent
befoin partant
charger :les qu'ilden'efloit
vailTeaux ceux adioulloit qu'il leur eftoit loifible, veu
de par deçà. C'eftoit l'excufc & ref- qu'on ne fe desfioit aucunement d'eux.
ponfe que prenoit Villegagnon pour Ceft auis mal-heureux fut approuué
Seruitude
fe purger de celle tache. Et d'autant de tous, & louèrent le bon entende-
égyptienne. ment de ce perfonnage ; des lors ils
plus eftoyent efmeus les poures per-
malades qu'autres, d'au- le conftituerent chef de toute l'entre-
tant quefonnes,cetant grand défaut fe trouuoit prife , & ia par faiitafie partilToyent
tout au commencement , fans y auoir entr'eux les defpoùiiles, qu'ils efpe-
aucune confideration ; tant s'en faut royent bien toft amaffer. Le iour au-
que pour cela en rien on leur diini- quel l'exécution fe devoit accomplir
nuafl le trauail , que de iour en iour fut affigné, le mot du guet donné, ils
efpierent icelui fort à propos en vn
on leur etté
euffent augmentoit , autant
bien nourris que s'ils;
& fullentez
Dimanche,
retiré en fa lorsmaifonquefanschacun
aucunes'eftoit
des-
mefmement
Soleil eft fi en tel pays où
véhémente l'ardeur
, que peu du
de fiance. 'Vne chofe leur fembloit nuire
gens le pourroycnt croire. 11 leur ef- &uoirempefcher leur EfcolTois
deffein : c'eft
toit necelTaire, depuis le iour leuant trois foldats , quialTa-
ef-
iufques au iour couchant , entendre toyènt de la garde de Villegagnon.
les vns à rompre des pierres, autres à Ils tentèrent de les induire à leur
porter la terre & couper bois, confi- parti , afin d'auoir moins de nuifance
deré & empefchement à l'exploit de ce
fion que le lieu , le
requeroyent temps diligence,
grande & l'occa-
qu'ils auoyent propofé. Or les foldats
craignant le danger tant des habitans EfcolVois en ellans auertis , font fem-
naturels, que des Portugais, ennemis blant d'approuuer tel aile , alleguans
mortels des François en celle terre.
Les artifans beaucoup de rudell'es qu'iceux auoyent
Les artifans, gens de petite confi- receu dudil 'Villegagnon, tant en
confpircnt deration &, peu ou point touchez France que fur le voyage. En celle Confpiration
contre celui dcfcouucrtc.
qui les traite d'aucun honneur, fe perfuaderent que diflimulation les EfcofTois s'informent
indignement. la fin feroit fort dangcreufe, puis que diligemment de la vérité du iour, de
le commencement eftoit tel ; & les
l'heure, du moyen & des complices,
plus ingénieux d'entr'eux preveurent pour faire le rappurt plus certain. Ef-
que s'ils enduroyent croillre le ioug, tans deuëment initruits, iugerent l'ade
lequel leur efioit impofé, eftans enco- trop inhumain iN; indigne d'eftrc celé :
res la plus part fains & difpos , pour partant s'adreirerent à vn des plus fa-
le repoufTer A reielter, il auiendroit miliers dudit 'Villegagnon, tant pour
en fin qu'ils en feroyent les plus faf- la conoiflance qu'il auoit de la langue
chez. Parquoy ayans fait vn complot Efcoffoife que pour autres confidera-
tions ; ils lui déclarent entièrement
entr'eux & allemblé ceux qu'ils efli- la coniuration machinée, les coniura-
moyent dignes d'élire admis au con-
feil d'vne telle entreprife , confulte- teurs principaux, le iour & l'heure,
rcnt enfemble par que! moyen ils afin qu'en cftant auerti on y peufl
45}
PERSECVTION DES FIDELES EN AMERIQVE.
de cefte compagnie fut donnée à Phi- A efté obmis ci deffus que l'ambaf-
lippe de Corguilieray, dit du Pont ( i ), fadeur de 'Villegagnon auoit propofé
gentil-homme bien renommé, habitant de bouche beaucoup de chofes au
fircs de la ville de Geneue . lequel grand honneur & aduantage dudit
combien que fon aage & l'a difpofition ■Villegagnon , comme de donner hon-
ne requeroycnt d'entreprendre vn tel neftes gages aux artifans, penfion aux
voyage) ne fut neantmoins aucunement femmes de ceux qui feroyent mariez ,
diuerti par les chofes fufdites; ne aux autres entreteneinents de toutes
mefnie l'amour de fes propres enfans chofes qui leur feroyent neceffaires
& négoces domefliques ne le peurent pour la vie, & mefme odroi de retour-
empefcher de s'employer en la charge ner librement en France , le cas aue-
à laquelle le Seigneur l'appeloit. Or, nant qu'ils ne fe trouuaffent bien , ou
paffant par la France , pour fe rendre qu'on ne les vouluft receuoir, félon
à Honfleur, port de mer en Norman- les promefles faites en pleine affem-
die (2), où les nauires les atten- blee audit lieu de Geneue. Eftans ar-
riuez en la ville de Honfleur, lieu de
doyent , le bruit s'efpard incontinent
par le pays. Pour lors les feux elloyent leur embarquement , furent recueillis
allumez par tous les quartiers de de ceux qui en auoyent la charge , &
France , qui efmeut plufieurs perfon- réitérées lefdites promeffes , qui ia
nes de bon zèle & affedion , à s'aflb- auoyent efté faites auec ampliation de
cier à la compagnie des Miniftres. plus grandes, félon la couflume de
Plufieurs de Paris, de Champagne &
ceux qui ont affedion d'exécuter vne
Normandie, fe prefenterent à l'embar- entreprife.
quement, defqucls aucuns furent re- Le teinps du département venu ,
ceus, autres non, à caufe que les na- chacun s'einbarque dans le vailfeau
uires n'eulTent peu comprendre toute qui lui eftoit ordonné par les chefs de
la compagnie qui fe prefentoit, tant
eftoit défia la renommée de celle en- la nauigation. Car auffi il n'euft efté
poffible de les loger tous dans vn feul
treprinfe publiée & manifeftee. nauire, fans encourir vn grand incon-
uenient. Ainfi difpofez, defmarent du
voir : Pierre Bordon , Mathieu Verneuil ,
lean du Bordel, André Lalon, Nicolas De- port de Honfleur,
nis ,lean Gardien, IVIartin David, Nicolas mettent en mer, &à voiles en peuhauft"ees
de tempsfe
Raviquot, Nicolas Carmeau, Jaques Rouf- delaiffans les terres de I Europe , ap-
feau iSc nioy lean de Léry, qui, lant pour la prochent des Ifles fortunées (1), pro-
bonnede volonté
fervir à que Dieu que
m'avoil donnée des
lors fa gloire, curieux de voir chaines de l'Afrique, oiî ils eurent
ce monde nouveau, fus de la partie : telle- commencement des douleurs & en-
ment que nous fufmes quatorze en nombre nuis auenir ; car des-lors on retrancha
qui, pour faire ce voyafie, partifmes de la leurs viures fort eftroitement , comme
cité de Genève , le dixiefme de feptembre ,
en l'année 15 56 «(Léry, édil. Gatfarcl, t. I,
s'ils eulTent ia efté 10. mois en mer,
foit que la faute vinft par le nombre
p. 441.
(1) D'après YHistoire de Jean de Léry, ce des perfonnes , ou par le larrecin des
fut i< après
follicité que feuPhilippe
par lettres monfieur l'Admirai eut
de Corguilieray, officiers; nonobftant ce, elle eftoit bien
fieur du & Pont (quielle
s'eftoit retiréen près de grande. Car les butineries qui furent
Genève qui avoit fon voilln France,
commifes
fuiuirent. fur
Lesledit voyage, déclarèrent
matelots de là s'en-
près Chaflillon-fur-Loing), d'entreprendre le
voyage » (t. I, p. 421-
(2) " Nous tirafmes & allafmes palTer à
Chaftillon-fur-Loing, auquel lieu ayant trouvé apertement
viures qui lesque c'eftoit le cedéfaut
contraignoit faire des
;&
monfieur l'Admirai , non-feulement il nous combien que les Miniftres leur re-
encouragea de plus en plus de pourfuyvre
nortre enlreprinfc , mais aufli avec promelle monftralTent le tort & iniures qu'ils
de nous affilier pour le faiél de la marine , faifoyent aux poures marchans , les
nous mettant beaucoup de raifons en avant, defpouillans de leurs biens, & mefme
il nous donna efperancc que Dieu nous fc-
roil la grâce de voir les frui(Jls de noilrc la- de leurs vain"eaux (chofe fi inhumaine
beur. Nous nous acheminafmcs de là à Paris, que i'ai horreur de la raconter), no-
où, durant un mois que nous y fejournafmes, nobftant ne rapportèrent que vilaines
quelques gcnlilfhommcs & autres eftans ad- iniures & calomnies. Pour refolution, d'accord
Matelotsaucc
vcrlis pourquoy nous faifions ce voyage .
s'adioignircnl à noflre compagnie. De là, on leur repliquoit qu'il leur eftoit Villegagnon.
nous palTafmes à Rouen, & tiransà llnnlleur, ci'imniandé par Villegagnon d'ainfi
port de mer, qui nous elloit afrtgné au pays faire; duquel ils fe fentoyent très-bien
de Normandie, y faifans nos préparatifs , & auouëz. Partant les Miniftres A autres
en attendans que nos navires fultenl prcfles
à partir, nous y demeurafmes environ un
mois i> (Léry, I, 44.) (1) Les tics Canaries.
455
PERSECVTION DES FIDELES EN AMERIQVE.
eurent la bouche clofe de là en après, lieuës de large ; elle eft femee de plu- m d.lth.
fans ofer peu ou point reprendre le fieurs Ifles & ifleaux de finguliere
faid des mariniers ; & encores , ce
beauté. Ils font entendre que c'eft la
qu'ils en parloyent familièrement , ef- mer mefme qui regorge en & par tout
toit prins en derifion & moquerie. le ne celle terre, & dans icelle defcendent
veux ici fpecifier le tort fait aux An- des pays lointains grans & beaux fleu-
glois (auec lefquels pour lors nous ues, tres-abondans en toute efpece
auions la paix iuree,) les pillant de leur poiffons diffemblables aux noftres. En
argent & marchandifes. le delailTe
auffi les Efpagnols & Portugais, def- la plus prochaine Ifle de l'entrée
(comme i'ai dit deffus), Villegagnon,
quels par force on print leur nauire ,
auec fa compagnie, s'eftoit retiré pour
auec la marchandife, et les poures mi-
ferabies perfonnes mifes dans vn au- faire
auoit vn fortau, félon
faite la promen"e
Roi Henri. Puis qu'il
que
tre vaifTeau, lequel pareillement auoit nous fommes fur ce propos, ie penfe
Inhumanité efté pillé & faccagé comme à guerre qu'il fera bon de déclarer par qui &
barbare. ouuerte ; & qui plus ell (chofe de en quel temps, celle riuiere, & confe-
grande commiferation) on les lailTe quemment toute la terre a efté def-
dans ledit vailTeau, fans viures, voiles, couuerte, à caufe que plufieurs eflon-
cables, ancres, & mefme fans leur gnez de la marine ont opinion que
bafteau , pour du tout les rendre plus Villegagnon a efté le premier qui eft
miferables. En fin ne trouuans plus
palTé en ces pays-là.
que prendre ne piller , pourfuiuent Or la vérité eft, qu'à la defcouuerte La terra
leur route commencée , pour tendre
au Brefil (i). Ils pafferent la Zone de la terre Occidentale , qui fut l'an occidentale
torride , fous laquelle ils endurèrent 1497. par Chriftophe Colomb , aux defcouuerte.
defpens du Roi d'Efpagne , Americ
grandes chaleurs , & autres incommo- Vefpuce, foldoyé par le Roi de Portu-
ditez qui s'y treuuent ; & ayans fe- gal ,fut enuoyé à la partie de Midi,
iourné quatre mois entiers fur les on- où il reconut toute la terre du Brefil
des ,bien las & caffez d'vn fi long continente par longue diftance de che-
erhprifonnement, arriuerent à la ri- min auec les Indes Occidentales. Ce
uiere de Colligny , en la terre de
temps fut enuiron l'an 1 500. Les Por-
l'Amérique tugais defirans habiter les plus beaux
fituee commeAuftrale,
efl dit cipartie du Brefil,
deflTus.
La trouuerent Villegagnon fortifié ports & havres qu'ils trouuoyent en
la reconoiffance de ladite terre, éri-
& parqué dans vne Ifle, efloignee de gent vne tour de pierre en la riuiere
la terre continente la portée d'vne de
coulevrine d'vn collé & d'autre, félon lors Colligny,
de lanuario qu'ils
(i),nommèrent
pource quepourle
que la commodité du temps, des premier iour dudit mois ils y entrè-
rent. En celle tour lefdits Portugais
hommes & du lieu l'auoit permis. Car
le lieu qu'icelui auoit efleu pour forti- auoyent laiffé quelque nombre de
fier, s'efloit trouué fi defert & defpour- poures condamnez à mort pour per-
ueu de tout ce qui eft neceffaire à vn muter auec les habitans naturels ,
lieu de fortification , qu'vne puiffance auffi pour aprendre la langue. Apres
Royale euft efté affez empefchee à le
rendre commode pour habiter. Celle quelques années pafl"ees, iceux fe por-
tèrent fimal à l'endroit defdits habi-
riuiere dans laquelle eft fituee l'Ifle tans naturels, que par iceux fut la
de Colligny, eft autant belle qu'aucune plus grande partie exterminée, facca-
autre , aifee & fort commode pour
grands vaiffeaux; car de toutes ma- gee haute
en & mangée ; les vnautres
mer dans s'enfuirent
bafteau; depuis
rées fans danger, tant la nuid que le
les fufdits n'y ont ofé habiter, car
leur nom y eft demeuré fi odieux, que
leur, Ton y peut entrer. L'entrée eft
clofe de deux hautes pointes , n'ayant iufques auiourd'hui ils ont en délices
plus de demi lieue de large, & de pro-
&Portugais.
volupté de mangertemps
Quelque de laaprès
tefte ,d'vn
qui
fond ,12. braflfes d'eau; elle s'infinue
dans les terres plus de dix grandes
fut, peut eftre, en l'an m.d.xxv. les
lieues , où elle s'eftend & amplifie en marchans François de la ville de Har-
tel endroit qu'elle a de fix à fept fleur y enuoyerent leurs nauires pour
traiter auec les habitans naturels, def-
(i) Janeiro.
LIVRE EPTIEME.
458
Nonobftant ce, la Cène fut admi-
nilltrcc à Villegagnon, Cointac , & aconfequence
eflé depuis. en full fifirent
Lefdits grandeentendre
qu'elle j
tous autres qui fembloyent eflre di- à Villegagnon que le bruit efloit grand j
gnes, auec proteftation d'appointer en France : Qu'il efloit palTé grand ^
tous les troubles & différents qui ef- nombre de Luthériens dans fes naui- ,
toyent ia efmeus entre eux (i^.
Pev de iours après , Cointac fe rcs, qui pourroycnt efmouuoir le Roi '^
Henri à lui donner beaucoup d'ennui,
plai<;nit priuément à Villegagnon , de comme de profcrire fon bien , retenir
l'iniure qui lui auoit eflé faite par le fes nauires, fecours.
empefcher qu'homme ne
Miniflre en pleine congrégation, & lui donnaft A quoi il penfa
renouuelant les quellions comme ia bien long temps, & imaginant que
affopies , eux deux cerchent occafion
cela fe pourroit faire , délibéra d'y
de calomnier l'inftitution de l'Eglife;
ils confèrent les anciens auec les mo- pouruoir.
QvELQVES iours après , on fit deux
dernes, &cottent la différence, & re- mariages où la plus part des Capitai-
duifent on catalogue certains articles, nes, Miniftres , & officiers de nauire,
& des matelots fe trouuerent en grand
qu'ils affermoyenl eftre tres-nece(Tai- nombre. Ce iour, Richer efloit en fa
res à retenir. Et d'autant qu'ils con-
L'Egiife blaf-
de fideroyent que l'Eglife fepmainc, & auoit en fon texte le bap-
Geneue auoit cenfurez , ils la de Geneue mal
déclarent les tefme de S. lean, déclarant ce paflage
""^^ P^"" . gouuernee , & mefme adminiftree par touchant les traditions humaines par
Cointac. hérétiques. Toutesfois ils n admet- lefquelles ce S. Sacrement a eflé cor-
toyent tous les poinfts de la Papauté, rompu &, y infifla fort longuement,
en laquelle ils confeffoyent auoir de appelant ceux qui auoyent introduit le
grands abus , pareillement vouloycnt fel. crachat, & huile , faulTaires &
retenir ce qui leur fembloit bon des
Allemans, & de leur fantafie adiourter malauifez. 'Villegagnon (la prédication villegagnon
ou diminuer , ayans affedion de faire finie) en grande
femblee dément cholere,
Richer ,Jeuant l'af- '^''.f^tnfe"'
& protefte
vne fede nouuelle. Ces articles ef- contre lui, que les fufdits qui auoyent
Articles de toyent : Q;/t' le Baplcfmefe dcucit faire introduit lefdites cérémonies efloyent
Villegaynon & jucc Jujcl, du Crachai & de l'huile; plus gens de bien que ledit Richer &
Coiniac. ^_, p^,-„ j^ ,^, Q^,„^^ ^,ij^^ confacré feu- fes femblables , & quant à lui , il ne
lement par la protalion du prejhe, Jans vouloit delailfer ce qui auoit eflé ia
auoir efgard à la foi au receuanl; obferué par plus de mille ans, pour
Qu'il e/loit neceffaire parler iceiui pain s'adioindre à vne nouuelle fede Cal-
confac'ré uinienne. Beaucoup d'autres iniures
& autres au , qui malade , s'il le
feroyent troprequérait
longs à, & fols propos furent tenus ce iour
raconter. Defquels articles de iour en
d'vne gnon partproteflaA ded'autre. Ledit, de'Villega-
là en après ne plus
iour s'augmentoyent les difputes fort
aigrement. Ce mauuais commence- affifter aux prédications & prières,
ment fut grandement fauorifé de quel- voire mefme de ne manger auec eux.
ques remonflranccs faites par aucuns, Richer. defirant faire entendre les pa-
qui pour lors ne penfoyent que la roles qu'il auoit dites en prefchant,
pour fe purger des Calomnies que
(i) Ce fut " le dimanche vingt et unième de Villegagnon & Cointac lui impofoyent,
mars que la fainiSe Cène de Noftre Seij^neur ne peut eflre oui. Toutesfois les plus
lefus Chrirt fut celebrie la première fois au aparens de la compagnie defplaifans
fort de Coiigni
Galfarcl, I, 90!. en" VillcKapnon
l'Amérique fe
» (Lèry, éditle
prélcnta grandement de tels difcords , perfua-
premier à la table du Seigneur ,&'reccui à derent aux parties, après longues re-
genoux le pain & le vin de la, main du mi-
niflre n ( p. 97 ). Pendant la cérémonie , monrtrances, tant d'vne part que d'au-
tre, de traifler quelque bon accord,
« tant, comme il diloit, pour dédier fon fort
à Dieu que pour faire confcffion de fa foy ce que Villegagnon & Cointac pro-
en
sur launface carreaude l'Eglife, s'ertans
de velours misàgenoux
(lequel fon page . ticlcs mis mettenten faire, moyennantfuffent
contention que réduits
les ar-
portoit ordinairement après luy) . prononça en ordre, & enuoyez aux Eglifes de
a haute voix deux oraifons , delqucllcs ayant
eu copie, » dit Lèry, " a fin que chacun en- France & d'Alemagne, pour décider,
tende mieux combien il [ciloit malaifé de & pour ce faire plus feurement, le
cognoillre le cœur & l'intérieur de ccfl plus ieune Miniflre dit Chartier, fut
homme , ie les ay icv inférées de mot à mot cfleu pour les porter. Cefte fraude
fans y changer une feule lettre. " Suivent en
effet deux prières fort éloquentes de Ville- fut controuuee pour s'en deffaire ,
gagnon (1, 9>)- comme Villegagnon a depuis con-
459
PERSECVTION DES FIDELES EN AMERIQVE.
M.D.LVtl.
Notez que de feffé (i). Cependant Richer, qui de- fil ; il la demande en mariage, & lui
tout temps fut accordée auec grandes promelTes
meuroit , auroit liberté de prefcher à
la vraye admi-
nillraiion des
telle condition qu'il s'abftiendroit auantageufes de ne la laiffer ianiais
Sacremens a en neceffité. Cointac fut efpoufé en
defpleu aux d'vfer les
contre desarticles
Sacremens
mis en& contention.
de parler
fuppolls de l'Eglife par Richer. Bien toft après,
Satan. Combien que telles conditions fem- les nauires départent du Brefil pour
blalTent iniques & fort preiudiciables
retourner en France , dans l'vn def-
quels Chartier & quelques autres
à l'Eglife, neantmoins, pour acheter
la paix, toute la congrégation les re- s'embarquent , chargez des articles
ceut, efperant que les delTufdits gar- fufdits, defquels ils deuoyent enuoyer
•deroyent inuiolablement la refolution la refponfe dans fix mois après eflre
qui viendroit des Eglifes, tant de arriuez en France. Villegagnon &
France que de Suiffe. Mais ils auoyent
autrement refolu entre-eux ; car ils Cointac,tourner àceux
voyansquique l'efpoirauec
reftoyent de re-
lui
entendoyent ne receuoir aucune chofe leur eftoit totalement ofté , confeffa
qui fuft décidée de la part defdites
publiquement qu'il ne tiendroit au-
Eglifes , ains feulement de la Sor- cune refolution, Et
fi elle
bonne de Paris. Villegagnon fe void de la Sorbonne. auec n'eftoit iffue
ce adioufta Ceux qui font
en ce différent aucunement contraint mal font en
beaucoup d'autres articles , aufquels accord entre
& empefché , attendu que les nauires Cointac ne fe trouua accordant , eux mefmes
qui auoyent apporté lefdits paffagers comme en la tranffubftantiation du & auec tous
pain de la Cène , inuocation des autres.
efloyent
euft encores
empefché tout làincontinent
prefts à partir, s'il
(comme fainéls , prière pour les morts , purga-
puis après il a fait) de ne prefcher. toire, & le facrifice de la meffe. Des-
Par fa promeffe il deuoit renuoyer lors auffi Cointac fe desfia de Villega-
toute ladite compagnie en paix ,
comme ils efloyent venus, qui lui fuft gnon , par ce qu'il ne tenoit les
tourné non feulement à defhonneur , promeffes qu'il lui auoit faites. Le la-
beur des poures artifans s'augmen-
mais auffi à fon grand defauantage ; toit, n'ayant aucun efgard à l'extrême
car il fuft demouré feul en proye aux famine qu'ils enduroyent ; quelques
habitans naturels & aux Portugais. vns defdits artifans voulurent remonf-
Pour couurir fon mauuais vouloir, il trer leurs raifons , mais ils en furent
faifoit entendre à chacun qu'il ne de- déboutez fi rudement & auec fi gran-
mandoit que le repos & vnion de des menaces, que depuis ils n'ofoyent
l'Eglife; pareillement, pour ne perdre ouurir la bouche pour en parler ; feu-
la bonne réputation qu'il auoit ac- lement ils fe retiroyent vers du-Pont
quife en France par lettres, il de- & Richer , fous la foi defquels ils ef-
toyent paffez en celle terre, lefquels,
claire à chacun qu'il s'oblige à tenir
la refolution des poinfts dont ils s'ef- fe voyans totalement abufez en Ville-
toyent trouuez en contention. gagnon ,deploroyent leur condition
En attendant le département des miferable. Icelui defdaignoit les pré-
dications de Richer, tantoft voulant
nauires pour confermer l'alliance de
parfaite amitié entre Villegagnon & qu'il prefchaft d'vn, tantoft d'autre, ce
Cointac , ceftui s'amourache d'vne que nonobftant , ne peut iamais obte-
ieune fille de Rouan , qui auoit fuc- nir d'icelui. Parquoi il s'en abfenta,
& quelque partie de fa compagnie ;
cedé oncle
fien à quelque
decedébien, parlieu
audit la mort d'vn
du Bre-
car la plus grande partie de l'affem-
blee trouuoit fi mauuais ce qu'il auoit
(i) « TGUtesfois Villegagnon, faifant tou- ia fufcité , que peu de gens auoyent
fiours bonne mine. & protellant ne defirer opinion que les afaires de la religion
rien plus que d'eftre droitement enfeigné .
renvoya en France Chartier minirtre , dans par après fe portaffent bien.
Il ne fera hors de propos de racon-
l'un des navires , à fin que fur ce différent ter vn fait qui incontinent furuint, les
de la Cène il rapportait les opinions de nos
douleurs & nommément celle de mairtre
nauires parties de ceux de la compa-
Jean Calvin, à l'advis duquel il difoit fe vou-
loir du tout fubmettre. Et de fait ie lui ay gnie de Geneue. Il y auoit vn nommé Source de
fouventefois ouy dire & réitérer ce propos : le Thoret , homme de bon entende- la haine de
Monfieur Calvin ell l'un des plus favans ment ,ayant fait profeffion des armes Villegagnon
perfonnages qui ait erté depuis les Apollres, en Piémont par vn long temps. A contre Thoret,
& n'ay point leu de dofleur qui a mon gré cefte caufe, Villegagnon le pofa Capi-
n'ait mieux ny plus purement expofé & taine de fa fortereffe à la première
traiélé
éd. l'Efcrilure
GafTarel, fainile qu'il a fait « (Léry,
1, 98). diftribution de fes eftats. Il lui porta
LIVRE SEPTIEME.
46 0
quelque temps bonne amitié ; mais deuoit expofer plus amplement, afin
que fi les deux efloyent coulpables, ils
après auoir conu qu'il ne vouloit llef- receuffent les mefmes peines conte-
cnir de fon codé, autant qu'il l'uuoit
aimé , autant le defaima , t*!: à petite nues en ladite ordonnance. Villega-
occafion lui donna beaucoup d'en- gnon & Cointac n'approuuent tel auis,
nuis. Le faid eft tel : Quelques fau- ains au contraire infident fur l'ordon-
uajjes cftans venus au fort pour recc- nance, laquelle deuoit auoir lieu, en-
uoir payement de quelques efclaues
qu'ils auoyent vendus à Villegagnon, iure ;tant& quecombien
le défendeur
que laconfelToil
pluralité l'in-
des
furent enuoyez au receueur des mar- voix conclud qu'ils fe deuoyent re-
chandifes venu de Paris en la compa- concilier enfemble par arbitres, ce-
nonobflant Villegagnon prononce que
gnie fufdite, qui s'appelloit la Fau-
cille duquel
, comme les fauuages ne Thoret fcroit condamné aux peines
pouuoyent auoir raifon. derechef figni- contenues en l'ordonnance : à quoi à
fient à Villegiignon qu'ils fe vouloyent grandes diffîcultez & prières condef-
cendit Thoret , homme vaillant &
retirer en leurs villages, partant qu'il adroit aux armes , conoitTant que le
leur fifl deliurer leur payement. Vil-
legagnon donna la charge à Thoret , iugement ertoit fait par fes propres
lequel, comme il cuidoit remonftrer ennemis. Toutesfois il obéit à la prière
audit receueur qu'il faifoit mal de fe de Richer & du-Pont, qui le prièrent
faire chaperonner pour fi peu de chofe,
ils entrent tous deux en cholere telle, de
lui prendre patiemment
faifoit. Ayant le tort
fatisfait qu'on
à tout ce
que ledit Thoret prouoqué par les que fes ennemis vouloyent, craignant
refponfes de la Faucille , lui donne
Ordonnance vn defmenti. Or le confeil auoit fait troubler l'Eglife, fut fufpendu de la
capitainerie pour quelque temp-, pen-
'^"L^„"„,'?^'^' ordonnance que nul n'eull à defmen- dant lequel Villegagnon & Cointac
tir plus grand que foi, ou fon compa- fe moquoyent de la patience de ceux
gnon , à peine de faire réparation de Geneue , lefquels ils appeloyent
d'honneur vn genouil en terre, le bon- pufillanin-.es
net au poing , & fufpendu de fon of- auoyent fait ,faire
& fe vantoyent
amende qu'ils
honnorable
fice & eftat , fi aucun en auoit, pour à Thoret, & prenoyent ce comme
trois mois.
note & marque d'infamie. Laquelle
ViLLEGAGNON & Cointac ayans oui moquerie & indignation Thoret porta
le defmenti , prouoquent ledit rece- fi impatiemment, que d'vn grana def-
ueur (qui autrement eftoit prefl de fe
reconcilier) de demander réparation plaifir s'auantura de paffer vn bras de
mer de deux lieues, le plus fecrette-
d'honneur félon l'ordonnance. Ils lui ment qu'il peut , fur trois pièces de
forment fa complainte, & au iour du bois liées enfemble, pour trouuer paf- L'Eglife des
confeil font appeler Thoret, qui trou- fage en vn nauire de Breton, qui eftoit
uoit eflrange que Villegagnon fe for- à vn port diflant de là trente lieues, fidcles réduite
où il fut fort bien recueilli du Capi- en grande
malifoit fi auant d'vne chofe que lui- extrémité.
mefme deuoit compofer priuément , taine. De là en après , Villegagnon
attendu qu'elle eftoit prouenue pour voyant auoir acquis vn tefmoignage
fon feruice. Et neantmoins Villega- de cruauté, poui'fuivit le refte de ce
gnon auoit le fait fi affedé qu'il fem- qu'il efperoit mettre à exécution , fi
bloit élire iugc & partie. Nonobfiant l'heur le fauorifoit comme il auoit
Thoret fe prefente au confeil, où il commencé. Car la grande modeftie &
confefTe auoir donné ce defmenti , le- patience des poures perfonnes acreut
quel il vouloit maintenir efire bon , tellement l'audace de fon cœur , que
entant qu'il auoit erté par trop prouo- plus il ne penfoit que ruiner, méfier
qué par ledit receueur; fur ce reque- & renuerfer fans deffus deffous tout,
roit "Thoret que l'ordonnance furt fans l'ordre Ecclefiaftique & Politique ,
paffion confideree, à laquelle il fe lefquels lui-mefme auoit en vne fi
fubmettoit. Aucuns du Confeil ef- fainéle
firmé. affedion érigé, eftabli & con-
toyent d'auis que ce différent fufi Premieremknt il déclare le Confeil
appointé par deux arbitres ; car ils
trouuoyent tous les deux en faute , nul, difpofant les afaires communes
tant celui qui auoit donné le def- félon les defirs de fon cœur. Il fait
inhibitions & defenfes à Richer de ne
menti que celui qui l'auoit prouoqué
Ear iniures & propos defhonneftes.
prefcher plus, Richer
prier, fi ledit ne de s'alfembler
ne changeoitpour
les
eur auis eftoit que l'ordonnance fe
PERSECVTION DES FIDELES EN AMERIQVE.
prières mal fondées, comme il difoit. fez il leur auoit tenu des termes fi ri- m.d.lvu.
Certainement il efperoit les réduire à goureux, tendant du tout à les exter-
miner ,ils auoyent efleu vn moyen
àtelle extrémiténouuelle
introduire , qu'ils religion
confentiroyent
forgée fort propre pour lui & pour eux, par
en fon cerueau. La defolation eftoit le nauire qui elloit nouuellement ar-
grande en la compagnie pour les riué. D'auantage , allèguent qu'ils
troubl'js efmcus , & mefmes en vn trouuent fort ellrange que les iours 1
6
palfez il les vouloit chafier, tort après 4
temps
de auquel en
retourner il n'y auoit aucun
France. moyen
Souuentefois les retenir : en fin conclurent auec lui
î
donnance quiauoit efté faite au con-
■Villegagnon , ni de fes alliez : le Ca-
pitaine duquel fe monllra alTez fauo- feil, lors que le tout eftoit en fon en-
rable à du-Pont & à Richer, & auec tier. Tout le bagage ne fe peut
icelui compoferent , moyennant la tranfporter dans vne barque à vne
fomme de cent efcus , pour feize per- fois: pourtant deux demeurèrent at-
fonnes,de laquelle fomme fe faifoit tendans le fécond voyage du bafteau ,
foluable du-Pont pour tous les au- leurs befongnes eftans fur la greue.
Villegagnon très. Il refloit auffi d'obtenir leur L'vn des deux eftoit tourneur, l'autre Touchant vn
empefche les paffe-port & congé , car autrement le vn
menuifier.du
r
fongnes j Villegagnon
.tourneur,
° vifite
oùt -,
il trouua tourneur,&
les be- "lenuiner
'j.''^'.'^^ .''f Capitaine ne l'euft fait. 'Villegagnon, quelques vailleaux & coupes tournées
l'Amérique, ayant entendu que le palTage eftoit
accordé dans le nauire nouuellement
de bois d'ebene , lefquelles ce poure
venu , fut grandement indigné contre homme (qui auoit charge d'enfans)
le Capitaine , le voulant empefcher auoit faites les iours qu'il ne befon-
de charger fon nauire des commodi- gnoit point pour ledit Villegagnon ,
tez des fauuages ; mais lefdits fauua- afin d'en retirer quelque pièce d'ar-
ges auoyent ia promis audit Capitaine gent eflant arriué en France. Comme
icelui Villegagnon , ne pouuant plus
& officiers de leur fournir ce qu'il de- contenir la rage dont il eftoit tranf-
niandoit. 'Villegagnon refufa le congé
que lui demandoit du-Pont & Richer, porté, lui impofa qu'il eftoit larron,
* alléguant qu'ils auoyent promis de lui d'auoir fait tels vaiffeaux de fon bois,
tenir compagnie iufques à la venue & leua deux ou trois fois le poing
de fes nauires : ce qu'on lui accorda pour le frapper. Toutefois pource que
eflre vrai , fi de fa part il n'euft violé quelqu'vn de fes familiers l'apperceut,
fes premières promelTes , leur ayant, il fe contint pour celle fois : neant-
contre fa foi, fait defenfe de ne pref- moins il fe vengea fur les coupes, lef-
cher, ni mefme prier Dieu en compa- quelles ilcalfa & froilla aux pieds,
gnie, qui efioit les priuèr du plus
blafphemant
Dieu. Eftant &reuenu
del'pitant
à lui le& Nom de
fa cho-
grand bien qu'ils eulTent feu fouhai- lere palTee , euft fouuenance que le
ter. Confideré auffi que les iours paf-
LIVRE SEPTIEME.
tort
62
4 qu'il auoit f;iit à ce poure homme fance de Villegagnon. Dii-Pont , Ri-
eftoit fort grand & feroit vn argument cher & leurs compagnons viuoyent
des viures que les naturels habitons
àfaidla, pollerité d'vn cruel
& tefmoignage & barbare
aux autres de la leuraportoyent,commeracines,fruiéls,
compagnie, que s'il euft cuidé eftre le poiftons , & quelques légumes qu'ils
plus fort, il les euft tous fait palfer au achetoyent de leurs chemifes A vefte-
fil de l'efpee. Il iugea que la mémoire mens, à caufe qu'ils n'auoyent aucu-
de ce grief feroit efteinte s'il faifoit nes marchandifes
reftitution de quelque chofe au tour- couurer, A ce en , attandant
ni moyen que
d'en leur
re-
Les fufdits matelots eftoyent fimples par le degout de ladite eau, qui de-
manœuuriers dans ledit vailTeau , qui couloit defTus ; ce qui defbaucha gran-
ne participoyent au profit & rapport demen.t l'équipage autant ou plus que
du nauire , partant empefchoyent que le refle; la plufpart des pafTagers
voyant les matelots defbauchez , fe
lefdits tendupafTagers s'embarqualTent
le peu de viures qui reftoit ,pour
at- vouloyent retirer en terre, demandans
vn fi long palTage. On difoit que Vil- au Capitaine la barque que le nauire
legagnon en auoit pratiqué cinq des trainoit en pouppe , ce qui leur fut
plus vicieux , aufquels il auoit promis
refuféeflépartrop
eufi le Capitaine , attendu
preiudiciable qu'il
, fi lefdits
grand en
arriuez auantage,
France ilspourueu
liurairent qu'eflans
du-Pont
palTagers
Capitaine s'en ayant fuffent
entenduretournez. Le
& Richer à la luftice ; ce qui a efté par ceux qui
vérifié depuis (i). Ce nauire , ayant trauailloyent à tourner le cours de
prins la haute mer vingtcinq ou vingtfix l'eau, qu'il fepourroiteftancher, feule-
lieues, commença à puifer beaucoup ment ildeuoit renuoyer vne partie des
d'eau (ou pour auoir efté trop chargé, pafTagers, pour faire place aux autres.
ou de vieillelTe) en telle abondance, Et comme du-Pont & Richer & quel-
qu'vn chacunmefmement
eut grand'peur ques autres efloyent prefls à fe mettre
de mort; les &mariniers
crainte
dans la barque , le Capitaine les re-
qui trauailloyent iour & nuid à efpui- tint ,leur donnant bon courage, que
fer ladite eau, perdoyent courage,
le tout fe porleroit mieux qu'on n'ef-
confiderans qu'ils ne la pouuoyent ef- peroit ; toutefois s'il y en auoit d'autres
puifer. Le Capitaine & officiers, mef- defdits palTagers qui leur
s'en vouluffent
mes les pafTagers, le trouuerent fi ef- retourner, volontiers donneroit
ladite barque, veu que les viures qui
perdus, qu'ils fe fouhaitoyent eftre reftoyent ne pouuoyent fatisfaire à
encore en la terre du Brefil. D'auan-
ture (félon la couflume) on trainoit tant de perfonnes pour vn fi long
vne barque arrière la nef; les mate- voyage.
lots la nuid la penferent furprendre Dv nombre defdits paffagers , fe
pour fe fauuer en terre, n'ayans grand trouuerent cinq perfonnes d'vn mefme nent en la
efpoir Cinq retour-
mais leauCapitaine
nauire qui& s'emplilToit
officiers, en d'eau
eftans; vouloir, lefquels
du Capitaine acceptèrent
, contre le gré del'offre
tous terre.
auertis, y donnèrent tel ordre, que les leurs compagnons , qui preuoyoyent
mariniers ne mirent à exécution le bien que Villegagnon leur pourroit
faire quelque defplaifir (i). Nonobflant
mauuais ade qu'ils
A celle auanture auoyent
furuint un propofé.
merueil- lefdits cinq perfonnages eftimoyent
leux accident de regorgement d'eau , eftre bien recueillis, confideré qu'ils
dans la foute au bifcuit. La plus n'auoyent aucunement ofTenfé Ville-
grand'part de leur bifcuit fut perdu gagnon ,mais fait tout plaifir & fer-
uice. Par ce ayans prins congé de
(i)'Léry, dans son Histoire d'un poyagc leurs compagnons & amis, auec grans '
faid. en la terre du Brésil (II , 145 ), raconte foufpirs
la chose un peu autrement : « Il nous avoit le barteau,& fe
regrets, s'embarquent
recommandans dans
à la garde
bralTé la trahifon que vous orrez; c'eit de Dieu les vns les autres, tant ceux
qu'ayant donné à ce maillre de cirée
navire(à unla
petit coffret enveloppé de toile du nauire qui pafl"oyent en France,
que ceux de la barque , qui retour-
façon de la mer) plein de lettres
voyoit par deçà à plulieurs perfonnes, qu'il en-
il y noyent en la terre du Brefil (2) ; dont
avoit aussi
formé contremis nous un procès, qu'ildefceu
& à nollre avoit fait
. avecet les trois depuis y lailTerent la vie pour
mandemert exprès au premier iuge auquel maintenir la vérité de l'Euangile ,
comme il fera dit en fon lieu , après
on le bailieroit en France, qu'en vertu d'ice-
luy il nous retinll & fiH brufler comme hé-
rétiques qu'il difoit que nous ertions » Léry
raconte plus loin (II, 177), que, à leur arri-
vée en France , le coffret fut en effet remis (i) Jean
même décidéde àLéry raconte avec
retourner qu'illess'était
cinq lui-
au
à des gens de justice qui, heureusement,
étaient favorables aux réformés. « Après fort Coligny , mais, qu'au dernier moment,
sur le conseil d'un ami, il se résolut à rester
qu'ils eurent veu ce qui leur elloit mandé , sur le navire. C'est à cette sage résolution
tant s'en fallut qu'ils nous traitalfent de la que nous sommes redevables de la narration
façon que Villegagnon deliroit ; qu'au con- qu'il nous a laissée de ces événements.
traire, outre qu'ils nous firent la meilleure (2) toire
Icides se termine la reproduction de l'His-
chère qui leur fut poflible, encore offrans elioses mcniorables , pour reprendre
leurs moyens à ceux de noftre compagnie
qui en avoyent affaire , prellèrent-ils argent plus loin,trois
souffrir au de
récitceux
du qui
martyre qu'eurent
revinrent au fortà
Coligny.
audit lieur du Pont & à quelques autres. "
II.
LIVRE SEPTIEME.
4<)0
l'ordre i"t J'uite des Martyrs de manifcde quelque fois aux fie ns ce
née m.d.lvii. qui leur doit auenir ; & quand par
laincle hardiejfe on pourfuil me vo-
cation intcricurcnient cngrauee par
«S'"iîr'**î«'"^A'"^A"«i'*^*'^âi''^*S'*^'^^ le Jainâ Efpril.
AnDOCHE MlNARD (l).
Ce perfonnage vint à la conoiiïance
DiEV ayant donné conoilTance de de la vérité Euangelique.efiant Carme
fa vérité à ce ieune homme , atTez & à Gand en Flandre, fi bien que, quit-
trop auant plonf;é en la fange de fu- tant rhabit monachal, fe retira en An-
perllition, citant Chapelain de TEglife
Collégiale de Saulieu (2). il quitta ce Chrifi, oùgleterre pour fuyure àl'Eglife
il trauailla de liures
tranflater iefus
bénéfice , & fe retira à Geneue , où d'vne langue en l'autre; comme de
ayant feiourné quelque temps pour fe faid il y tranflata en langue Flamen-
confoler & fortifier en la dodrine de
gue vn Commentaire fur l'Apocalypfe
rEuangile,voulantretourner en Bour- & hilloire de la vie & mort efpouuan-
gongne, fut faifi au bourg de Mont- table de François Spiera (i). Il y ef-
fenis(5), pour auoir repris quelques toit durant le règne cruel de Marie,
blafphemateurs du Nom de Dieu. lors que les Eglifes efirangeres de
Ayant fait vne magnifique confeffion Walons& Flamens furent chafTees (2).
de foi , par plufieurs fois réitérée , il & fe retira auec plufieurs de fa nation
fut bruflé vif deuant le grand Temple Embde en
à Embde (5), ville en la Frife Orien- Frife, retraite
de faind Ladre (4) d'Autun le xv. tale. De là, après quelque temps, il lui des Chrcrtiens
iour d'Odobre m.d.lvi. dont plufieurs print enuie d'aller vifiter les poures
furent merueilleufement édifiez & en- fidèles de fon pays, & fe mit en che- perfecutez.
couragez en la profeffion de l'Euan- min l'an M.D.LVI. Comme il partoit
gile, tS: quelques vns à la conoiffance d'Embde en s'cmbarquant, il lui efioit
de leur falut (ï).
auis qu'il entroit en vn feu ; & depuis
^'^ au mefme voyage, vne apprehenfion
^^^ pareille le faifit à Groninghe, eflant
■"-'"'-la
d' en la maifon d'vn dodeur nornmé
M. Hierome, & des lors donna à co-
noiflre ce qu'il ellimoit par ces ap-
Charles Coninck, ou le Roy, de prehenfions lui deuoir auenir. Le
Gand (6). Dodeur tafcha de le diuertir de fon
redreffa
tant vn entant
chacun qu'en lui fut .à exhor-
de feruir lefus & redite, qu'elle n'auoit faueur ne m.d.lvu.
gouft quelconque.
Chrifl entièrement, & de fuir, comme Il y en auoit entre ceux du Ma- La crainte des
vne contaf,'ion pernicieufe , toutes fu- giflrat de Bruges eftans là, qui decla- Phariilens
perftitions Papifliques, toutes les fein- royent
tifes & limulations de ceux qui clo- en leur par leurs contenances
confcience vn certain detefmoi-
fentir ^fié'urs'^d'^m"
mulent.
chent de deux codez, & qui ne font gnage que Charles parloit à la vérité,
ne froids ne chauds. De Gand il s"en & toutefois de crainte qu'ils auoyent
A Bruges. alla à Bruges ; & à fa venue, ceux fe de leurs Preflres & Chanoines, ils
trouuerent vers lui qui aimoyent le parloyent autrement à Charles en leur
Seigneur, ayans faim de fa iullice. Il
les confola & admonnefta de mefme prefence
monfieur qu'en
N. qui abfence.
là eftoit,Etconoiffant
mefmes
que ceux de Gand , fur tout à mener que Charles eftoit mené, d'un droiél
vne vie Chreftienne, & reigler foigneu- & fain iugement de l'Efcriture fainifte,
fement leur conuerfation , d'autant veu que Preftres ne moines ni autres,
qu'ils eftoyent en vne ville adonnée à quelques fauans qu'ils fuffent, ne pou-
toute volupté & lubricité. uoyent rien gagner fur lui, & que fou-
Satan cependant irrité de fa venue, uent ils s'en retiroyent tout confus ,
ne ceflfa d'efueiller fes gras fuppofls il promit à Charles de pourchaffer fa
& feruiteurs de l'eglife Romaine, qui deliurance, moyennant qu'il vouluft
ne tardèrent de mettre par tout embuf- aucunement s'accommoder auec eux,
ches pour attraper Charles, tant qu'vn voire & fi l'habit de moine lui venoit
iour fortant d'vne allemblee des fidè- à contrecœur , qu'il en inpetreroit la
les, ils le faifirent en la rue nommée difpenfe du Pape, & le pouruoiroit
Efelflrate , & le firent mener en pri- d'vne chanoinie. Charles refpondit :
fon. Ce qu'ayant entendu, vn fien « M.onfieur, ie vous mercie grande-
frère demeurant à Gand, il s'auifa ment de cefle voftre faueur & bien-
d'obtenir que deux Carmes allaiïent ueillance, à la miene volonté qu'elle
quand & lui redemander à ceux de fuft félon Dieu. Vous me prefentez
Bruges fon frère, comme fubieft au vne Chanoinie pour viure en repos, &
Prieur de fon ordre. Quand Charles
vous fauez toutefois que l'aife n'ap-
vid fon frère ainfi acompagné, le foli- porte point de repos , quand la con-
citant de reprendre fon habit , & de fcience eft en tourment. Le renonce- Notable ref-
ment de la vérité de mon Dieu me ponfe.
retourner fous l'obédience de l'ordre,
Refponfe de il lui dit tout rondement qu'il n'auoit cauferoit au cœur vn perpétuel remors
Charles
la repnfe fur
de q^g
, ^ faire r de prendre1 • p cefle' peine
x & de confcience , veu qu'il
l'habii mona- defpenfe pour lui; & qu ayant vne honneur tant fpecial, de m'a
me fait ceft
donner
chai. fois defpouillé 1 habit d vn ordre mau- fa conoiffance , pour laquelle mieux
dit, iamais il ne le reueftiroit; pour me vaudra d'endurer mille morts ,
d'affranchi qu'il eftoit par lefus Chrift, qu'en la defguifant encourir la mort
fe remettre en l'obeiffance & feruitude éternelle.
des efclaues de Satan.
Les aduerfaires voyans qu'à le tenir
SvRceci les moines, pour maintenir plus long temps ils ne profitoyent de
la liuree de leur ordre, difputerent rien, le déclarèrent (par leur fentence)
long temps contre lui en prefence de
ceux de la luftice; mais ils ne feurent hérétique , fi que l'ayans dégradé le
liurerent, le vingtdeuxiefme d'Auril ,
rien gagner fur la vérité de l'Efcriture, entre les mains du bras feculier qu'ils
non pas mefme au iugement de ceux appelent. Le Magiftrat incontinent le
qui les condamna d'eftre
& bruflé vif, Charles
attendu
neté deefcoutoyent,
leur coullume,alleguans
les vieuxl'ancien-
Pères, fon obftination rébellion.
les Conciles & femblables légendes. rendit grâces à Dieu, le priant de par-
De l'habit on monta à la Meffe, & à donner àceux qui le pourfuiuoyent à
l'inuocation des fainfts trefpalTez ; & mort par ignorance. Amené qu'il fut
de là on delcendit au Purgatoire,
au lieu du fuppiice , l'exécuteur ne
mais leurs raifons & allégations con- tarda de l'attacher au pofteau, afin de
frontées la
à vérité de l'Euangile du le defpefcher. Charles leuant les
Seigneur , qu'alleguoit fort prompte- yeux au ciel & inuoquant le Seigneur
ment Charles, donnoyent aufli peu au milieu du feu , porta la peine pa-
:^ de contentement aux auditeurs que la tiemment &.coyement (i), tellement
difpute des habits, car ils n'eftoyent
garnis que d'vne afnerie tant recuite (i) Tranquillement.
LIVRE SEPTIEME.
4 70
crainte du danger, au lieu
vous ne profanez les prifons , afin que
maintenir, voire dans lesqu'il doit
flammes rien ne demeure impollu •■ » Le Geô-
lier aduerti de ce faid, tout furieux &
du fou , la do(5lrine qu'il aura annon- forcené, auec vn ballon au poing, fe
cée (1). N'ayant donc peu eftre amené
à ce poiniS , quelque remonflrance iette furleHamelin
lafTé de charger ;de& coups
après, le
s'eflre
mit
qu'on lui peuftbeaucoup
il profiteroit faire, Qu'ellant dehors
plus que par dans une balTe fofle. Non content de
fa mort d'aigrir d'auantage la rage de ce, en continuant fa rage, il prefenta
fes ennemis, il fut mené à Bourdeaux, le lendemain requefle à la Cour pour
au commencement de Mars, acompa- le mettre hors de fa charge, alléguant
gné du Preftre , & de grande compa- l'ade par lui commis, & qu'il aime-
gnie de gens de pied & de cheual. roit mieux auoir vn diable à gouuer-
Eflant es prifons de la Conciergerie, ner, voire que la perte eufl infedé
on le recommanda afin d'eflre mis à toute la Conciergerie, que Hamelin y
la table du Geôlier (2), & ne tarda demeurafl : n'ayant ia que par trop
gueres d'eftre mené deuant les Prefi- empoifonné les prifonniers de fa doc-
dens & Confeilliers, aufquels il parla
trine , qu'il appeloit malheureufe &
d'vne
role. grande vertu & efficace de pa- damnable. Qui defut lacaufe de l'enuoyer
Hamelin iette en la prifon maifon publique
AuiNT vn iour de Dimanche en nomme fainde Liège , en vne bafle
bas les ferrc-
mens de la fofTe oij il demeura huit iours, chargé
MeiTe. Karefme , qu'vn Preflre porta en la
prifon tous fes ornemens pour là chan- de fers fi pefans, que fes iambes en
ter MefTe, & les drelTa tous prells : dcuindrent enflées.
de quoi M. Philbcrt eflant auerti , QvELQVES iours auparauant ceci ,
efmeu d'vn zelc ardent, alla en cette s'eftant apperceu dequela le Preftre fon
part où eftoit le Preflre , & tira tout hofle flefchilToit vérité , il mit
ceft attirail par terre, 11 rudement que
les calice, chandelier & autres pièces toute peine de l'entretenir en icelle,
& le deflourncr de la crainte du dan-
de l'equippage furent mifes par terre : ger qu'il apprehendoit ; mais quand il
«lieux
Voulez-vous,
le Nom de» Dieu
dit-il,foit
« qu'en tous
ainfi blaf- fceut qu'il auoit renoncé lefus Chrift
tout à plat, il lui dit à fon parlement
& iour de fa deliurance : « O malheu-
phemé ? ilNefoitvous
temples tant fuffit-il
outragé,pas fiqu'es
auffi reux & plus que miferable, eft-il po(-
fible que, pour fauuer fi peu de iours
(i) 1" Veux-tu bien copnoiflre comment le-
qui vous refient à viure félon le cours
dit Philcbert crtnit de fainiîtc vlci' On luy de nature, vous ayez ainfi renié la vé-
donnoit liberté d'ellre en la chambre du geô- rité .''Sachez pourtant , combien que
lier & de boire & manger à fa table, ce qu'il vous ayez par voftre lafcheté euité le
fil pendant qu'il eftoit en certe ville : mais
après que, par plufieurs jours, il eut travaillé feu corporel , que la vie n'en fera pas
& prins peine de réprimer les jeux & blaf- plus longue; car vous mourrez auant
phcmes qui fe commettoycnt en la chambre moi , & Dieu ne vous fera la grâce
lugement en
admirable
du geôlier,
ne fc il fut corri^rcr
vouloyent li defplaifant, voyant
que, pour qu'ilsà
obvier que ce foit pour fa caufe , & ferez en d'vn Preftre.
la perfonne
entendre
Il fe faifoit unmenertel mal,
en foudain qu'il avoit
une chambre difné,
criminelle, exemple à tous les apoftats. » Il n'euft
pas pluftoft acheué fa parole , que le
& eftoit là tout le Ion;,' du jour tout feul, pour preflre , fortant de prifon , fut tué par
obvier les compa;^'nies mauvai'.es. Item ,
vcux-lu encore mieux favoir combien il che- deux gentils-hommes qui auoyent que-
minoit droilement ? Luy eftant en prifon, fur- relle à lui. Ce qu'eflant rapporté à
vinl un advocat du pays de France, de
quelque lieu où il avoit érlf^é une petite M. Philbcrt, il alternia n'en auoir ia-
cgiife, lequel «dvocat apporta trois cents mais rien feu, & que ce qu'il auoit dit
livres qu'il
voulull préfenla
de nuiifl au (,'eolier,
mettre pourvu qu'il
ledit Philebcrt hors eftoit procédé de l'Efprit de Dieu qui
des prifons. Quoy voyant, le peolier fut auoit conduit fa langue (à ce qu'il
prcfquc incité !i ce faire: toutefois, il de- voyoit) à lui prononcer fentence de
mande confeil audit maiftre Philebert, lequel mort. Sur quoi il fil vne exhortation
refpundant lui dift qu'il valoit mieux qu'il à l'inftant de la prouidence de Dieu
mouruft par la main de l'exécuteur, que de pleine de piété : laquelle cfmeut les
le mettre en peine pour luy » (Œuvres, confciences de plufieurs qui à cefte
P- 1)5)- caufe furent conuertis à la vérité.
11) Il y fut visité par André de Maziéres ,
oui avait dû quitter Bordeaux à la suite de
I exécution de. Monier et Decazes , et qui ,
n en présence du geôlier et de tous les pri- De ceste prifon de la ville, Hame-
son iers, leconsola cl le fortifia grandement ■■ lin fut ramené, le Samedi veille des
(Bèze, Hisl. ceci., 1 , 77)-
Rameaux (qu'on dit), en laconcicrge-
ARCHAMBAVT SERAPHON.
on me vint dire en ma prifon , que le auec moi. Mefmes le Geôlier, qui eft m.d.lvii.
penfaflfe à moi, puis que telles gens le plus dur du monde à rencontre des
de telle qualité eftoyent après noflre fidèles, ne peut tenir fi belle conte-
dit frère. Ceft auertilîement me fit
nance qu'il ne s'en allatl derrière vn
grand bien, car combien que ie ne tapis pour torcher fes yeux : ie ne fai
fiffe que fortir de me leuer de ma fi c'elloit de pitié ou de rage, car il
prière, ayant commencé vn Pfeaume, auoit oui & entendu toutes mes ref-
incontinent ie redouble ma prière , ponfes, lefquelles furent couchées par
pour fecourir mon-dit frère, à ce qu'il efcrit
critureauec bons Car
fainde. tefmoignages de l'Ef-
mondit iuge qui
pleuft au Seigneur lui affifter, & don-
ner dequoi pour repoulTer telles maf- entend mieux que moi , s'eflforçoit de
ques extérieures. Apres on me vint tout fon pouuoirt à bien coucher les
quérir, pour la quatrième fois , pour tefmoignages & pafTages qui feruoyent
aller deuant mon luge, ayant fon à la iuftice de ma caufe , lefquels il
homme auec lui, & vn cler tant feu- auoit en meilleure fouuenance que
lement ;mais notez qu'à chacune fois moi. Dequoi lors ie prenoi grand
il changeoit de clerc. Venu deuant plaifir, & le louoi de cela en fa pre-
lui , il me prefenta le ferment de dire fence, lui difant ainfi : « O qu'il y en
vérité, ce que ie promis, & priai le a bien qui fauent & entendent, mon-
Seigneur qu'il m'en fift la grâce. Et fieur, pleuft
incontinent du premier coup il toucha en fiffent leurau profit
Seigneur Dieu euffiez
I » Vous qu'ils
476
car n'eftimez-vous pas qu'ils diront : Je penfe que fl le Seigneur difoit
(comme il le nous dit iournellemcnt à
« C'cft vn poure compagnon mercier la vérité, fi nous le voulons entendre);
qui palToit ; il n'a point prefché fa loi
à perfonne ; il cft & demeure en cefte Mon fils, ie te veux mettre en Para-
loi-là .' Confolcz-vous. » le lui ref-
dis auec moi & mes Anges, il s'en
pondi : « le fuis bien confolé, Dieu trouueroit qui diroycnt : O ie ne le
merci, & preft de receuoir ce qu'il lui veux pas encores, laiffe-moi ici vn peu
iouir de mes biens, de ma femme, de
plaira m'enuoyer : fi c'eft vie, vie ; fi
c'eft mort, mort. » Et fur cela, il me mes enfans & amis, & puis, quand ie
dit : « Bon foir, » priant pour moi ferai vieil, tu feras ta volonté, & fi
en s'en allant, & moi pour lui, qu'il eft-ce qu'en vieillelTe on eft le moins
pleurt au Seigneur lui faire miferi- preft,
corde. Mes frères, vous ne pourriez difent car: O c'eft alors
ie fuis vieilque les craintifs
, caduc & mal
iamais croire la grande affillance que fain. Je ne pourroi porter la prifon,
noftre Dieu efpand fur nous, par la- les fers ni le feu, i'aime mieux flefchir
quelle nous fonimes fi ioyeux & fer- vn peu , & Dieu aura pitié de ma
vieilleffe. Voilà comment chacun fe
mes, qu'il nous femble que la mort,
les glaiues & le feu ne nous font rien.
Mefmes tous les prifonniers de céans flatte, tellement que c'eft vne groft'e
en font tout efbahis, & font contraints pitié auiourd'hui : chacun le void &
le confefTe , it cependant Satan leue
de donner louange au Seigneur de les cornes, & fe dit maiftre, mais il
cela. A la vérité , n'auons-nous pas en aura faufl"ement menti , lui & tous
raifon de mener ioye & rendre grâces
les fiens, car i'efpere que de ceux
au Seigneur, pour le premier, de nous
auoir exaucé en nos requertes, & de qu'il efpie & aguette, il en perdra ici
vn grand nombre. Et pour cefte caufe,
s'eftre voulu feruir de nous pour rele- mes trefchers frères , aue chacun y
ver & redreffer nofdits frères ? Quant
penfe, & qu'on trauaille pour aug-
au ieune garçon, il s'eft lafché la bride menter l'Eglife du Seigneur. Et fi
à nier le Seigneur, fous ombre de quelquq iour il vous prefenle vne telle
quelque ieunelTe qu'on lui a propofé, mort que celle que ie penfe endurer,
(X de fait, a nié tout quafi auec exé- alors vous pourrez dire auec le Pro- Pf. 16 8
cration, difant qu'il ne conoiffoit les phète : « Que voftre part vous eft cf-
autres, finon du chemin. Si n'eft-il cheuë au plus beau lieu de l'héritage,»
pas trop ieune, car il a plus de vingt & pour cefte caufe, ie vous prie ne
ans craignez point. Or ie retourne à vous,
Dieu: illuifortira
face d'ici, & s'en
conoiflre va à Paris.
fa faute. ma trefchere efpoufe. Je vous prie,
Or , mes chers frères & fceurs , ne vous fafchcz point, afin que le Sei-
pour vn dernier congé, ie vous veux
gneur n'y foit off'enfé. Il eft vrai que
admonncfler , & prier tous , que fuy- le lien de mariage eft grand ; mais no-
uiez la fainfte parole du Seigneur de tez, ma bonne efpoufe, que cefte fe-
cœur & d'affeaion, que pas vne feule paration fera heureufe & digne de
heure ne foit perdue, mais employée louange au Seigneur, & pource vous
à prefchcs, prières, leâures, en ren- vous en deuez pluftoft efiouir que con-
dant grâces & louanges au Seigneur trifter. Quant à mes principaux afai-
par Pfeaumes & prières. Et quand il res, ie vous en ai ia aftez mandé, &
fe voudra feruir de vous en quelque pource ie ne veux tourner paflTer le
endroit, qu'il n'y ait aucun qui recule filet
ou fouruoye ; car, puis que nous fom- toutes parmi l'efguille
mes afaires fur ,noftre
car bon
i'ai Dieu.
roulé
mcs fiens, c'eft bien raifon qu'il ait Ne dites pas que le voyage & les let-
cefte authorité enucrs nous de difpo- tres en font caufe , car le Seigneur
fer de nous comme de la chofe fiene
auoit preucu ceci, des que fa main
tutrice me reccut fortant du ventre de
à fa volonté. L'homme qui n'eft qu'vn
ver de ferre. & moins que rien, aura ma mère. Confolez-vous donc au Sei-
bien le crédit de difpofer de fon fer-
uiteur à fon plaifir fans contredit. Av reftc , vn ieune homme eft ici Idolâtrie
d'or);ueiI.
acompagncc
Mais qui fera fi miferable, qui voudra gneur.
venu, braue & glorieux en idolâtrie,
difputer A plaider contre fon créateur. > ayant vn pourpoint de velours t^' au-
fl f ft-ce qu on en trouuera qui diront : tres acouftremens bouffans , pource
Excufcs fri- J'ai ma femme, & l'autre dira : J'ai
uolcs. que c'cftoit le iour noftre-dame (qu'ils
mes enfans, & l'autre viendra alléguer aifent), & bailla en ma prefence quel-
fa ieuneft"e & tant d'autres folies, &c. ques deniers aux prifonniers, leur di-
477
ARCHAMBAVT SERAPHON.
fant : Dites Un falue deuant noftre demande, & i'aime mieux que mon m.d.dvh.
dame pour moi. Cède leur dame eft corps foit expofé aux tourmens du
vn marmoufet efleuci en ces prifons , monde, que fi mon ame eftoit en la
deuant lequel ces poures gens hurlè- géhenne du feu éternellement. Vous
rent fort pour les petis prefens. Il fauez qu'il a dit : « Qui me niera deuant
les hommes, ie le nierai deuant Dieu
fembloit qu'il y fuft venu plus pour
voir la contenance que ie tiendroi mon Père,» &c. En outre, il a auffi dit:
« Ne craignez point ceux qui tuent le Matth. lo. 28.
qu'autrement.
venin Et de
en fortant, car fait il monftra
il dit que fi l'on
fon corps, & puis ne fauent plus que faire,
père propre efloit Luthérien , que lui mais il faut craindre celui qui peut
mefmes le feroit hrufler. O quelle con- tuer & l'ame & le corps, & mettre le
tout au feu éternel.» Mon falut (Dieu
folation ceflui-la m'apportoit I Tref-
chere efpoufe & vous mes frères , ie merci) m'eft acquis par la mort de
vous di A-dieu, vous priant prefenter noftre Seigneur Jésus Chrift, l'en fuis
mes derniers faluts à tout le corps de
afteuré,
me veut& mettre maintenant ie voi biendequ'il
en polTeffion ce
l'Eglife.
Voftre bon mari, falut. » Puis en regardant mes mains,
A. Seraphon. ie di : « O chair 1 il faut que tu en-
dures, & que tu t'en ailles en poudre
iufques au dernier iour. »
De làcession ondes fainds
m'interrogua De l'intercef-
; & ie fur l'inter-
di que les fion des fainias.
S'enfuyuenl aucuns interrogatoires
qu'on fit à Archambaut Seraphon, fainds trefpan"ez eftoyent bien-heu-
fur cinq poinds de la Religion. reux, d'autant qu'ils auoyent porté la
parole de Dieu , & eftoyent morts en
Premièrement on demanda, Que icelle, tout ainfi que maintenant il y a
De la S. Cène, ie croyoi du Sacrement ? R. n Ce que plufieurs fidèles qu'on fait mourir pour
nous en eft monftré en l'Efcriture icelle Parole. Quant à l'interceffion
fainde. » D. » Dites donc ainfi que des fainds, d'ouyr nos prières & les
vous en croyez. » R. « Monffeur, ie prefenter à Dieu , il n'en ef^ rien.
di que noftre Seigneur Jefus Chrift , D. « Raifon. » R. « Pource qu'il eft
faifant fa Cène auec fes difciples, dit qu'ils font maintenant en repos.
print du pain & du vin, & rendit grâ- Or s'ils font en repos, ils ne fe char-
ces à Dieu fou Père , & puis rompit gent de cela , veu que nous auons vn
le pain & le diftribua à fes difciples, bon Médiateur & Aduocat, noftre
difant : «Prenez, mangez, ceci eft mon
Seigneur lel'us Chrift le Jufte, comme
corps qui eft rompu pour vous. » 11 il eft dit en faind Jean. Lequel lui-
mefme a dit : " Venez à moi vous Matth. n. 28.
print auffi la coupe , & la leur pre-
fenta, difant : a Voici mon fang ,
tous, &c. )i Ce Commiflaire m'enten-
beuuez-en tous, & le départez entre doit à demi mot, & le faifoit ainfi cou-
vous ; toutes fois & quantes que ferez cher par efcrit. Puis retourna à cefte
ceci en mémoire de moi, i'y ferai. » Ce defcente de Dieu en l'hoftie , & ie lui
qui eft vrai, Monfieur, mais cela fe alléguai le Symbole des Apoftres , &
doit entendre fpirituellement, & quand le 2. des Ades; & di que le Seigneur
nous prenons le pain & le vin en la n'auoit plufieurs corps, mais que celui
Cène, tout ainfi que le corps reçoit qu'il auoit , faloit qu'il occupaft place,
le pain & le vin, auffi nos âmes re- &au que
çoyuent par foi & en efprit le précieux ciel,quantcommeà moi,
il eft ieditcroyoi qu'il àfuft
: « Séant la
corps du Seigneur Jefus Chrift cruci- dextre de Dieu le Père , » &qu'il n'en
fié & mort ignominieufement en la partiroit en corps finon au iour du iu-
croix, & fon fang précieux efpandu gement; bien eft vrai que par fa puif-
pour nos péchez & pour nous deliurer fance & fon faind Efprit il conduit
de mort & damnation éternelle. » D. toutes chofes, félon fa prouidence.
a Mais ne croyez-vous pas que quand
le Preftre confacre à l'autel , que le Il me demanda auffi touchant la
confeffion auriculaire ; ie lui refpondi Confeffion
corps de Jefus Chrift y defcend .? Je auriculaire.
fai bien que vous direz que non »
qu'il ne fuffifoit point de fe confeft"er
(comme s'il m'euft voulu auertirdifant : qu'il le conue-
Gardez-vous de dire oui). le lui di : vne tous les, mais
faire l'année
noit fois iours à Dieu , non
« Monfieur, ie ne nierai iamais Dieu
feulement des péchez que nous co-
qui m'a enfeigné de dire non à voftre noilfons , mais auffi de ceux qui nous
ï:
LIVRE SEPTIEME.
ble! le vous laiffe à penfer de quelle offenfé, aye pitié de nous! » Incon- m.d.lvu.
tinent ils furent enuironnez de veririine
ioye i'ai entreprins ce voyage, vous de moines de toutes couleurs, comme
fauez comment i"y eftois aflfedionné ,
penlez donc comment le Seigneur a de perchées de harencs, auec leurs
befongné par fon confeil eftroit. J'ai nouices, qui trottoyent & venoyent
fait mon voyage, & m'en fuis reuenu d'vn cofté & d'autre , regardans ça &
iufques ici en ioye, efperant vous voir ; là comme marmots; ils eftoyent là
& arriué que ie fus en cefte ville, amenez par les Juges pour les acouf-
comme ie vous ai mandé, ie m'efforçai tumer au fang, comme on feroit à des
de petits dogues & lévriers. Sur ces en-
fuisfaluer
arreflé.mes frères en paflfant, & m'y trefaites, iyl en eut vn qui auança
Or vous deuez fauoirfermes
qu'au &con-
com- quelque propos de difpute , auquel
mencement iceux furent fut dit par noftre frère Philippe :
ftans, & leur procès fut bien tort fait, « Que veux-tu difputerauecquesnous.^
comme fauez. Ils furent menez iufques
tu fais bien que tu n'es qu'vne befte ,
au pied du fupplice en grande conf- & que tu ne fais rien; ie te prie, laiflfe
iance ;mais à caufe de quelque appel, nous penfer à noftre ame. » Et lors
eftans remenez en la prifon , dirent, mondit frère l'Aduocat & moi eftions
en retournant, aux autres prifonniers: en la basse court nous pourmenans;
« Nous auons encore vn peu à viure. « & comme ayans les bras croifez , re-
Eflans en leur premier eftat & comme gardions vers le ciel auec pleurs &
en repos, Satan qui efl fin & caute- gerailTemens. Lors chacun des prifon-
leux les alTaillit, & de faift fit brefche, niers (qui font céans en nombre de
iufques à les faire chanceler «4 tres- vingt) iettoit fon brocard, les vns di-
bucher. Mais le Seigneur ayant pre- foyent : « Us font plus forts qu'au
ueu toutes chofes, m'amena céans fur commencement. )•> Le commun popu-
ce poind, où ie fu fort marri & dolent
laire difoit & crioit : « N'eft-ce pas vn
ayant trouué vne telle defolation ; grand cas.^ ils font pires que deuant ;
bref, de ma petite puiffance ie me mis & l'on difoit qu'ils s'eftoyent retour-
en deuoir de reboucher cefle brefche
nez,mais il s'en faut beaucoup, » &
par l'aide du frère,
faindAduocat
Efprit. de
SurParis,
cela furent ainfi détenus l'efpace de trois
furuint nortre
dont ie vous ai mandé ; lequel eftant groft"es
confiance.heures auec bonmondit
Cependant maintienfrère&
auec nous s'adioignit à moi, fe mettant & moi, feignans d'aller aux priuez,
de première arriuee au milieu d'icelle nous-nous allions ietter à genouil,
brefche. Et ayant plus d'authorité & prians le Seigneur, & lui rendans grâ-
ces immortelles pour telles nouuelles,
commodité que ie n'auoi , y befongna
de toute fa puiffance , eftant fécondé puis retournions en la court nous
de ma petitelTe ; tellement que le Sei- pourméner comme auparauant. Et
gneur nous afllrta, en forte que ladite vne partie defdits prifonniers à qui
brefche fe referma plus fort en cinq Dieu abaillé quelquecommencement,
nous tenoit compagnie en pleurs &
ou fixouuerte
efté iours, qu'auparauant elle comme
(i). Cependant, n'auoit
gemiffemens; l'autre partie nous mon-
Dieu le vouloit , la refponfe du Roi ftroit au doigt, difant, qu'autant nous
vint, laquelle fit furfeoir l'exécution en pendoit à l'aureille. Nous portions
du premier arreft. 11 fut finalement tout cela auec ioye & confolation. Et
fur les quatre heures du foir fortirent
exécuté le iour d'hier, premier Samedi nofdits frères en bonne confiance. Et
de Septembre, c'ell qu'auec vne grande noftre frère Philippe , ayant vne face
confiance s'en font allez faire la Cène
c'eitoii quel- auec lefus Chrift & fes Anges. Le riante, regardoit noftre frère laques
ques iours Greffier vint premièrement enuiron qui monftroit vn peu fa face trifte,
'^'cene'^ l'heure d'vne heure après midi figni- ainfi qu'il
auoit efié eft
fortde malade.
petite complexion,
Il lui difoit &:
t. ■ fier leur arreft, & lors incontinent fe
prindrent à crier au Seigneur regret- « Qu'auez-vous , mon frère.? il femble
tans leur faute , & difans : « Helas
qu'ayez peur, mon frère; foyezioyeux. »
Et cheminoyent ainfi par la rue tous
Seigneur, nous t'auons griefuement
deux en chemife iufques au lieu du
(i) Voy. plus loin 1-a lettre de Du Rous- fupplice, où eftans, prindrent le tour-
seau, où il raconte la part que Séraphoii el ment en grande patience; & regret-
lui prirent au relèvement do leurs deux com- tans toufiours leur faute, crioyent à
pagnons. Dieu mifericorde deuant tout le peuple.
LIVRE SEPTIEME.
4Et
80 entre autres chofes noflre frère mais ne fai fi ie ferai plus oui ; or fi ie
Philippe, monté fur le bois attendant le fuis fur les poinds principaux, cer-
le tourment, fe print à chanter vn tes alors il fe faudra mettre en reng
Pfeaume, mais vn Moine ellant au- de combatant , & voila où l'en fuis.
près de lui , lui mit la main deuant la Bien ell vrai que ie fai que Satan eft
bouche, pour empefcher fa voix, fi plein de finelTes ; mais le Seigneur
eft-ce qu'en defpit de lui il fut en- m'a auerti de me donner garde du
tendu. Et la plus part du peuple cofté qu'il me voudroit fafcher &
fondoit en larmes, leur difant à haute
nuire , dequoi ie l'en prie iour &
voix : « Courage, mes frères, ne crai- nuid, & defire que m'y aidiez par vos Pf ,4.
gnez pas cède mort. » Lors vn de la prières. Le Seigneur dit par fon Pro-
part des malins fe retira vers vn huif- phète :Que les Anges ont planté le
fier, & lui dit : « Ne voyez-vous pas camp à l'entour de ceux qui le crai-
que quafi la moitié du peuple e(l de
gnent. Or s'il a planté le camp à l'en-
leur part & les confole? » l'efpere , tour, de quel cofté pourra venir l'en-
mes frères , qu'il en fortira vn grand nemi qu'il ne foit veu .-•
fruid , & femmes bien-heureux de ce QvANT à noftre frère l'Aduocat , il
que le Seigneur les a voulu fortifier a efté mené en pleine audience deuant
par nous. Il nous a bien rendu la pa- tous mcfficurs du Palais. Mais fauez-
reille, cent fois au double. En leur vous comment il eft braue homme en
mort, ainfi qu'on dit, ils ne fcmbloyent la foi .•* Il me femble que quand ie le
endurer aucun mal , & rendirent l'ef- regarde , ie voi vn Ange , ou à tout le
prit fans bou;.;er aucun membre, finon moins vn faind , & auffi l'eft-il à la
nollre frère Philippe qui repouffoit le vérité. Je vous lailfe à penfer fi ie fuis
feu vn peu auec les mains , & trefpaf- heureux
eftoit à lad'eftre mort & ainfi acompagné.
en toute la maladieIl
ferent foudain. Il n'y eut homme ne
femmCi voire iufques aux pctis enfans,
de noftre frère le Breton. J'enten qu'il
qui ne s'en eftonnaft ; & cela fut à eft de grande qualité, dont ces gens-ci
cinq heures du foir. font efbahis, & penfe que les plus
gros de la Cour de Paris font fes pa-
rens , lefquels ceux-ci craignent. Si
eft-ce
de qu'incontinent
la Cour, qu'illesfutfers
on lui mit reuenu
aux
Iufques ici Archambaul a récité les
merueillcs du Sei^^ncur en la mort iambes, dcfquels il fe quarre & glori-
fie plus que ne feroit vn Prince ou
de Pbilipbe & hiques. Ce qui s'en-
fuit e/îde lui & de l'Aduocal (on Gentil-homme auec vne chaîne d'or
compagnon, monfirant de quelle con- en fan col : bref, c'eft vn Roi, voire
fiance ilsattendent la mort. vne tour imprenable. Nous eufmes
hier vn peu de commodité de parler
Les nouuclles par nous entendues, enfemble , à caufe que tout le monde
penfez quelle ioye nous eufmes : elle eftoit occupé en la mort de nos frères.
fut fi grande que nous ne pouuions Et iufques là (helas) nous nous ai-
tenir contenance. Et tant s'en faut mons fi fort, que defirons marcher
enfemble , fi le Seigneur le veut ; &
qu'on doyue penfer que cefte mort
tant heureufe nous ait en rien efpou- croi, mes tref-aimcz frères, que noftre
uantez, que ie vous di à la vérité (mes facrifice ne fera point fans grand
frères) que cela nous a renforcez cent fruiél ; car la terre eft bien apareillee
fois au double ; & fommes fi prells & pour receuoir la femence. Il y a en
apareillez par la grâce du Seigneur, ce lieu-ci quelque nombre de bonnes
qu'il nous femble que nous y fommes perfonncs aufquelles Dieu veut faire
défia. Toutefois nous ne fauons com- mifericorde, comme i'eftime, vous af-
ment Dieu y veut befongner en nous : feurant qu'il y en a de fort pitoyables,
bien eftque
vrai de
que les
nousfuyure
n'ellimons & dirai bien ceci qu'il y a vne charité
chofe bien autre
tofl , autant enflammée
comme le bruit en ell par toute la félon le lieu. O que
mes i'aye iamais
frères veu,
& bons
ville. Mais nous attendons en patience amis , ie vous recommande le tout ,
la volonté du Seigneur. Quant à moi , comme ie vous ai défia mandé par
l'ai défia eftéoui trois fois, en la forte autres, vous priant de confoler voftre
que ie vous ai mandé, par ce iuge qui fœur, qu'elle prene bonne patience;
m'a monftré grande bénignité & bonté, conoiftansque nous tous fommes au Sei-
& tout le monde dit qu'il nous aime, gneur, & qu'il en peut difpofer à fa
NICOLAS DV-ROVSSEAV.
Excellent Archambaut, vient le tour & ordre de
volonté. Sur cela ie ferai fin à la pre-
tefmoignage fente , après auoir prié ce bon Dieu
rendu aux Nicolas du-RoulTeau (i), & comme
fidèles de tout-puiffant , pitoyable & mifericor- Archambaut lui a rendu tefmoignage
Dijon. & aux deux autres , auffi en fait du
dieux , qu'il vous conduife , & tous
ceux qui craignent l'offenfer, iufques Roulfeau en pareille fidélité d'hifloire.
au bout de noilre vie & courfe , à l'on 11 elloit natif du pays d'Angoulmois ,
honneur & &gloire,
fesefleus, à l'édification
à voftre falut, Amen. de Aduocat
fante & furueillant
à Paris de l'Eglife
: homme défia naif-&
aagé (2) 481
Je vous prie prefenter mes humbles bien verfé en toutes bonnes fciences ,
faluts, tant de moi que de mon frère, furtout es chofes diuines. Il auoit efté
à tous Hos frères & amis, meffieurs les
enuoyé deuers l'Eglife de Geneue
Miniflres de l'Eglife , enfemble aux pour conférer des afaires Ecclefiafti-
Diacres
en gênerai& àanciens
tous mesd'icelle,
frères && fœurs
puis ques
niftresdefurParis, & auoir
aucunes chofesl'auis
qui des Mi-
eftoyent
de noftre pays , & à tous ceux qui en controuerfe. A fon retour, eftant
nous font conioints en Jefus Chrift. de compagnie auec M. Nicolas des
Arc. Seraphon vollre. Galars (;), minifire de Geneue, pour
aller à Paris (4), il fut appréhendé en
la frontière de Bourgongne, en la ville
d'Auffone, ellant trouué faifi de liures
Ce que nous dcuons recueillir de ces & miffiues , & de là fut mené à Di-
jon ,où il endura de grandes fafche-
cjcrils d'Archambaul, le/quels ont ries. Nous entendrons le tout par la
e/h' fuffif animent ratifie:; par la mort
bien-lie ureufe qui s'en e/l enfuyuie. lettre ici inférée qu'il enuoya de la
prifon à vne damoifelle retirée en lieu
de liberté (5) pour feruir à Dieu.
Par ceft extrait des efcrits d'Ar-
chambaut, nous auons en fomme l'hif- Ma-damoiselle, le Seigneur Dieu Lettres de
toire de ceux qui d'vn mefme temps me faifant ce bien de vous pouuoir
eftoyent prifonniers à Dijon , & fur Nicolas du-
Rouffeau
tous de Philippe & Jaques, qui par
leur mort ont redrelTé maints bons à vnefelle.
damoi-
ris depuis l'an 1557 iusgues au temps du roy
cœurs en ladite ville. Le langage & Cliarles neufuiefme (Lyon, 156^, in-8°), pa-
ftil defdits efcrits manifefle de quelle plus gesloin,
88 à 97.
dansCrespin
le récitl'avait
de la d'abord placée
persécution de
fimplicité & debonnaireté a efté con- Paris, comme dans l'ouvrage de Cliandieu;
duit Archambaut iufques à la fin ; & mais , dès l'édit. de IÎ70, il lui a donné la
place qu'elle occupe actuellement, conformé-
que ce qu'il dit de foi mefme : Que ment àl'ordre chronologique.
le Seigneur s'eflant ferui de fon moyen ( i] Nicolas Du Rousseau appartenait à une
pour redreffer lefdits Philippe & la- famille noble du Poitou , originaire de l'An-
ques, lui a rendu au double en force goumois, à laquelle ont appartenu les sei-
gneuries de Fayolle et de Fernères (Voyez
&cat vertu France protestante).
, fon , compagnon,
pour fouftenirtous
auec
les l'Aduo-
alTauts (2) Dans l'ouvrage de Chandieu , le frag-
qui leur ont eflé liurez, les ayant de- ment qui se rapporte à N. Du Rousseau
uorez comme préparatifs du grand commence ainsi : « Environ ce temps, la
perfecution allumée de tous collez emporta
combat de la mort , ,que un autre surueillant de celle Eglife en la ville
heure ilsattendoyent & end'heure
laquelleen , de Dijon. Il fe nommoit Nicolas Du Rouf-
furmontans toute contradiâion, ils ont feau , bien natifauancé du pays d'Angoulmois,
délia en aage » (p. 88). Lehomme
reste
magnifiquement triomphé. comme dans Crespin.
(;) Nicolas Des Gallars(en latin Gallasius),
seigneur de Saules, né à Paris vers 1Ç20.
étudia à Genève et y devint ministre en 1 544.
Il fut appelé
Paris. Chassé enpar1557 à desservir l'Eglise
la persécution, de
il retourna
Nicolas Du-rovsseav
mois (i). , Angoul- à Genève l'année suivante. En IÇ60, il devint
ministre de l'Eglise française de Londres. Il
prit part, l'année suivante, au colloque de
Poissy, et présida, en 1561, le cinquième
Apres Philippe Cène , Jaques & synode national. Après quelques années con-
sacrées àl'église d'Orléans, il fut attiré par
Jeanne d'.^lbret en Béarn , où il termina sa
(i) Crespin, 1Ç64, {° 879; 1570, P'4Ç5; vie. à une date que l'on ne connaît pas (Voy.
1582, f"4i2 ; 1597, f" 409; 1619, P 445. Cette France prot-, 2' édit.).
notice est textuellement extraite de l'ouvrage (4) Ce membre de phrase relatif à Des
rarissime de La Roche-Chandieu : Hijloire Gallars n'est pas dans Chandieu.
des perfécutions et martyrs de t'Eglifc de Pa- (5) Chandieu : « aux lieux de liberté. »
LIVRE SEPTIEME.
4H2
maintenait efcrire quelque peu de nent des liures & paquets qui eftoycnt
mon cftat de prilbn à la defrobee, dedans. Quant aux liures, ie remon-
félon que la milere du lieu le permet,
le vous ai bien ofé donner cefte peine (Ire que tout profeffion
mis, faifant ainfi qu'il des
m'eftoit per-
lettres,
d'entendre par quel moyen le fuis venu d'auoir des liures pffofancs remplis de
mefchancetez pour en recueillir ce
par lu, & comme ie m'y fuis porté iuf-
ques à prefent, fâchant aflez combien
volontiers vous-vous employerez pour qui ell bon ; qu auffi il m'ertoit loifible
d'auoir lefdits liures pour difcerner la
moi en prières, à ce que ie ne fuc- lèpre d'auec la lèpre , & en faire mon
profit. Ils me répliquèrent que par L'cdia de laj
combe en la querelle de mon "Dieu,
pour tourment qui foit, & combien l'Edit de la Bourdoifiere (i) il elloit
défendu de porter tels liures. Je leur Bourdolliere.
vertueufement vous prendrez l'ennui
de ce mal, fi mal fe doit appeler. En- di que ceft edit eftoit ia trop vieux, &
cores qu'eull'e prins deux adrelîes de que communément tels edits en Fi'ance
chemin pour m'en retourner, & mefme fe furannoyent après l'an, & par ainfi
furtout pour euiter Dijon , toutefois
qu'on ne deuoit prendre l'Ediél à la
lailfant l'vne & l'autre, comme forcé rigueur contre moi. Touchant les pac-
de Dieu, ie ne fai comment ma com- quets, ce bon Dieu a bien tellement,
pagnie & moi nous rendifmes au foir voire miraculeufcment , modéré ma
bien tard à AulTonne, le Samedi vingt-
langue,
rien dit qu'en
qui leur
nuife difant vérité, ie n'ai
à perfonne, ne
vniefme
vifitcr nosd'Aouft, où le
mallettes, & Capitaine
ne trouuantfit mefme en ce qui concerne quelques
rien qui lui full fufped es deux de
créances que i'auoi. Cela fait, ils
mes compagnons , les laiffa aller fans m'ont fondé de ma/oi, ne prenans au-
empefchement, mais de moi, ie fus tres poinds que la Melfe A la Con-
arrerté, parce que dedans la miene fe feffion auriculaire; lefquels leur ai
trouuerent quelques Hures & paquets reietté, par les raifons qui feroyent
qui ne lui plailbyent, touchant le faidl trop longues à déduire maintenant, &
de la Religion. Parquoi le lendemain lefquelles auffi entendez trop mieux.
il m'enuoya lié & garrotté à Dijon , I'ai depuis efté mené au Parlement,
par deuers le Lieutenant du gouuer- où le premier Prefident (fort bon Ca-
neur du pays, nommé monfieur de noni(k') m'a examiné fur mefmes arti-
Ville-franquon (1), lequel voyant que cles, & là
feffion. Et auffi i'ai perfide
au retour en empeftré
ai efié ma con-
&ie ordonnances
n'auoi rien quidufullRoicontre les edi<Ssfa
concernant de gros fers, qui me font nuid & iour
charge, mais feulement le faift de la bonne compagnie auec la vermine.
Religion, me renuoye à la iuftice, li Le mefme examen a encores cfté re-
pris par mes CommilTaires, qui ont eu
aux priions qu'on ditefmeu
trée le Parlement, de la de
ville.
ie D'en-
ne fai ■ refponfes de moi telles que deuant ,
quel zèle, fe rend mon Juge en la tellement qu'il ne refte plus pour pa-
caufe par preuention , comme ils di- racheuerfronter lesmon procès, qu'à mece con-
dodeurs. Je fupplie bon
fent. Je demeurai quatre iours qu'on
ne me dit rien ; le quatriefme , deux
Dieu me faire la grâce de m'affifterau
Confeilliers vienent députez pour
combat par fon Efprit , '& me donner
m'intcrroguer, & me demandèrent dequoi leur refpondre fuyuant fa pro-
premièrement la raifon de mon voyage. mefi'e, mefmement que, depuis que ie
Je leur refpondi que ie l'auoi entre- tien prifon, il ne m'a
pris, afin qu'en vous faifant compa- uoir aucun Hure de laefié permisEfcri-
fainde d'a-
gnie, i'cuffe moyen de voir la forme ture, non pas vne Bible, quelque re-
de viure qu'on tient par delà. Et en qucfie qu'ayele faite, meflieurs
cela Dieu m'ell tefmoin , que n'ai of- que ciefloit liure qui abufoit difans
telles
fenfé, ne rien dit contre ma conf- gens que moi. De là pouuez-vous voir,
ciencc. Et leur ayant palTé outre, que Ma-dainoifelle, en quel aueuglement
telle forme de viure ne me defplaifoit, Dieu a mis ce peuple pour exercer en
pour les raifons que pouuez penfer, foi fes fidèles, A leur faire fentir d'au-
ils vienent à ma mallette & m exami- tant plus la grâce , en laquelle feule
ie mets auffi tout mon apui. Il y a bien
pis, que mefme Satan employé tel
(1) Sur ce personnage, voy. Bèzï , Hisl.
ceci , 1, 424; il. 485, 48I. Il ctail le beau-
pire dci trop fameux Gaspard de Saulx, skur (I) Edil signa par Babou de la Bourdai-
de Tavanncs. si6re, secrélairc du Conseil.
NICOLAS DV-ROVSSEAV.
i
tirent pas , en paiïant par deuant propos qu'il
crement. en feauoit tenus du
confeffant à vnfaind fa-
preftre.
l'Eglife faind Nicolas, d'ofter fon Il leur dit, en fomme, qu'en tout cela
chapeau , tSc faire reuerence à la croix il n'y fauoit rien à corriger , & que
& remembrance de la paffion de le- d'aller à la Meffe ou de fe confeffer
fus Chrift. Sa refponfe fut qu'on l'en au preftre , qu'il ne le feroit iamais ;
auertit, mais que la Loi de Dieu lui de porter reuerence , pour caufe de
commandoit, au vingtiefme d'Exode, religion, à vne chofe corruptible, ou
Exode 20. 4. de n'adorer aucune idole , ni chofe adorer ce que le preftre monftroit en
quelle qu'elle fa Meffe, ce n'eftoit que tout abus;
defTous , trop fuft
bien, tant au ciel
que les que
hommes que la Meffe inuentee des hommes
eftoyent tenus de porter honneur &
eftoit chofe damnable , & qu'il ne
487
TOVCHANT QVELQVES EGLISES DE PIEDMONT.
croyoit point à ce qui n'eftoit en TEf- qui fe fient en lui , & le proteSleur m.d.lvii.
criture , veu que tout ce qui faifoit des Eglifes affemhle^senfon Nom,
befoin à nofire falut eftoit contenu en
ennemi des ennemis d'icclles, comme
l'Efcriture fainde. Pour la dernière il a efïé de tout temps & le fera à
fois eftant admonneflé de changer iamais.
d'opinion, demeuraraifon
ne lui amenoyent relblu,
de puis qu'ils
la faindle
Les habitansdes vallées d'Angron-
Efcriture , laquelle feule il difoit de- gne, Luferne, faind Martin & autres,
uoir ellre iuge de leur différent. Les
deffufdits luges & Confeillers, voyant iffus du peuple appelle "Vaudois (qui
iadis s'eftoit retiré, à caufe des perfe-
fa confiance, qu'ils appelent opiniaf- cutions, es deferts des montagnes de
treté , le condamnèrent d'eflre pendu Piedmont), eurent en ce temps publi-
& eftranglé, & l'on corps bruflé. Bu- quement laprédication de l'Euangile
ron ayant ouy fa fentence , leuant les en pureté de dodrine. Dieu leur en-
yeux au ciel , loua Dieu de la grâce
uoya de vrais & fide'.es annonciateurs
qu'il lui faifoit de fouffrir pour fon d'icelle, lefquels , enfemble le peu-
faind Nom. Lefdits luges tousefmer- ple, deliberoyent bien de continuer,
ueillez, & comme fentans vn iugement comme auparauant on auoit fait efdi-
de Dieu qui les preffoit en leur con- tes vallées , le plus couuertement
fcience , lui dirent : « Et quoi ? n'en qu'ils pourroyent; rnais tant de gens
Refponfe appeles-tu point ?» Il leur dit : « Com-
mémorable. acouroyent de tous codez, qu'il falut
ment,Meilleurs, ne vous fuffit-il pas prefcher en public & deuant tous.
Chofes mémorables font récitées en
d'auoir les'mains teintes en mon fan^,
fans en vouloir fouiller d'autres, & les l'hiftoire des perfecutions & guerres ,
rendre aufjl coulpables de ma mort,
comme vous ferc^) » Cefte refponfe les faites depuis l'an m.d.lv. contre lef- Cefte hiftoire
ell inférée
eflonna encore plus, & partant on dits peuples (i), qui méritent d'eflre
leuës & entendues. Entre autres, d'vn ci 8.après
l'ofta de là pour eftre conduit au lieu liure.au
ordonné au fupplice. Y eftant amené, homme de Briqueras (qui n'eft qu'à
vne lieuë d'Angrongne) , nommé Ican
il mourut conftamment , parlant de la Iugement de
Martin Trombaut, lequel s'ejlant vanté rable.
Dieu admi-
foi & efperance qu'il auoit que noftre par tout que , pour empcfcher le cours
Seigneur lefus Chrift le receuroil à de la prédication^ il couperoit le ne^
l'heure en fon repos éternel. au Mini/Ire d'Angrongne, fut tojl après
afjaiUigea led'vn
nei ,loup
dontenragé qui lui
il mourut man-
enragé.
\^^*^>\^/v^^v^^\^/v^>^^>'.^>' Ceci a eflé conu notoirement par tout
rable ayant contraint le Curé de Lire, uotions & pèlerinages de lieu en autre m.d.lvu.
village proche de Delft en Hollande,
vers telles ou telles images n'eftoyent
de fe defdire de ce qu'il auoit con- que vains amufemens & impoftures de
damné certaine idolâtrie, fe tranfporta
l'efprit d'erreur. 4. Qu'il auoit empef-
vers Heenvlitz, où, pour commence- ché & fait empefcher que ceux qui
ment de fon inquifition, le preuoft du venoyent en pèlerinage vers quelques
lieu, le procureur fifcal, vn fecrettaire,
iiTiages de l'Eglife de Heenvlitz, cer- 491
fuiuis en
de gens d'efpee, tains iours de l'année, filTent des of-
rent diligence vers feletranfporte-
logis de
frandes àces images. 5. Qu'es iours
M. Ange, lequel ne fçauoit rien de de proceffions & feftes folennelles il
leur venue, l'arreftent, vifitent fes li- n'alloit en proceffion, ni ne faifoit pas
ures, en font inuentaire & remuent
mefnage pour irouuer à mordre fur ce plus de cérémonies lors qu'es iours
ouuriers. 6. Qu'il auoit tant fait en fes
bon
iour vieillard.
la, faute N'ayans
de loifir,rien trouué
eftant tard ce& profnes, que nul n'alloit plus en pèle-
rinage à S. Corneille, ni à S. Lie-
ne voulans faillir au fouper qui les at- nard (1). 7. Que des long temps il ne
tendoit en la maifon du Seigneur de lui efloit chalu de chanter le Salue
Heenvlitz, ils fe retirèrent. Le lende- Rcgina. 8. Auoit fouftenu nos bonnes
main,feiziefme iour d'Auril, fécond œuures n'eftre méritoires, & nié que
dimanche après Pafques, Sonnius vid la Satisfadion fuft vne partie de péni-
la Meffe & ouit le profne de M. Ange,
lequel traita les paroles du Seigneur, tence. 9. Enfeigné qu'il valoit mieux
laiffer courir dix MelTes, fans les re-
s'appellant le bon Pafteur, au dixiefme garder, que mefprifer vn fermon. 10.
Nul ne deuoir croire à falut, finon ce
chapitre de Saind lean, où il n'en-
difné, tendit
ceft rien qu'il peut reprendre.
Inquifiteur Apres
enuoye quérir qui eft contenu en l'Efcriture Sainéte.
1 1. Que cefte parole de Dieu ne nous
XVII articles Ange, & lui prefente dixfept articles amufoit point à des cérémonies ex-
recueillis de recueillis des informations prifes l'an ternes, de iufnes fuperftitieux, de fef-
fes profnes. précèdent par le confeillier de Weert, tes, d'abftinence de viandes, récit,
lui commandant d'y refpondre dedans ledure, ou
trois iours. Ces articles contenoyent : ritoire. 12.œuure que l'on
Que vouer eftime
chofe mé-
à quoi
I. Qu'il croyoit que les Samâs re- cefte parole ne nous oblige pas , ne
cueillis au ciel ne deuoyent eftre ado- contraint le vouant de s'y alTuiettir.
rez, ni inuoquez, ni follicitez de nous 15. Mefprifoit & defcrioit les feftes
monachales, tant aufteres peuffent
affifter ; qu'il ne faloit mettre fa con-
fiance en eux ; qu'ils n'eftoyent ni ne elles eflre. 14. Monftroit à l'oppofite,
pouuoyent eflre nos intercefl'eurs en- que Dieu demande vne ame, vne pen-
fee humiliée, fidèle, obeiffante à fa
uers Dieu. 2,^Qu'il ne faloit parer les
images d'iceux, ni leur allumer des parole, & qui le reuere comme père
cierges, ni leur faire offrandes, d'au- & Sauueur. 11;. Que par lettres il
tant que ce n'eftoyent que rtatues d'or, auoit exhorté pluiieurs moines' de
d'argent, de bois, &c. }. Que les de- quitter leur profeffion, fondée fur tra-
ditions humaines. 16. Enfeigné que
leurs ordonnances, reigles, fedes &
(né en 1506, mort le 2g juin i)76). Il est
plus connu sous le nom de Sonnius. qui lui chimagrees (2) ne feruoyent que d'em-
venait de son village natal Sonne ou Zon ,
pefchement à l'inftrudion & au falut
près d'Eindhoven (Brahant septentrional). des âmes. 17. Finalement qu'il auoit
Professeur à l'université de Louvain , il fut
chargé, en 1Î4;. de l'instruction du procès maintenu que l'on ne deuoit faire
d'hérésie intenté à Pierre Alexandre, con- compte des conftitutions & traditions,
jointement avec Pierre de Corte et Thomas
de Capella. En 1S45. il fut nommé subdélé- furnommees Ecclefiaftiques , qui n'ef-
gué des inquisiteurs généraux pour les com- toyent
critures ouuertement
Sainftes. contenues es Ef-
tés de Hollande et de Zélande. En 1551 , il
fut envoyé au concile de Trente. En IJ)?, Av bout de trois iours, Ange bailla Refponfe à
la gouvernante des Pays-Bas. IVIarie de iceux. après
Hongrie, étendit ses pouvoirs inquisitoriaux fa refponfe bien ample à ces articles,
aux provinces de Frise, Over-Yssel et Gro- fortifiée
ningue. En 1560, le pape Pie IV le nomma Apoftres, d'authoritez des Prophètes
item de plufieurs tefmoigna-& '';;°^„^^'fo'"^[-
efpiuchez, fon
inquisiteur général. En ijôi , il devint pre- ges des Anciens dodeurs , de telle eiUide fouillée
mier évèque de Bois-le-Duc. En iîu8, il
fut transféré à Anvers, où il mourut en H76. forte que Sonnius, en lieu de repli- & pillée.
Voy. Paul Fredericq , Cours pratique d'his-
toire nalionalc, 2' fascicule, p. 11 1; Mémoi- (i) Saint-Léonard.
res de En:^inas (éd. Campan), I, p. 25.
(2) Simagrées.
LIVRE SEPTIEME.
proteftation que tout ce qu'il auoit ef- à falut, finon ce qui eft contenu en m.d.lvu.
crit en fes Hures n"eftoit pour outra- l'Efcriture fainde. Ced Inquifiteur fe
ger les auteurs de l'Intérim , ni prend à crier, difant que celle pofition
l'Euefque de Canarie , ni autres, mais elloit pernicieufe , que le prifonnier
feulement pour le refpeél & la recer- deuoit adioufter & auertir fes paroif-
che de vérité. Qu'il n'auoit monftré fiens, qu'oultre l'Efcriture faincte il y
ni prefté fes Hures à perfonne , ni dif- auoit encore vne parole de doftrine ,
puté de ces matières auec aucun ; qui auoit ferui aux anciens Pères, de-
eftimoit au refte lui eftre loifîble , uant que les Hures de la Bible fufTenl
comme à tous autres Ecclefiaftiques , efcrits. R. « l'ai fait clairement en-
& lui auoir mefmes efté permis par le
concile commencé à Pife , continué à tendre àmes paroifliens qu'ils ne de-
uoyent adioufter foi quant à leur falut
Vicence , puis affigné à Trente , de finon à l'Efcriture fainfte , laquelle
marquer à part foi les défauts & abus fuffifoit pour les contenter. Neant-
qu'il iugeroit deuoir eftre reformez en moins ie penferai à ceft article &
l'Eglife. Que ce priuilege ayant efté l'expliquerai par Hure que ie ferai im-
publié, lui (comme vn de ceux qui ne
primer. Sonnius,
» n'ayant point de ré-
defiroyent que vraye paix en l'Eglife) plique entra
, en la difpute des vœux.
eftoit refolu en fa penfec, que fon de- La dessus arriue vn doéleur de Lou-
uoir lui commandoit de dire, ou de
uain, chancelier de l'Académie, Doyen
viue voix ou par efcrit , en toute li- de S. Marie & premier Inquifiteur es
berté ,fans péril ni recerche crimi- pays bas , nommé Ruard Tapper (i),
nelle, ce qu'il feroit d'auis de propo- lequel , acompagné de deux hommes,
fer en fait de religion , pour la manu- fe rend vers la prifon. Entré, déclare
tention d'icelle. Qii'on ne deuoit point qu'il defire voir fon confrère & ancien
le traiter fi indignement , pour auoir compagnon. On appelle le prifonnier
efpandu fon cœur deuant Dieu , pour en la chambre de l'Inquifition , où
le foulagement de fa mémoire : nom- Ruard le falua , puis entre en confé-
mément après auoir entendu que rence fur l'article du feruice des
l'Euefque d'Vtrecht & l'Archeuefque Sainds, iusques à s'efcrier que lui &
de Cologne vouloyent (ce que Son- le
nius furprifonnier
ce poinft fe, trouueroyent d'accord
& que finalement ils
Merle n'ignoroit
fuft du nombre pas) des
que Ecclefiafti-
Ange le
s'efclairciroyent de tous les autres ,
ques députez du pays bas pour fe que le prifonnier déclara auoir enclos
trouuer au Concile. Qu'il auoit gran- enfemble. L'aprefdifnee de ce mefrae
dement defiré de faire vn tel voyage , iour, qui elloit le I^. de luin, Tapper Difpute des
mais fa vieillelTe & fes maladies l'ar- & Sonnius difputerent contre Ange , deu.x inquifi-
reftans , il délibéra fuppleer à cefle
abfence par efcrits bien amples, pour qui le lendemain prefenle à Tapper 's"" contre
en vn papier fa confeffion de foi en "^^'
fe faire mieux entendre par les délé- douze articles, déclarant qu'il preten-
guez qui fe trouueroyent au Concile, doit viure & mourir en cefte confef-
afin d'entendre mieux leurs refolu- fion. Là delTus Tapper propofa vn
tions après la tenue d'icelui. efcrit Latin , declairant que, fi le pri-
Eft mené pri- Tandis qu'il maintenoit fon inno- fonnier l'aprouuoit, le différent pour-
fonnier à la cence & la vérité par fermes afler- roit s'appaifer. Nous l'auons tourné
^^y^' lions , Sonnius le diffamoit près &
loin ; puis ayant receu fes refponfes
aux cent cinquante deux articles , il (i) Voy. tome I, p. 538. Ruard (ou
Rueward) Tapper (souvent appelé Tappaert
laiflTa fon prifonnier en feure garde, & par Crespin) naquit à Enkhuizen en 1480 et
fit tant par fes menées que , par le mourut à Bruxelles en 1558. 11 fut recteur
commandement du gouuerneur de et professeur au collège du Saint-Esprit, à
Hollande & Zelande, Ange fut mené l'université de Louvain. En 154;, il fit partie
de nuid à la Haye, le huitiefme iour d'une commission inquisitoriale chargcc
d'instruire le procès de Paul , chapelain de
de luin, fur les neuf heures du foir, & Saint-Pierre de Louvain. En IÇ47, le pape
fut conduit en la prifon , nommée Paul 111 le nomma inquisiteur général con-
Porte de deuant.
des membresjointementles
avec Michel Drieux.
plus actifs Il fut l'un
du concile de
Sonnius dif- SONNivs l'eftant venu vifiter au ma- Trente. Mais son nom rappelle surtout le
pute contre tin du iour fuyuant , entra en confe- souvenir d'un inquisiteur impitoyable. Ses
œuvres ont été publiées en H82 à Cologne,
in-f". Paul Fredericq , Travaux ou cours
pouMa"parole
non efcrite. articles fur des
mis lui
""ence auec table, & fe premiers
dixfept print à
celui qui porte que nul ne doit croire prat. d'hist. nat. , 2' fasc, p. 109. Gachard,
Corr. de Philippe II, t. I, p. cxiii.
494 LIVRE SEPTIEME.
mot à mot en François, comme s'en- douces paroles, mais fans effed, le
fuit :le fuis prcll de fiirurc tout ce prifonnier ayant renuerfé toutes les
qui (.1 eiU déterminé es Conciles legiti- limitations & dillindions de ce fo-
memenl aj^femblei au Sainâl Efpril, ou phille , lequel entra lors en confulta-
qui ci afres y fera déterminé félon les tion auec deux fiens adherans , du
moyen de faire mener Ange à Vtrecht,
Efcritures , encore que ie n'entende
furquoi entreuindrent force lettres,
point comment jeni tire
détermination en quelle l'orle celle
des Efcritures. requeftes, confultations & protefla-
Semhlablement ie fuis prefl de fuyure tions, pour & contre cefte pratique,
ijuis 6' iugement de mon pa/leur & Ange demandant moins rigoureufe
fuperieur es quejlions qui font en con-
trouerfe , moyennant que cejl auis & prifon , le Clergé
les Inquifiteurs s'y oppofant
, par fubterfugesauec&
iugement ne répugne point aux Efcri- rufes de toutes fortes. Celle efcrime
tures faincles. Mais Ange, fcntantqu'en dura cinq mois entiers. En fin def-
ceft article n'y auoit que nouuelle ma- quels, au commencement de Décem-
tière d'ellrif, & en cinq autres encor
que Ruard y vouloit enclorre, lefquels rie,bre roine
,en vertu
de d'une patente
Hongrie, de Ma-
gouuernante
Ange ne pouuoit accepter en bonne des pays bas, Ange fut logé en prifon
confcience , la difpute recommença moins incommode que la précédente.
fur l'article du feruice & de l'honneur Il y demeura quatre mois, & pre-
des Sainds, dont Ruard dre(Ta certain uoyant que les Inquifiteurs vouloyent
efcrit fort prolixe, dedans lequel il le matter & faire mourir en prifon .
tafcha, par toutes fortes d'indudions, par le confeil de Nicolas Bœkelar,
de perfuader qu'il faloit inuoquer les fon aduocat , il prefenta requefle à la
Sainds trefpalfez ; la conclufion con- chambre prouinciale de Hollande ,
tenoit vne exhortation au prifonnier, fuppliant que, fous caution fuffifante,
la Haye fui fuft baillée pour prifon,
qu'il reuoquafl ce qu'il auoit auancé
par fa confeffion de foi & contre les que Sonnius & fes adjoints fuffent
lix articles propofez par Ruard , & contrains nommer luges deuant lef-
fuiuill le confeil qui lui eftoit donné, quels ledifférent fe iugeafl, fans con-
fur peine d'eftre déclaré hérétique. damner ainfi réellement le pauure fup-
Ange refpondit le lendemain à cefl pliant à prifon perpétuelle. Celle
efcrit par vn autre plus brief, mais
requefle fut l'occafion
rent les aduerfaires de qu'empoignè-
ce vénérable
mais trelTolide, prouuant par tefmoi-
pnages de l'Efcriture fainde & des vieillard pour l'exterminer, & la fa- tre
Dieuadmirable,
fe monf-
Dodeurs anciens qu'il ne faloit inuo- geffe du Père celefie l'afranchit de & enel\tous
adorable
quer autre que Dieu feul , réfuta les toutes captiuitez par vne heureufe fes
faits.
fophifmes de l'aduerfaire , concluant mort. Car, d'vne part, la chambre
qu'il aimoit mieux mourir & eftre dé- prouinciale de Hollande enuoya cède
nigré ,comme
fouftenant celui on
feull'en menaçoit
deuoir , en
eftre inuo- requefie d'Ange à la Gouuernante ,
pour entendre et fuiure fon comman-
qué , lequel eft riche enuers tous fes dementde
; l'autre, les Inquifiteurs
feruiteurs, que d'edre grand au monde & l'Académie de Louuain commen-
en delain"ant ce riche-la, pour enfei- cent à s'efcarmoucher plus que de-
uant ,& combien que Ruard euft eu
gner fes paroiffiens à s'adrelfer & de-
i
mander àdes pauures, qui n'ont chofe quelques efirifs pour fes leçons auec
quelconque d'eux mcfmes & ne peu- les autres profelTeurs (i) , en fin He-
uent rien donner du leur, attendu rodes it Pilate (comme on dit) deuin-
drent amis, de forte que Ruard, par
qu'ils ne peuuent
lefus Chrift. rienfont
Ceux-là de les
bienSainds
fans commiffion de la Gouuernante, vint
trefpaffez. à la Haye, le neufiefme iour de luil-
Confiante Or vn peu deuant que Ruard par-
rcfolution Ju let 1 S^A- fit referrer Ange plus efiroit-
tift, qui fut le 21. de luin ii;^?. il tement que les mois precedens; on le
prifonnicr
prefenta vn deuxicfme efcrit touchant menace , fes liures & efcrits lui font
cède matière, exhortant Ange de le oflez ; fomme Ruard lui fait toutes
Héroïque &
lire,, le
copier fortes d'indignitez ilfe d'outrages. Or
leu rendit& tout
accepter. Ange
fur pied l'ayant ,
à Ruard tant s'en falut que le courage lui extraordinaire
496
probation & authorization de la pa- vain, qui propofent pour reigle de fon
role efcritc. Chryfotlome dit bien à feruice les commandemens & dodri-
nes des hommes. La vérité doit eftre
, que l'on
propos Eglife conoiftre
ne peut finon la
vraye de Chrift par les préférée à la plus vieille couftume du
Efcritures; que du milieu des vrayes monde , & tout ce qui eft vfité con-
Eglifes fortent fouuentesfois des fe- traire àla vérité doit eftre aboli pour
dudeurs, aufquels ne faut adiouftcr iamais.
Contre la
foi, s'ils ne difent « S. Auguftin dit très-bien que le
uenantes auec les &faindes
font chofes con-
Efcritures. couflume
Nous fommes auertis par S. Auguftin, contempteur de "Vérité, &qui prefume vérité.
fuiure la couftume , eft poufté de vice
que les dogmes contraires à la doc- & de malignité contre les frères qui oppofec à
trine de l'Euangilo contrarient auffi A conoift"ent cefte Vérité , ou ingrat cn-
tout le refle de l'Efcriture fainde. Et uers Dieu, par l'infpiration duquel
par S. au
branslc Ambroife
vent de , laqueraifon
l'homme qui
ou auilo- l'Eglife eft endodrinee. Non moins
eftreceuablelafentcncedeS.Cyprian,
rité humaine , ert Cananean, c'eft-à- que la couftume receùe de plufieurs ne
dire inconllant & infidèle; que tout ce doit empefcher la vidoire de vaincre
qui n'a point de fondement en la pa- & de triompher ; d'autant que la Cou-
role de Dieu ne contient que mef- ftume fans Vérité n'eft qu'vne anti-
chancetez. Dont s'enfuit que l'Eglife quaille d'erreur. Lain"ons doncques
Catholique doit fuiure la feule parole l'erreur, & fuiuons la Vérité; comme
diuine & dodrine Euangelique , fans pour exemple, quittons les feruices &
quoi elle n'eft ni Chreftienne , ni ca- inuocations des trefpaft'ez, des images
tholique, ains reHemble au bafteau qui & reliques ; fuiuons la dodrine & pa-
coule en fond, e^ dont tous les pilotes, role de Chrift, nous enfeignant de
matelots & paffagers font naufrage. feruir à Dieu feul, de ne recourir à
On m'oppofera le long vfage & la autre qu'à lui en aduerfité. Tertullian
coultume de quelques fiecles, qu'il dit, que tout ce qui ne fent point la
faut fuiure & garder félon les ordon- Vérité eft herefie , quand elle feroit
nances des prélats, aufquelles chacun très vieille; & S. Hierofme efcrit
cft tenu d'obéir, le refpon, que la qu'il ne faut fuiure l'erreur de nos
couftume tient place , & pa(Te en vi- pères & anccftres, mais l'authorité des
Efcritures & le commandement de
gueur de loi . moyennant qu'elle foit
fondée en raifon, maintiene l'vnité de Dieu noftre Dodeur; n'eftant raifon-
l'Eglife & l'auance, & contiene les nable d'oppofer Couftume à Vérité ,
(ideles en charité. Car fi elle répugne veu que nous deuons dépendre non
à la parole de Dieu , efcrite es Hures point de l'vfage , ains de la parole du
des Prophètes & Apoflres , il ne faut Seigneur, & de lefus Chrift à caufe
point de qui nous fommes nommez Chref-
erreur. l'appeler
Vne couftume,de mais
couftume fept vieil
ou ticns , puis du Saind Efprit , noftre
huid cens ans entre les luifs n'empef- de
cha point Ezechias de brifer le fer- Vérité. adrelTe
vnique Outreplus ie conoin"ance
à la prie Meffîeurs
pent d'airain que Moyfe auoit fait, les Dodeurs qu'à l'exemple des Pères,
pource que iufques à ce iour là les qui ont vefcu deuant eux , il leur
enfans d'ifrael lui faifoyent des cn- plaife prendre la plume, pour me don-
cenfemens, & le nomma Nehufçtan,
ner occafion de refpondre. C'eft vn
comme 18. 4.diroit
a. Rois, qui ce n'eft
Ainfi, toute qu'airain.
ordonnance, œuure bien feant & profitable d'exer-
cer les efprits au labourage en la vi-
tout vfage contredifant à la parole de gne du Seigneur, & en difputes im-
Dieu, doit cftrc aboli & totalement portantes pour la recerche de vérité,
fur tout quand il y a danger que le
exflirpé. C'eft approuuer l'erreur ,
quand on ne lui refifte pas ; & puis peuple Chreftien ne foit deftourné du
chemin de falut & de la fincere pro-
qu'il ne faut efcouler en l'Eglife autre
Dodeur que lefus Chrift , il ne con- feffion de fa foi. 11 conuient s'exercer
uicnt nous arrefter à ce que. tel ou tel continuellement en l'eftude & foi-
gneufe recerche de la parole de Dieu,
predeceft"eur a cuidé eftre bon de
faire; mais à ce que lefus Chrift, qui l'oigneufement examiner les traditions
eft deuant tous, a fait le premier. humaines, attendu que la vie ne nous
Nous ne fommes tenus de fuiure la vient d'ailleurs que de la parole de
couftume humaine, oui bien la vérité Dieu ; mais les inuentions humaines
diuine; & ceux honorent Dieu en nous produifent & apportent la mort.
497
ANGE LE MERLE.
« Si vous confiderez exadement ces mede à ces maladies, touchées comme M.D.LVII.
I
LIVRE SEPTIEME.
dent, tous les Confeillers , les Inqui- vous. Si voftre confcience vous preffe
fiteurs, le Seigneur de Heenvlitz, & en ceft efgard, nous obligeons nos confciences I
autres. L'Euefque rufnommé, pourfui- âmes à refpondre de voftre péché au
uant fa pointe, fe iette aux genoux du luge fouuerain , pour eftre punies, & Quelles
prifonnier, & à telle defcouuerte, les vous declairé innocent. »
mains iointes, larmoyant de fois à au- Alors les Inquifiteurs commencent
tre ,& parlant fort haut (à caufe que à tendre chacun l'vne des mains au
le prifonnier eftoit fourd) , lui fit la
prifonnier, & porter l'autre à la poic-
harangue qui s'enfuit : « M. Ange, le trine, auec ferment d'approbation de
fçai bien la harangue de l' Euefque. Le Con-&
vous eftesqu'à
centparler
fois par
pluscomparaifon,
fauant que feiller Waffenhdve lit le mefme,
meffieurs nos maiflres, & ne maintenez dit au prifonnier : « Defchargez vous
pas vne mauuaife caufe; toutesfois ie hardiment de voftre confcience fur
vous prie que , pour deflourner vne moi; s'il y a de la faute , ie fuis preft
fanglante fedition, vous retourniez au d'en refpondre au fiege iudicial de
giron de l'Eglife, & foufcriuiezà l'auis Dieu. » Tant de harangues, protefta-
tions & foumiffions efmeurent le bon
d'icelle. "Vous voyez que le peuple eft
tellement efmeu, que, fi l'on procède vieillard, iufques là qu'adreftant fa
à rigueur contre vous , les Dofteurs parole au prefident AITendelf, il lui
& les luges auront fort à faire à fe dit : <i Monfieur, que vous femble-il
fauuer. Ce feroit mal fait à vous d'ex- que ie doiue faire .^ » Les Inquifiteurs
pofer vos aduerfaires à la fureur fan- attendoyent à grandes oreilles la ref-
guinaire d'vn tas d'artifans. Si vous ponfe du prefident; mais il ne fit rien
faites lidiere de voftre vie, eft-ce rai- pour eux, ains fimplement exhorta le
fon que nous en refpondions au péril prifonnier de prendre auis de fa pro-
de nos telles > Posé le cas que le peu- pre penfee pluftoft que de celle des
ple nous lapide, auant que nous ouir, Ange prins
Meffieurs de la Chambre ici prefens autres. Ange, fort fourd, n'entendant au piège de
pas bien ht refponfe du prefident , &
attefleront que vous aurez téméraire- rinquilition.
n'ofant lui faire repeter fes mots , à
ment affedé la gloire du martyre , & caufe de fa dignité , print telle ref-
ponfe à fon auantage , nommément
efté caufe du mafl'acre qu'on prétend
faire de nos perfonnes. » Tout d'vn pource quel' Euefque adioufta, qu'Ange
fil de propos , il adioufta : ne deuoit faire difficulté d'acquiefcer,
Hypocrifie « Pensez de plus près à voftre fait, puis que les ConfeilUers ratifioyent
fanglante
Euefqued'vn ne vous perdez pas, puis que la necef- ce qu'il fiteurs
auoit dit. Lele piège
Papitte. fité ne vous porte point à périr, fi vous ainfi tendu, confeildesdefcend
Inqui-
efcoutez vous mefmes. Referuez-vous
en la grand' fale de l'Audiance, où
aux larmes des pauures, aux faneurs tous eftans affis & les Inquifiteurs
du peuple, à la bonne opinion que les auffi , fut permis au peuple (affemblé
là non feulement de Hollande, mais
Eftats,&
de vous.l'honorable
Faites ce afiembleeauoyent
bien à meffieurs
auffi d'autres prouinces prochaines
nos maiflres, que cefte réputation leur pour ouir & voir l'ifTue de ce long &
demeure (quoi que la populace foit fameux procès) d'entrer en la falle,
où le prifonnier fut amené. Alors les
de contraire auis) qu'ils ne font pas
opprelTeurs, mais conferuateurs des Inquifiteurs & leurs adherans vferent
gens de bien. Donnez leur la vie d'artifices deteftables , qu'il nous faut
qu'ils poflfedent encor, & combien que remarquer diftindement, afin que l'ef-
vous n'en foyez pas l'auteur, fi con- prit ennemi d'innocence c^ de vérité ,
fefferont-i!s la tenir de vous, eftant en menteur e% meurtrier furieux des en-
voftre puilîance de la leur ofter. Pour fans de Dieu, foit tant mieux reconu,
peu vous remédierez à de grands pour eftre auffi tant plus detefté de
maux, fubuiendrez à l'honneur de ces toutes perfonnes qui aiment la gloire
meffieurs, garantirez voftre vie & celle de lefus Chrift fi fuperbement vili-
de plufieurs autres. Lailfonsen arrière pendé en fes membres.
ces importans articles de la religion I. Des l'entrée, fans commander ni Artifices detef-
Chreftienne. Reconoiffez au moins attendre filence , tout eftant en mur- tables des
mure àla venue & veuë du vénérable
que vouscertaines
n'auez pascérémonies
afi'ez prudemment menfonge.
remué indiffé- vieillard, on ouure promptement le fuppofts de
rentes receuës de longue main par
deuote acouftumance. Faites cela , regiftre del'Inquifition,
aux cérémonies &fans &toucher
indifférentes furan-
vous viurez, & nous viurons auecques nees dont l'Euefque auoit parlé en la
LIVRE SEPTIEME.
500
chambre , on commence par les qu'en fin reconoiffant fa faute, parl'auis
Lxvii. articles, que le prifonnier auoit des Inquifiteurs, il a reuoqué &abiuré
toufiours conllaiiiment maintenus, & lefdits erreurs, & toute autre herefie,
protefté vouloir mourir en la confeffion offrant en vérité , fans fraude & fans
de vérité y contenue. Au contraire, feinte, retourner à l'vnité de la foi Ca-
le regiftre portoit que le prifonnier tholique & fe monfirant preft à fatif-
s'en2.elloit defdil, fadion, rinquifiteur (Ruard) le reçoit
Furent leus& àlesvide
abiuroit.
& à bafle
comme vrai pénitent à cède reuoca-
voix les articles oppofez par les In- tion & abiuration. Toulesfois veut &
quifiteurs à ces Lxvii. comme aprou-
uez par AngeiS: pofez en la place des ordonne que les liures & efcrits d'ice-
lui le Merle, tachez d'herefie, foyent
autres , de forte que le peuple ni le
bruflezde par
Cure feu ; qu'il& soit
Heenvlitz, priué autres
de tous de la
prifonnier n'entendoyent rien en toute
cefte fanglante farce d'Inquifition. bénéfices qu'il peut auoir, demeurant
5. Pour la iouer du tout à leur perfonne priuee le relie de fes iours,
auantage, ils apollerent gens qui umu- lui ellant interdite toute prédication,
foyent de paroles le prifonnier durant ouye de confeffions, & autre adminif-
ce récit d articles, afin que quelque tration d'office pastoral. Item, com-
mot entendu par lui ne l'occafionnaft mande que dedans 15. iours prochai-
de parler & gafter tout ce myftere nement venans, en iour de Dimanche
d'iniquité , la fomrae duquel fut ou fefte folennelle, en plus fréquente
qu'Ange le Merle improuuoit tout ce afi'emblee de peuple, il face lire & pu-
qu'il auoit maintenu en prifon , A blier en chaire fon
deuant tous en& l'Eglife
aprouuoit toute la dodrine de l'Eglife de Heenvlitz abiuration confef-
Papale. fion. »
4. Tout ayant efté ainfi recité, ceux Adiouftons encore deux autres rua- Ruades de
l'innocent.
Ruard contre
du peuple qui auoyent bonnes oreilles des de ce Ruard & de fes complices,
commencèrent à changer leur faueur pour acheuer le feptenaire des perfi-
& compaffion en defpit & cholere.
chrift.dies de ces furieux fuppoftsde l'Ante-
Ange enquis s'il fe retraftoit, cuidant
qu'on euft fuiui ce que l'Euefque 6. Le greffier donc pourfuiuit , di- Le renard veut
auoit dit & promis par fa harangue, ertrangler d
fantque l'Inquifiteur condamnoit Ange
fit figne de la tefle qu'oui , & figna. à prifon perpétuelle, en lieu qui lui Merle.
Mais voulant voir & lire tout, plufieurs feroit nommé, pour y faire pénitence plumer le
commencent à crier tout haut en fes continuelle en pain de douleur & en
oreilles : « Defpefchez , le peuple fe eau de trifteffe , y pleurant fes péchez
mutine, & nous auons encores d'autres le refle de fa vie ; puis aux defpens de
chofes à paracheuer. » Les affiliants fa capture, prifon, garde, & cie toute
deteftoyent d'vn cofté l'impoflure exé- la procédure & pourfuite de fon pro- d'un fage
crable des Inquifiteurs , & plufieurs cès, la taxe referuee à ceux qui fe-
accufoyent d'inconftance le pauvre royent commis pour tel effed. Nouuelle
prifonnier. mondain rufe
,
En fin les 7. L'Euefque d'Yorck redoutant la
grifes de 5. Mais voyons l'effort ioint aux fureur
ioufia dedu viue peuple, pour permettre
voix (fans l'adoucir, que hommes, les
ad- redoutant
précédentes rufes des Inquifiteurs :
l'Inquifition leur farce efiant moitié ioùée , le plus rien en fuit couché par efcrit) que le
perccni
cent.l'inno- fort relloit. Voici donc Nicolas de prifonnier iouiroit de tous & chacuns & peu penfant
à Dieu.
Caftre, licencié en Théologie A gref- fes biens & reuenus, Guillaume le
Merle fon neueu A fes amis auroyent
fier de l'Inquifition, lequel fe Icue en
flieds, & par commandement de Ruard libre accès à lui pour le vifiter fami-
it la fentcnce du prifonnier, comme lièrement, luieftoit ottroyee toute li-
s'enfuit :
berté d'efludier A paifible loifir de mé-
(' Ange le Merle , s'ellant efleué diter fa
; prifon feroit appellee garde,
où nul ne le molefieroit ; payeroit les
contre la foi de l'Eglife Catholique
Romaine vt iufques à ce iour demeuré defpens du procès, dont les items fe-
hérétique manifefte, pertinax i& imper- royent dedans certain terme de iours
baillez par efcrit à taxe fort raifonnablc
tinent, àraifon dequoi meritoit d'eftre es mains de fondit neveu éi à ceux que
excommunié A d'encourir les autres
cenfures & peines Ecclefiartiques pro- le prifonnier nommeroit pour les voir,
pofees par les Canons A autres coiilli- it lans que lui en eull la tefte rompue,
tuti<jns du Saint fiege Apoflolique con- amalfcroyent tout à loifir l'argent à
irj les herciiques; neantmoins pource quoi cède taxe pourroit monter. Que
ANGE LE MERLE.
les gens de bien (du nombre defquels pour empefcher, en vertu des priui- m.d.dvii.
ceft Euefque fe comptant, commence leges de Hollande, que fon oncle ne
à tendre fa main, pour gage de pro- fuft tranfporté en quelque autre pro-
meffe, à tous les affiftants) entre lef- uince plus fauorable aux aduerfaires,
quels ie ferai des premiers, trouuerons Ruard fit tant que le prifonnier fut
de enleué du Conuent de la Magdelaine,
moyen d'acommoder les afaires
M. Ange à fon contentement, de & conduit, à l'inftance du Procureur
forte qu'en fa folitude pénitentiaire, il gênerai, en vn monaftere de Louuain,
nommé les Cellites, qui font enfeue- 501
aura table honnefte & digne d'vn fi lift'eurs & enterreurs de morts, gens
grand perfonnage.
Novs verrons bien tort la différence au refte mal acommodez & fales entre
qu'il y a entre le dire & le faire de plufieurs autres feétes de moines.
telles gens, qui machinoyent la mort fecoursfutd'amis
toutneueu,
de l'innocent, lequel ils cerchoyent deftituédede fon
du ,feruice
&Ange ferré
d'enleuer par telles pippees hors des dedans ce puant cachot , dont s'eftant
prifons & loin des mains du peuple pleint par lettres du ix. iour de Mars
qui lui eftoit très affedionné , pour à l'Euefque d'Yorck, ce reuerend fit
l'emmener en lieu d'aflTeurance pour refponfe le xxi., en laquelle il fe moc-
eux, afin de le faccager cruellement, quoit de l'affligé , fous ombre de le
comme ils firent au bout de leurs cir- confoler. Ruard, d'vn autre cofté, le Mafque hypo-
cuits. Au refte, l'on ne fçauroit bien perfecutoit à outrance, iufques à le critique
leué.
reprefenter les ameres doléances & feparer de toute compagnie, ne per-
plaintes que l'innocent fit entendi à Dieu mettre qu'aucun parlaft à lui, le ré-
quand, remené en prifon , il t duire, au pain & à l'eau 5. iours de la
de fon neueu l'impofture des Inquifi- femaine difant au refte, que tant plus
ceft Ange eftudioit, & plus il deuenoi t
teurs qui frauduleufem ent l'auoyent mefchant. Sur ce eftant auenu en luin
manié comme nous l'auons veu. Ses
douleurs fe rengreg erent tellement & es mois fuiuans, que plufieurs moi-
on n'y nes de Louuain quittèrent leurs mo-
que, de esvie,iours,
it plusquelqu
attendodurant enuiron le nafteres, les autres difoyent merueilles
bre ^U. telleme nt que fon
15. d'Ofto du fçauoir & de la probité d'Ange.
neueu fut contraint de prefenter re- Les efcholiers & profelTeurs de l'Aca-
quefte à la Cour tendant à obtenir démie fe monftroyent mal aff'eftionnez
quelque plus doux traitement pour fon à Ruard, lequel ayant fceu que quel-
Autre rufe du oncle. La Cour, ayant oui le rapport ques moines enquis fi ceft hérétique .
fage mondain, des Médecins, permit, par 1 auis de de Heenvlitz les auoit pas enchantez,
l'Euefquedestantprifons de fois nommé, qu'on firent refponfe que celui là, que l'on
le tiraft de la Haye, & qualifioit ainfi , eftoit cent fois plus
à Delft, au homme de bien que les Inquifiteurs,
qu'il fuft mené par chariot
couuent de la Magdelaine, pour y continua fes fureurs contre le prifon-
demeurer iufques au mois de Mars de nier, lui retrancha les viures , fit em-
l'an 1555. ,^ ^ porter tout le refte de fes liures & pa-
DvRANT fa détention à Delft, Ange
efcriuit vne doAe Apologi e pour la ment tou-
Ange fuppor
ntes fort douce
ta ruades de ce Ruard,
ue de fon innocenc e ; puis vne tes les infole
Pfrrit, hi^iifi- mainten piers.
de la fentence pro- & au bout ne dit autre chofe que ces
catifs de a! le folide réfutation lui par 1 Inquinteur
Merie, noncee contre
anéantis par la j^ya^j Tapper. Cefte réfutation eftoit mots : (i Au nom du Seigneur, i^u'ils
ayent pour fe gorger , tandis quil y
""d'^'' munie d'allégations du droift Canon dura dequoi. Dieu eft riche enuers
& Ciuil, enfemble des dofteurs an- ceux qui l'inuoquent, & fe monftrera
ciens, & de plufieurs raifons par lef- iufte iuge. » Alors plufieurs accidens
quelles eftoit prouué que la fentence eftranges & lamentables diffamèrent le
Inquifitoriale auoit efté efcrite & pro- clergé. Sur la fin d'Aouft, vn preftre
noncée contre tout ordre de droit, ef- s'eftoit tué de fon coufteau en l'vn des
toit iniufte, mefchante, faufl"e, men- faux-bourgs. Le 27. de Septembre
parfeme
eufe, par e d'in- fuiuant, vn autre preftre, conuaincu de
fongere,
iures atroces, calomni& infâme, confequ ent puis décapité.
parricide, fut dégradé,près
inualide, de nulle force & vigueur. A S. Truiden, ville du Liège,
Or combien qu'au commencement enuiron Pafque en la mefme année,
de Mars 1 5 5 5. , Guillaume le Merle vn autre preftre s'eftoit pendu & ef-
euft employé tous moyens légitimes.
tranglé foi mefme. Ruard & fes adhe-
LIVRE SEPIIKME.
treux, lequel lui ayant obiefté que rent de langage. Ruard continuant en
c'efloit merueillcs qu'en aux
tantdofteurs
d'arti- fa. malice,nication
ofacertainmenacer
cles il full (i contraire dodeur d'excommu-
Théologien Fureur Inqui-
(itoriale.
de Louuain, il repartit Toudain : « Ne
qui auoit parlé fort librement à l'auan-
vous en cfbahiffc^ p.is , peu qu'eux en tage du prifonnier, s'il ne le defcrioit
tant d'arlicles imj^ugnent les fainâes deuant le peuple & en toutes compa-
eferilurcs. » Quinze iours après, l'offi- gnies. Sur la fin d'.Auril, le prifonnier
cial de Louuain lui enuoya par homme reproche par lettres à Ruard fes inhu-
exprès gracieufement offrir phiifir & manitez & cruautez , lui defcouurant
feruice , dont il le remercia , difant : de plus en plus fa fureur contre Je-
« le prierai pour lui , qu'il fus Chrill & la dodrine de l'Euan-
moi. I) Le dixhuitiefme de prie pour
Feurier,
(ayant recouuré papier & ancre) par C'estoit ietter de l'huile au feu,
lettres viues il picque & exhorte Ruard car, le premier iour de Mai , le fenat
à ferieufe repentance des lïiefchance- Académique
gile. fit faire recerche des li-
tez par lui commifes en ce procès, ures défendus & cenfurez. Le promo-
l'adiure de ne plus pécher contre fa teur n'oublia
eftudiant nommé pas l'eflude
Corneilled'vn ieune
, neueu
confcience, & l'adiourne à comparoir
deuant Dieu , lequel il lui fouhaite d'Ange, où fut trouué vn recueil de
Hypocrite propice itmifericordieux. Ruard ruant lettres à plufieurs. Il fut conftitué pri-
chapitré, fonnier, puis relafché au bout de trois
deuient pire. & rongeant fon frein à l'acouftumee , femaines. En fuite, Ange fut de là en
en lieu de refponfe, fema vn bruit, le
vingtcinquiefme du mois, que la nuiâ. auant empefché de plus efcrire & re-
fuyuante Ange feroit ietté dans vn fac ceuoir lettres, & par patentes obte-
en l'eau , & enuoya vn moine vers nues du Roi Philippe, Ruard obtint
Ange pour ouir fa confefllon. Le pri- que le prifonnier feroit relégué & en-
fonnier libre fit refponfe à ce chetif uoyé prifonnier hors de Louuain en AngeLouuain mené de
confeffeur : « le fuis difpofé à tous pays eflongné, fans liures, fans moyen en l'abbaïe de
Lieffe.
fuppliccs pour maintenir la vérité; mais d'efcrire ni communiquer auec gens
va dire aux Inquijiteurs que ie fuis tout de conoiffance. Il fut doncques en-
pre/l à partir. » leué de Brabant, & conduit en l'Ab-
Ce Ruard rugiflfant en aparence & baïe de Liefie , en la Comté de Hai-
deuant les hoinmes, mais rougiffant naut, le xxx. de luin 1556. Dieu lui
donna du foulagement plus que Ruard
en fon
de fes ame crimes efperdue dedanstrois
, enuiron l'atrocité
iours
ne penfoit.
douicus Blofius,L'Abbé fe nommoit
homme Lu-
de médiocre
après employa le Curé de faind Ja-
ques pour traiter quelque accord qui fçauoir, doéteur contemplatif, & plu-
ne preiudiciaft à fon honneur ni à ce- fieurs traitez duquel ont eflé imprimez
Artifices lui du prifonnier. Le Curé y perdit
nouueaux,
en vn volume. Il auoit quelques moi-
inutiles. fes pas, fes paroles & fes peines, re- nes , non du tout beftes, qui receu-
rent affez humainement ce vénérable
quérant que l'on ne parlaft point des
procédures & fentences prononcées à vieillard, lui donnèrent vn d'entre eux
la Haye. Ne pouuant rien gaigner de pour le feruir, mefmes lui permirent
ce cofté , i'onziefme iour d'Auril , il de fe promener par les treilles & fpa-
enuoya vn papier contenant les lxvii. cieufes allées du beau iardin de leur
articles, aufquels il demandoit ref- abbaïe. Celle bienueillance dura enui- CarelTe mona-
ponfe. Ange enuoya le Curé auec fon chale de
ron fix femaines, en l'efpace defquel- courte durée.
i
lacet , & en peu de paroles lui def- les l'Ange & l'Abbé conférèrent affez
couurit l'impofture des Inquifiteurs , paifiblement de quelques articles ,
redemanda fes liures & efcrits, d'abon- comme de l'authorité de l'Eglife, de
dant mit es mains de ce Curé vn pa- l'Efcriture S., des Conciles, du fer-
pier contenant les nullitez , iniqui- uice des morts, de leurs images, de
tez , iniuftices , fauflfetez & violences l'Inuocation des Sainiîls& de la vierge
tyranniques de ces malheureux en leur Marie. Sur la fin de luillet, lettres
fentence de la Haye, le priant de le
rendre à Ruard en mains propres ; font enuoyees de Bruxelles conte-
nans defenfes à l'Abbé de bailler an-
outreplus il lui marqua briefuement cre & papier à Ange , lequel ne fe
les articles faux & falfifiez, changez & foucia pas beaucoup de ce qui lui en
mutilez. Celle confiance du prifon- fut fignifié. Quelques iours après la
nier fit que plufieurs commenceront à
remife l'Inuocation
difpute fusde, fuiuie des Sainds
de la certitude de
penfer de plus près à eux & change-
LIVRE SEPTIEME.
504
falut par l'Efcriture Sainde, finale- vingtquatriefme de luillef, mais Quel-
ment l'Abbé Ce laifTa tellement em- que empefchement furuenu fit diffé-
Colère mona- rer cefte exécution iufques au vingt-
chalc , prcfage fonnier porter: par«fa M.
colère . qu'iliedittien
Ange, au que
pri- (Ixiefme.
de mon. Cependant Guillaume le Merle ,
vous auez perdu le lens , & comme
hérétique deuez eftre retranché du neueu d'Ange , ayant eu auis que fon
Oncle auoit efté mené prifonnier du
corps de l'Eglile. i> PoulTiint encore monaftere de LiefTe au chafteau de
oultre , il commande au moine fer-
uant de ne laiffer plus fortir le prilon- Monts, fe douta que les ennemis ne
nier, lequel ne dit que ces dix mots : le garderoyent plus gueres. Pourtant
« Le Scis;neur lefus Chrift ail titié de il fe tranfporte à Bruxelles, où eftoit
vous & Je moi. » Tout le refle au mois Ruard , lequel il fupplie lui vouloir
donner vn mot de recommandation
d'Aouft & les quatre fuiuans, l'Abbé,
le prieur & quelques moines, nommé- pour auoir accès vers le prifonnier.
ment celui qui le gardoit, fuyuant les Ruard ayant vn peu fongé, lui dit que
inftruélions qu'ils receuoyent de Lou- fon Oncle auoit efté déclaré héréti-
uain , elTayoyent & employoyent tous que relaps & liuré au bras feculier, &
moyens à eux polTibles, par continua- ne voulut lui bailler aucune lettre ,
tions de difputes , menaces , douces difant qu'il homme
trouueroitmonte
fon Oncle mort. ,
paroles, promelTes, de ramener Ange Ce ieune à cheual
marche tout le foirdu vingtcinquiefme
Confiance à l'approbation des fentences de Ruard
Chrcfticnne en & de fes complices. Mais ils trouue- luillet & toute la matinée du vingt-
aduerliié. rent toufiours Ange femblable à foi
mefme & tant plus abondant en efprit fixiefme
Monts , de lesfortedix qu'il
fur heuresfe rend
deuantà
midi. Lors il rencontre en rue fon
& en de
priué parole
toutesinuincible , qu'il neeftoit
autres armes, lui Oncle tiré de prifon, lequel marchoit
eflant permis de lire ni d'efcrire. au pas apuyé fur vn bafton, fort atté-
Ainfi fe pafTa l'année 1556. nué & en pauure équipage, ayant efté
La fin cou- La fuyuante, deflinee au triomphe détenu l'efpace de fix femaines en vn
ronne l'œuure
de ce Martyr d'Ange le Merle, eut renouuellement vilain cachot.
du Seigneur Cordelier qui Ilcrioit
eftoit àacompagné
fes oreilles d'vn
les
de difpute , en laquelle l'Abbé de fainds & faindes. Mais le vénérable
l'an iç-. LiefTe eut auffi peu d'occafion de rire
qu'es précédentes. vieillard n'ayant confiance de falut
voulant eftre glorifié Or
en le Seigneur
la confiance qu'en lefus Chrift, voyant fon neueu,
& perfeuerance invincible de fon fer- lui dit de franche voix : « Mon fils,
uiteur , lui donna trefues depuis le l'oici la dernière heure aue i'ai fi aj-
commencement de lanuier mil cinq
JCilucuJ'emenl
dcfiree. » Puisattendue
, leuant é- les
ardantemenl
yeux au
cens cinquante fept iufques au qua-
ciel & hauffant le bras droit (car il
triefme de luin fuyuant , qu'il fut
mené de l'abbai'e de LiefTe en la ville n'eftoit pas lié), adioufta ces mots :
de Monts en Hainaut, à l'inftance & « Le grand C'>icu m'a oâroyd miferi-
pourfuite de Ruard & fes fuppofts , cordieujemenl ce bien , que ie fii^ne de
puis coffré en la prifon du chafteau ,
mon J'ani^ , & ratifie par mort violente
où quelques dodeurs de Louvain fu- tout ce que i'ai maintenu tant en public
rent enuoyez difputer contre Ange,
qu'en particulier, iufques à prefent, de
qui les rembarra viuement: puis, le-
uanl les mains au ciel, remercia Dieu ta vraye religion par l'Efcriture fainSie
contre
donne fes ennemis.de Item
le moyen de ce que
protcfler qu'il tout
me
de ce que l'heure de deliurance de
fon pauure feruiteur eftoit proche, en ce
laquelle il fe confacreroit à Jefus Courqu'ils ont publiécflcontre
de Hollande faux. moi
» Le enrefte
la
Chrift & au Nom éternel d'icelui , de fon propos contenoit le récit des
auec cefte gloire d'auoir maintenu outrages qui lui auoyent efté faites,
des confolations tt inftrudions Chref-
conftamment la vérité de l'Euangile.
Alors ces dodeurs, députez de l'In- tiennes à fon neueu, auquel il recom-
quifition, déclarèrent Ange le Merle manda les pauures de la Briele & le
relaps congédia , fon neueu l'ayant acouragé
au bras & feculier,
pire qu'heretiaue,
après 1 auoirledégradé
liurant àperfeuerer iufques au dernier foufpir.
félon leurs cérémonies acouftumees ; Comme les bourreaux prelToyent la Dernières
puis fentence fui prononcée le con- départie , Ange leur dit : « le m'en paroles
damnant àeftre bruflé. Il deuoit eftre et pre-
dii^ion
Martyr
vcrilablc du
vai, ie m'en vai. remerciant mon père
exécuté ce iour mefme , qui eftoit le mifericordieux de ce que ie fuis mis à
ANGE LE MERLE.
deChriftcontre mort publiquement , afin que les ad- lure , laquelle il portoit fort longue.
les perfecu- uerfaires ne puiflent calomnier la con-
teiirs
Ceux qui n'auoyent entendu qu'il
des Eglifes du ftance qui m'eft donnée au ciel , ce auoit rendu l'ame à Dieu , le priant ,
pays bas. firent courir le bruiél que ce faind
qu'ils pretcndoyent faire durant ma
captiuité on l'ahhaïe de Liell'e, où ils perfonnage
le feu dedansn'auoit aucunement fenti
fa logette.
■vouloyent me tuer par poifon , ou me
ietter dedans vn fac en Teau. Toutes-
Telle fut l'ifTue du Martyr de Je-
fois mon fang n'efteindra pas le feu fus Chrift, lors en l'aage de feptante
qui s'eft allumé
flammera biencontre eux, toute
tort de car il autre
s'en- cinq ans , lequel lailTa pour la pofte- d'Ange
rité plufieurs beaux efcrits, defquels
forte. Ni eux ni leurs defcendans Paul le Merle, doâe lurifconfulte , Lifte de
n'auront pas affez d'adrelTe ni de fon petit neueu , nous a laiffé la lifte ,
manufcripts
force pour l'eftouffer & amortir. » au difcours duquel nous auons re- plufieurs Hures
PalTant par les places & carrefours, il
cueilli noftre récit, difant qu'iceux ef- le Merle.
admonnelloit en bon langage Fran- toyent en lieu
çois les hommes & femmes affemblez mil fix cens fix. feur de fon eftudeen l'an
Ses fucceflfeurs fe-
par grolTes troupes pour le voir , ront part à la pofterité , fi tant eft que
qu'ils s'eftudiaffent à conoirtre , aimer tels efcrits foyent iugez pouuoir feruir
& craindre le vrai Dieu, à fonder leur
falut en Jefus Chrift noftre feul ré- beaucoup à l'édification de l'Eglife, à
laquelle nous en euffions tres-volon-
dempteur, &à deterter la folle con- tiers communiqué des pièces, fi elles
fiance des lufticiaires, affermant la
euffent efté en noftre puifl'ance.
principale caufe que
de fa En voici l'Inuentaire, traduit du
auoit fouflenu lesmort eftre qu'il
Chrefliens ne Latm.
doyuent inuoquer qu'vn feul Dieu. Difcours. I. Que tous peuuent
Estant paruenu au lieu du fupplice traiter & deuifer de la parole de
Dieu. 2. De la Juftification par foi.
hors la ville, il requit qu'on lui per-
mift de prier Dieu & implorer la 3. De la grâce de Dieu. 4. De la
grâce d'icelui, deuant qu'entrer en la vraye intelligence de la foi & des Sa-
logette de paille enuironnee de fafci- cremens. 5. Du profit reuenant de la
nes & fagots, où l'on deuoit mettre le participation des Sacremens. 6. Moyen
feu fi tort luiqu'il
demande y feroit
eftant enfermé.
accordée, Sa
il fe mit d'aprocher dignement de la table du
à genoux &, leuant les mains au ciel, Seigneur. 7. Delà 9.Trann"ubftantiation.
8. Du Mariage. De la Pénitence.
fe mit à prier : lors on le vid fe baif- 10. De la croix & des afflidions. 11.
fer fur le cofté droit. Les bourreaux ,
Confolation des confciences blefl'ees.
Mort paifible I 2. Confolation au Chreftien efprouué
d'Ange penfans que l'apprehenfion du fup-
le Merle à la plice lui euft caufé quelque pafmoi- de Dieu
confufion de fon , acourent pour le fouleuer; mais mité. I] . ,De& lacomme
droite réduit à l'extré-
I nuocation, & de
Satan & de fes ils le trouuerent roide mort : Dieu la fauffe. 14. Comment il faut prier.
fupports. mifericordieux ayant voulu , par vn 11;. Qu'il faut mourir volontairement.
très rare exemple , arracher d'entre Expofitions. I. Du Decalogue. 2.
les mains des tyrans & retirer douce- De l'oraifon Dominicale. 3. Du Sym-
ment à foi fon fidèle feruiteur qui ,
bole des Apoftres. 4. Del'Ecclefiaftede
par l'efpace de cinq ans , auoit efté Salomon. 5. Destentationsd'Ezechias.
brifé de maladies, de foibleff'es & de Pièces diiterfes. i. Infinis fermons.
dures prifons. Le maifire exécuteur 2. Vn Catechifme. 5. Confeffion quo-
commence à dire tout haut que iuftice tidiane. 4. Confolation des malades.
eftoit fatisfaite , & tout eflonné de ce
5. "Vn nombre innombrable de lettres.
miracle ne voulant palTer oultre, fou- 6. Quelques commentations fur le
dain quelques fiens feruiteurs mettent droit Canon.
le feu à la logette, où les fpeâateurs
plus eflongnez cuidoyent qu'Ange fuft
enclos. Cefte logette entièrement
bruflee, on vid le corps du defund,
pource que les bourreaux voulans le Arnovld Diericx, de Flandre (i).
ietter fur le bois pour le brufler, fans
y penfer autrement , le leuerent pref- La vérité en ce Recueil eft deleSlable ;
ques debout , tellement que chafcun
le vid, fans que le feu euft atteint au- {i\ Crespin, 1,-70, C 460; 1582, f° 416;
cun poil de fa barbe ni de fa cheue-
1597, f" 41; ; 1Û19, f 45.!. Ce n'est qu'à par-
LIVRE SEPTIEME.
Iean dv Bordkl , Matthiev Ver- qui eftoit prefques efgal tant a'vne
meil, ET Pierre Bovrdon (i). 1Ç82 , 1* 416; 1Ç97 , (* 418; 1619 , (* 4Ç2. Ce
récit est la suite de celui qui est inséré
Ceux qui auoyent efchappé les périls plus haut, de la p. 44K à la p. 48(1, et, il
est , comme le précédent , la reproduction
pure et simple de l'écrit anonyme paru en
tir de 1570 que ce tnarlyr fif,'urc au Mariy- 1561 sous ce titre : Hijlcirc des chcfcs mé-
rolo(;e de Crcspin. La notice que Van morahks adiicniics en la Icrrc du Brcfil, fous
Hœmsiede lui consacre est bien plus àù- le goiiucrncmcnt de N. de VillcgagnSn. Voy.
la note de la p 448, supra.
laillcc que celle de Crespin, cl l'on sélonnc (1) Mis avant, susmentionné.
auc celui-ci
du récit n'aitprédécesseur.
de son pas davantai;c tiré parti (2) Ici commence la reproduction de
(1) Crcspin, IÇ64, p. 881; 1570, 1*460; VHiJloirc des cho/cs mémorables.
lEAN DV BORDEL, MATTHIEV VERMEIL & PIERRE BOVRDON. 507
part que d'autre , caufoit vne dure quelques racines & farines, pource m.d.lvu.
départie. Or ceux qui entrèrent dans
le bafleau pour retourner au Brefil , qu'ils font curieux des habillements
des François. Au refte ils conuenoyent
eftoyent totalement ignorans de la
fi bien auec les noflres , qu'ils euffent
nauigation , pource qu'ils n'auoyent grandement defiré qu'iceux euffent là
hanté la mer, que depuis qu'ils ef- fait long feiour , ce que les noftres ne
toyent palTez de France au Brefil. Et
à peine entendoyent-ils quelle part il nité defditsfaire
pouuoyent habitants , quel'importu-
, tant pour pour le
faloit mettre la prouë de la barque ,
& icelle conduire pour paruenir à regret qu'ils auoyent d'eftre priuez de
la compagnie des François. Partant
quelque port. D'auantage la barque délibérèrent fe retirer auec les Chref-
n'auoit ne mafts ne voiles, cordages, tiens , & gens de mefme langage.
ni autres chofes necelTaires à la naui- Principalement ceux qui eftoyent mal
gation ;car quand ils départirent de difpofez ne pouuoyent recouurer fanté,
leur nauire , chacun eftoit fi empefché conuerfant longuement auec lefdits
à cercher les moyens pour eftancher Brefiliens , exempts de toute honnef-
l'eau, qu'on ne leur feut donner ce teté Chreftienne. Aucuns, comme les
qui eftoit neceffaire; & eux mefmes
plus fains , n'eftoyent de ceft auis,
Ceux qui vont eftoyent fi efperdus qu'ils n'auoyent preuoyans que Villegagnon les pour-
fur la mer fouuenance de ce qui leur eftoit pro- roit mal traiter, pour le mauuais vou-
''"^^ueiMes"*'"" loir qu'il leur portoit à caufe de la
du Seigneur, P'"'-^-
terentLesvn plus auifez
auiron pourd'entre eux plan-
vn mafts; & au religion, & furent quelques iours en
cefte difficulté. En fin les malades
Pf. 107. lieu d'vne
arcs hune; de
enfemble ils ioignirent deux
leurs chemifes
firent vne voile ; de leurs ceintures , prièrent fi affedueufement leurs com-
les efcoutes , boulines & rouets , qui pagnons que
, cela fut refolu de dé-
partir de cefte Ifle, pour aller au port
font cordages à ce neceft'aires. Ils ra- de Colligny, diftant par mer du lieu où
ment quatre iours entiers , la mer ef-
tant calme & bonnalTe. Le cinquième ils eftoyent (qui s'appelle la riuiere
des 'Vafes) enuiron de trente lieues :
fur le foir, comme ils penfoyent abor- les Brefiliens vouloyent empefcher ce
der en terre, l'air s'obfcurcit de noire
département, &demonftroyent qu'ils ef-
nue,
de vent & d'icelui
furieuxprocéda vn tourbillon
à merueilles, auec toyent grandementt defplaifans d'icelui.
Ils feiourneren plus de trois iours
à faire ces trente lieuës, à raifon de la
grand'pluye & tonnerre , qui efmeut contrariété des vents & marées qui
la mer en vn inftant, rendant les va-
gues efpouuantables ; & en ce faf- font là fort violentes. Eftans entrez
cheux temps, ils fe deuoyerent de leur en la riuiere de Colligny, auec gran-
route, perdirent leur gouuernail , & des difficultés & dangers , & mefme
furent tranfportez errans çà & là fans
en grand'doute, fi c'eftoit elle ou non,
ofer monter vn pied de leur voile. La
nuid furuenante, la bourafque continue res ;en qu'vn
pource brouiliaz
conteftant les couvroit les ter-
vns contre les
de plus en plus; autres, le brouiliaz tomba; fi apper-
deftroids entre des ils pafl"ent& trefdan-
rochers par des
ceurent la fortereffe de "Villegagnon &
gereux paffages, où en plain iour les le village des François, fitué en terre
pilotes eufTent efté bien empefchez ; continente, efloigné dudit fort la por-
en fin font iettez par la violence de la tée d'vne coulevrine. Eftans defcendus
en terre , ils trouuerent Villegagnon
mer fur lehaute.
montagne riuage
Le àiour
couuert d'vne ,
eftant venu au village qui y eftoit allé au matin ,
ils defcendent en ferre pour cercher pour quelques fiens affaires. Ils fe pre-
fenterent à lui , declarans les caufes
de l'eau douce , ou quelques fruids à
manger, mais la terre elîoit fi fterile, de leur relafchement, le péril où ils
qu'après la tempefte palîee , ils furent auoyent laififé leur nauire , & le fup-
contraints de partir de là , & aller
plient de les vouloir retenir au nom-
quatre lieuës plus auant , où ils trou- de fes
bre tant feruiteurs, re& auoyent
ofé entreprend d'au-
de retourner Requette
uerent de l'eau douce. Ayant feiourné
là quatre iours pour fe refraifchir, il
furuint quelque nombre des habitans fous fa puilfance, confideré qu'ils ef- des povres per-
naturels , qui monftroyent affez bonne toyent alTeurez en leur confcience de fecutez.
ne l'auoir iamais ofîenfé; par ainfi
careft'e auxlespoures auoyent mieux aimé fe retirer eftans
toutesfois voyansaffligez Françoisde;
en neceffité François auec les François, que fe
viures , leur vendoyent bien cher rendre aux Portugais, auec lefquels
LIVRE SEPTIEME.
lieuës, auec le renfort de ceux qui ef- vie lui donnoit ; ains ceft ade lui
toyent allez en la riuiere de Pilate , tourneroit à grand honneur. Car il
en vne nuift tous enfemble peulTent fauoit que la plufpart de la Cour pre-
furprendre fa forterelTe; voire le met- noit grand plaifir au facrifice des
tre en pièces auec tous ceux qui fe- poures Chreftiens , & ce lui feruiroit
royent de fon collé & parti. d'ample
fut touchétefmoignage, qu'onques
de la crainte de Dieu,il neni
Il n'y a point
de paix Celle faulfe opinion s'imprima fi
au meichant, auant ep fon efprit , qu"il la creut vé- de zèle d'amplifier fon règne , comme
dit le ritablement eflre telle, & ne peut au- il auoit, les années précédentes, fait en-
Prophète Ifaie, cunement eftre diuerti d'icelle; & tendre àtoutes perfonnes. Pour pro-
ch. 48 & 57. deflors il fe desfia de tous fes ferui-
Villegagnon en céder àl'exécution de ce qu'il auoit
teurs fidèles & anciens, confpirant
ell la preuue. délibéré, il dreft'a vn catalogue des
puis fur l'vn, puis fur l'autre. Il pre- articles, auquel il vouloit que les fuf-
noit oc'cafionlesenoutrageant
peu de chofe de les dits cinq refpondiffent ; & leur en-
mal traiter, de griefues uoyant, commanda que dans douze
iniures, menaces de coups de bafton, heures , ils deliberalTent de refpondre Commande-
ment
de refpondre
ou chaînes, ou autres chofes fembla- par efcrit. Lefdits articles fe pourront fur les articles.
bles. Ce qui leur fembloit fi defrai- entendre par leur Confeffion de foi,
laquelle fera inférée ci après. Les
fonnable, que la plus part d'iceux de- François de la terre continente les
firoyent que la terre s'ouurifl pour les
engloutir, tant ils auoyent afîedion vouioyent empefcher par tous moyens
de ne rendre raifon de leur foi à ce
d'eflre deliurez de la prefence de ce
maiftre. Le iour s'il eftoit bien empef- de
tyranles , faire mourir.
qui ne Au que
cerchoit contraire leur
l'occafion
ché à molefter fes gens, la nuid lui
eftoit encore plus contraire. Car au- perfuadoyent de fe retirer auec les
cune fois il fongeoit (comme gens fan- Brefiliens, à 30. ou 40. lieues de là,
guinaires, & auec lefquels l'Efprit de ou qu'ils fe rendiffent pluftoft à la
merci des Portugais, auec lefquels
Dieu n'habite point) qu'on lui coupoit
la gorge; autrefois que du Pont & ils trouueroyent plus de courtoifie
Richer, auec grand nombre de gens,
fans
nai àcomparaifon, qu'auec
toute tyrannie Villegagnon
& cruauté.
le tenoyent affiegé eftroitement , fans
lui prefenter aucune compofition.
Villegagnon
Mais contre l'opinion de tous lef-
délibère S'estant, par telles faulTes coniedu- dits confeillers, noftre Seigneur forti-
de faire mourir res, perfuadé que les perfonnes reue- fia ces poures gens d'vne conftance
les cinq nues eftoyent traiftres & efpies , pro- admirable , veu qu'ils auoyent option
qui eftoyent re- pofa en lui mefme qu'il eftoit fort de faire l'vn ou l'autre , & fe pou-
uenus. necelTaire, & mefmes expédient, pour uoyent retirer la part de la terre , où
maintenir fa grandeur, de les faire
mourir. 11 confidere beaucoup de bon leur gagnoneuft
ne lesfemblé, fans que
fiens euflent peu'Ville-
leur
moyens pour euiter le blafme & re- donner empefchement. Ils eftimoyent
proche des hommes ; fon defir eftoit peu tous les fufdits moyens, voyans
les conuaincre de trahifon , mais cela
que l'heure eftoit venue, en laquelle
ne fe pouuoit prouuer, ne par coniec- il conuenoit faire preuue de la conoif-
ture ne par verifimilitude quelconque. fance que Dieu leur auoit donnée.
Confiderant donc que, par ce moyen, Partant trefvolontairement , ayans in-
il ne le pouuoit faire, fans encourir uoqué l'aide du Seigneur, entreprenent
note d'infamie, mefmeraent entre ceux de faire la refponfe aux articles en-
lefquels ne portent aucune faueur à la
uoyez par Villegagnon, eftimans qu'en
religion, il s'auifa qu'ils eftoyent de ce faind combat le Seigneur leur af-
l'opinion de Luther & Caluin en la fifteroit par fon S. Efprit, & les inf-
religion, parquoi lui, comme lieutenant truiroit abondamment de ce qu'ils
du Roi en ces pays-la , leur pourroit auroyent à refpondre. Lefdits articles
( iouxte les ordonnances des Rois
eftoyent en grand nombre, & d'aucuns
François & Henri II.) demander rai- poinfts des plus difficiles de toute la
fon de leurmerueilleufement
foi. Et d'autant conftans
qu'il les fainfte Efcriture, aufquels vn bon
conoiftbit Théologien, voire ayant tous lesautres
en icelle , il auiendroit qu'ils vou- liures necelTaires à l'eftude des fainc-
droyent pluftoft foufFrir la mort , que tes Efcritures, fe fuft trouué bien em-
renier ce qu'ils auroyent confeflé pu- pefché en vn mois. Les poures per-
bliquement. Ainfi non feulement fe- fonnes à peine auoyent-ils vne Bible
roit deliuré de l'ennui que leur poure pour le foulagement des paffages.
LIVRE SEPTIEME.
tentent Dieu, attendu que le don de & aduocat, par lequel nous auons ac-
continence n'eft que temporel en au- cès au Père , & qu'eftans iuftifiez5.13
en
cuns, & que celui qui l'aura eu pour fon fang, ferons deliurez de la mort,
& par lui eftans la reconciliez, nous
quelque
de fa vie.temps, ne l'aura
Sur ce donc pour le relie
les moines, obtiendrons pleine viftoire contre la
mort. Quant aux fainds trefpalîez,
preftrcs& autres telles gens qui s'obli-
gent & promettent de viure en chaf- nous difons qu'ils défirent noftre falut
teté, attentent contre Dieu, entant
& l'accompliirement du royaume de
Dieu, & que le nombre des efleus
qu'il n'efl en eux de tenir ce qu'ils
foit acompli ; toutefois nous ne nous
promettent. Saind Cyprian, en l'on- deuons adrelTer à eux par interceffion
ziefme epillre, parle ainfi : « Si les vier-
ges fe font dédiées de bon cœur à pour obtenir quelque chofe , car nous
contreuiendrions au commandement
Chrift, qu'elles, perfeuerent
fans feintife eflans ainfi enfortes
chafleté&
de Dieu. Quant à nous, durant que
confiantes qu'elles attendent le loyer nous viuons, d'autant que nous fom-
qui leur eft préparé pour leur virginité ; mes conioints enfemble comme mem-
fi elles ne veulent ou peuuent perfeue- bres d'vn corps , nous deuons prier
rer comme elles fe font vouées, il eft les vns pour les autres, comme nous
meilleur qu'elles fe marient que d'ef- fommes enfeignez en plufieurs paffa-
tre précipitées au feu de paiilardife ges de la fainfte Efcriture.
par leurs plaifirs & délices. » Quant 17. Quant aux morts, S. Paul en
au paflfage de l'Apoftre S. Paul , il efl la première des Thefi". 4. cha., nous
vrai que les vefues qu'on prenoit pour défend d'eftre contriftez fur iceux ;
feruir à l'Eglife, fe fubmettoyent à ne car cela conuient aux Payens , lef-
fe remarier tant qu'elles feroyent fub- quels n'ont aucune efperance de ref-
iettes à ladite charge, non qu'en cela fufciter. Le S. Apoftre ne commande
on lesquelque
reputaftfaindeté,
ou qu'onmais
leurà caufe
attri- & n'enfeigne de prier pour eux, ce
buaft qu'il n'euft oublié s'il euft efté expé-
qu'elles dient. S. Auguftin fur le Pfeaume 48.
de leur nedeuoir fe pouuoyent bien acquiter
eftant mariées; & fe
dit qu'il paruient feulement aux ef-
voulant marier, renonçoyent à la voca-
prits des morts ce qu'ils ont fait du-
tion à laquelle Dieu les auoit appe-
lées, tant s'en faut qu'elles accomplif- eftansrantviuans,
leur vie; que
il ne s'ils
leur n'ont rien rien
paruient fait
eftans morts.
fent ce qu'elles auoyent promis en
l'Eglife, que mefmes elles violoyent
la promeffe faite au Baptefme, en la-
quelle ileft contenu ce poinâ : Que En la fin defd'Us articles, ce qui s'en-
fuit efioit efcrit de leurs mains.
vn chacun doit feruir à Dieu en la vo-
cation en laquelle il eft appelé. Les
vefues donques ne vouoyent point le C'est-ci la refponfe que nous fai-
fons aux articles par vous enuoyez ,
don de continence, finon entant que félon la mefure & portion de foi que
le mariage ne conuenoit à l'oflice au- Dieu nous a donnée , le priant qu'il
quel elles fe prefentoyent, & n'auoyent lui plaife faire qu'elle ne foit morte en
autre confideration que de s'en acquit- nous , ains produife fruits dignes de
ter. Elles n'ont efté auffi tellement fesenfans, tellement que, nous donnant
contraintes qu'il ne leur ait efté per- accroifTementA perfeueranceenicelle,
mis foi marier pluftoft que de brufler, nous lui en rendions aélion de grâces
& tomber en quelque infamie & def- & louanges à toutiamais. Ainfi foit-il.
honnefte faift. En outre, pour euiter Au deffous, leurs noms y efloyent
tel inconuenient , l'Apoftre S. Paul, efcrits ainfi :
au chapit. preallegué, Jean dv Bordel.
foyent receuës à faire défend qu'elles
tels vœus que
Matthieu 'Vermeil.
Pierre Bovrdon.
premier elles n'ayent l'aage de 60. ans,
qui eft un aage communément hors
André la-Fon.
d'incontinence. 11 adioufte que celles
qu'on eflira n'ayent efté mariées qu'une
feule fois, afin que, par ce moyen,
elles ayent défia vne approbation de Ceste confeffion fut enuoyee à
continence.
16. Novs croyons que lefus Chrift "Villegagnon pour refponfe à fes arti-
cles. 11 fonge fur icelle comme
33 bon
eft noftre feul médiateur , interceiTeur
lui femble , conduit toufiours d'un
LIVRE SEPTIEME.
5'4
Le mefchani mauuais talent. Il les déclare héréti- pouuons de nous-mefmes refifter. Mais
ne peut ques fur les articles du Sacrement, nous retirans à noftre Seigneur lefus
longuement Chrift, qui les a vaincus pour nous,
defguifer
des vœus & autres, les ayant en plus
son hypocrific. grand horreuT que les peftiferez. Il aft"eurons-nous , voire repofons-nous
en lui, car il nous affiftera comme il a
n'auoit
toit pointdehonte
loifible de direlonguement
les lailTer qu'il n'ef-
viure, atin que de leur poifon le refte promis, veu qu'il eft fidèle & puilTant
de fa compagnie ne fuft furpris. Ayant de
donctenircourage ce qu'il , mes promet.
frères , Prenons
que les
pour la dernière fois refolu de les cruautez , que les richeffes , que les
faire vanitez de ce monde ne nous empef-
enuie mourir
de faire, fort
diffimula ce qu'il auoit
ingenieufement , de chent de venir à Chrift. » Ses compa-
peur que les poures hommes ne fuf- gnons reçoyuent incroyable confola-
fent aduertis de la trahifon qu'il braf- tion de ces paroles, & d'vn faind zèle
foit. On difoit qu'il ne communiqua à & afl'edion prient le Seigneur les for-
homme viuant de fon entreprife, »4 fe tifier & alTeurer par fon efprit, & in-
contint ainfi fecret iufques au Ven- ftruire pour refpondre deuant les hom-
dredi neufiefme lourde Feurier 15^8.
auquel iour, diis le matin, fâchant que mes de la conoift"ance qu'il leur auoit
donnée. Puis lean du Bordel , Mat-
fon bafteau deuoit aller en terre ferme
thieu Vermeil
barquent dans,leAndré
bafteaula-Fon
qui là, s'em-
eftoit
cercher quelques viduailles , com-
manda àceux du bafteau de lui ame-
pour
Pierreles Bourdon
mener en demeura
l'ifle de Coliigny.
en terre
ner Jean du Bordel & fes compa-
gnons ,qui pour lors s'eftoyent logez bien malade , ne fe pouuant embar-
auec autres François. Le commande-
Abord
ment eftant fait, ils iugerent que c'ef- EsTANS defccndus en l'ifle, Ville- des trois
toit pour les interroguer fur leur dite
confeffion de foi, partant furent faifis gagnon commande qu'ils fuffent ame-
quer.
I
de crainte & tremblement. Les Fran- confeffion
nez deuant deluifoi, aufquels (tenant
en la main) demandaleur ^ V.ilegagnon.
çois, en pleurs & larmes, les diffua- s'ils l'auoyent faite & fignee, & s'ils
doyentrie.de Nonobftant
s'aller rendre à la bouche- eftoyent prefts de la fourtenir. Ils ref-
Jean du Bordel ,
pondent tout enfemble qu'ils l'auoyent
homme vertueux & doué d'vne con- faite & fignee , reconoift"ans chacun
ftance merueilleufe , pria tous les
fon feing ; & attendu qu'ils la pen-
François de n'intimider plus fes com- foyent Chreftienne, puifee des fainc-
pagnons, lefquels auffi par telles pa- tes Efcritures, félon la confeffion des
fainiSs Apoftres & Martyrs de la pri-
aller, mais auffi fe non
roles il exhorta feulement
prefentcr d'y
à la mort, mitiue Eglife , ils fe deliberoyent
Exhortation fi Dieu le vouloit, difant : « Mes frè- icelle , moyennant la grâce de Dieu ,
de Du Bordel
à fes res ie
, voi que Satan nous veut em- maintenir de point en point eftre bien
compagnons. pefcher par tous moyens de ne com- fondée , voire iufques à leur fang , fi
Dieu le permcttoit , fe fubmettans ,
paroir auiourd'hui pour la querelle de
noftre Seigneur Jefus, & ia ie m'ap- nonobftant ce , à la cenlure & iuge-
ment de ceux qui auroyent plus de
perçoi qu'aucuns de nous font intimi-
nous dezdeshans
plus qu'il n'eft raifonnable,
du fecours commede
& faueur grâces & intelligence des faindes Ef-
critures. Apeine eurent-ils refpondu
noftre bon Dieu, lequel nous sauons ce peu de paroles , que Villega-
tenir noftre vie en fa main , laquelle gnon demonftrant vn vifage furieux &
les tyrans de la terre ne nous peu- courroucé , de grand' audace menace
uent ofter fans fa volonté. le vous
de les faire mourir, s'ils continuoyent
prie de confiderer auec moi comme & en celle opinion mal-heurcufe (comme
pourquoi nous fommes venus en ces il difoit) &damnablc. Et toutlesà l'heure
quartiers ; qui nous a fait pafler deux commanda à fon bourreau enfer-
mille lieues de mer? qui nous a pre- rer par les iambes , & à chacune
chaîne eftre fufpenduc la pefanteur de
ferué au milieu d'inlinis dangers & cinquante ou foixante liures. On dit
&périls.'
gouuerne N'ert-cetoutes pas celui qui conduit
chofes par fa qu'il eftoit fourni fuftîfamment de tels
bonté infinie, affiftant aux fiens par engins, defquels il inftruifoit les pou-
tous moyens admirables.'' Il eft cer- res Brefiliens à pitié , au lieu de leur
tain que nous auons trois puilTans donner
ennemis : alfauoir le Monde, Satan , douceur. l'intelligence
Non content dede Dieu par
les auoir
la Chair , contre lefquels nous ne fait enferrer, commande qu'ils fulTent
lEAN DV BORDEL.
ferrez eftroitement en une prifon puante demeurans ferfs & efclaues toute leur
Les pauures & obfcure , & foigneufement gardez vie. Mais fes compagnons conoiffans
auiiagesonteu le naturel de Villegagnon, auoyent
pour maiftres par gens armez qu'il auoit ordonnez
des pour ce faire. Les poures emprifonnez peu d'efperance en leur vie , attendu
larbares extrê- au contraire fe refiouilTent iSi confo- que des long temps icelui auoit cer-
mement
sauuages : lent l'vn l'autre en leurs liens, prient, ché l'opportunité qui lors lui eftoit
chantent Pfeaumes & louanges à Dieu venue fort à propos. Le lendemain
sçauoir Ville- matin, iour de Vendredi audit mois,
gagnon, d'vn grand zèle & affedion.
les Efpagnols il defcend bien armé auec vn page en
i. telles autres Or toute la compagnie de l'Il'le
grandement troublée de ceft ade ,fut& vne falette, dans laquelle il fait ame-
du pelles
monde. chacun en fon endroit conceut vne ner lean du Bordel enferré, auquel il
grande crainte. Neantmoins aucuns demanda l'explication de l'article du
Sacrement, où il confelToit que le pain
d'eux, quand Villegagnon elloit em-
pefché en fon repos, ou autre lieu, & le vin eftoyent figues du corps & du
fecrettement vifitoyent les prifonniers, fang de noftre Seigneur lefus Chrift,
les confolans de quelque efpoir , pa- le confermant par le dire de S. Au-
reillement des viures defquels ils guftin. Du Bordel lui voulant alléguer
auoyent grande neceffité. Mais à rai- le palTage pour confermer fon dire ,
fon qu'entre eux il n'y auoit homme Villegagnon, efmeu de grande cho-
d'authorité ou apparence qui peuft lere, defment ce poure patient, & le-
prendre la hardielTe de remonftrer uant le poin, lui en donne vn tel coup
fur le vifage , que tout incontinent le
audit Villegagnon l'iniuftice & tyran- fang fortit du nez & de la bouche en
de niefecours
qu'il cominettoit,
de ceux efperoyent
de ladite moins
Ifle. abondance. En le frappant, adioufta
Tout ce iour, Villegagnon défend que femblables paroles : « Tu as menti ,
barque ne bafteau fortift hors de fon
paillard , S. Auguftin ne l'a pas ainfi
Ifle à peine de la mort; par ainfi ceux entendu. Parquoi auiourd'hui premier
de terre ferme ne peurent eftre auer- que ie mange , ie te ferai fentir le
tis de ce qui fe braflfoit en la forte- fruid de ton obftination. » Ce poure Cruauté barebar-
de
refTe. Ce iour, Villegagnon eut peu homme ainfi outragé , ne lui fit autre
de repos, fe pourmenant tout autour refponfe , qu'au Nom de Dieu fuft.
de fon Ifle , penlif lui deuxiefme. Comme il lui tomboit quelques lar-
Souuent il alloit aux prifons voir fi les mes auec le fang, de la grand' douleur
portes eftoyent bien clofes, & iufques du coup qu'il auoit receu, Villegagnon
aux ferrures fi elles n'eftoyent faul- fe moquant l'appeloit douillet & ten-
Signes fees. Il fe faifit des armes que les fol-
l'vne confcien- dats & artifans tenoyent en leurs dron, pource qu'il pleuroit d'vne chi-
ce agitée quenaude. Derechef lui demanda s'il
de tourmens. chambres pour la garde & defenfe du vouloit maintenir ce qu'il auoit efcrit
lieu. C'eftoit de crainte que le peu- & figné. 11 lui fut fait refponfe par le-
ple ne afaires
s'efleuaft dit du Bordel qu'oui , iufques à ce
Ses ainficontre lui.
ordonnées, le refte que, par authorité de la S. Efcriture,
du iour & de la nuiét confulta à part il fuft enfeigné du contraire. Villega-
foi de quelle efpece de mort il les de- gnon voyant la fermeté & affeurance
uoit faire mourir ; en fin il conclud dudit du Bordel , commanda à fon
de les faire eftrangler & fuffoquer en bourreau de le lier par les bras & les
mains & le mener fur vne roche , la-
pource
mer, aux fon boureau
que efpeces n'elloit
ftylé autres de mort. Et quelle il auoit lui-mefme choifie à
combien qu'il l'euft arrefté , fi eft-ce propos,
iour de trois où lapieds; mer s'enflelui avecdeux
fon fois
page,le
que celle nuid il ne repofa aucune-
ment, mais alloit & enuoyoit vifiter les armes au poin, conduifent ce poure
les prifons d'heure en heure. Ce patient au lieu affigné. Bordel, paf-
temps pendant, lean du Bordel conti- fant près de la prifon où eftoyent fes
nuoit & perfeueroit d'exhorter fes compagnons , s'efcria à haute voix
compagnons à louer Dieu & lui ren- qu'ils prinffent bon courage, veu qu'ils
feroyent bien toft deliurez de cefte
dre grâces de l'honneur qu'il leur fai- vie miferable. Et en allant à la mort
foit , les appelant à la confeffion de
fon faind Nom , en ce pays-la fi bar- de grand' ioye chantoit Pfeaumes &
bare & eftrange, leur donnant efpoir cantiques au Seigneur, chofe qui ef-
que Villegagnon ne feroit fi tranfporté tonnoit la cruauté de Villegagnon &
de cruauté de les faire mourir; feule- fon bourreau. Eftant monté fur la ro-
ment ils s'attendoyent eftre quites , che, à peine obtint-il faueur de prier
LIVRE SEPTIEME.
de la gloire qu'il attendoit , il deuint n'a pas eflé introduit du co/lé des
odieux & infupportabie à tous , voire hommes, mais que le Seigneur efl
fut réputé fol & perclus de cerueau. authcur de fa vocation, quelque con-
Sous le règne de François II., il en- tradiction ou cmpcfchement que le
treprint premièrement de viue voix, monde y fâche mettre par cruauté^
puis par efcrit, contre M. Simon & tourmcns extrêmes.
Broffier , miniftre de Loudun , prifon-
Depvis que du bourbier monaftique,
nier es mains de l'Archeuefque de Geffroy Varagle de Bufque (i), pays
Tours (i). Mais Broffier le rembarra
de telle forte que Villegagnon fut iugé de Piedmont, a efté amené à Chrift, il
homme du tout impertinent & fans s'eft tellement dédié & offert à l'auan-
aucun vrai fentiment de religion. cement de la doârine de l'Euangile,
Ayant rodé quelque temps parauant qu'eftant prifonnier pour l'auoir fidè-
& depuis, par les cuifines des Sei- lement prefchee en la vallée d'An- '
à lui ouirgneurs, qui quelquefois
faire des contess'efbatoyent
des terres grongne. Dieu voulut qu'il la figna de
fon fang en la ville de Turin, Parle-
neufues , finalement vne maladie ex- ment de Piedmont. Cela auint que,
retournant de Bufque pour fe retirer
traordinaire, affauoir d'vn feu fecret,
le faifit & confuma peu à peu, telle- en Angrongne, il fut arreflé en la ville
ment qu'il finit fa malheureufe vie par de Barges (2), & le 17. de Nouem-
vne mort correfpondante à fes cruau- bre \y-,"., adiourné à comparoir per-
tez, fans repentance de fon apoftafie fonnellement deuant le Lieutenant du
& des
uis (2). maux qui s'en eftoyent enfui- lieu, il s'y trouua fans contredit. Ce
Lieutenant, après l'auoir fait iurer de
dire la vérité fur ce qu'il feroit enquis,
à peine de cent efcus, & de trois ef-
trapades de corde , l'interrogua pre-
mièrement d'où il efloit, de quel aage,
de quel art, & quels eftoyent fes biens
Geffroy Varagle, Piedmontois (5).
& facultez. Varagle refpondit qu'il
De M. Geffroy Varagle, miniflre de eftoit de Bufque, de l'aage de cin-
quante ans, miniftre de la parole de
l'Euang'ue , nous pouiions auoir & Dieu, n'ayant aucun bien. Interrogué
obferuer cefle conclufwn toute ajfcu- s'il fait la caufe de fon arreft, refpon-
ree , Que Dieu niettant les fiens en dit que non, finon , dit-il, que vous,
œuvre , il leur donne dequoi pour y
monfieur le Lieutenant (à ce que i'ai
fournir, & qu'im minijlre cjlant ap- entendu), pouuez auoir charge de la
pelle vrayement de lui , fera conduit cour du Parlement de Turin de conf-
en forte qu'on verra par effeû qu'il tituer prifonniers ceux qui annoncent
la dodrine qui vous eft fufpede. En-
(i) Voy., sur Simon Brossier, la notice quis s'il auoit annoncé telle dodrine,
intitulée Pirigueux, au liv. VIII ci-dessous
en quel lieu & de quelle authorité &
et l'article de la France protestante. Ce re-
licence, dit auoir prefché la parole de
cueil ,ni dans l'art. Brossier, ni dans celui Dieu aux lieux d'Angrongne & S.
sur Vittegagnon, ne mentionne cette discus-
lean de Luferne, & y auoir efté en-
sion entre Brossier et 'Villegagnon. Crespin uoyé par les miniftres de Geneue , &
dit seulement : « Ce iour-là les principaux
chanoines de la ville (Périgueux) le furent ce à l'inftance & requefte des poures
voir auec plusieurs gentilfhommes, pourdif-
puter contre lui : mais il ne leur tint autre fidèles
la defenfe du pays. faite Interrogué par le Roi s'il
& laignore
cour
propos, fmon qu'ils eftoient là pludoll pour du Parlement de Turin, affauoir que
fe rire de lui que pour apprendre » (édit.
de 1619, {" 665 v°). La bibliographie des perfonne ne fuft fi ofé ne hardi de
ouvrages de 'Villegagnon dans la France pro-
testante ne mentionne pas d'écrit contre prefcherdoârine reprouuee de l'Eglife
Brossier. Ce même ouvrage fait de Brossier
romaine, auoir
defenfe a refpondu
efté faitequ'il
aux fait bien la
Syndiques
un ministre d'Issoudun et non de Loudun.
(2) AuHat'
Claude commencement
:i de 1571, d'après defdits lieux de ne tenir aucuns minif-
(;) Crespin, 1)64, p. 8r)8 ; 1570, f" 46; V; tres ou prefcheurs ni nouuelle doc-
IÇ82, f° 420 V; i>97. f 418; 1619, f» 457. trine ;mais quant à autres prohibi-
Sur Varagle (que les historiens vaudois écri-
vent Varaille. conformément à la prononcia-
tion), voy. Gilles, Hist. ecct., p. b; ; Calvini (1) Busca, ville de la province de Coni
Opéra, XVI, ùjb, 744; XVII, 7î, ni, 128;
Bèze, Hist. eccl., I, 89. (Piémont).
(2) Barge, ville de la même province.
LIVRE SEPTIEME.
abus. A dit auffi qu'eftant en ladite des gentils. Toutesfois Dieu n'œuure m.d.lvu.
vallée d'Angrongne, auroit efté appelé fa grâce , ainfi qu'en
de la part de Montifcalle (i), pour des en nous par
pas créatures ayans volonté, laquelle
venir à Dragonere (2) ouyr chofes qui
foit bonne & d'accord auec l'infpira-
lui feroyent propofees fur le poind de
tion diuine ; il faut auffi qu'elle foit
La iuflification la luftification, & qu'en reuenant dudit préparée du Seigneur, qui fait en nous
par la Foi. lieu, auroit efté détenu prifonnier en & le vouloir &\e parfaire, félon le
la ville de Barges. Interrogué quelle
propos de fa volonté. Par ainfi qu'il Abfurditez des
foi, quelle vie & mœurs il a fuadé ou 521
fe faut garder de confentir auec au- Scholailiques.
diffuadé à fes auditeurs, a dit fur tout cuns Scholaftiques qui difent que nous
auoir prefché iSj traité publiquement pouuons aimer Dieu de nos propres
l'article de la Iuflification, affauoir forces naturelles, & que Dieu ne dé-
que par la feule foi en la mifericorde nie pas fa grâce à ceftui-là qui fait ce
promife par la mort de nortre Sauueur,
tous ceux qui croyent & fe repentent, qu'il peut, & telles abfurditez, lef-
quelles fentent la doftrine de Pela-
ayans fiance en iceile mifericorde, ont
gius confutee par le Concile de leru-
remiffion de leurs péchez. D'auan- falem , & par S. Auguftin & autres
tage, que les bonnes œuures ne peu- dodeurs catholiques. Il a enfeigné
uent eftre caufe de la remiffion de nos
mérites & defautleur
qu'il ne fe tourmenter
pasrémunératio n, des
&
péchez , encores qu'elles foyent re-
quifes & neceffaires pour obtenir falut que, quand il en eft parlé, nous deuons
comme le fruit de la iufiice de foi , & confelTer que ce font dons de Dieu ,
non pas comme la caufe. Et qui ne & quand il couronne nos mérites (dit
voudra bien faire, fans doute ceftui-là S. Auguftin), il ne couronne rien finon
fe glorifiera en vain d'auoir la foi iulli- fes dons , comme dit l'Apoftre :
fiante , veu qu'icelle eflant vn don de Qu'as-tu que tu n'ayes receu t II a en i. Cor. 4.
Dieu , ne peut eftre feparee de cha- horreur le zèle de l'Efcot, de Bona-
rité. Et n'a point dit, que la foi iufli- uenture. & de quelques autres, parce
fie, comme fi c'eftoit vne œuure digne qu'il n'eft félon fcience, ayans trois
de foi-mefme , par lequel nous puf- fortes de mérites, affauoir : congrui ,
fions mériter la remiffion de nos pé- digni & condigni, & encore plus les Oeuures
chez :mais pourcc qu'elle e/l l'injlru- mérites de fupererogation des moines, de fupereroga-
ment & le moyen par lequel nous
fatisfair e "°"-
appréhendons la promejje gratuite de lefquels
aux péchez des viuants pour
ils appliquent & des morts,
la femence bénite promife à Adam, comme auffi leur dire eft, Que leurs
Abraham, & aux autres Pères. A dit
œuures, quelles qu'elles foyent, mé-
en outre & affeuré que ceux qui con- ritent d'auantage que celle des fecu-
felTent eftre iuftifiez en telle forte par
liers,
eftudiant & qu'en
voire dormant,
trauaillant, veillant,
ils méritent,
la foi, encore qu'ils ne facent aucune
mention des œuures, & de la mortifi- eftans (comme ils parlent) en la na-
cation de la chair, ne font point en uire, c'eft à dire en leur religion qui
erreur , d'autant que lefdites œuures meine au port. Il a pareillement en
fuiuent neceffairement la foi , & mef- abomination leurs blafphefmes, afta-
mes que fans iceile elle eft morte to- uoir que les Sainéls ont plus de méri-
talement.
tes qu'il n'en falloit pour la fatisfadion
Le Lundi , 27. iour de Décem- de leurs péchez ; ils en font vn threfor
bre 1557., enquis du franc arbitre, a qu'ils méfient auec les mérites de
dit auoir enfeigné fes auditeurs , que Chrift, pour eftre diflribué par le Pape
Du le franc arbitre eft quelque puiffance en vertu des clefs qui lui font données
franc arbitre. Je raifon ou de volonté, par laquelle de Dieu en baillant des indulgences
le bien eft efleu , la grâce eftant don- & bulles. Toutes lefquelles 'chofes il
née, & le mal eft efleu , iceile grâce a prefché deuoir eftre reiettees de
défaillante. Sur quoi il a allégué quel- tous Chreftiens.
ques Dodeurs, fpecialement S. Au- De la Prédestination il a enfeigné La
guftin & S. Ambroife, de la vocation
la caufe de predemnat.on.
qu'il neeledion,
noflre ni dere ladepart
faut débatt de celui
(i) Personnage inconnu. qui eflit, ni de la part des efleus, veu
(2 Drasonera. Il y a deu.x petites ifes de qu'autre caufe n'eft affignee par la pa-
role de Dieu , finon le bon plaifir de
ce nom , l'une sur les côtes d'Espagne , et
I
l'autre sur celles de la Grèce; il doit s'agir la volonté Diuine, & qu'il nous doit
.ici d'une localité piéraontaise. fuffire, que Dieu nous eft père bénin
LIVRE SEPTIEME.
& 5mifericordieux.
22 Que les hommes vie, comme dit Bafile, in regulis bre-
craignans Dieu doiuent eftre diligens uioribus.
& foigneux par vraye foi & bonnes Des Indvlgences, il tient & a en- indulgences,
œuures, qui leur
font vocation
fruits d"icelle, ren- feigne auoir eft6 le temps paffé remif-
dre certaine & eleélion, fions & relafches des tourmens de la
1. Pierre i. lo. comme S. Pierre l'enfeigne. Donc- chair, aflfauoir, quittemens des fa-
ques les doutes Scholafliques font plus tisfaélions publiques, ordonnées de
curieufcs qu'vtiles, aflauoir, Si la pre- l'Eglife à ceux qui publiquement
dcflination efl changée ou entrée en auoyent failli. Lefquelles fatisfactions
vn temps ia paffé. Si le nombre des efloyent baillées par les Patriarches
efleus fe peut augmenter ou amoin- & Euefques , & elloyent commifes in
drir. Si ceflui-là qui eft efleu a la
tctum rcl
contre in partem.
Dieu Icelles mais
& fa parole, n'efloyent
quant
puiffance à l'oppofite ; item, Si necef-
fairement , ou par contingent (comme aux indulgences des Papes & leurs
ils parlent) quelcun eft efleu. Lefquel- efcrits & bulles, par lefquelles la
les queftions doiuent eflre reiettees, coulpe & mort éternelle eft remife, a
tant s'en faut Chrerticns.
aux auditeurs qu'il les faille
De propofer
la con- dit
nié cela eftre du tout abfurde, & l'a
eftre vrai.
feffion auriculaire, il a enfeigné & la De r Invocation des Saincts, a L'inuocation
tient n'eftre ordonnée ni de Dieu, ni dit auoir enfeigné que l'affeftion de des Sainds.
de droiél diuin, mais pofitif, affauoir, ceux qui font morts en lefus Chrift
d'Innocent Pape, commandée au troi- en vraye confeffion de l'Euangile, &
fieme concile de Latran, félon le ca-
qui ont vefcudiminuée
aucunement félon fa, ains
parole, n'eft
pluftoft
Confeffion non : Omnis l'triufque fexus. Que le
de droit pofiiif. dénombrement des péchez eft chofe
augmentée après qu'ils font receus au
impoffible, laquelle neantmoins re- ciel , que àtel
quiert ledit Canon, en difant : Omnia contraire la defir
parole& deaffedion n'eft
Dieu, mais
peccata fua. Qu'il eft les
poffible de confeffer encore plus im-
circonflances pource qu'il ne fe trouue rien de ceci
en l'Efcriture fainde, laquelle au
agrauantes ou attirantes d'autres ef- contraire nous enfeigné qui nous de-
peces^ fans lefquelles auffi les péchez uons prier & comment, alTauoir, Dieu
oubliez (félon l'opinion de l'Efcot & par lefus Chrift noftre Seigneur, feul
des Sommiftes) ne font pardonnez. fauueur, moyenneur & aduocat, il
Toutesfois a confeffé que iadis on nous faut fuiure cefte reigle, ne dou-
auoit recours aux Anciens de l'Eglife tans que nous obtiendrons nos requef-
pour redreffer les confciences affli- tes.
gées & efpouuantees de la pefanteur Des Images, a enfeigné qu'elles Des images.
des péchez, par la parole de Dieu, ont efté introduites en l'Eglife de
pour humilier ceux qui s'efleueroyent, Dieu contre la première table , lef-
ou qui ne feroyent touchez du fenti- quelles Epiphanius, Euefque de Sala-
ment de l'ire de Dieu & de fon iuge- mine, a reiettees de l'Eglife, comme
ment , pour monftrer les remèdes de il appert en fa vie traduite de Grec
fe garder de retomber, & prier pour en Latin par S. Hierome. Semblable-
le pénitent qu'ils auroyent veu con- ment qu'elles ont efté reiettees par
uerti. Il n'y a celui qui feuft mefprifer Léon Ifaure, empereur, par Conftan-
telle manicre de confeffer, ce que lui tin 5. & 6., par le Concile de Conf-
& fes compagnons ne reiettent aucu-
nement ,ains en cefle façon enfei- tantinople &400.
Seigneur Elibertin,
: combienenuiron
quel'anpuis
du
gnent, confolent ou retiennent les pé- après elles ont efté de nouueau intro-
chez de leurs auditeurs. duites par autres Pontifes, en leurs
Satisfaflion. TovcHANT la SATISFACTION , a en- conciles tenus en Italie, & par Irène,
feigné A tient pour certain qu'il n'y a enuiron l'an Hoo. Outre a dit & affermé
chofe qui puiiïe fatisfaire pour nos pé- qu'il a prefché & enfeigné qu'es cho-
chez, finon la mort de Icfus Chrift, fes qui concernent la foi , comme en
laquelle chacun vrai repentant em- ceft article, il faloit pluftoft demeurer
en ce que Dieu en auoit prononcé par
braffe par foi. Trop bien qu'il faloit
fatisfaire à l'Eglife pour les péchez fa parole, qu'en ce que les hommes
publics par pénitence publique. Quant defpourueus de la parole de Dieu en
aux pecnez cachez , nous ne pouuons auoyent fait.
fatisfaire à l'Eglife ni à noftre pro- Dv Pvrgatoire, veu qu'en l'Efcri- Du Purgatoire,
chain, finon que nous changions de ture fainâe il n'en eft fait aucune
■
GEFFROY VARAGLE.
mention , & que ne deuons eftre en 52?
I. que l'Euefque Romain a les clefs m.d.lvu.
fouci fur ceux qui font morts, & que
de l'Empire celefte & terrien , auec
lefus Chrift ayant fatisfait pour nos puiffance de tous les deux glaiues
péchez , fe fied à la dextre éternelle dilUnâ. 19. cap. ita Dominus. 2. Que Articles
de Dieu le Père, veu auffi que tout le
genre humain eft diuifé en deux fortes, blez, ni déterminer
les Conciles chofeaffem-
aucune eftre
ne peuuent fans 'a^doarine
dedireflement
affauoir les fidèles & les incrédules ;
lui , & que tous les fecrets d'iceux oppofez
qu'aux premiers la vie éternelle eft af- demeurent in Icrinio peâoris , comme à a Dieu. parole de
fignee & donnée par la parole de cachez au coffret de fa poiclrine, con-
Dieu, & aux autres la mort éternelle; tre lefquels il peut ordonner félon fon
il n'eft loifible à aucun de mettre en plaifir, dijïind. 21. cap. in nom.
auant en l'Eglife du Seigneur vn troi-
fieme genre d'hommes, ni affigner vn Ce iourd'hui , pource qu'il ejloit tard,
tiers lieu aux âmes après cefte vie. il ne fut oui plus auant. On conti-
Du Pape. nua au Mardi, vingthuitième iour
ne QvANT
feroit au Pape, de
loifible il fait & tient
fortir horsqu'il
de
audit mois de Décembre, ce qui s'en-
l'obeiffance deuë par la parole de
Dieu aux Euefques & Prélats pour
leur mauuaife 5 . Que les commandemens du Pape
feignent commevie.il apartient,
pourueu qu'ils en-
fans note font en pareille authorité auec les
de fchifme ou herefie, veu que fommes
commandemens
fuit. de l'Euangile, & qu'ils
aprins de Dieu, les efcouter quand ils obligent, fous peine de péché mortel,
feront affis fur la chaire de Moyfe, & les fidèles de Chrift, 21 . diJlinSî. cap.
Malth. 2;. 2. omnes.&cap. facrofanâa,le(\ue\ péché
ce qui s'enfuit.
choses mefchantes Maisou s'ils enfeignentà
répugnantes le Pape ne pardonne à aucun fexe ni
la vérité, lefus Chrift commande de aage , finon que la difpenfation de la
nous en donner garde, quand il dit :
Matth. 16. 6. loi foit rachetée par argent. 4. Qu'il
& II. Gardez-vous du leuain, c'eft à dire de peut à fon plaifir expofer les Efcritu-
la dodrine des Pharifiens & Saddu- res , à la détermination duquel il faut
ciens ; car fi vn aueugle meine vn
immobilement s'arrefter, d'autant qu'il
autre aueugle, tous deux ne tombe- ne peut faillir en ce qui concerne la
ront-ils pas en la fofie ? Or , veu que foi, di/linâ. 19. cap. Sic omnes. & cap.
le Pape veut contraindre de croire
chofes qui répugnent directement à la Nulli. 5. Qu'il peut
tuer nouueaux introduire
feruices & infti-
meritans iuf-
parole de Dieu, les fidèles ne peuuent tice, comme les ordres des mendians,
adhérer aucunement à lui, leur con-
lefquels l'Eglife de Chrift n'a conus
fcience fauue, & ne peut-on toutefois par l'efpace de 1200. ans. Item les pè-
dire qu'ils foyent pourtant hors de lerinages, mérites des Sainfts & appli-
l'Eglife, laquelle eftant l'efpoufe de cations d'iceux, enfeuelir auec l'habit
Chrift, colomne & apui de vérité, elle feraphic, ou de S. François, aufquel-
oit la voix de fon efpoux, & ne s'ef- les chofes quatre Papes n'ont efté
gare de fa bergerie. Au contraire , le honteux d'attribuer la remiffion de la
Pape ayant laiffé toute vérité en der- quarte partie des péchez pourvn cha-
rière,contraint par fes décrets, ex- cun. Item d'ordonner les chappelets,
communications, cenfures, glaiues & indulgences & iubilez par bulles, auec
flammes, d'acquiefcer à fes comman- remiffion de la coulpe & mort éter-
demens & ti-aditions, tous ceux qui nelle. Et fpecialement en aprouuant
ne fuiuent & confentent à fa doârine. cefte exécrable indulgence, appelée
Ce n'eft pas à dire que les fchifmes ou en leur gergon (i), de Sainéte Marie de
diflTenfions plaifent aux fidèles , car ils portiuncula (2), pour retirer les âmes
ne défirent rien plus que bon accord
de Purgatoire. 6. Qu'il a defpouillé de
& vnion ; mais c'eft pource que les vrais Pafteurs les Eglifes des Chref-
commandements de Dieu, & les tra- tiens, fubftituant en leur lieu gens
ditions des hommes font chofes di- ignorans les fainftes Efcritures , &
redement contraires, & que les Chref-
tiens ne peuuent garder l'vn fans (i) Jargon.
offenfer l'autre. (2) Nom d'une chapelle élevée par saint
Or les chofes que ledit Varagle & François d'Assise, ainsi appelée, soit à cause
ceux qui fuiuent la vraye doftrine, iu- de sa petitesse, soit à cause de la petite
gent notoirement contraires à la parole portion de terre qui en dépendait. Ce fut
près de cette chapelle que François se fit
de Dieu , font celles qui s'enfuiuent : une hutte pour y vivre en anachorète.
P4 LIVRE SEPTIEME.
mefmes infâmes, lefquels puis après raché toute difcipline des Eglifes, &
il a difpcnfez de rcfider A auoir foin baillé la vogue à tous loueurs, pail-
des âmes, contre Dieu i.t tous droits. lards, blafphemateurs éc Sodomites,
lefquels ne font aucunement chaftiez
7. Qu"cs Egiifes de fon obeillance
rien ne peut eflre entendu par les ne feparez de la compagnie des au-
idiots, qui ert contre la dodrine de tres, contre la dodrine de S. Paul.
S. Paul. Que tout y retentit en fons 10. Que le Pape a mis au nombre des
ade finchants de cloches
ne mefure & orgues,
en leurs & n'y
luminaires & Sainds ceux qui , par leurs efcrits in-
iuricux, ont defgorgé chofes enragées
contre le Fils de Dieu & fa parole,
mortuaires. Qu'à grand' peine, en fix
mois, on y oit vn feul mot d'exhorta- corrompans
eflablir non l'Efcriture
feuleinent fafainde pour
primauté,
tion àvraye pieté. On y nourrit & en-
tretient l'idolâtrie par l'introduftion mais auffi fa tyrannie, comme ces
des images, par la tranfrubftantiation
paffages : le t'ai conflitué fur les na- 1er. i. 10.
du pain en la Mcffc, lefquelles chofes tions & règnes, afin que tu arraches
contraint d'ado- & deftruifes, & que tu édifies & plan-
y acourire(tcomme
rer, voire peuple
le poure au refuge, tes. Item, le frapperai d'vne verge de Pf. 2. 6.
attribuans diuinité à telles chofes, la- fer
quelle apartient au feul Dieu viuant. Adorez Rois
les le d'iceux,
fcabeau & dece qui
fes s'enfuit.
pieds , pf. 98 ç.
Le Pape eftime plus fes conftitutions
& loix que les commandemens de pource qu'il ert fainft. Tu l'as cou- Pf89.7.8&9.
Dieu, car fi quelcun mange chair le ronné de fur
confiitué gloire
les &œuures
honneur,
, &c.& ,tu& l'as
as
toutes chofes fubmis defTous fes
Vendredi, il eft excommunié ; mais s'il
blafpheme le Nom de Dieu, cela de- pieds : les brebis , c'eft à dire les
Conformitez meure impuni. Si aucun ayant voué
Chrefliens; les boeufs, c'eft à dire les
de S. François, challeté, commet paillardife, ou adul-
tère, foit moine, foit preftre, ce(lui-là àPrinces;
dire toutleslebeftes
Clergédes; les
champs,
oifeauxc'eft
du
fera digne d'vn bénéfice & faueur ciel , c'eft à dire les Anges; les poif-
Apoftolique. fons de la mer, c'eft à dire les dia-
marier, félon Que s'il a mieux
le remède que aimé
Dieu fea bles, hérétiques & infidèles. Bref, fa
volonté & fes inuentions lui font pour
baillé , le Pape veut qu'il foit bruflé.
Si quelcun lit les liures des Sophifles raifon. 11. Il n'eft loifible à aucun de
& Sommifles, & les Conformitez de le reprendre tt arguer de fes fautes,
BarthelcmidePifis(i)rempliesd'infinis encore que, par fon mauuais exemple,
blafphemes & iniures à l'encontre du il meine les âmes par bandes en en-
Fils de Dieu, voire qu'il ait enfeigné fer, pour eftrc tourmentées auec lui,
comme il eft dit , dijlintl. 40. cap. fi
d'y croire ; le Pape veut qu'on l'eflime
Papa. Il ne peut eftre iugé ni des
auoitVaraglc bon lire
conu plu- de catholique.
ou toucherQuefeulement
s'il a cftélesfi liures
hardi
Empereurs & Rois, ni mefme de fon
clergé, comme il eft cfcrit : Vi noua,
f l'^d'^^'-" d'Alemagne, qu'il foit emprifonné, ou
I. Cor. î.° à tout le moins anathcmatizé. 8. Que qua'lHone ? . cap. Ncmo iiuiicabit pri-
l'article de la luflification de la foi a mant fedcm. Donques veu que non
eflé efleint du tout par les traditions feulement il vit malheureufemcnt auec
les fiens , mais auffi enfeigné chofes
des Papes, & Léon dernier expiré l'a
bruflé publiquement. 9. Qu'on a ar- contraires à la parole de Dieu & per-
met les enfeigner, comme il apert par
(i) Barthilcmy
Barthélémy deAlbizzi
ce que ;deft'us
raifons ioint ,que
& tous
beaucoup
ceux d'autres
qui font
aussi Pise ,(dequ'on
Pisis),appelle
né au
rachetez par le fang de Chrift ne
quatorzième siècle, fut de l'ordre des Fran-
ciscains ou Frères mineurs, et s'est rendu cé- peuuent fclon
bien viure finon
lèbre par son livre Des conformités de saint inftruits la voix de qu'ils foyent
leur palleur
François avec Jésus-Christ, qu'il présenta au & efpoux : il a efté neceflTaire, quand
chapilrc général de son ordre, en 1509.
Marchand, dans son Dictionnaire historique, elle nous eft aparue & que nous
a consacré seize colonnes h décrire toutes les
l'auonstoutes
auec ouye,difticultez
de la fuiure, voire
& de nos mefme
biens
éditions que l'on a faites du livre d'Albizzi,
et toutes les réfutations qu'on en a publiées. & de nos vies , ()t en ce faifant de
C'est un ouvrage plein d'extravagances et
d'inepties, qui élève François d'Assise au quitter l'Antechrift tSr le laifl'er du
niveau de Jésus-Christ. L'Alcoran des Cor- tout. D'auantage a dit que lui avec
deliers. dont il est fait mention plus loin fes confrères ne comniencent de cefte
(p. s 281, est le plus connu des livres protes-
tants qui furent suscités par l'ouvrage de heure, & ne font pas feuls qui detef-
Barthélémy de Pisc. tent les chofes fufdites , comme il fe
GEFFROY VARAGLE.
52?
peut voir au Concile de Cartilage Qu'il vous fouuienedonc que ceftui-la m.d.lvh,
cinquième, aux Epiftres de Cyprian à mefme qui a bien daigné vous faire
Corneille, d'Irenee ad Vidcrem Pa- ceft honneur vous a produit pour fon
pam , de Grégoire premier contra
tefmoin , afin que, s'il eft belbin, vous
loanncni Archicpifcopum, & beaucoup
d'autres. figiiiez de voftre propre fang ce qu'au-
parauant vous auez enfeigné de bou-
SvR ces entrefaites, M. lean Cal- che. Cependant ne doutez point qu'il
ne foit fait fidèle gardien & protec-
uin confola M. Geffroy Varagle par
lettre efcrite en Latin , que nous teur de voftre vie. Et d'autant qu'il a
promis que la mort des Sainds lui
fera precieufe, quelque iffue qui en
auons traduite comme s'enfuit (i) :
auienne , que cefte recompenfe vous
Combien (trefcher & bien-aimé fuftife : c'eft que maintenant le Fils
frère) que les nouuelles de voflre em- de Dieu triomphe par vous , afin de
prifoanement nous ayent efté fort trif- vous recueillir en la compagnie &
tes & fafcheufes, tant y a neantmoins iouyft"ance de la vie éternelle. le ne
qu'elles nous eulfent navré le cœur m'arreflerai pas d'auantage fur ce
beaucoup plus grieuement fi nortre poind auec vous, pource que ie me
bon Dieu , lequel a acouflumé de ti- perfuade que vous-vous apuyez & re-
rer la clarté des tenebr.s, ne nous polez en la protedion & fauue-garde
euft adouci noftre trirtede par quelque de celui auquel, quand nous mourons
ioye & confolation. Car nous auons & viuons, nous femmes, en mourant,
bien dequoi nous rel]ouyr , fachans trop plus heureux que ne font les
que voftre labeur a défia commencé hommes terreftres & profanes en vi-
de profiter, voire en la prifon mefme; uant (i). Mes compagnons & frères
vous faluent. le prie noftre Seigneur
que par vortre moyen l'Euangile de
noftre Seigneur iefus a efté pins ma- qu'il vous gouuerne par ]a prudence
gnifié que li vous euffiez efté en liberté
de fon Efprit,
inuincible, vous maintiene
& vous arme d'vnefous
forcefa
2. Tim. 2. 9. & àdeliure. Parquoi celle gloire dont
S. Paul fe glorifioit à bon droit vous c e m b r e ,1 5 57.
protedion. Le dixfeptiefme de Dé-
doit bien donner courage , an"auoir
combien que les ennemis vous tie- 'Voftre, I. Caluin (2).
nent captif, que la parole de Dieu
n'eft point liée, & que non feulement
la porte eft ouuerte à des auditeurs ,
lefquels efpandront plus loin cefte fe- Rcfponfcs de M. Geffroy Varagle fur
certains poincls de la dodrine par
mence de vie qu'ils auront receuë de lui annoncée.
voftre bouche, mais que le fruift apa-
roit défia deuant vos yeux. Que s'il
vous auientd'eftre tenu encores Les CommilTaires au procès de Va- De
eftroitement , toutesfois ce fruiftplus
de
voftre labeur vous feruira de confola- ragle
efcrit permirent
fes refponfes qu'icelui
aux redigeaft
poinds par
fur l'Euchariftie.
tion de
finguliere, d'autant que,vnefi lanation
con- lefquels il auoit fpecialement efté in-
feffion foi faite deuant
tortue & peruerfe eft vn facrifice terrogué, comme s'enfuit :
L Geffroy 'Varagle a enfeigné
agréable à Dieu, combien plus doux qu'au Sacrement de la Cène, la fub-
fera l'odeur qui s'efpand pour, levous
fa- ftance du corps de Chrift, fous l'ef-
lut de plufieurs r Au refte pece du .pain & du vin , ne nous eft
voyez , mon frère , à quelle guerre donnée; item que le pain & le vin ne
vous eftes appelé , & vous faut bien fe changent point & ne font point
Matth. 10. î2. confiderer cela diligemment. Car puis tranliubftantiez quant à la fubftance
que Iefus Chrift requiert d'vn chacun & accidens ; mais icelle mefme fub-
ftance & accidens demourans , le pain
particulier qu'il rende tefmoignage à
fon Euangile , il vous a obligé beau- & le vin prennent vne autre lignifica-
coup plus eftroitement, vous ayant tion & autre manière d'eflre , alTauoir
ordonné pour annoncer publiquement que ce pain & ce vin matériel diftri-
la dodrine de falut, laquelle eft main-
tenant aft"aillie en voflre perfonne. (0 Le texte latin ajoute : <> Vale, optime
et carissime frater. »
(i) Voy. le texte latin original dans les (2) Le texte latin porte : " loannes tuus
Ciilvini Opcra, XVI, 744.
quem nosti. '>
LIVRE SEPTIEME.
Ç28
coranum Francijcanorum (i), & vn outre ladite Cour , & nous Confeil-
Afl. ch. 5.
autre intituléj De falti de reri fuc- 1ers
ccJJori\icl Icfti Chrijlo & Je ApoJ- malield'icelle, de penferdes
, au conclaue à ceScribes
que Ga-&
lali{2),\yk vn autre intitulé Vnio Hcr- Pharifiens, auoit dit de regarder foi-
gneufement fi vne chofe ell de Dieu
mjnni boJijquand
trois Hures (;), aondit!e qu'il auoit ces
fit prilbnnier,
ou des hommes, & qu'on auifaft de
& qu'il en a piiHieurs autres en fa bonne heure fur cela. Mais pource
maifon à Angrongne. Et quant à ceux qu'il eftoit tard, on le renuoya, après
qui, de diuers lieux & villes, font ve- lui auoir fait figner ce que deffus.
nus à fes fermons , ou qui l'ont inter- G. Varagle.
roguédefur'.aucuns
cas confciencearticles
, il nede fait
la foi &
leurs
noms & ne s'en eft enquis. Admon-
nerté plus ellroitement de déclarer les L'ijfue de M. Gcffroy Varagle.
noms c^ furnoms de fes compagnons ,
Ceci a efté finalement extrait du
qui ont pareille charge & office qu'il
auoit, & qui les a ordonnez Minif-
tres, à quel gage & falaire , en quels procès des Coinmin"aires
caufe , lefquels en cefte
ouyrent paifiblement
lieux ils prefchent , & qui font ceux
■Varagle en fes defenfes , & mcfme le
qui leur portent aide & faueur : A ref- voyansrent dehomme d'érudition,
pondu auoir veu , le fixiefme iour de les diâer & nommerlui comme
permi-
Miniftres Septembre dernier palTé , 24. Minif- il les entendoit. Il y auoit au procès
en Angrongne. t^es en la congrégation générale de plufieurs autres choies ; mais , en ei-
plufieurs vallées , au lieu appelé La fed , nous auons obferué les principa-
combe, defquels il ne fait les noms , les qui feruent à édification. Or, après
finon de quelques-vns , dont la plus toutes ces procédures, la Cour donna
part a efté enuoyee par lean Caluin fentence de mort contre Varagle ,
& autres Miniftres de Geneue, & ce pluftort par crainte de reproche que
à la requelle des habitans es fufdites
vallées. Et fe retournant vers nous de vraye opinion qu'ils eulTent qu'il la
meritaft. On le mena donc à l'exécu-
CommilTaircs prédits, en nous regar- tion pour eftre bruflé deuant la place
dant, dit : « Soyez certains, mes Sei- du Charteau, où eftant venu, il fit
confeffion de fa foi deuant tous, pour
gneurs,qu'il y a tant de Miniflres
prefchans l'Euangilc (comme i'ai pref- monllrer qu'il n'eftoit hérétique , mais
ché) , que li la Cour auoit ordonné Chrertien. La plus part de ceux qui
qu'ils fulTent tous bruflez , pluftort le eftoyenl à ce fpedacle , s'efmerueil-
bois defaudroil que lefdits Miniftres lans de fa dodrine , difoyent haut &
defailliffent à prefcher ; car de iour clair : n Que veut-on dire de ceft
en iour ils fe multiplient, & la parole homme qui parle tant bien &. fainde-
de Dieu éternellement.
demeure s'augmente & »s'efpand
11 auifa, en& ment de Dieu
de toutes , de} Ceft
chofes la 'Vierge
à tortMarie &
& fans
caufe qu'on le fait mourir. » Il y eut
(i) Ouvrage souvent réimprimii et traduit, vn Prertre qui auoit efté compagnon
dont la première édition (Krancfort , 1542 ,
de M. Geffroy au temps de fon igno-
pet. in-8» de 12 lî.) est intitulée : Alcoranus rance, lequel , en partant, lui dit en
Franciscanorum, id est, blasphcmiarum cl
nugarum Lcrna , de sligmalisato idoto , quod fon langage : « Mai/tro laffre, Conuer-
Franciscum vacant, ex lihro eon/ormitatum. tilevi, conuertilcvi. » Le patient lui ref-
Conrad Badius en publia , à Genève, une pondit : « Conuertitevi i>oy, chc fono
traduction française en i;6o, sous ce litre :
VAlcoran des Cordclicrs
(2) Sur ce livre, voyez une note aux Notes
conuerlito
uertift io, » fignifianl
lui-mefme de fa qu'il fe con-
malheureufe
et corrections , à la lin du troisième volume.
(i) Unio dissidcntiiim , ouvraj;e de Hcr- condition. Eftant à l'eftache , inonté
mann Bodius , publié à Anvers en 1Ç27, et fur vne efcabelle, le bourreau, à la fa-
en français h Genève en Hî9, sous ie titre çon acouftumee, lui demanda pardon
suivant : La première partie de l'union de de fa mort. ieM.le teGcrt'roy lui dit : « Non
plufieurs pajjfaiges de l Efcripture fainSe. feulement pardonne , mais auffi
Livre Ire/ulile à tous amateurs de paix..,, par
vénérable doâeur Herman Bodium. Cet ou- àemprifonner
ceux qui m'ont premièrement fait
vrage fut condamné par le Parlement de à Barges , à ceux qui
Paris , après l'avoir été par la Sorbonne. m'ont amené en cefte ville & à ceux
Vov. d'Argcntré, Collectio judiciorum. II, Bs ; qui m'ont condamné à cefte mort.
Bull, de l'hisl.entête
four, Notice du prot.. XX.XIV, 2);
du Catéchisme Du-
français Pren courage & exécute ta charge ;
de Cali'in, Genève, 1878, p. cci.v. ma mort ne fera pas inutile, n Apres
BENOIT ROMYEN.
d'Opede,
cela fit fon oraifon à Dieu , & , en
529
l'alla déceler à vn Confeiller du par-
l'inuoquant à haute voix , le bourreau lement d'Aix eftant lors à Dragui- Lauris, gendre
l'eftrangla par derrière, & mit quand gnan, nommé de Lauris , gendre du
Le vol & quand le feu au bois. Plufieurs re-
prefident d'Opede, duquel a elle fait hommeauffide bien
d'vne colombe citent , pour chofe notable auenue en mention en l'hiftoire de Merindol &
Cabrieres. Ce Blanc confeilia Benoit
fon beau père.
"du^feu""^ cefte mort , qu'vne colombe voltigea de monftrer fa marchandife à Lauris ,
à l'entour du feu, qui fut eflimee pour
figne & tefmoignage de l'innocence l'alTeurant qu'il l'acheteroit auffi vo-
de ce Martyr du Seigneur; mais nous lontiers fon pris que nul autre. De-
auons pluftoft à infifter au principal
que alla droit , & homme
quoi ce poure perfuadé
Lauris ayant s'y enle
trouué
ment de
aux s'arrefter par trop curieufe-
chofes extérieures ou rares.
Corail femblant,
aucun à fon plaifir,
mais n'en fit toutefois
entendit comme
que
en paffant que Benoit le faifoit trois
cens efcus. Si toft que Romyen fe
fufi retiré , Lauris ne tarda pas d'en-
uoyer quérir le Viguier de la ville,
Benoit Romyen, Dauphinois (i). auquel il fit entendre que Romyen
eftoit l'vn des plus mefchans Luthé-
Voici derechef, après le fanant Minij- riens du monde , & qu'il le faloit ar-
trc dejjus-ait,fuccede im pourc Mer- refter prifonnier. Ceux-ci ne deman-
cier, en qui reluit la Maie fié de dans que butin , fe tranfporterent
incontinent au logis de Romyen , &
VEfpritcontre
tenue du Seigneur.
lui nous Lamonllrc
po'urfuite
de
l'ayant fait prifonnier de par le Roi ,
quelle affeâion font mene:{ la plus fe faifirent de tout ce qu'il auoit , &
part de ceux qui perfecutent les pareillement de deux hommes haque-
fidèles , li fauoir de piller & rauir tiers qui conduifoyent fa marchan-
leur bien; on y oid & void les mef- dife lors
; fe doutant de la trahifon ,
mes cris & fureurs des Moines &
dit tout haut que c'eftoit Lanteaume
Preflres , & du collé des luges vne qui lui dreffoit cefte partie. Gafpar,
mefme diffimulation, trahifon & pro- Viguier audit Draguignan , ayant fait
cédure , qu'a efié iadis celle des ce beau chef d'œuure , enuoya incon-
Scribes & Pharifiens contre le Fils tinent quérir aduocat du Roy , loa-
de Dieu. chim Portanier , Antoine Caualier,
lean Feraud & Pierre ArdifTon , con-
Benoit Romyen, mercier, natif de fuls, & autres fuppofts du fiege , pour
Villars d'Arennes en Dauphiné, ayant lui affifter en ceft afaire. Apres qu'on
retiré à Geneue fa femme & fes en-
les eut feparez l'vn de l'autre, ils in-
fans, pour y viure félon la reforma- terroguerent Romyen d'où il venoit ,
tion de l'Euangile, alloit fouuent çà pourquoi il alloit par pays , s'il eftoit
& là par pays, ainfi que font merciers marié & de quel temps il eftoit ar-
& col-porteurs , pour gaigner fa vie. riué. R. Qu'il venoit d Aix, & alloit à
Et d'autant qu'il fe conoilToit à acouf- Marfeille pour vendre & acheter la
trer le Corail , il fe trouua en Pro- commodité qu'il rencontreroit ; auoit
femme & enfans, & eftoit là arriué le
uence, au mois d'Auril rail cinq cens
cinquante huit ; & ayant aflTcmblé iour précèdent enuiron fept heures
deux cabinets, print le chemin du du matin, iour de Pafques, au par-
tir de Trans. D. Comment & en Comment
Gruf (2) à Marfeille pour les y aller
vendre. Paffant par la ville de Dra- quelle qualité il auoit fait fes Paf- Romyen a fait
les Pafques
guignan , il monftra lefdits cabinets à ques, & qui les lui auoit adminiftrees.
vn de fon eftat , nommé Lanteaume terre eflrange.
R. Qu'il les auoit faites ainfi qu'il
Blanc, fréquentant Marfeille. Et d'au- auoit peu, à fauoir que le iour précè- en
tant qu'ils ne peurent conuenir de dent au logis où il eftoit & en la
pris , Lanteaume , fafché que fi belle chambre des merciers, regardant vers
marchandife lui efchappoit, fâchant les prez , fe profterna en terre , de-
auffi que Romyen fe tenoit à Geneue, mandant à mains iointes pardon à
Dieu fon créateur, par lefus Chrift
fon Fils vnique, qui auoit fouflfert en
(i) Crespin, 1564, p. 897; li/O, f» 470;
1582, l'arbre de la croix pour lui & tous les
f» 460.f" 42; ; 1597, f° 421 ; 1608, f" 421 ; 1619, humains. D. S'il s'eftoit confeffé?4 auant
(2) Peut-être Gruffy (Haute-Savoie).
Pafques & à qui. R. S'eftre confeffé
LIVRE SEPTIEME.
pour eftre conduit & mené à lefus Samedi & autres veilles. Et (i, par m.d.lvu.
Chrill, qui eft en Paradis, à la dextre confequent
de Dieu fon Père. Il dit le femblable la chair, &c., elle a défendu
R. Que l'vfage que
non, pource de
du vin , & que quiconque mange & l'Efcriture fainde permet de manger
boit indignement prend fa condamna- auec adion de grâces ce qui eft pre-
tion. D. S'il fe confelToit au Preflre. fenté , fans faire diftindion des iours
R. Que non , fe contentant de fe ni des temps ; & neantmoins , comme
confelTer à Dieu , auquel à toutes il a efté dit, s'abftient d'vfer de cefte
heures il a accès par fon Fils lefus. liberté en ce pays, afin de ne fcanda- 5îi
Enquis de fes complices & de ceux lizer perfonne. Enquis du Purgatoire
aufquels il a communiqué fon opi- &s'il prie Dieu pour les trefpaft"ez ,
nion , mefme de fes compagnons à
afin qu'ils foyent abfous de leurs pé-
prefent détenus auec lui. R. Que
bien fait-il que lean Gombaud lui dit ait vn chez, aPurgatoire
dit qu'il n'entend
après lapasmort
qu'il, &y
hier de vouloir faire fes Pafques ; qu'à la vérité il prie Dieu pour les vi-
mais il ne lui a dit quel iour ne com- uans & non pour les morts , par les
ment illes vouloit faire. D. S'il eftoit raifons qu'il a entendues à Geneue.
loifible de manger chair le Carefme. D. S'il a vouloir de s'en retourner à
R. Qu'oui, ains
pourceque Dieu nelefquels
l'auoit Geneue, & s'il veut tenir leur loi, ou
défendu, les hommes, s'il vouloit croire à la fainde Eglife
n'auoyent puiffance de ce faire , bien Romaine & obferuer les feftes qu'elle
qu'en ce pays il s'en voudroit abftenir a commandées. R. Qu'il auoit defir
les iours prohibez, pour ne fcandali- d'y retourner , entant que fa femme
zer les hommes ; mais s'il efloit à Ge- & enfans y eftoyent, & pour viure en
neue , il n'en feroit aucune difficulté. leur loi, ev qu'au demeurant il croyoit
Ledure faite des interrogatoires & la fainde Eglife vniuerfelle & non la
Romaine, & obferuoit pour toutes les
refponfes trement
, pource
efcrire ne qu'il ne ilfauoit
figner, y mitau-fa feftes le Dimanche.
marque. Apres ces procédures, quelques Confeils que
Le lendemain , ce Lieutenant lui fidèles trouuerent moyen de lui dire donnent
aucuns fidèles
ayant fait relire fes refponses, & trou- qu'ayantdedéfia
feffion foi ,par trois fois
il deuoit fait con-
cercher les à Romyen.
uant qu'il perfiftoit en icelles, lui de-
manda s'il eftoit là venu pour feduire moyens de fortir des mains de fes en-
le peuple & perfuader de croire en la nemis , qui ne cerchoyent que fa
loi de Geneue, Item, s'il auoit apporté mort. Qu'il remonftraft donc au Lieu-
quelques liures cenfurez pour inftruire tenant n'auoir fait aucun mal dans le
Royaume, ne mefme en fon reffort &
quelqu'vn : dit que non , pourautant
qu'il n'eftoit homme de lettres & qu'il iurifdidion ; qu'il n'auoit dogmatizé
n'auoit apporté aucuns liures, ne pro- ne fait ade fcandaleux ; que la confef-
hibez ne
, permis. D. S'il auoit acouf- fion par lui faite eftoit pource qu'on
tumé faire fes Pafques toutes les an- l'auoit adiuré de dire vérité ; qu'il
nées ,& receuoir le corps précieux s'eftoit fiinplement méfié de vendre &
de Chrift contenu en la fainfte hoftie acheter marchandifes, chofe permife
à lui adminiftree par vn Prelire après non feulement aux fubieds du Roi ,
la confecration. R. Que non ; vrai eft mais auffi aux Alemans & Suilfes ,
que, depuis quatre ans, il auoit fait lefquels eftans confederez auec le
audit Geneue la fainde Cène quatre Roi, ceux de Geneue, leurs alliez,
fois l'an , affauoir les iours de Paf- peuuent pareillement vfer de com-
ques, Pentecofte, premier Dimanche merce en France ; à ces caufes qu'il
requift eftre renuoyé par deuant fes
de Septembre
croyoit t*t à Noël
que la fainde mère (i). D. euft
Églife S'il
luges. Qu'au refus d'obtenir renuoi ,
ordonné les Carefmes , 'Vendredi , il interiettaft appel par deuant les
Seigneurs du Grand Confeil, aufquels
(i) Calvin, dans un mémoire adressé au telles conoilTances apartenoyent. Sa
Petit Conseil , et examiné par ce corps le refponfe fur ces remonftrances fut
i6 janvier 15;7, disait : « qu'il feroit bien à
délirer que la Cène de Jéfus-Chrift fe diltri- qu'il ne pourroit iouyr de tels priuile-
buât au moins tous les dimanches. >• Toute-
fois, vu u rinfirmité du peuple, » il requérait ges, parce qu'il n'eftoit
bitant de Geneue que nefimple
: voire ha-
fe vou-
que 11 la Sainte-Cène ait lieu une fois par
mois. » Ce lut le Petit Conseil qui décida loit aider de tels moyens , fe conten-
que tant d'auoir rendu raifon de fa foi ,
an. la Cène n'aurait lieu que quatre fois par pour laquelle il eftoit preft de mourir.
I
LIVRiî SEPTIEME.
Le bruit efpars par la ville de la fer- fon infiruélion, d'autant qu'il n'eftoit
meté & condance de ce prifonnier , verfé en termes de luftice & n'auoit
laquelle ils appelent opiniallreté, Bar- nulles lettres. Parquoi ayant dit au
bofi . iuge à Draguignan . homme du Geôlier qu'il vouloit parler au Lieu-
tout ignare, pririt enuie de le voir, &
alla trouuer Romyen & lui dit : rir. tenant,
Venuonauec
ne fon
tarda de l'aller
Greffier, qué-
Romyen
« En qui crois-tu r croyent-iis en Dieu ne fe pouuant
ceux de Gencue? le prient-ils ? » Be- lui auoit confeilléfouuenir de ce
(tant efioit qu'on&
fimple
noit, falché de (i lourde demande, ne peu conoiflTant les rufes de ce monde),
conoilTaiit l'homme, mais le voyant de dit qu'il fe portoit pour appelant par
nature diflforme, gros & lourd, le nez deuant les Seigneurs de Geneue, &
plat e^ large , & de regard hideux , il là où fon appel ne lui feruiroit, qu'il
Refponfe
au lui dit : « Qui es-tu qui biafphemes appeloit par deuant le Roi en fon
ainfi malheureufement ? » Barbofi dit : grand Confeil. Le Lieutenant lui de-
lugu Barbol'i. « le fuis le luge ordinaire de celle manda qui lui auoit enfeigné & fait
dire cela. Romyen dit que Dieu lui
ville. » « Et qui t'a mis (dit Romyen) auoit donné ce confeil par fon S. Efprit,
en ceft office , fi gros & infâme ? pen-
fes-tu que nous ne foyons pas Chref- & non
tiens .' les diables conteffent vn Dieu : loit autre.
Miniflre des Vn Obferuantins
Moine qu'on , appe-
ayant
le nieroi-ie, moi? Penfes-tu auflî que là prefché le Carefme , faifoit auffi ,
ceux qui font à Geneue le nient ? Non, de fon cofié, toute diligence de folli-
non : nous croyons en Dieu , nous le citer la mort de ce poure Chreftien ;
prions & inuoquons, & auons ferme & ayant gagné à lui Caual & Caua-
apui & efperance en lui. » Ce repouf- lieri, confuls , ils ne celferent d'im-
portuner leLieutenant (qui autrement
fement aigrit d'auantage Barbofi , en
forte qu'il ne ceffa de pourfuiure con-
tre Romyen. Cependant le Lieute- àn'eftoit que trop
le menacer d en diligent),
auertir laiufques
Cour
nant, follicité, procéda aux dernières de Parlement, s'il ne fe haftoit de
répétitions pour mettre les procès en le faire brufler. Parquoi fe fentant
efiat de iuger. Et Romyen pria qu'on prefl"é en
lonné de fa
cefte part, & d'autre
confcience, efguil-
pour iuger ce
lui permift de faire oraifon à Dieu, ce
que lui ellant accordé, la commença procès & faire droid fur les declina-
toires & appelations , il alTembla , le
d'vne grande véhémence & zèle mer- XV. dudit mois, les autres luges de
ueilleux, & la continua de tant plus
longuement, que voyant Barbofi pre- Draguignan , ^ print auec eux tel
fent , il lui vouloit faire conoiftre par nombre d'Auocats qu'il eftoit requis
effed qu'il auoit vn Dieu, auquel il par l'ordonnance du Roi. Le Ca-
feruoit, & lequel il prioit par fon Fils phard,alla
auerti qu'ils eftoyent en ,befon-
noftre Seigneur lelus Chrift. Ceci , gne, recommander le faid & dit
toutefois , ne fut rédigé par efcrit ; au Lieutenant qu'il alloit chanter
mais le Lieutenant & l'Auocat du Roi vne * Melfe du S. Efprit, afin d'illu- • Qui niera
dirent : u Voila de belles prières. » miner leurs entendemens à condam- queiameflene
<i Oui, oui 'dit Barbofi), il s'en va ef- rner Romyen
feu. r-. d'eflre
r . ,bruflé
Et pour renfort /-> 1-vif • ày petit
Caualieri /• . iï''' "" ,
inrtrument
fur- ^ 'ouie chofe :
tre martyr de tous les diables d'en-
fer. ))Il fema par toute la ville que ce uint, qui vfa de menaces de le faire voire
Fureur prifonnier n'efchaperoit point & qu'on entendre
autrement. à la Cour, s'ils iugeoyent ^" soufflet
pour allumer
de ce barbare en prendroit bien d'autres. Les fidè-
Barbufi. les, penfans que fa mort feroit de pe- Ce procès mis fur le bureau, Bar-
bofi A quelques autres pratiquez par
titebareedilication, le fcui'
& cruel iStenqu'vn peuple fi plus
deuiendroit bar-
le Moine,
endurci & animé contre eux , crai- ledure & leauant
méritequede d'entendre la
la caufe , fe
monftrerent fi paffionnez de rage &
gnans auffi qu'à l'inftance des gens du
Roi il fuft géhenne, & qu'à force de furie
eftre , bruflé
que leur
& auis fut qu'il
bâillonné , de deuoit
peur
tourmens il n'en mift aucuns d'eux en
danger & ne diffipafl le petit troupeau qu'il n'infedaft le peuple. Et d'auan-
qui efioit en leur ville , rcnuoyereiit tage , qu'on lui baillaft la quefiion
derechef vers Romyen celui qui y pour fauoir qui efioit de fa religion.
auoit elle auparau.int, leqiii-l le per- D'autre-part, la ledure faite du pro-
cès, vn Aduocat mené de fain iu-
fuada de s'aider des moyens qu'on lui gement, voyant les autres f\ animez,
bailloit , puis Romyen
Dieu. Mais qu'ils n'edoyent contre
ne feut retenir fut de contraire auis , & dit qu'il de-
BENOIT ROMYEN. 5îî
uoit eftre renuoyé , parce qu'il eftoit faiél, la Cour lui fit defenfe & aux au- m.d.lvu.
domicilié de Geneue. & n'auoit aucu- très luges, de ne pafter plusauant,
nement d'ogmatifé, ni porté liures, & ains leur enuoyer le prifonnier & le
n'y auoit aucunes informations contre procès. Eftant de retour, il trouua
lui , & ce qu'il auoit dit eftoit comme qu'ils eftoyent empefchezau iugement,
chofe contrainte par le ferment prefté
& leur ayant fait figniller l'arreft , &
à la iuftice. Cefte opinion fut telle- inionftion au Greffier de porter le pro-
mement fuiuie des autres ieunes hom- cès, àpeine le voulurent-ils faire. Fina-
mes , qu'ils fe trouuerent autant lement Barbofi le porta à Aix, & fol-
d'vne part que d'autre , & ne reftoit licita en forte, que par arreft les fins
plus que le Lieutenant à opiner. declinatoires furent déclarées nulles.
11 fut ordonné au Lieutenant de iuger
Et d'autant qu'il eftoit fufped aux fac-
tieux, & que l'heure du difner apro- le procès , appelant auec foi les an-
choit, ils ne voulurent permettre que ciens Aduocats, & auertir la Cour
lors rien fe concluft ; mais remirent
dans huit iours de ce qu'il auroit fait.
l'affignation à vne autre fois, & ce- Ainfi , Romyen fut par leur fentence
condamné à eftre bruflé vif , & où il
pendant femerent par tout ce qu'ils
deuoyent tenir fecret , comme ils en
ont le ferment. fe defdiroit d'eftre eftranglé. Et qu'il
Les Confuls auertis & follicitez auroit la queftion auparauant l'exécu-
tion de la mort , pour fauoir fes com-
par le Moine, font affemblee de ville plices. Dequoi il fe porta pour appe-
au fon de la cloche , en laquelle fe lant, difant qu'il n'ertoit hérétique.
trouua grand amas de menu peuple , Ainfi qu'on le menoit à Aix par Dra-
Ceft officiai
eft du nombre lequel efguillonné par l'Official et la guignan, l'aduocat du Roi, le voyant Repentance
de ceux preftraille, vindrent tous enfemble
crier chez le Lieutenant de brufler par la feneftre , lui dit qu'il auoit con- del'aduocatdu
qui Dieu
n'ont que
autre clu à fa mort, mais il prioit Dieu de ^°y-
ceft hérétique , finon qu'ils le brufle- lui pardonner. Romyen dit : « Il nous
leur ventre, royent lui mefme & toute fa famille. iugera tous au iour du iugement. » Si
& nulle religion Ils firent le femblable vers les luges toft qu'il fut arriué à Aix, & que la
leur mqauremite. & Aduocats. Pour toute raifon , ceft Cour l'eut oui , on lui enuoya vn
Officiai difoit que, s'il en auenoit au- Moine enfumé qui fut trois heures
trem.ent , les Luthériens prendroyent auec lui , & le trouuant pertinax
tel courage, qu'on verroit bien toft (comme ils parlent), rapporta à la cour
fermer les temples acouftumés. Et qu'il eftoit damné , dont le mefme iour
d'autant que le Lieutenant ne vouloit la fentence fut confermee, & Romyen
à leur pofte prendre d'autres luges , renuoyé audit Lieutenant pour eftre
ils firent accorder le peuple de con- mis à exécution. A fon retour, les
Confuls mandèrent par les paroilTes
tribuer aux frais qu'il conuiendroit
faire pour enuoyer à Aix, & faire les aux Curez de fignifier à leurs profnes
pourfuites. Si forcèrent le Lieutenant le iour de fa mort, afin qu'on y allaft,
& firent crier par la ville à fon de
d'y porter le procès pour le faire iu-
ger. Chacun crioit : (( Au feu, au feu, trompe : Que tous les Chreftiens por-
qu'il foit bruflé. » Ce Lieutenant, ne tafl"ent bois en la place du marché
les pouuant autrement apaifer, promit pour brufler vn Luthérien.
d'aller à Aix faire iuger le procès. A Le Samedi xvi. de May, le Lieu-
tenant eftant abfent de la ville,
l'aprefdifnee fut tenu autre confeil du
peuple, auquel furent députez pour l'autre Lieutenant des fubmiffions,
aller à cefte pourfuite , Barbofi, 1 Ad- acompagné des Confuls & autres,
uocat du Roi , & Caualieri , premier allèrent de matin bailler la queftion
ConfuI , auec le Greffier, pour aller
aux defpens de la commune à Aix. au poure patient. D'entrée, ils lui
prefenterent les cordes , fers & poids
Par le chemin, ils rencontrèrent le
pour l'efpouuanter
lui falloit nommer ,fes
lui complices
difans qu'il
&
Prefident Ambrois, homme fangui-
naire. Icelui tafcha de perfuader au renoncer à fa loi , & qu'il voyoit
Lieutenant de procéder à la fentence bien leur bon iugement, puis que
leur fentence auoit efté confermee &
de mortobéir.
voulut fins Les
aller autres
à Aix;retournèrent
mais il n'y
fes opinions confutees par tant de
par confeil auec le procès, délibérez
eux-mefmes de le faire brufler. Le grands perfonnages. Il refpondit d'un
Lieutenant pourfuiuit le voyage , & cœur conftant , qu'il n'auoit aucun
complice & ne vouloit tenir autre loi
ayant faid vn rapport fommaire du que celle de lefus Chrift, prefchee
^
SM LIVRE SEPTIEME.
par fes Apoftres, de laquelle il auoit rent incontinent vfez. Romyen de-
Fait confeffion deuant eux ; que s'ils meura pendu en l'air auant oue mou-
l'appcloyent maintenant peruerfe & rir. Eftoit prefque tout brufié par le
defloyale , Dieu au iour du iugement bas, qu'on le voyoit remuant les leures
la declareroit iufte & fainéle, & ceux
qui la perfecutoyent, éternellement àfansDieu.
faire Plufieurs
aucun cri bruits
, & rendit
furentl'Efprit
ouys
Intcrropalion damnez. Interrofrué fi fes compagnons de ce que les Moines & Preftres auo-
fur la qucllion prins auec lui tienent la foi Romaine,
& géhenne. yent tant efté à l'entour de lui ; au-
s'il auoit iamais communiqué auec eux, cuns difoyent que, fi on y euft laifié
& n en la ville ou en la prouince , il approcher des gens de bien , que
en conoiffoit de fa loi, dit que non. tout fut allé mieux, & que ceux là ef-
Interrogué qu'il efloit allé faire en toyent paillards & infâmes. Autres
cefte ville-la, veu qu'il n'y auoit point difoyent qu'on lui auoit fait tort , &
de corail n'autre chofe de fon meftier, que plus de cent de la compagnie
dit que c'eftoit pour vendre fa pièce auoyent mieux mérité la mort que lui ,
de corail. Enquis qui lui auoit con-
& principalement ceux qui l'auoyent
feillé de fon
fon S.appel, condamné. Autres s'en retournèrent
Dieu par Efprit. dit
Sur que
quoic'eftoit
eftant efbahis , difputans de la caufe de fa
mis fur la géhenne & tiré outrageufe- mort & de fa doArine.
ment , il cria fans ceffe à Dieu qu'il
euft
Chriflpitié fon deFils. lui pour On lel'amour
preffoitdepourlefusle <S'^S"S'*S"^i"^i'*S'>S'>S'*S"S'>^
faire reclamer la vierge Marie; mais
ce fut en vain. La queftion lui fut réi- Les derniers Martyrs en Angle-
térée en telle outrance qu'ils penfo- terre , AVANT LA MORT DE LA
Roine Marie & dv cardinal
yent l'auoir laiffé pour mort; parquoi POLVS (i).
l'ayans remis aux barbiers , & trouué
qu'il n'en pourroit plus endurer, crai-
gnans qu'il ne trefpan"afl, fe haflerent La mort des perfecutc:{ contre l'Euan-
de
atTezl'enuoyer
folliciter au par feu. Apres l'auoir fait
des Preftres & s;ile npf'orte grande confolation & a
Moines de fe defdire , iceux aidèrent )ujlrc , quand elle se rencontre auec
la fin des perfecuteurs. La différence
au bourreau à l'efleuer tout defmem- des deux ijfues eft bien diuerfe ,
bré fur le bois , & l'ayans attaché comme ce récit le manifejîe.
d'vne chaîne de fer, defcendirent à
bas. Romyen fit fa prière à Dieu , de On doit cefte louange aux Anglois,
quoi ces caphards irritez retournèrent
d'auoir efté diligens de conferuer la
Cruautez à lui pour lui faire dire l'Aue-Maria. mémoire de leurs Martyrs, non feu-
horribles des Irritez de fon refus, l'outragèrent & lement de ceux de renom, & qui par
fuppofls de
lui tirèrent la barbe , & le poure Ro- leurs efcrits ont confacré leur mé-
l'Ame- Chrill. myen en ces angoilfes auoit fon re- moire à l'Eglife du Seigneur; mais
cours àDieu, le fuppliant lui donner auffi de garder celles des autres qui ,
patience. 'Vn lourdaut d'entre la par exécutions publiques ou tourment
troupe monta fur le bois pour l'ad- des prifons, ont heureufement fini
monnefter. Romyen cuidoit du com- leurs iours à la pourfuite des ennemis
mencement que ce fuft quelque fidèle,
de l'Euangile. Or, les noms de ceux
parce qu'il lui parloit adez gracieufe- qui furent les derniers emprifonnez ,
« finalement exécutez deuant la Roine
ment
prier ;lamais vierge comme Marieil ,le ifpreft'oit
lui ditde: Marie (comme lean Foxus(2) & autres
(I Laiiïe-moi en paix. » Si tort qu'il
l'euft lailTé, il efleua la tefte & les (1) Crespin, 1564, 42); 1570, f 42)
1608, 1^ 472; ;
yeux en haut , priant Dieu le garder IÇ82, (' 42; ; 1597,
de tentation. Vn beau perc Gardien, 1619, f 462. 902 ;
pour le rendre odieux au peuple , (2) John Foxe , dont nous rencontrons le
nom pour la dernière fois sous la plume
s'efcria & dit : « Blafpheme , blaf- de Crespin, a lité sa source principale pour
pheme; il a mefdit de la vierge Ma- les marlyrs anglais La mime année I1Ç54I
rie. » A vnce bâillon,
cri, Barbofi que Crespin publiait sa première édition à
lui mift & leadioulla
peuplequ'on cria Genève, l-oxe imprimait ù Strasbourp ses
Ccmmcntarii rcrum in EccUsia geslarum,
qu'on le bruflafl.
mit le feu à la pailleLors
A aulemenu
bourreau
bois maximarumquc , pcr IclJin Eiiropam pcrsccu-
tionuin, a \'uiclci>i Icmporihits a,i hanc iisque
acialcin dcscriplio. La première édition de
qui eftoit à l'entour, en forte qu'ils fu-
LES DERNIERS MARTYRS EN ANGLETERRE. 5î5
M.D.LVIII.
hiftoriens Anglois les ont nommez & de luillet, Thomas Withed, minidre,
mis par efcrit) , font ceux-ci. A Lon- fut exécuté. A Brainford, le xiii. iour
dres XXVII. iour de Feurier m.d.lviii. dudit rnois de luillet , lean Slade, vn
on brufia Cvtbert Simon , diacre de nommé Pikés, auec trois autres, fu-
la congrégation de Londres (i); lean rent cruellement mis à mort (i). A
Deuenysh & Hugues Foxe, chaulTe- WiNCESTRE, il y euli vn gentil-homme
tier (2). A Hvntigton, au mois de nommécuta duBrambrique (2), qu'on
Mars, vn nommé Lawton fut exécuté. dernier fupplice , pour exé-
vne
De la prifon de Newgat, à Londres, mefme caufe de la vérité de l'Euan-
on tira mort lean Mainerd (]), le xv.
d'Auril. A Glocestre, le xxvi. iour Or combien que la Roine Marie &
de May, furent exécutez lean Har- autres fauteurs du fiege de l'Aiite-
rifon, vn nommé Daye, & Agnes chrift
gile. eulTent entreprins la deftrudion
George (4). Le vi. iour de luin, on & ruine totale des fidèles d'Angle-
exécuta, à Norwicht, Richard Mar- terre, le Seigneur qui void de loin le
iour de la ruine de fes ennemis, donna
ris, lean Dauus, la femme d'vn nommé
George, & vn nommé Three (<,). A en ce temps foulagement & repos aux
Londres, au mefme mois de luin,
liens. Car comme ainfi foit qu'il n'y
Thomas Tyler , & Matthieu We- euft iamais perfonne qui fe foit à la fin
thers (6), furent tirez morts de la bien trouué d'auoir fait la guerre à
prifon en Newgat. Là mefme, le l'Euangile, cède Marie, après tant
xxvii. iour de luin, furent exécutez de perfecutions ci deuant récitées ,
Henri Pond, Matthieu Rycarbie, finalement a fenti combien est pefante La mort
de la
lean Holydaie, lean Flond, Reynod la main de Dieu éternel conti'e ceux Roine Marie.
Lauonder, Roger Holiand , Thomas qui l'affligent en fes membres. Apres
Sowthan (7). A Norwicht, le y. iour que par tourmens extrêmes de maladie
elle eut efté affligée , voire es parties
Crespin ne faisait aucune mention des mar- les plus fecrettes de fon corps , la
tyrs anglais; le livre de Foxe lui servit lors- mort l'ofta de ce monde au mois de
que, dès 1516, il les fit entrer dans son Nouembre m.d.lviii., enuiron deux
cadre. Ce fut pendant son séjour sur le con-
tinent ,sous le règne de Marie, que Fo.xe, mois après le trefpas de fon beau-
élargissant lui aussi le cadre de son premier pere Charles 'V. Empereur,
ouvrage , le refondit d'après les documents mois de Septembre précèdentauenu au
(3). Le
qui lui furent envoyés d'Angleterre, et y fit Cardinal Polus, Anglois, qui auoit fait La mort
place aux victimes de la politique persécu- de Reginaldus
trice de Marie. Avant de repartir pour autrefois profeffion de conoiflre la vé- Polus.
l'Angleterre, il le publia à Bâie, chez Opo- rité, & qui depuis contre fa confcience
rin, en 1559, sous ce titre : Rcrum in Eccic- auoit reftabli >t remis en Angleterre
fia gejiarum, quac poftrcmis S- pcriculofis his
temporibus cpencrunt , ma xiinar unique per les eflandars de l'impiété Romaine ,
Europam pcrfecutionum , ac fanctorum Dci mourut incontinent après Marie en la
Marlyrum... Conimcntarii. Autorc Jeanne
Foxo, Angio.de C'est cet certaines
ouvrage qui a permis mefme fepmaine
henfion , de regret, horribles
« efpouuantemens d'appre-
à Crespin refaire notices de
martyrs anglais (celle de Cranmer, par qui l'accornpagnerent en la mort (4).
exemple) et d'en accroître le nombre, dans Ainfi le Seigneur fait comme le bon
son édition de 1564. Ajoutons que, si Cres- laboureur, qui du milieu de fon champ
pin mit Foxe à contribution pour les martyrs
anglais, Foxe mit Crespin à contribution arrache les gros chardons, qui empef-
pour les martyrs français. Mais le martyro- chent & fufFoque'nt la bonne femence.
logiste français a été plus généreux envers Il redonna par vne viciffitude defira-
les Anglais que Foxe ne l'a été envers les
Français. Les notices de ce dernier sur nos
ble , après Marie , Elizabet Roine ,
martyrs sont en général écourtées et insuf-
fisantes. (i) Foxe ne mentionne ni Whitehcad, ni
(i) Cutbert Symson, brûlé le 28 fév. 1558 Slade, ni Pikes.
(Foxe, VIII, 454). (2) Thomas Benbridge (Foxe, Vlll, 490).
(2) John Devenish, Hugh Foxe (Foxe, (;) Marie mourut le 17 novembre, dans
Vlll, 461I. sa quarante-troisième année, après avoir
(;l nerd
Nousmentionnés
ne trouvons ni Lawton ni Mai- régné cinq ans et quatre mois, La prise de
dans Foxe.
Calais par les Français, porta, dit-on, le
(4) Ne se trouvent pas dans Foxe.
(5) Noms inconnus de Foxe. été coup à sa s.inté qui n'avait jamais
bonne.
dernier
(6) T. Tylar et Matthew Wythcrs (Foxe,
Vlll, 469). (4) Le cardinal Pôle était au fond un es-
n de la Ré-
(71 Henry Pond, Matthew Ricarby, John prit modéré,formation anglaise le l'historie
et Burnet, représente comme
Holyday , John Floyd , Reinald Eastland, aux persécutients ons, qui furent surtout
Roger Holiand, Robert Southam (Foxe, oppusé des
l'œuvre ressentim de la reine et de
Vlll, 469).
Gardiner.
LIVRE SEPTIEME.
!
pour derechef foulager ceux qui ont tient, après Dieu , à vn ieune homme
efperance en lui, A pour anéantir les (chofe qui rend ce grand œuure de
confeils & entreprifes de toutes hau- Dieu tant plus admirable) nommé
le Maçon,
telTes qui s'cfleuent contre la vérité Jean le Maçon, natif d'Angers, dit la
de fa parole éternelle, par laquelle il Rivière (1), fils aifné du fieur de dit laJean
Riuiere.
veut régner & réduire en captiuité Launay, procureur du Roi du lieu,
toute fageffe humaine. homme ayant beaucoup de biens ,
mais grand ennemi de ceux de la
Religion. Ce ieune homme donc ef-
tant rappelé par fon père de l'eftude
des loix , auant que retourner à An-
gers, voulut employer quelque temps
Récit d'histoire, à fe conformer es Eglifes de Geneue
Du premier cjlahlijjemcnt des Eglifes & de Laufanne. Or, parce que quel-
F'rançoifes {i ). ques amis fiens , conoiffans le naturel
de fon père, le dilTuadoyent de faire
Eftat L'ennemi de vérité s'eflant def- la Cène auant que partir de ces Egli-
des Eglifes de bordé fi furiéufement en diuers en-
France , fes-la , traintcraignans
fe polluer qu'il ne full
bien toft aprèscon-es
fous le règne droits de r Europe, comme nous l'auons
de Henri II. veii es liures précédons, redoubla fes fuperftitions de l' Eglife Romaine, par
coups, fc voyant aflailli & combatu de le commandement de fon père, il ref-
plus près, fous le règne de Henri II. pondit : « J'ai d'autant plus befoin de
bonnes armes, que le combat où ie val
qu'il n'auoit cfté auparauant en France, entrer fera plus grand. »
où il n'y auoit encore proprement au- De fait, fon père ayant tout foudain Ses efpreuues,
cune Eglife dreflTee en toutes fes par- aperceu de quelle religion il eftoit ,
ties (2) , eftans feulement les fidèles
elTaya premièrement de le deftourner
enfeignez par la lefture des bons li-
par flatteries •'k. promeffes , lui propo-
ures,& félon qu'il plaifoit à Dieu de fant fes biens , aufquels , félon la
les inftruire, quelquefois par exhorta- couflume du pays , il eftoit appelle
tions particulières
adminiftration , fans dequ'il
ordinaire y euft
la Parole comme aifné , adiouftant vn eftat hon-
ou des Sacremens, ni confiftoire efta- norable dont il feroit bien toft pour-
ueu , puis marié en quelque bonne &
bli ; ains l'vn confoloit l'autre comme
faire fe pouuoit , s'affemblant félon grande maifon , le tout s'il voulolt
abiurer la religion qu'il appelloit des
l'opportunité, pour faire les prières,
fans qu'il y euft proprement autres Chriftaudins; comme au contraire, s'il
vouloit perfeuerer , non feulement il
prefcheurs que les Martyrs , horfmis
perdroit les fufdites commoditez, mais
quelque petit nombre de moines, doc- auffi ne pouuoit attendre autre chofe
teurs & curez, prefchans moins impu-
qu'vne fin , difoit-il , tres-miferable.
rement que les autres, tellement qu'il Or , cela eftoit acompagné de tant
fe peut dire que iufques alors le
de larmes, répétant fouuent ces mots :
champ de Chrift auoit efté feulement
femé & auoit fruftifié par ci par là ; (I Mon fils, voulez-vous me faire mou-
rir ? )i (comme la Riuiere a depuis
mais qu'en l'année mil cinq cens cin-
quante cinq, cinquante fix & fuyuan- confeft'é à fes amis) que toutes les ri-
gueurs dont fon père vfa depuis con-
tes, l'héritage du Seigneur commença tre lui ne lui eftoyent rien au pris de
d'eftrc rangé & mis par ordre à bon
efcient. ces larmes paternelles, aufquelles il
difoit n'eftre poffible de refifter en tel
L'HONNEt;R de ceft ouurage apar-
(i) La première partie de cotte notice ne (i) Jean Le Maçon de Launay, sieur de
figure dans aucune des éditions de Crespin La Rivière (en latin, Lannacus , Riparius ,
antérieures à ioiq. Elle est empruntée à Riitcrius). Calvindu , i;
dans
IHist. ceci, de Th. de Bèze (t. I , p. 55 do de Paris, datée marsuneiççy
lettre à l'Eglise
(Of>cra, XVI,
l'édlt. 42; ; Lettres fran(.. Il, 122), dit que " nollre
Paris). de Toulouse, t. I, p. 117 de l'édit. do
Seigneur s'elloit fervy de luy en celte ieu-
(2) Celte assertion n'est pas absolument nelTe, tellement que nous avons Je quoy l'en
exacte, comme le font remarquer les savants glorifier. " Mais il demande pour lui un
édit. sirasbnurgcois de Béze. L'Eglise de congé de deux ans, pour " luy permettre le
Meaux, pour ne citer que celle-là, avait été nioi'en d'clludicr. .1 II alla à Genève dans ce
orgiinisée antérieurement à 1^4(1, d'après le but, en i(sll, et en revint jusqu'en 15(12. Il
modèle Je celle que Calvin avait établie à fut tué à Angers en 1572, à la Saint-Barlhé-
Strasbourg depuis 1(39. Icmy. Voy. Crespin, liv. X.
RÉCIT d'histoire.
cas , fans vne fupernaturelle force & fcience , confentir aux meflinges &
537 m.d.lvh.
affiftance de Dieu , ployant fous foi
l'affedion naturelle de l'enfant enuers corruptions du Baptefme de l'eglife
Romaine; qu'il lui eftoit impoffible
fon père. Ayant doncques refifté quel- d'aller i Geneue pour ceft effet , &
ques Jours à ces larmes auec autres
larmes , jointes à plufieurs humbles que fi l'enfant mouroit fans cefte mar-
que ,il auroit extrême regret & les
prières & remonftrances, qu'il pleuft à appelleroit tous deuant Dieu , fi tant
fon père confiderer la vérité de la
eftoit qu'ils mande. lui refufafl'ent
Cefte tant inftantefi pourfuite
iufte de-
doftrine en laquelle il auoit efté en-
feigné par la parole de Dieu, la fin fut occafion des premiers commen-
fut telle , que l'amour du Père eftant cemens de l'Eglife de Paris. Jean jean le Maçon
conuertie non feulement en haine ,
mais auffî en fureur , fur le poinft de le Maçonaprès ayanl efté efleu par l'af- eOeu minittre
femblee, la célébration du iufne '^fg p^/r'/s
le liurer à la Juftice, il ne pouuoit & prières fpeciales requifes en telle
fubfifter en apparence , fi quelques
cérémonie fainfte, lors d'autant plus
amis ne l'euffent retiré de là & fait diligemment & ferieufement con-
aller à Paris , afin d'euiter la colère ceuës , que la chofe eftoit nouuelle
Sa vocation de fon père. Mais Dieu fe feruit de
en ce lieu-la. Put auffi drefi'é quel-
au S. miniftere. ce moyen , voulant que la Rivière , que tels petis com-
que ordre, félon
mencemens le pouuoyent porter, par
aagé lors d'enuiron vingt & deux ans,
quittaft la maifon de fon père charnel l'eftablilTement d'vn confiftoire com-
pour en aller baftir vne fpirituelle à & Dia-
Paris, y dreffant toft après vne Eglife pofé de quelques Anciens
cres, qui veilloyent fur l'Eglife de
qui a efté des plus belles & fleurif-
Paris, le tout au plus près de l'exem-
fantes, ainfi qu'il fera dit es fueillets ple de l'Eglife primitiue qui eftoit du
fuyuans (i). temps des Apoftres :i).
Commence- Or, l'occafion du commencement Véritablement , ceft œuure pro- Les chofes
.^"}f j de cefte Eglife fut par le moyen d'vn céda totalement de Dieu mifericor- '""Pi^^'^^^fg/""
Paris? ^ gentilhomme du Maine , nommé le dieux & tout puiffant , fur tout fi l'on font°porables
fieur de la Perrière (2), lequel s'eftoit regarde les difficultez qui pouuoyent à Dieu,
retiré à Paris auecques fa famille , ofter toute efperance de pouuoir com-
afin d'eftre moins recerché à caufe de mencer vn tel ordre par la ville capi-
la Religion , & fur tout pour ce que tale du royaume. Car, outre la pre-
fa femme eftant enceinte , il ne vou- fence ordinaire du roi en icelle , auec
loit que l'enfant que Dieu lui donne- tous les plus grands ennemis de la
roit fuft baptizé auec les fuperftitions Religion eftans à fes aureilles , la
& cérémonies acoufturaees en l'Eglife chambre ardante du parlement eftoit
Romaine. Apres donc que Jean le comme vne fournaife allumée , pour
Maçon & quelques autres fe furent confumer tout de iour en autre : la
aflemblez quelque temps au logis de
Sorbonne trauailloit fans cefi'e à cen-
ce bon gentilhomme , en certain en- furer les Hures, à condamner les per-
droit nommé le pré aux Clercs, pour fonnes; les prefcheurs papiftiques atti-
y faire les prières & quelques leétures foyent le feu de la plus eftrange forte
de l'Efcriture fainde , fuyuant ce qui qu'il eftoit poffible, & n'y auoit bouti-
fe pratiquoit lors en plufieurs endroits que ni maifon , tant foit peu fufpefte,
de la France , auint que la damoifelle qui ne fuft fouillée. Outreplus, le peu-
eftant acouchee, la Perrière, fon mari ,
ple eftant de foi-mefme des plus ftoli-
requit rafl"emblee de ne permettre la France, paroifl"oit comme
que l'enfant que Dieu lui auoit donné hors (2)
des du defens & enragé. Neantmoins,
fuft priué du Baptefme par lequel les Dieu fit la grâce à cefte petite alTem-
enfans des Chreftiens doyuent eftre blee de dreffer les enfeignes de la
confacrez à Dieu, les priant d'eflire vraye Eglife & en auoir les marques,
entr'eux vn Miniftre qui peuft confé- fur le formulaire & patron de la vraye
rer le Baptefme. Et pource que l'af- Eglife Catholique à Apoftolique, fé-
femblee n'y vouloit entendre , il re- lon le contenu es liurcs du Nouueau
monftra ne pouuoir , en bonne con- Teftament. Au refte , ces petis com-
Bèze écrit à Bullinger en janvier 1556 :
(i) Bèze : « ainfi qu'il fera dit cy-après. » « (1)
Parisiense s novum ministrum petunt ,
(2) C'est par erreur que MM. Baum et (Cah. op.
quam XVI,ut 5).
brevi, spero, missuri,.^ sumus.
, ■.
Cunitz
nistre. (I , 119) font de La Ferrière un mi-
(2) Sots, stupides (du latin stoiidus).
I
LIVRE SEPTIEME.
mencemens
8 furent tellement fauorifez rain Seigneur de fes fuiets, au lieu
5î
de Dieu , qu'eftant le Roi & ceux qui que tel pouuoir demeurant à vn Offi-
le gouuernoyent du tout empefchez ciai ou Inquifiteur, le chemin feroit
aprèsParis
leurs feguerres, ouuert pour tourmenter les inno-
de maintintl'ordre de l'Eglife
& auança fort cens, confifquer leurs corps & leurs
heureufement , depuis l'an mil cinq biens , outre l'occafion que ce feroit
cens cinquante cinq iufques à l'an mil de s'oublier en leurs charges & offi-
cinq cens cinquante fept (i). Plufieurs ces ,fe voyans auoir part à la fouue-
autres furent drelTees à ceft exemple à raineté du Roi. Ces raifons firent
Meaux, Angers, Poidiers, es Iflesde
Saintonge, Agen, Bourges, IfToudun, que rinquifition d'Efpagne (ramenée
depuis plufieurs fois en France ,
Aubigny, Blois, Tours, Lion, Or- comme l'hiftoire de nos Rois en fait
Efforts du léans, Rouan, & autres (2). Les prin-
Clergé Romain foi) n'a point encore impofé fon ioug
cipaux du Clergé Romain ne pouuans importable fur le col des François.
repoulTcz
porter la clairté de l'Euangile Alors auffi le royaume rcceut vne
le parlement defcouuroit leurs ténèbres, firent, tant
qui
par
de Paris. griefue playe en la bataille ou iournee
que le Roi Henri deuxiefme requit le de faina Laurent (1), puis en la perte
Pape que la forme de l' Inquifition de
d'Efpagne de fainft
France,Quentin.
Paris, La Picardie, l'Ifle
trembloyent. Vne
eflablie en fut du tout
France {]).ouLaà Bulle
peu près
en grande partie de la gendarmerie
fut expédiée à Rome le vingtfixiefme Françoife auoit efté menée en Italie
Auis
iour d'Avril mil cinq cens cinquante à des conquefles imaginaires. On fai- ueilleu fument
fept , fuyuant laquelle fut drclfé vn foit dire à la populace que les calanii- conlr aires.
edit du Roi à Compiegne , le vingt- tez publiques procedoyent du doux
quatriefme Juillet fuyuant. Mais ceft traitement fait à ceux de la Religion.
edit apporté au parlement de Paris L'Eglife reformée de Paris, voyant le mer-
pour le vérifier, Dieu voulut que la fond de ces calamitez (iniquement
Cour, confiderant le profit & la tran- imputées aux fidèles), efloit en priè-
quillité du royaume, y refifla fort &
ferme , remonfirant que fi cefie chofe de res continuelles
Dieu pour dcllourner
de deffus le Roi & l'irele
elloit receué & les fuiets du Roi ainfi
Royaume. Et combien que les dan-
abandonnez aux Juges Ecclefiafliques,
le pouuoir des Inquifiteurs feroit infi- gers fuffent
parauant, lesalors plusne grands
fidèles qu'au-
lailToyent de
niment amplifié , l'authorité & fouue- s'alTcmbler tant plus fouucnt & de
raineté tant du Roi que de fa cou- prier plus ardamment que iamais. Ce
ronne grandement diminuée , quand que ne peurent foufTrir ceux pour la
les fuiets naturels du Roi feroyent
profperité defquels ces prières & af-
prcuenus & entrepris par vn Officiai femblees fe faifoyent , tant eft le
ou Inquifiteur. En après, que ce fe- monde ennemi de fon falut (2).
roit trop de regret aux fidèles fuiets Or deuant que parler des cruelles
du Roi de fe voir abandonnez par perfecutions efmeuës fpecialement
leur Prince naturel , pour deuenir ef- contre l'Eglife de Paris, nous infére-
claves A' prifonniers des Officiers du rons ici pour préface la renionftrance
Pape ; tt encores plus grand regret , & requefte prefentee au Roi Henri
quand par vn Officiai ou Inquifiteur deuxiefme, divulguée puis après, au
ils feroyent iugez fans appel en leurs bout de laquelle nous reprendrons le
biens, vies & honneurs, eftant toutes- fil de l'hiftoire des Martyrs en ces
fois la voye d'appel le vrai recours & années mil cinq cens cinquante fept,
Inquifition cinquante huit & fuyvans.
afyle de l'innocence, comme auffi le
d'Efpagnccou- Ceste Remonrtrance (î) doncques
rageufemcnl Roi auquel eft adrcffé l'appel eft le
rebutée. protedeur & conferuateur des inno-
cens ; d'ailleurs auffi efi feul fouue- (1) I.c s septembre.
(2) Tout tuellement
ce ou paragraphe
abrégé de Bèzcest ou(I,extrait
66). tex-
( I) Ici se termine l'e-xtrait de YHisloirc (î) La " remontrance » qui se trouve ici
ecclhiastiquc. résumée ne figure pas dans les éditions pu-
(1) Celte dnumération de localités résume bliées par Crcspin. Elle a été insérée,
plusieurs pages de Bèze. d'abord dans l'édition de M82 , puis dans
(î) Bèzc (I, 65) dit cela avec plus de dé- Celles de 1597 et 1608, comme article dis-
tails, et attribue surtout au cardinal de Lor- tmct, sous ce litre : Dcclaralicn de plufieurs
raine cette tentative. Ce qui suit jusqu'à la iugemens de Dieu, exécute^ Jur les entrefri-
lin du paragraphe est reproduit plus ou
moins librement de Béze et de Chandieu. fes & perj'onncs.
derniers temps contre de ceux
fonquiEglife.
cm attenté en ces
Goulart ne
RECIT D HISTOIRE.
M.D.LVU.
portoit, que les calamitez & afflidions
qui tenoyent la Chreftienté comme contraire , que vous eft-il auenu 5Î9 de-
puis que vous vous eftes ioind auec le
accablée & defolee , efloyent telles ,
Pape a, enuoyee
vous lui receu
ayant de pour l'efpeen qu'il
fa protedio ,&
que chacun confelToit qu'elles proce-
doyent du iufte iugement de Dieu, & qui fut caufe de vous faire rompre la
treue } Dieu a tourné en vn infiant
de ce qu'on laifl'oit pulluler tant de
fortes d'herefies qui regnoyent ; mais vos profperitez en telles afflidions ,
que le mal eftoit que nul de ceux qui
auoyent Tadminiflration publique , & qu'elles
vous touchent
& dene voflre qu'à. l'eftat
Royaume de
A quelle
à qui apartenoit fin efl tournée l'entreprife de mon-
gardoit auec bon d'y pouruoir,
iugement fondéne re-
fur fieur de Guife en Italie, allant au fer-
les fainéles Efcritures , qui efloyent uice de l'ennemi de Dieu , auec déli-
les hérétiques, & quelle eft la vraye bération de ruiner à fon retour les
& fauflfe religion, pour de là tirer la vallées de Piedmont, pour immoler
vraye reigle & concorde : Que le vrai à Dieu fes vidoires } L'iffue a bien
office du Roi eftoit de vaquer à la co- monftré que Dieu fait bien renuerfer
noilTance de tels differens , comme toutes nos délibérations, comme il a
auoyent fait les Rois Ezechias & Jo- dertourné n'agueres celle de monfieur
fias, & autres. Et après auoir fait en- le Conneftabre à faind Quentin le iour
tendre les marques & différences de de faind Laurent, ayant voué à Dieu
la vraye & faulTe Religion, eftoit ef- qu'à fon retour il iroit ruiner Geneue,
crit en ces termes : s'il auoit vidoire. Auez-vous iamais
« Considérez, Sire , & vous trou- Poncher.
entendu, comme feu Poncher, Arche-
uerez que toutes afflidions font aue- ueque de Tours (i), pourfuyuant
nues lors que vous auez entrepris l'érection d'vne chambre ardente, fut
Ceft edit de courir fur ceux qu'on appelle bruflé du feu de Dieu , qui lui com-
Luthériens. Quand ,vous mença au talon , & fe faifant couper
Dieufiftesvous
l'Edit
en- *
fut fait
de Chafteaubriant
en Juin 15Ç5. vn membre après l'autre , mourut mi-
en 47. articles, uoya la guerre ; mais quand vous ent
donnant iamais la caufe, fans
ferablem .' CommeCa peut trouuer
qu'onflellan us(2) Caftellanus.
en fifles furfoir l'exécution , & tant
toute puilTance que vous fuftes ennemi du Pape ,
aux Juges s'eftant enrichi par l'Euangile , &
eftant allé en Allemagne pour la ayant reietté la pure dodrine , pour
prefidiaux.
protedion de la Hberté de la Ger- retourner à fon vomidement , voulant
manie ,affligée pour la Religion , vos
afaires profpererent à fouhait. Au ché en er
perfecut la villedu d'Orléan
la chaire doigt des, Dieu,
fut tou-&
d'vne maladie inconue aux médecins,
l'a trouvée ni dans Crespin, ni dans Chan- bruflant la moitié de fon corps , &
dieu, ni dans Bc-ze ; il l'a empruntée textuel- l'autre froide coinme glace, mourut
lement aux Ccmmentiiircs de l'cjlat de la
Religion & Refpublique, du président Pierre auec cris & gemiflemens efpouuanta-
de là Place vrage, qui le ,"premier,
parus enà Iï6ç. Dans cet ou-
notre connaissance, bles. Il y a auparauant autres exem-
a publié ce document, il est placé à la suite ples mémorables du iugement de Dieu,
comme de la mort du Chancelier &
du récit de l'affaire de la rue Saint-Jacques,
et commence ainsi : u Une lettre, peu de Légat du Prat (3) . qui fut le premier
temps après, efcripte au roi fut divulguée,
par laquelle elloit di(5lque les calamitez
(le reste comme dans le Martyrologe.) Cette (1) François Poncher, archevêque de Sens
lettre au roi est-elle la même que celle dont (et non naître
de comme
Tours), s'était d'abord fait con-
Crespin, reproduisant le récit de La Roche- un simoniaque scandaleux en
Chandieu , a inséré plus loin un résumé, et
employant jusqu'à des falsifications de titres
dontla chambre
en il dit qu'on» dula roi. fit •>Les
fecretement tomber
savants éditeurs pour se procurer l'abbaye de Saint-Benoît-
sur-Loire , qu'il n'eut point parce que le
de Th. de Bèze (édit. de Paris), paraissent cardinal Duprat était son concurrent. Il fut
le penser (1, 146); mais telle n'a pas été arrêté comme crimmel d'Etat : par ses intri-
l'opinion de Goulart, qui, adoptant en 1582 gues en Espagne, il avait cherché à prolon-
le texte de Pierre de la Place , eiit dû , s'il ger la prison du roi ; et par ses cabales il
eût cru à l'identité des deux pièces, substi- avait tâché de faire ôter la régence à la
tuer ce texte à l'autre, et non les insérer duchesse d'AngouIème. Ses menées ne fu-
l'un et l'autre. Il suffit de les comparer d'ail- rent découvertes qu'en IÎ29. 11 fut enfermé
leurs pour s'apercevoir qu'ils diffèrent, tant au château de Vincennes , où il mourut
pourécritsle fond parleque au pour la un
forme.
ton L'un de dispu-
la courde seceux
ces roi sur presque en 1552,
tait avec Rome sur que
pendant la qualité qui
menaçant, et est peut-être antérieur à l'af- devaient le juger. Biographie universelle
faire de la rue Saint-Jacques , tandis que (Michaud).
l'autre . composé au moment où l'élite de
l'Eglise de Paris était en prison, est rédigé (2) Pierre I,Du
Toulouse), 46. Chastel. 'Voy. Bèze (éd. de
dans un but apologétique.
^;) Antoine Duprat, cardinal légat, chan-
S LIVRE SEPTIEME.
?
faindes Efcritures ; que cependant portez le nom de Tres-chreftien , de-
vous cerchiez gens non corrompus , uez-vous eftre foigneux & diligent de
non fufpeds ne fauorables , que vous faire cefTer les perfecutions contre les
chargerez de vous rapporter fidèlement poures Chreftiens, vu mefmement qu'ils
le vrai fens des fainéles Efcritures. Ce n'ont troublé & ne troublent aucune-
fait, à l'exemple des bons Rois Jofa- ment l'eftat de voftre Royaume ni de
phat , Ezechias & Jofias , vous ofterez vos afaires, & ne tendent à aucune fe-
de l'Eglife toutes idolâtries, fuperfti- ditinn tt trouble .' Confiderez auffi que
tions li abus qui fe trouueront direc- les Juifs font foufferts par toute la
tement contreuenir aux fainéles Efcri- Chreftienté, encores qu'ils foyent en-
tures du vieil & nouueau Tellament , nemis mortels de noftre Seigneur Jefus
& vous rengerez auec ce vollre peuple
au vrai & pur feruice de Dieu , fans Chrift, que
accord nous tenons d'vn
& confentement pourcominun
noftre
vous arrefter au dire des Papilles, que Dieu, Rédempteur & Sauueur ; & ce
telles queftions ont efté vuidees aux iufques à tant que vous ayez ouy lé-
Conciles. Car l'on fait alTez que nul gitimement debatre & entendre nos
raifons prinfes des fainftes Efcritures,
Concile n'a efté légitime depuis que
les Papes, ayans vfurpé la principauté A' que voftre Maiefté ait iugé fi nous
& tyrannie fur les âmes, les ont fait fommes dignes de telles punitions.
feruir à leur auarice , ambition & Car fi nous ne fommes conuaincus
cruauté; & la contrariété qui eft en par la parole de Dieu , les feux , les
iceux les fait alTez improuuer, auec glaiues & les plus cruels tourmens ne
cent mil autres abfurditez contre la nous efpouuanteront point. Ce font
parole de Dieu qui font en iceux. La les exercices que Dieu a promis aux
vraye efpreuue de telles decifions eft fiens & qu'il leur a prédit deuoir
aux vrayes & Saindes Efcritures, auf- auenir au dernier
fe troublent quandtemps,
telles afin qu'ils ne
perfecutions
quelles le temps & l'aage n'ont peu auiendront. »
apporter aucune prefcription. Car par
elles nous receuons les Conciles fon-
dez fur la parole de Dieu, & par elles
mefmes nous reiettons ce qui y con-
treuicnt.
Nolcz QvE fi vous en faites ainfi , Sire,
et confidercz Paris de
La persecvtion (i). l'Eglise a
Dieu bénira voftrc entreprife. Il
ce que Henri II acroiftra & confirmera voftre règne tt
& fes
fucccITeurs Empire, & à vodre pofterité. Si au-
ont trement, laruine eft à voftre porte, & Lj ccinpLiinte ordinaire de l'Eglife
fcnti depuis.
malheureux le peuple qui demeurera (r) Crespin, 1564, p. fi;2 ; 1Ç70, f» 474 ;
fous voftre obeift'ance. Il n'y a doute 1582, 1» 427; 1597, C' 424 ; t608, 1*424; 1619,
I* 46Ç. Crespin commence ici à reproduire
que Dieu n'endurciftant voftre cœur , l'ouvrage de Chandieu : Hiftoirc des pcrfécu-
comme A Pharaon , vous ofte la cou-
licuts cl martyrs de l'Ef^lifc de Pjris, Jepuis
ronne de delfus la tefte , ainfi qu'il a t'iVi I ^ (7 iufques au temps du Roy Charles
ncufiiiejme. Ai'cc une cpiftre contenant la rc-
mcnftrancc des proflîls qui reviendront aux
de France en 15Ç0. Il fut pouvcrneur Rént:- fidèles de la leâure de cette lii/loire : et une
ral de Piémont, et y conquit, par ses talents exhortation à ceux qui nous ont pcrfccute\, de
militaires, la riiputation d'un gra'"' homme revoir noftre caufe et juger derechef si ('a
de guerre. efté à bon droifl qu'ils ont fait mourir tant
LA PERSECVTION DE L EGLISE A PARIS. 545
ancienne fe renouuelle en ce temps
par vraye expérience. Ceux qui gnation de Dieu.
principauté:^ auffi l'indi-
Ceuxdeuant
fuhfijlent pour
rompent les affemblees, ejquelles je le (quels prières fe font, comme per-
font prières pour les Princes & le fonnes ennemies de leur falut , ne
peuple , je priuenl à leur efcient du peuuent longtemps foujfrir les faine-
bien par lequel les Royaumes & tes afjemblees ; mais les ayant dej-
couuertes, fe ruent fus & les pour-
de fcrfitcurs de Dieu. roma. viii. « Nous fuyuent iufquà la mort (1).
fomincs iii'rci à la mort pour loy tous les
iours, & fommes ejlinic^ comme brebis d'oeei- Le quatrième de Septembre m.d.
ficn ; mais en toutes ces clto/es nous furmontons
par eeluy qui nous a aime^. » A Lyon, Lvii. il fe trouua vne troupe de fidè-
MDLXIII. Gel ouvrage renftrme une épilre Affemblee
Il à l'Eglife de Dieu qui ell à Paris , " les de trois à quatre cens en vue mai- en la
p. i-Lxxvii; deux sonnets de Zamariel (Ghan- fon affile deuant le Collège du Plef- rue S. Jaques.
dieu), et le texte p. 1-44;, avec une table des fis, en la rue fainft Jaques, ayant
matières, non paginée, de 50 pages. Ghan- fur le derrière le Collège de Sor-
dieu avait pris soin de s'entourer des ren- bonne , & ce des le commencement
seignements les plus sûrs : « le veux bien
proteller que ie n'ay rien mis dans ces ef-
de la nuiiS, pour faire la Cène. Ce
critures,
de ceux qui que font
je n'aye morts euou deapprins
la main demefnie
leur qui fut incontinent defcouuert par au-
bouche, quand ie les ay vifitez en la prifon, cuns Preflres bourfiers (2) de ce col-
lège du Pleffis , qui défia de long
ou
mes extrait
yeux des
ou rcceu regiltresdesdesfidèles greu'estetmoins,
ou vou de»
p. XXXV. On liia avec intérêt le commence- temps y faifoyent le guet , pour s'eftre
aperceus que par fois il venoit là vne
ment de l'admirable préface de ce livre, multitude de perfonnes, non acouftu-
dont on ne connaît que deux ou trois exem-
plaires : mee ; pourtant ils amaflfent le plus de
11 A VEglife de Dieu qui eftà Paris, grâce
et paix de par Dieu le Père, et de par noftre gens qu'ils peuuent de leur faftion ,
enuoyent auertir le guet ordinaire de
Seigneur Usus-Chrift. la ville, & font les apprells de toutes
» 11 y a deux choses qui m'ont efmeu de
faire ce recueil & le produire : l'efpoir du chofes qu'ils penfent neceffaires pour
profRt & contentement que ce vous fera attraper celle compagnie. Toutefois ,
(mes trefchers frères) de reuoir icy l'image Dieu lui donna tout loifir de parache-
de tout le
exercer temps qu'il
enfemble par atribulations
pieu à Dieu : & nous
puis uer les chofes fainftes, pour lefquelles
le defir que i'ay de remettre les poures igno- elle s'eftoit trouuee là, voire en auffi
rans ,dequinoftre
men nous caufe,
font tant
pourennemis,
les faire fur l'e.xa-à
penfer grand repos
venus que pour
enfemble iamais.mal
Carfaire
n'eftans
, ne
leurs iniuftices & cruautez, & les amener, \\
poftible ell, par ce moyen, à quelque com- penfoyent point à la mauuaife volonté
pofilion raifonnable. Gar , en premier lieu , des autres.
l'expérience nous monftre, qu'il n'y a lieffe La délibération de ces meurtriers Fidèles
d'efprit qui approche de celle que l'homme affaillis par le
reçoit, quand après une deliurance non ef- eftoit, fi d'auenture le guet ne venoit
perée, il regarde derrière foi, & fe fouuient à temps pour forcer cefte maifon, de
de l'e.xtrème dangier duquel il eft forli. La faire tout ce qui feroit poffible pour
mémoire de la ru'i'ne qui de près le menaçoit, peuple.
l'effraie : mais en vn inllant fe voiant ef- empefcher que pcrfonne n'en peuft
chappé , il fe reliouit d'vne ioie autant fortir. Ils auoyent donc fait vn mer-
grande que grand eftoit fon effroi & efpou- ueilleux amas de pierres en leurs fe-
uantement. Ainfi les mariniers , après vne
longue & perilleufe nauigation, ellans venus
neftres, iufques à demollir la muraille
au port, ont de quoi toute leur vie eftre gais afin de repoulTer ceux qui voudroyent
& contens : cSc les gens de guerre, lorfque fortir. De façon que fur la minuift,
toutes les munitions en la ville font deifail- comme l'alTemblee deliberoit fe reti-
lies, que la faim & la maladie les preffe, &
que toute efperance leur ell ollée de pou-
rer chacun en fa maifon , ils commen-
uoir tenir la place, si là deffus l'ennemi leue cèrent l'exécution de cefte cruelle
le fiege, & fe départ , les voilà pour toute
entreprife,
furie incroyable.& de batre la fortie d'vneà
Ils adioufterent
leur
& de vie
lieffe. pourueus
Or Dieude par
matière d'efiouillance
fa grâce, après ces
tempelles tant horribles des perfecutions ,
defquelles nous auons elle agitez, commence
à donner à (on Eglife un temps un peu plus
doux & paiUble . petit à petit nous mené à (1) des
toire Ce sommaire
persécutionsse, trouve
p. ;-88.dans l'Wi's-
Ghandieu
vn port plus affeuré, afin que rapportans dit : " Voici que porte la complainte ordi-
auffi la mémoire de nos aduerfttez à celle
naire de l'Eglise ancienne ; Geux qui rom-
deliurance qu'il fait auiourd'huy de fon pent, &c. " La reproduction du livre de
Eglife, noz cœurs encore trilles & ennuiez , Ghandieu par Crespin est à peu près litté-
déformais fe confolent & refiouilfent. n Les rale , sauf de légères retouches de style.
événements ne devaient pas tarder à donner Nous n'indiquerons que les changements un
un cruel démenti aux espérances de Ghan-
dieu. peu notables.
(2) Ce mot n'est pas dans Ghandieu,
LIVRE SEPTIEME.
544
cela vn grand cri pour auoir fecours toyent au trauers des rues pour rete-
de toutes parts; & pour mieux efmou- nir la courfe de ceux qui fortoyent.
uoir le peuple , difent que c'ertoyent Toutesfois, cela n'empcfcha point que
ceux que Dieu vouloit referuer ne
voleurs, brigans, coniurateurs qui s'ef-
toyent là alîemblez. A ce bruit , les
pafratTcnt fans dommage , afin qu'vne
telle deliurance tcfmoignaft fon pou-
plusmerme
le prochains
(ignés'efveillcnt
aux plus & lointains
donnent ,
uoirà la conferuation des fiens; qu'on
comme il fe fait en vn danger com- entendit! que toute la force du peuple
ne pouuoit tenir les autres enclos de-
toute munla: tellement qu'en
ville eft en peu Car
armes. de temps
défia,
dans la maifon , s'il n'euft voulu les
depuis la prinfe de faind Quentin, le prefenter deuant les Magirtrats, pour
peuple efioit en continuelles frayeurs
& alarmes, & auoit eflé commandé de en eftre glorifié ; & qu'ainfi chacun
fu(l apris de remettre fa vie à la con-
faire prouifion d'armes & fe tenir duite de la prouidence diuine. 'Vn feul
prert. Vn chacun donc prend fes ar- de toute la troupe , n'ayant fa courfe
mes & accourt de tous codez là où le d'vn fidèle.
libre entre tant d'empefchemens , fut Meurtre
bruit s'entend ; & oyans dire que ce attaint d'vne pierre & abatu fur le
n'eftoyent voleurs, mais Luthériens paué , & après, à diuers coups, af-
(ils les appeloyent encores ainfi) , en- fommé d'vne façon pitoyable, lufques
trent en vne rage extrême & ne de- à perdre toute forme humaine, & de
mandent que fang. Ils occupent les là fut emporté au Cloiflre S. Benoift,
deftroits des rues , allument des feux &
mondecxpofé (i). aux outrages de tout le
en diuers lieux , afin que perfonne ne
peuft
nuid. efchapper par l'obfcurité de la Apres plufieurs faillies, il ne de-
meura plus en la maifon que les fem-
Quelletionrefol u- Ce danger crtant venu fi foudain & mes & ieunes enfans , et quelques
ils prcncnt. contre l'attente de tous , apporta vne hommes
grande frayeur à ceux de dedans , & fuyure, &qui, de frayeur,
encores n'oferent
des hommes les
penfoyent bien eflre tous maflacrez là vns fe ictterent dedans les iardins
fur l'heure. Toutesfois , ceux qui prochains, où ils furent retenus iuf-
auoyent la conduite & gouuerncment ques à la venue du Magiflrat ; les au-
de l'Eglife les raffeurerent au mieux tres s'eftans en"orcez fur le point du
iour de fortir , furent arreftez par le
qu'il fut poffible , les exhortèrent à
patience , félon le peu de loifir qu'ils peuple , après auoir efté bien batus &
auoyent; & après auoir prié Dieu par meurtris. Alors les femmes, voyans
plufieurs fois , furent d'auis qu on que fi peu d'efperance
print vne refolution de ce qui efioit fauuegarde des hommes qui eftoit
eftoit en la
perdue,
de faire. Il faloit faire de deux chofes voulurent fe prefenter à la feneftre &
l'vne : ou attendre la venue des Juges implorer la mifericorde de ces enra-
& vne mort certaine, en faifant vne gez, qui commençoyent défia à faire
ouuerte confeffion de fa foi, ou rom- force à la maifon pour entrer dedans
fire cefte multitude furieufc qui tenoit & mettre tout à fac. Elles remonftrent
a maifon affiegee. Finalement, à la leur innocence l't demandent que la
fuafion de ceux qui conoilToyent la
couardife de la populace Parifienne , luftice foit
contre appelée
elles & qu'on
par voyes procède
ordinaires.
on conclud de forcer & paffer au tra- Mais il n'y auoit plus aucune raifon
uers, les hommes qui auoyent efpees en cefte populace du tout furieufe.
marchans les premiers, pour faire le Ainfi remettans leur vie entre les
f)a(Tage aux autres. Cela e(l fuyui par mains de Dieu, elles s'appareilloyent
a plus part, & efchapperent plufieurs défia à l'occifion comme poures bre-
à diuerles faillies, mais non fans tra- bis, quand Martine, procureur du roi
uerfer vne infinité de périls. Et c'eft au Cnaftelet, arriua auec
merucilles comment vn feul peut ga- res & force fergeans , tout Commifi'ai-
à propos ,
gner fa maifon à fauueté, car les pier- comme Dieu voulut, pour empefcher
res grefloyent de tous coflez : les vns vn fi cruel malTacre. Incontinent ou-
lenoyent les rues auec picques & hal-
lebardeles
s ; autres qui . de crainte ,
(l) Chandieu ajoute, p. 7 : " tellement qu'il
s'efloyent retirez en leurs maifons , n'cltoit pas bon ennemi de Dieu, qui ne luy
jetla de la fange ou luy donna quelque coup
dardoyent par les feneflres leurs pi- accompagné de quelque lilarphemc en haine
ques fur les paiïans ; & les autres de l'Evangile " Ce membre de phrase est
amenoyent les charrettes & les met- dans les éditions anuïricurcs à celle de tôiç.
LA PERSECVTION DE L EGLISE A PARIS.
545
uerture lui eft faite & à toute fa fuite, de leurs hallebardes & iauelines, ceux m.d.lvu.
pource lement
que ilfut c'efloit
requis le
de Magiftrat: feu- principalement
retenir la furie en robes longues,quicareftoyent d'aage ou
ils fe donnoyent
du peuple . qui efloit là fremiffant &
efcumant de rage, dequoi cefte proye opinion que c'eftoit lespredicans. Mar-
tine, voyant cela, voulut referuer les
lui efloit arrachée. Martine s'eflant femmes en la maifon iufqu'à ce que ce
mis dedans, trouua les choies en tel mefchant peuple fe fufl efcoulé; mais
eftat, qu'il il ne lui fut iamais poffible. Car ce peu-
nocencepouuoit bien gens
de ces poures iuger ; de l'in-
mefme ple menaçoit quelui-mefme en feroit le
bourreau , & mettroit le feu en la
confiderant la fimplicité de tous , l'o-
bei(rance& l'honneur qu'ils portoyent mail'on,
comme les fi on ne les
autres. mettoit, cehors
Pourtant fut
à la Juftice, il en eut compaffion, iuf-
ques à en ietter larmes. force de les expofer à la furie , &
Procès verbal ToUTESFOlS , il ne lailTa point de auffi ne les efpargna-il non plus que
de ce qui paflfer outre & s'informa diligemment les hommes, fans aucun refpeâ; ni du
fexe , ni de leur eftat. Car, quatre ou
"l-affimbiee"" de ce qui s'elloit là fait. Il trouue
qu'attendant que tous fulTent a(Tem- cinq exceptées, toutes eftoyent Dames
on Damoifelles de grandes maifons(i).
blez, on auoit long temps leu de l'Ef-
criture fainte en langage vulgaire ; Elles furent donc nommées putains & L'outrage
qu'après que tous furent alTemblez, le énorme fait aux
Miniftre auoit prié Dieu, toute la chargées de
outragées de toutes leurs d'iniures,
coups,fortes acouftre- ^J^^^^(li^^,_
compagnie ayant les genoux en terre; mens furent rais en pièces , leurs
& après auoir expofé l'inftitution de chapperons abatus de leurs teftes ,
la Cène de l'onziefme de la première leurs cheueux arrachez & leurs vifa-
aux Corinthiens , raonftré quel en ef-
ges fouillez & couuerts d'ordure & de
toit l'vfage & comment on s'y deuoit fange. En tel eftat, tous furent con-
prefenter , après auffi auoir excom- duits aux prifons , après auoir efté af-
munié tous feditieux, defobeiflfans à
leurs fuperieurs , paillards , larrons , fiegez dans la maifon l'efpace de fix
heures , iufques au nombre de fix à
&c. , leur dénonçant de ne s'appro- fept vingts (2). Et combien que ce fuft
cher de la fainéte table. Qu'après tou- contre tout droift, que perfonnes fai-
tes ces chofes, ceux qui auoyent efté fies, & entre les mains du Magiftrat ,
fuffent ainfi meurtries & outragées des
iugez capables
toyent approchezdedecela Sacrement s'ef-
table & auoyent particuliers, fi eft-ce que jamais en-
receu du pain & du vin de la main des
quefte aucune n'en fut faite , pource
miniflres, auec ces
communication du paroles
corps &: « du
C'eft la
fang que c'eftoyent Chreftiens qui auoyent
efté outragez ; mais Dieu vouloit ainfi
du Seigneur;
faites pour le i>Roique& prières s'eftoyent
la profperité de triompher en l'opprobre & ignominie
des fiens. Or, s'ils furent mal traitez
fon royaume, pour tous poures affli- par les rues, ils n'eurent pas mieux en
gez, & en gênerai pour toute l'Eglife, la prifon du Chaftelet , en laquelle ils
auffi que quelques Pfeaumess'efloyent
chantez. (i) Parmi les dames de grandes maisons ,
Voila le contenu de fon procès arrêtées rue Saint-Jacques , le président
Pierre de la Place mentionne, outre la dame
verbal , comme il fe trouuera auiour- de Graveron , dont le martyre est raconté
d'hui en leurs greffes, defquels on plus loin. M'»" de Rentigny , fille du sieur
l'a (i) fidèlement extrait. On com- de Rambouillet et femme d'un enseigne du
manda neantmoins que tous fuffent duc de Guise, Mesdames d'Ouarty et de
Champagne.
Fidèles liez & menez en prifon , & le peuple
(2) t)es Gallars, qui était depuis peu pas-
liez & menez en multitude infinie s'ertoit refpandu teur à Paris , après avoir failli être arrêté
pnfonniers. ^^^^ 1^ l^^ig ^^ [^ rue, les attendant avec Nicolas du Rousseau (voy. p. 481,
auec armes, & defpitant Dieu & les suprà), écrivait le 7 septembre , aux minis-
tres de Genève : i< Quanta nudius tertius
Magiflrats dequoiTellement
l'exécution cœtui nostro clades accident vos jam ex
toit défia faite. quen'en ef-
quand rumoribus saltem audiisse puto. Ducenti
ces poures gens , ainfi liez & garrotez fere captivi tenentur ab hostibus qui dira
les vns aux autres, vindrent à paffer, omnia ipsis minantur. Inler eos insignes ple-
ils commencèrent non feulement à rique tum viri tum mulieres , quorum tamen
nec stirpis nec dignitatis ulla ratio habetur. n
leur dire raille vilenies & iniures, mais [Cahitii Opéra. XVI, 602). Des Gallars,
à les battre outrageufement des fufts 35 écri-
vant sous l'impression du moment , estime à
deux cents le chiffre des prisonniers. De
la Place, d'accord avec Chandieu. dit : « au
(i) Chandieu
II. : « nous l'avons. ■> nombre de cent ou six-vingts. »
LIVRE SEPTIEME.
{
chofe contre Dieu & les Princes , prions qu'il leur donne tontine vie, prin-
cipauté affeuree, fortes armées, le Se-
LA PERSECVTIOK DE L EGLISE A PARIS.
nat fideh, et le peuple bon et vertueux. cun qui peut, apporte quelque chofe m.d.lvu.
Chap. 57. D'avantage comment ferions-nous par mois, ou quand il veut (car nul
rebelles à nos fuperieurs , veu que n'y efl contraint) , & ces chofes font
nous fupportons patiemment les iniu- comme vn déport de pieté, car on n'en
res qui nous l'ont dépend rien en banquets & yurongne-
Reconoillez celafaites
en parvous-mefmes.
vn chacun ?
ries, mais le tout eft employé à nourrir
Combien de fois auez-vous exercé les poures & enterrer les morts, à fub-
voftre cruauté contre les Chreftiens ? uenir aux poures enfans, aux pupilles,
Combien de fois le peuple enragt' de aux poures vieillards & à ceux qui 55'
font prifonniers pour la vérité de
fa feule authorité nous a -il a^'aillis
auec pierres & feux ? Où ejl la ven- Dieu & qui la maintiennent. Celle af-
geance que nous en auons prise , en- femblee donc des Chreftiens merite-
core qu en vne nuid vn peu de feu elle d'eflre appellee illicite, de la-
nous en vengeroit affez? Mais ia quelle nul ne fe peut plaindre ? Nous
n'auiene , qu'vn tel feu des hommes fommes-nous iamais alfemblez pour
face la vengeance du mefpris de la faire tort à quelqu'vn ? Or quand les
dodrine de Dieu. Au refle, penfez- gens de bien s'alTemblent , vne telle
vous que le nombre de gens nous de- affemblee mérite d'eflre appelée Sénat,
faille ? Les nations étrangères qui & non pas conuenticule ou faàion. Ce
vous font guerre ont leurs pays limi- nom-là aparticnt à ceux qui confpirent
tez ; mais nous fommes efpars par contre les bonS; qui font efpandre le
tout le monde , & mefmes vos villes , fang innocent, & cependant reiettent
vos villages, vos cours, vos armées, fur les Chre/liens la caufe de tous les
vos maifons font pleines des noftres , maux qu'ils endurent. Si le Tybre fe incontinent
& ny a que vos temples que nous laij-
fons à vous feuls. Que (i noftre doc- def borde, fi le Nil n'arroufe point le qu'il aduient
Iterre, famine
de
pays, s'il ry a • fecherefje /, , tremblement
ou pe/le, ■ . criG contre
quelque
incontment jgj mal on
chreiUens
trine portoit d'ertre plus to(l tuez que
tuer, nous euffions peu, voire fans il faut faire mourir vn Chreftien. Com- Chap. 40.
armes, vous combatre par vne feule bien que toutes ces chofes auienent ,
efmeute. Nous méritons donc d'eftre & foyent auenues de tout temps, pour
pluftoft tenus pour vos citoyens que les offenfes que les hommes font &
pour vos ennemis. ont faites contre Dieu.
Or, non feulement le populaire
Chap. ;8. Et pourtant , qu'on n'eftime point
de
des nos affemblees& ce
conuenticules qu'onfeditieu-
fadions eftime aueuglé fe refiouit de la cruauté qu'on
exerce contre nous , mais auffi quel-
fes, car nous ne faifons rien qui apro- ques vns des plus grans qui conduifent
che de cela , & ne fommes efmeus de le peuple. Vous donc, ô luges, qui
voulez élire eftimez meilleurs en tuant
gloire ni d'ambition à nous affembler.
Chap. 59. Mais nous-nous alJeniblons, afin les Chrelliens, condamnez, tourmen-
Pourquoi qu'ellansvnis cnfenible nous inuoquions tez, débrifez-nous. Car puis que Dieu
''''"es""^' D/cw, nous prions pour les Princes, 6 fouffre que nous fouffrions, voftre in-
pour ceux qui gouuernent fous leur iuflice fera preuue de noftre inno-
main, pour les puifTances, pour l'ef- cence. Cependant quant à vous, vof-
tat & tranquillité de toutes chofes; tre cruauté augmentera nollre nombre ,
nous-nous alfemblons pour faire com- veu que le fang des Chrejliens efl la
mémoration des fainftes Lettres, & les femence de leur doctrine , & quant à
accommoder à nollre temps ; nous- nous, noftre patience, que vous appe-
nous alfemblons pour nourrir nollre lez opiniaftreté , enfeignera aftez que
foi de faindes admonitions, pour nous la caufe pour laquelle nous fouflfrons
acroiftre en efperance , & pour nous eft tellement condamnée par les hom-
confermer en vraye foi, pour aprendre mes que cependant elle eft aprouuee
la dodrine des commandemens de de Dieu.
Dieu. Il y a exhortations & correëlions
& cenfures diuines. Si quelqu'vn a tel- Lui mefme, au Hure à Scapula, Prefi-
lement failli qu'il foit reietté de la dent & gouuerneur de la ville de
Cartilage.
communication des prières & de toute
l'alTemblee, en cela il y a des Anciens
aprouue\, qui prefident, ayans receu On nous diffame auffi quant à la
cejl honneur par bons tcfmoignages & Maiefté de nos Princes, & toutefois
non par argent. Car les chofes de
on n'a point trouué de Chreftiens fem-
Dieu ne s'achètent par argent. Cha- blables à Albin, ou à Nice, ou à Ni-
LIVRE SEPTIEME.
S5^ ou à Caffius ; mais ceux-là mef- difcipline de Platon, oyant que les
ger,
mes ont efté aprouuez ennemis de la Chreftiens accufez n'aftoyent touchez
principauiL- & puKTance fouuerainc , d'aucune crainte, ni de la mort, ni
qui aiioyent iurti le iour précèdent par des autres chofes qu'on eftime horri-
leur ange, qui auoyent voué facrifi- bles, certes ie ne pouuoi pcnfer qu'il
ces, & les auoyent rendus pour leur
fanté, qui auoyent fouuent condamné yadonnez
euft vice en eux,
à leurs ou qu'ils
plaifirs. fultent
Car qui efl
les Chreftiens. Le Chrcfilcn n'cjl en- celui qui, ejlant voluptueux & charnel ,
nemi d'homme viuçnt, beaucoup moins aille loreufement à la mort , par la-
de fon Prince , lequel il fait cjlre or- quel e ilperde toutes fcs commodite:{ &
donné de fon Dieu, à caufe dequoi il
l'aime, reuere & honore. Nous donc plaifirs )
honnorons noftre Prince en telle forte, Sainâ Cyprian. au premier Traité, Ce faina
contre Demetrian.
qu"il nous
alTauoi r, comme cft licite vn
& àhomme
lui expédie nt,
fécond
dodeur (lorif-
de grâce 249.
après Dieu, qui tient tout de Dieu ce Tv dis que plufieurs fe pleignans foil l'an
qu'il eft, & qui n'eft inférieur à autre cftiment que leslesguerres
ucnt fouuent, peftes, qui
les s'efmeu-
famines,
Au qu'à Dieu.
mefmc liurc.
Qvi eft celui qui ait caufe de fe les longues pluyes auienent à caufe
pleindre de nous r quel empefchement de nous, & que tous les maux dont
ou afaire a le Chreftien, finon à caufe le monde eft troublé nous doiuent
de fa fefte, laquelle toutefois nul, par
eftre imputez, d'autant que nous ne
tant de laps de temps, n'a peu encores feruons point à leurs dieux. Or qu'ils
conuaincre
infâmes ou ded'inceftes
cruauté ou
? Etpaillardifes
toutefois fâchent, au contraire, que c'ejl pour-
autant que Dieu n'efl point ferai par
eux.
nous honlé,
pour fommespour
bruj'le^
milice,en pour
telle honnefleté,
innocence,
pour fidélité, bref pour le Dieu vluanl, Arnobe, au Hure huiticfme contre les Ce sain(5l
& nous fait-on ptrement qu'aux facrile- Gentils, auquel, en la perfonne de perfonnage flo-
ges, & aux ennemis de la republique, Cecilius Pavcn, il récite les crimes En grâce
ce temps
de riiroil 286.
l'an
& à tant de coulpables de lefe-maiejlé. qu'on impofoit aux Chreftiens an- fut faite
demeurant , d'où eft furuenue au peu- nuë , & n'auons iamais douté de M.D.LVII.
ple cette nouuelle haine de péché r leur' cruauté & malice. Nous fauons
Pourquoi blafme-il en nous le vice le- en outre que Dieu feelle fon Euan-
quel il ne fait point y eftre , & gile par les perfecutions; nous fauons
Taprouue es autres, efquels il le void enuiron-
que l'Eglife en eft toufiours eftre
nee; niais faloit-il pourtant pri-
eftre manifeftement ? Les paillardil'es
de fes prettres font conues, elles font uez des chofes que Dieu a ordonnées
deuant fes yeux , les rues & bien fou- necen"aires à noftre falut.' pluftoft fa-
uent les maifons font pleines de leurs chans la générale condition de toute
baftards, & toutesfois on n'a iamaisoui l'E'jlife, & preuoyans comme de loin
crier leil peuple à l'encon
nous d'eux ,
tre, efquels les^perfecutions à venir, nous n'ef-
comme a fait contre tions point admonneftez de quitter
il n'a trouué aucune tache de telle in- tout pour cela & perdre courage;
fameté. Que doncques les ignorans mais pluftoft de nous préparer à rece-
confiderent ceci à bon efcient , pour
uoir ce qu'il plairoit à Dieu ordonner
ne fe harter point à nous condamner, de nous, & ainfi remettans tout le
fouci de noftre vie entre fes mains ,
de peur qu'en nous condamnant, ils nous fuiuions le chemin où i! nous
ne condamnent auffi l'eftat de l'Eglife
ancienne , voire fe condamnent eux- eft vrai
votre Ilconfeil
ce n'eft
que tant pas
mefmes , enfuiuans la légèreté & félon mis.
auoit , mais y a que
cruauté des Payens. c'eft félon la volonté de Dieu , qui ne
QvANT à ceux qui fe bandent les genfd'armes, lef-
yeux à leur efcient, & publient contre veut point auoir de lefescombat ne veulent
quels preuoyans
nous des acccufations & calomnies, fuyure leur enfeigne. Au refte, quand
encores que leurs confciences les def- vous dites qu'il y faut aller petit à pe-
mentent , foit de ceux qui n'ont autre que par nos aft'emblees nous
Dieu que leur ambition & auarice , noustit,&précipitons témérairement, outre
foit de aux qui veulent rachetde er la Ja- ce que non feulement vousles mefmes autres,
ucur des Princes au prix nojlre reculez, mais vous retardez
fang, que telles gens fâchen t que nous vous ne confiderez pas que celui ne je
appelions de leur cruauté & iniujïiee précipite point témérairement , lequel
deuant la maielh' de nojlre Dieu , qui fuit le train que Dieu lui a vne fois
ne delailTe iamâis impuni le mefpns de
prefcrit. Ainfi ont cheminé tant d'ex-
fa parole & l'outrage qu'on a fait aux
Cens. cellents perfonnages
tant de
en l'ancienne
S. Martyrs ont
Eglife, ainfi
En outre , fi les fages de ce monde fini leur courfe & ont efté couronnez,
tournent en mocquerie ce que nous defquels, fi on approuue & le zèle &
faifons, & preftent la main à ceux qui la conftance, on ne nous peut accufer
nous blafment , nous les renuoyons à de témérité.
toute l'Eglife nous, ancienne, afine qu'elle Or, quant à nous, eftans refolus
refponde pour à laquell fi nous que noftre Seigneur lefus Chrift ne fe
prefente finon auec fa croix ,lefesfuiuan efpi-
auons plus d'efgard qu'à eux-mefraes, s
ils nous excuferont, s'il leur plait, veu nes & fes opprobres, & que
qu'il eft bien raifonnable que le com- nous ferons dechaff'ez de tout le
mandement de Dieu . l'authorité des monde , nous ne nous eftonnerons
Apoftres & l'exemple en des anciens point des chofes que nous voyons au-
Martyrs nous foyent plus grande iourd'hui eftre faites à l'encontre de
recommandation que la foibleffe Nous & té- nous, & ne quitterons point le feruice
mérité de noftre raifon propre. de noftre Dieu , encores que les igno-
fauions bien, difent-ils, que vos affem- rans nous blafment, les endurcis nous
blees feroyent defcouuertes , non fans pcrfecutent & les prudens charnels Je
mocquent de nous ; pluftoft eux tous en- De quoi
le danger de ceux qui s'y trouueroyent ; nous doment
c'eftoi't donc témérité que laVoila vie des
les femble nous feront comme vn aiguil-
hommes fuft ainfi hazardee. Ion à refueiUer noftre parefle, afin que ^^^ iu''gements
vous nous reconoiffions mieux la grande ju monde,
propos de telles gens. Mais ie
vous mifericorde de Dieu, qui reluit fur
Refponfesaux demande, ô fages, nous ibenfei-
fages d'vn entendement fi ejlourd , que nous nous, en ce qu'au lieu de nous lailler
preuoyans. n'avons aujfi preueu toutes ces chojcs)
aueugles & ignorans, il nous fait co-
Nous fauons bien que nous habitons noiftre fa volonté : au lieu de nous laif-
au milieu de ceux qui hailTent lavraye il nous
flefchi à fon endurc
fer ent noftre au ,lieu
; & ent
feruiceift'em de
dodrine, leur ignorance nous eft co-
LIVRE SEPTIEME.
560
tinuellement ék le priant que la fe- querelle. Quand il nous met au com-
mencc incorruptible (qu'il a mis en bat & à l'efpreuue contre fes ennemis,
vous, A par laquelle il vous a adoptez d'alléguer là deiïus noftre infirmité ,
pour élire au nombre de fes enfans) pour l'abandonner ou renier, il ne
produife fes fruifts au befoin , & que nous profite de rien , finon pour nous
par icelle vous foyez fortifiées pour condamner de defloyauté. Car celui
rolifter à toute angoifTe & alTliiHion. qui nous met en bataille nous garnit
Vous fauez ce que dit fainél Paul :
Que Dieu a efleu les chofes folles de «ceffaires,
munit quand& nous& donne
quand adrelTe
d'armes pour
ne-
ce monde pour confondre les fagcs, & en vfer. Il ne refle que de les accep-
a efleu les chofes infirmes pour abatre ter & nous laiffer gouuerner à lui. Il
les fortes ; les chofes contemptibles & a promis de nous donner bouche &
mefprifees, pour dellruire celles qui fagesse à laquelle nos ennemis ne
font grandes & de haut prix. Cela pourront refiller. Il a promis de don-
vous doit bien encourager, afin que la ner fermeté & confiance à ceux qui fe
1 Cor. I. 28. confideration de vollre fexe ne vous fient en lui. Il a efpandu de fon Ef-
face défaillir, encores que fouuent il prit fur toute chair, tt fait prophetifer
foit mefprifé par les hommes. Car fils & filles, comme il auoit prédit par
quelques hautains & orgueilleux qu'ils fon prophète loel, qui efi bien figne
foyent, & que par mefpris & defdain qu'il communique femblablement fes
ils fe mocquent de Dieu & de tous
autres
defiitue grâces
ne fils necelTaires
ne filles, ni, hommes
& qu'il ne
ni Aa. 1. 17.
ceux qui le feruent, fi font-ils con-
traints d'auoir en admiration fa vertu femmes, des dons propres à maintenir
& fa gloire par tout où ils la voyent fa gloire. H ne faut donc eftre paref-
feux à les lui demander, ne lafches à
reluire. Et d'autant que le vailfeau
par lequel Dieu befongne fera débile, les receuoir , & en vfer au befoin
d'autant feront-ils eftraints & enferrez quand il nous les a départies.
en eux-mefmes de la vertu de Dieu, à Considérez quelle a elle la vertu Luc 2). 46.
laquelle ils ne peuuent refifier. & confiance des femmes à la mort de
Vovs voyez que la vérité de Dieu , noflre Seigneur lefus Chrift, & que
quelque part qu'elle fe trouue , leur lors que les Apoflres l'auoyent de-
efl oaieufe ; & qu'elle n'eft pas moins laifl'é, elles ont perfifté auec lui en
haye d'eux es hommes qu'es femmes , merueilleufe conftance , & qu'vne
es vieux qu'es ieunes, es fçauans qu'es femme a efté la melfagere pour an-
noncer aux Apollres fa refurredion,
idiots, es riches qu'es poures, es grans
qu'es petis. Que s'ils prennent occa- laquelle ils ne pouuoyent croire ne
fion du fexe ou de la qualité exté-
comprendre. S'il les a lors tant hono-
rieure de nous courir fus d'auantage, rées & douées de telle vertu, eftimez-
(commequent desnous voyons qu'ils fe moc- vous qu'il ait moins de pouuoir main-
femmes, i.% des poures gens
tenant & qu'il ait changé de volonté ?
mechaniques , comme s'il ne leur Combien y a-il eu de milliers de fem-
apartenoit point de parler de Dieu &
conoiftre leur falut), fâchons que tout mes, qui n'ont efpargné leur fang ne
leur vie, pour maintenir le nom de
cela efi en tefmoignage contr'eux & à lefus Chrift & annoncer fon règne .>
leur grande confufion. Mais puis qu'il Dieu n'a-il point fait profiter leur
a pieu à Dieu vous appeller à foi ,
martyre .- Leur
tenu vidoire du foi n'a-elle
monde, auffi point ob-
bien que
suffi bien que les hommes (car il n'a
cfgard n'a mafle n'a femelle) il efl be- celle des Martyrs .-' Et fans aller plus
fom que faciez vortrc deuoir pour lui loin, ne voyons-nous point encores
donner gloire, félon la mefure de grâce deuant nos yeux , comment Dieu be-
qu'il vous a départie, auffi bien que fongne iournellement par leur tefmoi-
les haute
grans Icience
perfonnages qu'il Puis
a douez gnage & confond fes ennemis , telle-
Luc 21. I. de & vertu. que
lefus Chrift eft mort pour vous, & par ment qu'il n'y a prédication de telle
elllcace , que la fermeté & perfeue-
lui efperez falut, ayant elle baptizees
en fon Nom , il ne faut point edre rance qu'elles ont eu à confen"er le
nom de Chrift.' Ne voyez-vous pas
comme cefte fentence de noftre Sei-
lafches à lui rendre l'honneur qui lui
appartient. Puis que nous auons vn gneur a efté viuement enracinée en
falut commun en lui , il ert necelfaire leurs ctvurs, par laquelle il dit : « Ce- Mntih. 10 )}•
que tous d'vn commun accord , tant lui qui me renonce deuant les hom-
hommes que femmes, fouftienent fa mes ,ie le renoncerai deuant Dieu
TARDIF, GVYOTET, CAILLOV & NICOLAS.
mon Père ; & celui qui me confefTcra, l'auancer. Le peuple auffi l'attendoit
ie le coiifefl'erai auffi & auouërai dé- d'vne affeftion grande , infinie
& s'afi'embloit
fouueiit en multitude par les
liant Dieu mon Père ? » Elles n'ont pas
eu crainte de lailler celle vie caduque places ordonnées à faire les exécutions,
pour en obtenir vne meilleure, pleine pour ralTafier fa veuë d'vn fpeftacle
de béatitude qui dure à iamais. Pro- tant defiré. Finalement le 17. de Sep-
pofez vous donc ces exemples fi ex- tembre, leRoi, auerti par ce Lieute-
cellens.tant anciens que nouueaux, nant Ciuil que les procès efioyent
pour alTeurer voftre fciblelTe , & vous défia en eflat de iuger , enuoye com- 561
repofer en celui qui a fait fi grans ou- miffion àla Cour, pour arrefler l'exé-
urages par des vailTeaux fragiles, & cution d'iceux, & commande d'y pro-
céder extraordinairenient , & toutes
conoifiez l'honneur qu'il vous a fait,
afin de vous lailTer conduire à lui ; ef- autres afaires pofipofees, & ce au
tans bien affeurees qu'il eft puilTant rapport d'icelui
vouloit eftre Lieutenant,
admis en leur lequel
confeil,il
pour vous conferuer la vie, s'il s'en
veut encores feruir, ou bien s'il en encores que, par
Cour , aucun ne l'efiabliffement de la,
foit receu à entrer
veut faire efchange pour vous en don-
ner vne meilleure , vous eftes bien opiner, ne rapporter, qui ne foit du
heureufe d'employer cefte vie cadu- corps d'icelle. Il deputoit auffi ceux
que pour fa gloire de fi haut pris , & qu'il entendoit efire Commiffaires en
pour viure éternellement auec lui. celle caufe, alTauoir deux Prefidens,
Car à cela fommes nous mis au & feize Confeilliers nommez, ou douze
monde, & illuminez par la grâce de d'eux, félon que la Cour verroit eflre
Dieu, à ce que nous le glorifions &
en nortre vie, & en noftre mort, & que bon, tous gens d'eflite. Celle commif-
fion eftant venue, la Cour ne peut ac-
nous foyons vne fois pleinement con- corder que le Lieutenant Ciuil fuft
ioints à lui. Le Seigneur vous face la receu à la decifion des procès, pource
grâce de méditer attentiuement ces que cela derogeoit par trop aux couf-
chofes, & les bien imprimer en vos
cœurs, afin de vous conformer du tout tumes de leur parlement, & auffi qu'il
eftoit en aftion d'auoir faulTement iugé
à fa bonne volonté. Ainfi foit-il. De au fait de la Comteffe de Senigan.
Geneue (i ). Pourtant Louis Gayan, confeillier, &
Baptifte du Mefnil, aduocat du roi ,
Pourfuite font enuoyez deuers fa Maiefté, pour
de Ihiftoire fur PovR reuenir aux aduerfaires, pen- en faire remonflrance.
la perfeculion
dant que les fidèles pouruoyoyent à
de Paris. ces chofes , eux , de leur cofté , taf-
M.D.LTllI. choyent en toutes fortes de hafter
l'exécution de ces poures gens; & le
Lieutenant ciuil , qui en auoit receu
commiffion verbale par le garde des George Tardif, Nicolas Gvyotet,
féaux (2), ne laillbit rien derrière pour Iean Caillov de Tovrs, et Ni-
colas DE Ieinville (1).
(i) Ici Chandieu insère (p. 58-68) une
« aurtre epirtre de Maillre Pierre Viret à Qcs quatre Martyrs aitoycnt cfié lon-
toute l'Eglife, >• qui commence ainsi : «Chers f^uemcnt détenus à Paris , & furent
frères et hien-aimez, les nouvelles qui nous
ont elle annoncées de la perfécution que en ce temps enuoj-e:{ à la mort en
trois diuers lieux. Et partant nous
l'adverfaire de Dieu vous a fufcitèe, nous
ont apporté une trirtelTe qui nous prelfe
grandement le cœur. Mais celte tridelfe a les auons ici infère:^ félon qu'ils ont
ejU exécute^ , afin de conferuer leur
ce bien conioint
enllambe avec deelle,
les Eglifes deçàqu'elle incite les
, & tous & mémoire , en attendant que plus à
vrais chrefliens de lésus-Clirift (qui font du plc<n on pui[Je auoir ce qui efl de
corps duquel vous pour
elles)vous
à prier furplus de leur hi/loire (2).
cœur plus ardent tous, Dieu
& pourd'unla
déliurance des panures prifonniers : dcf- SvR ces entrefaites, le Parlement
quels nous auons soing , comme si nous En la
fentions leurs liens, & citions détenus auec de Paris (5), intimidé de la prife de
eux... 1) Cette lettre de Viret, qui occupe de Paris.
perfécution
dix pages dans IHistcirc des pcrjécutions de
tant de gens & des menaces du Roi ,
Chandieu. a été omise par Crespin , sans 3^' .
doute pour ne pas allonger son récit, et ne
(1) Crespin, 1Ç64, p. 878; 1570, f° 481 ;
figure, à notre connaissance, dans aucun re- 1582,
cueil moderne des lettres des réformateurs. f*' 471.f»Chandieu,
4i) ; IÏ97, p.
f° 4îo;
69. iûo8, f* 4Jo; 1619,
(2) Th. de Bèze le nomme; c'était le car-
dinal Bertrand!. (2) Ce sommaire n'est pas dans Chandieu.
(;) Chandieu dit •• la Court, n
11.
LIVRE SEPTIEME.
568
cftranf^lee , après auoir eflé flamboyée rien peu retirer de fes refponfcs ,
aux pieds & au vifage. finon des tefmoignages infinis de fon
Le Iriomphe Ce triomphe fut admirable ; car fauoir iS; confiance.
de Satan
rcnucrfii en ces Satan fombloit , à fon efcient , auoir L'avtrk, Pierre Gabart, efloit aagé
irois. voulu alTaillir tout en vn coup, à fauoir au dell'us de trente ans, natif de S.
en GraucUe, r.inconrtance courtumiere George lez Montagu en Poidou (i).
de ieunelfe trop defireule des plaifirs Il efloit foliciteur de procès. Sa conf-
de ce monde ; en Clinel , la débilité tance fut d'vn grand fruid aux autres
de vieillelTe ; & endélicate.
la Damoifelle l'in- prifonniers. Car ellans mis en vne
firmité de femme Mais Dieu
grande
Challeletbande d'ElVholiers
, & voyant au palfer
que, pour petit
monftra quelle ell la force de fa puif-
fance & à raffeurer la ieunelTe & lui
faire oublier la terre, & à renforcer la le temps, ils s'anuifoyent i\ parler de
la Philofophie : « Non, non, » dit-il,
vieillelTe pour la faire combatre con- (< il faut que toutes ces chofes foyent
oubliées ; ragardons comment nous
tre tous tourmcns, & àenchanger
bécillité de la femme l'im-
vn courage pourrons fouflenir la vérité celefle de
plus qu'hcroique pour vaincre, voire noUre Dieu; nous fommes ici à la de-
quand il lui plait befongner en fes ef- fenfe du royaume de noflre Seigneur
leus (1). lefus Chrifl. » Là deffus il commença
à les enfeigner comment ils auovcnt
à refpondre fur vn chacun poina, fi
»^/v^^^vJ^t'^^v^v^^,^^|irv^^A^v^v^v^ bien que (au rapport de ceux de la
compagnie) il fembloit que iamais il
Nicolas le Cène, de Normandie; n'eufl l^ait autre chofe que pratiquer
& Pierre Gabart, Poiteuin (2). l'inflruèlion de Théologie, encores
qu'il ne full de lettres. Eflant inis de- Exhortation
Puis qu'en vn mefme lia ifhonncur puis à part au cachot le plus fafcheux aux Efcholiers
ces deux enfcmble ont rcccu la cou- nommé Find'aife, plein d'ordures &
de befles, ne ceffoit pourtant de chan-
ronne de martj-re , nous les auons ter Pfeaumes, & crioit à pleine voix
pareillement ici conioinls comme en
vn mefme tombeau {5). conlolations de la parole de Dieu ,
pour eflre entendu ues autres. Il auoit
Ceux de Paris, non faoulez du fang vn Neueu, ieune enfant, prifonnier en
de ces trois premiers, pourfuiuans vn cachot prochain éè trouua manière
leur cruauté , tirèrent deux autres de fauoir ce qu'il auoit dit aux luges.
fidèles à la mort , cinq ou fix iours L'Enfant de lui faire
rcfpond qu'on l'auoit
* De fon contraint quelque reuerence
frère Philippe après
Nicolasle le2. Cèned'Odobre. L'vn eftoit
(4) , médecin, natif* à vn crucifix peind. Lui, indigné, dit :
Cène qui
a eflè exécuté de S. Pierre fur Dyne (5), près Li- « Mauuais garçon, ne t'ai-ie pas aprins
zieux en Normandie. Il ne faifoit que les commandemens de Dieu.' Ne fais-
à Dijon :
Voyez ci de- d'arriuer à Paris, quand le iour mefme tu pas ce qu'il, eft
uant, f" 4)9 (6). image taillée &c.dit »: Tu
Et ne te feras
commença
on l'auertit de l'affemblée qui fe fai-
foit en la rue S. laques. Et comme il d'expofer ce commandement fi haut
ne defiroit autre chofe que d'ouyr la qu'il efloit entendu de bien loin.
Av refte , voici fes refponfcs de
parole de Dieu , s'y en vint encores mot à mot , recueillies de fon procès.
tout botté. Là eflant appréhendé auec
les autres, fouflint iufqiies à la mort Interrogué fi, en la maifon où il fut
la vérité de l'Euangile. Nous n'auons prins, fut faite la Cène. R. Qu'oui, &
pouuoit cflre lors enuiron les neuf
ou dix heures du foir. D. Pour faire
(1) Ce mot termine la pape «7 de Chnn-
dieu. Les paj;es88,'i 07, contiennent l'histoire ladite Cène, ce qui y fut fait. R. Qu'vn
de Nicolas du R 'usseau, martyr. Dès 1 édi- perfonnagc commença à faire les priè-
tion de 1570, Crcspin a remis cette notice res ,les autres eftans à genoux , cSt ce
h la place que lui assignait sa date (p. 482,
supra) àdeshaute voix, les
affiflans fi bien qu'vnentendre.
pouuoit chacun
(i) Crcspin, 1ÇO4, p. 880; 1Ç70, f" 484;
1582, C 4)5 ; 1597, f 4',i; 1608, f*4)2; Puis après prefcha de l'onzième de la ceKccil
1619, f" 47). La Roche-Chandieu, Hisl. des première aux Corinthiens, déclarant de enqui fe lit
l'adminiltration
perst'cul., p. 97. rinfiitution de la Ccne faite par nof-
(î) Ce sommaire est de Crcspin. tre Seigneur lefus Chrirt auec fes de la Cène.
(41 Chandieu écrit : « le Sène. »
(O Sainl-Pierre-sur -Divc.
(6) Voy. p. 478 supra. (1) Saint-Gcorgc-de-Montaigu (Vendée)
NICOLAS LE CENE & PIERRE GABART.
569
Apoftres. Et après lefdites prières &
expolltion faite de ladite Cène, bailla traire aux articles de la foi qu'il a re-
aux afllftans du pain & du vin , leur citez. Et s'il croyoit que lefus Chrifl
fufl facrifié chacun iour, il faudroit
dilant : « Qu'il vous fouuiene que le- qu'il mouruft beaucoup de fois. D. S'il
fus Chrift a baillé fon corps & ref- auoit eflé à Geneue. R. Qu'oui. D.
pandu fon fang pour vous. » Puis Quel temps il y auoit. R. Deux ans,
rendirent tous grâces à Dieu d'vn tel iSi y auoit demeuré enuiron quinze
bénéfice. D. Quel nombre de perfon- iours ou trois fepmaines. D. Si aupa-
nes il pouuoit auoir en la falle lors rauant il alloit pas à la meffe. R.
qu'ils firent la Cène. R. Qu'il n'y Qu'oui ; mais il y alloit contre fa
print pas garde. D. Si les Gentils- propre confcience , fâchant que la
hommes, Damoifelles, & autres qui
furent prins , firent la Cène auec lui. MefTe eft pleine d'abus & blafphe-
mes. D. S'il croid pas qu'il faut prier
R. Qu'il y auoit des Gentils-hom- la vierge Marie & les Sainâs de Pa-
mes, Damoifelles, & autres qui firent radis pour intercéder & prier noftre
la Cène comme lui. D. S'il pourroit Seigneur pour nous. R. Que non,
reconoiftre ceux qui efloyent à ladite pour autant que nousauons vn Moyen-
Cène, s'il les voyoit. R. Que non. neur & Aduocat, qui eft lefus Chrift,
D. Qui efioit le predicant.' R. Qu'il qui nous a efté ordonné & enuoyé par
le Père.
ne l'auoit point conu , car auffi il ne
faifoit que pafTer "Vne autre fois , ledit Gabart fut
auoit iamais eflé enpar la ville.
ladite maifonD. ouyr
S'il
amené deuant les luges pour eftre
ce Predicant, ou autre. R. Que non. confronté à fon neueu. Là, interpellé
D. S'il auoit eflé autrefois à S. Ger- de iurer Dieu, & la paffion figurée illec
main des Prez, ou deuant le collège en vn tableau, de dire vérité, dit :
de Nauarre, ouyr des prédications. Qu'il iuroit Dieu de dire vérité , &
R. Qu'il auoit eflé en d'aucunes mai- non point la paffion illec figurée.
fons pour ouir les prédications, mais
ne fauoit les lieux, & que les prédi- Apres plufieurs propos qu'il eut auec
fon Neueu, enquis s'il auoit prins du
cations fefaifoyent du nouueau Tefla- pain & du vin comme les autres.
ment. D. S'il auoit efté confeffé le R. Qu'il efloit ainfi. félon que défia il
iour de Pafques & receu fon créa- en auoit depofé. D. S'il auoit efté à
teur. R. Que non. D. Pourquoi ?
confefl'e, & depuis quel temps, & s'il
R. Qu'il n'auoit fceu par les Efcritu- n'y faut pas aller. R. Qu'il lui fuffifoit
res qu'il foit requis fe confeflfer à de confeffer fes péchez à Dieu feul.
l'aureille d'vn Preflre, mais bien cha- D. Pierre
Si Dieu &n'auoit pas laifle monfieur
cun iour à Dieu, qui feul peut par- S. fes fuccelfeurs , & leur
donner les péchez. Quant à fon créa- auoit donné puilfance de lier & déf-
teur, il ne l'auoit receu, il y auoit iler, & que les Preflres qui font fuc-
deux ans, à la forme des Papiftes , &
reconoiffoit Dieu feul qui efl es cieux ceffeurs & miniftres baillent l'abfolu-
tion , & qu'il fe faut confelTer à eux.
pour fon Créateur. D. S'il croyoit R. Que les Miniftres deuoyent pro-
pas fermement que le corps de lefus
Chrifl efl en l'hoflie après la confe- toit la parole
poferDieu de Dieu.
feul qui pardonnoit les c'ef-
Et que pé-
cration. R. Qu'il croyoit que noflre chez. D. S'il a pas receu les Sacre-
Seigneur e(l nai au ventre de la vierge mens de l'Eglife. R. Qu'il auoit receu
Marie fans corruption, qu'il a fouffert le Sacrement du Baptefme. D. S'il
mort & paffion pour les pécheurs ,
trois iours après refTufcita, quarante auoit receu le Sacrement de l'autel,
& s'il y croyoit pas, & que la chair
iours après monta es cieux , ayant & le fang de lefus Chrift y font , fé-
conuerfé auec fes difciples , & con-
que le croid l'Eglife. R. Qu'il
uient que le de cieltoutes
le reçoiue n'en lontrôuuoit rien par efcrit. D. S il
reftauration chofes,iufqu'à
commela auoit tant leu l'Efcriture & fauoit tant
il eft efcrit au troifiefme chapitre des
Aftes. Et ne reconoiffoit autre hollie de Latin,R. pour fouftenir ce qu'il fouf-
tenoit. Qu'il fauoit quelque peu
viuifiante que lefus Chrifl , lequel
s'efl vne fois offert en facrifice en de Latin ; & ce qu'il en fauoit , il
Ades l'auoit oui de gens fauans. D. Qu'il
l'arbre de la croix. Qu'il ne pouuoit
croire que le corps de lefus Chrifl fift en Latin ces mots : " le n'en
trouue rien en l'Efcriture. « R. Qu'il
fufl en l'hoflie , après la confecration ne fauroit ; mais qu'il y auoit ia long
du preflre , pource que cela eft con- temps que la Bible eftoit tournée en
LIVRE SEPTIEME.
pafl'er
FRANÇOIS REBEZIES & FRIDERIC DANVILLE. 577
Chrift fouffriront perfecution , & que, Parlement m'ont faite. Mais non tant m.d.lvui.
quant à moi , ie me pouuoi bien pré- efmeus de leur prière , que le bon
parer vn gibet, ou femblable tour- vouloir que nous auons enuers les en-
ment ,fi ie vouioi fouftenir fa que- fans de Dieu » (defquels toufiours m'ef-
relle ;mais que tout cela, & mort & n'ef-
timoit eftre).venus D'autre part qu'ils
vie, m'eftoit gain au Seigneur. Quant toyent pas me voir pour me
au defhonneur de mes parens, le Sei- furprendre. « Car, comme voyez (di-
gneur nous a défia prédit que quicon- foit-il) , nous n'amenons aucuns voftre gref-
que aime l'on père ou fa mère, &c., il fiers auec nous pour mettre
neft pas digne de lui. » Le Prefident dire par efcrit , mais feulement vous
ayant oui cefle refponfe : « lefus ma- venons voir en partie pour vous con-
ria, qu'ert-ce que veut dire auiour- foler & pour confabuler enfemble ; »
d'hui cefte ieuneflfe qu'ainfi elle fe & qu'il ne pouuoit croire que nous
vueille faire brufler -à crédit ! » Dere- fuffions hérétiques , & qu'ainfi , en
chef m'a fait inftance fur la Méfie, communiqu ant de l'Efcriture, le pour-
difant fi ie penfoi eftre plus fage que roit conoiftre.
tant de millions de gens qui auoyent Alors ie commence à refpondre :
vefcu & tenu icelle pour bonne, & « Monfieur, ie feroi marri de fouftenir
aucune opinion hérétique ; mais ce
que les dofteurs faimfts ie l'auoyent
ainfi aprouuee .' A quoi refpondi que ie veux fouftenir eft feulement la
querelle du Seigneur , & que pour
que les Dodeursqui l'auoyent receuë
auoyent paffé les bornes de la parole. herefie ie n'eftoi point emprifonné ;
Alors me dit fi ie ne vouioi pas viure mais que les peruers & aduerfaires
félon icelle. R. « Non. » Adonques, de Chrift eftiment hérétiques ceux
comme d'vne rage enflammée , dit : qui , de tout leur pouuoir & puif-
« Va, va, damné ; » & ainfi commanda fance, s'efforcent de fuyure les traces
à vn huiffier que l'on me remenaft en du Seigneur , non que le Seigneur
mon cachot. Voila quant à la pre- ne nous l'ait défia prédit , coranie
faite par les Pre- i'eftime que fauez auffi bien que moi,
fidens. mière interrogation
Monfieur : c'eft que nous ferons efti-
Maintenant ie vous ferai partici- mez l'ordure & les excremens du
monde. Mais le Seigneur, lequel feul
pans des interrogations à moi faites
par meffieurs de la Sorbonne , fauoir eft fpeculateur (i)des cœurs des hom-
eft vn lacopin nommé Bened., le maif- conoit fij> nous fommes tels qu'on
tre des Dodeurs, & vn autre laco- nous mes,
eftime.
Alors Benedidin , parlant à moi , Rebezies
pin, duquel le nom m'eft inconu. Et
ces afl"auts me furent faits par les fup- &dit tant que vous eftes vous, reprin^^d'auoir
: « Voyez-vous (mon, vous trompez
frère), ,g seigneur,
pofts de Satan , le 14. d'Odobre, de- de dire fimplement le Seigneur , fans
du matin iufques en-
trepuisdixfept& heures
onze. Leur falutation fut y adioufter ce pronom Noftre , ou
premièrement par Bened. en vn petit mon Seigneur ; car (dit-il) les Dia-
Cabinet (où nul n'eftoit qu'eux & moi) : bles l'appellent bien Seigneur & mef-
mes tremblent deuant fa face. » R.
Harangue « Le Dieu de paix, mifericorde & con-
confite d'hypo- folation foit auec nous tous, d R. « Ainfi «Que les Diables l'appellentSeigneur,
crifie foit-il.T)D. CI Je ne doute point que vous en telle forte que les Pharifiens ame-
& trahifon. ^^ fâchiez la caufe pour laquelle (mon nans
Chrift,la difans
femme : s"approchans de auons
« Maiftre, nous Jefus lean 8. 4.
frère, mon ami) nous-nous fommes
tranfportez deuers vous. En premier trouué , » &c. Là les Pharifiens l'ap-
lieu , puis que tel eft le vouloir de pellent maiftre , mais non qu'ils vueil-
noftre Dieu de nous commander de
lent tenir fa dodrine , ne qu'ils vueil-
donner confolation aux affligez & de lent eftre fes difciples. Ainfi , » di-ie,
vifiter les prifonniers, & principale- « eft-il du Diable , lequel fe dit co-
ment fes membres, lefquels font ainfi noiftre Dieu & l'appelle Seigneur, fi
enferrezDieu , & qu'icelui
pour fon Nom eftre eft-ce pourtant que iamais il ne le
noftre acceptera fait à lui veut reconoiftre pour fien ; mais de
ce qu'on fera à vn de fes membres , fait, il le nie. Et puis vous fauez qu'il
defquels i'eftime que foyez (mon frère,
mon ami ,) non point vn hérétique , scru^
(t) Crespin
tateur. » Goular t, changé
avait en rétabli ssanten leu texte
ce mot
comme l'on dit. L'autre caufe pour de Chandieu, a remis « spéculateur, » que
laquelle nous fommes venus deuers l'on trouve aussi dans Calvin , avec le sens
vous, c'eft la prière que Meffieurs de de : celui qui regarde.
37
II.
LIVRE SEPTIEME.
(i) Chandieu ajoute, p, 145 : " Mais ce (il Bèze : " des Salve Regina. »
n'en de merveilles, s'il y en a fi peu qui (2) Chandieu : » Amalric. »
abandonnent leur vie à une telle querelle : (1) Luc-en-Provence, arr. de Draguignan
car c'en un don de Dieu, et l'infirmité s'eft
toujours ainfi montrée au.x perfécutions. » (4) Ici s'arrête l'e.xtrait de VHistoire des
(Var).
(2) Chandieu ajoute (ibid.) : n de leur mé- persécutions de Chandieu , pour faire place
chant courage. Toutesfois Dieu favoit ceux à une notice sur un martyr du Hainaut.
Dans une lettre du 6 mars iç;8. Macar
qu'il avoit ordonnez pour cefi'heure au mar-
tyre. » Le ministre Macar. dans sa lettre du écrivait à Calvin que c'était l'avant-veille de
7 février IÇ58 à Calvin , confirme ce fait de ce jour qu'Amalric était mort en prison :
la faiblesse de plufieurs des prisonniers qui (1 Septem fortes supersunt addicti carceri ,
avaient été élat-gis. Il ajoute au sujet des in quo vel tabescant, ut nudius quartus
autres : « Qui restant (circiter , aiunt , 25) unus, cui nomen erat Amelric, fortis athleta
adhuc (me miserum) ex parte fracti esse di- misère obiit. » {Calvini Opéra, XVll, 81).
cuntur longo carcere, importunitate paren- (5) Cette dernière phrase est en tête du
tum, precibus amicorum. blanditiis judicum, récit dans l'ouvrage de Chandieu, et com-
ut vocali ad reddendam coram judicibus mence ainsi : « EÎitre lefquels (martyrs) doi-
fidei suœ rationem nimium dissimulare non uent auffi efire mis deux ieunes enfans, qui
récusent, ut :..^..iem possint effugere. » font morts entre les puantifes... »
(Cahini Opéra, XVU, jo.)
(;) Crespin, 1564, f» 884; 1570, f» 490;
1582, f" 440; 1597, f''4)7; 1608, f"4;7; 1O19,
f 479. La Roche-Chandieu , Hist. des per-
sécut., p. 14Ç.
LIVRE SEPTIEME
584
ingèrent à la mort, l'ayant tenu neuf
mois
la villeen deprifon.
BolducL'occafion fut, qu'en
(1), le peuple auoit
Iean dv Champ (i), de Bauay (2) en
Hainaut. n'agueres, de nuid, deliuré vn prifon-
nier Anabaptifte, par ce que, s'eftant
Ce rccit nous informe comme , le plus repenti de la fede damnable, on trou-
uoit cftrange de le faire mourir. Les
fouucnt, ceux qui ont a.imini/lration nouuelles en vindient à la Cour de
de la iujlice en quelques rillcs font Brabant, où eftoit pour lors le Roi
iranfporte:{ de faire chofe du tout Philippe auec le Cardinal GarafTe(2), Le Cardinal
contre leur confcience.
dont le Marcgraue d'Anuers, troublé Garaffe
Bradant eut, en ce temps, en la de double crainte à raifon du Roi & '^5*' '^" P'P'^'
du Légat, fit tant vers les Bourgmaif-
ville d'Anuers, ce Martyr du Seigneur. tres & Efcheuins que contre leurs
Vn marchant eftranger , logé en fa confciences Jean fut condamné à rnou-
maifon, lui donna ouuerture à l'Euan- rir. On le mena , le cinquiefme de
gile, par vn fimple récit des abomina- Feurier, au fupplice quand & quand
tions qui font en la MelTe, conférant vn Anabaptifle, deuant la maifon de la
comme par antithefe combien la Cène
de lefus Chrift en eft eflongnee. Il ne ville. Cependant qu'on executoit l'Ana-
baptifte, Jean déclara à haute voix fa
ceffa depuis ce temps-là de s'informer confeffion , & protefta de foi-mefme
plus auant de la vérité, iufques à ce
deuant tout le peuple, qu'il ne mou-
que, l'ayant entendue, il s'abdint de roit point pour quelques erreurs
toute idolâtrie, fe ioignant à l'Eglife d'Anabaptifme ou autre herefie, mais
des fidèles en Anuers, pour ouyr la
parole de Dieu, & aprendrepar icelle feulement pour la dodrine des Pro-
àconduire fa vie. Etcomme ils'yconfer- phètes & Apoflres. Et fur l'heure
moit de iour en iour, auffi mit-il peine rendit grâces à Dieu de l'honneur
qu'il lui faifoit, & fi pria pour fes en-
d'attirer les autres à cefte conoilTance , nemis, tant qu'il fut eftranglé, & par
iufques à efcrire lettres à vn lien .ne- fa mort confacré & corps & ame au
ueu Moine, par lefquelles, remonf- Seigneur. Voyans les fidèles (aui ef-
trant les abominations Papifliques, il
lui confeilloit de les fuyr. Ces lettres toyent àce fpedacle en grand nom-
bre) la confiance de leur frère , ils en
furent trouuees & enuoyees au Marc- receurent grande confolation. On y
graue d'Anuers, lequel incontinent eufi veu les vns foufpirer & leuer les
fe faifit de lui, & l'enuoya en prifon. yeux au ciel , les autres remercier
Il fut fouuent interrogué de fa foi,
par moines & preftres , deuant les Dieutelle
fait auecgrâce larmes
à leurde compagnon,
ce qu'il auoit
de
Bourgmaiftres & Efcheuins ; mais il
retint en toutes les interrogatoires & l'auoir choifi pour tefmoin de fa vé-
rité. Le corps tout rorti fut mis au
refponfes, vne mefme confeffion con- lieu de la iuflice hors la ville , pour
forme à l'Efcriture fainde. Sur tout, efire en fpedacle au monde, le dit iour
quant au Sacrement de la Cène du V. de Feurier M.D.LViii.
Seigneur, il fouftint toufiours que tant
feulement les fidèles participoyent
par foi au corps & fang de Jefus Chrill.
Quelques
Efchcuins ont Quelques vns des Efcheuins confelfe- Tovchant les efforts des ennemis
bonne rent qu'ils eftoyent d'accord auec lui
conoilTancc. en ce point, & toutefois depuis ils le DE l'Evangile povr establir l'In-
QVISITION AV PAYS DE FraNCE , &
DE QVELLES CRVAVTEZ LES FIDELES
(1) Crespin . IÇ70, f" 490; iç82,(*440; SONT POVRSVIVIS (?).
IÇ97, f"4;»; 1608, 0'4;8; 1619, f" 479. Celte
notice n'est pas dans ledit, de \s<>A- Cres-
pin parait avoir emprunté ce récit à Van
Des le mois de lanuier m.d.lviii.
Hœmstcdc, mais en l'abrépcanl. Le mar-
lyrolopislc des Pays-Bas ne le nomme pas
Jan Du Champ, mais Jean de Schonlmecs- (2) Le
(1) cardinal Charles Caraffa, neveu du
Boisic-Duc.
Icr, c'est-à-dire Jean le maître d'école;
de casse-couIV de
pape Paul et l'inspirateur
ce belliqueuxde pontife,
la politique
qui,
c'était
tedc a lAprobablement
la profession connu qu'il exerçait H.x'ms-
ce membre de pour enrichir lui et ses frères, dépouilla une
l'Eglise d'Anvers. Il place son martyre partie de In noblesse romaine lie cardinal
le n (et non le 5) février. Charles Carnffa fui dégradé cl condamné à
(2) Bavay, aujourd hui petite ville du dé- mort sous le pontificat de Pie IV.
partement du Nord. (j) Crespin, 1564, !*■ 9}i; 1570, f 491;
ESTABLISSEMENT DES INQVISITEVRS.
Paris ( I ), pendant que les autres s'amu- Pourtant le roi manda qu'inhibition
foyent aux mencèrefbats font ,escom-
rquiless'yPfeaum fiift faite de plus chanterdesen féauxtelle af-
à
ent chante de femblee ; & le Garde fut
Dauid en petit nombre, ne penfans enuoyé pour informer contre ceux qui
point inciter les autres à faire le fem- ne eftoyen
s'y t trouuez
fe trouuer
, auec defenfes de
audit pré, fous peine
blable. Toutef ois il auint qu'inconti-
nent ,tous ieux laiffez , la plufpart de d'eftre puni comme feditieux. Ceux
ceux qui eftoyent au pré les fuiuirent, l'Eglife ,
chantans auec eux. Cela fut continué qui auoyen condui
quet lela Roi te de
tiroit foupço n de
voyans
par quelques iours en nombre infini fedition contre fa perfonn e, de telles
de perfonnes de toutes fortes, & plu- publiqu
affemblees donnance es, mefme
eftoit fondée fur le l'or-
quecrime
fieurs grans Seigneurs François &
d'autre nation ( 2) eftoyent en la troupe, de coniuration , pour ofter toutes oc-
marchans des premiers. Et combien d'eux , auerti-
cafions de mal penfer
que trop grande multitude , en autres rent leurs gens de ne plus fe trouuer
là en telle troupe (i). Nonobftant ce,
chofes , ait acouftumé d'engendrer
confufion , toutefois il y auoit vn tel
le Garde des féaux paft'a outre & en
accord & telle reuerence, qu'vn cha- fit emprifonner vn grand nombre ,
cun en eftoit raui ; ceux qui ne pou- lefquels toutefois furent relafchez,
uoyent chanter, mefmes les poures
pourcene que
ment la caufe
fembla de l'empri
eftre fufiifan fonne-
te (2). Les
ignorans , eftoyent là montez fur les
lieux les plus eminens autour du pré,
pour ouir la mélodie, rendans tefmoi- de la let-
le u.chant (i) Voici les principaux passages
gnage
de chofes que fic'eftoi
bonnes tort que
t à eftoit défend tre de Macar sur les incidents du Pré-aux-à
Clercs. Nous en emprunton s la traduction
Cependant les Preftres, Sorbonnif- M. Jules Bonnet (Bull, de ihist. du prot.
franc., XXVI, Jj) : " Ainsi que je vous en
tes, & autres aduerfaires de l'Eglife, ai informé, on a chanté pendant cinq jours,
penfans auoir tout perdu, comme for- en nombreuse assemblée du soir , les psau-
cenez, coururent vers le Roi, qui lors mes de David au Pré-aux-Clercs. Le troi-
eftoit près fon camp à Amiens , & lui jour, sur lasplainte
et des sièmesorboniste réitérée de a l'évêque
, le Parlement interdit
font entendre que les Luthériens
auoyent efmeu fedition en la ville de de chanter des cantiques (on n'a pas osé dire
des psaumes) à une heure indue et avec ar-
Paris, prefts de ietter fa Maiefté hors mes. Les prêtres avaient en effet répandu le
bruit que nous nous réunissions les armes à
la poffeffion d'icelle. Qu'ils fe trou- la main. Ceux d'entre les juges qui ne sont
uoyent en troupe innombrable, equip-
simple àmesure l'Evangile ont dit queet c'est
pez de piftoles & autres armes pour pasuneopposés
là de prudence, que
coniurer contre lui. Qu'il y pouruoye, nous pouvons continuer à nous réunir. Seu-
, ne devait pas chanter trop fort ,
lement on
s'il ne veut que l'Eglife foit abatue , des meur-
de peurtres nocturnesd'exciter ville ; maiset nous,
dansdesla séditions à qiii
& fon (ceptre lui foit ofté. 'Voilà leur le soin de l'Eglise est confié, voyant le péril
rapport. Or il n'y a perfonne de ceux et ne connaissant que trop la fureur des ad-
qui eftoyent lors en la ville, qui ne fâche versaires, nous avons sérieusement averti les
tout le contraire. Car il n'y auoit au- nôtres de cesser... Le même jour, bien qu'une
cune marque de fedition. On chantoit foule nombreuse fiât réunie dans le même
là en toute fimplicité , mefmes les lieu, les uns pour regarder, les autres pour
Pfeaumes qui eftoyent pour la profpe- chanter, personne ne chanta, un petit nom-
rité du Roi & de fon royaume eftoyent bre excepté, qui ne se fit entendre que lors-
que presque tout le monde se fut retiré...
toufiours chantez les premiers & ne Le lendemain, jour de l'Ascension, une foule
portoyent efpees que les gentilshom- plus considéra
comme les chants ble encore quelqueset
cessé, réunie,
avaient s'était
mes qui l'auoyent acouftumé. Toute- brouillons s'écrièrent : Voilà les évartgélistcs
fois ils vferent de calomnies & forgè-
de trois jours ! L'un poussa l'autre , et l'on
rent des tefmoinsd'entre leurs preftres, chanta comme à l'ordinair e, mais sans tu-
multe. 11fallait voir les prêtres et les moines
& firent entendre que c'eftoit fedition. écumant de rage, tandrs que le peuple était
divisé : les uns disant que ces airs leur plai-
(1) Le Pré-aux-Clercs était un pré situé saient beaucoup, et admirant le nombre et
sur la rive de la Seine, opposée au Louvre
et au futur palais des Tuileries , qui servait la gravité des chanteurs; les autres disant
qu'il fallait se ruer sur les magistrats qui to-
de lieu de promenade aux étudiants. léraient de tels scandales. Tel est le fidèle
(2) Bèze mentionne le roi de Navarre. récit de ce qui s'est passé , et vous pouvez
Sauf de légères retouches, le récit de Bèze en croire un témoin qui, depuis deux mois,
sur ces faits est , comme celui de Crespin ,
la reproduction du récit de Chandieu , ce jouit de l'agrément de ce pré , en depit des
moines. » (LeUre du 22 mai iÇîS.)
que n'ont pas remarqué les éditeurs moder- 12) <i On a publié un édit , écrit Macar à
nes de l'Histoire ecclésiastique. Calvin le 2, mai, d'après lequel quiconque
LIVRE SEPTIEME.
Les prefcheurs
Papilles 588
Prefcheurs Papiftes, voyans que le gneur fouuerain nous induit à mainte-
enflammcnl le Roi leur tcnoit la main, s"efchaufoyent nir la dodrine dont nous faifons pro-
en chaire & donnoyent congé de tuer feffion, iufques à ce que foyons receus
populaire.
le premier Luthérien qui feroit ren- en la compagnie éternelle du royaume
contré, lîtcela engendra de grandes celefte : c eft la caufe qui nous a ef-
infolenccs. Vn poure Papirte prins meus a vous efcrire , fachans leur
pour Luthérien fut lailTé pour mort à Confeffion eftre du tout accordantes
S. Euftache ; & eut la Cour fort à aux Symboles , & eflongnee de toute
faire pour les reprimer. opinion fanatique ou feditieufe. Et
Environ ce temps, les Princes Pro- pour vous alTeurer d'auantage , nous
teftansd'Alemagne,ayansauffi entendu vous enuoyons le contenu de leur
les perfecutions de celle poure Eglife, Confeffion que trouuerez eftre (comme
enuoyerent leurs ambalTadeurs deuers dit eft) totalement eflongnee de fedi-
Abus
le Roi, auec charges de le prier d'ap- tions (1). Or il n'y a celui qui ne con-
paifer lefdites perfecutions, & lettres feft"e plufieurs abus auoir efté receus
& enracinez, partie par erreur, partie enracinez.
telles qu'il s'enfuit (i).
Lettres des aufli par l'auarice ae quelques-vns ,
Mon Seigneur, eftans auertisque, l'extirpation defquels beaucoup de
Princes protef- depuis quelques temps en ça, plufieurs gens de bien ont long temps par ci
tants au Roi.
perfonnages nobles, tant hommes que deuant grandement dellree ; & fingu-
femmes , comme auffi d'autres , ont lieremcnt ceux qui ont fleuri entre les
efté mis prifonniers pour auoir receu gens fauans de voftre Vniuerfité de
la doflrine contraire aux fupcrftitions Paris, alTauoir Guillaunic Paris, Jean
qui pullulent en l'Eglife de Dieu , & Gerfon, Weft"el (2) & autres. Lefquels
qu'en voftrede royaume
confeffion la fufdite, ceux qui font
dodrine font abus confeft'ons auoir efté auffi par
nous corrigez, fuyuant le contenu de
extrêmement perfecutez, tant en leurs
la Confeffion
auffi le poind par quenous
feu publiée. C'eft
de mémoire
biens qu'en leurs corps, nous reco- heureufe le Roi François voftre Père
noiffans membres d'vn mefme chef &
eftre tenus à ce qui peut feruir à les auoit entreprins , il y a 20. ans ,
foulager, auons enuoyé la prefente, comme prince orné de vertu & pru-
vous fupplians n'eflimer qu'ayons eftre
pris dence, fuyuant en ce l'exemple de fes
celle charge fans premièrement anceftres Rois de France, qui par plu-
fuffifamment informez de la doftrine fieurs fois ont pris la conoilfance des
qu'ils tienent , & fans eftre entière- differcns furuenus en (3)
la raifon (Monfieur) l'Eglife. Et c'eft
qui vous doit
ment alTeurez qu'ils ne fouftienent femblablenient induire à vous reigler
opinions feditieufes ou fouruoyantes
en ceft afaire, pluftoft que donner lieu
des Symboles Chreftiens. Et d'autant
que nous ne trauaillons pas moins que à la cruauté qu'exercent aucuns. Vous
vous à reietter tout ce qui peut tom- deuez eftre certain que cefte dodrine
ber au defhonneur de noftre Dieu , & iamais ne fe pourra eftcindre par telle
prenons peine de maintenir la vraye manière de force qu'on exerce ; mais,
inuocation de Dieu, & la doftrine de au contraire , que le fang qui fera à
l'EglifeChrift
Jefus catholique de noftre
contenue Seigneur
es liures des cefte occafion refpandu (eruira d'vne
femence pour faire croiftre les Chref-
Prophètes & Apoftres, & es Symboles tiens de lour en iour d'auantage. En
& anciens Dodeurs de la première forte que, pour les extirper entière-
Eglife Chreftienne ; d'auantage nous ment il
, vous faudroit ruiner la plus
faifons punitions rigoureufes des mal- grand'part de vos fuiets, de quelque
viuans, & donnons à conoiftre que la
feule obeilTance deuë à noftre Set- aage,
Dieu condition,
menace paroufaeftat qu'ils
fainde fulTent.
Efcriture,
qu'il fera punition & vengeance rigou-
verrail un des chanteurs du Préaux-Clercs, reufe du fang des Innocens, A qu'il
ou qui connaîtrait une maison dans laquelle punira griefuement ceux qui auront
se tiennent les assemblées, cl ne le déclare-
rait pas, serait regardé comme coupable du
m6me crime... Jusqu'ici personne n'a encore (i) Voy. le texte de celte première con-
été conduit h la mon ; dix ou douze person- fession Jefoi de l'Eglise de Paris, dans le
nes seulement, hommes du peuple, ont été t. IX des Catiiini Opcra, p 715. Elle com-
emprisonnées, n mence par ces mots : o Puifque nous femmes
(i) C'est le livre de Chandicu qui nous a chargez, « etc.
conservé celte pièce importante , qui ne fj) Dans Chandieu, ces noms sont en latin.
figure dans aucun auteur contemporain. (}) Chandieu : • Monseigneur. »
LETTRE DES PRINCES PROTESTANS.
589
mefprifé ou reietté la conoiffance de lement vous paruiendriez à la conoif- m.d.lvui.
fance de ceft afaire , qui eft fi grand ,
Promeffe fa dodrine. Il n'y a pas long temps
du Roi (Monfeitrneur) que par nos AmbalTa- fans ouyr le iugernent des gens de fa-
Alemans. deurs & par lettres par eux prefentees, uoir craignans Dieu ; qu'il vous plaife, Aduis
nous vous auons fait femblable re-
monftrance (1) & fuiuant la refponfe afiembler pluftoft quedespourrez
enfuiuant lel'exemple '^^ conuoquer
gens, craignansDieu.
Anceftres
qu'il vous plut nous mander, ellions idoines, aimans l'honneur de Dieu, &
défia prefque alTeurez que pour l'aue- n'eftans tranfportez d'aflfedion ; les
nir n'endureriez que les poures Chref- ouir paifiblement , & faire examiner
tiens fulTent fi cruellement affligez , & les articles de la foi qui font en diffé-
que tel tort fuft exercé à l'encontre auis rent ,& d'en
félon les fainftes Efcritures leur
dire franchement fur
d'eux & de leurs biens. Et neantmoins
chacun poind, afin que par ce moyen
auons eftéauertis qu'en voflre royaume
la perfecution dure par
& qu'elle s'y ,con- puiffiez les
&vousreformer abus l'Eglife
rertablir de Dieu
qui y font. Que
tinue autant que ci deuant par
feu , glaiue , & toute autre forte de durant ce temps , & deuant que tout
tourment ; en quoi nous portons la foit entièrement refolu & conclu , vos
trifteffe de vos loyaux & bons fuiets , bons & loyaux fuiets, adherans à nof-
comme la charité entre vr?.is Chref- tre confeffion , ne foyent inquiétez ne
contrains de faire chofe contre Dieu
tiens requiert, & fommes par ce con-
traints d'eftimer que ne foyez pas ou leur confcience, ne d'obferuer les
moins animé à l'encontre de noftre cérémonies iufques à prefent receuës
dodrine mefme, d'autant que les pou- en voftre royaume. Et auffi que défor-
res fufdits ne font trauaillez pour au- mais ne foit procédé aucunement à
tre occafion que pour la Religion rencontre de leurs perfonnes ou leurs
propre que nous maintenons & en- biens, & que ceux qui, par fi long
fuiuons en nos Eglifes, & fur laquelle temps, font détenus prifonniers, foyent
nous apuyons le fondement de noftre deliurez à pur & à plein , & que par
falut. Ce qui nous rend extrêmement effed nous puilTions entendre que nos
compaffionnez & marris , non feule- requeftes n'ayent point moins profité
lement pour le preiudice de nous ,
enuers
calomnies vous, des que l'importunité
ennemis les
de noftre& Re-
ains principalement à caufe fouuerain
neur de noftre Seigneur de l'hon- , ligion. Ce fait , vous exécuterez le
eftant par tels efforts foulé & anéanti. cominandement du Fils de Dieu , le-
Or d'autant que l'affedion quel fur toutes chofes vous recom-
tons àvos fuiets, nous induitque por-
à aimer
leur repos & les voir deliurez de ces mande fon Eglife , l'ayant fi chère-
ment 'rachetée par fon fang tant
trauaux , & auffi que defirons de bon précieux, & monftrerez auffi à vos fu-
cœur que puiffiez en ceft afaire con- iets vne mifericorde & grâce fingu-
cernant la gloire de Dieu, & le falut
liere, leur permettant d'inuoquer Dieu
des âmes, tellement befongner, que & l'honnorer purement. Et nous , de
noftre cofté , ferons en tout temps
n'amaffiez fur vous le iugeraent & ire
de Dieu, nous vous fupplions de bien prefts de le reconoiftre en voftre en-
auifer à toutes les circonftances de droit &, demeurer vos anciens amis
ce faiét , & mefmement confiderer les & feruiteurs. .
caufes pour lefquelles vos propres fu- De Francfort ce 19. Mars 1558.
iets font mis en ces extremitez , & de La lettre eftoit fignee : Le Comte
Palatin, le Duc de Saxe, le Marquis
prendre peine à ce que l'Eglife de de Brandebourg, Elefteurs; le Comte
Dieu foit repurgee de toutes idolâ-
tries & erreurs qui font furuenues en Wolfgang, Comte de Weldents (i),
la Chreftienté, & que les efprits de le Duc de Wirtemberg.
plufieurs puilTent en receuoir quelque
contentement. Et d'autant que diffici- Le Roi, pour toute refponfe, dit aux
Ambafl'adeurs qu'ils eftoyent les tref-
bien venus, & quant à leur charge,
- (i) Sur cette première ambassade, qui
avait eu lieu au commencement de 1558, qu'il enuoyeroit en bref & vnPrinces,
gentil
voyez une lettre de Macar à Calvin , du homme vers les Eleéteurs
22 février (Caluini Opcra, XVII , 57). Voy. pour leur faire entendre fon vouloir
aussi les lettres de Calvin au duc de Wur-
& refponfe, laquelle feroit telle ,
temberg et à l'Electeur palatin , pour leur
demander
niers de Parisd'intervenir en faveur
(XVI 1, 48, 51). des prison-
(i) Chandieu : » 'Veldour. »
LIVRE SEPTIEME.
590
qu'iceux, comme il eftimoit, s'en con- manda, & penfoit-on qu'il deuft eftre
lenieroycnt (i). ToutefcMS , les Am- defpefché des premiers, mais inconti-
balTadeurs n"e(loyent encores partis nent après , abatu de crainte , com-
de la Cour, que le feu (qui lembloit mença àreculer tSt quitter la vidoire cltGuerin
feduit.
deuoir e(lre efleint par leur venue) aux ennemis, retradant ce qu'il auoit
s'embrafa fur Geoffroy Guerin & au- depofô. On cftime que ce fut à la fo-
tres lideles prifonniers d'vn mefme licitation d'vn j^arnement tenant les
temps, defquels nous auons ici inféré erreurs de Ca(lalio(i). Il lui faifoit
les procédures (2). accroire
tourmenterqu'il ne lafe Religion
pour faloit point
, & ainfi
que
Dieu ne demandoit point que le fang
des hommes fufl ainfi efpandu; que