Histoire Des Marty 02 Cres

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Ï i

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HISTOIRE
DES

ARTYRS
PUBLIÉ PAR LA SOCIÉTÉ DES LIVRES RELIGIEUX
DE TOULOUSE

TOVLOISI — IMPRIMERIE A. CHAUVIN ET FILS, RUE DES SALENQUES , 28.


HISTOIRE
DES MARTYRS PERSECUTEZ ET MIS A MORT
POUR LA VERITE DE L'EVANGILE, DEPUIS LE TEMPS
DES APOSTRES lUSQUES A PRESENT (1619)
PAR

JEAN CRESPIN
ÉDITION NOUVELLE PRÉCÉDÉE D'UNE INTRODUCTION
PAR

DANIEL BENOIT
ET ACCOMPAGNÉE DE NOTES

MATTHIEU LELIÈVRE

T0.\!£ DEUXIÈME

TOULOUSE
^OCIÉTF DE^ 1 I\KLS RELIGIEUX
DÉPÔT : RUE ROMIGUIÈRES, 7
1887
AVERTISSEMENT

Nous devons quelques lignes d' explication à nos lecteurs, au moment de


leur livrer ce deuxième volume du Martyrologe de Crespin.

Notre ami, M. le pasteur Benoît , forcé, par l'état de sa santé, de re-


mettre en d'autres mains la direction de cette entreprise, nous a désigné
comme son successeur à la Société des livres religieux de Toulouse , qui a
fait appel à notre bonne volonté pour une œuvre à laquelle nous avions

collaboré dès le commencement. Nous n'avons pas cru devoir repousser un


appel qui s'adressait à la fois à noire vieille amitié pour notre prédécesseur
et à. notre ^èle pour l'histoire du glorieux passé de la Réforme. Ce ^èle ,
même accompagné d'un goût très vif pour les études d'histoire religieuse,
ne saurait sans doute tenir heu de l'érudition immense et des longs travaux
que réclamerait un commentaire savant de Crespin. Aussi bien n'est-ce pas
là ce qu'on nous demandait et ce que nous avons accepté de faire. Notre
tâche se bornait à continuer l'œuvre distinguée de noire prédécesseur, en
nous renfermant à peu près dans les limites qu'il avait lui-même tracées en
tête de son travail.
VI AVERTISSEMENT.

Ces limiles, toutefois, nous /es avons peut-être un peu étendues, et /es
cinnotiitions de ce second volume sont p/us nombreuses et plus développées

que celles du premier. Cet agrandissement du plan primitif s'est imposé à


nous en abordant la période agitée qu'embrasse ce volume (i 5 1; 3 à 1559),
l'époque oîi Marie la Sanglante essaie de nover dans le sang la réforme
anglaise; où son sinistre époux, Philippe 11 , livre par centaines ses sujets

de l'Espagne et des Pays-Bas aux bûchers de l'Inquisition ; où Henri II,


dont les intérêts politiques diffèrent cependant des leurs , cherche et réussit
à rivaliser avec eux en :{èle persécuteur. Ce furent de grandes années que

ces six années qui virent monter sur le bûcher ou sur l'échafaud : en Angle-
terre, une reine d'un jour, lady Jane Grey ; un archevêque, Cranmer ; les
évêqucs Hooper, Latimer, Ridley et Ferrar ; des théologiens tels que Ro-
gers et Philpot , sans parler de centaines de victimes aussi fidèles , quoique
moins illustres ; et, en France, des prêtres convertis comme Gudlaume Neel,
Pierre Serre , Guillaume de Dongnon , Jean Rabec ; des pasteurs et des

évangélistes comme Guillaume d'Alençon, Denis Le Vair, Jean Vernou,


Antoine Laborie, Jean Trigalcf, Philibert Hamelin, Nicolas du Rousseau;
des magistrats comme A nne Du Bourg ; des femmes comme Philippe de
Luns. En abordant ces années qui, en France, marquent la transition entre
la période où les Réformés se laissent égorger et celle où ds réclament,

les armes à la main , leur place au soleil, il nous a paru nécessaire d'en-
tourer lerécit de Crespin des éclaircissements que les documents contem-
porains pouvaient nous fournir. Nous avons surfout voulu tirer parti des
variantes, parfois fort considérables, que présentent les diverses éditions du
Martyrologe , et conserver en notes certains détails qui avaient disparu
d'une édition à l'autre.
Nous exprimons notre vive reconnaissance à tous ceux qui ont bien voulu

nous prêter l'aide de leurs lumières pour la préparation de ce volume. Notre


cher prédécesseur , M. Benoit , nous a donné son concours fraternel toutes

les fois que nous l'avons réclamé. Nous avons, comme lui, trouvé en
M. Sepp un collaborateur aussi aimable que savant, pour les martyrs des
Pa/s-Bas. MM. Emile Lcsens, de Rouen, Raoul de Ca:{cnove, de Lyon,
AVERTISSEMENT. VII

Fiwicis Chaponnière, de Genève, P. Ca//uaud [i) , de Limog-cs , Gustave


Masson, de Harro"', Charles Dardier, de Nîmes, ont répondu avec em-
pres ement nos
à demandes relativement a certains points d'histoire locale ,
sur lesquels la nature de leurs travaux leur donnait une compétence spé-
ciale. L'éditeur de la Correspondance des réformateurs, M. Herminjard,
mérite une mention spéciale pour l'extrême obligeance avec laquelle il a con-
tinué à mettre son érudition et sa compétence spéciale au service de notre
œuvre, toutes les fois que nous nous sommes adressé à lui.
Uaccès aux grandes bibliothèques de Paris nous a permis de remonter
aux sources de plusieurs chapitres du Martyrologe. Nous avons notamment
trouvé à la Bibliothèque nationale les ouvrages qui ont fourni à Crespin et

à ses continuateurs les notices sur A ngc Le Merle , l'Inquisition d'Espagne


et la grande persécution de l'Eglise de Paris, et à la Bibliothèque de l'Ar-
senal, lelivre sur l'expédition de Villegagnon , qui a passé tout entier dans
/'Histoire des Martyrs. Pour le dire en passant, la facilité avec laquelle
des volumes entiers étaient incorporés au Martyrologe, montre que les idées

sur la propriété littéraire n'étaient pas , au seizième siècle , ce qu'elles sont


aujourd'hui. Il faut se rappeler aussi que le caractère anonyme de ces écrits
et du Martyrologe lui-même {sur le titre duquel le nom de Crespin n'a
jamais paru que comme nom d'éditeur) autorisait ces emprunts , qui se fai-
saient pour le plus grand profit de la cause commune, que fous servaient

sans amour-propre d'auteur.


Nous ne devons pas oublier de mentionner la Bibliothèque du protestan-
tisme français , qui occupe une place déjà distinguée parmi les grands dé-
pôts des richesses littéraires de la France. Son bibliothécaire, M. A^. Weiss,

nous a fourni , à diverses reprises, des indications utiles, et nous n'avons


jamais fait appel en vain à son obligeante érudition.
Il est impossible que, malgré tous nos soins, quelques erreurs ne se soient
pas glissées dans un travail aussi étendu. Nous serons heureux de les corriger,

(1) C'est le nom de M. Calltiaud qui doit remplacer celui qui se trouoe par erreur à la ligne 15 de
la note 2 de la page i ç i ■
VIII AVERTISSEMENT.

comme aussi d'cclairdr certains points demeurés obscurs, dans un appendice


qui sera placé à la fin du troisième et dernier volume. Il va sans dire que
nous accueillerons avec reconnaissance les communications de nos lecteurs en
vue de rendre ce travail aussi exact que possible.

Matthieu Lelièvre.

Pans, 0 "''""S 1887.


HISTOIRE ECCLESIASTIOVE
ET

ACTES DES MARTYRS

LIVRE CINQUIEME

Récit des chofes auenucs durant la maladie & après la mort


d'Edouard Jixiefme Roi d'Angleterre.
E Roi Edouard ef- la chofe va ainfi : Cependant qu'ils
tant malade, le Duc font leurs nopces en vn temps fi in-
de Northombeland commodelors
, que tous efloyent en
(qui lors manioit dueil , Edouard Roi de telle efpe-
les afaires à fon rance, pieté & fauoir, que ie ne fai fi
plaifir) le
auec confulta
(i) Duc de iamais l'Angleterre en aura vn fem-
blable, eftoit en extrémité de maladie.
Suffolc (2) , pour Pour le faire court, les nopces finies,
lui faire bailler fa fille (?) en mariage comme le roi empiroit de iour à au-
à fon fils (4). Ici ie ne me veux arrefter tre, fique fa vie eftoit defefperee , on
à enquérir les myfteres de ces nopces, pratiqua par le moyen de quelques
non plus que la maladie du Roi & les vns , non toutefois fans le confente-
fecrettes requeftes du Duc , & ne les ment des Eftats & de tous les lurif-
veux pourfuyure à prefent par coniec- confultes, que le Roi laifTeroit, par
tures comme à la trace , confideré fon teftament & dernière volonté , la
fucceffion héréditaire du royaume à
qu'il nous eft plus aifé de déplorer le
cefte Jane , fille du Duc de Suffolc , Jane, fille du
paflfé que de l'amender. Tant y a que
petite niepce de Henri huitiefme , de Duc folc. de Suf-
(1) Sur John Dudley, vicomte de Lisie , par fa fœur, fans auoir efgard à fes Halefius , juge
puis comle de Warwick et enfin duc de
Norlhumberland , qui succéda au duc de fœurs, MarieHalefius
deux lurifconfulte, & Elizabet. "Vn à Londres.
Somerset comme protecteur du royaume , feul (i), affec-
voy. le tome 1 de VHist. des Martyrs, p. 581.
(2) Henry Grey, marquis de Dorset, puis
duc de Suffollc, avait épousé lady Francis, (i) Sir James Haies, juge du Kent, avait
fille de Marie Tudor, veuve de Louis XII , pris part au procès fait, sous Edouard VI .
roi de France . et remariée à Charles Bran- à révêque de Winchester, Gardiner; toute-
don, duc de Suifolk.
l'empê-
(; 1 Lady Jane Grey, fille aînée du duc de fois ses opinions prononcer, ne
chèrent pas de seévangéliques à la mort
Suffolk , et arrière-pelite-fille par sa mère d'Edouard, en faveur des droits de Marie.
de Henri Vil , roi d'Angleterre. Celle-ci ne lui en sut pas gré et le laissa
(4} Lord Guilford Dudley, quatrième fils
du duc de Norlhumberland. dépouiller et traîner en prison. Haies en fut-
tellement aflfecté qu'il mit fin à ses jours par
LIVRE CINQUIEME.

mas Wrots, cheualiers, & deux gen-


tionnii à l'Euangile & luge autant un- tils-hommes dela chambre priuee , &
tier qu'il en fuft on toute l'Ans^'Ietcrre, du dodeur Owen , & du dodeur
fauorifant à Marie, ne voulut foufi-
Wendie & Chrillophle Salmon (i), &
gner, duquel,
nous ferons s'il plait
ci après plusaugrand
Seigneur,
récit. quand & quand quafi tout le bon-heur
Ces chofesaind ordonnées iS: fignces « l'excellence des Anglois périt
auecques lui. Adonc les afaires des
Roi d'An-
de fi grande ieune
par tous,gleterreEdouard, attente, aagé de Anglois eftoyent en poure & mifera-
feize ans, ellant opprelTé par la vio- ble eftat , agraué par les inimitiez
lence de la maladie non encores alTez mortelles entre les nobles & le vul-
conuë , le feptiefme an de fon règne , gaire. Edouard mort, cède lane lui
le fixiefme iour de Juillet & trois heu- fucceda au titre royal , bien du con-
res deuant fa mort , adreffa fes der- fentement de la noblefie, mais à fon
nières prières & foufpirs à Dieu (i), & grand regret ; & incontinent fut criée
ne penfant point que perfonne l'ouïfl , & publiée Roine, voire mefme re-
profera deuant la mort ces paroles : ceuë , tant à Londres que par quel-
Paroles nota' (I Seigneur Dieu, deliure moi de cefle ques autres villes plus célèbres. Cefte
blés. ieune Princeffe eftoit de mefme aage
miferable & ennuyeufe vie , & me re-
çoi en ta compagnie ; toutefois non la à peu près que le Roi Edouard ,
miene, mais la tiene volonté foit faite.
qu'elle furmontoit nonobftant en éru-
Seigneur, ie te recommande mon ef- dition lettres
, & langues , ayant efté
prit. O Seigneur, tu fais combien ce aprife fous
fauant (2). lean iClmer, homme tref-
feroit chofe
auec toi ; mais heureufe
à caufepour
de moi
tes d'eftre
efleus SvR ces entrefaites, Marie, auertle
garde celle vie , & me ren ma pre- de la mort de fon frère , cerchoit de
mière fanté , afin que ie puilTe m'em- fe mettre en feureté par fuites & ca-
ployer vrayement à ton feruice. Sei- chettes, fefiant à la faueur du com-
gneur Dieu, béni ton peuple, fois lui mun , bien qu'il peut eftre qu'elle
propice eSt fauorable, A fauue ton hé- n'eftoit
noblclTe.deftituee
Le Ducd'intelligence auec la
de Northombeland
ritage. Seigneur Dieu , preferue ton
peuple voyant fon opiniaftreté & que les cho-
Seigneur efleu Dieu, d'Angleterre. O mon
defen ce poure royaume fes n'alloyent félon fon fouhait, afiem-
de tout erreur Papiftique , & main- bla la plus grolTe armée
tien ta vraye Religion vSc le feruice de fe mit en campagne pour qu'il peut &
pourfuyure
ton Nom , afin que moi & mon peu- Marie. Il lui eull elle aifé, comme il
ple puiffions louer & célébrer ton fembloit, de la réduire en fa puilTance
laind Nom. » Lors il retourna fa face
&lui mettre
eurt efté fin à cefte
loifible entreprife
de fuyure , s"il
fa pointe
& vid qu'il y auoit des gens auprès de félon fa véhémente impetuofité. Mais
lui , & leur dit : « Eftes-vous fi près
de moi .■' ie penfoi que fuffiez bien pour autant que le royaume eftoit en-
loin. » Adonc le dodeur Owen dit : core frais & n'ofoit rien attenter de
« Sire , nous vous auons ouï parler , fon authorité priuee , force lui eftoit
mais nous» Lors
n'auons pas(2)entendu les de manier tout l'afaire félon l'auis &
paroles. il dit : « le prioi
délibération du Parlement, fi qu'on
Dieu. » Or, les derniers mots qu'il lui ordonnoit le chemin qu'il deuoit
Les derniers proféra furent ceux-ci : " Seigneur, faire, les iours , comment & combien
foufpirs & le n'en puis plus , aye merci de moi , il fe deuoit auancer par chacune iour-
prières du Roi & reçoi mon efprit ; » & à l'heure
Edouard. nee, & lui eftoit autant peu licite que
mefme il le rendit en prefence de feur d'outrepafter les mandemens qui
meffire Henri Sidney & meffire Tho- lui eftoyent faits. Cependant Marie
allant çà & là , & trauaillee de tant
un suicide. Voy. Foxc, Acts and Monuments,
édil. de la Rcl. Tract Soc, t. VI, p. 594 ,
(1) Les témoins de la mort d'Edouard Vt
J9Ç,
(I) 710-717.
Cette relation des derniers moments furent, d'après Foxe (édit. de iî6;, p. 888):
Sir Thomas Wrothe. Sir Henry Sidney,
et de la dernière prière d'Edouard VI est la gentilshommes de la Chambre privée, le doc-
traduction teur Owen, le docteur Wendy et un valet
aux archivesd'une relation dans
de Zurich, latine un
qui volume
se trouve
in- de chambre nommé Christopher Salmon.
titulé :Angticana scripla [Suit, de Ihist. du (2) John /Elmcr ou Aylmer est mentionné
protest, franc., iH'j;, p. 16). Ces détails se
retrouvent aussi dans Foxe, t. VI, p. )Ç2. par théologiens
des Foxe (t. VIIIprotestants , p, 679, 087) comme part
qui prirent l'un
\l) Le texte lalin ajoute : More suo subri- à la conférence de Westminster, au com-
d.-ns, ^nuriant comme toujours
mencement du règne d'Elisabeth.
JANE GRAVE. J

cheminer, en fuyuant les lieux fours, plus prompts à cercher fa bonne grâce
finalement fe rendit aux marches (i) que prefts à rendre le pareil après
de Nortfolc & de SufFolc, où elle fa- auoir receu le plaifir. Mais il refte
uoit que le nom du Duc eftoit hay , à vne confolation aux miferables : c'eft
rail'on de la récente deffaite des qu'encoresde que la foi&& neéquité foyent
forclofes la terre fe trouuent
payfans (2). Là , ayant amalTé d'vne parmi les hommes, fi fe trouueront-
part & d'autre fecours du peuple , fe elles certainement au ciel par deuers
tint quelque temps au chafteau de
Freminghamen (3). le Seigneur. Mais pourautant que
Ceux de Cevx de Suflblc (qui toufiours ont
Suffolc portent efté fingulierement afTeftionnez à auan- nous recitons fimplement l'hiftoire ,
aide à la lailTons ceux de Suffolc, fans autre-
Roine Marie. cer l'Euangile) accoururent tous pre- ment enquérir combien ils ont mérité
miers à elle , offrans l'aider de leur enuers la Roine par leur promptitude
t& diligence. Quant à la recompenfe
pouuoir , pourueu qu'elle ne chan-
geaft rien Edouard
fon frère de l'eflat auoit
de lainftitué.
religion Pour
que faite par elle, le fait &la toute l'hiftoire
de cefte perfecution déclare haut
& clair. Voici donc maintenant Marie
le faire bref, elle accepta celle condi-
tion & donna la foi, de forte que cha- deuenue Roine de fugitiue, tellement
cun fe tenoit pour affeuré. Que fi , efchappee de grans périls & terreurs,
puis après, elle eufl autant conrtam- qu'elle eft terrible aux autres. Elle a
ment gardé les paches (4), qu'iceux maintenant l'efpee en la main , dont
la défendirent franchement d'armes & elle a frappé les fidèles, comme nous
de corps, elle euft fait vn ade digne de verrons ci après , & premièrement
noblefie , & eufl rendu fon royaume cefte Princeffe tant noble & ver-
tueufe.
plus ferme & paifible & de plus lon-
gue durée. Car quelque puiffante que
puiffe eftre la perfonne, ce neantmoins
à grand'peine la defloyauté peut fub-
fifter longuement , encores moins la
Marie munie terreur, & fur tout la cruauté. Marie,
du fecours des
ainfi munie du fecours des Euangeli- Iane GrayeSuffolc
, fille(i).
du Duc de
Euangeliques. ques ,contraignit quand & quand les
autres & le Duc mefme de fe rendre.
Or les chofes ainfi auenues, on trouua Entre toutes les femmes d'A ngleterre
au/quelles de ce temps le Seigneur
fort eftrange la refponfe qu'elle fit à a manifcjlé fa conoijfance , cefte
ceux de Suffolc , qui la fommoyent
par vne requefte de garder la foi pro- Iane de Suffolc fe trouuera auoir
mife. « Pourautant (dit-elle) que vous efté la perle, non feulement pour les
eftans les membres, voulez nonobllant dons & grâces fingulieres qu'elle
gouuerner vollre chef, vous entendrez auoit , mais fur tout pour la con-
finalement que les membres doyuent fiance admirable que Dieu lui a
eftre au delTous & non au delTus de donnée de maintenir fa fainàe doc-
leur chef. »
trine au milieu d'vn royaume de
De ce temps , & pour la mefme nouueau reuoUé contre l'Euangile.
Le feiçneur caufe , vn noble feigneur , nommé
ddb. Apres que Marie, comme dit a
Dob (5) , qui fe tenoit près de la
ville de Vindan (6) , fut par trois fois efté, fe vid ainfi exaltée par ceux de la
mené au milieu du marché & forcé de religion (2), fes ennemis domtez, tout
faire amende honorable. Or il auient lui eftre feur , elle partit du camp
ordinairement , félon la couftume des pour venir à Londres , où elle fut re-
hommes , que quand nous auons be- ceue à grand'ioye extérieure de quel-
foin de l'aide d'autrui , nous fommes ques vns , mais pour crainte de la
plufpart , par flatterie exceffiue de
(i) Marches : frontières. tous. Là, tout premièrement, elle Eu efgard à
(2) 11 s'agit d'une émeute survenue dans dédia l'entrée de fon règne par le fang
les comtés de l'Est sous Edouard VI, et que de cefte ieune dame Jane, laquelle elle fon nement.
emprifon-
Northumberland avait réprimée.
(î) Cliàteau de Framiingham. fit conftituer prifonniei'e à fa venue, &
(4) Les conventions.
(î) Foxe le nomme Dobbe, et en fait un
simple gentleman, et non un seigneur (t. VI, (1) Sur Jane Grey et sa mort, voy. Foxe,
p. 587). t. VI. p. 415-425-
(6) Wyndham. (2) Edit. préced. : les Evangcliquos.
LIVRE CINQUIEME.
virilement. » Iane. « Voftre venue
tort après exécuter auec fon mari. Et
m'eft bien agréable, pourueu que vous
combien
trine vouians ennemis les
, que lesobfcurcir grâcesdoc-
d'icelle du y foyez venu pour me donner quelque
exhortation Chreftienne. Au regard de
Seigneur par ce prétexte, qu'elle au- l'affliftion , tant s'en faut (grâces à
roit elle exécutée pour crime d'auoir
afpiré à la couronne, contre le droit lefus Chri(l) qu'elle me foit en-
de légitime fucceffion : ce neantmoins
nuyeufe, que ie l'eftime vn figne de
il a eflé conu qu'à fon grand regret grande faueur Diuine, & telle qu'onc-
elle auroitefté proclamée Roine d'An- ques il in'ait monflré. Parquoi il n'eft
gleterre, & que le tout s'ertoit dé- befoin que certe chofe tant à moi fa-
mené par lean, Duc de Northombe- lutaire vous contrifte, ou ceux qui me
land, homme feditieux, pour attirer la portent faueur. » F. « le fuis ici en-
couronne en fa maifon, ayant allié uoyé de la part de la Roine &. de fon
par mariage Guilford Dudley, fon (ils, confeil , pour vous inftituer en la foi
auec ladite Jane. Northombeland en
catholique, bien que i'ai opinion que
receut fon falaire puis après & fut dé- n'en auez aucun befoin. » I. « Certes,
capité fuyui
, au mefme fupplice du ie remercie la maiellé de la Roine qui
Duc de SufTolc. Les autres nobles a fouvenance de moi fa poure fuiette ;
furent feulement punis par la bourfe, enfemble ie me fie que vous vous ac-
de leur rébellion. Quant à Jane, il eft quiterez fainélement & purement de
alTez notoire que Marie, fa coufine, la charge qui vous efl eniointe. »
F. « Quelle chofe efl requife à vn De la Foi.
ne l'affligea pour autre caufe que pour
haine de la Religion qu'elle maintcnoit Chreflien .> » I. « C'efl de croire en
auec telle confiance & intégrité, que Dieu le Père, Dieu le Fils, Dieu le
les ennemis en eftoyent eflonnez. Et S. Efprit : trois perfonnes & vn
qu'ainfi foit , quatre iours douant Dieu. » F. « N'y a-t-il autre chofe
lu'elle enduraft la mort, Feknam (i),
epuis efleu Abbé de Weftmonder ,
requife à vn Chreftien, finon de croire
en Dieu? » I. « Si a bien : il nous
fut enuoyé vers elle , du vouloir de la conuient croire en lui, l'aimer de tout
Roine, pour la diuertir de cette con- noflre cœur, de toute noflre ame& de
ftance & de fa foi & religion , & pour toute noflre penfee, & nollre prochain
la réduire à la difcipline Papale & comme nous mefmes. » F. « Il s'en-
ramener au bon chemin , comme ils fuit donc que la foi ne nous iurtifie Rom. }.
eftiment. pas. » I. « Si fait véritablement, la
roit bon deNous auons
mettre pensé
ici le qu'il fe-
fommaire de feule foi , comme dit S. Paul , nous
leur deuis & conférence, en la forte iurtifie. » F. « Pourquoi donc, dit S.
Paul : « Si nous auons toute la foi &
qu'elle l'a recueillie & publiée , à ce Gai. 1.
que le ledeur en puiffe donner fon que
auis. rien } n'ayons
» I. « Ilcharité
eft vrai , ; ilcar necomment
profite

puis-ie aimer celui auquel ie n'efpere


point .> ou comme puis-ie efperer en
La conférence entre le doreur Feknam celui que ie n'aime pas.'' Foi & cha-
rité font coniointes enfemble, & en-
& lane , fille du Duc de Suffolc , core amour eft compris fous la foi. »
F. " Et comment aeuons-nous aimer
quatre
lejle iours auant qu'elle eujl la
Irenchee.
noflre prochain i* » I. « Aimer noftre
firochain,
ux qui a faim,c'eft donner
reueflirà ceux
mangerquià font
ce-
Feknam. « Madame, i'ai grand'pi-
tié de voftre piteufe auerfité ; toute- nuds, A donner à boire à celui qui a
fois, ie ne doute aucunement que ne foif, & lui faire comme nous vou-
portiez cède fafcherie conflamment &
drions qu'il nous fifl. » F. « Donc, il
efl necelTaire, pour le falut, de faire
(i) John Fccknam , alias Hownian , fut bonnes œuures & ne fuflît pas de
fail par Marie doyen de Saint-Paul et nbbé croire. » I. " Cela ne s'enfuit pas , car
de Westminster. Il prit une part active h la
il efl certain que par la foi nous fom-
réaction decatholique.
rendu L'aulhenlicilédu
cette confdrenco de Janecompte
Grey mes fauuez ; mais il efl neceffaire que
avec Fccknam est affirmée dans une lettre les Chrefliens, pour fuyure leur Maif-
de James Haddon à Bullinger [Zuriclt's Lcl- tre lefus Chrifl, facent bonnes œu-
ters, Parker Society. 1846, n" H4I. La bi-
bliothèque de Zurich possède deux lettres ures. Or, ce n'efl pas pourtant à dire
autographes de Jane Grcy & Bulllngcr [Bull, qu'elles profitent pour le falut ; car
de l'hist. du proUst., 1807, p. lû). combien que nous ayons fait tout ce
JANE GRAVE. 5
Lue 17. que nous pouuons faire, encores fom- voulu auoir fait vn miracle au fouper
mes-nous feruiteurs inutiles , telle- où il inftitua fa Cène ; mais ie di que
ment que la feule foi au fang de fon intention à cefte heure-la n'eftoit
Sacremens. Chrift nous fauue. » F. « Mais com- point de faire aucune œuure miracu-
bien ya-il de Sacremens ? » I. » Deux : ieufe , ains feulement d'inftruire &
l'vn eft le facrement du Baptefme , & donner à conoiftre vraye nourriture
l'autre eft le facrement de la Cène du en viande éternelle. Or, ie vous prie,
Seigneur. » F. « Non, il y en a fept. » donnez- moi refponfe à cefte queftion :
I. « En quelle Efcriture le trouuez- Où eftoit Chrift quand il dit : « Pre-
vous ? )) F. « Nous en parlerons ci
après ; mais dites moi , que fignifient nez ,mangez, c'eft ci mon corps .-^ »
N'eftoit-il pas à table .> il eftoit à cefte
vos deux facremens .'' » I. « Par le fa- heure-la viuant , & ne fouffrit pas iuf-
crement du Baptefme , ie fuis lauee ques au iour enfuyuant. Que print-il
d'eau & régénérée par l'Efprit ; & finon du pain ? & que donna-il finon
ce lauement m'eft Le
vn figne que iedefuis du pain r & que rompit-il finon du
enfant de Dieu. facrement la
pain? Notons que ce qu'il print , il le
Cène du Seigneur m'eft donné pour rompit ; & ce qu'il rompit, il le donna ;
feur tefmoignage & feau que ie fuis & ce qu'il donna , cela mefme fut
participante du royaume éternel par mangé ; & toutefois cependant lui
mefme eftoit affis au fouper entre fes
le fang de Chrift qu'il a efpandu pour difciples. » F. a Vous fondez &apuyez
moi en la croix. » F. « Que receuez-
vous en ce pain ? ne receuez-vous pas voftre foi fur des autheurs qui difent :
le corps & le fang de lefus Chrift r » Oui & Non, & qui afferment puis fe
I. « Non, pour vrai ie ne le croi pas defdifent , & non pas fur l'Eglife à
ainfi laquelle vous devez croire. » 1. « Non
en laque
Cène vous ieautres l'entendez
ne reçoi ne chair; car
ne fai , ie fonde ma foi fur la parole de
fang corporel, mais du pain & du vin; Dieu , & non fur l'Eglife ; car fi
lequel pain, quand il eft rompu, & le l'Eglife eft vraye Eglife, la foi d'icelle
vin quand il eft beu comme le Sei- doit eftre approuuee par la parole
gneur l'a ordonné , nous fommes faits de Dieu , & non pas la parole par
participans du corps & du fang de l'Eglife , ne ma foi auffi. Croiroi-ie
Chrift, qui a efté rompu & efpandu l'Eglife à raifon de fon antiquité ? ou
pour nous ; & auec ce pain & vin ie donneroi-ie foi à cefte Eglife-la, qui
reçoi les bénéfices qui font venus par me defrobe & dénie vne portion du
fouper du Seigneur , & qui ne veut
le brifement de fon corps & par l'effu-
fion de fon fang en la croix pour mes fouffrir qu'vn homme laie , comme ils
péchez. » F. « Comment? Chrift ne appellent, le reçoyue en deux efpe-
dit-il pas ces paroles : « Prenez, man- ces ? & qu'il apartient à eux feulement
gez , c'eft ci mon corps ? » Deman- qui fe difent gens d'Eglife, nous pri-
dons-nous paroles plus manifeftes? ne uans d'vne partie de noftre faluation?
dit-il pas que c'eft fon corps t » le di que c'eft vne Eglife maligne &
I. « J'accorde qu'il dit cela, & auffi non pas l'efpoufe de Chrift, mais celle
il dit : « Je fuis la vigne, ie fuis l'huis ; » du diable , qui change la Cène du
mais neantmoins il n'eft ni vigne ni Seigneur, en y adiouftant & dimi-
huis. Si ie mangeoi le corps matériel, nuant ie
; di que Dieu lui adiouftera adoc. 22.
ou beuuoi le naturel fang de Chrift, ie
me priueroi de ma rédemption , ou il & multipliera les playes qu'il a or-
donnéesde fa
minuera pour telle Eglife,
portion & qu'il
du liure di-
de vie.
faudroit qu'il y euft deux corps en
Chrift : il s'enfuit que ce corps qu'ils Vous n'auez pas apris cela de fainél
ont mangé n'a point efté rompu en la Paul , quand il adminifttoit la Cène
croix, ou, s'il a efté rompu en la croix, aux Corinthiens en deux efpeces.
les Apoftres ne l'ont point mangé. » Croiroi-ie (di-ie) à cefte Eglife-la? ia
F. « N'eft-il pas auffi poffible que n'auiene. » F. » Cela eftoit à bonne
Chrift , par fa puilTance , puilTe faire intention, pour euiter vne herefie qui
que fon corps foit mangé & auffi
s'y commençoit. » I. n Pourquoi chan-
rompu , comme il eft poffible qu'il ait gera l'Eglife la volonté de Dieu & fes
efté nai d'vne femme fans femence ordonnances , fur bonne intention ?
d'homme , & comme il a marché fur comment ordonna Dieu du Roi Saul ,
la mer ayant vn corps, & félon tels auec toutes fes belles intentions? »
miracles Feknam me voulut perfuader de croire
I. « Oui qu'il a faits par fa ii
véritablement, puifTance ?»
Dieu euft
beaucoup de chofes, ce qu'il ne fit
LIVRE CINQUIEME.

pas, & y eut plufieiirs autres propos du diable ; autrefois efpoufe de Chrift,
entre nous, mais voila les principaux. mais A prefent le deshonefte paillard
Ainfi ell-ii, Jane Dvdley. de l'Antechrift ; autrefois mon frère
fidèle , mais maintenant eflranger &
apoftat ; voire mefme autrefois vn
QvAND Feknam vid qu'il ne pouuoit
rien gagner, il print congé d'elle , en ferme & afl"euré champion de Chrift,
mais maintenant reuoité & fugitif.
lui difant qu'il elloit grandement def-
" Car Toutes les fois, di-ie, que ie confidere
dit-il) ie pour
filaifant l'amourqued'elle.
fuis alTeurti iamais nous les menaces & promeffes de Dieu
ne nous trouueronsl'vn Vautre. » « Ilefl enuersment ,ie
tousfuis
ceux qui l'aiment fidèle-à
vrai, refpondit lane , fi vous ne faites contrainte de parler
pénitence , & vous retournez à Dieu; toi, Toi femencede Satan, & non pas
car vous eflcs en mauuais erreur. Je de Juda ; que le diable a deceu , que
prie Dieu que, par fa mifericorde, il le monde a trompé, & le defir de
vous donne fon fainft Efprit ; & cefte vie miferable a fubuerti , & fait
comme il vous a donnii quelque don d'vn Chreflien vn infidèle. Pourquoi
de la langue, suffià conoiftre
qu'il lui plaife vous;» as-tu pris le teftament du Seigneur en
illuminer le cœur fa vérité ta bouche .' pourquoi as-tu maintenant
& ainfi fe départit. dédié ton corps aux mains fanglantes
des aduerfaires & cruels tyrans }
Pourquoi as-tu par ci deuant inftruit
les autres d'eftrc fermes en Chrift, &
Nous auons ici infcré vne Epijlrc maintenant toi-inefme abufes du Tef-
quelle efcriuit en vulgaire Anglois à tament & de la Loi du Seigneur .>
vn perfonna^e (1), qui, par crainte Toi qui as prefché qu'on ne defrobe,
du monde 6- tar ambition, s'elhit tu defrobes trefabominablement, non
de/tourné du bon chemin; laquelle pas les hommes, mais Dieu ; & comme
ejl pleine de doctrine & de pieté; vn facrilege tu defrobes Chrift ton
& de mot à mot traduite, contient ce Seigneur du droid de fes membres;
& defrobes & defraudes & ton corps
qui s'enfuit.
& ton ame , quand tu te monftres ai-
QvAND ie rcdui en mémoire les ter- mer mieux viure miferablemcnt auec
ribles &redoutables paroles de Dieu : honte en ce monde, que mourir &
Luc 19. aue (( celui qui met la main à la charrue régner en gloire & honneur auec
«Y regarde derrière lui, n'eft point lefus Chrift, duquel en mourant on
obtient la vie. Ce feroit maintenant
digne d'entrer au royaume des cieux ; »
& d'autre part que ie confidere les que tu te deurois monftrer vertueux;
paroles confortables & douces de car la vertu & force n'eft conue que
M ait h. 10.
nofire Sauueur lefus Chrift, qu'il quand on eft aft"ailli, mais au contraire
adrelTe à tous ceux qui renoncent à tu te caches deuant qu'on te pour-
eux mefmes A l'enfuiuent, i'ai grande fuyue. Miferable & malheureux, qu'es-
occafion de m'efmerueiller & de la- tu finon poudre A cendre ? veux-tu
menter pour toi , qui au temps paiïé rcfifter à ton Créateur qui t'a formé
eftois vn membre viuant de Chrifi, & & fait ? as-tu vouloir d'abandonner
maintenant es vn efclaue difforme du
celui qui t'a appelé d'vn poiire lieu
diable; autrefois le plaifant temple de de peager entre les Romains Ante-
Dieu, mais à prefent vn infeél canal chrifts, pour eftre ambaffadeur & mef-
fager de fa parole éternelle.^ Celui,
(I) Foxe le nomme, dans ses dernières di-ie, qui t'a eftabli, iS: depuis ta créa-
éditions : u Masier Harding, naguère cha-
pelain du duc de SulTolk, son père. » Mais, tion & natiuité t'a preferué, t'a nourri
dans sa première édition, que Crespin a & gardé, voire infpiré l' Efprit de fa
suivie . le marlyroloKiste anglais le désigne conoift"ance (ie nofe pas dire de grâce)
mystérieusement comme " un certain savant
n'aura-il point la iouy(rance de toi ?
homme que je connais et pourrais nommer Ofes-tu bien te donner à vn autre,
ici, si je le voulais, n II explique que , s'il
s'ahstieni de le nommer, c'est dans l'espoir veu que tu n'es point à toi .^ Comment
qu'il reviendra à la foi qu'il a abandonnée. ofes-tu ainfi mcfprifer la Loi du Sei-
L'authenticité
mais elle est dementionnée
cette lettre a été contestée,
dans la lettre à gneur &, enfuyure les vaines tradi-
Bullinger ci-dessus indiquée. Ce qui est cer-
tions des hommes.' &a\i lieu que tuas
tain, c'est que le texte de ce document a cftéprofeft'eur(i)publiquedefon Nom,
subi des retouches et contient, d'une édition
i l'autre , des variantes assez considérables. (1) Tu as fait profession.
JANE GRAVE. 7
eftre deuenu vn reiiieur de fa gloire? Jeremie, & tu en es admonnefté auffi
Tu refufes le vrai Dieu, & adores les 'en tant de lieux de l'Efcriture fainéle.
inuentions des hommes, le veau d'or, DiEV dit qu'il eft vn Dieu ialoux. Exode 20.
la putain Babylonique , la religion lequel veut qu'on lui attribue tout
Romaine, l'idole abominable
Veux-tudeen-la honneur & gloire, & 4.
qu'on
Méfie tref-abominable. feul; & Jefus Chrift au de S.l'adore
Luc,
cores tourmenter & defmembrer le en parlant à Satan qui le tentoit (qui
trefprecieux corps de noftre Sauueur eft celui mefme Satan, ce Beelzebub,
Jefus Chrift de tes dents puantes & ce diable qui t'a ainfi fubuerti). « Il
eft efcrit , dit-il : Tu adoreras le Sei-
charnelles
ait ? nepour
efté rompu te fuffit-il
nous enpoint qu'il
la croix, gneur ton Dieu, & à lui feul tu ferui-
pour nous conferuer entiers deuant la ras. » Ce palfage & les autres fembla-
maiefté de Dieu fon père r Ofes-tu bles te défendent, & à tous Chreftiens,
bien entreprendre d'offrir aucun facri- d'adorer aucun autre Dieu que celui
fice à Dieu pour nos péchez, confideré qui eftoit deuant tous les fiecles, &
que Chrift lui-mefme, comme dit qui a fondé le ciel & la terre; & tu le
veux delaiffer, honnorant vne idole
Hebr. lo. faind Paul, s'eft offert en la croix en
facrifice viuant, vne fois pour toutes ? deteftable inuentee par le Pape de
N'es-tu pas efmeu de la punition des Rome, & par l'abominable feâe des
Ifraelites , laquelle ils ont endurée fi Cardinaux? Chrift s'eft on"ert vne fois
griefue &fouuent pour leurs idolâtries? pour toutes, & le veux-tu offrir encore
les menaces terribles des Prophètes iournellement à ton plaifir ? Mais tu
ne t'efmeuuent-elles pas ? n'as-tu me refpondras que tu le fais à bonne
point horreur d'honorer vn autre dieu intention. O fource de péché! O en-
que le Dieu viuant & éternel ? n'as-tu fant de perdition ! fonges-tu là vne
bonne intention , où ta confcience te
pas efgard à celui qui n'a point efpar-
gné fon propre Fils pour toi ? veux-tu donne tefmoignage de l'offenfe de
attribuer honneur aux idoles , qui ont Dieu & de l'ire du Seigneur ? Autant ,_ sam. i.
bouche & ne parlent point, yeux & ne
en faifoit Saul; lequel d'autant qu'il
voyent point , qui périront comme n'auoit obéi à la parole de Dieu, pour
ceux qui les font ? Que dit le Pro- vne bonne intention qu'il pretendoit,
fut reietté & priué de fon royaume.
leremiephèteefcrite
Baruch , aux
recitant
luifs l'epifire de
captifs, les Toi qui effaces ainfi l'honneur de
auertiffant qu'en Babylone ils ver- Dieu, & lui defrobes fon droit, penfes-
tu auoir le royaume celefte & éternel ?
royent des dieux d'or et d'argent , de
bois, de pierre , portez fur les efpau- veux-tu ietter Chrift du ciel pour vne
les des hommes, pour donner crainte bonne intention , faire que fa mort
aux Gentils ? « Mais ne les craignez foit vaine, & anuller le triomphe de fa
point, difoit-il ; car, quand vous aper- croix, le facrifiant ainfi à ton plaifir ?
ceurez les autres qui les adoreront, veux-tu auffi, ou pour crainte de mort,
dites en vos cœurs : C'eft toi , Sei- ou efpoir de viure , denier ou reietter
ton Dieu, qui a enrichi ta poureté,
gneur, qu'il conuient adorer feulement;
car le charpentier en a ordonné le guéri ton infirmité , & reftitué en
bois, & les a ornez, voire & font dorez
vraye fanté, fi tu l'euffes gardée? Ne
d'or & esleuez en haut, argent & cho- confideres-tu point que le fil de ta vie
fes vaines, & ne peuuent parler. « Il dépend de celui qui t'a fait ? qui eft
monftre d'auantage leur abus en leurs celui qui peut à fon plaifir doubler le
acouftremens , comme les preftres ont fil pour plus durer, ou le defdoubler
acouflré leurs idoles de toute façon , pour eftre pluftoft rompu , finon lui ?
tellement que l'vn tient vn fceptre , Te fouuient-il point que le noble Roi
Dauid te le déclare au Pfeaume 104,
l'autre vn poignard en fa main ; & pour
tout cela ne peuuent iuger aucune où il dit : « O Seigneur, quand tu reti-
chofe, ne fe défendre ne garentir de res ton esprit des hommes, ils meu-
rent & retournent en poudre ; mais
la vermine ou rouillure.
roles que leur 'Voici
dit Jeremie : enles quoi
pa-
quand tu leur tranfmets, derechef tu
les remets en vie , & renouuelles la
il aprouue que c'efl chose vaine, & face de la terre? » Remets, remets en
qu'elles ne font pas dieux. En la fin
il conclud ainfi : « Confondus foyent mémoire la parole que Jefus a dite :
ceux qui les adorent, » &c. Ils ont efté « Qui aime fa vie, il la perdra, mais qui lean 12.
admonneftez par Jeremie, & tu en as la perdra pour mon Nom, il la trou-
admonnefté les autres comme a fait
uera ; " & en l'autre paffage : « Quicon-
8 LIVRE CINQUIEME.

Matth. lo. oue aime père ou mère plus que moi, les qui s'adreffent à ceux qui le nient
pour fauuer leur vie : « Que celui qui Matth. lo.
il n'eft pas digne de moi; car celui me nie deuant les hommes , ie le
qui veut eflre mon difciple , il faut
nierai deuant mon Père qui eft es
qu'il abandonne père & mère & foi-
mefmc , & qu'il porte fa croix & cieux; » & en l'Epiftre aux Hcbrieux:
m'enfuyue. » Et quelle croix eft-ce? << Ceux, dit-il, qui ont efté vne fois illu- Heb. 6.
c'eft la croix d'infamie & de honte, de minez, & ont goufté le don celefte , &
efté faits participans du faind Efprit ,
mifere & poureté , d'alllidion »& per-
fecution pour fon Nom. Souffre que & goufté la bonne parole de Dieu &
le glaiue trenchant de deux coftez te
fepare de ces affligions mondaines, les puiftances du liecle à venir, s'ils
retombent , il eft impoffible qu'ils
voire iufqu'à la moelle de ton cœur foyent renouuelez par pénitence; en-
charnel , afin que tu puiffes embraffer tant qu'ils crucifient derechef lefus
& retenir Chrift, & tout ainfi que bons Chrift le Fils de Dieu en eux-mefmes,
fuiets ne refufent point de mettre & le diffament. » Et^derechef il eft dit:
leur vie en hazard pour la dcfenfe de « Si nous péchons volontairement après Heb. lo.
leur Rouuerneur temporel , auffi ne auoir receu la conoiffance de la vérité,
t'en fui pas comme lafche traiftre , du il n'y a plus d'oblation pour le péché,
mais vne terrible attente du iugement
lieu oùdonné enton
cefteCapitame Chrift
vie. Bataille t'a or-
virilement, du ieu éternel qui deuorera les aduer-
viene la vie , viene la mort. C'eft la faires. » En lifant ces horribles fenten-
caufe de Dieu ; & fans doute la ces & menaces, ne trembles-tu point?
Contre la lieue vidoire eft à nous. Mais tu diras : Je Bien, fi ces terribles & efpouuanta-
de l'Anicchrist ne veux pas troubler perfonne, ni bles foudres ne te peuuent efmouuoir
à te ioindre à Chrift & renoncer le
& de fes fup- rompre l'vnion. Quoi ? tu ne veux pas
P"**** rompre l'vnion d'entre Satan & fes monde ; pour le moins que les douces
membres, l'union des confolations & promeffes des Efcritu-
cord de r Antechrift & deténèbres, l'ac-
fes adherans.
res , que l'exemple de Chrift tt fes
Ha! tu te déçois auec imaginations Apoftres , fainds Martyrs & Confef-
controuuees d'une telle vnion d'entre feurs te donnent courage de plus ver-
les ennemis de Chrift. Les faux pro- tueufement t'apuyer fur lefus Chrift.
phètes n'eftoycnt-ils pas en vnion ? les Enten ce qu'il dit: « Vous eftes bien- Matth. ç.
frères de lofeph & les enfans de Ja- heureux quand les hommes vous outra-
cob? les Gentils & les Amalecites? geront (& perfecuteront pour mon
Nom; car voftre rétribution eft grande
les Pherefiens & lebufiens n'eftoyent-
ils pas vnis enfemble ? les Scribes & es cieux ; ils ont auffi perfecuté les
Pharifiens n'eftoyent-ils pas en vnion? Prophètes qui ont efté deuant vous. »
Efcouteque dit Ifaie: « Necrain point ifjje ,,.
Mais ie ne garde pas l'ordre; ie
deuroi pluftoft retourner à ma matière. la maledidion des hommes, ne t'efpou-
Le Roi Dauid le teftifie clairement uante de leurs blafphemes & outrages;
au Pfeaume deuxiefme : » Ils ont con- car la vermine les mangera comme
venu enfemble à l'encontre du Sei- drap & laine ; mais ma iuftice durera
gneur ;» voire les larrons, meurtriers éternellement , & mon falut de géné-
& traiftres ont vnion enfemble; mais ration en génération. Qui es-tu donc,
fois auerti qu'il n'y a pas d'vnion , qui as crainte (dit-il) d'vn homme
De la vraye '•"0" i^ù Chrift conioint les fiens; mortel, de l'homme qui périt comme
vne fleur ? & mets en oubli le Seigneur
vnion. mefme fois du tout aft"euré que Chrift
eft venu pour mettre en guerre & di- oui t'a fait, voire qui a créé les cieux
uifion l'vn contre l'autre, le fils contre « pofé les fondemens de la terre ? Je
ie père, la fille contre la mère; & fuis le Seigneur ton Dieu, qui fai
pource donne toi garde d'eftre deceu efcumer e% enfler la mer, puis la ren
par la fplendeur & glorieux nom paifible. le fuis le Seigneur des
d' Vnion; car l'Antechrift a fon vnion, armées. le mettrai ma parole en ta
encores non pas en effed, mais en ap- bouche, & te défendrai en tournant la
main. » Et noftre Sauueur lefus Chrift
parence seulement. L'accord d'vn cha-
cun n'eft pas vnion. mais pluftoft con- dit à fes difciples : « Ils vous accufe- Luc 21.
fpiration. Tu asoui quelques menaces, ront , & vous mèneront deuant les
malediâions t% admonitions de l'Efcri- Princes & Gouuerneurs pour mon
ture , adreft'ans A ceux qui s'aiment Nom, iSi en perfecuteront aucuns, &
plus qu'ils ne font lefus Chrift; tu as les occiront ; mais ne craignez point
auffi oui les afprcs & poignantes paro-
(dit-il), & ne foyez en fouci que vous ■
R
JANE GRAVE.

direz ; car Lac'eft


en vous. monduEfprit
main qui parle
Treshaut vous de retourner auec l'enfant prodigue , m.d.uii.
défendra; car les cheueux de voftre veu que tu t'es efcarté d'auec lui ;
n'aye vergongne de retourner auec lui
tefte font nombrez, & nul d'iceux ne auoir mangé
aprèseftrangers, le fon & l'ordure
fera perdu. le vous ai fait vn threfor, des pour maintenant iouir
là où les larrons ne peuuent defrober, des viandes délicates de ce Père tref-
ne la vermine ou la tisane ne le peut benin & mifericordieux , reconoiffant
corrompre; & vous elles heureux, fi que tu as péché contre le ciel & la
Matih. 10. vous endurez iufqu'à la fin. Ne crai- terre ; pource que tu as efteint, autant
gnez (dit Chrill) , ceux qui ont puif- qu'en toi a efté , le fainél Nom de
fance fur les corps ; mais craignez ce- Dieu, & donné occafion qu'on ait mal
lui qui a puiffance fur le corps & (ur parlé de fa treflTacree & pure parole;
lean 7. iç. l'ame. Le monde aime ce qui efl fien ; puis tu as ofîenfé plufieurs de tes frè-
& fi vous eftiez du monde , le monde res débiles & infirmes, aufquels tu as
vous aimeroit ; mais vous eftes à moi, efté en grand fcandale par ta reuolte
& pource le monde vous hait. » Que & foudain trebuchement. Ne fois hon-
ces confolations & autres paroles fem- teux de reuenir comme Marie , & de
blables de l'Efcriture vous donnent pleurer amèrement comme Pierre;
courage vertueux enuers Dieu. Que non feulement en refpandant les lar-
l'exemple desfainds perfonnages, tant mes des yeux corporels, mais auffi en
hommes que femmes, foit toufiours iettant de bonne heure l'efcume du
en voftre mémoire, comme de Daniel cœur pour nettoyer tout, afin que le
& des autres Prophètes, des Trois en- Seigneur
ment. Ne n'entre en fon horrible
fois honteux de dire iuge-
auec Luc 18.
fans en la fournaife, d'Eleazarce père
confiant, des fept enfans, dont il eft le peager: Seigneur, fois moi propice,
fait mention es Machabees, de Pierre
& Paul, Eftiene & autres Apoftres & qui fuis miferable pécheur. Qu'il te
fouuiene d'vne hiftoire ancienne de
fainfts Martyrs qui ont elle du com- lulian (i), & depuis n'agueres de
mencement deTEglife, comme du bon la cheute lamentable de François François
Simeon Archeuefque de Seloma , &
Zetrophone (i) auec plufieurs autres a (2),nequit'enn'eft
Spierqu'il de tant loin aue- Spiera apoftat.
infinis qui ont enduré fous Sapores nue
deurois craindre le puifl'e fouuenir.
femblable ; & Tuen
Roi des Perfiens & Indiens; lesquels
ont mefprifé tous les tourmens dont l'oyant, confefl"er & dire : Helas ! ie
fuis tombé en telle offenfe. Finale-
les tyrans fe fauoyent auifer , & tout
pour l'amour de leur Sauueur. Re- dernierment , qu'ayes
iour, & viue fouuenance
en quelle terreur du&
tourne retourne
, donc en la bataille crainte feront tous tes femblables qui
de Chrift; & , comme vn fidèle foldat fe feront deftournez arrière de Chrift,
Ephef. 6. doit faire, pren les armes que S. Paul & qui auront plus eftimé le monde
nous enfeigne eftre neceflaires à un que le ciel; la vie que celui qui la
Chreftien;& fur tout pren le bouclier leur a donnée ; & qui fe feront def-
de la foi, & fois incité à l'exemple de tournez de celui qui onc ne les auoit
Chrift de refifter au diable & renoncer
au monde, & deuenir vn vrai & fidèle abandonnez. D'autre part, ie te laiffe
à méditer les ioyes préparées à ceux
membre de fon corps myftique, n'ayant qui n'ont redouté aucun péril, ni l'ef-
efpargné fon corps pour nos forfaits. pouuantable mort, mais ont bataillé
Humilie-toi en la crainte de fa terrible
virilement , & triomphé viftorieufe-
vengeance pour cefte tiene tant grande
& vilaine apoftafie , & te conforte ment fur toutes puin"ances de ténèbres,
par deflfus l'enfer, la mort & la dam-
d'autre cofté en la grâce, fang & pro- nation par
, le moyen du trefredouté
raeffes de celui qui efl preft à te re- Capitaine Jefus Chrift, lequel eftend
ceuoir toutes fois & quantes que tu
retourneras à lui ; ne defdaigne point
(i) Julien l'Apostat.
(2) Francesco Spiera, jurisconsulte de
Citadella, près de Padoue. Amené à la foi
(i) Crespin suit ici le texte de Foxe , qui
doit être erroné. 11 faut lire : Séleucie au évangélique, il fut dénoncé à l'Inquisition
lieu de Seloma, et Ctésiphon à la place du en 1547. Il faiblit devant la crainte du sup-
nom de Zetrophone, qui ne figure dans aucun plice, et fit une rétractation publique le
auteur. Siméon, archevêque de Séleucie, et 26 juin 1548. Mais, à partir de ce moment,ne
il tomba dans un désespoir horrible, qui
Ctésiphon furent bien martyrisés sous Sapor,
roi de Perse. Voy. Crespin, Hist. des Mar- cessa de le tourmenter jusqu'à sa mort. La
tyrs ,t. I , p. 28. vue de son désespoir amena à la foi 'Ver-
gerius.
10
LIVRE CINQUIEME.

fes bras pour te receuoir , eft appa- donc toufiours à mourir, abandonnez
reillé de t'embralTer, finalement te le monde, renoncez au diable, & def-
fefloyer , & te couurir de fa propre prifez la chair; prenez voftre feule
robe. S'il eftoit poffible qu'if peuft diledion au Seigneur. Repentez-vous
aller contre ce qu'il a déterminé (ce de vos offenfes , mais ne vous defef-
qui ne fe peut faire) il voudroit encore perez pas. Soyez forte en la foi, & ne
fouiïrir & efpandre fon précieux fang, prefumcz rien pourtant ; & defirez
plulloft que tu fufTes perdu. A lui , auec fainft Paul, d'eftre feparee de ce p^ji. ,.
auec le Père & le S. Efprit, foit hon- corps mortel, & eftre en la compagnie
neur, louange & gloire éternellement, de Chrift , auec lequel eftans morts
Amen. nous fommes viuans. Faites comme
Sois confiant , fois conHant ; ne le feruitcur fidèle qui eft toufiours
crain point le tourment. Christ t'a veillant, afin que quand la mort vien- Matth. 25. 21.
racheté, & le ciel eft encore pour toi. dra , comme le larron qui vient de
nuift , vous ne foyez pas trouuee la
feruante du diable en dormant, afin
que, par faute d'huile, ne foyez furprife
S'enfuit vne exhortation que ladite comme les cinq folles vierges, ou
dame lane fit la nuiâ deuant qu'elle comme celui qui n'auoit point la robe
fut exécutée, laquelle exhortation
nuptiale. Refiouïft'ez-vous en Chrift ,
elle efcriuit en la fin d'vn nouueau comme i'efpere que vous ferez ; &
Tefiament Grec , quelle enuoya à veu que portez le nom de Chreftienne,
vneficnefœur, nommée dame Cathe- enfuyuez voftre maiftre lefus Chrift,
rine (i).
& portez voftre croix , & l'embraffez.
Touchant ma mort , refiouïftcz-vous
le vous enuoye , ma bonne fœur comme ie fai, douce fœur, car ie ferai
Catherine, vn Hure, lequel, combien defchargec de cefte corruption , &
qu'il ne foit pas poli ou orné extérieu- pafferai à incorruption ; car ie fuis
rement, &couuert d'or, neantmoins aft'euree qu'en perdant la vie mortelle,
intérieurement eft plus digne que ne
l'aurai la vie immortelle, laquelle ie
font pierres precieufes. C'eft le Hure, prie Dieu vous donner , & vous faire
chère fœur, de l'Euangile du Seigneur; grâce de viure en fa crainte, & de
c'eft fa dernière volonté & tcftamcnt mourir en la vraye foi Chreftienne ;
qu'il a lailTé à nous poures miferables, de laquelle ie vous exhorte au Nom
lequel vous enfeignera le vrai chemin de Dieu ne décliner, ne pour efpe-
de ioye éternelle, & fi le voulez lire rance de vie, ne pour crainte de
de bonne affedion & l'enfuiure de vrai mort , car fi vous voulez nier fa vérité
defir, il vous conduira à la vie immor- pour prolonger voftre vie , Dieu vous
telle & éternelle ; il vous enfeignera reniera ; au contraire fi vous vous
à bien viure & bien mourir ; il vous adreftez à lui , il vous prolongera vos
apportera plus de fruift & de gain iours, pour voftre confort & fa gloire.
que ne fauriez auoir de toutes les A laquelle gloire Dieu me vueille
Seigneuries & polTeffions miferables conduire & vous ci-apres quand il lui
que vous auez des héritages de voftre plaira vous appeler. Adieu, ma fœur,
père. Que fi vous appliquez voftre mettez voftre efperance en Dieu ,
eftude à entendre ce liure , & que lequel vous donnera fecours.
mettiez peine d'adreffer voftre vie & ■Voftre bien-aimee fœur,
la reiglcr à ce qui y eft contenu, vous
Iane Dvdley.
ferez héritière des richeft'es que les
hommes ne vous pourront ofter, ne
les larrons defrober, ne la tigne cor-
Pf. 119. rompre. Priez auec Dauid, bonne Les paroles dites par cefte noble Dame
fœur, d'auoir intelligence de la Loi quand on la menoit au fuplice.
du Seigneur voftre Dieu ; viucz tou-
fiours pour mourir, afin que par la Hommes frères, ie fuis adiugée à
mort puiffiez acquérir la vie éternelle ; la mort fous une loi & par la loi, non
& ne vous fiez pas que voftre aage
point pour aucun forfait par moi
vous doiue prolonger la vie ; car auffi commis contre la maiefté de la Roine
toft meurt leune que vieil. Aprenez
(car, pour protefter de mon innocence
deuant vous, ie ne me fen en rien
(1) Lady Catherine Crey. coulpable quant à ceft endroit), ains
JANE GRAVE. II

pource que contre mon vouloir & par bandeau en la main dont elle fe deuoit
force on m'a fait confentir à la chofe fermer les yeux. Sur cela le bourreau
que fauez ; mais ie confeffe auoir of- fe mettant à genoux la requit humble-
fenfé mon Dieu,auxpource que i"ai& trop
lafché la bride conuoitifes al- fit de mentbon
lui vouloir
cœur. pardonner
Puis après: ceil qu'elle
la pria
lechemens tant de la chair que du fe vouloir vn peu retirer du lieu où il
monde , & n'ai ordonné ma vie félon mettoit la paille. Ce faifant elle aper-
fa treffainte volonté, & félon la reigle ceut le tronc fur lequel on la deuoit
qui m'eft enfeignee par fa parole. Qui décapiter. Lors elle dit au bourreau:
eft la caufe pour laquelle maintenant « Je te prie que tu te depefches halli-
le Seigneur me chartie de ce genre de uement. » Les chofes acouflrees , la
ieune princeffe fe ietta à genoux ,
mort, ainfi que i'ai trefbien deferui ;
combien que de tout mon cœur ie demandant au bourreau s'il lui tren-
remercie fa bénignité, de ce qu'en ce cheroit premièrement la telle que la
monde il m'ottroye efpace de pleurer mettre fur le bloq : « Non, dit-il. Ma-
mes péchez. dame. » Elle s'eflant bandée & ayant
« Parqvoi ie vous fupplie affeftueu- la face couuerte s'efcria piteufement:
fement, frères Chreftiens, que de mon « Que ferai-ie maintenant } que me
viuant vous priez auec moi & pour faut-il faire ? où efl ce bloq f » Sur cela
moi, à ce que la diuine clémence me l'vn des affidans lui mit la main deffus.
pardonne mes péchez. Auffi ie vous Et elle baidant la telle, & fe couchant
prie me feruir de tefmoins , qu'ici tout de fon long: « Seigneur, dit-elle,
iufqu'à la fin ie tien conftamment la ie recommande mon efprit entre tes
foi Chreftienne, mettant toute l'efpe- mains. » Comme elle proferoit ces pa-
rance de mon falut au feul fang de roles, le bourreau ayant defgainé, lui
noflre Seigneur lefus Chrift. A celle
caufe ie vous fupplie maintenant tous coupa la telle, l'an du Seigneur mil
cinq cens cinquante trois, le dou-
de prier auec moi & pour moi. » Puis, ziesme de Février. Elle efloit aagee
fe tournant vers Feknam , lui dit : de dix fept ans quand elle mourut &
(iVous plait-ilque ie die ce Pfeaume ?»
« Oui, fi vous voulez, » dit-il. Lors ou- non plus, de laquelle la mort eft d'au-
tant plus à regretter, qu'elle eftoit
urant le Hure, recita de grande affec- douée d'vn excellent & fingulier ef-
tion le Pfeaume 51 : k O Dieu, aye prit (car elle auoit tellement conioint
merci de moi félon ta clémence, » &c., les lettres Grecques auec les Latines
depuis le commencement iufques à la & Hébraïques , qu'en fi ieune aage
fin. Cela fait , elle fe leua fur fes elle pouuoit promptement parler en
pieds , & bailla fes gans & mouchoir icelles langues), mais beaucoup plus
à dameTylnee, fa feruante (i), le pource que, contre le vouloir de la
Hure au feigneur Bruge (2) , frère de Roine, elle perfeuera en la vérité de
celui qui auoit charge de la tour; l'Euangile, & ainfi endura la mort
puis, fe voulant defpouiller, com- fans l'auoir deferui : & de laquelle le
mença à deftacher premièrement fa premier motif fut feulement pource
grand'robe. Là le bourreau acourut que par vne mal-heureufe deflinee
pour lui aider; mais elle le pria de la fon Northorabeland.
de père l'auoit mariée au fils du Duc
lailTer vn peu, et fe tournant vers
deux (îenes nobles feruantes fe laiffa Priée par Jean Bruge, garde de la
defveflir tour de Londres , d'efcrire quelque
lui eurentparoflé
icelles. Et après qu'elles
fes ornemens & fon chofe en fon liure pour garder en
atour de telle (5), lui baillèrent le mémoire d'elle, en peu de lignes elle
lui laiflfa ces fentences : « Puis qu'il te
plait. Seigneur capitaine, me requérir
(i) Foxe la désigne sous le nom de.Mis-
tress Ellen. que ie laiffe quelques marques de ma
(2) Masler Bruges, d'après Foxe. plume en vn liure fi notable qu'eft le
(j) Le texte anglais de Foxe porte ici : tien, fatisfaifant à ton vouloir, pre-
Il Her frovves paste and neckerchiel". « La mièrement iet'exhorte , & , pour le
première de ces deux expressions a exercé deuoir de Chreftienté , admonnefte
la sagacité des commentateurs, qui sont loin
d'être d'accord sur sa provenance et sa signi- que tu inuoques Dieu , afin qu'il fief-
duit par lefication.
mot L'édition
tiara.latine de Crespinleslavieux
En consultant tra-
textes anglais, où l'on retrouve ce mot de tain qu'il s'agit là d'une sorte de couronne
paste donné à une partie des ornements ornée de perles et de pierres précieuses
portés par les femmes , il est à peu près cer- portée par les jeunes mariées.
I2 LIVRE CINQUIEME.
bâillon de bois en la bouche , attaché
chilTe ta volonté à l'obferuance de fa
par derrière auec cordes, & de telle
Loi, qu"il t'encourage & fortifie en forte ellreint, que la bouche de grande
fcs voyes, de peur que la parole de
vérité foit ollee de ta bouche. Vi violence lui faignoit des deux coftez,
comme fi tu deuois mourir iournelle- & la face par grande ouuerture de la
ment. Meurs en telle forte que touf- bouche eftoit hideufe & desfigurée.
iours tu viues fans iamais mourir. Que C'a efié le premier en la ville de Paris
la fragile fiance de la vie incertaine ne auquel ceftenouuelle efpece de cruauté
t'abufe. Mathufalem (comme enfei- a efté faite. Et combien que la bouche
enent les faindes lettres), quelque lui fuft en cefte forte bouclée, fi ne
long temps& qu'il ait vefcu, lailToit-il point par fignes & regards
toutesfois a trouvé fa fin. eft
Et mort
cer- continuels au ciel , de donner à co-
tainement,comme annonce le fage
noiftre l'efperancc & foi qu'il auoit, de
Prefcheur, il y a temps de naiftre &
Eccl. h temps de mourir; & vaut mieux le manière qu'eftant venu à l'endroit de
l'hofpital qui eft nommé L'hoftel Dieu,
iour de la mort que celui de la naif- on le vouloit forcer de prier en paffant
fance (i). »
l'idole d'vne Noftre-Dame qu'ils ap-
pelent; mais ce faind perfonnage, ae
■f f r - -f r - -f - -*•-*' - * * - f ■îî' toute la force qui lui reftoit, tourna le
corps d'entre les mains du bourreau
qui le prelToit, & monftra le dos à
Nicolas Nail, du Mans (i). l'idole. La populace efmeuë de rage
du mefpris de l'idole , commença à
Puis que les aducrfaires Irauaillent de s'efcrier&le vouloir outrager, n'ayant
plus en plus tant qu'ils peuucnt de efgard qu'il eftoit prochain de la mort.
trouuer nouueaux tourmens pour exé- Amené qu'il fut au lieu du fupplice,
cuter leur rage , ce nous foit pour on le traita fort cruellement ; car
cnfcignement de nous fortifier tant auant qu'eftre attaché pour le guinder
plus,& aprefter à patience iïfermeté en l'air, le corps lui fut graift'é, & pu's
nos âmes & nos corps. la poudre de foulfre mife par deltus ,
tellement que le feu à grand'peine
Nicolas Nail, natif du Mans, auoit prinsau bois, que la paille flam-
boyante faifit la peau du poure corps,
compagnon cordonnier, ayant demeuré
& ardoit (i) au delTus fans que la
à Laufanne , s'auifa de mener en la flambe encore penetraft au dedans. En
ville de Paris quelque quantité de
ce tourment le Seigneur lui redoubla
liures de la fainde Efcriturc , impri- fa confolation & affiftance ; car il lui
mez à Geneue; & fut conflitué pri- fit la grâce au milieu de ce tourment
fonnier le Mardi 14. de Février, l'an d'inuoquer fon faind Nom à haute
M.D.Liii. Icelui, après avoir maintenu
la pure conoiffance de la doftrine de voix , qui fut ouye au milieu du feu ;
& ce fut après que les cordes qui te-
l'Euangile, fut affailli en la prifon par
horribles tourmens, afin de lui faire noyent le bâillon '■ furent bruflees ,
nommer ceux à qui il auoit vendu des afl"ez bonne efpace deuant que ce
Martyr expirafl.
liures ; Si combien qu'iceux tourmens
en la géhenne lui fufTent réitérez iuf-
ques à lui dilToudre les membres ,
neanlmoins il demeura confiant fans
mettre en danger aucun fidèle.
Nouucaux Depvis, efiant condamné à eftre
lourmcns. Antoine Magne, d'Auuergne (2).
bruflé vif, auant que le tirer de la
prifon pour le mener en la place Mau-
bert, lieu du fupplice, on lui mit vn
Quelque différent
les ennemis de vérité , nous entr'eux
quaycnt voyons

(i) Leicriles
lignes Martyrologe de Foxc
pour John n'a pas
Brupes, maiscesil
toutefois que finalement ils s'accor-
dent à vne chofe , c'ejl affauoir à
donne en revanche une belle prière de Jane bres.
Grcy (I. VI. p. 42) ). perfccuter Icfus'Chrijl en fes mem-
(1) Celle noiicc ci la suivante figurent déjà
dons la première édition de Crcspin , de
i{(4. Le texte n'a subi que de légères re-
touches de style. Voy. aussi VHUt. ecclt!s.
de Bèzc (èdit. de Toulouse, t. I, p. ;;). •(2) Bèzc,oit.
édil.,
(1)
l. I, p. 5). Liiire des Martyrs,
Brul p. 652.
GVILLAVME NEEL.

Ce perfonnage d'Aurillac (i), aux d'enfeigner la doiSlrine de l'Euangile. m.d.lui.


montagnes d'Auuergne , apporta les Auint au mois de Feurier, qu'ellant
nouuelles à rEglile de Geneue , de
parti
natif, devintla ville de Rouan,
à Evreux; d'oii il il
& comme eftoit
fut
l'emprifonnement du fufdit Martyr &
d'autres d'vn mefme temps détenus arriué à vne bourgade nommée No-
à Paris pour la parole du Seigneur, nancourt, il entra en la tauerne pour
afin de les recommander en particu- prendre fa refedion , & trouua plu-
lier aux prieras des fidèles. Toft après fieurs preftres yurongnans & menans vie
retournant en France pour quelques diiïblue , lefquels il reprind & admo-
afaires, fut appréhendé en la ville de nefta auec grande modeflie, comme il a
Bourges, ayant efté trahi par certains
Preftres, qui le liurerent entre les efté prouué qu'il faifoit par les logis où
il paffoit.il 'Voyant
bordez, fe mit à ces
taxerpreftres tant def-
non feulement
mains de l'Official, environ trois heu- d'Illiers.
leurs vices, mais auffi leur dodrine ,
res après qu'il fut arriué en ladite ville
de Bourges, le 19. de Mars m.d.liii. tellement qu'vn nommé Legoux, doyen Legoux doyen
Mais au bout de quelques iours, il fut
d'Illiers (i), eftant là, le fit mettre pri- 'Vigor.
ofté par les gens du Roi à Bourges fonnier, & mener à Evreux, auquel
des mains & prifons dudid Officiai,
lieu eftant enlaprifondel'Euefque, fut
& depuis mené à Paris, où il receut prefenté pour eftre examiné deuantle
fentence de mort , après auoir fait Pénitencier (2) dudit Evreux, nommé
confeffion entière de fa foi, & fouftenu M. Simon
Maiftre Simon 'Vigor, homme qui a
griefs outrages & tortures en la pri- leu les liuresde ceux de ce temps qui
fon. Il eut la langue coupée , & fut ont purement efcrit de la Religion
bruflé vif en la place Maubert, le 14.
Chreftienne ; & combien que l'ambi-
de luin l'an fufdiâ. tion & auarice Payent du tout tranf-
porté, fi eft-il du nombre de ceux qui
ne veulent point auoir le nom de
brufler & perfecuter les fidèles {}).
Neel eftant deuant lui, confeffa la
GviLLAVME Neel, de Normandie (2). vérité de tous les articles non feule-
ment defquels il fut enquis, mais auffi
propofa tous ceux que les Papiftes
Pour vne mefme caufe que le fusnom- faulTement fouftiennent, les réfutant
mé , cejlui-ci auffi fut arrefïé prifon-
nier. Ses efcrits demonflrent fa con- par
non textes
feulement de l'Efcriture;
par vn iour &oucedeux,
fit-il
lîance & pureté de foi.
mais prefque tous les iours du Qua-
Entre ceux qui ont grandement refme, durant lequel temps ledit Pé-
édifié les fidèles efpars au pays de nitencier s'adonna à difputer contre
lui, & neantmoins ne peut rien ga-
Normandie, & par doftrine & exem- gner, car Neel demeuroit ferme &
ple, Guillaume Neel ne doit eftre confiant en la vérité. Plufieurs fois ce
oublié; lequel ayant efté de la feâe Pénitencier lui remonftroit , & fort
des Auguftins, après que le Seigneur
lui eut fait grâce de conoiftre fa vérité, doucement l'exhortoit de fe defdire,
ne ceffa par tous moyens à lui poffibles & qu'il lui feroit fauver la vie.
Ois l'Euefque d'Evreux
fe QvELQVEF
trouuant à l'exainen dudit Neel,
(i) La première édition de Crespin dit :
Orléac. Il y a un village de ce nom dans la quand le Pénitencier voyoit qu'il ne
Corrèze et un Orléat dans le Puy-de-Dôme. gagnoit rien , il lui difoit ces paroles:
«Mon ami, ne dites rien contre voflre
(2) Celte notice ne figure pas dans l'édi-
tion pn/u'cps. Voy. Bèze , t. I , p. 55- Les confcience. » Et après que par tant de
frères Haag, dans la i'" édition de la France fois il eut réitéré fes examens, Neel,
protestante , se demandent si " ce martyr ne
descendait pas de la famille noble du même pour obuier à toutes palliations & dé-
nom, dont plusieurs branches paraissent
avoir professé la religion réformée. » Le guifemens de la vérité que le Peniten-
gendre du célèbre Du Bosc, à l'époque
de la Révocation, s'appelait Michel Neel, (i) lUiers-l'Evèque (Eure).
et fut père du pasteur Philippe Neel, mort
à Arnheim. Jacques et Robert Neel, de (2) Prêtre chargé à l'origine, dans les égli-
Dieppe, se réfugièrent, à la même époque, ses cathédrales , d'entendre les confessions
et d'imposer les pénitences. Dans la suite ,
à l'étranger. C'est à leur descendance que
paraissent le pénitencier fut chargé seulement d'absou-
dre les cas réservés.
Jersey, qui appartenir
ont fourni, les
de Neel, de l'île
nos jours , deuxde
l'appelle u homme de quelque
pasteurs à la France. science, mais?;)de
(j) Béze(I, très petite conscience.»
'4

LIVRE CINQUIEME.
lui doit toute obeiffance ; & comme
cicr pretendoit
permis , fupplia
en fomme mettrequ'il
par luielcrit
fuU l'olllce du maillre ell de commander,
tout ce qu'il fentoit de la doftrine l'office de la feruante ell d'ouïr A faire
ce que fon maillre lui a commandé,
Les rcfponses qu'il tenon, alléguant que fouuent on lefus Chrill, en fa Cène, fe monllre
des prironnicrs aeprauoit les rofponfes d'vn prifon- eftre efpoux de fon Eglife, laquelle il
sont souucnt nier, ou melme que le prifonnier au-
dcprauces. a prife pour fa légitime efpoufe. Or,
ainli dit. leCeJefdifoit
cunefois comme
Pénitencier fut n'ayant
de cefl
l'office d'vne loyale efpoufe eft de
auis, moyennant que ce fuft dedans confentir & faire le bon vouloir de
certain iour; tellement que Neel ayant
celle permiffion , employa le temps fon
elle efpoux;
ne fera que
pasfi loyale
elle l'ait autrement&
, humble
obeiffante, ains fauffe, orgueilleufe &
qu'il lui fut donné à mettre par efcrit defobeiffante. Item, lefus Chrift, en
ce qu'il fentoit de la foi & religion
Chredienne, fuyuant les principaux fa Cène, monllre office de père qui
articles fur lefquels il auoit efté inter- eft de nourrir fes enfans, ce qu'il fait
en donnant aux Tiens fon corps & fon
rogué. Et combien que ce n'ait efté
fans grande prolixité, neantmoins le fang (fignifiez par le pain & le vin) qui
iedeur Chrellien prendra le tout de eft vne refcAion incorruptible & éter-
bonne part , conoilTant qu'au fidèle nelle. 11eft dit qu'il a prins du pain
eftant ainfi détenu par les ennemis , & du vin , difant : « C'eft mon corps
ne relie que celle feule confolation, & mon fang ; mangez & beuuez-en
tous. » Où il faut entendre que Jefus
c'ell de pouuoir parler de Ion Dieu , Chrift veut enfeigner fes difciples à
& mettre par efcrit chofe qui foit à fa
louange & gloire. Parquoi de mefme comprendre l'inftrudion qu'il leur fait,
afTedion pourra élire
uons ici affemblé des receu
efcrits cedicelui
qu'a- conoiffant l'ignorance d'iceux & la
rudelfe de leur efprit, les voyant ef-
Neel. En premier lieu ayant elle in- tre plus charnels que fpirituels, comme
fouuentesfois de ce les a repris. Et, à
tcrrogué de ce qu'il fentoit du Sacre-
vrai dire , nul ne fauroit comprendre
ment de l'autel (qu'ils appelent), a les chofes celelles & fpirituelles ,
Refponfcs de dit« par La
efcrit ce qui s'enfuit :
vraye inltitution de la Cène pource que nous fommes de nature
G. Neel.
ell que lefus Chrill print du pain & charnels; mais il faut que Dieu feul ,
Ican )
le rompit , l^ , après auoir rendu grâ- lequel eft tout fpirituel , donne à en-
tendre les chofes fpirituelles. Ce qui
ces, dit : " Prenez, c'ell ci mon corps
qui fera liuré pour vous; faites ceci apert de Nicodeme, qui eftoit ^rand
en ma mémoire. » Pareillement du dodeur de la Loi, & toutesfois ne
calice, dit : « Tenez, prenez tous, pouuoit comprendre cefte chofe dite
c'eft ci mon fang qui fera pour plu- par JefusrechefChrift, qu'ilaufaloit naiftre des
de-
fieurs refpandu en la remiffion des pour entrer royaume
péchez. » A ces paroles nous conuient cieux. I celui donc ayant conoiffance
reijarder de près, pour la vertu & di- de noftre imbécillité, propofe en fa
Cène vne chofe vilible & palpable à
gnité d'icellcs ; car tant plus la chofe
ell haute & precieufe , tant plus fe nos mains, pour nous faire entendre
faut efforcer de la garder en Ion en- vne chofe inuifible qui nourrit nos
tier, de peur de la corrompre. Or, le- âmes qui eft fon corps & fon fang, que
fus ainllitué & ordonné ce Sacrement nous ne pouuons voir ne toucher,
à fon Eglife, pour lui réduire en mé- finon par foi laquelle y eft fur tout
moire qu'elle eft rachetée de la mort requife.
& de péché par l'oblation qu'il a faite » I'ai dit que Jefus Chrift, en fa
lui-mefme de fon propre corps, comme Cène, fe monftre Maiftre, Efpoux &
Heb. 6. 7. 8. Père, en difant : « Prenez li mangez,
dit l'Apollre en fon Epillre aux He-
brieux , que lui-mefme s'eft offert vne c'eft ci mon corps. » Qui voudra donc
fois & que plus ne mourra , dit fainft eftre receu de Jefus pour feruiteur
Paul. Venons donc à regarder de obeiffant, pour efcholier, pour fils, il
près à ces paroles, pour auoir mé- lui conuient prendre it manger fon
moire qu'il a refpandu le fang de fon corps , & boire fon fang comme il
corps , lequel il a offert à Dieu fon commande , & non pas comme les
Pcre pour la remiffion des péchez de Scribes & Pharifiens ont eftimé , ne
fon Eglife, pour la fauucr éternelle- penfans à autre manducation que des
ment. En celle fainde Cène lefus dents & de la gorge , comme la chair
Chrill fe monftre maillre, & l'Eglife fe mange & le vin fe boit. Mais re-
GVILLAVME NEEL.

gardons que Jefus, en prefentant du Cène, & comme il eftoit en la croix;


pain, monftroit que fon corps efioit le & s'il ne croyoit pas qu'il faloit ainfi
vrai pain céleste , qui feul nourrit le manger au Sacrement. Il refpondit
l'ame, comme le pain matériel nourrit qu'il ne pouvoit
fes eftre comprendre
en la forte ces cho-
au facrement de
le corps ; & en prefentant le vin ,
monftroit que fon fang eftoit le bru- la fainfte Cène de lefus Chrift ; « car
uage de noftre ame altérée par la fe- fi ainfi eftoit (dit-il) , nous ne ferions
cherelTe de péché ; fon fang , di-ie , point rachetez,
menteufe & noftre& foil'Efcriture
vaine. Carferoit
le-
nous reconforte & refiouit, entant qu'il fus Chrift eftant fort! du ventre de la
ofte
vrai lezèle
péché
& ,affeftion
qu'il efchauffe
, commel'ame de
le vin ■Vierge, fut fuiet à allaiter fa mere(i),
ofte l'altération, efchauffe & fortifie le &, en prefchant, eftoit fuiet à faim,
corps. Autrement nous prendrions la foif, chaud , froid , & à la maledidion
Cène indignement , fi nous ne regar-
dions àce que Jefus Chrift nous offre, &de non
la croix,
reffufcité. pourceOr qu'il eftoit
, eftant tel mortel
, nous
afTauoir fon corps & fon fang pour ne ferions point afranchis de la mort
en la vie, veu que pour eftre rachetez
fpirituelle nourriture; car l'ame ne vit
point de pain & de vin matériel , def- il faloit qu'il mouruft & refufcitaft de
quels le corps prend fubftance : d'au- mort à vie. C'eft donc herefie mani-
tant qu'elle efl efprit. J'ai dit auffi fefte & deteftable de dire qu'il faut
qu'il faut obéir à lefus Chrift, qui a eftimer en cefte forte le corps de le-
dit : « Prenez & mangez, » & non
fus Chrift. le confeffe bien qu'il a le
mefme corps qui eft forti du ventre
point : " Prenez mon corps & l'offrez
en facrifice pour la remilTion des pé- de la "Vierge , lequel il a efleué à la
chez &, puis le mangez ; » car cela dextre de Dieu le Père ; mais la dif-
fentiroit encore fa vieille Loi , en la- férence des qualitez du corps & de la
quelle les preftres & Sacrificateurs manducation eft que nous ne le man-
prenoyent les oblations des beftes , gions pas comme il eftoit fortant du
defquelles, après les auoir offertes en ventre de la vierge Marie, mais comme
oblation, en mangeoyent certaine por- il eft feant à la dextre de Dieu fon
tion & brufloyent les autres ; & tout Père ; autrement le facrement de la
cela eftoit la figure de l'oblation que Cène & du Baptefme ne feroyent
lefus Chrift a faite lui-mefme en fon
corps , par laquelle il a confommé le point facremens, entant qu'ils ont leur
vertu en l'effufion du fang de lefus
falut des bien-heureux. Et pource Chrift & en fa mort & refurredion ,
qu'icelle vne fois faite eft éternelle, & que partant leur dire eftoit héréti-
qui garde les efleus non feulement en que ,auquel pour tourment quelcon-
ce monde, mais en la vie éternelle : que ne croiroit , ni adhereroit tant
l'office des Chreftiens eft de prendre qu'il viuroit au monde. »
& manger, & non pas de l'offrir , veu Dv Purgatoire, interrogué s'il ne le Du Purga-
que lefus ne
Parquoi Chrift s'eft offert
fruftrons noftrefoi-mefme.
efprit de croyoit pas : Refpondit qu'il confeffoit to're.
& fouftenoit, pour mourir, que le fang
fa nourriture , laquelle il reçoit par de Chrift efpandu eft le feul & parfait
foi , & recommandons noftre efprit & Purgatoire qui purge les âmes des en-
noftre corps au Père , en vertu de la fans de Dieu de tous péchez, comme il
fainfte oblation de fon cher Fils, qu'il apert aux Hebrieux & en la i. Canoni- j^gj, , . ^_
a receuë vne fois pour la fatisfaâion quedeS. lean, monftrant parces palfa- i. iean i.
de tous nos péchez. Car ayant receu
cefte oblation, il nous a receus enfem- ges , qu'après
eft mort, il eft que
purgél'homme
de toutChreftien
& entre
ble pour iuftes & agréables, entant
que lefus Chrift, en nous donnant fon au
partirepos
de fonincontinent queefcrit
corps. Il efl l'efprit
: « Oùeft eccI. ii. j.
corps & fon fang pour noftre réfec- l'arbre tombera, au lieu mefme il de-
tion ,s'eft donné à nous auec tout ce meurera»; c'eft, fi l'homme ne meurt
qui eft fien, auquel gloire & honneur en la grâce de Dieu, il demeurera au
foit éternellement. »
lieu où il n'y a point de grâce , qui
Touchant la II fut adiuré de dire s'il ne croyoit eft enfer. « Car, dit S. Paul, par la Ephes. 2.
réalité
corps.du pgj qyg [q corps de lefus Chrift eftoit
au Sacrement de l'autel realement &
de fait , comme il fortit du ventre de (i) Allaiter sa mère, dans le sens de
la vierge Marie, comme il prefchoit, prendre leramment
laitdansdela savieille
mère, langue
s'employait cou-
française.
comme il mangeoit & beuuoit en la Voy. l'historique de ce mot dans Littré.
LIVRE CINQUIEME.
i6
erace de Dieu, vous cftcs fauuez par heureux s'il n'efl en la vie éternelle.
Ceux donc qui meurent <& vont en
la foi ; c'eft donc de Dieu , non par
les œuvres, afin que nul ne fe glori- vn autre lieu ne font pas bien-heu-
Tiic j. fie. » En vn autre lieu : » Selon fa mi- reux, le ne veux pas dire que com-
fericorde, il nous a fauuez. » Celui qui bien que le fang de lefus Chrifl purge
meurt ayant obtenu grâce & miferi- nos âmes de tout péché , nous ne de-
uions fouffrir peines en ce monde ; &
corde de Dieu , puis qu'il efl purifié
de fes péchez, ne fera-il pas fauué ? la raifon efi qu'en Dieu il y a à confi-
cela ell tout certain. lefus Chrift a
derer, afi^auoir iuftice & mifericorde.
Ican II dit : » le fuis la refurredion & la vie; Par fa iuftice, iuftement nous fommes Les peine
qui croid en moi, & fu(l-il mort, il vi- tous damnez ; mais par fa mifericorde 1"^ f°H 1''
ura; & celui qui vid & croid en moi,
il ne mourra iamais. » lefus Chrift fe qu'il fait à ceux
mifericorde, à qui
il change il voudra faire
les peines éter- ^^ ' ^ "■'
dit eflre la refurredion & la vie ; puis nelles, deuës pour leurs péchez, en
peines corporelles, comme il eft ma-
il propofe deux morts , l'vne corpo- nifefte. Dauid , après auoir commis
relle Ci l'autre
confelTe éternelle.
eflre la Quand
refurredion , ilil ne
fe
adultère , n'auoit-il pas mérité d'eflre
parle point de la générale, en laquelle damné.' car il efl efcrit que les adul- i Cor. 6.
tous refufciteront, mais non pas à vie, teres & fornicateurs iamais n'entre-
ront au royaume des cieux. Toutes-
affauoir
font mortslesdereprouuez , parce qu'ils
la mort féconde, où il fois Dauid n'eft point damné , mais
fauué par la mifericorde de Dieu, qui
n'y a nulle vie. Il s'enfuit donc que
les paroles de lefus Chrill font dites lui a changé fes peines éternelles en
pour celui qui meurt en foi, lequel peines temporelles, comme quand fon
lefus refufcite de celle mort corpo- enfant mourut , dont il porta triflelTe
relle en la vie éternelle , comme il fe & angoilTe grande en fon cœur. Item,
lean ç. déclare incontinent, difant : « Qui croid pour auoir commis vne autre offenfe ,
en moi , & fufl-il mort , il viura , » de- grande multitude de peuple mourut
monllrant que le corps mort, inconti- de perte ; & ainfi de tous les enfans
de Dieu , lefquels il chaftie en ce
nent l'efprit commence de viure. S'il monde par diuers tourmens, comme
vit, c'eit de la vie éternelle, en la-
bon lui femble : il les met aux tour-
quelle n'y a nulle peine de Purgatoire mens, comme en vne fournaife , pour
ne d'autre , comme il monllre après .
difant : « Et celui qui vit & croid en eftre efprouuez & refondus. Et cela
moi , iamais ne mourra de la mort fé- fait noftre bon Dieu & Père, pour vn
conde , )i qui eA enfer. Au mefme
Euangile efl efcrit : « Qui croid au grand amour qu'il nous porte. Car il
eft dit : » 11 chaftie ceux qu'il aime, » neb. 1:
Fils de Dieu , il a vie éternelle & ne lefquels , en fentant fa verge , fe re-
viendra point en iugement, mais paf- tournent àlui d'vn cœur contrit, lui
fera de la mort à la vie. » Voyez, par demandant mifericorde. Le Prophète
tant de paffages , comme à celui qui dit : « Le iufte vit de fa foi. » Puis
Habac.
croid
mort ; ilcarn'yfi aennul Purgatoire
eftant viuant laaprès fa
vie lui qu'il
monde eft^ eniuftefortant
& qu'il
du vit en
monde, ce
ne
efl ia donnée éternelle , en par- viura-il point d'vne plus parfaite vie.''
tant donc du monde, il reçoit pleine Nul ne fauroit nier ce lait s'il n'eft
pofTeffion du don que lefus Chritl lui aduerfaire de vérité. le di donc ,
auoit promis, encor viuant au monde; pour conclufion, que ie me contente,
& qu'il foit ainfi, lefus le tellifie , di- pour mon Purgatoire, du fang de le-
fant Mais
: il pjjjc de la mori à la vie ; fus Chrift, car il eft feul fuffifant. Qui
& efl certain que la mort corporelle ne s'en contentera, fi le lailTe. Pour
prouuer le leur, ils allégueront S. Paul
ert vn palfage, par laquelle l'efprit en-
I. Ican 5. tre en la vie. Il ell efcrit, en la Cano- aux Philippiens, difant : « Tout genouil
nique de faind Ican, que « Dieu nous ployé, celefte, terreftre tt infernal, » &
a donné la vie éternelle , A que celle
vie efl en fon Fils. Qui a le Fils, il a que l'enfer eft le Purgatoire. R. Saind
Paul ne parle point de ce purgatoire,
la vie éternelle. » Il ell dit en l'Apoca- mais veut monftrer l'excellence de la
Apoc. u. lypfe : " Bienheureux font ceux qui
meurent au Seigneur. >■ Ceux qui gloire
obtenu t^par
triomphe
la mortquede Jef'us Chrift
la croix : ena
meurent au Seigneur , ce font ceux forte que toute créature eft contrainte,
?[ui croyent en lui. Or dit-il qu'ils tant Angélique
nale, affauoir les qu'humaine & infer-
diables, de confeffer
ont bien-heureux, & nul n'eft bien-
GVILLAVME NEEL.

que lefus Chrift, par fa vidoire , eft péchez, finon le feul Dieu .' & mefme m.d.liii.
monté aux cieux, en la gloire de Dieu quant à la vertu des miracles , les
fon Père. »
Apoftres confeffent que ce n'eft pas
De l'authorité On lui propofa ce dire ancien , d'eux, mais de Jefus, par fa parole, Ades ;.
de l'Eglife. qu'on ne croiroit point à TEuangile fi qu'il leur faind
le dirent a baillée
Pierrepour porter.
& fainâ JeanAinfi
au
l'Eglife ne l'auoit receu pour Euan-
gile. Il refpondit : « L'Euangile eft boiteux qu'ils guérirent. De dire donc :
d'vne fi grande vertu & dignité qu'il n'a Je ne croiroi point à l'Euangile fi l'E-
befoin d'aucune créature qui foit au glife n'auoit receu l'Euangile, c'eft
ciel ni en les
cachez la terre, entant& qu'en
threfors lui font
richelTes de monftrer par ces paroles qu'ils ont plus
de puiffance que la parole de Dieu ,
Dieu, affauoir les promefTes de la re- comme s'ils difoyent : Nous qui fem-
miffion des péchez & du repos éter- mes l'Eglife , fi nous euffions reietté
nel par fa mifericorde. Si par viue l'Euangile, il ne feroit point Euan-
foi nous receuons ce faind Euangile gile ; au contraire de ce que les
pour Euangile de falut & parole de Apoftres ont confelTé, difans : « Ce
vie éternelle , il ne fera point trouué
n'eft point nous qui faifons ces cho-
vn autre Euangile qui ait cefie dignité fes , car nous fommes femblables à
& puifl"ance de fauuer les âmes, félon vous ; mais c'eft par Jefus Chrift qui
le tefmoignage des Aportres, lefquels nous a baillé fa parole , par laquelle
n'auoyent nulle authorité, dignité, ne nous vous monftrons fa puifi'ance ,
puiffance, premier (i) que lefus les
combien que vous l'ayez crucifié. »
euft appelez, car ils eftoyent poures pef- C'eft ici la confeffion des Apoftres
cheurs , qui n'auoyent crédit ne vertu, qui eftoyent la primitiue Eglife, &
comme gens qui efloyent idiots (2);
mais après que le bon plaifir de Jefus vne congrégation
eurent receu le fainét fi fainéle (après
Efprit) que qu'ils
telle
Chrift a efté de les appeler & prendre ne fera iamais trouuee , lefquels tou-
pour fes Apoftres, alors il les a efle- tefois n'ont rien entreprins de com-
ués en telle dignité & puilTance par
mander plus que l'Euangile de Jefus
fon Euangile, qu'il les a faits fes ani- leur commandoit, car les Apoftres ef-
baffadeurs & légats pour porter fon toyent ambalTadeurs du S. Efprit qui ^^gj ,j_
Nom par le monde vniuerfel, difant : les faifoit parler , comme ils ont dit :
et II a femblé bon au S. Efprit & à
Marc 16. « Allez , prefchez l'Euangile à toute nous. » Ce mot : Et à nous, ils ne le
créature ; qui croira & fera baptizé
fera fauué , & qui ne croira point , il prenent pas par prefomption, mais eft
fera condamné. » "Voici les Apofires , vn mot de grande humilité , voulans
dire : » Il a femblé bon au S. Elprit & à
qui font par l'Euangile conllituez en
puiffance telle , que ce font ceux par nous qui nous conformons à fon vou-
lefquels Jefus Chrift a voulu planter fon loir & parlons par lui. » Autrement
Eglife vniverfelle ; ce font ceux qui ne fe pourroit accorder ce que Jefus
ont receu exprès commandement de dit d'eux : « Ce n'eft point vous qui Matth. 10.
Jefus d'inftruire tout le monde par ceft parlez,
Euangile , qui eft la parole de Dieu mon Pèremaisquic'eft parlel'Efprit de Dieu
par vous. » Il
lean 10. fon Père , difant : « Ainfi que mon s'enfuit donc bien qu'ils attribuent
Père m'a enuoyé , ainfi ie vous en- toute authorité à la parole de Dieu
uoye, » &c. Or, il eft certain que cefte qu'ils ont receuë par lefus Chrift, &
puiffance de remettre. les péchez n'a- ne difent point : « Nous qui fommes
partient nullement à la puiffance de
l'Eglife, fi nous n'euffions receu l'E-
l'homme, mais à la puifi'ance de Dieu, uangile , l'Euangile ne feroit point
Ch. 4j. 25. car il eft efcrit au Prophète Ifaie, Euangile, » eux, di-ie, qui eftoit la
parlant en la perfonne de Dieu : « Je plus parfaite Eglife qui fut & fera ia-
fuis celui qui efface les iniquitez pour
mais, car ils n'ont prefché ni efcrit
l'amour de moi , & n'y en a point chofe qui ne foit parole de vie &
Luc 5. 21. d'autre. » En S. Luc, il eft efcrit Euangile de falut, ce qu'on ne fauroit
que les: Nous
Scribespardonnons
& Pharifiens n'ont dire de ceux qui difent que l'Euan- La vertu de
pas dit les péchez Dieu. de
& remettons les péchez, mais ils ont gile ne feroit Euangile s'ils ne l'euf- la parole
puiflance '"^'~"
bien dit : Qui eft-ce qui pardonne les en Il n'y
receu. de
fentl'Eglife Jefus Chriftdeque par fa
a point
parole, comme nous auons dit, que la
(i) Avant. puiffance de lier &deflier, remettre
(2} IgQorants. & retenir , n'a point efté donnée aux
ib LIVRE CINQUIEME.
La diflTcrence
mauuais, & des deux Eglifes, affauoir entre les vrais
ApoArcs ni à leurs fuccelTeurs, qu'en de Jefus Chrift & de fon aduerfaire
vertu d'icellc pnrole de Dieu , qui eft & faux
teurs.Pas-
la clef qui ouure & ferme le royaume l'Antechrift, fe conoit par la parole de
des cieux à ceux qui la reçoyuc nt ou Dieu ; laquelle domine , gouuernc ,
ordonne & conduit l'Eglife de Jefus
reiettent. Or ell-il euident oue l'Eglife Chrift par fes fidèles miniftres, qui
de Jefus Chrill n'a point d'autre baf- n'ontautrc dodrine. « Pource, dit faind
10 ton pour fe défendr e que cède parole
2. Cor. de Dieu ; car faind Paul le monllrc
6.
bien aux Corinthiens, difant : « Les Paul,
de Jefus que Chrift le fondement de l'Eglife
eft la dodrine des Ephef. 2
Ephcf.
6. armes de noftre guerre ne font point Prophètes & Apoftres; qui eft vne
Ephef. charnelles, mais fpirituelles ; » & pour- Eglife fans ride ne macule, » laquelle
taiil il admonnelle de prendre le glaiue eft fimple comme la colombe, pru-
de falut, qui eft la parole de Dieu, dente comme le ferpent , humble &
Hcb. dont aux Hebrieux en eft donnée la • patiente comme la brebis entre les
raifon, qui eft que cefte fainfte parole loups. 'Voila le gouuernement de la
4- eft plus trenchante que tout glaiue vertu de la parole de Dieu. L'Eglife
de l'Antechrift & de fes miniftres eft
coupant des deux coftez ; c'eft ce pleine de menfonges , de déception,
coufteau que Dieu a baillé à Hiere- de cautelle & faulTeté ; & pource
IfaiC 49.
mie , bruflant en efpece d'vn charbon
ardant , & Ifaic l'a eu dedans fa bou- qu'elle n'eft point régie par la parole
che ,trencha nt de deux ecoftez ; c'eft de Dieu , ce n'eft qu'abus de fa doc-
cefte bouche & fapienc que Jefus trine, car outre la parole de Dieu , il
Chrift donna à fes Apoftres pour vein- n'y a point de falut, il n'y aura auffi
cre leurs aduerfaires, lefquels ne leur
que
vanitéperdition,
et cruauté il n'y aura qu'orgueil,
, comme Dauid le
ont peu refifter , comme il apert aux La Synagogu<
Adles 7. Ades de faind Eftienne , & fera de
monftre bien, difant : « L'Eglise des de l'Anlechrill
tous les Chrcftiens qui prendront cefte malins m'a occis. » Nous auons les l'Eglife de
exemples de fa cruauté & inhumanité
tenir parolement
fainfteconftam pourle confefl'
nom de & fouf-
er Dieu & perfccatc
lefus, Chrirt.
contre l'Eglife de lefus Chrift. Au
vieil Teftament, Cain meurtrit Abel ,
de noftre Sauueur Jefus Chrift. l'ai
dit que l'Eglife
fa dodrine de Jefus
& nourritu Chrift
re de fon ,ame
pour , Pharao perfecuta
Jefabel occit les les enfansProphètes,
fainds d'ifrael,

n'a que la parole de lui qui eft fon Manaffes remplit les rues de lerufa-
lem de leur fang. Au nouueau Tefta-
Pafteur & efpoux. Lequel n'a point
auffi d'autres brebis que celles qui ment les Scribes & Pharifieiiss'efleuent
oyent fa voix, qui eft fon Euangile, & contre Jefus Chrift & fes Apoftres, &
lean lo. parole de Dieu fon Père : « Mes mettent à mort ceux qui prefchent le
Drebis, dit-il, oyent ma voix, & ie les falut éternel. & ce pour par
autant qu'ils
conoi , car elles me fuyuent , & leur ne font point gouucrnez la parole
donne la vie éternelle. » En vn autre de Dieu , mais par la parole de men-
Ican 8. fonge, comme on peut voir en tout le
Dcul. 8. paft^age dit : " Qui eft de Dieu , il oit
les paroles de Dieu. » Au Deutero- vieil & nouueau Teftament ; fignam-
ment (i)au Prophète Jeremiechap. 2j.
nome : << L'homme ne vit point du Parquoi ne nous arreftons pomt à
feul pain, mais de toute parole procé-
dante de la bouche de Dieu. » Et
autre chofe qu'à cefte feule parole de
laq. I. pource S. Jaques nous admonnefte de
la receuoir , difant : " Receuons en Dieu : car qui garde ce qu'elle com-
mande, Dieu le receura pour fon fer-
douceur la parole plantée , laquelle uiteur obeilTant. En cefte dodrine ie
peut fauuer nos âmes. » Et ne fera perfifte & veux mourir, eftant certain
f)oint dit ne trouué autre parole que ûue Dieu m'en fera grâce en la vertu
a parole de Dieu , qui foit dite Pa- de fon faind Nom, Ot pour l'honneur
role de vie, Euangile de falut. Auffi
nul ne fera Pafteur de l'Eglife de a& donné
diledionpour de fon cher Fils
Sauueur; qu'ilgloire
auquel nous
Icfus Chrift , que ceux qui aportent & honneur foit éternellement. Ainfi
fainemeni cefte dodrine Euangelique. foit-il. »
Que fi aucun vient nous annoncer au- Des ieufncs & des viandes eftant Des ieufnes.
tre dodrine que cefte-ci, ne la rece- interrogué, a dit que le ieufne eft bon
& faind, & du commandement de
uons point ; mais pluftoft qu'vn te
foit maudit , voire A fuft-ce vn Ange
du ciel " . ■c & ' ' lefus Chrift; non pas qu'il ait impofé
» La différence des bons Pafteurs& (i) Notamment.
GVILLAVME NEEL.

certain temps pour ieufner , mais a


Matth. 6.
dit : « Quand vous ieufnerez , )) &c. fe gouuerner et conduire en l'obeif-
Lequel ieufne eft afin de chaflier & fance de fon Dieu ; mais l'homme fe
voulant faire plus grand que Dieu ne
reprimer la rébellion de noflreafin
chair', l'auoit fait, a voulu eftre pareil à lui,
pour la réduire en feruitude, que
croyant l'efprit d'ambition , qui lui
I efprit férue à Dieu. Et ne confifte
point feulemerft en abftinence de promettoit qu'il feroit tel par glou-
manger & boire , ni en la différence tonnie. La malediftion qui s'eft en-
des viandes; mais en intégrité de vie, fuyuie de cefte tranfgreffion d'Adam
eft telle , qu'il a fallu que la féconde
fobrieté, chafleté , dileftion & charité perfonne de la Trinité, qui eft le Fils
ifaie 58. du prochain ; comme dit Ifaie : « Romps bien-aimé du Père, prinft noftre huma-
ton pain à celui qui a faim, & loge les nité, & portaft la peine de cefte male-
deflogez , & alors tu ieufneras fainde- didion, ou autrement nous tous eftions
ment, & ton ieufne fera plaifant à perdus; donc maintenant par la male-
Des viandes. Dieu. » Quant au ieufne d'abftinence, didion de la croix qu'il a foufferte il
nous a acquis la benedidion éternelle
il eft bon ; mais que l'abflinence foit de Dieu, & auant que monter aux
fans fuperftition & abus , & fans faire
cieux, il nous a lailTé fa fainde parole,
confcience de manger d'une viande &
qui eft fon Euangile ; & après fes
non pas de l'autre, comme s'il y auoit
Apoftres a conftitué des Euefques ,
fainâeté à l'vne plus qu'à l'autre;
Rom. 14. fuyuant ce que dit faincl Paul : Le Pafteurs & Dodeurs, pour nous con-
royaume des cieux ne confille point au duire félon la dodrine des Prophètes
boire & manger; car il faut prendre & Apoftres , pour nous enfeigner tant
nourriture des viandes que Dieu nous par la pure parole de Dieu, que par
donne, auec aftion de grâces ; fâchant bonne vie & exemple de fainde con-
Matth. 15. qu'en l'Euangile eft dit :« Ce qui entre uerfation ; car il faut qu'un Euefque
en foit irreprehenfible, non point yuron-
II nela faut
bouche
doncne errer
fouille pointfautl'ame.
; mais croire» gne, paillard, ou rauiffeur ; mais doué
qu'il nous a donné la nourriture de des vertus qui font requifes à tel
nos corps; & en la donnant, il ne office. On me réplique, que Jefus
nous a pas défendu l'vne plus que Chrift parlant des Scribes & Phari-
l'autre; mais comme dit faind Paul : fiens, dit qu'il faut faire tout ce qu'ils
Rom. 14. " Qi}6 celui qui mange ne defprife point diront; le refpon : C'eft pourueu
celui qui ne mange point , & celui qu'ils foyent affis fur la chaire de
qui ne mange point ne condamne Moyfe ; or la chaire de Moyfe, eft la
point celui qui mange ; il faut que Loi; laquelle ,il& faloit
celui qui eft fort fe garde de fcanda- annonçaffent non feulement qu'ils;
autre dodrine
lifer par fon manger celui qui eft car quand le peuple conuenoit enfem-
I. Cor. 8. débile; fâchant que mieux vaudroit ble, ils lifoyent la Loi , & le peuple
iamais n'auoir mangé chair , que de efcoutoit, pour fauoir ce qu'il deuoit
perdre celui pour lequel Jefus eft faire. Et pourtant les bons Prophètes,
mort. » Noftrevie doit eftre donc fi bien
pour bien monftrer qu'ils eftoyent vrais
compaffee, qu'elle foitfi toufiours édi- feruiteurs de Dieu , n'ont rien voulu
fiante ce
; qui fe fera, nous gardons commander au peuple qui fuft de leur
la reigle de viure que noftre bon Dieu cerueau; mais ont toufiours dit :
& Sauueur nous a baillée en fon vieil
& nouueau Teftament. Efcoutez la parole du Seigneur, c'eft
la voix du Seigneur, le Seigneur a
Du Pape. Interrogvé du Pape et de fon
authorité, refpondit que Dieu eft parlé fait
auffi , lelesSeigneur
Apoftres parle ; ce Chrift,
de Jefus qu'ont
feul maiftre, qui ne fauroit rien igno- lefquels n'ont rien commandé de leur
rer, qui ne fauroit faillir; & partant le
dodrine humaine, mais tout ce qu'ils
afaut
faitfuyure
tout ce& qui
non eft
autre. C'eft au
contenu lui ciel
qui difoyent
comme eftoit
Jefus dodrine du tefmoigne
Chrift le S. El'prit ,,
& en la terre ; ayant fait tout pour difant d'eux : « Ce n'eft pas vous qui Matth. 10.
l'homme, auquel il bailla fa loi lors parlez , mais l'Efprit de Dieu mon
qu'il le mit au paradis terreftre, en lui Père fuit,
quique les
parlefuccelTeurs
par vous. des
» Dont s'en-
Gen. 4. difant : « Mange de tous fruids , fors Apoftres,
que du fruiâ; de vie ; que fi tu en s'ils annoncent ou commandent chofe
manges, à l'heure même tu mourras. >■ qui ne foit parole de Dieu & Euangile
'Voila la première loi & le commande- de
Et lefus Chrift, fera
tel homme qu'ilsfaux
foyent maudits.&
prophète
ment que Dieu a baillé à l'homme pour
20
LIVRE CINQUIEME.

M.D.Liii. anlechrifl (& fufl-ce le Pape) lequel apoftres fe font ainfi gouuernez en
l'obein'ance de Dieu, de n'annoncer
n'a ni aura plus de pullVance que les que fa Parole ; le Pape & tous fes
Prophètes A Apollres. Or qui enfuit
ces fainds perfonnages en dodrine & prélats ont-ils plus de dignité et puif-
fance f Au contraire, ils blafphement
vie.ileftvrayement Pafleurdel'Eglife; diaboliquement le Nom de Dieu par
autrement il n'eft que deftrudeur , & leurs traditions; de forte que celui
comme vn loup entre les brebis. Je
confede bien que tous Pafleurs de qui commettra paillardife & adultère
Jefus Chrill, qui annoncent fa parole, ne fera puni, ains prifé ; mais qui man-
ont celle puilTance de faire ordonnan- gera vn petit de lard au Vendredi, ou
ces de iufnes, prières, & aumofnes , parlera contre certains abus, inconti-
nent fera mis à mort; mais Dieu qui
k>rs qu'ils verront l'ire de Dieu fur la
terre , comme guerre , pefte, famine , eft patient
& autres verges de Dieu; mais de viendra un &iour
qui les
n'en reprendre
dit encore à mot,
leur
face. Et lors ils auront beau dire :
loix perpétuelles, cela n'eft point
efcrit, lit ne fe feroit qu'il n'y euft Nous auonsefté prefque tout le monde Contre l'ob-
fuperftition & abus, & pareillement qui faifions ces chofes ; nous auons ieaion de la
idolâtrie.
enfuyui nos pères anciens qui eftoyent ■""L'hnrA':''"
Traditions. Des traditions humaines : il a dit du1 temps
^ lA Apoftres,
des /, i",-./!
les Rois « les adhère
Pape. au
que fi iamais créature auoit eu puif- grans du monde eftoyent des noftres;
fance de commander pour noftre falut eft-il poffible qu'ils ayent tant erré,
autre chofe que ce que Dieu nous a & que Dieu ait laiffé perdre tant de
commandé par fes Prophètes & Apof- peuple.^ Si en la grande multitude du
trcs, ce feroyent les Anges , qui affi- peuple eftoit le falut, la parole de
flent au throne de Dieu, & font exé- Dieu ne feroit point véritable, laquelle
cuteurs de fon vouloir, qui font fainds monftre au vieil & nouueau Tellament,
& fans aucune macule. Mais combien que la plus petite part du peuple a
efté le peuple de Dieu, voire les plus
qu'ils foyent fi dignes & fi puilfans ,
toutesfois ils n'ont iamais entrcprins vilipendez du monde. Regardez au
de rien commander du leur, mais feu-
lement fe contentent de fidèlement commencement , qu'eftoit-ce
ham et de Lot, au regard des d'Abra-
grandes
exécuter les commendemens de Dieu. villes, & de Sodome .> Regardez les
Auffi il eft dit d'eux en l'Epiftre aux enfans d'Ifrael , au regard du peuple
Hcb. 1. Hebricux , qu'ils font le vouloir de de Pharao. & d'autresnations ; comme
Dieu, & font enuoyez pour garder Moyfe, les Hures des Rois, & Daniel
ceux qui doyuent auoir le royaume, demonftrent. Regardez les Prophètes,
des cieux. Les plus excellentes créa- au regard du grand peuple fuiet à
tures après eux , ont elle les fainds Jefabel, qui mettoit à mort les bons.
Prophètes , lefquels, comme eft dit Venons au nouueau Teftament, &
ci deuant, n'ont rien inuenté ne com- voyons Jefus Chrift & fes Apoftres au
regard de fi grande multitude , de fi
mandoitmandé,de
que faire
ce que DieuJefus
& dire. leur Chrift
com-
grans Rois , Scribes & Pharifiens ,
Ican -. '^^ venu après eux qui a dit : " Ma auec tant d'autres peuples. Qu'eft-ce
dodrine n'eft point miene ; mais de des Apoftres après la mort de Jefus
celui qui m'a enuoyé. » Et au mefme Chrift, au prix du peuple qui eftoit
lieu : <i le ne parle point de moi ; mais aduerfaire ae Dieu .' LaifTons donc la
celui
le ne qui
vous m'a enuoyé
ai rien parle clu
annoncé parmien
moi. , grande multitude , veu que ce n'eft
point le peuple de Dieu; car il eft
efcrit : <■ Beaucoup font appelez, mais Matth. 20.
mais tout ce que i'ai oui de mon Père,
Ican 17. '<-' vous l'ai manifefté. La parole que peu font efleus. n Nul ne deuroit ou-
tu m'as donnée, ie l'ai baillée aux blier ce que JefusChriftdit :« Ne crai- Luc 12.
hommes que tu m'as donnez; lefquels gnez point , petit troupeau ; car il a
pieu à mon Père de vous donner le
l'ont receue. <• Les Apoftres
lement ainfi parlé. Si donc ont
les pareil-
Anges royaume des cieux. » Au contraire il dit
fi dignes, fi les Prophètes de Dieu, fi des grans : << Je te ren grâces. Père, Maiih. n
Jefus Chrift qui pouuoit dire : Je di
cela de moi , & le commande pour qu'il t'a rages
moi aux pieu cacher la conoift"ance
& prudens de
; & la reueler
mon plaifir tS: pour mon authorité, n'a à ces petis. » Qu'il foit ainfi , que la
toutesfois rien fait qu'annoncer la pa- plus petite part du monde fera feule
role de Dieu fon Perc , lui qui eft fauuee, on le void par la fimilitude
exemple de toute faindeté; & fi les de la femencc, que Jefus Chrift baille,
GVILLAVME NEEL. 21

Matth. i;. difant que le femeur en femant fa fe- corps, qui reçoyuent vne mefme nour-
riture.
mence, vne partie eft cheute (i) en la Conltûion.
De la confeffion eftant interrogué,
voye , & n'a profité ; l'autre fur la Ifaie 4;.
pierre, & n'a pareillement fait aucun refpondit qu'il n'y a que Dieu feul
profit ; l'autre entre les efpines, & n'a qui pardonne les péchez, comme il
fait auffi nul bien; mais la quatriefme teftifie par fon Prophète, difant : ((Je
partie qui eft cheute en bonne terre, fuis celui qui efface les péchez pour
a apporté grand fruift ; qui demonflre l'amour de moi, & n'y en a point d'au-
bien que la plus grande partie périt ; tre. »Ce que confeffoyent les Scribes
& Pharifiens , quand ils difoyent :
& n'y en aura qu'vn petit nombre
« Qui eft-ce qui pardonne les péchez, Marc 2.
fauve. Voyez donc que c'eft que de
finon Dieu feul ? » Parquoi à lui feul
fe fier à la grande multitude, & s'y nous nous deuons tous confelfer ,
accorder. Parquoi retirons-nous au
petit troupeau de Jefus Chrifl, qui eu comme les fainiSs Prophètes ont fait; Pf. 51.
mort pour lui donner la vie. & fignamment Dauid, lequel fait par-
Des temples.
Interrogvé qu'il fent des temples: faite confession de fes péchez, en
dit que Dieu eft efprit , qui n'a chair demandant à Dieu grâce & miferi-
ni os, & eft inuifible, auquel nulle corde. Il eft vrai que nous deuons con-
créature ne fauroit baftir ni édifier laq. 5.
fefi'er nos péchez l'vn à l'autre,
demeurance, pource qu'il la requiert comme S. laques nous admonnefte;
fpirituelle ; car il dit par fon Prophète autrement , Dieu iamais ne nous par-
Ifaie 66. donnera. Ainfi fi nous auons offenfé
Ifaie : « Quelle maison m'edifierez-
vous ? le ciel n'est-il point mon fiege, l'vn l'autre, lefus Chrift le teftifie,
& la terre mon marche-pied ?» Il faut, difant : « Si vous ne pardonnez les Matth. 6.
fi Dieu veut eftre logé, que lui-mefme péchez aux hommes qui vous ont
fe conftruife & édifie maifon ; ce qu'il offenfé , voftre Père celefte auffi ne
fait quand il purge la confcience de vous les pardonnera point. » Pardon-
nons,& il nous fera pardonné. MelTe.
l'homme par fon S. Efprit ; & après
qu'il l'a purgée en fait fon temple & SvR la Meffe eftant enquis : il a
1. Cor. 5. 16. demeurance, comme S. Paul le teftifie,
& 6. 19. & difant : « Vous eftes le temple du Dieu refpondu que l'Efcriture
tient entièrement fainde con-
les commandemens
2. Cor. 6. 16.
viuant. Le temple de Dieu eft faind , que Dieu nous commande de garder
qui eft vous; celui qui violera le tem- fi nous voulons eftre fauuez, & par lef-
ple de Dieu, Dieu le perdra. C'eft le quels les idolâtres font condamnez.
lieu où il fe plait , & duquel il dit : On trouue en Exode les commande- Exode 20.
Je marcherai entre eux , & ferai leur mens d'aimer Dieu & le prochain; Matth. f.
Dieu, & ils feront mon peuple. » On non pas de faire idoles. Au nouueau ,
demande, fi Dieu n'eft pas fous le que Jefus Chrift commande d'aimer
pain de l'autel ? i'ai défia dit que Dieu nos ennemis, de prier pour ceux qui
eft efprit , qui ne sauroit eftre autre nous perfecutent , & leur faire biens ;
qu'il eftoit auparauant ; ia n'auiene s'ils ont faim , de leur bailler à man-
que ie die qu'il foit du pain. Gardons- ger ; s'ils ont foif, leur donner à
nous de defguifer fa maiefté , qui eft
boire ; mais de Meffe, en toute l'Efcri-
incomprehenfible ; mais prions-le qu'il ture fainéle, il n'en eft mention quel-
purifie nos cœurs, & y face fa demeu-
conque. Dont n'en parlerai d'auan-
rance. Quant au temple matériel , i'ai tage, puis que l'Efcriture fainfte n'en
confefl"é qu'il eftoit de bonne ordon- parle point; pluftoft prierai Dieu qu'il
nance auquel
; tous Chreftiens doyuent vous face garder fes fainds comman-
conuenir enfemble en paix & vnion demens, & ne permette point que
pour prier Dieu. Le temple eft vne nous facions iamais chofes qui lui
mail'on d'oraifon, & où l'on s'affemble foyent defplaifantes. En ce faifant
pour ouyr la parole de Dieu & re- nous viurons par fa grâce , laquelle il
ceuoir les fainâs Sacremens, alTauoir ne veut eftre laiffee pour vn myftere
la Cène & le Baptefme; pour eftre d'abomination que Satan a fabriqué
plus incitez à nous aimer par la pré- malheureufement en l'homme de péché
dication de la parole de Dieu , qui a & fils de perdition, lequel, par fon
cefte vertu & efficace, de difpofer les orgueil & vaine prefomption, veut per-
cœurs à s'entre-aimer & aider les vns dre les habitans de la terre.
Il fut auffi interrogué des vœux; Vœux.
les autres , comme membres d'vn
& refpondit que toute créature qui
(i) Tombée. voudra entreprendre de faire vne
22 LIVRE CINQUIEME.

œuure pour complaire à Dieu , fans Interrogvé qu'il fentoit de la DeiaPreili


auoir cf),'arci au vouloir d'icclui, il preftrife : a refpondu que tous Chref-
ell impoffiblc que celle œuure ne foit tiens font preftres. Car S. Paul aux
malheureufe, comme vne œuure ido- Romains dit : Que Dieu en donnant Rom. 8.
fon Fils, nous a donné tout auec lui,
lâtre, qui fe bartit félon l'intention
& affeâion du cerucau de l'homme ; & eft bien manifefte
lequel eft plus fouuent deftourné de tre ,auons tout ; carqu'en l'ayant
iamais le nof-
Fils
Dieu qu'il n'eft rengé à faire fon vou- n'eft fans le Père & le S. Efprit,
loir. Le vœu que toute créature doit
entant
Dieu, vn qu'eux troisvneneeffence
vouloir, font &qu'vn
vne
faire pour fon faiut, eft de prier Dieu
qu'il lui face la grâce de taire fa vo- puift"ance, vn repos & vie éternelle;
lonté &, renoncer à la fiene, qui efl
plus prompte à faire mal que bien; ainfi donc , en ayant tout , il n'a rien
qui ne foit noftre; lui qui eft Dieu •
car le bien que nous voulons faire , nous a faits éternels auec lui ; lui qui
nous ne le faifons point; & le mal que eft Roi, nous a oinds auec lui rois,
nous ne voulons faire, nous le faifons. pour régner éternellement en fon
La vraye médecine pour renoncer à royaume; lui qui eft Preftre , nous a
nous mefmes & mettre bas tout noftre facrez auec lui preftres par fon sang,
vouloir, eft de dire purement de pour faire oblations & facrifices de
cœur à Dieu : Ta volonté foit faite : nos corps, de nos efprits, de nos
proteftant de ne vouloir faire autre cœurs contrits à Dieu fon Père & le
noftre; comme il eft efcrit aux Rom.
chofe qu'icelle ; autrement celui qui
voudra faire fa volonté propre , fe de l'oblation, & aux Hebr. & aux
mocquera de Dieu, en difant : Ta Pfeau. Des Preftres , il eft efcrit en
volonté foit faite. Remettons donc en l'Apo. I. & 20. chapitres, le ne parie
lui nous & noftre afaire; car c'eft lui point de la preftrife Romaine, mais de
feul duquel tout bien prouient, & qui la preftrife intérieure & fpirituelle , de
donne le vouloir & le parfaire , félon laquelle par le fainft Efprit tout bon
fon bon plaifir; acquiefçant à ce que Chreftien qui a viue foi , eft preftre :
dit Moyfe au Deuteronome : « Vous
ne ferez point ce qui vous semblera non point en office, c'eft à dire , de
pouuoir adminiftrer publiquement la
bon & droit, mais vous ferez feulement
ce que Dieu vous commande , & ne fainéle parole de Dieu , qui n'appar-
tient qu'aux Pafteurs que lefus Chrift
déclinerez ni à dextre ni à fcncftre ( i ). » a mis pour ce faire en fon Eglife ;
Pèlerinages. Interrogvé des pèlerinages : dit mais en dignité. C'eft que Jefus
que le pelerina„j falutairc à tout
Chreftien eft de cheminer faindement Chrift lesâmes
corps, a faits dignes contrits,
& cœurs d'oft"rir leurs
en
en ce monde, en patience, diledion , oblations à Dieu le Père , qui eft
chafteté & charité, fâchant que nous l'eft'ed & dignité des Preftres , qui
ne fauons iour ni heure , & que nous nous doit donner grand courage de
ne fommes que pèlerins durant le nous prefentcr dcuant Dieu, pour
temps de noftre vie; que fi nous impctrer (1) remiffion de nos péchez, &
l'auons employée & confommee en nous an"eurer que la vie éternelle nous
abus , lai(Tans de faire l'œuure de fera donnée par Jefus Chrift noftre
Dieu, pour circuir (2) ça & là parmi la Sauueur, qui nous a acquis tous biens
terre qui eft fiene , fans fon comman- celeftes, qu'il nous a donnez & faits
dement; ilne fera pas moins qu'vn noftres, pour viure éternellement auec
homme qui feroit Roi ou Prince , qui lui : auquel foit honneur & gloire à
demanderoit pourquoi on feroit vaga- iamais.
bond fur fes terres & pays. Et pource Apres ùue ledit Neel eut pour
3ue le temps eft court, haftons-nous confeffion & profeffion de fa foi pre-
e nous en aller au Seigneur noftre
créateur , duquel nous auons toute fenté les refponfesci
les ayant fuuffignees, deft"us contenues,
fut procédé par
force A vertu ; & nous retirer à lui
feul par fon Fils lefus Chrift, pour les ofliciersdufufdit Éuefqued'Evreux
A la condamnation d'iceux articles i^
auoir rcmiffion de nos péchez , cv vie refponfes. Cependant Neel eftoit fort
éternelle ; le prians de nous receuoir mal trnilé es prifons dudit Euefque ,
au iour dernier. & partant fit requefte au Lieutenant
criminel du lieu (qui fouuent le venoit
(r) Ni h droite m ik ^-uuchu.
(j) Tourner, aller cl venir.
(1) Demander.
GVILLAVME NEEL.

M.D.Liii. vifiter & confoler auec vn aduocat


paroles, l'official dudit Euefque com-
homme craignant Dieu) à ce qu'il fuft mença àprononcer la fentence deuant
mené es prifons de Cour feculiere , moi, & incontinent ie lui di : « l'en
qu'ils appelent. Quoi entendans les appelle
officiers de TEuefque , après auoir meffieurscomme d'abus , ; par
du Parlement » &deuant
non-
détenu Neel l'efpace de deux mois, fe obftant mon appelation d'abus , ils
haflerent de prononcer contre lui
fentence de condamnation & dégrada- pourfuyuirent iufqu'à la fin. La fen-
tence acheuee , ie di à l'Euefque ces
tion de
; laquelle fentence Neel, par mots : « Monfieur, ayez mémoire que
ie vous ai recufé pour mon iuge, pour
l'auis de fes amis, fe porta pour appe-
lant comme d'abus. Les raifons pour- raifon fuffifante ; dont derechef l'en
quoitence
ilappela en cas dudit
des officiers d'abusEuefque
de la fen-
, il appelé comme d'abus. » Et pour mes
raifons , ie di outre ce qu'il a attenté
les a mifes par efcrit comme s'enfuit. plus auant qu'il ne lui apartenoit,
qu'on a rapporté contre moi au procès
de fon Doyen , que i'ai dit dudit
Caufes Euefque de
homme d'Evreux qu'il afnes
faire des eftoit mefchant
preftres;
moyens d'appel de
laume Neel. Guil-
pour laquelle délation ie l'ai recufé
AviNT le Mercredi de Pafques donnaflmon
pour contre iuge,
moi craignant
fentence qu'il ne
vindica-
dernières, m. d. lui. que l'Euefque tiue, comme il apert eftre auenu , &
d'Evreux me fit venir deuant lui en fa void-on par expérience de fa fentence
chambre , où eftoit grand nombre de
Chanoines, pour fauoir fi ie vouloi de
que dégradation.
fon Doyen difoit L'autre raifontefmoin,
à certain , c'eft
perfifter en la confeffion de ma foi , comme il apert par le procès, ces
que i'auoi faite : aufquels ie di qu'y paroles : « Aidez-moi à mettre ce mef-
perfiftoi ; & quand & quand que ie chant hors du monde , qui fera une
œuure de charité ; » lequel Doyen eft
m'oppofoi à l'information qu'a faite de
moi leur Doyen , & à la depofition celui qui m'a volé fi peu de bien que
des tefmoins d'icelle, comme i'ai i'auoi, tant en hardes qu'en argent.
toufiours fait ; ayant perfifté depuis le L'autre raifon eft, que l'Euefque auec
premier iour iufques à maintenant en les fiens m'ont iugé facramentaire ,&
la reiedion de la dite depofition. Ces eux mefmes renient le vrai facrement.
Leur erreur eft, comme il apert au Argument
paroles dites, l'Euefque me renuoya
en ma prifon ; vne heure après me
renuoyaquerir, eflanten fonfiege de fa procès, & qu'ils
croire ont dit
confefter qu'il le
, que fautcorps
du tout
de prouuer
tion. la
lefus Chrift eft realement & de fait en tranllubltantia-
courd'eglife, où grand nombre de peu- pour re-
ple eftoit affemblé ; & eftant deuant lui , leur Euchariftie, comme il eft forti du
me commanda de me mettre à genoux; ventre de la vierge Marie, comme il
a marché, beu & mangé eftant mortel
ce
loit que
faireienefi dire
, ne ;fâchant
car vne qu'il
heure medeuant
vou- au monde, comme il fut affiché en la
ie I'auoi prié au Nom de Dieu de me croix; ce que
faire agenouiller. Je leur remonftrai cefte forte en lai'ai nié que
Cène & nie
Jefuseftre en
Chrift
qu'ils examinaffent bien ma confeffion, a faite t*t inftituee pour la commemio-
ration de fa mort & refurredion. Et
laquelle n'efloit point de petite impor-
tance, & que la vie de l'homme eftoit ai reprouué leur erreur par ceft argu-
plus neantmoins
precieufe que ment :S'il nous conuient manger le
ce fanscelle d'vn efgard
aucun poulet ,;
corps de Jefus Chrift comme il eft
l'Euefque feant en fondit fiege , com- forti du ventre de la vierge Marie,
comme il eftoit au monde & en fa
mença àdire comment i'eftoi obftiné,
Cène, comme il fut fiché en la croix,
& que pourtant il m'alloit prononcer
ma fentence. Mais auant qu'il com- nous ne ferions point encores rache-
mençaft à me la prononcer , ie lui di
ces paroles deuant tous : « Monfieur, tez; noftre menteufe,
ture feroit foi feroit fauffe,
car nous& croyons
l'Efcri-
mieux vaut tard que iamais ; ie vous que le corps de Jefus Chrift eft immor-
recufe pour mon iuge, pour certaines tel, glorieux & afranchi de tout vitu-
& fuffifantes caufes de recufation; que
pèreI( ) & tourment, affis à la dextre de
fi vous procédez plus outre, ie protefte Dieu le Père au royaume des cieux ,
de nullité entièrement de tout ce que
vous ferez. » Comme ie difoi ces
(i) Malédiction.
M LIVRE CINQUIEME.
comme la fainflc Efcriture nous le
& ainfi au long du chemin s'efiouyffoit
monflrc.
nous affilieEt entelle
cefleeflforte,
noflre en
foi faifant
, qu'il au Seigneur. Arriué qu'il fut à Rouan,
incontinent on le prefenta à la cour
vne vnion en fa fainde Cène. Ainfi il de Parlement, pour faire iugement fur
y a grande différence entre ce qui
eftoit deuant la mort de Jefus Chrifl , fon appel.il Entr'autrcs
la Cour, y en eut qui confeilliers
humainement de
& efl maintenant après fa mort. On l'interroguerent, monllrans affez qu'ils
void donc par cela leur herefie ; t^
comment ils ont mef-vfé en me portoyent bonneaffedion à l'Euangile;
de forte qu'ils firent leurs efl'orts de le
iugeant. faire déclarer bien appelant, fous cou-
Ayant ainfi remonrtré mes caufes
de recufation, ie di à mon aduocat : leur de quelques formalitez qu'eux-
mefmes mettoyent en auant , & fal-
« Monfieur, ie vous prie au Nom de foyent valoir , entre autres pource que
Jefus Chrirt de défendre ma caufe, ou
ceux de l'offîcialité d'Evreux proce-
pluftoft la fiene; car ie n'ai dit parole doyent à fa condamnation la femaine
qui ne foit à la gloire de Dieu , & à
qu'ils appelent
voulant fainéle.
eflre aidé de Mais
telles Neel ne
raifons,
l'édification de l'Eglife. le parle ains defirant de manifefier la dodrine
comme vn homme au lid de la mort,
ne penfant qu'à ma confcience. » qu'ilfouftenir
de portoit, lacommença
vérité de auechardieffe
la doftrine du
Seigneur, i*!: fur tout de la Cène, &
de condamner par confequent la
De quelle confiance le Seigneur arma Mefl'e; de manière qu'on le renuoya à
ce Martyr au dernier combal. Evreux pour receuoir fcntence de de-
gradation. Les officiers de l'Euefque
Estant Neel es angoiffes de fa d'Evreux
homme quidefirans de Dit
defpefcher
les efclairoit ceft
trop près,
cJe tr
détention, fit quelques efcrits, fe con- ne tardèrent gueres à lui prononcer
folant en iccux; & entre autres il a
fa fentence , & faire dreffer vn efcha-
laiffé certain auertiffement , pour dif- faud deuant le grand temple , pour
cerner les faux prefcheurs, qui defgui- mettre en exécution leur dégradation
fent la vérité en menfonge. Finale- defpefc"
afluelle, qu'ilsappelent. Sur cefi efcha-
ment après qu'il eut mis auffi par faudlemonta l'Euefqueci auec
efcrit, « remonflré pour déduites
griefs d'appel & Pénitencier delTusfes nommé;
officiers Dégradation
de Neel.
les raifons ci deffus , &
que les tcfmoins contre lui produits lequel s'eftant vanté de conuaincre
Neel deuant le peuple, commença à
ertoyent fes parties aduerfes; d'autant dire en monftrant de fa main le
qu'il les auoit reprins yurongnans & patient : « L'enfant, après auoir elle
blafphemans le Nom de Dieu, le iour doucement traité de fa mère, non feu-
du Mardi des
à caufe gras dcbordemens
(ainfi nommé entr'eux,
énormes lement ne lui efl obeiffant , mais cer-
che fa ruine, &c. » Et après long
qui proefme (i) fit fon illation (2) :
fon s'ypourcommettent)
cftre amenéfut àtiréRouan.
de la pri-
En » Comme fait ce malheureux; lequel
fortant il ietta fa veuë fur la populace ayant efié religieux Auguftin, mainte-
(qui là efiant, meuëde grandeCruauté,
crioit après lui) tS: de grande compaf- nant perfecute iSr nie Dieu & l'Eglife
fa mère, &c. » Surquoi Neel à haute
fion qu'il eut, les admonnefta, & pria voix s'efcria & dit : « Il n'eft pas vrai;
Dieu d'auDir pitié de leur ignorance. car ie croi en Dieu, A fuis certain de
Voyant qu'il n'auoit aucune audiancc, la fainde Eglife laquelle ie croi. » Puis
& que les fergeans fe hafloyent d'aller,
il fe mit à chanter le Pfeaume : « Apres " Après avoir constamment attendu
auoir conftamment attendu, &c (i), » De l'Eternel la volonté.
Il s'est tourné de moti costé,
Et a mon cri au besoin entendu.
( i) C'est le psaume XL , traduit par Théo- Hors de fan(;e obscure,
El profondeur et d'ordure,
dore de Bcizc, c( faisant pariic de son pre-
mier recueil public en iççi (deux ans avant D'un fjoulîre m'a tiré :
le martyre de Guillaume Ntcl) . à Genève , A mes pieds alîcrmis
chez Jehan Crespin , sous ce tilre : Trcnlc- Et au chemin remis
qiijlrc fscjumcs de Dauid, iwuucllcmcnt mis Sur un roc asseuré. »
vn rime frjnfoisc au plus prts de l'hébreu , (1) Préambule, entrée en matière.
far Th. de Bes;e de Ve;elaf en Bourgogne. {2) Terme d'église, employé ici ironique-
Voici la première strophe de ce psaume
chanté par Neel : saint. ment :transport ou retour des reliques d'un
SIMON LALOÉ. 25
M.D.LIV.
fe teut, & le Pénitencier pour le con- duire fruiSl à Vauancermnt de fon
futer (i) lui accorda qu'il elloit bien Eglife.
vrai qu'il croyoit vne Eglife inuifible ; Simon Laloé. Soiffonnois, lunetier,
& de cela print occafion de s'efcrier
contre cefle Eglife que fouflenoit partit en ce temps de Geneue, où il
Neel, pour aprouuer celle du Pape. demeuroit . pour voyager en France ,
Entre autres babils , ayant déduit vn & fut appréhendé en la ville de Dijon
catalogue des Euefques anciens de le Mardi 27. de Septembre 1553. De
l'Eglife, dit pour conclufion : « Voila premier abord le Vifconte(i), maire Interrogatoires
de Laloé.
fur quoi eft fondée noflre eglife. » Fi- dudit Dijon, l'examina fur trois poinfts,
nalement adreffant fa parole au pa- affauoir du lieu de fa refidence, de la
tient, comme par mefpris , demanda:
foi qu'il tenoit, & de ceux de fa co-
<i M. Guillaume, fur quoi eft fondée
noiffance qu'il appeioit fes complices.
ton Eglife , qui font tes Euefques an-
toit
Quantretiré en la villeil de
au premier, lui Geneue s'ef-
dit qu'il auec
ciens? » Lors Neel s'efcria, difant :
« Jefus Chrift , Jefus Chrift & fes fa famille , pour iouyr des grâces que
Apoflres; » & n'adioufta d'auantage. Dieu y a mJfes. Touchant le fécond,
Sa condamna- Pev de temps après ces myfleres il rendit entière confeffion de la foi
tion, exécution
& mort. de dégradation , fut condamné à eftre
bruflé vif & eftre bâillonné en la bou- qu'il tenoit , voire plus auant qu'il
n'en fut interrogué. Le troifiefme
che pour Tempefcber de parler au poinift eftoit ce que principalement les
peuple. Il endura auec vne debonnai- aduerfaires vouloyent oui'r ; mais il
reté admirable tous les tourmens
leur dit qu'à cela il ne fauoit que ref-
qu'on lui voulut faire , & ne parla pondre, ne fâchant que ceux de fa
point
flamme iufqu'à
ardentece lequ'au
bâillonplus forttombé
eftant de la compagnie eftoyent deuenus , & au
de fa bouche , fut entendu crier au furplus que ceux de fa conoiffance ef-
toyent en la ville de Geneue. Les
Seigneur, tellement que le bourreau aduerfaires, par leurs interrogations,
lui donna d'vn crochet fur la tefte & ne pouuans tirer autre chofe de lui ,
contre le du
l'accabla tout. Le
bourreau , & peuple
nonobflants'efcria
que après qu'il e.ut figné fa confeffion ,
procédèrent à fa condamnation.
nagueres il euft en horreur & exécra- Le Mardi 21. de Nouembre 1553 ,
tion la venue de ce fainâ perfonnage, ayant receu fentence de mort, ainfi
ayant veu neantmoins fa grande conf- que le bourreau (2) eftoit venu en la
iance en la mort fi cruelle, eut opi- prifon pour le lier & mener au der-
nion qu'il eftoit homme de bien & nier fupplice , ce perfonnage d'vne
qu'il eftoit mort vrai Martyr. Les fem- face ioyeufe le receut & carefl'a de
mes pleuroyent & difoyent qu'il auoit parole (3) : « Mon ami, ie n'ai
gagné le Pénitencier ; chacun en de- cefte de
veu ce iourd'hui homme qui me
vifoit comme il en fentoit. Bref, fa foit plus agréable que toi (4), » &
mort fit vn fruift ineftimable au pai's lui tint plufieurs propos, tellement
d'Evreux & à l'enuiron. que
fur lel'exécuteur
tombereau pleuroit
auec lui eftant
, & à monté
grand
regret procéda â fon exécution. Si-
mon ,auant mourir , pria d'vne véhé-
mente vertu d'oraifon pour fes enne-
Simon Laloé, de SoifiTons (2). mis ,& endura le martyre bien allè-
grement ledit iour vingt & vniefme

Vne conuerfwn tant rare, affauoir d'im (i) Le vicomte, en Normandie, était un
bourreau qui dcuoit exécuter en der- officier de robe qui rendait la justice au nom
nier fupplicc ce Martyr, rend fmgu- du roi. Nous ignorons si ce titre avait la
liere & admirable la bonté du Sei-
même signification en Bourgogne, ou s'il
gneur en la mort des fiens, & nous faut l'entendre ici dans son acception nobi-
liaire. Le maire, ou Maifur (édit. de 1554).
tcjlifie que iamais elle n'ejl fans pro- était souvent une sorte de seigneur, ayant
sa charge à vie et exerçant plusieurs droits
judiciaires assez étendus.
(i) Réfuter.
(2) Cette notice figure dans l'édition prin- (2) «nant. •)Qui
I5>4) (Edit.se dedict15Ç4.)
audict Diion l'Extermi-
Cêps de à15)4,
édition
page6Ç2. et n'a subi . d'une
l'autre , que des changements de (3) u En le baisant luy dict. >> ( Edit. de
style ecclés.,
Hist. de peut. I,
d'importance.
p. çj- Voy. Bèze , (4) « Mon amy ie nay veu ce jour homme
que i'ayme plus que toy. » ( Edit. de 1554.)
36 LIVRE CINQUIEME.

Conuerfion nocheau , qui lui feruoit de clerc.


de laques de Noucmbrc. De cefle mort l'exécu-
teur, nommé M. Jaques Sylucftre(i), Ce Denocheau auoit autrefois de-
Sylucllre. mouré aGeneue & fort profité en la
fut telkmc-nt coiifirmL^ qu'il délibéra
cxprefftînicnt d'abandonner fa condi- parole de
valoir Dieu, tellement
le talent que Dieuqu'il
lui faifoit
avoit
tion niiferablc & ne plus eflre exécu-
teur du fang innocent, de manière commis, en enfeignant les ignorans
que, quelque temps après, il fe retira à & reprenant les blafphemes. Ils ne
Geneuc , pour y viure félon la refor- furent pas long temps enfemble fans
mation de l'Euangile (2). Ces propos eflre fufpeds t% accufez d'eftre Luthé-
& autres fignes de grande repentance riens, qui e(t l'accufation que drefTent
ont efté (comme auffi le furplus de les ennemis de vérité à l'encontre des
celle hiftoire) atteflez par gens fidèles enfans de Dieu. Au mois de Décem-
& dignes de foi , qui ont e(1é prefens bre ,l'an 15^2 , ils furent conflituez
non feulement à la mort du fufdit
prifonniers par vn preuoft des maref-
Martyr, mais auffi depuis ont parlé au- chaux (1) , oc furent menez en la ville
dit M. Jaques,
iSr retiré de la& difficulté
l'ont adreffé. confolé
& desfiance de Chartres , dans la prifon de l'E-
uefque. Là eftans détenus & interro-
qu'il auoit guez de leur foi , rendirent ample tef-
(lon de tantdedepouuoir
fautes obtenir remif-&
& oiïenfes, moignage fans aucunement varier ne
fur tout du fang innocent efpandu par flefchir. Denocheau eut moyen de
fa main.
laiiïer par efcrit en la prifon fa con-
feffion , fondée en la pure dodrine de
«^i'^S'»^Ji'»5i''^Ji'»ii'*ii'*»^-ii»i4'*5A'**!*' l'Euangile. dont nous auons ici inféré
ce que nous en auons peu tirer ,
comme du milieu du .feu. Peu de
EsTiENE LE Roi , & Pierre La dilTiculté
Denocheav. gens ignorent
recouurer la difficulté
les ades a de de retirer les
qu'il y iudi-
& confeffions aétes du greffe
ciaires de ceux qui font détenus pri- criminel.

L'exemple de ces deux nous affeure , tant quefonniers


Satan pour la vraye
a biendodrine , d'au-
feu fuggerer
quand il ejl ifuelUon de Joujtenir la celle rufe au cerueau de fes fuppofls,
vérité du Seigneur , que la vi£loire
de brufler entièrement les procès
au combat cjl du tout nojîre , entant
que le Seigneur auquel nous feruons s'enfuit.
auec
retirerlesdeperfonncs.
ces perfonnages Ce qu'auons peu
efl tel que
ta des aul:'arauant acquifc. La con-
fefjion ici contenue cil vn fommairc
« Enqvis quelle elloit ma croyance,
du Symbole, laquelle tous deux ont
feellec par leur mort. ie refpondi que i'ai cefle ferme foi ,
qu'il efl vn Dieu au ciel, viuant, im-
mortel & inuifible , en trois perfonnes
De la BeaufTe de France , Dieu & non diuifé , affaunir Dieu le Père,
appela en ce temps deux fiens do- commencement fans fin, autheur,
mefiiques pour manifefler l'Euangile créateur & gouuerneur de tout, ayant
de fon Fils. Le premier, Eftiene le fait le ciel & la terre, & tout ce qui
Roi, natif de Chauffours (3), bour- efl en iceux , tant créatures celefles
gade àdeux lieues de Chartres, ayant
que
fous terreflres,
fa fuiedion qu'il conduit
, ayant & tient
toufiours la
demouré
Françoife quelques iours ,enreuint
de Sllrafbourg l'Eglife
en main à la befongne , rien ne fe faifant
fon pays A print refidence à faind fans fa volonté, mais par fon congé &
George (4). qui efl vne paroilTe près ordonnance. Il enuoye la pluye , le
dudit lieu de Chauffours, où il exer- beautemps, fterilité, fertilité, vents,
çoit office de notaire , ayant prins orages , foudres , tempeftes , fanté &
en fa maifon vn nommé Pierre De- maladie ; et par fa prouidence il gou-
uerne , conduit «s nourrit tout le
ll) Son prénom seul est donni dans la monde, fait & difpofe de tout à fon
première édiiion. plaifir. Il a en fa piiiffnnce les Dia-
(j) Ce di-taii est éimnpcr aux plus ancien- bles, lefquels il conduit par fa fagelTe,
nes édilions de Crespin. Il est probable
3u'au moment où paru! la première édition
u Marlyrclcj-c , Sylvestre ne s'était pas
encore rcfu(,'ie h Genève. (l^ Les prévôts des maréchaux, dit Ché-
()) Chauifours, arrondissement de Char- ruel, étaient des jupes d'épèe établis par
tres (Eure-et-LoirJ. François I", pour faire le procès à tous les
14) Saint-Ccorgcs-sur-Eure (Eure-et-Loir). va(;abondsct gens sans aveu et sans domicile.
ESTIENE LE ROI , PIERRE DENOCHEAU.

tellement qu'ils ne peuuent bouger ne il n'eft abfent de nous que de pre-


fe moviuoir, (Inon par la permiffion, & fence corporelle , & eft & fem près
leur fait mettre à exécution fes nian- de nous iufqu'à la fin. Eft affis à la Matth. 28.
demens , encores que ce foit contre dextre de Dieu fon Père , pour monf-
leur gré & intention. Par ainfi nous trer qu'il a receu la feigneurie du
deuons bien conoiftre , confeflfer & ciel & de la terre , afin de régir &
gouuerner tout. Et de là piendra iuger
auouër ce' grand Dieu, comme noflre
protefteur & gouuerneur ; & le Fils les viuans & les morts , qui eft à dire
fa fagelTe, bonté & vérité, qui eft nof- qu'il aparoiftra du ciel ainfi qu'il y eft
tre Seigneur & Sauueur lefus Chrift ; monté, pour tenir fon iugement, qui
& le faind Efprit , qui eft la puilTance nous fera vn fingulier bien ; car
de Dieu & fa vertu efpandue fur tou- • nous deuons eftre certains qu'il apa-
tes créatures, neantmoins les trois re- roiftra pour noftre falut. Parquoi nous
fident tous en vn. L'Ange impofa le deuons attendre cefte iournee-la , &
Matth. I. nom de le fus, qui eft à dire Sauueur; ne l'auoir en telle crainte & horreur,
& Chrift, bind. Et fut conceu du fainâ pource que celui mefme qui eft nof-
tre Aduocat & Interceffeur a pris
Efprit , pour demonftrer qu'il eftoit
enuoyé de Dieu pour fauuer les fiens : noftre caufe en main , pour la défen-
dre deuant Dieu fon Père au grand
print chair au ventre d'vne vierge iour de fon iugement. Auquel lefus
nommée Marie , immaculée & vaif-
feau d'eledion, de la propre fubftance Chrift ai confiance & attente , reco-
d'icelle, pour eftre femence de Dauid. noiffant tout mon falut & apui venir
Et toutesfois que cela s'eft fait par de lui , efperant eftre participant de
Luc I. & 5. opération miraculeufe & conception grands biens qu'il nous a acquis par
du faind Efprit. Ainfi que le foleil fa mort & paffion. Et nous fait rece-
entre par vne verrière fans la froilTer, uoir par fon faincl Efprit iceux béné-
auffi eft-il entré au ventre virginal fices, croyant fermement ce myftere-la,
ne doutant point que le faind Efprit
fans compagnie d'homme , pour repa-
rer l'iniure faite à Dieu par noflre n'habite en nous, pour nous faire fen-
père Adam. En après icelui , Icfus tir la vertu de noftre Seigneur Jefus,
Chrijl fut condamné (ayant efté trouué & conoiftre fes grâces , lequel nous
innocent) par vn luge nommé Ponce illumine pour nous faire conoiftre
Pilate , par les luifs crucifié , portant icelles grâces, & les feelle & imprime
noftre maledidion fur foi, pour nous en nos cœurs. Et au moyen de ce
deliurer de mort éternelle. Mort, & fentiment, nous ne penfons à autre
enfeueli & mis au tombeau , pour nous
chofe , pour efperer falut, qu'en le-
mbnftrer que c'eftoit vne vraye mort , fus Chrift. Outre : le croi l'Eglife
Catholique , qui eft la compagnie des
qui nous eftoit trefnecefl'aire , & fans
laquelle eftions tous péris éternelle- fidèles, laquelle Eglife lefus Chrift
ment. Eft defcendu aux enfers, & a rachetée, ainfi qu'il eft dit Ephef. 5 •
d'iceux a brifé les portes pour nous I. (I Jefus Chrift , ayant racheté fon
ofter d'entre les mains & tyrannie du Eglife, l'a fandifiee, afin qu'elle fuft
diable, où nous eftions tous affuiettis glorieufe & fans macule ou pollution. »
à caufe de la defobeiffance commife
Laquelle eft vne en lefus Chrift, ef-
par noftre prremier père. Au tiers iour pandue par tout le monde, pource eft-
eft refuscité , pour demonftrer que ce elle nommée Catholique, qui eft à
nous eft vne promeffe de refufciter dire vniuerfelle , &. qui fera vn iour
d'vne vie à autre , qui eft la vie éter- alTemblee auec lefus Chrift , qui eft
nelle. Monté au ciel , demonftrant
ï
feul chef d'icelle Eglife ; que tout
qu'il auoit mis fin à toutes prophéties ainfi qu'il ne doit auoir en ce monde
reuelations; & qu'il n'eftoit plus be- qu'vne
accord & Eglife volonté, en quiicelui
eft d'im
lefuscommun
Chrift,
foin qu'il conuerfaft au monde , &
qu'au moyen de ce qu'il eft monté , auffi n'y a-il qu'vn feul chef. le croi
nous auons vn grand profit ; car tout
la remiffion des peche\, c'eft que Dieu
ainfi qu'il eftoit venu en ce monde par fa bonté & de fa grâce les quitte
Rom. 8. pour nous fauuer, auffi il eft monté & pardonne à fes fidèles au Nom de
au ciel pour nous y attirer, & monf- fon Fils lefus Chrift, tellement qu'ils
trer que le chemin nous y eft ouuert
par lui ; & que là il eft deuant la face ne vienent point en condamnation de-
uant fa face , nous faifant pardon gra-
de Dieu fon Père , pour eftre noftre tuitement par fon Fils vnique noftre
Aduocat & Interceffeur. Et toutesfois
Aduocat , qui intercède pour nou&
28 LIVRE CINQUIEME.

deuanl lui. Apres ie croi la refurrec- criture, par lefquels il nous eft prouué m.d.lmi.
tion de la chair & la vie éternelle , que nous n'auons que lefus Chrirt
pour Aduocat & Médiateur, & que
pour mondrcr que noflre félicité & quiconque met fa fiance en autre qu en
loye neà i,'ill en celle terre, & qu'apre- lui feul, qui en prie vn pour aduocat,
nions palfer par ce monde comme
tre vn
par paysaux
cœur mettant denof-
biens &ne délices
ellrange, ce
& n'a pas toute fa fiance en Dieu, ce-
lui-la erre. Car quand on prie quel-
monde , prenans bon courage , en at- qu'vn , c'eft d'autant ou'on en attend
tendant la venue & defcente de nof- quelque profit : ainfi donc ceftui-la fe
tre Seigneur lefus Chrirt. Ainfi donc, deftourne do la bonne & droite voye. >■
puis que Dieu me fait ce bien & cefte D.i' Si efl-il commandé de l'Eglife qu'il
grâce de le conoillre Dieu véritable faut prier & inuoquer les Sainds , à
& immortel , créateur de toutes
ce qu'ils foyent nos intercelTeurs en-
uers Dieu. » R. Il Les prie qui voudra,
chofes, âc qu'il m'a mis au monde,
créé à fon image & feniblance ; ie ce n'eft mon intention. »
le veux toufiours auoir en mémoire ,
mettre toute ma fiance en lui , le Enqvis s'il ne croid point que le Du Pape.
Pape reprefente & foit lieutenant de
craindre, aimer, feruir & obéir au Dieu, colloque au lieu de faind
mieux qu'il me fera poffible, félon fes Pierre : Dit que ce feroit à fauffes
fainds commandemens, le requérir en
toutes mes neceffitez & afaires, conoif- enfeignesde, pource
œuures qu'il ni
lefus Chrirt ne defaitfaind
les
tre que de lui feul vient tout bien, & Pierre , & ne les enfuit en rien.
cercher en lui tout mon falut & fe- D. S'il eft chef de l'Eglife Romaine.
cours, & non ailleurs.
Inuocation » Enqvis fi les fainfls qui font en R. Qu'il ne fait qui eft l'Eglife Ro-
maine, & qu'il ne conoit que l'Eglife
des fain<as Paradis ont puilTance de nous aider & Catholique , dont lefus Chrirt eft le
abaïue. fecourir en nos neceffitez . langueurs chef, ainfi que faind Paul, Ephef. i.
& afaires, & s'il les faut inuoquer, recite , que lefus a efté conrtitué chef
prier & auoir vers eux recours, afin
de
toutetoute l'Eglife,: && aux
principauté exalté dert'us
Philip. 2.
qu'ils
neurs foyent nos aduocats
& intercelTeurs , moyen-
enuers Dieu ,
Qu'il a receu vn nom par delTus tout
pour auoir remiffion de nos fautes ,
nom. fusAux Ephef.
Chrirt eft chef >.des
& Coloft".
Anges 3.& le-
de
auons dit qu'il les faut honorer , c'eft
leur porter honneur & reuerence, en tous fidèles. Et encore aux Ephef. 2.
donnant la louange à Dieu, en les en-
Le fondement de l'Eglife eft la doc-
fuyuant; mais
félon de
qu'ils trine des Apoftres tS: Prophètes. Et
Chrirt les ont enfuyuicomme
inuoquer lefus
aux Ephef. <,. lefus Chrirt ayant ra-
aduocats,
ture faindeil aucun
n'y en tefmoignage
a en toute l'Efcri-
qui en cheté fon Eglife l'a fanftifiee , afin
face mention. Et eux edans en ce qu'elle fufl gloiieufe & fans macule.
Et que quiconque fe veut ofter hors
monde, prefchans la parole de Dieu, de la ert
forme de l'Eglife
ils ne nous ont point commandé de Chrirt le chef, & fe veutdont lefus
mettre &
les prier , mais feulement de nous arrefter aux ordonnances des hommes
adrelTer à Dieu par fon Fils lefus
Chrirt , nortre feul aduocat & média- qui font de l'Antechrirt, il n'eft pas
de l'Eglife de Dieu, & renonce à la
communauté des Chrortiens & fidè-
teur, d'autant qu'il n'y a que lui feul
à qui gloire & honneur foit deu, ne les. Quant à la puiffance de lier &
qui conoirt"e nos fecrettes penfees & deflier, c'ert la parole de Dieu, qui a
foit fcrutateur de nos cœurs. C'ert lui certe vertu d'attirer vn homme à la
Ican i6. qui a dit : « En vérité , en vérité ie conoiffance de fon Euangile. Et lui
vous di que toutes chofes que deman- retiré & croyant à icelle eft deflié , &
derez àmon Père en mon Nom, il les
où il n'y croid point, il demeure lié.
vous donnera ; iufques à prefent vous Enqvis s'il croid qu'il y ait vn Purgatoire,
n'auez rien demandé en mon Nom : tiers lieu où vont les âmes pour eftre
demandez & vous l'aurez, afin que vof- purgées, que l'on nomme Purgatoire :
1. Tim. 3. tre ioye foit acomplie. » Et S. Paul a dit qu'il ne fait autre Purgatoire que
dit que nous auons nortre Seigneur celui qui eft fait par le précieux fang
lefus Chrirt pour médiateur, afin de lefus Chrirt, par lequel les iniqui-
tcz des pécheurs font purgées ; car en
qu'ayans accès par fon moyen , ne
doutions de trouuer grâce. Et plu- l'Efcriture nous ne trouuons que puif-
fieurs autres palTages en la fainftc Ef- fions eftre purgez de nos macules par
ESTIENE LE ROI , PIERRE DENOCHEAV.

autre purgation que par le fang de & noftre efprit en haut au ciel , où
lefus Chrifl, qui a pleinement fatisfait Jefus Chrift eft à la dextre de Dieu
pourà demi.
tous vrais fon Père. Nous auons preuue fuffi-
fait Or cecroyans, & n'a
feroit faire rien
les cho-
fante
criture, en plufieurs
fainéle, paffages
que Jefus de auec
Chrifl l'Ef-
fes à demi (qui
poffibilité) l'ont neantmoins
les donner & delaifferenauxfa
hommes, pour par eux nous retirer de fon corps eft monté au ciel, d'où il ne
defcendra iufques à ce qu'il viendra
ce feu de Purgatoire , en faifant œu- pour tenir fon iugement. Et ne nous
ures de leurs mains. Il vaudroit au- faut douter que par la foi que nous
tant dire que nous fuffions fauuez par auons aux promelTes de Jefus par fon
les hommes & non par lefus Chrift. faind Efprit , en prenant le pain & le
Le bon Dieu n'a rien fait à demi : vin qu'il nous laiffe en fa fainâe
il nous pardonne & le forfait & la
Cène, qu'il n'habite en nous & en
peine. « Sur ce point ie pris la hardieffe nos cœurs. Et alléguant ce que fainâ
de demander à l'Inquifiteur fi Purga- Auguftin dit en fon liure des Retrac-
toire eftoit deuant ou après l'incarna- tations : « Pourquoi prepares-tu ta
tion de noftre Seigneur lefus Chrift. bouche & ton ventre.^ croi , & tu l'as
A quoi il ne fit refponfe. Et ie lui di
mangé, » l'vn des affiftans foudain me
Matth. 7. qu'en l'Euangile noftre Seigneur a dit dit que cela ne s'entendoit que pour
que la voye eft grande & fpacieufe les malades qui ne peuuent vfer des
Marc 16. qui meine à damnation, & la fente (i) Sacremens. Mais ie lui répliquai qu'il
eftroite qui meine à faluation. Et qui n'y a que la foi que nous auons en
croira & fera baptizé fera fauué : & Jefus Chrift, croyans en lui & en fes
qui ne croira , il eft défia condamné. promeffes , qui le nous fait receuoir
En quoiQuiappert en nous, & que le dire de faind Au-
voyes. mourraqu'il n'y afera
fidèle, quefauué;
deux
& infidèle fera damné. Et lefus Chrift guftin
lades,ne s'entend pointqui
mais pour ceux pour les ma-
prenent ce
eftant en la croix , le brigand le fup- pain & vin en la Cène. Si vn Pape
Luc 2Î. Grégoire a mal interprété ces paroles,
plia : « Seigneur , quand tu viendras
en ton royaume , aye mémoire de
ou qu'on les interprète mal fous cou-,
moi. » Et le Seigneur lui refpond :
leur de lui ou de fon dire, s'enfuit-il
« Tu feras auiourd'hui auec moi en que nous deuions croire & tenir cela
autrement , que ce qui eft ci delTus
Paroles facra- paradis. »
» Enqvis touchant les paroles facra-
mentales. allégué pour véritable.'^ Noftre Sei-
mentales dites fur le pain & le vin , gneur lefus Chrift a inftitué fa Cène,
affauoir fi par icelles l'hoftie confa- pour nous afifeurer que par la commu-
cree par le preftre ne deuient point le nication de fon corps, reprefenté par
corps de lefus Chrift, tel qu'il a re- ce pain & vin, nos âmes font nourries
pofé au ventre de la vierge Marie : le en efperance de la vie éternelle. Et
refpondi que ie ne tenoi rien de cela, auffi par cela nous fignifioit & don-
mais que i'entendoi fermement que le noit à entendre
matériel a vertu , qu'ainfi que le pain
de fuftanter nos
pain & le vin en la Cène du Seigneur
nous font donnez comme tefmoignage, corps humains, auffi fon corps fait le
gage & mémorial que noftre Seigneur
nous delaiffoit en commémoration , pareil
& enuers
viuifie nos âmes , qu'il
fpirituellement ; & nourrit
mefme
afin que toutes fois & quantes que comme le vin rend l'homme fort, le
nous ferions cela , nous euffions fou- conforte & le refiouyt , auffi fon fang
uenance & mémoire de fa mort &
eft la force & la ioye & refeélion fpi-
rituelle de nos âmes , & faut touf-
paffion , qui eft fermes
tenir toufiours pour nous aft"eurer
en la &
foi. Et
iours, en prenant ce pain &vin, reue-
qu'il n'entendoit & ne parloit point nir à la chofe fpirituelle , & non
que ce pain fuft rompu pour nous, ni corporelle ne corruptible, & ne croire
ce vin refpandu pour nous , mais que que Jefus Chrift eft mort pour nous,
c'eftoit fon propre corps & fang , qui & a refpandu fon fang pour nous de-
nous eft reprefenté par ce pain & ce liurer de la mort éternelle & nous ac-
vin en faifant la Cène. Et qu'il ne fe quérir lavie. Et que ce figne eft tef-
faloit pas arrefter aux elemens cor-
moignage qu'il monftroit à fes difciples,
ruptibles; mais pour en auoir la vé-
eftoit pour leur fignifier qu'il alloit
rité, qu'il nous faloit efleuer nos yeux donner fon corps & fon fang en la re-
n'en
(i) Le sentier. miffion point
fuffent , &qu'ils
en douteafin
de plufieurs, que des
LIVRB CINQUIEME.
grands fouftenir la dodrine du Fils
grans biens & bénéfices qu'il alloit de Dieu. La cour de Parlement les
acquérir
j o par fn mort c^ paflion, il
nous en feroit capables t!t dignes pour renuoya auec arreft confirmatif de la
fentence précédente; tellement que
fentir le l'ruid cS: l'efficace d'iceux.
Or, le moyen de receuoir Jefus Chrift peu après , fans lesengarder
furent exécutez ladited'auantage,
ville de
*<m
Chartres, l'an. prédit , mil cinq cens
en nous , ce n'ell pas feulement de
croire qu'il eft mort
nous deliurer & relTufcité
de mort éternellepour& cinquante trois.
nous acquérir la vie fpirituelie , mais ■'-^-'îic^t:!^^
auffi qu'il habite en nous par fou faind
Efprit, li ell conioint aucc nous, fi
nous auons foi, en telle vnion que le
I 5*0-S:?0/«"^.'«5

chefauec les membres, afin de nous


faire participans de toutes fes grâces, Pierre Serre, de Languedoc (i).
en vertu de cède conionftion. En telle
foi nous faut manger fon corps & Note , Lecteur , en la procédure de ce
boire fon fang, comme os de fes os & perfonna^e, vne rejponfe autant
chair de fa chair.
naf/ue & notable contre la Pref-
» Ceci efl quafi le contenu de mon trife Papale , quapophihegme qui
procès. Vrai ell qu'ils m'ont enquis & Je pourroil dire. Tu recueilliras
interrogué d'autres poinfts; mais rien auffi du fruiâ au furplus de fon
ne fut mis par efcrit. Ils donnèrent
iugement fur ce; auifcz quelle tyran- hijloire.
nie. Et font neantmoins à croire au Pierre Serre efioit de Lefe , au
fimple monde, que nous tenons mau- pays de Coferans (2) , affez près de
uais Toulouze. Icelui ayant efié première-
mais propos
il apertcontre bien duDieucontraire;
& l'Eglife:
car ment Preflre, fe retira à Geneue , où
ce font eux-mefmes qui tienent le il aprint le meftier de cordonnier.
poure monde en erreur, qui penfe
• eflre au vrai chemin de falul , mais il Depuistable il fut touché-
de retirer d'vn frère
vn fien defir marié,
chari-
en eft bien eflongné. » hors de l'idolâtrie Papiftique, it pour
Voila en effeci la confeffion que fit ce faire , fe mit en chemin au temps
Pierre Denocheau , deuant ceux qui
d'hyuer, l'an mil cinq cens cinquante
eftoyent commise fon examen, cepen- trois. Eftant arriué en fon pays , il
dant qu'il eftoit détenu es prifons de parla à fon frère , & femblablement à
l'Euefque
Eftienne le de Roi ,Chartres. Quantbienà
il rendit auffi fa femme, oui n'y prenoit aucun gouft,
& ne vouloit ouïr parler de defloger.
ample confeffion de vérité; mais elle
ne fut pas recueillie par efciit. Il àParvnequoi
fieneincontinent elle l'allaledéceler
voifiiie, laquelle tint fi
compofa eftant en la prifon aucunes
Eftiene le Roi chanfons fpirituelles. qui contenoyent peu fecret , qu'auffi toft l'Oflicial du
diocefe en fut auerti, i*t craignant qu'il
s'efiouii
chansonsen |;, f,,-, ^^t l'efperance qu'il auoit ; fon ne lui efchappaft, le fit conftituer pri-
fpirilucllcs. eftat & condition , que le Seigneur fonnier fans autre information. De la
auoit tant exaltée, de l'auoir choifi faire , n'en fut aucun befoin ; car
pour lui rendre tefmoignage deuant promptement il leur déclara fa de-
fes hommes. 11 s'efiouyiToit en prifon meure, & quelle religion il tenoit. Or
en les chantant , & magnifiant les ceft Officiai A fes confors ( 5 ) craignans
bontez nompareilles du Seigneur. d'eftre retardez par quelques appella-
tions, auiferent de le liurer entre les
Ces deux perfonnages, après ainfi mainsde l'Inquifiteurde la foi ordonné
auoir perfeueré vaillamment en la à Toulouze. Par deuant lequel auffi
vraye clr)drine, & auoir repouflTé tous ledit Pierre rendit ample confeffion de
allechemens&promelTesdedeliurance fa foi , iufques à dire à l'Inquifiteur ,
qu'on leur faifoit, voire & les follici-
tations qu'en fit l'Euefque mefme, (1) Voy. Bèze, Hisl. ccclés., t. I, p. 54.
afin de les faire defdire , furent fina- (i) Lczal ( sur la Lèze ) , petit bourg du
lement condamnez à la mort, dont ils déparlcmcnl de l'Aricfîc, siiuù dans le Cou-
scrans, p.iys de la Guyenne, qui forme au-
fe portèrent pour appelans au Parle-
ment de Paris; non point pour efcliap- Il lirait sonjourd'hui
nom l'arrondissement
des anciensde Consoranni.
Sainl-Girons.
per le iugement de la mort, mais pour (t) Ceux qui ont un mûme inlàrôt dans une
alTairu.
amplement magnifier & deuant les
p
PIERRE SERRE.

L'inquifiicur que s'il vouloit fonder fon cœur, il fe au Roi , lequel il n'auoit oflfenfé non m.d.liii.
de Touloufc. trouueroit conueincu que ce qu'il fouf- plus que la iuftice ; car quant à Dieu,
tenoit n'eftoil autre chofe que la pure il eftoit tenu & tout preft de lui de-
vérité de Dieu; ce que promptement mander pardon. 11 eftoit auffi appe-
il lui prouuoit , lui cottaiit (1) les
palTages & chapitres , tant auoit-il roit lalant langue
de ce quicoupée
auoit efté
; cardit, qu'il que
attendu au-
bonne & fraifche mémoire. Nonob- le Seigneur la lui auoit donnée pour
flant il fut condamné par l'Inquiflteur le louer,ofter
il luile eftoit
& le vicaire de l'Euefque de Cofe- deuoit moyenauisdequ'on ne lui
le pouuoir
rans, à eftre dégradé & mis en la main faire fur le dernier poind de fa vie.
de la Cour feculiere. Pour faire cefte Mais nonobftant , ladite fentence fut
dégradation, il fut mené en vne petite confermee par arreft de la chambre
ville prez de Toulouze , nommée criminelle du Parlement. Toutesfois ,
Muret (2), & de là liuré au iuge des à raifon de quelque commiffion baillée
Appeaux (5) ciuils, en laSenefchaucee au premier Prefident, pour faire iuger 31
de Toulouze , qui efl auffi iuge des les procès concernans la foi , en telle
incours (4) d'herefie. Ce iuge d'entrée chambre du Parlement qu'il auiferoit ;
interrogua Pierre , de quel meflier il
eftoit ; & ayant oui de lui que depuis & que des l'année précédente il auoit
choifi la grand' chambre , il pretendoit
quelque
cordonniertemps il s'eftoit
, il lui demandamis deà eftre
quel que
en latelchambre
iugementcriminelle.
n'auoit peu eftre fait
meftier il eftoit auparauant : « Helas! Parqvoi après difner, les deux
monfieur (dit Pierre) ie ne l'oferoi chambres , aftauoir la grande & la
criminelle, furent affemblees, & Pierre
dire que fauue voflre grâce ; car i'ai
Mefchant & efté du plus vilain , mefchant & mal- derechef mandé par deuant icelles ;
malheureux heureux meftier du monde. » Plufieurs eftant venu, fut long temps fans vou-
meiher. ^g^ affiftants eflimoyent qu'il euft efté
brigand, voleur, ou faux monnoyeur, loir refpondre, difant qu'il n'auoit
plus afaire qu'à Dieu , puis que fon
& partant l'exhortoyent de le dire arreft lui auoit efté prononcé. Toutes-
hardiment ; & fembloit que le remords fois à la fin il refpondit, & perfifta en
& doleance lui fermaft la bouche. Fina- fa confeffion de foi ; & ne peut eftre
lement eftant importuné , dit auec deftourné par les grandes tentations
foufpirs : « Las, miferable que ie fuis ! dont il fut lors affailli. Il fut donc
i'ai efté Preftre. » Et fur l'heure rendit ordonné que l'arreft fortiroit fon effet,
raifon pourquoi il eftimoit ceft eftat fi
mal-heureux & maudit. Adonc le iuge excepté l'amende honorable & l'abci-
fut fort irrité, peu de iours après le fion
rien de langue,
contre leur pourueu
religion. qu'il
Commene dift
on
condamna de faire amende honorable, le menoit au lieu du fupplice en paf-
& demander pardon à Dieu , au Roi , fant par deuant le collège de fainâ
& à iuftice, à auoir la langue coupée, Martial , le luge lui monftra vne
& eftre après bruflé tout vif ; dont image de la vierge Marie, c^ lui dit
Pierre Serre fe porta pour appelant.
A CAVSE dequoi il fut mené en la qu'il lui demandaft pardon. Pierre
chambre criminelle de la cour de refpondit qu'il n'en feroit rien , car il
ne l'auoit offenfee , ioint que ce
Parlement de Toulouze, où il perfifta
n'eftoit pas la vierge Marie mais vne
conftamment en fa confeffion. Inter- idole de pierre. Cela dit , le luge lui
rogué fur les griefs de fon appel , il commanda de bailler la langue , ce
Serre déclare plaida fa caufe , & dit qu'il n'eftoit qu'il fit fans délai, & endura paifible-
les caufes appelant de la mort , pource qu'il ne ment qu'elle fuft coupée. De là il fut ■
de fon appel, youloit efpargner fa vie pour l'honneur attaché au pofteau , pour eftre bruflé
de Dieu, & le tefmoignage de fa vif; où il leua les yeux au ciel, & les
vérité ; & fauoit auffi que ceux aufquels tint là fichez iufques à la mort ; fi que
il appeloit, ne lui fauueroyent la vie ; pour l'ardeur & véhémence du feu, il
mais il eftoit appelant de ce qu'on ne fe remuaDont
non tout
plus leque s'il euft efté
l'auoit condamné à demander pardon infenfible. peuple fut fort
efmerueiUé ; & fut dit par vn confeil-
1er du faire
Parlement,
mourirqu'il
les neLuthériens
faloit plus.
(i) Citant. ainfi
(2) Chef-lieu d'arrondissement de la Haute-
Garonne. attendu que cela pourroit plus nuire
(?) Appels. que profiter à leur religion.
(4) Recours en justice.
LIVRE CINQUIEME.
Molle fut arriué, on le ferra dans vne
^&«.^<5ÉS§S^^i
52
des plus horribles prifons, où il trempa
quelques mois durant lesquels diuers
l'uppofts de l'Antechrifl firent tous
Iean Molle (i), & vn Tisseran leurs efforts pour l'abalre & deltourner AITailli.
de Perule (2). de la pure dodrine du Fils de Dieu ;
mais ce fut temps perdu à eux; au
En la conllancc de ces deux raillans contraire, l'Eternel fortifia tellement
champions de nojlre Seigneur lefus fon feruiteur qu'il demeura toufiours
Chrijl , ajjaillans le Fils de perdition ferme. Eux voyans qu'ilque
ne ce
pouuoit
iufques en fa forlereffe mefme , & eftre esbranlé en forte fufl,
faijans m merueilleux procès à leurs conclurent
propres luges , les Fidèles doyuenl à lui ofler qu'il ne faloit
la vie. Ainfiplusdonc
différer
, le
receuoir vne confolation finguliere , cinquiefme iour de Septembre de
en je fouuenanl que celui qui veut l'an M.u.Liii. il fut mené auec plufieurs
dejployer (a rerlu en leur mfirmili autres , parauant emprifonnez pour le
eji plus fort que le Prince du inonde, faid de la Religion , au temple qu'ils
lequel il fait combattre & forcer es appelent Santa Maria di Minerua ,
lieux où ilfemble eflre inexpugnable. afin que ceux qui ne voudroyent
abiurer fuffent condamnez fur le champ
Condition Iean Molle cftoit natif de Mon- & enuoyez au feu. Six Cardinaux «
de I. Molle. talcin, ville affize au territoire de quelques Euefques , comme luges
Sienc. Par le malheur prefque ordi- de la caufe , fe vindrent alfeoir en
naire du temps, il auoit elle fait Cor- grande magnificence pour esblouyr les
delier, & en fa ieuneffe s'elloit foigneu- yeux du peuple & eltroyer les prifon-
fement exercé en l'eflude des fciences niers qui furent amenez chafcun tenant
(Se bonnes lettres. A ce fauoir humain vne chandelle allumée en fes mains.
Tous les prifonniers, par vne miferable
il conioignit l'eflude de Théologie, &
peu à peu, ayant par vne finguliere lafcheté, iK: pour crainte d'vne briefue
taueur de Dieu prins gouft à la pure mort
Iean corporelle,
Molle & vn feTilferan
del'direntde; excepté
Perufe.
dodrine pardiligenteledure del'Efcri- Eftant efcheu à Jean de parler à fon
ture Sainéle, il prefcha l'Euangile en tour, il demanda congé de dire ouuer-
plufieurs lieux d'Italie en toute fince-
rité &• de grand zèle, tellement que le tement ce qu'il auoit en penfee ; ce
peuple couroit ardemment après , & qui lui fut odroyé. Lors entamant le
Maintient
ne parloit-on que de lui par tout ce propos, il répéta &conferma parviues condaniment
la vérité &
pays-là. raifons, propofees d'vne grande véhé-
fance du Ce qu'eflant
Pape venuCardinaux
, de fes à laconoif-&
mence & ardeur d'efprit , tout ce qu'il
auoit parauant enfeigné & prefché en condamne
menfopLi L-
Inquifiteurs, voyans que par tels pref-
ches leur authorité decheoit de plus diuers lieux touchant les articles pour
en plus, ellant mefprifee & moquée lefquels il efloit accufé d herefie ;
comme du Péché Originel , de la
Mal voulu de chacun , refolurent d'attraper ce J unification de la foi, des bonnes
bon perfonnage. Suyuant quoi, lettres
des ennemis œuures, de la Prouidence de Dieu ,
de vcrilé. furent enuoyees au gouuerneur de
Rauenne, où Molle efloit pour lors, & de la Predeflination , de la Grâce &
au Légat du Pape auec commiffion ex- des Mérites
fon chef, de ,ladereuerence
l'Eglife &, inuocation
de Chrift
preffe defe faifirdela perfonned'icelui,
& l'amener fous forte & feure garde & adoration des Sainds, du Purga-
Emprifonne- toire, des Pardons, du Cœlibat & du
ment. bien lié & garrotté iufqu'à Rome. Cela
fut promptement exécuté, & fi tort que Mariage des Preflres, du Franc-arbi-
tre, des Sacremens , de la Confeffion
(1) Giovanni Mollio, natif de Montalcino,
auriculaire, de la MelTe, &c. Puis il
près de Sienne. Voy., sur ce martyr, VEn- répéta ce qu'il tenoit i.^ croyoit du
crcl. des .sciences religieuses; Mac-Criu, Re/. Pape et de toute la Papauté, affauoir
in IlJly, p. 95, 1^4, 26t; Fnxe. Acis anJ
Monuments . t. IV. p. 46) ; Pantalcon, Mar- que le Pape
tre S. Pierre,n'crtni fuccefleur
vicaire de de l'Apof-
Chrifl , ni
tyrum Hisloria iB&-i\\em, 156)1. lib. IX. Cet
article ne fi^'ure pas dans les éditions du le chef de l'Eglife Chrétienne; mais
Martyrologe publiil-es par Crcspin.
(2) Ce n'csl pas un tisserand . mais un que
Princevrayement
du règne il ell l'Antechrift
maudit A exécrable&
nommi- Tisserando, de Pérousc. Crespin et
Foxe ont pris l'un et l'autre un nom d'hummc de l'Antechrifl, ayant vsurpé domina-
pour un nom de profession. tion tyranniquc fur les Eglifes , auec
JEAN MOLLE ET VN TISSERAN.

autant de droit qu'vn brigand a fur Vous perfecutez & mettez à mort les
les innocens qu'il efgorge. Pour con- fidèles Miniftres d'icelui. Vous anean-
clufion, s'adrelVant aux Cardinaux & tifl'ez fes commandemens. Vous def-
Euefques, fes parties & Juges, là affis robez aux poures confciences leur
Fait terrible pour le condamner : c< Quant à vous , liberté. Vous vous apropriez tyranni-
procès à fes Cardinaux, & à vous Euefques , fi ie
luges. quement puifl'ance fur la vie & la mort Ajourne fes
fauoi (dit-il) que vous euffiez obtenu temporelle & éternelle. Pourtant
à bon droit cefte puifiance que vous i'appele de voftre procédure, & vous luges deuant
vous attribuez (laquelle pour certain adiourne , ô cruels tyrans & meur- le fiege Iudicial
de Chrift.
eft vne abomination deuant Dieu & fes triers, au dernier iour, deuant le fiege
Anges) & que fuffiez montez en ce iudicial de lefus Chrift, lequel vous
degré par quelque vertueux ade , & ne contenterez pas de vos beaux litres,
non par ambition aueuglee ou autre ni de vos pompeux & ambitieux acouf-
tremens, ni de voilre argent. Vous ne
telle mefchante pratique , ie n'en diroi
mot. Mais puis que ie voi & fçai bien l'efpouuanterez non plus de vos
menaces , ni de vos moyens , ni
que vous n'vfez d'aucune mefure ,
n'auez modeftie , honnefteté, ni vertu de vos armes. C'eft là où il fau-
quelconque en recommandation , & dra maugré
( qu'en ayez) que vous
procédez contre toute raifon mefme; rendiez compte de toute voftre vie
ie fuis contraint de vous traiter vn
paft'ee. En tefmoignage de ces chofes,
peu plus rudement, & puis à bon droit reprenez maintenant cefte chandelle
m'efleuer contre voflre Eglife qui que vous ra'auez baillée. » Quoi difant,
n'eft point de Dieu, mais de Satan, il ietta par terre le plus loin qu'il peut,
bref eft la vraye Babylone. Chacun & d'vn vifage courroucé, la chandelle
void affez quelle efl voltre dodrine, & allumée qu'il tenoit en la main. Les
furquoi voftre puiffance faullement Cardinaux & Euefques, oyans vn tel
langage , commencèrent à frémir & à
prétendue eft fondée ; tellement qu'il grincer les dents; & ne fe pouuans
n'efl pas befoin
difcours. d'en faire plus
Car certainement long
fi voftre plus contenir, commencèrent à crier
puiffance efloit Apoftolique (comme tous enfemble : « Oftez, oftez ce Eft condamné
vous le faites à croire au poure monde, malheureux. » Ainfi lean Molle auec à mort.
par façons de faire du tout infuporta- le Tifl'eran de Peroufe (qui fit vnç
bles) voftre doârine & voftre vie franche confeffion & approuua tout ce
s'accorderoit auec celle des Apoftres. que Molle auoit dit) furent condamnez
Mais puis qu'en vos vilains corps & à eftre eftranglez, puis bruflez ; ce qui
ne les eftonna point, ains Molle
en voftre vie tant abominable il n'y a
efleuant les yeux au ciel dit : « O Jefus Sa conftance
membre qui ne foit infeâé d'ordure , & a<5lion de
de menfonge, Chrift mon Seigneur, Souuerain Sacri-
croire ou dire & ded'iniquité : que puis-ie
vottre Eglife , finon
ficateur &Pafteur, il n'y a chofe qui
que c'eft vne tafniere & cauerne de m'euft fceu venir plus à gré en ce grâces.
brigands r Qu'eft-ce de voftre dodrine monde que d'efpandre mon fang pour
ton faind Nom. » Ils furent menez
autre chofe qu'vn fonge forgé par des
feduéleurs & hypocrites.- Chafcun tous deux en vne grande place nom-
fait voftre vie ; on oit la fauffeté & mée Campo de Fior , ayans les faces
feintife de vos langues , on void vos ioyeufes, comme les Apoftres, qui
mains pleines de fang , & aperçoit-on monftroyent vn grand contentement
aft"ez à vos vifages que vos ventres en leurs vifages, après auoir efté con-
damnez par les Scribes & Pharifiens.
font infatiables.
tirer ,amalTer, &'Vous ne faites
entaffer qu'at-
par toutes La mort de lui
Le Tifl'eran fut pendu & eftranglé le & du TilTeran.
fortes d'iniuftice & de cruauté. Qui premier. Allant à la mort il fe recom-
pis eft, vous eftes du tout & incelfam- manda àDieu, le remerciant de ce
ment altérez du fang des Chreftiens
fidèles. Qui fera celui donc qui vous que, par
attiré à lavnelumière
bonté de
infinie, il l'auoit
fa Parole, &
tiendra pour vrais fucceffeurs des choifi pour eftre tefmoin de la vérité
fainds Apoftres , ou pour Vicaires de de fon fainâ Euangile. Il fut inconti-
lefus Chrift.' Au contraire , ie di que nent eftranglé, & le feu allumé, où les
vous eftes membres de l'Antechrift & deux corps furent bruflez lecinquiefme
enfans du Diable. Vous mefprifez iour de Septembre, m.d.liii. Le peu-
d'vne impudence defefperee lefus ple prefent parloit en diuerfes fortes Quelle
en eutopinion
le
Chrift & fa parole. Vous ne croyez de ces deux Martyrs. Les vns en
pas mefme qu'il y ait vn Dieu au ciel. qu'il n'y
. II. auoyent compaffion, difans 5 peuple.
H LIVRK CINQUIEME.

M.D.Liii- auoit point de propos de faire mourir de Guillaume d'Alençon & du Ton-
ces exccllens perfonnages. Les autres deur cjlpour nous donner courage
les appeloyent heretiaues obflinez li en ia'uure du Seigneur, & auj'ji pour
nous humilier & aprendre à nous
endurcis. D'autresde diloyent
deuoit contenter qu'on
les bannir. fe
Ainfi desfier de nous-mcfmes, pour mettre
y auoit-ii diuerfes opinions de lefus toute nojlre fiance en ta force du
Chrid durant fa conuerfation vifible Mai/Ire duquel jamSl Paul dit : le
entre les hommes ; les vns le tenans puis toutes chojes en celui qui me
fiour un Prophète & homme de Dieu, fortifie. Phil. 4. 15.
es autres pour vn mutin & fedudeur.
Entre ceux qui ont tafché d'aider
les lideles qui font fous l'oppreffion
de la tyrannie Papale, par communi-
cation & port de liures de la fainâe
Iean Malo, Hannuyer(i). Efcriture, & qui n'ont pour ce faire
efpargné
çon, natif leur vie, Guillaume
de Montauban, d'Alen-
ne doit eftre
Cejlc pcrfcculion au pays de Haynaul oublié. Car après auoir fait plufieurs
dura ittfques à l'an fuyuant, comme voyages en diuers lieux , il fut finale-
ion verra en l'ordre des Martyrs ment conftitué prifonnier à Mont-
ci-apres. peflicr, ayant eflé trahi & liuré par
faux frères. Il fut donc prifonnier en-
Cestvi-ci eft de la femence des tre les mains de ceux de la iuftice,
fidèles ci-deuant exécutez à Mons en
lefquels après l'auoir interrogué de fa
Haynaut, en l'an m.d.xlix (2). 11 fut foi, voyans qu'il perfeueroit conftam-
mis prifonnier à Mons, pour auoir
maintenu en quelque compagnie, que ment en la confeffion
le condamnèrent de l'Euangile,
à la mort, le Samedi
le pain de la Meffe n'eftoit qu'vne feptiefme de Januier mil cinq cens
cinquante trois (i).
idole; & fonnier
fut dedans
plusvnd'un
fondan degardé
folTepri-
en Or il y auoit vn autre prifonnier
auffi détenu pour la caufe de la vérité,
grande mifere.
M.D.Liv. il fut condamné l'an
enmort.
Finalementà la qui elloit tondeur de draps de fon
Ainfi qu'on le mcnoit au fupplice , on meflier,
l'ouit difant à haute voix ce propos : deflourné lequel
de lapar infirmité
pure s'eftant
confeffion du
Fils de Dieu , fut condamné à faire
Parole no- " Quand nous eflions foldatsae l'Em-
table. pereur, combien de fois auons-nous amende honorable & élire prefent à la
mis noflrc poure vie en danger pour mort dudit d'Alençon. Le iour mefme
lui .' & maintenant craindrons-nous de ordonné pour exécuter les fufdites
la mettre pour le Seigneur ? nous ne fentences , le Seigneur fit grâce à
la faurions perdre à plus grand profit ; G. d'Alençon de tellement fortifier
mais nous ne la perdrons pas, car pour ledit perfonnage par fes exhortations
vne poure vie caduque & tranfitoirc ,
que nous lui laiffons en garde & gage, & par nouueau
receu fon exemple , qu'icelui
courage, demanda ayant
aux
nous en aurons vne éternelle & bien-
heurcufe à iamais. » Il endura ioyeu- iuges ou d'eftre remené en prifon, ou
fement la mort, en louant & benifrant d'élire bruflé auec ledit d'Alençon, &
le Nom de Dieu iufques au dernier qu'autre amende honorable il ne feroit
foufpir.
France froicstantc (2* édit.) . t. I . col. i}!.
La première édition de Crcspin (IÇÇ4) con-
«•&<>*■ î**- J**- >**■ J»»*- 5**- J**- llf* Le nom tient déjàducelle notice
martyr y est telle
écrit qu'elle est ici.
Dalençon.
(I) i-a première édition dit i;;4, et toutes
les éditions suivantes ont ce même millésime,
GviLLAVMF.
DEVRd'Alençon
de draps ,(3).
& vn TON- excepté celle de 1610 que nous reproduisons.
On a voulu y voir un changement inten-
tionnel dû nu chan(;ement de la date du
commencement de l'année (voy. In note dans
L'exemple ici propofé en la perfonnc l'édii. de Toulouse de l'Hisf. ecctés , I, 54).
Mais la preuve que ce n'est là qu'une faute
(1) Le récil de Crcspin est identique à d'impression, c'est que. quelques li},'nes plus
celui de Hicmsicdc. Malo était natif de bas, ledit, de 1619 revient a» millésime de
Mons. 15(4. La date du 7 janvier est contredite par
(2) Voy. Hist. des Martyrs, t. I, p. 460-466. le récit de Félix Flatter (voy. note ci-des-
(l) Voy. Bùzc, Hist cccUs.. t. I , p. 54. sous tqui indique le 16 janvier.
35
PAVL MVSNIER.

finon par fa mort , confefTgnt vne conoiftre Jefus Chrift, fous prétexte
mefjne d"vn voyage à vne des foires de Lyon
çon. Endoftrine comme ledit
cefte fermeté d'Alen-
& confiance s'achemina iufques à Geneue , où
moururent ces deux Martyrs de Jefus
ayant
rauant aprins ce qu'il
, retourné ignoroit,
à Orléans aupa-
effaya
Chrill, ledit d'Alençon, le jde Januier,
& l'autre le Mardi enfuyuant, lo du d'esbranler
hors de là. faMais
femme pour del'emmener
le nom Geneue
mefme mois, audit an m.d.liv. (i).
eftoit lors fi odieux, à caufe de la reli-
gion &rien
ne peut difcipline
obtenir.d'icelle
Depuis,ville, qu'il
quelques
vns lui ayans mis en tefte de fe retirer
Pavl Mvsnier, d'Orléans (2). à Londres en Angleterre , où il feroit
A quelles plus commodément, fa femme accorda
erpreuves Ce perfonnage, chauderonnier de
'aul fut réduit fon eftat , ayant conu quelque chofe finalement de l'y fuyure, tellement
depuis qu'il des abus de la Papauté & defireux de qu'ils partirent fur la fin de Décem-
»ut la conoif- bre 1550 auec deux petis enfans, &
fance de la fernme enceinte qui acoucha dedans
rr.uangile (i) Le récit, si beau dans sa brièveté, de Londres au mois de Mai enfuyuant
ifques au iour Crespin a été à la fois confirmé et complété
de fa mort. de nos jours par la publication des Mémoires d'vn fils nommé Ifaac. Tandis que le
de Félix Flatter de Basle ( Genève, 1866) , bon Roi Edouard vefcut, cefie famille
qui , étudiant en médecine à Montpellier, fut & les autres illec réfugiées pour la
témoin de ce martyre. Nous y apprenons
quequeGuillaume d'.'Mençon Religion furent Mais
inftruitsla &mort
abondam-
et , le i6 octobre 155?avait étédégradé.
, il fut prêtre, ment confolez. de ce
« C'étoit . n dit Flatter, « un prêtre converti Prince furuenue, ce fut aux poures
qui avoit apporté de Genève des livres , et fidèles à fe retirer viftement. Paul fe
séjournoit depuis longtemps en prison. Re-
vêtu de son costume ecclésiastique, il monta
fauua en grand'hafte auec fa femme &
sur unecérémonies
estrade où etl'évêque étoitdeassis. Après fes trois enfans à Diepe , & de là à
mille la lecture nombreu.x
Rouan en Norrnandie, prétendant fe
passages en latin , ses ornements sacerdo- retirer à Geneue. Là deffus la femme
tau.\ lui furent enlevés et remplacés par des
habits séculiers; on lui rasa la tonsure , on tomba griefuement malade , ce qui mit
lui coupa deux doigts, puis il fut livré à la
Paul en extrême perplexité. Il remonf-
justice séculière qui l'appréhenda sur-le- tre à fa femme, que fi Dieu la retiroit
champ et le ramena dans son cachot. Le
16 de janvier 1Ç54, il fut condamné à mort, du monde, il feroit contraint faire des
et l'après-midi même il fut supplicié. Un chofes contre fa confcience, ou mou-
homme le porta sur ses épaules hors de la
ville, à la place oîi étoit dressé un monceau rir ;que mourant, leurs petis feroyent
de bois. A la suite marchoient deux prison- en merueilleux danger. Ils délibérè-
niers :un tondeur de drap, en chemise, avec rent fur cefte difficulté, que lui mene-
une botte de paille liée derrière le dos , et roit les enfans à Paris en quelque
un homme de condition fort bien accoutré.
Dans leur égarement , tous deux renioient maifon, puis la renuiendroit trouuer.
la vraie foi. Pour d'Alençon , il ne cessoit Que fi elle eftoit decedee, il pourroit
de chanter des psaumes. Arrivé devant le fe retirer fans bruit, & pouruoir à foi
biicher, il se déshabilla lui-même jusqu'à la
chemise, rangea ses vêtements dans un coin
& aux enfans, dont la fille eftoit aagee
de neuf ans , le fils aifné de fept , &
avec autant d'ordre que s'il eût dû les re-
mettre, et, se tournant vers les deux hommes Ifaac le plus petit de trois à quatre
qui vouloient abjurer, il leur adressa des ans. Paul les ayant voiélurez à Paris,
paroles si sérieuses que sur le visage du fe retira en certaine hoftellerie, &
tondeur de drap la sueur couloit en gouttes
de ayant remis fes enfans en garde à la
les la grosseur qui
chanoines d'unfaisoient
pois. Cecercle,
que voyant
montés ,
sur des chevaux ou des mules, lui comman- maiftrelTe du logis, qu'il penfoit eftre
efcarté & propre, la pria de les garder
dèrent de finir. Alors il s'élança d'un air
allègre sur le bûcher et s'assit au milieu. iufques à fon retour au bout de quel-
Par un
une corde; trou pratiqué dans lal'escalier
le bourreau lui mit aupassoit
cou, ques iours. Tandismalade
qu'il retourna vers
lui lia les bras au corps et alluma le bûcher
fa femme , plus que deuant,
après avoir jette dessus les livres apportés cefte hofleffe follicita les trois petis
de Genève. Le martyr restoit paisible, les enfans d'aller auec elle à la melfe ; ce
yeux tournés au ciel. Au moment où le feu
atteignit les livres, le bourreau tira la corde qu'euxlesayant
vers refufé, elle
Procureurs de fela tranfporta
Trinité à
et serra le cou du patient; la tète s'inclina
sur Paris, gens qui ont charge des enfans
plus launpoitrine; seul mouvementdès lors etd'.-\lençon
son corpsne fut
fit
réduit en cendres, n qui n'ont ni père ni mère, ni conoif-
fance ou curateurs; & les auertit de
(2) L'Hist. ccelés., de Th. de Bèze, ne fait
pas mention de ce martyr. Il est absent des ce refus. Eux l'enchargerent que,
éditions publiées du vivant de Crespin. quand le père feroit de retour, elle
LIVRE CINQUIEME.

les en auertit. Il ne fut pas plulloft « le n'irai point ; » il lui dirent :


arriué36au logis, aue, fans lui donner « Nous" t'auons bruflé les pieds, &
nous te briifleronsdonc tout entier. »
loifir de repaiftrc (i) . ces procureurs
vindrent lui demander fi ces enfans « Faites (répliqua-il) voftre volonté
de moi. » Sur ce ils dirent les vns aux
eftoyent à lui , tt s"il leur auoit aprins autres : « 11 eft trop ieune pour eflre
de refufer d'aller à la meffe. Ayant
refpondu conllamment qu'oui , »& fait bruflé : mais il le faut punir d'vn autre
en peu de paroles confeffion de fa foi, fupplice. C'eft un Luthérien & .\nglois
ils le firent mener au grand Chaflelet,
& Quelques iours après remuer (2) au quoué
queue de(1); qu'on
Chien pourluimarque
attache
de vne
fon
petit, où ayant elle examiné à diuerfes obllination. » Auffi toft dit , auffi tort
fois , fentence de mort à eftre bruflé exécuté ; car ils firent amener vn chien
vif lui fut prononcée. Et pour fçauoir qui auoit longue queue laquelle lui fut
s'il conoilToit perfonne dans Paris de coupée , puis appliquée au pauure
fa religion , ils lui baillèrent la quef- Ifaac, auquel ils firent faire vn pertuis
tion fi violente qu'il y rendit l'efprit entre le fondement & l'os du croupion
à Dieu. Son corps fut ictté dedans la auec vn fer ardent. Puis auec emplaf-
L'indigne & riuiere. Les trois enfans furent enfer- tres & medicamens firent fouder la
cruel traite- playe où celte queue de chien demeura
ment fait à fes rez dedans l'enclos de ce lieu nommé
trois enfans , la Trinité, attachée; & quand elle eut prins
nommcment à fort-on que où l'on n'entre ni n'en
par congé des portiers. ferme arreft , le bout de cefle queue
Ifaac Mufnicr Eflans là, les deux plus grans furent
fon fils en traînant en terre par delTus la robe de
de cinq fouettez par tant de fois , que finale-
l'aage ans. l'enfant, les vns « les autres lui mar-
ment pour l'imbécillité de leur aage choyent deffus en le pouffant c% criant :
ils allèrent à la melTe, monftrant tou- a Anglois quoué, à la MelTe, » où il
tesfois alTez que c'efioit par contrainte. fut contraint d'aller quelquefois, à
Ifaac le plus petit fe monftra extraor- caufe des douleurs eftranges que ce
dinairement courageux , & fortifié tourment lui donnoit , & traina celle
d'vne prefence fpeciale de l'efprit de queueSonl'efpace
ron. frère &de fatrente
fœur,moisplus
ou aagez
enui-
Dieu , ne voulant pour menaces ou
coups de verges confentir ni promet- que lui, furent recous (2) finalement.
tre d'aller à la melTe , & refpondant La pauure mcre ayant par plufieurs
en langage Anglois, quand on le me- fois importuné ces procureurs de lui
naçoit de la mort : « Faites de moi
rendre Ifaac, fit tant qu'elle le tira
de celle horrible cauerne ; auquel vne
ce qu'il vous plaira , ie n'irai point. » bonne dame auoit fait arracher cefle
Ne pouuans rien obtenir, encores
qu'ils fe feruilTent de fon frère & de queue. Icelui par la grâce de Dieu
fa fœur pour le faire condefcendre à y furmonta plufieurs nouueauxtourmens,
aller, ayans honte de l'y porter maugré , & en fut guéri, viuant encores en l'an
encores
ils firent qu'ils le peulTent
vn grand faire aifément,
feu, & lièrent ce petit M.D.xcv. qu'il raconta celle notable
hilloire à celui qui l'a couchée par
garfonnet fur vne pièce de bois, laif- efcrit (5). Il faifoit profeffion de
fant paffer fes iambes fur la flamme ;
l'Euangile à Vevay, petite ville apar-
& lui dirent : « Promets d'aller à la tcnant aux Seigneurs de Berne, &
Meffe ; » à quoi il répliqua plufieurs y auoit plufieurs autres tefmoins de
fois : « Non ferai. » Ses pieds furent cefie profonde cicatrice de playe,
tellement endommagez qu'il fut vn an louans noilre Seigneur de fa miferi-
& demi après fans pouuoir fe foufte- corde enuers 1 faac, & detellans l'hor-
nir; à caufe dequoi on ceffa de le
molefter d'auantage durant ce temps. chrift ,riblefauteurs
fureur des fuppolls de l'Ante-
de meurtre & de
Mais en fin ces procureurs , le Curé menfonge.
de S. Eudache, eftant du nombre,
auec certains autres entre lefquels il
s'ell-fouuenu de trois, furnommez le (1) Qui porte une queue. L'ignorance po-
pulaire se représentait les Anglais hiiréti-
Brun, Dachis tSc Pacheuin , affemble- ques avec une queue ou un pied fourchu, ou
rent ces trois enfans «.% interrogucrent quelque autre
renté avec difformité attestant leur pa-
le démon.
Ifaac, s'il perfeueroit en fon refus
(2) Enlevés, repris, de l'ancien verbe res-
courre.
d'aller à la Mede. Ayant refpondu :
()) Probablement Goulart.
(i) Manger.
(2) Transporter.
RICHARD LE FEVRE.

37
^& ^9 ^9

Epi lire de M. lean Caluin, enuoyee de


Gcncuc à Richard le Fcure , conte-
Richard le Fevre, de Rouan (i). nant rejponjc aux argumens que font
les aduerfaires fur les poinas de la
religion Chrejlienne , aucc conjeil &
Il y a dequoi magnifiquement glo- consolation finguUère , comment le
rifier le Nom de Dieu , en ce qu'il fidèlemis je
de ladoit porter deuant les enne-
vérité.
lui a pieu cefte année tirer en la der-
nière luite (2), Richard le Feure,
compagnon orfeure, natif de Rouan, Très cher frère , comme Dieu
lequel (?) auoit eflé auparauant prifon- vous a appelé pour rendre tefmoi-
nier ilenauoit
où la ville de Lyon, maintenu
conftamment l'an m.d.li.la gnage de son Euangile , ne doutez
point auffi qu'il ne vous fortifie par la
vérité de l'Euangile, iufques à rece- vertu de fon Efprit, & comme défia
uoir fentence de mort , de laquelle il a commencé , il ne parface , fe
f'eftant porté pour appelant , ainsi monftrant viftorieux en vous contre
qu'on le menoit à Paris , il fut re- fes ennemis. 11 eft vrai que les triom-
cous (4) fur le chemin de Lion, & ofté phes de lefus Chrift font mefprifez du
des mains de ceux qui le condui- monde ; car cependant que nous fom-
foyent.Et combien qu'il y ail plufieurs mes en opprobre , les mefchans fe
efcrits & confeffions dignes de mé- glorifient en leur orgueil ; mais tant y
moire, faites durant ce premier empri-
fonnement ; neantmoins puis que le a qu'ils ne laiffent point d'eftre confus
par la puiflTance de cefte vérité que
mort ratifie tous les efcrits des Mar- Dieu nous a mis en la bouche, et
tyrs ,& eft à bon droit nommée le auffi nous fommes fouftenus en nos
feau & confirmation d'iceux, nous les cœurs pour nous glorifier contre Sa-
auons paflTez en ce recueil , ayant feu- tan & tous fes fuppofts , en attendant
lement mis pour tout afte dudit em- le iour que la gloire de Dieu fera
prifonnement , vne Epiftre que lors pleinement reuelee à la confufion des
lean Caluin lui efcriuit fur quelques mefchans & incrédules. Ce que vous
points & difficultez que Richard lui
auez fenti & expérimenté iufques au-
auoit propofez , pour eftre (comme il iourd'hui de la bonté de Dieu , vous
mandoit) par lui foulage au combat doit confermer en certaine efperance,
contre les obieélions de fes ennemis
qu'il ne vous defaudra non plus à
vifibles & inuifibles. Or pour confer-
uer ladite Epiftre refponfiue , comme l'auenir; cependant priez-le qu'il vous
face fentir toufiours mieux quel thre-
ainfi foit qu'elle contiene grande éru- for c'eft que la dodrine pour laquelle
dition ,nous l'auons ici mife pour en vous combatez ; afin qu'au regard
faire participans tous fidèles , félon
d'icelle , voftre vie ne foit point pre-
l'ordre ci-delTus mis & obferué es ef- cieufe. Ayez auffi toufiours les yeux
crits de tels excellens perfonnages. leuez en haut , à ce bon Seigneur
lefus , lequel fera voftre garand, puis
que vous n'eftes perfecuté que pour
(i) Richard Le Fèvre . quoique exécuté fon Nom. Penfez à cefte gloire im-
le 7 juillet IÇÎ4, figure déjà dans Tédition mortelle laquelle il nous a acquife,
princcps de Crespin , publiée en cette même
afin de pouuoir endurer en patience
année.
dans lesCette notice,
éditions qui s'est
suivantes, est développée
la dernière les afflidions où vous eftes. Priez ce
de ce premier recueil, dans lequel elle oc-
cupe vingt-deux pages in-i6. bon Dieu continuellement, qu'il vous
(2) Ce donne telle iffuë qu'il a promis à tous
luiclc, est mot , qui ancienne
la forme s'écrivait deaussi
lutte.luittc et
(;) Crespin paraît avoir ignoré, dans sa
les fiens, & félon qu'il a voulu tirer
première voftre foi à l'examen , qu'il vous face
mière édition
arrestation .dece Le
qui Fèvre
concernedont la ilpre-
ne pratiquer la vertu de fes promeffes. Et
parle pas. Tout ce qui suit est absent de comme il eft Père de lumière , qu'il
l'édition princcps, qui ne contient que la vous efclaire tellement, que toutes les
pièce qui commence ainsi : « Comme ce bon
Père , » ( page 51 ) , les deux oraisons qui fumées que les malins vous mettront
suivent et deux courais paragraphes pour au deuant ne vous puilTent esblouir
servir de lien et de conclusion à ces pièces.
(4I Enlevé. les yeux , & que toutes leurs finefl'es
& cautelles ne vous puifl"ent obfcurcir
LIVRE CINQUIEME.

rentcndcmcnt, que toufiours vous ne noftre Seigneur Jefus Chrift, qui nous
contempliez le vrai Soleil de iuflice, purge & laue au facrifice de fa mort,
8
Commcm il qui eftî le vrai Fils de Dieu. Quant eft qui eft noftre fandification. Par ce
faut rcfponJrc j^. refpondre uux Lirgumcns, vous fai- mefme moyen Dieu reçoit pour agréa- Mérites
'"Vy^T"'' "■■« ^'i^'" ^"^ refpondre en toute (impli- blés les bonnes ccuures que nous fai-
cite, parlant félon la mefure de voftre fons
foi : comme il eft efcrit , « J'ai creu , foyentpar fa vertu,
toufiours combien
entachées qu'elles
de quelque
pourtant ie parlerai. » Vrai eft que tou- poureté. Ainfi quiconque fe voudra
tes les fubtilitez qu'ils cuident auoir apuyer fur fes mérites, il fera comme
ne font que fottifes ridicules ; mais
pendu Bref
vents. en l'air,
ceux pour branfler mériter
qui penfent à tous
contentez-vous de ce que Dieu vous
a départi de fa conoifTance, pour ren- aucune chofe fe font Dieu redeuable,
dre pur tofmoignage & fans fcintife à au lieu de quoi il nous faut tenir le
tout de fa pure bonté. Nous fommes
fa vérité.
facent, ce Car
leur quelque rifeevnequ'ils
fera comme en
foudre riches & abondans en mérites eftans
en Jefus Chrift; eftans hors de fa grâce,
à leur confufinn , quand ils n'orront ne penfons point auoir vne goutte
que ce qui eft fondé en Dieu & en fa
parole. Au refte, vous sauez qui eft de bien. Si les ennemis vous allè-
celui qui a promis de donner bouche
r;
guent ce mot decarLoyer
oint troublé, Dieu (1),
rend n'en
aux foyez
fiens Loyer.
& fagefTe aux fiens, à laquelle tous
fes aducrfaires ne pourront relifter ; oyer, combien qu'ils n'en foyent point
demandez-lui qu'il vous conduife félon dignes; mais d'autant qu'il accepte les
qu'il conoiftra cftre bon. Ils ne laifTe- œuures qu'il a mis en eux , les ayant
ront pas pour cela de vous tenir con- confacrez au fang de fon Fils lefus
ueincu d'herefie, mais autant en a-il Chrift, afin que de lA ils prenent leur
efté fait à tous-les Apoftres & Prophè- valeur. Parquoi le loyer que Dieu pro-
tes & à tous les Martyrs. Le Greffier met à fes fidèles prefuppofe la remif-
fion de leurs péchez , (Nt le priuilege
fir, mais finon
n'efcrira voftrece confeffion
qui lui viendra à plai-
ne lailTera
qu'ils ontEtd'eftre
enfans. fupportez
de fait ce mot comme fes
de iuftifier luilitier.
pas d'eftre enregiftree deuant Dieu &
fes Anges , & il la fera profiter aux emporte que Dieu nous tiene comme
iuftes afin de nous aimer, ce que nous
Tiens félon qu'il eft à defircr.
Je toucherai en bricf quelques obtenons par la feule foi, car Icfus
poinds fur lefquels ils ont tafché de Chrift feul eft la caufe de noftre falut.
vous molefter. P<->ur vous donner à Vrai eft que S. laques le prend en laq. 2.
entendre que nous ne sommes point autre fignification , quand il dit, que
Sur la iuriifica- iuftifiez par la feule grâce de Dieu, ils les œuures aident la foi pour nous
lion de la foi. ont allégué que Zacharie & plufieurs iuftifier , car il l'entend pour aprouuer
autres sont nommez iuftes. Or fur cela par effed que nous le fommes ; comme
il vous conuient regarder comment auffi il ne difpute point fur quoi noftre
falut eft fondé, & en quoi il nous faut
Dieu les a acceptez pour tels. S'il fe mettre noftre fiance, mais feulement
trouue que c'cft par fa boivté gratuite,
en leur pardonnant tout ce qui eftcjit comment eft conue la vraye foi, afin
à redire en eux , & ne leur imputant
que nul n'en abufe fe glorifiant en
point leurs fautes <Si vices, voila tout vain du titre feulement. S'ils retour-
le mérite exclud, car, en difantque la noycnt à vous plus importuner fur ce
feule foi en Chrift nous iuftifie, nous
entendons en premier lieu que nous polnd, i'efpere que Dieu vous don-
nera de quoi pour
à l'interceffion de lales vierge Quant
vaincre.Marie l'inicrcef
& Sur salnol".
fommes tous maudits, et qu'il n'y a
que péché en nous, & que nous ne des Sainds trefpaffez, rcuenez tou-
pouuons penfer ne faire aucun bien fi-
non efltant que Dieu nous gouuerne à nous fioursààcefaire
principe que ce n'eft
des Aduocats point
en Para-
par fon faina Efprit, comme membres dis, mais à Dieu, lequel a ordonné
lefus Chrift vn feul pour tous. Item,
du corps de fon Fils. D'auantage, en-
cores que Dieu nous face la grâce de que nos prières doyuent eftre faites en
cheminer en fa crainte, que nous fom- foi et par confequent reiglecs par la
mes bien loin de nous acquitter de parole de Dieu, comme dit faind Paul
Dcui. 17. noftre deuoir. Or il eft efcrit. Que au 10. des Romains. Or ert-il ainfi,
quiconque
eft commandén'accomplira
fera maudit tout ce nous
& aihfi qui qu'en toute la parole de Dieu il n'y a

n'auons autre refuge qu'au fang de (1) Salaire.


RICHARD LE FEVRE.

point vne feule fyllabe de ce qu'ils pour toute ancienneté. Armez-vous V) m.d.liv.
difent, parquoi toutes leurs prières donc de ce feul mot , pour les rame-
fontprophanes&defplaifantes à Dieu.
ner à la pure doftrine de l'Euangile.
S'ils vous répliquent : Qu'il ne nous eft Pource que i'ai vfé de ce terme-la
pas défendu , la refponfe eft facile : contre les Papiftes , ils prenent cou-
Qu'il nous eft défendu de nous ingérer leur de dire que i'approuue & prife
à rien faire de noftre propre fens,
voire en chofe beaucoup moindre, mais ce liure-la. Or , afin que vous n'en
foyez point eftonné , ie vous affeure
furtout : Que l'oraifon eft une chofe qu'il y a vn amas de badinages fi
beaucoup priuilegiee & trop facree
lourds , que les Moines d'auiourd'hui
pour nous y gouuerner en noftre fan- n'efcriroyent point plus fottement.
tafie, qui plus eft, ils ne peuuent nier
Mais pource
fance que n'auez
de la langue point, encores
Latine conoif-
que ce qu'ils ont recours aux Sainds,
moins de la Grecque , en laquelle
ne viene
fus Chrift d'une
feul pure desfiance
ne leur quefuffi-
foit alTes Je-
S. Ignace a efcrit , fi nous auons
fant. Quant à ce qu'ils vont répliquant : quelque chofe de lui à la vérité, vous
Que la charité des Sainds n'eft que
point n'auez que faire d'entrer en cefte dif-
diminuée, la refponfe eft facile, la pute. Contentez-vous de leur refpon-
charité fe renge & limite à ce que dre que ne pouvez faillir en fuyuant
Dieu requiert d'vn chacun. Or il veut Jefus Chrift, qui eft la Lumière du
monde. Quant aux dodeurs anciens ,
que les viuans s'exercent à prier les
vns pour les autres ; des trefpaffez il ceux qui font plus exercitez leur en
n'en eft nulle mention, & en fi grandes pourront dire affez pour leur clorre la
chofes, il ne nous faut rien imaginer
de noftre cerueau , mais nous tenir à bouche;foique
vraye ce vousen foit
affeuree la affez
feule d'auoir
parole
ce qui nous eft récité en l'Efcriture. de Jefus Chrift , lequel ne peut faillir
PaiTage de QvANT à ce que les aduerfaires ni mentir. Et mefme que c'eft où les
renuoyent tous les Dodeurs anciens,
Genefc^48. allèguent, qu'il eft dit en Genefe, proteftans de ne vouloir eftre creus ,
fi"? '1" ■ qyg ]g „Qf^ d'Abraham & Ifaac doit
eftre inuoqué après leur trefpas , vrai finon entant que leur dire fera trouué
conforme à ce qui nous eft enfeigné
eft que le texte le porte ; mais c'eft
vne pure moquerie de l'amener à ce de Dieu , & qui eft contenu en fa pa-
role.
propos. Cela eft efcrit au quarante-
huitiefme de Genefe, où il eft dit que SvR la matière du Sacrement de la Sur la tranf-
Jacob, benin"ant Ephraim & Manaflfé, , quand ils vous ,parleront
Cene Tranffubftantiation de fubftantiation.
fils de Jofeph , prie Dieu que les leur il y a ref-
noms de fes pères Abraham & Ifaac ponfe propre : Que toutes ces fenten-
& le fien foyent inuoquez fur ces cès qu'ils ameinent , encores qu'elles
deux enfans, com.me fur les chefs des deufl'ent eftre entendues à leur fens ,
lignées defcendantes de lui. Or, c'eft ne fe peuuent appliquer à la Meffe.
Car comme il eft dit : « Ceci eft mon
autant comme s'il difoit qu'ils foyent
reputez & contez au nombre des corps & mon fang, » il eft auffi quand
douze lignées , & qu'ils facent deux & quand adioufté : « Prenez, mangez
teftes comme s'ils eftoyent fes enfans & beuuez tous de ce calice. » Or, en-
en premier tre eux, il n'en y a qu'vn qui mange
eftoyent naisdegré.
en Egypte les qu'ils
auffi
Joind, il loinft
par fa prière au lignage que Dieu tout,
donnent & encores
que la àmoitié
Pafques, ils n'en;
au peuple
auoit bénit & fandifié, pource que de mais il y a encores plus grand mal,
ce temps-la ils en eftoyent comme fe- qu'au lieu que Jefus Chrift dit: Pre-
parez l'apparence
félonfaçon nez ;ils prefument de faire vn facri-
Ainfi cefte de parler extérieure.
ne fignifie fice, qui doit eftre vnique & perpétuel.
finon de porter le nom d'Abraham & Et ainfi pour s'aider de ces paroles,
d'eftre reclamez de fon lignage, comme il faudroit qu'ils euffent l'vsage de la
il eft
le nom au quatriefme
dit du d'Efaie fur
mari eft reclamé : Quela Cène, ce qu'ils n'ont pas. Au reste,
vous auez toufiours à protefter , que
femme, d'autant que la femme eft fous vous ne niez pas que Jefus Chrift ne
l'ombre & conduite de fon mari. nous donne fon corps, moyennant que
nous le cerchions au ciel. Sur toutes
PafTage de SvR ce qu'on vous allègue fainél
S. Ignace. Ignace , vous n'auez point à faire les cauillations (i) qu'ils vous pour-
grande refponfe. Il y a vne fentence
là où il dit : Que Jefus Chrift lui eft (I) Mauvaises chicanes.
LIVRE CINQUIEME.

tre bon Dieu, qui nous a Aiit la grâce


royent amener, vous n'auez finon à de nous conioindre totalement auec
leur déclarer
0 ce que vous avez veu &
4
oui , fâchant bien que c'efl Dieu de fon fer
Fils,
& tous& les que iniques
tous les du
diables
monded'en-
ne
qui vous le tenez, car noftre foi feroit
bien mait;re fi elle eftoit fondée fur nous en peuuent feparer. Efiouyffez-
les hommes. Il n"y a continuellement
donc rien meil- vous en ce que vous fouftcnez fa que-
leur, finon de méditer relle en bonne confcience, espérant
la dodrine ou gi(l la vraye fubflance de qu'il vous donnera la force pour por-
noftrc Chreftienté, afin qu'en temps ter ce qui lui plaira que vous fouffriez.
& lieu vous puiffiez monrtrer que vous Nous auons telle fouuenance de vous
n'auez point creu en vain. Et comme en nos prières comme nous deuons ,
i'ai dit du commencement , fi les en- en
nemis de vérité combatent par ambi- lui afuppliant ce employer
pieu vous bon Dieu,à puis qu'il
maintenir
tion, de voftre part monrtrez qu'il vous fa
fuffit de donner },'loire à Dieu, contre eft vérité, qu'ilà vous
necelTaire donne tant
vji office touthonora-
ce qui
leurs rufes & fophirteries. Contentez- ble, qu'il vous fortifie en vraye perfe-
La fimplc vous d'auoir pour voflre bouclier vne uerance , qu'il vous donne vraye pru-
confcflion de fimple confeffion de ce que Dieu a dence fpirituelle pour ne cercher finon
ce qui cil au imprimé en voftre cœur. Tant moins l'auancement de fon nom fans auoir
cœur cil le vous faut-il tourmenter, s'ils vsent de
bouclier des calomnies impudentes contre moi ou efgard ment
à vous, & qu'il fe monftre
voftre protedeur, telle-
que vous le
fidèles. fentiez à voftre confolation, & que les
contre d'autres, puis qu'ils ont licence
de mefdire fans raifon ne propos. Por- autres auffi l'aperçoyuent pour élire
tons patiemment tous les opprobres édifiez. Tous les frères de pardeça vous
& vilenies qu'ils nous ietteront deffus, faluent en noftre Seigneur, s'efiouyf-
car nous ne fommes pas meilleurs que
fans de ce qu'il a befongné fi puil*-
S. Paul, qui difoit qu'il nous faut che- fanimcnt en vous, ayans auffi compaf-
miner par biafmes & par vitupères. fion fraternelle de voftre captiuité, &
Moyennant que nous facions ce qui défirent qu'il plaife à ce Don Dieu
eft bon , quand on dira mal de nous, defployer fa bonté & merci fur vous.
c'eft affez pour nous defcharger. Mais De Geneue, ce dix-neufiefme de Jan-
encore quand ils nous impofent telles uier M.D.Li.
calomnies nous auons bien à rendre Voftre frère en noftre Seigneur,
grâces à Dieu , quand nous auons Iean Calvin (i).
nodre confciencc pure deuant lui &
deuant les hommes, & que nous som-
mes hors de toute fufpicion mauuaife. TovcHANT
Conseil contre nement fécond l'hiftoire de l'emprifon-
en la ville de Greno-
les mcdifances Et d'autre part , combien que nous
des ennemis. foyons poures pécheurs , fi pleins de ble, l'examen de ceux de la iustice &
poureté, que nous auons à en gémir fes refponfes, & toute la procédure
laquelle finalement a efté couronnée
continuellement : toutefois qu'il ne
permette aux mefchans de mefdire de de la mort qu'il endura trefconftante
nous, finon en mentant, voire pour les en la ville de Lyon, il l'a defcrite am-
condamner de leur propre bouche , plement parles efcrits qui fenfuyucnt.
d'auoir controuué de nous ce qu'ils ne
doyuent point cercher loin , d'autant Aux fidèles de l'Eglife de Dieu.
qu'il eft en eux. Glorifions-nous donc
en la grâce de Dieu , auec toute hu- Treschers frères & amis en noftre
milité, quand nous voyons que ces po- Seigneur Jefus Chrift, ne foyez efton-
ures mal heureux , comme yurongnes, nez fi derechef me voyez en captiuité,
fe glorifient en leur turpitude. S'il confiderans que le Seigneur ne m'a
vous fait mal de les ouyr detrader point encore ordonné de repos en ce
ainfi frauduleufement de moi , vous
deuez eftre bien plus marri de les monde, félon qu'il me l'a fait fentir ,
ouyr blafphemer contre noftre Sau- & plus du
deliuré abondamment depuis
péril de mort, it dequ'il m'a
la main
ueur i^' Maiftre, auquel tout honneur
des ennemis que fort bien conoift"ez.
apartient , quand auec toute l'inno- & par expérience ie l'ai mieux conu
cence qui fera en nous, nous fomines
en diuers aft'auts que Satan m'a faits,
dignes
funon. d'cftrc accablez en toute con-
(i) Calmni Opéra, l. XIV, col. iB. Lettres
Or cependant confolez-vous en L\y
nof- françùises, l. I, p. )i6.

:f LIBRARY j]
RICHARD LE FEVRE.

qui m'ont eflé comme monftres (i) <^ ligion & foi Chrétienne , & pour me m.d.liv.
préparations de nouuelles guerres. réduire à leurs impietez, pource qu'ils
AulTi le Seigneur Jefus ne nous pro- fauoyent Iceux
bien que
met point en ce monde auoir paix, Geneue. donc i'auoi demouré
ont efié la caufeà
ou pour le moins guère de treues , de foliciter le Preuoft des Maref-
combien que ie l'eulTe volontiers fou- chaux (1) du pays de Dauphiné, ce-
haité. Et mefme il n'a point tenu à pendant que ie m'eftoi retiré au logis.
Lequel enuiron dix ou onze heures de
m"emp!oyer de tout mon pouuoir à nuià me vint appréhender & lier de
cercher les moyens de tranquillité;
Pf. 120. mais (comme dit Dauid) quand ie la cordes, me menant (à caufe qu'il ef-
fouhaitoi, la guerre fe prefentoit. Et toit nuicS) à la nommé
chambrela d'vn des gens
dudit Preuoft Branche, afin
qui plus eft, i'ai efté tellement fe-
coux (2) , que le plus fouuent fuis
tombé par terre , & comme eftourdi , que le lendemain ie fuft"e enferré en 41
ne fâchant de quel coflé ie me deuoi quelque prifon.
fu prefenté Ce qu'eftant
par deuant le lugefait,
de ceie
Preuoft des Marefchaux , lequel me
tourner; que fi le Seigneur n'euft eu
pitié de moi, l'y euflTe incontinent efté fit incontinent
où ie demouraimettre aux douze
enuiron baffes foft'es
iours
accablé.
rations , Or i'efpere lequebon
enfemble ces iugement
confide-
auec deux brigands qu'on deualoit le
fpirituel que le Seigneur Dieu vous a foir, qui me faifoyent grande fafcherie
donné, ne vous permettra point tom- par leurs mefchans propos; dont plu-
ber en vaines fpeculations, pour igno- fieurs honneftes perfonnages prifon-
rer la prouidence de Dieu & fon con- niers conoifl'ans mon afflidion , folici-
feil éternel, lequel feul a conduit le terent le Capitaine à ce que ie fuffe
tout iufques ici, efperant que l'ilTue oui, afin qu'après mon audience i'euflfe
fera à la gloire de fon nom , à l'édifi- la commodité & bénéfice de l'air , &
le Capitaine ayant entendu ma mifere,
comme cationdéfia
de l'Eglife&à ma confolation,
le commencement en a fit toute diligence de foliciter le luge
efté à l'édification de plufieursqui ont du Preuoft, lequel Juge ne voulant
La prifon de efié prefens à mon examen de Greno- ouyr ne prendre aucune charge de
Grenoble. ble , tant de ceux de la iuftice & des
m'interroguer, me remit deuant le 'Vi-
prifonniers de Porte-troine {]), qu'auffi bailli
moi. (2),
voulut auffi pour ce que
prendre l'Euefque
aucune ne
charge de
de gens craignans Dieu, & autres frè-
res, lesquels en pourront rendre fuf-
fifant tefmoignage , tant de mon exa- A l'occafion de quoi le premier Premier
men que des differens & propofitions iour de ma captiuité fu pourmené par examen de
contenues en mon procès. Et combien Richard,
que ce feroit chofe prolixe à reciter, la ville, prifon en
& de enuoya autre. En la
fin le Vi-bailli vn de fes aduo-
à caufe de la trop longue procédure, cats et affelTeurs, dedans la prifon de
toutefois, puischofe,
que leeftimant
defirez, que
l'en ne
reci- Porte-troine pour m'examiner auec le
terai aucune le Greffier, où, en la prefence de plu-
requérez par curiofité, mais feulement fieurs frères, ie fus examiné tant de
mon nom & furnom que du lieu de ma
pour l'édification de l'Eglife.
'Vovs fauez affez, trefchers frères, natiuité ; d'où ie venoi & où i'alloi, &
comme nous fommes expofez fouuen- que i'attendoi en la ville, enfemble de
tefois à voir & ouyr diffamer l'honneur la caufe de ma captiuité, de ines li-
de Dieu, & pour cela fuis-ie auancé ures &logis.
mon des propos que i'auoi tenus en
à défendre ia vérité félon le moyen
que Dieu m'a donné, d'autant mefme Or ayant
que par folicitations on me vouloit inci- à cela, ie furefpondu
derechefaft'ez amplement
examiné afla-
ter à accorder aucunes fuperftitions
uoir fi ie croyoi en l'Eglife Romaine.
qui eftoyent pour me diuertir de la re- R. Il Que non, mais que ie» croi
vniverfelle & catholique. D. « l'Eglise
Quelle

(l'i Action de montrer. eft cette Eglife catholique?» R. «C'eft


(2) Secoué ran"emblee des Chreftiens. » D. « Qui
(;) La Porte-Troine a existé à Grenoble eft cefte affemblee & comme elle eft .■' »
jusqu'à la fin du dix-huitième siècle , ainsi R. « Ce font ceux que Dieu a eUeus
que la prison civile qui y était annexée. Dé- pour eftre membres de fon Fils Jefus
molie à la même époque que la Porte-
Troine , cette prison a été transférée à la
conciergerie du palais de justice, et dès lors (i) Voy. la note de la page 26.
a porté le nom de prison de la Conciergerie.
(2) Vice-bailli.
LIVRE CINQUIEME.

Chrift qui en eft le chef. » D. « Où Aduocat . me follicitant derechef &


efl-ellc me tenant de près, me menaça disant :
42 , A comment la conoift-on ? »
R. .' Elle efl efpandue par le monde, Que fi ie ne refpon, il me fera bien
& en divers lieux & pays , & efl co- refpondre par force. Auquel ie di, que
nuë par le régime & gouuernement ce ne feroit point donc par iuftice, &
fpirituel de la parole de Dieu , & des quant
fainds Sacremens que Jefus Chrift lui pondu ,à comme
l'interrogat queencore
ie croi i'auoi , ref-
que
a laiflTé & ordonné , comme plufieurs
ceux
che à quiGeneue tienent, Laufanne.
la religion qu'on pref-
Berne, &
villes & pays en ont la police. »
en autres telles villes, font Chreftiens,
D. " Si
fanne, le croi
Berne qu'à Geneue,
& autres Lau-il
telles villes, mais quant eft de tous ceux qui fe re-
y ait plus vraye & catholique Eglife tirent de l'Eglife Romaine, plufieurs
que la fainde Eglife Romaine. » y en a qui font ou Atheiftes, Liber-
tins ou Anabaptiftcs et autres, lefquels
R. « Qu'oui , d'autant qu'elles en
portent les marques & enfeignes. » combien qu'ils fe foyent retirez de
D. « Quelle différence il y a entre la telle Babylonc , ne font pas pourtant
Romaine i.% celle des villes fufdites. »
l'Eglife de lefus Chrift fe laiffans gou-
R. (< La différence eft , que celle de uerner par icelle. A quoi ledit Aduo-
Rome eftgouuernee par traditions hu- cat me dit, au récit de tels furnommez
maines, &l'autre au contraire eft gou- hérétiques, que ie les conoiffoi bien.
uernee par la feule parole & ordon- Et ie lui fi refponfe que voirement ie
nance de Dieu. » D. « Où ie fu les conoiffoi bien (Dieu merci) pour
premièrement inftruit en cefte doc- m'en fauoir garder, car ie defire de
trine. »R. « En Angleterre en la ville demourer en la vraye dodrine de
de Londres, & dès ma ieuncffe ai efté
inftruit par les faindes Efcriturcs. » l'Eglife de Jefus Chrift, dont l'Aduo-
cat dit : mais de l'Antechrift. Interro-
D. « Depuis combien de temps i'ai gué fi ie veux demeurer en telle doc-
demeuré à Geneue. » R. « Depuis trine reprouuee&damnable, refpondi :
dix ans ou enuiron. » D. « Si ie croi
que la vierge Marie foitaduocate des " Que la dodrine que ie tien n'eft re-
prouuee ne damnable , ains Chref-
pécheurs. » R. " le croi à ce que les tienne & fainde. Et pourtant ic defire,
faindes Efcriturcs en rendent tefmoi- tant que Dieu me fera la grâce de
gnage, affauoir que Jefus Chrift eft le
l'inuoquer, & iufques au dernier fouf-
feul Médiateur & aduocat des pé- pir de ma vie, y demourer & perfe-
cheurs, & quant à la vierge Marie, uerer. » Sur ce ledit Aduocat dit que
u'elle eft bien-heureufe, & n'a office i'eftoi bien obftiné. Et voyant qu'il
'aduocate. d D. n Si auffi les Sainds eftoit tard, dit qu'il faloit referuer le
qui font en paradis n'ont nulle puif- refte après difner, me faifant ledure
fance de prier pour nous. » R. " Non, du contenu des interrogats & refpon-
mais ie croi qu'eftans bien-heureux ils fes que le Greffier auoit de mot à mot
fe contentent de iouyr de la grâce que efcrites. Lefquelles après me firent
Dieu leur a faite, d'eftre membres de figner, & requis audit Aduocat me
fon Fils lefus Chrift, duquel mainte- donner la commodité naturelle de
nant ils iouyffent en adions de grâces,
l'air, ce qu'il m'ottroya , dont plu-
fans vfurper ce faind et facré office fieurs de la prifon furent ioyeux , fi
que Dieu a donné feulement à fon
Fils bicn-aimé lefus Chrift. » D. « Si que le Capitaine me lain"a en la com-
ie ne croi point que ceux qui tienent rentpagnie de plufieurs
refedionner frères confolation.
en toute , qui me fi-

la religion de l'Eglife Romaine foyent Vne heure après midi, le Vi-bailli


Chreftiens. «> R. « Que non, ains font me manda quenr au bailliage, où ie fu
infidèles. » D. " Pourquoi ? » R. " Elle de Richard
conduit par le Capitaine , & prefenté Caufe de l'er
prifonncmcn
ne fe gouuerne point félon la parole de deuant ledit Vi-bnilli & plufieurs
Dieu , mais pluftoft bataille entière- Aduocats, enfemble vn Cordelier. Et
ment à rencontre. » D. « Si ie croi là derechef ie fus examiné des propos
que tous ceux qui fe retirent de tenus en mon logis , & fpecialement
I Eglife Romaine font Chreftiens. »
R. • Que ie ne doi refpondre que de fur les propos d'auoir reprins l'hofte
ma foi & ce de quoi le fuis chargé, & l'hoftelTe de ce que leur enfant n'ef-
toit inftruit autrement A prier Dieu à
me contentant de refpondre pour moi, la table. Ce que i'auoi veu & oui ,
car vn chacun portera fon fardeau , auoir efté caufe que leur auoi remonf-
Cal. 6. ainfi que dit faind Paul. » Dont ledit tré ce que nous deuons prier & com-
45
RICHARD LE FEVRE.

ment, dont ledit hofte & hofleffe m'ac- gage les Euangeliftes
cuferent en renuerfant tout , au re- complilfement de celleinterpretans l'ac-
prophétie eftre m.d.liv.
bours de la vérité. Et à cefte caufe ie en Jefus Chrift, ne font nullement
n'acceptai lefdits propos en la manière mention que ces perfonnes ainfi prians
que le Vi-bailli me les declaroit, mais ne l'entendilTent bien. Mais fur tout
ie lui recitai comment & à quelle
fin ie leur auoi remonftré : aflfauoir que fainél Paul, parlant par l'Efprit de
Dieu, a baillé fuffifante reigle & inf- Reigle des
I. Cor. 14. tous les Chreftiens doyuent prier en trudion générale des prières pour tous prières
langage entendu & de cœur, félon
deuoir eftre Chrert.ennes.
qu'il nous eft apertement enfeigné par en langage difant
Chreftiens, entenduicelles
& ce pour édifi-
la parole de Dieu , & ce afin que le cation, dont ie me contente, fans vou-
prochain en puilTe receuoir édification. loir curieufement difputer par fubtili-
Auffi que la forme de prier en langage tez & philofophies. Le Cordelier me
eftrange eftoit venue & introduite par
fuperftition , laquelle regnoit encores dit, que ie n'eftois fuffifant pour inter-
préter les fainéles Efcritures, attendu
pour le iourd'hui au monde en grande que ie n'entendoi la langue Latine, -
ignorance. Le Cordelier, oyant mon pource que, fermonnant en Latin, ie
propos, demanda permiffion de parler. requis qu'il ne me parlaft autre langue
Il me fit longue remonftrance de leur
que la miene, et qu'il n'eftoit befoin
Harangue Benedicitc , Agimiis tibi grattas, Laus me parler en Latin. Derechef me fer- Deuxiefme
^uis , requics defunclis , & monna, remonftrant des Conciles & examen,
monaSè. autres^ P^-^
-D^'^ ie ne fçai quelles prières, & des JDodeurs, auec ie ne fçai quelles
que Dieu entend tous langages & allégations qui contentoyent le Vi-
que l'Eglife Romaine auoit tenu la bailli , lequel , voulant pourfuyure à
forme de l'Eglife ancienne des Doc- l'examen des propos que mes accufa-
teurs anciens qui auoient prié en La- teurs auoyent produits, qui tendoyent
à diffamation de la perfonne du Roi ,
tin ,& qu'il s'enfuyuroit fi autrement
eftoit , qu'il ne feroit befoin de prier & fedition , au mefpris de la vierge
finon en François, adiouftant plufieurs
Marie & des Sainds, & d'inobedience
autres chofes qui feroyent longues à aux Princes & Rois , fur quoi fu de-
reciter. Le tout oui, ie requis d'eftre rechef examiné de tous les fufdits arti-
efcouté, & que mes refponfes fuftent cles, & fi refponfe, déclarant félon que
efcrites. Cela m'eftant permis, ie ref- les auoi dit & à quelle fin mes accu-
pondi : Que ie ne nie point ni ne fateurs
veux dire que prier en langue Latine, corder. m'auoyent follicité à les ac-
Hébraïque, Grecque ou autre foit mal Apres ie fus examiné par le Vi-
bailli , fi ie croi en la fainéle hoftie
fait
doit , eftre
mais faite
qu'enen compagnie la prière
langage entendu de ■que le Preftre confacre. Refp. « Que
tous pour édifier, comme fainft Paul ie ne croi ni en telle hoftie, ne confe-
crations. » D. « Pourquoi ie ne veux
en inftruit l'Eglife de Corinthe. Sur-
quoi le Cordelier recommença à faire croire au fainft facrement de l'autel ,
vn fermon, & fous cefte matière amena que Jefus a ordonné. » R. « Je croi Des Sacre-
ie ne fçai quelle fubtilité & philofo- les fainds facremens que Jefus Chrift mens,
phie de l'ordre des prières & louan- a inftituez, & que c'eft mon falut que
ges de l'Eglife, faifant feruir ce que ie defire maintenir iufques à la mort. »
recitent les Euangeliftes, de ceux qui, D. « Si ie n'ai creu autrefois à la
à l'entrée de nofire Seigneur lefus en Meffe. « R. « Que iamais n'y fus inf-
lerufalem, crioyent, Oj'iana Filio Da- truit,
Melfe,& ninedefceu iamais
telles que c'eft à mais
confecrations, dire
uid, diftinguant les mots, & les inter-
prétant, que ceux qui rendoyent telles que du S. Sacrement de la Cène de
louanges à Jefus Chrift n'entendoyent noftre Seigneur, ie croi qu'en y com-
point le langage ,_ comme fainft Hie- muniquant en foi & charité , telle
rome l'a interprété. Auquel refpondi, que S. Paul la defcrit aux Cor. 11,
que faind Hierome pouuoit bien auoir nous fommes nourris fpirituellement
efcrit que ceux qui rendoyent telles du corps & fang de noftre Seigneur
.louanges à noftre Seigneur lefus à fon Jefus, qui eft la vraye viande & le vrai
entrée, n'entendoyent pas la fignifica- de nos C'eft
âmes.comme
tion & fubftance de telles louanges & breuuage
le fpirituel
vrai autel où ie me repofe,
prières, attendu que c'eftoit comme l'Apoftre l'expcfe au 1 3 des Hebrieux,
vne prophétie de laquelle Dauid auoit & ne conoi autre Sacrement ni autre
parlé au Pfeaume u8, mais du lan- autel que celui-là. » D. " Si au Sa-
44 LIVRE CINQUIEME.

crement Jefus ChriA n'a pas dit : qu'il y ait autre moyen, & fi, après Troifiefme
Ceci efl mon corps , ceci eft mon
De la MciTc. fang, faites ceci en mémoire de moi, cefte vie, il n'y
faut demourcr iufquesà fatisfadion. »a pas vn lieu où il examen,
tV pourquoi ie ne croi en la MelTe. » R. ■< Que non, & ne croi finon la feule
R. (1 Que ic croi à ce que Jefus Chrift & fuffifante purgation que Jefus Chrift
a dit « promis par fon Euangile, a faite par le facrifice de fon fang, qui
comme ie l'ai défia confefTé & fait ef- eft le lauemcnt tSt purgation de nos
crire, mais que de MelTe iamais n'y ai péchez.
ertii inftruit. « Le Cordelier m'allégua Latin la » fimilitude L'vn des Moines me dit
qui eft au i8 en
de
le II chapitre des Corint., & appli- faind Matthieu, de celui qui ne vou-
quant ce qui efl efcrit au 6 de faind lut quitter la dette à fon compagnon,
Jean, où il eft dit : « Ma chair eft vraye- mais le Vi-bailli lui dit que nullement
ment viande, » & ce qui s'enfuit, & que on ne me parlaft en Latin , pour ce
les Do(fteurs anciens de i'Eglife l'ont que ie n'y refpondoi. Or le Cordelier
décidé aux Conciles : Que la Mefte me parla de la fimilitude, enfemble de
eft vne fainde mémoire de la mort & plufieurs matières, difant : Que Jefus
paffion de noftre Seigneur Jefus Chrift. Chrift quelquefois auoit parlé par fi-
Je lui refpondi, que ie croi fermement militudes, & toutefois il y a certaine
que le Sacrement de la Ccne eft vne fignification , comme celle où il dit :
fainde mémoire & adion de grâces de
la mort & paffion de noftre Seigneur • Qu'on ne partira point iamais qu'on
Jefus Chrift , ainfi que faind Paul le ainfi n'ait payé (a dernière maille, & par
il s'entend qu'il y a vn lieu
remonftre en l'onziefme chap. de la moyen où il faut faire fatisfadion. A
première aux Corinthiens, & que l'ef- quoi ie lui respondi : « Que quant à
preuue & la dignité qu'il defire , c'eft moi ie m'arrefte entièrement à la feule
(Sr fuffifante fatisfadion du facrifice de
d'auoir vraye repentance de fes fautes
& péchez, auoir vnion , concorde & la mort de lefus Chrift et aux promef-
charité fraternelle auec fes prochains, fes de fon Euangile, où il nous pro-
auoir ferme foi en la mifericorde de met vn plein & parfait repos, comme
Dieu, acceptant le mérite de la mort au chapitre 1 1 de S. Matthieu, où il
& paffion de fon Fils Jefus Chrift, nous appelle, difant : " Venez à moi,
pour la remiffion des péchez, qui s'eft vous tous qui trauaillez, & vous aurez
donné pour nous à la mort, nous laif- repos en vos âmes. » Au lo de faind
fant pour tefmoignages & féaux ce Jean : » le fuis l'huis, fi aucun entre
faind facrement de la Cène , comme par moi il fera fauué. » Jean 1 1 & 14.
vn gage & anneau des promelTes con- « le fuis la voye , la vérité, la vie. »
tenues en fon Euangile, qui eft la par- Auffi des morts , faind lean dit en
faite nourriture de nos âmes. Cela
l'Apocalypfe, heureux fontchapitre
les morts14 :qui
« Que bien-
meurent
croi-ie que c'eft la dignité que faind
Paul enfeigne, lequel ne donne autre en noftre Seigneur, car ils fe repofent
inftrudion, ni auffi Jefus Chrift, & que de leurs labeurs. » Et au brigand aui
ce qu'il commande à fes difciples, «x à fut crucifié auprès de Jefus Chrift, lui
toute I'Eglife, difant : << Prenez, man- eft promis le royaume de paradis le
gez, faites ceci en mémoire de moi, » iour mefme , fans autre moyen. Et
n'eft point off'rir ne facrifier, car il ne quant à laautre fimilitude
parle ni d'offrir, ni de facrifier, mais de ne fignifie chofe qu'amenez,
que, fi nous ellene
communiquer en mémoire de fa paf- pardonnons à nos prochains, Dieu ne
fion. Lefquelles chofes ie fi efcrirc nous pardonnera point , comme le
auec lefditcs refponfes, que le Vi- commencement de la fimilitude parle
bailli me fit figner. Et à caufe qu'il du pardon A reconciliation. » Le Cor-
eftoit fort tard, fus renuoyé aux pri- delier ne me voulant laifl"er dire , le
fons de Portc-troine par le Capitame. Vi-bailli lui fignifia de me laiffer ref-
Environ huit iours après , le Vi- pondrc, iS; dire tout ce que ie voudroi,
bailli me manda à fon logis, où cf- it qu'il me vouloit entièrement ouyr.
toycnt aucuns perfonnages auec quel-
ques Jacopins, & le Cordelier fufdit. Là vn lacopin rcfpondit qu'il s'en-
Et derechef fus examiné par le Vi- fuyuroit
roit ne Purgatoireà mes refponfes, qu'il, n'y
ne Limbe qui au-,
efl Le Limbi
chofe toute contraire à la foi , iv que
bailli qui m'interrogua fi ie croi au
Purgatoire. R. <i Je croi que Jefus mefme le Symbole y répugne, comme
Chrift a fait la purgation des péchez à l'article où il eft dit Dcfccndil ad
par fon fang. » D. « Si ie ne croi point
in/crna. El le Vi-bailli m'interrogua
45
RICHARD LE FEVRE.

fl ie ne croi point au Limbe. Refp. Le Cordelier me remonftra comment m.d.liv.


« Que ie ne fçaique lefus Chrift a baillé puiffance à
criture fainAe ne fait c'eft,
nulle &mention
que TEf-
de S. Pierre de lier & deflier , & que le Primauté
Limbe, & qu'auffi ie n'y croi point. » Pape eft fuccefl'eur de Saind Pierre, papale,
Le lacopin me demanda : « Où elloyent
les Pères anciens deuant la mort de vicaire de JefusChrift,
a toufiours efté conduite & enquecefte
l'Eglife
ma-
JefusChrift? » R. (c Ils eftoyent & font nière, ayant vn chef en ce monde,
comme elle a au ciel. Et que fi les
encore en la vie éternelle , qu'ils ont
Pafteurs ne fe gouuernent pas félon
toufiours efperee en faueur de l'al-
liance promife à Adam , Abraham & la parole de Dieu , laquelle ils pref-
les Patriarches. » Le lacopin me re- chent , qu'il ne s'enfuit pas qu'on ne
monftra des Pères anciens & Patriar- doyue receuoir la doélrine , comme
ches ,que Saind Paul expofe de la Jefus Chrift l'enfeigne en l'Euangile,
vie éternelle, lefus Chrift auoir eflé Matth. 23. & plus amplement me
remonftra. R. « Que quand le Pape
premier, ce qu'il nomma en Latin,
puis l'expofa en François , difant : & fes fuppofts prefcheront fidèlement
« Cela fignifie Limbe, " d'autant que ie la parole de Dieu , fans inuentions
n'entens Latin. Auffi m'allégua du li- humaines, & fans introduire des loix
ure des Machabees, où il eft fait men-
àmefchamment
leur plaifir,, ieencore
tiendraiqu'ils viuent
la dodrine
tion d'offre pour les trefpalTez. Je lui
de Jefus Chrift, & des pafteurs de
refpondi qu'en tout le vieil Tellament,
il n'eft nulle mention de Limbe, & les l'Eglife; & en telle forte que Jefus
Chrift dit au 23 de Sainft Matthieu :
pulchre &quide parlent
partages la mort,d'enfer
comme & enduJob,
fe-
(( Que les Scribes & Pharifiens font
& de lacob regrettant fon fils , & au- affis fur la chaire de Moyle; faites
tres que le Cordelier a amenez , ne ce qu'ils vous commanderont , & ne
parlent nullement du Limbe , mais de faites point félon leurs œuures. » Mais
la mort & du fepulchre, & d'enfer, il y a bien différence entre eftre affis
qui s'appliquent au trefpas de celle vie. fur la chaire de Moyfe, qui eft la vé-
rité de Dieu, & eftre affis fur la chaire
Quant eft du Purgatoire & de l'of-
frande de Judas Machabee, il ne parle
pas de Purgatoire. Si Judas a retenu de menfonge,
nation & de &toute
fur le fiege d'abomi-
iniquité , comme
la forme des fuperftitions des Payens, Daniel l'a prophetizé, & Saind Paul Dan. 2.
cela ne doit pas eflre imité. Auffi que
de prédit
l'a Dieu, deuoir eftre adorer
fe faifant affis au comme
temple ^ ThelT. 2.
toufiours l'Eglife a tenu lefdits liures Dieu. Et quant à ce que Jefus Chrift
pour Apocryphes. Item que les Pro-
phètes, Jefus Chrift & les Apoftres ne a donné charge à Saind Pierre de
font mention ni de Limbe, ni de Pur- lier & deflier , il lui a auffi limité fa
gatoire, mais que le fang de Chrift eft charge & fon office, en difant : h Pref-
la vraye purgation. Le Vi-bailli, en chez l'Euangile; comme mon Père
m'interroguant, me demanda fi abfolu- m'a enuoyé , ainfi ie vous enuoye. » Ce
que Saind Pierre & fes compagnons
ment ie croi qu'il n'y ait ni Limbe ni
Purgatoire, ni nul moyen entre la vie ont bien entendu , quand lui-mefme
éternelle & ce monde. R. « Que
efcrit aux Pafteurs de l'Eglife , qu'ils
non. » n'auancent point en l'Eglife autre
Du Pape. D. « Si ie croi pas que le Pape ait doftrine que la pure & fimple parole
aucune puilTance. » R. « Oui. » de Dieu , qui font les liens pour lier
D. « Si ie croi pas que le Pape ait & deflier, & les clefs du Royaume
des cieux ; & non pas de mettre &
puiffance
de lefus d'abfoudre
Chrift. » comme vicaire»
R. « Non. imposer loix fur les confciences, autres
D. « Comment donc i'enten celle que la Loi de Dieu , lequel ne veut
puiffance du Pape. » R. « Celle que qu'on adioufte ou diminue à fa parole,
& au contraire, le Pape impofe loix &
l'Apoftre S. Paul déclare en la féconde
Epiftre aux Theffaloniciens ; affauoir
inuentions à plaifir.
autre doftrine que la Auffi
parolel'Eglife
de Dieu,n'a
que , pource que le monde n'a voulu comme ilapert en S. Jean 8. 10. & 18,
receuoir l'amour de vérité pour eftre
fauué , Dieu a donné efficace d'abu- & en la 2. Epiftre de faind lean. Sem-
fion à Satan & fes fuppofts, à ce que blablement l'Eglifeoune bonne
dépendviepoint
le monde foit abreuué de menfonge & de la mefchante des
d'erreur, & qu'il ait des Pafteurs tels hommes ; mais (comme dit S. Paul)
elle eft fondée au confeil de Dieu, &
qu'il les demande & qu'il les mérite. »
LIVRE CINQUIEME.

en fa parole , édifice fur la dodrine reconciliation fraternelle, que Jefus


6
des 4Prophètes & des Apoftres, dont Chrift cSi fes Apoftres nous recomman-
Jcfus Chrill cft la maillrelfe pierre. dent tant foigneufement. » Le Corde-
Ephef. 2. Laquelle auffi n'a point deux lier me demanda 11 ie n'ai point veu ce
clefs
terre,, mais
l'vne tant
aux feulement
cieux , & vne.
l'autre en
Jefus que lel'us enfeigne en l'Euangile , de
la confenion au preftre , commandant
Chrifl feul ell fullifant pour elle &' aux au ladre (1), qui auoit efté guéri : «Va,
cieux & en terre , félon que Saind monftre toi au Sacrificateur. » Ce que
Paul le déclare en plufieurs palTages les dodeurs anciens & les Conciles
de fes Epiftres.» A quoi le Cordelier ont tenu, au
& l'Eglife
me fit vne autre remonllrance de l'in- confelTer Preftre. commande
Or, après de fe
auoir
terprétation deS. Paul, tt que ie ne entendu fa longue remonftrance, ie lui
l'entendoi point, & qu'il auoit veu à di que l'Eglife de noftre Seigneur
Rome le Pape prefcher ; & que i'en Jefus n'a iamais tenu ccft ordre de
parloi paralFedion, c^ que les Dodeurs confeffion auriculaire au Preftre ou
anciens auoyent interprété les faindes Sacrificateur. Que fi la Romaine tient
Efcritures iS fainds Conciles; & plus
vn tel ordre, il ne s'enfuit pas qu'il
longuement me remonftra. foit bon, car l'Eglife de Jefus Chrift
Mais le Vi-bailli , voulant pour-
fuyure, me dit que ie ne deuois eflre eft dupoint
n'a ladreefté
queinftruite à cela. Etguérit
noftre Seigneur quant ,
ainfi obdiné, à quoi ie lui di que ne
il n'eft mandé
pasde confefler
efcrit qu'il
feslui péchez
ait com-à
pouuoi autrement refpondre. Il m'in-
terrogua, û i'ai efté pnfonnier à Lyon. l'oreille du Sacrificateur ; mais bien
R. « Qu'oui. Il D. « Comment ie fu qu'il fe monftrart , & ce pour tefmoi-
prins & pourquoi ; de la procédure de
gnage à ceux de l'ordre de Sacrifica-
mon procès, de la fin, A quelle fen- ture; afin Sacrificateur
qu'ils conuITcnt
fouuerain eftoitquevenule
tence a efté déclarée, & comment i'en
fuis forti ; qui font ceux qui m'ont pour guérir les maladies : comme il
refcous, pour quelle caufe, & qui les appert auhuitiefmede faind Matthieu,
induifoit à ce faire. » R. « Que ie fu au premier de faind Marc , & cin-
prins pour aller voir vn prifonnier, & quicfme de faind Luc. Dauid nous
ce qu'on me chargeoit elloit pour la inftriiit afl"ez comment il nous faut
foi, laquelle ie tien de l'Euangile de confeft"er nos péchez à vn feul Dieu,
Jefus Chrill. Or, ayant protefté d'appe- comme il appert au 52, & 51, & 106.
ler des iuges de Lyon, ie fu, inconti- Pfeaumes, où il déclare comment il a
nent après enuiron dix iours, mené à
Paris , où, par les chemins & fur la confelTé fon péché
efté abfous, <& que àDieu
Dieu,fe &contente
qu'il a
riuiere de Loire, ie fu refcous par gens de la contrition du pécheur, qui eft
mafquez »& inconus , me menans de- plus agréable à Dieu que nuls facri-
dans les bois, & me donnans adrelfe
de mon chemin, & à toutes mes necef- fices. Saind Jean l'Euangelifte auffi,
parlant de la confeffion des péchez ,
filez, me recommandans à la garde de
Dieu, fans me vouloir déclarer leurs dit que Dieu eft lumière . n'ayant en
noms aucunement. Le Vi-bailli me foi conoiftre
de nulles ténèbres qui & l'empefchent
nos péchez, que, fi nous
follicita , (k depuis par plufieurs fois confelTons nos péchez , Dieu eft
m'a follicité à nommer & déclarer fidèle it iufte pour nous pardonner, &
tels perfonnages. A quoi lui ai toufiours nous nettoyer de toute iniquité : & ce
refpondu, leurs
qu'iceux ne m'auoyent voulu par le fang de fon Fils lefus Chrift,
déclarer noms. Le Vi-bailli ne
croyant à tout cela , ni auffi que ma I. lean chap. i. Auffi l'Apoftre aux
Hebrieux , premier chap. & faind
fentence ne m'eull efté prononcée, me Pierre n'enleignent autre lauement
demanda fi ie me veux rapporter aux que le fang de lefus Chrift, auquel ie
ades A procédures de mon procès de
Lyon. Je refpondi que volontiers. m'arrefte. Que fi ceux de l'Eglife
Confefrion Davantage, ie fu examiné, fi ie Romaine fuyuent l'exemple de ludas,
auriculaire. croi la confeffKm auriculaire , aftauoir lequel s'eft confeiféà fes Preftres, Scri-
bes & Pharifiens, qu'ils l'enfuyuent.
de fe confeft"er au Preftre. R. n le ne Or le Vi-bailli voyant qu'jl eftoit
fai autre confeffion, finon celle que tard, me renuoya par le Capitaine de
nous deuons faire ordinairement à
Dieu, comme il nous enfeigne par fa Porte-iroine , où demeurai aft'ez long
parole es faindes Efcritures ; & la (i) Lépreux.
47
RICHARD LE FEVRE.

temps auec les frères , qui pour me me donner permiffion & audience à
faire repofer auec eux , fupplierent le rcfpondre, tant à la calomnie du Cor-
Capitaine me permettre dormir auec delier, touchant l'Eglife de Geneue,
l'vn d'eux; co qui me fut permis par qu'au propos faux par lui amené ; ou
caution. Mais d'autant que chacun de bien qu'ils me lailTaffent en repos, en
la ville & des prifons vouloyent parlant tout-feuls. Le Vi-bailli fignifia
efcouter la doiftrine qui eftoit ià de- qu'on me laiffaft dire tout ce que ie
dans publique , cela vint aux oreilles
voudroi.
ment contenuEt ayant aux regardé
Pfeaumesl'auertilfe-
, que ce
du Parlement , dont la Cour fit figni-
fier au Vi-bailli que ie fulfe feparé. Cordelier tenoit en main, lui monftrai De l'ordon-
nance du iour
le Mecredi eftre feulement vne police des prières
Parquoi le "Vi-bailli me fit tranfporter ciuile fans obligation de confcience , à Geneue.
en la maifon de l'Euefque. Lequel ,
par commandement tant du Parlement & pour conuenir en vnion fraternelle,
que du Vi-bailli, me fit enferrer en fa & que les Rois anciens ont toufiours
prifon ; combien que ledit Euefquene gardé quelque police, pour entretenir
me vouloit aucunement en fa maifon, le peuple en la conoilfance & obeif-
tellement que, quelque temps après, ie fance de Dieu, & du feruice qu'on lui
fu derechef mandé deuant le 'Vi-bailli doit rendre.
Princes A l'exemple
Chreftiens de quoitelle
ont ordonné les
& fon confeil, enfemble des fufdits
Cordeliers & Jacopins, & de plufieurs police; non pas pour obliger les con-
autres de l'eftat & ordre Romain. Et fciencesmais
, pluftoft pour le foula-
là, par deuant le Vi-bailli, ie fu folli- gement d'icelles , comme auffi les
cité & requis à me réduire à la religion Apoftres ont fait félon que noftre Sei-
Papale, me prefentant toute mife- gneur lefus leur a enfeigné. De ce il
ricorde ; mais ie leur refpondi que appert au 1 5 . des Romains, où S. Paul
ie n'atten mifericorde finon de mon dit qu'il n'oferoit rien dire que Chrift
Dieu & mon Seigneur Jefus Chrift , n'euft fait par lui pour amener les
Gentils à obeilTance, par parole & par
en faueur
Sur duquel
cela le i'ai toute
Cordelier me efperance.
remonftra œuure. Auffi S. Jean, en fa féconde
auec longue déduite (i), la différence Epiftre, parlant de la doftrine de Jefus
Chrift, dit : « Si aucun vient, & ne vous
de l'Eglife Romaine & de l'Eglife or-
donnée àGeneue; pour autant que apporte cefle doélrine, ne le receuez
i'auoi dit : Qu'il n'eft licite au Pape point. )) S. Paul aux Calâtes, premier
d'impofer loix fur les confciences , chap. auertit l'Eglife, fi vn Ange ve-
fans la parole de Dieu; me remonflrant
ce qui eft efcrit au dernier chap. de çoise. A sjvoir quarante-neuf par Clément
S. lean, où il eft dit que plufieurs Marot et trente-quatre par Théodore de Bes^e,
chofes ne font efcrites, &c. Et auffi 155;. On y lit dans un avis aux Lecteurs:
... (I Considcrans que le jour du Mecredy
ce que Jefus16.Chrift dit Jean,
en l'Euangile, est ordonné pour les prières solennelles,
au 14, M. de faind où Jefus nous avons choisi entre les Pseaumes ceux
qui contiennent prières et requestes à Dieu
Chrift admonnefte fes difciples d'at- plus e.xpresses pour chanter en ce jour, re-
tendre le Confolateur, le S. Efprit servant ceux qui contiennent action de grâces
qui les ameneroit à toute vérité ; & ce et louanges du Seigneur nostre Dieu et de
ses œuvres, au jour du Dimanche, selon
que les Dodeurs
Conciles ont décidéde, enl'Eglife & les
baillant les que la table suivante vous pourra montrer. ..u
Le " Mecredy » est encore appelé plus loin
commanderaens à l'Eglife , laquelle a le » jour des prières. » La table qui suit
puiftance de lier& deflier. D'auantage, assigne à ce jour jy Psaumes. Le mercredi
que mefme à Geneue il y a des loix continua longtemps à être plus spécialement
consacré au culte de semaine. Les Ordon-
qui ne font point contenues en la pa- nances ecclésiastiques de 1561 {Calnini
role de Dieu ; me remonftrant par Opéra, X, 95), tout en établissant un prêche
tous les jours dans les trois paroisses de
mes Pfeaumes , & par l'ordre du iour Genève . ajoutait : « Mais que les prières
des prières, que le Mecredi eftoit plus
soient faites spécialement le jour du Mer-
faincl en la fepmaine, l'ayant trouué credi. »L'Ordre du Collège de Genine (; juin
par les Pfeaumes en ï'aduertift'e- 1559) obligeait les élèves à assister « les Mer-
credis au service du matin. » 11 résulte
ment (2). Sur quoi ie requi le Vi-bailli
d'ailleurs des Ordonnances de la cité de Gi."-
nèj't' (confirmées et complétées en 1609) que,
(i) Argument. dès le commencement du dix-septième siècle,
(2) Le mercredi était en effet un jour demi- et probablement avant, le jeudi était devenu
férié dans l'église de Genève. Le livre de Il jour de la prière, n et avait hérité de cette
Psaumes saisi sur Le Fèvre et auquel il est
fait allusion , était sans doute les Octante- qualité de ■> petit dimanche " qu'il a conservé
dès lors à Genève, surtout en ce qui con-
trois Psçaumes de Djuid mis en rime Fraii- cerne l'école.
LIVRE CINQUIEME.
M.D.Liv. noit annoncer autre doélrine que n'ont point introduit en l'Eglife autre
loi ni autre dodrine que la parole de
48 qu'il leurAuffi
l'Euangilc
foit excommunié. a annoncé, qu'il
Jcfus Chrill Dieu ; comme S. Pierre le remonflre
au 8, lo, iH, & 20. de faind Jean re- au mefme pafTage, difant : « Pourquoi
tentez-vous Dieu mettant vn ioug fur
monftre qu'il ell le bon Pafteur, & que
fes brebis n'cl'coutent point la voix l'Eglife, que nous ni nos pères n'auons
des eftranL'ers ; & qui eft de Dieu, oit peu porter .' mais nous croyons que
ferons fauuez par la grâce du Seigneur
la parole
porte de de
la Dieu , A qu'il eftItem
vie éternelle. la feule
que Jefus. » En outre, ilsrefcriuent en An-
comme fon Père l'a enuoyé, il enuoye tioche : qu'on s'abftiene des idoles &
autres infametez ( 1 ), qui font publiques
iamais n'ont
lefquels finon
enfeigné autre , dodrine,
fes Apollres celle en
en la Babylone du Pape. Ce qu'oyant
laquelle le Confolateur le faind Efprit le Cordelier, il ne m'euft lailTé ciire ,
les a confermez <& inllruits. Et faind
I. Pierre 4. Pierre le remonftrc aux Paftcurs de fi par permiffion ne m'euft efté ottroyé.
fon temps, & commande que ceux qui Il me remonftra comment i'auoi efté
adminillrent en l'Eglife parlent les baptizé en l'Eglife de ceux-là. a 11 eft
paroles de Dieu , & par fa puilfance , bien vrai (di-ie) que i'ai efté baptizé
fans aucunement auoir feigneurie ou au Papifme ; mais, Dieu merci, cela *
domination fur le troupeau. Au con- n'empefche pas que Dieu ne me re-
traire les Parteurs du Pape impofent tienne des fiens ; comme auffi l'ini-
loix en grande domination & feigneu- quité des hommes & leur corruption
c'efl.rie , qui monftre alTez quelle Eglife n'empefche rien la grâce de Dieu,
qu'il déclare aux fiens quand il lui
plait fe manifefter à eux par la régé-
Des Conciles. Le Cordelier répliquant, me rc- nération &renouation de vie par fon
Efprit. arroufant nos âmes du fang de
monllra
bloit lesqueAnciens
l'Eglife &ancienne affem-
Miniftres de fon Fils Jefus Chrift: comme S. Paul
l'Eglife, pour confulter & décider des l'expofe au fixicfme des Romains
afairesd'icellc, qu'au contraire l'Eglife parlant du Baptefme. » Mais vn des
de Geneue n'a confulté ni afTemblé autres qui là eftoyent, ayant affedion
aucuns Anciens pour décidera fauoir de me parler de la M elfe , qu'il
s'il faloit ainfi reformer l'Eglife; iS: m'auoit oui blafmer parauant , ne me
qu'il me monllreroit cela en mon voulant lailTer du tout acheuer, re-
Teftamment mefme , lequel il auoit;
quit le Vi-bailli pour m'en parler , ce
afin que plus euidemment ie conuffe qui lui fut ottroyé. 11 me dit que
la forme de l'Eglife. Ce que lui re- i'auoi parlé du facrifice de la Mefle La Meffe.
quis, & de confiderer la procédure en tout blafme & mefpris, & me lu
une longue remonftrance des facrifices
aes Apoflres, & qu'il n'ertimaft pas anciens, en difcernant celui de la
qu'en la reformation de Geneue on
ait procédé à la volée, & fans le con- Men"e, auec raifons pourquoi. Apres
feil du Magillrat, des Anciens & Mi- auoir le tout déclaré, fpecifié et dif-
cerné, amena en auant le 110.
niftres de l'Eglife,
auec toute &, par bon
bonne diligence ordre
& soin des,
Pfeaume
la facrificature de Dauid. qu'il expofoit
éternelle de
ée perpé-
Efcritures, à l'exemple de l'Eglife (i) tuelle de la MelTe, en ce qui eft dit
de Theftalonique & de Beree, où les
ApoftresSainâ. Paul & Silas furent en- là : Cl Tu es facrificateur éternel félon
uoycz, comme il apcrt au 1 7. des Adcs, l'ordre de Melchifedec ; » & requérant
pour fauoir s'il clloit ainfi. Mais fi on d'auifer à me réduire, fans refifler
n'a pas appelé les miniftres & fuppofts aux faindes Efcritures, me demandant
de la grande paillarde Romaine lî de
que ie vouloi dire là den"us. Je lui
fon efpoux le Pape , il ne s'enfuit pas
qu'on n'y ait procédé par bon ordre. arefpondi que l'Apofire
fuftifamment refpondu aux
pourHebrieux
moi , &
Et quant à ce qui a cfté caufe de
a inftruit toute l'Eglife de Chrift de ne
l'aft'emblee du confeil des Anciens de s'arrefter plus à ces facrifices, monf-
l'Eglife de lerufalem, pour la confir- trant que ce qui a efté allégué du
mationderEglifed'Antiochc,Ades 1 5, Pfeaume 110. au quatriefme verfet,
il appert alTez comment les Apoftres où il eft dit : « Tu es Sacrificateur éter-
nel félon l'ordre de Melchifedec, » ne
(1) L'idition
, mots dedepuis
tance les I619 :a clomis, par Inadver-
par bon ordre. (1) Inramius.
49
RICHARD LE FEVRE.

s'applique à nul facrifice qu'à celui tence auec l'appel , eftant preft de fi-
feul, vnique, ruflifant & parfaid facri- gner de mon fang mes articles tant de
fice de lefus Chnft, offert vne feule
Lyon que de Grenoble, que i'ai fignez
fois comme l'Apoftre le7.déclare feulement d'encre.
8. 9. ample-
Conclufion
ment aux Hebrieux, 10. Et Apres m'a efté monftré vn autre
pour mieux déclarer que ce verfet de du procureur
efcrit, où le procureur du Roi bailloit du Roi contre
facrificature éternelle du Pfeaume 1 10. fes conclufions : Que pour la charge le Feure.
doit eftre aproprié feulement à la per- qui m'eftoit impofee de ne vouloir dé-
fonne de Jefus Chrift , l'Apoftre allè- clarer ceux qui m'ont refcous fur la
gue ce qui eft efcrit au Pfeaume 49.
riuiere, que i'euft"e la queftion iufques
6. & 7. verfet, où il eft dit que Dieu à l'extrémité ; & pour le blafme &
n'a prins aucun plaifir en facrifice ni outrage de la perfonne du Roi & de
oblations pour le péché ; mais tant
rfie
Eglife
dont Romaine, enfemble que
ie fuis chargé, de l'here-
ie fois
feulement en l'obeiffance volontaire
du facrifice de Jefus Chrift, qui eft la mené à la place des Cordeliers, & là
auoir la langue coupée , & mon corps
volonté de Dieu. Ce que l'Apollre-
expofe au 10. des Hebrieux, décla- bruflé à petit feu. Le Vi-bailli , après
rant plus à plein, que par la feule & la ledure, me demanda que ie vouloi
vnique oblation du corps de Jefus
Chrift, il a confacré à perpétuité ceux dire là deft"us. Je refpon : Que ie n'ai
en rien peu conoiftre les noms defdits
qui font fandifiez , difant : Que nous recourans , lefquels ne fe voulurent
déclarer ne dire qui ils efloyent , ne
fommes fanîlifiez par l'oblation vne
fois faite en la croix du corps de lefus qui les menoit, fors que le zèle de la
Chrift, lequel il dit eftre affis aux cieux
religion
de moi àqueLyon
ie tien, qu'ilspartant
, & que auoyentie oui
ne
à la dextre du Père, iufques à ce qu'il
ait mis fes ennemis pour fon marche- les fauroi nommer; auffi que duie Roi,
n'ai
pied,monftrant manifeftement où eft en rien mefdit de la perfonne
le corps de lefus Chrift, & quel facri- & que ie ne fuis point hérétique, mais
fice de Meft"e il a commandé. Ce Chreftien. Ce que ie fi coucher pour
Doâeur me refpond qu'il ne s'entend refponfes aux conclufions du procureur
pas ainfi ; mais félon que parauant il du Roi. Le Vi-bailli me renuoya iuf-
• rauoitexpofé,entendantleditPfeaume ques àvne autre fois, & par deuant
de ce facrifice de Mefle. l'adiouftai , lui ie fu confronté deuant deux tef-
que le facrifice que Dieu requiert de moins , & feparement, qui teftifierent
de leur accufation contre moi, tendant
nous, c'eft la contrition & repentance aux fufdites calomnies. Mais en leur
des Chreftiens, comme il en eft parlé
au Pfeaume 51. & le facrifice de prefence remonftrai au Vi-bailli les
occafions de leurs faux tefmoignages,
louange, qiie l'Apoftre aux Hebrieux
- 13. appelé le fruift des leures. tellement que Dieu qui eft Père des
Or après plufieurs remonflrances orphelins , protedeur des eftrangers,
faites par iceux, pour m'induire à leur a conduit fi bien le tout, que les ac-
Eglife Romaine, le Vi-bailli me dit, cufateurs & tefmoins fe font trouuez
fi ie me vouloi rapporter aux Ades & ennemis capitaux , tant par leur apa-
procédures de mon procès de Lyon.
Je lui refpondi que volontiers. Lors rente procédure, qu'en partie de leur
propre confeffion. Parquoi le Vi-
me fut monftré vne partie des ades bailli me demanda refponfe fur lefdites
par moi fignez, enfemble vne fentence conclufions du procureur du Roi ;
efcrite en parchemin, contenant mon & icelle faite fi ie vouloi demeurer à
exécution, d'eftre trainé fur vne claye la fentence de Lyon auec l'appel. &
iufques aux Terreaux de Lyon, & ainfi fe font affemblez plufieurs fois
là eftre attaché à vn pofteau pour eftre pour
bruflé , après auoir efté eftranglé. cution.debatre la matière de mon exé-
Apres cefte ledure, le Vi-bailli m'in- Apres me demanda le Vi-bailli
terrogua fi le contenu eft tel , comme deuant lui & toute la iuftice , où de-
il m'a efté fignifié & prononcé à Lyon. rechef ie fu folicité , perfuadé & con-
Je refpondi que quant aux ades par feillé de me réduire à leur Eglife,
moi fignez , ce font vne partie de mon
maistreie'leur fi refponfe
délibération que de : demeurer
Que n'ai au-
en
procès; mais de la fentence, qu'elle
ne me fut pas prononcée ; & toutefois l'Eglife de lefus Chrift & fa parole ;
que ie m'en veux bien raporter au con- & que ie ne fai autre religion que
tenu ,acceptant volontiers ladite fen- celle-là, & fi aucunement la parole
II.
LIVRE CINQUIEME.

de Dieu m'en raonftre vne autre à Dieu me donner, fuffifante toutes-


meilleure que celle que ie tien , ie fois pour repouffer & mefprifer la
fuyurai ce)' que la parole de Dieu me fageft^e du monde , neantmoins iulques
monrtrera. L'vn des Conleiliiers me ici ie n'ai eu perfonne en voftre Cour
fit vne remontrance : Que ie ne deuoi qui ait voulu procurer pour moi ; &
m'arrefler à ma lageffe & à mes opi- tant s'en faut que nul de vous me dé-
nions ;& mefme que les Eglifes fende, que pluftoft tous enfemble eftes
d'Alemagne
ne me foumettois sont diuifees , & que fi ieil
aux Conciles, Juges i*t parties, qui déclare aft'ez
l'acomplilTement de la& prophétie
Dauid en Jefus Chrift de
fes membres
faudroit tous les iours Chrifiianifme
eftre acomplie deuant vos yeux , ainfi
nouueau.
ne le lui refpon
veux demeurer en ,mon
que opinion
p"ai , &,
qu'il eft efcrit : n Pourquoi fe muti-
ni à nulle fageffe humaine ; mais tant nent les gens, it murmurent les peu- pr.
feulement à celle de lefus Chrift que ples chofe vaine contre Dieu & fon
le monde efiime folie , comme dit
Chrift.' «&.C. le voi qu'il me faut endu-
rer cruellement le fupplice de la mort,
fainâ Paul. Et quant à ce qu'amenez
des Eglifes d'Alemagne, celles qui mais àparmon
aller icelle palTant
Dieu & à , mon
i'cfpere m'en
Seigneur
tienent l'Euangile font vnies fans au- Jefus Chrift mon Sauucur , fouuerain
cun difcord, quant au vrai fondement.
Et d'auoir tous les iours nouueau Juge, en ce royaume éternel & trcs-
Chriftianifme , fi on ne s'arrefle aux haute Cour , où vous & moi compa-
Conciles ; il eft dit par Dauid au roiftrons deuant le grand tribunal de
fa maiefté , pour auoir raifon de ma
Pfeaume }}. & autres lieux de l'Efcri- caufe, qui eft auffi la fiene , que vous
ture : Que le Seigneur diffipe le con-
feil des gens; parquoi il faut demeurer oppugncz & contrariez i] fort ; de la-
au confeil de Dieu tt à fa parole, quelle leSeigneur Dieu ne fe rappor-
tera point aux ;;rands confeils, & à la
comme les Apollres
mieux demeurer ont fait.
au petit Or i'aime
Chriftianifme grande multitude du monde , ni à la
grande & belle apparence, mais tant
qu'au grand Papifme. feulement à fa feule & fimple parole,
Apres ces chofes, le Vi-bailli me
comme dit Dauid, Pfeau. 9H. 99: « Il
renuoya à la maifon de l'Euefque, où
après quelque temps ayant entendu iugera le monde félon fa fidélité, &'
que i'eflois à Lyon, pource que ie les peuples félon fa iuftice. » Et comme
n'efloi punilTable finon de la religion dit S. lean en l'Apocalypfe 1. chap.
& foi qui eft contenue en ma confef- « Tout œil le verra, & ceux qui l'ont
fion , ie defirai parler à monfieur le navré. » Tellement que toutes les excu-
Vi-bailli, iS: requis plufieurs fois le fes que prétendez par ignorance, ne
courrier de l'Euefque pour parler au- vous feruiront de rien; mais pluf-
dit Vi-bailli; & pour le refus l'efcriui toft ily a danger qu'elles ne vous fer- Le baffin, k
plufieurs lettres à mes Juges de Gre-
noble; & entre autres, vne félon ce ucnt comme le baffin, le pot & l'eau Pilate.
■X Pilate, pour fe rendre innocent du
fang de Jefus Chrift; car comme ce pot et l'eau d
qui s'enfuit. bon Sauucur lefus dit de tous fes
Maltfi. 10.
A monfieur le Vi-bailli de Grifivau- membres : <i Qui vous mefprife , il me
dan & [on Confeil, Richard le Feitre mefprife; " & « Ce que vous auezfait à
fon prifonnier, Salut. l'vn de ces plus petits qui croyent en
Comme ainfi foit, Monfieur, que moi, auffi vous le m'auez fait. » le prie
donc le Seigneur vous illuminer pour
vous bien conduire en vos afaires;
par plufieurs
vous examinéfoisdei'aye
ma elle
foi par deuant
cSc religion
fondée en Dieu & noftre Seigneur vous
vous remerciant de l'humanité
a pieu me faire, qu'il
& vous priant
lefus Chrift, »& en fon Euangile; où, au Nom de Dieu, puis que ne puis
en la prefence de voftre confeil , & parler à vous pour vous déclarer mon
auec plufieurs de voftre religion , ai , mtention, qu'il vous plaife me faire
par la grâce du Seigneur tout-puilTanl, conoiftre l'ordonnance qu'aucz faite
fait aparoir la certitude de ma con- de moi , vous recommandant à Dieu.
feffion de foi eflre fondée en la vcrité Des prifons de la Courrerie( 1 )de Gre-
de la parole
Jefus Chrift, de Dieu, l'Euaugile
la dodrine de
des Apoftres
(i) L'archiviste de Grenoble ne croit pas
& confequemment de toute l'Eglife, qu'il ycelte
dans ait jamais eu suggùrc
ville , et une prison
que de ce nom
ce mot est
félon la petite conoift'ance qu'il a pieu
RICHARD LE FEVRE.

gion. A quoi ai refpondu félon ce que


ble, maifon
lourde del'Euefque,
Januicr, m.d.liv. cedeuxiefme
le Seigneur m'a donné;
meuré fans fauoir quoi ne &comment
fuis de-,
Voftre prifonnier,
Richard le Fevre. attendant l'heureufe iournee de ma
pleine deliurance ; en priant mon
Dieu me donner telle affiftance qu'il
conoit eftre neceffaire, auec toute pa-
Renuoi de Richard le Feure, de Gre-
noble àLyon. tience: & m'augmenter tellement la
foi, qu'elle furmonte tout ce monde,
pour pénétrer iufque par delTus tous
les cieux en cefte bien-heureufe féli-
Or quelque chofe qu'il en fuft , il
ne m"a eflé feulement poffible de plus cité & royaume éternel , auec ce bon
parler à Monfieur le Vi-bailli ; de Dieu & Père de mifericorde , & ce
forte qu'eftant en ma retraite, enuiron bon Seigneur & Sauueur Jefus Chrift.
dix ou onze heures du foir, le preuoft
des Marefchaux vint & fa bande auec 5
le Greffier criminel, lequel me ligni- La procédure dernière tenue en la ville
fia de bouche , que monfieur le Vi- de Lyon contre lui , au fiege du
bailli
me mena m'enuoyoit à Lyon.
fubitement en faLechambre
Preuoft , Lieutenant Tignac.
enferré, attendant le clair de la lune;
Comme (i) ce bon Père de miferi-
de forte qu'incontinent trois heures corde ,Dieu de confolation , nous a
après minuift defpartifmes, moi eflant remonftré fon affiftance du commen-
monté à cheual , enchaîné , lié & en-
ferré. Et paffafmes par Moran (i) cement en la foi de l'Euangile de fon
auec toute la bande du Preuoft, le- Fils Jefus Chrift, auffi efperons-nous
quel la nuiél me faifoit enchaîner auec parfaitement , qu'inceffamment & iuf-
ques à la fin il ne nous deftituera
vn de fes gens. Et en laiffant le che-
min de Lyon, paffafmes par Vienne, point de fon aide. Dequoi nous de-
à caufe de la crainte des embufches uons en toute aâion de grâces le
que le Preuoft doutoit: car le bruit louer & magnifier, & en toute humi-
lité de prière lui recommander tous
eftoit tel. Le Preuoft m'amena en fes nos afaires, les remettant entièrement
prifons de Rouane (2), me recom- fur lui, & il les acomplira comme il a
mandant au Concierge, puis alla figni-
fier au Lieutenant de Lyon, nommé promis. Suyuant cela, ie le prie hum-
Tignac, monarriuee. Et enuiron douze blement de parfaire ce qu'il a com-
mencé , efperant parfaitement que fa
iours après, ledit Lieutenant me vint
examiner qui i'eftoi, qui m'auoit amené, (i) La pièce suivante fut sans doute adres-
de mon nom, & de ma recouffe, en-
sée à Calvin,frère
« très-cher comme
i> ausemblent l'indiquer dule
commencement
femble de quelques poinds de la reli-
deu.xième paragraphe et les allusions qui
peut-être une corruption du mot h Concier- suivent à une correspondance antérieure ,
gerie. >> Toutefois il est assez remarquable dont l'existence est attestée, non seulement
que les Chartreux ont eu une prison spéciale par
près de leur couvent, appelée Coiirrcric. haut,la mais lettreencore de Calvin quelettre
par une l'on autographe
a lue plus
Faudrait-il en conclure que Le Fèvre aurait de Richard Le Fèvre au réformateur (3 mai
été transféré à cette prison, voisine de la 15)4), qui se trouve à la Bibliothèque de
Grande-Chartreuse .- Genève (vol. 109. f. 51 ), et dont voici un
(1) Moirans {Isère}. e.xtrait : o Trescher et parfaict amy Monsieur
(2) La prison dite de Roanne, à Lyon, Calvin..., la présente est pour vous faire
était bâtie à peu près sur le même emplace- sçavoir que f espère aller faire la Pentecouste
ment où fut construit, au commencement du au royaume des cieux et aller aux nopces
treizième du Filz de Dieu..., sy plus tost ne suys ap-
constructionsiècle, l'hSkl
prit son nom de Rcaniu'.
de deu.\ Cette
chanoines pelé de ce bon Seigneur et Maistre auquel
de la Primatiale de Saint-Jean, Giraud et ie suis prest d'obeyr à sa voyx, quand il
Guillaume de Roanne, puînés des comtes de dira : Vcnc^, les henicts de mon Père; pos-
Forez, qui la possédèrent successivement. sède^ le royaume qui vous est appareille de-
L'hôtel de Roanne échut par voie d'héritage vant la fondation du monde Une autre
au.x dauphins de Viennois, et Humbert II preuve, s'il en fallait, que la pièce qui suit
et ses appendices étaient adressés à Calvin,
le céda
au à Philippe
domaine de Valois Cet
de la couronne. . quiédifice
l'incorpora
servit
c'est que, écrits le 6 juillet I5)4, avant-
successivement d'hôtel des monnaies et de veille de la mort de Le Fèvre, elles figu-
siège de la sénéchaussée et justice royale. raient dans le Livre des Martyrs , publié
Au seizième siècle , U prison de la ville y cette même année pour la première fois par
était établie , tout à côté de la Cour du lieu- Crespin, sous les yeux du réformateur. Voy.
tenant du sénéchal. Elle existe encore , de Calvini Opéra, XIV, i8; XV, 129, i;9. Let-
nom tout au moins. tres françaises , I, J16.
LlVRlî CINQUIEME.

bonté le fera en moi , félon qu'ordi- ie n'ai


mais veuxaucune opinion
demeurer en laparticulière,
foi de Jefus
nairement parfa vertu il me fourticnt

iufques )auiourd'hui. ie l'en Chrirt auec toute l' Eglife Chreflienne,
remercie humblement, Dequoi
me remettant & comme membre d'icelle tenir toutes
entre fes mains pour parfaire ce qui les ordonnances que Jefus lui a efta-
lui a pieu commencer. Et à cela ie blies. Surquoi ledit Tignacoù m'amena
vous prie de le fupplier humblement, toute cefte grande eflcndue le Pape
comme aufli nuid & iour ie le requier domine, l'ai refpondu que ie ne me
de vous conduire en tous afaires, en fonde point fur telle multitude & pa-
vous augmentant les grâces de fon rade, qui ne peut auoir aucune fer-
S. Efprit , à ce que puiffiez tellement meté en foi, non plus que le fondement
cheminer deuant lui , oue fon faind affis fur l'abondance de fable , mais
Nom en foit toufiours glorifié, & fon me contente d'eftre apuyé ai fouflenu
Eglife ediliee. Ainfi foit-il. fur vne feule roche , qui efl lefus
Chrift &fon Euangile. Et à cela ledit Matth. 7.
I'ai efté grandement refioui (tref-
cher frère) quand auez efté auerti de Tignac en riant regarda fon compa-
ma prochaine expédition , qui fera
gnon ,& dit que c'eftoit vne belle
(comme ie croi) Samedi prochain , comparaifon , & m'a demandé quelle
conuenance pouuoit auoir icelle à ce
huiftiefme de Juillet (i), afin qu'en
temps conuenable ayez meilleure com- qu'il m'auoit demandé, le lui refpon,
modité de prier ce bon Dieu pour
puis que lefus Chrift l'a ainfi appli-
moi. Auffi le portier m'a auerti que quéemuneàladu. monde,
différence
& lade foi
l'opinion com-
de fes efleus
defiriez le double des derniers Arti-
cles qu'on m'a fait figner auiour- à vn feul Dieu, & celui qu'il a en-
d'hui (2). Sachez (trefcher frère) que uoyé lefus
fuftifante pourChrift , qu'ellecontre
ma defenfe eft affez
lui.
ce iourJ'hui, Jeudi matin, fixiefme de
Juillet, ai elle examiné de me fouue- Dont parlant ledit Tignac à fon com-
Interrogats nir des dernières refponfes que i'auoi pagnon, dit qu'en cela il n'y auoit nul
f«''s * R'<:'i^''d garauant faites deuant le Lieutenant propos ne raifon. Item, m'examina fi
^°"' Tignac, du commencement de l'em- le croi qu'au Sacrement de l'autel ,
prifonnement de céans , alfauoir en après la confecration faite par le Pref-
tre au pain, le vrai corps de lefus
venant de Grenoble. A quoi i'ai ref- Chrift realement & fubftantiellcment y
pondu que bonnement ne me fouuient
de toutes par la longue efpace du eft pas. R. " Quant à moi ie croi par-
temps.cunsLedit Tignac &m'arefponfes
réitéré au- faitement qu'en communiquant au
interrogatoires de faind Sacremenl de la Cène, ie parti- ,. cor. i.
moi à lui faites dudit temps, qui cipe c^ fuis nourri du corps & du fang
eftoyent de la manière de ma rc- de lefus Chrift, qui eft monté au ciel
coulTe , ce que lui ai accordé , ne lui à la dextre du Père, & que des con-
déclarant le propre fait , auffi fur la fecrations de ce pays ie n'y enten rien,
conoiffance des aiperfonnes m'eflans in- ni en tous les agios (1) qui s'y font ,
conues. Outre elle examiné fi perfif- mais ie me tien à la reigie générale
tement (3) ie demeure en mes opi- que fainél Paul a monftré à toute
nions. Aquoi i'ai refpondu que de moi r Eglife, après l'auoir receu du Sei-
gneur lefus, comme il l'a inftitué, &
(I) Le Fèvrc annonce ici que son exécu- que les Apoftres ont entretenu & con-
tion est fixée au samedi S juillet. Quelques
lignes plus bas se rencontre cette indication fequemment
quelle ieveuxtoute l'Eglife &, ne
demeurer, auecconoi
la-
précise : " Ce jourd'hui , jeudi matin , sixième nulle religion Chreftienne en ce pays
de
esl juillet.
datée du» Mais, d'autresixième
<• vendredi, part, de
cellejuillet,
lettre"
fuieî à la religion Papale. Item, m'a
Cl Crespin
samedi dit quede l'exécution
, septième juillet. » Il eut lieu « le
est probable examiné s'il m'eftoit remonftré par la
parole de Dieu mes articles eftre faux,
que c'est
vraie, celte ladernière
et que premièreindication qui est de
esl une erreur la
date, bien excusable chez un prisonnier. fi ie ne me voudroi point réduire, i'ai
refpondu que volontiers, & lui ai re-
(a) Nous avons ici l'indicilion des moyens auis d'entendre le contenu du regiftre
par lesquels passaient les correspondances
de ma refponfe t.t de le figner. Il me
des pris<jnniers. C'est grAce & des portiers
gagnés par quelque gralificalion ou touchés
par la piété de leurs prisonniers que nous dit qu'après difné le Greffier me vien-
droit lire tous mes efcrits & procédu-
ont été conservées tant de pièces qui jettent res, me les faifant figner.
un jour si louchant sur les suprêmes préoc-
cupations des martyrs du protestantisme.
(j) Avec persistance. (1) Agissements.
RICHARD LE FEVRE.

Environ les quatre heures, Tignac troit que fi ie me voulois arrefler aux m.d.liv.
retourna auec plufieurs de fon con- mots ie tomberoi en plufieurs erreurs,
feil, & ceft enfumé (i) dofteur de Sor- comme de ne croire que fubftantielle-
ment lefus Chrift ait efté vrai Dieu )j&
bone, & m'ayant fait venir deuant eux, homme au ventre de la Vierge, pource
derechef réitéra le propos de la ref-
couffe (2) , puis recitant ma rcfponfe qu'il n'eft ce
pas mot
proprement
& comme Trinité neainfi efcrit,
fe trouue
faite à cela, m'argua d'inobeiflance à
la iuflice , & pour la mefconoilTance en toute l'Efcriture, ainfi en parlant
du Sacrement , combien que ce mot
defdits recourans, me dit qu'il ne
peut eftre vrai-femblable telle fadion Tranlïïibftantiation ne s'y trouue, toute-
m'auoit efté inconue, mais ie lui monf- fois àla vérité il s'entend quand lefus
trai la raifon qui manifeftoit le con- Chrift a dit : Ceft mon corps. le le
De la présence traire. Apres il m'examina du Sacre- priai de m'efcouter, lui refpondant :
du corps du ment, afTauoir fi ie croi qu'au Sacre- Que non feulement Jefus Chrift ni fes
Seigneur. ^^^^^ ç^^^ l'efpece du pain , le vrai Apoftres , ni aucuns Doâeurs & Paf-
corps de lefus Chrift y foit. le ref- teurs de l'Eglife ancienne n'ont fait
mention de tranlTubftantier les ele-
pondi : « Que comme i'ai toufiours con- mens, mais ont inonftré du contraire,
felTé, ie croi qu'en participant au Sa-
crement, lefus Chrifl nous y prefente car ils ont voulu enfeigner les fidèles
& donne fon corps & fon fang pour à retenir la fubftance des elemens en
nous nourrir éternellement ; ainfi ie leurs propres noms, comme il apert au
communique & fuis nourri du corps & 2 & 20 des Aftes, & 10 de la i Epif-
du fang de lefus Chrift, qui eft au tre aux Corinthiens, & 11 femblable-
ciel à la dextre du Père en fa pre- tnent , par tout où il eft fait mention
fence corporelle , qui , par fon faind de la Cène. Et quand lefus Chrift a
Efprit, me fuftante & nourrit fpirituel- diftribué le Sacrement aux difciples, il
leraent de fon corps & de fon fang, leur enfeigne que le Sacrement eft
qui a efté donné pour nous nourrir vne fainfte mémoire de fa mort & paf-
éternellement en fon royaume celefte. » fion, & aftion de grâces, comme il
D. « Si ie croi que le pain foit tranf- leur déclare après, leur commandant
fubftantié. » R. « Comme les Apof- de prendre & manger en mémoire
tres & Pafteurs de l'Eglife ont creu d'icelle paffion. Et ce qu'il nomme le
& approprié les elemens, les retenant
en leur propre fubftance, pareillement pain fon Corps, c'eft en les ramenant
ie veux demeurer en leur doftrine , à fa paffion, comme l'Agneau du paf-
fage, qui n'eftoit pas le palTage ; mais
comme la reigle générale nous en eft il fignifioit le paffage & deliurance
2. Cor. 10. monftree par S. Paul, qui proprement d'Egypte, comme S. Paul en parle; >. Cor. j.
l'auoit receu du Seigneur lefus Chrift, ainfi il appelle ce qui fignifie pour la
comme il protefte, en laiffant les ele- chofe fignifiee. En telle communica-
mens en leur propre fubftance, ainfi tion lefus Chrift nous donne fon corps
qu'il dit : « Le pain que nous rompons, & fon fang, pour nous nourrir éternel-
n'eft-ce pas la participation du corps lement d'icelui par la foi en la vertu
Afles 2. de Chrift.' " Auffi il eft dit de tous les de fon Efprit. Et quant à la Trinité,
autres Apoftres touchant le Sacrement, les trois perfonnes font fuffifamment
qu'ils & apertement déclarées en vnité ,
femble eftoyent
en la Parole d'vn confentement
& oraifon , & en-
au comme S. lean le déclare, & autres i. lean ç.
brifement du pain. « Sur quoi le dofteur lieux de l'Efcriture monftrent affez
de Sorbone, requis de parler, me dit euidemment la Trinité , & auffi la di-
uinité & humanité de lefus Chrift eft
combien que les Apoftres n'ont point
TranlTubftan- vfé de ce mot Trann"ubftantiation , apertement déclarée aux Efcritures ,
comme il en eft fait mention en Ifaie,
tiationentendue
ment corn- qu'il ne s'enfuit pas que fignificatiue-
par 1 Enfumé. ^^^^^ jj ^g f^jj entendu, & me remonf-
que la Vierge enfanteroit l'Emanuel,
qui eft à dire Dieu auec nous, & au pre-
(1) Foxe, en reproduisant en abrégé ce mier de S. Matthieu & autres lieux,
récit (IV, 424) , a pris ce mot pour le nom
du docteur de Sorbonne. Pantaléon dit de où il eft parlé de l'incarnation de Je-
son côté : « Quem Fumosum appellanl « fus Chrift, mais de la Tranft"ubftantia-
(p. 296). Ce mot. employé à deux reprises tion il n'y en a fignification aucune
par Le Fèvre, est évidemment un qualiticatif en toute l'Efcriture. Le Dofteur ne
destiné à marquer l'obscurité de la Ihéoloifie
du docteur.
me permettant d'acheuer, me refpond
(2) deL'acte
lors par lequel
son premier il avait été délivré
procès. que ce que dit Jefus Chrift eft fuffi-
fant pour la Tranft'ubftantiation, quand
LIVRE CINQUIEME.
54
il dit : Voici mon corps, comme les gile ne fait mention de fe confeffer à
dofleurs de l'E^'iife l'ont entendu, & l'aureille d'vn homme fecrettement ,
mais nous deuons confeflTer nos péchez
qu'aulïl pludeiirs articles de la foi ne à Dieu, & le fang de fon Fils Jefus
font efcrits, lefquels faut croire, &
me fit vne lon^-ue exhortation où ne Chrift nous nettoyé de tout péché ,
pouuoi rien entendre pour fes fubtili- comme il apert en S. lean, & en plu- i. Ican i.
tez ; mais il ne pouuoit trouuer en fieurs lieux des Pfeaumes. Auffi quant
toute l'Efcriturc , tant des Aportres au prochain , il eft fait mention de fe
que des Duiïleurs anciens, que les ele- reconcilier pour ofter tout difcord, &
mens fe tranlfubllantienl. Il me dit S. Jacques exhorte les fidèles de fe
que fi, véritablement, mais que ie ne confefl'er les vns aux autres, mais de
voulois entendre ce qui ed au fixiefme l'auriculaire il n'en eft nouuelle.
de S. lean , & plufieurs Doéleurs de L'Enfvmé dodeur de Sorbonne me
fit vne remonftrance de la puifTance
l'Ef^'life. En fin ic lui refpondi qu'au
mefme texte allégué, lefus Chrill dé- que Jefus Chrift a baillée aux paf-
clare que telle manducation cil fpiri- teurs de fon Eglife : » A quiconque ican 20.
tuelle & non charnelle, ainfi qu'il dit vous pardonnerez les péchez , ils fe-
ront pardonnez, & à quiconque vous
après : « La chair ne profite rien, c'efl les retiendrez, ils feront retenus, »& ce
l'Efprit qui viuific, ces paroles font que lefus Chrift a remonftré au 18. de
Efprit & vie; » combien qu'il n'eft là S. Matthieu & autres lieux, où il eft
parlé- que de la foi en lefus Chrift.
loind que S. Auguflin dit du Sacre- fait mention du nettoyemcnt du la-
ment :Croi & tu l'as mangé , décla- dre . de fc prefenler deuant le Sa-
rant que la foi nous fait viure du corps
de Jefus Chrill par la vertu de fon a Abfolution crifi&cateur, &difoit que puis
Rétention, qu'il
il faut auffiy
Efprit. Il me dit que ie ne prcnoi des confeffion. le lui refpon. Que voirement
paroles de S. Auguftin, finon ce qui il y a confeffion, non pas auriculaire;
me plaifoit, non pas ce qui appartient mais en la vertu de la prédication de
entièrement à la foi de l'Eglife. le lui l'Euangile, la foi produifant les fruids
refpon que ie fuis content de fiiiiple-
ment demeurer en la dodrine des Pro- de
tionpénitence & repentance.
eft commife L'abfolu-
aux Pafteurs par la
phètes, deJefus Chrift & de fes Apof- prédication, en ce font
qu'aux obftinez
tres. endurcis les péchez retenus, auec&
TiGNAC me remonftra, puis que ne excommuniement, comme au contraire
fuis ni dodeur, ni fondé en Théolo- aux dociles & obeiftans à la prédica-
gie, ni aux Doèleurs anciens, pour- tion de l'Euangile les Pafteurs don-
quoi ie me mets tant auant à vouloir nent pleine abfolution, en vertu de la
entreprendre d'enfeigner les autres & prédication de l'Euangile. Et auffi
de corriger ce que toute l'vniuerfité Jefus Chrift, en donnant telle puif-
de l'Eglife tient. R. • Que quant à fance à fes Apoftres, leur a quand &
moi ie ne fuis point voirement dofteur,
ni fondé en Théologie pour erfeigner quand enchargéqu'ilsenfeignent publi-
quement l'Euangile, difant :" Comme i^an j^
& corriger , auffi ie n'entrepren point mon Père m'a enuoyé, ie vous enuoye,
ces chofes, ni ne veux eflre feparé de
allez, teurprefchez
me remonftra l'Euangile. » Ce Doc-
alTez longuement,
l'vnion de l'Eglife vniuerfelle, ains
comme membre d'icelle A de Jefus tant de faind Jaques que des autres
Chrin veux y demeurer , mais ic ne paffages, telle abfolution deuoir eftre
peux auoir autre créance que celle attribuée à vn Preftre, m'allèguent
que lefus Chrifl a enfeignee en fon plufieurs raifons poureuiter les incon-
Euangile, lesApoftres, & confcquem- ueniens :enfemble par les Conciles &
ment toute l'Eglife. Ainfi, puis qu'il a par philofophie me vouloit perfuader
à le croire, ie lui refpondi que quant
pieu au Seigneur Jefus Chrill m'enfei- à moi ic ne fai autre chofe que ce que
gner par fon Euangile ce que tous
Chreliiens doyucnt croire, il eft bien i'ai refpondu , que i'ai aprins des ma
raifonnable que ie le maintiene iuf- ieuneft"e en l'Euangile de noftre Sei-
gneur Jefus Chrift it de fes Apoftres.
ques au bout. Il
la confeffion. R. m'interrogua
" Oui. » D. fi" ieCom-
croi
Le Dodeur parlant au Lieutenant &
ment ,A à qui .' » R. " A Dieu A à fon confeil, dit : " le me doutoi bien
Confeffion. ceux que i'ai offensez. •> D. " La con- que ie n'y feroi rien, car il eft entiè-
feffion auriculaire ell-elle pas l'inflitu- rement r)bftiné. i^' c'a efté la caufc que
tion de lefus Chrift.- •> R. " L' Euan- ie differoi de vouloir parler à lui. » Sur
RICHARD LE FEVRE.

55
mais feulement en philofophie, raifons
quoi il print congé et s'en alla. Le humaines & fubtilitez, voulant tirer &
Lieutenant derechef m'interrogua, û
ie veux demeurer & perfifter en ces ioindre par morceaux les paroles de
I. Chrift. Et combien que par vous ie
erreurs , & qu'il m'auoit fait venir vn fuis condamné à mort comme héréti-
(1 fauant perfonnage pour m'enfeigner
& que ie penfalTe à moi. Je refpondi que, vous n'eftes luges coiTipetans de
que volontiers ie penfe à moi, mais la caufe. mais vous & moi comparoif-
trons deuant le tribunal de la iuftice
que d'erreurs, la grâce à Dieu, ie n'en de Dieu, le grand & fouuerain Juge;
tien ni n'en veux
les articles de tenir,
la foiains feulement
Chreftienne.
Puis il me demanda comme ie fai que deuant lequel il m'eft bien agréable Il entend de
d'aller premier. Qui plus eft, des long
(on premier
ce que l'appelle parole de Dieu foit temps vous m'auez follicité de toutes ment.
parole de Dieu. le lui refpon que, vos forces, & m'auez confeillé d'en
quand noftre différent confilleroit en emprifonne-
appeller deuant les Prefidens de Pa-
cela , il feroit bien tort vuidé , mais
ris, ce que nullement ie n'auoi déli-
puis que c'eft la parole de Dieu fans béré de faire , à l'occafion de quoi
aucune doute, qu'il ne lui chaille (i) m'amenaftes l'exemple de fainét Paul
qui me la fait à croire. D. « Où i'ai appelant
me à Cefar , àpour
faire accorder voftrem'induire &
confeil, &
efté premièrement enfeigné. » R. « En
Angleterre des ma ieuneffe. » A quoi mefme ne me vouluftes oncques dé-
clarer aucune fentence ; ains fu mené,
il me remonrtra qu'en ce pays-Ia il n'y
auoit pas fi long temps qu'ils auoyent & ne fai pourquoi, ni comment i'ai
delaifl'é la religion Romaine, & me de- efté empefché d'aller où Dieu m'ap-
manda comme i'auoi donc aprins. le pelloit. Or en ce temps n'auiez aucun
lui refpon : « Comment qu'il en foit , priuilege de donner arreft définitif, &
de long temps l'Angleterre auoit eu maintenant vous me dites qu'il me faut
multitude de Chreftiens qui tenoyent
pafl'erpar vos mains. » LeTignac
coutant attentiuement, confeilrefpon-
m'ef-
l'Euangile ,cruellement
tourmentez dont plufieurs
à mort,ont efté
comme
dit : Que de lui il n'y eftoit & qu'il
vous
celle nous
mefmetourmentez auiourd'hui
vérité. » 11 commanda pour
fur ne croyoit pas qu'il fuft ainfi, car il ef-
toit alors Lieutenant. le lui refpon
cela qu'on me remenaft. qu'eftant certain des paroles, ie m'en
Le "Vendredi après , i'ai elle dere- rapporte à tout le confeil lors aflem-
chef prefenté deuant ledit Tignac , blé , & que fpecialement celui appelé
auec tout fon confeil alfemblé, où on
me demanda fi ie vouloi demeurer en Tignac s'y employa du tout, lequel
pour enfeignes eftoit boiteux , ayant
des botines de cuir noir, ce qui me
mes alTembler
fait opinions meffieurs
faufi'es, pour
& qu'on auoit&
apaifer donna vraye conoiffance des perfonnes
pacifier le tout, fi ie me vouloi réduire & que tel afaire ne fe peut ignorer,
& qu'auffi le Dofteur, fainô perfon- enfemble prefent monfieur du Puis &
nage, auoit efté mandé pour me re- plufieurs autres que ne puis reconoif-
mettre en liberté. Que fi obftinément tre. Plufieurs du confeil refpondirent,
ie veux perfifter, meffieurs du Parle- qu'il pouuoit eftre vrai que le Lieute-
ment leur ont donné authorité de pro- nant fuft.
y Tignac rompant propos dit
noncer fentence definitiue , & fans
qu'il n'eftoit befoin de s'arrefter à cela,
appel. le lui refpon : « que de moi ie ne me demandant fi ie ne vouloi point
fuis ni obftin-é ni hérétique, ains Chref- changer de propos. le lui refpondi
tien ; fi le Dofteur m'a parlé, ie lui ai que ie ne fai autre chofe, & com-
fait aparoiftre deuant ce confeil , mes
attendant manda la
qu'onbonne
me remenaft. Ainfinoftre
volonté de fuis
articles de foi eftre fondez en la pa-
role de Dieu & de l'Euangile de fon Dieu , le priant qu'en toute patience
Fils lefus Chrift, conformes il me fouftiene par fa vertu, me con-
à laquelle ie fuis vni. Auffi leà Doéleur
l'Eglife
duifant à cefte vie éternelle, qu'il a
n'a par tout fon fauoir fait aparoiftre promife par lefus Chrift fon Fils ; au-
deuant ce confeil , la doflrine de ce quel feul foit toute gloire , empire &
pays auoir aucun fondement en la vé- honneur es fiecles des fiecles. Des
rité de Jefus Chrift & fes Apoftres ,
prifonsdredidefixiefrne
Lyonde àJuillet, , ce 'Ven-
Rouane 1554.
(i) Subjonctif présent du verbe chaloir,
qui n'est plus usité qu'à la ;* personne du
sing. du présent de l'indicatif 'Voila la refponfe & la Confeffion
Il signifie : u causer du souci. :» « il chaut. » dernière que Richard le Feure a
LIVRE CINQUIEME.

maintenue deuant les Juges de Lyon, de purifier , fandifier & iuftifier tous
ceux qui par ferme foi & efperance
le iour56deuant qu'il enduraft la mort ;
s'arrefteront au feul falut acquis par
en laquelle , s'il y a redite ou façon de icelui ton Fils ; en la foi duquel font
parler non vfitee, le deuoir du Ledeur
iurtifiez tous croyans , lefquels tu as
fuporter le tout, comme le nof-
fera adeerté
tre de fidèlement recueillir & efleus pour eftre tes enfans adoptez
prefenter les efcrits de ceux qui ont par icelui ton Fils lefus Chrift , pour
perleueré conftamment en la confeffion eftre faits membres de fon corps. Le-
de la vraye doftrine. quel ,pour fatisfaire à ta iuftice &
équité pour la punition du péché , &
pour nous racheter de la mort, s'eft
prefenté, par obeiftance volontaire, à
Oraifon que fil le Fcurc pour le iour fouffrir la mort ignominieufe de la
du
dii demi
dernier fupplice , en forme de croix, en faind & folennel facrifice &
confeffto
effion de foi. oblation pour les péchez de tous ceux
qui s'arrefteront & receuront par foi
DiEV tout-puilTant & tout fagc, qui, ce facrifice faind & vnique , fuffifant
des le commencement , as conu l'inconf- & perpétuel pour toufiours , qu'icelui
tance & fragilité de l'homme, lequel lefus Chrift ton Fils t'a offert en la
par fon outrecuidance fe voulant efle- croix, où il a porté fur foi la charge
uer par orgueil contre ton faind com- pelante des péchez de tous ceux qui,
mandement, eft tombé es filets du
diable & de la mort éternelle, cnfem- par feul
au fermefalut
foi &lequel
efperance,
il nouss'arrefteront
a acquis ,
ble toute fa pofterité , dont il t'a pieu cftant mort pour nos péchez, & reffuf-
f>ar ta bonté infinie auoir compaffion , cité en gloire pour notre iuftification ;
ui prouuoyant de bon remède & con- tellement que, par ce feul moyen, les
uenable, en fupportant fa fragilité, & croyans font faits enfans de Dieu,
Gen. j. lui promettant que la femence de la
membres du corps
Chrift, héritiers d'icelui
du royaume lefus
des cieux,
femme briferoit & defiruiroit la puif-
fance du ferpent , qui eft le diable , & participans de fon immortalité glo-
qui a efté inftigateur du péché, par le- rieufe, en la vertu de fa triomphante
quel la mort eft entrée au monde , à
caufe de quoi tu as eftabli ton alliance refurredion, par l'Euangile de grâce,
qui eft la bien-heureufe & ioyeufe
nouuelle du bénéfice de reconciliation
par ta fainde promenTe, & depuis l'as
prefentee & auffi confermee à Abra- & rédemption, Parquoi, Dieu trefbe-
ham, Ifaac & lacob, aux Patriarches, nin. Père de mifericorde & de toute
Prophètes & gouuerneurs de ton
confolation, comme àil merci
bonté me receuoir t'a pieu
, m par ta
ayant
Eglife d'Ifrael,
&fainfte en eftablin"ant
ordonnance de iuftice&vnefainc-
Loi
certifié cefle heureufe grâce d'elcdion
teté de vie par tes fainds commande- éternelle par l'adoption de ton Fils
mens ; en faifant conoiftre par iceux
lefus Chrift, en l'Euangile de grâce,
la peruerfité & mifere des hommes ,
par
fancelequel
de tatu fainde
m'as appelé à la volonté
& bonne conoif-
afin qu'en efperant aux diuines pro-
meftes de rédemption par le Meffias
enuers moi, tu m'as auffi eftabli en ce
promis, qui eft ton Fils bien-aimé , lieu pour eftre tefmoin de ta fainde
ils obtienent falut parce moyen. Le- vérité , par le fupplice prefent qui ce
quel Fils (quand le temps eft venu iourd'hui m'eft ordonné & appareillé.
Luc I. que tu as ordonné pour accomplir ta Ce que de bon cœur lSj franchement
fainde promelTe , félon le bon plaifir ie reçoi, eftant certain de la remiffion
de ta volonté) tu as enuoyé au monde de mes péchez par la vertu de la mort
pour vrai Rédempteur, pour ratifier bien-heureufe de ton Fils lefus Chrift,
<& feeller la promefTe de noftre faluf ; qui eft relTufcité des morts, & monté
& a efté fait nomme , chair de noftre à la gloire celefte ; en vertu de quoi
chair , »!fe os de nos os; & ce en vef- ie relTufciterai au dernier iour de fon
tant noftre nature dedans le ventre de
triomphant aduencmcnt , pour parfai-
la Vierge, de la fubftancc d'icelle, par tement iouir de fon immortalité glo-
la vertu incomprehenfible du faind rieufe auec lui éternellement; eftant
Efprit. Auffi a-il efté fuiet aux infir- aft"euré que maintenant mon efprit
fera receu en fa fainde protedion &
chofes & , paffions
mitez excepté depéché
l'homme en toutes
, cftanl pur tt fauue-garde auec les bien-heureux en
innocent, faind , iufte & parfait , afin
fon royaume éternel , en laift'ant ce
RICHARD LE FEVRE.

prefent monde parla mort corporelle, ie fois participant des tribulations 57 de m.dliv.
ton Fils lefus Chrift. Ce que ie conoi
qui m'eftdonnéeprefentement
par le fupplice enquiceà iour or-
prefent euidemment , quand ie confidere que
m'efl apareillé. Parquoi , bon Dieu, tu ne m'as
Père trefbenin & plein de mifericorde fance ; ainspoint
as baillé la feule
adioufté conoif-
la pratique
& de toute confolation , ie te prie pour me rendre à la fin homme parfait,
qu'il le fauoi bien que lefus Chrift auoit
lefus te plaife,
Chrirt, au nom
eftendre de ton
ta bonté Fils
& vertu enduré mort & paffion pour moi , me
puiffante fur moi ta poure créature;
donnant
bien leu exemple de le fuyure.
les admonitions efcritesl'auoi
par
& qu'en toute patience tu me faces
palTer outre ce pas de mort corporelle, les Apoftres & Euangelifles, que nous Matth. j.
me tendant ta main puiffante pour me fommes bien-heureux quand les hom- '• Pierre j.
retirer incontinent vidorieux de tous mes nous perfecuteront pour ton Fils
mes ennemis , me conduifant à celle lefus Chrift ; mais quoi, Seigneur .> le
vie bien-heureufe confeffe que iufques à ce que tu
en faueur de lefus que tu m'as
Chrift promife
ton Fils nof-
m'ayes fait pratiquer ce que ie fauoi
tre Seigneur , acceptant le mérite de
fa mort & paffion pour recompenfe de toi,conoiffance
en la ie n'eftoi dede beaucoup
mon falut,fi comme
aft'euré
de toutes mes fautes & péchez, en ie fuis maintenant. le n'ignoroi point Luc 12.
vertu du fainft & parfait facrifice de la promeffe que tu auois faite , que
Heb. 10. ton piis igf^s Chrift, fuffifant, vnique quand nous ferions deuant les grands
& perpétuel pour touliours; & de ceft du monde , nous ne fuffions point en
Agneau immaculé , de cefte hoftie fouci de ce que nous leur pourrions
viuante, de cède obeiffance volontaire, refpondre , & que bouche & fageffe
& de ce facré fang précieux de ton nous feroyent données par ton S. Ef-
Fils lefus Chrift, qui a efté efpandu prit, à laquelle nos aduerfaires ne
pour la remiffion de mes péchez. Et
mais ie l'ai
contre-dire;en moi-mefme,
pourroyent expérimenté
qu'en cefte forte ie me prefente en ta maintenant
gloire, honneur et louange , me cou- & que tu es le Dieu véritable. Car
urant de la iuftice & innocence de ton combien que ie ne fois fauant , tu as
Fils lefus Chrift , pour me prefenter toutesfois rempli ma bouche par ton
irreprehenfible deuant ta face. Auffi , Efprit, tellement que les fauans de ce
bon Dieu, qu'il te plaife auoir pitié de monde n'ont peu par leurs menfonges
ton Eglife , en reftaurant les diffipa- confondre ta fimple vérité. le ne recite
tions & ruines faites par la malice de point deuant toi ma vidoire , mais la
Satan, duquel vueille deftruire toutes tiene vrayement , qui rens confondus
les œuures auec fon règne d'Ante- & eftonnez mes aduerfaires. Ta gloire
chrift ; & que tu eftablifles le règne en cela en eft beaucoup plus grande,
bien-heureux de ton Fils lefus Chrift, d'autant que ie ne fuis ne fauant ni
en édifiant fon Eglife , laquelle , bon éloquent. Parquoi, mon Dieu, dere-
Dieu, ie te recommande, comme de chef ie te remercie de tant de grâces
tout temps tu en as eu le foin. Auffi, que tu me fais, te fuppliant me vouloir
Seigneur, ie recommande mon efprit toufiours augmenter la foi, comme tes
entre tes mains, qu'il te plaife le con- Apoftres t'en ont auffi requis, & me luc 17.
duire en ton royaume bien-heureux. faire cheminer de foi en foi , c'eft à
Pourtant, Seigneur, vueille-moi forti-
dire,
ai par acroiffement
grandement ; car l'en
pourfoifurmonter
befoin, de
fier en la vraye conftance, m'affifter par les tentations de cefte chair rebelle.
ta vertu & puiffance, me donnant vne
patience inuincible , pour perfeuerer O mon Dieu , encore que ie fois en
en cefte bataille fpirituelle iufques à la grand tourment & angoiffe , toutefois
fin de ma vie.
mon efprit fent défia les ioyes du ciel,
qui me font oublier la douleur, ou
pour le moins vne partie. Les tyrans
ont beau lier mes pieds & mes mains,
Autre Oraijon dudit Richard le Feure. & mettre à mort cruelle tous ces

Seignevr Dieu, Père tout-puiflant, membres ; car, en defpit d'eux, ils ref-
fufciteront & feront glorifiez , & alors
ie te remercie de ce qu'il t'a pieu ie rirai & m'efiouirai, & ils pleureront
m'appeler à la conoiffance de ton & diront : Voici ceux defquels nous- Sapience j.
fainâ Euangile , & fingulierement de
nous moquions, les eftimans fols & in-
ce que tu m'as fait ceft honneur que fenfez; voyez comment ils font main-
LIVRE CINQUIEME.
tenant nombrez entre les enfans de vn lid mol , ains mettent peine à
Dieu. Or donc, mon Dieu, mon Père, s'exercer autant que venir au dernier
58
vueilie-moi armer maintenant d'vne combat ; & toutesfois ils ne préten-
grande foi pour refiller à toutes ten- dent que d'auoir feulement vne cou-
tations; que l'horreur de la mort ne ronne corruptible. N'ai-ie pas donc
m'efpouuante , mais que ie nie recon- plus grande occafion, pour en auoir
forte en celle que lefus Chrift ton vne incorruptible & éternelle, de
Fils a gouflee tant amere, alin que m'exercer par ces petites croix, auant
celle mort que l'endurerai me foit que venir à ma grande iournee pro-
douce. Quedi-ie.' Ma mort ! Ha, mon chaine.^ Pour le moins, 6 mon Dieu, Notez CCI
Dieu, ce mot de Mort ell trop rude; fi ie fuis mis à mort fortant de cefle a(5llon de
prifon , ie ne ferai exécuté comme
ie parle improprement, car il n'y a
point de mort au Chreftien qui eft meurtrier ou brigand ; mais pour la
conioint auec Jefus Chrift, qui ert la grâces.
niefme querelle, pour laquelle font
vraye vie. le ne mourrai donc iamais; morts tant de Martyrs de ton Fils
car mon Rédempteur m'a promis, lefus Chrift. Que fi i'ai commis quel-
que puis que mon efprit a mangé fa
Ican 6.
chair & beu fon fang, ie ne mourrai bien que grand maléfice
mérité la mort , (comme
par lequel i'auoi
le moin-
dre péché du monde eft digne de
iamais,
langueur ieà ne vne ferai
vie , que
& depaffer d'vneà
maladie mort) tu l'as caché & couuert , afin
fanté perpétuelle, de douleur à ioye, que ma mort fufi referuee à feeller par
de triflelTe à lielTe, de toute malédic- mon fang la dodrine de l'Euangile.
tion àbenediélion, de famine & po- Que vaut de tant languir .> auffi bien
ureté à richeffe & toute abondance, faudroit-il mourir vne fois. Le tour-
d'ignominie des hommes à la gloire ment n'efl pas fi long ne fi grand, d'eftre
des Anges, de la crainte des tyrans à defpefché en vne heure, que de lan-
vne perpétuelle afTeurance, de fa com- guir trois mois en vn lid. Ne vaut-il
pagnie des miferables pécheurs à pas mieux mourir alaigrement pour
celle des fainds & bien-heureux. le mon Seigneur lefus Chrifi .' O Dieu
croi, mon Dieu, puis que tu m'eflis éternel, que tu me fais vn grand hon-
pour tutonmeMartyr
lour , qu'à monvirilement
feras combatre dernier neur, de ce qu'il te plait me faire
boire à la coupe de ton Fils bien-aimé
contre ma poure chair, contre le dia- lefus Chrift, & de me préparer le
ble ék le monde, afin que , pour l'édifi- niefme breuuage que lui-mefme a beu.
cation de l'Eglife, ie fois comme che- le n'ai donc plus que faire de la lu-
ualier prétendant en champ clos mière du monde , puis que tu m'ap-
.combatre & abatre mes ennemis par pelles, ômon Dieu, pour me donner
ta vertu , & par le coufteau trenchant la lumière éternelle, à laquelle vueille-
des deux codez , qui ell ta parole ; & moi maintenant conduire par ton Fils
en obtenir vidoire par la vidoire que
lefus, qui, en l'vnité du S. Efprit, vit
Jefus Chrift en a eue, par les mains & règne auec toi éternellement.
duquel la couronne me fera deliuree.
Ton faind Efprit me fera comme mon
parrin, lequel me confolera , drelTera
Heb. Conclufion du combat de Richard le
& enfeignera aux armes fpirituelles , Feure.
pour me rendre homme oicn adroit
4- pour batailler courageufement iufques
à la dernière goutte de mon fang. Et II. y a ici belle matière pour confi-
fi, en attendant cède heureufe iournee, derer vne admirable prouidence de
ie fuis exercé par grefillons (i) , fers ,
ceps, géhennes, froidures, ordures, Dieu, non feulement
mouuement vniuerfel, enil gouuerne
ce que, d'vn
les
ténèbres, faim , foif , & autres chofes
femblables, cela ne me doit eftonner, chofes, mais auffi que, d'vn foin fpe-
cial,
luitte il
de n'a voulu le
Richard orner la première
Feure de mort
car les iambes enferrées aux ceps ne
fentent pas grand mal, quand la main vidorieufe, ne qu'il
fembloit courir de foit paruenu
toute où il
fa force.
touche défia le ciel. Auant qu'entrer
en champ de bataille, les champions Ayant eflé refcoux des mains de ceux
qui doyuent combattre l'vn contre l'au- qui le menoyent à Paris, ce lui fut
tre, ne prencnt pas leurs déduits en comme vn delait, rcfpit A loifir, pour
fe difpofer à vne féconde bataille , à
(I) GrClons. laquelle le Seigneur l'auoit referué,
BREF RECIT. 59

pour le tant mieux manifefter , & ren- roit trouuer fiege pour le parquer &
dre exquife fa vocation deuant les pouruoir de feure demeurance. Fina-
lement de commun aduisil fut arrefté,
hommes. L'inquiétude de fon efprit
après celle deliurance , les longs cir- qu'on
cuis de fes voyages, & fa complexion vers leefi'ayeroit de faire quelque
Roi de Dannemarc; dont chofe
toute
Vlenhoue,
diuerfe , n'ont point empefché que le la charge en fut donnée par les an-
Seigneur n'ait parfait fon ceuure en ciens à lean à Lafco, lean "Vten- Micron.
lui , & que le dernier afte de fa vie houe (i), & Martin Micron (2). A
&n'ait
à laeftéconfolation
à la gloire de
de tous
fon fainft Nom,
les fidèles. l'inftant de cefte fortie, la plufpart de
l'Eglife fe mit en la compagnie de ces
La prifon des aduerfaires lui elloit trois perfonnages , pour faire voile en
non feulement pour efchole à toute Dannemarc. Le dixfeptiefme de Sep-
patience, mais auffi comme vn palais tembre s'embarquans au port de Graf-
royal, où il a triomphé autant magnifi- fienne (3) en Angleterre, finalement,
quement qu'homme de fa forte ; bref, après plufieurs dangers de tempeftes
il fut tout autre en la prifon , qu'il & orages , abordèrent à Hellef-
n'eftoit en liberté. Or après qu'on
l'eut mené & pourmené d'vn lieu à (1) Jean Utenhove était un des membres
autre, & que fa perfeuerance par tout de
femblable eut furmonté toute cruauté natifl'Eglise
de Gand. des Parétrangers à Londres.
sa traduction Il était
du Nouveau
Testament et des Psaumes, il travailla à ré-
des iuges; finalement après auoir re- pandre les doctrines évangéliques parmi ses
ceu fentence de mort, la langue lui compatriotes. Il a raconté lui-même les souf-
fut incifee, & fon corps bruflé vif le frances qu'il eut à endurer avec ses frères,
Samedi feptiefme de Juillet, 1554. dans la triste odyssée à laquelle les contrai-
gnirent l'intolérance catholique de Marie
Tudor et l'intolérance luthérienne du roi de
Danemark. Cet écrit de Jean Utenhove, qui
a dû servir de source à Crespin, est intitulé :
Simplex et fidelis narratio de insiitula ac dé-
BREF RECIT DE CE QUI EST muni dissipata Belgarum alioriimqae pcrcgri-
furuenu en ce temps aux mini/ïres norum in Anglia ecclcsia et pctissimiim de
susceptis postca illiiis nominc itineribus, quae-
d'Angleterre, & à la di/perfioii des que eis in illis enenerunt. In qua milita de
fidèles chajje^ dudit pa/s. Coenae Doniinicae negotio , aliisquc rcbus
lectii dignissimis tractantur. Per Joannem
Utenhovium Gandaviim. 1560. Le texte de
Apres que Marie fut paifible en fon cet écrit fut envoyé à Calvin par Utenhove,
royaume d'Angleterre , à grand'hafle qui
Mais désirait
le réformateur que Crespin en fût
jugea que l'éditeur.
le ton polé-
ayant remis fus la Papauté, les Egli-
fes qui auoyent fleuri du règne mique de ce récit ne pourrait qu'élargir la
brèche entre les Réformés et les Luthé-
d'Edouard, furent fubit miferablement riens. Crespin refusa donc de l'éditer, et ce
diffipees. lean à Lafco (i) Polonois,fu- fut Oporinus de Bâte
perintendant des Eglifes eflrangeres, prit de pai.x qui inspiraquices'en chargea.
refus L'es-
se retrouve
dans le « Bref récit >. que Crespin inséra
eflant à Londres , fut en grand foin ,
dans le Martyrologe , et où il passe légère-
ment sur les mauvais traitements que les
fuyuant l'affedion qu'il portoit au trou- exilés eurent à soulTrir en Danemark. Voy.,
peau de Chrifl, en quel pays il pour-
sur Utenhove. Burn, Hist. of tlic Foreign
Prot. Refiig. Londres, 1846, p. 186, et sur-
(i) Jean de Lasco, ou Laski, né à Varso- tout l'ouvrage hollandais du D' F. Pyper,
vie en 1499, d'une noble famille, fut attiré Jan Utenhove, syn Leven en sync Werke.
vers la Réforme par un voyage qu'il fit Leide, i88j. Ce dernier ouvrage contient la
dans l'Europe occidentale, où il entra en correspondance de Utenhove . qui mourut
relations avec Zwingle et Érasme. Elevé à en 150;. Vov.aussiles Opéra Calvini, passim.
répiscopat, à son retour, il fut contraint, par (2) Sur Martin .Micron {Maarten Micron,
sa conscience, à déposer les dignités ecclé-
siastiques, pour « servir, selon sa faiblesse, c'est-à-dire le petit) , ministre de l'Eglise
des étrangers à Londres , voy. la note du
cette Eglise du Christ qu'il ha'i'ssait au temps t. I , p. 501. Ce théologien hollandais avait
de son ignorance et de son pharisa'i'sme. » Il été médecin avant de se vouer à la théolo-
passa une dizaine d'années dans la Frise gie. Chassé des Pays-Bas par la persécu-
orientale, où il fit l'œuvre d'un réformateur. tion en liÇo, il s'associa à Londres aux tra-
Il se rendit en lîjo à Londres, où il devint vaux de Lasco, dont il traduisit plusieurs
prédicateur et surintendant des Eglises étran-
gères établies dans cette ville. II émigra avec ouvrages en hollandais. Lors de l'avènement
son Eglise, lors de la persécution sous Ma- de Marie , il accompagna les exilés en Da-
nemark,puis dans la Frise orientale, et de-
. rie, et rentra dans son pays natal, qu'il vint pasteur à Norden. 11 mourut vers la fin
.évangélisa jusqu'à sa mort . survenue en du seizième siècle. II prit une part active à
i6;o. Voy. art. Lasco, dans ['Encrcl. des la lutte contre l'ultraluthéranisme, à côté de
sciences rel. , Merle d'Aubigné, Hist. de la son ami Lasco. Voy. sur lui la Corresp. de
Réf. au temps de de Calvin,
Calvin, passim.
t. 'VU, p. 5;4-644, Calvin.
et la Corresp.
(î) Probablement Gravesend.
6o LIVRE CINQUIEME.

gnore(i), havre de Dannemarc, le autres à lean à Lafco & lean Vten-


29 d'Odobre. Entendant lean à Lafco, houe, qu'il fauoit ertre en grand fouci
ûue le Roi eftoit à Coldingue (2), il
tira Celle part acompagné defdits pour les frères demeurez en Danne-
marc, ilprint fon chemin en Frife; &
Vtenhoue it Micron. Le 8 de Nouem- le 28 de Décembre arriua à Em-
bre eflans venus à Coldingue, ils den (1). Tofl après quelques frères
n'inipetrerent rien du Roi ; car mefme venans de 'Vifmare, rapportèrent que
fon prefcheur en vn fermon, auquel les autres laiffez en Dannemarc ef-
ils affirtoyent , l'irritoit & enflammoit toyent reuenus, non fans grand dan-
contr'eux. Et non feulement demeu- ger de leurs vies, les vns à Lubec, les
rance leur fut déniée pour leurs Egli- autres à Vifmare, tous neanlmoins eii
fes , ains auffi le retour vers leurs
bonne fanté. Micron n'eut pluftoft oui
gens par HL-llefgnore & Haffnie (■■,); ces nouuelles, que du confeil e^ con-
fentement des frères il retourna vers
tellement qu'il leur fut commandé
vuider le royaume par Holface (4).
Maints encombriers & mefaduentures eux, le vingtcinquic-fme de lanuier, à
Vifmare , dont linaicment, après plu-
lors leur auindrent en la cour du Roi
fieurs difputes de la religion, en parti-
de Dannemarc, qu'il n'cft ici befoin culier auec les Minières, commande-
de reciter, pource que lean à Lafco ment fut fait à tous le 22 de
les a fidèlement & foigneufement def- Feurier 1554. de fortir. Parquoi tous
crites. s'en allèrent à Lubec.
DoNCQVES le dixneufiefme de No-
ucmbre partirent de Coldingue, &
par le commandement du Roi paflTans
par Holface , s'acheminèrent en Ale-
magne. Sur lequel chemin fe fepare- Paris Panier, de Salins(2).
rent, de forte que le feigneur à Lafco
& lean 'Vtenhoue defcendirent en
Frife; Micron s'en alla aux Orienta- Submetlans à la conoijjance de vérité
les citez maritimes {<,). pour là rece- toute eflude humaine, aprenons à
uoir les frères qui arriueroyent de
l'exemple de ee perfonnage, de tenir
Dannemarc par mer, pour les fefloyer icelle vérité plus precieufe ijue toute
& confoler. Car on auoit fouuent la plus longue vie que nous /aurions
fignifié au nom du Roi, que fans délai auoir en ce monde mortel.
tous fulTent chaffez du royaume. Mi-
cron'donc arriua à Hambourg le 2Ç. La Cour du Parlement de Dole au
de Nouembre, où, pour donner &
Comté de Bourgongne fembleroit dé-
receuoir confolation en fi trifte & pi- générer des autres Cours, fi par ades
teux eflat de l'Eglife, il feiourna quel- germains & du tout femblables. elle
que temps auec les frères arriuez de ne fe declaroit ennemie mortelle de
Dannemarc. Et pour eflre mieux in- ceux qui font profeflion de la vraye
formé du gouuernement des Eglifes
dodrine du Seigneur. Et fans recer-
& de la dodrine qui là fe prefchoit , cher les exemples de plus haut com-
il fréquenta les fermons & leçons pu- mencement ,en ce temps elle en fit
bliques en Théologie. De là fe tranf- preuue en la perfonne de M. Paris
fiorta à Lubec & Vifmare (6), & Panier, qui non feulement eftoit de
ieux circonuoifins, y faifant feiour ,
leur corps, comme aduocat audit Par-
iufques à ce qu'il entendit par bruit lement ,& iurifconfulte tres-dode ,
commun, que pour la gelec & froidure mais auffi auoit tous fes parens & amis
lors tres-vehemente, il n'efloit poffible au mefme pays A Comté de Bour-
qu'aucun abordafl
Defirant faire fain deces
entendre Dannemarc.
chofes &
Cornière, gongne, citant iffutrois
enuiron d'vnlieues
lieu près
nomméde
la ville de Salins. Il n'auoit encore
(i) EIscncur, en danois Helsingœr. atteint l'aage de vingtquatreans, quand
(1) Koldinj;. par la confpiration de quelques mef-
{}} Probablement Roskildc. fires preftres lean Sachet & leanPaul,
(4) Le Holslein , habile autrefois par les
Hotsati. On interdit aux rifugit-s la voie de
mer terre.
et on les obligea à s'en aller par la vole (1) Ville du Hanovre, dans la Frise orien-
de tale.
(5) Hambourg cl Lubeck. (21 lignes
L'édition
(6) Wismar, en Mcckicmbourg. cinq sur princeps n'a qu'une notice de
ce martyr.
OTTHO CATELINE. 6i
auec vn troifiefrae de leur faélion , il Comté d'Emde , a communiqué par
fut accufé comme ayant parlé con- efcrit ccjlc hijîoire mémorable , de
tre le Dieu de leur MefTe nourrice. laquelle nous pouuons recueillir ,
Pour l'entendement & naturel qui que la vérité de l'Euangile, au cœur
eftoit en lui excellent , il efloit par- du fidèle, efl vne forterejje inuinci-
ble ; & fait des aàcs autant hardis
uenu non feulement d"eftre au rang
des premiers hommes de lettres de qu'on
moins Jauroit ejlimer , contre les tef-
de menjonge.
fon pays, maisauffi entre les Jurifcon-
fultes renommez , à caufe de fa
fcience & éloquence. Eftant prifon- Av mefme mois d'Auril de cefte
nier, il fe refolut de ne flefchir en la année, vn nommé Ottho van Cateline,
vérité, combien que plufieurs le foli- natif de la ville de Gand , endura la
mort en ladite ville pour la vérité de
citaffent de quitter quelque peu d'icelle
pour fauuer fa vie , & pour euiter la l'Euangile. Il eftoit bon ouurier de
rigueur des placars de l'Empereur grauer & demafquiner coufteaux, ar-
Charles cinquiefme, nouuellement pu- mures & chofes femblables; & fe re-
bliez fur le fait des Luthériens au
tira ieune garçon au pays d'Angle-
Conté de Bourgongne. Plufieurs à
cette occafion furent emprifonnez, il terre, où le Maiftre qu'il feruoit lui
mita nom Oeft, ou George, & de-
y en eut qui s'abfenterent du pays meura audit pays tant de temps qu'il
y eut Eglife de Flamens eftablie à Flamens
pour euiter
mais Paris l'exécution defdits placars
Panier demeurant ferme ; Londres du viuant du bon Roi Edouard Eglife de à
Londres.
en la confeffion de l'Euangile, au fixiefme, l'an m.d.l. Ottho, combien
grand regret de fes iuges, fut con- qu'il fuft ignorant , voire Papiftiques
adonné en- ,
damné d'auoir la tefte trenchee, & fes core aux fuperftitions
liures eftre bruflez deuant lui. Ce fut le frequentoit foigneufement les alTem-
blees pour ouyr les fermons; mais du
Samedi feptiefme lourd' Auril 1554(1).
commencement il y profitoit bien peu.
Tant y a que continuant l'audition de
la parole du Seigneur, il y profita tel-
lement, que depuis il feruit grande-
Ottho , ou Oest Cateline, ment àr Eglife en laquelle il fe rangea.
men (2).
Quelquemeurédélibérant
, temps après
de qu'il
faire eut là de-
vn voyage
M. Martin Micron , duquel ci-dcuanlFla- à Gand, fes amis l'admonnefterent de
efl faite mention , niinijîre en la fe porter fagement en fon voyage , à
caufe du grand danger des perfecu-
tions contre les fidèles. Ottho leur
(i) Les Calfini Opcra iXIV, 714, 720;
XV, i;;.) nous permettent de compléter un refpondit qu'il efperoit ne faire ne
peu ce trop court récit. Théodore de Bèze, dire rien témérairement; mais s'il
dans une;;lettre à Bullinger (24 décembre
auenoit qu'en fa prefence le nom de
155;), lui
Panier, faitpar
trahi partdesde moines,
l'arrestation de Paris
au moment où Dieu & de lefus Chrift fuft blafphemé,
il allait passer en Suisse. Sa mère et ses qu'en ce cas on fe tinft pour tout af-
frères, soit par crainte, soit par fanatisme,
feuré qu'il ne diffimuleroit aucune-
n'osaienl'^riende faire
Abandonné tous, pour
il avaitlui écrit
venir à enGenève
aide.
ment, & ne cacheroit le talent qu'il
pour demander qu'on intervînt pour le. Viret
déli- auoit receu parla parole de l'Euangile.
vrer. Bèze et, quelques jours après Av fortir d'Angleterre , comme il
écrivirent à Bullinger pour le presser de eftoit embarqué pour venir en Flandre,
mettre en mouvement le gouvernement ber- vne fi horrible tempefte furuint , que
nois, afin d'arracher ce pieu.\ jeune homme
B aux griffes du lion. » Cette intervention
fut, comme tant d'autres, inutile, et, quel- Hoste van den Catelyne , comme l'écrit le
ques mois plus tard, Bèze faisait part en ces martyrologiste hollandais Hasmstede. Cres-
termes au même correspondant de la mort pin et Hœmstede se sont
de Paris Panier: « Scripta jam epistola venit brochure sur la mort de servis d'une
Catelyne petite
, compo-
mihi in mentem officium illud ecclesiœ vestrœ sée par Martin Micron (voy. plus haut ,
in nostrum illum Paridem , qui Dolœ vinctus p. 59). Les deu.x auteurs ont écrit d'une
erat Domini Jesu. Is capite multalus est su- manière indépendante. L'écrit de Micron
periori mense. sed invicta constantia, ut est en hollandais, et M. Sepp ne pense pas
audimus, non ipsos modo hostes, sed ipsam qu'il ait jamais été traduit. Il est certain que
quoque mortem vicit. Laus Deo, qui utinam Crespin connaissait le hollandais et pou-
similem nobis animum largiatur, si visum illi vait puiser dans les documents écrits dans
erit ut nos quoque nostro sanguine ipsius doc- cette langue. Cette notice, moins le som-
trinam obsignemus. " (Calu. Op., XV, i;;.) maire ,figure dans la Troisième partie du
(2) Le nom de ce martyr était Joris ou Recueil des Martyrs, édit. de 1556, p. 61-72.
62 LIVRE CINQUIEME.
Et comme il vouloit defcendre de la
eftoyent
qui la
tous ceuxque aucc lui n'atten- chaire, Ottho oftant le bonnet, lui dit Otiho rcr
doyent mort toute prefente;
mais il les confola merueillcufement ,
& leur feruit de minirtre durant la haut , et
ami toutclair : " Efcoutcz
voftre fermon eftvnapertement
peu, mon ^'" ^T''
tempefte. Apres que le Seigneur les contraire à l'Efcrilure fainde. & fi
eut deliurez du péril & fait paruenir ran"emblee prefente veut auoir pa-
à bon port, Ottho les exhorta tous de tience, ieprouuerai manifeftement par
rendre aâion de grâces au Seigneur, les faindes lettres, que vous auez ici
& de retenir fa crainte deuant les prefché au peuple vne dodrine fauffe
& mefchante. » Mais comme le moine
yeux, fe fouuenans d'vne deliurancc
il admirable. 11 leur dit d'auantage , fort eftonné & troublé n'y vouloit en-
comme s'il euft eu défia fentiment de tendre, & lui confcillrtft feulement
ce qui lui deuoit aduenir, que faire fe s'en aller, Ottho s'approcha déplus Zèle arJ
pourroit quelque iour que Dieu vou-
droit efprouucr par tourmens tt mar- près , &luipar
d'efprit vne mots
dit tels : " Ovéhémence
grande faux pro- d'Otih'
tyres la foi de ceux qui eftoyent ef- phète, qui perfuades au peuple que le
chappez des périls marins, & pour pain eft le vrai corps de Chrift, lequel
gloriher fon nom , les mener deuant eft monté au ciel , après auoir enduré
le iugement des hommes , & ainfi les la mort & paffion pour nous! » Sur ces
retirer des miferes de ce monde. Tort
entrefaites, il s'efleua vn grand tumulte
après, ce grand zèle dont il eftoit af- du peuple , & difoyent à Ottho tant
fedionné à la vérité Diuine , donna hommes que femmes : « Hélas! mon
occafion aux ennemis de vérité de le
ami, que veux-tu .' " A quoi il ref pondit
faire mourir , car, eftant embrazé de
d'vne grande véhémence : « Ce font
l'amour de Dieu , il ne fe feignit de tous faux-prophetes, qui vous fedui-
reprendre librement & publiquement fent, ne les croyez nullement. » Cela
les idolâtries, toute apprehenfion de dit, il fut contraint par la foule qui le
danger mife fous le pied. Ce qui poulfoit fortir auec les autres hors du
auint ainfi. Arriué qu'il fut à Gand , temple; & iaçoit que plufieurs lui con-
ayant entendu qu'vn Jacopin nommé fcillalTent
voulut entendre de gagner
: mais au
leurpied
dit ,que
il n'y
ce
Pidoris la- Piftoris faifoit profeffion de la vérité ,
copin. & annonçoit au peuple la vraye doc- qu'il auoit dit publiquement, fe deuoit
trine, fiqu'il
fes fermons y auoitde grolTc
; efmeu prelTe feà
tel rapport, bien pefer; & puis s'en alla tout le
pas. Et fubit voici venir le Procureur
délibéra quelquefois de l'aller ouyr,
pour en fauoir la vérité. Le Jeudi dre
gênerai la porte HelTel,
près Jacques fit pren- '«'!"" "'^"'^
nomméequienle Flamen
donc deuant Pafques, il fe tranfporta BruKfchc Walpoortc , & le fil mener
au temple de fainA Michel, & retint au vieil chafteau, dit du Comte, fur
place vis à vis de la chaire , pour d'Auril
les dix lheures
'i ^4- du matin, l'onziefme
mieux entendre tout ce qui fe diroit ;
mais il trouua, au lieu d'vn threfor, des Apres difner ce Procureur, acom-
charbons; & au lieu de bonnes & fai- pagné de Piftoris & de fon compa-
nes viandes, de la poifon mortelle. gnon, it d'autres qu'il auoit fait venir,
Car Inrs ce prefcheur afferma par fe tranfporta en la prifon . où les
plufieurs paroles que, quand le Pref- lacopins difputerent trois heures pour
trc manie le facrement de l'autel le moins contre Ottho, fans rien ga-
(comme ils appelent), le pain eft gner fur lui. Car Ottho vouloit exa-
tranfmué, par la vertu & efficace des miner tous les propos qu'il difoit de
fiaroles deffus ce pain proférées, en la Cène du Seigneur, de la vraye in-
a vraye fubftance du corps de Jefus uocation, du Purgatoire, de la princi-
Chrift: de manière que Chrift eft là pauté tt primauté du Pape, & fem-
corporellement honnoré , adoré , & blables par lEfcriture faindc, & non
mangé. Par telles iS; femblables paroles autrement. Eux au contraire extraua-
Ottho fut fi efmeu A piqué, voyant le gans du vrai but pour cfchaper, alle-
peuple eftre ainfi abufé , que ceux qui guoyent telles quelles fubtilitez, ou le
eftoyent près de lui le virent du tout
placard de l'Empereur, ou les tradi-
changer de contenance: iS: bien qu'ef- tions des pères, ou les décrets de
tant pouffé d'vn grand zèle, il defiraft l'Eglife Romaine, bref tout ce qu'ils
fort aire ce au'il en fentoit, toutesfois pouuoyent
leur caufe ramafl'er pour eftançonner
fort ruineufe. Finalement
il fe retint, « eut patience iufqu'A ce
que le moine eut acheué fon fermon. il fut arrefté enlr'eux , qu'Ottho cou-
OTTHO CATELINE.

cheroit par efcrit ce qu'il fentoit des faire pénitence de tes de


péchez.
poinéls qui auoyent efté par trop de- reconoifloit le Pape Rome D. pour
S'il
batus entr'eux fans fruiit. Pour ce chef de la fainfte & Apoftolique Eglife ;
faire le Procureur commanda qu'on refpondit qu'il reueroit Chrift noftre
lui liuraft papier, encre & plume. En rédempteur , pour chef fouuerain &
ceft efcrit, pour le faire court, Ottho
vnique de l'Eglife, mais quant au
affermoit qu'il y auoit vue figure aux Pape , qu'il l'eftimoit le prélat de
paroles de lefus Chrift : Ceci eft mon l'Eglife de l'Antechrift, & l'auoit en
deteftation comme fils de perdition , 2. Theff. 2.
corps, & qu'il ne les faloit entendre , Dan. 2.
comme fi le pain eftoit la fubftance de affis au lieu faind. Apres, reuenantau
fon corps naturel. Pour quoi prouuer, propos touchant la Cène du Seigneur,
il amenoit force raifons & authoritez
qui auoit efté rompu . il nioit la pre-
de l'Efcriture , aufquelles les aduer- fence corporelle de Chrift en la Cène,
faires ne pouuoyent refpondre. Ne confermant fon dire ou bien de Chrift
pouuans fatisfaire, ils lailTerent la dif- mefme, ou bien par plufieurs tefmoi-
pute de la Cane , & vindrent à l'in- gnages & authoritez de fainft Paul &
terroguer qu'il fentoit de l'inuocation de l'Efcriture fainde , qu'il alleguoit
des Sainds. Il refpondit promtement, fi bien à propos , que ces procureurs
qu'il ne feruoit & n'inuoquoit en ef- de l'authorité Papale & de la tranf-
prit & vérité autre fainâ. , que celui fubftantiation n'auoyent que dire, mais
qui eft le Saind des fainéls, car attendu tant en fe matière
taifant qu'en
de cefte fort extrauagant hors
auant entamée,
qu'il femond tous qui font trauaillez,
ils confermoyent bien auant es efprits
de
nousvenir
exhorteà foi depourheurter
les foulager,
, cercherqu'il
& des auditeurs leur beftife, conioinde
demander, auec affeurance certaine de auec une extrême impieté & cruauté.
trouuer & obtenir, veu auffi que nous 'Voyant le prefident de Flandres,
fommes certains que Dieu le Père
fouuerainement bon , nous donnera Helwegh , qu'en fa prefence & de
quelques Confeillers,
doit fi dextrement Ottho refpon-
& doucement à tout
tout ce que nous requerrons au nom
de Chrift fon Fils, il difoit que nous ce qu'on lui demandoit, il allégua, [que]
lui faifions vne extrême iniure, en for- l'Empereur.
Edia de
par l'edidtref-expres de fon Prince, il
mant nos requelles & prières à Dieu lui eftoit défendu de difputer des ma-
le Père au nom d'autre que de Chrift. tières de la foi auec hérétique quel-
Parquoi il concluoit que ceux fai- conque, toutesfois qu'il lui enuoyeroit
foyent impudemment & mefchamment,
quelque
quelque moine, Preftre ou, laie,s'il
quiaimoit mieux,
pourfuyuroit
lefquels fans perfuader
ture veulent tefmoignage de l'Efcri-
au peuple que la difpute encommencee. A quoi Ot-
tho fit refponfe que ce qui lui eftoit
les Sainds ont charge d'aduocalfer
pour nous enuers Dieu le Père, con- tout vn , entant qu'il eftoit preft de
fideré que ce droit attribuer
d'eftre aduocat fe rendre raifon de fa foi, non à ceux-là
doit entièrement à Chrift feulement, ains au moindre du vul-
feul, qui a efté crucifié pour nous. gaire. Quant au Prefident & fes ad-
Car à qui nous pouuons-nous retirer ioinds , qui ont puifl"ance de fauuer,
en plus ou faire exécuter ceux qui n'auoyent
cés, grande
& en plusaffeurance d'eftre exau-
grande certitude de obéi aux edits de la religion, & ce-
noftre falut &qu'àeftcelui
nous tous qui eft
le Fils frère de
éternel de pendant l'Empereur ne vouloit qu'il
leur fuft licite de difputer des matiè-
Dieu éternel , voire feul qui veut &
res de la Religion , combien qu'ils
peut bien faire au genre humain .- feulTent que les Efcritures nous font
Interrogvé, s'il croyoit le Purga- laiffees pour dodrine & édification, il
toire, refpondit qu'il ne fauoit que prioitle trefbon & tref-fouuerain Dieu,
deux voyes. dont l'vne menoit au ciel, qu'ils peuftent long temps exercer leur
demeure des bien-heureux, l'autre à office & eftat à la gloire du nom Di-
la géhenne perpétuelle , feiour des uin & au falut de leurs âmes , lequel
mal-heureux. Ces voyes font notifiées eftat (comme il difoit) il auoit en
par les exemples qui font aux faimSes grande révérence & eftimoit deuoir
Luc i6. Lettres, touchant le mauuais riche,
1er. 15. eftre honnoré par tous plaifirs & fer-
Lazare, & le brigand auquel il a efté uices.
Emden ville la
dit: <i Tu feras auiourd'hui en paradis TosT après, il efcriuit à Chriftine fa
auec moi, » & nonpas : Tu iras auiour- Frifetale.
Orien-
femme, qu'il auoit laift'ee à Emden,
d'hui au feu de Purgatoire pour là
pour la confoler,radmonneftant qu'elle
64

LIVRE CINQUIEME.

reiettafl tout foin de fa vie fur le bon foyent conus. Et de là nous auons
occafion de cercher les Efcritures, de
Dieu qui eft père & nourriffier des
vefues A des orphelins, comme il eft forte lonque l'expérimente Rom.
la dodrine de fainden Paul
vérité fé-
, que
nommé es faindos Lettres , & s'em- toutes chofes tournent en bien aux
ployafl du tout à inllruire Samuel &
Sara, qui efloyent les deux enfans fidèles, fi que d'affedion ils louent
qu'elle auoit de lui, & à les bien en- Dieu de tout ce qui auient, reconoif-
dodriner en la foi pour laquelle il don- fans qu'il l'a ainfi déterminé. D'auan-
noit à entendre qu il mourroit de bref,
tage la croix me refiouit plus qu'elle
& laquelle ils auoyent faindement ne me contrifte, quand ie penfe com-
ans. En la fin, il auer-
cinq tort bien elle eft neceft'aire généralement à
titToit depar bien
gardée choifir vn certain tous. Car Dieu veut que nous pen-
eftat & manière de viure par la con- fions plus aux chofes ilceleftes qu'aux
terreftresA caduques, veut auffi que
duite de l'Efprit du Seigneur. Il ef-
auffi l'Epillrc nous nous iugions eftrc comme pèle-
criuit
M. Martin Micron, qui contrirtéà
lors s'enfuit
rins en ce monde, n'ayans ici habita-
tion permanente, afin que nous foyions
fien perfecuti
pourtre la qu'enduro
ami en ceon mefme it vn au-
temps. toufiours appareillez à endurer perfe-
cution, renonçans aux commoditez de
« O Frère, ne nous defcourageons la vie prefente ; bref, par le moyen
en portant la &croix, mais embralTons-la des perfecutions, Chrift notifie nof-
franchement de bon cœur, eftimant tre foi à tout le monde. le vous prie
donc, trefcher frère, de vous confoler
vn grand heur d'endurer perfecution
AiSles 2. pour le nom de ChriH , comme les en l'alflidion de N., noftre frère, A
vous préparer alaigrement à porter
Apoftres fe refioulToyent d'eftre faits vne mefme croix. Au refte , il femble
dignes d'endurer pour le mefme nom.
RefiouilTons-nous , di-ie , auec adion que Dieu veuille aucugler & abrutir
de grâces , de ce que noflrc Dieu les entendemens de ceux de ce pays,
veut orner fi abondamment de tels
ce que ie m'affi-'ure qu'il fera de plus
fignes extérieurs fon Eglife efparfepar
tout le monde , car par tel moyen il en
de plus, s'ilscœur,
tout leur ne fe car
conuertift"cnt
nous voyonsà lui
le
veut donner tefmoignage que nous iugementdu Seigneur défia commencé
par fa maifon. Parquoi il me femble
femmes
Non que vrayement membres que
ie veuille affermer d'icelle.
ceux bon & vtile que vous admoneftiez
qui endurent le plus foyent pourtant iournellement noftre Eglife comment
elle fe doit porter es perfecutions ,
Satan le plus au corps
droit de l'Eglife
mettre Satan ,ducar nombre
ainfi il fau-
des
tourmenlé afin qu'au temps de probation ils
de tous. gens de bien , lequel efi toufiours en foyent munis de conoiffance & foi ne-
celfaire. La grâce de noftre Seigneur
peine & tourment , & toufiours treni-
olant quand il penfc au iour du iuge- demeure perpétuellement auec vous.»
ment, mais ie di de ceux qui endurent
pour la pure profeffion de la vérité.
Car il e(i certain que plufieurs Papif-
La mort heureufe de Ollho Cateline.
tes, Anabaptilles cSt Arians n'ont re-
combien qu'ils n'euf-
la mort,foi,
fent ladoutévraye comme il fe peut Le Samedi vingtfeptiefme d'Aurii ,
prouuer par l'Efcriture fainde, mais l'an fufdit, Ottho, aagé enuiron de
de ma part maconfcience me rend tef- trente ans, fut condamné à la mort, &
après midi mené en la place où les
moignage, confermé par l'authorité de fagots eftoyent préparez pour le bruf-
l'Efcriture fainde. que la foi laquelle
Dieu a reuelee à fon Eglife par fon 1er. Et comme il fe difpofoit de faire
faind Efprit, eft vraye it Apoftolique, quelque exhortation Chreftienne au
de laquelle le fondement ell Chrilt. peuple deuant que mourir, le Procu-
Car on ne nous peut arguer que nous reur Heft"el ne le voulut fouffrir, mais
falfifions l'Efcriture, attendu que nous crioit fouuent au bourreau : i> Defpe-
croyons & receuons tout ce qui cfi chc-le, fai ton office. » Ce qu'oyant
contenu en icelle, ce que ne font les Ottho, & voyant qu'il
fedes delTus nommées , qui efi vne cunement permis de nedefcharger
lui eftoit au-
au
I. Cor. II.
chofe digne d'eftre déplorée. Mais peuple
Diuin ,fon
A cœur
que letout embrafé lui
Procureur d'amour
difoit
quoi ? il eft neceft'aire qu'il y ait des
fedes , afin que les vrais fidèles qu'il fift ce qu'il voudroit lors qu'il fe-
lEAN FILLEVL, IVLIAN LEVEILLE.

roit dans les fagots, il fut touché de


douleur extrême de ne pouuoiradmon-
nefter le peuple de fe donner garde
de ceux principalement qui difent :
Iean Fillevl & IvLiAN Leveillé (1).
Chrifl élirela ici
toitaffisà où là,
dextre de comme s'ilPère.
Dieu fon n'ef-
Le procès fait contre ces deux Martyrs
Si efl-ce qu'entre autres chofes il dit de Dieu monjlre les rufes que tie-
à Heffel, d'vne voix piteufe & lamen- nent les Preuofls des Marcjchaux
table :« l'aperçoi que tu es en peine, pour attraper les poures fidèles, mais,
pour caufe de l'effullon de ce fang
quoi que la chair & la fagejje hu-
innocent , mais i'ai prié le Seigneur
mon Dieu, qu'il le te voulull pardon- maine l'achent inexpugnable.
vérité demeure faire , le fort de la
ner.)' Aquoi refpondit Heffel: « Amen,
amen. » Puis Ottho, adrelTant fon pro-
pos au peuple , dit : « Mes frères & Vn Dimanche, quinziefme d'Auril,
de ceft an M 54, Gilles le Pers, Pre-
amis, i'auroi beaucoup de chofes à vous uoft- des Marefchaux au pays & Se-
dire , mais on ne le me veut permet- nefchaucee de Bourbonnois, pour le
tre, dont i'ai le cœur fort defplaifant. » Marefchal de faind-André , conftitua
Sur cela, le bourreau . félon la couf-
prifonnier Iean Filleul, menuifier, &
tume, fe mit à genoux, requérant qu'il Iulian LeueiUé efguilletier , natif de
lui vouluft pariJonner fa mort. Ottho
le baifa, & dit : « le te pardonne de Sanferre près de Neuers, fur le che-
min de Defire. Les ayant rencontrez,
bon cœur & prie Dieu qu'il te vueiUe il leur dit de premier abord : « Frères,
pardonner tes pochez. » Et incontinent
lui-mefme , fe iettant à genoux , fit fa ie fai bien où vous allez, ne craignez
prière à Dieu en celle fubftance : de vous déclarer , car nous vous vou-
« Père celefte, qui, félon tes promelTes, drions couurir de nos manteaux , &
vous cacher & défendre contre tous
as enuoyé ton Fils vnique pour eftre
offert en facrifice pour nos péchez, ie mefchans. >> Ayant vfé de cefte préface,
te prie, moi qui fuis de tes moindres il les attira par belles paroles, fe fei-
feruiteurs, que tu ne me refufes ta gnant auoir conoin"ance de la vérité,
grâce & mifericorde. Et quant à vous, les
trefchers frères, ie vous fupplie hum- mal alfeurant
ne deftourbier qu'ils , n'auroyent aucun
mais que pluftoft
leur donneroit fauuegarde pour les
blement que d'vn commun accord conduire. Et pour mieux iouër fon
vous priez Dieu pour moi , à ce qu'il perfonnage, ledit Pers fit marcher fes
m'affilie en cefte dernière heure de la archers deuant lui , en leur difant :
mort, félon qu'il a promis à fes ferui-
teurs. »Ici derechef le Procureur gê- c< Allez, allez, piquez en auant, ce n'eft
nerai cria au bourreau : « Defpeche , pas ici où vous devez arrefter. » Apres
defpefche. » Et incontinent Ottho fe ces chofes, il les interrogua en telles
prefenta pour eftre lié au pofteau , & paroles : « Où allez-vous, frères? i> Ils
comme on l'attachoit, dit : « Gardez- lui refpondirent : « Nous allons ci près
vous des faux prophètes qui difent : à Defire. » Et le Preuoft leur deman-
■Voici, Chrift eft ici ou là , ne vous y dant s'ils ne palToyent pas outre, ref-
fiez pas, car il eft au ciel à la dextre pondirent qu'ils alloyent véritablement
de Dieu fon Père. » Puis il s'efcria : plus
« Père celefte, ie recommande mon ef- à Geneue que le
loin. Lors vousPersallez,
: « N'est-ce pas
& y menez
prit entre tes mains, & te prie que tu ce petit enfant & cefte ieune fille ? »
faces la gftice à mes petis enfans de Tous deux refpondirent
toufiours marcher en ta crainte. » Cela les menoyent à Geneue. qu'oui & qu'ils
Demanda en
outre ledit le Pers , i\ leurs femmes
fait, il fut eftranglé & grefillé feule-
ment, & puis on mit fon corps au gi- n'y eftoyent chofes pas. Refpondirent qu'oui.
bet auec les autres, lequel le Seigneur, Lefquelles déclarées, le Preuoft
félon fes promeffes véritables reflfufci- fifflant du poin , appela fes archers
tera au dernier iour auec tous les pour les prendre & mener à Neuers.
Sainds, poui' le faire participant de fa Quand ils furent là venus, il les inter-
gloire éternelle.
rogua de toute autre façon qu'au pa-
rauant, c'eft aft'auoir touchant les arti-
cles ia par eux confeft'ez, & puis, qu'ils
(r) BizeM. I, p. 54 Cresplii, 1556, p. 71-79-
5
66 LIVRE CINQUIEME.

alloyent faire à Geneue. Ils lui dirent MelTe , mais feulement eftoit appelé
& elleu pour prefcher & euangeiizer
que c'efloit pour faire leur fpirituel
profit , lequel ils ne pouuoyent faire "a parole de Dieu , (S: que s'il y auoit
au royaume de France, tant pour les
blafphemes , idolâtries & faufles doc-
3uelque falut par la Meft'e, il faudroit
ire par confequent que Jefus Chrift
trines, que pour les abus qui fe com- a enduré en vain. Outre, furent inter-
mettent es Sacremens de l'Eglife, ce rogués fi le preftre auoit puiffance de
conuertir le pain au corps de Chrift.
qui n'eft
tant queen la pure la ville& de Geneue,doèlrine
ancienne d'au-
y eft prefchee & annoncée. Alors Ils refpondirent que Dieu n'eft fuiet
aux hommes ni aux paroles d'iceux,
mais que toutes chofes lui eftoyent
pource qu'ils, les
Sacremens auoyent fait mention
interrogua des
de poind
fuiettes, et que c'eft idolâtrie de met-
en poinft, & de l'vfage d'iceux & de tre vertu & puift'ance aux paroles pro-
la dodrine qu'ils difoyent élire fi pure- férées félon l'intention des hommes.
ment prefchee à Geneue. Et premiè- Furent enquis fi les chofes fufdites ne
rement s'ils ne croyoyent pas que profitent pas pour retirer les âmes de
Jefus Chrifl fufl au pain de que
l'hoflie tel- Purgatoire , « s'ils ne croyoyent pas
lement enfermé & enclos, le pain le Purgatoire. Refpondirent que tant
n'eft plus pain , ne le vin plus vin , s'en faut qu'il leur profite , que pluf-
mais realement faits le corps & le fang toft leur viendroit à condamnation,
de Jefus Chrift, par les paroles profé-
rées du prellre. A quoi les prifonniers comme chofes qui prouoquent l'ire de
Dieu à rencontre d'eux. Et quant au
refpondirent qu'ils croyoyent que Ic- Purgatoire, dirent qu'il n'en eftoit au- Du Pur^a'
fus Chrift, ainfi, &qu'il cun , finon leleur fangditde : Vous
lefus Chrift. '«'re.
monté au ciel affiseftà efcrit,
la dextreeftoit
de Le Preuoft voulez
Dieu iuger
fon Père iufques à ce qu'il, donc nier l'interceffion & adoration
viene les morts & les viuans
des Sainfts. Ils refpondirent, que d'at-
ainfi qu'il eft efcrit au Symbole. Et que tribuer aux Sainéls l'honneur qui apar-
par ainfi le pain & vin demeuroyent tient à vn feul Dieu, c'eft contre tout
toufiours pain & vin. gré & vouloir de Sainds mefmes, car
De ivrage des Enqvis derechef par ledit Preuoft il faut que tout honneur foit rapporté
Sacrcmens.
à Dieu, comme il eft efcrit. Et quand
de ce qu'ils croyoyent touchant le Sa-
crement Refpondirent
: qu'ils croyo- ainfi feroit qu'ils nous pourroyent ai-
yent que le pain & le vin eftoyent fi- der, encores ne voudmyent-ils vfur-
gnes du vrai corps & fang de lefus per l'honneur qui apartient au feul
Chrift, & que tout ainfi comme par le Dieu, duquel vient toute puiftance.
pain le cœur de l'homme eft fouftenu Quant à l'interceffion, nous ne recon-
& afermi , & par le vin eft refioui ,
noifTons (dirent-ils) qu'vn feul qui le
auffi l'efprit eft fuftanté & fouftenu par puift'e faire, qui eft Jefus Chrift, le-
le corps précieux de Chrift & refioui quel ,de fon propre vouloir & office,
en aduocaft"e pour nous. Interroguez de
quegloire par nous
par lui le fangfommes d'icelui,receus
d'autant
du laconfeffion, & à qui il fe faloit confef- De la Confcf
Père. Enquis qu'ils croyoyent de la fer, & qui eft celui qui pardonne , & lion,
communication : Refpondirent que l'on s'ils ne croyoyent pas qu'il fe fautcon-
adminiftroit le pain & le vin en com- feft"er au Prèftre iS: s'il ne remet pas
mémoration de la mort & paffion de les péchez r Refpondirent que la con-
Jefus Chrift, & qu'en ce faifant ils ne feffion fe doit faire non point au Pref-
reçoyuent point du pain & du vin feu- tre, lequel eft pécheur comme les au-
lement ,mais le vrai corps & fang de tres hommes, mais au feul ftieu viuant
lefus Chrift, lequel purifie & fuftanté feul iufte, qui feul pardonne les pé-
De la McfTc. l'efprit par foi. Enquis qu'ils vouloyent chez, ainfi qu'il eft efcrit. Enquis fi Ifaie 45.
dire de la Meft'e : Refpondirent que les Preftres n'auoyent pas puilfance
c'eftoit une pure fuperftition & idolâ- de lier & deflierr Refpondirent qu'ils
trie inuenlee par les hommes, & qu'en eftoyent chargez de prefcher l'Euan-
cen'yauoit que condamnation. El fur gile , qui eft la parole de Dieu & la
ce plus amplement il leur demanda, vérité , fe parfait laquelle
liaifon en la laterre
liaifon & def-
comme au
les menant d'vne demande à l'autre :
Si faind Pierre n'eftoit pas Pape, & ciel. En après furent interroguez fi
premier fondateur de la MelTe. A les chofes aepofees par eux eftoyent
quoi ils refpondirent que non, & que vrayes .■• Refpondirent
telle eftoit leur foi, Aqu'oui, & que
y apoferent
jamais S. Pierfe n'auoit penfé à la
lEAN FILLEVL, IVLIAN LEVEILLÉ.

leurs feings, proteftans haut & clair vifs, s'ils vouloyent perfificr; auec vn m.d.liv,
qu'ils s'eflimoyent eftre bien-heureux relentum (i) (qu'ils difent) contenant
de fouffrir pour cefte querelle. qu'auffi leurs langues feroyent cou-
Tantost après , ce Preuoft les pées; & où ils fe voudroyent defdire,
mena de Neuers à faind Pierre le feroyent eftranglez fans voir le feu, &
Mon(lier(i), & les liura au Lieute- fans leur ofter les langues. Mais eux
nant criminel du lieu , auec les char- mefprifans l'offre , dirent : Vous nous
ges & interrogations fusdites , auquel poudrier bien faire renoncer noftreDieu
lieu furent derechef interroguez par
pour vn bien petit bénéfice; mais il n'en
plufieurs fois fur les mefmes articles,
fur lefquelsont touliours conftamment fera rent
pasacheué
ainfi.
ces Et après
mots, qu'ils eu-
on acheua de
perllllé. Quoi voyant, le Lieutenant prononcer l'arreft, lequel contenoit
appela quelques aduocats pour con- trois poinds. Le premier eftoit, qu'ils Trois points
fulter, non pas s'ils eftoyent dignes de auoyent mal parlé du faind Sacrement ; contenus en la
mort, mais de la peine à laquelle ils mais pluftoft, dirent-ils, pour en auoir fentence.
les deuoyent condamner. Sur quoi les bien & faindement parlé. Le fécond
vns opinoyent d'vne forte & les au- eftoit, par ce qu'ils auoyent nié le
tres de l'autre; toutesfois la plus faine Baptefme faun"ement. Mais , dirent-
partie à laquelle plufieurs condefcen- ils, pour l'auoir véritablement con-
dirent les deliuroyent en les banniffant fen"é. Le tiers pour auoir blafphemé
hors de France, fans iamais y retour- Dieu & les fainds. Mais au contraire,
ner, leurs biens confifquez , fi aucuns dirent-ils, pour fouftenir fon honneur.
en auoyent. A ces opinions ne fe
voulut accorder le Lieutenant criminel, Et fe regardant l'vn l'autre, s'encou-
rageoyent, difans : Nous sommes
nommé Jean Bergeron; mais les con- prefis de liurer, non feulement vn mem-
damna d'eftre bruflez vifs, faifantnuds,
pre- bre ou deux, mais tout le corps, & eflre
mièrement amende honorable ars & brufle\, foufienant la querelle de
la torche au poin, pendant vne grande nofire Dieu ; lequel tourment ne [au-
MelTe; de laquelle fentence fut ap- rait durer vne minute d'heure, pour
pelé à Paris , auquel lieu ainfi que efire bien heureux à tout iamais.
plus eftroitement ils furent examinez, EsTANS menacez par le Lieutenant
auffi Dieu leur donna force & conf-
criminel, qu'il les feroit mourir de la
iance inuincible. Car quelque faueur plus cruelle mort dont ils ouirent ia-
d'amis, quelques lettres qu'ils euffent mais parler, s'ils ne fe defdifoyent,
obtenues, par lefquelles le Roi man- ils refpondirent qu'il fift ce qu'il pour-
doit de receuoir le procès tout de roit, & que les tourmens ne les efton-
nouueau , fans tirer le précèdent en noyent nullement, car par iceux ils
confequence ; iceux ne voulurent au- paruiendroyent à l'héritage qui leur
cunement defvoyer de la vérité ; ains eftoit préparé; « quand mefme vous
toufiours perfifterent en leurs confef- nous condamneriez à auoir auiourd'hui
fions. Pendant le voyage de Paris, où vn membre ofté , & demain l'autre. »
ils furent menez , le fufdit Preuoft le Lors furent defpouillez.&demourerent
Pers , qui les auoit furpris & emprifon- depuis midi iufques à trois heures au
La mort du nez, mourut fort piteufement, touché foir, liez de cordes l'vn à l'autre. Ce-
Preuoft
Pers. le de rage & frenefie, dont plufieurs eu- pendant on les oyoit louer Dieu , de
""" rent apprehenfions diuerfes de crainte, ce qu'il les auoit fait dignes d'endurer
les autres fe confolerent , voyans vn pour fon Nom. Et chantèrent , eftans
iufte ingénient du Seigneur. Or de en ceft eftat & attente de mort horri-
Paris eflans ramenez à faind Pierre le ble , le Pfeaume fixiefme : « Ne
Monflier , le quinziefme de Januier, vueilles pas, ô Sire, Nous reprendre en
dernier iour de leur vie, furent appe- ton ire, &c; » puis le cantique de Si-
lez au Confeil , pour fauoir d'eux s'ils meon : <i Or, laiffes, Créateur, &c. »
vouloyent perfifter en leurs premières Et ce fait, le Lieutenant criminel,
opinions. Ils refpondirent qu'oui , & pour exécuter fa rage, fit venir vn Ja-
qu'autrement ils feroyent enfans infi- copin defefperé en contradidion &
dèles, fiainfi le faifoyent. Alors le
cholere , l'ayant mandé de Neuers à
Grefier prononça l'arreft donné en la ces fins. Ce Caphard eftant auprès de
cour du Parlement de Paris , lequel
contenoit qu'ils fulîent bruflez tous (i) Article que les juges n'exprimaient pas
dans un arrêt, mais qui ne laissait pas d'en
(i) Saint-Pierre-le-Moustier (Nièvre). faire partie et d'avoir son exécution.
68 LIVRE CINQUIEME.
En la ville de Tournay fut conflitué
cesdeux fidèles, & difputant contr'eux, prifonnier Thomas Calbergue, tapif-
fut tellement confus qu'il ne fceut aue iier de fon meftier , natif de la dite
dire, finon qu"il leur dit pour conclu- ville, le 19. iour de Juin, 1554.
fion : « Allez au diable. » Apres lefquel- Occafion de
les paroles, le Lieutenant criminel leur L'occafion de l'emprifonnement fut ,
prefenta à chacun vne croix de bois qu'ayant efcrit plufieurs chanfons fpi- fon nement.
emprison-
qu'il leur mit entre mains , & par ce rituelles, extraites d'vn liure qui auoit
efté imprimé à Gcneue, il prefta fon
qu'ils n'auoyent les mains franches, la extraid à vn fien familier, lequel auffi
rcietterent auec les dents, difans qu'il le communiqua à vn ieune compagnon
leur conuenoit porter vne autre croix
trop plus noble & de plus grand prix de meftier, qui tort après eftant appré-
que cefte-la. De laquelle chofe le hendé par la luftice, & trouué faifi de
Lieutenant criminel & fa fequelle fu- ce liure, nomma celui qui lui auoit
rent grandement irritez. & en fuyuant prefté ; lequel incontinent mandé au
le reknlum de l'arreft, leur commanda Challeau, à interrogué de ce liure,
qu'ils baillaffent leurs langues au bour- dit qu'il n'eftoit fien, mais qu'il l'auoit
eu de Thomas Calbergue. Les Juges
reau; ce qu'ils firent. ne tardèrent de faire venir Thomas,
En la perfonne de ces deux Mar-
tyrsle Seigneurmondra manifeflement, & l'inierroguerent fi le liure eftoit fien.
voire & au veu & fceu de tous ceux Auant ûue refpondre, il demanda de le
qui eftoyent prefens à leur exécution, voir; fien,
& l'ayant
eftoit & efcrit veu
de fa confen"a qu'il
propre main.
qu'il n'a point attaché le pouuoir de On lui demanda comment il auoit efté
parler au membre de la langue. Car
après qu'ils les eurent coupées, le fi hardi d'efcrire telles chanfons mau-
bon Dieu leur donna pouuoir de par- dites i& pleines d'erreurs. 11 refpon-
ler; car on ouit d'eux ces paroles dit qu'il n'cntendoit y eftre contenu
quand ils furent venus au heu du autre chofe que la pure vérité , la-
fupplice , comme on les attachoit : quelle ilvouloit fouftenir. Sur cela il
Nous dijons maintenant Adieu à péché, fut enquis de fa foi , de laquelle il fit
à la chair, au monde & au diable ; ia- confeffion félon les dons & grâces que
mais ne nous retiendront; & quelques Dieu lui auoit départies. Ce faid, on
le mena es prifons du Chafteau ; & y
autres propos d'exhortation au peu- fut depuis le 19. iour iufques au 24.
lufiiceple. Etles
cefsendant que de
accouftroit l'exécuteur
foulphre de
& fuyuant , qui eftoit le iour auquel les
poudre à canon, Filleul lui dit : Sale, Papiftes célèbrent la natiuité de faind
Jean Baptifte.
/aie
Apresà que
bon le ej'cient cejleefté
feu eut chair puante.&
allumé, Ce iour-la, enuiron les neuf heures
les eut faifis à la face, ils furent incon- du foir, il fut amené du chafteau en la Pf. ,4.

tinent tranffis fans au'on apperceuft maifon de


menoit, il fe lamitville; & aiiifi
à chanter qu'on le
le Pfeaume:
aucun remuement de leurs corps.
" Jamais ne cefl"erai De magnifier le
Seigneur, &c. » Le lendemain, il fut
mené deuant le Confeil , où on lui fit
de belles promeft'es. qu'on lui feroit Sa conltancc.
Thomas Calbergve, de Tournay (i). grâce s'il fc vouloit defdire. Il respon-
dit que telle grâce meriteroit pluftoft
En la perfonne de Calbcrgue , nous d'eftre nommée Perdition de corps A
auons exemple de vraye confiance ame, s'il renonçoit la vérité ; & que
contre les affauts & malice inuetcree plus lui eftoit la vie éternelle, qu'vne
des aduerfaires de vérité. Laquelle petite prolongation de ccfte pourc &
miferable vie. Les Seigneurs ae la ville
de tant plus ejl admirable , <^«i.' ces- voyans qu'ils n'auoyent autre refponfc,
iui-ci ejlant de bajje condition, a & que toufiours il perfeueroit en la
furmonté, par la grâce de Dieu, ce mefme confeffion de fa foi, prononcè-
?mi lui pouuoil faire peur, & esblouir rent fentencc de mort contre lui, af- Sa fentence.
es yeux. fauoir d'eftre bru fié vif & réduit en
cendres.
(i) L"hisioirc de Thomas Calbercc , de QvAND le peuple euft entendu cette Barabbas
Tournay, ne se trouve pas dans les éditions fentence, il y eut grand murmure en abfous iS: Chrifl
faites du vivant de Crcspin. cl ne figure pas
non plus dans les premières éditions de la ville, à railon d'vn malfaideur, le- condamnil-.
Haimstede. quel ayant commis vn cas énorme &
THOMAS CALBERGVE.

deteftable, neantmoins peu de ioiirs gnerent rien fur lui. Le Souf-preuoft


après, à la folicitation de fes parens & delà ville, nommé Nicolas de Ga-
par argent, auoit efté deliuré; de ma- lonné, pour complaire au Senefchal y
nière que plufieurs à haute voix di- voulut auffi monter , & parla à Tho-
mas alTez bonne efpace de temps ,
foyent foit
chant pardeliuré,
les ruesqui: a« fait
Qu'vn mef-fi
vn afte mais il profita autant que les autres.
infâme ! & cefl homme ci , qui s'eft Quoi voyant, le Senefchal, efmeu de
toufiours bien gouuerné , & a honnef- fureur qui lui efloit couftumiere, fur-
tement vefcu, foit condamné & mis à tout à rencontre des fidèles, fit def-
mort si cruelle! » Le bruit fut tel, cendre les fufdits caphars & Souf- Caphars
confondus.
que les Seigneurs de la ville furent preuoft , & commanda au bourreau
contraints, pour appaifer le tumulte, fubitement de mettre le feu. Trois de
de remettre en prifon le fufdit mal- ces Cordeliers n'eftans contens de fi
faiâeur , & de faire commandement
aux archiers & arbaleftiers, & ceux tort fe déporter , en defcendant s'ef-
crierent : « Thomas , croyez qu'il y a
qu'ils nomment du ferment , de fe vn purgatoire où les âmes doyuent
faire leur fatisfaftion. » Thomas ref-
trouuer en équipage à l'exécution de
Calbergue. Eftant donc accompagné pondit : « Je croi que le fang de Je-
des bandes de la ville , comme on le fus Chrift nous purge & nettoyé de
menoit aufupplice, il dit Adieu à plu- tous nos péchez , d'autant que lui a
fieurs qui eftoyent là de fa connoif- fatisfait pour nous deuant Dieu fon
fance. Entre autres, voyant vne fiene Père. » Vn autre lui cria : « Thomas,
voifine pleurer de pitié qu'elle auoit croyez en la S. Eglife Romaine. » Il
de le voir en tel eftat, lui dit : « Voi- refpondit : « Je croi la S. Eglife vni-
fine, ne pleurez pas; mais pluftoft re- uerfelle, de laquelle Jefus Chrift eft
le chef, & non autre. » Et comme le
fiouyffez-vous , car i'ai ioye d'aller à
mon Dieu ; » & pour monftrer cefte feu ardoit ja, le gardien des Cordeliers
Pf. ii8. ioye, commença le Pfeaume : « Ren- lui cria : « Retournez-vous, Thomas,
dez à Dieu louange & gloire, &c.; <> il eft encore temps; ayez fouuenance
mais l'vn de ces Cordeliers (qui félon des ouuriers qui furent les derniers
la couftume l'acompagnoyent) oyant venus en la vigne. » Il refpondit in-
que le peuple faifoit grand bruit à tel igiblement dmilieu
u de la flamme :
l'enuiron, lui dit : « Thomas, chantez " Je croi eftre de ces ouuriers ; » &
en voftre cœur ; » mais il ne lailTa pour- dreffa fa veuë au ciel, & en criant
tant de pourfuyure le Pfeaume. Le par trois ou quatre fois : « Mon Dieu,
lieu du fupplice fut ordonné hors de mon Dieu, » il rendit l'efprit.
la porte, en la place nommée le Prez Apres que cefte exécution fut faite,
aux Nonnains; à raifon que les mar- ce Senefchal de Hainaut s'approchant
du chariot de fa femme , laquelle il
ne fe fift chandsauauoyent
lieufupplié que l'exécution
accouftumé du mar- auoit fait expreffément venir à ce spec-
ché, à caufe du grand vent qui pour tacle auec fes damoifelles, dit deuant
lors tiroit. la multitude en iurant : « Voila vne
L'Execuuon. ESTANT donc venu audit lieu, il des belles iuftices que de long temps
aperceut en la troupe grand amas de on ait fait à ma Tournay,
caphars, Cordeliers & Auguflins, que Luthérien; femme, d'vn mefchant
fi le fauoi que
Demande &
le Senefchal de Hainaut, Capitaine du vous en fuffiez , le vous en feroi au-
chafteau de Tournai, grand ennemi & tant. »Elle, refpondant de mefme, lui refponfe
mefme. de
perfecuteur de ceux dit : « le croi, monfieur, s'il a eu ici
eftre Luthériens, auoit qu'on accufoit
fait venir pour chaud, que maintenant il a bien plus
tourmenter le patient, & le diuertir de chaud où il eft. » Apres ces propos, il
fon opinion. Or Thomas monta fubite- appela l'vn des Cordeliers, & lui dit
ment fur l'efchafaud , comme defirant qu'il allaft faire vne remonftrance au
d'eflre incontinent mis à l'eflache (i) peuple, qui eftoit venu à ce fpeélacle.
pour prier Dieu ; mais cefte vermine Le Cordelier qui eftoit tout fait à cela,
de Moines montèrent après lui l'vn defgorgea tout ce qui efloit en fon
après l'autre, ' eflomach contre ce fainft perfonnage;
acouftumé , quipour faire
eft de leur mellier
tourmenter les mais il ne profita gueres, car les igno-
Le menfonge
poures fidèles, fur tout au dernier ar- rans eurent horreur de fon impudence, necontre
peut rien
vérité. la
ticle de la mort ; tant y a qu'ils ne ga- & des faux blafmes qu'il efcumoit
contre celui que la plufpart auoit
(i) Attache. conu de vie & conuerfation entière.
LIVRE CINQUIEME.

Plufieurs par ce moyen furent efmcus Ghileyn de Muelere. Icelui faifant


°
ter la7 caphiirdifc. Les fidèles du pays
à s'onquerir de la vérité, & à detef- profeffion d'enseigner particulièrement
la ieunelVe, & cflat de mairtre d'efcole,
furent grandement confolez de ce que eflant deuenu difciple de lefusChrifl,
Thomas n'auoit aucunement flcfchi, fut foigneux d'employer le temps à la
ains auoit vertucufemcnt bataillé iuf- ledure de la parole de Dieu , & s'y
3ues à la vidoire contre les ennemis exerça plufieurs années fans grand
u Seigneur. bruit. Mais comme vn grand feu cou-
uert ne peut pas toufiours demeurer
caché , lui ayant de fois à autre ietté
*S'*^i'V^'^S'0^vS"^i'*^^^i'^^!i'*^A''^A'
quelques edincelles de ce qui elloit
caché en fon cœur, fut foupçonné
Ghileyn deen Mvelere, d'Audenarde
Flandres (i). d'herefie , & accufé au grand Inquifi-
teur de Flandres, Pierre Titelman ,
Pierre Tilel-
grand hypocrite, & ennemi irreconci- . ,.,grand
man
liable
r ui de j la
1 venté
••< de
j 1ir- î
Euangile. r^ ^ Inquifiteur,
Ce f^^ artifice!
Ce miroir
perfonnage-ci peut feruir
à tous fidcics, d'vn faire
pour leur beau
Lieutenant de l'Antechrift oyant telles pour furprcn
voir qu'ils portent en eux-mejmes nouuelles, fc mit incontinent en be- dre l'innocent
vn tre/dangereux ennemi de la gloire fongne, & le dixneufiefme iourd'Auril
de Dieu & un formel aduerfaire de de l'an mil cinq cens cinquante qua-
leur falut, ajjauoir leur propre rai- tre, acompagné de fon greffier nommé
fon , qui fait loufiours de i enragée , M. Nicolas, & d'vn tiers qui ne valoit
fi elle n'ejl rangée & reformée par pas mieux, vint à Audenarde, & print
le faincl Efprit. D'autrepart, en logis en vne des principales hoftelle-
voyant le Seigneur befongner de ries. Plufieurs de ceux qui auoyent
telle forte & donner la victoire en vn quelque fentiincnt de la vraye Reli-
moment à fes feruiteurs, qui foulent gion furent fort eftonnez , craignans
aux pieds la' chair, le monde, la que de telle venue ne s'enfuyuit
mort, & Satan, aprenons à nous af- (comme cela auenoit d'ordinaire) quel-
feurer fur la grâce & vertu de celui que diffipation & perfecution. Chacun
en qui nous pouuons plus que nojlre donc efioit fur fes gardes, pour ne
penfec ne peut comprendre, toutes & choir au piège du chafleur. Mais ce
quàntes fois qu'il lui plait nous for- iour paffa fans aucun bruit; car ce
tifier, &juand nous nous foubmet- bon Inquifiteur voulant ofter toute
tons hunihlement à fa prouidence &
desfiance , & craignant d'esfaroucher
fageffe. les oifcaux , fortit fur le foir, & pen-
AvDENARDE cft vne ville de la foit-on qu'il allaft à Gand , comme il
le feignoit, encores que beaucoup de
Comté de Flandres, affife fur la ri-
uiere de Lefcauld, à cinq lieues de gens
là venu vn coup dequ'il
pour fairet toufiours
fe doutafi'en efioit
fa main,
Gand , & à fept de Tournay , bonne comme la fin le monftra. Car fon fe-
ville, marchande & forte, renommée à cretaire qui efioit demeuré à couuert
caufc des belles tapifferics que l'on y en la ville, vint le lendemain en la
fait (2). Combien maifon de Muelere & le confiitua pri-
fuft enfondree auec qu'en ce temps
les autres elle
au bour- fonnicr. Lui-mefme efcriuit en prifon
bierd'i^norance&de fuperftition, Dieu le difcours de fon emprifonnement ,
ne lailTa pas, selon les temps qu'il a fes difputes, & toute la procédure te-
en fa main & qu'il conoit edre propres, nue contre lui, dont a efié fidèlement
d'appeler fes efleus
ferter fa vérité à foi , d'y
auec grande mani- ,
efficace extrait ce qui s'enfuit pour l'édifica-
nommément au perfonnage , duquel tion de l'Eglife. S'enfuyuent donc fes
nous parlons maintenant , aiïauoir paroles.
« Lefept
Jeudi& vingtiefme ment de
(i) Cette notice ne se trouve pas dans les entre huit heuresiourdu d'Auril,
matin, Ghileyn.
Emprifonne-
iditions du Martyrotcge publiées par Cres-
pin et a t\t ajoutée par Goulart . qui y a fait ayant entendu qu'on efioit après pour
entrer bcauciup de détails omis par Hasms- conftituer quciqu'vn prifonnier, i'eftoi
tcde. Le vrai nom du martyr était Muldcrc. délibéré de fortir de ma maifon , pre-
(a) Audcnardc (OudenaarJ) (.mployail , iiu fageaiit quelque orage prochain, fans
seizième siècle, 12,000 à 1 4, '«o personnes à
la fabrication des tapis Elle a perdu cette penfer toutesfois qu'on voulufl fe pren-
industrie et est bien déchue de sa splendeur dre à moi. Mais comme i'elloi fur le
d'autrefois. point de fortir , voici arriuer M. Ni-
GHILEYN DE MVELERE.

mement auoir efté appelé de lui afin


colas, greffier de l'Inquifiteur, auec le
Lieutenant du Baillif & trois fergens. d'endurer pour» fon Nom, lequel foit
loué & bénit.
Moi eftant en bas , i'entendi vn des
fergens monter en haut , qui me fit
douter qu'il me cerchoit pour me re-
mettre deuant l'Inquifiteur. Lors ie Premières procédures tenues contre lui
couru foudain vers la boutique , pour
par l'Inquifiteur Titclman, les com-
fauoir que c'eftoit, & là ie trouuai les bats quil j'oujlint en foi-mejme, &
fufnommez; tellement que, cuidant
l'heureufe iffue que Dieu lui donna.
efchapper, ie tombai en la gueule du
loup, & au fein de mon ennemi. Ma Le quatorziefme iour du mefme Renouuelle-
femme eftoit allée au marché, cequ'elle
n'auoit fait de trois mois auparauant. niois, il fut mené par le Lieutenant du >neni d'aiTaux.
baillif en l'hoftellerie où eftoyent l'In-
quifiteufon
r, adioint & fon greffier,
Or
nous m'ayant
eftions arrefté & fait prifonnier
tous eftourdis de frayeur. , fans autres perfonnes, mefmes après 71
Mes enfans pleuroyent, & ma feruante que le Lieutenant le leur eut mis es
fe tourmentoit auec grand bruit. Ils mains, il feretirapromptement. Comme
me menèrent en la chambre haute où
ie tenois efchole, & fouillèrent de tous on le menoit, il fe fentit (comme il l'a
confeffé depuis) rudement ferré de
coftez. le leur fis ouuerture de tout ce deux diuerfes penfees , qui le pref-
qui fermoit à la clef, mais ils ne trou- foyent & luideux
pefoyent comme s'il euft
efté entre meules de moulin.
uerent rien de ce qu'ils cerchoyent.
Apres m'auoir remené en bas, ils me D'vn cofté, il craignoit de renoncer le
vifiterent & taflerent pour voir fi ie
Seigneur; de l'autre, de mettre en
danger par quelque confeffion fa vie ,
portois point quelque liure. le n'auois fa femme & fes enfans. Pourtant fe
rien fur moi que le placart de l'Em-
pereur ,vn nouueau Teftament auec tourna-il de tous coftez pour trouuer
vn petit liuret , tous deux imprimez le moyen de complaire à Dieu & aux
auec priuiiege, & les auois mis en ma hommes, voulant vne chofe impoffible,
pochette, pour me retirer ailleurs, c'eft affauoir feruir à deux maiftres
s'ils ne fulTent arriuez alors. Mais contraires en ceft endroit. Sa femme Matth. 6. 2. .
Dieu en auoit autrement difpofé. Luc 16. 15.
& fes enfans, qui auoyent occupé fon
Ses angoiffes » FINALEMENT deux des fergens me cœur, l'entretenoyent en des dange-
& afTaux en menèrent en prifon , ce que voyant , reux difcours, car il eftoit en continuelle
foi-mefine. mon cœur efioit abatu de triftelfe , & crainte que mal ne leur auinft. Dieu
ie difoi en moi-mefme : le berger & le le lain"a en telles penfees près d'vne
troupeau (penfant à mes difciples) eft heure auant qu'eftre interrogué par
diffipé. Car ayant penfé qu'on me me- l'Inquifiteur. Or eftant deuant fes en-
neroit feulement à l'hoftellerie parler nemis, fans fauoir ce qu'il deuoit dire,
à l'Inquifiteur, des mains duquel ie r Efprit de Dieu lui ramentut ce beau
pourrois me defveloper , quand ie me pafiage, où le Seigneur dit à fes dif-
vis ferré de plus près, ie fus extrême- ciples :« Ils mettront les mains fur Matth. 10. 17.
ment angoifi"é vous & vous /v'perfecuteron li-
o t,j vousi. \ , '^-21.'9- 12.
fur ;matellement que ie cheusle Il Luc
en terre face, inuoquant urant aux affemblees, & deuant les
Seigneur
lui pleuft àmechaudes
confoierlarmes, à ce qu'il
& fortifier, fans Rois & Princes pour l'amour de mon
nom; mais ne foyez en peine de ce
auoir efgard à mes infirmitez & fautes que vous refpondrez, car ie vous don-
rai bouche & fageffe à laquelle vos
paffees, ce qu'il a fait auffi. le ne
faurois fuffil'amment defcrire les an- ennemis ne pourront refifter. Car ce
goiffes & diuerfes penfees dont ie fus
n'eftes pas vous qui parlez , ains l'Ef-
trauaillé en mon efprit l'efpace de prit de mon Père qui parle en vous. >>
deux ou trois iours. Ce qui me tou- Par telle promeffe fes fens emportez
choit plus au cœur eftoit le fouuenir au loin par diuerfes apprehenfions fu-
de ma femme defolee & de mes cinq rent ramenez en leur lieu, pour fe laif-
2. Cor. 1. ;. petis enfans. Or le Père celefte, Père fer conduire par la vraye raifon.
de toute confolation, m'a vifité par fa Toutesfois il y auoit encores de la
lean 14. 16. grâce, & a acompli fa promeffe : Ayez refiftance. Car fon deffein eftoit tou-
18. & 16. 7. bon courage, dit-il, ie ne vous delair- fiours de ne faire confeffion de foi en
rai point; car ie vous enuoyerai le
forte quelconque, que premièrement
Confolateur. Il m'a confolé tellement il ne fe fuft enquis de la caufe de fon
par fa grande bonté , que ie croi fer- eraprifonnement. Car il penfoit que
LIVRE CINQUIEME.

l'on n'ouoit tcfmoignage ni informa- foi. Qu'en dites-vous , maiftre Ghi-


tion fuflifante du fait dont il efloit leyn.'» Lui, entendant ce propos, fut
merueilleufement efmeu , & comme
foupçonné , ains que ce n'efloit qu'vn refueillé de l'Efprit de Dieu, ayant en
bruit courant entièrement
il deliberoit par les rues. feD'auantage
maintenir fon cœur réclamé le Seigneur en ces
par le droit cSr ordre de iuflice, ou du mots : « O inon Dieu , il eft temps Affiflancc
l'Efprit de
notable de
moins s'aider & deliurer par le moyen maintenant , affifte moi félon ta pro-
de fes amis. Voila comme il penfoit meft"e ; » & fentant vne force extraor- • Dieu enuers
l'inuoque.
cfchapper fans faire confeffion de fa dinaire & toute nouuelle en fon ame, le fidèle qui
foi, qui efloit ce qu'il redoutoit le qui le defchargea tout à l'inftant du
plus. Le confeil de la chair l'auoit pefant fardeau qu'il auoit porté iuf-
poufl'é dedans ces labyrinthes , d'où ques alors, il fe tourna vers fes enne-
reuenant comme à foi , il f'efcria en mis, & leur dit de grand courage :
foi-mefme : « O Seigneur Dieu , ta « Demandez à cefte heure , ce que
volonté foit faite , combien que ma vous voudrez, ie vous refpnndrai ron-
chair te refille pour fauuer ma vie cor-
ruptible,ma femme & mes enfans. » donnera dementdece que
dire l'Efprit
, & ne de
vousDieu me
cèlerai
Refte maintenant de voir comme Dieu rien. »
(admirable en toutes fes œuures, fpe-
cialementen fesefleus) befongna puif-
famment en ceftui-ci.
Autres com- Estant debout, tefle nue deuant
bats de la chair
rinquifiteur & fon adioint , & fommé Examen fait par l'Inauifiteur Titelman
& fon aaiomt.
& de l'crprit.
de
lui refpondre
demanderoit, promptement à ce qu'onil
du commencement De l'Eglife.
Demande. « Ghileyn , qui tenez-
fe trouua pcrplex , cerchant quelque 1. Cor. ;. 1 1.
vous pour la S. Eglife.-* » R. « Tous l'Eglife.2. 5.
2. Pierre
efchappatoire. Il requit donc premiè- fidèles en quelque lieu du monde Du chef de
rement d'eftre interrogué en prefence qu'ils foyent efpars, édifiez fur le feul
fondement qui eft lefus Chrilt, & qui
du Magiftrat de la ville, qu'il appeloit
fon iuge. " Cela ne vient à propos, dit embraft'ent icelui pour leur chef &
rinquifiteur, vous efles prins par moi vnique efpoux. » D. « Qui font ceux-
qui fuis commifTaire du Pape & du là .' » R. « Ceux qui croyent en Dieu
Roi. Refpondez donc, fans vous fou- feul Eternel, & lui feruent purement
cicr du refte. » Ghilcyn fe fentit lors par Jefus Chrift en efprit & félon fa
plus preffé que deuant, & s'enqueroit parole. A cefte Eglife , de laquelle ie
pour quelle cai.fe on l'auoit empri- me reconois membre , ie fuis eftroite-
fonné, & fut près d'vne demi heure à ment conioint , croyant fans aucune
tournoyer pour trouuer palTage, & fe
defpeflrer de la main des hommes, en fatout
réplique
gné ce que
parole. Cefte m'a enfei-
DieuEglife eft vn
Rufe & mcf-
fans vouloir parler ouuertement. L'in- corps , vne ame et vn cœur. » D. Ephcf. I. 20.
21. 22.
chanceté horri-
ble de Titel- quifiteur voyant qu'il confeffion
ne pouuoitde tirer « Qui tenez-vous pour le chef de la CololT. I. 2(.
Ephef. 5.
tH.
de fa bouche aucune foi, fainSe Eglife.' » R. « Jefus Chrift , Malth. 28. 18.
man, qui abuTc
de la parole pour auoir puis après plus grande prife lequel le Père a conftitué chef de tous
de Dieu pour les croyans, & Seigneur de toutes les
auoir prifc fur lui, commença (fuyuant l'exemple
fur la vie de de Cayphe à l'endroit de lefus Chnft) principautez du monde. Ce Jefus
l'innocent. Chrift eft le chef & le mari de cefte
Maith. 10. 2. à l'adiurer par le Dieu viuant qu'il
cuft à refpondre. " Il eft efcrit, dit-il, Eglife, laquelle il a efpoufec en foi
Marc 8. )8. au faind Euangile : Quiconque me & lauée par fon fang, la nettoyant de
confelTcra deuant les hommes, ie le
confefierai auffi deuant mon Père qui fes tafches & fouillurcs, afin qu'elle
fuft fainde deuant lui. » D. ■> Qui
Luc 9. i6. & eft aux cieux ; mais qui aura eu honte
12. 8. tenez vous pour chef de l' Eglife en ce
de moi t^- de mes paroles deuant monde ? ■>< R. " Qui tiendroi-ie autre
cefte génération adultère, le Fils de
que Chrift
au ciel it enfeul, qui a& toute
la terre, puift"ance
qui gouuerne,
l'homme aura auffi honte de lui, quand
il viendra en la gloire de fon Père enfeigne & confolc, & maintient fon
I. Pierre ). 5. auec fes fainâs Anges. S. Pierre nous
Eglife iufques à la t\n du monde .'Car
exhorte d'eftre apareillez de refpon- combien qu'il foit feparé d'elle quant
dre àchacun qui nous demande raifon à fon corps , ce nonobllant il eft auec
de l'efperance qui eft en nous. Moi elle par (i)n Efprit. " D. "_N'y a il
donc (dit l'Inquifiteur)
mande àcerte ie vous
heure raifon de-
de voftrc point donc d'autre chef de l'Eglife en
terre .' S. Pierre n'a-il pas efté eftabli
73
GHILEYN DE MVELERE.

chef de l'Eglife & en la place de feau , de la grâce diuine enuers eux ,


& font admonneftez de leur deuoir
Chrift.^
nier. Le Il Pape
n'y a homme qui le de
eft fuccelTeur puifle
S. enuers Dieu. En outre ie confeffe,
Pierre & eft affis au fiege d'icelui. Il que toutes & quantes fois que nous
eft
fainéldonc
Pierre chefa receu de l'Eglife , comme
de Chrift toute célébrons la fainfte Cène félon l'or-
donnance de Jefus Chrift, nous parti-
I. Cor. î. 6. puifTance. « R. « Il y a toufiours eu
Ephef. 4. 1 1. cipons au corps & au fang d'icelui par
A<5les 20. 28. des Miniftresen l'Eglife qui ont planté foi en la vertu du S. Efprit , pour vi-
I. Pierre 5. 2. & arroufé, Dieu donnant l'acroiffe- uifique viande & bruuage de nos âmes.
Malth. 10. 40. ment. Tels font les Euefques , Paf- Ce qui nous eft reprefenté par les
Luc 10. 16.
lean 21. 20. teurs, Prefcheurs & autres que Dieu elemens vifibles, affauoir le pain & le
a eftablis bergers de fon troupeau, le- vin , qui alimentent , fortifient & re-
quel ils doyuent paiftre de la parole créent nos corps. Et tout ainfi que
de Dieu. Si le Pape eft vn de ces mi- nous receuons le pain & le vin exté-
rieurement de la main du Miniftre,
niftres-là , & qu'il édifie l'Eglife par
pure dodrine & fainfteté de vie, ie le auffi receuons-nous par le S. Efprit
tiendrai pour feruiteur de Dieu, ie intérieurement & en nos âmes Chrift
dirai qu'on le doit efcouter comme le pain viuifiant defcendu du ciel, dont lean 6. 48.
nos âmes font nourries , fortifiées &
Jefus Chrift mefme, attendu qu'il Rom.
vient & parle au nom du Seigneur. entretenues à la vie éternelle. Tierce- jo. 4.
I. Cor. 51. 25.
10. 16.
Mais fans ces marques la, ie ne le co- ment, i'aprens en la S. Cène, qu'eftant
noi point. » L'Inquifiteur, troublé de purgé de tous mes péchez par la mort
cefte refponfe, lui dit en cholere : & par le facrifice de lefus Chrift en fa
« Nous fauons bien cela, fans l'apren- croix, i'ai part à fon corps rompu & à
dre de vous. Mais ce que nous de-
mandons eft, fauoir fi le Pape eft pas àfontous
fangfesefpandu
mérites pour moi, c'eft àBref,
& bénéfices. dire
ie tien la Cène pour vn trefprecieux
chef de l'Eglife en ce monde , ayant
mefme puilTancc que fainft Pierre gage en qui beaucoup de grands
pour lier & deflier.^ » R. « Vraye- threfors font cachez. » D. « Ne
ment ié reconoi le Pape pour chef de croyez-vous pas que le pain que Jefus
l'Eglife, & ne lui veux pas ofter ceft Chrift bailla à fes difciples, difant :
honneur, ni le ietter hors de fon fiege. Prenez, mangez , ceci eft mon corps ,
De la tranf-
Je vous confeffe donc que le Pape eft eft changé au corps de Chrift > » fubllanllaUon.
chef de l'Eglife. Mais fauez-vous de R. « le croi que Chrift prenant , be-
De quelle niffant, rompant & baillant ce pain ,
ïglife le Pape quelle Eglife ie parle? Jedi de l'Eglife le nomma fon corps, par vne certaine
eft chef. Romaine, c'eft à dire de l'Eglife dia-
1er. 7. 1 1. bolique. De cefte Eglife, qui eft vue manière de parler conuenable aux
^<auh. 21. 13. tafniere & cauerne de brigands & la Sacremens ; mais que le pain eft de-
Apoc. 2. 9. Synagogue de Satan, le Pape eft chef, meuré pain, & le vin eft demeuré vin,
. TheiT 2. 4. Roi, Prince et Souuerain Prélat & la fans changer de fubftance ; tellement
gouuerne par fon efprit d'erreur & de que le pain & le vin ne font pas le na-
menfonge. Il n'a point receu cefte turel corps & fang de Jefus Chrift
pompe & domination du vrai Dieu, réellement, ains feulement fignes vi-
mais du dieu de ce monde, de fon
père aflTauoir le diable, par la fuggef- rance fibles d'iceux, qui,
enuers les pourcertaine afteu-le
fidèles, portent
nom des chofes fignifiees. » Ghilcyn
tion & puilTance duquel il s'eft inthro-
nizé foi-mefme , non pas sur le fiege adioufta fur ce propos : « le voi bien
de fainft Pierre , mais au temple de
Dieu, n que ché
c'eft fait de
au dieu de moi,
pafte,puis
de que
qui i'ai tou-
dépend
TiTELMAN , plus irrité de cefte ref- toute la Papauté. » D. « Ne croyez-
ponfe, qu'il n'attendoit point, que de vous pas qu'après les paroles de con- ,
la précédente, laiffe le Pape en arrière fecration prononcées par le Preftre
pour entrer en la matière des Sacre- le pain & le vin font changez au corps
De la fainfle mens. D. ■< Et bien, que croyez-vous & au fang de Chrift? & que le preftre
Cène. met en fa bouche & en la bouche des
du facrement de l'Autel (ainfi nom-
ment-ils la Cène du Seigneur) & autres de fes propres mains le corps
>1auh. 26. 26.
. Cor. II. ij. qu'en fentez-vous ? » R.eft« vne
Je croi que de Chrift? » R. " Chrift ni fes Apof-
la Cène du Seigneur fainéle tres n'ont iamais enfeigné ce change-
inftitution de Jefus Chrift, par laquelle ment; moins a-il laiffé aux preflres
les croyans (pour qui elle eft inftituee)
changer
font confermez , comme par vn vrai papiftiques
le pain en fon Mais dedites moi
puin"ance
ceftecorps.
74 LIVRE CINQUIEME.
Ican 4. 2}.
vn peu, en quoi vous confiderez ce que les vrais adorateurs adoreront en
changement. Efl-ce en la matière, ou efprit & vérité. Et pourtant ie tien
en la forme r en la grandeur, longueur, telle adoration pour vne deteftable
idolâtrie, qui fe commet contre le
efpailTeur
ueur, ou en, oula bien
veuë en
, &cl'odeur,
? Vous oune fa-la premier & fécond commandement de
pouuez monflrer en aucune forte. Il la Loi de Dieu, car on adore vn mor-
ne fe fait donc aucun changement de ceau de pain cuit , lequel (comme il
fubftance ; ains la réception du corps auient fouuent) peut eftre mangé des
& du fang de Jefus Chrift en la chiens, des chats & des rats, mefmes
fainde Cène doit eftre entendue fpi- il eft confommé & rongé par les vers,
rituellement, félon que lui-mefme outre ce qu'il fe gafte & anéantit par
l'enfeigne, difant en fainél lean : » La vieillen"e. N'auez-vous pomt de honte
chair ne profite rien, les paroles que d'expofer à telle ignominie Jefus
ie vous di font efprit & vie. » Il nous Chrift, vrai Dieu & vrai homme r Com-
monftre clairement en ceft endroit , ment fe peut-il faire, ie vous prie, que
comme nous deuons receuoir fa chair la diuinité de Jefus Chrift, qui eft
& fon fang à falut , affauoir par foi , eftendue par tout , foit eiiclofe en vn
qui eft la feule bouche par laquelle on morceau de pain, ou en vne armoire.''
peut prendre cefle viande & ce bru- Comment Dieu , qui eft Efprit, peut-
Ican 0. 40. 47. uage : » Qui croid en moi (dit lefus il eftre pris de la bouche & englouti
Chrifl) il a vie éternelle. » Quiconque au ventre.' Eft-ce pas vne horreur
donc croid en Chrift qui a rompu fon
horrible de penfer qu'il foit changé en
corps & efpandu fon fang pour nous,
excremcns,
faut nommer.' & vuidé
Car fien vous
lieu tenez
qu'il nele
il mange la chair & boit le fang d"ice-
lui, & eft fait participant de tous les
biens qui nous font acquis parla vertu painfuiet
eft pourà ces
voftre Dieu , s'enfuit
immondices. qu'il
Et quand
du facrifice du corps de Jefus Chrifl. « mefmes ainfi feroit (ce qui n'eft pas)
D. « Vous voulez donc dire qu'en la que le pain fuft changé au corps de
Ccne on prend le corps & le fang de Chrift , & que ce corps peuft eftre
brifé des dents, la deilé toutesfois ne
Chrifl par la foi , ceft à dire qu'on a
part à lui, à la vertu de fa mort, à la pourroit foufTrir aucun tel accident ni
vie éternelle, ce qui eft fignifié & changement. Outre plus, Chrift ne
feellé par les fignes vifibles, tellement parle en lieu quelconque de manger
que le pain & le vin demeurent pain fa deilé, ains de manger fa chair ; &
« vin fans aucun changement. » ne nomme pas le pain fa deité , mais
R. " Oui, meffieurs, voila mon inten- fon corps. Et quant à fon corps, le-
tion, & vous m'entendez fort bien. quel vous voulez enclorre en vn mor-
Mais ie di à la vérité que vous faillez
grandement en ce que vous abufez des ceau de pain, ie di auec l'Efcriture, Marc 16. tq.
que Chrift a efleué & tranfporté fon
chofes extérieures les prenans pour corps vifiblement de deuant les yeux Luc 40. ço.
ce qui eft inuifible , dont icelles font
fignes vifibles feulement. De là vient de fes dextre
à la Apoftresde par
fondeft"us
Père;lesienuées,
di ce
que vous faites du pain de la Cène corps qui a efté crucifié , mort , enfe-
vne idole abominable , laquelle vous ueli, & le tiers iour eft refufcité des
honnorez par toutes fortes de feruices morts; & que ce corps ne reuiendra
& l'adorez. Parquoi ie detefte voftre de là, iufques à ce qu'il aparoiflfe
TranlTubftantiation , veu que d'icelle blement des cieux , comme il yvifi-
eft
procèdent beaucoup d'abfurditez con- monté. Car il faut que le ciel le con- Afles }. 2\.
tre la nature des Sacremens , contre
tiene iufques au iour de la reftaura-
l'inftitution de la Cène , & contre le tion de toutes chofes, ce qui ne fe
fens de l'Efcriture. » fera pas deuant le dernier iour. Voila
De l'adoraiion D. « Que croyez-vous de l'hoftie pourquoi S. Paiil nous admonnefte, Coloir. }. 1.
du pain. qu'on adore en la S. Eglife , comme de
Chriftcerchcr
eft affisles à lachofes
dextre d'enhaut , où
de fon Père.
Dieu & homme.' » R. << Ne vous ai-ie
pas affez refpondu à cela .-' que voulez- Donc quant à fon corps, Chrift ne
vous demander d'auantage .' » D. peut plus eftre trouué ici bas; car il a
i< N'eft-ce pas donc bien fait d'adorer laiffé le monde, e*i: s'eneftalléau Père. 28.
l'hoftie , comme Dieu au ciel f » Ce que tefmoigne auffi S. Auguftin lean
& 16. 24.
5.
R. « Jefus Chrift bailla le pain pour en deux endroits fur S. lean, oij il eft
dit que le corps matériel de Chrift eft Matlh. 24.
manger , non pas pour s'agenouillerdit maintenant au Ciel , & ne reuiendra 2«.
deuant , ni pour l'adorer. Mais il

2t
75
GHILEYN DE MVELERE.

de là deuant le iugement. Et comme point au corps naturel de Chrift (au-


la foudre palTe foudain & fe monftre trement tous ceux qui le reçoiuent,
par tout , ainfi fera la venue de noftre autant mefchans que bons , feroyent
Seigneur Jefus Chrift. le renoncedonc fauuez) ains eft feulement vn figne du
à voftre Dieu de parte , & ne le veux corps de Chrift rompu pour nous ;
honnorer ni feruir , & di rondement pour nous, di-ie, qui le receuons par
que c'eft le Dieu Mao^in, dont parle foi. )>
Daniel, lequel l'Antechrift & fes mem- « 'Vovs vous abufez grandement, »
bres deuoyent honnorer par argent , dirent-ils, « & vous monftrera-on bien
or, & autres telles chofes precieufes ; tout le contraire auec le temps. » Là
tellement que là où ce Dieu eft adoré, deffus ils coupèrent broche (i) à la
là règne l'Antechrift & fa fynagogue. queftion de la Cène, & commencèrent
Or n'eft-il adoré ailleurs qu'en l'Eglife à parler de leur idolâtrie. D. « Que
De la MelTe.
croyez vous de la Meffe } » R. « Que
Romaine. Il apert donc que l'Eglife
Papiftique eft la fynagogue de l'Ante- c'eft vne abominable idolâtrie, par la-
chrift. C'eft lui qui eft tout-puiffant ;
car il brife & accable tous ceux qui crifice quelle
de l'efficace
lefus de la mort
Chrift & du fa-
eft totalement
ne le veulent adorer. Au contraire il anéantie, & la Cène du Seigneur ren-
efleue & honore fes efclaues , & leur
fait part des threfors & royaumes du uerfee. Cefte Meff"e n'a pas efté inf-
tituee de Chrift, & n'a rien de com-
monde. » mun auec l'inftitution de la fainfte
L'Inqvisitevr grinçoit les dents, Cène, ains &eftfur
fondée
& fremiffoit comme vn lyon , oyant tantiation tels fur la Trann"ubf-
autres apuis de
ainfi manier fon dieu de pafle. « A ce fuperftition. » D. « Le Baptefme
compte donc, » dit-il , « nous ferions eft-il necefl'aire à falut ? » R. « le tien Du Baptel'me.
idolâtres. » R. « 'Vous l'eftes voire- le Baptefme pour vne fainâe inftitu-
ment, car vous adorez vn dieu fait de
tion de lefus Chrift, & croi qu'au
farine, duquel nos pères n'ont iamais Baptefme les fidèles ont vn feau &
oui parler. » D. « Il faut que quicon- tefmoignage du lauement de leurs pé-
que veut viure éternellement , mange chez par le fang de Chrift. le con-
feft"e auffi le Baptefme eftre vn feau Ephef.
Rom. 4.5. 126.
la chair de Chrift.
tre viande qui foitOrfa ilchair,
ne parle
qued'au-
du
1.
de l'Alliance diuine, par laquelle les Gen. 17. II.

painpain
de eft
la Cène. Dont s'enfuit enfans de Dieu, comme vrais fuccef-
ce naturellement changé que
au feurs d'Abraham, fontdifcernezd'auec
corps de lefus Chrift. » R. « Il n'y a le monde infidèle, comme la circon-
argument qui renuerfe pluftoft voftre cifion feparoit les Ifraelites d'auec les
Tranffubftantiation que ceftui-ci. Car autres peuples. Mais ie nie que l'eau
fi le pain eft le corps réel de lefus
du Baptefme foit neceft"aire à falut,
Chrift, tous ceux-là feront fauuez qui ou qu'elle donne falut. Car cela feroit
le prenent par la bouche, Chrift di- faire vne idole du Baptefme, & attri-
fant : Quiconque mange ma chair a la buer la grâce de Chrift & la vie éter-
vie éternelle, & quiconque mange ma nelle àl'élément corruptible ; or l'eau
chair & boit mon fang, demeure en ne confère point le falut , ni ne laue I.I.Pierre
lean ). 21.
10. 4;.i. 7.
moi, & moi en lui. Tous infidèles &
nos péchez ; c'eft le fang de Chrift , Ades 4. 12. &
impenitens peuuent participer au pain duquel l'eau eft le figne. Ainfi donc le
& au vin; dont il s'enfuiuroit que les Baptefme n'a efficace que par le fang
mefchans & idolâtres feroyent fauuez. de Chrift en qui feul confifte nofte fa-
Mais il y a encor vn plus grand in- lut, comme en celui qui a efpandu fon
conuenient ; c'eft qu'auffi les chiens , fang pour effacer nos péchez, ce qui
les fouris, & autres beftes brutes man- Du Baptefme
eft reprefenté par l'eau. Toutesfois
gent le corps de Chrift , & font fau- ceux-là pèchent grandement qui mef- des petis
enfans.
uez, en cas qu'ils mangent voftre pain prifent le figne extérieur, encore qu'il
confacré ; ce qui eft horrible à penfer. ne foit neceffaire à falut. » D. «■ 'Vous
Judas mefmes a receu le pain que dites donc que ceux qui ne font bap-
Chrift nommoit fon corps, ne plus ne tizer leurs enfans , font mal ? » R.
moins que les autres Apoftres. Selon « Oui ; car puis que les enfans font
voftre dire donc, le traiftre ludas de-
meuroit en Chrift , & Chrift en lui ; comprins en l'alliance de Dieu ,
comme leurs pères & leurs mères , &
mais tout au contraire il eft dit que
Satan entra incontinent en lui. Dont puis que la promeff'e de falut leur
ie conclu , que le pain ne fe change (i) Ils coupèrent court.
LIVRE CINQUIEME.

Gen. 17. 7. apartient,


le Dieu de nousayant
(Dieu déclaré
& de qu'il eft
nos enfans,) Deuxiefme Examen.
76
c'eft raifon qu'on adniiniflre le Bap-
tefme. feau de l'alliance, à ceux qui Apres difné, l'adioint de l'Inquifi-
font ilTus des fidèles. Car qui a receu teur partit d'Audenarde pour aller à
le principal & le plus grand bien , Gand ; tellement
rinquifitcur auec qu'il
fon ne refta que
greffier, qui
&pourquoi lui refuferoit
le moindre ?» -on l'accefToire
Ayans entendu par celle refponfe ayans fait amener Ghileyn l'interro-
guerent comme s'enfuit. D. « Que De la Confef
qu'il n'efloit pas Anabaptifle, ils le croyez-vous de la confeffion auricu-
flattèrent, feignans eftre bien aifes de fionlaire.
auricu-
laire & de l'abfolution de l'Eglife?
ce qu'il Mais
article. accordoit auecfe eux
lui, ne en ceft
fouciant de Croyez-vous pas qu'il fe faut confef-
leurs amadouemens, reprint le propos fer au preftre (.<: qu'il a la puilTance de
pardonner les péchez,' » R. u le croi
& dit : « Comme ie condamne les que nous fommes pauures pécheurs
contempteurs du Baptefme des enfans, qui auons befoin que Dieu nous par-
ie dételle auffi la malice de vous au-
raifon quedonne nos péchez.
nous en Pourtant c'eft bien
facions confeffion
tres, qui auez corrompu l'excellente à lui qui les conoit & a puiffance de
inflitution du Seigneur, par tant de fu-
perftitions du tout infupportables. Pre- les nous pardonner. Voila pourquoi
mièrement, vous transformez le Bap- auffi Chrift nous a en feignez de con-
feffer nos péchez à fon père & de lui
tefme en vue idole, d'autant que vous
attachez le falut à l'eau , non point à en demander pardon. Dauid reconoit Pf. IJO.
la chofe fignifiee , qui eft Chrift. Se- le mefme difant : i< l'ai péché contre
condement, vous faites grand tort aux toi , Seigneur , & ai commis iniuftice
enfans, en ce que par adiurations vous deuant toi. » Il faut donc confeirer fes
voulez chaffer le Diable hors de leurs péchez non pas au prelire , mais à
corps. Tiercement vous ne déclarez Matth 6. Il,
Dieu qui peut & veut les pardonner.
Pf. ?2. 5. *.
point
Baptefmeau peuple
, ains le fruit & feulement
barbotez l'vfage du Car il crie par le Prophète : a C'eft
moi , c'eft moi qui pardonne les pé-
quelques mots en Latin, que le peu- chez pour l'amour de mon nom. » 11
ple ni la plus part de vos preftres y a encores vne autre confeffion des 51.6.
péchez de laquelle parle faind laques
I. Cor. 14. contre lan'entendent
mefmes dodrine de pasS. ;Paul.
ce quiMais
eft
& qui fe fait quand vn frère (lors que laq. ;. 16.
qui fauroit fupporter vos cérémonies quelque débat ou ofTenfe furuient) fe
tant friuoles, comme le fel, l'huile, les reconcilie auec l'autre. Car fi quel-
chandelles. & tels autres fatras par
qu'vn auoit ofTenfé fon frère, il faloit
vous introduits pour bigarrer le vrai
Du Baptcfme qu'il s'humiliafl
fenfé eftoit tenu &, félon
requifl lapardon;
dodrine l'of-
de
cxlcricur, ou Baptefme.' » D. « Si voftre enfant
du fignc vifitilti, mouroit fans eftre baptifé , feroit-il Chrift, de pardonner la faute. Ce font
fauué.> des
» R.fidèles
Il Oui,fontd'autant les paroles de noftre Seigneur : « Si Matlh. ;. 2;,
qui cl) l'eau. enfans fauuez que les
comme
leurs pères, par le feul mérite de quelqu'vn a quelque chofe contre fon
frère, qu'il s'en aille & fe reconcilie
Iesvs Christ, fans aide de fignes ex- premièrement auec lui , & puis offre
térieurs &vifibles, comme les enfans l'on don à l'autel. » Et le fage dit :
des Juifs mriuransauant qu'auoir receu Il Comment ofera quelqu'vn demander
la Circoncifion eftoyent tenus pour grâce à fon prochain, fi lui-mefme ne
Aflcs ;. i9. fauuez. Car S. Pierre tefmoigne que De la confa
la veut pas faire aux autres ? » Cepen- fîon fratcrne
la promelTe faite à leurs pères leur dant ie ne trouue pas mauuais que
& Chrelliend
apartient, comme compris fous l'al- quelqu'vn prelTé d'afaires & en quel-
liance en Chrift. A caufe de quoi
I. Cor. 7. auffi S. Paul les nomme Sainds ou feil àquevnamertume
hommed'efprit,
fauant demande
& difcret con-
qui
Maiih. 19 le fâche inftruire & confoler au befoin
purs; & , Chrift
ameine commandehéritiers
les nommant qu'on les
du par la parole de Dieu. Mais cela eft
royaume des cieux. » toute autre chofe que la confeffion
TovT ce que deft"us fut par eux cou- faite à l'oreille du preftre, car ce n'eft
ché par efcrit, adiouftans qu'il erroit. que demander conleil (!t confolation.»
Cependant ils difputoyent entre eux D. i< Que tenez-vous donc de la con-
en Latin touchant les termes dont il feffion auriculaire } » R. •< Quant à
auoit vfé, & ainfi vn diable conteftoit voftre confeffion, en laquelle vous de-
contre l'autre. ' mandez compte des péchez auec tou-
GHILEYN DE MVELERE. 77 M.D.LIV.

tes leurs circonftances, ie la reiette


que font toutes nos œuures confide-
tout à plat, veu qu'elle a efté intro- rees en elles mefmes , que péchez? Ifaie 64. 6.
duite fans tefmoignage de la parole de Toutes nos iuftices (dit le Prophète)
Dieu & fans aucun foulagement des
ne font autre chofe qu'vn drap fouillé.
poures confciences. Vos œuures dam- Nous fommes pécheurs de nature, &
nables monftrent combien cefte con- ne pouuons faire autre chofe que pé- Rom. 7. 14,
feffion eft pernicieufe ; car par telle cher. Nous fommes poures efclaves
I.laq.
Cor.I. 4.17,7.
pratique vous auez corrompu la chaf- de péché, vendus fous icelui. S'il y a
teté des filles & des femmes mariées quelque chofe de bon en nous, cela Luc 17. 10.
Deut. 21. i;.
& la leur auez volée maintesfois. Par Gai. ;. i;.
vient de Dieu & faut l'attribuer à
cefte inuention l'Antechrift a fait bref- Dieu feul, qui eft la fontaine de tous Gai. 2. 21.
che en laconfcience de tous hommes, biens. En fomme , nous demeurons
& a fceu les fecrets des Rois & Prin- toufiours debteurs à Dieu , car nous
ces, pour eftablir par tel moyen fa ty- n'accomplilTons point la Loi & pour-
rannie & fauffe dodrine. En fomme , tant ne pouuons mériter falut par
cefte confeffion a fait que les hommes icelle. Parquoi la mort & la malédic-
fe font desbordez en toutes fortes de tion demeure fur nous, tandis que nous
pollutions & fe font licenciez à tout cercherons noftre falut en la Loi, c'eft
mal, penfans auoir remiffion de tous à dire en nos œuures. Car fi nous euf-
leurs péchez par le moyen de la con- fions peu fatisfaire par nos œuures, &
feffion. »D. i< Que tenez vous de la par icelles mériter la vie éternelle,
Pénitence que le Preftre ordonne pour quel befoin eftoit-il que le Fils de Efaie ;;. 4.
la fatisfadion des péchez ? » R. « le Dieu, fe faifant homme, fatisfift par fa
n'auouë autre fatisfaction que celle de mort & obtinft falut > Or Chrift n'eft I. Pierre 2. 24.
lefus Chrift, qui a pleinement fatisfait pas mort pour néant, car par fa mort
à Dieu fon père pour tous ceux qui nous fommes fauuez II eft donc ma-
croyent en lui. C'eftceftui-ci feul que nifefte, que nous fommes iuftifiez par
ie tien pour Tvnique & éternelle fatis- les mérites de Chrift fans nos œuures.
faâion , qui a pris nos forfaits fur foi Dont auffi S. Paul tire cefte conclu- Gai. ;. 10.
& a fatisfait en fa chair pour iceux. Gai. ;. 12.
fion, que nous fommes iuftifiez de Deul. 21. 2;.
C'cft donc& luireconciliation
qui eft noftre enuers
paix, iuf- grâce par la foi en Chrift, & que tous
tification fon font fous maledidion qui cerchent iuf-
Père. Si nous auons péché , nous tice es œuures de la Loi. Tous nos
auons vn fidèle & fouuerain Sacrifica- mérites donc confiftent en Chrift feul,
teur enuers Dieu, aflauoir lefus Chrift qui nous a deliurez de maledidion,
lean ;. 19. 16.
le iurte & bien aimé, qui eft l'appoin- veu qu'il a efté fait maledidion pour
tement pour nos péchez. » D. « Ne nous en la croix , afin que la promeft"e
pouuons nous pas fatisfaire pour les faite à Abraham fuft accomplie, afça-
péchez & par nos œuures mériter le uoir que tous feront benils & fauuez
ciel } » R. « le di derechef que Chrift en fa femence , qui eft Chrift , tous
eft noftre pleine fatisfaftion , qui s'eft ceux, di-ie, qui croiront en Chrift. Ef-
donné foi-mefme pour nous , effaçant tans ainfi iuftifiez , nous faifons des
les lettres obligatoires qui eftoyent œuures agréables à Dieu , lefquelles
^Ololî. I. 20. contre nous. Mais comment pour- lui mefme fait en nous, mais nous
lean 2. i. î6.
rions nous fatisfaire pour les péchez, ne méritons rien pourtant , à caufe
iphef. ;. 25.
:ololT. 2. 14. nous qui ne faifons que pécher , qui que ce font œuures de Dieu , lef-
lob I). 16. humons l'iniquité comme eau & en la quelles ilracompenfe félon fa mife-
Rom. 7. 16. ricorde. Pourtant il ne nous faut pas
Ephef. 2. ;. chair de qui n'habite que péché ? Et faire des bonnes œuures en intention
Rom. 8. 8. que pouuons nous mériter autre
ilatth. ;. 17. chofe par nos mérites , mefchans & d'en receuoir falaire, ou de mériter le
& 17. 5- ciel. Car nous ne fommes point des
abominables deuant Dieu, que d'atti- mercenaires qui feruions pour gage ,
Philip.
Ephef. 2.
2. i;.
10.
rer fur nous l'ire d'icelui } Car de na- Rom 8. 14.
ture nous fommes enfans d'ire, la ma- ains nous fommes enfans de Dieu, qui 2. Tim. I. 7.
lediélion& mort éternelle font nos ga- feruons par diledion à noftre Père , Gai. 5, 26. &
ges ;tout ce que nous faifons defplait
auquel l'héri-
de grâce Rom. 8. 4. 16.
à Dieu & faut que nos péchez foyent de fon promet
lequeltage nous Royaume, nous I. Cor. I. 22.
acquittez par lefus Chrift, en qui feul
afpirons eftans poufl"ez par le Saind
le Père prend fon bon plaifir. Pour- Efprit , qui feelle fa vérité en nos Du Franc
cœurs. » D. « Croyez-vous pas , que Arbilre.
tant ie reiette voftre faun"e dodrine & 4.6.
; ,-.
touchant les œuures , par lefquelles l'homme a vn Franc arbitre pour faire
vous prétendez mériter le Ciel. Car bien ou mal quand il lui plait } »
LIVRE CINQUIEME.

Ecclef. 7 io R. .< le confelTc bien, que le premier point fuffifant fans voftre inuenté Pur- Heb.
28. & 9.10.
14. ij2
Ecclcf. If. 14.
homme a eu vn Arbitre franc & libre, gatoire. Or aux Hebrieux eft monf-
Ican 8. 14.
78 tré clairement, que Chrift a offert vn Exode îi- I'
Rom. 6. 12
1. Pierre i. 10,
par lequel il pouuoil faire bien ou mal facrifice éternel et parfait, oui ne peut Lcuit. 26. 2
quand il vouloit. Mais il a perdu ce
Rom. ç. 13. 17
18. & 10.
don de Dieu tout incontinent après fa pas eftre anéanti, car il eft ix demeure
toufiours en vigueur pour la purgation
Gen. 6. 13 cheute A s'ell fait efclaue du péché ,
I. Cor. 2. 14 fans aucun pouuoir de faire bien. Et & remiffion des péchez. Les facrifica-
teurs de Leui efpandoyent fouuent du
cefte corruption n'eft pas feulement fang pour le nettoyement du peuple^,
venue fur lui , comme l'audeur du
mais Chrift a vne fois efpandu fon
mal , mais aufll fur tous ("es fucccf-
feurs , c'eft à dire fur tout le genre fang pour les péchez du monde, telle-
humain, tellement que toute chair a ment qu'il ne refte maintenant autre
corrompu fes voyes & eft encline au purgation pour les péchez. Car par
mal. Par cefte reuolte du premier un facrifice ils font rendus parfaits & Î4-
homme, nous auons perdu toute puif- font nettoyez & fandifiez. Chrift eft
entré vne fois au Sainft des Sainds,
fance à bien, tant en l'entendement non auec fang de boucs ou veaux ,
& raifon qu'en la volonté ; tellement
que nous ne pouuons comprendre, mais auec fon propre fang, par lequel
faire ni vouloir de nous mefmes ce qui il nous a acquis deliurance éternelle,
eft de Dieu. Telle eft noflre nature le conclu donc de ces clairs & eui-
corrompue defcrite manifeftement par dens tefnioignages de la fainde Efcri-
Pf. 14.
le Prophète Dauid, difant : « Ils font ture, qu'il n'y a autre purgation ne-
tous deftournez & font deuenus inuti- ceft'aire pour le nettoyement des âmes
les. Iln'y a pas vn qui face bien, &c. » que le fang de Chrift, ni autre facri-
Rom. ). 12.
2. Cor. ). ?. A ce propos, dit S. Paul, que nous ne fice par lequel elles puilfent eftre ai-
lean 14. <. pouuons penfer de nous quelque chofe dées que le feul facrifice de Chrift ,
I. Ican 2. 1.
Philip. 2. de bon comme de nous mefmes, mais qui eft fuftifant pour tous les péchez
que toute noftre fuffifance vient de du monde. Parquoi voftre doftrine du
Dieu. A ceci fe rapporte auffi le tef- Purgatoire eft une doiflrine Diaboli-
moignage de Chrift : « Sans moi vous que inuentee par voftre Pape contre
ne pouuez rien. » Toute noftre puif- toute vérité des Efcritures. » Pour ré-
fance donc gift en Chrift qui , comme futation de ces palTages , ils en allé-
dit S. Paul, crée en nous le vouloir & guèrent quelques autres ne feruans
le faire félon fon bon plaifir. » D. « Ne de rien à la confirmation de leur Pur-
croyez vous pas que les âmes , après gatoire &
, fingulierement celui du
cefte vie, eftans nettoyées au Purga- 2. liure des Machabees, lefquels il 2. Machab. 10

toire,font
y deliurees par MelTes, An- réfuta aifément. Et eftant tranfporté
niuerfaires, Aumofnes & autres fem-
blables bonnes œuures .> » R. « le ne en Efprit il leur dit : « Mais qu'eft ce Le Purpatoirt
fai autre Purgatoire ou nettoyement que
du Pape qu'vne
laquelle ,lui
voftre enPurgatoire cuifine
& tous fes
cl) la cuisine
du Pape.
que le fang de Chrift, par lequel les Cardinaux, Euefques & Preftrcs & au-
âmes font parfaitement purgées de tres telle racaille, depuis le plus grand
toutes leurs taches. Les afperfions du
fang du bouc & le fang des veaux, iufques
aux defpensdu fang dufont
au plus petit, grand'chere,
pauure peuple,
auec les cendres de la genilTe rouge ,
fous prétexte de longues oraifons ? »
ont efté claires images & figures du D. ((Vous n'eflimez donc rien le Purga- 4)-
fang de Chrift, car tout ainil que le toire }» R. " Non. » Ils ne refpondi-
peuple par telles afperfions eftoit net-
toyé des taches de la chair, ainfi auffi rent que bien peu à ces paroles, d'au-
nos âmes font arroufecs du fang de tant qu'ils
efcrire. Du eftoycnt aft^ez ils
Purgatoire empefchez
tombèrentà
Chrift pour remiffion iSr lauement des De lEnfcr.
en Enfer, demandans s'il croyoit auffi
péchez. Voila pourquoi S. lean dit qu'il y euft
que le fang de Chrift nous purge de mande eft- vn
ce Enfer.
là .> le R.croi« Quelle de-
fermement
tous péchez. Si ainfi eft que tous nos u'il y a vn enfer, auquel les hommes
Du Purga- péchez font nettoyez par le fang de amnez après la mort du corps, à caufe
toire
I. lean 1. 7. Chrift, à quoi fert voftre faux Purga- de leur incrédulité, font tourmentez
Apec. I. ;. toire.' N'auez vous point de honte éternellement parle iufte iugement de
Hcb. 9. 7. 9. d'anéantir la mort & le facrifice de Dieu. De ceci il y a fi clairs tefmoi-
12 I). 14.
& 10. 4. Chrift À d'attribuer fa vertu A vos fa- gnages de l'Efcrilure fainde, que ie
I. Ican I. bles fAinfi vous faites de Chrift vn
ne fâche homme fi malicieux qui l'ofaft
fauueur à demi , le fang duquel neft
nier. » D. « Croyez-vous qu'il y ait Du Ciel.
GHILEYN DE MVELERE. 79
vn ciel, où Dieu règne auec fes An- rence agréable , enfuyuons leur doc-
ges r » Quand il ouit cefte demande trine & innocence de vie. Semblable-
ment, 20.
tant abfurde, il penlbit qu'eux mefmes
ne le croyoyent point, comme leurs adorer ie
lesdifainfts
qu'il , necarfaut nullement
il efl efcrit : 10.
œuures en rendent telmoignage. Or i< Vous adorerez voftre Dieu. » Pour- Deul. 10.

quand ils ne croiroyent ni ciel ni en- tantadorer


difoit l'Ange, & 22. ').
fers (ce que par œuures ils femblent loit : « Garde quand
que tu lean
ne lelefaces,
vou- Apoc. 10.
car ie fuis feruiteur auec toi , adore
nier,) ils ne feroyent pas pis que cer-
tains de leurs Papes & Cardinaux, Dieu. » D. « Mais il y a grande dif-
qui ont nié la refurredion des morts férence entre prier & adorer. Vous
& la vie éternelle, qui monflre claire- confefferez donc bien qu'il faut prier
ment ce qu'ils ont creu du Ciel & des les fainfts
Enfers. Pour cefte caufe ont ils in- cats.' » R. afin
« lequ'ils
croi foyent nos aduo-
que, tandis que De fion
l'intercef-
des
nous viuons en ce continuel combat ,
uenté le Purgatoire , pour lequel ef- Sainds.
tablir ils ont anéanti & Ciel & Enfer. nous fomraes tenus de prier les vns
laq. ). i6.
Et femble qu'ils feroyent aufli peu de pour les autres , pource que la cha-
rité fraternelle requiert cela. Mais de
cas du Purgatoire que du refte , n'ef- prier les fainfts qui font hors cefte vie,
toit que toutes leurs fuperftitions &
cuifines font apuyees fur ce pilier. nous n'en auons ni commandement ni
exemple. Chrift nous a enfeigné de
Car s'ils croyoyent qu'il y eufl vn Pur- prier fon Père qui nous peut & veut
gatoire ,auquel les âmes fouffrilTent lean 14. if.
donner toutes chofes. Et derechef il
pour leurs péchez, iamais ils ne com-
mettroyent tant de mefchancetez , ni a commandé que nous prions & de-
les fupporteroyent es autres comme mandions en fon nom. Finalement, ie
ils font. Pour reuenir au poind, croi encor moins que les fainfts foyent
nos aduocats enuers Dieu , car cela
« comme, dit-il, ie croi qu'il y a vn en-
feroit vouloir priuer de fon office Chrift
fer, ainfi croi-ie auffi qu'il y a vne vie noftre feul médiateur. le tien donc
éternelle, en laquelle les âmes des
croyans, après la mort corporelle, font Chrift feul pour noftre Aduocat ,
receuës auprès de Chrift leur chef. » auquel le Père (car il prend tout fon
plaifir en lui) prefte toufiours audience.
D. « Ne croyez-vous pas qu'il faut
feruir & adorer les fainfts, afin qu'ils Ceci tefmoigne le fainft Apoftre, di- I. Tim. 2. 5.
foyent nos aduocats enuers Dieu .' » fant ainsi : « Il y a un Dieu & vn
R. « Premièrement , touchant le fer- moyenneur entre Dieu & les hommes,
uice des fainfts, ie di rondement qu'on lefus Chrift homme , qui s'eft donné
leur fait grand deshonneur, quand on foi-mefme reconciliation pour tous. »
leur attribue quelque feruice deu à Les fouuerains facrificateurs du vieil
Dieu. Parquoi ceux-là commettent Teftament eftoyent bien auffi conf-
idolâtrie contre le premier & fécond tituez raoyenneurs entre Dieu & le
commandement du Seigneur, qui font peuple (car à cefte fin ils aparoilToyent
reuerence ou feruice , forgé de leur au Sanftuaire deuant Dieu, afin de
entendement aux fainfts. Car il eft ef-
crit : « Vous ne ferez point tout ce prier
toit paspour
que les
par péchez.) mais ce n'ef-
leur interceffion peuft
que vous femblera bon, ains ce que ie
vous commande. » Maintenant oyez eftre idoines
fent fatisfait àà cela
Dieu ; ,ains
ou qu'eux fuf-
ils eftoyent
le commandement du Seigneur : « Tu feulement figure de Chrift, lequel au
feruiras , » dit-il , « au Seigneur ton temps de fon incarnation deuoit ef-
Dieu tout feul. » Et mefme en leur tre le vrai Médiateur du Nouueau
vie ils n'ont demandé ceft honneur & Teftament. Ceft donc noftre Seigneur
lefus Chrift qui efl le feul Médiateur,
feruice. Car lors qu'on vouloit faire
facrifice aux Apoftres, ils defchirerent lequel, comme fouverain Sacrificateur,
leurs habillemens. Secondement, vos eft entré par fon fang au Sainft des Heb. 9. 28.
feruices que vous faites & voulez ef- Sainfts , qui n'eft pas fait de mains ,
tre faits aux fainfts font vne pure ido- mais au ciel mefme
lâtrie comme font MelTes, Pèlerina- tre deuant la face de ,Dieu
afin pour
d'apparoif-
nous.
ges, chandelles & femblables fatras; Il n'eft pas ainfi de Dieu comme des
pourtant ces feruices-la font tant plus Rois & Princes , comme vous dites ,
abominables. Parquoi i'eftime qu'on aufquels il faut auoir accès par amis.
ne doit nullement honorer les fainfts
félon voftre conception. Mais fi nous Car puis que tous hommes font pé-
leur voulons faire honneur & reue- cheurs il
, n'y a nul qui foit propre à
eftre Médiateur que Chrift feul, Dieu
8o LIVRE CINQUIEME.
Deul. 4. li
& homme, qui ert noftre paix & apoin- par icelles. Car comme Dieu ne veut
tcmcnt enucrs le Pore. Quiconque & ?. 8.
eftre reprefenté ni ferui par des ima-
donc en dcfirc vn autre, cellui-la erre
ges, aulliaux
images ne veut-il
fain<Ss pas
afin qu'on faceferuir
de les des
& outrage grandement Chrifl. »
PovR ne laiirer rien en arrière des
Des Ima^'cs
& de leur par icelles, car ce font dieux eftran-
chefs de leur idolâtrie , ils entrèrent gers & faux feruicesde Dieu. Et nous
fcruicc.
Exode JO. 2. en la quellion des Images & de leur
Deut. ç. ').
ne lifons
que, pas qu'en
aux fainéls l'Eglife Ifraeliti-
Patriarches, Prophè-
feruicepas, lui
uoit les demandans
images de s'il n'approu-
Dieu à des tes it autres hommes & femmes crai-
fainils & leur feruice , & finguliere- gnans Dieu , defquels il y a eu grand
ment de celles qui font drelfees es nombre, aucune image de Chrift ou
temples? R. « le reiette tout cela des fainds ait efté mife aux temples
comme vne deteflable idolâtrie contre & Oratoires des Chreftiens. Pourtant
le Dieu viuant & fon commandement. ie reiette entièrement toutes ces ima-
Les lmat;es En premier lieu , ie deterte toutes ges taillées, peintes & fondues, lef-
de Dieu images qui, en façon que ce foit, font quclles font drelTees es temples papif-
faites pour reprefenter Dieu & fon tiques & autres places pour honneur
& feruice. >< Lors ils eurent recours à
elTence & pour l'honorer fous forme
d'homme & créature. Mais comment leur vulgaire fubterfuge , que les ima-
eft-ce que Dieu, qui eft efprit inuifi- ges elloyent les Hures des idiots.
ble, incomprehenfible & viuant, pour- Mais Ghileyn difoit que l'Efcriture
roit edre reprefenté par aucune fem- n'attribuoit point aux images l'office
blance .> Noftre viure , mouuoir & d'enfeigner, ainsChrift
nous enuoye à la pa-
role de Dieu. dit : « Cerchez Ican ;. ;9.
edre eft en Dieu , comme l'Efcriture les Efcritures, car elles tefmoignent
tefmoigne. Les images au contraire Luc 10. 29
ne viuent ni ne s'efmeuuent point, &, de moi. » Item : « Ils ont Moyfe &
Afles 17. 28. fi elles ne font entretenues par les
les Prophètes, qu'ils les oyent. » De Rom. 10. 17
hommes, elles palfent it tournent à mefme S. Paul dit : « La Foi eft par
Baruch. 0.
néant. Dieu void & oid toutes chol'es. l'ouye. » Il ne dit pas : n Aprenez des
images. » Mais comment pourroit vne
Les images ne voyent ni n'oyenl
goutte. L'image n'a nulla fouffle image muette enfeigner la vérité.' Le
mais Dieu feul donne vie & leen fouf-
foi,
Prophète dit : « Que profite l'image Habac.19- 2. it
fle. Parquoi nous ne deuons cftimer taillée, enfeignant menfonge .- Malheur
que Dieu foit semblable à or & ar- à ceux quidifent au bois: Nedorsplus,
gent & pierres figurées par artifice & iS: à la pierre fourde : Efueille toi. En-
inuention des hommes. Et en quoi feignera-elle.- Voyez, c'eft vne chose
eft-ce que vous confiderez cefte fem- couuerte d'or ou d'argent, & n'ya point
blance .' En la forme ? Dieu donc de fouffle en elle. » Que pourroit on
comme les hommes a des membres dire plus clairement? Les images font
corruptibles. En la matière .' Dieu eft menfonge. Comment.' ce qui eft faux I. lean ;4
donc or , argent & pierre. Dieu eft pourra-il enfeigner vérité.' le di donc
Efprit & veut eftre ferui en efprit, non auec S. lean : « Mes enfans, gardez
par les images que les mains des vous des idoles. » Item, auec Dauid :
nommes ont taillées. Quiconque donc Pf. 111;. 8*
" Ceux qui font des idoles, & qui s'y
voudra peindre ou contrefaire la fpi- fient, foyent feniblables à icelles. » du P.ipe.5
rituelle elTence de Dieu & ainfi le (er- D. « Voulez-vous pas croire que le De lapriman
uir, à ceftui aduiendra la punition dont Pape eft vicaire de Chrift & fuccef-
Rom I. 11. feur de S. Pierre, qui eft affis au fiege
&c. S. Paul fait mention." Ils n'eurent que de Dieu, comme chef fur tous chefs
Exode 2^. 17 répliquer
&c. Clierubins,finon que qu'ils
Dieu alléguèrent des
auoit fait faire, fpirituels & feculiers.' » R. « le vous
mais cela ne leur feruit gueres; d'au- ai refpondu ci deuant , & ie vous de-
mande file Pape enfeigne ce que S.
tant que les Chérubins n'eftoyent pas
faits pour refembler à Dieu, ains pour Pierre c*ir les autres Apoftres ont en- !
eftre vn figne de la prefcnce de Dieu feigner »D. " Il enfeigne la parole
inuifibic & incomprehenfible. Tels fi- de Dieu, comme elle eft couchée en
gnes eftoyent auffi la nuée , la fumée, l'Efcriture fainde, encores que vous
le feu & l'Arche de l'Alliance mefme ne l'entendiez pas ainfi. Outre cela,
que les Chérubins couuroyent de leurs vous n'auez pas leu toute la parole de
Des Images D.eu. Car S. Thomas & plufieurs
des fainds.
ailes. i< En fécond lieu , difoit-il , font
défendues les images qui font faites autres entre les Apoftres & 72. difci-
afin de feruir & honnorer les fainds
ples, & les Dodeurs de l'Eglife ont
GHILEYN DE MVELERE.

fefté & qui eftoit neceffaire pour leur m.d.liv.


efcrit des Hures que vous n'auez pas
leus. Secondement, on a tenu beau- temps. En ces derniers iours, Dieu a
coup de Conciles, auquel le S. Efprit reuelé bien clairement beaucoup de
a reuelé plulieurs chofes qui n'ef- fecrets contenus en l'Apocalypfe, que
toyent pas li à pur & à plein (i) conte- les fidèles comprenent mieux , pource
nues en TElcriture fainde. L'Eglife , qu'ils
iour enen iour
voyent l'accomplifiement
; comme auffi S. lean ditde:
qui ne peut errer, a avoué tels dé-
crets & conciles comme efcriture
que tout Lifez-le,
auenir. ce qu'il &auoit
vous veu deuoit
trouuerez
fainde , & pourtant faut-il receuoir
Tvn comme l'autre. Car le S. Efprit a que tout ce qu'il a dit de la paillarde
promis d'affifter à l'Eglife iufques à la de Babylone & de fes forcelleries
fin du monde. » R. « O Dieu 1 quels conuient entièrement à voftre Pape
blafphemes. Voflre Pape eft le vrai
Antechrirt , qui de fait & de parole & à fon règne. » D. « l'eftois touf
efbahi (dit le Greffier de l'Inquifiteur)
s'eft oppofé à Dieu. C'eft le chef de comme la putain de Babylone diffe-
roit tant -à venir. » R. « Il refte encor
)an. II. 7. & toute malice. Lifez ce qu'en dit Da-
'°- ,_ _ niel parlant de la dernière belle & de affez de temps pour en ouyr parler.
2°The(T^2'" l'abomination & defolation. Item, le &C'eft elle qui a les
a enforcellé feduit
Roistout le monde,
& Princes de Apoc. 17. & 18.
15. le
qui chap. de l'Apocalypfe,
nomme & S.
fils de perdition, Paul
homme la terre du vin de fes enchantemens.
de péché Elle a dit en fon cœur : le m'affieds
Dieu. Car, qui
il as'eft affis au
enuahi & temple de
corrompu Roine & ne ferai point vefue. Mais
l'Eglife, s'efl eftabli Dieu fur icelle , fâchez que ces malheurs viendront en
& s'eft efleué par defl"us toute diui- vn iour. Cefte hypocrite eft la Pa-
nité. Intérieurement, il s'eft infinué
par fes traditions & fauffes doftrines fainds pauté,,qui
qui s'eft enyuree du
a domination fur fang des
les Rois
es confciences des hommes, fur lef- de la terre, lefquels paillardent auec
quelles l'Efprit de Dieu (de qui elles elle. C'eft
rituelle , oùla font
Sodome & l'Egypte fpi-
les enchanteurs des
font temples)
mefchant , ladeuoit
venuedominer.
duquel C'eft le
a efté âmes. C'eft l'habitation des harpyes,
auec fignes de miracle de menfonge, à des diables & efprits immondes.
la confufion de tous ceux qui n'obeif- Quant à l'autre befte , alTauoir les
De l'inteiii- fent point à vérité. » D. « Vous eftes Rois & Princes fur lefquels la pail-
gence des en grand erreur. Penfez-vous enten- larde s'eft affife, & de qui elle eft
Efcritures. j^g l'Apocalypfe de S. lean & autres maintenue , S. lean en parle plus
tels liures difficiles.' Vous ne pouuez couuertement. Mais vous autres ef-
faillir de tomber en herefie, quand tes feruiteurs de cefte paillarde , vous
vous lifez le fimple texte de F Efcri- beuuez auec elle le fang innocent,

des S.ture ,fans y conioindre


Pères. l'expofition
» R. « le me tien au & combatez contre l'Agneau & fes
fainds. Or l'Agneau veinera finale-
ment & vous & voftre paillarde.
texte de 1" Efcriture, qui s'accorde
auec le fens du S. Efprit , & ne veux Pleuft à Dieu que vous ouuriffiez les
receuoir doâeùrs ni glofes qui con- yeux 1 mais, helas ! ie crain fort que
trarient au fens d'icelle. Le S. Efprit vous ne foyez du nombre de ceux qui
fonde les chofes profondes de Dieu
s'oppofent
rée, & quià refiftent
vérité deaumalice délibé-
S. Efprit :à Ades 7. 51.
lean ;. 8. & & n'eft lié à perfonne , ains il fouffie
6. 45- où il veut , & ouure l'entendement à l'occafion de quoi ce péché ne vous Matth. 12. ;i-
ifaie 54. i;. -yj j^j p\^\^ j] efcrit que tous feront
fera iamais pardonné. Car vous auez i^^I'^il' ,0
enfeignez de Dieu. » D. i Nous ne confeff'é auiourd'hui que vous enten-
fanions pas que vous fuffiez tel. » dez bien la vérité ; mais vous cerchez
R. « Vous m'interroguez , & ie con- plus
Dieu.l'honneur du Papevous
Auffi receurez que decelui de
voftre
feffe la vérité, de laquelle vous mef-
mes eftes cohueincus en vos cœurs. » maiftre le loyer que méritez. »
D. Il Nous n'entendons pas l'Apoca- En fomme , ce prifonnier fit bien
fentir à ces malheureux que la parole
lypfe ni le refte , comme vous l'expo-
fez ; car S. Auguftin & beaucoup
de Dieu n'eft point liée, & lui mef-
d'autres Dodeurs le prenent autre- me a efcrit que lors il fe fentoit raui
ment. »R. << S. Auguftin & les autres
hors de foi , & que l'Efprit de Dieu
ont conu ce que Dieu leur a mani- qu'il ,de-à
uoit dire. en
lui mettoit examen ceacheué
Ceftla bouche
(i) Sans réserve. l'inftance de l'Inquifiteur, il figna
6 fes
U.
82
LIVRE CINQUIEME.
Deux Corde
refponfes , auec cefte proteflation : conuent d'Audenarde le vindrent voir narde.
« Meffieurs, fi vous me licrs d'Aude
pour l'efbranler. L'vn s'appelioit frère
ucincre d'aucun erreur, à le le detefte-
pouuez con-
cefle miene
Martin, grand Sophifte : mais quant
rai ; finon, ie me tien à l'autre , il ne le conoilToit point.
lin. » Sur ce
confeffion iufques à la F. Martin le pria de reciter ce qu'il
vint le Lieutenant du Baillif, tout
auoit
Curez;refpondu
ce que àGhileyn
l'Inquifiteur
fit de &poind
aux
yure, lequel ayant tenu quelques jpro-
DOS auec Tlnquifiteur, remena Ghi-
, puis leur demanda
en poindquelquereplique s'ils
leyn en prifon. auoyent au contraire.
« Nous ne venons pas ici, » dirent-ils,
« pour difputer contre vous; mais
nous voyons bien que vous efles en
St'S difputes contre diuers aduerfaires erreur. » " Prouuez-le donc, » dit-il;
de vérité. .
&ils comme il les prefi'aft
ne fceurent que direde finon
ce faire,
leur
Les quatre QvELQVE temps après, les quatre vieille chanfon : » L'Eglife croid
Curez d'Audc- cela. » (I Vous ne me feduirez point
nardc. Curez d"Audenarde , Dodeurs en
Théologie & grands fophiftes, le vin- par vos belles paroles, » dit F. Mar-
drent vifiter à diuerfes fois pour le tin. Le prifonnier lui fit là deffus quel-
deftourner de (a confeffion & le ra- ques queflions, mais il ne voulut onc-
mener au Papifme. Ils raffaillirent
fort & ferme , mais à leur confufion^ ques
homme refpondre : auffi ains
pour difputer, n'e(loit-il
proprepasà
Ne pouuans rien gaigner fur lui par boire d'autant auec fes compagnons.
leurs fophifteries , ils le prindrcnt par Comme ces moines vouloyent fe reti-
vn autre bout , & lui demandèrent s'il rer, il leur demanda : « E(l-ce par la
aimoit pas fa femme & fes enfans r vertu de cinq mots que le pain eft
Lui, tout foudain refpondant , dit : changé au corps de Chrift.- » << Vous
« Meffieurs, vous fauez bien que ie voulez efire trop fage, » dirent-ils, « &
les aime de grande affedion. iSt que faut entendre cela comme l'Eglife le
c'eft cela qui me prelTe le plus, le Dc la Tranf.
tient. Nous croyons qu'auffi tort que fubllaniiation
vous di à la vérité : Que fi le monde le Preftre a prononcé les cinq mots
facramentaux, ce pain dénient le corps
eftoit tout d'or & qu'il fufl à moi , ie de Chrifl , tellement que Chrift y eft
le donnerois tref-volontiers pourauoir
ma femme & mes enfans auec du pain auec fon corps & fon ame, voire auec
fa deilé mcime. » Pour preuue de
fec & de l'eau , en prifon & defhon- leur dire, ils alléguèrent les paroles de
neur. » « Si ainfi cft , >> répliquèrent
ils, « que vous les aimez, comme vous la Cène : « Prenez, mangez, ceci eft
dites, quittez donc vos faufies opi- mon corps. » « Pourfuiuez, » dit-il,
nions. Ilne faut dire qu'vn mot, afla- » au texte, où, parlant du vin, Chrift
uoir que vous vous repentez, & vous dit : Ceci eft la coupe du nouueau
ferez auec voftre femme & vos enfans Teftament. Si donc le pain, félon vof- Maiih. 26. 26.
comme auparauant. » « le ferois vo- tre opinion , fe change au corps de
lontiers cela , » dit-il , « fi ce n'efloit Chrift, il faut auffi que la coupe foit
chofe contre Dieu & contre ma con- changée en nouueau Teftament; ce
fcicnce. Parquoi , ni pour femme, ni
lourd à penfer. D'auan-
pour enfans , ni pour créature du tage, félontrop
qui feroit ce fens, Chrift auroit plu-
monde, ie ne renoncerai ma religion fieurscorps.» Les moines demeurèrent
(que ie fay eftre vraye) moyennant la courts fur ce poind. Ayans efté re-
pouffez de ce cofté , ils tirèrent vne
grâce & affilknce de Dieu. >< Ils l'af- fimilitude du fond de leur Sophifterie.
faillirent encor d'vn autre codé , di-
fans : " Ne faites difficulté de changer Similitude
'< Tout ainfi, » dirent-ils, « qu'vn mi-
d'auis, fans crainte de reproche ou de roir rompu en plufieurs pièces repre-
moquerie. Quant à cela , nous vous fente voftre figure en chafque pièce ,
maintiendrons bien. » « Non , non SophistiqiK'
encores que ce ne foit qu'vn vifage &
vn miroir; amfi eft-il auffi du pain.
(dit-il), moquerie
aucune fi i'auois tort, ie ne craindrois
du monde. Ma vie Car encores qu'il foit rompu en plu-
m'eft plus chère. " Voila comme, par fieurs pièces , toutesfois en chafcune
la grâce & affiftance de Dieu , il fur- d'icelles eft le corps de Chrift . quoi
monta les atlechemens de Satan et de
qu'il n'y fimilitude
"Voftre ait qu'vn eft painvn &argument
vn Chrift.quin
fes fupports.
Apres ceux la, deux Cordelicrs du cloche (dit-i 1) & qui fait contre vous-mef-
GHILEYN DE MVELERE.

il les faut prendre en leur vrai fens , m.d.liv.


mes. Vous dites que le pain n'eft plus
pain, ains le vrai corps de Chrift. Mais qui foit conforme au refte de l'Efcri-
la pièce de miroir dans laquelle ie me ture , fans s'arrefter obftinément aux
voi ne fe change point en ma face , mots prins à la lettre. Secondement,
ains demeure toufiours vn miroir; ie confefle que Chrift ne fepare point
dont s'enfuit, à voftre propre dire, que la promelîe d'auec les fignes vifibles ,
le pain demeure fans aucun change- mais qu'ilrement accomplit
ment. »Leur dernier fut à la Toute es âmes des toufiours
croyans ceintérieu-
que le
De de
la puiiTance puiflfance de Dieu, à quoi Ghileyn pain & le vin reprefeiitent. Mais
Dieu.
refpondit : « le fai bien que toutes quant à voftre Tranft"ubftantiation , ie
chofes ont leur eflre de Dieu. Mais la reiette entièrement , comme répu-
dequoi fert cela à voftre tranlTubftan- gnante àla vérité des sainéles Efcri-
tiation } Vous mefmes vous attribuez tures, à nature & à toute raifon. Si le
cefle puiffance non feulement en chair, pain que lés Apoftres prindrent en la
mais auffi (ô blafpheme horrible 1) en S. Cène eftoit le vrai corps naturel de
Dieu mefme. Si le pain eftoit le corps, Chrift, ils ont receu moins que nous,
l'ame & la deité de Chrift, vous man- afl"auoir vn corps non crucifié qui ne
geriez cefteame & Deité à belles dents. leur pouuoit profiter. Car tout noftre
Or Chrift ne parle que de manger fa falut gift en Chrift feul & icelui cru-
chair. le conclu que le pain n'eft pas cifié, c'eft à dire en la mort & facrifice
le naturel corps de Chrift, ains feule- de Chrift, fans lefquelles chofes la
ment vn figne d'icelui , encores qu'il chair de Chrift n'eft point viuifiante.
foit appelé Corps. En mefme fens Or les Apoftres ont efté fauuez comme
l'aneau que l'efpoux donne à fon ef- nous par le facrifice de lefus Chrift.
poufe eft appelé foi de mariage ; non S'enfuit donc qu'ils ont receu le corps
qu'il foit la foi , ou le mariage , mais d'icelui fpirituelleinent & par la foi.
En fécond lieu, Chrift nous a inftitué
d'autant qu'il le reprefente , & eft le
feau confermant la promelte qui eft fa fainâe Cène, à ce qu'elle nous foit
puis après accomplie. De mefmes , vn mémorial de lui. Or fi le pain eft
lefus Chrift , qui eft véritable en fes Chrift mefme, comment fera-il vn mé-
morial de la chofe qui eft prefente
promefl'es, donne non feulement le elle mefme } Tiercement il faut admi-
figne de fon corps , qui eft le pain ,
mais auffi fon corps mefme, finon que niftrer la Cène du Seigneur & annon-
nous le reiettions par noftre incrédu-
lité. Le pain donc & le vin font fignes Seloncer favoftre
mort iufques dire , ceà facrifice
ce qu'ildeuroit
viene.
vifibles & mémoriaux de la mort que celTer, veu que Chrift eft en terre fé-
Chrift a foufferte pour nous. Car il lon fa nature humaine. Outre plus
dit : » Faites ceci en mémoire de voftre tranft'ubftantiation eft contraire
moi. » Là deffus les moines s'en allè- à plufieurs euidens tefmoignages de
rent ,le recommandans à Dieu , & l'Efcriture fainfte. Car lefus Chrift
promettans de prier pour lui. dit : « le laifl'e le monde & m'en vai au lean 14. 28.
Père.» Item : « Si ie ne m'en vai, le & 6. j. 7. 28.
Confolateur ne viendra point. » Et : '^^ ^^- ^■
« Vous ne m'aurez pas toufiours auec
Troifiefme examen, & difpule de vous. » D'auantage cefte tranlTubftan-
quifiteur. tiation
fion de Chriftrépugne &de à fon
l'article
affiettede à la
l'Afcen-
dextre
rin- du Père. Bref, elle produit de grandes
L'lNQVisiTEVR,reflantvenutrouuer,
l'interrogua s'il ne vouloit pas fe dé- fauft'etez & abfurditez. Car il y auroit
porter de fon erreur. R. « le ne veux (fi cela eftoit) plufieurs defcentes &
auenemens de Chrift. Si le pain eft
renoncer ma religion, fi l'on ne prouue
qu'elle foit mauuaise. » Alors l'Inqui- Chrift mefme , Chrift fera vne infi-
fiteur mit en auant quelques raifons nité de fois tous les iours rompu, cru-
pour réfuter les refponfes du précè- cifié, mis à mort, qui eft vn blafpheme
dent examen. Mais il s'arrefta fpe- exécrable. » D. «Y a-il pas deux ma-
De la Tranf- cialement au poinft de la Tranf- nières de manger le corps de Chrift;
fubrtantiaiion. fubftantiation , & fit tous fes efforts l'vne fpirituelle , l'autre corporelle &
pour la maintenir. D. « Voulez-vous facramentelle } » R. « Encores qu'il
changer les paroles exprelTesde lefus y ait en la S. Cène des fignes exté-
Chrift : Prenez , mangez. Ceci eft rieurs qui feruent à noftre infirmité,
mon corps .^ « R. « Nullement, mais fi eft-ce que la viande & le bruuage
84

LIVRE CINQUIEME.

que Chrift donne cft rcceu fpirituel- par lequel Voila


vous les
maintenez
Icmcnt A par la foi : car la réception doftrine. argumensvoftre
auecfaufl"e
lef-
charnelle ne lert de rien ; c'efl l'Efpri t qucls
qui il vous difputez.
foit loifible de Udébattre
n'y a celui
contreà
qui viuilie. Doncques on ne peut pas
manger la chair de Chrill, comme on voftre dodrine, ni dedans voftre fyna-
I. Cor. 14. 29,
(ait d'autre chair de vaches & mou- gogue, ni dehors. Il n'eft nulles nou-
tons ,afçauoir à belles dents , ains uelles là de l'ordonnance de S. Paul,
fpirituellement , par la foi, comme permettant que la congrégation puift"e
lean 6. çi. Chrift mefme enfeigne: « le fuis, dit-il, iuger.
bouche Sipourquelqu'vn veut ouurir
parler , quand & quandla
le pain de vie i^ui ell defcendu du ciel ;
il eft déclaré hérétique. Ce neant-
quiconque croid en moi, a la vie éter- moins la vérité, qui eft noftre defence,
nelle.» Nul ne peut donner le pain que
donne Chrift. Le minillre donne le ne peut pas eftre furmontec. » Lors
pain & le vin , mais Chrift donne ce r Inquifitcur commença à parler dou-
qui eft fignifié par le pain, afçauoir fon le poinà cement,
de leur requérant
Dieuqu'il
de laift'aft
parte, evpaft"er
que
corps. » Sur cela 1 Inquifitcur dit :
« Chrift parle en ceft endroit là du tout iroit bien. Il dit cela pour l'ef-
manger fpirituel. Car les luifs pen- prouuer. Ghileyn aperceuant fa fein-
tife, dit : " O mon Dieu , mon Sei-
foyent qu'il faloit manger la chair de
Chrift, comme d'autre chair, auec les gneur,fortifie
afin que ie ne moi
renie iufqu'à la mort,
aucun poind de
dents, mais nous la donnons en la
bouche, & elle eft englou tie tout dou- ta vérité. >' Ainfi l'inquifiteurs'en alla,
cement. "« Vous eftes , » dit Ghileyn , baillant huid iours de refpit à déli-
u du tout femblables aux Capernai- bérer, s'il fe vouloit repentir. En Les Curez
après les Curez vindrent encor vers
tes; eux l'entendirent charnellenieni, lui & le tourmentèrent de nouueau ;
vous de mefme. Mais voftre opinion vicncni dere-
chef vers lui.
aufquelsil refufa de plus parler. Mais
eft encore plus lourde & blafphema-
toire. Car vous ne mangez pas seule- ils ne ceft"crent pourtant , difans ,
ment la chair de Chrift, de laquelle les qu'ils faifoyent cela à caufe de leur
deuoir, comme eftans fes pafteurs. Il
luifs fe contentoyenf. mais outre cela
vous engloutin"ez Chrift tout entier, dit, qu'il
teurs. ne conoin"oit
Car Chrift dit : point
» Mestelsbrebis
paf-
auec fes os , nerfs , peau , &c. Et ce lean 10.

qu'eft plusdeteftable, vous aualez aussi oyent ma voix mais elles n'oyent
1 ame, voire la Deité de Chrift. Re- la voix de l'eftranger. » Puis il de-
gardez lavileniequevouscommcttez. » manda aux pafteurs qu'ils lui appor-
L'Inquiftteur tout courroucii de cefte taft'ent vne Bible bien correde ; &
parole, le iugea eftre hérétique. Or qu'il leur monftreroit leurs erreurs.
Sur cela ils dirent que tout iroit bien
l' Inquif,itcur
que énorme lui impo-
foit ce oui
ayant crime tout efmeu en s'il confeft"oit feulement ce poind, que
foi mefme , il dit tout haut : « Le tout ce que l'Eglife Romaine qui eft
S. Efprit tefmoigne en moi que vous gouuernee par le S. Efprit, commande,
mefmes eftes vn hérétique , vn perfe- ordonne & tient pour bon, eftoit bon.
cuteur de la vérité , & vn difciple de « Prouucz-moi, » dit-il, « que tout ce
l'Antechrift. » « le fuis, » dit l'Inqui- que l'Eglife Romaine tient pour bon
fiteur , 'I vn feruiteur du Pape & de s'accorde auec l'Efcriture fainde. »
l'Empereur. » « Tenez vous donc fer- « Qu'eft-ce à dire cela.^ » difoycnt-
mement, "ditOhileyn, «àvoftrePape; ils , " l'Eglife Romaine pourroit ap-
quant à moi , ie me tien à mon Sau- prouuer, ordonner, croire, ofter, &
ueur lefus Chrift, crucifié, qui iugera adioufter tout ce qu'elle voudroit , &
iuftement noftre caufe au iour du iuge- tout feroit bon. » « L'Eglife Romaine, »
ment, où ie vous adiourne. » L'Inqui- dit-il , « n'a que la nue lettre de l'Ef-
criture, laquelle elle corrompt par fes
fiteur" refpon dit : <' Et ie m'y trouue-
rai. Ghileyn dit : « Et vous ferez fauft"es glofes , é!r nie le vrai fens
contraint de vous y trouuer , maugré d'icelle. Secondement elle a corrompu
toutes ordonnances , & le feruice de
qu'en ayez. Lors vous verrez que nous Dieu , & a reietté le fondement de
auons feellé la vra^e doftrine de nof- noftre falut, afçauoir lefus Chrift,
tre fang. » L' Inquifitcur dit : " Nous auec tous fes mérites. Au contraire
le ferions bien auffi , fi nous y eftions
contrains. » « Vous vous en garderiez elle a introduit plufieurs inuentions
des hommes contraires à la parole de
bien, » dit Ghileyn. << Outre cela vous Dieu. le vous prouuerai tout ceci, »
auez obtenu vn placart de l'Empereur,
FRANÇOIS GAMBA.

dit-il, « & plufieurs autres chofes, & le liura au bras feculier. Bien toft
après il fut mené deuant le Baillif &
moyennant
Bible. » « Nous que vous m'ottroyez
ferions bien cela,vne» les AffelTeurs d'Audenarde , par qui
difoyent-ils, « mais nous craignons que fentence de mort lui fut prononcée.
Et fut mené comme vne brebis inno-
vous ne fucciez le venin. » « L'Elcri- cente à la boucherie. En allant, il
ture fainde, » dit-il, « eft efcrite pour
doftrine & inftruâion à tous hommes, chanta vn cantique & marcha ainfi
& Chrift commande que nous le cer- ioyeufement vers la maifonnette , qui
chions en icelle ; vous au contraire eftoit faite fur le marché, où, en inuo-
Tim. ; . i6. défendez la Bible, contre le comman-
lean ;. quant le nom du Seigneur, il fut ef-
Î9. dement de Dieu & de l'Empereur. tranglé & bruflé l'an 1554.
Neantmoins combien que vous me
défendiez la ledure de l'Efcriture
fainde , i'ai bonne affeurance en mon
Dieu & Seigneur, qui par l'on S. Ef- François Gamba, de Lombardie (i).
prit me fuggere tout ce que ie doi ref-
>a deliurance pondre. » On doit recueillir de cefte hijîoire, que
Le Lundi deuant le iour du Sacre-
heureufe fin.
ment qu'ils appellent, M. Pierre, la conoijjance de l'Euangilc du Sei-
l'vn des Curez, le vint trouuer, auec gneur rie fe peut aprendre en autre
lequel il deuifa long temps. Mais efchole qu'en la fiene : autrement le
quand icelui vid que le prifonnier ne fidèle ne pourrait demeurer ferme
pouuoit eftre deftourné de fa confef- vne feule minute de temps contre
fion, il feeftre
moqua de lui, de
d'autant qu'il tant d'ajfauts diuers qui lui font U-
vouloit fi certain la vérité; ure\, fur tout quand il ejl prochain
de la mort. En quoi nous expérimen-
lui, oyant
eftoit cela,Prophète
vn faux le reprint,
& difant qu'il
fedudeur; tons que la foi efï le fondement du
vrai feruice, & de Voheyfjance que
& le preflTa de fi près qu'il ne fçauoit nous deuons à Dieu, quand il nous
plus que refpondre. Il fe retira donc,
& s'en alla boire en l'hoflellerie, auec appelle à fouffrir pour fa vérité.
rinquifiteur. Voila tout ce qui eft
auenu à Ghileyn de Muelere en fon François Gamba, natif d'Ife (2), au
emprifonnement. Quand le temps de pays de Breffe en Lombardie , ayant
fa deliurance fut prochain , il efcriuit
receu la vraye conoiffance de l'Euan-
tout ce que deffus à quelques frères gile, vint à Geneue pour demander
au Seigneur, de qui nous l'auons re- confeil de quelque afaires qu'il auoit
trouué à communiquer. Il s'y trouuaau temps
« Chers, &frères,
adiouftaie ce
vousquienuoye
s'enfuitici:
qu'on celebroit la Cène le iour de
tout ce qui m'eft auenu pour le nom femblee y communiqua
des &fidèles.
Pentecofte, en l'af-il
Depuis, comme
de Chrift. Dieu fait ce que d'ores en retournoit, en palTant le lac de Come,
auant m'aduiendra. le penfe bien
qu'ils me bailleront la torture, car ie fut appréhendé & mené prifonnier en
ladite ville de Come; où, après auoir
ne les ai point efpargnez; ils n'efpar- conftamment maintenu la vérité de
gneront pas auffi ma chair. Mais,
chers frères , tenez vous à couuert , l'Euangile, il fut
afin de ne tomber en péril de mort; bruflé le 21. iour condamné
de luillet,à 11eftre
54.
comme il appert.
c'eft peu de cas de moi ; car ie
fuis liuré maintenant, & ie ferai facri-
fié quand il plaira au Seigneur. Par (i) Cette notice est absente des premières
éditions de Crespin , mais elle se trouve dans
quoi priez pour moi, car l'en ai befoin. celle de 1Ç70, f° 291-29;. Voy. Pantaleon ,
laq. ;. i6. Martyrumhistoria. Mb. X (Basil., 156;). avec
La prièreenuers
efficace des fidèles
Dieu. eftMais
de grand'-
gardez cette indication : Ex cpist. cu/usd. nobilis ca-
vous des faux frères qui font en grand mensis. C'est sans doute à cet ouvrage que
Crespin a emprunté cette notice. Voy. aussi
nombre. Soyez diligens en la ledure Foxe, t. IV, p. 466; Mac Crie, Rcform.
de la Parole du Seigneur. Sur tout in Italy, chap. V. Dans une lettre de Calvin
cheminezen lacraintedeDieu pendant à SIeidan (Opcra, XV, 221). le réformateur
dit en parlant de Gamba: « Nuper in oppido
qu'il eft temps. A Dieu foit louange Venetse ditionis, paulo ultra Vullurinam ,
& gloire éternellement. Amen. » admirabili constantia ad ultimum usque spi-
Ayant ainfi conftamment maintenu
ritum, piusest.vir» mihi probe notus Christum
confessus
la vérité, comme vn fidèle feruiteur de
Chrift, rinquifiteur hafta fon procès, (2) Iseo, bourg de la province de Brescia
(Lombardie), sur le lac du même nom.
86 LIVRE CINQUIEME.

point à maintenir telles fantafies &


telles imaginations, comme ils cui-
doyent que voftre frère en fuft venu là ; Les ignoransj
CoÇic d'vnc
lilhcmmc lettre
Je la cnuoyec
ville de par m Gcn-
Corne près & de fait ils le iugeoyent du tout def-
de Milan , au frère dudil François jugentde tes
Gamba , en laquelle il lui recite en pourueu de fens & d'entendement. enfans Dieul
eflrc infcnfcz.
Pource ils l'exhortoyent d'auifer à fon
breffut
l'heureufe afaire, & laift^er toutes ces refueries
qui bruflé ijfuc
pour dela l'on Jrere,
venté de aufquelles
l'Euan^ile à Corne , le XXI. iour tombé ; maisilsle penfoyent qu'il leur
bon perfonnage fuft
de luillet, M.D.LIV.
refpondoit toufiours , que ce qu'il
auoit mis enauant, & qu'il maintenoit
BiEN-AiMÉ frère. Dieu fait combien ficonftamment, n'eftoyent fpeculations
i'ai le cœur ferré, quand ie vous veux friuoles , ou vaines fantafies qui vie-
reciter la mort bien-heureufe de voftre nent d'vn fens troublé ; que ce n'ef-
bon frère & le mien. le ne doute toii pas humeur fantaflique qui le
point que vortre coufin, qui fut ici, ne tranfportaft, maisviuant
que c'eftoit la pure
vous ait défia auerti de tout ce que lui vérité du Dieu , la dodrine de
falut & la fainde parole de noftre
auoi dit par deçà , mais d'autant qu'il Seigneur lefus. El fur chacun poind
cfloit prelTé de s'en retourner, comme
ie lui confeilloi auffi , ie n'eu pas le qu'il propofoit, il alleguoit quand &
loifir pour lors de lui déclarer le tout,
ainfi que ie defiroi bien , & félon que quanû les pafTages de l'Efcriture
fainde, pour prouuer ce qu'il difoit,
i'aui>i entendre
faire promis à àvoflre frère,comment
la vérité pour vousil proteftant auec vne conftance efmer-
ueillable qu'il aimoit trop mieux fans
comparaifon eftre mis à mort , que de
s'eA porté iufques à la mort; afin renoncer lefus Chrift le feul Sauueur
qu'après l'auoir feu , vous ayez occa-
fion, non point de vous contrifter, & Rédempteur du monde, duquel il
mais plufloA de louer Dieu pour ia- maintenoit la querelle & dodrine , &
mais , de la grâce finf;uliere & conf- trahir par fa defloyauté la caufe que
Dieu lui auoit mife en main pour la
tance admirable qu'il lui a donnée,
depuis fon emprifonnement iufques fouftenir iufqu'au bout. Finalement ,
au dernier foufpir de fa vie. Parquoi après auoir long temps difputé auec
ayant trouué cefle bonne opportunité les Dodeurs de cefte ville, auec les
Preflrcs , Moines, & tous autres qui
de vous efcrire, ie n'ai voulu faillir de
vous auertiren peu de paroles de ceft l'alloyent voir , penfant le deflourner
afaire, tant pour vous donner matière de fon opinion , aucuns d'entre eux
de vous refiouir en noflre Seigneur ,
meus de pitié
noiffoyent homme, d'autant
de bienqu'ils le co-
& entier,
qui a vfé de telle mifericorde enuers
voftre frère , d'auoir daigné lui faire tous d'vn accord s'en allèrent enfem-
tant d'honneur, de le choifir pour ble vers lui ; & après l'auoir prié de
maintenir fa querelle deuant les hom- changer de fantafie , ils lui firent pro-
mes, voire en abandonnant fon corps melTe, s'il vouloit faire ce dont ils le
pour eftre bruflé, afin de feeller la
fainde doflrinc du Fils de Dieu , la- fir de le faire qu'ils
requeroyent, citoyenauoyent grand
de celle villede-
&
quelle iln'a point eu honte de confef- lui donner telle prouifion qu'il vou-
fer hardiment deuant tous; qu'auffi droit ; mais il ne s'accorda iamais à
pour
le lui m'acquitter
auoi faite de devous la promeffe que
mander com- rien de tout cela, & n'en tint conte
ment le tout eft allé. Ce que ie ferai, aucunement. Or voyans
uoyent arracher qu'ils de
autre chofe ne pou-
lui ,
non pas fi amplement aue la chofe
mérite ; mais ie vous toucnerai brieue- tantoft après ils lui mandèrent qu'on
le feroit mourir, s'il ne fe changeoit.
ment les principaux poinds de ce que A quoi il refpondit de grande promp-
l'en ai veu & oui moi-mefme. Voici titude, que c'eftoit ce qu'il defiroit le
donc comme il en va.
plus , tt qu'il
meilleures ne pouuoit receuoir
nouuelles.
Depvis que voftre frère fut mis en
SvR cela, voici lettres qui vienent
prifon, & tout le temps qu'il y a efté, du Sénat de Milan , par lefquelles il Commenl le
il n'eft pas croyable combien il y a eu
de gens de cette ville, voire de toutes
fortes & eftats, & principalement les eft commandé qu'on le Ç\tt mourir, & Seigneur con-
qu'il fuft bruflé tout vif. Comme on ef- ""j^s'^enT"
toit après pour exécuter ce mande-
Dodeurs & Gentils hommes qui l'ont ment ,voici arriuer lettres de recom-
prié inftamment de ne s'opiniaftrer
FRANÇOIS GAMBA.

mandation que rAmbaffadeur de l'Em- autre, comme i'ai dit, tenant des pro-
pereur, qui eft à Gènes, efcrit , & pos fiexcellens que tous eftoyent ef-
merueillez.
plufieurs gentils-hommes de Milan
auffi , parquoi l'exécution fut différée La luftice le voyant ainfi difpofé &
pour quelques iours, cependant vof-
tre bon frère demeure toufiours conf- fi refolu que rien plus , ordonna qu'il
feroit defpefché le lendemain. Or, fa-
tant & ferme en fon fainft propos.
Peu de temps après, voici la féconde chant quérir fin aprochoit, il m'en-
que lapour
uoya parler à moi. Entre
lettre , par laquelle il eft commandé autres chofes , il me pria bien affec-
de le defpefcher. Ainfi donques il fut tueufement de vous refcrire comment
mené du chafteau oià il eftoit prifon- il eftoit allé de fon afaire, & quelle en
nier , comme vous fauez , & prefenté
deuant le Podefta qui eft à Come , auoit efté l'ilTue ; de vous prier auffi ,
luge tant des chofes criminelles que pourtié l'honneur de portez,
que vous lui Dieu & de
pourne l'ami-
vous
ciuiles ; & là on lui prononça celle point fafcher à caufe de fa mort, puis
fentence : S'il ne fe vouloit reconoif- qu'il l'enduroit tres-volontiers pour
tre & changer d'opinion , qu'il eftoit l'amour de lefusChrift, & qu'il fen-
condamné à mourir. Alors , monf- toit vne ioye & confolation finguliere
trant qu'il eftoit
ueilleufement fort ioyeux
confolé, & mer-
remercia bien en fon efprit , reconoilfant l'honneur
& la grâce que Dieu lui faifoit de
humblement le Podefta d'vne fi bonne l'auoir daigné choifir pour endurer les
nouuelle ignominies du monde & fouffrir la
nobftant qu'il
cela , lui
le auoit
Podeftaapporté. No-
, qui auoit mort cruelle en maintenant la caufe
efté prié de ce faire par aucuns gen- de fon Fils lefus, lequel n'auoit point
tils-hom es, lgarda
e en prifon enco- efpargné fa propre vie pour le falut
res cefte fepmaine-la. Or, durant ce de tous les fidèles. fes
Au fœurs
refte,& qu'il
temps, il difputoit hardiment contre vous recommandoit les
tous, alléguant toufiours plufieurs rai- voftres, fes nepueux & niepces, priant
fons de l'Efcriture fainde pour con- Dieu de vous maintenir tous en bonne
firmation de tout ce qu'il maintenoit , paix & amitié , vous faifant la grâce
de forte que de iour à autre le cou- de confacrer toute voftre vie à fon
rage lui augmentoit, & fa confiance feruice.
Le lendemain au matin, le bourreau
fe
lailToit viure. d'autant
monftroit En la finplus , lequ'on
Podeftale
(qui eft Aleman) s'en alla vers lui ,
l'enuoya quérir, & lui dit que le len- pour l'auertir qu'il le deuoit exécuter
demain , ou dedans deux iours au
ce iour-la , & pourtant qu'il lui par-
plus , il faloit qu'il mouruft , fuyuant donnaft. Auquel voftre frère refpondit
ce qui lui eftoit commandé de faire
qu'il ne craignift point de faire hardi-
par le Sénat. Mais il lui fit la mefme inent ce qui lui eftoit cominandé, &
refponfe qu'auparauant , que c'ef- que de fa part non feulement il lui
toyent trefbonnes nouuelles pour lui.
Tentations de
Et après l'auoir bien prié derechef & pardonnoit de bon cœur, mais qu'il
toutes parts. prioit
lui fift auffi
la grâce Dieude pour lui , àfonce falut
conoiftre qu'il,
auerti longuement, s'il fe vouloit def-
dire de tout ce qu'il auoit mis en & adioufta, s'il euft eu de l'argent,
auant,oféà dire
auoit tout contre
le moins de ce qu'il
le facreraent de qu'il lui en euft donné. Apres cela, il
fut mené deuant le Podefta, qui le
la Meft'e, que ce qu'on lui auoit offert pria encores vne fois de fe vouloir
& promis fe feroit aifément , il ne lui
defdire & changer d'opinion; mais il
chalut (i) de telles promefl'es, & n'en n'en fit rien , non plus qu'auparauant.
faifoit non plus de cas que d'vne Et pource le Podefta , après l'auoir
bouffée de vent qui pafi'e , & difoit prié de ne trouuer eftrange ce qu'il
fouuent qu'il ne faloit pas acomparcr faifoit, lui déclara qu'il eftoit con-
ce quon lui promettait aux biens inej- traint par fes feigneurs de l'enuoyer
à la mort. Alors il le remercia tres-
timables qu'il ejloit affeuré de receuoir
en bref au Seigneur , affaaoir la cou- humblement, & lui dit qu'il eftoit bien
ronne d'immortalité & la pie éternelle.
Et iamais ne changea de courage , dolent en fon cœur , d'autant qu'ils
ne fauoyent pas ce qu'ils faifoyent , &
quoi qu'on lui propofaft ; plulloft on leur Dieu pour eux , afin qu'il
qu'il fift mifericorde.
prioit
voyoit fa confiance croiftre d'heure à
Incontinent que la cloche de la
(i) Il ne se soucia pas. iuftice eut fonné pour le defpefcher ,
88 LIVRE CINQUIEME.

voici deux moines Capucins qui vie- crain auffi d'eflre par trop long.
nent là pour le confelTcr, & de pre- I'adiovsterai feulement ce qu'il
mière entrée lui dirent qu'il ne fe de- fil ellant fur le poind de rendre l'ef-
uoit point fiilchcr ne contrifler ; mais prit : c'eft qu'il ietta l'œil fur moi
il leur refpondit tout court qu'il ne d'affez loin , me voyant hors d'vne
vouloit point de leur compagnie & troupe de quatre mille perfonnes , &
me lit figne de la main droite, laquelle
qu'ils
couftume fc de retiraffent.
ces bons Or frères
, félon la
, ils
n'eftoit
uenir depoint
vous liée , pourle me
efcrire toutfaire fou-
fuiuant
La croix des auoyent en leur main vnc croix, qu'ils
caphards. monllroyent pour en auoir fouue- ce que ie lui auoi promis de le faire.
Et toft après il fut ellranglé, & rendit
nance. Et il leur difoit qu'il auoit
lefus Chrift tout imprimé en fon l'efprit à Dieu le 21. iour de luillet,
cœur,cace &&la vertu
qu'il fentoit viuement
de fa mort l'effi-
& paffion en Ie ne vous puis dire autre chofe
pour le prefent, finon que ie vous prie
fon efprit. Ils repiiquoyent, s'il ne re- de vous confoler en noftre Seigneur,
gardoit
roit quand leur ilcroix , qu'il feà defefpere-
viendroit fentir les le remercier en patience , & ne vous
tcurmens du feu. Il refpondit que fon point contrifler , ne vos frères &
cœur efloit rempli de ioye & confo- fœurs auffi , mais plufloft de vous ref-
lation, & que défia il auoit iouiffance iouir , fâchant que voflre bon frère &
d'vnc liefle incomprehenfible ; & quant le mien s'en eft allé à Dieu pour iouir
au mal qu'il deuoit fentir en fon d'vne félicité éternelle auec noflre
chef 1% Capitaine lefus Chrifl, it auec
corps, qu'il palferoit incontinent, mais
que fon âme feroit tantoft partici- tous les autres fainds Martyrs. Qu'il Le nombre
vous fouuienne, . ' • iamais
touiours,, que ^1 '^" fidèles
ril loufiours petit
feroit pante
receuede la béatitude
en cellecelefte
hcureufe»S: qu'elle
com-
pagnie des Anges, pour iouir à iamais n y a euau que
tiens bien ,peu
monde & dequevrais
de Chref-
noflre "^ .
des biens que Dieu a préparé pour
fes enfans, & des grâces que les yeux temps il ne s'en
tit nombre. trouuebonqu'vn
Prenez bien ,pe-
courage &
des hommes ne virent oncques, ne vous repofez du tout en Dieu, lequel
leurs oreilles n'ouirent iamais. ie prie vous augmenter de plus en
Apres auoir tenu plufieurs tels pro- plus fes faindes grâces, vous auoir
pos pleins de confolation finguliere , en fa protedion , & gouucrner par fon
afin de lui ofter tout moyen de parler S. Efprit. le me recommande de bon
cœur à vous & à toute voflre bonne
dauantage , & qu'il ne fuft plus en-
tendu de la compagnie, on lui perça
la langue; puis il fut mené au lieu du compagnie,
en vous iepriant
tout ce que de m'employer
pourrai iamais faire
fupplice, où s'agenouillant, efleua les pourDevous.
yeux Come,
iî'i4- ce 29. iour de luillet,
ardent,au que
ciel tous
& pria
en Dieu d'vneftonnez,
elloycnt cœur fi
tant il faifoit fa prière de bonne grâce.
Eflant leué debout, il fe mit tout ainfi
que voulut le bourreau, & incontinent
fut cfiranglé. Or combien qu'il euft
efté condamné d'eflre bruflé tout vif, 'Denis le Vayr (i), de la baffe
Normandie.
ncantmoins on lui fit ce peu de bien
que de le dcpefcher fans le faire lan-
guir. Au refte , ceux qui eftoyent là De l'edal & condition des libraires ,
prefens furent tous fort efbahis, voire porteurs & conducteurs de liurcs de
cfperdus , & n'y auoit perfonne qui la Jaincle Ejcriture , le Seigneur en
feuft que dire, finon qu on aunit fait a appelé plufieurs à porter ijujnrf &
mourir vn homme de bien, voire inno- quand la parole deuant les hommes,
cent & vrai Martyr de lefus Chrifl , voire <? ac la sceller par leur fang
d'autant qu'on auoit veu en lui vne pour plus ample imprcfjion.
confiance inuincible , en laquelle il
auoit perfifié iusqu'ii la fin. Ce bon (I) Voy. Crespin (édit. de 15(6), p. 59-61 ;
perfonnage tint plufieurs autres fainds Bèzc» I, 54; Pantalcon, I, 10; Foxe. IV,
418; Kloquet. Hist. du Parlement de Nor-
propos & dignes d'eflre conus de tous, mandie ,II, 2b<) ; Leliùvre . La Réf. dans
tant durant fa prifon que quand il fut les Iles de la Manche (Bull, hisl., XXXIV,
preft à mourir, Icfquels le ne vous 9, ift-i8l; Kallue, Hisl. polit, et relig. de
puis mander pour ceflc heure, & ic lEgl. métrop et du dioc. de Rouen, III, 19).
DENIS LE VAYR.

Denis le Vayr, natif de Fonte- lui fut refpondu que c'eftoyent liures
nay (i), au diocefe de Bayeux, en la d'herefie. Il répliqua & fouftint que
baffe Normandie , après auoir quitté
non , & que c'eftoyent liures de la
fa preflrife Papale, vint demeurer à fainfte Efcriture, contenans toute vé-
Geneue, où il aprint la librairie, & de rité, lefquels lui apartenoyent, & non
là fe mit à porter liures en France à l'homme qu'ils auoyent arrefté. Sur
par plufieurs fois. Il fit depuis fa refi- l'heure, l'homme fut lafché, & le 'Vayr
dence aux ifles de Gefzé & Guer- mené prifonnier à Peries(i), oii il fut
nezé, lefquelles, comme apartenantes bien eftroitement détenu deux mois &
à la couronne d'Angleterre, furent ré- denii , pendant lequel ternps il fut
duites ài'Euangile du viuant du Tref- examiné par les luges du lieu, qui lui
chreftien roi Edouard 6 (2). Là Denis impofoyent crime de trahifon , à rai-
continuant la librairie, quelque temps fon qu'il auoit demeuré au pays fuiet
fit office de Miniftre en vn village de
d'Angleterre. A quoi il refpondit qu'il
Guernezé , y prefchant I'Euangile, ne s'y eftoit retiré pour aucune trahi-
fon ,ains pour y viure félon Dieu &
tationpource
mais que l'an
du prince des 1554. à la fufci-
ténèbres , les fon fainét Euangile. Et pource que
abus & fuperflitions Papiftiques , par les gens de iuftice dudit Peries ne
le commandement de Marie , roine haftoyent allez fon procès , par le
d'Angleterre, furent mifes efdites if- commandement du Procureur gênerai
les (5),enle Normandie
'Vayr, acompagné d'autres, pour le Roi à Rouan , le Vayr fut
reuint , délibérant de
fe retirer à Geneue. Eftant arriué en mené à Bayeux, & dix iours fi eftroi-
teiiient enferré dedans la prifon Epif-
vn village nommé la Fueillie (4) ,
conduifant vn tonneau plein de liures copale, qu'il ne fut poffible à aucun
de fes amis de le vifiter. De'là il fut
de l'Efcriture, ainfi qu'il marchandoit mené à Rouan, où il fut condamné
d'auoir vne charrette, M. Guillaume d'eftre bruflé vif & furhauffé par trois d'ertre mis
Sentence
Langlois , lieutenant du 'Viconte (ç), fois fur le feu (2). Ce iugement pro-
auec lean Langlois fon frère, procu- noncé ,on lui prefenta la queflion ex- trois fois au
reur du Roi, fe trouuerent là, & vou- traordinairepour
, déclarer ceux de feu.
lurent fauoir quelle eftoit celle mar- fon opinion. Le 'Vayr leurduditfainét
que
chandife, & l'arrefterent & l'homme tous Chreftiens amateurs
qui la gardoit. Sur ces entrefaites , le Euangile eftoyent de fon parti , dont
'Vayr furuenant , nonobftant qu'il ouift eftoit la plus faine partie du royaume
le bruit de ceft arreft, ne feignit à en
demander promptement la caufe. Il de France, & mefme de leur Parle-
ment. Au refte, que torture ne tour-
ment quelconque ne lui feroyent dire
(i) Il y a trois Fontenay dans le Calva-
autre chofe , ni eftre caufe de mettre
dos : un hameau de ce nom , qui fait partie
de la commune de Géfosses, Fontenay- le- aucun en fafcherie. Que s'il auenoit
Marmion et Fontenay-le-Pesnel. qu'il mouruft en la géhenne , il eftoit
affeuré de ne mourir au feu. Cefte
(2) Jersey et Guernesey furent évangéli-
sées par des protestants de Normandie. Dès affeurance fut caufe qu'ils ne le mi-
içjS, un arrêt de la Cour royale de Jersey rent à la queftion , mais commandè-
pourvoyait au » nourrissement et entretene- rent le mener droit au fupplice.
ment » des ministres Martin Langlois -et Av fortir de la conciergerie , il y
Thomas Johanne. Voy. les art. de M. Le-
lièvre sur la Réf. dans les îles de la Manche
(Bull., i88y, p. 4, 52, 97, 14c) auoit grand
horta àfuiurepeuple, que dele Dieu
la parole 'Vayr ,ex-
ia-
(;) La réaction catholique fut surtout
cruelle à Guernesey, d'où Le Vayr dut fuir. çoit qu'vn moine Carme fuft auec lui
Une femme. Perrotine Massy, épouse d'un dedans le tombereau. L'vn des offi-
ministre,
pour fuir qui avait dû quitter
la persécution, l'île, luidevant
fut traduite aussi, ciers s'efcria au bourreau : « Coupe,
la cour ecclésiastique, avec sa mère et sa coupe lui la langue. » Ce qui fut auffi
sœur. Renvoyées comme hérétiques devant toft exécuté que dit. Sur cela, le
la Cour royale, elles furent condamnées au moine lui prefenta vne petite croix de
feu. Perrotine Massy se trouvait enceinte et
accoucha sur le bûcher même. L'enfant, ar-
raché vivant du milieu des flammes par un (i) Périers, arrondissement de Coutances
spectateur, fut porté au bailli qui le fit reieter
(Manche ).
dans
Heyiin, le bûcher
Siirueyde of sa mère
Jersey(Fp-xe,
and 'VllI, 226; ,
Guernsey (2) H il fut condamné, par arrêt du Parle-
ment ,à avoir la langue coupée dans la cour
London, ]0;8).
(4) La Feuillie, canton de Lessay, arron- du palais, à être c"onduit au Marché aux
dissement de Coutances (Manche). Veaux et attaché à Vengin, d'où il devait
mes. » Falluejusqu'à
être plongé trois fois dans les flam-
, op. cit.
(5) 'Voy. la note de la page 25.
LIVRE CINQUIEME.

bois pour mettre entre fes mains ef- fenlenl extraordinairemenl, pour ac-
90
troitement liées ; mais ce fainft per- cufer ceux qui font vne mefme pro-
fonnage la refufa, & de tout fon pou- feffion de l'Euangile.
uoir tournoit tant qu'il pouuoit le dos De Pierre de la Vau, natif de
au moine, dont le moine cria au peu-
ple : « Voyez , mes amis , voyez le Pontillac (1), à cinq lieues de Tou-
mefchant , qui refufe la croix. » Puis louzc , la mort & la confiance aux
ils le menèrent deuant la grande tourmens a efté renommée entre les
fidèles cefle mefme année M.D.Lim(2).
&Eglife qu'ils appelent
vouloit-on donner Noflre-dame
à entendre (iau), Il edoit cordonnier de fon meftier, mais
peuple qu'il faifoit amende honorable au refte feruent en la parole de Dieu
à leurs fainds; mais le patient monf- c% bien inrtruit en icelle. Car quand il
troit »& des mains & des yeux , & par fut conrtitué prifonnier en la ville de
adorerfignes
tous vn àfeullui Dieu,
poffibles, qu'il faloitfa
détournant Nifmes, après qu'il eut maintenu la
vérité de l'Euangile , on le voulut
face de leurs idoles. Incontinent après forcer d'accufer les fidèles de fa co-
il fut mis au feu, duquel, félon fa fen- noilTance , il aima mieux endurer la
tence , il deuoit élire retiré par trois quedion extraordinaire , autant horri-
fois, ce que toutesfois ne fut exécuté, ble que mutilation & fraélure de mem-
car auffi tort que le feu fut allumé , la bres fauro'it ertre , que de mettre en
flamme monta prefque vne lance de danger perfonne. Il fut finalement
haut par delTus le patient (2) , telle- brufié vif en ladite ville de Nifmes, &
ment que les deux bourreaux pour fa
toute leur puiiïance ne le peurent re- en mort
plufieurs a efté femenceau pays
endroits de l'Euangile
(5).
louer en haut. Cependant les fergeans
frappoyent à grans coups de bafton
fur le menu peuple qui là eftoit, pour
aider aux bourreaux ; mais il n'y eut Iean Rogers, Anglois (4).
homme qui y vouluft mettre la main.
Il expira en ce martyre le neufiefme
d'Aouft, M.D.LIIII (?). La vie, les affauts & la mort de M. Ro-
gers font ici amplement defcrits ,
(1) Lisez Paulhac (Haute-Garonne).
(2) Les martyrs français enregistrés par
Crespin pour cette année 15)4 ne furent pas
Pierre de la Vav, de Languedoc (4). les seuls. Calvin , dans une lettre à SIeidan
du mois de septembre i?54i *-'n mentionne
cinq ou six, qui, depuis trois mois, étaient
Notable confiance comme du précèdent montés sur le bûcher dans le sud-ouest : " A
en la quejlion que les ennemis prc- tribus mensibus in Aquitania quinque aut scx
fuerunl exusli, in quorum morte Christus
magnilicc triumphavit « {Opéra, XV. 221).
(1) La cathédrale de Rouen. ()) " Pierre Delavau, ne pouvant contenir
(2) Bèze dit : .. Ayant le feu mcsme esté le divin message, le prêchait en pleine rue
plus humain quç les bourreaux. « avec un zèle apostolique. Il fut étranglé,
()) « La Réforme continuait toujours de puis brûlé sur la place de la Salamandre.
trouver des prosélytes dans les rangs du Ses cendres jetées au vent n'abolirent pas
clergé. Un pritre, de Fonknay-U-Pc$ncl , sa mémoire, et son supplice enfanta de nou-
près Caen, après avoir élé quelque temps veaux témoins. De ce nombre fut le prieur
en Angleterre, était venu à Rouen, où il des Dominicains, Dominique Deyron , re-
fut trouvé saisi de grand nombre de liurcs nommé pour son savoir et son éloquence.
réprouvas, qu'il colportait dans la ville. Par Déjà gagné dans le secret de son cœur aux
arrêt du Parlement . après avoir eu la langue doctrines proscrites, il avait été délégué pour
coupée dans la cour du palais, il fut conduit accompagner Delavau à la mort , et recon-
au Marché aux veaux, lycu destiné à faire quérir l'âme du patient à la foi catholique.
telles exécutions; là, il fut guyndé liault à Mais Deyron ne putvoir la sérénité du martyr
Vtngyn, puis gcclé vif au feu, doù il fut sans se sentir vaincu par cet apostolat de
retiré jusqu'à trois fois, et où. enfin, il fut l'abnégation et du sacrifice. Il ne lit cnlcndre
ars et consommé en cendres. « Floqucl , au condamné que les consolations du pur
Hisl. du Part.jie Norm., t. I! , p. 260. Evangile, dont il devint lui-même un des
(4) Vov. Bèze, t. I, p. 54; Ménard, Hist. plus zélés propagateurs sur la terre étran-
de la ville de Nîmes. 1. IV, p. 2)2; Bulletin, gère, uJules Bonnet, Derniers récits du sei-
t. XXIX, p. 492. Calvin, dans une lettre ù zième siicle , 18-6, p. IÇ2.
Bullingcr, écrite en novembre içn. parle (4) C'est l'édition latine de Foxe ( Bas.
de sept ou huit réformés incarcérés à Nîmes 1559) qui a servi de source à Crespin pour
à ce moment. De la Vau était sans doute cette notice qui. dans l'édition de 1556,
l'un d'eux (C<i')'. Op., XIV, (>((.). Cette notice p. 484,
and n'a que dixt. VI,
Monuments, lignes.
p. Voy.
Ç91. Foxe, Acts
figure dans l'édition de if7o.
lEAN ROGERS.

ppurcele qu'il fupprimee par la tyrannie du Pape.


fous règne a cruel
ejlé ledepremier
Marie ,bru/lé
roine
Lors Rogers
cialement eflimant
obligé à fon qu'il
pays, efloit fpe-
retourna
d'Angleterre. Il ejl demeuré ferme
comme im bon gendarme qui de long en Angleterre & s'employa à auancer
temps auoit préparé fes armes , & l'Euangile autant qu'il lui fut poffi-
ble ; & ne fut pas là long temps, que
s'ejloit exercé en icelles contre
fon labeur ne fufl bien recompenfé.
E'fliene Gardiner, Chancelier du
royaume. Nicolas Rydlé (i), Euefque de Lon-
dres lui
, bailla vne prébende & quel-
Iean Rogers demeura première- ques autres penfions & reuenus, &
ment à Cambrige , où i! employa fut ordonné profeffeur en Théologie. Eft ordonné

fon temps à efludier. Quelques mar- Il fuft en cefl eftat , iufques à ce que Théologie.
professeur en
chans le tirèrent de là & le menèrent tout fut changé en Angleterre, quand
Marie fut efleuee à la dignité royale ,
àfioitAnuers
(2), & (i), auquel
faifoit commelieulesil autres
mil'ft- laquelle renuerfa totalement ce que 91
fon frère auoit drelTé. Chrift en fut
preftres. Enuiron ce temps-la, s'ef-
toyent retirez d'Angleterre banni , & le Pape introduit , l'Euan-
de Brabant Guillaume Tindal au pays
& Mile gile chafTé & la Méfie remife, & ren-
Couerdal (3), tous deux de grand re- dit fon peuple efclaue à l'Antechrift.
nom, & fingulierement le premier à Ce neantmoins Rogers ne laiffa de
caufe de fon martyre. Rogers eut perfeuerer comme il auoit commencé,
familiarité auec eux, & commença pe- & le temps ne lui feut rien faire quit-
tit à petit, par vn inflind heureux, à ter de fon office , & les dangers ne
regarder la lumière de l'Euangile , l'ont
la Roinepeu faifoit
faire tout
flefchir; ains lors
trembler fous que
fes
iufqu'à ce que finalement, félon que
le iugement lui croiffoit, il fe defpef- menaces , & que nul à grand'peine
tra de la Preftrife Papale, & conioi- ofoit ouurir la bouche pour dire vn
gnit fon labeur auec ceux-ci , affauoir feul mot de l'Euangile, il prefcha au Se moudre
â traduire quelques liures Grecs (4). temple de Saind Paul comme il auoit fidèle feruiteur
Peu de temps après, eftant enfeigné acouflumé , admonnefla & prefla vn de Chrill.
chacun à fe monftrer confiant & ferme
par les fainéles Efcritures, qu"ésvœus en la dodrine qui leur auoit efté an-
illicites il n'y auoit , aucune
lier les confciences il eut en vertu de
horreur noncée ,& detefta les idolâtries &
le célibat Papal , & fe maria à vne fuperftitions de la Papauté (2). Ce
femme plus douce de mœurs & fo- fermon irrita les feigneurs , & d'abon-
brieté de vie que de richeffes. Auec dant (3) la faélion des Papiftes feruoit
de fouflets pour les inciter & allumer
elle il s'en alla tort après à Witem-' le feu contre ce fidèle Miniftre ; tou-
berg pour aprendre la langue Germa-
nique, & Faprit fi bien, qu'il fut or- tefois pource qu'alors il n'y auoit
donné miniftre de l'Euangile & exerça point encore d'ediéls publiez , par lef-
cède charge plufieurs années auec quels on le peuft punir de droia, Ro-
gers efchappa pour cefte fois ; neant-
grande
règne dudiligence , iufqu'à
Roi Edouard ce que& le
fut eftabli la moins ilne demeura pas longuement
prédication de la parole de Dieu mife fans punition , car bien toft après fut
en liberté , qui auoit efté long temps fait vn edid , commandant à tous mi-
niftres de l'Euangile de fe taire (4).
Perfeuere
(i) Après avoir fait ses études à l'univer-
Quelque
laiffa point edidde qu'il
fairey euft
comme, Rogers ne
il auoit
sité de Cambridge . il fut appelé à Anvers ment.
courageufe-
pour servir de chapelain à la colonie anglaise acouftumé. Eftant adiourné & accufé,
de cette ville. il eut par cornmandeiiient fa maifon
(2) Disait la messe.
(!) Sur William Tyndale et son martyre, pour prifon (5). Dieu voulut qu'on ne
voy. t. I , p. iiv et îi2. Miles Coverdalé fut
l'auteur d'une traduction de la Bible anglaise, (i) Sur Ridiey et son martyre, voy. la
complètement distincte de celle de Tyndale,
et dont la première édition parut à Zurich notice du livre 'VI.
en I5;5. (2) Ce sermon fut prêché le dimanche
2; juillet i;;;.
(4) Ces (i quelques livres grecs » n'étaient
(;) De
(4) Cet plus.
édit de Marie Tudor (voy. Fo.\e,
autres que les livres apocryphes de l'Ancien
Testament, que Rogers traduisit pour l'édi- t. VI, p. joo) porte la date du 18 août.
tion in-folio de la Bible, qu'il publia en i;)7> (5) Il résulte des State papcrs de Lord Bur-
sous le pseudonyme de Thomas Matthew, et
ghley (p. 170), que cette mesure fut prise je
qui fut. par une proclamation de Henri VIII, lô août, par conséquent avant et non après
placée dans toutes les églises. la proclamation royale.
LIVRE CINQUIEME.

eftoit cnioint , dit plufieurs chofes


'ui baillafl point de garde, & qu'on
92 d'aucune force en fon endroit,
n'vfafl obliquement & d'vne façon enuelopee,
& auoit beau loifir de s'enfuir, auoit pluftiift en faueurdu Pape que contre.
suffi plufieurs occafions pour fe per-
Le cela
de Roi lui auccaffigne
fes gouuerneurs ofl"enfez
iour pour entendre
fuader de ce faire , pource qu'il ne
voyoit aucune cfperance que l'Euan- raifon de ce fait, délègue pour fes lu-
gile peurt eflre remis au defTus en ges Thomas Crammer, Archeuefque
Angleterre. Il lui efloit auffi facile de de Cantorbie, Nicolas Rydlé, Euef-
s'en retourner en Aleniagne d'où fa que de Londres, Tayler, Euefque de
femme eftoit , & de laquelle il auoit Lincolne , le fecrctaire Pierre, &
eu dix enfans , tant y a que , pour la plufieurs Legiftes(i). Et combien que
confolation fecrette dfes fiens, il aima
mieux demeurer que de fe mettre en Gardiner
leur à fonn'euft rien fipour
ofTenfe donner finon
manifefte, cou-
feureté , & pluftoU efprouuer toutes vne feinte oubliance , toutefois, il en-
chofes que laifler la caufe de l'Euan- tretint tellement la luftice de paroles
gile, laquelle il auoit vne fois entre-
pris de maintenir. Sa maifon ertoit & de fubterfuges, qu'il fit durer fon LaifTez cfchap
procès fix vne
ne fit fans ou fept fepmaines,
finguiiere rufe &cefinelfe
qu'il
prochaine de celle de l'Exiefquc de
Londres (i), qui lui eftoit vn mal chant, il vou
prochain (2) , à caufe oue ceft Euef- fort
loifirmalicieufe,
de parfaireà celle fin qu'il
vn efcrit euft leil
, lequel
perruinera.
vn mef- 1
que, confit en cruauté, (comme il fera
veu ci après) ne pouuoit aucunement vouloit prefenter
cheuefque publiquement
de Cantorbie à l'Ar-
, touchant la
porter la vertu & bonne fenteur d'vn prefence du corps de Chrift , la
Eli cmpri- tel bon voifin. Finalement Rogcrs de TranfTubftantiation & le facrifice de la
fonné. fa maifon fut mené en prifon publi- MelTc. L'Archcuefque & les autres
que, & fut détenu plufieurs mois (5), Juges qui auoyent pouuoir de punir de
auec meurtriers & brigans, durant le- mort fa rébellion contre la maicfté du
quel temps il eut plufieurs combats Roi, ne lui firent autre chofe que le
contre les Papiftes , & fouftint de dégrader & mettre en prifon, lui fau- l'Euefque de
Cruautcz de
gransaflauts, & principalement contre uans la vie. Ce fait tourna depuis à
A pour aducr- le Chancelier Gardiner, Euefque de grande fafcherie aux Juges-mefmes , Winccrtre.
trois ans après; car Gardiner la leur
'^^Gardinlfr"^
Chancelier.' Winceftre
^pres il fera(4). parlé Etfouuentefois
d'autant que ci
de ceft garda iufques en ce temps du règne
Euefque. pour ceux qui défirent co- de Marie , lors qu'il fortit comme vn
noiftre la fource des troubles d'An- fanglicr de fon hallier, & fut eftabli
gleterre, &comment le venin & amer- Chancelier; & comme fi le glaiue euft
tume de ceft ennemi de Dieu s'efpan- efté mis en la main d'vn furieux, il
dit, nous toucherons comme en pafTant exerça cruellement cefte dignité à la
ce qui s'enfuit. ruine de ceux qui lui auoyent fauué la
Dv temps que le ieune Roi vie. Eftant donc retiré hors des pri-
Edouard VI. regnoit , & fon oncle, fons, fufcita de grans troubles contre
Edouard Semer (<,) , protedeur du
royaume, gouuernoit les afaires, man- les profefieurs (2) de l'Euangile , &
dement fut donné à ceft Euefque , tant
auancéplusenque la Roine
dignité , tantMarie
plus l'auoit
grans
au'en certain fermon qu'il deuoit faire feux de perfecutions alluma-il contre
deuant le Roi & le peuple de Lon- les fidèles. Et non feulement il op-
dres, ilpubliafl quelques articles con- prima par gricue tyrannie les Euef-
tre l'autnorité tyrannique & fauffe re- ques qui maintenoyent l'Euangile ,
ligion du Pape, &dk en
qu'il lefquels tous il fit mourir; mais auffi
tout clairement bonprononçaft
ordre. Ceftle il dreffa des cmbufches fecrettes à
Euefque, au lieu de faire ce qui lui l'autre fille du Roi Henri, nommée
Elizabet , celle qui a depuis ioui du
(1) Edmund Bonncr.
(j) Ce mcmhrc de phrase est la traduc- royaume d'Angleterre , lui voulant
tion du proverbe grec TOiiia xaxo; Yt'twv ,
cité
Foxe à CCI endroit par l'idition latine de (i) Thomas Cranmer, archevêque de Can-
tcrbury: Nicolas Ridicy, évoque de Lon-
{V Mcnses eomplurcs , dit Foxe édil. lat., dres; John Tnylor, dvique du llincoln. Foxe
p. J67). RoRers fut enfermé à Ncw^atc , le
ajoute Thomas, évique d'Ely; Sir James
27 janvier iu<li et y resta plus d'un an. Haies (voy. supra, p. i), etc. Il nomme
(4) Sur Etienne Gardiner, ivtquc de Win- aussi
I. VI, le secrétaire Peter lActs and Mon.,
p. 85).
chester, voy. la note du t. I , p. 124.
(5) Edward Scymour. (2) Ceux qui font profession.
lEAN ROGERS. 9?
mal de mort , & tafcha par tous de noftre temps d'vne telle vnité , qui
eft comme vn ntiracle. Et tous ceux-ci
moyens ou de l'enueloper en quelque
mariage eftrange , ou la chafTer en enfernble (il parloit de ceux qui te-
quelque forte que ce fuft, ou bien de
noyent le grand confeil, qui n'eftoyent
lui faire perdre la vie. Et poffible que pas moins de cent foixante) ont receu
quelque fois il euft fait ce qu'il auoit d'vn cœur & confenteinent le pardon
entrepris, fi la mort ne l'eufl preuenu, qui leur a efté offert, touchant ce
comme on verra ci après. fchifme par lequel tous Anglois ont
reietté le Pape chef de l'Eglife catho-
lique. Que dis-tu ? ne te veux-tu pas
maintenant rallier auec nous en vnité
Le combat que lean Rogcrs eut contre de la foi & de l'Eglife catholique, fé-
le Chancelier Gardincr, Eucfquc de lon l'eftat du royaurne , auquel il eft
Wincejlre , & autres luges délègue^ riiaintenant } Parle , le feras-tu , ou
non.^ » R. » le ne fâche nullement
par la Roine , l'an i <,<,<,. le 22. de
lanuier.
que iufqu'à prefent ie me fois départi
de la focieté de l'Eglife catholique, &
Ro^ers est En premier lieu , ce Chancelier ne m'en veux point départir. » G. « le
tciiogué par Gardiner fit appeler Jean Rogers , & ne di pas cela ; mais ie parle de la
Oardmer. parla à lui en cette façon : (( Tu fais condition ou eftat de l'Eglife catholi-
alTez en quel efiat font maintenant les que que nous auons maintenant, par
lequel on reconoit le Pape pour chef
afaires de ce royaume. » R. « le n'en
fai rien , car comment le pourroi-ie fouuerain de l'Eglife. -> R. « le ne
conoiflre, veu que, comme vous fauez, conoi autre chef de l'Eglife catholique
i'ai efté fi long temps enfermé en ma que Jefus Chrift, & n'en reconoiftrai
maifon comme en vne prifon , fans iamais d'autre ; & , quant au Pape , ie
qu'homme euft accès à moi, & fans ne voi point qu'on lui doyue plus at-
auoir communication auec quelques tribuer que l'authorité de la parole de
Dieu attribue aux autres Euefques; &
autres } & deeftant
rien ouyr tels ainfi
afaires, n'ai que
feulfinon peu auec la parole , la doârine auffi de
quelque fois des auenu en
il eft afaires table on ;
qu'àcommun l'Eglife ancienne & pure , ie parle de
a bien parlé l'Eglife qui a efté quatre cens ans
mais de tous ces propos & deuis en après Jefus Chrift & les Apoftres. »
G. Il Pourquoi donc auois-tu admis le
gênerai , ie n'ai peu rien recueillir de
Il entend le particulier. » G. « Tu te mocques , Roi Henri huitiefme pour chef fouue-
Cardinal Pôle, quand tu dis rien de particulier. Tou-
qui apporta rain de l'Eglife (1), fi maintenant tu Du Chef de
le pardon du tesfois, tu as bien oui dire comment eftimes qu'il n'en faille admettre autre l'Eglife Catho-
Pape. monfieur le Cardinal (i) eft ici re- que Jefus Chrift.^ » R. « Quant à
lique.
tourné n'agueres , & comment tous moi, il eft certain que ie n'ai iamais
ont indifféremmen t receu le pardon eftirné cela de lui , qu'il euft quelque
preerninence tS: authorité es chofes
qu'il a apporté, auquel nul de tout ce fpirituelles , comme fi on parloit de
Parlement n'a contredit , excepté vn
pardonner les péchez, ou de conférer
feul qui s'eft oppofé publiquement à
l'abfolution de monfieur le Cardi- la grâce du S. Efprit , ou qu'il vfur-
nal (2). A grand'peine a-on oui parler paft quelque droit & fuperintendance
par defl"us la parole de Dieu. » Sur cela
(i) Le cardinal Pôle arriva, en novembre le Chancelier, l'Euefque de Du-
15Ç4, en Angleterre, en qualité de légat du nelme (2) & l'Euefque deWigorne(?)
Saint-Siège, pour absoudre le royaume de hochans la tefte , & fe rians de Ro-
tout schisme et le réconcilier avec Rome.
(2) Ce membre du Parlement, qui fut seul
àSirtaire preuve d'indépendance, se nommait ans . il ne pouvait y manquer. Beaucoup
Ralph Baguai. Strype {Mcmorials , 111, d'autres étaient du même avis , mais aucun
p. 204) dit : Il Le 28 novembre 1554, le Par- autre n'eut le courage de le dire. «
lement déclara, par un acte, le regret de ses (i) Allusion probable au fait que Rogers
membres pour leur apostasie , et pria le roi avait donné ce titre à Henri Vil! , dans la
et la reine d intercéder auprès du cardinal dédicace de la Bible anglaise.
pour obtenir leur absolution ; et ils se mirent (2) Cuthbert Tunstall, évèquede Durham.
Voy. la note du t. 1, p. ;t;.
tous à genoux et la reçurent. L"un d'eux
pourtant. Sir Ralph Bagnal, refusa de con-
sentir àcette soumission , et dit qu'il s'était ici())était
L'évêque
Nicolasde Heath,
Worcestcr
élevédont
peu il après
s'agit
lié par VIII,
Henri sermentqui àétait
l'opinion contraire
un digne prince,souset au
notesiège
qui archiépiscopal de VIYork.
termine le volume des (Acis
'Voy.andla
Monumcnis. )
qu'après avoir tenu son serment vingt-cinq

I
94 LIVRE CINQUIEME.

gers lui dirent : <• Vrayement fi tu euf- propos&dit


fes dit ceci du temps du Roi, tu ne ce Parlement: » ,Pourquoi
lequel m'allegues-tu
fut contraint
ferois pas ici maintenant pour chanter par vne grande force «S: cruauté ,
celle chanfon. » Or, comme Rof,'ers d'abolir en ce temps la primauté du
vouloit palTer outre, & monllrer com- fiege Papal .' " Rogers lui dit : » Eft-ce
ment on tenoit le Roi Henri pour ainli que vous parlez.' que cela a efté
chef fouuerain de l'Eglife, ces véné- fait par violence et cruauté.' Cela
mefme me conferme d'auantage en
lui fut rablesloifiblc firent fi de
grand
dire bruit
plus, auant
qu'il ne
ce mon opinion, que vous ne cheminez
qu'il vouloit ; & encore quand audience point droltement ; & ne procédez
lui euft efté donnée , cela n"euft pas point en équité , vfant de violence &
de beaucoup ferui , car il n'y auoit cruauté
fion auxpour donner quelque
confciences perfua-
des hommes.
homme fi peu conoiffant les afaires ,
qui ne feuft bien pourquoi ce tiltre ef- Que fi ainfi eft, comme vous dites,
toit donné au Roi Henri. Cependant, que la cruauté de ceux qui eftoyent
le Chancelier adrefiantfon propos à no- en ce temps-la a eu alTez de vigueur
ble feigneur Guillaume Hauart (i), & force pour efmouuoir & efbranler
qui efloit près de lui , commença à lui les opinions de vos cœurs, comment
remonftrer comment & Jefus Chrift & requerez-vous maintenant que voftre
le Pape pouuoyent bien eftre tous cruauté foit pour fatisfaire à nos con-
deux appelez Souuerain chef de fciences .'» G. « le ne parle point de
l'Eglife. Et comme Rogers euft ref- la cruauté de ceux-là, ie di feulement
que les Sénateurs & confeillers qui
pondu à l'oppofite , que cela ne fe eftoyent lors au Parlement , ont efté
pouuoit nullement faire , & n'eftoit beaucoup & long temps tourmentez ,
point auffi conuenable qu'en un mefme
corps,
teftes, -S:qui eufteftvoulu l'Eglife, il y &euft
monftrer deux
déduire & amenez iufques à ce poind, qu'ils
n'ont peu faire que finalement ils ne
plus au long comment ce propos eftoit fe foyent rcngez de ce parti, combien
taux, le Chancelier lui rompit la pa- qu'ils nant
le enfiffent à regret ; ,mais mainte-
role ,& lui commanda de refpondre ce Parlement la chofe va
fimplement & catégoriquement, afla- bien d'vne autre façon , auquel la
uoir s'il vouloit protefter ou non d'ef- puiftance du Pape eft confermee, ra-
tre membre de cefte Eglife , de la- tifiée & remife au defTus , par la vo-
quelle les autres pour lors fe reconoif- lonté &confentement de tous. » Alors
foyent eftre membres en Angleterre. le Milhord Paget (1) entrelaça quel-
R. Il le ne pourroi nullement mettre que peu de paroles, voulant plusaper-
ceci en mon efprit , que vous croyez lement déclarer l'intention du Chan-
à bon efcient ce que vous dites ici du
celier, & le fens de l'on propos. R. La vérité ne j
« A quel but tendent ces chofcs f ou
Pape dix
délia & deansfa paffez
primauté, veu ,qu'il
que vous y a
enfem- doit lemefurei*
par nomblj
ble les autres Euefques , «i tout le quelle eft la fin d'icelles.' Eft-ce à dire
des voix.
furplus auec vous, auez maintenu le pource qu'en
moindre nombre cefte alTemblee-la
a approuué le
ce qui ef-
contraire , tant de viue voix que de toit le meilleur, que pour cela en ce
confentement, & mefme aucuns d'en- Parlement alors il y ait eu moins
d'authorité, & qu'on lui doiue adiouf-
auec trecela
vous l'ont
il y apublié
eu le par efcrit (2) ;du&
confentement
Parlement publié (;), & ratifications ter moins de foi ; & au contraire qu'on
de tous ordres & eftats. » Mais fur cela doiue plus déférer à ce Parlement pr&-
le Chancelier lui rompit derechef foh fent, pource qu'il y a eu plus de voix,
qui l'ont emporté .' Et afin que vous
fâchiez. Seigneur, que ces chofes ne
(1) Lord William Howard, grand amiral doyuent point eftre mefurees félon le
nombre ae ceux qui ont donné leurs
d'AiiKlcIcrrc. Elisabeth le conserva, quoique
papiste, dans son conseil privé. Il mourut
en 1(7)- voix, foit qu'ils foyent en grand nom-
bre ou petit, on doit eftimer les cho-
quc(j) Tunstall
RoRcrs fait allusion devant
prononcé à un sermon
Henride VIII,
l'iivÊ-
fes qu'on met en auant par la vérité ,
et dont Foxc a donné de copieux extraits
droiture & importance d'icelles. " Ainfi
(I. V, p. (to-86).
{)) Ce fut le Parlement de lUA qui abolit
l'autorité du pape sur l'AnK'Ietcrre. et déclara (11 William, premier lord Papet, homme
que Henri avait
était, lepar
chefun suprême habile, mais sans principes, qui essaya de
Cjardincr serment desolennel
l'Eglise. ,
se maintenir dans In faveur de quatre gou-
promis soumission & cet acte. vernements successifs. Il mourut en i;ô;.
lEAN ROGERS. 95

que Rogers efloit en train de conti- ne t'y attendes point. Au furplus ,


nuer ce propos, le Chancelier lui quant à l'inquifition de la doélrine , &
ferma la bouche, propofant qu'il n'el- à auoir conférence auec toi , il m'eft
défendu de le faire par les paroles de
toit pas feul , ains qu'il y en auoit en-
core d'autres à qui il faloit parler. l'Efcriture, & fuis auffi admonnefté
Parquoi il lui commandoit de rel'pon- par S. Paul
après vne oude fuir l'homme
deux hérétique ,
remonftrances
dre en vn mot, alfauoir s'il fe vouloit
renger à la mefme eglife auec tout le d'autant que celui qui eft tel eft con-
damné parfon propre iugement. » R.
royaume,
ma volontéou nenon.monR. intention
" Ce n'eft
de nele « Monfieur le reuerend , ie nie en
faire , finon que vous me moudriez par premier lieu que ie fois hérétique ;
tefmoignages euidens de l'Efcriture, quand vous m'aurez conueincu de cela,
que c'eft la vraye Eglife, Que fi vous lors pourrez (comme bon vous fem-
m'accordez que ie puilTe recouurer des blera) alléguer ce qui refte en la fen-
Hures, de l'encre & du papier, ie tence. »
vous monflrerai facilement tout le con- Le Chancelier retournoit toufiours Menaces de
traire ;& fi euidemment, que tous Gardiner.
à fon propos, & par trois ou quatre
pourront aifément conoiflre qu'ilPuis
n'y fois menaça Rogers , que s'il ne fe
a nulle fermeté en vollre eglife. rengeoit à leur Eglife, il ne faloit plus
après ie donnerai volontiers liberté à qu'il attendift aucune faueur, & qu'il
vn chacun qui y voudra contredire de declaraft s'il le vouloit ainfi ou non.
prendre la plume pour efcrire ce qui R. « Je ne le veux & ne le peux faire,
lui femblera bon. »
iufques par
certain à celesque vous Efcritures
faindes m'ayez rendu
que
G. (i N'atten pomt que nous te
permettions iamais cela. Et qui pis eft, voftre eglife eft la vraye Eglife, & que
nous ne te prefenterons pas dorena- le Pape eft chef d'icelle. Que s'il y a
uant ces mefmes conditions que te
quelcun qui me le puift'e monftrer,
propofons maintenant, fi tu refufes auffi ne ferai-ie rien par obftination. «
à cefle fois tholique.
de Tu te Sur ce poinâ l'Euefque de 'Wigorne
as renger
ici deuxà l'chofes
Eglife :ca-la
lui dit : « Quoi ? crois-tu pas le Sym-
mifericorde & la iuftice; l'vne ou l'au- bole des Apoftres .' n Refp. <( Je croi
la fainéte Eglife catholique, mais en
tre t'eft offerte par la Roine ; fi tu re- tout ce Symbole ie ne trouue pas que
fufes la mifericorde, tu fentiras la ri-
gueur de la iuftice impofee par les mention foit faite du Pape en forte
loix. )> R. « le n'ai iamais oflfenfé la quelconque. Car ce mot de Catholi- Catholique.
maiefté de la Roine de parole ni de Que fignifie
que ne dénote pas feulement l'Eglife
fait, ie ne voudroi toutefois reietter Romaine, mais c'eft vn mot gênerai
fa mifericorde. Au refte, fi vous ne comprenant vniuerfellement la vraye
m.e voulez ottroyer les chofes que ie Eglife faifant confeffion conftante ;
vous ai dites , & fi vous ne pouuez c'eft l'aft'emblee ou communion de
tous les Chreftiens & fidèles efpandus
fouffrir qu'on face inquifition de voftre
doftrine par tout , lefquels font confeffion
conférée commencée, ou qu'elle
auec les fainéles Efcnturesfoit,
vraye du Nom de Dieu d'vn mefme
par vn tel refus vous déclarez affez cœur & d'vne mefme bouche. Mais, ie
quelle peut eftre voftre caufe. Or, eft- vous prie , par quel moyen cefte
il ainfi que vous qui eftes les prélats Eglife Romaine pourroit-elle eftre, ie
de ce royaume , m'auez , il y a plus ne di point chef, ains feulement mem-
de 20. ans, induit premièrement à bre de cefte Eglife catholique & vni-
quitter & abandonner la faufile préé- verfelle, veu qu'elle s'eft feparee
minence du fiege Romain, & mainte- d'icelle en tant de poinfts de la doc-
nant vous qui ayez efté caufe que ie trine, & répugne manifeftement à la
l'ai ainfi fait, me defniez la liberté de parole de Dieu.- Et comment l'Euef-
défendre mon faiél , & comme ainfi
que d'icelle fe pourra-il vanter d'eftre
foit que foyez contraires à vous mef- chef de cefte Eglife, veu qu'il n'y a
mes, vous fuyez auffi toute conoif- prefque rien en quoi il foit vni auec
fance, & ne voulez que voftre dodrine les membres d'icelle ? »
foit examinée. Pour certain on ne me Le Chancelier : « Or fus , allègue Dulangage
feruice
diuin fait en
pourroit pas perfuader par cefte fa- moi vn poinét , voire vn feul poind ,
ertrange.
çon. » G. « Si tu n'admets le Pape auquel il soit difcordant. » Lors Ro-
pour chef demifericorde
l'Eglife , la, Roine ne tu
te gers penfant en foi mefme, & eftimant
fera iamais afin que qu'il lui faloit produire pour le moins
LIVRE CINQUIEME.

tainement ie pourrai à cefte heure


vn poind d'entre plufieurs, lui dit bien & ouuertement teftifier contre
ainfi : «6 Or bien donc, ie vous en pro-
9 lui , qu'il eft efloigné de la vérité , &
poforai vn au lieu de plufieurs , com-
bien qu'il feroit facile d'en produire de
qui faid,
vfent ildea tantoft
langageconfen"é
eftrangequeparlent
ceux
plufieur s au lieu d'vn. Tout ce que le à Dieu ; maintenant il dit le contraire,
Pape & toute fa fequeile difent, prient
ou pfalmodient en l'Ef^life , ils ne le qu'iceux ne parlent ni à Dieu ni aux
hommes. » Rogers donc , fe tournant
font qu'en lanj,'ueement Latine; ce qui con-
treuient manifeft à la reigle que vers le gentil-homme, refpondit : « La
I. Cor. 14. 2. faind Paul donne, i. Corint. 14. » chofe ne va pas ainfi comme vous la
Le Chancelier lors répliqua : « Je nie
prenez ; feulement (difoit-il) i'ai amené
que cela répugne à l'Efcriturc cano- vn pan"age de faind Paul , lequel ie
vouiois accorder auec vne autre fen-
;s-tuquelle
nique par forte d'argument le tence de ce mefme texte ; & en fufle
prouuera ? >■ Rogers commença à
déduire foa argument , prenant le défia là venu, fi on m'euft donné au-
commencement du chapitre où il eft dience. i>Au refte , quant au gentil-
dit : « Celui qui parle langages , ne homme, illui dit que ce n'eftoit point
parle point aux hommes, ainsà Dieu,» \à (on gibier, & qu'il n'entendoit rien
encefte matière. Et legentil-homme(i)
et ce qui s'enfuit. « Selon l'Aportre:
Parler langages eft parler en langue lui refpondit : « J'enten bien que ce
eftrange, comme Grecque ou Latine ; que tu dis n'eft poffible naturellement,
& parler en cefte façon (félon S. Paul) cela fent fa fophifterie ie ne fais
ce n'eft point parler aux hommes. quelle. » Apres cela, le Chancelier fe
Maintenant puis qu'ainfi eft que vous mit derechef à parler, & dit à ce gen-
parlez toutes chofes cSi tous en langue til-homme quis'eftoit ainfi auancé de
Latine, qui leur eft barbare & ef- dire
trange, ileft certain que vous ne par- Halle, ville de que
fon mot; lorsqu'il
Suaube, eftoit de
le peuple en
lez point aux hommes, ains à Dieu. » cefte ville-la , qui auparauant faifoit
Ce que le Chancelier ne nia point, tout le feruicc diuin en langage vul-
confen"ant qu'il parloit à Dieu, Ot non gaire du pays , maintenant faifoit les
fioint aux hommes. R. " Si vous par- prières communes & autres chofes
ez à Dieu , c'eft donc en vain que apartenantes au feruice de Dieu , en
vous prononcez deuant les hommes. » partie en fa langue commune, en par-
G. « Mon ami, il ne s'enfuit pas, car tic en langue Latine. L'Euefque de
Wigorne dit fur cela : « On en fait
l'vn parle vn langage, l'autre vn autre, autant maintenant en la ville de Wi-
& chacun fait bien. » Rogers refpon-
dit : « Que fera-ce , fi ie monftre que
lemberg.
ueille en »cela.' « Y »a-t-il fi grand' « mer-
dit Rogers, veu
tels ne parlent ni à Dieu ni aux hom-
mes ,ains iettent des paroles vaines que c'eft vne Vniuerfité où la plus
en l'air r » Il commençoit à monftrcr part fauent parler Latin ? » Or il com-
comment ces deux chofes qui fem- mença àraconter les façons de faire
de cefte Eglife , & de là vouloit re-
blent eftreaux contraire s
non point hommes , &aft'auoir parlerà
non point tourner àl'autre partie de la difpute
Dieu, >i' parler au vent, fe pouuoyent qu'ils auoycnt eue afl"ez long-temps
toutefois bien accorder; mais tout in- auparauant auec le Chancelier, Euef-
continent vn grand bruit fe leua, qui que de Winceftre , mais il fut empef-
fut caufe que Rogers ne peut parler ché par le cri & grand bruit que fai-
aux hommes, non pas mefme à grand- foyent ceux qui eftoyent là affiftans ,
peine au vent. Lors le Chancelier re- & penfoit ainfi en foi-mefme : a O
print ce propos & dit : " Parler à quelle poureté eft-ccci ! Ces gens-cl
Dieu & non A Dieu font deux chofes ne me veulent nullement ouyr , & fi
naturellement répugnantes & impoffi-
ne permettent
Quel remède doncpoint quefinon
y a-il, i'efcriue.
que ie
bles ; Il mais Rogers infilloit qu'elles
n'eftoyent nullement répugnantes ou recommande le tout au Seigneur .' »
impofiibles en ce fens que S. Paul Toutefois il voulut bien encore ef-
auoit parlé. Or il auoit délibéré- de fayer de pourfuyure ce qu'il auoit
paracheuer ce qu'il auoit commencé ;
mais vn certain gentil-homme (1), affis (1) D'après Foxe et une autre relation de
au banc plus bas, vint à dire : « Ccr- cca'inierrotiatoires {\i: Ljiisdownc M Jiuiscript),
celte remarque fut faite par Sir John Bournc,
l'un des principaux secrétaires Je Marie, et,
(1) Lord Howard. comme elle, grand ennemi des protestants.
97
lEAN ROGERS.

propofé, affermant que facilement on volonté de retomber fur la première


pourrait accorder iespairages de faind queftion qui auoit efté mife en auant ,
Paul qui auoyent elté alléguez; & ou- toutefois le Chancelier lors principa-
tre cela il promettoit de prouuer par lement vfa de fon authorité, & com-
raifons de l'Efcriture les chofes qu'il
affermoit. manda qu'il fuft promptement ofté de
là & remené en prifon , propofant
.irphemc du Lors le Chancelier lui dit : (( Voire,
hancelier. cefte raifon , qu'il y en auoit encore
tu ne pourras rien prouuer par les Ef- beaucoup d'autres lefquels il faloit
critures, car l'Efcriture eft vne chofe ouyr, finon que ceftui-ci voulut eftre
reformé , car il vfoit de ce mot. Lors
morte ; elle a befoin d'expofiteur. »
R. « Au contraire , l'Efcriture eft vne Rogers fe leua fur fes pieds , car iuf-
chofe viue , félon ce qui eft dit aux
Hebrieux quatriefme chap. Mais ie ques à cefte heure-la on l'auoit fait
tenir fur fes genoux. Sur ces entrefai-
vous fupplie , permettez moi de venir tes le Milhord Richard Sutvel, Che-
à ce but auquel i'auoi prétendu, & re- ualier de l'ordre (i), eftant apuyé fur
vne feneftre , voulut bien dire auffi
tourner ànoftre propos. » L'Euefque
de Wigorne parla alors , & dit fa râ- fon mot, afin qu'on ne penfaft qu'il fuft
telée (i) en cefte forte : « Tous les du tout muet , & parla ainfi : « le fai
hérétiques ont cela de particulier , que , quand ce viendra au dernier
qu'ils combatent par les Efcritures, & poinél, tu ne pourras & ne voudras
d'icelles font leur bouclier ; & pour- endurer le feu pour ces chofes. » Ro-
tant eft neceffaire qu'vn vif expofiteur gers, efleuant les yeux au ciel, dit :
laut con- y foit adioint. » R. « Cela eft bien
icincre les <( Certainement ie ne m'oferoi pro-
cliques par certain, que les hérétiques fe font or- mettre de faire quelques grandes cho-
ECcritures. dinairement aidez des Efcritures ;
fes, & auffi cela ne m'est point expé-
mais auffi ils n'ont peu eftre réfutez dient ;toutefois i'ai bonne efperance
que par icelles mefmes. » Ceft Euef- au Seigneur, & volonté de perdre
que répliqua : « Mais ils n'ont iamais pluftoft la vie que de quitter vne bonne
voulutez confelfer qu'ils ayant & fainde opinion. «
par les Efcritures. » R.efté« Je
réfu-le
Apres cela l'Euefque d'Eli (2)
commença à faire vn long difcours de
croi bien ainfi, tant y a toutefois qu'ils
ont efté repouffez & veincus par icel- la volonté & entreprife de la Roine ;
les. Es Conciles libres & deuëment & ayant amaffé plufieurs paroles pour
an"emblez, on n'a iamais combatu con- faire valoir ce qu'il difoit, il conclud
tre eux finon par l'authorité de la finalement fon propos en cefte forte :
fainde Efcriture, & n'ont iamais quitté « Que la Roine eftimoit indignes de
la place qu'ils n'ayent efté légitime- fa mifericorde ceux qui ne reconoif-
ment veincus. >> Et fur ceci , il auoit foyent point le Pape pour chef de
délibéré de déclarer de quel moyen
principalement les fidèles deuoyent l'Ëglife. » R. « Combien qu'il s'en
maintenant vfer es differens Ecclefiaf- faille beaucoup que ie l'aye iamais of-
tiques , félon la façon des Anciens ; fenfee , nonobftant
parole, non pas mefme d'vne point
ie ne voudroi feule
mais il eut à faire à des oreilles four-
mel'prifer fa mifericorde , & mefme ie
des. Tous fe ruèrent fur lui d'vne im- la prie de bon cœur & humblement
petuofité ; l'vn difoit d'vn, l'autre d'vn que ie puifte fentir fa faueur, moyen-
autre , & de toutes parts fe leua vn nant toutefois que ma confcience me
grand bruit , & vn chacun faifoit fa demeure entière. » Il n'euft point dit
queftion , en forte que fi ce poure le mot , que plufieurs crièrent tous
homme euft eu cent langues & bou-
ches, & autant d'oreilles, il n'euft peu
ouyr tous leurs propos , & encore (1) Sir Richard Southwell avait été mem-
beaucoup moins fatisfaire à tous. Là bro du conseil privé sous Henri VIII et
Edouard Vl. Il devint sous Marie un ardent
eftant veincu par la malice du temps ,
en partie quittant la place à la fureur persécuteur.
la Jarretière. Il était chevalier de l'ordre de
de ces beftes , fut contraint de fe fer- (2) Thomas Thirlby, évêque d'Ely. Il était
attaché à l'Eglise romaine, mais il sut, par
mer la bouche , voyant qu'il ne profi- son honnêteté et sa modération, commander
teroit de rien en parlant. Depuis l'estime des deux partis. Cranmer avait pour
ayant recouuré quelque opportunité lui une vive affection. Thirlby, obligé d'oc-
cuper un siège parmi ses juges , en fut fort
de parler, encore qu'il euft grande affligé. Ayant refusé de reconnaître Elisabeth,
il fut déposé, mais ne fut pas autrement in-
(i) DireII. tout ce qu'on a à dire. quiété, et mourut à Lambeth en 1570.
.<î.! LIVRE CINQUUi.MIÏ.

d"vne voix. & principalement Burno (i ) qui lui feroyent propofees. Et comme
le Secrétaire : •■ Voire tu feras Pref- il eft contenu au fommaire que lui-
tre inariii, & lu n"auras iamais offenfé mefme a rédigé par efcrit (1), il fe re-
contre la loi ? » Et Rogers refpondit commanda aux prières de la vraye
ainfi : •■ Qu'il Eglife, & tous les autres auffi qui ef-
donnance de lan'auoit
Roine violé aucuneni au-
en cela, or-
toycnt perfecutez pour la mefmecaufe.
cune loi publique du royaume , veu Auffi il recommanda fa femme qui ef-
qu'il auoit elle marié au lieu où le toit là eftrangere & fes poures enfans.
mariage légitime eftoit permis & ot- Cela fut fait le i 7. iour (2) de Januier,
l'an M.D.LV.
troyé par les loix. » Et eftant intcrro-
gué où il s'efloit marié, il leur refpon-
dit : I' En Saxe. » Et dit d'auantage
que, fi cela n'eufl efté permis au La féconde iournee tenue contre lean
royaume d'Angleterre (2) lors qu'il par- Ros;crs, le XVIII. Je lanuier h),
où tit d'Alemagne
il eftoit pour, ilvenir n'euflen lailTé le lieu
Angleterre M^D.LV.
aucc fa femme & huid petits enfans.
Toutesfois le cri du peuple ne celfa Le iour enfuyuant, il fut interrogué
pas encore pour tout cela. Adonc il y par leloit Chancelier
renoncer à fesGardiner,
erreurs . s'il
par vou-
lef-
en eut aucuns qui dirent qu'il ertoit quels il auoit efté malheureufement
trop
retourné toft àvenu; fon les grandautres qu'il eftoit
malheur auec abufé auparauant, & retourner en la
tant d'enfans,
bon lui fembloit. Vn entre les autres& chacun difoit ce que commune
uee par le focieté de I'Eglife,
Parlement approu-
, & confentir
parla aftez audacieufement , que nul auec les Euefques & tout le royaume,
nomme ne peut eflre dit bon Chref- & iouyr de la mifcricorde qui lui auoit
tien , qui permet à vn Preftre de fe efté propofee le iour précèdent. A
marier. Rogers refpondit : Que i'Eglife cela
bien Rogers
confideré refpondit qu'il n'auoit
auparauant pas
que figni-
vrayement fainde ne defendoit point
à quelque homme que ce fuft , non fioit cefte mifcricorde : mais mainte-
mefmes aux Preftres , de fe marier.
Sur cela, vn fergeant le mena hors de nant il entendoit bien que c'eftoit le
pardon
Antichriftienne & .reconciliation de I'Eglife
des Romanifques , la-
la chambre , & l'Euefque de Wigorne
quel e ilprotefta franchement ne vou-
uoitprint
fe où encores
eftoit cefte à luiEglife
dire qu'il ne fa-
catholique. loir accepter ; & fi on lui vouloit per-
Et Rogers debatoit au contraire : mettreil , fe faifoit fort de confermer
auc cefte Eglife n'eftoit point cachée, par tefmoignages de la S. Efcriture &
par authorité fuftifante des Dodeurs
«X qu'il la pourroit facilement mon- anciens, qui ont efté incontinent après
flrer, s'il en eftoit befoin. Voici en
fomme quelles obiedions furent faites les auant.
Apoflres,
ce iour-la à Rogers , & auffi quelles en Mais lesle chofes qu'il dit
Chancelier mettoit
que
furent fesrefponfes. Il euft bien voulu cela ne lui feroit iamais permis; & fi
rccouurer quelque loifir d'efcrire au n'eftoit pas raifonnable auffi qu'il fe
long tous les argumens de fes aduer- Ç\i\., veu que Rogers eftoit feul qui
faires, & auffi expliquer ce qu'il euft d'authorilé priuee contredifoit au dé-
bien voulu refpondre , éi plus ample- cret & ordonnance publique du Par-
lement &. cela ne fembloit ne conue-
ment qu'on ne lui auoit permis; mais nable ne raifonnable, que ce qui auoit
ainfi Qu'il fe vouloit mettre en train ,
gens lui furent enuoyez pour lui dé- efté ratifié & eftabli par tant de voix ,
noncer qu'il lui faloit comparoiftre le fuft desfait par l'opinion d'vn feul
Icndemam deuant les luges, pour ref- homme. Et Rogers dit : •■ Il eft cer-
pondre plus amplement des chofcs
tain que fi on regarde à l'authorité
(1) Il existe deux copies de celte relation
(t) Ou plutdt Bournc. Voy. la note de la
écrite par Rogers,
Monuments ( l. VI , p,l'une
59} dans
) . cl les Acts plus
r.iutrc, and
page 9^.. complclo, dans les Lansdoainc ManuscripU
(2) RoKcrs fait allusion i l'Acte de 1^48 ,
par lequel Edouard VI révoquait <> les lois, (î'ig, fol. igo-201). Crespin suit le texte de
canons, conslitulinns et ordonnances" qui Foxc, mais en le mctianl à la troisième per-
sonne.
prohiboicnt le maria^'c des cccicsiasiiques.
Un autre Acte vint , plus tord , confirmer
(1) C'est le 27 janvier qu'il faut lire, le
celui-là et proclamer la I<ipiiimil6 de telles premier inierrogaloirc ayant eu lieu le 21.
union!!. ()) Lisc^ : j8 janvier (Voy. plus loin, p. 100) .
lEAN ROGERS. 99
feule vérité particulière de moi feul qui ne fuis
IJieu peut
autres Euefques rendoyent tefmoi-
rien , ie confelfe francheinent ce que gnage de cela au Chancelier. « le
hliger la
Miicience. vous dites; mais la vertu & maieflé de croi & fai bien , » dit Rogers, « que
la vérité des faindes Elcritures eft vous le ferez ainfi. » Le peuple qui
telle , qu'il n'y a point fi grande au- eftoit là prefent commença à foufrire ,
thorité entre les hommes ; ni les dé- car, en cefte iournee-la, il y auoit plus
terminations des Conciles ne font
grand nombre d'auditeurs d'entre le
point de fi grand poids que ma con- peuple, qu'en la iournee précédente ;
fcience en puilTe eftre obligée , finon & le iour fuyuant à grand'peine y eut
que le tout Toit aprouué & ratifié par la milliefme partie de ceux qui ef-
la vérité de Dieu , à laquelle il faut toyent venus pour ouyr , car on ne
laillbit entrer que ceux qui auoyent
necell'airement que toutes chofes obeif-
fent <& facent place. » Il vouloit encore intelligence & fait complot auec les
pourfuyure fon propos, mais le Chan- Euefques. Le Secrétaire Burno, & vn
celier lailîant le tout fe mit à dire des autreofficier de la Cour de la Roine (1)
doninie de
rdiner foli- calomnies , difant qu'il n'y auoit rien vouloyent auffi teftifier pour l'Euefque
Jcment en Rogers que pure ignorance & ar- de "Winceftre; & fur cela Rogers, pen-
rogance enflée. Quant à Fignorance , fant qu'iceux
niers loueurs den'eftoyent pas dit
les: «der-
iL-futee.
cefte farce, Et
Rogers refpondit
aueugle qu'il ne
qu il ne vift, n'eftoit point fi
fi impudent bien , c'eft tout vn , vous pouuez bien
qu'il ne confefl"aft auffi, que celle igno- parler auffi. » Voyant donc les chofes
rance efloit grande , & plus que le eftre telles, & que lui feul ne gaigne-
Chancelier mefme ne pouuoit dire ; roit pas contre tant de tefmoins, &
toutesfois il n'eftoit point fi mal fourni qu'on leur adioufteroit plus de foi en
d'aides de la pure doârine , que, cela , que non pas feulement à lui ,
moyennant la grâce de Jefus Chrifi, il mais auffi aux'Apoflres & à lefus
ne fuft maintenu
fuflfifant pour prouuer ce qu'il, Chrift mefme, s'ils eulTent efté là pre-
auoit iufques à prefent fens, il lailTa tout. Lors on vint à ce
pourueu qu'on lui permift de mettre la poinÀ, que le Chancelier fe leuant de
main à la plume. D'auantage qu'il fon fiege , par forme de deuotion, ofta
n'eftoit point fi befte ne fi ignorant fon bonnet (2), ce que firent auffi les
que le Chancelier le faifoit ; toutefois autres Euefques fes compagnons , &
Du Sacrement
quelque fauoir qu'il euft, il attribuoit interrogua Rogers du Sacrement du de la Cène.
le tout à la grâce de Dieu. Au de- corps
meurant, lemonde fauoit bien de quel que ledumefme
Seigneur,
corpsafl'auoir s'il croyoit
de lefus Chrift,
cofté eftoit la plus grande ambition, & lequel eft nai de la vierge Marie, &
ce feroit vn poure orgueil & mifera- lequel a efté pendu en la croix, fuft
ble , que lui & les autres qui eftoyent realement contenu en ce facrement.
prifonniers fous telles befles inhumai- Rogers refpondit peu fur cefte
nes , eufi'ent encore en eux quelque queftion
matière ,ilcomme
fe fuftainfi foit qu'en
toufiours cefte,
retenu
goutte d'ambition.
Adonc Gardiner commença à accu- craignant de s'y fourrer trop auant,
fer Rogers , qu'il auoit , dit tellement qu'aucuns frères l'auoyent
ment en fes fermons quepublique-
tant la pour fufped, comme fi en ceft endroit
Roine que tout le Royaume eftoyent il euft voulu eftre de contraire opinion.
obeifl'ansà l'Antechrift. R. « La Roine Toutesfois il refpondit ainfi à ces pré-
(à qui ie defire longue profperité) fe- lats vénérables : « Quant à voftre opi-
roit aft"ez bénigne & humaine enuers
fes fuiets , fi elle n'eftoit empefchee propres par un intermédiaire latin les a com-
par mauuais confeils. » Gardiner nia
plètement défigurés.
dans Auleslieu d' «précéd.)
evesque ,deil
tout incontinent cela, affermant que Camil" (Carnil édit.
la Roine auoit toufiours de fon pro- faut lire l'évèque de Carlisie, et au lieu de
1. docteur d'Adrisia, » il faut lire docteur
pre gré monftré le chemin à tous les Aldricli. Robert Aldrich, évèque d; Carlisie,
autres , & que iamais elle n'auoit efté fut toujours papiste convaincu , mais sa flexi-
bilité lui permit de se maintenir en place
pouft'ee que de fon propre mouue- sous Henri VIII, Edouard VI et Marie. Il
ment. Rogers refpondit qu'il ne vou- ne survécut que quatre semaines à Rogers.
loit & ne pourroit iamais croire cela.
(i) Sir Robert Rochesler. maître contrô-
Sur quoi l'Euefque de Camil, dodeur leur, membre du conseil privé et chancelier
d'Adrifia (i), confermoit que tous les du duché de Lancaster, fut l'un des servi-
teurs les plus dévoués de la reine Marie.
(i) Ici comme ailleurs, le passage des noms (2) Ainsi
Lambert. Voy. t. I , VIII
lit Henri lorsqu'il interrogea
p. ^2^.
lOO LIVRE CINQUIEME.

G. « 11 efl ainfi. » Et quand & quand


nion.i'eftimc que, comme prefquetout Il vfa de plufieurs paroles aigres pour
dodrine itn'eft qu'er-
fondé voflre
reur de
le refle fur violence cruauté , amplifier le tort que ce Roi auoit fait
auffi ce que vous enfeignez en cefle tant à lui qu'auffi à Boner , Euefque
de Londres. Puis comme par forme
partie eft femblable aux autres poinds.
de corredion , reprimant aucunement
Car 11, en difant que Chrifl ell reale-
ment ou fubllantiellement au facre- l'impudence de fa bouche efhontee ,
ment de la Cène, vous entendez qu'il dit : <' 11 pourroit fembler que i'ai
y foit corporellement, il eft certain parlé trop exceffiuement contre ce
que lefus Chrift efl au ciel félon le Roi , l'ayant appelle vfurpateur du
corps , ii en cède forte il ne fe peut
royaume, mais de l'abondance du
faire que tout enfemble il foit corpo- cœur la bouche n'a peu autrement
rellement &au ciel & en vcflre facre- fiarler. » « Or quand il eut dit cela
ment. » dit Rogers) , ie ne penfe point pour-
De ce poind-la Rogers print nou- tant qu'il fe foit repenti de bon cœur
uelle occafion , & commença à fe de ce qu'il auoit dit. le lui pouuoi
plaindre au Chancelier de la cruauté bien tenir long propos fur cela ; mais,
qu'il exerçoit iniquement contre lui. me réprimant , le lui demandai pour-
Premièrement, que, fans aucune forme quoi il m*auoit fait prifonnier , & il
de droit ou de iuftice, il le tenoit en me refpondit : « C'eft pource que tu
as prefché contre la Roine. » « le le
prifon ; que défia il l'auoit là détenu nie , tt fi pourroi bien monflrer par tion.
vn an & demi, fans lui permettre qu'il FaulTe accu ra-
s'aidaft d'aucune partie de fon bien raifons euidentes que cela efl vne ca-
pour fa nourriture , lui faifant grand lomnie, & me fubmets à telle puni-
tort en cela. « l'ai efté contraint (di- tion qu'on voudra, s'il y a homme qui
foit-il) par voflre décret & ordon- me puiffe iullement accufer de cela.
nance, de me contenir fix mois en ma En cefle predication-la il y auoit grand
maifon fans en fortir, & n'ai fréquenté nombre d'auditeurs , & ne fai point
difficulté de les appeler tous pour
perfonne en tout ce temps-la , & n'ai
point forti hors pour deuifer familiè- tefmoins de mon deinnocence. l'ai lois
pref-;
rement auec quelque homme que ce ché au temple S. Paul vne
foit, afin qu'il n'y eufl rien en quoi on mais nul ne peut dire que i'aye rien
m'eufl accufé de n'auoir obéi à voflre proféré contre la Roine. » Et , outre
volonté ; & toutesfois voflre inhuma- cela , Rogers alleguoit
nité, ne fe contentant point de cela, a eflé interrogué pour ce qu'après auoir
mefme fait , le
fait que i'ai eflé ici tourmenté en la Chancelier lui-mefme l'auoit laiffé al-
ler fans punition ne dommage. G. « Tu
prifon publique, où i'ai demeuré défia
un an entier à grans frais , ayant ce- n'as pas laid'é toutefois de retourner à
pendant ma femme & dix enfans en la faire des leçons publiques contre la
maifon ; it voici , de tous mes biens
defenfe du Parlement. » R. « Qu'on
& gages qui m'elloyent deus de droit me face mourir, fi quelqu'vn peut
prouuer cela; cependant ie peux bien
commun , vous ne fouffrez que i'en
reçoiue vn feul denier ( i ). " Le Chan- dire
celier refpondità cela, que le Dodeur ment que vous
traitté m'auez toutes
& contre alTez loix
inciuile-
tant
Ridlé, qui auoit baillé ces prébendes diuines qu'humaines, veu que vous ne
à Rogers, n'auoit pas tenu deuëment m'auez iamais voulu auparauant auer-
ce lieu & puifTance , & que pourtant tir non pas d'vne feule parole , ni
ces reuenus n'apartenoyent point de m'enfeigner quand ie failloi , ni con-
droit à Rogers, lequel répliqua : férer auec moi d'aucunes de ces cho-
« Quoi donc r le Roi Edouard auffi, fes, iufques à maintenant que vous
qui lui auoit donné cefle place, au- auez le glaiue en vos mains, pour me
Gardincr roit-il eflé vfurpateur du royaume ? »
dctradc de fon percer tout outre , d'autant que ie
prince car ce fut à l'aueu du Roi qu'icelui n'obtempère point à voflre plailir. »
légitime. fut ordonné Euelque de ce lieu-la. )> Ce font-ci les principaux articles Inhumanité
qui furent propofez en cefle iour- barbare
(l) Il risullc de CCS paroles que Rogers nee, qui fut le 2B. de lanuier. Aupa- plus quede
£lait encore titulaire de ses bénéfices au mo- rauant le fieur Hooper & Cardma- Gardincr & de
fes adhcrans.
ment de son arrestation , mais que, depuis ker (1) auoyent eflé mis en la torture.
plus d'un an, les revenus lui avaient été illé-
galement retenu». Comme prébendairc de
Saint-Paul, sa résidence devait être atte- (i) Voy. plus loin les notices de ces deux
nante àcette église. martyrs.
lOI
lEAN ROGERS.

Si le temps l'euft permis . Rogers eut que leur doftrine eftoit corrompue &
bien peu faire plus longue complainte faulTe. Il difoit cela auec quelque
de l'inhumanité de fes ennemis. véhémence , & en eftendant les bras ,
Or, celle cruauté fe déclare alTez , & cefte contenance defpleut à quel-
en ce que ces belles cornues ont qu'vn qui eftoit là prefent, lequel dit :
otlé aux poures prifonniers tous leurs « Il femble que ceftui-ci veut iouër de
biens; d'auantage, preuariquans con- palTe-paft'e, & faire ici le bafteleur. »
tre leurs ordonnances propres , les Rogers ne refpondit rien à cefte fotte
ont emprifonnez fans caufe . fans les gaudifferie. Et fur cela, le Chancelier
ouyr en leurs defenfes, & les y ont pourfuyuit, commandante Rogers de
longuement tenus. Encore y a-il vn retourner le lendemain à dix heures.
poinâ qui ell pour mieux monflrer A quoi Rogers refpondit : « le ne re-
l'inhumanité du Chancelier. La femme fufe point de comparoiftre là où bon
de Rogers eftant enceinte partit de vous femblera. » Et incontinent , il
Londres pour aller en la ville de Ri- fut remené en prifon par quelques of-
chemond (i), où eftoit le Chancelier, ficiers & archers de la garde , &
auquel elle prefenta requefte , & par M. Jean Hooper eftoit mené deuant.
plufieurs fois, eftant accompagnée de Il y auoit fi grande multitude qui les
huid matrones honorables, & encores
acompagnoit, qu'à grand'peine pou-
il y eut vn perfonnage de renom & uoit-on paft'er par les rues. 'Voilà ce
d'honneur, dodeur en Loix, nommé qui fut fait cefte iournee-la qui fut le
M. Gofmold (2), qui prefenta auffi re- XXVIII. iour de Januier.
quefte au Chancelier pour Rogers ,
tanttout
de y a cela qu'il, ne ainsfutdonna
nullement efmeu
à conoiftre
ouuertement à tous quelle opinion on La troifiefme iournee tenue contre lean
doit auoir de la charité de ces Ante- Rogers le XXIX. dudit mois.
chrifts.
Or , quatre heures fonnerent, & le Le lendemain qui eftoit le vingt-
Chancelier voulant mettre fin au pro- neufiefme iour de lanuier, Rogers fut
cès, dit : « Nous pourrions bien dès derechef mené par les officiers & fer-
maintenant donner fentence definitiue
gens enuiron les neuf heures au tem-
contre toi ; toutefois , félon la pitié & ple (i), où le Confeil eftoit affemblé.
Corapaffion compaffion de laquelle nollre eglife a Le Chancelier, après auoir défia con-
de Crocodile ,
qui pleure acouftumé d'vfer toufiours enuers ceux damné Hooper, parla à Rogers , &
parauant que qui font coupables {]), or fus, nous te commença fon propos en remonftrant
deuorer fa faifons encore ceft auantage , que tu de quelle clémence il auoit vfé enuers
proye. retournes derechef ici demain, & ce-
lui, & qu'au lieu que, des le iour pré-
pendant auife fi tu aimes que la vie te cèdent, ileuft peu prononcer fentence
foit fauuee (ce que tu obtiendras de mort contre lui, toutefois il lui
quand tu retourneras au giron de auoit donné temps & loifir de prendre
l'Eglife catholique) ou bien fi tu veux auis , qui eftoit plus que le droit ne
périr hors l'eglife. » Et après que Ro- portoit , & que Rogers ne meritoit ;
gers eut refpondu qu'il ne s'eiloit fe- mais que maintenant l'heure eftoit ve-
paré decelier l'Eglife catholique,
lui dit : « Cela eft autantle comme
Chan- nue ,qu'iltention,faloit qu'il afïeftion
declaraft ilfoneftoit
in-
&de quelle
fi de noftre eglife catholique tu faifois enuers l'Eglife Catholique, fans rien
L'Eglife de vne Eglife d'Antechrifl. » Et Rogers diffimuler, affauoir s'il renonçoit à fes
l'Antechrifl. dit : « Il eft ainfi , & ne le penfe point
autrement. » Le Chancelier interro- premiers
confentir erreurs, & s'ilcommunes
aux opinions vouloit point
des
autres.
gua derechef Rogers touchant la doc-
trine du Sacrement, lequel refpondit
Rogers bien
fouuenoit refpondit à cela, lefquels
des argumens qu'il fe

(i) Richmond, près de Londres. on lui auoit propofez le iour précè-


(2) John Gosnold ou Gosnal, légiste, dont dent, & requit qu'on lui donnaft congé
le nom tigura parmi les commissaires élus
sous Edouard VI pour juger Gardiner. de parler, afin qu'il peuft refpondre à
iceux , & quand il auroit refpondu à

ï
(;) La «à pitié
consistait et compassion
accorder " de accusées
aux personnes l'Eglise
d'hérésie trois occasions de se rétracter.
Gardiner était impitoyable au fond , mais L'interroga
(i)St-Mary-o ay, lieu
toire avait dans l'église
fort jaloux de suivre les formes consacrées. de
Mary-Over y. ver-the-W dite aussi St-
102
LIV.RE CINQUIEME.

fesar^uniens, il rcfpondroit puis après & s'arrefter au iugement de la parole


aux intcrro.i,'ations qui lui furent lors de Dieu , & qu'icelle feroit vn bon
faites. << Elùint hier douant vous (difoit- luge également à tous deux, pour
mettre tin à leur différent, le pourroi
il) ie
fuft vous ûeprioi
loifible inlhimment
maintenir pnrelcrit me
qu'il tant bien auffi alléguer le tefmoignagc de
Panorme
touchant les |
ma perfonne que mon auis & opinion
contre les obiedions de mes aduerfai- Panorme (i), qui affermoit qu'il faloit Conciles.
res , & confermoi que ie ne feroi cela plus attribuer à la parole d'vn feul ,
encor qu'il fuft homme fans lettres .
que par tefmoignages euidens des toutefois propofant la parole de Dieu
faindes Efcritures , & par l'authoriti; & la vérité, qu'à tout le refte du Con-
de la plus pure Eglife, afin qu'il ne cile ,quelque fauoir, quelque autho-
vous femblaft qu'au fait mefme il y euft rité & magnificence qu'il y ait. le
quelque incertitude , ni en moi quel- penfe que ceci fuffit pour donner à
que feintife : mais tant s'en faut que conoiflre que rien ne me doit empef-
Authoriié de m'ayez accordé ma requefte, que vous cher que moi feul déclare mon aduis
la Vcriii en la m'auez imputé cela à crime, que moi contre toutes les voix & opinions de
tout le Parlement , moyennant que
''qufce foiiT' priué
'■<-'"' contre
contre les tantperfonnes
de gens, homme
efleuees en la Parole de Dieu foit conioinde
authorité publique, ofois ainfi débat- auec mon opinion. Et ie vous de-
tre , comme certes (quelque chofe mande fi leaffembler
Roi Henri 'VI II. &après
que ce fuft de moi) ie ne pourroi pas auoir fait le Sénat les
feul débattre contre la prudence de Eftats, euft en ceci du tout arrefté^en
tout le royaume, ou ne deuoi par rai- fon efprit , de condamner cefte Roine
fon me faire fort de refifter. Et toute- comme illégitime & baftarde , ou de
fois ily a affez d'exemples , par lef- fe conftituer chef fouuerain de l'Eglife,
quels on pourroit bien monftrer, que & que vous M . le Chancelier, & vous %
quelquefois l'authorilé de tout vn autres Euefques euffiez efté là pre-
Concile aacquicfcé à l'aulsA opinion fens pour en déterminer, & qu'icelui
d'vn feul (i),
au Concile de comme
Nicee. cela
Defia efton auenu
auoit vous euft marquez au doigt l'vn après
là déterminé contre les mariages légi- l'autre pour en dire voftre auis, n'euf-
fiez-vous pas refpondu incontinent :
times des Preftres; ce nonobftant, après
« Sire, ce qu'il plaira à voftre maiefté,
Paphnutius. que Paphnutius feul fut oui, tous auffi qu'il foit tenu pour fait (2) .- »
furent de contraire opinion, & quel- Or (î), quelcun de la compagnie
que authorité que tous les autres euf- ne peut foulTrir que ie parlalïe plus
fent , toutefois ils n'eurent honte de auant : & fur cela le Chancelier, félon
s'acorder au bon auis d'vn feul. fa façon, me dit fièrement en fe moc- Calomnies du
l'ai auffi vn autre femblable exemple. quant : « Seez-vous, monfieur le doc- Chancelier.
Outreplus l'authorité teur. Ce ruftre-ci eft ici appelé pour
au 5. liure contre de S. Auguftin
Maxence (2), eftre enfeigné & admonnefté, & il fe
chap. 14. conuient auec ceci; lequel conftituera précepteur ou inftrudeur
deuoit difputcr contre ceft hérétique ,
& lui it fa partie aduerfe auoyent éga-
lement l'authorité de deux Conciles, (i) Panormitanus, Exlrav. de Appel. Cet
auteur se nommait Tudeschi , et était de
par lefquels vn chacun pouuoit égale- Palerme , où il fut Cviquc : de là son surnom
ment défendre fon parti. De lui, il ne
vouloit point faire valoir cela pour fa de Panormitanus.
canonisics Il fut
du concile de l'un
Bâic.des principaux
defenfe , tS: ne permit auffi à fon ad- (2) C'était là une supposition qui était de
uerfaire de le faire de fon cofté. affer- l'histoire. Les acles de i;;) cl 15)6 établis-
saient lasuccession au trône dans la descen-
mant qu'il faloil laiffer toutes chofes , dance d'Anne Boleyn, et ainsi écartaient
comme illé|.;itimc Marie, fille de Catherine
d'Aragon. Cet argument iid homincm devait
iO L'exemple du concile de Nicée et de être peu du goût des juges de Rogcrs, dont
Paphniiliiis ne figure dnns nucunc des deux plusiLurs HvaienI approuvé la conduite de
rclolions de Rojicrs que nous avons sous les Henri Vlll. Etienne Gardiner, en particu-
yeux. Mais, par. contre deux autres martyrs, lier, avait été
Hoopcrcl Taylor, ont cilé ce fait (Acis and de Henri VIII l'un des ses
dans agents les plusauprès
démarches actifs
Mcnumcnis , t. VI , p h^-j , (>8H). Sur cet du pape Clément VII pour obtenir le divorce.
incident du concile de Nicic, voy. Gelasii ,
Hist. Conc. Niceni, lib. Il, cap. )J; Socrate, Voysei^Ume
du Merle siklc
d'Aubigné, Hist.XIX,
, t. V, liv. de la chap.
Ri'form.10
Hisl. ceci., 1,11; Chastcl, Hist. du Chris- et I I.
tian., t. Il, p. 2R4.
(j) Contra Maximin., lib. Il (olim III}, ()) gcrsAà lapartir d'ici,personne,
première Crespin fait parler dans
comme Ro-
cap. 14. § ?. ïc document qu'il traduit.
lEAN ROGERS.

des autres. >■ Et ie refpondi : « Je ne efté récitée , le Chancelier , fe tour-


me fafche point de me tenir debout, nant vers le peuple, dit à haute voix d'vn vrai
& ne m'apartient de me feoir ; mais que i'eftois excommunié , agraué & Procédure
quoi? puis qu'il eft ici queftion de ma reagraué (i), en telle forte que qui-
vie, ne me fera-il point licite de parler conque mangeroit auec moi, voire me
pour mon innocence ? » Le Chancelier feroit quelque fecours , feroit excom-
dit : " Voire fe pourra-il faire que munié de mefme. A cela ie refpondi hypocrite.
nous fouffrions que tu babilles ici, & ainfi : « Je fuis ici deuant la face de
tu iafes en cefte forte r » Et quand & Dieu viuant, & fi affifte en la prefence
quand fe leuant de fa place , & efle- de tous ceux qui font en cefte alTem-
uant fes fourcils & fa veuë fur moi, blee, inuoquant & appelant mon Dieu
penfoit bien me faire vn mauvais tour, en tefmoin que ie ne me fens coul-
car il fentit bien que ie les grattois où pable d'auoir enfeigné chofe , iufques
il ne leur demangeoit pas. Parquoi il à prefent, qui doyue eftre eftimee er-
tendoit du tout à cela, que, par paro- reur, ou herefie ou fauffe dodri-ne. Et
les ou ertonnement & authorité, il me
d'auantage, monfieur le Reuerend ,
deftournaft ie fai pour certain que le iour vien-
mencé. du propos
Ce feroit que trop
chofe i'auoilongue
com-
dra auquel vous & moi comparoif-
de reciter tous les difcours qui furent trons deuant le fiege iudicial du Sou-
tenus. Je toucherai feulement en bref uerain & trefiufte Juge, & me tien
ces poinds principaux. Quant à l'Eglife alTeuré qu'il aprouuera mieux cefte
Romaine , i'ai dit fimplement ce que miene confcience, qu'il ne fera pas la
Le fondement
ie fentoi , alTauoir que c'eftoit vne voftre. J'efpere auffi que ie ferai
Eglife d'Antechrift , en laquelle le trouué vrayement membre de l'Eglife de cefte affeu-
Chancelier Euefque de Winceflre & catholique du Fils de Dieu , & ferai
les autres Euefques tenoyent le prin- recueilli en la vie éternelle. Et quant Rogersrance eft de
la foi.
qu'a
à voftre Eglife , il ne faloit point que
cipal lieu au
Interrogué royaumele Sacrement
touchant d'Angleterre.
du vous m'en excommuniffiez, veu qu'il y
corps & du fang du Seigneur, i'ai ref- aeu défia
aucunevingt ans paffez quedequoi
communication, ie n'y ie
ai
pondu que l'en auois aflfez refpondu le
iour auparauant , & que leur doftrine rens de bon cœur grâces à Dieu. Or
touchant le Sacrement efl corrompue maintenant que vous eftes venus iuf-
& falfifiee. ques au bout de voftre entreprife , ie
Articles de la
condamnation On procéda puis après à la forme n'ai plus rien dequoi vous puiffe re-
de Rotrers. de la condamnation. Et quand elle eut quérir finon
, que permettiez à ma
efté leuë , ie fu dégradé auec exécra- poure femme de me venir voir ici en
tions & maudilTons (i), & liuré à la la prifon, afin que, pour la dernière
puiflTance du bras feculier pour eftre fois, ie la puiffe confoler & mes dix
mis à mort. En cefte forme de con- enfans , & leur donner quelque in-
damnation, iyl auoit deux principaux ftrudion auant que mourir. » G. dit :
Gardiner
poinds : le premier de l'Eglife Ro- « Ce n'eft point ta femme. » R. » Si condamne le
maine, laquelle i'auois apelee l'Eglife eft vrayement, il y a dixneuf ans paf- mariage, &
de l'Antechrift ; le fécond, que i'auoi fez. »G. « Quelque chofe qu'il y ait,
nié le facrement du corps & du fang elle ne viendra pas. » R. « Voila donc, aprouue la
du Seigneur. Ces chofes ainfi faites , i'ai bien efprouué la force & pleine paillardise.
ils nous menèrent M. Hooper & moi abondance de voftre chanté. Mais
en la prifon prochaine de la maifon de vous qui auez en fi grand horreur le
l'Euefquede Winceftre(2), pour y eftre mariage des preftres , ne defdaignez
gardez iufques à la nuid. De là nous pas fi fort leurs concubines ou paillar-
fufmes menez en vne autre prifon publi- des , fouffrant mefme publiquement
que nommée Porteneufue(5), auec tor- leurs paillardifes exécrables; comme
ches & grand nombre de gens armez, non seulement ici en noftre pays de Gal-
pour nous conduire. Hooper alloit les ,mais auffi par toute la France &
deuant , conduit par l'vn des Capitai- l'Efpagne, les loix du Pape & les vof-
nes &, l'autre Capitaine me menoit. tres permettent aux Preftres d'auoir
Il ne faut point paffer ceci, qu'après vn chacun fa putain. » Le Chancelier
que la fentence de condamnation eut

(i) Malédictions, analhèmes. (I) Placé sous le coup d'une aggrave.


(2) Nommée « the Clink. » y^'a^gmiic avec est une seconde d'un
dernièresn cen-
des fulminatio
monitoire menace
(;) Prison de Newgate. sures de l'Eglise.
104

LIVRE CINQUIEME.

me re^'ardant de (rauers, fur ce poinâ lui donna par fa parole , il commença


s'en alla, & depuis ne le vi oncques. » d'ellre mal voulu des Théologiens
QvATRE iours après, qui fut le qua- d'Oxfort , auec grand danger de fa
triefme de Février , Rogers fut mené
fierfonne,
ement que,tout ieune qu'il
contraint par laeftoit, tel-
pourfuite
Smythfild, lieu au lieu auquel on exécute les mal-
du fupplicc. faiseurs, appelé Smythfild (i). Ce d'vn nommé Smyth (1), s'enfuit d'An-
fut le premier qui fut bruflé fous ce gleterre en Alemagne , oij il refida
règne de Marie; car, combien cjue quelques années (2). tant que feu de
M. Hooper euft receu condamnation bonne mémoire le Roi Edouard fuc-
deuant lui , fi ne fut-il exécuté que ceda à Henri fon père. Et lors reuint La femme de
cinq iours après Rogers en la ville, de Hooper ertoit
en Angleterre auec fa fenime qu'il de Brabant.
Gloceilre , dont il nous faut parier auoit efpoufee à Bafle , & commença
confequemment. de prefcher l'Euangile librement &
purement, auec affeurance grande,
dedans Londres. Il eft vrai que, du
premier coup , il ne monta pas en
chaire , parce que fa robe eftoit diffé-
Iean Hooper, Angiois (2). rente de celle que portent communé-
G» ment gens d'Eglife, ou bien qu'il
Comme il a cjlé des premiers qui ont n'auoit pas encores obtenu des Euef-
ques permiffion de prefcher es tem-
purement prefché l'Euangile en An- ples, combien que le Duc de Som-
gleter e ,non feulement du viuant merfet, lors gouuernant le royaume,
du bon Roi Edouard, mais auffi du
règne de Marie ; ainfi a-il perfe- l'euft difpenfé de cela. Cependant ,
ueré eonjlammenl : en forte que ni pourfuyuant toufiours le fil de fes fer-
mons & reprenant viuement les mœurs
opprobres, ni pouretâ, ni longue pri-
Jon , ni l'horreur de la mort trej- du temps & la corruption de l'Eglife,
cruelle , de laquelle il fut exécuté , de tant plus fon éloquence fe manifef-
toit qui rauilToit les perfonnes en ad- Eloquence de
ne l'ont fait chanceler , & nous a Hooper.
laijjé certain tefmoignage , que les miration ; de manière que c'eftoit
grâces & dons que Dieu a vne fois merueille de la concurrence du peu-
confère:^ aux fiens font fans repen- ple, qui venoit ordinairement pour
tance. l'ouir. Sa diligence efloit fi grande, Sa diligence &
fincerité.
u'il ne paffoit vn feul iour fans faire
Si nous voulior.j reuoquer de plus eux prefches , ou trois quelquefois ,
haut les premières eftudes de Iean félon que les chofes venoyent à pro-
Hooper, il les faudroit déduire de- pos (5). Bref, le trauail ne le peut
iamais rompre, ni les honneurs cnan-
puis le temps qu'il s'adonna aux let- ger, ni les délices gafter, ni cefle vo-
tres humaines en l'Vniucrfité d'Ox- gue populaire efleuer , viuant au refte
fort; mais il fufïira de toucher comme
en telle rondeur & intégrité, que mef-
depuis l'heureufe adrelTe que Dieu mes la calomnie & la malice des hom-
mes ne trouuoit que mordre fur lui.
(1) Le duc de Noailles, ambassadeur de
France , écrivait & son gouvernement le Sa dispofition.
Quant auaflez
plexion refteforte,
, il eftoit d'unebonne,
la fanté com-
4 février : « Aujourd'hui a élé accomplie la lefprit vif au poffible , le courage
confirmation de l'alliance entre le pape et ce
royaume, par le sacrifice public et solennel grand en toutes chofes, fur tout en
d'un
a été prédicant
brillé vif docteur nommé Rogerus,
comme luthérien; mais il qui
est aduerfité , confiant en fon opinion ,
mon en persistant dans son opinion. La plus fobre en fon manger , & plus en fon
grande partie du peuple prenait un tel plaisir
a sa conduite , qu'ils ne craignaient pas de
lui faire plusieurs acclamations pour fortifier
son courage. Mime ses enfants étaient pré- (i) Ce D' Smith, l'un des directeurs de
l'université d'Oxford, ne nous est pas connu
sents, le consolant d'une telle façon, qu'il autrement que par la part qu'il prit à l'éjec-
semblait qu'on le conduisit & une noce. '>
(j) Voy., sur l'évéque John Hooper, Foxe, (2)tionCede Hooper de l'université.
fut surtout en Suisse, à Bâie et à
t. VI, p. (<)6-676; Burnct. Hist. of Engl. Zurich que Hooper séjourna. Il se lia d'amitié
ReformaUen, t. Il et 111; Middicton, Rcfor- avec Bullingcr. Les archives de Zurich ren-
mers, lit, 242; Kuller. iZhiirch Hisl., IV, 6C.; ferment plusieurs lettres de Hooper. Les
Neal, Hisl. o/llu Purilans, {. 51; Tulloch, lettres de Calvin et de ses correspondants
English Pur'itanism parlent souvent de lui.
CatinniOpcra, passim., p.
La 8. Voy.sur aussi
notice Hooperles
U) " Il prêche quatre ou au moins trois fois
figure déjà dans l'édition de Crcspin de chaque jour, " écrivait sa femme à Bullingcr,
1556 (p. 478), mais fort abrégée. dans une lettre citée par Burnct, III.
lEAN HOOPER.

■parler, vfant proprement du temps. de quoi il s'adreffa au Roi, le fup-


De receuoir benignement toutes per- pliant trefhumblement que fon plaifir
fonnes. & leur affilier du moyen que
Dieu lui donnoit, il le failoit humai- full, ou de lui ofter l'eftat, ou bien
_'rauilé qu'il lui full loifible de le tenir fans
; Jeree. nement. Ilauoit en fon vifage & com-
mun parler , vne grauité honnefle , s'obliger & infeéler de telles cérémo-
nies ;ce que le bon Roi lui accorda
quelque peu moins familière & priuee auffi libéralement comme il en auoit
Ertrif entre
que plufieurs euflent defiré , de forte eflé requis (1). Les autres Euefques les Euefques
d'Angleterre
que celle grauité offenfa quelquefois fe formalizerent au contraire pour
aucuns de la ville (i). En quoi ceux leurs mafques & cérémonies, & re- fur les
cérémonies.
que Chrift appelle au miniftere de fa
Parole , doyuent prendre garde de monflrerent que la chofe de foi n'ef-
reigler non feulement leur vie, mais en pas de
toitdeuft fi grande
faire confcience qu'on
tant de importance ; que
auffi leur vifage & contenance exté- le vice n'eftoit pas aux chofes, ains en
rieurede
, peur que ne voulans eflre l'abus d'icelles & que de tant eflriuer (2)
veus trop faciles, ils tombent au vice
en chofes indifférentes n'efloit ni con-
contraire, c'eil d'auoir plus de grauité uenable ne propre , & qu'on deuoit
& feuerité qu'il n'apartient pour le plulloft reprimer nouueau.
l'audace &Finalement
infolence
feruice de l'Eglife, & l'édification du de ceft Euefque
peuple duquel ils ont charge. Toutes- fut tant procédé, que pendant que les
vns & les autres tafchoyent de faire
fois , on particulière
quelque peut prefupofer qu'ilqui
occafion auoitle
leur caufe bonne, les Eglifes refor-
mouuoit à cela. mées receurent grande playe , au
Ayant ainfi continué fes fermons
grand contentement des aduerfaires.
deuant le peuple, auec grand auance- Et en fut l'ilTue telle, que les Euef-
ment & profit, il fut appelé pour pref- ques gaignans leur caufe , Hooper
cher deuant le Roi , & fut fait Euef- fut contraint (>) de venir iufques-là,
que premièrement de Glocellre , puis que pour le moins il fe monftreroit
après de Wigorne (2). Mais le mal- vne fois au peuple en fon prefche, ef-
tant affublé & reueftu à la manière
heur vint à s'oppofer à l'heur & féli-
cité de ce faina perfonnage, en céré-
monies & manière de faire fur la ré- des autresconfpiré
on auoit Euefques, & qu'autrement
fa mort , nonobftant
ception des Euefques, touchant leurs le vouloir du Roi , dont le Duc de
habits & acouftremens , & femblables SufFolc en aduertit Hooper. Acquief-
chofes çant donc vne fois de iouër fon per-
reftoyentplus ambitieufes
encore qu'vtiles
en Angleterre, qui
comme fon age, ilvint auec cefte parure. Le
la tunique Epifcopale & vn fin toquet vertement premier eftoit vne chafuble
paflant outre par delTus les efpaules, longue iufques aux talons, frangée en
puis le bonnet quarré , fignifiant par replieure , & rouge ; par deffous il
fa quadrature les quatres parties du
monde (;). Or ceft Euefque, comme
il auoit toufiours mefprifé ces beaux (i) Voy. le texte de cette dispense dans
Foxe, t. VI , p. 640.
myfteres en la perfonne des autres , (2) Etre en querelle.
comme feruans plus de fuperllition (;1 Hooper ne céda qu'à la force sur cette
question des vêtements ecclésiastiques. Le
que d'édification, auffi ne fe pouuoit-il 6 octobre 1550 et le i; janvier 1551, il dut
difpenfer d'en vouloir vfer. Au moyen comparaître devant le conseil, et fut incar-
céré pour avoir refusé de se soumettre à
l'ordre de choses établi. Ce fut le iç février
(i) Cette remarque et celle qui la suit sont qu'il adressa au conseil une lettre dans la-
de Fo.xe, qui avait connu personnellement quelle ilse déclarait prêt à endosser le cos-
Hooper, et montrent combien les deux mar- tume épiscopal. Voy. cette lettre dans Du-
tyrologistes étaient éloignés de vouloir idéa- rell, Sanctœ Ecclcsiœ Anglicanœ Vindiciœ,
liser leurs modèles. et dans Wordsworth, Eccl. Biog. Il fut
(2) Hooper fut nommé au siège de Glou- consacré le 8 mars 1551. En se soumettant,
cesler le 15 mai 1550, mais ne fut consacré
que le 8 mars iÇîi. Il fut nommé in ccm- par amour pour la paix et d'après le conseil
de Bucer et de Pierre Martyr, Hooper con-
mendam au siège de Worcester en avril i;52. servait toutes ses répugnances pour le ritua-
(;) Foxe dit : « Tliey used to wear such lisme anglican. Ce fut lui qui commença la
garments and apparel as the popish bishops
were wont to do : first a chimère, and under grande controverse puritaine, et le purita-
that a white rochet : then . a malhematical nisme a pu inscrire son nom à la première
cap with four angles, dividing the whole page de son histoire. Voy. sur cette ques-
tion vêtementsla pontificaux et sur l'atti-
world into four parts. » La chimirc était une tude dedesHooper. correspondance de Cal-
longue robe écarlate, et le rochet un vête- vin, Opéra, Xlll, 644, û;8; XIV, 26. 45,
ment blanc qui couvrait les épaules.
7,-, 84, 94, 98, MO, 118, 129.
io6 LIVRE CINQUIEME.

auoit vn furpelis de fine toile , vn en fa maifon que vrai pafteur en pu-


bonnet quarriî , bien que la façon de blic c^ en l'Eglife , vfant en tous les
la telle foit ronde. Chacun peut alTez deux endroits de mefme religion ,
penfer combien il fe trnuua lors hon- mefme difcipline , raefme fainfteté &
honnefieté.
teux en telle nouueauté d'acouflre- Charitable
mens , endurant cela pour le refped QvELQVES gens de bien certifient enuers les
qu'il auoit de l'vtilité publique. le qu'eflans en la maifon, en la fale pro-
tairai le nom des aduerfaires , par ce chaine de la chambre oi!i il mangeoit,
qu'cftans ils ont veu vne table bien grande
eux-mefmesdepuis faitsduamis
exécutez ont mar-
mefme efté poures.
tyre (i^. et pour la mefme caufe que toute garnie de poures gens, & qu'eux
Dcquoi feri demandans aux feruiteurs que c'ef-
lui , À luffira que, par ce récit, le Lec-
le récit des teur foit auerti combien la croix <S: toit, refpondirent qu'ils auoyent Icans
dctîcrons couflume d'amener i'<: receuoir ordi-
Ecciclialtiqucs, perfecution eft necelTaireà TEglifede nairement certain nombre de poures,
lefus Chrift. Car comme nous voyons
mefmes es Republiques , que bien qu'il prenoyent tant es niaifons qu'en
la rue, & que l'Euefque difnoit après
fouuent vne guerre s"engendre d'vne eux (i). Hooper en vfa ainfi l'efpace
paix trop grande , ainfi la trop grande
tranquilité & aife des Ecclefiafliques de
tage,deux
tant ans
que &viuant
quelque peuEdouard,
le Roi d'auan-
caufe maintesfois des differens & con-
l'eftat de la religion demeura en fon
tentions bien grandes en l'Eglife. entier. Apres la mort d'Edouard, Ma-
D'avantage, il eft befoin, pour le rie fe rua outrageufement fur la Reli-
bien & profit de l'Eglife de lefus gion & fur les vrais feruiteurs de
Chrifl , que tels exemples des fainds Dieu; entre les pretniers fut Hooper,
Eli adiourné J
perfonnages vienent quelquefois en auquel elle fit bailler affignation pour
lumière. Car fi le différent de Paul fe trouuer à certain iour à la tour de à Londres.
& Barnabas , fi le renoncement (2) de Londres (2), & ce pour deux raifons.
S. Pierre, fi l'adultère de Dauid ho- Premièrement, pour refpondre à l'Euef-
micide, ainfi que tcfmoigne l'Efcri-
ture, nous eft matière de grand aduer- efié que Hetee {}),
baillée duquel l'Euefché
à Hooper, à caufe auoit
que
tiffement & confolation, auffi l'erreur Hetee perfirtoit encore en fon Pa-
& faute que pourroyent auoir fait ces pifrne. Secondement, pour refpondre
Martyrs feruira à la pofterité , pour auffi à Boner, Euefque de Londres,
monrtrer
la grâce & au'on ne doit defefperer
mifericorde de Dieu deen duquel il avoit elle l'vn des accufa-
teurs , lors que Boner fut conueincu
noflre infirmité , puis que nous la
& priué de l'Euefché, à caufe de la
voyons mefmes es fainds Prophètes , dodrine Papifliquc , laquelle il auoit
Apoflres & Martyrs. Ainfi doncques publiée deuant le peuple à la croix de
ce Martyr eftant efprouué par tant faind Paul. Hooper auoit preueu
d'orages & tempefles, fe retira en fes tout ce qui deuoit auenir , quand ,
auerti par fes amis de fe fauuer, pen- Refufc de fe
Eglifes, & refida l'efpace de deux ans fauvcr.
& plus, fans aucun empefchement , dant qu'il en auoit le moyen , dit
Hoopcr n'oubliant rien qui feruifl à l'inftruc- franchement qu'il n'en feroit rien ,
veillant fur fa tion du peuple. Il ne fut moins loua-
ble en fa maifon & inftitution de fa qu'il enl'avoit
toit cela fait vne inconftant
monftré fois, & qu'il s'ef-
& coul-
famille.
famille , tellement que , bien que la
pable. tombéMaintenant qu'il de
,il efloit refolu y efloit
viure re-&
plufparl du temps
fon troupeau il s'employaft
, toutesfois après
il referuoit mourir auec fon troupeau. Hooper
Comparoid.
quelques
fes enfans heures pour l'édification
A reformation de
de fes do- s'eflant donc prefenté au iour prefix à
Londres, qui fut le premier iour de
mefliques, fi qu'on ne fauroit dire s'il Septembre , m.d.liii. auant que ref-
fe monflra auec plus d'honneur père pondre à Hetee & à Boner , fut mis
(1) Il saKit de Cratimcr el surloul de
Ridicy. dont le martyre est raconté plus loin. (i) moin
ro.\ede ce raconte
fait (VI ,qu'il
044).a été lui-même té-
La persécution rapprocha ces hommes qui (2) Ce fut le 22 août 15(5 que cette assi-
s'étaient divisés sur une question d'ordre se- (;nation fut envoyée. Hooper comparut le
condaire. Voy. une touchante lettre de Ridicy
à Hooper, dans Koxc, t. VI, p. 642. Le 20 du même mois et fut emprisonné le !•' sep-
tembre.
texte original latin est dans la 1" édition et (î) Le D' Heath avait été déposé sous
dans lesp.Ridicy's Rcmains (édit. de la Parker Edouard VI du siège de Worcestcr, à cause
Soc), H/. de son attachement au papisinc et y fut
(2) Reniement. réintégré sous Marie.
lEAN HOOPER.

en procès deuant la Roine & fon con- fachans laquelle prendre, fe font ce
feil , touchant quelques contes & ar- iour-lA fentis comme refolus , voyans
gent prellé , pour raifon duquel on d'vne part la cruauté de laquelle ces
pretendoit qu'il full obligé. Et eftant gens vfoyent contre ce perfonnage, &
au contraire fa douceur & modeftie
venu
ceftre encommença
iugement, del'Euefque de Win-
le receuoir auec
enuers eux. Et combien qu'on ne
paroles iniurieufes. L'ilTue fut qu'on puifTe reciter ici tous les mots def-
lui commanda d'aller en prifon, l'auer- quelsefté
euft vn bien
chacun d'euxdevfoit
difficile , ce qui
recueillir en
tilTant fur le chemin que ce n'eftoit
point pour caufe de la fi grand defordre , toutesfois quant à
le menoit là , ains de Religion
certain qu'on
conte
l'ordre et fommaire des matières prin-
d'argent , duquel il eftoit tenu à la cipales ,comme il n'y a point autre
Roine. Il fera monflré ci après comme tefmoignage que de la propre con-
faulTement on lui inipofa cefte dette.
fcience,
ler à tefmoinsainfi netous
faut-il
ceuxdouter d'appe-
qui affifterent
L'année fuyuante , le 19. iour de
Mars, fut appelé derechef par le com-
à la procédure, fachans qu'ils diront
mandement de l'Euefque de Wincef- comme nous, pourueu que, laiflans à
tre & certains autres Commiffaires
part toutes affeâions, ils vueillent de-
députez de par la Roine ; mais ne pofer selon ce qui en eft.
pouuant défendre
portunité fa caufe& par
dudit Euefque l'im-
la crierie
de ceux qui prefidoyent au iugement ,
fut defmis de fon Euefché. Et pour
Les Euefques de Wincejlre , de Du-
monftrer comment & pourquoi cela fe
nelnie', de Londres, de Landaue , de
fit , i'adiouflerai ici les lettres d'vn Ciceflre, luges députe^ pour faire le
perfonnage qui efloit prefent lors que procès à lean Hooper (1).
cela fe faifoit.
Estant Hooper appelé pour venir
deuant ces Juges, fut premieremerit
interrogué s'il efloit marié. Refpondit
Attejîation de la procédure tenue con- qu'oui , & que rien ne pouuoit rom-
tre lean Hooper, Euefque de Wi- pre ce mariage que la feule mort (2).
gorne , en laquelle il fut fpolié de
Lors l'Euefque de Dunelme dit :
fon Euefché en la maifon d'Efiiene (I Encore qu'il n'y euft autre chofe ,
Gardiner, Euefque de Wincelîre, le
dixneufiefme de MarsM.D.LIII.{i) c'eft bien afl'ez pour vous rendre inca-
auant Pafques. « Ceftepable decaufe,
l'Euefché que vous Hooper,
» refpondit tenez. »
« n'eft pas affez valable ne fuffifante,
PovRTANT que i'enten que le bruit fi ce n'eft que vous vueilliez deroguer
du procès de M. lean Hooper, iugé aux loix & au droit receu publique- Procédures
& expédié par le Chancelier Gardi-
ner âz autres députez pour ce fait, eft ment en ce royaume. « Il n'euft pas
fi toft dit cela, que les Juges & ceux iniques contre
Hooper.
contraire à vérité, & que, peut eflre,
il a efté femé par quelques vns qui qui eftoient à l'enlour fe mirent à
crier & à l'iniurier & fe moquer de
prenoyent plaifir à defguifer les cho- lui. L'Euefque de Ciceftre (3) l'appe-
fes, ie qui eftoi prefent lors que le fait loit Hypocrite ; Bekenfal (4) & vn
fe demenoit, ai penfé mon deuoir ef- certain Smyth , feruiteur de ceux du
tre de defcouurir fîmplement & fidè-
lement ce qui en eft, pour faire en- Confeil
tous fe (0- l'appeloyent
ietterent Befte.iniures
fur lui auec Bref,
tendre àtout le monde l'iniquité du
iugement & arreft donné par les luges
déléguez par la Roine contre Hooper, (i) Les évêqiies de Winchester (Gardiner),
de Durham (Tunstall\ de Londres (Bonner),
lequel s'eft neantmoins porté enuers de LIandaff et de Chichester furent en effet
eux le plus humblement & modefte- les commissaires délégués pour le juger.
ment qu'il efl pofllble, ne leur deman- Voy. les Harleian Mss. n° 421.
(2) Sa femme et ses enfants avaient réussi
dant iamais autre chofe , finon qu'il à s'enfuir en Allemagne. Voy. Coverdale,
fufl oui en fes iuftifications , tellement
Lctters of the Martyrs, p. 94-11 '. 126.
que plufieurs qui auparauant vacil- ()) D' Day. 'Voy. sur lui t. I , p. 52Î.
loyent entre les deux religions, ne .;4) U faut lire Tunstall. 'Voy. sur lui t. I,
p. 515.
coun-
(i) C'est i;S4 qu'il faut lire. Foxe. one of the clerks of the
cil,(î)>> icditSmith,
io8 LIVRE CINQUIEME.

en ce grand Concile de Nicee il en


& opprobres; &, après auoirfait le pis
qu'ils peurent , le Chancelier finale- fut autrement ordonné, parl'auis d'un
ment vint à dire : " Si eft-ce qu'il efl certain Paphnuce (1), fauoir efl qu'au-
fort facile à vn chacun de viure chaf-
cun preflre
diflraire eftantdemarié
& retirer n'euft à de
la compagnie fe
Matth. 19. 12, tement, s'il veut. » Et amena ce paf-
fage de l'Euangile , où il efl parlé de fa femme. » Finalement , après plu-
ceux qui fe font chaftrez pour le fieurs crieries, l'Euefquc de Dunelme
royaume des cicux (1). Auquel Hoo- lui demanda s'il ne croyoit pas que le De la prcfcnc*
per refpondit que , par ce pafTage . il propre corps de lefus Chrift fuft au du corps de
ne fe prouuoit pas qu'il fut en la puif- Sacrement. Hooper dit qu'il n'eftime lefus Chrift.
fance d'vn chacun de viure chafle- point que lefus Chiirt y foit corpo-
ment , encore qu'il le vouluft , ains rellement, comme ils l'entendent. Ceft
feulement de ceux aufquels il eftoit Euefque lira quelque liure, faifant
donné ; & prenant le texte vn peu de femblant de vouloir lire quelque chofe
dedans pour la confirmation de fon
plus hautfe &print
l'acommo danl
fuyuoit, à le reciter ;à mais
ce qui
les propos, & ne peut-on fauoir quel li-
crieries & moqueries venans derechef ure c'efloit. Le Chancelier demanda
en ieu, le priuoyent de parler & d'ef- de quelle authorité il nioit fi opiniaf-
tre oui & entendu. Hooper remonf- trement la prefence corporelle de le-
tra comme mefmes par les Décrets fus Chrifl au Sacrement ; refpondit :
anciens le mariage n'eftoit point inter- « De l'authorité & fondement de la
dit aux preftrcs , & quand & quand parole de Dieu, >< & amena quand &
allégua le palfage. Mais le Chancelier Afles j. 21.
allégua quelques autres canons pris quand le pafi'age de l'Efcriture, où il
efl dit comme il faut qu'il refide là
des Clémentines & des Extrauagan- haut au ciel iufques au iour de la ref-
tes (2), pour prouuer le contraire. tauration de toutes chofes. L'autre
Du mariage palfa outre , difant que cela ne faifoit
des Ecclcnafli- Hooper mfifla , difant que ce qu'il
qucs. auoit allégué n'eftoit point en ces li- à propos, & que rien n'empefchoit
ures-la. Le Chancelier s'efcriant : qu'iltre &nelà haut
peuft au en cielvn mefme temps ef-
& au Sacrement.
« Si n'aurez-vous, » dit-il, << aucun au-
tre liure , que vous ne foyez palTé par Cela fait, on commanda aux Notaires
ceftui-ci. "Puis foudain on fe mit à crier
& Copiftes de rédiger par efcrit pre-
& faire tel bruit , que tout s'en alloit mièrement comme Hooper eftoit ma-
pefle méfie dire.
vouloyent fans fauoir
Cela que
fait,c'eft
le qu'ils
luge rié, & qu'il ne pouuoit eftre perfuadé
Le luge de laift"er fa femme; fecondement ,
Morgan (?), après lui auoir dit tout comme il nioit la prefence corporelle
Morgan, de Jefus Chrift au Sacrement. iSrc. (2).
le mal qu'il peut, commença à difcou-
rir par le menu tout ce que Hooper I'ai iufques ici recité fimplement le
auoit fait au diocefe de Gloceftre , en
fait tel qu'il a eflé , félon qu'il s'eft
puniflant ceux qui auoycnt forfait , di- prefcnté à la mémoire, hors mis que
fant que iamais tyran ne fe monflra
l'ai paft"é beaucoup d'iniures & faulTes
plus cruel qu'il auoit fait en ce pays-la. accufations de quelques vns.
Le concile Puis l'Euefquc de Ciceftre lui obicéla
(^Ancyre. le Concile d'Ancyre (l'afleurant eftre
plus ancien que celui de Nicee), par
lequel le mariitge eftoit défendu aux
prcflres. Le Chancelier tt plufieurs Efcrit de Ican Hooper louchant le trai-
autres auec lui crians contre Hooper,
difoyent qu'il n'auoit iamais Ieu au- (1) Voy. plus haut la note de la pape 102.
cun Concile. •■ l'en ai Ieu, » dit Hoo- (2) Le registre de Canterbury constate
per, 11& monfieur de Ciceftre mefme, que, le 20 mars 1554, les évêqucs de Win-
chester, Londres, Chichester et Durham ,
s'il veut dire la vérité, fait bien comme en vertu de la commission que la reine leur
avait confiée, prononcùrcnt une sentence de
(1) « Ca&travcrunt se proptcr rcgnum coe- déposition contre John Taylor, évoque de
lorum. '• Lincoln , n ob nullitatem consecrationis ejus,
(2) Nom de conslilutions des papes, pos- et defectum tituli sui qucm habuit a rege
tiricures aux Cli-mcnlincs , cl ainsi dénom- Edvardo sexto pcr literas patentes, cum hac
mées quasi
( valantes extra corpus juris ) clausula dum hcnc se f^csscril : >■ contre John
parce qu'elles furent conservées en dehors Hooper, évtque de Worcester et Glouces-
du corps du droit canonique. ter, « propter conjugium cl alla mala mérita,
()) t Ce jut;c Morgan, » dii Foxe (en noie et viliosum titulum ut supra; " et contre
de son récit ) , " devint fou peu Je temps John Harlowe. évéqued'Hcrcford, u propter
après et mourut sans recouvrer sa raison. » conjugium et hercsim ut supra. ■>
lEAN HOOPER.
M.D.LV.
tement qui lui fut fait en prifon , & L'infeflion du
Or ce lieu-là reumatique & fale ,
tant de fon naturel que de la vilenie qui lieu auquel
l'accufation qu'on lui mettait fus.
s'y engendroit, fe rendoit encore plus Hooper elloit
enferré.
Par ce que viuant Edouard , & les
infeft & puant en ce que d'vn cofté il
loix eflans en vigueur, ils n'ont iamais elloit enuironné de l'ordure & efgouft
peu me molerter touchant le fait de la
Religion , ils ont inuenté depuis vn de touteleslaimmondices
foyent prifon , de &l'autre s'amaf-
cloaques de
toute la ville , tellement que , preffé
autre moyen ; car ils m'ont accufé merueilleufement de celle puanteur &
d'auoir receu quelque argent & m'ont infeftion, ie tombai en diuerfes mala-
condamné à tenir prifon tant qu'ils
euffent le moyen de mettre fus leurs
dies, & telles que l'en cuidai mourir.
eglifes & faire tout ce que bon leur Eflant doncques bien fouuent malade,
fembleroit. Premièrement donc par- t*t les portes de ma chambre clofes &
tant de Richemond , & arriué que ie barrées par derrière auec doubles
fu à Londres , on me mit en prifon , ferrures, verroux & cadenas de fer,
moins toutefois eftroite , & auec plus de peur que perfonne vinll pour parler
de liberté qu'on ne fait à tous ordi- à moi , on m'oyoit fouuent crier auec
nairementà, caufe de quoi me falut telle extrémité & deftrelTe , que la
bailler au Geôlier quinze efcus (i), mort fembloit me menacer & s'auan-
fix iours après mon emprifonnement. cer de bien près ; toutefois le Geô-
Babyngton Le Geôlier ayant receu ceft argent ne
Geôlier, efpion lier n'en eftoit efmeu , & ne fouffroit
des Euefques demeura gueres qu'il ne s'en allafl que perfonne fift office d'humanité &
papiftiques. vers le Chancelier lui faire quelques s'approchall de moi. Les prifonniers Cruauté &
pleintes de moi, tellement que, par le efmeus de mon mal & affliftion, l'im-
commandement du Chancelier , le Geôlier.du
rapine
portunoyent
fion de moi ;d'auoir
mais pitié
lui au & contraire
compaf-
peu deen liberté
uerti que i'auoi
vne prifon me fut con-
bien eftroite , où
crioit, & menaçoit qu'on n'eull à s'ap-
ie demeurai l'efpace de trois mois en procher de moi, difant qu'on me laif-
grande poureté & extrémité. Finale- faft & qu'il feroit bien aife d'en élire
defpefché. Quand il elloit queftion de
ment, par le moyen d'vne Damoifelle,
i'obtin liberté de venir au repas, auec payer
condition & promefle folennelle que grans, , &i'eftoi du nombre
me faloit des plus
bailler toutes les
ie ne parleroi à perfonne de mes amis, fepmaines trois efcus , outre la def-
ains que foudain après le repas ie me penfe de mon feruiteur, & ne fai quels
retirerois en ma chambre. Eftant aux autres frais pour le droit de la prifon,
heures du difner ou fouper , le Geô- ce qui dura tant que l'Euefché me
lier & fa femme ne s'eftudioyent qu'à demeura. Mais après qu'il me full ollé,
ie commençai de bailler quelque peu
s'informer auec moi, & s'enquérir des
caufes de mon emprifonnement, pour moins , ainfi que feroit un médiocre
voir ce que l'en diroi, & à fonder tous gentilhomme, & toutesfois i'eftoi traité
les moyens par lefquels ils pourroyent plus vilenement que les plus énormes
de plus en plus me mettre en la male- prifonniers & les plus contemplibles
grace & indignation du Chancelier, de du monde. Outre cela , il retint mon
façon que, trois ou quatre mois après, feruiteur nommé Guillaume Doun-
Dounton uiteurfer-
de
nous eufmes quelque différent enfem- ton (i ; , auquel il ofia tous les habille- Hooper.
ble touchant la Meffe : dequoi s'ef- mens,
lettres pour voirluis'ileuffe
que ie portoit aucunes
baillées , &
tant pleint au Chancelier, il fit tant
qu'on me remua de ma chambre , qui toutesfois
eftoit dans la petite tournelle , pour chant ilcertain
ne trouua
argent qu'vn
que billet tou-
quelques
me mettre bas en vn groton (2) , au bonnes gens m'auoyent donné pour
plus profond de la prifon , où il n'y Dieu, eftant en prifon. Encore porta-il
auoit qu'vne litière de paille auec vn ce billet au Chancelier, pour me faf-
mefchant couuertoir puant; c'eftoit le cher d'auantage. C'eft-ci le dix-hui-
tiefme mois que ie trempe céans en
repos qui m'eftoit apprefté , iufques à
ce que quelques gens de bien ayans prifon, abandonné & defpourueu de
compaffion de ma poureté, me fecou- la ioufiance de tout ce qui elloit à
rurent moi , de mes amis , de mes familiers,
ceux. d'vn lift & de quelques lin- bref de toute conlblation. A venir à bon
conte , la Roine trouuera qu'elle me
(i) Trois livres sterling.
(2) Cachot. (l) William Downton.
ItO LIVRE CINQUIEME.

nation , qui toutesfois fe vantoyent


doit plus de Quatre vingts liures lier-
d'auoir toute conoiffance de la parole
lin monnoye d'Angleterre, & toutes- de Dieu. Par lequel appel fait au
fois, quand elle m'enuoya en prifon, liège iudicial de Cefar , non feule-
elle ne m'aida pas d'vn feul denier ; ment la vie lui fut prolongée, mais auffi
& filai!ne permit
à moi. qu'hom
Encore me viuant
s outre par-
tout cela, il eut plus grande commodité de pu-
ce qui me greue le plus efl la rigueur blier la dodrine de Chrifi plus dili-
it rudelle que me tient ce cruel Geo- gemment ,laquelle il defiroit eftre
Fcmme lier & fa femme plus cruelle , telle- faindement & en diligence auancee
par toutes les régions du monde ; &
cruciic. ni^-tit que, fi ce bon Dieu ne m'aflille, ce non feulement de viue voix, quand,
ie n'atten finon l'heure qu'il me faille
mourir en prifon auant la détermina- par deux ans entiers, il fut détenu ,
tion & iugement définitif de ma caufe. mais auffi par plufieurs Epifires fort
Voila le traitement qu'il eut en la excellentes qu'il efcriuit de la prifon ,
lefquelles, par vne bonté finguliere &
prifon , de laquelle il enuoya vne re-
quede ample, dattee du vinglfeptiefme prouidence admirable de Dieu , font
lufques à celle heure conferuees pour
d'Aoull M.D.Liiii., en forme d'appel, niillre infirudion cS; confolation. Pour
au parlement d'Angleterre , tant en
fon nom que de tous vrais fidèles qui celle raifon l'appelle au Parlement ,
afin que la contention des queftions
lors s'oppofoyent aux impietez de la qui font debatues entre nous & les La caufe de
MelTe & de l'Antechrifi Romain. Et Ton appel.
nauueaux dodeurs , foyent appaifees
d'autant qu'icelle requellc feruira d'a- félon la vérité de la parole de Dieu
uertin'ement des maux & griefs qu'on & les tefmoignagcs des fainds pères,
fait aux fidèles durant leur emprifon-
nement. nous l'auons ici inférée, ex- & que cela fe face publiquement &
traite de fes efcrits. en la prefence des fidèles , afin auffi
que nous nous defchargions finalement
deuant vollre tribunal tres-equitable,
de tout diffame & blafme d'herefie ,
// efl monflré , en ccftc jupl^lication , lequel nos aduerfaircs nous ont mis-
comment les grands de ce monde ont fus à grand tort. attribuons
D'autant qu'en pre-
mier lieu nous feulement
elle miferablemcnt abufe^ /-tTr le niçif-
que du ficge Romain, à faux litre au ciel la prefence corporelle du corps
& me/chantes enjeignes nommé Apoj- du Seigneur , félon les faindes Efcri-
lolique (i). tures. Item, d'autant que nous ne re-
conoilTons point aucun facrifice pro-
Treshonorez feigneurs , quand la piciatoire , par lequel le courroux de
parole facree de Dieu efl empefchee Dieu foit appaifé enuers les pécheurs,
l'i par le prix vS: dignité duquel foyons
f)ar fuperftition ou impiété des ma- receus en grâce et faueur auec Dieu ,
ins, ou quand ceux qui défirent fors la feule mort de lefus Chrill, &.
l'auancement d'icelle font affligez & Fondcmenl
l'oblation qu'il les
ment. Or tous a faite vnedesfoisfaindes
liures feule-
opprimez, on a acouftumé d'appeller de la foi.
à l'aulhorité fouueraine & au Magif- Efcritures, tous les Patriarches &
trat fuperieur, comme faind Paul ap-
bons Prophètes, lefus Chrilt le Sau-
à celle lin qu'il defendirt
Cefar, plulloll ueur du monde, les Euangelilles, les
& faà caufe
f)ela deuant gens qui
n'auoyent nulle conoilfance de Dieu Apollres, les Canons »& Conciles an-
(fe confiant à l'équité iSt humanité des ciens&, prefque tous les fainds Pè-
Gentils) que deuant les gens de fa res, tefmoignent de celle nollre foi ,
qu'elle eft fainile & falutaire. Et nous
promettons hardiment de monllrer ceci
(IJ Celte pièce ne li(,'ure pas dans les édi- deuant cefte vollre fainde alfemblee,
tions ani^'laises de Fuxc, mais elle se trouve
dans l'édilion lalinc de H('). sous ce litre : par argumens clairs & raifons tres-
Joannis ilcpcri Appdhilio ad Parlamenluin : euidentes, à peine de perdre la vie,
ex carctrc. M s'y trouve aussi une ipître
adressée Episiopis, Jc^anis, archidiaconis, cl moyennant que nous qui auons lon-
ccelcri ctcri ordinihiis in synoJo LonJineiisi guement 'enduré les liens A prifons
conf nX''''-' ■ Ces lellres sont signées ; ■■ Joan- auec fort grande difficulté, puiffions
nes Ho.jperu5, nuper ViK'>rniensis el Clo- impetrer quelque temps competant
ceslrensis Episcopus. •■ l^our d'autres leltrcs pour refraifchir nofire mémoire & loi-
de Hooper pendant sa capiiviié, voy. les
Leitcrs of thc Mjrlj-rs, publiées par Co- fir pour relire les liures des bons Pè-
verdale. res. Nous demandons feulement ceci,
III
lEAN HOOPER.

que nous puiffions eflre ouys paifible- du Fils de Dieu , quand le Pape a m.d lv.
ment enfcmble auec nos aduerfaires, propofé fes refveries & menfonges ,
deuant cefle vollre lainde alTemblee, pour les faire receuoir à tous. Les ef-
& que toutes affedions foyent mifes crits des bons Pères & les fainds
bas, & que la fainde Bible foit iuge Canons condamnent les Meffes pri- '
entre nous & nos aduerfaires , à la- uees, & non feulement ne permettent
quelle nous fubmettons & nous-mef- ains
mes & la caufe trellainfte que nous Cène recommandent
du Seigneur l'vfage de laàfainde
es Eglifes tous,
maintenons. Que fi , par l'authorité & tant
auffi aumonrtrent
Miniftre auec
qu'au quel
peuple;
ordremais
on
grâce de ce tredaind Sénat, nous pou-
uons obtenir que les queftions pour la doit prendre. Il y a ordonnance
lefquelles il y a auiourd'hui différent expreffe es Canons du Concile de
entre nous foyent examinées , deba- Nicee, qu'en premier ordre les Pref-
tues &role definies tres , puis les Diacres , confequem-
Dieu par l'authorité
& par de la pa-
les tefmoignages ment tout le peuple, communient à la
des Pères , c'eft chofe toute affeuree fainde Cène du Seigneur. Mais le
que lors la meilleure partie obtiendra fils aifné de Satan , afçauoir l'Ante-
vidoire par la bonté de Dieu , & la chrift, a chaffé des Eglifes le faind
fainde & catholique foi & religion vfage de la Cène par feu & glaiue. Il
fera rertituée aux Eglifes de Chrift. eft ordonné, par la parole de Jefus
Il n'eft befoin d"vfer de long propos Chrift, que fa mort & pafilon foit dé-
pour monftrer quel œuure le Sénat clarée àtout le peuple par la prédi-
cation de fa parole ; au contraire , la
facré feroit agréable à Dieu , s"il ren-
tyrannie du Pape commande que cela
doit diuines
fes aux Eglifes d'Angleterre
& celeftes les cho-
, & oftoit les
chofes humaines & terreftres. Don- fe face par l'enforcellement d'eau ou
par coniuration de pain , ou par en-
ques, fi le Sénat débonnaire admet chantement de cendres, de rameaux,
nos humbles requefles & nous ottroye de branches & de cierges. Si vous
de plaider noftre caufe publiquement, voulez donc obéir à la volonté de
tous fidèles entendront facilement que Dieu, ô noble alTemblee, il faut que
les chofes que ces nouueaux dodeurs vous ofliez des Eglifes toutes tradi-
font auiourd'hui es Eglifes ne font tions au
remettiez humaines
deftTus farcies d'impiété
les chofes , &
diuines
que menfonges & inuentions fauffes
& faindes. Si vous refufez de ce faire,
de l'Antechrift
lement ont efléRomain , qui non
introduites outrefeu-
là vous en ferez grieuement punis, car
parole de Dieu, mais auffi font direc- Dieu requerra de vos mains la perdi-
tement répugnantes à icelle, comme tion & ruine du peuple , qui fera pro-
Contre la eft la Meffe du Pape. Car nous fa- cedee des peruerfes li faufles dodri-
Melle uons que Chrift a dit : « Prenez , nes. Ce n'eft pas affez, & ceci n'ex-
mangez, &c. Prenez, beuuez-en tous. » cufera pas deuant Dieu le fouuerain
Mais les preflres Romains prenent Sénat du Parlement , affauoir ce que
du pain & du vin à part, tous feuls, ces fuppofts Romanifques difent :
& fans qu'il y ait aucun qui leur Qu'ils fauent pour certain que les cho-
tiene compagnie. Chrift a ordonné les fes qui fe font maintenant es Eglifes
font bonnes, faindes & diuines. Car
Sacremens afin qu'ils fuffent fignes ou
féaux facrez de l'on alliance faite par il n'y a point d'autres chofes faindes
fa mort auec le genre humain , auf- & bonnes , finon celles que la parole
quels tant le miniftre de l'eglife que de Dieu reconoit pour faindes & bon-
tous fidèles deulTent participer égale- nes. Et quant à toutes autres chofes ,
ment ; mais ces nouueaux dodeurs
encore qu'elles
excellentes femblent, hautes
aux hommes toutesfois&
ont ofté au peuple cefte communica-
tion ,laquelle Chrift a ordonnée à elles font abominables deuant la face
de Dieu, & feront finalement arra- Matth. ij. 15.
toute l'Eglife, & au lieu d'icelle ont
introduit l'adoration des Sacremens. chees comme plantes que le Père
L'idole exécrable (alTauoir ce dieu celefte n'a point plantées. feigneurs
*
nouueau , que ces nouueaux dodeurs Or donc , Magnifiques ,
imaginent, forgé de pain & de vin) a
efté premièrement fourré es Eglifes puis qu'ainfi
faindes eft que nous
Efcritures tout admonefte,
l'ordre des
de Chrift par la barbarie du Pape , & que , pour obtenir la vie éternelle, il
par le mefme l'vfage de la Cène du faut , fur toutes chofes , que nous
Seigneur a efté ietté hors des Eglifes fuyons les confeils, dodrines & or-
I 12 LIVRE CINQUIEME.

donnances de ceux qui tafchent nous hommes , & de mefprifer hardiment


deAourncr du vrai feruice de Dieu , & en bonne confcience tous tels dé-
rendez, rendez, di-ie, aux Eglifes de crets, autant qu'on en propofera , &
noflre Seigneur lefus Chrill leurs yeux nous y fommes obligez par le com-
& luminaires, par lefouels elles puif- mandement de Dieu. Et nous tafche-
fent cfprouuer les doarines, les reli- rons , autant qu'il nous fera poffible ,
gions iV feruices de tous hommes, af- de porter paifiblement toutes les iniu-
fauoir fi tout cela eft de Dieu. O vous,
res & outrages qu'on nous fera , &
mes frères, puis que toute noftre foi nous nous garderons de fafcher les
& religion dépend de la feule parole autres. Or Dieu eft le Seigneur; le i. Sam. )
de Dieu, contentons-nous d'elle feule, Seigneur face ce qui eft bon deuant p*^"'- '^' <
mefprifans hardiment tous les tour- apartient , '^' '
mens & toutes les efpeces de mort fes ilyeux;
c^ la fera. Et quant àluinous
la vengeance , quel- .
que les nouueaux dofteurs exerceront ques outrages, iniures, violences (S; ex-
contre nous , mourans glorieufement torfions que nos ennemis nous auront
pour Chrift. Il nous fullit auffi que, faites , toutefois nous prierons noftre
bon Dieu ik Père celefte en lefus
félon le tefmoignage que nous ren-
dent nos confciences en lefus Chrift,
Chrift, qu'il ne leur impute point les
nous ne fommes point venus à exercer
offenfesà &vnepéchez
duife , ains vie.
meilleure qu'ilEtlesauffi
re-
le miniftere facré de l'Euangile pour nous recommanderons à Dieu par nos
y cercher noftre profit particulier, ni
pourchalTer noftre gloire, ains pour prières affiduelles la maiefté de la
obéir à la vocation de Dieu , & à la Roine , les Princes & tous les eftats
volonté & commandement de noftre
de ce royaume d'Angleterre, à ce
bon Roi Edouard fixiefme. Et en ce
qu'vn chacun s'employe
iX fidèlement faindement
en fa charge en ce
que nous ne confentons à Timpieté &
fauft°e adoration des nouueaux doc- monde, & après cefte vie miferable,
teurs ,nous n'offenfons point contre que nous tous enfemble iouiffions de
les droiAs diuins ou humains, feule- d'Aouft.
la vie bien-heureufe & éternelle. Ainfi
foit-il. De laprifon, ce vingtfeptiefme
ment nous oft"enfons (fi toutesfois c'eft
offenfe, quand on oppofe la Parole de
Dieu contre TAntechrift pour le falut Voftre tref-humble feruiteur, Iean
de nos amesj contre les ordonnances
HooPER, n'agueres Euefque de
tyrannique
thorité s au &Pape
feinte Romain e
contrefait à l'au-
, duquel Wigorne & de Gloceftre , An-
glois non feulement de nature,
nous autres Anglois fommes eftroite- mais aufli félon les loix , & de
ment obligez par ferment de refifter. bonne volonté.
Cependant nous n'entendo
ter à la maieflé ns pasnerefif-
de la Roine, par
paroles ni auffi par faiâs & œuures,
Dieu.pas mefme de penfee , s'il plaifl à
non Ce qui s^cnfuit, iufqucs à la fin, con-
Or toutefois les grands feigneurs tient l'heureufe iffue dudit Hooper.
& tous les eftats du royaume d'An- Apres tous ces combats & rudes
gleter e ordonnez
, de Dieu , tienent
noftre foi obligée en Chrift , laquelle affaux qu'a fouftenu ce feruiteur de
nous leur garderons toufiours fauue Dieu, finalement l'an fuyuant, qui fut
M.D.LV. le vingtdeuxiefme de Jan-
& entière ; mais (ce que Dieu ne
uier, on commanda au Geôlier d'ame-
vacille permettre) s'ils nous aftrei- ner Hooper deuant les Commift"aires Audacieufc
gnenl à des feruices eftrangers & in- députez par la Roine (i), où le Chan- impiété de
fidèles, comme font les inuocations
des Sainds, les adorations du pain & celier prefidoit , lequel, tant en fon Gardiner.
du vin, les menfonges & fables du fa- nom que de fes compagnons, com-
mença d'exhorter
cefte fauffe Hooperreligion
e<r corrompue qu'il laiffaft
(ainfi
crifice propitiatoire, les
mcnt curftrouuees es purgations
MelTes fauft"e-
des
l'appela-il),
Roi Edouard laquelle du viuant
auoit efté du ,feu
en vfage &
péchez par l'eau coniuree , qu'ils ap-
pelent tau bénite, par enchantcmens
du pain , des luminaires , chandelles ,
cierges, branches, rameaux A autres (1) Les actes authentiques des intcrropa-
toires de Hooper ont été publiés par Sirype,
chofes femblables, noftre deuoir eft de Mcmorials undcr Mary, chap. XXII, p. J96
(édit. 1816).
Afles 5. a6. rendreobeift'ance à Dieu pluftoft qu'aux
lEAN HOOPER.

fement, vers les quatre heures, en la m.d.lv.


qu'il fe retiraft au giron de l'Eglife
catholique , & que lui auec eux reco- prifon prochaine du logis de l'Euef-
nuft que, auec charge de les rendre & ra-
uant le
ce Pape
qui enpour
auoitchef
ertéd'icelle
ordonné, fuy-
par mener le lendemain à neuf heures,
arreft & prononcé publiquement. Que pourvoir fi, laiffans leurs erreurs, ils fe
s'il le faifoit . il ne doutoit nullement i'eroyent rangez à l'Eglife catholique.
que la mefme douceur & clémence de Hooper palfa le premier, à cofté de
la Roine , enfemble la benedidion du fon Cheriffe ; Rogers venoit après
Pape (laquelle les auoit tous confer- l'autre. Eftans fortis du temple (1),
uez & ablbus) ne le receuft & pardon- Hooper s'arreftant vn peu, attendoit
Refponfe de naft femblablement. Hooper refpon- que Rogers s'aprochaft, puis lui dit : l'autre.
Hooper. jjjt ^ ep, premier lieu, qu'en ce qui « Sus donc , mon frère Rogers , fe- _ Hooper &
rons-nous les premiers qui commen-
touchoit le Pape, diredement
doftrine repugnoit d'autant queà fa
la cerons àtenir bon contre le feu > » Rogers s'acou-
Religion de Jefus Chrift, il ne l'efti- « l'efpere bien qu'oui, » dit Rogers, ragent l'un
moit pas digne d'eftre receu entre les « s'il plait au Seigneur nous en faire
membres de Chrift , tant s'en faloit la grâce. » « Ne doutez, » dit Hoo-
per, « que le Seigneur ne befongne
qu'il le reconuft pour chef de l'Eglife,
laquelle efcoute la feule voix de fon en nous, & qu'il ne nous donne force
efpoux Jefus Chrift, & reiette toutes & puilTance d'y refifter. » Puis eftans
les autres eftrangeres & inconuës. venus plus outre à la place , voici ve-
Touchant à la Roine, s'il auoit iamais nir une grande foule de peuple cou-
offenfé fa maiefté par imprudence ou rant vers eux, auec vne ioye merueil-
autrement,de qu'il la fupplioit tref-hum- leufe de ce qu'ils
fi conftamment auoyent
en la perfeueré
confeffion de la
blement lui vouloir pardonner , fi
cela fe pouuoit faire fans greuer fa vérité , & eftoit la preffe fi trefgrande
confcience & fans offenfer Dieu. On
qu'on ne pouuoit palTer. En chemi-
lui refpondit tout court que la Roine nant, leCheriffe difoit à Hooper qu'il
ne pardonneroit nullement à homme s'efmerueilloit de ce qu'il auoit ref-
On le traite qui fuft ennemi du Pape. Ainfi on le pondu fi hardiment & auec fi peu de
cruellement, remit en prifon en vne chambre plus patience au Chancelier. Hooper lui
baffe & creufe que la première , où il dit qu'il ne s'eftoit point monftré im-
demeura fix iours entiers, tandis que patient,mais (peut-eftre) vn peu vé-
hément, &pour la fainde querelle de
le dodeur Martin ( i ) fouilloit en l'autre fon Maiftre, duquel il fouftenoit la
chambre, pour voir s'il trouueroit let- caufe , & que la chofe le meritoit &
tres ou liures qu'ils penfoyent auoir requeroit ainfi neceffairement, laquelle
efté compofez par lui en prifon. Apres
ces fix iours, Hooper fut derechef n'eftoit pas de fi petite confequence
amené deuant le Chancelier & autres
qu'elle n'emportaft de la vie & de la
commis pour la decifion de cefte ma- mort, non feulement prefente, mais
tière. Et, après plufieurs altercations auffi de celle qui eft perdurable. Fi-
nalernent ils furent tous deux baillez
faites entr'eux, on commanda à Hoo-
per de fe retirer vn peu à part , tant en garde au Geôlier , auec charge
que Rogers , qu'on auoit peu deuant qu'ils fulTent mis à part & feparez en
amené de prifon, fuft examiné. Apres diuerfes chambres pour cefte nuid ,
que les Juges eurent mis à fin leurs en forte qu'il n'euftent moyen de par-
délibérations, on bailla charge à deux ler enfemble, ni auffi perfonne de ve-
Cheriffes {2) de Londres de les pren- nir à eux.
dre tous deux, & les mener foigneu- Le lendemain , qui fut le 19. de Condamnation
Januier, vers les neuf heures, furent de Hooper.
ramenez par les Cheriffes deuant les
des(i)commissaires
Le docteur deThomas
la reine Martin
pour lesétait l'un
affaires Seigneurs, lefquels, après plufieurs in-
de la religion. Il prit une part active aux ter ogatoirvoyans
es, la perfeuerance
interrogatoires de plusieurs accusés, notam-
ment de Cranmer. et publia un livre contre de Hooper
de rien , & qu'il
gaigner fur luin'eftoit poffible
, ne fçeurent
le mariage des prêtres ce qui ne Tempècha
pas, pour conserver sa placj à la Cour des autre chol'e faire , finon recourir à ce
Arches, de prononcer, sous Elisabeth, le feul & dernier remède de leur force
serment contre le papisme. & violence acouftumee. Premièrement
(2) Les shérifs sont des ma^'istrats placés
à la tête de l'administration civile d'un comté
et chargés de veiller au maintien de la paix
publique. II. p. (t)
toi L'église
, supra. de Saint-Mary-Overy. 'Voy.
' '4
LIVRE CINQUIliME.

ils l'excommunièrent , puis le dégra- tiniaffent le pouuoir changer ou dif-


dèrent (i), it linalement donnèrent traire de fon opinion; mais le conf-
contre lui fenlence de mort. Autant iant perfonnagc demeura toufiours
arrellé en Dieu. Les ennemis voyans
aen efté
tirent-ils
déduit contre
en Ion Rogers, ainfi Quoi
hilloire (2). qu"il
qu'il ne pouuoit élire diuerti en façon
fait , tous deux furent mis en la puif- qui fuft , pour fatisfaire aucunement
fance du bras feculier, & les deiix au regret que le peuple auoit de
Cheriffes les menèrent en la prifon la Hooper, tirent femer vn bruit par
Filus prochaine du logis du Chance- leurs feruiteurs, que Hooper s'eftoit
ier , A les gardèrent iufques à la defdit. Ce qu'eflant reçeu de plu-
nuid. La nuia eftant venue , Hooper fieurs, & entendu de quelques vns de
fut mené en la prifon de la ville , qui Londres , qui venoyent tous les iours
ell delà la riuiere, nommée Newgat, & vers Hooper, il en fut aduerti, & ef-
le paflerent premièrement par le logis meu de la crédulité du menu peuple ,
du Chancelier, & puis fur le pont de trouua moyen de recouurer papier &
encre , & d'efcrire ce qui s'enfuit.

I
Londres, auec grand'garde & compa-
gnie de gens en armes , <& auant que
palTer par les rues , on donna ordre
d'enuoyer premièrement des fergeans
pour erteindre les chandeles & lumiè- Ican Hooper à fes frères en L
res des fruidiers & reuendeurs , crai- Chrijl , & aux prifonniers pour vne
me/me doëlrine. .
gnans le tumulte du peuple, s'ils le
ejus
menoyent
ils aimèrentà mieux
la veue led'icelui.
mener deParnuid,
ainli La grâce de noftre Seigneur lefus
afin de le conduire plus alfeurément Chrill foit auec ceux qui défirent
la part où ils proicttuyent , & cela l'auenement du Sauueur <& Rédemp-
teur, &c. Mes chers frères & fœurs
s'accordoitfort bien, alin que le Prince
des ténèbres (duquel les afaires fe en lefus Chrill, participans des liens
faifoyent) fifl auffi fon cas en ténèbres & prifons auec moi au Seigneur, pour
par ceux qui fuyent la lumière. Mais raifon de fon Euangile, ie vous auife
que fuis tres-aife de voltre fermeté &
tout cela n'empefcha point que plu-
fieurs des bourgeois aduertis du faid perfeuerance en la perfecution & af-
ne fortiffent de leurs maifons & vinf- nidion que vous foulTrez, élr en ren
fent au deuant de Hooper, le faluaf- grâces au Seigneur, fouhaittant bien
fent à raifon de fa fermeté & conf-
lort qu'il vous face la grâce de perfif-
tance , & que tous ne mercialfent ter tt tenir bon iufques à la fin. Et
Dieu A le prialfent de le faire perfe- comme ie me fen bien aife de voflre
uerer iufques à la lin. Hooper, de fon conllance pour vollre grand bien &
collé, les exhorta inllamment auffi de profit , ainfi fuis-ie bien defplaifant
vouloir prier Dieu pour lui. Ainli donc pour l'amour de nos autres frères,
eftant Hooper mené par la grand"- lefquels n'ont encore rien goullé des
filace, fut baillé en la garde du Geo- maux que nous endurons en partie en
ier, où il demeura fix iours entiers.
Ce temps durant , nul fi hardi de fes celle prifon, en partie d'autres plus
grief*, fauoir-ell du feu par lequel il
femé bruit
Faut que
Combat de amis ne l'ofart aller voir; mais au lieu nous faut palTer. Et toutefois i'enten
Hoopcr cp
d'eux, Boner, Euefque de Londres, quelque bruit s'efire leué de moi ,
Chadfée, Harpsfild {}), auec quelque comme fi lean Hooper, après auoir i'eltoit dcdit.
prifon. peu de mefme farine , le venoyent tant paffé de tourmensen prifon, après
trouuer par fois , pour le ployer A
tant de molefics iSt trauaux pour l'a-
flefchirà leur polie, par auertilfemens, mour de Chrill , finalement après la
allechemens , promelTes & flatteries , condemnation par laquelle il ell iugé Hooper*

méfiées d'ellonnemens é!c menaces. à mort , comme fi après auoir franchi


Bref, ils n'oublièrent aucun artifice le fault, il foit venu à fe defdirc , &
pour l'alfaillir, & par lequel ils ef- defmentir
deuant toutfermons.
en fes ce qu'illea fai
prefché ci
allez les
(I) Voy. la semence de dégradation, Foxe, premiers autheurs de
de Londres
ce bruit :& c'eft
l. VI, p 6J1. Boner, Euefque fes
(a) Voy. p. loj , supra, complices, lefquels me venoyent trou-
()) Le D' William Chodscy. archidiacre uer quafi tous les iours. Or les frères
de Middicstx et chapelain Je liivëque Bon-
net. Le D' John Harpilicld. nrchicliacrc .Jo dcuoyent bien pcnfer ce que ledit
Londres cl doyen de Norwicli. Euelque tS: fes fuppofts eullent iugé
lEAN IIOOPER.

de moi, fi i'euirc.ou refufé ou del'diii- qu'il parferoit


gné de parler à eux , & comme ils commencé à laengloire
lui ce qu'il auoit
& louange de
eulTent dit incontinent , ou que par fon nom. Et incontinent manda à fon
ignorance ie n'oibi , ou que par gloire feruiteur qu'il apreftaft fes bottes &
& orgueil ie ne daignoi entrer en dif- efperons, & fon manteau, & le refie ,
pute auec eux , tellement que , pour afin que tout fuft preft quand il fau-
euiter tout foupçon, ie me tien content droit monter à cheual. Le lendemain,
de leur avoir refifté, & fuis prefl de le enuiron quatre heures du matin, voici
venir les CherifFes & autres gens de
faire iniques au bout, à l'aide de mon
Dieu. Au moyen dequoi ie vous prie la ville, aufquels auoit efté commandé
auertir ceux que pourrez de ce que de faire fortir de nuid Hooper, & le
vous voyez en moi , & comme tant mener hors la ville en certain lieu aux
s'en faut que ie me fente efpouuanté faux-bourgs , où ils trouueroyent fix
de rien , que mefme ie vous alTeure hommes en armes enuoyez de-par la
que l'en fuis plus refolu & alTeuré que Roine, menerqui le prendroyent
àGloceftre. Il y auoitpour l'em-
encores,
iamais. Ainfi donc ie vous prie , félon
les moyens & occafions que chacun auec ces fix gentils-hommes , le fieur
fontvousencor
de aura , d'efcrire, &aux les
infirmes frères qui
auertir Sand (i), confeiller, le fieur 'Wik (2),
& quelques autres , aufquels on auoit
qu'ils ne me rompent plus la tefte de baillé charge d'aller à Gloceftre &
cela , mais ayent toute autre opinion affifter à l'exécution. L'ayans en leur Hooper ell
de moi. l'ai perdu les biens, i'ai fouf- charge , fe retirèrent foudain en vn
fert les peines & pouretez indicibles menéceftre.
à Glo-
logis qui eftoit delà , nommé faind-
en prifon, & maintenant encor en Ange (3), pour defiuner ; & auec eux
l'infirmité de ce poure corps mortel , Hooper mangea autant alaigrement
ie fuis aulTi preft de fouffrir la mort qu'il auoit pieça fait. Le foleil com-
que iamais. Us eulTent mieux fait leur mençant àpoindre , ils fe mettent en
deuoir de prier Dieu pour nous que chemin, montent à cheual & s'en vont.
non pas fauorifer à tel bruit, ou le re- Hooper monta fans que perfonne lui
ceuoir. Nous auons alTez d'ennemis , aidaft. Cependant ils lui enfoncèrent
lefquels ne demandent que nollre le chapeau fort auant fur le vifage , &
ruine , fans que nos frères infirmes l'attachèrent en façon de chaperon de
nous doublent encore noflre croix, le
moine, afin qu'il ne fuft reconu par les
chemins. Cela fait, ils tirèrent vers
prie Dieu
tiene par bonne
tous en lefus Chrill qu'il, vous
profperité vous Gloceftre. Le leudi fuiuant, ils arri-
fuppliant affeftueufement que nous uerent enuiron midi à Ciceftre (4),
prions tous les vns pour les autres , ville de fon diocefe , loin de Glocef-
tre enuiron fept ou huit heures. Ils
afin
fortequefinalement
ce qu'il a fon
commencé
plein &en entier
nous difnerent là chez vne femme, laquelle
effed. l'ai iufques ici monflré con- iufques alors auoit hay la vérité , &
ftamment, tant par parole que par ef- fon Euefque Hooper encores plus.
crit, la pure vérité du Seigneur, & ie Certe femme , après auoir veu Hoo- Conuerfion
fuis prell auec la grâce de Dieu de la per & feu la caufe de fa venue, con- femme.
feeller & ratifier par mon fang. Efcrit uertin"ant foudain cefte haine en amour notable d'vne
en la prifon de Newgat, ce fécond & en larmes, vint à le receuoir autant
iour de Feurier.
humainement qu'il lui fut poffible, &
Par voftre frère en Chrifl, à déplorer fa mifere, confe(Tant publi-
Iean Hooper. quement deuant tous qu'elle auoit
fouuent mal penfé, & dit que fi Hoo-
per fe trouuoit en lieu où il faluft à
Le lendemain, troifiefme iour dudit bon efcient fouftenir fa dodrine, &
mois de Feurier, le Geôlier lui donna
mourir
roit pour
bien. icelledifné,
Apres , qu'ileftans
s'en montez
garde-
aucunement à conoirtre qu'il faloit
qu'il allaft à Gloceftre pour y eflre à cheual, & s'approchans de Glocef-
tre, vue grande compagnie de gens
exécuté, dont il s'esjouit grandement,
fi que leuant les mains & les yeux au
ciel , rendit grâces à Dieu , que fon
(i) Il s'agit de John Bruges, lord Chandos,
dont il est parlé sous le premier de ces noms
bon plaifir elloit qu'il mouruft entre dans la notice sur Jane Grey, p- 11 , supra.
ceux defquels il avoit efté Pafteur, &
(2) Foxe le nomme Master Wicks.
à l'édification defquels principalement ()) u The Angél, n nom d'une auberge.
il defiroit d'expofer fa vie, s'affeurant (4) Cirencester.
1 lO LIVRE CINQUIEME.
Excellente
lui vindrent au douant hors de la ville, monfieur Kyngfton, » dit Hooper,
« que ie fuis venu maintenant pour de Hooper. 1
protellation
auec pleurs & gemilTcmcns , fi tref-
affcaioiinez à leur Palleur , aue les mourir, parce que ie ne veux reuoquer
foldats A gentilfhommes , qui le con- la dodrine , laquelle i'ai prefchee ,
duifoycnt, craignans quelque violence tant ici deuant vous autres iufqu'à
populaire , defpefcherent vn de leurs cefte heure qu'ailleurs, vous merciant
à la ville
gens en diligence pour allernom de voftre confeil, combien qu'il ne foit
demander main forte au de la tel que ie defireroi. le fai de vrai que
la mort eft vne chofe bien dure & que
Roine, it qu'autrement il y auoit dan- la vie eft douce. Mais confiderez auffi
gerrencequ'en fi grande foule &er concur-
de peuple, le prifonni ne leur que c'eft de la mort éternelle qui
fuft o(l6. Et de fait . les gens tant de vient après, & de la vie que nous at-
iurtice que de la police fe haflerent de tendons. Conoiiïans donc l'horreur de
venir, acompagnez d'vn nombre de l'vne & la douceur de l'autre, ie ne
crain pas beaucoup la mort prefente,
gens armez à lauantage. On com- et fi ne me foucie pas de viure. Et
manda au peuple de fe tenir es mai-
fons, & ainfi entrèrent à Gloceftre, &
par ce moyen ie me fuis refolu d'at-
logèrent Hooper chez vn nommé In- tendre l'ilTuë de toutes chofes . pluf-
gram ,où il foupa & coucha ccfle toft que de renoncer la vraye dodrine,
nuià affez en repos, iufques enuiron vous priant cependant, enfemble tous
qu'il les autres, de me vouloir affifter & re-
vne heure
auoit acouftu après faire ,furainfi
mé deminuiél le che- commander àDieu en vos prières &
min (comme ont dit ceux-mefmes qui oraifons. » Kyngfton lui dit : << Or fus,
le gardoyent); tout le relie de la nuid puis que ie voi que vous eftes en cefte
il veilla & pria. Sa garde ne bougea délibération arrcftee, ie vous di Adieu, La conuerfion
de fa chambre, tellement que, quand auquel ie ren grâces perpétuelles de de Kyngrton.
il fut leué , il leur demanda congé de m'auoir fait ce bien de vous auoir veu
fe retirer en vne autre chambre pro- & conu ; car tel a efté le bon plaifir
du Seigneur Dieu, que moi qui ai efté
chaine pour prier. Ce qu'ayant impe- autrefois vn enfant perdu, fornicateur,
tré d'eux, il employa tout ce iour en adultère & du tout mefchant, ie fuis
prières, finon le temps qu'il mit à
prendre fon repas, ou à parler à ceux maintenant, par voftre moyen & fainfte
que fa garde lailToit entrer pour par- remonftrance , amené à vn meilleur
Antoine ler à lui. Entre lefquels fut Antoine chemin , iufques à detcfter à bon ef-

I
Kyngrton. Kyngfton (i) , cheualier, lequel ayant cient ma première vie. » Hooper ref-
pondit : « Si Dieu , par fa grâce &
par
elle per, le pafi'é grand ami de
dement Hoo- mifericorde , vous a fait ce bien , que
lors par comman & lettres
expreffes de la Roine , fut contraint vous foyez deuenu meilleur par mon
de faire comme les autres. Entré qu'il moyen , ie lui en ren grâces immor-
fut dans la chambre , il le trouua en telles; finon , ie prie que vous le de-
prières , & ayant ietté les yeux fur ueniez. » Or, après ces propos, ainfi
lui, les larmes commencèrent à lui
qu'ils vouloyent prendre congé l'vn de
tomber. Hooper ne le conut pas, iuf- l'autre , tous deux fe prindrent ;\ pleu-
qu'à ce qu'il lui dit : « Comment ne rer ,& Kyngfton plus abondamment.
conoilTez-vous pas Antoine Kyngrton,
voftre ami .' » « Maintenant que ie Hooper
fons où illuiauoit
protefta
efté ,qu'en tantluideeftoit
rien ne pri-
vous auife, » dit Hooper, « ie vous aduenu fi grief, qui euft peu tirer au-
reconoi afTez , monfieur Kyngfton , & tant de larmes des yeux, ne fentir au-
fuis bien aife de vous voir en fanté & tant de douleur du cœur.
en loue Dieu. » « Et moi, » dit Ce mefme iour, après difné , vn Vn garçon
Kyngfton , « ie fuis marri de voftre ieune garçon aueugle, après grandes aueugle vient
à Hooper.
inconue nien
a amené ici ;pour car vous
i'entenfaire
qu'on vous ;
mourir prières , impetra finalement des fer-
geans de parler à Hooper. Il auoit
mais (helasi) confidercz, ie vous prie, efté peu auparauant détenu prifonnier
combien doit eftre chère la vie, &, au pour la vraye dodrine (i). Hooper
contraire, combien eft rude la mort.
Par ainfi, puis que vous pouuez viure,
faites-le. La vie vous pourra encores (0 II se nommait Thomas Drowry et fut
lui-mèmo brûJL- le 5 mai iîÇ6. Il en est fait
feruir A aux autres. » « le confeft'e , menlion au livre VII de V Histoire des Mar-
tyrs, dans la notice intitulée : Plusieurs Mar-
(I) Sir Anthony Kingston, knight. tyrs exécutez en Angleterre.
lEAN HOOPER. II7
ayant efprouué fa foi & conu la caufe
icelle doftrine, & (félon l'inconftance
pourquoi il auoit eflé mis en prifon, de plufieurs ) tenir pour fauffes les
le regarda ententiuement, & pleurant,
Les paroles lui dit : " Mon enfant, noflre Seigneur choies vrayes que i'ai annoncées, i'ai
de Hooper à efté, par ordonnance & commande-
t'a ofté la veuë des yeux corporels, & ment de la Roine, ici enuoyé pour en-
l'aueugle. ce pour une caufe fecrette , laquelle
durer l'opprobre de mort au milieu de
nul ne conoit que lui feul ; toutefois vous, afin que, tout ainfi comme ie
lui-mefme t'a redonné des yeux d'au- vous ai eu iadis difciples d'icelle doc-
trine ,ie vous aye auffi maintenant
tant plus excellens
ton ame de la lumière: c'eft dequ'il
foi,a &doué
de pour tefmoins de ma mort , & de la
vraye intelligence. Ce bon Seigneur perfeuerance que Dieu me donnera ,
face, par fa mifericorde & bonté, que pour confermer, parle dernier argu-
tu rinuoques continuellement, à ce ment de mon fang , ce que ie vous ai
que tu ne perdes iamais ces yeux, de
enfeigné. Et pource que i'ai oui main-
peur que , par ce moyen , tu ne de- tenant par ces miens conducteurs (lef-
uienes quels ie remercie pour la bénignité &
Apresaueugiecela, vnde autre
corpsfuruint,
& d'efprit.
lequel» humanité de laquelle ils ont vsé en-
Hooper conoilToit eftre Papifte, qui uers moi par le chemin) que ie fuis
faifoit femblant d'eftre marri de telle mis en voflre garde & fous voftre
La refponfe calamité, en lui difant : « Monfieur, ie charge pour eftre demain bruflé, ie
fuis marri de vous voir en tel eftat. » Hooper fe
qu'il fit à vn difpofant à la
hypocrite. Hooper lui dit : « Comment , de me vous prie que vous m'ottroyez
chofe félon voftre debonnaireté & vne mort, prie
humanité , que vous faciez tellement eftrebruflé. tort
bien
voir
« De ainfi
vous ? voir
» L'autre
en ceftluieftat
refpondit
mifera- : apprefter le feu , que ie fois bien-toft
ble ; car i"ai entendu qu'on vous a ici defpefché. Au refte , ie me rendrai
amené pour vous faire mourir. » Hoo- obeyffant à tout ce que bon vous fem-
per loi dit : « Soyez pliiftoft fafché de
vous mefme & de voflre infidélité ; car blera ; que fi vous voyez que ie m'en
deftourne aucunement, faites feule-
quant eft de moi , ie m'eflime bien ment figne du doigt, & i'acquiefcerai.
porter, veu qu'il ne m'eft grief d'en- l'eulTe bien euité cefte neceffité de
durer la mort pour le Fils de Dieu. » mourir , fi i'eutTe voulu receuoir les
En cefle mefme nuid, les gardes
conditions de vie qui m'ont efté pro-
ayans pofees , comme vous fçauez. Mais
ordonné,faitmandèrent
félon qu'il leur auoit
à lenkin elle
& Bond, pource que cela ne conuenoit à mon
preuofts de Gloceftre (i), qu'ils deuoir, & encore moins eftoit expé-
fent la charge du prifonnier , & prinf-
ainfi dient pour voftre édification , ie fuis
s'en defchargerent. Lors ceux-ci, auec ici volontairement , preft à endurer
le Maire de la ville & autres de la iuf- pluftoft toutes oppreffions que défaillir
tice, vindrent au lieu oij efloit Hooper, à voftre falut & édification. Et ai
& à la première abordée, le faluerent, bonne efperance que cefte fidélité que
ie vous doi, me deliurera demain de
& lui baillèrent les mains l'vn après
l'autre, aufquels ce fainft Euefque telle forte, que ie mourrai fidèle fer-
parla en cette manière : uiteur de Dieu, & fuiet à la Roine. »
Les paroles « Monfieur le Maire, ie vous mer-
aux Maire
& eonfeillers cie grandement, & tous ces bons fei- Ceste harangue caufa vne raer-
de la ville. gneurs qui font ici auec vous , de ce ueilleul'e trifleffe es cœurs prefque de
que vous auez daigné me donner la tous, & plufieurs ne fe pouuoyent con-
main. Cela me donne quelque matière tenir de larmoyer. Cependant les
de ioye & affeurance que voftre bonne deux Preuofts fe retirèrent vn peu à
volonté & charité ancienne enuers
part, & prindrent confeil enfemble de
moi n'eft pas encore du tout amortie. tranfporter Hooper en la prifon com-
Cela auffi me fait eftimer que la fe- mune , que l'on dit de la porte de
mence & dodrine de l'Euangile n'eft Septentrion, ou du cofté de Bife (i).
point encore eftouffee en vous , la- Mais les condudeurs , officiers de la Vertu eft
admirable aux
quelle, auec grand labeur, i'ai femee, Roine, ne pouuans endurer cela,
lors que ie faifoi encore office de Paf- firent inftance aux Preuofts de ne pro- plus barbares.
teur entre vous. Et pource que ie ne céder en façon fi rude enuers leur
veux point maintenant contreuenir à
Euefque, & remonftrerent comment
il s'eftoit monftré doux & bénin tout
(i) Foxe désigne Jenkins et Bond comme
les shérifs de Gloucester.
(i) Northgate.
ii8 LIVRE CINQUIEME.

le long du chemin ; & quand ils ne tions de l'églife Romaine , ie fuis ici
trainé au fupplice. » 11 eftoit veftu de
lui donneroyent au'vn enfant pour le la longue robbe de fon hofte, laquelle
mener, il ne faudroit qu'ils craignif- il lui auoit prefté, & auoit vn chapeau
fent. Que s'ils en ont quelque doute
ou crainte , ils s'offroyent d'employer fur la tefle, & s'apuyoit sur un baf-
toute celle nuid à le garder, pluf- ton , à caufe d'vne fciatique qu'il
toft que de le voir emmener en cède auoit gaignee en la longue détention
des prifons. Apres cela, defenfe lui fut
prifon. Finaleme nt, il fut conclu qu'on
oit gens faite de ne parler plus au peuple , à
commettr fuffifans pour le gar-
der au logis où il elloit. Hooper pria quoi il rendit obeilTance , fans fonner
mot ni aux vns ni aux autres ; feule-
qu'il lui fuft loifible de fe coucher de ment il iettoit les yeux tantofl fur le
bonne heure ccfle nuid-la , d'autant
qu'il auoit plufieurs chofes en mé- peuple faifi de triftclTe , tantoft il les
efleuoit aux cieux. Et comme aucuns
moire, lefquclles il eut bien voulu re-
mettre en fon entendement à part foi, ont tefmoigné , on ne le vid oncques
en y méditant. En celle forte , il fc auoir la face plus ioyeufe ne plus ver-
coucha à cinq heures , dormit & re- meille qu'il l'eut tout ce iour-la qui
pûfa alTez bien au premier fommeil , lui eftoit ordonné pour mettre fin à
félon fa courtume , & le furplus de la fes angoiiïes. Quand il fut venu au
nuid fe paffa en oraifons & prières. lieu deftiné pour le martyre , premiè-
Se leuant au matin, requit que dere- rement ilregarda comme en foufriant
le pofteau où il deuoit eftre attaché,
chef ilfuft à part, & qu'il lui full loifi- & le bois & la matière qui eftoit là
ble de demeurer feul iufqucs à l'heure
du fupplice. Sur les huid heures , le aman"ee. Ce lieu eftoit vis à vis du
feigneur 1 ean Bridges, auec grand nom- temple & collège des preftres, auquel
bre de gens armez, Antoine Kyngrton, Hooper auoit acouftumé de prcfcher
Edmond Bridges. & autres députez par au peuple, &-à la ronde tout eftoit
1
la Roine, commandèrent que Hooper couuert & rempli de gens qui ef-
fe preparaft à la mort. Incontinent les toyent là venus pour regarder. Là
auffi eftoyent les preftres , qui de la
Preuorts l'amenèrent, & auffi tort qu'il
tour prochaine au temple regardoyent,
vid la troupe de es gens armez d'efpees,
arcs & hallebard , il dit aux Pre- prenans plaifir à ce fpedacle. Cepen-
uorts :« le n'ai point commis crime dant ce Martyr de Jefus Chrift fe pré-
de lefe maierté contre la Roine , &
pare au dernier combat, pour furmon- La mort
rnier cnne
dernier cnnem
ne lui aidepoint patience la mort fon dernier
befoin faireeflé rebelle appareil
(1 grand ; & n'elloit
de ter par
ennemi. la Il fe mit à genoux pour prier; à vcincre.
(S: quand & quand fixou fept de fes plus
gens armez
uez fait contreement
command moi. Sifeulemen
vous m'euf-
t de familiers amis mirent auffi les genoux
en terre, arroufans de larmes, & apro-
paroles,
de bois, de ie vousm'aller ietter
euffe obéi.fur» ceOr tas
la
chans le plus près qu'ils pouuoyent
Grande mul- multitude qui ertoit là alTemblee , ef-
titude pour le de leur Euefque , afin qu'ils entendif-
voir brufler. toit enuiron de fept mille hommes. fent les paroles de fon oraifon. Sa
Plufieurs d'entr'eux eftoyent venus au prière eftoit comme vne méditation
marché, mais la plufpart y eftoit pour fur le Symbole, en laquelle il demeura
voir celle tragédie. Hooper, iettant prefque vne demie heure. Cependant
fes yeux fur celle an"emblee , dit à que Hooper faifoit fon oraifon à
ceux qui ertoyent près de lui : « Hé- Dieu, vn ieune homme fe prefenta
las !il fe peut faire que celle compa- deuant lui, lequel (comme depuis on
Pardon
gnie efl ici efperant qu'elle orra quel- a penfé) eftoit enuoyé de par la enuoyé de la
que chofe de moi comme de couf- Roine Roine.
tumc ; mais maintenant, on m'a oflé tre fur, le
auecfcabeau
lettresdeuant
qu'il deuoit met-
le pofteau,
toute faculté de parler , combien que par lefquellcs pardon pour fauuer fa
i'ertime que la caufe de ma condamna- vie lui eftoit propofé. Alors Hooper
tion ne vous foit point cachée. Quand dit : " Si vous m'aimez & mon falut ,
ie faifoi entre vous office de Palleur, oftez-moi ceci. » Et derechef répétant
ie vous inflruifoi en la pure tt falu-
ce
" Simefme
vous propos,
defirez illes'efcria
falut ,dedifant
cefle:
taire doârine de l'Euangile, & main-
tenant pource que ie ne veux reprou- ame , oftez-moi ceci. » Le feigneur
uer contre ma confcience la dodrine Jean Bridges, dont a eflé parlé ci
que ie vous ai enfeignec & publiée , delTus , ayant la principale commiffion
nt .• confentir ou foufcrire aux tradi-
de cefte exécution, & voyant qu'il n'y
lEAN HOOPER.

auoit aucune efperance do deftourner tellement la véhémence d'icelles, com-


Hooper de fon opinion, commanda de
me tument
conoiftras qu'il tafera
expédient pour principale-
gloire, & pour
dcrpefcher ce qui relloit de l'exécu- la confirmation de ta doftrine.»
tion. Hooper lui dit : « Mon fei-
gneur, ie vous prie, donnez-moi congé
Le Maire de la ville, ayant entendu
d'acheuer
faire. » Iceluima commanda
prière quefuriecela
veuxà
fon fils Edmond , difant : « Auife que ces bien
aprochez deux près courtifans s'eftoyent
de Hooper pour
qu'il ne face autre chofe finon de pa- recueillir les paroles de fa prière, les
racheuer fa prière; que s'il fait autre fit incontinent ofter de là. Et après
chofe outre cela, vien m'en auertir, que Hooper eut fini fon oraifon, il fe
car ie ne veux point qu'il nous tiene prépara au dernier combat. Première-
ici plus longuement. » En ces entre- ment il defpouilla cefte longue robe
faitesdeux
, forts hommes rompans la
qu'il auoit empruntée de fon hofte,
foule, firent tant qu'ils s'aprocherent auquel elle fut rendue par le comman-
de
fortelui: , & l'ouyrent prier en cefte dement du Preuoft; puis il fut def-
pouillé de fes autres accouftremens ,
Prière de « O Seignevr, ie fuis l'abyfme d'en- iufques au pourpoint & aux chaun"es,
Hooper. fg,-^ ^ tu gj \q q[q\ i jg f^jj vn retraiâ efperant que depour
de toutes ordures de péché (i); mais, roit le refte fes le moins on, àluicelle
veftemens lair-
ô mon Dieu, tu es la fontaine de tous
fin qu'il ne mouruft tout nud ; mais les
biens. Rédempteur plein de toute Preuofts (defquels la cupidité ne pou-
bénignité , fois propice à moi trefad- uoit eflre raffafiee) commandèrent que
mirable (2) pécheur, félon ta grande ce refte d'habillemens lui fuft encore
compaffion & bonté. Toi qui es monté ofté. A quoi il obtempéra volontaire-
par dellus tous les cieux , tire-moi à ment. "Voyant qu'on ne lui auoit rien
toi qui fuis le bas abyfme des enfers,
laift'é fur fon corps que fa chemife, il
afin que ie fois fait participant de ta
gloire & félicité ; de toi, di-ie, qui es print vne efguillette de fes chaufl'es ,
affis à la dextre de ton Père, & efleué de laquelle il lia les deux bords d'vn
en vne mefme gloire. De faiél, tu co- petitiambes
fes fachet ,& dedans
l'attacha à l'entour
lequel fachet dey
nois la vraye caufe pourquoi mes ad- auoit vn bien peu de poudre à canon,
uerfaires traînent ton poure feruiteur & autant en auoit-il fous fes deux aif-
iufques à ce feu : ce n'efl point pour felles; laquelle poudre lui auoit efté
forfait que i'aye commis contre eux , baillée auparauant par les fergeans &
mais pource que ie ne confen point à officiers de la Roine, afin que cela lui
l'impiété de ceux qui polluent ton auançaft la mort.
fang , & que ie ne veux point , pour Or, quand tout cela fut fait , il fe
leur agréer , me defuoyer de la vérité difpofa pour eftre attaché au pofteau ,
que tu m'as aprife par ta bonté & mi- & alors il pria toute la multitude de
fericorde ; laquelle i'ai publiée iufques prier Dieu inftamment pour lui ; ce
à prefent, félon mon office & vocation , que tous firent diligemment auec
autant qu'il m'a eflé poffible , à la grande abondance de larmes , durant
gloire de ton nom. Helas ! Seigneur, tout le tempsdu supplice. Incontinent
on mit en auant trois chaînes de fer ;
tu n'ignores point combien de tour-
mens me font apreftez pour endurer
cefte grieue mort , à moi qui fuis ta l'vne lui fut appliquée au col , l'autre
à l'endroit du nombril, & aux iambes
poure créature ; fi tu ne me fecours la troifiefme. Et combien que cefte
par ta puilfance , ie ne fuis pas affez rigueur lui fuft dure à porter, comme
fort pour endurer des tourmens fi fi les autres fe fuffent défiez ou de fa
griefs , ains il faudra neceffairement confiance, ou de fon obeiffance ; tou-
que ie fuccombe. Parquoi, Seigneur, tefois afin que lui auffi ne mift par trop
donne prompt fecours à cefte poure fa fiance en l'infirmité humaine, il les
ame par ta bonté, de peur qu'au mi- laiflTa faire tout ce qui leur fembla bon
lieu de l'afpreté de ces flammes, ie ne fans répliquer. Parquoi les bourreaux
viene à outre paft'er les limites de la fe contentans d'vne chaîne, l'attachè-
patience Chreftienne ; ou bien apaife
rent par le milieu du corps au pofteaii.
Mais pourtant que cefte chaîne eftoit
(i) Anglici : n 1 am swill and a sink of fi courteou, faire qu'elletoutne lepouuoit pas em-
sin. ■> braifer tour du corps,
(2) Dans le sens d'étonnant. qui eftoit deuenu enflé pour la longue
I20 LIVRE CINQUIEME.

détention des prifons , lui mefme re- du feu On apporta donc derechef
ferroit de fes propres mains le bas de d'autres fagots (caria paille & les faf-
cines de canes efloyent défia faillies)
fon ventre , iniques A ce qu'on euft
peu fiîire venir la chaine à fon poind. lefquels, d'autant qu'ils efloyent fecs,
Ces bourreaux tafcherent de faire le brullerent facilement; mais ils attei-
femblable à fon col ; mais ils s'en dé- gnirent feulement aux parties baffes,
portèrent ,voyans que le poure pa- à l'endroit defquelles ils auoyent eflé
tient refifloit à cela, trouuant eflrange mis; & le feu n'auoit gueres touché
vne fi eflroide liaifon de tant de chaî- aux parties hautes du corps, finon
nes. En cette forte donc, ce faind
qu'il
comme apparoiffoit
lefché enque la flamme
pafTant & vn auoit
peu
Martyr de noflre feigneur Jefus, preft
à cllre offert en facrifice , fut eflcué bruflé l'vne de fes oreilles auec la
debout regardant toute la multitude peau prochaine. Cependant ce faind
qui eftoit iàprefenteen ce piteux fpec- Martyr en ce fécond feu fe porta pai-
tacle de fon Euefque. Il efloit d'affez fiblement comme il auoit fait au pre-
mier : & fe ferrant en foi-mefme,
grande (lature, & d'auantage il yauoit demcuroit ferme comme celui qui
vne fcabelle fous fes pieds, en forte
qu'il pouuoit voir & eftre vcu facile- n'euft point fenti de douleur, priant
ment de tous. On conut lors facile- en cefle façon : « O Seigneur Jefus,
Fils de Dauid , aye pitié de moi, &
ment de quelle
& vertu tous efl
enuers force hommesce ,
lesl'innocen reçoi mon ame. »
Or , quand ce fécond feu eut eflé
moyennant toutefois qu'ils foyent hom- ainfi confumé , il efTuya fes yeux de
mes, & non point be/les.
SvR ces entrefaites , ainfi que ce fes mains, & regardant le peuple , dit
faind perfonnage auoit les yeux efle- d'vne voix affez baffe : « Hommes
uez au ciel, priant à part foi, le bour- frères, pour l'amour de Dieu , appli-
reau qui le deuoit brufler fe mit en quez ici plus de feu. » Cependant, du-
auant, & lui demanda pardon. Auquel rant ce temps-la, les iambes & le gras
ce vrai Pafleur dit : « Pourquoi te des iambes lui brufloyent, & les autres
parties prochaines, car comme il a eflé
pardonneroi-ie , veu que tu ne m'as dit, il y auoit fi peu de fagots, que le
point offenfé que ie fâche? » Et le
Dourreau lui dit : << Helas! mon fei- feu ne pouuoit atteindre iufques au
gneur, il m'est ordonné de mettre le plus haut du corps. D'auantage, entre
feu. >' Et Hoopcr lui refpondit : <( Il fes pieds &, la terre y auoit affez lon-
n'y a nulle offenfe en ceci. Je prie au gue efpace, ce qui lui tourna à grande
Seigneur qu'iloffice.
te pardonne fafcherie. Il y eut vn troifiefme feu
rant fai ton « Alors ; on
au demeu-
ietta au adiouflé , vn peu plus afpre & véhé-
tour de lui des fafcines de rofeaux ou ment que les deux premiers ; mais il
canes humides, lefquelles ce bon per- ne profita gueres pour le faire pluftofl
fonnage empoignant deux à deux de
mourir, ou pource qu'il efloit mal mis,
fes propres mains, premièrement les ou pource que le vent contraire oftoit
baifa , puis après les agença fous fes la vertu. Derechef ceft heureux Mar-
deux ailTelles, i^' quand & quand faifoit
figne de la main où il faloit cntaffor les voixtyr plus
en ce troifiefme feu :inuoqua
haute, difant d'vne
« O Seigneur
autres. Quand le bois & les fagots eu- lefus, aycs pitié de moi. O Seigneur
rent ainfi eflé acouftrez , commande- lefus , reçoi mon efprit. » On ne
ment fut donné de mettre le feu. Mais
l'ouit
face lui plusfufi
parler, & combien
deuenue que laà
toute noire
pource qu'il n'y aucit gucres de ces
fafcines, affauoir feulement la charge caufe de la grande funiee , & que fa
de deux cheuaux , ce qui efioit là de langue auffi fufi tellement enflée &
bois fec print plus facilement le feu :
& fut prefque dutout confumé & roide qu'il n'eufl peu proférer vn feul
bruflé auant que la flamme fufi parue- mot , tant y a nciuitmoins qu'il remuoit
nue iufqiies au plus haut. Et finale- fes leures , autant qu'il lui efloit pof-
ment le feu faifit les fagots qui le cou- fible, iufqu'à ce qu'elles auffi furent
uroyent par delfus , & commencèrent referrees par l'ardeur du feu , & la
peau reflreinte. Il ne lui refloit plus
auffi à flamboyer , mais le vent qui
qu'vne chofe , an"auoir
continuellement qu'il dufrappoit
fa poitrine poin ,
Horrible efloit véhément ce iour la , chan"oit A
fpcancic du toys propos la flamme de l'endroit de tant que l'vn des bras lui tomba bas.
^dcHoTpcr" '« 'eflc A des efpaules. lefquelles Et iufqu'à ce que les liaifons des nerfs
parties à grand'peine furent^atteintes fulfent coupées du feu , il continuoit
121
DAMIAN WITCOQ , ROLAND TAYLOR.

encore de faire le femblable de l'autre pelée deuant le Magiftrat de la ville,


main, cependant que la graitTe & le
& enquife de ceux qu'elle y auoit veu,
fang méfié auec de l'eau decouloyent & de ce qu'on y auoit fait, déclara
en bas par le bout des doigts en hor- tout ce qu'elle en fauoit ; parquoi
rible fpedacle. Finalement la flamme plufieurs furent recerchez & mis en
ayant repris nouuelle force , lui ofta prifon; & lors plus que parauant la
toute vertu, & fa main demeura fichée fureur des ennemis s'alluma fur les
à la chaîne contre fa poitrine. Et tout fidèles, de telle rigueur que, fans gar-
der aucune forme de droit, incontinent
foudain ce S. Euefque rendit l'efprit.
Il demeura en ce grand combat de on prefentoit la queftion aux prifon-
la mort & tourment de feu par l'efpace niers, tres.
pour les forcer
de trois quarts d'heure, ou plus, auec Puis après , fansd'accufer les au-
les interroguer
fi grande patience & conftance, que, de leur foi & religion, on les condam-
fans bouger fon corps, il ne fe tourna noit à la mort; non pour autre caufe,
ni ventre
auant nitout
arrière. finon pour auoir contreuenu aux edits
le brufléEt& iaçoit qu'il euft
les iambes, &
que les entrailles lui tombalTent bas & placars
trouuez de l'Empereur,
es affemblees & s'eftre
défendues, &c.
au milieu des flammes ardentes, neant- Entre autres, le fufdit Damian, orfe-
ure, homme honnorable, fut condamné
moins il rendit l'efprit fort paifible-
ment, & fans fe tourmenter en façon à eftre décapité ; lequel ayant oui fa
quelconque;
repos eS: maintenant
bien heureux en noflreil iouitd'vn
Seigneur fentencedonne, volontiers
dit aux maJuges
vie &: »mon
J'aban-
fang
lefus, le grand Pafteur & Prince des
pour le Seigneur Jefus. » Les enne-
Euefques.
mis oyans qu'il parloit au peuple qui
là efloit, le menacèrent d'entrer dere-
chef en iugement de fon faid , & le
faire brufler après midi. Nonobftant
toutes ces menaces, ce fainft perfon-
Daîviian Witcoq, Hanuyer (i). nage perfeuera toufioursen cefte con-
ftance &, palTa de ce monde , glori-
La parole de Dieu nous inflruit de nous fiant Dieu , & confermant les fidèles
ajjembler en fon nom, auec promejTe par fon exemple. Quelques autres
furent exécutez après lui , defquels
qu'il fera au milieu de nous , auec tantoft après fera parlé.
toute faueur & affi /lance. Quant
aux moyens, il fait lui feul ce qui
ejî le plus profitable pour le j'alut des
fiens, & pour l'édification de fon
Eglife ; & ce qui efï le plus conue- Roland Taylor (i).
nable à fa gloire.

tionEn encelatemps,
ville des'efleua
Mons vne perfecu-
en Hainaut; Il y a en cefle hifloire grande variété
de procédure & interrogations diuer-
ou plufloft , celle
tion éeen qui de
la mort eft Jean
ci defl"us
Malo men-
(2), fes, qui de coup à autre furent pre-
fentees à ce perfonnage durant fon
continua trefafpre contre les fidèles,
emprifonnement ; par lefquelles on
à l'occafion de certaines affemblees pourra facilement cognoijlre les grâ-
que faifoyent les fidèles en ladite ville,
ces finguUeres que Dieu auoit mifes
pour ouyr la parole de JDieu. Vn iour
qu'ils efloyent en la maifon d'vn or- en ce vaiffeau , pour s'en fcruir au
feure. nommé Damian Witcoq, pour temps
tre auffi diuers qu^autré de nof-
mémoire.
prier Dieu . il y entra vne ieune fille,
coufine dudit Witcoq, laquelle, ayant
donné quelque apparence de pieté , Av mefme temps, & fous la perfe-
fut enfeignee en la pure vérité ; mais cution de Marie, Roine d'Angleterre,
enuiron deux ou trois iours après fut Roland Taylor , dodeur en droid ,
diuertie par aucuns; fi qu'eftant ap- miniftre de ï'Eglife de Haldey en la

(i) Crespin reproduit presque littérale- (i) Sur Rowland T.iylor, voy. Foxe. t. VI,
ment le récit d'Hasmstede. Voy. Troisième p. 676-70;; Harleian Mss , n" 421, art. 21.
partie
(2) du recueil
Page des Martyrs (1556), p. 577. Crespin
54, supra. Cette notice figuremaisdéjà
de 1556, trèsdans l'édition de
abrégée.
122 LIVRE CINQUIEME.

Duché de Suffolc (i), homme de gran- liuret a fait grand profit. Puis après
de érudition A pictt.\ ayant elle conf- vn autre liure (1 ) a elle mis en lumière,
fouz le nom & authorité du Roi
titué prilonnicT. fut examiné par plu-
ficurs fois de fa foi. Gardincr, ci Edouard, Prince digne de grande
dcITus nommé, Chancelier d'Angle- louange, it pour lequel nous rendons
terre, lui fit fon procès auec l'Eucfqiie grâces immortelles à Dieu; & cela
de Dunelme, & Burne, premier fecre- n'a point elle fait fans le confente-
taire. En premier examen, il l'aborda ment & approbation des plus fauans
Harantrue en la manière qui s'enfuit : G. " Nous Théologiens ; & outre cela, le liure a
du Chancelier auons efté d'auis qu'entre autres tu eflé emologué (2) par arreft de tout le
' "y °' fulTes ici appelé des premiers, afin que Parlement. Or combien que ce liure
tu puilTes louyr auec nous de la faueur
& mifericorde de la Roine, laquelle ait elle reueu & reformé (qui n'a elle
qu'vne feule fois) . neantmoins cefle
t'ell maintenant prefentee & offerte, reformation vnique a eflé fi pleine &
moyennant qu'en te releuant de celte parfaite, tt fi bien & fi proprement ra-
cheute commune & mortelle (en la- portee à la pureté de la religion Chref-
quelle nous auons eflé prefque tous tienne, qu'il peutdefacilement contenter&
enuelopez. & de laquelle nous som- la confcience tout Chreflien
mes derechef tirez par vn bénéfice fidèle, fans y lailTer aucun fcrupule.
fingulier de Dieu , ou plufloft par vn Et c'eft de cefte reformation dont ie
miracle) tu vueilles élire réduit en- veux parler. >i G. » As-tu iamais veu le
femble auec nous , & reuenir au bon
chemin; autrement, fi tu refufes cefle liure que i'ai fait des Sacremens(;) ?»
Le liure de
T. " Oui, ie l'ai leu. » G. « Que t'en
grâce & pardon volontairement offert, femble ? )■ Sur cela vn des CommilTai- Gardiner.
maintenant on te fera ton procès ainfi res loua de flatterie impudente cefte
que tu mérites. » T. « Mon feigneur, demande du Chancelier, difant :
fe releuer de cefie façon, c'eft tomber « Mfin feigneur , cefte demande que
d'vne cheute grieue & mortelle; c'eft venez de faire , a efté fi bien à propos
choir de; Chrift pour cfl
tomber fur l'An-& que rien plus. Car ie peux bien aire
techrirt ma railbn là arreftec ceci ouuertement, que ce liure a fermé
fuis refolu fur ce poind : que la forme la bouche à tous ces gens-ci, & les
de religion que le Roi Edouard a in- rend du tout muets. » T. <( Ce liure
troduite, conuient à la fainde parole (comme il femble) contient plufieurs
de Dieu, & aux inftitutions des ancef- chofes efloignees de la vérité de
tres. Parquoi ie ne pourroi iamais Dieu. » G. « Que faut-il que ie parle
fouffrir d'eflre dellourné d'icelle, tant plus auec toi } tu es homme qui te
qu'il me fera donné de viure ici bas méfies de toutes chofes. Tu es vn fot
au monde , moyennant la grâce du & babouin ignorant. » T. « Jaçoit Les mefchans
Seigneur lefus. » Bv. « Quelle or- que ie ne me metteau rang des fauans, ne peuvent
donnance de religion entens-tu ? Car porter vérité,
tant y a que ie ne fuis pas fi mal
quand clic les
cenfurc.
tu
de fais qu'ildiuin
y auoit
du plufieurs
temps dusortes exercé,fieursque ie n'aye leu,
feruice Roi fois& iufquesau bout, voire plu-
les liures
Edouard ; & entre tant de diuerfes ef- de la fainde Efcriture ; item les œu-
peces de religion , il y en auoit vne ures de S. Auguftin , de S. lean
fous le nom de Catechifme, mife en
Chryfoftome , d'Eufebe, d'Origene,
auantpar l'ArcheuefquedeCantorbie. de Grégoire Nazianzene & autres,
Eft-ce de celle-là de laquelle tu entens voire & les liures du Droit Canon.
parler , à laquelle tu te fois rangé ? » Et ma profeffion eftoit de lire en Droit
Catéchisme de T. « Vrai ufl qu'icelui a traduit vn pe- ciuil ; comme* vous-mefme , monfieur
luflus lonas. ,;, Catéchisme compofé par luMus le Chancelier, en faifiez profeffion par
Jonas (2); & combien qu'il n'en full ci-deuant. » G. " Tu as peu auoir leu
K
point l'autheur, toutefois il lui a fem-~
o\é bon de le propofer aux Eglifes en
(1) Il s'agit des deux Semice Bocks
fon propre nom; A- pour certain, ce d'Edouard VI , publiés en 1548 et 1552.
(2) Homologué.
(i) Ce livre de Gardlner est celui qui porte
(1) Hndicv riçui de hnnnc heure l'Evangile le litre suivant : Con/iitalio cavillationum ,
par la pridicaliDn de Thomas Bilney. dont
le martyre est racmié plus haut , 1. I, p. J79. qiiihiis sacrosanctiim Eucharisliic sjcrcimcn-
tiim ab impiis Cafhaniaiiis imfcti sclcl. Ce
{2} Le Catéchisme de Jusius Jonas fui en livre fut publié en 15(4. pcul-êire même en
elTcl traduit du latin en anglnis , ci publié , IÇ52. Criinmer se préparai! îi y répondre,
en
Il a H48. par les soins
été réimprimé de l'évéquc
à Oxford Cranmer.
en 1B29. maispublia
en In mon
une l'en empêcha.
réfutation Pierre Martyr
en tS59.
ROLAND TAYLOR.
M.D.LV.
toutes ces chofes , mais c'a eflé d'vn fe puifl'e marier, fi bon lui femble,
iugement corrompu. Au refte, quant à
après la mort du teftateur ; & d'auan-
ma profeflion, c'eft la fainde Théolo- tage, ie penfe que*le ferment n'a gue-
gie, en laquelle matière i'ai mis en res plus d'eflicace à obliger leur foi à * L. adigere
lumière plulieurs œuures. » T. <- Il eft Dieu, que les vœus Papiftiques. Et es
vrai ; mais vous auez compofé vn Hure * Digeftes il y a vne prouifion prefque A ut. de iure
G..rJiner a
efcril de la entre autres , qui eft intitulé De la femblable pour les filles & femmes
férues & efclaues : Que fi quelcun a
^ra\^ obeif- vraye obeiffance ( i ) ; à la miene volonté patronatus.
fance
que tous vos autres liures fuffent cor- afranchi fa feruante fous cefte condi-
refpondans à ceftui-la. » G. « Pluf- tion, qu'après l'afranchilTement elle ne
toft tu deuois parler de ce petit liure
fe puift"e marier, fi eft-ce qu'elle n'eft
que i'ai fait contre Bucer, touchant le point empefchee par vne telle obliga-
mariage des Preftres, mais quelque tion de fe ioindre à quelqu'yn par
chofe qu'il y ait, ie fai bien que tels mariage, &c. » G. « Tu difois qu'il
liures ne font gueres agréables à ceux efloit permis par les loix diuines aux
de ta fede , qui defia de long temps Preftres de fe marier; par quelle forte
auez des femmes efpoufees. » T. « Je de preuue nous pourras-tu conueincre
confelTe voirement que ie fuis marié, en ceft endroit? » T. « Les paroles de
fainâ Paul en la première Epiftre à I. Tim. 3. 2. (
Dieu m'a
& que mariage baillé neuf enfans en Tite I. 6.
faind , auquel ie ren grâces Timothee, & en F Epiftre à Tite font
immorte lles & de bon cœur, comme tant claires que rien plus; aufquels
à celui qui eft donateur de tous
ment il parle
lieux du ouuertement
mariage & exprefl'é-
des Preftres, Diacres
biens ; au contraire, quant à cefte vof-
tre doftrine , & ce que faites profef- & Euefques. Outre plus, S. Jean
fion de condam ner le le mariage, i'ofe Chryfoftome
déclare fur le pafl"age que
auffi ouuertement, de Tite (i)
le faind
2. Tim. 4. bien affermer après fainft Apoftre ,
que c'eft vne doftrine des diables, Apoftre aprouuant là le droit du ma-
comme diredement répugnante non riage, ferme la bouche à tous les hé-
feulement aux loix & ordonnances rétiques quirépugnent & contredifent
diuines , mais auffi à la nature com- aux mariages légitimes. " G. « Tu at-
mune, au Droit Ciuil , voire & au tribues fauffement à faind Jean Chry-
Droit canon, aux Conciles généraux, trôuuera aucune-
aux traditions & ordonnances des ment enfoftome
toutesce qui ne fes feœuures; & cela eft

& finaleme
Apoftres, Docteur s orthodo xes. n» des
nt à l'opinio félon la façon commune & à l'exemple
anciens D. de vos gens, qui n'ont point de honte
Obieflion de
« Tu difois n'agueres que ta profeffion de parler à fauft'es enfeignes des fainc-
l'Euefque
Dunelme. de eft de Droit ciuil, auquel les Inftitutes tes Efcritures & des anciens Doc-
font comprifes; ie penfe bien que tu teurs de TEglife. Ne difois-tu pas
auffi que le Droit canon aprouuoit le
n'ignores pas qu'entre les loix de Juf-
tinian cefte-ci eft entre autres, de pren- mariage des Preftres r ce qui eft faux
dre le ferment des Preftres ; par le- & contre toute vérité. » T. » Il appert
quel tous ceux qui ont intention de fe par les Décrets, que les quatre Con-
faire Preftres, lurent que iamais aupa- ciles généraux, an"auoir de Nicee, de Difiinc. iç.
rauant ils n'ont eflé liez par mariage ; Conftantinople , d'Ephefe & de Cal- cap. Sicut.
& en ce lieu-la il allègue le Canon & cédoinefont
, d"auffi grande authorité
Cod. de indiUa ordonnance des Apoftres. » T. « H ne
viduitate, que les quatre Euangeiiftes. Puis donc
cap. Ambigui- me fouuiènt point qu'en toutes les loix que ces Décrets mefmes, qui font te-
tales, &ff. de de Juftinian il y en ait vne telle. Je fai nus pour la principale partie de toutes
cond. & les loix & ordonnances des Papes,
bien qu'en quelque part Juftinian fait
demonjt. L. 22. cefte ordonnance : Si quelcun par tefmoignentque le Concile de Nicee,
droit de teftament laiffe quelque chofe â la perfuafion de Paphnuce (2), ra-
à fa femme, à condition qu'elle n'en- tifia que les mariages des Preftres ef-
tre point en fécondes nopces. & fi ou- toient légitimes; pourquoi ne dirons
tre cela il prend ferment d'elle pour nous que le mariage des Preftres eft
plus l'eure confinration de la foi de fa eftablipar le droit canon & authorité
promefl"e: cefte condition. & mefme le des Papes, comme vne chofe legi-
ferment, ne doit empefcher qu'elle ne
(1) Chrvscstome, Hom. II, in Ep. ad
(i) Ce traité en latin. De vera obedientia, Charnier, Panstratta
Titum, cap. i. Voy. n, g 18.
était favorable aux prétentions du roi d'être CatlwUca, t. 111, lib. XVI, cap.
le chef de l'Eglise d'Angleterre. (2) 'Voy. la note de la p. 102 , supra.
124

LIVRE CINQUIEME.

timc } » G. « Ce que tu as forgé des Premièrement, à caufe de la defenfe


Conciles généraux procède de mefme du mariage des Preftres, qui eft du-
tout illégitime A illicite, pour ce que
menfongc;Décrets,
mefmes comme ilainfi
eft dcmonftré ces
foit qu'en ou-
c'eft vne erreur faifant violence , &
uertement comment les Preftres ef-
manifeflement répugnant à l'Efcriture
toycnt contrains de répudier leurs diuine. S. Paul , en fes Epiftres à Ti-
femmes, voire autant qu'il y en auoit mothee (^ à Tite, eft bien loin de dé-
de mariez. » T. • S'il efl parlé aucu- fendre le mariage aux Preftres, Dia- ,
nement de cela en ce lieu que vous
alléguez, ie veux perdre la vie ; faites cres & diabolique
dodrine Euefques , laveu qu'il de
doârine appelle
ceux
vous apporter le liure. » G. « Com- qui le condamnent ; & fi veut que
tous fidèles miniftres de Jefus Chrift
bien que telles paroles n'y foycnt point,
enfeignent cela mefme, de peur que
tant y a qu'on les peuttrouucr en l'hif-
toire Ecclefiaflique , laquelle Eufebe le peuple fidèle & Chreftien ne foit
a efcrile & de laquelle ces Décrets tiré en erreur par telles fallaces. Et tout
ont eflé tirez. » T. « Il n'eft pas ainfi qu'ils n'ignorent point l'intention
croyable que le Pape ait voulu hiifler de S. Paul , auffi peuucnt-ils fauoir
palTer ce lieu, & lafentence d'vn Con- (finon qu'ils n'entendent rien du tout)
cile finotable, veu mefme Qu'elle don- que, par l'ordonnance de Dieu mefme,
noit authorité fi grande cV tel poids la liberté de fe marier n'eft oftee à
pour confernier fon intention. » G. perfonne, ains permifeà tous ceux qui
Gardiner <' Gratian n'a fait autre chofe finon au demeurant ne fe peuuent contenir,
cenfure Gra- que ramaffer plufieurs Canons de di- mefme que cefte ordonnance a efté
tian. yj,^j Wcux ; & toi auffi , tu en prens faite en Paradis terreftre auant qu'il y
par tout où te femble bon, & ramafTes euft quelque ordure & macule de pé-
de tous coftez des chofes que tu ac- ché, voire entre les plus nobles créa-
commodes tellement quellement pour tures de Dieu , qu'il eftoit bon que
faire valoir ton erreur. » T. ii Mon
l'homme ne fuft point fcul A fans aide.
feigneur, ic m'esbahi comment vous Ils ont mefmes aprins de S. Cy- Confirmation
auez vne telle opinion de ce perfon-
nage-la , qui eft comme vn porte- prian (i) & de S. Auguftin (2) qu'il du mariage
5'y
doyuea ou
vœupuiiie
de fi
riengrande
valoir force
contre qui
le ",- "-^-if
enfeigne de l'Eglife du Pape : Qu'il
foit feulement vn ramaffeur & rape- mariage, foit que le mariage foit à
taffcur. » G. « Mais c'eft toi que l'ap- contrader, ou qu'on le vueille abolir.
pelle RamalTeur. Mais pour mettre Ils ne font point auffi ignorans de
tin à tout ceci , di-moi maintenant : quelle opinion eft S. Ambroife (3) en
Es-tu en délibération de retourner
ceft
faut endroit
point ,donner lequel eft d'auis qu'il ne,
commandement
derechef à l'cglife Catholique, ou
non.' »& le Chancelier en difantcela ains feulement confeil , de garder vir-
fe dreffa en pieds. T. « Je n'ai nul- ginité. Ils entendent & fauent com-
lement délibéré , moyennant la grâce ment Jefus Chrift, le Fils de Dieu, ef-
& bonté de mon Dieu , de m'aliener tant inuité aux nopces auec fa mère &
iamais de l'Eglife de Chrift. » Apres fes Apoftres, n'a feulement
fait difficulté de s'y
cela, il leur fit requefte , que pour le trouuer, & non a fandifié
moinscite àaucuns
ils lui ottroyafTent qu'il &fuft
de fes familiers li-
amis le mariage par làfa leprefence
honoré faifant premier, ains l'a
miracle
de le venir voir en la prifon. G. deuant fes apoftres.
« Ton procès fera paracheué, & fen- L'avtre caufe pourquoi ie fuis con-
tence donnée contre toi, auant que la damné comme hérétique, eft que ic
femaine fe paffe. >« Ainfi on le remena confelfe le facrement du corps & du
en prifon. fang de Jefus Chrift eftre tellement Contre la
1
fon corps '^ tS:j fon fang.o que
j •cependant
'I „ TranfTubftan-
nation,
les natures du pain cz du vin demeu-
rent fans aucun changement, & que ie
Dcclaralion de Roland Taylor , doc-
leur en Droit ciuil, touchant la caufe maintien que la dodrine de la Tranf-
fubftantiation , par laquelle les Papif-
de fa condamnation.
En mon accufation & condamna- (I) Cyprien, lib. i , Epist. 11.
tion, ily a eu deux principaux poinfts (j) Augustin, De bono conjugali , ad Ju-
lianum.
pour lefquels on m a iugé hérétique. ()) Ambroise, }j. Qucst. i,cap. Intcgriias.
ROLAND TAYLOR.

tes enfeignent qu'après les paroles le


pain du Sacrement eft foudain con-
uerti en la l'ubdance du corps de Le Icftamenl du docteur Ta/lor, lequel
Chrirt, &que là lefusChriftlui mefme,
le Fils de Dieu, nai de la vierge Ma- il fit vn peu dcuant qu'il mourujl. A
fa femme & à fes enfans.
rie ,non feulement eft adoré de nous
en telle nature qu'il eft, mais auec Le Seigneur vous a donnez à moi ;
cela eft off'ert à Dieu fon Père pour maintenant
& vous à moi. le Seigneur m'ofte àbon
Il lui a femblé vousde,
les viuans & pour les morts, eft du
faire ainfi : fon Nom foit bénit. Je
tout friuole, & pleine d'erfeur & de
menfonge. "Touchant cefte matière , il croi & fai pour certain que ceux qui
y eut bien peu de propos tenus entre meurent au Seigneur font bien-heu-
reux. Icelui a conté tous les cheueux
nous ;doârine
cefte mais aul'fi toft que , i'eu
Papiftique reietté
ou pluftoft de nos teftes, & mefmes les petits oi-
cefte idolâtrie & impieté, & ce blafme feaux font conduits par fa prouidence.
& herefie exécrable, ie fu condamné
comme hérétique. Outre toutes ces Jufques ici, i'ai toufiours expérimenté
fa bénignité, voire & plus prefte à me
chofes, il me fut auffi parlé de quel- bien faire , que père ou mère de ce
ques autres articles, comme de la pri- monde. Faites donc que toute vof-
mauté du Pape. Auquel article ie fi tre fiance foit arreftee en lui , ne
refponfe : Que le Pape eftoit Ante- vous apuyans fur vous mefmes, ains
chrift, & que la Papauté eftoit vne re- fur noftre Sauueur vnique, Jel'us Chrift
ligion contraire à la religion Chref- le Fils bien-aimé de Dieu. Croyez en
tienne , & que le ferment que nous lui , efperez en lui , craignez-le, fer-
autres Anglois auons fait contre la uez-le, rendez lui obeiff'ance, deman-
primauté du Pape eftoit de droit légi- dez lui fecours , veu qu'il l'a promis.
time , comme le ferment que nous
auions fait au Roi ou à la Roine , de ie ne mourraipaspoint,
Ne penfez que i'aille mourir,en car
ains viurai lui
reconoiftre & receuoir leur préémi-
perpétuellement.
maintenant deuant De fait& ievous
vous. m'envien-
vai
nence, l'admonneftai en outre les
Euefques à repentance & amende- drez finalement après moi au repos éter-
ment ,comme ceux qui auoyent ofté nel du ciel & à la félicité perdurable. le
le règne à Chrift pour le transférer à m'en vai deuant, di-ie ; après mes au-
l'Antechrift , conuerti la lumière en tres enfans qui font allez deuant moi,
ténèbres , & la vérité en menfonge. Sufanne, George, Hélène. Rupert &
Je t'ai déclaré ici le fommaire de Zacharie. Je vous si recommandez &
mon dernier examen & condamnation. vous recommande derechef au Sei-
Prie pour moi, comme auffi ie fuis en
cefte volonté de prier pour toi. Grâ- QvANT à vous autres , mes amis ,
ces à mon Dieu, depuis le temps que gneur.
& vous tous qui par ci deuant auez
i'ai efté condamné , la neceffité de oui mes prédications , ie vous teftifie
mourir n'a point troublé mon efprit. que ie m'en vai de ce monde auec
La volonté du Seigneur foit faite en grand repos de confcience. Je defire
toutes chofes. Si ie me deftourne de que rendiez grâces à Dieu auec moi ,
la vérité que i'ai receue , il y a grand que félon la mefure ou portion de
mon talent , ie ne vous ai enfeigné
danger qu'vne telle mort ne m'auiene
Aiifius, Maire Comme celle du iuge A!ifius(i). Mais
autre chofe que ce que i'ai fidèle-
de Londres, [q ren grâces à mon Dieu de tout mon ment apris de la parole facree de
cœur, on m'a ofté tous moyens, & Dieu & de l'Efcriture canonique de
la Bible. le vous prie, par le Sei-
fiance deen long
défia tempsPierre,
la ferme i'ai misne toute ma
me def- gneur, que vous vous donniez garde
fiant nullement de fa mifericorde , de vous deftourner de fa parole , de
qu il ne face & perface en moi iufques peur qu'icelui ne deftourne fa face de
à la , fin ce qu'il y a commencé vne vous & que ne periffiez éternellement.
fois & non feulement en moi , mais Donnez vous garde de la religion Pa- Admonitions
auffi es autres. Gloire foit à lui , &
piftique, laquelle monftre bien quel- de fe garder
aftion de grâces perpétuelles, par nof-
tre Seigneur lefus Chrift, feul Sauueur que mafque d'vnité, &, nonobftant du Pap.fme.
toute cefte vnité , n'eft de fait autre
& Rédempteur. Amen.
chofe que vanité des fallaces de l'An-
techrift en
, laquelle il n'y a rien de
' (I) Voy. la note de la page i. vérité. Et pource que vous auez efté
126 LIVRE CINQUIEME.

vne "fois illuminez en la conoilTance tre fort au Seigneur, l'appelant par plu-
lieursfois : " Bon palleur expofant fa
fpirituclle d'icelui , gardez-vous de vie pour fes brebis. » On le ietta de-
pécher, contreAnjjiois, l'on laind Elprit, par dans le feu , & mourut heureufement
lequel, vous elles appelez à
la celefte conoilla nce. Or le Dieu de au Seigneur, le 22. iour de Januier
M.D.LV.
toute grâce t^; conloiation vueille inf-
pirer A multiplier en vous fon bon Ef-
prit, auec toute fapience fpirituelle,
mefpris de ce monde & defir des
biens celelles , afin qu'ellans de plus
en plus enflammez dvn vrai zèle, vous Wavldrve Carlier (1) , Hanuyere.
defdaigniez les ordures de l'Antechrill
& afpiriez de bon cœur à celle féli- De cejl exemple & autres pareils, nous
cité qui conlille en la focieté du Sei- pouuons conoilhe que les cruaule\
gneur lefus »S: de fes (ideles , à la- des aduerf aires , non feulement don-
quelle icelui nollre Seigneur & fandi- nent auaneement au cours de la parole
ncateur de tous , le Fils de Dieu ,
noftre feul aduocat Jefus Chrift , nof- du Seigneur, mais auj'fi que leurs
tre vie , iullice & rédemption , vous prifons feruent d'ej choie à plujieurs,
face paruenir. Amen. Priez, priez. Le qui autrement nejloyent que petite-
tre\. ment & mcdiocremcnl inllruits en la
tout voflre, Roland Taylor, décé-
dant de celle vie prefente auec vne vraye religion , quand ils y font en-
certaine efperance de iouyr de la vie
éternelle & bien-heureule. Ce 5. de
Feurier m.d.lv. Cependant que les ennemis de
l'Euangile tonnent de tous collez tant
Pev de iours après que ces chofes horriblement contre le troupeau du
furent faites , ce tefmoin du Fils de Seigneur par edids foudroyans , il y
eut vne femme velue en la ville de
Dieu fut mené, par quelques officiers
de la Roine, de Londres à Hadley Mons en Haynaut , nommée Waul-
drue Carlier , qui fut emprifonnee
(qui ell vne petite ville de SulTolc, où
il auoit elle minillre de la parole de pour les mefmes elîeds & caufe que
La fin que Damian Witcoq ci deuant dit. Le
le Seif;neur Dieu)min,pour y élire bruflé. Par le che-
donna à Pleaumes furent chantez es lieux plus grand poind de fqn accufation
Taylor. où il palVoit cS: ceux qui le menoient tirent que les luges lui inettoyent au deuant,
pour la condamner à mort , elloit
la plus grande diligence qu'ils peurcnt,
de partir de bon matin, craignans que quelle auoit foullenu' en fa maifon
le peuple s'alTembllieu, aft. Quand ils fu- gens lifans les El'critures faiiides , en
rent paruenus au Taylor iettant contreuenant au mandement de l'Em-
fes yeux fur la multitude qui elloit là pereur. Item, qu'elle auoit foullenu
efpandue d'vn collé & d'autre , parla fon tils en fa maifon, fans l'accuferde
à eux en fomme : comme par la pro- ce qu'il lifoit la fainde Efcriture. La
uidence mefme de Dieu il efloit pre- femme (qui n'elloit que petitement
fent au milieu d'eux, pour confermer indruite es premiers rudimens de la
par fa mort iSr fon fang la foi i& la vé- Religion) fe voyant tant inhumainement
rité de la dodrine, en laquelle il les traitée pour auoir fait vn acte laind &
auoit inllruits au Seigneur. Et comme conuenable à tous Chrelliens , fut de
tant plus confirmée en la vérité de
vneperfeuer
il femblabl conllanceer , le
oite d'exhort Gouuer- à
le peuple l'Euangile, & fe difpofa totalement de
neur de la prouince , qui elloit à celle confell'er Jefus Chrill, quelque chofe
exécution, rompit fon propos, lui re- qu'on lui deuil faire. Vn iour, ellant
monllrant qu'il le fouuinll de la pro- deuant les luges, elle loua Dieu de la
melTe qu il auoit faite de ne dire mot.
grâce qu'il lui auoit faite depuis qu'elle
Et il refpondit : " Monlieur le Gou- elloit prifonniere , d'auoir plus apris
uerneur, l'ai lait ce que ic delirui faire,» en celle prifon qu'en nulles efcholes
& incontinent il defpouilla fes habille-
auparauant, & dit haut & clair : « Bé-
all'eurance de
cœur
& auec
mens ,abandon na grande
fon corps aux bour- nit foit mon Seigneur, c'ell pour lui
que ie fuis ainfi traitée. " Sa fentence
reaux. Le peuple efmcu de zèle , le
folicitoit inftamment à prendre bon (1, Wauldrc Carlier. Hasmslcde et Cres-
pin se !>unt servis de la mime source.
courage, & le prioit de s efiouir & ef-
lEAN PORCEAV , LAVRENT SAVNDERS.

lui fut terrée


prononcée, mez
droit.des procédures tenues en leur en-
viue , qui eftaffaiioir d'eftrecruel
vn fuppiice en-
& eltrange inuenté peculierement au
pays bas par les placars de l'Empe-
reur Charles V, contre celles qui per-
feuereronten la vérité de l'Euangile (i).
Ce iugement cruel eflant donné, elle Lavrent Savnders, Anglois (i).
demanda de cœur prompt & alaigre
aux luges : « Eft-ce tout cela que vous Saunders s'oppofe aux ennemis de
me ferez ? Dieu donne par mefure à
chacun la portion du breuuage que l'Euangile, lent intérieurement gran-
de ajjijlance du S. Efprit , confole
nous deuons boire ; il me donnera pa- par lettres eeux qui ejloyent au mefme
tience,puis qu'il vous plait ainfi. Au combat , puis fortifie auffi par let-
Seigneur ie me refioui, que ie ne fouf- tres & de bouche fa femme , & en
fre point pour larrecin ne meurtre , l'Oj'ant fan petit enfant reuoque ja
mais pour Jefus Chr 11. » Apres le ioy-e plus haut; bref, en toute cejle
difné , à heure acouftumee , elle fut procédure nous y voyons des affec-
menée au fuppiice, retenant toufiours tions excellentes , par lefquelles il
vne (implicite confiante , laquelle ef- efpand fon cœur aeuant Dieu pour
tonnoit tous ceux qui là eftoyent, fpe- la defenfe de fa caufe.
cialement
hideufe à voir, de ceellequ'en vnelemort
louoit Nom tant
du Lavrent Saunders , ilfu de bons
Seigneur, iufqu'à ce que la terre l'eufl
du tout couuerte. parens , premièrement fut mis au col-
lège d'Etone (2) pour élire inllruit ;
puis après on l'enuoya à Cambrige,
pour élire auancé d'auantage, & là
demeura au collège du Roi l'efpace de
trois ans , durant lefquels il fit grand
Iean Porceav, Hanuyer (2). profit. Mais il ne tint point à fa mère
& à fes autres parens qu'il ne fuft en-
Pev de iours après la mort de cefte tièrement deftourné de l'edude , pre-
vertueufe vefue , il y eut vn nommé nans occafion de quelque fomme d'ar-
Jean Porceau, auffi de la ville de Mons gent que fon père lui auoit laifiee. A
en Haynaut, lequel eftant du nombre leur folicitation, il l'appliqua au fait de
du petit troupeau inllruit en la vérité marchandife, & elTaya comment il fe
du Seigneur , endura la mort fort pourroit accommoder à celle façon de
Chrelliennement. Il feroit à defirer viure. Pour ce faire, s'eftant retiré chez
vn marchand de Londres , comme en Saunders de-
que nous euffions les aéles & confef-
vne nouuelle efchole, bien toll il s'en- uient mar-
chand.
fions de ceux qui fouffrirent d'vn nuya de ceft eftat , & retourna à Cam-
mefme temps le martyre au pays de
brige pour y continuer fes elludes. Il
Hainaut, & eft befoin qu'en cela les
fidèles foyent exhortez de faire leur auoit l'efprit vif, & efloit d'vn bon na-
deuoir , comme de noflre part , & de turel &
, propre à comprendre tout
ce(lui-ci & de plufieurs autres, nous en' ce à quoi il s'appliquoit. Sur tout il
donnons feulement la mort bien-heu- auoit affection à la Théologie, & conut
reufe, n'ayans efté plus auant infor- que, pour y paruenir , il faloit qu'il
aprinfl les langues ; parquoi il s'y
(1) Voy. Hist. des Martyrs, t. I , p. ;57. adonna tellement , auec ce qu'il eftoit
Dès inÇi "" ^dit impérial, daté de Bruxel- défia bien verfé à la langue Latine ,
les, condamnait à la mort tous les héréti- qu'il aprint les langues Grecque &
ques. Les obstinés des deux sexes devaient
être brûlés. Pour ceux qui se rétractaient, Hébraïque. Muni de tels aides, il ef-
la peine du feu était changée en la décapi- tima qu'ouuerture
cercher lui &efloit
les fontaines faite de
fources pourla
tation pour les hommes, tandis que les fem-
mes étaient condamnées à être enterrées
conoiffance de Dieu. Il y profita tel-
vives, L'édit de 1550 réaffirma ces pénalités
draconiennes, et, quelques années après,
Philippe II confirma solennellement ce même (i) TItc Hisiory and Marlvrdom of Lau-
édit. Voy. Lolhrop-Motley . Risc 0/ the rence Saunders, burned for tlic Defence of
Dutch Republic, Introd. XII ; liv. Il, chap. I. the Gospel, at Couentry. Foxe , Acts and
(2) Cette courte notice se retrouve dans Monuments, t. VI, p. ôi2-6;ô.
Haemstede, sauf les dernières lignes, à partir (2) Le collège d'Eton. fondé en 1440,
de : « Il serait à désirer, '■ qui sont un appel
de Crespin à la collaboration de ses lecteurs. près de Londres,
aristocratique est devenu l'école la plus
du royaume.
LIVRE CINQUIEME.
128
permutations & ventes de bénéfices Verne de h
La délibéra- Icment . qu'on aperccut que fes tra-
lion de Saun- uaux »S: peines n'auoyent point efté rendoyent affez fuflifant tefmoignage nefices fou
'*""■ vaines. Le but auquel il tendoil en de cela.auPrefque
rerent parti detousla ceux-ci
Roine fe reti-
Marie, Mane.
celle eftude de Théologie, ce n'efloit reuenans à leur première religion. Il
point pour fe faire valoir ou pour
monllrer la viuacité de fon efprit , ou y en eut d'autres, non point du tout
pour contentions friuoies, mais pour malins, qui, par crainte & frayeur des
perfecutions, abandonnèrent leur trou-
protiter à l'Eglife Cheftienne. Outre peau &
, comme iettans bas le bou-
cela, vn autre moyen l'auança grande-
ment à la conoiirance de la vraye clier s'enfuirent , fe bannilTans d'eux-
mefmes. Il y en eut qui demeurèrent
Théologie, alîauoir
intérieurement qu'il ertoit
en diuerfes exercé&
façons, en leurs Eglifes , & furent alfaillis par
auoit pratiqué en fincerité de vie les fraudes fecrettes des malins , entre
chofes fpirituelles. lefquels fc trouua HuguesGudaker(i ), Gudakor
Comme ainfi foit donc que Laurent primat & métropolitain en Irlande. Euefque J a
Saunders fuH venu iufques à ce poind, Selon la commune opinion, quelques maquc en
de pouuoir paruenir aux honneurs & preltres confpirerent contre lui enui-
charges de 1 Vniuerfité, il donna alTez ron le temps du deces d'Edouard Roi,
à conoiftre qu'il ne defiroit autre & l'emprifonnerent.
chofe que de voir le temps auquel , QvAND le feu de la perfecution de
comme vn marchand heureux, il peuft Marie eut commencé à ietter les pre-
defployer fes marchandifes pour le mières flammes, Laurent Saunders Saundci-
profit & bien commun des autres. Il pouuoit fauuer fa vie par fuite; toute- s'oppose ,1;
ne fut point longuement fans auoir, fé- fois, il aima mieux encourir les dan- enaem
lon fon defir, ce temps iS: occafion pour gers que d'abandonner fon troupeau ,
à la charge duquel il elloit commis.
s'employer; car quand le bon Roi
Edouard, fils de Henri, fut entré en Tant s'en falut qu'il perdill courage &
fJolTeffion du royaume , auquel temps qu'il lailTall de faire office de Pafleur,
es afaires de l'Eglife requeroyent des qu'il fe mit au premier reng de ba-
minillres fçauans & de bonne pru- taille, comme vn mur, oppofé aux
dence, ce bon perfonnage eut congé aduerfaires pour la defenfe de la mai-
entre autres de prefcher publique- fon de Dieu , exhortant ouuertement
ment, auquel office il fe porta fi ver- & publiquement le peuple en la ville
de Northampton , à perfeuerer fidèle-
tueufement , qu'il fut depuis ordonné ment & conllamment en la dodrine en
profeffeur en Théologie , première-
ment au collège de Fodrigal(i), puis laquelle ils auoyent été inllruits. Et
après au collège de Lycoleld (2), qui ne lailTa de continuer ce qu'il auoit
Saunders cfleu eftoit plus renommé. 11 fut auffi efleu commencé , iufques à ce que finale-
minirtre. au minillere au diocefe de Lycofeld , ment , par l'auis & edit commun de
auquel il fit diligemment fon deuoir, tous les Eftats du royaume, les bouches
furent fermées aux prefcheurs, & com-
iufques à ce qu'il fut appelé en la ville mandement eut efté fait à tous de fe
Le temps de de Londres. Or, ainfi que Laurent
Marie. depenfoit de venir
Marieà furuint
Londres comme
, l'orage taire
la roine vn cha dees fatisfaire
Eglifes; àmais
fon rien
office.ne Quand
l'empef-il
tourbillon impétueux qui troubla toute
eut alTez ainfi exploité en l'vne des
l'Angleterre, & le temps fe prefenta Eglifes, voyant que la force & vio-
auquel le Seigneur voulut difcerner
lence l'empefchoit de plus profiter aux
les vrais Pafteurs des faux & mafquez,
champs
faire le ,mefme
il s'enenallafon àautre
Londres pour&
Eglife
& monllrer que c'cft de faire vrai of-
fice de Preftre au temple de Dieu. 11 paroilTe, félon que fon office le réque-
y auoit pour lors en Angleterre & Ir- roit. Ces deux paroilTes eftoyent dif-
lande grand nombre de Prellrcs & tantes l'vne de l'autre enuiroii de trois
Euefques qui faifoyentde grandes bri- iournees. Ainfi que Laurent eftoit en
gues À pourchas ( ; ) pour auoir des be- chemin affez près de la ville , il y eut
vn du confeil de la Roine nommé
neficestt preuodezde l'Eglife. defquels Jean Mordant, Cheualier (2), qui le
tout le bruit elloit de viure en oifiueté,
chacun comme fur fon fumier. Foiresde

(1) Sir
(2) Goodacrc, évoque d'ArmaKh.
John MorJaunt, élevé h la pairie
(1) Fotheringay.
\i) Lichncld. sous lu nom de baron Mordaunl of Turvey,
(J) Elloris. était un des juges de paix du comité d'Essex,
LAVRENT SAVNDERS.

Le chcuaiier vint aborder, le quatorziefme iour fermon tendant à admonnefier & con- m.d.lv.
Mordant taf- d'Odobre , en lui demandant où il al- fermer fon troupeau. L'argument
fon fermon efloit du chap. 11. de dela
béné-
Ser Saunders! 'oit- ficeS. « l'ai ie
,auquel me retire certain
à Londres maintenant , féconde aux Corinth. :« le vous ai con- Le fermon
pour faire office de Pafteurenuers mes
brebis. » M. « Garde toi de faire ce à vu mari,
iointsvierge pour vous prefenter '•'^ Saunders,
vne charte à Chrift , mais ie
que tu dis. » S. « De quelle façon crain que, comme le ferpent a feduit
m"acquitteroi-ie de ma charge qui Eue par fa cautelle , vos fens ne
m'eft commife, & mettroi-ie ma con- foyent femblablement corrompus , en
déclinant de la fimplicité qui eft en
fciencecuns en repos;tombaft
des miens s'il auenoit qu'au-,
en maladie Chrirt, » &c. Ayant commencé par cefle
qui euft befoin & defir de ma confola- matière , premièrement il propofa la
tion fomme de la pure dodrine, par la-
mes ,brebis
ou s'ilfulTent
auenoit qu'aucunes
tirées en erreur de
&
quelle ileft monftré comment les fidè-
les font coniointsà lefus Chrift, &
quelque feruicequiimpur .^ » M. « N'es-
tu pas celui as ces iours partez gratuitement iuftifiez en falut par foi.
prefché à Londres > » & quand & quand Au contraire, il demonftra que la doc-
lui nomma la rue , & l'endroit & le trine du Pape eft femblable à la
iour. S. « Je reconoi cefte paroiflfe fraude & déception du ferpent. Et
pour miene. » M. « Il me fouuient afin que le faid d'icelui fuft euident
que ie fu ce iour la à ton fermon , &
deuant
antithefeles entre
yeux d'vn chacun,doélrines
ces deux il fit vne ,
t'oui prefcher, & maintenant y penfes-
tu encore prefcher ? » S. » Si bon oppcfant la parole de Dieu contre
vous femble de vous y trouuer encore celle du ferpent Papiftique, pour don-
demain , vous entendrez que derechef
ie confermerai par raifons fermes des rencener à entendre
il y auoit entreau peuple quelle
les deux diff'e-
feruices
fainftes Efcritures , au mefme lieu , & les deux fortes de religion. Et com-
tout ce que i'ai enfeigné parci de- paroit le feruice Papillique à de la
uant, &là tous les propos poifon, parmi laquelle on auroit méfié
tenir mefme. » M. qu'on
« Ne m'ale oui
fai
quelque miel pour tromper plus facile-
pas. » S. « Si ainfi eft que par quel- ment ceux qui en boiroyent. Voila
que puilTance ou authorité légitime prefque toute la fomme de cefte pré-
dication.
vous m'empefchez
faut rendre de ce» M.
obéi (Tance. faire, il me
« Je ne 1L deuoit faire vn autre fermon après
le te defen point, mais feulement ie difner au peuple-; mais on lui enuoya
te baille confeil. » Sur ces entrefaites, vn officier qui le cita de comparoiftre
tous deux entrèrent enfemble en la deuant Boner, Euefque de Londres,
La trahifon ville. Mordant, d'vne malice perni- & par ce moyen fut empefché de pref-
de Mordant. (,igyfe , s'en alla droit à l'Euefque de cher. Laurent comparut deuant ceft
Londres pour lui faire fauoir que Euefque, & parla à lui en prefence de
Saunders prefcheroit le lendemain. Mordant. Il fut accufé de trois cri- Saunders ac-
Saunders s'en alla en fon logis ordi- més : de leze maiefté, de fedition , cusé de trois
naire, pour fe préparer à ce qui ertoit
d'herefie.lesBoner
donner deux promettoit
premiers, mais par- crimes,
de luiquant
de fon office. Et auffi tod qu'il y fut
arriué, montrant vne chère plus trirte
àl'herefie, qu'il auoit délibéré de for-
que de coullume, quelcun lui demanda mer procès contre lui, & tous autres
que c'eftoit qui le troubloit? Il ref- qui prefchoyent de cefte manière. Il
pondit : « le fuis pour certain en pri- remonftra
fon, iufques à ce que ie fois mis en Chreftienneque& l'inrtitution de l'Eglife
fidèle, la plus parfaite
prifon, » fignifiant , par cède façon de & aprouuee eftoit celle qui aprochoit
parler, que fon efprit feroit trifte iuf- de plus près du patron de l'Eglife pri-
; ques à ce qu'il fe fuft acquité de fon mitiue , & que l'Eglife de Chrift, qui
fermon , & que lors fon efprit feroit
ne faifoit que naiftre alors, n'auoit peu
en plus grand repos, iaçoit qu'il feuft porter ces charges pefantes des céré-
qu'on le deuoit mettre en prifon. monies & de plus grande perfection,
;• Le lendemain, qui elloit le iour de lefquellesdeuoyent fucceder après. Et
Dimanche , Saunders fit vn fort beau
que c'a efté la raifon pour quoi lefus
Chrift & les Apoftres après lui ont en-
et fut l'un des commissaires royaux dans les duré l'imbécillité de l'Eglile nailTante,
poursuitesH, contre les évangéliques. Il mourut
en 1563. encore rude, n'eftant encore
qui eftoitSaunders
dontee. refpondit à cela fe-
V
I ?o LIVRE CINQUIEME.
ietta bas en terre en toute humilité
Ion le tefmoignage de S. Augustin :
Cérémonies deuant la table où le Chancelier ef-
pourquoi Que les cerenumics auoyent efté pre- toit aflis, lequel lui dit : " Comment
introduites. mièrement intruduiieb pour aides, par
des s'eft fait cela , que tu as ofé pref-
lefquellesla
rudes (oiblefl'e iS:
ell aucunement imbécillité
auancee à mieux
cher publiquement contre l'edit de la Ezech. ). & ))
conoiflre Dieu, & pourtant, que c'ef- Roine ? » Saunders refpondit , qu'ef-
toit vn tefmoignage qu'en la primitive tant admonnefté par le prophète Eze-
Egiife il yauoit plus grande perfedion, chiel , il auoit exhorté fes brebiettes
altauoir que les fidèles n'elloyent con- de perfeuerer confiamment en la doc-
trains ou preiïez de garder telles ce • Aâes 5.
trine receuë , & qu'à l'exemple des
remonies. Et qu'il ne faloit raifon Apoflres , il faut obéir à Dieu pluf-
meilleure pour monrtrer la fuperfti- tofl qu'aux hommes, & que fur tout,
fa confcience le prelToit fort à cela.
tion de l'Eglife Papillique, que celle-
ci , alTaucir que mefme en ce grand G. « 'Vrayement voila vne belle conf-
amas de tant de cérémonies , la plus cience ,mais celle confcience pour-
part contienent blafpheme manifefte roit-elle rendre noflre Roine baf-
ou font friuoles & inutiles. Apres plu- tarde ? » S. « Nous ne déclarons ni
fieurs propos, Boner lui demanda fon ne prononçons la Roine baftarde. Que
Tranffubflan- opinion touchant la Tranlïïibftantia-
tiation. fi on defquels
ceux y vouloit les
auifer,
efcritsc'eft
fontà faire
encoreà
tion, & qu'il la lui donnaft par efcrit.
Saunders lui dit : « le voi que vous entre mains, lefquels rendent tefmoi-
auez foif de mon fang , & certes vous gnage de cela au grand deshonneur
boirez ce dont vous auez foif, & ie prie de ceux qui les ont efcrits. » Il taxoit
noftre Seigneur que vous puiffiez cf- occultement le Chancelier mefme ,
tre baptifé en icelui en nouueauté de lequel auparauant auoit compofé et
vie. » L'Euefque
defiroit, ayant obtenu
vS: fait foufcrire ce qu'il
ceft efcrit de fait imprimer vn liure" intitulé : « De
l'obein'ancc , » auquel il declaroit ex- La vérité
mefchans,
la main de Saunders (c'efl à dire le prelfément Marie élire badarde, pour
courteau dont il vouloit lui couper la gratifier au Roi Henri VI II (i). Saun- picque les
gorge) incontinent le liura à quelques ders donc , pourfuiuant fon propos , mais elle ne
officiers pour le mener au Chancelier. difoit : « Nous ne nous méfions a'au- les guérit pas.
Maisfa maifon,
en pource qu'il n'efloit point
on contraignit lors
Saunders tre choferement,la finon
Parole que
, &d'annoncer pu-
combien que
maintenant on nous défende de la
de l'attendre quatre heures en vne confefler de bouche , toutesfois il ne
chambre , iufqucs à ce qu'il furt re-
faut douter que ci après nollre fang
tourné de la Cour. Cependant qu'il
attendoit , le chapelain de l'Euefque ne laprefche. » Le Chancelier, atteint
Boner paflbit fon temps à iouer au ta- au vif de ces propos, dit ; « Prenez-
blier (i) auec quelques gentils hom- moi ce frénétique, & le menez en pri-
mes, & femblablement plufieurs fup- fon. » S. « le ren grâces à mon Dieu, Saunders fcnl
vne confolation
pofls deà mefme
celle belle de ce que maintenant il m'a donné lieu intérieure.
toyent ieu, & famille
Saunderss'efba-
eftoit de repos pour faire prière pour vous
debout contre vn buffet , & fe tenoit & pour voftre conuerfion. » Or celui
là à telle defcouuertc , & Mordant, qui depuis couchoit en vn mefme lid
qui pour lors efloit de l'ordre du Par- auec lui , a recité qu'il lui auoit oui
lement, fepromenoit.
Conférence Le Chancelier, retournant de la dire
auoit que,
fentipendant qu'on l'examinoit,
vne confolation finguliere,il
entre Gardincr
Cour, rencontra vne grande troupe comme fi vne douce récréation lui fufi
& Saunders.
entrée par tous les membres de fon
de gens plaidans , tellement qu'vne
demie heure palTa auant qu'il entrall. corps iufques au fiege du cœur.
A la fin , il vint en la chambre où ef- Or il fut détenu en celle prifon par
toit Saunders, & de là en vne autre, l'efpace de 1 5 mois , durant lequel
où Mordant lui prefenta vn billet, au- temps il efcriuit fouuentefois à plu-
quel la caufe de Saunders eftoit con- fieurs de fes familiers , comme à
tenue. Quand le Chancelier eut Ieu Crammer, à Ridié, à Latimer, à fa
ce billet , il dit : .. Où est-il .' » Et femme & autres (2), les admonnef-
ainfi on lui amena Saunders , au lieu
auquel on toutes
ner. Auant auoit acouftumé d'exami-fe
chofes, Saunders (i) Allusion au livre de Gardincr sur la
Vraie obéissance. Voy. plus haut, p. 12).
[2) Voy. plusieurs de ces lettres dans
(I) Tablier : (able de jeu. Foxe, t. VI, p. 617. Ciift, 6)0, 6)2-6)6.
LAVRENT SAVNDERS.
151
tant de la calamité publique , des plus i'auans & gens de bien de tous
les voftres, combien que plufieurs en
choqs qu'il auoit l'oullenus contre fes
aduerfaires, comme Wellon (i), du- ces changemens ont tourné vifage. »
quel, entre autres choies, efcriuant à V. " Que dis-tu.'' m'as-tu oui, ou quel-
que autre , iamais prefcher contre le
vn «fien
Le ami recite Wellon
Dodeur ce qui nous
s'enl'uit :
cil venu Pape r » S. « Il y a bien plus , ie ne
voir en la prifon auec maillre Gri- t'oui iamais prefcher , & toutefois ie
moald (2), & s'adrella droit à moi, di- n'ai point cefte opinion de toi,- que tu
fant qu'il me venoit vifiter, me faifant fois plus fage que tant d'autres. » Ou-
de grandes promefl'es & el'perances tre ceci, il y eut bien d'autres propos,
& principalement du Sacrement. Mais
magnifiques,
failbi mais, conte
pas grand voyant, il
quemeie dit
n'en : toi, mon ami, prie Dieu, prie Dieu.»
« Vous autres elles du tout endormis
en péché. » S. » Quant à moi , ie
m'efueillerai, n'ayant en oubli ce que
l'Eglife m'a des longtemps enfeigné : // efcriuit en outre de la prifon lellres
Veillez & priez. » V. « Quelle Eglife à Crammer, Ridlé & Làlimer, en
y auoit-il deuant trente ans ? -> S. partie les exhortant à confiance , en
« Quelle Eglife y auoit il du temps partie les aduertifiant de fa conjlance
&s'enfuit (i). au Seigneur comme il
des autres
du prophète Elie"!* » V. « lane Can-
tienne (3) elloit de voftre Eglife. »
S. « Non eftoit, car les noflres la chaf-
ferent. » V. « Qui elloit donc de Ie vous délire falut de bon cœur,
celle voftre Eglife auant trente ans ? » Pères & Frères honorables en noftre
Seigneur lefus. Rendons grâces à
S. « Ceux que l'Antechrill Romain Dieu immortel & viuant , Père de
& fes complices ont condamnez & re-
iettez pour hérétiques. » V. « le penfe toute mifericorde , de ce qu'il nous a
bien que c'eftoit voirement lean Wi- fait idoines {2) pour participerquià l'hé-
clelT, Thorp , Oldcaftel (4) & leurs ritage des Sainds en lumière, nous
femblables. » S. « Ceux-là & beau- a tirez hors de la puiffance des ténè-
bres & transferez au royaume de fon
coup d'autreses ,hilloires.
eft contenu desquels » leV. catalogue
a Orfus, Col. ;. 5.
Fils bien-airaé, auquel nous auons ré-
iufques ici vous auez en vos prédica- demption par fon fang. O combien
tions, pleines de mefdifances , fait elt heureufe la condition de noftre vo-
iouer vn roolle au Pape tel que vous cation veu
! que d'vne façon incom-
auez voulu, maintenant il louera vn prehenfible noftre vie eft cachée en
perfonnage tel pofllble que vous ne Dieu auec Chrift, à ce que quand I. Cor. i;. 12.
voudrez pas. » S. « Tant plus nous en Chrilt noftre vie fera aparu , nous
faut il élire marris; cependant toutes- aufft aparoiffions auec lui en gloire.
fois ceci nous apporte foulagement Cependant tout ainfi que maintenant
que le mefme eft toufiours auenu aux nous voyons comme par vn miroir en
obfcurité , auffi cheminons-nous par 2. Cor. 5. 7.
(1) Hugh Weston était doyen de West- foi & non par veuë ; toutefois combien

r
minster et recteur
ford. II prêta du Lincoln
un concours actifCollège d'Ox-
à la réaction qu'icelle noftre foi femble eftre légère
& imbecille , félon le iugement des
catholique sous le règne de Marie; mais il
encourut la disgrâce du cardinal Pôle, légat hommes, tant y a que les eleus de
pontifical , en refusant de se laisser expro- Dieu fauentbien que la fin & le poids
prier du doyenné de Westminster en faveur
des ordres religieux, que le légat voulait y de noftre foi eft d'vne gloire fi excel-
installer. Il finit pourtant par y consentir, lente & d'vne félicité fi abondante ,
et reçut, comme compensation, le doyenné que la prudence ou vanité de la chair
de Windsor. Mais il en fut, peu de temps ne la fauroit, tant peu que ce foit, com-
après, dépouillé pour immoralité. Arrêté
au moment où il quittait Londres pour aller prendre par toutes fes opinions & ima-
en appeler à Rome, il fut enfermé à la Tour. ginations. In'y
l a nuls biens que nous
Il en mourir
sortit à peu l'avènement d'Elisabeth, mais ne poftedions par cefte foi , voire tels
pour après (IS)8).
biens que l'œil n'a iarnais veus, ni I. Cor. 2.
(2) Sur Grimoald . Foxe dit que " c'était l'oreille iamais ouis, & ne font iamais
un homme ayant plus de talents que de con-
stance. >'Il mourut à la même époque que montez au cœur de l'homme. Iufques
Weston.
(;) Sur Joan of Kent, voy. VHist. des
Martyrs, t. I, p. 576. Son vrai nom était (i) Cette lettre est un peu abrégée de
Jeanne Boucher.
(4) Ibid., t. I, p. 104, II), ao2. l'original (Voy. Foxe, 'VI . 620).
(2) Propres à (lat. idoncus).
•}2 LIVRE CINQUIEME.

à prcfent nous iuions icnci grande de- le gage de noftre héritage) en rédemp-
Icibiion de voflre prcfeiicc corporelle, tion ,lequel Efprit rend tcfmoignage Rom.8 iç.16.
mais mainienant nous fommes beau- ;\ noftre Efprit, que nous fommes en-
coup plus viuemeni (bulagez de ceft fans de Dieu ; vît pourtant nous auons
allégement que nous receuons de vous receu l'efprit
en efprit , à caufe de vollre perfeuc- crions : Abba, d'aaoption
Père. Ainfi auquel nous
donc, félon
I. Cor. 4. 9. rance au Seigneur , & que vollre foi cefte mefure de don , par lequel en-
refplendil deuant les yeux de tous , femble auec l'Eglife de Chrift & vof-
donnant vn gracieux fpectacle & aux tre pieté, nous auons receu vn mefme
Anges & aux hommes. Ce que de faift efprit de foi (comme il eft efcrit : l'ai pf. 1,6.
nous expérimentons en vous auec creu, & pourtant ie parlerai , & nous
rande confolation, vous mefmes auffi
f.
e pouuez très-bien ellimer à part vous,
auffi croyans nous parlons) ayans vn
mefme combat, nous ne fommes point
afçauoir que les choCes qui nous font eftonnez pour quelque chofe que nos
aduerfaires nous facent. Et pource
auenues font auenues pour l'auance-
ment de l'Euangile, en forte que nos que cefte adminiftration nous eft im-
liens ont elle manifeflez en Chrift par pofee, félon ce que nous auons ob-
tenu mifericorde , nous ne forlignons
toute l'Europe , tellement que plu-
fieurs d'entre les frères au Seigneur point ( I ) & ne fommes point abaftardis,
ont eu confiance , & à caufe de mes ains, félon la mefure de noftre talent,
liens ont pris hardielTe de parler en nous nianifcftons la vérité , fçachans
beaucoup plus grande abondance la bien que iaçoit que nous portions ce
parole du Seigneur fans crainte. Quant threfor en des vailTeaux de terre, que
à ce qui vous touche en particulier, neantmoins nous ne fommes point fou-
combien que Chrill vous foit gain , & lez ne brifez. Nous fommes contrif- 2. Cor. 4.
en la vie & en la mort, (i que vous tez , mais nous ne fommes point def-
tituez ; nous fommes abatus, mais nous
ayez
corps,grand delirauec
& eflre d'élire
Jefusfeparez
Chrill,detant
ce ne pcrilTons point; nous foufifrons toute
y a qu'il vous e(l beaucoup plus ne- perfecution , mais nous ne fommes
point abandonnez : portans toufiours
ceffaire, pour l'attente commune de la mortification du Seigneur Jefus en
l'Eglife, que vous demeuriez encore.
Notez. Et nortre Dieu vous vueille odroyer noftre corps, afin que la vie de lefus
cela par fon Fils lefus Chrifl, à ce Chrift foit auffi manifcftée en noftre
qu'il y ait plus grand profit pour fon chair
fidèle mortelle. Car c'eft
: Si nous mourons auecvnelui,parole
nous 2. Tim. 2.
Eglife & plus grande ioye pour tous
fes fidèles, & que leur lielle abonde viurons auffi auec lui; fi nous fouffrons
en Jefus Chrift, quand vous lui ferez auec lui , nous régnerons auffi auec
rendus. Amen, Amen. lui ; fi nous le nions , il nous defa-
Mais s'il a déterminé en fon con- uouëra auffi. Et pourtant auifons à
feil que, par voftre mort, fon Nom foit nous, que noftre homme extérieur fe
de plus en plus glorifié i*!r magnifié, corrompant , l'intérieur fe renouuelle
que ce qui femble bon deuant fes yeux de iour en iour. Car noftre tribulation 1. Cor. 4.
foit fait. Tout ainfi donc que cela à qui eft de peu de durée , & légère à
vous & à nous feroit en grande re- nierueilies, produit en nous vn poids
fiouilTancc, fi par noftre vie la maiellé éternel de gloire éternelle. Nous vous
& gloire de Dieu pouuoit eftre mieux teftifions qu'en ioye nous puifons les ifaic 12 !.
conue des hommes, auffi ce ne nous eaux des fontaines du Sauueur, & ef-
feroit pas moindre gloire, fi nous pou- pere qu'auec perpétuelle le adion
uions obtenir cela mefme par noftre grâces nous célébrerons Seigneurdû pf. 68.
mort, le ren grâces à Dieu pour cela des fontaines d'Ifrael, & mefmes que
nous nous refiouyrons à iamais au
en voftre nom, qu'il vous fait ce bien
Il predii le d'endurer pour le Nom de Chrift , A banquet de l'Agneau , duquel nous
martyre de que toute l'Eglife fera vn iour enri- fommes l'efpoufe
chanterons par foi , chanfon
cefte nouuelle iV là nous&
irois cxcciicns ^.j^j^ p^p j^. tcfmoignage de vous trois.
Euefqucs
O bon Dieu ! pourrions-nous tous éternelle : Hallelu-iah. Amen; voire,
alTez fuffifamment te remercier pour 6 Seigneur Jefus, vien. La grâce de
cefte tienc bonté A libéralité ? noftre Seigneur lefus Chrift foit auec
Novs auons des long terfips receu vous. Amen.

Ephcs. I. M.
la parole de vérité,
tre falut, auquel l'Euangile
croyans de nof-
nous fommes (1) Nous ne nous écartons pas de la route
tracée.
J4.
fignez par l' Efprit de promefl"e (qui eft
LAVRENT SAVNDERS.

comme vn charpentier qui, ayant para- m.d.lv.


cheué vn nauire ou autre vaift"eau de
là & l'abandonne
lailTeflots
mer, le tation à l'agi-
Copie de la lettre qu'il enuoya à fa des & ondes; mais nof-
femme, par laquelle ilremercie Dieu tre bon Dieu, non feulement maintient Ades 7. 28.
cL'vn véhément courage de lui auoir
d'eux,
a foin ,_auons
donné fa lumière pour fa confolation
& adreffe (1). commequ'il
ceux de afaid nous& viuons
créez
mouuement & eftre en lui ; mais auffi
Le combat Grace & confolation en Jefus nous reforme en Chrifl, nous puri-
fiant pour foi-mefme comme fon pro-
de la chair Chrifl, qui nous confole en toute nof-
contre refprit. jre affliftion, Amen. Mon Dieu, com- pre héritage , au fang de fon fils , le-
ment cède chair débile , & rebelle, & quel nous aime d'vne afFe6lion &
reftiue , fuit volontiers les chofes que bénignité telle que , quand il auien-
droit que la femme mettroit fon enfant ifaie 49. 15.
l'efprit embraffe, & comme cède na- en oubli, encore ne nous oublieroit-il
ture groffiere & pefante eft à grande
iamais. Et pourtant il nous admon-
difficulté poufTee à ce qu'elle chemine nefte par toute fon Apoftre, que nous re- i. Pierre 5.7.
es voyes du Seigneur. Si la vertu de mettions noftre folicitude fur lui,
la foi, comme vn aiguillon des promef-
promettant qu'il aura loin de nous. Et
fes diuines , ne l'aiguillonnoit outre combien que quelque fois il nous en-
fon gré , au
defaillift il y milieu
auroit dedanger qu'elleMais
la courfe. ne uoya des tempeftes & orages de ten-
bénit foit noflre bon Dieu , Père des tations, comme s'il nous auoit du tout
mifericordes , en noflre feul Sauueur mis en oubli, & comme s'il eftoit cour-
roucé contre nous ; toutesfois ne per-
fon Fils bien-aimé , duquel le bon
dons point efperance, ains difons auec
plaifir a eflé d'efclairer nos cœurs par Job : Encore qu'il m'euft tué, fi efl-ce lob i;. ij.
la conoilTance de fa gloire en la face
trefglorieufe de Jefus Chrifl. Eflans que i'efpererai en lui , en fuyuant la
foi inuincible d'Abraham, qui fous ef-
donc apuyez fur l'aide de Chrifl, nous perance creut contre efperance. Hé-
ne defaudrons point eftans lalTez , las !en quelles & combien de fortes
quand nous fommes efprouuez par le nous fommes tenus & obligez à nof-
I. Pierre 4. 8. feu d'affiiélions (qui nous eft enuoyé tre bon Dieu , pour lefquelles nous-
pour nous examiner) comme fi quel- nous délions grandement refiouir ! Et
que chofe nouuelle nous auenoit, mais
communiquans aux paffions de Chrifl, pourtant ayanschantonsiufte occafion de ren-
dre grâces, auec Dauid : pf. 10;.
nous-nous refiouilTons , afin auffi que
nous ayons lielTe en la reuelation de Béni le Seigneur, ô mon ame, & tou-
tes les chofes qui eftes dedans moi, be-
Pf. 126. f^ gloire. Ceux qui fement en larmes, nifl'ez fon fainft Nom. Mon ame, béni
moin"onneront en ioye ; en allant ils le Seigneur & ne mets point en oubli
pleuroyent iettans leurs femences , toutes fes liberalitez.
mais en retournant ils reuiendront
M A femme & compagne bien-aimee,
chantans, portans leurs gerbes. Lors ie n'ai point de bien pour vous lailfer,
Dieu efi"uyera toutes larmes , & fera
I. Cor. 15. 54. acomplie ne pour vous enrichir après moi, félon
la parole qui eft efcrite : la façon ordinaire de ce monde; mais
La mort eft engloutie en viftoire !
voici ce que ie vous lailTe par tefla-
Mort, où eft ton aiguillon .> Enfer, où
ment au Seigneur, à ce qu'il vous de-
Ofee 1;. 24. efi ta vidoire r Or l'aiguillon de la fans bien-aimez,meure perpétuellement & à nos en-
alTauoir le threfor de
mort c'eft péché , & la puiftance de
péché, c'eft la Loi. Mais grâces à la lielTe & paix fpirituelle que vous
Dieu , qui nous a donné vi6loire par ,^auez gouflee &receuë intérieurement,
noflre Seigneur Jefus Chrift. Il refte ' de laquelle la confcience affamée eft
cependant que, fuyuant le confeil de
I. Pierre 4. 19. S. Pierre, nous qui foufFrons félon la remplie en Jefus Chrift par vn fenti-
ment fecret. Priez Dieu, priez Dieu.
volonté de Dieu, recommandions nos
Or quant au refte , ie fuis ioyeux & Le teftament
âmes au fidèle Créateur, en bien fai-
fant. Car icelui eft noftre Créateur, efpereen que
Seigneur ,à &iamais ce
defpit de Saunders.
& nous fommes les œuures de fes alaigreme audemeurera
bien
mains, & il ne nous abandonne point des portes d'enfer & de tous les_ dia-
entière-
bles. Et certes ie me refignc Seigneur
après qu'il nous a vne fois formez , ment & recommande au
(1) Foxe, édit. de 156; , p. 1045. ai fiance
niftrera& force
Jefus & vertu qu'il m'admi-
ferme, félon que ma
LIVRE CINQUIEME
'H •
ncceffité le requerra Priez , priez forclos de la compagnie les vns des
priez le Seigneur. autres, ou par faute de biens ou par
Voflre mari & compagnon en Chrlfl, diflance de lieux, ou par quelque au-
Lavrent Savnders. tre occafion, pour cela nous ne fom-
mes fecours
ner point empefchez d'affifter
p:ir prières (fi plus& auant
don-
OvTRE ces lettres, on en a trouué nous ne pouuons) lefqueiles puifent
cncor plulleurs autres elcrites à d'au- les grâces celefies en Chrifl leur chef
tres frères détenus es mefmes jprifons, fpirituel, pour les efpandre & vfer de
faites en rhythme Angioife affez pro- I vn en l'autre au fournifl'enient de tout
prement (i), par lefqueiles il les cx- le corps. »
hortoit i\ la vraye crainte de Dieu, & DvRANT le temps que Saunders ef-
obéir à fcs fainds commandemens, toit prifonnier, les Euefques firent vne
iS:i\ viure faindemenl& honneflement. defenfe eflroite auec menaces, que la
Item, d'autres lettres efcritesà plu- porte de la prifon ne fufl ouuerte à
fieurs amis , par ci par là , qui lui ad-
miniftniyent de leurs biens en la pri- perfonne
fenfes, fapour l'allervint
femme voir.auec
Sur fon
ces de-
fils
fon. Entre autres , il y auoit vne nommé Samuel, cuidant entrer tt par-
damoifelle à laquelle il efcriuoit pres- ler à lui ; le Geôlier ne lui ofa donner
que en ce fens :
entrée,
tre les mais
bras print de lalemère petit Àgarçon d'en-à
le porta
•" Qu'il auoit receude grande
dité & confolation commo-&
fa libéralité
fon père. Saunders, ayant fon fils de- Saunders
beneficence, d'autant que par cela on fon enfant.
&~. fes ■' ,., *grandement
. , , fr\ty /infant
s'c'îouitdevoir
pouuoit bien conoiftre vne finguliere uantanerma veux, qu ilfut auoit eu plus derefioui,
con-
bonté de Dieu enucrs les fiens, piuf-
Pourquoi on tentement de la prefence d'icelui que
doit exercer toll qu'vne
comme beneficence
icelui humaine.
nous a tous Et
conioints fi on lui eufl apporté trois ou quatre
charité. talens d'argent. Et le monflrant à ceux
enfemble p;ir foi en Jefus ChriH, fon qui cfloyent prefens, qui auffi tous
Fils noflre feu! chef & efpoux , auffi
nous conioint-il les vns auec les au- comme d'vne mefme bouche louoyent
la beauté & la face de l'enfant , dit :
tres entre nous par feruices mutuels,
lefquels nous deuons communiquer « Quand moi & mes femblables n'au-
rions autre caufe, cefte-ci ne fuflîroit-
les vns aux autres par charité , pre- elle pas pour nous faire endurer la
mièrement àla gloire de Dieu A de mort alaigrement , pluftort que defirer
fon Fils noflre Seigneur Jefus Chrifl,
la vie prefente, & en la rachetant dé-
puis A ce que nous-mefmes foyons en clarer tels petis enfans bnflards, & les
bonne confcience conioints enfemble.
mères adultères, & nous paillards ? »
& finalement pour fermer les bouches
aux aduerfaires. En ceci tous cognoif- II efcriuit
vinfl à fa enfemme
plus voir , qu'elle
la prifon ne fe
, pour le
lean i). trunt , dit le Seigneur, que vous ef- mettre en fi grand danger, lui remonf-
tes mes difciples , fi vous vous aimez trant que, quand on ne fe prefenteroit
i'vn l'autre comme ic vous ai aimez. aux dangers de fon propre gré, encore
Cefle arrhe de charité monftre bien
aulTi quelle efl la prouidence fingu- viendroycnt-ils d'eux-mefmes fans les
cercher. Et la prioit de continuer en
liere de Dieu enuers tous fes fidèles, la méditation des fainfles Efcritures
car combien que ce foit lui feul qui (laquelle il appeloit la paflure de
donne nourriture à Ifiutcs fes créatu-
l'ame) & en oraifons fréquentes, &
res, tant y a qu'il difpenfe tellement que ces deux chofes principalement
cefle font que nous approchons de iour en
buant fiene prouidence
à vn chacun chofes, qu'en diflri-il
diuerfes,
iour & de plus en plus à la louifTance
aferuice
voulu ouqu'vn chacun du royaume de Chrifl & de la gloire
fecours mutueleuflde befoin du
fon com-
Ades 17. iC pagnon. Et cela pour certain fert de d'icelui. Par ce moyen, difoit-il, il
auiendroji quelquefois que tous deux
beaucoup, non feulement à nous ren- ferovent participans en vraye focieté,
dre honnorables , mais auffi pour en- de l'immortalité bien-heureufe auec
tretenir vne mutuelle beneuolence , Jefus Chrifl it fes Sainds, it que fans
nous qui fommes membres de ce corps cela on ne peut attendre en ce monde
myflique. Que s'il auienl que foyons finon toutes fortes de mifcres A faf-
cheries. Et ndioufloit
commun accord : <> Que
tous deux fi d'vn
tafchons de
(1) Voy. une de ces piiccs de vers, qui
est un sonnet, dans Foxe, VII, 62). nous conioindre en Chrifl le Fils de
LAVRENT SAVNDERS.

Dieu, il auiendra par ce moyen que la veux, tu peux obtenir mifericorde, te m.d.lv.
focieté de telle benediélion diuine s'ef- rendant obçiffant & derechef te redui-
pandra aulTi fur noftre petit Samuel. fant au bon chemin auec nous, voila ,
Et iaçoit qu'en bref (comme il fem- le pardon t'eft offert. Nous deuons
ble) la vie prefente deuft eftre oftee à bien tous confen"er auec toi, que pref-
tous deux , & que noflre petit Samuel que tous fommes tombés en erreur
demeure deftitué de tout fecours commun auec les autres ; mais nous
comme pauure orphelin , toutesfois fommes derechef releuez par repen-
il ne faut douter qu'icelui n'expéri- tance & ramenez à l'Eglife catholi-
mente quelque iour la bonté de Dieu, que, de laquelle nous-nous eftions de-
qui lui fera tuteur & curateur bénin. partis. )> Saunders en toute reuerence
Car de fait ce bon Père & Seigneur, dit au Chancelier & aux autres fei-
qui, comme il ne peut eftre trompé, gneurs qui eftoyent là afifemblez :
auffi ne peut-il tromper, a fait cefte pro- « Vos reuerences fauues , magnifi-
Gen. 17. 7. meffe : « Je ferai ton Dieu, & de ta fe- ques feigneurs , ie demande terme
mence après toi. » Et quand il faudroit pour auifer de refpondre comme ie Les calomnies.
mourir pour la confeffion de Chrifl, doi fur ce que vous me commandez. »
ou endurer quelque autre chofe fem- G. « Laiffe-lace fard de paroles pom-
blable , en forte que vous ne puiffiez peufes, & cefte rhétorique ambitieufe,
pouruoir aux neceffitez de l'enfant, & car de fait cela vous eft peculier &
qu'icelui feroit laiffé nud en vn defert, familier à vous autres, que vous-vous
tant y a que celui qui a eu compaffion plaifez merueilleufement en ces bra-
du petit enfant de la feruante Agar ues façons de parler; di nous ce que
ietté au defert , encore moins mettra- tu veux affermer ou nier. » S. « Mon-
il en oubli ceftui noilre petit Samuel, fieur le reuerend, le temps ne permet
ou le fils de quelque autre que ce foit
pas maintenant que nous-nous laf-
qui aura la crainte du Seigneur& met- chions la bride à defguifer & farder
tra fa fiance en lui. Que fi noftre foi nos paroles , la condition où ie fuis
eft fi foible (comme il auient affez de
pour cefte heure me rend affez esloi-
fois) que nous ne puiffions croire cela, gné de cefte arrogance, laquelle vous
prions noftre Seigneur en toute hu- m'attribuez. Je conoi mon petit fauoir
milité ,tant pour cela que pour quel-
conque neceffité que ce foit. Bref, & pouuoir ; cependant i'ai
toutesfois pru-
befoin de bon auis pour refpondre
dem ent àvos demandes fi hautes &
m'amie & aimée compagne , ie vous
prie aflfedueufement & exhorte que de fi grande importance; comme ainfi
vous vous efiouyffiez au Seigneur. O foit que neceflairement il me faille
quelle matière de refiouiflTance nous tomber en l'vn de ces deux dangers,
auons en lui, quand nous confiderons ou que ie perde ma confcience ou la
ce royaume éternel, qui eft propofé en vie prefente de ce corps. Et pour dire
ce bon Seigneur es lieux celeftes, par
franchement, cefte vie & liberté m'eft
la pure grâce de Dieu, à ceux qui, re- vne chofe precieufe, moyennant que ie
nonçans à eux-mefmes, en ont finale-
ment la iouyffance ! Et pour certain la peufle contregarder fans bleft"er ma
confcience. » G. « C'eft bien à propos
cela eftvrayement fuyure Jefus Chrift, confcience , vous autres n'en auez
qu'vn chacun porte fa croix. Et lors fi point , mais plus d'orgueil et d'arro-
nous endurons auec lui, nous régne- gance qu'il ne feroit de befoin ; car
rons auffi auec lui à perpétuité. Ainfi vous-vous plaifez tellement en vous
foit-il, & en bref & en bref. » mefmes , que vous-vous retirez de la

l
communication
un tefmoin & iuge de l'Eglife. » S. " l'ai
de ma confcience,
Revenans à l'hiftoire de Saunders,
il refte de reciter comment on procéda affauoir le fouuerain Seigneur , qui
contre lui pour la féconde fois, quand feul fonde les cœurs. Et quant à ce
il fut appelé deuant le fiege iudicial que vous me mettez en auant, que ie
des Inquifiteurs & Commiffaires , & me fuis retiré de cefte Eglife, laquelle
Gardiner comme il refpondit. Le Chancelier
fuU fon rtile vous tenez maintenant pour catholi-
l'interrogua en cefte façon : i< Tu ne
daportat.
peux ignorer, Saunders, que défia des que, ie repon à cela : Je n'ai encore Saunders
longtemps tu es détenu à caufe de tes changé
mefme de vousceftenousfoi auez
& Eglife, laquelle
aprinfe lors '"^P;"^^^^^/**
inconftance.
herefies exécrables & mefchante doc-
trine que tu as femee : maintenant le que ie n'auoi que quatorze ans ; afia-
temps & le iour eft venu, auquel, fi tu uoîr que n'adiouftiffions foi au fiege
Romain , ni à fes abus, & ne lui don-
i}6 LIVRE CINQUIEME.
niffions aucun crédit. Nous auons ne meritoyent pas que la terre les
puif<i ces chofes de vous mefmes , fouftinft , comme auffi elle ne vous
comme de ceux qui nous efloyent con- foufliendra pas longuement , ce que
dudeurs & maiflrcs. " G. « Or fus ,
vous expérimenterez auant qu'il foit
di-nous vn peu : Qui font les au- fept iours. » Ayant ainfi parlé, il fit of-
theurs qui vous ont abruuez de ces ter Saunders de là, lequel leur dit :
herelics, touchant le fainfl facrement Il Ce que le Seigneur nous enuoyera
de l'autel r » S. « S'il eftoit licite de foit fait, foit la vie ou la mort. Et de
commettre de deux maux l'vn , ie ma part ie vous veux bien dire qu'il y
penfe qu'il y auroit moindre caufe de aCependant
long tempsieque
vousi'aiauerti
apris àde
'mourir.
vous
punition de couper vn bras ou vn pied
d'vn corps, ou quelque autre membre, garder d'efpandre le fang innocent;
que fi on tranchoit la tefte du corps. croyez-moi , qu'vn iour il criera au
Et vous autres , meffieurs les reue- Seigneur & demandera vengeance
rends, & tout voflre ordre & alTemblce, contre vous. »
auez donné vos voix publiquement & Apres ces chofes ainfi faites, lef-
confenti quelquefois que la primauté
du fiege Romain fuft retranchée de quelles apartenoyent
la conoilTance à l'examen
de la caufe, & à
les officiers
cefte republique (comme vn chef baf- prindrent Saunders & le tirèrent hors
tard & vicieux) laquelle vous tafchez de la foule & le gardèrent iufques à
maintenant de remettre au deffus , ce que fes compagnons fuffent defpef-
ayans changédit d'opinion. » L'Euefque chez de mefme façon, pour les mener
de Londres au Chancelier : « Mon- tous enfemble en pnfon. Saunders Remonrtrance
donc attendant quelque temps dehors, de Saunders
ficur, s'il plait à voflre reiiercnce, ie au peuple.
produirai ici vne confeffion efcrite de ainfi que le peuple efloit afTemblé pour
Confcfilon fa main contre le fainft facrement de voir ce qui fe faifoit, il exhorta de
de Saunders. TauteLToi, Saunders , que refpon- grande véhémence ceux qui là ef-
dras-tu à cela.- » S. " Il ne faut point toyent , à garder la dodrine qu'ils
attendre que par ci après ie m'accufe auoyent receuë ; & reprint de légè-
moi mefme. Et vous mefmes n'aucz reté & inconftance ceux qui foudaine-
rien contre moi, dont à bon droit vous ment s'efloyent reuoltcz de Chrifl ,
vous puiffiez pleindre (i). •> G. « Con- pour fuyure l'Antechrifl. Il les admon-
tinueras-tuendurcir
d ainfi ton efprit.' ncfla, que fe dreffans de bonne heure
receuras-tu point la liberté, laquelle par repentance , ils retournalTertt à
nous te voulons offrir ? » S. « Je vou- Jefus Chrifl auec vne foi entière ,
droi fuppliervos reuerencesde moyen- maugré l'Antechrifl, le péché, la mort
ner vers la maieflé de la Roine , que
& Satan, & qu'ainfi ils auroyent re-
fon bon plaifir fuft de me donner tel- pos en toute feureté & félicité en la
lement lavie , que cependant il me faueur & benedidion du Seigneur. Il
fufl loifible de garder ma confcience eut plufieurs pareils combats & difpu- Condamnation
fauue auec ma vie. Et de ma part tes contre les Evefques, lefquels fina- <le Saunders.
i'cfpere bien tellement viure fous fa lement l'ayans déclaré excommunié,
le dégradèrent & liurerent entre les
fubieflion, qu'elle conoiflra que ie lui mains du bras feculier, comme on a
ferai fidèle & obcifTant ; finon i'ai de-
acouftumé de faire. Le Maire de Lon-
libéré d'endurer pluftofl toute extré-
mité de maux , moyennant l'aide de dres le print & le mit en prifon , qui
efl dedans les limites de la cure de
mon Dieu , que de blefl'er ma con-
fcience. »G. « C'eft bien à propos, Saunders. La rue efl appelée Brad-
qu'il foit licite à vous autres de viure Jlrel, la prifon Coiinlcr (i). Cela lui
La façon des comme bon vous femblera. Tels ef- apporta vn fort grand foulagemeiif, &
Donatiries. toyent iadis les Donatiftes , Icfquels ce d'autant qu'il trouua en cefle pri-
voulant fuiure vne façon particulière fon Cardiraker (2), fon ami & compa-
de vie, cerchoyeni de viure tout au- gnon d'vne mefme caufe & aflliflion ,
trement que les autres ; & toutesfois & pour cefle raifon principalement
qu'eflant entre fes brebis, il auoit re-
(i) La réponse de Saunders ne paraît pas couuré cefle oportunité de les exhor- •M
avoir élé bien comprise par le Iraducleur.
Il dil : " Ce que j'ai écril. je l'ai écrit; mais
ne vous attendez pas h ce que je m'accuse (1) II fut conduit par le shérif de Londres
au delà. Vous n'avez pas à me reprocher (et non le maire) dans la prison nommée
d'avoir violé vos lois lorsqu'elles étaient en thc Compter, dans Breadstrecl.
vigueur. '■ (2) Voy. plus loin la notice sur ce martyr.
LAVRENT SAVNDERS.

ter de la prifon , comme s'il euft efté retirant fon Efprit de moi vn bien peu m.d.lv.
monté en chaire , voire eux pour me laiffoit, helas miferable! ie ne fai
l'amour defquels il efloit détenu pri-
fonnier. que ie pourroi deuenir. Et quand en-
core il lui plairoit de le faire pour
m'efprouuer, fi eft-ce que ie conçoi en
mon fera
ne efprit pas vne
loin,bonne
ni longefperance qu'il
temps abfent
Copie d'vne lettre qu'il efcriuit de cejle de moi , ains félon le cantique myfti-
prifon à fa _femme & à quelques au- que de Salomon, eftant derrière la pa-
tres fes familiers & anus, après que roi, regardera les feneftres, ou par Gen. 45.
la fentence de mort eut ejlé pronon- quelque fendalTe de la paroi , pour
cée contre lui, efcrite le dernier iour ouir que ie fai. Ceft ce Jofeph, tant
de lanuier. M.'D.LV{i). plein de grand' amour, que combien
La grâce de noftre Seigneur Jefus frères femble
qu'il , & menaceparler rudement
Beniamin , fon àfrère
fes
Chrift & la confolation du faind bien-aimé & germain, de le faire met-
El'prit vous conferue par foi & con-
fcience entière, afin que vous foyez tenirtre endeprifon,
pleurertantauec
y a nous,
qu'il ne& fequand
peut
vaiffeauxdefa gloire fans fin. Amen. & quand fe ruer fur nous pour nous
embralTer de fes deux bras. Que rien
De quelles adions de grâces & donc ne vous deftourne de lui, pluftoft
louanges pourrons-nous affez célébrer delaift'ans toutes chofes , allez à lui
la bonté & mifericorde de noftre Dieu, auec Jacob le père & fes enfans , qui
& fa diledion infinie enuers nous.' &
ont laifl"é & leurs pays & toutes leurs
moi le premier, qui fuis le plus ingrat amitiez acquifes. Ce Jofeph a obtenu
de tous les hommes du monde f Pour pour nous que Pharaon mefme nous
cela ie vous prie affedueufement que fournira de haquenees & chariots, pour
priez Dieu par fon Fils Jefus Chrift nous faire palTer outre félon noftre
defir. Et nous expérimentons auffi
pour don ,moi,
tant de qu'il meslui autres
plaife forfaits
me fairegriefs
par- comment nos aduerfaires nous abrè-
& infinis , que pour cefte mienne gent fort le chemin, pour faire que
La mifericorde grande ingratitude enuers lui. Or, de nous paruenions pluftoft au repos bien
de Dieu ert heureux. & nous adminiftrent toutes
infinie. vouloir reciter par paroles, ou com-
prendre par penfees cefte mifericorde chofes feruantes à cela mefme. Bénit
foit le Seigneur. Je vous prie donc, ne Le triomphe
& bénignité de Dieu en fon Fils Je- de ceux qui
fus Chrift , qui eft vne chofe dutout vous efpouuantez aux bruits des fon- font à Chrift.
infinie & inénarrable, ce feroit autant nettes (1), ni à ces vains fpeftacles &
fantofmes , lefquels fe vienent offrir
comme fi i'entreprenoi de puifer &
par le chemin, ains pluftoft craignez le
verfer toute la grand' mer Oceane en feu de la géhenne, craignez ce ferpent
vn petit gobelet, ou de comprendre
les eftoiles en certain nombre. O ma
ennemi , qui
éternelle, auquela l'aiguillon de qui
tous ceux la mort
font
femme bien-aimee , & vous mes amis!
ie vous prie de bonne affedion que fans foi , priuez de la familiarité & fo-
vous-vous efiouiffiez auec moi, ren- cieté du Fils de Dieu (qui feul a com-
dans grâces à noftre bon Dieu de ce mandement fur la mort) font fuiets &
deftinez à la mort. Au refte , nous &
qu'il m'a fait ceft honneur, que ie glo- vous, ma bonne amie, & vous auffi,
rifie fon Euangile, non feulement par
cefte miene vie , & ces leures , & ce mes frères bien-aimez en Jefus Chrift,
cœur incirconci, mais auffi d'vn tef- lefquels Dieu a tirez hors de la puif-
moignage fi grand de ma mort & de fance des ténèbres, vous defpouillant
¥ N'auoir hor-
mon fang. Et afin que ie die ce qui en
eft, mon Seigneur lefus m'a tellement
ofté iufques à prefent toute crainte &
du vieil homme, & faifant veftir le nou-
ueau , qui eft noftre Seigneur Jefus
Chrift, la fapience , la fanâification ,
reur de la
mort ert don fentiment de la mort, que ie n'ai point
de
de l'Efprit
Dieu. horreur d'icelle ; mais fi ceft efpoux (i) L'original ne parle pas de " sonnettes.»
bien-aimé mon Seigneur Jefus Chrift, Cette phrase, rendue ici par une longue pé-
riphrase, ytient en une ligne : « Be not
afraid of fray-bugs which lie in the way. »
(i) Cette lettre fut d'abord publiée par Ce mot bizarre :"« fray-bug. » ou ( !'• édit.)
Miles Coverdale, dans son Book of Lettcrs Cl fraybuggarde, » était la désignation popu-
of thc Martyrs , en 1564, puis insérée par laire d'uri monstre imaginaire, sorte de loup-
Foxe à la suite de sa notice sur Saunders.

garou.
•38 LIVRE CINQUIEME.

point , remettez toute voflre folicitude


la iuftice & rédemption d'icelui , nous au Seigneur, auquel ie vous prie me
(di-ie) auons dequoi triompher auec
grande afleurance contre Satan le dra- recommander par vos prières & orai-
gon horrible, contre la mort, le péché, fons larmoyantes, comme auffi ie vous
la pehenne & toutes fortes de maux. recommande à lui, & noftre petit fils
Noflre Serpent d'airain a rebouche- (i) Samuel, lequel i'ai délibéré, eftant
it anéanti l'aiguillon mortel du vieil venu au pofteau, prefcnter enoblation
Serpent . & pourtant il ne nous refte au Seigneur, ne plus ne moins que
plus maintenant , à nous qui iouilTons moi-mefme. Ainfi ie defire de bon
du gracieux regard de celle vidoire , cœur que vous-vous portiez bien tous
finon de chanter vn chant triomphal au Seigneur Jefus , eftans fortifiez
au Roi vidorieux lefus Chrifl. recueil- d'vne
lans le butin & les defpouilles du Ser- ie feraibonne efperancc,
conioint enfcmblequeauec
ci après
vous
pent abatu , & difans auec le faind en vie bienheureufe & éternelle. Cefte
Ofee 1 ) 14. Prophète : Mort , où eft ton aiguillon ? efperance eft profondement enracinée
Enfer, où eft ta vidoirc ? Nous ren- en mon cœur. Amen, Amen, Amen.
dons grâces à noftre Dieu, qui nous a Noflre Seigneur & bon Dieu foit loué
fait obtenir vidoire par noflre Seigneur & bénit éternellement. Amen. Priez,
Jefus Chrift. Ayez toufiours fouue-
nance du Seigneur, ayez lieffe en ef-
perance , patience en tribulation ; priez.
Apres que l'Euefque de Londres
priez fans ceffe A fuppliez le Seigneur l'eut dégradé de fa prcftrife , le qua-
pour moi qui fuis maintenant deftiné triefmc iour de Feurier, Saunders dé-
à occifion, afin que ie fois fait facrifice clara qu'il rendoit grâces à Dieu
agréable à loifir
Dieu. d'eftre feparé & mis hors de cefte
donne-on de Avous
grand' peinePour
efcrire. me
Eglife,à laquelle il ne pouuoit eftre
cette raifon pardonnez-moi , fi pour conioint que ce ne fufl à fa ruine &
l'heure prefente ic vous enuoye des perdition. Le Maire (1) de Londres
lettres plus brieues & reftreintes que le liura aux officiers de la Roinc pour
ne voudriez. Et quand & quand ie le mener à Couentrie (2) , lieu or-
vous prie les receuoir comme un de- donné pour Ton dernier fupplice. Ef-
uoir de recommandation tant enuers
tans montez à cheual , la première re-
vous, ma peuë (?) fut vne petite ville nommée
autres qui femme, qu'enuers
nous aiment tous les
au Seigneur, & faind Aubin (4). Là Saunders rencon-
principalement vers mes parochiens (2),
trant maiflre Grimoald (<,), l'exhorta à M. Grimoald.
entre lefquels Dieu m'a maintenant monftrer meilleure conftance qu'il
conftitué par fa fainde prouidence ; n'auoit fait , lui demandant s'il le vou-
combien que ce ne foit auec telle con- droit fuyure à boire de ce calice. Gri-
dition que ie puiffe prefcher félon la moald (audemeurant homme de fauoir,
façon acouftumee entr'eux , affauoir & qui auoit grâce de bien parler) dit
qu'il ne m'eft loifible de monter en qu'il refpondroit bien de ce gobelet
chaire, tant y a que c'a eflé en telle, qu'il tenoit en fa main , mais qu'il ne
que mes liens ne font point du tout fe promettoit rien de la coupe de la-
fans fruift entr'eux, puis que Dieu l'a quelle Saunders entendoit parler. Et
ainfi voulu par fa niifericorde & bonté. Saunders lui refpondit : « Mais quoi?
Et combien que ie fois indigne d'vn mon Seigneur Jefus Chrifl n'a point
Le miniflcrc tel miniftere, neantmoins il faut bien
fait diflîculté de boire pour l'amour de
de Saundcrs. rendre gloire & honneur au Seigneur moi d'vn bruuage beaucoup plus faf-
Jefus, fouuerain Parteur, duquel la vé- cheux. Et moi ne beuuroi-ie point
rité leur a eflé manifeflee , iS: fera en-
core glorifiée par fa mort, en la vertu après
boire.'' lui , veu
» Le qu'il me
troifiefme iour femond
après, ilsà
arriuercnt à Couentrie de nuid; là vn
d'icelle
Vovs qui les fauoir
ferez repaifl de
par mes
moi. nouucl-
certain cordonnier, citoyen de la ville,
les à madame G., femme honnorable,
& me recommanderez à elle . & lui vint
dit : à« lui,
Noftre& bon
aprèsmaiflre,
l'auoirle falué, lui
Seigneur
communiquerez ces lettres ; ie fçai vous vueille conforter & confoler. »
bien qu'elle faluera les autres en mon
nom. M 'amie , ne vous tourmentez (1)
{2) Le shérif.
Covenlry.
()) Première étape pour le repas.
(1) Emoussi.
(2) Paroissiens. (4I Saint-AIbnn.
($) Voy. plus haut, p. i)i.
ROBERT FERROR. n9
Auquel Saunders refpondit : « Frère mais auant que faire cela, il fe prof-
& ami, ie vous remercie grandement, terna en terre & pria Dieu. Puis , fe
& prie qu'ayez fouuenance Embraffe la
me recommandiez à Dieude par
moi, vos& leuant ,eftre
deuoit embrafl"a
attachéle «pofteau
dit : »auquel
O croixil croix.
prières, & faites-le de tant meilleure de mon bon Seigneur Jefus! » Incon-
affeftion que ie fuis indigne de ce mi- tinent après, il fut lié, & eftant enui-
niflere que ie doy paracheuer. Cepen- ronné de flamme & de feu, rendit pai-
dant i'ai bonne efperance en Dieu fiblement l'efprit au Seigneur.
mon Père très bénin, la puiffance du-
quel me peut armer contre toutes ad- ^s ^^ ^^ ^^ ^& ^^ ^^ ^5 ^& ^^ ^^ ^^
uerfitez prochaines. » Sur cela, il fut
mis en prifon publique entre les mal-
faiéleurs, où il dormoit bien peu, de Robert Ferror, EuefqueAnglois(i).
manière qu'il employa prefque toute
cefle nuid en prières & oraifonsfainc- Si nos affliâions prencnt commence-
tes, ou en deuis lalutaires qui aparte- ment par quelque accufation pour
noyent à l'inflruftion des autres. chofcs temporelles, conjolons-nous à

I
Le iour fuyuant , qui eftoit le hui- l'exemple de ce fainâ Eue/que , &
tiefme du mois de Feurier, on le mena nous humilions aeuant Dieu , à ce
en la place pour eftre exécuté vn peu
hors la ville, près vn bofcage aflfez que puij fions refijler aux ten-
tations £■
, que la rage de ceux qui
prochain , n'ayant fur foi qu'vne lon- pourchajjent nojlre mort, pour haine
gue robe fort vfee , & fa chemife def-
fus; au demeurant il auoit la tefte & jecrelte qu'ils portent à l Euangile,
les pieds nuds. En allant , il fe iettoit J'oil furmoniee par nojlre foi & pa-
tience.
fouuent à terre & prioit Dieu , &
Saunders fe comme il aprochoit du lieu , vn de
iette fouuent Le premier Euefque qui fe trouua
en terre pour
ceux qui auoyent la charge de le faire au catalogue de ceux qui ont enduré
prier Dieu. brufler, de parla la mort après Jean Hooper, Euefque
efloitvn ceuxà qui
lui ,auoyent
reprochant qu'il
corrompu
de Gloceftre, c'eft Robert Ferror,
le royaume de la Roine parfauflfe doc- Euefque de Saind-Dauid, au pays de
trine & herefie, & l'appeloit Pertur- Galles, lequel auoit efté appelé à
bateur de la republique, & qu'a bon cefte dignité par le moyen du Duc de
droiél il deuoit eftre puni; & toutefois
Sommerfet, protefteur d'Angleterre,
reiettant du viuant du Roi Edouard VL Plu-
réduire defes bonneopinionsheure
, s'ilauvenoit à fe
bon che- fieurs iniures & fafcheries lui furent
min, encore y auoit-il efperance que faites du temps dudit Roi, après la
pardon lui feroit fait , & la vie lui fe- mort du Protecteur, à la fufcitation
roit fauuee par la grâce de la Roine ; (comme la plus commune opinion eft)
(inon il voyoit là le feu préparé , de- d'vn nommé Conftantin (2), qui fe
dans lequel on le ietteroit prompte-
ment s'il ne fe repentoit. Saunders fit defpita contre lui , à caufe qu'il auoit
cefte refponfe : » Nous qui fommes refufé vne prébende à quelcun qui ef-
ambaffadeurs de la vérité diuine, fom- toit ignorant. Quelque chofe qu'il y
mesfaulTement accufez de ceci, comme ait , foit que ce Conftantin fuft prouo-
fi nous auions offenfé la Roine , ou qué pour cefte caufe ou quelque autre,
Réfute vn on pourchaffa cefte fafcherie à ce bon
troublé la republique. Pluftoft cefle
calomniateur. accufation doit eftre reiettee fur toi &
(i) Robert Ferrar était né à Halifax, dans
fur tes femblables, qui iufqu'à prefent le Yorkshire, et avait fait ses études à Ox-
auez toufiours refifté opiniaftrement à ford. Le duc de Somerset, protecteur du
la parole éternelle de Dieu. De moi , royaume sous Edouard VI , l'employa à pro-
ie ne maintien aucunes herefies , ains pager les doctrines réformées, le fit membre
de la commission chargée de préparer la
la droite difcipline de Dieu & le
Liturjjie, elle tit, en i;47. évêque de Saint-
S. Euangile de fon Fils. C'eft ce que David . au pays de Galles. Voy., sur Ferrar,
ie maintien &croi & que i'ai enfeigné, les Acts and 'Monuments de Foxe , t. VII,
& que ie ne reuoquerai iamais. » p. ;-28of (p.
Hisf. 42; de II,
Reform., l'édit.
;47- de 1559); Burnet,
Ceftui-ci ayant oui parler Saunders de
(2) George Constantine, regislrar de Saint-
cefte façon , commanda qu'on le iet- David , fut en effet l'accusateur de Ferrar.
taft foudain dedans le feu , & inconti- Voy. les LVI chefs d'accusation, la plupart
nent Saunders fe mit de fon bon gré en d'une puérilité ridicule, et les réponses de
la main des bourreaux pour eftre lié ; révêque, dans Foxe, VII, 4-16, et dans
les Harleian Mss., n" 420, art. 17-27-
140 LIVRE CINQUIEME.

Euefque en iugement contradiftoire. la première année. Cependant le Duc


Le nœud do fon accufation elloit qu'il de Northombeland, qui lui vouloit L'inimitié de
auoit retenu longue efpace de temps mal de mort (polTible de ce que le Northombe-
Fcrror mis quelques prébendes de fon Eglife , Duc de Sommerfet lui portoit faueur), ^^T^^^^^^.
en peine a jufques talcnoit en toutes fortes de lut ofter
caule dune , ^ ilj ce• qu"il
/ \eull trouué
i des -^^
per-
fon Euefché, pour le faire tomber es
prébende, lonnes idoines (i) pour leur conférer
ces bénéfices , en partie auffi pource mains de quclcun qui furt de fa fadion.
Qu'on difoit qu'il auoit acheté pour foi Cefi Euefque donc eflant enueloppé
des terres & polTeffions , ce qui ertoit de tels troubles, & exercé de telles
contre les loix publiques. Car il y preuues, fut arraché & feparé de fon
auoit vne defenfe faite aux EcclefiaQi- Eglife, & détenu es prifons de Lon-
ques , par les loix & ordonnances du dres prefque deux ans entiers, vers la
pays, de neEts'entremefler des afaires fin du règne du Roi Edouard. Les
du monde. nonobftant Ferror auoit autheurs de ce trouble furent caufe
toufiours eflé efloigné d'vne telle de ietter cefi Euefque dedans la tem-
uoitife. Mais voici comment il en con-
al-
pcfie,en car
tenu cependant
la prifon qu'il eftoit de-
nommée
loit : 'Vn gentil-homme fien voifin eut Fletien(i),
la perfecution de la Roine furuint,
cela mit en befoin
quelquefois vante d'argent,
certaines &terres.
pour
durant laquelle Ferror fut là trouué
Ferror, voyant la neceffité de ce tout à propos, comme entre les pre-
gentil-homme, fut efmeu de faire miers. On cerchoit de tous codez les
quelque tranfadion auec lui, plurtoft autres Euefques pour les conftituer
que de le voir contraint à vendre fon prifonniers ; mais on le prefenta à fes
héritage. Et combien qu'il ne fuft fort aduerfaires pour lui faire fon procès ,
pecunicux, toutesfois pour fubuenir à & Dieu voulut qu'il leur fut vn rocher
la neceffité prefente de fon voifin , il inuincible. Il faudroit ici dire com-
lui fit offre de lui prefter argent autant ment Ferror a elle traidé rudement
Et pour auoir qu'il en auoit befoin , fous condition par fes aduerfaires Papifles, quel a
efté le procès tenu contre lui , &
f^n'pSin. terre
r'"'^^^ correfpondante
lui bailleroit vne à laoartie
fomme
de fa, quelle fut fa condamnation ; mais à
comme pour gage ou affeurance de fon grand' peine a-on peu fauoir encore
argent, & reprendroit derechef fa la procédure en tout ceci (2), finon
terre , quand il auroit payé la fomme. qu'après M. Jean Hooper on le mit
Ainfi vouloit-il pouruoir qu'à l'auenir hors de la prifon pour efire interrogué.
il ne full point en danger de perdre la & exécution
Et les Juges voyans qu'ils ne le pou- Condamnation
fomme qu'il auroit preflee, d'autrepart de R. Ferror.
aue le gentil-homme euft moyen quelle
uoyent ildeftourner vérité, la-
maintcnoitde , laprononcèrent *' '"'
de fubuenir à fa neceffité, en fauuant fentence contre lui telle qu'ils auoycnt
fon héritage. Et ne faut douter que faite contre Hooper, fi que, le dou-
ceft Euefque, qui efloit homme de ziefme iour après, il fut mené au pays
bonne vie, n'ait fait cela pour gratifier de Galles, en la ville de Carmar-
à fon voifin, plufloft que faire profit den (5), de laouelle il efioit Euefque,
de lui. Il auint depuis oue le gentil- poureftre bruflé auec grief tourment,
homme ayant délibéré de vendre fon car à l'cntour de lui il y auoit bien
bien, s'adreffa à Ferror premièrement, peu de feu, mais principalement d'au-
& voyant qu'il ne le vouloit acheter, tant qu'en lieu de bois ils n'ont, en
il fe retira vers vn autre gentil-homme, celle contree-la, que des mottes & ga-
qui de long temps vouloit mal à Fer-
zons, qu'ils tirent d'vne terre gralTe
ror. L' Euefque ayant entendu & moite (4). Le feu donc allumé de
& confiderant quelle fafcherie le&tout, in- telle matière, faifoit plus de fumée
conuenicnt ce lui feroit fi vn voifin que de flamme, tt là fut ietté ce
haineux occupoit vne fois ces terres S. Martyr de Jefus Chrifl, & bourrelé
qui lui efloyent prochaines, marchanda d'vne façon autant cruelle qu'on ait
lui mefme le fond <Je cefl héritage, en
forte toutefois que le gentil-homme
vendeur auroit faculté de racheter tou- (il Prison nommée ■< the Fleel . ■• parce
tes fois A quantes que bon lui femble- dres.
qu'elle élail située dans Fleet-slreet, h Lon-
roit. On le chargea auffi qu'il n'auoit (2) Voy. ses divers interrogatoires dans
payé au threfor du Roi le rcuenu de Foxc, l. VII, p. I2-Jf.
()) Cacrmarihen.
(i) Convenables. le (4) Il s'BRil deprincipal
combustible la tourbe, qui était alors
du pays de Galles.
THOMAS TOMKINS.

homme merueilleufement cruel &


gueres veu. C'eftoit vn homme de
flature affez grande , & robulle de prompt à efpandre le fang, & fem-
corps, de couleur noire, conflant &
ferme en fes faids & dids . graue en blolt que nature ne l'euft mis au monde
que pour cela ; mais pour ce que nous
fes mœurs autant que nul autre qui
fut. Outre fes vertus excellentes , il orrons ci après que les Martyrs qu'il
a condamnez à mort , ont fait leur de-
uoir en ceft endroit , il vaut mieux le
auoit ceci de fingulier (& à grand'
peine en euft-on trouué vn autre qui laifler là & venir au récit de l'hiftoire.
Tomkins, dont eft ici fait mention, fut
ait eu cela que lui) alfauoir qu'il auoit amené deuant ce Boner. Entre tous
Marque d'vn retenu fi bien par cœur les palTages, les
vrai Êuefque.
fentences & chapitres tant du vieil que les Martyrs qui depuis ont efté exé- M'
I du nouueau Teftament, qu'il ne lui fa-
loit point de liure pour monllrer le
palTage dont on parloit. Ce Martyr
cutez en grand nombre, Tomkins fut
le premier qui fouftint la fureur de ceft
Euefque , lequel commençant par
fidèle de Chrift, Euefque de Sainft- ceftui-ci monlira ouuertement l'ef-
Dauid , fut bruflé en la ville de Car- preuue de fa cruauté. Car combien
marden , l'an du Seigneur iî5 5. le que Tomkins fuft homme fans lettres,
26, iour de Feurier (i). neantmoins il auoit affez de fauoir
pour ne pouuoir eftre conueincu par
i'Euefque, & efloit fi ferme en la
vraye religion
donner lieu aux qu'il ne voulut
erreurs. Comme iaraais
ainfi
foit donc que ceft homme de meftier
Thomas Tomkins, Anglois (2).
ne peuft eftre deftourné de la profeffion
Y a-il vn Mutius Sccuola, tant célébré qu'il maintenoit, Boner vfa d'vne nou-
des anciens Roniains, qui puiffe ejlre uelle rufe : c'eft que, ne le pouuant
veincre par raifons & argumens, il lui

I
comparé en vertu & conllance à ce voulut faire fentir quelques angoilTes
Martyr ? auquel la main fut mife à mortelles auant que le faire mourir,
l'efpreuue fur la flamme ardente , pour l'eftonnerdu tout. Il fit apporter
par fes feruiteurs vn flambeau ardent,
mis au que
auant feu.le J'urplus du corps ait ejlé & dit à Tomkins : (c Mefchant garne-

En cefte forte donc il y eut cinq plaifirmentàfi


, endurer
tu penfesle qu'il y ait du
tourment fi grand
feu ,
excellens Prefcheurs bruflez au mois ie te monflrerai en cefte flamme , &
de Feurier, entre lefquels il y auoit
fentiras
tre par puis
bruflé; expérience
après, fique
tu esc'eft d'ef-
fage, tu
deux Euefques. Au mois de Mars fuy-
uant, il y en eut huift autres exécutez changeras d'opinion. " Et quand &
pour le tefraoignage de cefte doélrine
quand fit
arreftaft la commandement qu'on ar-
main fur celle flamme lui
Chreftienne. Le premier fut Thomas
Tomkins, citoyen de Londres, tiffe- dente ,penfant par ce moyen eftonner

I ran de fon meftier. Or, les cinq def-


quels il a eflé parlé iufques ici, furent
condamnez par Gardiner, Euefque de
le poure homme par la véhémence de
la douleur, & le deftourner de la doc-
Tomkins
trine qu'il auoit maintenue. Mais ce endure fa
Winceftre . lors grand Chancelier tifferan, bruflant au dedans de plus
Le Chancelier main eftre
flamboyee.
envoya les d'Angleterre. Depuis , s'ennuyant de grand'
bruflureflammeextérieurede zèle , endura
de telle cefte
confiance
procès à la peine qu'il lui faloit prendre, il ren-
Boner. uoya les procès des autres prifonniers que le tyran ne profita de rien , finon
à Edmont Boner. Euefque de Lon- qu'il deuint beaucoup plus cruel (i),
dres, pour les condamner, comme car ne fe contentant de lui auoir défia
bruflé la main, ne cefta iamais iufques
nous pourrons ouir ci après, s'il plait
à Dieu. Il a eflé parlé de Gardiner ci à ce qu'il l'euft fait tout réduire en
Qui ertoit ce cendres; ce fut en la place de Londres
Boner. dellus. en l'hilloire de Rogers; mainte-
nant on pourroit parler de Boner, nommée
Mars 1555Smythfild
(2). , le cinquiefme de
pource qu'il en eft fait mention fou-
uent ci après, alTauoir que c'efloit vn
fi) « In the time that his hand was in bur-
ning, the same Tomkins aflerward reported

r
(i) Foxe indique le ;o mars ou samedi to one James Hinse. that his spirit was so
avant la Passion , comme date du supplice rapt, that he felt no pain » (Foxe, VI, 718).
de Ferrar.
(2I Voy. Fo.xe, t. VI, p. 717-722. (2) D'après Foxe , ce fut le lû mars
qu'eut lieu l'exécution.
142 LIVRE CINQUIEME.

douces paroles , menaces promeffes &


ellonnemens , tellement qu'on vint
iufques à ce poind, que les prilonniers
demandèrent loifir pour y penfer.
Thomas Hygby, lît Thomas Cela donna quelque crainte aux fidè-
Cavsson (i). les , qui auoyent peur que leur fer-
meté ne vinfi à ployer, ou que par in-
firmité ilsne fulTent deceus par fraude.
Ces deux ^s;;cnlils-honimcs furCRl bruf-
U'^ en vn me/me iour pour la vérité, Mais tant
leurfut s'enamoindrill
donné fui ut que leur
le terme qui
confiance
& pour la cbnfejjion qu'ils ont ren- tS: fermeté, que pluftoft ils fe monftre-
due à la vraye aoelrine de l'Euan- rent puis après plus munis que para-
gile , laquelle con/ejfion ejl ici in- uant, »& firent confeffion de leur foi en
férée. la façon qui s'enfuit.
On ne pourra nommer que bien peu « Novs croyons & confefTons que Leur confef-
de contrées ou diocefes en tout le
nous &renonçons
ures toutes fesà pompes,
Satan & àaufesmonde
oeu- '"'O" <^'^ fo'-
royaume d'Angleterre, quelque grand
qu'il foit , qui ayent elle dutout t!4 à la chair auec toute fa vanité , fes
exemptées de cefte perfecution faite flatteries &mefchantesconcupifcences,
fous la Roine Marie, & entre les au- eftans régénérez par le Baptefme (1).
tres àgrand'peine y en a-il qui que
ayentla Outreplus, que nous fommes necclTai-
tant produit de Martyrs fidèles, renient obligez éit aftreints à garder de
contrée d'ElTex, & l'autre voifine, af- toute noftre alTedion la loi facree du
Accufez. fauoir Cantie (2). En ce mois de
Mars, il y en eut plufieurs qui fouffri- Dieu tout-puilTant
mandemens , et fes faindscom-
él: ordonnances , & che- *
r(int martyre, defquels il fera parlé ci miner en icelles tous les iours de nof-
après : mais il y eut deux hommes de tre vie. Nous croyons tous les articles
marque entre les autres, & de maifons de la foi Chreftienne , qui font conte-
notables, l'vn nommé Thomas Hygby, nus au Symbole. Que toutes les chofes
l'autre Thomas Caudnn : ce dernier
efloit plus aagé, & tous deux ertoyent que l'vfage tant du corps que de l'ame
allez riches. Leur vertu & religion ne requiert, font contenues en l'oraifon
Dominicale, & que toutes nos deman-
peut pas demeurer longuement cachée,
ains finalement eftans trahis & empoi- des doyuent eftre adieft'ees à Dieu
feul, & non point aux Sainds, ni aux
gnez, les Gouuerneurs de Glocellre Anges mefmes. Nous reconoilTons
Emprifonnez. 'es firent emprifonner. On emprifonna De l'Eglife.
auec eux vn feruiteur de Thomas qu'il n'y a qu'vne Eglife Catholique ,
qui ell la communion des Sainds, édi-
CaufTon , qui fe monflra confiant en la fiée fur le fondement des Aportres &
vraye religion. L'Euefque de Londres Prophètes, dont Jefus Chrift eft la
eut charge de faire leur procès, & pierre angulaire, qui a expofé fa pro-
s'y trouua auec main forte, à caufe
qu'ils efloyent de bonne maifon , & di(l pre vie pour icelle
glorieufe , afin
d fans ridequ'il la ren-fa
deuant
auoyent la faueur de leur peuple , & face. Quelque chofe que cefte Eglife
Ephef. 2. 20.
craignoit qu'il n'y eut quelque tumulte. foil glorieufe , toutefois nous confef-
Là auffi fe tmuua Feknam, duquel ci fons que de fa nature elle eft infirme
delTus en l'hifloire de Jane Graye cft & fuiette à péchez, & pour cefte caufe
faite mention (5J, lequel fut appelé, elle a befoin de faire cefte requefte à
tant pource qu'il cfioit ftilé & rufé à Dieu : Pardonne-nous nosoffenfes, &
auoit ce au Nom de lefus Chrift, qui eft le
interroguer,
Intcrroguez. défia que pource
depuis quelque temps qu'il
familiarité feul nom fous le ciel donné aux hom-
auec CaufTon. Et comme il fit tout fon
mes (félon le lefmoignage de laind
pouuoir à perfuader, auffi CaufTon fit Pierre es Ades) par qui il nous faille Aûes 4. 12.
tout effort à lui refifter & furmontcr fa
eftre fauuez. Et comme icelui eft nof-
Molertez. rufe. Les autres pareillement s'elTayc- tre Suuueur vnique, auffi tenons-nous
rent de faire tout ce qu'ils peurent par
ceci pour refolu, qu'il eft noftre feul
(1) Ces noms sonl écrits par Foxe : Tho-
mas Higbcd cl Thomas Causlon. Voy. Foxc, (1) L'original anglais ne mentionne pas la
t. VI. p. 7î9-7)7. rcgéniralion par le baplime , mais dit sim-
(2) Kent.
plement :■• We bclievc and profess in bap-
(isin, to forsake thc devil, » etc.
THOMAS HYGBY ET THOMAS CAVSSON.

Du Médiateur. mère, afin que nous le fuyuions, on m d.lv.


I. Tim. 2. ;. Médiateur,
Vn car vnl'Apoflre
fcul Dieu, parle ainfide:
feul Médiateur peut facilement conoiflre par cela que
Dieu & des hommes, Jel'us Chrill beaucoup plurtoft nous deuons laiffer
les ordonnances & traditions humai-
homme. Comme ainfi foit donc qu'il
n'y en ait point d'autres à qui ces nes qui ne s'accordent à fa parole.
noms, Dieu & homme, compete qu'à Quant à l'inflitution de la Cène du De la Cène.
noftre Seigneur Jefus , pour celle Seigneur, nous auons cela pour tout
mefme raifon nous ne reconoifibns
rcfolu , qu'il
changer n'y faut
en forte que rien remuer
ce foit , ellansni
point vn autre Médiateur que lui feul.
Des perfecu- » Novs croyons que cefte Eglife eft certains que Jefus Chrift lui rnefrae ,
tions.
fouuentefois expolee aux perfecutions
qui efl la fapience du Père, l'a ordon-
& oppreffions, félon que le Seigneur née à fon Eglife. C'eft chofe notoire
Jefus lui-mefme l'a prédit , difant : que défia des long temps on a intro-
lean iç. 12. duit de grans abus & deformitez en
« Comme ils m'ont perfecuté , auffi
vous perfecuteront-ils , car le difciple celle S. Cène , premièrement
tre offerte au commun populaire d'ef-
fous
n'eft point plus grand que fon maiftre,»
& ne nous efl point ieulement donné vn efpece feulement, au lieu que deux
de croire en lui, mais auffi d'endurer efpeces y ont eflé inftituees. Seconde- Les abus in-
2. Tim. ;. 12. ment, que la communion de plufieurs troduits en la
pour :lui.
tifie Et comme
« Tous l'Apoflre
ceux qui auffiviure
voudront tef-
mangeans & beuuans a eflé transférée Cène,
religieufementenChrirtfouffrirontper- en vne MelTe priuee. Elle eft malheu-
fecution. >. Outre-plus que cciie mefme reufement conuertie en facrifice , au

I
Eglife propofe purement la parole de
lieu que le Fils de Dieu l'a laifl"ee
Dieu fans la corrompre, n'y adiouftant pour vn mémorial & gage l'acre des
& n'en diminuant rien. Elle adminirtre chofes qui ont eflé faites, & principa-
les Sacremens purement félon la lement en commémoration de ce fa-
fainfte inflitution de fon Seigneur, elle crifice éternel qui a eflé offert vne
permet également à tous de lire les fois & paracheué en la croix. C'eft en
faindes Efcritures, à laquelle auffi vain qu'on réitère derechef ce qui a
Jefus Chrift inuite tous hommes , erté vne fois fi parfaitement acompli.
On adore le pain de la Cène, qui eft
lean 5. ;6. de quelque
foyenf. » Sondez eftat les
ou Efcritures,
condition car
qu'ils
ce chofe diredement contraire au com-
sont elles qui rendent tefmoignage de mandement qui défend d'adorer au-
Ades 21. 17. moi. » Et au liure des Ades, après la cune image ou femblance. La Cène
prédication de S. Paul , la multitude eft adminiftree en langue eftrange &
conferoit auec les Efcritures ordinai- inconuë ; t^ le poure peuple n'eft pas
I rement, pour fauoir fi les chofes dites
par fainâl Paul eftoyent vrayes ou non.
Les Prophètes exhortent de prier
inftruit au vrai vfage de ce myftere, affa-
uoir que lefus Chrift eft mort pour nos
péchez iustification
noftre & off'enfes & ; eftparrelTufcité
lequel pour
auffi
auec intelligence , fans laquelle com-
ment le peuple refpondra-il Amen .' Et nous obtenons paix enuers Dieu; &
n'y a chofe fi necefiTaire que la foi, la- de ceci ce Sacrement en eft vn figne
Rom. 10. 17. & feau infaillible. Finalement, on a
quelle efl par l'ouye , & l'ouye par la
parole de Dieu. acouftumé de prendre ce facrement en
Contre les » Avssi nous croyons & confeffons haut & l'enfermer en vne boite, &
traditions. que Dieu ne peut eftre ferui ni honoré fouuentefois fi long temps qu'il eft
mangé de vers, ou tellement relenti,
finon félon l'ordonnance de fa parole,
& non point félon le iugement des qu'il pourrit, & de cela mefmes les ru-
hommes , ni félon les décrets que la
des & ignorans prenent occafion d'en
raifon humaine a forgez ; lefquels le
parler irreuerernment, ce qu'ils ne fe-
Seigneur lui mefme redargue & re- royent fi on corrigeoit l'abus. Parquoi
iette en l'Euangile , alléguant le tef- ce que le commun populaire a ce Sa-
moignage des Prophètes, difant: « Ils crement en fi grand mcfpris, vous doit
m'honnorent en vain, enfeignans com- eftre imputé principalement , & non
mandemens &traditionsd'hommes.» Il point à nous qui prions alTedueufe-
ment le Seigneur , que ce facrement
commande exprefl'ément par fon Pro- foit remis quelque iour en fa première
phète que nous ne cheminions point
aux décrets & traditions de nos pères, pureté & en fon vrai vfage.
ains que nous nous arreftions à fes » QvANT aux paroles de Jefus Chrift,
commandemens. Et quand le Fils de defquelles il a vfé en adminiftrant
Dieu commande de laiffer père & cefte fainde Cène , nous ne nions
'44
LIVRE CINQUIEME.

Du fens des toufiours les poures auec vous, mais


paroles de point ces paroles ; mais nous efplu-
Icfus Chrlll. ch(ins le vrai fcns d"icelles, en confé- vous ne m'aurez pas toufiours , car
ie laift'e le monde & m'en vai à mon
rant les autres passaf,'cs de l'Elcriture
auec ceflui-ci, laquelle fait bien don- Père ; & fi ie m'en vai , le Confola-
ner la vrayc interprétation A fuimefme, teur ne viendra pas , lequel ie vous
enuoyerai. » Parquoi , félon fa pro-
car nulle prophétie de l'Efcriture n'ap-
partient A particulière déclaration , mell'e, icelui eft monté laiftant la terre,
1. Pierre lo. comme dit S. Pierre; ainfi auiendra-il comme l'ange l'a teftifié. Et S. Pierre,
que, quand les fainiles lettres nous fe- accordant à cela, dit : « Il faut que le
ront pour guide , nous paruiendrons ciel le contiene iufques au temps au-
quel ildoit retourner. » Finalement,
facilement au fens myllique de l'Ef-
criture. Or eft-il ainll que par toutes quant à la puiffance infinie de Jefus
les faindes Efcritures, on trouuera Chrift, voici ce que nous refpondons,
telle façon de parler , & principale- félon S. Auguftin : Qu'il y a autre ef-
ment au nouueau Teftament, comme gard à fa diuinité, autre à fon huma-
quand le Sei|;neur Jefus dit : <■> Celle nité ;la diuinité eft partout & fe fait
Luc 2]. 20. coupe ell leTeflamcnt en mon fang, " funtir prefente par tout, & fon huma-
I. Cor. 10. 4. tt S. Paul dit : " La pierre elloit nité ne peut eftre finon en vn lieu
Marc 9. 17. Chrift. » Item Jefus Chriftdit : « Qui- certain , comme de faid félon ce re-
conque reçoit, voire un enfant en mon gard ileft à la dextre de Dieu le Père. Matth. 28. 6.
Nom, il me reçoit, >■ & autres telles Il eft dit qu'il n'eftoit point au lieu où
formes de parler infinies. Et comme les femmes le cerchoycnt. Quand il
ces façons de parler font fpirituelles , conuerfoit Ican 11. i(.
suffi il y a vne autre intelligence ca- en Bethanie enlorS
terre
que, Lazare
il n'eftoit point
mourut,
chée en icelles , que celle que les pa- & s'efiouilToit de ce qu'il n'y eftoit
roles monrtrent , finon que de noftre
pas. Or des
thorité donc, eftans Efcritures,
faindes apuyez fur nous
l'au-
propre gré nous vueillions errer auec
ces Capernaites, qui oyans parler Je- aff'ermons ouuertement qu'à la vérité
fus Chrirt de la manducation de fon noftre Seigneur Jefus Chrift eft en la
corps, conceurent celle opinion tout Cène d'vne façon facramentale & fpi-
incontineion nt , dequ'il entendoit de la rituelle, mais il eft au ciel félon fa pre-
manducat fa chair. Le Seigneur fence corporelle. Or vous auez main-
Jefus, voulant corriger leur erreur, a tenant lavraye confeffion de noftre foi,
enfeigné que la manducation externe laquelle nous vous prcfentons fans obf-
de la chair, faite par la chair, ne pro- tination ne contention, ains d'vne fim-
lean 6. 6;. fite de rien. « La chair ne profite rien, ple confcience ; iS: furtout eftans per-
fuadez éfc ainfi enfeignez par la fainde
c'ert l'efprit qui viuifie , mes paroles
font efprit & vie. >> Pour celle raifon, parole de Dieu. Et auons imploré le
quiconque fe voudra aprocher de ce fecours de noftre bon Dieu d'un de-
banquet facré , au'il aprefte la foi, & fir & aff'edion ardente, auant que nous
non point le palaits , l'efprit & non entrepriffions
nous gouuernaftceft afaire ,par
tellement à ce qu'il
la grâce
point les dents , afin qu'il mange & de fon S. Efprit , que ne fiffions rien
Doiue &dignemen t eftant e. pouffé d'une
faim foif fpirituell Pourtant S. qui fuft contraire à fa parole falutaire
& qui ne fuft refpondant en tout à fa
I. Cor. II. 28, Paul dit : " Qu'vn chacun s'efpreuue fainde & bonne volonté. En quoi fa
& qu'en cède forte il mange de ce
pain, » affauoir fi noftre confciencc rend bonté n'a point permis que nos priè-
tefmoignage à noftre foi , que nous res fulfent inutiles . ains a parfait fa
croyons purement au Fils de Dieu, vertu en noftre foiblelfe & infirmité.
Au rerte, nous ne pourrons iamais faire
félon la vraye ionraifon de l'Efcritur e.
Pour confirmat de ceci , il y a des
tefmoignages infinis & inuincibles , que
cœur luiquerendions grâces d'vn
nous deurions. fi bon
A lui foit
touchant la mutation des fignes ou éternellement louange A adion degra-
tranfubllantiation; ce que les hommes ces par noftre Seigneur Jefus Chrift.
en ont imaginé eft une chofe friuole Amen. »
& ridicule , veu que le pain ne laiffe
rien de fa nature , ains demeure tel
qu'il t De quelle fin le Seigneur couronna fes
tance.eftoit
Nousauparauan
auons en quant
S. Jeanà la
vnefubf-
at-
teftation euidenie du Seigneur lefus fiens feruiteurs.
Ican 21. 8. Chrift, quand il dit : « Vous aurez Apres que le temps qui leur auoit
ESTIENE KNYGHT.

eflé donné pour délibérer fut pallé, on conoillre de quelle affeâion & cfprit
les interrogua s'ils auoyent toufiours il ejloit mené & conduit à endurer la
mort.
vn mefme propos & volonté ; pour ref-
ponfe , ils rendirent tefmoignage de
leur dodrine & de leur foi comme au
Ci deffus a efté touché d'Eftiene
parauant & repoulTerent leurs aduer- Knyght , qui efioit du meftier de bou-
faires auec plus grande conrtance que
deuant & fortifièrent tant plus leurs cher, homme de grande pieté & d'ef-
prit véhément, lequel ayant receu fen-
amis ; ce que Boner ne pouuant fouf- tence de condamnation , fut exécuté
frir, fortit de la ville de Londres , les à Maulden (i). Le Seigneur a voulu
fit quand & quand emmener & quel- que la prière qu'ilrecueillie
fit auant &qu'endurer
ques autres auec eux , qui pour lors la mort ait eflé mife par
auffi eftoyent pour vne mefme caufe efcrit, pour enfeignement & certifica-
prifonniers , comme les menant en tion de l'heureufe ilTue qu'il a eu, la-
quelle a efté traduite en la manière
triomphe.
eut alTez tourmentez,Finalement il après qu'il les
y eut fentence
de mort donnée contre Thomas Cauf- qui« s'enfuit.
O Seignevr Jefus Chrift , pour
fon, Thomas Hygby, Guillaume Hun- . l'amour duquel i'expose volontiers &
ter (i), Eftiene Knygth (2), Guillaume de cœur alaigre cefte vie , aimant
Pygat, tifferan(5), lean Laurent, Mi- mieux endurer ce grief tourment de
niftre (4) , qui tous eflans condamnez la croix & perdre tous biens & facul-
à mort, furent menez à Elfex (5) au tez que confentir à ceux qui blafphe-
mois de Mars ; & le Magiftrat or- ment ton faind Nom & reiettent tes
donna à tous les gentils-hommes de commandemens, tu vois, ô Seigneur,
la prouince de fe tenir prefts pour qu'on me prefente la vie deu;e monde,
donner fecours, s'il eftoit befoin. Puis en quittant le vrai feruice de ton Nom
on les fepara, fi que les vns furent & me rendant efclaue à ton aduer-
bruslez en vn lieu , les autres en vn
faire : mais i'ai choifi par ta grâce ces
autre. CaulTon fut bruflé de grand tourmens du corps & la fortie de cefte
matin à Raili ^6) le vingtcinquiefme vie, eftimant toutes chofes comme bal-
iour de Mars (7), Guillaume Pygat lieures, afin que tu fois mon gain en
à Braintrie (8) , le 27. iour dudit la mort. Et certes ta charité a im-
mois (9), Thomas Hygby, à Horn- primé en mon poure cœur vn tel
don , le 2î. Hunter (10) à Burno- amour enuers toi, que toute mon arne
wood (il) le mefme iour, Jean Lau- foufpire après toi, comme vn cerf Pf. 42.
rent, miniftre , à Cloceftre (12), le laffé & altéré bruit après les fontaines
vingthuitiefme du mefme mois (i?). des eaux. O Seigneur, affifte-moi par
la grâce de ton S. Efprit, par laquelle
cefte imbécillité de mon corps foit mu-
nie & fortifiée , qui fans cela eft def-
tituee de toute force. Tu conois, Sei-
gneur, que ie ne fuis que poudre,
EsTiENE Knyght, Anglois (14). inutile à tout; parquoi, ô Seigneur,
tout ainfi que par ta mifericorde , la-
Par l'oraifon que ce fainâ pcrfonnage
fit à Dieu auant que mourir, on peut fait ce quelle
bien tant fouuent i'ai fentie,
de me mettre tu m'as
au reng de
tes esleus & m'en donner maintenant
(i) Voy. ci-dessous, p. 146. tefmoignage par cefte coupe que ie
(2) Voy. la notice suivante.
(;) William Pygot. Voy. Foxe , t. VI, doi boire ; auffi que ta dextre tout-
P- 7Î7- puiffante me conferme contre ceft élé-
(4) Voy. ci-dessous, p. 146. ment de feu, lequel , comme en apa-
(5) Essex est le nom d'un comté et non rence femble eftre terrible & horrible,
d'une ville. Les condamnés furent remis aux
mains du shérif d'tssex. auffi par ton ordonnance & comman-
(6) Raleigh. dement me foit rendu tolerable & paf-
(7) Le 26 mars, d'après Foxe. fable, afin qu'eftant en cefte forte armé
(8) Braintree. de la vertu & force de ton S. Efprit,
(9) Le 28 mars, d'après Foxe.
(10) Le 26 mars, d'après Foxe.
(i i) Brentwood. ie fois receu en ton fein par l'afpreté
[12) Colchester. de ce feu , & comme purgé au four-
neau, ie defpouille toute corruption
(i;) Le 29 mars,
(14) Slephen d'après
Knight. Vov.Foxe.
Fo,\e , t. VI,
P- 7Î7-
(i) Maldon.
II.
lO
LIVRIf; CINQUIEME.
I^(>

pour OL-flrc rcueftu d'incorruption pluslaonmère


s'efmerueilloit
ou du (ils., Le
ou du
fils père &
loi. Pcrc mifcricordieux ; fai aucc
que de en fon
ccft holocuuflc & facrifice te foit de tourment recita le Pfeaume 84. &
bonne odeur pour Tamour du grand mourut aucc grande confiance. Le
Sacrifice de ton Fils vnique, au nom père & la mère, en leur endroit auffi
endurani. vn martyre en la mort de
duquel ie t'offre tout ce mien facrifice, leur fils, furmonterent en ce regard
tel qu'il peut ertre ; me pardonnant
tous mes péchez, comme ie pardonne leurs paffions naturelles. Le fils expo-
à tous ceux qui m'ont offenfé. Eften fant fon corps à la mort, a furmonté la
fur moi tes ailes , ô Seigneur tref-be- mort, a veincu les tourmens & toute
nin, ô Efprit fouuerain ; transfère la la cruauté des tyrans. Les tourmens
vie bien-heureufe &: éternelle en moi, que le fils enduroit dehors en fon
qui recommande mon efprit en tes corps, ceux-ci les enduroyent dedans
mains (i). » en leur ame. Cefle precieufe mort fut
le quinziefme de Mars, 11^5 (i).
Il endura conflammcnt la mort à
Maulden , le 25. iour du mois de
Mars, audit an i=,^<, (1).

Iean Lavrent (2), Ravlin


WHYGrH (5) & GviLLAVME DlGEL (4),
GviLLAVME HVNTER, Anglois (]). Anglois.

Spectacle & exemple digne de mémoire Iean Laurent eftoit pafteur de Lex-
en la perfonne de G. Hunier; la vertu douie (i). lequel ayant efié comme
con/lanle de (es parens en fa mort moulu d'ennuis , de la pefanteur des
cjl pareillemcnl digne que tous pères chaînes et de la longue détention de
& mères ayenl en admiration. la prifon , auoit acquis vn tel mal de
pieds . auoir;
vouloit qu'il lemais
faloitcependant
porter oùil on le
eftoit
Entre ceux defqueis il a efié parlé
ci delTus, Guillaume Huntcr cfioit fort fort de courage, & puiiïant en fainc-
tes tS[ bonnes paroles, & fe monftra
ieune,
rens& &craignans
cependant in"u lefquels,
Dieu, de noblesoutre
pa- vaillant champion de lefus Chrift, au
ce qu'ils l'auoyent inrtruit à aimer &■ dernier combat auquel il efioit appelé.
honorer Dieu, auffi l'auoyent-ils con- Combatant donc pour la vraye doc-
fermé à endurer la mort , furmontans trine, ilfut finalement bruflé à Glocef-
les affedions naturelles par vn vrai zèle tre (6), le 28. iour du mefme mois de
de l'honneur de Dieu. Eux voyans Mars (t). Outre les fufnommez, il y
en eut deux autres auffi bruflez ccdit
amener leur fils n'vferent oncques de
paroles lamentables pour le deftour- mois; alfauoir Ravlin Wmygt à Gar-
nei- de fon propos; mais, fuyuans diflle (B) le 27. iour & Gvillavme Di-
l'exemple de la femme vertueufe , GEL, à Damburie (9), le iour mefme
j. Macchab. 7. mère des Machabees, bailloyent cou- que Iean Laurent fut exécuté.
rage àleur fils & comme s'efiouilTans
l'incitoyent tant qu'ils pouuoyent à
lieu(1)cette
D'après Foxe, à c'est
exécution le j6 mars qu'eut
Brenlwood.
perfeuerer,
lui faloit endurer tellement que ,l'heure
la mort ils lui qu'il (2) Sur John Laurence, voy. Foxe, t. VI,
prc-
fenterent du vin à boire pour le for-
tifier Aacourager. Et en cet! endroit p. ())
740.Sur Rawljns White , voy. Foxe, t. VII,

à grand'peine eull-on feu dire de qui (4) Sur William DiKhel, voy. Foxe, t. VII,
p. (8). Ce nom fiijiire seulement dans la
p. 28.
première édition de Foxe . où quatre lignes
(n Voy. le lextc original de celte tou- lui sont consacrées.
chante pridrc dans Foxe, t. VI, p 740. (5) Lexden, village des environs de Col-
chester (Essex).
(?) Voy.38 l-oxc,
(1) Le mars,, d'après Foxe'.
t. VI, p, 722 (p. M 10 de (6) Ce n'est pas h Gloucestcr, mais à Col-
ledit, de 156)). Ce jeune homme n'avait que chcsler, que Laurence fut brûlé.
dix-neuf ans. I,e martyrologe de Foxe nous (7) Foxe indique le 29 mars.
a conservé une admirable narration de ce
(8) Cardilf (pays de Galles).
martyre, écrite par le propre frère de (9) Banbury (Oxfordshire).
William llunter. Crcspin no paratt pas avoir
connu cette pièce.
PLVSIEVRS MARTYRS.

bruflé tort après à Weftceflre (i). Au


demeurant, pour plus ample hiftoire,
on peut inférer ici deux (lenes Epif-
Iean Alcock, Anglois (i). tres, efcrites auant la mort de Saun-
ders.
Av fécond iour du mois d'Auril en-
fuyuant, Iean Alcock, ayant etté de-
tenu quelque temps en la prifon nom-
mée de la nouuelle porte (2), pour le George Marché aux fainâs & fidèles
telmoignage de Jefus Chrift , mourut qui font à Langthon, fes frères en
de maladie & par ce moyen euita le lefus Chrifl (2).
martyre du feu qui lui efloit aprefté.
On le ietta inhumainement dans les Grâce & paix vous foit multipliée
fumiers aux champs près la ville de en la conoifTance du Seigneur Jefus
Londres, en quoi les ennemis acom- Chrift, Amen. Frères & compagnons
Pf. 79. 2. plirent ce qui eft dit par le Prophète : d'armes en Chrift , vous qui eftes de-
Cl Ils ont donné les corps morts de tes
feruiteurs pour viande aux oifeaux du meurans
bon de vous à Langthon
admonnefter , il àm'a femblé
perfeuerer
ciel , & la chair de tes débonnaires comme Barnabas, homine rempli du
aux belles de la terre. » S. Efprit & de foi, a iadis admonnefté
les habitans d'Antioche, à ce que de-
meuriez fermes en la profeffion de
l'Euangile, lequel vous auez receu par
George Marché, Anglois (3). voftre pafteur, M. Laurent Saunders,
& par plufieurs autres feruiteurs fidè-
Combien que la pieté & doctrine de ce les de lefus Chrift, qui fe font monf-
trez prompts & alaigres, à perdre non
perfonnage nous ejl manifejlee tant feulement tous leurs biens, leurs amis
par fa vie & propos ordinaires, que la
cruelle exécution qui en fut faite, fi &
auffipays pour l'amour
à endurer de vous iufques
toutes chofes , mais
ejl ce quelle efï grandement aprou- à l'efTufion de leur fang , la neceffité
uee par deux excellentes Epiflres ,
que nous auons inférées ci dedans le requérant concluez
vous-mefmes ainfi. Puis
qui qu'ainfi eft,
vous aimez
pour
tienent.le fruicl fingulier qu'elles con- mieux receuoir pour doâeurs A minif-
tres , ou ceux qui s'eftudient à vous
On vfa de mefme cruauté contre an"aifonner du fel de leur prédication,
combien qu'il foit afpre, ou ceux qui,
George Marché, le 24. d'Auril, audit n'ayans rien de falé, ne prefentent que
an 1555, lequel Laurent Saunders
chofe infefte & puante , les traditions
(dont ci-deuant l'hiftoire eft defcrite) fades des hommes & les refueries de
auoit ordonné miniftre en l'Eglife de l'Antechrift. Mes frères , receuez en
Langthon (4), qui eft vne petite ville
en la iurifdiàion & feigneurie de Lan- toute douceur d'efprit la parole iadis
plantée en vous, laquelle peut fauuer
caftre, auec
bailloit certaine penfion
annuellement qu'il lui
pour viure & vos âmes, à celle fin que puiffiez eftre
s'entretenir. Et tout ainll qu'il l'auoit comparez fage baftifl'eur
à ce iefus , dont Matth. 7.
eu pour compagnon & coadiuteur en noftre Seigneur fait mention en
l'œuure de la prédication du S. Euan- l'Euangile", lequel édifia fa maifon fur
un roc, & la pluye eft tombée, & les
gile fa vie durant , auffi l'eut-il en fa torrens font venus , & les vents ont
mort, combien que tous deux ne mou-
foufflé & ont heurté contre cefte mai-
rurent pas en vn mefme iour. Saun-
ders fut bruflé à Cûuentrie, comme il fon-la & n'eft point tombée , car elle
a efté dit ci deffus (5), & Marché fut eftoit fondée fur la roche. C'eft que,
quand Satan muni de toutes fortes
(i) John Alcock, de Hadley. Voy. Foxe, de rufes & de folicitations véhémen-
t. VI, p. 681. tes, & le monde armé de la puilîance
(i) Newgate. des grands Rois & Princes, & de con-
(;) George Marsh. Voy. Foxe, t. VII ,
p. ;9-68 (p. 1122 de rédii. de 156;).
(4) Laughton , dans le Leicestershire. (i) Chester. .
Marsh fut curate dans cette paroisse , dont
Saunders était recteur. (2) Cette lettre est une traduction fort
abrégée de loriginal. Voy. Foxe, t. VU ,
(5) Page IJ9.
P- S5-
LIVRE CINQUIEME.

1. Tlm. î. foils pleins de fraudes & déceptions, dez vous bien de receuoir la parole de
»
nousM courront lus, nous ne perdions Dieu en vain , trauaillez en la foi &
monftrez voftrc foi par bonnes et fainc-
ci>ur.i!,'e Apour
point conibnt
cœur alaiyre, mais, d'vn
cela, perfillions *& tes œuures, lefquelles en font vifs I. Tim. 2.
tenions ferme en la vérité que nous tefmoignages. En toutes chofes monf- Rom. 14.
auons receuë , qui cft la doarine de trez-vous exemplaires de bonnes œu-
ures, entre lefquelles vne prompte &
Maiih. 7. l'Euanj^ile. Nous n"auons point d'ac-
cès au royaume bien-heureux des docile obeift'ance enuers vos Magif-
cieux que par plufieurs tribulations. trats obtient le premier lieu, comme
de fait ils font ordonnez de Dieu ,
S"il faut endurer pour le royaume des
cieux ou pour la iudice , nous auons quels qu'ils foyent, bons ou mauuais ;
Chrifl. les Apodres »& Martyrs , def- finon qu'ils commandent chofes qui
quels répugnent ouuertement à la pure Re-
Car ilsl'exemple nous deuant
ont tous palTé ell vn bon
nousapui.
par ligion, car. en ce cas-la, il faut perpé-
celle porte bafl'eà &la voye fort11 eftroite tuellement garder la reigle de l'Apof- Afles i.
laquelle meine vie. Et nous ne, trc : Qu'il conuient plurtoft obéir à
portons la croix de ChriU , renonçans Dieu qu'aux hommes. Et en ceci il ne
à toutes chofes, voire à nous-mcfmes,
refte qu'vne
fidèle & Chreltien feule defenfe , atTauoirà le
l'homme
glaiue Ephef. 6.
& fi nous ne' le fuyuons en ceftc façon,
nous ne pouuons pas élire fes difci- fpirituel, qui eft la parole de Dieu &
la prière ardente faite en humilité &
ples. Si nous refufons d'endurer auec
Chrift & fes fainds , ce fera vn argu- abiedion d'efprit, eftant preft d'endu-
ment que nous ne régnerons point lob )7.
rer pluftoft toutes chofes que d'attirer
auffi auec eux. Au contraire , fi d'vne quelque tache de rébellion. " Qui refifte Rom. i;.
patience confiante & ferme nous en- autrement à la puilTance, refifte à l'or-
durons toutes afprctez pour l'amour donnance de Dieu ; & ceux qui y re-
fiftent receuront condamnation fur eux
de Chrifi , c'eft vn tefmoignage qu'il
nous fait et repute dignes de fon mefmes.» Et comme nous honorons pè-
res & mères en toute fubmiffion, auffi
2. ThefT. 2. royaume. Et, comme dits. Paul,'cc'e(l ceux qui tienent leur lieu & ont foin
chofe iufteà ceux
afflidion enuersquiDieu
vous. qu'il rende&
affligent de nous cSt de nos afaires. Nous ne
oppriment, & à vous qui elles affligez, deuons auffi mettre en oubli le foin de
repos auec nous en cefte iournee-la , nos familles, fur lefquelles nous fem-
quand le Seigneur Jefus fe manifefiera mes commis pour y auoir l'œil, afin
du ciel auec les Anges de fa puilTance qu'elles n'ayent faute, non feulement
& en flamme de feu, failant vengeance des chofes necelTaires au corps, mais
contre ceux qui ne conoilTent Dieu & fur tout de celles qui apartienent à la
ne rendent obeiffance à l'Euangile de nourriture intérieure de l'ame. Et
JefusChrill; lefquels foulTriront peine, pour vn troifiefme deuoir, ayons auffi
alTauoir perdition éternelle, deuant la foin des afaires de nos frères & pro-
face du Seigneur & la gloire de fa chains ,comme fi c'eftoit pour nous- Mauh. 7.
puilTance, quand il viendra pour eftre mefmes. Bref, tels que nous voulons
glorifié en fes fainds & eftre fait ad- que les autres foyent enuers nous, tels 1. Tim. 2.
mirable en tous les croyans. " Il nous monftrons nous enuers les autres ;
faut propofer ceci incelTamment de- fans faire chofe à autrui que ne vueil-
uant nos yeux, it le porter engraué en lions eftre faite à nous-mefmes. Car
cela eft le fommaire des chofes que la
nos cœurs, afin qu'en ce temps d'ad-
Loi & les Prophètes nous enfeigncnt.
uerfitérions& fermes
d'oppreffion , nous
cv conftans; demeu-
car tant plus Finalement, la charité Chreftienne &
nous auons eflé abondamment abreu- fraternelle comprend auffi nos enne-
mis félon la reigle A ordonnance de
ucz par la prédication de l'Euangile ,
voire par dcfi'us les autres, tant plus l'Euangile du Seigneur, lequel com-
Dieu nous punira grieuemcnt fi nous mande de bien faire à ceux qui nous Maitli. ç.
rciettons fa conoiffance; le royaume ont en haine , prier pour ceux qui
nous fera ofié & donné à vnc autre nous perfecutent & qui nous offenfent
& blelTcnt. Si nous le faifons ainfi , il
nation qui fera fruids dignes d'icelui. 2. Pierre 1. \
Parquoi , frères bien aimez en nofire auiendra que nous rendrons certaine
Seigneur, auifez à vos afaires & con- & ferme 1 efperance de noftre voca-
fidcrez de bien près en vous mefmes tion. Maintenant donc ie vous recom-
mande ànoftre bon Dieu & à la pa-
quel
tombergrand & horrible
es mains danger
du Dieu c'eftgar-
viuant; de role de fa grâce, lequel a bien cefte
GEORGE MARCHE.

puifTance de baftir par deffus & de


vous donner héritage entre tous les guerre
voftre ,que
ainsvous
du foufienez,
Seigneur;n'efilequel,
point
fanftifiez ; vous fuppliant aflfeftueufe- comme il a fouuent affifté à Abraham,
ment, mes frères, que vous nous aflil- Ifaac , lacob, Moyfe , Dauid, & aux
tiez par vos oraifons & priez de defir Machabees , & tant d'autres qui
ardent pour monfieur Saunders, & auoyent à fouftenir le choq de leurs
pour moi, vos Fadeurs & pour tous ennemis, femblablement fa promeflfe
ceux qui font détenus prifonniers, à ce ne faudra iamais, comme il a dit à Jo-
lofué I.
que foyons deliurez de la main des fué : » Ainfi que i'ai eflé auec Moyfe,
infidèles & des hommes peruers & or- auffi ferai-ie auec toi , ie ne te lairrai
gueilleux, &que cefte noflre afBiélion & ne t'abandonnerai point ; fois fort
tourne à la gloire de Dieu & à l'auan- & robufte , ne crain point , car le Sei-
gneur ton Dieu eft auec toi en toutes
cement
moi les defrères
l'Euangile.
fidèles Saluez de par
en Chrifl. Et chofes que tu feras. » Si donc Dieu Rom. 8.
eft auec nous , qui fera contre nous ?
pource que ie n'ai pas eu le loifir ni
opportunité d'efcrire Nul n'eft vaincu en ce combat fpiri-
ie vous fupplie , faites en
que particulier,
ces lettres tuel , finon celui qui s'enfuit & laifie
foyent leuës de tous, ou bien qu'elles le camp de fon chef, ou qui, par laf-
foyent ouyes en commun. La grâce de cheté de courage, iette bas fon bou-
noftre Seigneur foit auec vous, Amen. clier, ou qui, par couardife, fe rend
Ce 28. iour de Juin. Sauuez-vous de aux ennemis. Parquoi, mes frères;
cefte génération peruerfe. Priez, priez, foyez forts en Chrift ; & en la puif-
priez , vous n'en euftes iamais plus fance de fa vertu , veftez l'armure de
grand befoin. Dieu , afin que vous puiffiez fubfifter
contre les alfauts du diable. Si nous
voulons
nous deuons fauoir eftre
de quelle
munis forte d'armes
de pied en
L'autre Epijlre de Marché à aucuns cap , pour bien entreprendre vn tel
de fes amis bourgeois de Mancej- combat , faind Paul, qui a efté vn bon
tre (i) en la Comté de Lancajlre : champion & bien exercé en ceci , les Ephef. 6.
exhortatoire à perfeuerance au com- a defcrites, lequel le Seigneur a deli-
bat (2). uré miraculeufement & tant de fois
des embufches de fes ennemis , au Aéles 21
le vous remercie grandement de la milieu de tant de dangers & par mer
fainfte affeftion que vous auez enuers & par terre , voire au milieu des on-
moi; des .lors qu'il n'y auoit efperance de
nance &de de ma non
vous, part feulement
auffi i"ai en
fouue-
mes fauueté , il lui a tendu la main pour
lettres , mais auffi en mes prières & le deliurer , & eft demeuré toufiours
oraifons que ie fai affiduellement pour fain & fauf contre tous orages de
vous , vous fouhaitant vne telle con-
maux, iufques à-ce qu'ayant paracheué 2. Tim. 4.
folation , qu'ayans vne longue continuation de fafcheries
les richeffes celeflesvrayement goufté
, vous batailliez Rom. IÇ.
&montrauaux,
cours ;ilieconfelTe : « l'ai paracheué
fuis maintenant facrifié ;
perpétuellement en foi & en charité,
Philipp. 2.
vous perfeueriez fermement en efpe- ie defire d'eftre feparé du corps , &
rance, & foyez patiens en tribulations eftre auec Chrift. »
& afflidions iufques à la fin , & iuf- Ces chofes font efcrites pour noftre
doftrine & confolation , & pour eftre
ques
voulu àvous
la venue de Chrift.
exhorter l'ai bien
maintenant par
admonneftez qu'il n'y a fi grande vio-
lettres , & prier affeélueufement en lence laquelle il nous faille craindre,
Chrift , que, comme vous auez receu moyennant que nous obeiffions à
lefus Chrift, auffi vous cheminiez, ef- Dieu & à fa parole ; & n'y a danger
tans enracinez en lui & fondez fur lui duquel il ne nous deliure, voire de la
& que ne foyez nullement eflonnez
mort mefme. Puis qu'ainfi eft, courons
par vos aduerfaires, quelque grand au combat qui nous eft propofé , iet-
nombre qu'ils foyent ou puiffans; & tans les yeux fur le Capitaine de la Heb. 12.
nous foyons en bien petit nombre . & foi & confommateur lefus, qui, pour
contemptibles. Car, pour certain, cefte
la ioye laquelle lui fut propofee, a en-
duré la croix, ayant mefprifé la ^honte.
(1) Manchester (Lancashire). Ce que nous deuons faire auffi à fon
(2) Cette lettre, comme la précédente,
a été fort abrégée, par Crespin. exemple.
tizé & déclaré tort qu'il eut efté
Auffi manifeftement bap-
le fils de
I50 LIVRE CINQUIEME.

Dieu, Satan fc trouua là incontinent Ainfi foit-il. Entendez bien ce que ie


pour lui faire ennui. De tant plus di : Le temps eft bref; il refte que
ceux qui vfent de ce monde, en vfent
auffi qu'vn chacun tafchera de bien
viurc, de tant plus furieufement fera-il comme n'en vfans point , car la figure Ephef. 4.
afTailli du mefme ennemi , auquel il de ce monde paffe. N'aimez point le
monde , ni les chofes qui font au I,Ephef.
Pierre ç.4.
nous faut refiller à l'exemple du Fils monde ; mais cerchez les chofes qui
de Dieu, principalement par les fainc-
tes Efcritures & la parole facrée de font d'enhaut, où Chrift eft à la dex-
Dieu, qui eft nortre armure celefte, & tre de Dieu. Soyez mifericordieux ,
doux & bénins les vns enuers les au-
le t,'laiue de Tefprit, Et ce qu'il a tres ,edifians cnfemble vn chacun fé-
ieufné nous foit vn exemple de fobrieté
& attrempance (i) perpétuelle , non lon le talent qu'il a receu. Donnez-
pas pour quarante iours à la façon des vous garde de l'aftuce des dodrines
(Inges Papilles (2), ains toute noftrc eftranges & diuerfes. Oftez le vieil
vie tant que nous aurons à combatre homme, lequel fe corrompt félon les
contre Satan en ce defert du monde. defirs d'erreurs. Que toute immondi-
Il ne pourra rien, que le Seigneur ne cité, auarice, paillardife, & babil foit
lui permette , non pas mefme contre loin de vos mœurs. Ne vous enyurez
les pourceaux ; tant moins contre point de vin, en quoi certes il y a dif-
nous qui valons beaucoup mieux que folution; pluftoft foyez remplis de
grand nombre de pourceaux deuant l'Efprit,
le Seigneur, pourueu que de foi ferme fonnans chantans,
en vos cœurs pfalmodians & re-
au Seigneur,
adhérions à Jefus Chrift nortre chef. louanges & aflions de grâces à Dieu.
Employez le refte de votre temps à
Et pour cftre d'auantagc munis de méditer la volonté de Dieu, & aimez-
fermeté , propofons-nous la vie des
mondains , lefquels pour vne mefme vous l'vn l'autre , »& que la gloire de
Dieu foit le feul but de voftre vie ,
volupté bien courte , & pour accom-
auec la dileélion du prochain. Repen-
plir Vappetit tt le dcfir qu'ils ont , fe tez-vous de voftre vie paffee, & auifez
mettent en danger, ie ne di pas d'ef-
tre icinez mis en prifon, maisAutant
d'eflre donc
me- mieux à vous pour l'auenir, it foyez fa-
au gibet éternel. ges. Adhérez en toutes chofes à celui
feul qui eft mort pour nos offenfes &
u'il y a de différence entre la vertu
les vices , entre Dieu & le diable ; péchez, & eft refufcité pour noftre iuf-
d'autant plus deuons nous eflre hardis tification. Auquel foit nonneur & ac-
en cefle guerre fpirituelle. Et pource tions de grâces auec le Père & le S.
Efprit, Amen. De Lancaftre , ce 30.
qu'il a pieu à Dieu d'ainfi ordonner,
que M. Jean Bradfort (5) & moi, qui d'Aouft, 1554. Saluez en Chrift tous
ceux qui nous aiment en foi , & auffi
fommes d'vn mefme pays auec vous , faites-les participans de ces lettres
foyons mis au premier reng de cefle
bataille , où eft le principal danger de félon voftre prudence. Et pour la fin,
toute ceftc guerre, mes bons frères & priez tous pour moi & pour tous ceux
amis , ie vous prie que vous faciez qui
prières au Seigneur pour nous, & pour afin font
que emprifonnez
le Seigneur, pour l'Euangile,
qui nous a iadis
tous nos compagnons de guerre , tirez de la Papauté pour nous faire ve-
combatans en ce fort dangereux, à ce nir à la vraye religion Chreftienne, &
qu'eftans tous munis de fa grâce & qui efprouue maintenant noftre foi &.
bonté, nous-nous puifftons maintenir patience par alfliélions , nous vueille,
chacun en fa garnifon où nous fom- félon fa mifericorde »& par le bras de
2, Tim. 2. mes pofez; & que par ce moyen nous
I. Cor, 3. fa puift"ance, deliurer de ces angoiffes
eleuions deuant nos yeux en haut vn & tourmens, foit par mort ou par vie,
1. Ican 2. exemple de confiance & patience , à la gloire de fon Nom. Amen.
CololT. }. comme vne baniere, afin que fuyuiez ;
Comme la détention & prifon de
voire 1% qu'auffi en voflre endroit pro- George Marché a efté longue, auffi la
uoquiez les fi)ibles par voftre exemple
à fe tenir fermes en vos pas , pour perfeuerance fut de mefme , fe monf-
acheuer ccfte guerre heureufement. trant vrai champion de l'Euangile,
acompagné de deux autres fidèles fer-
uiteurs de Dieu, Il fut bruflé à Weft-
(1) Tempérance. ceftre , qui. eft vne ville en la Comté
(2) « As Ihc papists do fondly fancy of
Ihcir own brains, » de Lancaftre, le 24, d'Auril de l'an ]'if,<;.
(;) Voy, plus loin la notice sur ce martyr. Ce mefme iour, on brufla à Weft-
GVILLAVME DE DONGNON.

munfter, lieu prochain de Londres, vn mais de l'ejprit du Seigneur, qui fa-


Guillaume nommé Guillaume Flower, autrement
Flower. çonne les plus rudes & ignorans ,
dit Branche (i), pour auoir donné vn
foutflet à vn prellre en difant fa Melfe, quand il s'en veut feruir pour les
faire fes hérauts deuani les hommes.
au commencement du règne de Ma-
rie ,lors que les chofes efloyent en- CoNTiNVANT le difcours de cefte
core en trouble & foufleuement.
année, qui a efté fur toutes abondara-
rnent arroufee du précieux fang des
tcfmoins de l'Euangile, il nous faut vn
peu
Francefortir
, oùd'Angleterre & venir
maintenant nous en
appelle
GviLLAVME DE DoNGNON ,
le martyre de M. Guillaume de Don-
Lymofin (2). gnon, natif de la lonchere (i), bourg
au bas Limolln , diftant enuiron de 4.
Les interrogations & aclcs iudiciaires lieues de la ville de Limoges. Il fer-
de ce martyr donnent fuffifanie ap- uira d'exemple pour de tant plus ma-
gnifier les grâces que le Seigneur
probation quela vérité de l'Euangile iournellement eflargit à fes petis, en
ne dépend point de la prudence ou inf-
trudion que pourroit auoir l'homme, l'infirmité defquels il veut manifefler
fa grande louange. Car combien que
(1) William Flower, surnommé Branch , Dongnon ne fuiï fi auant in-flruit en
brûlé à Westminster. Voy. Foxe , t. VII , tous les points de la Religion Chref-
p. 68-76. tienne que plufieurs autres que nous
(2) L'édit. de 1619 met ici, par erreur , auons veu ci deuant, fi a-il toutesfois,
Il Anglois . » au lieu de « Lymosin, » que
félon la rnefure dé la foi , fouftenu le
nous rétablissons d'après les éditions anté-
rieures. Voy. Hist. ecclés., t. I, p. 55 ; France
prot. (2" édit.) , t. V, col. 454. Le Limousin
combat contre fes aduerfaires. L'hor-
avait déjà donné un martyr à la Réforme reur des tourmens , ni les alleche-
mens de ce monde, ni la mort cruelle,
française, dans la personne de Pierre Navi-
hères, un des cinq étudiants brijlés à Lyon, ne l'ont deftourné de l'œuure auquel
sur la place des Terreaux, le 16 mai 1555.
Bèze appelle le Seigneur l'auoit
neur duquel il appelé& ,fait
a employé à l'hon-
valoir
thographece actuellemartyr du Djngnon.
de ce nom L'or- ;
est du Dogiion
on appelle encore vulgairement dognons des
le petit talent
demeurant qu'il fur
ferme auoitcereceu
feul de lui,
& vrai
dolmens. Il n'existe rien sur le procès de ce
martyr dans les archives de la Haute-Vienne. fondement, qui efl Jefus Chrifi. Nous
Ce serait, nous écrit M. le pasteur Char- auons ici inféré quafi de mot à mot
ruaud . dans les archives de la Gironde que
l'on aurait quelque chance de trouver ce le propos qui lui a eflé fait & formé
dossier. Les procédures contre les Réformés au fiege des aduerfaires, par lequel
du Limousin ont été inévitablement déposées
au greffe de la Chambre mi-partie de Nérac. auffi l'on conoiftra le ftile & manière
dont relevait le Limousin, et ces pièces, si de procéder des Limofins contre les
elles existent encore, ont dix être transpor-
tées à Bordeaux M. Leymarie, dans son enfans de Dieu ; comment ils l'inter-
roguerent diuerfement, tant en la gé-
Histoire du Limousin (t. II, p. 4;6), l'ouvrage henne que dehors. Et puis que ce
le plus sérieux sur cette prevince. dit, en
reproduisant le récit de Crespin : « Guillaume
de Dongnon était un de ces martyrs qui ho- perfonnage
de n'a eu
mettre fes le moyen
propres & faculté
refponfes par
norent toutes les croyances et qui gardent
leur foi au milieu des tourments. " Mais il efcrit. Dieu a voulu, par ades & ef-
commet une erreur manifeste en plaçant son crits iudiciaires, manifefler fa conf-
supplice sous répiscopat de Sébastien de iance.
l'Aubespine, dont Bèze loue la modération
relative ( "toutesfois n'estant l'évesque de la
ville criminel. » Hist. ecclés., t. Il, p. 26;). Le huitiefme iour d'Auril i555-
Ce M. Guillaume de Dongnon fut dé-
Césarfutdesous Bourguognibus l'épiscopat de (des l'évèque italien
Bourguignons) féré en iuflice; & le lendemain 9. du-
que fut brûlé notre martyr. Ce dernier fut
nommé au siège de Limoges en i?47, et dit mois, conftitué prifonnierau bourg
mourut en i;;9 dans l'Italie, qu'il n'avait de la lonchere, qui eft au bas Limo-
pas quittée. Sébastien de l'Aubespine, abbé fin. Le 17. enfuiuant, fut mené en la
de Saint-Martial, lui succéda en 1559, et
mourut en IÇ82. Le vicaire général qui ad- cité de Limoges, par deuant M. Pierre
ministrait lediocèse pour de Bourguognibus Benoift, Licentié es droits, alTeffeur
qui, daitcomme
pas, se nommait tant d'autres évéques,
Christophe ne rési-
Marsupino;
de l'Official dudit Limoges, & inter-
il fut accusé de plusieurs attentats contre
les moeurs, condamné par contumace et (1) La Jonchère. village du département
brûlé en effigie devant la grande porte de de la Haute-Vienne . arrondissement de
la cathédrale. Limoges.
•52 LIVRE CINQUIEME.

rogué comme s'enfuit : D. » Où as-tu de l'eau dedans le calice, proférant les


demeuré deuant qu'eflre preftre , & paroles
auoit desfacramentales, parce
Preftres derrière moi qu'il
; maisy
aufli depuis que tu l'es? » R. <i Ef-
tant ieune garçon , on m'enuoya à mon intention n'eftoit de confacrer, &
l'efchole à S. Léonard, auec mon on- ne croi aucunement qu'en cefte con-
cle, M. Guillaume Bourdeys. Et après fccration lecorps de noftre Seigneur
à Thouloufe , où ie fu feruiteur de Jefus Chrift foit compris, mefme que
M. Jaques MalTyot , à prefent con- ce n'eft qu'abus , & n'auoi plus déli-
feiller à Bourdeaux, chez lequel ie
demeurai quelque temps, lui portant béré de dire Meft'e, ains de m'en al-
ler par le pays gagner ma vie au tra- Demandes
fes liures, quand il alloit aux efcholes uail de mes mains. » D. " Ne faut-il
confufes
monrtrentde-la
publiques. » D. « N'as-tu edudié pas aller à l'Eglife pour prier Dieu, l'efprit desde
confufion
ailleurs & le remercier des biens & grâces
Léonard qu'au
? » R.dit Thouloufe
(( Non. » &à
D. faind
u Le
qu'il nous fait iournellement , & auffi aduerfaires.
Dimanche des rameaux dernier palTé, la glorieufe vierge Marie, S. Pierre
as-tu fait comme vicaire ce qu'il te & S. Paul , les fainds & fainftes de
conuenoit faire en l'Eglife de Jon- paradis , afin qu'ils foyent nos aduo-
chere, affauoir proceffion, benedidion, cats , pour impetrer grâce & pardon
grand' Meffe . & telle qu'il te conue- pour nous enuers noftre Seigneur Je-
noit célébrer .' à qui te confelTas-lu ? » fus Chrift; porter honneur au S. cru-
R. « Le iour des Rameaux (helas !) cifix &
, autres images des fainds.^ »
ie fis entre
l'officevous,
tel qu'on a acouflumé de R. " Dieu eft par tout, & partant il le
faire & me confelTai à mef- faut prier en tous lieux. Au refte, ie
fire Noël Royauld ; mais ce fut pen- ne croi point quefoit
l'hoftie
fant euiter fcandale , fâchant neant- dans la cuftode, Dieu. qui eft mife
Item, que
moins qu'il ne nous faut confeffer qu'à nous n'auons autre aduocat enuers
vn feul Dieu, & qu'autant a de puif- Dieu, que Jefus Chrift fon Fils, le-
fance vn laie de pardonner les péchez quel a fouffert mort & paffion pour
qu'vn preftre. » D. « As-iu autresfois nous racheter. Il ne faut prier les
célébré MelTe, fans te confeffer.' » fainds, ains feulement icelui Jefus
R. i< Oui ; voire quand ie ne trouuoi Chrift. Que les images qui font de-
point de preftre; mais ie vous di que dans l'Eglife ne font qu'idoles, lef-
le ça,
ne me fuft"e confefl'écélébré
depuisMeffe,
Noël quelles deuroyent eflre rompues &
en ni pareillement abatues. » D. " Tu as rompu tt brifé
n'euft efté vne crainte feruile qui lors les images de l'Eglife de la Jonchere?
me tenoit. de fcandale qu'euft'ent peu R. a II eft vrai que le Lundi fuyuant le
prendre les aueugles , menez par des Dimanche des rameaux, ie prins de
condufleurs aueugles. Car ie fai que ladite Eglife vne petite image de bois,
la confeffion auriculaire, pareillement & la portant en ma maifon la vouloi
faire brufler, mais en fortant quelcun
la Men"e , ne feruent de rien, Sz que
les laies ont me l'ofta. Et auoi délibéré d'abatre les
remettre les autant
péchezde comme
puift"anceceux
de
images tant, de ladide Eglife de la
qu'on
ndelcs appelle
& efleus Preftres
de Dieu , & font
que frères
tous Jonchere que d'ailleurs , au moindre
fcandale que i'euffe peu. » D. <> Où
en vn mefme chef Jefus Chrift. D'a- as-tu apris cefte dodrine & fcience
uantage, auparauant Noël i'cftois en malheureufe ? i^- en quel paft'age le
doute fi la Meft"e eftoit bonne ou non; monftreras-tu ? » R. « Je ne fuis pas
mais à cefte heure, ie conoi qu'elle ne fi grand clerc que ie puift"e dire par
vaut rien. » D. .( Qiu.'lles gens cœur les paffages; mais fi vous me
font-ce que tu appelés fidèles .' » R. permettez d'aller quérir mon nouucau
" Ceux qui font Chreftiens, & qui Tcftament & vn petit livre intitulé
gardent les commandemens de Dieu. r. DominiCiV precaliones (i), ie le vous
D. « Le iour des rameaux ne dis-tu
pas les paroles facramentales efcrites (I) M. A.-L. Hcrminjard a bien voulu
au canon de la MeflTe , touchant le meure sa prande érudition i notre disposi-
précieux corps de noftre Seigneur Ic- tion pour l'éclaircissement que réclame le
litre de l'ouvrage indiqué ici par Donpnon ,
fus-Chrift .'« ne crois-tu pas qu'après comme
La questionayantquiservi
suit, à etl'amener
où il est àfait
l'Evangile
mention
la confccration du pain, vin & eau, là
de livres ■• venus de Genève, •■scmhle indiquer
foit le corps d'icelui .' >■ R. « Ce iour que le pauvre prêtre avait avoué que les
ie di Meft'e, comme i'ai depofé ci def- deux livres " susdits •> lui étaient venus de
fus . Si pris l'hoftie , A mis du vin i.*t Genève. Ne s'agirait-il pas de la Forme des
GVILLAVME DE DONGNON.
M.D.LV.

monftrerai. » D. « N'as-tu point & pour ce faire me mettre à genoux. »


d'autres liures que les fufdits qui D. « Ne crois-tu pas qu'il y ait vn
foyent venus de Geneue(i)r n R. i< Il Purgatoire.
Purgatoire, auquel lésâmes vont pour
eft bien vrai que i'en ai eu lefquels faire pénitence de leurs péchez, &
eftoyent en François ; mais craignant
que par les fupplications des gens de
d'eftre furpris les brufloi ; & pour le bien, par MelTes, vigiles, oraifons ,
prefent n'ai que les deux fufnommez. » iufnes & aumofnes , elles font rele-
D. « Ne conois-tu perfonne en ce uees de leurs tourmens & enuoyees
pays de ta fede & dodrine? » R.
Touchant « Non. » D. « Orfus il faut que tu en la gloire de Dieu en Paradis .> »
R. « Je refpon qu'il n'y a autre pur-
l'inuocation
des pries Dieu, la glorieufe vierge Marie,
Sainas. \q^ gatoire que le feul. fang de lefus
Sainds & Saindes de Paradis , eS[ Chrift, duquel nous fommes rachetez,
te mettes à genoux pour demander
d'autant qu'il a fouffert mort & paffion
p_ardon à Dieu,
te remettre en afin qu'il &lui vnion
la foi plaife de & que ne
nous. chofes
pourautres les feruent vigiles,
Meft'es, de
& rien
l'Eglife; auffi que tu difes le Salue aux âmes des trefpaffez. » D. « Ne
regina à la Vierge
enuers, la priantSeigneur
d'eftre crois-tude pas qu'il ment faille obferuer
ton aduocate noftre feftes commande , comme les eft Les feftes.
Jefus Chrift. >i R. « Volontiers ie
le iour du dimanche , feftes de Paf-
prierai lefus Chrift, afin qu'il kii plaife ques, Noël & Noftre-dame, & autres
impetrer pour moi grâce & pardon
enuers Dieu fon Père ; mais quant à feftes commandées , & en icelles cef-
fer de toute œuure feruile, comme de
la vierge Marie & les SS. & faindes labourer & faire autres ouurages ? »
de paradis , ie ne les prierai aucune-
R. « Je fai qu'il faut obferuer le Di-
ment ;car tous enfemble n'ont aucune manche pour certaines raifons , mais
puilTance de m'aider , tant s'en faut des autres feftes , ie n'en croi rien. »
que ie voulufl'e dire le Salue regina , pas qu'il faille ob-
D. « Ne feruer lescrois-tu
autres feftes commandé es
Prières et Chant-{ ecclésiastiques , publiée par de noftre mère fainde Eglife , encore
Calvin (Genève, H42), et dont il existe une
traduction latine postérieure {Formula ccclc- que cela ne foit ?efcrit au vieil & nou-
siasticariim prœcatinnum)] Cette traduction ueau Teftament r, R. « le ne croi
n'aurait-elle pas été publiée à part, pour les aucunement aux conftitutions & or-
pays étrangers, sous le titre de Dominicce
donnances forgées & faites par les Pa-
prœcaticnes) Ce n'est Unlà qu'une
ouvragehypothèse,
mais assez plausible. , dont le pes ou leurs adherans. » D. » Veux-tu
titre se rapproche davantage de celui qui s opinions. > »
nous occupe,
R. « le en
perfifter croites& mefchanteveux fouftenir ce que
de Trente, et afigure sur l'Index
dû avoir plusieursdu éditions.
concile
Il est intitulé : Dominica prccatio digesta in i'ai depofé, & veux viure & mourir en
septcm partcis . iuxta seplem dies, per Des. .la foi Chreftienne & enfuyure les
Eras.[mum] , Jîo/.[erodamuni]. ■• Chacune commandements de Dieu. « Les af-
des demandes. » dit M. Herminjard, «est fiftans fur cela dirent : « Or bien ,
accompagnée d'une petite gravure sur bois,
dont l'inspiration protestante se trahit par puis que nous perdons temps auec toi
le fait que les sacrificateurs sont coiffés en & que tu te déclares hérétique per-
évêques, et le tentateur habillé en moine tinax & obftiné , nous ordonnerons
portant un chapelet. Cet opuscule occupe
les pages 22Î-270 du recueil intitulé : Prœ- dégradé
fois priué& &des
que tucléricale de la ton-
cationes Biblicœ sanctorum Patriim. Patriar-
fure ordres facrez ,
charum , Proplictanim , Judiciim . Rcgum ,
Virorum et Miiticriim illiistrium Veteris et puis remis & lailTé au bras feculier &
iurisdidion temporelle. » Cela fait, on
Noui Testamcnti. Qvcc liis acccssere, seqiiens
pagina commonstrahit. Lvgdvni, sub scuto procéda à la fentence, laquelle lui fut
Coloniensi , iï45- Et à la fin : « Lvgduni, prononcée peu après, en la forme &
excvdebant loannes et Franciscvs Frellonii,
fratres, 1545 » La forme extérieure (lettres teneur qui s'enfuit.
en rouge, calendrier, etc.) devait donner le
change et faire passer le petit volume comme
livre catholique; mais le fond est protestant.!)
Il est probable que c'est ce même opuscule La fentence donnée par lAffelTeur con-
d'Erasme que l'Index du concile de Trente
mentionne sous le titre suivant, qui ne diffère
tre M. Guillaume de Dongnon. afin
que par une simple lettre du titre reproduit d'eftre priué des ordres de preftrife ,
par Crespin : Dominicce prœcationis expla-
natio. Lugduni, apud Gryphium et alios. laquelle fut prononcée le IV. de
May, audit an M.D.LV.
de(i)1619,
Par contrairement
une faute d'impression,
à toutes les l'édition
autres,
a ici : « venus de Dieu, » au lieu de u venus Entre le Procureur de reuerend
de Genève. «
père en Dieu monfieur l'Euefque de
'54
LIVRE CINQUIEME.

Limoges, demandeur <.^' accufant en & que ce n'efloit qu'abus de leurs or-
crime d'herefie , A M. Guillaume de dres qu'il auoit prins, & que partant
Donf^non , natif de Jonchere , preflre il les quittoit de foi-mefme, & n'efloit
& vicaire dudit lieu, défendeur A pri- befoin que quelque Euefque les lui
fonnier détenu : Veu les charges & oftall; mais nonobllant fes appellations
informations , interrogatoires par nous fut dégradé aduellement le 19 dudit
faites audit Dongnon concernantes la
mois de Mai, & delaifl"é à la iurifdic-
foi catholique, herefies & erreurs y tion temporelle. Et le vingtiefme iour
contenus, les refponfes & confeffions,
perfonnellement faites par deuant dudit mois, les luges temporels s'af-
femblerent pour l'interroguer,
monllrer comme & re-
les autres; mais ne
nous , & réitérées par piufieurs fois ,
voire lignées de lui, par lefquelles s'eftonnant aucunement, perfifla tou-
appert que, de cœur endurci A obftiné, fiours comme il auoit fait en fes pre-
il a toufiours creu, fouflenu A défendu mières depofitions. Ce que voyans,
piufieurs propofitions erronées , héré- lefdits Juges ordonnèrent qu'il faloit
tiques t^ fcandaleufes contre la doc- auoir quelque homme de fauoir pour
trine Euangelique, détermination de l'exhorter, afin de le faire reiienir &
fainde mère Eglife & foi catholique , remettre en la foi, s'il elloit poffible ; &
mefme contre le faind facrement de fut enuoyé quérir M. Pierre de Mons,
l'Euchariflie, contre la vénération des curé, auquel enioignirent d'admonnef-
fainds , confelTion auriculaire , purga- ter ledit & le réduire de tout fon pou-
toire, ieufnes & oraifons, & autres fa- uoir. Auffi qu'il feroit mandé à toutes
cremens & inftitutions de l'Eglife , les Eglifes de la prefente ville & aux
piufieurs admonitions & exhortations
faux-bourgs . qu'ils fe niiflcnt en de-
qui lui ont cflé faites, tant par nous que
par piufieurs honnorables perfonnes uotion & prialTent Dieu qu'il lui pleufl
infpirer ledit de Dongnon de sa fainéle
affillans auec nous, pour le réduire &
remettre en la vraye foi & vnion de grâce
fall leset erreurs
mifericorde,
faulVesafin
& qu'il delaif-
reprouuees
fainde mèreains eglife contre la vraye & fainde foi catholi-
entendre, par ,grande
à quoiobftination
n"a voulu
a refirté , répugné, & demeuré en fef- auoit que.demandé
Et d'autant vnquenouueau
ledit de Teflament
Dongnon
dites herefies & erreurs. Le tout veu pour eftudier & penfer bien à fon
& confideré auec meure délibération afaire, lui en fut baillé vn. Et le len-
demain 21 . dudit mois, les Juges eftans
du confeil , qu'auons eu auec piufieurs alTemblez en la chambre royale ,
prédicateurs de la parole de Dieu ,
M. Pierre de Mons, ayant fait fon
qu'auions
Dieu premièrement auffi appelez , le Nom
inuoqué, de
par celle poffible enuers M. Guillaume de
noftre fentence definitiue , auons dé-
claré & déclarons ledit de Dongnon Dongnon, fit fa relation, & dit qu'il
elloit obftiné en fes reprouuees opi-
vrai hérétique, pernicieux & obfiiné , nions&, qu'il lui auoit elle impoffible
auons ordonné « ordonnons qu'il fera de le remettre , combien qu'il lui euft
priué & dégradé de la tonfure cléri- produit beaucoup de palTages de la
cale & facrez ordres . & comme tel fainde Efcriture; dont eftans les iuges
delailTé au bras feculier & iurifdidion indignez, donnèrent le iour fuyuant
temporelle ; l'auons condamné & con- fentence contre lui', de laquelle la te-
damnons à l'amende de cent liures neur s'enfuit de mot à mot.
tournois applicables à œuures telles
(■ Vev le procès criminel par nous
qu'il fera befoin & de raifon , & aux
defpens du procès & des officiers , la fait, requis le procureur du Roi, à
taxe d'iceux à nous referuee. Ainfi rencontre de Guillaume de Dongnon,
fii;né , Alphonfus Verfellis , Vicarius ; auditions, interrogatoires A refponfes
P. Benedidus, afi'efTor domini Officia- , réitérées, autre procédure faite par
lis; M. de Muret, 1. Beaubrueil l'official de Limoges ou fon Affeffeur,
F. Bechameil, G. Poyicne, Eiïenault,
M. Balifie. fentence psir lui baillée à l'encontre
dudit de Dongnon , le quatriefme du

De celle fentence ledit de Dongnon prefentclaré mois , par


hérétique laquelle il l'adudit
: conclufions dé-
appela par deuant les gens du Roi au procureur du Roi , &c. Le tout confi-
Ofler ce qu'on fiege prefidial de Limoges, afin de de- deré des
tion par auis
cas Adu crimes
confeil, fcandaleux
pour répara-&
quitic volon- jujre les torts A griefs qui lui efloyent
taircmcnt. ^^.^^^ ^-^^^^ ^^.-^ ^.^.j^^j^ ^.^^^ preftre, pernicieux contenus audit procès &
M5
GVILLAVME DE DONGNON.

procédure , auons condamné ledit les Sainfls lui eftre en aide enuers
Guillaume de Dongnon à eftre traîné Dieu , & quels Hures il auoit en fa
fur vne ciaye des priions royales du maifon quand il fut pris. Le poure pa-
prefent tient en s'efcriant dit : « Mifericorde,
publique.fiege
& iufques à laars
illec eftre grand'place
& bruflé ôures,
Jefus,finon ie n'ai nuls complices ne li-
vif. Déclaré & déclarons les biens le nouueau Teftament &
d'icelui eftre acquis & confifquez au le liure Dominicœ precationcs , & ne
Roi , & ordonnons qu'auparauant fài s'ils ont efté prins. Auffi y auoit
l'exécution du prefent iugement , il vn liure de S. Auguftin fur S. lean. »
fera mis en la torture & queflion pour En lui baillant vn autre tour de
déclarer & enefeigner les fauteurs, rouët, lui demandèrent la place où on
alliez & complices, & autres gens de prefchoit, & où premièrement il auoit
fa fede & erreur, & refpondre fur apris cefte dodrine. Il refpondit : « le
certains interrogatoires qui par nous
lui feront faits, afin que la mémoire vous ai defia dit que nul ne me l'a en-
feignee , bien
paifant par eft vrai qu'vn
S. Léonard, me ditDofteur
que, C\
de la punition en demeure pour exem-
ple & baille crainte aux mauuais de ie voulois aller à Geneue, il me nour-
commettre femblables crimes & er- riroit , mais n'eut la puiflance quand
reurs. Signé, I. Beaune, F. Lamy, il fut en chemin. » Et fur cela fut laf-
P. Martin, De la borne. De grand ché , & la pierre oftee , & derechef
chaut, Barmy, P. Gué, I. Cibot , interrogué. D. » Ne te veux-tu pas
Carneys Pradier. » réduire à la foi catholique & déclarer
De laquelle fentence ledit de Don- qui t'a apris cefte dodrine ? » R. «Je
gnon appela deuant Dieu & le Roi .
perfifte en ce que i'ai dit. » D. « Pour-
difant qu'il fouftenoit la foi Chref- quoi ne crois-tu pas ces gens doâes
tienne & la parole de Dieu, mais lui qui t'ont remonftré tes erreurs ? » R.
fut refpondu que, nonobftant fon appel, « J e ne fai s'ils font doiftes, mais non gens
la fentence feroit exécutée. de bien, de me tirer & condamner
ainfi à tort ; toutefois ie prendrai la
& Et
mis defurfaitle ,banc
tout de
à l'heure fut mené
la torture en la mort en gré , & ne me demandez au-
prefence des fufdits , & interrogué tre chofe . car vous perdrez temps. »
La queflion
donnée à G. d'où il a apris cefte doârine qu'il Or voyans les iuges la confiance du-
de Don?non. fouftient. R. « le l'ai aprife (dit-il) au dit Dongnon , firent venir deux Cor-
vieil & nouueau Teflament & Euan- deliers pour le confelTer, penfans par
gile de Dieu. » D. n Ne conois-tu là bien befongner , mais ce patient
perfonne de ta feéle ? » R. « Non; refpondit qu'il ne vouloit de telles
mefme auparauant Noël, i'erroi en la, gens defguifez, ne fe voulant confelTer
foi comme les autres ; mais depuis
qu'à
le Dieu feul
nouueau , & qu'ils
Teftament, & feeftudiafi'ent
rendiftent
Dieu m'a infpiré de croire ce que ie comme lui à la Loi & vérité de Dieu ;
croi. » D. « N'as-tu point efté en
quelque lieu fecret pour aprendre la- bref, qu'ils le fafchoyent. Mais eux
dite dodrine r & n'y a-il perfonne qui non contens l'admonnefterent derechef
t'ait fuyui? » R. « Je n'ai efté en au- qu'il fe confeffaft à quelque preftre en
cun lieu fecret pour l'aprendre, & n'ai l'honneur de la paffion de Jefus Chrift,
oui prefche , ne lefture , ne parole re-
aufquels il refpondit qu'il n'en feroit
prouuee , & croi que ce que i'ai de- rien , & qu'il n'y a Pape , Euefque ne
pofé eftà la
induit vraye foi.
fouftenir » D. paroles
lefdites ■< Qui t'a
& foudre.
preftre qui ait la puifl'ance de l'ab-
d'aller à Geneue r » R. « Perfonne
n'a parlé à moi de cela , tant s'en faut du Pev
Roi après, l'ayans
, fut liuré tiréles
entre desmains
prifons
du
qu'on m'ait induit à ce faire; mais c'a bourreau, & mis fur vne claye, ayant
efté de mon efprit , & y voulois aller vne bride qui lui tenoit vn efteuf (i)
pour fauoir s'ils tenoyent autre foi que dedans la bouche, qui le rendoit tout

k celle
ils que i'ai
viuent. » ici depofee, & comment
Apres lui auoir fait attacher pieds
desfiguré , & ce afin qu'il ne parlaft.
Eftant paruenu en la place publique,
& mains fur ledit banc, & vne pierre
à dos d'afne fur le dos , & fait tirer (i) L'esteuf ou éteuf était une petite balle
vn tour de rouet eftant au pied, lui l'in-
dique . cetteà laballe
pour jouer remplie ladesuite
étaitComme
paume. poudre
demandèrent qui eftoyent fes compli-
àfit canon
explosion qui,et lorsque
acheva la flamme l'atteignit,
le patient.

i
ces, & qu'il priaft la vierge Marie &
.56 LIVRE CINQUIEME.

appelée Des bancs (i), fut defbridé; auint en la parroiffe de la Crotee, es


là cftoit le Lieutenant criminel qui lui feries (1) de Pafques, que fur le grand
dit que, s'il fe vouloit dofdire, il lui fe- autel tomba le Ciboire plein d'ou-
roit grâce, auquel ne refpondit rien ,
bliés, lefquelles s'efpandirent ça & là
mais pcrliltant conflainment, inuoquoit iufques à terre , foit que la cordelle
le Seigneur, dont fafché ce Lieutenant dont il efloit fufpendu fufl pourrie, ou
dit au bourreau : u Bride, bride; » & (comme aucuns voulurent dire) que
incontinent fut attaché au polleau , A: quelques enfans, voulans auoir des
ceind d'vne chaîne de fer autour du oublies, l'eufl"ent fait tomber. La
corps, & au pofleau y auoit vn pertuis chofe diuulguee, & courant vn bruit
par lequel pafTolt vne petite corde foudain que quelques Luthériens ef-
qu'on auoit mife pour l'eflrangler ; trangers auoyent fait cela, il fut quand
mais comme le bourreau l'accouflroit , tt quand auifé de recercher par les
ce Lieutenant efmeu de rage & de
maifoiis s'il s'y trouueroit des eftran-
defpit. voyant la conrtance & patience gers. Cela fut caufe que deux perfon-
de ce Martyr, cria à haute voix au
bourreau : " Ode , ode, defpefche, ie nages trouucz en la maifon d'vn poure
tilleran , auec quelques balles ae li-
veux qu'il foit bruflé vif. » Et le bour- ures deamenées
la religion, qu'ils auouërent
reau ayant mis le feu au bois, l'efteuf auoir & vouloir porter en
France , furent auffi toft menez es
qu'il auoit
poudre à canon dedans, fentant
fa bouche plein du
la flamme de
prifons, oii eftans torturez fur le fait
feu fe creua & fuffoqua ledit Dongnon,
lequel à telle baiffee humant la fumée, précèdent, monflrerent afl'ez ne fauoir
que c'eftoit.
entière Mais deayans
confeffion fait ils
leur foi, pleine
furent&
expira. Il endura celle mort fi con-
ftamment & alaigrement, que combien condamnez à élire bruflez, ce qui fut
qu'il ne peuft parler, fi demonftroit-il exécuté quant à leurs perfonnes auec
alTez par gefles & contenances exté- vne merueilleufe confiance qui en
rieures, que tout fon bien eftoit au édifia plufieurs. Quant à leurs liures,
ciel , y ayant toufiours les yeux efle- on fourra, au lieu d'iceux dans les bal-
uez & fichez. les, des vieux regiftres & papiers , &
furent les liures partagez entre quel-
ques vns de la iuflice & vn nommé
Guillaud, Doéleur de Sorbonne &
chanoine Théologal d'Autun, homme
Devx Martyrs, à Autun (2). de lettres auffi . & qui auoit quelque

En la niefme année, à Autun, ville fentimcnt de Religion, de forte qu'il


en a fait plufieurs plus gens de bien
Epifcopale du Parlement de Dijon , qu'il n'eftoit.
(1) La place des Bancs, où fut supplicié du
Donf;non, existe encore à Limoges et porte
le mÊme nom. C'est le marché aux légumes.
Elle comprenait anciennement le pilori, la
boucherie lou bancs charniers ' et la place Iean Cardmaker & Iean Waren (2).
du marché. La place lire son nom des bancs
que ks revendeuses (vulgo : rcgralliircs) et
les bouchers y installaient La place des
Bancs était le lieu des exécutions. Au temps En l'exemple de Cardmaker nous pou-
de la Li(;ue, deux gentilshommes huguenots uons voir combien ejl grand & ex-
y furent décapités. .. Au mois d'octobre
1(79...., " disent les Annaks de Limof^cs — l'édition de 1(70, la dernière publiée par
(manuscrit de l'))8) — ■■ furent prins au fau- Crespin. Par une singulière inadvertance,
bourg Manigne certains , lesquclz, attaintz elle figure dcui fois dans toutes les dernières
et convaincus de conspiration contre la ville,
furent punis et eurent la teste tranchée en éditions du Martyrologe : d'abord ici même,
dans le V° livre, puis, dans le VI*, sous le
la place des Bancs, le 12 du dict. « D'un titre de <• Deux libraires à Autun , .1 A la suite
autre côté . le premier registre consulaire de de la notice sur les Cinq de Chambéry. H
la ville de Limoges, t. Il, p. 441, donne est étrange que cette inadvertance .lil échappé
les détails de cette conspiration qui coûta aux continuateurs de Crespin et ait été con-
la tête à Innocent de Prinçay. sieur dudit servée dans cinq ou six éditions successives.
lieu en Berry, et Bi^ot . sieur du Bouschet, Cette notice se trouve identiauement repro-
dans la Basse Marche, décapités sur la place duite dans VHisl. ccclés. de Beze, t. I. p. 5?.
des Bancs, près Ju Pilori. Ils furent, comme (1) Ftles.
du Dnngnon, mis & la question. La question (2) John Cardmaker dit Taylor et John
en usage à Limoges était celle des brode- Warne Voy. Koxe . t. VII, p. 77-fUi. Card-
maker était chanoine résident de Wells, et
quins.
(}) Cette courte notice ne figure pas dans avait été vicaire de Saint-Bridget à Londres.
lEAN CARDMAKER ET lEAN WAREN.

cellent le fecours du Seigneur lors deux ayent fait cela par infirmité , ou
que le fidèle ejl en daute, ou qu'il pludoft que cela ait efté fait par l'af-
tuce du Chancelier, & par diffimula-
_ on agité
ejl adrejfede toute
tentations . & que
la fcience 'fans
que nous tion cauteleufe , on ne fauroit dire
aurons acquife ne fera que poudre cornment cela fe fit, fmon que ce der-
ou paille qui fera menée au gré de nier eft plus vrai femblable, alTauoir
°
nos ennemis.
1 afin que ce renard euft quelque argu-
ment & couleur de retraftation feinte,
Il a efté parlé ci deflTus de Jean laquelle il peuft propofer aux autres
Cardmaker, au lieu où mention a efté pour imiter, ou pour les mettre en face
à ceux aufquels il auroit à faire. Il en
faite de l'emprifonnement de Saun- auint ainfi . car toutes fois & quantes
ders(i). Icelui tenant vue prébende
de l'Èglife de Wellen (2), du temps que depuis il eut quelque caufe à dé-
du Roi Edouard, s'eftoit fidèlement mener contre quelques autres , il leur
employé à publier la parole de TEuan- mettoit en auant les noms de Cardma-
gile. Mais en la dilTipation & ruine de ker & Barle, & les loûoit comme
l'Eglife, il fut empoigné auec Barle , gens de grande grauité , prudence &
Barle , Euefque Euefque du diocefe de Baden (5) , & doârine. Tant y a que quant à leur
de refponfe, quelque chofe que ce fuft,
Baden. après cela on le mena prifonnier à
on commanda à Barle de retourner en
Londres.aboli
encores Lesles Parlemens
ordonnances n'auoyent
& flatuts prifon, de laquelle il fortit par ie ne fai
que le Roi Edouard auoit fait publier quel moyen, & de là alla en Alema-
auparauant , & la loi iudiciaire (la- gne, où, eftant comme relégué, fît pro-
feffion ouuerte de l'Euangile. Mais
encore quelle
remifeils appelent l'Office)
es mains des (4) n'elloit
Euefques. Cardmaker fut mis à part en vne autre
Or, auflî tofl que la puilTance & fa- prifon , en laquelle vn peu après lean
culté fut ottroyee aux Euefques de Saunders fut ferré, comme on a veu
maintenir leur authorité , on fit venir, ci delTus. Cela ne fut point fait fans
entre plufieurs autres, ces deux-ci de la quelque finguliere prouidence de
prifon , pour eftre interroguez & exa- Dieu. De fait , Cardmaker ayant la
minez de leur dodrine. Le Chancelier, faiiiiliarité de Saunders , recueillit
retournant à fa vieille chanfon, leur
plus de force à défendre l'Euangile.
propofa la mifericorde de la Roine , Auint que Boner, Euefque de Lon-
dres, fe promettant toutes chofes de
moyennant qu'ils changealTent de foi

I
& de religion,
dociles & qu'ils
& obeilTans fe monflraffent
à leur PrincefTe. lelafcheroit endiuulguoit
Cardmaker, bref de lapar tout après
prifon, qu'il
Eux refpondirent de telle forte que qu'il
tiationauroit foufcritarticles.
& autres à la Tranlfubffan-
Cardmaker
r Euefque & fes complices les laifTe-
rent aller fauues, comme les eftimans demeurant ferme en fon bon propos ,
affez catholiques (î). Et foit que ces & ne flefchilTant pour belles promeffes
ou menaces qu'on lui feuft faire, rnon-
(i) Voy. plus haut, la notice sur Saunders. ftra combien la vanterie de l'Euefque
eftoit vaine , & comment le peuple
(2) Wells.
(j) Barlow, évêque de Balh and Wells. auffi y auoit trop légèrement creu.
(4) « Afier ihe bishops had golten power
artd authority, ex officio , to exercise their Or , après que Saunders eftant fe-
paré de lui , eut efté mené à la mort
tyranny. »
(;) Il De Angliae rébus pauca et minus (comme il a efté ci delTus) & que
suavia hœc habeo. Finilo Parliamento, con-
vocari curavit Vintoniensis omnes Londini Cardmaker fut laift"é feul en prifon, il
vinclos propter verbuni Domini numéro 80, il eut beaucoup d'aflfaux par les Papif-
et cum ils poUicitationibus, prœmiis et minis tes, & longtemps, lefquels conceurent
egit , ut palinodiam canerent. Omnes per-
sisterunt constantissime, e.xceptis his duobus : grande
cordelle efperance de l'attirer
(i). Plufieurs à leurà
trauaillerent
Berloo, Balhoniensi quondam episcopo et
Cardinakero, ejusdem ecclesiae ut puto , cela , & y venoyent fouuentefois par
archidiacono. Hi enim illi cesserunt. » troupes, & faifoyent tout ce dont ils
(Lettre de Thomas Sampson. réfugié anglais,
à Calvin, datée : Strasbourg, 2; février pouuoyent s'auifer pour le deftourner :
ils debatoyent , ils le menaçoyent , ils
155;. Calvini Opéra, XV, 448). u Vintonien-
sis » signifie Etienne Gardiner, évêque de l'efpouuantoyent, ils le prioyent, ils le
Winchester. Strype (Eccl. Mem., 111, 1.
p. 241) dit au sujet de Barlow : « Il fut forcé
par Gardiner et d'autres papistes , non seule- (i) Petite corde Mot employé ici dans le
ment d'abjurer, mais de composer un livre de sens
rétractation, ce qu'il fit pour sauver sa vie.» le motoù correspondant
s'emploie vulgairement
: ficelle. aujourd'hui
.58 LIVRE CINQUIEME.

flattoycnl. Se voyant donc alTailli de ville, aufquels il tint fi long propos que
tant de fortes, i)t ne le pouuant dcf- Waren eut loilir d'acheuer fon orai-
peflrer bonnement de leurs laqs , il fon & de fe defpouiller de fes habille-
les pria de mettre leurs railons par mens & d'ellre attaché au polleau , &
finalement tout ce qui efloit propre à
cfcrit, it qu'il leur refpondroit auCfi le brufler elloit défia préparé, & de-
par cfcrit.
Ce fupcrbc Vn dodeur Lcgifte entre autres , meura là quelque temps à attendre
LeKiilc fc pria que celle charge lui full donnée ,
monltrc inepic que le feu full mis dedans le bois du-
Théologien. d'elcrire. Ce dodeur auoit nom quel il elloit enuironné. Durant le
Martin , cS: eftoit fait de la main du temps que Cardmaker fut retenu par-
Chancelier, ayant elle façonné en Ion lant aux Efcheuins , le peuple eftoit
efchole à tromper & deceuoir, homme en grand foin i*t crainte ; car ils
au demeurant d'alfez bon efprit entre auoyent auparauant oui murmurer ie
les Papilles, s'il eull voulu employer ne fai quoi ae la retradation de Card-
maker &
, ellans amenez à quelque
les grâces qu'il auoit, à défendre la
veritii kS; droiture, plulloll que s'acom- foupçon, ils n'attendoyent autre chofe
moder à vilaines flatteries, ou s'il fe finon qu'icelui full contraint de fedef-
full modellement contenu en l'es bor- dire auprès des cendres de Waren;
nes, dedans lefquelles fa profeffion mais, après que les propos furent ache-
uez , Cardmaker lailTant les Efche-
l'auoit limité, & qu'il ne fe full ingéré
plus auant que fa vocation le portoit. uins s'en vint au lieu où fon compa-
Tout ainfi qu'en cela il fc monllra plus gnon eftoit défia attaché , & eftant
impudent mainteneur que prudent encores veftu des habillemens qu'il
Théologien , aufli acquit-iJ plus de auait lors , fe mit incontinent à ge-
defhonneur à foi inefme, que de profit noux (S: pria long temps à part foi
aux autres, & fufcita beaucoup plus fans eftre oui des autres. Et cela en-
cores augmenta le foupçon du peuple,
de riotes (i) oifiues (2) en l'Eglife que
d'édification iiecelTaire. Cela fut alTez d'autant qu'en premier lieu il eftoit
déclaré par vn petit Hure, lequel il encore veflu & qu'il prioit tacitement,
compofa en langue vulgaire, l'an 1 5 54. & d'auantage qu'il ne monflroit aucun
par lequel il efmeut de grandes tragé- figne qu'il
dies contre le mariage des Prellres. tation.vouluft faire quelque
Bref, Cardinaker eftoit exhor-
en un
Ce gentil dodeur donc entra au com- eftat douteux et fort dangereux. On
bat contre Cardmaker, pour mainte- lui donnoit encore liberté de fe def- Ses tentations,
nir la Tranlfubllantiation & autres ar-
ticles. Cardmaker auffi efcriuit contre dire. S'il refufoit la condition qui lui
eftoit offerte au nom de la Roine, il
lui, L<: reprima fort dextrement la fiere voyoit la mort prefente deuant fes
audace de ce dodeur, lui remonllrant yeux, & la chofe ne pouuoit eftre dif-
Mon de que, s'il dedans
contenu eull ellefesbien fage , En
bornes. il fecelle
full férée. 11 n'auoit pas loifir de faire
longues délibérations. Des deux parts,
Cardmaker.
forte Cardmaker ayant elle long temps on attendoit ce qu'il refpondroit &
& par plufieurs fois pourfuyui , de- feroit. Il voyoit le danger de tous
meura toutefois confiant iufques au
coftez , le danger du corps d'vn , le
tourment de la mort cruelle, laquelle
danger de l'ame d'autre. Sa conf-
il endura peu après, au marché de cience le tourmentoit d'vn cofté , &
Smythfild en la ville de Londres, &
d'autre par fon et'prit eftoit miferable-
l'endura autantmaintenu
conllamment pailiblement qu'il auoit
fa caufe. ment agité pour l'ellonnement de la
mort. Mais tout ainfi qu'il voyoit ie
danger des deux coftez, auffi pre-
Déclaration Iean Waren, reuendeur (j) demeu- uoyoit-il le guerdon (1), la vie A la
plus particu- rant en la ville de Londres, fut con- vidoire; l'vne en ce monde qui eftoit
lière de la
mon de damné àeflre bruflé auec Cardmaker. facile, mais temporelle; l'autre au ciel,
Cardmaker. Quand tous deux furent paruenus au immortelle, mais dangereufe : encores
ce chois lui eftoit en liberté, laquelle
lieu du fupplicc , Cardmaker fut ap- il euft voulu eflire des deux. Les Ef-
pelé Apart par les Efcheuins (4) de la
cheuins lui auoyent permis (comme on
le pouuoit facilement coniedurer) de
(1) Disputes. choifir ce qui lui fembleroit le meil-
(1) Oiseuses. leur. Ilauoit bien befoin du fccours
()) Upholslcrer, marchand de meubles et
de lapis,
(4) Les shérifs. (1) Récompense.
RECIT D HISTOIRE.

prefent de Dieu, lequel n'abandonna fupports les mettant en inquiétude & m.d lv.
point ce poure homme en fa neceffité. rage continuelle Les Efpagnols en ce Les Efpagnols
Car, après que Cardmaker eut acheué carefTez en
temps auoyent la vogue en Angle- Angleterre.
de faire fon oraifon, il fe leua fur fes terre, àraifon du mariage de la Roine
pieds i-t fe defhabilla iufques à la che- Marie auec Philippe, Roi d'Efpagne.
mife de fon hongre, & ayant fait cela, Il y auoit en la ville de Londres vn
acourut à fon compagnon Waren au nommé Guillaume Toulee (i) , du
_^ lieu où il eftoit attaché pour eflre nombre de ceux qui n'ont autre
■- brufié, &, tendant fes bras & fes mains, moyen de viure que de feruir es
cours des Princes ou es familles des
V il bail'a le pofleau & donna la main à
B Waren, l'exhortant à prendre bon cou- grans. Auint qu'ayant rencontré vn
" rage; puis après fe prefenta alaigre- Efpagnol, il lui ofta par force fon ar-
ment & fans reliftance pour eflre at- gent. C5la eftoit vn forfait deteflable
& énorme, & encore eftimé tant plus
'"^hremen'''^ toute
taché. fon
Le attente
peuple voyant cela , contre
, fut autant refioui
grief
contre devn ce qui qu'il
eftoit auoit eftéauquel
du pays commisla
qu'auparauant il auoit elle troublé, &
commença à grand cri , voire autant Roine portoit grande faueur & toute
grand que iamais on ouit enfemble tel; la Cour auec elle. Apres que la iuf-
&& tous crioyent d'vne mefmefoitbouche tice eut conu du fait , Toulee , con-
confentement : « Dieu béni , uaincu de larrecin, fut condamné à ef-
Cardmaker, le Seigneur te vueille tre pendu ; on le mena donc auprès de
fortifier, le Seigneur Jefus reçoyue la Croix de Charing (2) pour eftre
ton efprit. » Et le peuple ne ceffa de exécuté. Deuant que mourir, il dit
continuer cefle acclamation iusques à beaucoup de chofes au peuple, comme
tant que le feu fut mis & que tous par forme de remonftrance, & fit vne
deuxfacrifice
eurent de
rendu l'efprit au Seigneur prière que les Anglois auoyent acouf-
en bonne odeur. Cela fut tumé de dire es Eglifes, du temps du
le dernier iour de Mai, l'an 155^. Roi Edouard : « Que le Seigneur les
Or Waren, qui eftoit bourgeois de deliuraft des erreurs deteftables de la
la ville de Londres, auoit fait entière Papauté & de la cruelle tyrannie de
confeflion de fa foi, le iour deuant l'Antechrift Romain (5). » Toulee, à
qu'il fut mené, l'occafion de telle prière, tomba après
le Symbole des ayant expliqué
Apoftres en bref
, & auec ce fa mort en cefle tyrannie defbordee
il déclara ouuertement fon opinion par tout. Auffitoll que le bruit eut
touchant la dodrine des Sacremens, efté femé&paruenu iufques aux oreil-
fe purgeant fuffifamment contre la les des Preftres & Euefques félon leur
condamnation de fes aduerfaires (i). couftuiiie, ils firent des bruits merueil-
leux, fe tempefterent et prindrent con-
feil qu'il ne faloit endurer vn tel ou-
trage fait contre le fiege Romain.
Ayans afi'emblé leur fynagogue comme
pour mettre chofe necelTaire & de
Rccit d'HiJïoire touchant certains pcr- grande importance fur le bureau , on
fonnagcs qui ont cjU dctcrrc\ en ce propofa le fait de Toulee , on prend
temps & brujle^ après leur mort (2). confeil, on détermine; finalement après
longues enquefles , combien que les
Ce necit qui de prime face femblera
opinions fultent diuerfes, on s'arrefta
ridicule, nous efl ici propofé pour re- à l'opinion de ceux qui furent d'auis
marquer lacruauté, ou plufloll force- que la faindeté du treffaind Père de
nerie que les aduerfaires exercent con- Rome, qui auoit eflé ainfi outragée, de-
tre les morts ; en quoi nous noterons uoit élire vengée par feu. On veut dire
qu'il que le Cardinal Pol (4) fut autheur de Le Cardinal
tion» yque
a diuerfes efpeces
Satan fufcite de perfecu-
au cœur de fes ' dite
ceft auis, car tout ainfi que le Chan- Po'usles perfe-
morts.

(i) Cette famille donna trois martyrs à la (i) Fo.xe le nomme John Tooley.
réformation anglaise. IVIary Warne, femme (2) Charing-Cross, rue de Londres.
de John Warne, souffrit le martyre au mois
de juillet suivant, et sa fille, Joan Lashford, (;) C'est
n From the la litanieof dite
tyranny de Henri
the Bishop VIII :
of Rome,
fut brûlée le 27 janvier 1550. and ail his détestable enorraities, good Lord,
(2) Voy. Foxe, t. VU , p. 90-97, où toutes deliver us. »
les pièces de cet étrange procès sont repro-
duites. (4) Le cardinal Pôle , légat pontifical.
Voy. p. 9;.
i6o

celicr Gardiner & l'Eucfque Boner


LIVRE CINQUIEME.
mort
Martyr{2). (1), déterre^ après leur
I
efcumoycnt leur rage contre les vi-
uans, leinbLiblenient les fuiniinations
.de Pol ne fe defployoyent gueres La mefme foudre de ce cardinal
que contre les morts, iS; lui feul vou- Pol pénétra de iufques aux & osrenommée
d'autres
loit bien prendre celle charge particu- perfonnages mémoire
lière, &ne fauroit-on dire pour quelle bien-heureufe , alTauoir Martin Bv- Bucer & Fa-
CKR c^ Pavl Fagivs, profelTeurs des gius deterrei,
raifon il failbit cela, finon qu'il ne
vouloit pas edre fi cruel contre les vi- faindes lettres en rVniverfitéde Cam-
uans (il auoit conu la vérité auant brige , où ils elloyent décédez quafi
qu'eAre Cardinal) que ces deux-ci, & d'vn mefme temps l'vn après l'autre.
peut élire penfoit par ce moyen main- Ils furent déterrez & de pareille fo-
tenir la réputation «S: donner à enten- lennité que le précèdent, condainnez,
dre comme il fauorifoit au parti des & ce qui fut trouué de leurs os fut
Papiftes. bruflé & réduit en cendres , enuiron
Les fuppotts TovLEEdonc, après auoir elle pendu deux ans après leur trefpas. Et afin
de enl'Aniechrid
veulent & ellranglé & félon la couftume en- que ce Cardinal ne failHA auffi à don-
aux moris & terré, par ordonnance des Euefques ner quelque mémorial de fa fidélité
aux viuans. fut tiré hors de la foffe, en laquelle il enuers le fiege Romain (comme Lé-
auoit elle mis. Et fans rien obmettre
deleurllil(i), le firent citer comme hé- gat fouuerain dudit), en l'autre Vni-
verfité d'Angleterre qui ell Oxford, il
rétique & condamner à eftre bruflé. mit en exécution vne choie fembla-
On attacha des breuets de citation aux
ble,renom,
de fauf que,
il fitpar faute d'vn
déterrer trefpalTé
et brufler en
portes du temple de faind Paul à Lon- La femme de
dres. Et comme ainfi foit qu'ellant la dite ville la femme de Pierre Mar- Pierre Martyi
ainfi cité il ne comparull point, la fuf- déterrée.
penfion fut iettee félon la façon acouf- tyrterre(lequel
, aprèselloit
auoirefchappé d'Angle-
elle profcITeur en
Théologie en ladite Vniuerfilé) femme
tumee, & d'autant qu'vne feule fuf- de bonne & fainde renommée , & ce
penfion ne fulTifoit pas, on adioulla
auffi l'excommunication. Apres qu'on qu'on trouua de fon corps fut par op-
eut ainfi gardé la forme e^ folennité. on probre ietté fur vn fumier prefque
apolla vn procureur qui deuft, au lieu trois ans après fa mort.
du mort, refpondre aux articles publi-
quement recitez en iugement. Il fut
conueincu comme hérétique & liuré
au bras feculier, alTauoir aux iuges Thomas Havx, Anglois (3).
criminels de la ville de Londres. Ils
prindrent ce pendu excommunié, con-
ueincu & condamné comme hérétique CeJÎ exemple s'adrejje à ceux particu-
& le firent mettre fur vn tas de bois lièrement quides
ont eu priuilege
elle injlruils leur ieunejfed'auoir
en la
pour le brusler, afin que la mémoire
de ce fait en full à iamais , & que pure dotlrine de Dieu , car Haux
l'odeur d'vn facrifice fi fouëf (2) par- s'ejl tellement porté en la Jleur de
uinll aux nareaux (î) du Pape leur fei- fon
conteaare,
de faqu'il
vie n'a
au pas fait aicelle
regard erand
gneur. Ceschofcs furent faites à Lon-
dres le quatriefmc de Juin de ccfl doârine , & ejl kllement mort au il
an M55. a monflré qu en icelle doctrine il ef-
peroit trouuer la vie . Il y a des cho-
fes nomparcilles à confiaerer.

Entre plufieurs excellens perfonna-


De deux premiers hommes en renom- ges qui moururent au mois de Juin, il
mée , doclrine & pieté , ajjauoir y eut vn ieune homme nommé Tho-
Martin Bticer , Paul Fagius Ale- mas Haux, qui rendit celle perfecu-
mans , item de la femme de Pierre
(1) Wo^. les notes du t. I , p. 575, sur
Bucer, Kagius et Martyr.
^l; Il biyl . " dit le Grjnd Ccualitmicr de (2) Voy., sur le procès fait aux cendres
France, •■ csi l'irdre judiciaire ci monicre de de Buccr, de Fagius et de la femme de
procéder en justice, icllement réglé et stylé Pierre Martyr. Foxc, t. VIII. p. 2118-297.
que nul ne le révoque en doute » (Lacurnc). ()) The Hislory and Marlyrdom 0/ Ihe
worlhy seriranl of Christ , Tliomas Hatikes,
(2) Suave. Gentleman. Foxe, t. Vil, p. 97-118.
()) Narines.
THOMAS HAVX.
i6i
Thomas Haux, qui a gardé vn fien
tion illuftre. Il eftoit du pays d'ElTex, M D.LV.
iffu d'vne famille honnefte , de noble Lettres du
enfant, en la Comté d'Eftex, par trois
race & fuyuant la Cour , & des fon fepmaines fans le faire baptizer. En- fort àBoner.
enfance nourri en délices & abon- Comte d'Ox-
dance. Il eftoit beau, de belle taille, quis fur cebaptizer
fera point faid, fon
il refpondit
fils, félon qu'il ne
la façon
& orné de grâces extérieures ; mais qui eft auiourd'hui receuë en l'Eglife.
il auoit vne vertu qui furmontoit tout Et pourtant nous auons procuré de le
cela, affauoir vne rondeur & affeftion vous enuoyer, afin que vous ordon-
niez de lui félon voftre prudence. »
à la vraye Religion , voire telle qu'à
peine y en a-il en telle ieunelTe qui fe » Apres que l'Euefque eut receu
foit maintenu plus fagement en fa ces
caufe, ne plus honneftement en fa vie, les lettres,
bailla; &ayant
qu'il leu
les eut leuës, il meie
le contenu,
ni plus conftamment en la mort. Ayant penfai en moi-mefme, que ce ne fe-
commencé à fuyure la Cour, il fut au roit pas bien mon auantage que le iu-
feruice du Comte d'Oxfort allez long gement du faid fut commis à ceft
temps , agréable à tous en cefte fa- Euefque. Sur ce, il me demanda quelle
mille, tant que le Roi Edouard vefcut fantalie m'auoit prins de tenir mon
& que la vertu auoit lieu ; mais après fils fi long temps en ma maifon fans le
la mort du Roi, la Religion eftant ren- faire baptizer? neR. rien » Pource qu'ilcontre
nous
uerfee, la crainte de Dieu non feule- eft commandé recevoir
ment refroidie , mais auffi expofee aux la fainâe ordonnance de la parole de
dangers, Haux changea de lieu, aban- Dieu. » D. « Mais quoir Le Bap-
donnant laCour, et fe retira chez foi, tefme a efté inftitué par la parole &
afin de librement iouirde faconfcience ordonnance du Seigneur. » R. « Je ne
& s'adonner au feruice de Dieu. Ce- mefprife pas l'inftitution du Baptefme,
pendant qu'il eftoit en repos en fa veu que c'eft la chofe que ie deba
maifon , vn fils lui nafquit, duquel il principalement , & requiers de vous
auoit défia différé le Baptefme l'ef- fur tout. » D. « Que reprouues-
pace de trois fepmaines, pourautant tu donc ? » R. « Toutes les chofes
qu'il ne vouloit fouffrirque fon enfant qui ont efté adiouftees d'ailleurs par
fuft baptifé à la façon des Papiftes. les hommes, outre l'ordonnance di-
Les aduerfaires, ne pouuans endurer uine. » D. « Qui font-elles? » R.
cela . firent tant que premièrement il Cl L'huile, le chrefme, le fel , le cra- Les chofes
fut mené au Comte d'Oxfort , & ac- chat, le cierge, l'exorcifme ou coniu- reprouuees au
cufé de mefprifer les facremens de ration de l'eau , & autres chofes fem- Baptefme.
blables. » D. « Reietteras-tu les
l'Eglife, & le Baptefme principale- chofes lefquelles tout le monde & tes
ment. Ce Comte renuoya toute la
caufe & l'homme auec lettres & vn predeceft'eurs ont , par leur authorité
meffager à l'Euefque Boner. L'Euef- & d'vn fi grand confentement , aprou-
que retint quelque temps Haux en fa
famille, auec lequel il eut beaucoup ueesnous
& iufques
ont àefté
cefte heure encomme
données l'Eglife,
de
main en main? » R. « Je ne fai que
de propos, & ren"aya en plufieurs mes anceftres ont fait, ni ce que tout
fortes; mais voyant qu'il n'y auoit
plus d'efperance de le deftourner de le monde a ordonné, mais c'eft à nous
fon opinion, n'admettant aucune con- d'acquiefcer
a commandé à tout
& ceordonné.
que lefus »Chrift
D.
dition qui fuft au defauantage de fa
confcience , il le fit mettre en la pri- « L'Eglife catholique l'a ainfi enfei-
fon de 'Weftmonfter. gné. » R. « L'Eglife catholique eft la
congrégation des fidèles difperfez par
Mais, auant que paft"er outre en tout le monde, dont le chef eft lefus
l'hifloire
ftances que , notons
fit ce les pourfuites
Boner & in-
contre Haux,
Chrift. » D. « N'as-tu point leu
qui ont efté efcrites par lui mefme, & comme lefus Chrift promet en S. lean
depuis traduites comme s'enfuit : de bailler fon Efprit confolateur à fes
fidèles , pour les enfeigner & mener
« Le xxiiii. de Juin, l'an m.d.loii. en toute vérité ? » R. « le le confefl"e,
le Comte d'Oxfort me donna en garde à cefte fin qu'il enfeignaft toute vérité
à vn fien feruiteur, pour me mener à accordante à la parole de Dieu , &
Boner, Euefque de Londres, auec non les ordonnances & traditions des
lettres qu'il lui efcriuoit , en cefte hommes. » D. « le voi bien que tu es
fubftance : k Reuerend père en du nombre de ceux qui ne peuuent
Chrift , ie vous enuoye vn certain rien fûuft"rir ou admettre en l'Eglife ,
II
I<)2 LIVRE CINQUIEME.

ou non.- Refpon-moi à cela, Baget. '■


que les Efcrituros feulement. Et cer-

I
tes ily en a beaucoup de tels en ton Baget. « Je le penfe ainfi, monfieur
le reuerend. » Bo. <i Vrayemeni, tu
pays, qui font de celle fadion. Ne
conois-tu point Knygth c^ Piggot (i) mérites bien qu'on te dife des iniures
qui font de ton pays? » R. << Je conoi & outrages. Fol que tu es , pourquoi
Hcb. 12. 1 5
KnvRih ft bien Knygth, mais ie ne conoi point n'as-tu ainfi parlé des le commence-
Pîïgoi. l'autre. » D. " l'auoi bien penfé que ment .' car tu as bleft'é au parauant la
tu auois acquis conoilïance & familia- confcicnce de ce pauure homme igno-
rité auec telle manière de gens , qui rant, par ta folle refponfe. » Et, tour-
font de ta manière de viure, & cela nant fon propos à Haux, dit : « Tu
aufli eft a(Tcz déclaré par l'opinion vois bien que ceft homme-ci retourne
que tu as des Efcriturcs. Di-moi quels à fon bon fens. » H. « Ma foi n'eft
prefcheurs auez-vous là en ElTex. » point appuyée fur ceft hommc-ci , ne
fur vous, monfieur, ne fur homme qui
R. '< le n'en fai point. » D. « Entre foit au monde, mais elle eft fondée fur
Bagei. autres, ne conois-tu pas vn nommé Ba-
get .' » R. n le le conoi bien. » D. vn feul lefus Chrift, autheur & con-
« Le conoillrois-tu fi tu le voyois .' » fommateur de noftre foi. » Bo. « Je
R. " Oui, comme ie penfe. » Baget(2)
conoi que tu es rebelle & d'vn cœur
euoqué entra fur ces entrefaites, au- oblliné, parquoi il nous faut trouuer vn
quel Boner dit : « Baget , conois-tu autre moyen pour te faire fiefchir. » H.
ceft homme de bien .' » Baget refpon- ic Je fuis défia refolu & preft d'endurer
dit : '< le le conoi. » Et quand &
tout ce qu'on ordonnera contre moi. »
quand nous donnafmcs la main l'vn » SvR ces entrefaites on s'en alla
l'autre. Sur ce Boner lui demanda : difner. De moi, ie fu mis à la table d't urypil (1)
Vn
du principal
colleté
« Qu'en dis-tu, Baget.' ce rullre-ci a du maiftre d'hoftel, & après qu'on eut
vn enfant qu'il garde en fa maifon , acheué de difner, les Preftres A au-
fans le faire baplizer, et perfifle en fon
tres eftafiers de l'Euefque commencè-
opinion rer rent à mettre des propos en auant
Baptefme, qu'il
à fonne fils,
fera félon
adminift
la façonle d'vn cofté A d'autre. Entre autres, il
que le Baptefme e(l auiourd'hui admi-
niflré. Di-moi ton opinion fur cela .' » y auoit vn principal du collège d'Ox-
Baget , à la façon de Cour, lui ref- fort, parent bien prochain de l'Euef-
pondit : (' Monfieur le reuerend , ie que, qui difoit que i'eftoi curieux plus
qu'il n'eftoit de befoin , & tenoit ce
n'ai rien à dire fur cela. » Boner faf- propos : « Vous autres ne pouuez rien
ché lui dit : « Tu ne veux donc rien
foulfrir que ce beau liure diuin, « ainfi
dire.' ie trouucrai bien le moyen pour appelloit-il le nouueau Teftament. H.
te faire déclarer fi cefie façon A céré- " Ne penfez-vous pas que ce liure
monie du facremenl du Baptefme, qui fuftife à falut .' » Icelui dit : « le penfe
eft en l'Eglifc, eft louable ou non. » bien qu'il fulTit à falut, non pas à in-
Baget iniîfta : « Monfieur, ie vous ftrudion. » H. « le defire que ce fa-
prie, n'vfez point de rigueur enuers lut m'auiene, & quant à cefte inftruc-
moi; il a de l'aage , qu'il refponde tion , gardez-la pour vous. » Pendant
pour foi. « Boner appel la vn officier
& lui dit : « Fai moi venir le portier, que nous tenions ces propos, l'Euef-
ie te ferai donner des fouliers de bois que furuint. Bo. « Mais quoi.' ne
& ferrer eftoitement en prifon , & t'auoi-ie pas défendu de parler à per-
fonne.' » H. « le vous auoi auffi prié
n'auras que du pain A manger, & de de mon cofté que nul de vos dodeurs
l'eau à boire ; ie voi bien que ie t'ai ou feruiteurs ne me prouoquaft à ref-
par tropefpargné iufques à prefent. "
pondre. » De li\, nous ful'mes dere-
" TosT après, l'Euefque fe retira chef menez au iardin , où l'Euefque
aux iardins, où il s'affit, A commanda commença à parler en cefte façon :
qu'on lui lift venir Baget, auec lequel " Que dis-tu f Permettras-tu point que
auffi on m'apella , A l'Euefque com- ton fils foit receu au Baptefme, félon
mença àdire ainfi : » Q^e dis tu du le formulaire du liure qui eftoit en
Baptefme, lequel l'Eglifc a mainte- vfage du temps du Roi Edouard
nant.' parle ouuertement : as-tu opi- fixiefme .' » H. « Certes, ie le defire
nion qu'on en doiue vfer en l'Eglifc, grandement éit de toute mon affec-
tion. r>B. tu
mais voici, « Jeas l'ai bien penfé
maintenant ainfi ;
vn mefme
(i) Voy. plus haut, p. 14c.
(1) Nf)us ne savons rien de plus que ce
qu'il y a ici Mir ce Bogcl. (i) CoUiicc de Brnadgalcs, d'après Foxe.
THOMAS HAVX.

formulaire de faiiS. La forme & fub- & de moi ie te veux traiter amiable- m.d.lv.
ftancede la vérité c'ell : Au Nom du ment. Que veux-tu dire.' Il eft efcrit : lean 6.
Père, & du Fils, & du faitiA Efprit. Je fuis le pain de vie, & le pain que
Ce que mefme ie ne nie pas élire affez ie baillerai, c'eft ma chair, laquelle ie
en temps de neceffité. Or, afin qu'il baillerai pour la vie du monde. Qui
ne femble que nous ne vueillions rien mangera ma chair & boira mon fang ,
faire pour, toi , tu pourras demeurer demeure en moi , & moi en lui , &
en ma maifon, s'il te femble bon, & aura la vie éternelle. Ne crois-tu
cependant ton enfant fera baptizé fans pas ces chofes eftre vrayes.^ » H. « Oui
bien , comme de fait il nous faut ne-
ton feu. » H. « Sii'euffe voulu accep- ceffairement adioufter foi aux paroles
ter cefle condition , il n'eftoit befoin
qu'on m'amenaft ici, car cette mefme de l'Efcriture. » B. « le n'ai donc
condition m'a eflé offerte première- point de peur que tu ne fois pur & en-
ment chez le Comte d'Oxfort. » B. tier en la foi du Sacrement. » H.
« Tu es plus audacieux que ton aage a Monfieur, ie vous prie de ne met-
ne porte , & il fe peut bien faire que tre autre chofe en auant. ne d'autres
quelque opinion de réputation te queftions que celles defquelles on
meine. afin que tu acquières louange. m'accufe. » B. « Allons maintenant
Ne penfes-tu
fance de la Roine pas qu'il
& defoit
moien, dela com-
puif- ouyr
le dos,vefpres.
& que »ie 'Voyant
fortoi dequela iechapelle,
tournoi
mander que cela foit fait , encore que
tu y contredifes ? » H. « Je ne deba il me dit : « Comment, pourquoi n'af-
fifteras-tu pas à vefpres auec nous ? »
point maintenant
thorité de la Roinequeou peut valoir; mais
la voftre l'au- H. « Pource qu'il n'eft expédient à
édification & falut que i'aille ouyr ce
entant que touche ma confcience ,
que ie n'enten point. » B. « Mais
i'efpere qu'elle quoi.- Tu pourras cependant prier fe-
immuable. » B. demeurera ferme
<( Tu es vn ieune& cretement à part. Quels liures as-tu } »
homme merueilleufement opiniaftre. H. « Le nouueau Teftament, les Pro-
uerbes de Salomon, & le Pfautier. »
II faut que ie t'aye par vn autre
moyen. » H. « Vous & moi fommes B. « Mais tu pourras prendre des
en la main de Dieu : moyennant fa
bonté & grâce, ie fouffrirai patiemment prièresaffeftion
point du Pfautier.
de prier» en
H. ce« lieu-là,
Je n'ai
tout ce que bon lui femblera. » B. ou en autre femblable. » Alors, vn de
« Quelque opinion que tu ayes de ceci
en ton cœur, ie ne veux point que tu fes prefires
ne fera pointditparticipant
: « Qu'il auec
s'en aille
nous., il
»
en fonnes vn feul mot deuant moi.» En H. « Pour cefle raifon mefme m'ef-
• cefle forte le propos fut rompu , & time-ie plus heureux , quand ie ferai
bien loin de vous. « Et pourtant ie
chacun fe retira. Cependant, î'Euef-
que m'ayant fait venir en fa chapelle , defcendi de cefle chapelle, & m'en
me dit : « Haux, ie voi que tu es beau allai pourmener au paruis au dehors ,
ieune homme, à qui Dieu a diftribué qui eftoit entre la chapelle & la fale.
Bien toft après ils eurent âcheué leurs
de fes grâces: i'ai telle affedion en-
uers toi , que ie voudroi te faire plaifir
en toutes fortes. Tu fais que ie fuis vefpres,
chambre &fecrette
l'Euefque
auecme trois
menapreftres
en vne ,

ton pafteur, & qu'il me faudra rendre & commença à m'interroguer derechef,
compte du falut de ton ame deuant le difant : « Ne te fouuient-il point du
Juge fouuerain, fi tu n'es purement dernier
inflruit & comme il apartient. » H. touchant propos que i'ai, quand
le Sacrement eu auectu me
toi
« Ce compte que vous aurez à rendre requerois que ie ne preffalTe point ta
ne fera pas que ie demeure impuni confcience plus auant que les chofes
^ quand ie ferai quelque faute. Parquoi defquelles tu es accufé. » H. « J'ef-
■ ie fuis refolu de perfeuerer iufques à pere que vous ne ferez pas iuge &
■ la mort en ce que i'ai dit, moyennant partie
mais tucontre moi. » B. dua C'eft
me refpondras cela ,
Sacrement
l'aide de mon Dieu, & n'y a créature
qui me deftourne de mon propos. » de l'autel , du Baptefme, du Mariage
B. " Haux, ne di point cela & ne le & de Pénitence. Premièrement , en
Matth. 2,-. 28. mets point en ta fantafie. Ne fais-tu ce qui touche le facrement de l'autel,
pas que Jefus Chriftenuoya deux hom- il femble que tu n'y esaffez pur &en- De la Cène
mes en fa vigne, & l'vn dit qu'il y iroit, », H,.
tier. de
ment
1^1-^ • ■ facre- ■ appellee
« Qu'appelez-vous
1 .autel.-
Papillesdes
De moi le ne conoi sacrement de
& toutefois n'y alla point.- » H. " Le
dernier y alla. » B. « Fai le femblable, point vn tel Sacrement. « B. « Et bien, i'.'\utcl.
164
LIVRE CINQUIEME.

nous donnerons bien ordre que tu le plus pures par la parole de Dieu ,
vous ne ferez iamais que ie vous
fauras, »Sr que tu y adioufteras foi adioufte foi, encore que vous faciez
que tu partes
auant pourrez d,'ici. » H. << Vous tous vos efforts. » Boner , fur cela ,
ne le iamais faire, moyennant foufriant à fes eftafiers de Preflres,
la grâce de Dieu. » B. « Mais les fa- dit : « lefus, lefus, quel homme
gots le feront faire. » H. » le ne me
foucie point de vos fagots; vous ne ignorant & opiniaftre auons-nous
ici ! » Ces chofes fe faifoyent en fa
me ferez ("mon ce qui femblera bon à
la bonté Diuine. >- B. « Ne crois-tu chambre fecrette. Or, il parla dere-
chef à moi en cefte forte : » Defcen
pas qu'en ce trofTainiS Sacrement de
l'autel, le pain n'y demeure plus pain après moi , & demande à boire, car il
après les paroles de confecration, ains eft auiourd'hui iour de iufne, afTauoir
que feulement y demeure le vrai corps la veille de la fefte de S. leaii Bap-
& le vrai fang de Jefus Chrirt ? » En tifte, mais ie penfe que vous autres ne
difant cela, il ofta fon bonnet. H. » Je tenez conte du iufne ni de faire orai-
croi tout ce que Jefus Chrifl a exprimé fon. " H. I' l'aprouue & les iufnes &

I
par fa fainéle parole. " B. » Mais Je- les oraifons , félon que l'vn & l'autre
fus Chrift, nous enfeignant par fa pa- eft inftitué par la parole de Dieu.» Sur
cela nous mifmes fin au propos de ce
role , n'a-il pas dit ainfi : >< Prenez , iour.
mangez, ceci eft mon corps? » H.
« Je confcITe que ces paroles font de
Chri(\; toutesfois il ne s'enfuit pas de » LEiendemain.quieftoit Dimanche,
cela que voflre facrement de l'autel Boner fe difpofa pour aller à Lon-
de fait Jefus ne l'a dres ,car c'eftoit le iour folennel au-
iamaisainfiainfi
foit , & monftré de loinChrift
au peuple quel Feknam deuoit eftre inftallé
Doyen de la grande Eglife (i). le
par den"us la tefte , & n'a rien enfei- demeurai cependant en la maifon de
gné de tout ce qu'aucz en vfage. » B. Boner à Fullam (2) , où eftant requis Fullam e(l vn
« Toutefois , l'eglife catholique l'a
ainfi enfeigné. •■ H. <> Les Apoftres.
par les feruiteurs d'aller à la Meft'e, petit Heu près
qui ont cfté les Do6leurs de la pre- de ''^ Londres,
cefte
ie di quemefme ie neexcufe pas , &euxvfaique
le feroienuers
mière Eglife, ne l'ont pas ainfi enfei-
gné. » B. " Quelle raifon as-tu pour i'auoi fait parauant vers l'Euefque, le-
monftrer qu'ils n'ont pas ainfi enfei- quel fur le tard arriua de Londres.
gné ? » H. « Lifez le 2. & 20. chap. Le Lundi fuyuant , il commanda que
des Ades des Apoftres. S. Pierre & vinll'e vers lui au plus matin , eftant
S. Paul n'ont iamais inftruit les Egli- Arche- -
fes de cefte façon. >) B. « Ce ruftre-ci acompagné
diacre de Londres, auquel (?),
de Harpsfild Boner dit :
ne reçoit rien en l'Eglife, finon ce qui « 'Voici l'homme duquel ie vous auoi
eft contenu feulement en l'Efcriture, parlé , quT ne veut point que fon fils
foit baptifé , & ne peut endurer aucu-
& ce que Jefus Chrift a laifl'é nue- nes cérémonies. » Har. « Comment !
ment. » H. « Je n'adioufteroi point
foi à celui qui m'enfeigneroit d'vne mon ami vfé
mefme ? Jefus Chrift n'a-il pas
de cérémonies, lui-
quand,
autre façon que Chrift lui mefme ne
faut donc ayant fait de la boue de la poudre de
m'a enfeigné.
vous autres faciez » B. "laIlCenc auec que
vn la teiTe & de la faliue, il en mit fur
agneau , s'il ne faut rien receuoir, les yeux de l'aueugler » H. « le le fai
finon l'inftitution de Jefus Chrift. » & confefte qu'il eft ainfi, mais nous ne
H. " Cela n'eft point neceft'aire , car lifons pas qu'il ait fait cela au Bap-
quand la Cène a efté introduite , tefme. Que fi nous voulons vfer de cé-
quand tt quand les cérémonies de la rémonies l'exemple
à de lefus Chrift,
Loi ancienne ont efté abolies. >■ B. ie di que cela fe doit faire pour la
« Poure homme que tu es, ne fais-tu mefme fin qu'il le faifoit , & non au-
d'où la Ccne a eu fon origine pre- trement. )'Har. I' Et que fera-ce fi
mière,ou d'où eft procedee l'inliitu- l'enfant meurt fans Baptefme - ne lui
tion d'icelle.' » H. <• Je voudroi bien ferez-vous pas caufc d'vn grand mal .' »
que vous me fiffiez plus fauant que ie
ne fuis. » B. « Et nous defirerions
volontiers de remédier à ton igno- (1) Voy. noie de la page 4.
(2) Fulham, à 10 kii. de Saint-Paul, fait
H. pourueu
docile. »rance, que tu
" Quant te ,rcndift'es
à moi fi vous partie
de aujourd'hui du district métropolitain
Londres.
ne m'enfeignez cRofes meilleures ou ()) Voy. note de la page 114.
THOMAS HAVX.

r
H. « Quand il auiendroit, qu'en fe- à Jefus deChrift , d'in-
roit-il pourtant .- h Har. « Vous-vous uoquer contrairecréature
que , & aucune ce monde,
précipiteriez, & voftre fils, en danger
B. fe
ou fier enneautre
.1 Nous parlons de Dieu
qu'en feul. »
la confiance,
euident d'eftre damné , car ne fauez-
vous pas bien que voftre fils eft engen- mais nous difons que l'inuocation qui
dré en péché originel? » H. « Il eft s'y fait eft bonne & fainfte. Quand tu
vrai. » Har. i' Comment efl-ce que
le péché originel eft effacé? » H. la onCour,
viens à tinent ne te faitfaispasbien
tu qu'incon-
entrer en la
« Par foi en lefus Chrift. » Har. « Et prefence de la maiefté du Roi, ou de
comment pourra le poure enfant auoir
cefte foi que vous dites? » H. « Pour la Roine
vous y foit , ains fautleque
faite ilpar l'entrée
moyen des

I effacer fon péché originel , il n'eft pas


feulement queftion de l'eau , mais la
foi des parens lui fert à cela. >> Har.
« Par quel argument prouuerez-vous
grans Seigneurs & des Princes fami-
de fa maiefté.
cecieftliersbien contraire Ȉ ce fiezt
« 'Vrayemen
H. quevousdi

n'agueres, qu'il ne faloit point mettre


cela? 11 H. " le le tien de l'Apoftre , fon efpoir ne fa confiance en aucune
I. Cor. 7. créature du monde. Et S. Paul dit :
quand il par
fandifié dit :la« femme
L'hommefidèle
infidèle eft
, & au
■( Comment eft-il poffible qu'ils inuo-
contraire, car autrement (dit-il) vos
enfans feroyent immondes, maintenant quent celui 'auquel ils n'ont iamais
creu? >■ B. 0 Ne ferai-ie point deuoir
Il (axoit ils font fainds. » Har. « l'en conoi
Crammer , d'homme de bien, fi ie prie ceft homme
bien qui ne font pas de voftre opinion, (monftrant Harpsfild) de prier Dieu
Ridié & Lati- voire de vos plus grands piliers &
mer. pour moi ? » H. » Oui, cela fera bien
dodeurs d'Oxfort. » H. « Si vous ou
eux me pouuez conueincre de prière de
car laefficace
fait,grande enuers Dieu, iufte
l'homme eft
quand
criture, ie fuis preft de me p'ar l'Ef-à
renger elle fe fait en ce monde , & pendant
la vérité. » « Defdi-toi, defdi-toi. Ne que nous fommes en vie. » B. « Tu
fais-tu pas que Chrift a dit : « Si vous m'accordes donques, que la prière du
iufte eft valable enuers Dieu. » H.
n'eftes baptizez d'eau, vous ne pouuez
eftre fauuez ?» H. « Sauoir-mon (1) , « 'Voire en cefte vie; mais après la
monfieur, fi la vraye Chreftienté con- mort, non. Car, comme il eft efcrit es
fifte en cérémonies extérieures? » B. Pf. 49. 8.
Pfeaumes: " Il n'yaperfonne qui puiffe
« Oui , bien en partie ; mais toi , que racheter fon frère , ne qui puiffe faire
dis-tu là deffus ?» H. « le vous fa rédemption. Car la rançon de leurs
refpon félon les paroles de Sainél âmes eft de grand pris , pour les faire Ezech. 14. 14.
j. Pierre ;. 21. Pierre , que le Baptefme nous fauue , viure éternellement. -> Et Ezechiel dit :
non point en oftant les ordures de la « Combien que Noé, Daniel, Job,
chair, mais en ce qu'il y a atteftation habitent milieu en
les iuftesauviuront leur toutesfois
d'eux, iuftice. »
de bonne confcience par la refurrec-
il tion de Jefus Chrift. » B. « C'eftalTez Lors Boner, s'adreffant à Harpsfild :
De la MelTe. de cede propos;
ble di-moi
la Meffe. » H.ce «qu'il te fem-
Je vous di « 'Vous voyez (dit-il) que ceft homme
n'a befoin de noftre doftrine, ne d'au-
que c'eft vne chofe abominable & cunes prières des Sainâs. Or, ie ne
pernicieufe, pour entortiller les poures
confciences pour lefquelles Jefus vous tiendrai point d'auantage, & ce
que ie vous ai fait appeler, n'a efté
Chriftçftmort. » B. <c Comment ?n'ya-il voir s'il»
pour moyen.
donques rien de bie'n ni de fainél en la pour autre
pourroit réduit, finon
eftreraifon parvoftre
Mefle ? Que deuiendra donc l'Euan- Puis, fe retournant vers moi : « Or
gile & l'Epiftre qu'on y chante? » H. fus (dit-il) le temps eft venu de parler
« L'Euangile eft bon, l'Epiftre eft à bon efcient , car de fouffrir que
bonne , moyennant que le tout foit
fait à telle fin & vfage auquel il a efté nous foyons d'auantage fafchez pour
toi , nous ne le voulons point, & croi
inftitué des le commencement. » B.
tt Premièrement que dis-tu de la pré- que quand on t'auroit fait ce qui
face qui eft au commencement de la t'apartient, nous ferions defpefchez
d'vn grand hérétique. » Har. « Ne
Meffe , où le Preftre fe confeffe , la- lifez-vous autres liures que le nouueau
Le Confiteor. quelle nous appelons Confiteor) » H. Teftament, les Prouerbes de Salomon
« Je di que c'eft vn blafpheme hereti-
& le Pfautier? » H. « Si vous m'en
baillez d'autres qui foyent de la
(i) Mon, dans savoir-mon, est une locu- Sainde Ecriture , & tels que les
tion adverbiale, qui sert à interroger. fouhaiteroi, ieles lirai. » Har. « Quels
i66 LlVRt CINQUIEME.

liurcs lonl-cc > >• H. .< Les liiires de fel. I) Ce qu'ils firent, & incontinent
rArchcucfquf de Cantorbie, les fer- après, les eaux (dans lefqucUes ie pro-
mons de Latimer, les œuures de phète icta le fel) furent rendues faines
Hooper, les prelches de Bradfort , & lufques auiourd'hui , félon la parole
autres femblables , conformes à la
qu'Elifee auoit dite. Semblablement
faintSe Efcriture. » B. « Allons , quand nos fontaines deuiendront mau-
allons, i'enten bien qu'il ne veut point uaifcs & corrompues, fi û l'exemple
d'autres liures que ceux-là qu'il en- d' Elifee vous les faites deuenir bon-
tend eflre propres pour la defenfe de nes, lors i'eftimerai vos cérémonies. »
fon herefie. i> Ainfi ils me lailTerent , B. « Que diras-tu du pain bénit.' car Le pain benii
car Harpsfild cfloit houfé & efpe- tu fçais bien ce qui efi efcrit en
ronné , & prefl à monter à cheual l'Euangile , que Chrift ralTafia cinq
mille hommes de cinq pains & deux
pour s'en vers
retournai allerle àportier,
Oxl'ort.quiEt eftoit
ie m'en
ma poiffons. » H. « Si vous voulez dire
que ce pain-la fuit bénit, il faut donc
Hirtoiregarde. » Le lendemain , vn petit vieillard (i) par ce moyen que vous baillez du
*^ •*'"ii'"h'' ^'"' ^'^^^ Boner, lequel vieillard auoit poiffon bénit au peuple. » B. « 'Voyez,
viei ard. ^,^ p^^ auparauant elle depofé de fon ie vous prie, que ce galand ici fait du
fubtil. » H. " Jefus Chrill ne fit iamais
Euel'ché , à caufe qu'il s'elloit marié.
II apporta à Boner, pour prefent, des
ce
faits,miracle
afin de, les
ne imiter,
tant d'autres qu'il a
ains feulement
pommes & vn flafcon de vin. L'Euef-
que le print par la main & le mena au
iardin, où m ayant fait appeler, lui dit pour monftrer
trine, & pour que c'eftoitle depeuple
induire fa doc-à
en ma prefence : << Ce ieune homme croire en lui. Il efi bien vrai que Je-
a vn fils, lequel il ne veut permettre fus mefriie efi autheur & tefmoin que
eflre baptizé. » H. « Ains le fouhaite, tous fidèles feront de tels fignes & mi-
racles, difant : a Et en mon nom ils Marc 16.
moyennant que ce foit félon l'inrtitu- ietteront les diables hors des corps,
tion que Chrifl a laiffee. » B. « 'Vous
eftes vn grand fot , vous ne fauez que ils parleront langages nouueaux , &
vous demandez » (ce qu'il profera de s'ils boiuent quelque chofe mortelle ,
grande cholere). Le vieillard qui eftoit elle ne leur fera aucun mal. » B. « Et Notez celle
là dit : « Beau fils, il Aiut que vous- vous autres, quelles langues nouuel- refponfe.
vous montriez obeilTant aux conrtitu- les parlez-vous.' di-moi. » H. « le le
tions de l'Eglife dirai : defgorgeant iadis blafphemes &
anceflres. » B. ", Lui
& fimitateur de vos
il ne le fera ia- vilenies contre Dieu , maintenant
mais , comment .' il ne veut ouir ne
ayant fenti quec'eftoit de l'Euangile ,
rcceuoir autre chofe que l'Efcriturc , i'ai changé ma langue, & commencé
laquelle il n'entend point. S'il reiettc de parlerfaindes
chofes tout autrement , c'eft
& honnelles , & à félon
dire,
toutes les cérémonies qui font en
l'Eglife, qu'efl-ce qu'il nous dira de Dieu. » B. " Et comment efl-ce que
De l'eau bc- l'eau bénite.' » H. « J'en diroi tout vous iettez les diables hors des corps.''»
"''•=• autant que i'ai fait des autres refuc- H. « Le Seigneur eftant en ce monde,
ries, & de leurs autheurs. » B. « Tou- ietta les diables par la vertu de fa pa-
tesfois, l'Efcriture l'aprouue, car il role, laquelle il nous a laiffee, à ce que
ell par la mefme vertu, quiconque croid
fee efcrit
ictta du aux felliures des les
dedans Rois,
eaux.qu'Eli-
>■ H. en lui iette femblabiement les diables
" Il efl vrai . car les enfans des Pro-
des corps. " B. " N'as-tu iamais beu
phètes fepleignans à Elifee lui dirent : de poifon, ou quelque autre chofe
«1 Nous te prions, voici il fait bon ha- femblible r » H. " Je n'ai beu que Que c'cil
biter en celle ville, mais les eaux font trop de la poifon des fuperftitions & dhcreiie,
mauuaifcs , " aufquels il dit : « Apor- & cérémonies de l'Eglife Romaine,
tez-moi vn vaifTcau neuf, A' mettcz-y du pour lefquelles vous bataillez fi afpre-
mcnt. » B. (i Maintenant tu te monfires
vrai hérétique. » H. » Si ie fuis héré-
(r) John Bird, né à Covcniry, fui le Ircnle-
dcuxicmc cl dernier provincial des Garnies tique, ievous prie dites-moi que c'eft
anglais. Il fut é'vi'quc de Ban^'or en TÇ)'; cl qu' Herefie. >■ B. « Herefie efl tout ce
dcChcstercn 1541. Il fui déposé snus Marie qui répugne à la doélrine de Dieu. »
comme pritre marié; mais il ne larda pas :\
rentrer en (;ràcc, ayant renvoyé sa femme H. <• Si ie m'oublie iufques là, de
cl changé de vues. Il devint alors sulTraganl monftrer ou dire quelque chofe con- î
de Boner, évtque de Londres et recteur de traire à la dodrine de Dieu , ie ne re-
Dunmow, où il mourut octogénaire en i;(6.
fufe point d'eftre à bon droit cftimé
THOMAS HAVX. Ib /
hérétique. » B. « Je dis que tu es
tout muet. Et voyant qu'il s'endormoit
hérétique, & te ferai brufler, fi tu per- ainfi , ie le laifi'ai , & m'en reuins à
feueres en tes opinions, & fi tu con- mon portier. Ce fut la dernière fois
tinues comme tu as commencé. » H. que ie le vi (i).
Notable de- « Je voudroi que vous me monftriffiez,
mande. Haux alTailli
)i Le lendemain, Feknam arriua, en
s'il vous plaifoit de, où de Feknam.
Chrift ou aucun fes c'eft que furent
Apoftres Jel'us
iamais caufe de faire mourir perfonne la prefence duquel l'Euefque me com-
manda de venir en la chapelle. Où ef-
pour le faid de la Religion. » B. <( Ne tant ,Feknam me dit à fa façon de
les ont-ils point au moins excommu- parler : « Vous eftes donc celui qui
niez & bannis de la compagnie de mefprifez toutes les cérémonies de Confiderez
l'Eglife ? » H. « l'enten bien, mais il l'Eglife. l'enten que vous ne voulez ici comme en
y a fort grand' différence entre Ex- pasfouffrir que voftre fils foit baptisé , vn miroir la
communier &Brufler. » B. <> N'auez- refuerie des
finon en langue vulgaire, & fans céré-
vous iamais leu es Ades , de l'homme monie. »H. « Je ne trouue rien mau- monde.
grands de ce
& de la femme lefquels Saind Pierre uais , ni ne trouuerai , qui nous foit
fit mourir .- » H. « Il me fouuient bien commandé par les Efcritures. « F.
Ades ç. J. de ce que Thiftoire Apoflolique recite « Les cérémonies doyuent eftre re-
d'Ananias & Saphira, lefquels menti- ceiiës par authorité de l'Efcriture.
rent au Sainft Efprit ; mais cela ne N'auez-vous pas leu es Ades, que
fait rien à noftre propos de la foi. Si Saind Paul a autresfois porté habille-
vous voulez que nous croyons que mens, par lefquels on guerilToit les
vous eftes de Dieu , vfez donc de mi- malades.' » H. « Il me fouuient
fericorde, car c'eft cela principalement bien qu'il eft dit aux Ades , que
que le Seigneur demande des fiens. » Dieu faifoit des vertus non acouftu-
Boner nionllre B. « Nous te rendons la mefme mife-
ici fa Chref- mees par les mains de Paul , tant
tienté. ricorde que celle que nous auons ex- qu'auffi on portoit les linges & les fur-
périmentée en vous autres , car on ceints(2) de fon corps fur les malades,
m'ofta fi bien
me lailTa rien. mon» Euefché,
Puis , fe qu'on ne
tournant & leurs maladies fe partoyent d'eux , Aeles 19. 12.
& les mauuais efprits fortoyent dehors.
vers ceux qui eftoyent à l'entour, leur N 'eft-ce pas ce que vous voulez dire } «
dit
toit qu'il
bien me plaignoit
marri de monfort, & qu'il ef-;
inconuenient F. « Oui , que vous en femble.'' » H.
a Ce paftage n'apartient en rien aux
toutefois, qu'il ne fe desfioit point que cérémonies , car il y a ainfi au texte :

I
quelque iour le ne vinffe à me réduire. « Dieu faifoit des vertus non acouftu-
Et incontinent il s'en alla difner, & ie mees par les mains de Paul , » &c.
m'en retournai vers mon portier. Dont il appert que les malades qui re-
» Apres difné, iefu derechef appelé couuroyent fanté , eftoyent guéris par
la feule vertu de Dieu , & non par ce
en falle , où eftant, l'Euefque pria ce
vieillard qui lui auoit n'agueres apporté que vous nommez cérémonies. » F.
des prefens, de me receuoir pour « Que dites-vous de la femme malade
hofte , & me retirer en fa chambre , du flux de fang , laquelle toucha le
pour prendre vn peu de peine après bord de la robe de Jefus Chrift .> alTa-
moi , & faire tant que ie laiffafre mon uoir-mon fi par cefte cérémonie elle
opiniaftreté. Nous obeyfmes tous deux
n'obtint pas ce qu'elle demandoit .'' » Luc 8. 44. ,
àla l'Euefque H. « Nullement, car Jefus Chrift re-
chambre, , où
& nous
eftansen venus,
allafmesmon
en
garda autour de foi , & demanda qui
hofte commença de me tenir tels
Courte propos : « Vous eftes ieune homme , eftoit
Pierre celui qui l'auoit
lui refpondit touché.
: « liya Et
fi grande
liarangiie & encore de bon aage; auifez, ie vous
du vieillard . foule de peuple à l'entour de toi, &
homme propre prie , de ne paffer plus auant que la tu demandes qui t'a touché.' » & le
à dormir, vie & la feurté de voftre perfonne ne
non pas à vous commande. Ne refufez point Seigneur répliqua : « Quelcun m'a
difputer. touché, car i'ai conu que vertu eft if-
d'aprendre des plus grans, & fi me
croyez , temporifez pour quelque
temps. » H. « Je ne temporiferai (1) Foxe
encore. » ajoute : « Je suppose qu'il dort
point autrement que la parole de (2) La traduction suivie par Calvin dans
Dieu me commande. » l'attendoi qu'il son Commentaire porte : « des couvrechefs
me deuft répliquer quelque chofe , et devantiers. » La Bible de Lyon { Barthé-
mais le vieillard eftant affis en vne lémy Honorât! ), Iî8i, porte : » des mou-
chaire & furprins de foinmeil , deuint choirs, ou couvre-chefs, et demi-ceincts. »
Surccint doit signifier : vêtement^de corps.
i6B LIVRE CINQUIEME.

fuc de moi. » Et lors la femme , &c.


Maintenant ie voudroi bien que vous toutesfois, par la grâce de Dieu, i'ef-
pererai de tenir bon & ne m'efbranler
rpe difliez , lequel des deux peut auoir en aucune chofe que ie fâche eflre vé-
guéri cefte femme : la vertu du Sei- ritable. »B. Il Que diriez-vous fi
gneur, ou le touchement de la robe. » quelqu'vn de ceux-là changeoit de
F. 0 Tous deux enfemble. » Havx.
a II faut donc par cefte raifon que propos, & reiettoit
a ci-deuant entendu du
& tout ce qu'il
enfeigné.' en
» H.
vous faciez Jefus Chrill menteur, car
Cl Quand cela auiendra, l'en parlerai
il dit après : « Va t'en en paix, ta foi félon que ie verrai eftre à faire. » B.
Fcknam men-
teur, confus. t'a fauuee. » B. « Qu'on laifTe tout « l'oferoi bien dire que Crammer ne fe Boner blafmc
Crammer.
Rclour il la cela, & venons maintenant au Sacre-
ment; ce ne font que fatras aufqucis fera pas beaucoup tirer l'oreille à fe
quellion du defdire , s'il efperoit par cela recou-
Sacrement. vous autres vous amufez , qui ne font urer fes premiers eftats & dignitez. »
rien à propos. » F. « Vous dites vrai,
Sur ce, Boner & Feknam s'en allè-
monfieur. Or donc, mon ami, com- rent &, ie m'en retournai au lieu de
ment entendez-vous ce lieu où il eft ma garde.
dit : u lefus Chrirt print le pain , le )i Lsiourenfuyuant, Boner, allant en Nouuel alTaut.
fon iardin acompagné de Chadfé (i) ,
rompit & dit : Mangez, c'eft-ci mon
corps ?» le vous demande fi ce qui lui conta que ie ne vouloi endurer
mon fils eflre baptizé, finon en langue
eft là exprimé& de
réellement par fait
paroles
r » H. n'y eftnepas
« le le vulgaire, & fans cérémonie. Sur quoi
penfe entendre
point. Voudriez-vous dire qu'il Chadfé dit : « Que voulez-vous dire
faille Amplement toutes les de l'Eglife.^ >■ H. « le di que l'Eglife
paroles de lefus Chrill , ainfi qu'elles de Rome eft vne fynagogue de Cardi-
font propofees .> lefus Chrifl s'eft ap- naux, Preftres, Moines, à l'abus def-
pelé La porte, La vigne, La voye , » quels ie n'adioufterai iamais foi, ainfi
&c. Feknam, efmeu & preiïé en ce Certe prière
Ce Sophirte que i'ai fait par le paffé. » Ch. » Et eftoit vulgaire
coupa parole & dit : « N'ague- .du Pape qu'en dites-vous.' » H. " O terre (2).
ridicule (<i propos,
res ie rencontrai vn autre qui me te- en Angle-
fauuc par les Seigneur Dieu, vueilles-nous deliurer
marells. noit tout tel propos, vfoit de mefmes de fa tyrannie. » Ch. « le pourroi
argumens que ceflui-ci. O poures bien auffi dire : Deliure-moi des
gens, ces paflfages que vous alléguez, mains de Henri huitiefme & de fes
& defquels vous vous armez ainfi, ne erreurs deteftables. » Ha. « Où efliez-
font rien pour vous, ains vous coupent
vous lors qu'il viuoit , pour lui dire
àvous
tousauez
la gorge. Mais i'enten
vos autheurs, bienles,
meffieurs cela.-
H AV. »Il Ch. « le n'eftoi
Où eftiez-vous du pas loin.de»
viuant
dodeurs d'Oxfort. I'enten Latimer, fon fils le Roi Edouard , pour lui en
Crammer ék Ridlé ; poure homme , dire autant comme vous m'en dites? •
voulez-vous adioufter foi à tels niais ? Ch. « l'eftoi en prifon. » Bo. » Voyez
comment il fe iouë de nous, & comme
L'vn d'eux a fait vn liure, auquel il
dit que la prefence réelle du corps de il tafche de nous furprendre ; il
Chrift eft proprement au Sacrement. » mefprife & reiette toutes nos prières,
iS: ne voudroit que rien fe fift en
H. « le ne fai qu'ils peuuent auoir
fait par ci-deuant , maintenant ie fai l'Eglife qu'en langue vulgaire. » Ch.
bien ce qu'ils en penfent & difent. le « Jefus Chrift ne parla iamais noftre Des langues.
prie le Seigneur qu'il leur face la langue d'Angleterre. t> H. « Non ,
grâce, par fa mifericorde , de leur mais il a vfé du langage familier t%
donner tant de force & confiance , vulgaire entre ceux de fa nation, du-
Feknam accufe qu'ils puifi'ent perfeuercr & tenir bon quel fivous vouliez fuyure l'exemple ,
Ridié. iufques à la fin.» F. « Ridlé, prefchant nous ferions bien toft d'accord. Et
publiquement au temple de faind l'Apoftre SainiS Paul , parlant des lan- I. Cor. 14. 8.

Paul, ofa bien afi"ermer que le diable gues, les eftime toutes inutiles, fi el-
croyoit mieux que vous , A que fa foi les ne font entendues ; vfant de la
cftoit meilleure que la voftre. Car il fimilitude de la trompette & clairon :
creut (dit-il) que lefus Chrifi auoit la "Si la trompette, dit-il, ne fonne quel-
puifi'ance de conuertir les pierres en que certain fon, pour animer les gen-
pain ; mais vous autres ne croyez point darmes àla guerre , nul d'eux ne fera
que le corps de Chrift foit au Sacre- encouragé de marcher. » Ch. « Si
ment. »H. a Ma foi n'eft point fondée
fur les hommes , car combien que (i) Voy. note de la page 114.
(2' Voy. note de la page 159.
tout le monde changeaft d'opinion ,
THOMAS HAVX.

VOUS voulez à voflre fantafie ainfi in- Chrift, depuis que ie fuis arriué m.d.lv.
terpréter les paroles de S. Paul, vous- céans. » Ch. « Dites-nous quel Euan-
vous efiongnerez grandement du but
& de fon intention, car S. Paul en ce gile ,? » H. " C'eft d'inuoquer la
vierge Marie & les autres Sainfts ;
paffage parle de la Prophétie, comme c'eft de mettre mon efperance en la
fi nous voulions prophetifer en langue
Meffe, au pain bénit, en l'eau bénite,
eflrangere & inconuë. » H. « Au con- aux images, &c. » B. « Tu parles Que c'eft
traire, ilne parle là que de langues, comme vn fot, & ne fais pas quelle didole.
pour monftrer qu'elles ne profitent différence il y a entre vne image &
rien à ceux qui ne les entendent. " vne idole, Je te di que toute idole eft
Ch. « le vous di que S. Paul parle là bien image, mais non toute image eft
vniuerfellement de Prophétie. » H. idole. « H. « Nous conoiflrons aifé-
« Il fait vne bien claire diftinétion en-
ment la différence de l'Idole & Image,
tre les langues & la Prophétie. S'il fi nous venons à les parangonner(i) en- Les Images,
aduient (dit-il) que quelcun parle en femble, car vos images n'ont-elles pas
langue eftrange, il faut pour le moins des pieds.' & toutefois elles ne chemi-
qu'il y ait vn trucheman , qui leur nent point; n'ont-elles pas bouches?
donne à entendre ce qu'on veut dire. » elles ne parlent point, qui font les
B. « A quel propos nous romps-tu les
oreilles de tant de babil? veux-tu faire vrayes marques & proprietez d'vne
idole. « Ch. » S. Paul dit : Qu'à cal. 6. 14.
ici du dofteur , pour nous cuider
aprendre ce que nous fauons mieux Dieu ne
finon en plaife qu'ildefe noftre
la croix glorifieSeigneur
iamais,
que toi.^ Il y a bien autre chofe , afin Jefus Chrift. » H. « Eft-ce ainfi que
que tu le fâches, vous entendez la gloriation de laquelle
commencement on ac'eft que bon,
trouué des &
le
fainft Paul parle en ce palTage f » Il
receu par vn trefancien & commun ne refpondit rien là deffus. Et lors
confentement de tout le monde en Boner dit : « Y a-il chofe en ce monde,
La langue l'Eglife catholique, que la langue La- laquelle nous foit plus falutaire en
Latine. jj^g .fgroit par ci après langue com- voyageant & cheminant par pays ,
mune & vfitee en toutes les Eglifes pour nous mettre en mémoire la fou-
de la Chreflienté, à ce que toutes euf- uenance des chofes faindes , que le
fent à prier en Latin, efperant que, regard & contemplation que nous fai-
par le moyen vniuerfel de cefte lan- fons de la croix .- » H. « Monfieur le
gue ,& communauté de ceux qui en reuerend , trouuez-vous aucun de tels
vferoyent, on pourroit facilement ar- exemples en toute la fainde Efcriture }
racher toutes fedes & diuerfitez d'opi- A'uez-vous iamais leu ou oui dire que
nions. I)H. « Cela a eflé introduit par Jefus Chrift ou les Apoftres en priè-
le ne fai quelle fuperllition de Ca- res & oraifons publiques ayent porté
phards & Prélats, lefquels menoyent la croix .' ou ayent iamais chanté : Nous
là où ils vouloyent les poures Empe- te faluons , ô iour de Fefte.^ » Ch.
reurs & Monarques, par crainte de o Cela fut introduit par vne certaine
leur authorité , non par la parole de Hélène.
femme, nommée Hélène (2). • H.
Dieu , ainfi qu'ils tafchent bien enco- a II eft ainfi , c'eft la mefme Hélène '
res de faire, d Ch. « 'Vous méritez qui enuoya iadis au monaftere auquel
qu'on vous dife du mal, d'autant qu'ef- i'ai efté feruiteur, vne pièce de la
tant du tout ignorant des bonnes let- croix ; mais après que les conuens &
tres, vous elles toutesfois fi outrecuidé monafteres furent mis bas en ce .
Conciles de parler contre l'authorité des Con- royaume , on vint pour vifiter ce mor-
generaux. ciles faits par les plus fages de ce
monde. » H. « le ne fuis pas feul qui ceau de croix, & on trouua que c'ef-
toit vn lopin de bois, ayant vne mem-
parle ainfi , ains la parole de Dieu brane & couuerture au delfus , d'vne
mefme & Sainâ: Paul, lefquels nous
enfeignent que quiconque prefchera lame fubtile de cuyure. >> B. «'Va, mef-
chant, n'as-tu point de honte de mef-
autre Euangile que celui qui a efté prifer ainfi les chofes facrees, & les
prefché , tel homme foit abominable expofer par tels menfonges à moque-
entre nous , & mis hors de toute com- rie ?» Eux bien courroucez de ce que
ie leur auoi dit , fe retirèrent , animez
pagnie. »Ch.apporter
qui voudroit « 'Voire autre
bien quelqu'vn
Euangile, au poffible contre moi. Et Chadfé en
mais nous autres ne faifons pas cela. »
H. m On m'a bien annoncé autre (i) Comparer.
Euangile & bien contraire à celui de {2) Mère de Constantin.
LIVRE CINQUIEME.
Chadfô auffi lefus Chrift aprochant de Lazare, le-
bon Clirollien s'en allant difoit que i'eftois indigne
que fauant de plus longuement viure. Sur ce, on quel efloit au tombeau enfeueli &cn-
Thcolo^Mcn. me remit vers ma garde.
ueloppé de linges & fuaire, s'adrelTa
à ceux qui eftoyent en authorité, c'eft
» Le iourfuyuant, qui eftoit le iour aft"auoir à fes difciples , & leur dit :
de fain<S Pierre , eflant appelé pour " Allez, it defliez-le. » Ce fut prefque
aller à la chapelle de i'Euefque, pour le principal de fon fermon, & rappor-
ouyr le fermon que le DodcurChadfé tant toutes les paroles que Chrift
deuoit faire félon la couftume du lieu, auoit dites à fes Apoftres, aux Prélats
& Euefques , & à leurs fuppofts de
i'y allai. Eflant venu à la porte de la
chapelle, ie m'arreflai là. L'Euefque Preflres, concluant par là, qu'à eux
demanda au portier fi i'eftoi venu , & feuls apartenoit la fuperintendance de
oyant cela ie refpondi : « Je fuis ici , toute l'Eglife. Finalement, ce fermon
monfieur. » B. « Que fais-tu là? que ainfi fait, chacun fe retira pour difner,
n'entres-tu dedans? » Chadfé, ayant & après difné me fut commandé de
reuenir à la chapelle pour parler à
le furpelis & l'eftole fur les efpaules ,
s'en alla au benoiticr, & prenant l'af- I'Euefque, où il y auoit quelques gens
perges(i), le bailla à Boner, pour lui de la Roine & autres que ie ne conoif-
ietter de l'eau bénite. Telle bénédic- foi point.
tion faite . le Dodeur arroufé d'eau , » BoNER m'ayant appelé à foi, dit :
de peur que, fans eftre laué & net, il « Comment eft-ce que tu t'es trouué
entreprinft vne chofe fi grande &
haute , print fon texte du i6. chap. du fermon ? car ie i'auoi exprefl"ément
de faind Matthieu, où il eft efcrit : commandé pour l'édification de vous
autres. » H. « le fuis marri que vous
H Quel dit-on eftre le Fils de l'homme ? auez perdu tant de temps en mon en-
Pierre refpondant, dit : Les vns le
droit, car ie n'y ai feu prendre ni
difent ertre Elie, les autres lean Bap- plaifir ni profit. » B. « Meffieurs mes
tifle .» les amis, ie vous prie ne vous fafcher
&c. Puis,autres
eflant l'vn
venu des Prophètes,
au lieu où il eft point de deuifer vn peu auec lui , &
dit : " Ceux defquels vous pardonne- gagner fur lui quelque chofe. » Sur
rez les péchez , feront pardonnez , & cela aucuns me dirent : « Que voulez-
ceux aufquels vous ne pardonnerez vous dire, mon ami, de vous embrouil-
point, ils ne feront point pardonnez. » ler ainfi en ces queflions & troubles? »
Cefle authorité , ait-il, n'efl baillée H. « Quels troubles ? » Ils refpondi-
Qu'aux Prélats de l'Eglife, du nombre rent : « De ce que ne vous voulez
defquels eft monfieur le reuerend qui rendre obeiftant aux ordonnances &
efl là affis, & à ceux qu'il lui plait fu- volonté de la Roine. » H. « J'en ai
broger en fa place. Or, cefle Eglife a défia dit la caufe affez amplement aux
enduré fouuent dés le commencement
Juges , aufquels la conoifTance apar-
pluficurs aduerfaires & ennemis, mais tient. I) Les feruiteurs de Boner di-
que les hérétiques crient hardiment rent : « Monfieur vous a commandé
Difputes
contre, tant qu'ils voudront, iamais de refpondre à ces mcffieurs-ci , & de
ils n'en toufiours
viendront deà bout papiiliques.
uerera mieux, ains perfe-
en mieux. leur rendre raifon de ce qu'ils vous
demanderont. » H. « Si I'Euefque
Apres qu'il eut acheué ce difcours, il veut lui mefmes m'en parler, ie ne re-
tomba fur le Sacrement de l'autel, le- fuferai point de lui refpondre , mais
quel ilmit par defTus les neuf cieux, fi
d'vfer ae redites
foit befoin. , ie tous
» Et lors ne voi qu'il enà
fe mirent
au'apres plufieurs longs propos, il vint crier contre moi , les vns difans : au
derechef à ce qui eft dit en l'Euan-
Argument gile : " Ceux defquels vous remettrez
du prcfche de feu; les autres : Qu'on le defpefche &
Chadfi. les péchez, <Scc. •■ Il laiffbit la puif-
fance A authorité de lier & deflier qu'on le pende ; les autres : Qu'on le
aux feuls Euefques & Preflres, en di- mette aux fers fi pefans qu'il ne fe
puiftTe bouger. En cefle crierie ie de-
fant qu'il faloit que tous ceux qui vou- meurai fans dire mot, & voyant qu'ils
loyent apartcnir à l'Eglife , «S: eftre ne ceffoyent de crier, ie me defrobai
dits d'eux & m'en reuin à ma garde.
auoir Chreftiens,
remiffion devinn"ent à eux pour
leurs péchez. Ce » Le lendemain matin, Boner fe cour-
qu'il prouuoit par ce qui eft efcrit en rouçant contre moi, >Sr me reprochant
Ican I I. fainâ Jean au chap. 1 1 . où il efl dit que qu'il auoit fait beaucoup pour moi, dit
puis qu'il voyoit qu'il n'y auoit plus
(i) Goupillon. d'efperance en moi , & que ie me ren-
THOMAS HAVX. 171

doi pire de iour en iour, qu'il ne diffe- dodrine quelconque. Et par ce moyen m.d.lv.
reroit plus longuement, ains m'enuoye- il s'excufoit de parler plus longuement.
roit en la prifon de Newgat. H . <> Je fuis Mais pour auoir occafion de parler
refolu. Tout ce que bon vous femblera
ordonner ou faire contre moi , il eft d'auantage lontiers feu, pourquoi
ie lui di le
queCrucifix
i'euft^e vo-
mis Pourquoi le
necelTaire que ie l'endure. » Et lors au milieu de leurs temples faifoit fe- Crucifix eft mis
Boner, tirant vn petit papier de fon
paration de la nef, qui eft le corps de ^"t^^''^^/^"
fein, me dit : " Vous verrez ce que i'ai
De la prefence efcrit l'Eglife, d'auec l'autre partie d'icelle,
ci dedans. >' Or, le fommaire de
corporelle de qu'ils appeloyent le chœur. Il me de-
lefus Chrill au l'efcrit contenoit : Sauoir 11 ie croyoi manda fil'en fauroi rendre raifon. Je
Sacremenl. ce que TEglife catholique nous enfei-
gnoit , que la prefence de Jefus Chrift répliquai que, s'il eftoit befoin , i'en
pourroi dire quelque chofe. Car (di-ie)
fuft au Sacrement après les paroles de
la confecration , ou non. Sauoir fi le quelqu'vn de vos dofteurs enfeigne
que la nef de l'Eglife, affauoir toute
pain que nous rompons, n'efl point la place qui eft depuis le Crucifix iuf-
la communication du corps de Chrift,
qu'au bout du temple, fignifie l'Eglife
& fi le calice que nous beu - militante , & que le chœur, qui eft
enuironné de chaires & clos tout à
uons , n'eft point le fang du mefme
Chrift. Cependant Boner ayant com- l'entour, fignifie l'Eglife triomphante,
mandé aux autres de fe retirer, m'ap- dans laquelle n'e(l loifible d'entrer, fi
pela à part , & tafcha à me perfuader,
par toutes rufes & flatteries, de ne me premièrement on n'a porté la croix de
Chrift.
précipiter ainfi dedans telle prifon, &
en vn danger fi euident que celui qui )) Le lendemain, qui eftoit le premier Lettres de
fe prefentoit pour moi. le lui ref- Boner au
iour de Juillet, Boner m'appela, & me Geôlier.
pondi,
roi rien commecontre ma toufiours, que'ieEtneainfi
confcience. fe- commanda de m'aprefter incontinent
pour aller droit en la prifon de New-
les chofes eftans en furfeance , ie fu
renuoyé à ma garde, me doutant bien gat, auec lettreslefquelles
à Harpsfild, au Geôliercontenoyent
qu'il bailla
que le lendemain ie ne faudroi d'eftre en subftance ce qui s'enfuit : le vous
bien matin enuoyé à la prifon, ce charge & commande que receuiez
qu'indubitablement i'euffe efté fans l'homme que ie vous enuoye, & que
que l'Archidiacre de Cantorbie fur- vous ayez à le garder eftroitement ,
uint (i), lequel l'Euefque pria de que perfonne n'ait moyen de parler à
vouloir parlera moi, depour lui , & que vous ne le deliuriez à ame
me pourroit diflraire monelTayer s'il
opinion. viuante, que ce ne foit ou au Parle-
Lequel ayant commencé par les céré- ment ou au Preuoft & Lieutenant cri-
monies & Sacremens , après plufieurs
difcours, fa conclufion fut de dire que minel. Quatorze iours après, l'Euefque
enuoya vers la prifon deux de fes fer-
le Sacrement de l'autel eftoit le pro- uiteurs pour fauoir en quel eftat i'eftoi
pre corps nai de la vierge Marie , & & comment ie m'y portoi. le leur di
attaché en l'arbre de la croix. Je lui que ie me portoi comme vn prifonnier.
di : « Jefus Chrift a efté en la croix
Et ils me dirent que l'Euefque defiroit
vif & mort, lequel des deux dites-vous bien fauoir fi ie n'auoi point changé
eftre au Sacrement.^ » L'ar. (c Je di d'opinion. le leur refpondi que ie Confiance de
Haux.
qu'il eft vif au Sacrement, & non point n'efloi point homme de deux paroles,
mort. » H. « Par quel argument
& que i'efperoi de ne l'eftre iamais.
prouuerez-vous cela? » L'ar. « Il le Ils me dirent derechef, que l'Euefque
leur maiftre me portoit bonne volonté,
lean ;. 18. faut ainfi
fainél Jean,croire. N'eft-il pas
que quiconque ne dit en
croira & ne me fouhaitoit que tout bien. Et
fera condamné.^ » H. « S. lean dit :
(( Qui ne croira au Fils de Dieu, fera ie leur di qu'ils
humblement à fa me recommandaft'ent
bonne grâce , & que
condamné; » mais il ne parle point de de ma part ils le merciaffent du bien
la foi deuë au Sacrement , ains qui
& honnefteté qu'il me defiroit. Les
plus eft, il n'y penfa oncques. » Et priant au refte qu'ils me fiffent ce bien
lors il me vint à dire qu'il n'y auoit de m'aider à impetrer enuers lui, que
point de fondement, de perdre ainfi
le temps à me tenir plus long propos, mes amis peuffent auoir entrée & ou-
uerture vers moi , ce qu'ils me promi-
puis que ie n'auoi ne foi , ne fauoir ou rent qu'ils feroyent, combien que de-
(i) Harpsfield. puis ie n'en ai oui parler. Depuis ce
temps de mon emprifonnement, & que
S
172 LIVRE CINQUIEME,

ces deux feruiteurs me furent enuoyez, rez de perfeuerer en voftre renonce-


l'Eucfquc ne fit point d'autre pour- ment. »L'ayant laifl'é, ie me retirai en
fuite iufques au dernier iour de Sep- l'autre cofié de la falle.
tembre.
» Ity auoit en cefte troupe vn certain Récit de
Milo Hogard (i) , tailleur (comme ie
» Le lendemain, premier d'Odobre, alfauts parti-
ie forti de cefle prifon , & fu mené en penfe) de la Roine , lequel me dit : culiers.
quelques
la maifon de i'Euefque de Londres, « Parlesquelle
qui eHoit le iour que le Chancelier que petits raifon
enfantselles-vous
doyuent d'auis
eftre Malth. 28.
Euefque de Winceftre deuoit prefchcr baptifez ? » « Il eft efcrit (di-ie) : « En-
au temple de faind Paul , auec grand feignez toutes gens, & baptifez-lcsau
auditoire & concurrence de peuple. Nom du Père, du Fils t^' du S. Ef-
Cependant, I'Euefque de Londres, prit.
s'adrelTant à ma garde, lui dit : » le ture, »lefquelles
Ce font convient
les paroles
toutdele l'Efcri-
monde
croi que voftre homme ne voudra point
au Baptefme , & n'en reculent per-
auiourd'hui affifter au fermon. » Je fonne. » « Que deuons-nous aonc
refpondi que ie le prioi fort qu'il me faire? (dit-il) Deuons-nous aller &
fuft loifible d'y eflre, & l'ouir; que s'il enfeigner les enfans .' » le lui di :
y auoit rien de bien, ie le prendroi , a Ces paroles ne vous font gueres
& lairroi le mal. Ayant cela impeiré , conuenables , qui ne prenez plaifir à
i'y allai, ie l'oui & m'en retournai. enfeigner les autres (2). » Lui bien
fafché monta incontinent fur fes er-
Puis après fidifné,
demanda m'ayanttoufiours
ie perfirtoi fait venir,
en me
vn gots ,»& fe pourmena parmi la falle
mefme eftat. Auquel ie refpondi que tout furieux de cholere. Puis après en
voici venir vn autre, qui eftoit Curé
ie n'eftoi point muable , ni ne feroi ,
s'il plaifoit à Dieu. Et il me dit que de l'EgliTe de Rondine & Horne (3),
ie ne le trouueroi pas muable auffi.
Et foudain fe ietta en fa chambre pour au pays d'ElTex, lequel me dit : « C'eft
dommage que vous eftes fi obftiné. »
efcrire ie ne fai quoi. Sa falle eftoit Ces petis
le refpondi : k N'eftes-vous pas Curé
pleine de gens, entre autres quelcun de l'Eglife de Horne.' « Me difant Sophifles du
Le doâeur
Smyth ou me dit que le dodeur Smyth , dit Fa- que c'eftoit lui, ie demandai s'il chapitrez
Pape font
Fabri auoil comme leur
bri (i), y ertoit , duquel le renonce- n'auoit point choifi vn Vicaire puis
renoncé à la
verilé. ment efi afi"ez conu & publié partout. n'agueres en fa Cure, l'ayant fubftitué fuperberanceigno-
mérite.
S'approchant de àmoi, en fon lieu , duquel on auoit oui par-
leroit volontiers moi.meJe ditluiqu'il par-
deman-
par lerneceffité
(4). Il me confelTa qu'il du
& difficulté l'auoit fait
temps.
nous dai auions
s'il eftoit entendu
le doifteur Fabri, duquel
le renoncement.
<i l'enten bien (di-ie), tel le maiftre ,
Il me refpondit que ce n'eftoil point tel le feruiteur; l'vn eft auffi homme de
renoncement, mais vne fimple déclara- bien que l'autre » (car i'eftoi auerti
tion. H. i< Il apartient bien que, pour quel eftoit ce vicaire). Ce Curé incon-
vonrehonneur,vouscouuriezvn telmes-
fait.ou que le palliez le mieux que vous deuenu tinent me laifTe,auffi
infenfé en bien
difant
queque i'eftoi
plufieurs
pouuez ; mais premier que parlions en-
femble, ie defire fauoir fi vous delibe-
(i) Miles Huggard. Ce personnage avait
des prétentions au bel esprit et se croyait
(i) Richard Smilh (en lat. Smilhcus, Fabri un coniroversiste habile. Il publia, en nçô,
un livre contre les protestants anglais {the
ou l'abcr) , né en i ?oo , fut professeur à
Oxford Displuying of Ihc Protestants), où il les
Edouard etVI,rcgisirar il abjurnde le l'Universilé.
calholicisme Sous
avec
éclat à la Croix de Sainl-Paul de Londres. accuse, entre autres choses, d'avoir amené
Mais, forcé de se démeltri; de sa chaire la famine et d'autres maux sur l'Angleterre.
Ce mercier {Iwsier) , qui se piquait de litté-
d'Oxford, il passa sur le conlincnl cl ensei- rature et de théologie, s'attira de vives ré-
gna la théologie catholique à Louvain. Re- pliques, en prose et en vers, en latin et en
venu en Ani;lclerre sous le règne de Marie, anglais, de la part de plusieurs protestants,
il devint l'un de ses chapelains et fut comblé tels que
d'honneurs. Il témoigna contre Cranmer et ( Bnlc,
tres Voy. Humphrcy,
Strype, Crowlcy
Mcmorials undcr etMary,d'au-
prêcha devant le bûcher de Latinicr et de chap. XXXlVl.
Ridley. Sous Elisabeth . il fut sur le point de (j) Dans l'original (Foxe, Vil, à 1sa1 il,mercerie,
Haukes
revenir au prolestanlismc , mais il prit le renvoie ironiquement Huggard
sage parti de ne pas ajouter cette nouvelle ce qui explique mieux la colère de ce per-
palinodie aux précédentes, et se rendit & sonnage que cette parole peu claire que lui
Douai, en Flandres, où il reçut un canonicat prête Crcspin.
et une chaire de professeur. Il mourut en
u6). On a de lui seize traités de contro- ()) Romford cl Hornchurch.
verse. (4) ■' 1 know that priesl to be a vcry vile
THOMAS HAVX.

autres. En voici venir vn autre qui me teftable & mefchante, & pleine de fu- m.d.lv.
demanda quel liure i'auoi entre mains; perftition. Qu'au facrement du corps Principaux
ie lui refpondi que c'eftoit le nouueau
Teftament. Lors il me demanda s'il
i de
j 11'Chrift,
mentlefus
de .11/-
autel r^L n Sacre-
Jefus appelé
, qu'on Chrift n • y eft
A Haux.de
1articles
accufation
de
lui feroit loifible de regarder dedans. nullement, maisencore
au ciel.
creu & le croi , &c.le »l'ai
le ainfi
di à
le lui baille, & l'ayant regardé me dit
que le liure eftoit corrompu , voire au Boner" : « Arreftez-vous vn peu là ,
beau premier mot du commencement monfieur, ie vous prie. Premièrement,
d'icelui. Car il commence (dit-il) par vous n'auez que faire de ce l'ai creu
la généalogie de Jefus Chrift, & tou- par le
Ifaie ç;. tesfois Ifaie dit : « Qui fera celui qui que ie pan"é
croi ,; ie
maintenant
fuis tout , refolu
quant de
à cele
pourra reciter fa génération? » « le fe- maintenir. » Boner, prenant la plume,
roi bien content (di-ie) d'entendre de dit qu'il eftoit content pour l'amour
vous ce qu' Ifaie veut dire en ce paf- de moi de l'efcrire autrement , & en
fage. ]) « Peut eftre (dit-il) que vous ne fit lefture comme il s'enfuit : « le,
prendrez pas defplaifir fi le difciple Thomas Haux-, ai conféré & commu-
enfeigne le maiftre. Toutesfois, fi vous niqué auec mon Juge ordinaire , en-
me voulez efcouter, ie vous defcou- semble autres gens de bien & fainifts
Cauillation. urirai le fens du Prophète. Perfonne perfonnages , & neantmoins ie perfe-
(dit-il) ne peut faire génération entre uere & veux perfeuerer toufiours en
le Père & le Fils , mais ie me doute mon opinion, j « Comment (di-ie)
bien qu'auant que ie le vous die, vous voulez-vous que ie confefl"e que vous
ne l'entendiez pas. » « Si eft-ce (di-ie) autres eftes fainds, veu que, par vof-
que le Prophète ne nie point la géné- tre efcrit mefme , ie confeDferoi que
ration de Chrift. » « Pourquoi donc mon opinion eft autre que la voftre? »
(dit-il) Chritl eft-il appelé Chrift r .. B. « Pour le moins, tu ne nieras
point comment tu en as communiqué
« Par ce (di-ie) qu'il eft Meffias. » auec nous. Quant au furplus , ie fuis
« Pourquoi eft-il appelé Meffias? «
(dit-il). « D'autant (di ie) qu'il a efté content pour l'amour de toi de pafter
■ prononcé & attendu des Prophètes. » outre et de le laifler. » Et lors l'vn
« Pourquoi (dit-il) le liure eft-il liure ? n des docfteurs qui eftoyent là vint à
« Ces propos (di-ie) font plus pour ef- dire : « Mon feigneur , fi vous lui
mouuoir noife que non pas pour fer- obeifl'ez à ilrayer & canceler
uir d'édification. » Puis il me dit : reiettera, ne vous lairra pointce grand
qu'il
H Gardez de vous deftourner de refte à mettre par efcrit. » Inconti-
l'Eglife , car fi vous le faites vous de- nent après, Boner, appelant fes doc-
uiendrez hérétique. » « Tout ainfi
teurs, dit qu'il orroit les opinions d'vn
(di-ie) que vous autres nousjenez hé- chafcun d'eux qui eftoyent en la falle,
rétiques quand nous ne voulons ac- & les feroit figner. Si que finalement Cinq dodeurs
quiefcer à vos traditions, & nous ren- il y en eut cinq qui fignerent , & Bo- foufignez.
ger du cofté de voftre Eglife , ainfi ner menaça de faire pendre tous ceux
vous eflimons-nous faux-prophetes, de qui ne voudroyent figner, & me dit :
ce que, laiflans lefus Chrift, vous vous « .Afteure-toi que tu n'en demeureras
retirez vers l'Antechrift. » Cela dit, il pas ainfi. « H. « Je ne m'efpouuante
s'en alla. En voici venir vn autre, dé- pas de vos rudes menaces , ni de tou-
libéré (comme il difoit) de parler à tes vos imprécations , car ie fai que
moi, d'autant qu'il m'auoit conu vn les verges du Seigneur vous confume-
ront , & que les vers & tignes vous
peu impatient. Auquel ie di, qu'auant
que parler à lui ou à quelconque que mangeront , comme ils font les vefte-
ce fuft, ie defiroi fauoir à quel titre & mens. » B. « Tai-toi , i'efpere te re-
; authorité il vouloit parler à moi , car compenfer de ce que tu dis. » H. « Je
autrement ie ne voyoi point moyen de fai bien qu'il eft en vous autres de
ruiner vn homme par voftre crédit,
me defpeftrer de ces gens, m'abordans
quand vous le voudrez faire. » B. « Si Ecoles. 7. 17.
ainfi l'vn après l'autre.
jiCEPENDANTBonerfortitdefacham-
tu conois
moi que ie t'aye
bre et vint en sa falle , portant en pelle en iuftice et fait iniure,
me fai venir ap-
en Prou. 26.2.4$.
main certain papier auquel eftoit efcrit iugement. » H. « Salomon nous en-
ce qui s'enfuit : " le, Thomas Haux, feigne de ne plaider auec le Juge. »
protefte deuant Edmond Boner, mon » Ces propos eftans ainfi démenez de
luge ordinaire , comme Euefque de cofté & d'autre, il recommença encore
Londres, que la MefTe eft chofe de- de lire fon papier; & l'ayant leu ,
'74

1
LIVRE CINQUIEME.

voyant que ie ne pouuois eftre per- de la mort & du tourment du feu qui
fuadc^ de le (i(,'ner, il tafcha par tous leur elloit apredé , le prièrent d'au-
moyens de me le mettre dans les tant qu'il les deuoit précéder, qu'au
jnains, me commiindant de le prendre milieu des llammes, s'il elloit poffible, Signe pourfie
tant feulement , cS: puis de lui bailler il leur lill quelque figne, par lequel ils encourager
comme de main en main. le lui de- fulfent mieux acertenez s'il y auoit fi
mandai lors que ce myftere vouloit grand tourment en ce genre de fup-
dire, & que ie ne le prendroi ni de
&plice, qu'on en
conllance ne peuft
icelui.retenir
Ce quemémoire
ce bon compagnon ~
main, ni deAlors
feul coup. cœur,il ni
pliad'efprit pas vn
promptement ieune homme promit de faire fi auant
le papier & le mit en fon fcin , & en- qu'il pourroit pour l'amour d'eux , &
flammé d'ire & de courroux, demanda voici
Si la le figne& qu'ils
force eurent
violence de entr'eux
la flamme :
fa monture pour s'en aller en ElTex ,
pour voir & examiner mes autres frè- ertoit intolérable, qu'il demeurafl pai-
fible fans se bouger: mais fi elle elloit
res. Je m'en retournai en la prifon
de laquelle i'eftoi n'ai,'ueres forti. Vous tolerable, & pour élire endurée faci-
auez ici tout le conillil que i'eus auec lement, qu'il efleuafi les mains en
Boner i& fes fuppolls , déduit par le haut par delfus fa tefte auant qu'il
menu & efcrit de ma propre main , rendill l'efprit.
priant affeâueufement tous fidèles , Apres qu'ils eurent ainfi conclu en-
mes bons frères & fœurs , de prier tr'eux & confermé leurs cœurs par
noftre Dieu qu'il lui plaife me conter- mutuellesexhortations, l'heure du mar-
mer et alfeurer en la vérité iufques à tyre ellant prochaine , les bourreaux
la fin. Ainfi foit-il. » prindrent Haux & l'attachèrent au
Tels furent les affaux de Thomas pofleau eftroitement auec vne grofl'e
chaîne de fer à l'entour de fon corps.
Haux & les combats qu'il a fouftenus Il y auoit là grande compagnie tant
contre les plus cruels aduerfaires de de gentils-hommes que au commun
l'Euangile; il refte maintenant de def- peuple, aufquels Haux parla longue-
crire le dernier ade de fa vie, duquel ment, &principalement au fieur Rych,
les circonllances font notables, fur
fe pleignant de l'effiifion
nocent des fidèles feruiteursdu defang in-
Dieu.
tout la promeffe qu'il fit de donner La foi des
figne à fes compagnons lors qu'il fe- Chrcllicns eft
Finalement, après qu'il eut prié Dieu
roit dedans le feu. Ayant donc de- d'affedion ardente , le feu fut mis au inuincibic
meuré quelques mois en prifon, fina- bois ; & après qu'il eut là demeuré
H aux cil lement ilreceut fentence de mort au
quelque cfpace , ayant défia la bou-
condamné à mois de luin auec quelques autres, che retraite de la violence du feu , la
mort.
defquelsauffi nous traiterons ci après, peau loBte grillée & les doigts bruf-
moyennant la grâce de Dieu, & fut Notez bien
lez , ainfi que tous attendoyent qu'il
ramené deuil alors rendre l'efprit, fe fouuenant
mort en enla fon
villepays d' ElTex , &(i).
de Cokfhall misLaà ceci.
de la promelfe qu'il auoit faite, efleua
fin de ce ieune homme eft digne d'ef- les mains l'vne contre l'autre. Le peu-
tre récitée pour vne raifon finguliere. ple voyant cela, ne conciliant toutes -
Apres que fa fentence fut publiée, le fois le motif de cède efleuation des
M. Rych. feigneur Rych (2) fut commis pour le mains, s'efcria de grand applaudilTe-
mener à Elfex auec cinq autres fes rhent. Et Haux, fe baillant dedans le
compagnons. Ce gentil-homme ayant feu,
gens de guerre pour fa garde & quel- 10. derendit l'efprit, à Cockfhall , le
Juin m.d.lv.
ques gentils-hommes pour fe tenir
fort , fit diligence d'exécuter fa coni-
miffion. Haux, i\ toutes occafions qu'il
pouuoit auoir par le chemin , exhortoit
les compagnons , trouuant par fois
opportunité de deuifer auec eux fami- Thomas Wats (i).
lièrement. De ses propos & de fa GviLLAVME BVTLER (2).
confiance, ils eurent grande confola- Iean Symson (5).
tion & affiflance ; neantmoins efpou-
uantez de i'apprehenfion de l'horreur (1) Voy. Foxc, l. VII , p. 118-IJ).
(2) William Bamford, allas Butler (Foxc,
1. VII, p. 1)9).
(1) CogReshall.
(1) Lord Rich. Voy. la note, t. I , p. 500 ()) John Simson fFoxc, t. VII, p. 87-go).
PLVSIEVRS MARTYRS. /)
Nicolas Chamberlayn (i).
Thomas Osmvnde (2). dequoi eftans accufez
damnez à mort d'herefie
, furent tous& deux
con-
Iean Erdley (5), Anglois. bruflez Tonziefme iour dudid mois :
l'vn, c'efl alTauoir Erdley, au lieu de
On peut voir, au récit de la niort Je Raile (i), & Symfon à Rochefort (2).
Entre ceux qui furent prins auec
ces fix Martyrs d'EjJcx, combien ejl Symfon , menez deuant la iuftice , &
véritable
bouche deceSalomon,
que le S. nous
Ej'prila ,prédit
par la: finalement condamnez , y en eut vn
Prou. qui efloit plus fimple & indode que
Que les mejchans fnyent fans qu'on les autres, lequel ne pouuant guère
les pourfuj'ue ; au contraire, les lut-
tes font ajjeure^ comme le lion. bien refpondre aux interrogatoires
qu'on lui faifoit , Symfon prenant le
En l'hiftoire ci deffus récitée de parti de fon compagnon , parla haut
Haux, nous auons veu comment Bo- pour fe faire entendre de tous ceux
ner, par fes pourluites & menées, au- qui eftoyent aux enuirons. Tellement
roit tourmenté plufieurs tïdeles du
qu'ayant la voix plus robufte & hau-
taine que pièce (5) des autres, telle
paysfixd'Eflex
de . entrepour
fe prelente lefqueis
eftre larécitée
mort
que l'ont ceux qui font communément
en ce lieu. Le premier eft Thomas la bafi"e-contre es temples , il eftonna
Wats, qui fut exécuté à Chelmis- de fa voix ceux qui eftoyent à l'en-
ford (4), le iour précèdent la mort de
Haux, aflauoir le neufiefme (î) de ceft tour, & tous s'approchèrent pour en-
eflonné tendre
de ce qu'il vouloit concurrence
la foudaine dire. Boner,&
anM.D.Lv. L'onziefme iourdudit mois,
Nicolas Chamberlayn, homme crai- acclamation du peuple, demanda fou-
gnant Dieu & fort confiant , exécuté dain que c'eftoit ; il lui fut refpondu
à Gloceflre (6) de mefme cruauté & qu'on commençoit à drelTer quelque
forte de martyre. Le lendemain , qui grand bruit , tendant à confpiration à
fut le 12. dudit mois de Juin, Guil- rencontre de lui. Efpouuanté & comme Les mefchans
laume Butler & Thomas Ofmunde efperdu , il fe fauua incontinent à vau qu'autre que
fuyent , fans
furent auffi martyrifez de mefme : de route (4) , acompagné de fes doc- leur furieufe
Thomas deuant difné, en la place de teurs & preftrailles , qui lui faifoyent confcience les
Manentrie, & Guillaume après difné, efcorte. De crainte & eflonnement, &
pourfuyue.
Auffi ert-ce
au lieu d'Haruig (7). Outre ceux-là, de hafte qu'ils auoyent de fuyr, ne alTez.
il y en Iean
eut encores pouuans trouuer l'entrée de la porte ,
fauoir Symfon d'autres
& Jean : Erdley,
c"eft af-
s'entrehurtoyent & cheoyent les vns
lefquels , comme ils efioyent dvn fur les autres , comme fi les ennemis
mefme pays, tous deux Diacres, auffi fulTent à la porte. Et donnèrent à
furent-ils exécutez de mefme mort. ceux qui regardoyent ce fpedacle à
La caufe de leur emprifonnement ef- rire, & faire des huées merueilleufes,
toit qu'ils auoyent refufé à vn Pref- & telles qu'on n'a oui parler de fem-
tre , appareillé pour chanter Meffe, blables. Qui fut quafi vn mefme exem-
de lui bailler vn Meffel & les orne-
ple d'efpouuantement que celui qui
mens pour célébrer (8). Au moyen auparauant eftoit auenu aux dodeurs
Théologiens d'Oxfort , quand le feu
(1) Nicholas Chamberlain (Foxe, t. VU, fe print à leur temple (5), & n'y eut
p. 159)- différence, finon que celui qu'on pour-
(2) Thomas Osmond (Foxe, t. VII, p. 159). chaffoit lors, après auoir reietté le fa-
(;) John Ardeley (Foxe, t. VII. p. 87-90).
(4) Chelmsford. got qu'il portoit , efchappa ; mais
(5) Les mois « de Juin » sont omis dans ceux-ci en ce tumulte ayans efté laif-
toutes les éditions que nous avons sous les fez , furent toft après ramenez au lup-
yeux.
lieu le D'après
10 juin. Foxe, ce martyre aurait eu plice du feu , lequel ils endurèrent
en grande conftance auec édification
(6) D'après
Colchester Foxe.
le 14 juin. ce martyre eut lieu à des fidèles qui efioyent prefens.
(7) Ce fut le 15 juin, d'après Foxe, que
William Bamford, ij/(iis Butler , fut marty- cusation extraits des registres de l'évèché
risé à Harwich . et Thomas Osmond à Man- de Londres portent sur des hérésies doctri-
ningtree. nales, et non sur le fait que mentionne
(8) John Simson et John Ardeley sont dé- Crespin.
signés par Foxe comme de simples labou- (i) Rayleigh.
reurs, et non comme des diacres. C'est aussi (2) Rochford.
la désignation que leur donne Burnet [Hist.
de la Réf. en Angl.. trad. de Rosemond , (3)
(4,1 Aucun.
En pleine déroute
Amst., i()87, t. II, p. 740). Les chefs d"ac- (5J Voy. t. i. p. 579.
176 LIVRE CINQUIEME.
Ayant défia vfé vne bonne partie
de fon temps en celle façon de viure,
il auoit facile entrée à amaiïer des ri-
chelfes , s'il euft appliqué fon efprit à
Iean BRADFORD.Jminiftre Anglois(i). acquérir des biens : mais la prouidence
de Dieu l'auoit ordonné à vn autre
La vie de Bradford dcfcrile auec les but. S'ennuyant finalement de celle
manière de vie, et ayant diligemment
procédures ijui ont ejlé tenues contre
& fidèlement recueilli fes contes tou-
lui en public deuant les luges, en- chant les afaires de fon maillre, il lui
femble les difputes particulières qu'il demanda paifiblement congé, & fe re-
eut contre les Théologiens , ne fe- tira de fon feruice ; & fit cela afin
ront juperflues ; mais donneront en-
feignement comme le fidèle Je de- qu'eftant defpellré des autres afaires ,
ura conduire, quand pour auoir fait il fe peuft dutout adonner au feruice
de Jefus Chrift. Or vn inftind fecret
& procuré en bien , les aduerfaires
de la vocation de Dieu le poulToit à
l'accuferont faujjement ; & au lieu cela, & ne laifToit iamais fon efprit en
d' auoir appaisé la multitude, le pour-
fuyuront à mort comme feditieux & repos, àquelque
rebelle. ques ce quepart qu'il allaft,
finalement iuf-
il eufl
polTedé fon efprit entier , eftant à
Bradford, natif de la ville de foi-mefme, tellement que, combien
Manceftre, villeLancaflre
d'alTez grand renom qu'après auoir pris congé de fon maif-
au diocefe de , fut des fon
bas aage par fes parens defliné aux loix tre,,ilneantmoins
fe fuft appliqué à l'eftude
fon efprit des
ne peut
lettres. Entre fes louanges il obtint Exemple
longuement s'arrefter entre les Legif-
tes. Parquoi ayant quitté auffi celle
ceci , qu'il auoit vne grande prompti- noté.
tude & dextérité de mettre quelque façon d'ellude, en laquelle toutefois il digne d'élire
n'auoit pas perdu fon temps , du tem-
chofe par efcrit ; ce qu'auffi lui a ple des ioix ciuiles (car le collège où
ferui de beaucoup aux vfagcs necef- il demeuroit eftoit ainfi nommé) (1) il
faires de fa vie. En ce temps-la Iean
Haryngthon (2), cheualier de Tordre, s'en alla à Cambrige au temple des
eftoit threforier du Roi Henri hui- loix diuincs, pour eftudier es chofes
Haryngthon,
threforier à tiefme , ayant charge de payer les qui apartenoyent de plus près au mi-
Boulongne. gens de guerre. Il auoit pour lors niftere de l'Eglife du Seigneur. Ce
qui fera dit ci après monllrera bien
Iean Braaford en fon feruice, & l'ai- de quelle ardeur il eftoit pouffé à
moit fort & honnoroit par defTus tous
fes domelliques. Bradford auffi eftoit ccfte eftude,
mière année, aft"auoir que,dodeur
il fut créé dés la enpre-la
vtile à fon maiftre. Cependant toute- faculté de Théologie {2); & tous lui
fois fous le feruice d'icelui, il aprint à
conoiftre & eflre expérimenté en portoyent telle faueur , & l'auoyent
beaucoup d'afaires. D'autre part , le en telle admiration , qu'il
continent principal (5) du fut fait in-
collège de
Seigneur Haryngthon expérimenta Pembruch.
Bradford
moit tellement
comme fidèle,
vn threfor qu'il l'efti-
précieux , i!t Or il profitoit tellement de iour en
iour , que tous auoyent les yeux dref-
l'auoit
fes pour adioint prefque en tous
afaires. fez fur lui , & principalement il com-
mença àeftre en eftime enuers Mar-
(l) Tlie Hislory cf llic wûrtliy Martyr and tin Bucer (4), la perle des Théologiens
Servant 0/ GoJ, Master Jcltn Bradford. de ce temps , lequel fe promettant
Voy. Foxe, l. VII, p. i4)-28s. Celle notice chofes grandes du bon naturel de
de Foxc. qui a plus de 140 pages, renferme
un grand nombre de lellres de Bradford. qui Bradford, l'exhortoit de tout fon pou-
uoir à employer le talent que Dieu
furent communiquées au martyrologisle an-
glais par son ami Grindal (Voy. Slrypc , Life lui auoit baillé, au profit tt inftrudion
of Grindal. I, 2). Les ouvrages de Bradford, commune de l'Eglife de Icfus Chrift.
édiles par Townsend . ont élé republiés Sur cela Bradford alleguoit fon imbe-
par la Parker Society (Camb., 1848). Voy.
Burncl, Hist. 0) Réf., Il, ^7<), 48a (trad. fr.
de 1087, l. Il, p. 742); Sirype, Eccl. Mcm., (1) Le Temple, à Londres.
III, I. Voy. aussi sa vie par Stcvens, Lond., \i) Il fui fait maître es arts, et non doc-
18)1. leur en théologie.
(j) Sir John Harrington, trésorier des (lî II devint fellow, et non principal du
camps et des bAiimenls royaux à Boulogne, collège de Pcmbroke.
qui était alors aux Anglais. (4) Voy. l. I , p, 575 , Cl l. 1 1 , p. lûo.
lEAN BRADFORD.

eftoit là prefent, ni le commandement


cillité (i), & s'excufoit qu'il n'auoit légitime du Preuoft de la ville, ne M.D.LV.
Notable fauoir i'uffifant. Bucer lui rel'pondit :
« Encore que vous ne puiffiez paillre pouuoyent appaifer les tumultes &
refponfc de bruits du peuple. Burne fe trouuant
Bucer. de friandifes, ou de pain blanc, (i ell-
bien empefché à caufe de ce grand
ce qu'au moins vous pourrez prefenter
à manger de quelque pain pour refec- trouble, & principalement pource que
tionner. » Ainfi les exhortations que du milieu de la méfiée on lui ietta vn
Bucer lui faifoit fouuentes-fois , lui
donnèrent courage; & comme il eftoit poignard, duquel
pourfuyure outre ilpourfut frappé,
acheuer n'ofa
fon
dutout attentif à cela, il vint bien à fermon feditieux ; & le peuple auffi
propos que Nicolas Ridley, lors ne le peut foulfrir de parler plus auant.
Euefque de Londres , le fit venir de Il pria donc Bradford, qui eftoit der-
rière lui, de venir tenir fa place, & de
Cambrige pour l'auancer aux degrez
& charges Ecclefiaftiques. Il le fit parler au peuple. La fin & euenement
premièrement Diacre, & incontinent de ce confeil lui fut bon. Et de fait,
lui donna congé de prefcher; en ou- après que Bradford fe fut prefenté au
tre lui conftitua penfion fuffifante, qui peuple , tout le bruit fut facilement
eftoit le revenu d'une prébende de apaifé.
l'Eglife cathédrale de fanict Paul ; & regardé Et, lui auffidefira
toft que le peuple
longue l'euft
profperité,
là , autant de temps que les bons & & s'efcria : » Bradford , Bradford ,
fidèles Doéleurs ont peu auoir loifir Dieu te vueille longueinent conferuer Acclamation
& commodité fous le Roi Edouard , la vie , Bradford. » Puis après tous
à Bradford.
Bradford s'employa diligemment à l'ouyrent attentiuement, ainfi qu'il par-
faire fon devoir de purement & fidè- loit de la vraye obeilîance Chref-
tienne. Apres que le fermon lut fini, populaire
lement enfeigner en l'eglife de Dieu.
Apres la mort de ce bon Roi, com- chacun s'en retourna paifiblernent en
bien que la religion cominençaft à fa maifon, exceptez aucuns; car quand
décliner, Bradford toutefois ne lailToit vn fi grand peuple eft offenfé & irrité,
point de pourfuyure fidèlement celle
à grand'peine fe peut-il faire que tou-
bonne œuure qu'il auoit commencée. tes chofes foyent fi foudain & facile-
Lors on trouua vne caufe , mais fort ment appaifees.
Entre ceux donc qui refifterent à
inique, d'autant qu'il n'y auoit point
encore de loix publiques par lefquel- ce tumulte , il y eut vn gentil-homrne
les on eut oflé la liberté de parler, & accompagné de deux feruiteurs , qui
encores moins pour en eflre empri- rnonta fur les degrez de la chaire , &
Tumulte à fonné. Voici que ce fut : Le trei-
Londres fe ietta iufques à l'huis de la chaire
à raifon de ziefme iour d'Aoull il y eut vn nommé pour aprocher de Burne, ayant inten-
Burne. Burne (2), de la fadion du Pape, qui tion de lui faire mal. Bradford conoif-
depuis fut fait Euefque de la ville de fant ce gentil-homme, & preuoyant ce
Bade, lequel, en vn fermon qu'il fit en qu'il vouloit faire, fe mit au deuant &
la croix de faind Paul , defgorgea s'oppofa de toute Burne
fa forcefecrettement
; & cepen-
dant admonnefta
beaucoup de vilenies d'vne façon ar-
rogante & impudente , tant contre le
par fon feruiteur , qu'il fe donnaft
Roi Edouard , que contre la pure
gardefuitdetout ceincontinent
péril eminent.
vers Burne s'en-
le Gouuer-
► doftrine de l'Euangile ; & fe porta fi neur de la ville , & euita derechef la
fièrement , qu'il ne s'en falut gueres
que les auditeurs ne le iettaffent de la mort. Toutefois ne penfant point eftre
chaire en bas , car ils monftrerent des encore alfez en feurté , il pria Brad-
fignes aflez euidens qu'ils auoyent ford de lui tenir conipagnie , iufqu'à
grand defir de ce faire. Tous ef- ce qu'il peuft rencontrer quelque mai-
toyent tellement defpitez contre lui , fon pour fe cacher, & euiter tous ef-

I
que ni la reuerence du lieu, ni l'au- forts & violence. Ce que Bradford fit
thorité de l'Euefque de Londres, qui volontiers, &, s'eftant mis au deuant, le
couuroit par derrière de fa longue
(i) Sa faiblesse. robe; bref, il ne l'abandonna iufques
(2) Le D' Gilbert Bourne fut fait évèque àMaire
tant dequ'il fut entre
la ville les mains
& de deux autres du
de
de Batli and Wells l'année suivante. Le
congé d'élire est daté du ; mars 15Î4. 'Voy., la iuftice, par lefquels il fut mené fain
sur le sermon qu'il prononça à la Croi.\ de & fauf iufques au collège de S. Paul
Saint-Paul le i; août 1555, 'et sur le tumulte
qui s'ensuivit, Foxe, t. 'VI, p. 391; t. VU, qui eftoit prochain de là. En cefte
p. 144. forte ceft arrogant Burne, qui auoit
12
178 LIVRE CINQUIEME.

ainfi delj;orgé les outrages contre le it auffi autres gens d'autre fede lui fi-
bon Roi Edouard, fut fauué pour ccfte rent plufieurs fafcheries. Toutesfois il
fois de la mort , laquelle toutefois il ne lailfa de fortifier plufieurs infirmes
auoit méritée à bon droit à caufe de & confoler plufieurs affligez; d'auan-
fes infolences. Cela fut par le moyen tage, il fit quelques liures félon le loi-
de Bradford : ce que ne diffimuloyent fir & le temps qu'il pouuoit recouurer.
Entre autres choies, il enuoyoit plu-
point laceux
faire vengeance qui auoyent lefquels d'en
: entreintention il y fieurs lettres aux habitants de Lon-
en eut vn qui dit celte parole deiiant dres, à l'Vniuerfité & à la ville de
tous : Il Bradford, Bradford, fauues-tu Cambrige , & auffi aux habitans de
ainli la vie à celui qui n'efpargnera ■Waldene & de Manceftre; outreplus,
il efcriuit lettres à deux frères & auffi
pas la tiene ? que fi n'euû efté pour à leurs femmes & familles, par lef-
l'amour de toi, i'euffe percé cefle belle
de mon efpee. » quelles il monftroit bien quelle affec-
Av refte , ce iour-la mefme après tion Chrellienne il nourrilToit en fon
difné, Bradford fit vn fermon deuant le cœur. Finalement, après longs labeurs
peuple de Londres au milieu de la & ennuis, il fut tiré hors de la prifon
de Coucntrie & mené fecrettement en
plus grande place de la ville (i), au-
quel ilreprint aigrement tout le peu- celle de Newgat. Le lendemain, de
ple de ce fait feditieux, attendant ce- bon matin, on le mena au marché de
pendant àLondres quelle fcroit Tiffue Smythfild auec vn autre ieune homme
de cefte tragédie. Voila en fomme &
nommé Iean Liefe(i) qui n'auoit que
de poinél en poinft & à la vérité dixhui<5l ans, où tous deux furent bruf-
comment Bradford le porta en ceft lez le premier iour de Juillet mil cinq^
ade; & par cela peut on bien enten- cens cinquante cinq.
dfe quel guerdon il mcritoit deuant
des Juges équitables, pour vne œuure
fi fainde. Oyons maintenant quelle
recompenfe il en a receuë. Diucrs ajTaux liure:{ à Ican Bradford,
Trois iours après ^2) que ces cho- tant par le Chancelier aue par plu-
fes furent faites, le Sénat (5J & les sieurs Théologiens, à aiiierjes fois.
Euefques firent venir Bradford deuant Et, premièrement, des interrogations
eux , et là fut contraint de refpondre aui
lier. lui furent faites par le Chance-
de celle fadion & de l'herefie qu'on lui
L'agneau cl)
accufC- d'auoir impolbit, & l'accufoit-on de cefte fa-
çon que la brebis fut iadis accufee par Apres qu'on eut acheué de parler à
troublé l'eau.
le loup d'auoir Robert Ferror, Euefque de Saind-
toutesfois auoittroublé la fontaine
beu bien loin de (qui
li\), Dauid , duquel le martyre a efté ex-
non point qu'elle euft offensé, mais posé ci-deffus (2), Iean Bradford fut
d'autant que le loup auoit foif; non appelé & prefenté en iugement. Et ,
point qu'elle euft troublé la fontaine, premièrement, il fe mit à genoux à
la façon acouftumee. Le Chancelier,
ains d'autant qu'elle ne deuoit refifter
à l'autre ilquien l'auoit troublée. Voila auant que de lui faire aucune interro-
comment eft auenu A Bradford, gation, ietta vne veuë de defdain fur
lequel feul auoit efteint la llamme de lui & quelque temps le regarda fans
la fedition : ce nonobftant il fut mené
dire mot, afin d'efprouuer fa confiance,
en prifon (4) en laquelle il demeura
ou pluftoft pour l'intimider, ou abatre
deux ans, durant lequel temps les Pa-
piftes lui donnèrent plufieurs alTauts, par fon authorité. Bradford , d'autre
part, fe tenant alTeuré. ietta fembla-
blement les yeux droit fur le Chance-
IIU'J pi
'.II■ 'f Ce
^^ Ml-
"" tul
•"' r[»;i>.
•■ ■■ " •- [■■■^-, ......•"■...■
Klis ijails lier, leregardant d'vne voué arreftec,
uneé;;lise, bf)w Cluircli , Cheapsidc , que finon qu'il hiiufi'a vne fois fa veuë au
BraJOirJ pricha cel apix-s-miji Jii i; noùi. ciel , implorant l'aide du Seigneur ,
(2) Le 16 aoùl. derechef après les arrella tellement fur
()) Le conseil. le Chancelier , que finalement il fut
(41 II fui d'aborj enlcrnie ;i la 1 our de contraint de deftourncr fa veuë, voire
Londres, puK au Kin^-'s Beiicli, S >ulliwark,
prison placée alors sous les ordres de Sir mefme d'entrer en propos & dire à
William Kiu-Williams, qui élaii favorable Bradford que défia des longtemps il
aux évani;é'liques, et laissa à Bradford une
assez ^'rande liberté, y compris ccllej de
faire, deux fois par jour, le culte aux pri-
sonniers. (i)Voy. la notice qui suit celle de Bradford.
(J) Voy plus haut . p 1)9.
lEAN BRADFORD.

auoit efte détenu prifonnier à caufe Juge le manifeftera vn iour à tout le


de fon outrecuidance l'editieule & fa monde, deuant le throne duquel
faufle dodrine, comme celui qui auoit nous deuons tous comparoiftre. Ce-
efté fi oie de prel'cher tant hardiment pendant pource
, que ie ne peux ob-
& fans authorité deuant tout le peuple tenir ceci de vous, d'adioufter foi à
en la Croix de S. Paul, le treiziefme mes paroles, ie porterai paifiblement
iourd'Aoull, l'an 1553. « Maintenant tout ce tenterque Dieu
& faire vous moi.
contre permettra
» Ch. d'at-
« le
(difoit-il) le temps eft venu que grâce
te fera faite , fi tu veux. La Roine te fai que tu as vne langue pleine de van-
prefente mifericorde de fon bon gré , terie orgueilleufe; les paroles qui for-
afiauoir tent de ta bouche ne font que purs
nous, tufi retournes
, d'vn commun accordau auec
derechef bon
chemin & à la vérité. » Bradford , sur menfonges. D'auantage , ie n'ai point
encore mis en oubli comme tu t'es
cela, fe fubmettant d'vne telle reue- monftré obftiné , quand tu plaidois ta
caufe deuant nous en la tour , eftant
rence qu'il deuoit , lui refpondit :
« Monfeigneur le Chancelier, & vous là appelé pour refpondre de la fedi-
auffi, très honorez feigneurs, c'eft vne tion ,& quand il te fuft commandé
chofe toute certaine que , par vortre d'aller de là en prifon pour la Reli-
commandement, il y a défia long temps gion, le fai, & encore retien-ie en ma
que ie fuis détenu prifonnier & fans mémoire quelle contenance tu tenois
caufe (ce toutesfois que ie protefte & quelle fierté y auoit en tes paroles,
eftre cun
ditde en & des ce temps-la tu as efté détenu
voushumilité
en foit& offenfé),
fans defir comme
qu'au- en prifon à bon droit, &, comme il
de fait ie n'ai aucune fouuenance que fembioit, tu pouuois bien eftre à l'aue-
i'aye ici ni ailleurs dit ou fait aucune nir autheur de grands maux & plus
grands que ie ne fauroi reciter pour
chofe qu'on puifl'e à bon droit redar-
guer (i), ou de fedition, ou d'impiété, l'heure prefente. » Br. « le di encore
ou d'arrogance, veu que, de ma nature maintenant ce que i'ai protefte ci-def- Protcflation
& inclination, i'ai toufiours aimé la fus. Tout ainfi que i'affifte ici deuant deuant le
vous en la présence de Dieu, deuant
paix & l'ai pourchaffee toute ma vie, Seigneur.
voire & en cette mefme procédure en le fiege duquel (comme i'ai dit) nous
laquelle ie donnai fecours à Burne qui deuons tous quelque fois comparoiftre,
prefchoit & eftoit en grand danger de & en ce iour la vérité fera manifeftee,
perdre la vie, &, outre cela, ie fi combien que cependant elle foit ca-
exhortation publique tendante à paix, chée comme en lieu obfcur, oupluftoft
comme vous en eftes bien informez. »
qu'elle foit reiettee des hommes. Et
mefme ie ne doute point que Burne, à
Le Chancelier ne feut endurer qu'il
paflafl qui i'affiftai lors grandement, ne vueille
bahi : « outre, & dit comme
O le mensonge faifant
euident l'ef-
éir trop maintenant confelTer que fi ie ne l'eulTe
Bradford, qui manifette ! Ce fait mefme demonflre fecouru , fa vie eftoit en grand dan-
auoit apaifé
la fedition . eft alfez ouuertement que tu as efmeu fe- ger &: encore me fui-ie mis moi-méfme
accufé autheur dition & troubles. Et vous,monfieur en plus grand danger. » Bo. « Tu mens
d'icelle. de Londres, en pourrez bien rendre en difant cela, car ie t'ai veu & ai pris
tefmoignage. » Boner. « Ce que vous garde que tu t'es monftré plus arro-
dites eft tref- véritable , monsieur le
Reuerend ; car moi-mefme, qui eftoi befoin.gant &»hautain qu'il
Br. <( le ne ne
me t'euft efté at-
fuis rien de
prefent en tout ce fait, ai veu de mes tribué en ceft endroit, & auffi ie n'y

I
propres yeux, comme ceftui-ci, par vne ai rien fait que ce n'ait efté à la prière
audace & outrecuidance feditieuse , a
d'autrui, & principalement à la re-
vfurpé authorité de gouuerner & con- quefte de Burne mefme. Que s'il
duire le peuple. Ce fait demonftre af- eftoit ici prefent , il ne le voudroit
fez qu'il a efté autheur de la fedition & pas nier, & ie le fai bien. Car lui
des troubles qui ont efté efmeus. » Br. mefme m'induifit par fes prières à lui
donner fecours & à remédier au fcan-
«Tref-nobles feigneurs, comme qu'il en
aille de ce que monfieur l'Euefque de dale du peuple. D'auantage, il me
Londres aff"erme auoir veu de fes pro- pria inftamment que ie ne l'abandon-
pres yeux, toutesfois la chofe n'a efté nalîe point iufques à ce qu'il fuft hors
conduite autrement qu'ainfi qu'auez hors du danger de fa vie. Au refte ,
défia ouy de moi , comme le iufte quant à ma contenance & aux propos
que i'ai tenus deuant vous en la tour,
(1) Reprendre, blâmer. s'il y a eu quelque faute en ceft en-
i8o LIVRE Cl
NQUIEME.

droit, ou si i'ai laiffé à faire ce qui ueur, c'est la vie melme. » Ch. « Tien-
eftoit de mon douoir, ou (1 ie m'y fuis toi pour affeuré
à prefent qu'ainfile que
tu as feduit iufques
peuple par i
porte autrement qu'il ne faloit, ie vous vne dodrine faulTe et corrompue, auffi
fupplie de bon cœur me monftrer en
* ic reparerai volon- en rapporteras-tu falaire tel que tu as
tiers laoffenlé,
quoi i'ai faute. » Ch. « Afin que ne mérité à bon droit. » Br. << le ne me
foyons contrains de perdre toufiours fens nullement coulpable d'aucune fe-
ainli le temps après toi , il refte vne dudion & n'ai iamais propofé autre
chofe, c'eftque, li tu veux retourner au façon de dodrine que celle que ie fuis
bon chemin à nollre exemple & fouf- prefl maintenant de feeller de mon
crire à l'Eglife, la Roine te prefente propre fang . moyennant la grâce de
grâce A mifericorde de fon bon gré. mon Dieu. Et ouant à ce que vous
Que dis-tu.' " Br. <> le ne refufe pas appelez ma dodrine, corrompue &
la mifericorde de la Roine , moyen- diabolique, cela me feroit vne chofe
fort diftîcile à porter fi vous pouuiez
nant qu'elle foit coniointe avec la mi-
fericorde de Dieu ; mais la grâce con- monftrer par effet ce que vous dites de
iointe auec l'ire de Dieu, que profite- bouche. »
Bradford ne roit-elle .> Toutesfois , grâces à mon L'EvESQVE de Dunelme (i) : « Or
fe feni auoir Dieu, ie ne me fen point coulpable fus. di-nous maintenant quelle eft ton
Roine. 1.1 d'auoir commis quelque ofFenfe iuf-
oiicnfé opinion touchant l'adminillration de la
ques à prefent, pour laquelle iaye co.nimunion , laquelle tu vois eflre
befoin d'implorer li fort la mifericorde maintenant en vfage? » Br. « Auant
de la Roine, veu qu'en ce tcmps-la ie que ie refponde à voftre interrogation,
n'ai rien fait qui ne s'accorde tant aux il faut que ie vous face vne autre de-
loix & llatus de Dieu qu'aux edits & mande premièrement & aux autres
ordonnances publiques de ce royaume,
fcigneurs qui font ici prefens. C'eft défia Serment
& qui n'ait ferui grandement au bien, pour la fixiefme fois que ie fuis obligé folennei de n(
repos & tranquilité- publique. » Ch.
i< Et bien, fi tu perfeueres à mettre en àparfermcnt,voireparparolesexpreftes, Pape. ""
ce que ie ne confente iamais que la co"''-'"'"'
auant tels propos faux & vains, te iurifdidion du Pape foit ici reftablie
plaifant fi fort en ton babil orgueil- quelque fois ou ramenée. Parquoi ie
leux fâches
, pour certain que la vo- vous fupplie
lonté de la Roine efl de purger en en bonne foi qu'il
& mevousfaire
plaife me direfi
entendre
bref ce royaume de tels hommes que vous me demandez ceci en l'authorité
toi. >. Br. " Dieu, deuant la face du- du Pape ou non. Si ainfi eft, ie ne
vous puis refpondre en ceci fans me
deuantquel i'affille
vous,maintenant auffi gloire
conoit. quelle bien queic
periurer manifeftement. » Bvr., fecre-
me pourchafie en cefi endroit ou que taire (2). « Cela peut-il eftre vrai que
ie me fuis pourchafTé par ci-deuant. tu ayes iuré fix fois contre le Pape }
le defire grandement la bonté & mi- le te prie, quelles charges as-tu eues
fericorde de Dieu, & mefroe ie de- en la republique pour ce faire .'' » Br.
firerois atteindre iufques à la faueurde
« Le premier ferment qui m'a elle
la Roine,
viure fain &à ce fauf qu'elle
auec lesme autres
perrnift de
fuiets donné, c'a cfté à Cambrige, quand
on me voulut faire dodeur {}). Le fé-
de fon royaume, pourueu que la con- cond fut quand on m'appela en la
fcience me demeurall auffi faine & communauté de la falle de Pem-
Notable faoue. Car autrement la mifericorde bruch (4). Le troifiefme quand ambaf-
confolation. du Seigneur m'efl certes bien meil- fadeurs furent enuoyez au nom du Roi
leure Àbeaucoup plus chère que ma & toute rVniuerfité fut contrainte de
propre vie; d'auantage, ie fai es mains iurer
edits publiquement d'obferuerquand
du Roi. Le quatriefme tous les
on
de qui i'ai baillé ma vie en garde, af-
fauoir de celui qui la pourra fuffifam- me fit receuoir les ordres du facré mi-
mentgarentinV: maintenir, comme auffi niftere. Le cinquiefme fut incontinent
fans fa permiflion nul ne me la pourra après, affauoir quand ie fu efleu cha-
ofter. Il y a douze heures au iour, & noine de S. Paul. Le fixiefme & der-
tant qu'elles durent nul n'aura puif-
fancc de me l'ofter. La bonne volonté (1) Cullibcrl Tunslall. Voy. t. 1 , p. )i).
donc du Seigneur foit faite, car la vie (2) Sir Jolin Bourne. V.jy. la note de la
coniointe auec la fureur c^t indignation
(î) 96,
page Maître es arts.
de Dieu c(l pire que la mort ; au con- (4) Fctloiv du Pembroke-Hall , collège de
rUniversilé.
traire, la mort coniointe auec fa fa-
lEAN BRADFORD. i8i

nier fut vn peu deuant la mort du Roi, grâces à Dieu. » Bvr. « Mais tu ne
M.D.LV.

quand nous tous indifféremment auons peux nier que tu n'ayes efcrit des let-
prefté derechef ce ferment mefme. » tres. Pourquoi te tais-tu ? refpon. »
Sermens Ch. « Et bien, que veux-tu dire pour B. « Ce que i'ai efcrit eft efcrit. »
tout cela ? Tels fermens Herodians
Herodians. Sovthwel(i). « C'eft merueiUes de
n'obligent nullement la confcience. » l'arrogance de ceft homme, laquelle il
Br. «"Mais certes. tels fermens n'ont a monftree mefme lors qu'il eftoit en
point efté Herodians & ne doyuent adolefcence ; & encore fe porte tant
eftre reputez tels. Mon dire eft ratifié audacieufement, ofant bien fe iouer
es com- auec les Confeillers de la Roine &
I au Hure que vous auez n'aguer
pofé : De la vraye obeiffance (i). »
RocHESTER , qui eftoit vn des affif-
autres gens d'eftat. » A donc fe regar-
dans l'vn l'autre en cholere, d'vn œil
tans, & affez près de la table , dit : de trauers, comme par defdain, Brad-
« Trefhonorez feigneurs , ie n'auoi ford les regardoit auffi, & parla à eux
iamais iufques à prefent entendu la comme il s'enfuit : « Trefhonorez fei-
caufe pourquoi ce Bradfordmaint a efté con- gneurs, Dieu qui eft & fera feul Juge
ftitué prifonnier ; ie voi enant , de nous tous, fait bien que comme
i'affifte deuant fa fainde maiefté , auffi
quelque caufe qu'il y ait, que vous
auez befongné prudemment en ceci, ie me porte ici humblement deuant
quand vous l'auez ainfi fait emprifon- vos reuerences, comme il eft raifonna-
ner. Que s'il euft efté en fa liberté, enil ble, me donnan t garde autant qu'il
euft peu faire beaucoup de maux m'eft poffible , à ce que ie ne vous
ce temps-ci. Parquoi pour quelque oflfenfe ou en paroles ou en fait, félon
caufe que ce foit qu'il ait tefté détenu que ie le puis conoiftre. Que fi vous
prifonnier iufques à prefen , ie conoi 'le prenez autrement, ie fai bien que le
maintenant qu'il eft tel que, mefme temps viendra auquel Dieu reuelera
hors la caufe gardé d'eftre
, il mérite bien» Bvrne ceci. Cependant i'ai bonne efperance
eftroitement par vous. que l'endurerai paifiblement &femble volon-
fecretaire : « Qui plus eft, par le rap- tiers tout ce que bon vous ra
port du Comte de Derbe {2), nous de dire & faire. » Ch. « Ce font-la
emblee belles paroles comme de reuerence ; cepen-
auons oui dernièrement en enl'afl^ la prifon dant toutefois en toutes autres
publique, que maintenant
il a fait beaucoup plus de dommage à chofes tu n'as fait que mentir, auffi ne
a ef- fais-tu que mentir en ceft endroit. »
la religion par les lettres qu'il auant Br. « le defire que Dieu qui fonde
crites, qu'il n'auoit fait aupar
quand il prefchoit publiquement en les cœurs , & qui feul eft autheur de
liberté (3). En ces lettres, il detefte la venté, m'arrache maintenant en vos
fort les faux prefcheurs & maiftres de prefences la langue de cefte bouche
doftrine corrompue (car voila com- qui parle à vous , & qu'il monftre vn
ment il appelé la dodrine qui ne ref- exemple en moi , duquel tous autres
pond point à la fiene) & exhorte de eftez, ou délibé
fi i'ai ré de
ices à mentir admonn
foyent ici deuant vous, me gaudir
grande aff'eftion tous fes compl
perfeuerer conftamment, & fe tenir à plaifir de quelque chofe que vous
fermes en la vraye doftrine laquelle
me puiffiez interroguer. » Ch. « Pour-
ils auoyent receuë de lui & des au- quoi ne refpons-tu donc.' As-tu pas
tres. » Il y en auoit auffi plufieurs au- efcrit des lettres telles que ceux-ci te
tres du confeil de la Roine, qui attef- mettent en auant } » Br. « le fai la
Lettres de .
Bradford toyent cela mefme : « Que dis-tu mefme refponfe que i'ai fait par ci-
homm e de bien ? refpon ; voudrois-tu ce que
; I'affifte
deuantcrit. i'ai efcrit eft défia ef-
pour encoura-
ger les fidèles. nier que tu n'ayes point efcrit telles ici deuant vous, fubmis à
lettres ?» Br. « Tant s'en faut que voftre conoiffance; vous pouuez faire
i'aye rien fait ou dit par fedition , que vou-
mon procès fur ces lettres fi vous
ie ne fen point en mon cœur que lez. Que fi vous le pouuez faire, ou
iamais aucune mauuaife penfee de fe- s'il y a quelque chofe en ces lettres
y
dition foit defcendue , dont ie ren
me puilTe accufer & blaf-
à bonon droit , ie mentiroi, fi le le
de quoi
mer
(i) Voy. plus haut, p. 125. nioi. » Ch. « 11 n'y auroit iamais fin
de Derby, Edward Stanley, en
(2) Lee comte
treizièm comte de ce nom. en ceft homme-ci. Or fus, di-nous
(3) On possède un grand nombre de fort bref, veux-tu qu'on te face mifencorde,
belles lettres de Bradford écrites durant sa
captivité. Voy. Foxe, Vil, 196-28Ç. (I) Sir Richard Southwell. Voy. p.
i8: LIVRE CINQUIEME.

OU non.' » Br. ■> le prie noftre Sei- res en maniement, de reformer l'eftat
gneur qu'ilceflc
m'ottroye fa mifericorde. de l'Eglife petit à petit & comme par
Que fi iiucc milericorde de Dieu, interualle. furent changées vne fois ou
vous vouiez auflî conioindrc la voftre, deux, ou pluftoft les liures elloyent cor-
ie ne la refulcrai pas. » Alors chacun rigez(i).Tonftal, Euefquede Dunelme,
elloit cmpcfchL^ à dire fon opinion ; reprochoit cefte diuerfité aux Euange-
l'vn en parloit d'vne façon, l'autre liques , comme les accufant de légè-
reté & inconftance. Il fit donc cefte
d'vne autre, & tous deuifoyent de fon
arrogance, affauoir qu'il reiettoit-ainfi interrogation à Bradford : Quelleforme
fièrement la mifericorde que la Roine de Religion il entendoit de toutes
lui prefentoit fi libéralement. celles qui auoyent efté fous le Roi
Bradford donc parla à eux en Edouard. Bradford lui refpondit :
celle forte : « Si vous me permettez " Monfieur l'Euefque, i'ai commencé
de iouir tellement du droit & liberté
à faire office de prefcher l'an auquel
des autres citoyens, que cependant le Roi mourut. » Burne le proteno-
auffi ie puifle retenir la liberté de ma taire print alors des tablettes, aufquel-
confcience , i'aurai matière de vous les il efcriuit quelque chofe. Finale-
rendre grâces de bon cœur de vortre
ment, après qu'ils eurent fait quelque
bénignité. Et fi ie me porte autrement peu de filence, le Chancelier retourna
derechef à la dodrine tt religion du
qu'il n'eft feant à vn bon citoyen &
paifible , vous auez des loix par lef- Roi Edouard , & s'efForçoit de monf-
quelles vous me pourrez punir. Cepen- trer qu'elle eftoit hérétique , pour
dant iene requier autre chofe de vous
cefte raifon
fentoit principalement
fa rébellion , qu'elle
& lefe maiefté. Au
finon que cefte grâce commune me foit
ottroyee, de viure auec les autres ci- demeurant, il n'amenoit rien de l'Ef-
toyens, iufqu'à ce qu'on trouue en moi criture,&on pouuoit par cela(difoit-il)
chofe digne d'eftre punie de mort par facilement iuger ce qu'vn chacun
les loix. Que fi ie ne peux impetrer deuoit fentir de telle façon de doc-
trine. Br. « O fi ainfi eftoit, monfieur
ceci de vous (comme ie ne l'ai peu
impetrer iufques à prefent) la volonté le reuerend , que vous puiffiez vne
du Seigneur foit faite. Amen. » Sur bonne fois entrer au fanauaire & au
ceci le Chancelier fit vne longue di- cabinet de Dieu, & là regarder la fin
greffion , & commença à vomir d'vne & riffue de cefte voftre dodrine, la-
bouche impudente de grands outrages quelle vous prifez maintenant fi fort ! »
contre le Roi Edouard , difant que Ch. « Que veux-tu dire par cc\a? Il
plufieurs auoyent eflé feduits par fon me femble bien que, fi nous le voulons
erreur. Puis après , quand il eut mis ouir vn peu , nous pourrons mainte-
fin à ces mefdisances, il adrefia dere- nant mefme fentir Quelque flair de ré-
chef fon propos à Bradford, tafchant bellion en fcs paroles. » Br. « le ne
de le furprendre en quelque forte, &
penfe à rien moins qu'à ce que vous
lui dit : u Et toi, homme de bien, que dites ; pluftoft ie regarde à vn but tout
veux-tu dire.' » Br. « Tout ainfi que contraire à celui que les hommes
la façon & dodrinede la Religion que fe propofent couftumierement deuant
noftre bon Roi Edouard a fuyuie, & leurs yeux charnels : c'eft le but de
laquelle il nous a recommandée par ceux qui, eftans entrez au fanduaire de
fon authorité , ne m'a iamais defpleu Dieu, contemplent les chofes ccleftes
tant qu'il a vefcu , auffi maintenant de- & non point celles qui font du monde.
Car les chofes qui font telles ef-
puis fa mort
meilleure, & mem'afens femblé
de iourbeaucoup
en iour blou'iffent facilement les yeux
plus confirmé en icelle; & C\ mon hommes, & les tirent en erreur. >- des
bon Dieu le permet , ie fuis preft de Or fur ceci, le Chancelier propofa
fceller ceci dans mon propre fang, derechef les conditions de vie & par-
auffi bien que ie le teftine de paroles don à Bradford , auquel il refpondit
maintenant. »
Les liurcs des de la mefme façon qu'il auoit fait au-
cérémonies
Or, du temps du Roi Edouard, il y parauant, aft"auoir qu'il defiroit bien
de lEglife auoit plufieurs liures apartenans aux qu'on lui fift mifericorde, pourueu
du temps, du obferuations A- ceremoniesde l'Eglife,
Roi Edouard, lefquelles combien que toutes peuf- (i) Ces liturgies et formulaires, publiés
fent bien feruir à la reformation de la sous Edouard VI, ont 6li rassemblés et
forment un volume de la collection des pères
Religion, toutefois pourcc qu'il fem- de la Réformation
Parker Scciely. anglaise publiée par la
bloit bon à ceux qui auoyent les affai-
lEAN BRADFORD.

qu'elle fufl conjointe auec la niiferi- alTauoir qu'il auoit refufé affez orgueil-
corde de Dieu , & non autrement. leufement la mifericorde de la roine ,
Auffi tort que le Chancelier l'eut oui qui lui auoit efté offerte , & eftoit de-
ainfi parler, il fit figne à aucuns de fes meuré opiniaftre , ne pouuant fouffrir
gens qui eiloyent dehors, qu'ils entral- d'eflre deftourné des opinions & er-
reurs du Roi Edouard ; toutesfois
fent; car en cefte aflemblee il n'y
auoit nul outre ceux qui ont elle nom- qu'il y auoit encore efperance que la
mez, & l'Euefque de Wigorne. Apres vie lui feroit fauuee, pourueu qu'il re-
que quelqu'vn y fut entré, le l'ecre- tournaft à fon bon fens. Puis l'admon-
taire Burne dit : « le fuis d'auis qu'on nefta de regarder diligemment à foi- Captieufedu
harangue
face ici venir le Geôlier, à qui nous don- mefme, cependant qu'il en auoit le Chancelier.
nions cellui-ci en garde. Vn feruiteur loifir. Poffible il auiendroit puis après
donc alla quérir le Geôlier, de la pri- que cette oportunité lui feroit oftée ,
fon de Marchai (i); & quand il fut là & qu'il fe repentiroit trop tard. Le
venu, le Chancelier lui commanda ex- tout eftoit encore en son entier; pour
preffémentqu'ilveillaftfurluidefipres, le moins qu'il y auoit encore remède,
Bradford que nul n'euft entrée pour venir parler veu qu'il eftoit entre les limites de fa
baillé au à lui. D'auantage qu'il fe donnaft puiffance, n'eftant encore liuré au bras
Geôlier. garde qu'aucunes lettres ne fufTent feculier. Qu'il fe propofaft les exem-
enuoyéees par fon prifonnierà homme ples de Cardmaker& de Barle (i) de
du monde. Et combien qu'il ne fe uant les yeux , defquels il difoit tout ce
desfiaft de la vigilance du Geôlier,
neantmoins il eftoit belbin que cefle qu'il pouuoit à leurs louanges, afin
que, par ce moyen, il enflammaft le
remonftrance lui fuft faite, qu'il y auoit courage de Bradford à les imiter.
pour l'heure plus de raifon pourquoi il Bradford, après cefle longue ha-
deuft garder plus foigneufement ce rangue du Chancelier, voulut auffi
prifonnier, qu'auparavant. Le Geôlier parler pour foi. Premièrement, il pria
donc s'en alla auec Bradford , ayant ceux qui lui eftoyent là ordonnez pour
ceftecommiffion du Chancelier, comme iuges , de vouloir diligemment confi-
il a efté dit. Et Bradford, fortant du derer, non feulement le lieu où ils
confeil, s'en alloit ioyeux & alaigre , eftoyent affis, mais auffi de qui c'eftoit
fans changer de face, comme celui qui
qu'ils reprefentoyent la maiefté & au-
thorité; affauoir du Juge fouuerain &
eftoit prefl d'endurer toutes chofes éternel, qui, félon le tefmoignage de
extrêmes pour le tefmoignage de la

I
Dauid, eft affis au milieu des dieux & Pf. 81.
dodrine del'Euangile, voire quand fur
le champ il lui euft falu efpandre fon des Juges pour iuger. Parquoi fi eux
fang iufques à perdre la vie. veulent eftre tenus & reputez enuefs
les autres pour miniftres & vrais offi-
ciers de Dieu , s'ils veulent auffi que L'office des
leur fiege foit eftimé comme vn throne
La féconde ioiirnce & procédure tenue
ou fiege iudicial
regardent de Dieuà ,eux
diligemment faut , qu'ils
à ce luges.
par Gardincr, Chancelier & fes ad-
ioints contre Bradford, au temple qu'ils ne fe deflournent tant peu que
au on appelle de la vierge Marie (2), ce foit du patron & exemple de celui
le vingtneufiefnie de lanuier M.D. duquel ils portent la figure & image ;
LV.
ains qu'ils s'accommodent au naturel
d'icelui le plus près que faire fe pourra,
Apres que Rogers eut efté con- veu qu'ils tienent fa place, comme dit
damné, duquel les ades & le martyre eft; qu'ils ne mettent point embufches
eft ci-deiTus defcrit (5), le premier de failace au fang innocent ; qu'ils ne
circonuiennent perfonne par queftions
qu'on fît venir en iugement, ce fut

i
Jean Bradford, lequel Gardiner & les ou par interrogats captieux, par lef-
Euefques qui efloyent auec lui firent quels ils enuelopent en laqs & fraudes
comparoir deuant eux. Lors Gardiner telles gens, qui toutesfois félon la loi
répéta en peu de paroles ce qui auoit font en liberté. Quant à lui, il reco- Ferme mentargu-
des iuges deuant
efté fait en la première procédure, noit volontiers le lieu où il eft, & leur

veut déférer tout ce que le lieu qu'ils équitables.


maintenant
occupent requiert ; & quecoulpable
(1) Foxe parle de 1' « undcr-marshcil » et il affifte deuant eux ou ou
non de la prison de Marchai.
(2) Si Mary-Overy.
(!) Page 90. (1) Voy. p. 157.
184
LIVRE CINQUIEME.

innocent. S'il cil coulpablc , il prie pluftofl quelque guerdon ou vne répu-
tation non ingrate, il auoit elle ietté
qu'on lui face Ion procès , Iclon les en prifon, où il auoit eflé gardé défia
loix & ordonnances. S'il eft innocent,
pour le moins qu'il lui foit loifible de long temps. Et quant à ce qu'on lui
louir du priuilege commun d'vn ci- mcttoit en auant des lettres qu'il auoit
efcrites en la prifon, il ne vouloit fur
toyen innocent , duquel il n'auoit peu cela refpondre autre chofe , finon ce
iouïr iufques à ce iour-la. G. << Ce
qu'au
tu as commencement
recitii du Pfeaume, de tonaflauoir:
propos qu'il en auoit défia dit le iour au para-
uant ; à quoi il fe tenoit nonobllant
leurs contradidions. G. « Mais ce
Dieu affifle en l'afTemblee des Juges,
&c. cfl bien vrai; mais tout ce que tu iour-la mefme, il fembloit bien que tu
voululTes obftinement défendre la doc-
dis, & toute ta contenance n'eft que
pure hypocrifie & affedation de vaine trine du Roi Edouard, cerchant occa-
gloire. » Là detTus il vfa de beaucoup fion par ce moyen de nous mettre aux
laqs. » Br. ce Défia des longtemps ie
de propos, tafchant de perfuader qu'il vous ai refpondu de ce fait . que par
n'ertoit point te! qu'il appetaft l'eiïufion
du fang innocent. Au contraire, reiet- fix fois i'ai iuré contre l'authorité du
tant lebiafme fur Bradford, l'appeloit Pape. Et fur cela ie voudroi fauoir
ceci de vous , comme ie defiroi pour
Orgueilleux
la Croix de &faind arrogant, d'autant
Paul il qu'enle
auoit fait
lors, aflauoir fi c'efloit au nom du Pape
mairtre & condudeur du peuple, prin- que me faifiez cefle demande ? Que fi
cipalement en vne façon de doarine ainfi euft eflé, ie ne vous eulfe peu
& religion, laquelle il maintenoit pour refpondre fans me periurer. Toutefois
lors d'vne manière fi obrtinee; ce qui ie vous déclare que mon efprit eft
ne fe pouuoit faire, fans grandement beaucoup plus fortifié en cefle façon
troubler l'Eglife & la Religion, félon de dodrine que nous auons fuyuie fous
mie les afaires fe portoyent adonc. Et le Roi Edouard . que lors que ie fu
difoit que c'eftoit la raifon pourquoi premièrement conftitué prifonnier; &
on l'auoit mis en prifon, en laquelle il fuis preft de rendre tefmoignage de ce
n'auoit point laiffé de faire auffi grands que ie Ji , non feulement par confef-
fion de bouche, mais auffi par eflTufion
troubles qu'auparauant, veu qu'il auoit
incité les cœurs du peuple par lettres de mon fang . fi la neceffité & la vo-
lonté de mon bon Dieu le requièrent. »

I
Le Comte efcrites, à s'endurcir à vne mefinc fa-
do Darbc.
dion de dodrinc, félon que le Comte G. << Il me fouuicnt voirement que
de Darbe l'auoit rapporté au Sénat. pour lors tu as mis en auant beaucoup
D'aiiantage, il lui remonUroit comment de paroles qui ne feruoyent de rien à
il s'efloit monflré oblViné à maintenir propos, comme fi le ferment fait con-
fa dodrine en la première affemblee , tre le Pape eufl eflé de fi grande im-
quand ils debattoycnt entr'eux de la portance. Mais quoi.'' Il efl certain
Religion. En quoi il vouloit auffi main- qu'il y en a plufieurs autres que toi
tenant elTayer & fonder quelle ref- & deuant toi qui ont fait vn autre fer- n'excufc
ponfe il lui feroit. Bradford, ayant fait ment, iaçoit que la raifon ne fuft fem- tude
la reuerence au Chancelier & à l'af- blable en tout & par tout. Car ce que La muiti
femblce, refpondit : premièrement tu couures ta confcience de ferment
quant à ce qu'on le blafmoit comme n'efi qu'vne pure hypocrifie. » Br.
hypocrite & arrogant, il lailToit cela au « Le Seigneur conoit quelle eft ma
iugement de Dieu, qui quelque fois confcience; lequel, comme il doit ve-
mettroit en lumière les cœurs & pcn- nir quelquefois pour crtre iuge , auffi
fces des vns & des autres; t*t cepen- m'eft-il maintenant tefinoin fi en ceci pas.
dant ilfe contentoit du tefmoignage ie fai rien par hypocrifie ou diffimula-
de fa confcience. Mais quant à ce tion. Parquoi ie refpon maintenant ce
qu'il auoit fait en la Croix de S. Paul, que i'ai protefté ci-deuant, affauoir
tant s'en faloil qu'il fe fentifl coulpa- que, pour crainte de me periurer, ie
ble n'ofe rien refpondre es chofes dont
que deDieu ce crime, qu'il nedoutoit
ne manifertafl point
la vérité de ce vous-vous enquerez, quand il fcmble-
fait à fon grand foulagement. Et fi roit que ma refponfe deufl feruir de
iamais il auoit fait quelque choie en
Quelque chofe, pour cftablir l'authorité
toute fa vie, qui peuft feruir au public, du Pape en ce royaume. » G. « Et
Il le purge pourquoi difois-tu au commencement
du crime & lui c'efloit principalement en ce iour-la
Impofé. qu'il auoit ferui; toutesfois pour cefle de ton propos que nous fommes dieux,
mefme caufc, pour laquelle il meritoit & que maintenant nous tenons la
lEAN BRADFORD.

place de Dieu , fi tu refufes de nous que nul autre ne vous a refpondu plus
refpondre, eflant interrogué parnous?» clairement. Je ne crain que ma con-
Br. 0 Afîauoir fi ce que ie difoi lors,
fcience ,quand l'heure viendra qu'il
& ce que i'aileguoi du Pfeaume, apar- me faudra mourir; autrement ie n'euffe
tenoit A cela, que tous reputent celle fi long temps difteré. » Le Chancelier
voflre authorité ou fiege que vous oc- fur cela, adrelTant fon propos à ceux
cupez, comme vne authorité et fiege de qui là eftoyent , dit : « Vous voyez
Dieu , puis que vous le voulez ainfi.
Pour celle raifon, eflant venu au tef- quelle eft l'arrogance de ceft homme-
ci, qui s'attribue plus de fageffe & de
moignage de cette Efcriture du Pfeau- confcience que tous autres feigneurs
me, ie vouloi bien vous admonnefter & gouuerneurs du royaume, & plus
comment vous deuez vfer de celle au-
thorité que vous auez de Dieu; & que tout le refle des hommes, de quel-
Le mefchant que eftat qu'ils foyent , & nonobftant,
penfe que qu'il ne faut point que vous vous def- pour direfcienceladu tout. vérité» ,Br. con-
nulle ceux
il n'a« Que
chafcun a tourniez de la iuftice d'icelui, duquel
jerdu la con- vous vous vantez d'eflre Lieutenant. qui font ici prefens iugent en vérité &
:ience comme Et quant à ce qui me touche, icelui
lui. droiture. Il y a plus d'vn an & demi
foit iuge, fi ie me veux couurir de que ie fuis détenu prifonnier; que
quelque hypocrifie , en propofant ce monfieur le Chancelier déclare quelle
ferment. » G. u Quand il n'y en auroit caufe il a eu de me conftituer prifon-
autre chofe que ceci, fi eft-ce qu'on nier. Iln'y a pas longtemps qu'il a dit
peut facilement conoiflre ton hypocri-
(ce qu'auffi monfieur de Londres a at-
fie. Car fi tu n'eulTes point fait de telle) que i'ai fait vn fermon au peu-
fcrupule de refpondre pour autre rai- ple en la Croix de faind Paul , fans
fon que pour le ferment , tu n'eulTes mandement ou ordonnance d'aucun.
iamais parlé de ceiie façon deuant Ici maintenant, en cette affemblee ,
nous, ains tu eulTes fur le champ ref- monfieur l'Eucfque de Bade (i) affilie,
pondu au faift. Maintenant on peut lequel me prelTa inftamment de ce
aifément aperceuoir, que c'eft-ci feu- faire; voire m'adiurant par la paffion
lement vne couuerture pour bailler de noftre Seigneur. A fa requefte, ie
couleur à ton filence, veu qu'autre- montai en chaire, & ne s'en falut gue-
ment tu n'ofes refpondre au faid ; & res que ie ne fulTe frappé du mefme poi-
cependant tu perfuades au peuple que
gnard qu'on auoit ietté contre Burne,
ce que tu as fait , c'a efté en bonne car le coup me pafia près du cofté.
confcience. » Br. « Les paroles dont
Apres que l'eus appaifé le trouble, il
i'vfai alors ne tendoyent point à ce l'abandon-
que ie neque
me prialederechef
naffe. lui fi promelTe tout ce
but, qu'elles fufi'ent pour refponfes
Oppofees à vos obiedions ; veu qu'en iour-la ie m'employeroi à procurer
ce temps-la vous ne m'obiediez rien. qu'il n'euft point de mal. Apres que le
Que fi vous euffiez bien penfé & con-' fermon fut fini , comme ainfi foit qu'il
fiderénullement
eflé ce que befoin ie difoide lors
faire, il n'euft
mention n'y euft nulle affeurance, ie me mis en
chemin auec lui ; &, en grand danger
du ferment. Maintenant voyant que de ma vie , ie le menai fain & fauf en
vous ne vous rendiez pas beaucoup at- vne maifon prochaine, en laquelle il
tentifs aux chofes dites, ains penfiez à pouuoit eftre à fauueté. Apres difné,
autres, & cerchiez occafion feulement
ainfi qu'il me faloit encore prefcher,
pour me faire tomber en periure, fi
quelcun m'auertit que ie me gardafTe
i'eulTe refpondu à ce que me propofiez de reprendre le peuple en ce faid;
au nom du Pape : pour cela l'en fai que fi ie le faifoi, ie ne defcendroi vif
confcience. Je ne cerche point de fub- de la chaire.
terfuge en cell endroit , & ne tafche refloi point à Tant y a que ie ne; mais,
ceft auertilTement m'ar-
point à deceuoir le peuple par faulfes préférant le bien public au mien par-
Sainfle har- couuertures. Car fi vous, trefhonorez
dielTe & ticulier, ie reprins aigrement ce tu-
Chrertienne feigneurs, qui efles ici affis pour iuger, multe qui auoit efté fait, & le nommai
protertation de me protefiez ceci franchement , que Sédition plus de vingt fois. Et pour
Bradford. vous ne demanderez rien de ce qui tout cela voici la belle recompenfe que
me face en quelque forte violer ma
foi & le ferment fait contre ie Pape , l'en r'apporte maintenant ; première-
ie refpondrai fi ouuertement & claire- ment que vous m'auez fait conftituer
ment aux chofes que vous me deman- (i) Gilbert Bourne, évêque de Balh. Voy.
derez, que vous aurez occafion de dire plus haut, p. 177.
i86 LIVRE CINQUIEME. champ [
Calomna

enuiron trois cens efcus (i) ; & ayant de Gardil


prifonnier , & dcfia m'aucz détenu fi réfutée fuQ
long temps pour me faire finalement fait ce beau feruice, il fe mit du parti
mourir. Que tous les hommes du de l'Euangile; & de larron l't pilleur
Bradford
monde iujjent maintenant où efl la il s'efl fait prefcheur, & toutefois il
nous veut mettre en auant fa conf-
confcience. » A bien grand'peine lui
iaifla-on acheuer ce propos iufques à cience. »Br. " Eftant apuyé fur la
la fin. G. " Combien oue ces paroles bonté de ma caufe, & ne fentant rien
foyent arrogamment dites , fi eft-ce en ma confcience qui me redargue en
que tu ne faurois perfuader, que ce ceci , ie desfie hardiment tous hom-
qui fut dernièrement fait à la Croix de
mes du monde. S'il y a quelqu'vn qui
S. Paul ne foit digne de condamna- puiffe intenter t^ former accufation
tion. »Br. « Et moi, ie maintien, au
contre moi que i'aye defrobé mon
contraire, que ce faid a elle légitime maiflre, ou fait fraude en forte que ce
& bon ; comme auffi vous mefmes le
foit, qu'il forme adion contre moi. El
pource, monfieur le Chancelier, que
confeffiez
deuant lorsDequefaidi'elloi
vous. , vousendifiez
la tour
en vous eftes le plus grand de la iuflice
de Ce Royaume , & conflitué en plus
ce temps-la, que l'ade eftoit droit,
mais la volonté peruerfe. Or fur cela grand degré de dignité & office que
ie vous refpondi : Que d'autant que les autres, l'appelle ici deuant vous,
vous aprouuiez le faid , neantmoins
afin qu'en feuerité de droid, fi ie fuis
reprouuiez l'intention ; en l'vn i'efloi trouué coulpable, ie fois puni (2). » Le
Chancelier & ce Chambreland laifTans
abfous de vous ; en l'autre , il me fa-
loit laiffer au iugement de Dieu qui
conoit les volontez & les manifeftera ce propos,
dire. dirent qu'ils
Le Chancelier l'auoyent
adioufta oui
: « En-
quelque iour. n Or le Chancelier auec core ya-il vne autre chofe fans cela,
aefdain nia qu'il euft iamais ainfi parlé ; laquelle nous propoferons contre toi. »
& dit qu'il n'eftoit fi defpourueu Et fur ce propos Boner, euefque de
Londres, fe mit en auant, & dit : « Et
d'entendement
ment entre les de difiinguer
faiâs Ci fotte-
& volontez des
quoi 'lia efcrit des lettres merueil-
hommes; mais il fauoit bien qu'il ne leufes à Pandclton (^,), qui conoit auffi
faloit point mefurer les ades & faids bien fa main que la fiene propre , &
des hommes par les euenemens, ains vous mefmes , monfieur le Chance-
lier,avez veu ces lettres. » Br. « Je
par l'intention de laquelle on les fai-
maintien que cela ne fe trouuera ; car
foit. Et qu'au demeurant on auoit fait
emprifonner Bradford à ,lad'autant ie n'ai efcrit ni enuoyé aucunes let-
refufoit de confentir Roinc, &qu'il
ne
lui vouloit obtempérer en la Religion. tres à Pandelton
enfermé en prifon., depuis
» Bo. qu'on
« Mais m'a
tu
Br. « Vous fauez, moniieur le Chan- as didé les lettres, & vn autre les a

rien de celier,
faitqu'auoucommencement il n'ynous
commencé entre eut efcrites fous toi. » Br. « le n'ai didé
ni efcrit lettres à Pandelton ; & ie ne
touchant la Religion ; ains vous difiez fai que fignifie ce que mettez en
auant. » Alors vn certain fecretaire du
que quelque autre fois vn temps vicn- Confeil ramentut au Chancelier les
droit, propre pour en conférer. D'auan-
lettres que Bradford auoit efcrites aux
ta^e , ainfi foit que i'aye cdé mis en habitansde Lancaftre. " Il eft vrai, dit
prifon à caufe de la Religion; toute-
fois veu que les ordonnances & loix
publiques de ce temps-là , tt que les (i) méeSir John avait
Harinpton, trésorier de ser-
{"ar-
droits du royaume eftoyent pour moi à Calais, eu Bradford h son
& ma Religion, de quelle confcience vice, comme on l'a vu. Il résulte de ce
passage et d'un autre, dans les lettres de
pouuoit-on faire alors que ie fulTe de- Bradft>rd . que ce personna(;e s'était rendu
tenu en prifon pour telle caufe.- >> coupal'>lc de malversations. Peut-être Brad-
SvR ceci, vn gentil-homme de Wod- ford, qui n'était pas alors un chrétien , y
ftoken , dit Chambreland (i), fe leua avait-il participé, au moins comme instru-
ment. Dans les Ncks and Qucrics . le Rév.
E. C. Ilarington, descendant collatéral de
debout deuant l'affiflance, iv rapporta
au Chancelier que Br.idford auoit Sir John , soutient , en s'appuyani sur Sirype
efté autrefois feruiteur de monfieur et sur Sampson. l'ami de Bradford , que
Haryngthon. Sur quoi le Chancelier celui-ci fut le seul coupable, mais qu'il ré-
para ensuite sa faute.
dit : " Voire, & fi defroba à fon maiflre
(2) La réponse
anglais, est & la defoisBradford , dans l'original
moins longue et moins
catégorique.
(!)
stock.
Masier Chamberlain , of Wood- 0) Le D' Pendleion, apostat qui abjura
deux ou trois fois.
lEAN BRADFORD.

le Chancelier, car nous auons fon ef- moyen pour y paruenir. Les Payens
criture, laquelle rend tefmoignage de penfent iouyr du ciel par lupiter , par
cela. » Juno & autres dieux forgez à leur
fantafie ; les Turcs par leur Alcoran
& Mahomet; & ainfi confequemment.
Toute la queftion donc & difficulté
Dijputcs €■ combats particuliers que efl , que fuyuans tous autres efgare-
lean Bradford eut contre diuers mens, nouscerchions le feu 1 chemin qui
Théologiens, au mois de Feurier, & meine droiél au ciel, fans fouruoyer. » •
des autres cJwfes qu'il a faites duranl B. « Si nous tafchons d'aller au ciel,
fon emprifonnement. il nous faut fur tout garder que ne
nous forgions nouuelles voyes pour y
Le quatriefme de Feurier, lors paruenir , outre celles que lefus
qu'on executoit lean Rogers , Boner Chrifl, qui eft la voye, nous a propo-
vint en la prifon de Countree (i), en- fees en fa parole & en fon Eglife. La
uiron une heure après difné, pour voye efi Jefus Chrift le Fils de Dieu , La vraye voye
dégrader le docSeur Taylor , dont félon que lui-mefme tefmoigne, difant : à falut.
mention a eflé faite ci delTus (2). Il « Je fuis la voye, &c. " Ha. a Ce que pour paruenir
lean 14. 6.
parla lors à Bradford qui eftoit auffi vous dites eft vrai. Et de fait, il eft nof-
détenu en la mefnie prifon, & lui dit : tre Père , & l'Eglife fon efpoufe eft
noftre mère. Tout ainfi que de noflre
« Pource que i'ai entendu que tu dé- vieille nature nous auons tous Adam
lires qu'on t'ameine quelques gens fa-
uans pour conférer , voici i'ai amené pour père, & Eue pour mère , fembla-
monfieurl'Archediacre Harspfild (5). » blement, en la génération fpirituelle,
Br. « Jufques à celle heure ie n'ai lefus Chrift nous eft Père , & l'Eglife
point autrement defiré de conférer, & nous eft mère. Et tout ainfi qu'Eue
ne le defire point pour le prefent ; a eflé faite de la cofte d'Adam , auffi
toutefois fi quelcun vient ici pour de- l'Eglife du cofté de Chrift, duquel le
uifer, ie ne refuferai point de parler à fang efl forti pour purger nos péchez.
lui. " Boner, fe mettant en cholere, dit Mais dites-moi : l'Eglife a-elle eflé
au Geôlier : « Quoi ? ne m'auois-tu de tout temps, ou non .'' » Br. « Elle
pas dit que ceflui-ci defiroit auoir a eflé depuis la création du monde, &
quelque homme fauant, auquel il peuft fera toufiours. » Ha. « Vous auez
defcouurir fon cœur ? » Le Geôlier bien parlé ; mais cefte Eglife eft-elle
Commentefl
l'Eglife
refpondit : « Monfieur , voici ce que vifible, ou non? » Br. « ie confelTe
i'ai dit, que fi quelcun venoit vers lui qu'elle eft vifible , en forte toutefois
pour deuifer, il le receuroit volontiers; qu'elle eft vifible comme Chrift lui-
mefme a eflé vifible entre les hommes, vifible. •
mais il ne m'a pas dit qu'il euft affec- fans oftentation ou pompe externe du
tion ,ou qu'il pourchalTart de conférer
auec quelque autre, i Bo. « Or fus, monde , & ne monftrant aucune apa-
Bradford , ie conoi que vous efles en rence de gloire mondaine. Tellement
la grâce de plufieurs; confiderez le
que, fi nous
vifible, voulonsdoiuent
nos yeux contempler l'Eglife
eftre tels que
fait ainfi qu'ilde apartient
outrecuidé refufer ,la& douceur
ne foyez &fi
ceux defquels Jefus Chrift eftoit
clémence , laquelle vos amis vous of- vrayement regardé, tandis qu'il viuoit
frent, j)Harpsfild commença d'affez au monde. Car tout ainfi qu'Eue a
haut propos aborder Bradford , du- eflé d'vne mefme fubftance qu'Adam ,
quel la fomme tendoit à ce but : Que auffi l'Eglife a vne
tous hommes, de quelque pays ou re- mune auec Chrift ; & fubftance
comme S. com-
Paul
ligion qu'ils fuffent , Turcs, Juifs, dit Ephef. (, : Elle eft chair de la
Anabaptiftes, Libertins, & auffi Chref- chair , & os des os de fon efpoux ;
tiens, eftoyent menez du defir de par-
uenir à la iouyflfance du fouuerain parquoi tout
gardans reconuainfipour
qu'ilChrift
eftoit, affauoir
aux re-
bien & béatitude ; & qu'il n'y auoit aux yeux de ceux qui le mefuroyent
nation qui par fa religion n'efperaft de par fa parole , & non point au regard
paruenir à vn bien & félicité fouue- charnel ; par cefte façon mefme ie
raine ; mais tous ne tienent vn mefme voudroi dire que fon Eglife eft vifible
en terre. » Ha. « le ne fuis pas ici couure Le Sophifte
commefe
(0 The Compter. pour confé- il peut.
venu pour difputer, mais
(2) Voy. p 121.
rer & fuyure ce que i'auoi commencé.
(5) Voy. p. 114. Je vous prie donc, dites moi, cefte
i88 LIVRE CINQUIEME.
le mefme en la nouuelle Eglifc après
Eglifc n'efl-clle
multitude pas compofee
ou alTcmhIcc d'vne»
d hommes.' le temps de Chrift, affauoir que finn pen
Br. " le ne vous nierai pas cela , comme au temps palfé, les faux-Pro- De lanoilé
fid
combien que ie fâche qu'il y ait quel- phetes , & ceux qui auoyent le gou-
que surprife cachée. » Ha. « Cède uernement principal, eftoyent contrai-
res aux vrais Prophètes de Dieu , on
Enlife n'a-elle point l'adminidration ne doit auffi attendre autre chofe en-
de la Parole par deuers foi .- " Br.
ic Vous vfez de longs circuits pour tre les Euefques de ce temps-ci &
finalement venir à quelque poind. Si, ceux qui ont la principale authorité
par le minirtere do la Parole, vous en- en l'Eglife. » Ha. « Vous faites tou-
tendez la profeffion de l'Euangile , fiours des digreffions ; fi ne lairrai-ie
i'accorde que l'Eglile a cefle adminif- point demencépourfuiure ce que
tration par deuers foi ; autrement ce de la fucceffion des i'auoi com-
Euefques.
miniflere de la parole eft fouuent em- Premièrement , ne m'accordez-vous
pefché par perfccutions. « Ha. « le pas que les Apoftres ont efté Euef-
t'enten ainfi ; mais dites moi fi l'Eglife ques.' »Br. « Nenni, finon que vous
n"a point auffi l'adminidration des Sa- donniez vne nouuelle défini tiond'Euef-
crcmens .' « Br. « le le confelTe ;
que , car ils n'ont point eu certain
toutefois, afin que ie ne vous coupe fiege pour adminiftrer leur charge. »
broche, (car ie conoi à quel but ten- Ha. c< Cela eft bien vrai, que la charge
dent ces interrogations) ie penfe que
vous ne nierez point que fi , au milieu des fice
Apoftres eftoit , difl"ercnte
des Euefques de l'of-
car la charge des
Le Baptefme Apoftres eftoit vniuerfelle, & efpandue
des Héréti- de l'Eglife des hérétiques, le Sacre-
ment du Baptefme eftoit adminiftré , par toutes les régions du monde ,
ques. comme nouslifons auoir efié du temps combien que le Seigneur a auffi lui
de S. Cyprian , tel Baptefme des hé- mefme ordonné des Euefques en
rétiques ne lairroit pourtant d'eftre l'Eglife,
Il en a félon
donnéqueaucuns
S. PaulPafteurs,
tefmoigne:
les
Baptefme , voire tel qu'on ne le doit Ephef. 4.r
autres Prophètes , &c. Ainfi peut-on
point réitérer,
hérétiques, combien anticipoit
n Bradford qu'il foit des
ces conoiftre facilement par les Efcritures
propos, à caufe de ceux qui eftoyent là que cefte fucceffion des Euefques, de
prefens , à celle fin qu'ils entendiffent laquelle i'ai fait mention , eft tenue
que combien que l'Eglife Papifiique pour vne
s'vfurpafil'adminiftrationdu Baptefme, glife. »Br.marque eft'entielle
<( le confeffe de l'E-,
voirement
pour cela toutefois ne la doit-on re- que la difpenfation de la parole de
Dieu , & les miniftres mefmes conf-
puter efloignez
vous cftre vraye deEglife.
voftre» Ha. « 'Vous&
propos,
tituent bien quelque m:irque d' Eglife;
voi bien que vous n'eftes point infe<5lé neantmoins, fi on rapporte ceci feule-
d'vne feule herefie. » Br. ■< 'Vous le ment aux Euefques & A la fucceffion
dites ; il refleroit de le prouuer par d'iceux , cela n'eft que farder le pro-
raifon. » Ha. « Ceci toutefois de- pos &, le defguifer par fubtilité cap-
tieufe. Et afin que ceci foit mieux
meure véritable,
minifiration de laque l'Eglife
Parole a l'ad-
& des Sa- La dilTercnci
conu : Quelle différence penfez-vous entre Minid
cremens. Que fera-ce donc r Ne & Eucrqufl
qu'il y ait entre les Euefques i^ les
Miniftres, que vous appelez Preftres ?»
direz-vous pas auffi qu'elle a puifTance
de iurifdiftion .' » Br. « Quelle iurif- Ha. « l'eftime qu'il n'y a nulle diffé-
diflion eft exercée au temps de la
perfecution & affliflion r » Ha. » Elle rence. »Br. (1 Ce m'cft aft"ez: pour-
a la fucceffion continuelle des Euef- fuyuez
blc bon, donc& maintenant
voyons ques'il vous
vous fem-
auez
ques, qui eft vne marqiie certaine pour gagné en cefte fucceffion de vos
prouuer l'Eglife. >. Br. « Vous ne Euefques; ce qu'il ne faut & ne
trouuerez point en foutes les Efcritu- peut-on autrement entendre finon de
res, que cefte fucceffion des Euef- ceux qui adminiftrent purement & fidè-
ques foit mife pour vne marque cer- lement laparole du Seigneur, A non
taine de l'Eglife. Premièrement, elles point de ceux qui exercent domina-
. Thcir. 2. 4. tion fur le troupeau. » Ha. <• Vous
Pier. I. II. tefmoignent que l'Antechrift fera affis vous efloignez de la vérité. Pourriez-
& 12. en l'Eglife de lefus Chrift Outre-
plus, faind Pierre nous enfeigne que, vous produire en toute voftre Eglife
tout ainfi qu'il a tittù iadis fait en vne telle fucceffion d' Euefques &
l'Eglife ancienne auant la natiuité du Prélats, outre l'adminiftration de la
Seigneur Jefus, auffi faut-il attendre parole & des Sacrcmens ? Pour cefte
lEAN BRADFORD.

raifon il faut dire necelTairement que noftre Créateur, fois propice & fauo-
rable à nous tous, & à tout ton peuple,
vous elles hors de l'Eglife, & par con-
fequent feparé de falut. PolTible que par le fang de noftre Seigneur lefus
vous produirez quelque magnifique ton Fils , & deliure-nous des faux
apparence de fucceffion en ces der- dofteurs & conducteurs aueugles, par
niers ans en voftre Eglife de quelques lefquels (helasi) il eft à craindre que
hommes nouuellement fufcitez ; mais
ce Royaume d'Angleterre ne reçoyue
pour certain , vous ne pourrez conti- quelque grand inconuenient. Bon
nuer ceft ordre , ne fuyure , ne con- Dieu & Père de toute mifericorde ,
ioindre par aages continuels, comme vueille nous faire grâce pour l'amour
en montant par degrez , auec les pre- de Jefus Chrift ton Fils, de nous con-
feruer en fa vérité auecques ta poure
miers temps de l'Eglife. » Br. « le
penfe que vous me permettrez bien Eglife , Ainfi foit-il. » L'Archediacre
de fuyure l'Efcriture comme vraye ayant fait promefi'e
lendemain, de retourner
fe retira pour ce iour. le
guide & conduite, & pour la demonf-
tration de ceci acommoder les exem-
ples des bons. En premier lieu, fainft
. & 7- Eftienne , le premier des Martyrs, a
efté blafmé & accufé par les princi- Comment r Archediacre Harpffildabor-
da lean Bradford pour [a féconde
paux gouuerneurs & prélats de l'Eglife
fois , où il eft déclaré dôdement
de fon temps , & condamné d'iceux
prefque pour la niefme raifon de la- quelle glifeefl la vtaye fucceffion de l'E-
quelle nous fommes auffi accufez & du Seigneur, & de la certitude
'ourquoi opprimez. Et faintS Eftienne, comment d'icelle quant à la doârine. Puis il
Eftiene fut fg purge-il contre les accufations eft parlé de la prefence de Chrift
—fecute. fauffement intentées contre lui ? ce aux facremens , item de ceux qui
n'eft point en montant du bas en ont forgé les pièces de la Meffe.
haut : ains pluftoft en defcendant des
fiecles hauts & precedens à ceux qui Le XVI. de Feurier, ceft Archedia-
font venus après; & ce par tels de- cre retourna derechef en la prifon ,
grez ,que fon ordre ne continue pas comme il l'auoit promis. Apres les fa-
d'aage en aage; mais commençant par lutations, répétant les propos aupara-
Abraham, & par ordre recueillant les uant tenus & commençant , vint à
monftrer la fucceffion continuelle des La fucceffion
aages precedens , il déduit le fait iuf-
ques au temps d'ifaie & iufques à la Euefques : premièrement en Angle- '^^^ Euefques.
captiuité du peuple. Puis, comme fai- terre depuis 800. ans ; en France &
fant vn grand faut , laiflfant beaucoup à Lyon depuis 1 200. ans ; en Efpa-
de fiecles, il vient iufques à fon temps, gne, en la ville de Seuile, de 800. ans ;
& à parler des principaux gouuer- à Milan & en Italie, depuis 1 200. ans.
neurs qui eftoyent alors , lefquels il Et, pour mieux faire valoir fon dire, il
appelé à bon droi<ft : Génération per- tafchoit faire le mefme de l'Eglife
uerfe. Maintenant auffi ie vous pour- Orientale. Ayant mis fin à fon pro-
rai bien prouuer quelle eft ma foi par pos ,il exhorta Bradford à reconoiftre
vn ordre femblable ; ce que vous au- cefte rer.
Eglife
tres ne pourriez faire. » Harpsfild, Bradford, l'auouër & lui àobtempé-
, refpondant ce long
voyant qu'il ne pouuoit rien gagner amas , dit qu'il n'auoit pas fi ferme
fur lui, ains que fa caufe par tels pro- mémoire , de refpondre de poinâ; en
pos pourroit eftre fufpede , fe leua
poind à ce long récit qu'on auoit fait,
pour s'en aller. Alors le Geôlier & & pourtant il refpondroit aux princi-
autres qui eftoyent là prefens, dirent paux articles de la matière en gêne-
à Bradford qu'il fe Fendit docile à rai ,vc;u que cefte fi longue harangue
monfieur le grand Archediacre , qui de Harpsfild eftoit pluftoft faite pour
repetoit fouuent ce mot, que Brad- perfuader que pour prouuer. Il dit
ford eftoit hors de l'Eglife. Mais donc : « J'eftime que, fi les Pharifiens
Bradford refpondoit qu'il n'eftoit point euft'ent requis de Jefus Chrift ou des
feparé de l'Eglife de Chrift, & qu'il Apoftres (lors qu'ils eftoyent ici bas
pourroit rendre certaine raifon de fa
au monde)
euft confentivneà fa fucceffion
dodrine,d'Eglife qui
il euft fait
doftrine & religion, par aages conti-
nuels. Et après auoir tenu ces propos, cela mefme que ie fai maintenant, af-
Oraifon de il fit fa prière à Dieu comme s'en- fauoir,
Bradford. fuit ; „ O DiEv & Père tout-pullTant, mefme &qu'il eufl produit
la parole de Dieu lareceuë
vérité ,
190 LIVRE CINQUIEME.

non point par les Pharifiens it les hors de la fynagogue. " Ha. <c Quel-
principaux Sacrificateurs qui l'ont per- que chofc qu'il y ait, vous donnez
fccuté , ains par les Prophètes, A aft"ez à conoiftre que vous ne lailTez
. hommes fimples & craignans Dieu , du tout aucune prefence de Chrill au
qui eftoyent lors reputez hérétiques Sacrement, & que vous difcordez
par cefte troupe qui fe glorifioit du d'auec nous en tout & par tout. »
titre, de i'autnorité, de la fucceffion Br. « le di que ie confelTe la vraye
I. Pierre 1. & du lieu de l'Eglife. Et faind Pierre prefence du corps de Chrift , aflfauoir
mefme m'induit aie penfer ainfi, quand qu'il eft prefent à la foi de ceux qui le
il dit : <i Telle qu'a efté la condition prenent fidèlement & fainiftement. »
de l'Eglife auant la natiuité de Chrift, Vn de ceux qui affiftoyent lui de-
elle fera auffi après. » Or eft-il ainfi manda :a Entendez-vous parler de la
que les principaux gouuerneurs de prefence de ce corps qui eft mort pour
nous r • Br. « Je di du vrai corps de
l'Eglife
la venue perfecutoyent
de Chrift , illesfaut
fidèles
donc auant
dire lefus Chrift, qui eft Dieu & homme,
Commeni les qu'ils la perfecuteront après Chrirt. » lequel nourrit
tement , realement l'ame &du defidèle
fait. prefen-
» Ha.
Eucfqucs Ha. « lela pourroi
déduire (s'ildes
fucceffion eftoit befoin)
fouuerains
Papilles « Que veut dire donc que vous niez
gardent Sacrificateurs en Icrufalem iufques à la puilTance de Dieu, en oftant du Sa- De la rece|__
l'Efcriturc. crement lavérité du miracle ? » Br.
Aaron mefme. N'auoycnt-ils pas la
Loi de Moyfe } » Br. « Oui , & mefme « le n'exclu nullement la puilTance de
l'ont çardee comme vous gardez au- Dieu, mais vous autres l'excluez. Car tien & prefeiMI
iourd'nui la Bible & les liures de la ie croi que lefus Chrift, félon fa puif-
fainde Efcriture, defquels toutefois fance infinie , baille à accomplit ce de Chrill.
vous ignorez le fens, ou le corrompez qu'il nous a promis ; & quand nous
de propos délibéré. Mais, pour le faire venons à fa fainde table . ce n'eft
court, ie fai que la mort eft tous les
iours prochaine de ma telle . & ie point
morceaupour cefte nous
de pain raifon
y eftqu'vn petit,
prefenté
l'attend de vous autres d'heure en mais c'eft à cefte fin que nos âmes
foyent remplies & raffafiees de Chrift
heure. Parquoi puis que i'ai fi peu de
temps à viure en ce monde, mon ef- par le moyen de la foi, que les infidè-
prit eft adonné à cela , de pa(Ter ce les n'ont point, & ne fe peut faire
f)eu de temps auec mon bon Dieu , & qu'ils mangent le corps de Chrift, veu
Bradford veut e prier qu'il lui plaife me donner vn que le corpsmorte de Chrift n'eftamepoint vne
entendement paifible. Vous me par- charongne & fans & vie,
racheter le
donnerez donc , fi pour cefte heure ie & que ceux qui font participans de
temps qui lui
eli court. fon corps font auffi participans de fon
pren congé, vous merciant de l'huma- De la Mein
nité it affedion qu'auez enuers moi. » Ha. »(t Vous eftimez la MelTe eftre
efprit.
Sur cela, il fe leva comme pour s'en abominable, & nonobftant on dit que
aller; mais l'Archediacre , defirant de
iafer d'auantage , lui rcmonftra par S. Ambroife l'a chantée. » Pour prou-
pluficurs paroles en quelle dangereufe uer cela, il allégua vn lopin de fen-
condition eftoyent fesafaires. Br. " l'ai tence cunsdudit S. Ambroife
lieux communs amaffez, prife d'au-
de quelque
cefte fiance que ma mort ne fera def-
agreable A Dieu , iSr que tous fidèles autheur de légère foi. Br. « Du
en receuront confolation. » Ha. « Mais temps de S. Ambroife , on ne fauoit
que feroit-ce fi vous eftes deçeu de du tout que c'eftoit de la MelTe, telle
voftre opinion ? i> Br. « Que fera-ce qu'on l'a depuis façonnée ; car quant
fi vous dites auc ce foleil ne luit Grégoire &
Scholadiqul
au canon d'icelle, S. Grégoire & Scho-
point , qui efclaire par fes rayons rongeurs
laftique en ont forgé la plus grand"- canon de dula
maintenant .' » Har. « Voila dequni part. r, Ha. « Je confeffe que S. Gré- Meire.
ie fuis efbahi de vous voir fi alTeuré
canon goiredea compofé
la MelTe.la plus grand'part
Au refte, du
ce Scho-
en voftre efprit , n'cflant point de
l'Eglife catholique. " Br. <• Jaçoit laftique. duquel tu fais mention, eftoit
que ic fois banni de voftre Eglife , deuant S. Ambroife (1).» Br. « le ne le
toutefois i'ai certitude que ie fuis en penfe pas, combien qu'en cela ie ne
l'Eglife de Chrift, de laquelle ie fuis (1) Il est probable que Scholastique était
enfant obein"ant , & me confie, qu'il cnnlcmporain de Grégoire, et par consé-
n'vfera point enuers moi de moindre quent bien postérieur à Ambroise. Vm-.
Ucllarmin. De Miss j , II, 19; Clarkson, On
humanité, qu'il a iadis monftree à Liturgits, Lond., 1689, p. 8j.
lean 9. c m. l'aueugle que les Pharifiens ictterent
lEAN BRADFORD.
191
débattrai point opiniaflrement. S. Gré- propos , e*fc en cefte forte prindrent
goire confelTe que les Apollres mef- congé amiablement l'vn de l'autre.
mes ont chanté la meire; mais c'a efté
fans le Canon , fe contentant feule-
ment de l'oraifon Dominicale. « Ha.
« Vous dites vrai , car ce Canon ici
Le propos que l'Archeuc/que d'York
n'ell pas la principale partie de la & l'Eue (que de Cieejhe (i) eurent
MelTe, mais le Sacrifice, l'Eleuation, auec Bradford, loucliant la vraye &
la Tranffubflantiation & l'Adoration.
Et ces mots : Faites ceci , monllrent
faui]e Egiij'e.
aflfez le facrifîce de l'Eglife , auquel il L'Archevesqve d'York & l'Euef-
eft impoffible que puiffiez contredire. » que de Ciceftre vindrent le xxiii. de
Br. « Vous confondez tout, ne fai- Feurier vers Bradford , & lui monf-
fant point de dillindion entre le fa- trerent figne de douceur & humanité ,
e de
le & crifîce de l'Eglife & le facrifice pour principalement l'Archeuefque. En puis
pre-
mier lieu, ils le firent couurir,
■lie.pour l'Eglife. Car le facrifice de l'Eglife
n'ell point propitiatoire , ains pluftoft alTeoir auprès d'eux pour conférer.
d'aftion de grâces; tellement que Fai- Mais quelque chofe qu'ils filTent &
tes ceci ne regarde rien moins que le allegualfent qu'obeilTance vaut mieux
facrifice ; mais il fe rapporte à toute que facrifice, Bradford demeura de- I. Sam. IÇ. 22.
l'adion de prendre, manger, &c. » bout &
, pourtant eux auffi fe leue-
Ha. « Jefus Chrift n'a point donné rent. L'Archeuefque commença fon
cefle Cène finon à fes i 2. Apoftres , à
propos , qu'ils efloyent là venus de
laquelle il n'a point admis fa mère leur propre mouuement pour un de-
mefme , ni aucun des feptante difci- uoir d'amitié , laquelle défia des long
ples. Or les Apoftres nous reprefen- temps il auoit eue vers Bradford, fe
tent les Preftres. » Sur cela , Harps- donnant de merueille , comment fe
fild amena vn palïage de Bafile ; mais pouuoit faire cela, qu'il fuft certain de
Bradford déclara fufiifamment que ce fon falut, en la religion qui défia de fi
palTage allégué n'eftoit pas allégué à long temps eftoitle condamnée
glife. Bradford remercia dede cefte
l'E-
propos. Puis il lui dit : « Le temps ne
porte pas maintenant de debatre auec bonne volonté , & dit que ce qu'il ef-
vous du fens ambigu des Dodeurs. toit certain tant de fon falut que de fa
l'ai efté long temps détenu en prifon, religion, eiioit par la parole de Dieu.
& longuement forclos de tous Hures L'a. « Cela cfl bien dit; mais com-
& moyens necelfaires pour mon ef- ment conoiftrez-vous cefte parole de
tude ; en outre, la mort, qui n'eft pas Dieu, finon que l'Eglife vous la monf- Comment
loin de moi, me contraint vous prier tre i 1) Br. « Je ne nie pas que l'Eglife 'Eglife nous
de me lailTer , afin que ie me puiffe ne férue grandement à faire conoiftre monrtre la
préparer pour ce iour bien heureux la fainde Efcriture , comme la femme
Dieu,
du fupplice qui approche. » H a. « Cer- Samaritaine feruit de beaucoup aux
tainementie
, defireroi de bon cœur citoyens de fa ville en leur annonçant lean
parole4. de
19.
vous faire quelque plaifir, tant pour Chrift ; mais quand ils virent Jefus
voftre corps que pour voftre efprit. Chrift mefme deuant leurs yeux, après
Car ie vous aft'eure que vous eftes en l'auoir oui parler, ils en eurent telle
grand danger, & de l'vn & de l'autre. » certitude qu'ils creurent à lui, non
Br. « le vous mercie de voftre vo- point pour les paroles de la femme ,
lonté. L'eftat où ie fuis (quelque mais par la parole indubitable d'ice-
chofe que vous en iugiez) ne me fem- lui, adiouftans à icelle la pleine foi. >>
bla iamais plus heureux , car la mort L'Archeuefque lui dit que cefte parole
me fera vie. » Alors Perfeual Cre-
n'eftoit encore rédigée par efcrit du
fuel (i), à fon tour, exhorta Bradford temps des Apoftres. Bradford refpon-
qu'il priaft Harpsfild de vouloir faire dit : « Cela eft vrai , s'il eft entendu
requefte pour lui. Br. « le ne vou- du nouueau Teftament & non point
droi qu'aucun fuft mis en peine pour du vieil, félon que S. Pierre tefmoi-
me faire obtenir quelque prolongation gne au premier ch. de fa 2. Epiftre ,
de temps. » Ce fut la fin de leurs où il dit : « Nous auons la parole des

(i) Percival Creswell, que Foxe appelle (i) Le D' Nicolas Heatli, archevêque
" une ancienne connaissance de Bradford » d'York {supra, 9; ), el le D' George Day,
(Vil, 167). évêque de Chichesler (t. I, p. ;2> ).
IQ2 LIVRE CINQUIEME.

i
Prophètes plus forme. » Non pas L'ev. « Cela n'eft point à propos. »
Br. « Qui auroit maintenant de tels
qu'elle full autre , mais d'autant que
les Apollres lors conuerfans auec les yeux defquels cefte Eglife-la euft peu
eftre regardée alors , vous ne diriez
hommes, i^ enuironnez (J'in(irmité, ne Il ne faut
pouuoyent élire tellement eflimez que pas que ma refponfe eft nulle. Que fi (oiiriours r6
rauthorité de la parole deuft élire ré- cefte Eglife n'eft euidente deuant les
putée 11ferme & irreuocable que celle
yeux , ce n'eft point l'obfcurité de garder
des yeuxl'EgU
coi
des Prophètes. Et toutefois l'vne & l'Eglife qui en eft caufe , mais ce font
l'autre edoit fortie d'vn mefme au- les yeux qui font efblouis, & qui ne la
theur de vérité , qui eft le S. Efprit. »
peuuent
tes voir. » L'Ev.
grandement abufé« Vous
, en vous ef-
faifant
L"a. « Les paroles de S. Pierre ne porels.
doyuent eflre entendues en cède forte
de la parole efcrite , car vous fauez ainfi
uelle comparaifon
Eglife. Nousde oyons l'ancienne & nou-
Chrift par-
qu'Irenee & les autres dofteurs ont lant ainfi : l'édifierai mon Eglife , &
toufiours plurtoll allégué l'authorité de non pas : le l'édifie. » Br. « Je ne
l'Eglife, en leurs efcrits contre les penfe pas que vueilliez fonder vn ar-
hérétiques, que les faindes Efcritu- gument de cela , comme s'il n'y auoit
Irenée auoit res. » Br. « Il ne s'en faut efbahir, point eu d'Eglife deuant la venue de
à qui
faire à gens veu qu'Irenee auoit à faire auec des Chrift ; pluftoft me diriez-vous , qu'il
nioyent j njoyent les Efcritures , & 2. Cor. ;. 6.
I Efcrilure. & ^ . •' . i a n n'y a que
finon pointDieu aucunfeulbaftiment
y mette d'Eglife,
la main ;
neantmoins tenoyent les Apoftres en
grande réputation, parquoi il faloit ne- autrement Paul plante & Apollos ar-
celTairement qu'ils fortifialTent leur roufe , mais il n'y a que Dieu qui
caufe par l'authorité des Eglifes qui donne accroiirement. » L'a. « Cef-
auoyent efté drelTees par Jes Apof- tui-ci fait comme tous autres de cefte
tres. » L'ev. <> Il eft ainfi comme vous fadion ont acouftumé de faire , de fe
dites. Car les hérétiques lors reiet- conftitueriuges&cenfeursde l'Eglife. »
toyent toutes les Efcritures , excepté Br. « Meffieurs , ie vous defcouure
vne petite partie de S. Luc Euange- fimpicment mon opinion , & defire
lifte. » Br. « Et quel befoin ell-il qu'on m'ameine fuffifante raifon. S'il
vous femble bon de réduire en mé-
donc d'alléguer l'authorité de l'Eglife moire toute la procédure & façon de
contre moi, veu que tant s'en faut que ma condamnation, ie fai pour certain
ie nie les Efcritures, que mefme l'ap-
pelle à icelles comme au iuge qui qu'il ne fe pourra faire que ne foyez
peut competemment iuger de toutes efmeus. Car vous n'ignorez pas la
chofes.- » L'a. « Il n'ell point conue- fource des chofes qui ont efté inten-
nable que vous prefumiez tant de tées contre moi , alTauoir que ie nioi
la Tranflubftantiation, & que le corps
vous, que iugiez l'Eglife; mais dites facré du Seigneur fuft communiqué
moi, quelle a elle cefte voftre Eglife
aux infidèles. Voila pourquoi ie fuis
iufques à cefte heure .' ou en quel lieu
a-elle efté veuë .' car l'Eglife qui eft excommunié; non point par l'Eglife,
de Chrift eft catholique & vniuerfelle, ains par aucuns qui fe reputent eftre
& a efté toufiours apparente deuant
les hommes. » Br. « Monfieur, ie les piUiers d'icelle. » L'Ev. « Ce
n'eft pas cela; mais i'ai entendu qu'il
vous prie, ne me prenez point pour vn y a vne autre caufe pourquoi vous
homme qui fe conftitue iuge de auez efté emprifonné , alTauoir que
vous auez exhorté le peuple à prendre
l'Eglife; feulement ie fai diftindion
entre ceux qui apartienent à la vraye les armes d'vne main, & de l'autre le
Eglife, & ceux qui n'ont que le tiltre. frafi"oil (1). » Br. " Meffieurs, ie vous
Or ie n'ai iamais nié que l'Eglife ne prie , croyez-moi en ceci , que iamais
fuft catholique & vifible, combien que vne telle parole ne fortit de ma bou-
ie confelTe cela, que tantoft elle apa- che, & mefme ne m'eft entrée en l'ef-
Di-
L'ev. ..vous
moins.de >■laquelle prit en ce fens que vous dites. »
roit plus, tantoft
tes-nous, cefte Eglife L'Archeuefque lui dit d'auantage ,
embralfez fi volontiers la dodrine, en qu'il
ment &s'eftoit porté deuant
obftinément trop audacieufe-
le confeil
quel lieu s'eft-elle monftree depuis de la Roine , en maintenant par trop
quatre cens ans r » Br. " Je ref-
cefte façon de religion , & que pour-
pondrai s'il vous plait auffi me faire
refponfe à vne chofe que ie vous de-
(i) Frassoil (édit. de i^o; : frassouil), pic
I. Rois 19. 10. manderai : où eftoit l'Eglife lors uu pioche.
14. quHelie difoit eftre delaiiïé feul - »
lEAN BRADFORD.

tant il auoit efté mis en prifon. Br.


« Vous-mefmes aiiez efté tefmoin , raifon eft , pource que le faid n'eftoit
encore décidé par le décret & ordon-
monfieur rArcheuefque, Cjuand ie fus
nance de l'Eglife; mais s'il euft puis
accufé de cela par monfieur ie Chan- après continué en cefte opinion, il euft
celier, comme ie m'en purgeai lors efté digne d'eftre repris comme héréti-
ouuertement. Mais prenons le cas
que. 1)Br. h Si queiqu'vn a fainde &
qu'il foit ainfi comme vous le propo- entière opinion es articles de la foi-A
fez , alTauoir principaux poinfts de la foi & religion
fendu !e partique
de lapour lors i'aye
religion dé-
par trop
obftinément ; les loix & ordonnances Chreftienne, & eft bien d'accord auec
l'Eglife, le iugerez-vous digne des
publiques du royaume defendoyent enfers, s'il ne s'accorde en tout & par
tout aux ordonnances & ftatuts , auec
alors ma caufe; parquoi l'on me fit
tort de me conftituer prifonnier ; mais la détermination de l'Eglife, que vous
il eft certain que la fentence de con- nommez ? »
damnation donnée par monfieur le Lors l'Euefque
Chancelier ne contenoit que ces deux monftrer comment de Ciceftrg
Luther auoitvoulut
iadis
poinéls, affauoir que ie nioi la Tranf- foudroyé contre Zumgle pour cela
fubrtantiation , & que les infidèles fuf- mefme , & lifoit certain paffage de
fent faits participans du corps de quelque liure de Luther. Bradford
Chrift. » L'ev. <( Auez-vous leu Chry- refpondit à cela : « Tout ainfi que vous
foftome ? » Br. » Il y a défia long ne vous fouciez pas beaucoup de ce
temps que toute commodité de liures que Luther a fait en ceft endroit, auffl,
m'eft oftee ; & toutefois ie n'ai de ma part, ie n'en fai pas grand
point mis en oubli ce que Chryfof- cas ; car ma foi n'eft point appuyée ni
tome dit touchant ce faia , que la ta- fur Luther, ni fur Zuingle, ni fur
ble eft pleine de myfteres , & que Oecolampade, tant y a neantmoins que
l'Agneau eft facrifié pour nous ; & quant à eux, ie ne doute point qu'ils
qu'en icelle vn Seraphim auec les te- n'ayent efté bons & fainéls perfonna-
nailles applique le feu fpirituel du
ciel à nos lèvres. De telles façons ges & qu'ils ne foyent maintenant au
ciel auec Dieu. » L'a. « Quelque
de parler hyperboliques, Chryfoftome
chofe qu'il y ait, vous eftes maintenant
vfe fouuentesfois. » L'a. « Voftre he- forclos de la communion de l'Eglife. «
refie eft prefque defefperee ; mais re- Br. « Il n'eft poffible; car cefte com-
tournons encore à cette Eglife, de la-
quelle vous eftes retrenché. » Br. a Voici munion confifte encomment
derechef foi & vérité.
vous »faites
L'a.
lean 9. 14. « Oui bien comme iadis le poure voftre Eglife inuifible, de laquelle la
aueugle , lequel ayant efté illuminé communion confifte en foi. » Br. k le
fut chalTé par les Pharifiens; & tout di cela voirement; car pour la com-
ainfi que vous auez bien fait , quand
munion de l'Eglife, il n'eft befoin
vous-vous retiraftes iadis de l'Eglife que nous la conftituyons vifible, veu
Romaine , auffi i'eftime que ce que qu'icelle confifte en vraye foi, & non
vous faites maintenant, affauoir d'y ef- point en aparence externe de cérémo-
tre retournez, eft vne impieté, car il ne nies & obferuations , comme il apert
fe peut faire que vous aprouuiez cefte par ce que dit S. Paul, qui ne requiert
Eglife-la pour la vraye Eglife de
que la foi feule. Ce qu'I renée auffi
Chrift. » L'e. « Ha, Bradford , vous tefmoigne, efcriuant à 'Vidor touchant
eftiez lors bien petit quand ces chofes la fefte & obferuation de Pafque ,&
commencèrent à eftre faites. l'eftoi la différence des temps, difant qu'il
raoi-mefme bien ieune ; mais fâchez ne faut pas, pour tout cela, rompre la
qu'on doit tenir pour hérétique , & concorde & vnité de la foi. » L'e.
par confequent banni & eftranger de K Ce mefme paff'age a fouuentesfois
l'Eglife, celui qui, s'eftant efgaré après poind mon cœur à me faire penfer que
des doârines eftranges, maintiendra nous ne deuions eftre feparez du fiege
obftinément quelque erreur contraire
à bonne dodrine , comme de la Romain. » Or, fur ces entrefaites, l' Ar-
Tranffubftantiation. On ne peut dire cheuefque d'York mit en auant com-
ment il y auoit beaucoup de chofes
de S. Cyprian qu'il fuft hérétique, qui retenoyent S. Auguftin mefme au
combien qu'il euft quelque opinion af- fein de l'Eglife, affauoir le confente-
fez contraire à l'Eglife, affauoir qu'il des nations , l'au-
faut baptizerderechef ceux qui auoyent ment du peuple & par miracles, nour-
effé baptizez par les hérétiques ; & la thorité confermee
rie par efperance. augmentée par cha-
II.
'94
LIVRE CINQUIEME.

mefme facilement cognoiftre cela par


rilé & fortifiée par l'ancienneté. Outre
cela encore y auoii-ii le nom de Ca- cefte diftindion laquelle on void au-
De la vrayc & tholique. Il difoit donc : « Vous voyez iourd'hui es temples, aftauoir la dif-
fauffc Eg'lifc. |Ji^.n comment S. Au^'uflin loue & prife tindion entre le chœur haut & la bafl'e
nollre eglife; vous, de vollre part, or- nef, laquelle feparation fait que les La nef des
nez voUre Eglife de femblable façon, temples
laies ayans les treillis ou barreaux de-
fi vous pouuez. » Br. <• Ces paroles uant eux ne peuuent aller dcuant les chœur. du
Teparce
de S. Auguftin font autant pour moi autres. » Br. « Mais anciennement,
du temps de Chryfoftome, le peuple
que pour vous pour le moins, & s'il refpondoit ordinairement : Amen, &
vous femble qu'elles foyent de Ci grand
poids ou importance , qui a empefché cela a non feulement efté fait es Egli-
fes des Grecs, mais auffi des Latins
qu'on
Fils dene les
Dieuait peu alléguer
mefme contre fes
<!t contre le
du temps de S. Hierome, dont il ap-
Apoftres r Car pour lors la Loi , les
obferuaijons & cérémonies eAoyent pert que le peuple n'a pas efté telle-
receuës du confentement commun du ment feparé les
& cntendift du clergé
prières qu'il
qui fen'efcoutaft
faifoyent
peuple; outre cela, elles eftoyent con-
fermees par plulleurs miracles, & en- par les
tain, nousClercs. » L'ar.
ne faifons « Pourtemps,
que perdre cer-
Bradford , & ne gaignons rien à vous
& la core pouuoit-oncontinuelle
dedudion alléguer l'ancienneté
des Sacri- enfeigncr, car vous ne faites que cer-
ficateurdepuis
s, Aaron iufques A ce cher des efchapatoires pour reietter
temps-la. » L'a. « Poffible eft que les argumens
vollre opinion feroit qu'il ne faut point tefois voftrequ'onEglifevous
ne fait , & eftre
peut tou-

I
monftree en euidence. » Br. « Cela
eftimer aucun eftre de l' Eglife, finon
qu'il fouffre perfecution. " Br. « Oyez fe pourra faire facilement, moyennant
2. Tim. ). ce que dit S. Paul : « Tous ceux qui que vous ouuriez les yeux pour la con-
veulent viure religieufement en Chriit
templer, fL'ar. « Quelles marques
fouffriront perfecution. " Or, combien aura-elle, par lefquelles nous la puif-
fions aperceuoir? « Br. « Chryfoftome
âuetemps
quelquefois l'Eglife tant
pour refpirer, ait yrelafche
a que
le plus fouuent elle eft enuelopee des le vous dit, afl'ermant qu'elle eftconue
feulement par les Efcritures. Et il ré-
perfecutions. li principalement en ces
derniers temps iSc vieiliefTe extrême de (I Celapète ceeftmot-la
efcrit tant de fois. » L'a.
en Chryfoftome, en
ce monde, la face de l'Eglife efl terri- fon Oeuure imparfait (i); toutefois, la
blement dcsfiguree par angoiffes & fucceffion des Euefques eft le plus
oppreffions. » L'a. •< Mais que ref- certain moyen de conoiftre l'Eglife. o
pondez-vous à S. Auguflin.' & quel Br. <i Maiftre Nicolas de Lyra a vraye- Nicolas de
accord de peuple iSi nations monflrez- ment bien dit que l'Eglife ne gift point
vous en vollre Eglife .' » Br. >< Autant es hommes pour raifon de la puifTance
que nous fommes de fidèles au monde feculiere. ains es hommes efquels il y
& vrais amateurs de la vérité de Dieu, Lyra.
l'Eglife.
a vne vraye conoiffance & pure con-
feflion de foi & vérité (2). En outre,
nous nionfommes tous de
en cefte vnité d'vne
foi &mefme opi-»
dodrine. Hilairc de
S. Hilaireefcriuant à Auxence, tefmoi-
L'a. " S. Auguftin traite de la fuc- gne d'vne femblable façon que l'Eglife
ceffion continuée depuis le commen- eft plullort cachée en des cauernes que
cement de S. Pierre. » Br. << La voix
non pas eminente. »
de Chrill eft reconue de fes brebis, & Ils furent bien trois heures à de-
toutefois elles ne la iugent pas , mais uifer ainli ; finalement entra vn ferui-
la difcernent d'auec celle des hom- teur qui lignilia A ces prélats que
Les marques mes. » L'a. " En quelles chofes.' » l'Euefque de Dunelme les attendoit
Br. k Es chofes lelquelles vous célé- en
de la faulTc
brez en la langue eflrangere : item en Iceuxla lailferent
maifon de monfieur les
incontinent d'York.-
liures
Eglife. dillribuant à demi la Cène du Sei-
gneur & en fait
« Ce feruice autres femblables.
en Latin <• L'e.
a efté introduit (1) Chrys., In opcre imper fecto ; Hom. 49,
i. VI, p. 940. Paris, 18)0. Les censeurs
en l'Eglife afin qu'il fuft fait au chœur romains ont fait disparaître ce passage, dans
par les clers conoilfans la langue La- lequel ils veulent voir une interpolation
tine, & oue cependant les laies retirez arienne.
|ii " Eccicsia non consisiit in hominibus
arrière du clergé & occupans la nef rationc potcstatis sccularis aut ccclesiaslicee,
du temple pculFent prier à sed in hominibus in quibus est notitia vera,
chacun félon fa l;mgue. Et on peut el confcssio fidci et vcritatis. 'i
part vn
lEAN BRADFORD.

qu'ils tenoyent & dirent qu'ils ef- plaifir, il ne pouuoit faire autrement
toyent bien marris de voir ainll Brad- qu'il ne les remerciaft. Alphonfe, vou-
ford en ce mal-heur & le prioyent de lant entrer en propos auec lui , l'ad-
lire vn certain Iiure, lequel (comme monnefta auant que palTer -outre de
ils difoyent) auoit profité au dodeur
prier Dieu , à ce qu'il peuft impetrer-
Cromel (i). Ainli ayans dit gracieu- vn bon entendement pour obéir à bons
fement adieu à Bradford, s'en allè- confeils, fans eftre adonné à fon pro-
rent, & Bradford fut remené en .fa pre fens & volonté. Bradford fit fa
prifon. prière à Dieu , qu'il lui donnaft fon
Saind Efprit, par la conduite duquel
toutes leurs volontez & adions fulTent
dreffees comme il apartient à vrais en-
Conférence que deux moines Efpa- fans de Dieu. Al. dit alors : « Il faut
gnols ont auec Bradford, touchant la bien que vous priez Dieu du profond
Cène du Seigneur, en laquelle plu- de voftre cœur & non pas de langue. »
Br. « Ne iugez point, afin que ne Matth. 7. I.
■j^fieurs allégations des Doâeurs an-
d'autre.ciens font anienees d'un cojU & foyez iugé. Vous auez oui que i'ai
prié de langue & de paroles; mainte-
nant la charité requiert que vous laif-
Alphonfe de Le vingtcinquiefme de Feurier, en- fiez tout le iugement à Dieu. » Al.
Caftro eft « Vous deuez maintenant tellement
celui qui a uiron les huid heures du matin, vin-
^fcrit de nortre drent deux moines Efpagnols en la confermer voftre efprit, qu'il ne foit
temps vn gros prifon de Countree , alTauoir le con- adonné à vne partie ou à l'autre, ains
iiure contre le tenir iuftement en balance, ne pan-
les herelies, felfeur du Roy Philippe, fils de Char-
les le quint Empereur, & vn autre chant ni d'vn codé ni d'autre. Priez
plein
& ded'herefies
faulFes donc Dieu & vous lailfez gouuerner
nommé Alphonfe. Bradford leur ef-
opinions. tant amené pour conférer , ce confef- par fa entendement
voftre main & permettez qu'illui
où bon encline
fem-
feur du Roy commença à parler à
Bradford en Latin & demander s'il blera, ou autrement tout ce que nous
auoit iamais veu vn Alphonfe qui auoit pourrions dire & faire ici ne profitera
efcrit contre les herefies (2). Bradford de rien. » Br. « Si vous parlez de la
religion Chreftienne, inon opinion efl
refpondit qu'il ne l'auoit iamais veu vne certaine perfuafion, & faut que
& fi n'en auoit iamais oui parler. Et le tous Chreftiens & fidèles foyent ainfi
confeffcur lui dit : « Voici le perfon-
nage deuant vos yeux, venu exprès, affeurez. » Parquoi il rendoit grâces à
efmeu de charité & alTedion , & à la
Dieu de cefte perfuafion qu'il auoit de
perfuafionduComtedeDarbe(3),pour la dodrine pour laquelle il eftoit con-
conférer des matières de la Religion. » damné. Outreplus, il prioit Dieu qu'il
lui pleuft augmenter de iour en iour
Bradford refpondit à cela qu'il n'auoit
iamais appeté qu'aucun lui fuft amené cefte fermeté d'efprit & lui acroiftre
pour parler à lui ou pour entendre cefte afteurance , que tant s'en faloit
confeil de lui, mais pource qu'ils ef- qu'il fuft incertain de la conoiffance de
toyent là venus par charité (comme ils cefte dodrine qu'il eftoit preft d'eftre
difoyent) & pour lui faire quelque produit en lumière. Pour cefte caufe
leur venue lui eftoit agréable. Al.
ce Nous ne fauons la caufe pourquoi
(i) Le D' Edward Crome. Voy. t. I, vous auez efté condamné. » Br. « Il
p. 504.
(2) Atphoiisi a Castro Zamorensis adversus
omnes liccrcscs lihri XIV. Paris, I5;4; An- n'y a gueres moins de deux ans que ie
vers, iç68. L'édition de 1554 contient ( lib. I, fuis loit
icivousdétenu prifonnier.
en rendre quelqueOr, s'il fa-
raifon, ie Alphonfe
cap. 4) un passage, qui a été supprimé dans contrefait
l'Inquiliteur.
les autres, relatif à Pignorance de quelques ne pourroi. » Al. « Voyons donc pre-
pontifes romains. De Castro accompagna mièrement ce que vous fentez de la
Philippe II en Angleterre, en qualité de
confesseur.
Tranlfubftantiation. Ne croyez-vous
Marie voulaitA conquérirun momentla où l'époux des
. confiance de
pas que lefusChrift eft prefent en fon
Anglais, de Castro prêcha même devant lui
propre corps fous les figures & efpe-
un sermon
les hérétiques contre
(Voy.l'emploi
Fo.xe,du t.bûcher
VI, p.contre
704; ces du pain & du vin ? » Br. « Non
Burnet, t. Il, part. 2. p. 511, édit. de 1857; point. le croi que lefus Chrift affifte
p. 72; être
allait de laélevé trad. aud'Amst., 1Ô87). De Castro
siège archiépiscopal de & eft prefent à la foi de ceux qui re-
Compostelle, lorsqu'il mourut à Bru.xelles, çoyuent deuëment la Cène, voire au-
le ; février 1558. tant prefent aux yeux de la foi que le
(î) Le comte de Derby. pain & le vin font vrayement & reale-
196 LIVRE CINQUIEME.

ment prefuns aux yeux & fens des re- que c'eft fon corps. » Br. « S. Au-
gardans. » Al. « le fai que vous ne guftin le déclare, difant : De mefme
nierez pas ceci, que le corps de Chrift façon que la Circoncifion eft l'alliance
de fa nature eft limité en certain lieu. » du Seigneur, auffi le Sacrement de la
Et fur cela , il tint long propos des foi eft la foi. Et pour expliquer ceci
deux natures en Chrill , defquelles plus familièrement : tout ainfi que
l'vne cil& prefente l'eau du Sacrement du Baptefme eft
retenue limitée enparcertain
tout, lieu.
i"autre e(l
Apres la régénération , de telle façon le Sa-
qu'il eut crement du corps eft le corps du Sei-
tions lur entreietté
ce fait, ilbeaucoup de quef-
mit en oubli fon gneur. «Al. « Le lauenicnt du Bap-
tefme eft fait Sacrement de la grâce
premieren propos;
remis tram, ditmais Bradford, fe
: << Comment l'ayant
peu- diuine & de l'Efprit enclos en leau,
uent accorder ces chofes .'C'cft autant par lequel font purifiez ceux qui font
Ce fophiflc que fi on difoit : Pour ceftc raifon que lauez par le Baptefme. » Br. » Laif-
Efpagnol vous elles ici, auffi faut-il necelTaire- fons ces mots : Enclorre & Enfer-
s'embrouille
foi-mefmc ment que vous Ibyez à Rome. Et cer- mer, nAl. " La grâce diuine eft par
d'vneforie.
crtrange tainement vollre façon d'argumenter fignification au lauemcnt du Baptef-

I
n'eft point autre que cela : Pour cefle me. » Br. « le confed'c que le corps
raifon que le corps du Fils de Dieu du Seigneur lefus eft de femblable
efl au ciel, il ell aulTi necelTairement façon au Sacrement. » Al. « Ne fai-
enclos au Sacrement fous les figures tes-vous point de diftindion entre les
& efpeces du pain tSi du vin. » Al. Sacremens qui demeurent & les Sa-
(c Quoi donc- Ne voulez-vous rien cremens qui paffent .' Ceci foit pour
exemple : Le Sacrement de Tordre Des ordres.
croire s'iltamment
n'eft ent ou no-
contenuexprclTém
es faindes Efcritu- (lequel, eftant reietté par vous, eft tou-
res .- '• Br. « le veux croire tout ce tefois approuué par S. Auguftin) eft
que vous produirez ou enfeignerez par nombre entre les Sacremens qui de-
demonrtration fuflifante cS: probable des L'eau au Bap-
faindes Efcritures. » Or Alphonfe, meurent, iaçoit que la cérémonie d'ice-
lui pan"e. On en peut autant dire du terme.
fc tournant vers fon compagnon , dit : Baptefme: quand l'eaualaué le corps,
« Ceftui-ci eft du tout obftiné. » Puis, elle a fait fon office & celle d'eftre
dit à Bradford : « Quoi r Le Seigneur Sacrement. " Br. « le confefTe que
le femblable auient en la Cène du
n'e(l-il pastout-puilfant pource faire.' »
Br. <i 11 eft tout puilfant voirement ;
Seigneur; auffi tort qu'elle ceffe d'eftre
mais il n'eft pas ici queftion de la en vfage,elle ceffe auffi d'eftre Sacre-

1
puift'ance de Dieu , ains de fa vo- ment. i>
Alphonse fut fort irrité, tellement
lonté. »Al. « N'auons-nous pas les
Il fe monllre paroles claires d'icelui : Ceci eft mon qu'après plufieurs propos, il repro-
corps.' » Br. « Ce font fcs paroles, cha à Bradford fa rudeft"e, & qu'il
Aupide & mais il les faut attribuer & rapporter ne fauroit trouuer en toute l'Efcriturc Le Sophirte
abnili.
à la foi de ceux qui participent à tels que le Baptefme & la Cenc fulTent Efpagnol ert
myfteres comme il apartient. » Al. conioints en quelque fimilitude. Sur prins au filé.
a A la foi .' le vous prie, comment fe cela, vn Preftre prefentant vn nouueau
fait cela.- » Br. « "Tout ainfi que ie Tertament,
n'ai ni langue ni parc>le fuftifante pour du douzièmeBradford
chapitremonftra
de la lepremière
paft"age
bien exprimer ces myfteres, auffi vous aux Corinthiens , où il eft dit : « Nous
La foy ne femmes tous baftizez en vn mefme
n'auez point d'oreilles pour ouir &
pcui cllrt- entendre ce que ie di ; car, pour cer- corps & fommes tous abruuez en vn
expliquée. mefme Efprit. « Alors les magnifiques
tain, la foi ne peut eftrc expliquée par
force it faculté de paroles. » Al.
gaudift'eries de ces Efpagnols furent
<( Neantmoins ie peux bien expliquer
par paroles tout ce qui eft en ma foi. » abailTees, & fe rcgardoyent l'vn l'au-
tre, prenans pour refuge cefte cauilla-
Br. " Les chofes que vous croyez par tion, que S. Paul ne parloit point là
voftre foi ne font pas fort grandes, 11 du Sacrement. Bradford leur dit que
vous ne comprenez plus auant que les
fens charnels ne peuuent porter. Car ce paft"age eftoit affez clair de foi &
que les dodeurs l'interpretoyent en
tout ainfi que la méditation de l'efprit cefte façon , & principalement Chry-
foft<jme. Alphonfe , qui tenoit le liure
Cor. 2. 6. cil plus capable que n'eft la langue, auffi en la main , fueilletoit comme pour y
conçoit-elle plusdechofesquc la langue
ou la parole ne peut mettre hors. » cercher remède. Finalement, ces Ef-
Al. « lefusChrift lui mefme tefmoigne pagnols vindrcnt au palTage du chapi-
lEAN BRADFORD.

tre II. de la première aux Corinthiens, meuraft point obftiné , & Bradford m.d.lv.
où il eft dit : Que celui qui ne difcerne auffi le pria de ne fe flater point légè-
point le corps du Seigneur eft coulpa- rement en fon efprit & qu'il ne fe
ble, &c. Bradford dit : « Lifez ce qui lailTaft tranfporter. Puis il y eut vne
s'enfuit, aflauoir : qui mange de ce pain queftion entre eux de quelque chofe
& boit de ce calice, &c. Ne voyez- qu'on difoit
critures, & fe trouuer difoit
Bradford es faindes Ef-
que non.
vous pas, dit-il, que l'Apoftre le nom- Le Preftre fe faifoit fort de la trouuer
me ici pain, mefme après la confecra-
tion ? Comme il dit auffi au 10. chapi- en cinq lieux d'icelle ; finalement,
tre la mefme Epiftre : Le pain que quand le liure eut efté produit, ne le
nous rompons, &c. » Al. » N'enten- pouuant
alla comme trouuer vne feule fois, il s'en
les autres.
dez-vous point que les chofes qui font
tranfmuees retienent quelque fois les Ce mefme iour, fur les cinq heures
noms de celles qui eftoyent aupara- après midi, Wefton(i) vint voir Brad- Wefton vient
uant? La verge de Moyfe nous foit en
ford , & l'ayant falué , fit fortir ceux à Bradford.
cela pour exemple. » La Bible fut ap- qui y eftoyent , & eux deux demeurè-
portée&, le lieu trouué ne reftoit rent feuls pour conférer enfemble.
Wefton remercia Bradford de la lettre
plus que le triomphe , comme s'ils
euffent caufe gaignee. Bradford re- qu'il lui auoit efcrite , en laquelle il
Argument pouffa derechef cefl argument en celle amenoit quelques raifons contre la
tourné contre forte : « En la verge de Moyfe, il eft dit Tranffubftantiation La première rai-
fon eft déduite du temps; comme
'^ !^''.hnl''"'
en abule. qu'elle fut conuertie
", ^aparoiflfoit
,,. . telle
ni ; d'auantage
. ° yeuxla
chofe deuant les c'eft vne chofe toute notoire , que les
corporels, mais nulle de ces deux Eglifes ne fauoyent deuant
que c'eftoit de la Le concile de
chofes ne peut eftre monftree en ce Tranffubftantiation le concile
Sacrement. De fait , comme en icelui Latran 5.
de Latran ,troifieme qui fut tenu fous le Pape
Innocent, de ce nom. La
il n'y a nulle aparence de corps, auffi
il n'y a nulle mention faite de conuer- féconde eftoit prife des circonftances
fion. » Le moine fut troublé & penfa & analogie des Sacremens , & auffi
efchapper , reprochant que Bradford des tefmoignages des Dofteurs an-
eftoit trop adonné à fon fens. Brad- ciens. Tiercement, quand Chrift eut
ford dit qu'il pourroit (fi befoin eftoit) pris le pain en fa main, lui-mefme bé-
produire des DoAeurs anciens pour nit ce qu'il auoit pris, le rompit &
tefmoins de fon opinion. Al. « Mais diftribua , & de là recueilloit que le
L'Eglife du TEglife vous eft contraire. » Br. pain a efté appelé du nom du corps.
Seigneur. L'Eglife de Chrift eft pour moi , l'ef- Quartement, de la condition du ca-
poufe de lefus Chrift, la colomne de lice, qu'on deuoit auffi fentir le mefme
■Vérité. » Al.ou» ConfeCfez-vous qu'elle du pain. Car fi, après la confecration,
foit vifible non } » Br. " Elle eft le vin de la coupe eft demeuré fruid
voirement vifible à ceux à qui Dieu de vigne , il faloit neceffairement con-
donne des yeux & les lunettes de fa
clurre que le pain demeure pa'in. Cin-
quièmement, esfaindes Efcritures le
parole à ce
Al. (c le veuxqu'ils la puifi'ent
monftrer voir. »
ouuertement
pain eft appelé corps de Chrift , fem-
que toute cefte Eglife combat contre blablement le corps myftique de Chrift
vous, depuis fa première naiffance iuf- eft appelé pain. Comme ainfi foit donc
ques à noftre temps, il y a mil cinq
que nul ne vouluft dire qu'il y ait
cens ans. » Apres cela , ce confeft'eur quelque changement de fubftance ,
du Roi d'Efpagne demanda à Bradford auffi n"eft-il point raifonnable de le
quel eftoit l'autre poinft de fa con- dire en l'autre poinft. Sixiefmement ,
damnation. Bradford refpondit que puis que le Seigneur lui-mefme a ap-
c'eftoit touchant les infidèles , alVa- pelé le calice le nouueau Teftament
uoir, qu'ils ne participoyent au corps en vne mefme Cène , il apert claire-
de lefus Chrift. comme S. Auguftin, ment que, par vne femblable figure, le
parlant deludas,dit qu'icelui a pris le pain a efté nommé Corps fans Tranf-
pain du Seigneur & non point le pain fubftantiation. Finalement, cefte doc-
qui eft le Seigneur. Alphonfe lui dit trine de la Tranffubftantiation ne fut
que cela n'eftoit
Bradford pointleencontraire.
maintenoit S. Auguftin.
Sur iamais ouye en aucune de toutes les
Eglifes bien & faindement dreffees,
ces propos , ils fe départirent. Apres
tout cela,rvn des Preftres qui eftoyent comme celle de Corinthe, d'Ephefe,
là prefens pria Bradford qu'il ne de- (I) Voy. la note de la page i;i , supra.
LIVRE CINQUIEME.
lya
pnrauant fcs amis familiers , en la-
de Coloiïcs, «Je ThelTalonique, & s'il ' quelle faconfiance efi dcmonfiree.
yen a quelques autresqui ayeiil eflti in-
ftituees & formées par les Apollres, &
que rE>,'life Romaine mcfme n'^a feu Le vingtfixiefmc de Mars , le doc- vifité de plu-
que c'eftoit au temps du Pape Gelafe. teur Pandelton, le dodeur Coller, Bradrord ellfa '
fieurs auant
Et que partant on pouuoit conclurre mort.
que toute celle forte de doélrine efl qui ailoit efté
Manceftrc, & vn preuoft de l'Eglife
autre nommé de
Eftienne
nouucile. Wefton, pour la maintenir, Bech (i), vindrent voir Bradford. \
dit : " Combien qu'il n'y eufl pas long Pandelton , qui auoit conu la vérité ,
tempsTrantTubf
que l'Eglife euft demanda à Bradford les caufes de fa
TranlTuhllan- de lantiatio n ,receu ce motla
toutefois
liation. condamnation , & deuiferent fommai-
vérité auoit duré depuis la première
rement de deux poinds. Première-
inftitution de Chrirt. » D'auantage, il ment ,fi les infidèles participent au
argumentoit de S. Auguftin en celle
corps de Chrift auffi bien que les fidè-
forte : c S'il n'y a homme fi mefchant, les. Pandelton propofa vne telle X
qui en faifant fon teflament vueille trom- quelle diftindion pour faire efuanouyr
per fon héritier par figures ou paroles Solution au
defguifees, certes cela beaucoup moins l'argument , c'eft que les infidèles par-
conuiendroit-ii à ce dernier Teflament ticipent
non pas bien à vne d'vne
mefmemefme chofe,
chofe. mais d're de S. Cy-
Et quant
de lefus Chrirt. » En outre auffi ar- à la Tranffubftantiation , Pandelton
gumentoit de Saind Cyprian , lequel allégua le pafTage de faind Cyprian ,
dit que la nature du pain eft conuertie pnan.
où il dit : « Le pain eft changé de na-
en chair, & combien que le pape Ge- ture. »Bradford refpondit : « Comme
lafe expofe celle nature pour qualité, la précédente diftindion ne diminuoit
tant y Ila allégua
qu'il appelle rien de la fentence de S. Auguftin. auffi
S. Cyprlaji ne corps. ce que leS. pain fon
Cyprian
fauorife nulle- ce paft"age de S. Cyprian ne faifoit
ment à l'crrour dit en l'Epiflre efcrite à ceux qui com- rien à propos, veu que ce mot de Na-
de la Trnnf- baioyent pour l'eau. Il propofa auffi ture ne fignifioit pas la fubftance, ains
rubllaniialion, le brifement du pain fait en la pre- la qualité de la chofe. Comme quand
quoi que pré- fence des deux difcipies qui alioyent
tende Wellon. nous parlons de la nature des herbes,
en Emmaus, & mit en auant plufieurs nous ne dénotons pas la fubftance
chofes prifes,erprétacomme il difoit, de l'in- d'icelle . ains les forces & proprie-
t tion deS. Auguftin. Bradford
tez.
uefque» Ilsde parlèrent
Cantorbieauffi de liure
, du l'Arche-
de
refpondil qu'il ne fe foiicioit gueresde
l'origine du mot. <^ que c'eftoit prin- Pierre Martyr(2), des lettres efcrites à
cipalement lavérité du fait qu'il faioit Pandelton, lefquelles mefmes furent
confiderer. Wefton, entrant en d'autres propofees à Bradford après fa con-
gua detion damnation. Item de ce palfage de
propos,
nemeni, l'interro
de fa condamna & chofes-
fon emprifon
l'Efcriture : « Di le à l'Eglife, &c., »
femblables, & lui dit qu'il auoit en- alTauoir fi en ce palTage on doit en-
tendu de l'Euefque de Bade, qu'il
auoit fait rapport de lui vers la Roine culière. tendre l'Eglife vniuerfelle ou parti-
& fon Conleil. Ce deuis dura enuiron
Apres ces propos, Bradford print
l'efpace d'vne heure entière, tellement congé de Pandelton , lui difant :
que Bradford, comme las d'eftre affis, » Monfieur le Dodeur, ie répète ce
fe leua. Wefton auffi, fe difpf)fant pour
que n'agueres i'ai dit au Dodeur
s'en aller, appela le Geôlier, & en fa Wefton, quand il eftoit ici ; que tou-
prefence dit à Bradford qu'il euft bon chant la religion & dodrine, ie fuis
courage. Nonobftant , le Geôlier lui
tel auiourd'hui que i'ai efté parci de-
dit qu'il auoit entendu qu'il deuoit uant, quand ie fu premièrement mis
mourir le lendemain. Wefton, oyant ce en prifon , comme de faid , depuis ce
propos, tenoit contenance d'vn homme
efbahi. Finalement, après auoir pris temps-là, ie n'ai rien oui de ferme ou
folicle , qui puift'e deftourner mon ef-
de vin, ils fe defparlirent l'vn
vn peu l'autre.
d'auec
prit. »
(i) Le D' Pcndieton, voy. ^. 186. Collier,
mar^uillcr de MancI Ignore qui
était Sicphcn Bccch.
121 Prnhiihlcmciii la Traclalio de Sacram.
La dernière conférence qu'eut Brad- Eiicliari.slitt , Lond., 1549, ouvrage dédié à
ford auec trois qui auo/cnt e/lé au- Cranmcr.
lEAN BRADFORD.

condition , difant que ne vouliez eftre


renuoyé en vn lieu, où il ne vous fuft
Nous auons ici vne epijlre confolatoire libre de viure en bonne confcience.
que Nicolas Ridlcy, iadis Eucfque Ceux-ci difent que Burne , Euefque
de Londres, enuoya à Bradford, de Bade , vous a impetré cefte grâce,
digne que tous fidèles lifenl. auquel vous auiez autrefois fauué la
vie. Les autres (entre lefquels eft
Bradford , frère bien aimé en mon hofteffe) fement ce bruit que vous
noftre Seigneur lefus Chrift, ie penfoi eftes efleué en grand honneur, & que
La caufe bien vous auoir enuoyé le dernier monfieur le Chancelier vous fauorife
pourquoi la
mon de adieu parà mes
baillées lettres,noflre
Auguflin, lelquelles i'auoi
bon frère, grandement, ce que toutefois ie n'ai
Bradford ert iamais creu , & auffi ie l'ai nié ouuer-
tant différée. pour vous porter, lors que le commun tement deuant elle, & ai bien ofé me
faire fort de voftre force & conftance.
bruit efloit qu'on vous deuoit faire On ne fait encore que le Seigneur
mourir; maintenant puis qu'ils ont pro-
longué voflre mort , i'enten que cela a délibéré de faire de vous. Cepen-
dant ,il eft befoin de bien confiderer
n'eft autre chofe , finon ce qui eft
auenu à S. Pierre & à S. Paul. Com- comment la fapience diuine fe moque
de la prudence orgueilleufe de ce
bien qu'ils fuffent des premiers mis
en prifon, toutefois le Seigneur n'a monde, & diffipe les confeils des
voulu qu'ils fuffent des premiers mis hommes cauteleux. Quand l'eftat de
la Religion commença à eftre changé,
à mort, & c'eftoit afin que. tant plus
ils dureroyent en leur miniftere, ils & cefte perfecution fut dreffee , nul
euffent auffi tant plus grand loifir ne doutoit que la première impetuo-
fité des aduerfaires ne fe drelTaft con-
d'acomplir les chofes que le Seigneur
auoit délibéré faire par eux. Bénit foit tre Cranmer, Latimer & Ridley de- Notez.
Dieu noflre Seigneur, le Père, le Fils uant tous autres. Mais la fineffe
& le S. Efprit, à caufe de voftre con- prudente & la prudence fine de ce
feffion faite par trois fois , lefquelles monde nous laiffant pour quelque
trois confeffions i'ai leuës chacune à temps, a mieux aimé commencer par
les autres, & principalement par ceux
part auec grande refiouilTance d'efprit,
& pour icelles auffi i'ai rendu grâces à defquels
Dieu. le l'ai remercié de ce qu'il infirmes , ils auoyent
penfans que opinion d'eftre
leur infirmité
vous a eflargi de fes grâces en grande feruiroit grandement à opprimer noftre
abondance. Bénit foit noftre bon caufe. Mais Dieu par fa puiffance a
Dieu, qui vous a donné celle conftance renuerfé & réduit à néant toute cefte
de maintenir le ferment que vous auez fineffe & malice fubtile de ces perni-
iadis fait contre le Pape ; lequel fer- cieux. Car noftre bon Dieu & Seigneur
ment, félon le Prophète, a efté fait en a imprimé vne telle magnanimité &
iugement, iuftice & vérité, & pour- conftance es cœurs de ceux qu'ils efti-
tant ne fe fauroit reuoquer fans per- moyent les plus débiles, que tous les
Le ferment
contre le Pape. iure. Que le diable fe defpite , qu'il Anges fe refiouiffent es cieux d'auoir .
gronde, qu'il enrage , qu'il exerce veu vn tel glorieux combat. Frère bien-
toutes cruautez tant qu'il pourra. Tant aimé, ayez fouuenance de moi et de
ynouueau
a qu'ilenneceftvous auiendra rien Sa-
de tous vos frères en vos prières & orai-
endroit. Les faux fons enuers le Seigneur, comme auffi
crificateurs ont ainfi crié anciennement nous auons fouuenance de vous es
& toufiours contre les vrais Prophètes lefus, Voftre frère en noftre Seigneur
noftres.
& feruiteurs de Dieu , difans : Le
1er. 4. temple du Seigneur, le temple du Nicolas Ridley.
Seigneur, le temple du Seigneur.
Item : La Loi ne périra point du Sa- Il lui efcriuit auffi d'autres lettres
crificateur, niie confeil de la bouche vn peu deuant fa mort, mais pource
du fage, & toutefois ceux qui eftoyent que le temps eftoit venu de fouftenir
feuls reputez fages & Sacrificateurs
qu'il '
n'auoyent point la Loy de Dieu ni au-
le dernier
eftoit bien-heureux, & mandoit
combat, il lui bien-heureux
Les bruits
cune fapience. Or, c'eft merueilles de
qu'on difoit
Bradford. de ce qu'on dit ici de vous. Aucuns di- eftoit le iour auquel il fut nai , d'au-
tant qu'eftant
il auoit efté trouué à cefte vocation,
appelé vigilant , & que
fent qu'on vous doit reléguer en quel- Matth. 2j. 21.
que part, & par ce moyen vous peut- feroit dit par le Sei- Luc 19. 17.
pourtant ceci lui
on fauuer la vie, & qu'auez refufé cefte gneur :« Bien te foit, bon feruiteur &
200 LIVRE CINQUIEME.

fidèle , d"nutant que tu as eflé fidèle


fur peu de chofes , ie te connituerai
fur plufieurs, tu entreras en la ioye &
félicité du Seigneur. » Iean LiEFE, Anglois (i).
Il lui fignifioit auffi qu'on difoit
qu'il deuoit edre exécuté en fon pays, La fidclité de nojlre Dieu reluit en cejl
mais fes luges changèrent d'aduis , & exemple , faifanl feruir & profiler
par ce moyen fut hruflé à Londres, &
non point en fon pays. Ridley adiouf- toutes les ajliflions au J'atut des
fiens, €■ comme le vigneron apuye
toit es mefmes lettres qu'il attendoit le bois tendre du fep . ainfi a-il re-
la'mort de iour en iour, & que, com- drcj]é lafoiblejje de ce ieune homme
bien qu'il n'y euft vn fi foibic que lui en fur la fermeté de Bradford, compa-
toute la compagnie, neantmoins depuis gnon au mefme martyre. Il y a des
qu'il auoitoui parler de la mort qu'auoit exemples ci- de [Tus pareils à ceflui-ci-
endurée Jean Rogcrs d'vn courage fi
Chreftien, fon efprit s'cftoit defTaifi de On mit auffi dedans ce mefme feu
toute frayeur & crainte. Finalement ,
il lui defiroit longue & douce félicité , Iean Liefe, ieune homme n'ayant que
dixhuit ans , lequel Bradford confola Liefe confoli
& le recommandoit au Seigneur. luf- & redrelTa, lui donnant courage à & fortifié
ques ici la vie de Bradford a eflé def- mourir conftamment pour la vérité du par Bradfon
crite, auec toutes les difputes qu'il a Seigneur. Le ieune homme, fortifié des
fouflenues tant en public qu'en parti- paroles de Bradford , fe prefenta alai-
culier, & comme on a peu voir, il a grement à la mort, & remercioit Dieu
fouftenu
fur coup, beaucoup
auec telle d'affauts, & coup
modeftie, patience de ce que fon vnplaifir auoit efté qu'il
mouruft auec tel perfonnage. En
& fermeté de courage , que le faift cefte forte donc Bradford & Liefe ,
mérite bien d'ellre leu & la leAure ne après auoir exhorté le peuple à con-
fera fans grand fruid. Il refie mainte- fiance &repentance, furent bruflez(2).
nant pourlemettre
entende dernierfincombat
à i'hifloire, qu'on
& iffue de Le iour fuyuant, leur mort qui eftoit
Guillaume
Mon heureufc fa vie. Eftant demeuré ferme & con- l'onziefme de luillet , Gvillavmr Ming mort ei
de lean MiNG (;), miniftre de la parole de
Bradford. fiant au milieu de tant d"angoin"es , Dieu, mourut en prifon en la ville de
oppreffions & alTauts qu'il eut contre Madfton. Et s'il ne fufi mort en pri- prifon.
les Théologiens, tant Anglois qu'Efpa- fon, ileft
gnols, finalement, quand le temps or- la main descertain qu'il n'euft efchappé
ennemis.
donné pour le faire mourir fut venu ,
on le tira fecrettement de la prifon de
(1) Voy. Foxe, t. VII, p. 102. Son vrai
Couentrie (i), & fut mené, durant les
nom était Leaf. C'était un pauvre apprenti
ténèbres de la nuid, en la prifon de la sans culture, et qui néanmoins tint tète,
Porteneuue (2). Le lendemain matin, dans les -interrogatoires qu'il dut subir, à
les fergeans le tirèrent de là, & le l'évéque de Londres. On lui lut, dans la
menèrent en la place de Smythfild, prison, deux déclarations, dont l'une était
une abjuration, cl l'autre une confirmation
près de Londres, & fut mis fur vn tas de SCS déclarations précédentes. Il prit cette
de bois, auquel, comme fur vn lid dernière, et, ne sachant pas signer, il se
piqua la main avec une épingle et lit couler
d'honneur, (;).
reufement il mourut, & expira heu- une goutte de son sang, en guise de signa-
turc, sur cette pièce.
(2) Sur le bûcher, Bradford, étendant les
mains vers la foule, s'écria : ■■ O Angleterre,
Angleterre, rcpcns-toi de tes péchés. Prends
(i) C'est la prison du Compter qu'il faut
lire, cl non Covcniry. garde à l'idolàirie, prends garde aux anle-
(1) Newgatc, prison des condamnés. christs
Se , prendsvers
tournant gardeLeaf.
qu'ilsilneluile dit
séduisent.»
: « Sois
()) Voy. une prière de Bradford dans les
courageux, mon frère, car nous souperons
Addiliont au XII' livre.
joyeusement
VII. i')4)- ce soir avec le Seigneur» (Foxe,

(î) 'William Minge. Voy. Foxe, t. VU,

p. 286.

^s<^
HISTOIRE ECCLESIASTIQVE
ET

ACTES DES MARTYRS


LIVRE SIXIEME
Iean Vernov, de Poidiers.
Antoine Laborie, de Querci.
Iean Trigalet, de Languedoc.
GvYRAVD Tavran , de Querci.
Bertrand Bataille, de Gafcongne (i).

rs, donnent matière de


!.. raufes & circonftances con/derees de ces cinq Marty
exercer le
ort«u./ cSa^^Hr/îcvi/., quand U entend que D,eu veut
font au combat . Et pu, qui
fins pr m rement pour les efprouuer quels ds
TsaLeurde tous'honvnesfquà plus forte 'irifà^-onlemice^
ant a Jon fermée.
fpecial de ceux quil a prins en ja garde, les employ
fleurs vaillants champions, pour mani-
Des l'an mil EPVis que le Sei- fefter aux hommes fa vérité. Et en ce
cinq cens
fa bont
gneur parEuan é
trente cinq a mis fon gile temps il en a tiré & produit cinq pour
la Papauté a
efté chaiTee de en la ville de Ge- porterletefmoig
uant Parlemenage d'icelle
nt de Chambevérité,
ri (i)de-,
Geneue. neue ,y ayant ia
entretenu les Tiens
rèfpace de plus de parfois des relations parallèles, de telle
vingt ans, il en a sorte qu'en passant de l'une à l'autre, on
revient sur les mêmes faits , racontes , il est
fait fortir, comme de fon parc, plu- qui
vrai, au point de vue spécial de celui
écrit Si ces documents groupés sans art
(i) Crespin, édit. de IÇÇ6, p. 142-25.1 ; exercent parfois la patience du lecteur par
édit. de H70, f° 540-558. Corresp. de Calvin, la confusion qui y règne, ils récompensent
Otera , XV, 670 , 68q , 694 , 700 . 707, 7 1,2 , amplement l'attention qu'ilmême y apporte . en lui
Hist. faisant connaître le fond de 1 àme de
740, 754, 80; , 805 . 808, 859- Beze,
ecclés t. I, p. 55. Jules Bonnet, les Cinq cinq des plus vaillant s confess eurs de la loi
Marty-rs de Cliamhérr {Bull, hist., t. XXVIll, que la Réforme française ait produits
.
2' série, une
p. 454, et Rccits du XVI' siècle, (I) Cham béry possédait alors, sinonmoins
p 59-76). Les lettres des martyrs, qui for- un certainténombre de eP^^'^^^ps
protestant au
régulière,.ettrls^ cil
communau
ment la plus grande partie de cette notice,
chronologique- les lettres qui
ne sont pas toujours larangées
plupart ne sont pas 11 pst souvent question dans
ment et, comme déjà eu plusieurs
à sufvèn Cette\ille avait
datées, il n'est pas aisé de les remettre Godeau, Ga-
mi^fvrs- Jean Lambert, Jean par Crespin
leur place. De plus, ces lettres forment brierBéraudin , mentionnés
202 LIVRE SIXIEME.
Toutes
GvYRAVD Tavran , natif de Cahors circonltanoev
dcrqucls les trois , afTauoir Iean Ver-
Nov(i), natif de Poidiers , Antoine en Querci, mercier, & Bertrand notables es
Laborie (2) , natif de Caiarc en œuures du
Bataille, efcholier Gafcon leur vou-
Querci, licencié es loix , Jadis luge lurent faire compagnie. Tauran , ne
royal dudii Caiarc, & Iean Triga- penfant que conuoyerles fufdits trois,
LET (î), de Nifmes en Languedoc, 11- enuiron outre le pont d'Arue , qui e(l Seigneur. '
centié es loix, auovent efté efleus pour près ladite ville de Geneue , eftant
annoncer l'EuangiIe, s'eftans défia des requis d'aller plus auant , pour foula-
long temps confacrez au feruice de
ger
telle Antoine Laborie,
promptitude s'y acrcorda
& alaigrclTe , quede,
Dieu. Et combien qu'ils viffent les
dangers eminens & les feux comme
défia allumez, neantmoins le vrai zèle combien qu'il ne s'cftoit difpofé qu'au
conuoi , fi leur fit-il compagnie , qui
qu'ils
Dieu ,auoyent
félon leurde vocation
feruir à tant
la gloire de
fainde, dura iufqu'à la mort. Ainfi donc ces
cinq feruiteurs de Dieu, & quelques
leur fit mefprifer toutes les cruautez autres de compagnie, pourfuyuirent
des aduerfaires de vérité ; iaçoit ioyeufement leur chemin , chantans
niefme qu'vn ami leur euft dit, prefque louanges & adions de grâces au Sei-
à l'entrée de leur voyage, qu'il y auoit gneur, ayans les cœurs remplis de
grand danger qu'ils fulTent arrcftez en confiance, prefts à expofer leurs vies
chemin, ce neantmoins toute ap- pour la gloire de celui qui les mettoit
prehenfion de crainte portpofee , rien
en œuure. en Arriuez
enfemble vn lieu qu'ils
nommé furent
Le coltous
de
ne les empefcha de pourfuyure leur
vocation (4). Les deux autres aiïauoir tamis, au pays de Foffigny (1), en Sa-
uoye , rencontrèrent vn Preuoft des
(t. I, p. ^46), auxquels il faut ajouter les marefchaux (2), qui, bien peu de temps
noms de Claude Janin de la Faverpe et de auparauant, auoit elle à Geneue , &
Jean Poirier (Eug Burnier, Hist. du SéinU
de Savoie , i. I . p. 201 ). (comme telle manière de gens fe fa-
uent bien defguifer pour attraper leur
(ij Jean Vcrnou . qui appartenait à l'une
des premières familles de Poitiers, fut pro- proye) ayant entendu quelque bruit de
bablement amené à la foi par Calvin lui-
même, lors du séjour que celui-ci fit à Poi- ce voyage entrepris, les vint droit at-
tiers vers iç;4- H évangélisa sa ville natale, tendre au lieu fufdit comme les aguet-
et 'c s'attacha surtout à la conversion des tant au palTage. Les ayant là arreftez,
étudiants de l'Université, qui, en retournant il les interrogua de plufieurs chofes ,
dans leurs familles, y rapportaient les idées
évangéliqucs. Vernou alla plusieurs fois à & s'çftant faifi de leurs lettres & li-
Genève puiser de nouvelles lumières et re- ures, les mena liez l'vn à l'autre par
tremper sa foi auprès du grand réformateur. »
(A. Lièvre, Les Martyrs poitevins , p. 11.)
Voy. aussi Croltet, Petite Chron. prétest., t. XVII, p. 16). Ils y furent accueillis avec
p. 104; Bull., t. VI, p. 410; Calvini Opéra, un grand empressement : o En dépit de
XIII, 618, 6)4; XIV, r2î; XV, 459, Ç75. Saian , nous avons là esté si bien receuz que
(2) Antoine Laborie, licencié es lois, né ne pouvions satisfaire leur ardeur, encores
à Cajafc , arrondissement de Figeac (Lot), que tous les iours fissions deux grans ser-
où il a'vait
nonça àla exercé magistralure les fonctions de juge
pour venir se ,pré-
re- heures,mons,unsans
chascun l'espace deprivées;
les exhortations deux bonnes
et les
parer àGenève aux fonctions du ministère. maisons n'esloyent capables des personnes,
D'après M Pradel {Encycl. des sciences rel., il falloit s'assembler es granges. Mesmes le
art. Çucrcy), le culte protestant fut inauguré iour de pasques celebrasmes la S. Cène en
à Caiarc en 1561, par le ministre de Pressac. meilleur nombre de gens que n'espérions,
La conversion de Laborie nous fait supposer et après disner, par leur importunilé, nous
que le protestantisme y pénétra bien des nous laissasmes aller jusques là en leur opi-
années avant celte date. nion, que nous prcschasmes en plain pré
U) Jean Trigalet, licencié es lois, avait contre tous les abuz du Papisme. ■■ Ils ajou-
éle, avec Dominique Deiron, Pierre d'Ai- taient : I' De nosire part leur avons promis
rebaudouze et d'autres, amené à l'Evangile que, si on nous vouloit donner par mémoire
par l'exemple de la foi ei de la constance le nombre des lieux qui désirent avoir minis-
du martyr Pierre de la Vau. brûlé h Nîmes, tres, et combien on en veult, nous vous en
advertirions à nostre retour , les asseurant
le 8 octobre IÇÎ4. Avec Deiron, il s'était de vostrc bonne a/Tcction et diligence à leur
réfugié à Genève. Voy. p. 90, supra.
(4j Crcspin ne dit pas où ils se rendaient. prester la main en cesi endroict et à toutes
Il parait vaudoisescertain qu'ils choses à vous possibles. •< Ce fut sans doute
vallées du se dirigeaient
Piémont, vers sou-
alors les pour tenir cette promesse que Vernou, de
mises àla dommaiion française. Jean Vernou retour à Genève, en reparlait peu après,
avait déjà fait, au commencement de cette dans le courant du mois de juin probable-
même année 1Ç5(, une visite aux vallées, ment, avec Laborie et Irigalel.
accompagné de Jean Lauversat. La rclaliiin (Il Le col de Tamiè . en Faucigny, par
que les deux ministres envoyèrent & ceux de lequel on descend à Albertville.
Genève (22 avril !((() nous a été conservée
{Calvini Opéra, l. XV, p. 575; Bulletin, (2) Ce prév6i
Cleriadus des maréchaux s'appelait
de la Noc.
LES CINQ DE CHAMBERI.

le chemin iufqu'à Chamberi, faifant quitter pour accepter celle de l'Eglife


ceft exploit pour complaire à ceux qui Romaine, qu'ils ne le pouuoyent faire
attendoyent comme lions affamez cette legitiinement , veu en premier lieu
proye. Mais quelques furieux qu'ils de
fe que ceuxbliquequi ne troublent
Ibyent inonflrez, la debonnaireté ne doyuent eftre l'ordre pu-
perfecutez
ces agneaux a contraint leur rage de pour leur foi. Secondement, combien
s'adoucir en quelque forte, & fait que (grâces à Dieu) foyons certains de
qu'ilstezn'ont noftre foi , toutesfois fi on nous mon-
comme point
on a eflé fi cruellement
acouftumé trai-
de traiter ftroit par la fainfte Efcriture eftre de-
les autres, ce que nous entendrons faillans en quelque chofe, nous ferions
par leurs efcrits , & la procédure te- prefts de nous aft'uiettir à noftre Dieu,
nue contre eux , comment ils ont ref- puis que de tout temps il nous auoit
pondu aux interrogations de leurs iu- donné ce fainfl defirde ieferuir, mefme
ges; bref, comment ils fe font portez du temps de noftre ignorance , auquel
en toute leur afflidion. La confiance
nous le feruions à l'efgaree. Et que
qu'ils ont eue à endurer la mort par ce moyen il nous a incitez à nous
ignominieufe deuant les hommes (à enquérir de quel cofté eftoit fa vérité,
laquelle ils furent finalement adiugez) en ces grands troubles touchant la
a efté rapportée par gens dignes de Religion. Et nous a finalement rengez
foi , comme on verra ci après. Or, en au parti de ceux de Geneue, & en-
premier lieu, nous auons mis leurs ef- tant qu'ils fouftienent la vérité, & ne
crits qui contienent aâes & procédu- demandons autre chofe , finon que la L'Inftitution
Bible foitmifeenauantpour eftre noftre
res iudiciaires , félon qu'ils les ont
mis par efcrit. de la Religion
luge. Et
tienne puis nous
, dont que l'Inftitution
fufmes trouuezChref-
fai- Chreftienne

fis , eftoit là fur la table, qu'en icelle Caluin.


nous monftrerions refponfes peremp- par lean
lEAN VERNOV à /es frères & toires à tout ce qu'ils pourroyent allé-
amis demeurans à Geneue (i).
guer, voire
ledit liure encore
eftoit qu'ils& din"ent
reprouué que
condamné
Mes frères, il a pieu à noftre bon au Concile de Trente, auec defenfe
de ne le lire aucunement.
Dieu nous faire ceft honneur d'auoir
QvANT à noftre afaire , qui eft la
efté menez l'vn après l'autre enchaînez querele de noftre Seigneur, que nous
de la prifon en l'auditoire par deuant poures & miferables vers de terre
le Lieutenant du 'Vibailli , le Preuoft,
l'Aduocat du Roi , les Officiaux de portons , ie vous aduerti que Mer-
credi 10. de Juillet nous fufmes ame-
cefte ville & de Tarantaife , l'Inquifi-
teur de la foi , l'Euefque portatif nez l'vn après l'autre enchaînez par
nommé Furbiti (2), quelques moines devant le Lieutenant du Vibailli, luge
& autres perfonnages; là derechef on député par la Cour, acompagné de
nous a demandé fi nous voulions eftre
deux Vicaires, l'vn de l'Euefque de
opiniaftres en nos herefies, qu'ils ap- Tarantaife & l'autre de l'Euefque de
pel ent mais
; après nous eftre recom- Grenoble (pource qu'auions efté faifis
mandez àla conduite du S. Efprit , au corps par le Preuoft aux terres
auons remonfiré que, quand on nous defdits feigneurs) , l'Inquifiteur de la
print , nous ne faifions que paffer nof- foi, & d'autres moines , tant lacopins
tre chemin paifiblement , & au refle , que Cordeliers, & vn Euefque porta-
tif nommé Furbiti, & autres aduo-
quant à noftre foi , qu'elle eftoit telle
que celle de Geneue, Berne, & au- cats , qui eftoyent députez pour eftre
nos iuges auec le procureur du Roi.
tres Eglifes reformées par l'Euangile,
& comme défia en auions fait quelque Et après que le Preuoft nous eut leu
confeffion. De nous contraindre à la noftre confeffion de foi , on nous de-
manda fi cela contenoit vérité , & fi
voulions y perfifter ; nous difmes, en la
(i) Cahini Opéra. XV, 689.
(2) On appelait évêque portatif un prêtre vertu & force du S. Efprit, qu'oui , &
que nous voulions fouftenir le contenu
qui portait le titre d'évêque, tandis qu'un
autre touchait les revenus de l'évêché. Ce en icelle iufqu'au dernier foufpir de
terme s'employait aussi pour était
désigner un noftre vie & effufion de la dernière
évèque in pjrlihus. Ce Furbity le neveu
du dominicain qui avait joué un certain rôle goutte de noftre fang, comme eftant
dans les commencements de la Réforme à fondée fur la parole de Dieu, contenue
Genève. au vieil & nouueau Teftament. Bien eft
204
LIVRE SIXIEME.

à 30. en tout, où, nous ayans fait venir


vrai,Berne
de que d'autant
auoyent que les Seigneurs
prefenté requefle l'vn après l'autre , fut leu vn arreft
aux feigneurs du Parlement, & en- de la Cour, par lequel lui eftoit en-
ioint & à fes affiftans députez par elle,
uoyéde Hérault
lier Laufane acompagné d"vn efcho-
pour nousdeliurer (i), de parfaire noftre procès dans trois
nous requifmes qu'il nous fuft faift iours
droid là defTus , A que ne reccuions leurs ,offices
fur peine pourd'eflre fufpendus
vn an. Et de delà
Caufe de pour nos luges competens lefdits Vi- commandement fait de refpondre à
recufcr luges maires & Inquifiteur de la foi, comme ce dont nous ferions enquis , & ce
ccclefialliques
ellans parties aduerfes de 1 Euangile après nous auoir fait leucr la main &
& des Eglifes reformées : bref que iurer de dire vérité. Ayans premiè-
ne refpondrions point deuant eux. Ce rement proteflé , que fans preiudicier
que nous difions, non pour reculer, à l'appellation par nous interieflee &
mais pour ne les habiliter pour nos requis que droid nous fuft fait fur la-
luges. Car quand la Cour nous en rité. dite requefle , promifmes de dire vé-
bailleroit d'autres , eftions prefts de
faire ample confeffion de noftre foi & Lors l'vn de nos frères, après la
religion Chreflienne, & de la prouuer ledure de fa depofition , A confeffion
par faite par les interrogatoires touchant
Dieu l'Efcriture
nous en auroit , félon la grâce
donnée. que
Le Lieu- la meft"e & les commandemens de leur
De la Med
de la Cea
tenant nous commanda par deux ou
trois fois , & vfa de commination ; mère fainde Eglife, comme ils l'appe-
mais nous perfiftafmes en notre appel, loyent, & des facremens
leur refpondit qu'elle
que la MelTe auoittient,
eflé
& ainfi fuîmes ramenez aux priions , mife au lieu de la fainde Cène du
excepté que noflre frère & compa- Seigneur, auec laquelle elle auoit auffi
gnon en l'œuure du Seigneur, maif- peu de conuenance que la lumière
tre lean Vernou , difputa contre les
moines enuiron cinq heures, tant de auec les ceténèbres,
loit que & que tantdus'en
fuft le Sacrement fa-
corps
matin qu'après difné. Or depuis, le du Seigneur lefus, que c'eftoit vn pur
Lieutenant ayant fait rapport à la Cour renoncement d'icelui , voire vn facri-
de noflre refponfe & appellation , on lege exécrable & abominable, auquel
s'affembla en vne fale du Parlement le fang de noflre Seigneur lefus Chrift
Dimanche dernier, quatorziefme du-
dit mois, auec la fufdite compagnie & efloit foulé aux pieds; bref, qu'en
l'Eglife Romaine n'y auoit point de
vn grand nombre d'Aduocats, de 2^. Cène
croyoit duqueSeigneur.
le corps Interrogué
& le fang s'il
de
noflre Seigneur fuftent au pain «s au
(i) La nouvelle de l'arrestation de Vernou
et de ses amis produisit une vive émotion à
vin en la Cène , refpondit que non ;
Genève et dans toute la Suisse reformée. mais quand la Cène efloit célébrée & Matth.
Luc 22. 26.&|
Farel écrivait à Calvin, le lo juillet, de adminiflree aux Eglifes reformées par Marc 14.
Neuchàtel : >■ Avidius expccto rescire de
Claris Chrisli vinctis...n Calvin lui répondait, l'Euangile , la parole eflant prefchee ,
le 24 du même mois : « De fratribus nostris & les Sacremens adminiflrez & dif-
qui Camcraci icnentur in carcerc non aliud tribuez fuiuant la pure & fimple infti-
in praiscntia scribcre expedit, nisi incredi- tution de lefus Chrift, comme elle eft
bili alacritate ad mortcm obcundam esse
accincios... •. (Opcra, XV, 670, 604.) Les efcrite,
efl & de aux
demonflré fes Apoflres,
Ades, au ainfi qu'il
chapitre
magisirais bernois intervinrent pour la libé-
ration des prisonniers, dès le commence- fécond, «!t par S. Paul, au chap. 11.
ment du procès, en envoyant des messapers de la première aux Corinth., lors les
spéciaux, porteurs dune demande d'élargis- fidèles, communiquans en cefte forte,
sement', mais en
cette démarche
temps n'aboutit pas.il
On cherchait même à faire a.i;ir & prenans le pain & le vin , ayans foi
Paris auprès de la cour, cl CoRnei, l'envoyé & repentance auec charité, le pain de-
de Berne, obtint des ma^'istrats de Cham- meurant pain en fubftance & qualité,
béry que la cause restât du moins en suspens
& le vin vin , nous prenons par la
jusqu'à l'arrivée d'une réponse. Voy. la lettre
de Calvin à Viret, du 4 août (Opcra . XV, bouche de la foi les fignes de la vérité
712).
Henri Mais
II que cepouvaient n'était pas
venir dedes laordres
cour dede & chofe
corps & lefignifiee
fang de, c'efl
noftreafl"auoir
Seigneurle
tolérance. Le « septembre, Calvin lit de
nouvelles démarches pour obtenir la déli- lefus, lequel eft la vrayc viande âi
vrance des prisonniers, et le Conseil de breuuage de nos âmes , & la parfaite
Genève décida d'envoyer à Chambéry Jean-
Amy Curiet pour intercéder en leur faveur. & entière nourriture d'icclles. Quant
Mais le succès ne devait pas couronner ces à ces paroles : " Ceci eft mon corps, »
efforts [Bulletin, l. XXVIII, p. 446).
fut refpondu que c'eft vne figure en
LES CINQ DE CHAMBERI.

l'Efcriture, qu'on appelé Synecdoche moignage à leur efprit qu'ils font de m.d.lv.
ou Métonymie , qui attribue le nom Dieu , & qu'ils font tous enfeignez de
de la chofe fignifiee au figne , comme Dieu. Par le cinquante quatriefme
la pierre eft dite Chrill, & la colombe chapitre d'Ifaie, & trente & vniefme
de leremie , Saind Jean au fixiefme
le S. El'prit. Or eft-il certain que la
pierre n'efloit point Chrift , ni la co- chapitre , & depuis le quatorziefme
cha. iufques au dixhuitiefme de S.
lombe le S. El'prit.
fubftantiation du pain Que& leur tranf-la
vin en lean, il eft monflré clairement que
chair & au fang, les fubflances & qua- c'eft la parole de Dieu. Les Prophè-
litez du pain & du vin changées , ef- tes qui ont prédit de la venue du Fils
toit vne chofe fi malheureufement &
de Dieu n'ont rien lailTé que la parole
de Dieu. S. Paul, au 8. chapitre des
brutalement inuentee , qu'vn homme
de fens raffis s'en pourroit mocquer à Romains
Dieu habitant , monftre que rend
en nous l'Efprit de
tefmoi-
bon droid. la
a delailTé Mais d'autant
vérité que le
de Dieu & monde
de le- gnage au noftre que nous fommes de
fus Chrifl pour fuiure le menfonge du Chrift , & que par icelui eft faid que De la certitude
diable & de l'Antechrift , c'eft bien nous crions Père. Lors ils de la foi.
Abba,chiens
abayerent comme contre lui,
raifon que l'efprit malin ait befongné
en eux auec efficace d'erreur, & leur pour auoir dit qu'il auoit l'Efprit de
ait fait, au lieu de receuoir la Cène
Dieu habitant en lui , & qu'il lui ren-
du Seigneur, adorer vn morceau de doit tefmoignage que c'efloit la Parole
pain & le tenir pour leur dieu. & qu'il lui imprimoit &feelloit en fon
cœur les promeffes de falut, grâce,
Et après, comme l'Efprit de Dieu faueur & amour de Dieu enuers lui ,
le poulToit , il remonflra que, depuis
auoit efté recueilli en l'Eglife du Sei- l'affeurant de fon adoption en noftre
gneur, il auroit fenti de nouueaux Seigneur lefus, & de fon falut par
mouuemens intérieurs , tant par la icelui.
prédication de la parole de Dieu que L'Inqvisitevr lui allégua lors en
l'adminiftration des Sacremens. Lef- Latin , que S. Paul difoit de foi :
quelles chofes il auoit receu comme Nihil mihi confcius fuin, fed in hoc
de la bouche de Dieu , qui fe fert de
iujlificàtus non fum, c'eft à dire : « le
la langue de fes miniftres comme d'inf- ne me fen en rien coulpable , toute-
fois pour cela ie ne fuis pas iuftifié; »
trumens ; que s'ils auoyent veu & oui laquelle fentence fut trefmal à propos
les chofes comme lui , qu'ils en iuge-
royent tout autrement qu'ils ne font. alléguée par lui, comme quelques ad-
ous aduer- L'vn des moines demanda comme ie uocats Nicodemites (i) ne fe peurent
res de vérité fauoi que le vieil & nouueau Tefla- tenir de lui dire, & ainlî fut ridicule.
)nt
:anonce pour
seul j^gj,j
, fulTent
,- j la
v parole
■ de Dieu,• &^ que
r Vn Cordelier iappoit de l'autre cofté,
.fbranler le cela ne (e doit croire, linon entant que difant que c'eftoit vne prefomption
fondement
d'icelle. l'Eglife la tient & reçoit pour telle. Il diabolique de s'afteurer ainfi du S. Ef-
refpondit prit & de la grâce de Dieu, & qu'il
parole de qu'il
Dieune couchée
croyoit pas que la
es faindes n'efloit licite d'en auoir que quelque
Efcritures foit parole de Dieu pour coniedure. Il lui fut refpondu que ce
cette raifon, mais pource que le flyle feroit poure chofe de noftre foi , fi
& langage des faindes Efcritures ell elle efloit fondée fur coniedures, mais
vn langage de Dieu didé par le S. Ef- faut qu'elle fe fonde fur les promeffes
prit aux fainds Prophètes, Apoflres de Dieu contenues en fa parole , &
& Euangelilles du Seigneur. Car au
quiconque n'a cefte certitude & alTeu-
tefmoignage que rend S. Pierre au rance , & n'en fent vn certain tefmoi-
Fils de Dieu , qui croid qu'il eft le gnage en fon cœur par l'Efprit , il ne
Fils de Dieu viuant & qu'il a les pa- lait que c'efl de Foi ni de Chref-
roles de vie éternelle , lefus lui ref- tienté, & ce qu'il en dit & babille,
pond qu'il eft bien-heureux, & que la' c'eft comme vn clerc d'armes (2). De
chair & le fang ne lui ont point reuelé la puilTance du Pape, & de fes tradi- Des traditions,
ces chofes, mais le Père celefte. Que tions, & de l'authorité des Conciles,
celui eft nai de Dieu , qui croid que & de ce que le plus grand nombre
lefus eft le Chrifl, & reçoit fes paro-
les. Quiconque oid le Fils il oid le
Père, & qui void le Fils void le Père. 1 1) Partisans secrets et timides de l'Evan-
Ceux-ci font enfeignez de Dieu , &
ont le S. Efprit en eux, qui rend tef- (2) Comme un clerc (ou homme d'église)
gile.
qui se mêlerait de parler d"armes.
206 LIVRE SIXIEME.
L'antechfl
tient les traditions de l'Eglife Ro- Romains ; mais qu'eux n'en tenoyent
maine. & non point de la Religion finon ce qui leur fait befoin pour cf-
Chredienne , il leur fut relpondu que tablir la tyrannie du Pape , qui eft
le troupeau de nollre Seigneur ell pe- Antechrift , peind au vif de fes cou- depeinâ.
tit, que la porte eft cftroite qui meine leurs au deuxiefme chapitre de la fé-
à la vie éternelle, & peu de gens en- conde aux ThefT. par l'Efprit de
trent par icelle; mais large celle qui Dieu , qui le nous a defcrit par S.
meine à la perdition. Le nombre petit Paul afin de le fuyr , pour n'eftre
qui fut fauué auec Noé en rarche , perdus auec lui. Que fi en ce monde,
par vos décrets « conciles , vous
fut allégué; & les enfans d'Ifrael qui nous condamnez comme hérétiques,
eftoyent
tout le refle en petit
du monde, pris de
au eftoyent
"nombre qui
vous aurez à faire en l'autre auec vn
idolâtres A fans Dieu & religion luge , qui nous aduouant Fidèles &
Luc 2. )4. vraye. Ils lui dirent : « Ne vois-tu catholiques, nous abfoudra i5: vous iu-
Ailes 28. 22. pas que tant de gens y contredifent \ » gera par fes éternelles ordonnances,
R. (< En cela voi-ie acomplie la pro- vous condamnant à la mort éternelle,
phétie de Simeon, que lefus Chrifl eft fi vous ne vous repentez, & delaiffans
pour figne auquel on contredira , & vos voyes damnables, où le Pape vous
au dernier chap. des Aéles , où les détient par fes menfonges , vous ne
fuiuez cefte pure vérité du Fils de
luifs refpondirent
uent bien que par àtout
S. Paul qu'ils fa-à
on contredit Dieu. A la fin , ils fe fafcherent & le
la vraye religion Chrellienne. » renuoyerent comme obfliné.
Vn Aduocat fe leua A lui dit : Hier, 17. les moines, par leur
« Vien-ça , ne fais-tu pas comme on fentence definitiue, nous déclarèrent
en a fait à plufieurs autres tels que hérétiques , & nous excommunièrent
toi, & qu'on les a fait mourir comme de l'Eglife Romaine comme membres
hérétiques.' » R. " C'eft la première pourris. Et nous, bien ioyeux, decla-
leçon que mon fouuerain Dodeur & rafmes que cela nous eftoit vn tef-
Maiflre lefus Chrift m'a aprife, que moignage
Chreftienneque, ayant
nous eftions de l'Eglife
pour chef lefus
quiconque veut eftre fon difciplq porte
fa croix i\- le fuiue, laquelle il defcrit Chrift, puisla que
nilVoit de fiene,l'Antechrift
& que nousnouseftions
ban-
&foi dépeint
mefme après, c'eft qu'il
À abandonne renonce faà
volontiers en la voye de paradis , puis que les
vie pour lui , & qui fa vie gardera, il membres de Satan nous declaroyent
la perdra. Lifez, au 12. chap. de S. que n'eftions des leurs. Loué foit le
Matthieu , que ceux qui nous afflige- Seigneur de la grâce qu'il nous a fait
ront cuideront faire feruice & facri- d'eftre fortis des horribles blafphemes
fice à Dieu , comme dit noftre Sei- de ces diables encharnez. Nous at-
gneur lefus en S. lean feiziefme. Et tendons noftre fentence de iour en
Philip. I. j6. c'eft la condition des fidèles, que non iour, & l'ift'ue que le Seigneur lefus
feulement ils croyent en lui, maisauffi nous donnera, lequel nous eft gain,
foit à la vie foit à la mort. Et bien-
qu'ils endurent pour lui. Il fut auffi heureux ferons nous, fi nous mourons
allégué ce que l'Efcriture nous tef- au Seigneur , comme il eft efcrit en
moigne , tant du vieil que du nouueau
Teftament, touchant les perfecutions l'Apocalypfe. Faites que voyez les
drefTees iufqu'à la mort aux vrais fer- lettres qu'efcriuons
frères nos Miniftres, &à aux Meffieurs
frères en&
uiteurs de Dieu, comme des trois en-
fans qui furent iettez en la fournaife gênerai , aufquels nous auons efcrit
ardante, pour ne vouloir renoncer à vne adion de grâces & remerciement
à nos trefhonorcz Seigneurs de Ge-
&leurdereligion
Daniel.& Item
adorerS.l'idole
laquesdreffee,
à. S. neue , auec une fupplication & prière
Eftienne, félon S. Luc aux Ades, fep- de reconoiftre les grâces de Dieu , &
tiefme chap. à la Ç\n , & douziefme au comme il leur donne vidoire contre
commencement. les mefchans (1), nous efiouiftiins en
Des Conciles. De l'authorité des Conciles, nous
refpondifmes que nous receuions ce (1) La ■> victoire contre les meschans . » à
qui auroit efté décrété touchant les laquelle il est fail ici allusion, est celle rcm-
poinds de la religion Chrellienne , porliie
par le ,parti
en mai des155c , sur l'imeulc
Libertins, commandésuscitée
par
pourueu que ce fuft félon la Parole Pcrrin cl Bcrthelicr. ■• Ils prenoveni leur
de Dieu, entendue félon l'analogie de couleur, " dil Bèze {Vie de Calvin, édition
la foi, comme dit S. Paul au 12. des Franklin, p. 102), <t sur ce que plusieurs
LES CÏNQ DE CHAMBERI.
\lonnance
Geiieue , noftre dernier foufpir, d'auoir entendu tenant qu'il euft à parfaire noftre pro-
c-, la fuite les fainéles ordonnances imprimées, cès dedans trois iours, fur peine de M.D.LV.

eux qui publiées & attachées (1). Le Seigneur fufpenfion de fon office pour vn an ,
;nt en ce VOUS face la grâce , & à tous frères &
nonobftant l'appel par nous interjette.
ips confpiré fœurs fidèles , de vous conformer à la Apres que la confeffion de foi par nous
Loi de Dieu & à icelles ordonnances. fut leuë , nous fut deniandé fi nous
Ce dixhuidiefme de luillet 1555. voulions perfifter en icelle. Nous ref-
Vous difant à Dieu pour la dernière
fois , & nous recommandant à vos pondifmes qu'oui
nière goutte , iufques
de noftre fang à, la der-
comme
bonnes grâces & faindes prières. Vous eftant fondée en la pure parole de
difant le grand & dernier adieu de ce Dieu. diuertir
Lors l'Inquifiteur s'efforça de
monde , pour aller à la gloire celefle, nous de la vérité de Dieu par
& receuoir la couronne qui nous eft fes vaines illufions. Mais le Seigneur
préparée par noftre Roi & Seigneur nous auoit tellement fortifiez par la
lefus. vertu de fon efprit & de fa parole ,
que nous demeurafmes fermes, & nous
en retournafmes ioyeux , glorifians
Dieu , & lui chantafmes louanges en
Epijîre contenant la confirmation des
la prifon,
vne de ce qu'il
telle affiftance nousEfprit.
de fon auoit fait
De
aâes precedens , efcrite par lean
Vernou au nom de tous (2). vous efcrire par le menu ce qui fut
dit, par qui, & à quel propos, il feroit
Messievrs & trefchers frères, de- bien difficile, veu le peu de loifir, & la
puis vendredi dernier, douziefme de fuieélion où nous fommes, ioinft le de-
ce mois, auons efté amenez deuant le fordre qui fut en toute la procédure;
Lieutenant du Vibailli, accompagné
des Vicaires de Tarentaife & Greno- combien que nous defirons d'en faire
plus long récit es lettres efcrites à
ble, de rinquifiteur de la foi, & cer- tous les frères en gênerai (i). Les
tains Cagots, & de vingt cinq à trente moines & autres faifoyent force quef-
Aduocats. Ceci fut Dimanche dernier.
tions; mais ils n'attendoyent pas la
Le Lieutenant en fit venir quatre, af- refponfe à chacune d'icelles, encores
fauoir, Laborie , Trigalet, Bataille & qu'on la requift tant & plus. Les inter-
Tauran. Car quant au frère Vernou , rogatoires furent, entre autres poinds, Les poinds
fur lefquels
il n'auoit point tant infifté fur l'appel du facrement (qu'ils appellent) du ils furent
que nous fondafmes fur les lettres des mariage , & de &l'extrême
feigneurs de Berne ; ains pluftoft fur la de la Meffe du Pape.ondion,
Chacunauffiy interroguez.
refpondit félon la mefure de fa foi , &
difpute , lufqu'à leur en dire plus
qu'ils n'en vouloyent. Puis on nous l'audience qu'on lui donna; les vns en
leut vn arreft de la Cour du parlement,
particulier par l'Efcriture, les autres
par lequel eftoit enioint au dit Lieu- en gênerai prièrent ces queftionnaires
de les interroguer de chofe meilleure
François estoyent venus habiter en la ville, que de la MelTe ou chofes semblables,
et qu'il esloit à craindre qu'ils ne la trahis- les laissant là pour autant qu'elles
sent.bons,
Cependantqui
leurestans
intention estoit d'oster valent ; que à s'ils en veulent
tous les en quelque partie ils aillent Geneue & auxdifputer
autres ,
du gouvernement leur nuisoyent, ensemble
plusieurs des François, et de changer Testât Eglifes reformées, où ils trouueront à
de la ville et de l'Église à leur plaisir. » qui parler, voire fans danger aucun,
(i) Les " sainctes ordonnances, » dont il
est ici question, sont sans doute les arrêtés encores qu'ils ne puiflfent vaincre. Les
pris par le Petit Conseil et le Conseil des moines fe plaignoyent que n'eftions
Deux-Cents à la suite de ces troubles. Le traitez plus rudement , & que cela
27 mai, les Deux-Cents arrêtèrent n que les nous rendoit fi hardis ; puis difoyent
seigneurs du Petit Conseil continueront à
faire des bourgeois à leur discrétion, au pro- qu'à Geneue ce n'eftoyent que larrons.
fitz, utilité et honneur de la ville iouxte les Mais on leur refpondit que c'eftoyent
franchises . us et bonnes coustumes comme
d'anciennetté. <> iRcg. du Cons., folio 88 !'.) eux qui s'engraifl'oyent du bien d'au-
trui ; & qu'à Geneue chacun trauail-
On comprend
par Calvin et ses combien
amis, lasurvictoire'
le partiremportée
qui avait
dans son programme l'expulsion des réfu-
giés, dut réjouir les prisonniers de Chambéry.
(2) Celle lettre a dû être écrite à la même (l) La lettre qui précède celle-ci nous
paraît être ce « plus long récit .. adressé « à
date ( 18 juillet lîjï ) et par la même occa- tous les frères en général . » tandis que
sion que la précédente; car elle traite des teurs. était probablement destiné aux pas-
celui-ci
mêmes faits, mais d'une manière sommaire.
I
208 LIVRE SIXIEME.

loit pour viure à la fueur de fon vi- m'a fait conoirtre tout le temps que i'ai
conuersé auec vous , & plus fort de-
fage. Quant au Pape , la refponfe fut :
puis mes liens , à ma grande édifica-
Si on prouuoit par l'Efcriturc qu'il fuft tion, que vous elles vrais Minillres,
le chef de l'Eglife , que vrayement on fidèles feruiteurs & enfans de Dieu,
fe fûumettroit à toutes fes ordonnances
A articles de foi. Mais il ne fut iamais abondans en foi & charité manifetle à

queflion d'obtenir ce poind. Cela fait, tous pour le tefmoignage de vollre vo-
nous fuîmes pour ce iour-la feparez cation, &gloire de noftre Dieu. Celui
l'vn d'auec l'autre, iufques à cinq heu- qui a commencé en nous, nous face
res du foir. Le Lundi, ils firent enco-
perfeuerer
frères iufqu'àiciladefin.
qui furent par Les
vousdeux
ces
res feparer Bataille & Tauran d'auec iours pafTez, nous auertirent par let-
nous, cuidans par ce moyen les efton-
ner & diuertir. Mais grâces à Dieu, tres , que defirez recouurer nos con-
feffions de foi (i). Nous euffions
ils demeurèrent fi conftans , qu'on les voulu de bon cœur fatisfaire à voftre
commanda élire remis auec nous. Par-
quoi maintenant fommes enfemble , defir. Mais depuis que le frère l. G. (2)
nous confoians, refiouilTans & con- fut dernièrement auec nous , n'auons
fermans par prières & Pfeaumes que eu papier ni Hures aucunement, ni rien
chantons au Seigneur; & mettons pour nous confoler, à caufe de quoi
peine de nous alTeurer en fes pro- n'auons eu commodité de ce faire. Et
maintenant le papier nous eft baillé à
meffes, attendans telle ilTuë qu'il lui la mefure que voyez. Il vous plaira
plaira nous enuoyer , foit par vie, ou
par mort. donc m'excufer, & en recueillant ma
Confeffion, ou le principal d'icelle de
mes précédentes lettres, enfemble tout
ce qui a elle fait iufques à noftre fen-
tence des galères, vous contenter que
Lettre d'Antoine Laborie aux Minif- ie vous auertiffe de ce qui a efté fait
tres de l'Eglijc de Gcneue, & à fes
amis ejlans à Geneue (i). par la Cour depuis ladite fentence. d'ertre mené
Condamnation
Mercrkdi palTé eut 8. iours, & ef-
Messievrs & bien-aimez pères, & toit le 21. d'Aouft. que noftre premier aux Galères.
vous mes trefchers frères en noftre luge nous vint prononcer noflre fen-
tence des galères (3), à quatre heures
Seigneur, i'ai bien expérimenté, grâ-
ces au Seigneur , combien nous vous après midi, dans noftre prifon ; fur la-
quelle refpondifmes : Que rendions
fommes chers, par la diligence qu'auez
faite pour nous fubuenir en nos liens, grâces à Dieu , de ce& qu'il nous pour
fai-
ne lailTans aucun moyen en arrière foit dignes de fouffrir endurer
fon faind Nom. Incontinent après, de
pour ce faire ; en quoi auez auffi mon-
ftré voftre charité eflre vraye enuers ce que le procureur du Roi fut appe-
nous, non telle comme de plufieurs , lant de ladite fentence, les Seigneurs
de la Cour enuoyerent quérir le frère
qui, preferans les biens & commoditez Vernou , lequel demeura ce foir long
du monde
faire aux auenfans
fecoursdequ'ils
Dieupourroyent
, aiment temps deuant eux; & pource que le
mieux voir cfpandre le fang innocent temps cftoit court, on le remit encores
au lendemain matin; & fut feparé de
deuant leurs
craignans auoiryeux fans s'y
reproche pouroppofer
Chrift ,, nous ce foir à noftre grand regret, &
ne fut fans prier Dieu ardemment
& toutefois fe vantent d'eftre grands
Chreftiens, & des plus charitables.
Mais ie ren grâces à mon Dieu , qui (1) Il s'agit
Vernou, au nomde dela confession
ses frères etdeen foisonluenom,
par
lors de leur première comparution, le 10 juil-
let. Voy. plus haut, p. 20;. Comme on le
(I) Celle lettre n'est pas datée; mais si, voit ici, elle ne put pas être envoyée à Ge-
comme un examen attentif nous le fait pen-
ser, elle fut envoyée par le même porteur l'ait omise.
nève, et c'est ce qui explique que Crespin
que celle qui la suit, elle devrait être datée
de la fin d août ou du I" septembre 1555 , (2) Probablement l'étudiant de Lausanne,
c'est-à-dire plus de six semaines après les dont il est parlé plus haut.
(f) Le tribunal de Chambéry voulut sans
deux lettres de Jean Vernou. Dans l'inter- doute donner, par cette sentence, relative-
valle se place la lettre qu'on trouvera plus ment douce, un semblant Je satisfaction aux
loin , sous le titre i Episirc commune des réclamations du gouvernement bernois. Mais,
dits prisonniers aux ministres de Cen^i'C , comme on va le voir, le procureur du roi
s'accusent d'une infrac-
à la véritéilsdans leur premier interro-
dans tionlaquelle eut soin, par un appel j minima, de ne pas
rendre cette sentence définitive.
gatoire.
LES CINQ DE CHAMBERI.

pour lui & pour nous. Le lendemain


qui eftoit Jeudi, il fut encores remené cedens, & de noftre fentence ; m'auer- m.d.lv.
tiffant que le procureur du Roy en
deuant Meffieurs, où il demeura toute auoit appelé. Sur quoi ie lui refpondi,
la matinée ; &, grâces au Seigneur, fe comment le tout auoit efté démené;
porta vaillamment deuant eux, & leur & quant à la fentence , que ie ne
refifta de forte qu'ils ne gagnèrent pouuoi pas empefcher le procureur
rien trafur
point.lui. Apres difné, la Cour n'en- d'en appeler;
toi preft mais quant
de receuoir à moi, tout
en patience i'ef-
Laborie mené Le Vendredi matin à fept heures, on ce qu'il plairoit à Dieu m'enuoyer,
deuant la me vint quérir, pour me mener deuant fuft la deliurance, la mort , ou les ga-
Chamberi lefdits Seigneurs en la chambre de lères, veu que c'eftoit pour l'on Nom
leur bureau. Là eftoyent affis en leurs que i'enduroi l'vn ou l'autre. Sur cela,
chaires les deux Prefidens, neuf Con- il me demanda pourquoi i'auoi laiffé
feillers , l'Aduocat du Roy, & le mon
Greffier. Incontinent que ie fu entré, le luipays,
refpondi & m'eftoi
de la retiré
caufe àà la
Geneue.
vérité.
Lors il me commanda de me leuer ;
l'vn des principaux commanda au
Greffier de me prefenter vn tableau , & après que ie fu debout , il me fit
où il auoit vn crucefix peind , & me
vne harangue, ornée d'allechemens,
commanda de me mettre à genoux. le
autant grands que i'aye iamais ouis ,
refpondi : « A Dieu ne plaife que ie pour me remonftrer que ie pouuoi
auffi bien viure en ma maifon & feruir
me proflerne
ture. »Alors deuant l'idole
me fut dit ou créa-
: « Vous elles à Dieu, comme à Geneue, & mefme
bien mordant ; & penfez-vous que la que i'offenfoi Dieu me retirant auec
Courentende que vous adoriez l'image, fcandale ; & fur cela pafl'ages de la
. ni nous auffi.' non ; mais la Cour vous fainde Efcriture n'y furent efpargnez.
commande que vous adoriez Dieu, & Sur la fin de la harangue, il print des
honoriez le Magiftrat ; & pour ce faire argumens pour prouuer que nous
que vous vous mettiez à genoux, afin eflions iuftifiez par œuures ; que nous
de iurer deuant voftre Dieu, que vous auions vn franc arbitre; que le Pape,
direz vérité , & refpondrez d'icelle en combien qu'en fa vie il fufl mefchant
toute reuerence. » « Meffieurs, » di-ie, (comme il confeffa par fon propos)
deuoit eftre tenu pour Euefque, & que
« c'eft ce que ie defire d'adorer Dieu,
& l'honnorer , voire & obéir au Ma- c'eftoit mal lafait de l'appeler l'Ante-&
giftrat; & pourtant ie me fubmets à chrift ; que Meffe eftoit la Cène,
voftre commandement, pourueu que vn facrifice d'aélion de grâces ; que
l'idole foit oftee de là , & non autre- les cérémonies que l'on fait au Bap-
ment ;veu
neur que ce
de Dieu. feroit il
» Alors contre l'hon-
commanda tefme, font fupportables encores qu'el-
les foyent fuperflues , veu que Sainél
Paul circoncit Timothee , & fe rafa ;
au Greffier d'ofter l'image.
chef ilme commanda de me Et dere-à
mettre & plufieurs autres belles raifons, par
genoux, auec déclaration que la Cour lefquelles ils me prioyent de me ré-
duire àleur Eglife.
n'entendoit que i'adorafle autre que
Dieu , mais feulement pour monftrer SvR cela , combien que ma chair
l'obeiffance deuë au Magiftrat. Lors fentift de terribles atteintes , le Sei-
protefiant gneur me donna dequoi leur refpon-
autrement, que ains ie n'entendoi
pluftoft mourir,le iefaire
me dre , premièrement des caufes par
mi à genoux. Incontinent il me fit lefquelles ie ne pouuoi demeurer en
faine confcience en la Papauté, eftant
rapporter l'idole pour iurer; ce que
voyant , ie me voulu releuer, difant priué 14
& desdeSacremens.
la prédication
le de l'Euangile,
refpondi puis
que ie n'en feroi rien. Alors il com-
manda derechef qu'on l'oftaft , & me après pour fur les argumens
fit apporter la Bible, fur laquelle ie faits le franc arbitrequ'il m'auoit
& pour les
iurai dire venté. Cela fut caufe que œuures , & amenai argumens au con-
traire. Mais fans attendre autres rai-
la queftion
deuant que dedemander
l'idolâtriemon
fut nom
auancee
; & fons, rompit propos, tellement que ie
fut affez au long debatuë. Apres on fu contraint de me plaindre, & deman-
me demanda mon nom , ma naiffance,
der fi la Cour n'entendoit point que
& ma vocation. le refpondi de tout à ie fuffe oui ; & lors les propos furent
Prefident la vérité. Le Prefident me demanda
plaidant la mieux reiglez , fi continuafmes de de-
caufe du Pape.
jg . j^^•.. prife, de la procédure
n - /• •. i qui batre tous lefdits poinfts , lufques à
^ m auoit efte faite par mes luges pre- dix heures. le vous pourroi bien en
II.
210 LIVRE SIXIEME.

partie rccitcr par le menu ce qui fut le prier pour mes frères qui n'eftoyent
dit par ordre, mais de peur que le pa- encor mandez. Et veu que ledit Pre-
pier ne faille , A d'autant que vous le fident m'auoit accordé ce que delfus,
pouuez mieux penfer, feulement le i'eu grand defir de parler à eux , pour
mettrai la lin de nos difputes, laquelle leur annoncer le iugement de Dieu.
Accord de
plulicurs fut telle (ne fai (i c'efloit par feintife A caufe dequoi ie priai celui qui m'ap-
ou à franc
la vérité) porta àdifner que , fi Meffieurs en-
poincils de U
Religion. auoir arbitre qu'il
, que m'accorda n'y
nous fommes triiyent après difné, il leur dift que ie
iulliliez par foi , & non par œuures , les prioi de parler encor à eux, ce
que la Med'e efloit farcie de mille fu- qu'il promit de faire. Soudain, ie me
perfluitez, voire qui ne valoyent rien; mi à prier ardemment noftre Dieu
qu'elle ne pouuoit ertre facritice pour qu'il me le
monftrer fift deuoir
cefte grâce de leur
de leur charge,re-
les péchez, mais feulement d'adion de noftre innocence & le iugement de
grâces; que le corps de lefus Chrill
n'eftoit point localement au pain, ni le Dieu, le demeurai ainfi, priant & mé-
fang au vin idolâtres.
; que ceux Quant
qui l'adoroyent ditant iufqu'à deux heures après midi,
là ertoyent au Pape,
que ce
auoit parlé feruiteur me vint
à Meffieurs diremoiqu'il
pour &
qu'il n'eftoit point Euefque des Euef-
ques, mais Euefque de Rome feule- que ie vinft'e dire ce que ie voudroi.
ment, & que c'elloit chofe vraye qu'il Soudain, bien ioyeux d'vne telle nou-
viuoit trefmal , & lui & les Euefques uelle, ie m'en vai deuant Meffieurs au
lieu fufdiA, où tous eftoyent comme
& preftres, & ne s'acquittoyent en de matin. le me mi tout debout de-
rien de leur charge , & elloit à defirer
uant eux, & le Prefident me dit ainfi :
vne bonne reformation. Bref, il m'ac-
cordoit prefque tout, tellement que ie Il Maiftre Antoine, que dites-vous? » ■
fu contraint lui dire ces paroles ; Alors, eflevant mon efprit à Dieu
« Monfieur, ie voudroi que Dieu euft pour le requérir à mon aide, ie com-
fait la grâce à tous les moines de mençai aleur remonftrer le deuoir de
France d'eflre auffi bons théologiens leur charge & pourquoi Dieu les auoit
conftituez guettes (i) fur fon peuple,
que vous;
cord. Et à car nous ieferions
ce que toft ,d'ac-
puis voir il ne mefme leur auoit communiqué fon
faut pas craindre que me condamniez, Nom de Dieu & ainfi les exhortai de
fi ne le faites contre voftre confcience.
s'en acquitter félon fa volonté. Apres
Car fi ie fuis hérétique (ce que non ) leur remonftrai l'innocence de mes
vous l'eftes auffi bien que moi par frères & la miene, laquelle ils ne pou-
CratTus voftre propre confeffion. » Sur cela, uoyent ignorer, veu que de matin ils
Confciller de tous lesconfeilliers fe prindrent à rire;
Chamberi. l'auoyent confeft'ce & qu'ils ne pou-
& vn nommé Craffus, qui eftoit noftre uoyoient eftre de ceux qui iugent par
rapporteur, me dit : « Il faut que vous ignorance , au rapport & iugement
foyez hérétique comme lui , non pas des moines fur les herefies, veu que
lui comme vous. » A quoi ie refpondi : Dieu les auoit douez de grande co-
« Monfieur, ie ne le veux pas eftre noin"ance pour en faire iugement. Et
comme lui; car par auanlure ie le fe- par ainfi qu'il auifaftent à la caufe de
roi par lidion , mais ie voudroi bien lefus Chrift, puis qu'ils en eftoyent
que lui & vous tous le fuffiez comme iuges en nos perfonnes, comme eftans
fes membres, auifant bien de ne com-
&moi,
fauxà fauoir
iugement feulement
du monde.par »l'opinion
mettree lele peclpéché contre le faind Efprit;
Ce Prefident vint rouge de vifage uoi leur
fur quoi leur reprefentai le iugement
& fe print à me faire encores quelques de Dieu viuement , & finalement leur
exhortations <\ fa mode pour m;.' faire remonftrai le foin que le Seigneur a
des liens & comment il requiert leur
renoncer. &, voyant qu'il n'auançoit
rien , me firent remener pource que fang. Bref, Dieu me fit la grâce que
l'heure de leur difner les prelToit. le ie fus efcouté d'eux enuiron vne heure
fu mis en vne chambrette à part , fc- fans interruption iS leur di tout ce que
paré de mes frères, qui me fut bien le Seigneur me donna de leur dire,
dur, mefme que le les cufte bien voulu auec application des paffages , telle-
auertir des moyens cauteleux defdids
ment qu'il faut glorifier Dieu en l'af-
Seigneurs. Mais fouduin ie fu grande- fiftance qu'il me fit par fa grâce.
ment confolé , conoilTant l'affiftance Tant que ie parlai . tous auoyent
que le Seigneur m'auoit faite, à caufe
dequoi ie me mi à lui rendre grâces &
(I) Sentinelles.
LES CINQ DE CHAMBERI. 21 I

l'œil fur moi, & moi fur eux, & en mande (1). Le lendemain, famedi ma-
vi quelques vns des plus ieunes qui tin ,les frères Bataille & Tavran fu-
rent amenez & tenus toute la matinée,
auoyent la larme à l'œil. Apres que
i'eus acheué, l'vn des principaux con- aufquels le Seigneur affifla fi bien,
felTa tout ce que ie difoi élire vrai
quant à leur ofRce , mais que ie fauoi qu'ilstan triomphèrent
& fes cautelles.de Etrembarrer Sa-
après , bien
bien que Dieu a commandé par Moyfe ioyeux du commandement de la Cour,
que les hérétiques foyent punis les fuîmes remis enfemble. Le Lundi
premiers & que ie ne pouuoi nier que, après, 26. d'Aoufl, tous enfemble fuf-
combien que i'eulTe dit des chofes mes amenez deuant Meffieurs, qui fi-
rent grande remonftrance & inllance
vrayes, que ie n'euffe offenfé grande-
ment & fcandalizé mes prochains, ap- pour nous réduire. Le frère Vernou ,
pelant le Pape Antechrift, & fils de par la grâce de Dieu , refpondit am-
perdition, & la M elfe inuention du plement pour tous, de forte que glo-
diable, fingerie, & œuure de toute rifiafmes noftre Dieu & nous en retour-
abomination ; par ainfi mon fang ne nafmes viftorieux. Depuis auons efté
pouuoit ertre innocent, & plufieurs condamnez entr'eux, comme l'on dit,
à élire bruflez tous cinq. Nous rendons
autres propos. le lui accordai qu'il fa-
loit punir les hérétiques & lui alle- grâces à Dieu & attendons l'heure,
:ichel Seruet guai Seruet qui auoit edé puni à Ge- nous recommandans à vos prières.
retique puni „^.^,^ ^, j^ ^.^\^ qu'ils auifaffent bien de
ne punir les Chrefliens & enfans de
Dieu, au lieu des hérétiques, comme
toute la Cour auoit tefmoignage en Efcrit de IcanGencue
Trigalet
(2).à fes amis à
leurs confciences que nous ellions en-
fans de Dieu, & ainfi qu'ils fe gardaf-
fent de communiquer au iugement de Pvis qu'il ne plait à ce bon Dieu ,
Pilate pour fauorifer aux Princes du mes frères, nous donner la commodité
monde & Sacrificateurs de Belial. A de vous efcrire au long nos confeffions
la fin , il me pria fouuentefois par de foi, & tout ce qui a elle fait par le
beaucoup d'allechemens, de faire vne menu par nos aduerfaires contre nous,
retradation fimplement deuant eux, comme aucuns de vous défirent &
& qu'il me lairroit aller, veu que ie nous prient par leurs lettre, il faut que
pouuoi faire grand fruiâ, & ladite re- vous & nous prenions patience & nous
tradation ne feroit point dangereufe. contentions de ce qu'il lui plait enco-
Sur quoi, il mit vne MelTe toute nou- res nous faire ce bien de vous en pou-
uelle , & vn Pape tout nouueau , les uoir mander, comme par pièces, la
bigarrant de diuerfes couleurs, & me fomme de ce qui en eft , félon la me-
pria que ie receulTe celte modération.
le respondi que, pour bien amender la fure du papier & de l'ancre que nous
MelTe, il la faloit ofter du tout, & faire pouuons auoir. Car noftre defir n'eft
autre que de nous exercer, tant qu'il
I. Cor. comme faind Paul, reuenir à l'inllitu- plaira à Dieu nous lailfer viure en ce
tion première du Seigneur pour refti- monde, à vous pouuoir rendre quelque
tuer la Cène en fon entier. Touchant
petite portion des fingulieres confola-
au Pape , ie refpondi, quand il enfuy- tions & exhortations diuines que nous
uroit S. Pierre & les Apollres, en vie auons receu par vos lettres, depuis
& en dodrine, que ie le tiendroi pour
qu'il a pieu à Dieu nous faire fes pri-
Euefque. Ces chofes dites, ie fu ren- fonniers, par lefquelles nous pouuons
uoyé en ma petite chambrette. A qua-
tre heures, le frère Trigalet fut amené (i) Dans la lettre suivante.
deuant eux& leur refpondit de mefme (2) Par une inadvertance bizarre, cette
(grâces au Seigneur) comme il le vous lettre, qui porte la signature Jean Trigalet,
et qui est incontestablement de lui , est pré-
cédée, dans les diverses éditions publiées
tant du vivant de Crespin qu'après sa mort,
(i) L"exéculion de Servet avait eu lieu le de cette suscription : Autre escrit dudit An-
27 octobre IÇ5;. Labone , en approuvant toine Laborie à ses amis à Gencue. Cette
cette exécution . raisonnait comme la pres- lettre, à laquelle il est fait allusion à la fin
que universalité de ses contemporains , ca- de la précédente, raconte les mêmes faits
tholiques ou protestants. « Etran^-e position,')
dirons-nous avec M. Jules Bonnet, « que que celle de Laborie, sauf qu'écrite par
celle de cet accusé glorifiant la loi inique Trigalet, elle fait une place naturellement
plus large aux interrogatoires de ce martyr,
qui va le frapper, et n'en contestant que la et complète, à ce point de vue et à quelques
légitime application! »
autres, l'autre relation.
il2 LIVRE SIXIEME.

nous obéirions. Et incontinent par le


protellLT à la vérité , qu'auons receu Greffier furent leuës les refponfes que
plus de dodrine, de force & de conf- nous auions faites, tant par deuant
. tance (moyennant vos prières, des- le preuoft que deuant les autres.
quelles auons iournelle
mentons
menté
expériment les fruids )que-
Ot expéri
Apres la ledure d'iceiies , fufmes
n'auons fait depuis que le Seigneur interroguez par ferment, fi voulions
nous a communiqué fa vérité , dont y perfeuerer. Fut refpondu : Veu
vous mercions tres-humblement , & ciue nofdites refponfes eftoyent fon-
prions bien fort de continuer, alTa- ne nousdées furauoit
la parole de Dieu
pas encore , & qu'on
remonftré du
uoir, & de prier & de nous efcrire
iufqucs à ce que nous foyons retirés contraire par icelle , qui cft la vérité
auec le Seigneur. Vos dernières let- infaillible, que nous ne pouuions dire
tres nous furent rendues Samedi & vin- autrement. Toutefois, pour monftrer
drent bien à poind, car nous auons que n'eftions hérétiques ni obftinez ,
elle amplement confoiez en la ledure offrifmes que, H par ignorance nous
d'iceiies tout iedid iour du Samedi. errions en quelque
Le lendemain, qui eftoit Dimanche, nous remonftrat par chofe , & que
la parole l'on
de Dieu
on nous enuoya quérir tous l'vn après de prendre corredion. Car noftre in-
l'autre, excepté le frère maiftre lean fuiure & tention
croire& volonté n'eft autre la
lefusChrift.en quevoyc
de
Vernou, qui ne fut point appelé, &
fufmes menez feparément par deuant qu'il nous a communiquée par fa parole.
Lors, l'Inquifiteur commença à nous
nos luges, qui elloyent afl'emblez en faire vne harangue, comme les autres
vn parque t, oùaul'on
elles, tient. les audiences fois, où il ne faifoit mention que du
crimin palais Là prefidoit
le Lieutenant du 'Vibailli Pape & point de lefus Chrift. Et
monfieur
auec les gens du Roi , & vne troupe d'autant qu'il difoit y auoir en nos
deConfeilliers & d'aduocats y efloyent refponfes des articles hérétiques, nous
auffi, rinquifiteur auec les Officiaux le priafmes de nous monftrer lefdits
de celle ville tSc de Tarentaife, auec articles hérétiques. Nous ne vous reci-
quatre ou cinq moines, Cordeliers & terons ici tous les poinds, mais feule-
lacopins. Or, pource que cefloit Di- ment les principaux. L'Inquifiteur dit
manche, ily auoit plufieurs autres
alors que nous tenions qu'il n'y auoit Des facre
gens, qui, n'ayans autre chofe à faire, que deuxSacremens,& ne voulions re- mens.
ceuoir les autres cinq , qui auoyent
ntnouslà venus. Là par le Lieute-
efloyenant fut leu vn arreft de la Cour,
toufiours efté tenus par l'Eglife. R.
par lequel eftoit enioint à lui & à fes (i Quand vous nous monftrerez par la
affiftans de nous parfaire nos procès
parole de Dieu
nous offrons qu'il y en ait Ild'autres,
de lesreceuoir.» allégua
dans trois iours, fur peine d'ellre fuf-
pendus de leurs offices pour vn an. alors le cinquiefme chapitre des Ephe-
Suiuant lequel arreft nous fut com- fiens : « Comment (dit-il) n'eft-il pas
efcrit du mariage. Hoc Sacramentum
drepar lefurLieute nant d'efcouter
& refponmandé les admonitions qui magnum ejll » R. « Et comment, Mon-
nous fcroyent faites par l'Inquifiteur , fieur, entendez-vous fi bien les Efcritu-
fur peine d'eftre attaints & conucincus res, que d'appliquer cela au mariage r Du mariag
d'herefie & d'eftre feditieux, fcanda- Saind Paul mefme dit qu'il l'entend
leux tSr obftinez. Sur quoi, après auoir de
inuoqué le Nom du Seigneur, nous vousChrift & de le
renuerfez l'Eglife,
fens de& S. par Paul.
ainfi

que admoni auions aft'ez ref-


nous tions, Mais encore qu'il parlaft du Mariage,
pondu afmes
allegu aufdites & mcfme fi vous entendez le Grec, vous pouuez
que nous ne voulio ns faire preiudice conoiftreque le mot a efté mal tourné.»
aux priuileges de nos Seigneurs de <■ Si fait (dit-il) l'en entenquelquepeu. »
Berne cS: de Geneue. Derechef com- Nous demandafme qu'il lui pleuft nous
mandement nous fut fait. Lors nous dire comment il y a en Grec. Alors
difme tout haut ce verfet de la com- l'Inquifiteur fut eftonné & ne feut
dire mot. Et nous lui difmes : <■ Mon-
Ifnic i8 u d'Eze
p'^int,i;rcjpon chias : Domine, vim
patior de pro me, que fans pré-
judice du priuilege et liberté de nof- (qz le fieur,
direnous ;voyons
nous le bien quedonc.
dirons vous »n'o-
Le
dits Seigneurs, iSt la pourfuite qu'ils mot.Grec fignifie /<;cr(;/ ou m^^Jlere, &
en pourroyent faire , tant deuant le non pas Sacrement. El par ainfi voftre
Parlement que deuant le Roi.mefmes argument eft mal fondé. Item , nous
fommes bien efbahis, comment vous
Vi.-ii la contrainte que l'on nous faifoit.
21

LES CINQ DE CHAMBERI.

voulez que nous receuions le Mariage péchez. R. « La remiffion des péchez m.d.lv.
pour Sacrement, & cependant vous le
n'ert pas attribuée à l'ondion au texte,
tenez pour chofe pollue entre vous, mais notamment à la prière faite par
&rauez chalTé pour introduire la pail- foi : car la remiffion de nos péchez eft
lardife. » Comme nous parlions ainfi, au fangde Jefus Chrift & non ailleurs.»
ceft Inquifiteur dit que c'efloit trop Ils dirent que tout cela eftoit condamné
difputé , car nous eftions hérétiques. par les Conciles & que nous eftions
)e Texireme « Que dites-vous (dit-il) de l'Extrême donc hérétiques. Mais il y auoit tant
Onaion. onftion ?» R. <( Mais, Monfieur, débat- de confufion en ces propos que rien
tons premièrement du Mariage, & al- plus ; car ils eftoyent toufiours fept ou
lons par ordre, ou confelTez que vous huift à parler à la fois, & nous leur
eftesveincu.» Incontinent tous, &Offi- baillions toufiours telle defcouuerte
ciaux, Moines & Aduocats fe mirent de leur folie, que les affiftans eftoyent
à crier: «Ceft trop prefché, il ne faut contraints d'en rire. Nous fufmes in-
plus difputer . refpondez fi vous voulez. » terroguez fi ne voulions croire aux Con-
R. « Helas I Meffieurs, vous eftes bien ciles. R. « Nous accordons toufiours
haftezà faire mourir cinq poures inno- auec les Conciles & ordonnances qui Des Conciles,
cens fans vouloir entendre leur iufte font conformes à la vérité de Dieu, &
caufe ; vous voyez bien que nos aduer- fondées fur icelle, autrement non;
faires ne fauent rien prouuer de ce car pluftoft nous les auons en exécra-
qu'ils difent, vous& pource quela vous en tion, comme traditions humaines con-
eftes marris, remettez cholere treuenantes & répugnantes à la parole
fur nous. Bien, fi vous ne nous voulez de Dieu, comme S. Paul mefme com-
ouyr ici, nous auons le Juge des Ju- mandoit aux Galatiens de ce faire, voire Gai. 1.8.
ges, qui eft noftre Dieu, qui nous orra quand vn Ange du ciel nous apporteroit
benignement, & nous fera droit à tous, autre dodrine, que ce qui eft contenu
& deuant lequel il vous faudra refpon- en l'Euangile. » Sur cela, s'efmeut vne
Notez ceci, dre du tort que vous faites maintenant
à lefus Chrift fon Fils en nos perfon- grande queftionnous
uoir comment qu'ils nous firent
fauions que le: afl"a-
vieil
nes , d'autant
comme que nousIl nous
fes membres.» fommes ici
fut fait & nouueau Teftament fun"ent la parole
de Dieu , fi ce n'eft d'autant que les
commandement de refpondre fur la- Conciles & l'Eglife Romaine l'aprou-Il
dite Extrême Ondion ; car S. laques, uent, & nous en rendent certains.
dirent-ils, l'a commandée, & vous ne leur fut refpondu que , combien que
pouuez fuir à cela. R. « Nous accor- Dieu fe foit aidé & des Juifs, & des
dons qu'au commencement que l'Euan- Papiftes, pour garder les fainds Hures
de fa volonté, que pour cela nous ne
gile fut prefché par les Apoftres, d'au-
tant qu'il eftoit befoin que la doârine prenons pas d'eux tefmoignages ni ap-
Solution du fuft confermee par miracles, il y auoit probation que
, ce foit la parole de De la parole
paffage de
S. laques. jgs fignes OU facremens reprefentans Dieu; mais nous en auons vn certain de Die"-
lefdits miracles, la vérité defquels s'en tefmoignage en noftre confcience par
enfuyuoit. Comme l'impofition des l'efprit d'adoption, qui befongne en
mains , qui fignifioit le don du fainft nos cœurs, & nous rend certains plei-
Efprit , & quand & quand la vérité nement des promeffes de Dieu, nous
faifant crier Abba Père, comme S.
s'enfuyuoit
toire des Aéles. , comme il apert par ladite
Semblablement l'hif- Paul traite au 8. des Romains. Et Rom. 8. 15.
onélion d'huile eftoit tellement falu- mefme, difmes-nous, celui qui n'a
taire que la guerifon point certitude du mefme efprit , ne
raculeufement, commes'enle enfuiuoit mi-
texte mefme
peut eftre enfant de Dieu. Ce poind-la
de S. Jaques le porte. Or, quand la fut debatu pleinement, & leur fut re-
prédication de l'Euangile fut receuë monftré (grâces au Seigneur) le grand
par le monde, le don du S. Efprit vi- blafpheme qu'ils commettoyent , de
fiblement & femblablement les mira- vouloir affuiettir la parole éternelle de
cles cédèrent , & confequemment lef- Dieu à l'authorité des hommes char-
dits fignes, lefquels font vains fans la nels, & mefme des diables ; car il eft
vérité. Et puis, quelle conuenance y bien certain que iamais homme qui
a-il entre ladite onôion & voftre onc- foit mené de Dieu, & qui ait quelque
tion, & quelle guerifon s'en enfuit-il.^ raifon , ne penfera vn fi grand blaf-
'Vous ne la portezencore
Ils demandèrent qu'à lafi defefperee.
ladite onc-
tion ne conferoit pas la remiffion des Il feroit pour le prefent impoffible
pheme.
à nous de vous mander par le menu
-:'4
LIVRE SIXIEME.

tout ce qui fut dit ; toutesfois ne faut auec nous , toutesfois qu'ils nous ad-
monnedoyent de nous réduire. A quoi
omettre qu'il y en eut en la compa-
gnie qui nous dirent que c'eftoit I ef- fut refpondu
raifons autres, veu
que qu'ils n'amenoyent
de leur boutique,
prit
Dieu , diable,
du qui nousA non pointcertains
rendoit l'efprit de
de que nous auions auffi peu à faire de
ces chofes. Aufquels en refpondant leurs fer.
admonitions que du diable d'en-le
fut par nous demandé, par quel efprit Protefians toutesfois deuant
fut commandé à Abraham de facrifier
iuge & fes affiitans, de ce qu'il voyoit
fon lils Ifaac, & ils refpondirent : " Par bien que nos aduerfaires ne fauoycnt
l'Efprit de Dieu. « R. u Si Abraham & ne pouuoyent monflrer le contraire
a creu de faire vn meurtre , qui ertoit de ce que nous difions. Et par ainfi
contre veu que nollre innocence eftoit mani-
ait eu vnla mouuement
loi naturelleen, fon
il a cœur
falu qu'il
au- ferte , qu'il
tre que la chair, laquelle le pouuoit il feroit de auifafi biendequel
la caufe iugement
Jufus Chrift
bien induire à penfer que ce full vn que nous fouftenions , eftant affeuré
diable pluftoft que l'Efprit de Dieu. 3u'il
udit lui faudroitdeuant
iugement vne fois
Dieurefpondre
mefme,
Et c'eft le mefme efprit qui nous rend <i deuant nous. Sur cela nous fufmes
certains, qui befongnoit auffi en lui ,
pour lui renuoyez à la prifon, feparez l'vn de
lonté defaire
Dieu croire
; mais que c'elloit
il ne la vo-
fe faut ef- l'autre iufques à cinq heures du foir.
Le lendemain qui efloit Lundi , le G. Tauran.
merueiller fi vous ne fauez que c'eA ;
I. Cor. 14. car l'homme fenfuel ne peut iuger frère
neue ,Tauran , quirien
ni iamais n'a veu
demeuré à Ge-
ni conu de
des chofes fpirituelles. « Et beaucoup
d'autres chofes leur furent dites fur Dieu, que depuis trois mois en ça, fut
ce propos. Apres fufmes interrogucz enuoyé quérir. Et faut noter que ,
de la Cène , de la M elfe , du Purga- pensans le gaigner, l'auoyent feparé
toire, de la Confeffion, & autres leurs le foir d'auec nous ; mais Dieu lui fit la
Sacremens. Chacun article fut telle-
grâce qu'il leur refpondit, & les rem-
ment debatu entre comme
en demeurèrent eux & des
nous,fufdits.
qu'ils barra de telle forte, qu'il leur defcou-
urit toutes leurs vilenies , mieux que
Ce feroit trop long de vous efcrire n'auions pas fait. Dequoi ils furent
ce qui fut traité là delTus. Il fuflîra bien fafchez , & le rcnuoyerent auec
dire félon
dit qu'un lachacunmefurede denous y refpon-
fa foi , ot de nous, lui difant qu'il efioit auffi bien
perdu que les autres. Apres fut amené
forte que les ennemis furent rembar- auec nous, dequoi nous fufmes bien
rez de tous coflez , & confus : grâces aifes, & rendifmes grâces à noftrc bon
en foit à ce bon Dieu. Pour la (in, il
Dieu auoit
nous de la donnée
force & àperfeuerance
tous. qu'il
fut requis par nous que nous parlif- Sentence du 1
Du Pape. fions un peu du Pape, leur faifans ceft Le Meeredi 21. d'Aouft, à quatre
heures après midi, noflre luge le premier fiege.
offre que , s'ils nous pouuoyent prou-
uer par la fainde Efcriture , que le Lieutenant du Vibailli nous vint pro-
noncer noflre fentence en la chambre
Pape fufl chef de l'Eglife de Jefus
Chrirt, que nous receurions toutes fes de noflre prifon , par laquelle eflions
ordonnances ; mais iamais ne voulu- condamnez, 'Vernou , Laborie & Tri-
rent entendre à ce poind, ni en galet, pour toute noftre vie aux galè-
débattre aucunement. Et alors nous res ;& Bataille & Tauran pour dix
ans , auec prohibition & defenfe de
difmes , que puis qu'ils ne vouloycnt
prouuer que le Pape fuft chef de n'en fortir, fur peine d'eflre bruflez,
fi eflions trouuez , & les deux frères
l'Eglife, que nous offrions prouuer &
foufienir, par le texte de l' Efcriture deuant leur temps, nous demandans fi
fainde, que le Pape efl l'Antechrifl , en appelions. Et lors Laborie, au nom
& qu'ils nous baillaffent vne Bible , de tous, refpondit que non; mais que
comme nous les auions requis plufieurs receuions ce qu'il plaifoit à noflre bon
fois , & n'en voulurent iamais rien Dieu & Père nous donner, le mer-
faire. Nous commençafmes à déduire ciant humblement & louant , de ce
les cnap.
palTages qu'il nous auoit fait dignes de fouffrir
2. maisdeiamais
la féconde aux Thefl".
ne peurcnt auoir pour fon Nom. De cefle fentence
r;atience, ains fc mirent à crier comme
oups , que nous eflions plus héréti-
s'efloit
reur duporté pour
Roi de appelant
la Cour le procu-
du Bailliage,
ques que Wicleflf , H us, Luther , l'if à l'infligation du Parlement. Parquoi
incontinent après à la mefme heure ,
tous autres; & qu'il ne faloit difputer
LES CINQ DE CHAMBERI.

fut mandé venir par deuers Meffieurs éternelle ceux qui y croyent & adhe- m.d.lv.
le frère Vernou , & fut oui ledit iour rent. Et moi, ayant refpondu que cela
&nous.
le lendemain , eftant feparé d"auec contenoit vérité, ie lui di qu'il n'y Vn feul facri-
Le vendredi fuyuant au matin , fut auoit qu'vn facrifice éternel , fait par fice éternel,
le Sacrificateur éternel félon l'ordre
appelé & mené le frère Laborie , & de Melchifedec, noftre Seigneur Jefus
oui ce matin & l'apres difner bien au Chrift , lequel il a fait de foi-mefme
long, comme pouuez voir par leurs fur l'autel de la croix, pour la remif-
lettres, & fut auffi feparé de mefme. fion de nos péchez en fon fang, lequel
Ledit iour auffi à quatre heures, ie fu
eft entré
dire là haut in Sanâa
au cielfanclorum , c'eftoùà
à fon Père,
amené deuant le Sénat , & y fu iuf-
ques à fix. Lequel tint telle procédure nous auons accès & entrée par lui ,
que s'enfuit. En premier lieu, me qui eft noftre feul Médiateur, Inter-
ceflfeur & Aduocat enuers le Père,
fut commandé de m'agenouiller ; ce
fur ce alléguant le neufiefme des
qu'ayant
bleau defait . on oùme eftoit
bois, prefenta vn ta-
en couleur Hebr. Et quant au facrifice desChref-
verde vn crucifix. & me commanda le
tiens, tionqu'il confiftoit
& en
quelouange &■ ac-
Valentier premier prefident Valentier , au nom de grâces; toute la vie
premier prefi- de tout le Sénat , de mettre la main des Chreftiens, qu'ils mènent en iuf-
dent. la delTus : ce que ie refufai faire pour tice & fainéteté (qui eft vne hoftie vi-
raifon de Timage , & di que ie iureroi uante & raifonnable) eftoit le facrifice
par le Dieu viuant, leuant mes mains qu'ils deuoyent prefenter à Dieuà ,fon
fe
& mes yeux au ciel , de dire la vérité dedians & confacrans dutout
de ce qu'on m'interrogueroit touchant feruice ; en quoi ils eftoyent compa-
ma foi, dont ils auoyent ma confeffion gnons de la facrificature de noftre
par efcrit. Il demanda alors au Sénat Seigneur Jefus, pour & au nom du-
s'il fe contentoit de mon ferment. quel ils eftoyent agréables au Père,
auec tout ce qui eft du leur, combien
On refpondit qu'oui . & que ie ne
pouuoi iurer par vn plus grand. Par- qu'il foit imparfait. Apres il me dit
quoi après auoir entendu ma refponfe, que la Meft"e & la Cène eftoyent vne ta Cène &
mon nom , le lieu de ma naiflance , &
mefme chofe, & qu'il n'y auoit diff'e- la Meffe.
mon emprifonnement, il me faites
dit qu'il rence que de noms , non de la fub-
refultoit par mes refponfes au ftance; & auffi de la façon de faire,
quant aux cérémonies externes. le
Preuoft , touchant ma foi , que i'edoi
hérétique & declaré'tel par la cenfure refpondi que la Cène & la Meffe ef-
& fentence definitiue de l'Inquifiteur toyent diredement contraires , & au-
& dofteurs en Théologie. Lors ie tant différentes que le ciel & la terre;
refpondi qu'eux-mefmes eftoyent hé- & lors parlafmes Latin touchant ce
que nous deuons cercher & prendre
feparez rétiques
de,d'autant
noftre qu'ils s'efloyent
Seigneur Jefus en la Cène. & où nous conduifent les
Chrift & de fa dodrine, & s'eftoyent fignes du pain & du vin, au contraire
adioints à l'Antechrifl, & fuyuoyent fa de ce qu'offre le Preftre en fa Meffe
dodrine. Parquoi ne me pouuoyent & prefente à Dieu; & alléguai la dif-
iuger hérétique, mais que pluftoft ie férence qui eft entre le donateur &
pourroi prouuer par la parole de celui à qui on donne. Car lefus Chrift
Dieu, qu'ils eftoyent tels, s'ils m'ef- nous eft donné pour viande, & par-
coutoyent patiemment. faite & entière nourriture de nos âmes
Adonc le premier Prefident me dit à vie éternelle en la Cène du Sei-
que principalement en deux articles gneur, quand nous prenons le pain &
de ma confeffion ie me monftroi héré- le mangeons , & beuuons le vin , qui
nous font entière nourriture de nos
tique; c'eft , en difant que le facrifice
de la Meffe eftoit vn facrilege abomi- âmes pour cefte vie caduque ; ces
nable & exécrable, auquel le fang de fignes nous font aides pour confermer
noflre Seigneur lefus Chrift eftoit noftre foi & efperance de la vie éter-
foulé au pied , & le facrifice de fa nelle ,laquelle nous eft donnée en
mort & paffion du tout anéanti; en lefus Chrift, félon S. Jean au fixiefme
après qu'icelle chapitre : <( Qui void le Fils & croid
mémorial de la eftant
Cène tenue pourSei-
de noftre vn
en lui, a la vie éternelle, & ie le re-
gneur, eftoit vne inuention diabolique fufciteraiau dernier iour.» le lui dique
forgée & inuentee du diable père de ie participoi au corps & au fang de
menfonge , pour perdre à damnation Jefus Chrift par foi , par laquelle ie
2l6 LIVRE SIXIEME.

Comment il montois au ciel pour la cercher A la fiens iuftificc , & la leur reprouuee &
faut ccrcher condamnée. Lors me donnèrent congé,
Icfus Chrill. dextre du Perc, lofus Chrift mon falut
»& ma vie, & ne le ccrche pas dans le les vns difans : Quelle infolùnce! &
pain & le vin , comme les Pref- les autres par moquerie , Oculos ha-
tres & les Papilles. Là defTus il me bcnl, &c. Sur quoi ie di que cefte fen-
voulut prouuer la prefence du corps tence leur competoit, & que Dieu
du SeiRneur au pain , & du fang au nous auoit donné les yeux de la foi
vin , & pefa les mots de noftre Sei- pour voir la vérité. Le Samedi fuyuant,
gneur Jefus, qui dit en la Ccnc : les frères Bataille & Tauran furent
i> Ceci eft mon corps.» le lui refpondi menez deuant eux, & (grâces au Sei-
qu'Eft (c prenoit pour fignifier, comme gneur)tindrent bon félon la mefuredela
foi que Dieu leur a donnée. Le Lundi
en d'autres lieux : La pierre ertoit
Chrin, de la Colombe & du S. Ef- prochain de ce Samedi , nous fufmes
mandez tous enfemble & nous fut
prit , de l'agneau & de la Pafque ,&
que c'efloit vne figure vulgaire en faite vne remonftrance an"ez ample,
mais elle ne feruit de rien. Car, après
l'Efcriture, appelée Métonymie ou
Synecdoche , par laquelle le nom de que ie frère Vernou eut longuement
la chofe fignifiee efloit attribué au
dit
caufe& ou
protefté de du
de celle l'équité de Dieu
Fils de noftre,
figne. Il m'allégua le palTage de
5. lean 6 : « le fuis le pain de vie , » tous difmes Amen, & fufmes renuoyez
6, <i Qui mange ma chair & boit mon comme opiniaftres. Par leur arreft
auons efté condamnez tous cinq à
fang. I) mais
Ccne, le di de
que lalàfoi
n'eftoit parléChrift,
en Jefus de la
eftre bruflez , & penfions que noftre
lui alléguant les paroles mefmes du fentence nous fuft prononcée hier ; &
Seigneur difant : « Mes paroles font par la bonté & mifericorde de noftre
efprit Dieu eftions préparez au fupplice ,
de la &I. vie
aux ; Corinth.
» & auffi l'onziefme chap.
où les mots de
pain & de calice , que S. Paul répète pour receuoir; mais
libre courage la mort d'vnDieu
ce bon franc
nous&
par quatre fois , furent diligemment a donné encores relafche. Le prefent
poifez. Là delTus y eut beaucoup porteur eft le feruiteur de monfieur le
d'autres propos qui feroyent longs à Secrétaire M., lequel s'eft employé
reciter; & comme voyez auons faute pour nous, comme pour fes entrailles,
de papier. auquel fommcs redeuables à iamais.
Du Pape. Dv Pape auffi que ie difoi Ante- Priez le Seigneur pour lui , qu'il le
chrifl. fut difputé de fon authorité , & recompenfe , auffi celui qui eft à la
de fes ordonnances, comme elles font Cour , & les autres frères qui font
contraires à celles de Chrift. Par moi ici. Ce Dimanche, premier iour de
fut allégué le 2. de la féconde aux Septembre 1^5^. Nous nous recom-
mandons àvous tous humblement &
Then"aloniciens, & le 4. de la i. à Ti- à vos faindes prières.
mothee. Bref en fin , quoi qu'ils
fceuft'ent dire par leurs raifons , Dieu Voftrc humble fils, feruiteur &
occit l'Antechrift par l'Efprit de fa frère en noftre Seigneur,
bouche. Lors ils me firent pluficurs L Trigalet.
remonftrances , difans que , (1 ie me
vouloi remettre au giron de l'Eglife
catholique , ils me tiendroyent pour Vovs{i) auez peu entendre de nof-
tre eftat , & quelle efperance nous
leur frère, & qu'en ayant pitié de
moi-mefme ie pourroi ci-apres faire auions de l'iffue de noftre caufe , affa-
grand fruit, & eft"ayerent toutes fortes uoir qu'ayans receu fentence de
mort , fuffions menez au facrifice le
d'allechemens , afin de me faire tre- lendemain, oui cftoit iour de marché ;
bufcher; mais, par la vertu du S. Ef-
prit, ie perfiftai conftant tt inuincible, iS: de fait , les fagots c^' chaînes ef-
fans eftre efbranlé de rien. Quoi
voyans vindrent au dernier refuge , (1) Ceci n'est pas, comme on serait tenté
menaçans de me iuger félon les or- d'abord de le penser, un fosl-scriptum de
donnances du Roi ; lors ie refpondi la lettre de Trigaict , mais une lettre de l'un
de SCS compagnons, antérieure de quelques
finalement qu'il y auoit vn Juge au jours h Inphrase,
dernière sienne,elle
puisque, d'après
aurait été écrite lavant-
le jour
ciel , deuant lequel faudroit qu'ils où la première sentence, condamnant les
comparuft"ent,
fes affifes , & &adonc qu'vn les
iourliures
il tiendroit
& re-
prisonniers aux f;aléres, leur fut notifiée, et
lorsqu'ils ignoraient encore que cette sen-
giftres feront ouucrts , & la caufe des tence allait être frappée d'appel.
LES CINQ DE CHAMBERI.

toyent apreftez , & ne faloit que plan- caufe , la merci Dieu , eft meilleure.
ter les pofteaux, & difpofer les fagots
Car de noftre cofté , il n'y a aucune
pour nous mettre delTus. Mais le Sei- apparence de mal ni de renoncement,
gneur par fa bonté & mifericorde in- ains efmeus de pitié & compaffion
finie a oui les prières de ceux qui l'in- enuers cinq poures prifonniers , &
uoquoyent pour nous, dont l'effet s'en craignans l'ire de Dieu en faifant ef-
'ar la diuifion eft enfuyui tel. C'efl que Vendredi pandre tant de fang humain , ils nous
des luges, dernier, depuis deux heures après midi, ont ainfi
|)ieu prolonge
vie de ces nos Juges furent affemblez pour iuger auenu : traitez. 'Voilà ce qui nous eft
Cinq. de noftre caufe ; & eftans douze de
nombre, ils furent partis en opinions, Apres auoir longuement attendu
Du Seigneur Dieu la volonté.
tellement que les fix nous condam- Il s'ell tourné de mon collé.
noyent à eftre roftis & fricaffez, & les Et a mon cri au befoin entendu (1).
autres aux galères , ou à eflre bannis,
qui fut caufe qu'il ne fut rien arreflé Le prefent porteur eft homme cha-
ce iour. Le lendemain , ayans appelé ritable ,qui nous eft venu vifiter, & a
quelques autres en iugement , ils opi- entendu au long noftre iugement, &
nèrent derechef, & fut conclu que
Jefus Chrifl ne feroit point bruflé croi qu'il emporte'.vn double de la
fentence ; il vous dira de tout ample-
comme hérétique en nous qui fommes ment. Nous nous recommandons aux
fes membres , pour euiter le fcandale
du peuple, mais, comme vn larron ou prières
de tous denostoute l'Eglife,
frères & fœurs& voftres,
, parens &,
brigand, il feroit enuoyé aux galères. voifins & voifines , & autres ; comme
C'efl en diuerfe manière quant au en ayant autant befoin que iamais euf-
temps , car Bataille & Tauran font
condamnez pour dix ans, & mes deux mes , nous voyans prochains d'un eftat,
auquel on pourroit à bon droit préfé-
compagnons & moi pour toute nof- rer mille morts, fi on les pouuoit rece-
tre vie. Ils cuident auoir fait beau- uoir. Le Seigneur Dieu & Père de
coup pour nous, de nous auoir deli- toute mifericorde , & Dieu de toute
urez d'vne heureufe mort , pour nous confolation, aye pitié de nous, & nous
mettre en vne vie qui eft pire que fortifie de plus en plus, comme en
mille morts. Toutefois puis qu'il a ayans plus de befoin. Noftre compa-
pieu au Seigneur de nous affifter , ef- gnon & frère Laborie efcrit à fa
tans entre les mains de nos ennemis
femme bien au long ; faites-vous monf-
fur la terre , & dans les prifons de trer les lettres , & verrez quelle ref-
Chamberi , nous efperons qu'il vfera ponfe nous fommes délibérez de faire,
d'vne telle bonté enuers nous fur oyans prononcer noftre fentence; ce
mer, dans les galères, entre les
mains des commidaires & patrons; & qui fe entendu
auons doit faire (2).
auiourd'hui
Tous mes, comme
frères
que, comme nollre demeure es prifons fe recommandent à voftre bonne
n'a eflé du tout inutile à ceux qui
nous vifitoyent & eftoyent près de grâce, defirans'eftre comprins es orai-
fons de l'Eglife, & aux voftres priuees
nous, lères
qu'auffi noftrefruiâ
ne fera fans détention aux ga-
& édification. & particulières.
Il me fouuient du conte que m'auez
autrefois fait de Maioris (i); noftre ànominalisme
le concilier parisien,
avec son ilculte
mit toute'sa subtilité
patriotique pour
le seotisme. Il y gagna d'abord une grande
admiration et plus
phiste achevé. tarddifficile
Il est le renom d'un so-
de savoir ce
(i) John
pour Il s'agit de Johannes
Mair, professeurMajor, nom natif
écossais, latin
qu'était le le conte » de Maioris. C'est sans
de Hadington. Il fit ses premières études à doute
Glasgow et les perfectionna au collège de coutumeunede allusion
débiter àdans
un sesconte qu'il (Note
leçons. avait
Sainte-Barbe, à Paris (fin du quinzième siè- de M. Herminjard.) D'après Allibone (Dict.
cle). Comme il aspirait au grade de docteur of Brit. and Am. Authors), Major, après
en théologie, l'un de ses amis l'introduisit avoir professé à Paris la philosophie sco-
au collège de Montaigu, pour y préparer ses lastique, devint professeur de théologie à
examens. 11 s'y trouva si bien qu'il y resta, Saint-André, en Ecosse, oij il mourut en
et yconnu
enseigna toute desa nos
vie. réformateurs
C'est ainsi qu'il 1547. Il publia des Commentaires sur les
fut de ceu.\ qui Ecritures. Voy. la note du tome 1, p. i;6.
firent leurs études dans l'Université de Paris. (i) Ce sont les quatre premiers vers du
Quicherat (Hist. du Coll. de Sainte-Barbe, psaume XL, traduction de Théodore de
t. II, p. 96-97, 115. 159, 175), auquel nous Bèze.
empruntons quelques-uns de ces détails, dit
qu'il fut le véritable chef de l'école philoso- le (2) D'après21 la
mercredi aoûtlettre
que qui
ceUeprécède, ce fut
sentence fut
phique de son temps. Lancé dans la voie du
prononcée.
2l8 LIVRE SIXIEME.

fericorde viuement , & le fruift de la


confiancelement
en accommodé
fes promelTes , s'eft tel-
à ma foiblefTe &
S'enfiiyticnt aucunes lellres dcsfufdits
p'riionnicrs , efcriles pour con/olalion poureté, que non feulement il m'a
preferuéde tant d'alTaux & griefs tour-
de Antoine
M. l'Eglifc Laborie
, & premicrenwnt de
à tous (es frères mens, combien baillez
qu'ils l'oyent promismais&
communément aux fiens,
en Icfus Chrift, qui ont communi- auffi de tout cela mefmes il m'a donné
confolation , grand contentement &
véritéqué àde
l'es Dieu
liens pour la querelle
, le/quels de la
il confole & force; car quant à mes parens, comme
admonnefteàson exemple d'employer père & mère, frères & fceurs, ie fuis
le temps cependant qu'ils font à Ge-
neue. certain (grâcesde aumaSeigneur)
font auertis croix , ilsque, s'ils
en font
touchez , voire la fentcnt plus que
Frères, ie rcn grâces à noftre bon moi, & font marris de n'auoir le moyen
Dieu, bien qu'il m'a fait
ileft fidèle en expérimenter
fes promelTes com-
,& de me fubuenir. De la fille que Dieu Confolationr
m'a donnée, tant s'en faut que ie fois ''Ta'boriV. *
combien il fuporte la foiblelTe de fes tourmenté de folicitude pour elle, que
cnfans. Il veut que tous les fiens por- pour me confoler en mon afflidion, le
tent la croix après lui, mais il en baille Seigneur par fa grâce la fait profperer
à chacun à la mefure qu'il lui plait , grandement depuis mon emprifonne-
afin que nous ne foyonschar},'ezque fé- ment (ainfi qu'ai entendu par vos let-
lon la force qu'il nousa donnée. Ce que tres), comme fi par cela elle me vou-
ie conoi (grâces à Dieu) acompli en loit mciter pour reconoiftre les grâces
moi autant que iamais l'ait efté en au- de noftre Dieu. Quant à ma femme,
tre, car ne me pouuoit-il pas drefTer combien qu'elle foit fimple & par trop
mes frères & parens pour perfecuteurs, mal inftruite (ie di cela à ma confufion)
L'affliaion des comme à Abcl Cain, à Ifaac Ifmael, à pourroi-ie exprimer la confolation que
Pf;" '"f'^ra lacob
comparée , ., Efau, ' & . à., lofeph r tous fes fre- l'aireceu, tant par les lettres qu'elle
la noare. TCS .' Ne pouuoitil pas me tourmenter m'a enuoyees, m'exhortant à fentir les
par mon enfant, comme Noé fut tour- bénéfices de Dieu , & à me préparer à
menté du fien , & Dauid de fon Abfa- la mort fi heureufe, que par la grande
lomr Ne pouuoit-il pas me contrifler confiance que l'on m'a rapporté qu'elle
par ma femme, comme lob fut con- a eue , pour communiquer franche-
triflé par la fiene ? Ne pouuoit-il pas ment & de bon cœur à ma croix , fe
me faire delailTer de tous amis c% plus conformant du tout à la volonté de
prochains, comme Moyfe , Dauid & nortre Dieu ? Si ie vien aux amis , ie
tous les Prophètes, I. Chritt mefmes, fuis confus en moi-mefme de voir le
& tous les Apoflres , qui ont elle per- grand nombre & fi affedionné, de ceux
fecutez par le peuple de leur nation ?
que
hclas!le moi
Seigneur
miferablem'acréature
fufcitcz.du Car,
tout
Bref, ne pouuoit-il pas me liurer en-
tre les mains des tyrans, qui m'eufTent inutile,
fa maierté& ,qui ne fi, iamais
defnué ie ne ai qu'offenfer
point de
enferré en prifon profonde & obfcure
& pleine a'infedion , & là me tenir fauoir & grâce (comme à la vérité ie
cnchainé , enferré & priué de toute le fuis) , mais de toute bonne volonté
commodité de m'efiouir, comme les pour faire feruice ou plaifir à aucun,
Patriarches & Prophètes ont efté , le voi que mon emprifonnement a
mefme Efaie& leremie, après eux iefus contrifté des principaux feruiteurs de
Chrift & les Apoftres r Et comme de fa maifon, voire des plus auancez au-
noftre temps auons entendu plufieurs iourd'hui en fes grâces , & conftituez
fainds perfonnages auoir elle plus in- en la principale charge de fon Eglife,
humainement traitez aux prifons, que defquels auons reccu des biens tv ex-
les befles brutes par les lions, chiens, hortations ineflimables. Et puis les
loups, & autres befles de rapine.' Il Princes les plus heureux & excellens Il entend le*
ell
voulubien bailler certain
toutes que,telles quand il m'euflil
alUidions, qui
bien foycnt
daigné auiourd'hui
communiquerau àmonde ont
nos liens, deSeigneurs
Berne de
de Geneue.
eufl iuflement fait, mais cependant ma
& s'employer
folation,àcomme
nollre
pour fecours & con-
leurs propres
chair eufl eflé bien tourmentée <.V agi-
tée en beaucoup de fortes & dures enfans. Que dirai-ic de tout le corps
tentations. Le Seigneur donc par fa
de r Eglife .' 11 ell certain qu'elle a
grande bonté me faifant fentir fa mi- pleuré , gémi , prié & foufpiré pour
LES CINQ DE CHAMBERI.

nous, tellement que nous en auons fi vous puis-ie affeurer que la princi-
bien fenti les fruids. Et non feulement pale faute vient de ce que me fuis par
cela, mais au milieu de nous, & ceux trop retiré de la familiarité des Efcri-
qui auoyent quelque conoiffance de
tures faindes. Loué foit Dieu, qui n'a
Dieu , & les ignorans mefmes fe font pas eu efgard à mon ingratitude, mais
employez, tant pour nous confoler, m'a mené en cefte fainde efchole ,
qu'aufll aider en toutes nos neceffitez. pour la me faire reconoiftre, car ie ne
Et quand ie defcen à confiderer les
fai que ie fufi'e deuenu, fi le Seigneur
biens que i'ai receu particulièrement ne m'euft vifité. Quand ie vins en cefte
de vous, mes tres-aimez frères, qui fainde affemblee de Geneue, mon in-
ne vous eftes efpargnez en rien pour tention totale eftoit de m'adonner à
moi, ie ne fai certainement par quel l'eftude le plus que ie pourroi, & auffi
bout commencer, pour entrer en re- Dieu nous enuoye tous là , à celle fin
connoilTance , car ne vous contentans que, nous retirant du milieu du monde,
des amples & bonnes confolations, par pour eftre préparez à toute œuure
lefquelles il vous a pieu me fortifier, fainde , voire & en facrificature
vous auez ouuert vos entrailles , me royale, à cefte fin que renonçans à
communiquant de voftre bien à fuffi- nous mefmes, nous nous dédions du
Vous qui
fance, mefmes vos perfonnes y ont tout à fa gloire. Mais helas ! combien
habitez es
efté employées au befoin. Mais le Sei- mal m'en fuis-ie acquité.' Vous le fa- reformées
gneur fait combien ie le voudroi re- nez, & ie l'expérimente par trop, Eglifes
conoiftre. Il efl vrai que tout cela fe méditez ceci.
l'auoi afiez de loifir, mais i'aimoi
fait pour le refped de la querelle que mieux m'adonner à chofes de néant ,
ie eftant induit par ie ne fai quelle dé-
faitporte
fentir; mais cependant
vn fruid Dieu m'en
incomprehenfible.
& méditerfiance ou infidélité
iour & nuid , qu'àlescontempler
iugemens
Quant à la prifon , ie ne pourroi dé-
clarer de bouche ni par efcrit la dou- & ftatuts de Dieu. Aprenez donc , ie
vous prie au Nom du Seigneur, à mes
ceur, le bien & contentement que i'ai
receu en icelle. Toutesfois ie puis
defpens
car ie fai, bien
de n'eftre
à mon point
grand endormis
regret que ,
dire à la vérité, que ie ne fu iamais
mieux à mon aife, & félon le corps & plufieurs de vous font touchez de mon
félon l'efprit , que i'ai efté & fuis de- mal. Et pleuft à Dieu qu'il fuft plus
puis mon emprifonnement. Il eft vrai efchauffé en plufieurs , mais examinez
que cela ne procède pas ni de la voftre confcience , ie vous prie, & re-
beauté , ni du naturel de la prifon , gardez quel ardeur &zele vous auez à
mais de ce (comme toutes
i'ai dit) que enle la parole du Seigneur, & vous trouue-
Seigneur conuertit chofes
arezdeplus
bienque ie ne Ilvoudroi
froids. eft vrai, qu'il y en
que vous
bien à ceux qu'il aime. le vous ai
bien voulu efcrire toutes ces chofes, hantez les prefches, mais combien y
mes trefaimez frères, afin que foyez
participans de ma ioye , comme auez penfez-vous
comme le refte ledudi iour?
par acquit. c'eft
ceci pour
participé à mon afflidion, & que vous
voftre falut , d'autant que ie vous Leult. II. ). 4.
auec moi contempliez de tout voftre aime. Ne fauez-vous pas que la befte
cœur la fidélité du Seigneur, pour qui ne ruminoit pas, eftoit immonde &
vous apuyer fur icelle, & ne ferez ia- pollue par la Loi, de forte que le
Ç. &c.
mais confus ; afin auffi qu'enfemble peuple
Ruminezde donc
Dieu n'en pouuoitdemanger?
la parole Dieu ,
prions noftre bon Dieu, qu'il nous
touche viuement au cœur, pour le l'ayans ouye , & fréquentez tellement
bien reconoiftre. Car quant à moi , ie les prefches & l'Efcriture fainde, que
confeffe que i'en ai bien befoin, d'au- ne foyez point immondes, mais puri-
tant que ie me conoi fi ftupide, que ie fiez, afin que foyez prefentez en facri-
ne puis aprehender les bontez de nof- ficature de fouëf (i) odeur au Sei-
tre Dieu , voire eftant au milieu de
gneur,
flidion. ConoifTez & foyez fortifiez en temps
combien d'af-
la fapience Admonition
l'abyfme d'icelles. En quoi ie reconoi à ceux qui
& confeffe librement ma trop grande
fragilité & corruption. O mes frères , du Seigneur eft plus precieufe qu'or pourl'Euangile
ni argent, ni pierres precieufes. De- fe àfont retirez
Geneue.
pleuft à ce bon Dieu que ie vous
peufle ouurir mon cœur, pour vous meurez donc fous l'Efprit du Seigneur,
afin que par icelui foyez remplis
monftrer la douleur que i'en ail Et d'icelle, pour pouuoir iuger les œu-
d'où vient la caufe de cela .> Combien
que n'aye la puiflfance de l'exprimer, (i) Suave.
220 LIVRE SIXIEME.

ures du Seigneur. Car l'homme fpiri- palTer le pas , & ce bon Dieu nous y
tuel iuge toutes chofes, & n'eft iugé auoit bien difpofez par fa grâce ,
de nul. N'eftes-vous pas au lieu le comme à la chofe la plus defirable qui
plus propre qui foit au monde pour nous eurt peu aucnir, quoi que la chair
élire indruits? voire vous elles au parc grondall, & fill des fienes, fi ell-ce
ou théâtre du Seigneur, ou plullofl en
que l'efprit cfloit le plus fort. Toute-
fon tabernacle. Et puis l'exercice & fois voici le Seigneur, qui. contre toute
diligence des fidèles Pafteurs que noftre attente & de tous hommes, nous
Dieu vous a donnez, vous defaut-elle Pf. IJ9. <•
a retiré pour ce coup du fepulchre, &
aucunement .- Certes non , & le pou- a acompli ce qui eft efcrit au Pfeaume,
uons ainfi dire & protefter à la veritcS en coupant le cordage des mefchans.
fi iamais gens l'ont peu dire , grâces Et encores que (comme
ce ne fu(là qu'vn
au Seigneur. Quelle cxcufe auez-vous voire bien bref cela ildélai,
nous
donc, fi vous ne profitez cependant faut aprefier, & fera noflre plus feur
aue le Seigneur vous lailTe en treues, en tout euenement) neantmoins en vn
(S qu'il envousfa donne tel bénéfice, comme auffi en ce que
exercer vérité ? le
Ce loifir
vous de
fera vous
vne maintenant vous efcriuons laprefente,
confufion bien grande , fi vous elles nous auons auec vous de quoi nous
nouices , quand il faudra mettre la affeurcr de ce que dit fainél Paul , af-
main aux armes. Et telle ingratitude fauoir que ce bon Dieu nous fait plus
ne demeurera point impunie. Je me de bien que ne pourrions efperer.
fie , mes frères , que tel iugement Quand (outre le mot procédant de la
n'aura point de lieu fur vous , car ie bouche de celui qui eft la vérité
fuis certain que vous elles enfans de
Dieu. Toutefois veillez & priez, car mefme) nous auons l'expérience do-
uant nos yeux en la pcrfonne de nos
noilre ennemi ne dort pas. Faites pro- Frères , tant du palTé que du prefent,
uifion d'huile, pendant que le Sei- & fans aller plus loin, en nos propres
gneur tarde à venir, afin qu'au iour perfonnes, nous auons certes vn puif-
qu'il viendra, il vous trouue bien fant bouclier contre toutes tentations,
prouueus de ce qui vous ell requis nous auons vne forterelTe inuincible
pour veiller à fa venue , & pour le re- contre toutes les portes d'enfer, que
ceuoir. Et ainfi vous aurez repos en
Dieu ell pour nous, & s'il eft pour
vos confciences, & les tempelles d'af- nous, qui fera contre nous .^ Par ce
flidion ne vous efbranleront point. moyen nous dcfpitons& desfions tous
Or, ie prie le Dieu & Père de toute ennemis auec leur capitaine Satan , à
confolation, qui nous a confolez au l'exemple de Dauid, qui fidèles
nous repre-
fentc vn miroir de tous , aux
bcfoin , qu'il parface en vous ce qu'il
a commencé, pour vous rendre par- Pfeaumes dixhuitiefme , vingttroi-
faits en fon œuure à la gloire de fon fiefme, vingtfeptiefme , cent dixhui-
S. Nom, & édification de fon Eglife.
Ainfi foit-il. tiefme, &plufieurs autres. C'eft ainfi
qu'il nous en faut faire, pour profiter
en la foi & crainte de noflre Dieu ,
c'efl de noter diligemment telles ex-
périences auec leurs circonflances ,
EpUlre de lean Vcrnou, enuoyee à pour mieux nous en fouuenir, puis les
fon cou/in , M. D. L. P. , laquelle conioindre l'fe rapportera la parole, à
contient en fonime que , comme la ce que noflre foi tiene de fa nature :
parole du Seigneur ejl ferme , auffi que comme la parole cil ferme & éter-
doit elle cjlre noflre confiance aflèù-
ree, ejlans enuironne:[ de tant ai: bé- ferme nelle, auffi qu'à
fiance en iamaisce bon nous ayonslequel
Dieu, vne
néfices fpirituels. s'eflant de fa pure grâce obligé par fes
Mon Coufin & ami entier, fi vous excellentes
charongnes promcn"es à nous créatures
& de nature puantes
n'ofiez tant efperer en ce temps con- abominables, ne celTe de lesacomplir
traire que peuffiez communiquer auec en diuerfes & excellentes manières.
nous par lettres , félon qu'efcriuez , Que noflre cœur fe fende pour don-
encores moins l'ofions-nous. Car le ner gloire au Seigneur par viue foi ,
Seigneur nous a amenez iufques au que noftre bouche foit ouuerle pour
faire refonner par tout fes louanges,
fepulchre , & à l'ombre de mort , tel-
lement que le dernier Samedi du mois car fa mifericorde eft multipliée fur
d'Aouft nous eftions tous certains de nous, & fa vérité demeure eternelle-
221

LES CINQ DE CHAMBERl.

ment. Que noftre maudite chair foit fions confoler ceux qui font en quel-
entièrement crucifiée , mortifiée , & conque tribulation , par la confolation
M.D.LV.
enfeuelie auec noftre Seigneur lefus , de laquelle nous fommles es confolez de
Dieu. Car comme afflidions de
puis qu'après tant de promeffes & ent en nous, pareillement
ofe bien Chrif t abond
d'expériences d'icelies, elle parole de auffî noftre confo latio n abonde par
faire reuoquer en doute la
noftre Dieu tant bon & vérita ble. Ja- Chrift. Et certe s voila une grâce mer-
mais argent ne fut fi bien efprouué ueilleufe que ce bon Dieu fait à tous
qu'en cefte fainde parole, nousdant en fes enfans , afl'auoir qu'eftans en po-
fommes fidèles tefmoins, & cepen vreté, angoiffe & en la mort, il les en-
cefte effrontée chair ofera bien répli- richit, confole & viuifie, tellement
quer du contraire. Seigneur, lufques à qu'ils ont dequois-cien nedépar tir aux au-
tres. Ces chofe font point vne
quand fera-ce ? Augmente-n ous la foi.
Av refte, mon bien-aimé, nous vous philofophie imaginaire qui iamais ne
des fainde s admon i- inaire
mercions tous fut à la vérité ; mais c'eft l'ordcomm e
tions que faites par vos lettres , & de pratique des fidèles, laquelle,
que prenez , & des mifes que nous, grâce s au Sei-
la peine vous voyez en
faites pour nous. Certes , quand nous gneur ,auffi la voyons-nous en vous ,
y penfo ns, nous voudr ions eftre hors félon que vos lettres nous en rendent
de ce monde , pour ne donne r plus de bon tefmo ignag e , puis que là vous
fafcherie à tant de bons perfo nnage s, proteftez fran chem ent que la maladie
qui de leur grâce font plus foucie ux qui vous eft auenu e & à voftre femrne
de nous que nous mefme s , & font ne vient d'ail-
noftre bien-aimeela fœur, main paternelle de
plus enferrez & prifonniers de cœur , leurs que de
que nous qui fommes prifonniers quant noftre bon Dieu. Conoiftre cela, c'eft
au corps. Ce bon Dieu le vous vueille vne fageffe incomprehenfible à tout
rendre, & multiplier tellement voftre fens humain , que Dieu fait compren-
cheuance (i), qu'il vous face fentir en dre par l'Efprit de vérité qu'il leur a
effet que c'eft pour lui que vous hazar- promi s. Goufter cela, c'eft vne confo.-
dez voftre bien ; & , comme il eft dit tous fes bien-aaimez
lation fpeciale à ent
On dit comm uném que qui afaire
Eccl. II. I en l'Ecclefiafte, vous iettez voftre pain
à vn homm e de bien fe repof e , enco-
aual l'eau. Cependant, puis que pour
le prefent nous ne pouuo ns autre choie res plus s'il eft affef tionn é enuer s lui.
faire , nous le prierons pour vous & Or nous auons afaire au tres-iufte ,
les voftres , & nous recommanderons tres-bon & tout-puift'ant , qui n'a pas
tous à voftre bonne grâce & vos fainc- efparpour gné nous fon prop Fils, tant
re mort li--
l'a le
ainscruel
tes prières. uré à vne
& ignominieufe , & en lui a fait auec
nous vne alliance perpéer tuelle de ia-
mais ne nous abandonn , quelques

Autre Epiftre dudit Vernou , efcrite imperfeftions & pouretez dont . nous Rien ne nous
(2), par laque le il fovon s remplis de toutes parts Que
au Sieur de B.
ons-nous > Qui empefchera P^^^J d^«°",^,7^
rtwnjlre que conoijïre la boné de voul
de nous repofpluser plei nement en lui f . g„ n^ys,
Dieu eft vne janiJen incom prehenft-
Seront-ce nos péchez ? Mais là où le
ble & vne confolatio Jpeciale de la
péché a abondé, la grâce y a plus
goufter. abondé ; & où il y a remiffion de plus
MoNSiEVR & frère . nous auons
de péchez, l'amour y eft plus grande
receu voftre lettre, par laquelle , nous enuers ce bon Dieu; tant s'en faut
auertiffez de voftre maladie , & nous que de fa bonté nous prenions occa-
priez de vous efcrire quelque mot de fion de lui faire la guerre. Seront-ce
confolation. Loué foit Dieu & Père nos miferes > mais d'autant qu'elles
de noftre Seigneur Jefus Chrift, le font grandes, d'autant icord plus fe monf-
Père de mifericorde & Dieu de toute trera grande fa mifer e enuers
le en toute nous. Sera- ce noftre infirm ité > mais
confolation, qui nous confo
n , afin que nous puif- c'eft en elle qu'ef t parfa ite fa vertu ;
noftre tribulatio forts en lui
& tant plus fomm es-n ous
que nous fomm es foible s en nous-
fi) Le bien qu'on a.
e
, ,
qujl s agit mefmes. Cela fait-il afin que nul ne
11) M.Jules Bonnet suPP°s
d'un des frères de Budé [BuUeUn, XXVIII, fe glorifie en foi , ni mefmes es grâces
p. 447 !• qu'il a receu de fa main, mais que par
222 LIVRE SIXIEME.

icelles il foit réduit & amené à fe glo- aft"auoir que celui fera bien-heureux
rifier en lui feul , & que tout foit là qui iugera fagement du poure, & qui
entendra fur lui , it que tu le fou-
rapporté Et comme cela
d'où il vient., auffi
eft bien raifonnable nous e(l-il lageras en fon infirmité. Item qu'il
tant plus piotitable , afin que nous ne nous fera mefuré félon que nous au- Mauli. 7. i,-
1er. X. I). cauions (i) point des puits qui ne puif- rons mefuré à nos prochains. Ma con-
fcnt retenir les eaux, en delailTant la fcience me rend tefmoignage que de
fontaine d'eau viue & la fource di; vie, bon cœur i'ai tafché de m'y employer.
afTauoir celui en la main duc^uel eft Ce feroit à moi vne trop grande in-
toute félicité, & à laquelle il nous gratitudfi
e , fous ombre de ce qui eft
conuie tant humainement, ayant plus mien, ie taifoi ce qui eft du tien. Par-
d'enuie de nous donner que nous de auoi, mon Dieu , regardant en la face
receuoir. Or, trefcher & fingulier de ton Chrift, ie te prierai autant har-
diment qu'humblement, qu'il me foit
àami,
vn puisqu'eftes
tel Père , & certain d'auoirafaire
tant foliciteux & de fait félon ta parole. » Allégorie de|
vous A des voftres, nous vous prions Voila vne oraifon que tous enfans
Agar feruanltl
de confiderer voftre bonheur, & quelle d'Agar la feruante, forgeurs de méri- de Sara la
fera l'ilTue de cefte afBiftion qu'il tes ,fatisfadions & franc-arbitre , ne franche.
vous a enuoyee. Nous aimons mieux fauroyent faire. Il n'y a que les fils
vous la laiffer méditer à part-vous que de promeffe & de grâce , les enfans
d'en faire long déduit. Cependant ie de la franche Sara , qui la puift"ent
vous redui en mémoire vn poind, qui faire. Puis qu'eftes de ce rang, ne
vous pourra grandement confoler : doutez de la faire en bonne conf-
c'eft qu'en vertu de noftre adoption & cicnce, en defpit de ce calomniateur,
iuflification gratuite, par laquelle tant Satan, en defpit du péché, de la mort
voftre perfonne que vos bonnes pen- & de toutes lefus,
les portes
fécs, alTedioiis iSi œuures (ou pluftoft le Seigneur qui a d'enfer.
triomphéViue
de
du S. Efprit habitant en vous) font tout cela pour nous. Confiez-vous
acceptées de voftre Père trefbenin , donc en lui, puis vous affaille qui
au Nom de noftre Seigneur Jefus voudra : il a aft"ez de force pour vous
Chrift, vous pouuez dire à l'exemple maintenir; de bon vouloir il n'en a
d'Ezechias, en vous plaignant & lui pas moins, éic de cela vous a-il donné
defchargeant priuément voftre cœur : alTez de tefmoignages. tant par parole
« Helasl Seigneur, te fouuiene que bien authentique que par œuure tant
tu m'as donné par ta degrâce quelque & plus euidenie. Il ne refte finon que
affeflion & exercice confoler les
vous face
vous le fuppliez affedueufcment
fentir par effed combien qu'il
ces
poures affligez. L'imperfedion & fouil- chofes font véritables , comme nous
lure que ma chair corrompue a méfié
parmi ton œuure, n'empelchera point fomines certains qu'il le fera, voire
que ie ne prene ceft œuure pour vn quand il n'y auroit que ce figne, le-
feau de ton falut éternel enuers moi. quel nous vous reciterons pour voftre
Car fi les grâces communes, que tu grande confolation , c'eft que ce bon
fais à toutes créatures, mefmes celles
Dieu ,donne
nous en toutes nos deoraifons
la grâce qu'il
faire, vous
qui font hors de moi, me doyuent fer-
uir de cela, à moi di-ie, qui fuis ton met toufiours deuant nos yeux, & en
fils, combien plus celles qui font fpe- nos cœurs l't bouches , mefmes nos
ciales à tes enfans, et que tu fais de- cœurs s'enflamment
uons entendu voftreplus depuis qu'a-
neceffité. Puis
dans & par moi '( D'auantage , elle
n'empefcfiera point que ie ne m'af- que ceft ardeur procède du faind Ef-
feure des promeftes faites par toi à prit, qui gémit ix crie en nos cœurs,
ton œuure en moi ; puis que toutes
c'eft figne que Dieu nous a défia exau- 'faie <>5. 14.
a. Cor. I. 20. tes promen"es ne font Oui & Amen cez pour vous, veu qu'il promet par
qu'en lefus Chrift, lequel tu m'as fait Ifaie de nous exaucer auant qu'ayons
crié.
la grâce de receuoir pour gage, ran-
çon, iuftice A fandification, puisqu'il
a efté fait péché pour moi, afin que
ie fufte iuftice en lui deuant toi. Or,
entre tes promeft'es , en voila vne que Autre lettre dudit Vernou aux nùnij-
Au Pf. 41. tu as faite par ton feruiteur Dauid,
Ires de Geneue , contenant la procé-
(I) Creusions. dure tenue contre lui & fes compa-
LES CINQ DE CHAMBERI.

enons deuant les Jeigneurs du Par- biens & aifances charnelles à la gloire m.d.lv.
lement de Chamberi (i). du Fils de Dieu, à la vie éternelle &
à la vie tant fpirituelle que corporelle
Ie fuis bien marri , trefhonnorez
de leurs prochains,
baigneront tellement
& fouilleront qu'ils
leurs mains
Seigneurs & frères , que mes compa-
gnons & moi ne vous auons peu iuf- au fang des innocens, les vns aperte-
ques à prefent faire entendre de nos ment, les autres couuertement ; les
nouuelles, & comment nous nous fom- vns direélement, les autres d'une fa-
mes portez es alTauts qui nous ont
elle liurez par les ennemis depuis mais çondesoblique : quede di-ie
enfans Dieu des innocens.''
& vrais mem-
nos dernières lettres , car ie fai com- bres de fon Fils Jefus. A la miene
bien cela vous euft efté agréable ,
volonté qu'ils eulTent autant de fageft'e
voire & en édification, d'autant plus & d'humanité que plufieurs infidèles ,
qu'en nous euffiez eu plus ample tef- qui fe leueront au iugement contre
moignage de la bonté & fidélité de tels Chreftiens baftards , qui fe for-
noftre Dieu enuers vous & tous les gent un Jefus Chrift de veloux , & vn
fiens , pour y repofer plus coye- Euangile fans croix & perfecution ;
raent (2), & le glorifier plus ardem- qui, au temps de paix ou de quelques
treues, fe vanteront à bouche ouuerte
ment ,tant en aduerfité qu'en profpe-
rité d'eftre de Chrift , mais au temps de
Satan,en ennemi
, la vie mortel
qu'en de
la mort. Mais
la gloire de l'efpreuue & au fort du fait quitte-
Dieu & de noftre commun falut , a ront fon parti deuant les hommes , &
brafl'évntout
cher tel ce qu'il ,a fâchant
oeuure peu pourqueempef-
de là ne demanderont qu'à retirer leur ef-
pingle du ieu , comme l'on dit, iuf-
s'enfuit la ruine de fon règne. Pour qu'à eftre les vrais bourreaux de nof-
cefle caufe il a tant fait par les fiens,
tre Seigneur lefus Chrift , après l'a
qu'on nous a defnué affez long temps triomphante refurredion , en la per-
de liures, ancre & papier. O fi ce bon fonne de fes inembres. Or, cefte com-
plainte me feruira non feulement pour
PèreS. n'euft
fon Efprit pourueu , pardelaces
, au défaut vertuaides
de defcharger mon cœur en voftre giron,
inférieures de nollre infirmité ! Helas puis que de voftre grâce en tout &
nous fuffions accablez de trifteffe par par tout vous vous elles monftrez mes
faute de la nourriture de nos âmes , vrais & fidèles amis , fur tout en l'ex-
nous (di-ie) qui (grâces à Dieu) pre- trême neceffité ; mais auffi elle me
nions auparauant tout noftre plaiiir à feruira d'entrée à vous raconter com-
ouir & lire iournellement cefte fainde ment Dieu nous a gouuernez depuis
Parole & à communiquer aux Sainfts nos dernières lettres ; en quoi vous
Sacremens. Nous eftions , pour vrai , aurez aprobation de ma iufte com-
comme oifeaux en cage defgarnis de plainte, le ne dirai pas tout , car la
pafture. Car iaçoit que la pafture cor- brieueté & du temps & du papier
porelle ne nous defaillift point, toute- m'en empefche. le ne reciterai le fait
de mes frères ; car puis que tout le
fois puis qu'elle eftoit feparee de la
fpirituelle , elle ne nous pouuoit finon temps de noftre audition nous auons
abrutir & meurtrir, non pas de foi, efté feparez, nous reciterons plus ai-
mais par la corruption de noftre na- fément vn chacun de nous noftre fait.
ture fi
remédié , Dieu : loué(comme dit eft)
foit fon n'y euft
Nom. Et Le Mecredi 21. d'Aouft, après que
noftre fentence des galères nous eut
efté prononcée par le Lieutenant du
Il note plu- c'eft vne chofe à déplorer, & qui de
fleurs enten- fait nous a grandement fafchez , que Vi-bailli, enuiron quatre heures après
deurs en ce Satan ait tellement la vogue, qu'il fe midi, ie fus mené deuant Meffieurs
le Chamberi. f^^rue mefme de ceux qui font profef- de Parlement, à la folicitation def-
fion d'eftre fidèles, pour meurtrir ainfi quels le Procureur du Roi auoit ap-
nos poures âmes entant qu'en eux eft, pelé ,tanquam à minima. Le premier
voire nos corps quand & quand , en Prefident me fit iurer fur les Euangi-
forte qu'ils préfèrent leurs offices , les de dire vérité ; mais quand l'eu
aperceu qu'il y auoit vn crucifix , ie
(1) Cette lettre se rapporte encore à la proteftai de ma foi contraire à la leur,
condamnation aux galères, comme les lettres quant au poinft des images. Noftre
de
plusLaborie, Trigalet
haut. Elle doit etêtre
de l'anonyme
aussi de citées
la An
d'août. Rapporteur Crallus m'allégua ce ver- Demande
fet ancien : Nam Deus ejl quod imago notable.
(2) Tranquillement. docet , fed non Deus ipsa. A quoi ie
224
LIVRE SIXIEME.

fi hautes. Voila quelque fommaire des


refpondi fi c'ertoit la matière ou la propos qui me furent tenus cefie
forme de l'image qui me reprefentoit apres-difnee, dont il me fouuient, non
Dieu , & quelle fimilitude il y auoit
de l'vn û l'autre , quelle conuenance pas tout de fuite, mais félon les ref-
il y auoit entre le vrai Dieu & ce ponfes par moi faites, autant qu'il plai-
vieillard couronné de trois couron- foit audit Prefident m'en donner li-
cence. Car il auoit bien cefte aftuce
nes, tel qu'ils ont en leur belle imaj^e
de Trinité. Ils répliquèrent que Dieu de m'interrompre quand il auoit trouué
s'eftoit fait homme , & foudain me en mes propos quelque pertuis pour ef-
coupent broche quant à ce propos. chapper, & d'adioufter
fons, de forte que ie furaifons J"ur rai-
contraint de
Leclit Prefident, après m'auoir inter-
rogué de mon nom & de mon aage , lui dire qu'il me faudroit vne mémoire
du lieu de ma naiffance & de la caufe Angélique pour refpondre à tout; que
de ma prife , & après auoir entendu s'il lui plaifoit de m'ouyr à loifir, ou
mes véritables refponfes fur fes inter- de me donner temps de refpondre
rogatoiresme
, fit vne belle harangue par efcrit , que non feulement ie lui
& fort attrayante , me propofant la refpondroi à tout ce que delTus, mais
gloire de Dieu , la faueur & bonne le muniroi d'autres argumens contre
affedion de toute la Cour enuers moi , nous, puis lui en donneroi la folu-
le profit que ie pourroi faire à mes tion, voire fur peine d'eftre mon iuge
moi mefme à quelque efpece de mort
prochains, qu'ils ne s'eftoyent alTem-
olez pour vn tel afaire fans la con- qu'il lui plairoit.
voulurent accorder, Ce qu'ils
difans que ne me
iamais
duite du S. Efprit & fans l'inuoquer ne monftrerent telle grâce à pcrfonne,
premièrement , & qu'il ne faloit que
le fulTe fi prefomptueux de penfer ef- de l'ouyr fi humainement en tel crime.
tre plus fage que tant de gens, ou Parquoi ie fu contraint faire aux pro-
dire que le S. Efprit me gouuernaft pos fufdits cefte refponfe que ie tou-
pluftoft qu'eux, que ie retournaffe au cherai feulement en bref : c'eft que
Remonftrance giron de noftre mère Eglife. Item , ie ne nioi pas que leur compagnie ne
du Prefident. d'où me venoit cefte audace d'outra- fuft honnorable , mais que , s'il faloit
l'appelant& Ante-
Pape ,idolâtrie, iuger félon l'apparence extérieure ,
& le
chriftger,ainfi \a MelTe ceux que tant de villes, pays, royaumes,
qui la fuyuent idolâtres , veu que tant d'excellens perfonnages en tou-
tes fortes de grâces fpirituelles & cor-
quant au Pape, encores qu'il foit vn
pécheur, fi e(l-ce aue fon office eft de mefme dodrine porelles, quiauiourd'hui tienent bien
, meriteroyent vne
Dieu , & Luther & fes femblables ne
le doyuent ainfi iniurier, mais plullofi que ie les euffe en auffi grand prix
gémir , fans faire telles diuifions & qu'eux, & qu'il ne leur defpleuft ;
troubles ; que fi nous voulions bien mais tre
cependant que ma
i'auoi
fondement de foi bien vn au-ie
, lequel
appliquer les palTages des Thefialoni- leur monftrai félon le loifir par eux
ciens , & de l'Apocalypfe touchant
l'Antechrift, que c'cftoit à Mahomet ottroyé.habco
Multa Il m'amena la vieille
diccrc quœ guerre ,
non poteftis : iea„
,(,. ,
qu'il iniurier
ainfi les faloit appliquer, &nos non
lesChreftiens pas
poures &c. Puis le concile cle lerufalem, &c. Ades i;
Comment i'eftoi certain de l'Efcri-
frères. Quant à la MelTe, que c'eftoit ture, de s'accommoder à tous en cho-
vn facrifice d'aâion de grâces feule- fes externes , (&c. A ûuoi ne peu
ment &, que le corps de Chrill y ef-
obtenir lieu de refpondre futTifam-
toit , veu qu'il le pouvoit ou vouloit, ment. Quant au Pape , ie lui refpondi
félon ces mots : Hoc eft corpus meuin;
que fa vie eftoit bien vn preparatif
de nous decomment,
toil laà manière que ce n'ef-
nous en enquérir ,& pour iuger de fa dodrine ; non pas
grand'folie de nous en tourmenter qu'il prefche à (car
conuenable ce n'eftMaiefté
fa facree pas chofe
de
ainfi. Qu'il fauoit bien le différent de prefcher) , mais de fe maintenir par
Luther, Zuingle & Oecolampade , &
feu & par glaiue. Cependant, que fa
qu'il auoit veu les liures de nos doc- dodrine eft dutout contraire à celle
ie m'arreftalTe
mais que anciens pluf-
toft aux teurs,
Dofteurs & aux fainds
de lefus Chrift , voire vn abolift'e-
Conciles. Que nous autres efiions ment d'icelle »St aneantilfement de fa
merueilleux acerteneurs (i) de chofes grâce , ce que ie prouuai par leurs
blafphemes de Purgatoire & fatisfac-
(t) Qui affirment une chose. tions, fur lefquels articles ie m'arref-
LES CINQ DE CHAMBERI.

tai tant qu'ils fuflTent vuidez, fâchant gnent à vne vérité que lEjprit de
Dieu requiert en nos rejponjes (1).
bien fa rufe , qui eftoit d'aller du coq
à l'afne , comme l'on dit. 11 me dilbit
en cefte matière & quafi toutes au- l. "Vernou , A. Laborie , L Trigalet ,
tres :Que nous equiuoquions en faid B. Bataille, G. Tauran , prifon-
(voila les mots) Ot failions acroire niers de noftre Seigneur JefusChrift,
aux miniftres de Geneue , & à tous
qu'ils difoyent ce qu'ils ne dilent pas.
nos bien-aimez frères au Seigneur :
Ledit CralTus amenant le paffage des'
Corint. : Qujji per ignem, &c. , fe Grâce & paix de par Dieu noftre
monftra ridicule iufques à rougir de- Père , & de par noftre Seigneur
uant fes compagnons. Quant à Lu- lefus Chrirt, en la vertu du S. Ef-
ther ie
, lui remonllrai fa lainîte pro-
prit. Ainfi foit-il.
cédure enuers le Pape, & que l'exa-
men de la doârine apartient à vn Pvis que Dieu, par fa mifericorde,
chacun fidèle, &, par plus forte raifon, nous ayant retirez de ce mefchant
à plufieurs pays, à royaumes, &c. monde rempli de fcandales infinis ,
J'auoi bonne enuie de bien acouflrer nous a fait fes vaifl'eaux d'honneur , à
leur Meffe , mais il ne m'en donna le ce que fa gloire reluife en nous pour
C'eft le liure moyen, dont fu contraint de les ren- amener en fon Eglife nos prochains :
des Aportats c'eft bien raifon que mettions toute
de la vérité. uoyer à l'Anatomie de la Meffe, faite
par M. P. Viret (1). Finalement ie diligence , non feulement à nous con-
fus admonneflé "de n'eflre opiniaftre. tregarder de tout fcandale , mais auffi
A quoi ie refpondi que Dieu ne de toute aparence de mal , & au con-
m'auoit tant oublié , à la parole du- traire que nous foyons touchez au vif
d'vn tel zèle de la maifon de noftre
quel i'elloi preft de foumettre tous
mes fens , qu'ils me feroyent plaifir Dieu , que nous foyons comme bruf-
quand ils me monftreroyent qu'en efloi lez & confumez, à l'exemple de Da-
uid, miroir de tous fidèles , ou pluftoft
defuoyé. Et c'eftoit par là où ie
commençai le lendemain mon propos, de noftre chef& capitaine Jefus Chrift
& quafi les mefmes matières que def- par lui reprefenté. Toutefois le diable
fus furent difputees. Le lundi après , a de tout temps , & fur tout auiour-
fufmes appelez , où le Seigneur me fit d'hui, vne telle vogue par le monde,
la grâce de leur remonftrer leur faute,
que , quelque
feruiteurs folicitude
de Dieu de nequ'ayent les
fcandalifer
• en ce qu'ils
dience en vnedonnoyent
caufe de moins d'au-
telle confe-
perfonne, mais d'édifier tous , fi eft-ce
quence, qu'ils ne feroyent en quelque qu'ils n'en fauroyent venir à bout
comme ils deuroyent, comme nous
caufe priuee , en ce auffi qu'ils ne voyons en Abraham, père des croyans,
nous vouloyent pour le moins faire vn
en Loth , Dauid , Rahab , & autres
tel tour qu'on faifoit iadis , & fait-on
encore maintenant es Eglifes refor- fidèles qui font prefque venus iufques
mées, aux hérétiques, c'eft qu'on ne là, tant par la malice de Satan & des
les defgarnilToit point des armures fiens que par l'infirmité de leur chair,
qu'ont les Chreftiens , alTauoir des qu'ils ont quelquefois vfé de moyens
faindes Efcritures , & auffi des autres obliques, & comme à trauers champs,
dodeurs anciens & mefmes des Hures pour paruenir à quelque bonne fin.
de leurs aduerfaires , & en appelant En quoi le Seigneur les a voulu , &
fur ce le tefmoignage de leur propre nous en eux , inftruire à humilité &
confcience, fauoir fi iamais nous auons
crainte ; tant s'en faut qu'il en ait 15
peu déduire vne feule raifon pour nos voulu donner quelque couffin à nof-
defenfes. tre maudite chair , ou occafion de
nous efgayer en moyens illicites, que
pluftoft nous tremblions deuant fa
Epi/Ire commune de/dits prifoimiers ,
enuoyee aux minijlres de Geneue , que, félon l'alliance qu'il
monjlranl le combat que les en/ans daignépuis
abonté, faire auec nous, poures cha-
de Dieu ont eu de tout temps contre rongnes puantes , il nous traite fi hu-
mainement.
les refolutions de la chair, qui repu-
(i) Cette lettre, datée du 2; juillet, devrait
(i) Nous ne connaissons pas d'ouvrage de venir immédiatement après les deux pre-
Viret portant ce titre, ni celui d'Apostats de mières. Le cas de conscience qu'elle sou-
la venté. Voy. une note complémentaire aux lève a rapport au premier interrogatoire des
Notes et corrections, à la fin du ;» volume. prisonniers.
226 LIVRE SIXIEME.

Ceci difons-nous, meffieurs Ot frè- maux feroit le moindre , ou d'vfer de


res irefchers, non point afin que vous menfonge, ou de mettre au trenchant
nous excufiez ou flattiez en noflre de l'efpee, & expofer au feu tant de
ignorance & foiblefTe , procédantes bons perfonnuges anciens, femmes &
(fvnc trop {grande infidélité & déf- enfans: voire les
aucunement que bourreaux
les pafleursde fun"ent
leurs
fiance de la fagelle incomprehenfible
& de la prouidence plus que pater- brebis, pour lefquelles ils ne deuoyent
nelle de noftre bon Dieu, tout fage & mefme efpargner leurs âmes. O quel
tout puilTant , qui lait bien befongner creue-cœur ! Certes, trefchers frères,
fans moyens , & mefme contre tous
moyens , mais afin que par pitié vous quand ildonner
n'eftoit queftion
nos perfonnes à laquemort
d'aban-
pour
le priez pour nous, nous confoliez par la confeffion de noftre foi, Dieu auec
vos lettres, & apreniez à nos defpens vn tel honneur nous faifoit auffi la
de vous exercer en la méditation de
grâce
chanterd'eftre gais en
Pfeaumes, lui , &regret
au grand de lui
&
cefte tant fainde et admirable proui-
dence de Dieu, ayans en deteilation rage de nos ennemis. Mais nous con-
feifons que, quand on apporta les
ces r vn, qui
malins
renuerfe ne dedemande
article foi qu'à
nortre nt tant
vtile , tant neceffaire , & lequel , par nouuelles que l'on nous deuoit inter-
roguer de tels poinds à la requefte
expérience , auons fenti eflre vn tref- dudit Prefident, qui mettoit en auant
puiiïant & tresfermc bouleuard contre ce que nos luges taifoyent volontiers,
toutes tentations des ennemis ; mais
encores qu'ils en eulTciit quelque oc-
ce n"a pas efté toufiours d"vnc efgale cafion, à caufe des lettres que por-
tions; alors nous fufmesbien eftonnez,
mefure de foi, qui a efté caufe qu'auons
efté contrains d'vfer d'vn moyen obli- ne fachans que penfer, ne dire, ne
que en quelque endroit, comme vous faire. Car quand il n'euft efté queftion
pourra dire plus au long ce bon- que
Frère , porteur de la prcfente , & mens d'endurer
, & bien,toutes fortes
la chair eull de tour-&
frémi
auffi nous vous en dirons quelques
mots. fait des fiennes , fi eftce que l'Efprit
l'euflgaignee; mais, félon noftre iuge-
C'est qu'eftans interroguez , fi ce ment, nous voyons qu'ils n'eulfent pas
n'efloit pas Tvn de nous qui a prefché laiffé pourtant , quelques tourmens '
à Barbotta, Fenellella (i) &c : & mcf- qu'euffions enduré, d'eftre en danger, ;
mcment le inur de Pafques en vn pré,
& fi nous ne reconoifficjns point Barbe veu
nous que
euftfi nous eulTmns
traînez dit qu'oui,& onlà
à Grenoble,
tourmenté, confronté tefmoins, & mef-
Paul nommèrent
nous (2), cS: plufieurs(fuyuantautres qu'ils
la teneur mes mené fur le lieu. En cefte per- Perple.xiié
des lettres que leur efcriuoil le pre-
mier Prefident de Grenoble, toucnant plexité nous fifmes conclufion de tout e''''"'^^ quand
nier, .11nous remettans • 1 toutefois
1 r-,- à la fur
!],.''"!!..3''
"'^ laiiM„ l',!"
lelponJie
le dc>
ce poind, & mefme toute lentre- conduite de la prouidence de Dieu , autres Frères.
Negaiion d'vn prife & pourfuile de nos bonnes gens, qui pouuoit vfer de moyens à nous
faiél pour au moins pour la plus grande partie) inconus. Or il lui a pieu que les cho-
fauucr les fcs ayent efté tellement menées, que
autres. , niafmes . toutI à .plat. le faiil,
\ /-A que
ne fauions rien de tout cela. Ce que
ne fifmes, fans y cftre fort folicitez par ceft
forte orage eft aucunement
que tous ceft'é: que
nos amis difoyent de
les Frères, aucc gemiffemens & priè- tout ira bien , & qu'il ne refte plus
res à ce bon Dieu , lefquelles tant qu'A prononcer noftre fentence des
lefdits Frères que nous lui prefentaf- galères , comme vous dira ce porteur.
mes bien affedueufcment, ni auffi fans Cependant nous remercions le Sei-
auoir bien mis à la balance , tant que gneur de fa bonté enuers nous, &
l'imbécillité de noftre iugement fe mefmement enuers nos entrailles, af-
pouuoit eftendre , lequel des deux fuuoir noftre poure troupeau , & le
prions qu'il lui plaife la continuer &
(1) Balbotu el Fcncslrellc, dans la vaWùc acroiftre,
de faire félon enuersfa promeft"e
tous les & fiens.
manière
Et
de PraKCla, où Jean Vernou el Lauversal
avaient exercé un court niinisiire peu de quant à ce qui a efté méfié de noftre
mois avant. Sur ce culte dans un \iri . le corruption parmi fa prouidence & fon
jour de PAques, voy. ci-dessus la noie 4 de ouurage , qu'il n'entre point en iuge-
la pn^c 102, el les Calvini Operj, XV, ?7(.
(2) Les ministres vaudols étaient désignés ment auec nous , mais qu'il nous par-
sdus le nom de barbus Nous icnorons ipii donne, etcela tSi tant d'autres mefcnan-
él.iil le barbe l'aul. cetez , au Nom de Ion Fils K-sus , élt
LES CINQ DE CHAMBERI. 22 /

qu'il nous reforme tellement par fon lettres du cinquiefme de Septembre ,


Efprit , que nous fabbatifions ( i ) mieux qui nous ont grandement confolez.
que iamais , renonçans à tout ce qui Car elles nous teflifient voflre ar-
eft du noftre, pour nous laiflfer paifi- dente charité , & de tous les Frères
blement conduire félon fa fainde vo- enuers nous, entant que vous-vous
contriftez tellement de noflre mal fé-
lonté. Et s'il lui plait nous chaftier
comme fes enfans, qu'il nous lailTe lon la chair , que cependant ne laif-
plurtoft aux galères , aufquelles nous fez pas de vous efiouyr de noflre bien
iommes condamnez à perpétuité , ou
félon l'efprit, en pleurant auec les
en quelque autre forte qu'il lui plaira ; pleurans , & riant auec les rians :
feulement qu'il frappe fur nous & la dequoi nous vous remercions trefaf-
maifon de nos pères , & que ce peu- fedueufement. De noflre part , com-
ple eftant efpargné , pluftoll il nous bien que foyons ioyeux de ce que le
abyfme. Hélas! Seigneur, ta volonté Seigneur par fa grâce nous donne de-
foit faide , ayes pitié de nous & des
brebis de ta pafture, lefquelles tu quoi nous refiouir en fainde liefl'e ,
quelques chetiues , poures & mifera-
nous as commifes, voire ame pour bles créatures que nous foyons ; fi
ame. Que ce que tu difois à S. Pierre efl-ce pourtant que fommes fafchez
refonne toufiours en nos oreilles & en de vous donner , & à plufieurs excel-
-■an 21. iç. i6. nos cœurs : « Pierre, m"aimes-tu.^ lens perfonnages , & mefme à toute
Pai mes brebis. » Que la charité de
l'Eglife, tant de peine & de fouci.
Moyfe, de faind Paul & mefme de laçoit que plufieurs occafions de gé-
Jefus Chrifl, foit toufiours deuant nos mir nous foyent iournellement prefen-
yeux. Ce que nous demandons pour tees. toutesfois cefte-la n'efl point
nous, auffi faifons-nous pour vous , ô des dernières; tellement que defirons
bien-aimez; & mefmement pour vous, & prions ce bon Dieu, qu'il vous ofte
nos bons Pères en Jefus Chrifl , tref- bien tort de cefte preflTe qui vous ferre
chers & tref-honorez pafteurs de fon incelTamment à caufe de noflre prifon,
Eglife, vous prians de faire le mefme
en voftre endroit pour nous, ainfi que en quelque manière qu'il lui plaira.
Si c'eft par mort, tant mieux pour
nous-nous recommandons affedueu-
fement à vos bonnes grâces. nous.
lui Seulement
plaife acroiftre nous le prions
en nous de plusqu'il
en
Novs ne refpondons point pour le plus cefte affedion , puis que de fa
prefent aux dernières lettres que vous grâce il nous l'a donnée ; par ce moyen
auez enuoyees; pour autant que bien ferons deliurez de plufieurs prifons ,
tort après elles furent oftees par les voire beaucoup plus ennuyeufes que
amis, depeur qu'elles ne fuffent trou- cefte tour où fommes enfermez. S'il
uees de ceux qui deuoyent faire la lui plait nous deliurer en quelque au-
vifite, laquelle on foupçonnoit fort. tre façon, fatisfaifant au defir de ceux
!oint auffi que le prefent porteur efloit qui nous regrettent fans comparaifon
fi preffé de partir, que nous auons plus que ne valons, que ce foit pour
refpondre à leur attente & à la voftre,
efté contraints de faire pluftofl fin d'ef-
crire que ne defirions. La grâce & qui eft que nous-nous employons
diledion de Dieu noftre bon Père, par mieux que iamais à glorifier fon faind
noftre Seigneur & Sauueur J efus Chrift Nom , & édifier fon Eglife. Parquoi Du Pf. 2f.
fon Fils, en la communion du faind difons fouuent auec Dauid : « O Sei-
Efprit, foit à iamais auec vous tous , gneur Dieu des armées, que ceux qui
Amen. Des prifons de Chamberi , ce s'attendent à toi ne foyent point con-
vingtcinquiefme de luillet. fus en moi , & que ceux qui te cer-
■Vos humbles frères, les fufnommez. chent, ne foyent point rendus honteux
en moi, Dieu d'Ifrael. » Que iamais
nous ne iouyffions de ceft ombrage de
Epijlre commune des Cinq , efcrite à
M. lean Caluin (2). le courant de septembre , répond à une lettre
de Calvin du 5 septembre , qui est perdue.
MoNsiEVR & treshonnoré père en La lettre de Calvin qui se trouve plus loin
est évidemment bien antérieure à cette date.
noflre Seigneur, nous auons receu vos La lettre des Cinq commence ainsi, dans
l'édition de i;i6 : u Grâce, mifericorde &
(i) Nous observions mieu.\ le sabbat, nous paix de par Dieu noftre Père , & le Sei-
rendions un meilleur culte à Dieu. gneur Jésus Christ vous foit multipliée en
(2) Cette lettre, qui dut être écrite dans la vertu du fainél Esprit. »
2 28 LIVRE SIXIEME.

vie, finon à celle condition ; puis que Nom de noflre bon Seigneur & Ré-
de fa grâce il nous a mis en train de dempteur lefus Chrill.
fortir du milieu de celle génération
peruerfe tt adultère, où il ellblafphemé Pvisqu'ainfi eft, matrefchere fœur,
en tant de fortes que c'ell vn horreur, que ne pouuez élire couronnez fans
pour lui aller chanter louanges immor- batailler, il ell bon que foyons fouuent
telles en la compagnie des bienheu- auertis à quels ennemis nous auons à
reux, A vous prions bien fort que, par faire , & quelles font leurs rufes de
vos oraifons enuers Dieu, vous nous
guerre. Et de faiét , c'ell vne grande
aidiez à obtenir celle requelle. Au fur-
plus aufll, quand efcrirez aux Eglifes partie
vn de la conu.
ennemi viiloire, qu'auoir
Tous fauent à bien
faire leà
de Laufanne & de Neufchallel, de les nom des ennemis communs du genre
foliciter à faire le mefme , & les re-
mercier de leur bonne affection enuers humain , & peu ens'efforcent
leurs malices, à conoillre
leur relillant à bon
nous, de laquelle & de la vollre ne efcienl; nul ne les fauroit entièrement
doutons aucunement, mais fommes comprendre , & encores moins expri-
marris que ne pouuons refpondre à mer. Car s'il n'y a que le feul Dieu
icelle, tant y a que nous-nous y ef- qui puiffe fonder la profonde malice
forçons, & fupplions ce bon Dieu de la tionchair , c'ell à dire
du cœur & de tousdelesla fens
corrup-
hu-
qu'il vous recompenfe des biens &
fpirituels& corporels que receuons de mains, qui viendra à bout des rufes
vous tous , comme de nos vrais pères & mefchancetez de ce monde , que
& nourriciers. En quoi certes nous S. lean dit eftre mis en mauuaillié , & I. lean
expérimentons bien la vérité de la de Satan , que faind Paul appelle
Maiih. 10. 39. promeffe du Fils de Dieu , alTauoir auec toute fa bande, affauoir tous ma-
lins efprits , les Principautez , les Ephef. <
qu'il n'y a nul qui ait lailTé maifons, ou PuilTances, les Reéleurs du monde &
frères, ou fœurs, ou père, ou mère ,
ou femme, ou enfans, ou champs, pour des ténèbres de ce liecle, les Malices
l'amour de lui & de l'Euengile, que fpirituelles qui font es lieux celelles ,
maintenant en ce temps-ci il n'en c'ell à dire en l'air.' De nollre part ,
reçoyuc cent fois autant , & au fiecle encores que celle fcience foit trop
à venir vie éternelle. Quand en cell haute pour nous. Il ell-ce que Dieu
endroit, i!t en plulieurs autres, l'auons veut que nous-nous y exercions iour-
trouué lîdele, nous ferions bien ingrats
& vilains, lî nous ne concluyons ce nellement,
nous mcfmes,afin& qu'ellans
defefperezabattus en
de toutes
Pf. 48. iç. qui ell efcrit : •> Ce Dieu ell nollre nos forces imaginaires , nous foyons
Dieu à touliours-mais, il nous con- redrelTez en lui, & vrayement alTeurez
duira iufques à la mort. » Par ce que en fa puiffante main. Or, entre les
deffus pouuez iuger en quelle difpo- afluces infinies du diable & de nos
autres ennemis qui lui feruent comme
fition nous
grâces à nollre fommes quant à l'efprit ,
bon Dieu. d'inllrumens, celle-ci efl bien à noter,
& le Seigneur vous y adiourne de plus
S'ensvivent autres lettres confola-
près que iamais par les afllidions qu'il
toires, extraites de celles qu'ils ont continue de vous enuoyer; c'ell que
efcrites en particulier vn chafcun à de quelque forte que ce bon père
leurs parens, femmes & amis. traide fes enfants pour les aprocher
de foirecueillis
tout , iufquesen à fon
ce royaume
qu'il lescelelle,
ait du

Premièrement, de lean Vernou à fa ce cauteleux ferpent s'en veut feruir


pour les en eflongner. Si Dieu nous
Ja-ur M.D.L.V. Par ces lettres enuoye des biens , comme certains
tous l'tJeles font adnjonne/le^ de fe tefmoignages de l'amour qu'il nous
donner garde des mensonges H- trom- porte, pour rompre nos cœurs endur-
peries deSatan, noflre ennemi mortel, cis ,& enflammer nos cœurs gelez à
& le bcfoin que nous auuons d e/lre l'aimer ; voici Satan qui fe feruira de
domplei{ par croix & tribulations. nollre propre chair, comme de Dalila
enuers Samfon, de Beth-fabee enuers 2.luges
Sam. 1
NosTRE Seigneur vous face fentir Dauid , pour nous endormir ici bas ,
par elTed que ce n'ell fans caufe &, pour quelque aparence de biens,
qu'il fe nomme Père de mifericorde nous faire quitter le bien-faiileur , &
éi Dieu de toute confolation , au mefmes d'iceux lui faire la guerre. Si
LES CINQ DE CHAMBERI.

Dieu nous enuoye des maux, ou pluf- afflidion, fentans que c'eft que de m.d.lv.
tofl des médecines propres à la gueri- l'ire Diuine, pourdes
peu reprouuez,
qu'ils en gouf-
fon de nos maladies fpirituelles , voici tent au regard (qui
Satan qui nous voudra faire acroire fans fin feront accablez de tourmens
que ce bon Père nous hait , & par ce efpouuantables & incomprehenfibles)
moyen murmurer & grincer les dents ils remercient d'autant meilleur cou-
contre lui, comme eftant vn cruel tyran. rage ce bon Sauueur qui les a deliurez
Ainfi, félon le dire de noftre partie ad- d'vn tel gouffre, beuuans en leur lieu
uerfe , qui eft le père de menfonge , le calice adetellement
l'ire du Seigneur,
iamais Dieu ne nous aime , comment mefmes fandifié & &bénit
qui

qu'il nous traiâe, quoi qu'il nous face. leurs miferes en fa croix, qu'elles
Pvis donc que nous conoiffons leur apportent tout bonheur, entant
qu'il eft fi rufé menteur, par la parole qu'elles les inftruifent à plus grande
de Dieu, qui eft la vérité mefme; puis repentance , humilité, foi, reconoif-
fance de la grâce de Dieu & de fa
qu'après auoir promis à noftre Père vertu au milieu de leurs infirmitez ;
Gen. ?. ç. Adam tout
rendu qu'il auferoit égal femblable
rebours à Dieu , àil foi
l'a elles les defracinent des vanitez de ce
mefme, l'attirant en vne mefme per- monde pour les faire repenfer plus foi-
dition : gardons-nous bien de le gneufement à cefte vie bien-heureufe,
croire, & que les miferes infinies , & y tendre de plus grande affedion ;
lefquelles nous fentons en nous , & elles les rendent conformes à leur
voyons aux autres par le menfonge de chef noftre Seigneur lefus, non feule-
ce menteur, nous rendent fages pour ment en ce qu'ils fouffrent & meurent
comme lui , mais auffi en ce que, par
l'auenir. Et afin que le puiffions faire,
prions fans celTe le Seigneur qu'il nous ce moyen, il leur communique fa fandi-
defpouille de noftre iugement charnel, fication, à ce qu'ils foyent fainds ainfi
& qu'il nous en donne vn fpirituel par qu'il eft faind, & que par ces deux
lefus Chrift, qui l'a receu auec toutes voyes, aftauoir de la croix & de fainc-
grâces pour le nous communiquer. En teté, ils entrent auec lui en cefte ioye
après efcoutons-le parler à nous en celefte & vie éternelle. Voila des
fes faindes Efcritures, qui font lettres fruids excellens qui nous reuienent
de cefte bien-heureufe croix. Mais,
qu'il nous enuoye d'enhaut pour nous
retirer des menfonges du diable , & fuyuant
nous amener en toute vérité. Or là il nous fautl'admonition
demander de S. Jaques
à Dieu , il Ch. i.
cefte fa-
nousdeclare que quoi qu'il nousauiene, geffe, affauoir que nous fommes heu-
onoiilre que en premier lieu nous regardions tou- reux, & qu'il n'y a matière que de
es affligions fiours à lui , nommément quant aux ioye, quand nous tombons en diuerfes
viennent de afflidions, qui femblent peu conuenir tentations & miferes. Lors, en defpit
Jieu eit vne , , ^ ^ j- l- 'ai de noftre chair, nous conclurrons auec
fouueraine ^ '^ nature, que nous lâchions qu a la
Dauid : « Seigneur, il eft bon que tu pf. 119. 71.
:onfoiation. vérité c'eft lui qui les enuoye; non pas
pour plaifir qu'il y prenne, mais pour m'ayes humilié & affligé, afin que
donner quelque petit gouft aux hom- i'aprouue tes ftatuts. » Si vn tel perfon-
nage en a eu befoin , combien plus
mes, de ce qu'il monftrera manifefte-
ment au dernier iour, aftauoir qu'il eft nous? Je vous prie, quelle noncha-
iufte Juge du monde, aimant à bon lance ya-il en nous à conoiftre & faire
efcient la iuftice, & hayffant mortelle- ce que le Seigneur nous commande }
ment l'iniuftice ; tant afin de rendre Mais pluftoft quelle beftife coniointe
auec vn merueilleux orgueil , pour
d'autant plus inexcufables lesinfideles,
que pour le grand profit des fidèles. contreroller (i) Dieu en fon parler, &
Car il leur protefte qu'il ne les afflige auec vne grancle rébellion , pour nous
pas pour haine qu'il leur porte, ains rebecquer (2) contre lui, & mefmes lui
au contraire pource qu'il les aime tant faire la guerre? quel mefpris de noftre
& plus (tefmoin fon Fils qu'il a plongé Seigneur Jefus Chrift ? quelle ingra-
aux abyfmes de toutes leurs miferes titude ?combien fommes-nous tranf-
pour les en retirer) ; il veut auffi par les portez par les vanitez mondaines de
afflidions qui font les fruids de péché, la méditation de ces biens celeftes ?
les amener à vne vraye haine de pé- Ceux qui ont le mieux profité, fentent
ché, & par ce moyen les faire recou-
rir plus ardemment à la grâce de nof- mieux ce que ie di , & en gemift'ent
tre Seigneur lefus Chrift , pour en
(1) Contrôler, contredire.
eftre par lui deliurez. Il veut qu'en (2) Nous révolter.
210 LIVRE SIXIEME.

t:int A plus . dcfirans la pleine morti- precieufe. Ce qu'a tellement conu ce


ticalion de leur chair, où tels monftres faux-prophete Balaam
habitent» & mefmes les detienent mourir de la mort des , iufles
qu'il ,a &defiré
que Nomb 2;. lo
comme poures efclaues cependant fon
ble àdernier département
eux. Nous, enfans defuftDieu,
l'embla-
que
qu'ils rampent ici bas. deuons-nous craindre ? ne fommes-
Pvis qu'ainfi eft , ic vous prie, ma nous pas heureux , voire alors que le
bien-aimee fœur, que, fentans le grand
monde & noftre chair nous eftiment
foin qu'auons d'ellre domptez par
cette fainde Croix, prenions en pa- plus mal-heureux r Or donc, ma bonne notable.
Confolation
tience les falcheries que noftre bon
fœur, efif)uyfrons-nous en ce bon "*'
père nous enuoye, pour corriger tel- Dieu, glorifions-nous en lui, foit qu'il
les abominations en nous , qui nous nous enuoye poureté , maladies, pri-
creuent les yeux it le cœur , fi nous fons , ou autre calamité quelconque ,
ne fommes plus que ladres et paraly- foit qu'il nous enuoye de fes biens;
maugré Satan conuertilTons le tout à
tiques quantiuflificz
nous fentans à l'amepar; que
foi enmefmes
noftre noftre profit ; c'eft que nous foyons
Seigneur lefus, nous-nous y glorifions d'autant plus adonnez à fon feruice.
pour les fufdits profits & autres iné- En profperité, craignons & foyons en
narrables qui nous en reuienent. Et fouci , cle peur de iafcher par trop la
pour mieux confiderer & prifer noftre bride à nos fols appétits; au contraire,
bien-heureux cftat en nos afTlidions , en aduerfité, humilions-nous tellement
dcuant lui en vraye repentance , que
confiderons à l'oppcfite le mal-heu-
reux eftat des poures infidèles, auf- cependant ne laiffions pas de nous re-
quels les afflidions font dommagea- tirer àlui par ardantes prières , auec
bles ,pource qu'elles leur aporteront certaine alTeurance d'eftre exaucez ,
l't qu'il eft auec nous en tribulation ;
vne plus
que par grieuc
icellescondamnât ion, d'autant
ils ne feront point \' defpiti^ns hardiment tous nos enne-
amendez, félon que Dieu les y con- mis qui nous veulent mettre en la
uioit. u Ils n'ont point , dit Ifaie, re- tcfte qu'il nous a abandonnez. Si le
gardé àla main de celui qui les frap- Seigneur me donne le moyen de vous
en efcrire, ou mefme dire de bouche
poit. » Il yentre
difTerences a d'auantage deux autres
nos afllidions »& les d'auantage , ie levolonté
cœur. Sa fainfte ferai de
foit bien
faite.bon
Et
leurs , premièrement que les noftres
font modérées félon la mefure de nof- comme il a tant befongé en moi de
tre foi & de la force que Dieu a faire aucunement accorder ma volonté
donnée pour les porter ; les leurs font à la fiene, qu'il lui plaife de continuer
fans mefure. Car comme ils fe por- fon ouurage iufques à la fin , & fuis
• tent enuers Dieu à l'eftourdie , auffi certain qu'il le fera. Puis qu'il lui a
fait Dieu enuers eux à la trauerfc ; & pieu de fe donner du tout à moi en
comme ils font defmefurez en la mul- la perfonne de fon Fils, ie fuis fien &
titude & enormité de leurs péchez , à viure A à mourir. Il m'a tout le
auffi ne tient-il mefure à les punir, de temps que ie fuis ici prifonnier, batu
forte que le délai mefme qu'il leur par quelque petite maladie, aft'auoir
donne par la profpcrité- , ne leur (ert par vn flux continuel d'heniorrhoides,
que de punition plus griefuc. Secon- qui n'a encores cefl"é du tout ; l'itTue
dement, que les noflres font temporel- en fera telle qu'il lui plaira ; fi ne
les, & les leurs font perpétuelles. me peut-elle eftre que profitable, car
Que voulons-nous plus r Dieu nous il eft mon bon Père , & m'en a donné
afflige pour noftre grand bien ; Dieu tant de marques par fa grand'bonté ,
ne nous en donne pas plus que nous que i'ai bien occafion de me porter
Pf. ii6. i(. ne pouuons porter ; Dieu mettra fin enuers lui bon fils «& obeift"ant , & de
à tous nos maux, iSt y donnera bonne me hayr que ie ne m'en acquite
ift'ue. le vous allegueroi de cela plu- mieux. Qu'il lui plaife y remédier.
fieurstre tefmoignages
mon attente on ; me
maiscontraint
puis qu'ou-
de
faire fin , ie vous dirai encore ce mot, Lettres d'Antoine Laborie, pleines de
par lequel pourrez conoiftre la grande grande pieté & injlriiêlion , extraites
félicité des fidèles. La plus grande de celles qu'icelui a e/criles à fa
femme (1).
miferc à laquelle l'homme efl fubied ,
c'eft la mort. Et toutefois le Seigneur
prononce que la mort des fiens lui eft iii L)ii i] jiiillci, d'après le commence-
LES CINQ DE CHAMBERI.

Ma bien-aimee fœur , ie t'efcriui quelque foiblelTe


Dimanche palTé amplement , comme nous pouuons toutqu'il y ait en lequel,
en Chrift, nous,
Dieu par fa grâce conduit nos afaires, comme il nous a donné de confelTer
mais ie doute que tu n'ayes receu fans crainte fon Nom, auffi nous don-
mes lettres. Noftre bon frère prefent nera-il de fouffrir pour lui , félon la
fiorteur m'a encore
prorais en
de regarder mefure qu'il lui plaira. Il n'y a
ettres font la ville, fi les
pour moyen humain qui fe prefente , qui
les recouurer, & les te faire tenir. nous face oublier cefte leçon, grâces
au Seigneur. Par ainfi ie te prie, que
Parquoi ne t'efcrirai du contenu tu te confoles & fortifies auffi de ton
d'icelles, ioinft que par lui entendras
ce qui a erté fait iufques ici, mieux
que ie ne faurois efcrire. Satan ne cofté fur les promeft"es de noftre chef
& capitaine , afin que tu demeures en
ceffe de faire fes efforts, fuyuant fon fa ioye auecque moi. Je ren grâces à
naturel, pour ce bon Dieu , qui m'a grandement
Seigneur , nousempefcher
donnant l'œuure du
des affauts confolé par tes lettres, & plus par le
plus grands qu'il ne fit iamais ; mais rapport que m'ont fait ceux de cefte
le Seigneur nous fortifie d'autant plus ville, qui ont parlé à toi, de la conf-
pour lui refifter, non pas qu'il n'y ait tance qu'il te donne. Je te prie que
beaucoup d'infirmitez en nous , par tu reconoiffes ce grand bien venir
lefquelles nous experimentonsla grande d'vn fingulier don de lui, & t'humilier
corruption de noftre chair, offenfant
le Seigneur noftre Dieu plus que de tant plus fous fon obeift'ance , afin
qu'il continue fes grâces en toi ; car
ne voudrions. Tant y a que la miferi- ie puis dire à la vérité , que quand
corde & bonté de noftre Dieu fur- ma mort ne feroit autre fruiâ. (comme
monte i'efpere en Dieu qu'elle fera) que de
ne ceffe noftre malice , en
de befongner tellement qu'il
nous par la
t'auoir efueillee , comme on m'a rap-
vertu de fon S. Efprit , nous enflam-
Dieu , porté,
cela en la conoift'ance des grâces
feul eft fuffifant de
pour me
mant toufiours plus fort au defir qu'il
nous a donné de mourir pour fon S. faire aller alaigrement à la mort. Je
Nom. De cefte faueur nous renient
prie à Dieu qu'il parface en toi ce
vn fouuerain bien ; c'eft que voyans bon & fainél commencement, t'attirant
les efforts, troubles & confufions, par de plus en plus à lui par la vertu de
lefquelles Satan & fes membres ne fon S. Efprit. le me fie que tu auras
cen"ent de s'en tourmenter, nous pou- fouuenance de ce que ie t'ai mandé
uons hardiment nous moquer & rire par mes autres lettres, & principale-
de lui & d'eux , ayans en nous vn re- ment d'auoir la crainte de Dieu tou-
pos de confcience , vne certitude de fiours deuant tes yeux, auec la reue-
la prouidence de Dieu noftre Père, rence & amour de fa fainde parole ;
qui ne permettra qu'vn poil de noftre & derechef ie t'en fupplie au nom du
tefte tombe fans fa volonté, &, qui plus Seigneur.
eft, vne mettra
aft'eurance ferme, foit
que rien nous qu'ilfait
ne per-
que de Par les premières
la maifon que, après
du Preuoft ie t'enuoyai
noftre
prinfe (ma fidèle fœur & efpoufe.) ie te
pour noftre bienEglife
cation de fon & falut
, & , auancement
pour l'édifi- mandai que, fi Dieu me donnoit la
de fon royaume; & puis, qu'ayant commodité de t'efcrire pour la difpo-
conu la grâce que Dieu nous fait , fition du bien que nous auons laifté au
nous fommes préparez pour obéir à fa pays, que ie le feroi. Or Dieu par fa
fainéle volonté, foit à la mort foit à la grâce a voulu que cefte petite fueille
vie. Que Satan donc s'efforce , & fes de papier me foit tombée en main
pour ce faire. Dont ie ren grâces à ce
fuppofts
puis que enragent tant nous
Jefus Chrift qu'ils a voudront,
acquis & ijon Dieu, & te prie le faire de mef-
vnis à lui & à fon Père , il n'eft pas mes. Tu cédureasqui entendu iusqu'ici
en la puiflTance de Satan , ne de fes a efté faite contre lanous
pro-;
bourreaux de nous feparer de lui , &
moins de nous rauir de fa main. Car maintenant ie t'aduerti que nous fuf-
mes encores enuoyez quérir Mecredi
paffé deuant nos luges. Et Dieu nous
ment de la lettre suivante. La lettre com- a fait toufiours la grâce de perfeuerer
mence ainsi dans ledit, de 1556 : « La di- en la confeffion de fon faincl Nom. A
lection de noftre bon Dieu et Père , la
grâce de noftre Seigneur Jefus Chrift , &
la vertu du fainél Efprit foit éternellement prefent nous fommes attendans l'heure
avecques loy. Amen. »
qu'on nous meine au fupplice , car
nous n'attendons point autre ifl'ue de
2^2 LIVRE SIXIEME.

noflre afairc, quelques moyens que ne faire rien fans lui; pren vn homme
les hommes ccrchent. Par ainfi ie te qui ait la crainte de Dieu , ou ne te
prie de prier inceiïamment Dieu pour marie point. Mais ie croi que le Sei-
gneur te pouruoira, comme il conoit
nous, afin qu'il lui plaife nous donner
vne confiance inuincible , pour para- efire expédient. Prie-le donc auant
cheuer l'œuure qu'il a commencée toutes chofes , & repofe-toi fur fa
Defir de en nous. Quant à moi, ie te puis bien bonté. le l'ai prié , & le prie incef-
mourir pour la alTeurer que ic ne defirai iamais bien famment pour toi. Tu fais comment
querelle du nous-nous fommes aimez tout le
Seigneur au monde de fi grande affeélion . que
ic defire de mourir pour cefic querelle,
temps qu'il demeurer
nous faire a pieu à ce bon Dieu
enfemble. Sa
s'il piait à Dieu m'en faire la grâce ;
& y fuis (grâces à Dieu) tout préparé, paix a refidé toufiours au milieu de
& croi qu'il n'y a aucun de mes bons nous , & tu m'as grandement obéi en
toutes chofes. Je te prie que tu fois
frères & compagnons qui n'en puiffe trouuee toufiours telle, ou meilleure,
dire autant. le t'cfcri ceci, afin que tu
conoiffes & fentes au vif les grâces auec celui à qui Dieu te conioindra;
que Dieu nous fait. Et te prie de tout & Dieu fera toufiours auec toi , & en
ta race. Remémore fouuent les com-
mon cœur, que tu t'employes à le co- mencemens que tu as eu de moi
noiftre & confidcrer tout le temps de
ta vie; & monftre que tu as eu vn
mari qui eft enfant de Dieu. Et garde- (combien
mon deuoirquequeie ien'aye pas &faitcontinue
pouuoi) fi bien
toi que cefte fentence que lefus- toufiours de bafiir fur iceux , afin que
Chrifl a dite n'ait lieu en toi, alTauoir : de plus en plus tu aproches de Dieu.
Matth. 24. 40,
Que deux font en vn lid , & l'vn fera Si ton père eft auerti de ma mort,
41. prins de
uaille & tout l'autre ton delailTé. Mais tra-
cœur à conoiftrc & ie ne doute pas qu'il ne te vienne
quérir, pour te remener à la Papauté;
aimer la feule volonté de Dieu, pour mais ie te fupplie, au Nom du Sei-
y obéir toute ta vie ; exerce-toi à le gneur&, de tant que tu dois aimer
craindre & reuerer , reconoiffant les
ton falut , que tu ne l'oyes point ; re-
bénéfices que tu as receus de fa pure poulVe-le, & tien-toi aux grâces que
grâce, afin que tu demeures fa fille, Dieu t'a faites, de t'amener en fa
comme ie t'ai toufiours conue efire maifon. Helas I pourete , ne ferois-tu
marquée de lui pour telle , & qu'vn pas mal-heureufe, de lailTer la maifon
iour nous-nous puiffions voir enfem- de Dieu pour retourner au diable .- O
ble en la gloire à laquelle lefus Chrift quelle perdition te fuyuroit ! pluftoft
nous appelé.
fufi"es-tu abyfmee.
almerois Mais iecomme
mieux mourir, croi queil tu
te
Tv fais que tu es ieune, & par ainfi
eftant priuee de ma compagnie (fi ferolt plus expédient & falutaire ;
Dieu le veut ainfi pour nofire grand toutesfois prie Dieu qu'il te fortifie
bien^ confole-toi en lui, & pren lefus par fon faind Efprit. Mes père &
Chnfi pour ton Père & mari, iufques mère auffi tafcheront de recouurer
à ce qu'il t'en ait donné vn autre : & nofire petite fille , pour l'emmener
auec eux; mais ie te prie, & te com-
ie fuis certain
defolee, mais qu'il ne te lain"era
pouruoira point
à tes afaircs mande au Nom du Seigneur, que tu
mieux que lu ne faurois defirer. ne permettes vne telle mefchanceté,
Prie-le donc infiamment , aime-le ,
crain-le & de bouche & de faifl ; fré- pour quelque, que
le protefte chofe iequ'il t'auiene. Car
demanderai fon
quente les prefches, fui mefchantes fang deuant Dieu, d'entre tes mains ,
compagnies , & aime la compagnie de & que tu refpondras de fa perte , fi
ceux qui ont la crainte de Dieu. Ne elle fe pert à ta faute. Doncques pour
fai rien de ta tefle, mais par le confeil l'obeiffance que tu dois à Dieu, &
de nos amis , lefquels tu as conu te
d'autant que tu es fa mère, d'autant
Il donne porter suffi bonne volonté qu'à moi- auffi que tu m'aimes comme ton mari
mefme. Et fingulicremcnt de monficur «& fon père, ie te prie que tu la faces
confeil h (a bien infiruire en la crainte de Dieu ,
femme com- Caluin , lequel ne permettra point
ment clic (c que tes afaires aillent mal , fi tu te
incontinent qu'elle fera en aage pour
doit conduire. renges à fa volonté: tu le dois faire,
ce faire. J'eufi'e efcrit à ton père c*t à
& ic t'en fupplie. Car tu fais qu'il cfl mes perc & mcre trefvolontiers; mais
conduit par l'Efprit de Dieu. Qiiand ic n'ai ne papier ni ancre que ceci, &
lu te marieras (comme ie te le con- fi n'en puis recouurer. le te prie leur
feille) ie te prie prendre fon suis , & mander tout ce qui eft auenu de moi
LES CINQ DE CHAMBERI.

par la grâce de Dieu , & les conible


prie, dont vient cela ? n'eft-ce pas m.d.lv.
en leur remonftrant les grandes grâ- Dieu qui te baille & fufcite vn millier
ces que le Seigneur m"a faites. Dieu d'amis, pères & frères, pour vn mari
les vueille toucher de fa grâce telle- qu'il t'ofle afin de le retirer à foi ?
ment par ma mort, qu'ils le conoifTent As-tu lieu de te plaindre de lui quand
mieux qu'ils n'ont voulu faire en ma il te baille plus cent fois qu'il ne te
vie par mes admonitions & remonf- prend ? Reconoi , ie te prie , cefte
trances. Dieu leur face mifericorde. grande & incomprehenfible bonté de
noflre Dieu , & conoi combien eft
meilleure l'afflidion que le repos de
Autres lettres dudit Antoine Laborie à la chair, l'aduerfité que la profperité,
& la poureté que les richelTes.
Anne fa femme. Non fans caufe font appelez tels
exercices Efpreuues de noftre foi, en
Anne ma fœur bien-aimee , par la l'Efcriture, car certainement on ne
lettre que ie les peut gueres bien fentir fans foi ,
douziefme de t'efcriui
ce moisVendredi paffé,ie
de luillet,
fi l'on nedonc
Louons pan"e& par les fournaifes.
chantons louanges
t'efcriuoi ne penfant auoir plus de
commodité de t'efcrire ; toutefois le au Seigneur, toi & moi enfemble, qui
Seigneur, qui ne laiffe iamais les (iens nous a fait ce bien de nous mettre au
defolez, a voulu par faencores
grâce qu'auant rang des bien-heureux. « Bien-heu- Matth. f. 10.
mourir ie me peuffe refiouir reux, « dit-il, « font ceux qui fouffrent
à t'efcrire la prefente, pour te com- perfecution poui^ mon Nom. » Or
nous auons ce tefmoignage, grâces à
muniquer des confolations
à ce bon Dieu me donner qu'il plait
au milieu
Dieu , que c'eft pour fon Nom que
de l'heureufe croix, en laquelle il lui nous endurons toi & moi ; toi, di-ie,
plait, par fa grâce, car ie ne doute point que tu ne fen-
gloire et pour mon m'exercer
falut, afin pour fa
que tu tes beaucoup plus que moi la perfe-
connoiffes auec moi les bénéfices de
reconoiftrecution. heureufe
Et d'autant etplus te dois-tu
te confoler au
Dieu & lui en rendes grâces en con-
tinuelles prières, comme ie fai, faifant Seigneur, & mettre toute ta fiance en
toufiours mémoire de toi en icelles. lui. Tu as veu du temps que nous ef-
La confidera- Cependant ie te prie de bien confide- tions au pays , & que i'eftoi en la
compagnie des grans feigneurs, eftant
^deDiir&dV ''er les grâces de Dieu enuers nous,
fes promeffes. car par icelles voyons-nous les pro- fauorifé d'eux, i'eftoi bien eflongné de
meffes de Dieu eflre acomplies. Il Dieu. Et mefmes depuis que nous
fommes à Geneue, quand nous auions
promet d'eflre prochain aux affligez,
voire fi prochain, qu'il prendra noftre plus dequoi à manger, c'eftoit lors
perfonne pour eflre affligé en nous. qu'il nous fouuenoit moins de Dieu
Quant à moi, i'ai bien expérimenté & de fes grâces. Et au contraire, au Dieu efl inuo-
cela, grâces au Seigneur, car iamais
ie ne gouftai fi bien la bonté de Dieu pays , quand tout n'alloit bien, ce que en afflic-
nous fembloit,
monde félon le vueil
, nous recourions de ce
à Dieu. A ''°"'
que i'ai fait depuis ma prinfe. Et ie
croi que tu en peux dire autant , ainfi Geneue, quand la poureté aprochoit,
que ie puis comprendre par tes let- nous efleuions nos yeux à Dieu, l'in-
uoquions ardemment , nous lifions &
tres, lefquelles m'ont grandement con- nous confolions enfemble ; bref, alors
folé, voyant que Dieu t'affifte grande-
nous dépendions de lui. Apren donc,
ment, & non feulement quant à l'ef-
prit, lequel ie voi efleué (grâces à ie te prie, d'aimer & te plaire en la
Dieu) en confolation admirable, mais
encores quant au corps. Car du temps poureté
& délices,pluftoft qu'es richeff"es
te contentant , aifes
de la richeffe
que i'ertois auec toi , tu n'as peu co- que Jefus Chrift nous prefente &
noiftre tant d'amis que Dieu t'a fuf- veut que nous cerchions en fa croix ,
cité depuis madite prifon , lefquels portant la noftre après lui. le me fie
ont plus de foin de toi , ou autant que le Seigneur fera valoir ma pre-
que ie faurois auoir ; & comme i'ai fente perfecution pour ton falut, plus
receu lettres & promeffe de plufieurs, que chofe qui te foit auenue encores,
ils ne te faudront iamais , tant que voire fi tu contemples les bontez que
Dieu leur donnera puiffance. Dequoi Dieu nous monftre & fait fentir au
ie ren grâces à mon Dieu , & le re- milieu d'icelle. le te prie de les con-
mercie bien humblement. Mais, ie te templer, de forte que iamais tu ne les

I
2H

LIVRIi SIXIEME.
oublies. Tu pourras remémorer ce tûmes à me voir comme mort, il ne te
fera rien dur de receuoir la nouuclle
queneic tet'aiferai
ie efcrilaucune
par ci-deuant,
mention. dequoi
le ne quand elle viendra à ce coup, (i Dieu
me fafcheroi pas de t'efcrire plus au le permet ; & fi feras grandement for-
long , comme ie defire ; mais ie ne
tilié à l'auenir, pour porter ce qu'il
puis,
loifir, car ic n'ai
pource quepapier ni ancre,
fommes ni
fort fou- plaira à Dieu t'enuoyer. Pour t'aider
à cela
de , ie te vefue
la bonne prie Ruth
méditer l'exemple
, leauel fi tu
uent vifitez, & n'efcriuons qu'à la def-
robee.
n'entens, le frère V. ou quelque au-
tre ne refuferont te le déclarer. Tu
trouveras, en cefle fainde hifioire, Voyez le lii

I
que dela bonne femme Ruth eflant pri- «^c Ruth
En cefie Epijirc , Laborie admonnefte uec fon mari par la mort , après
sa femme de s'acouDitmer à le voir auoir renoncé au pays de fa natiuité ,
ou conter pour morl, &, à l'exemple it à tous fes parens idolâtres pour fe
de Ruth & de Moyfe, Je commettre retirer en la terre où le Seigneur ef-
au Seigneur (i). toit adoré, ayant illec fuyui fa belle-
mere Noemi, à caufe de leur poureté,
Anne, ma bonne fœur, j'ai rcccu fut contrainte la bonne Ruth d'aller
tes lettres du quinziefme de Septem- glaner aux champs pour la nourriture
bre, auec la toile t^ chaulTes que tu de fa dite belle-mere & d'elle, fe
m'as enuoyees par le frère O. Je te commettant en toute patience au Sei-
remercie, ayant plaifir de ce qu'as eu gneur, lequel elle print pour fa garde.
fouuenance de moi mefmes au temps
Or le Seigneur ne l'abandonna point,
du froid qui nous alTaut de bien près. ains la pourueut fi bien , que la don-
Mais encores i'ai eflé plus aife d'auoir nant en mariage à Booz, de leur li-
entendu par ta lettre les grâces que gnée iffit le prophète & Roi Dauid ,
Dieu te fait ; car en cela ie voi le t^' après nofire Seigneur Jefus Chrift.
fruiél des prières que fai pour toi, à Par cela (di-ie) tu peux voir comment
fuis incité à lui en rendre grâces , le Seigneur
comme ie le fai inceiïamment. Tu mettent Alui traitte
du tout.ceux qui fe com-
m'as mandéde par
nouuclles ma ladite lettre que à les
condamnation la Ie croi ; bien que la que
poureté
pouuantc mais regarde celui t'ef-
qui
mort te furent dures de prime arriuec, te prend en charge eft plus riche que
& vn breuuage bien amer ; ie n'en toutlailTe
te le monde. Penfes-tu
auoir faute de riendonc qu'il
? Certes
doute pas , conoilTant ta foibleiïe ,
pour A laquelle refifler , ie te prie, non , pourueu que tu te fies en lui :
ains te fera abonder en ta neccffité ,
veu qu'il y a défia long temps que tu
dois eftre exercée par ma prifon , & plus que tu ne pourras comprendre ;
aucrtie dés le commencement de l'if- car ce que nous auons (Dieu merci)
Noic ccflc lue d'icelle qui eft la mort, qu'il ne te abondé iufqucs ici , n'ayans eu faute
cfpecc de fouuienne plus de moi comme eftant de rien , n'efl point venu de moi qui
confolaiinn. ^^^ ^^^j _ ç^ ^_^ ^.^.j, ^^ ^^ regardant te fuis ofté , mais de Dieu avec qui
deuant tes yeux tout bruflé, voire ré- tu demeures. Qu'il te fufiife donc
duit en cendres, & par ce moyen n'ef- que celui derineurera
viendra d'où tout bien
auec nous
toi &vient A
ne te
tant plus coniointe à moi , finon du
lien de charité fraternelle par laquelle laiffera point ; & défia il te fait fentir
tu dois prier pour moi, tant que Dieu
me fera habiter ici bas en ce corps l'expérience de fa bonté deuant le be-
miferable. Que tu te retires dutout A foin ; car auant qu'eftre contrainte
d'aller glaner comme la bonne Ruth ,
noflre bon Dieu , gardien des vefues.
il t'a fufcité non pas Booz, mais vn
Car outre ce que ce fera contre mon grand nombre defquels ie te mandai
efperance dernièrement vn rolle , pour te monf-
res que le ,Seigneur
fi je fors nous
hors face
d'ici ce
, enco-
bien trer que Dieu eft véritable en fes
de me referuer pour ce coup, i'efpere promelTes , lefquelles il te fera fentir
tant en lui, qu'il me fera cefl honneur plus viuement au befoin. Quant à ta
par fa grâce, de me faire pafTer le pas fille , il en a autant foin comme de
vne autre fois. Si donc tu t'accouf- toi ; car par fa Diuine prouidence , il
fe monftre bien eftre père des orphe- de
(i) Ecrite probablemenl vers la fin de sep- Movfe.
lins. L'exemple de Moyfe te doit fuf- L'exemple
icmlirc.
fire pour toute confirmation : corn-
LES CINQ DE CHAMBERl.

Exode 22. ment crt-il abandonné .■■ Il n'eft pas fon , ne pour mort , ou quelque tour-
feulement orphelin, mais abandonné ment qui me feuft aduenir ; ains me
de père & de mère , eft mis es eaux
comme à la defefperee. Cependant deleéle & refioui en iceux d'vne plus
la bonté paternelle de noftre Dieu grande ioye que i'aye iamais fenti,
grâces au Seigneur, & fuis quelque
veille pour celui qui ne le conoit fois contrifté que ie ne fuis détenu
point, le fait tirer de là par la fille de plus eflroitement iS: en plus grande Laborie
fouhaite lieu
Pharaon, & l'exalte pour eftre con- deftrefle pour noftre bon Dieu , afin
dufteur des enfans d'Ifrael , en la de- d'eftre plus incité à le glorifier , & me plus eltroit.
retirer du tout à lui. Non que ie
liurance d'Egypte. Regarde donc la
prouidence de noftre Dieu, & conoi vueille dire que ma chair ne me donne
que fa puifTance des alïauts bien grans; mais quelques
encore moins fa n'efl pas enucrs
bonté diminuée,
les
fiens. Contente-toi que tu es marquée alTauts que i'aye
prit fe trouue (grâces
prompt à Dieu) l'ef-
& vidorieux par
pour vne de fes filles , & moi pour delfus fans grande refiftance, telle-
fon enfant ; noftre enfant ne fera point
ment qu'ayant roulé tous mes afaires
à autre qu'à lui , car il eft Dieu de fur le Seigneur, fuis tout preft d'en
nous & de nos enfans , voire noftre
Dieu éternel. Et fur cela affeure toi receuoir ce qu'il lui plaira m'enuoyer;
& foit pour la mort , ou pour la vie ,
qu'il fe monflrera tel enuers toi & ie fuisde certain
force qu'il meà donnera
me foumettre fa volonté;la
enuers ta fille, qu'il s'eft monftré &
à Ruth & à Moyfe, & à tous fes Gen. ;8.
fidèles. ayant expérimenté en moi la promeft'e
qu'il fit à lacob, difant : « Voici ie
fuis auec toi & te garderai par tout
QvANT à moi, ie m'afleure que toi
& ta fille ferez encores plus riches où tu iras ; » & puis il adioufte : « Car
ie ne te delaifferai point, iufques à ce
après ma mort que n'eftes , car vous
ferez héritiers du bien que Dieu me
fait, à moi pour vn troifiefme, & vous que i'ayeie fait
Parquoi vousce prie
que, tant
ie t'ai
vousdit.que»
tous mes autres bons frères , que
le rendra, & beaucoup d'auantage,
après ma mort , car il eft fidèle. Et ie n'ayez aucun fouci de moi , finon de
te prie de bien imprimer cela en ton rendre grâces à noftre bon Dieu pour
cœur, afin que, fi tu venois à mourir,
tu ne tombes en desfiance pour ta moi, lité&fur moi
le prier qu'il àcontinue
iufques fa fidé-
la fin , comme
fille, laquelle & fans toi & fans moi incefl"amment
Il eft bien ie vrai,
le prie& pour
ie vous
vous tous.
veux
fera plus riche qu'auec nous , fucce-
dant aux bénéfices que Dieu nous a
familièrement communiquer , que i'ai
diftribuez par fa grâce. Seulement , efté grandement en peine, pour deux
chemine deuant Dieu fans feintifc. & chofes , depuis que fe fuis prifonnier Antoine La-
inftrui ta filleleendemeurant.
lui remets la crainte d'icelui,
Me fiant& pour le Seigneur; en peine
de l'vne defquelles '^«"echofes.
Dieu par fa grâce m a deliuré auec
donc que tu auras fouuenance de tout pour deux
grand contentement,
me tient & enmonl'autre
encores pour grandil
ce quederaiie& toi
t'ai& efcrit,
ta fille ieentre
te recomman-
les mains
bien. C'eft qu'en me voyant enui-
de celui qui a plus foin de vous que ronné & quafi accablé des grandes
ie ne faurois auoir. bontez de noftre Dieu , ie conoi en
moi tant de lafcheté & refroidilfement
à les reconoiftre, que rien plus; &
outre ce que ie fuis tant ftupide, le
Autre lettre dudil Laborie à vn fien
ami, auquel familièrement il déclare me voi rempli
corruption que iedenetant d'infirmité
lai dequoi &
ie puis
les fecretes méditations de fon cœur, feruir au monde ; qui eft caufe que
& les confolations intérieures de fon i'aprehende plus volontiers la mort ,
ame.
grâces au Seigneur, reconoiftant le
QvANT à mon eftat , Frère , & aux grand
ce bon bien
Dieuquemece deliuer
me fera,de s'il
ce plait
corpsà
grâces que Dieu me fait , comme au- miferable. Car fi Helie a requis le I. Rois 10. 4.
tresfois vous ai dit & mandé , ie vous
'puis encore maintenant aft'eurer à la Seigneur de le prendre , difant qu'il
n'eftoit meilleur que ceux qui l'auoyent
vérité que ce bon Dieu m'affifte telle-
ment de plus en plus, que iamais ie précédé, que doi-ie dire moi mifera-
ble, rance.' de toute iniquité & igno-
rempli Helas!
n'ai gémi ne pour liens , ne pour pri- Frères, ie vous fupplie
2J6 LIVRE SIXIEME.

tous,
le me priez Dieu pour
face encore mieuxmoiappréhender,
, afin qu'il voftre adoption ; voyans qu'à la vérité
pouuez protefterd'eftre du nombre de
fi que i'en puifTe recueillir le fruift ceux
« Ayez aufquels parle des
mémoire l'Apoflre. difant ,
prifonniers : f^^j,
qui sy prefenie
tellement ; & & qu'il
efueiller me de
releuer vueille
ma comme fi vous eftiez emprifonnez auec
eux; & de ceux qui font affligez,
(lupiditéfices, ,ie lui
qu'en confiderant
rende grâces fes béné-il
comme comme vousmefmes auffi l'eftans en
apartient, car c'efl le poind où ie perfonne.» Or loué foit noftre bon Dieu,
trauaiile encores. Quanta l'autre, i'ai que vous l'auez monflré aftez ample-
elle vn temps en grande triftelTe, de ment ,donnant tefmoignage par cela
voir tant de gens de bien fe trauailler que véritablement eftes membres de
pour ma deliurance, & faire fi grande noftre Seigneur Jefus Chrift. Ce que
defpenfe pour moi ; voire pour moi
voyant
receu vneau grande
milieu ioye
de ma triften"e , i'ai
& contentement
qui, comme i'ai dit, ferai inutile après
eftre forti, fi Dieu n'y pourvoid par fa en ce qu'auez fait , non tant pour le
grâce. Mefme en confiderant que, fi
foulagement & bien que i'en ai receu
le Seigneur ne permet que les moyens (duquel ie ren grâces à Dieu & à vous)
ne feruent à telle fin que vous préten- comme pour les caufes fufdites. Et à
dez ,que ce feroit vne defpenfe per- cefte caufe ie vous prie au Nom de
due &, grande afflidion & tourment
pour vous. Et en cela ai-ie tellement Dieu , puis qu'il vous faut fentir que
vaut le lien de la charité, & l'exercice
trauaillé que ieuffe voulu ne vous
d'icelle, que vouscontinuyez toufiours,
auoir iamais conu , afin que ne vous non enuers nous, car c'eft aftez, Dieu
fuffiez en rien méfié de mon empri- merci; mais enuers tous autres, con-
fonnement. fiderans que tous fommes vn corps en
Apres la Mais ce bon Dieu qui ne laifîe pas Chrift, & membres les vns des autres.
deftrerre il fent les fiens longuement en dcfirelTe , me
Ion efpnl c. n t • o Car vous n'auez point les biens de
redrelré. "' êfleuer mes yeux vers lui , & co- vous , mais de Dieu qui les vous a
noiftrc que ce n'efloit de fe
vousfaifoit
ne pour donnez. Or ne le vous a-il pas donnez
moi feulement que cela ; de
pour fait
vous vousfeoir
faireplus
aft"eoir
haut detTus; car esil
, affauoir
vous, di-ie, d'autant qu'il befongne
tellement par vous, qu'il eft bien fa- lieux celeftes en Jefus Chrift. Voulez-
vous donc derechef venir en bas.>
cile de iuger qu'il y a mis la main, &
que c'eft vn ouurage du Seigneur; & Non, mes frères, ie vous prie; mais
ie di auffi pour moi feulement , de ce regardans toufiours plus haut, vfez des
que foit que le Seigneur me retire à biens que Dieu vous a donnez, félon
foi, ou qu'il me donne à vous, voflre fa volonté. Et faites tout ainfi que vof-
charité de laquelle m'auez fubvenu ,
reuiendra grandement à la gloire de Dieutre ,Eglife,
cellequiqui
eft auiourd'hui, grâcesduà
reluit au milieu
noftre bon Dieu ; mefmement en ce monde plus abondamment en la pure
que vous aucz efié caufe que, non feu- prédication de la diuine Parole, &
lement laconfeffion de noftre foi, mais vraye adminiftration des Sacremens ,
auffi voflre charité, fera prefchee iuf- elle puifte auffi tellement reluire par
ques aux oreilles du Roi A de plu- vos œuures en toute charité , que la
fieurs autres , à la condamnation des
vns & au falut des autres , dont les clarté d'icelle n'efblouift"e pas feule-
ment, mais creue les yeux du tout à
mcfchans qui tafchent de blafmer ce maudit Antechrift Romain & à tous
fes membres , A mette tellement bas
l'Eglife de Geneue , la priuant fauffe-
ment de charité, auront encor plus de fon règne , que noftre feul chef & ca-
confufion en eux, voyans vne fi admi-
rable charité de laquelle auez vfé en- pitaine lefus Chrift puift'e régner feu!
tt par tout.
uers nous; laquelle fait A fera autant Le Seigneur Dieu vous en face
ou plus de fruifl que noftre confeffion la grâce, À vous recompenfe de tous
de loi. Et ie ren grâces A ce bon Dieu,
oui me fait voir le fruid de tous les les biens que me faites. Car c'eft ce-
lui qui rend le falaire de tels bénéfi-
deux défia deuant mes yeux . auant ces, non en efgale portion, mais en
que de mourir. Et puis il vous en fe- centuple. Frère, ie vous prie me faire
ulent àtous un grand profit; car en ce bienà ,tous
de mes
fairebons
mes amis,
recommanda-
cela auez-vous vn tefmoignage ample tions frères & '
que
vous, l'Efprit
& u fait de Dieu les
produire befongne en
fruiâs de fœurs , lefquels ie baife d'vn faind
baifer, & les prie qu'ils ne foyent faf-
LES CINQ DE CHAMBERI.
chez fi ne leur efcri à chacun comme

r
ie defireroi. Il leur plaira fe contenter ritucl de la chair & de l'e/prit, & la
félicité que nous auons par la mort.
de la prefente, laquelle ie vous prie
leur communiquer , car parlant à vous, La diledion de Dieu noilre Père, &
ie parle à tous. Je les prie au Nom la grâce de noftre Seigneur Jefus
du Seigneur , qu'ils m'efcriuent pour Chrift, auec la communication du
m'apprerter à ma départie que ie l'en S. Efprit, demeure toufiours en
prochaine. J'enten qu'ils m'admonnef- vous, Ainfi foit-il.
tent à la mort, fans plus faire mention
de deliurance , à laquelle ie fuis con- Mon père & frère en noftre Sei-
tent de ne penfer point, car fi , en la
gneur Jefus du
tres datées Chrift, l'ai receu devosJuin
dixhuitiefme let-,
penfee de la mort, le Seigneur me fur-
prend par ladite deliurance, tant plus efquelles efcriuez auoir efté efbahi, de
aurai-ie matière de glorifier, d'autant ce que ne vous auois efcrit comme
qu'il m'aura relTufcité d'entre les dor- mes compagnons auoyent fait à leurs
mans , auec lefquels ie fuis content amis , & que craigniez que fulTe en
de repofer en efprit, attendant la re-
uelation du Seigneur. Car combien plus grande
caufe, deftrelfe.
mais que Ce n'a
fus occupé efté la
à doubler
vne requefte que nous enuoyafmes,
que (Dieu merci) i'aye aprehendé car tous trois eftions liez enfemble
iufques ici la mort pour la receuoir de
bonne volonté , ie ne me puis pour- d'vne chaîne. Quant à la trifteffe que
dites auoir eu plus grande que de
tant rien promettre pour l'àuenir , veu
la grande infirmité & foiblelfes def- chofe qui vous foit auenue en vos ad-
quelles ie me fens enuelopé. Et fi uerfitez, & ce félon la chair, ie le croi
Phil. bien ; auf fi ai-ie conu toufiours par ex-
12. & S. Paul protefte qu'il ne fe repute
point encore l'auoir appréhendé, pour périence que m'auez porté affedion
paternelle, dont vous remercie. De la
eftre parfait , mais qu'oubliant les cho-
fes qui font en derrière, il s'auançoit ioye que dites auoir eue félon l'efprit,
aux chofes qui efloyent en deuant, ayant confideré l'honneur que ce bon
pourfuyuant le but propofé au prix de Dieu nous a fait, de nous auoir appe-
la fupernelle vocation de Dieu par lez pour la confeffion de fon Fils Je-
JefusChrift; ie doi bien reconoiflre fus , en cela ai-ie aperceu la vraye
vne plus grande foibleffe en moi, & amour & affedion Chreftienne ; & vous
par ce moyen fans auoir efgard à ce en remercie, vous priant & exhortant
au Nom de noftre Seigneur Jefus que
que i'ai fait iufques ici (linon pour re- perfiftiez en ce bon & faind propos;
conoilire la bonté de Dieu) ie me doi
fortifier toufiours pour pourfuyure ma & priez le Seigneur pour nous, que,
comme il nous a donné la force &
courfe iufqu'à la fin. A quoi vos lettres, vertu de commencer bonne bataille,
exhortations , & faindes prières me
feruiront grandement , comme elles il nous donne la grâce de perfeuerer
m'ont ferui iufques ici, grâces au Sei- iufques à pleine vidoire , pour rece-
gneur, le vous fupplie donc derechef uoir après le triomphe & couronne de
m'en faire participant, fi en auez au- gloire qui nous eft préparée aux cieux,
cun moyen. Frère, ie fuis bien aile de par noftre chef & capitaine, noftre
la benedidion que Dieu vous a fait Seigneur lefus. A quoi nous afpirons
expérimenter, & à la fœur voftre de plus en plus , & de iour en iour
femme (à laquelle de bon cœur me noftre defir & afTedion d'y paruenir
recommande, & à fes prières) vous s'augmente par la grâce de ce bon
donnant vn fils, & encore plus aife Sauueur & Rédempteur Jefus. le di
qu'il foit appelé Abraham. Dieu lui en vérité que l'Efprit La certitude
teur intérieur de nosde confciences,
Dieu, doc-
face la grâce d'ertre à la vérité fils
d'Abraham, pour l'enfuyure en foi & nous rend vn tel tefmoignage de noftre qu'ont fans de lesDieu.
en-
obeilTance , afin qu'il vous férue de eledion, vocation , & adoption , de la
baflon & confolation en voftre vieil- remiffion de nos péchez, de noftre re-
lelTe. conciliation &iuftification par la mort
& refurredion de noftre Seigneur Je-
fus ,qu'onques
conoilfance de falut
de mon ma vie n'eus telle
& alTeurance,
Extrait des lettres de lean Trigatet à
par les leçons & fermons que i'ai ouïs
J'on beau-pere, par lejquclles on peut en fon efchole, que l'en fens en mon
voir reprefenté au vif le combat fpi- cœur par expérience en cefte pratique
LIVRE SIXIEME.
2j8
temps A les receuoir. Or bien, quoi
& probalion d'ulflidion «S: pcrfccution ;
de forte qu'il me larde, quand ie fe- qu'il en foit, Dieu & Père de noftre
rai hors de ce corps de péché, & re- Seigneur Jefus Chrift , duquel nous
fommes prifonniers , nous fera la
ueflu d'vn corps glorieux. Il eft bien grâce de glorifier fon faind Nom &
certain que ce n'efl pas fans grande édifier fon Eglife , foit que nous paf-
bataille de la chair contre l'efprit ; de
forte qu'efl lions par feu ou par eau hors de ce
fenlence : vrai ce que contient celle miferable & damnable monde ; foit
que viuions, nous viurons en lui, foit
Ce corps lié demande fa rançon , que mourions , nous mourrons pour
lui A en lui, comme il eft efcrit :
Le veutIrcfcher
Mon laisser,pcic,
commeiV l'clpril au contraire
vnc orde(i) prifon,
Ij'vn icnd au monde, & l'autre a s'en dif- ■' Bienheureux font ceux-la qui meurent
au Seigneur. " O mort iieureufe, repos Apoc. 14. i),
[traire :
C'eft grand' pilii que de les ouir braire. de tous trauaux A paflage de la vie
— Ha, dit le corps, faut-il mourir ainfi^
— Ha, dit rclpril, faut-il languir ici •■ mortelle à la vie immortelle, par la-
— Va, dit le corps, mieux que loi ie fou- quelle niort nous entrons en pleine &
parfaite pofleffion de la gloire immor-
— Va, dit l'efpril, tu faus & moi auffi :
Ihaite
Du Seigneur Dieu la volonté foit faite (2).: telle, qui éternellement nous efl ac-
quife & préparée par nortre chef &
capitaine Jefus Chrift! Il nous a mis
Voila la vidoire que le Seigneur comme fes membres en la voye par
nous donne par la vertu de fon Efprit, laquelle il efl monté en cefte gloire.
après auoir longuement combatu ; de Et à celle caufenous refiouilTons-nous
forte que nous nous rengeons à la vo- en nos affliftions de peu de durée,
lonté de noilre bon Père , remettans
lefquelles ont vn grand poids de
le tout en fa main, efperans que, gloire à venir, dont fommes eftimez
comme en celle vie caduque il s'efl du monde fols& infenfez ; mais nous-
monllré fidèle gardien de nos corps &
nous contentons d'eflre ellimez de
âmes, qu'il le fera auffi en la vie ce- Dieu fages de la fageHTe de fon Ef-
lefle. le le fupplie au Nom de fon prit ,laquelle les hommes aueuglez
Fils Jefus , qu'il nous maintiene en par Satan A les impoflures 1% trompe-
celle foi A efperance iufques au der- ries de r.'\ntechrirt fon fils, eflans clef-
nier foufpir de cède vie. tituez des yeux de la foi, ne peuuenl
Quant à ce que nous efcriuez du aucuneinentaperceuoir ni comprendre.
voyage de Marfeille (^) , nous vous Difons donc, ni(Mi bien-aimé père,
en auons efcrit ; >& poffible que fi tous deux enfemble auec tous les fidè-
le prefent porteur ne vous apporte les :
les lettres , ne tarderez pas long
A toi , Seigneur, foit tout honneur & gloire, C"e(l la fin
Fai nous ce bien d'auoir touliours mémoire mifc au Pf. 120
(ij Sale.
(2) Ce di.xain est de Clément Marot. Il De tes biensfaits, tant en aduerfité, chanté à
figure, sous le n" XXXVIII, dans ses épi-
Comme en profperité (1). Strafbourg.
grammes (t. III , p. 18 de ses CEiivrcs, édit.
Pierre Jannet, Paris, i87i). 'I y porte la Ayons toufiours & au cœur & en la
date içu, el est adresse à Pierre Vuyard.
M. Henri Bordier , qui le cite dans son bouche cefte fainde requefte. afin que
Chansonnier huguenot {p. ;68), n'a pas re-
marqué que c'est une œuvre de Marot, et (i) Ce psaume CXX ne figure pas sous
l'a emprunté à un Recueil de plusieurs chan- cette forme dans le psautier de Marot.
sons spirituelles tant itieitles que nouvelles ,
publié en 1;^; , l'année même du martyre Comme
la fin mifcuneau note Pf. marginale
120 chanté l'indique, « c'eft»
à Strafbourg.

I
des Cinq de Chumbéry. L'épigramme de Cette version se trouve, pour la première
Marot, en passant au rang de chanson spi-
fois, dans les Psatines de Dauid, translate^
rituelle, s'enrichit d'une seconde strophe, de plusieurs aulheurs et principalement de
qui est loin de valoir la première :
Cle. Marot, Anvers, 1541. Elle se retrouve
Le corpsfoudain
Mourir vaincu délire
par l'efpril bien appris.
incelTamment , dans la Forme des prières imprimées à Stras-
bourg. M. Reuss a inséré, non sans quelque
Mais par l'efprit fagemeni ell repris, (nient. hésitation, cette version du Ps. CXX dans
— Ha, dit le corps . vien, mort, foudaine- les Œuvres de Calvin. Mais M. Félix Bovel
— Non , dit l'efprit , endure ce tourment. a prouvé que, si l'on peut à juste litre attri-
— Va. dit le corps, meilleure cfl la desfaitc. buer au réformateur les versions des psau-
— Va, dit l'efprit . il faut qu'entièrement mes XXV, XLVI, XCI et CXXXVIII ,
Du Seigneur Dieu la volonté foit faite. insérées dans la Forme des prières de Stras-
()) Il s'agit du voyage qu'ils auraient fait bourg, iln'en est pas ainsi du CXX, qui
pour se rendre aux galères , si leur pre- est anonyme (Voy. Bovet . Hisl. du Psautier,
mière condamnation neùi été réformée. noie II de l'Appendice).
LES CINQ DE CHAMBERI.

par noflre ingratitude & mefconoif- de bouche & feellons de noftre pro-
iance des biens & grâces incompre- pre fang, qui eft le principal fruid qui
henfibles que Dieu nous fait, ne con- procède de noftre heureufe mort ,
traignions comme par force ce bon auffi pour noftre refpeét particulier, il
Dieu de nous en priuer. Crions donc y a tant de bien & profit qui nous en
4. 8 auec les fainâs Martyrs : Sainél ,
fainift, fainft des fainds, à toi feul foit renient, qu'il nous eft impoffible de le
louange, honneur & gloire, & empire pouuoir comprendre,
le puiffions expliquertantpars'enparole
faut que
ou
éternellement. Ainfi (bit-il. Mon père,
ie ne puis retenir ma plume, pour parCar
efcrit.(ie vous prie) eft-ce peu de Qiiairc prifons
iardeur
ie ne vous & véhémence
efcriue encore de l'efprit,
ce motque : chofe d'eftre deliuré de quatre pri- o" "0"s
ef- 'ommes.
Que la prifon de noftre Seigneur Je- fons,enoùtrois)
tes fommes
nous pour mis en vous
eftre(comme liberté
fus eft l'efchole où on aprend plus en qui dure àmonde, iamais.qui
■• Dont
miferable nous l'vne
trompeeft par
ce
vn iour que c'ell du fruid & vertu de
la foi & quelle eft la vraye religion, fa figure pleine de vanité & abus &
déception. La féconde , noflre corps
par
fait pratique
en vn an &parexpérience théorique ,&qu'on ne
fcience infeft & farci de toute ordure & puan-
de leçon & prédication. Le Seigneur tife. La troifiefme , noflre ame auec
nous face fentir le bien qui nous re- toutes fes parties, entendement, mé-
uient & par la théorique & par la pra- moire, raifon, volonté & nos cupiditez
tiqueà, la vérité, fans hypocrifie , & & affeélions qui nous tirent ça & là,
nous touche le cœur du vif fentiment tout au rebours de ce que Dieu nous
des biens infinis qui nous y font com- commande. N'eft-elle pas vn vrai gouf-
fre & abyfme de tous vices & péchez
grats, mais muniquez,
lui en pour n'en
faireeftre
bonneiamais in-
& vraye
fi grandsreur? Ce bon & énormesDieu les quenous c'eft hor-
face bien
reconoid'ance tout le temps de nof-
tre vie, de tout noftre cœur, de bou- fentir , pour y gémir & foufpirer &
che & d'œuure ; en forte que lui feul nous y defplaire , & nous adonner à
en foit glorifié & noflre prochain édi- bien &à vertu & toute iuftice & fainc-
fié. Ainfi foit-il. teté , crucifians noftre vieil homme &
Mon trefcher & bien-aimé père raortifians noflre chair , afin que les
& frère en noftre Seigneur Jefus Chrift, mauuaifes concupifcences ne régnent
plus en nous, & que nous refufcitions
pource qu'auez entendu par nos der-
nières lettres , contenantes la confef- en nouueauté de vie, pour feruir à nof-
tre bon Dieu, & produire fruids de
fion de deuant
femble foi qu'auions faite tousde en-
les Seigneurs ce iuflice & innocence qui lui foyent
agréables , pour monflrer que nous
Parlement, par la grâce & puifl'ance fommes membres de fon Fils Jefus
de noftre bon Dieu, l'eftat de nof-
& vrayement régénérez & renouuelez
trenez àcaufe,
eftrec'eft qu'auons
bruflez, efté condam-
ne vous en ferai par fon S. Efprit, à fa gloire & édifi-
plus long procès. Bien vous puis af- cation de nos prochains. Ces chofes
feurer en vérité, félon le tefmoignage font les fruids & vtilitez que nous re- La leflure
que le faind Efprit m'en rend en ma ceuons, entre autres, de la mort & re- recommandée,
furredion de ce grand Sauueur & Ré-
confcience , que comme c'eft le plus dempteur Jefus. A ceci nous exhorte
grand bien qui peut aduenir au fidèle,
le S. Efprit par la dodrine des Apof-
de pafl'er par ce palTage pour aller à la tres; S. Paul au fixiefme, feptiefme 1. Cor. 15.
vie perdurable & éternelle , auffi n'y & huitiefme chapitre des Romains,
a-il chofe qui plus nous tarde que la
bien-heureufeiournee qu'on nous vien- es Epiftres aux Ephefiens & Colof-
dra prendre pour nous mener au facri- fiens ; S. Pierre auffi nous conuie en
fice. Car outre ce que l'honneur & fes deux Epiftres , en la lecture def-
gloire de noftre grand Dieu & Sei- quelles exercez-vous ordinairement,
& auffi en la fréquente méditation &
gneurfication& Sauueur lefusla confirmation,
de fon Eglife, Chrift, l'édi- ledure de tous les Pfeaumes , & ne
ioye & confolation de nos frères , la vous laffez iamais , mais faites-en
confufion, ruine & totale perdition de
comme du Catechifme , c'eft qu'après
Satan, de l'Antechrifl & de tous fes l'auoir leu, recommenciez, & auec
fuppofts & adherans ennemis de vé- l'aide de ce bon Dieu en fentirez vn
rité, font contenus en ce tefmoignage fruid indicible. La quatriefme & der-
publique & folennel que nous rendons nière nous eft maintenant propre par
LIVRE SIXIEME.
240
uant éternellement, nous fera viure &
la grâce de ce bon Dieu , qui nous a fubfifter en lui & auec lui , & le Père
faits prilonnicrs de fon Fils Jefus & le faind Efprit, quand nous ferons
Chrifl on ce chafteau de Chamberi, vn auec eux. Amen. La morti
où, par fa grâce, il nous a fait fentir Méditons donc cefte heureufe &
plus abondamment fes grâces & be- triomphante mort journellement, à ce nous rcilr
nedidions, tant Ipirituelles que cor- du mal.
majjirtcr
ayons
lieuauoùpremier qu'elle nous férue de magifter pour
lamais elle. qu'en autre
porelles,Voila quant nous retirer du mal , & adonner au
bien qui nous en reuient. bien. Ayons-la en prix & eftime, & y
Av refte, s'il faut confiderer la vie & prenons toute noftre deledation , veu
eftre que tous naturellement fouhait- que nousle fauons
enuers Seigneur,qu'ellePfe.eft 116.
en eftime
Que
tent i délirent tant , n'ell-ce pas la
mort heureufe , par laquelle nous al- nous n'efpargnions point noftre fang
lons en la polTeffion de la vraye vie , puant & infea
& du vrai eftre ? De la ioye & plaifir en fi grand prix en& nous, puis qu'il
eftime enuers eft
noftre
que nous aimons tant voir & en iouir, Dieu, Pfeau. 72. mefmes puisqu'il le
en auons-nous iamais la vraye , pleine
& entière iouïflTance , que par cefte requiert, & qu'il en a mémoire, &
s'en enquiert diligemment. Pf. 9. du-
plaifantc cS: defirable mort ? Le Pfeau. quel ilfera vengeance au dernier iour,
90. nous en eft inftrument alTez authen- comme fes Martyrs, c'eft à dire fes
tique, & le 105. &le 104. Brief, nous tefmoins , l'ayans efpandu pour feeler
la vérité, en requièrent la vengeance.
de termes, & appe-
ler certe changer
pouuons vie caduque tant remplie de Apocal. 6. Mais comment ne lui feroit
pouretez & miferes , vne vraye mort ; cher & précieux noftre fang, que
& la mort naturelle, qui eft feparation mefme nos larmes font recueillies par
lui, & mifes en fes barils .' Pfeau. 56.
du corpsment cle ce de l'ame
& logis ertrange vn départe-
, & pour aller à de forte qu'il ne s'en perdra pas vne
noftre propre pays , vne vie bienheu- feule goutte. Que fi elles nous bai-
reufe. Il eft bien certain gnent & mouillent par trop , il les ef-
nous la méditerons & qu'oui, quand
confidererons fuyera , Apoc. 7. & 21. & Efaie 25.
en noftre Seigneur lefus Chrift , Nos foufpirs & gemiffeniens, nos pen-
comme eftans fes membres, & non au- fees & defirs les plus fecrets , ne lui
trement. EmbralTons-la donc comme font-ils pas auffi tous patens & mani-
noftre trefdefirable amie : cSc ne l'ayons feftes .' C'eft lui qui fonde le profond
de nos cœurs. Pfe. 7. 53. & 90.
plusen horreurcomme noftre ennemie.
Paft"ons volontairement par icelle, puis 2 Chron. 14. Nos oraifons & nos cris
qu'elle ne nous peut furmonter pour ne font-ils pas auffi bien ouys de lui .'
nous rendre ignominieux & contemp- Pf. 6. & 1 58. &c. Or fus donc, cou- j. 1 im. 4J
tibles, mais nous eft vne porte de rage, que nul ne fe fafche de foufpi-
rer, gémir, crier, pleurer, perdre
gloire. Empoignons-la, puisque main- biens , efpandre fon fang , foufTrir &
tenant elle n'a plus de dard en fa main endurer tout iufques à la mort , voire
pour nous navrer à la mort éternelle,
mais bien vne clef, pour nous ouurir celle mefme qui eft tant horrible & ef-
l'huis du ciel, & nous faire voir Jefus pouuantable à la chair, & aux char-
Les commo- Chrift noftre vie éternelle. Que dirai nels; mefmement que nous qui fom-
dilez de la
mort. plus r fans elle en ce monde toufiours mes régénérez par l' Efprit du Seigneur,
mourons, & iamais ioye & plaifir la
n'auons; iamais ne iouïlfons de la pre- auecdefirions,
toute ioye 1 aimions , l'embraffions
& alegreffe de cœur,
fence de noftre entier & loyal efpoux, & d'vn courage libre & franc , puis
auec lequel & par lequel de poures que nous y voyons tant de biens pour
fommes faits riches ; de malades, fains ; nous & nos prochains, & principale-
de morts, vifs; de maudits, bénits; ment à nos frères, & à l'Eglife du
Seigneur. Et puis que noftre fang &
d'ignomirtieux , iouïft'ans de la gloire nos cendres font la femence des fidè-
immortelle . pour, eftans deliurez de
tous nos ennemis, & mefmes les ayans les de l'Eglife, verfons-le tout iufques
vaincus, & triomphé diceux , eftre à la dernière goutte. Toutesfois en
couronnez de cefte gloire immortelle, patience , longanimité & fouffrance ,
pour triompher éternellement par nof- faut enqu'attendions
car l'ift'ue heureufe,
icelle nous poftedons nos âmes.
tre fouuerain Empereur vidorieux &
triomphant, noftre Seigneur Jefus, qui, Elle
Hebr.nous
10. eft
Par grandement
icelle nous necen"aire
auons ef-,
en l'vnité du Père et du S. Efprit vi-
LES CINQ DE CHAMBERI. 241
perance. Rom. 15. par icelle nous tes armures neceffaires & m'en a
fommes efprouuez, car elle engendre fourni au befoin. Car en cela puis-ie
probation, Rom. ,. Jaq. 5. Nous conoiftre
ferons donc ce à quoi le S. Efprit miferable qu'il ne m'a pas detiréla duPapauté,
& damnable gouffre
nous exhorte par Dauid : oii i'eftoi plongé en ténèbres horribles,
27. 14. Or donc alten touliours patiemment m'ayant mis en lumière, pour m'y ren-
Le Seigneur Dieu, fouilien iufques au
Uoyer, & combien que, par ma grande
AlTeure-toi pour reflirter à tout, i bout , faute, ne fuffe fuffifant pourrefpondre
En attendant de Dieu l'auenement. aux articles qui m'ont efté propofez ,
qui requeroyent vn grand Théologien,
AviENE donc ce qui pourra auenir, toutesfois il m'a donné bouche pour
Pf. 48. & que noflre bon Dieu voudra, car rendre confus les ennemis de la vé-
icelui Dieueftnoftre Dieu à toufiours- rité. Auffi fentant ma foibleffe, & qu'il
mais , il nous conduira iufques à la y auoit grand danger pour moi, ie me
mort & éternellement. Le bon Dieu fuis du tout en tout repofé fur la grâce
& Père de mifericorde, au Nom de fon & bonté paternelle de ce bon Dieu ,
Fils Jefus Chrift, nous face la grâce laquelle il a tellement defployee vers
de nous apuyer & arrefler fur fes moi poure pécheur, que Seigneur
i'ai conu fit
queà
fainftes promelTes, auec vne ferme & la promeffe que noflre
viue foi, par la vertu de laquelle ef- fes Apoflres , ainfi qu'il eft efcrit au
tans armez & fortifiez, nous refiflions
dixiefme de fainft Matthieu, ne s'adref-
à tous nos ennemis & les defpitions, foit pas feulement à eux, quand il leur
mefme Satan & toutes les portes d'en- *difoit : « Quand vous ferez deuant les
fer, puis que nous auons la viftoire de grands de la terre, n'ayez point crainte
tous par noftre Seigneur Jefus Chrift, que vous refpondrez , car alors vous
auec lequel (qui nous conforte) nous fera mis en la bouche tout ce qu'il
pouuons toutes chofes. La vie en la- faudra que vous difiez. » le vous laiffe
quelle ce bon Dieu nous preferue, penfer, voyant cefte bonté paternelle,
nous fafche plus pour le fouci , an- que ce
goiffe & trifteffe, que nous fauons que aura feu,bon Dieu mene monftre,
ne giaiue, tourment s'il
quey
vous & toute l'Eglife auez pour nous, ce foit, qui me face reculer d'aller à
pour la peine & trauail & defpens, lui quand il m'appelera. Il eft certain
que tant de gens de bien foufFrent que non , mais vous affeurez que tous
pour nous , qui fommes poures vers les tourmens que les hommes me fau-
de terre, inutiles à tous, que pour ront bailler, ie les prendrai pour fe-
nous-mefmes. A Dieu. cours & aide pour aller à ce bon
Dieu. S'il m'appele par le feu, ie me
confole grandement , car ie fuis cer-
tain qu'il a tiré les trois enfans de la
Lettre de Guyraud Tauran , à im fien fournaife ardente, & fa force n'eft pas
ami.
amoindrie. Si c'eft par eau , il a auffi
fait
mer paffer
rouge, les fansenfants
aucun d'Ifrael
danger. par
Brief,la
La grâce de Dieu noftre Père par nof-
tre Seigneur Jefus Chrift, en la comme il lui plaira , fa volonté foit
vertu du fainét Efprit , demeure faite. J'atten en patience fa volonté,
éternellement auec vous. Amen.
eftant preftde partir quand il m'appel-
lera. Sur quoi ie ferai fin, d'autant que
Frères , fi onques lettres ont eu ie ne pourroi exprimer par longues let-
puiffance de me prefter confolation ,
tres les grâces que ce bon Dieu m'a
ç'ont efté les voftres, dont vous en re- faites, lui qui n'eft pas vn ouurier im-
mercie grandement. Par lefquelles
parfait ,mais qui acheuera l'œuure
auffi i'ai peu comprendre, qu'ettiez en qu'il a commencée en moi ; dequoi
grande trifteffe, ne fâchant l'en prie iournellement , vous priant ,
fiftance que ce bon Dieu mepoint
faifoitl'af-& & tous les frères de par-delà, de faire
fait iournellement (grâces lui en foyent le femblable.
rendues) pour ce que vous auifiez à
ce qui eftoit en moi , dont ne fuis
marri , car il y auoit dequoi fe con-
trifter. Mais en auifant au Nom de
Selon l'ordre que ci-dessus auons tenu,
qui ie combatoi, il n'y auoit nul dan- auant que venir à fijjue heureu/e de
ger, d'autant qu'il eft pourueu de tou- ces cinq Martyrs, nous auons16 ici in-
LIVRE SIXIEME.

Jeré certaines lettres cnuoyccs par que la porte vous l'oit à prefent fer-
M2 Ican Caluin, pleines de conjola-
M. mée d'édifier par doftrine ceux auf-
licn o- doârinc. aux fujdits pendant quels vous auiez dédié vollre labeur ,
le tefmoignage que vous rendrez ne
leur emprifonnenient , ^ui tej'moigne laillera pas de les confermer de loin.
le foin & folicilude qu a l'É^iJe de Car Dieu lui donnera vertu pour re-
Gêneue de ceux qu'ijonl prijonniers fonner plus outre que voix humaine ne
pour la vérité de l'Euangile (i). fauroit paruenir. Quant aux moyens
Mes frères, incontinent que nous félon le monde , ie voudroi bien que
fufmes aduertis de vollre capliuité, nous les euffions tels pour vous deli-
i'enuoyai meirager par delà pour en urer , que fans y efperer nous les fif-
fauoir certaines nouuelles, & s'il y au- fions valoir, et ne tiendr'a pas à nous y
roit moyen de vous fecourir. 11 partit efforcer; mais Dieu nous folicite à
Jeudi dernier trois heures après midi; regarder plus haut.
il retourna feulement hier au foir bien Avssi le principal ell de recueillir
tard. Maintenant il va derechef pour tous vos fens pour repofer en fa bonté
vous faire tenir nos lettres & auifer en
quoi il nous feroit poffible de vous al- &paternelle
vos corps, ne doutant
et vos âmes pas
en faqu'il n'ait
protec-
léger en vous
vollre exprimer
afrtidion. plus
11 n'eft tion &; û le fang de fes fidèles lui eft
foin de au iabe-
long
quel foin nous auons de vous & en précieux , qu'il le monllrera par effet
quelle angoilfe vos liens nous tienent en vous, puis qu'il vous a choifis pour
fes tefmoins. Et s'il lui plait fe feruir
enferrez, le ne doute pas donc, puis de vos vies pour aprouuer fa vérité,
que tant de lideles prient inftamment outre ce que vous fauez que ce lui
pour vous, que noftre bon Dieu ell vn facrifice plus qu'agréable ,
n'exauce leurs defirs & gemilfemens, confolez-vous qu'en lui remettant le
& ie voi par vos lettres comment il a tout entre fes mains vous ne perdrez
commencé de befongner en vous. Car rien ; car s'il daigne bien nous auoir
fi l'infirmité de la chair fe monllre en fa protedion durant cefte vie ca-
parmi, tellement que vous ayez des duque, àplus forte raifon, nous ayant
combats rudes & dilficiles à foullenir,
retirezdien d'ici,
de nos âmes. il fe monHiera fidèle gar-
ie ne m'en efbahi point, mais ie ma-
TovcHANT le confeil que deman-
gnifie Dieu de ce qu'il vous esleue
par delTus. De voftre collé, les frères
Laborie & Trigalel ont à fe confoler tempsdez ;(1),car
ie àcrain qu'ilienten
ce que ne foit plus
, vous
de ce que leurs plus prochains (2) fe auez fait ample déclaration de voftre
rengent doucement à la volonté de foi. Puis que Dieu vous a amenez iuf-
Dieu. Au refte, vous auez tellement
ques à ce degré , il n'ell cpjeftion de
profité en l'efchole de Jefus Clirill, reculer, remettant le tout à la proui-
dence de nollre Dieu. Cependant ,
que vous n'auez pas meftier d'ellre
exhortez par longues lettres. Seule- auifez que voftre prudence à refpon-
ment pratiquez ce que vous auez apris, dre foit vrayement de l'Efprit de Dieu
& puis qu'il a pieu au Maiftrc de vous & non pas de l'aftuce du monde. Si
employer en ce feruice , continuez à i'efperoi que voftre fupplication deuft
faire ce qu'auez commencé. Combien venir iufques au Roi, ie n'auroi garde
de l'etnpefcher; mais ie croi que ce-
lui qui le vous a promis vous a voulu
(0 Tout en annonçant dans ce préambule
•• cerloincs lettres ■■ de Calvin, les diverses feulement amufer. Toutefois afin qu'il
éditions qui du est Martyrolof;e n'enCette
insèrent ne fenible qu'il tiene ù vous, ie n'ofe
seule, la suivante. lettrequ'une
sans pas du tout contredire que vous ne
date est évidemment des premiers temps de
la captivité des cinq , et ne peut pus tire perfirtiez en l'offre que lui auez faite.
celle du ( septembre , dont il est fait men- Pource qu'en la forme que vous
tion plus haut et qui duit 6tre perdue. L'in- m'auez enuoyee , ie ne trouuoi rien
tention de Crespin, comme l'indique ce
préambule, était d insérer ici plusieurs let-
tres de Calvin. Nous répondrons donc & (I) La lettre où se trouvait cette demande
son dessein, en introduisant dans son texte, à de conseil doit avoir été perdue. Il résulte
la suite de cette pièce, une autre lettre re- du contexte que les prisonniers avaient
cueillie par '-es éditeurs, et qui renferme d'abord eu In pensée de refuser de répondre
les dernières consolations du réformateur sur leur fui , et de contester la légalité de
aux martyrs de Cliambéry. leur emprisonnement, sans doute en se ré-
(ij L'un clamant des gouvernements de Berne et de
laissé leur et I autreà Genève.
famille étaient mariés et avaient Genève.
LES CINQ DE CHAMBERl.

necelTaire à corriger, finon polTible la


cotnparaifon d'Achab, & choies l'em-
blabies, qu'il feroit expédient d'adou- Autre lettre de M. lean Caluin (i).
cir, i'ai retenu celle copie vers moi. Il
eft vrai que l'en euffe peu coucher La diledion de Dieu noftre Père ,
vne forme diuerfe ; mais i'aime mieux, & la grâce de noftre Seigneur lefus
s'il en faut prefenter , qu'il n'y ait foit toufiours fur vous par la commu-
finon ce que Dieu vous aura donné ,
nication du'S. Efprit.
efperant qu'il le fera mieux fruétifier. Treschers frères, ce que ie me
Si le monde n'accepte vne protellation fuis déporte pour quelque temps de
fi iulle & l'ainfte , pour le moins elle vous efcrire , n'eft pas que i'aye lailTe
fera aprouuee de Dieu, de fes An- d'auoir foing & mémoire de vous ,
ges, Prophètes & Apollres, & de mais ie vous afleure que la compaffion
toute fon Eglife ; mefme tous fidèles de vous veoir languir fi longuement ,
la voyant auront dequoi le glorifier
me tient comme enferre d'angoiffe.
de ce qu'il la vous a diétee par fon Cependant ie ne double point que
Efprit. Je ne vous ferai plus amples noftre bon Dieu ne vous confole pour
lettres , ioint que noflre bon frère vous fortifier en patience, & que vous
G. Farel. maiflre Guillaume s'eft trouué à poind ne mettiez peine auffi de vous exhor-
pour vous efcrire (i). Parquoi, tref- ter, comme de faid il en eft befoing.
chers frères, faifant fin , ie fupplierai
noftre bon Dieu vous maintenir en fa Car ceft l'un des plus grans artifices
de Sathan de miner & confommer par
fainde garde, vous gouuerner par fon
Efprit , vous armer de force & conf- longue traide de temps ceux qu'il
ne peult abattre du premier coup.
iance pour batailler , en forte qu'il Mais i'efpere qu'il ne vous aura point
triomphe en vous , foit par vie ou par furpriz au defpourveu , pource que
mort , & qu'il vous face fentir que Dieu vous aura muny de confiance
c'efl d'auoir tout noftre contentement pour durer iufques au bout. Tant y a
en lui feul. Pource que la prefente
eft commune , ie ne vous ai point fait que vous auez befoing d'exercife affi-
de recommandations à part au nom duel pour vous maintenir en l'obeif-
de mes frères. Mais ie croi que vous fance de Dieu , attendans rifl"ue qu'il
fe referue, fans défaillir, quoy qu'elle
tarde.
eftes affez afteurez tant d'eux que d'vn
grand nombre de fidèles , mefrae de Selon les hommes , ie ne fçay que
tout le corps de noftre Eglife, que ie dois dire , voiant les chofes fi oon-
tous penfent de vous comme ils y
font tenus. Voftre humble frère (2) , fufes par tout. Mais i'efpere, quoy
qu'il en foit , que Dieu en la fin nous
que conoilTez. refiouira après vous auoir lailfe comme
languir. Car il veoit tant des fiens en
foulcy continuel pour vous, qu'il ne
fauldra point à exaulcer leurs defirs.
(i) Celle servée; maislettre
nous de Farel par
savons, n'a une
pas lettre
été con-
de Quand nous aurons le moyen de vous
lui à Calvin (Opcra, XV, Û70), quel intérêt alléger en façon que ce foit, aduer-
il portait aux prisonniers de Chambéry :
i( Avidius expeclo rescire de Claris Chrisli tiffez-nous, eftans alTeurez que chacun
vinctis , quibus faxit omnia Christus secunda s'y emploira en fon endroit. Au refte,
in usum et sedificationem omnium , sive ad regardez toufiours à ce bon Dieu ,
coronara pervenerint gloriosi triumphalores,
sive cursu longiori contendere velil eos Do-
pratiquans ce qui eft dit au Pfeaume :
minus, ut magis cupimus, ut diutius hic sub Que c'eft à luy qu'il nous fault drefl"er
Christo militantes potenlius Salanam et noz yeux, quant les hommes nous
Antichristum perdant, et plures in castra affaillent , & que nous forames defti-
Chnsti captos verbo perducanl. » Calvin tuez de toute defence.
lui répondait le 24 juillet : « Duas ab illis
epistolas accepimus, quarum in priore te ver- SuRQVOY, mes frères, ie fupplieray
bis quae ad marginem adscripsi salutabanl. » noftre bon Dieu de vous tenir touf-
(Opéra, XV, 694.) Ces mots en marge, ex-
traits d'une lettre qui ne nous est pas par-
venue, sont les suivants : « Pource que (1) Cette lettre, publiée par M. Jules
nous n'escrivons point a nostre bon père Bonnet (Lettres franc. , II, 77) et par les
Monsieur Farel, nous vous prions le saluer éditeurs de Brunswick {Calv. Opéra, XV,
de par nous et nous recommander à ses 808) , existe en plusieurs copies, tant à la
ardentes prières. » Bibliothèque de Genève qu'aux Archives de
(2) L'édil. de 1556 ajoute : « et enlier. « Berne. Nous l'insérons dans le texte où elle
Celte lettre y est placée avant celle de a sa place toute marquée. Voy. la note i
Guiraud Tauran que l'on a lue ci-dessus. de la page précédente.
M4 LIVRE SIXIEME.
en nos alllidions. » Or voila comment
iours en fa fainélc garde , vous rem-
Dieu a diuers moyens pour exercer
vertuplir inuincible Efprit
de fon faindvous , affin qu'enle
pourfuyuiez les fiens, & vne telle frayeur nous
combat auquel il vous a ordonnez, & doit bien admonnefter de noilre infir-
nourrir en vos cœurs vne telle cfpe- mité- & nous faire dépendre de la mi-
rance de fon fecours , que vous aiez fericorde gratuite de Dieu, qui par- 2. Cor. 12.9,
dequoy pour adoulcir toutes voz trif- fait fa vertu en l'infirmité de ceux
teffes , me recommandant à voz bon- qu'il a efieus pour fiens , afin que
nes prières. Les frères vous faluent toute gloire lui loit donnée.
affeaueufement. Ce 8. d'octobre 1555. QvAND ils furent venus au lieu du
fupplice, Iean Vernov recouura ce Verttou.
qu'il s'elloit promis de la bonté &
puilTance de Dieu, alTauoir vne heu-
S'enfuit le dernier combat de la mort reufe conftance & force digne d'vn
de ces cinq Martyrs ci-dcjfus dcf- vrai Chrcftien. Il fut empoigné le pre-
crits (1).
mier par l'exécuteur, & auant que
d'eflre attaché, fit oraifon à Dieu,
Le iour qu'ils fortirent pour eftre commençant ainfi : » Seigneur Dieu
menez au fupplice , vn perfonnage & Père tout-puilTant, ie conoi fans
feintife deuant ta fainéle maiefté , aue
(lequel
auoit peu)auoit fait moyen
trouua pour eux ce qu'ilà
de parler ie fuis vn poure pécheur, » &c. n).
eux pour vn dernier feruice ; car Outreplus, il fit deuant tous les affif-
ayant entendu la conclufion de la tans confcffion de fa foi ; & ayant
cour de Chamberi , entra es priions, recommandé fon efprit à Dieu , en-
& leur annonça les nouuelles de leur dura conftamment les douleurs de la
mort , les confola félon la grâce que mort & veinquit fes ennemis. Voila
Dieu lui auoit donnée, les exhorta de
fe porter conftamment, puis que Dieu quant au premier.
Antoine Laborie ne fut oncques Laborie
fe vouloir feruir d'eux, pour eftre tel- eftonné ; ains d'vne face ioyeufe ,
moins fait
auoit de fa
vn veritti. Et tout ainli
commencement qu'il
heureux voire telle comme s'il euft efté conuié
à vn banquet , fe prefenta hardiment.
àen foudenir
eux, aufli lequ'ils
reftefe du
monrtralTent forts
combat. Lors Auantreau luique d'eftrepardon,
demanda exécuté,remonftrant
le bour-
tous d'vne voix remercièrent Dieu de que ce n'elloit pas lui qui le faifoit
l'honneur qu'il leur faifoit. 'Vrai cft mourir, ains ceux qui eftoyent dépu-
Notez ces que l'vn d'eux, alTauoir Iean Vernov, tez pour faire iuftice. Laborie lui ref-
fut effrayé à ce premier melTage de
combats. pondit : " Mon ami, tu ne m'ofTenfes
mort , & n'y eut partie en fon corps point , ains par ton miniftcre ie fuis
qui ne tremblai! ; fi dit ces paroles : deliuré d'vne merueilleufe prifon. »
« Mes amis, ie fens en moi la plus Ayant dit cela , il le baifa. Plufieurs
grolTe guerre qu'il eft poffible à d'entre le peuple furent efmeus de
l'homme de fouftenir; toutesfois l'ef- pitié , & pleuroyent voyans ce fpeda-
prit veinera cefte chair maudite , &
cle. Puis il dit en effet l'oraifon que
m'alTeure que ce bon Dieu ne me Vernou auoit dite , él: fit auffi confcf-
lairra point ; & vous prie , mes Frè- fion de fa foi à haute voix ; & ainfi
res, que ne vous fcandalifiez en moi ;
ie ne defaudrai point , car ce bon rendit l'efprit auec conftance efmer-
ueillable.
Dieu nous a promis de nous aflifter Iean Trigalet fe prefenta auffi à Trigaiei,
la mort de cœur alaigre & d'efprit
(i) Gr&cc à une lettre de Théodore de
Bèzc & Bullinger, du 22 octobre i;;$ (Cali'. prompt, & pria pour fes ennemis, di-
fant que plufieurs y en auoit qui ne
Opcrj, XV, tiy)) , il nous est possible de
préciser fauoyenl qu'ils faifoyent ; mais qu'il y
fut le 12laoctobre,
date de l'exécution des cinq.
quatre jours après Cela en auoit aufli d'autres qui le fauoyent
lettre de Calvin qui, si elle leur parvint, bien , & toutesfois eftans enforcelez
leur apporta, à la veille du supplice, le su- de Satan & enyurez des honneurs de
pr6nic delémoi^'na^'e
frères Genève cl lesde austères
l'airection du leurs
consolations ce monde , ne le vouloyent dire ne
de la foi chrétienne. " Huius mcnsis die 12, n
écrit Bèzc, '< hic in nostra vicinia, Canicraci
sciliccl, suspensi et cremali sunl quinque (I) Cette prière, comme le lecteur le re-
optimi fratres, ex quibus duo crant singulari
pietate et eruditione non vulgari. Interces- fession desmarquera,
péchésn'est autreen que l'admirable
usugc dans le con-
culte
scrunt quidem nostri principes, scd frustra. >' réformé.
M 5

lEAN BLAND ET lEAN FRANKS.

confeffer. « Mais, mon Dieu, « di- pie de ces deux perfonnages , de ne


foit-il , « ie te prie les vouloir def- fe lajfer à icelle maintenir ; & com-
lier. » Puis adioufla : « O mon Dieu!
bien qu'ils Joycnt vne fois efchappe\
ie te voi défia en efprit là haut en ton d'vn danger, qu'ils fe préparent à
throne, & voi les cieux ouuerts comme entrer en nouueaux combats, iufques
tu les as fait voir à ton feruiteur Ef- à Veffufion de leur fang.
tienne. » Et après auoir auffi fait pro-
Le douziefme iour de Juillet, en
feffion de fa foi , rendit l'efprit bien cefle mefme année, quatre Martyrs
paifiblement.
Bataille. Bertrand Bataille fouflint hardi- furent enfemble bruflez en la ville de
Cantorbie , & en mefme feu confu-
ment deuant tous qu'ils n'eftoyent pas mez pour auoir rendu tefmoignage à
là pour auoir defrobé ou meurtri ,
la pure dodrine, affauoir Iean Bland,
ains pource qu'ilsEt fouflenoyent
relle de Dieu. ayant fait falaprière
que-
& Iean Franks, Nicolas Scheter-
à Dieu, fut quand & quand exécuté. den & Hunfroi Midelton (1). Ces
Tauran.
Le dernier, GvyravdTavran, pro- deux premiers eftoyent miniftres &
nonça quelques partages des Pfeau- prefcheurs
mes , & fut oui intelligiblement; & du Seigneurde (2).
l'Euangile
Des deuxen l'Eglife
autres,
nous dirons incontinent après. Quant
combien qu'il fuft ieune, toutesfois il à Iean Bland, il eftoit tellement nai Bland précep-
ne fut point moindre en confiance que teur du doéleur
les autres. En priant de grande ar- pour les autres, qu'il n'auoit rien en Sand.
deur & de voix ferme, il mourut (i).
Ce fimple récit , attefté en vérité , lui qui ne de
commune fufttous.
employé pour l'vtilité
Quelques années
laquelle on pourroit arracher mefme
auparauant
truire , il s'eftoit
la ieuneffe employé
en bonnes à inf-
lettres &
de la propre bouche de ceux qui les
ont fait àmourir (pourueu qu'ils à vertu ; auffi fut-il pédagogue de
nalTent leur confcience congédon-
de quelques ieunes gens qui ont auiour-
parler) foit à tous fidèles pour exem- d'hui grand renom. Entre autres , on
peu nommer le doéleur Sand (5) ,
ple & confolation. Les ennemis n'ont homme excellent en dodrine, digne
nuls yeux propres pour voir les mer-
ueilles de Dieu, tant y a que le iour d'vn tel pédagogue. Apres cela eftant
viendra qu'ils pafTeront fous le iuge- appelé au miniftere de l'Euangile, ef-
raent horrible du Seigneur lefus, le- raeu de zèlea ardent enuerspourfuyui
l'Eglife du
quel ils poignent ainfi orgueilleufe- Seigneur, tellement fa
ment en fes membres (2).
vocation , qu'après auoir efté mis pri-
fonnier à Cantorbie pour la prédica-
tion de l'Euangile, & après en auoir
efté deux fois deliuré par le moyen de
Iean Bland & Iean Franks, fes amis, il retourna tout fubit à pref-
Anglois (3). cher l'Euangile. Pour cefte caufe, ef-
tant conftitué prifonnier pour la troi-
fiefme fois , fes amis lui promirent
Tous Mmflres- de la parole du Sei- encore de le faire fortir , moyennant
gneur/ont admonnejle\, en l'exem- que lui auffi de fon cofté vouluft pro-
mettre de ne plus prefcher : il refufa
(i) D'après Eugène Burnier, ouvrage cité, la condition , & monftra clairement
p. 206, un Piémontais, Jean Moge, con-
damné avec les cinq , obtint la vie au prix
d'une abjuration. quelle affedion il auoit d'auancer la
(2) L'édition de 1556 (Troisième partie du: gloire &cation honneur de Dieu
de fon Eglife. La fin, &heureufe
l'édifi-
Recueil des Martyrs) ajoute cette reflexion
« Dieu par fa vertu face tellement valloir refpondit à fon commencement, car il
ces exemples envers nous, que la fureur des mourut conftamment auec les autres
mefchans ne nous empefche de rendre trois, comme tantoft il fera dit.
conflant tefmoignage de fa venté , toutes
fois & quantes que fon bon plaifir fera de
nous appeler au combat Ainfi foit-il. "
A la suite ce cette notice figure, dans les
éditions du Martyrologe, publiées après de IÇ70, f° 558. Foxe, t. 'Vil, p. 287-;oC);
édit. de iç;?, p. i2;o. Foxe écrit le second
la mort de Crespin, une notice intitulée : de ces noms John Frankesh.
Deux libraires à Autun, que nous suppri- (n Sur ces deux derniers, voy. la notice
suivante.
mons,de laparcenotice
tuelle qu'elle: Deux
est la martyrs
reproduction tex-
à Autun,
du livre précédent. Voy. p. ii6, et la note 2 ministre (parson)n. d'Adi-
de la I" col. sham et Bland était
(2) ,Frankesh vicaire de Rolvende
(0 Crespin, édit. de 1564, p. 05(1; édit. (;) Le D' Sands fut évêque de 'Worcester,
puis archevêque d'York.
246 LIVRE SIXIEME.

dément, quant à la coupe ou calice. »


Ha. " Quant au calice , il faut bien
que nous en tirions vn fens autre que
les paroles ne monftrent ; mais quant
Nicolas Scheterden , & Hvnfroy au pain , il faut prendre les mots tels
MiDELTON (l).
qu'ils font , & fans aucune figure. »
Se. " Vous diuifez donc l'inftitution
& ordonnance de la Cène du Sei-
Le iexamcn
principal de
qui Nicolas
cJJ ici à Scbelerdcn
noter, c'ejl,
gneur, &, comme on peut voir, vous
fait par l'Archcdiacre Harpsfild & dites qu'en vne partie il y a vn propos
le Commiffaire Couloufe {2.), £" la figuré, mettre
en l'autre vous En
n'y cette
voulezfaçon
ad-
rcfponfe fort ineenieufe & à propos aucune figure.
vous donnez deux formes à la Cène
pour confondre tes rc tueries des Pa-
pilles, touchant leur intention de con- du Seigneur. » Ha. << Combien
fàcrer & de tranffubjlantier. que lefus Chrift ait dit : Ce calice

Ce que nous auons peu recueillir eft montendu cela


fangdu , vin
tant, &y non
a qu'il a en-
point du
feruant à l'édification des fidèles, aux calice. » Se. « le vous vouclroi donc
faifts & aéles de ces deux Martyrs , faire auffi cette queftion : Quand le
Nicolas Scheterden & Hunfroy Mi- preftre prononce les mots fur le ca-
delton, eft la pieté & érudition de la- lice, font-ce les paroles feules (jui
quelle ils eftoyent douez , combien
changent la fubftance, ou pluftoft l'in-
qu'ils fulTent gens de meftier. Quant à tention du preftre f » Ha. « C'eft
Scheterden, 1 examen par lui fourtenu l'intention du preftre qui fait cela, &
contre l'Archediacre non point les paroles. » Se. « Si ainfi
CommilTaire Couloufe,Harpsfild
monflre &alTezle
les dons de Dieu qui efioyent en lui. eft que l'intention du preftre fait cela
Nous commencerons donc la propo- && non
penlee pointdu lespreftre paroles(comme
, fi l'intention
elle eft
fition que lui firent lefdits Archedia- volage en tous hommes) eft attachée
cre & CommilTaire, en cefle manière : ou à vne paillarde, ou à vne gour-
« Ces paroles nues & fimples de le- mandife li yurongnerie , le peuple au
fus Chrill : c'e(l-ci mon corps , &c. lieu du fang fera reuerence à la pu-
changent Amplement les fubftances tain du preftre ou à fa gourmandife , confus Harpsfild
, poulTe
mcfmes , fans autre interprétation
& ne fera iamais an"euré quand ce au combat fon
quelconque ou intelligence. » Se. fera le fang de lefus Chrift, ou non. n compagnon,
Si iamais « Par cefte nicÛTie raifon peut-on Harpsfild deuint pcrplex & irrité, ce
Sophille fui bien prouuer que quand le Seigneur fembloit ; & adrelTant fa parole au qui e(l vnincii
confondu par
la force de difoit : ce calice eft mon fang, que la Commiffaire, dit : « le vous prie, in- lade Dieu c
parbouche
l'Efp: de
fubftance du calice auffi ou de la terroguez-le auffi à voftre tour, car
vérité . c'cfl Scheterden.
Harpsiild. coupe eA conuertie en fang , fans au- fes refponfes font fi eftranges , qu'il
tre quelconque interprétation. Et
me femblables.
de femble que »iamais ie n'en ai oui
Le Commiffaire fe
pourtant nous ne dirons point mainte-
nant que le vin foit mué ou tranffubf- leua debout & commença à faire le
tantié, ains le calice feul. » Ha. « Ce
fubtil , en difant : • Tu confeft'es que
n'eft pas cela; car quand il parle de le pain n'eft point la figure du corps
calice, il n'entend pas le calice , mais de Chrift , or eft-il que le calice ne
le vin qui eft au calice. » Se. << Si peut ertre la figure du fang de Chrift
ainfi eft donc que lefus Chrift ait ex- en forte quelconque , ni auffi le vrai
primé vne chofe par parole , & en- fang. Il s'enfuit donc que lefus Chrift
tendu vne autre par fens & intelli- a entendu parler du vin mefme, & non
gence, ils'enfuit que les point du calice ou de la coupe. » Se.
ne changent point les paroles nues ,
fubftances
mais conuient diligemment regarder « le ne voien pas
contredife ceci qu'aucune
; car de faitchofe
ie ne medi
quelle eft l'intention de celui qui parle pas quede leChrift,
calice ou
foit lale figure
fang tranft'ubf-
premièrement, quant au pain ; fecon- tantié du fang.
Mais quand vous aft'ermez que les
(i) Crespin , édil. de If64, p. b;6: édil. paroles nues du preftre conuertifTent
de i?70, f' t^Q. Koxe, 1. VII, p. loo-ilS. fimplement A d'elles melmesquela fub-
Foxe orthographie ces noms : Nicholas ftance des chofes , ie refpon cela
Shelerdcn et Humfrey Middieton.
(}) Robert Collin;,, commissaire du dio ne compete non plus au pain qu'au
cise de Canterbury.
calice, finon qu'il plaife à monfieur
NICOLAS SCHETERDEN.

l'Archediacre refpondre à la demande « Si ce palTage doit eftre rapporté à


que ie lui ai faite, alTauoir , si c'eft l'humanité, félon voftre opinion, nous
Tintention du preftre prononçant les tomberons en l'erreur des Anabaptif-
mots fur le calice, qui crée le fang de tes , qui nient que lefus Chrift ait
la fubdance du vin , ou fi ce font les pris chair de la vierge Marie. Comme
paroles ? » Co. ï Et l'intention & les de fait , fi fimplement nul corps n'eft
paroles du preftre coniointes enfem- monté au ciel finon celui qui eft def-
ble , font cela. » Se. « Si les paroles cendu du ciel
eft du tout oftee, l'incarnation d'icelui
, & faudra confelfer
& l'intention du preftre enfemble font
la fubftance du fang , encore faut-il qu'il
necelTairement que le calice foit tranf- Co. a« apporté
Ceci eftfonboncorps du qui
1 vous ciel.ne»
mué en fang enfemble auec le vin; voyez pas voftre erreur, cerchez occa-
comme de faid les paroles mefmes fion légère de trouuer quelque faute
font prononcées du calice , quand il en moi. Car c'eft vne chofe bien cer-
dit : Ce calice eft mon fang. » taine, que cela ne peut eftre entendu
L'intention
de confacrer.
Le CommilTaire confelTa depuis en de la diuinité , finon que vous confef-
la chambre, que la feule intention du fiez que Dieu eft paffible. Mais
Preftrede auant comme il n'eft point paffible , auffi ne d'entendre
caufe cefte qu'il chante ouMelTe,
conuerlion eft
tranffub- peut-il defcendre du ciel. » Se. « Si
ftantiation, voire fans aucunes paroles. Qui refufe
cela eft vrai que Dieu n'eft point def- beaucoup
Car s'il a intention de faire comme la uelope en
d'abfurditez.
fainôe Eglife a ordonné , telle inten- cendu du ciel , ilpour
eft impaffible, faut cefte raifoninefme
par vne qu'il vérité, s'en-
tion du Preftre donne cefte force & Dialeàique faire cefte refolution :
vertu aux Sacremens. Si la vertu &
qu'il n'eft point affis au ciel, & que le
efficace des Sacremens dépend de
ciel n'eft point fon throne. Et faudroit
l'intention ou volonté du preftre , & adioufter encore par confequence ce
non point de la parole de Dieu, pour que plufieurs difent auiourd'huy , que
vrai en beaucoup de diocefes & iurif- Dieu n'a
Chrift foit point
affis. de dextre« Et
» Co. , à laquelle
cela eft
didions , où l'entendement du preftre
n'eft pas fort bien inftitué, on pourroit bien dit ; car à la vérité Dieu n'a
donner des bourdes au peuple, non point de dextre. » Se. « Que penfez-
feulement au Baptefme, mais auffi en vous donc qui peut cependant & ci
la Cène, & lui faire adorer du pain au après auenir à la Religion Chref-
lieu de Dieu. Car puis que les paro- tienne , fi pour cefte raifon que nous
les du Preftre n'ont point affez de ne pourrions exprimer la façon com-
force & vertu fans la conception inté- ment il eft defcendu du ciel , nous
rieure ,le peuple fera toufiours en
nions entièrement qu'il foit defcendu .''
doute ou incertain s'il adore Chrift ou Et pourtant que nous ne pouuons
le pain. Le CommilTaire tomba fur ce comprendre vne certaine façon de
dextre , le lairrions-nous imparfait ,
propos ,manité
deeftoitvouloir prouuer
contenue que lieux
en deux l'hu- comme fi nous lui voulions ofter la Pf. 139.
enfemble , alléguant le paflage de main dextre f D'auantage, le Prophète
Au ch. fainft lean, oij lefus Chrift dit : « Nul auroit mal dit en parlant ainfi : « Et fi
n'eft monté au ciel, fmon celui qui eft ie m'enfui iufques aux extremitez de
defcendu, » &c. &vouloit argumenter la me'r , ta main me tirera hors de là,
fur ce fondement, que lefus Chrift eft & ta dextre me rateindra ; " fi ainfi ef-
corporellement & naturellement en toit qu'onilvouluft dire finalement
qu'il n'a point
vn mefme temps au ciel & en terre de main, auiendroit que
enfemble. Se. « Ces paflages & au- nous penferions qu'il n'eft affis, & que
tres femblables doyuent eftre enten- le ciel n'eft point fon throne, & mefme
dus de l'vnité des perfonnes , en tant qu'il n'y a point de ciel du tout. Et
que lefus Chrift eft Dieu & homme.
finalement ie crain qu'on ne viene iuf-
Et nonobftant, ce dequoi nous parlons
ques là, que nous doutions s'il y a vn
maintenant doit eftre rapporté à la di-
uinité ; autrement nous tomberions Dieu, ou non. » Co. << Quoi .'' L'Ef-
criture ne prononce-elle pas que Dieu lean ;. 29.
en des abfurditez horribles. » Co. eft efprit.? » Se. « Ce que vous dites
« Il faut dire neceft'airement que cela que Dieu eft efprit, eft bien vrai, & le
conuient à l'humanité , & non point à doit-on pour cefte raifon adorer en
la diuinité ; & le peut-on conoiftre efprit & vérité. Et comme il eft efprit.
par ce qui eft adiourté : Le Fils de auffi a-il vne force fpirituelle, vn fiege
l'homme qui eft au ciel, &c. » Se. fpirituel , vne dextre fpirituelle , &
248 LIVRE SIXIEME.

femblablemcnt vn glaiue fpirituel , le- & contrefaits, lefqucis ils fe font for-
Îiuel nous expérimentons quelquefois, gez fans aucune ordonnance de la
I nous continuons à faire comme parole de Dieu. Or fi la caufe
nous auons fait , & fi nous difons que d'icelles affligions eft telle, combien
Dieu n'a ne dextre ne bras, pour cefle font heureux ceux qui ont à fouf-
raifon que nous ne fauons quelle eft frir telles tentations ? Ce n'eft point
fa dextre ou fon bras ; car par vn comme fi quelque chofe nouuelle
mefme moyen nous dirons aulfi qu'il nous auenoit, laquelle autres n'euffent
n'y a ne Chrift ne Fils de Dieu. » point fenti ou expérimenté deuant
Le Commiflaire
parleroit plus: «protefta
voici enalors qu'il les
fomme ne nous ; car vrayement c'eft-ci vn
principaux poinds de tout ce qui fut figne tref certain de l'amour de nof-
tre bon Seigneur lefus Chrift , qu'en
dit, finon qu'il efchapa à ce Commif- portant la croix nous foyons faits par-
faire en fes propos de dire que le tiel pans de fes fouffrances. le vous
Le merchant fe Teftament de Ctirifi auoit efié falfifié prie, reduifons ceci en mémoire, &
defcouurc
toit ou tard. & changé, & qu'il efloit bien eflongné penfons diligemment comme par foi
de fa première inftitution & ordon- Abel a offert à Dieu vn facrifice plus Heb.
nance. Cependant toutefois il affer- Gen. 12.
agréable que n'a
cela fon frère fait Cain,
charnel & quedepar
a machiné le
moit bien que l'Eglife auoit eu cefle
liberté & puilTance de le changer. faire mourir; de femblable façon, cefte
race de Cam fe defpitera toufiours à
rencontre de nous, & ne cefTera iuf-
Exhortation que Nicolas Scheterden ques
noftre à fang. ce qu'elle
Car ilsaitvoyent
beu &bienauallé
que
laijja par ejcrit , laquelle en fomme Dieu fait plus de cas de noftre hum-
contient la différence de la vrayc ble obeifTance , coniointe auec fa Pa-
role ,que des fards de leur religion
mère Eglife , d'auec la faujfe pail-
larde &in/ame Synagogue ae l'An- masquée, par laquelle ils vendent au
techrijl ; tous fidèles font exhorte^ monde tt font valoir leur chafteté
de fuyr idolâtrie et tout ce qui agrée feinte, leur ieufne arrogant, leurs doc-
à la chair ; item de nabufer point trines erronées , efquelles il n'y a vne
des exemples des Pères anciens (1). feule goutte de fimplicité & humilité.
Or de tant plus eft-il raifonnable que
laq. 2. Estimez toute ioye, Frères, dit S.
Heb. II. nous ayons les cœurs paifibles & po-
laques , quand vous cherrez en beau- fez, puis que c'eft le chemin des vrais
Aâes 14. 12.
coup de tentations, fachans que l'ef- pères. Et n'y a homme qui ne fâche
preuue de voflre.foi engendre pa-
tience ;& par patience courons au bien, que fi, laifl"ans ce moyen du vrai
feruice de Dieu, qui nous a efté monf-
combat qui nous eft propofé. Pourtant tré par les S. Efcritures, nous voulons
donc. Frères bien-aimez, puis que fuiure la dodrine & traditions des
l'Efcriture nous enfeigne & admon- hommes , nous euiterons tous dan-
nefte, que par beaucoup de tribula- gers &, grande liberté nous fera ou-
tions ilnous faut entrer au royaume uerte à toute difl"olution ou licence;
de Dieu , il refte qu'vn chacun confi- à l'exemple
on conoit ouuertement & façon de ceux dcfquels
la vie eftre
dere cela en fon efprit, pour quelle
raifon les adliflions lui font enuoyees ; fouillée de toute impureté , comme
fi c'eft pour quelque forfait qu'il ait d'idolâtrie , blafpheme , menfonges ,
perpétré, ou fi c'eft pour auoir main- calomnies, paillardifes, paroles def-
honeftes, yurongnerie, gourmandife,
tenu la vraye religion. Si c'eft pour
quelque tort ou iniure procédante de &, pour le faire court , à toutes
lui , ou fi fes aduerfaires ont efté ef- fortes d'abominations. Et ces for-
mcus à faire cefte perfecution pour faits exécrables demeurent impunis ,
haine de la vérité, laquelle ils ne peu- voire régnent fous ombre de la liberté
uent voir régner , & pour cefte raifon de leur fainde Eglife, &, qui pis eft,
que Dieu regarde pluftoft aux vrais fa- font maintenus. Cependant on op-
crifîces & qui font inftituez par fa prime la pure difcipline de la Loi oi-
uine , i^ condamne-on les efludes de
parole , qu'à leurs facrifices fardez ceux qui tafchent à accommoder leur
(I) L'édition de Foxc que nous avons sous vie le plus près qu'ils peuuent des
faindcs Efcritures; ces cnofes, di-ie,
les yeux
mais n'a pas cette
en revanche elle enlettre de Sheterden
a plusieurs autres. , nous font pour grands argumens, pour-
NICOLAS SCHETERDEN.

quoi nous fouftenons d'vn grand cou- lui mefme fe courrouçant afprement m.d.lv.
rage & alaigre toute la force & vio- contre ceux qui l'honnorent en vain
lence de ceux-ci. Les Apoftres ont félon les ordonnances & commande-
efté tels douant nous , & les fainéls
mens des hommes, & que l'honneur
Martyrs de Dieu ont enduré oppref- & reuerence qui lui eft deuë, eft ren-
fions femblables de leurs propres al- due aux dites ordonnances & loix hu-
liez & gens de leur nation mefme.
maines. Tant s'en faut que cela puifl'e
Bref, ceci eft propre à tous les Chref- eftre agréable aux yeux de Dieu, qu'il
tiens qui font vrayement confacrez à
menace de deftruire la fagefl"e des fa-
faire la volonté de leur maiflre , qu'vn ges, & la prudence des prudens, afla-
chacun d'eux s'expofe aux dangers de uoir ceux qui, reiettans la fageft'e de
la mort , pour maintenir la vraye reli-
gion de Dieu & le Teftament de Dieu, fuyuent leur propre fageft'e
comme guide & maiftreft"e. Et ie vous
Chrift, toutes fois & quantes que be-
foin fera. Et ne faut point en forte prie,
odieufey a-il
à Dieu, chofe quequi depuifl'e eftre plus
mefprifer fon
quelconque prendre alliance ne fo- confeil , en préférant les inuentions
cieté auec ceux qui changent & ren- humaines .' Efcoutons donc d'vn efprit
uerfent ce Teftament de Chrifl, lequel humilié ce que le Seigneur veut & or-
il a feellé de fon propre fang, iufques donne, & ne nous en deftournons ia-
à tant que le Teftateur lui mefme re- mais tant peu que ce foit ; car obeif-
tourne, qui efl le Seigneur lefus. Car fance vaut mieux que toutes les
nous auons fait cefte tranfaftion au fantafies ou inventions des hommes, Deut. ç. & 17.
Baptefme , que nous adhérerons à de quelque
Chrift & à la croix, & non point aux ceuës. De zèle
fait , qu'elles
Dieu nefoyent con-
fe foucie t. Sam. 15.
ordonnances & traditions des hom-
mes, lefquelles ils tafchent de parer point deoftentation
rieufe l'apparencedesambitieufe
cérémonies& glo-
ex-
du titre plaufible de TEglife. Toutes- ternes : mais il regarde la foi vraye
fois fi nous voulons faire enquefle
tant peu que ce foit de cefte Églife & pure obeifl'ance de cœur.
Et par cefte feule marque principa-
leur mère, nous trouuerons qu'elle lement peut on bien difcerner la vraye
n'eft nullement efpoufe de Chrift , Eglife de celle qui eft fardée & contre- Matth. 24.
ains la paillarde puante de l'Ante- faite : Que
les loix partout où l'on
& conftitutions verra que
humaines fe- Dan. 9.
chrift
ritiers; de
& qu'eux
Chrift ,neprefts
font point co-he-
pour mourir ront préférées aux ordonnances & loix
auec lui, ains baftards, acharnez pour de lefus Chrift, c'eft vn trefcertain
fe perfecuter. Puis le
qu'ils font du
tels Fils
. il figne que là il y a abomination de de-
vaut mieux , félon confeil folation , laquelle eft affife au lieu où
de Dieu, les laiflTer à leur naturel , car il ne faloit pas. Y a-il abomination qui
Matth. 1;. ils font aueugles , & conducteurs foit plus pernicieufe à la religion, ou
d'aueugles. plus deteftable & odieufe à Dieu, que
Cependant de noflre cofté procu- quand les conftitutions & traditions
rons en toute diligence, & faifons que humaines obtienent le lieu de fon fer-
Ephef. 6.
nous foyons munis de l'armure de uice & font parées de l'authorité de
Col. ;. Dieu ; que fa iuftice abonde en nous ; l'honneur & reuerence de fon Nom?
que la parole de Chrift habite plantu- Moyfe dit : » Selon que le Seigneur Deut. 4. & 12.
reufement en nos cœurs, au lieu que mon Dieu m'a ordonné, vous le ferez.»
ceux-ci la reiettent. Et encore que le Et derechef: « Vn chacun ne fera point
ciel & la terre fufljent réduits à néant, ce que bon lui femble , » & toft après :
auec toute la pompe des cérémonies, « Fai feulement ce que ie te comman-
neantmoins foyons fermes & refolus de. »Outre plus, noflre Seigneur lefus
en cela , que la parole de Dieu de- dit en l'Euangile :« Mes brebis conoif- lean 10.
meure éternellement; & n'y a rien de fent ma voix & ne fuyuent la voix d'vn
quoi la vie humaine foit fi bien repeuë eflranger, ains fuyent arrière de lui. »
& fouftenue Maintenant , comment entendrons-
coulante de ,faque d'icelle
bouche en parole de-
nos âmes.
Parquoi il faut neceffairement que ce- nous qui font les eftrangers, finon qu'ils
enfeignent chofes eflranges & d'vn au-
lui qui n'en eft point repeu perilTe, ne tre efprit que le Fils de Dieu n'a en-
plus ne moins qu'il faut qu'vn corps feigné.' 'Veu donc que lefus Chrift a
Ifaie 20.
meure quand il n'a point de viandes prononcé ceci : « Vous errez ne fa-
pour eftre nourri. Nous oyons, non
Marc 7. feulement Ifaie, mais auffi le Seigneur chans les Efcritures, » & que la fauffe Matth. m.
eglife crie tout au rebours : Vous er-
2ÇO LIVRE SIXIEME.

rez en lifant les Efcritures (comme fi voix diuine & par confequent ne font Efcouicz ceci,
l'Efcrituro donnoit occafion d'errer), point de fon héritage. Et que doit-on
Apoflals (ft
on aperçoit facilement que c'efl vne dire à ceux qui, ayans efté vne fois de- la vérité.
voix eftranye & contrefaite. D'auan- liurez, retombent par crainte en la
tage, quand celle Eglife dit : Voila faulTe adoration.' Certainement ie leur
ton créateur entre les mains du Pref-
voudroi volontiers confeiller qu'ils fe
Matth. 14. fii ; it^'m : Voici, Chrift elt ici , il eft repentent de bonne heure & retour-
là, c'eft vne voix toute diuerfe de la nent au bon chemin, de peur que Dieu
voix du Fils de Dieu. Item, quand la ne leurofle le talent & ne les iette en
mefme parole de Dieu dit : >' Gardez-
ténèbres & aueuglement d'efprit , ce
vous des images, » & fainfl. Paul fem- qui eft ordinairement le gage de péché.
1. lean 5. blablement :« Quelle conuenance y a-il Frères bien-aimez, difpofez telle-
2. Cor. 6. entre le temple de Dieu & les idoles ? » ment voflre eftude à vraye imitation ,
si on réplique, aue les Images font
qu'ayez inceft"amment deuant les yeux
les liures des fimptes ou idiots, n'eft-ce le but auquel les commandemens de
Dieu nous mènent & ce que voftre
pas la voix debatent
hypocrites d'vn eftranger? Et fi les
& tafchent de office requiert. Il auiendra en ce fai-
Contre les perfuader
temporifeurs. fo trouueraqueauxc'eft tout vn,& quand
facrifices on
cérémo- fant, qu'on ne vous deftournera pas
follement du droit chemin. Si les Ca- d'Abraham.
Lexemple
nies eftranges de ceux-ci , pourueu
nanéens fe propofoyent l'exemple
qu'il n'y ait nul confentement de vo- d'Abraham pour l'imiter , qu'à fon
lonté au dedans, n'eft-ce pas voix ef- exemple ils offrilTent leurs enfans en
trangere, laquelle non feulement donne facrifice comme a fait Abraham (ainsi
fcandale aux bons , mais auffi aug-
mente l'ire de Dieu fur toute la mul- que nos finges auiourd'hui veulent Vaine imiialion
titude ?Parquoi ceux qui font tels imiter l'exemple du baftiment des Ché- des exemples.
rubins &, leur
maintenir du ferpent
images d'airain , pourie
& idoles)
auront leur portion auec les hypocri-
tes. De quelque couleur qu'ils fe vous prie quel argument tireroyent-
puift"ent ici farder, ou quelque couuer- ils de cela d'offrir leurs enfans en fa-
ture qu'ils mettent deuant les yeux crifice ?Il nous faut faire vn fembla-
des hommes, quiconque accommode ble iugement de tous les autres exem-
fa foi à telle diffimulation ne fait que ples des Pères fidèles, à ce que nous
s'abufer , car c'eft vne chofe tref-cer- eftimions qu'ils font efcrits pour vn
taine & hors de tout différent, que, s'il enfeignement de noftre foi « obeif-
eft licite de communiquer à leurs ob- fance , & non point pour lafcher la
feruations & cérémonies, il y faut af- bride à noftre chair, pour penfer folle-
fifter non feulement félon le corps , ment qu'il nous foit licite de nous
mais auffi d'ame & volonté. Il ne faut abandonner à nos propre affedions,
point clocher des deux coftez , mais ou diffimuler auec les hypocrites, fans
faut que foyons ou du tout chauds ou crainte de punition. Car pour certain
du tout froids. Il n'eft licite ne rai- on ne trouuera point vn exemple es
fonnable de feruir à deux feigneurs, fainftes Efcritures, qui enfeigne cefte
I. Rois 28. nous ne pouuons enfemble boire le feintife & diffimulation hypocritique,
Matth. 6. calice du Seigneur & le calice des
& le diable n'a point de moyen plus
I. Cor. 10. diables. Si le Seigneur eft Dieu, fui- facile ne plus court pour tromper.
I. Rois 18. uez-le. Le Seigneur hait celui qui Nous auons auiourd'hui allez d'exem-
eft double de cœur. S'ils fe couurent ples de nos faux Euangeliques, par la
de leur infirmité, pour diffimuler auec diffimuhuion defquels on void que le
les infidèles qu'ils fâchent que le glaiue de la puilTance eft mis es mains
des aduerfaires pour faire mourir les
royaume des cieux n'apartient à telle
forte d'infirmes, pluftoft c'eft vn ioug innocens.
d'infidélité. C'eft une cauerne de bri- leur doint ledeprie noftre
bonne Seigneur
heure qu'il
vne vraye
gans & retrait d'immondicité, de la- repentancc , de peur qu'il ne iure en
quelle le Seigneur nous veut retirer,
fon ire quelquefois que iamais ils n'en-
Ecci. 1. 14. difant : « Sortez du milieu d'iceux & treront en fon repos. Et fi nos aduer- Pf. 94. 11.
feparez-vous en, dit le Seigneur, & le faires femblent eftre plus fubtils que
vous receurai & puis ie vous ferai nous, vous ne deuez pour cela vous
pour père & vous me ferez pour fils cfmouuoir, car le royaume de Dieu ne
i. Cor. 6. & filles, n Que fi ceux que Dieu a ap-
peliez ne fortent hors & ne fe fepa- gift point en paroles, ains en puift"ance.
rent , ils fe rendent defobcifTans à la Que quelqu'vn
voudra foit mal
& du tout poli tantncant-
ignorant, ju'on
251
JEAN WADE , DIRIC HERMAN.

moins s'il craind Dieu fans feintife & rent bruflés tous quatre enfemble en
s'il se reprime de mal-faire, fa pieté la ville de Cantorbie, le douziefme de
fera en beaucoup plus grande eftime Juillet, & maintenant, après auoir
La rudelTe deuant Dieu, que la fcience enflée de
nenipefche le
enduré beaucoup de tribulations, vi-
deuoir. ceux qui rapportent toute leur ellude uent
Dieu. pour iamais auec le Fils de
à pourchalTer liberté ou licence char-
I. Cor. II. nel e ,pour
dront. Car lafaire toutdu ceFils
croix qu'ils vou-
de Dieu
eft folie à ceux qui perilTent, mais elle
e(l fapience à tous ceux qui obtiennent
falut. Car les Grecs cerchent fapience
& les luifs demandent des fignes, mais
Iean 'Wade , DiRic Herman &
la fapience ignorante de ceux qui fouf- autres Martyrs (i).
frent pour la vérité efl beaucoup plus
fage que tous les hommes du monde ,
& leur foibleffe eft plus forte que tous Quand Satan aura fon enfeigne dref-
les Princes du monde. Dieu par fa
grande bonté nous vueille donner vne fee
vogue& ,que les per'fecutions
aprenons de nous auront la
fortifier
telle fageffe & force , afin que nous
portions en toute bénignité & patience par patience
ceux-ci, , & qu'à
que Dieu nous l'exemple de
propoje pour
miroirs en fi grand nombre , nous
la croix qu'il nous a impofee. Au refte
combien que cefte façon de dodrine pourfuiuions toufiours le chemin au-
ait efté défia des long temps feellee quel nous fommes vne fois entrés ,
pleinement & fuffifamment par le fang fans en eftre dejîournés aucunement.
précieux du Seigneur lefus, toutesfois
le tefmoignage de mon fang y fera Le nombre
Qvi pourroit fans larmes reciter les des fidèles
adioufté, quel qu'il puiffe élire, pour afflidions que l'Eglife du Seigneur a exécutés en
rendre tefmoignage à la vérité de foufifert en ce temps } Qui ne gémira Angleterre.
Dieu & que par ce moyen i'incite & après vn fi foudain changement au
refueille les autres frères , à ce qu'ils
ertiment le fang de noftre rédemption paystésd' exercées
Angleterre,
contreoyant tant dedescruau-
le refidu fidè-
beaucoup plus que tout or & toutes
pierres precieufes. Et ne faut point les du pays.^ l'emprunterai ici le récit
douter, que le mefme Seigneur qui qu'en font ceux de la nation , qui
nous ont teftifié , & de bouche & par
eft mort & refl'ufcité pour nous , ne efcrit, que depuis que la parole de
nous tire hors de la pouffiere à la
grande honte & confufion de nos ad- l'Euangile, par le feul commandement
uerfaires. Lors nous reluirons comme d'vne femme , a efté oftee d'Angle-
terreil
, eft auenu , en moins de deux
le Soleil, receuans le royaume d'im- ans , que plus de huit cens perfon-
mortalité & de lieffe , auquel il n'y nes (2) ont efté mifes à mort, voire
aura ne larme ne trifteffe , où la fé-
conde mort n'aura nulle force à ren-
contre de ceux qui maintenant ont (1) Crespin, édit. de 1564, p. 661; édit.
gardé leurs robes teindes au fang de de 1570, f° ;6i. Cette courte notice ne
l'Agneau par diuers & beaucoup de paraît pas avoir été rédigée sur des docu-
ments bien sûrs, car les noms y sont fort
tourments, & par confequent obtien- mal transcrits. Fo.xe écrit les deux noms qui
dront la couronne de gloire immor- figurent dans ce titre : Christopher Wade et
telle & le triomphe éternel , & là ils Dinck Carver (t. VII. p. !i8, ;2i).
chanteront à iamais cefte belle mélodie (2) Le chilîre de 800 mentionné ici par
Crespin est celui que cite aussi Burnet ,
auec les Anges & tous les efleus de
d'après
Grindal. un écrit attribué à parle
l'archevêque
Dieu : Saind, Sainâ, Sainél, le Sei- Fo.xe, il est vrai, ne que de
gneur le Dieu des batailles, le ciel & 284 personnes.
Weaver, dans C'est à peu près le Ilcalcul
ses Monuments. de
compte
la terre font remplis de la maiefté de î évèques , 21 théologiens, 8 gentlemen,
fa gloire. Amen. 84 artisans. 100 ouvriers de terme et servi-
teurs, 26 veuves, 9 jeunes filles, 4 enfants.
Apres que Nicolas Scheterden & L'historien catholique Lingard estime à en-
viron 200 le nombre de ceux qui périreiit
Hunfroy Midelton , tous deux arti- pour leur foi sous le règne de Marie, mais
fans, eurent conftamment maintenu la il ne compte pas « ceux qui furent con-
vérité du Seigneur, ils furent mis & damnés comme traîtres, et ceux qui . d'après
adioints auec les deux miniftres , def- lui , auraient été jugés dignes du bûcher par
les prélats réformés eux-mêmes, pour cause
quels il a efté parlé ci deuant , & fu- d'hétérodoxie. >>
252 LIVRE SIXIEME.

de toutes les plus cruelles morts de- de quelque qualité qu'il fufl. Entre
quoi on s'eft peu auifer (i). autres, Iean Denleye & Iean Neu-
Apres ces quatre ci defTus mis , man, gentils-hommes, furent produits
plufieurs autres furent exécutez en ce pour élire menez au dernier fupplice.
mois de luiiiet. Entre autres les noms Mais auant que venir à leur mort,
nous mettrons ici les articles de leur
de ceux qui s'enfuyuent font venus à
certaine conoilTance, afTauoirque Iean accufation , qui leur furent propofez
Wade fut bruflé à Dartforde, Diri- par Edmond Boner, Euefque de Lon-
CHE Herman en la ville de Lewes ,
Iean Lander à Steuenyg, Richard dres, en la forme qui s'enfuit.
I. Premièrement, quant à la iurif-
HoRK boiteux & Thomas Everson
à Ciccdre , Nicolas Hall à Rocef- didion de l' Euefque dj Londres, ces
deux-ci y apartienent fans aucun con-
tre. Iean Polley à Tumbridge (2).
tredit. II. Secondement, qu'ils auo-
Depvis , le premier iour d'Aouft , yent nié qu'en tout le monde il y euft
GviLLAVME Ailewarde (3) mourut en
la prifon de Reading, où il auoit elle vne Eglife catholique. III. Item, qu'ils
détenu pour la confeffion de Chrifl. niaintenoyent que l'Eglife d'Angle-
terre n'eft nullement membre de l'E-
Item , le deuxiefme iour de ce mois,
Iaqves Abs fut bruflé en la ville glife catholique. IV. Outre-plus, qu'au
royaume d'Angleterre la Meffe cftoit
nommée du fepulchre de fainâ Ed- vne impieté, idolâtrie & fuperflition ,
mond , vulgairement dite Edmondf-
bury (4). & pourtant ils n'y alloyent point.
V. Que la confeffion auriculaire, telle
qu'elle eft en vfage , n'efl nullement
fondée fur aucuns certains tefmoigna-
ges de la
folution S. Efcriture.
, prononcée par VI. Que f'ab-
le preftre en
Iean Denleye & Iean Nevman ('•,). la façon acouflumee , ne confent nul-
lement àla parole de Dieu , mais y
Que l'ejial de vofire nobleffe, â nobles, répugne totalement. VII. Que le
ne vous empcfche de vaquer Ji bien
Baptefmeentre
célébré , comme il eft auiourd'hui
les Anglois, cfi contre
à l'ejlude des J'aincles Efcritures ,
au'à l'exemple de ces lirais genlils- la parole de Dieu. Autant de la
hommes, qui vous font propofe^ , confirmation des petits cnfans & des
Ordres, des matines i?t vefpres, &
puijjie:^ faire
toute gloire ferui'ceil
, quand au Roy deà
lui plaira de la confecratiom du pain & de
vous appeler en pareille caufe , pour l'eau, & telles cérémonies, comme
faire lejle aux ennemis de fa vérité. obferuations forgées à plaifir. VIII.
Qu'il n'y auoit que deux Sacremens
En ce mois d'Aouft, les aduerfaires en l'Eglife catholique , aiïauoir le
de l'Euangilc s'efleuerent en plus Baptefme & la Cène du Seigneur.
grande fureur contre les fidèles , de
IX. Que le corps de lefus Chrill ne
forte qu'il n'efpargnoyent perfonne , demeure point localement au Sacre-
(1) Ce parapraphe csl la reproduction
ment, d'autant
eflé efleué au cielque(i).pour certain il a
textuelle de quelques lignes qui se trouvent
dans la Troisième partie du Recueil des
Martyrs de Crespin, de 1556, page 405, au Refponfe aux fufdits articles (2).
commencement de la notice sur Nicolas
Ridicy.
I. Novs ne contredifons point au
(a) Nous rétablissons ces noms d'hommes
et
Wade,de àlieux
Dariford;.d'après DirickFoxe : Christopher
Carver. à Lewcs;
premier
II. Nous article.
nions entièrement le fé-
John I.aundcr. à Staining; Richard Hook cond , car, félon le Symbole, nous
et Thomas Ivcson (ou Everson), à Chiches-
(er; Nicholas Hall, à Rochestcr; Margct^y croyons qu'il y a vne Eglifeeflcatholi-
Polley (veuve), à Tunbridgc (t. Vil, p. )i8- que & vniuerfelle, laquelle édifiée
JJ7. n9)- fur le fondement des Apoflres & Pro-
()) John Aleworth. Voy. Foxe, VII, p. )j8. phètes, de laquelle lefus Chrill efl le
(4) James Abbes, brûlé à Bury-Saint-
Eamunds (SulTolki. Voy. Foxe. VII. p pS.
(5) John Denley et John Newman , aux- (i) Foxe ajoute un diTiémc chef d'accusa-
quels Foxe joint Patrick Palhingham (VII, tion ,qui se rapportait uniquement à Pathin-
)a8, 155)- Denley seul parait avoir été gen- gham ( VII, ))3)-
tilhomme. Newman était potier d'étain (2) Cette réponse fut faite par John Denley
{pewterer). Voy. Crespin, 1504, p. 601; H70, en son propre nom et au nom de ses com-
P )6i.
pagnons.
JEAN DENLEYE, JEAN NEVMAN.

chef. Outre-plus , nous croyons que ble de l'Efcriture. Car le Seigneur m.d.lv.
cefte Eglife eft compolee de la con- lefus Chrift en fa fainde Cène a or-
grégation de tous les fainfts & fidè- donné le Sacrement du pain & du vin,
à cefte fin que nous prinffions ces
les, lefquels l'Antechrift a auiourd'hui nourritures enfemblement coniointes,
diffipez par toutes les régions du
en mémoire de fon corps rompu &
monde , c*t qu'en quelque part que ce
foit ,Nom
au que deux ou trois
de noftre s'alTemblent
Seigneur lefus brifé pour pour
feruiffent nous,matière
& afin dequ'elles nous&
nourrir,
Chrift, là font les membres de l'Eglife non pour occafion d'adorer comme
fidèle & catholique , laquelle n'eft vne idole. Car Dieu n'y veut point
point limitée & comprife par certai- élire adoré, ains glorifié & loué en
nes bornes en ce monde , ains ell ef- toutes fes créatures, lefquelles toutes
parfe par toutes les régions & diuers
font
Car formées pour
il eft ainfi l'amour :de« Tu
commandé nous.
ne Exode 20.
pays où la parole de Dieu eft pure-
ment annoncée, & où les deux Sacre- te feras aucune image ou femblance
mens, alTauoir le Baptefme & la Cène, quelconque des chofes qui font là fus
font purement adminillrez. au ciel , ni en la terre ici bas , ni es
III. Nous refpondonsau troifiefme, eaux fous là terre. Tu ne les adoreras
& ne les feruiras. » Si cefte ordon-
que l'Eglife d'Angleterre, félon la foi
& religion en laquelle elle eft mainte- nance a poids enuers nous , il n'eft
nant inftruite , n'eft point portion de nullement raifonnable que nous ado-
rions le Sacrement du pain & du vin,
l'Eglife
Romaine,Catholique,
de laquelle ains de Romain
le Pape l'Eglife
car il eft dit : u Ne femblance quel-
eft chef. Car changeans & abolilTans conque&, pourtant tu ne les adore-
le Teftament de Dieu, ils ont, au lieu ras & ne les feruiras. » Et que fignifie
d'icelui , introduit au conftitutions
monde vn autre& ceci : Mettre les genoux en terre ,
teftament de leurs efleuer les mains en haut , frapper fa
ordonnances pleines de blafphemes poiftrine du poin , ofter le bonnet , fe
& menfonges. Premièrement, que le profterner en terre? Nous penfe-
Seigneur a enfeigné fes fidèles com- riez-vous fi fols , de nous perfuader
ment ilfaut prier, Mat. 6. Item, par
cela auffi que nous oyons que S. Paul que ce n'eft
adoration point
f Car là & vénération
le corps &
de Chrift nai
I. Cor. 14. dit : « Celui qui prophetife parle aux de la vierge Marie eft au ciel , fi foi
hommes à édification , exhortation &
doit eftre adiouftee à l'Apoftre au 10.
Langages. confolation. Celui qui parle langages chap. des Hebrieux: « Mais ceftui-ci,
s'édifie foi-mefme ; mais celui qui pro- ayant offert vn feul facrifice pour les
phetife édifie la congrégation. » Item, péchez & offenfes, eft éternellement
il dit bien toft après , au mefme paf- affis à la dextre de Dieu, attendant
fage : « Auffi vous, fi de vortre langue (ce qui refte) iufques à ce que fes en-
vous ne donnez parole fignifiante ou nemis foyent mis pour fon marche-
intelligible, eomment entendra-on ce pied. »Il dit outreplus en la mefme
qui fe dit ? Car vous ferez parlans en Epiftre : « lefus n'eft point entré es Heb. 6. 24.
l'air. i< Outre cela , il adioufte : « 'Vrai lieux faits de main, qui eftoyent figu-
eft que tu rens bien grâces à Dieu ; res des vrais, ains au ciel mefme, à
celle fin que maintenant il aparoilfe
mais vn autre n'en eft point édifié. le
ren grâces à mon Dieu , que ie parle pour nous deuant la face de Dieu. »
plus de langages que vous tous; mais Et Philip. 3. : « Noftre conuerfation
i'aime mieux parler cinq paroles en eft es cieux, d'où auffi nous attendons
l'Eglife en intelligence, afin que i'inf- le Rédempteur, le Seigneur lefus
truife les autres, que dix mille paroles Chrift. » Et en la première des Thef-
en langage eftrange & barbare. » fal. I . : « Ils annoncent de vous quelle
IV. Nous refpondons au quatriefme ouuerture & entrée nous auons eue à
article, que nous auons défia tant de vous, & comment des idoles vous
La Meffe fois protefté, que la Meffe, de laquelle auez efté conuertis à Dieu , pour fer-
prouueeabo- maintenant on vfe ici ordinairement uir au Dieu viuanf & vrai, en atten-
"'"^ '^' en ce royaume d'Angleterre, eft pleine dant des cieux fon fils lefus , qu'il a
d'impiété & blafphemes horribles , reffufcité des morts, lequel nous deli-
tant pour cefte caufe qu'elle monftre ure de l'ire auenir. » En outre , il eft
clairement des argumens de blafpheme dit, lean 16. : <i le fuis iffu de mon
& idolâtrie que d'autant qu'elle répu- Père, & fuis venu au monde, & dere-
gne direftement à l'authorité inuiola- chef ie delaifle le monde & m'en vai à
254
LIVRE SIXIEME.

mon Père. » Et au 17. chap. : " le ne Miniftres de la parole de Dieu ont


fuis plus au monde, & ceux-ci font au puilTance d'annoncer par ladite parole
monde, A le vien à toi. » Ces tefmoi- la remiffion des offenfcs au fang de
gnages it autres de la fainde Efcri- lefus Chrift , comme il apert par ce
ture parlent ouuertement à ceux qui qui eft dit Ades 13. & Matthieu 18.
ont oreilles pour ouyr, affauoir que Nous ne rcconoiffons & n'admettons
le corps de Chrift qui a efté pris de la point
VI.d'autre
Quantconfeffion.
au fixicfme article,
vierge Marie eft au ciel, & n'efi point
d'vne façon locale dedans le pain & pource qu'il eft participant & des dé-
le vin facramental. Parquoi quiconque pendances du cinquiefme, nous ref-
fe met à genoux deuant ces elemens pondons ce que nous auons refpondu
pour les adorer ou leur faire quelque de l'article précèdent. Le Baptefme
reuerence oui eft deuë à Dieu feul , V I I . A V feptiefme nous refpondons, des enfans.
commet idolâtrie manifefle. Et pour- entant que touche le Baptefme des
tant nous concluons que cette Meffe
eft abominable. petispremière
la enfans, qu'il eft bien eflongné
ordonnance. de
Car lean
Chrirt feul V. Av cinquiefmc article, nous ref- Baptifte n'a vfé que de la parole & de
pardonne les pondons cela mefme qui eft couché l'eau ; ce qu'on peut voir quand le Sei-
P^*^ *^ en l'article, qu'il ne faut point aprou- gneur lefus vint à lui pour eftre bap-
Luc ij. 18. uer la confeftion auriculaire, laquelle
tizé. Mat 3. Marc i. Luc 3. L'Eu-
on a receuë auiourd'hui en vfage. Et nuque dit, A8.. 8 : « Voici de l'eau;
de fait, c'eft Chrift qui nous pardonne qui empefche que ie ne fois baptizé.-" »
nos ofTenfes & péchez, car il dit ainfi,
Matt. onziefnie : " Venez à moi, vous Il appert que
auparauani Philippe
, car il lui ditl'auoit inftruit
: u Voici de
tous qui eftes chargez, & ie vous fou- l'eau. )' Nous ne lifons point qu'il
lagerai. » Et le prodigue dit en l'Euan- ait efté requis autre chofe que l'eau ;
gile rai: à<<mon
le m'ofterai il n'a point demandé du crefme, ni de
père, & d'ici, et retourne-
lui dirai : Mon l'eau bénite, ni de l'huile, ni de la fa-
liuc, ni du fcl, ni des cierges, ni quel-
père , i'ai péché contre le ciel & de- que linge blanc, ni chofes femblables.
appeléuant toiton
, « fils,
ne fuis
n 11plus
eft digne d'eftre
auffi dit au Autrement, il ne faut point douter
Pfeaume 52. : « l'ai dit : le confef- qu'en demandant de l'eau, il n'euft .
ferai mon iniuftice deuant le Seigneur, quand & quand demandé toutes ces-
chofes. Et S. Pierre dit. Ad. 10 :
& tu as pardonné l'iniquité de mon
péché. » lob 13. : « Toutefois ie re- " Quelqu'vn peut-il empefcher que
darguerai mes voycs deuant fa face , Ceux-ci ne foyent baptizez.^ » Item,
& il fera mon Sauueur, car nul hypo- Ades 1 6 : c< Et lui annoncèrent la parole
crite ne fe trouuera deuant fa face. » du Seigneur, & à tous ceux qui ef-
Et Sirach 34. : « Quelle pureté tire- toyent en fa maifon. Et les prenant
roit-on d'vne chofe immonde? » Et il en icelle heure de nuid, il laua leurs
fut demandé à l'vn des dix ladres, le- playes, & lui & fes domefliques furent
quel retourna vers lefus Chrift pour baptizez incontinent. « On void qu'il
lui rendre grâces, où eltoycnt les au- n'y a ici que la prédication de la parole
tres neuf? Que fi quelqu'vn a grieue- & de l'eau, & pourtant toutes ces au-
ment oft"enfé fon prochaincefte
, faut qu'il tres chofes, comme auffi plufieurs au-
face diligence de reparer offenfe tres obferuations & cérémonies de
& de retourner en grâce auec celui l'Eglife,
de Dieu. font eflongnees de la parole
qu'il a offenfé. Que s'il y a quelque VIII. Av huitiefme article nous
énorme pécheur qui ait efté furpris en
refpondons en peu de paroles, que la
fes ordures,
monnefté vne après
fois ouqu'on
deux, l'aura ad-
il le faut fimpic parole de Dieu auouë feule-
ment deux Sacremens, aftauoir le
faire venir deuant l'Eglife, & les Mi-
niftres & ceux qui font là députez, ont Baptefme & la S. Cène, finon que
Delexcommu- puift"ance de rexc^)mmunier par l'au- d'auanture auec ceux ci vous y vou-
nicaiion. thorité de la parole, en forte qu'il foit liez adioufter l'Arc en ciel , car fi on
tenu pour Payen et peager, non pas veut généralement parler, on appelera
pour vn iour, ou deux, ou quarante , Sacrement tout ce qui a les promef-
fes de Dieu quand A quand adiouflees.
mais iufques à tant qu'il foit touché IX. QvANT au dernier de tous les
de vraye repentance , A que deuant
articles que vous aucz propofez , il
l'Eglife enil demande
ofTenfe pardon Lors
toute humilité. de fon
les
n'eft bcfoin que nous facions longue
PLVSIEVRS MARTYRS.

refponfe , veu que vous en auez défia


vne breue confeffion qui efl fignee de LAVME Stère, Richard "Wright (i).
Le 14. iour dudit mois, Roger Ci-
nos mains, laquelle fut trouuee en RiER fut bruflé à Tantone (2), George
mon fein lors que nous fufmes pris par Tankerfeld (î) fut bruflé à Saind-
Edmond
nous vous Teler, officier.
auons affez D'auantage&
ouuertement Albons, & auec lui Gvillavme Bav-
MEFORD iour
mefme (4) leauffi
26. Patrice
iour d'Aouft,
Patin-ce
amplement monflré au quatriefme ar-
ticle, quelle e(l noftre opinion touchant bridge.
la prefence du corps au Sacrement. ghan (5) fut martyr en Ja ville d"Vx-
Car le corps du Fils de Dieu qui eft
nai de la vierge Marie, eft au ciel , &
ne peut en façon quelconque eftre
compris en vn fi petit morceau de pain.
Nous confeftbns ouuertement, que Robert Smyth, Anglois (6).
tout ainfi que les paroles que lefus
Chrift a prononcées font véritables ,
Les efcrits de ce Martyr & de fes jem-
auffi les faut-il entendre par d'autres
paroles lefquelles le Fils de Dieu lui blables, au/quels vne véhémence d'ej-
mefme a prononcées ailleurs , & les prit a ejlé bien-Jeante , nous monf-
Apoftres après lui. Or voila en bref ce trent quelle force a la doàrine de
que nous auons refpondu aux articles Dieu vne fois inife pour fondement ;

propofez par l'Euefque Boner. que tre,


félon le fubiea
ainfi elle qu'elle rencon-
fe manifefte,fans auoir
Ces Gentils-hommes (alfauoir lean efgard à chofe qui f oit de ce monde,
fait oublier la vie propre à celui qui
Denleye) après auoir foullenu la vé-
la porte, & mefprifer toutes puiffan-
rité de l'Euangile, furent bruflez : Den-
leye àVxbridge, le 2. iour d'Aouft (i), ces qui s'efleuent à l'encontre.
&, enuiron 50. iours après, Neuman
Si on veut faire comparaifon entre
fon compagnon en la ville de Safron-
wal (2). Il auoit efcrit vne confeffion plufieurs excellens efprits d'hommes
de foi vn peu deuant fa mort. qui fe font oppofez à l'impiété de
l'Antechrift , furmontans par vne vertu
Ce mefme iour, vne honnefte vefue plus qu'humaineRobert
toutesSmyth,
diflficultez
nommée Varennr fut bruflee à Stad- contradidions, peintre&
de fon art , peut eflre nommé entre
ford (5) , après le Seigneur lean Den-
leye. les premiers, ayant efté armé d'vne
hardielTe fainfte & force nompareille
contre les ennemis de la vérité ; du-
quel ilnousBoner,
eutcontre faut ouir le combat
Euefquede qu'il
Londres,
le <,. lourde Juillet, m. d. lv. comme
GviLLAVME Cocker, & autres (4). lui mefme l'a lailTé par efcrit, traduit
comme s'enfuit :
Ce mois d'Aouft, comme nous Novs eftions quelque nombre de
voyons, fut trempé au fang de plu- prifonniers pour la parole de Dieu ,
qui fufmes menez en la maifon de
fieurs, quigleterre.fut
Le 13.efpandu
iour deau cepays d'An-
mois, fix
furent bruflez en vn mefme feu en la l'Euefque de Londres, enuiron les neuf
ville de Cantorbery , affauoir le fei- (r, William Coker, Richard Colliar, Henry
gneur Gvillavme Cocker, gentil- Laurence, William Hopper. William Stère,
homme, Richard Coller, Henri Richard Wright. Voy. Foxe, VU. H9.
Laurence, Gvillavme Hopper, Gvil- (2) Nous ne trouvons, ni dans Foxe ni
dansBurnet, de nom correspondant à Roger
Cirier. Le nom de la localité doit être
Taunton.
(i) D'après Foxe, Denley fut brûlé à Ux-
bridge Le 8 août. ()) Sur George Tankerfield, voy. Foxe,
(2) Newman fut brûlé à Saffron-Walden , VU, 54). Il souffrit le martyre à Saint-
en Essex, le ji août. Albans, le 26 août.
()} Elisabeth Warne (appelée également (4) William Bamford est mentionné seule-
Mary), veuve de John Warne, qui fut le ment par Foxe dans une lettre du martyr
compagnon de supplice de Cardmaker. Voy. Robert Smith a sa femme (VU , 569).
p. 159, supra, et Foxe, VU, 542. Elle fut (5) Voy. la note 5, p. 252, supra.
brûlée à Stratford-Bow. (6) Foxe, VU, J47-J69. Crespin, 1564,
(4) Crespin . 1)64, p. 664; 1570, f" ;o;. p. 664; 1570, f> j6j.
256 LIVRE SIXIEME.

heures du matin. le fu le premier à puante ordure, à voftre grande confu-


(ion. » Ayant ainfi parlé , on me fit
qui lEuefque parla en fa chambre II commandement de me retirer au iar-
me demanoa premièrement mon nom,
puis quel temps il y auoit que ie ne din,
frère pendant qu'on
Heroald (1). examineroit
Quand le
il euft efté
m'efloi confelTé au Prellre. « Des lors examiné, on me remena derechef vers
(di-ie)que ie commençai à auoir quel-
que intelligence & raifon, & auffi ie l'Euefque, lequel m'interrogua fi i'eftoi
n'ai iamais en ma vie eftimé qu'il fuft de mefnie opinion auec Heroald es ar-
aucunement befoin que ie filTe telle
ticles, premièrement touchant l'Eglife
confeffion de mes péchez, principale- catholique. Sm. « le croi qu'il y a vne
ment àtelle forte de gens, lefquels, à Eglife vniuerfelle en terre , ou vne
tort & fans caufe, vous appelez Pref- congrégation des fidèles, laquelle fainél
Paul dit eftre fondée fur les Apoftres
tres,
Bo. « que Dieu n'atu point
Vrayement ordonné.
déclares alTez du« & Prophètes, dont lefus Chrift mefme
Ephef.
premier coup que tu es hérétique ; toi, eft la mairtrefTe pierre angulaire. La-
di-ie, qui t ennuyant de ton meftier
de peintre, maintenant te iettes fur la faids & quelle
didsEglife fur
s'apuye totalement
la parole de Dieuen ,
Théologie ; & de la vocation en la- & vfe de l'authorité d'icelle en tout
quelle tu te deuois contenir , tu te & partout, fans laquelle parole icelle
La condition ne peut & ne doit rien faire auffi ; de
de Robert mets en herefie. » Sm. « le n'ai point laquelle pour certain ie fuis membre
pratiqué ce meftier afin que moi & ma
Stnyth. fille en fuffions nourris , car fans ce par la grâce de mon Dieu. » Bo.
meftier (grâces à la bonté de ce bon « Vous fauez vous autres, que fi quel-
cun des frères a offenfé, & fi, après
Dieu) il y a eu alTez pour nous entre-
tenir iufques à maintenant , & autant tous moyens eft"ayez, icelui ne veut en-
honneftement qu'homme de ma qua- trer en quelque reconciliation, le pre- Matth. 18. i(
lité. »Bo. << Combien y a-il que tu as mier remède eft que cela foit dit à
receu le facrement de 1 autel r & outre l'Eglife. Or fi voftre Eglife eft de telle
cela, quelle eft ta foi en ceft article ? » forte , où eft-ce que ie la trouuerai
Sm. i< le ne l'ai point receu , depuis finalement, afin que i'aye mon recours
que mon Dieu m'a donné bon fens àSm.
icelle,
« Il fiapert
quelque fois l'en
es Ades desai Apoftres,
befoin ? »
& intelligence vraye ; & s'il lui plait ,
que lors que la tyrannie regnoit &
ie ne le receurai iamais plus, puis qu'il exerçoit fes cruautez contre la poure
ne refpond point à l'inllitution de Eglife , les frères, pour la malice des Aaes i. 2. &
Dieu, ni de nom, ni d'vfage. » Bo.
« Ne crois-tu pas que le vrai corps temps, furent contraints de faire leurs
de Chrifl qui ell né de la vierge Ma- aflemblees en petites maifons & lieux j
rie, eft naturellement, realement & en obfcurs & fecrets,
fubftance au Sacrement, après les pa- les noftres le font ; comme auiourd'hui
& neantmoins cela '
roles de confecration .' » Sm. " le vicn
n'empefchoit point que telles an"em-
de dire que cela n'a rien de l'inftitu- blees ne fuffent l'Eglife de Chrift. »
I. Cor. ç. J.
tion diuine, tant s'en faut que ce pain Bo. « Car
conue. Maisfaind
leur Paul
Eglife eftoit
efcrit aux afl^ez
Co-
foit Dieu, ou quelque fubftance d'ice-
lui ; c'eft feulement pain & vin, félon rinthiens, qu'ils ayent à punir l'homme
la fubftance de la matière. "
inceftueux. Que fi l'Eglife n'euft efté
Apres plufieurs paroles & obiec- pour lors
tions , Boner vint finalement à dire point efté vifible
licite à &SainA euidente, il n'euft
Paul de faire
qu'il ne pouuoit autrement faire finon ce qu'il a fait. Mais voftre Eglife n'eft
m'enuoyer au feu. le lui refpondi : nullement conue, & ne la peut-on
K Vous ne me ferez rien , que vous trouuer. » Sm. ■< Si elle ne vous ef-
n'ayez défia de long temps fait à des toit conue , comment la pourriez-vous
perfonnes qui valoyent mieux que moi ; perfecuter prefque en tous lieux ?
Mais tout ainfi que cefte Eglife de
ne penfez
de Dieu puiflfe pas que
eftrepour cela l'Efprit
efteint, ou que Corinthe n'eftoit conue que de Dieu
pourtant voftre caufe foit faite meil- & de Saind Paul en ce temps-la,
leure vous
; auez beau meurtrir & ef- auffi celle de prcfent, que vous def-
pandre le fang innocent , vous ne chirez , n'eft vifible finon à Dieu & à
fes fidèles. »
pourrez faire qu'aucun emplaftre cou-
ure voftre iamais àinfede;
nerezplaye telle vous ne l'amè-
guerifon, que
(1) Iltionnas'agit de Stephen
dons la notice qui suitHanvood, men-
celle de Smith.
quelque fois elle ne fe creue en
ROBERT SMYTH.

SvR cela, quelcun de la troupe des ne pouuez alléguer rien de tout cela,
preftres de ceft Euefque dit : u Mon & n'eftoit point lors contenu en deux
ami, ie voi bien que vous n'eftes ni lieux Notez.
fimple ni idiot. » Sm. « le fuis qui ie efté. », Lecomme
preftreauffi
oyantil ces
ne propos,
l'a iamais
ne
fuis par la grâce de Dieu , & i'eftime peut autre chofe faire que ietter des
qu'elle brocards & fe mocquer de tout ce qui
moi. I) n'eft
Bonerpoint du tout inutile
fe foufriant lui diten :
Il Or fus donc , di moi quelle eft ton auoit
De efl.é dit,nous
là on puis mena
s'en alla.
en la falle de
opinion touchant l'Eglife. » Sm. « l'ai
defia refpondu fur quels fondemensla &l'Euefque,
officiers ne en firent
laquelle
autreles chose
feruiteurs
tout
le iour que nous agacer de paroles
vraye Eglife efl apuyee; & l'afferme
derechef que par l'Angleterre il y a outrageufes, iufques à ce que le Geô-
vne congrégation fidèle , comme par lier, voyant leur iniquité outrecuidee,
nous ferra en vne autre chambre en
toute la terre.
Corinthe, Et quant
ie refpon que àlàl'Eglife de
il y auoit laquelle nous eufmes plus de repos ,
vne congrégation fidèle, mais tous les
cependant que l'Euefque eftoit allé en
efleus n'y eftoyent pas enclos. " Bo. la fynagogue pour prononcer fentence
«' Qu'entens-tu par ce mot Catholi- de condamnation contre monfieur Den- l'hiftoire
De au
ces deux
que? & qu'appeles-tu Eglife.' » Sm. leye & monfieur Neuman. Cela faift,
« Ce mot Catholique lignifie vniuer- l'Euefque mena le maire de la ville inscrite. eft
en la chambre où nous eflions , afin précèdent
fel. L'Eglife efl vne compagnie ou af-
femblee d'hommes Chrefliens vnis & qu'il affiftaft à la conoilTance de noftre
conioints enfemble. " caufe. Boner me fit appeler le pre-
Quelque temps après, iefusenuoyé mier en la chambre haute ; là le Maire
au iardin, où ie demeurai quelque ef-
pace auec le frère Heroald; & ainfî & vn autre gouuerneur de la ville s'af-
firent auprès de l'Euefque, & pots, Notable
que nous eflions enfemble, vn pref- flafcons & bouteilles pleines de vin
trotoyent par tous les coins de la des luges.
tre de l'Euefque Boner vint vers préparation
moi (i) , lequel me fit cefle demande, chambre, cependant moi miferable ef-
affauoir fi ie ne penfoi pas efire pri- toi reietté loin & mefprifé de tous.
Cela me fit fouuenir comment Pilate &
fonnier. le refpondi que i'eftoi voire- Herodesfe reunirent enfemble & firent
ment prifonnier quant au corps & af-
fuietti fous la volonté de celui qui me complot contre Chrift, duquel cepen-
detenoit, mais que i'eflois afranchi du dant nul ne deploroit les torts & ou-
Seigneur par lefus Chrift. Apres cela,
trages. Finalement, après qu'ils eurent
nous difputafmes longuement de fon affez bien goufté , l'Euefque demanda
dieu & du facrement de l'autel qu'ils les articles & les fit reciter, & me de-
manda fi ie les auoi prononcez ainfi
appelent; finalement ie l'amenai à ce
poinft
fon dieuqu'il confeffadedans
deualoit ouuertement
le ventreque& qu'ils eftoyent couchez par efcrit.
Sm. « le n'ai rien proféré, di-ie , de
puis eftoit ietté au retraift, & que cela bouche , que ie ne le fente en mon
ne diminuoit rien de l'honneur de cœur. I) Boner, adreffant fon propos
Dieu , encore que les luifs, qui lui au Maire, lui dit : « Monfieur, ceft
font ennemis mortels, lui euffent cra- homme-ci eft hérétique obftiné, méri-
ché contre la face. Smyth. « Mais tant la mort ; toutesfois, pour ce que
vous qui eftes amis, de le plonger de- ce bruit court de moi, que ie me bai-
dans vn retraiâ; , ne meritez-vous pas gne au fang des hommes , combien
plus grieue condamnation ? Le pref- que Dieu me foit tefmoin, que iamais
tre , en tergiuerfant , cerchoit tous en ma vie ie n'ai appeté le fang
moyens pour efchapper, & finalement d'homme quelconque , i'ai retenu au- 17
fut contraint de recourir à ce fubter- iourd'huiceft homme-ci en ma maifon,
fuge, difant : l'humanité de Chrill in- de peur que fa caufe ne fuft démenée
comprehenfible , comme il entra à fes deuant l'audiance où i'eulTe vfé de
difciples , iaçoit que les portes fuffent mon droift & authorité , fans le faire
fermées. » Sm. « Cela ne fait rien à ici venir. Et neantmoins ici en voftre
voftre propos, car lors fes difciples &
prefence ie le prie & obtefte qu'il re-
Apoftres le voyoyent , oyoyent , ma- tourne au bon chemin. Et s'il le fait,
nioyent de leurs mains, & vous autres ie lui promets de ne lui rien imputer
de tout ce qui a efté fait iufques a
(i) Ce prèue est nommé le D' Dee. par prefent. le veux que vous , monfieur
Foxe, édit. de 156;, p. 125;. le Maire, & vous auffi qui eftes ici pre-
11.
2>8 LIVRE SIXIEME.

fens , foyez tefmoins de la promelTe ce pain & beuurcz de ce calice, vous


que ie fui. » Sm. » Monfieur, fi vous annoncerez la mort du Seigneur iuf-
dites ceci deuant monfieur le Maire
& monfieur le Capitaine, que vous 3luesà tant qu'il vicne. » L'annonciation
lonc de la mort du Seigneur ne gift
auez en horreur reffufion du fang , pas moins au pain qu'au vin. n Boner,
Certc cruauté monllrez-le p.ir effed. le vous fup-
a cil'l' mifc aprèstre àtable.
ce propos, s'en alla lepour
Et monfieur fe met-
Maire, qui
ci dessus en plie , quand dernièrement mon com-
l'hiiloirc de pagnon, Thomas Toinkins (i), fut par ■uioit elle affis près de lui , m'admon-
Tomkins. voflre commandement amené deuant neda que ie fauualTe ma vie. le ref-
vdus, de quelle cholere vfaftes-vous pondi, que le falut de mon ame ef-
enuers lui? Car, en la première pro- toit bien & feurement gardé en lefus
cédure, vous lui (îftes brusier vne main
Chrifl. De ma part ie le priai qu'il
contre vne lampe ardente, &, peu de confiderall de qui efloit le glaiuc qu'il
iours après, vous filles hrusier tout Ion portoiten main. Quand ceft examen fut
corps, le me déporte de piufieurs au- paracheué, l'Euefque donna congé à
tres fidèles de Chrift & fubieds pai- tous qui auions elle interroguez auec
fibles de la Roine, lefquels vous auez alTez mauuais vifage, & derechef fuf-
traitez de mefme. Et quelle plus grande mes remenez en la prifon de Newgat.
douceur attendroi-ie maintenant de
Et quant à moi, aul'Euefque
particulièrement Geôlier, ordonna
que ie C'eft vn groton
vous, qui elles monté à fi haut degré
de fureur , ayant fait mourir tant de fuffe mis à part au Limbe de la prifon. fous terre .
Martyrs innocens du Fils de Dieu ? qu'on appelle
Si voftre cœur eft tant enclin à clé-
mence & bénignité , comme vous di- ainfi.
tes, comment fe fait cela que celle vof- Le fécond examen de Robert Smylh,
tre bénignité & clémence ne me lailTe fait le Samedi enjuiuant, auijucl il
aller incontinent .' Quelle raifon y a-il ejl traité de la Con/effion ajj'e:{ am-
que, fans aucune neceffité, vous faites
vne requelle fi rigoureufe de ces ar- plement.
ticles, aufquels nulle loi ne me con- Le Samedi fuiuant , enuiron vne
Boner ne fe
traint de refpondre ? » « Or fus, dit
purge de rien, heure (i) , le Geôlier m'amena en la
mais fait Ton Boner, c'efl alTez de cela, venons au chambre de l'Euefque Boner, & lui
rempart de Tes facrement de l'autel. Quelle en eft ton ellant feul affis & n'ayant qu'vn Gref-
interrogations. fier, parla à moi en cefte façon : » Toi,
opinion- N'cflimes-tu point que le
mefme corps qui ell nai de la vierge
Marie y foit en la mefme chair, mefme aRobert
nulle Smyth
Eglife ,catholique
maintiens-tuici qu'il n'y
? « Sm.
fang & mefmes os.'' » A cède de- '< Regardez à mes articles que vous
mande ie refpondi fuffifamment , & fiftes hier mettre par efcrit & vous en-
quand & quand monflrai la vraye inf-
Luc 22. IQ. titution de la Cène fous les deux ef- y a vne tendrez par iceuxEglife
feule que iecatholique,
confefl'c qu'il
de
peces. Boner crioit à rencontre, com- tous les membres d'vn feul homme
batant pour fon Sacrement , que nous qui ell lefus Chrirt. » Bo. « Et de la
Confeffion.
n'ellions que belles ignorantes, A que confeffion .' n'eft-elle pas falutaire &

I
les paroles de Chrid : « C"c(l ci mon neceffaire en l'Eglife de Chrift .> »
corps,» font ouuertes, claires & fermes. Sm. n le refpon encores ce que ie di
Harpsfild, le grand Archediacre, hier : Quehommesi'ai conufontque ordinairement
les confcien-
qui elloit prefent, rompit le propos de ces des
Boner & dit : « Ce que le Seigneur a defcouuertes fous ce fard de confef-
voulu que le Sacrement de fon corps fion, que les fecrels des Rois & Prin-
fufl reprefenté fous deux parties, con- ces font reuelez par ce moyen , lef-
tient double quels eftans grandement abufez par
clare tant le myfiere,
corps que pource qu'il dé-
la paffion du les preftres , après leur auoir déclaré
corps, félon que S. Paul en rend (ef- leurs péchez , defquels ils defiroyent
moignage. Parquoi le pain efl fuit le fort cftre deliurez , depuis leur ont
corps À le vin repréfente l'effufion du donné tenir
groffeabfolution fomme d'argent
& ont achetépour ob-
chère-
fang. i> Sm. • Vous corrompez les pa-
t. Cor. II lï roles de S. Paul, pour les faire feruir ment des MelTes pour le falut & ré-
à voftre propos, car il a dit : <> Toutes demption de leurs âmes.
fois & quantes que vous mangerez de Entre ces propos & diuerfes inter-

Voy. pajjc 141 , iufTJ. (1) Foxe dit : huit heures.


ROBERT SMYTH.

rogations de Boner, Smyth, comme il


gué. » Bo. " Quelle raifon y a-il qu'on
eftoit d'vn efprit prompt, mit en auant change la cérémonie de noftre Bap-
Ce preflre ne
fauoit rien quelques importures d"vn preftre qui tefme ,félon qu'elle eft inftituee > ou
au pris des auoit edé caufe par illufions qu'vn que contient-elle en quoi on puifte
lefuiles. Gentil-homme de Northfolc , tour- dire que nous-nous fouruoyons de la
menté en fa confcience, fruftra fes hé- reigle de la parole de Dieu? » Sm.
ritiers de fon bien pour le donner à
« La confecration de l'eau , l'exor-
ce Preftre. « Vous fauez aul'fi (dit Smyth cifme tion
oudesconiuration, le crefme,que
enfans , le crachat l'onc-
les
en prefence du Maire) comment vos
predecelTeurs ont fait mourir le fidèle preftres mettent en la bouche des pe-
& conftant martyr de Chrift, Richard tits enfans, & tels autres fatras & cé-
Ricliard Hun. Hun (i), comme en premier lieu ils
Cruaulez rémonies defquelles il n'y en a pas
horribles. lui firent appliquer des aiguilles ar- vne feule qui foit aprouuee par la pa- Des ordres.
dentes dedans les narines, qui le per- role de Dieu. » Bo. « Or fus, que
cèrent iufques au cerueau, puis pendi- veux-tu dire du facrement des fainds
rent fon corps, perfuadans au fimple ordres.? « Sm. « Mais il faloit diredes
ordres defordonnez. Tous autres or-
peuple que ce
toit eftranglé de bon perfonnage
fa propre ceinture.s'ef-Il dres aprouuez ont Dieu pour autheur
•y eut aufl] vn Euefque de Londres &mais
par vos
lui couronnes,
ont efté introduits en l'Eglife,
deuant vous, Monfieur, qui ayant vn vos engraiflTemens
ieune homme de bonne vie & innocent & ondions, vos tonfures, vos cheueux
en fes prifons & ne le pouuant autre- arrondis & tels badinages, ne fentent
ment veincre, le fit eftouffer fecrette- rien de l'inftitution de Dieu, & c'eft la
ment , puis fit découper fa chair auec
des cifeaux & depuis fit courir le bruit raifon pourquoi ie n'y adioufte point
de foi. Et, pour vous dire la vérité,
que les fouris l'auoyent ainfi mangé. monfieur, fi vous auiez faine intelli-
Ce font les rufes de guerre des Euef- gence & vraye oniftion diuine, vous ne
ques, defquels (comme on peut voir)
vous desfigureriez iamais d'vne telle
vous n'eftes forligné, vous qui ne pou- façon comme vous faites. » Bo. Boner homme
uez ouurir la bouche que ne iuriez, « Dis-tu? Mais cefte tefte miene fera cruel & de
qui eft voftre façon pour maintenir rafee , par ma foi & tout maintenant, cerueau léger.
vos ordonnances. » Boner commanda
voire pour cefte raifon mefme, pour fi-
incontinent à vn fien feruiteur de ré-
diger entre fes regiflres le récit fait gne que tu ferasbrusié. «Toutà l'heure
il commanda qu'on lui fift venir le bar-
du gentil-homme de Northfolc. Vn bier, &, fe retirant en la chambre pro-
Le cheualier cheualier furuint en ces entrefaites, chaine, ilfe fit raire (i).
Mordant.
afin qu'il fuft prefent à l'examen , le-
quel auoit à nom Mordant (2). Boner
puis après parla à moi, difant : » Smyth,
quelle eft ton opinion touchant les De la façon de procéder de Boner, on
fept facremens de l'Eglife.^ Crois-tu peut facilement conoiflre que, fous
que Dieu les ait ordonnez & inftituez.'' vne fotte & malkieufe légèreté, il
aflfauoir le facrement de l'Autel, de la exerçait neantmoins & pourfu/uoit
Confirmation, du Baptefme , du Ma- fa cruauté contre les fidèles.
riage & les autres. » Sm. « le croi Sentence de
qu'il n'y a que deux Sacremens en Cela fait, Boner commença à reci- condamnation
ter le contenu de la fentence de ma de Smyth.
l'Eglife Chreftienne , aflfauoir de la
fainde Cène du Seigneur & le Sacre- condamnation : « Au Nom de Dieu,
ment de la régénération. Car quant Amen , &c. » Smyth dit ce mot en
au facrement de l'autel & vos autres palTant : « Vous commencez mal vof-
facremens forgez & controuuez, le ne tre fentence par ce nom. Où eft-ce
fai pas comment ils feruent à voftre
que l'Efcriture enfeigne de donner
profit, tant y a que l'Eglife de Chrift fentence de mort fous ce nom, quand
ne les reconoit ni auouë, & de moi ie
ne voudroi nullement communiquer à il n'eft queftion que du faid de la con-
fcience? » Boner paflfa outre. Et
iceux, ni faire chofe pour laquelle vous
quand il l'eut toute récitée iufques à
m'en deuffiez interroguer ou que moi la fin, il fit foudain retirer Smyth, le-
en deuflTe refpondre eftant interro- quel adrelTant fon propos au Maire ,
lui dit : « Monfieur le Maire, ne vous
(1) Voy. i. 1 , p. 252.
(2) Voy. p. 128, supra.
(ij Raser.
20O LIVRK SIXIEM1-:

futfifoii-il pas d'auoir luilFii la voye du


Seigneur , finon qu'auec cela vous
foyez prcfoin à condamner lefus EsTiENNE Harwod (i), & autres.
Chrift à tort & Tans caufe ? » Boner
refpondit : <i Tu nu pourrois dire que
QvATRE iours après, affauoir le tren-
le ne t'aye prefenté ce qui e(l iufle i& tiefmedudidmois, Estienne Harwod
raifonnable ; le t'ai offert des gens fut bruflé à Stradford (2), & Thomas
pour t'enfeigner
retourner & chemin.
au dr 'id t'admonnefler de
Mainte- FvsSE à Ware (?). Iean Nevman, qui
nant donc appelle Boner fanguinaire auoit efté compagnon de la prifon
auec Iean Denleye. fut bruflé le len-
& defirant l'effulion du fang humain » demain àSafronwald (4 ; et ce mefme
« Monlleur l'Euefque , » dit Smyth, iour Gvillavme Harles fut bruflé à
« encore que ma bouche ne s'ouure Barnet (^), et tous pour la defenfe de
iamais pour dire vn feul mot de vos
faids, ou que Iamais ceux qui font ici l'Euangile du Fils de Dieu.
ou les autres n'en facent mention pour
les publier; tant y a neantmoins que
ces pierres crieront plulloft qu'iceux
Proteltaiion ne vienent en lumière. » Boner s'ef- Robert Samvel, Anglois (6/.
de Smyth. cria : <■ Oflez-le moi d'ici, oftez-le vif-
tement. » Smyth protefta en difant : En cejh hijloire de Robert Samuel,
« le vous appelé en teCmoignage ,
vous qui eftes ici prefens, & qui oyez minijhe de Barholl (7) , /'/ e/i fait
ces chofes , comment on nous traite mention de deux femmes fionno-
rahles , ajfauoir Anne Pottene &
auiourd'hui, eftans condamnez comme d'vne autre qui ejloit femme d'vn
hérétiques , fans alléguer vne feule nommé Michel (8) , lefquelles deux
caufe de telle condamnation qui foit
tirée des Efcritures , &. fans aucune- furent bruflees à Ipfmtch , dont ci
après la mort heureuje fera dejcrite.
ment prouuer que nous foyons héréti-
ques. Et maintenant , monfieur le Le/prit doux & gracieux de ce Sa-
muel, après la i>eïiemence de Smyth,
Maire, i'adrelTe cefte parole à vous; confolera & édifiera grandement le
vous di-ie , qui auez receu de la main Lecteur.
du Seigneur la puilTance du glaiue pour
repouller les outrages faits aux pau- Plvsievrs, tant hommes que fem-
ures affligez , en voulez-vous abufer mes, font fortis du diocefe de Suffolk
pour les faire mourir r Mais ie remets
en ce temps-ci, qui ont heureufement
toute la caufe à Dieu , qui iugera & fouffert le martyre pour le Fils de
fera vengeance iullement , deuant le Dieu : mais entre autres la vertu de
fiege iudicial duquel vous & moi com-
paroiftrons quelque fois. Lors vn iufte Robert Samuel mérite bien d'eflre
mife par efcrit. Il elloit minidre de
iugement fera fait de ma caufe, & ne
fe fera point que ce ne foit à voftre l'Eglife de Barholt, qui ell au Comté
de Suffolk, inllruifant fidèlement &
grande honte, linon que vous vous re- auec grand frui<ft le troupeau qui lui
pentiez en vérité & de bonne heure. ertoit commis du Seigneur, & ne ceffa
Mais ie prie le Seigneur qu'il vous de faire fon office iufques à tant que
ottroye vraye repentance. félon qu'il la violence des temps ne le permit
conoit vous ertre expédient & vtile. »
Cela dit , tout incontinent on fit
(1) Foxe, t. VII, p. 560. Crcspin, 1504,
remener Smith auec fes autres compa- û7r, 1570, f )05.
gnons prifonniers à Ncwgat, qui eft (2) Scephcn Harvvood, nommil- Huroald,
la pnfon des extrêmes condamnations dans la notice précidcnle. Il fui exi'cuté à
Slralford.
de HKjrt. Il fut toll après bruflé en la
ville de Stanes, & de mefme conf- ()) Thomas Fust.
(4) Saffron-Walden. Voy. p. 252, supra,
iance qu'il auoit fouflenu les combats t;i William llalc, à Barncl, qui fait au-
f)recedenis, il endura le tourment de jourd hui parlie de Londres.
((> Voy. Fo.\e, t. VII, p. 371. Crespin ,
a mort, le vingtfixiefme iour d'Aoull , 1504, p. 07): 1570, f> )0Ç.
de cefl an m o.lv (i). (7) La premiOre édicion de Foxe écrit
Barholl, et les suivantes Barfold. C'est pro-
bablement Bargholt, en SulTolk.
(8) Une notice .sur ces deux femmes, Anna
Potten et la femme de Michel Trunchlicld.
eut(i)lieu
D'gprcs Foxe (VII.
& Uxbridgc, )6;), ce martyre
le 8 aoù(. se trouve plus loin , à la fin de ce livre VI*.
ROBERT SAMVEL. 261

plus. Finalement eftant depofé de fon


En toute cefte perfecution , on n'a
eftat par l'autliorité & mandement de point trouué
félon à tourmenterqu'il y en les ait eu vn Vrai
fidèles. plus
la Roine, c*t cliaffé de fon Eglife auec
les autres fidèles Pafleurs, il ne peut eft que les autres Euefques ont fait
euiter la malice & oppreffion du beaucoup de fafcheries & ennuis aux
fidèles ; toutesfois ils fe font conten-
temps, & toutesfois il ne lailVa d'eftre tez de faire emprifonner & mourir, &
foigneux de les brebis. Car iaçoit
qu'il ne lui fuft loifible faire en public ne fauroit-on dire fi aucun d'iceux a
ce qu'il euft bien voulu, tant y a qu'il vfé de fi griefs lourmens qu'a fait cef-
s'efîorçoit de faire ce qu'il pouuoit , tui-ci, qui en a tourmenté plufieurs fi
pour confermer particulièrement les miferablement , & fait defdire aucuns.
fidèles. Ceft Euefque donc penfant faire le
En ce temps-la, fut faid vn edid par femblable à Robert Samuel, le fit pre-
la Roine, & publié par Commiffaires, mièrement mettre en vne prifon fort
Ordonnance obfcure , en laquelle il eftoit attaché
de Marie con- que tous Preflres qui s'cftoyent ma-
tre le mariage riez du temps du Roi Edouard euf- debout à vne poultre
des Prellres. fent à fe deffaire de leurs femmes, & eftoit contraint de fe ,tenir
en forte qu'il
toufiours
retourner derechef à leur célibat (i). fur fes pieds. Et auec tel ennui il y
Robert ne voulut obéir à ceft edid , en auoit encore vn plus grand & beau- La confiance
pource qu'il le voyoit inique; & ef- coup plus difficile à porter, aftauoir de Samuel
timant que, pour les ordonnances hu- que, pour toute viande, on lui donnoit en tourmens
maines, illie lui elloit licite de violer trois morceaux de pain, & pour breu- fi horribles.
les commandements de Dieu, il retint
fa femme & faifoit fa demeurance à uage trois culierees d'eau le iour; &
cependant toutesfois ce martyr eut
force pour fouftenir tels tourmens. En
Ipfwitch,
oifif ; ains,auquel lieu il
toutesfois & n'elloit
quantes point
que cela peut on confiderer la forcenerie
diabolique des ennemis, & la force
l'opportunité fe prefentoit, s'employoit admirable du Fils de Dieu en fes
fecretement à inftituerl' Eglife, laquelle
auoit eflé affez grande en ce lieu-la. feruiteurs. Finalement eftant con-
Le Gouuerneur en ce diocefe, qui ef- damné au fupplice du feu , il lui fut
porter, admi- toit nommé Porter (2) , auerti de tout facile de fubfifter au milieu de tant de
niftrateur
ceci , mit des efpions pour prendre
d'Ipfwitch. tourmens par lefquels on l'auoit exercé
garde quand Robert tiendroit fa àen toute extrémité.attendant
Et ainfi qu'il eftoit
femme auec foi en fa maifon , pour tels deftroits, le dernier
l'empoigner & mettre en prifon. Les tourment , on l'ouit ainfi parler des
efpions ayans donné auertilTement , chofes qui lui eftoyent auenues en la
quand & quand le Magiftrat acourut,
& la maifon fut enuironnee de fergens prifon, affauoirque, lorsqu'il eftoit aux
ceps , après qu'il euft efté tourmenté
& officiers , & leur fut facile de pren- de foif & de faim défia l'efpace de
dre Robert Samuel, car il fe prefenta quelques iours , il fe print à fommeil-
de fon bon gré fans refiflance. Sa 1er au milieu de fes angoiffes ; &
prife fut faite de nuid, d'autant que le ainfi qu'il commençoit à dormir, il lui
magiftrat craignant le tumulte & fedi- fembla qu'vn homme veftu de blanc Chofes
miraculeufes
tion du peuple , n'ofoit faire cela de aparut , qui le confoloit , difant : auenues à
iour. Ainfi eftant conftitué prifonnier « Samuel, Samuel, aye bon courage,
Samuel.
à Ipfwitch, fut alTez doucement traité
& efioui-toi,
ras ne foif ne carfaim.
après» ce iour tu n'au-
tant qu'il y. demeura ; mais il fuft
emmené de là bien toft après, car l'en- Avant qu'eftre tiré de la prifon, &
uie des malins fut caufe qu'il fut mené au dernier fupplice, il pafTa quel-
L'Euefque
de Nor uich. trainé à Noruich, où l'Euefque dudit ques iours fans fentir ne faim ne foif, &
lieu (5) le traita fort inhumainement. manifefta ce bénéfice de Dieu à ceux
qui le conduifirent à la mort. Il dit
(i) Dans les instructions envoyées par d'auantage qu'il pourroit reciter autres
Marie auxévêques, il leur était recommandé chofes femblables, & combien de fois
expressément " de chasser les ecclésiasti- lefus Chrift lui auoit fait fentir fes

I
ques mariés et de les contraindre de se sé-
parer de leurs femmes. )3 (Burnet, trad. confolations au milieu des ennuis ex-
franc, de 1687, p, 6Ç2.) Le même auteur trêmesfi
, la honte de reciter ceci de
estime à trois mille le nombre des ministres
expulsés de leur cure pour cette cause.
(2) Juge de paix à Cobdo, en Suffolk.
(;) John Hopton . chapelain de la reine à 1558. Il se signala par son fanatisme anti-
Marie, occupa le siège de Norwich de 15)4 déposé peu
nt. 1 futmourut
d'Elisabeth ,protestaet de l'avènement
lors après.
262 LIVRE SIXIEME.

foi mefnie ne l'cull cmpefché ; mais il CoE, à Yexford (1) , qui fut le troi-
euft elle à dcfircr que cefle ame tant fiefme de Septembre.
débonnaire ne fe fufl monftree fi mo- On en brusia auffi cinq enfemble, le
cieAe ou craintiue en ccfl endroit , fixiefme iour dudit mois, en la ville de
afin que la bonté ineftimable & la fo- Cantorbie, affauoir George Brad-
licitude de Dieu enuers les fiens fuft BRIDG , IaQVES TvTTYE , ANTOINE
tant plus telliliee à tous de ce temps BvRWARD, George Catner, & Ro-
prefent, pour plus ample confolation bert Stevter (2). Iaqves Lieff (3)
& afi"eurance en aducrfité. Ceci auffi mourut en la prifon de Newgat à
Viûon de trois efi digne d'eflre recité , de trois ef- Londres, l'onziefme iour dudit mois.
efchclles. chclles lelquelles lui furent monftrees A LiTCHFELD, ce iiiefme iour, furent
en dormant, comme il difoit, &' ce bruslez
VAY U). pour vne mefme caufc, Tho-
que plufieurs lui ont oui reciter. Elles mas Hayward & Thomas Gor-
elloyent enfemble drelfecs en haut
Richard Smyth, Gvillavme An-
vers le ciel : l'vne efioit vn peu plus dré & George Bing moururent en la
haute que les deux autres ; & finale-
ment toutes trois furent alVemblees en tour nommée des Lolards, &, après
vne. On pourroit dire que ce lui fut la voirie
leur mort (ç).
, leurs corps furent iettez à
comme vne reuelation dénonçant le
martyre, premièrement de lui, puis de
deux femmes Chreftiennes, lelquelles
furent bruflees quelque temps après
en la mefme ville, le fuyuans comme
pas à pas à la vie éternelle, defquelles PoMPONivs Algier , Neapolitain (6).
il fera parlé ci après en fan lieu , &
félon l'ordre des temps (i). Or ainfi La diiicrfité des efprits & nations rend
qu'on le menoit au dernier fupplice , les merucUles du Seigneur admira-
La vertu d'vne vne honnefle lille le vint baifer en che-
ieune filledeen niin, laquellw fut remarquée des enne-
la mort
Samuel. mis ,& on la cercha le lendemain (i) Roger Coo (et non Thomas), de Mel-
ford, en SulTolk, brûlé à Yoxford (Foxe,
pour la prendre & conftituer prifon- VII, !80.
niere, t^ puis faire brufler; m^iiis Dieu (2) George Brodbridge, James Tutty ,
la preferua de la main des tyrans, Anthony Burvvard , George Calmer et Ro-
combien quelle fud long temps après bert Strcatcr. Ils furent jugés par Thornton ,
dedans la ville, fans en fortir. Samuel évéque
était de de Douvres.
Calais ( Foxe,L'un
VII d'eux
, )8) ,). Burward ,
donc fut deliuré des tourmens de ce (l) Nous ne trouvons pas ce nom dans
Foxe.
monde, auparmilieu
endura vne mort precieufe,
du feu, qu'il
le deuxiefme (4) Thomas Hayward et John Goreway
(Foxe, Vil. ;84l.
iour de Septembre, mille cinq cens (5) Foxe indique George King. Thomas
cinquante cinq , en la ville mefme de Leycs et William Haie . comme ayant langui
dans la tour des Lollards, cl comme étant
Ipfwitch. morts, peu après en être sortis, des pri-
Andrew vations
périt qu'ils dans
y avaient enduré.
la prison William
de Newgale
S (5- f ? ■; Ç ,- ■: Ç t ^ « -t; t ^ .' -, « ^
Quant à Richard Smith, nous n'en trouvons
aucune mention dans Foxe. Voy t. VII ,
p. 171. La tour des Lollards, célèbre par
GviLLAVME Allyn, A autres en les souvenirs
diucrs lieux. existe encore lugubres
au palaisquiarchiépiscopal
s'y rattachentde,

àLambclh,
Londres. résidence
Elle tire du sonprimat
nom desd'.Anglelcrre
Lollards
Le lendemain que Robert Samuel qui y furent les premiers enfermés pour
eut efté bruflé, on exécuta Cvillayme cause religieuse.
(o) Crespin, M64, p. 674; 1570, (* j66.
Allyn, à Walfingham (2), & Thomas Comp. Pantaléon, Hislcria rcrum in Eccksia
CoBBE , A Chetford (?), & Thomas g'CsLjnim parssecunda, (" )28);2. Sur la
Réforme À Venise, voy. Jules Bonnet,
Ocniicrs Récils, p. 71, cl Bulletin . XIX,
(1) Voy. la noie 8, 2' col , p. 260, et la 145. 289, 449. Le nom du martyr était Pom-
notice à la fin du livre VI». pfnio Algieri. « Tous les détails des inter-
12) William .Allen, «ierviicur, brûlé à Wal- rogatoires d'Algieri, ■■ dit M. Bonnet, ■> sont
singham pour avoir icfusc de suivre une co[ilirmés par les documents (jriginaux du
procession. Foxc, Vil, )8i. Crc^pin, iço^, procès conservés aux archives de Venise, u
p. 674; 1(70, f" )(>6. On lit , (>' 7 de rinterro^-atoire, in fine , celle
()) Thomas Cob, boucher Je Havvrill , réponse de l'accusé
eo bulTolk, fut brûlé dans la ville de Thcl- nuo inkrcissore cl ncn :,iltri liicc Christum
in cicio. Voicicsser
les
ford iFoxe, Vil, jBi). premiers mots de cette pièce : « Constitutus
POMPONIVS ALGIER.

bles,fpecialement quand vne harmo- durable, voire plus eflroittement qu'on m.d.lt.
nie & correjpondance de doSlrine Je
ne fauroit exprimer, il n'y a chofe de
void en tous ceux de/quels il je veut
feruir en fa cauje. Voici donc vn fi grande importance (pourueu qu'elle
vous fufl vtile) que ie n'entreprinlTe.
perfonnag'e du royaume de Naplcs, Voila pourquoi ie vous ai mainte-
que le Seigneur appelle pour rendre
tefnioignare à fa vérité deuant le mefme,nant mieux aimé par
mettant fatisfaire
efcrit qu'à
(ainfi moi-
que
plus grand monjhe de la terre, affa- m'auez requis) la foi que i'ai confefîee
uoir deuant le Pape , qui lors ejloit en la prefence du magnifique Gou-
Paul IV. uerneur de cefle cité, contenant brie-
PoMPONivs Algier, ilTu de la ville uement les poinds defquels i'ai efté
interrogué , combien que ie fuis con-
de Noie, au royaume de Naples, ef- traint de confeffer franchement que ,
cholier à Padouë', eflant circonuenu s'il euft
par quelques malueillans, fut accufé tiers euitéeflé poffible ; ,mais
ce labeur i'euffe volon-
faillant de
comme contempteur de la foi & religion refpondre à voftre bonne volonté , ie
Le Podettat Chreftienne deuant le Podeftat de la defailloi auffi à la miene. le me fuis
de Padouë. ^[\i^ _ qui gfl [g Gouuerneur & iuge contenté , pour vous obéir , de vous
ordinaire d'icelle. Il fe monftra fi con- efcrire la confeffion de ma foi, que fi
ftant & vertueux, tout ieune qu'il ef- elle n'eft munie de tant d'authoritez
toit, que la renommée en fut efpan- de l'Efcriture fainfle (comme il femble
due par l'Italie, de forte qu'après qu'ayez defir), ie vous prie m'excufer,
longue détention, finalement par le attendu que pour ce faire il faudroit
Magiftrat de Venife, en fouuerain ref- meilleure commodité & beaucoup plus
Pomponius fort, fut condamné à perpétuelles ga- de temps ; & de
d'autre
:ondamné aux leres. Plufieurs des Sénateurs de Ve- feroit befoin mettrecoflé
par auffi
ordre qu'il
,&
galeres. nife voyans l'érudition & les bonnes refpondre de poind en poinft aux
lettres qui eftoyent en lui, firent tous raifons des aduerfaires, ce qui feroit
efforts de le diuertir de fa confiance ; plus long que le Quarefme , comme
mais le Seigneur qui lui auoit donné on dit ; voyant, d'autre part, que le
ce commencement, continua fon œu- loifir ne m'en eft pas donné, d'autant
ure, fi que la mort en fut trefheureufe que ie ne fuis pas en mon priué, &
en la ville de Rome, à l'inflance du mefme ce peu que l'en ai m'eft fort
Pape , qui lors efloit des Carafîes fafcheux , à caufe des chaleurs extrê-
Neapolitains , Paul IV (1), & des mes ;bref, vous attendriez , félon le
Cardinaux , comme nous dirons ci- prouerbe , « l'enfantement de l'ele- C'eft à dire
apres.
peu Quant qui
recueillir, à prefent
eft le plu?
qu'on a
, ce certain & phant, « & auriez vne chofe mal efcrite chofe impof-
de mes incommoditez. Il m'a
à caufe mieux °'^'
digne de mémoire, ce font les con- femblé de vous enuoyer feule-
feffions , & l'Epiflre que lui-mefme a ment ce que i'ai dit & refpondu , &
efcrite des prifons à fes amis, en lan-
gue vulgaire, pour leur confolation & le plusfible,
brieuement
confermé mefmequ'ilparm'ales efté pof-
propres
en tefmoignage de la grâce que Dieu lois & canons de la cour Romaine, à
lui fit & continua iufques à la fin, la- leur plus grande confufion ; & ce à
quelle epiflre a eflé traduite comme l'exemple des Apoftres, lefquels con-
s'enfuit. ueinquoyent les Juifs, par leur propre
Loi , que le Meffias eftoit venu , &
'1 Mes frères, me reconoiffant obligé
qu'icelui eftoit lefus Chrift, lequel ils
à vous de lien perpétuel & à toufiours auoyent condamné & crucifié. Il eft
bien vrai que cefte miene confeffion

t quidam juvenis, indutus habitu laïcali.aetatis,


ut ex aspectu videbatur, annorum 2> in circa,
cum pauca barba flava. » Interrogatoire du
eft plus amplement enregiftree par le
pourautant
Greffierfaires, difans que mes aduer-
tantoft vne chofe, tantoft
29 mai IÎÇ5. (Derniers Récils, p. 120.)
(Il Jean-Pierre Caratfa. Napolitain, fut me fur-
vne autre, ne tafchoyent qu'à Seigneur
élu leans2) ,mai prendre en parole ; mais le
neuf sous1555, à l'âge
le nom de dePaul
soixante
IV. Iletentra
dix-
les furprendra aux filets & rets des
en lutte contre l'influence espagnole en ont au cœur,
ténèbres qu'ils confufion & les
Italie et s'allia à la France pour combattre confumera de & de rage,
Philippe II. Vaincu sur les champs de ba-
le leur ai fouvent fermé la bouche de
taille ,il se consacra a réformer l'Eglise et
à combattre l'hérésie et rétablit l'Inquisition
dans toutes ses prérogatives. ceci , affauoir que lors ie me retrade-
roi publiquement , quand ils me fe-
2A4
LIVRE SIXIEME.
l'E-
royent aparoir, par authorité de la toute fait vn corps myftique , qui eft aine
de Jefus Chrift. La particulière fe Abus de
fainde Efcriture, des erreurs qu'ils
difcnt que ie fourtien.
ic ne fuis M'alle^iiians de la vérité , comme gl'fe ^°"^
raifons friuoles, tenu de les le plusfouruoyer
peut fouvent on le void, & les Epif-
aprouuer, d'autant que la faindo Ef- tres de S. Paul , A les liures des an-
criture ,mefmes leurs dodeurs & ca- ciens Dodeurs. & les loix mefmes de
nons, défendent de ce faire, au cha- la cour Romaine, le tefmoignent. »
Tiré de la pré- pitre Noli mcis & au chapitre Qhi D. Il Pourquoi ne veux-tu eftre fous
face du ;. de
la Trinité en ncfciat, auec les deux fuyuans , en la l'Eglife Romaine.' Di-nous quelle er-
S. Auguft. & IX. diftindion. Et la longue couflunie
au 2. I. du ne me doit conueincre (ce qui eft reur elle a, laift"ant à part les abus. »
Baplefme. toutefois leur apui), veu que celle R. « LailTant à part les abus, il n'efl
ia befoin que ie refponde à voftre de-
qui répugne à la Loi de Dieu , quel- mande, d'autant qu iceux eftans oftez,
que ancienne qu'elle foit . ne doit ef- Rome mefme ne fera plus, & ainfi n'y
tre reçeue pour bonne , ains tenue &
aura
fois ieplusfuisd'Eglife
content Romaine.
, puis queToutes-
vous
fuye pour abominable, par le chapitre
De S. Augull.
Confucludinis & par le chapitre Con- voulez que ie parle des erreurs & non
en Cafulan.
l'Epift. 2.
j'ucludincm.
Pourtant ie en di ,l'onziefme
& dirai , Diflindion.
que la foi des abus (comtien qu'il y ait entr'eux
que ie tien cft Chreflicnne, apuyee fur peu de différence) de parler d'iceux
erreurs. le di que l'Eglife, que vous
l'Eglifc, purgée de toute herefie, pure appelez Romaine , a en premier lieu
& tincere. Que fi on fe veut oppofer
à Jefus Chrift, ie monftrcrai combien grandement erré, en ce qu'elle a voulu
& veut que noftre falut foit non feule-
ment fondé au fang de Jefus Chrift ,
eft grande
Dieu, la puiffance
& combien de l'Efprit
en ce regard de
eft mais auffi en nos œuures. Combien
foible la mauuaiftié des hommes. Ce- cela eft loin de vérité, il fe peut voir
pendant, frères, vous pourrez voir, par en faind Paul aux Romains, ;. chapi-
cefle miene confeffion , ce qu'ai ref- tre, aux Calâtes 3. à Timothee pre-
pondu aux perfecuteurs des Chref- mier, t% Ades iç. " D. « Tu nies
tiens , & aiiffi ce que ie tien imprimé donc les bonnes œuures } » R. <• C'eft
au autre chofe de nier les bonnes œu-
Matth. les cœur,
chofes vous auertin"ant
fajndes ne donner
aux chiens, ni les ures, & de dire que noftre falut vient
perles aux pourceaux. Je vous fupplie de Chrift par fa pure libéralité. le
de prier le Père éternel pour moi , tien que les bflnnes œuures font Matth. 7. 15
afin qu'il lui plaife me donner force, grandement necelfaires à l'homme
Chreftien , voire & que fans icelles
efperance & chanté , & m'augmenter
d'neure en heure les dons de l'on Ef- on ne peut eftre appelé Chreftien :
ainfi qu on ne peut dire vn arbre bon
prit, &mentqu'à
rendre lui
toutfeulhonneur
ie puiffe& hardi-
toute
s'il ne œuures
bonnes produit font
bons les
fruids , &de les
fruids la
gloire par Jefus Chrift noftre rédemp-
teur. Amen. ■> foi à falut. Mais ce que la cour Ro-
maine dit que le bien vient de nous-
mefmes, Si que le royaume des cieux
& la poffeffion de la béatitude gift &
confifte en noftre volonté , eft faux &
S'enfuit le premier examen tenu contre
Pomponius , traduit d'Italien. La répugnant diredement à la loi de
Dieu , laquelle nous monftre que rien
lettre D. [comme nous en auons vj'é ne peut procéder digne de louange,
pour abréger) fignifie les demandes
des aduerfaircs, & R. les refponfes finon entant que la grâce de Dieu
dudit Pomponius.
œuure
vient le(1)bonen vouloir
nous. C'eft
& le de
bienluifaire
d'où ,
D. " Crois-tu la fainfle Eglife ca- comme faind Paul efcrit au 2. chapi-
tholique "? R. u Oui, & di que ie tien tre des Philippiens, & en la 1 . aux
la dodrine conforme à icelle. » D. Corinthiens , chap. troifiefme. Noftre
« Crois-tu que la fainde Eglife Ro- chair,
maine foit catholique , Si le veux-tu uant lafuiette
face àdela noftre
mort, n'apporte de-
Perc éternel
Eglife parti- remettre à elle .' >■ R. " La Romaine qu'abomination. Mefme ceci fe peut
culière & voir au dernier chap. de la quatriefme
catholique. n'cft point catholique
lière, le ne , mais à particu-
fuis fubmis aucune Diftindii'n, De corifecrat., où il eft dit
Eglife particulière, car ie me tien
pour membre de l'vniuerfelle, laquelle (1) Agit.
POMPONIVS ALGIER.
iré de S. Au- que celui doit eflre anathematizé qui
gull. fur le fous lequel ie fuis & tous autres fidè-
)ncile Mileui- dira qu'on peut faire aucun bien fans les enfemble. 'Voyez ce qui eft efcrit 18.
15.
lain contre en l'Epiftre aux Ephefiens , chap. 4.
Pelagius la grâce. Et ainfi qu'eft-ce du Franc-
arbitre, la choie ertant ainfi que celui
feulement eft libre qui fait tout ce &Surau ceci
I. de, l'Epiftre aux Coloffiens.
les aduerfaires dirent >',
ce qu'il lui plait ? car nous n'ayans Il Nous ne fommes point fi belles que
puiffance de faire le bien , non pas de nous ne fâchions que Chrift eft le
chef au ciel & en terre; mais le Pape
ale vouloir, il s'enfuit qu'en à nous
aucun Franc-arbitre bien.il n'y
Et
n'eft-il pas fon vicaire en terre .'' »
après le trouue en l'eglife Romaine R. 11 Chrift & l'Eglife vniuerfelle,
vn erreur infupportable , c'efl qu'elle appelée catholique , neeftfont qu'vn
n'a point honte de dire que les hom- corps, duquel Chrift le chef,
mes ont elle efleus par leurs propres comme il en eft parlé aux Ephefiens,
mérites & œuures , & non par don &
4. chap.
trouue Et tout
iamais diuifé ainfi qu'il Eglife,
de cefte ne fe
libéralité de Dieu, & qu'il preuoid
quels doyuent eflre les hommes , & auffi elle eft toufiours apuyee fur lui ,
chaffe les mefchans & eflit les bons , ne pouvant auoir autre chef & fonde-
qui eft contraire mefme au chapitre ment que lui-mefme. Et ne penfez
De S. Hierome Semel immolatiis, en la Dift. deuxiefme, La condition
au liu. des pas qu'il foit comme vos Euefques , des Euefques
fentences de De confecral. Et la raifon en efl eui- iefquels laiffans leurs brebis es mains Romains.
Profper. dente ; car fi le falut nous eft venu
d'vn autre qu'ils appelant 'Vicaire ,
gratuitement , il s'enfuit de neceffité s'en vont prendre leur paffetemps à
que nous fommes efleus par grâce, & Rome, mettans leur plus grande féli-
non pas par nos œuures. » Les ad- cité en paillardife, bougrerie, putains,
uerfaires me dirent fur cela : « Tu es cheuaux & honneurs de ce monde , à
vn puant hérétique ; il ne faut plus tort & à trauers, c'eft tout vn , pour-
parler auec toi. Notaire , efcriuez ueu que leur plaifir fe face. Mais
Chrift ne laiffe iamais fon troupeau ,
feulement ce qu'il a dit. » R. « Pour- ains le conforte & lui donne à conoif-
quoi m'appelez-vous hérétique .' Suis-ie
de quelque fefte Jacopine, Corde- tre les de
pluscharité
grands& fignes
poffible de foi.qu'il eft
Outre
lière, Bafilienne , Croil'ee, Heremi-
taine, Sabotine , Bénédictine, Cartu- ce, tout ainfi qu'vn feul corps ne peut
fienne , ou Carmelitaine t ou bien di- auoir qu'vn feul chef, &, s'il en a
tes-moi de quelle autre fuis-ie } Si plus, il eft monftrueux , pareillement
vous trouuez que i'erre , corrigez moi ce corps, qui eft compofé de Chrift
& me faites aparoir de mon erreur. » & de l'Eglife, n'a autre chef qu'ice-
D. " Que crois-tu donc du Sacre- lui vrai Fils de Dieu. Que fi nous en
ment.' »R. <c le vous refpondrai puis prenons vn autre en fon lieu , il ne
fera plus de Chrift, mais prendra le
après du Sacrement; mais dites, s'il
vous plait, quelle herefie trouuez-vous nom du chef qu'il fe fera forgé. Par
ainfi fera vn mafque , ou pluftoft vn
en moi } Ja n'auiene que ie fois
d'autre fefte (fi ainfi vous l'appelez) monftre à deux teftes. » D. « 'Veux-tu
que de celle de Chrifl. » D. « Il ne donc nier que Chrift ait commandé
te faut dire autre chofe : Tu es vn dia-
qu'en terre il y ait des Pafteurs fur
ble , vn ladre (i) fort infedé. Tu dois le troupeau > S. Paul ne dit-il pas Ephef. 4. 1 1.
croireordonnées
efté que les chofes qu'on
de noftre te dit
mère ont
fainde qu'il conftitua les vns Euangeliftes,
les autres Apoftres, les autres Doc-
eglife , & les faut tenir pour articles teurs, les autres Pafteurs, & ce qui
de foi , .d'autant qu'ainfi le nous com- s'enfuit.^ » R. « le le confeffe, & croi
mandent les Papes vicaires de Chrift, que les Pafteurs furent ordonnez du
& le conferment tant de fainds doc- Seigneur. Mais vous ne me prouuez
teurs & anciens pères. Tu deurois pas (comme auffi ne fe trouue en au-
auoir honte de dreffer la tefte au ciel
cun lieu) que Chrift ou bien les Apof-
tres ayent ordonné iamais vn Pafîeur
pour t'oppofer contre les fuccelTeurs qui fuft par deffus fes compagnons ,
de S. Pierre & chefs de l'eglife , les
fandiffimes Papes de Rome. > R. attendu qu'vne feule audignité fe doit
« Mais pluftoft tyrans & Antechrifts, feulement attribuer feul Fils de
veu que nous n'auons autre chef que Dieu ennoftre
Chrift, prince de l'Eglife vniuerfelle , efcrit fainélSeigneur
Jean : «, Je
ainfi
fuisqu'il efl
le bon lean 10.
Pafteur, qui conoi mes brebis & fuis
(I) Un lépreux. conu des mienes. » Et en fainâ Mat-
I
266 LIVRE SIXIEME.

Maiih. ^4. thieu : « Je frapperai le Pafteur, Aies autre chofe de confiderer l'Eglife in
brebis s'cfcarteront. » Ce qui fut dit concreto , comme on dit, & la confi-
des Aportres, defquels il elloit Paf- derer comme vn corps myflique com-
teur & Chef, comme il ell auiour- pofé de cède vnion de Chrelliens & ' Tiré de Leoi
d'hui
aucun deautre
toute nei'Ej,'life
doit catholique. Et
témérairement de Chrid, & ainfi qu'elle efi appelée
le corps de Chrift au canon ' In Ec- thclius Euet»
occuper fon lieu s'vfurpant par tyran- clefia , i. queft. i. En premier lieu, Pape à Na- 1!^
r Eglife catholique contient fous foi tantinople.
nie, par f^uerre , par extorfions, rapi-
nes, fraudes, tromperies & hypocriiie, plufieurs corps , alfauoir tous les que de Confi
les iurifduSions de Jefus Chrill , lef- Chrefiiens, & auffi contient fous foi
quelles il a acquifes & faites fienes vne chacune Eglife particulière. Et
auec fi grand prix, non point de fan^
c'eft ce que vous me demandez. le
des taureaux ou d'agneaux , comme il vous.di donc que c'efl chofe raifonna-
Heb. 9. & 10.
eft efcrit en l'Epiftre aux Hebrieux , ble qu'entre les Chrefiiens il y ait des
mais par fon propre fang , s'ofTrant Pafieurs, & mefme en toutes les par- : l
foi-mefme en facritice faind , pur &
ties apparentes de l' Eglife catholique ;
■innocent, & apaifant l'ire deBien
Dieu, & voila ce qu'on dit In concreto. Or,
en fatisfadion de nos péchez. eft
confiderant
eA feulement la fpirituelle
myllique. , ie
cardi tous
qu'elle
les
vrai
Dieuqu'en chacune
ordonne des partie de fon
Preftres & Eglife
Euef- Chrefiiens enfemble auec Chrill com-
ques, mais il ne donne à aucun d'en- pofent vn corps , non matériel , mais
tr'eux la primauté. Et vos propres fpirituel, contraire & ennemi de nof-

I
loix difent que tous ont vne mefme &
• Tiré de S. tre chair, d'autant qu'icelle n'eftant
Hierofme à égale puilTance, au canon * antepe- point de ce corps , ne peut auffi en-
nultiefme , vcrfet Si autcm , Dillinc- tendre quel il eft ; mais trop bien Si-
l'Euefque tion 9]. Mais Chrift le déclara Prince,
Euander. l'efprit l'entend & le conoit. Et de ce
Mailire , Seigneur & Chef de tous,
dont fi aucun prend hEfrdielTe en terre corps myllique n'y a autre Pafteur
que Jefus Chrift. Les Euefques mef-
de le faire appeler Seigneur, Mailire, mes font membres de ce corps &
Chef ou Prince brebis de ce Pafieur vniuerfel , qui efl
excommunié félonvniuerfel, n'eft-il
vos canons, pas
difans
Chrift. » D. « Donc fi tu confefi'es ,
• Tiré de S.
qu'il fait contre Dieu.> Les mots du auec ton babil, que l' Eglife catholiaue
lean Chryfof- Décret, en la * quaranfiefme Diflinc- efi en terre & qu'aucun n'en eft chef
tome. tion. chapitre dernier, font tels : Qui- vniuerfel que Chrift, di-nous où fe-
conque dcfire la primauté en terre ront les Pafteurs que nous te difions
trouuera là con/ujion au ciel, & qui- deuant .' » R. « le di que ces Paf-
teurs defquels S. Paul parle doyuent
tre nombre conque taj'che
entred'eflre Prince nededoit
les feruilcurs cf-
Dieu. eftre chacune partie apparente de cefte
Le mefme fe prouue auffi par le ca- Eglifecatholique. Dites-moi vne Eglife
• Tiré du Con-
cile Africain de lanon *antcpenultiefme
Diflmdion nonanteneufiefme. Si penultiefmen particulière apparente, & ie vous mon-
& de Pela^ius firerai le Pafteur qui neceffairement
D. '< Or fus, où font les Pafieurs y doit eftre. » D. ■ Si tu te dis eftre
Pape el'criuant
a tous les defquels fainft Paul fait mention
Euefqucs. membre de l'Eglife vniuerfelle «& affer- .
(comme auons dit ci-delTus), & com- mes qu'icelle doit auoir fon Pafteur en
ment fe peuuent-ils trouuer & conoif-
tre en cefie tiene Eglife catholique , chacune partie aparente, c'eft ce que
nous voulons. Refpon, où eft ton Paf-
teur .>» R. B II y a deux fortes de Paf- Deux fortes
laquelle tu dis & forges en l'air } de Parteurs.
Comment pourra-elle auoir des Paf- teurs en terre : l'vn es chofes fecu-
teurs, puis qu'elle cfl abfiraite & ima- lieres, lequel eft pour la defenfe des
ginaire r» R. « L'Eglife que ie con- bons & pour le chafiiment des mef-
ielTe, ie ne la cerche point en imagi- chans;
nation ou nuées, comme vous dites, inftruire l'autre eft pour enenfeigner
les Chrefiiens la crainte&
mais afferme qu'elle e(t ici en terre, de Dieu & foi Chreftiene , par paro-
entre ceux qui font feruiteurs de les & exemples de bonne vie , leur
Chrifl, lefquels habitent en ce monde adminifirant les Sacremens. Or ie re-
efpars çà & lA , ainfi que le confirme conoi ici pour mon Pafteur es chofes
• Tiré de S. voflre canon * CathoUca, Dillindion feculieres le magnifique Gouuerneur
AuguH. au I. 1 1. Si que tous ceux qui font Chrefliens de cefte ville de Padouë , & les fei-
de la foi
catholique. doyuent entendre qu'ils font laquelle
en l'E- gneurs de Venife, qui font mes Prin-
glifc catholique (St vniuerfelle, ces ;mais touchant la parole de Dieu
eux-mefmes font & conftituent. C'efl »^ les Sacremens , ie n'y reconoi au-
POMPONIVS ALGIER.

cun Pafteur, pourautant qu'il n'y a au- lypfe , chapitre premier, appela les
tre Eglife aparente que la fynagogue Sacremens , la vifion des Eftoiles &
Papiflique , de laquelle ie ne veux ef- Chandeliers, & au 17. nomme Sacre-
tre membre , ne demeurer auec elle ment la rcuelation de la Femme & de
en aucune forte. » D. « Si tu ne veux la Befle. Le mefme fe void en plu-
eftre auec elle , & es en cefte cité
fieurs .autres lieux de l'Efcriture
fans Pafteur , tu es donc hors de fainde , comme au 6. & i 2. ch. de la
l'Eglife ; car S. Paul dit que toutes Sapience. Toutesfois ie fai bien que
les Eglifes ont leurs Pafleurs. • R. ne m'auezinterrogué dece Sacrement-
« Cela ne s'enfuit point pourtant : Tu ci. Si vous voulez donc fauoir quels
ne vis pas en l'vnion de l'eglife apa- i'eftime Sacremens entre ceux lefquels
rente, & n"as aucun Pafteur ou Euef- vous cerchez, demandez-le moi &
que aparent : donc tu n'es pas de ie vous refpondrai volontiers. » D.
l'Eglife catholique ; car il peut eftre ic Nieras-tu que l'ordre facré ou ec-
que quelque Chreftien fe trouuera clefiaftique ne foit facrement.' » R.
entre les Turcs en pays barbares. S'il « L'ordre
en foi aucunquemyftere.
vous appelez facré que
pour autant n'a
confelTe Jefus Chrift , combien qu'il
ne foit en la congrégation des Chref- ce n'eft point le charadere extérieur
tiens & n'ait aucun pafteur Euangeli- qui conftitue ou fait le Preftre & Euef-
que, le doit-on pour cela eftimer hors que, mais l'eledion de l'Eglife. Tout
de l'Eglife catholique, & le reputer le myftere donc confifte en l'ondion
autre que Chreftien ? Les Parteurs feulement du S. Efprit , fait intérieu-
aparens doyuent eftre en l'Eglife apa- rement, le diroi bien pluftoft & con-
rente. Que fi l'Eglife n'eft aparente , fefl'eroi que le Pape eft aduerfaire de
il eft fuperflu d'y cercher des Euef- Chrift & que tous ceux auffi qui por-
ques & Pafleurs. » D. « Ne parle tent fon charadere ne doyuent point
plus, ne parle plus, la nuid appro- eftre appelez Pafteurs ou Miniftres de
che, & n'as encore refpondu des Sa- Chrift, d'autant qu'ils guerroyent fous
cremens. Va, retourne en prilbn , & vn autre eftendart & ont vn autre ca-
tu conoiftras fi tu es fans Pafleur; &
pitaine que Chrift. » D. » Nous fom-
mes donc miniftres du diable, & non
t'appareille à te retrader , fi feras
bien. » R. » En me remettant en pri- de Chrift. » R. « Jugez cela vous-
mefmes. Vos œuures vous manifef-
fon, ie di ces paroles : i'y vai volon- tent , defquelles & vous & ceux qui
tiers, voire à la mort, s'il plaifoit à
Dieu que ce fufl à cefte fois ; ie fuis voudront pourrez faire iugement. »
ici pour cela. Dieu , par fa fplendeur, D. « As-tu bien la hardielTe de dire
en illuminera vn chacun d'auantage , que les Diacres , Soufdiacres , Pref-
tellement que l'endurerai alaigrement tres & Euefques ne font point minif-
tous tourmens, d'autant que Chrift, tres de Chrift.^ » R. << Tous font de
parfait confolateur des âmes affligées,
Dieu, moyennant qu'ils ne dépendent
eft ma lumière & vraye clarté , puif-
point du Pape & qu'ils annoncent
fante pour dechaft"er toutes ténèbres. i'Euangile & prefident fur la parole
de Dieu, & non fur celle de l'Ante-
chrift, portans fa bulle & fon charac-
tere. » D. » Quel eft donc ce charac-
Second examen touchcini les Sacre- tere que tu dis eftre reprouué, & qui
mens. eft ceft Antechrift & fon règne, duquel
auffi tu fais mention en certains efcrits
& tiennes lettres .>» R. « Touchant au
D. " Combien crois-tu qu'il y ait
de Sacremens en l'Eglife? » R. « le charadere qu'on doit auoir en abomi-
ne fai pourquoi vous me demandez le nation & horreur, ie di que ce font
Tiré de S. Au- nombre des Sacremens, veu que, par les ornemens des preftres & moines,
gull. au 10. liu.
de la Cité de la définition de Sacrement, on n'entend leurs veftemens , capuchons, couron-
Dieu, cSc du nes & autres chofes femblables. Le
autre chofe qu'vne mémoire & figne
2. de la vie vifible de chofe facree , au canon Sa-
Chreflienne. Papat eft de l'Antechrift , pour autant
crijïcium & au fuyuant De confecra- qu'il eft eftabli contre le commande-
tione, Diftind. 2. Toutes les fois que
vous me monftrerez le myftere & mé- ment du Seigneur, comme i'ai dit ci- Antechrift.
deft'us, eftant ainfi que ce nom d' An-
moire d'vne chofe fainfte, en quoi techrift ne fignifie autre chofe que ce-
que ce foit, ie prendrai cela pour Sa- lui qui eft contre Chrift. Son royaume,
crement. Et S. lean en fon Apoca- ce font preftres, moines & autres, fur
268 LIVRE SIXIEME.

lefquels il a puifTance & domination. fuyuit-elle pas le Baptefme du Cen-


Les faindcs Efcritures ne crient autre tenier &de fa famille.' » R. « Ains le
chofc ; le vieil iS: nouueau Tellamcnt Centenier & les autres qui eftoyent
le tefmoignent apertemcnt à tous ceux auec lui recourent premièrement le
S. Efprit & puis eurent le Baptefme.
aufquels le Seigneur a donné l'intelli-
Chrefmc. gence de fa vérité & qui l'aiment. » On
ture.le» peutD. voir€ Le facilement
chrefme, en l'Efcri-
le fel , les
D. I" Que dis-tu du chrefmc dont on
vfe en donnant les ordres facrez.' » exorcifmes & autres chofes, que com-
Oue c'en que
Ch«ra(5lcre R. « Pourcc que Charadere n'efl au- mande laS. Eglife Romaine, ne font-
tre chofe qu'vn figne & figure imprimé elles
& engraué en quelque chofe , iV que R. « pas
Le necen"aires
Baptefme fe au fait
Baptefme.^
feulement»
ces onftions n'impriment rien ni en auec l'eau & auec ces paroles : le te
l'ame ni au corps, elles ne peuuent ef- baptize au Nom du Père, du Fils dt
tre appelées Charaderes, mais ce font du faind Efprit. Ce qui fe peut voir
comme marques & enfeignes du Prince par le baptefme de Paul A des autres
oui les fait & de ceux qui le fuyuent
Bapterme. (X qui les portent. » D. « Et le Bap- que ie vous
dre qui nousai dit
eft ci-defPus
enfeigné &de par l'or-
Chrift,
Matt. 28. quand il donna charge à fes
tefme , ne l'appeles-tu pas Sacre-
ment ?'• R. » Ceftui-iadoit vrayement Apoftres d'aller prefcher & baptizer.
eftre appelé Sacrement, car il nous fi- Lui-mefme auffi ne fut baptizé de
gne & marque pour feruiteurs de lean que d'eau pure, fans huile, fel,
Chrift, it nous proteftons par icelui crachat, cire, chrefme ou exorcifme.
que Le mefme auffi apert par la fighifica- mot Baptili
nous Chrirt efi mort
a rachetez âc pour
lauez nous, & qu'il
par fon fang tion du mot baptifer , qui ne fignifie Quc fignifie
précieux de toute iniquité i^- fouillurc ; autre chofe que lauer auec de I eau,
bref, c'eft vn mémorial que nous fom- comme le monftre noftre Sauueur Je-
mes fauuez par Chrifl. » D. « Que fus Chrift en S. Marc 7. quand, repre-
dis-tu du chrefme qu'on donne à la nant les Pharifiens, il dit : » En delaif-
confirmation du Baptefme .' » R. « Il fant le commandement de Dieu, vous
Efpece d'Ana-
bapiifme. n'a auffi aucun myfiere en foi ; ains retenez l'ordonnance des hommes ,
comme c'ed contre Chrifl de rebap- comme lauemens de gobelets, de ha-
tizer , auffi tout ce qui eft adiouflé
au Baptefmc, eft contre Chrifl. Et de naps, " &c. Or l'Euangelifte
mot Baptefme. Pourtant ievfedideque
ce
là vous pouuez iuger fi ie fuis Anabap- tout ce qui eft adioufté au Baptefme,
tifte, comme aucuns m'imputent. « outre la parole de Dieu, doit eftre re-
D. " Mais c'eft toi qui cftimes que ietté. » D. « Si donc le Baptefme que
nous foyons Anabaptiftes, nous com- nous adminiftrons auec telles cérémo-
parant ainfi à eux. Mais paftbns ou- nies eft mauuais& mefchamment con-
tre. Nieras-tu que, depuis le baptefme féré ,il faut que tu te rebaptifes. »
donné par Philippe en Samarie, il ne
R. « Non fait, pour autant qu'il eft
fuft necen"aire que Pierre & lean. al- Sacrement, car le Baptefme ne peut
lant par là, priaft'ent Dieu qu'il en- eftre corrompu par l'homme vicieux
uoyaft fon fainft Efprit fur les bapti- ou mefchant , ainfi que difent vos ca-
fez.- Comment peux-tu dire que le nons, au chap. Sccundiim Ecclcfta\
chrefme ne foit necen"airey « R. c le dift. XIX. & au chap. Ecdcfih, dift. lafe Tiré2. d'Anaf-
du coQ-
cilc
De S.de Augui
Nice(
confefte bien que . depuis ledit bap-
tefme (duquel il eft fait mention au 8. 68. & au chap. Dcdit Bapt'ijm. & au
contre les Di
natiHes
chapitre des Ades des Apoftres) il ef- fuyuant.i.q.i. Parquoi il n'eft befoin
que ie me rebaplize. >< D. « De la
toit necelTaire de prier pour la récep- confeffion
des autres tu t'en »moqueras
chofes. R. t le comme
trouue
tion du faind Efprit . a'autant qu'ils
auoyent feulement efté baptifez au en l'Efcriture que l'homme Chreftien
Nom du Seigneur, fans l'auoir encores eft tenu
chez en de
deuxconfeft"er
fortes. fes fautes A pé-à
Premièrement
demandé , ainfi qu'il eft là exprimé. De la con-
feffion.
Mais refpondez-moi , ie vous prie. Dieu , ce que nous deuons faire fou-
Quand Paul, Tite, Timothee, Aquila, uent, voire inceffamment, comme il eft
Prifcille, Corneille le Centenier & en efcrit, I. Jean i. Secondement à ce-
fomme Jefus Chrift mefme furent bap- lui que
tizez, quelle confirmation eft enfuyuie quelnous auons oft'enfé
nous fommes obligez, auec le-
de nous
depuis .> Le chrefmc, que vous appe- reconcilier & dire franchement que,
lez, leur eftoit-il neceftaire.' » D. faifant quelque chofe contre lui, nous
« Comment .' la confirmation n'en- auons failli «que nous nous en repen-
POMPONIVS ALGIER.

tons. Et de ceft ade parle S. Jacques, toufiours & ne paruengns iamais à la


chap. 5. lequel vous alléguez fouuent fcience de vérité. » D. « Tu nous
à voftre propos pour l'vtilité de vos veux donc faire acroire que nous fom-
bourfes. La tierce confeffion que vous mes hérétiques, mais tu le verras
appelez auriculaire, ie ne l'ai encore bien & nous-nous en moquerons. Ce-
peu trouuer en la S. Efcriture. Et
pendant puis qu'il eft heure de partir
l'Eglife catholique ne l'a pastoufiours d'ici, nous ordonnons qu'on note tout
aprouuee ni acceptée, comme l'Eglife ce qu'il a dit, & vne autre fois nous
Grecque, ainfi que le tefmoigne le ca- l'interroguerons des autres Sacremens
non Quidem ex. De Pœnitcntia, difl.
qui reftent. »
1. auec la glofe. Outre-plus, les œu-
ures & les fruids font les balances de '
toutes chofes , lefquels eftans bons, Troisiefme examen.
monllrent aulTi que lachofe eft bonne;
s'ils font mauuais, que pareillement la Av troifiefme examen on l'interro-
.es fruits racine de l'arbre cft corrompue. Or de gua fur ce qui s'enfuit. D. « Quelle De l'Eucha-
a confeffion voftre confeffion auriculaire vienent de' eft ton opinion touchant le Sacrement nftie.
jnculaire. trefmauuais fruifts, comme adultères, de l'Euchariftie , le tiens-tu pour Sa-
incefles & toutes fortes de fornica- crement t X R. " Elle eft Sacrement,
tions; bref, tous les vices qu'on fau- & ainfi ie l'afferme. » D. « Cefte mu-
roit imaginer; les homicides, trahi- tation n'eft point fans toutes
myftere. Au
fons & tromperies en defcendent à commencement tu niois chofes
& ores tu confeffes tout. Te voudrois-
grand'perte. Parquoi elle deuroit pluf-
toft eftre appelée Con/ujlon que Con- tu parauanture defdire ? » R. « Les
chofes qui fe deuoyent nier ie les ai
fejfion. D'auantage vous voulez que les niées , & tel eft & fera à iamais mon
péchez ne puilTent eflre remis que par
l'impofition des mains d'vn preftre ou vouloir, de' peur qu'eftant abandonné
moine ; combien cela eft faux & ab- de la grâce de Dieu, ie ne fois mis en
furde, il eft plus clair que le Soleil, fens reprouué. le croi auffi & confefte
car les péchez font pardonnez & re- tout ce qui doit eftre tenu & confefte
mis par le feul fang de lefus ChrKl, de tout bon Chreftien. » D. « Or fus
fles 4. 12. comme auffi fous le ciel ne fe trouue donc : Crois-tu qu'en l'hoftie foit De la Tranf-
autre nom par lequel les péchez foyent vrayement le corps & le fang de fubûantiation.
effacez. Ce que mefme vous affermez
Chrift, tout ainfi qu'il eftoit en l'arbre
en plufieurs lieux de vos lois, & fpe- de la croix, & que neantmoins les ac-
cialement au dernier Concile. Et pour- cidens d'icelie, comme la blancheur &
tant ie tien toutes telles feftes de moi- rondeur, demeurent fans eftre chan-
nes & clercs , auec leur confeffion gez i- » R. » le croi fermement que
auriculaire, (par laquelle ils veulent non feulement les accidens ne fe
que les péchez fe pardonnent) pour changent, comme vous dites , mais ni
ennemis de Chrift, voire maudits, at- la fubftance (ce que vous niez) pource
tendu que d'eux ne peuuent procéder qu'elle demeure pain comme aupara-
que maledidions & non benedidions, uant ; & de cela rend tefmoignage
comme le monllre voflre canon Non
r Efcriture, & l'expérience nous l'en-
Tiré de oporiet, et le fuyuant , auec le canon feigne , car on void manifeftemenl
>. Hierome Maledicam. i.q.i. qui eft tiré du con- qu'vn tel pain ne dure qu'vpe efpace
j concile de ^-^^^ ^^^ p.^„^ Martin. ,
Partant■/•/-de tel- de temps, & de fa corruption & pour-
Laodicee. ,gens
les ne ' peut. venir■ la remiilion des j
riture s'engendrent les vers. Or d'où
péchez ou autre benedidion. En après viendroyent ces vers f ce ne pourroit
cefte confel'fion auriculaire eft con- eftre de la fubftance, laquelle vous vou-
damnée de faind Paul, lequel parlant lez eftre changée au corps de Chrift.
des derniers temps en la 2. à Timo- Car ce feroit chofe horrible , de dire
thee , chapitre troifiefme , & d'vne que le corps de Chrift produife des
gent maudite, dit : u Ils ont vrayement vers. Il faut donc qu'ils vienent de la
aparence de pieté, mais fans vertu; fubftance du pain, & toutesfois vous
lefquels , ô Timothee , tu fuyras de
ne voulez qu'icelle demeure aucune-
tout ton pouuoir, pource que telles ment après la confecration que vous
gens font de ceux qui vont par les faites. » D. » Tu l'entens tres-mal. »
maifons , trompans les femmelettes R. (i Mais que direz- vous .' Saind Au-
chargées de péchez qui fe laifl"ent guftin le conferme au troifiefme liure
tranfporter de leurs defirs , aprenans de la dodrine Chreftienne , chap. 16.
LIVRE SIXIEME.
270
& defTus le 44. Pfeaume. Lifez-lc auoir. d'autre. » D. « N'inlercedent-
vous-mefmes, ie ne l'interprète point. ils pas pour nous.* S. Paul ne prioit-il
Les propres Canons aiiHl de la cour Ephef.
Romaine le difent ainfi . au chapitre pas
lui .-•les
» R.Eglifcs
« Celaqu'elles priaft"ent
eft bien vrai, pour
mais
Prima quidcni. & chapit. Quid fit- qu'ont afaire les morts auec les viuans?
Dirt. De confccrationc, auec les fix
canons fuyuans. Nous ne lailTons point S.
fentPaulleur prioit les àviuans
oraifon Jefus qu'ils
Chrift,oft^rif-
afin
pour cela de manger ou boire vraye- qu'il intercedaft pour lui enuers fon
ment la chair ou le fang de Chrift, Père, mais ie ne trouue point en au-
mais c'efttendentrpiritueilement & ainfi cun lieu que S. Paul ou autre Apof-
les Efcritures it dits des s'en-
doc- tre ait inuoqué aucun de ceux qui ef-
teurs, aufquels auffi nous trouuerons toyent morts auparauant , fuft-ce le Luc 25.
que nous fommcs faits participans du brigand , du falut duquel ils eftoyent
corps & du fang de Chrift en la Cenc, certains par la bcouche de noftre Sau-
& comme cela fe fait , le Seigneur ueur, ou lean Baptifte , duquel auffi
mefme nous l'enfeigne en faind lean, Chrift dit qu'il n'eftoit iamais nai au-
chap. 6. 1) D. « Ce font Chimères. cun en terre plus grand que lui, ou
.\brahani, Ifaac, lacob, Moyfe ou au-
Refpon à ceci : Le pain, ou bien l'hof- tres des Pères. Si, di-ie, on deuoit
tie ainfi confacree, aoit-elle eftre ado-
De l'adoration, ree ? » R. u Tant s'en faut qu'on la prier les morts & fi les Sainds inter-
doiue adorer, que fi elle eft adorée on
commet idolâtrie. Et S. Auguftin, au cedoyent pourlesnous,
royent prié pourquoi
Apoftres n'au-
(au moins
liure de fes Retradations, dit qu'il ne quelque fois) aucuns de ces fainds
perfonnages vrais feruiteurs de Dieu,
faut adorer aucune chofe qu'on voye pour leur interceffion ? Mais ie vous
à l'œil ou qu'on touche par fens cor-
porel. »D. " Ne te chaiilc.(i), toutes prie, refpondez moi Chrift
: Quelle eft l'in- InierceffioB
ces chofes s'efcriront. Mais tiens-tu terceffion que fait enuers fon
Père A de quoi le prie-il ? » D. de Chrift.
Extrême pour Sacrement l'Extrême onAion .' » (I Chrift intercède pour nous en diuer-
onflion. R. K le n'ai point cela pour Sacre-
ment. »D. » Comment eft-il poffible fes neceffitez, par le moyen de fes
mérites. » R. « Doncqucs Chrift feul
que tu fois enfi peruers.'
commandé la fainde N'e(l-il
Efcriturepas, intercède pour nous, eftant ainfi que
principalement en faind laques, cha- les autres ne peuuent intercéder par
leurs propres mérites. » D. " Les
pitre 5. que quand quelqu'vn deuient Sainds intercèdent parles mérites de
malade, que l'Eglife y foit introduite Chrift & auffi par leurs propres ,
& que le malade foit oind, & ainfi il
fera deliuré de fa langueur.' » R. mais à quel propos en parlerons-nous
« S. Jaques dit cela pour la reftitution d'auantage , veu que tu n'en crois
de la fanté corporelle , car on faifoit rien.' Il fuffit iufquc^s ici. » R. c le ne
l'oraifon à ce qu'il pleullmaladie,
à Dieu deli- croi finon en Chrift, i'aime Chrift &
urer le malade de telle mais
adore
vrai & Chrift, eftant certain
feul Interceffeur qu'il eft le
& Médiateur
vous ne donnez iamais l'ondion finon
quand le malade eft preft à mourir, &, enuers Dieu. Mais voyez, ie vous prie,
qui plus eft, défendez de la donner en comment vous contredifez à vous-nief-
autre temps que quand la mort eft
mes,fe fait
ne difans
que vne
par fois que l'interceffion
les mérites de Chrifl,
bien prochaine. D'auantage, qui eft fi
aueugle, qui ne voye comment cela eft & puis après vous y voulez auffi adiouf-
ter les mérites des Sainds. Or puis
loin de l'intention de faind Jaques 1*
C'eft merueille comment il vous a efté qu'il vous plait d'en parler d'auantage,
permis de perfuader telles folies aux
permettez
tout ce que-moi au de
ie fens moins d'en dire
ce poind. Le
poures gens. •
vulgaire penfe que Chrift parle auec
fon Père, comme on a de couftume de
Quatriefme & dernier examen. parler aux grands Seigneurs c^ Rois ,
A cela
de vientLe pour
Chrift. Père l'ignorance qu'onvnea
& le Fils font
latercernon
des Sainâs. D. u des
ceffion En quelle
Sainds?eftime
d R. as-tu
« le l'iiiter-
ne re-
conoi autre intercelTeur enuers Dieu mefme fubrt.ince
uerfes perfonnes.quoi qu'ils
Il fe tientfoyent di-
deuant,
voire à la dextre du Père, & celui
que Jefus Chrift & n'en veux point mefmes qui intercède eft luge. Nous
(1) Ne te mets pas en peine. pouuons donc cfperer que la fentence
POMPONIVS ALGIER. 271
fera à noftre faueur. Il intercède par
Chrift. Ta conclufion eft en eff'ed, que m.d.lv.
fa mort i.^ paffion, par laquelle il nous tu ne veux l'interceffion des Sainds;
a reconciliez au Père, eflans enfans eft-il ainfi ? » R. « 'Vn feul lelus Chrift
me fuffit. 1) Les aduerfaires dirent fur
d'ire par le péché d'Adam, parquoi ef-
tans rebelles, nous ne pouuions com- cela: « 11 vaudroit mieux que tu en fuf-
paroir deuant le tribunal de fa iuf- fes imitateur de faid & non de paro-
tice. Dieu donc a enuoyé fon Fils, les. Penfes-tu que ton prochain vueille
imiter ta folie, & demeurer en prifon,
afin qu'il condamnaft le péché par le
péché , & par ainfi eftans maintenant & endurer ce que tu endures .- Ref-
luftifiez par le fang de Chrifl, nous ve- pon maintenant : Te mocques-tu auffi
nons à Dieu fous l'ombre de Chrift, du Purgatoire comme des autres cho- Purgatoire,
& comme membres de fon corps, & fes.^ » R. « Je ne conoi autre purga-
Dieu nous embralfe comme fes en- toire, que celui que S. Paul nous en- Heb. i. j.
fans. En cefte forte, autant de fois que feigne, duquel ie ne me mocque pas,
nous prions le Père par la paffion alTauoir Jefus Chrift, qui fe iled à la
de fon Fils vnique, autant fouuent dextre de Dieu fon Père , ayant fait
s'apaife-ii & s'adoucit enuers nous. la purgation de nos péchez. " D.
Et voila quelle ell l'interceffion que « Quoi f Tu te mocques donc de ce
lefus Chrift fait pour nous. En cède que tous les fainds Dodeurs ont con-
façon le prioyent auffi les fainfts de feffé touchant le Purgatoire. » R.
Dieu deuant que mourir, non par Comment dites-vous que les Doc-
leurs mérites ou par ceux d'autrui,' teurs l'ont confeffé , veu que fainél
mais feulement par ceux de Chrift. Auguftin (qui eft vn des plus excellens)
Si donc ils n'ont eu que Chrift feule- efcriuant à Pelagius, le reprouue au 5.
ment pour intercefleur & û par les liure , intitulé 'HypognojUcon } » D.
mérites d'icelui feul ils ont obtenu le " Pelagius difoit qu'il y auoit vn tiers
royaume des cieux , comment eft-ce lieu pour les petis enfans qui meurent
que vous voulez forcer & contraindre fans Baptefme, & S. Auguftin veut
les hommes qu'ils prient par les méri- qu'entre Paradis & enfer il n'y ait
tes d'autres que de Chrift & d'vne au- point de tiers lieu pour eux. Il ne
tre forte qu'icelui ne nous a enfeigné ? parle pas pourtant du purgatoire. »
difantenS. Matthieu 6 :■■ Quand vous R. « Il me plait fort que vous con-
prierez, dites ainfi ; Noftre Père qui feflTez que S. Auguftin efcrit ceci con-
es es cieux, » &c. Si Dieu nous eft fait tre vn hérétique & que par fes paro-
Père, pourquoi aurions-nous befoin les vous admettez qu'entre Paradis &
de Médiateurs f Pourquoi faudra-il vn enfer il n'y a aucun lieu troifiel'me.
tiers entre le Père & le Fils, lequel S'il eft ainfi (comme il eft véritable-
prie pour les autres enfans .'' Si nous ment) où fera voftre Purgatoire .' fera-
fommes membres de Chnft, pourquoi il en enfer ou bien au ciel .'' » Sur cela
n'irons-nous hardiment à noftre Père ils dirent : « Ce n'eft pas à nous à te
refpondre , mefchant. » R. « Il eft
(pluftoft que mendians
nous monftrer reftifs l'aide d'autrui,
ou fugitifs) en certain qu'vn lieu de peine ne peut ef-
tre en Paradis, qui eft habitation de
nous humiliant deuant lui afin qu'il
nous pardonne .' Soit qui voudra en liefl"e, ou autrement il n'y faudra pas
conftituer la vie & repos éternel. Si
tel aueuglin"ement & ténèbres ; quant
à moi, ie ne confelferai iamais qu'au- donc vn tel lieu n'eft en Paradis , il
tre que Chrift foit mon intercelfeur, fera en enfer. Mais où trouue-on en
car auffi il eft mon Sauueur. Or ie ne
la fainde Efcriture qu'aucun foit ia-
m'esbahi point fi tel aueuglilTement & mais retourné d'enfer } Que tel Pur- Tout ce
ignorance eft venue au monde , car gatoire donc demeure auec vous au- difcours eft
notable.
tres , qui, à voftre plaifir, y pouuez
cela auient d'autant que les poures
& miferables hommes ont changé la entrer & fortir; ie n'y veux point al-
vérité de Dieu en menfonge, adorans
ler, pource que, n'eftant de voftre fede,
1. 2;.
& feruans pluftoft aux créatures qu'au fi i'y alloi, ie n'en pourroi fortir. Mais
Créateur qui eft bénit éternellement, fi ce Purgatoire eft lieu de peine (non
comme en parle S. Paul. » D. » Il fem- toutefois éternelle, comme vous affer-
ble que tu vueilles prefcher. 'Voudrois mez), après la confommation de ce
tu point d'auanture, faifanttirer
fi fouuent fiecle, qui reftera dedans ? certaine-
mention de Chrift, nous en ton ment ildemeurera vuide, pourtant que
opinion ? Or ne te trauaille plus, car tu les mefchans auront vn feu perpétuel Matth. if.
nous as rompu la tefte parlant tant de & les bons ioye éternelle , comme
272 LIVRE SIXIEME.

rEfcriture le monftre. Eftant donc quant à rnoi ie di : Que tout ainfi


Bénéfices^
vuide , que deuiendront tant de mille qu'il n'eft licite de porter le charadere
(duquel nous auons parlé ci deffus), vcnefices.
millions d'indulgences ou'on donne on ne doit auffi accepter les bénéfices
. aux hommes aueuglez & fols .•• Vérita-
blement elles demeurcTont en blanc. ou (pour mieux dire) venefices (i), qui
Si vous dites que lors il celTera , il l'accompagnent.
ne les doit vendreEt, non
mais feulement
ne les peutil
s'enfuyura vn autre inconuenient fort
abfurde, atTauoir que Paradis A enfer mefmes retenir fans facrilege. Car
feront auffi temporels, puis que vous qui les poflfede defrobe fon prochain,
dites
deux. qu'il
Mais tientvous defauez
la nature de il
bien où tousfe dépendant (2)mal »leD.reuenuqu'iltiredu
fang des poures. <i Certui qui les
trouue , à fauoir es bourfes des hom- dépend mal , fait mal : mais quoi . Obieflions
mes, voire & les purge mieux que la veux-tu ertre iuge de cela? Regarde
fcammonee, calTe , ou manne ne fait comment tu es hors de toi-mefme. vrayement
Papiftiqucs.
les boyaux. Et cfl appelé Purgatoire, Tu n'as encores 24 ans, & tafches
pourautant qu'il purge défia deurois
de corriger & reprendre
aprendre, l'Eglife.
ciere, & deuroit pluftoAainfi la gibbe-
eftre appelé Tu encore fans te
Purgatoire Pagatoire , & leur fera comme à perfuader de fauoir quelque chofe ,
Pagaioire. Simon, qui par argent vouloit acheter arrogant que tu es. » R. « Je ne di
Afles s. 8. le don de Dieu, dont lui fut refpondu
pas que ie vueille corriger l'Eglife,
qu'il fuft à fa perdition. Il fait beau pource que ce n'eft pas mon office ,
voir les Papes, Euefques, Predres & mais ie m'eftudierai à ce que mon ame
moines s'enfler d'eflre fuccefTeurs de ne tombe en erreur. Et quant à l'aage,
faind Pierre & n'enfuiure toutefois en ie m'esbahi de ce que vous m'obiedez,
rien ce qu'il a fait . car ils embraflTent attendu qu'en plusieurs lieux de l'Ef- lob p. 8.
ceux qui veulent acheter la grâce de criture on lit que ce n'eft point par
Dieu , voire & cerchent à gueule l'aage que l'intelligence eft donnée, Luc 1 15.
bee(i)à qui ils la pourront vendre. mais par l'Efprit. Jean Baptifte re-
O les fainds Parteurs! 6 Catholiques! ceut le -faind Efprit au ventre de fa Dan. I. 6.
ô Pères vénérables , qui par paroles mère; Daniel eftoit enfant, it les trois
feintes font faits marchans des hom- Hcbrieux pareillement. Timothee &
Tiré de mes en auarice , 2. Pier. 2. Vos
Tite eftoyent-ils
ils furent efleus chargez
Euefquesd'ans
r Et quand
faind
S. Augurt. au loix ne difent-elles pas que la grâce
liu. du Bap- Paul ne dit-il pas : « Malheureux ceux- GaL 4. 10.
lefme. qui n'eft donnée gratuitement n'eft
point grâce , au canon Gratia , i. là qui obferuent les mois, les iours &
Au chap. der
quaeft. i r Comment fera donc grâce les années •• » Que refpondrez-vous à nier. Did. j8
vos loix, lefquelles commandent à
la grâce du Purgatoire, puis qu'on la
vend .' par le canon Rcmiffwncin , i. r Euefque ia aagé de ne refufer d'apren-
qusell. i. Commentla donneront
efl-co qu'eux qui dre d'vn plus ieune & plus dode que
font fi auaricieux r Com- lui .'• » D. « Penfes-tu eftre comme
ment donneront-ils la benedidion , fi ceux que tuas nommez ?» R. « Je ne
le Simoniaque, le penfe pas, mais tafche tant que ie
mains, donne la par l'inipofition
maledidion , pardesle
puis
D. « d'eftre
Or fus.fait tu femblable à eux. en»
es trop enraciné
ch. Venlum cil. i. q. i. eux cfians Si-
moniaques , voire plus que Sinionia- ta malignité. Il te faut dire autre
chofe. Retourne en la prifon & pren
quesr'»
tu à faire Les deaduerfaires
cela , toi dirent
.' Enten: ^ Qu'as-
feule- iouiffance de tes refveries. »
ment àefire bon Chre(lien& te change, Telle a eflé la confeffion, les inter-
car Dieu punira vne fois les mef- rogatoires etrefponfes, & en effed le
chans. » R. " le fuis Chreflien , i& fi combat que Pomponius a fouftenu au
ie me vouloi changer , ie deuiendroi iugement des hommes , comme lui-
Papiftc , de quoi Dieu me garde. » mefme les a laiffez par efcrit, pour la
D. « Tu en foufîriras peine. Mais confolaiion de fes amis, aufquels, ef-
puis que tu allègues les canons, di- tant mené i\ Venife, il a efcrit d'affec-
nous s'il ell licite à vn Prertre de ven-
tion lEpiftre qui s'enfuit.
dre les bénéfices qu'il polTede, après
ni^r,^^,^ qu'il aura conu la vérité Chrertienne
que tu appelles r » R. " Vous mefmes A mc% Ire/chers frères, jeruiteurs de
appelez cefte vendition Simonie, &
II) Empoisoimemeni , maléfice.
(i) Bouche béante.
(i| Dépensant,
POMPONIVS ALGIER.

Chrijl auec moi, fortis de Babrlone toft : Tu ne pourras longuement fup-


pour ciller au mont de Sion (du nom
defquels le me déporte) grâce , paix porter du
preté ces lieu chaleurs
où &tu fueurs, ni l'af-
es , comment
& lalut de Dieu nojlre Père , par endureras-tu les tourmens, les iniures
le fus Nojlre Seigneur & Sauueur ( i ). & mille incomrnoditez .^ Oublieras-tu
du tout ton doux pays , les richefles
PovR modérer & amoindrir la trif- du monde , tes parens , les délices &
telTe honneurs ? N'auras-tu aucune mé-
voulu que
faillirvous auezfairede participans
à vous moi , ie n'ai
de moire du foulas (i) des fciences &
fruiéls de tous tes labeurs.^ Perdras-tu
ma ioye, afin qu'enfemble & auec moi
vous-vous efiouyffiez & chantiez au ainfi toutes les peines qu'as endurées
Seigneur adion de grâces. Je dirai tant de trauaux r & enfemble tes en- i*
chofes incroyables au monde. l'ai treprifes louables , efquelles dès ta
^es rayons de trouué les rayons de miel aux entrail- ieuneffe tu as trauaillé.'' Finalement,
miel es en- les du lion. Mais qui croira ce que
trail es du n'auras-tu point crainte de la mort, la-
lion, ie raconterai r qui eft-ce qui adiouf- quelle t'eft prochaine, combien que ce
luges 14. 2. tera foi à mon dire? J'ai trouué ré- foit fans auoir mesfait f O la grande
folie, de ne vouloir racheter la mort
création en vne foll'e obscure : & , en
lieu de toute amertume , i'ai trouué & toutes ces fafcheries, d'vn feul mot
tranquillité au gouffre d'enfer , lielie qui
& ioye où les autres pleurent & force pas ne
vnecoufteroit que inciuile
chofe bien le dire !de
N'eft-ce
ne fe
où les autres tremblent de peur. Mais laifler perfuader par des magnifiques,
qui e(l-ce on
qui puille
croiraauoir
qu'endeledation,
vn eftat fi graues, fages & équitables Sénateurs,
miferabie & de tenir toufiours les oreilles fer-
en folitude compagnie agréable & en mées à tant d'illuftres perfonnages .>
des lieux fi durs repos 'f le vous dirai, Mais que ces poures aueugles efcou- notables,
Refponfes&
trefchers, la douce main de Dieu m'ef- tent ; Quelle chofe y a-il plus ardante
largit toutes ces chofes. Voici lui qui que le feu qui eft préparé ? quelle mille fois leuës
iadis eftoit loin de moi eft auec moi ; & releuës.
dignes d'être
chofe y a-il plus froide que leur cœur
lequel ie voi clairement , là où ie le qui eft en ténèbres.^ qu'y a-il plus dur,
fentoi feulement en obscurité; lequel
plus perplex & agité, que la vie qu'ils
auffi i'aperçoi & contemple de près, meinent ? qu'y a-il plus infâme & de-
là où ie ne le voyois que de loin. Cef- teftable que le fiecle qui eft à prefent ?
tui-la duquel i'auoi foif, ores me prelle le voudroi bien qu'ils me refpondif-
la main, me confole & remplit de ioye : fent vn peu & les prieroi de me dire :
icelui chaffe toute amertume, me don- Quel pays eft plus doux que le pays
I. Cor. 10. I ;. nant force & vertu. O combien efi celefte } quel threfor eft plus grand
bon le Seigneur, qui ne fouffre point que celui de la vie éternelle.^ Qui
que fes poures feruiteurs foyent ten- font nos parens finon ceux qui obeif-
Matlh. 11. i;. tez outre mefure 1 O combien fon ioug fent à la parole de Dieu ? Où y a-il
eft doux & léger 1 Qui eft femblable
au Treshaut, qui reçoit les affligez, plus de délices & honneurs qu'es
cieux.' Qu'ils me difent fi les fciences
redonne guerifon & fouftient les ma- ne font pas données pour la conoif-
lades.' A qui le ferons-nous feinbla- fance de Dieu , fans laquelle , nous

I
ble ; Aprenez , mes bien-aimez , en aurons véritablement perdu tous nos
combien de fortes le Seigneur ertend labeurs, veilles, fueurs & entreprifes.
fur fes feruiteurs fa douceur, bénig- Que l'homme miferabie me refponde :
nité & mifericorde ; lequel a le foin
de les vifiter en leurs tentations, & Quel foulas & remède aura-il s'il n'a
pointlasde Dieu , lequel
& médecine eft le vrai
fouueraine ; & fou-
me
daigne eftre auec eux en quelque lieu
Obieflions que ce foit, leur donnant vn efprit & veut faire à croire d'auoir la mort en
de la chair & lean 14. 6.
du monde cœur paifible. Ces chofes pourront- horreur, lui qui eft ia mort en péché ? Si
elles eftre conues du monde r non Chrift eft la voye , la vérité & la vie ,
aux martyrs de
Jefus Chrin. y a-il vie fans lui .' Les chaleurs me
certes, car l'ignorant ne dira-il pluf-
font comme vne frefcheur ombrageufe
(i) Cette lettre, écrite de Venise le 12 juillet & l'hyuer m'eft vn prim-temps au Sei-
1555, des prisons de Saint-Marc, se trouve gneur; comment craindrai-ie les cha-
aussi dans Pantaléon (p. ;28), qui tenait,
dit-il, l'original des mains de Celio Seconde leurs, veu que ie n'ai pas mefmes peur
Curione. C'est à cet auteur que Foxe ( IV, du feu .' Celui qui brusle de l'arnour
467) et peut-être aussi Crespin l'ont em-
pruntée. (i) Soulagement, consolation.
11.
LIVRE SIXIEME.

brifera les dents des mefchans, car


du Seigneur fera-il tourtncnté du froid r de lui feul fort toute benedidion ,
Il ert certain que ce lieu eft fort afpre
comme auffi à lui feul apartient tout
La vraye terre au couipable , mais à l'innocent ell empire. Les mocqueries & reproches
afHucntc en tant doux qu'il ne d'iftille que du miel que nous endurons pour le Nom de
laid & en d'vn collé, il ne diflillc que du laid de
miel. l'autre >!t donne abondante méditation Chrift nous: «rendent
de tous biens. Le lieu de foi eft afpre eft efcrit Si vousioyeux, ainfi qu'il
eftes reiettez &
it mal cultiué ; toutefois il m'eft fait mefprifez pour le Nom de Chrift, i. Pierre 4. i^||,
vne fpacieufe valee ; ce m'eft ici la vous eftes bien-heureux, d'autant que
plus noble partie du monde. Il n'y a la gloire, l'honneurA la vertu de Dieu,
voire mefmes fon faind Efprit, repo-
prairie plus deledable ; i'y voi des fera deffus vous. » Eftans donques cer-
Rois, des Princes, des villes & peu-
tains de noftre falut , nous mefprifons
des batailles
faits &ples,tuez : i'y voi
, les autres les vns ;def-
vidorieux les toutes les iniures<& reproches de ceux
vns déprimez, les autres efleuez. Ici qui nous les font. Je n'ai en la terre
La prison des eft le mont de Sion , ie conuerfe ici aucun fiege arrefté , car mon pays eft
Martyrs de es cieux. Je cerche la nouuelle leru-
Chrid. aux cieux; Jefus Chrift m'y allille plei-
nement, le voi à l'entour de moi les falem, laquelle fe prcfentc ia au de-
Pères anciens , les Prophètes , les
&uantlà de moi. l'en
eft fituee ai prins &le nechemin,
ma maifon, doute
Apoftres, Euangeliftes & tous les fer-
uiteurs de Dieu. L'vn m'embralTe & point que là les richeffes , parens &
honneurs me défaillent. Ces chofes
fouillent, les autres m'exhortent ; ceux-
là me manifeftent le fruid des Sacre- terriennes
font toutes qui ne font: &qu'vne
caduques ombreeft,
qui plus , |,
mens, ceux-ci me confolent & m'acom-
pagnent, chantans cantiques & louan- vanité des vanitez, fi l'efpoir & certi- Ecclef. i. 2.
ges au Seigneur. Dira-on que ie tude de l'éternité future nous défaut.
fuis fcul, entre tant de bons perfon- Les fciences que i'ai receuës du Sei-
nages. defquels ie pren compagnie, gneur m'accompagnent pour me re-
exemple -alTommez,
les vns & crucifiez,
foulas d'iceux,&
car l'en voilapidez (iouir, defquelles maintenant l'en voi
les fruids. l'ai fué & enduré froid,
fciez, les autres roftis & fricalTez en i'ai veillé iour & nuid, ie n'ai paflé
aucun iour ni heure fans quelques la-
vailTeaux
& yeux
poêles les d'airain. Je voi
creuer à ceftui-ci , couper la beurs. 'Voici , le vrai feruice du Sei-
langue à ceftui-la, trancher la tefte à gneur eft engraué en ie
moime, icelui m'a
l'vn & à l'autre les pieds & mains; donné ioye au cœur, repoferai
mettre les vns en vne fournaife ar- paifiblcment en lui. Qui ofera dire
dante de feu, les autres baillez en que i'ai perdu mon temps & que mes
labeurs ont eflé employez téméraire-
proye & viande aux beftes. l'entre- ment, lefquels ont veincu le prince du
prendroi charge trop grande, fi'ie les
Bref l'en voiplu- monde cSc changé la mort à la vie.' «Mon
vouloi tous raconter.
fieurs tourmente z dediuers tourmens, ame a dit : Le Seigneur eft ma part, pf, 16. ,-.

I
toutefois viuans fains & faufs, ayans pourtant ie le cercherai. » Si donc ¥

tous vn mefme remède & médecine mourir heureufement


au Seigneur n'eft
mais viurepoint mourir,
, pourquoi
qui adoube 'ij & ferme leurs playes ,
choie qui me donne auffi force & vie. tant furieufement ce miferable m'ob-
Pourtant ie foufl"rc ioyeufement tou- iede-il la mort , veu que ce n'eft que
tes ces angoiffes de peu de durée, car ioye.' O quel plaifir ce me feroit de
goufter le calice du Seigneur ! y a-il
l'efperance que i'ai referuee es cieux
me fouillent. Je n'ai aucune crainte vil gage plus certain du falut .' Jefus
Chrift a dit que les mefmes chofes qui Matth. 10. j;
de ceux qui m'iniurient & me perfe- lui ont efté faites nous feront fembla-
cutent à tort, d'autant que celui qui blement faites. Donc, poure infenfé
refide es cieux s'en rira, le Seigneur
qui es cfbloui à vne fi grande clarté,
fe moquera
vn million de d'eux. Je es,
perfonnag ne crain point
qui tout au celTe. Que le monde, aueugle comme
Leur confola- une taulpe , defifte de plus obieder
tion contre tour m'enuironnent. Mon Dieu &
tous maux.
Seigneur me deliurera; c'eft lui qui eft ces choies. Je dirai auec l'Apoftre
mon feul refuge & ma confolation, le- faind Paul : « Qui nous feparera de la Rom. 8. jo.
quel haullanl ma tefte frappera tous diledion de Dieu .- fera-ce tribulation & )8.
ceux qui fans caufe mi; perfecutent it ou angoilfc, ou perfecution, ou famine,
ou nudité, ou péril, ou glaiue r Nous
(1) Répare, guérit.
fommes liurez à mort pour Chrift tous
POMPONIVS ALGIER.

■* les iours, & Ibmmes eftimez comme mandemens de Dieu, pour fuyure le m.d.lv.
brebis J'occillon. » Mais ainfi faifaiit confeil des hommes ; car il eft efcrit
nous fuyuons nollre chef & Capitaine au Pfeaume premier de Dauid : « Bien-
i 2J^. Jel'us ChriO, lequel a dit que « le dif- miné au heureux eft l'homme
confeil des qui n'a point &che-
mefchans ne
ciple n'ell pas plus grand que le maî-
tre, ni le feruiteur plus grand que fon s'eft arrefté en la voye des pécheurs,
feigneur.» O Seigneur, tu l'as dit ! voire & ne s'eft point affis au banc des mo-
& que ceux qui te voudroyent fuyure queurs. la
" n'auiene que je renie Chrift
prinllent leur croix. au lieu de le confelîer. Je ne priferai
CoNSOLEZ-vous, mesfreres, en Dieu,
pas d'auantage ma vie que mon arrve
de forte que, quand vous tomberez en & ne changerai point la vie auenir au
diuerfes tentations, vous ne fuccom- fiecle prefent. O que certui-la eft fol
qui en certe forte nous argue de folie 1
2. biez. qui
ceux Vous
nous fauez
tuent qu'il eft faire
penfent efcritgrand
que le ne trouue aucunement honnefte
feruice à Dieu. Les angoilTes donc de d'acquiefcer en celle manière aux ma- n entend les
la mort font certains fignes & fymbo- gnifiques, fages , paifibles, mifericor- Sénateurs de
les de noftre diledion & de la vie à
dieux & illuftres Sénateurs , defquels Vemfe.
venir. Efiouyffons-nous au Seigneur , les prières me font coramandemens,
chantons lui cantiques de louange , car les Apoftres nous enfeignent :
confideransque, fans aucun crime, nous « Qu'il faut pluftoft obéir à Dieu qu'aux Ades 5. 29.
!. [7. fommez liurez à la mort, « car il vaut hommes. » Or quand premièrement
bien mieux endurer en bien faifant nous aurons ferui à Dieu , comme au
(puis que telle ell la volonté de Dieu) fouuerain Monarque du monde , nous
qu'en faifant mal.» Nous auons l'exem- fommes
ple en Chriil & es Prophètes, lef- puiftancesende après tenus lefquelles
ce monde, d'obéir auxie
quels, à caufe qu'ils parloyent au Nom defireroi eftre parfaites deuant le Sei-
du Seigneur, ont elle expofez au plai- gneur. Us font magnifiques, mais il
fir des enfans de ce monde , & main- s'en faut beaucoup deuant Dieu; ils
tenant nous les difons bien-heureux font iuftes , mais le fondement de iuf-
d'auoir enduré ces chofes. Efiouyf- tice qui eft lefus Chrift, leur défaut;
fons-nous donc en noflre innocence & ils font fages, mais où eft la crainte de
iuflice. Le Seigneur iugera ceux qui Dieu, commencement de (ageiTe? ils
nous perfecutent, à lui feul apartient font bénins, mais où eft leur charité
la vengeance. le fuis accufé de folie Chreftienne ? ils font bons , mais ie
à caufe que ie ne veux euiter la mort leur defire le vrai fondement de bonté ;
par diflimulation, donnant femblant de ils font illuftres, mais ils reiettent le
conoirtre Dieu ; ainfi me dit-on que, par Seigneurde gloire, (c Maintenant donc, pf ^
vn feul mot, ie peux remédier à tous ô vous tous Rois & Princes, entendez,
ces tourmens ; ô poure homme , qui & vous Gouuerneurs de la terre, pre-
pour auoir oublié Dieu ne vois point nez inftruétion, feruez au Seigneur en
mefmes la lumière du Soleil ! Aye crainte & vous efiouyftez en tremblant.
fouuenance de ce propos de Chrift :
Baifez le Fils, de peur qu'il ne le
. 14. (( 'Vous elles la lumière du monde. La courrouce & que ne periffiez de la
cité fituee fur la montagne ne peut ef-
voye, quand» Pourquoi
foit peu. fon ire s'embrafera
le mutinent tant
les
tre cachée. On n'allume point la
chandele pour la mettre fous le muy gens & murmurent les peuples en
mais fur le chandelier, afin qu'elle ef- vain f pourquoi fongez-vous chofes
claire à tous ceux qui font en la mai- vaines contre le Seigneur f pourquoi
j. 18. fon. 11 Et en vn autre lieu : « Vousferez s'auancent les Rois de la terre & con-
52. menez deuant les Rois & Magifirats, fultent enfemble contre le Chrift le
ne craignez ceux qui tuent le corps, Saind de Dieu ? iufques à quand cer-
mais plufloft celui qui tue l'ame. Tout cherez-vous menfonges & aurez en
homme qui me confelTera deuant les haine la vérité .' Conuertiffez-vous au
hommes, ie le confefTerai deuant mon Seigneur voftre Dieu, & ne foyez plus
Père qui eft es cieux , mais celui qui endurcis de cœur. Car qui perfecute
m'aura renié deuant les hommes, ie le les feruiteurs de Dieu , il perfecute
renierai deuant mon Père qui eft es auffi Dieu mefme, fuyuant ce qui eft
cieux. » Si donc le Seigneur a parlé fi dit : « Tout ce que les hommes vous
clairement, où eft fondé le confeil que feront ne fera pas fait à vous , mais à
me donne ce mal-heureux mondain.'
moi. "
la n'auiene que ie mefprife les com- Si ainfi eft donc que, contre l'opi-
LIVRE SIXIliMC.
276
nion commune des hommes, ie n'ai
refpondu au delir de tres-illuflres Sé-
l"uis-ie eftimé coul- La mort bicn-heureujc de Pomponius
pable, veunateurs,
que pourquoi
ie Seigneur a prédit Algier, exécuté à Rome.
que, quand nous ferons liurez deuant
les Magillrats, ce ne fera point nous Apres que Pomponius eut quelque
qui parierons, mais fon Elprit r Puis temps eftii es prifons de Padouë , il
que le Seigneur a prédit ces chofes fut mené à Venife , où par la fageffe
(lequel n'eïl point menteur) Ot que ie humaine plufieurs alTauts lui furent li- Vains clTorl»
lu: parle point de moi-mefme , ie n'ai urez : c'efl alTauoir de fauuer fa vie de la fagelTe
donc aucune couipe. Qui fuis-ie qui en faifant femblant de fe defdire. Et humaine.
puilTe reliQer à la volonté de mon
c'ert ce qu'en l'Epillre précédente il
Dieu .' S'il y a quelqu'vn qui oie re- exaggere (i) tant , & loue & magnifie
prendre telles paroles, qu'il argue le le Seigneur de ce que iamais on ne ie
Seigneur qui a ainll bel'ongné en moi. peut ne diuertir, n'efbranler, tellement
Et s'il lui femble qu'il n'y a aucune qu'à la lin pour lapariugement
moindre peine qu'on
reprehenfion en Dieu , qu'il ne m'ac- lui fouft donner, fupreme
cufe point , qui ne fuis caufe de celle de la Seigneurie , il fut condamné aux
œuure, ayant fait ce que ie ne vouloi
faire, & dit ce que ie n'auoi penfé. galères. pour
referué Mais faire
le Seigneur, qui exprès
vn meflage l'auoit
Que fi les chofes que i'ai produites
font mauuaifes, qu'ils le monftrent, & de fes iugemens aux fuppofts de l'An-
techrift Romain & à fon Clergé in-
lors
moi ie& confell'erai
non de Dieu qu'elles
; maisfortent de
fi elles fâme, fufcita le légat (2), qui lors ef-
toit à Venife, de demander Pompo-
font bonnes & aprouuees, A ne peu-
uent élire iuflement accufées , il faut, nius à latrefagreabie
Seigneurie ,à afin
offrande fon d'en faire
mairtre le
vueillions ou non , & maugré nos
Pape, qui lors elloit Paul IV. de la
dents, que nous accordions & admet-
mail'on des Carafîes, homme en fon
SairiCle tions qu'elles font précédées de Dieu. dernier aage autant inueteré en mal
confiance Lefquelles chofes admifes, qui ell-ce
qu'onques il en fuft. Le genre du der-
qui m'accufera ? fera-ce vne gent très
fage r Qui me condamnera r feront-ce nier fuppiice qu'il endura fut tres-
cruel, tant y a qu'en fa mort il effraya,
ces iugcsla trefiuftes
facent, parole de .' Dieu
Et bien qu'ils nele
pourtant par fa confiance & magnanimité, tous
les plus vénérables pères de Rome
fera ne
gile pointfera
annulée. Pournicela
empefché iugé l'Euan-
; mais fpeilateurs d'icelie , & le Seigneur
lors lui donna force & confiance con-
le royaume de Dieu fera tant plus
cher & amiable aux vrais llraelites, & uenable à la dodrine
tée & maintenue qu'il
deuant lesauoit por-
hommes.
tant plus viftement paruiendra-il aux
cfleus de lefus Chrift. Et ceux qui
feront telle chofe fentiront ie iuge-
ment de Dieu , & les homicides &
meurtriers des iufies ne feront point
fans peine. Mes tres-chers , efleuez Robert Glover , Anglois (}).
vos yeux, & confiderez les confeils de
La verge de Nous auons en cejle lii/loire vn miroir
pefle pourquoi Dieu. Le Seigneur n'agueres a monf-
enuovee. Iré vne efpece & image de pefie :
cela a efié fait pour noflre corredion. de preud'hommic nai'/ue , confite en
bonnes ô'- J'ainâes mœurs , & non
Que fi nous ne le receuons , il def- feulement en la perfonne de Robert
gainera fon glaiue, A frappera la gent Ghuer , mais aufji en fon frère
qui s'efl elleuee contre Chrift de
glaiue, pelle, famine, le prie le Sei- verger de la prifon Léonine, •> était les ter-
gneur qu'il dellourne tel fléau de ribles cachots de Saint-Marc, situés non
nous. Mes frères, i'ai efcrit ceci loin du lion de bron/e
à la république qui servait
de Venise. d'armoirie
Rome avait aussi
pour voftre confolation. Priez pour
moi. Adieu, tous feruiteurs de Dieu. sa prison Léonine, au château Saint-Ange,
où lut transféré Algieri. Voy. Bonnet, Der-
Dv trefplaifant verger de la prifon niers Récits, p. 12).
Léonine , ce douziefme du mois de (1) Dans le sens de faire valoir, faire res-
sortir.
Juillet I SS5 (i). P. Algier.
(2) Il se nommait Dclla Casa.
(!) Crcspin, édit. de 1564. p. 086; édil. de
(I) Ce que Algieri appelait u le ircrplalsanl 1570, f" J7l-)75- 'Po\M, II, t. V, p. )84-}99.
ROBERT GLOVER.

lean, duquel par occajion la vie ejl de la vertu & puiffance du Fils de m.d.lv.
ici propofee , & les combats par eux Dieu qui eftoit en ce perfonnage , le-
foulhnus.
quel s'il n'euft remis en eftat par con-
Robert Glouer eftoit ilTu de noble folations fouuent continuées, il n'euft
porté tant de douleurs & angoiffes.
parentage , & auoit fon frère Jean La caufe laquelle lui efmouuoit tant
Glouer, tous deux d'ellat honnorable de troubles n'eftoit pas de grande im-
portance ;mais voila comment il en
& condition aifee de polTeffions qu'ils auient que couftumierement ceux qui
auoyent de leur père: mais beaucoup
plus riches eftoyent-ils en la crainte font les plus fain6ls & les meilleurs
fe tienent toufiours pour fufpefts à
de Dieu & biens de l'Efprit. Défia
dés longtemps Robert auoit conoif- eux-mefmes, & cela fait qu'ils font ef-
branlez fouuentefois. Il lui auint, après
fance de l'Euangile,
demonftroit bien par voire telledequ'il
fa vie ne auoir efté premièrement illuminé en
l'auoir receue en vain. Toute fa foli- la conoiflance de la vérité , que re-
citude tendoit à ce but de monflrer tombant en fa première façon de vi-
quel il eftoit au dedans, affauoir vraye- ure, il eut depuis, reuenant à foi, tel
ment reformé par l'Euangile, & ne defplaifir, qu'il vint à vn defefpoir de
s'eftudioit point à aparoiftre deuant falut , mettant deuant fes yeux qu'il
les hommes, ains à faire que fa vie auoit péché contre le fainél Efprit.
refpondiftà fa profeffion. Mais le Seigneur, qui eft feur gardien
Or auoit-il vn fien frère, vn peu plus des fiens, modéra tellement cefte ten-
aagé que lui, nommé Jean Glouer , tation ,qu'il lui donna grand repos
duquel nous dirons quelque chofe , d'efprit & accroiflement en la conoif-
auant que venir à l'hiiloire des com- fance de l'Euangile , fi que fa vie, fes
bats que Robert a fouftenus contre mœurs & le zèle au pur feruice de
Dieu vint en euidence, voire aux en-
les aduerfaires de l'Euangile. Ce lean,
ayant laiflTé la plufpart de fes biens à
nemis & nommément de l'Euefque de
fes frères , s'eftoit referué quelque Conventrie (i), lequel incontinent en-
portion , laquelle il lailToit difpenfer à uoya lettres au Maire de Conventrie & ^
quelques fermiers, afin qu'il euft meil- au Capitaine du lieu, à ce qu'ils donnaf-
leur loifir de vaquer aux chofes diui- fent ordre que Jean Glouer fuft ap-
nes, ayant atTez bonne conoiffance des préhendé. Auffi toft que le Maire eut
lettres. Vrai eft que Robert fon frère receu les lettres de l'Euefque , il en-
eftoit vn peu plus doéle en cefte forte uoya fecrettement vn homme vers
des
bien lettres
parler;qui [Toliflent
m:is Juan l'homme
eftoit plusà lean Glouer, pour l'auertir de l'entre-
prife dreffee contre lui, afin qu'il peuft
exercé es chofes de ki \ raye religion. de bonne heure pouruoir à fes afaires.
Tous deux auoyent prefijue vn mefme Icelui fortit viftement auec fon frère
efprit ; & quant à la dextérité, il n'y Guillaume
laiffé la maifon, & àde grand'peine
veuë , que auoit-il
voici le
auoit pas grande .différence ; mais
quant au defir & reuerence de la reli- Capitaine & vne bande de gens entrè-
gion, àlaquelle tous deux fembloyent rent dedans pour prendre Jean, félon
efgalement eftre nais , ils fe relfem- le commandement de l'Euefque. Et
bloyent fi bien , qu'à grand'peine comme ainfi
trouuer, vn desfoit fergeans
qu'ils nemonta
le peuft'ent
en la
euft-on choifi lequel on deuft préférer
chambre haute, en laquelle il trouua
à l'autre, finon que, comme Robert ef-
toit plus roburte de corps, auffi aper- Robert, frère d'icelui. qui eftoit défia
des long temps malade au lid ; il le La prife de
ceuoit-on en lui
ment contre les qu'il eftoit de
ennemis plusvérité
véhé- ;
print donc au lieu de Jean fon frère , Robert.
toutefois , Jean craignoit moins les & l'emmena. Et combien que le Ca-
dangers. Et combien que Robert foit
ean OinuLT mort martyr, toutefois lean afpiroit à Robertpitaine&ne demandart
fauorifer àqu'à
toutefaire plaifir
la caufe,
afpirc ;ui de pareil defir au martyre. Robert a
maruro. enduré la mort , laquelle a efté voire- & que pour cela il fift tout ce qu'il
pouuoit pour le laiffer aller, difant
ment cruelle & afpre. lean, par plu- que ce n'eftoit celui pour lequel on
fieurs fois,ietté
a enduré angoiffes les auoit là enuoyez, toutefois vn des
& a efté fouuent dedans d'efprit
le feu
intolérable d'vne géhenne par diuer-
fes tentations. Celui qui a recueilli (i) L'évêque de Lichfield and Coventry
était alors le D' Ralph Bayne. Il fut élu en
cefte hiftoire s'eft fouuentefois efbahi 1,-54 el déposé en IÇÇ9.
LIVRE SIXIEME.

officiers
78 , infirtiint ijuiiu moins on le par leurs œuures) ont mis leur falut
dcuoit j;Mriicr iufqucs à la venue de
propre
Dieu en oubli.
me Tant laqu'il
prolonger vie plaira
en ceà }
l'Euefque, le (it mener en prifon con-
tre le gré du capitaine. Nous auons monde , ie ne cefferai de lui faire j
inféré ceci de lean Glouer pour monf- prières pour vous, à ce que, par fa \
trer ce qui a eflé touché ci-deffus , grande
de iour mifericorde
en iour en c%vous
bonté,
, etil parface
auance •'
affauoir qu'il n"a point elle exempt de
perfecution pour vne mcfme caufe de
ce qu'il a vne fois heureufement com-
l'Euangile, Quant à Robert Glouer, mencé ,c<' que le tout foit à la gloire
le Seigneur l'appela à fouffrir mort de fon Nom , & qu'il vous arme & >
pour teflifier de fa vérité. On pourra gouuerne tellement par la force fe- j
trop mieux conoiftre le difcours des crette de fon Efprit, que tous deux j
procédures tenues contre lui , par la
cnfemble , par le lien d'vn mefme ef- |
lettre qu'il manda à fa femme, bien prit (comme auffi nous fommes liez
amplement parlai efcrite pour fa con- par mariage) , nous célébrions fa
folation & de tous fidèles . comme
s'enfuit : louange en l'autre fiecle , à la confo-
lation & félicité perpétuelle de tous
deux. Amen.
Ses lelires
à fa femme, La paix de la confcience , qui fur- Or tant qu'il lui plaira vous faire
monte tout entendement, vous foit viure en ce monde , ie vous prie de
cfqucllcs il bon cœur vous accouftumer fur tou-
monrtre les ottroyee en accroiffement perpétuel ,
procédures & auec toute liefTe , confolation, force tes chofes à fouuent prier Dieu, efle-
interrogations & vertu au fainft Efprit , & foit aug- uant vos mains pures au Seigneur
des aduerfaircs
de verilé mentée en vfiftre cœur par la foi viue, (comme S. Paul admonnede) fans ire, i. Tim. 2. 8.
contre lui , ferme & confiante en noftre Seigneur contention, ne doute, inettant en ou-
durant fa lefus Chrift, feul Fils & bien-aimé de bli toute iniure & outrage qui vous
prifon. Dieu. Amen. Je vous mercie grande- auroit efté faite , & pardonnant fi
ment des lettres que m'auez enuoyees vous auez quelque chofe contre quel-
en la prifon , ma bienaimee en noftre cun , comme lefus Chrift nous par-
donne. Et afin que vous foyez de tant 1
Seigneur, lefquelles i'ai leuës par deux
fois, auec beaucoup de larmes, pro- plus facile & encline à pardonner les
cédantes non point de quelque trif- offenfes faites par autrui , ceci vous
teffe ou douleur, ains d'vne ioye & fera bon <!k vtite, que vous mefmes
reduifiez fouuentefois en mémoire
iieffe incroyable d'efprit. l'ai conu
par icelles l'œuure admirable de la l'enormité & horreur des péchez, lef-
grande mifencorde A' bonté de Dieu, quels lefus Chrift nous a pardonnez,
comme en vn vif tableau dépeint de & lefquels il nous remet tous les
viue affedion du profond de voftre iours. Il auiendra par ce moyen (comme
cœur. le ne me fuis, di-ie , peu con- faind Pierre nous remonftre) que nous
tenir que de grande reliouifrance ie entretiendrons mieux la charité mu-
tuelle entre nous . et plus facilement
n'ayc ietté larmes de mes yeux & rendu couurirons & pardonnerons les péchez
grâces au Seigneur pour vous, lequel,
félon fa grande douceur & bonté , les vns des autres , quelques griefs
s'eft monflré clément âi bénin enuers Qu'ils foyent. Et pource que la parole
vous, ou plulloft enuers moi. Pour de Dieu nous enfeigne ceci ouuerte-
ment , non feulement comme il nous
certain, ces lettres que i'ai receuës, &
le bon rapport que nos amis me font Aiut prier, mais auffi ce qu'il nous
de vous, que vous profitez de bien en faut fuyure, & ce qu'il nous faut fuyr,
mieux en la vrayeconoilTance de Dieu, dk ce qui efl agréable à Dieu ou non ;
& perfeuerez conftamment & fidele- faites , ie vous prie , que toute voftre
oraifon tende principalement A ce but,
iTient en icelle, m'allègent grandement
que le Seigneur , félon fa grâce &
en ces ennuis & fafcheries qu'il ine
faut tfius les iours endurer en la pri- bonté infinie , infpire de iour en iour
fon. Ces lettres vous feruiront quel- & de plus en plus la vraye conoif-
quefois de lefmoignage manifefle en fance de fa Parole en voftre entende-
ce grand iour du Seigneur, contre
plufieurs femmes délicates de nollre tre viement,que
t% qu'il
lesconduife tellement vof-
fruifls refpondent à la
temps , diflfolues & par trop plus conoiftlince.
adonnées aux defirs it cupiditez fu- Av furplus, puis que le faind Ef-
rieufes de ce monde qu'à Dieu , A prit appelle cefte parole : Parole d'af- i- Cor. 1. i".
lefquelles (comme on peut conoiflre flidion , aft'auoir d'autant qu'elle a
ROBERT GLOVER.
fouuent & prefque ordinairement les monde ; mais ceux-ci perfecutent , M.D.LV.
incommoditez de ce monde coniointes tuent, traînent aux feux & tourmens,
auec foi , les opprobres , les haines , fans différence, tous ceux qui acquief-
les dangers, les perfecutions, la perte cent à la pure doélrine du Fils de
tant des biens que de la vie , comme Dieu. Chrift & fon Eglife offrent vo-
vous en eftes bien admonneftee par lontairement leur dodrine pour eftre
expérience ordinaire , tant plus dili- examinée félon les fontaines de l'Ef-
de Dieu , gemment
pourdeuez-vous
implorer l'aide
vous rendre forte à liberté àcriture
tousdiuine,les & hommes laift'ent vne pleine
du monde
porter le fardeau , félon rauertilTe- d'en conférer, comme le Seigneur dit,
ment que le Seigneur nous en fait , & Jean, 5. : « Sondez les Efcritures. »
que puiffiez , par la grâce du S. El- La faufl'e Eglife tient bien toute autre
prit , demeurer ferme contre toute façon & tout au rebours , par laquelle
tempefte & orage , reduifant fouuent eft défendu au peuple d'en faire iuge-
en mémoire ce qui eft aduenu à la ment, ne permettant à homme, quel
Gen. 10. 20. femme de Lot, laquelle regarda à ce qu'il foit , d'examiner les fruids de la
qui eftoit derrière elle. Rien n'eft fi vraye conoift'ance
Efcritures. félonEglife
La vraye la reigle des
de Dieu
defplaifant
faux feruiceà inftitué
Dieu que l'idolâtrie
outre & fans , (on
ou
a toufiours eu ceci en recommanda-
commandement. Gardez -vous bien tion, de refifter de toute fa puilTance
donc de vous polluer de la MelTe, aux peruers defirs de la chair, du
qui eft pleine de blafpheme, & direc- monde & du diable , à toutes tenta-
tement répugnante à la parole de
Dieu & à hnftitution de Chrift noftre tions &cupiditez defbordees; au con-
traire on
, verra la plus grand part de
Seigneur. Combien y a-il de ceux qui ceux-ci fe plonger dedans les bour-
font tant peu que ce foit exercez en biers de toutes voluptez & ordures,
la lefture des fainftes Efcritures , qui & commettre des vilenies exécrables,
n'entendent bien qu'auiourd'hui^ en qu'il n'eft licite d'exprimer. Il eft bon
& ne s'ac-
fe fait, ne & expédient de conférer fouuent les
Angleterre pure neparole
corde à la rien qui foit faits auec les exemples de ceux qui
propre pour feruir au baftiment & ont aprobation par la parole de Dieu,
édifice de l'Eglife de Chrift r la pluf- qu'ils font vrais membres de Chrift &
part fe vantent & mettent en auant Il me à femble qu'on les
qu'ils font l'Eglife, & par ce titre-la bienEglife.
peutfon
de comparer Nemrod, lequel
s'attribuent la foi. le leur ai dit que l'Efcriture depeind fous la figure d'vn Gen. 10. 9.
la vraye Eglife ne reconoit autre chef veneurcarrobufte & d'un fort comba-
que le Fils de Dieu , noftre Seigneur tant; ceux-ci ne pouuans faire par
Jefus Chrift. Elle oit tant feulement
parole ce qu'ils veulent, ils l'exécutent
la voix de fon Efpoux; elle eft con- par le glaiue , & en defpit de tout le
duite & gouuernee par icelle , félon
monde veulent qu'on eftime qu'ils font
que le Seigneur Jefus lui-mefme dit : l'Eglife. En bonne confcience, on les
lean 10. 27. « Mes brebis oyent ma voix. Si vous
peu't nommer Enfans du diable, comme
& s ;i. demeurez en moi & fi ma parole de- auffi le Fils de Dieu appeloit ainfi lean 8. 44.
meure en vous , vous eftes vrayement
iadis leurs predecefi'eurs. Car tout
mes disciples. » L'Eglife n'adioufte que
ainfi teur le diable leur père eft men-
& n'ofte rien, & nedepreiudicie point ces
au & homicide , auffi leur royaume
Ezech. o K. Teftament facré Dieu. Mais
& Eglife , qu'ils appelent , eft compo-
& 20- orgueilleux qui iournellement m^an"ail- fee de menfonges & meurtres. Pour
cefte caufe , ma femme bien-aimee , ie
lent
toutes n'ont
chofespoint de honte
falulaires d'abolir
ordonnées par
vous prie n'ayez aucune accointance
le Fils de Dieu , & de paillarder en auec leurs doftrines , de peur que ne
leurs propres inuentions (afin que ie
participiez auec eux, aufquels la dam-
parle félon la façon de l'Efcriture) & nation éternelle eft préparée, s'ils
à fe refiouir & gaudir es œuures de ne fe repentent de bonne heure &
leurs mains. C°"'7 '^*
en vérité. Gardez-vous de leur babil
Conférence L'Eglise de Chrift a efté par tout de ceux qui f^"^^;';"'*^
de la vraye (Se jufques à cefte heure & fera ; elle a & des faux confeils
vous admonneftent de temporifer pour
laiiiie Emilie toufiours eu la croix pour compagne ,
fuietie à diuerfes fafcheries de ce c'eft chofe hor- Heb. 10. 51.
quelque
rible tomber ; car
de temps es mains du Dieu
monde & toutes fortes d'incommodi- viuant. Qu'il vous fouuiene de ce que
tez , d'autant qu'elle n'eft point du le Prophète Elle difoit : « Pourquoi
2Ro LIVRE SIXIEME. i
I. Rois iK. ji. clochez-vous des deux coftez .' Si le " Tu la fauras quand nous ferons ve-
Seigneur efl Dieu . fuyuez-le ; fi Baal nus deuant les feigneurs de la ville.
eft Dieu, fuyuez-le. ■•Ne mettez auffi Et quand & quand il me mena droit
Luc II. t<z
en oubli la l'entcnce de Jefus Chrift : en prifon , & de tant plus que l'ini-
" Celui qui met la main à la charrue quité de laquelle on a vfé enuers nous
it rej^arde derrière foi n'ell point di- eft grande , tant plus grande confola-
tion auffi Dieu nous fait fentir en nos
gne d'eflre de mes difciples. » Ceux qui miferes. Le monde fauorife en toutes
fe monflrent craintifs & fe portent
lafchement en l'afaire & œuure du fortes ceuxcontraire
qu'il tient alTuiettis à foi ;
Seigneur font mis au rang de ceux mais au il hait & detefte
Apoc. 21. I. outrageufement ceux qui ne font point
qui doyuent ertre iettez en l'eftang de
foulfre.
Proposez-vovs en outre deuant du monde. Tort après l'entrai en vne
Vfage de falle, puis fus mené en vne chambre,
l'hiftoire des où ie me repofai ouelque peu, &, de
Martyrs.
les yeux les exemples de ceux qui ,
d'vn grand courage , fe font oppofez ioye que i'auoi , larmes me fortirent
aux violences des aduerfaires pour des yeux en grande abondance. Lors
maintenir la querelle du Fils de Dieu, ie commençai à méditer ainfi en mon
(S: ont vaillamment combatu iufques à Oraifon de
efprit : ■■ O fouuerain Seigneur de Clouer.
obtenir vidnire. On peut nombrer entre tous les Seigneurs, moi miferable &
les anciens champions , Daniel & les chetif ! quel bénéfice que ie fois nom-
trois Hebrieux, qui furent iettez en la bre auec tes champions & feruiteurs
fournaife ardente , & les enfans de la tant fidèles & heureux , qui fouffrent
vefue ; & . entre les nouueaux auffi , pour maintenir la caufe de ton Euan- Effet excelle
Anne Afkeue , Laurent Saunders , du S. Efpri
gile 1 Ainfi, d'un codé, confiderant
Bradford (i), & plulleurs autres fidè- mon indignité & les miferes & ordu-
les martyrs de Jefus Chrill. S. Paul en fes cflcu-
Phil. I. res de ma vie pecherelTe , & , d'autre
dit : •< Ne foyez eftonnez en rien à part . vne infinité de grâce & bonté
caufe de vos aduerfaires, qui leur efl
de mon Dieu qui m'appelle à telle
caufe de perdition A à vous de falut. »
félicité , i'ai erté fi efpris d'efbahilTe-
Et le Seigneur Jefus nous dit : " Ne ment & rcfiouifiance , que ie me fuis
Matth. lo. 2K.
craignez point ceux qui tuent le fenti pour quelque temps comme yure.
A qui reffem- corps. " A vrai dire , la plufpart des O Seigneur qui monflres ta vertu en
bleni les ido-
lâtres. la faibloilTe, ta fapicnce en la folie, &
hommes reffemble au coq d"Efopc,
qui , ayant trouué vne perle , aima exerces mifericorde au milieu des pé-
mieux vn grain de froment. On n'en- chez, qui efl-ce qui t'empefchera d ef-
lire ceux que tu voudras, & en quel-
tend point quel ihrefor c"ert que la
parole de Dieu, à laquelle on pré- que part que tu voudras? Or tout
fère les chofes de ce monde mifcra-
ainfi que iufques à prefent i'ai fait
ble qui font plus vaines qu'vn grain confeffion de ta vérité d'vne affeftion
Tenlationv
non feinte , auffi ne me fuis-ie iamais
.lux fidèles. de froment ou d'orge. Si i'eulTe voulu
prefler l'oreille aux raifons ou argu- eflimé digne d'vn tel honneur, de
mens des hommes , beaucoup de re- foufîrir afflidion. »
tardemens fe prefentoyent : en pre- Apres vindrent vers moi les fei-
Tentation
nouuellc
gneurs Guillaume Brafbourg, Katerin
mier lieu, l'afTecSion que ie vous porte
& à nos enfans , nos biens & podef- Phinces, Nicolas Hopkin (i), pour
fions qui font aflTez amples ; mais, grâ- me perfuader que ie donnafTe quelque
ces A noflre bon Dieu, par lefus Chrirt pleige ou refpondant pour me deli-
noflre Sauueur vnique , il n'y a rien urer de la prifon. Aufquels ie ref-
de tout cela qui m'ait retardé. Jaçoit pondi en la façon qui s'enfuit : Pour
que du commencement (afin que ie le autant que les principaux feigneurs de
confeflTe franchement) ie fu faifi de
la villtr m'ont fait mettre en prifon
frayeur à la première violence de mes fans auoir eflé premièrement informez
aduerfaires , eflant efmeu de quelque que ie fulTe coulpable ; fi ie faifoi ce
apprehenfion de danger , tant y a qu'ils me confeillent , ce fcroit me
neantmoins que, par la prouidence di- rendre coulpable. S'ils n'auoyent de-
uine, cefte frayeur s'efl efvanouïe. quoi m'accufer, ils me pouuoyent laif-
QvAND le Lieutenant vint A moi, fer aller & ofler de la prifon fans
ie demandai la raifon pourquoi il ef- caution. Eux, d'autre part , propofe ■
toit là venu, lequel me refpondit :
(I) Ces noms sont écrits : W. Brasbridgc,
(I) Voy. I. I . p. «01 ; t. Il , p. I J7 . 176. C. Phincas et N. Hopkins par Foxc.
281
ROBERT GLOVER.
M.D.LV.
s félon
rent plufieurs railbns, efquelle eres, me préparant à endure que
r alai-
l'apparence, il y auoi t plus de feurté grement & de bon cœur tout ce
culi
nue d'honnefteté . mettans en auan
t feroit
la violence de FAntechrift me
faci le,/ , '.e voul o. auff i vne cho fe qui me rendit
3uil me feroit fait, de
11 Y eut
toft
rompre le ferment que 1 auoi fu aue rt.
ger le alaigre , Ceft que ie
me mettre hors de tout dan après que l'E uef que ven oit & fero it
refpondi derechef que des long temps en bref en ces quartiers-ci.
eux
i-eaoi refolu en ceft afa.re Mais
UllOVclut LauL f^.u-, - - .
mnft oyen tant plus ij^ ^±' JJ^ ';^
auec
fans forts que l'en efchapperoi
Voya nt qu ils ne tai- le vraifer-
facile cond itio n. , Gloucr intcrrogué quel eft
fovent fin de me confeiUer et prier uice diiii n , pre nd pou r mge la pn-
ieur Hop kin que mitiue Eglife.
ie refpondi à monf
la vne & et^^"
paix choi ^'J^.
^"' ten
rranc uiHit
confcience.
ede tout
de conf cienque
ainfi ce eft fort
pre- ntvES
L'E luiQVE laant
eneft arr onm'am
oniuéde, Dent on ena (ij,
dre auffi eft-elle ineftimablement peu deua maif
cieùf e. Ayan t fur cela quel que pré-
ma prière où de prem ier abord il vfad vne
de loifir pour méditer, ie adema ndant face qu'il eftoit mon Euelque & pour
fecrette à mon Dieu , lui le me
cefte caufe m'admoneftoit que n;ance.
fecours & confeil prefent , & qu en fubmiffe à lui en vray e obei
grâce
ceft inftant il m'adminiftraft par fa Puis m'interrogua fi i'eft oi inftruit aux
ce qu'i l cono iftr oit lettres ou non. le lui refp ondi que >e
& bonté fecrette ceux-ci
eftre expédient. Et lors que j'eftoi quelque bien peu. Le raporta
Chance-
'^'Zr'- eîrenrc'effé de m'exhorter, vne con- s près de lu,
lier quieftoit affi s Lors
folation finguliere vint inco furuint
ntincn nue i'eftoi Maiftre es art
faifir mon cœur . Apre s eux . Pour-
l'Euefque me fit cefte demande
monfieur Dudlee (i), & «i%d°nna quoi ie ne fréq uent e les temp les &
fait les
femblable confeil qu'auoyent t'oi au feruice diui n. lequepouu o
'e bœn -
rt aff.f __^^^ _^^^^^^
pref que de mefm es paro- Quelle raifon il y auo.t
autres, vfant renuoyai auec pareiUt par tergiuerfation .repo""^'^.,^''"V° „ que de fauuer
les lequel ie ^^ ^.-^ ^^^
refponfe que les autres. at,t Et encore mande, pource qu'il n y auoit paskmg
lafaire fon diocef e , tou- difiim uianon.
retourna-il vers moi, &deb temps que i'eftoi en
& d'au tre auec plufieurs aidé de la bonté & grâce
d\n cofté SLeftant
me vin plement
raifons, & à la fin cefte penfee de mon Dieu, ie refpondi fim
ues à ceft e heur e a, fait cela iufq ues à pre-
en refprit : Jufq e & confeffion de la que ie n'auoi re
folicité à conf tanc fent & ne le feroi déformais , enco
1 ai eu qu il me
vérité tous ceux auec lefquels que i'euft-e cinq uant e vies
E. « Je
M,n,a,-es de à faire, & ai efté com me vne trom- felluft conferuer par tel moyen.
lEuangile, nette à cc que nul ne quittaft rien ac fuis venu pour vous enfeigne
r & non
notez ceci. [^ doftrine Euangehque aux adueriai- enfe igné . .. Gl. « le
quelle infamie & point pour eftre , fi
res. Maintenant, fuis fort preft d'aprendre & meou.rpu.fte
defhonneur me feroit-ce, là fi^, abandon- vous auez quelque chofe qui
mon bou- fera celui
nant mon rang & iettde ant
la preffe ? Et bien enfeigner. » E. -< Qu.
, me retiroi
clier ie conftituerons luge ou arbie-
que tre >nous
» Gl » Jefus Chnft lui-mefm
quelle matière de triftfidè effe & de fcan- tre au
dale donneroi-ie aux cont les genfd ar- nefaifoit difficulté de permet
mes de Chrift ? & au raire, quelle fa doô rin e félon
rlaires peuple d'examiner cela ne
occafion donneroi-ie aux adue les fainaes Efcritures. Et fi
ceft e rai- rs au lu-
de fe rire & moquer ? Pour fuffit, ie me fubmets volontie
fon . mefprifant les dang ers & mena- gem ent de la prim itiu e Egh fe ou de
Heureufe
"Xirt ces de ce monde orgueilleux & tous^ celle qui eftoi t proc hain e du tenips
allechemens de la chair, le équi ne delaif- . » E. « le fuis voflre
table. des Apof tres
ferai vne caufe tant iufte & voti^ de-
ces chof es en moi- Euefque, & pour cefte raifon foi & ac-
Ainfi rumi nant
le uez vous accommoder à ma
mefme, auec repos de confcience, ment. » Gl. '<cQ^e
m-arreftai finalement à cela , de faire quiefcer à mon s iuge blan au
olt fera-ce fi vou tournez le
ce qui eftoit de mon deuoir, pluft noir & fi vous dites que
les ténèbres
à mes affe dion s parti - raifon y auro. -Il
que de feruir Lt lumière? quelle vous direz.
u de confentir à ce que
. i) Ce Dudiey est un personnage inconn
comme les précédents.
(1) Personnage inconnu.
282 LIVRE SIXIEME.

Litchfeld comme à Conventrie? Les


pourquoi imputez vous à crime au
peuple d'auoir adiouflé foi à Latimer, villes & régions peuuent-elles dif-
Hooper i'(' autres Euefqucs ? « e! tmguer fa promelTe r Neft-elle pas
également efparfe &c(tendue partou
. « Pource qu'ils eltoyent hérétiques. »
J'attendoi bien qu'il me deuft Jeremie, Abacuc , Daniel, Mifac t &'
quelque bon propos, mais il ne tenir me autres ont-ils moins fenti Dieu es pri-
propofa rien pour me conueincre finon fons, ou quand ils elloyent chatTez &
fon authorité. Il m'accufnit que ie bannis , que lors qu'ils demeuroyent
difcordoi de l'Eglife catholique, -me en la terre de leur nai/Tance r Icelui
demandant oij dloit -J'Eglife catholi- fait bien où nous fommes, de quelles
que deuant le temps du Roi Edouard. chofes nous auons befoin ; lui-mefme
Et ie demandai d'autrepart , où cftoit auffi fait bien le nombre de tous les
leur EgliCe du temps du Prophète cheueux de nos teftes, fans la volonté Matlh 10.
Helie ou de Jefus Chrid? Il refpon- du quel vn petit oifeau mefme ne tom-
dit: M Le Procihete Helie ne s'eft plaint bera point en terre. Tant que nous
que contre les dix lignées qui s'ef- mettrons noftre efperance & fiance en
toyent reuoltees de la mailbn de Da- lui, iamais il ne nous dellituera de fon
uid. .. Cependantfuruintmonfieur Ro- fecours, foit en la prifon ou hors de la Maiih. ii>.
Kier (i), vn des principaux de la ville, prifon ou en la maladie, ou hors de la
lequel fe faifoit fort qu'il me refpon- maladie, foit en la vie ou en la mort,
droit félon le contenu de l'hiftoire. foit que nous foyons prefentez deuant
Mais l'Euefque rompant le propos, les Rois & Pnnces, ou deuant les
ordonna que ie fuffe fur l'heure em- Euefques. Brief, le diable mefme &
mené en la tour , & quand il auroit les portes d'enfer ne pourront rien à
vifité fon diocefe, il trouueroit moyen 1 encontre de nous. En méditant ces
à fon retour de chafTer hors tels loups. chofes & autres, ie reprin finalement
Monlieur Rogier l'admonnefta qu'il courage & ramenai la confolation qui
n'attentafl rien plus pour cefte nuid s'enfuyoit de moi, de telle façon que,
la. lufques à ce qu'ils eulTent délibéré quand i'eu entendu qu'aucuns difoyent
entr'eux qu'on feroit de moi. Sur cela qu'on ne pouuoit trouuer en toute la
ledi à l'Euefque:" En quelle part que ville autant de chcuaux qu'il fulfifoit
me faciez tranfporter, ie fuis prert d'y pour nous traîner, ie di que ie ne me
obtempérer, vfez de vollre authorité foucioi point quand on nous traineroit
comme bon vous femblera. » Parquoi dedans des tombereaux à fumier à la
ie fu mené en la prifon commune. Le mort. Toutefois, à la perfuafion d'au-
lendemain au matin, vn compagnon de cuns amis, i'efcri
cefle prifon m'auertit que i'euflTe A & autres officiers uidelettre s au Maire
la ville en cette
forme :
m'apredcrviftement pour partir & que, Lettres de
ce iour mefme, on me deuoit tranfpor- " Ie penfe, Mcffieurs, que vousfa-
ter hors de là auec les autres compa- uez bien qu'il y a défia fept ans que rupplicalinii
gnons prifonniers, pour nous mener fuis détenu de grieue maladie, ce que au Ma(,-iilrat
tous à Lytchfeld (2), pour y eftre trai- mon Geôlier pourra auffi teftifier &
Cela tez dufélon commencement
la fantalie de l'Euefque. tous les voifins qui habitent ici à l'en-
me mit en tour, voire ma maladie e(l telle , qu'à
grand fouci , it de fait , ie craignoi grand' peine me pourra-on ofter d'ici
bien tju'il n'aduinft (ou à caufe du fans danger de mourir. Et pource que,
mauuais traitement de l'Euefque, ou par voftre commandement, i'ai elle mis
à caufe de ma longue maladie qui en cette vortre prifon, ie defireroi (fi
m'auoit du tout exténué) c'ertoit de vofire plaifir) que mon pro-
me furprinfl en la prifon, que la mort
auant que cès me fufl ici fait. Que fi de vofire
i'euffe loifir de défendre ma caufe de- authorité vous faites ce dont ie vous
uant les luges. Mais ie corrigeai faci- requier , ie receurai cela de vous
lement celle desfiance, me propofant comme vn fingulier bien duquel i'au-
deuant les yeux des plus exprès tef- rai perpétuelle fouuenance. Sinon, ie
moignagesque ie peu recueillir promp- prie affedueufemenl nofire bon Dieu,
Argumcns temenl de la parole de Dieu, penfant qu'il ne vous impute point cefte faute
Torlb pour re- ainfi en moi-mcfme : Comment ' Dieu
poufTcr toutes en ce grand iour, auquel il faudra que
icnlalions. n'ell-il pas fort & puifTant auffi bien A nous comparoiffions tous deuant fon
fiege iudicial, fiege d'équité, où cha-
(1) Ro^ers, un des magistrats dt la ville.
cun rendra conte de fa vie & de fes
(J) Lichfield. fautes & receura guerdon dignedefes
ROBERT GLOVER.

œuures fans acception de perfonne. fon ,eflroit & obfcur à horreur. Pour M.D.LV.
lle
» Voftre poure prifonnier , toute lumière, il y auoit vne fenda
qui donnoit de trauersvn bien qui peu de
)i Robert Glover. » tult
clarté. On ne me donna rien
L'inhumanité On ne me fit aucune refponfe à ces pour auoir quelque repos ou allége-
tenue à ment àmon poure corps, m efcab elle.
lettr es. Je penle que l'Eue f- ni banc , ni autr e chofe quel conque
l'endroit de
Glouer en la miene
s elier,
que en fut caufe & le Chanclettre s, pour m'affeoir , finon que ce lephcot
auoir veu mes
me fit bailler vn peu de paille en lieu
prifon. lefquels, après
tant plufto ft
ont penfé qu'il faloit
ue con- de lia pour cefte nuift-la. Mon Dieu
auancer ma mort. Ei i'ai quelqque ces par fa bonté infinie me donna fi grande
iedure qui me fait penfer ences
deux-ci ne tendoyent à autre but finon patience à porter toutes ces viol talu
& opref fions , que, quan d il m euft
de m'opprimer fecrettement en pnfon
mourir cefte nuia-la, i'eftoi du tout
en quelque forte que ce fuft , auant ; difpofé à l'endurer. Le lendemain,
que fuffe admis à défendre ma caufe
lephcot, acompagn é de Perfé (i), ier-
car ils m'ont traitéargum d'vne façon qui uite ur de l'Euefque, venant de bon
m'eft affez fuffif ant ent pour me
na matin vers moi , ie commençai à me
faire penfer ceci. Ainfi on ordon pleindre : « Voici vn grand outrage
sens qui nous deuoyent mener de
fit-on qu'on me fait, le Seigneur nous doint
Conventrie à Litchfeld, & nous edi » Us me permirent de recou-
monter à cheual vn iour de Vendr patience.
urer vn lia où ie pourroi repofer. Au
enuiron les onze heure s; cela le ht
refte , ils ne me voulurentme lama is ot-
afin que fuffions en fpeftacle ànt plu- le troye r que quel que ami vinft voir,
fieurs & afin qu'ils embrafaffe combien qu'ils me viflent en grand
contr e nous, comm e s'il n'euil mefme ne me vou--
peuple Ils h- danger de rder ma vie, ni encre, m plume, m
point efté défia affez enuenimé. es paten -
luren t acco
rent fur l'heure lire les lettr pté vn nouueau
les Hure quelconque, exce
tes par lefquelles on defendoit les Teft amen t en Latin & vn petit hure
liurès de tous bons autheurs & i'auoi apporté tours auec
commentaires fur la faiofte Efcriture de prières que defr obee. Deux
chemi n, & moi comm e à la
Nous-nousmifmesdonc en oine
en bien peu de temps nous arnuafmes après, le Chancelier & vn Chan ,
du lieu, lequelonnommoitTemfee(2)
à Litchfeld & logeafmes en affez l'hoftellerie ert
s humai- vindr ent à vers mon moi Euefque pour & m'exme hortfiren
du Ci'^ne, où nous fufme foupé , lephc ot,
d'obéir
lephcot , nement traitez. Après t
feruiteur du
feruiteur du Chancelier (1), vint vers proteftation qu'ils ne me vouloyen
Chancelier.
s non plus de mal qu'à leur prop re ame.
nous, en la garde duquel nous fufme Il fe peut faire que le Chancelier
me
liurez . Nous le priaf mes inlta m-
lors prop os, pour
ce i'auoi dit à Conventrie ce que peu aupa -
tint qu il
ment qu'il nous fuft loifible de repofer rauant
cefte nuia en l'hoftelleri e. Premi ère- e moi.
machinoit vne ruine iniufte contr
ment il nous accorda noftre requefte , A fon exhortation ie fi prefque celte
foit que ce fuftfonà la foli- obeil-
mais depuis, autre s, ou de propre refponfe que volontiers rendroi
citation des fance à celle Eglife qui fe fubmet à
mouuement , il fe defdit de la pro- me dit : « Com-
meffe qu'il nous auoit faite. Et tout
parole ment Dieu
de conoif . Et
tras-t u lailparole de Dieu ,
foudain, accompagné de beaucoup de
fi r Eglife ne te la monftre & quel enfeigne .? »
complices, il nous tira de làefton en la pri- « L'Eg life , di-ie , monftre le eft la L'Eglife n'eft
fon ,le peuple eftant tout né de , mais elle n eft pas
parole de Dieu
nous voir. le remonftrai derechef à par delTu s. lean Bapti fte grande que la
pourt ant pas plus
lephc ot, qu'il euft à faire fa charge monftre Jefu s Chrif t au peup le; s en-
laq. 2. i;
auec bénignité, autrement prépa lugement
fans mifericorde eftoit ré à fuit-il que Jean Baptifte foit par del-
fus Jefus Chrift f Ou fi ie monftre qui parole.
qui ne font point de miferi - le lau-
La mifericorde ceux corde en iuftice. Mais voici quelle eft le Roi à quelqu'v n qui ne
le
des mefchans. pour toute ma roit pas , direz-vous pour cela que
ie peu obtenir de lui er
celi
remonftrance , il me mit feul au heu fuis Jardeft-us le Roi? Le Chan fuyuit
la pn- eut la bouche clofe & ne pour
le plus bas & profond de toute
r de levé
Jephcot était au service du chancelier
(I) ng.
Dunni (0 Ce Persey était serviteu
Bayne.
(2) Temsey.

\
284

LIVRE SIXIEME.

point plus outre fon argument, difant


uoquent.gneur eflIl
près
de tous
prefiefl ceux qui
de tendre l'in-
la main
fjour
à venutoute
pourréplique
difputer.qu'il n'eftoit point à tous ceux qui implorent fa clémence
<t mifericorde auec vne vraye foi &
repentance, en quelque lieu <t temps I
Le fruin des prières, la refpon/e & fo- que ce foit. Ce n'eft point arrogance
luthn aux Icnlalions que les fidèles ni prefomption quand, nous alTeurans
pettuenl auoir, fouffrans pour la ve- de fes promefl'es,
nté,font ici exprime:^. de fon fecours, en nous nous glorifions
quelque danger ou
Apres cela, ie fu huid iours en la angoifl'e que nous foyons conflituez;
non pas que nous méritions quelque
prifon , fans que perfonne me vinft guerdon , mais cela efl par la fiance
faire fafcherie quelconque, non pas de que nous auons aux promelTes de
parole feulement , iufques à la venue Dieu en fon Fils noflre Seigneur Je- Heb.
Le profu de-' fus Chrift, par le feul moyen duquel
prières. de TEuefque. Cependant l'employai
ce temps-la en prières & oraifons, c^ tous ceux qui voudront venir au
cela me profita grandement ^*t au corps throne de la grâce du Père, feront
& à l'ame. Car ma maladie fe dimi- infailliblement receus, & obtiendront
nuoit de iour en iour, et de plus en ce qui fera expédient pour leur falut,
non feulement du corps, mais fur tout
plus le repos
mentoit de ma confcience s'aug-
, & fouuent ie fentoi des con- de l'ame : & ce plus libéralement &
folations enuoyees par la grâce du en plus grande abondance beaucoup
S. Efprit, (t quelquefois vn gouft af- qu'ils n'ont ofé efperer ne defirer. Sa
fez fenfihle de la vie et béatitude éter- parole ne peut mentir ne fruflrer :
nelle , et par le moyen de ce grand PL <o. n.
« Inuoque moi au iour de ta tribula-
Comment il
Seigneur Jefus ChriH fils vnique de tion , » dit-il , << & ie t'exaucerai, & tu laui repoli iref
Dieu, auquel foit honneur et gloire à me glorifieras. » Outre plus , ie ref-
Teniaii'ins dos Satan.
fidclc^ iamais. Amen. Cependant le vieil fer- pondi ainfi à mon aduerfaire le dia-
pent, ennemi de noftre falut, me dref- ble : Je fai & confelfe que ie fuis
foit fouuent desembufches, tantofi me
pécheur, & du tout indigne d'eflre
mis au rang des tefmoins de la parole
propofoit combien il s'en faloit que ie
fulTe digne d'vn honneur d'vne telle de Dieu; quoi donc.' lairroi-ie à
vocation ; affauoir que ie fufTe mis au maintenir vne caufe fi fainâe pour
rang de ceux qui auoyent fouffert pour cefle raifon que ie fuis pécheur & in-
le tefmoignage de l'Euangile. le re- digne .'Or que feroi-ie autre chofe
poulTai facilement ces penfees volages,
pour cela , finon d'indigne me rendre
ayant mon refuge à la parole de Dieu auffi infâme.- car quel plus grand pé-
& faifant vn tel argument en moi- ché pourroit-on commettre, que de
mefme : Quels ont erté ceux que Marc S.
Dieu a daigné chnifir des le commen- nier la vérité de l'Euangile .>« Qui
aura eu honte de moi, • dit le Sei-
cement pour eflre tefmoins de fa pa- gneur, 1deuant les hommes, l'aurai
honte de lui deuant mon Père & fes
role & doârine .- n'ont-ils point efté
hommes fuiets à péché , infidélité & Anges. Mais par vne mefme raifon il me
faudroit laifTer tous ses commande-
beaucoup d'infirmitez.- Noé, Abraham
mens et tous les deuoirs de religion;
& Dauid n'estoyent-ils pas telsr Bar-
comme fi, en voulant faire oraifon, le
nabas & Paul auffi, qu'efloyent-ils?
Rom. 1 1. !i
Qui ert-ce qui a le premier baillé diable me mettoit en auant que ie ne
quelque chofe à Dieu & il lui fera fuis pas digne de leuer les yeux au
I. Cor. 4. 7
rendu.' Qu'as-tu que ne l'ayes receu ? ciel, lairroi-ie pourtant de prier .> Et
Ican I. 16. Et Jean Baptidedit : Que nous auons ne me deporteroi-ie point de defrober
tous receu de fa plénitude. Nul n'a ou commettre meurtre , pour dire que
lean 11;. i(>. iamais rien apporté i\ Dieu, mais tou- ie ne fuis pas digne de fuyure les or-
tes chofes vienent de lui, & les hom- donnances deDieu .' Telles fraudes et
Rom. 10. 1: mes ne l'ont esleu ou aimé les pre- tromperies procèdent de Satan , lef-
miers, mais c'efl lui qui les a premiè- quelles nous deuons repoufTer par
faindcs prières, & falutaires remèdes
rement aimez, voire aimez lorsqu'ils
eftoyent ennemis et vuides de toute pris des Efcritures.
vertu. C'efl le Seigneur de tous, riche QvAND l'Euefquc futarriuéA Litch-
enuers tous, & fur tous ceux qui l'in- fed (1). ie fu tiré de la prifon; A me
uoquent, fans acception des perfonnes.
PL I ■»■» "'
Il efl dit par le Prophète : a Le Sei- (1) Lichfield.
ROBERT GLOVER.

mena-on en vne chambre prochame uoveroit en ma prifon obfcure, en la-


m d.lv.
du lieu où il ertoit. le ne vi là que quelle il me feroi t tenir fans viand e
l'Euefque & les fuppofts & officiers ne breuuage , iufques à ce que ;lui
qu'au ec eux il y
plus familiers , fmon euflfe refpo ndu. Alors i'efleuai mes
auoit vn prertre ou deux. De première veux & mon efprit à Dieu, & le priai
entrée, ie fu eftonné de les voir; mais en moi-mefme que fon bon plaifir luft
tout incontinen t i'efle uai mon cœur à me donner hardielTe de refpondre
Dieu & le priai de bonne afteèt ion conue nable à fa fainde doctrine &
la
qu'il lui pleuft me fecourir & donne r bonne volonté. Voici quelle eftoit
L'Eue fque rogat ion : « Comb ien
force en l'eftat où i'eftoi. première inter Sacrement.
fe print à dire : ■< Quel pafle-temps àe Sacremens eftoyent ordonnez par
d'eflre en pri- Chrift > » le refpo ndi qu'il n y
» ler ne
fon plaifi
ou ie trouuo voului pas refpondre à Jefus en auoit que deux : le Baptefme & la
vne queftion fi friuole : parqu oi pour-
me fainde Cène. 11 me dit : « N y en a-il
de
fuvua nt fon propo s , il tafch a point outre ces deux-ci? » le di que
perfuader par belles paroles que le les Miniftres fidèles ont authorité par
vouluffe eftre membre de celle Egiile ncer la re-
la parole de Dieu de prono
qui auoit duré fi longue efpace de miffion des péchez & offenfes à ceux
temps- remonflrant d'autre part que qui monftrent vne vraye repentance -
mon Eglife n'auoi t eu fon comm ence - de leur mauuaife vie palTee. L Eue
depuird
ment que Edoua s le Roi fils Henri huic- oit que i'auoi dit que c el-
, & que , que debat
tiefme & fon toit vn facrement, & depuis on ne lui
deuant ce temps-la, nul ne 1 auoit
n'eufl^e dit que
conuë. Ma refponfe à cela fut : que le c'efto'itperfu
peut vn aderfacreque ment.ie le ne voulu
vouloi eftre membre de celle Eglil e cela
point débattre opiniaftrement de
qui eftoit fondée fur les Apoflres & contr e lui , & ne me fembl oit grande-
Prophètes en Jefus Chrift , qui eft a ment feruir à la matière; combien
maiftr elTe pierr e du coin; & fur cela qu'il me fift tort, faifant acroire que
i'alleguai le palTage de famd Paul au ie I'auoi appelé facrement. Outre plus,
Lphef.
, 20 fécond des Ephefiens , & maintins que il me demanda fi i'aprouuoye la con- Conrefi.on.
le comm en- di que non. Final eriie nt
cefte Eglife auoit efté des feffion. le
cement. Et combien qu'il n'y euft nous tombafmes fur le propos de la
ni magni ficen ce exté-
nulle often tatio n
rieure en icelle, toutesfois il ne le prefence du vrai corps au Sacrement, Meffe.
il me
le refpondi que de leur Meile
faloit point efbahir pour cela veu fembloit qu'el le n'eft oit ni facr emen t
ûu'eftant agitée de croix & affliaions ni facrifice, d'autant qu'ils fe defto
ur-
prefques perpétuelles, à grand peine de la vray e inftitution & or-
nove nt
a-elle iamais eu loifir de relpirer à donnance de lefus Chrift, voire
caufe des oppre ffion s des tyrans . l'auoyent du tout anéantie , .& quand
A l'oppofite , l'Eue fque debat oit que ils l'au roye nt remife en Ion eftat ,
l'Eglife eftoit par deuers eux. Et le qu'al ors ie refpo ndroi ce que le fentoi
lui di que de cefte mefme façon toute
de lant.
creme prefence de Jefus Chrift au Sa-
la congrégation de l'EglProph ife crioit an- en
ciennement contre les ètes
Ainfi eft, Robert Glover.
1er Jerufalem : «■ Le temple du Seigneur,
'' le temple du Seigneur. » A toutes les
fois que ie tafchoi de dire quelque Voila que nous auons peu retirer
chofe pour ma defenfe , ceft Euelque des efcrits de ce faind perfonnage ,
medifoit : <■ Tai-toi, c'eft à moiqueà t
auquel les aduerfaires ne donnèren
parler Je te fai commandement loifir d'efcrire plus auant ; car incon-
tu te taifes , félon l'obeilTance que tu tinent après, fentence de mort lui
me dois. » U m'appeloit orgue illeux avant efté prononcée , il fut mené au
& effronté hérétique. Puis il efmeut en-
dernier fupplice, & bruflé à Conv
ie ne fai quelles queftions contre moi ; trie auec vn autre nommé Corneille
mais d'autant que tout ce qu'il deba- BVNGAYE (1), l'an 1555- '« 19- 'O""" c. Bungaye.
loit n'eftoit que chofes friuoles , le ne du mois de Septembre.
k. lui voulu pas refpondre , requérant la
caufe eftre ouye & debatue en pleine
lumière. Neantmoins il infiftoit, & me de Cornélius Bungey .
Sur ,le l.marty
(i) Foxe
voy. Vlî,re p. jW-
preflb it de bien près à refpo ndre. Fi-
nalement me menaça qu'il me ren-
286 LIVRE SIXIEME.
AngleterreJ
Si nous faifons comparaifon de la fous la perM
mifere des Anglois, à celle que nous cuiion , eflil
^■^M^'$M:im lifons des autres nations, on ne trou- lale mifericorq
miroir da
uera point de la fouuenance des hom- & iullice de
Iean Web, George Roper, et mes exemple plus mémorable ni miroir Dieu.
autres (i).
plus clair, pour contempler dvn cofté
la mifericorde de Dieu , & de l'autre
La pcrfecution fut afpre en Angle- fa iuftice, que celui que nous prefente
terre au mois d'Odobre de celle an- en ce temps la defolation d'Angle-
née ; plufieurs fidèles endurèrent la
mort; les vns exécutez publiquement, terre. Qu'ainfi foit , n'a-ce pas eflé
les autres par tourmcns des prifons. vne grâce fpeciale du Seigneur, d'y
auoir mis l'enfeigne de fon Euangile,
Le 16. dudit mois, Jean Web, gentil- non feulement plantée par tout le
homme de bonne maifon, George
Roper, it auffi Grégoire Painter f)ays , mais auffi par les contrées qui
furent bruflez en la ville de Cantor- ui font fuiettes.^ D'autre cofté, n'eft-
ce pas vne bonté & mifericorde auffi
bie (2). Gvillavme Wisseman (3)
mourut en la tour des Lollards en la finguliere d'y auoir efpars puis après
telle femence de I Euangile , par le
ville de Londres. Vn nommé Iames moyen du fang des Martyrs excellens
GoRiE mourut en prifon à Colcef- en pieté iS: dodrine , que non feule-
tre (4). (in
apporta Ceauxmefme moisque
tourmcns d'Odobre
Nicolas ment l'Angleterre, mais aufli les autres
pays & nations qui en oyent parler en N. Ridley,
Ridiey A Hugues Latimer auoyent font édifiez & efclairez.' Entre ces
parauani foullonus , defquels mainte- martyrs, Nicolas Ridley, iflTu de no- Euefque.
nant auons à traiter l'hiftoire. ble maifon au pays de Dunelme (1) ,
en eft vn desil premiers,
érudition auoit vn d'autant qu'auec&
zèle prompt
ardent , toullours dreifé pour auancer
& fouftenir la gloire du Seigneur ;
Nicolas Ridley, Euefque
dres (5). de Lon- ayant pour aides les bonnes lettres &
langues, efquelles, des fa première
Ce/Î exemple nous propose quelle doit ieuneffe,deil Cambrige
uerfité auoit efté inftitué en l'vni-
, au collège de
élire nojlre condition en quelque Pembroch. Du viuant du bon Roi
ejlal ou dignité que fo/ons , afin de Edouard VI. il fut ordonné Euefque
n'ejlre trop ellonne:{ quand Dieu de Rochellre, tt depuis Euefque de
fondera nojlre foi; Jur tout, après Londres; mais, après le trefpas dudit
que nous aurons fait profejjion de
jadoclrine. Cejl Eue/que, & Hugues Roi, les ennemis de l'Euangile, i& fur
tous Eftienne Gardiner, appelé Euef-
Latimer , ont grandement injtruit que de Winceftre, lui drella toutes les
l'Angleterre en la doilrine de la embufches & fafcheries qu'il fut pof-
Cène, contre la Tranjfubllantiation
fible d'inuenter. En premier lieu, ayant
& autres impollures de la Mejfe; ils efté adiourné à trois briefs iours , fut
font morts enj'emble au mefme licl conftitué prifonnier, <& mis entre les Emprifonné.
d'honneur {(>).
(I) Nicolas Ridley
cienne famille du descendait d'une
Northumbcrland an-
et naquit,
(I) Crcspin. 1Ç64, p. 606: 1Ç70. (' )7Ç.
(1) John VVcbbi;, gcnllcnun , Goorgc Ro- au commencement du seiïième siècle, à Wil-
per cl Grcgory Parkc. Voy. Foxc, t. Vil, monlswick. Il lit ses études dans une école
p. Ù04. de grammaire de Ncwcasilc, puis à l'Uni-
()) William Wisenian. Voy. Foxc , t. VII, versité de Cambridge. Il étudia aussi la théo-
p. <)04. logie à Paris el à Louvain. Ses talents et
(4) James Gorc , mort dans la prison du son caractère le firent distinguer de bonne
Colchesier. heure. En i?)7, archevêque
il devint l'undedesCanlerbury,
chapelains
rul vers le ;D'après
décembre.Foxe (VII, 605), il mou- de Cranmer,
(ç) Crespin, édit. de 1556, p. 405-447; édil. et,
de U04, p. 690-712; édil. de H70, 1° )7(- roi. unIl se peudétacha plus tard,
peu l'un
à peudesdeschapelains du
dogmes ro-
)82; Foxe, l. VII . 40^1 et scq. : Slrypc, Mc- mains, et, en 1545 , après une élude atten-
morials, III, ciseq.; Burncl , Hist,, éd. de tive, ilrejeta la doctrine de la transsubstan-
'8Ç7, p. Ç2o; Irad. de lOll?, p. 7(1 ; Orîf^inat tialion. Edouard VI, peu après son avène-
Leiters, p. 154, )oi, 751-, Catvini opcrj, ment, le lU évèque de Rochesler. En 1548,
XV, il travailla avec Cranmer à la préparation du
Ridley.8j8, 8(.); D' Glosicr , Life of Bishop
Praycr Book. Lors de la déposition de l'évè-
(6) « cl de proucITc immortelle. » (Edil. que Bonner, Ridley lui succéda comme évê-
de i;64.) quc de Londres (avril 1550.)
NICOLAS RIDLEY.

mains de certains fergeans bien inf- quelques iours matté par prifon, on
truits à faire tout outrage & violence,
& fut enfermé en prifon obfcure , & l'enuoya quérir pour eftre amené aux
difputes, ou pluftoft débats publiques, Tiré en dif-
tourmenté longuement , voire & en efquelles eftoyent venus Papiftes en
plufieurs façons. Apres qu'il y eut de- grand nombre de toutes les contrées
meuré certain temps, fe voyant enui- du royaume ; mais quelles rifees, quel- putes.
ronné de toutes parts de la haine des les moqueries il y eut du cofté des
jgj Papiftes, voyant auffi que tout efloit aduerfaires, il n'eft befoin de reciter;
plein de fraude, defloyauté & trahifon, mieux fera d'employer le temps à Efcrit de la
extraire du traité de la Cène (i) que Cène.
il prefenta requefte qu'on delegaft lu-
ges, qui prinlfent conoilTance de fa ce faind perfonnage fit en la prifon ,
caufe, & qu'il en fuft eftabli tel nom- chofes necelTaires à édification , com-
bre qu'on fe peuft alTeurer que l'équité mençant parl'oraifon qui s'enfuit.
d'iceux ne pourroit ertre corrompue
par dons ni varier par faueur , ou Âef- (c Pere celefte, qui es le feul autheur
chir de crainte. Et pource qu'il eftoit & la fource de vérité , voire la pro- Sa prière au-
queftion de la dodlrine & religion , fondeur infinie de toute conoillance, ment du traité
commence-
qu'il en fit.
qu'il euft à refpondre deuant gens de nous te fupplions , nous poures mife-
bon iugement & fauoir. Or la plus
rables, que tu rempliffes nos cœurs de
grande confolation que ce fainâ per- ton faind Efprit , & que tu efclaires
fonnage eut, eftant en la prifon, ce nos entendemens de la fplendeur de
fut par efcrits familiers qu'il eut fpe- ta diuine grâce. Ce que nous te de-
cialement auec Hugues Latimer, au- mandons non pas en confiance de nos
trefois Euefque de Worceftre , qui
d'vn mefme temps auffi eftoit prifon- mérites , mais pour l'amour que tu
portes à ton Fils lefus Chrift noftre
nier pour vne mefme caufe, dont ci
Sauueur. Car tu vois, ô Pere débon-
après fera traité. naire ,que ce différent touchant le
^^ Pendant fon emprifonnement , les
aduerfaires, Gardiner,Tonftall, Boner, corps & le fang de ton cher Fils Je-
Heth, Day, 'Wofton (i), & autres tels fus , a troublé plus qu'on ne fauroit
eftafiers du Pape , fubornerent des croire ta poure Eglife, non feulement
hommes cauteleux & bien exercez en à prefent, mais il y a ia des ans beau-
toutes rufes & tromperies , qui vin- Francecoup ,,-tant en Angleterre
Allemagne qu'en
& Italie. Et ce
drent dire à Ridlcy, vfans de prières
par noftre faute , comme nous le con-
& promeffes , & l'exhortèrent à bien felTons, 'entant que par nos démérites
penfer de quelle dignité, de quels nous auons tant de fois prouoqué ton
honneurs & eftat il eftoit decheu , que
ire et ta vengeance fur nous. Mais
s'il vouloit fuyure le confeil qu'ils lui .toi, Dieu trefpitoyable, pren compaf-
donneroyent,tl4:s'acommoderau temps, fion de tant de maux , & nous monf-
ils lui expo.fent le bien qui lui en re- trant ta faueur ancienne , fubuien à
uiendroit , & que la Roine lui pro- noftre calamité. Tu fais tresbien, Sei-
mettoit fort amplement. Or ces ga- gneur, comment ce miferable monde,
lans voyans qu'ils ne le pouuoyent
aucunement diuertir de fon propos, & tranfporté de fes paffions, ainfi qu'vne
qu'on ne pourroit contenter le peuple, roue agitée inceffamment tantoft d'vne
finon que la chofe fuft décidée par
difpute, ils le baillèrent à vne com- (f) Ce traité sur la Cène ne se trouve pas
dans les Acts and Monuments de Foxe. C'est
mené àpagnieOxfort
de gens , d'armes pour
vniuerfité eftre
enuiron probablemenl
tulé :A Trcatisela traduction de l'écrit
0/ thc Blcsscd inti-
Sacrament.
deux iournees de Londres, & auec lui
Au lieu dans
donné, de ce latraité, Crespin
Troisième avait
partie du d'abord
Recueil
Thomas Cranmer, Archeuefque de
Cantorbie , & Latimer, lefquels peu des Martyrs (1550), une sorte de correspon-
dance entre Ridiey et Latimer, sur la ques-
de temps après, pour la mefme religion, tion de la Messe. Cette correspondance ,
'1 traduite du vulgaire anglois, >■ avait paru en
furent auffi brul'Iez. Là ayant efté anglais en cette même année 150, sous ce
titre : Certein godly, learned and comfortable
conférences belween N. Ridelcr hislwppe 0/
(i) Gardiner, évèque de Winchester et
lord chancelier d'Angleterre; Tunstall, évè- London, and Hughe Latymer. Il est curieux
de Durham;
que dres; Bonner, év-èque de Lon- qu'après avoir traduit cet écrit, qui occupe
Heath, archevêque d York ; Day, une quarantaine de pages dans son édition
évêque de Chichester; Weslon, doyen de remplacé, dans ses
Westminler (Voy. t. I, ;i ;, 325 ; Il , 9; , 06, éditions Crespin l'ait par
de i;5û, postérieures, le traité sur la
106, i;i). Cène qui suit. 'Voy. Foxe, t. VII, p, 410.
288 LIVRE SIXIEME.

ie puifle, moyennant ta fainde grâce,


part , tantofl
comment de l'autre
il obéira , ne penfe
à ta fainde pas
volonté, traitter ici en brief le myflere de la
mais feulement comme il pourra fa- Cène que ton Fils nous a inflituee,
tisfaire A les appétits defordonnez. c^ nous a efté laifTee par efcrit en tes
Car quand il y a repos , cS: que les Euangelilles & Apoftres, afin que par
perfecutions celTent , chacun veut le moyen de ton faind Efprit , qui
feul nous peut conduire & adreffer
triompher à maintenir la vérité, <& n'y en la vraye mtelligence de ta parole ,
a celui qui ne s'en vueille méfier;
mais 11 tort qu'elle apporte auec foi la tous ceux qui t'aiment A feruent en
croix & les afflidions, chacun incon-
vérité , puili'ent eftre refolus et cer-
tinent fond & s'efcoule comme la cire tains de ce qu'il en conuient tenir. >•
deuant le feu. Or ce n'eft pas pour Les trois Euangeliftes , alTauoir Maiih.
ceux-là que ie prie fi ardemment ,
faind Matthieu, S. Marc, & S. Luc Marc
fouuerain Père , car auffi ce n'ell
pour eux que ie fuis en tel fouci, ains ont les premiers efcrit la Cène que Luc :
pour ces poures infirmes & tendres , noilre Seigneur fit auec fes difciples :
qui font menez d'vn zèle & affedion mais nul ne l'a traictee plus clairement
de te conoiftre, eflans neantmoins re- ni plus amplement que S. Paul , au
tenus par les rufes & finelfes de Satan 10. chap. de la première Epiflre aux
& fes fuppolls , & empefchez par la Corinthiens, et encores plus expreffe-
corruption de ce prefent monde mau- ment & plus clairement au chapitre
uais, ne peuuent paruenir à ta conoif- fuyuant. Or, comme il n'y a prefque
Vcriié affllKL-c fance. Toutefois, Seigneur, tu fais nulle différence es paroles entre S.
a peu de trefbien que nous ne Ibmmes que Matthieu & faind Marc, auffi y a-il
Jel'enfeurs. grande conuenance entre faind Luc
chair & fange, & que nul bien ne re-
fide en noilre miferable nature , tant & faind Paul. Tous certes comme
s'en faut que nous puiffions conoirtre fortans d'vne mefme efchole, & inf-
ce qui ell certain , finon que tu nous truits de l' Efprit du fouuerain Doc-
monllres la voye , voire que tu nous teur, ont tout d'vn accord traité vne
I, Cor. 2 meines par la main. L'homme fenfuel, mefme chofe
vérité. Voici ,comment
c'eft à dire
S. la mefme
Matthieu
& laiiïé en fa nature, peut-il conoiftre
defcrit la forme de 1^ Cène du Sei-
les chofes qui font de l'efprit de
Dieu.' Fai donc, Seigneur, que ceux gneur :!• Quand le foir fut venu, il Maiih. 26,
defquels tu auras enflammé les cœurs s'iifjU à Uible auec les dou:[e, &c. El
de ton amour, foyent par toi attirez ; comme ils mangeoyent , le fus print du
& manifefle-leur ta fainde volonté.
pain , & jprc'S
(/ le rompit & lequ'il eut àrendu
donna grâces ,
fes difciples,
Et ne leurs
ayent permets , s'il te plait
entendemens , qu'ils
fi aueuglez, & dit : Prenez , manre\ , ceci ejl mon
corps. Et ayant pris la coupe & rendu
que de s'oppofer à toi , & te faire la
guerre, ainli que ces reprouuez qui grâces, il leur donna, difant : Beuue\-
crucifièrent ton Fils. Pardonne leur en tous, car ceci ejl mon fang du nou-
pluftoft oeil aueuglement , puis que ueau Tcjlament , lequel ejl refpandu
pour plufieurs en remiffion des pechc\.
c'eft parCarignorance
chofes. qu'ils
ils penfent (tantfont ces
ils font
Et ie vous di : le ne ïolrai d'orefena-
uant de ce fruiSl de vigne, iufques à ce
infenfez) qu'ils t'aiment & te font
feruice , quand ils iettent ainfi leur iour-la que ie le boirai nouueau auec
rage à l'encontre de toi & des tiens. vous au royaume de mon Père. » S.
Aye, ie te prie, fouuenance, Seigneur, Marc auffi dit la mefme chofe en ces
de la prière de ton fidèle tefmoin Ef- termes : « Et comme ils mangeoyent , Mhic m.
AClcs tienne, laquelle il fit pour fes ennemis. le fus print du pain , & après auoir
Rom.
Confidere l'amour linguliere de ton rendu grâces , le rompit ; puis leur en
Apollre enuers ceux de fa nation , donna , & dit : Prene^ , mange^ , ceci
pour le falut defquels il dcfiroit lui- eft mon corps. Puis, prenant la coupe,
mefme eflrc feparé de toi. Et ton il leur en donna , & en heurent tous ,
Luc i\.
Fils, ton bien-aimé , ne pria-il pas & leur dit : Ceci e/l monfang du nou-
ueau Teflament , qui ejl cfpandu pour
ardamment pour ceux qui l'auoyent plujieurs. En vérité . ie vous di, que ie
crucifié, difant : " Père, pardonne leur,
car ils ne fauent qu'ils font .' •■ Parquoi, ne boirai d'orenauani du fruicl de la
6 Dieu éternel , te plaife , auec la
vigne,
boirai auiuj'ques
royaume à cedeiour là que
Dieu. » ie le
mercipoures
ces que ieaucugies,
te requierfaire
d'ottroyer
auffi queà Vovs voyez que faind Matthieu &
NICOLAS RIDLEY.

fainfl: Marc n'accordent pas feulement faid en foi , comme nollre Seigneur m.d.lv.
Jefus Chrift a inftitué & diftribué ceft
à la chofe, mais qu'ils vfent prefques excellent Sacrement de fon corps &
des mefmes mots , finon que lainél
Matthieu (félon qu'on lit en quelques de fon fang, en mémoire éternelle de
exemplaires Grecs) dit que le Sei- foi, iufques à fon retour ; de foi, di-ie,
gneur Rendit grâces , & faind Marc c'eft-à-dire , de fon corps liuré pour
qu7/ bcnit ; lefquels mots en ceft en- nous, & de fon fang efpandu en la re-
droit fignilient vne mefme chofe. De- miffion des peche\. Or cefte fouue-
rechef faind Matthieu dit qu'il com- nance ou mémoire qu'il requiert des
manda que : « Tous hcujjent de la fiens n'eft point telle qu'elle doiue
coupe , » & faind Marc dit : « Qu'ils eftre tenue pour chofe de petite con-
heurent tous à l'heure. « En outre, le fequence; mais commeen c'eft
Chrift de la fufciter nous,à &lefus
de
premier dit : u De ce fruiâ, >> & l'au-
faire que nous la puiflions appliquera
tre : « Dufruià,
Venons maintenant» omettant
aux autresl'article.
deux ,
cefte inftitution , entant qu'il eft vrai
afin que nous voyons femblablement Dieu & vrai homme, auffi la puilTance
en quoi ils conuienent , & en quoi ils diuine furmonte & outrepalTe infini-
différent. Il y a en fainâ Luc : « Puis ment toutes les fouuenances que les
Luc 22. hommes pourroyent auoir, tant de ce
il priai du pain, & rendit grâces, & le
rontpil, & leur donna, difant : Ceci e(l qui leur attouche que d'autre chofe
mon corps, lequel est donné pour l'ous; quelconque. Car qui reçoit ce Sacre- En la Cène
faites ceci en niemoire de moi. Sem- ment, félon la reigle & manière que du Seigneur il
blablement il leur bailla la coupe après Chrift
fouper, difant : Cefte coupe eft le nou-
.,
il reçoit-^l'aauili
inftitué
/•(-
ou la1 en •
viemémoire
1 dei
ou la lui, y ^ "'^lïc°"ne
mort,
mort ; ce ^efte rien pour
ueau Teftament en mon fang , qui eft que nul de fain iugement ne niera, tiers lieu,
refpandu pour vous. » Mais S. Paul veu que c'eft (à mon auis) la commune
recite tout ceci vn peu plus au long opinion & foi de tous Chreftiens.
2. Cor. II. en ces termes : « Noftre Seigneur le- Auffi S. Paul l'afferme en s'adreflfant
fus, la nui£l en laquelle il fut liuré, aux fidèles qui reçoyuent deuëment ce
print du pain, & ayant rendu grâces, Sacrement. Il parle en cefte forte :
le rompit , & dit : Prene\ , mange\ , « La coupe de beneditlion, laquelle
ceci ejl mon corps, qui eft rompu pour
vous ; faites ceci en mémoire de moi. nous benijfons, n'ejl-ce point la commu-
Et femblablement print la coupe, après ioufte nion:du fang de Chr'ijll
« Le pain ^ Puis
que nous il ad-,
rompons
parlant de la table du Seigneur ,
qu'il
cjl le eut foupé,tellanient
nouueau difant :enCelte coupe
mon fang; n'eft-ce point la communion du corps de
faites ceci, toutes les fois que vous en Chrift 'f » S'enfuit donc que ceux qui
boirei , en mémoire de moi ; car toutes font vrayement participans du Corps
les fois que vous mangerei de ce pain , & du fang de lefus Chrift acquièrent
& boire:{ de cefle coupe, vous annonce- falut & vie éternelle. Puis , vn peu
rez la morl du Seigneur, iufques à ce après, parlant des infidèles, il les ad-
qu il viene. » monnefte au chapitre fuyuant, comme
eftans en vain affis à cefte Table : « Qui-
Il appert manifeftement qu'au lieu
que S. Luc a mis : « Efl donné, » conque, dit-il,
» « mangera ce pain, &
faind Paul a vfé de ce mot : « Efl boira la coupe du Seigneur indignement,
rompu. » Et comme faind Luc a ad- il fera coulpable du corps & du fang du
ioudé ces mots : i Qui eft refpandu Seigneur. » Que cerchons-nous doncr
pour vous , » à ce que faind Paul a Souhaittons-nous la vie, ou fi nous de-
dit de la coupe ; auffi faind Paul a
'9
firons efchapper la mort ? Qu'y a-il plus
conjoint au dire de faind Luc ce qui propre ou plus conuenable à cela ,
s'enfuit : « Faites ceci, toutes les fois qu'vn chafcun s'efprouue foi-mefme
que vous en boire:{ , en niemoire de auant que manger de ce pain & boire
moi. « Ce qui fuit en faind Paul au de cefte coupe r Car quiconque en
mefme chapitre & ce qui eft contenu mange ou boit indignement, il mange
au précèdent, apartient à la vraye co- & boit fon iugement, ne difcernant
noilfance de la Cène & manière de la
point le corps du Seigneur, & ne fai-
célébrer deuëment, & contient par- fant point tel honneur comme il apar-
faitement levrai vfagedonc
d'icelle. tient àvne chofe de fi grande excel-
Novs entendons , tant des
lence. Combien qu'il ne faut pas
Euangeliftes que de faind Paul , non prendre ce que nous auons dit des
feulement les paroles , mais auffi le fidèles & infidèles, de la vie & de la
u
290 LIVRE SIXIEME.

mort, comme (i nous ellimions que la lent que le pain commun, ou non ; ou
vie fufl. rellituee par ce moyen aux fi la table du Seigneur a plus de di-
hommes qui font ia morts à Dieu. gnité que celles des hommes mortels,
Des edeus. Car comme nul ne peut eftre propre
à receuoir & vfer des viandes def- qui qu'ilslement lefoyent
figne &, oula bien
figurefi de
c'eftChrifl
feu-
quelles la vie humaine eft fubllantee it rien autre chofe. Car nous tous af-
& conferuce,
rement mis au (Inon
monde,qu'il
& foit premiè-
fait iouilTant pirons là, que le pain que nous rom-
de cette vie; auffi certes il ne fe peut pons l'oit la eommunion du corps de
Chri/}. Et n'y a perfonne qui foit (i
impudent de nier que celui qui aura
faireviequ'aucun
la prene
éternelle par lacenourriture
Sacrementde, mangé de ce pain , & beu de certe
finon néréqu'il foitD premièrement coupe indignement, fera coulpable de
Des reprou- de Dieu. autrepart auffi,régé-
nul
uez. la mort du Seigneur,
gera & boira it qu'ilpource
fa condamnation, man-
ne s'acquiert en ceci damnation, que
Dieu ne dul'ait
titution reprouué
monde auant laà conf-
, & defliné mort qu'il ne difcerne point le corps au Sei-
éternelle. Et comme il y a vn confen- voix quegneur. ces
Et auffiparoles
tous confefient d'vne :
de S. Paul
tement & accord en celle doélrine , I. Cor. I
" Si nous mangeons, nous n'en auons
auffi n'y a-il perfonne qui n'ait en point moins, » fe doyuent entendre des
horreur & deteftation l'herefie des viandes ordinaires dont nous vfons ,
Hill. Trip.
liu. 4. c. 1 1. Meflaliens, autrement appelez Euchy- & non de la table du Seigneur. Au-
tes (i) , qui difoyent que les viandes cuns débattent que Chrifi rompit au-
fpirituelles que le Seigneur donne en
tre chofe que ce qu'il auoit pris. Car
fa Cène, ne peuuent rendre l'homme ayant prins le pain (difent-ils) il le
ne pire ne meilleur; & femblable- bénit (comirie faind Marc tefmoigne),
ment, ces monftres d'Anabaptilk-s tellement que, par la vertu de cefle
ne mettent aucune différence entre qui
la benedidion , il changea la nature du
pain en la benediftion de fon corps;
Cène du Seigneur & la viande qu'ils tS: de là ils veulent conclurre que
mangent ordinairement en leurs mai-
fons; or la nature de charité ert que Chrifl ne rompit point le pain, qui
nous fentions & difions vne mefme
Curiolitez chofe enfemble. Ceux la donc me pour lors n'efloit plus pain , ains feu- RcfponfeJ
lement laforiTie & la figure du pain.
pernicieufes. femblent coulpables , qui fans propos
efmeuuent queftions, lefquelles ne La première refponfe m'eft baillée
par S. Paul , lequel confute aperte-
feruent que d'allumer noifes & dilTen- ment celle refuerie , qu'on dit auoir
fions, & qui font telles que tant plus eflé née au cerueau d'vn certain In-
elles croident & font entretenues, tant nocent Pape, & laquelle, après fa
plus rendent-elles les hommes enne- mort, fut recueillie & comme adoptée
mis & fufpeds les vns aux autres ,
par vn lean l'Efcot (1), prince des So-
tellement qu'on ne fauroit trouuer philles, >& Quellionnaires. Mais cefle
vne pefte plus pernicieufe ou mortelle,
belle lille Papale ellant en peu d'an-
anéantir du tout l'vnion nées deuenue vieille , ridée i*t débile
rompre AChreftienne.
Apourconcorde Et qui eft
en tous l'es membres, par le moyen &
celui qui ne fâche que telle eft la na- diligence d'vn ie ne lai quel empiri- * Il entend va
ture de vérité, qu'elle fe défend allez boutlque (2) (* hommenonaudacieux
recouura leulementiufques au liure imprimé
quelque
La TranlTubf- de foi-mefme, fans qu'il foit befoin de à Louuain
lantiation s'aider de menfonges r Car le différent vie cV; haleine , ains nouuelle force & fous un nom ,
Papillique, qui trouble tant auiourd'hui l'Eglife vigueur. Mais que pourront faire les
refuiee en ce
(ie di celui que les hommes d'vne & fonges des hommes ni les rufes des Marc AntoinJ
emprunté d'vri
liurc, a ruin6 lequel depui*
l'Eglife. d'autre part debatent) n'eft pas affa- Gardiner,
uoir-mon fi le facrement du corps & (1) Jean Duns Scol, surnommé le Docteur s'cfl vanté
Eucfque
Wincellrc.Je
du fang de Jefus Chrill eft plusexcel- subtil.
(21 L'évéque Gardiner avait publié, sous
le pseudonyme de i' Marcus Anloninus Con-
(1) Les Massii/iVns liraient leur nom d'un
mot syro-chaldccn qui si-nilie prier. On les stantinus.ristie, où•»ilunprenait
ouvrageà en latin Cranmer.
partie sur l'Eucha-
Ca auoirconti
conv^
i ■fi'
appelait en nrcc Eiichttcs ou encore Eiilliûii- livre ptirtaci pour titre : M. Ant. Ccnslantii P. Man.
sijstcs , parce que. dit Théndoret, ils pre- Ihccicgî Lovjnicnsis Confulatio cavillalionum
naient les mouvements de leur cœur pour
les suggestions du SHint-Espri:. Ils rejetaient qiiil'iis sa tucluirisliai: sjcramciilum jb impiis
les sacrements et le culte, et prétendaient Cjpcrnjilis impcii scicl. Par. (Lci'jn. 1552.)
Pierre Martyr lui répondit, en H50, par sa
la prière
que rapport intérieure seule mettait l'âme Dcfcnsic doctrinae vetcris el aposlolicac de ss .
en avec Dieu (Voy. ChasicI , //(.■;/. cucliarisliae sacramcnto.
du chrislian., t. II, p. 411).
NICOLAS RIDLEY. 291
fophifles, oppofees à la parole de nifeftement le Seigneur appelé la
Dieu r & quel befoin eft-il de debatre coupe : (< Le fruiSl de vigne. " Donc
fi curieufement que c'eft qui fe rompt en ce Sacrement du fang, la fubftance
en la Cène, veu que fainft Paul eftant du vin demeure toufiours.
Expolition des
iiiiier entré exprelTément en propos d'icelle Et ce paffage-ci me refraifchit bien
iienl. dit : * Il Le pain que nous rompons, Jefus Chrift.
ncft-cc point la communion du corps la mémoire combien s'eft
à proposinepte paroles de
monftré ce pape Innocent, en-
de Chrijl? » defquels mots nous re-
cueillons que ce que nous rompons, auoir efté forgé que
feignant le fonge i'ai ciSideuant
de lui. donc dit
vn
mefme après l'adion de grâces , eft tout feul petit mot (affaucir : // bénit)
pain. La Cène du Seigneur ne nous duquel S. Marc a vfé faifant mention
eft-elle pas fouuent fignifiee au Hure
des Ades des Apoftres fous la fradion du pain, a fi grande v^rtu qu'il puiffe
caufer la Trann"ubftantiation, puis que
du pain? « Ils perfcucroyenl , » dit Chrift n'a point vfé de ce mot (comme
faind Luc, « en la doElrine des Apof- auffi il ne fe trouue en pas vn des
tres,& en la communion. & au brife- Euangeliftes , ni faind Paul) quand il
ment du pain. « Et vn peu après il dit a parlé de la coupe , il faut conclurre
qu'ils rompoyent le pain par les mai- de là , qu'ilau nevin.fe Car,
tantiation fait nulle tranfifubf-
la caufe oftee,
fons. Item en vn autre palTage :
•■ Les dijciples ejlans aJJemUe^ pour il faut neceffairement que l'effed foit Ceft la
rompre le pain. » S. Paul mefme, le-
réduit à néant. Or puis qu'ainfi eft
quel a mieux & plus clairement def- qu'il y a toute vne mefme raifon au
refponfe àdela
Gardiner
crit que pas vn autre, tant la dodrine
pain &
reçoit au vin, tellement
changement , auffique,
ne fifait
l'vn pas
ne 48. P.obieclion
de Martyr.
que l'vfage & manducation facramen-
tale de la Cène, par cinq fois parlant l'autre, s'enfuit de là, que la Tranf-
du pain ne l'appelle point autrement fubftantiation ne conuient ni à l'vn ni
que Pain. à l'autre. Or tous ceux qui tienent le
En après adiouflons à ceci que le
pain facramental eH appelé le corps parti de la Trann"ubftantiation difent
tous comme d'vne bouche, que ce
myftique de Chrift ; & ce non pas changement fe fait par vne certaine &
Amplement , mais ne plus ne moins
expreft'e forme de mots , & allèguent
que le corps mefme d'icelui. Et qui eft
ne Chryfoftome, faind Ambroife, & au-
fait que la compagnie des fidèles tres autheurs, qui difent que ces mots,
aftauoir : « Ceci eft mon corps , » ont
auffi appelée le corps myflique d'ice-
lui ?Or y a-il homme, s'il en fut iamais vertu de confacrer; toutefois ils con-
au monde fi defpourueu d'entende- feffent qu'ils le font, pource que ces
ment ,qui ait ofé, non pas dire, mais mots-la nous aduertiflfent fi la confe-'
feulement penfer, que ce pain-la fe cration fe fait deuant la répétition des
tranffubftantie ou tranfelemente (à vfer paroles ou non. Mais oyons les pa-
des mots de leurs erreurs) en la fubf- roles que S. Paul recite auoir efté
tance de la congrégation des fidèles f prononcées par Chrift touchant la
Auffi certes nul ne doit non plus pen- coupe : « Cède coupe eft le nouueau
fer ou dire que le pain foit tranffubf- Tejlament en mon fang, faites ceci,
tantie en la vraye & naturelle fub- toutes les fois que vous en boire^ , en
ftance de Chrifl.
mémoire de moi. » AlTauoir fi les pa-
Le troifiefme argument eft pris des roles de lefus Chrift touchant la
paroles de lefus Chrift. La vraye
iubftance du vin qui eft la matière de coupe n'ont pas vne telle puifl'ance
cefte partie du Sacrement, demeure; d'opérer, & mefme vertu de fignifier ,
comme elles pourroyent auoir eftans
il s'enfuit donc qu'il en e(î autant du prononcées du pain; & ce verbe Efï,
Sacrement du pain. Or celui qui vou- en la fentence qui fait mention du
dra contrarier en cefte difpute, niera
& effeduel-
la première partie de ceft argument ; lement (fi nouspuiffamment
pain, fignifie les en voulons croire)
parquoi il la faut prouuer par la parole le changement de la fubftance qui
de Dieu. En faind Matthieu & faind
auoit précédé , en la nature de celle
Marc , après auoir fait mention de la qui fuit, quand il prononce : « Ceci ejl
coupe, Chrift dit : « le ne boirai dé- mon corps. » Que fi les paroles, quand E.xadle
derationconli-
des
formais de ce fruicl de vigne iufques à
il eft queftion de la coupe du Seigneur,
ce iour-la que ie le boirai noiiueau auec ont toute vne mefme vertu & faculté, Jefus Chrifl.
paroles de
vous au royaume de mon Père. »
tant en faid qu'en fignification, pour-
Aduifez, s'il vous plait, combien ma- quoi n'accorderons-nous auffi que le
LIVRE SIXIEME.
292
donc vne figure , par laquelle il nous
mefme verbe £"// . quand lefus Chrift
dit : Ccjlc coupe eft le nomicau Tejîa- exhorte de communiquer à la paj'fion
menl, fait incontinent que la fubftance du Seigneur & l'imprimer en la mé-
de la coupe foit lemblablement chan- moire auec fruiEl & contentement, en-
gée en la nature du nouueau Tefta- tant que fa chair a efté pour nous na-
vrée & crucifiée. »
mcnt, veu qu'il y a mefme raifon tant
d'vne part que d'autre .' Dont il aperl Refponfe
aducrfaire
Parqvoi ie ne me puis aft"ez efton-
combien s'abufent ceux qui s'obflinent ner de l'impudence de ceux qui, ayans
à prouuer & pour maintenir , comme s'ils & l'efpril (X le fauoir aft'ez bon, ofent
combatoyent leur vie, que Chrift dire quecefte fentence de Chrift main-
tenant amenée, eft voirement figurée,
en inftituant l'es Sacrcmens, a parlé félon ie dire de faind Auguftin ; mais
fans aucune figure , & pourtant qu'il
faut prendre fes paroles nuement & que c'eft aux gens charnels, infidèles,
en leur propre fignification; car il eft A qui ne fauent que c'eft des myfteres
tout manifefte en ce paffage, que ni la de Dieu, & qu'aux fidèles ce doit ef-
tre vne locution propre & fans figure.
coupe,
peu ne ce quieftre
proprement efloit dedans,
appelez n'ont
nouueau Or ie requier que ceux qui liront ceci,
Teftament , fi tu t'attaches ainfi crue- le lifent en équité & droiture ; &
ment à la fignification des mots. Et fi quand ils auront confide.ré auec iuge-
tu prens ce mot Coupe pour la coupe ment & raifon les paroles de S. Auguf-
contenant du vin, tu reçois vne figure
en ceft endroit. Car quoi? mefmes tu tin , non feulement pource qu'il en-
ne faurois nullement prouuer que cela feigne
fe doitque ce pan"age
entendre auecdefigure
faind, Jean
mais
(encor que tu difes que ce foit vin, ou pource que ces paroles ainfi expofees,
bien que tu imagines que ce foit le outre ce qu'elles nous donnent à co-
fang de Chrift) foit le nouueau Tef- noiftre qu'il y a figure es mots de
tament finon
, auffi que tu confeffes I'inftitution du Sacrement, nous mei-
que Jefus Chrift a là parlé par figure. nent auffi comme par la main au fens
Contre ceux La figure donc, deux fois répétée nayf d'iceux. Car fi celui qui nous
qui sarreiteni g^ ^efle fentence de i'inftitution du commande de manger la chair du Fils
de l'homme ou de boire fon fang ,
à laîe.Tre",' Sacrement du fang, aide noftre caufe. femble nous commander vn forfait ou
reieuans toiiic Dont s'enfuit que ceux mentent im-
inierpretation. pudemment , qui difent que Chrift chofe illicite (ce que nous ne faurions
n'vfe de nulle figure es chofes qui nier, fi on veut prendre les mots en
concernent la foi & I'inftitution des leur propre & vraye fignification) cer-
Sacremens, & nous accufent de mef- tes eftant ainfi que Chrift aitcommandé
chanccté, lors qu'il fit fa dernière Cène auec
de recourirdifans
ainfi :aux
Quefigures
s'il eftoit
quandlicite
on
fes difciples, qu'ils mangeaffent fon
voudra , les principaux poinfts de corps & beuffcnt fon fang, il ne fem-
la foi feroyent bien-toft renuerfez. ble pas auoir moins là commandé vn
forfait ou chofe illicite (fi les paroles
Mais ie vice
moindre refponde que ce n'eft
reietter vne pas vn
figure
font confiderees) qu'auparauant en
quand elle eft requifc en vne fentence S. Jean. Et par ainfi il les faut enten-
que de la receuoir fans neceffité, & en dre fpirituellement , & par la figure
peruertift'ant
Liu. ). ch. 16. uinement le fens. S. Auguftin a di- Melon/mie
auffi bien que , c'eft à dire
celles que, S.
tranflation
Auguftin ,
cfcrit plufieurs belles fen-
tences à ce propos , en fon Hure De a amenées en auant. Laquelle expofi-
la dodrine Chreftienne : <■ Quand
tion
tant de
plusfaind
eftre Auguftin
en grande nouseftime
doit ,a'au-
que
l'Efcriture, "dit-il, •' fcmble comman-
der quelque /or/ait ou chofe illicite, ou Chrift, outre le commandement de
bien défendre ce que charité requiert , manger fon corps & boire fon fang, a
con/effe^ tout incontinent par cela que adioufte comme pour conclufion :
ceft vne façon de parler jt^uree. •■ Et " Faites ceci en mémoire de moi; » à
afin de mieux aprouuer fon dire, il l'intelligence defquels motscefte belle
emprunte vn exemple du (1. chapit. de expofition de S.que
Auguftin
l'Euangite félon faind Jean, où Chrift fait ijauerture fait vnen'a clef
pas moins
à vne
dit : " Si vous ne mange^ la chair du ferrure.
La M elfe,
Il me fouuient de quels mots nous
Fils de l'homme, £■ ne hcuue:{ fon fang, recueil de
vous n'aure^ point vie en vous. •■ Puis fournit la Meft'c à ce propos, qui eft
adioufte : « Il fcmble là commander comme le réceptacle de toute abomi- loule abomi-
vne chofe illicile & mejchante , ceft nation, defquels quand il me fouuient, nation.
NICOLAS RIDLEY.

ie fuis comme tout tranfporté, veu


que cefle MelTe, comme vnc putain , Chrift n'y peut pas eftre. Il faut donc m.d.lv.
necefl'airement que leur Ceci demonf-
s'ellant fardée de mefmes paremens tre la fubftance , laquelle auant que
qu'ont les Euangeliftes & TAportre fur Chrift euft acheué de prononcer toute
le Sacrement du pain , neantmoins la fentence, eftoit feulement pain. Que
quand il ell queftion de la coupe, elle fi plus auant on veut pourfuyure à ré-
eft différente de tous; car ne fe con- futer toutes leurs refueries , il nous
tentant des paroles de Jefus Chrift , faudroit auoir quelque deuin ou efprit
elle adioulle ces mots : « Le myfterc familier, pourfoudre(i )tousleursenig-
de la foi, » lefquels nul des Euange- mes, ne plus ne moins qu'Œdipus
liftes ne fainél Paul n'expriment; & ceux du monftre Sphinx. Mais ne font-
comment pourroyent-ils plulloft apar- ils pas bien effrontez de confeffer que
tenir au Sacrement de la coupe que Chrift parloit purement & fimplement
du pain ? Et c'eft merueille pourquoi & confentir que, par cefte demonftra-
ils ont oflé plufloft cefte partie du Sa- tion Ceci, il denotoit le pain, puis
crement aux hommes appelez Laies ,
adioufter : Ceci ejlnaturelle
dire la fubftance mon corpsdu, c'eft
corpsà
qu'aux Preftres miffotiers. lefus Chrift
n'a-il pas refpandu fon fang pour la de Chrift.' mais peut-eftre qu'il efti-
rédemption des vns it des autres r
ment leur eftre permis d'vfurper ce
Eft-ce là ce beau myflcre de foi, du- verbe Eft pour fe fait ou je change.
quel ils fe vantent à cor & à cri ? Si ainfi êft , il faudra auffi neceffaire-
Quelle mefchanceté eft ceci - Ne ment qu'il ait vne mefme fignifîcation
void-on pas pluftort que c'eft ce myf- en S. Luc & fainft Paul , dont s'en-
tère ou fecret d'iniquité, lequel fainâ fuit que la coupe, ou pour le moins le
;. Theil. 2. Paul prédit deuoir aduenir r O Diev vin, foit fait ou changé en la fubftance
Pi. 04. trefbon e^' trefpuiffant , nous te prions du nouueau
noté cideffus.Teftament, comme i'ai an-
qu'il te plaife
confoler & illuminer auoir pitié
nos decœurs
nous, en
nousla
Il y a encore vne troifiefme efpece Wmcoiire
fplendeurde ta face, à ce qu'à la par-
fin les hommes conoiffent ta voye , & mmans entre ces
de TranlTubftan lefquels. lem-
deux opinions,
tiateurs, d'autre, ^
che- "'""^^'"^^""
que ton falut foit notoire par le monde blent les aprouuer , & toutefois ne
vniuerfel.
le nomCar tout ce ouqu'ils forgent& fuyuent on
ni l'vne
fous de facrifice oblation comme dit ennicommun
l'autre, prouerbe
mais font, ,
la Tranffubftantiation, eft forgé en entre deux felles à terre , tellement
vne mefme boutique, & forti d'vne que de leur bouche fort & le chaud
mefme racine. Dieu face , fi c'eft fon & le froid. Car ils font fi gracieux aux
bon plaifir, que nous puiffions bien vns & aux autres, qu'en leur faueur ils
tofl voir & l'vn & l'autre dutout arra- aprouuent leurs paradoxes , & cefte
ché de fa vigne. Si ie vouloi ici pour- belle opinion fyllabique, par laquelle
fuyure les abominations & mefchan- ils enfeignent (comme ceux-ci mef-
cetez de ce facrifice deteflable, le mes tefmoignent) que, fi toft que le
temps me defaudroit pluftoft que les
mift"otier a prononcé & qu'on a en-
raifons & argumens. Y a-il rien plus tendu la dernière fyllabe de cefte fen-
contraire à la mort de lefus Chrift, tence :Cecion eft mon corps , la Tranf-
fubftantiati fe fait miraculeufement
que d'affeder
ficature r la dignité de cefte facri-
& en vn inftant. Mais qui ouit iamais
Contredits II y a quelquesTranlTubftantiateurs,
des TranfTubf- comme les plus vaillans champions parler de qui
opinions tels font
monftres.' d'adhérer &à
auffi contraires
tantiateurs. ^q^j veulent eftre veus porter la Chref-
diriez que cequefont
répugnantes l'eau .'■ Vous
les &aduocats
le feu que
tienté fur leurs efpaules, & l'auoir
bien apuyee,) lefquels, attribuan s la
TranlTubftantiation à la fentence en- Terence introduit, defquels l'vn difoit
le pro ,fiefme
l'autre
remet le letout
contra
à en, délibérer;
& le troi-
tière Ceci
: eft mon corps , font con-
auffi aucuns d'entre ceux-ci ne fe peu-
ce mot ; Ceci, auant, maugré
traints de confefl"er que la eux, que
fentence uent perfuader que ce pauure mot
foit parfaite , dénote le pain , car le Ceci ait pouuoir de faire vne fi grande
pain, deuant que le changement foit
chofe, & pourtant
demonftre finon la fubftance qu'il
débatent du ne
pain.
fait, retient fa nature. Parquoi, n'en
defplaife à tous les Tranff"ubftantia- Les autres crient à gorge defployee
teurs, que le pain demeure en fa na-
, fubftance vraye du corps de
ture la
(i) Résoudre.
294
LIVRE SIXIEME.

matérielle du vrai pain & des autres


que fi tofl qu'il cil prononcé , le pain viandes. Ce qui ne fe pourroit faire,
s'en va & quitte la place, & s'en vole
tellement qu'il ne dénote plus finon la fi ainfi efioit que cefte TranlTubftantia-
lubllance du corps de Chrift. le ne tion eufl lieu & que la vraye nature du Refponfes
veux pas faire vn long catalogue, mais impertinentes
d'Origene.
pain fuft efuanouye.
eftrange de voir les Mais
fottes c'eft chofe
refponfes des Papilles
au palfage
d'vn fi grand nombre qui fe prefente
Ridley prend que les Papirtes ont forgées fur ce
[rois joifleur-. à la defenfe de celle caufe, i'en pren-
Grecs & drai feulement trois de l'Eglife Grec- partage d'Origene , & principalement
Lalins. que ancienne, & trois de l'Eglife La- ceux qui (ces années paffees) foufte-
tine, affauoir de la Grecque, Origene,
Chryfoftome i^ Theodoret , & de la noyent l'herefie de la Tranfl'ubftantia-
tion es publiques difputes, qui fe te-
Latine, Tertullian, Auguftin &Gclafe.
Toutesfois ie ne fuis point ignorant noyent tant à Cambrige qu'à Oxford,
& quelque temps après à Londres, en
qu'il ne fe peut rien fi fainement ne clai- l'affemblee des gens doftes qui s'y fit.
Car ils calomnioyent & accufoyent
rement efcrire ou dire, que l'homme,

1
par fon babil fardé & rufé, ne puiffe
obfcurcir, ou defguifer, comme nous que ce Tome des œuures d'Origene,
mis de n'agueres en lumière par
voyons qu'aucuns, pour quelque dex- Erafme, n'eftoit pas fans foupçon. Or
il eft facile à entendre , combien eft
eux , &téritéded'efprit & éloquence
laquelle qui eftbien
ils fe fauent en
chofe friuole & pernicieufe de refpon-
vanter, afin d'ofter aux rudes & fim- dre ainfi, & de condamner les vieux
ples tout fentimenl autheurs qui es anciennes librairies
ne veulent receuoir d'ouye
ni ouïr &cedeque
veuë,
les
autheurs fufdits ont (\ clairement ef- gifans en la pouffiere & moifift'ure ,
maintenant par la diligence & induf-
crit touchant le Sacrement. Mais quoi trie des gens de fauoir, retirez des
que doyuent creuer ces beaux A fub- vers & lignes qui les rongeoyent. font
tils caufeurs, fi ert-ce que la vérité mis en lumière , comme Clément
emportera en fin la vidoire.
Oyons donc maintenant parler ces Alexandrin,
toire Theodoret,
Ecclefiaftique luftin , l'hif-
de Nicephore. &
pères Grecs, qui traitent celle matière
tant doélement & pertinemment. En femblables. L'autre refponfe qu'ils
font, eft qu'il ne lui faut point adioufler
Origene. premier lieu, Origene fe prefente, qui
a vefcu il y a ia paffé mille deux cent de foi, pource qu'il a erré en d'autres
poinfts de la religion , à laquelle ref-
cinquante ans (1), lequel, fur le 1 5. ch. ponfe certes on ne fauroit defirer vne
de faind Matthieu, efcrit en cefte confutation plus peremptoire que celle
forte : •< S/ ainfi cj] que tout ce aui entre Refponfes
qu'elle apporte quand ix foi. Combien
en la bouche s'en va au ventre ècjl ietté que nous confelTons volontiers qu'il a obieiient
au relraiùl, aufji la viande quie/l Janc- failli en quelque chofe , fi eft-ce que qu'Origene
à ce qu'ils
tifiee par la parole de Dieu & par orai- fes erreurs ont efté annotez par faind a erré.
fon,
va aufélon ce qu'elle
ventre & ejl aiettee
de matériel,
au retraits'en; Hierome& Epiphanius, tellement qu'il
doit auoir auiourd'hui plus grande au-
mais, félon la prière qui lui a eflé adiouf- thorité enuers nous, & fes liures doy-
tee, ejl faite vtile par la proportion de uent eftre en plus grande eftime , ef-
la foi , faifant que le cccur ejl clair tans corrigez foigneufement par de fi
voyant ù attentif à ce qui ejl vtile. Et grands perfonnages , veu mefmement
ce n' ejl pas lamatiere au pain, mais la qu'il y a en iceux des chofes grande-
parole qui ejl dite fur icenii , qui pro- ment conuenables à noftre bien & vti-
fite à ceux qui le mangent dignement lité. Mais quant à ce qui attouche la
au Seigneur. » 'Voila et qu'il dit feule- Cène du Seigneur, ni ceux-ci ni au-
ment touchant le corps typique i*t fym- cuns autres des anciens n'ont trouué
bolique; lequel, en traitant ce poindl
fur la fin de fon propos , il veut faire que redire en lui, car s'il euft failli en
quelque poind, il faut tenir pour cer-
entendre à tous que la fubftance ma- tain qu'ils ne fen fuflTent non plus
térielle du Sacrement fe reçoit en teus que des autres fautes. Mais
l'cflomac, fe digère, comme la fubftance pourcepaffez
qu'aucuns qui de
fe ce
fontdifférent,
mis ces
tours à efcrire
(I) L'édition de 1564 ajoute : " Homme voyans que ces refponfes eftoyent plus
excelleni en docirinc et pureté de vie, cl de que réfutées & reiettees , ils en ont
fon temps le principal docteur de la reliRion
Chrertienne, Rrand aduerfairc des héréti- controuué d'autres en leur lieu , qui
ques, précepteur de plufieurs Martyrs, & ne font pas moins fottes . defquelles
fidèle expofitcur des fainctcb Efcritures. » la première eft : Qu Origene ne parle
NICOLAS RIDLEY.

de Chrift . la lettre tue , certes auffi m.d.lv.


point du l'Eucharillie , mais du pain
myftique qu'on auoit acoullunné de fait-elle en ces paroles où le Seigneur
nous commande de manger fon corps,
donner à ceux qu'on inftruifoit en la
foi, dont auffi faind Auguftin fait men- car il y a autant de mal en l'vn qu'en
A f»:nnd tion. La vanité de ceci eft defmentie l'autre , & ne différent en rien quant
: ™^" plufieurs fois par les paroles mefmes à la fignification de ces mots : Man-
ger le corps de Chrift, ou Manger la
pccheurs d'Origene , car il dit de foi-mefme, chair de Chrift. Donques fi cefte der-
chap. 2().' qu'il veut traiter de ce corps myftique
& figuré, qui profite feulement à ceux nière fentence tue, finon qu'elle foit
qui mangent ce pain dignement au entendue par figure & fpirituellement,
Seigneur. Où il fait vne claire allufion certes auffi la première ne tue pas
aux mots de fainft Paul, que nul, quel
moins , finon qu'elle foit prife en
mefme fens. Or que manger la chair
que peu fauant qu'il foit, ne peut aller de Chrift félon la lettre tue , Origene
au contraire, s'il n'eft du tout impu-
dent, & n'y a perfonne qui puilTe prou- le monftre apertement; il s'enfuit donc
uer par bons argumens que ce pain auffi que manger le corps de Chrift,
qu'on bailloit à ceux qu'on inftruifoit en comme la lettre veut, n'eft autre chofe
la foi, duquel faind Auguftin fait men- qu'eftre tué. Oyons maintenant com-
ment ils refpondent à ceci , voire fi
Mais tion,encore
fuft en vfagequedu temps
nous d'Origene.
accordions
fubtilement
tre coufteau ,pour
qu'illeur
ne faut point
couper d'au-
la gorge,
qu'ainfi foit, fi eft-ce qu'il ne fauroit
prouuer que quelque chofe ait efté
que leur propre confeffion , afl"auoir
appelée Corps Jacramental, fors le qu'à l'homme charnel le fens literal eft
pain facramental de la Cène du Sei- nuifible, mais non pas au fpirituel.
gneur, qu'Origene mefme appelé : Le Comme fi prendre l'efcrit d'aucun à
corps de Chrijl figuré & repréfcnté par fon appétit, & non pas félon la volonté
Refponfc à ce fignes. Et combien que pour faire de celui qui l'a efcrit, portoit feulement
qu'ils allèguent trouuer la Tranffubftantiation bonne, nuifance rituelà nullement.
l'homme charnel, & au fpi-
desde paroles
la vertu èc
j mefmes, aduerfaire . , s mettent
, en
de la puiiTancc auant quelque miracle, comme la vertu Oyons Chryfoftome , qui eft le fe- Chryfoftome.
de Chrifl. fecrette des paroles facramentales , cond des trois de l'Eglife Grecque ,
qu'ils appelent, & cefte puilTance in- que i'ai choifis pour mes mainteneurs.
finie de lefus Chrift , dont ils fe cou- Or lui eftant fur le propos de repren-
dre ceux qui abufoyentde leurs corps,
urent, affauoir qu'il peut faire que fon
corps en vn inftant foit en mille mil- veu qu'ils auoyent aprins de fainft
lions de lieux : fi eft-ce qu'ils ne pour- Paul qu'il les falloit garder purs &
chaftes , comme eftans temples du
ront tant faire (finon qu'ils vueillent
eftre trouuez impudens & infâmes) S. Efprit, voici qu'il leur dit : « S'il eft j„ oi-cre im-
qu'ils puilfent tirer de là vn fécond mi- dangereux de faire fcruir ces vaiffeaux per/eâo Ho-
racle , nft"auoir que la nature du pain fanclifiej aux ufages communs, efquels ""'• "• '"
Mattii.
retourne en lui , après s'eftre efua- toulcsfois n'cfifeulement
point le vrai corps de
nouye , pour faire place au corps de Chrijl, mais le myflere de
Chrift , voire quand nous leur accor- l'on corps y ejl contenu . combien plus
derions toutes les fubtilitez des Ma- les vaijfeaùx de nojlre corps que Dieu
thématiciens, tous les tours de paffe-
s'efi prépare^
ils eflre garde^ pour y habiter
de nous, pour ,nedoiuent-
donner
paffe, tous les enchantemens & force-
leries du monde. Or tant s'en faut que lieu au diable en iceux , à ce qu'il y
leurs fubtilitez puilfent renuerfer cefte
face ce qu'ilvoudrah> 'Voila les propres
fentence d'Origene , qu'elle eft tant mots de Chryfoftome. O que mes ad-
plus confermee. uerfaires font ici tourmentez 1 ils cer-
chent des fubterfuges, ils alTemblent,
Mais après que l'aurai annoté en- ils coufent mot après mot, ils gripent,
cores vn palTage de lui, ie le lailTerai
pour venir aux autres. Voici qu'il dit ils defrobent tout ce qui leur peut ai-
en fon Homélie 11. fur le Leuitique :
der pour efchapper d'ici. Mais (qui
« Es quatre Euangiles, & nonfeulement eft le comble de leur malheur) ils font
au vieil Teftament, il y a la lettre qui fi inconftans & fi difcordans,
tue. Car fi en cefle fentence : Si vous fafche de coucher ici leurs qu'il me
raifons.
ne mange\ la chair au Fils de l'homme L'vn dit que l'autheur de ce Hure eft
& ne beuue\ fon fang , vous fuyue-{ la incertain. Et quand ainfi feroit, que
lettre, elle tue. » Si donc en ce lieu-là fait cela à propos.' Car quiconque foit
où il eft commandé de manger la chair
celui qui en eft l'autheur, ou Jean
LIVRE SIXIEME.
zqO

Chryfoflomo. Euefquede ConlUintino- d'auantage contre ce nwnflredeTranf-


fubftantiation , puis que nous oyons
plc*, ou quelque autre, il eft tout cer- que la nature du pain y demeure tou-
tain que (,'a erté vn homme de ce (lours fans en partir (1) .'
temps la , de grand renom , tellement
PovR le dernier des Grecs, Théo-
que s"il euft efcrit quelque opinion con- dore! fera tefmoin , lequel efcriuant
traire àcelle qu'on tenoit alors, il ne contre Eutyches en fon Airepte, dit :
faut douter que plufieurs & de fon
temps & de celui qui a depuis fuyui , « Celui qui a appelé fon corps fromenl
Rcfponfe de eulTent efcrit contre lui. Vn autre nie
Cardincr à que Chryfollome parle là des vaif- & pain & s'ejl appelé vie , auj'fi a-il
honoré les Jigncs au p-,in & du vin du
ijobiedio n 108. ,- j I ,^1^1 J^J Seigneur, mais nom de Ion corps & de fon fang , non
de P. Martyr. , i 1 i • ° o ^u
de ceux de la Loi ancienne. R. Chry- pas Iranjmuanl la nature, ains adiouj-
follome entend les mefmes vailTeaux tanl fa grâce à nature. » Conliderons
dedans lefquels efloit ce qu'on appeloit ce tefmoignage tant clair & tant ex-
le corps de Chrill, combien que ce ne près de ceft ancien autheur. Si tu
full pas le vrai corps, mais feulement le maintiens que les fignes du Sacrement
mydere du corps. On fait que nul des font appelez le corps & le fang de
anciens n'a iamais parlé en cède forte Chrift,lesil noms
refponddescombien
des vaiffeaux du Temple , & eft certain nent corps Àqu'ils
fangpre-
, fi
eft-ce que leur nature ne change point
qu'on ne lit nulle part que les facriti- mais demeure toufiours. Adieu vof-
ces fulTent lors appelez le corps de
Chrin, car Chrift eftoit voirement re- tre gloire, Papiftes, l'appui t^: fupport
présenté fous la Loi en figure i& om- des ventres, l'ornement de la cuisine,
bre, mais non pas par Sacrement du les délices de vos maiftres. Il efcrit
corps. Erafme mefme, grand control- encore plus pleinement contre cette Dialog. 2.
leur des efcrits des autres, combien Tranffubftantiation en fon Afynchite,
où il introduit vn hérétique difputant
qu'il ne vouluft
refie de point mordre fur
laTranlfubdunliation, l'he-
de peur contre vn fidèle, & tenant ces propos
de defplaire, toutesfois il eft contraint contraires à la vérité. Comme les fi-
de dire que le vrai & naturel fens de gnes du corps & du fang de Chrift
ce pafTage eft celui que nous auons font tels à la vérité auant la fainde
amené. Apres ces deux, le troifiefme inuocation , & icclle eftant faite ils
promet vne folution toute nouuelle , font changez; auffi le corps du Sei-
gneur après fon alTomption a efté
de laquelle on n'ouit iamais parler : changé en nature diuine , dont il veut
Quant
ces à moi À, dit-il,
chofes, i'accorde toutes
tien Chryfollome pour
conclurre
Cefte herefie que Chrift
eft par n'eft plus homme.
le fidèle réfutée
autheur de ce liure, & veux bien qu'il en cefte forte : « Tu es tombé au filet
foit là parlé des vailfeaux de la table
du Seigneur. Mais ie dirai comme il que loi-mejme as tendu, car il ne prend
le faut entendre : Le corps de Chrift pas des figncs mvlliques contmc tu dis.
n'eft pas contenu en ces vailTcaux-la , & ne fôrteni pas hors de leur nature
tandis que la Cenc fe fait, comme en après la jan8ification, mais ils demeu-
vn lieu , mais comme en un myftere.
rent telssub
en leur qu'ils'elloyent
fiance , ou en auparauant,Joit
leur figure &
R. Par vn mefme moyen on peut dire
que le corps de Chrift n'eft point en la forme, mefmes on les peut voir & tou-
Cène, ni es mains du preftre. ni au ci- cher, ne plus oyans
ne moins
Les Papiftes ces qu'auparauant.
paroles, comme <>
boire, & par ainft : Eftre ici, c'ell Eftre
nulle part, d'autant qu'il rcfùfe decon- s'ils eftoyent refveillez d'vn long dor-
feft"er mir ou de letargie, & comme fi vn ef-
lieu. qu'il foit ici ou la, comme en vn clair les auoit fubitement frapez , font
efperdus & demi morts. Car que fe
■Venons maintenant à l'autre paf-
fage de Chryfoftome , qui touche la peut-il dire quiilslesfont
preft'e de plus près.'
Mais comme cauteleux, auffi
chofe au vif, (ans rien defguifer, car ef-
criuant à Cefarius, il dit : " Deuant que tal'chent-ils touliours par leurs ténè-
bres fophiftiques (comme les feches
le pain joii JanclifU, nous le nommons
pain, mais la grâce diuine le (anêlifuvil font treparceuxleur
qui ancre
les qu'ils
veulentiettent con-
prendre)
par le moyen du Prejhe, il èfl exemple
d'ejlrepliis appelé pain, & ejl /ail digne
d'ejlre appelé le corps du Seigneur, (i) l.'idilion de Crgspin de 1564 renferme
combien que ta nature du pain Joil de- ici quelques plirases, que les dernières édi-
tions ont supprimées.
meurée en lui. >• Que demandons-nous
NICOLAS RIDLEY.

d'empelcher la veuë , de peur que ce cremens , c'efl à dire fignes facrez de m u lt.
qui ert plus clair que le iour ne puifle fon corps & de fon fang, afin que
élire veu ni aperceu des hommes.
La refponfe Cefle lentence eftant ainfi expofee, il nous fuflions auertis par cela d'em-
le Moreman . brafl'er. par vne viue & certaine foi, les
en la diète y eut aucuns qui dirent que Tautheur bénéfices qu'il nous a acquis quand il
de Londres.
l'auoit ainll efcrite auant que touchant
l'Eglife a liuré fon corps à la croix pour nous,
'5)4 eull encore rien ordonné
& qu'il a efpandu fon fang, tellement
cela. Comme s'il faloit incontinent que, receuans ces lignes félon l'ordon-
tenir pour vn article de foi (ce que nance du Seigneur, auec adion de grâ-
ceft homme de bien Jean l'El'cot veut ces, nous foyons ;nourris
foi fpirituellement & tandisd'iceux en
que nous
qu'on face) tout ce que ce monftre de
Pape Innocent, auec fes eftafiers, moi- acheuons ce pèlerinage terrien pour
nes & beaux pères, ont arrefté en leurs aller aux cieux , nous foyons confer-
fynagogues. Vn autre sauance . qui mez en la crainte de Dieu , & croif-
fions en toutes vertus. Les aduerfai-
dit qu'il le faut enuoyer auec les Nef-
toriens, à l'herefie defquels il femble res répliquent que Tertullian dit en
fauorifer. Mais il y a plufieurs années ce lieu ce que nul des anciens au-
theurs deuant lui , ni depuis lui , pas
que
fous lede Concile de Calcédoine
celle faufle accufation. l'a
Orab-la
vn de ceux qu'à bon droit nous appe-
refponfe la plus vilaine qu'on puilVc lons Catholiques, n'a fait. R. « S. Les Pères
forger, c'ell celle de ceux qui difent Auguftin auec les autres Pères, n'ap- °"} appelé
que Theodoret appelle Subllance, Ac- pellent-ils
^ment,
. 1la c^ pas nommément
j j le
^u Sacre-
-A • '^u
la ^t"!!"^
figure dedu"
cident ,plus par ignorance que par ngure du corps de Cnnltr >• corps
malice. Certes celle glofe a elle auffi
• Oui (ce difent-ils) mais c'a eflé qu'il Chriii.
fubtilement inuentee que celle d'vn elloit tellement el'chauffé à difputer à
Legille fur vn décret diftin. 4. ca. Sta- rencontre d'vn hérétique qui lui re-
tuinius, lequel, après auoir longuement filloit, qu'il ne s'eft feu tenir de ietter
trauaillé pour enfanter quelque chofe ce qui lui venoit en la bouche. " R.
d'exquis, dit ainll : Statuimus, c'ell à Il II faudroit donc que vous nous fif-
fiez premièrement acroire , que vous
dire, Abrogamus.O l'homme de grand
iugement & de bon cerueau I Et tou- n'elles point des infenfez en difant
tesfois cela fe trouue en leurs loix, à cela. Oferons nous bien feulement
tout le moins en la glofe. Voila le peu
penfer qu'il n'ait point eu d'efgard à
de tefmoignages que i'ai emprunté des ce qu'il difoit, ou qu'il n'ait point en-
Grecs pour m'en feruir à ce propos, tendu ce qu'il efcriuoit en vne chofe
car de recueillir tout ce encore
qu'ils ont de 11 grande importance.- Vous fem-
touchant celle matière, que dit
ie
ble-il
vidoirevneà chofe fi belle
force de crierd'emporter
& babiller la,
le peulfe faire , ie ne le voudroi pas :
quand bien ie le voudroi, les auditeurs
que
nous pour cela confeil
donniez vous l'oyez
, de d'auis
trahir, la
&
Les irois tel-
ne rADiousTER.\i
l'auroyent pas à à ces gré.trois Grecs les
moins Latins.
trois Latins. Je commencerai par vérité
& que .-vous
Prenons
ofiez le( comme
cas qu'ainfi
vous l'oit
elles,
Tertullian. Tertullian, duquel (comme on trouue pleins de defloyauté) entreprendre de
par efcrit) S. Cyprian. martyr du Sei- ce faire. Ell-il pourtant vrai femblable
gneur, faifoit tant d'ellime, que toutes qu'vn hommemoins
& combien de bien le voulull
ce faind faire .-
perfonnage,
fois & quantes
lui baillall qu'il de
le liure demandoit
Tertullianqu'on
, il duquel nous auons en admiration &
fouloit dire : « Baillez-moi le inaif- reuerence l'efprit . le fauoir, la crainte
tre. » Ce très ancien autheur en fon
4. liure contre Marcion, efcrit ainfi : de Dieu & religion, doit-il eflre taxé '
d'vn tel foupçon.- Or afin qu'il ne
Il lefus ayant prins le pain & dijhibué femble
à fes difciples, en fit fon corps, dijani : ceci vne que
feulece fois foit& alTez qu'il aitoyez
à la volée, dit
combien de fois il perfille ailleurs en
Ceci ejt
figure de mon
nion corps
corps,', c'ell
&c. » àPardire
cellela fon propos, difputant contre cell hé-
interprétation nous voyons manifelle- rétique en fon premier liure. Voici
ment que Chrill, quand il appeloit le qu'il dit : Dieu n'a reprouué le pain ,
pain fon corps, & le vin fon fang, ia- par lequel il reprefente fon corps. Or
mais n'a entendu dire que le pain full confiderez ici vn peu ces chofes :
fon vrai corps ou le vin fon propre n'ell-ce pas tout vn de dire : Que
fang; mais il leur a attribué ces noms, Chrill a reprefente fon corps par le
pource qu'il les vouloit inllituer Sa- pain, ou bien : Que Chrill l'a inflitué,
li.
298 LIVRE SIXIEME.

afin de nous dire Sacrement pour on nous fignifioit par figures ce que
l'on nous deuoit donner; mais en ce
nous reprelenter fon corps.' Or qu'il
foit requis que pour rcprefenter vne l'acritice , il nous ell euidemment mon/-
choie, eiie-merme y foit vrayement Iré ce qui nous ell défia donné. « Or il
prefente . ie le laifTe iuger à ceux qui entend le facrifice de la croix, lequel
ne font point defpourveus de fens nous doit enfiammer à adion de grâ-
commun. ces, à caufe de la chair de Chrifi qui
s. Auguflin. Si nous venons à S. Auj^ullin (du- a elle immolée pour nous, & du fang
quel le nom & le fauoir e(l fi conu d'icelui qui a efié efpandu en la re-
miffion de nos péchez. Que fi nous
que toute l'Eglife de Jefus Chrifi fe voulons encore plus de tefmoignage
peut conftituer plèige pour lui), il a
traité plufieurs poinds de la religion pour mieux prouuer ceci, il nous fait
Chrellienne fi amplement & claire- voir ce qu'il efcrit fur le troifiefme
ment, que nos idolâtres qui adorent Pieaume': car il apert de là que
le pain au lieu de Dieu, en partie Chrill par le pain myfiique , qu'il
accablez de l'authorité du perfonnage, appeloit fon corps, entendoil la figure
de fon corps. Mais confiderons les
en partie conueincus, l'ont en tel def- mots : " Chrij], dit-il, receut ludas au
dain, qu'à Parquoi,
ils porter. grand' peine
il me le peuuent-
femble eflre banquet, auquel il bailla & ordonna à
grandement requis que i'ameine plus fes difciples la figure de fon corps &
de tefmoignages de lui que des autres.
Ceftui-ci eft excellent entre autres, l^ de l'on fang, » entendant le dernier
fouper qu'il fit eflant prochain de fa
ne fai s'il s'en pourroit trouuer vn plus mort , auquel temps il inftitua le Sa-
clair, lequel efcriuant fur le 98. Pf. , crement de fon corps. Que veut-on
traitant de cette matière , amplifie en
d'auantage, finon qu'il nous faut efti-
cède manière les paroles que Chrift mer que Dieu a cnuoyé cefi homme-ci
Contra FaiiJ- dit à fes difciples : « Vous ne mange- au monde pour mettre les articles de
tum, lib. 211. la religion Chreftienne en leur eftai ,
cap. 21.
re:{ pas ce corps-ci que vous i>oye:{ , &
ne boirc^ pas ce mien fang que rcj- pureté, lumière, & liberté première,
pandront ceux qui me crucifieront ; lefquels non feulement eftoyent fouil-
mais ie vous veux ordonner vn facre- lez des corruptions de Ion temps ,
menl, lequel fpirituellemcnl pris & en- mais auffi des pollutions pernicieufes
des aduerfaires qui sont venus après
tendu ,vous vmifiera. •■ J'elllme qu'il
n'y a celui de nous qui ne confelTe que lui , par lefquelles ils ont efié mis en
Chrifi n'a point eu d'autre corps natu- defarroi , difperfez & du tout rcnuer-
rel que celui que fes disciples voyoyent fez .' Afin donc que fa diligence ne
& oyoyent, ni d'autre fang que celui foit enfeuelie par noftre parelTe, met-
qui , eftant efpars par tous fes mem- tons peine à tout le moins que nous
bres, fut puis après rcfpandu par ceux reduifions en mémoire aux hommes,
qui le crucifièrent. Or, au dire de
S. Auguflin, il ne faut ni manger ni ûu'en ce temps-la eftoit la dodrine
des plus excellens Dodeurs. Oyons
boire ni l'vn ni l'autre, mais bien le auffi ce qu'il efcrit, en vne epillre à
Sacrement d'iceux fpirituellement en- Boniface, touchant ce propos: «Nous
tendu. Dont on peut allez conclurre: E phcf.
fi nous receuons cefle fenlcncc de ce {>arlons f'ouuent
e iour de ainfiapprochant,
Pafques , » dit-il , « nous
que
tant excellent perfonnage, que ce que di/ons : Demain ou Apres demain fera
les difciples aeuoycnt manger n'ef- la paffwn
toit pas le vrai cSc naturel corps de ait fouffert du
il y Seigneur, combien
a ia plufieurs qu'il
ans pajfe:[,
Chrifi, mais feulement le myflere
& que l'a paflicn n'ait efié faite qu'vne
d'icelui, fois, fiuis nous dijons au iour du Di-
foi. Car qui fe deuoit
comme nous aprehender par
fommes enfei-
manche :Le Seigneur efi auiourd'bui
gnez de lui en vn autre piin";igc : >< De- refi'uj'cilé, combien qu'il y ait ia fi long
uant l'auenemenl de lejus Chrijl , la temps qu 'il efi reffujcilé. Pourquoi efi-
chair & te fang de ce (acrifice elloycnl ce que le plus inepte du monde ne nous
rendus par la vérité me/me ; mais après reprend ae menfonge, finon pource que
l'afcenfion d'icelui, ib Je célèbrent par nous appelons ces iours-la félon la mul-
titude de ceux efquels ces cbofes fe font
vn facremeni de mémoire. » D'auan-
tage en vn liure qu'il a efcrit de la foi faites} tellement que nous appelons le
à Pierre Diacre, au chap. 19. il dit iour de la refurrcaion celui qui ne lefï
ainfi, confermant ce propos : « En ces
pas; mais pource
qui renient toutesquelesc'efl le jemblable,
années en fon
facrificcs (afTauoir du vieil Teflament ),
NICOLAS RIDLEY.

tour: & difons, à cauje de la célébra- Jean, les paroles qui s'enfuyuent : m.d.lv.
tion du Sacrement, qti'me chofe Je fait ■I Quand Chri/l dij'oit : Vous ne m'aure^ Matih. 26. u.
ce iour-la, qui toutes/ois ne Je fait pas, pas toufiours auec vous, il parloit de la
mais a ejlé ladis faite me feule J'ois. prej'ence de fon corps , car quant à Ja
Chrijl n'a-il pas ejlc immolé vne fois maiejU , à fa prouidence , & à fon in-
en fon corps) & toutesfois au Sacre- uincible & inuifible grâce, cela ejl
ment, non j'eulement es iours de Paf- acompli qu'il a dit de foi-mefme :
que , mais par chacun tour il ejl immolé
au peuple ;& celui ne mentira point qui Voici ie fuis auec vous iusqu'à la con- Matth. 28. 20.
J'ommation du monde. Mais quant à la
dira qu'il ejl immolé. Car fi les Sacre- chair, que la parole a vejlue , quant à
mens n'auoyent quelque fimilitude des ce qu'il a eflé nai de la Vierge, qu'il a
eflé attaché au bois , defcendu de la
certes cedej'quelles
chofes ils l'ont
ne feroyenl Sacremens,
pas Sacremens;
mais à caufe de cejle fimilitude ils pre- croix,
manifejléenfeueli
après ,fa mis au'fepulchre
refurreclion. . &
il a bien
nent Jouuenl
mes. Comme les donc, nomsen des choj'es
aucune mej-
manière dit : Vous ne in'aure:{ pas toufiours
le Sacrement du corps de Chrijl ejl auec vous.félon
conuerfé, Pourquoi'? Pource
fa prefence qu'il a,
corporelle
corps de Chrijl , & le Sacrement du
fang de Chrijl, ejl le fang de Chrifl , auec
iours fes : & difcipfes l'efpace dedequarante
eux le conduifans la veuë
aufji le Sacrement de foi ejl la foi. » & non pas le Juyuans, monta aux deux;
Qu. ;r. En celle matière , es quellions fur le il n'ejl point ici, car il fted à la dextre
Leuitique, & contre Adiniantus : » La
du Père. Et toutesfois il efl 'ici , car il
chofe qui fignifte , dit-il , a acoujlumé ne s'efl pas retiré quant à la prefence
de fa maiejlé. Ainfi , félon la prefence
d'ejlre appelée du nom de la chofe de fa inaiellé , nous auons toufiours
qu elle fignifie ; comme il e/l efcri't :
Les Chrifl; mais, félon fa prefence char-
fept Jept
vachesej'pics,
font font fepl fepl années,
années & les
, la pierre
nelle ,('/ a bien dit : Vous ne m'aure\
efloit Chrijl, & le fang ejl lame. » La-
quelle dernière fentence il enfeigne pas toujiours. Car l'Eglife l'a eu quant
fe deuoir entendre par figure & figne à fa prefence corporelle' peu de iours :
maintenant elle en iou'it par foi , mais
feulement. « Car nojlrc Seigneur, dit-il, elle ne le void point. »
Cont. Adim. n'a point fait de difficulté de dire : ■Voila ce qu'il a dit, vfant fouuent
c. 12. Ceci efl mon corps, quand il hailloit le de répétition de mots pour fpecifier
figne de fon corps. " Et en un autre lieu, vne
enflé mefme
ni arrogant, chofe, mais non haut,
point non
d'vn point
flile
il admonnefte cremens nous diligemment
ne confiderionsqu'espoint
Sa-
en paroles fuperflues, mais pleine-
ce qu'ils l'ont, mais que nous prenions ment. Car pource qu'il y en a aucuns
toufiours garde à ce qu'ils nous re- fi peu dociles & fi tardifs, il admon-
prefentent , pource que font lignes nefte fouuent & enfeigne le plus dili-
des chofes , ellans & fignifians autre gemment que faire fe peut , par quel
Coni. Maxim , chofe qu'icelles. « Car le pain celefle moyen Chrifl. nous efl prefent , alTa-
lui. î. ch. 22. (c'eft de lui qu'il parle en cell endroit) uoir, comme i'ai défia dit, par fa
ejl en aucune manière appelé le corps grâce, par fa prouidence & nature
de Chrifl ; combien qu'à la perité ce diuine; d'autre part, qu'il nous eft
abfent quant à fon corps naturel, nai
foit j'eulement
d'icelui. » le Sacrement du corps
Ces chofes font fi claires & eui- de la 'Vierge, mort, relfufcité, monté
aux cieux, où il fied à la dextre de
dentes, que nul n'y fauroit contredire, Dieu, comme nous fommes enfeignez
finon qu'il foit du nombre de ceux par les articles de noflre foi ; d'où il
Fphef. 4. lefquels
remors de(comme dit l'Apoftre,)
confcience, fans
fe font adonnez viendra, & non d'ailleurs (comme il
dit.) fur le definement du monde, pour
eux-mefmes à infameté , tellement iuger les viuans & les morts. Lors
certes les iuftes drefferont leurs tefles,
qu'ertans endurcis, & ne le fentans
point, ils aiment mieux errer & per-
filler en la faulfe opinion qui leur a quand rance
les dechaffees,
ténèbres lad'erreur & igno-
fplendeur de la
vne fois agréé , que de reconoiftre leur
faute , & defifter en humilité de leur parole de Dieu aura le delTus & ré-
gnera. Voire en ce iour-la , quand
mefchant propos. Il y a encore vn iuftice & vérité , les deux princeflfes
patlage de lui , lequel feul nous doit entre les vertus, vidorieufes, triom-
fuffire pour cent autres. On trouue, en pheront de leurs ennemis. le te prie
fa cinquantiefme Homélie fur fainft donc, ô mon Dieu, & fupplie que tu
LIVRE SIXIEME.

}00
vueilles auancer ce iour-la, car lors vérité (S droiture
droit faind Paul ;dittellement qu'à lieu
en quelque bun .
tu feras glorifié de la gloire qui eA
conuenable à ton l'ainil Nom; & nous, que Dieu enuo/era efficace d'abufion , I hetl'. 2.
remplis de
heureux &ioye & defeiour,
éternel liefTe chanterons
en ce bien- à ce ij^u'on croye à menfonge , afin que
tes louanges éternellement, tous joientOriuge^,
la vérité. ceflequi n'ont efi
vérité peint creu à
la parole
l'if lafc. PovR conclufion, ie mettrai en auant de Dieu , comme Chrill l'interprète
Gelafe, lequel eftoit du temps que lui-mefme , lequel dit ainfi au Père :
l'Eglife n'ertoit point encore abaftar- Ta parole
lumière de efl vérité,Dieu
laquelle de tout
l'ardeur <&
bon &.
die, & toute la terre n'eftoit point
encore infeftee de la poifon de la Pa- tout puiffant, en faueur de fon Fils
pauté infernale , aflauoir auant le vnique nofire Seigneur, par fon fainâ
temps du Pape Boniface , & de Gré- Efprit, vueille de plus en plus embra-
goire premier, du viuant duquel la fer nos cœurs à fa louange & gloire.
religion fut diffipee, & mille corrup- Ainfi foit-;l.
tions introduites , tellement qu'il re- Par cell efcrit . fait au temps des
gnoit
techriHes vne
cœurs des fuppofts
inhumanité de l'Aii-
& cruauté ,& plus rudes affliftions , nous auons vn
vne rage plus que brutale. Gelafe
donc , en vne fiene Epirtre contre lefmoignage
de de l'intégrité
ceft Euefque. & doârine
Car iaçoit que le
Eutyches , efcrit ainfi touchant les poinél de la Cène ait eflé diuerfement
deux natures en Chrifl : " Certes les & amplement traité , on trouuera que
Sacremens que nous brcnons du corps Ridley l'a tellement manié, qu'on ne
& du Jang de Chri/t . font chofe di- fauroit defirer chofe dite plus claire-
uine : par laquelle aufjt nous fomnies ment en peu de paroles , propres &
faits partic'pans
& toutes/ois de la nature
la fuhjlance dluine
du pain et du: afignifiantes. Mais le
ratifié & feellé principal
cefle efi <x
doélrine au'illa

vin ne laisse vérité par fon fang; endurant conf-


demeure en la point d'y de
propriété élire, ains elle»
fa nature. tamment la mort (comme il fera dit)
Saurions-nous fouhaiter vne chofe dite
auec Hugues Latimer, en l'hiftoire
plus clairement .' Y a-il rien qui fonde
aduquel nousreferuonsde
efté liffue de tous deux traiterqu'elle
conioints en
plus profondement l'vlcere de la vn mefme martyre.
TranfTubftantiation •• Y a-il rien qui
poigne plus au vif cefte befte horrible
& cett hydre à fept teflesr Car de ces ^^3 ^^S C^ft ^^3 ^^5 ^^S ^^3 ^^j ^^# ^S ^^S ^^S
marets infeds de TraniTubflantiation
fortent tous ces autres erreurs que
i'ai ci-defl"us nommez, comme d'vii HvGVES Latimer,
gouffre mortel. Parquoi , puis que glois (i).Euefque An-
nous auons maintenant vne fi grande
lumière de fa vérité, & que tous les
Le sommaire de ccfte hiftoire dépend de
brouillars qui efloyent à l'entour font
tellement efcartez, que nous fommes la précédente. L'efprit de Latimer
enuironnez d'vne fplendeur fi excel- comme il eflo'it ioyeux & facétieux ,
lentevoire
( fi bien que les chofes auj'ji ejloit-il ferme & roide contre
eflans defcouuertes, prouuees, efclair- les contempteurs de Dieu : comme
cies, en telle perfection comme elles l'es efcrits le monjlrent aux Tempo-
font, il n'efl plus quefiion de diffimu- rifeurs.
ler, finon que ce foyent ceux defquels HvGVES Latimer (2) eflant du pays
1. Tim. ). parle l'Apoflre, oui, ertans corrompus
d'entendement
la foi , refirtent à& lareprouuez quant à
vérité de certaine 11) Crcspin, édit. de IÇJO, p. 447-455;
àdU. de 1564, p. 712-719; édit. de 1570.
malice), embraffons ccfte vérité qui fe C j82-)85, De même que la notice sur Ridley,
vient prefenter à nous, comme il efi celle sur Latimer ne parut dans la Troisième
conuenable à ceux qui veulent eftre partie du Recueil des Martyrs (1 5 (6) que sous
une forme provisoire, qui fui complétée el
véritables & tenus pour tels ; & re- remaniée dans les édilions suivanlcs.
iettons tout ce qui efi au contraire.
(2) Hugh quablesLatimer, l'un des plus remar-
Car qui aime vérité efl de Dieu, & au parmi les réformateurs anglais du
contraire Dieu a acouflumé d'induire seizième siècle, et, comme l'appelle l'hislo-
les hommes en erreurs, à leur perdi- rien Froude
terre," naquit, à■•Thurcaston
le John Knox de l'Angle-
(Leiccstershirc),
tion , lefquels n'ont tenu, conte de vers 1485. Il lit ses études & l'Université de
HVGVES LATIMER.

& Comté de Leyceftre , dofteur en par fentences coupées, pour les faire
feruir à leur propos (i).
Théologie de l'Vniuerfité de Cam-
brige, fut Euefque de Worceftre. Il a Procédure
toufiours eu l'on affedion encline à la tenue en la
Apres que les difputes furent ache-
vraye religion & aux bonnes lettres . uees , les luges députez & Inquifiteurs condamnation
defquelles il eut grand ornement. furent affis au temple nommé de la des trois.

Tant qu'il a efté en charge d'Euefque, vierge Marie, lefquels auoyent com-
il a fidèlement tafché d'annoncer & miffion de par la Roine en ceft afaire; JOI
auancer la dodrine de noftre Seigneur & ces trois furent prefentez deuant le
Jefus. ayant toufiours efgard au profit fiege iudicial pour ouir fentence de
de fon troupeau. Les fuppofts de condamnation. Wefton (2; , qui eftoit
l'Antechrift le prefToyent fort de laif- Prefident, parla à vn chacun à part, les
fer ce duit,train
ilquitta; mais afin qu'il ; n'y
fon Euefché fuft in-
toutesfois interroguant s'ils vouloyent foufcrire
aux ordonnances delà Roine. Cepen-
il ne laiffa point le miniftere de la Pa- dant ilne leur donnoit aucun loifir de
role, car depuis reprenant courage, il faire refponfe pour leur propre fait ;
a fait tout ce qu'il a peu pour réduire feulement qu'ils dilTent en vn mot. ou
le pays d'Angleterre à la première s'ils le vouloyent, ou s'ils ne le vou-
fimplicité de la foi, & deflourner des loyent pas, & leur commandant de
bourbiers pour le ramener aux fources par la Roine de refpondre en vne forte
pures des eaux viues. Auant la con- ou autre , commença premièrement à
fultation publique faite au royaume
Liure de Cranmer, difant qu'il auoit efté veincu
Lalimer. d'Angleterre, il compofa vn liure inti- es difputes, n'ayant peu maintenir fes
tulé : L'eftat d'un royaume reformé erreurs & fauffetez. Cranmer refpon-
par l'Euangile (i). dit qu'on ne lui auoit donné loifir ni
La difpute qui fut tenue en la ville
d'argumenter, ni de refpondre. Car il
d'Oxfort entre les ennemis de la vé- y auoit vn tel trouble es efcholes, les
rité, contre Thomas Crammer, N icolas difputes tant confufes en fi grand
Ridley & Hugues Latimer. feroit par bruit. & tant de Théologiens enfem-
trop prolixe, s'il eftoit queftion de ble s'eftoyent ruez contre lui de telle
faire le récit de tant d'argumens impetuofité,
il qu'àdegrand'peine
efté loifible lui auoit-
dire vn feul mot.
qu'amenoyent les aduerfaires , faifans
bouclier des Codeurs anciens, lef- Ridley et Latimer furent à part inter-
quels le plus fouuent ils alleguoyent
roguez après lui , afl"auoir s'ils vou-
loyent maintenir la caufe de la doc-
trine, de laquelle ils auoyent fait
Cambridge, où il se au
fit remarquer profeffion. Et toft après furent amenez
par son attachement catholicisme.d'abord
Mais
les enseignements de Bilney amenèrent deuant les CommifTaires & luges dé-
bientôt une complète révolution dans ses léguez, pour ouyr fentence de con-
idées. Il se mit à prêcher les doctrines de damnation Ecclefiaftique, par laquelle
la Réformation avec un talent plein de fraî- ils furent premièrement retranchez de
cheur etdevant
d'origmalité. Henri VUI Sentence de
cher lui et lecouta avecle faveur.
fit prê-
la focieté de I'El life comme membres
.Après avoir occupé pendant quelques an- dégradation
trois les
indignes, & tous ceux qui les fauori- contre
nées, comme recteur, la paroisse de West- feroyent & defendroyent. Les Inqui-
Kington . dans le diocèse Salisburj-, il fut.
grâce à l'amitié de Cranmer et de Cromwell, fiteurs leur demandèrent s'ils enten-
nommé évêque de Worcester. Il n'occupa ce doyent acquiefcer à la fentence , ou
siège que quatre ans (I5;5-Hi9), et donna d'y renoncer. Ils leur refpondirent
sa démission lorsque commença la réaction
antiprotestante inaugurée par la loi des Six- qu'ils acheuaffent de lire iufqu'au bout
de la fentence. Apres cefte fentence
Articles. Sous le règne d'Edouard VI, il eut
une fit
qui large du part d'influence dans
protestantisme l'évolution
la religion de
d'excommunication foudroyante, cha-
cun l'vn après l'autre refpondit pour
l'Etat, tions
maisépiscopales.
il refusaCede fut
reprendre les
surtout commefonc-
prédicateur qui: exerça une action décisive (i) L'édition
sur la Réforme anglaise. Ses sermons on rtt' extraict en a ellededonné 1564 en
ajoute: <• Quelque
cefte partie que
Card, of the Plough. etc.. sont restés célè- nous avons nommée la quatrième du recueil
des Martyrs, à laquelle pour abréger nous
aussi bres
biendans l'histoire
que dans littéraire de l'Angleterre
son histoire religieuse. renvoyons le lecteur qui plus amplement en
(i; Latimer
prement dit. n'a jamais publié
et Crespin de livreenpro-
se trompe lui voudra cognoiftre. En ce volume nous reci-
terons seulement la procédure tenue par les
attribuant cet ouvrage. Ce qui approche le Inquifiteurs, laquelle a efté commune aux
plus du sujet indiqué dans ce titre est un sufdits , trois excellens tefmoins du Sei-
sermon sur Rom., XV, 4, prêché devant
Edouard VI. le 8 mars 1Î49. (2) Voy. la note de la p. m.
gneur. »
LIVRE SIXIEME.
;02
foi. Et premièrement Cranrrjer dit Septembre , enuiron les huit heures
du matin, fe trouuent à Oxfort, es ef-
ces paroles : <■ l'appelé de cefte vof-
tre fentence au iiille iugement de Dieu choles de Théologie, les Euefques de
tout puillant. ■> Ridley : « Combien Lincolne et de Glocedre, & auec eux
que vous m'ayez chaiïé de vodre auffi l'Euefque de Bridol , tous trois
compagnie, tant y a que le ne doute iuges députez en cède caufe de par
point que mon nom ne foit efcrit en
la Roine. Apres qu'ils furent affis en
vn autre lieu, auquel vodre cruelle leurs fijges, Nicolas Ridley. Euefque
fentence me fera aller plurtoft que de Londres, leur fut amené de la pri-
ie n'y fufTe paruenu par ordre de na- fon. Lequel, à la fiçon acouflumee,
ture. »LATrMER : « le ren grâces im- les falua d'arriuee comme fes Juges,
mortelles àDieu qui m'a amené en puis remit fon bonnet en la tcde. De-
cefle miene vieillelfe iufques à ce quoi ces Euefques fort defpitez, fe
poind, que ie le puiiïe maintenant fafcherent de ce qu'il fe portoit ainfi
glorifier par cefle mort. )• Or Wefton enuers eux, qui edoycnt là affis en
qui prefidoit parla à eux fur cela en l'authorité du Cardinal , légat du
cède façon : « Si par cède foi vous Cardinal
Polus.
Pape au commença
Lincolne Royaume.à fonder
L'Euefque de
Ridley,
paruenez
uiendrai iamais au ciel,auec de moi
celleie affeclion
n'y par-
pour fauoir quelle edoit fon opinion
que i'ai maintenant. » Le lendemain touchant les trois articles defqucis on
après que ces chofes furent faites, qui auoit difputé l'an précèdent; affauoir
efloit vn iour de Vendredi, on chanta de la prefence réelle au Sacrement ;
au mefme temple vne grand'MefTe, 11, de la TranfTuhdantiation ; m, s'il
auec grande folennité. Il y eut auffi
tenoit la MefTe pour un l'acrifice viui-
La procemon vne grande proceffion par toute la fiant. Quant au premier article, il ref-
du dieu des ville À rVniuerllté, en laquelle Wef- pondit que fi par ce mot Réellement ,
Pariiles. ,o„ comme prefident marchoit au ils entendoyent fpirituellement , par
milieu, portant en tri(jmplie fa belle grâce viuifiante, fon opinion edoit que
hoflie enuironnee de quatre Dofteurs rien ne pouuoit empelcher de parler
qui portoyent le poifle pour la couurir ainfi , affauoir que Chrid edoit reale-
en cède proceffion. Il fut commandé ment prefent au Sacrement ; mais fi
à Cranmcr de regarder ce beau myl"- on prenoit ce mot pour Subflant'elle- Le mot
tere de la prifon nommée Bocard (i)'- ment, il contredifoit à cela. Quant au Reaument.
& à Ridley. de la maifon d Irydrie (2), fécond, il demeuroit en cède opi-
où il edoit gardé prifonnier, Latimer.
qui edoit homme ancien, fut mené en nion, qu'après les paroles du Preflre
conl'acrant , le pain et le vin ne per-
la maifon du Bailli, par le milieu du doyent point leur nature ou fubftance.
marché de la ville. Icelui, penfant Du troifiefme, fon auis edoit qu'on
pouuoit bien dire ainfi, le facrifice du
qu'on
cier dele menad nommé
la ville, brufler, pria vn Cou-
Augudin offi-
facrifice viuifiant, mais qu'il ne le fa-
per(?)eftre
pour qu'il lui tilldeliuré
pluftod drelTervn feu legier
du tourment. loit nullement appeler f^acrifice viui-
fiant. Ilvouloit pourfuyure ces cho-
Mais quand la proceffion fut venue au fes plus au long, & les déclarer plus
marché, voyant ce qui fe faifoit, fe ouuertement;
demandé congémaisde combien
parler , qu'il
tant euft
y a
dedournant tant au'il peut, & fe reti-
rant ,ne daigna f^eulement ietter vne qu'on lui refufa tout à plat. L'Euef-
fois les yeux fur ce fpeélacle (4). que de Lincolne difoit qu'on lui auoit
baillé commiffion exprelTe de recueil-
lir fa refponfe en peu de paroles, af-
L'examen & la condamnation de Nico- fauoir qu'il did en bref, ou par affir-
las Ridley. et Hugues Lalimer.
àmatiue,
dire; ou au par rede,negatiue,
que leurce commiffion
qu'il auoit
En l'an m.d.i.v. le dernier iour de ne s'ellendoit
uantage . félon point plus ancienne
la façon auant. D'a-
de
le (I)
nomLadeprison commune
BocarJo. d'Oxford portait l'Eglife, il edoit défendu de difputer
(J, Ridley était prisonnier dans la maison contre les hérétiques. Neantmoins ils
de ValJcrnian Irish.
(}) Aii(;ustine Coopcr, que Koxe d<isit;ne traitèrent quelque chofe entr'eux.
comme •• a catchpoll , • huissier ou ser^jcnt. comme en palTant , & par forme d'in-
■4) ainfi
L'édition de 15(14k ajoute ter ogationstouchant
, l'authorité du
font aduenues Oxonc: ■■le
Ces20.chofes
iour Pape , & auffi des Sacremens. Et
d'Auril, l'an m.d.liiii. >. là delTus Ridley donna efpreuues tant
505
HVGVES LATIMER.

de fa dodrine que de la mémoire. tage. » L'Euefque de Lincolne lui mu lv


Car s'il faloit alléguer les palTages de dit : « Monfieur Latimer, laifi'ez ces
fables , & refpondez pertinemment au
quelque autheur que ce l'uft, on ne fait; nous ne fommcs point ici venus
pouuoit rien mettre en auant qu'il pour difputer contre vous. Vous dites
n'expliquaft iufques aux circonllances.
que vous elles Anglois & de nature
Ridiey re- Pour cela les auditeurs l'auoyent en & de nation ; & pour celle caufe vous
reiiii de tous grande admiration , & auoit acquis
pour fon faueur demandez élire exempt de la force &
érudition. , . enuers .. ■. tous.
1 Orrpuis qu'on
.1 ne
lui permettoit de pourfujure outre les violence de cède puillance, comme ti Deu.\ fortes
queliions, pour le moins eull-il bien
defiré de faire deuant toute la multi- vous
tes denepuillance
fauiez pas qu'il y la
, alfauoir a deux for- '^^ puiirance.
puilfance
tude vne confeffion de fa foi, afin que des clefs , & la puillance du glaiue
tous entendillent quelles caufes et ciuil. Jefus Chrifl lui-melme n'a-il
raifons il auoit fuyuies touchant Tau- point donné celle authorité entière à
thorité du Pape , & les autres poinds fesdifciples.degouuernerfon Eglife.^»
Latimer lui dit : « Je ne nie pas que
de fa dodrine,
foyent & lel'quelles
auoir telle opinion.luiMais
fai-
Chrifl n'ait donné à fes Apollres puif-
l'Euefque de Lincolne, mettant en fance de gouuerner l'Eglife, mais
auffi lui-mefme a donné certaines
auant fa commil'fion , remonftroit d'vn bornes & limites à celle authorité.
codé qu'il ne lui pouuoit pas accorder Car quand commandement leur efl
cela; & d'autre part, qu'il lui auoit
fait
Loi de& gouuerner,
ordonnanceil de
s'entend
Dieu ,félon
& nonla
hommepermis
plus , qui qu'il
eftoit ne
défiafaloit à vn tel
retranché de
l'Eglife. Ayant ainfi parlé, il lailTa al- point félon l'appétit de l'homme. On
ler Ridiey , lui faifant commande- porte partout vn certain liure de
ment de retourner derechef vers lui
l'Euefque de Glocellre (ie ne le conoi
enuiron les huid heures , au temple point , non pas mefme quand il feroit
nommé de la vierge Marie. Bien tort là deuant mes yeux) auquel il a allé-
après, Latimer auec poures habille- gué le pallage du dixfeptiefme chapi-
mens , & la face toute ternie de vieil- tre du Deuteronome , pour prouuer
lelTe , fut là amené deuant fes Juges , cela; s'il y a quelque différent fuf-
lequel, après auoir conu par ces délé- cité en l'Eglife , il faut que la caufe
guez mefmes que la force de leur foit déterminée par vn Sacrificateur
commiffion dependoit entièrement
de la lignée de Leui. Et au lieu qu'il
d'vne authorilé&puilfance ellrangere, y a ainii au pallage de l'Efcriture :
& autre que du royaume , leur dit : Et tout ce qu'ils pous diront félon la
(( Qu'ai-ie afaire auec ces noms & Loi & ordonnance de Dieu, faites-le;
perfonnes eftranges & barbares ? ie &c. l'Euefque de Glocellre iette ces
fuis Anglois, nai en Angleterre, & par paroles hors de l'Eglife. Et vous au-
confequent (félon la façon & la na- tres voulez bien gouuerner l'Eglife,
ture du pays) fuiet à la propre puif- tant y a que ce n'ell point félon la
fance de ce royaume où ie fuis nai. » Loi de Dieu. 'Vous rompez les limites
L'Euefque de Lincolne lui refpondit & bornes, efquelles l'Efcriture vous
a enclos ; vous rongnez la monnoye de
qu'il n'elloit point temps de brocar-
der ainfi, ni de dire des plaifanteries ; la Loi facree ; gardez-vous que ne
foyez iettez en bas au lac profond ,
plufioft il faloit qu'il fe difpofaft à par- duquel S. Jean fait mention en fon
ler à bon
façon efcient,
droite fur &lesà articles
refpondrequi
d'vne
lui Apocalypfe. » Sur cela,
doyuent eftre propofez. Glocellre refpondit que l'Euefque
voirement de
il Apec. 14. 16.
Latimer dit : « Vrayement , mef- auoit omis ces paroles ; & la raifon
fieurs, vous m'auez mis en vne efchole elloit pource que l'Eglife de Dieu ne
peut rien faire finon félon la loi de
d'oubliance; les murailles nues m'ont
efté baillées pour librairie ; vous Dieu, ainfi que le Seigneur lui-mefme
m'auez détenu 11 longuement fans tefmoigne, quand il dit : « Ta foi ne
liures , fans plume & fans ancre , que faudra iamais. » Item, quand il dit en
maintenant d'entrer en difputes, ce vn autre lieu : « Je baltirai mon Eglil'e
feroit alTaillir vn poure homme amai- fur celle pierre. »
gri en prifon, rompu des fers & ceps, Le lendemain, qui elloit le premier
du tout defarmé , nud, deftitué de
iour d'Odobre , fieges furent aprellez
confeil, fans amis, fans confolation , pour ces Euefques, au grand temple
& en vn lieu du tout à fon defauan-
de la ville d'Oxfort , auec vn apareil
504 LIVRE SIXIEME.

doétrine que par prédication , auffi


magnifique. Quand ils turent montez
en leurs (ieges , Ridley fut amené le bien que laonPapale.
maintenant chalTe Or d'autant que
du royaume vne
Conftance premier. Et comme on s'efmerueilloit bonne partie de cette Eglife , déte-
nouble. qu'il n"o(loit point fon bonnet, il dit nant les vns longuement en prifon ,
qu'il
de foneftoit là pour
Maiftre Jefus défendre la caufe
Chrift, tout ainfi bruflant les autres, comment deman-
qu'eux& yla eftoyent dez-vous que Celte Eglife foit vifible.^
droit caufe dupour maintenir
Pape. Et pourcele En quel lieu fe pouuoit voir la vraye i. Rois 14- ■ 8.
que les tefmoignages edoyent par ef- Eglife du temps d'Helie, quand cent '9-
Prophètes fe cachèrent de crainte
crit plus fermes qu'vne, fimple
nonciation de paroles pro-
pour cefte dedans les cauernes ; & quand Helie
raifon àildire
auoit auoittouchant
mis par les
efcril ce qu'il
articles, & fe pleignoit qu'il auoit efié laiflfé feul .'
Tei efloit l'eftat alors, qu'il y en auoit
requit qu'il lui fuft loifible d'en faire bien peu qui fe manifeflafTent ; toute-
fois Dieu ne les auoit oubliez, comme
leàure , d'autant qu'à yrand'peine vn
autre pourroit lire fon efcriture : tou- auiourd'hui femblablement il ne met
point les liens en oubli . combien
tefois l'Euefque de Lincolne ne lui
voulut nullement permettre. Sur quoi qu'ils n'aparoiflent aucunement de-
Ridley lui fit requerte que lui-mefme uant les yeux du monde. Finalement
vouluH prendre le papier , & qu'il le pource qu'ils
perance en lui,neils voyoyent aucuneauffi,
le dégradèrent ef-
leuft. Finalement , après toutes diffi- A le lailTerent aller.
cultez . ceft Euefque print le papier ,
& à grand'peine sut-il ietté la veuë
Voila en fomine l'hilloire des
delTus, qu'il commença à crier : " Blaf-
pheme, blafpheme, » & quand & quand combats & afl'auts que ces vrais cham-
letta là cet efcrit. Ridley lui dit que, pions ont fouftenus ; il refte mainte-
s'ils trouuoyent quelque chofe en tout nant de direquequelque
reufe ilfue Dieu chofe
leur adedonnée
l'heu-
ce papier-la qui futl mal efcrit , &
quelques mots exprimez autres que en leur mort. Il a efté touché ci-def-
ceux defquels les bons & fidèles Doc- fus. de quelle affeâion
tretenus &fortifiez s'eftoyent
Nicolas Ridleyen-ik
teurs auoyent vfé , il efloit content
Hugues Latimer, détenus prifonniers
qu'ils l'adiugeallent à mort fans merci. pour la querelle du Seigneur. La
LEvESQVE de Lincolne encore lui
mort cruelle qui leur a efté prefentee
dit que fa commiffion ne portoit aucu-
nement de tant lui permettre. Et in- après longue détention,
rer ni amoindrir n'a peu
cefte fainde fepa-
affedion,
Ridlev continent procédèrent à la degrada-
degradé. tion . nonobrtant tout droit dappela- tant eftoyent-ils armez de force &
tion. Apres cela, ayant fait retirer confiance, pour, en vn mefme iour &
Ridley, Latimer vint après pour eftre à vn mefme pofteau, palTer cheualiers
auffi enuoyé au feu , lequel , tant par de l'ordre au Fils de Dieu. Mais
la débilité de fa vieillelfe que par le auant que venir au dernier fupplice
grand nombre du peuple , fut telle- de Latimer
belles , oyons& l'adieu
fimilitudes plein de
de confolations
empefché, la
ment fendre grand'pein
qu'àprede e pou-
uoit-on pour venir qu'il lailTa auant que mourir à fes
iufques là. A la fin y ellant paruenu , compagnons , qui , pour vne mefme
fut interrogué par Lincolne , s'il caufe de l'Euangile, enduroyent per-
auoit mieux penlé à fon faifl , & déli- fecution . laquelle a efté traduite
béré de retourner à la foi & vnité de comme s'enfuit (i) :
l'Eglife. laquelle, comme elle eft ca-
« Le Seigneur tout puilVant vueille
tholique & vniuerfelle , auffi ell-elle faire abonder en vos cœurs la mefme
& vn
vifible;chée fous tellemuid , ains n'ert
qu'elle point àca-la
eft mife paix que noflre Sauveur Jefus Chrifl Matih.
veuë de tous fur vne haute montagne. a lain"ee entre les fiens , laquelle n'eft
Latimer lui refpondit que cela ef- pas fans guerre auec ce miferable
monde. Amen. La faifon eft venue.
toit vrai . toutefois il fauoit que tou-
fiours la congrégation de lEglife ef-
toit fort petite. Et quant à l'Eglife, il {\l La lellre suivante ne se trouve pa^
ne doutoit point fi la violence & per- dans
noticeFoxe.
sur Elle forme. insérée
Latimer presque par
l'entier de la.
Crespin
fecution des ennemis n'empefchoit , dans la Troisième partit du Rtcueit des Mar-
que vifible
ire , & fene dilateroit
leur Eglife tant d'ef-
lairroit point par tyrs, de i<ç6.
305
HVGVES LATIMER.

que l'héritage du Seigneur le conoif- auquel eft tout le bon plaifir du Père;
tra : c'eft que maintenant aparoillront vous l'auez (di-ic) qui marche deuant
ceux qui ont receu l'Euangile de vous. Le chemin par lequel il eft par-
Dieu en leurs cœurs, car tels ne fief- uenu en fa lerufalem celefte , n'eftoit
triront point , mais croiftront maugré pas à beaucoup près fi plaifant que le
l'iniure de toutes les pluyes & tem- voftre ; le confiderant depuis fa naif-
peftes du monde. Et pourtant que ie fance iufques à fa fepulture, nous
fuis perfuadé (trefchers au Seigneur) trouuerons que nous n'auons que
que de fait vous eftes femence de la beau temps & beau chemin ; mais
bonne terre de Dieu , qui croilTez & d'autant que nous nous amuferions
croiftrez, produifans fruid à fa gloire,
par la voye fans diligenter d'aller ,
comme l'occafion fe prefentera, quel- noftre Seigneur nous fufcite des ora-
ques chauds & ardents que foyent les ges & tempeftes pour hafter chemin
rayons du foleil , ie vous fignifie , deuant que la nuid viene , & que les
voire et exhorte chacun de vous de portes foyent ferrées. Le diable eft
marcher après noftre Maiftre Jefus
Chrift , ne demeurans point par les maintenant à la porte d'vn chacun lo-
gis, en la cité & région de ce monde,
fanges & bourbiers , & n'eftans efton- criant après nous pour nous faire de-
nez des orages que voyons, qui poffi- meurer & prendre logis en ce lieu ,
ble dureront longuement. Soyez cer-
voire pour nous perfuader d'attendre
tains que la fin de l'orage en ferenité que l'orage s'efcoule, non pas qu'il
engloutira toutes les peines précé- ne vouluft bien que fuffions percez de
dentes. Mettez fouuent deuant vos
la pluye iufqu'à la peau, mais afin que
yeux le confeil de S. Paul, qui eft en le temps fe paffe à noftre ruine & def-
la fin du 4. cha. de la 2. aux Corint. trudion. Parquoi donnez-vous bien
& au commencement du 5. Ce vous garde, & fuyez fes allechemens &
fera vn reftaurant pour vous foulager, perfuafions ; ne iettez point vos yeux
afin que ne défailliez. Et puis que fur les chofes prefentes, & ne regar-
tant de frères & fœurs palTent par le dez que fait ceftui-ci, ou ceftui-la ,
mefme fenlier, vous en deuez auoir mais iettez la veuë fur la bague la-
meilleur courage , & marcher plus quelle vous courez , ou autrement
ioyeufement pour la bonne compa- vous perdrez l'honneur de la vidoire.
Le plus grand Dieu n'a
ami dechemin DrelTons
but ,dedrefl"ons noftre donc
courfenoftre
, & veuë
point gnie.trouué plus beau ne au fur
temps mieux difpofé que vous auez à ceux-là qui marchent deuant nous,
prefent, en allant au lieu où nous af- afin que puiffions prouoquer & inciter
pirons , qui eft le ciel. Lifez Genefe , les autres à nous fuyure plus haftiue-
en commençant à Abel , puis Noé ,
ment. Celui qui tire de l'arc ne iette
Abraham, Ifaac & lacob, lofeph, les pas fa veuë fur ceux qui font auprès ,
Patriarches, Moyfe, Dauid , & les ou fur ceux qui fe pourmeinent , mais
fainds du vieil Teftament, & me dites pluftoft fur le but auquel il tire; au-
fi iamais aucun d'eux a trouué plus trement iln'eft pas pour gaigner le
beau chemin. Si l'Ancien n'eft alîez , pris. Ainfi, mes treschers au Seigneur,
venez au Nouueau ,& commencez à
Marie & Jofeph , & de là à Zacharie que vos yeux
auquel nous foyent
tirons, dreft"ez fur lelefus
aftauoir but
& Elizabeth, lean Baptifte, les Apof- Chrift , lequel pour la ioye qu'il fe Heb. 12. 2.
tres & Euangeliftes. Si vous efles re- propofoit, porta ioyeufement fa croix,
cors de l'Eglife primitiue, combien y en mefprifant tellement l'ignominie
en a-il qui alaigrement ontolTert leurs d'icelle, que maintenant il fe fied à la
corps à griefs tourmens , pluftoft que dextre de Dieu. Suyuons-le donc ,
d'ellre empefchez ou retardez en leur mes frères, car il a fait cela pour nous
donner courage. Nous deuons eftre
voyage .'' l'ofe bien dire qu'il n'y auoit
iour en l'année que plus de mille ne bien-an"eurez que , fi nous femons
laiflfafTent leurs maifons d'ici bas en auec lui , certes nous moilTonnerons
grande ioye, pour aller trouuer cefte quand & lui ; mais fi nous le renions,
habitation que l'entendement de il n'y anoncenulle doutecelui
qu'ilquinea honte
nous re- Marc 8. 58.
l'homme ne fauroit comprendre. Or auffi. « Car de
quand de tout cela ne feroit rien , & moi (dit-il) & de mon Euangile en
que n'auriez perfonne pour vous tenir honte
compagnie , vous auez noftre Maiftre de Anges l'aurai
deuant lesinfidèle,
cefteluigénération de Dieu au
& Capitaine Jefus Chrift, Fils vnique, ciel. » O que voila vne grieue & terri-
20
LIVRE SIXIEME.

ble}o6fentence contre ceux qui , reco- rent d'auec la paille. Vous , trefchers
noiflTans la mclTi; dire vne idolâtrie & bien-aimez, efles le froment du Sei-
abominable , pleine de blafphcme & gneur ;ne craignez point donc le van,
facrilege contre Dieu cS: Ton Chrift ne craignez point la pierre du mou-
(comme elleell à la vérité), neantmoins lin , car tout cela ne vous fera que
par crainte des hommes , & perte de rendre plus purifiez pour le Seigneur.
la vie ou des biens , voire aucuns Leou fauon
ziepo noil
cft [
Le fauon, combien qu'il foit noir, ne
rend point le linge fale , mais plurtoft
pour rentleur
& lui auantage & profit,
font hommage, l'hono-
diflîmulans l-"landres.es
commun
le fait plus blanc & plus net ; ainfi la
contre leur propre confcience , la- croix noire de Chrift nous blanchit terre & de
pays ir.\n(,'leJ
Marc 12. 4<- quelle les accufe ! Il euft mieux valu tant plus, quand Dieu nous frappe du
que tels n'euffent iamais conu la ve- baftoi (i). D'autant que vous efles les
nté, car la fin d"iceux ell pire que le brebis de Chrift. préparez-vous à la
commencement. Tels auroyent befoin boucherie , fâchant toufiours que vof-
tre mort eft precieufe deuant Dieu.
de prendre garde à l'horrible fentence .Malth. 10.
de l'Apoftre efcriuant aux Hebrieux , Les âmes qui font fous l'autel nous
fixieme i.^ dixième chapitre : lifez- attendent , pour accomplir leur nom-
les , de peur que ne trebufchiez en bre ;nous fommes heureux, fi le Sei- Apoc. (1. i).

telle condamnation. Qu'ils ne iouënt gneur nous y a deflinez par quelque


point ici finement , fe deceuans eux- moyen que ce foit. Repofez-vous >&
mefmes, allans à la Meffe, d'autant foyez du tout apuyez fur lui. lequel a
nombre tous les chcucux de voflre
qu'ils n'y font nulle adoration, ne
s'agenouillent point, ne fe frappent la tefte, & n'en cherra pas
poitrine comme les autres , ains de- fa volonté. Vueillions ou vn
non,feul fans
il nous Pf. 7!. o.
meurans affis en leurs fieges, cuident
pluftoft faire bien aux autres que leur faut boire
nous au hanap &(2)ordonné
efl préparé du Seigneur, s'il
de lui.
nuire ; s'ils vouloyent entrer en leur Beuuez-le donc de bon courage , ce-
confcience , ils fe trouueroyent vrais
diffimulateurs, >& cerchans à deceuoir pendant qu'il eft plein , de peur qu'en
les autres; certainement ils craignent din"erant
finalement, le parauanture
fond & la ne beuuiez
lie auec les I. Pierre 4. i?.
plus les hommes que Dieu , lequel a reprouuez. Soumettez-vous donc fous
pouuoir de ietter corps & ame au feu fa main forte, & nul ne vous touchera
Matth. lu. 28 d'enfer. Ils clochent des deux codez, fans fon congé ; & fi on vous touche,
I. Rois |8. 21 & feruent à deux maiftres. Le Sei-
gneur ait pitié de telles gens, & leur c'efl
Dieu pourqui voflre bien & falut.
vous corrige en ce Benift'ez
monde ,
ouure les yeux, afin qu'ils puifTent afin que ne foyez condamnez auec le
monde. Il nous pourroit bien corriger
voir que celui eft contre lui qui n'ell
auec lui ; & que ceux qui ne raffem- par autre façon que de nous faire
Luc II. 2;.
blent auec Chrifl efpardent (i). Qu'ils foufl"rir perfecution pour iuftice : mais
Apoc. I. 2f!. lifent ce que fainél Jean dit élire pré- il fait cela , pource que nous ne fom-
paré aux infidèles. Le confeil donné mes point du monde.. Inuoquez fon
à l'Eglife de Laodicee cft bon pour Nom par Chrift , demandans en ioye
Rom. I. U). telles gens. Mais vous, treschers au & lielTe fon falut i<: deliurance.

2. Pierre 4. 12. Seigneur, n'ayez honte de l'Euangilc Croyez qu'il efl mifericordieux enuers Pf. 01. H.
de
DieuDieu, car c'eft
en falut la puilTance
à tous ceux qui dey vous, qu'il vous oit i.t vous aide. Je
fuis
uerfitéauec, &vous (dit-il)
vous en temps
deliurerai , card'ad-
il a
croyent. Soyez participans des nf-
flidions de Chrill , félon que Dieu ordonné certains limites que le dia-
vous donnera force pour les porter ,
ble & le mondv
Si toutes chofesn'outrepalTeront
vous femblent point.
eftre
n'eftimans point petite grâce de Dieu
de fouflTrir pour fa vérité. Car vous contraires, neanlmoins dites auec lob : lob 12. 15.
efles bien-heureux, comme le verrez
vne fois. Lifez le fécond chapitre de « Encores
en qu'il mele tue,
lui. » Lifez fi aurai-ieefpoir
dixième Pfeaume,
la féconde aux Corinthiens. Comme & priez pour moi voflre poure frère &
le feu ne nuit point à l'or, ams le pu- compagnon,
de Dieu ; fonperfecuté
Nom en pour
foit l'Euangile
loué, & fa
rifie, ainfi ferez-vous purifiez en fouf-
frant auec Chrifl. Le fléau & le van mifericorde me face auec vous idoine
n'endommagent ni ne froifl"i;nt point
le froment, ains le nettoycnt & fepa- (1) Baltoir dont on se sert pour laver le
linge.

(i) Dissipent.
(2) Calice.
NICOLAS DV CHESNE.
307
de foulTrir & endurer en bonne con- vous entendrez ce de quoi ie me veux m.d.lv.
Heb. 15. 14. fcience, pour l'amour de fon Nom. defdire. " Et ainfi les tenant fufpens,
Rien n'eli plus certain ni plus incer- continua
fut efcouté.fon Apropos,
la fin iltellement
leur dit : qu'il
« Il
Heb. 12. 22. tain que la mort. Bien-heureux font
ceux aufquels il donne de mourir pour
eft temps que
promesse, & quele iem'acquite
déclare dede quoi
ma
Cor. iç. 52. fa querelle. Noftre habitation n'ell ie me veux defdire. Efcoutez, il me Latimer fe
pas ici , & pourtant ayons toufiours
deuant nos yeux cefte lerulalem ce- fouuient d'auoir prefché autrefois que defdit d'auoir
lefte , à laquelle il faut paruenir par quene la
l'Antechrift
nie n'vfurperoit
en ce royaume, plus la
f qui•■./!<.
auoit tant 1 prefché
eftétyran- Papauté
reuiendroit
afflidion & fouffrance, fuyuans l'exem-
ple de noftre Sauueur 1. Chrift ; ne bien réduit à la parole de Dieu ; mais plus en Angle-
doutans point que, comme il eft relTuf- le Seigneur monftre que le plus fou- terre,
cité immortel au troifieme iour , auffi uent nous contons fans lui , nous
reffufciterons-nous en temps prefcrit, apuyant fur ces bras mortels , & fur
lors que la trompette fonnera, & les les belles aparences que nous voyons
Anges feront ouyr leur voix, & le
à l'œil , parquoi ie m'en defdi. Or ce
Fils de l'homme aparoiftra es nues en n'eft pas tout ; efcoutez donc , il y a
maiefté & grand'gloire ; & nous ferons d'auantage; c'eft qu'àuffi l'ai fouue-
efleuez aux nues pour venir au deuant
nance d'auoir dit que, s'il me faloit
du Seigneur, & viure auec lui éternelle- mourir, ce feroità Sniithfild; & main-
ment. Confolez-vous par ces paroles,
& priez pour moi au Nom du Seigneur. Oxfort tenant
ie ie trefpalferai
voi que i'ai; parquoi
menti, &ie vous
qu'à

pren tous à tefmoins que ie m'en


defdi , & en pan"e réparation honno-
Les exhortations dernières & paroles rable. » A grand'peine eut-il acheué ,
Janiiicres que profera H. Latimer que ceux qui là eftoyent , efmeus de
vn peu, deuant fa mort. courroux méfié & couuert de honte ,
d'auoir efté fruftrez de leur attente ,
Apres que ce bon père Latimer eut commencèrent à s'efciier contre lui;
fait ce qui eftoit digne d'vn vrai che- de forte que ce fainâ perfonnage n'eut
ualier Chreftien, l'heure du dernier plus d'audiance; mais le dernier fup-
fupplice aprochante , il admonnefta plice fut hafté , lequel il endura auec
auffi ceux qui eftoyent ordonnez pour vne confiance admirable , ayant tou-
le conduire ; fpecialement ceux qui , fiours propos de confolation en la
par leurs raifons humaines, tafchoyent bouche , iufques à ce que le tourment
de le diuertir ou esbranler. Puis en du
l'an feu
1555.
lui eut ofté toute faculté de
leur prefence , ayant fait oraifon à
parler. Ce fut le xvi. d'Odobre de
Dieu, commença s'efgayer, & (comme
son naturel portoit) parlera foi mefme
par manière de dialogue, pour faire le
procès à fes aduerfaires , & dit en
cefte forte : « 'Voirement, Latimer, il te nois (i). , Champe-
faudroit penfer à ce que ces perfon- Nicolas dv Chesne
nages te difent , & te defdire pour
fauuer ta vie. Oui, dit-il, mais qui es-
tu qui me confeilles de ce faire ? Si tu Vne Croix des champs amené par oc-
n'ofes dire ton nom , ie le te dirai : cafion ce Nicolas A la vraye Croix
4aUh. 16. 2;. Tu es ce confeiller que lefus Chrift & effufwn de fon fang, & pour tcfti-
a nommé Satan , quand il lui vouloit ficr de I'Euangile, il a furmonté
perfuader d'euiter la mort. Mais ef- l'hypocrisie d'vn Caphard qui le
coute en patience , puis ie me defdi- trahit : en quoi fc manifejle la vertu
rai. "Vous tous, foyez exhortez auiour- inuincible de l'Efprit de Dieu en
d'hui, qu'il n'y a qu'vn feul moyen de ceux qui adhèrent à fa Parole.
paruenir au royaume éternel ; c'eft par
i'Euangile de noftre Seigneur lefus. » Apres auoir parlé des Martyrs An-
Apres qu'il eut dit plufieurs chofes
des iugements de Dieu furie royaume
l'édition
d'Angleterre , il vint à dire : « Je vous même ne
Cetteni notice
de (i)ijçb, celleni dedans1564. Mais
dansfigure
ai promis de me defdire , & partant elle se trouve dans la dernière édition de
vous m'auez auffi promis audiance ; Crespin (1570), au f- jSj. Elle devrait figurer
ayez donc patience encore vn peu , «& plus haut,
France protest. (nouv.15J4
à l'an Voy. l'art, de la
édit.).
LIVRE SIXIEME.

jo8
gloisdel' an m.d.lv. auant que palTcr Depuis on l'examina de plufieurs
ouire le temps, le martyre de Nicolas poinds , fur lefquels il rendit pure &
du Chelnc pourra edre ici inféré entière confeffion , fur laquelle la
deuant les prochains deux frères exé- iullice affeant ( i ) toute caufe de con-
cutez àMalines. Sa procédure, eftant damnation, prononça fentence de mort
iointe auec celle de Paris Panier ci contre Nicolas. Aucuns lui confeil-
delfus defcrite en l'on ordre( i ), monllre lerent d'en appeler à Dole ; mais il
alFez de quelle haine la vérité du Sei- refpondit qu'il fulTent
ne penfoit
gneur ell perfecutee en la Comté de ceux de Dole plus pas
gens que
de
Bourgongne, non feulement contre bien qu'eux, car, depuis peu de temps,
ceux qui font du pays , mais auffi con- ils en auoyent fait mourir en pareille
tre les ertrangers qui palTent leur che- caufe. Le lourde deuant que Nicolas
min. Paris eftoit Bourguignon , & fut mené au fupplice , on tafcha de
cellui-ci elloit Champenois, natif de
lui perfuader
MelTe, & fe que,
mettres'il àvouloit
genouxaller à la
durant
Beaumont en Porcien, près de Re-
tel(2), ayant fa refidence en la ville de icelle, on le lailTeroit aller comme
Laufanne, en laquelle il s'elloit retiré palTant. Mais Nicolas, armé de perfe-
pour y viure félon la reformation de uerance , refpondit : » Plulloft mourir
l'Euangile. La caufe de l'arrelkr pri- que de commettre vn tel ade. » Il alla
fonnier fut qu'ertant parti de Lau- à la mort fort afi"euré , inuoquant le
fanne pour voyager en fon pays , Nom de Dieu iufques au dernier
& amener vne fiene fœur & fon mari mouuemcnt de fon corps ; ce fut le
demeurant à Retel, & quelques autres VII. d'Odobre, l'an l'ufdit; auquel
qui demeuroyent à Reims en Cham- l'ordre des temps requiert qu'il foit
remis.
pagne ,print fon chemin droit à Be-
fançon , le xxvm. iour de Septem-
bre M.D.Liiii. De Befançon cheminant
à Gray , il rencontra vn moine inqui-
fiteur qui l'accolla. Paflans deuant
vne Croix qui elloit au chemin, Nico- François & Nicolas Matthys,
Frères, de Malines (2).
las ne fit aucun femblant d'ofler fon
chapeau, qui donna occafion au moine
d'entrer en deuis de la religion, & de
Cejh hijloire d'vne mère & de quatre
contrefaire l'entendeur, pour auoir cnfans, cmprijonnc\ à Malines pour
occafionà Grai de l'attraper. Arriuez qu'ils la vérité de l Euangile , ejl notable;
furent , et que Nicolas y eut de/quels les deux , ajfauoir François
prins logis par lauis du moine, la iuf- Matthis , qui ejloit l'ai] ni, & Nicolas
tice du lieu , à la dénonce <S: accufa- Matthis , le fécond frère , ont conf-
tion dudit, empoigna Nicolas, lequel, tammenl enduré la mort en ladite
voyant fon Moine conducteur & guide ville, la mère rejlante prifonniere ,
O traillre, m'as-tu
des liuré r »ditLa: ■'iufiice
ainfiofficiers, demanda au
après la mort d'iceux.
prifonnier, d'où il elloit ; & il refpon- En la ville de Malines, au pays de
dit tenoit
, qu'iln ledes à Laufanne, en la Brabant, fiege du Parlement des pays
iurifdidio Seigneurs de Berne,
bas, il y auoit vn nommé André Dief-
& qu'il y auoit lailTé fa femme auec fen, mari d'vne nommée Catherine,
vn fien frère. On lui répliqua : « Tu de laquelle il auoit quatre enfans ,
n'en es pas natif. » « Non, (dit-il), alTauoir trois fils «& vne fille. Ayant
mais d'vn village près de Retel. » receu la conoiflTance de l'Euangile, ne
Interrogué qu'il y alloit faire , dit que fut négligent à infiruire fa famille, il
c'eftoit pour retirer fon beau-frere &
fa fœur femme d'icelui, & vn autre (i) Asseyant, établissant.
mefnage auec eux. Sur ce , il lui fut (2) Crcspin publia pour la première fois
demandé, fi la Loi de Laufanne elloit celte notice dans sa Troisiaiw pjrlic (15 $6),
p. 86-97. ^oy. aussi les édit. de 1564, p. 719-
bonne .' Il refpondit : Qu'oui , & 722, et 1570, f" Î85-J87. Le marlyrologiste
qu'on y prel'choit l'Euangile du Sei- hollandais Hœmstede a sur ces deux mar-
gneur en toute pureté de dodrine. tyrs une notice plus ample que celle de
Crespin. La famille dci Matlliys , dont le
vrai nom était Diessen , était vraisemblable-
(i) Voy. page 60, supra. ment connue de Htcmstede, qui était l'un
(2) Beaumonl-cn-Argonnc arrondi&sc- des pasteurs d'Anvers , à peu de distance
de Malines.
ment do Sedan (Ardvnnes).
FRANÇOIS ET NICOLAS MATTHYS. 309

portoit de grans regrets en fon efprit, tant perfeuera conftamment en la ve- m.d.lv.
de ce que la doârine de Jefus Chrift rite du Seigneur. Et combien que, par
eftoit ainfi foulée aux pieds en la ville l'aftuce d'vn moine, elle ait efté depuis
de Malines, & contaminée de tant efbranlee & deftournee de cefte conf-
d'idolâtries, & ne fe pouuoit conte- tance, neantmoins quand on l'amena
nir, fans quelques fois s'oppofer & deuant le Magiftrat, folicitee à fe def-
parler contre icelles. Ce que les dire, refpondit entre autres propos
preflres de la ville ne pouuans fouffrir, qu'elle les prioit de ne la mener fi
lui dreflerent grandes fafcheries ; tel- loin arrière de la vérité, && adorer
qu'en
lement que force lui fut de fortir de icelle elle vouloit demeurer,
la ville, & s'en aller en Angleterre, où vn feul Dieu, par fon Fils Jefus
il mourut en la compagnie des fidèles.
Deux de fes enfans , après auoir de- Chrift; puis chetée, fans que
autre.lui Sur
feulcesl'auoit
parolesra- ,
meuré en Alemagne quelque efpace elle receut incontinent fentence , ou
de temps, es Eglifes reformées par la pluftoft vne menace furieufe du Juge;
parole de Dieu , retournèrent à Ma- aftauoir, d'eftre mife en perpétuelle
lines vers leur mère vefue, leur fœur prifon, fi elle ne defiftoit de telles opi-
& autres leurs parens , lefquels ils nions ,& en receuant des mains du
tafcherent d'inftruire en la vraye co- Preftre le facrement, & aprouuant les
autres cérémonies acouftumees.
noiffance de l'Euangile, leur remonf-
trans en fomme que tout le falut dé- Ses deux fils ci deft'us nommez, af-
pend d'vn feul lefus Chrift, & du fauoir l'aifné & le fécond , perfeue-
précieux fang qu'il a efpandu en re- royent toufiours de force inexpugna-
miffion des péchez & fatisfadion en- ble, fe tenans à la pureté de la
uers le dodrine
de cefte iugementvientde àDieu. L'odeur
la conoilTance dodrine de Dieu, & n'y eut menaces
ne tourment qu'on leur feuft faire, qui
de la preftraille du pays. Parquoi ils les efpouuantaft. Les fuppofts de
drelTent tous moyens pour les attraper, l'Eglife Papale, voyans que toutes
& fur tous le curé de fainde Cathe- leurs inuentions profitoyent fi peu , Diuerfes rufes
, , .„ e de
enfembl ..,les amener '^'^^ ennemis
,, ^ pour efbranler
Ruard tit vnrine ànommé
Malines noftre
s'y employa,
maiïlre &Ruardus
aduer- délibérè
deuant rent
la puuiance qu ils appellent |es deux
d'Eneufe, Tappaert, Dodeur & Doyen de Lou- feculiere, acompagnez de grand nom- frères,
dofleur
Louuain.de uaip, inueteré ennemi de la vérité , & bre de moines & caphards , penfans
le folicita de venir. Icelui eftant venu
par cefte
uanter ou mafque
efblouir extérieure
ces deux efpou-
ieunes
à Malines, ce fut de foliciter au pof-
fible le Mayeur (qu'ils nomment gens. Toute cefte troupe donc eftant
Scawter) le fieur Guillaume Kleicken, venue deuant les Magiftrats, à leur
feigneur de Bouenkerken, de prendre inftance alTemblez, l'Inquifiteur com-
les deux frères auec la mère & fon mença àdire à haute voix : « Nous
troifiefme frère auec la fœur. Laquelle
auons défia depris
deftourner vosgrand'peine
erreurs, & pour vous
toutefois,
chofe ce Mayeur ne refufa de faire,
eftant requis de tant de gens , qu'ils par amitié, nous n'auons rien profité.
appelent d'eglife. Tous cinq donc Il faut donc maintenant que vous dé-
furent mis en prifon : & pendant leur clariez icivoftre foi deuant ce fiege de
détention, la preftraille cercha tous
iuftice & fuperiorité, & l'on verra
moyens de molefter & de diuertir lef- quelle elle fera trouuee. » Sur ce, ref-
dits emprifonnez de leur droite conoif- pondit le plus ieune des deux frères,
fance ; mais ils n'y profitoyent rien. afl"auoir Nicolas : « L'Apoftre S. Paul,
Parquoi on fepara la mère auec le ni les autres feruiteurs de Dieu, n'ont
plus ieune frère & la fœur, en vn au- iamais différé de faire profeffion &
tre endroit de prifon. Le plus ieune confeffion de leur foi , tant deuant la
frère & la fœur furent deftournez du puiffance ecclefiaftique que feculiere,

I
vrai chemin par les aftuces & folicita- que vous appelez, & pourquoi ne fe-
tions des ennemis, quelques exhorta- rions-nous lemefme, veu que c'eft vn
tions ou remonftrances que leur bonne mefme Efprit, qui nous donnera de
mère feuft dire ou faire. Ils paft'erent quoi vous refpondre } Ne penfez pas
par cefte condamnation
neroyent quelques iours : au
Qu'ils
pain ieuf-
& à pourtant nous intimider, nous auons
bon maiftre. » Ces aduerfaires voyans
l'eau, & qu'ils affifteroyent aux Meffes cefte promptitude , les firent feparer
& proceffions du Sacrement, veftus de l'vn de l'autre , & demandèrent pre-
linge blanc. La bonne mère nonobf- mièrementl'aifné,
à affauoir François,
I
LIVRE SIXIEME.

0 cft-ce donc que Dieu demeure } »


ce ]\qu'il croyoit. Il refpondit croire R. « Le ciel eft fon fiege, & la terre
tout ce qui cft contenu au vieil et
nouueau Teflament. Les Théologiens fon marchepied. » Sur cela, le Mayeur
là prefens dirent : <• Qui vous a en- de la ville, en fe gaudiffant, dit : u 11
Blafpheme.
feigné le vieil c^" nouueau Tellameni r » faut donc que voftre Dieu ait de lon-
« Pour l'auoir leu , )> dit-il, « & pour gues iambes. » Puis on demanda de
l'auoir oui annoncer en Alemagne, & la confeffion & abfolution des pref-
le Seigneur nous a fait cefle grâce, de tres en ccfte manière : « Ne croyez-
nous auoir ouuert les yeux & l'enten- vous pas que les preftres en la con-
feffion ayent puillance de retenir les
dement pour l'entendre. » Les Théo-
logiens procedans outre , demandè- péchez ou les abfoudre .-' • « Non;
rent s'il tenoit l'Eglife Romaine pour car le Seigneur nous appelle à foi, di-
l'Eglife catholique ? Refpondit que fant : " Venez à moi , vous tous qui
non. « Efcoutez, » dirent les Théolo- eftes chargez, & ie vous foulagerai. »
C'eft donc à lui que nous deuons
erreurs giens,&Ililabus
eft vrai qu'il y »a François,
en icelle. quelques
aller pour eftre defchargez des fardeaux
de nos péchez. » En après, interrogué
coupant leur propos : » Il s'enfuit
donc que ce n'ert point la faindc Eglife s'il s'eftoit fait derechef baptizer.
catholique & l'efpoufe de k-fusChrifl, R. « Pourquoi me troublez-vous tant.''
laquelle doit eftre fans feuillure & nous auons efté vne fois baptizez, dont
macule comme la colombe. » Ces nous nous contentons, & ne voulons
Les Théolo- Théologiens , arreflez tout court en
giens de eftre fauuez par le Baptefme d'eau,
Louuain leur propos deuant la multitude, paf- mais par la foi en lefus Chrift ; car le
furpris en fercnt outre, & aualerent celle honte Baptefme ne nous eft autre chofe finon
leurs propos.
auec vn mot qu'ils adioufterent, que le figne de l'alliance & du renouuelle-
l'Eglife Romaine eftoit fous la protec- ment
tion de la fainde Eglife Chrcftienne, fufion dedu vie, fangque de nous
lefus auons
Chrift.par>< l'ef-
Sur
dont le Pape eftoit le chef. >< Car, » quoi, plufieurs ignorans, qui là eftoyent
difoyent-ils, « cependant que lefus prefens, dirent : « Cela eft bon, &
Chrift eftoit ici bas en terre, il en eftoit nous femblc véritable. » Les Théolo-
le vrai & vnique chef; mais depuis giens, infiftans en leurs demandes,
qu'il eft parti d'ici, il a lailTé faind dirent : " Que dites-vous de la mère
Pierre chef fur icelle, duquel le Pape de Dieu & des Sainds de Parailis } De rintercef-
lion.
tient la fucceffion. » A cela ne fit ne demandez-vous point leur inter-
François aucune refponfe ; mais en ceffion .' " Refp. «Jefus Chrift eft l'huis
foufriant donnoit à conoiftre l'igno- & la porte; & qui n'entre par icelle,
rance de ces Caphars, & aucuns de il eft prononcé meurtrier & larron. »
ceux qui eftoyent prefens en eurent (I Voire, » dirent les Théologiens,
i( ce ne fcroit donc à voftre femblant
honte. En outre, on l'interrogua ce
qu'il fentoitdu Sacrement .- R. n Quand rien des iours de feftes, des luminai-
on reçoit la Cène du Seigneur fous res (^ chofes femblables. » Refp.
les deux espèces, félon fon ordon- .( Tout cela n'eft qu'idolâtrie, entant
nance, comme il eft efcrit par les trois qu'il n'eft fondé en la parole de Dieu. »
Euangeliftes & S. Paul , on reçoit le D. '( Quand les hommes décèdent ,
corps & le fang de lefus Chrilt. » Sur n'eftant point nets ou purgez de leurs
cela dirent : « Mais que fentez-vous péchez , ne croyez-vous pas que ,
du facremcnt qu'on porte par les rues par vigiles & anniuerfaires, ils foyent
Du Sacrement A aux malades.^ >< R. « Des oublies rachetez du feu de Purgatoire .' n
porté par les que vous portez aux malades, & pour-
rues. François,gatoire Iie
hauft"ant fa voix,esditEfcritures
: « Pur- Du Piirpa-
tolre.
ne trouue
menez oipar quant
rien, les ruesaux, nous n'en tenons
malades, nous aucun Purgatoire ; fi vous en trouuez
prions le Seigneur de leur vouloir vn en icelles, ie m'y accorderai. » Les
donner vraye foi fondée en fa parole, Théologiens refpondirent que facile-
pour les conduire à la vie éternelle. » ment ils le pourroycnt monftrer : ce
Aucuns prcftrcs qui là eftoyent de- qu'ils ne firent toutesfois, car ils defi-
mandèrent :« Et Dieu n'elï-il point royent lailfcr François & retourner à
en l'hoftie qui eft es mains des prel- l'autre, lequel ils auoyent fait mettre
tres,quand iisconfacrent .' ■■ R. « Non ; en vn lieu A part.
mais Dieu eft en toutes fcs œuures , Vne partie donc de cefte troupe
(.t n'eft enclos es temples faits de fut enuoyee vers le fécond , aftauoir
mains d'hommes. >> D. »' Mais, où Nicolas, pour l'examiner, ou pluftoft
FRANÇOIS ET NICOLAS MATTHYS.

pour le tourmenter. Aufqiiels il dit de maiflre, & qui font vos compagnons. «
premier abord, vfant d'vn prouerbe L'aifné lui refpondit : « Quant à ce
vfité en vulgaire : « Venez-vous ici que demandez qui eft noftre maiftre,
pour me vendre des queues de re- c'eft Dieu ; mais, quant à nos compa-
Ces renards
deuiennent nards.'' hypocrites, départez vous de gnons, c'eft en vain que le demandez,
moi, & me laiflTez en paix ; car ie veux
tort après car nous nous laifl"erions pluftoft tirer
lions pour demeurer en la vérité, n'eftimant vos pièce à pièce que de les expofer aux
defchirer les dangers. » Quoi voyans, les luges & JII
brebis du fables & menfonges, encore qu'il me
courte la vie. » A celle voix furent fi ef-
Seigneur. Seigneurs commandèrent qu'ils fuîlent
frayez ces fupports de preftres, qu'ils remis en prifonPeu
demanderoit. iufques à ce qu'on
de temps après, les
ils
retournèrent vers l'aifné , lui confeil-
lant que, pour lui & pour fon frère, il furent menez deuant la iuftice, feante
aduifart de trouuer moyen de fe re- fur les fieges de iudicature, & là de-
rechef leurs articles eftans publiez, à
'concilier à l'Eglife. Mais il leur dit :
« le vous prie, contentez-vous, car ie haute voix en plein parquet , dirent
n'ai point intention de me laifl'er qu'ils perfiftoyent ; tellement qu'à
tromper ; i'ai mon efpoir en Dieu. » l'heure ils receurent fentence de con-
damnation, laquelle eftant prononcée,
Depuis cela, les preftres, voyans qu'ils
ne profitoyent rien, & que lefdits frè- le Mayeur de la ville leur dit : << Pre-
res demeuroyent refolus dutout, ils nez vn confeflTeur, car demain il vous
les firent venir deuant les luges, & là faudra mourir. » Auquel refpondirent :
furent leus leurs articles, après la lec- « Nous auons lefusChrift pour noftre
ture defquels leur demandèrent s'ils confefieur, duquel nous attendons ab-
s'en vouloyent defirter. Les deux ref- folution. » Cela dit en pleine audiance,
pondirent : « Non, fi nous ne fommes on les ramena en la prifon, & le len-
conuaincus par la fainde Efcriture. » demain Lundi XXIII. de Décembre,
Lors les Inquifiteurs dirent aux ma- auant l'exécution, ces deux frères,
giftrats, puis que ces deux prifonniers prefente toute la iuftice, auant eftre
demeuroyent ainfi obftinez, contre la menez au lieu du dernier fupplice, fe
doélrine de l'Eglife, qu'ils les retran- confoloyent l'vn l'autre. Et l'vn d'eux
choyent d'icelle , comme membres dit ces propos : « Mon frère, nous
pourris, en les excommuniant, &c. A auons vn bon maiftre qui a donné fa
cela, dit leMayeur : « Donc ne font- vie pour nous , afin que fuffions
ils plus bourgeois, & ie les puis bien fauuez ; ne nous départons point de
mettre à la torture. » Le lendemain, lui, autrement les loups nous dechi-
ces deux frères furent mis fur la quef- reroyent, & nous feroyent plonger au
lion, combien que pour cela il y euft gouffre éternel. Si on nous ofle le
différent, & ne s'accordoyent ceux du corps , il n'eft poffible de toucher à
magiftrat debatans le droit de la bour- l'ame. » Plufieurs autres paroles de
geoifie de Malines. Quoi nonobrtant, confolation & exhortation furent dites
l'aifné fut mené à la torture le pre- de l'vn à l'autre, auant qu'aller au der-
mier,auquel les Inquifiteurs dirent : nier fupplice , de forte que plufieurs
« Xu penfes , par dodrine ellrange & des affiftans auec grande compaffion
double langue , nous conuaincre ; mais pleucoyent; & cependant la preftraille
tu fentiras le chaftiment de l'eglife fe rioit auec cris , moqueries & iniu-
Romaine ta mère. » A quoi il refpon- res. Quand les xxv. ordinaires arri-
pondit : « Nous ne vqus auons aucu- uerent en la prifon, le Mayeur requit
nement conuaincus pardouble langue, que la fentence donnée contre les
ains par la pure parole de Dieu, pour deux criminels fuft leuë. La fentence
laquelle volontiers nous endurerons les declaroit obftinez & peruers héré-
toutes les peines & douleurs que vous tiques; mais Nicolas, le plus ieune des
nous pourriez faire. » Le mefme dit deux, refpondit: « Non , meffieurs les
le ieune frère, donnant courage à fon Bourgmaiftres, nous ne fommes pas
frère qui ia eftoit fur le banc de la hérétiques : nous croyons en Dieu le
torture. Ces Juges & Seigneurs voyans Père tout-puiffant, créateur du ciel &
cefte confiance, furent merueilleufe- de la terre. » Le Mayeur lui com-
ment eflonnez, & de honte des lar-
mes qui leur fortoyenl des yeux, fe manda de fe taire , & dit : « "Vous
eftes hérétiques. » Auquel il refpon-
retirèrent à part. Puis après, retour- dit : (( Nous ne nous pouuons taire,
nans vers eux, leur dirent : « Si faut-il
que vous nous déclariez qui eft vofire attendu que c'eft la parole de Dieu. »
Le Mayeur répliqua : « Vous auez
LIVRE SIXIEME.

512 efpandu
affez voflrc mefchante fe- hors de la maifon de la ville, ils fup-
mence. » Nicolas lui dit : « Nous
plierent qu'il de
dre congé leurleur
fufl mère
permis; de pren-
mais le
n'auons point femé mauuaifc femenco ;
ains parlons la parole de Dieu, félon Mayeur ne leur voulut accorder, ains
ladoflrinedes Apoflres. » Le Mayeur : leur fit mettre l'efleuf à la bouche
<c l'ai fait affez pour vous, ie vous ai pour les empefcher de parler. Et
mandé plufieurs fauans , afin de vous comme ils efloyent affez prochains du
deflourner de voflre foi diabolique. » pofteau pour eftre attachez , la petite
Non point R. u Nous ne les tenons pour fauans boule leur tomba de la bouche. Lors
fauans, mais
Salans. en la dodrine de noflre Seigneur, en- le ieune parla au peuple, exhorta &
tant qu'ils nous ont voulu deflourner pria le Mayeur le laiffer parler à fon
d'icelui, & nous mener aux elemens frère, laquelle chofe il lui permit.
& créatures, en quoi ne les auons Lors, il dit à fon frère François :
voulu aucunement croire; car Jefus « Mon frère, prenons courage; car
Chrifl eft noflre Sauueur fans aide
auiourd'hui
noftre Père.nous » Etironscommencèrent
au royaume deà
d'aucune créature. » Le Mayeur :
« Taifez-vous ; voftre femence diabo- chanter le fymbole en Aleman. Cela Notez CCS
lique eft par trop efpandue. » Refp. : fait , ils demandèrent pardon au derniers a<£le$
Matth ij. " Vos preftres font venus de nuid , & Mayeur, lequel leur dit ces paroles :
ont femé la mauuaife femence parmi « Il eft temps, puis que vous eftes liez
la bonne. »
à l'eftache. » « Nous nous confions, »
Or ainfi que les deux frères fe con- dit le plus ieune, « & nous arreflons
foloyent l'vn l'autre, amenans pafTages à lefus Chrift, lequel vous ne conoif-
de la fainde Efcriture , le Mayeur ne fez point. » c( Oui, oui, » dit le
les pouuant plus foufFrir, dit : « Nous Mayeur. Et cependant le feu eftoit
n'auons ia befoin de prédicateurs;
quand nous \oulons ouir la prédica- allumé & paruenu
le confola, & dit :au" Oieune.
mon L'aifné
frère,
tion , nous allons à noftre eglife. > encore vn petit & ce fera fait. » Puis,
Lors ils dirent : " Monficur, nous par-
lons de lefus Chrift, lequel peut élire leuant fon vifage , s'efcria : « Mon
Dieu, mon Dieu. » Et ainfi rendit fon
vous ne conoifTcz pas : mais vous co-
noilTez le Pape pour voftre Chrift, car efprit. Le plus ieune endura d'auan-
quand nous difions en noftre examen tage, & l'ouit-on au feu prier pour fes
ennemis ; mais incontinent après il
par deuant vous , aue le ciel eftoit le rendit femblablement fon efprit. On
fiege du Seigneur <x la terre fon mar- fut empefché tout ce iour de lundi
à les brufler & confumer en cendres,
chepied vous
, refpondiftes qu'il faloit
que noftre Dieu euft longues iambes. & ne fut poffible, tellement que les
Or le Seigneur ne fouffrira point vn os furent brifez auec fourches de fer
tel blafpheme fans le punir. » Ce
&, quelque eftre
feurcnt-ils boisréduits
que l'on
en ycendres(i).
mift, fi ne
Mayeur commanda qu'ils fe tculTent,
difant au bourreau qu'il leur mift vn
efteuf ( I ) en la bouche. Et le plus ieune
dit : « Ainfi nous ferez-vous comme
vos predeceft'eurs ont fait par ci de-
uant, ily a dix & fept ans, à noftre
Vn Martyr frère lean , lequel a auffi efté bruflé Bertrand le Blas, Tournefien (2).
nommé Ican
brune à pour la vérité. >■ Le Mayeur leur dit :
Matines. << Il ne vous en auiendra pas moins Ce que nous auons vcu ci deffus au
quatrième Hure auoir cJIJ fait en
qu'à lui. » Ces deux frères fe voyans
efcoutez de l'affiftance, voulurent ref-
pondre plus amplement; mais le {1) D'après Hœmsiede. le martyre eut
Mayeur ne leur voulut permettre , lieu le 2) décembre 1555. Cet auteur termine
ainsi sa notice : ■• Pour brûler ces saints
Quel iuge?
ainss'efcriadifant : • Pourquoi efcoute- martyrs, on dut dépenser neuf florins, telle-
on ces hérétiques .•■ louez maintenant ment le bois était cher cet hivcr-là »
voflre farce, ie ferai tantoft la mienne. » (j Dans la Trcisiimc parik du Recueil des
Les deux frères refpondirent alaigre- Martyrs (US'»', où cette notice ligure p 80-
8()) avant celle des frères Matthys, Crcspin
mcnt : t Faites, monficur, quand il la fait précéder de la note suivante : u En
vous femblera bon. » la fin de la féconde partie du Recueil des
Martyrs , nous avions aucunement déclaré
Cela dit , ainfi qu'on les menoit ceslc histoire sous le nom de N. le Blanc;
mais eslans plus à plain informez des actes
(1) Voy. la note de la p. i$f , ci-dessus. et procédures tenues en la cause de ce per-
BERTRAND LE BLAS.

Portuf^jl fur G. Gjrdincr, nous le ce iour du matin de fa maifon, requit


poyons ici rcnouuelé à Tournay par fa femme & fon frère de prier Dieu
B. le Blas : en quoi nous auons à
pour lui , afin d'ainener à bonne fin
confiJerer Je quelle vertu & efficace l'entreprife qu'il auoit refolu de faire,
ejl le tefmoi^nage que Dieu renJ au fans autrement déclarer que c'eftoit.
cœur dé quelques vns , par fon S. Ef- Cela dit, s'en alla en la grande eglife,
prit, & quelle différence il y a entre appelée
ceux qui ont ce tejmoignage & ceux cathédraleNoftre dame, quide eft
& principale l'eglife
Tournay.
Là eftant, il fe promena par trois fois
qui ne l'ont point;
rité &JainEle item, entre témé-
hardiejje. à l'entour du cœur de ladite eglife,
ayant defir de faire
trepris au grand ce qu'il
autel. Ne leauoit en-
pouuant
PovR clorre cefle année, i'affbrtirai
aux precedens vn Martyr excellent, faire, il fe mit dedans la chappelle
que le pays de Tournefy nous pre- paroiffiale , en laquelle il fe tint de-
fente en ce lieu, nommé Bertrand le
bout, le bonnet fur la tefte, iufqu'à ce
Blas, natif de Tournay, haut lilTeur ( i ) que le Curé leueroit folennellement
de fon meflier, lequel, après auoir eu
la conoiflance de la vérité , fe retira à fon dieu enà lefa leuer,
commença Meft'e.Bertrand
Si toft lequ'il
lui
Wefel, ville de la iurifdiftion du Duc vint arracher de la main, &, adreflfant
de Cleues, pour eftre du nombre de fa parole au peuple qui là affiftoit, dit
FEglife Françoife , pour feruir au à haute voix : « Peuple abufé, cuidez-
Seigneur, iouyr de la prédication de vous que ce foit ici lefus Chrift, le
fa fainde parole & de l'adminiftration vrai Dieu & Sauueur .' Voyez, i> Et
des Sacremens. Il y penfoit retirer fa après quelques autres autres paroles
femme , mais il ne feut obtenir de remonftrance, ayant brifé entre fes
d'elle de fortir de Tournay , qui mains l'hoftie, qu'ils appellent, la ietta
fut la caufe que, par trois diuerfes en terre & paffa delTus. Ce peuple, à
fois, il alla & vint à Wefel vers elle. ce nouueau fpedacle, en vn lourde fi
grande fefte & deuotion, demeura tel-
La dernière fois qu'il partit pour aller lement effrayé que Bertrand pouuoit
à Tournay, plufieurs lui firent le con-
uoy , & entre autres Maiftre Louys , aifément fe retirer & fe fauuer, comme
lors miniftre de l'Eglife Françoife au- du milieu de gens frappez d'eftonne-
dit Wefel, le conuoyant, l'exhorta à ment , n'euft
referuoit efté queencore
à déclarer le Seigneur
& rendrele
perfeuerer conftamment en la vraye
conoilTance qu'il auoit receuë, fans fe plus ample raifon de ce fait. Ne bou-
polluer en idolâtrie. A quoi Bertrand geant de là, il fut appréhendé & mené
prifonnier en la groffe tour du chafteau
refpondit qu'il fentoit vn vray mouue- de Tournay. Or, on le vint rapporter
ment de lEfprit du Seigneur & qu'il au Senefchal de Hainaut, gouuerneur
efperoit de ne commettre chofe indi-
de Tournay & de Tournefy , qui lors
eftantgne dearriué
la conoiffance
à Tournayqu'il
, neauoit. Or,
pouuant eftoit en fa maifon au Biez, détenu
induire fa femme à laifTer le lieu de grieuement de fa maladie ordinaire
fuperftition & idolâtrie, demeura là des gouttes. Apres auoir entendu ce
à Tournay coyement (2) quelques iours fait , s'efcria en cefte voix : u Mon Le Senefchal
auant la fefte de Noël , lors prochain Dieu, eft-il poffible que tu te fois ainfi venger
Dieu. fon
promet de
en cefte année 1 5 > î . Bertrand, fortant lailTé fouler d'vn mefchant homme }
comment ne t'es-tu vengé } Hélas !
sonnage, Bertrand le Blas, nous avons en comment as-tu efté fi patient .' le pro-
ceste III. partie remis le récit en son entier. mets, ô mon Dieu, d'en faire telle
Car c'est un exemple de magnanimité et vengeance » qu'il
toufiours. Il fe en
mit fera mémoire
en telle cholereà
constance autant admirable que l'on na
gueres ouy. » Sauf au commencement du
récit, la notice de Crespin est conforme à & en paroles de fi grande impatience
celle de Heemstede. Celui-ci écrit le nom que ceux qui eftoyent prefens efti-
du martyr de Blas, au lieu de le Blas. Voy.
aussi Crespin. édit. de 1564, p. 722; 1170, moyent qu'il fut hors du fens. Incon-
tinent après, il fe fit porter au chafteau
f» ;87. Voy. Motley, Rise of thc Dutch Re-
public, II, ). Brandt, Hist. der Reform., I, de Tournay & ne palTa point les feftes
171. De la Barre, Recueil des actes et clioses de Noël fans faire donner la torture
plus notables qui sont advenues es Pays-Bas terrible à Bertrand pour lui faire con-
(Archives de Bruxelles, f 16).
(i) Ou haute-lissier, ouvrier qui travaille fefTer, non point le faift ni la raifon
au métier de haute lisse.
(2) Tranquillement.
du faiâ. d'autant qu'il leur en auoit
ia dit beaucoup plus qu'ils n'en vou-
3'4 LIVRE SIXIEME.
1
oyent ouyr, mais pour déclarer fes uerfer , hanter & communiquer auec
complices. Car ayant eflé en premier les inhabitans. Pour tous lefquels cas
lieu interrof,'ué s'il auoit puint de re- deffufdits, à l'auis & refolution de
pentance monfieur le Bailli de Tournay &
faire il le d'vn voudroit tel faid.Â
commettrefi eflant
f auoità Tournefy &. fon Lieutenant, enfemble
refpondu que cent fois il le voudroit
des Confeillers de l'Empereur noftre
faire s'il pouuoit, & cent fois mourir, Sire en icelui bailliage, à grande <&
s'il auoit :tutant de
& honneur de fonSauueur lefusChrifl. vies, pour la gloire meure délibération, nous t'auons con-
damné & condamnons d'eftre trainé
Et pource que les bourreaux ne pou- fur vne claye depuis le lieu de la pro-
uoyent rien autre tirer de lui, le me- nonciation de cefte fentence iufques
nacèrent de le mettre derechef fur la au grand marché de ladite ville, &
torture, mais il leur dit alTeurément
illec fur vn efchafl'aut auoir la main
dextre tenaillée de fer embrafé de feu
qu'il eftoit preft de fouffrir tout ce
qu'on voudroit, & qu'il n'accuferoit rouge, & le pied dextre pareillement,
perfonne, tellement que, par trois fois, & la langue coupée , puis eftre lié
lui fut réitérée la queftion, laquelle il
endura conftamment. parmi le corps au bout d'vne poulie,
& eftre flamboyé & bruflé tout vif à petit
Le lendemain des feftes, fans plus feu, & en icelui feu plufieurs fois eftre
attendre, fut procédé à fa condamna- auailé & remené à mont, & finalement
tion, alTauoir : le Samedi 29. de Dé- confumé en cendres, Et fi déclarons
cembre, fentence de mort lui fut pro- tous tes biens confifquez au profit de
noncée en la forte & teneur qui s'en- l'Empereur noftre Sire, ou tel et ceux
II eft befoin fuit : « Vev le procès criminel fait &
que telle'i fen- démené par deuant nous, à l'encontre qu'il apartiendra
définitive criminelle, , par noftre
& pour fentence
droit.
Prononcé à huis ouuerts par haut & Tefmoms de
Infcrcerc a"'
ces hiiloires ^e toi, Bertrand
enfemble par tes confeffions librement le Blas, par lequel
pour confirma- faites, nous ell deuëment & fuffifam- puift"ant feigneur le Senefchal de H ai- crainte.
naut, gouuerneur de la ville, cité &
tion d'icelles. ^gnt apparu, que le iour de Noël chaflel de Tournay, Tournefy, &c.,
dernier, à heure de la grand'MelTe, te au chaftel dudit Tournay & en la
ferois trouué en l'eglife paroiffiale, qui chambre d'icelui Seigneur, es prefen-
eft en l'Eglife Cathédrale noftre dame ces de haut & noble Bailly dudit
de Tournay, & illec d'vn courage Tournay, Tournefy, &c. Maiftre
mefchant, peruers & félon, & de pro- Pierre Dentier . lieutenant dudit Sei-
pos auifé Ci délibéré, te ferois témé- gneur Bailly. Philippes de Cordes,
rairement aproché du Curé célébrant confeiller criminel dudit Seigneur y
la grand'Mel Te d'icelle paroilTe, le- Empereur, les Aduocats & Procu- .(
quel tenoit la trelTainde & trclTacrce
reur fifcaux d'icelui feigneur Empe- '
hoftie du S. Sacrement de l'autel en- reur efdits bailliages, Nicolas Cam-
tre fes doigts , preft à l'efleuer & bry, Pierre Bachelier, laques le Clerc,
monftrer au peuple, laquelle tu lui penfionnaire de ladite ville, Nicolas
aurois violentement arrachée de ta de Faruaque , & maiftre Hermès de
main dextre & icelle en tref-grande Vigies, confeiller dudit feigneur Em-
irreuerence & contemptiblement ruée pereur efdits bailliages, le Samedi 29.
par terre, & marché dclTus de ton iour de Décembre m.d.lv. «
pied droit , & proféré ce mot ou fem- Ceste fentence fut mife en exé-
blables : C'eft pour monftrer la gloire cution ce mefme iour, & Bertrand fut
de Dieu, & que cela n'a point de trainé fur vne claye depuis le chafteau
puift'ance. Et lors que preftement & iufques au marché, A là fur un efchaf-
fur le champ tu aurois efté par les ef- faut fut lié, tt la main, de laquelle il auoit
tans prefens faifi, pour eftre conftitué
prifonnier , aurois prononcé certaines pris l'hoftie, lui fut bruflee entre deux
fers ardens & pleins de poindes ai-
paroles hérétiques, afin de les induire guës, & en iceux fers prefTee par quel-
à ta damnable intention. Et fi aurois
par tes interrogatoires refpondu du perdit efpace
que formede detemps, main. tellement qu'elle
Puis furent pris
S. Sacrement de Baptefme neretique- autres femblables fers tous embrafez ,
ment , & contre la S. Efcriture, & aufquels franchement il mit le pied
en contreuenant aux ordonnances de dextre , duquel il auoit marché fur
l'Empereur, noftre Sire, aurois efté l'hoftie. Ce fait, fut defliéA amené au chofe miracu-
par diuerfes fois en la ville de Wefel bas fur terre & lui fut ofté certain Icufe
y refider par aucun temps, & y con- efteuf de fer qu'il auoit eu en la bou-
CLAVDE DE LA CANESIERE.

che depuis le chafleau. Là il bailla fa d'iceux Miniftres, qui moururent conf-


langue pour efire coupée , & neant- tamment en la confeffion de vérité.
moins encore l'efteuf de fer lui fut re-
Plufieurs autres en grand nombre s'en-
mis en la bouche , car combien qu'il fuyrent du pays d'Auflriche auec leurs
euû la langue coupée, fi ne ceffoit-il femmes et enfans, & y eut grande de-
point d'inuoquer par cris le Seigneur, folation, le Seigneur voulant humilier
dont le peuple eftoit efmeu grande- & efprouuer les fiens , pour leur don-
ment. En après, il monta fur vn autre ner quelque relafche puis après.
efchaflfaut qui elloit dreffé vn peu plus
haut que ceflui fur lequel il auoit eu >«-♦■ '^ --*■»'*---;-*--••*•■■ -^ ■♦■ ^ "■^■f'-5',
la main & le pied, ainfi que dit eft, K^4.C" -"Z-- ■+ • ■+-- --4.- •--*•-■' -.^O?
tenaillez. Sur lequel fécond efchaffaut
on le vid monter auffi alaigrement com- Clavde de la Canesiere,
Parifien (i).
me fi le pied lui eut elle entier. Là
eftant, les pieds lui furent attachez par
derrière auec les mains à vne chaîne
par le milieu du corps, & en tel eftat Aprenons, à l'exemple de tant defainâs
tiré en haut & deualé en bas fur vn
perfonnages , que l'efperance
mcre de conjlance eft la
& pcrfeuerance
petit feu : cruel fpedacle ! le bourreau
le hauffoit & bailfoit au commande- des fidèles : voire celle qui nourrit &
ment dudit Senefchal qui là eftoit pre- conduit leur foi à ce qu'elle ne s'ef-
fent,fe glorifiant en ce cruel fpeda- uanouiffe , ou que ce j oit chofe tem-
cle , iufqu'à tant que le corps du porelle; mais qu'elle perfijle iufques
à la fin , maugre contradiction & ré-
patient'fut
les auffi. par réduit en cendres, lefquel-
le commandement de ce pugnance de ceux qui tafchent de
Senechal, furent iettees en la riuiere defguifer
comme nouslaverrons
vérité en
de cefie
l'Euangile
hifioire.,
de l'Efcau. En cefle forte l'exécution
acheuee , la chapelle où auoit eflé
Tade commis fut condamnée comme
la Le
mortrécit de de l'emprifonnement
Claude & de,
de la Canefiere
profane ; le poure bois fur lequel mar-
choit le preflre deuant fon autel fut après fa longue détention & rudes &
auffi condamné à eflre bruflé; & le longs combats auparauant fouflenus ,
marbre fur lequel il paffa , à eflre fera la cloflure de l'hiftoire des Mar-
brifé en pièces. Et d'autant que Ber- tyrs de l'an 1555, & nous donnera
trand auoit confelTé d'auoir apris ce entrée à l'an 1556, auffi fertile de
Martyrs que le précèdent. Il eftoit de
qu'il fauoit en l'Eglife de "Wefel , fut Paris, & faifoit fa refidence en la ville
expreffément inhibé & défendu de
fréquenter ni aller en ladite ville de d'Angers
mens de ,Mufique; excellent mais
loueur d'inftru-
après auoir
■Wefel, fur peine d'efchoir au placard conu les abus & la miferable condi-
de l'Empereur Charles le quint. tion ôij il eftoit, fe voulant retirer à
Geneue , pour y viure félon la refor-
auec fa mationfamille
de l'Euangile,
par lacomme
ville deil Lyon
pafl'oit,
PeRSECVTION en AVSTRICHE (l).
fut prins & arrefté prifonnier, au mois
de Mai m.d.lv. & fut détenu prifon-
En la mefme année 15 î 5, Ferdi- nier iufques au commencement de
nand, Roy des Romains, fit vne re- Feurier 1 5 i6. Sa femme & fes enfans
cerche au pays d'Auflriche des minif- ne furent appréhendez, ains pafferent
tresqui prefchoyent purement la doc- outre, & paruindrent iufques à Ge-
trine de l'Euangile, & des particuliers neue (2). Durant fon emprifonnement,
qui les fauorifoyent. Vn gentil-homme, plufieurs affauts, tant du cofté de Satan
sieur de Schleyuits, ennemi de la pure
& de fes fuppofts que de fa chair, lui
doârine , acompagné de gens de fa furent liurez ; mais fpecialement de
forte, conttitua prifonniers quelques
fes parens & quelques amis charnels,
vns, & fit pendre à des arbres huit
qui fe difoyent fidèles; & toutesfois
(i) Cette courte notice se trouve dans
Hœmstede, en termes presque identiques. (1) Crespin, édit. de ijio, p. 97-'4i;
Elle y précède la notice sur Le Blas, au lieu 724-756;
1564, ap. été 1Ç70. f" ;88-?9Ç- Cette
notice un peu abrégée par Crespin ,
de la suivre. Ces quelques lignes sont du dans les éditions postérieures à jjçô.
continuateur de Crespin.
(2) « Où ils sont à présent .. (édit. de 1556).
I
LIVRE SIXIEME.

?i6
Dieu lui donna vne perfeuerance ad- que ainfi
alla ie ne lui
de refpondroi point, & s'enil
moi. Le lendemain,
mirable parmi tous fes atTauts, à main-
tenir la vérité de l'Euangile iufqucs m'ameiiic monfieur du Puy, lieutenant
au dernier foufpir de fa vie , comme particulier de Lyon, qui me commanda
le tout plus clairement fera entendu de refpondre deuant lui. Ce que ie fi;
par les ades ci après déclarez , & fes & commençai à lui dire le fymbole
confeffions efcrites de fa propre main des Aportres : le croi en Dieu le Père
en la prifon. tout-puilTant , c^'c. Et après Tauoir dit,
ie leur rcfpondi que ie n'avoi point
eftudié, & que ie n'eftoi point clerc ;
mais que voila ma foi , que ie croi, &
Conjeffion prc micrc cnuo)yc a ja
à Gcn que c'eft ce que doit croire vn Chref-
femme à Ceneiie,
fonnement de Lyon.après J'on empri- tien ; que s'ils me vouloyent interro-
guer fur la mufique , ie leur refpon-
droi bien. Ils me firent refponfe que
Chère foeur, il faut que vous en-
cela eftoit bon , mais que ce n'eftoit
tendiez que tout premièrement après pas affez. le leur di : le ne fçai donc
que fuftes partie de celle ville, ainfi que vous me demandez. On me de-
que ie penfoi manda comme parauant fi ie ne croi
en vne maifon trouuer Baflian,& l'entrai
où les coffres balles pas que le corps de lefus Chrift fuft
efloyent , & en parlant à rhofteffe ,
voici arriuer celui qui les auoit arref- aufft grand & auffi gros qu'il eftoit en
l'arbre de la croix , contenu au pain
tees, me demandant fi ccfte marchan- de la Cène, vfant de ce terme, le lui
dife m'apartenoit; ie di que c'eftoyent refpon
meubles que i'auoi fait venir en celle noflre foique non faux
feroit , & quand
que nous
l'article de
difons:
ville , it que i'eftoi loueur d'inftru- Qu'il eft monté au ciel, & fe fied à la
mcns. Il me demanda fi i'eftoi marié. dextre de Dieu fon Père. D. Si i'auoi
R. Qu'oui. Il me demanda fi ma femme fait mes Pafques. R. Non. D. Si ie
elloit ici. le di que non, A qu'elle y ne croi pas qu'il fe faille confefter au
feroit bien tort. Venez-vous en quand
& moi (i)(dit-il)&ie vous ferai dcliurer preftre, au moins vne fois l'an. R.
Qu'il fe faut confefTer tous les iours à
voftre tent.
cas. le me
Lors il lui mena
di que chez
l'en ertoi con-
monfieur Dieu fcul. D. S'il ne faut pas prier
les Sainds & la vierge Mairie. R. Il
Buatier, grand vicaire & officiai de faut prier Dieu feul au Nom de fon
Lyon (à cefte heure-la ie me doutai Fils lefus Chrift noftre Seigneur. D.
bien que i'eftoi prins) & me prefentai Si nous n'auons point de franc arbitre ;
à ce monfieur, qui commença à m'in- & fi nous ne pouuons pas vouer chaf-
terroguer de plufieurs chofes, me de- teté, comme font Nonnains& autres.
mandant de premier abord fi le corps R. Nous n'en auons point, & tout ce
de lefus Chrift n'eftoit pas auffi grand que nous faifons de bien vient de
& gros au facrement de l'autel, comme Dieu, & non point de nous; & ne
il eftoit au ventre de la vierge Marie, pouuons vouer chafteté , entant que
ou en l'arbre de la croix? le rcfpondi continence eft vn don fpecial de Dieu.
premièrement que ie neconoiftbi celui
D. S'il y a pas vn Purgatoire. R. Que
qui m'interroguoit, & ne fauoi qui il ie n'en conoin"oye point d'autre que
eftoit. Cependant ils ne laiiïerent pas
le fang de lefus Chrift. D. S'il n'eftoit
de faire efcrire ce qu'ils voulurent. pas bon d'admettre des images. R.
Puis me dit : " le vous déclare que ie Cela nous eft défendu par le comman-
fuis grand vicaire du Pape , c% que Exode 20. 4
dement de Dieu , d'autant qu'il eft dit :
c'eft moi qui vous doi demander de « Tu ne te feras imaçe laillee ne fem-
voftre foi. » A quoi ie rcfpondi, comme blanee aucune des chofes qui font là
i'auoi fait auparauant. Il y eut vn ludas Jus au ciel, ni ci bas en terre, nies
de lieutenant du preuoft , qui me print
eaux deffous la terre; tu ne t'enclineras
&monme argent.
mena en prifon, & m'ofta tout point à icelles & ne les feruiras. »
Voila les demandes & refponfes telles
Or, le lendemain, ce monfieur Bua-
tier vint en la prifon , me demander fi que
bien Dieu me les
dit tout a données.
plein Ils m'ontlà
de badinages
ie ne m'cftoi point rauilé. le lui ref- deiïus, que ie ne vous pourroi reciter,
pon , qu'il n'eftoit point mon iuge, & & vous aft"eure que ie fu fort ioyeux ,
(i) Locution vieillie : avec moi. 3 uand le Seigneur m'eut fait la grâce
e confeffer fa parole deuant les nom-
CLAVDE DE LA CANESIERE. ?i7
mes. Et quand ie fu de retour au lieu
eft allé par poureté, mefpris , oppro-
où ie fu mis, ie rendi grâces au Sei- bres, detraiSions , brief, par la mort
gneur, le priant qu'il me donnall bou- ignominieufe de la croix .!* Oui , mais
che ,fapience & force de perfeuerer vous pouuez dire : Il me femble que
en ce que i'auoi commencé, iufques ie n'en voi point qui ait tant d'afflic-
au dernier foufpir de ma vie. Vn des tions que moi ; ie voi mon mari qui eft
;s chanoines Comtes de Lyon m'amena vn Satan en prifon , iournellement attendant la
de S. lean Je la Sorbonne , penfant me diuertir mort cruelle ; i'ai perdu fi peu de bien
't'J^^J,""''
appelez de ce que
n . i'auoi dit. Et penfoit
^ j i me
/■ que i'auoi; i'ai grande charge d'en-
Comtes. faire acroire que le corps de lelus fans , & fuis continuellement en gran-
Chrift eftoit dedans ce pain, mais par des affliâions & deftrelTes, & l'en voi
le poind mefme qu'il me monftroit, ie tant qui font à leur aife , qui ont leurs
le réfutai , tellement qu'il ne feut ob- plaifirs & délices à fouhait. le ne doute
tenirDieu
( merci) vn feul poinft fur point que telles chofes ne vous appor-
moi en toutes les fariboles qu'il me tent grande fafcherie, mais ie ren
difoit. Et me priant que ie me depor- grâces à ce bon Dieu , dequoi vous
eftes rendue auec nos enfans là où fa
taffe de tout cela, & qu'il me feroit
fortir incontinent, ie lui fi refponfe
parole eft annoncée; car afl'eurez vous
que , quant à moi , ie n'auoi rien dit que c'ert toute ma confolation. Quant
qui ne fuft bon , & que ie prioi Dieu à la perte du bien, il nous faut dire
qu'il me fifl la grâce de perfeuerer iuf- auec ce bon feruiteur lob : Le Sei-
ques à la fin en ce qu'il avoit com- gneur l'a donné, le Seigneur l'a ofté
mencé. Autre chofe n'ont eu de moi. fon Nom foit bénit. Que ce vous foit:
vn miroir de patience en vos afflic-
tions, & conoilTez par cela que le
Seigneur vous aime, ne voulant point
Lettre cnuoycc par ledit Canefiere, le que vous-vous arreftiez à ce miferable
XII. tour de May enfuyuant , à fa monde, mais que les afflidions que
femme. vous portez vous foyent vn aduer-
tiffement pour vous humilier deuant
Chère fœur & efpoufe, i'ai tou- lui, && reconoiftre vos fautes conoiftre
& off"en-
fiours retardé à vous efcrire, pource fes, vous faire pleinement
que i'attendoi ce que les aduerfaires que c'eft en Dieu feul que deuez
vouloyent faire de moi. le fai qu'elles mettre voftre apui, lailTant derrière
toutes les confiderations du fecours
fort affligée, mais vous fauez que c'efl
le chemin pour aller à la vie, puis humain, lailTant cefte maudite dé-
qu'il a pieu à ce bon Dieu m'eflire fiance qui
, naturellement eft enracinée
pour faire confefllon de ma foi deuant en nos cœurs, pour vous fier entière-
les aduerfaires de fa vérité. le vous ment en la fainde prouidence & bonté
envoyé les demandes & refponfes que paternelle de noftre bon Dieu & Père,
ie leur ai faites Amplement , félon la
duquel il nous faut afteurer qu'il aura
mefure de la grâce que Dieu m'auoit tel foin de nous (comme i'ai dit aupa-
diflribuee. le vous prie, prenez bon
courage , & vous confolez auec ce bon rauant ) dequ'il
cheueu noftrene tefte
tombera
fans fa point vn
volonté.
Dieu , qui a dit qu'il ne cherra mefme Que s'il a le foin de nos cheueux, par
point vn cheueu de noftre telle fans plus forte raifon l'aura-il de nos corps,
fa volonté. Confiderons par quels def-
troits & angoiffes tous les feruiteurs pour
Père nous adminiftrer,
de famille , tout ceainfiquiqu'un
nous bon
eft
de Dieu font entrez en la béatitude &
necelTaire ; oui bien , mais c'eft fous
félicité où ils font maintenant. Et c'efl cefte condition que nous lui rendions
2. Tim. 5. '^'^ 1"*^qui'^'^voudront
^' Pau'j viure
^u'il fidèlement
faut que tous l'obeiffance qu'il requiert de nous, &
ceux en que nous-nous foumettions entière-
lefus Chrift , fouffrent perfecution. ment àfa fainde volonté, pour rece-
Tenons-nous donc pour refolus, qu'il uoir auec humilité ce qu'il lui plaira
nous faut porter noftre croix , l] nous nous enuoyer. Que fi nous receuons
voulons fuiure noftre maiftre & Capi-
taine lefus Chrift. Penfons-nous auoir auec ioye les biens qu'il lui plait nous
auffi ne receurons-
meilleur marché que lui.^ Penfons- les pourquoi
enuoyer,
nous maux & afflidions, voire
nous aller à la vie éternelle auec ri-
chelTes , honneurs , crédits & chofes redonderont à fa nous
mefmes lefquelles gloire & àqu'elles
fauons noftre
femblables, quand nous voyons qu'il falut.^ Vous fauez que nous n'auons
LIVRE SIXIEME.

ji8 , mais qu'en de cellui-la. Au refte, ils m'ont ollé


point de cité
cerchons vne qui eQ ànte
permane venir, meilleur e tout ce que i'auoi d'argent, relie deux
A perdurable. Or, pour y paruenir, tertons ; toutesfois (grâces à Dieu) ie
nous auons dit que c'ell par croix & n'ai faute de rien. Voila tout ce que
tribulati ons,fcinblen combien
t smainten
lefquellc ant qu'el- i'auoi à vous mander pour celle heure,
les nous bien priant ce bon Dieu iS: Père vous con-
rudes & fortes à porter, fi ell-ce tou- foler &fuccombiez
qu'il ne permette point que
vous aux tentations de
tefois qu'elles ne font à comparer à
celle gloire , laquelle nous a efté pré- Satan, de péché & de la chair, mais
parée des la conditution du monde. qu'il donne bonne ilTue à fa gloire.
Or donc ie vous prie, au Nom de Faid es prifons de monfieur de Lyon,
noftre Seigneur, exercez vous en ces ce 12. de May, m.d.lv.
chofés , & quelque part que bailliez Par voflre mari ,
nos petits enfans, que vous preniez Clavde de la Canesiere.
garde qu'ils foyent bien inllruits en
la parole de Dieu. le fai que l'Eglife
Tentations de "^ vous oubliera point. Au relie, i'ai Autre lettre du vingthuitiefmc iour au-
Satan. bien afaire des prières d'icelle . car dit mois de Mny ,enuoyee à Jes frères
Satan, qui ell père de menfonge, ne
ceflTe de mettre tous fes efforts pour & amis , ellans à Geneue.
m'ofter la fcmence que le Seigneur a
mife en moi. Et comme i'efcriuoi cefle I'ay receu vos lettres (trefchers
lettre , il ell venu vn des Comtes de
freresl par ,lefquelles
confolation i'aigrâces
dont ie ren eu grande
à ce
Lyon, des plus riches & aparens, qui
bon Dieu, en vous remerciant. le fai
m'a vfé de belles paroles, s'offrant à
me faire tous plailirs eSj de biens & de que vos foufpirs ne font pas moindres
corps , me penfant diuertir de la pure que les miens , car c'ell bien raifon
parole de Dieu. le lui ai refpondu que nous Tentions tous vne mefme
que ie le remercioi bien fort, à que chofe , puis que nous fommes tous
ie n'auoi rien mérité enuers lui, d'au- membres d'vn corps, & combien que
tant qu'il ne me conoilToit point, & foyez en liberté, pour tout cela vous
quant à moi, que ie m'offroi à lui faire ne lailTez point d'auoir grand combat
à rencontre de Satan, qui ell toufiours
tout feruice qu'il me feroit poffible ;
mais quant à ce dont il me requeroit, veillant, & a fes filets tendus pour pen-
que ie ne lui en pouuoi point faire, fer deceuoir les vrais enfans de Dieu;
mais il a beau cauiller en toutes fes bel-
d'autant que ma confcience me pref-
foit de foullenirvne tant iulle querele, les entreprifes. Car il nous faut alTeurer
que ce grand Dieu ne permettra point
voire que ie prioi Dieu qu'il me fill la
grâce de perfeuerer qu'il l'oit le plus fort, quelques em-
commencé iufques au en ce que
dernier i'ai
foufpir bufches ou menaces qu'il vous. face.
de ma vie. Il m'vfa tout plein d'autres Or donc (mes frères) puis qu'il a pieu
belles paroles, dont il feroit trop long à ce bon Dieu de m'eflire <& appeller
de vous efcrire. N'oubliez f.iire mes pour fe feruir de moi en telle forte,
recommandations, &c., les priant qu'ils c'eft bien raifon que ie me remette du
tout en lui, foit à la vie, foit à la
prient Dieu pour moi, & que l'Eglife mort, & que fa volonté foit accomplie
prie pour fapience
bouche, moi , à &ce force
qu'il àmefoullenir
donne
ainfi qu'il lui plait. H faut que nous
fa parole iufques au dernier foufpir de nous afl'eurions que fes promelTes ne
ma vie. Et n'oubliez à me recomman- font point friuoles & que fa parole eft
der à mon holle du Croilfant. Il y a trefveritable. Et auffi nous favons que
vne grand'faute en la prinfe de nos tous ceux qui le -voudront fuyure
biens, de ce que Ballian les fit laiiïer porteront leur croix après lui ; toute-
en Veife (i) en vne maifon, otj on les fois ie ne veux pas dire que tous
arrella en deux iours de là. Et moi ,
foyent mis à mort, car ie fai qu'il y
penfant les aller voir, ce fut là où ie en a beaucoup qui fouffrent autre-
fus prins. Mais il ne faut point douter ment. Or, cependant, le Seigneur a Maith. lo. î8
toufiours le foin des fiens, comme
que cela ne foit auenu par la proui-
dencc de Dieu, afin qu'on ne die mefme i'ai aperceu du bien que me
point : C'en la faute de cellui-ci ou faites tant à ma femme qu'à mes en-
fans, vous alTeurant que le bien que
(i) Quartier de Vaise, à Lyon. leur faites le Seigneur le vous rendra
CLAVDE DE LA CANESIERE. 319
au double. le prie ceux-là qui auront Repofons-nous donc en lui ; car fi
mes enfans de les tenir toufiours en nous y auons toute noftre fiance, nous
la crainte de Dieu & les bien inftruire fommes alTeurez de n'auoir iamais
en fa parole. Quant aux aduerlaires, faute de rien & de n'eftre point
de lui trompez. le vous prie , chère
ils ne m'ont point interrogué depuis
que ie leur ai fait confeflîon de ma foeur, prenez bon courage & vous ref-
iouyflez auec ce bon Dieu. Or, pour
foi, finon qu'ils m'ont enuoyé par
deux fois de leurs dofteurs, me pen- vous aduertir de ce qui m'eft auenu ,
fant diftraire du bon chemin ; mais ce
c'eft que i'ai efté declairé hérétique
& fchifmatique , dequoi ie me fuis d'abus.
bon Dieu m'a toullours affifté , qu'ils
n'ont peu obtenir rien touchant ce porté pour appelant à Paris, comme
qu'ils iours
pretendoyent. Carce i'ai d'abus. On a commandé au geôlier de
mon efperance en boneu Dieu,
touf-
céans qu'il ne m'ait plus à traiter à fa
■ Vppel comme
table , encores que ce fufl de mon
qu'il ne me delailfera point. Donc,
mes frères, vous m'aurez pour excufé, bien, mais qu'il me traitaft comme vn
criminel : toutesfois, grâces à Dieu,
fi ie ne vous efcri d'auantage ; mais
prenez à la bonne part, fi ie vous fai ie n'ai faute de rien, encor que ie ne
participans de ce peu de grâces que fois à table de geôlier. Auffi ie vous
le Seigneur m'a dilîribuees, & prie ne veux bien aduertir que, comme i'efcri-
m'oublier en vos prières , vous alTeu- uoi cefte prefente , il efi venu vn fer-
rant que ie ne vous oublie aux mienes.
Vous fupplie auffi de faluer toute gent, lequel m'a fait commandement
& m'a adiourné à comparoifire en la
Cour de Parlement , ou procureur
l'Eglife pour moi & celle de Lau-
fanne. Faifant fin, ie prierai ce bon pour moi. le vous enuoye le double
Dieu qu'il vous ait tous en fa fau- de ce qui m'a eftéà baillé.
recommandations Faites
tous mes amismes&
uegarde. Des prifons de Lyon , ce
xxviii. de May, m.d.lv. par voflre à toute l'Eglife. Ce 19. de Juillet, des
entièrement frère en lefus Chrift, prifons de Lyon , par voftre mari &
Claude de la Canefiere. entier ami à iamais, Claude de la
Canefiere.

Autre cpijlrc dudit, cfcritc à fa femme,


& enuoyee à Gencue.
Autre lettre enuoyee par lui à Ja femme,
Chère fœur & efpoufe , i'ai receu le 27. d'Aouft.
vos lettres, par lefquelles i'ai eu vne
grande confolation de ce que ce bon Chère fœur & efpoufe, i'ai receu
Dieu vous a tant départi de fes grâ- la lettre que m'auez enuoyee, laquelle
ces, & que prenez les afflidions que m'a grandement confolé. Quant à ce
ce bon Dieu vous enuoye patiemment que me mandez que vous feriez fort
ioyeufe que ie fuite mené à Paris , il
comme il lui plait. C'efi vne marque
de lefus Chrift, qu'eftre affligé pour fa n'y
mon a ici perfonne
afaire qui s'ofe(comme
, & mefmes méfier on
de
parole. Regardez donc, chère fœur,
de cheminer en fon obeiflance & peut voir par les exploits des lettres
crainte ; car vous-vous pouuez bien Royaux d'anticipation) ie fuis adiourné
à comparoifire à Paris. Et cependant
alTeurer qu'il ne nous enuoye ceci,
finon pas
pourperdre
nous monftrer qu'il fentir
ne nous& on ne m'y veut point mener, & qui
veut , nous faifant pis eft, ie ne trouue perfonne qui fe
conoiftre par cela que nous fommes vueille mesler de mon afaire , car les
des fiens. Il ne nous faut donc efton- aduerfaires d'ici font trop dangereux.
ner de quelque chofe qui nous puilTe Toutesfois i'ai enuoyé vne procuration
auenir, voire quand tout le monde fe- à Paris auec l'adiournement & copie
des lettres Royaux, 6t les mande à
roit bandé à l'encontre de nous pour
nous perdre & deftruire. Car nous mon frère Nicolas qui fera ce qu'il
fommes afi'eurez que nous auons vn pourra,
Père au ciel qui eft tout bon, fage, vé- non. il foit pour m'y cefaire
en auiendra quimener
plairaouà
ritable, qui ne ment iamais; auffi qui Dieu. Pour nouuelles de par deçà,
n" enuoye rien aux fiens plus fort qu'il c'eft que Samedi dernier furent prins
ne leur eft poffible à porter, quelque prifonniers & amenez céans deux frè-
tourment que ce puifle ertre & quelque res qui venoyent de Geneue & vn
chofe que nous facent les hommes. ieune garçon. Ily en a vn qui fe nom-
LIVRE SIXIEME.

me}20François, lequel a confelTé la Pa- lettres Royaux d'anticipation (1), &


role. Et l'autre qui a elle interrogué, auffi lui ai efcrit vne lettre (2). * Auffi
fe nomme Antoine, lequel m'a dit qu'il ie vous aduerty que i'ai retiré la con-
n'a point encore refpondu. Quant au feffion d'un frère, qui fe nomme Fran-
çois Orbouton, lequel a confelTé lefus
jeune garçon , il a confelTé ce qu'ils Chrift. le les vous enuoye auec des
ont voulu, & ils l'ont eflargi par les
prifons, mais les deux autres font aux lettres, pour bailler à fa femme : vous
grottons. Et pour vous donner à en- ferez le tout tenir enfemble. Auffi ie
tendre comment ie parle à eux, c'eft vous prie de trouuer fa femme & vous
que ie couche en vn grotton qui eft au confoler enfemble toutes deux auec ce
deffus d'eux, & ie parle à eux par les bon Dieu , & le priez iour & nuift
priuez. Celui qui a nom François a fa pour nous, & la faluez de par moi.
femme à Geneue, nommée Claude;
Car vous n'eftes
endroid. le me point oubliée en ànoflre
recommande tous
Le foin que ie vous prie l'aduertir & le recom-
Claude a des mander àl'Eglife, & qu'elle prie Dieu les amis & auffi à l'eglife, priant Dieu
fidèles.
pour eux, car ils m'en ont donné noilre
veuille Père par vous
toufiours lefus augmenter
Chrift, qu'il
fa
charge. Il a allé prins cinq balles de
liures à François, lefquelles i'ai veuës. grâce. Des prifons de Lyon, par vollre
Auffi que François auoit beaucoup de mari & entier ami à iamais ,
lettres, que les aduerfaires ont prinfes Clavde de la Canesiere.
& inuentorifees. Faites dire à 1 Eglife
que tous ceux qui lui en ont baillé y
donnent ordre, à ce que ceux à qui ils
les enuoyent n'en àfoyent en amis
peine.& Autre lettre enuo/ee à fadile femme ,
Recommandez-moi tous nos
le douzième iour de Septembre en-
à l'Eglife. Ce 7. d'Aouft. Apres ces
lettres efcrites , l'en ai*receu vne de
Paris de mon frère Nicolas. Vous fa- fuyuant.
Chère fœur & efpoufe, i'ay receu
uez que le poure
conoiflTance. Il mehomme
manden'aque
point
ie de
ne vos lettres, par lefquelles i'ay efté ref-
fois point pertinax & que ie tien, iouy. * deVous
mande mes m'efcriuez
nouuelles aue ie vous
& fi ie ferai
ma vie & ma mort entre mes leures , mené à Paris; ie vous auerti que ie ne
mais le poure homme ne fait que
fai. Vrai efi que l'en ai efcrit à mon
c'eA
lui. qu'il dit. Il faut prier Dieu pour frère , qu'il fifl que i'y fu(Te mené : mais
fi i'y vai, ie fai que l'aurai de grans
alTauts,
ne font plus
que que ie n'ai pas
de petites eu. Car ce
eftincelles au
prix de ce que ie dois auoir. Par ainfi,
Aulrc lettre du xxx. dudit mois d'AouJl chère fœur, n'oubliez à prier & à faire
M.D.LV. qu'il enuoya à fadite prier pour le
moidonà l'Eglife, à ce que Dieu
me donne de perfeueranceen ce
femme.
Sœvr & efpoufe, la prefente fera qu'il m'a donné, & de ce qu'il m'a fait
pour vous aucrtir que , depuis que ie la grâce
uant d'auoir confefi"é
les hommes fa parole de-
et les aduerfaires de
vous auoi efcrit dernièrement , i'ai re- vérité. le me recommande donc aux
ceu deux paires de lettres de mon
frère Nicolas Mutel, lequel me mande prières
que de l'Eglife,
les grands alTauts car l'heure vient
fc préparent. le
que ie lui enuoye la fentence lignée
fai auffi que de vollre part n'efles point
ou le double de l'original (igné, mais fans grandes alfliiSions ; auffi c'eft ce
il ne m'a efté poffible de les pouuoir
que dit faind Paul : qu'il nous faut
recouurer. Car il n'y a homme qui
s'ofe méfier de mon afaire, ni en par- (1) anticiper
LcUrcs qu'on prenait en chancellerie],
ler vn fcul mot. Et de moi, i'ai beau pour un appel.
en parler, ou en fupplier nos iuges, (2) Tout le pnssa^'C qui suit entre deux
astérisques, fornrant la fin de cette lettre el
foit par requefte ou autrement ; ce n'ell le commencement de la suivante . ne se trouve
que tempsfont-ils
car auffi perdu,iuges
ils n'en font conte,
& parties. Mais que dans l'édition de K50, et a disparu,
peut-être par inadvertance, des suivantes.
Dieu viendra à fon tour, qui iugera Celle suppression a amené la fusion de deux
lettres en une seule. Nous croyons devoir
tels iuges. Au demeurant , i'ai enuoyé rétablir le texte primitif en son entier , le
à mondit frère vne procuration & la morceau supprimé oiTrant un intérêt histori-
copie de mon adiournement auec les que très réel.
CLAVDE DE LA CANESIERE.

entrer par plufieurs tribulations au ou diffimuler aucunement en ma con-


royaume de Dieu. Au furplus, ie vous feffion de foi pour fauuer cefte pre-
veux bien aduertir que T. m'a vifité, fente vie. Parquoi ie veux bien que
après cefte foire d"Aouft, & a lailTé vous fâchiez que vous ne me fauriez
de l'argent pour moi en cefte ville, donner plus grande occafion de ioye
vous aflTeurant que i'ai receu vne que quand i'enten qu'auez ce bon
grande confolation de lui. l'ai auffi vouloir, lequel ie fai pour vrai ne ve-
receu beaucoup de paires de lettres nir de vous , mais de la grâce de ce
de mon frère Nicolas. Et la dernière, bon Père celefte par fon fainâ Efprit. 321
qui efl du 6. d'Aouft, fait mention Cependant , ie fuis en fufpens de ma
faire tafche
qu'il mener d'auoir
à Pariscommiffion de me
, & me mandoit caufe d'appel,
nouuelles car ie&n'aine receu
de Paris aucunes
fai comment
qu'il faut que ie m'aide moi-mefme, il en va; toutesfois, i'ai telle efpe-
&lesque i'auoiVoila
ma vie rance en Dieu, que le tout fe fait à fa
mains. toute& la
ma belle
mort confo-
entre
gloire, encores que mes aduerfaires n'y
lation & confeil qu'il me donne. l'ai penfent pas. Au furplus, ie vous prie,
auffi entendu plufieurs autres nouuel- chère fœur, que fi vous eftimez que
les qui feroyent longues à raconter (i). Dieu m'a fait grâce de m'employer
* Entre autres il y a un prifonnier qui pour l'vn de fes feruiteurs & tefmoins
a efté autresfois icy auec moi, & a elle de fa vérité (comme la vérité eft telle),
depuis mené à Paris, lequel me mande que vous ayez à perfeuerer en cefte
qu'il a efté renuoyé par la Cour de bonne réputation. Car ie croi qu'auez
parlement. Auffi qu'aucuns d'Auuer- mémoire que , quand i'ai demandé
gne qui auoyent confeffé Jefus Chrift, congé à mon maiftre monfieur D.(i), ie tention de
Canefiere, &
n'ont efté condamnez finon en une lui ai demandé à cefte fin d'aller fer- Notez l'in-
amende honorable. Auffi ils m'ont uir le Roy; mais la vérité a efté plus la difpofition
de Dieu.
mandé que le Cardinal de Lorraine grande que moi-mefme ie ne penfoi ,
& le Cardinal de Tournon auoyent car mon but eftoit feulement d'aller
feruir le Roi des Rois en fon Eglife
efté àremettre
faire Paris, &la s'eftoyent efforcez : de
chambre ardante ce pour ouyr fa parole & viure félon
qu'ils n'ont peu obtenir. Et que mef- icelle ; mais il m'a tellement preuenu
fieurs
mourir de Parlement malheureux
; toutesfois n'en font plus
eft que, deuant qu'eftre efcrit au nombre
de fes petits officiers, il lui a pieu de
l'homme qui fe confie en l'homme ; me conftituer cheualier pour batailler
la querelle de fon Fils lefus Chrift,
auffi que mais
hommes, mon enappuy
Dieu n'eft
feul point aux
par lefus noftre grand Capitaine, Roy & Em-
Chrift. Qui feraà vous
l'endroit pereur, voire de me donner des ar-
recommanderai & à où tousie nos
me
amis. Le frère François Orbouton , mes ,lefquelles iamais ie n'auoi ef-
fayees
aduerfaires, defquelles i'ai combatu
& les miens, fes
& fi me
lequel eft prifonnier auec moi pour la
parole, fe recommande à vous & à vos donne de iour en iour plus grande
prières. Faifant fin, ce 12. de Septem- affeftion de pourfuiure ma vocation,
bre, par voftre mari & entier ami à l'efpere que ce qu'il a commencé en
iamais , moi, il leparacheuera. A cefte caufe, ma
Clavde de la Canesiere *. fœur m'amie, ie vous prie vous confo-
1er de plus en plus de ce que bon Dieu
nous a fait cefte grâce, à moi, de vous
amener en fon Eglife auec noftre pe-
Autre lettre efcritepar ledit à/a femme, tite famille, & à vous, de vous fortifier
en nos afflidions communes, tellement
/c 13. a'Oâobre enfuyuant.
que vous ne defirez autre chofe, finon
que le vouloir de Dieu foit acompli
Ma fœur, i'ai receu vos lettres, par
lefquelles i'ai efté trefioyeux, non feu- en
fait moi.
en vous Ce &qu'auffi
en moi, ie& fupplie
en tous,eftre
me
lement du foin qu'auez de moi con- recommandant à voflre bonne grâce,
tinuel ement mais
, fpecialement que
tel foin n'eft pour m'attirer à flefchir priant Dieu vous auoir en la fienne.
Des prifons
Le frère de Lyon,fe ce
François 3. d'oftobre.à
recommande
(l) Le morceau qui suit, jusqu'à la fin de
la lettre, ne figure que dans l'édition de 21
15Î6, Il mérite de reprendre sa place dans (i) Edition de tjjô : « Monfieur Dauan-
le texte de Crespin.
gourd. >i
LIVRE SIXIEME.
Î22
vous; ne faillez do faire mes recom- ries de ceux qui , fe feignans eftre
mandations tous
à nos amis. Par voftre fes amis, le vouloyent diuertir du
mari, Claude de la Canefiere. bon chemin auquel il eftoit ; mais ,
pour monftrer de quelle vertu le Sei-
gneur arme les fiens, de quel rempar
il les enuironne, de quelle dodrine il
* A utre lettre enuoyee par ledit à fa les fortifie, quand il s'en veut feruir
contre fes ennemis, nous auons ici in-
femme , du jeiiieme d'OSlobre ( i ). féré deux Epiftres des aduerfaires , à
Chère fœur, pour vous aduertir
ce que les garde
fe donner fidèles depuift"ent conoiftre
ceux qui, fe difans&
des nouuelles que i'ay receues ces frères, tafchent de conuertir la vérité
iours palTez , ie n'ay voulu faillir à vous
en efcrire vn peu, en attendant que ie du Seigneur en menfonge. Vrai eft
que cefte Epiftre du temporifeur, pour
vous efcriueNicolas
mon frère d'auantage
M. eft: c'ert
arrivé que
en fes grandes inepties, ne meritoit point
cefte ville, & a apporté Tarreft duquel d'auoir lieu en ce difcours , finon que
ie vous enuoye la copie, qui n'eft pas Canefiere, ayant pris peine d'y ref-
grand chofe. Auffi ie vous enuoye la pondre, ne feroit autrement entendu,
finon en la propofant »& mettant au
lettre laquelle I . G. m'a efcrite, comme deuant les beaux argumens que telles
ie me deuoye gouuerner en mon affaire :
& quant & quant la refponfe que ie gens penfenl oppofer à la vérité.
luy ay faite de tous les points qu'il
m'auoit efcrit : auffi que le frère Fran-
aidé çoisen,lequel e(l auec car
cell endroiél; moy,
vous m'a bien
pouuez
Epi/he d'i'ii coujhi Je Paris, ejcrile A
cognoiftre que mon fauoir ne s'eftend Claude de la Cane liere . Jaijanl j'en
pas iufques là de la refponfe, vous difcours par les cHapilrcs des Aâes
des Apoftrcs.
afTeurant qu'il m'a eflé comme vn Ange
de Dieu enuoye en cell endroit. Or.
vous pourrez cognoiftre de quelle fic- Mon Covsin, ie vous prie de faire
tion ledit I. G. vfe pour me pcrfuader le contenu en la prefente , cSr vous ne
à nier lefus Chrilt; mais à prefent ic ferez rien que les Apoftres de noftre
feray fin à caufe de brieueté , me re- Seigneur lefus Chrift n'ayent fait par
com andant vous
à & à toute l'Eglife plufieurs fois. Et afin que n'ignoriez,
en gênerai. Le frère François fe re- i'ay cotté plufieurs
com ande àvous, priant Dieu vous vous trouuerez la pafl'ages,
vérité. Caraufquels
ie ne
donner ce qu'il fait vous eftre iiecef- parle point par
ture fainde moi,vous
, pour maisauertir
par l'Efcri-
auant
faire. Des prifons de Lyon , ce fei-
zieme d'Odobre. que faire voftre féconde confeffion, de
Mon frère eft icy, lequel a effayé ce à quoi deuez prendre garde , car fi
de tous fes efforts à me penfer diuertir, vous dites autre chofe que ce qui eft
efcrit en la prefente , il eft iinpoffible
pour autant qu'il me faut eftre interro- de vous fauuer. Ceux de Lyon vous
gué de nouueau comme verrez par
veulent faire mourir pour voftre bien
l'arreft. El certes Dieu l'a amené icy,
& eft tous les iours auec nous difpu- feulement, & vous ne pouuez édifier
tant, & ne fait de quel cofté fe tour- perfonne en ceft endroit , entant que
vous femez les marguerites (i) deuant
ner: ie croi qu'il vous ira voir deuant
les pourceaux, qui eft défendu par lefus
que s'en aller *. Chrift en plufieurs endroits. Et à cefte
caufe, ie vous prie de prendre garde à
plufieurs chapitres que pouuez auoir
Selon que nous auons prédit en leu & veu , efquels vous trouuerez
l'argument de ce difcours, Claude de comment d'auffi gens de bien que vous
la Canefiere endura grandes fafche- ont cerché les moyens de fauuer leur
vie. Et premièrement vous auez au
premier des Ades des Apoftres :
(\) Cette
i;<(i, a été lettre, publiée
supprimée danslesl'édition
dans de
suivantes. " Nous ferons tefmoins par toute la
Nous la rétablissons dans le texte. Elle sert terre pour Chrift deuant les hommes,
d'ailleurs d'introduction à la correspondance &c. ; » non pas deuant les beftes, auf-
qui suit, et nous apprend que, dans sa ré-
ponse, Claude de la Canesière fut aidé par
François Orbouton.
(i) Perles.
CLAVDE DE LA CANESIERE.

quelles le Seigneur n'a pas reuelé le d'eftre lapidé , & fuiuez Paul & Bar-
fecret de fon Père. Et pour cefte
caufe entendez ce qui eft au fécond confeillanabas. aux
Au 16. Apoftres
chap., l'Efprit
, de nede Dieu
point
AiSles 2. 40,
chapitre des Ades : a Sauuez-vous de annoncer fa parole en Afie , parce
cefte génération peruerfe. » Et au 7. qu'alors elle n'eftoit pas bien receuë ;
chapitre, Moyle s'enfuit pour fauuerfa en quoi vous eft monftré vn bel exem-
vie ; pource prenez y garde, car vous ple de parler où la parole de Dieu eft
n'eftes point plus homme de Dieu receuë. Au mefme chap., Paul fe dit
qu'eftoit Moyfe. Au 9. chap., Paul ef- Romain pour fauuer fa vie ; faites ainfi
que lui pour fauuer la voftre. Au 17.
tant appelé de Dieu , s'enfuit par les
murailles d'vne ville pour fauuer fa vie, chap., Pau! s'enfuit de nuift pour le
& s'en vint vers les Apoftres en leru- murmure des gouuerneurs, qui le vou-
loyent faire mourir; qui vous aprend
Jifcours d'vn falem. qui furent ioyeux qu'il s'eftoit de fauuer voftre vie , fi vous voulez ,
temporifeur fauué. Auquel chapitre, Paul vous en-
ignorant & feigne , qu'il ne faut pas eftre obftiné car vous n'eftes pas plus que Paul ou
impudent. en voftre opinion deuant les hom- les .\poftres de lefus Chrift. Suiuez
mes qui vous portent mauuaise vo- leurs faifts, & vous ferez bien, & ne
lonté ,mais s'enfuir & ne dire mot : donnerez point de fcandale aux fidè-
& puis que vous auez bien parlé pour
les. Au mefme chap., Paul s'enfuit
vne fois, vous vous en deuez conten- d'vne ville nommée Beroé . iufqu'en
ter, & que ce qui eft dit demeure dit. Athènes; & au 19. chap., Paul vou-
Au 12. chap.. S. Pierre fut fort aife lant aller au théâtre, comme de couf-
que Dieu lui auoit fait la grâce d'eftre tume , pour annoncer la parole de
efchappé de la main & prifon d'He- Chrift. fut auerti par fes amis , qu'on
rode, « lors il s'en alla en autre lieu, &le creut
vouloitle lapider;
confeil il
de n'y
fes entra
amis. point
Il me ,
où la parole de Dieu eftoit mieux re-
ceuë. Ce paffage vous enfeigne que femble que vous deuez faire ainfi , ou
Dieu ne demande pas la mort des fidè- vous n'efteshomme
pas bien confeillé,
les, mais le cœur & la bonne vie feu- Paul eftant de Dieu, a creu car
le
lement, pour édifier fon prochain. Au confeil de fes amis, & fi vous ne
15. chap., Paul & Barnabas fe retirè- croyez le confeil des voflres, qui vous
enfeignent véritablement . ie ne puis
contrerent eux
pour le pour murmure qu'ils devoyoyent
la parole Chrift;
& Dieu le trouua bon. Ce chapitre croire que ne foyez troublé d'efprit,
& penfe que vous le faites pluftoft de
vous reprend
il faudroit dire d'auoir trop : parlé
feulement le croi. car
en peur d'eftre repris des hommes que
fauez, qu'autre chofe. Toutesfois ie
Dieu & tout ce que fainifte Eglife
vous an"eure que , fi le plus grand de
croid , fans alléguer aucun paffage de
ceux qu'eftimez eftoit où vous eftes, il
l'Efcriture, ni rendre refponfe à leur fauueroit fa vie par le moyen ci efcrit.
demande, pour quelque menace qu'ils Au 20. chap., Paul eftant en Grèce,
facent. Au 14. chap., les Apoftres s'en- voulant aller en Syrie pour annoncer
fuirent d'vne ville en vne autre ville la parole de Dieu . fut auerti que les
luifs le vouloyent lapider; pour cefte
nommée Lyflre , de peur d'eftre lapi-
dez. Ce chapitre vous enfeigne qu'il caufe , s'en retourna en Macédoine.
ne faut point parler qu'auec les fidèles Ce chapitre vous deuant
enfeigne,
de Chrift, ou auec ceux qui le veu- faut point parler ceux qu'il
qui ne
ne
lent conoiftre & entendre fa parole ; font de Chrift ; pource regardez où
non pas parler deuant ceux qui font vous eftes. Au 22. chap., on vouloit
faux frères, defquels Chrift a dit : donner le fouet à Paul , mais il fe fit

I
« Donnez-vous garde des faux-freres. » Romain, & nia fon pays, pour fe fau-
Au mefme chapitre, Paul fut en vne uer du fouet feulement ; ce qui vous
autre ville lapidé, & fut fauué par au-
cuns difciples eftans autour de lui. Et enfeigne, qu'il fe faut fauuer en quel- Blasphemes
que forte que ce foit. Le Seigneur
Dieu le trouuera bon. car voftre mort
le lendemain qu'il eut trouué Barna- contre l'efcri-
bas, ils s'enfuirent. & n'y retournèrent ne fauroit édifier perfonne en ceft en- ture.
Voyez les plus. En ce chapitre, Paul & Barnabas droit. Au 23. chap,, Paul eftant en iu-
belles conclu- gement deuant les Juges Sacrificateurs
rions vous enfeignent. qu'il ne faut plus
retourner à ce qu'auez dit, encore qui le vouloyent faire mourir, conut
qu'il foit bien dit : car ils ne font plus qu'ils eftoyent Sadduceens & Phari-
retournez dire ce qu'ils auoyent dit. fiens; lors il s'efcria au confeil, & dit
de peur d'eftre lapidez: gardez-vous qu'il eftoit Pharifien, & fils de Phari-
%
?24 LIVRE SIXIEME.

(icn, pour luuucr fa vie. Ce chap. point ma mort, car i'ai enuie de viure
en homme de bien. Et pour toute de-
vous aprend de l'auuer vollre vie ; car
Paul n'a pas nié Chrift deuant ceux mande qu'ils vous facent, gardez-vous
qui conollfoyent Chrift; au contraire, de refpondre ni alléguer paffage de la
deuant ceux qui ne le vouloyent co- S. Efcriture. S'ils vous demandent
noillre, Paul n'a dit mot, & a trouué quelle Eglife.^ De Chrift feulement,
moyen de l'auuer l'a vie. Au mel'me fans parler de l' Eglife Romaine; car
chapitre , Paul ellant prifonnier, fut vous n'eftes point deuant les hommes,
auertiloir par vn adolefcent,
faire mourir; qu'on le
lors il trouua vou-
moyen maisChrift
de deuant les loups rauilTans
; autrement vous ferezl' Eglife
caufe
de faire auertir le Capitaine de la d'vn grand fcandale. Aux Ades 26. c,
fùrtereH'e, où il elloit prifonnier, pour Paul, Apoftre de Chrift, requit le Roi
lui l'auuer la vie. Ce chap. vous en- Agrippa, it lui fit entendre qu'il eftoit
feigne fai'ché des liens de la prifon, pour en
où vousd'efchapper
elles quantdu mauuais
;\ la chairpalTage
; de
efchapper. le m'efbahi , veu qu'eftes
l'efprit ie n'en parle, car ie fai par la homme qui auez leu, que vous ne re-
grâce de Dieu qu'il fera bien. Bref, gardez que les Apoftrcs de Chrift ont
le Seigneur vous commande en plu- efté & font plus que vous, & ont cer-
fieurs endroits d'efchapper ché par plufieurs fois les moyens de
nération peruerfe ; car il nede demande
celle gé- fauuer leur vie. Et pour cefte caufe, ie
pas la mort de fes fidèles. Penfez à vous prie, non point comme Satan,
Allégations mais comme voftre coufin & frère
vousDieu
de & auxne voftres,
tourne & contre
gardez vous
que , l'ire
car
dignes d'vn
tcmporireur. Chreftien, de penfer à vous , car voftre
il vous a oflé hors de la main des lu- édification eft en la bonne vie par la
ges ,& les a bien infpiré pour vous. grâce de Dieu : premièrement pour
Et pource prenez garde à vous, & édifier voftre femme, & puis vos trois
vous fouuiene de Pierre, Apollre de petis enfans , aufquels vous ferés
Chrift , lequel a nié Chrift plufieurs
grand'faute, & le Seigneur a dit qu'il
fois pour l'auuer fa vie, A Dieu lui a fautlabourerpourl'indigent, ce qu'aués
fait autrefois. Vous voulés-vous faire
pardonné, ainli qu'il nous fera, s'il lui
plait. le ne veux pas dire qu'ayez nié mourir à crédit .' & penfés-vous eftre
Chrift, car ie fuis auerti que l'auez plus que les autres.^ voulez-vous laif-
bien confeffé, mais ie di que vous fe- l'er voftre femme & vos petis enfans
beliftres, iS: tout pour aller deuant les
rez bien d'efchapper. Au paft'age des belles, aufquelles les fecrets de Dieu
Ades, 24. chap.
point prefché au ,temple
Paul ditdequ'il n'auoit
lerufalem, font cachez .- Et veu que vous auez le
dk. toutesfois il y auoit efté prins; mais bruit d'auoir veu les lettres , ie fuis
ce qu'il difoit n'eftoit que pour efchap- eftonné comment vous prefchez aux
per la mort. Au 25. ch., Paul eftant beftes. Car il ne fe trouue point par
deuant Feftus, lui fut demandé s'il efcrit que les hommes de Dieu ayent
vouloit eftre mené et iugé en lerufa- parlé deuant ceux qui ne conoifToyent
lem. Paul infpiré de Dieu , & auerti pas lefus Chrift; mais au contraire
qu'on le vouloit faire mourir en leru- ont diffimulé pour efchapper de leurs
falem, dit qu'il vouloit affifterau fiege mains, laquelle chofe ie vous con-
iudicial de Cefar, pour l'auuer fa vie. feille de l'aire à l'exemple d'iceux.
Vous auez appelé deuant Cefar , le- Qui fera la fin, me recommandant à
quel vous a fait auffi bien comme il fut vous ; priant Dieu le Créateur vous
fait à Paul , car vous auez arreft par donner grâce de profperer en bien.
lequel tout eft mis à néant et fans bre M ^5.
amende. Pource regardez que voulez De Paris, ce Vendredi 14. d'Odo-
dire en voftre confeflion , car il ne faut
plus efperer recours à Cefar; fi Cefar
vous a baillé moyen de fortir , foriez.
Le Seigneur vous a aidé , aidez-vous; Rcjponjc de Claude de la Caneficre,
tVc fi on vient pour vous interroguer , à la précédente, laquelle nous monjlre
dites & reprejenle quelle différence il y a
bon »Scfeulement
véritable ce
, &quinons'enfuit
autre (qui
chofeeft, entre l'homme parlant de Jon fens , &
& fans ofTenfer Chrift): lecroien Dieu,
& tout ce que fainde Eglife croid. cejlui qui parle par l'Ej'pril de Dieu.
S'ils vous :parlent CovsiN , i'ai leu vos lettres alTez
confcffion le vousde prie,
voftrene première
cerchez
amples, par lefquelles vous m'auer-
P5
CLAVDE DE LA CANESIERE.

tiflez de fuiure le contenu d'icelles le nie. Et de mes biens ils ne s'en m.d.lv.
pour toute confeffion de ma foi deuant
les hommes , ou (comme vous dites) foucient que bien peu ; car auffi n'y
en a-il pas fi grande quantité. Or en
deuant les belles. Et pour me foliciter
à croire voftre confeil , vous auez mis ce que dites que ma mort n'édifiera
perfonne, l'en laift"e le iugement à
en auant beaucoup de tefmoignages Dieu. Quant à moi, ie doi regarder
de fuiure fa volonté, & du refte lui en
de l'Efcriture faincte. Pour refponfe,
ie déplore
vous, foit &dela voftre
peine &confeil,
l'abus, en
Ibitceft
de lain"er la difpofition. Que fi aucuns
font mal édifiez de ce que, pour obéir
endroit; la peine, parce que ie feroi
à Dieu, ie fuis preft d'endurer la mort,
tres-ioyeux que ne vous en fuffiez ie penfe que tels ne feront reputez en
cela auoir bon zèle , mais feront du
méfié ; & l'abus , pource que vous &
voftre confeil (fi aucun en auez) en nombre de ceux defquels S. Paul i.Cor. i. 2;.
ceft endroit, eftes par trop lourdement parle, quand il dit que lefus Chrift
& vilainement efloignez de la fainéte crucifié eft fcandale aux luifs. Si donc
vérité de Dieu , pour prouuer voftre les luifs ou leurs femblables font mal
menfonge & fiftion tant manifefte, que édifiez en ma mort, ie ne m'en foucie
i'ai quafi honte de vous efcrire. Tou- pas, mais dirai auec mon maiftre lefus Matth. i). 14.
tesfois confiderant que ce que vous en Chrift: a Lain"ez-les, car ils font aueU' Matth. 7. 6.
aués fait, a efté d'vne affedion & gles & condudeurs d'aueugles. » En ce
amour qu'aués plus à ma vie qu'à que vous guerites
dites deuant que i'ai femé lesce mar-
les pourceaux, que
l'honneur & gloire de Dieu , ie vous
en veux bien refpondre ce qui me lefus Chrift auroit défendu , pour ref-
femble à la vérité, fans vous flatter
aucunement, mais comme mon ami. ponfe, fii'ai femé deuant les pour-
ceaux, iedi que les Prophètes, Apof-
le vous veux auertir qu'erres grande- tres & Martyrs de lefus Chrift fe
ment en toute voftre procédure & font bien abufez. Daniel & fes trois
confeil fatanique que me donnez. Ce
compagnons ont mal fait d'expofer
que ie vous veux monftrer par les mef- leur vie au feu & aux lyons. S. Ef-
tiene a mal fait de rendre raifon de fa
mes pafTages dont m'auez alTailli. foi deuant fes aduerfaires. Bref, tous
Premièrement, en ce que me con-
feillez que ie face ma féconde confef- ceux qui font morts pour la confeffion
du Nom de Chrift ont femé les mar-
fion félon voftre confeil, & tel qu'il eft
efcrit à la fin de voftre lettre , ie n'y guerites deuant les pourceaux. Saint
Pierre a mal confeillé , quand il nous i. Pierre j. ij.
voi aucune apparence,
Parlement donné contrefélonmoil'arreft
, car deil admonnefte que nous foyons toufiours
prefts de rendre raifon de noftre foi &
me lie
cial tellement,
iuge derechefqu'il
monfautprocez
que l'Offi-
dont efperance, &c.
i'auoider appelé. "Vrai ilefteftque, Quant à voftre première raifon , la-
mon marché, dit pour
que ceamen-
fera quelle vous prenez du premier des
Âdes, que les Apoftres font enuoyez
vn autre Oftîcial, que celui dont i'auoi annoncer la vérité de Dieu aux hom-
appelé; & de peur qu'il ne foit alTez mes ,& non pas aux beftes ; dequoi
auifé pour m'examiner de poinâ en
poinâ , on lui adioind vn Inquifiteur vous concluez, qu'il ne faut reueler ce
de la foi. Or penfez comment ie pour- fecrethommes
de Dieu& le
roi eftre receu à dire feulement ce que font nonPère qu'à& ceux
beftes, qui
appelez
me confeillez, afl"auoir : le croi en beftes, ceux à qui ce fecret n'eft point
Dieu , & tout ce que fainfte Eglife reuelé; pour refponfe : Les paroles
des Apoftres en ce premier chap. ne
croid. D'auantage , vous faut enten-
dre ,que fi i'euffe voulu vfer de cefte font pas telles , ni en fubftance ni en
fidion pour fauuer ma vie , il n'eftoit forme, comme vous les alléguez; re-
iabefoin d'attendre arreft ni fentence. gardez-y bien. D'auantage lefus Chrift
Car mes aduerfaires ne demandoyent ne dit pas ainfi, quand il baille cora-
autre chofe, finon que ie niaffe ce que miffion & mandement à fes Apoftres
i'auoi confen"é , & vous affeure qu'il d'aller prefcher, car il dit, au dernier
faut que ie parle pour eux en ceft en- chap. de S. Marc : « Allez par le
droit, car en ce qu'on les accufe de monde vniuerfel prefcher l'Euangile à
cercher ma mort pour caufe de mon
toute créature.') Cequ'auffi ils ont fait,
bien, i'eflime le contraire, mais le comme i'efpere le monftrer bien au
principal qu'ils requièrent en moi, c'eft long par les mefmes paft'ages que vous
que Chrift foit tué, c'eft à dire que ie m'auez alléguez des Ades. Et S. Paul
LIVRE SIXIEME.
Î26 rent de prefcher la Parole . pour le
1. I.O.. j. n. aux Corinthiens, dit qu'il a efté , lui
* '*• & les autres Apoflres, bon odeur de murmure qu'ils virent contre eux
Chrift à Dieu , tant à ceux qui font pour leur prédication. R. Il eft dit
fauuez,
vns odeurqu"à de ceux
vie, & qui
aux perilTent; aux
autres odeur notamment , qu'après que S. Paul &
Barnabas eurent prefché viuement
de mort. Vous voyez apertemeni que l'Euangile, ils furent chalTés ; lors ils
ce (ecret dont vous parlez (qui e(l la s'en allèrent ailleurs. Tout cela ne
parole de Dieu) ne doit pas feule- fait point contre moi. Car fi on me
ment eftre prefché à ceux que Dieu
veut fauuer , mais auffi à ceux qui ne vouloit chaffer, après que i'ai dit ce
que i'ai peu par la grâce de Dieu, l'en
le feront pas. l'ai quafi honte de vous feroi ioyeux. Vous me voulés persua-
en efcrire, veu que, fi vous auiez leu der de n'alléguer aucun panage de
le nouueau Teflament, vous trouueriez l'Efcriture ; mais en ce faifant , vous
le contraire de ce que m'efcriuez. me confeillés
mains, afin dede me
ietterlaiffer
l'efpee de mesà
vaincre
QvANT à ce que me confeillez, félon
mes ennemis. le vous refpon que ie
ce qu'il eftefcrit au 2. chap. des AAes,
de me fauuer de cefle génération per- n'en ferai rien, car S. Paul, en l'Epif- Au dcrn»
uerfe : le vous accorde que fi ie le
puis faire, ie le ferai ; mais non pas en tre
me aux
tieneEphefiens,
armé des m'enfeigne que &
armes de Dieu ie «•'^P-
telle forte que me confeillez, en niant
du glaiue de l'Efprit, qui eft la parole
la vérité de Dieu; qui fera pour ref- de Dieu. Vous me dites qu'au 14.
pondre,
fuite de tant à ce que
Moyfe, que de
m'alléguez
S. Paul,dequi
la desAdes.S. Paul A: Barnabas s'enfui-
rent d'vne ville en vne autre qui s'ap-
fe fit defcendre en vne corbeille par
deffus les murailles. Car vous voyez peloit Lyfire, de peur d'eftre lapidés;
ie m'efmerueille comme vous portés
apertement, que l'vn ni l'autre n'ont fi peu d'honneur à la parole de Dieu,
efchappé ni fuy en niant la vérité, mais car vous en vfez comme d'vne hif-
en enluiuant ce que noire Seigneur toire profane. Lifez le texte tout en-
Matih. 10. 2j. lefusChrirt enfcigne : « Si on vousper- tier de ce chapitre , & vous trouuerez
fecute en vn lieu , fuyez en l'autre. » qu'ils ont prefché l'Euangile publi-
Vous pouuez penfer que. fi on me laif- quement en Iconie , & que ceux qui ,
foit quelque moyen de fuir, ie feroi furent incrédules des luifs, fufciterent
comme Moyfe & S. Paul ont fait. En
querelle à l'encontre d'eux; & toutes-
ce que vous dites que i'ai bien parlé fois ypour cela ne s'enparpartirent ; mais
pour vne fois, & que ie me doi con- ils demeurèrent long temps,
tenter fans plus vouloir rien dire,
voyez, ie vous prie, comment vous prefchans & faifans l'œuure du Sei-
gneur auec fignes & miracles. Finale-
ment eft dit , que grande impetuofité
contredifés à ce qu'aués dit au para-
uant, que i'ai femé les marguerites de luifs & de Cent Is s'efleua , & au-
deuant les pourceaux ; ce qui ne peut cuns efloyent auec Paul, & les autres
contre eux, & les lapidèrent, auec
eftre , fi vous confen"és que i'ai cien
parlé. D'auantage lefus Chrifi dit : phifieurs opprobres & iniures; après
La nK-rmo 22. « Qui perfeuerera iufqu'à la fin fera ils s'en allèrent. En quoi vous voyez
fauué; » il faut donc perfeuerer en clairement que vous n'auez paffé que
bien ; fi i'ai donc bien dit , félon vof- par detTus, & n'eftes point entré de-
tre auis, ie doi perfeuerer iufaues à la
dans. Vous voyez d'autre part que
fin ; ce que i'efpere faire par la grâce Paul & Barnabas n'ont pas efté fi fa-
de Dieu , lequel m'a donné de bien ges Chreftiens .comme il y en a au-
commencer. Car ce bien ne vient pas iourd'hui en France par trop , qui ne
de moi. Que s'il lui plait me fauuer, veulent prefcher finon aux fidèles, &
il cft affés puilTant pour ce faire; finon,
fa volonté foit faite. le fuis à lui, foit non aux infidèles; mais c'eft de peur
de porter la croix de Chrift. Ce que
à la vie, foit à la mort.
S. Paul & Barnabas n'ont pas fait , fi
Vovs dites que S. Pierre fut fort vous voulez bien regarder ce quator-
zième chapitre tout au long. Et ceci
ioyeux , que Dieu l'auoit retiré de fcruira de refponfe pour beaucoup de
prifon. le vous refpon , qu'auffi fe- tels paffages ci après déclarez , par
roi-ie, fi i'efloi efchappé par le vou-
loir de Dieu , mais non pas efchappé lefquels vous me voulez induire à
contre le vouloir de Dieu. Vous croire vos interprétations menfonge-
allégués du n. chap. des Afles,
res & pleines d'erreurs. Cher ami,
que Paul A Barnabas fe retirè- pour vous auertir de ce que i'eftime de
CLAVDE DE LA CANESIERE. 327

VOUS , ie voi qu'il ne tiendra point à mis prifonniers , & le lendemain les
vous, que ne me vueillez bien defgui- Magiftrats les enuoyerent mettre de-
fer Dieu & fa vérité, afin de ne le plus
hors; lors Paul dit qu'il eftoit citoyen
conoiftre , & par ainfi que ie me fau- Romain , ce qui eftoit vrai ; mais en
uafTe la vie. Ne voila pas vn bon cela il ne faifoit point de mal, comme
ie feroi fi ie me difoi Romain. Car ià
amour ? Oui , fi l'amour du diable eft
bon enuers nous. Or i'ai quafi honte Dieu ne plaife que ie me die tel, pour
de vous refpondre à la belle conclu- fauuer ma vie. Au refte de ce que
fion qu'auez tirée de ce 14. chapitre m'alléguez du 17. i( iQ. ch. des
des A(fles ; c'eft que me confeillez de Aftes, il n'y échet aucune refponfe
ne me faire pas mourir auec les faux- iufqu'à cesmesmots
doi croire amisque dites,S. que
comme Paul iea
freres , non plus que S. Paul & Bar-
nabas. Je vous voudroi demander fi creu les fiens , ou autrement que ie
Paul & Barnabas ont efté lapidez & fuis troublé d'efprit ; & penfez que
laifl'ez comme morts (comme il appert tout ce que ie crain , c'eft de peur
en ce chapitre 14.) par les faux-fre- d'eftre repris de ceux auec lefquels
res , ou par les ennemis ouuerts? ie defire viure & habiter ; car vous di-
■Vous ferez contraint de dire que c'eft tes ,fi le plus grand de ceux-là eftoit
par les ennemis manifeftes; car la vé- où ie fuis , qu'il fauueroit bien fa vie
rité eft telle ; or pour refponfe ie par le moyen que vous refcriuez. R.
le voudroi bien croire mes amis,
craindroi beaucoup plus les faux-fre-
res que les autres ennemis. Car ils mais non pas contre le vouloir de
tafchent à faire renoncer Dieu & fa
Dieu. lob n'obéit à fes amis qui taf-
vérité , pour fauuer la vie prefente choyent de le diuertir de l'efperance
par moyens pleins de déception & de falut ; auffi ne vous veux-ie croire
menfonge. N'eft-ce pas menfonge , en ce confeil que me donnez, combien
quand vous me vouliez faire acroire
me foyez
quechair,
la & tel comme fut c'eft
ami ; mais ami deà
S. Pierre
que, depuis que Paul & Barnabas s'en lefus Chrift, quand il lui confeilloit
furent fuys, de peur d'eftre lapidez ,
ils n'y font plus retournez ? Car défia de n'endurer la mort de la croix , &
de fe fauuer la vie. Ce que lefus
il apperten ce
mefme qu'ils»
chap.ont14. efté
, voirelapidez
en deuxlà Chrift lui a dit , s'adreffe auffi à vous
diuerfes villes , afTaucir en Iconie & & à vos femblables , qui me voulez
Lyftre, & vous me dites que ie ne re- faire fauuer la vie par moyens illicites
& contre Dieu : « Va, Satan, car tu ne
tourne plus à ce que i'ai conteffé , de
comprens point les chofes qui font de
Mauh. 10. peur
la parole delapidé.
d'eftre Dieu ,Et quique ditdeuiendra
: « Que Dieu, mais des hommes. » Or de dire
bien-heureux font ceux qui endurent
que ma crainte eft telle que l'auez
perfecution pour iuftice ? « Que deuien- feroit mauuaife
foupçonnee eftoit qu'elle
fi ellerefpon
, ie vous telle ;
dra ce qu'il dit : « Ne craignez point
ceux qui tuent le corps, mais craignez toutesfois Dieu vueiUe que voftre iu-
celui qui a puift'ance de tuer le corps, gement téméraire ne foit véritable.
& mettre l'efprit en la géhenne du Quant à ceux que dites, que fi le plus
feu ? » Que fera-ce de ce que dit lefus grand d'entre eux eftoit là où ie fuis ,
Chrift, quand il prédit à fes Apoftres, il efchapperoit par le moyen que
quels affauts ils auroyent en enfei- vous confeillez , le contraire eft ve- n entend ceux
gnant fa parole , & quelles perfecu- rite, car en cefte prifon où ie fuis, qui ci deffus
tions il leur faloit endurer ? «"Vous fe- à
rez, dit-il, menez par deuant les Rois s'en font trouuez depuis deux ans en ''ont précédé
^
& Princes aux fynagogues , » &c. le ça plus de douze , non point des plus
grans, mais des petis foldats, lefquels
vous renuoye à la ledure de ce 10. n'ont point flefchi pour crainte de la
chap. & vous verrez ce que Chrift re- mort. Bien eft vrai qu'ils ont eu de
quiert de nous. tels combats que moi, & de tels con-
QvANT à ce que vous dites que S. feils que me donnez, mais cela ne les
Paul s'eft fait Romain pour fauuer fa a point efbranlez. Comment dites-
vie, & que ie face ainfi pour fauuer la vous donc que, fi le plus grand de tous
miene : vous vous abufez auffi en ceft
y eftoit , il fe fauueroit par ce moyen
endroit, car, au 16. des Aâes, eft dit
que vous confeillez .' Et auffi ne vous
qu'après que S. Paul & Barnabas eu- veux celer que puis peu de temps en
rent efté fuftigez & batus , après auoir a efté prins vn des plus petis, lequel on
prefché la parole de Dieu , ils furent a amené ici auec moi , qui a trouué

l
LIVRE DIXIEME.

8
)2 façon d'efchapper bien fauuage, auons exercée en ce monde , comme
voflre S. Paul le dit. Et pour cefte caufe ie
voire & (1 ofl en auffi grand dant^er
que moi pour le moins (i). Bref, ami, vous confeillc bien autrement que ne
toute la faute de voflre confeil ne me confeillez, aflauoir que, fi vous
eftes tel que vous dites , ie monftriez
procède que de ce feul poind : c'eft
que vous ne fauourez point les chofes par eff'ed. Vous vous appelez & efti-
qui font de Dieu , mais ce qui eft des mez fidèle & Chreftien , c'eft à dire ,
hommes, & de cefte vie prefente. qui a la foi de Chrift; faites donc la
Tout le refte de vos allégations des volonté de Chrift, & vous ferez bien-
patrages des Afles, font tous fembla- heureux, lefus Chrill dit : Qui aimera
Dles ou pires que les delTus déclarez; fa femme, fon père, fa mère, fes
biens, fes enfans, voire fa propre vie,
parquoi ie me déporte d'y refpondre.
le fuis marri de ce que vous qui vous
dites Chreftien, abufez fi lourdement plus que lui , que tel n'eft digne de
lui; auifez que c'eft à dire cela, fi
de la faintSe parole de Dieu , en con- i'vfe de fidion & menfonge pour fau-
uertilTant fa vérité en menfonge ; & uer ma vie, afTauoir fi ie veux accor-
mefmcs quand vous imputez à S. Paul,
de dermon
aux abusmaiftre
qui font& contre l'honneur
Sauueur lefus
qui n'a point nié Chrifl deuant ceux
qui le conoilfoyent , mais qu'il n'a dit Chrift , n'aime-ie pas mieux ma vie
mot deuant ceux qui ne le conoif- que
foyent, cela eft faux ; car pourquoi a-il Pour Chrift r cela fieftvous
conclufion, certain qu'oui.
trouuez ma
efté lapidé , fouetté , perfecuté r & de refponfe afpre & dure , confiderez
qui , finon par ceux qui ne vouloyent que ce n'eft point par inimitié que ie
conoiftre Chrifti' Il ne faut que toute vous porte, car ie vous defire autant
l'Efcriture, & mefme que le liure des de bien qu'à moi; mais c'eft pour au-
Afles des Apoftres, pour vous monf- tant que vous vous adreffez contre
trer le contraire de ce que vous impo- Dieu , duquel ie porte la querelle ; &
auez conuerti fa vérité en menfonge ,
fez à S. Paul. Apres, le m'esbahi de
voftre aueuglement, en ce que me pour me cuider perfuader de fauuer
confeillez que ie me doi fouuenir de ma vie. Au furplus, regardez (ie vous
S. Pierre, lequel a plufieurs fois nié prie) que cefte vie eft comme vne fu-
lefus Chrift pour fauuer fa vie, & que
Dieu lui a pardonné , comme auffi il tendremée bien toft paffee,
à vne & qu'il
autre vie nous faut
plus certaine,
me fera s'il lui plait, &c. Vous me de- laquelle nous eft acquil'e par noftre Admonition
uiez auffi confeiller que ie le trahiffe Seigneur lefus Chrift. Et pource pen-
fez à vous A à voftre vocation , la- contre les
comme ludas, & qu'il me pardonnera particulière
s'il lui plait, ou que ie paillarde auec quelle ,comme vous fauez trefbien , inllrumcns de
Mulique.
la femme de mon prochain , & puis n'eft pas légitime; ie di en vfant à la
que ie le face mourir , comme a fait
Dauid , & que Dieu me pardonnera façon
exciterquela vous en vfez
nature , afl"auoir
humaine pour
à toute
s'il lui plait ; n'eft-ce point vn beau paillardife A volupté , laquelle y eft
Note cefte
confeil que me donnez ? Vous deuricz aft'ez trop encline fans cela. le vous
rcfponfc. confeille de vous en retirer, au moins
penfer que l'Efcriture ne nous met
pas tels exemples deuant les yeux quant à ce poind; car autrement, on
pour les enfuiure , mais pour les fuir. peut vfer légitimement des inftrumens
le vous prie i^' fupplie bien affedueu- de Mufique, quand ce n'eft point con-
fement, que penfiez à vous, & auifez où tre l'honneur de Dieu. Ici ferai fin à
vous eftes cheu (2), de vouloir préférer la prefente, après auoir prefente mes
voftre vie , & les chofes de ce monde humbles recommandations, tant à
caduque à la vie éternelle, & au Dieu
viuant, & à lefus Chrift fon Fils nof- vous qu'à tous ceux qui fe difent frè-
res, & leur communiquez la prefente,
tre Roi, noftre iurtice, noftre Aduocaf
afin qu'ils conoifTent auffi leur erreur;
& feul Médiateur, & finalement nof-
tre iuge; deuant le throne duquel il priant le
vueille Seigneur
à tous donner Dieu qu'il vousfa
& augmenter
faut en bref qu'vn chacun de nous fe grâce. De Lyon es prifons , ce 1^.
trouue , & foit prefent pour rendre d'Odobre m.d.lv.
raifon de noftre vie , laquelle nous

(1) Ilmcniiomé.
dessus s'agit de François Orbouton , ci- Lctirc Jufrcmicr Je Noucmbre, cnuoyec
(2) Tombé. parjcail Cancficre àja femme, en
CLAVDE DE LA CANESIERE.
329
laquelle il la reprend de ce qu'elle de par de-là. Faifant fin, ie prie Dieu
ne s'arrelle
dence totalement à la proui-
du Seigneur. vous donnerDece Lyon
qu'il es
faitprifons,
vous eftre
necelTaire. ce
feptiefme de Nouembre.
Chère fœur, i'ai receu vos lettres ,
par Icfquelles n'ai pas efté fort ioyeux, Comme de ces efcrits de Claude
d'autant que i'ai conu par icelies que de la Canefiere nous pouuons çecueil-
ne regardez point la prouidencc de
Dieu , & comme il fe peut feruir de lir inftrudion, auffi de ce qui s'eft en-
fuyui nous n'aurons moindre confo-
nous. Vous me mandez, qu'il ne vous lation. C'eft qu'en ces entrefaites
faut plus attendre à moi , & que le
Seigneur vous veut deflituer de mari, François de Bourbon, feigneur d'An-
& de tout autre fecours humain. Il guyen (i), demanda à ceux de Lyon
femble par ces mots que vous foyez Claudebon
eftoit de loueur
la Canefiere , pource
de cornets qu'il
à bouc-
défiante de la puiffante bonté de
Dieu, par laquelle il promet affillance quin ; mais la rage enflammée des en-
à tous ceux qui par foi le requièrent demandénemis n'yvnvoulut confentir.
brigand S'il euft
ou voleur, ils
en leurs neceffitez , comme il eft dit
au Pfeaume cinquantième : l'euffent accordé ; mais pource qu'il
eftoit prifonnier pour l'Euangile, il fa-
PI. 50. 15. Inuoque moi quand opprelTé feras, loit auffi qu'en cela il fuft conforme
Lors t'aiderai, puis honneur m'en feras (i). au maiftre , lequel fut poftpofé à vn
Canelîere
Si donc vous elles oppreflfee de brigand. Auint peu après que la Cane- efchappe de
fiere auec vn fien compagnon (2) trouua
triftelTe (comme ie le penfe) non
feulement de la perte de ma perfonne, moyençon de fortir de la prifon
efmerueillable.Car de la d'vne fa-
veuë des
mais auffi de vos biens, & de plufieurs clefs entre les mains du Portier, ils prifon.
autres afflidions , c'eft maintenant conceurent & formèrent la figure dès
que Dieu eft plus près de vous que deux clefs principales, lefquelles ils
iamais , & que cefte parole efcrite
Ofee 2. 16. & enuoyerent par vn ami fecrettement
19. en Ofee s'adreffe à vous , quand contrefaire en vne autre ville, telle-
Dieu, parlant à l'ame affligée , dit : ment que. peu après, ils ouurirent la
« En ce iour-la, dit le Seigneur, tu porte, & les prifonniers fortirent , &
m'appeleras mon mari, eftoyent ia fur le pont de la Saône ,
rai éternellement , & &te iefiancerai
t'efpoufe-à
quand les fergens le virent palTer &
moi en iuftice , en jugement, en mife- fe ietterent fur Canefiere, lequel ils
ricorde , & en miferations ; voire ie
reconurent pour l'auoir veu fouuent
t'efpouferai en foi , & fauras que ie deuant les Juges, & le ramenèrent en
fuis le Seigneur. » Ma fœur m'amie , prifon. Quant& àvint
l'autre, il efchappa de
vous voyez là de belles bagues que le leurs mains à Geneue. De ceci
Seigneur voftre efpoux vous promet ; font foi les lettres dernières que ledit
car c'eft à vous & à vos femblables Canefiere manda à fa femme, du 15.
que s'adreffent telles paroles. A cefte Décembre i^^î. où eft auffi comprife
caufe fi vous eftes participante des fa dernière confeffion & fa condam-
croix de Chrift, vous le ferez auffi de
fa gloire. nation, comme f'enfuit.
Or , pour vous dire la vérité, il y a
SoEVR & efpoufe, la caufe que ne
vn mot en vos lettres qui m'a grande- vous ai pluftoft efcrit de mes nouuel-
ment refioui , quand vous dites que
vous aime^ mieux n'auoir point de mari les, eft que n'ai peu auoir la commo-
que d'en auoir vn traiftre à le jus Chrijl; dité d'auoir papier & ancre , & qu'à
car par cela ie conoi que vous elles grand'peine en ai eu pour vous auer-
en bataille de l'efprit contre la chair, tir comme ie fus fortis
me nous eftions reprins.
des C'eft com-&
prifons
& que l'iffue de cefte bataille fera à la
gloire de Dieu. Car c'eft lui qui en eft que nous vinfmes
rue faind Jean , ieentrer en la trois
vai auifer grand'-
ou
l'autheur. Mon frère Nicolas s'en va
à Geneue; il eft fort fafché, pour au- quatre fergens, lefquels ie conoilToye
tant qu'il n'a peu faire enuers moi ce
qu'il recommande,
vous auoit délibéré.& Au reftenos, ie
à tous amisle (i) François de Bourbon, duc de Mont-
pensier , seigneur d'Enghien, gouverneur
des pays d'Orléans, Touraine, Maine, Per-
che, Dauphiné et Normandie.
(i) Traduction de Clément Marot. (2) François Orbouton.
LIVRE SIXIEME.

530 , car nous les voyons ordinaire-


bien qu'il me deuft faire tel honneur,
ment aux prifons. Or, ils ne fauoyent
rien de ce que nous eflions efchappez. que depuis que i'ai efté reprins. Ce
iour à 1 apres-difnee (toutesfois qu'on
Et comme i'alloi après maiftre Fran- ne m'euft baillé ni à boire ni à manger
çois, me voulant garder de me hafter, iufques au foir) ie fu mené deuant ces
ie ne pouuoi , dont il y en eut vn qui mcffieurs, & fu enquis bien diligem-
me conut , qui auoit efté prifonnier ment comment i'auoi fait faire les
aux niefmes prifons, lequel dit aux
autres : « En voila vn qui a vne robe clefs; ie leurle refpondi
fait deuant comme Ilsi'auoi
iuge Courrier. me
fourrée qui va bien viftc , & croi que dirent qu'ils ne croyoyent que ie les
c'eft mairtre Claude : voyons fil a fa re- euiïe fait faire à Geneue , mais qu'el-
lafche; il pourroit bien auoir rompu les les auoyent efté faites en cefte ville ,
prifons. » Sur quoi, il commença à fe & qu'il eftoit impoffible de faire les
hafter & moi auffi. Quand il vid que
ie me haftoi , il me fuit iufques au clefs comme
eftoit fans lesievoir. le refpondi
leur auoi qu'il
dit, & quand
bout du pont , & en appela vn autre ils voudroyent que leur monftreroi la
qui elloit maillé (i) : il commença à cou- fcience. Sur cela ils me dirent :
rir, & moi voyant cela ie lailTe choir Il Comment ? » Lors ie leur commençai
ma robe fourrée en terre. Me voulant
à monftrer comment i'auoi fait. Apres
mettre à courir, il m'eftoit auis que m'interroguerent
& demandèrent npour la féconde
ie vouloi fois,
toufiours
i'auoi des cordes aux iambes, & ne
pouuoi bonnement courir, de manière perfifter en mes opinions. Je refpondi
que celui qui eftoit maillé fe vint iet- ûue ie n'auoi rien dit qui ne fuft bon
ter fur moi par derrière & cheufmes « conforme à la parole de Dieu, auffi
tous deux en terre. Voila, chère fœur.
comme ie fu reprins. Ils me menèrent que c'eft la vérité & que ie la vouloi
fouftenir. Puis commencèrent à m'in-
en la prifon, & à l'entrée, pour le terroguer fur la puifTance du Pape &
Dieu-gard (2). le portier, qui fe nomme d'autres folies, qui feroyent par trop
Guillaume, me bailla deux coups de
longues
vaut à cfcrire
point , ioint
le récit. Puis que cela remit
on me n'en
poing, l'vn entre les efpaules, & l'au-
tre fur le derrière de la tefle ; il s'y au groton mefme, où ie fu iufques au
trouua gens qui engarderent qu'il ne Mecredi;on làmeie traitoit.
comme vous laifl'e
Ce àMecredi
penfer
m'outrageafl d'auantage, & les fergens
auffi. Puis ie fu mené deuant le iuge reuindrent au matin pour voir encores
Courrier, qui efloit encores là de- comment i'auoi fait faire ces clefs.
dans, lequel m'interrogua comment Lors ie les priai de me faire mettre en
i'eftoi forti , & auffi me trouuerent la petite chambre où i'auoi acouftumé
faifi
eftoitencore
venu vnd'vne clef. deJe Geneue,
homme leur di qu'il
au- d'eftre , ce que le Geôlier ne vouloit
point , mais à fon grand regret il y fut
contraint ; car ie leur di que ie ne
âuel i'auoi baillé des patrons de clefs,
: qu'il eftoit entré efdites prifons au romproi pas les murailles auec mes
nom d'vn autre. Je fu donc enuoyé , doigts; lors ils le permirent, & lui
commandèrent.
& me mit-on en vn groton, où l'on ne
voyoit ne ciel ne terre ; là eftant , ie Le Samedi fuyuant, ils vindrent auec
commençai à prier ce bon Père ce- cinq ou fix & me firent remonflrance
lefte, puis que fa volonté eftoit de me
qu'ils ne vouloyent point ma mort, &
faire ccft honneur d'eflre tefmoin de que ie me conuertift"e afin de viure, &
fa vérité, moi qui ne fuis que fange qu'il n'y auoit nul qui ne defiraft mon
& ordure, qu'il me fift la grâce de lui bien ; bref, tous me prioyent de retour-
porter obeiiïance, puis que tel eft fon ner à l'vnion de la fainfle Eglife Ca-
vouloir. Helas! cherc fœur, ie feroi
tholique ,c'eft aft'auoir de faire ainfi
pluftoft que
dignede d'eftre que mes percs & anciens qui ont vefcu
fautes, foufTrir chaflié
pour lepour mes
tefmoi- faindement. Puis ils me demandèrent
gnage de fon Nom. Or bien , puis fi cefte remonftrance ne m'amolin"oit
qu'il lui laplait, c'eft bien point le cœur. Je leur refpondi que
voife(}) tefte leuee, car ieraifon que i'y
vousaffeurc le les remercioi bien fort du grand
que ie n'auoi point fenti auparauant bien qu'ils me vouloyent, & quant aux
(1) Couvert remonftrances qu'ils me faifoyent, que
(2) Au lieu ded'une cotle de de
la salutation maille.
bienvenue: ie rctournafl"e à l'vnion de la fainde
■■ Dieu vous garde I •! Eglife catholique , ie di n'en auoir
()) Ancien subjonctir du verbe aller.
efté deftourné , mais que ie m'y veux
CLAVDE DE LA CANESIERE.

enir comme vn bon Chreflien doit Roane(i). » Et laie fuis pour le prefent m.d.lv.
attendant le vouloir de ce bon Père ,
faire. leur remontrance
Que point ne m'a-
molifToit autrement le cœur , comme il lui plaira faire de moi. Or,
d'autant que ie n'auoi rien dit qui ne chère fœur , le l'ai qu'auez eu quelque
fufl conforme à la parole de Dieu. peu de ioye, attendant ma deliurance,
Puis dirent : >< Vous voulez donc mais elle ne vous a gueres duré ; tou- 1
fouftenir ce qu'auez dit. t « Oui tesfois elle eft bien prefte , combien 55
(di-ie) monfieur, car c'eft la parole de que ce n'eft pas en telle forte que
Dieu, & y veux viure & mourir. » Ils l'entendez. Donc refiouilTez-vous en
ce bon Dieu & ne vous contriftez ,
me dirent» :Et« fur
remède. Il n'y a donc plus de
ce recommencèrent mais regardez à ne vous prendre con-
à parler de leurs fatras & badinages; tre Dieu, car vous voyez en ma prinfe Prouidence
quand l'vn auoit celTé , l'autre recom- première & féconde que c'eft vne de Dieu en
mençoit, & à tous coups me rom- grande & notoire prouidence de Dieu '^econTè'prife
poyent mon propos, & ce que ie leur fur moi, ioint que ceux qui m'ont prins ^e Claude,
vouloi dire; mais il feroit trop long n'eftoyent aucunement aduertis, ni les
à refcrire & ne vaut la peine. Le premiers, ni les féconds. Voila comme
Lundi fuyuant , ne faillirent de venir Dieu veut appeler les fiens; refiouiffez-
pour me condamner. Et me mit-on vous donc en lui dede vous
ce qu'il
les fers aux mains, de peur que ie ne fait ceft honneur, auoir vous
donnéa
fuffe trop mauuais deuant eux, comme vn mari , lequel il a voulu produire
s'ils m'eulTent veu faire de grands ef- pour vn des tefmoins de fa vérité.
forts. Or, eftant deuant eux, ils firent Helas ! chère fœur, fi nous fauions
venir Antoine , lequel auoit efté prins confiderer le grand bien que ce
auec maiflre François, ■& lui firent bon Père celefte nous fait de nous
faire là deuant moi au parquet(pour me appeler à vne fi fainde querelle & à vn
faire plus grand defpit) amende hono- fi heureux combat, nous n'irions pas
Blafpheme rable. Je vous affeure que le cœur me feulement , mais nous y courrions à
d'vn fe defdi- partiflfoit de voir vne telle poureté & pleine courfe. Au furplus, ie ne fai fi
^^"^' mifere, en blafphemant ainfi contre l'aurai moyen de plus vous efcrire, ne
Dieu. O chère fœur, prions ce bon fâchant l'heure ni le iour qu'il plaira à
Dieu qu'il ne nous delaiffe point iuf- ce bon Père m'appeler à foi. Je vous
ques-la, mais qu'il nous tiene toufiours recommande fa crainte fur toutes cho-
la main & nous donne perfeueranceen fa fes, puis les enfans lefquels il nous a
fainde parole. .< Nul ne peut venir à donnez. Que fi vous ne vous pouuez
moi, » dit Jefus Chrift, « fi mon Père contenir, ayez auis de vous remarier &
qui m'a enuoyé ne le tire. » Prions de bien regarder de prendre vn mari
donc ce bon Père qu'il nous tire, & qui ait la crainte de Dieu & qui ne foit
que nous allions droit à ce Sauueur point adonné à l'auarice , car c'eft la
Jefus Chrift.
racine de tous maux. le fai qu'auez de
Ce beau chef d'œuure fait, ils me la poureté quant aux biens terriens,
demandèrent fi ie vouloi toufiours per- mais
fifler en mes opinions. Je leur ref- ciel &regardez
que vousqu'eftes
auez vnbien
Pèreriche au
qui ne
vous deiaiffera point ; car fi les Pères
pondi, quant à ce que i'auoi dit, ie le terriens, qui font mauuais de nature,
vouloi fouftenir & que ie n'auoi rien fauent bailler chofes bonnes à leurs
dit qui ne fuft conforme à la parole de
Dieu & à fa vérité. Puis commandè- enfans, par plus forte raifon celui-là
rent au Greffier de lire la fentence qui eft tout bon , vous donnera ce qui
donnée contre moi , & quand il eut vous fera neceffaire & n'aurez faute
de rien. Remettez donc en lui vous
leu qu'on me declaroit hérétique &
fchifmatique , ie refpondi : « Et bien &
vous me déclarez tel pource que ie ne foinvoftre afaire & , car
de vous vous c'eft
tientluidesquifiens,
a le
veux adhérer aux edits & ordonnan- comme il le vous monftre par tefmoi-
ces Sataniques de voftre chef & voftre gnage euident. Or, pour vous donner
maiftre l'Antechrift Romain; l'en ap- vn mémorial de moi , ie vous laiflTe le
Pfeaume 73 :
pelle deuant Dieu. « Lors s'efcrie-
rent tous, quand i'eu dit Sataniques;
à l'en- Si elt-ce que Dieu ert tref-doux,
car auoit: «force
tour, il& ydirent monde
Ha, ha, le mefchant
(en faifant leur figne de croix pour (1) Sur la prison de ce nom, voy. p. s> 1
chaffer les moufches), menez -le à ci-dessus, note 2 de la 1" col.
LIVRE SIXIEME.

& quand le chanterez , vous aurez au milieu du feu , on l'ouit inuoquer


fouucnance de moi, non point en le Seigneur en dren"ant fon regard au
trifleire , mais en ioye. Pource ie
vous mande ceftui-la entre les autres ; ciel, iufques à ce qu'il eut rendu l'ef-
f,'ouflez-le bien, car vous trouucrez là
Vnc dcrnicrc dedans tout ce qui m'ell auenu de-
puis que je fuis prifonnier. Quant au
fouucnancc refte , faites mes recommandations à
que IhIiTl- monfieur Caluin, t'i à tous les Minif- prit.
uJo à l'a
Clafemme. tres, li à tous nos amis que conoifTcz.
Auffi dites à maiftrc François, fi vous Lavrent, de Bruxelles, & Iean
le voyez , que ie me recommande bien Fasseav, Hanuyer (i).
fort à lui, & que ie fuis bien ioyeux
de ce Que Dieu lui a fait grâce de lui Av commencement de Tannée mil Lacontinuée an
perfecutia
auoir donné deliurance des prifons,
cinq cens cinquante fix , la perfecu- Hainaul.
mais que Dieu m'en prépare vne plus tion ci-deuant efmeuë en la ville de
grande & beaucoup plus heureufe ; Mons en Hainaut, fe rengregea (2)
car il ne me veut pas feulement deli- pais de
urer des prifons, mais de cefte terre, en telle fureur, qu'il fembloit que
tout deuoit eflre perdu. Cela fe faifoit
où il n'y a que toute mifere , horreur à caufe qu'on auoit renouuelé les Ef-
& calamité , me voulant colloquer en cheuins de la ville , & que les plus
ioye & félicité perpétuelle à iamais. contraires auoyent efté efleus au gou-
Recommandez-moi à fa femme. Et
uernement, lefquels, pour commencer
pour la difant
baifer, fin ie Adieu,
vous accole
vous d'vn faind
lailTant en leur chef d'œuure, fe ietterent en la
fa fainde garde. Ce 16. Décembre. maifon d'vn nommé Lavrent, cor-
don ier ,natif de Bruxelles en Bra-
bant, & fur Iean Fasseav, natif d'vn
En cefte force & magnanimité , ce petit village près de Mons, nommé
faind perfonnage perfeucra iufques à Givry. Iceux furent appréhendez &
mis en prifon feulement parfoupçon,
la fin, nonobftant les aft"auts qui lui
furent dretTez de toutes parts durant & leur procès fait, furent condamnez
fon emprifonnement. Ayant donc re- d'eftre décapitez, fans autrement les
ceu fentence de condamnation d'eftre auoir interroguez de leur foi. Quand
bruflé vif & fon corps confumé en Laurent eut oui vn iugcment fi fou-
cendres à la façon acouftuniec des dain , il dit aux Juges : " Meffieurs,
ennemis de la vérité , le Samedi pre- vous-vous abufez grandement, pen-
mier iour de Février, veille de la pu- fans par feu ou efpee anéantir la pa-
rification, appelée par eux la Chande- role du Seigneur noftre Dieu , qui
leufe (1), Claude de la Canefiere fut dure éternellement.» Incontinent que
mené de la prifon au lieu du dernier les ennemis l'ouirent ainfi parler & de
fupplice nommé en la ville de Lyon :
Les terreaux. En le menant, il exhor- plus en plusfufts'efforcer,
refchafTaut ia drelTé &combien que
fa fentence
toit le peuple de fe conuertir au Sei- donnée pour eftre décapité , neant-
gneur Jefus Chrift. Eftant venu audit moins comme s'ils euftent du changer
lieu , commença à dire le commence- le genre du fupplice , firent aprefter
ment du Pfeaume : vn tas de bois pour le brufler. afin de
l'intimider; & toutesfois il ne fut que
Sus, louez Dieu mon amc , &c.
décapité , louant le Seigneur iufqu'à
la fin. Et peu de temps après lui , fut
Le bourreau lui demanda pardon de lA mefme décapité ledit Jean Faft"eau,
fa mort, & le patient lui dit amiable- lequel auffi mourut conflamment pour
la mefme dodrine.
ment : " Mon ami , le principal par-
don que tu dois requérir efl de Dieu:
regarde à ta confcience, car la con-
damnation de la caufe efl iniufle & (1) Crespin, içç6. p. 579; 1564. p. 7)6;
fieruerfe , & Dieu la redemandera de H70, f" jgj. Cet article, dans la Troisiime
partie du recueil des martyrs (iççb), suit Im-
a main de ceux cjui y confentiront , médiatemcnl la notice sur Jean Porceau.
fil ne leur fait mifericorde. » Eftant Dans redit, de HdJ, Il porte pour litre : La
perséculicn continuée au pays de Haynaut.
Ce récit se retrouve dans Hacmsicde.
(i) La Chandeleur. (2) Edit. de ■;!(> : « se renforça. »
PLVSIEVRS MARTYRS. 5H
doârine de l'Euangile, les picque &
redargue à bon efcient, & , furmon-
tant en cela les liens corporels des-
quels ilejîoit détenu, fait feruir fa
Adrien de Lopphen , Flamen , & fcience à l'honneur de celui qui la lui
a donnée. Les difputes & examens
IVLIEN DE L'eSPEEDARME (l). tenus contre lui par les plus grands
Adrien de Lopphen, natif de Bru- d'Angleterre font ici recite-{, de f quels
ges en Flandre, retournant de Franc- la plufpart s'ejloyent deJlourne\ de
fort, auec plulieurs liures de la fainâe la veri'lé par eux
Efcriture , en palTant par la ville efmerueiller fi laconue. Et ne femhie
procédure fe faut
ejlre comme de pair à compagnon,
d'Aile (2) en Hainaut, entra en vne
hoftelerie, et donna fon paquet en veu la dignité que Philpot auoit ad-
garde à l'hoftelTe de fon logis, laquelle minijlree entr'eux, qui le rendoit plus
affeSlionné à leur refpondre.
par curiofité ayant veu que c'efloit vn
paquet de liures, appela vn preflre, &
lui monftra les liures. Incontinent que Le martyre de Jean Philpot, fils de
le poure homme fut retourné au logis, Pierre Philpot , cheualier de crédit
& de renom au pays de Hampton, fe
ne fâchant ce qui s'eftoit fait cepen-
dant qu'il auoit eflé en la ville faire prefente en l'ordre prernier de cefte
fes befongnes , fut appréhendé & mis année, ayant monftré la voye de vertu
en prifon , en laquelle ayant fait con- & perfeuerance aux plus grands du
felTion de fa foi, fans flefchir ou vaciler
pays d'Angleterre. Il fut première-
nullement, toit après fut condamné à ment mis en l'efchole de Winceftre,
eflre bruflé à petit feu, & endura vne & puis eftudia en l'vniuerfité d'Ox-
mort bien cruelle auec conftance à
tous admirable. fort, & employa
du droit Ciuil &fondestemps à l'eflude&
difciplines
En la mefme ville auffi, fut exécuté
Langues, principalement l'Hebraique.
Jvlien de L'efpeedarme , pour la Depuis, mené d'vn defir de voir les
mefme dodrine, lequel endura la mort pays, il alla en Italie & à Rome; &
comme il efioit en chemin de Venife
vaillamment, de laquelle plufieurs fu-
rent édifiez au Seigneur. à Padouë, il rencontra vn Cordelier,
lequel l'accula d'herefie , tellement
qu'ilfe eull
ne fuft eflé
retiré en de danger
bonnede heure.
fa vie Fi-
s'il
nalement, eftant de retour en fa mai-
Jean Philpot , dodeur Anglois (5). fon bien toll après , fut fait grand Ar-
chediacre de Winceftre fous Jean
Ponet , lors Euefque du lieu (i).
En la pcrfonm de Philpot nous auons
Mais après la rnort du bon Roi
le pourlrjit d'vn docteur Ecclefia/ïi- Edouard , les Euefques ayant affem-
que , lequel, ayant à faire à tant de
blé & conuoqué vn Synode , lors que
monfires qui s efforcent d'anéantir la
l'Euangile commença d'eftre perfe-
cuté, Philpot fut des premiers qui,
(i) Crespin , 1556, p. ;8o (le nom du pre-
mier y est écrit : Van Lopphen); 1564,
p. 736; 1Ç70, f" 395. (i) John Ponet (ou Poynet) naquit, vers
dans Hœmstede. Le Cette notice
véritable nomse du
trouve
se- içio, dans le comté de Kent. Il prit, à
cond martyr était Van den Swccrdc. Ce nom l'Université de Cambridge, le grade de doc-
lui venait sans doute de son métier; il était teur en théologie. En 1550, il fut fait évêque
fourbissseur.
de Rochester, et, l'année suivante, évéque
(2) Asten , gros village de la province de de Winchester. Il prit une part active à
Nord-Brabant (Pays-Bas). l'œuvre de la réforniation anglaise , travailla
(;). Crespin, 150)4, p. 737; 1570, f» 59Ç. à la préparation du nouveau code ecclésias.-
tique et composa le catéchisme connu sous
que nous assez
Quoique longue
suivons, dans sur
la notice l'édition de 1619
Philpot Test le nom de Catéchisme du roi Edouard. Il
bien davantage dans l'édition de 1564, où composa un livre en faveur du mariage des
elle occupe 44 pages in-folio. Crespin lui- prêtres, un traité De Eiicliaristia, etc. Lors
même, dans son édition de 1570, l'a abrégée de la réaction amenée par l'avènement de
de près de moitié , en supprimant les der- Marie Tudor, il s'enfuit à l'étranger, et mou-
niers interrogatoires. La notice de Fo.xe sur
Philpot est encore plus détaillée et occupe rut , en 1557, à Strasbourg. C'était un
honmie d'une grande érudition et d'une pro-
110 pages de l'édit. in-8" de la Rd. Tract fonde piété. On a publié deu.\ lettres de lui
Sec. (vol. 'Vil, p. 605-714). Crespin a dû à Bullinger, dans les Original Lettcrs relative
avoir pour source l'édition latine de Fo.\e , to the English Reformation (Parker Society,
publiée à Bâle en 1559. 184Ô, p. 115, 117).
3H LIVRE SIXIEME.

auec peu d'autres, maintint la caufe fe porte bien, car il y a défia douze
de la vérité , s'opposant en la pre- mois entiers, ou plus, que ie fuis de-
mière poinde aux plus grans ennemis tenu en prifon bien eftroite. Et main-
tenant ievien fauoir pour quelle caufe
d'icelle(i). A railon dequoi il fut pre-
mièrement conllitué prifonnier par vous autres m'auez fait venir. » St.
Eftienne Gardiner, Euefque de Win- « Vous eftes foupçonné de quelques
cellre, «ît puis enuoyé à Boner, Euef- herefies & opinions mauuaifes . A
que de Londres, & autres fuppolls du pourtant nous auons efté d'aduis que
Pape , comme les procédures qui v(jus fuffiez ici appelé. » Ph. « Il y a La caufe de
l'emprifonne-
s'enfuyuent tenues contre lui en ren- (\ long temps que ie fuis détenu pri-
dent tefmoignage. fonnier, A non pour autre occafion ment.
ou matière que pour la difputc qui a
elle tenue en la maifon de l'Afiem-
blee {\) , de laquelle on penfc que le
En celle première procédure il eft Jpe- peuple a eltéabreuué par mon moyen. »
Stor. « Si reiettant maintenant cette
cijlemcnt louché Je la caufe Je l'eni-
prijonnemenl Je Philpot, 6- Jes caufes difpute, vous-vous rengez à vne meil-
pour lefquelles il recufe Boner (2). leure opinion & portez comme il apar-
tient, nous vous rernettrons en liberté ;
On appela Philpot & fes compa- autrement ferez rendu à l'Euefque
gnons, qui eftoyent en prifon auec lui, de Londres pour eflre examiné par
& les ht-on venir deuant les Euef- lui. " Apres cela, Stor fe retira en la
chambre, & tort après vn meffager me
ques ; & cependant qu'ils attendoyent.
Le Dodeur le dofteur Stor (?) fortit d'vne des fut enuoyé pour m'y faire entrer. Le
Sior. chambres, lequel, après auoir ietté Secrétaire , en premier lieu , me de-
l'œil fur ces prifonniers , regarda manda quel elloit mon nom. le di :
Philpot tt lui dit : « Elles-vous ici , o lean Philpot. » Il mit mon nom par Philpot,
monfieur Philpot r ie vous voi aflTez en efcrit ; & après , Stor adiouUa que
bon poind. >< Ph. " Monfieur le doc- i'auois efté Archediacre de Winceftre, Archediacre
teur, on ne fe doit efbahir li ce corps à la pourfuite & requelle du dodeur de Winceftre.
Ponet. Ph. « le confelle que i'ai efté
(1) Philpot joua en effet un rôle considé- Archediacre ; mais ce n'a point efté
rable dans la convocation ecclésiastique qui par ordonnance & requefle de Ponet,
eut lieu au commencement du règne de ains par vne eledion beaucoup plus
Marie (octobre ■><;,. Ce fut sur lui que
porta presque tout le poids de la discussion ancienne du Chancelier, afl"auoir de
contre les partisans des doctrines romaines. celui qui eft maintenant. » St. " Sa-
Il en publia en IH^. à Bâie . un compte chez que noftre Chancelier, Euefque,
rendu, qui fut immédiatement traduit en latin de Winceftre , ne feroit iamais vn tel
par Volerandus Pollanus , sous ce titre :
Vcra expositio disputationis institulae mandate que ceftui-ci Archediacre. >• Roper (2).
D. Mariac rcginac in synode ccclesiaslica « Philpot, approchez-vous. Nous avons
(Romae, 1SÇ4) Weston , qui présidait cette oui dire que vous-vous eftes feparé de
dispute, la termina, au dire de Burnet, par
cette menace , qui découvrait le fort et le la congrégation de l'Eglife Catholi-
faible de chaque parti : « Vous avez la pa-
role, et nous avons l'épée. » ( You havc thc
cieté que,
dehorsfalut laquelle; fi il n'y retournez
vous a nulle fo-à
Word, and we havc Ihi su/or d.) Voy. Foxe , icelle, vous trouuerez graee. » Ph. « le
vol. VI, p. jyç : Burnet. Hist. oj Ihc Rcj . fuis ici maintenant deuant vos excel-
i8î7, p. 48); trad. de 168;, p. OJ4.
(j) Ces interrogatoires furent écrits en an lences, appelé par vous déléguez par
glais par Philpot lui-même et traduits en la- la Roine en cefte partie; & pour cefte
tin par Foxe, pour son édition de Bàle .
IÇ59. Sur le conseil de Crindal, Foxe cor- caufe ie vous doi obeifi"ance et la ren- Philpot
rigea le texte de Philpot, qui, écrivant de drai comme il appartient. S'il y a demande que
sa prison, avait commis quelques erreurs.
Voy. la lettre de Crindal à Foxe , dans rien qu'on puifl'e oppofer contre moi, fa caufe Toit
concernant les loix publiques de ce mife en auant.
redit, de ses œuvres, publiée par la Parker
Society, p. JJi. royaume , ie prie que vous me per-
()) Le D' John Story, commissaire de la mettiez iouir du priuilege & bénéfice
reine Marie, fut l'un des plus cruels persé- des autres citoyens. » Ro. « Com-
cuteurs des protestants. Sous le régne d'Eli-
sabeth ,il se réfugia dans les Pays-Bas . où bien que nous n'ayons aucune adion
le duc d'Albc l'employa à poursuivre l'hé-
résie. Ramené de force en Angleterre par (1) Angtici : >• The convocation-house, >■
un navire, sur lequel il s'était introduit pour la convocation ou Chambre ecclésiastique.
ytrouver,
saisir lesil livres hérétiques, qu
fut condamné pouril croyait
crime s'y
de (2) William Roper, l'un des commissaires
de la reine pour la poursuite des héréti-
haute trahison , à être pendu cl écartclé.

ques.
JEAN PHILPOT.

particulière pour vous conuaincre , puiffance de me faire mourir. Quant à m d.lvi.
cela n'empefche point que nous ne l'Euefque Boner, ie le recufe entie- Phiipot
vous puiflions contraindre de vous
rement, d'autant qu'il n'eft point mon recufe Boner.
Juge ordinaire de droit quelconque. »
purger des Coupions qu'on a de vous
St. « Quelque chofe que vous difiez ,
par tout. >i Ph. « Si i'ai commis chofe
contre les flatuts , monllrez-moi ma fi eft-ce que ces paroles ont efté ouyes
faute ; & ie ne demande point que de vous en la maifon de l'Affemblee ,
vous m'el'pargniez fi i'ai mérité d'eftre lequel lieu apartient proprement au
puni. Mais fi vous ne trouuez rien en diocefe de Londres. 'Vous ferez donc
là mené en la tour des Lollards, pour
moi qui ne foit digne d'vn bon fub-
ied , qu'on ne me traite plus fi rude- eftre iugé par l'Euefque de Londres
ment comme on a fait palTé douze des chofes que vous diftes lors en ce
mois. » Ro. « Si le Juge tient en fes lieu-la. » Ph. « Y a-il chofe plus ini-
mains quelque brigand ou meurtrier,
que cefte-ci , que ie fois d'vne mefme
encore qu'il n'y ait que foupçon , fi caufe par deux fois en iugement, prin-
eft-ce que de droit il lui peut former cipalement par vn fur
Juge qui n'a nu!
fon procès & le conftituer prifonnier, droit ou authorité moi.' » Chom- Confeii de
encore qu'il n'y ait probations du for- LEE (1). « Monrtrez-vous docile & Chomlee
fait duquel il ell atteint. » St. « le voi obeifl'ant, comme vn homme fage doit
bien à quel but il tend. 11 femble faire , & ne vous perdez point ainfi.
Pour certain, ie defire vortre bien &
qu'il ait efté inftruit en l'efchole de profit. » Ph. « Seigneur, ie vous prie
2an Gard- Cardmaker (l) , & de fait il a allégué
ker Martyr jgj mefmes raifons. Au refte, ceci ne & fupplie, & les autres ordonnez Ju-
vous profitera de rien ; car le di que ges auec vous , de ne me traiter plus
vous efles hérétique , entant que vous rudement que la loi mefme vous en-
eftes ennemi de la Méfie. » Ph. « le ioint. Et fur tout, monfieur le Doc-
nie que ie fois hérétique , & que nul teur, ie vous prie par cefte amitié fa-
ne pourra intenter aâion contre moi , milière ,laquelle nous auions iadis
linon par ces paroles qui furent der- enfemble en l'vniverfité d'Oxfort, que
en l'af- vous ne procédiez contre moi à la ri-
femblee du nièrement par moi debatues
Parlement (2), en laquelle gueur. »St. u Je vous di que, fi vous
lors , par la permiffion de la Roine & retournez au bon chemin , ne doutez
du Sénat , liberté eftoit ottroyee à vn point que ie ne vous fois ami fidèle ;
chacun de traiter , difputer , & iuger & pour ce faire , ie n'ai point cefte
des difîerens de la religion propofez robe fi chère que ie ne l'employé de
par celui qui auoit la charge de met- bon cœur pour vous faire plaifir. Mais
tre en auant les articles. Pour cela, il ne vous attendez point que ie me mon-
ftre ami à vn homme hérétique. Par-
n'eftoit point conuenable
me detinlfent fi long tempsouen qu'iceux
prifon , quoi dites-moi quelle eft voftre opinion
ou que vous me moleftiez maintenant touchant le facrement de l'autel. »
fur ce mefme fait. » St. ci 'Vous ferez Ph. « Puis que tel eft voftre plaifir Phiipot
mené en la tour des Lollards (]), &
ferez là traité comme il apartient à de prefl"er ma confcience de fi près , fupplie de voir
vn hérétique, & vous fera-on refpon- ie vous prie de me faire ce bien que '^"'' ponim'f-
dre aux argumens mefmes que vous ie voye voftre commiffion ; & quand '""'
vous me l'aurez monftree , ie refpon-
propofaftes là. » Ph. .( Il y a défia drai fur chacun article , autant qu'vne
confcience Chreftienne en pourra por-
long temps que i'ai traité
tière auec monfieur de cefte ma-
le Chancelier, qui ter. » Aucuns de ces iuges eftoyent
ell mon Euefque. Icelui m'a retenu contens de lui monftrer ; mais Stor s'y
oppofa formellement , difant : <• Que
prifonnier iufques àofter
me veut maintenant prefent;
la vie, que s'il
comme toutes fortes de racailles donc ayent
il m'a ofté les biens & la liberté, il en le crédit de voir nos lettres r 11 n'en
pourra faire comme lui femblera, ce que fera pas ainfi , mais il fera mené en la
tour des Lollards. Car cela eft tout
toutesfois
faire ie ne confcience.
en bonne penfe point Etqu'il puifl"e
la raifon arrefté , que toutes les autres prifons
pourquoi il me garde fi longuement en feront vuidees de ces hérétiques, afin
que tant de gens ne vienent vers eux,
prifon , c'eft d'autant qu'il n'a point
qui pourroyent eftre infedez de leur
(1) Voy. plus haut, p. 156.
(2) La convocation. (i) Sir de
Roger Cholmley, SerJeant-at-Law,
(j) Voy. plus haut, p. 202, i' col., note 5. Recorder Londres, et Lord Chie/ Justice,
LIVRE SIXIEME.
1
fedueufement que vous vous monftriez
)j6
contagion. » Pu. " Vous auez puif-
homme fage , fans eftre fi obftiné en
fance de tracalVcr le corps ça & là, où
bon vous fcmblera : cependant toutes- vortre opinion.
vous aux Plulloft
décrets accommodez-
& ordonnances de
fois il n'ell pas en vous de rien ordon- la Roine , afin que vous viuiez. » St.
ner contre l'ame. » Stor. fur cela, ap-
pela Marfhal (i) & lui dit : « Meine a II n'y eut
ceft homme en ta maifon. A auife de diocefe de iamais homme
monfieur en tout le
le Chancelier
le ramener Jeudi prochain en ce lieu. qui fe foit monftré plus obftiné : par-
J'efpere que nous te defchargerons quoi auffi il nous a baillé commiffion
bien tort tant de lui que des autres d'vfer de toute rigueur enuers lui, ou
hérétiques, n Vn de ceux qui là ef- qu'il fuft remis à monfieur l'Euefque
toyent dit à Philpot : « Moiiftrez- de Londres. Que dites-vous ? Reuo-
vous humble enuers monfieur le doc- querez-vous voftre opinion ou non .'' »
teur, comme il efl bien conuenable à Ph. " Autant que mon iugement fe
vn homme catholique. » Ph. « Quand peut eftendre , ie n'ai rien fait que ie
i"auroi fait ou parlé autrement que ma doyue reuoquer. » St. " Quel befoin
confcience me poulTe , ce ne feroit
que vous deceuoir en diffimulant. Et eft-il de procéder plus outre .' Qu'il
foit droit mené d'ici à la tour des
quelle raifon y a-il que me folicitiez LoUards, afin dequeplus
l'Euefque
ainfi à diffimulation deuant Dieu & dres conoilfe près de de Lon-
la caufe.
deuant vous? » Ro. « Nous ne requé- Auffi bien ert-il nourri trop délicate- I
rons point que vous foyez diffimula- ment ,tt lui fait-on trop bonne chère
teur, mais que vous-vous monflriez en ccfte prifon. Car le Geôlier tefti- Le Geôlier
rend bon
fioit hier ouuertement de lui auprès tefmoiRnage d(
homme catholique. » Ph. " S'il y a
chofe en quoi i'outrepalTe TEfcriturc, de fa porte, que c'eftoit vn homme Philpot.
le fuis content d'eftre réputé héréti- doué de grâces excellentes, & qu'en
que. »St. « Vous amenez la S. Ef- toute l'Angleterre il n'y en auoit point
criture ! » Ayant dit cela, il fe leua
foudain, adiouftant ceci : " Et qui fera vn plus fauant. » Apres qu'il eut ainfi
parlé , il fe leua incontinent & s'en
tefmoin de l'Efcriturer » Le secré- alla. CoOK (i). « N'eft-il pas ainfi que
taire. "Ceft homme reffemble à fon vous combattiez opiniaftrenient contre
Wodman compagnon Wodman (2), qui, le iour le facrement de l'autel , quand les
compagnon de
Philpol. auparauant, ne pouuoit fouffrir qu'on Doileurs furent afi"emblez.' Reuoque-
rez-vous cela, ou non.^ )> Ph. a Par le
lui parlaft
faindes d'autres » chofes que des
Efcritures. commandement & la volonté de la
Roine , il eftoit lors ottroyé tS: permis
à vn chacun de propofer fon opinion,
& en mutuelle conférence traiter les
Les aSles de la féconde procédure tenue matières ; & cela ne fut nullement à
audit tobre
lieu M.D.LV.
, le XXIV. iour d'Oc- ma folicitation , ains de quelques au-
tres, tt les grans feigneurs il' confeil-
lers de la Roine y eftoyent prefens. »
Co. « La Roine permettoit-elle que
Ainsi qu'on menoit Philpot deuant
les Juges , vn de fes amis familiers le vous fiffiez l'heretique .' Mais ce n'esft
AducriilTcmcnt rencontrant en chemin , dit : « Le pas mon intention de dcbatre de cefte
de mon. Seigneur vueille auoir pitié de vous, matière contre vous. Monfieur de
Philpot, mon ami; car quant à ce Londres fera celui qui en difputera
auec vous. Que fi vous ne changez
monde, c'en eft fait; i'ai n'agueres oui
dire au dodeur Stor que le Chance- cefte voftre opinion , il pourra bien
auenir finalement que vous perdrez la
lier auoit commandé qu'ils vous fitTent vie au milieu des flammes. » Ph.
mourir en quelque forte que ce fuft. »
Auffi tort que ces Juges eurent con- 0 Premièrement l'Euefque de Lon-
fulté peu de temps enfemble, Chom- dres n'eft point mon Euefque , ne
lee le fit appeler & parla en cefte Juge. D'auantage , i'ai fullifamment
forte : « Philpot , ie vous exhorte af- refpondu de ce fait long temps y a, à
celui qui eft mon Euefque v^' dioce-
(i) Marshall no doit pas ttrc pris ici fain. Parquoi vous me ferez tort en
commecier militaire
nom propre; c'est de
le litre d'un offi-
deux fortes, fi pour vne mefine chofe
ayant charge la prison,
(j) Richard Woodman fut brûlé, avec neuf
autres, le 3J juin 1557. Voy. Foxe, vol. Vljl, Cook , rccordcr de la
cit^(1)deLe Londres.
D' William
P- H4'
3Î7
JEAN PHILPOT

VOUS recommencez à faire mon pro- point noble. » Ph. » L'efgard du


cès ;ie lailTe à parler de la falcherie crime n'abolit point la condition de
de la prifon , & de ce que tous mes la race, encore que le crime fuft digne
biens m'ont eflé pillez. le ne doute de
monmort.
intentionAu demeurant, ce n'eft
de faire valoir point
mainte-
point que ne fâchiez que le droit
commun & les flatuts du royaume nant la noblelTe de ma race , encore
donnent & ottroyent à chacun (quel- moins de m'en glorifier ; & auffi ce
n'eft point à propos ; mais ie prie le Il prie pour
biensque&hérétique qu'iliufques
facultez l'oit) d'vfer de fes
à ce que la teurs.
Seigneur
vous aurez qu'il befoin
vous foit
depropice quand
mifericorde.
vie lui foit oftee. Non pas que ie me fes perfecu-
Mais ce que vous faites, faites le bien
tourmente beaucoup de la perte d'i-
ceux, mais voici qui me fait plus de toft. »
mal , que vous eftes fi rigoureux en- Or après cela, moi (i) & quatre
uers moi pour la confcience , fans autres fufmes menez en la maifon du
auoir ne loi ne droit public qui vous Geôlier, où nous foupafmes. Apres
contraigne à ce faire. » Ch. « "Voire foupé, l'Archediacre me fit appeler en
comme s'il n'eftoit libre à la maiefté la chambre d'vn des feruiteurs de
de la Roine d'examiner & efprouuer l'Euefque de Londres, qui me pre-
la foi d'vn chacun , toutes fois & fenta vn lid pour cefte nuift-la , au
quantes que bon lui femblera. » Ph. nom de fon maiftre. le le remerciai ,
« Demandez à monfieur le dodeur
AlTauoir fi
d'autant que ce me feroit fafcherie de
Cook ici prefent, fi la puilTance fecu- coucher la première nuiâ. en vn lid
la puilVance liere a authorité de difcerner ou dé- mol , & après fur la dure ; ie lui di
feculiere a
aiiihoriié fur terminer des afaires de la foi & reli- que ie me contenteroi de la condition
les affaires de gion. Et mefme vous fauez que Sainèl commune de mes compagnons prifon-
la foi. Ambroife dit que les chofes diuines niers. Parquoi on me mena droit par
ne font point fuiettes à la maieflé Im- le milieu de la rue à la Charbon-
périale. »Cook. « Que dites-vous ?
N'efl-il pas licite à la puilfance poli- Auprèsnièrede
(2) deladite
l'Euefque de Londres.
Charbonnière , il y
tique ,ou au bras feculier, de vous auoit vn petit baftiment obfcur , &
remettre entre les mains de l'Euefque dedans ce baftiment il y auoit des
pour vous faire examiner de voflre ceps de bois , faits exprelTément pour
foi } » Ph. « le ne le nie point , mais ferrer les mains & les pieds ; mais ,
vous ne nierez pas auffi, que plufloft grâces à noftre Seigneur Jefus Chrift,
ils ont emprunté cette authorité d'au- nous n'auons encores ioué fur le cla-
trui , que de dire qu'ils l'ayent propre uier de telles orgues. En ce petit baf-
à eux-mefmes. Mais vous m'auiez timent nous trouuafmes vn Miniftre
Ce minillre
■Witlé, duquel
promis de me monftrer voflre commif- d'Effex, qui auoit grand zèle à la re- efloit Thomas
fion , pour entendre quel droit vous ci-deuant
ligion , acompagné d'vn autre poure
auez de me faire refpondre aux chofes frère (5). Des la première entrée, il l'hiltoire ell
que me propofez par authorité légi- defira me déclarer fes regrets & fon defcrite.
infirmité, de ce que, par la dureté de
time. »Ro. « Et bien, qu'il voye nof-
tre la prifon , il auoit efté contraint de
Le commiffion,
Secrétaire la puisvouloit
qu'il letirer
requiert.
de fon» faire des lettres pour enuoyer à
fein, l'ayant comme pliee, ou quelque l'Euefque de Londres, & par icelles
autre fuppofee pour faire la mine, & quitter fa bonne caufe. Il me conta
la prefenter à Roper ; mais Cook dit : qu'il eftoit tombé en fi griefs tour-
II De quelle façon commencez-vous mens de confcience, qu'il ne s'en fa-
ainfi à procéder? Il ne la verra pas. »
Ph. « Vous me faites donc tort, veu lut gueres qu'il ne fe tuaft foi-mefme.
Et fon poure efprit troublé ne peut
que fans raifon vous m'opprimez ainfi recouurer repos, iufques à ce qu'il fut
par voftre iugement. » Co. « Si nous venu au fecretaire de l'Euefque , qui
vous faifons tort, il eft en voftre liberté auoit la charge de fes papiers & re-
de vous pleindre ; cependant vous fe-
rez enferré en la tour des LoUards. » giftres, & qu'il l'euft prié ae lui monf-

l
trer fa lettre. Quand il l'euft recou-
Ph. « le ne penfe point que me faciez
ceft outrage, fi vous auez le cœur no- ( I ) A partir d'ici , le récit est à la première
ble , de m'enuoyer en cefte prifon fi personne, comme dans l'original.
vilaine, moi qui ne fuis eftranger, mais (2) The coal-house, en anglais.
(;) Thomas Whiltle. Voy. sa notice, dans
de noble race. » Co. « "Vous n'efles ce livre 'VI , à la suite de celle de Thomas
Cranmer.
point noble , car vn hérétique n'eft
22
II.
LIVRE SIXIEME.
Cefl vn urée, la defchira en mille pièces; &
tefmoignaçe Et quand i'eu acheué mon propos, il
de la cauTc de ayant fait cela , il fentit vn grand allé- me dit pour la fin , que fon maillre
Witlé. auoit vne telle volonté enuers moi,
gement en fa confcience. Sur cela ,
F'Euefque Boner ellant auerti, deuint qu'il ne me faudroit en rien de tout ce
comme forcené, & fit appeler ce Mi- qui lui feroit poffible pour mon profit.
nirtrc ; & auffi toll qu'il le vid , il fe Ainfi il nous laiffa. Tort après, l'Euef-
ietta fur lui , le frapant à coups de que enuoya vn gentil-homme de fa
poing à la face, lui arrachant fa barbe maifon pour me faire venir vers lui.
& defchirant fa face. Maintenant donc Eftanl venu , ie le trouuai feul affis à
le certifie à tous fidèles que ledit mi- table, & trois ou quatre preftrots de-
niflre a bon courage , & fe porte bout àl'entour de lui , entre lefquels
ioyeux & alaigre fous la croix , voire ertoit ce charge
Grclfier des
duquel i'ai parlé, qui
auoit la regiftres.
autant pour le moins que quelqu'vn
d'entre nous, deteflant fa première L'evesqve me dit : u M. Philpot,
infirmité. le recite ceci à celle fin ex- ie fuis fort ioyeux de vortrc venue ;
prelTément que les autres eftant ad- donnez-moi la main; voftre calamité
monneflez par ceft exemple, foyent me contrifte grandement. Croyez-moi,
beaucoup plus diligens à fe donner qu'il n'y a pas deux heures que ie ne
garde & auifer de ne bleffer follement fauoi que vous fuffiez ici. Dites-
n'amaf-
qu'ils douleur moi, ie vous prie, quelle eft la caufe
fent confcience,
leur fur de peur
leurs telles fembiable pourquoi on vous y a amené? car ie
des enfers. defire que vous me croyez en ceci ,
que
ne meie puis
ne fai rienesbahir
afTez de toutquelle
l'afaire. Et
raifon
il y a pourquoi les autres me chargent
///. Examen fait deuant Boner, Euef- des afaires d'autrui , & qui ne m'ap-
ûue de Londres, la nuiâ après que panienent en rien; & pour certain, on
Fhilpotfui ferré en fa Charbonnière. me donne vn bruit que ie n'ai pas
mérité. » Philpot lui déclara en fomme
L'evesqve enuoya vers moi vn per- que le principal & commencement de
loanfon. fonnage nommé loanfon (1), qui auoit ceft orage procedoit de la difpute qui
pour lors la charge de fes Regiftrcs. auoit elle tenue en l'affemblce publi-
quement conuoquec. Boner refpondit, Excufes de
Ce(lui-ci m'apporta de par fon mairtre Boner pleines
vn pot de bonne ceruoife, & vn plat s'efmerueillant que pour cela cefte
de viandes, auec vn pain , & me dit de trahirons.
fafcherie lui eftoit faite; mais qu'il
que fon maiftre auoit oui parler de eftoit tres
bienlieux,poffible
moi & de mes compagnons prifonniers il auoitque,monftré
depuis eftre
en d'au-
de
auec moi; dequoi il eftoit fort marri, mefme qu'auparauant , qui pourroit
& defiroit fauoir fi ie receuroi ce qu'il eftre la cefte
dedans caufe fafcherie
de l'auoir& embrouillé
calamité.
auoit enuoyé. le lui di que rendoi
F-aces à mon Dieu de ce que monfieur Ph. » lamais homme n'a oui fortir vn
Euefque a vfé de telle beneficence , feul mot de ma bouche , hors mis ces
d'auoir daigné faire cefte aumofne, & articles pour lefquels il eftoit accordé
eflargi tel bien à moi & à mes com- entre nous d'en difputer librement,
par la permiflion de la Roine A de
pagnons. Pour
faloit point refufer vn eftimé
cela i'ai qu'il ne
tel bénéfice
offert. Et incontinent ie fi mes frères tout le parlement. » Bo. << Mais i'ef-
tinie qu'il» ne
les loix. Ph.in'eft pointla permis
" Selon félonie
loi ciuile,
participans de cède libéralité, rendant
le confeffe ; mais, félon la loi diuine,
grâces à Dieu, qui, par nos aduerfai-
res mefmes, vouloit repaiftre fes poures vous le pouuez faire. Car faind Pierre i. Pierre i. i).
brebiettes. loanfon me dit : « Mon- nous commande que nous foyons
fieur l'Euefque defireroit bien fauoir prefts à rendre raifon de noftre foi &
la caufe pourquoi vous auez efté ici cfperance à ceux qui la nous deman-
deront. "Bo. « Saind Pierre voi-
enuoyez, car il dit qu'il n'en fait rien rement le tefmoigne ainfi. le vous
du tout , & s'efbahit comment on le
peux donc bien iuftement demander
charge des caufes d'autrui . voire &
principalement de ceux qui ne font que c'eft que iugez du facrement de AlTauoir fi à
point de fa iurifdidion. ■ Sur cela, ie l'autel. » Ph. « S. Ambroife cnfeigne chacun nous
lui déclarai toute la caufe par ordre. qu'on ne doit faire difpute de la loi , fommcs tenus
fi ce n'eft en grande aft"emblee de rendre
conic de
nortre foi.
(i) Johnson, regislrar de l'évÉque. ceffité ne m'eft point impofee de
Lane-
JEAN PHILPOT. 359
rendre raifon de ma foi particulière- dit le Prophète, en chofes mauuaifes, m.d.lv.
ment au premier qui me viendra for- plufioft vous deuriez pleurer , & eftre
mer quelque qucftion, finon qu'il y ait contriflé. Nous-nous
« Ph. «quelques efiou'i'f-
fons en chantant Pfeaumes, Prou. 2. 14.
efperance d'édifier. Or maintenant la
chofe va de telle façon , que ie ne
félon
efiouir que
au l'Apofire
Seigneur, commande
par hymnesnous& Ephef. 5. 19.
pourroi fans danger de ma vie décla-
rer quelle eft mon opinion touchant chanfons fpirituelles; & ne penfe point
ceci. Et pourtant, comme le mefme que foyez tant oflfenfé pour cela. »
Bo. « On vous peut ici mettre en
Ambroife refpond à 'Valentinian : Of-
tez la Loi, & il n'y aura plus que dé- auant ce que iadis lefus Chrifl repro-
bat. Et neantmoins s'il me faut entrer en FEuangile,
choit auons difant : Nous Mauii. 11. 17.
en iugement public , & que là icelle vous chanté & ioué de fleutes,
Loi me contraigne déclarer mon opi- &Boner
vous fen'auez
nionie
, ne faudiai à faire ce que ie doi . trouua point lamenté. , comme
fors perplex » Lors

voire autant ouuertement qu'homme s'il euft e([ê bien profond en la fange,
qui fe foit trouué deuant-vous. » Sur ou bien auant dedans les buiffons ,
cela Boner lui demanda quel aage il comme on dit. Car fe fafchant de ce '
auoit. Philpot refpondit qu'il auoit qu'il ne pouuoit trouuer le paffage, fi
Notez comme quarante quatre ans. Bo. « Vous ne tort qu'il eurt voulu, il eut fon recours
peu à peu faites pas donc profeffion de la foi que à fes Preftrots, à ce qu'ils le remilfent Tel maistre,
^inihiué ^"-"^ parrains & marraines faifoyent , mais ietoute
mémoire Alors mémoire , '"^'^ valets,
jadis, quand ils vous ont porté fur les en fa perdue.
eftoit fuppleai leur
fons, lors qu'ils fe conftituerent pleige faute , & monftrai le pafTage où cela
pour vous enuers Dieu » Ph. « Je fai eftoit efcrit ; qui toutefois ne feruoit
profeffion de celle mefme foi , grâces
nullement à propos, ainfi qu'il eftoit
au Seigneur.
tizé Et Chrift
en la foi de de faitcommune
i'ai efté auec
bap- allégué ; finonenqu'il euft voulu fafcherie
dire que
nous eftions perpétuelle
eux, laquelle ie maintien encore au- & triftefte, d'autant qu'eux, mefme en
iourd'hui. » Bo. « Comment fe pour- riant , ne lailTent pas de nous chanter
roit faire cela, veu qu'il n'y a qu'vne chanfons fafcheufes
autre chofe & triftes,
en la bouche que n'ayans
le feu
Ephef. 4. ç. mefme foi? « Ph. « S. Paul nous en-
feigne que , comme il y a feulement & les fagots. Poursuyuant donc
vn Dieu , ainfi il n'y a qu'vne feule mon propos, ie lui di : « Monfieur,
foi, & femblablement vn feul Bap-
eftans ferrez & preft'ez en prifon obf-
tefme, duquel auffi ie fuis fait partici- cure , nous auons befoin de récréa-
pant. I)Bo. « Il y a vingt ans paflfez tion ,de peur que félon la fentence
que vous teniez vne autre foi que celle de Salomon : La trifteft"e autrement Prou. 25. 20.
que vous fuyuez maintenant. » Ph. defmefuree n'engloutift'e le cœur. Et
« le n'auoi point lors de foi, & ne fa- pourtant
marri i'efpere
de nos que vous
Pfeaumes ne ferez
ou chanfons
uoi de quelle religion i'eftoi ; ma vie fpirituelles, veu mefme que S. Jaques laq. .;. 15.
eftoit fale & orde, & pleine d'impiété, nous admonnefte. que celui qui a
ie n'eftoi ne froid ne chaud en la
crainte de Dieu. » Bo. « Quoi donc ?
l'efprit
retirant alaigre chante.
me donna le bon» L'Euefque
foir & bonnefe
iugez-vous que la foi de laquelle nous
autres faifons auiourd'hui profeffion , nuiâ. 'Vn de fes preftres, nommé Co-
foit impure & fouillée ? » Ph. « le
voudroi bien vous fupplier, que ne me fin (i), refraifchiff'ant fa familiarité an-
contraigniez point de refpondre à cela. cienne, me pria que ie ne vouluft"e
eftre réputé feul fage. le lui di , fai-
fant allufion fur ce mot Singulier, que
le puis bien affermer ceci, que l'au- Salotnon denonçoit : « Malheur à
thorité de l'Efcriture, & la primitiue
Eglife, & tous bons & fauans dodeurs
ne difcordent en rien de la reigle de l'homme feul. » Apres ie fu ramené à Ecclef. 4. 6.
la Charbonnière de l'Euefque de
cefte foi, à laquelle ie me fuis adonné. » Londres , où ie demeurai toute cefte
Bo. « Et bien, ie vous promets cela nuiâ, auec fix autres mes compagnons
que ie ne vous veux non plus de faf- prifonniers, & dormifmes fur la paille
cherie qu'à, moi-mefme. Et pourtant autant doucement (grâces à noftre
ie me déporte de preflfer plus outre
voftre confcience pour maintenant. le Seigneur Jefus) que font ceux qui s'ef-
gayent dedans des lids bien mois.
m'esbahi feulement de ce qu'on vous
void fi ioyeux en la prifon, & que
chantez ainfi, & vous efgayez, comme
(i) Le D' Cosins, chapelain de l'évêque.
LIVRE SIXIEME.

340 foliciter à prier Dieu; car, entre autres


La beflifc &
chofes, ils s'enorgueillitTent & glori- impudence de
fient , ne difTerens gueres en cela ccfl Euofque.
Au quatricfme examen contre Philpol,
quaire Ëuefqttes furent defule:^ pour d'aucuns hérétiques, defquels Pline
fait mention en fes Epiftres, qui chan-
mquifiteurs,
Londres, de àBade,
jauoirdel'Eue] que de
Wis^orne & toyent des Hymnes ou cantiques
auant iour. » Ph. « Monfieur l'Euef-
de Glocejhe (i), au mois d'Oàobre
M.D.LV. que, Dieu vueille que moi & tous
ceux qui font ici fuffions hérétiques
femblables à ceux-là qui chantoyent
L'evesqve de Londres dit : « Phil- les Hymnes de cefte façon auant iour,
pol ,il a femblii bon à meffieurs les car, pour certain, ceux-là eftoyent vrais
Euefques ici prefens de difner chez Chreftiens ; defquels la tyrannie de
mon Archediacre ; entre autres pro-
pos, on a fait mention de vous à table, ce monde n'a peu foufTrir la fainc-
teté. » Sur cela Philpot, ayant eu
& plufieurs qui, dés long temps, vous congé de parler, dit : « Magnifiques
ont conu au nouucau collège de l'vni- feigneurs & Juges honorables, il y a
uerfitô d'Oxford, font fafchez de vof- douze mois & plus que ie fuis prifon-
tre defplaifir. Pour cefte caufe, ie vous
ai fait maintenant ici venir], penfant , nier fans le mériter, autant que i'en
puisconoiftre ; &, fans l'auoir deferui,
puis que i'auoi tant d' Euefques fauans on m'a pillé tous mes biens , & outre
en ma fans
aller maifon, qu'ils quelque
receuoir ne s'en deuoyent
fruift de tous ces torts , on m'a tiré hors du
lieu où mon procès deuoit eftre fait.
vous. Parquoi lî vous auez quelque
chofe à dire , parlez franchement]; & S'il y a donc chofe qui foit venue à
nous, de nollre part, nous procurerons voftre conoin"ance , ou fi vous auez
chofe de quoi on me puiffe accufer,
en toute douceur& bénignité qu'il vous me voici preft pour me purger, ou
foit fatisfait. " L'euel'que de Bade le fouffrir ce qu'aurai deferui. Que s'il
fuiuit & dit : » Afin que vous fâchiez,
Philpot, meffieurs qui font ici ne font n'y a rien, i'implore voftre équité, que
vous me faciez fortir hors de prifon. >>
point alTemblez pour eAre comme
fpeftateurs de quelque ieu ou farce , Bo. 1 II me fouuient que, lors qu'il
eftoit dernièrement auec moi, il fe di-
ne pour vous flatter; mais charité les foit Legifte, & proteftoit de ne refpon-
a amenez pour parler à bon efcient dre es chofes qui apartienent à la foi,
auec vous, & procurer que vous-vous
amendiez, & foyez réduit à la droite finon que toute l'Eglife y fuft prefente,
affauoir en lieu où il peuft faire valoir
voye de l'Eglife catholique." L'ev. de fon ambition, & obtenir aplaudilTe-
Wigorne : " Auant commencer, il efl ment. » Ph. « le ne difoi pas que ie
befoin qu'il face quelque prière à
Dieu, afin que le fentiment de fon fulTe Legifte , & certes ie ne me l'at-
cœur foit préparé, & foit rendu capa- tribue point aprenti
Quelquefois , combien que i'ai
en cefte efté
faculté,
ble de receuoir la fainde & bonne
& ai apris de ne me fourrer plus auant
dodrine.» Philpot fe mit incontinent
à genoux, <& dcuant eux fit cefte prière en procès qu'il n'eft befoin. lufquesà
Oraifon de ce poind-la ie puis me dire Legifte. i>
Philpol. à Dieu : " O Seigneur éternel A tout- Bo. «' l'ai dequoi me plaindre de vous,
puiffant, duquel tous threfors de fa-
pience& intelligence découlent comme voire àfait
auez bonfaute
droit, d'autant
dedans que vous
les limites de
de la fource & fontaine vnique, i'in- ma iurifdidion, difputant contre le fa-
uoque ta mifericôrde infinie, <& te
fupplie de bon cœur, au Nom de ton crement
roi à bon dedroit
l'autel. Pour procès
intenter cela, iecontre
pour-
Filsfapience
lefus, que vous, félon les loix & ordonnances. »
de , à tu
moimepourc
donnes l'efprit
& indigne Ph. « Ce fut au temple de S. Paul
pécheur, afin que ie puiffe refpondre que cefte difpute fut tenue ; & ce lieu
en ta caufe, A fatisfaire en l'afTcmblee
ici prefente ; & que, de ma part, ie (félon iurifdidion,
voftre i.ion opinion)
ainsn'eft point de
apartiont au
puilTe cftre par ta parole redrelTé en
ce que ie faudrai. » Bo. " Monfieur Doyen du lieu,& c'eft pourquoi ceux
qui parlent en termes cle droid, met-
de Wigorne , il n'eftoit befoin de le tent cefte diftindion : De voftre dio- Dirtinflions
cefe ; & non point : En voftre Dio- nillcs.
(i) Les évoques de Londres, de Bath, de cefe. Mais laiftTant telles raifons , ie des Cano-
Worccslcr et de Gloucester. protefle deuant Dieu & deuant Je-
JEAN PHILPOT.
M.D.LV.
fus Chrift, fon Fils éternel mon Sau- SvR ce propos, Harpsfild, qui eftoit Le paffage
d'Irenee mis
ueur, & déliant le faind Efprit & les de nouueau Chancelier de Londres,
Anges de Dieu , & deuant vous, que en dispule.
va produire vn liure d'Irenee, auquel
ce que i'ai fait maintenant, n'eft point on voyoit des feuillets pliez. Il le
par quelque obftination, ou amour de prefenta aux Euefques qui eftoyent
moi-mefme , ou pour defir que i'aye en perplexité, pour leur aider. Et
d'acquérir réputation; mais ie le fai auffi toft que les Euefques de Glo-
en fimple conlcience , & d'autant que ceftre & de Bade eurent regardé de- 541
i'y fuis contraint parla parole de Dieu, dans, l'Euefque de Gloceftre le bailla
de laquelle ie n'ofe me deflourner, de à Philpot pour le lire, lequel, l'ayant
peur de condamnation. Et c'eft ci la regardé, dit : <» Ce paffage ne m'eft en
caufe pourquoi ie fuis aucunement rien contraire, mais bien aux Dona-
plus véhément en ces chofes. i' Bo. tiftes & autres hérétiques, contre lef-
« le ne ferai point d'auantage d'ennui quels Irenee débat qu'on ne leur doit
à ces feigneurs , veu que vous refufez adioufter foi; d'autant qu'en Europe
de defcouurir ce que vous fentez en la principale Eglife auoit efté bien in-
voflre cœur. » Ph. « Reuerends pè- flituee & fondée; &, depuis fon com-
res , vous fauez bien que la raifon mencement &première origine, auoit
principale pourquoi vous reputez & toufiours demeuré entière par fuite &
moi & mes femblables pour héréti- ordre continuel d'Euefques fidèles,
ques confifte en cela : Que nous ne
retenant la pureté de l'Euangile qu'elle
confentons point auec vous en l'vnité auoit receuë des entre
Apoftres, ce qui n'a
de l'Eglife. Vous debatez que voftre point efté fait les hérétiques.
Eglife eft vraye Eglife ; nous mainte- Et les
par doit
tel argument il conferme qu'onfi
nons que c'efl la nortre. Vous tenez ne point ouir. Maintenant,
pour hérétiques ceux qui ne font point vous pouuez affermer le mefme de
vnis auec la voftre ; & nous au con- l'Eglife Romaine, il vous fera auffi à
traire. Parquoi, meffieurs les Prélats, prefent loifible de debâtre contre moi
fi vous auez vrais argumens pour
de pareil droit
debatoit alors& contre
authoritéeux.
qu'Irenee
Mais
aprouuer voftre eglife , comme nous
pourde maintenir l'eglife Romaine, depuis ce temps-la,
rai bon cœur laà voftre
noftre, iugement;
i'acquiefce-
ce s'eft abaftardie de la vérité & fimplicité
qu'autrement ie ne pourroi faire bon- de l'Euangile, de laquelle elle fe re-
nement. »Bo. « Monfieur Philpot ,
fentoit encore du temps d'Irenee. »
quelle foi auiez-vous il y a vingt ans? L'evesqve de Wigorne. << C'eft chofe
toute notoire, par les tefmoignages
C'eft merueille, que ceft homme-ci de tous les anciens Doéleurs, que
change de foi tous les ans, tantoft
d'vne façon, tantoft d'vne autre. » Ph. l'Eglife Romaine a toufiours gardé la
« le confeffe vrayement ce qui eft vérité fur toutes autres, & que, iufques

b
vrai : le n'auoi point de foi pour lors, à cefte heure, elle n'a point efté fouil-
& ma vie eftoit pleine d'impiété, & ne lée d'aucune macule d'erreur, iufques
fauoi en quelle façon que ce fuft, que à ce qu'aucuns hérétiques fe font, de-
c'eftoit de Dieu ni de Religion. » Bo- puis quelque temps, ,efleuez,
ner dit à l'Archediacre Cole : « Mon- diffamée & blafmee par leurqui l'ont
orgueil
fieur, fivous auez quelque chofe à & ambition. » Ph. « Juges honorables,
difputer contre lui, monftrez-le main- eftimez-vous que i'aye le loifir, eftant
Allej,'ation tenant. »Col. « Que dites-vous .> fi en fi piteux eftat , en fafcheries & an-
d"vn concile
gênerai. ie vous monftre qu'il a efté ordonné, goifl"es, voire & en danger ou de per-

I
en vn Concile gênerai du temps dre la vie corporelle entre vos mains,
ou la vie éternelle deuant Dieu , de
d'Athanafe, que toute l'Eglife Chref-
tienne fe deuoit arrefter au iugement
penfer à l'amour de moi-mefme & à
& à la fentence de l'eglife Romaine.' feruir à ambition.' mais i'aime beau-
combien que maintenant il ne me fou- coup mieux tomber en vos mains, que
uiene du abufé
pan"age. » Ph. " Sifauriez
ie ne périr enuers Dieu. »
fuis bien , vous ne me Col. « Il appert par Eufebe , que
monftrer ce que vous dites du temps
l'Eglife Romaine a efté premièrement
d'Athanafe, lequel inftituee & eftablie à Rome par S.
cile de Nicee, où ferien
trouua au Con-
de femblable

I
Pierre & faindPaul. D'auantage, que
ne fut déterminé. » Col. « Encore que fainâ. Pierre mefme y a prefidé par
cela n'ait point efté fait lors, toutefois l'efpace de 25. ans. » Ph. « Si on
il a peu eftre fait en vn autre temps. » confère ces chofes auec ce que faind

i
LIVRE SIXIEME.

Paul recite au premier chapitre des feul refifter à toute la multitude des
H2 Chreftiens. » Ph. " Le plus fouuent
Galates, tant s'en faut que nous trou- le monde & la multitude de ceux que
uions Cela eflre vrai , que pluftoft on
verra vous appelez Chreftiens (qui cepen-
Aiïauoir li Pierreclairement
a demeuréqu'à
en grand'peine faind
la ville de Rome dant ne font Chreftiens que de nom
S. Pierre a
demeuré à & de titre) ont la vérité en haine à. la
la moitié de ce temps. S'il a vefcu
Rome. perfecutent. »
trentecinq ans depuis qu'il fut appelé
à l'office d'ApoQre, par certe Epiftre L'ev. de Gloceftre. « Auez-vous
aux Galates on peut conoillre que S.
Pierre a demeuré plus de 18. ans en opinion que toute l'Eglife de Chrift
foit aueugle, & que vous feul chemi-
la ville de lerufalem, après la mort de niez en lumière .' » Ph. « Cefte Eglife
l'Eglife
Jefus Chrift.Pierre
»Coi..aux« Qu'eft-ce à laquelle vous portez fi grande reue-
crit faind Galates } qu'ef-
» Ph.
I. rR. & 2. II. rence, n'a iamaisefté iufquesici l'Eglife
i< Non point faind Pierre, ains faind vniuerfelle. Car comme ainfi foit que Difpule fur
Paul, efcriuant aux Galates, fait men- le monde diuifé en trois , comprenne vniuerfelle.
tion de S. Pierre, & du temps qu'il a l'Afie, l'Afrique & l'Europe, les deux
demeuré en lerufalem. Joind que ie
parties de ces trois, alfauoir l'Afie &
pourrai bien prouuer, tant par l'autho- l'Afrique, ont toufiours refifté iufqu'à
rité d'Eufèbe mefme, que par les hif- prefeni à la primauté du Pape. » Glo.
toires des autres, que l'E^life Romaine a Cela n'eft vrai, car, au concile de
a failli manifedement ; mais en ceci il Florence , toutes ces Eglifes eftoyent
n'eft befoin d'autre argument , finon d'vn mefme accord. » Ph. « Il eft
de faire comparaifon de l'vne des Egli- bien vrai qu'aucuns femerent ce faux-
fes
auecà la
l'autre , affauoir
» Bode «laCeft
primitiue bruit,que feaprès
Sorneiies de
Boner.
Romaine. hom- furent que ceux d'Afie
départis; & d'Afri-
mais les chofes
me-ci refTcmble vn perfonnage, dont qui fe font enfuyuies ont bien monftré
l'ai leu autrefois, lequel, eflant tombé qu'il en alloit tout autrement. » Glo.
en defefpoir, s'en alla en vne foreft « le voudroi que me refpondiffiez à
pour fe pendre , & quand il fut là ceci : Qui fera finalement le luge
venu , après auoir ietté les yeux fur pour décider les differens qui fe lo-
chacun arbre, il n'en trouua point de uent ordinairement entre les Chref-
propre ,y &fuflqui fuft ;digne qu'vn tel tiens .'' » Ph. <i La parole de Dieu
nomme pendu mais, monfieur, tefmoigne cela. Les paroles, dit lefus
pourfuiuez à difputer contre lui. » Chrift, que ie vous di porteront tef-
L'ev. de Wigorne. u Eftimcz-vous que moignage contre vous au dernier iour.»
Nolez ceci
Glo. « Que fera-ce fi vous entendez
deceiiër vniuerfelle
l'Eglife n Ph. « S. puilTe faillirefcriuant
Paul, & eflre
aux ThefTaloniciens, fignifie ouuerte- ces paroles d'vnc façon & moi d'vne en maiicre de
feré à »laPh.primitiue
autre? Eglife. fera
« Le iugement de- doute,
» Glo.
ment , qu'es derniers temps deuant
l'aduenemcnt de Chrift, il y aura ,vne& « 'Vous entendez les Codeurs qui ont
reuolte commune & vniuerfelle efcrit en ce temps-la. Mais que fera-ce
fi les Codeurs mefmes font tirez en
Chrift(dit-il)dit qu'il ne viendra point,
que premièrement ceftc reuolte ne foit diuers fens, & non point eu vne autre
2. ThelT. 2. j. venue. » Col. « Ce reuoltement du- façon f Faudra-il toufiours plaider }
quel faind Paul fait mention, ne doit
L'auis qui approchera de plus près du
eftre du
entendu de l'apollafie de la foi , principal patron & original des faiiides
ains reuoltement de la monarchie Efcritures doit tenir. >i Sur cela, mef-
de l'Empire Romain. Et le mot Grec, fieurs les Euefques fe leuerent de
Difpule fur le Apoftafic, le déclare alTez. » Ph. « Ce leurs fieges , & ayans pris confeil en-
mol tafie.
d'Apof- femble, efcriuirent ie ne fai quoi en
mot d'ApoJlafie fe rapporte
ment àla foi. Pour propre-
cefte raifon , on
appelle Apojlal celui qui fe reuolte de vn papier, & i'ai cefte opinion qu'ils
la foi. Auec ce, faind Paul, bicntoft delioeroyent
Et ie fu ramené de l'eft'ufion
en ma de mon fang.
Charbon-
La mcCmc 2. 7.
après ce pafTagc mefme , parle de la nière. »
ruine de l'empire, en forte qu'il ne
lailTe plus matière de douter. » Col.
<" L'Apoftafiede dénote
feulement la foi reuoltement
, mais auffi non
de Les Aêîcs du cinquiefmc examen fait
l'Empire, qui feroit facile à demonf- pLir les Inquifiteurs qui s'enfiiyuenl ,
trer. » L'ev. de Wigorne. » J'ai com- les Euefques Je Londres, de fioehef-
paffion, vous voyant en cefte façon
tre , de Convenirie, d'Alfe, & qucl-
JEAN PHILPOT. 345
ques autres Eucfques, auec le fquels Roine ou du royaume. » Ph. « Mef- m.d.lv.
fleurs, fi la chofe eftoit telle que, par
ejîoyent Stor& ,quelques
Pandclton, Curtop ,autres
Saf'erfon
ae la, authorité publique & expreffe ordon-
Cour de la Roine , tant prcjlres que nance du Prince, elle fut mife en auant
Confeillers & gentils-hommes (i). par le Commiflfaire ou Parlier, pour
eftre traitée en public; celui qui en
traiteroit, feroit-il tenu du crime de
BoNER, Euefque de Londres, com- lefe maiefté } »
mença ceft examen, & dit : « M. Phil-
Les gens de la Roine. « A ce que
pot, il y a ici derechef plufieurs excel-
îens & fauans hommes, qui, à ma re- nous voyons, la chofe n'eft point ve-
quefte, n'ont fait difficulté de prendre nue iufques à ce danger qu'il n'y ait
la peine pour cercher voftre profit. efperance, moyennant que vueilliez re-
tracer les chofes que vous mainteniez
Comme demain
donner ainfi foit la
quedernière
i'aye délibéré de
fentence alors trop obflinément. » Ph. « Je n'ai
que trop defcouuert mon intention, en
contre vous (car il m'eft ainfi com-
mandé) i'ai toutesfois penfé de vous l'examen précèdent, aux Euefques. l'ai
fecourir en tout ce qui me fera poffi- demandé , Que s'il y auoit quelqu'vn
ble, moyennant que de vortre cofté qui vueille ou puifte prouuer que
vous quittiez quelque chofe de voftre l'Eglife Romaine, de laquelle vous-
vous vantez, foit l'Eglife catholique,
obftination, & qu'accordiez auec nous. »
Admirable Ph. » Monfieur, ie n'atten autre chofe ie promets me rendre. » L'ev. de
force & jg vous que la mort, laquelle ie fuis Conventrie. a N'adiouftez-vous point
confiance. ' n j- j r j i-i. -n
prend endurerpourl amour de Chnlt.i) foi au Symbole, où il eft dit : le croi

Bo. «■ Il n'y ona apas l'Eglife catholique ? » Ph. « J'aduouë L'Eglife


mon diocefe oui longtemps
de vous vnequ'en
he- cela, mais
refie toute nianifefte, laquelle vous lieu que ce ie
foitn'ai oncques
, que trouué
cela foit en cathohque.
dit de
auez ofé maintenir. Ceft la caufe Rome, & c'eft là le principal poinft de
pourquoi ils ont penfé que la conoif- noftrechofe
vne queftion.
toute» L'ev.
notoired'Afl'e.
, que « faind
C'eft .
fance de ce fait, qui a efté perpétré
dedans les limites de ma iurifdidion, Pierre a bafti & dreffé l'Eglife catho-
lique de Rome , lefus Chrift ayant
m'apartenoit. » Ph. « Puis que telle
dit : « Tu es Pierre, & i'edifierai mon Matth. 16. 18.
eft la liberté de l'ancien priuilege du
Parlementauoit
, duquel l'affemblee que Eglife fur cefte pierre. » D'auantage,
touchez fon authorité , il eftoit qu'en cefte ville-la il y a eu vne fuc-
licite à chacun de dire franchement ceffion & fuite continuelle d' Euefques,
fon opinion touchant les chofes mifes & tellement qu'il n'y a point vn autre
en auant, & n'eft raifonnable que ie lieu duquel on puift"e auffi bien monf-
fois maintenant recerché pour ce faift. trer cela, qui efl vne marque certaine
S'il y a en cefte compagnie gentil de l'Eglife catholique , comme les
Dodeurs tefmoignent. » Ph. « Ce
homme de la Roine, qui ait efté pre- que vous dites tout notoire eft du tout
fent à la difpute, il peut ici rendre
incertain , & ne faut autre paffage ,
tefmoignage que ce ne fut point moi
qui amenai ces propofitions ; mais le pour le monftrer , que celui que vous
Parlier (2) ordonné par la Roine qui, auez allégué : « Tu es Pierre, & i'edi-
par fon ordonnance , propofbit liberté fierai mon Eglife fur cefte pierre-, »
à chacun qui deuoit difputer en cefte finon que vous monftriez que par la
pierre Rome foit entendue. Et quant
aflemblee-la.» A quoi quelques gens de à la fuite ou fucceffion des Euefques ,
la Roine , qui là eftoyent (5) , dirent :
« Encore que le Parlement foit vn tirée depuis fainft Pierre, cela ne fuf-
. lieu de liberté , nonobftant il ne fera fit pas pour prouuer l'Eglife catholi-
point licite à quelcun de dire chofe que ,finon que vous faciez aparoiftre
par laquelle il offenfe la Maiefté de la que la foi que tenoit faind Pierre ,
fur laquelle l'édifice de l'Eglise eft
apuyé, ait» toufiours duré en fes fuc-
ceflfeurs.
(i) Cet examen eut lieu devant les évêques
de Londres, Rochester, Coventry, Saint-
Asaph, et un autre que Philpot ne connais- Bo. « Y a-il plus d'vne Eglife ca-
sait pas , et devant d'autres prêtres et digni- tholique En
? quelle foi auez-vous efté
taires le
, D' Story, Curtop , le D' Saverson, premièrement baptizér » Ph. « le re-
le D'
hommes. Pendleton , et autres prêtres et gentils- conoi vne feule Eglife catholique &
(2) Anglicc : » Prolocutor. » Apoftolique, de laquelle ie fuis mem-
(;) Anglicè : " The Queen's Gentleman. » bre , grâces à mon chef lefus. En
Î44 LIVRE SIXIEME.

outre, ie fuis de certe mefme foi, en l'Eglife catholique puiffe faillir en la


doarine, mais voici ce que ie requier,
laquelle i'ai du commencement efté
baptizé en Chrift. » L'ev. de Con- aft"auoir qu'on me monftre par raifon
ventrie : <i Sauez-vous bien ce qui eft que l'Eglife Romaine eft cefte Eglife
fignifié parce mol Catholique.' Dites-le catholique que nous difons. » Cvr.
nous, fi vous pouuez. » Ph. « le ne « Cela peut eftre prouuvé, qu'Irenee
fuis point fi rude, grâces à mon bon (qui eftoit cent ans après la mort de
Dieu , que ie ne fâche bien cela. La lefus Chrift) s'en alla vers Vidor,
Que fisnitie foi foi Catholique, ou l'Eglife catholique, Euefquc de Rome, pour lui demander
catholique. ^le fignific pas ce qu'on penfe coulUi- confeil touchant quelques hérétiques,
mierement , afiauoir ce qui ert vniuer- lefquels il faloit excommunier : ce
fel , ou ce qui efl receu par la plus qu'il n'euft fait à mon auis, s'il ne
grand' part des hommes (auquel fens l'euft reconu pour fouuerain Euefque
vous prenez l'Eglife & la foi . comme de l'Eglife. » Ph. « Ce qu'Irenee a
mefurans l'Eglife par la multitude des fait ii'eftablit non plus la caufe de
hommes), mais i'eftime la foi & l'Eglife l'Euefque de Rome, que fi moi, eftant
ainfi que faind Auguftin en baille la de- à Rome, i'eufi'e parlé au Pape. Mais
finition : " Nous ertimons (dit-il) la foi pour venir au poind, eft-il vrai-fem-
catholiûue par les chofes paffees, pre- blablc qu'Irenee ou la première Eglife
fentes èc à venir (i). » Et pourtant fi, ait tant attribué à l'Euel'que de Rome, n'ont attribué
Conciles qui
par fuffifantes raifons , vous prouuez
que cefte vodre foi & Eglife , que vous veu que fept Conciles tenus l'vn après
l'autre, fans qu'il y en ait eu entre rité au ficgc
appelez Romaine, félon la reigle de
deux, & ce après le temps d'Irenee", grande autho-
S. Augufiin , a efté des fa première ne lui ont point attribué cefte autho- Romain.
origine, & efi encore, & fera toufiours rité .' Par cela peut-on conoiftre que
telle qu'elle eft maintenant , à bon la première Eglife n'a iamais tenu le
droicl vous pourrez eftre tenus pour
Pape pour chef. » 'Vn autre Euefque.
Que lignifie catholiques. Catholique eft vn mot '< On ne pourroit fatisfaire à ceft
Caihoiique. Grec , qui fignifie comme Tout entier. homme pour quelque raifon qu'on lui
Par ainfi Eglife catholique ou Foi ca- puift'e amener. Parquoi fi on veut plus
tholique fignifie autant que fi nous di- difputor contre lui, ce ne fera que
fions Entière, Première ou principale. » peine perdue. » Ph. « Seigneurs dé-
Bo. » Monfieur Curtorp , fainft bonnaires, lequel eft le mieux fondé,
Auguftin parle-il ainfi que ceftui-ci
dit? >' CvR. c. Vrai eft que faind Au- ou celui qui s'apuye fur l'exemple d'vn
guftin, efcriuant contre les Donatiftes, homme qui d'auanture s'en alla à
Rome, ou celui qui, produifant tant
a qLielque chofe qui aprochc de cela, de Conciles , affauoir de Nicee ,
affauoir qu'on doit mefurer la foi ca- d'Ephefe premier l't fécond , de Cal-
tholique parles temps paft'ez. A qu'elle cedone, de Conftantinople & de Car-
doit toufiours eftre gardée & gouuernee thage, monftre ouuertement que la
félon le temps paffé, tant de nous qui chofe a efté toute autre encore long
fommes prefcns, que de ceux qui font temps après .' Au refte , au lieu de
à venir; toutefois cela ne fe doit faire reciter toutes les marques de la diffé-
félon la nouvelle façon telle que les rence d'entre l'Eglife primitiue &
• Donatiftes l'ont controuuee. » Sur celle de Rome , ce fera aft'ez fi l'en
cela l'Euefque de Conventrie, voulant propofc deux pour cefte heure , afta-
uoir la Primauté Si la Tranffubftantia-
qu'on apportaft le liure de S. Auguftin,
Boner s'cfcria & dit : « Laift"ez cela, tion. n Cvr. « Quant à la Tranffub- La tranlTubf-
tantiation
monfieur, autrement ie vous promets
en bonne foi que ie me déporterai du ftantiation , combien qu'à grand' peine quand elle a
il y ait guercs plus de trois cens ans elle edablie.
tout, & m'en irai d'ici. Quoi! auez- qu'elle a efté eftablie pour article de
foi, neantmoins elle a efté toufiours
vous opinion que l'Eglife catholique
ait quelquefois erré, excepté depuis reccuë & creuë en l'Eglife de Chrift. »
bien peu de temps , auquel aucuns per- Ph. "Vousauez dit vrai en cela, qu'il
fonnages, delailîans cefte Eglife, ont
mieux?aimé adhérer à leur opinion , à n'y a pas long temps que le Pape l'a
introduite & rapportée entre les arti-
laquelle ils attribuoyent trop.' » Ph. cles de la foi ; mais, quant à la primi-
" Ce n'cft point mon opinion que tiue Eglife, «(Tauoir qu'elle a ainfi
crcu , cela ne pourra eftre nullement
(i) " /Cstimamus fidem catholicam a rébus recueilli d'aucun efcrit de tous les
prœlcritis, prœscnlibus et futuris. " Dodeurs anciens. »
345
JEAN PHILPOT.

SvR cela, Curtorp, homme enten- nement verfé en la théologie Scho-


Théologie de
dant mieux qu'il ne donnoit à conoif- laftique , autrement la théologie de
tre, fe retira en arrière; car ce lui Purgatoire. » Sa. « Dites ce que vous Purgatoire.

eftoit alTez qu'il cerchaft des efchap- voudrez, fi eft-ce que ceft homme-la
patoires. A l'heure entra l'ambaffadeur eftoit théologien. Et tant plus fuis
d'Efpagne, marri, que vous qui auez difputé auec
dres aborda lequel l'Euefque ,delailTant
tout incontinent Lon-
gens fauans, n'acquiefcez à leur iuge-
les autres Euefques auec moi. Auf- ment. » Ph. « J'acquiefcerai volon-
quels
di : Ili'adrefTai
Reuerends monPrélats
propos,& &nobles
leur tiers, & m'accorderai auec tous ceux
qui acquiefceront à Jefus Chrift & à
Seigneurs, y a-il raifon qu'on puilTe fa Parole. Et quant à vous, monfieur
monflrer que cefte vollre Eglife , la- le doéleur, ie vous prie que, pour
quelle vous appelez Romaine , eft l'odeur de quelque gain defhonnefte ,
vrayement Eglil'e catholique.' " Co. ne vous rendiez ferf des hommes, fai-
« Mais pourriez-vous prouuer le con- fant au contraire de ce que vous en-
feigne voftre fauoir. » Sa. « Jufques
traire . que r Eglil'e Romaine n'eft
point la catholique.-» Ph. « Puis que à prefent i'ai oui vos argumens; mais
ie ne peux impetrer de vous ce que ie
il me femble qu'il y a plufieurs doc-
demande, afTauoir qu'i'l vous plaife me teurs de l'Eglife ancienne qui font
contraires à voftre opinion; car fainél
fatisfaire en ceci , il n'y a nulle raifon
que celle Eglife Romaine soit tenue Cyprian, qui eft ancien dodeur ,
pour catholique, entant qu'elle eft fi aprouue expreffément la primauté de
fort efloignee des traces de la vraye l'Euefque Romain. » Ph. « Sainft
Eglife , tant en doftrine qu'auffi en Cyprian faifant mention de Corneille,
l'vfage des Sacremens. Que fi on re- Euefque
garde l'image & de l'vnela& différence
de l'autre, : Pape, ains Romain , ne l'appelé
fon compagnon Euefquepoint
( i),
on verra incontinent & ne lui donne aucun autre titre
loind ce qu'Eufebe
anciennement efcrit & des
autres qui ont
afaires de d'honneur, félon la façondece temps. »
Sa. « Vous ne monftrerez en lieu que
l'Eglife en ont dit. « Co. << Quelle ce foit où faind Cyprian appelé Cor-
autre chofe auez-vous pour monftrer neille/o;! compagnon Eucjquc. » Ph.
que l'Eglife Romaine n'eft point la 'i le vous prie, meffieurs les chape-
catholique? i> Ph. « Pource que, félon
la définition de ce mot Catholique , lains,
porte iciquelequelqu'vn
liure ded'entre
faind vous ap-
Cyprian Menfonge
elle n'eft & ne fut iamais vniverfelle , pour faire foi de ceci. » Et foudain vn
comme auffi ie le vous ai prouué. Et deteftable.
d'entr'eux courut à la librairie de
Ce palTage a
outre l'Afie & l'Afrique, dont ie vous l'Euefque, & apporta le liure. Le elle faulTement
ai parlé , que dira-on que la plus dofteur empoigna viftement ce liure , allégué &
defchiré
& de la troifiefme Epiftre du premier Sauerfon par,
grande partie de l'Europe lui répugne .-"
affauoir la Germanie, le royaume de liure des Epiftres tira vn argument ,
comme il
Dannemarc, Pologne, & vne partie penfant bien auoir vn fuffifant boaclier
pour confermer la primauté du Pape, le texte de
de la France & Angleterre .' Par cela apperra
S. par
Cyprian,
conoit-on quei voftre Eglife n'eft point où faind Cyprian parle en cefte façon :
vniuerfelle. contraire, &
" C'cfl fait de la vigueur Epifcopale qui dit au
Apres cela, l'Euefque de Londres & de la puijjance haute & diuine de
appela les autres Euefques , & me lieu.x du mefme
gouuerncr V Eglife. Il nv a nulle raifon l'Epirtre
par autres
autheur
à
en
lailTa auec quelques gentils-hommes qui nous face plus appeler Chrefliens ,
& bien peu de preftres, entre lefquels
fi on nient iufques là, qu'on ne rende Papiande , Tvnité
& au
eftoit le dodeur Sauerfon, Anglois de plus aucune obeiffance au fouuerain de l'Eglife;
traité
nation, doâeur de l'Vniuerfitéde Bo- Euefque tenant la place de Chrijl , car iamais ce
logne en Italie , lequel commença à
félon la Parole d'icclui & le confentement
tenir propos en cefte forte : « Philpot, du peuple & de fes compagnons (2). » ertabli aucun
i'ai bien fouuenance de vous auoir S.Euefque
martyr en
n'a
Sa. « Quelle raifon pouuez-vous auoir l'Eglife (ex-
conu il y a long temps , voire depuis
pour euiter l'authorité de ce paft'age , cepté vn feul
Jefus Chrirt)
ce temps-la qu'allant de 'Venife à Pa- par lequel la primauté de l'Euefque
douë, vous difputiez contre vn Cor- de Rome eft eftablie fi ouuertement .-' » par delTus les
delier, qui eftoit homme fauant. » Ph. Ph. << Monfieur le Doéleur, vous autres Euef-
« Il m'en fouuient bien. Le Moine
forcené me menaça lors qu'auffi toft (i) " Cognovimus, frater charissime , » etc.
qu'il feroit de retour à Padouë , il Cypr.Op. Bàle, ii3i, lib. I, epist. 1, p. i.
m'accuferoitd'herefie. Il eftoit moyen- (2) Cypr. Op.. lib. I. epist. III, p. 6. ques.
LIVRE SIXIEME.

346 bien que faind Cyprian appelé


voyez fai-ie bien, que mon opinion eft con-
Corneille fon compagnon , ce qu'il fermee par les déterminations indubi-
fait fouuent ailleurs , & la préémi- tables de fept ou huit Conciles , qui
nence du Pape efloit dutout inconue
ne reconurent iamais la puilTance d'un
du temps de faind Cyprian. Car on feul chef en l'Eglife. » Pan. » Il n'y
créa quatre Patriarches au Concile a que quatre Conciles, pour le moins Aiïauoir
a plus s'il
de
de Nicee, affaucir de lerufalem, de de ceux qui ont authorité aprouuee.» ciles aprouvt
quatre Con
Ph. << Monfieur Pandelton, combien
Conllantinople
Rome. Et le Patriarche , d'Alexandrie
de Rome& ob-
de
tint le dernier lieu en ce Concile. Ce qu'il y ait eu principalement quatre
Conciles aprouuez en la confirmation
oui a duré plufieurs années après , & de la Trinité, neantmoins, outre ces
depuis il y eut fix ou fept Conciles quatre-la, il y en a eu plufieurs autres.»
tenus, dequoi ie pourroi monftrer cer- Pan. « Mais lefus Chrill n'a-il pas
taine probation. Pour cefte raifon
édifié fur Pierre qui eft l'Eglife.' S.
donc faind Cyprian, efcriuant à Cor-
neille, Euefque de Rome , lequel il Cyprian, qui «.eftSaind
ainfi. >i Ph. auteurgraue,
Cyprian, l'afferme
au liure
de la fimpiicité des Prélats, déclare
appelé fon compagnon, fe pleint d'au-
cuns hérétiques, alTauoir des Noua- bien lui-mefme pour quel regard il a
tiens , qui auoyent eflé par lui rebou- dit cela. Il dit ainfi : « Le Seigneur a
tez de la fainde compagnie, mefprifans
baillé les clefs à tous en la perfonne d'vn,
fon authorité, auquel ils efloyent fub- afin qu'il déclarai! l'imité de tous (1). »
ieds comme à leur principal pafteur, Ôutrcplus, S. Auguftin en la dixiefme
Homélie furS. lean, dit : uSien Pierre
fe retirans vers l' Euefque de Rome
& le Patriarche de Conftantinople ,
il n'y auoit point niy/lere d'Eglife, le
aufquels ils auoyent rapporté la caufe Seigneur ne lui dirolt point : le te bail-
pour en conoiftre , & par iceux ont lerai les clefs. Or ficela a e fié prononcé
erté derechef appelez à la compagnie
à Pierre, fEçlife n'a point les clefs;
L'ordre de de
loix l'Eglife, mefprifans
de la difcipline & violans Or
Ecclefiaftique. les mais fi l'Eglife (es a, il a dénoté toute
la dirciplinc l'Eglife
Ecclefianique.
il dit que les herefies ne font point clefs (2)., » puis qu'elle
En outre fainda Hierofme,
rcceu les
introduites en l'eglife d'ailleurs, que preftre Romain, efcriuant à Nepotian,
quand on mefprife la vigueur de la tefmoigne que chacune Eglife adhère
dignité Epifcopale , & quand on ne à fon propre Pafleur. Et là il traite de
rend obeifTance à la puilTance haute la Hiérarchie Ecclefiaftique, & cepen-
& diuine. 11 n'entend point par cela dant ne fait aucune mention de l' Euef-
r Euefque de Rome, ains vn chacun que de Rome. Lui mefme auffi, efcri-
Patriarche dedans fa iurifdidion , uant à Euagrius, dit : « En quelque
félon qu'il auoit eflé ordonné au con- part qu'il y ait vn Euefque, foit à Rome,
cile de Nicee. Et vn chacun d'iceux l'oit à Eugubc, ou à Rege, ou ailleurs,
auoit fait lors vn fiege propre , & vn ils ont tous vne pareille authorité & di-
collège de dodeurs & Preftres. Car Ridicule
gnité('i).y Sa." Dites-vous faind Hie- obiedion Je
les paroles qui s'enfuiuent bien tofl rofme en la Hiérarchie celefte.' lepenfe Sauerfon.
après, en cefle mefme Epiflre, contie- que vous voulez dire S. Denis (4). »
nent cela quand il dit : « Puis qu'il Ph. « rofmeJeait fait
ne vndi hure
pas de
quelafaind Hie-
Hiérarchie
ejl ordonné de nous tous , & que c'cjl
vne cho/e iujlc, raifonnabic & fain£lc,
celefte; mais ie di qu'en l'Epiftre que
qu'on oye la caufe d'un chacun au lieu i'allegue, il fait mention de la Hié-
où le crime a eflé commis; puis aufji
que ta portion Jti troupeau efl af/i^nee merueillcrarchie Ecclefiaftique.
comment » Sa.
vous « le main-
voulez m'ef-
à chacun Pajieur, laquelle iicondm/e &
gouuerne, ejtant tenu de rendre conte au
(1) « In pcrsona unius dédit Dominus om-
Seigneur de ce qu'il aura fait, &c. (1 ). » nibus claves . ut omnium unilatcm dcnun-
On peut clairement voir par cela quelle ciaret. « De simf'liciljlc frj:Uitcrum. Ce traité
porte aussi pour litre : De unilate Ecclesia.
Saucrfon efloit l'opinion
ce faid. " Sa.de "S. Voire
Cyprian touchant
félon voflre (2) >- Si in Pctro non esset ecclesiae mys-
monllrc vn tcrium, non ci diceret Dominus : Tibi dabo
opinion; mais de moi, ie ne l'enten claves. Si autem hoc Petro diclum est, non
cfpril rcnuerfd-
a relirtnril h pas ainfi. » Ph. « le ne lai pourquoi liahcl ecclcsia; si autcm eccicsia habct,
vcrilc. il vous en femble autrement ; vne chofe Pctrus quando claves acccpit ecclesiam to-
lam dcsignavit. » Tract. $oln Jehan. Evang.,
cap. 12 , S 11.
(I) Epistola. lib. II. cpisl. VIII ; et lib. IV, (î) Ad Evagrium, cpist. Sç.
episi. Il cl IX. (4) De cœlesti hkrarcliia.
JEAN PHILPOT.
^Al
tenir ces erreurs obftinément à voftre
« Noftre Seigneur lefus Chrirt dit en
confufion & ruine. » Ph. « le fuis M.D.LV.

alïeuré que nous ne fommes point en S. lean : « La parole que i'ai proférée
iugera au dernier iour. » Si au dernier
erreur, par cela mefme que le Sei- iour nous deuons auoir la Parole pour
gneur a promis à les fidèles de leur
donner efprit de fapience , auquel luge, par plus forte raifon efl-il moins
conuenable auiourd'hui que nous mef-
leurs aduerfaires ne pourroyent refif-
prifions vn tel Juge. D'auantage, ie
ter. Combien y a-il d'entre vous qui ne doute point qu'en ce iour-la ie n'aye
puilTe refpondre aux liures des Ale-
mans , qui ont arraché la mafque de luge de au
&ce iurtifiera parti,
monfiecle qui m'abfoudra
à venir, quoi que,
vollrc religion fardée r ou à 1' I nftitution par violence & authorité inique, vous
de M. lean Caluin, Minirtre de Ge- autres opprimiez cependant & moi &
mes femblables. Je fuis certain que ie Les Martyrs
neue? » Sa. « Vrayement c'eft vn
gentil Minirtre de ie ne fai quelles vous iugerai en ce iour-la. « St. monde. le
iugeront
gens, brigandeaux, fugitifs & rebelles. « Quoi! penfez-vous, miferable, eflre
Et n'y a pas long temps qu'il y eut fait Martyr, & eftre affis auec Chrift
contention entre lui & les complices au dernier iour, pour iuger les douze Quellion.
de fa fadion , en forte qu'il fut con- lignées d'Ifrael ? » Ph. » le n'en doute
traint de fortir de la ville ; & c'efloit nullement; puis que Jefus Chrirt lui-
touchant la matière de la Predeflina- mefme promet cela , moyennant que
tion. Je ne di rien qui ne foit certain ie fouflfre pour iurtice , laquelle vous
& vérifié ; car moi-mefme ay paffé par perfecutez maintenant en moi. » St.
là en venant ici. » Ph. « Je fai pour « Je vous demande, lors que le luge
certain que vous blàfmez à tort ce bon prononce vne fentence en fon palais
perfonnage, & la fidèle Eglife de la- iudicial contre vous , la parole qui fe
quelle il efl Minirtre. Mais c'ert la prononcera eft-elle la fentence ou le Dirt'erence
façon ordinaire de l' Eglife Romaine » Ph. « Selon l'au-
d'auoir recours aux blafmes & calom- Juge? Refpondez.
thorité de l'Efcriture, les chofes ci- entre les iuge-
nies controuuees quand elle ne peut uiles font art'uietties aux hommes qui mens ciuils
fe défendre. Car, quant à la matière font de la iurtice ciuile & politique , & la parole de
Dieu.
delà Predertination , ce bon perfon-
nage ne maintient autre chofe que ce pour ertre iugees félon l'opinion
que tous les Dodeurs ont dit deuant d'iceux; mais la parole de Dieu n'ert
point alTuiettie ni à la fantafie ni au
lui, qui auffi» s'accordent
Sav. « Et aux faindes iugement d'homme & quelconque;
Efcritures. ie vous de- elle eft conftituee ordonnée iugemais
de
mande auffi d'autre part combien y en toute fapience humaine, & de toutes
auroit-il d'entre vous qui eufl"ent la les paroles & œuures de tous les hom-
dextérité de refpondre aux efcrits de mes du monde. Parquoi, comme la
Fyfcher, Euefque de Rocheftre(i) ? »
Ph. « Défia des long temps ce liure a comparaifon qu'auez faite ne diminue l'Eglife.
efté fufififamment refuté. Il ne refteroit en rien ce que i'ai dit , auffi n'y ref-
finon que vous vouluffiez prendre la pond elle point. » Sa. « Quoi! N'ad- De l'inter-
mettez-vous point l'interprétation de prétation de
peine de cercher les refponfes de ceux F Eglife fur les Efcritures? » Ph. « Si
qui l'ont rembarré. » fai bien , moyennant que certe inter-
SvR ces entrefaites, le doâeurStor prétation refponde au mot de la vraye
entrant & nous oyant alléguer & in- Eglife. Et c'eft ce que i'ai proterté ci
fifter fur la parole de Dieu dit : « Quel den"us tant de fois. S'il y a quelcun
iuge donneras-tu pour iuger de certe qui me puirt'e prouuer que certe vortre
Parole que tu as ainfi en la bouche? »
Ph. « Quel iuge plus certain de la Eglife , qu'on appelle Romaine , ert
parole conrtituerons-nous que la Pa- vrayement la catholique, vous m'aurez
obein"ant en toutes chofes ainfi que
role mefme r >i St. « Ne voyez-vous defirez. n St. <( N'y a-il pas défia
pas l'ignorance miferable de cert héré- beaucoup de centaines d'années paf-
tique du tout brutal.' Il veut que la fees, que nos ancertres ont toufiours
parole foit iuge de la Parole mefme. tenu certe mefme Eglife que nous Recours à la
La parole pourra-elle parler.^» Ph. fuyuons pour vraye & catholique ? » longueur du
temps elt chofe
Ph. « C'ert prudemment fait à vous ,
monfieur le Dodeur, de recourir à la vaine, & n'y
(i) Il s'agit probablement du livre de John a point de
Fisher, évêque de Rochester (voy. t. I , longueur du temps; car en vne caufe prefcription
p. 295 ) , intitulé Asscrtionis Lutlieranœ coti- contrerité.la vé-
futalio. Coloniae, 1525.
mal affeuree vous n'auez que ce refuge
qui vaille; mais vous n'ignorez point
LIVRE SIXIEME.

qu'il n'y a aucune prefcription es AvANT qu'on eut amené Philpot


h8 diuines , comme tant de Doc-
chofcs deuant tous ces feigneurs , & tandis
teurs tcrtifient (i). >> St. " Vous auez qu'ils fe mettoyent en train pour s'af-
bien fuiui vos predeceffeurs, Latimer feoir , l'Euefque de Londres le fit
fophille, & Ridley, qui ne pouuoit rien appeler fecrettement, & parla à lui en
alléguer pour fa defenfe, finon le puif- l'aureille, l'admonnettiint de fe porter
fant Cranmer; mais auffi tort que moi
feulement auec vn bachelier es arts prudemment
dire deuant lesesconfeilliers
chofes qu'il
de laauroit
Roine.à
fu venu vers lui, il deuint fi troublé, Apres donc que tous ces feigneurs &
que vous euffiez dit que la paralyfie gentils-hommes de cour, & autres qui
l'auoit faifi. » ettoyent au feruice de la Roine , eu-
rent occupé chacun leurs places,
Apres cela,
demeurai feul chacun
auec les'en alla, & Et
Geôlier. ie
l'Euefque de Londres fe mit au bout
ainfi qu'il me ramenoit en la Char- de la table,
entrer Philpot.t% Oncommanda
le fit tenirqu'on fift
au plus
Londres en bonnière, ierencontrai l'Euefque
chemin , lequel de
, félon haut endroit de la table vis à vis de
fa courtoifie acouftumce, parla à moi l'Euefque, lequel commença à dire :
Hypocrifie en cefte façon : i< Monfieur Philpot , « Philpot, par ci deuant plufieurs
de Boner rem- j-j] y ^ quelque chofe en ma maifon ont parlé par diuerfes fois à vous tant
barrée. • ^ -îr i- • r
qui vous puilTe feruir, vfez-en comme en particulier qu'en public deuantpour
les
de voflre propre. » Ph. « Je ne vous luges Ecclefiaftiques , & ont,
requicr pour le prefent , (inon que l'amour de moi, elTayé par tous moyens
vous paracheuiez bien tort mon procès de vousdeftournerdevosopinions mau-
félon la commifdon qui vous eft don- uaifes; i'ai efté d'auis qu'encore pour
née, afin que ie forte plus viflement cette fois ces feigneurs fuITent appelez
de cette mifere mortelle, pour aller à
la vie éternelle & bien-heureufe. » (ie les remercie de ce qu'ils n'en ont fait
difficulté), non feulement pour con-
Or quelle promefTe que ceft Euefque noiftre de vottre cause, mais aussi bien
me (îll , fi ell-cc qu'il y a quatorze iours pour tettifier auec moi quand ils vous
entiers que ie n'ai peu impetrer ni liél, auront oui , fi ie n'ai point mis toute
Il e(l expédient ni lumière, ni feu. Mais ie pren cette diligence pour procurer vottre bien &
que les fidèles refolution en moi , que ceci nous cft falut. » Ph. « Monfieur le reuerend ,
ie fuis obligé à mon Dieu en beaucoup
opprimez expédient, que foyons ainfi réduits à
telle condition , afin que nous obte- de fortes, & lui en ren grâces immor-
nions vne plus haute & plus ample telles de ce que ie puis défendre ma
gloire au iour de la rétribution. Ainfi caufe deuant vne fi grande & fi noble
ce bon Seigneur eA bien digne de
affiftance de gens fi excellens, & d'vne
toute louange, lequel m'a humilié, & àfaçon
cellede de
iugement qui conuient
la première Eglife ,att'ez
qui
a fait par fa bonté & mifericorde que
i'endure d'vn cœur paifible toute cette ettoit : Que fi quelcun euft c(\.é ou
calamité & oppreffion. Que ceux qui
aiment la vérité difent Amen. accufé ou foupçonné d'herefie (comme
on m'accufe ) icelui ettoit incontinent
appelé
que dedeuant l'Archeuefque
la iurifdidion ou Euef-
où il auoit etté
accufé, l't non point en quelque an-
Les a£les du fixiejmc examen , auquel glet ou cachette, mais en ralTeinblee
prefiderenl les lu^^es qui senjuiuenl: publique des autres Euefques, & hom-
le Chambrier de la Roinc, le Vicomte mes fauans, »S: finalement de tout le
de Herd/ord, le ficur Rych, lejieur peuple; & la détermination ettoit là
de Ferrers , le jieur de jctinSl fean , faite ou d'vn cotté ou d'autre félon la
le fieur lean Bridres , capilaine du parole du Seigneur , & félon la voix
grand chafleau&cneualier de l'ordre, des
Bo. Euefques & devous
« Avant que toutepourfuiuiez
ratt"emblée.»
ces
le fieur Wynj'or, le fieur Scandoil^,
auec deux autres inccnus; £■ Boner, chofes plus outre, dites en bonne foi
Euefjuc de Londres, auec le doâeur
denant ces feigneurs, fi i'ai etté caufe,
Chàafé (2). Ceci fui le huiliefmc
Nouembre M.D.LV.
rcrs\ Lord Riche, Lord Saint-John, Lord
Windsor, Lord Chandos, Sir John Bridées,
lieutenant de la Tour, et deux autres dont
(i) «" InLe divinis
(Jl Lord nulla occurril prsescn'ptio.»
Chambellan, le vicomte
je ne connais pas les noms, avec l'évèque
Hercford (communément appelé Lord Fer- de Londres cl le D' Chadscy. •
JEAN PHILPOT. H9
OU fi i'ai baillé confeil que fuffiez finalement à repentance. » Le cham-
amené en cefte prifon. D'auantage, fi brier de la Roine dit à Philpot : " Mon-
i'ai vfé de quelque cruauté enuers vous
depuis ce temps-la que vous elles ici iuftesfieur
& l'Euefque vous Sia offert
amiables. conditions
vous eftes fage ,
venu premièrement .- » Ph. « Monfieur, acceptez-les, l'opportunité fe prefen-
ie ne vous puis imputer la caufe de ce tant. » Ry. <> Que dites-vous .' aduouez-
mien emprifonnement. l'ai expéri- vous que le corps & le fang de Chrift
menté vn peu plus de clémence enuers
foit realement
comme les autres prefent
fauansenperfonnages
la meff'e ,
vous qu'en mon ordinaire & propre
Euefque; comme ainfi foit que m'ayez de ce royaume le croyent , & comme
fait appeler defia trois ou quatre fois moy-mefme le croi & croirai tant que
en peu de iours pour conoiftre de ma viurai.-i) Ph. «Tres-honnoré Seigneur,
ie reconoi vne prefence du corps & du
caufe , au lieu
tenu douze moisqueentiers,
mon ordinaire m'a
& plus, fans fang de Chrift au Sacrement telle que
me faire appeler vne feule fois. Mais les S. Efcritures la conftituent; car ie
afin que vous entendiez pourquoi ie confeffe que le Sacrement eft le figne
fuis eflreint de ces liens, c'eft à caufe de la chofe fignifiee ou figurée, moyen-
de la difpute qui fut tenue en la mai- nant qu'il foit deuëment adminiftré
félon la forme ordonnée par Jefus
fon de l'Affemblee, qui eft membre & Chrift. » Ry. « Dites nous, fans tant
dépendance du Parlement, où il eftoit
Les aduerfai-
bien conuenable qu'vnquechacun parlaft de circuits, quelle manière de pre- res ne deman-
librement ; tellement la fafcherie fence attribuez-vous au Sacrement .' »
que ie fouftien eft contre toute équité, Ph. « Treshonnorez feigneurs, voici furprendre
enfans de les
pour auoir fait vne confeffion franche dentdoiuent
qu'à
la caufe &pourquoi
tement ie n'ai point déclaré
du commencement ouuer-
Dieu, tant
qui par-
en vn lieu franc. Parquoi, magnifi- demander à
ques feigneurs, qui eftes du fouuerain ce que ie fens en mon cœur touchant leur père
Confeil , i'implore fur ceci voftre iu- cefte matière, aft"auoir que ie ne le celelle lEfprit
gement, fi vous eftes d'auis que ce foit pouuoi fans mettre manifeftement ma
de prudence.
chofe équitable que non feulement vie en danger. » Ry. « Il n'y a nul ici
mes biens me foyent rauis, mais auffi qui efpie voftre vie , ou qui tafche de
que ma vie, laquelle on demande, foit prendre occafion par vos paroles de
en danger. » Ry. « Vous-vous abufez vous braffer quelque danger. » Ph.
en cela; carlamaifonderAfferablee(i) « le ne me desfie point de vous, Mef-
fieurs qui eftes ici de la condition des
n'eft
Wyns.point« Il vne eft
portion
bien du Parlement.»
certain que la laies, mais il y en a ici qui de mes
maifon de ran"emblee eft coniointe propos
auec le Parlement en mefrae forme flambeauxtirera
pourmatière d'allumer
me brufler. les
Et puis
de publication & ordonnance ; toute- que vous me demandez que ie déclare
mon opinion touchant la prefence de
fois elle n'eft point portion ne membre Chrift au Sacrement, à celle fin que
du Parlement. » Ph. « Puis que voftre
auis eft tel , meffieurs les Confeilliers,
vous entendiez que ie n'ai nullement
il me faut auffi arrefter à vos iuge- honte de l'Euangile du Fils de Dieu,
mens. » Ry. « Ce que nous difons eft & que ie ne maintien aucune doârine
véritable. Toutefois nous n'entendons qui foit contre l'authorité indubitable
pas que vous soyez aucunement mo- de la S. Efcriture, l'en parlerai Am-
lefté à caufe des ades de cefte dif- plement &franchement, ne diffimulant
pute, moyennant que vous effaciez &
refcindiez maintenant par repentance rien, moyennant que monfieur l'Euef-
que de Londres me donne audience. »
les fautes que vous fiftes là en difpu- Ry. « Monfieur l'Euefque, ie vous
tant. » Bo. « Mes feigneurs , ceft
prie laiffez lui dire ce qu'il pourra .
homme-ci enfeigna lors, & parla fi puis qu'il a volonté de defcouurir fon
auant que rien plus, contre le véné- cœur. » Bo. « Qu'il parle, ie lui per-
rable facrement de l'autel, (Sur ce mot mets, & le veux efcouter. » Ph. « En
il ojia fon bonnet , afin qu'à fon exem- premier lieu, ie protefte & déclare de-
ple les autres fijjent le mefme honneur uant mon Dieu & fes Anges, que ce
Tentations que ie doi maintenant dire deuant
à furmonter. à l'idole,) & toutefois ia n'auiene que
i'vfe de telle cruauté enuers lui, que vous, ne procède d'aucune oftentation
pour cela ie procède de rigueur ex- d'efprit ou d'amour de ma propre
trême de droit, moyennant qu'il vienne ains d'vne
perfonne oufimple
confcience & pure,, apuyee
obftination fur
(i) La Convocation ecclésiastique. la parole de Dieu , contre laquelle
LIVRE SIXIEME.

font5oordinairement ceux qui, par témé- criuant , ie me fubmets à me retrader


? rité ,bielTent leur propre confcience. entièrement. »
BoNER oyant tafchoit fouuent de
ce que maintenant
Et religion i'ai en horreur
la qui a la vogue pour ce rompre ce propos ; Philpot toutefois
iourd'hui en ce royaume , n'eft pas impetra cela des gentils-hommes qui
que ie ne porte afTeition à la Roine ; eftoyent là d'amener fon propos iuf-
mais c'ell d'autant que ie doi plus quesbienà marri
fon but
obéir au Seigneur félon fa parole . fut , & , nedequoi
feut fel'Euefque
tenir de

Deux chorcs qu'aux hommes ni aux loix humaines. dire qu'il prenoit plaifir à iazer.
Or il y a deux chofes principalement Monfieur Rych fecondoit le dire de
abufont le
efquellcs les Ecclefiaftiques deçoyuent l'Euefque Boner. « Tous hérétiques,
peuple. ce royaume, alfauoir fur le Sacrement dit-il , ont toufiours acouflumé de fe
du corps & du fang de Chrift , eSc le vanter
Dieu , magnifiquement
& vn chacun veut de l'Efprit de
baftir vne Icniine Ca*
titre de l'Eglife catholique. Et com-
Eglife félon fon opinion, comme leanne tienne amené
bien qu'ils n'ayent ni l'vn ni l'autre , Cantienne (i) & les Anabaptiftes. en e.vempie.
toutefois ils s'attribuent l'vn et l'au- Cefte Jeanne fut en ma maifon fept
tre. Qiiant au Sacrement , qu'ils ap-
iours après que fa fentence fut donnée
tifiepellent de l'autel
encore . ie confermc
maintenant & ra-
cela mefme contre elle pour eftre bruflee , durant
que ie di alors en cefte afTemblee : lefqucis l'Archeuefque de Cantorbie
Que voftre Sacrement n'eft de Chrift, & auffi l'Euefque Ridiey ne faillirent
de la venir vifiter. Mais elle eftoit tel-
& qu'en icelui Chrift n'eft nullement
prefent. Et pourtant ils feduifent pre- lement conuertie en efprit, que ceux-ci
mièrement laRoine ; puis après vous ne peurent rien profiter enuers elle ,
autres, qui eftes les gouuerncurs de ce
quelques bons conseils qu'ils lui euf-
royaume, vous perfuadans eftre Sacre- fent feu donner. Toutefois elle s'en
ment ce qui ne l'eft point. Aucc ce ils alla au feu d'vn cœur obfliné, comme
vous poufl'ent à vne idolâtrie manifefte, vous faites maintenant. » Ph. « l'ai
en forte que vous adorez & honnorez conu cefte Jeanne & fon herefie ; en
comme Dieu ce qui n'eft nullement quelque forte elle meritoit d'eftre cor-
Dieu. Et pour prouuer ce que ie di , rigée ,d'autant au'elle auoit ofté vn
outre les autres probations claires ,
article du Symbole contre toute l'Ef-
lefquelles ie pourroi tirer des faindes criture. Mais quoi .' on peut facilement
Efcritures , & les monftrer tant à la conoiftre qu'il y a differenco entre vn
tel Efprit & le vrai Efprit de Dieu &
RoineOt qu'à
vie mon vous fang. , Que
voici fii'employe ma
ie faifoi cela de l'Eglife, d'autant que ce bon & S.
pour autre chofe queftant neceffaire- Efprit, fe contenant toufiours dedans
ment contraint par la vérité & ma les limites de la Parole , ne fe va la-
mais fourrer obftinement dedans les
confcience , ie le feroi à ma condam-
Faux titre de dodrines eftranges , mais fuit en tout
lEglife nation. Quant à ce qu'ils s'attribuent
le titre d'Eglife catholique, ils ne font (St par tout la S. Efcriture comme fa
catholique.
en cela qu'esblouyr les yeux du poure guide. ment
Etapuyé
de fur
moicefte
, fi ie n'eftoi ,ferme-
conduite ie ne
peuple de
chofe font bien d'vne
vantans ilsfauffement
, felaquelle loin , m'expoferoi iamais à ces dangers. »
pour vous deftourner de la vraye pu- Bo. « Or fus , puis que vous parlez
reté de l'Euangile , laquelle on enfei- maintenant du lugement de l'Efcri-
gnoit du temps du Roi Edouard. Je ture , comment accorderez-vous ces Qucflion.
ne di point ceci par orgueil , ains en paft"ages : Le Père eft plus grand que
vérité. Que fi ceux-ci peuuent monf- moi, & Le Père & moi fommes vn?
trer par quelque raifon certaine & Il faut que i'expofe ces mots en An-
fuffifante que leur Eglife eft l'Eglife glois . pource que ces bons feigneurs
catholique , ie leur quitterai la place n'entendent pas Latin : The father is
en tout Si par tout. Et vous fupplie grealcr Ihan I ,& I and thc falher are
humblement, Mcffieurs, que vous fa- one. Mais pardonnez moi, Meffieurs,
ciez tant pour moi enucrs la Roine , car plufieurs d'entre vous l'entendent
qu'il me foit loifible d'entrer en dif- bien. Mais i'ai dit cela principalement
pute contre les dix plus fuffifans de à caufe de monfieur de Schandoitz (2)
tous ceux-ci, pour eiplucher <Sr efclair-
cir cefte matière. S ils gaignent leur
(1) Voy., sur Jane of Kent, la note 2 de
caufe par quelque ferme A certaine la 2* col. de la page (76 du tome I.
authorilé , ou en difputant ou en ef- {2} Lord Chando*.
JEAN PHILPOT.
M.D.LV.

& monfieur Bridges fon frère. Mainte- monde. Pourtant S. Paul dit qu'il y Cor. 2. 16.
nant defpioyez-nous voUre fauoir en en a aucuns
ceci , & fi vous pouuez, faites conioin- odeur de vieaufquels
à vie , &l'Euangile
auffi il y eften ena
dre d'autres aufquels il eft en odeur de
Ph. ces deux fe
« Cela palfages par i'Efcriture.
peut faire facilement », mort à mort. Au 6. chap. de S. lean,
d'autant qu'il y a deux natures en on trouuera vn exemple de ceci en
Chrift ; au regard de fa nature hu- ceux qui. eftans deftituezdu S. Efprit,
maine il
, a bien dit : « Le Père eft oyoyent la parole de Dieu , mais en
plus grand que moi, » & au regard de eftoyent fcandalizez. Pour cefte raifon
la diuinité , ceci eft auffi : « Le Père & Jefus Chrift leur dit : « La chair ne
moi fommes vn. » Bo. « Mais com-
profiteuifie. » de rien , c'eft l'Efprit qui vi-
ment accordez-vous cela par l'Efcri- '
ture mefme ? » Ph. « Il y a aflez de SvR cela Philpot, fe iettant bas à Combats
deux genoux, pria tous ces Seigneurs intérieurs.
tefmoignages en I'Efcriture, par lef-
quels ie peux facilement monftrer ce qu'ils fuflfent tefmoins des chofes qu'ils
que
efcriti'aidit,
de la car, en premier
nature humaine lieu, il eft
de Chrift auoyent ouyes ce iour-te , & qu'il
n'efloit point d'vn courage fi endurci
& obftiné , ne fi defefperé (comme
es Pfeaumes : « Tu l'as fait vn peu
moindre que les Anges; » on trouuera monfieur de Londres fe perfuadoit)
ce paffage au Pfeaume 1 5 . qui com- qu'il ne fuft preft d'acquiefcer à la vé-
mence :« Les cieux racontent,» &c. Je rité, en la lui monftrant par la S. Ef-
failli aucunement au compte du Pf. (1).» criture. Rych lui demanda de quel
Ceque l'Euefque Boner empoigna in- pays il eftoit. « Eftes-vous, dit-il, de la
continent &dit : (c Ce palfage eft au maifon des Philpotsen Hampton(i).' «
Pf. Domine Doniinus no/lcr, &c., qui
Philpot
lui lui refpondit
nommant qu'il enPhilpot
meffire Pierre eftoit ,,
eft le 8. 'Vous voyez bien , meffieurs
les luges, comment ceftui-ci a bien cheualieren la prouince de Hampton.
acouftumé de dire fes heures matuti- Ry. « Il eftoit mon parent, qui fait
naies. » Ph. « Combien que ie ne dife que ie fuis tant plus marri de voftre
heures canoniales ne matutinales par encombrier. » Ph. « Je vous remercie
vn tel ordre que vous l'entendez, tou- de ce que vous ne defdaignez le pa-
tefois félon que m'en peut fouuenir de rentage d'vnie feroi
poure volontiers
captif. » beaucoup
Ry. « En
bonne foi,
long temps, ie retiens cela qu'il n'y a Prouerbe
pas longue diftance es Heures entre ces de lieues à pied pour vous faire
deux Pf. : « O Dieu noftre Seigneur, » plaifir. » Le Chambrier. « Cela gift Anglois.
& « les cieux racontent, » &c. D'auan- en fa puiffance, que bien lui foit, s'il
tage la faute du nombre ne diminue veut. » Ry. « Vous difiez n'agueres
rien de la vérité. » Bo. « Quant à la que vouliez maintenir voftre foi contre
féconde partie, comment l'accorderez- les dix principaux de ce royaume. Ce
vous par I'Efcriture } » Ph. « Le fil n'eft pas bien fait à vous de vous op-
du texte déclare aft'ez, que combien pofer ainfi à la nobleft"e de ce
qu'il royaume. » Ph. « Trefhonnoré fei-
félony fon
ait euhumanité,
amoindrifl'ement en Chrift
il demeure vn
auec le Père au regard de fa nature gneur,bien
pas entendu;moi,vous
pardonnez ne m'auez
vousauez penfé
diuine. Et l'Apoftre aux Heb. déclare que ie desfiaffe dix des nobles, & ie
cela bien au long. » Bo. « Comment n'ai rien moins penfé que cela. le
fe peut faire cela, veu que S. Paul dit parloi feulement de ceux qui font les
, Cor. ;. 6. plus renommez en fauoir en tout ce
que la lettre occit , & que c'eft l'Ef- royaume. « Ry. « Or fus, ie veux
prit qui viuifie ? » Ph. « S. Paul n'en-
tend pas que la parole de Dieu de fa
bien que vous l'ayez ainfi entendu. Si
nature occit, laquelle de foi eft or- vous obtenez, par la permiffion de la
donnée àvie; mais voici comment la
Roine, ce que vous demandez, fuiurez-
parole de Dieu eft inutile & mefme vous leur opinion ou non ? » Ph.
pernicieufe : Quand quelcun eft def- « Vous fauez, monfieur, que cela n'eft
titué de l'Efprit de Dieu, encore qu'il pas raifonnable qu'ils foyent & aduer-
foit fort prudent félon le iugement du faires & iuges tout enfemble. » Ry.
« Et qui permettriez-vous donc faire PromelTe au
s'arrefter
(i) L'indication iugement de vous.^ » Ph. « A vous captieufe de
doublement fautive.donnée par Philpot
Le passage était
cité se trouve
dans le psaume VIII , et non au psaume XV, mefmes que feriez prefens pour co- iugement
hommes.des
et le psaume XV n'est pas : u Les deux
racontent; « c'est plutôt le XIX. (i) Du Hampshire.
LIVRE SIXIEME.

noiflre de la caufe. « Ry. « le ne Cl Monfieur, vous parlez doftement ,


J52 mais vous euffiez peu auffi prendre
craindrai point de conoiftre ceci , de
faire tant enuers la Roine, que dix voftre argument vn peu plus haut , af-
fauans perfonnages vous foyent pre- fauoir fur ce qui efl dit, Ican 6. où le
fentcz pour difputer contre vous , & Seigneur a promis de donner fon
corps au Sacrement, difant : « Le pain
quand & quand qu'il y ait vingt ou
quarante gentils-hommes pour ouir ce que ie donnerai, c'eft ma chair. » Phil-
qui fera difputé entre vous, moyennant
Ph. « que
pot, ce que S. leanà veut
Voicirefpondez-vous cela.-'dire»
que , de voftre codé , vous nous faciez Du fens i
cefte promette de vous arrefter à ce en ce palTage, aflfauoir que la chair de
Chrirt, de laquelle il a efté enuironné Seigneur.d
paroles
qu'ils auront iugé. i» Ph. « Je me fub-
mettrai volontiers à eflre iugé, moyen- pour noflre rédemption, efl le pain de
II prouoquc à nant que la façon ancienne foit obfer- vie , duquel nos corps & nos âmes
font nourries en la vie éternelle. Ainfi
la couflume yge , & telle qu'auoit receuë la
donc, ce pain facramental efl une viue
''" 'E'^life'"'"''" prim't'ue Eglife , en laquelle on cer- reprefentation de cefle vie myflique &
^"" choit auant <outes chofes l'intention
& volonté du Seigneur aux fontaines cohabitation auec tous ceux quicroyent
de la S. Efcriture. Selon icelle donc, à la mort de lefus Chrifl , félon que
les autres aulTi en ont prononcé , lef- lui-mefme dit, lean 6. : a le fuis le pain
quels efloyent alïemblez tant des laies vif. qui fuis defcendu du ciel, i & tou-
que des Ecclefialliques , & lors acom- tefois ilne faut point dire qu'icelui foit
modoyent leurs voix & confeiitement
pain , ne lement. matériellement,
Semblablenient lenepain
naturel-
efl la
•félon la cenfure de l' Efcriture. Quand
donc vne telle fubfcription deiugemcnt chair, non point de nature ou de fub-
fera arreftee & ordonnée à la façon
flance
au , ains par lefignilication,
Sacrement. aflfauoirà
vien maintenant
des Anciens, ie promets de m'arrefter
aux opinions & fentences des luges. » l'argument de monfieur Rych. le ne
Bo. 'i Treshonnorez feigneurs, vous
nie point
Chrifl les paroles mais
au Sacrement, exprefl'es de
voici que
defire :à comme
voyez ce qu'il
tend &penfer
quel butfi onil deuoit de l'afferme, Qu'il ne les faut point pren-
lui qu'il a &bien
coullume façon appris que c'elt
ancienne , et debienla dre charnellement , ni d'vne autre fa-
çon que facramentale & fpirituelle, fé-
verfé en la leflure des Conciles & des lon la déclaration expreffe de lefus
temps de la primitiue Eglife, au lieu Chrifl, nous enfeignant- que ces paro-
qu'il n'y eut iamais vne telle conllitu- les du Sacrement , lefquelles les Ca-
forme de iugement en l'an- pernaites entendoyent félon la chair
tion & cienne Eglife. 0 Ph. " Si vous ne me & la lettre , doyuent eflre fpirituelle-
voulez croire, les Epiftres de S. Cy- ment entendues, & non point char-
prian ont afl"ez de tefmoignage pour nellement, félon l'imagination grof-
prouuer ceci. » Bo. » le di que ie ne fiere de ceux-là , qui ne regardoyent
leu iamais cela en S. Cyprian. Qu'on pas à l'explication que Jefus Chrifl
m'apporte le liure. )■ Alors le dodeur donne fur ce palTage, ni à fon inflitu-
Chadfé, qui eftoit de la maifon de
Boner, & auquel il donna charge tion , ne fuyuans point auffi l'vfage &
la forme des Apoflres ni de l' Eglife
d'apporter le liure, s'api'ocha & parla primitiue, qui ne fauoit que c'efloit de
à lui en l'aureille, & n'apporta point cefle façon de prefence charnelle, la-
le liure. Lors ie di : « Monfieur, ie
voi bien que le dodeur Chadfé fait de fi grande forcereceuoirauiourd'hui
quelle vous faites it violence, fans
que la vérité monflrer que l'Efcriture fainde ou les
l efl
trement ieut telle que
apporté i'ai dite, au-
ici promptement dodeurs anciens y confentent. Et de
le liure. >>
fait, on chafl'a hors de l'Eglife tous
Ce propos eftant laiffé , Monfieur ceux qui ne s'adioignoyent aux autres
Rych ment
me vousditniez
: «les
Je paroles
m'efbahi claires
com- qui communiquoyent , & quand la
Cène efloit faite , ils brufloyent ce qui
de Chrill au Sacrement , car au lieu
demeuroit de refle , ce qu'on peut co-
qu'il dit : Ceci eft mon corps, vous noiflre tant par les Canons des Apof-
au contraire debatez contre les mots
lres, que parla détermination du con-
cile d'Antioche. »
propres , que ce n'eft pas le corps de
Chrill. Son vrai corps n'efloit-il pas Bo. " Cela efl faux, car il n'y auoit
liuré pour nous.' il faut donc necelTai- que les nouueaux inflruits qui fortif-
rement que ce foit fon corps. » Bo. fenl hors du temple , & les autres
JEAN PHILPOT.

communiquoyent , & non plus. » Ph. blafmé deuant vos excellences la mgi-
« Mais, monfieur,
feulement ce inflruits
les nouices n"e(loyentenpasla fon de l'AITemblee, ayant dit qu'il y
a défia tant de mois qu'il eft détenu
foi nouuellement, ains auffi ceux qui
prifonnier,
fir & qu'onvn nefeullui argument
de pourfuiure adonné loi-
de
e la puilTance n'entendoyent point les myfleres fa-
crez. » Bo. « Que refponciez-vous à
de Dieu. ceux qu'on lui a mis au deuant : ce
la puilTance infinie de Dieu ? Icelui ne qui eft faux, car on lui donna grande
peut-il pas acompUr toutes les chofes liberté de parler & de pourfuiure , &
qu'il a dites .> comme monfieur Rych a autant de loifir qu'il voulut. Et encore
n'agueres fort bien dit. le di qu'il auec tout cela, on lui rel'pondit de
n'efl point difficile au Seigneur de fe poinil en poind; mais, ne fâchant plus
mettre non feulement au pain , mais que dire, il fe print à pleurer. l'eftoi
auffi en ces tapilTeries, moyennant que fpectateur de toutes ces chofes, par-
ce foit l'on bon plaifir. « Ph. « Quant quoi l'en puis tefmoigner. Combien Le liure des
à la puilTance infinie de Dieu, ie con- qu'on porte par ci par là vn certain
Pf. JJ. felTe auec Dauid, que Dieu a fait tout Hure, plein de menfonges, auquel les aéles de la
ades de cefte difpute ont efté faulTe- difpute tenue
ce qu'ilToutefois
terre. a voulu, iltant
ne au
veutcielrien,
qu'en
finonla ment corrompus & falfifiez. Et quant au commence- ment du règne
ce qui conuient à fa parole, & ce que de Marie.
àfatisface
ce que touchant vous demandez qu'ondu vous
la matière Sa-
Blafpheme monfieur l'Euefque vient de dire efl
contre Dieu. blafpheme : Que le Seigneur peut ef- crementie
, vous propoferai la vérité
tre fait vne tapilTerie ; car comme les tirée des efcrits des anciens Doc-
anciens dodeurs ont dit : Dieu ne peut teurs. »Ph. « Grâces à Dieu, il y
faire des chofes qui font contraires à auoit lors des gentilshommes & grands
feigneurs qui furent auditeurs des
fa nature. Et il n'y a rien qui foit plus chofes, & peuuent teftifier fi elles ont
répugnant à l'acar
fait tapilferie, nature , que, qu'il
la tapilTerie ell foit
vne efté falfifiees,
honte de le direainfi en que
cefte vous n'auez
fi bonne &
créature, & Dieu eft Créateur, & ne
peut aucunement eflre fait créature. noble compagnie. Quant à mes lar-
Parquoi fi vous ne monftrez que Chrift mes, ce n'a point efté faute de matière
eft au Sacrement , autrement que par qui m'ait fait pleurer, car, grâces à
grâce & d'vne façon fpirituelle & fa- Dieu , i'auoi de quoi fournir , voire
mieux que vos grands Théologiens
cramentale , c'eft en vain que vous-
vous couurez-ici de la puilTance infi- n'auoyent de répliques pour réfuter la
vérité que ie foufteaoi ; ces larmes me Les larmes
nie. » Bo. « Quoi donc? Confefi"ez- fortirent des yeux pour vne femblable de Philpot.
vous que Chrill foit realement au
Sacrement ? ou fi vous le niez .' » Ph. caufe que lefus pleura le malheur qui
deuoit auenir fur lerufalem. le fentoi
« le ne nie pas qu'il ne foit realement défia en mon efprit les ruines de
au Sacrement, voire à ceux qui y doi-
Que fignifie le uent participer félon l'infiitution du l'Eglife Chreftienne qui deuoyent aue-
mot realement. Seigneur. » Bo. « Qu'entendez-vous nir, & quand & quand l'occifion que
par ce mot Realement .' » Ph. ie preuoyoi préparée à tant de bons
« Comme fi i'auoi dit qu'il y fuft perfonnages. »
vrayement & fans doute. » Bo. « Dieu En refpondant ceci au doéleur
Chadfé , ie fu fouuent empefché par
n'e(l-il pas par tout realement ? » Ph.
« Pourquoi non ? » Bo, » Comment monfieur Rych , me difant que ie
Ifaie 66. i. le monftrerez-vous ? » Ph. « Ifaie en donnan"e loifir à Chadfé de pour-
rend tefmoignage , que Dieu remplit fuyure fon propos, & que puis après 2J
toutes chofes par tout. Et lefus Chrift il me donneroit congé de refpondre
Matth. i8. 20.
dit : « En quelque part que deux ou à tous les articles qu'il me propofe-
trois feront alTemblez en mon Nom, roit. Mais Car
il promit ce qu'il ne pou-
ie ferai au milieu d'eux. » Bo. « Eft-ce uoit tenir. les Ecclefiaftiques qui
au regard de fon humanité.^ » Ph. là eftoyent ne lui permirent d'acom-
« Non point : mais i'enten cela au re- plir ce qu'il euft bien voulu. Quant
gard de la Diuinité, félon quoi vous au liure, ie confen"e que ce fuis-ie
interroguez. « Ry. u. Monfieur de Lon- qui ai recueilli les ades de cefte dif-
dres, permettez maintenant que le pute, & comme le tout eft auenu (i).
dofteur Chadfé difpute auec lui. »
Chadfé commença fon propos de bien
loin, mais voici prefque le fommaire I" (i)
col. Philpot
compte rendu dese ladéclare
dispute ici
de l'auteur du
155; i dont
il est parlé plus haut, p. );4, note i de la
de fes paroles. Ch. .< M. Philpot a
II.

L
LIVRE SIXIEME.
5W
l'ai pour icfmoin de cela le Doyen tenue par Chrift , l'annonciation de fa
de Roch'llre A l'Archediacre de mort pour l'édification de l'Eglife ,
Hallbrd (i), monfieur Chenee (2), qui finalement le prendre & manger, ce
tous deux font encor viuans en ce n'eft plus Sacrement. Certainement ,
■royaume. "Chadsé." Venons au poind: cefte prononciation de paroles, qui eft
Les quatre Euangeliftes, auec S. Paul la dernière partie du Sacrement , n'a
en l'Epirtre aux Corinthiens , main- point
moins deditlieu , car Jefus
: Prenez, Chrift que
mangez, n'a pas
ce
tienent ouuertement la prefence de
Chrill après les paroles ae confecra- Notez ceci
qui s'enfuit : Ceci eft mon corps. »
Ch. « Jefus Chrift difoit : Eatc, drinke,
Du fens des tion. De fait, tous s'accordent en ces
paroles de la paroles : " Ceci efl mon corps. » Ils ne & non point Eatc ye , drinke ye. »
■ ^"^' difent pas : ceci n'eft pas mon corps. Ph. « N'a-il point dit en nombre plu-
Et S. Jean au chap. 6. Jefus Chrifl riel :Prenez, mangez, & non point
promet de donner fon corps, laquelle en fingulier : Pren, mange, comme il
promefTe il a depuis acomplie en la femble que vous le prenez? » Ch.
Cène, comme on peut conoiftre par « Si ces paroles : Ceci eft mon corps,
les paroles mefmes : « Le pain que ie ne conftituent point ou ne font le
donnerai, c'eft ma chair, que ie bail- Sacrement , femblablement les au-
lerai pour la vie du monde; » ce mot tres parties qui font la benedidion, la
Baillcrji eft répété par deux fois. Au prife & manducation . ne le feront
premier, il le faut rapporter au Sacre- point. » Ph. "Je confelTe que l'vne
ment ;au fécond lieu , il le faut rap- des parties fans l'autre ne fert de rien.
porter au Sacrifice de la croix. Or, Car le facrement ne peut eftre Sacre-
auec toutes ces Efcritures tant mani-
fertes, nous auons l'authorité des Doc- mentment,&fice qui eft là fait
parfaitement n'eft entière-
acompli félon la
teurs les plus aprouuez , alTauoir
première
inftitué. » ordonnance de celui
Ch. « Niez-vous doncquioue
l'a
d'Ignace, Irenee & S. Cyprian. » Ph.
» S. Cyprian parle en cefte façon : ce foit le corps de Chrift , s'il n eft
Au fjcrificc qui cil Chriji , il ne faut pris .- » Ph. « Oui, car il ne peut eftre
j'uyurc fenduque corps de Chrift, finon à ceux qui le re-
par laChri/Î.
Loi de Enrienoutre, il eft dé-
adioufler à la ceuront deuëment , félon l'inftitution
du Seigneur. » Bo. « Le pain ordinaire
parole de Dieu, ou d'en rien diminuer.
Et S. Pierre dit : xSi quelqu'vn parle, qui eft mis fur la table, n'ell-il pas
qu'il parlecommeles paroles de Dieu." pain, encore que perfoone n'y touche
Parquoi fi aucun penfe que ces paro-
pour en
autre manger.'
raifon , car le »pain
Ph.quia eft
C'eft
mis vne
fur
les feules : Ceci eft mon corps , con-
ftituent vnc prefence réelle de Chrift , la table ordinairement eftoit pain, voire
fi outre cela il ne bénit, s'il ne prend auparauant qu'il y fuft mis. 11 n'eft pas
& mange (lefquelles trois chofes font ainfi du Sacrement, lequel n'eft point
de la fubftance du Sacrement) ceftui- Sacrement, finon entant
la eft abufé , & pour cefte raifon S. ment adniiniftré en la qu'il
table.eft»deuë-
Bo.
Auguftin dit : Que la tarolc foll con- u Qu'eftimez-vous donc que c'eft après
les paroles de confecration iufques
ioinle à l'clcmcnl , & il y aura Saerc-
mcnt. En cefte forte donc au temps qu'il foit receu r » Ph. <i Je
vne entière obferuation des ,paroles
s'il n'ydea
diroi que de
c'eft feulement
commencé la chofe facree,vn & figne
non.
Chrift en l'vfage du Sacrement, ce n'eft
plus Sacrement, non plus que les facri- point vn Sacrement, entier auant qu'il
nces que les dix lignées (?) offroyent foit pris. Car il nous faut regarder
à Dieu en Bethel, eftoyent facrifices, deux chofes au Sacrement, affauoir le
figne & la chofe figniliee, qui eft Chrift
ains ont efté reiettez , d'autant qu'ils
n'eftoyent faits félon l'ordonnance de & fapaffion. n Monsieur de 'Winfor (1)
la Loi. Et pourtant, fi auec ces paro- s'efleua & dit : " le n'ai point veu iuf-
les on n'adioufte auffi ces trois parties, ques à prefent vn feul homme qui
lefûuelles font que le Sacrement foit niaft les paroles de Chrift comme vous L'inftilution

entier A parfait, aft"auoir l'adion de faites. N'a-il pas dit lui mefine : Ceci du Seigneur
grâces rendue pour la rédemption ob- eft mon corps.- » Ph. « Monfieur, ie
vous prie , prenez la chofe comme fait ment.
le Sacre-
(1) L'édition latine deanglaises
\-'oxe porte elle doit eftre prife. Nous ne nions
fordiec. i> Les éditions ont •••■Huri-
Uni-
point les paroles de Jefus Chrift,
ford. »
(2) Chcyney.
(; Les dix tribus. (I) Lord Windsor.
JEAN PHILPOT. 355
mais nous monftrons qu'elles n'ont lefquelles on ne pourra auoir l'inftitu- m d.lv.
point autrement vertu, finon entant tion entière & parfaite de la Cène.
qu'elles l'ont accommodées à la vraye Parquoi les Grecs appelent le Sacre-
ordonnance & inllitution de lel'us ment d'vn nom qui fignitie Commu-
Chrill. Ceci l'oit pour exemple : lefus nion &; auffi pour cefte raifon le Sei-
Chrill ordonne qu'on baptize au Nom entre vous. gneur dit en )> l'Euangile
Ch. « SainA: Diftribuez
Paul ne Synaxis.
du Père, & du Fils, & du faind Ef-
prit. S'il y a quelque Preftre qui pro- l'appelé point Communion, ains Com- Communion,
nonce ces mefmes paroles l'ur l'eau , munication. » Ph. « Cela auffi de- Commumca-
lors qu'il n'y aura nul prefent qui foit clare mieux, crementque participation
doit eftre faite. »du Bo.
Sa-
pour ertre baptizé, la feule prononcia-
tion ne fera point le Baptefme. Adiouf- « Treshonnorez feigneurs , il me fait
mal de vous voir ainfi laffer après vn
tons ceci, que le Baptefme n'efl point homme fi .obftiné , veu que nous ne
vrayement Baptefme, finon à ceux qui
font arroufez d'eau, & non point à profitons de rien enuers lui. Pour le
ceux qui affilient là pour élire fpeda- prefent, ie ne vous fafcherai plus, n
teurs. » Le Chambrier. « Mes fei- Et toute la compagnie fe leua, & nul
gneurs, ie vous prie me permettre que ne me dit vne feule parole iniurieufe ,
ie lui face vne queflion: « Quelle façon & fembloit qu'ils eftoyent aucunement
de prefence trouuerez-vous au Sacre- affeftionnez. Le Seigneur vueille tour-
ner tout à bien.
ment lors
, qu'il eft deuëment pris, &
ainfi qu'il apartient? » Ph. « Quand
ceux qui s'approchent de la table fa-
creedu Seigneur lefusy vienent digne-
ment, ie confeffe que Chrill y eft pre- Les aâcs duvij.examen.{i), auquel pre-
fent auec tout le fruift de fa paffion , fidoycntles Eucfqucs de Londres &
voire en ceux qui le mangent digne- de Rochc/îre, le Chancelier de Lych-
ment ,c'eft à dire comme il apartient, fild , le doâeur Chadjé , M. Deye ,
& aufquels Jefus Chrill eft conioinft, bachelier en théologie (2). En cejl
& eux conioints à lefus Chrift. » Le
examen vij. il eft traité de l'authonté
Chambrier. « Ce m'eft alTez. » Bo. de l'EgUfe du Seigneur.
Cl Seigneurs tres-honnorez , ie vous
exhorte de ne vous arrefter à ce qu'il L'EvESQVE Boner commença cefl
dit, il ne fait que vous feduire mal- examen en cefte forte : « Nous vous
heureufement , car la fimilitude du auons fait appeler, afin que vous affif-
Baptefme qu'il araeine n'a rien de tiez à la Mefi'e ; le Roi & la Roine & Argument
commun auec le Sacrement de l'au- tous les Seigneurs de ce royaume y digne d'vn
tel ;c'eft autant comme fi ie difoi à : refuferez-vous d'y aller? Je Euefque.
Ainfi renuer- monlleur de Bridges qui fouperoit vont
vous traite trop benignement, à la vé-
:nt les chiens auec moi : Prenez, mangez, ce cha- rité. »Ph. II Si vous appelez douceur
k pourceaux _q,^ Q^^ (jjg,^ „P25 . ^ toutefois icelui & humanité d'eftre gardé en vne orde
ce qui eu r. ■ ■ ^i ■ /-^ t charbonnière, fans feu & fans lumière,
faina. n y mettroit pomt la mam. On en peut
autant dire d'vn gobelet plein de vin, vous m'auez traité benignement ; mais
quand ie diroi : Taftez de ce vin , il vous auez puiffance de traiter mon
eft bon & friand : encore qu'icelui poure corps comme bon vous fem-
blera. » Bo. « Pource que Monfieur
n'en gouftaft , eft-ce à dire que ce vin le Chancelier Gardiner eft mort ,
ne fuft pas vin pourtant? « Ph. « Pour
certain, ces exemples font du tout in- vous-vous faites acroire qu'il n'y aura
plus perfonne bruflé. Non , non.
dignes d'eftre mis en comparaifon de
myfteres fi hauts & facrez. Cj que ie Croyez-moi , ie vous enuoyerai bien-
pourroi bien clairement monftrer , fi toft au feu , fi vous ne laifl'ez voftre
ce n'eftoit que vous me furmontez opinion. » Le Chancelier ci deflus
nommé , qui eftoit à cefte feptiefme
pluftoft Chofes
caufe. en authorité qu'enconuienent
femblables raifon de difpute, dit : « M. Philpot , ne vous
auec leurs femblables ; chofes fpiri- ruinez point ainfi de voftre propre
tuelles, auec les fpirituelles. Les Sa-
cremens doyuent toufiours eftre mefu- (i) Le 17 novembre 1555.
rez par les paroles de Chrift, entre (2) Les évêques de Londres et de Roches-
lefquelles ce font-ci les principales : ter, le Chancelier de Lichfield, le D' Ched-
sey, Master Dee et un bachelier en théo-
Prenez, mangez, comme parties ne- Dee et le bachelier n'étaient pas un
ceffaires pour faire le Sacrement, fans même logie.
personnage.
I.IVRR SIXIEME. De lEgia

gré ; plufloll regardez à vous lauucr , Eglife.'» Ph. « Depuis Chrift conti-
5<^
6 5roincttcz-vous à la bonne volonté nuant iufques à les Apollres, & con-
de Monlieur de Londres & au iuge- fequemment iufques à leurs vrais fuc-
raent des autres gens fauans, & vous celTeurs. » Le Chancelier de Londres :
euiterez tout danger. » Ph. « Ma
« Je pcnfe qu'il prouuera aufli que
confcience me rend tefmoignage qu'il l'Eglife a elle deuant le temps de
n'y a nulle affedion humaine qui m'ait Chrill. .1 Ph. « Quand ie l'auroi fait,
incité , mais ie n'auroi rien dit contre la vérité.
fait faire ces vne crainte
chofes. de Dieuie m'a
Autrement fe-
roi le plus fol homme de tout le Car il ell bien certain qu'il y a eu
Eglife deuant Jefus Chrill, laquelle
monde , fi auec la perte de tant de fait vne feule Eglife catholique ; &

I
commoditez que ie pourrois obtenir pour prouuer ma foi i.^ mon Eglife ,
en ie ne prendrai autre fondement que
fur cemoimonde, i'attiroi quanddernière.
vne condamnation vS: quand»
vollre reigle tant vfitce , alVauoir de
Le Ch. « Vous n'en elles pas fi af- l'ancieneté , vniuerfilité & vnité. >■
feuré que ne puifliez élire deceu. » Bo. « Auifez, comment il ell impu-
lufqucs ici dent en fes menfonges. S. Cyprian
Bo. » Puis qu'on ne vous peut Hef-

I
Philpot cfl chir par douceur ne par raifons quel-
trailij par dif-
pules diucrfcs
conques ie
, procéderai contre vous ytefmoigne ouuertement
ait vn Pontife qu'il, auquel
fouuerain faut qu'ilil
louchant la de mon authorité & félon mon office. ell conuenable que tous les autres
dodrine. Efcoutez donc les articles que ie vous
obeilTent.
aucun chefMais
ne ceux-ci n'aprouuent»
vicaire vniuerfcl.
reciterai, car l'ordonne que vous y
refpondiez. » Sur cela, il tira vn pa-
pier de fon fein auec diuers articles Ph. a S. Cyprian ne dit pas qu'il foit
necclTaire d'auoir vn vicaire gênerai,
efcrits contre moi. Et après qu'il les car il me louuient qu'au hure de la
eut recitez, il me commanda de ref- limplicité des Prélats, il parle en celle
pondre par ordre à vn chacun. Ph. façon : 11 y a vne feule dignité Epif-
« Monlieur, ce billet contient deux copale, de laquelle vn chacun feul &
principaux poinds. Le premier ell que pour le tout tient vne partie. » Bo.
ie fuis de vollre iurifdidioii , iS: pour- u Qu'on apporte ici S. Cyprian : vous
tant vous pouuez , félon vollre office , verrez que ce lieu-la fait du tout contre
intenter procès contre moi , touchant vous. » Incontinent le dodeur Chadfé
les herelies defquelles ie fuis foup- apporta le liure, & monllra le lieu en
çonné. Mais quant au premier, vous l'epiflre efcrite à Corneille, qui elloit
fauuez du contraire , d'autant que la pour lors Euefque de Rome. Voici
prouince de laquelle ie fuis napar- prefque toute la fomme des paroles :
tient point à vollre iurifdidion. Quant
Là où on n'oblcm^crc point au sacri-
au fécond, que i'ai abandonné l'Eglife ficalcitr tic Dieu , ilauec
bonne conucnancc n'y a Ipoint
Egliseaucune
, &c.
&vous
la foi
fauez en laquelle i'ai elle en
que ie perfille baptizé
cefte, Ph. « Monlieur le dodeur prend mal
mefme Eglife & continue en la foi ca- le palTage de S. Cyprian; car par ce Le lieu de
mot de Souuerain Prellre ou Sacrifi- S. Cyprian
tholique en laquelle i'ai elle baptizé. » ciim bcnc
Non Ecctcfia
iUi
Bo. « Au diocefe de qui cHes-vous cateur, iln'entend pas Patriarche
l' Euefque de
maintenant.' dites-moi.'» Ph. « Je ne Rome, mais vn chacun en
peux nier que ie ne fois maintenant fa iurifdidion. Comme de fait il y agilur, vbi
détenu en vollre Charbonnière , le- Saccrdcli noi
auoit en ce temps-la quatre Patriar- Jummo Dei
quel lieu e(l dedans les limites de obkmpcratur
vollre prouince , & toutesfois ie ne ches qui elloyent conllituez fur l'Eglife
en gênerai. Et lors efcriuant li Cor-
fuis point de vollre diocefe. Quant au neille, ilentenduit de foi-mefme fous
fécond , ie fai profeflion encore à ce nom de Souuerain Prellre , comme
prefent de la melme foi A Eglife ca- ainli foit qu'il full Primat de toute
I. Tini. ). ç. l'Afrique, l'on authorité comniençoit
Chrilt éic latholique, qui ell l'Eglife
colomne de Jefus
éi: fermeté de la en ce temps-la à élire mefprifee des
vérité. i> Bo. « Vos parrains fuyuoyent hérétiques. Se plaignant donc de cela
bien vne autre foi que celle de laquelle par fes lettres à Corneille, il alTerme
vous faites maintenant profeflion. » que l'Eglife ne peut élire deuëment
Ph. « Mais ie n'ai point elle baptizé adminillree au lieu où on n'obtempère
en la foi de mes parrains qui ont fait fJoint à lauthorité du fouverain pre-
la promelTe pour moi , ains en la foi at , félon la difcipline & ordre de
de Chrill & de fon Eglife. » Bo. t Com- l'Efcriture, le iugement du peuple &
bien de temps a duré celle vollre le confentement de fes compagnons
557
JEAN PHILPOT.

ordonnez à la dignité Epifcopale. »


donné les clefs à tous, afin qu'il déno-
Bo. <i L'Euefque de Rome n'a-il pas tait l'vnilé de tous. » Sur cela Boner
allé tenu iufques à prefent le chef fou- dit au Chancelier : « le vous prie,
uerain de TEglife, & vicaire de Chrift
en terrer » Ph. « Non point, car les aidez
homme à auec
parfaire l'examen
monfieur le de ceft
dodeur
fainftes Efcritures ne lui donnent pas Chadfé & monfieur Deye. Car il me
faut viftement aller au Parlement, &,
plus grande authorité qu'à l'Euefque
de Londres. » Bo. « S. Pierre n'ef- aprèscéans
cela, auec
ie m'atten
e la primauté
toit-il pas comme porte-enfeigne de rez moi. que vous difne-
» Alors Deye
du Pape.
l'Eglife? & l'Euefque de Rome n'a-il reprint cefte mefme authorité de S.
pas fuccedé en fa place? « Ph. « Je Cyprian, & commença de bien haut
confelTe que l'Euefque de Rome, en- à efplucher toutes les circonrtances ,
fortant fort loin de fon propos. Et le
tant qu'il feroit
S. Pierre, auroit légitime fucceffeur
femblable de
authorité; Chancelier de Londres dit que, des le
commencement, tousonttenuS. Pierre
mais celle authorité n'eftoit point plus
eminente en S. Pierre qu'es autres pour chef de l'Eglife , & fes fuccef-
Apoftres. " Le Chancelier : « Mais feurs auffi, & mefme la fainde Efcri-
il a efté dit à S. Pierre d'vne façon ture aprouue cela. Et pour cefte caufe
particulière : « Je te donnerai les clefs lefus Chrift lui a dit, lean 21. voire
meas.oues
du royaume des cieux. « Ce que Jefus répété par «trois
Pa/ce
Chrift ne dit lors à pas vn des autres bis. »Ph. Cela fois : « Pai mescomme
eft feulement bre-
Apoflres, ains feulement à S. Pierre. » s'il difoit : Allez , prefchez ; ce qui
Ph. « le vous ai alTez dit ci deuant , eftoit dit auffi bien aux autres Apof-
S. Auguftin. que S. Auguflin refpond bien autre-
ment à cefle obieiftion , difant ainfi : tres qu'à S. Pierre. Et quant aux trois
|>i in Pctro non fois, ce n'eft autre chofe finon vne dé-
tjfct Ecclcfiœ S; en Pierre il n'j avait le mv/lere de claration de l'ardeur du zèle que tous
miniftres de la Parole doyuent auoir à
myjierium ,
non d dicerct
l'Eglise , le Seigneur ne lui dirait
point : le te donnerai les clefs. Ç^ue fi paiftre les brebis de Chrift. Mais pour-
Do mi nus , tibi riez-vous bien penfer que ce foit pro-
dabo claues : cela a ejlé dit parliculieremcn't à Pierre,
Si autcm Pctro l'Eglise ne les a point; mais Ji l'Eglije prement interpréter l'Efcriture, quand
hoc dictum cft, les a {veu qu'elle a receu les clefs ) . il de ce paffage : « Pai mes brebis , »
non habit vous attribuez au Pape la fouueraine
a dénoté toute l'Eglise. » Bo. •< Que domination du monde? » Sur cela vn
Ecclcjia : Si fera-ce , fi ie demonftre par le droit
autcm Ecclefia
habct , quando ciuil que tous les Chrefliens font te- Bachelier en Théologie entra, qui ef-
claues accepit , toit de la maifon de Londres et faifoit
nus de fuyure l'Eglife Romaine ? Et
Ecclcfiam de cela il y a vn titre exprès, de la foi profeffion de la langue Grecque à Ox-
totam defi- catholique & de la S. Eglife Ro-
gnauit. fort ( I ). C'eftui-ci s'ingéra d'vne grande
maine. i>Ph. « Cela n'emporte rien , hardieffe d'aider monfieur le Chance-
puis qu'ainfi eft que les chofes diuines lier, & commença en cefte façon :
ne font point affuietties aux loix hu- t Que fera-ce , fi ie vous produi vn
maines. »Bo. '< Que direz-vous, fi ie dofteur Grec nommé Theophylaâe ,
prouue manifeftement que Jefus Chrift qui confent clairement à cette inter-
a bafti fon Eglife fur S. Pierre, & ce prétation ?» Ph. 0 Theophylade eft
par l'autorité de faind Cyprian r Croi- de ceux qui fauorifent à la faftion du
rez-vous alors foit qu'ilchef
faut fouuerain
que l'Euef- Pape ; & pour cefte raifon on le doit
que de Rome de tenir pour fufped, veu mefme que fon
l'Eglife? !> Ph. « Je fai ce que S. Cy- .interprétation eft fort eflongnee du
prian dit touchant cela ; mais il n'en- vrai fens de l'Efcriture , voire con-
tend rien moins que ce que vous pen- traire aux déterminations de beaucoup
fez. r> Deye. « Ce font-ci les paroles de Conciles généraux. » Le Bache-
de S. Cyprian : L'Eglife a eflé fon- lier. «Par quel Concile gênerai pour-
dée fur Pierre comme sur l'origine de rez-vous prouuer que l'Euefque Ro-
vérité, y Ph. « Il explique cela clai- main n'eft point chef de l'Eglife ? »
rement par exemple , afi'auoir qu'il Ph. « Par celui de Nicee; car l'Euef-
faut qu'vnité foit gardée en l'Eglife , que de Romea Cela n'y prefidoit
& pourtant le Seigneur Jefus a bafti Bachelier, eft faux. pas.
le »vous
Le
l'Eglife fur Pierre feul , & non point
fur les hommes. Ce qui eft plus ou- (i) Il se nommait Edridge, et était pro-
uertement monftré au liure de la fim- l'université d'Oxford.
L'édition fesseur de grecde àFoxe
latine le désigne ainsi :
plicité des Prélats . où il dit en cefte A Iter ncscio quis , ilxcologiœ candidatus aique
façon : En la perfonne d'vn , Chrift a ex clientela episcopi Londincnsis.
t.

LIVRE SIXIEME.

J58
propoferai Eufcbe , par lequel vous Apoftolique par la mefme pureté de
conoiflrez facilement tout le con-
dodrine qu'iceux ont laiffee .- Que fi
traire. »Il s'en alla donc en la librai- vous le pouuiez faire, vous auriez iufle
raifon de vous vanter de ce fiege.
rie de l'Euefque Boner, & apporta le
liufL- d'Eufebe ; mais il n'apporta pas Mais puis que vous ne le pouuez
les Conciles généraux , fe couurant faire, ceflc raifon ne vous peut non
de cefte excufe, qu'il ne les auoit peu plus profiter, que H le Turc tenoit fon Comparaisi
trouuer. Apres auoir bien fueilleté Eu- fiege à Antinche ou en lerufalem, &
febe, il ne peut monflrer le palTage , propres,
mais fe retira. Le Chancelier dit : cependant qu'il fe vantafl du- titre de
fiege Apofiolique, pource que les
« Vous voyez que tous les autres de
ce royaume font contraires à voftre Apoflres y auroyent conuerfé autres-
fois. Or quant à ce que le concile de
opinion. Et comme fe fait cela que
vous vous oppofez feul à tous ? » Carthage, par lettres efcrites à l'Euef-
Chad. adioufla : « le deflreroi que que Innocent, defiroit fon confente-
ment pour reprimer les Donatiftes,
portiffiez plus de reuerence à l'Eglife cela ne fait non plus à maintenir la
Romaine. Quedirez-vous, fi ie produi primauté du Pape , que fi ceux qui
vn pafTage d'vne Epiflre de faind Au- ont efté aft^emblez en noftre congréga-
guflin, tion enuoyerent des lettres à vn autre
auquel qu'il
tout efcrit au Pape
le concile de Innocent,
Carthage Euefque touchant certains articles ,
donne le premier lieu à l'Eglife Ro- defquels ils confentilTent entr'eux , le
maine .>» Ph. < Vous ne pourriez. » requerans que lui auffi y donnaft con-
Il apporta le Hure & monflra bien
fentemen&
t , qu'il procuraft que le

I
l'Epilire , mais il n'en pouuoit tirer fait fuft auffi publié en fon diocefe. Et
aucun argument pour prouuer ce qu'il ceft Euefque n'a point pour cela au-
vouloit dire . ex<!epté quelques con- cune occafion de s'attribuer quelque
iedures. Le Bachelier. « Vo^is voyez chofe par deffus les autres , aiTauoir
ici comment tout le concile de Car- de ce que les Frères le requièrent de
confentir auec eux. Il en faut autant
thage cfcriuant à l'Euefque Innocent,
appelé l'Eglife Romaine Siège Apof- pcnfer de ceft ordre continuel déduit
tolique. D'auantage, ils efcriuent des par S. Auguftin , lequel ne prouue
chofes qui furent fiiites en ce Con-
cile, & des Donatiftes qui auoyent nullement que Rome foit l'Eglife ca-
tholique, finon que vous vueilliez faire
erté condamnez , requerans auffi fon vne autre conclufion que S. Auguftin,
confentement en ce mefme fait. Et , car ce récit de fucceffion tendoit à ce
comme but , de prouuer que les Donatiftes
ainfi faitie, penfe,
fans duils tout
ne l'eulTent
eftimer point
certe
Eglife plus haut efleuee que les au- font hérétiques , d'autant qu'ils fai-
tres. Et il y a plus, que de là on peut foyent Eglife,
autre tout leur
tant effort
en la d'inftituer
ville de Rome vne
facilement iuger comment, félon l'auis qu'en Afrique,
ou S. Paul auoitqueinftituee,
celle queou S.quelque
Pierre
de
va faind
deuant Auguflin toutes ,lesl'Eglife
autres Romaine
, quand
icelui déduit la fucceffion continuelle autre de leurs fuccen"eurs, lefquels
icelui raconte par ordre iufques à fon
des Euefques d'icelle iufques à fon temps. Que (i vous autres pouuez
temps, comme nous fuifons auffi en- nionftrer par ceft ordre & longue fuc-
core auiourd'hui découler certe mefme ceffion, delaquelle vous-vous glorifiez
fucceffion iufques à noflre temps. Par- fi hautement , que rien de cefie doc-
quoi de cefl argument de fainâ Au- trine de laquelle nousfaifonsprofeffion
guflin, nous concluons que l'Eglife n'a ianiaiscelTeursefté receuë
de faind par aucuns
Pierre fuc-
& de faind
Romaine efl la vraye Eglife catholi-
que, n Ph. € Monfieur le Dodeur, Paul, il fe pourra bien faire que voftre
vous prenez les paroles de S. Auguf- arraifonnement aura quelque appa-
rence. » Le Chancelier de Londres
tin bien loin de fon intention : l'ap-
dit au Dofleur Chadfé : « Vous voyez
pelant Siège Apoflolique , s'enfuit-il
qu'elle eft l'Eglife catholique .' De que nous ne profitons de rien. II
confeflTer qu'elle eft fiege Apoftoli- refte donc que nous efpluchions les
que , au regard de S. Pierre & de articles qui nous ont efté commis par
S. Paul , qui en ont eftd- les premiers l'Euefque contre lui. Monfieur Phil-
fondateurs , que feruira-il , finon que pot, quelle refponfe faites-vous à ces
vous monftriez en ceux que vous vou- articles.' Et vous, monfieur Joanfon ,
lez dire leurs fuccelTeurs , vn (îcge efcriuez diligemment & enregiftrez ce
JEAN PHILPOT. 359

qu'il refpondra. « Ph. « Monfieur le mefme claréqu'on fait bien qu'il s'eft dé-
mon ennemi , à caufe que moi
Chancelier,
fance vousinquifition
de faire n'auez pasdecefte
ma puif-
foi ,
eftant parauant Archediacre, ie l'ai ex-
par laquelle vous me puiffiez con- communié, pource qu'il auoit peruer-
traindre de refpondre à ces argu- fement reprouué la Doftrine. Finale-
mens que vous auez maintenant pro- ment, file Seigneur lefus a efté tenu
pofez. Car ie ne fuis point de la pour vn homme infenfé , il ne fe faut
iurifdidion ou diocefe de l'Euefque efbahir fi on m'impute vne telle frene- Calomnie de
de Londres, comme lui en ai ref- fie. » Bo. « J'ai entendu qu'on vous
a enuoyé vn cochon rofti, qui auoit Boner.
pondu. » Le Ch. « Puis qu'ainfi eft, vn coufteau caché dans le ventre ; ie
allons nous-en donc , & que le Geô-
lier le remene. » ne fauroi dire à quelle fin il eftoit mis,
Boner con- ou fi c'eftoit pour vous tuer vous-
tinue en fes Le lendemain matin, l'Euefque en- mefmes, ou pluftoft pour me tuer.
frenefies. uoya vn de fes eftafiers pour appeler
Car il y en a alTez qui m'auertiffent
Philpot , a celle fin de le mener à la que ie me donne garde de vous au-
chappelle de l'Euefque tres, mais ie fai peu de cas de tous
Meffe , mais ce fut enpour y ouir
vain. Ceftela vos efforts. » Ph. « Je ne puis nier
procédure fut menée à tant de petites qu'on ne m'ait enuoyé vn coufteau
circonflances que rien plus ; & quand dedans le ventre d'vn cochon rofti
l'Euefque Boner voyoit d'vn cofté pour couper la viande, mais cepen-
qu'il foudain
ne protitoit de autre.
rien , ilIlfelui
tour- dant ie puis bien dire que ie ne fai
noit fur vn dit
qui l'a enuoyé, ni à quelle fin , finon
ceci, après plufieurs propos : « Mef- que celui qui m'enuoya la viande ,
fieurs les Euefques me reprenent ,
Philpot , de ce que ie ne vous ai fait penfaft que ie n'eufl'e point de couf-
teau. Et ne faut point que vous crai-
mourir pluftoft. Et i'ai diligemment gniez qu'il y ait rien d'auantage, ne
procuré enuers monfieur le Cardinal que i'eufle penfé à quelque chofe
finiftre. «
& tous les autres qui ont efté en l'af-
Apres ces chofes , ie fu mené à la
femblee , qu'ils affiftaffent pour vous
ouir ; mais monfieur de Lincolne , y chapelle de ceft Euefque, en laquelle
eftant prefent , afferma que vous eftiez eftoyent
vn homme frénétique , qui vouliez monfieur l'Euefque
Mordant, de fainift Dauid
confeiller de la,
toufiours auoir le dernier mot. Tous,
Roine, & l'Archediacre de Londres,
di-ie, d'vne mefme bouche, me blaf- & auec eux grande troupe de telles
moyent de ce que ie vous ai publi- gens ( i ). L'Euefque de Londres fe print
quement produit tant de fois deuant à dire qu'en prefence de monfieur
luges fi excellens, pour défendre vof- fainél Dauid, & de monfieur Mordant
tre caufe, & qu'il n'y a rien que vous & des autres magnifiques & nobles
appeliez plus que faire valoir vn lan- feigneurs, il propofoit des articles ef-
gage ou babil en grande affemblee de crits en vn billet. Et les ayant leus,
gens, tant eftes-vous enflé d'vne gloire il dittreàcesPhilpot
infenfee. Il m'eft donc commandé d'y articles : vous
« Je demande
refpondiezqu'ou-
auffi
procéder d'vne autre façon. Et ie vous du Catechifme qui fut fait du temps
iure en bonne foi que , fi vous ne du Roi Edouard, lors que tout eftoit
vous changez de bonne heure , ie ne plein de fchifmes & diuifions. Item
vous amuferai plus longtemps. Mais que vous refpondiez à certaines con- Catechifme
au contraire , fi vous vous repentez & du temps du
acquiefcez auec nous autres , on vous clufions publiées au
fité de Cambrige & nom de l'vniuer-
Oxfort. Et voici
roi Edouard.
pardonnera tout le pafTé ; & tout ce ie propofe pour tefmoins deuant vos
que iufques à prefent vous auez dit yeux tous ces Seigneurs ici prefens ,
ou fait fera mis en l'oubli. » A quoi qui ont affifté à la difpute de cefte
Philpot dit : « Monfieur, ie vous ai àfi"erablee-la. » Il fe fit apporter vn
défia des longtemps déclaré quelle ef- liure pour les faire iurer de teftifier de
toit mon intention, e% ce que i'ai déli-
béré de faire. Et quant à la calomnie vérité. Le prefentant à monfieur de Nouuelle
faina Dauid, il lui dit : « Monfieur,
de monfieur With (i), Euefque de Lin- ie vous déclarerai vn fecret de droit pratique
Boner. de
colne ie
, n'en fai pas grand cas, veu
lequel , poffible, vous n'auez pas en-
(I) Philpot, étant archidiacre, avait ex- core oui iufques à prefent , afl'auoir
communié White pour fausse doctrine. (I) Ce fut ie huitième examen de Philpot.
LIVRE SIXIEME,
560
qu'entant que vous eftes Euefque , guftin, ou
entend de quiconque en foitdel'autheur'
la célébration la com-
aucz priuilege de iurer feulement
après auoir veu les Euangiles , fans munion &, du vrai vfage du Sacre-
les toucher. » Parquoi il ouurit feule- ment du corps & du fang de Chrift,
ment le liure deuant lui , & puis le
ferma. Mais aux autres il ouurit le &laquelle
non point de voftre
vous auez Men"e
mife en priueede,
la place
liure pour iurer en touchant delTus. & cefte communion. Car défia des le
Le mot de
fit inférer leurs fermens dedans les re-
gillres de fon Secrétaire. commencement,
efté accommodé ceà mot de Meft'e a,
la communion mode à la
voire entre les Pères de la primitiue communion
Il s'adrella puis après à monfieur du temps des
Cofin. pour examiner Philpot (1). Eglife , & fe peut faire que tous ceux Tc acom-'
MclPères.
Cofin , lifant l'efcrit que lui auoit qui chantent la MefTe, n'entendent
baillé l'Euefque , dit à Philpot : pas la vertu de ce mot. » Ha. <■ Vous
tt Quelle eft voflre opinion touchant penfez parauenture que ce mot de
le premier article? & quel e(l le dif- Meft'e vient du mot Hebrieu Massa,
férent debatu entre vous & monfieur
comme fi nul autre n'entendoit rien
r Euefque r » Ph. « Il efl fur ce point en Hebrieu que vous. » Ph. « Je ne
à fauoir fi voflre Meffe eft vn Sacre- fuis point fi mal auifé de déduire de D'où vient le
Cofin, image ment. » Co. « Si la MelTe efl vn
d'vn ridicule l'Hebrieu vn mot que i'eftimc Latin;
Sacrement r Et qui iamais douta de car Missa vient de Mitto, qui fignifie mot de MclTe.
SophiAe. cela } » Ph. « Si la chofe vous femble
enuoyer, d'autant qu'en ce temps-la,
certaine, vous n'aurez pas grand'peine quand on celcbroit la communion,
à la maintenir; car de moi, l'en fuis ceux qui efloyent richesconlribuoyent,
fort en doute. » Co. « Je le vous au- vn chacun félon fa puiflance, des
rai tantoft facilement déclaré , & en donfi & offrandes pouj fubuenir aux
bref, elle eft figne d'vne chofe facree; poures, recommandans au Miniftre de
il faut donc neceflairement qu'elle prier pour eux en la communion facree,
foit facrement. » Ph. « le nie l'anté- & qu'il receuft tels dons & oft'randes,
cédent. »Co. « Puis que vous le & les diftribuaft pour fubuenir à la ne-
niez , ie ne voi pas que nous deuions ceffité des poures frères & fœurs. On
plus argumenter contre vous, qui a appelé cela MisSA, pour cefte caufe,
niez les principes.» Cofin donc, cefte comme plufieurs gens fauans en ren-
refponfe faite , comme pofant le bou- dent tefmoignage. Et tous ceux qui
clier & les armes , quitta la place à affiftoyent à telle célébration de
Harpsfild (2), enuoyé par l'Euefque, Meffe , communiquoyent enfemble
le liure des Epiflrcsde S. Auguftin, auec fous les deux efpeces , félon la façon
lequel parla en cefle façon : « Mon- qui auoit efté receuë de Jefus Chrift,
L'Epiftre de comme nous lifons que cela a efté
S. Au^'ullin fieur l'Euefque enuoye S. Auguftin,
obicilee. afin que \«ous y regardiez, & principa- fait mefme du temps de fainft Auguf-
lement en l'vne de fes Epiftres , la- tin. Mais comment prouuerez-vous
quelle ie vous lirai maintenant depuis
le commencement. Vous y auez mani- que cefte voftre Meft'e s'accorde aux
chofes de ce temps-la , <& à ce mot
feftement la célébration de la MelTe, Missa, lequel S. Auguftin attribue à
& comment il reprend ceux qui vont la communion , finon que vous monf-
voler ou chalTer auant triez que maintenant on garde les
es iours de fefte & qu'ouïr Meft"e,
es Dimanches
mefmes vfages & obferuations en vof-
principalement. » Ph. « J'ai pris tre Meft'e, que iadis on obferuoit en-
garde au fens de l'Epiflre, & ne voi tre les anciens.' Or il n'y a rien plus
point que cela face contre moi , ne contraire en diuerfité d'obferuation. »
La Mellc des
qu'il feruc auffi de beaucoup pour le Ha. « Niez-vous que la Meft'e foit
Sacrement de voftre Men"e. » Ha. Sacrement, veu que mefme c'eft vn Papilles.
« Quoi } Ne fait-il pas ici mention de facrifice ? » Ph. « Appelez-la de tel
la Meft"e .' ne parle-il pas nuuerte- nom que vous voudrez, toutesfois vous
mcnt auffi de la célébration d'icelle ? ne pourrez obtenir que ce foit vn fa-
Pouuoit-on parler plus clairement ou crince , comme vous imaginez , que
plus manifeflement f >• Ph. « S. Au- premièrementCarne lemonftnez
Sacrement. facrificequ'elle eft
prouient
(1) Ceci appartient au neuvième examen. du Sacrement. <• Ha. « Ne font-ce
Cosins élan un chapelain de l'évtquc de
Londres. pas ici les paroles de Jefus Chrift :
(2) Le D' John Harpsfield. Voy. p. 114, Ceci eft mon corps.' D'auantage , le
supra. Preftre ne prononce-il pas les mefmes
JEAN PHILPOT.

paroles que Jefus Chrift a pronon- laquelle vous ne faites aucune men-
cées ?j) Ph. « Ce n'eft pas alTez qu'on tion. »
prononce les mefmes paroles, finon nion des
Apres cela, ce Preftre reprint cœur, De la commu-
qu'on les acommode au mefme vlage & commença à déduire fa raifon en Sacremens.
auquel Jefus Chrift regardoit. Ceci cefte forte : « Si le Sacrement de la
eft par forme d'exemple : Vous aurez Mefte n'eft pas autrement Sacrement,
beau prononcer les paroles du Sacre- finon qu'il foit diftribué à tous, d'au-
ment du Baptefme fur l'eau , neant- tant que Chrift a dit : Prenez , man- 56.
moins tout cela ne fait point qu'il y gez , on pourra dire par vn mefme
ait Baptefme, finon que quelqu'vn fe argument que le Sacrement du Bap-
tefme ne fera point Sacrement , veu
prefente auquel l'vfage du Baptefme
foit acommode. » Ha. « Ce n'eft qu'vn feul eft receu au Baptefme :
point raifon femblable , car quand il combien que le Seigneur commande
ait : Ceci eft mon corps , c'eft pour fes difciples en cefte façon : « Allez , Mattli. 28. 19,
monftrer vn fait prefent, & par cela eft
prefchez l'Euangile à toute créature ,
expliqué ce que Dieu y fait enuers la baptizans toutes gens au Nom du
fubftance du pain & du vin. » Ph. Père, du Fils & du S. Efprit. » Ph.
« Mais, monfieur , cela n'eft pas feu- « Ce commandement du Seigneur de
lement vne demonftration, ains il y a baptizer toutes gens ne regarde point
Les paroles auffi commandement exprès. Car celui au temps du Baptefme, comme fi, en
du Seigneur vn mefme inftant , il faloit que tous
fe doyuent qui a dit : Ceci eft mon corps , lui-
conioindre. mefme auffi a dit : Prenez, mangez. receuftent le Baptefme. Ce qui ne
Et pourtant fi la première partie de peut eftre nullement fait; mais fe ra-
la Cène du Seigneur ne refpond à
l'inftitution de Chrift , il eft bien cer- porte àcluanttoute forte d'hommes
nul du Bénéfice , n'ex-
de Chrift, foit
tain que cefte dernière : Ceci eft mon
corps , ne peut eftre acommodee à Grec ou luif. Et il y a tant d'exem-
ples de ceux qui ont efté particulière-
cela ; autrement vous prendrez la ment receus au Baptefme , comme
chofe au rebours. » Vn certain Pref- quand noftre Seigneur lefus a efté
tre parla fur ce, & dit : « Vous vou-
baptizé par Jean Baptifte, & l'Eunu-
lez donc, par ce moyen, que le Sacre- que par Philippe & autres infinis. Or
vous ne me fauriez mettre en auant
ment dépende
foit eftabli par deicelle.
la réception,
» Ph. «&Jequ'il
ne vn femblable exemple touchant le
di pas que le Sacrement foit conftitué Sacrement du corps & du fang de
feulement par la réception , mais il Chrift. Pluftoft nous oyons tout le
I. Cor. II.
» faut neceffairement qu'icelie foit ap- contraire en S. Paul , lequel dit qu'il
pliquée comme
, vne partie principale faut que plufieurs communiquent à ce
Sacrement : « Toutes fois & quantes
de ceft aôe-ci , fans laquelle il n'y
peut auoir Sacrement, laquelle vous que vous-vous affemblez pour manger,
omettez en voftre Mefle, outrepan"ans attendez l'vn l'autre, « &c. Joinft que,
l'inftitution du Seigneur. Parquoi ce félon les paroles de Chrift, le miniftre
que vous faites ne peut eftre appelé
y appelé toute l'affemblee de ceux
Sacrement , d'autant que les principa- qui font là prefens , difant : Prenez
les parties défaillent. » Co. « Nous & mangez. Et par confequent tous
ne reiettons perfonne, ains nous per- ceux qui ne s'adioignent à la commu-
mettons àchacun de participer aux nion, violent le commandement du
myfteresauec nous, s'il le demande. » Seigneur. Qui plus eft , le miniftre
Ph. « Mais encore qu'il le requière, cefTe d'eftre miniftre, comme ainfi foit
fi ne fera-il point permis. Et vous ad- qu'il n'adminiftre point le Sacrement
miniftrez feulement vne efpece contre à toute la compagnie des fidèles, félon
l'inftitution de Jefus Chrift. D'auan- l'exemple de Chrift. » Ha. <c Quoi
tage, auant que chanter voftre MefTe, donc ! ne conftituez-vous point de
il faloit admonnefter les autres d'affif-
ter là auec vous en bon nombre, tant Sacrement, finon qu'il y ait commu- Il n'y a point
de Sacrement
pour rendre grâces pour la rédemption Dieu nionme
?» Ph.
meine« La
là, parole
& quandexpren"e
& quandde
de Cène fans
falutaire du Fils de Dieu , que pour le confentement de tous les anciens communion.
communiquer aux myfteres, afin qu'ils Dofteurs. Chryfoftome , efcriuant fur
foyent faits participans auec vous, fé-
l'Epiftre
vain aux Ephefiens,
oblation dit : on
eft faite quand qu'en
ne
lon l'exemple de Chrift. difant : Pre-
communique point auec le miniftre.
tion nez,
de mangez. Il faloit
la mort du auffi l'annoncia-
Seigneur, de Si donc (félon Chryfoftome) tout ce
LIVRE SIXIEME.

}à2fait le miniflre ne fert de rien ,


que fant : « Dieu n'eft-il pas tout puiffant,
quand les autres n'y communiquent & félon fa vertu ne peut-il pas facile-
point, comment fera Sacrement ce ment acomplir ce qu'il a ahï » Ph. Dieu ne fait!
qui efl tenu pour diuerfes oblations , « Mais la puifTance infinie n'aconiplira
à où le Preftre feul iouë fon perfon- pas ce qui el|
iamais les chofes que vous dites, d'au- contre fa
nage ?»
CosiN fe retira auec le Preftre tant qu'elles font contraires à fa pa-
role & à fa gloire. Car y a-il chofe
plus contraire à la gloire de Dieu,
fon
furentcompagnon ; & quand
allez, Harpsfild ils s'enà
commença gloire.
que d'eflre enfermé en vn morceau de
parler à bon efcient à Philpot en pa- pain , & eftrc necelTairement attaché
en ie ne fai quels liens que vous auez
roles blandilTantes
« Monfieur, vous (i) conmie
fauez s'enfuit
que des long:
forgez ? Que d'vn morceau de pafte
temps nous fommes obligez l'vn à qui fe pourrit facilement & bien tort
l'autre , & pour beaucoup de raifons : vous en faciez le Fils de Dieu r N'elt-il De dela puilTance
Dieu.
1
premièrement à caufe de la familiarité pas auffi bien en fa puilTance, félon fa
&queconoidance ancienne vertu infinie, que fon corps foit admi-
nous auous cftudié; d'auantage,
cnfcmble à nillré en la Cène auec le pain facra-
'Wincefire en vne mefmc cfchole , & mental, & foit receu par ceux qui
depuis efté nourris à Oxfort aux mef- mangent, que de faire tant de chan-
mes eftudes. Pour ces raifons ie defi- gemens & conuerfions de pains en la
reroi voftre bien et profit, en toutes fubflance du corps, comme vous faites,
les fortes que ie le pourrai & deurai du tout contre l'Efcriture, laquelle
faire, & vous prie de bon cœur que
par tout l'appelé Pain , voire après la
vous le vous pcrfuadiez ainfi. » Ph.
SainA & admi- «Je vous remercie de ccfte bonne af- confecration
violer en cefte .' C'cft
façon,grand'honte
corrompre de &
rable zelc de
fedion que me portez. Au refle. (i vous rongner la fiiinde Cène du Seigneur,
Philpol.
eftes en erreur, comme faifi d'aueu- & l'inftitution & ordonnance facree
glement, ie vous d'icelle , par tant de defguifemens
induire. De fait , prie,
ie vousne teflifie
m'y vueilliez
deuant que vous auez forgez, oftans du Sa-
Dieu que vous autres errez grande-
ment, & que maintenez une fauffe lui. Au crement
lieu les parties
que le principales
Seigneur d'ice-
dit :
religion, voire mefme que vous n'efles Prenez , mangez , beuvez-en tous ,
faites ceci en mémoire de moi , vous
nullement tels qu'on eflime , & que
vous penfez eftre. Et fi ne vous dé- auez mis ceci : Oyez, regardez, frap-
portez de perfecuter la vérité de
Chrift , vous ferez liurez au diable. tous pez
, vos poiélrines,
adorez , offrez n'en beuucz pour
, facrifiez pas
Pour cefte raifon , ic vous admonnefte
les viuans & pour les morts ; n'eft-ce
de penfer diligemment à ceci, & de pas vn horrible blafphenie contre Dieu
bonne heure ; finon , ie ferai tefmoin & contre fes Sacremens, adioufter &
contre vous au dernier iour que ie diminuer en cefte façon fans authorité
vous auoi prédit ceci en ce deuis pre- quelconque , ains feulement félon
Aueu^'lemcnt
de Harpstild.
fent. » Ha. « Monfieur Philpot , ces
paroles ne procèdent finon d vne opi-
voftre fantafie .' « Ha. « Je voi bien
que vous auez recueilli ça & là des i
nion outrecuidee d'un efprit qui fe fie Dodeurs ce qui fait pour vous. Je ne
par trop en foi-mefme. Je voi bien veux plus tenir propos auec vous. Et
qu'efles tel que vous eftiez iadis à Ox- pourtant , Geôlier, faites ce que ic
fort. Et bien, ie ne vous tiendrai plus
vous ai n'agueres dit. i>
propos pour le prefent. Je prie Dieu
qu'il vous ouure les yeux de l'enten-
dement. » Ph. <i Je prie noftre Sei-
gneur qu'il vueille par fa grâce nous Le dernier combat, heureusement fouf-
ouvrir les yeux à tous deux , afin tenu & furmonté par Icjn Philpot.
que nous foyons plus prefts à obéir à
fa fainde & bonne volonté, que nous IvsQVES ici ont efté récitées les L'erreur dcf-

n'auons efté par-ci deuant. » A la fin difputes fur plufieurs poinds de la titué dementfonde-
s'apuyc
de cefte difpute , Harpsfild , voyant fur l'orpucil
Religion,
que i*t leschampion
ce fidèle durs & longs afl"autsa
de Dieu
qu'il ne pouuoit foudre les abfurditez du monde : la
qui lui eftoyent mifes au deuant , fe fouftenus contre les plus grans du
vérité fe main-
ietta fur la puift"ance de Dieu , en di- royaume d'Angleterre. On peut de là tient de foi-
mefme.
manifeftement conoiftre quel fonde-
(I) Caressantes, flatteuses. ment ont les aduerfaires Romaniftes ,
JEAN PHILPOT.
363
& fur quoi eft apuyee leur religion conftitue pas vne feule marque de la
baftarde , alTauoir fur chofes du tout fucceffion des Euefques , de laquelle
vaines , inuentecs es cerueaux des vous faites votre fpeciale parade ; Des marques
hommes , aufquels ne défaillent me- mais il met & fait précéder l'vfage de l'Eglife.
naces & outraf,'es. Il y a quelque au- des Sacremens félon la pure couftume
tre examen (i) qui fut tenu contre lui le & forme de la primitiue Eglife; &
dernier de Nouembre , auquel prefi- puis adioufle la Dodrine vniuerfelle ,
doyent l'Euefque de Dunelme, nommé déduite depuis le temps des Apoftres
Cuthbert Tonrtal (2), vieil ennemi, iufqu'à fon temps, defquelles condi-
TEuefque de Ciceftre, de Bade, & de tions voflre Eglife eft par trop eflon-
Londres, le sieur Chriftoforfon (5), le gnee. » Les aduerfaires donc ne pou-
doéteur Chadfé , le fieur Morgan uans plus porter Philpot, ni la liberté
d'Oxfort , le fieur HalTe (4) legille, le de parler qu'il tenoit en fes refponfes
doéleur Wefton, l'Archediacre Harps- par tant de fois recelées, & efquelles
fild , le dodeur Cofin , & lonfon gref- il perfiftoit en fainfte hardieffe & con-
fier de Londres; mais, en effeô, le fiance ,conclurent finalement, auec
tout ne contient que redites & chofes Boner, Euefque de Londres (duquel
traitées auparauant, finon qu'on mit au le naturel eft ci deuant pourtrait au
deuant à Philpot d'auoir feduit par let- vif) , & tous enfemble foufcrirent à la
tres vn gentil-homme nommé Grené(>), condamnation d'icelui.
auffi prifonnier pour vne mefme caufe Or le principal des difputes ci de-
de l'Euangile. Il y en eut vn autre (6), uant dites a efté recueilli des propres
fait le quatriefme de Décembre , du- efcrits qu'il a lailTez par mémoire, ce-
quel les iuges furent les Euefques de
Londres , de Wigorne , de Bangore , pendant qu'il eftoit détenu. Et com-
bien tel
dites en que toutes
ordre ouchofes n'ayent
en telle forme efté
de
& quelques autres, qui par grans alle-
chemens & promeffes de pardon de la
Roine tafcherent de deftourner Phil- paroles que lors qu'il eftoit enuironné
comme d'vne groÂTe bande d'ennemis,
pot. Et pour le dernier (7), il fut fpe- abayans tant de fois de toutes parts
contre lui, neantmoins les mefmes en
cialement aflfailli fur la queflion qu'il
auoit traitée auparauant alTauoir fi de fubftance ont efté tenues en la procé-
l'Eglife dépendIl leur
l'authorité dure, dont on pourra recueillir de bon-
role de Dieu. monftra de la pa-
viuement
nes dodrines, & conoiftre l'efprit & le
en ce vndernier naturel de plufieurs, fpecialement de
auenu cas de an"aut qu'ilfemblable
difficulté leur eftoità
Philpot, qui eftoit fauant & exercé aux
Comparaifon
celle qui auint du temps du roi Salo- faindes lettres. lean Balee au Hure
des deux
femmes que mon en deux femmes, defquelles l'vne, qu'il a fait des&Efco(Te(i),
hommesrendilluftres d'An-
iadis iugea voyant fon fils eflouffé, fe voulut fauf- gleterre tefmoignage
Salomon. de plufieurs Hures efcrits par lui , qui
fement vfurper le fils de l'autre. Et
quand ces Euefques delTus nommez , demonftrent affez les grâces excellen-
pour obtenir caufe gaignee, lui eurent tes & admirables dont il eftoit doué ,
pour lefquelles vne grande partie de

ï
amené de S. Auguftin , qu'il y auoit
quatre principales marques pour bien la nobleffe d'Angleterre tafcha de lui
fauuer la vie , voire & le colloquer
difcerner l'Eglife, alTauoir le confen-
tement de plufieurs nations , la foi aux honneurs, s'il euft voulu quelque
des facremens anciennement receus peu diffimuler. Qui fut caufe de fa
des Pères, la fucceffion des Euefques longue détention es prifons, & que
& rVniuerfalité, il leur monftra qu'ils ces interrogatoires lui furent fouuent
n'eulfent feu amener tefmoignage plus réitérez. Le Seigneur le fortifia fi bien
certain ni plus clair pour aprouuer la qu'il n'y eut ni promeflfe, ni tourment,
vraye Eglife de laquelle il fe difoit
ni menace de mort cruelle qui l'ait
membre. «Car, dit-il, S. Auguftin ne peu diuertir de fon but, qui eftoit de

i
feeller & confermer par fon fang la
(i) Ce fut le onzième examen. Voy. édit.
de 1Ç64, p. 768. dodrine tenue.qu'il auoit finalement
Il fut donc auparauant bruflé
main-
(2) Voy. la note de la p. jlj du t. I.
(;) Christopherson. vif à Londres, le 18. iour de Decem-
14) Hussey.
(;) Green.
(6) Ce fut le douzième examen. Voy.
édit. de 1564, p. 775. (i) John Baie. Voy., sur cet auteur et son
livre Scriptûrum lUustrium Britminiœ Cata-
(7) Treizième examen. Voy. édit. de IJ64, logus, la !"■■ note de la i" col., t. I,
p. 777-
p. 212.
î64 LIVRE SIXIEME.
7 TV
eftoit fi bien que , certain temps après , il fe
bre de l'an i^ç6. (i) qui <Q^
l'année 44. de fon aage (2). mit en chemin pour vifiter la France ,
& communiquer vn threfor ineflima-
r^i; ble de la grâce du Seigneur, pour re-
tirer, fipoffible
fer ceux eftoit, du Mais
qui periffoyent. gouffrecomme
d'en-
Satan ne dort iamais , & a les fiens
Iean Rabec, de Normandie (3).
qui fouflienneni fon faiél par fon Lieu-
D/t"u a voulu que ce Martyr ait rendu tenant l'Antcchrift, ce bon perfonnage
ample con/efjlon de fa foi deuant le ne fut pas long temps fans eflre def-
couuert. Et mefme après auoir efté
prince de la Roche Suryon, & au- au pays de fa naiffance, y ayant fait
tres au pays d'A niou , pour les ren- plufieurs exhortations de grand fruid,
dre inexcusables quand ils voudront
faire bouclier de leur ignorance. retourna en la ville d'Angiers (1), &
en certaine compagnie tenant propos
de la parole de Dieu, on lui mit en
Iean Rabec, natif de Cerifymon- auant plufieurs queftions. Et entre
pinfon (4), en Normandie, au diocefe
de Confiance, autres, affauoir fi S. Pierre n'auoit
frères mineurs fut
en iadis de l'ordre
la ville de Viredes; pas chanté Meffe. A quoi il fit fi
mais par quelque gouft de la vérité, bonne
lieu, il refponfe qu'auant
rendit confus que partir
la plufpart du
de fes
ayant conu que le train abominable ennemis. Par le confeil de fes amis, il
de telle fefte eft direftement contre la
volonté de Dieu, fe retira es lieux où partit d'Angiers pour faire vn voyage
rEuanf:;ile eft purement annoncé fans en fon pays, prenant fon chemin par
Chafteau-gontier, diftant de huit lieues
meflinge d'aucunes inuentions Papa- de ladite ville. Auquel lieu , deux ou
les. Il vint demeurer à Laufanne pour
trois iours après , afiauoir le premier
le as
grand
faindesdefir qu'il
lettres en auoit de profiter-
cède efchole, en d'Aouft, is?5. ainfi qu'il lifoit le liure
laquelle les feigneurs de Berne lui des Martyrs (2) en prefence de quel-
donnèrent penfion annuelle pour va- ques perfonnes du logis, fut arrefté pri-
fonnier par les officiers de la ville eftans
quer à l'eftude, & pour en faire profit à ce faire incitez par vn fergent voifin
à l'auenir. Etide faiél il s'y employa
de Premièrement
ladite maifon, qui
les l'efcoutoit.
officiers du lieu
(1) C'est KÇÇ qu'il faut lire , et non i<56.
Dans l'édition de 1564, Crespin avait mis : l'interroguans , il ne leur refpondit
« en l'an m.d lvi; >> dans les éditions sui- rien, combien que de ce faire ils l'im-
vantes, ila complété cette date, mais en
laissant subsister l'erreur de millésime. portunaffent,
timoit d'autant
fes iuges. qu'il dequoi,
Au moyen ne les ef-
le
(21 Ce fut sur la place de Smithtield , à
Magiftrat d'Angiers, fuperieur dudit
montés sur oùle bûcher
Londres, tant d'autres
, que martyrs étaient
Philpot souffrit
le martyre. En arrivant sur la place, il lieu, eftant aduerti, s'y tranfporterent
le Lieutenant criminel . l'Aduocat du
s'agenouilla et dit : " Je rendrai mes vœux
au milieu de toi, ô Smithlicld. » Arrivé au- Roi, ledudit
autres Promoteur
Angiers, de l'Euefque,
lefquels arriuez,&
près du bûcher, il baisa le bois et dit :
11 Aurais-je honte de soulîrir sur ce bûcher, interroguerent Rabec. & le trouuans
quand monmoiSauveur
frir pour n'a if;nominicuse
la mort pas refusé de desouf-la perfeuerant en fes refponfes , ils
croix. -i)|Aprés avoir récité les psaumes CVI, l'amenèrent à Angiers où il fut mis
CVll et CVIII , il distribua aux soldats l'ar- prifonnier au chafteau ; mais d'autant
gent qu'il avait
au bûcher, sur flammes
et les lui. Puisconsumèrent
le feu fut son
mis
que de
eflé fes cefte
refponfes
fede portoyent qu'il auoit
des Cordeliers , fut
corps. Un modeste monument marque la
place où Philpot et tant d'autres martyrs tranfporté es prifons de l'Euefque,
soutTrirenI pour la cause de l'Evangile et de
la Réformation, et une église commémora-
pour lui faire fon procès , où il de-
meura longuement, efquels lieux il fut
tive a été élevée en souvenir d'eux à quel-
que distance.
(;) Cette notice a paru, pour le première (1) Voy., sur les commencements de la
fois , dans la Troisième partie du Recueil des Réforme & Angers et sur les premiers mar-
Martyrs
de (I5U>), p.notables
modifications 272- joç. dans
Elle n'a
les pas subi
éditions tyrs qui y confessèrent l'Evangile, le t. I .
p. Ç27 , et Bèze, t. I, p. jO.
subséquentes du Martyrologe. Voy. édil. (2) il s'agit sans doute de la première édi-
de IÇ'>4, p. 781 ; édit. de 1570, (• 408. Voy. tion, celle de t<54, qui, sous son format
aussi l'Hisf. ecclés. de Th. de Bèze, t. I, portatif, circulait parmi les réformés de
France, et les encourageait à la fidélité.
p. 6}. Rabec avait dû en apporter de Suisse un
(4) Aujourd'hui .Cerisy-la-For6t, ou l'Ab-
baye, arrondissement de Saint-L6 (Manche). exemplaire.
JEAN RABEC. 365
par plu fleurs perfonnes, & à diuerfes intercéder pour nous, ce feroit la def-
fois, interrogué de fa foi, comme il
honnorergrandement, d'autant qu'elle
apert ne voudroit iamais rauir l'honneur
efcritespar& fes(ignées
confeffions qu'il a depuis
de fa propre main , apartenant à fon Fils , comme on le
& les auons ici inférées. void au faid contenu au fécond chap.
de faind lean. » Interrogué derechef
s'il ne la faut donc pas prier pour in-
tercéder pour nous. R. « lefus
RefponJ'cs JomniairesquideontIcan Rabec Chrift a acheté afl'ez chèrement ceft
aux interrogations ejîé faites, office, & partant il lui doit demeurer,
fans le transférer à la Vierge ni aux
fous ombre de s'enquérir de Ja foi ,
tant par les iuges & officiers de Chaf- autres Sainds. » Interrogué par mon-
teau-gontier & d'Angiers que par les fieurde Pont pierre, en la prefence du
preflres, doàeurs, & tous autres qui Prince de la Roche-Suryon (i) : " Ne
fe font prefente^ pour le fonder ou
croyez-vous pas qu'elle ait efté con-
confuter en ladite pille d'Angiers. Et ceuë fans péché originel .'' » R. « Elle
premièrement : a efté conceuë en péché originel
comme les autres, ce qu'on prouue
De l'intercef-
fion des Enqvis, ne croyez-vous point qu'il par plufieurs palTages de l'Epiftre aux
Sainfls. faille prier les Sainds, alin qu'ils in- Rom. 3. & 5. chap. 7, On m'amena le
tercèdent pour nous .^ le Rabec , fa- 4. chap. des Cantiques de Salomon :
chant qu'ils entendoyent parler des le refpondi
Sainds trefpaffez , refpondi que non , iamais parler que
en ceSalomon
liure de n'entendit
la Vierge,
d'autant qu'ils n'ont plus aucune com- mais qu'il s'expofe communément de
munication auec nous , & n'oyent nos lefus Chrift & de fon Eglife. D.
prières, ni ne voyent ce que nous fai- a Son fils la pouuoit preferuer de pé-
sons; bref, que ie ne conoid'oi autre ché originel, ce qu'il a fait ; autrement
Moyenneur, IntercelTeur, n'Aduocat, il l'auroit defhonnoree. » R. « 11
que lefus Chrift, d'autant que lui feul pourroit auffi bien mettre ludas en
nous eft propofé tel en la fainde Ef- Paradis, ce qu'il ne fait pas. » Je di
Gen. 40. criture. Quant aux Sainds qui font d'auantage à celui qui debatoit contre
lob 42.
furuiuans, ie croi qu'ils prient les vns moi,nir à pourtant qu'il: «cuidoit
force de nier tout obte-
Vous auez, pour
laq. 5. pour les autres, & font tenus de ce
fondement de voftre dire, vne raifon
faire, d'autant que l'Efcriture le com-
mande, & que nous auons plufieurs
fondée au cerueau humain, & moi l'ai
exemples en icelle. D. « Les Sainds la parole de Dieu ; auifez lequel eft
le plus fage , Dieu ou vous , & plus
voyent nos oraifons en l'effence Di-
uine A au "Verbe. » R. « Cela eft vn certain, fon iugement ou le voftre. » Et
ce fut dit auec quelque véhémence ,
dire Scholaftique, qui n'eft receuable,
d'autant qu'il ne fe peut prouuer par tellement qu'il demeura comme ef-
l'Efcriture. » D. « Puis que les tonné & confus. l'ai auffi dit que cefte
Sainds cependant qu'ils eftoyent en eft la caufe pourquoi lefus Chrift a
celle vie prioyent pour les autres , par
efté conceu par l'opération du Saind
plus forte raifon depuis qu'ils en font Efprit , fans femence d'homme , affa-
dehors en gloire , d'autant qu'ils font uoir afin qu'il fuft.fans péché ; mais fi la
confermez en plus grande charité. » Vierge auoit efté conceuë fans péché,
R. « Combien que l'antécédent foit de là s'enfuiuroit que Chrift feroit
vrai, affauoir qu'ils prient les vns pour venu en vain en fon endroit , d'autant
les autres cependant qu'ils viuent , qu'elle auroit efté idoine pour faire
toutefois le confequent eft faux, d'au- chofe agréable à Dieu , & n'auroit eu
tant qu'il ne fe peut prouuer ne con- befoin d'autre fatisfadion pour elle.
fermer par icelle. » D. « Que
Dont derechef s'enfuyuroit que lefus
fentez-vous de la vierge Marie.'' Ne Chrift ne feroit point vniuerfellement
De la vierge
Marie. croyez-vous pas qu'il la faut prier pour
intercéder pour nous.^ » R. « le croi
que la vierge eft bien-heureufe , & (i) Cliarles de Bourbon-Montpensier ,
femme bénite entre toutes les autres ; prince rablede la Roche-sur-
àla Réforme, Yon,un d'abord
devint des chefsfavo-
du
&du que de fa fubftance,
S. Efprit, par l'opération
elle a conceu & enfanté
parli catholique et l'un des lieutenants des
Guise. Voy., sur ce prince, Th. de Bèze ,
Hisl. ecclés., t. I, p. iu8, 101, 224, ;/;, jgj,
lefus Chrift, demeurant entièrement
495, 517. S'JO, 620; t. U, p. 78, 86, 162, 2J4,
vierge. Mais quant à l'inuoquer, pour 4î8, 4Î9.
LIVRE SIXIEME.

î66
Rédempteur , quant au regard mefmc Ion la chair,
cheurs en euxmais félon l'efprit.
mefmes, comme »ditPé-
S.
des eficus. Ce qui eft manifclk-ment
contre l'Efcriture. comme pouuons lean:» Si nous difonsque nous n'auons , igan i.
voir par toute l'Epiftre aux Romains, point de péché , nous-nous deceuons
l'ai ait aufll que ie feroi plus d'ertime nous-mefmes, & vérité n'eft point en
en nous. « Ce que monftre bien S. Paul
du propos
de Dieu , d'vn
que enfant
du refteayant
de latout
parolele
par
D. " toute
Il ne l'Èpiftre aux Romains.
nous apartient point de
monde ne l'ayant pas. Et ce pourtant
nous mettre du reng de S. Paul i!t
qu'à tous <S
multitude propos on m'alle},'uoit
les Pères; la
à quoi ie di des autres Sainds. » R. « Nous de-
que les Pères font à imiter en ce uons & fommes tenus d'eftre de telle
qu'ils ont fuiui le confeil de Dieu, & dùdrine
de mefme, foi & confeffion
afieuranee qu'eux
de noflre ,&
falut.»
non autrement, comme pouuons enten-
dre par cepoint
palTage d'Ezechiel : « Ne D. M Ne croyez-vous pas qu'il y ait Du Purga-
toire.
cheminez es commandemens de vn Purgatoire, où vont les âmes des
vos pères, & ne gardez point leurs iu- trefpairez ; mefmement de ceux qui
gemens, & ne foyez polluez en leurs meurent en grâce- « R. « le ne croi
idoles. le fuis le Seigneur vollre Dieu, autre Purgatoire que le fang de lefus
cheminez en mes commandemens ,
Chrift.» On m'a fort inculqué & mis en
gardez mes iugemens , & les faites. » auant ce palfage : « Il fera fauué
Par occafion , i'adiouftai qu'on abu- comme par le feu. » A quoi ie ref-
foit grandement & de long temps en pondi, que Feu en ceft endroit eft pris
la commune manière de parler de ce pour examen. Item, que S. Paul ne
Le mot de fait point là mention du Purgatoire,
Sain£l. terme
Sainds Saind , en, comme
trefpalfez l'apropriant
ainfî aux
foit pour lequel ce terme Feu fe trouuaft
que l'Efcriture le prene communément prins en l'Efcriture, félon leur intelli-
pour tous lideles , comme pouuons
gence :ce qu'il faudroit monftrer, pre-
voir par lementtoute l'Efcriture, & principa- mier que leur expofition fuft receua-
es Epiflres de S. Paul, & aux ble. Vn gras Cordelier. gardien du
Ades 9. chap. Ce propos fembla ef- conuent de cefte ville, en l'afTemblee
trange, à raifon dequoi me fut dit que des Preftresii dodeurs, m'allégua auec
nous ne pouuons eftre dits Sainds ne grand'audace, & comme penfant bien
fandifiez durant cefte vie. R. « Que besongner, ce palTage : « Sanâa & fa- 2. Macch. 12
fi, comme il appert au commencement lubris ejl co^itatio orare pro de/unâis,
de la première Epiftre aux Corin- ut à peceatis foluanlur. » Auquel ie
thiens, où il cft dit : Paul, appelé refpondi autant hardiment, difant :
Apollre de Icfus Chrifl, par la volonté a le mefbahi comme vous prenez con-
de Ùieu , & Sojîhencs nojhc frère , à firmation de voftre dire en vn Hure
l'Egli/c de Dieu cjui ejl en Corinthc , Apocryphe. « Il me répliqua, difant :
<i II eft approuué de l'Eglise. » R.
aux Janciijlci
U\ Sainêls par tous
, atiec le/'usceux
Chriji
qui, appe-
inuo- «auec
Voire
les bien
liuresquant à ce qu'il mais
Canoniques; conuient
non
quent le Nom de nojlre Seif:;neur lej'us
Chriji , etc. » D. « Ce feroit pre- pas quant aux autres chofes qui dif-
fomption de penfer cftre iufles cepen- cordent , comme eft ce palTage.
dant que nous fommes en cefte vie , D'auantage , que la fin de ce liure
& nul de nous ne peut ertre dit tel ,
monftre bien que le S. Efprit n'en eft
tandis qu'il y e(l. » R. « Que fi , pas l'autheur, car icelui Efprit ne
comme il aparoit de Zacharie & Eli- parle point langage defedueux, ains
Luc I. zabet , defquels il eft dit en S. Luc : eftablit & met en auant dodrine cer-
c Et eftoyent tous deux iuftes deuant taine & véritable, qui ne fe peut re-
Dieu , cheminans irrepreheiifiblement trader, & dont il ne fort abfurdité
en tous les commandemens & iurtifi- aucune. »
Interrogvé que ie fentoi de
cationsdu Seigneur. » le leurdid'auan-
tage , quecheurs.les fidèles font iuftes & pé- l'Eglife,
Romaine m'inculquoyent
. me cuidans faire fort l'Eglife
acroirc De l'Eglife.
Iuftes en lefus Chrift, en tant
que la ,iuftice d'icclui qu'elle fuft l'Eglife catholique. R. « le
modee & que leurs leur efl ,acom-
fautes pour croi qu'il y a vne Eglife vniuerfelle, qui
l'amour de lui, ne leur font imputées, eft la congrégation de tous les fidèles
Rom. 8. efpars par tout le monde, en quelque
comme dit S. Paul : « Il n'y a nulle
condamnation à ceux qui font en le- lieu ou place qu'ils foyent conioints
fus Chrift, qui ne cheminent point fe- & unis, non point par les liens corpo-
JEAN RABEC.
367
rels, mais par foi & efprit, laquelle eft qu'il leur bailla commandement d'aller m.d.lm.
conduite « fe gouuerne par le S. Ef- prefcherdire,
l'Euangile.
prit & la feule parole du Seigneur. vouloit que ceuxEt qui
par croiroyent
ce il leur

Quant à l'Eglife Romaine, ie croi que àpourroyent


l'Euangile alieurer
jprefchéde par eux, ils les
c'eflvne Eglife comme vne autre d'ici. » la remiffion de
D. i Ne croyez-vous pas que le Pape leurs péchez. Au contraire, à ceux
en foit le chef .^ » R. « le ne croi au- qui ne croiroyent point, ils pourroyent
leur déclarer que leurs péchez leur
tre chefd'icelleque lefusChrift, d'au-
tant que l'Efcriture n'en propofe point feroyent retenus. Le Dodeurde mon-
fieur d'Angiers, en l'alTemblee des
Du Pape. d'autre. » D. « Que fentez-vous donc dodeurs, preftres & moines, répliqua
du Pape ? Ne croyez-vous point qu'il
foit chef de l'Eglife .> » R. . Non; en forme d'vn argument scholaftique,
mais ie croi qu'il efl vn Antechrift. » aflauoir : u Qu'à ceux qui remettent les
le cuidai diffimuler de l'appeler de ce péchez, il eft befoin qu'ils les conoifl"ent,
nom ; mais ie me fenti lors tellement
ce que faire ne fe peut fans qu'ils leur
pouflTé, foyent confen"ez. Parquoi la» le
confeffion
terme, ieque
ne ûfulTe
ie n'euffe
demeuré vféen de ce
reços auriculaire eft necelfaire. lui niai
de ma confcience ; car il n'y a au fon argument, difant qu'il n'eftoit là fait
monde perfonnage qui puilTe mieux mention d'aucune confeffion, & pour-
eftre déclaré tel par l'Efcriture que tant la confeffion auriculaire ne s'en
lui. Ils m'ont auffi cuidé faire acroire pouuoit tirer, ne s'y fonder, veu que
qu'il eftoit fucceffeur de S. Pierre ; les Apoftres n'en ont nullement vfé,
mais ie n'ai pas beaucoup trauaillé à & n'en eft faite aucune expreffe men-
maintenir le contraire ; tellement qu'ils tion en toute l'Efcriture. Sur quoi il
n'ont rien attaint fur moi, et leurs al- ne me répliqua rien. le di d'auantage,
que ie vouloi mettre différence entre
récit. légations ne valent qu'on en face le les Apoftres & vrais miniftres de la
Interrogvé par monfieur du Bois: parole de Dieu , & leurs preftres Pa-
De lafion.
confef- « Ne croyez-vous piftiques, & que les paroles de lefus
fefllon auriculaire pas qu'il yalaquelle
, félon vne con-il Chrift proprement s adrelToyent aux
Apoftres & aux vrais miniftres qui
faut confell'er aux prellres les péchez
pourcroien point
auoir lal'abfolution prefchoyent fa parole fuyuant fon vou-
ne confeffion }auriculaire,
» R. « le loir & commandement, & non pas aux
d'autant que l'Efcriture n'en fait au- Preftres Papiftiqes, qui n'en font rien:
cune mention, & que c'efl chofe im- ce qu'on peut facilement monftrer par
poffible de nombrer fes péchez ; voire l'Efcriture, & par l'expérience qui en
mefme aux plus iufles de tout le eft. A raifon de quoi ne font à mettre
monde, comme il appert par les paro- au reng d'iceux Apoftres & vrais mi-
les de Dauid : « Qui eft celui qui en- niftres, comme ainli foit amenèrent
qu'en rien ce
ils
Pf. iq. tend fes fautes, &c. » Mais ie fai bien ne les imitent. Aucuns
qu'il y a vne autre confeffion , de la- pan"age de S. laques : « Confefi"ez l'vn laq. j.
quelle parle S. lean, félon laquelle il à l'autre vos péchez. » A quoi i'ai ref-
nous faut confelTer à Dieu (auquel
feul apartient de remettre les péchez) tion pondu qu'il parle les
que deuons là de
vnsla aux
reconcilia-
autres ,
journellement & à toute heure ; d'au- quand
tant que nous offenfons à toute heure, en quoi nous auons offenfé
les preftres l'vn l'autre
& les femmes font;
& ne fommes iamais fans péché , efgaux, & de mefme deuoir & puif-
Pf. çi. comme dit Dauid : « Mon péché eft fance. D. « Ne croyez-vous pas que l^ MeiTe.
toufiours contre moi. » Ils m'ont la Meffe foit necefl'aire, bonne & falu-
lean 20. amené ce paffage : « Ceux defquels taire .- » R. « le croi- que la Meflfe eft
vous remettrez les péchez , ils leur vne chofe inuentee des hommes , &
feront remis , & ceux defquels vous eft mefchante, & vne idolâtrie mani-
les retiendrez , ils leur feront rete- fefte, d'autant qu'en icelle on y adore
nus. » l'ai refpondu, qu'il eft parlé vn morceau de pain au lieu de lefus
là de la remiffion qui fe fait par le
miniftere & prédication de la parole Chrift, & blafphematoire , d'autant
qu'on y attribue remiffion des péchez
de Dieu, non point par la confeffion pour les vifs et pour les morts, ce qui
auriculaire faite aux preftres Papifti- derogue manifeftement au fang de
ques, lefus Chrift, auquel feul apartient, &
lefus ce qui appert
Chrift dit cesan"ez par ceà que
paroles fes duquel le feul fang eft le prix entier,
Apoftres après qu'il fut reffufcité, lors total, & plus que fufiifant de noftre

l
LIVRE SIXIEME.

}68
rédemption, A ert vn autre crucifie- corps du pain & du vin ; de laquelle
ment d'icelui Icfus Chrifl, d'autant Cène ie nie qu'il foii fait mention per-
qu'on la tient pour f;icrifice, combien tinente en la MelTe, d'autant que l'inf-
que lefus Chrill ait mis fin à tous les titution
facrifices de la Loi par fa mort , & a obferuee de, mais lefus du
Chrill
toutn'ycorrompue.
ell en rien
efté le dernier des facrifices, fin & MoNSiEVR du Bois, iuge criminel,
confommation de tous iceux, durant me demanda comme elle fedeuoitdonc
perpétuellement; par lequel il a plei- faire. le di deuant toute l'alfemblee ,
nement fatisfait pour nous à Dieu fon qu'en la manière qui eft exprimée au
Pare. 26. de S. Matthieu, & 11. de la pre-
Interrogvé par le fieur Pierre- mière aux Corinthiens. Il me de-
port, homme de grand fauoir en répu- manda derechef, que ie leur difTe la
tation, mais ignorant du tout de la
manière; mais, penfant que ce qu'il
vérité, en prefence du prince de la en faifoit n'elloit que par curiofité, &
Roche-Suryon , & grand nombre de auffi que les affillans ne pourroyent
preftres & gentils-hommes au chaf- prendre le loifirde m'efcouter, ie n'eu
De la prefence teau : « Ne croyez-vous pas, » dit-il, courage de me mettre à leur en par-
corporelle. « que lefus Chrill foit corporellement ler. Toutefois, monfieur du Bois me
entre les mains du Prellre , quand il prelfa tellement, ûue ie me prins à
leue l'hoftie .' » R. " Non, mais ie croi leur reciter, le plus fommairement
qu'il eft au ciel affis à la dextre du qu'il m'eftoit
comme poffibleà ,Laufanne.
on la faifoit la manière
Et
Père, d'où il viendra iuger les vifs &
les morts, comme il efl dit au Symbole ainfi, en peu de temps, ie leur en ex-
Aaes I. & ). & au liure des Ades des Apollres. » primai vne grande partie, <4 affez pour
Il me cuida bailler, comme fortant leur faire aperceuoir les grands abus
de propos, ie ne fai quelle expofition
myftique de ces vifs & morts; laquelle qu'ilsmey commettent
fans : ce rien,
contredire en qu'ils à ouyrent
caufe,
ie reiettai comme profane & abufiue,
difant que ces termes Vifs & morts, comme ie penfe , qu'à chacun mot ie
mettois en auant l'inllitution de lefus
en ceft endroit, font prins en leur pro- Chrift, la fuyuant de près félon le
pre fignification, & que lors que lefus texte. Ils m'ont fort inculqué ces pa- deDesla S.paroles
Chrill viendra tenir fon iugement, au- roles :« Ceci eft mon corps, » s ef- Cène.
cuns feront trouuez furuiuans. lefquels, forçans de prouuer par icelles, & de
auec vn changement de cefle corrup- me faire acroire que lefus Chrift fuft
tion en vn ellat immortel, feront rauis realement contenu fous les efpeces
au deuant de lefus Chrill en l'air, ce du pain & du vin. A quoi i'ai toufiours
qui leur fera réputé pour mort, ame- refpondu , que lefus Chrift par ces
nant le palTage du 4. de la première paroles ne veut dire autre chofe, finon
aux Thclfaloniciens, lui faifant obfer- que le pain & le vin en la Cène figni-
fient fon corps & fon fang, & que tel
uer de près les mots, pourtant qu'il
cuidoit paffer par delTus & le confon- cfFed qu'a le pain & le vin enuers le
corps, auffi a le corps & fang de Chrift
dre ; tellement qu'il fe trouua lui-
raefme confus, fe iettant fur ce paf- enuers l'ame. Mais, ainfi que le corps
I. Cor. i;. fage : « Nous refrufciterons tous ; eft matériel , & prend & digère fa
mais nous ne ferons pas tous im- viande auec dents corporelles, fembla-
muez. 1)A quoi ie refpondi, que ce blement l'ame, d'autant qu'elle eft ef-
palTage, en &l'ancienne verfionauquel
, elloitil prit, auffi appréhende fa viande fpiri-
corrompu, que le Grec, tuellement & auec dents fpirituelles.
faut auoir recours, porte autrement : l'ai dit d'auantage que lefus Chrift en
afTauoir que noue ne dormirons pas ceft endroit vfe d'vne manière de par-
tous, mais nous ferons tous changez. ler figuratiue, qui ell fort fréquente en
Ils ont voulu inférer que i'elloi Sacra- l'Efcriture, félon laquelle la Circon-
mentaire, & que ie vouloi nier le Sa-
ciJion,et\ Genefe, eft appelée l'Alliance
crement. A quoi i'ai refpondu que de Dieu en la chair par accord éter-
non, & que ie croi le Sacrement de la nel. S. Paul appelle la pierre du de- Ican i;. 2.
fainde Cène que lefus Chrill a inlli- fert Chrift. lean Baptifte fe dit auoir
tuô, & qu'en la prenant dignement, vcu l'Efprit de Dieu, combien qu'il
fuyuant fon inllitution , nous y rece- n'euft veu que la colombe , qui eftoit
le figne. Et principalement ie me fuis
uons le corps it le fang d'icelui fpiri- fort aidé de ce palfage de S. Paul, &
tucllement, dont nos âmes font re-
peuës en leur manière, comme efl le les ai fort prelTez par icelui, pourau-
569
JEAN RABEC.

tant qu'il efl dit au mefme propos : bien; comme par ce voulant pouruoir m.d.lvi.
1. Cor. II. „ Cefte coupe eft la nouuelle alliance à l'erreur qui deuoit aduenir, & eft
en mon fang, « difant qu'à telle raifon encores à prefent touchant ce poinâ,
qu'ils affermoyent lefus Chrift élire & que par ce figne du feul pain, ref-
corporellement fous l'efpece du pain, cindans le vin, ils proteftent & de-
en vertu de ces paroles : (( Ceci efl monftrent, entant qu'en eux eft, que
mon corps ; » pareillement ie vouloi la vie qui nous eft acquife en lefus
conclurre que la coupe eftoit realement Chrift par fa mort n'eft point entière,
la nouuelle alliance, en vertu de ces mais à demi & imparfaite, ainfi que le
paroles : « Cefte coupe eft la nouuelle repas du corps ne peut eftre acompli
alliance en mon fang. « Ils m'ont cuidé à manger feulement, ou à boire feule-
dire qu'en ceft endroit le vailTeau eft
pris pour la chofe contenue en icelui ; femble. ment, mais en manger & boire en-
MoNSiEVR du Bois me demanda, le De la MeiTe.
à quoi l'ai dit, que ie ne ne demandoi
pomt autre refponfe ; car prendre la iour de l'Affomption , fi ie voulois
chofe contenante pour ce qui eft con- aller à la Meffe ; auquel ie di que
tenu en icelle, eft vne autre manière non. 11 me demanda la raifon. » Pour-
de parler figuratiue , non moins ef- tant,di-ie, qu'elle eft mefchante. »
trange en l'Efcriture, que la fufdite , Interrogué, fi du temps que ie difoi
affauoir, félon laquelle on prend la la Mefl'e, elle ne me fembloit pas
chofe fignifiee pour le figne, & que de bonne. R. « Qu'oui pour quelque
leur refponfe mefme ie voulois inférer temps, pendant lequel ie penfoi faire
& confirmer mon propos, alTauoir que
grand facrifice à Dieu, d'autant que
&lefus Chrift n'eft qu'en figne au pain
au vin. i'eftois abufé ; mais depuis que ce bon
Dieu m'auoit amené à fa corioiffance,
De la prefence En la prefence du fufdit Prince , ie l'auoidite en grand trouble & amer-
corporelle. monfieur de Brerond m'a demandé tume de mon cœur, iufques à ce qu'il
quel inconuenient ce feroit , qu'il m'euft donné l'opportunité de me re-
y fuft corporellement. A quoi i'ai tirer en lieu où i'eun"e la fruition de
refpondu que de là s'enfuyuroit qu'il fa parole & de fon pur feruice. » D.
pourroit eftre en vn mefme temps en a Ne croyez- vous pas que le Baptefme Du Baptefme.
lieux infinis, voire mefme remplir eft bon & necelTaire ? » R. » le croi
toute la terre. D'auantage , qu'on ne que le Baptefme eft bon & necen"aire,
trouue point qu'après fa refurreélion , duquel doiuent eftre reiettez les exor-
il ait efté en plufieurs lieux à vne fois, cifmes, chrefme, fel , crachats , chan-
auffi qu'il a prouué fa refurreftion , & delles, &autres telles chofes qu'on y
qu'il n'eftoit point vn fantofme , ni vn adioufte outre l'inftitution de lefus
efprit, par ce qu'il auoit chair & os, Chrift, & doit eftre adminiftré feule-
ce qu'on n'apperçoit en ces efpeces ment en eau, comme pouuons enten-
de pain & de vin, fous lefquelles ils dre par les efcrits des Euangeliftes &
le difent eftre enclos. Outre ce, ie leur
Apoftres,
tenu. » D. &« par Ne l'vfage qu'ilspas
croyez-vous en que
ont
ai monftré , en obferuant chacun paf-
les conftitutions , comme du Qua- Des Traditions
fage du texte , qu'ils la corrompent
totalement en chacun poinét, n'imi- refme, vigiles, quatre-temps & autres humaines,
tantenrien l'inftitutionde lefusChrift; femblables foyent bonnes, & à obfer-
voire moins que ne feroyent des fin- uer } i> R. a le croi que les conftitu- 24
ges. Principalement & trop aperte- tions fuperrtitieufes, & aufquelles on
attribue mérite ou iuftification, comme
ment ils faillent en ce qu'ils la baillent les fufdits, font mefchantes, & ne font
aux gens laies (comme ils les appel-
lent) fous l'efpece de pain feulement, à garder, d'autant que par icelles on
leur déniant l'autre partie, qui eft de defpouille lefus Chrift de ce qui lui
la bailler fous l'efpece du vin. Que apartient ; mais celles qui font ordon-
s'il eftoit loifible de la bailler fous vne nées pour quelque fin politique, vtiles
efpece feulement, que ce deuroit pluf- pour la confirmation de la police & de
toft eftre fous l'efpece du vin, d'autant ta religion, ne font à mefprifer, mais
que lesus Chrift en a baillé plus ex- *
près commandement, difant : Beuuez à obferuer pour l'obeift'ance deuë aux
magiftrats
toutefois en &vferà fuperftitieufement.
toute l'Eglife, fans
Et
en tous ; ce qu'il n'a pas fait en telle
manière en baillant le pain; mais a dit
feulement : Prenez , mangez , fans combien que i'entendiffe bien que tel-
les conftitutions ne fe peuuent ni ne
adioufterH. Tous, combien qu'il s'entend fe doyuent faire fans l'affiftance & au-
LIVRE SIXIEME.
?70
thorité du Magiftrat, toutefois pour- laifl'afl parler ; en quoi ne fuft obéi ,
tant qu'ils n'entendoyont parler (félon & me remonftrant qu'en tenant tels
mon iugcmenti (Inon des ordonnances propos ie pourrois eltre caufe de ma
mort, & me mettre en grand danger,
Papilliques, faites de puilTance illégi-
time «.S: vfurpee par ambition , & à la veu qu'onlementtenaille & tourmente cruel-
dertrudion du faind feruice de Dieu, ceux qui les tienent. Auquel
& de la religion & liberté Chrellienne n'eu le loifir de refpondre autre chofe,
à nous acquife & donnée par lefus finon que ie vouloi perfiller en cefte
Chrift, atîn qu'ils n'inferalTent que ie dodrine. Ce Prince, du commence-
me voululTe attacher au Magillrat, & ment que i'arriuai en fa prefence, &
que me voulu encliner deuant lui
le mcfprifer, ie leur di que ie n'en-
tendoi parler des ordonnances faites (comme i'auoi efté aduerti par les fer-
par les Magiftrats, lefquels (di-ie) ie gens)
deuoi mefairedit tel
que honneur,
ce n'elloitmais
à luià que
vne
croi eftre ordonnez de Dieu, & confe-
quemment les loix faites par iceux, image qui ertoit en la chapelle, le ref-
aufquels il apartient de faire ordon- pondi que plurtoll à lui , d'autant que
nances pour la conferuation de la po- l'image n'elloit qu'vnc pierre, & œu-
lice & de la religion , & leur faut ure de main d'homme. Le Prince fe
monftra fort modelle ; au contraire,
obeyr comme à Dieu,
font Lieutenans, non entant
feulement en
qu'ils aux fon dodeur fort impétueux & impu-
bons 1% attrempez, mais aux mauuais dent en fes propos.
& difficiles, en toutes chofes qui ne ■Voila, trelchers frères, en fomme,
font contre Dieu & fa parole. D. mes refponfes aux erreurs & impietez
Des vœux.
« Pourquoi aucz-vous laiifé' voftre ellat qui m'ont cflé propofees, fous ombre
de m'enquerir de ma foi , lefquelles
de Religion ? » R. « Pourtant qu'il
n'efl point aprouué, mais pluftoft con- combien qu'elles foyent maigres, quant
à aucuns poinds, tant à raifon de mon
damné parde
recueillir l'Efcriture,
la fécondecommeEpiftre
on peutde inhabilité l't infuffifance, qu'à caufe
faind Pierre, & aufli qu'il confifte en que ceux qui m'ont interrogué et pro-
ordonnances fuperftitieufes, aufquel- pofé contrede moi, n'eftoyent idoines de
les on attribue mérites & iurtilication , fe méfier tel afaire, ains incapables
ce qui derogue manifellement au fang de tous bons propos (excepté Du-
de lefus Chrift. " Bois, le iuge criminel, qui en fait tel-
MoNSiEVR de Pierreport, en la lement fon deuoir que Dieu le conoit),
prefence du Prince de la Roche voire impatiens à les ouir ; y ayans
Suryon , fe vanta de me monllrer procédé en tel defordre, que ie plus
periure : Par ce, difoit-il, que ie Ibuuent tous parloycnt enfemble, de-
m'eftois apoftafié de mon eftat, & quoi mcfme le luge fembloit eflre ef-
auoi rompu mes vœux, le refpondi, merueillé; neantmoins ie les vous ai
bien voulu enuoyer, ne faifant diflinc-
que pour cela ie n'ertoi point periure, tion des lieux, temps, ne pcrfonnes,
d'autant
font faux &quecontre
les vœux quides'yDieu
la parole font:
pour euiter confufion & plufieurs ré-
à raifon dequoi il n'ell loifible de les pétitions fuperflues, fans y rien chan-
faire , ni de les garder quand ils font ger, au moins quant à la fubfiance ,
faits; mais plullod eft commandé de finon en vn article qui ell touchant la
les rompre « retrader, comme toutes ■Vierge, auquel au lieu d'auoir fimple-
ment refpondu, que fi elle auoit eflé
autres promeffes, & ce d'autant que conceué fans péché originel , de là
l'obferuation n'efl en nollre puiffance,
comme il appert du vœu de challeté, s'enfuyuroit que lefus Chrift feroit
qui en foi enclôt le mariage, fuiuant venu en vain, d'autant qu'elle auroit
les dodrines des diables, comme dit elle idoine pour faire chofe agréable
Tim. 4. ). S. Paul ; ni loifible, comme fe void au
à Dieu, & pour lui fatisfaire, i'ai mis,
vœu de pourcté , qui eft un eftabliffe- Que fi elle auoit efté conceué fans pé-
ment de mendicité , reieltee & con-
lefuschéChrift
originel,feroit
de làvenu
s'enfuyuroit
en vain que
(au
damnée parl'Efcriture. l'euiïe volon-
tiersyparlé d'auantage fur ce que
poiiid moins enefté
fon idoine
endroit),pour
d'autant
faire qu'elle
mais il auoit tel defordre tous , auroit chofe

Le Prince de parloycnt enfemble, cuidans tout ob- plaifante à Dieu, & n'auroit eu befoin
tenir par clameur : de quoi le Prince d'autre fatisfadion pour elle ; dont
la Rochc- fembloit eftre defplaifant , & com- s'enfuiuroit derechef, que lefus Chrift
Survon.
ne feroit point vniuerfcllemenl re-
manda par plufieurs fois qu'on me
JEAN RABEC. J7I
M.D.LTI.

Notez bien ce dempteur, au regard mefme des ef- Mais Dieu a déclaré qu'il fe vouloit
poi n<5l tou- leus. Or, ie vous enuoye mes articles feruir de lui en c'eft endroit. Ainfi il
chant la
rédemption demeura efdites prifons, où il eut de
\ niuerfelle. au plus près qu"il m'a elle polTible des merueilleux alfauts de la moinerie &
refponles
fur que cenfure
ce voftre i'ai faites, afin d'auoir
, & élire auerti
de ce en quoi ie puis auoir failli , fuppolls de l'Antechrifi,
monftre par comme
plufieurs lettres il de-à
efcrites
pour amender les fautes félon que fes amis, entre lefquelles nous auons
pourrai. ici inféré celle qui s'enfuit efcrite de
Av refte, ie cognoi que ces liens fa propre main.
me font le plus grand moyen pour pra-
tiquer fenfibleraent la fcience de mon Frère & ami , ce que ne vous auons
Dieu, que iamais m'auint, & que par efcrit plus fouuent n'a pas elle faute
iceux il m"a défia fait plus fentir fa d'en auoir bien le defir ; mais que toute
bénignité, que par tous les biens que opportunité conuenable nous a de-
iamais il me fit, tant par les admira- failli, tant à caufe que n'en auionsieu
bles deliurances dont il a défia vfé en- l'ouuerture ni adrelfe, qu'à raifon de
uers moi contre tout efpoir, que par
plufieurs lettres qu'auons enuoyees à
les ineftimables confolations qu'il m'a plufieurs, dont n'auons receu aucune
refponfe , ce qui nous a aucunement
enuoyé
doiuent iournellement , telles
bien fuffire pour me qu'elles
rendre refroidis & intimidez, craignans, au
lieu de confolation, de faire ennui,
tellement alfeuré de fon aide, qu'il
n'enuoyera ni ne lafchera fur moi eflifans pluftoll de fouffrir en atten-
chofe qui me nuife ou bleffe , & qui dant , que prefenter occafion de faf-
ne foit à mon auantage , & que tout cherie à perfonne. Or, maintenant
ce qu'il en fait n'ell que pour me pur- ayant trouué le moyen par l'auertilTe-
ger de mes naturels & innumerables ment de quelcun , nous vous auons
bien voulu efcrire derechef ce dequoi
vices,
encore efquels i'ai toufioursconfit
merueilleufement efié &; pour
fuis
ne pouuez eftre ignorant, alfauoir qu'il
aprendre à me fortifier, & ofler toute a pieu à ce bon Dieu (combien qu'à
fiance de moi & du monde, & m'adon- plus qu'indignes) nous ouurir la bou-
ner & ioindre du tout à lui, pour ob- che pour le confeffer ouuertement &
tenir portion auec fes enfans en fon hardiment fans diffimulation , félon la
royaume celelle. D'Angiers, ce 24. de fcience qu'il nous a donnée , & en
Mars. Iean Rabec, prifonnier pour telle manière que n'en attendons que
le tefraoignage de la parole du Sei- la mort, pour le moindre tourment
qui nous foit aprefté. Ce que le bon
gneur lefus, en la ville d'Angiers. Dieu toutesfois a différé iufques à
Apres ces Interrogatoires & Ref- prefent, outre & contre tout noftre
efpoir & iugement; parce aidant noftre
ponfes,
le tout, l'Euefque dudit lieu leayant
& fur ce confulté, veu
24. iour infirmité, & de plus en plus nous for-
tifiant &augmentant en courage, pour
d'Oftobre enfuiuant, iour du Synode refifter aux aduerfaires, lefquels de
de fon diocefe , fit amener Rabec de-
uant lui, où, en la prefence de grande tant plus qu'allons en auant, nous
multitude de preftres, le déclara par voyons plus foibles & confus, de quel-
fentence excommunié , hérétique , que braue ou haute apparence qu'ils
fchifmatique & apofiat , & comme tel foyent à l'endroit de nous. En quoi
le condamna à élire dégradé , & puis ne fanons autre chofe penfer, finon
liuré entre les mains de la iullice , que ce grand Dieu preuoyant à noftre
ijifirmité, & voulant faire reluire fa
qu'ils appelent Bras feculier, de la-
quelle fentence Rabec fe porta pour Majerté, les confond par ceux qui, en
aparence, font moins que rien au prix
appelant,
du Parlement comme de d'abus,
Paris. Au à lamoyen
cour
d'eux, empefchant la force qu'ils fe
dequoi fut renuoyé es prifons dudit promettent, les efblouilfant & efton-
Euefque , où il demeura fans autre- nant, mefme les tourmentant de leur
ment eftre procédé fur fon-dit appel , propre rage & felonnie. Ce qui apa-
iufques au roit bien en ce qu'on les void poulfez
fuiuant.dixiefme iourtemps
Pendant lequel d'Auril en-
fes amis à faire chofes plus que defraifonna-
bles, & du tout intolérables à toutes
s'efforcèrent le deliurer par le moyen
des Seigneurs de Berne , qui en ef- perfonnes de quelque nation ou con-
criuirent au Roi de France , defquels dition qu'elles foyent, comme monftre
il auoit elle efcholier audit Laufanne.
l'horrible outrage lequel ces iours paf-
LIVRE SIXIEME.

Par aulre fez ils nous ont tait, alTauoir Horri (i) principalement en vos oraifons, & de
lettre Rabec nous affifter félon le deuoir de dilec-
cfcrit que ce & fa troupe, nous fpoiiant, d'autant tion Chrellienne, en ce que conoiftrez
moine Horry que ne les voulions ouyr , ne leur dé-
avec la troupe férer en aucune manière (comme ils
avait fait en eftoyent indignes) des liures qui expédientficationàde fon
la gloire de &Dieu,
Eglife, A l'édi-
au nollre &
efpandre & voftre auantage en icelui.
ictler par nous auoyent elle faindement permis
terre vn peu du Magiftrat, félon fon droit aeuoir,
de vin & de
faifans en cela l'office du diable, tt fe Depvis, en vertu d'vne commiffion
viande qu'on
lui auoit déclarant fes enfans, qui ne tafchcnt obtenue du priué confeil du Roi, à
enuoyé. qu'à desfaire tout ordre conftitué de l'inftance & pourfuite de maiftre lean
Dieu, à efteindre fa vérité, A empef- Breron, chanoine audit Angiers, & de
maiftre Guy Lafnier dit rEnretiere(i),
cher qu'elle ne foit mife en auant , Aduocat audit lieu, adrelVant à rnaiftre
mefme qu'on ne l'aprene pour s'en Guillaume le Rat, Lieutenant gênerai
armer & munir au bcfoin ; ils l'ont,
di-ie, foigneufemenl imitée en cefl en- d'Angiers (2), fut fait commandement
droit, nous priuant de la lefture de la à l'Euefque d'exécuter fa fentence de
fainde parole de Dieu, & confequem- dégradation, nonobftant
ietté par ledit Rabec.l'appel inter-
Au moyen
ment de l'vfage d'icclle, ce c.;ui ne
peut eftre defnié à perfonnc, que con- dequoi, félon ladite cummiflion, le
tre l'exprès commandement de Dieu 10. d'Auril 1^56., qui elloit le Ven-
En quoi il femble que Dieu les poufle dredi fuiuant la felle de Pafques, s'ef-
à faire chofes, à raifon defquelles tout
tant toute cefte troupe afl'emblee de
le monde , à bon droit , fe deuroit ef- grand matin au palais Epifcopal , fa-
mouuoir contre Dieu,
eux, ainfi qu'ils s'ef- uoir eft l'Euefque, le Lieutenant le
leuent contre le deboutans, Rat, M. Chrillophie Depincé, luge
entant qu'en eux eft, de fon fiege pour criminel, M. Raoul Surgin , M. Mi-
chel le MalTon, Aduocat et Procureur
l'occuper, fuppeditans fes puiltances,
dont ne fe peut enfuiurc que tout de- du Roi, auec leurs robes d'efcarlate ,
fordre , comme l'expérience le monf- on enuoya quérir Rabec par le geô-
tre. Qui eft bien en eux vn euident lier, lui faifant accroire qu'ils le vou-
tefmoignage du règne & minillere de loyent mener à Paris, fuiuant fon ap-
pel. Comme on le menoit , ayant
l'Antechrirt, auquel ni aux fiens ne
doit eltre portée ni exhibée aucune
reuerence ni obellfance ; mais toute aperceu tant d'officiers tenans leurs
refiftance par ceux qui le peuuent & verges & battons en la main , s'arrefta
quelque peu , & eficuant les yeux au
ciel, fit vne exclamation au Seigneur,
doiucnt, lorl'que l'opportunité s'offre,
pour les repoulTer & humilier, ce &luidemanda
vouloit. auAuquel
geôlier fut
& fergens
refponduqu'on
par
qu'ils méritent bien, & qui feroit leur
plus grand bien. Auffi nous vous vn de la compagnie, que c'eftoit pour
prions de nous efcrire plus fouuent, parler à l'Euefque. Et fut conduit par
eux à la faletle du palais, en laquelle
félon
office,que
& c'eft
nous bien le deuoir
donner de voftre
les moyens de eftoyent les delTufdits aftemblez auec
vous efcrire , ce que pourriez faire leurs adherans. L'Euefque dit à Rabec
feurement (comme il nous femble) par
qu'il s'approchaft, lui commandant de
noftre foeur, qui nous minillre iournel- mettre deles faire,
genoux en terre,congé
ce qu'il
lement de tel foin éi auec telle charge refufa demandant de
de fa quelque
part, qu'il feroitalin
bienqueraifon d'y parler, qui lui fut ottroyé. El lors dit:
auoir efgard, de vous « Meilleurs, vous ne pouuez ignorer
puiflions auoir quelque confolation , comment ie fuis appellant à la cour du
car vous pouuez pcnfer quel befoin Parlement, de la fentence donnée
. nous en auons ; vous priant ne vous contre moi, & mon appel deuement
ennuyer d'auoir mémoire de nous releué , parquoi ie vous veux auertir
qu'à eux & de
conoiffance non rna
à autre
caufe.apartient
n A celala
(i) Matthieu Ory, inquisiteur. François I", Depincé refpondit : " le croi, Rabec,
par lettres-patentes du )o mai içjo, lui per-
mettait d'exercer en France la charge d'in- que vous n'ignorez qu'au Roi n'apar-
quisiteur de la fui. Henri II conlirma ses
pouvoirs en 1550. Il ùtait prieur des Domi-
nicains de Paris. Il avait été envoyé par le (i) Guy Lasnier, sieur de la Fretière , fut
roi à Angers, avec Rémi Anibrois, président maire J'Anijers. Il était " grand ennemi de
d'Aix. en Provence, pour arrêter les pro- ceux de la Religion ■• (Bére, I, lOB).
grés de l'hérésie. (1) Voy. Bèzc, 1, ûi, 85, 408; II, ua
JEAN RABEC.
?73
tient la conoilTance. » Rabec le nia. car le Seigneur Dieu eft auec vous. »
Sur ce, le Lieutenant le Rat dit :
AuquL-1 Rabec, confoié de cela, ref- La tion de Rabec.
dégrada-
« Qui e(l-ce qui en fait doute .- » De- pondit :€ Mon ami, ie le croi ainfi. »
rechef l'Euefque Apres cela, enuiron les huift heures
de fe mettre bas : commanda
« Puis vous àorrez,
Rabec»
du matin audit iour, il fut mené par
dit-il, « ce que le Roi mande. » Rabec ces fergens & appariteurs deuanl le
fit pareille refponfe que deffus. « le temple S. Maurice, où eftoit dreffé vn
ne fai, Meffieurs, que vous me voulez
faire. » Le Rat dit: « Mon ami, obeif- grand efchaffaut, fur lequel l'Euefque,
mittré, cron"é & chappé, auec plufieurs
fez à ce qu'on vous commande. » Et officiers & preftres, attendoit Rabec.
Depincé dit, que s'il ne le vouloil Lequel eftant monté, on lui prefenta
faire de beau, qu'on le forceroit à ce vne longue robe de preftre pour fe
faire. Rabec refpondit : « Si on me
fait outrage, au nom de Dieu foit ; veftir : ce qu'il ne voulut faire, iufques
à ce que les fergens & archers du
mais regardez bien à ce que vous auez Preuoft là prefens le contraignirent
à faire. par commandement à eux fait. Puis on
auec vn »defdain
Svr ceshauflant
propos,les l'Euefque,
bras, dit : lui prefenta vn linge appelé Amift (i),
« Vous voyez, Meffieurs, qu'il ne pour s'enueloper la tefte, ce qu'il re-
veut
on luifaire
dirace auffi
qu'onbien
lui eflant
dit ; toutefois,
debout, fufa bien fort, de forte qu'vn nommé
maiftre lean Cheualier, garde du re-
ueftiaire de S. Maurice , par grande
que s'il eftoitmandementàauGreffier
genoux. de» faire
Et fitlefture
com- furie lui en couurit la tefte, & lui ferra
de fes lettres de commiffion. Apres ce la gorge bien eftroittement des cor-
dons de ceft amiâ. Apres cela, on lui
fait, l'Euefque parla à Rabec, difant :
a Vous fauez
fentence bien que i'ai
de dégradation prononcé
contre vous, veftitàgrand' force vne chemife qu'ils
appelent Aube (2), & confequemment
au mois d'Odobre dernier paffé, de vne chape(3),& lui voulurent faire tou-
laquelle auez appelé comme d'abus, Dont cher le
vn calice, ce qu'illerefufa
Lieutenant Rat du
lui tout.
dit :
&donné
vous ordre.
ayant Pendant
fait anticiper, n'y auezle
ce temps,
« Maiftre lean, n'auez-vous pas enuie
Roi eftant auerti de voftre fait par d'obéir au Roi & au Magiftrat f » Au-
Meffieurs de Berne, defquels vous
quel il refpondit qu'oui. « Or donc,
eftiez déclaré eflre efcholier, m'a pourquoi refiftez vous » (dit le Rat) « à
mandé que i'euffe à lui enuoyer voftre ce qu'on vous enioint, attendu que
procez, ce que i'ai fait. Mais après c'eft le vouloir du Roi qu'il foit ainfi
l'auoir veu, vous pouuez maintenant fait r » Ce qui efmeut quelque peu
entendre ce qu'il me mande de faire. » Rabec ; toutefois fa contenance & re-
Sur ce, Rabec lui dit, que le procès
fiftance donnoit affez à conoiftre qu'il
enuoyé au Roi eftoit par lui argué de auoit tout ce badinage en horreur &
faux, comme non figné d'aucun Gref- deteftation. Là Sorbonne,
tre dodeur de defl"us, vn ftipendié
noftre maif-
de Sorbonnifte
fier. L'Euefque dit : « Suiuant ce qui impudent
traité félon
m'eft commandé du Roi, ie pafi'erai l'Euefque, eftant fur l'efchaffaut, com-
outre, nonobftant voftre appel. » Et mença à prefcher le peuple, faifant qu'il meritoit.
fur ce, ils fe départirent, laiffans Rabec
entre les mains du Concierge & offi- grand
Dieu, &préambule fur fainde
noftre mère l'honneur de
Eglife,
ciers de l'Euefque. Lors Rabec. le- difant , qu'ainfi que ce poure mal
uant les yeux en haut, dit : « O Sei- heureux qui là eftoit, auoit aban-
gneur, que iede meta repute
tre tefmoin vérité !heureux d'ef-
» Et comme donné Dieu & négligé les comman-
demens de la mère fainfte Eglife,
altercation fe leua entre les Appari-
teurs & fergens Royaux pour la garde qu'ainfi
donné , pareillement Dieu àl'auoitaban-
faifant entendre haute voix
d'icelui, fut dit par le Lieutenant, qu'il qu'il eftoit hérétique,
mal fentant fchifmatique,
de la foi. Rabec le
n'apartenoit aux fergens y mettre la
main, d'autant que l'Eglife en eftoit tout haut , difant qu'il n'ef-
encore faifie. Sur ce propos, M. Guy reprint
toit pas vrai. Neantmoins ce doc-
Lafnier refpondit, la garde des Appa-
riteurs n'eftre fuffifante pour la con- (i) Linge bénit que le prêtre met sur ses
duite d'icelui. Sur ces difputes, Rabec épaules pour dire la messe.
demanda vn peu de vin, ce qui lui fut (2) Long vêtement de toile blanche que le
ottroyé. Et celui qui lui prefenta, lui prêtre revêt quand il officie.
(5) Sorte de manteau sans plis que porte
dit : € Mon ami, prenez bon courage.
le prêtre pendant l'office.
5 74 LIVRE SIXIEME.

tuur ne laifToit do paffer outre. Et


Surquoi Depincé
euft à penfer à lui.luiEtremonflra
pcrfiflantqu'il
fur
comme il dilbit qu"il auoit delailTé
Dieu & lefus Chrifl, Rahec le dé-
fon appel , lui répliqua qu'il n'euft à
mentit, difant qu'il efioit meilleur s'arreflcr à cela , & qu'il faloit ref-
Chrellien que lui. Ce dodeur pour- pondre. Rabec, fans preiudice de fon
fuiuant , rar<jua qu'il auoit lailTé le appel, dit &qu'il avoit fatisfait d par fes
faind eftat de re!if,'ion, comme apoflat ; relponfes, requit la Icâure icelles
& Rabec rel'pondit tout haut, qu'il pour fauoir fi on y auoit adioufté ou
auf>it laifTé voirement tel eftat pour diminué : ce qui fut fait. Depincé ré-
iuHe
efloit &mefchant
fainéle &caufe , d'autantdeuant
abominable qu'il pliqua fur certains articles du Sacre-
ment ,contenus en fes interrogatoires
Dieu, & qu'il n'efloit venu que d'abus. & refponfes , pourtant que Rabec
Sur quoi les fieurs de la iuflice le me-
maintenoit que ce n'efloit qu'abus &
naçans qu'on le baaillonneroit s'il ne idolâtrie. A quoi il dit qu'il efloit vrai;
fe taifoit : refpondit qu'il ne fe pou- & que lefus Chrift eflant auec fes Dif-
uoit taire, oyant femer tels propos de ciples , après auoir rendu grâces,
lui au peuple, ne voulant que cela print du pain, le rompit & leur en
demeurafl en la mémoire fans y con- donna, difant : « Prenez, mangez, ceci
Les farces tredire. Sur quoi, on fit cefTer ce Doc- efl mon corps. » Et quand il eut pris le
conuicnnenl à teur, qui efioit venu comme au bout
gens profanes. de fon roole, & ne fauoit plus que hanap , dit auffi : « Beuuez-en tous ;
Ceux-ci fc car c efl ci mon fang du nouueau Tef-
monflrem tels. dire. Apres toutes ces cérémonies tament, lequel cft refpandu pour plu-
acouflumees à leur façon de faire , fieurs en remiffion des péchez; »& que
Rabec fut expofé en derifion , en lui lefus, difantcepropos, efloit làprefent,
mettant fur fa tefle vn bonnet verd.
& monflroit fon corps qui deuoit fouf-
Puis l'Euefque (i) le liura au bras fe- frir mort it paffion pour la rédemption
culier, difant, par grande hypocrifie : du genre humain; & que ces paroles
«Traitez-le doucertient, » en hochant la dites & proférées : « Ceci efl mon corps
telle. Apres fut mené par les officiers, qui cft liuré pour vous, » ne font tranf-
fergens & archers de la ville & du fubflantier le pain au corps de lefus
Preuofl aux prifons du Roi. Où, pour Chrifl. Il y eut grand tumulte en la-
acheuer leur entreprife & acomplir dite Chambre par les affiflans , difant
leur rage , fut environ deux heures. La vérité efl
la plus-part : >< Le mefchant efl damné,
De là on envoya quérir Rabec deuant infupportable
le mefchant efl Lieutenant
lement que le pofl'edé du diable,» tel- au.\tieux.
gênerai vint fupcrlli-
mairtre Chridophle Depincé, lieute-
nant criminel d'Angiers, enfemble le à s'efleuer , lui faifiint certains argu-
Lieutenant gênerai , Aduocat & Pro- mens prins de S. Grégoire & autres
cureur du Roi, Raoul Chalopin, iuge doâeurs, alléguant que les fainds
& garde de la Preuofté dudit Angiers, Conciles efloyent demeurez en cefle
& plufieurs autres en la chambre du opinion , que le vrai corps de lefus
Confeil du palais. Eflant deuant eux,
les falua auec grande humilité. Incon- Chrifl efloit en l'hoftie de la Mefl"e. A
tinent Depincé lui fit entendre que le quoi refpondit
uention Rabec lefquelsauoyent
des Moines, , que c'efloit in-
Roi auoit conu de fon procès, & qu'il fubuerti (i ) '<-■ S. Euangile, avans attiré
auoit mandé à l'Euefque d'Angiers de par tel moyen les biens de tout le
mettre en exécution la fentence qu'ice- monde par leur grande auarice.
lui Euefque auoit prononcée contre
lui, & laquelle ce matin auoit efté fc Cela
repentirdit,deDepincé l'admonnefta& de
tels blafphemes, de
exécutée. Lui demanda s'il vouloit fe confelTer au Preflre ; à quoi refpon-
perfider es refponfes ou'il auoit faites dit Rabec, qu'il n'auoit point blaf-
deuant ledit Euefque «autres. Rabec
phemé, & qu'au refle , il s'efloit con-
fît refponfe qu'il efloit appelant de la fefl'é à Dieu , à qui feul on fc doit
fentence contre lui donnée, et que la
commiffion qui elloit prouenue fur confetTer
abfout. Et, d'autant
fur cela, qu'il
auec efl
vne feul qui
grande
icelle efloit nulle: partant demandoit afTedion Ot zèle, remonflra audit De-
eftre mené par deuant ceux de la cour
du Parlement, qui efloyent fes luges, pincé, qu'il ne doit iuger aucun, finon
par la reigle qui lui efl prefcrite par
ne voulant preiudicier à fon appel. le S. Euangile, qui efl la parole de
Dieu. « Or, dit-il, tout ce que i'ai ref-
(i) L'idition
Gabriel Bouvcry. de 15(6 donne son nom,
(1) Perverti.
JEAN RABEC. 375
pondu eft prins & contenu en icelle vn quidam deuant eux, qui auoit def- m.d.lvi.
Parole ; parquoi vous ne me deuez ni robe vn arc d'arbalefte, mais ils ef-
pouuez ainfi condamner; & ainfi que toyent tellement acharnez en cefte
caufe de Rabec, que, ne penfans à
vous iugerez, femblablement vous l'e-
Piiate laue fes rez iugé. » A quoi répliqua Depincé , autre chofe, ils enuoyerent le larron
mains; mais qug c'eftoit le Roi qui l'entendoit abfous fans aucune punition. Puis
'na'^tiom 2'"'"' '^ '^ vouloit. « Le Roi, dit Rabec, après pârtans
cation & exécutionde là remirent
de la lafentence
fignifi-
n"entend finon ce qu'on lui fait enten- donnée contre Rabec , iufques à
dre; toutesfois il en portera la peine. »
Puis déclara deuant tous, qu'il n'auoit l'aprefdiné dudit iour. Enuiron vne
fiance qu'en Dieu , lequel ne l'auoit heure après midi, Depincé, acompa-
iamais abandonné , & le pria d'vne gné d'vn Confeiller & d'vn Cordelier
grande affeftion , ayant les yeux efle- nommé Alanus (i), & du gardien des
uez en haut & les mains ioinftes, de Cordeliers dudit Angiers . ayant fait
lui donner la vertu de patience , & de venir Rabec en la chappelle defdites
l'affifter par fon faind Efprit , à celle prifons, lui fignifia que, pour les ref-
fin de perfeuerer en la confeffion de fon
S. Euangile fans crainte des hommes, ponses par lui faites contre l'ordon-
nance de l'Eglife & l'honneur de
qui n'ont puifTance
Et difant quedesfuraffiftans
ce , plufieurs le corps.
en Dieu,
du il eftoit
Confeil condamné
à eftre bruflé par
toutl'opinion
vif en
ladite chambre du confeil pleuroyent. l'air, fans lui parler que la langue lui
Alors ledit Depincé tira d'vn fac deuft eftre coupée. Sur quoi Rabec
la fentence efcrite en papier, de la- répliqua qu'il perfiftoit en fon appel ;
quelle il fit ledure à tous les affif- & Depincé dit qu'il n'eftoit plus quef-
tans , où il faifoit mention qu'ils y tion de tels propos , mais qu'il euft à
auoyent procédé en vertu de la com- penfer à fa confcience, veu qu'il faloit
miffion enuoyee du Roi. Sur quoi, le
qu'il paftaft outre, & fe reconciliaft
Lieutenant gênerai dit , que cela ne auec lefdits Alanus & gardien des
Cordeliers. Lors Rabec dit : « Dieu
feruoit de rien , & qu'il n'en faloit
faire aucune mention , attendu qu'ex- foit loué & me face la grâce de perfe-
preffe defenfe lui en auoit efté faite uerer iufques à la fin. » Puis dit tout
en vertu de certaines lettres du Roi , haut : « O Dieu, que tu me fais de
obtenues auparauant les fufdites let- grâces de m'appeler pour fouftenir ta
tres de commiffion , de ne palfer ou- parole Euangelique 1 Car tu as dit ,
Fureur d'vn tre , nonobftant l'appelmalice
de &Rabec; que quiconque te confeffera deuant
luge inique, toutesfois de certaine haine,
& à la fuafion de fes complices , fans les hommes,
deuant ton Pèretu ; le
tu confen"eras
as auffi dit , auffi
que
prendre aucune opinion particulière quiconque perfeuerera iufques à la fin
des affifians , fut par Depincé dit que fera fauué.» Depincé le lailTa au milieu
Rabec feroit bruflé vif en l'air; & que, de ces moines, lefquels lui firent plu-
s'il ne fe vouloit confefTer au Preftre, fieurs queftions, & entre autres, s'il
la langue lui feroit coupée. Et fit
ne croyoit point en l'Eglife, & fi en
figner la fentence à plufieurs des affif- icelle n'y auoit pas vn lieutenant &
tans ,dont la plus part s'en alloyent vice-regent de Dieu, & fi elle n'auoit
fans la figner, mais Depincé les fit re-
pas puiifance d'excommunier. Rabec
tourner. L'vn des principaux de la leur refpondit comme il auoit fait au-
parauant. Que leur Eglife Romaine Les moines
compagnie lui dit qu'il n'eftoit d'aduis
qu'on depaffaft
cour Parlement outre ,auoit
attendu
défia que
eu co-la n'eftoit qu'vn retrait d'idolâtrie, & appelent
comme
/> • vn vne
eftoit A Babylone dontces lemornes
i_ n Alors
Antechrift. A1 chef
■ .'^^''-a'^
Atheiue.
noifi'ance de la caufe, & que puis
n'agueres en pareil cas , elle auoit d'vne grande clameur appelèrent Ra-
mefme décerné adiournement perfon- bec Atheifte , méritant fon feu. Et
nel contre lui (parlant à Depincé), &
Rabec d'vn efprit paifible refpondit
que, paiïant outre, il s'en pourroit re- qu'en voulant maintenir l'honneur de
pentir, mefme Dieu, de lefus Chrift , & de fon
commiffion, de qu'il
palTer n'y
outreauoit aucune
nonobftant Eglife , & defirant mourir en la foy
iniquitez fur ledit appel. A cela Depincé furieufe-
iniquitez. ment refpondit qu'il palferoit outre,
nonobftant fon opinion. Et fur ce pro- (i) Bèze {Hist. ecclés., I, 408) le nomme
Alani, et lui attribue une part de responsa-
pos ,ains qu'ils bilité dans le soulèvement et les meurtres
fe départir de la eftoyent
Chambre,tousfut prefts
amenéà qui eurent lieu à Angers en 1561.
LIVRE SIXIEME.
eflant efleué, comme dit eft, demeura
376 , il nefloit point Athciflc , &
d'iccllc
mit c-n auant le palTage du premier plus de demi quart d'heure fans que
le feu fuft allumé , continuant fon
de l'Epillrc aux Galates : « Si vn Ange
du ciel , » &c. Or fur l'altercation du Pfeaume, & inuoquant à fon aide le-
Dieu de leur Mede, il maintcnoit que fus Chrift , par plufieurs fois. Et vne
lefus Chrifl elloit à la dextre de Dieu
partie du peuple difoit par grande de-
& que de là viendroit, &c. tS? fur piu- rifion & blafpheme, quand il nommoit
fieurs autres propos, le Gardien fc ainfi lefus Chrift : <i Ô le mefchant! il
print à crier : » Meffieurs, voici vn
dit que lefus crie; qu'il vienne donc
démoniaque; ie vous prie en l'honneur le deliurer. » Et autres difoyent qu'il
de Dieu, que la parole lui foil defniee, crioit le crcn"on verd. Il y en a qui
difent auoir veu, que le gardien des
& qu'on lui coupe la langue. » Mais Cordeliers, eflant toufiours près de la
Rabec , comme il efloit doué d'vn ef- Faux miracle
prit humbledonnant
& pofétoutesfois
, demeuroit paifi- paille, auec Alanus (lequel aidoit que veulent |
blemcnt, (blutions mefme au bourreau , à la mettre à faire les
pertinentes à tous leurs argumens fo- l'entour de Rabec,) mesla vn charbon
phiftiques, de manière que ce Gardien de feu parmi la paille , penfant tirer Caphards.
profera ces mots : « Ce mefchant ici de ce vn miracle, affauoir que le feu,
cil trop fauant , il a trop veu ; il eft comme defccndaiit du ciel, deuft allu-
imponible de le pouuoir vaincre , mer incontinent la paille. Rabec eflant
puisqu'il a efté à Gencue , & eft pof- efleué en l'air , toutesfois le miracle
icdà de Satan. » Rabec lui refpondit n'auint point. Le feu eftant mis, Ra-
bec encore pourfuiuit le Pfeaume, &
qu'il n'efloit aucunement polTedé du
diable , mais qu'il vouloit maintenir la fut abaiffé, puis efleué par plufieurs
vérité de l'Euangile de lefus Chrift , fois, au gré & fouhait des moines, di-
& que ie diable ne s'arrefte point à fans au bourreau : << Hauffe & baifl'e
cède vérité, d'autant qu'il efl père de
menfonge. iufques à ce qu'il ait prié la vierge
Marie; » de forte que les entrailles
SvR les deux heures , le Lieu- eflans ia à demi forties , encores par-
tenant criminel, auec les aduocat & loit-il , n'ayant quafi plus figure
procureur du Roi, les archers du .
Preuofl, & autres de la ville vindrcnt d'homme, lors qu'il fut du tout de-
ualé
fon fur le bois,
Créateur (i).& ainfi rendit l'ame à
à la geôle. Et parlèrent afprement à
Rabec; & après lui auoir propofé
quelques poinds , oyans fur iceux fa (i) Celle admirable constance de Jean
Rabec, au milieu des plus horribles tour-
refponfe , commandèrent qu'on lui ments ,amena à la foi i'vangùliqiie un moine,
coupaft la langue, tt qu'on le menaft de l'ordre des Carmes, Jeanbien
d'Espina, qui
au fupplice. Le bourreau le print , & devint un ministre réformé, connu sous
l'attacha à vne claye au cul d'vne cha- le nom de Jean de l'Espine. Ce fait, inconnu
rette en piteux fpedable. Et Rabec à Crcspin, nous a été conservé par le sieur
Philippe Vincent , dans ses Recherches sur
drefTant les yeux au ciel, prioit Dieu; tes ccinmcncemeiits cl premiers progrès de la
& ne ceffa iufqu'à ce qu'il fut arriué Ri'fcrmalion en la pille de La Rochelle. Il
au lieu du fupplice , iettant force raconte
fang par la bouche, & fort desfiguré ce fut entenir
la maison de son deai'eulc maternelle
son père que fut" que
pris
Jean Rabec, mentionné au livre des Mar-
à caufe de ce fang. Eflant deueftu, fut
enuironné de paille deuant & derrière, tvrs. " Il raconte
diverses fois Rabec aussi en
que sad'Espina
prison ,«visita
pour
& force fouffrc ietté fur fa chair. Ef- tâcher de le divertir de sa créance. Mais il
en réussit un elfet bien contraire à son in-
leué en l'air, il commença le Pfeaume,
déduisoit tention,peu
veu queà les
peuraisons que l'autre
prévalurent en sonluy
Les gens entrez Tont en ion héritage (1);
esprit. D'ailleurs il fut fort louché de la con-
stance admirable avec laquelle il luy vit
sonlTrir le feu et de la merveille que Dieu
voire intelligiblement, combien qu'il
fit en luy,
coupé la lanpuc,en ce que,
il ne combien
laissa pas qu'on luy eût
de chanter
eufl
voulula prononcer
langue coupée
Icjits, pour
Maria.n'auoir
Car intelligiblement , au lieu du supplice, le
lors qu il fut importuné de ce faire pscaumu qui commence : Les gens entrés
sont en ton héritage. Ensuite, demeurant
auec grandes menaces, auoil refpondu
pleinement résolu .'1 pari soy que la doctrine
que, s'il fentoit que fa langue dcuft dont il avoit lanl disputé contre estoil néan-
moins la vraie, il la prescha au mesmc lieu
proférer telles paroles, que lui-mefme
ta couperoit auec les dents. Et ainli d'Angers l'espace tout
sans se découvrir d'un& an
fait (c'cstolt toutefois
et sans délaisser
son habit); seulement de lems en tems il
(1) Psaume LXXIX (de Clément Marol). reprcnoil quelques abus... A la fin pourtant,
PIERRE DE ROVSSEAV. 377
Voila ce qui a eflé recueilli du de l'Euefque & les officiers du Roi,
procès & de l'exécution de ce fainét que par plufieurs preftres & moines,
perfonnage, que ce bon Dieu & Père deuant lefquels il fit pareille confef-
de mifericorde auoit muni de conf- fion de foi que Rabec , voire auec
iance inuincihle, à l'honneur de fon telle perfeuerance & fermeté , qu'à
faind Nom, à l'édification des fiens , peu de iours de là il fut condamné
& confufion grande de tous fes enne- d'eftre bruflé vif. Les caufes de fa
mis, le 24. iour d'Auril, 1556. condamnation feront dites auec le ré-
cit de fa mort, après que nous aurons
propofé l'extrait
fit deuant de la confeffion
les luges, laquelle qu'il
il a
laifl"ee par efcrit comme s'enfuit.
Pierre de Rousseau, Angeuin (i).
Premièrement , interrogué du Sa-
crement de l'autel , ie refpondi que
Ce perfonnage, eonipagnon du fufdit c'eftoit grandement derogué à la pa-
Martyr, nous aprenJra de marcher role de Dieu, de le nommer Sacre-
en toute affcurance quand Dieu
ment de l'autel , veu que l'Efcriture
nous anemonjtré
nous doutionsla porte
point de J'alut; cela
, quand que fainde l'appelle Sacrement de la De la Cène.
Cène. D. « Ne croyez-vous pas,
fera , que Dieu ne nous donne vue quand le preftre en la Meffe a dit les
fermeté inuincihle, combien que tou-
tes chofes nous foyent contraires, paroles facramentales defl"us l'hoftie ,
car no/lrc falut ejl en fa main , & a que ce foit le corps de lefus Chrift.> »
R. « La commémoration , ou pluftoft
promis qu'il fera noflre garant &
mainteneur. oftenfion qu'en fait le preftre, ne fert
que pour lui, car ceux qui font autour
de lui n'en ont que la veuë, qui n'eft
Pierre de Rouffeau, natif d'Anjou, fuiure ce que fift noftre Seigneur auec
ayant demeuré quelque temps es villes fes Apoftres , & comme depuis iceux
de Geneue & de Laufanne , profita fi l'ont obferué. Car il leur en bailla la
bien en la parole de Dieu , que re- veuë & le gouft quand & quand , &
tournant en fon pays, il monflra clai- leur dit : « Prenez- en tous, afin que
rement qu'il auoit eflé bon efcholier. vous tous participiez à ma mort , la-
Eftant en la ville d'Angiers, en la quelle vous annoncerez iufques à ce
maifon d'vn certain fien beau-frere . auquel il que ie viene. » Et fur cela recitai les
demandoit droit de fucceffion,
textes de l'Efcriture
de la Cène eft defcrite., où l'inftitution
fut accufé, & trahi par lui , & liuré
aux gens de la iuflice du lieu, par lef- iNTERROGVÉdu Baptefme,&ce que Du Baptefme.
quels il fut appréhendé & conftitué l'en croi. R. « Que les quatre Euan- Aaes 19. ;.
prifonnier au mois d'Oâobre m.d.lv. geliftes nous rendent certain tefmoi-
mais ce bien lui auint, par la proui- gnage comment S. lean a prefché le
dence de Dieu , qu'il fut mis en la Baptefme de repentance en remiffion
prifon mefme , en laquelle efloit Ra- des péchez ; qu'en le receuant par foi
bec, par lequel il fut grandement con- & croyant à l'Euangile , ce nous eft
firmé & fortifié en cefte conoilTance vne alliance perpétuelle auec lefus
en laquelle il auoit efté infiruit. Tort
Chrift. Car quiconque eft baptifé.a Cal. j. 27. & 2.
après fon emprifonnement , fut inter- veftu Chrift; & n'y a ne luif ne Grec,
rogué de fa foi , tant par les vicaires
ne ferf, ne franc ; il n'y a ne mafle ne
femelle ; nous fommes tous vn en le-
il devint suspect, ce qui l'obligea de minuter
fus Chrift, enfeuelis en fa mort par le
sa retraite et de se retirer à Montargis, près Baptefme. Aux Aftes des Apoftres,
Madame Renée de France, duchesse de
les chapitres font pleins comme ils
Ferrare, qui estoit de la Religion. Sa con-
version aïant esté telle . du depuis il fut prefchoyent lefus Chrift crucifié pour
choisi pour l'un des douze qui assistèrent au nos péchez, & refTufcité pour noftre
colloque de Poissy, et ensuite a beaucoup
édifié l'Eglise de Dieu par ses sermons et iuftification , & qu'on euft à croire à
écrits , jusqu'à ce qu'il mourut à Saumur l'Euangile, & eftre baptifé au Nom
de grande vieillesse vers l'an H99 u [Bull, du Père , & du Fils , & du S. Efprit ;
de l'Iiisf. du prétest., t. IX, p. jo). 26.
(i) Crespin. édit. de IÎ56. p. ;o<): 1564, & vfoyent d'eau feulement à l'exemple
p. 791 ; 1Ç70, f" 414. Les interrogatoires ont de S. lean Baptifte , lequel prefchoit lean
été abrégés et la notice remaniée par Cres-
pin dans les éditions postérieures à i)î6. qu'il digne
pas en venoit vn , duquel
de deflier il n'eftoit
la courroye de
LIVRE SIXIEME.
Du ieufne.
378foulier,
fon qui baptifoit au S. Ef- bon de ieufner, voire & necelTaire,
Matth, 6.
non point par commandement des
De l'interccf- prit. »
fion des Interrogvé s'il nefaloit point prier hommes, comme vn tas d'hypocrites
faincis la vierge Marie & les Sainds de Pa- auec leurs- triftes faces & maigres
1. Ican ^ I. radis. R. u l'adrefTe ma prière à mines
Dieu, ainfi que nous enfeigne S. lean fonnaft, laquitrompette
voudroyent bien ilsqu'on
, quand font
en fon epiftre Catholique : « Si aucun a
f>eché, nous auons vn Aduocat enuers quelque
Dieu , qui œuure
eft tout pour l'honneurde de
au contraire fa
e Pcre , Icfus Chrift le lufle, lequel parole. Car il dit : " Quand tu voudras
ieufner, oin ton chef, & laue ta face,
eft l'apointement & IntercelTeur pour
nos péchez , non feulement pour les
noflres , mais pour ceux de tout le afin que »tu n'aparoiffes ieufner aux
hommes.
monde. » S. Paul dit qu'il s'efl fait Le 18, iour d'Oflobre m.d.lv., ie
pleige de tous ceux qui s'aprochent fu mené par deuant les gens du
de Dieu par lui, & eft toufiours viuant,
pour intercéder & fauuer à pur & à Roi & oùofficiers
giers, derechefdeeftant
l'Eucfque d'An- ,
interrogué
plein (1) tous ceux qui de bon cœur fauoir fi ie vouloi perfifter en mes ref-
l'inuoquent
fiance en lui&feul.
qui Et
mettent
en S. leur pleine:
Matthieu ponfes : ie di qu'oui ; car elles ne font
Matth. II. 28. que par approbation & authorité de
29- « Vous tous qui elles chargez & tra- l'Efcriture fainde. Lors ie fus enui-
uaillez, venez à moi, & ie vous foula- ronné d'vn tas de Chanoines enche-
gerai ; prenez mon ioug fur vous . & mifez, Dofteurs enchaperonnez, &
aprenez de moi que ie fuis débonnaire autres diuerfement acouftrez , entre
& humble de cœur; & vous trouuerez
autres d'vn Cordelier, lequel d'entrée
repos à vos âmes. Car mon ioug eft me demanda : u 'Viença , ne crois-tu De la prefem
doux, & mon fardeau léger. » Le Pro-
Efaie 42. 8. phète dit : a le ne donnerai point ma pas, à quand lefus Chrift prefenta le corporelle
pain fes Apoftres , que là dedans le
gloire à vn autre , ni ma louange aux pain eftoit fon corps réellement , &
idoles. » dedans le calice eftoit fon fang .' » R.
« Vous blafphemez de dire que fon
Interrogvé li ie ne croi pas qu'il
y ait vn Purgatoire pour purger les
fang eftoit dans le calice, d'autant
âmes des trcfpalTez. « R. le ne croi qu'il n'oftoit encores hors ni efpandu
Du Purj;a- autre purgatoire que le fang de lefus de fon corps ; car le pain i.S: le vin en
toire.
Chrift,
car eftans & qu'icelui
ords & purge
infeds nos
en péchez,
Adam , la coupe qu'il bailloit à fes Apoftres
n'eftoit que pour commémoration de
par le précieux fang de lefus Chrift fon corps & de fon fang, qui eftoit li-
femmes purgez & nettoyez ; autre- uré à la mort pour nous, ainfi que S,
ment fa mort nous feroit vainc. » Paul tefmoigne, difant : «Toutes fois I. Cor. II.
iNTERROGvÉtqu'il me fembloit de & quantes que vous mangerez de ce
la confeffion. R. t 11 eft neceft'aire de pain & beuurez de ce calice , vous
De la confef- annoncerez la mort du Seigneur iuf-
fion. confeffer fes péchez à l'exemple de
Moyfe, Aaron & Salomon , lefquels qu'à ce qu'il viene. » D. « Voire ,
confelToyent tant leurs péchez que mais lefus Chrift dit : « Le pain que ie
lean 6. ;;.
ceux du peuple d'Ifrael à Dieu feul , donnerai c'eft ma chair,» & derechef il
auquel faut déclarer fes péchez pour dit : « En vérité, en vérité, ie vous di, & î4.
I. lean 1 ;. en eflre abfous. S. lean , en fa ca- fi vous ne mangez la chair du Fils de
tholique, dit : « Si nous confefTons nos l'homme, & ne beuuez fon fang, vous
péchez à Dieu, il eft fidèle & iufte n'aurez point vie en vous; qui mange
pour nous pardonner, & nous nettoyer ma chair & boit mon fang, il a vie
éternelle. » R, c II eft efcrit au
de toute iniquitii. » S. Paul dit que c'eft
le grand Pontife qui pénétra lescieux, mefme chap, que vous alléguez , que
nommé lefus. Fils de Dieu, lequel plufieurs de fes difciples oyans telles
nous peut remettre it pardonner nos paroles, furent fcandalifez; (.t lefus
péchez, & non autre, iv à lui feul faut fâchant en foi-mefme que fes Difci-
adreft"er noftre confeffion. Les Pfeau- ples murmuroyent de cela, leur dit :
mes de Dauid font pleins , comme il (I Ceci vous fcandalize-il r que fera-ce
confefToit à Dieu feul fes fautes &
donc, fi vous voyez le Fils de l'homme
» monter où il eftoit premièrement .'
péchez.
Interrogvé du ieufnc. R. « Il eft c'eft l'Efprit qui viuifie, la chair ne
profite de rien : les paroles que ie
(I) Pleinement, vous di font cfprit & vie. » Ce n'efl
PIERRE DE ROVSSEAV. 579
donc le corps de lefus Chrift réelle- vous , faifant mémoire de vous & de m.d.lvi.
ment, comme vous faites acroire , en
toute voftre Eglife (i'enten voftre fa-
quoi on derogue grandement à fa pa- mille) en mes prières & oraifons , me
role, laquelle nous défend, difant : « Si fouuenant, helas! de la tref-heureufe
,uih. 24. 2;. quélcun vous dit, voici, ici eft le iournee, dont noftre bon Dieu fe vou-
Chrift, ou le voila, ne le croyez point. lut feruir de vous, pour me faire co-
Voici, il eft au defert, n'y allez point. noiftre fa parole , de laquelle il me
Voici , il eft es cabinets, ne le croyez fait maintenant tefmoin, comme fauez,
point. " S'enfuit donc que le corps & & pourrez voir par certains articles
le fang de lelus Chrift n'eft enclos que iebéré
vous
feellerenuoye,
de monlefquels
proprei'aifang
déli-,
n'au
vous pain
dites; ni auains,
vin réellement, comme
il le faut cercher
lean 4. aux cieux, comme dit S. lean, en ef- pluftoft que de quitter ni flefchir d'vn
prit & vérité. Mais en célébrant la feul poind contenu en iceux, s'il plait
Cène, en la forme & manière comme à ce bon Dieu & Père celefte m'en
faire la grâce. Et me repute trop indi-
il la nous ordonne , & que de- gnede fouflfrir pour fon Nom,maispluf-
puis les Apoftres l'ont obferuee & toft pour mes fautes, comme nous nous
deuons tous reconoiftre, chacun en fon
gardée, comme appert par l'Efcriture
fainâe, il nous y eft prefenté fpirituel- endroit , pécheurs , confiderans que
lement & par foi. » Le poure moine
noftre vie n'approche en rien de ce
fut tout confus , & toute l'affiftance qui nous eft commandé de Dieu par
commença de murmurer contre moi ;
mefme monfieur du Bois , difant : fa parole , à laquelle fommes telle-
a Comment ? tu nous déclares tous ment defeftueux , qu'à tous propos
nous-nous oublions, lafchans la bride
idolâtres, à t'ouyr parler. » le lui ref- à noftre chair, pour fuyure nos cupidi-
pondi : « Vous l'entendez mieux que tez & folles adions pleines de toutes
vous ne dites. » Le dofteur de l'Euef- vanitez & chofes de néant, delaiffans
que me voulut parler de la facrifica- la voye de lefus Chrift pour fuyure la Nomb. 22. 2;.
ture , difant que les Preftres pou- voye de Balaam, fils de Bofor, qui
aima vn falaire inique. Pour certain,
uoyent facrifier & conl'acrer. » R.
« le n'enten autre Sacrificateur que nous fommes fi charnels , que ne fau-
lefus Chrift, lequel eft entré es lieux rions fi peu donner de relafche à nof-
Heb. 10. 14. hauts, precurfeur
fouuerain pour nous,
Sacrificateur s'eft fait
éternellement menstre chair, qu'elle n'attire
de péché; & quandles lealleche-
péché 2. Pierres,
félon Tordre de Melchifedec, duquel eft conceu, il engendre mort. Donc le
nous (ommes fandifiez par l'oblation Prophète ne dit point fans caufe : « Ta Ofee 1;. 9.
vne fois faite de fon corps, par la- perdition vient de toi, Ifraël. » Cela
quelle & feule oblation il a confacré certes nous doit bien donner crainte,
à perpétuité ceux qui font fanctifiez. » & nous faire tenir fur nos gardes ,
le croi bien (encores qu'il foit appelé comme dit l'Apoftre : « Soyez fobres & i. Pierre 5. 8.
Doâeur) qu'il n'auoit gueres eftudié veillez, pourtant que voftre aduerfaire
l'Epiftre aux Hebrieux, où en eft le diable chemine comme vn lyon
parlé amplement, car il ne me refpondit
rien, & demeura confus. Le Procu- bruyant à l'entour de vous , cerchant
quelqu'vn pour deuorer, » auquel faut
refifter , & le repoufter par prières &
contrereur dumoi,
Roi, &demegrand'cholere
fit defpouillerfe pour
leua
oraifons , & aprendre de nous humi-
lier & reconoiftre nos fautes , fi nous
derechef cercher fi i'auoi plus d'ar-
gent ou Hures , & là me furent faites voulons eftre participans des biens ce-
de grandes moleftes. le vous prie leftes & éternels promis par fa parole,
defquels le moindre eft trop plus que
penfer que c'eft de la poure brebis
entre des loups, qui à gueule ouuerte fuffifant pour nous faire renoncer tou-
crient Crucifige. tes les chofes du monde, voire noftre
propre vie , pour afpirer & eftre rauis
Epifires dudit de Rouffeau. en efprit , & toucher la main que Je- Matth. 11. 28.
fus Chrift nous tend, difant : « Venez
Trescher frère & meilleur ami , à moi vous tous qui trauaillez &
fuiuant la diledion de noftre bon Dieu
eftes chargez, & ie vous foulagerai. »
& Père , par fon Fils lefus Chrift à
vne
nous tant recommandée , ie ne puis Préparons-nous
certitude de foi audonc
thronc de auec
d'aller fa grâce,
faire autre deuoir enuers vous , fors
reconoiffans l'vn l'autre par charité &
que de rendre grâces fans ceffe pour bonnes œuures, & que nous obtenions
LIVRE SIXIEME.

)8o
mifericorde , & trouuions grâce pour
que la tcmpefle s'eft monflree dange-
eftre aidez en temps opportun. Vous reufe. Premièrement , à caufe qu'il
priant, trefcher frère en Jel'us Chrift , auoit efté de l'ordre abominable de
comme fi i'efloi prefent , le prendre à la preftrife Papale, fut condamné, à la
la bonne part , & d'auffi bon cœur façon
qu'humblement me recommande à vos dégradédu; précédent
et fi receutMartyr, d'eftre
fentence de
bonnes prières & oraifons. Efcrite de mort, dont il fe porta pour appelant;
la main de voftre difciple, humble & & fon appel fut releué en la cour de
obeilTant feruiteur, lequel vous recom- Parlement de Paris. Auint que maif-
mande à la grâce & mifericorde de
noflre bon Dieu & Père celefte, en tre Rémi Ambroys,
Prouuence, prefidentcommiffion
ayant obtenu d'Aix en
faueur de ce grand Sauueur Jefus du Roi Henri II. au mois d'Auril, en
Chrift noftre Seigneur. & en la com- ceft an 1556. de faire information &
munication de fon S. Efprit, qui foit
auec le voftre. Amen. iuger au hérétiques
nommoit pays d'Aniou ceux qu'on
& Luthériens,
mit en exécution la fentence donnée
Trescher frère , ie vous ai efcrit
contre de Rouffeau , après l'auoir fait
breuement, m'afl"eurant que voftre iteratiuement r^ fpondre fur les mef-
érudition eft telle que ie ne vous fauroi mes articles & refponfes par lui con-
tant efcrire , que vous n'entendiez feft"ees & maintenues. Le vendredi
d'auantage. Parquoi ie vous prie la 22. de Mai , qui eftoit le troifiefme
mettre en effed de tout voftre pouuoir, iour après fon arriuee , comme pour
ainfi que Dieu nous commande au fa bien-venue, il le fit dégrader; & la
Deuteronome (■>. & 1 1 . chapitres , où dégradation faite, pour bien pourfuy-
il dit : t Tu aimeras le Seigneur ton ure fon chef d'œuure, il lui ht bailler
Dieu de tout ton cœur, de toute ton la queftion extraordinaire, extrême au
ame & de toute ta force , » & « ces pa- poffible par trois fois, laquelle il en-
dura conftammcnt. Et enuiron qua-
feront rolesenque ie
tonte cœur;
commande
fi les auiourd'nui
reciteras à tre à cinq heures dudit iour après
tes enfans, & parleras d'icelles quand midi , lui ayant fait couper la langue
tu demeureras en ta maifon , & che- & bâillonner d'vn bâillon de fer,
mineras en la voye , quand tu te cou- l'enuoya à la mort tout brifé & mutilé
cheras &quand tu te leueras. » Voilà
qu'il eftoit, trainé fur vue claye iuf-
vn paft'age bien à noter & à obferuer , ques au lieu du fupplice, qui eftoit
aux halles de ladite ville. Et eftant là
afin d'ofter toutes vaines cogitations
& penfecs, dont noilre efprit eft tota- guindé en l'air,fonlesaffiftance
yeux fichez au ciel,
lement agité, qui font allechemens de Dieu déclara manifefte;
car eftant défia tout noir au feu , &
péché,
nous défenddequoi toutes
parle l'Apoftre, lequel
plaifanteries ou comme à demi rofti , fon bâillon fe
vaines paroles, mais pluftoft propos défit de fa bouche, & inuoqua le
de grâce, chantans Pfeaumes « can- Nom de Dieu, difant fouuentesfois :
tiques au Seigneur, pour toufiours lui «1 Jefus Chrift, affifte-moi; Seignaur
donner gloire, à l'exemple du Prophète Dieu, affifte-moi," dont plufieursfurent
Pf. 146. Dauid , qui dit : « le louerai le Sei- eftonnez. Et ainfi finit conftamment
gneur tant que ie viurai : fa louange fon martyre.
Martyrs
fera fans ceffc en ma bouche ; mon
ame fe glorifiera au Seigneur; les Ceste perfecution contre l'Eglife iouflcz aux!
d'Angers fut merueilleufement af-
humbles l'orront & s'en efiouiront. » Il deux prece»
eft auffi efcrit que les hommes ren- pre (i) : nonobftant laquelle le trou- dcns.
peau fubfifta , grandement fortifié par
Maiih. ij. )6. dront conte au iour du iugement, la confiance des fufnommez Martyrs
& )7- mefmes de toutes paroles oifeufes
& des fuyuans, qui foufl"rirent la mort
qu'ils auront dites. Et feront iuflifiez pour la vérité de Dieu. Iceux furent
par leurs paroles, A par leurs paroles Louys le Moine, Inibert Bernard,
feront condamnez. Or nous auons à Richard Yette, Claude Donas, Guil-
laume Bois-tané , & René de Mon-
prier ce bon
en conte ni enDieu qu'il n'entre
iugement point
auec nous. gers, dit de Nizicre, duquel la con-
Vous recommandant à la parole de fa
grâce.
(i^ Ce publiées
édiuons paragraphe, qui n'est , pas
par Crcspin dans les
se retrouve
& maux à peu près textuellement dans VHist. ecclés.
réiJlvf dî 'p."dc
RoufTeaii. cc foufTrance
en '-* efté peines
Martyr a des autant paifible de Th de Bèzc, t. I, p. 61.
THOMAS CRANMER.

uerfion fut admirable aux aduerfaires commencerons l'hiftoire dé


Novs
melmes , ayant elle au parauant vn ce grand perfonnage martyr du Sei-
des plus defbauchez du monde , iuf- fut l'an
le fécond qui iour
depuis fa nailTance,
M.cccc.Lgneur,
xxxix. du
ques à eftre compagnon des vo-
peu recouurer les mois de Juillet. Son père eftoit Tho-
examensleurs (i).& N'ayans
confeffion s de Martyrs & mas Cranmer, au pays de Notingam,
autres en diuers endroits, au moins
donnons-nous les noms de quelques gentil-homme, d'ertat honorable entre
ceux; &quifa fuyuent
rie mère Anne de Cheuale-
l'ordreHatfelda m (i), î8i
vns à la pofterité (2).
auffi gentil-femme de race & de vertu.
Eftant ieune enfant , & d'aage propre
pour l'eftude des lettres, fut baillé en
charge à vn maiftre d'efchole en la
ville d'Aflodon (2), qui auffi eftoit
Thomas (3).
Cranmer, terrePrimat d'Angle-
Clerc de la paroifl'e , fous lequel
ayant fimplement apris les petits fon-
La vie & la mort de ce bon Archcucf- demens de Graminairë , & s'eftant
préparé aux plus hautes fciences , fut
que de Cantorbie, rcfpondantes l'ime enuoyé par fa mère à Cambrige fur
à l'autre, font ici dcfcritcs; & par
l'an XIV. de fon aage. C'eftoit du
occajïon l'hijJoirc du diuorce & fé- temps que les lettres dormoyent , &
cond mariage du roi Henri VIII. y
que la barbarie regnoit parmi le
ejï autantgraphe pertinemm ent déduite qu'en monde. Il ne rertoit lors des arts libé-
hijlorio que nous ayons de ce raux que le nom & le nombre. La
temps. Et auj'ji, comment de cejîe Dialedique n'eftoit que fophifterie; la
quejtion , l'Angleterre conmieiiça Philofophie, tant morale que naturelle,
d'ejlre affranchie de la fuieâion du eftoit vn vrai labyrinthe de queftions.
Pape ; puis vne reformation Ecclc-
fiajlique y fut introduite , qui monta La lumière
teintes des langues
; mefrnes prel'ques
la Théologi ef-
e eftoit
comme par' degrez de meilleure co-
noiffince; cejl Archeuefque y tenant venuenitélà,
de fentence s &chargée
qu'eftant diftindio ns , infi-
d'vne elle
fpeeialement la main, & y em- feruoit trop plus à gain fordide & à
ployant tout Ion crédit, voire & fina-
lementonf jang , après trois reuolu- de e, .que non pas à l'édification
beaucoup
fophifteri
tions de règnes. Estant tombé en vn fiecle fi mal-
heureux, vn tant bon naturel d'homme
(i) (. Jusques à élire du meftier de celuy fut contraint d'employer fa ieuneffe ,
qu'on appelle le bon larron >> ^Th. de Bèze). iufques à 22. ans, aux queftions &
(2) Bèze ajoute à ces détails ^ 1, 62), que
•I plusieurs, tant hommes que femmes, furent fubtilitez de l'Efcot (3) & autres tels
condamnés à faire amende honorable, et Sophiftes. Ces ténèbres (qui auuoyent
fut outre cela pendu en la place du marché tout le monde) com-
un grand tableau contenant les noms de prefque couuert mencèrent vn peu lors de fe retirer ,
trente-quatre personnes de toutes qualités , & les bonnes lettres gagner place par
condamnées par contumace à élire brusiées,
lesquelles toutesfois feirent depuis renverfer le moyen de quelques commence-
celle fentence & defpendre le tableau, aïans Faber &
obtenu revision du procès. » certainsments autres
de Faber(4) gens & doétes
d'Erafme, & de,
& diferts Erafme.
(;) La notice sur Thomas Cranmer a
pour la première fois, dans la Troi- en la leéture defquels ceft homme pre-
paru, sième partie du Recueil des Martyrs, de 1556 nant vn plaifir fingulier, limoit fa lan-
(p. 45Î-47W > c'est-à-d l'année même
ire rédactio n diffère de gue de iour en iour, iufques à ce que
sa mort. Cette première Martin Luther eftant venu en vogue,
beaucoup de celle qui a été adoptée dans
les éditions suivantes (1564, p. 797; 157°,
f>» 415). Elle est composée, en grande partie,
les hommes commencèrent d'ouurir
les yeux , & aperceuoir la lumière de
d'un traité sur la Cène , traduit de Cranmer.
La rédaction définitive de cette notice a Vérité. 11 entroit en l'an 30. de fon
principa l'édition
le en latine de aage. Lors lailTant à part fes autres
Foxe, source
pour imprimée à Bàle ijsg. et en est
souvent la traduction littérale. " Nous don-
eftudes , il s'adonna entièrement à la
nons àprefent, " dit l'édition de 1564, « ce conoiflance de la Religion , de rna-
defiré, alTauoir l'hilloire
entière de fa auions
que toufiours vie & de fa mort, n La cor-
respondance de Calvin fait souvent mention
de Cranmer. Voy., sur Cranmer, Fo.xe , (1) Agnès Hatlield.
(2) Aslacton (Nottinghamshire).
vol. Vlll, p. ;-ioi; Burnet, Hisl. of Re-
form.; Strype, Memorials 0/ Cranmer , etc. 0) Duns Scott.
(4) Le Fèvre d'Etaples.
LIVRE SIXIEME.

,82 Icment auifé que fix des plus doftes


niere que , voyant qu'il efloit impoffi- de rVniuerfité de Cambrige feroyent
ble d'en pouuoir rendre raifon telle
qu'il prctendoit , fans venir droit à la choifis, A autres fix de celle d'Ox-
fort, pour décider fi vne mefme femme
foniainc, premièrement que s'adonner pouuoit fe marier fucceffiuement auec
& atîedionner aux opinions des per-
fonnes, ne (it de trois ans autre chofe les deux frères , au nombre defquels
que lire la Bible. Ayant fait ce fonde- douze, fut Cranmer; mais, par ce que
ment auec tel fruid qu'il efperoit , & lors il fe trouua abfent de l'vniuerfité,
on lui furogea quelque autre ; fi
fe conoiirant afl'ez fort pour dire fon
opinion des matières, il commença u'apres plufieurs raifons déduites
lors hardiment de courir par toutes 'vn cofté & d'autre, fut finalement Auis des 11,^
fortes d'Autheurs , fans s'alîuiettir à conclu par eux , que bien qu'ils ne
perfonne, de quelque eftat ou qualité
peufi'ent nier
illégitime, que telauec
toutefois mariage ne fufl
difpenfedu opinans An-
qu'il
toutes fud ; ainsexaminoit
chofes, comme en auditeur de
fon efprit Pape il pouuoit eflre permis. Peu de
les opinions des vns A autres. Il lifoit temps après, Cranmer eftant de retour,
les vieux, fans toutesfois mefprifer les & requis de dire fon auis touchant ce giois.
nouueaux ; il ne lifoit iamais liure que mariage , remonftra le tout fi propre-
la plume n'y fud quand & quand pour ment it auec tant de raifons, qu'il in-
fa mémoire. S'il y auoii rien indécis duifit cinq des opinans de condefcen-
ou debatu entre les Autheurs , il cot- dre à fon auis. Et n'eftoit à Cambrige
toit briefuement en quoi ils conue- puis après difputé aux cfcholes , en
noyent, en quoi non , Ot en faifoit des communs deuis&fellins, d'autre chofe,
petits lieux communs qu'il auoit à la finon filale Loi
tendre Pape
de auoit
Dieu puiflTance
iufques là,d'ef-
que
main; ou bien, fi le paffage qui fe pre-
fentoit pour eftre noté, elloit prolixe, le frère peud prendre la femme de
il fe contentoit de remarquer 1 endroit fon frerc, fi que finalement fut conclu,
où il le trouuoit. & de cotter le liure,
afin de laiiïer toufiours quelque auer- par la plus grande & faine partie, qu'il
n'efloit aucunement en fa puifTaiice.
tiffement pour foulager la mémoire. Il Ce Gardincr,
qu'ayant lors
efté entendu par Ef-
pourfuyuit cela diligemment iufques à ticne fecrctaire du Roy
f'aage de }<,. ans, qu'il fut appelé &ceftre
bien, près auertit d'eftre Euefque de
incontinent le Win-
Roi,
poureflre ProfeflTeur en Théologie (i).
Du diuorce du On elloit lors en queftion touchant comme Cranmer auoit renuerfé les
roi Henri VIII.
le diuorce de Henri VIII. auec Ca- opinions de cinq des arbitres députez
,
therine fille du Roi Ferdinand , le- pour la conoiffance du mariage, & plu-
quel auoit elle mis en controuerse, fieurs autres de I "Vniuerfité. Sur quoi
parce qu'elle ayant efté mariée en le roi Henri huitième l'enuoya quérir
premières nopccs auec feu Arthus , pour entendre de lui plus amplement
frère de Henri, on propofoit aux Vni- fes raifons; puis l'ayant oui, le ren-
uerfitez, fauoir mon, fi celle qui auoit uoya en fa maifon auec commande-
efpoufé & couché auec le frère pou- ment d'y 'penfer encore mieux, & cou-
uoit en fécondes nopces eflre coniointe cher le tout diligemment par efcrit,
auec l'autre. En forte qu'après auoir puis lui apporter toft après. Ce qu'ef- AmbalTade
efté remonllré au Roi par l'Euefque tant fait
de Lincolne , dit Longland, & quel- uoya en par Cranmer,
France le Roi l'en-
en la compagnie du enuoyec pour
France en
Comte de Billuge, ambalTadeur en
autres des principaux de l'Eglife,
que ques
confultcr le
tel mariage efioit illégitime & chef, & le dodeur Lée, depuis Ar- mariage du
contre la parole de Dieu (2), (ut fina- cheuefque d'York, de Stokiflée, Euef- Roi Henri.
que de Londres, & auec eux trois Le-
giftes,Trigoncl, Karmustt Benoit(i),
(1) Cranmer devint mat(re es arts en IÇ15,
bachelier en théologie en 1521 et docteur àpar
ce difputes
que tous, eun"ent à en conférer
en ihiologie en lîJ). & refoudre quelque
(2) Crcspin reproduit, sur la manière chofe auec les Théologiens de Paris
dont fut cnj;aKée la question du divorce et & autres Vniuerfitez du royaume. En
sur la part qu'y prit Cranmer, la version ce voyage, Cranmer fe porta fi bien,
adoptée par Toxc dans son édition latine
et dans sa première édition anglaise. Mais
le martyrolo^;istc an^'lais, mieux informé,
adopta, dans ses éditions subséquentes, (i) Le chef de cette ambassade était
une version sensiblement dilTérenle de l'af- Thomas Bullcn , sixième comte de Wiltshire.
faire, version que la plupart des historiens Ses compa>;nons étaient le D' Stokesicy. le
ont ensuite suivie. D' Lee, le D' Carne, le D' Bennett et d'autres.
THOMAS CRANMER.

que mefme l'ambaffadeur en efcriuit qui euft à repouffer les efforts & ob-
au Roi, & lui donna tant bon tefmoi- iedions des Papiftes. Voire bien que
gnage de la prudence, grauité & doc- le prouerbe dife, que Hercules mef-
trine, que lui leul fut ordonné par le mes ne pourroit refifter à deux ( i ). fi
Roi arabaffadeur vers l'Empereur. eft-ce que lui feul batailloit contre tous
L'Empereur & feul refilloit à tous. Il efpluchoit
Vienne contreeftoit lors au voyage de
le Turc.
des
uoit leertimer
fondement que &c'eftde qu'on
du Pape toute de-fa
Cranmer print fon chemin par Ale-
magne, où il articula de ce faiél auec
pluTieurs, non feulement Alemans , prééminence, remonllrant
fe pouuoit prouuer qu'elle
par paffage ne
qui fuft
en toute la fainde Efcriture ; ains ne
mais auffi courtifans de l'Empereur,
qui fe rengerent à fon auis , nommé-
procedoit que d'vne
nie des hommes. ambitieufe
Et que tyran-
telles grandes
ment Agrippa (i), ellimé fauant , le-
quel feigneuries apartenoyent proprement
nionondedit auoir refpondu
Cranmer elloit bienque
la l'opi-
meil- aux Empereurs, Rois & Princes, auf-
leure , mais de la maintenir qu'il quels il l'aloit que Preftres, Euefques,
n'oferoit, de peur d'olïenfer le Pape fuffent obeili'ans
& l'Empereur. Quant à l'Empereur, fuiets, ,Cardinaux
&Papes félon le commandement de
il n'en renuoya
voulut prendre la conoillance Dieu, ne plus ne moins que toute
mais le tout à la Cour ;
autre fondement
auoit manière de negens. Ainfi,
raifon par qu'il n'y
laquelle
d'Eglife. Cranmer, eftant rappelé par
le Roi, fut bien toft après defpefché à l'Euefque Romain fe deuft préférer
Rome vers le Pape pour le mefme en dignité aux autres Euefques ; ains
afaire, où il le remondra fi viuement,
au contraire faloit qu'il reconuft fes
qu'après plufieurs altercations & dif- fuperieurs,
putes , les principaux Théologiens du dition auec&lesqu'il fuft deCarmefme
autres. bien con-
que
collège de la Rote , veincus par rai- fon authorité deuft eftre receuë & re-
Impieté des fons, furent linalement contrains con- conuë par ceux du diocèfe de Rome ,
.ourtifans de felTer que tel mariage contreuenoit
Rome. toutesfois de fouffrir vne tant defme-
bien au commandement & ordonnance furee & defordonnee anticipation &
de Dieu ; mais que pourtant il n'y dilatation de ce fiege, il n'y auoit pro-
auoit rien qui peull empefcher que,
moyennant la difpenfe du Pape, il ne eftre posfait
ni aparence,
& ordonné& comme
qu'il en des
deuoit
au-
peull eftre permis tt receu comme lé- tres. Par ainfi, qu'il lui fembloit trop
gitime. Cranmer infirtoit au contraire.
Cependant Guillaume Waram (2), plus du
rité que Roi raifonnable, que, par des
& confentement l'autho-
Ef-
>e la queftion Archeuefque de Cantorbie, mourut,
du mariage tats, l'ambitieufe domination d'vn tel
du Roi , la auquel fut furogué Cranmer. Et bien
Euefque fuft retrenchee de l'Angle-
primauté du toft après (comme l'on void qu'vne oc- terre, & qu'elle fe tinft en fon Italie
Pape eft cafion ameine l'autre) , la queftion de entre les liens, fans palfer outre aux
reuoquee en ce mariage en amena vne autre tou- nations eftranges.
doute.
chant lapuiffance & authorité du Pape,
le Cela eftant
Roi & la ainfi
Roinepan"éfurent
en parlement,
quelque
fi qu'en l'audience & afl'emblee des
plus grans (qu'on appelé Parlement), temps après citez, fous l'obeiflfance
on commença fort à douter de la pri- qu'ils deuoyent à l'Eglife, par deuant
mauté & fuperiorité de l'Eglife Ro- l'Archeuefque de Cantorbie & Gardi-
maine. Et là conut l'Archeuefque ner, Euefque de Vinceftre , Juges
Cranmer l'effet des recueils & anno- commis & députez pour le fait du
tations dont a eflé parlé ci-deuant, Mariage dont il eftoit queftion, afin
car en lui repofoit totalement défor- d"ouir& entendre ce que Dieu mefme
mais la charge & difficulté de tout ceft en ordonnoit. Le Roi ne refufe point
afaire, & n'y auoit perfonne que lui d'obéir à Dieu , ains déclare qu'il eft
preft de faire toutes chofes décentes
(i) Henri Cornélius .«^grippa de Nettes-
heim, l'un des plus originaux et des plus (i) « Mt|5' 'HpaxXri; upo; SOo. Id est : Ne
inconstants parmi les esprits distingués du Hercules quidem adversus duos; hoc est :
seizième siècle. Né en i486 à Cologne , il Nemo usque adeo viribus excellit, ut unus
mourut en i;;5 à Grenoble, et mena une
pluribus par esse possit. Neque indecorum
vie agitée, attiré par la Réformation, mais est cedere multitudini. Erit autem suavior
trop
(2) peu sérieux
William pour l'accepter.
Warham avait occupé le siège metaphora, si signilicabimus iwminem quan-
tumpis erudUum adversus duos in disputando
de Canterbury de IJ04 à 1552. suficere « (Erasmi Adag., cent. V).
LIVRE SIXIEME.
J84
& raifonnables ; mais la Roine, reiet- au Pape, n'oublièrent à donner tout
tant en cela leurs iugemens, fe porta l'ordre qui leur fut poffible, à ce que
les vieux regiftres & parchemins de
comme appelante deuant le Pape.
l'idolâtrie précédente demeuraffent en
Quoi tionobdunt , veu qu'après auoir leur entier; toutesfois vaincu finale-
exterminé l'authoritti Papale, il auoit
eflé ordonné, par arrell gênerai, que ment auec fes coadjuteurs par i'autho-
perfonne, de quelque ellat ou qualité rité des Pères anciens de l'Eglife plus
antique, voire par la Parole diuine ,
qu'il
fentence à appeler
n'eu!) dans
fuft,donnée d'aucune
le Royaume, au céda, & s'accorda au contenu du
Hure, lequel depuis fut nommé Epif-
fiege Romain, ne s'arreftans à l'appel- copal (1), fuyuant le nom & titre de
lation interiettee par la Roine, procé-
Diuorce du dèrent au iugement définitif du procès, ceux qui le compoferent. Par ce Hure,
Roi Henri 8.
& ordonnèrent que ce mariage, il efl aifé de voir comme l'Archeuef-
& de Cathe-
rine. comme illégitime & contre toute loi,
deuoit eftre nul & de nulle valeur. en laquedodrine
n'eftoit lorsdu alTez inftruit &veurefolu
Sacrement, que
la traniTubrtantiation & prefence réelle
L'Euefque de Wincellre, bien qu'au- de Jefus Chrifl y elloit maintenue &
parauant en prefence des Eftats &à comprife. 11 auoit encore quelque
folennellement il euft défia renoncé
toute domination Papale , toutesfois chofe des images, combien que ce
au dedans nourriiïoil vne particulière dernier article ne procéda iamais des
Euefques, ains y fut efcrit après &
affeiSion qu'il portoit à icelle. Au adioufié de la propre main du Roi , à
contraire, l'Archeuefque Tentant bien
que, tandis que le Pape regneroit au la folicitation de l'Euefque de Win-
ceftre, ainfi que le commun bruit efioit.
pays, il n'y auoit efperance de refor- Cela fait, on procéda puis après à
mer l'Eglife, & quecongé maintena
, les qu'on
nt afaires la ruine & desfaite des monafleres. Or,
lui auoit donné
pourroyent fe porter beaucoup mieux, l'intention du Roi elloit que ce butin
s'auança de prendre l'occafion qui fe reuinft au profit de fes finances. L'Ar-
cheuefque &autres Ecclefiaftiques ef-
prefentoit. Au moyen dequoi, voulant Les
mis conuent'
bas en |
former toutes les Eglifes félon la pa- toyent tous d'opinion contraire, di-
role et difcipline de Jefus Chrift. et fans que le profit & le deuoir de gens Angleterre.
les réduire peu à peu à la forme & Chrelliens (tels qu'ils fe difoyent)
manière de la primitiue Eglife , taf- commandoit que tout l'or & argent
choit, comme le Pape auoit efté ex- qu'on tireroit des Convens & Monaf-
terminé, d'ofter auffi fes erreurs, he- teres (qui efioit grand merueilleufe-
Efforts de refies & corruptions. Pour quoi faire ment) deuoit eftre diftribué aux poures
Cranmcr pour il impetra, tant par fon moyen que & aux efcholes. Qui fut caufe que le
la reformation
de lEglife. des autres, que certains Euefques & Roi (à l'inftigation de l'Euefque de
Winceftre, qui ne cerchoit que moyen
autres gens dodes fulTcnt commis à de retarder lEuangile) fit promulguer, des Promulgation 1
conférer des poinds principaux de la articles en|
Religion, & en faire vn Hure pour contre l'Archeuefque & fes compa- Angleterre.
gnons fouftenans vne mefme do&rine,
l'inftitution de l'Eglife, lequel fufi net la loi des Six articles (pkis pernicieufe
& purgé de toute fouillure & fuperlli-
tion Papale. Ceux qui eurent cefie qu'on ne fauroit dire) contenant fom-
charge, furent Stokiflé, Euefque de mairement le principal fondement de
Londres, Gardiner, Euefque de Win- la religion Papirtique, & la fit confer-
cellre, Samfon, Euefque de Cicefire, mer par arreft donné en Parlement,
comme il a efté dit ci den"us en fon
Repfe, Euefque de Norwic, Geofi'roy, lieu (2). Nous auons auffi dit ailleurs
Euefque d'Eli, Latimer, Euefque de combien de morts de poures innocens
Wigorne, Sharthon, Euefque de Sa-
risbery, Barlous, Euefque de faind Martyrs s'enfuyuirent, à l'occafion de
Dauid (i) Celui de Winceftre. acom- ces Six articles, l'efpace de huit ans;
toutesfois que, quelque temps après, le
pagné de trois ou quatre autres, pour
la deuotion ancienne qu'ils portoyent Roi, mieux informé de ce qui en ef-
toit, it que ce que l'Archeuefque &
autres auoyent fiiit , ne procedoit de
(I) Stolicslcy, ivôquc de ter; Londres; Gar-
diner, ivcquc de Winches Snmpson , malice , ains dvne fimplicité de con-
évêquc de Chcster ; Rcpse . évcque de
fcience , ne leur fuft plus fi rude qu'il
Norwich; Goodrich, évtque d'Ely; Lati-
mer, évftque de Worcester; Shaxton, évi-
que de Salisbury, et Barlow, évùque Je (1) Connu sous le nom de Bishcp's Book.
Saint-David. (2) Voy. t. I, p. )5i-
THOMAS CRANMER.
M.D.LVI.
auoit acoiiftumé ; ains dit-on qu'il Confeil répliquèrent qu'ils n'efioyent
auoit délibéré de modérer la rigueur
de ces Six articles, voire de reformer pas ignorans
auffi bien leurs de cela, & qu'ils ,auoyent
confciences & non
plufieurs autres chofes, s'il euft vefcu moins chères que lui-mefme ; toutes-
d'auantage. Mais ladiuine prouidence fois qu'ils auoyent aprouué ce tefla-
aima mieux laifler ces parties-la à fon ment, & que, s'il y auoit danger de
Edouard
fixiefme. fils Edovard, lequel venu à la cou- l'ame, il ne s'eftimaft pas y eftre plus
ronne, quelque temps après le deces
obligé que les autres. L'Archeuefque
de fon père, (perfuadé mefmement par
refpondit
fcience dequ'il n'elloitque
perfonne iugedede lalafiene,
con-
fon oncle Duc de Sommerfet, pro-
tedeur excellent & illuftre Prince, & & que , tout ainfi comme il ne vouloit
de cefl Archeuefque , enfemble aufli
par le commun confentement & accord preiudicier au fait d'autrui , ainfi ne
trouuoit-il bon d'engager faconfcience
des Eftats), retrencha premièrement pour vn autre, ou la mettre en hazard
iceux articles, puis après fit publier, de fairerendra
mal l'es befongnes,
fous le nom de fa maiefté, vn fécond chacun raifon de fon faitveu& que
non
Le Mure liure de reformation (i), & finalement
Royal de celui d'autrui. Touchant l'acquief-
encores vn autre plus parfait que le
cement prétendu,
en euft parlé Qu'auparauant
au Roi, il auoit défiaqu'il
dit
précèdent (2), félon que de iour en
iour la Religion s'auançoit & augmen- qu'il n'y confentiroit iamais , & que ,
toit d'auantage. Mais comme nous lorfqu'il en parla au Roi, lesle Milhors
Roi lui
voyons que les chofes humaines ne auoit trefbien dit (comme
durent iamais gueres en leur profpe- & Legiftes lui auoyent fait entendre)
rité, & ce à caufe de nos vices & pé- que le premier teftament ne le pou-
chez, ce ieune Prince, duquel on fe
uoit empefcher
de lailTer qu'il ne lui
la fucceffion fuft loifible&
à Jeanne,
promettoit tant d'heur & de bien ,
tombant, l'an fixiefme de fon règne, en que le peuple la receuft Roine, fans
maladie, & l'entant bien que ce mal fe faire tort, ce qu'ilauoir
n'auroit accepté.
venimeux lui pronoftiquoit le temps Toutesfois, après impetré du
prochain qui lui eftoit ordonné pour Roi d'en conférer auec certains hom-
s'en aller & prendre congé de ce mes fauans en droit , & qui lors ef-
monde toyent en la Cour, voyant que tous
Marie ;eftre
d'auantage conoiffant
totalement fa fœur
adonnée au afleuroyent que cela ne deroguoit
Pape, devoulut nullement aux loix, s'en reuint trouuer
aueu tout &fonordonna,
confeil par l'auis de
& gens &
le Roi, & finalement s'accorda à ce
Juftice, que Marie fuft reiettee de la qui en auoit efté ordonné défia par ar-
fuccelTion héréditaire du Royaume reft généralement donné fur ce, com-
qu'elle
Jeanne pouuoit
fufi receuëprétendre , & àquela
& admife bien qu'il le fift à regret & contre fon
coeur.
Couronne, femme de race tres-illuftre, Apres que les chofes furent ainfi
mais de plus grand fauoir & dodrine, faites, le Roi ayant vefcu prefque dix- d'Edouard.
& niepce auffi du feu Roi Henri, du fept ans entiers, mourut auec vn ex- La mort
codé de fa fœur. trême regret de tout le peuple, mais
Tovs les Eflats & plus grands Sei- calamité bien plus grande, car il eftoit
Cranmer gneurs aprouuerent ce Teftament,
foudient le aimé de tous l'es fuiets, mefmement
hors mis l'Archeuefque, difant que le des bonstant & des Defcription
aimé,fauans,
comme& ilfimeritoit
n'eftoit
droit de Marie
en la fuccef- feu Roi Henri en auoit autrement or- encore 25
de ce Prince.
fion au Roi donné par fon teflament, & que lui- d'eftre prifé, tant pour raifon de la
Edouard fon mefme auoit iadis promis & iuré de
frère. finguliere vertu & fauoir, que ce natu-
s'employer à ce que Marie, comme la rel tant heureux promettoit par delTus
plus prochaine, fuft héritière. Ce qui le traid de fon aage, comme plus en-
fouuent le picquoit & preffoit de fi core de ce qu'il portoit vn amour ex-
près, que, fans fe periurer euidemment, trême à tout fon peuple. 11 auoit le
il ne pouuoit aller contre. Ceux du naturel doux & bénin merueilleufe-
ment. Mais, à dire vrai, la malheu-
reufe & defordonnee condition des
(i) Connu sous le nom de First Prayer-
Book of Edward VI. Ceue première liturgie, hommes ne meritoit point vn tel
ou Seruicc-Book, fut approuvée par le Par-
lement en 1548. Prince. Il auoit l'efprit tant naïf &
(2) Ce second Praycr-Book d'Edouard VI tant bon , le iugement fi tres-meur &
fut approuvé, par acte du Parlement, en arrefté , que quelque chofe où il
1551. s'adonnoit, il la comprenoit & execu-
II.
LIVRE SIXIEME.

6
toitj8dextreme nt. Quant à la Religion eut bien moyen de faire conftituer
deux fois prifonnier (tout Protedeur
de lefus Chrifl, il l'aimoit «S; cherilToit
mefme des l'on enfance. L'Angleterre gênerai qu'il
finalement de efioit du trancher
lui faire royaume),la tefle,
voire
auoit bien befoin d'vn tel organe & contre le vouloir mefme du Roi, les
inllrument ; mais cependant nation de
ce monde ne le mérita oncques moins flatteurs du confeil priué faifans la
bonne mine. Mais la Roine Marie, en
qu'elle. Outre tant & fi louables par-
ties & perfedions lienes, lefquelles, cefle fedition & tumulte, après s'eftre
voire feules & fingulieres, efcheent portée pour appelante au peuple, que
Northombeland, ayantamalTé quelques
pour le iourd'hui
Princes, bien rarement
il auoit encore es
vne exafte
conoiffance & vfage des langues, auec gens defaccager,
venir guerre, eut
s'approchoit
moyen de pour
fairela
telle grâce, qu'il fembloit proprement quelque leuee de menu peuple fuffi-
lienauoirqu'auec
plus efté nai que nourri ; com-
celle fertilité de nature fi
fante pour lui faire tefle. Dequoi
auertis quelques vns de la Nobleffe
furent incontinent rengez du parti de
il euft auffi l'inftitu-
riche de heureufe,
tion iSr mefme, fous Précepteurs Marie. Ainfi profperant es afaires en
d'vne vie & doArinc finguliere. Que moins de rien, Northombeland, auerti
dirai-ie d'auantage r Ce Roi-là, doué de la faueur du peuple, & voyant qu'il
de fi royales vertus, n'eut faute que ne pouuoit refifter, fe retira à Cani-
d'vne chofe, c'cft alTauoir d'vne Repu- brige pour &fonempoignéplus feur des
; tantgens
qu'ef-
blique qui refpondit à la grandeur & tant pris de
excellence de fon Prince, tellement Marie, & de Duc fait prifonnier, auec
vne moquerie de fon malheur bien
qu'en vne différence & diffimilitude fi
grande de Roi t<: de Republique, il ne grand, fut amené à Londres, fans con-
flid ou empefchement quelconque,
fe faut efbahir fi l'vn n'a duré gucres où eftant fut fourré dans la tour.
auec l'autre. Auffi la vengeance de la
Marie , lors voyant la profperité des
main de Dieu s'approcha bien toft afaires, fe hafla de venir à Londres,
après.
Ainsi donc eftant le bon Roi où trouuant premièrement Jeanne,
Jeanne pro- Edouard trcfpaffé , Jeanne , par arreft ieune femme , mais aagee en moeurs ,
clamée Roinc. jS; aulhorité de la Cour, fut proclamée en fauoir A honnefteté, & (oui plus
Roine contre fon vouloir, refiftant tant efl) innocente en tout ceci , « ne la
qu'elle peut, mais en vain, ce qui def- pouuant deflourner de fa foi & reli-
fdeut merueilleufement prefque à tout gion, lui fit & à fon mari trencher la
e menu peuple, non pas tant pour tefle. Autant en fit-elle aux Ducs
folc
mefmes(i). de Northombeland & de Suf-
quelque grande faueur qu'il portaft à
Marie, que l'on auoit poltpofee à elle,
que par defpit & en haine du Duc de QvANT aux autres Seigneurs & gen-
Northombeland(i), duquel le fils auoit tils-hommes quiauoyent fuyui le parti
de Jeanne, après les auoir condamnez
n'agueres efpoufé cefte Jeanne, en in-
à quelque amende pécuniaire, elle
tention par auanture d'eftre Roi. Il y
auoit lors aufli différent entre la No- leur pardonna à tous, hors mis au feul
blelTe & le peuple, aui croiffoit de Archeuefque, lequel ores qu'il fift tout Marieà par-
onne tous
iour en iour, à raifon de quelques in- le deuoir du monde, tant par amis donne à tous ,
qu autrement , d obtenir mefme grâce fauf mer.
à Cran-
iures & pilleries exceffiue s, qu'on fai-
foit aux poures payfans& laboureurs;
mais celui auquel on en vouloit le plus que les autres, tant s'en falut qu'il
impetrafl rien, que mefme elle ne dai-
Northomhc- elloit Northombeland, tant à caufe du gna iamais le regarder , non pas vne
land hai du carnage & tuerie qu'il auoit recente- fois fans plus. Elle ne pouuoit oublier
AnXîi ment faite des payfans de Nordfort(2), les ofTenfes qu'elle pretendoit lui
auoir eflé faites, en la perfonne de fa
que de foupçon qu'on auoit qu'il eull
empoifonné le Ri>i. Outre ce, fe prc-
fentoit au peuple la fouuenance du feu mère, lait
auoit par Al' Archeuefque
fa mère ne fe; pouuoit l'injure qu'il
def-
SeigneurdeSOMMERSET, oncle du Roi, raciner de fon cœur. Outre ce di-
& Prince excellent, lequel la malheu- uorce. il y auoit encore le changement
reufe ambition de ce Northombeland, de Religion, lequel eftoit imputé prin-
fans qu'il cufl onques mesfait en cela, cipalement àl'Archeuefque. Et pour
l'acheuer de peindre, plufieurs feme-
(i) Northumbcrland.
(2) Norihfolk. (i) Voy. p. I-I2 , supra.
THOMAS CRANMER.

renuA i bruit , que, pour retourner en Maintenant qu'ils s'attachent (i) à


d'or- Dieu. & non à lui, que cela ne deuoit
aupit
grâce, ildonner promis
vne Mefle à la Roine
funèbre pour Tame aucunement eftre toléré. Au moyen de-
de fon frère trefpalVé ; mefmes il y en
quoi,
tout lequ'il auertiffoit
monde, de ne &fe prioit bien fort
gouuerner par
eut qui
défia dirent àque
célébrée lui-mefme: cel'auoit
Cantorbie que
le bruit qu'on lui pourroit auoir donné,
les Papilles auancerent tant qu'il leur & qu'il
fuft feroit
mieux bien lors
venue marrien que
fonlaendroit
Mefle
fut poffible , fpecialement le do6leur
Theorden (i), à ce qu'on dit, afin de qu'elle auoit efté par le pafl"é. Que
celui qui lui auoit impofé la M elfe de
le rendre plus odieux enuers le peu-

I
ple, ou bien fous ombre & prétexte l'Eglife de Cantorbie eftoit vn moine
de l'authorité d'vn tel perfonnage, pour tout potage, fait à tous vents,
fuft reftablie & re- vn vrai perroquet & mignon de table.
ceuë. que la MelTe
faire
Cranmer fe Touchant la Roine, fiqu'il
maiefté à tefmoin, iamaisappeloit
il lui enfa
purge par vn Cranmer, confiderant qu'il efloit
liure de ce expédient de mettre bien tort ordre à auoit dit la moindre chofe de ce
tout cela, fit imprimer vn liure (2) par monde. Ains qu'il feroit bien plus : fi
qu'on lui
mettoit fus.
lequel il fe purgea comme s'enfuit : fa maiefté
tendre la defenfe du permettre
lui vouloit d'en-
liure, qui, du
Qu'il n'ignoroit pas ennemi
de quelles eau-
du genre
telles Satan, ancien temps du feu Roi Edouard , fut receu
& aprouué vniuerfellement par tous
humain, ilauoit
comme eft ordinairement menteurQue&
acouflumé d'vl'er.
les feigneurs dupubliquementParlement, qu'il le
père de menfonge, ainfi vient-il à fuf- maintiendroit enuers
citer de fes minirtres, qui , du propre tous & contre tous ceux qui fe pre-
moyen dont il vfe, font après toufiours fenteroyent, tant par l'exemple de la
à forger nouuelles inuentions , pour
primitiue Eglife, que par le tefmoi-
troubler Chrift & renuerfer fa doc- gnage de la fainde Efcriture, veu que
trine, ainfi que lors principalement on
faut
tant s'en troduite la Meft"e fuft ou in-
que Chrift,
pouuoit conoiftre. Car, comme Henri parJefus ou aprouuee
huitiefmeeuft iadis commencé de cor-
riger vn peu les erreurs de la Méfie des Apoftres, qu'au
toit diredement contraire
contre, elle ef-
& auoit eri
Latine , & qu'après lui Edouard , fon foi des blafphemes horribles, & qui
fils, l'ayant arrachée & abolie du tout, ne deuoyent eftre proferez. Et par ce
euft introduit & remis le vrai vfage de
que quelques vns, par ignorance ou
la Cène de Noftre Seigneur Jefus
Chrifi, voici venir les aduerfaires ef- malice, tafchoyent d'arracher & d'abaf-
cumans & tempellans de fureur & tardir l'opinion qu'on auoit du fauoir
du dofteur Pierre Martyr (2), qu'il
rage, ne pouuans dire Adieu à leur oloit bien promettre de lui que , fi le
Mefi'e Latine, laquelle les auoit tant plaifir de la Roine eftoit de comman-
bien nourris. Et, pour mieux drefi'er der qu'on en vinft en difpute . eux-
leurs embufches, quelques vns d'en- deux, auec quatre ou cinq choifis entre
tr'eux auoyent bien ofé singerer les plus fuffîfans, fe faifoyent fort de
d'auancer vne telle menterie, & abu- prouuer, contre tous allans & venans,
fer de fon nom en chofe où il ne penfa
la Religion publiée & obferuee fous
iamais, de dire qu'il euftremis la Melîe Edouard eftre bonne & fainfte, pour-
à Cantorbie, & qu'il euft promis à la ueu qu'on s'arreftart à l'Efcriture. Et
Roine d'en faire autant en l'Eglife que, pour le prefent, il ne demandoit
S. Paul, à Londres. Quant à lui, il
à fes aduerfaires. finon qu'on redigeaft
n'eftoit pas fi aifé à fe laifl'er manier, à ce qu'eftant
digérer les caloni-
qu'il ne peuft bien (aiifquelles il eftoit
par efcrit &tout
imprimé publié par; tout, on euft
ce fait
nies des mefdifans moyen de couper toutes occafions de
défia tout acouflumé), tant qu'ils per- fuir & fe couurir par nouuelles inuen-
feuereroyent en leur iniure priuee.
tions & interpret-ations. Que s'il im-^
petroit cela de la Roine (comme certesil
(l) Le D' Thornton fut fait évêque de il l'eftimoit eftre bien raifonnable),
Douvres , et se montra un persécuteur
violent. s'afl'euroit que l'adminiftration & po-
12) Ce n'était pas un livre , mais une sim-
n'était
Burnet, te;
, d'aprèsé restrein
, qui publicit (i) S'attaquent. , . ^ , j
ple déclaration
destinée qu'à une ce
fut par suite d'une indiscré tion de Story, (->) Pierre Marlvr, appelé a Oxford , en
Chichester, qu'elle fut préma-
de publiée.
e.\-évèque turément i;47. par Cranm'er, avait collaboré à la
préparation du Prayer-Book.
LIVRE SIXIEME.

8
}8 de l'Eglife du temps du roi teur Wefton eft ordonné Cathedral,
lice
Edouard, edoit fondée en la pure pa- comme luge & arbitre fouuerain <St
role de Dieu , & en la dodrine des
fans appel, qu'on (i).
terre, Prolocuteur appelé,
Auec enCranmer
Angle-
Il cft rcccrché Apoftres. furent lors adioints Nicolas Ridley,
Ce fut la purgation & déclaration
& cmprifonnc.
que Cranmer publia d'vn courage Euefque de Londres, & Hugues La-
timer,iadis auffi Euefque de Wigorne:
certes bien grand ; mais (à ce qu'on a
eftoit mal
tion de la ilRoine,
peu voir) auerti
& des de l'inten-
occafions qui defquels ci-deuant eft l'hiftoire def-
crite (2), lefquels trois iointsenfemble
la mouuoyent long temps au parauant ; pour difputer, furent cependant mis
car, lui portant vne haine mortelle à
caufe du diuorce de fa mère, elle ne en trois diuerfes priions, iufqu'au iour
que la difpute fe deuoit faire , qui ef-
defiroit autre chofe depuis, que de toit le 16. d'Auril, m.d.liiii. L'on af-
trouuer moyen de le faire mourir figna à Cranmer deux iours, le Lundi
comment que ce fuft. On fait alTez & le Mardi ; l'vn defquels il deuoit
combien d'occafions fe donnent les refpondre aux argumens qui lui fe-
Princes communément de nuire & mal
faire, quand ils en veulent vne fois à royent
mis de propofez,
mettre en l'autre auant celuiqueeftoit
bonper-
lui
fembleroit. Ainfi fut ordonné aux au-
quelqu'vn. Or, ce difcours, après
auoir efté publié en la forte que nous tres deux. Il feroit bien long de re-
auons dit, vint finalement entre les citer le tout par le menu , & les con-
mains de ceux du Confeil ; lefquels, tentions, machinations, complots, fac-
après auoir feu que Cranmer en eftoit tions, feditions, crieries, moqueries,
l'autheur, le tirent venir, & puis l'en- outrages, reproches, fiftiemens, hurle-
uoyerent en prifon dedans la Tour, & mens, & telles defhonneftetez qui s'y
Condamné. toft après le condamnèrent comme firent , de manière que cela fentoit
coulpable de lefe maiefté. La Roine, beaucoup mieux fa confpiration que
voyant qu'après auoir pardonné à ceux difpute. Ils fe iettoyent dix ou douze
qui auoyent auffi bien offenfé que lui,
elle ne fe pouuoit exempter fans en à vn coup fur lui, comme s'ils eftri-
uoyent eux mefmes lequel d'entre eux
faire autant à lui (mefniement qu'il ef- flateroit le mieux. Cependant ce 'Wef-
toit celui qui auoit foufcrit le dernier ton (5) eftoit affis au haut throne de la
de tous, & auec le plus de regret, lors maiefté théologale , regardant bas les
que Jeanne fut eflcuë), elle le declaira efcoutans, & argumentant auffi quel-
exempt de lefe maiefté, mais, en re-
compenfe, Or, pour le faire court, ie reciterai
hérétique. elle l'accufa comme eftant quefois.
Les afaires donc de Cranmer eftans en peu de paroles l'ilTuë. Bien qu'il y
euft trois poinds à vuider en cefte dif-
en ce trouble, la Roine, par l'auis de pute, àpeine en peurent-ils expédier
fon Confeil , ordonna qu'il fuft mis vn fcul auec Cranmer, ains tous vni-
uerfellement le condamnèrent pour
hors de la Tour, i4 qu'on le remuaft
à Oxfort pour difputer auec les Doc- conuaincu , & derechef, auec vne
teurs iS Théologiens de l'Vniuerfité. grande troupe de fergcans & gens
Cependant on auertit couuertemcnt embaftonnez, le remirent en prifon.
ceux d'Oxfort qu'ils fe tinft'ent prefts Alors ils eurent ce poure perfonnage
à receuoir le choq , & à difputer vail- vaincu, ils l'eurent lié & garroté, ils
lamment. Et combien que la Roine & l'eurent condamné.
les Euefques euftent defia iuré la Cependant doncques que Cranmer
mort, fi furent-ils d'auis que difpute eftoit détenu prifonnier l'cfpace d'en-
fuft faite , afin que cela feruift de pal- uiron deux ans, la Roine & les Euef-
liation & couuerture à leur confpira- ques fubornerent & attiltrerent taci-
tion. Et de faid, leur mal-talent ne
demeura gueres à eftre exécuté ; car
*on le mené incontinent à Oxfort, puis (1) Au dire de Burnet , « le jour de la
Conférence . la langue du président lui joua
on publie le iour & le lieu où la dif- un mauvais tour. Il commença par ces mots:
pute fe deuoit faire folennellement , •1 Vous estes aujourd'hui assemblés, pour
auec vne attente »& deuotion merueil- confondre la détestable hérésie de la pré-
leufe de tout le peuple (i). Le Doc- sence corporelle de Jésus-Christ dans le
sacrement. » Tout le monde éclata de rire. »
(1) Voy. p. a86 et )oo, supra.
()) " Ce Fac-totum Weslon <> ( édit de
;oiVoy.
p. (i) aussi , sur cette dispute d'Oxford,
, supra.
THOMAS CRANMER. 589
tement quelques vns , lefquels ne
ainfi , qu'il
aimeroit le auifaft
mieux lequel des deux
: finir bien toft fail
pouuans rien gaigner fur lui par raifon
& difpute, vinlTent à le foliciter par vie au milieu des flammes & fagots
prières & promefTes , & par tous les
moyens dont ils fe pourroyent auifer ; préparez à brufler , ou bien de pour-
fuiure le refte d'icelle en authorité &
en forte que, comment que ce fuft, ils
le fiflent defdire ; car les fines gens , honneur ; & qu'il n'y auoit que ces
en matière de leur profit particulier , deux chemins. Quant à eux , ils l'ad-
monneftoyent & fupplioyent bien in-
entendoyent bien le grand dommage
ftainment
fes biens, ,à qu'il vouluft auoir
fon honneur el'gard à
& réputation,
Les machina- qui
bon fe
, &prefentoit
au contraire pour leeux , s'ilbien
grand tenoit&
tions & folici-
au repos & tranquillité de fa vieilleffe,
tations pour
commodité que ce leur feroit, fi vn
& que toutefois il n'eftoit pas tant
feduire Cran- tel perfonnage feul venoit à fe def- chargé d'aage, qu'il n'euft encore à
mer. dire. Doncques vindrent à lui tous en- viure allez long temps. Que fon excel-
femble plufieurs Théologiens, vfans lent fauoir & fes vertus fingulieres ,
de tous les moyens par lefquels ils ef- qui pouuoyent fort profiter tant à lui
peroyent le pouuoir efbranler ; princi- qu'aux autres, meritoyent bien qu'il y
palement Henri Sidal , & frère Jean
de Ville-garcine, Efpagnol (i), re- ne diligemment.
fe foucioit
penfaft Finalement,
autrement s'il
de fa vie,
monfirans le plaifir que ce feroit pour que toutefois il eftimaft la mort en
le Roi & la Roine , & le bien que fa tout temps dure & cruelle , mais plus
confcience receuroit de laiffer fes en ceft aage & grandeur où il eftoit, &
opinions; lui déclarent le bon vouloir d'auantage au tourment & douleur fl
que toute la nobleffe & les gens de horrible du feu. Par tels allechemens
iuftice ces gens de bien tafchoyent de le faire
il voudralui faire
portent ; promettent
comme qu'où
les autres, on fuccomber ; & nonobftant il tint bon
ne lui fauuera pas feulement la vie , quelque efpace de temps, iufques à
mais auffi qu'on le remettra en fon ce que, vaincu par leur importunité ou
premier honneur ; que ce qu'ils par fon infirmité mefme, finalement il
lui demandent n'eft pas chofe de fi fuccomba , & figna vn defdit duquel
grande importance, & moins encore la teneur s'enfuit (i):
difficile
efcriuift àde
faire.
fa Il ne faloit
main finon petis
quelques qu'il Defdit de
« Je, Thomas Cranmer, reiette &
traits ; ce que s'il faifoit , il efloit af- renonce à toute herefie de Luther & Cranmer.
feuré que le Roi & la Roine n'auoyent Zuingle , enfemble à toute doétrine
chofe tant precieufe qu'elle fuft , de- contraire à la pure & faine doftrine.
quoy il ne finaft tout à l'inftant , foit Outre,ment vne
ie fainéle
confefl'e & croi ferme- ,
qu'il vouluft richelTes ou dignitez, foit Eglife catholique
qu'il aimaft mieux fe retirer des com- hors laquelle il n'y a faiut aucun ; de
pagnies des hommes , & viure défor-
mais en fon repos, fans efire contraint laquelle ie reconoi l'Euefque de Rome
de fe méfier des afaires publiques. chef fouuerain,
le grand Pontifelequel ie confefl'e
& Pape, vicaireeftre
de
Seulement qu'il ne fifl que fe fouf- Chrift, auquel tous Chreftiens doiuent
figner en quelque morceau de papier eftre fuiets. Quant aux Sacremens, ie
qu'on lui bailleroit. Qu'il fe gardaft croi que le vrai corps & fang de Jefus
bien de reietter l'offre qui lui eftoit Chrift, fous efpeces du pain & du vin,
faite, autrement il pouuoit bien plier eft trefveritablenient contenu au Sa-
bagage , & n'efperer iamais trouuer crement de l'Euchariftie , & que, par
lieu de grâce & mifericorde. Que la
Roine eftoit tellement affeAionnee , vertu diuine, le pain vient à fe conuer-
tir & tranffubftantier au corps , & le
qu'il faloit que Cranmer fuft du tout vin au fang propre du Rédempteur.
catholique, ou bien qu'il ne fuft point ; autres fix , l'en croi
Et quant
comme i'ai aux fait en ceftui-ci , tout auy
(i ) Sur Henry Sydal. voy.pius bas, p. 59Ô.
Le moine espagnol, Juan de Villa-Garcia, tant que l'Eglife Romaine croid &
était un Dominicain, élève et compagnon de tient. Au furplus, ie croi que le Pur-
voyage de Carranza. Théologien et con-
troversiste habile, il s'employa à ramener
au catholicisme plusieurs théologiens évan-
de cette rétrac-
géliques. Son zèle catholique ne l'empêcha registre latin
tiré du original
(0 Le tation,texte de Bonner , évêque
pas d'être cité devant l'Inquisition, à son été inséré dans l'appen dice
retour d'Angleterre , pour se justifier du de
au vol. VIII ,dea l'édit.
Londres de Fo,\e, publiée par
la Tract Society.
soupçon d'hérésie.
LIVRE SIXIEME.

J90 eft vcritablement lo lieu où les


gatoire fa confcience, laquelle il auoit bleffee
âmes des trel'palToz font tourmentées fi malheureufement , ni aux aduerfai-
pour vn temps; res , lefquels il auoit contentez en
faindement <Sc ent^'falut
que pour
l'Eglife prie,
icelles toutes chofes. De forte que les vns le
ne plus Bref,
Sainds. ne moins ie tien qu'elle prie en-
A maintien les louoyent, les autres s'en moquoyent ;
& fi le danger n'elloit pas petit de
tièrement tout ce que rEj:;life catholi-
3ue & Romaine tient ; & me repen tous les deux collez, en ce qu'il ne
pouuoit ne viurc ne mourir honnefte-
'auoir iamais autrement fait. Priant ment. Entant que tafchant à fe def-
Dieu de bon cœur qu'il lui plaife me pcrtrer, il s'cnuelopoit en deux fortes,
pardonner ce que i'ai meffait en- car, enuers gens de bien, il ne fe pou-
uers lui & fon Eglife ; & prie tous
Chrelliens de prier pour moi. Quant uoit exempter qu'on ne le tinft en vne
fort mauuaife réputation; enuers les
à ceux qui ont efté feduits par mon mefchans il ne pouuoit faire ou em-
exemple ou dodrine, i'ai pareillement pefcher qu'il ne leur fuft publiquement
à les prier, parle fangdeJefus Chrid, fufped de periure & iiifidelitii.
qu'ils retournent à l'vnité de l'Eglife, Donc, tandis que cela fe demenoit en
& difons tous ainfi , afin qu'il n'y ait prifon entre ces Théologiens, comme
point de fchifmcs entre nous. Finale- l'ai dcfia dit, la Roine délibère auec
ment, comme ie veux eftre fuiet &
quelques vns de fes familiers, comment
obeiffant à l'Eglife de Jefus Chrid, & elle le pourroit faire mourir; le poure
de fon fouuerain chef, ainfi me fou- homme ne penfant rien moins iufques
mets-ie à Philippe & Marie , Roi & alors que deuoir mourir. Bref, vn peu
Roine d'Angleterre , enfemblement à deuant le iour que la Roine lui auoit
à toutes leurs loix & ordonnances, dcftiné pour mourir, elle fit appeler le
priant Dieu m'eflre tefmoin comme dodeurCol (i), pour
& l'auertit Le doiîlcur
ce que i'ai dit & confelTé , ie ne l'ai de fe préparer faire priuément
le fermon Col instruit
fait ni pour cuider complaire aux funèbre de Cranmer , qui deuoit eftre
briiflé le 21. iour de Mars, lui monf- par la Roine.
hommes, ni
defplaire, de 1peur
ains ai faitquede i'aye
mon de leur
propre
mouuement & vouloir, tant pour le trantaupar
dit ordre ce
fermon. qu'elle vouloit
Incontinent après,qu'il
fu-
falut de ma confcience , comme pour rent appelez les feigneurs Vilian de
celui des autres. »
Thamo , & Shandon , tous deux Ba-
rons; les feigneurs Thomas Brigge,
LEsTheologiens, fans plusattendre, & lean Browne, cheualiers (2), &
firent imprimer cefle abnégation , & certains autres feigneurs & gens de
puis incontinent la diuulguer par tout. iuftice auec eux, lefquels auoyent tous
Il cft trompé Et pour lui bailler plus de foi & af-
par les trom- efté mandez fJr la fidélité qu'ils
feurance, auoyent à la Roine, de fe trouuer
peurs. nellement l'on adioulla
le nom au pied Cran-
de Thomas folen-
prells à Oxfort , acompngnez de tous
mer, & les, affauoir, tefmoins prefens lors qu'il leurs feruiteurs & autres, fur lefquels
fe defdU Henri Sidal, &
ils auoyent droit d'obeiftance, de peur
frère Jean, Efpagnol de Ville-garcine.
Cependant Cranmer fe fentoit incer- que la mort d'vn tel 'homme ne fuft
caufe de quelque fedition. Col ayant
tain de la promeiïe que les Théolo- le tout entendu par la Roine , & inf-
giens lui auoyent fi fouucnt faite , de
lui fauuer la vie ; mais eux, après auoir truit de tout ce qu'il auoit à faire , fe
obtenu ce que tant ils defiroyent, retire meriufqu'au iourexécuté
deuoit eftre deuant ,que Cran-il
auquel
laiflTerent le furplus à ce qui en pour- vint en la prifon où il eftoit , pour fa-
roit auenir, ainfi que tels fidèles
Théologiens doyuent faire. Or la uoir s'il perfeuereroit en la foi catho-
Roine, ayant bien le temps & le Cranmerlique,refpondit
en laquelle aue
il quant
l'auoità laiffé.
lui il
moyen de fe venger , receut ce defdit fe confermeroit en la grâce de Dieu
tres-volontiers; mais, au relie, tant toufiours de plus en plus en la foi ca-
s'en falut au'ellc deliberafl de lui ot- tholique. Col, eftant retiré, fe prépare
troyer pardon i^- grâce, que ceux qui pour faire vn prefche funèbre le len-
prioyent & folicitoyent pour lui, fe
mettoyent cfUx-mefmes en danger.
Tentations de Les poures afaires de Cranmer ef- (i) Le D' Henry Cole , ffcvosl du collège
Cranmcr. d'Eton cl doyen de Saint-Paul.
toycnt lors en vne bien grande per- (2) Lord Williiim of Thamc, Lord Chan-
plexité, ne pouuant auoir recours ni à dus, Sir Thomas Bridges ut Sir John Brown,
THOMAS CRANMER.
demain , fans rien defcouurir de la
Bref, félon que chacun eftoit affec-
mort qu'il deuoit fouffrir. tion é, ilfe promettoit de ceft homme
Le lendemain, qui elloit le 21. de
Mars, auquel Cranmer deuoit mourir, ce qu'il en penfoit ou defiroit. Et tou-
tefois par ce que perfonne ne fe pou-
il retourna au matin vers lui, & de- uoit alteurer bonnement de ce qui fe-
roit, chacun demeuroit là comme en
manda combien il auoit d'argent. 11 ref-
pondit qu'il n'en auoit point, hormis 1 5. fufpens entre doute & efperance , fi
efcus , lefquels il pourroit diftribuer, que, tant plus le peuple fe trouuoit
s'il vouloit, aux pauures. Col fe mit à perplex en cela , & plus il en venoit, 391
l'exhorter de perfeuerer en la foi , & & defiroit en voir l'ilTue.
Estant ainfi donques tout le monde
puis s'en alla donner ordre au pref-
che qu'il auoit à faire. Lors Cranmer en expedatiue fi grande , voici fortir Cranmer mené
commença à fe douter encore plus de Cranmer de la prifon Bocard, lequel au suplice.
ce qui eftoit. Le iour eftant paffé en
on mena au temple de l'Vniuerfité
(dit le temple de la vierge Marie) en
partie , fuft
foldats fansencores
qu'aucun des voici
arriué, Barons &
venir tel ordre que le Mayeur marchoit de-
Ville-garcine, uant, les Confeilliers venoyent après,
Moine l'Efpagnol de Ville-garcine, portant
Espagnol. auec foi fon billet , auquel le defdit chacun félon fon rang ; puis venoit
efloit efcrit auec fes articles , lequel Cranmer auec deux frérots , l'vn à
billet il lui prefenta, le priant affec- main droite, l'autre à gauche, lefquels
tueufement de le vouloir efcrire de fa en cheminant murmuroyent quelques
main & ligner, ce qu'il fit. Ce frère ■ Pfeaumes parmi les rues , fe refpon-
pria derechef, qu'il lui en fifl vn autre dant l'vn à l'autre à la façon acouftu-
double , lequel il garderoit volontiers mee des moines. Eftans arriuez à l'en-
pour l'amour de lui; encore le fit-il. trée du temple , commencèrent à
Or fâchant Cranmer cependant tout chanter le cantique de Simeon : Nunc
ce que les Théologiens auoyent pro- diinitlis , &c. & iufques à ce qu'ils
ielté en leur efprit , & voyant que l'eurent amené au lieii où il deuoit ef-
lors efloit le temps qu'il ne faloit plus tre, ne le laifi'erent. Vis à vis du lieu
diffimuler la foi de laquelle il auoit où le fermon fe deuoit faire, il y auoit
fait profeffion enuers le peuple, il dé- vn efchaffaut de mefme hauteur, fur
libéra reciter en public vne prière lequel il monta, attendant que Col fuft
par lui efcrite , & mife fecrettement
preft pour faire fon prefche. C'eftoit
en fon fein, enfemble vne exhortation certes vn piteux fpedacle, mais Chref- & furDigreflion
la mifere
aflliaion de
auffi efcrite feparément à part , crai- tien , que le cas & contemplation de Cranmer.
gnant que, s'il n'vfoit de ce moyen, fu- l'affliètion que ce perfonnage repre-
bit qu'on feroit abreuué de fa foi , il fentoit aux yeux des regardans , le-
ne lui fuft après loifible de dire de- quel n'agueres eftant Archeuefque ,
uant le peuple ce qu'il voudroit. Métropolitain, chef principal de toute
Estant heurede neuf heures, arriue- l'Angleterre , le premier homme du
rent les feigneurs de Thamo, Brigge,
Browne, & les autres Eflats auec les confeil priué ; maintenant veftu d'vne
mefchante robe, couuert d'vn bonnet
gens de iuflice , enfemble quelques rond vieux & prefque vfé , au reftc
gentilshommes de la Cour & confeil deffait & miferable en toute extrémité,
expofé au mefpris & opprobre du
de la Roine, acompagnez d'affez bon monde, fembloit ne monftrer pas tant
nombre de gens equippez pour feruir
fon malheur, comme auertir mefme
de garde ; auffi s'y trouua grande
concurrence de peuple , en plus vn chacun du fien. Combien qu'à dire
grande deuotion encore de voir la fin. vrai , il n'ait iamais efté plus magnifi-
Premièrement ceux qui tenoyent pour que'& excellent que ce iour-la; car la
le Pape, efperoyent bien que ce iour vraye humilité qu'il auoit, fa patience,
Cranmer annonceroit beaucoup de le cri ardent qu'il adrelToit fouuent à
bonnes chofes pour eux ; au contraire,
Dieu, la componélion qu'il fentoit au
ceux qui auoyent & le fens & la doc- profond de fon cœur , les foufpirs
trine meilleure , ne fe pouuoyent en- qu'il entremefloit parmi les oraifons &
core perfuader qu'vn tel homme , qui
tant de temps auoit pris vne fi grande prières; tout cela ioint auec le mef-
pris extrême des hommes auquel il
peine pour l'auancement
maintenant fur la fin &de au
l'Euangile,
dernier eftoit (qui font les propres marques &
ornemens des vrais Euefques,) le ren-
afte, vint à s'oublier iufques là, qu'auoir doit trop plus arrefté à Jefus Chrift.
le cœur de le quitter & abandonner. En ceft habit donc , après auoir de-
LIVRE SIXIEME.

Î92 quelque temps fur l'efchaffaut,


meure
entre feu fon père le Roi A la Roine
il fe tourna deuers le pilier plus près fa mère, contre l'authorité mefme du
de lui ; puis, ayant mis les f;enoux en Pape , auquel apartenoit de ce faire.
terre & haulTé les mains au ciel , fe
mit à faire fon oraifon à Dieu. Secondement, de ce qu'il auoit efté
hérétique, & la fource de toutes les
Sermon de Cependant Col monta en chaire , herefies & opinions fchifmatiques, qui
Col contre jÇj print rar<:;ument de fon fermon fur
Cranmcr. .^^,^1^, ^,^. z^^^harie , lefqucls auoyent, par tant d'années, régné en
après Angleterre,elle
feulement defquelles il n'auoit
fauteur couuert pas
& ca-
auoir louez de leur conftance & per-
feuerance au vrai feruice de Dieu , ché ,mais auffi defenfeur ouuert iuf-
vint à diuifer fon fermon en trois par- ques au bout, & iufques au dernier
ties, àla mode des efcholes; la pre- terme de fon aage , par tant de liures
mière fut de la mifericorde de Dieu ; & argumens femez publiquement &
la féconde de la manifeftation de fa priuément par lui , auec vn trefgrand
iullice; la dernière de ne defcouurir
les afaires & fecrets des Princes ; fcandale & ruine de toute l'Eglife ca-
tholique. Et pourtant qu'il elloit bien
puis , après auoir pourfuiui quelque raifonnable pour le deuoir de la pa-
temps le fil de fon propos, vint à reille tout
, ainfi que le Duc de Nor-
tomber fur Cranmer, & le reprendre thombeland dernièrement mourant fit
la pareille à Thomas Morus, iadis
ai^Tement de ce qu'ayant vne fois elle Chancelier du royaume, mourant pour
inftruit en la vraye & catholique doc-
trine, ils'eftoit lailfé tomber en vne l'Eglife, auffi qu'il y eull quclcun qui
herefie peruerfe & pernicieufe , la- refpondift t*t fccondall ;\ Fyl'cher Rof- Irrifion fur
quelle iln'auoit pas défendue feule- fenfe (i). Et d'autant que ni Ridley, faire mourir
ment par efcrit & de zèle , mais aufli
incité plufieurs autres, par dons & prc- ni pareil
en Hooper, cas ni Roberticelui
fécondé Ferror n'ont
RofTenfe, à la pareille.
fcns , à faire de mefmes , comme pre- qu'il ertoit bien feant maintenant que
fentant recompenfe à vn erreur , & le Cranmer , pour lui rendre mefme
maintenant par tous les moyens def- change, fuft auffi bien de la partie de
quels il fe pouuoit auifer. Ce feroit fe Roffenfe & de Morus. Il y auoit cer-
trop arrefter , de vouloir reciter ici taines autres caufes & raifons iuftes &
tout ce qui fut dit. La refolution de graues, aufquelles la Roine & le Con-
Conclurion fon fermon fut telle , que la miferi- feil s'arrelloit grandement, que toute-
du fermon de corde de Dieu eftoit acompagnee fi fois ildifoit ne deuoir eftre communi-
Col.
''"' proprement de fa iufiice , que le Sei- quées au vulgaire.
gneur ne nous puniiïoit pas entière- Col après adrelTa fon propos aux RemonOrance
auditeurs, difant que ceft homme leur de Col au
ment félon nos mérites , & que bien
fouuent il nous punilToit cftans mef- deuoit bien feruir d'exemple, & qu'il
mes réduits au vrai chemin & à repen- n'y auoit en ce monde hautelTe fi
tance de nos fautes & iniquitez , grande , qui fuft afieurce deuoir eftre peuple.
comme l'on voyoit en Dauid, auquel paifible. Que la vengeance de Dieu
eftant prefenté le choix de trois puni- elloit tellement ordonnée & iufte,
tions la<^uelle il aimoit le plus, & qu'il qu'elle ne pardonnoit à perfonne. Que
euft choifi trois iours de peftilence, le Jonques déformais chacun aduifaft à
Seigneur lui donna la moitié de ce
foi , & Que
Prince. aprift fid'eftrc obeiftant
la maiefté à fon
de la Roine
temps-la , mais il ne lui remit pas le
tout. Ainfi faifoit-on prefentement à ne pardonnoit à vn tel homme , que
Cranmer, lequel, bien que par les dé- bien malaifément elle pardonneroit
crets & Canons il deuoit eftre receu
en grâce & à reconciliation , eflant en femblable cas aux autres. Qu'il ne
faloit point que perfonne fe fiaft en fes
revni & reconcilié à l'Eglife , toutefois richelTes & noblen"es , elUuit atteint
il y auoit des caufes & occafions
par lefquelles la Roine & fon confcil de mefme erreur. Qu'ils auoyent bien
deuant leurs yeux à qui prendre
exemple, dt au malheur duquel chacun
eftoyent d'auis qu'il mouruft, defquel-
les il en reciteroit quelques vnes, fé- poifaft tt mefuraft ce où il deuoit de-
lon la charge qui lui en auoit elle uenir, lequel eftant en telle grandeur
donnée, afin qu'il ne s'esbahifi de rien, qu'autre ne pouuoittombé
eftoit ncantmoins fe comparer à lui,fl
en vn eftat
& qu'il ne pretendifl caufe d'igno-
rance. Premièrement, de ce qu'eflant
coulpable de lefe Maiefié, il auoit (i) John Fischer. évÊque de Rochcster.
elle motif & caufe du diuorce fait Voy. t. I, p. J9J.
Î93
THOMAS CRANMER.
M.D.LVl.
affis , monftroit affez extérieurement ,

P
piteux qu'on le pouuoit voir, comme
eftant deuenu petit compagnon de La grande
trisleffe de
tant par le vifage qu'autres marques
grand feigneur qu'il efloit ,captif,
d'Ar- de fon corps, en quelle triftelTe & af- Cranmer re-
cheuefque & Métropolitain, flidion d'efprit il viuoit , leuant main-
tenant au ciel les yeux & les mains , rieurement.
présentée exté-
d'homme eflimé & honoré enuers
tous , miferable & condamné ; voire
maintenant
iettant versdelahonte
terre,qu'il
de auoit les
manière
déprimé & terraffé û tres-bas, qu'il
ne pouuoit ni mieux efperer , ni pref- qu'ayant réitéré fes pleurs & larmes
plus de vingt fois, il en auoit fa barbe
que defcendre plus bas qu'il auoit fait.
Finalement , s'adrelTant derechef blanche toute arroufee. Ceux qui fu-
à Cranmer , l'admonneftoit & prioit rent prefens, afieurent qu'ils ne virent
bien fort qu'il portaft patiemment la iamais ainfi pleurer qu'il fit tant durant
neceffité de ce qui fe prefentoit, puis
le fermon , que mefmement lors qu'il Le peuple
que c'eftoit vn faire le faut (i). Puis recita fa prière. Et ne fauroit-on ex-
primer lapitié & compaffion qui faifit compaffionné
de l'ertat
qu'il lui faloit palTer le pas , qu'il ne
deuoit douter que Dieu ne le recom- lors les cœurs de ceux qui pouuoyent miferable de
regarder vn vifage tant angoilTé , & Cranmer.
penfaft bien amplement de ce qu'il vne fi grande efïufion de larmes que
s'efloit reconu & rallié au rang des iettoit vn tant illuflre & vénérable
autres. Qu'il le propofaft deuant les vieillard.
yeux la tardiue, mais heureufe repen-
tance du Larron, auquel tant s'en faut Col , après auoir acheué fon pref-
que fes iniquitez palTees foyent venues che , voyant que le peuple commen-
en conte enuers Chrill, que mefme il çoit défia à fe retirer , l'exhorta de
fut ce mefme iour appelé pour eftre en prier Dieu, puis leur dit : « Mes frè-
Paradis auec lui. Qu'il ne regardafl res , afin que perfonne ne doute de
point le tourment qui fe prefentoit la conuerfion & repentance de cell
pour la chair , mais qu'il efleuaft fon homme, vous tous l'orrez maintenant
efprit à Dieu, lequel ne permet ia- parler. Monfieur Cranmer, ie vous
mais que foyons tentez par deffus la prie bien atTeftueufement que vous
déclariez maintenant par effeâ; ce que
force qu'il nous donne. Que puis
qu'ainfi eft, qu'il n'a occafion de dou- vous m'auez long temps promis de
ter de la grâce & mifericorde de Dieu, parole , & que vous vueilliez expofer
&de qu'à l'exemple ici publiquement la foi & la créance
faind Laurentdes& trois Hebrieux,
fainét André , que vous tenez , à celle fin que vous
Dieu ne lui adoucilTe le feu , ou bien oftiez tout foupçon aux hommes , &
lui donne force & puiflTance d'y refif- que le monde entende comment vous
ter. Pour le moins qu'il fe pouuoit efles véritablement catholique. » « le
bien affeurer que iamais Dieu ne de- le ferai, dit Cranmer, trefvolontiers. »
faudroit à fes feruiteurs & à ceux qui Et fe leuant , & mettant la main au
l'inuoquent. Ayant acheué & tenu bonnet, vfa de ces mots auant que ve-
nir à fon orailbn & au principal de ce
l'auditoire prefque deux heures , il
rendit finalement grâces à Dieu, de ce qu'il auoit à dire : « Mes amis & frè- Cranmer
res en lefus Chrirt, ie vous fupplie
qu'après auoir eftriué (2) fi long temps ment au
pour conuertir & réduire vn tel
homme , il lui auoit fait finalement tous queeffacer
vouloir priez mes
Dieupéchez,
qu'il lui plaife
lefquels parle finale-

cefte grâce de le rappeler, l'eflimant font en grandeur & nombre plus qu'on peuple.
indigne de viure, lors qu'il eftoit com- ne fauroit eftimer. Vrai efi qu'il y a
blé d'honneurs ; & maintenant qu'il vne chofe principalement, laquelle me
ne pouuoit plus viure, indigne d'ellre caufe & engendre vne triflefl'e & def-
mené ainfi à la mort. Et, afin qu'il ne plaifance extrême ; mais i'efpere vous
partit! de ce monde fans confolation ,
la dire ci après fur le difcours que l'ai
qu'il feroit fon deuoir, & lui promet- à vous faire. » Et ayant mis la main
toit, au nom de tous les preftres qui en fon fein , il tira fa prière, laquelle
eftoyent prefens, qu'il ne feroit pas fi il recita de mot à mot, & prononça de-
toft trefpaflfé qu'il ne fift pour fon ame uant le peuple prefque au mefme fens
faire prières, dire- MelTes, & toutes
qui« s'enfuit.
O SovvERAiN & tout puilTant Oraifon de
autres chofes necefi'aires
Cependant Cranmer , &demeurant
requifes. Cranmer.
Père celefte, ô Fils du Père, & Ré-
dempteur du monde , ô fainél Efprit ,
(i) Une nécessité. tous trois vn Dieu , plaife-toi eftendre
(2) Disputé. ta mifericorde fur moi, poure & mife-
LIVRE SIXIEME.

394-pécheur.
rablc
poché contre leHelas ciel &! i'ai offenfétrop
la terre, & tent peu de paroles proférées à l'heure
qu'on s'en va mourir, & touchent
plus que ie ne fauroi exprimer par pa- beaucoup plus au vif le cœur des amis,
role. Où irai-ie doncques .-• de quel qu'auparuuant tous les difcours & ha-
codé me tournerai-ie .•• à qui aurai-ie rangues de ce monde. Parquoi ie fup-
recours .■' De leuer les yeux au ciel , plie la maiefté de ce grand Dieu, qu il
me face la grâce que ce que ie vous
j'en ai honte ; quant à la terre , ie n'y
voi fecours qui foit. Me defefpe- dirai à prefent, eftant preft de prendre
rerai-ie .' à Dieu ne plaiCe. Toi , Sei- congé de vous, foit à fa gloire & à
gneur, es clément, pourfuyuant de ta voftre falut en lui. Et premièrement, Mettre fon
clémence it bonté toute perfonne qui, c'eft vne chofe bien fort déplorable , efpoir au ciel
ayant recours à toi, demande grâce & que plufieurs hommes fe plaifcnt fi & non terre.en la '
mifericorde de fes péchez & offenfes, fort en ce monde, & y mettent fi très-
qui fait que ie me retire entièrement tant leur cœur & affedion, que c'eft
à toi. Tu es feul à qui ie me ren , &
peu de chofe au reftc de l'eftat qu'ils
auquel auffi ie confefle l'infinité & font de l'amour qu'ils doyuent à Dieu
enormité de mes tranfgreffions. Hélas ! & au royaume des cieux. Première-
bon Dieu, par ta bonté infinie, vueille ment donques, mes chers frères, ie
lean r. 14. auoir merci de moi. Ce grand myftere vous admonnefie & prie que déformais
indicible, que la Parole ait elle faite les voluptez de ce monae , ni chofes
fales it defplaifantes à Dieu , ne vous
chair, n"a pas erté manifefté au monde,
pour peu ou pour petites & légères empefchent de cercher le royaume de
fautes & offenfes. Toi, Père celefte, Dieu ; ains dreffez vos efprits & rap-
n'as pas voulu que ton Fils Jefus portez toutes vos adions à Dieu & à
Chrifl noftre Seigneur fouffrift mort & la vie qui dure fans fin. Et foyez tou-
paffion pour effacer quelques delids, fiours recors(i)de ce qui cft en la pre- I. lean 4.
mais pour tous, & pour les plus grans
mière de S. lean, 4.
mi;r ce monde, est combatre contrechap. : Qv'ai-
de tout le monde , toutesfois & quan-
tes que les poures pécheurs fe retirent DiEv, & eftre fon ennemi mortel, &
de tout leur cœur à toi ; ainfi que moi
maintenant, Seigneur Dieu, ie me ren que ce foit là l'admonition première
que vous retiendrez.
& donne de toute mon affeilion à toi. ObcilTance
« La féconde , c'efl qu'après Dieu
Donques, Seigneur, par ta bonté & vous rendiez l'obeiffance à voflre Roi au fupcrieur.
pitié infinie, aye merci de moi. le ne & Reine, que vous deuez, & ce de
te demande rien pour le regard de cœur & affedion , fans murmurer ou
ma perfonne, ains ce que ie te de- vous mutiner contre. Et ne le faites
mande ell pour illuftrcr la gloire de pas de peur ou crainte que vous ayez
deux, ains pour la reucrence que
ton
ChriftNom, & pour
ton Fils l'amour
bien aimé, afin de
que lefus
tout vous deuez à Dieu, duquel ils repre-
ce qui vient de toi lui foit attribué, & fentent l'authorité et la perfonne en
non pas à nous. Maintenant donc, ce monde, aufquels quiconque refifte,
nous te prierons, par l'oraifon que : rclifie
fance. à Dieu autheur de toute puif-
lui mefmc nous a aprife, en difant
Noftre Père qui es es cieux, fanélifié « La fraternellement
tierce, c'eft quelesvous
Charité des
foit ton nom, <&c. » aimiez vns vous
les vns aux autres.

Ayant acheué fon oraifon (laquelle autres. J'ai honte de dire les hai-
il auoit prononcée auec larmes & nes & malvueillances qui régnent
foufpirs, le peuple priant auec lui), auiourd'hui mefme entre les Chref-
derechef eftant leué fur fes pieds, vfa ticns, & les cruautez qui fe commet-
de l'exhortation
s'enfuit : & remonftrance qui tent iournellement, comme s'ils n'cf-
Admonition a Tovs hommes ont cefle bonne toyent frères & fœurs entr'cux , mais
de Cranmcr tigres i*t ennemis mortels les vns des
au peuple. couftume de lailfer volontiers quelque
autres. Que donc
de fon cofté vn chacun
de profiter s'efforce
à tous, félon
manière d'exhortation au peuple fur
l'heure qu'ils doiuent partir de ce le moyen que Dieu lui a donné, & de
monde, afin d'aller rendre conte à ne nuire à perfonne, tout ainfi que
Dieu, tant pour durer plus longue- nous voudrions eftre fait à nos pro-
pres frères cS; fanirs naturels. Et que
ment en la mémoire de ceux qui l'ef- chacun retiene hardiment ceci : Celui
coutent , comme pour leur ap(jrter
quelque excellente édification. Car il
auient communément que plus empor- (1) Souvenez-vous toujours.
395
THOMAS CRANMER.

qui hait ou fait tort à fon prochain, en deuant i'aye ou dite ou efcrite. Pre-
intention de le faire, ne peut eflre mièrementie
, croi en Dieu le Père
aiméau decontraire.
Dieu, quelque opinion qu'il tout puilfant, créateur du ciel & de la
ait terre, &c. Bref, ie croi tous les arti- La dernière
confeflion de
a Finalement, que ceux qui s'enri- cles de la foi catholique, enfemble- Crannier.
chifTent félon le monde, & qui abon- ment toute parole de noftre Sauueur
dent en biens , fe propofent diligem- lefus Chrift, de fes Apoftres & Pro-
ment deuant les yeux ces mots de
phètes, comprife tant au vieil qu'au
lefus Chrift : Qv'il est bien diffi- nouueau Teftament, & m'affeure fer-
cile QVE LE RICHE ENTRE lAMAIS AV mement làdeftus. Or, ie vien mainte-
ROYAVME DES ciEvx. C'efl vne fen- nant à ce qui, pardeffus tous les pé-
tence contre le riche, mais elle eft chez & offenfes que ie fis i^piais, me
proférée de la bouche de celui qui ne tourmente & afflige le plus en ce
fait mentir. D'auantage S. lean dit : mondede : ma
c'eft main
vne foufcription
« Quiconque voit fon frère en necef- faite en vn papierqueefcrit
i'ai
fité , & ne lui fubuient , comment peut
eflre la charité de Dieu en vn tel qu'on me prefenta n'agueres ; car in-
dubitablement iel'ai faite contre vé-
homme ? » Semblablement S. laques, rité & contre ma confcience. le cui-
s'adreffant aux riches & auares : « Or doi par ce moyen euiter le danger de
fus, » dit-il, « vous autres riches, pleu- la mort, & prolonger ma vie en ce mi-
rez hardiment, commencez à braire ferable monde ; mais maintenant ie
fur vos miferes, lefquelles ne vous protefte enuers tous franchement, que
peuuent faillir; vos richeffes fe font ie reuoque & annulle tous tels efcrits
pourries, vos veftements ont efté fuiets faits ou fignez par moi depuis le temps
aux lignes , voftre or & voftre argent de ma dégradation ; ie les defauouë
s'eft corrompu, & cefle corruption ren- d'ores & défia totalement. Au refte ,
dra tefmoignage contre vous, & con- quant eft de cefte main mal-heureufe,
fumera voftre chair comme le feu.
Vous auez thefaurizé fur la fin de vos laquelle
mefchanceté m'a contre
ferui àmafouffigner cefteie
confcience,
iours. » Que tous riches mondains y la voue & dédie à eftre bruflee auant
les autres membres de mon corps, &
penfent bien, car s'il y eut iamais fi toft que ie ferai au fupplice , elle
temps auquel faluft donner aux pau-
ures, ceftui-ci l'eft, veu la multitude toute première en portera la péni-
des poures & la difficulté des viures,
bres tence,
qui a puis que& c'eft
fait elle le
exécuté de mal.
mes Quant
mem-
& d'autres chofes qu'il y a quafi par
tout. Et combien que i'aye demeuré au Pape, pour vous le faire court, ie
long temps reclus en prifon, fi fai-ie le tien & repute ennemi de Jefus
fort bien la poureté & la cherté qui Chrift, voire le mefme Antechrift, &
eft communément par tout ce royaume, detefte toute fa dodrine comme faufte,
a Et d'autant que ie fuis venu en & tous fes erreurs pernicieux & con-
traires àla parole de Dieu. Touchant
cefte extrémité, qu'il me faut mainte-
nant palTer de cefte vie en l'autre, & la Cène du Seigneur, i'en croi & main-
que fuis fur le poind de viure éternel- tien tout autant que i'en ai traité iadis,
lement auec Jefus Chrift noftre Sau-
en ma defenfe contre l'Euefque de
ueur, ou eftre damné perpétuellement Winceftre , & eftime que ce liure-là a
au gouffre d'enfer auec tous les dia- dequoi refpondre aux calomnies & ef-
bles ;voire que ie voi mefme prefen- forts des Papifles. »
tement deuant mes yeux, ou le ciel Tovs les affiftans eflonnez commen- Eftonnement
ouuert pour me receuoir fi ie di & cèrent fe regarder les vns les autres,
des Théolo-
confeflfe fans contrainte la pure vérité, & merueilleufement s'efbahir, de fe
voir ainfi deceus de leur opinion. Et y Papilles
reuolle àde la
ou la gueule de l'enfer prefte à me de- giens &
uorer & engloutir, fi ie defguife rien en eut qui lui mirent au deuant fon Cranraer.
autrement que vérité & fidélité me abnégation, lui reprochant fa del-
commande , ie vous veux maintenant
loyauté. C'eftoit vn plaifir lors de voir
vne fois pour iamais déclarer libre- la contenance des Théologiens fruftrez
ment & ouuertement quelle eft ma de leur efperance , voire que iamais
foi, & ne vous en diffimulerai rien, ne cruauté ne fe trouua ainfi moquée, ni
par crainte, ne pour recompenfe que fi bien à propos. Et ne faut douter
i'en efpere ; car ie fuis venu iufques que,
tous s'il fut demeuré
fuffent montezen au
fon fommet
abiuration,
de
là, reculer,
ou qu'il n'eft quelque
plus befoin
chofede que
diffimuler
par ci leurs ergots. Or, après auoir oui tout
96
ce 3difcours, eflans deuenus tous efper-
dus, ils ne fcurenl que faire, finon
bailTer les oreilles & efcumer leurs
LIVRE SIXIEME.

vain. Ainfi donc, demeurant Cranmer


ferme & confiant en la profeffionde fa
Cranmw
I
ConHanctti

dodrine, vint à tendre la main à quel-


defpits acouflumez ; mais tout le pis ques bons vieillards & autres qui ef-
qu'ils cher
peurent faire, fut
fon infidélité & de lui repro-
dilTimulation. toyent à l'entour, leur difant Adieu. Cruauté d
Voulant faire le mefme à Sidal , fut Sidal.
Aufquels il refpondit : « Tout-beau, refufé
Meffieurs, voulez-vous prendre les loifiblededelui, difant qu'il
refaiuer n'eftoit pas
les hérétiques,
chofes ainfi ? l'ai hay toute ma vie mofmement vn tel, qui fi mal-heureu-
tromperie, préférant toufiours fimpli- fement retournoit derechef en opi-
cité, & fi n"ai iufques ici vfé de diffi- nions lefquelles il auoit lui-mefme
mulation, ains tout ce qui eft refté de
larmes en ce poure corps, fe monflre reiettees. Que s'il euft aperceu qu'il
eurt voulu faire cela, qu'il ne lui euft
affez par les yeux. » Et voulant pour- point fait l'honneur de le fréquenter fi
fuiure le propos de la vraye dodrine familièrement, reprenant bien fort les
& de celle du Pape, les vns fc mirent gens de iuflice ik bourgeois, de ce
à crier, les autres à fe complaindre, qu'ils ne l'auoyent refufé comme lui ,
Ce Col , vrai
Balaam, reçoit & fur tout on oyoit Col criant qu'on lors qu'il leur auoit baillé la main. Ce
le falairc de lui barraft Sidal eftoit vn nouucau preftre An-
fon iniquité & chaft de lelafaire
bouche, & qu'on
mourir. defpef-
Cranmer ef-
impudence ,
glois, commençant
faculté de ,s'infinuer
de Théologie en la
& toutesfois
cllant rendu tant pouffé de l'efcbaffaut en bas, eft
confus par mené au feu , acompagné de Moinail- preft de pafi^er Dodeur, Sous-doyen
la conflance les, le poulTans autant plus furieufe- d'vn collège qu'on appeléeftant
lefus.attaché
& conuerfion Cependant Cranmer
de Cranmer. ment qu'il leur efioit poffible : « Quel
à vn pofteau auec vne chaifne de fer,
diable, » difoyent-ils, « t'a mis dere-
chef en ces erreurs, par lefquels indu- on commanda de bouter le feu : lequel
bitablement tu précipiteras là bas en
enfer vne infinité d'ames .' » Il ne leur gagnant
Cranmer petit
eftoit à, petit à l'endroit
il eftendit foudain où
le
refpondit rien, adrefiant toufiours fon bras, &, d'vne conftance merueilleufe,
propos au peuple , finon que par fois auança la main au milieu du feu, qui,
il fe retournoit vers Sidal, l'exhortant s'efleuant haut , ardoit toufiours de
d'eftudier toufiours de plus en plus, plus en plus ; & neantmoins il la tint
l'alTeurant qu'où il prieroit Dieu , & fi ferme & immobile (horfmis qu'il
liroit les Efcritures, qu'il paruiendroit s'en torcha vne fois le vifage) qu'vn
à vne conoilTance plus grande. Ce chacun la voyoit pluftoft bruflee que
criard Efpagnol, ci deuant nommé, le corps euft encores enduré le feu.
enrageoit du tout, & monftroit bien Quant au refte, il receuoit le feu auec
qu'il efioit hors des gonds, n'ayant vn arreft fi merueilleux, que, ne fe re-
autre propos en la bouche, finon ccf- muant aucunement, demeuroit comme
tui-ci : « Tu n'as pas encore fait. » le pofteau mefme auquel il eftoit atta-
Or, eftant Cranmer arriué au lieu ché, appelant par plufieurs fois tant
mefme où les fainds Euefques & mar- haut qu'il pouuoit sa main , Indigne.
tyrs de Dieu, Hugues Latimer & Ni- Ses yeux, il les auoit fichez au ciel,
colas Ridley auparauant auoient efté priant en cefte manière : « Seigneur,
bruflez, s'eftant profterné bas en terre, reçoi mon efprit. » Veincu de la force
fit fa prière à Dieu , & ne demeura
du feu, il rendit l'efprit à Dieu. Frère
gucres qu'il ne fe defpouillaft mefmes lean eftonné d'vne telle conftance, ef-
iufques à la chemife. Or, la chemife def- timant que ce ne fuft magnanimité,
cendoit des épaules iufquesaux talons. ains vn defefpoir {combien que tous
Il auoit les pieds nuds, la tefie pareille- les iours on pouuoit affez voir de tels
ment, & ayant ofté les deux bonnets exemples en Angleterre) courut vers
le Seigneur de Thamo , criant que
qu'il portoit ordinairement, monftroit
vn defi"us de tefte chauue. La barbe l'Archeuefque eftoit mort enragé &
chenue tS: longue rendoit ie ne fai defefperé. Lui qui fauoit aftez de quel
quelle maicflé en fon vifagc, & grauité courage les gens de fa nation eftoyent
merucilleufe. En forte que la face & (inconu toutefois aux Efpagnols, fort
contenance graue de ce perfonnage
rendoit amis & ennemis eftonnez. Ces diftans & feparez de l'AnglOterre) ne
refpondit mot; mais mefmes auec vn
frérots, Jean & Richard, Efpagnols foufrirc fe moquoit de frère lean, &
(defquels il a efté parlé), le voulurent de la caphardife Efpagnole.
admonnerter derecnef ; mais ce fut en
Telle fut la fin & ifl"ue de ce S.
THOMAS WITLE.
J97
Archeuefque, lequel Dieu voulut con- vn peu après le fit appeler, & com-
M.D.LVI.

feruer , le faifant reuenir à foi , afin


mença à l'efprouuer d'vne rufe &
qu'il ne perift, félon que fes iugemens façon non vfitee aux autres Euefques,
font incomprehenfibles, & le faifant qui n'efloit pas voirement fi grieue au
mourir honorablement , afin qu'il ne corps, toutefois eftoit fort pernicieufe
vefquift en opprobre & ignominie per- à l'ame, afin que, par douceur contre-
pétuelle.
faite, & quelque dextérité qu'il fe per-
fuadoit d'auoir à bien tromper, il ar-
rachaft vn renoncement de la vérité Rufes de
des poures fidèles & fimples. De la- Boner, Euef-
Londres.
quelle façon il vfa lors principalement
Thomas Witlé, miniftre Anglois (i). enuers ce miniftre. Il fit donc appeler
Thomas, & lui tint des propos gra- que de
, traitant fort humainement ,
cieuxle
Les Minijlres de la parole du Seigneur
ont auffi en rhijtoirc de ce Martyr tant à table qu'en deuis familiers,
mefme le faifoit pourmener auec lui_,
vn exemple de marque & impreffion
de la mijericorde de Dieu, car \Yitlé, & ne vouloit point parler à lui qu'il
annonciateur d'icclle , comme il fut n'euft la tefte couuerte : ce qu'il ne
faifoit point à tous. Toutefois il difoit
appréhendé , Je de/dit; mais ,Je re- qu'il faifoit cela pour la vertu qui eftoit
pentant puis après de Ja difjimula-
tion, ilendura le martyre de Ji grande en lui , & pour la reuerence facerdo-
confiance & magnanimité pour la tale ; il le louoit & traitoit familière-
doSlrine de l'Euangile, qu'il édifia ment, Ilfaifant
fes vertus. femblant
mettoite n auant d'aimer
auffi plufieurs
grande multitude de peuple en fa
mort. chofes de fa prudence, de fa modeftie
finguliere, de fon bon efprit, & de fon
grand fauoir, lefquelles vertus il co-
Ce perfonnage , feruant de Pafteur noifl"oit en lui, en partie par le rapport
en vne paroiffe nommée Kyrbie (2),
des autres, en partie pource que lui-
fut affailli , après la mort du Roi mefme en auoit plus veu de fes yeux
Edouard, par la violence & oppreffion que la renomme n'en auoit femé. Bref,
des Euefques; & toutefois, comme il il l'auoit en telle eftime, qu'il le repu-
pouuoit recouurer quelque opportu- toit digne de grande compagnie de
nité, ilne ceffoit de femer l'Euangile feruiteurs, & de quelque grand palais
par ci par là. Finalement il fut pris ou mailbn fomptueu fe, quelque doyen
ou d'eftre grande
par vn nommé Edmond Alebafter {3), ou archediac re en
lequel, par flateries & déceptions, fai- Eglife. Outre tout cela, il lui promet-
foit eftat d'attraper bénéficesfaire & digni- toit de luiaffifter, pourueu auffi que
tez. Ceft Alebafter, pour plaifir lui-mefme ne faillift pas à faire fon de-
aux ennemis de la vérité , mena pre- uoir. Il l'admonneftoit donc & con-
mièrement "Witlé au Chancelier Gar-
diner, Euefque de Winceftre, qui ef- feilloit pour la bonne affeftion qu'il
lui portoit , de regarder à fauuer fon
toit nouuellement faifi de la maladie , bien & fa propre vie , & ne faire que
de laquelle il mourut audepuis trefmife- le profit des autres lui fuft plus pré-
rablement.Gardiner, lieu de faueur cieux que le fien propre , pluftoft de
que pourfuyuoit Alebafter^ le tança prendre confeil defa propre prudence,
fort aigrement, difant : « N'y a-il au- qui eftoit finguliere. Et fi iufques à
tre que moi à qui tu ameines ces ra- cefte heure s'eftant accommodé aux
?
cail es-ciVa au gibet auec ton im- temps, il auoit erré auec plufieurs,
portunité. » En cefte forte ce flatteur
fut deceu , & ne feut plus que faire , qu'il fe retiraft maintenant de l'erreur
commun pour eftre réduit auec tout le
(înon mener fon prifonnier en dernier
refuge à l' Euefque de Londres. Ce peuple. erré,celac'eftoit
auoit nt
Ce qu'ilmaintena con-
vn vice humain,
bon Euefque premièrdeement
l'ayant nière fait grand'pr udence,
mettre en la Charbon Philpot, uiendroit fort bien à fa
de fe repentir : & d'auantage, fain- cela

viendroit bien
de .pour fa
à propos ,
(i)Crespin, 1Ç64, p. 807; 1570,^422-
Voy. aussi , sur le martyre de Thomas Auec ces paroles amielees de Les
Whiltle, Foxe, t. Vil, p. 718. Voy. aussi mensalleche-
font
p. ;57, supra. l'Euefque, voici les feruiteurs lui defdire Witlé.
(2I Kirkby, en Essex. offrirent prompts feruices, les Pref-
(5) Thomas Alablaster. tres deuifoyent, fe iouoyent, paffoyent
LIVRE SIXIEME.

98 , i^' hcuiioyent aiiec lui. Et


le 3temps contré ce qu'il cerchoit, print le
feuillet auquel mention efloit faite de
au lieu du trou cralfeux l't obfcur de
la Charbonnière où il elloit . on lui lui, i.t le defchira en mille pièces. Ce
donna vne belle chambre, comme li greffier lonfon eftant fort irrité de ce
l'vn des compagnons de rEuefque. que l'autre auoit fait, le fit empoigner,
Bref, on fe feruit de toutes occafions lequel offrit volontiers fa perfonne, & Fureur hd
ble & exlij
pour l'attraper , ou pour esbranler fa iniullice |
vertu, ou pour amorfer fon infirmité. fe
quelaiffa paifiblement
Boner, mener àdul'Euef-
lequel informé faid , BonerJ
Or, pour le faire court , la fimpiicité deuint comme forcené, tt fe ietta fur
fragile de ce perfonnage fut tellement la face de ce poure prifonnier de tout
furprife par telles rufes & flateries , fon pouuoir, iS: nionllra bien lors fon
qu'il commença premièrement
celer, & à conceuoir à chan-
quelque volonté mefchant naturel qu'il auoit caché. Il
print Witlé parla barbe, & le frappoit
de fe defdire, & à donner efperance des deux poings, lui arrachant les
de ce faire. Ces gens-ci l'apperceuans poils de la barbe tantoll d'vn collé, &
comme vne paroy prefle à tomber, ne tantoft d'vn autre. Et ne celTa d'exer-
celfent de faire bransler ce qui elloit à
demi cheu , iufques à ce que finale- laiffé cerce
fa furie , iufques
poure homme à comme
ce qu'ilgifant
eull
ment ils vindrent à bout de leur entre- mort par terre. Finalement après que
prife. Witlé donc fut veincu par ce Witlé eut repris haleine, ceft Euefque,
moyen, & s'accorda finalement à tout laifl'ant les coups de poing, commença
ce qu'ils vouloyent; i!fc , pour dire en à procéder par outrages , difant :
un mot, il foufcrit à leurs loix & im-
« Malheureux , i'ai perdu maintenant
pieté&; auec cela il affigna vn certain la bonne opinion que i'auoi de toi , &
iour & lieu, où il deuoit publiquement ma foi enuers loi, veu que tu ne gar-
renoncer à fa doilrine, laquelle il auoit des pas la tiene.» Apres les iniures, il
prefcheeauparauant.Cepourehomme, l'enuoya en prifon.
s'eftant ainfi aliéné iS: defiourné de Or Witlé fut détenu prifonnier par
Dieu , fut fait proye à Satan ; & s'ef- l'efpace de dix femaines , dequoi fe
tant retiré de delTous l'enfeigne de refiouyrent grandement tant ceux qu'il,
lefus Chrift , commença à prendre la auoit pour compagnons en la prifon
folde du monde, & du Pape, feigneur que ceux qui eftoyent dehors. Car
du monde. quant à ceux qui cftoyent dehors, il ne
Dieu le rcicue. Mais voici : Dieu tout incontinent fut point pareffeux à leur cfcrire fou-
après monftra vne merueilleufe bonté, uent ; & quant à ceux qui efioyent
& vn fingulier tefmoignage de fa grâce. prifonniers auec lui, il les fortifioit, éî:
Combien que fon gendarme fe fufl par fon exemple leur monflroit com-
reuolté de lui , toutesfois il n'aban- ment il faloit qu'ils fulTent conllans.
donna point celui qui l'auoit quitté , Entre ceux qui efioyent lA prifonniers,
Vn Arien
& ne permit point aux Papilles de il y en auoit vn qui efioit infedé de
triompher longuement. Witlé, fentant l'erreur d'Arius. contre lequel Witlé conucrli
la bonté & grâce de Dieu reluire de- difputa fort longuement, &, après auoir Willé.
dans fon cœur, fe refueilla , conut fa
pris grand'peine, le retira de fa mau-
faute , & pleurant fa desloyauté . de- uaife opinion, lequel depuis fit confef-
manda pardon. Et fa trifteffe fut fi fion de fa foi en la prefence de
grande, qu'à reprendre
grand'peinecourage
peut-il ,long plufieurs frères, i^ protefia du chan-
temps après car gement de fon erreur. & mourut con-
de (aid il efloit comme englouti de fa flamment auec Witlé. Durant le temps
douleur; mais finalement il print ce que Witlé demeura en la prifon de
Wiilé procède confeil de retourner au Greffier qui Newgat, où il fut fix femaines , plu-
fagcment. auoit mis par efcrit fa retradation ; & fieurs le vindrent alTaillir de paroles.
le pria fort affedueufementde lui mon- L' Euefque de Londres, voyant que tout
trer le regiftre des noms , difant qu'il cela ne profitoit de rien , manda fina-
craignoit que le GrelTier n'euft point lement qu'il full tiré de fa prifon; &
fidèlement efcrit les poinéls qui appar- qu'ertant reueftu de robe facerdotale,
tenoyent à fa retradation. Le Greffier il full amené deuant le peuple, à celle
fin que là il ouifl fa dernière fentence
nommé lonfon, penfant qu'il n'y euQ
nulle fraude en cela , lui monflra vo- pour eftre
lontiers les regiftres. Ainfi que le blee la, il ydégradé. En celle quatre
auoit fix Euefques, iiiïem-
Dodeurs, & autres efiaffiers. Boner, DcgradatiO
Greffier lonfon s'amufoit à quelques
autres chofes, Witlé, après auoir ren- auant que prononcer la fentence , lui

de Wltli'
PLVSIEVRS MARTYRS. 399
ofta premièrement la robe longue &
les orneraens presbyteraux , félon la bruflez, defquels les noms s'enfuiuent.
façon acouflumee ; puis, procédant à la I. Thomas Witlé.
II. Barthelemi Grene.
dégradation aduelle, qu'on appelé, III. Thomas Brovn.
lui ofta les ordres de preftrife. Apres
tous ces beaux myfteres , il lui dit : IV. Iean Tvston.
V. Iean Went.
«Va, mal-heureux, ofte-toi d'ici; tu VI. Agnes Favster.
n'es plus preftre , ains hérétique. » Et VII. Ieanne Lashefort (i).
Witlé lui refpondit : « Tenez-moi
mille fois pour hérétique, fi vous vou-
lez; ie fai bien peu de cas de tout Ils furent enfemble bruflez à Lon-
cela, moyennant que le Seigneur mon
Dieu me repute pour fon feruiteur. uier. dres l'an M.D.LVi. le 27. iour de Jan-
Mais quelque hérétique que ie fois ,
ie vous prie rendez moi mes habille-
mens
uant. ,» defquels i'eftoi veftu aupara-
Apres cela, on procéda auiugement Iean Lowmas, & autres (2).
de la caufe, auquel Witlé les attendit
quatre heures entières, difputant doc- Or après que Witlé & fes autres
tement & prudemment pour fa caufe.
Mais autant que lui les gagnoit en compagnons eurent efté exécutez en
la ville de Londres , il y en eut cinq
bonté de caufe, autant iceux le fur- autres bruflez en ce mefme mois de
montoyent en violence & oppreffion ; lanuier en la ville de Cantorbie : ce
& la fentence de mort prononcée con- fut le dernier iour de lanuier de cefte
tre lui fit la fin du procès. Eftant con- année m.d.lvi. à f;iuoir : i. Iean
damné, du fiege iudicial fut ramené Lowmas. ii. Anne Albrycht. m.
en la prifon; où il employa ce peu de Iean.^je Soalle. IV. Ieanne Painter.
temps & vie qui lui reftoit , à prier V. Agnes Snode.
Dieu, à confoler les frères , à efcrire
à fes amis. Entre autres lettres , il en
efcriuit vne excellente à deux de fes
frères, le iour deuant qu'il fuft bruflé.
Vn nommé Richard Spenfer a recueilli
Michel
de Anne Potten , & (3).
la Femme de
eft ladite lettreparce efcrit.
ici déduite peu d'hirtoire qui
Il fut bruslé
à Londres, auec celui qu'il auoit retiré
de l'erreur Arien, & auec cinq autres
conftans & fidèles Martyrs de lefus Ci dcffiismuel,
en martyr
l'hiftoire de Robert Sa-
du Seigneur , nous
Chrift. Entre ces cinq Martyrs, il y
auons fait mention de ces deux fem-
eut deux femmes de Londres : l'vne
eftoit défia aagee , matrone honorable mes ,desquelles l'hijîoire , quant à
leur mort, vient en cejl ordre de
temps.
de So'uthwork ( i ) ; l'autre eftoit encore
fille, charte & fort belle. Cefte-ci fut
aflaillie en diuerfes fortes; mais on ne
Entre celles qui ont vertueufement
la peut iamais retirer du bon chemin
de la vraye Religion, pour quelque bataillé fous l'enfeigne de lefus
Chrift, & qui ont obtenu viftoire fous
perfuafion que ce fuft ; & pourtant
elle fut bruflee auec les autres, au fa conduite, c'eft bien raifon que ces
deux femmes y foyent mifes, Anne
mefme habillement qu'elle deuoit eftre
acouftree en fes fiançailles, prenant le
Fils de Dieu pour fon époux. En ce (i) Thomas Whiule. Bartlet Green,
Thomas Brown, John Tudson , John Went,
nombre ci eftoit M . Barthelemi Grene, Isabel Foster, Joan Warne, alias Lashford.
de noble famille, qui fut pris à caufe Sur celle dernière, voy. p. i;ç), supra. Sur
Green, voy. p. 401, ci-dessous.
de quelques lettres qu'il auoit efcrites (2)Crespin, 1564, p. 809; H70, f- 425.
à vn fien ami Théologien , qui eftoit
lors en exil, comme en fon hiftoire ci Foxe, t. VII, p. 750. Les noms de ces mar-
lyrs étaient : John Lomas , Anne Albright ,
après eft contenu. Au demeurant, il y Joan Calmer, Agnes Snoth, Joan Sole.
en auoit fept en tout qui furent là (;)Crespin, 1564, p. 809; 1570, f''42;.
Foxe, t. Vlll, p. 101. Voyez aussi p. 2Ô0 ,
supra. La « femme de Michel » se nommait
(1) Southwark. Joan Trunchfield.
LIVRE SIXIEME.

400 horreur de la prifon ne leur eftoit


Potten, & la femme d'vn nommé Mi-
chel :l'vnc' eftoit femme d'vn Cordon- qu'vne
heureufeattente d'vne
de tous deliurance
maux. bien- ,
Finalenient
nier & l'autre d'vn bralTcur de bière, le dixneufiefme iour de Feurier de
toutesdeuxde la ville d'lpfewytche(i). cefte année m.d.lvi, leur apporta
Elles auoyent erté inllruites par Ro-
bert Samuel, Minirtre de Barholt, au hcurcufe deliurance : ce fut à Ipfe-
diocefe de Suffolc , duquel ci dclïïis wytche où elles furent bruflees, pour
nous auons cxpofé le martyre. Au eftre maintenant efpoufes du Fils de
mefme temps que Samuel fut mené au Dieu en fon Royaume éternel.
fupplice, ces deux femmes furent ap-
préhendées. La ieune fille, qui donna
ce fainél baifer à Samuel , ainfi qu'on
le menoil au dernier fupplice (comme
il eft dit en fon hiftoire), ertoit de la
Iaqves Abs, Anglois (i).
compagnie fort familière de ces deux
Le confeil femmes : laquelle auoit confeillé à
d'vne icunc l'vne d'elles, la voyant refoluë & déli- Le proucrbc ancien qui dit : Çitc fou-
fille.
bérée, de n'obtempérer aux ordonnan- ucnl on poid conn\itrc celui qui s'en
ces de la Roine, de prouuoir de e/loit fuy , Je peul appliquer à la-
bonne heure à fes afaires, pendant ques Abs, ou Abbus, lequel s'ejlant
qu'elle en auoit le moyen, craignant defdil de la verilé , puis Je repen-
les grans inconueniens qui auiennent tant ,retourna en prijcn de fon bon
gré , & fon abiuralion Jinalement
journellement,
fonnes. par l'infirmité
La femme des celle
, à laquelle per-
changée en vraye ccnfefjion & mar-
fille donnoit ce confeil, lui refpondit : tyre pour la vérité Cnrejlienne.
Refponfe « le fai bien qu'il ne vous eft point
vertucufc de défendu de fuir; & û bon vous fem-
la femme On a veu ci deft"us l'exemple de
mariée. ble , vous pouuez fuyure ce moyen ; Witlé, lequel s'eftant pourement re-
quant à moi , mes afaires ne portent uolté, fut neantmoins remis fous l'en-
point cela, le fuis ici attachée à mon foigne de Chrift , A' monftra depuis
vn fort bel exemple de vraye conf-
mari ; d'auantage , i'ai alTez bon nom- tance. Une chofe femblable eft aue-
bre d'enfans en ma maifon, & ie ne
fai comment mon mari, qui eft encore nue à laques Abs, finon que ceftui-ci
charnel , pourroit porter mon dépar- fut contraint par tortures, au lieu que
tement. Parquoi ie fuis du tout refo- Witlé fut attiré par fiateries ; toutes-
luë d'endurer toutes extremitez pour fois l'vn & l'autre fe font defdifs &
ont renoncé la vérité ; tout deux auffi
l'amour de Chrift & de fa vérité éter-
nel e. » fe font depuis repentis , & tous deux
ont finalement fouffert vn mefme mar-
Ceste refponfe eft digne d'eftre no- tyre pour le nom de Chrift. Au refte,
tée, pour monftrer de quelle prudence
(.tzele ces faindes femmes eftoycnt me- voici
Abs. quelle eft l'hiftoire de ce laques
nées & comment le Seigneur les auoit
munies de vraye conftance, à laquelle Il auoit vn fien voifin, qui lui eftoit
la fin & ilTue de leur vie fut du tout fort familier , homme riche , cepen-
correfpondante. Le troifiefme iour du dant n'ayant nul fauoir, qui s'appeloit
mois cfe Septembre , qui eftoit ie iour ■Wade, auquel Abs aprcnoit à lire (2). Wade.
après que Samuel eut efté bruflé, on Ce Wade eftant aucunement inftruit,
les ferra eftroitement en prifon. Et n'alla point au temple A la façon des
pource que, félon leur fexe, elles cf- autres, tellement
iuftice nommé Iddenqu'vn
le fit homme
appeler, de
& Idden.
toyent vn peu tendres , la dureté de
la prifon leur fut du commencement Wade comparut , acompagné de la-
grieuc & difficile à porter. Et outre
cela , celle qui eftoit femme du braf- (1) Crespin, 1564, p. Rio; 1570, f» 424.
feur de bière fut grieuemcnt tour- Foxc, t. VII , p. î2«; VIII, p. 6)). Ce
mentée de paffions intérieures. Mais dernier d-cril ce nom : James Abbcs. Cette
exécution, dont Crespin ne donne pas la
Chrift iettant les yeux de fa bonté daic, eut lieu h Bury, le 2 août i;u, et est
fur les combats de fa feruante , ne la donc bien anliricure à celles qui la précii-
delailTa , ains la fecourut & fortifia denl. Le récit en est d ailleurs plus détaillé
tellement que la longue détention tt dans Crespin que dans I-'o.\e, contrairement
A l'ordinaire.
{2) Foxe ne fait pas mention de Wade,
ni de l'incident qui le concerne.
(i) Ipswich.
BARLET CRENE.

ques fon magifler. Là tous deux re- donner argent pour faire le voyage.
quirent que de là ils fufTent menez à
Apres qu'Abs eut fait abiuration ,
l'Euefque il fut touché d'vne repentance telle
Lainam. Et(i), qui ils
quand eftoit pour
furent lors à
là venus,
qu'il retourna vers l'Euefque, com-
l'Euefque commença
examiner Wade incontinent
touchant fa doélrine.à bien qu'il y euft long chemin à faire ;
& ayant elpié l'occafion il fe prefenta
Et toutefois Wade demanda qu'on droit à cell Euefque, en une grande af- 1
lui donnaft certain iour pour refpon- femblee & , deuant beaucoup de gens 40
dre. Mais Abs fit quelque figne de qui là eftoyent, rendit le billet & dit
face & de contenance , comme celui
qui fembloit rire & applaudir à Wade. qu'on auoit plus efcrit qu'il n'auoit en-
tendu &
, fi rendit l'argent qu'ils lui
Quandde l'Euefque
façon eut aperceu
faire, il demanda à Abs celle
quel auoyent'fait donner pour faire fon voya-
affaire il auoit là. Lequel refpondit ge. Et voyant qu'ils ne le vouloyent
receuoir, il le ietta au milieu d'eux,
qu'il eftoit venu auec ceft homme de dilant : « Perifl'ez auec voftre argent. »
bien. « Quoi ? » dit l'Euefque, <i l'ap- Sur quoi eftant empoigné & mis en
pelez-vous homme de bien.- » Et Abs prifon , tort après receut fentence de
dit : « le l'eilime tel voirement , s'il condamnation d'eflre bruflé. Quand
perfidequand
auoit en cefte bonnede volonté
il partit qu'il»
fa maifon. il fut prochain de l'exécution, il de-
manda au luge qu'il permift au peu-
Alors l'Euefque lui dit : « Dites-moi ple de faire oraifon auec lui. Le luge
donc ce que vous fentez du Sacre- lui dit qu'il le permettoit , pourueu
ment de l'autel. » Il refpondit : « le qu'il fe vouluft conuertir. Et il dit : d'Abs après
di que c'efl la plus horrible abomina- « le croi en iefus Chrift ; à qui vou- La repentance
tion dont on ouyt iamais parler. » 11 lez-vous que ie me conuertiffe.' » Et fon abiuration.
fut incontinent mené en prifon & mis adreffant fon propos & fa prière au
aux ceps audit lieu de Lainam, & tort
après furent menez tous deux par de-
peuple, il requit tous ceux qui là ef- :a
uers le iuge Idden par Jean Mil- mourir toyent
il deeuft
prierceauec
bienluique
, & leur
qu'auant
voix
les , preuuofi de WilTon. Ce iour là fuft coniointe auec la fiene. La pluf-
le part de crainte murmuroit tout bas vn
maisluge n'eftoit point
il retourna bien en
tortfaaprès,
maison-,&
bruit de voix, & n'y en eut en toute
Wade auec fon compagnon fe pre- la troupe que trois qui efleuerent leur
fenta de fa propre & franche volonté. voix , à fauoir : i. Ammon ; 11. Iean
Le luge les renuoya derechef à Ross; & m. Alice Spenser.
l'Euefque, lequel les fit mettre en la
prifon de Berie (2). Et pource qu'il lui
fembla qu'ils eftoyent là trop benigne-
ment traitez , il les fit tranfporter en
la prifon de Norwic , & commanda Barlet , ou Barthelet Grene (i).
que laques Abs fuft là plus eftroite-
ment ferré & tenu. Il lui fit mettre
vne chaîne de fer au col & à fes deux
Ci dcjjus en l'hijhirc de Thomas
pieds Witlé (2; , nous auons parle de J'ept
largeur, fi
de qu'à
deux grand'peine
doigts pour auoit-il
fe mettrela Martyrs qui furent enfenible execu-
& pour porter le poure corps. On lui /c'^, entre le/quels Bar'thelenii Grene
bailloit environ la quatrième partie de (vulgairement nomme Barlet ou Bar-
ce qu'il faloit à fon manger, & pour thelet) en ejloil l'un, & duquel l'hif-
tout fon boire vn bien peu d'eau. crite.
toire , en ce lieu promij'e, ejl ici dej-
Finalem.ent la faim & la foif & l'hor-
reur de cefle prifon lui firent quafi
perdre tout le fens , tellement que PovR monftrer que vieux & ieunes,
cela le contraignit de fe retraôer , & nobles & ignobles ont, en ce Recueil,
l'Euefque & le Chancelier l'enuoye- part à la confolation qui y eft excel-
rent auec vn petit billet au Curé de
lente, pour repouft"er toutes excufes
la ville , afin qu'il recitaft publique- & tentations , qui empefchent ordi-
ment au temple ce qui y eftoit con-
tenu ,& lui firent quand & quand
(i)Crespin, 1564, p. 811; 1570, f° 42Î.
Voy. aussi.Foxe, t. VII, p. TM- a6Le nom
(i) De Norwich. de ce martyr étail BarUet Green.
(2) Bury. (2) Page ;97.
LIVRE SIXIEME.

402
nairement »'<: relardent le vrai feruice elTed leur parole , & qu'il defiroit
de Dieu, nous joindrons à ces bons mourir pour la confeffion du Nom de
Pères propofez ci deuant en leur Dieu. Eux voyans fa confiance et
rang , 1 exemple d'vn qui, dés fa ieu- qu'il parloit de telle ferueur , furent
nelle, s'eftoit dédié pour porter teCmoi- grandement eftonnez & ne feurcnt
gnaj,'e
iiTu deà lanoble vérité.maifon
C'efl BarletGrene,
de Londres , que refpondre, finonenqu'ils
dèrent de le mener comman-
prifon.
lequel palVa fes premiers & puérils La ellant, fut folicité par flatteries &
efludes en l'Vniuerfité d'Oxfort , & douces paroles de fes parons, voire des
prolita grandement es langues Latine Papilles , niefmcs auec larmes (car il
& Grecque. Puis s'eftant adonné à elloit grandement aimé & regretté),
l"cftude des loix, en peu de temps y au'il eu(l à garder l'honneur des Tiens
full tellement auancé , qu'il furmonta t^f fa vie, c'efl alTauoir, en fe defdi-
les autres de l'on aage, & efloit comme fant. Apres les auoir efcoutez par
vn vrai exemplaire aux autres eflu- trop patiemment , fouffigna certains
dians. Pourfaconuerfation, fesmœurs,
articles contenusen vn papier qu'iceux
fa modeftie, il n'y auoit celui qui neil amis lui auoyent drelTé pour le fau-
defiraft fon amitié. Au demeurant,
receut le comble de toute félicité, à àuer,
foi mais
& remis incontinent qu'il voye
en la droite fut revenu
, arra-
fauoir la conoilTance de la parole de cha des mains d'iceux ledit papier &
Dieu , lors que le doifteur Pierre le dcfchira par pièces. A raifon de
Martyr y efloit profelTeur en Théo- quoi, le lendemain, fans tarder, il fut
logie t% es faindes lettres. Auint de fentencié & condamné d'ertre bruflé
ce temps, en la grande fureur de cède en la place de Smithfild ; & pour cela
perfecution, que la Roine Marie, en- fut tranfporté d'vne prifon en autre ,
tre autres defenfes, ayant fait publier : alTauoir de la groffe tour (i) en New-
Que qui nul eftoyent
n'aidaft fugitifs
ne mandart lettres à gat, qui eft la prifon des brigans, auquel
ceux du Royaume
pour la feéle Lutherienc , vn certain lieu, laà nuid
criuit deuant
vn fien ami l'exécution, il ef-
vne lettre pleine
meiïager fut furprins , portant plu- de fentences de l'Efcriture t% de
fieurs lettres, entre lefquelles il y en grande confolation contre les regrets
auoit vne efcrite par ledit Grene à vn de la mort.
fien ami abfent pour celle caufe (i). Eccl. 7. I.
Ces lettres portées au Confeil de la MiEvx vaut le iour de la mort (dit
Roine, Grene, ertant adiourné à com- le Sage) que le iour de la naiflance.
paroir perfonncllement , reconnut fa L'homme nai de la femme vit peu de
lettre fans aucune difficulté. Le Chan- temps & c(l rempli de plufieurs mife- lob 14. I.
celier lui dit en pleine aflTcmblee du res ; niais bien-heureux font ceux qui Apoc. 14. I)
Confeil,
crit ladite que pourtant
lettre qu'il auoitil ef-
à vn hérétique, en meurent au Seigneur. L'homme nait
de la femme en douleurs, vit en mi-
auroit l'exécution de l'ordonnance. fcre, & acheue le cours de fes iours
Grene, d'vn cœur gay , fans hefiter, en calamité. L'homme en lefus Chrifl
refpondit : « A la miene volonté meurt en ioye pour régner en félicité.
qu'ainfi foit ; » & fur le champ pria Il e(l nai donc afin qu'il meure , &
1 aflemblee qu'ils miflent bien toll en
fort deafin
meurt la qu'il
mère viue. Incontinent
, il monftre qu'il
fa mifere
(i) Celte lettre 6talt adressée à Chrislo- par larmes; mais allant au trefpas, il
pher Goodman, l'un des plus distingués s'esjouit & glorifie le Seigneur. Dés
parmi les réfu);iés anglais , et qui fut , avec
le berceau , trois ennemis le vienent
Knox, pasteur de l'éKlisc anglaise de Ge-
nève. Le 1" juin Î5Ç8, le droit de bour- allaillir; mais, après la mort, il n'a vies.
geoisie lui fut gratuitement conféré par le Conférence
des deux
conseil de Genève. Il y travailla à la publi- aucun aducrfaire. Cependant qu'il vit
cation de la version anglaise de la tiible , ici bas, que fait-il autre chofe que
qui parut dans cette ville. Voy. sur lui les mefprifer le Seigneur? mais, après fa
Calinni Opcra , XVII, 29?, Ç66; XVIII, 56;, mort, il fe dédie à la volonté d icelui.
4)$. Koxc (VII, 7)j) raconte que la lettre En cefte vie , par le péché il efl en la
qui amena l'arrestation de Grccne était une
réponse à une lettre de Goodman, qui avait mort; mais, en la vie à venir, il vit en
demandé h son ami si le bruit qui avait couru iuflice & faindeté. Par plufieurs tri-
au sujet de la mort de la reine était fondé. bulations en ce monde il eft purgé ,
Greene avait répondu : ■■ La reine n'est pas mais au ciel il efl renouuelé à iamais
morte. » Ses juges prétendirent trouver dans
CCS Mûrie,
de mots l'indice a'un complot contre la vie
(1) La Tour de Londres.
BARLET GRENE. 403
en ioye perdurable ; ici à toutes heu- Le lendemain , qui eftoit le vingt-
res ilmeurt, mais là il vit eternelie- fixieme de lanuier, ayant ia receu
ment; ici il efl péché, là il efl iullice. fentence de mort , fut mené en la
Ici bas, place qui eft prochaine de la prifon ,
mais toute iléternité n'y a ell que làchangement
fus ; ici eft; pour y eftre exécuté. Ce fut vne
haine, & là e(l amour ; ici auons faf- chofe efmerueillable, d'vne telle force
cherie , mais là auons plaifir. Ici eft
mifere, là eft félicité; ici corruption , & conftance en cefte ieuneft'e , & du
courage fi excellent
eut à endurer & vertueux
vif le tourment du qu'il
feu,
là immortalité ; ici vanité, là conten-
tement & fermeté. O ami , quand louant & glorifiant le Seigneur. Auec
nous ferons auec la maiefté de Dieu , lui quelques autres furent exécutez,
nous ferons en ioye triomphante & defquels nous auons parlé ci deflus au
gloire perpétuelle. Cependant donc martyre de Witlé.
que ferons ici , cerchons les chofes
Le terre
nombre des Martyrs
en cefte année d'Angle-
1556. eft eftimé
qui font d'enhaut, où lefus Chrift eft
aflls à la dextre de Dieu le Père, au- monter à cent perfonnes ou enuiron ,
quel foit tout honneur & gloire éter- tant hommes que femmes (i).
nellement. De la prifon de Newgat,
le 25. de lanuier m.d.lvi.
(i) Burnet (Hist. de la Réform. en Anglet.,
Par le tout voflre frère en lefus trad. Rosemond, t. 1 1 , p. 801) estime à 85
Chrift , le nombre des « protestants qui subirent le
dernier supplice pour la foi. » Foxe dit 84
Barthélémy Grene. (i. VIII, p. 2;6).

iii&> V^ 1% • K'^^fL,'-^ '■ ■■ -^' ■■■'^

r
HISTOIRE ECCLESIASTIOVE
ET

ACTES DES MARTYRS


LIVRE SEPTIEME

De quatre Martyrs exécute^ à Lisle en Flandre.


Robert Ogvier & fa Femme , bué de fes benediâions, non feule-
M.D.LVl.
Bavdechon & Martin, ment quant aux biens de ce monde ,
leurs enfans (i). maisauffi de fes grâces fpirituelles,
en telle mefure, que, fous la tyrannie
de l'Antechrift es pays deffus nommez,
L'exemple de cep fainâe famille fera
heureufe entrée à lajeptieme feâion trouuera peuaitdeeftélieux
il fe en où l'Euan-
gile ce temps en plus grande
de ces Recueils , & rious cnfcipie
hardielTe prefché & annoncé, & auec
quels font les vrais orncmens dont zèle & affedion receu , comme en icele
tous percs , mères & enfans de Ja-
mille doiuent cftre pare^ & ornez. ville (1). Car l'efpace de trois ans
Ce font les vrais fruiSls de la conoif- blés, sauf que Crespin a abrégé la description
fance de l'Euanple , qui pourront de l'état de l'Eglise de Lille. Nous rétablirons
rendre tel tcfmoigna^e à nos pro- en note quelques-uns des
més. Sur le martyre
des passages suppri-
Oguier, on peut
chains, qu'ils r prendront garde , & consulter Brandi, Hist. der Rcform., I, tQî-
JeronLconferme:{ , voyans ces orne- 197, et Moiley. Dutch Repub., part II, ch. 5.
mens procedans de vraye foi, eftre
continue^ iufques à la mort. (i) Sur rhis'toire de la Réformation à Lille,
voy. C.-L. Frossard, L'Eglise sous la croix
pendant la domination espagnole, Chronique
A ville de Lifle à de l'Eglise réformée de Lille. Paris , 1857.
bon droit peut eflre Lille, jusqu'en 1667, année où elle fut réunie
à la France par Louis XIV. fit partie des
nommée au rang martyrs an-
Pays-Bas térieursespagnol s. Parmi
à ceu.\ dont parle les ici Crespin ,
des premières villes citons, d'après M. Frossard : en iÇîi .
marchandes qui
Martin Recq, Guillaume Chivoré, Martin
font au pays-bas de Macroit , George Savereul.x et cinq autres ;
Flandre , Artois & en i;40, Bettremieu Dubois; en 1542, Jean
Hainaut, vne de Fremault; en 154!, un pauvre aveugle,

celles auxquelles le Seigneur a diftri- Remy Carpentier, et sa femme Jeanne \Va-


gheman, Jean Lauvain , Jérôme de Carvin,
Crespin Gaudin. Jean de la Herre; en 1,-47.
François Ghesquière, Pierre Dubnjlle;en
(I) Crespin, i;i6, p. 251 ; 1564, p. 812; i;co 'Jean Montagne et un charpenti er alle-
1570, f42); i';82, (' 588: 1597, f" 581-;
1619, f 417. Ce récil figure déjà dans la mand ;en 15s;. Hercule Dambrin, sergent
Troisième partie du Recueil des Martyrs, de de ville, pour avoir encourag é un autre mar-
tyr, nommé Le Page , à persévér er dans la
1556. Il n'a pas subi de changements nota- foi, Jean Ruffault et Arnould Delahaye.
LIVRE SEPTIEME.

4 o6 & fes fuppofls cnragcoycnt, ne pou-


I
precedcns l'Euangile ayant cfié an-
noncé iS:prcfcliù fccTcttcment par les uans porter l'odeur de cefte bénédic-
maifons, par les bois, par les champs tion ,tellement que. quand le temps
& cauernes de la terre, au grand fut venu , que Dieu lui eut donné
danijcr de la vie de ceux qui s'y trou- puiffance d'efprouucr fon Eglifc, il
uoyent, la crainte de la tyrannie n'a ne tarda pas d'exécuter ce que de
long temps il auoit machiné.
peu refroidir
cfli>it au cœur l'a(Te<5lion
du peuple,ardente
affamé qui
du Vn Samedi, vi. iour de Mars, m.d.
defir de la paAure & nourriture des Lvi. entre 9. it 10. heures du foir, fe
âmes. La prédication y efloit prati- mit en armes le Preuoft de la ville &
quée & mife en effcd (i); les œuures tous fes fergens, allans par les mai-
de mifericorde y efloycnt exercées
fons ,pource que lors n'y auoit point
non feulement enucrs les domcfliqucs d'affemblce. Ils fe ruèrent impetueu-
de la foi , mais auffi enuers les igno- femcnt en la maifon d'vn nommé Ro-
rans, tellement que beaucoup, par ce bert Oguier (i), qui cntrctenoit vne La maifon
des
moyen , cftoyent attirez à la conoif- maifon de bencdidion; car tous, de-
fance de lefus Chrift. Ils auoyent or- Oguiers.
puis le plus petit iufqu'au plus grand,
donné certains Diacres pour reccuoir fcruiteurs, feruantcs, cftoyent vrayc-
les aumofnes, hommes craignant Dieu mcnt enfeignez en la crainte de Dieu,
& de qui on auoit bon tefmoignage, comme la fin l'a bien monftré. Eftans
lefquels ailoyent toutes les fepmaines en la maifon, & cerchans haut & bas,
par les maifons des fidèles rcceuoir les
aumofnes, & admonneftoyent vn cha- apportèrent les Hures qu'ils trouue-
cun de leur vocation & du deuoir rent pour les tranfporter. Or n'eftoit
vers les poures fidèles , en forte que pas en la maifon le principal qu'ils
cerchoyent
bert Oguier, , aft'auoir
nommé leBaudechon
fils dudit Ro-
(2),
chacun en fon endroit s'efludioit à
bonnes œuures (2). En peu de temps, lequel eftoit allé pour communiquer de
le Seigneur fe drefTa , par la prédica- la parole de noftre Seigneur auec au-
tion fecrette de fa parole , vne Eglifc cuns fidèles , comme fouuent il auoit
florilTante, de telle manière que les
affemblees cftoyent en bon nombre acouftumé de faire.
tournoit pour entrer Etenainfi
la qu'il
maifonrc- ,
ayant heurté à la porte , fon frère
tant d'hommes
tis enfans, non que de femmes
feulement de la&ville,
pe-
Martin eftant au guet, lui dit : « Re-
ains auffi des villages de 4. ou î.
tirez-vous, ievous prie, vous n'entre-
lieues à la ronde, qui là acouroyent rez point céans. » Baudechon , pen-
fant que fon frère le mefconurt, cria :
comme affamez du defir qu'ils auoyent
d'eflre inftruits (;). Satan cependant « C'eft Baudechon ; ouurez la porte. »
Les fergens, oyans cela, le firent en-
trer & lui dirent : « Soyez le bien
(1) Edit.
voyoit point dede Iî^(l
lefus: i<Chrifl
de forle
nud ,qu'on n'y
ou aiioir
faim entre eux Mais on y voyoit les vrais
temples de Dieu . ornez & parez en telle du temps d'Achab. & de l'Eglifc primitiue,
forte que Icfus Chrill le commande par fa fous les tyrans. Pour laquelle chofe plufieurs
Parole : c'ert que les poures fidèles, qui font Cordoliers, vrays orf;ancs du diable, prin-
les temples de Dieu, ciloyent fullenloz & drent occalion de defcrier telles itUcmblces
nourriz, les poures malades efloycnt Ibn- iNi d'efniouuoir le peuple : & fouuent en leurs
^neufemcnt vilitez & confolcz par la parole fermons iniurioyenl les Mayillrats , de ce
de Dieu; les pnures prifonnicrs fccourus en qu'ils ne elloit
pcrfecutoyent ce troupeau , vcu que
leurs tribulations. » la chofe toute notoire & manifelle. Et
(2) Edit. de 1Ç56 : <i La icunelTe y ertoit combien que fouuent Satan par fes minillres
tellement inllruitc en la crainte de Dieu, qu'il drelfall des mend-es fecrelles , pour cmpef-
ne fe trouuoit entre eux aucun dcfordrc, chcr (Se dertruire ce beau commencement de
tant en leur vie qu'en leurs paroles : fouuent baflimenl que noflrc Seigneur auoit fait, fi
vaquoycnt h iufnes & oraifons par certaines crt-ce que iamais par leurs menées ne feu-
efpaces de temps, afin de tant mieux morli- rent dcgoufler les (ideles de salTemblcr pour
fier leur chair, iSc pour mieux vaquer à orai- ouyr iS; traiiMer de la Parole de Dieu, &
fons iJt aux elludcs de la parole de Dieu : de communiquer aux faindes prières & orai-
forte fons. Or, enuiron la (in des trois ans que
faindc qu'ils vie, elloycnt
mefme aux exemple de bonne
infidèles. &
Il ne fe l'Euan^ilc fut prcfché entre eux, s'efleua
trouuoit entre eux noife ne débat : & quand vn trouble en l'an iiÇ6, auquel temps fut
faite vne enireprife pour appréhender toute
il y auoit apparence d'en aunir. ils elloyent
fort fon),'neux vS: dili;;ens de garder le lien de l'alTemblée, icelle ayant elle vendue par faux
paix, afin que charilù ne full blelféc entre
frères,
(1) Ce'i nom est écrit, dans les registres
eux. »
(}) Edit. de lîÇ6 : .. Or la plus part des municipaux de Lille, Aughier et Waughicr.
prédications & alTemblies fe faifoyent de (1) Les premières éditions de Crcspin
écrivent BaiiJichon.
nuid fecrettcmcnl.à l'exemple des Prophètes
QVATRE MARTYRS DE LISLE. 407
venu , Baudechon ; car nous auions elle a efté inuentee par les hommes ;
grand defir de vous trouuer. » Lors mais vous fauez que dit lefus Chrift :
il leur refpondit : « le vous mercie, « Certes en vain on me fert, enfei-
mes amis ; vous foyez auflî les bien gnant pourhommes.
dodrine Silesdonc
commande-
trouuez en noftre logis. » Adonc le mens des moi ou
Preuoft leur dit : « le vous fai prifon- ma
qui afamille euffions par
efté ordonnée efté les
à la Meiï'e, ,
hommes
niers fedelailTerent
tous par l'Empereur (i); fauoir
lier enfemble, » &
eft le père, la mère & les deux fils, & lefus Chrift dit que c'euft efté en
vain que l'euffions ferui. Quant eft
lailTerent les deux filles garder la du fécond , ie ne nie pas que nous
Des Saindes
maifon. Or auint crioit
qu'en à allant n'ayons tenu alTemblee de gens de
rue , Baudechon haute par
voix la, alTemblees.
bien au
efté & craignans
dommage Dieu ; mais ce
de perfonne n'a
, ains
qui fut ouye en la nuift : » O Sei-
gneur ,non feulement d'eflre prifon- pluftoft
de lefuspour l'auancement
Chrift. le fauoidebien
la gloire
que
niers pour toi , mais auffi fai-nous la
grâce que hardiment nous confeffions l'Empereur l'avoit défendu ; mais quoi.-*
ta fainde dodrine purement deuant ie fauoi de l'autre cofté que lefus
les hommes, & que la puiffions feeler Chrift l'auoit commandé ; ainfi , ie ne
par les cendres de nos corps , pour
pouuois obéir à l'vn Ades 5. 29.
l'édification de ta poure Eglife. » l'autre. l'ai mieux aiméfans defobeir
obéir en celaà
Ainfi furent menez es prifons , où ils
furent rudement traitez ; mais pour à mon Dieudu qu'à
AvcvNS vn homme.
Magiftrat ï
demandèrent:
tout le mal & les iniures qu'ils fouf- i Qu"eft-ce
femblees r » qu'on y faifoit
Baudechon en aifné
, fils vos af-
de
froyent , ils beniffbyent & loûoyent
Dieu tous enfemble.
Robert, à cela refpondit : « Mef-
Pev de iours après, furent prefentez
fieurs, s'il vous plait de m'ouir, ie le
deuant les Magiflrats de la ville, & vous déclarerai tout au long. » Les Ef-
interroguez de leur vie. On s'adrefla cheuins, voyans fa promptitude, fe
premièrement au père en cette façon de
regardoyent l'vn l'autre, puis dirent :
parler : « Nous fommesauertis que ia- « Or fus, di-le nous. » Baudechon,
mais vous ne vous trouuez à la MelTe, ayant le cœur efleué à Dieu, parla
Récit de ce
& que mefme vous empefchez vn cha- ainfi : « Meffieurs, quand nous fom-
mes là alfemblez au Nom de noftre quiaffemblees.
fe fait aux
cun d'y aller. Outre plus , nous fem-
mes auffi informez qu'en voftre maifon Seigneur, pour fa fainde parole, nous-
auez fouflenu alTemblees, & qu'on y nous proflernons là tous enfemble à
a prefché dodrine erronée , contraire deux genoux en terre , & en humilité
à noflre mère fainde Eglife : en quoi de cœur nous confeffons nos péchez
faifant vous auez contreuenu au man- deuant la maiefté de Dieu. Apres,
dement de la maieflé impériale. » nous tous faifons prière, afin que la
R. « Meffieurs, vous me demandez
parole de Dieu foit droitement an-
noncée, & purement prefchee. Nous
pourquoi
pource que Le ne vai à &
la mort la Meffe : c'eft
le précieux faifons auffi les prières pour noftre Aucuns des
fang du Fils de Dieu & fon facrifice Sire l'Empereur & pour tout fon
y eft entièrement anéanti & mis fous Confeil, afin que la chofe publique iuges aprou-
foit gouuernee en paix à la gloire de uent cence
l'inno-
fonniers, &
des pri-
les pieds,
Chrift & cepar
a parfait d'autant
un feulquefacrifice
lefus
toll après les
Heb. 10. Dieu, & auffi vous n'y eftes pas ou- tourmentent &
ceux qui font fandifiez. L'Apoftre le bliez ,Meffieurs , comme nos fupe-
dit : Par m fciil facrifice. On ne lit rieurs, prians noftre bon Dieu pour enuoyent à
la mort.
pas, en toute la fainde Efcriture, que
les Prophètes, ni lefus Chrift ou fes vous & pour toute la ville, afin qu'il
vous maintiene en tous biens. 'Voilà
Apoftres ayent iamais fait la IVIeffe , en partie ce que nous y faifions. Vous
& ne fauoyent que c'eftoit ; ils ont femble-il que nous ayons commis vn
bien fait la Cène , où tout le peuple
fi grand crime en nous an'emblant
Chreftien pas.
facrifioit communiquoit, mais on n'y
Lifez , Meffieurs, les ainfi .' Outre-plus, s'il vous plait d'ouir
les prières que nous y faifons, ie fuis
Efcritures , & vous verrez s'il eft fait prefl à vous les reciter. » O combien
mention de la Meffe : au contraire. AvcvNS du Magiftrat lui firent figne efl grand le
de l'accorder. Adonc Baudechon , fe
péché de ceux
(i) Depuis le 2; octobre i;;; , Philippe II profternant en terre deuant eux, com- contre leur
avait la souveraineté des Pays-Bas, par suite qui pèchent
mença àfaire la prière d'vn tel zèle, fcience !
de l'abdication de son père Charles- Quint.
que iamais vne fi grande ardeur d'ef-
propre con-
LIVRE SEPTIEME.

4o8 ni plus admirable ne le faifit : de


prit, de leur foi, difant : « Père Robert,
forte que pluficursdes Majjirtrats fon- tu es dernière
ancien homme ; ievueilles
te prie fauuer
qu'en
certe heure tu
doyent en larmes, voyans l'ardeur &
l'iitTedion de ce ieune homme. Puis ton ame, & fi tu me veux efcouter,
fe relouant, leur dit : « Voilà, Mef- ton cas ira bien. » Robert refpondit :
fieurs, les choies qui fe faifoyent en a O homme, comment ofes-tu ainfi & Impofleur
icniatcur
nos ademblees. ■ Or cependant qu'ils defrober l'honneur du Dieu éternel ? viucmcnt rera-j
elloyent ainfi examinez , ils déclarè- Car à t'ouir parler, il femble que tu barré.
rent tous quatre la confeffion de leur vueilles eftre mon fauueur, & ofter
foi qu'ils tennyent. Apres cela furent ceft office à mon Seigneur lefus. Non,
remenez en la prifon, & tort après ge- non; i'ai vn feul Sauueur, qui bien
hennez pour leur faire déclarer les toft me fauuera de ce miferable monde,
gens qui hantoyent en leur maifon, ce
l'ai vn feul Dodeur, que le Père ce-
qu'ils lefte m'a commandé d'ouir & efcouter,
uoyent necrtre
firent,
bien finon
conus ceux
aux qu'ils
iuges, fa-
ou
ie Le
n'enPater
veux ue
point d'autre.
fainde » voyant
Claire,
qui s'ertoyent abfentez.
Environ quatre ou cinq iours après, ce perfonnage fi refolu , lui dit :
furent derechef menez deuant les <i Comment refpons-tu ainfi à nofire
luges, afTauoir le père & les deux fils, maiflre ? tu deurois maintenant cfire
& après plufieurs paroles, leur fut de- plus auifé que iamais, & ne reietter le
mandé s'ils fe fubmettoyent à la vo- bon confeil qu'on te donne ; car ici
lonté de Meffieurs. Robert Oguier &
compete
conu des le falut temps
fi long de tonpour
ame. le t'ai
enfant de
Baudechon fon fils, d'vn cœur déli-
béré, dirent : « Oui, nous-nous y fub- nofire mère fainde Eglife, & tu es
mettons. » Et demandans le mefme à maintenant deuenu fils de perdition ;
Martin, le plus ieune, refpondit qu'il mais cependant qu'il eft temps, ayes
ne s'y vouloit fubmettre, ains vouloit pitié de la poure ame, que lefus Chrift
tenir compagnie à fa mère, & partant a rachetée. » Robert lui refpondit :
fut remené aux prifons, & les deux « Tu m'exhortes d'auoir pitié de mon notable.
Refponfe
autres furent iugez à eflre bruflez
tous vifs en cendres. Or, comme on ame ; i'ai fi grand foin de mon falut ,
les alloit fententier, vn des luges ef- que, pour le nom de Dieu, l'abandonne
mon corps au feu, & efpere auiour-
tant affis en fon reng, après la pro- d'hui eflre deuant fa gloire. l'ai toute
nonciation dela fentence, dit : « Au- ma fiance en lui , & toute mon efpe-
iourdhui fera vortre demeurance auec rance eft la mort de fon fils ; il me
tous les diables au feu d'enfer. » Cela donne la droite voye pour venir au
difoit-il comme tranfporté d'ire, voyant ciel. le croi tout ce que les fainds
la grande patience de ces perfonna- Prophètes & Apoftres ont efcrit, &
gcs. Car ils enduroyent tout, vainquans fur cela ie veux viure & mourir. » Le
Satan hurle &]
leurs ennemis par patience, en louant
Pater oyant ceci, dit : « Ha le mef- fe tourmente
le Nom de Dieu. Ayans donc receu chant, il penfe eflre Chreftien. Non,
fentence de mort, furent remenez aux de vérité.
non, il s'en faut beaucoup; va, chien, oyant la voix
prifons , eftans ioyeux de l'honneur tu es indigne de porter le Nom de
Chreflien. Et maintenant on te doit
que le Seigneur leur faifoit d'eftre en-
rôliez au nombre des Martyrs. ofter ce nom, puis que tu ne veux
Et eux remis es prifons, fubit ar- point reconoiftre ton Dieu. Tu fais
due vne bande de Cordeliers, entre tant bien dire que lefus Chrift a dit :
lefquels ertoit le dodeur Hazard & le Il Qiii me reniera deuant les hommes,
Pater de fainde Claire, ertimez du ie le renierai deuant Dieu mon Père.»
peuple comme demi fainfts. Entrez .Ceft grand'pitié de toi i.t de ton fils,
qu'ils furent dedans la prifon, l'vn qu'ainfi enfemble vous vous iettez
commença à dire : • Voici l'heure ve- aux enfers à tous les diables, & corps
nue, mes amis, en laquelle vous de- c^ âmes. »
uez finir vos iours. » Le père & le fils Or ainfi qu'on feparoit Baudechon
refpondirent : « Nous le fauons bien, d'auec fon père, il dit en fortant :
mais loué foit la bonté de nofire Dieu " Mes amis, ie vous prie de fupporter
qui auiourd'hui nous veut deliurer de mon poure père . & ne le troubler
celle prifon mortelle, pour nous faire point ainfi ; car c'eft vn ancien homme,
entrer en fon royaume glorieux, n Le
Cordelier Hazard , vrai fupport de & fort débile de corps. Ne l'empef-
chez pointdedemartvre.
couronne receuoir » auiourd'hui
Vn Cordelierla
i'Antechrill, tafchoit de les dellourner
409
QVATRE MARTYRS DE LISLE.

e ilile ordi-
naire des
qui efloit là lui dit : « Va, mefchant, demanda aux luges licence de pou-
Jucleurs fe c'eft par toi que ton père efl ainfi uoir confefter fa foi deuant le peuple.
cic^Huire en perdu. » Et, fe retournant vers le
- _>jrdelicr. bourreau, dit : « Sus, fus, officier, fai II lui fut refpondu : » 'Voila voftre
ton office, car nous nous voulons re- Cela confelTeur,
beau « père
lui. dit, foudain on le pouftaà
confen"ez-vous
tirer, auffi bien y perdons nous nos rudement à l'eftache, & là commença
peines ; ils font endiablez. » Le fils à chanter le Pfeaume xvi. :
donc fut mené en vne chambre à part, Les louanges
& là fut defueflu de fes acouftremens, Sois moi, Seigneur, ma garde & mon apui,&c. de Dieu font
& mis en ellat pour en faire facrifîce. odeur de mort
Et comme on lui mettoit la poudre & erreurs , aux
mefchans qui
Le Cordelier crioit : « Efcoutez, mef-
deuant la poidrine , il y auoit là vn iniurient le
>uauté des Quidam qui lui dit : « Si tu eQois fieurs, les mefchans erreurs qu'ils S. Efprit.
Moines.
chantent pour deceuoir le peuple. »
mon frère, ie vendroi tout mon bien Et, fe retournant vers le Cordelier,
pour auoir des fagots pour te brufler ; dit : « O poure homme, dis-tu que les
on te fait trop de grâce. » Et Baude- Pfeaumes du prophète Dauid font
chon lui refpondit : « le vous remer- erreurs f mais c'eft toufiours voftre
cie, mon ami ; le Seigneur vous face couftume, d'ainfi iniurier le S. Efprit. »
mifericorde. » Et comme aucuns qui Puis, fe retournant vers fon père, le-
ertoyent là prefens difoyent : « O
quel on lioit à l'eftache, crioit : « Cou-
Dieu, c'efl pitié de ces pouresgens ! » mon »père,
rage,fait. ce fera tout inconti-
il y eut vn Dodeur prefent, qui nent En attachant le père, le
refpondit : « Et quelle pitié vou- bourreau le frappa d'vn coup de mar-
lez-vous auoir d'eux ? ie ne leur feroi teau fur îe pied, comme pour le faire
pas tant de grâce, & ne les traiteroi renger de plus près au pofteau. Et
S. Laurent pas fi doucement, que de leur mettre
fut roUi fur l'ancien homme, ayant fenti l'angoiffe,
•ne grille par cefie
on fit poudre ; ie les» frican"eroi comme
S. Laurent. dit au bourreau : « Mon ami, tu m'as
es païens, &; bleffé ; pourquoi me traites-tu fi ru-
les fidèles dement ?» Le Cordelier, oyant cela,
tefnioins du Or cependant qu'on parloit ainfi Calomnie
Fils de Dieu contre Baudechon, fils aifné de Ro- difoit : « Ha, les mefchans! ils veu- Satanique.
n ce dernier bert, les Caphars efloyent auprès du lent auoir le nom d'eftre Martyrs, &
fiecle n'ont père pour lui perfuader au moins de quand on les attouche vn peu , ils
las elle gueres prendre vne image de crucifix : « Afin, » crient comme fi on les meurtriffoit. »
plus douce- difoycnt-ils, « que le peuple ne mur-
ment traitez Baudechon, voyant le tort qu'on faifoit
par les faux mure point, » adioufians ces paroles : à fon père, dit : u Et penfez-vous que
Chrelliens. « Ayez voftre cœur efleué à Dieu ; nous craignions les tourmens & les
vous fauez bien quece n'eft que bois. » peines de la mort? non, non ; car fi
Et en difant cela, lui lièrent l'image nous les euffions craint, nous n'euf-
entre fes mains; mais comme fon fils fions point ainfi abandonné nos corps
Baudechon defcendant le vid, s'ef- à cefte mort honteufe. » Puis après,
cria difant : " Mon père, que faites- il réitéra fouuent ces foufpirs : « O
vous .'■ ferez-vous idolâtre à voftre der- Dieu, Père éternel, ayes pour agréa-
nière heure r » En difant ces paroles, ble ce facrifice de nos corps, au nom
il lui ofta de ton Fils bien-aimé. » L'vn des
auoit liée,des& mains la croix
la ietta qu'on
arrière, lui
difant Cordeliers crioit : « Tu as menti, mef-
tout haut : « Que le peuple ne s'of- chant, ce n'eft pas ton Père ; mais tu
fenfe point en nous, pource que nous as le diable pour père. » Et ainfi, eftant
ne voulons point de lefus Chrift de en tels combats, il dreffa la veuë au
bois, car nous portons en nos cœurs ciel, & parlant à fon père, dit : « Mon
lefus Chrift, le Fils de Dieu viuant,
père, regardez, ie voi les cieux ou-
& nous fentons fa fainfte parole efcrite
au profond de nos cœurs en lettres uerts, & mille millions d'Anges ici à
d'or. » l'entour de nous, menans ioye de la
confeffion de vérité que nous auons
Ainsi
tous lesqu'on
iurez les& menoit
bandesau ordinaires
martyre, rendue deuant le monde. Refiouift'ons-
nous, mon père, car la gloire de Dieu
(qu'ils nomment les Sermens de la nous eft ouucrte. » Vn des moines
ville) eftoyent en armes, comme fi ce cria, au contraire : « le voi les enfers
fuft pour conduire vn Prince à fon en- ouuerts, A mille millions de diables
trée. Eftans paruenus au lieu du fup-
prefens pour vous emporter aux en-
plice, ils montèrent fur l'efchaff'aut fers. »Et fur l'heure, le Seigneur qui
qui eftoit dreflTé, & lors Baudechon ianiais ne delaiffe les fiens, incita le
LIVRE SEPTIEME.

4IO difperfee ça & là, & que maintenant


cœur, & ouiirit la bouche d'vn poure
homme qui clloit en la multitude à ce les mefchans blafphement Dieu & fon
fpedacle, lequel, elmc-u de compaffion, faind enfant lefus à pleines gorges ,
Notez. cria i\ haute voix : « Courage, Baude- Cela certes me naure le cœur iufques
chon ; tien bon, ta querelle e(l bonne; aux entrailles. l'ai foin de vous, mes
ie fuis des tiens. « Apres lefquelles amis, plus que ne fauriez penfer ; ne
paroles il fe départit , & trouuant
fuis-ie pas de vofire Eglife .' n'ai-ie
voye, fe fauua. Et le feu incontinent pas participé auec vous aux faindes
fut mis en la paille et au bois, de sorte alTemblees, & à la fainde prédication
de la parole de Dieu, qui nous y a
qu'ils eftoyent délia bruflez par embas,
au'eux ne fe remuons pour l'ardeur efté prefchee ■> Nous auons tous eflé
du feu, parloyent l'vn à l'autre. Et nourris (par manière de dire) en vne
BaLidechon fouuent difoit à fon père : mefme maifon. Partant , ie ne vous
« Mon perc, prenez courage! mon faurois oublier tant que ie fuis en
père ; encore vn peu , & nous en- cefte vie. Vous voyez comment le
trerons en la maifon éternelle. » A Seigneur nous a ici appelez, & tirez
la fin, en la grande ardeur du feu, les du milieu de vous autres, pour nous
derniers faire rendre tefmoignage de fon Fils
cer furentmots
: « qu'on
lefus les ouit pronon-
Chrift, Fils de
dcuant nos ennemis. Vous fauez qu'il
Dieu, nous te recommandons nos cf- y a défia longtemps que nos ennemis
prits. » Et ainfi moururent au Seigneur fe penfoyent ruer fur le troupeau , &
Robert Oguier & Baudechon fon fils.
iisn'ont peu faire cela deuant le temps.
QvEi.QVES iours après. Jeanne la Si Satan n'a peu entrer au troupeau
mère it Martin, le dernier fils, furent des pourceaux fans le congé de noftre
exécutez en la mefme ville de l'ifle; maiflre,
mais auant que venir au Martyre de fance de penfons-nous
fe fourrer ainfiqu'il ait puif-
au milieu de
ladite leanne & de Martin, nous met- nous, fans congé } non, non, mes frè-
trons icideux Epiftres pleines de confo- res ;iamais ne nous viene en l'enten-
lation, l'vne de Baudechon, & l'autre
de Martin, efcrites par eux en la pri- ture ; cardementnous
que ceci foit beaucoup
valons auenu à l'auan-
mieux
que des pourceaux. Puis donc que
fon , & premièrement celle qu'enuoya vous eflcs certains par la parole de
Baudecnon (i) à ceux de l'Eglife de
ladite ville, comme s'enfuit. Dieu , que c'eft le Seigneur qui nous
vifite, lequel veut receuoir le reuenu,
Effeifls de la Treschers frères & fœurs en nof- & cueillir quelques fruids de fon jar-
prcfence de tre Seigneur, voyant que noflre bon
Dieu au milieu din, qui eft l'Eglife, pour les mettre
des liens en Dieu me donnoit aucunement moyen
afllieiion. fur fa table, ie ne voi pas qu'ayez oc-
de vous pouuoir efcrire , ie m'y fuis cafion de perdre courage. Confiez-
volontiers employé, afin de me pou- vous en lui d'vn cœur ferme, & il ne
uoir confoler auec vous, & vous faire vous delailTera iamais, quoi que les
fauoir la ioye de laquelle il remplit nos diables & tout le monde efcume con-
poures cœurs, de forte que iamais, en tre vous. Le Seigneur aura foin des Ifaie 49.

toute noftrc vie, nous n'auons fenti la bons, comme Ifaie dit, que le Seigneur
pareille. Nos efprits font maintenant
enflambez de ce feu diuin ; bref, ie ne a cil pilié de l'on peuple , & a eu recor-
vous fauroi aucunement efcrire ce que dalion de l'iij]li(:;é ; & Sion a dil : Le
ce bon Dieu nous fait fentir en nos Seif;neur m'a delaiffif , & mon prolec-
leur m'a oublié. La mère peul-clle ou-
liens, & ai regret de ce que ma langue
me défaut, & que ie ne fai vous ef- fruifi blier
de fonfon
enfant , qu'elle
ventre n'ail
! encore pitié elle
quand du
crire les ioyes celcfles qu'auons ici. l'oublieroil , Jî ne t'oublierai ie pas, car
Or cependant que ie fuis en telle ioye lu es l'ccnure de mes mains. Voila le
& confolation, la charité & amour que faind Prophète de Dieu qui nous
ic vous porte me contraint de ietter confole merueilleufement , & nous
ma veuë après vous qui habitez enco- donne vne merueilleufe efperance, en
res en ce monde. Helas, helas ! quand nous propofant noflre Dieu plus
ie regarde maintenant la poure Eglife amiable que la mère vers fon enfant.
O confolation , ô ioye ! il dit , En-
(i) Les deux lettres de Martin Opuicr core que la mère oublie fon enfant,
figurent déjà dans le Ttcisiimc recueil de
ii(<>. Celle de Baudechon n'y est pas; mais
qu'il ne nous oubliera pas. Que crai-
elle figure dans l'édition de i;64 et dans
gnez-vous donc, petit troupeau, puis
toutes les suivantes. que voAre Dieu parle ainfi auec vous }
QVATRE MARTYRS DE LISLE.

voire (1 vous croyez que c'eft lui qui fez point


cuns vos couflume
ont de an"emblees, comme; mais
de faire au- m.d lvi.
ikb. ij. parle ainfi par l'on Prophète. Tous vos
ennemis, qu'ell-ce qu'ils vous feront ? admonneftez l'vn l'autre, & ce d'au-
& tout le fanglant pis qu'ils vous pcu- tant plus que vous voyez le temps ap-
uent faire, qu'eft-ce finon de vous procher. )ile fens maintenant en moi
mettre auec voftre Dieu en la gloire
éternelle? Sus, fus, mes frères & les fruiéls
blees, & que i'ai cueillis
le Seigneur me aux alfem-
remet en 11
4
fœurs, reueillez-vous, tenez bon pour mémoire (félon fa promefTe) la bonne
le Seigneur lefus, car c'eft la caufe dodrine que i'ai ouye ; maintenant
que nous tous fouftenons, & non pas elle me profite beaucoup contre mes
la nollre. Difons d'vn vrai cœur af- ennemis. Faites ainfi, & bien vous en
feuré : « Le Seit^ncur m'eft adiuteur, ie prendra. N'oubliez pas les poures qui
font entre vous ; foyez diligens à leur
ne craindrai chofe que l'homme puilîe
faire, car il a dit : le ne t'abandon- fubuenir en leur poureté, & principa-
nerai point, & ne te delailTerai en tri- lement aux domertiques de la foi. Gar-
bulation ; » que voudrions-nous dauan- dez-vous foigneuferaent de toute mau- Diuersenne-
tage ? il ne nous en fauroit plus
promettre. Mais fur tout regardons uaife doélrine, & des trompeurs, qui nus de ta croix
courent les
comme auiourd'hui
Anabaptiftes,parmi quile monde,
eft vne de <^ iri .
qui eft celui qui parle : n'eft-ce pas le
fede fort dangereufe. Fuyez auffi ces
grand Dieu viuant ? Si l'Empereur,
qui n'eft qu'vn poure ver de terre, & diffimulateurs qui enfeignent fi hon-
homme menteur (pour dire en vn mot), neftement à renier Dieu ; il y en a
nous en auoit autant dit, nous ne dou- entre vous, voire gens d'apparence,
terions nullement d'adioufter foi à fes lefquels font ennemis de la Croix de
paroles, & de nous y attendre du Chrift. le prie ceux qui ont la crainte
tout. Mes frères, ferons-nous plus de Dieu, qu'ils s'en retirent. Fuyez
d'honneur à vn menteur qu'au Dieu tous ceux qui vous enfeignent le che-
viuant.^ qui ne peut mentir, comme min large , & ayez en reuerence ceux
Heb. 0. dit l'Apollre, & duquel les paroles qui vous enfeignent la voye eftroite,
car elle vous mènera à falut, comme
font fi fermes & ftables, qu'il dit que
le ciel & la terre palTeront , mais fes iufques à prefent tres-fidelement vous
a erté annoncé en grande diligence
parolesen necela,
vous pafl'eront
& vousiamais.
verrezAlfeurez-
que ne par noftre frère G. (i) qui eft de vous
ferez iamais trompez. le parle à vous tous bien conu & aprouué. Au refte ,
par expérience de ce que maintenant mes frères, ie vous requier que priez
ie vous efcri, & partant vous vous y fans cefl'e le Seigneur pour nous, qui
deuez de tant plus arrefter, quand fommes les prifonniers de lefus-Chrift,
vne chofe eft efprouuce véritable & afin que noftre emprifonnement foit à
ferme.
la gloire de fon S. Nom , & à l'édifi-
Le fruia D'avantage, mes frères, inftam- cation de fa poure Eglife, afin auffi
dcs faiiiacs ment & de tout mon cœur, ie vous
qu'il nous donne bouche & fapience à
alTcmblees. f^pp^e au Nom de noftre Seigneur, laquelle nos ennemis ne fâchent con-
pour lequel nous fommes prifonniers, tredire, &que nous n'ayons point la
que preniez garde de ne point lailfer bouche fermée deuant eux. C'eft ce
vos faindes alfemblees pour la crainte que ie prie le plus à noftre Dieu, car
de vos ennemis. Car fi vous lailTez les
ie fai que cela m'eft tres-neceffaire.
aflemblees Chreftiennes, foyez tout Mon frère Robert, recommandez-moi
à tous ceux & celles qui aiment noftre
affeurez qu'entre vous il y aura vne
merueilleufe confufion de langues ,
Seigneur, & qu'ils ne foyent pas en
beaucoup plus dangereuse qu'elle ne crainte ou defolez de mon emprifon-
fut à l'édification de la lourde Babel. nement. Car, pour moi, ie ne fuis pas
Pourroit le diable auoir plus beau defolé ni trifte, ains ioyeux, comme ci
moyen pour vous fufciter des feâes , deuant ie vous ai efcrit , fâchant bien
& des herefies , que ceftui-ci } certes que ceci n'eft pas auenu à l'auanture,
non. 11 fait bien qu'aux afl"emblees on ni par cas de fortune, comme les infi-
y aprend à parler vn mefme langage , dèles eftiment, mais par la fainde pro-
vne mefme chofe ; charité uidence de Dieu. Dont ie prie tous
mente bref,
; vne infinité de s'y
biensaug-
en
procède, comme il appert iufques à ceux & celles qui m'aiment or conoif-
prefent entre vous. Retenez donc la
(i) Guy de Brès, dont le martyre est ra-
Heb. 10. leçon que donne l'Apoftre :" Ne delaif- conté plus loin, au livre IX.
LIVRE SEPTIEME.

412
lent O que tu es bien defiree ! Soyez d'au-
rien, Qu'ils ne foyent en crainte de ioyeux auec nous, mes Frères
mon 1 cfpere , auec l'aide & force de tant que noflre bon Dieu nous a fait
Seijjneur, auquel ie me fie, qu'ils ce bien-là de nous donner hardiede
n'auront nulle allliâion ou dommage
de confelTer fon S. Nom purement
pour moi , i'entens par ma bouche ,
moyennant l'aide de Dieu, car fans deuant tous nos ennemis, ce qu'il ne
La prouidence lui ie ne peux rien. Recommandez- fait pas à tous. Or loué foit noflre bon
de Dieu con- moi à mes deux fœurs Mariette &
fole & affeure Dieu, qui nous fait tant d'honneur,
les lidelcs. Thoinette, & les veuillez confoler par que fouffrions pour fa vérité, nous ef-
lifant pour eftre des tefmoins de fon
la parole
fiours bonde courage
Dieu ; qu'elles
en Dieu,ayentcartou-le Fils. Et quant à vous, mes Frères, Exhortation
neccITaires
Seigneur les affidera en toutes leurs feruez à Dieu purement, fans vous fous la croix
affaires & neceffitez, comme il dit : méfier auec les Papiftes & idolâtres.
« Il n'y a nul qui, ayant perdu père, Fuyezceux quienfeignentàdiffimuler,
mère,au frères,
fois double fœurs,
en ce n'en reçoiue
monde, & encentla & n'ayez point d'acointance auec eux,
comme très-bien vous a eflé enfcigné.
fin vie éternelle. » le prie noflre bon
le croi que ne l'auez pas oublié. Ne
Dieuouurante
foi qu'il luiparplail'e vousA acroiflre
charité. Dieu, mesla craignez point les& hommes, car d'eftre
en leurs mains, de confeffer pure-
frères & fœurs, à Dieu foyez-vous re- ment lefus, comme nous auons fait,
commandez. Par le tout voftre humble
il n'y a que ioye & confolation, voire
& frère & compagnon auec vous plus que ie ne fauroi dire. Nous nous
aux affligions de Chrift, Baudechon repofons maintenant en grand repos
Oguier, prifonnier pour l'Euangile. de confcience, & auec vne ioye indi-
cible, fachans que demain après difner
nous partirons de ce monde, faifans
fin à cefte poure vie, pour régner auec
Copie des lettres de Martin Oguier, noflre chef & efpoux lefus Chrift,
eftant prifonnier auec fa mère, ef- Amen. Mes Frères, nous fommes
crites en& Flandre.
eniioyees des prij'ons de grandement resjouis de vos efcrits ,
LiJIe car vous «nous auez confolé merueil-
leufemcnt ; le Seigneur vous veuille
Treschers Frères (i), ma mère & maintenir fermes iufques à la lin de
moi nous nous recommandons à vous
& A tous nos frères & fœurs en lefus vos iours. pour Ne delaifl"ez
Chrift. Nous ne les ofons nommer, de femblecs chofe quepoint
vous vosoyez,
af-
ou voyez, car le Seigneur vous gar-
ficur que nos lettres ne tombent entre dera, & fera croiflre fon Eglife de
es mains de nos ennemis, ai qu'ils plus en plus après noflre mort, & pour
n'en fouffrent alTez.
les conoiffez détriment
Vous; leur
mais direz
vous quatre perfonnes en aurez quatre
mille. Le fang des poures Martyrs de
Prières font qu'ils foyent diligens & nuiA & iour noflre Seigneur ne fera point refpandu
nccelTaircs en en prières i'^' fainéte inuocation du
l'Eglife pour
Nom de Dieu, pour nous qui femmes en
Ayezvain, croyez des
mémoire cela Martyrs
& vous yqui
afl"eurez.
feront
obtenir perfe- demain mis à mort pour le S. Nom de
ucrance en la
foi. pas maintenasntde temps
les prifonnier lefus Chrift. Il n'eft
de dormir it lefus, & enfuiuez la foi et patience
d'eftre ^ fon aifc, cependant que nous que le Seigneur leur donne. A Dieu,
qui fommes vos membres, fommes en mes Frères , iufques à ce que veniez
tourmens & en peines. Sus, fus, mes où nous allons.
Frères, foycz veillans, & nous aidez
par vos prières; aidez-nous à veiller Autre lettre confolatoire dudit Martin
encore vnc nuifl, car nous n'efperons Oguier (i).
Plus viure que iufqucs à demain. O
heurcufe iournee, en laquelle le Sei-
gneur nous donnera à boire au calice Trescher frère , nous n'auons voulu
de fon Fils, i^' en laquelle ferons cou- lailTer pafl'er cefte grande occafion que
ronnez de la couronne de martyre !
(i) L'édil.
fonnier avec fademerc,
iç<6 &ajoute : " hEflant
envoyée pri-
fon frère,
(i) L'édition de m6 fait précéder celte des prisons de Lific en Flandre.» Il semble
lettre de cette salutation : ■■ La j;racc & paix résulter de ces mots que le destinataire de
de noflre bon Dieu . par noflre Seigneur cette lettre était le propre frère des deu.\
lefus Chrifl, vous foit communiquée, a tous jeunes Oguier. Voy. la note suivante. Cette
frères & fœurs en lefus Chrifl. >■ même édition commence cette lettre par
QVATRE MARTYRS DE LISLE.

le Seigneur nous prefentoit, fans vous 4n


<& le confolateur dos vefues , félon
efcrire de noftre ellat , tant du corps qu'il l'a promis. Saluez tous les frères
& fœurs fidèles en lefus Chrift, leur
que de l'efprit , attendu que noftre
bonne mère, qui eft ici prifonniere faifant fauoir que nous fommes fort
auec moi , m'y a fort incité, à laquelle prochains de la mort (non pas mort ,
ie n'ai voulu defobeir. Or, la caufe mais
principale pour laquelle nous vous ef- meus vie) , afinDieu
à prier qu'ilspour
foyent
nousplus
, à ef-
ce
criuons ell afin que ne nous oubliez
en vos oraifons ; car nous en auons qu'il nous fortifie pour la grande iour-
nee que nous attendons , en laquelle
tant grand befoin que ne le faurions nous ferons deliurez de ce poure corps
dire, .afin que puiflions furmonter & pour régner éternellement auec le
vaincre les alTauts que Satan noftre Père &-le Fils & le S. Efprit, au-
ennemi nous liure d'heure en heure, quel foit gloire à toufiours & fans fin.
pour nous faire renoncer lefus & fa Amen.
fainde parole. Cependant, en tous SALVEz-moi noftre bon frère en nof-
les aflauts qu'auons eu, noftre Dieu tre Seigneur, Robert Le Chien & fa
nous a fait triompher par lefus Chrift femme , & tous autres que conoiftez.
fur tous nos ennemis, en la confeffion Voftre frère, Martin Oguier, auec ia
de fon S. Nom. Et auons ia rué Sa- mère, prifonniers pour lefus Chrift es
tan par terre par cefte confeffion de prifons de Lifle en Flandre.
lefus, laquelle nous auons faite fim-
plement & rondement, félon nos petis
efprits, toutesfois le mieux que nous
auons peu. De forte qu'icelle fera
feellee des cendres de nos corps par
la mort, comme a efté fait par mon
Ieanne, femme de Robert, & Martin
bon père & par mon frère , qui main- Ogvier, leur fils (1).
tenant font allez deuant nous au
royaume éternel de noftre Dieu , au-
quel nous efperons eftre bien toft, fé- La femme fuit le mari & acompanie
lon l'apparence que nous voyons. Car fon fis. Sa coniierfion cjl admira-
ble ;car feparee de Martin fon fils ,
nous n'efperons plus viure en ce
monde que deux ou trois iours tout
les mefmes Caphards qui l'auoyent
au plus. Mais cependant nous ne deflournce obliencnt qu'elle puijjc
fommes pas honteux de fouflfrir & parler à lui , pour le diuertir du
endurer la mort cruelle qui nous fera droiâ chemin; mais icelui remet la
appreftee pour la confeffion du S. mère en fi bon train , que tous deux
endurent le martyre à la grande
Nom de lefus, lequel n'a defdaigné
de prendre noftre caufe en main & confufion des ennemis.
mourir pour nous, qui ne fommes que
poures miferables pécheurs. Suiuant Environ huiél iours après , furent
ces chofes , mon frère R., nous vous exécutez la mère auec fon fils. Mais
recommandons vos deux foeurs (i) :
auant que, nous
heureufe venir noterons
à defcrireles
leurgrands
ifl"ue
ayez
faites pitié
comme& compaffion d'elles,
de vos enfans. Car &pour
en
combats d'efprit qu'ils ont fouftenus.
le tefmoignage de lefus, elles n'ont On auoit enuoyé force moines pour
plus ne père ne mère; toutesfois le les diuertir de leur foi, &, pour mieux
Seigneur noftre Dieu leur fera pour faire leurs entreprifes, ils les auoyent
père ; car c'eft le père des orphelins feparez l'vn de l'autre , de manière
que
poure, par les cautelles
femme d'vn &moine
fut efbranlee , la
diuertie
cette salutation : ujefiis Chrirt crucifié pour
nos péchez & relTufcité pour nortre iuftifica- du premier but. Les ennemis en de-
tion , vous foit pour falut. <> menoyent ioye , cependant que la
(i) Nous nous sommes demandé s'il ne poure troupe des fidèles , entendans
fallait pas lire : u nos deux sœurs, » le con-
texte indiquant qu'il Mariette
s'agit des sœurs des ces poures nouuelles , eftoit en trif-
deux frères Oguier, et Thoinette,
mentionnées plus haut (p. 412). Mais toutes
les éditions de Crcspin ont : « vos deux (i) Crespin, 1 556 , p. 26; ; 1564 , p. 816;
sœurs. » Le destinataire de cette lettre était
donc bien le frère , au sens naturel , de 1870, C 428; IJ97, (" ;8!; 1619, f° 420.
Nous ne donnons pas d'indications pour
Martin et de Baudcchon Oguier. Voy. note l'édition de 1608, parce qu'elle correspond
du commencement de cette lettre. page pour page à celle de 1597.
4'4 LIVRE SEPTIEME.

telTc ; mais le Seigneur ne les y iailTa opprobre auec tous fes Martyrs, &
gueres. Car vn iour que les moines par ce moyen nous entrerons en la
gloire du Dieu viuant. Ne doutez
vindrcnt en la pril'on pour confeillcr
la merc de lafcher à regagner fon
point, ma mère : c'eft ci le droid che-
(ils Martin & retirer de fes erreurs,
min qu'il faut tenir; car vous fauez
elle leur promit de le faire. Or, quand que, par beaucoup de croix & tribu-
le lîls fut venu auprès de la mère , lations, ilnous faut entrer en la gloire
voyant qu'elle eftoit non feulement de Dieu. » Et fur cela quelqu'vn des
efbranlee , mais diuertie du bon che- affillans, qui efloit là prefent, ayant
min, ilcommença à s'efcrier en pleu- oui ces propos & ne les pouuant por-
ter, dit : « Mefchant, on void bien
rant : Cl Ha, ma mère, qu'aucz-vous
fait.- auez-vous nié le Fils de Dieu maintenant que le diable te polTede
qui vous a rachetée.' HelasI que vous entièrement & corps & ame, comme
a-il fait, que vous lui faites telle iniure il a fait Ion père & ton frère, qui font
t*!: defhonneur .- Maintenant fuis-ic maintenant en enfer. » Martin dit :
tombé au malheur que ie craignoi le « Mon ami, vos maledidions me font
benedidions deuant Dieu & deuant
plus. Mon iufques
lailTé viure Dieu , pourquoi
à prefent m'as-tu
, pour fes Anges. » Il y eut vn temporifeur Tentationqu
diuerfes
voir ceci qui me tranfperce le cœur.-» qui dit à Martin : » Mon enfant, tu les ennemis
La mère, oyant ces piteufes complain- es bien fimple & maiauifé en ta donnent au|
tes & les pleurs et foufpirs que fon caufe ; car tu penfes trop fauoir : il Fidèles.
Conucrfion
admirable de fils faifoit, elle reprint vertu au Sei- y a tant de peuple deuant toi qui
la mère. gneur&, en pleurant cria auffi haut n'ont point eu la foi que tu tiens, &
que fon fils : " Bon Dieu, fai moi mife- cependant ils ne lailTeront point d'eflre
ricorde , & cache mes fautes fous la fauuez ; mais vous penfez faire ce que
lufiice de ton Fils, & me donne force ne ferez iamais , combien que vous
& vertu de fuiure ma première con- ayez la foi & la dodrine de Dieu. »
feffion , & me ren ferme iufques au leanne la mère, oyant ceft homme,
dernier foufpirde ma vie.» lui dit : « Mon ami , lefus Chrift dit
Pev après, vindrent ces mefmes Ca- que le chemin qui meinc à perdition
eft large, et plufieurs y entrent ; mais
phars qui l'auoyent diuertie, penfans
qu'elle eftoit encore en l'eftat où ils que la voye qui meine à falut eft ef-
l'auoyent mife ; & foudain qu'elle les troite, & bien peu y continuent. Dou- A quoi on [
connoillre J
apperceut, commença à dire : • Hors, tez-vous que nous ne foyons au che-
Satan ed chalTé min eftroit, veu les chofes que nous qu'on n'ell]
iSc rendu Satan, va t'en d'ici, car tu n'as main-
confus. tenant rien en moi. le veux figner ma fouffrons .- Voulez-vous auoir vn beau chemin.
confeffion première, & fi ie ne la figne figne par lequel on peut conoiftre point au dr
d'ancre, ce fera de mon fang. » Ainfi que vous n'eftes point au droit che-
depuis fe porta virilement ce vailTeau min .- regardez voftre vie Se la vie de
qui avoit efié tant fragile. Quand les vos preftres & moines. Quant à nous,
luges eurent apperceu leur conftance, nous ne voulons qu'vn lefus, & icelui
ils les dépefcherent tofl après , les crucifié ; nous ne voulons autre doc-
condamnant à eftre bruflez vifs & ré- trine que le Vieil «S: Nouucau Tefta-
duits en cendres, lefquelles feroyent ment ; fommcs-nous en erreur en
croyant ce que les fainds Prophètes
efparfes & iettees en l'air. La mère &
le fils ayans oui leur fentence, comme
& Apoftres fe
Cordeliers ont tourna
enfeignévers
.- » Martin
L'vn des
<.%
on les remenoit en prifon , difoyent
en allant : « Loué foit la bonté de lui dit : « Mon enfant, penfe bien à
noftrc Dieu, qui nous fait triompher, ton afaire ; car ton père & ton frerc
par Icfus Chrift fon Fils, fur tous nos ont i-econu les fept facremens de
ennemis; voici l'heure tant di.'firee, l'Eglife comme nous, éfc toi qui n'es
voici la bonne iournee qui ell venue. »
qu'vn poure & fimple aprenti , tu as
a Partant, ma mère , » difoit le fils,
oui vn mefchant hérétique , qui t'a
ainfi enchanté le cerueau, & penfes
• n'oublions l'honneur & la gloire
que noflrc Dieu nous fait de nous eftre plus fage que tous les dodeurs
(aireconformes à l'image de fon Fils. qui ont régné palfé mille ans. » Mar-
Ayez fouuenance de ceux qui ont en- tm refpondit : a la Dieu ne plaife
fuiui fes voyes, car ils ne font point que ie me vante ; mais lu peux bien Mallh. II. 3|
allez autre chemin que ce(lui-ci. Mar- fauoir ce que dit lefus Chrift : Que
chons donc hardiment , ma mère , & Dieu a caché fes fecrets aux fages Luc lo. 21
fuiuons le Fils de Dieu, portans fon de ce monde & les a reuelez aux pe-

\
lEAN HVLLIER.

tis. Et le Prophète Ifaie dit : Que le & leur dit : « Sus, fus, mes frères, pre-
Seigneur furprend les lages en leur
fageffe. Et quant à ce que tu dis que nez courage , c'eft fiiit : i'ai fouftenu
mon père & mon frère ont reconu les vn dernier alTaut. le vous prie , n'ou-
fept facremens, tu monftres bien par gile &bliez pastous
la fainde dodrine
les bons de l'Euan-
enfeignemens
cela qu'on ne doit adioufter foi à tout qu'auez ouys de noftre frère Guy (i).
ce que tu dis ; car Satan eft le père Monftrez que vous les auez receus
des menteurs. Ne te dois-tu pas bien au cœur & non pas des oreilles feu-
contenter que l'en reconoi autant que lement. Suyuez-nous, nous allons de-
la parole de Dieu m'enfeigne, alfauoir uant, & ne craignez pas, car Dieu ne
le Baptefme & la fainfte Cène ? »
Incontinent après , voici entrer vous
frères. delain"era
» Et ainfi point. A Dieu,
fe partit. mes
Tort après,
deuxde grande authorité en la ville de la mère & Martin furent liez & menez
Lifle : on nommoit l'vn monfieur Bar- au Martyre. Et ainfi que la mère ef-
ras, & l'autre monfieur Baufremés, toit montée fur l'efchaffaut , elle cria
qui promettoyent grandes chofes à après fon fils, difant : « Monte, Mar- Heureufe
tin, monte, mon fils. » Et comme fon l'enfant.
Martin, s'il fe vouloit defdire & re- mort de la
tourner àl'Eglife Romaine. Baufre- fils parloit, elle lui difoit : « Parle merc & de
més , entre autres propos , lui dit :
haut, Martin, afin qu'on voye que
« Mon fils,ta i'ai compafllon de veux
toi, nous ne fommes pas hérétiques. »
confiderant ieuneffe; fi tu te Martin vouloit faire confeffion de fa
conuertir, ie te promets que iamais foi , mais on ne lui permit pas. La
tu ne mourras de cefte mort hon-
teufe ; & outre plus , ie te donnerai mère dit haut & clair, ainfi qu'on la lioit
àl'eftache: « Nous fommes Chrefiiens,
ent liures de cent liures de gros. » Martin lui ref-
gros valent & ce que nous fouff"rons n'eft point
deux cens pondit : « Monfieur, vous me pre- pour meurtre ne pour larrecin, mais
3CUS. Mais ce fentez beaucoup de chofes de ce pource que nous ne voulons rien
idele Martyr monde; mais penfez- vous, monfieur, croire que la parole de Dieu. » Et en
de Chrill ne que ie fois tant fimple que de laiffer
^iTembloit pas vn royaume éternel pour vn peu de cela tous deux s'efiouiffbyent au Sei-
ludas, qui,
gneur. Et foudain fut mis le feu en
par auarice , vie temporelle f Non , non : il n'eft la paille , & endurèrent la véhémence
vendit fon plus temps de parler des biens mon- du feu auec trefgrande confiance ; &
mairtre. dains, ains des biens que le Seigneur leuant les yeux au ciel , difoyent tous
m'a auiourd'hui préparez au ciel : ie deux d'vn faind accord : k Seigneur
n'en veux point d'autres. Seulement , Jefus, en tes mains nous recomman-
ie vous fupplie de me donner vne
heure de relafche pour prier & inuo- donsmirent
nos auefprits. » EtTels
Seigneur. ainfifurent
s'endor-
les
fruids de cefte fainde aflemblee des
quer mon Dieu ; car vous fauez qu'il fidèles de Lifle. Il ne faut demander
y aura demain huid iours que mon
père efi parti de ce monde, & que, fur ceci fi on lailfa les autres en paix,
depuis ce temps-la, on ne m'a donné car on ne voyoit autre chofe fur les
vne feule heure de repos. Ce que i'ai chemins & par les champs que gens
eu, c'a efté pour fommeiUer & non fugitifs, tant eftoit la cruauté grande ;
point pour dormir; & ainfi en tout Dieu a efté glorifié en
nuellement huid oucarneuf
i'ai perfonnes
eu conti- fes enfans.
parlans autour de moi (i). »
Apres que ces deux feigneurs furent
départis tels qu'ils
Martin raconta y eftoyent
ce combat venus ,
à quelques
frères qui là eftoyent détenus en prifon.
Iean Hvllier', Miniftre Anglois (2).
(i) Les éditions publiées par Crespin En riulhirc de Ican Huilier , minijhc
ajoutent : « & tout voflre prétendu elloit de
me defrober mon iour bien-heureux. Ne de Pabram{}), nous auons les admo-
voulez-vous pas que ie boyue le calice que
mon Dieu me donne? Ne nous empefchez nitions qu'il fU aux fidèles d'Angle-
pas, ie vous prie, retirez-vous, car noflre
heure approche. » C'eftoit alors de crier : (i) Guy de Brès.
Au mefchant! au l'eu, au feu les malheu- (2) Crespin, 1564, p. 820; 1570. (° 420 ;
reux! Ils rcfpondirent : « Nous vous remer- 1597, (<• ;89; 1O19, f° 421. Voy. Foxe, VIII,
cions; le Seigneur vous bénie & vous donne i;i, Î78.
à cognoiUre vos fautes I » Ainfi furent de- bridge. Cam-
laifTez. » (;) Babraham, à trois milles de
LIVRE SEPTIEME.

16 , de fuir idolâtrie , qui c/l une


4terre d'icclle en fon front ou en fa main ,
paillardife (piritueUc , voire plus de- icelui boira du vin de l'ire de Dieu ,
tejlable que la paillardije eorpo- voire du vin aigre verfé en la coupe de
fon ire , & fera tourmenW de feu & de
. relie. Il y a auj'ji me Oraifon , qui Jouphre deuant les Sainâs Anges &
eft pleine de confolation en aduer-
deuant l'Agneau , & la fumec de leur
tourment montera à tout iamais. Frè-
QvAND
fiti. le Seigneur fait ce bien & res fidèles tt Chrefliens , ic vous prie
grâce à fes Martyrs non feulement de auifez à ceci fclon voftre prudence,
fceller la veritii par leur fang, mais quelle eft cefte befte, & qui font ceux
auffi de tellilîer par efcrit auant leur qui
mort quels ils ont eflé en dodrine , & noncel'adorent , aufquels
des tourmens l'Ange Cer-
fi horribles. de- l'Apocalypfe,
La belle don
de quelles armes il les a munis pour tes, cefte befte, de laquelle ie parle , il el) parlé eà
fortifier les autres, il en renient dou- n'efl autre chofe que le royaume
ble bénéfice & confolation à fon Eglife. charnel de l'Antechrift , auquel le
Or, en la perfonne de Ican Huilier, Pape tient le premier lieu & occupe
la fouueraine domination, auec les
niiniflre de l'Eglife de Pabram en la faux miniftres & la racaille de fes faux
iurifdiélion de Cambridge, tous fidè-
les font induits à rcfifter à toutes pol- prophètes, lefquels, pour eftablir leurs
lutions & idolâtries , à detefter tous
grandes dignitez, ne fe foucient qu'ils
ceux qui, ayans conu la vérité, la de- facent , moyennant qu'ils vienent à
tienent en iniurtice , fe conformans à
tout changement de religion, félon la bout de
plilTans ce qu'ils
tout ont entrepris,
de meurtres rem-
« cruelles
volonté de ceux qui dominent , def- occifions , contraignans le monde de
receuoir leurs décrets & ordonnances,
quels non lefeulement
mais tout monde eft l'Angleterre
rempli , &,
dont font iffus les moqueurs qui fe lefquelles
dent auec non feulement
la pure religionnedes'accor-
Dieu ,
louent de Dieu & de fa parole , & de mais auffi l'oppriment du tout, comme Ceux qui
toute religion. Mais oyons de quel eftant diredement répugnantes. Ceux retombent eal
efprit ce fainft perfonnage eftoit mené qui iadis ont renoncé à telles pollu-
deuant fa mort , nous ayant lailTé tions par la parole de Dieu & la co- pollutions.
comme pour tedament , faiA en la noilTance de fon Fils Jefus nortre
prifon des tyrans, vne Epiflre, dont la Sauueur, & qui font derechef tombez
teneur s'enfuit. en ces mefmes ordures & fe polluent
par vilaine diffimulation , monftrans
vne chofe par œuures externes pour
la crainte qu'ils ont de fe rendre
lEAN Huilier, defia des ton^s^ len^ps odieux , & cachans vn autre au de-
prifonnier , & maintenant condamné dans de leur cœur, ie vous prie, que
à ta mort pour le tefmoi^s;nage de font-ils en cela , finon adorer cefte
nojlre Seigneur lefus Cbrijl, à toute befte? Il auient par ce moyen que,
la cons^regalion des faines & fidèles, fous la ils
couuerture d'vne obeifl^ance
feinte, ont en honneur ceux qui
aujfquels n defire de bon CA'ur force
& vigueur au Sainâ Efprit, tant pour
n'eftoyent pas dignes mefmes d'eftre
la fanlé du corps que pour le falul faluez , & s'adioignent à l'eglife des
de l'ame. malins, laquelle ils deuoyent auoir en
grande deteftation & haine , comme
Estant faifi de la confolation du vne cauerne de brigans & meurtriers,
falut bien-heureux & confermé par ou comme vn bordeau , voire vn
abyfme de fornication exécrable , &
i'Efprit
en Jefus deChrifl
Dieu,(ie Frères bien-aimez
lui en ren grâces finalement ne doyucnt feulement re-
conoiftre les voix de ceux-ci fi difcor-
immortelles) maconfcicnce m'a amené
dantes de la douce harmonie du Sei-
poind,
àdecevous ne m'ai feu tenir
ccftcie remonrtrance,
faire que que gneur Jefus, ains les euiler & fuyr de
fi vous auez foin de voflre falut , toute leur affedion , comme nous
fommes fort bien admonneftez en
vous fuyez toute accointance des Pa-
fiifles, reduifant en mémoire les paro- l'Euangile par le vrai Pafteur de nos
âmes.
es de faind Ican , qui font efcrites
en fon Apocalypfe , en la forte qui OvTRE plus, ceux qui feulement Oyez ceci,
Apoc. 14. 0. s'enfuit : Si aucun adore la befle & en aparence & de contenance externe
Tcmporifeurr
l'image d'icellc , & prend la marque de face reçoiuent la religion des Pa-
JEAN HVLLIER. 417
piftes & leur fauorifent de telle façon,
léguer de l'Apocalypfe : « Ici eft la m.d.lvi.
comme s'ils eftoyent proprement de patience des Sainds, qui gardent les Apoc. 14. 11.
ordonnances de Dieu & la foi de Je-
leur fadion , & cependant ce n'eft
que la honte qui les empefche de dé- fus. 11Par lefquelles paroles on peut
fendre Jefus Chrirt & fon Euangile , facilement conoiftre comment Dieu a
que font-ils autre chofe, finon porter acouftumé d'vfer quelquesfois & pour
la marque de la befte en leurs mains vn temps du miniftere des tyrans ; &
• & en leur front ? Mais Jefus Chrift
c'eft afin que la foi & patience de
ne pourra pas endurer celle diffimula- ceux qui font vrayement fiens & fans
Marc 8. 58. tion fardée, defquels il eft dit : « Qui feintife, foit plus ouuertement conue;
aura eu honte de moi au milieu de & fi ces deux vertus nous défaillent, il
celle génération badarde & peruerfe ,
ne faut pas
aucune que nous
focieté auec attendions
les fainds &d'auoir
fidè-
l'aurai auffi honte de lui quand ie fe-
rai en la maiefté & gloire de mon les. Mais, comme il eft dit en vn autre
Père auec fes fainds Anges. » Et paflTage : « Les craintifs ont leur por^ Apoc. 12. 8.
pourtant le Seigneur dit par fon Pro- tion au lac de feu & de fouphre , qui
vialac. I. 14. phete Malachie : « Maudit eft le eft la mort féconde. » Mais on dira :
trompeur. » Vous auez elle appeliez Quoi donc ? nous ietterions-nous en
vne fois à la lumière & conoiffance de la mort de noftre propre gré ? le ne
fa parole , & goufté le don du fainft le confeille pas; mais i'eftime que, fi
Heb. 6. 4. Efprit & la puilfance de la vie à ve- nous voulons eftre faits participans du
nir. Et le Seigneur dit en l'Euan- falut éternel , nous deuons tous taf-
Luc 9. 61. gjie : « Celui qui met la main à la cher de rendre entière obeilfance , &
charrue & regarde derrière foi , n'eft nous aftuiettir pleinement au confeil
point propre pour le royaume de & à la volonté de Dieu bonne &
Dieu. » En celle forte , l'Aportre S. fainde , qui nous eft ici exprimée en
lean, parlant de ceux qui fe deftour- fa parole; puis après, que nous reiet-
nent des fidèles Dodeurs de la vraye tons tout noftre foin fur lui , eftans
Religion , les exclud manifeftement certainement perfuadez que tout bon-
I. lean 2. 10. '^^ nombre des bons, difant : « Ils heur auiendra à tous ceux qui l'ai-
font fortis d'auec nous, mais ils n'ef- ment. Or voici ce qu'il nous com-
toyent pas des noftres. Car s'ils euf- mande :« Sortez d'icelle, mon peu- Apoc. 18. 4.
fent efté des noftres, ils fulTent de- pie , à celle fin que ne participiez à
meurez auec nous ; mais c'eft à celle fes péchez & que ne receuiez de fes
fin qu'on conuft qu'ils n'eftoyent point playes. » Qui orra cefte voix terrible
des noftres. « Certainement, cepen- de Dieu , menaçant & commandant ,
dant que nous-nous transfigurons en & faura qu'elle eft ineuitable , & ne
toutes formes & fortes de religions, &
tafchera incontinent d'obtempérer à
par couleur feinte portons vne chofe icelle, que pretënd-il faire finon ten-
au front & vne autre au cœur , nous ter le Seigneur de fon propre gré ?
ne fommes point en vérité. Car, félon Mais dit
qu'vn
le telmoignage de S. Paul , tout ce Sage : « chafcun entende
Celui qui ce que le
aime le danger ^^^^_ , ^o.
qui eft ouuert & fimple vient en lu- eft bien digne de périr en icelui. »
mière.
Que rien donc ne vous incite à con-
Parquoi ie vous prie , mes frères fentir à leurs folies mefchantes. Pluf-
bien-aimez, ne vous deceuez point toft fortez du milieu d'eux , & ne fai-
vous-mefmes par la fapience de ce tes aucun complot ou ne monftrez
monde, qui eft vne folie deuant Dieu , point en tous les geftes de voftre 27
■ mais pluftcft fortifiez vos efprits par
certains & infaillibles tefmoignages corps aucun figne par lequel on puifl'e
des efcritures diuines. Car combien penfer que vous fauorifez à leurs for-
faits. Pluftoft glorifiez Dieu (comme
que la bonté & mifericorde de Dieu auffi il eft bien conuenable) tant en
ait fon eftendue infinie par tout, non- dehors en vos corps qu'au dedans en
obftant elle n'apartient proprement, vos efprits.
finon à ceux qui, d'vne confiance ferme Pvis qu'ainfi eft, il nous faut gar-
às'apuyans
la fin . nefurfelui, perfeuerent
lalTans de bien iufques
faire , der fur toutes chofes d'alTuiettir l'ef-
ains fe furmontans eux mefmes de ordre à renuerfé
prit l'obeilTance
; maisdupluftoft
corps lepar vn
corps
iour en iour & de plus en plus par (& la volonté doiuent rendre obeif-
accroifferaent de vertus. Parquoi il
fance à l'efprit , afin qu'il fe monftre
s'enfuit en II. ce paffage que ie vien d'al- plus alaigre es chofes que la bonté
LIVRE SEPTIEME.

»
do41Dieu requiert de nous. Autrement O DiKV tout puiir.int. Perc de toute
il ne faut point que nous attendions mifericorde, pour l'amour duquel
d'ellre faits participans de fes pro- l'abandonne maintenant les chofes qui
me font les plus chères & precieufes,
melfes auec les vrais enfans d'Abra- ma femme, mes enfans, mes parens &
ham ;car, comme nous fommes enfei-
Rom. 0. 6, j,'nez par S. Paul : << Ceux qui font amis, & toute la pompe & orientation
enfans de la chair ne font point en- de ce monde , mes propres defirs &
fans de Dieu. Que fi nous viuons félon délices (fi toutesfois il y a des délices
«!t plaifirs en ce monde), & finalement
la chair, nous mourrons, car l'affedion
de la chair ert mort , mais l'affeélion fuis tout preft d'expofer ma propre
de Tefprit eft'vie & paix , & fauons vie pour toi; maintenant, ô Seigneur,
que la fagefTe-de la chair eft ennemie qu'il te plaife,enparceta mien
mifericorde, grandeexamen
bonté &
&
de Dieu, d'autant qu'elle n'eft point
fuiette à la Loi, & ne le peut eflre combat , me faire grâce que rien de
auffi. Ceux donc qui font félon la tout cela ne me retarde, & ne m'em-
chair ne peuuent plaireà Dieu.» Main- pefche de batailler cefte bataille alai-
tenant, après que ie vous ai expofé- ce gremcnt & de courage prompt pour
choix, auifez auquel chemin des deux la defenfe de ton Euangile , reiettant
vous aimez mieux entrer : ou en ce tous les retardemens de cefte vie. le
Matlh. te fupplie donc, ô Père très bénin,
'■ chemin ellroid qui meine à la vie, ou
en ce chemin large qui meine à ruine
que,
liftes félon
par lata vertu
grande& clémence,
force de tontu fainft
m'af-
& perdition, auquel les enfans de ce
monde s'efbaudilTent maintenant pour Efprit , & principalement à l'heure
vn bien peu de temps. De ma part, que l'en aurai plus de befoin. Enuoye
ayant fuiui le deuoir d'vn cœur vous ton Angefecrette
folation pour me, merecréer d'vne
fortifier par con-
fon
aimant & voulant bien, i'ai auifé de fecours, me conduire au chemin tant
vous efcrire cefle brieue Epiftre , &
admonefler d'vne bonne affedion & dangereux cSî gliffant, à celle fin que,
par la porte eftroitte , ie paruienne au
pur defir (Dieu m'en efl tefmoin) à ce port affeuré de ton repos celefte. Par
qu'ellans auertis & bien informez,
vous délibériez en vous-mefmes en laquelle porte & voye noftre feul Sau-
quel chemin il vous faut entrer, & ueur Jefus Chrift, ton Fils vnique &
auifiez diligemment par quel moyen bien-aimé, eft iadis entré deuant nous
vous viendrez à obtenir falut, & ac- auec force cSi vertu, ayant obtenu vic-
Matih. II. 29. quérir paix à vos âmes. Et quant à ce
que ie vous efcri , ie fuis preft de le chemintoireplus
glorieufe , afin
facile qu'ilqui,
à ceux rendift le
par foi
viue & conftante , iroyent après lui,
figner & feeller d'ancre & en papier ; non point à ceux qui feulement ont
mais plus de le confermer & ratitier
fon Euangile en la bouche, ains qui fe
par l'elTufion
lour de fera
du fupplice monfang, quand onle
venu, auquel monftrent Euangeliqucs par bonne &
fainde vie, Ot fe conforment à bon ef-
m'oftera celle vie , lequel n'eft pas
loin . autant que bien
l'en aimez,
peux conoiftre. cient & diligemment à l'image de ton
Ainfi, 6 Frères ie vous Fils par bonne & entière conuerfation,
recommande au Seigneur lefus, du- diledion, patience, reliiiion pure, vé-
quel la grâce foit perpétuellement rité,ie me
fidélitéfubmets
& prud'hommie.
auec voftre efprit, Amen. Priez & tant maintenantEt àpour-
toi ,
veillez; priez & veillez ; priez le Sei- ô Dieu iS: Père de grande clémence ,
gneur, Ambn (1). ne mettant ailleurs mon cfperance &
fiance, qu'en toi feul A en la croix,
mort ■& fang de noftre Seigneur lefus Gai. 6. 14.
Chrift ton Fils , par lequel le monde
L'oraifon qui s'enfuit a cjlé faite par m'eft crucifié,
defirant it ne &fouhaitant
moi au autre
monde,chofe
ne
Huilier, approchant de fa paffion &
mort, & a ejlé fidèlement recueillie finon le falut de mon ame, afin que ie
& traduite en cejle forme (2). puilTe viure auec Chrift, qui eft ma
vie, ma voye, mon efperance, tout
mon foulagement, bref, toute la de-
(i) l-'idit.
ouuriras mes deIcurcs.
IÇ64 ajoute
& ma :bouche
« O Dieu,
annon-lu ledation de mon efprit A defir.
cera ta louange. Amen. »
(2) Cctle prière se trouve dans les Har-
li'Liii Mis, avec quelques variantes. Crespin (.Taphe, qui ne liRurc que dans les éditions
antérieures à H70
l'a ahrcgce en suppriinani un dernier para-
419
JEAN HVLLIER.

H" OSeigneur, le regard du feu bruflant fupplie affeftueufement que tu forti-


& cruel me femblera vne chofe fort fies tellement mes pas, que ie ne me
grieue & horrible; mais ton bras tout deftourne iamais du droit chemin de
puilTant me fournifle forces fuffifantes, ta bonne & fainde volonté ; mais qu'a-
afin que ie fois affez puilTant pour por- près auoir heureufement paracheué le
ter le mal , que mon ame foit preferuee cours de cefte vie prefente , ie repofe
par ta raifericorde & bonté , ayant en ta paix. Augmente en moi le don
pitié de moi, ô Dieu créateur & gou- de patience de bien en mieux, autant
uerneur tres-benin de toutes chofes. que tu conois, félon ta grande fapience,
Et pource que, par ta clémence inef- qu'il m'eft befoin & expédient, toi qui
timable, tu m'as tellement infpiré , ô es le Dieu donateur de toute patience
Père celefte, & donné ce courage que & humilité. Et maintenant i'efleue de
ie te crain feul fur toutes chofes , & toute mon aflfedion & les mains & les
que ie mets toute mon efperance , at- yeux & tout mon entendement au
tente & fiance en toi , maintenant en throne de ta grâce, implorant ton fe-
la prefence de toute cefte compagnie, cours & ta force au milieu de ces
ie pardonne à tous les offenses contre maux & grieues oppreffions, & ce félon
moi perpétrées , voire leur pardonne ton ordonnance fainde que tu nous as
de bon cœur, & toi , mon Dieu, auffi donnée. Maintenant donc, ô Seigneur,
fai moi pardon. Et efface tous les dé- fai félon la parole de ta promeffe, que
lias & offenfes de ma ieunelTe defbor- quelque petite refpiration de ta bonté
dee ; aboli mes iniquitez, félon la gran- recrée mon ame affligée en tant de
deur de ta mifericorde & bonté , & fortes ; que ta puilfance aide à ma foi-
nettoye-moi de mes péchez cachez, blelTe & débilité, & m'ottroye que ta
parnoftre Seigneur lefus, ton trefcher vérité foit parfaite en mon infirmité,
Fils, & par le fang d'icelui efpandu en forte qu'endurant paifiblement cefte
pour moi. Car tous nos bien-faids ne mort qui m'eft auiourd'hui préparée,
valent rien du tout, s'ils font examinez ie laifl'e à mes frères vn ferme tefmoi-
& exigez à la balance de ta iuflice. Et
gnage de tamoivérité,
fait deuant ainfiautres
par mes qu'il frères,
a efté
neantmoins, puis que, par ta fainde
Ephes. 2. 10. volonté, as ordonné & préparé les qui font morts conftamment & fidèle-
bonnes œuures, à celle fin de chemi- ment pour le tefmoignage de noftre
ner en icelles, pour la confirmation Seigneur lefus Chrift, ton trefcher
Fils.
de noftre foi, & d'autant auffi que c'eft
noftreraifon
deuoirde de C'est à toi , 6 Dieu fouuerain &
bien nouslesefuertuer
acomplir,en c'eft
ceft
endroit. Et toutesfois nous mefmes, éternel,
vertu toutquepuiffante
ie m'adrefl'e, qui fais
& infinie, par que
vne
qui aurons fait ces bonnes œuures, ne cefte grandeur admirable du ciel & de
la terre fubfifte, & que toutes créatu-
lairrons
ne faifanspas rien
d'eflre
du feruiteurs inutiles,
tout qui emporte
quelque mérite, ains feulement ce qui res, quelles
feruees, qu'elles tu
lefquelles foyent, font faites
as iadis con-
eft de noftre deuoir, &, quelque bien Exode 14. 22.
de rien ; qui as fait pafl"er ton peuple
que nous ayons fait, fi eft-ce que nous d'Ifrael fain & fauf par le milieu de
auons befoin de crier auec le poure la mer rouge, ne plus ne moins que
Luc i8. ij. Peager : « Seigneur, fois propice & s'il euft eu à paft'er fur la terre ferme;
fauorable à moi poure pécheur, » & de qui as enuoyé ton Ange deuant leur
cercher ta mifericorde en Jefus Chrift
face pour chafi'er les geans hors de la
ton Fils, & non point en nos vertus, terre promife ; qui, félon ta puiflance
de nous qui ne pouuons autrement admirable , as tiré hors des flammes
ardantes & de la fournaife trois iuuen- & 6. 7.
eftre faits iuftes qu'en icelui. Parquoi, Dan. j. 2i
ô bon Dieu, en cefte mort que ie doi ceaux fains & fauues; qui as fermé les
fouffrir pour le tefmoignage de ton gueules des lions cruels, & en as de-
Euangile & de ta vérité, ie te ren liuré.ton feruiteur Daniel ; qui efprou-
grâces immortelles, de ce que ton bon ues les tiens ordinairement par le feu
plaifir a efté m'appeler à vn fi grand d'affliftion , ne plus ne moins qu'on
honneur, m'ayant adminiftré force & examine l'or en la fournaife , & c'eft
vertu. Car ie reconoi pour vn don fin- afin que les ordures de leur nature
gulier de ta clémence & bonté, toute
corrompue
recouurent foyent repurgees,
plus beau luftre, && foyent
qu'ils
cefte confiance & force telle qu'elle rendus plus dignes deuant ta face ;
peut eftre, & ie
reconoiffance. t'encefte
Pour fai hommage
raifon, ie &
te
combien que tu ne permettes qu'ils
-J««i
LIVRE SEPTIEME.

420
foyent aflli^ez & tentez plus que
leurs forces ne peuuent porter, ains
plufloll donnes ilfue à tes feruiteurs
fidèles au milieu de la tentation ar-
dente tt bruflante, & le fais auec Récit d'Histoire (i).
grand fruit, afin qu'ils efchapent fains Touchanl ceux qui. Je ce lemps , fu-
i*i: fauues, ou que par patience ils vie-
rent, par la bonlé Je Dieu, prejerue\
nent à obtenir vidoire. Car il n'y a
rien qui te foit impoffibie, non pas dif- des iùnçers, & de la main de leurs
ficile, ôDieu trel-grand, qui du com- aduerfaires, entre Icfif^uels ejl faite
Aélcs 6. 8. mencement as rendu Eftiene , ton menlion de la Ruine tli:^abeih.
champion fidèle, inuincible contre la
Il ne fera impertinent de déclarer,
violence de fes aduerfaires, lors qu'il
deuoit ertre lapidé pour la confeffion
Rom. 10. 10. de ton Fils Jefus ; bref, qui es riche comme en pafl'ant, qu'il y eut en ce
temps plufieurs expofez à la fureur
en mifericorde & bonté enuers tous des aduerfaires, & menez au feu & à
ceux qui inuoquent ton S. Nom en l'occifion par vne permiffion fecrette
vraye & ferme foi ; ie te prie & fup- de Dieu, mefmes qui n'ont
plie affeftueufement , toi Prince & preferuez des dangers pour peu eflre
quelque
Seigneur fur tous feigneurs, qui. des retradation qu'ils filfent; au contraire,
le commencement, as muni tous les il y en eut qui, par vne certaine dif-
Prophètes, & tous fidèles & fainds penfation diuine , fans fe defdire au-
qui ont elle mis à mort pour ton Nom, cunement ,font demeurez fains &
fauues au milieu des dangers, &,
d'vne vertu & force prefente , que tu
ne me dellitues point de la faueur de contre toute efperance humaine, ont
ta clémence L*i bonté paternelle en efté conferuez en defpit des ennemis
cède condition prefente tant mifera- de la vérité. Entre lefquels on peut
ble; plultort ton bon plaifir foit de mettre la Roinc Elizabeth, depuis ré-
maintenir ta propre querelle en ce
gnante (2) , car c'ell vne chofe digne
fait, afin que ChriA ton Fils foit glo- d'admiration , et comme auenué contre
rifié & magnifié en ce mien corps, toute efperance & opinion des hom-
maintenant dcftiné & ordonné à la
fifter mes,
en qu elle
tellea fermeté
peu fi longuement
& confiancefub-
de
mort. Je n'ai aucune efperance en
moi-mefme ; mais toute ma fiance eft pure Religion, contre tant de violen-
transférée en toi feul qui reflitues les ces & oppreffions, & contre la rage de
morts en vie. Et ie ne regarde point tant d'ennemis. La mort de l'Euefque
maintenant à autre but, finon que la de Wincellre (5) lui feruit beaucoup;
gloire immortelle de ton Nom reluife, car ellant forcené de rage contre les
& foit manifertee plainement deuant fidèles, s'il euftvefcu plus longuement
cefle affemblee de tes fidèles, à leur
grande confoiation en Jefus Chrifl,
(1) Crespin. édit. de 1564, p. 824; IJ70,
qui cil autheur et confommateur de
f"4;2: 1582, f ;92; 1597. f» 500; 1619, ^ 422.
noftre foi, & que toutes nations le
(21 Edit. de 15(14, 1570,1597: Cl aujourd'hui
louent d'vn bon accord A confente- régnante. » Elisabeth répna de 15ÇI) à lOo).
ment de louange éternelle. Amen. (5) Etienne Gardincr, évéque de Winches-
ter, mourut le 12 novembre 1555. Burnet as-
Par ces prières à Dieu , le cœur
sure qu' « il eut des remords de sa conduite
d'Huilier fut tellement fortifié et con- passée, ■• et que " ces paroles sortaient
souvent de sa bouche : Errant cum Pclro ,
folé , que
lui fut vn lagain,
mort pour
cruelle qu'il endura
le conduire à la sid non Jlcvi cum Pctro. » Il était lils naturel
de Woodville, évéquc de Salisbury, frère
vie éternelle & permanente à ia- d'Elisabeth, femme d'Edouard IV. Il était
mais (i). par conséquent parent de Henri VIII, ce qui
lui valut sans doute sa prompte élévation au
siège de Winchester. Il favorisa le divorce
(i) Crcspin suil lY'dUion latine de Koxe du roi , de
ennemi maisla ne tarda pas à Sévèrement
Réformalion. devenir l'ardent
tenu
qui, comme sa première cJilion uni^laisc, ne
donnait pas de dilails sur la fin de Huilier. à l'écart et même en captivité sous Edouard V I ,
Il se trouva ainsi tout désigné aux faveurs de
Foxe donna, dans son XII* livre, à pnriir Marie, qui fit de lui son chancelier. Il prit
de l'édition de i;6),unc relation fort émou- la tète de la réaction catholique et fut le
vante de la lin de ce martyr ^Voy. l VIII, cruel persécuteur des protestants. Ses grands
p. )7H de l'idil. toujours).
nous renvoyons de Josiah Prall, & laquelle talents furent au service d'une ambition sans
frein et sons scrupules. Sa mort ne fit pas
cesser la persécution , mais en modéra la
violence.
GEORGE EGLE.

il y auoit c!an,c;er aparent poui' la vie


& les biens de celle Roine Chrcf-
tienne. Mais Dieu, par fa bonté, eut
pitié de fon Eglife, & retint la malice
de fesaduerfaires en bride. Et comme, George Egle, Anglois (i).
en la conferuation de celle Roine, nous
auons veu la bénignité de noflre Sei- Par l'exemple de ce Martyr & de plu-
gneur Jefus Chrift, femblablement fieurs autres, nous voyons comme
outre elle , il y en a plufieurs autres 421
qui ont efté conferuez par celle mefme Dieu, pour l'exaltation'de fon Nom,
n'a efgard à la condition des per-
fonnes , ains le plus fouuenl Je fert
bénignité, les vns d'vne façon, les au- de gens de petite condition & ejlime,
tres d'vne autre.
On a donné congé à aucuns de for- quant au monde. Ce coujlurier An-
tir de la prifon fans le fceu des luges, glois cjl apariable en confiance à
celui qui fut prejenté au Roi de
& non pour autre raifon , finon qu'on France Henri II, dont ci-deffus ejl
s'elloit trompé en leurs noms, & quand
on eut aperceu la faute, on les fit de- faite mention, en l'an 1549 (2).
rechef cercher pour les emprifonner
& faire mourir, mais ils auoyent euité Entre les vrais feruiteurs de Dieu
qui ont foullenu fa querelle & enduré
Vne femme le danger auant qu'élire trouuez.
pour le tefmoignage de fon fainét
d'Effexe. On peut mettre en ce reng l'hiltoire
d'vne femme d'EITexe, laquelle fut Euangile, & defquels la vertu & conf-
tance eft recommandable, nous auons
accufee d'herefie, & mife en prifon. bien occafion de parler de George
Peu de temps après , eftant menée
pour ouyr fentence de condamnation Egle,homme
& l'eflimer de tant plus, qu'ef-
auec quelques autres Martyrs iufques tant de peu de lettres, il a
à onze ou douze, qui furent tous bruf- exécuté des hauts faits pour l'auance-
lez en ce mefme temps, elle n'atten- ment de la Religion , ainfi qu'on
doit autre que fentence certaine de pourra entendre par le récit de fon
mort ; mais Dieu, par fa mifericorde, hiftoire. Il plait ainfi au Seigneur de
fufciter bien fouuent des viles & ab-
y pourueut d'vne façon miraculeufe.
. Tous les autres fes compagnons fu- ieftes perfonnes, & s'enfa gloire
feruir &pourfa
rent appelez chacun par fon nom , & manifeîler aux hommes
fentence de condamnation & de mort puillance , comme au vieil Teftament
nous lifons de plufieurs qui de balle
fut prononcée à l'encontre d'eux ; mais condition ont elle appelez au degré de
quand ce vint au nom de celle femme,
l'Huiffier de la Cour, ou celui qui Prophétie. Le Seigneur, di-ie, appela
auoit charge de les appeller par leurs ceflui-ci de firaple eftat de coufturier, George appelé
noms, ne peut proférer droitement fon dont il faifoit mellier, au Miniftere, l'Euangile.
tion de
voire en vn temps fort ellrange, & lui à la prédica-
nom, foit qu'il le fill de propos déli-
béré, ou autrement. Elle oyant vn donna grâce , non feulement de pref-
autre nom que le lien, ne voulut ni cher purement fa Parole , mais aussi
refpondre ni comparoiftre, & en celle de mourir pour icelle. Efleuant donc

I
forte la laiffa-on retourner faine & ce poure couflurier fon efprit plus
fauue en fa maifon auec fes poures haut qu'à fa coufture, & ayant grâce
de dire, auec quelque peu de lettres,
enfans, qu'elle auoit pour lors en s'adonna entièrement aux Efcritures,
grand nombre. Toutesfois, aucuns ont
penfé que les Papilles firent cela tout & profita à r Eglife du Seigneur. Et
exprès, de peur que , quand la mère comme fous le règne du Roi Edouard, Le temps du
Roi
feroit morte, eux-mefmes ne fulTent qui futEuangelique,
le temps deil auoit
l'illuftration Edouard VI
contraints de nourrir ce grand nombre liberté exercé && l'Euangile.
fauorable à
d'enfans. Mais quelque caufe qu'il y mis à profit le talent du Seigneur, en-
euft, fi ne faut-il point oublier la pro- core le fit-il plus amplement après,
uidence de Dieu, qui eut vn tel ef- auenant la ruine de l'Eglife de Jefus
gard à cède poure femme (i). Chrifl, lors que la plus part des pref-
cheurs de fa fainéle Parole, difperfez
(i) Crespin avait ajouté ici deu.v autres
Récits J'histoire , qu'il a retranchés dans (i) Crespin, 1Ç64, p. 826; H70, f° 4? i;
l'édition de 1570, sans doute en vue d'abré- 1582, f" !95; 1597, f 590; 1619, f° 42;.
ger, et parce qu'ils racontaient, non des his- Le nom de ce martyr était George Eagles
toires de martyres, mais des histoires de résis- (dit Trud^'eover). Voy. Fo.xe, t. VIII, p. 395.
tance et d'évasion. Voy. édit. de 1564, p.82j. (2) Voy. t. I, p. 5?8.
LIVRE SEPTIEME.

422
ça&là, n'ofoyent nullement ouurir le cerchoit, d'où il fortit foudain, &
la bouche. Georj;e, allant en diuerfes fe fourra dans vn champ d'orge oui
contrées, confola & redreffa merueil- eftoit auprès, à bien grande difficulté
Icufement les defolez , tantoft aux vil- pour le grand monde courant ça & là.
les, maintenant aux champs, & fe Ten- Ne pouuant efire trouué, les pourfui-
tant pourfuiui des ennemis, fe rctiroit uans retournèrent, hors mis vn, lequel,
& cachoit au plus profond des bois & plus fin que les autres, monta fur vn
des forefts ; de forte que, pour raifon
arbre pour voir
ou mouuoir s'il le verroit
en quelque fortir,
part. George
de la peine & fafcherie qu'il prenoit à
cheminer ça & là, fut appelé le Cou- n'oyant perfonne, & cuidant eftre hors
reur (1). Il fe trouuoit fouuent en de danger, fe mit à genoux , & ayant
leué les mains au ciel, remercia Dieu
cefte neceffité, qu'il lui faloit dormir
au ferein, & paltbit fouuent la nuiél de la grâce qu'il lui auoit faite. Eftant La rufe de
en prières & oraifons. Il viuoit fi auf- aperceu au milieu des efpics , ou bien celuiGeorge.
qui print

terement, que de trois ans qu'il com- entendu par quelque refonnance de
mença d'eftre perfecuté, l'on ne l'aper- fa voix, lors qu'il eftoit en prière,
ceut onques boire d'autre breuuage celui de l'arbre defcendit le plus
Gcorçe
qu'eau ; fi bien que , par la grâce de coyement
Dieu, ne fe fentant plus foible ou de- puis eftant(1) qu'ilà lui
venu lui ,futle poffible,
faifit &
bile pour cela, il s'y acouftuma du l'emmena à Cloceftre. Ce garnement,
tout, pour y eftre duit (2) & préparé qui fe promettoit la recompenfe pu-
lors que la neceffité fe prefenteroit. bliée, fe contenta, s'il voulut, auec prironnier.
Ayant nées,
ainfi deux efcus qu'on lui dcliura. Ainfi
allant l'efpace
& venant,de ferui
quelques an-
(x profité George fut mis en prifon à Cloceftre,
au grand regret & defplaifir de toute
à l'Eglife, principalement au pays de
Clnceftre (î)& à l'cnuiron, Satan, en- l'Eglife, & de là à Chemsford (2), où
nemi mortel (qui toufiours porte enuie il fut traité fi cruellement, qu'on ne
au falut des Chreftiens) , mit fes em- lui ordonna par fepmaine que deux
bufehes par quelques gens de luflice.
En plufieurs lieux, on mit gardes & liures
Peu dedetemps
pain, après
& quelque
, eftant peu d'eau.
amené en
efpions pour le prendre comment ce iugement, fut accufé de lefe maiefté,
fuil, & pour l'amener vif ou mort. Ils d'autant que, des
il auoit fait contre les ordonnances
aftemblees. Car on
trauaillerent en vain quelque temps,
par ce que tant lui que quelques au- auoit fait en Angleterre vne loi, fous !
tres fidèles fe tcnoyent fur leurs gar- pYetexte d'obuier à fedition
des & fe mufibyent (4) es bois, es nerie entre le peuple : Si on &trouuoit
muti-
caues & greniers des maifons. Ils plus de fix perfonnes enfemble en lieu
Cruel cdii."' firent faire vn edid au nom de la Roine
contre Gcori fecret, qu'ils futTent accufez de lefe
Marie, lequel fut publié en quatre maiefté. George oui en iugement, dé-
diocefes : c'eft affauoir d'Effexe, de fendit tellement fa caufe , iufques à
Suffolk, de Cantorbie & de North- rauir les affiftants en admiration, monf-
folk , contenant que quiconque pour- trant les raifons par lefquelles la Re-
roit prendre George Egle , il auroit ligion deuoit eflre maintenue en fon
entier. Ce nonobftant, il fut condamné
deux cens efcus , & tant qu'il viuroit,
penfion annuelle de 60. efcus. comme rebelle, d'eftre premièrement
Plvsievrs efmeus de ce prix pro- pendu, puis à demi vif eftre mis en
pofé, tafchoyent par tous moyens de quatrcquartiers. Par mefme iugement, Hilloirc
furent auffi condamnez quelques lar- admirable de
le furprendrc, & de s'enrichir aux deux larrons.
defpens & dommage du poure Egle. rons & voleurs, lefquels eftans menez
Ils firent tant, que lui eflant vn iour à enfemble le lendemain au fupplice,
Cloceflre, fut aperceu de quelcun, & George les exhorta en allant enfemble
déféré incontinent aux aduerfaires. Il
au fupplice. L'vn d'iceux, brocardant
s'en douta aucunement, & fe retira le les admonitions de ce fainft pcrfon-
plus vifte qu'il peut ; mais ce ne fut nage, dit : « Deuons-nous douter que
pas fans ertre pourfuiui. Il s'efloit nous n'allions droit au ciel, puis que
nous auons ce beau fainél pour guide,
caché en un petit bocage lors qu'on
& qui va deuant nous pour aprefler le
logis ? » George le reprint ; auffi fit vn
1) Il TrudfTcover. » rail.
2) n:\perimente. Edit, de i;6; :
)) Colchcstcr. (ij Tranquillement.
(4) Se cachoient. (1) Cholmsford.
JEAN BERTRAND.

des criminels qui cfcoutoit le tout, le-


quel deteftant la malheureufe vie qu'ils
auoyent menée , prioit le Seigneur 42?
lefus de leur faire mifericorde ; mais
fon compagnon perfeueroit de mal en Iean Bertrand, "Vendofmois (i).
pis. Ils vindrent finalement au gibet,
& George fut mené de là en vn autre En cefl exemple , nous auons à confi-
lieu à part. Quant aux deux larrons, dercr de quels argumcns les aduer-
fciires ajjaillenl ks Fidèles , & com-
celui qui auoit remonflré l'autre, eftant ment ils s'accordent & concluent les
monté fur l'efchelle, exhorta le peu- procès
cruauté. par opinions tendantes à
ple, & après auoir faindement recom-
mandé fon ame à Dieu , trefpaffa en
bonne conoiffance. Puis vint ce bro- Iean Bertrand, natif du bourg de
cardeur, lequel, félon la couftume, vou- Montoire (2), au pays de Vendofmois,
lant femblablement admonnefter le
garde des bois de la foreft de Mar-
peuple, ne fe pouuoit nullement ex- chenoir, qui ell au Comté de Dunois,
pliquer, tellement & de tant plus qu'il fut conliitué prifonnier pour la parole
s'efForçoit de fe faire entendre, & de Dieu en l'an M 56, le Mercredi
moins il auoit de moyen de proférer cinquième iour du mois de Feurier,
vne feule parole diftinâe. Le luge lui
commanda de dire la Patenoflre ; mais & fut pris par les Seigneurs d'Efte-
nay & de Cigongnes, demeurans près
il ne s'en pouuoit defpeflrer, & n'y dudit Marchenoir , & amené lié es
auoit chofe qui tant l'empefcliaft que prifons royales à Blois, où eftant em-
fa propre prifonné , fut interrogué par vn Con-
mença delangue mefme.
prononcer vn L'on com-
mot après feillier du fiege prefidial dudit Blois,
l'autre, pour lui monftrer comme c'ef- nommé Denis Barbes, lequel en ceft
toit qu'il deuoit dire, & pour lui met- afaire fe monftra prompt & diligent,
tre dans la bouche ; encore ne pou-
afin qu'il fuft eftimé bon zélateur &
uoit-il fuiure celui qui parloit. Ceux
qui virent ce fpedacle ne fauoyent fuppoft de l'Eglife Romaine. Et de
premier faut lui demanda , en termes
eux-mefmes que dire, tant efloyent
eftonnez, & mefmement ceux qui fa- confus, s'il n'auoit pas vn iour tenu
propos
les contre
fainds Dieu, de
& faindes contre l'Eglife
Paradis. Ber-&
uoyent comment tout s'eftoit paffé,
reconoiflbyent que c'elloit véritable- trandaucunement
refpondit que non, & qu'il
ment vne iufte punition & vengeance voudroit parler, finonn'en
en

I
Execution de de Dieu. Cependant George fut auffi telle reuerence que Dieu commande.
George. exécuté ; premièrement il fut à demi Interrogué s'il n'auoit pas dit que la
eftranglé, & puis defcendu du gibet, Meffe eftoit vne chofe tres-abomina-
& mis en quatre quartiers. Il demeura ble, par laquelle les preftres abufoyent
ferme & confiant en celle efpece de
martyre, iufques à ce que le bourreau, le
Surpoure
quoi peuple,
lui futconfeffa
demandéqu'ainfi eiloit.;
la caufe
lui ayant cruellement fourré le bras
dedans le ventre, lui arracha le cœur ((Pource(dit-il) qu'ayant, auec la grâce
de Dieu, leu & veu diligemment tant
du corps, ainfi qu'on fait communé- le vieil que le nouueau Teftament, ie
ment en ce pays-là. La telle fut mife n'y ai trouué en aucune forte ce mot
fur vn haut pofteau à Clocellre ; les
de Melfe ; parquoi ie l'ai en horreur Le mot de
quatre quartiers feruirent de monftre & abomination, en tant que S. Paul Mcire.
à Ifpwich, Haruich, Chemsford & à efcriuant aux Galates nous enfeigne, calat. i. 8
fainft Rouffy (1). En celle forte, ce Que fi vn Ange defcendoit du ciel
fainél perfonnage, & plus digne du pour nous annoncer autre Euangile
ciel que de la terre, mourut, mefprifé
& abominable en ce monde, mais ex- que ceftui-là qu'il a prefché, que nous
cellent &précieux deuant le Seigneur ne le croyions point. Ce que fembla-
blement S. Iean conferme en la fin de
Jefus Chrill & fon Eglife. fon Apocalypfe, où il dit, que les Apoc. 22. 19.

(i) Il faut lire Colchester, Ipswich, Har- " S. Rouses. » On suppose qu'il s'agit de
wich , Chelmsford et Saint-Osyth. Ce der-
nier nom est incertain. L'édition latine de Saint-Osyth , sur la côte de l'Essex.
Foxe porte » S. Roulium, » ou « Roulîum, >■ (i) Crespin, 1564, p. 828; 1570, r'4;2;
ou (. Rourtum , >i car le caractère employé 1582, i° 594; 1597, f° Î91 ; 1619. f°42)-
n'est pas clair. Les éditions anglaises ont (2) Montoire, arrondissement de 'Ven-
dôme (Loir-et-Cher).
LIVRE SEPTIEME.
424
playcs & malcdiélions efcrites en fon en cette efpece de pain, & qu'il y eft
liurc tomberont fur celui qui ofera compris en quelque forte que ce foit.
entreprendre d'adioufter ou diminuer Interrogué s'il n'auoit pas dit qu'on
vne lyilabe outre, ou pardeffus ce qui s'abufoit de penfer & croire que la
vierge Marie, les fainds *& faindes de Inlerceffion
crt elcrit. D'auantage, il adioufta des faines.
qu'elle ertoit fans aucune doute inuen- Paradis, ayent aucune puillance de
tee des hommes, veu que lefus Chrift, prier ou intercéder pour nous enucrs
fes Apolires & Prophètes n'en font Dieu ; auffi qu'il ne faloit aller en
aucune mention, & que par icelle la
mort & paffion de nollre Seigneur & voyage (i) r Refpondit qu'oui, & qu'il I. Ican 2. 2.
eftoit efcrit en l'Epiftre de S. Jean :
Sauueur Jefus ChriH e(l anéantie, en- Que nous auons vn Aduocat enuers
tant qu'ils confeffent eux-mefmes que le Père, qui ell Jefus Chrift le iufle ;
auffi qu'en l'Euangile félon faind lean 6. 44.
c'eft vn facrifice, & que facrifice ne fe
peut faire fans efîufion de fang, & par lean, Chrift lui dit mefmes : Que nul
confequent qu'ennoftre
ce faifant ils cruci- ne peut venir à fon Père finon par lui.
fient derechef Seigneur Jefus Et aux Ades des Apoftres, faind
Chrift, lequel ayant fatisfait vne fois Pierre & faind lean, remonftrans aux
Scribes & Pharifiens, difent : « lefus Aflcs 4. 12.
Heb. 9. 22. pour toutes,
la croix a dit eflant
, en mourant en l'arbre
: « Tout de
eft con- Chrift, lequel vous auez crucifié &
Ican 19. ;6.
fommé. » Et pourtant c'eft vn blaf- mis à mort , c'eft la pierre qui a eft6
reiettee de vous cdiiians , laquelle a
pheme d'y attacher la remiffion des
péchez pour les viuans, & la deli- cfté mife au principal lieu du coin , &
urance des amcs de leur Purgatoire
n'y a point de falut en autre qu'en lui.
fiour les tenir
oit pas morts.vn Interrogué
Purgatoire,s'ila ne
dit vou-
que loint auffi
donné fousqu'il n'y aentre
le ciel point les
d'autre nom
homnies,
Purgatoire.
non, & que le feul fang de noftre Sei- par lequel il nous faille eftre fauuez.»
gneur lefus Chrift fatisfaifoit à toutes
I, Ican 3. 2. nos dettes, comme faind Jean en parle Il difoit. au refte, qu'il n'eftimoit rien
conoiftre (fuyuant la doélrine de faind
Paul) finon Jefus Chrift, & icelui cru- I. Cor. ). 21.
en fa Canonique. Auffi qu'il n'y auoit cifié.
que deux &voyes
faluation, 1 autre: l'vne qui meine
à damnation éter-à Le Samedi enfuyuant , il fut dere-
nelle. Interrogué s'il n'auoit pas dit chef appelé par ledit Barbes, auec vn
autre confeillier du fiege, lefquels lui
que c'eftoit abus de croire qu'en l'hof- firent faire ledure de mot à mot de
tie , que monftre le Preftre en la
Meffe, lefus Chrift fuft compris en fes Interrogatoires & Refponfes , lui
L'honic du
chair & en os, comme il eftoit en l'ar- demandans s'il vouloit perfifter en
Prertrc bre de la croixen; voire
aucunement force itniqu'il
en n'y eftoita
vertu, icelles. R. Qu'oui, & que , moyen-
fans force & nant le plaifir de Dieu, il vouloit mou-
vertu. confeffé eftre ainfi, prouuant fon dire rir en cefte confeffion. D. « Où il
par vn des articles de noftre foi, au- auoit fait fes Pafques cefte année .-' »
quel ileft fon
dit qu'il eft &affisauffi
à la par
dextre R. « Qu'il les auoit faites en foi-mefme
de Dieu Père, les en efprit par foi. » D. « Pourquoi il
Euangeliftes: " Si on vous dit : Ici eft ne les auoit célébrées auec les autres
Chrift, ou le voici , ou le voilà , ne le comme vn bon Chrefticn ? » R. » Elles
croyez point. Que fi on dit : 11 eft au
ne fe font &ainfi
commandé faitque
aueclefus
fes .Chrift l'a
Apoftres,
defert, n'y allez pas. Il eft au cabinet,
mais font du tout changées ; & mef-
Matth. 24. 2;. ne le croyez pas. Car comme l'efclair mes eflans faites à la manière vfitee &
fort d'Orient, & fc monftre en Occi-
dent, ainfi fera l'auenement du Fils obferuee entr'eux, ne font que pure
de l'homme. " D'auantage, qu'il eft ef- idolâtrie, d'autant
Aéles ). II. crit aux Ades des Apoftres, que Jefus rer lefus Chrift en qu'au
efprit lieu d'y ado-
& venté, on
Chrift delaift"ant le monde au(quant y adore vn morceau de pain. » Vou-
humanité) >.% montant ciel,à fon
fes lant pourfuivre outre, on ne le permit
Ap<iftres& difciples le regardans mon- pas , ains le remirent à deux Doc-
ter, l'Ange s'aparut à eux, & leur dit : teurs, l'vn lacopin, & l'autre Corde-
« Hommes Galileens, pourquoi vous lier, deuant lefquels il fut mené le
arreftez-vous, regardans au ciel? ainfi Vendredi quatorziefme iour de Fe-
que vous auez veu ce lefus ici aller
au ciel, ainfi en viendra-il. n Partant, urier, en Roi,
uocat du la prefence
& deux deautres
Barbes, l'ad-
Confeil-
c'eft vn grand abus de vouloir faire
acroire au poure peuple qu'il defcend (1) En pèlerinage.
425
JEAN BERTRAND.

liers du llege , où eftans , le Corde- D'auantage, qu'il fe repentoit &de- m.d.lvi.


lier & le Jacopin firent beau femblant
Dieu de ce qu'il
de lui remonftrer fa ieunefTe ; mais il rnandoit
n'auoit fait valoirà le talent qui liai
pardon
leur refpondit que cela n'y faifoit auoit efté donné. Interrogué qu'il
rien,rendu
tre puis au
quefeul
l'honneur en dcuoit
Dieu. Ces Moinesef-, auoit fait de fes liures.^ dit qu'il
n'auoit qu'vn nouueau Teftament, les
tafchans par tous moyens de lui rom- Pfeaumes de Dauid , le Catechifme
pre l'onConciles
fainfts propos, lui
& alleguoyent
leurs vieillesleurs
ref- &Dieu
les àPrières
Geneue,qu'on fait en
le tout en vn
l'Eglife de
volume,
veries fcholaftiques ; mais Dieu lui fit
& qu'à fa prinfe il les ietta fecrette-
la grâce de furmonter leurs cauilla- ment pourdont
la crainte qu'il auoit des
tions & finelTes , & leur dit qu'il ne hommes, il fe repentoit. Enquis
s'arrefteroit qu'au fainft Concile de qui les lui auoit vendus, refpondit que
Jefus Chrift & de fes Apoftres. Ils ce fut vn libraire en pleine foire de
l'interroguerent quelque peu fur la S. Léonard. Interrogué s'il conoiffoit
Cène, affauoir fi, fous cefte efpece de ledit libraire , déclara que non. Or
pain, Jefus Chrifi n'eftoit pas compris : voyans lefdits qu'ils ne pouuoyent
Difpute fur à quoi il refpondit que non. Les ad- auoir autre chofe de lui , l'aduocat du
la Cène. uerfaires lui répliquèrent que fi , & Roi lui dit, s'il fe vouloit defdire ,
que Jefus Chrift auoit dit à fes Apof- que comme Jefus Chrift pardonne, il
tres (après qu'il eut rompu le pain & lui feroit auffi pardonné , & qu'il en
le leur eut baillé) : « Prenez , man-
prieroit les Seigneurs pour lui. Ber-
gez, ceci eft mon corps. » Il refpon- trand refpondit qu'il eftoit efcrit :
dit que Jefus Chrift ne parloit ni au Qu'en ceci ne faut craindre les hom- Matth. 10. 28.
pain ni au vin, lefquels demeurent en
leur fubftance de pain & vin ; mais mes , qui n'ont puiftance que fur le
corps ; niais qu'il faut craindre Dieu ,
que , tout ainfi que le pain & le vin
font nourriture de nos corps , auffi qui a puifl"ance fur le corps & fur
l'ame , le pouuant du tout mettre en
que le corps & le fang de noftre Sei- la géhenne du feu. Qu'icelui auffi a Mauh. 10. 52.
gneur lefus Chrift nous font don-
nez pour nourriture de nos âmes. promis à ceux qui le confefferont de- ^^ ^'^ lo-
Et ne faut cercher lefus Chrift ni au uant les hommes
blablement les confeft'er
deuantde Dieu fon Pèrefem-,
pain ni au vin , mais là haut au ciel , adiouftant qu'il ne s'attendoit point
alléguant à ce propos le paffage de de perdre vn feul cheueu de fa tefte,
fainà d'autant qu'ils eftoyent tous contez.
mangé. Auguftin : « Croi
» En après, eftant, interrogué
& tu l'as
Les deux Caphars qui là eftoyent
où il auoit apris ce qu'il difoit , ref- , voyans dequ'il
prefensenflambez eftoit ainfi re-
pondit que Dieu lui auoit apris par folu, defpit, départirent
fon Efprit , & qu'autre ne lui auoit du lieu , & dirent à ceux de la luftice
monftré ; toutefois que bien eftoit vrai
qu'il le faloit brufler comme perni-
qu'il auoit hanté vn certain perfon- cieux Luthérien. Aufquels (comme ils
nage qui eft maintenant à Geneue , s'en alloyent) Bertrand refpondit : " le
auquel il en auoit communiqué. Inter- prie Dieu par noftre Seigneur lefus
rogué plufieurs fois par ferment pour
fauoirauec quelles gens il auoit hanté Chrift qu'il la grâce
me enfaceeflfeél, de l'en-
durer. »Voila, les principa-
& communiqué de fa dodrine, depuis les Interrogatoires & refponfes, lef-
le département d'vn nommé D. L. (i) quelles le fufdit prifonnier a efcrites
a refpondu que d'autant qu'il n'eftoit de fa propre main , à la fin defquelles
pas marié, ilfrequentoit plufieurs gens, il mit ce qui s'enfuit : « le prie tous
fans aucune exception ou efgard , ne
leur communiquant rien de la parole mes frères, qu'ils n'oublient à prier
Dieu d'vn mefme accord pour moi ,
de Dieu ; mais qu'il en alloit faire afin que le tout foit à la gloire de fon
lefture en la foreft de Marchenoir (2). Nom & édification de nos prochains.
La paix de Dieu foit auec nous tous ;
(i) Nous ignorons à qui peuvent se rap- nonobftant que fois abfent de vous
porter ces deux initiales.
(2) Sur l'église de Marchenoir, qui devint corporellement, » ie ne lain"e d'y eftre
fpirituellement.
fort importante, et compta, au dix-septième
siècle, Claude Pajon parmi ses ministres,
voy. Bèze,
çois), dans \aI, France
84, 569. l'art. [v
protest, Tcxicr (Fran-
édit.j, et le
Bulletin, t. XII, p. 42.

\
LIVRE SEPTIEME.

426 Et d'auantage , qu'en fes fufdites


refponfes il a dit vouloir perfifter ,
Le furplus dc}fon procès conlcnoit ce
voire viure
diroit autre &chofe.
mourirAu: bref,
moyenqu'il n'en
dequoi
qui s'enfuit.
fut enuoyé cfdites prifons, & procédé
Le 17. iour d'Auril , audit an, les i\ prendre les opinions de chacun des
Juges & Confcillers fufdits, auec au- fufdits Lieutenant iS: Confeilliers , à
tres de leur fadion , eflans aflfemblez,
firent venir en la chambre du confeil la manière que s'enfuit. Barbes, opi-
nant le premier , comme rapporteur
où ils eftoyent : Nicole Pothce, doc- du procès, dit et conclud que Ber-
teur en Théologie ; lean de Chreux, trand deuoit eftre bruflé vif, attaché à
de Tordre des frères Prefcheurs ; vn pofteau au marché aux porcs en
frère Pierre Stephay, licentié en
Théologie ; Guillaume Venant , de ladite ville de Blois, ce qu'aprouue-
rent les Confeilliers , exceptez quel-
l'ordre de fainft François. En la pre- ques vns , dont vn fut d'auisoùdeil lea
fencc.defquels fut amené, ledit Ber- faire mener à Marchenoir,
trand ,prifonnier, auquel, fur les pré- commis le delid , A là au lieu public
tendues fautes c*i: erreurs fufdits par attaché à vn pofteau, eftre eftranglé
lui commis, tant fur le Sacrement de & puis réduit en cendres. Vn au-
l'autel, Confeffion auriculaire, déné-
gation du Purgatoire qu'autres fauffes eftretrependu
opina femblablement
& eftranglé &qu'il deuoit
puis mis
opinions dont il eft chargé par fon Notez ici qucj
en cendres, & que, pour ce faire,
procès, lui furent faites remonlirances deuoit eftre mené à Marchenoir, où il
a commis le delift & où il eft domici- le iugcment de
telles que s'enfuyuent , tendantes à la conucrfion
conuertir ledit Bertrand , & le rame- lié. Or le Huchicr(i)eftant de fembla- du patient
ner à la foi & religion Chreflienne. ble opinion que Barbes, on lit cefte ert par ces
En premier lieu, lui a efté remonflré beaux aduis
reflridion : affauoir, que fi le Bour- attribué à la
qu'il efloit en grand'erreur de dire reau void que ledit prifonnier fe re- conoIlTance du
qu'en la fainde hoftie, la confecration conoiffe & fe vueille defdire, lors qu'il bourreau.
faite par le prellre , le précieux corps fera attaché au pofteau, le fera eftran-
de J. Chrift n'eft pas contenu, lui fai- gler
brufléfanstoutfentirvif. leEt feu,
vn finon
nomméqu'ilBiard
fera
fanl entendre, par plufieurs paffages à
lui alléguez , que le contraire de fon conclud femblablement que le Hu-
dire eftoit vrai , & , en outre, qu'il y chier, affauoir qu'il feroit mené des
a grande différence entre le pain ma- prifons de Blois, en vn tombereau, au
tériel & le pain fpirituel , lui mettant marché aux porcs de ladite ville, pour
en auant plufieurs raifons, afin de lui
là eftre eftranglé s'il fe veut défaire,
perfuader qu'en ladite fainfte Eucha- finon fera bruflé vif, & qu'auant ce
riflie efloit le vrai & précieux corps faire il fera mis en la torture & quef-
de lefus Chrill. Bertrand refpondit tion extraordinaire , alléguant pour
que cefte dodrine efloit faulTe, & que raifon ce morceau de Latin : Ad indi-
rhoflie n'eftnit feulement qu'vne image candos focios (2). Il adioufta auffi que,
de pain , faite contre toute ordon- pour plus grand exemple , il deuoit
nance de Dieu , qui a défendu de élire bruflé en peinture audit lieu de
faire image pour adorer. Item , que Marchenoir.
véritablement il y auoit différence en- De laquelle fentence Bertrand ap-
tre le pain matériel i& le pain fpiri- pela à la cour de Parlement à Paris,
tuel , qui eft le corps de noftre Sei- où il fut mené, & perfifta en la confef-
gneur Jefus Chrift , lequel il faut fion de fa foi , comme il auoit fait à
cercher là haut au ciel , où il eft à la Blois. Toutefois, cftant tombé au iu-
dextre de Dieu fon Père , & non gement de certains Confcillers en-
ailleurs. Or, quant à la Meffe, la- tendeurs de la parole de Dieu , qui
quelle lefdits Théologiens lui vou- effayercnt tous moyens de le faire
loyent perfuader auoir efté inftituee defdire , n'ayans rienfa condamnation
profité , pour
de Dieu , & depuis célébrée par fes lauer leurs mains de
Apoftres , Bertrand perfiftant en fa & s'excufer enuers les fidèles de Pa-
première depofition , dit qu'elle eftoit
inftituee des hommes, & qu'il auoit (1) Ce mol, qui si(.'niriail dans le viçux
diligemment leu le vieil & nouucauTef- rrançals sculpteur en bois, est ici un nom
tament en François, efquels il n'auoit
peu trouuer ce mot de Meffe, &c. (2) Pour lui faire indiquer ses complices.
propre.
JEAN BERTRAND. 427
Bertrand; au ciel , il fe prefenta de grand cœur
ris , ils le chargèrent d'eftre Anabap-
hart;é d'ertre
Anabaptille.
tille, afin de couurir deuant les hom- fur le fiege qui lui elloit préparé au
mes l'iniquité de leur iugement : lequel bout d'vne pièce de bois, & dit ces
palTé en arreft, Bertrand fut ramené à
mots : « Le beau lieu qui m'eft ici
Bloys, & l'exécution faite au marché préparé ! ô heureufe iournee 1 » Et
aux pourceaux, le premier de Juin
quand
dit : c( le
Monfeu Dieu
fut allumé,
, donneil la
s'efcria
main &à
Mï6. prefent Barbes, confeiller exé-
cuteur de ladite fentence. ton feruiteur; ie te recommande mon
QvAND le Geôlier l'appela pour ame. » Et ainfi
tourmenter rendit l'efprit
aucunement. Ceux fans
qui fey
venir à la prononciation de fon arreft,
il eftoit en prières. On lui ouit dire elloyent prefens dirent que ce fut vne
ces mots en priant : « Seigneur, main- mort autant confiante qu'on ait veu de
tien moi, & me fouftien; garde-moi & long temps , voire telle que tous en
m'affifte iufqu'à la fin. Fai-moi la efloyent eftonnez. 'Vne dame, qui ce
grâce de foufFrir conftamment ce qui iour-la eftant à Bloys, fe fit mener en
m'eftdeuant
offert ce
auiourd'hui. litière pour voir cefte exécution , dit
fut Confeiller » exécuteur
Sitoft qu'il,
qu'elle n'auoit onques veu chofe qui
l'aduocat du Roi & plufieurs Corde- tantcel'euft
de confermee que la patience
Martyr.
liers & Jacopins, & autres gens, il fut
alTailli de diuers propos, aufquels il Avssi, entre autres chofes qui auin-
refpondoit de grande affeftion , prou- drent durant fes liens , à vn certain
uant fon dire par texte de la S. Éfcri- iour, comme le confeil eftoit fur fon
ture. Deuant qu'eftre liuré au bour- procès , & l'auoyent fait monter pour
reau ,les Caphars lui prefenterent
l'interroguer , vn gentil-homme Pa-
vne croix de bois , difans qu'il la bai- pifte qui eftoit en la falle, après que le
fafl & qu'il fe confelTaft à l'vn d'eux ; prifonnier fut forti de deuant les Ju-
Refufe d'eftre
idolâtre. mais il refpondit qu'ils fe departiffent ges, l'appela et lui dit : « Mon ami,
de lui , & qu'il n'auoit que faire à à ce que ie voi & enten, vous eftes
eux ; que ce n'eftoit là cefte croix qu'il ici pour voftre opiniaftreté ; il faut
lui conuenoit porter, mais qu'elle ef- que vous ceffiez de maintenir vos er-
toit bien autre que la leur, qui efl reurs ,que vous-vous repentiez & vi-
d'or , d'argent ou de bois. Et fur ce uiez comme les autres. 'Voulez-vous
fe recommanda aux prières mefmes eftre plus fanant que tout le monde .''
des prifonniers, defquels plufieurs di- Si vous voulez, Meffieurs vous feront
Sa confiance
rent : « Dieu te face la grâce d'endu- miféricorde. » Bertrand ne s'efton-
& patience. rer patiemment ton martyre. » Eftant nant de cela, refpondit : « Monfieur, Bertrand
Refponfe à de
vn
forti de la prifon, il monta en la char- ie vous remercie ; ie ne fuis pas ici
rette ,& affiliant grand nombre de frentilliomme.
pour maintenir erreur; ie n'ai rien dit
gens, dit : « Je ren grâces à mon
Dieu de ce que ie ne fuis ici pour qui ne foit
fuffifant véritable,
tefmoin. & Dieu
» Ce m'en eft
gentilhomme
meurtre, larrecin ou blafpheme, mais lui dit : « Si vous ne parlez autre-
pour foullenir la querelle de mon ment, ils vous feront mourir; voulez-
vous eftre caufe de voftre mort .^ »
Sauveur. » Et le bourreau, l'ayant en-
tre fes mains, lui dit : « Mefchant,
Bertrand refpondit derechef : « S'ils
penfent, & vous auffi, Monfieur, que
pourquoi
Ce did, n'as-tu
lui ferravoulu baifer lalecroix
rudement ?n
col de pour euiter vne telle peine que celle
la corde; mais Bertrand palTa celle dont me parlez , ie filTe chofe contre
iniure & violence, & lui dit : « Mon Dieu , pour demeurer priué de fa
ami , Dieu te pardonne ; » & fe print grâce, ils s'abuferoyent grandeinent.»
à chanter du Pfeaume :
Depvis qu'il fut ramené de la cour
de Parlement de Paris , le iour de
Pf. 25. A toi mon Dieu, mon cœur monte, deuant fon martyre , vn homme de
bien lui efcriuit vne lettre , dont la
& du Pfeaume : teneur s'enfuit de mot à mot.
Pf. 26.
Mon Dieu, prefte moi l'oreille.

les verfets convenans au temps & à Le Pcre de toute miféricorde & de


l'aéle où il eftoit , & continua lufques confolation vous ajjifte & conforte,
au lieu du fupplice. Il auoit le vifage par les mérites de /on cher enfant
beau au poffible , & les yeux efleuez lefus Chrifî nojîre Seigneur. Amen.
LIVRE SEPTIEME.

28
4Trescher frère & ami, nous auons vous affifle, qu'il vous fortifie & garde
grande occafion de remercier noftre
de la gueule
demain du lyon.deOr,
la inurnec frère , vous
laquelle c'efl Pf. 118. 24,
bon Dieu , en ce qu'il nous demonf- deuez dire : Voici la fainde iournee;
tre de iour en iour l'alTeftion qu'il
, l'ornanteftd'vne in- refiouift'ons nous enicelle. Le Seigneur
uincibleà fon
porte Eglife laquelle
charité, de telle Dieu qui en vous a commencé vueille
force & vertu, que ceux où elle habite en vous paracheuer par lefus Chrift
ne peuuent eftre feparez de leur chef& noftre Seigneur. Les fidèles vous fa-
capitaine Jefus Chrid noflre Seigneur, luent & prient pour vous, en vous re-
& combien que Satan, maiftre de diui- com andant àla grâce de celui du-
fion , ne tafche qu'à diuifer les mem- quel vous iouyrez pleinement en fa
bres d'icelui , toutefois l'efprit de Dieu gloire éternelle. Amen.
befongne en telle façon , que Satan
eft vaincu par la patience des cnfans
de Dieu. Nous auons oui voftrc arri- «S'<^!i'vji'»S~S'»S'*S'*S"^ji"^*'*S'S'
uee de Paris , auec le décret des lu-
ges inhumains , & auffi vortre conf- Arnavd Monier & Iean
Gafcons (i). de Cazes ,
iance it diledion enuers noftre Dieu
& fon Fils Jefus Chrift. Quant au dé-
cret & fentence , eftans d'vn mefme La promplilude de ces deux Martyrs ,
corps & Eglife que vous , nous ne thrili,
en fe pref entant au danger pour la
pouuons que n'en ayons douleur & doârine du Seigneur, nous donne à
angoitTe en nos cœurs; mais regardans conoillre que la querelle qui eft
& confiderans la conllance de laquelle
noftre bon Père vous a armé & ar- foujlenue au Nom de lefus
mera, fommes grandement confolez. eft duloul différente de celle aeu on ce
entreprend pour les chofes di
Et c'eft en quoi il nous faut refiouir, monde , en laquelle les hommes
voyant qu'eftcs efleu de Dieu & ap- auffi douteux & incertains
pelé pour eflre tefmoin de fa faincle uffi doute
vérité, difciple & efcholier du chef de cejte-ci l'on eft affeuré de la vidoire,
fon Eglife & congrégation. Jefus Chrift des l'heure que le Capitaine met
quelcun des fiens au combat.
noftre Seigneur vous appelle à ce glo-
rieux combat , pour l'enfuyure comme Arnavd Monier , natif de la ville
voftre chef tS: capitaine, en telle sorte de Sain-milion en Bourdelois (2)qu',feonnt
que verrez Satan , le monde , la chair
furmontez & veincus , attendant la aagé d'enuiron 25. ans, fut conftitué
couronne incorruptible & éternelle. prifonnier en la ville de Bourdcaux ,
le 2(,. iour d'Auril, vers les fix heures
Parquoi,courage
prenez frère & à ami, refiouift'ez
ce glorieux vous,
combat. du foir, par Antoine de Lefcure, pro-
Vous fauez pour qui vous combatez , cureur du Roi, lequel le fit mener en
Matth. 10. 24 la conciergerie
La mcfmc 25. , &fouuiene
qui eft voftre Capitaine. Qu'il vous inlerrogué on fa du Parlement
maifon, : l'ayant
en la prefence
que le difciple ne peut cftre de fes feruiteurs, de la fni & religion
plus grand que le maiftre, & que, fi on
appelé le Seigneur lefus Chrift : Dia- qu'il tenoit Et combien, que Monier
euft remonftré au vif les iugemens de
ble & fedudeur, on le fera plus aifé-
menl à fes domeftiques et feruiteurs. Dieu à Lefcure, à ce qu'il ne fouillaft
fes mains au fang des fidèles , autre-
On hait le &Seigneur
du monde, auffi fes, car il n'ert , pas
feruiteurs car ment qu'vne horrible punition de Dieu
ils font feparez du monde. Pourtant , lui eftoit apreftee, ce procureur ( com-
voyez que Satan ne vous contrifte , bien qu'il fe monrtraft aucunement ef-
La mcrme 22. mais perfeuercz conftamment, car qui
&meuremonftrances)
iV touché par ne tels lailTa
aduertift"emens
toutesfois
perfeuercra iufques à la fin, il fera
fauué.
tre nomAyez
eft efcrit cefte auaft"curance i^ue Gar-
liure de vie. vof- (i) Crcspin , 1556, p. 512; 1564, p. 8)2 ;
dez-vous de la cautclle des Caphars. n;o. 1»'4!4; 1502, f» )9r, 1597. (° iOi; 1619,
1^42?. Voy. Dom Devienne. HisI . de Bor-
Soyez prudent comme le ferpent. Per- deaux, I, 129; de Thou, Hhl.. lib. XVII;
mettez que tout voftre fang forte Gaullicur, Hist. de la Ri'/, à Bordeaux, I ,
goutte à goutte , pluftoft que voftre 14Ç. Celle notice termine In Troisiime partie
l'autre.
du Recueil des Martyrs de i(?'', et a passé
chef, qui eft lefus Chrift, foit offcnfé.
Nous fommes tous en ordre pour sans cliangcments notables d'une C-dition à
(2) Saint-Eoiilion (Gironde),
prier & requérir noftre bon Dieu qu'il
ARNAVD MONIER ET JEAN DE CAZES. 429

de pourfuyure l'emprifonnement , & principaux, affauoir en la prière qui


du iour au lendemain auertit la Cour. commence : Noilre Père , &c. Aux
Examen de Le Mercredi enfuiuant, vingtneu-
Monier. commandemens de Dieu qui fe com-
fiefme du mois, Monier fut appelé en
la chambre criminelle par deuant les mencentEj
: coule, IJ'racl, le fuis, &c.
Aux articles de la foi qui commen-
CommilTaires députez , & par eux in- cent :le croi en Dieu. Et aux fainds
terrogué de tous les poinds de fa foi , Sacremens que noftre Seigneur Jefus
mefme fur la Mefle, fur le Purgatoire Chrift a inftituez en fon Eglife. Signé,
& vénération des Sainds : à quoi ayant Monier. »
fuffifamment refpondu, pour plus am- Le trentiefme d'Auril , arriua à
ple confirmation de fon dire, le tren- Bourdeaux Jean de Cazes, de la ville
tiefme dudit mois, rédigea par efcrit de Libourne, grand ami & compagnon
& figna de fa main les articles qui dudit Monier, qui , ayant entendu ce
s'enfuiuent :
que deffus,
délibéra de efmeu
trouuerd'vn zèle Chreftien,
moyen de parler
« Bon Diev , plaife-toi m'aider à fon ami, afin de le confoler & forti-
par ton fainft Efprit. Amen. La raifon
pourquoiculté de ie n'ai point
manger chair fait
en de diffi-
quelque de lafierconciergerie
aux promefles lui
de fut
Dieu. L'entrée
refufee par
temps que ce fuft, eft pource que trois ou quatre fois, auec auertifte-
1. Tim. 4. 5. S. Paul dit , que ceux qui défendent ment qu'il fe retiraft, pource que la
de fe marier & s'abftenir de viandes Cour auoit exprefl'ément commandé
que Dieu a créées pour en vfer auec au Concierge de conftituer prifonniers
aétions de grâces aux fidèles & à ceux tous ceux qui iroyent vifiter ledit Mo-
qui ont conu la vérité , s'amufent aux nier &, communiquer auec lui. No-
nobflant lefquelles defenfes, ledit de
efprits d'erreur. La raifon pourquoi Cazes, ayant prins congé de tous les
ie n'ai point fait la Cène en ce pays
eft pource que ie n'y conoi point de frères eftans à Bourdeaux , pour s'en
retourner à Libourne, pourfesafaires,
gens de
tion qui noftre
l'adminiftrent
Seigneurfélon
lefus l'inftitu-
Chrift. le premier iour de Mai, voulut feule-
La raifon pourquoi ie ne me fuis point ment dire à Dieu à fon ami Monier;
allé confelTer à vn preftre efl pource on lui refufa l'entrée comme defl"us.
Au moyen dequoi fe retira de deuant
que ie ne trouue en toute l'Efcriture
fainde qu'il me foit commandé de le Palais, pour s'en partir; foudain
Dieu. La raifon pourquoi ie ne fuis fut enuoyé quérir par vn nommé
point allé ouir la Melle eft pource que François, commis du Concierge, afin
de venir parler à lui. Cazes fit ref-
ceux qui pour
facrifice l'ont faite difent que
reconcilier c'eft les
a Dieu vn
ponfe qu'attendu le refus qu'on lui
viuans & les morts. Et ie fai , par la auoit fait de l'entrée , il n'iroit point;
fainde Efcriture , que le feul facrifice mais fi ledit François vouloit parler à
de noftre Seigneur lefus Chrift, offert lui , il le trouueroit là. Quoi fâchant
vne feule foi par lui-mefrae, a efté fuf- ledit François , efmeu de trahifon ,
fifant pour ce faire. La raifon pour- l'alla trouuer , & le mena fans aucune
refiftance en la conciergerie, comme
quoitoire
ie neque le
croifang
pointded'autre
lefus Purga-
Chrift on mené la brebis en vne eftable; où
eftant retenu, incontinent on auertit
noftre Seigneur eft pource qu'icelui eft
fuffifant pour me purger, lauer & net- monfieur d'Alefme l'aifné , commif-
toyer de tous mes péchez, comme faire du procès de Monier; lequel
Luc II. 2. s'eftant tranfporté en la conciergerie,
l'Efcriture fainde m'en fait certain en
diuers lieux. La raifon pourquoi ie ne
& parlant à de Cazes (qu'il conoift'oit
prie point les fainds qui font morts au
de
eftélong temps , de
rapporteur d'autant qu'ilprocès
quelque auoit
Seigneur
point eft pource
commandé qu'il Et
de Dieu. ne noftre
m'eft
qu'icelui de Cazes auoit eu en matière
Seigneur Jefus Chrift , enfeignant ciuile
comme i! faut prier, dit : a Quand ueillanten : ladite Cour),
« le conoi bienditCazes,
en s'efmer-
& ne
vous prierez, dites : Noftre Père qui penfe pas qu'il foit de la fede de
es es cieux, &c. i La religion que ie l'autre (parlant de Monier), & qu'il
tien, en laquelle ie veux viureii mourir ne fe foit confelTé & fait fes Pâques. •
(Dieu aidant) efl amplement contenue lean de Cazes eftant fur ces paroles
es liures de l'Efcriture fainde , tant mis hors de la Conciergerie par
vieil que nouueau Teftament, & fom- Alefme, & comme deliuré du tout, ne
mairement comprife en quatre poinds pouuant porter ces mots, & par fon
LIVRE SEPTIEME.

4J0 bleffer Monier en vne querelle


filcnce nollre Seigneur eft monté es cieux, &
fi iurte, refpondit firapiement : « Mon- fe fied à la dextre de Dieu fon Père,
ficur, ic lai certainement que Monier & de \à viendra iuger les vifs & les
ell homme de bien. Et quant à moi , morts. Apres lui auoir fait plufieurs
le confelfe ordinairement mes fautes remonftrances , & que fon dire eftoit
à Dieu, it non A autre , A ai fait mes contre la détermination de noftre mère
Pafques fpiritueliement , & non en fainde Eglife, a refpondu que par
idolâtrie, comme on a acouftumé en
l'Efcriture fainde n'appert point que
la Papauté; voire & ne la voudroi le corps de noftre Seigneur foit réel-
faire pourdixmille morts.» Quoi oyant, lement au Sacrement de l'autel. Bien
Alefme , fruflré de fon intention , fit
reftraindre de Cazes ; & fut mis en dit qu'il eft fpiritueliement en la Cène,
vne balTe folTe , fans voir Monier, & que ce Sacrement n'eft qu'vn figne
& gage que noftre Seigneur nous a
iufques au lendemain , fécond iour de lailté iufques à la Refurredion. Et
nous a dit outre, que noftre Seigneur
Mai, M 56. qu'il fut interrogué de fa
foi, comme s'enfuit : ne fe lailfe point tomber entre les
La teneur du « Iean deCazes, natif &|habitant de
procès tenu mains d'vn preftre pécheur, paillard ,
contre Cazes. Libourne , aagé de vingt & fept ans, yurongne & blafphemaieur. Interro-
La couDumc ou enuiron. Interrogué combien de
gué, s'il va nuir la Meffe, & s'il fré-
de tels enqucf- temps auant
il a ellehier en de
celleLibourne,
ville ? Dit& qu'il quente l'Eglifer Refpond, qu'il y a
teurs & Secré- arriua que
taires ennemis quatre ans qu'il n'a oui Meffe grande
de del'Euan^'ile
de ce iourd'hui eftant allé A la con- ne petitepiles,;ni autrement
n'a oui Vefpres ne Com-
crt coucher fréquenté aux
les refponfes fien coufinciergerie enuoyoit
pour porter desau lettres qu'vn,
concierge Eglifes, finon quand il y a fermon.
des Martyrs pour auoir quelque argent de lui, de-
en telle façon Interrogué, s'il a oui aucuns fermons
que bon leur manda de parler à Arnaud Monier,
fembic. en cefte ville? Refpond qu'il a oui en-
qu'on lui auoit dit eflre prifonnier ; &
le commis du Concierge nommé Fran- guftin ,uironaufept ou huit fermons
Quarefme d'vnlequel
dernier, Au-
çois, le conditua prifonnier, & le mit Auguftin difoit & prefchoit bien fuy-
en la baffe folTe , où il a demeuré iuf-
uant l'Euangile. Interrogué , s'il prie
la vierge Marie , & autres Sainds & Inuocation
Sainfls.
des
ques à prefent. Interrogué s'il conoit
Monier , et s'il fait qu'il a eflé à Ge- Saindes de Paradis? Refpond qu'il
neue; dit qu'il ne fait certainement ne faut point prier les fainds , & que
lefus Chrift nous a cnfeignez de prier,
s'il a efté à Geneue , finon qu'il lui
auoit oui dire y auoir efté en venant en dil'ant : « Noftre Père qui es, &c. »
Luc II. 1.
des Alemagnes. Et a fréquenté ledit
D'auantage il a dit & maintenu qu'il
Monier depuis quinze ans en ça, & de n'a point trouué qu'il faille prier la

I
De la vierge
leur temps
fcmble ; maisils ne ontluielle à l'efchole
a oui en-
tenir aucuns vierge Marie. Bien dit qu'elle a efté Marie.
faluee par l'Ange, comme il eft efcrit
propos reprouuez. Interrogué fur fa au premier de faind Luc. Mais qu'en
foi, & fur ce qu'il croid du faind Sa- fes oraifons il n'a point acouftumé de
dire Auc Maria , pource que lefus
crement de l'autel , a dit qu'il y a
quatre ans qu'il ne s'efi confeffé , & Chrift ne l'a point adioufté en l'orai-
n'a fait Pafques; parce qu'en ce païs fon
fon qu'il
Père.a enfeignec
Il a auffi pour prier enDieu
fouftenu fes
n'y
trer alapoint
faindedeCène, miniftre pour deadminif-
cflaolie Chrift, refponfes, que noftre Seigneur Jefus
Chrift eft noftre Interceffeur ; & auffi
& qu'il faut que le miniftre ou Euef-
que ne foit point paillard ni blafphe- qu'il
mateur. Et depuis ledit temps de qua- Nom nede faut
fon prier
Fils qu'vn
lefus feul DieuAuffi
Chrift. au
tre ans , il a toufiours reccu fon
dit qu'il ne dit heures ni autres priè-
Créateur en rcpentanccde fes péchez, res, que les commandemens de Dieu,
en foi et efpril, & non autrement. Et l'oraifon Dominicale , le Symbole ,
s'il a receu auparauant ledit temps, auec certaines prières qu'il a particu-
ainfi qu'on a acnuftunié faire à Paf-
pardon lières,defauoirfes
eft, qu'il demandée
offenfes. Dieu
Interrogué
ques, ila elle abufé. Interrogué s'il
croid que le précieux corps de noftre qu'il croid du Purgatoire ? Refpond , Purgatoire.
Seigneur foit au faind Sacrement de qu'il n'y a autre Purgatoire que le
l'autel, après la prolation des paroles fang précieux de noftre Seigneur, le-
Sacramentales f Refpond que non. quel a efté refpandu pour nous, pour
le lauement & fauuement de nos
Et s'il y cftoit réellement, le Symbole amcs & confciences. Et fi on difoit
fcroit faux ; auquel eft contenu que
ARNAVD MONIER ET JEAN DE GAZES.

qu'il y euft autre Purgatoire , le fang afin que les Chreftiens viuent en cha- m.d.lvi.
précieux de noftre Seigneur feroit
refpandu en vain. En outre, a dit que fteté, fans paillardife ; et n'a trouué
que Mariage fuft facrement. Et a
quand vn homme s'en va mourir, il va figné J. de Cazes.
en paradis ou en enfer, iufques au Le lendemain, ledit de Cazes eftant Le Procez.
iour du iugement, que noftre Seigneur enuoyé quérir en la chambre de la
Tournelle, lui fut leu ce que delTus.
feparera les bons d'entre les mauuais. 451
ifnes. Quant aux ieufnes , a dit que le vrai
Et combien
fieurs qu'il luideaitfeefté
exhortations fait plu-
réduire , &
ieufne eft de les
& obferuer s'abftenir de mal faire,
commandemens de croire comme vn bon Chreftien & ca-
Dieu le mieux que Ton peut. Et ne
croid point qu'il y ait autre ieufne , à vérité, &tholique a; yditvouloir
ce que perfifter,
deft'us contenir
& ne
croire autre chofe. A efté arrefté que
tout le moins qu'il ait trouué en
iîau bénite. l'Euangile. Interrogué s'il prend de ce iourd'hui de releuee feront dépu-
l'eau bénite quand il entre aux Egli- tez quatre dodeurs de la faculté de
fes? Dit que non, par ce qu'il ne va Théologie , pour prefcher & remonf-
es Eglifes finon quand il y a prédica- trer, tant audit Monier qu'à Jean de
tion ;auffi que toutes eaux font béni- Cazes, aux fins (s'il eft poffible) de les
tes. Interrogué s'il a fait prier pour réduire à la vraye dodrine , & monf-
Trefpaffez. les ames de fes père & mère, & amis trer
fenceà del'œil lesConfeillers
trois erreurs. Et dece laenCour,
pre-
trefpalTez. dit que denon;Dieu
a la conoiffance & depuis qu'il
(il y peut & du procureur gênerai du Roi. Ce
auoir qui a efté fait. Et ledit iour de releuee
trouuéquatreen aucunes ans ou funérailles
enuiron) il nene s'eft
fer- font venus en la chambre criminelle ,
uice pour les trefpalfez. Et a dit ou- Maiftre Jean Alefme, Jean de Guillo-
che , Jofeph Eymar, Confeillers du
tre, que tout ainli qu'on baille le mé- Roi en la Cour, & M. Antoine de
vie, dedecinmefme
au malade forte
pendant
faut qu'il
prier ell
Dieuen Lefcure & la Perrière , procureur &
les vns pour les autres, quand nous aduocat généraux; auec lefquels ont
femmes en vie. Mais quant aux fuf- efté appelez maiftre Jean Cabot, doc-
teur en Théologie , frère Antoine
frages qui fe font après qu'on eft dé- Melleti, religieux & gardien de la
cédé, il ne trouué point par l'Efcri- grande obferiiance de cefte dide ville,
ture que cela foit d'aucun effeft.
Interrogué qui l'a feduit & appris frère Jean d'Engarrande , dodeurs es
telles dodrines , dit que c'eft le faind droids , religieux du conuent des Ja-
Efprit. Interrogué quels liures il a, copins, & frère Guillaume Teffieres,
leaeur & religieux au petit conuent
dit qu'il n'a à prefent aucun liure.
■Vrai eft que cideuantil aleu vne Bible, de l'obferuance de cefte ville de Bour-
laquelle eftoit imprimée à Lyon, qu'il deaux. En prefence defquels lefdits
Arnaud Monier & Jean de Cazes
acheta d'vn paffant en cefte ville, qu'il
n'a feu nommer, & lui coufta deux ef- ont efté ouys l'vn après l'autre. Et
cus ; laquelle il bailla à vn perfonnage premièrement ont efté leus audit Mo-
de Saindonge, qu'il n'a feu nommer, nier les articles l'vn après l'autre,
dont peut auoir vn an ou enuiron. qu'il
fignez auoit prefentez à la Cour, &
de fa main. Et fur iceux lefdits Tout ceci eft
AuffiDauid
de a dit, qu'il a leupar
tranflatés les Marot
Pfeaumes
, & Cabot & autres l'ufdits dodeurs leur extrait du mi
n'a leu autres liures. A efté exhorté de ont dit plufieurs raifons, & vérifié en ^^ '^ Cour de
dire, s'il a conféré les fufdites propo- endroits de la Efcri- Bourdeaux.
faindeeftoyent
fitions auec ledid Monierr dit que plufieurs
ture, comment lefdits articles
quelque fois il a conféré d'aucuns erronez, & qu'il fe faloit réduire à
poinds fufdits auec Monier, & tous Dieu, & à fa fainde Eglife catholique.
Auffi lui ont efté donnez à entendre
deux s'en accordoyent fuyuant l'El-
criture fainde. Interrogué s'il fait au- plufieurs râlions des fainds dodeurs
cuns perfonnages en cefte ville de de l'Eglife & des Conciles, reprou-
Bourdeaux, Libourne, ou ailleurs, qui uans les articles dudit Monier. Lequel
adhèrent aux fufdites opinions auec Monier a refpondu en fomme, que ce
lui? dit qu'il n'en fait point. Interro- qu'il auoit dit contient vérité , & c'eft
gué ce qu'il croid du facrement de fon falut; & ne trouué par l'Euangile
Mariage .- refpond, que le Mariage eft qu'il faille croire autre chofe. Et de
vne chofe fainde & honorable ; & que
lui n'en croira autrement, fi n'eft qu'il
noftre Seigneur a ordonné le Mariage,
aparoifl'e du contraire ou par l'Euan-
LIVRE SEPTIEME.

cile, ou bien par les fainfls Conciles; qu'ils fuffent mis en géhenne fur leurs
lefquels il a requis lui eftre communi- complices. Apres auoir veu les con-
clufions des gens du Roi, la Cour en
vrai ou non.
Et par quez,
lefdits Cabots'il&eftreligieux a elle
pour fauoir ladite chambre de la Tournelle, y ef-
remonftre^ , qu'il faloit qu'if creuft aux tant pour lors le prefident Fauguerol-
les, délibéra fur le iugement defdits
commandemensiSc traditions de l'Eglife Monier & Cazes. Là affifterent les
comme eux, c^ vn chacun bon Chref-
ticn <& catholique croyent & faut feigneurs Jean Alefme, rapporteur du
tenir. Lequel a dit qu'il veut auffi procès, Jean de Ciret,
loche, Nicolas Jean Odet
de Blois, de Guil-
de
croire tout ce que Dieu commande
par fon Euangile, & ne croira d'auan- Marth (1), Richard de Leftonnac, Jo-
fage, s'il feph Eymar, Jean du Duc, Eftiene de
traire. Etne
fur lui eft monftré
ce eue du con-
délibération ,& Beaumont, & ledit prefident de Fau-
après auoir, par lefdids dodeurs & re- guerolles. Et après auoir opiné , fe
ligieux, entendu ce que delTus, ont dit trouua que le procès fut parti en opi-
que lefdits articles lignez dudit Mo- nions, eilans aucuns des fufdits d'auis
nier font hérétiques, & ledit Monier que lefdits Monier Ot de Cazes
auffi hérétique eu deux poinds : fa- eftoyent vrais hérétiques pertinax , &
uoir eft au facrement de l'autel, & en que partant deuoyent eftre condamnez
la confeffion. Le Samedi matin, fécond à peine de mort, & eftre mis en quef-
de Mai, audit an \'j<,(y. lefdits Monier tion & torture, pour fauoir leurs com-
& de Cazes ont efté derechef enuoyez plices. Aucuns des fufnommez ef-
quérir en la Chambre. Et après auoir
toyent d'auis de faire mettre lefdits
efté admonnellez de fe réduire, & laif- Monier & Cazes en l'vn desconuents
de cefte ville, pour deux ou trois mois, L'opinion
fer tels erreurs qu'ils tenoyent, &
croire ce que noflre mère fainde auant que conftituer aucune peine à
Eglife nous commande, ont dit l'vn en rencontre d'eux. Attendu qu'ils con- d'aucuns con-
l'abfence de l'autre , fauoir eft Monier, felToyent effeduellement tous les ar- feillers modC'

I
ticles de la foi, le contenu es Prophè- rateurs
qu'il ne lui apert du contraire de ce
qu'il a mis par efcrit , & figné de fa tes, Euangelilles & Apoftres ; ioint
main ; & veut perfiller, mourir & viure
en cela. Cazes aufli, après auoir oui auffi que les articles qu'ils fouftenoyent
eftoyent au
arreftez en difpute
dernier ,Concile.
& n'auoyent efté
Et que
ledure autre
croira de fa confeffion, a dit viure
chofe , & veut qu'il ne
& tant es lettres faindes que prophanes,
mourir ait. pourEtmaintenir il n'eftoit trouué qu'aucun ait efté mis
defTus le Lundi, ce qu'il a ci-
quatriefme de au fupplice pour auoir contredit à la 1
Mai audit an, lefdits Monier & de

1
parole de Dieu , ni mefme du temps \
Cazes ont derechef efté appelez & de la primitiue Eglife, fors depuis
exhortez comme delTus , lefquels ont 40. ans en a, qui eftoit chofe fort mal
perfifté comme deuant. Et interroguez l'eante à Chreftiens. Et que cependant
qui font leurs complices, & en quelles on deuoit faire communication auf-
maifons & lieux, cv auec quels perfon- dits Monier <& Cazes, des Hures des
anciens Dodeurs, & les exhorter plus
nages ils ont conféré , ont dit qu'ils ne
le diront , car peut eftre , s'ils char- amplement. Or nonobftant toutes rai-
geoyent quelques vns, ils ne fauroyent fons alléguées , le procès fut départi
refpondre , & pourroyent fouffrir vn en la grand' Chambre, où ne fe trouua
mefme mal qu eux. A efté ordonné aucun qui ouurift la bouche pour fouf-
que ladite procédure fera communi- tenir la parole de Jcfus Chrift; ains
quée aux gens du Roi, pour prendre tous d'vne voix (quelque diuerfité
leurs conclulions. »
d'opinions qu'il y euft auparauant)
Conclurions Tantost après, Lefcure, procureur condamnèrent ces deux fidèles à mort,
des gens du gênerai du Roi,cSj la Ferriere, aduocat
Roi. comme s'enfuit.
dudit Sieur, ont conclud à ce que lef- <i Entre le procureur gênerai du Arrert du
Parlement de
dits Monier & Cazes foycnt condam- Roi , demandeur en crime d'herefie , Bourdcaux.
nez à eftre traînez fur vne claye par les d'vne part, Arnaud Monier & Jean
carefoursacouftumez de cefte ville, & de Cazes, prifonniers détenus en la
conciergerie de la Cour, défendeurs,
au deuant de l'Eglife S. André; illec,
faire amende honorable, l't demander d'autre : Veu la confeffion defdits
pardon à Dieu, au Roi, & à luftice; Monier <& Cazes, réitérée à di-
& de là eftre amenez deuant le Palais
& bruflez vifs, & auant l'exécution , (!) L'ûdit. de 1(64 dit : Odci de Matthieu.
ARNAVD MONIER ET JEAN DE CAZES.
4?3

uerfes fois , refponfes efcrites & Voila comme ces deux Martyrs
fignees par ledit Monier, exhortations de noftre Seigneur Jefus Chrift furent
& remonllrances aux fLilclits , tant en condamnez , après diuerfes fortes de
la Cour que par les Commillaires & tourmens par eux endurez depuis le
doéleurs en Théologie à ce commis & iour de leur emprifonnement, demeu-
députez ; conclufions dudit procureur rans toufiours fermes & conftans en
gênerai du Roi. & ouïs en la quellion leur confeffion de foi , combien que
& torture lefdits Monier & de Gazes,
les perfecuteurs d'vn cofté , & les
il fera dit : Que la Cour a déclaré Moines & dofleurs de l'autre , taf-
lefdits Monier & de Cazes eftre at- chaflent de les diuertir par leurs
taints&conuaincusdu crime d'herefie. finelfes & difputes, qui furent réité-
Et pour auoir mal fenti des fainéls rées plus de cinq ou fix fois audit Mo-
Sacremens , & auoir defvoyé en plu- nier, & deux fois à Cazes. Le Ven-
fieurs endroits de la détermination de dredi enfuyuant, qui eftoit le feptiefme
noftre mère fainde Eglife ; a con- iour du mois de Mai, on les tira hors
damné & condamne lefdits Monier & des prifons, pour eftre rnenez, comme
Cazes à eftre traînez fur vne claye par brebis d'occifion , à la boucherie. Ils
l'exécuteur
les rues & cantonsde la acouftumez
haute iuftice , par
decefte furent attachez par l'exécuteur fur
vne claye, par
et traînez au derrière
les rues d'vne charrette,
& fanges de la
ville de Bourdeaux,
S. André , & illec deuant l'Eglife
demander de
pardon ville de Bourdeaux, comme la bal-
à Dieu, au Roi, & à la Jullice. Et lieure du monde, acompagnez de gens
après feront bruflez deuant le Palais de luftice, huiffiers & fergens, enfem-
de la prefente ville. Et enioint ladite ble des mortes-payes (1) des chaf-
Cour audit procureur gênerai du Roi teaux Trompette & du Ha, hacque-
faire pourfuite contre les dénommez butiers(2) & hallebardiers. Quand ils
en la procédure faite contre lefdits furent deuant le temple de fainét An-
Monier & de Cazes. Et ordonne que dré , où on a acouftumé de faire les
frère Alain de Chadeuille , religieux amendes honorables, Cazes, voyant
de l'ordre de S. Augullin, & François son compagnon Monier contrifté , lui
Meftayer, marchand de cède ville de dit : « Courage, mon frère, Courage ;
Bourdeaux , feront pris au corps en ce n'eft rien qui ne fait d'auantage. »
quelque part qu'ils pourront eftre ap- Et ainfi fe confolans & fortifians l'vn
préhendezmenez
, & conduits es pri- l'autre , & déclarant la iufte caufe
fons de la conciergerie de ladite Cour, qu'ils fouftenoyent , furent ramenez
pour illec eftre & fournir à droit. Et deuant le Palais , où le dernier fup-
pour obuier à ce que les erreurs des
hérétiques ne pullulent , ladite Cour plice eftoit aprefté. Et combien qu'il
n'y euft en eux aucune refiftance, ains
fait inhibition & defenfe à toutes ma- toute fimplicité ; toutesfois ceux de la
Cour, outre la couftume ordinaire,
nières de gens de
rez hérétiques, , à non
peinefaire
d'eftre décla-
alfemblees comnianderent cftroiteinent que, pen-
& conuenticules , & ne dogmatifer & dant l'exécution, toutes les portes de
tenir aucunes propofitions mal fonan- la villeà fuft'ent
tes de la fainfte foi. Et permet au blies icelles. fermées, & gardes
Eftans donc venusefta-
au
procureur gênerai du Roi, de procé- lieu du fupplice , lefdits Monier et
der par cenfures ecclefiaftiques contre Cazes furent attachez à vne potence ;
tous ceux & celles qui fauront aucuns & pleins de confiance , ioye & affeu-
perfonnages tenir propofitions héréti- rance , s'eftimoyent
ques; pour, les reuelations & les in- efté trouuez dignes deheureux d'auoir
participer aux
quifitions veuës, eftre procédé contre affligions de Chrift. Monier eftant au
les delinquans comme il apartien- haut de la potence, dit telles paroles :
dra (i). 1)
Les dites sectes s'augmentent et fortifient
de plus en plus chaque jour, à nostre très
(i) Il semble, quand on lit un tel arrêt, grand et incroyable regret. 1. En terminant,
que le zèle du Parlement dL- Bordeaux il leur demande de « prendre en main l'ex-
contre les hérétiques n'avait pas besoin tirpation de ceste pernicieuse vermyne. »
d'être stimulé. Toutefois, le 7 décembre de (Gaullieur, t. I , p. 146.)
la même année, Henri II écrivait au.x ma- (i) Soldats qui ne faisaient pas de services
gistrats de ce Parlement : u Nos amés et et qui continuaient à recevoir leur paye.
féaulx, vous scavez assez que la cliose que Les invalides étaient des mortes-payes.
nous avons toujours désiréesecte
est d'extirper (2) Arquebusiers. On trouve ce mot sous
malheureuse et dampnée hérétique...la cette forme dans Marot.
U. 28
454 LIVRE SEPTIEME.

.1 Seigneur Dieu , ie te ren louanges robe rouge , & fuyant comme les au-
tres,fut par la foule mis par terre en
immorlelies
conduire iufques de ce ici
qu'il
en t'a pieu nous
la confe(fion la rue qu'on appelé Poiteuine , de
de ton S. Nom , it te prie nous faire manière
la grâce de pcrfeuerer iufques à la vefue de qu'il le falut
Pichon, porter
& crioit chez la:
là dedans
fin. » Et combien que, tandis que lef- « Cachez-moi, fauuez moi la vie; ie
dits Monier & Cazes parloyent , les l'efmotion
Il entend de»
trompettes fonnaffent fans celTe, pour fuis mort, ie
dernière; mesvoiamis,
cas pareil
cachezà l'efmotion
ma mule,

I
empefcher que leur voix ne fufl ouye, Gabeleurs.
qu'on ne maifons
moit les la conoifle. « Chacun
par la fer-
ville. Puis,
fi ell-ce qu'ils firent plufieurs fainaes
remonftrances au peuple , qui durè- l'effroi palTé , on demanda que c'ef-
rent alfez bonne efpace. Aucuns de la toit ; mais les ennemis de la vérité de-
lufticc commandèrent à Cazes de
meurèrent fedonnez
i & confus, qu'ils
faire
haute confeffion
voix : « dele facroi
foi, ce
en qu'il
Dieu fit leà ne fauoyent que dire , n'entendant
&point
faitque Dieu d'en-haut
trembler ainfi effraye
fes ennemis, nul ne
Perc tout-puilTant,
Et voulans faire le» femblable
& ce qui s'enfuit.
à Mo- les pourfuiuant.
nier, ildit ces mots : " Tout par vne DvRANT cefte perfecution , les ad-
bouche, tout par vne bouche ; ne pen- uerfaires prefenterent rcquefte au
fez-vous pas, quand mon frère parle, Parlement de Bourdeaux , pour faire
que ie parle auffi bien? Nous fommes plus ample inhibition & defenfe de
tous deux conformes en vne mefme chanter les Pfcaumes de Dauid, ni
tenir liures de la fainde Efcriture , de
foi & alTeurance. » Lors l'exécuteur
eflant au haut de la potence, voulant
eftrangler Cazes , comme la Cour laquelle
« SvR on donna l'Arreft
la requefte qui à s'enfuit.
prefentee la Cour
Aducrtiflcmcnt auoit ordonné qu'ils le feroyent auant par meffire François de Mauny, Ar-
d'effulion de eftre bruflez, tomba du haut en bas cheuefque de Bourdeaux, contenant
fang.
fur le pauii , tellement qu'il a eflé auerti qu'aucuns perfonna-
la telle iufques à eflufionqu'il
de fe bleffa
fang. Et ges de ladite ville de Bourdeaux, fen-
eftant releué , eftrangla Monier, qui tans mal de la foi, chantent iournellc-
ment es Eglifes & par les rues, en
fans mnuuoir rendit l'efprit paifible- leurs maifons et ailleurs, les Pfeau-
ment. Mais de Cazes, à caufe que le
feu elloit ia efpris , ne fut eftranglé , mes de Dauid , traduits en François
ains bruflé vif, endurant vn martyre par Marot & autres, en derifion &
indicible, criant : « Mon Dieu , mon grand fcandale de la religion Chref-
tienne , contre la détermination faite
Père; » tellement que, douant qu'il
expirafl, il auoit les iambes bruflees par la faculté de Théologie en la Sor-
iufques aux os. Et pour monftrer que Donne à Paris, tS: y a plufieurs librai-
noftre Seigneur Jefus Chrift en mou- res & autres marchans, qui expofent Lesaduerfaires
rant, non feulement a triomphé de fes & mettent en vente lefdits Pfeaumes metlcni entre
ennemis , mais auffi veut que fes & nouueaux Teftaments, traduits auffi liures reprou-
membres, en fouffrant pour lui, foyent en François, & plufieurs autres liures uez, les Pfeau-
participans du mefme triomphe, lors reprouuez & cenfurez ; au moyen de- mes & le nou-
que lefdits Monier & Cazes efioyent ueaumenl. Tefta-
quoi
Cour requeroit
ordonner qu'il pleuft à ladite
commandement eftre
Frayeur &
main de Dieu
prefque en cendres , telle frayeur cS:
efpouuantement faifit tous les affiflans fait , à peine de la hart , à toute ma-
fur les pcrfc- nière de gens, de ne chanter ne faire
cutcurs. à cefte exécution, que ceux de la luf-
chanter lefdits Pfeaumes en François,
tice , quelques armez qu'ils fufTent, & traduits par ledit Marot , en aucune
quelque bonne
leurs portes garde
, fans qu'ils
fauoir euiïent feà
pourquoi, manière, & aufdits libraires de ne les
mirent tous à fuyr , fe foulans aux imprimer, relier, ne mettre en vente,
pieds les vns les autres. Vn Prieur de n'aucuns autres liures reprouuez &
S. Antoine tomba, tSt grand nombre cenfurez, à mefme peine, & permettre
informer contre ceux qui ont chanté
lui deuant
palîerent Etfurentre qu'il
peuftgens
de fe releuer. autres (qui ou chantent lefdits Pfeaumes , par le
eft chofe digne de mémoire) le Greffier premier Huiffier fur ce requis. Veuô
Pontac (i), eftant fur fa mule auec fa ladite requefte, la Cour ordonne

(i) Jean de Pontac, greffier civil et cri- morency pour s'entendre avec lui sur les
minel, fut envoyé, en 15Ç9. par le prési- meilleurs
dans moyens dedeBordeaux.
le ressort tenir l'hérésie en échec
dent de Roffignac au connétable de Mont-
4? 5
PLVSIEVRS MARTYRS.

tez & des lieux où ils ont enduré le M.D.LVI.


qu'informations feront faites contre martyre.
ceux qui ont chanté en l'Eglife les A Salisbvrie , le 24. de Mars
Pfeaumes en François en aucune ma- Diuers Mar-
nière ,et aufdits libraires de ne les de ceft an i^<,b. furent exécutez: tyrs en diuers
lieux.
imprimer, relier, ni expofer en vente, vn nommé Spicer , Maundrelle &
n'aucuns autres Hures reprouuez & Corberley, tailleur d'habits (1). A
cenfurez par ladite Faculté de Théo- Cambrige, le 1 1. d'Auril, Jean Hoil-
logie à Paris , à peine de la hart. Et lyarde, miniftre de la parole du Sei-
neantmoins permet ladite Cour audit gneur (2); & à RocHESTRE, le mefme
fuppliant faire publier la prefente or- iour, Hirtpoole & Jeanne Bêches,
donnance àfon de trompe & cri pu- femme vefue (3). A Londres, le 10.
blic par les cantons & carrefours d'Auril, Guillaume Tymmes & Ro-
acouftumésdecefteville de Bourdeaux, bert Drakes, autrement dit Gien ,
par le premier Huiffier ou fergent tous deux miniftres de l'Euangile ;
Royal fur ce requis. Et auffi aux prof- George Ambroife, Jean Cauel, Tho-
mas Spurge & Richard Spurge (4). A
nes des Eglifes par les Vicaires d'icel-
les, afin qu'aucun n'en puilTe prétendre Colcestre , le 28. d'Auril , Chrifto-
ignorance. Fait à Bourdeaux en Par- phle Lyfter, miniftre de l'Euangile,
Jean Mafe, Richard Nichol, Jean
lation lement, le30. iour d'Auril 1 5 56. Col-
eft faite. Spenfer , Jean Hamon & Simon
» Ainfi figné , Joyne (^). A Glocestre, le 5. de
DE PONTAC. » Mai, vn ieune homme nommé Tho-
mas, qui eftoit aueugle, & vn nom-
mé Croker (6). A Stratford-le-
Bo'w , le i<,. de Mai, Jean Vprife,
qui eftoit aueugle, & Hugues Lauerok,
qui eftoit boiteux & en extrême vieil-
Plvsievrs Martyrs exécutez en leffe (7). A Londres, le 16. de Mai,
Catherine Hut , femme vefue , &
Angleterre (i).
Jeanne Home, ieune fille, auec Eli-
zabeth Thacuel , auffi fille (8). A
Comme les noms de ceux qui hatiiiUcnt Beckels, en Suffolk, le 19. de Mai,
contre Dieu, nous font en horreur; Edmond Polus, coufturier, & Jean
auffi tour consolation on nous pro- Denni, auec une femme nommée Spen-
pose tes noms de ceux qui ont Jouf-
tenufa querelle, en la perfonne dej-
quels il a voulu imprimer des marques
notables , & comme les armoiries (i) A Salisbury, John Spicer, John Maun-
drel, William Coberley (Foxe, t. VIII,
aparentes de fa gloire, -lefquelles p. (2)
102).
feruent pour nous conduire à lui. Il s'agit de John Huilier, sur lequel
une notice spéciale se trouve plus haut
(p. 41$). Grâce à l'altération du nom, Cres-
Apres la mort de tant d'excellens
(5)pinA enregistre
Rochester, deux l'ois
Johnle même
Harpolemartyr.
et Joan
perfonnages, defquels
deuant mife auec il ciy
efcrits ,eft
leursl'hifloire Beach. Crespin CVIII, i)o) dit que leur
en a eu grand nombre qui , pour vne martyre eut lieu «vers le i" avril. »
(4j A Londres, le 24 avril, d'après Foxe
mefme caufe, ont enduré la mort fur la (VllI, los). William Tyms . Robert Drakes
fin de ce règne de Marie. Et combien (il
de n'est
Gien,pasquequestion dansCrespin),
lui donne Foxe de George
ce nom
que nous n'ayons, quant àprefent, Ambrose , John Cavel , Thomas Spurge,
fînon les noms d'iceux, fi ne les faut-il Richard Spurge.
pas paffer en filence; mais attendant (ç) A Colchester, Christopher Lyster (cul-
tivateur et non minisire), John Mace, Ri-
que leurs hiftoires & efcrits vienent chard Nichols, John Spencer, John Haniond
en lumière, nous ferons vn récit fom- et (6)
Simon Joyne (Foxe. 'VIII, Drowry
i;8).
maire de leurs noms, furnoms , quali- A Gloucester, Thomas (dont
il est parlé dans la notice sur l'évêque Hoo-
per, p. 116, 2" col., supra), et Thomas
(I) Crespin, 1564, p. 817; IÇ70, ^452; Croker (Foxe. 'VIII, 144).
1582, f 597; IÇ97, f° 590; If>i9. f° 4?5. (7) Nous corrigeons ici le texte de Cres-
L'orthographe des noms anglais, déjà fautive pin, dans lequel ces deux dernières séries
dès l'édition de 1564, s'est souvent encore de martyrs s'étaient mêlées. Les noms de
détériorée d'une édition à l'autre. Nous ces martyrs de Stratford étaient Hugh La-
rétablirons donc, partout où ce sera néces- verock et John Apprice ( Foxe, 'VIll , 140).
saire, l'orthographe de 1564, en donnant en (8) A Londres (Smithfield ), Katherine
note l'orthographe vraie. Hut, Joan Horns et Elisabeth Thackvel.
LIVRE SEPTIEME.

4îO(i). A Londres, en Kingefben- Spurdane, Fortunée vn autre tiers(i V


cere A Londres, en Kingefbenche, le
chc, le dernier de Mai, Guillaume
Leache, condamné à eftre bruflé , premier de Juillet, Jean Carels mou-
mourut en prifon & fut mis en vn lieu rut en la prifon (2). A Nvberie, le
où on icttc le fumier & les ballieu- 16. iour de Juillet, Jean Guyne, cor-
res (2). A Lewes, le 6. iour de Juin, donnier, & Afken auec Julius Pal-
Thomas Harland . Jean Ofewarde, mer (?). A Grenestade, le 18. iour
Thomas Rede , Thomas Abmton, de Juillet , Thomas Dingat ou Dun-
Thomas Hoode , Thomas Mylles , gat, lean Forman & La mère Trie (4).
tous deux prefchcursderEuangiie(5).
A Londres, en Kinf:;erbenche, le 23. A Darbie , le premier d'Aourt , vne
femme aueugle {'-,). A Bristav , au
de Juin, Guillaume Aheral , miniflre, mois de Septembre , vn TifTerand fut
& peu après lui , alTauoir le 25. dudit exécuté {()}. A Mesfield, le 24. de
mois, Jean Clément Bofquillon, tous Septembre, lean Hart, Thomas Rauen-
deux ellans morts en prifon furent dale, vn cordonnier, vn alTetteur ou
iettez aux champs (4). A Licestre, le acoullreur de cuirs, Nicolas Holden ,
tilTerand (7). A Bristav , le 21;. de
27. iour de Juin, le feruiteur d'vn
marchand fut exécuté (5). A Strad- Septembre, vn ieune homme, gan-
forde, le 27. iour de Juin, Henri tier (0). .\ Nevvent, le mefme iour,
Adlington, Rodolphe Jacfon, Guil- 2'-,. de Septembre, lean Horne & vne
laume Holiwel, Thomas Bower, Lau- femme auec lui (y). A Cantorbie, au
rent Parmen , Léon Coyxe , Henri challeau , au mefme mois, moururent
Wie, Jean Dorefal, Jean Rothe, Ed- lean Clarke , Duftone Chettenden,
La femme de Polkins & Guillaume
mond Hurd, Georges Searles, Eliza-
beth Peper & Agnes George. Ces
treize martyrs furent bruflez enfemble
en vn mefme fupplice (6). A Londres, un (1)même
A St-Edmund's
bûcher Roger Bury furent
Bernardbrûlés dans
, Adam
en Kingefbenche , le 27. de Juin, Fostcr et Robert Lawson (Foxe. Vlll, 157).
Thomas Paret i& Martin Hunt font Nous ignorons comment leurs noms ont pu
morts es liens de la prifon (7). A être aussi complètement défigurés par Cres-
Edmondbvrye, le 29. de Juin , trois pin ; Fo.xe mentionne toutefois un John For-
tune (aussi nommé Cutler), qui fut le com-
perfonnages furent exécutez . alTauoir pagnon d'emprisonnement des trois autres ,
et dont en
mourut il dit qu'il oun'asur
prison pasle pu découvrir s'il
bûcher.
(2) John Carelcss mourut dans la prison
(1) A. Beccles. Edmund Poole, John de King's Bench, Southwark. Fo.xe (VIII,
16) ) donne longuement les interrogatoires
DennyCrcspin
que cl Thomas
fait deSpicer. C'est une
ce dernier par femme.
erreur et les lettres de cet homme, auquel il ne
manqua que de monter sur le bûcher pour
Foxele (VUl,
lieu 21 mai. 145) dit que l'exécution eut être un grand martyr.
(2) William SIcch mourut dans la prison
kin())et AJulius
Newbury,
PalmcrJohn Gwin,VIII,
(Foxe, Thomas
201). As-
Ce
de King's Bench, à Londres (Foxe, VIII, dernier était fciloui du Mjgdalcn Collège
ifo).
(î) Thomas Harland , John Oswald , d'Oxford
Thomas Rcad et Thomas Avingion furent de sa mort; leestrécit fort de ses interrogatoires
détaillé dans Foxe. et
exécutés à Lewes le 6 juin. Thomas Whood (4) A Grinstead (Sussex), Thomas Dun-
et Thomas Milles furent mis à mort dans la gate, John Foreman . et une femme que
Foxe appelle Mother Tree (Vlll, 241), et
même localité, le 20 du même mois. D'après
Foxe (VI 11, 1)1), Whood seul était ministre. àTrylaquelle
(4) William Adherall et John Clément (VIII, ailleurs
450). il donne le nom d'Anne
(Foxe, VIII, iji). Nous ne savons pas où (51 Cette femme, qui souffrit le martyre à
Crespin a pris le nom fort peu anglais de Derby le i"' août, se nommait Joan Waste.
Bosquillun qu'il donne à ce dernier. Elle était aveugle de naissance et n'avait
que vingt-quatre ans (Foxe, Vlll, 217).
qui(5)ne
Le nomme
2i> juin , pas
d'après
non Foxe
plus (VIII, IÇI ),
ce « jeune (Il) Foxe mentionne, en septembre ijfô.
homme, serviteur d'un marchand. " l'exécution, à Bristol, d'Edward Sharp, âge
(6) Onze hommes et deux femmes du de soi.xante ans (VIII, 250).
comté d'Essex furent en effet brûlés en un (7) A Maylield (Sussex), John Hart, Tho-
même bûcher à Stratford-le-Bow, où, un mas Ravensdale, plus un cordonnier et un
mois avant, avaient eu lieu deux exécutions corroyeur, dont les noms ne sont pas con-
mentionnées plus haut. Voici leurs noms nus.
colasFoxeHolden.
(VIII, 21) ne mentionne pas Ni-
tels que loxe les écrit (VIII, içi) '■ Henry (I!) Ce jeune homme , exécuté à Bristol
Adlington, kalph Jackson, William Hallywel,
Thomas Bowycr, Laurence Parnam, Lyon le 21 septembre,
Cawch, Henry Wye . John Derifall , John Foxe (VIII, 2ÇI). était charpentier, d'après
Roulh , Edmund Hurst, Geor).;c Searles, (0) D'après Foxe (VIII, 2Ç1), ce fut à
Eliiabeih Pepper et A^ncs George. Wootlon-under-Edge (Gloucestershire), et
(7) I homas Parret et Martin Hunt (Foxe, le 27 septembre, que furent brûlés John
VIII. M7)- Horne et une femme.
BARTHELEMI HECTOR. 457
Fofter; ces quatre moururent de faim fut arrefté par vn gentil-homme du
& de mifere audit chafteau (i). A pays, nommé du Perrier (i); lequel ,
NoRTAMPTON, ciiuiron le commence- pour faire le bon valet , en auertit le
ment du mois d'Oflobre, vn cordon- Parlement de Turin , & enuoya le ca-
nier fut exécuté (2). A Cantvrbie, le talogue de fes Hures auec les miffiues
& mémoires, dont il fe trouua faifi.
18. dudit
niers auffi mois d'Odobre,
détenus pour latrois prifon-
parole de Surquoi la Cour, ayant commis Maif-
Dieu , moururent de tourmens & de tre Barthelemi Emetiers, prefident, &
mifere au charteau de ladite ville (3).
M. Augudin De-l'Eglife , confeiller
Le feu des perfecutions fut fi def- en icelle (2), ceux-ci fe tranfporterent
bordé fous le règne de Marie, que à Pinereul (3), ville de Piedmont, où
ceux qu'elle auoit commis pour l'al- le prifonnier auoit efté mené. Les 8.
lumer empoignoyent indifféremment & 9. iours de Mars, firent venir le pri-
tous ceux qui faifoyent profeffion ,
fonnier deuant eux pour l'examiner ;
tant petite qu'elle fuft, de la vérité de mais auant que leur refpondre vn feul Prière auant
l'Euangile. A quoi aidoyent fort les mot, Heftor fe mit à genoux, & pria
Efpagnols , pendant le temps que le Dieu de lui ouurir la bouche, & lui
Roi Philippe, après fon mariage auec que faire ref-
faire grâce de ne dire ou proférer chofe iugement.
ponfes eu
ladite Marie, demeura au pays d'An- qui ne fufi à fon honneur & louange ,
gleterre. & à l'édification de fon Eglife.
Ce fait, interrogué de fon efiat , &
pour quelle caufe il eftoit allé demeu-
rer à Geneue, refpondit ce que deffus,
& leur déclara, qu'ayant parci-deuant
Barthelemi Hector , Poiteuin (4). fuyui la religion Papiftique, depuis fix
ou fept ans , auoit efté fi troublé en
Le Parlement de Turin fouille [es fon efprit , qu'il ne
cune refolution fur pouuoit auoirde au-la
le poinft
mains au fang de ce Martyr, à la
grande confufwn & condamnation de MelTe ; d'autant que les vns difoyent
plufieurs Confeillers entendeurs , qu'elle eftoit bonne, les autres qu'elle
convne le procès le demonflre. La ne
aidévaloit rien. Finalement,
à conduire les deniers qu'ayant
du Roi
dejcription des combats qu'a joullenu depuis Poidiers iufques à Lyon, &
ce II Hcàor, amplifie la grâce de Dieu,
touchant le fecours dont il Fa enui- entendant qu'on prefchoit purement
ronni! contre toutes menaces & alle- la parole de Dieu à Geneue, voire &
chemens. que là il pourroit auoir refolution de
fes doutes, il s'y en alla; & y ayant
fait feiour enuiron trois femaines, fe
Barthelemi Heftor, natif de Poic- fentit tellement efclairé que, pour le
tiers , ayant longuement fait efiat de
voiturier, fe retira auec fa femme & falut de fon ame, il délibéra s'y retirer,
fes enfans en la ville de Geneue , & y mener fa femme & fes enfans ,
refolu d'y viure & mourir fuyuant la
mené d'vn zèle de purement feruir au dodrine qui y eftoit prefchee , & de
Seigneur. Et pour gagner la vie de fa
petite famille , il allait ordinairement quitter à iamais la Meffe , & les con-
par pays porter des Hures de la ftitutions & inuentions Papiftiques ob-
feruees audit Poidiers.
fainfte Efcriture. Auint qu'eflant en
Piedmont , comme il alloit du val Enqvis comme il s'eftoit ainfi re- De la MelTe.
la MelTe n'eftoit
a refpondudequeDieu
d'Angrogneauval de faind. Martin (ï), point folu,inftituee ni de Jefus
Chrift , & n'auoit point de fondement
(i) John Clark, Dunston Chittenden, Alice en fa Parole; mais eftoit totalement
Potkins, William Foster, auxquels Foxe
(VIII, 254) ajoute John Archer.
(2) Ce cordonnier, brijié à Northamplon, (i) Gilles {Hist. ccclés , Genève , i6î6,
se nommait John Kurde (Foxe , Vlll , 2Ç ) ,
p. 88) nomme « Charles et Boniface Tru-
42;). chets , seigneurs de la communauté de
(;) Il faut lire Cliiclicstcr, au lieu de Can- Rioclaret . » comme ayant o empoigné et mis
turbie (Canterbury), et prison au lieu de
château (Fo.xe, Vlll, 25;). entre les mains de l'Inquisition et du Parle-
ment le libraire et martyr Hector. »
(4) Crespin. 1564, p. 859; 1570. f° 457;
1582, f° ;ri8 1597, f° îoî ; 1619, f 42S. (2) D'après Monastier (Hist. de l'Eglise
(5) Dans les vallées vaudoises. Hector y iiaïuioise, 1, 22,-), le président se nommait
arriva en juillet 155; (Muston, Israël des De Saint-Julien, et le conseiller qui l'accom-
Alpes, t. I, p. 20;). pagnait De Ecclesia (délia Chiesa).
(î) Pignerol.
LIVRE SEPTIEME.

438
contraire A la faindc Cène , laquelle R. Qu'il ne conoilToit perfonne ôs
il auoit inllituee. Que la MelTc dero- dites villes à qui vendre fes liures , &
guoit de tout à la mort & paffion de fauoit bien les defenfes ; mais ce qu'il
en auoit fait efloit pour confoler &
Jcfus
treaux Chrill; & ledixiefme&onziefme
Hebrieux, prouua par l'Epif-
fubuenir aux poures Chreftiens, (!t les
chapitres, où il eft dit, que toutes les inftruire en la loi de Dieu. Interro-
cérémonies & lacrifices font abolis ;
gué s'il a prefché
tes Vallées & dogmatizé
& ailleurs aufdi-
où il portoit
& que Dieu a baillé fon Fils Jefus
Chrift pour feul & perpétuel facrificc,
liures, s'il y a des prefcheurs , s'il les
félon l'ordre de Melchifedec. Et par a ouys, & qui les a enuoyez , & fi ceux
mefme raifon, que les autres conftitu- de Gcneue l'auoyent enuoyé porter
tions Papales ne font qu'inuentions des liures .' R. Qu'il n'eftoit pas mi-
d'hommes, il s'efl refolu n'y croire. niftre ne fauant pour telle & fi fainéle
Bien y auoit quelque conformité en- charge; bien auoit-il exhorté ceux à
Du Baptcfmc. tre le Baptefme de Jefus Chrill iS: qui il auoit eu à faire , de viure félon
les commandemens de Dieu , & non
celui du Pape , d'autant qu'ils font
faits au ligne de l'eau & au Nom du félon ceux de l'Eglife Romaine, lef-
Père , du Fils & du S. Efprit ; mais quels eftoyent encontre Dieu. Que
le fel, le crachat, le crefme, les exor- d'aller A la MelTe c'eftoit vne idolâtrie;
cifmcs, & autres que le Pape y a ad- qu'il ne faloit chercher Jefus Chrift
iouflez, & dont il a veu vfer eftant à en l'hoftie, d'autant qu'il eftoit au ciel,
Poiftier, lui font endeteftijtion. Quant que Jefus Chrift auoit ordonné fa
De la confef- à la confeffion auriculaire, comme elle fainde Cène en laquelle il nous don-
fion. fe faifoit audit lieu , eft abomination. noit fon corps , lequel nous deuions
Trop bien qu'il faut confcfTer tous les receuoir par foi, en leuant les yeux au
iours à Dieu fes péchez & offenfes; ciel pour y cercher noflre falut. Il les
& fe reconcilier auec le prochain auoit auffi admonneftez de viure en
quand on l'a ofTenfé. Chreftiens, de n'eftre paillards, lar-
Interrogué depuis quel temps il a
hanté en Piedmont, mefme aux val- auroitrons ,iureurs
dit, non ni
paryurongnes
forme de ,prefche,
ce qu'il
lées d'Angrongne cSc de faind Martin ; mais en familiers deuis, fans eftre en-
où il a vendu fes liures; en quel lieu uoyé, & de fon propre mouuement.
ils font imprimez , & à qui il les a Bien auoit veu A Angrongne vn minif-
vendus.'' a dit qu'il y eftoit feulement tre nommé M. Eftiene (i), qui pref-
venu depuis le mois de Juillet précè- choit le Dimanche, Mardi, Mecredi,
& Icudi, en vn lieu à cela ordonné,
dent; qu'il auoit vendu les liures es
vallées d'Angrongne, faind Martin l't qui eftoitduvne courAuroit
en la entendu
maifon d'vn
en Dauphiné, lefquels eftoyent impri- homme pays. que
Liurcs de- la mez àGencue, comme Bibles, Infti- ledit M. Eftiene auoit cfté enuoyé du
fainiSc Efc ri- tutions Chreftiennes, Inftrudions pour
turc. pays apartenant aux Seigneurs de
les petis enfans, Pfalmes & plufieurs Berne, comme auffi vn nommé Barbe
autres, contenus Paul {2), auoit efté efleu de ceux du
e(\é trouué fur en
lui.l'inuentaire
Ne conoitquilesa
noms de ceux à qui il les a vendus, pays, félon l'ordre des Eglifes refor-
mées, pourct qu'il
bonne doftrine. Il y eftoit homme
auoit veu de
fembla-
s'il ne les void. Qu'il les auoit portez
feulement de fon propre mouuement, blement vn autre miniftre appelé Barbe
pour édifier les poures Chreftiens, fa-
Antoni {]) , & vn maiftre d'efchole
chant qu'il y en auoit piuficurs en ce François; qu'on faifoit édifier vn lieu
pays-la. Enquis de la caufe pourquoi pour prefcher auprès du temple où on
il ne les portoit vendre à Turin & au-

gens tres bonnes villes,


rufliques ; i^ s pluftoft qu'à ces
il ne fauoit pas (i) Il est souvent question de ce ministre
Etienne dans les lettres de Calvin (Opcra,
bien lefdites vallées eflre fuiettes au éd. de Brunswig, t XVI, p. lO) , 100, 146,
Roi (1), lequel a défendu ne porter 2i!i, 22.;). Virel dit de lui dans une lettre à
Calvin (Ibid , 212) : >< Accinxit se Steplianus
en ces pays aucuns liurcs de Geneue.^ nosler . vir vcre plus et cujus probilas mul-
luni addilura est ipsius doclrince et ministeris
(1) Henri II. De 1556 jusqu'au traité Je
Câtcau-Cambri'siscn 15 59. le Piémont fut sou- (2) Déjà " nommé, p. 226, supra. Léger
ponderis
mis à la France. Les Vaudois furent d'abord {Hist. des Egl. vciud., Lcyde, KjOq, I, 204)
ménages par le nouveau régime ; mais celle nomme les barbes Paolo Garnero, de Bobi,
tolérance inspirée par la politique lit place, et Paolo Barmondi , de Pragela.
sous Henri II, à de sanglantes persécutions.
(;) Inconnu.
BARTHELEMI HECTOR.
459

fouloit dire la MelTe (i). On lui mon- fon erreur. Ils lui firent lire fes inter- m.u.lvi.
ftra des lettres miffiues & mémoires, rogatoires, fpecialement en ce qui
lefquelles iljreconut; & dit les auoir concernoit la Meffe, la Cène & le
pour porter à Geneue , & auoir charge
de fauoir fi lefdits miniflres eftoyent Baptefme ; à ce qu'il declaraft par
ferment s'il y perfiftoit. Sa refponfe
yappelez à Turin,
deuoyent aller pour la difpute,
ou non (2). Lorss'ilsil fut qu'oui, & n'y vouloit rien changer
ne diminuer, & que qui alloit au con-
fut exhorté de retourner à l'eglife
Romaine , ce qu'il refufa; & par ainfi forçatraire faifoitinterpréter
de lui mal. L'Inquifiteur
les paffagess'ef-
de
fut mené prifonnier en la concierge- l'Efcriture à fa mode, & par raifons
rie du Palais de Turin. Ses informa- fophiftiques , mais Hedor demeurant
tions furent communiquées à "Vaillant, en fa fimplicité, dit qu'il les entendoit
procureur gênerai du Roi; lequel re- ainfi qu'ils eftoyent en fes refponfes
tirées de la pure parole de Dieu , &
auoir quit
encouruqu'iceluilesHeftor fufl déclaré
peines contenues en non autrement. L'Inquifiteur partant
Ordonnance l'edit du Roi , publié en ladite Cour, les emporta, pour en donner fon auis
du Roi I.]
François vingtvniefme
^ ^. ■,. d'Odobre, „• m.d.li. par efcrit, comme s'enfuit :
pour trois railons : La première pour « J'ai veu le procès contre Barthe- Rapport de
auoir porté liures de Geneue es pays
de l'obeiffance du Roi ; la féconde en lemi Hedor, détenu pour crime d'he- l'Inquifiteur.
refie, & l'ai oui parler & affermer ces
ce que lefdits liures fe trouuoyent
cenfurez & reprouuez ; la troifiefme propofitions, c'eft affauoir, que l'E-
uangile n'eft en lieu du monde plus pu-
en ce qu'eftant ignorant & non lettré, rement prefché qu'à Geneue. Que la
il s'efloit ingéré d'annoncer les opi- Méfie eft vne pure abomination &
nions qui fe tiennent audit lieu de idolâtrie. Qu'en la facree Cène (vfant
Geneue, contre les traditions & or- de ce mot), le corps de Jefus n'y eft
donnances receuës par l'Eglife Ca- pas , mais que le pain fignifie feule-
tholique. Le 16. de Mars, Barthelemi ment le corps. Qu'en la facree Cène,
fut mandé en ladite Cour; auquel on Jefus Chrift n'eft ni ne doit eftre offert,
fit lire les refponfes par lui faites à veu qu'il s'eft offert foi-mefme vne
Pinereul, pourou fauoir
rien adioufter s'il y& vouloit
diminuer; lui fut fois en la croix. Que c'eft une idolâ-
trie d'auoir des peintures de Jefus
remonftré que fes opinions eftoyent Chrift & des Sainfts. Que c'eft mal
contre Dieu, & le fainâ fiege Apofto- fait de confeffer fes péchez à autre
lique & Eglife Romaine. Il refpondit qu'à Dieu. » Il adioufta beaucoup
qu'il n'y auoit rien contre Dieu; mais d'autres chofes ; mais celles-ci font
perfiftoit & vouloit viure & mourir en les principales , pour lefquelles il con-
la cluoit , qu'on ne pouuoit douter que
ditloi& dudéclaré,
Seigneur, félonautrement;
& non ce qu'il auoit
ce le prifonnier ne fuft hérétique. Et en
modifiant à la façon vfitee au fiege
qu'on lui fit figner.
Le 27 d'Auril , il fut mené deuant Romain, il mit ces mots : « Je luge-
les deux premiers Commiffaires acom- roi toutesfois qu'il le faudroit traiter
Jacomeli, pagnez de Thomas Jacomeli , Inquifi- plus doucement, ayant aucunement
Inqiiifueur. j^^^ jg 1^ f^; . auquel les refponfes efgard à fa fimplicité; & que, par fré-
d'Heftor furent communiquées , fui- quentes exhortations, on le ramenaft à
uant l'arreft de la Cour, du 28. de repentance. Car qui fait fi le Seigneur p^^d d'hypo-
Mars précèdent. Du commencement le conuertira, & par noftre miniftere, crifie.
ils firent plufieurs exhortations pour comme la brebis perdue , le ramè-
le faire retourner en l'Eglife Romaine, nera ?»
fans autrement lui déclarer ni prouuer SvYVANT ceft auis, la Cour fit de-
rechef venir Hedor le 16. de Mai ; &
lui ayant fait ledure de fes refponfes,
(i) A la faveur de l'accalmie qui s'était l'admonnefta de fe réduire ; & auffi
produite depuis l'occupation française, les
Vaudois s'étaient mis à se bâtir des temples, à de refpondre doucement , confiderant
côté des églises catholiques vides. Le pre-
mier temple, dont parle ici Hector, fut con- qu'il eftoit deuant Dieu , le Roi & fa
struit àAngrogne, au lieu dit Saint-Laurent Juftice; que s'il fe vouloit defdire , &
(Monastier, \, 222).
(2) Les Eglises vaudoises étaient en com- ne plus croire ce qu'on lui auoit en-
munication constante avec Genève, d'où leur feigné à Geneue , on vferoit de mife-
venaient desquem ent àCalvin
pasteurs, pouret avoir
s'adressaient fré-
ses conseils
ricorde enuers lui , & que ce n'eftoit
dans les moments difficiles. qu'abus contre les commandemens de
Dieu, conftitutions de la fainde mère
LIVRE SEPTIEME.

Eglife Romaine , les fainâs Conciles s'il n'auifoit à foi ; car ce feroit la der-
generauxaprouuez de tous vrais Chref- nière fois qu'il fe trouueroit deuant la
licns , & (iblcriiez par le royaume de Cour. R. Qu'il efloit
dre libéralement & de prefl
cœur de ren-
à Dieu
France.
loit Hedor
croire refpondit,
fimplement ce qu'il vou-
qui eftoit l'ame qu'il lui auoit donnée, le fup-
elcrit aux faindes Efcritures du vieil pliant de le vouloir garder A mainte-
& nouueau Teflament, fur iefquelles nir en l'opinion qu'il auoit déclarée &
fa foi, voire celle de tous Chreftiens ,
deuoit eflre feulement fondée. On lui depofee
heureux ende fonfouffrir
procès,pour
s'eftimant très
vne telle
demanda s'il voulnit foullenir qu'à querelle;
main. ce qu'on lui fit figner de fa
Geneue on prefchaft plus purement la
Plvsievrs de la Cour, voyans que
fiarole de Dieu qu'à Poiaiers ou ail-
eurs? dit qu'il ne difoit pas cela en la fimplicitc' de ce perfonnage ne
tels termes, & qu'il y auoit d'au- pouuoit efire efbranlee ne par mena-
tres Eglifes reformées, où la parole ces ne par crainte de mort, furent au-
de Dieu eftoit purement prcfchee , & tant eftonnez que prelTez en leur con-
que, fi à Poidiers elle euft eflé fainfte- fcience, en forte que, pour fe defchar-
ment annoncée, il n'euft prins la peine ger fur autrui, ils remirent Barthelemi
entre les mains de fes parties pour
de venir fi loin qu'à Geneue. Interro- eflre iugé , iaçoit que par expérience
gué , s'il perfiftoit en ce qu'il auoit dit ils euffent conu en ce mefme faid, que
de la Melfe.' dit qu'oui; mefme que
lacomeli, inquifiteur, ne le vouloit ga-
Autel. le
dit commencement d'icelle,&c.,
: Inircibo ad alljrc, quand
eft on
vn gner d'autre luite fi), finon de cefle,
blafpheme, d'autant que les Chref- affauoir : Que fes predecelTeurs te-
tiens n'ont point d'autels ni de facri- noyent autre doélrine, & que par con-
fices, fe contentans de celui que le fcquent ceux qui teJioyent le contraire*,
Seigneur Jefus Chriil a vne fois fait eftoyent en erreur, & puniffables de
mort. Le 2. de May, Hedor, eftant
en l'autel de la croix, quand il s'eft
lui-mefme offert en oblation & facri- renuoyé par deuant lofeph Parpaille,
fice perpétuel pour tous les péchez dodeur es droits, chanoine de l' Eglife
métropolitaine , & vicaire gênerai de
du monde. Enquis s'il vouloit perfifler,
qu'au Sacrement le corps de noflre l'Archeuefque de Turin , Antoine de
Scalingue, moine & vicaire gênerai de
Seigneur n'y fuft? R. Qu'il croyoit
aux paroles de l'Euangile , que lefus l'Abbaye de Pinereul , ai ledit Tho-
mas lacomeli, au lieu de lui monftrer
Chrirt auoit proférées, difant : Prcnc'^,
mangc^, &c., & non pas : adorez-le. qu'il eftoit en erreur , & l'enfeigner
Que quand les fidèles communiquent par la parole de Dieu, ne lui parlè-
à la fainfle Cène, ils reçoiuent le rent d'autre chofc finon de fe defdire ;
corps & le fang de lefus Chrift , le- & en ce faifant qu'on lui feroit grâce,
quel fe communique à eux, efleuans autrement que la mort eftoit toute
leurs efprits à Dieu, par le moyen de prochaine. Ce fait, ils lui firent ledure
des interrogatoires & refponfes , fur
la foi. >i Interrogué, s'il perfilloit en
ce
desqu'il auoit dedit Jcfus
images eflre mal-fait
Chrift ,d'auoir
de la Iefquelles, pour fignc
faifoyent de grandes d'horreurmais
admirations; ils
vierge Marie, & autres Sainds &
Hedor, fortifié de l'Efprit de Dieu,
Images. fainftes.'' R. Que de tenir images n'auoit autre regard qu'à maintenir fa
iufte caufe. Et efleuant les yeux à
pour les lâtrie &, feruir it adorer,
que Dieu auoit c'eftoit
défendu ido-
de
faire aucunes images à fa fcmblance ; Dieu, le fupplioit qu'il lui fift la grâce
de demeurer ferme iufques à la der-
que fi aucuns ne lesadoroyent, autres nière goutte de fon fang. Puis fe
Ilancc pour
les pourroyent adorer, & partant le voyant tant importuné par fes aducr- Grande in-
faires, il leur dit refolutiuement : Que fubuertir
meilleur eftoit n'en auoir point du Heflor.
tout. On demanda s'il fouftenoit la MclTe eftoit vraye idolâtrie ; & qui-
La confcffion. ^(\j^^^ rnal fait de fe confelTer , comme conque tenoit images, fuft de lefus
la fainde Eglife Romaine commande Chrift ou des Sainds, à caufe de la re-
& ordonne .' R. c Telle confeffion n'eft ligion, eftoit idolâtre. Quant au facre-
en l'Efcriture fainde; trop bien quand ment de la Cène , ce n eftoit fon en-
on a offcnfé fon frère on fe doit re- tente que le corps de lefus Chrift y
concilier àlui , <Sc ainfi confeffcr l'vn fuft enfermé; mais qu'il y conuenoit
à l'autre fon péché. » On lui renionf-
tra qu'il fe mettoit en grand danger
(1) Lutte
BARTHELEMI HECTOR.

communiquer par foi, efleuant les yeux miniftree en briefue expédition. Bar-
en haut, y contemplant nodre Seigneur thelemi, au contraire, voyant ce nou-
Jefus Chrift en la gloire de Dieu fon ueau aduerfaire, requeroit délai lui
père. Ils lui remonftrerent derechef eflre donné pour lui refpondre, voire
Notez de
que, s'il vouloit perfifler en telles opi- qu'on lui baillaft de l'ancre & du pa-
nions, contreuenantes aux comman-
pier pour efcrire. Sur quoi lui fut re- quelles rufes
& façons de
demens de Dieu & de l'Eglife , il monftré qu'il n'auroit point de terme faire on pro-
feroit déclaré hérétique. Sa refponfe 1 cède en tous
pour difputer, mais bien .pour fe def- 44lieux contre
fut, qu'en perfeuerant en ce qu'il auoit dire & retourner au giron de leur les enfans de
confefTé , il fauoit pour certain qu'il mère fainde Eglife, & fe remettre au Dieu.
eftoit d'accord auec .les faindes Ef- iugement des Pères & facrez Conciles,
critures , fur lefquelles fa foi eftoit &"vouIant adhérer obftinement à fes
apuyee. Quoi fait, lefdits Vicaires &
Inquifiteur lui donnèrent terme & propofitions, il n'auoit befoin ni d'an-
cre ni de' papier, ni auffi de tant de
délai de lix iours d'y penfer, & de fe dilations, mais bien d'vne pure & fim-
réduire comme ils l'auoyent admon-
nefté. ple penfee. Hedor dit qu'il ne ref-
pondroit autrement, fi on ne lui bail-
LE27.dudrtmoisde May, Parpaille, loit nouueaux articles, où fuffent
Scalingue & lacomeli ne faillirent de contenus fes erreurs & les caufes
retourner à la proye , & demander à
d'iceux par la parole de Dieu. Le pro-
Barthelemi s'il auoit penfé à fon cureur répliqua : Qu'il ne le faloit plus
afaire.'' Sa refponfe fut que pas en-
ouir, puis qu'il ne fe vouloit fubmettre
core, parce qu'il n'auoit rien entre fes au iugement de leur mère fainde
mains du procès contre lui fait, ni fes
refponfes, furquoi il peufl délibérer, Eglife, & qu'il ne cerchoit que des
fubterfuges pour prolonger facaufe,
requérant à cefte fin le double & & la tenir en longueur. Pource il in-
communication d'icelui, pour pouuoir fiftoit droid lui eftre fait fur fes tefti-
mieux délibérer & refpondre ; fur cela moniales, & que fes conclufions lui
demandant quatre mois de terme. Sur fulTent accordées , proteftant à leur
quoi ils ordonnèrent que les refponfes refus d'auoir fon recours aux fupe-
par lui faites par deuant eux fur leurs rieurs.
propofitions lui feroyent communi- SvRQVoi lefdids Vicaire & Inquifi-
quées ,pour y refpondre dans le len- teur voulans (difoyent-ils) la conuer-
demain, ou bien de fe remettre au iu- fion du pécheur, & enclinans pluftoft ' C'eft à dire
gement de l'Eglife. Il leur remonflra à mifericorde
rent délai à *Barthelemi
qu'à rigueur, donnè-
feulement
qu'il ne leur pouuoit refpondre en fi
bref temps; lors ils lui prolongèrent cruauté
ragée. en-
pour refpondre fans tergiuerfer, iuf-
fon délai pour toute prefixion au Ven- ques au premier iour de luin enfui-
dredi prochain. Le terme efcheu , les
vénérables accompagnez de Gafpar uant, fans efpoir d'en auoir autre, &
ce afin qu'il fe fubmift au iugement
Viuian, procureur de la foi, retournè- de l'Eglife, & embraft'aft
rent deuers Barthelemi; mais ils n'ob- des facrez Conciles & des laPères,
dodrine
en
tindrent
vouloit viure autre &chofe de lui,
mourir finon
en la qu'il
confef- reuoquant ce dire
qu'illesauoit enfeigné au
contraire, ou caufes pourquoi
fion de foi par lui faite & propofee , il ne doit eftre déclaré hérétique.
tant en la cour de Parlement que de- Av iour affigné, ces fuppofts auec
uant eux. Sur quoi ce procureur de la leur dit procureur de la foi , firent
foi print fes conclurions à l'encontre comparoir Hedor par deuant eux, &
Conclufion
du procureur de lui, fondée fur ce : Qu'il auoit veu pour l'intimider, on lui fit vn grand
de la foi. fes refponfes par plufieurs fois réité-
rées, enfemble les admonitions qui déclarédu hérétique,
narré procès, concluant qu'il fuft
& que iuftice en
lui auoyent eflé faites de fe defdire ,
fuft faite, puis qu'il n'auoit voulu em-
d'autant qu'il eftoit en erreur; mais braffer la dodrine des Pères & Con-
tant s'en faloit qu'il euft voulu y en- ciles. Hedor, au contraire, déclara
tendre, que, par confeffions iudiciaires,
qu'il croyoit à la dodrine des Prophè-
il s'eftoit opiniaftré à cela, fans vou- tes & Apoftres, fur lefquelles la foi Ephef.
ciaires.
Acàes 2.
iudi-
loir aucunement changer. A cefte oc- des Chreftiens deuoit eftre apuyee. &
cafion , & que fes pofitions eftoyent non fur les hommes, requérant à cefte
déclarées hérétiques , mefme qu'il fin papier & ancre lui eftre bailli;z
auoit eu terme de fe repentir , reque- pour en rendre plus ample raifon. Le
roit droid lui eftre faiét, & iuftice ad-
Procureur répliqua : Qu'il l'erapef-
LIVRE SEPTIEME.

442 et par confequent ledit Hedor héréti-


choit, & qu'il ne deuoit eflre aucune-
ment oui, 1% que ce n'eftoit que pour que & fchifmatique, lequel ils excom-
ccrcher des remettre
ne fe vouloit efchapatoires , veu qu'il
au iugement de munioyent et feparoyent de l'Eglife,
& le renuoyoyent deuant fon iuge lai.
fcicniieux
font-ils que
Auffi con-
l'Eglife. Partant infilloit que droit full Et combien, difoyent-ils , que, par
leur fentence, ils le renuoyalTent au les luifs qui
fait, proteftant d'en appeler ;\ fes fu-
bras feculier pour eftre puni félon le difoyent ne
perieurs,
lurtice. Surquoi s'ils n'en lefditsfaifoyent
Vicaire briefue
& In- leur élire
droid, toutefois ils proteftoient qu'ils loifible de
ûuifiteur donnèrent affignation au faire mourir
n'attentoyent point à la mort, ni à au-
dixiefme de Juin, pour ouyr leur fen- cune mutilation de membre en la per-
tence , & derechef exhortèrent Bar- fonne de Bartholemi ; ainçois autant perfonnc.
thelemi de fe fubmettre au iugement
qu'il eftoit licite, & qu'il conuenoit à
de leur mcre fainfte Eglife. Au con- la charité Chreftienne, ils le recom-
traire, Hedor perfilloit en fa requefle mandoyent à fes iuges ; ordonnant que
de lui donner papier iSr ancre pour les liures fufpeds qui lui auoyent efté
efcrire les caufes pour lefquelles il ne trouuez leur fulTent aducUement &
doit eftre déclaré hérétique. prefentemeut confignez, pour y pour-
Ledit iour, Hedor & Viuian com- uoir félon le droid. Cefte fentence
parans comme delTus, après que ledit ainfi donnée , leué & promulguée en
procureur eut perfeueré en fes con- ces mefmes mots, fut acceptée par le
clurions, & que Barthelemi fut dé- procureur de la foi, lequel leur rendit
claré hérétique, & débouté de toutes grâces immortelles de leur bonne &
refponfes , répétitions & confronta- brcfue iullice, requérant icelui ade &
tions par lui demandées, enfemble de inllrument public lui eftre deliuré : ce
fes exceptions, & requis droid lui qui fut fait. Barthelemi , renuoyé au
eftre fait félon les loix & canons vfi-
tez par leurs predecelTeurs contre les Parlement, ne tarda gueres qu'il n'euft
Sentence. hérétiques: Ces vénérables Vicaire & arreft, duquel la teneur s'enfuit.
Inquifiteur, feans au fiege de lullice
(comme ils difoyent) pour rendre
droid à chacun , après auoir veu les S'enfuitcontre
l'arrefl du Parlement de Turin
raifons & répétitions & confrontations Èartkelemi HeSlor.
refpediuement faites & dites par
Hedor lesi 5. & 16. iour de Mars, les Vev par la Cour le procès criminel
27. & 29. de .Vlai, communiquées auec faid par les commilTaircs à ce dépu-
tez . etc., contre Barthelemi Hedor,
le mémorial de l'affignation pour don- natif de Poidiers. manant it habitant
ner fentence, le 5. de Juin, à 6 heures,
garnis de toutes chofes necelTaires & de Gcneue, prifonnier détenu es pri-
appartenantes au droid, mefmement
des affignations pour ouyr proférer fons de ladite Cour, chargé d'auoir
porté dudit Geneuc des liures reprou-
fentence en ce mefme iour, lieu & uez & imprimez audit lieu, contenans
heure, eux fe fignans du figne de la dodrine hérétique, faulTe & contraire
aux conftitutions de la fainde Eglife
croix , & n'ayans rien deuant les
Romaine & Catholique , lefquels il a
yeux {difoycnt-ils) que l'honneur de
Dieu , &c. , pource qu'il eft euident vendus es vallées de Luferne, Angron-
que les propofitions dudit Hedor ef- gne & faind Martin ; feduit & mai
toyent hérétiques , & répugnantes au édifié (par propos tenus félon fa fauffe
vrai fens de la parole de Dieu, &c. ; opinion) plufieurs fuiets du Roi, auec
que les Pères anciens ont tenu de lefquels il auoit conuerfé, à tenir &
tout temps , & le tienent de père en croire lefdites faulTes opinions, com-
fils, comme auffi ont fait la fainde mettant fcdition & troublant la paix
Eglife catholique & les facrez Conci- de la republique Chreftienne , & con-
les, & comme il apparoiffoit, par les treuenant en ce aux edids it ordon-
ades delTufdits, ledit Hedor adhérer nances du Roi publiez par toutes fes
cours de Parlement ; les refponfes
nbftinément ;\ l'herefie , mefprifant
dudit Hedor auec les répétitions
l'Eglife catholique par fes propos, l't
ne fe voulant fubmettre à fon iuge- faites en prefence de l'inquifiteur de
ment des Pères iSr Conciles ; à ces la foi, par lefquelles il a perfifté en-
caufes, ils déclarent A prononcent, par tièrement en fes fauffes it hérétiques
leur fentence dctinitiue, fes fufdites opinions ; Veu auffi le procès verbal
opinions hérétiques & fchifmatiques, fait par lefdits Commifl"aircs , qui ont
BARTHELEMl HECTOR.
44 î
M.D.LVI.
efté par commiffion de la Cour efdites dénonciateurs auront la tierce partie,
vallées, pour entendre comme ils fe
fuyuant l'edift du Roi.
portoyent fur le faid de la religion , Ainsi figné Hierome Purpurat, & Au-
auec les refponfes faites par les Syn- guftinde'Ecclcfia, le 19. arreft
de Juinfut1556.
diques & hommes defdites vallées ; Et au delTous dudit mis
l'auis & déclaration dudit Inquifi- vn rctcntum
teur ; les conclufions du Procureur tant le feu, de la Cour
Heâor : qu'en
feroit met-
eflranglé,
gênerai du Roi , auquel le tout a efté en forte qu'il n'en fentiroit la douleur.
communiqué, & ouy en pleine Cour,
en la chambre du confeil, ledit Heftor, Le lendemain. 20. iour, ledit arreft
en prefence dudit procureur gênerai, fut prononcé à Barthelemi , lequel,
fur tous les poinéts d'erreur qu'il tient ; après auoir loué Dieu des grâces qu'il
l'arreft interlocutoire, donné le i8. lui faifoit de foufl'rir pour fon Nom,
de Mai dernier paffé, par lequel ledit
demeura àuffi ferme & confiant qu'il
procès auec le prifonnier a efté ren- eft poffible de penfer. Et d'auantage
uoyé au vicaire de l'Archeuefque de remonftra l'aueuglement au peuple &
cefte ville de Turin , & de l'Abbé de à ceux que la Cour lui auoit expreffé-
Pignerol, & à l'Inquifiteur de la foi, ment attiltrez pour lui perfuader qu'on
pour lui faire & parfaire fon procès, lui fauueroit la vie , & le renuoye-
& icelui iuger entant que touche le
roit-on fain & fauf. Et que tant s'en
faiâ & crime d'herefie feulement ; faloit qu'il les vouluft croire, que ia-
fauf à faire droiél fur les cas priuile- mais chofe plus douce ne plus agréa-
gez à la forme de l'ediél du Roi ; le ble ne lui eftoit auenue, que de mou-
procès faitaudit
par lefdids rir pour fi bonne querelle. La Cour
quifiteur Hedor,'Vicaire & In-&
perfiftant auertie de fa fermeté & conftance par
perfeuerant en fefdites herefies & er- les Confeillers qu'elle y auoit (comme
reurs ;auec la fenlence par eux don- dit eft) enuoyez, & comme ils n'auoyent
née ,le dixiefme iour de ce prefent peu tirer autre chofe de lui, le menaça
mois de luin, par laquelle ledit Hec- que , s'il parloit en allant au fupplice
tor comme obftiné a efté déclaré hé-
ou eftant là. qu'on lui couperoit la
rétique & fchifmatique , reprouué &
langue. Mais tant s'en falut que cela
feparé de l'Eglife, & renuoyé à fon l'eftonnaft, qu'il en fut d'auantage en-
iuge feculier pour eftrebruflé félon couragé, &eut ce bien iufques à la
la loi ; et ouys derechef les gens du mort , à exhorter le peuple en la
Roi, aufquels le tout a efté commu- crainte de Dieu, & à monftrer l'er-
niqué ,& toutes chofes meurement reur auquel ils eûoyent plongez. Ef-
confiderees. tant arriué au lieu de fupplice, la
La Cour Ladite Cour a condamné & con-
s'attend & fe damne ledit Barthelemi Hedoràeftre Cour
fe enuoya
vouloit derechef
defdire dire que il
& conuertir, , s'il
ne
defcharge fur
le iugemenl de bruflé vif, en la place du chafteau de mourroit point ; mais ne tenant conte
fes aduer- cefte ville, vn iour de marché , comme de leurs promeffes, il fe mit à genoux
faires. hérétique & fchifmatique déclaré par pour faire fa prière à Dieu, laquelle il
la fentence defdits 'Vicaire& &turbateur
Inquifi- continua an"ez longuement, & entre
teur, & comme fedudeur autres chofes le fupplia à haute voix
de la paix de la republique Chref- de pardonner à fes luges, & qu'il
tienne , & infrafteur des edifts & or- leur vouluft ouurir les yeux pour en-
donnances royaux, & a ordonné & tendre la vérité de fa parole. Puis il
ordonne que les liures defquels il a fit encores quelques remonftrances au
efté trouué faifi par lui apportez de peuple qui affiftoit là, dont la plus
Geneue & illec imprimez, pour vendre part fe mit à pleurer & regretter fa
efdites vallées de Luferne & faind
mort, difant
comment on qu'ils
faifoits'efmerueilloyent
mourir vn tel
Martin, contenans ladite doftrine hé-
rétique & reprouuee , feront bruflez homme , qui ne parloit que de Dieu.
en la prefence dudit Heélor ; tous & Sur l'heure, eftant mené & attaché au
chacuns fes biens & la marchandife
pofteau, comme on lui raettoit la pou-
dre à canon & le foulfre deuant le
qu'il portoit à vendre , déclarée con-
fifquee au Roi, les frais faits par ceux fein, efleuant les yeux au ciel, dit :
qui l'ont fait
la vallée prifonnier
de fainél & détenu
Martin en
& autres a O Seigneur, que ceci m'eft doux ! »
frais de iuftice fur iceux préalablement Il fut eft'ranglé,
cendres & fon decorps
, en facrifice réduit
bonne en
odeur
payez ; de laquelle confifcation les au Seigneur & à fon Eglife.
444 LIVRE SEPTIEME.

congé du moine, qui le rcmercicit de


fa bonne veuille (1), & de ce que lui &
fes femblables l'honoroyent de leurs
doives & familiers colloques, le priant
Hierome Casabone, Bearnois (i). de venir plus fouuent le voir pour
conférer enfemble. Hierome parti, le A raifon de
Le motif & la caufe de la prinfe de ce
Martyr nous doit admonnc/ler , que moine &tinent fonaccufer,
preftrc
auantl'allerent incon-
que boire ne accufé.
quoi il ell
fi la vérité du Seigneur ne nous efl manger, combien que ce fuft fur
prccieufe iufques là , de nous aban- l'heure qu'ils fe deuoyent mettre à
donner plujtojl à tous dangers, que table. Le Juge qui receut leur depofi-
de la voir ou ouyr conuertie en op- tion, nommé Faure, cftfiit frcfchement
probre &menfonge, nous ne Jommcs retourné des prifons de Bourdeaux,
pas dignes d'ejlre rcpute:{ Cbrelliens. où il auoit efté détenu pour quelques
Car puis aue Dieu ejlime plus fa maluerfations & concuffions dont il
parole qu'il ne fait tout ce qui e/l au eftoit chargé ; lequel pour reconoiftre
monde, c'ejl bien raifon que toits fes fa deliurance fut bien aife d'auoir
dons & grâces foycnt employé^ à trouué propre occafion pour acquérir
la maintenir entant qu'en nous fera. à l'auenir renommée d'homme iufti-
cier, & de gratifier à ceux du Parle-
Cevx d'Agenois eurent en ce temps ment, les conoiffans ennemis iurez de
M. Hierome Cafabone, natif du pays
de Bearn , pour héraut & tcfmoin de la doftrine qu'on nomme nouuelle.
la vérité Euangelique. Icelui ayant Parquoi à l'inflant interrogua le moine
& le preftre , & décerna prinfe de
quelque temps régenté (2) à Monflan- Emprifonné.
quin , en Agenois, fut pédagogue de corps
prendrecontre
en laHierome,
maifon de & Palloque,
l'enucya
plufieurs enfans de bonne maifon, les prefent le Procureur du Roi.
enfeignant, auec les bonnes lettres,
Le lendemain
il fut mené en lade maifon
l'emprifonnement,
de la ville,
la pieté. Auint qu'en l'an m.d.lvi. vn Interrogué.
moine de Perigueux prefchant le enuiron les fix heures du matin, & in-
Quarefme à Monflanquin, après qu'il terrogué par les iuges tS: confuls de la
eut abreuué le peuple de plufieurs ville, fur plufieurs articles, alTauoir
blafphemes, fut fur la fin admonneflé, du Purgatoire, de la Salutation Angé-
le Mardi deuant Pafques, au fortir lique, des Images, des Sacrcmens, &
Hierome de la chaire, par M. Hierome, de
cenfure vn de la confrairie d'vne noftre Dame
impofteur. n'abufer ainfi les poures ignorans & (qu'ils appclent du chappelet) laquelle
les enaigrir du leuain des Pharifiens. les Auguflins ont introduite & faid
Le moine fit femblant de l'efcouter obferuer en ladite ville; rnais on s'ar-
patiemment, & fe lailTa conduire par refta principalement fur la MelTe, & à
lui chez fon hofte, qui ertoit vn prcllre
de ladite ville, homme adonné à fon raifon du temps, fur l'abftinence des
viandes, en quoi il fe monftra merueil-
plaifir, qui autrement ne fe foucioit leufement dodc. Et comme l'affiftance
de la vraye ou faufTe religion. Quand demeuroit eftonnee & confufc, il leur
dit : i< Si vous ne vous contentez de
le moine fut en fon logis , & qu'il fe
fentit fortifié de la prcfence de fon ma depofition'iSr refponfe verbale, per-
hofte, commença de leuer fes ergots, mettez-moi que la vous baille par ef-
&vérité
fouftcnirconformequ'il àn'auoit prcfchércceuë
la doarine que crit, & vous en conoirtrez d'auantage.
A quoi les iuges refpondirent que ce
par leur mère faindc eglife ; au con- leur eftoit aft"ez. C'eft vne chofe toute
traire ,ce que Hierome lui auoit re- commune, & que Satan a gaigné fur
monflré, fcntoit fes fagots. La difpute
la plus part des iuges,
tentent feulement qu'ils
de tirer des fe con-
refpon-
fut tirée iufques à l'heure que le dif-
ncr cftant prcfl pour eftre mis fur ta- fcs de ceux qui font accu fez pour la
ble, Hierome fe retira auec honnefte
vraye religion, ou qui nient le Purga-
toire, ou rcprouuent les Meffes &
chofes femblables de leurs inuentions,
(1) Crcspin, IÇ64. p. 844; 1Ç70, (*■ 440; fans en vouloir attendre autre raifon ,
1(82, f» 4')0, H97. f J98; 1019, f' 4)o.
M"* Vauvillicrs Hisl. de Jeanne J'Atbrct, pour affeoir fur telles ncgatiues fcn-
t. I, p. 67) dit que Casabonne fui l'un des tences de mort cruelle. En quoi on
premiers propa(,-atcurs de la Réforme dans
le B£arn.
(1) Eté mettre d'école. (1) Bonne volonlé.
445
HIEROME CASABONE.

L'impiété conoit non feulement vne manifefte auec toutes charges & informations m.d.dvi.
es lugesde cri- dedans quinze iours, pendant lefquels
minels laimpieté,
u . mais
^ vn propos
.■ p délibéré
^i. ■. < j de
Papauté combatre & anéantir I authonté des Hierome efcriuit vne Epiflre aux fidè-
contre lefus faindes Efcritures pour fubllituer (en- les, les folicitant de s'alTembler &
Chrift en fes uentions
tant qu'en eux efl) les maudites in- prier pour lui, afin que nul ne fuft
membres. des hommes au lieu de la fcandalifé à fon occafion , de ce La caufe pour-
vérité de Dieu. Leur zèle auffi efl
qu'ayant eu des moyens de fe fauuer, q"oi Cafabone
tellement enragé s efloit
11"pour à, nelauué.
pouuoir faire plusqu'ils
grandpenl'ent
feruice neà r\ eftoit
il ne/• s'en
caule, Qu ■ aidé,
'■^il aimoit alléguant
-J mieux
■ aller
Bourdeaux rendre raifon de fa foi,
leur dieu de MelTe, que d'employer
leurs meilleures & plus deuotionnees que par fa fuite fes aduerfaires euffent
feftes , à faire la guerre au Dieu vi- occafion de blafmer la vérité de la
uant : ce qui fe conut manifeftement dodrine qu'il auoit maintenue. Le
en cefte procédure. Car combien que
Baille
lui euft ,faite
quelque inionélion
, le garda plus de qu'on
deux
leurs cérémonies de la fepmaine ,
mois, & lui donna plufieurs moyens
qu'ils appelent Peneufe (i), commu-
nément les occupent & amufent en de fe fauuer ; mais en fin, voyant qu'il
deuotion, & furtout au iour de leur
n'y vouloit entendre, l'enuoya à Bour-
deaux auec bien petite compagnie.
grand Vendredi faind ; fî efl-ce qu'ils
ne fe donnèrent point de relafche Ce patient, au lieu de cercher moyens
pour cela. d'efchaper, ne ceffoit par les chemins
iour, ils firentCar l'apres-difnee
derechef dudit
venir Hierome & hoftelleries d'admonnefter vn cha-
en la maifon de la ville pour le con- cun, du falut qui eft gratuitement of-
fronter & recoler contre ceux qui fert au feul Sauueur lefus Chrift ;
auoyent depofé contre lui ; lefquels d'exhorter ceux qu'il voyoit, à embraf-
fer un tel bénéfice, en quittant toutes
combien qu'il rendift confus par fes
refponfes, neantmoins le moine (à le pollutions & idolâtries.
preflre, d'vneleurimpudence Arrivé qu'il fut à Bourdeaux , &
conuertirent confufion effrontée,
en rifees , que le feruiteur du Baille eut mis fon
procès au greffe de la Cour, il ne
pour monftrer qu'ils le mefprifoyent , tarda rien à eftre iugé & confermé p^r
dequoi le luge s'aperceut , car iurant Arreft. Les luges du Parlement lui
à la façon des idolâtres, dit : « Par
faind Antoine, le prifonnier eft homme demandèrent s'il vouloit perfeuerer
en ses opinions, & fa refponfe fut
fauant. » Or cependant qu'on exami-
noit autres tefmoins , auint que le qu'oui ; voire & qu'à cefte occafion il
vicaire du temple appelé no(lre-Dame, auoit defiré de venir deuant eux, pour
portant fon dieu à quelque malade , feeller par l'effufion de fon fang la
paflTa par deuant la maifon de la ville, vraye & pure dodrine du feigneur
où eftoit ledit Hierome, auec le ferui- lefus. En la queftion qu'on lui donna, Quertion extra-
teur du Geôlier qui le gardoit, lequel pour fauoir fi à Monflanquin il en ordinaire.
fe mettant à genoux, vouloit que Hie- conoift"oit de fon opinion, il n'y eut ni
tourment ni menace qui feuft tirer de
rome s'y mill auffi ; mais eflant mené
d'vn zèle de Dieu, fit refus de ce lui aucune accufation de ceux qu'il
conoilVoit.
faire , & print occafion de remonftrer Quoi voyans, les Juges,
comme pour vn dernier remède, firent
à toute l'affiflance quelle horreur & allumer vne torche pour lui faire crier
idolâtrie c'elloit que de fe proHerner merci & pardon à Dieu , à la vierge
deuant vne idole ; que le Dieu feul
éternel & viuant deuoit eflre adoré Marie, auxfainds & faindes de para-
par Jefus Chrill, qui eftoit au ciel à la dis, & à la Juflice. Hierome pria
dextre de Dieu Ion Père, & non entre promptement Dieu , & d'affedion ar-
les mains du preftre, qui, par tels fpec- dente lui demanda pardon des fautes
tacles, abufoit & amufoit le poure po- & offenfes qu'il auoit commifes contre
pulaire. Les recolement & confronta- fa maiefté ; mais comme ils le vou-
tion acheuez, fut renuoyé en prilbn, loyent forcer de paffer outre, & de
& enioint au Baille (2), à peine de cinq venir à la vierge Marie, aux fainds,
cens liures, le mener à Bourdeaux Ot à la luftice, il le refufa , alléguant
qu'il ne les auoit en rien offenfez, &
que fupplication de pardon fans faute
(i) Semaine de la Passion. Cette locution, précédente, elloit pluftoft moquerie
temps deenMalherbe.
tombée désuétude,Voy.
s'employait encore
ce mol dans au
Littré. que deuoir. Lors lui fut commandé
(2) Valet, serviteur. de bailler la langue à couper, ce qu'il
LIVRE SEPTIEME.

6
fit44promptcmcnt. Et depuis eftant defquels
crits (1). les noms font ici après fouf
mené audesfupplice, il monftra par i'ele-
uatiun yeux & des mains au mi-
Novs confelTons tous & conftam- De Dieu.
lieu des (lainmes du feu, que c'ertoit
d'enhaut qu'il attendoit falut (1). iTient croyons qu'il n'y a qu'vn Dieu
viuant & éternel, de puiffance, fa-
pience & bonté infinie , créateur &
conferuatcur de toutes chofes, tant
vilibles qu'inuifibles. & qu'en l'vnité
Treize Martyrs, Anglois (2). de fa Dcité il y a trois perfonncs coëf-
fentielles.& coëternclles , fans confu-
fion de proprietez & relations, & fans
D'rnc troupe de Chrefliens liurc^ à la aucune inequalité, alTauoir le Père, le
mort Fils & le S. Efprit, comme il ert vraye-
gilc , pour la con/cffion
receuons de l'Èuan- ,
cc/l aducrliffcmcnl
Que le Seigneur appelLml les Jiens ment enfeigné & creu en l'Eglife de
Jefus Chrifi, fondée fur la fainde pa-
pour courir au but, ce n'e/l pas pour role de Dieu, de laquelle vraye Eglife
donner le pris à im feul, mais à tous ; nous-nous difons, & chacun de nous
afin que les vns aident les autres en fe reconoit vrai & viuant membre
commun, & tendent les bras l'un à conioind l'vn à l'autre.
l'autre pour efire auance:^ au but Novs confeffons, & fans douter
d'vne fi heureuje courfe. croyons que la féconde perfonne en la
Trinité, alTauoir le Fils éternel de Dieu
La cruelle puilTance des ennemis le Pcre, a voulu, pour l'amour de nous,
croilToit ^n ce temps au pays d'Angle- prendre nortre humanité fur lui, au
terre fous Marie, non feulement con- ventre de la bien-heureufe vierge
tre les robustes & fortifiez en la foi , Marie, eflant conceu de la propre
mais auffi contre les fimples & peu fubltance d'icelle par la vertu du faind
exercczaux combats Chrefliens. Nous Efprit, it que, dés le moment de celle
en auons ici quelques vns qui ont fur- conception, la perfonne du Fils a efté
monté toute crainte de mort corpo- vnie infeparablement auec la nature
relle, &confelTans vne dodrine vraye- humaine , en vne perfonne qui eft
Jefus Chrifl, vrai Dieu it vrai homme,
mcnt Chredienne, l'ont feellee de
leur propre fang. Leur confeffion a duquel le royaume fera fans fin. Nous
conférons & croyons de cœur tous
efté tranflatec de l'Anglois comme
s'enfuit. les articles de la foi Chreftienne, con-
tenus au Syrnbole, vulgairement ap-
pelé le Credo des Apoftres, & au
Syinbole
Avssi nous d'Athanafe.
reconoinbns fidèlement
La foi & fainâ accord des prifonniers,
que la remiffion des péchez, la redemp- De la iuftific
pre/enlé à l'Eucj\]ue
Fullam, au de M.D.LVL
mois de luin, Londres à tion, iurtification tt fandification nous
vienent entièrement & feuleincnt de
la merci & faueur gratuite de Dieu en
(1) M.Casabonnc
Jérôme Gaullieur croit que lel'exécution
eut lieu de
22 mai lîÇO. lefus Chrift, acquife par fa mort &
La veille, le lieutenant criminel avait con- par fon fang efpandu, fans aucun mé-
damné " un certain personnage convaincu rite ou œuures, quelques grandes &
d'hérésie à eslrc bruslé n sur la place du
Palais. Il fut, pour cette cause, sévèrement bonnes qu'elles puitTent aparoir; &
admonesté par la Cour , pour celte raison neantmoins de peur que quelcun ne
nous entende mal, ou penfe que
que la place du Palais était réservée à
l'exécution des arrêts du Parlement, tandis
3ue les sentences prononcées par la Cour
u sénéchal devaient être exécutées sur les (1) Voici à quelle occasion fut écrite celle
fossés des Tanneurs (Gaullieur, Réf. à Bor- confession. Le dimanche qui suivit la con-
deaux, ,I 148). damnation des treize , Fecknam , doyen de
Sainl-Paul , déclara, dans un sermon, que
(J) Crespin . 1564 . P- 84''<; "«7°. '" 44" '■
1581, f 401; 1597. f° 198; iûi<j, I* 41'- Il a ces condamnés avaient autant d'opinions
clé déjà question de ces treize martyrs plus dilTérentcs qu'ils étaient d'individus. En ré-
haut ( p. 4î'J. col. I, note 0;, où leurs noms ponse àcette accusation , ils rédigèrent cette
seulement figurent. Crespin revient sur cet confession , qu'ils( VIII envoyèrent & l'évéque de
furent en- Londres. Foxe . 15c) donne de celte
autodafé, où treize personnespour insérer confession une version fort diirérento de
semble livrées aux flammes,
forme et de fond. Nous ne nous expliquons
leur confession de foi , qu'il tenait sans doute
de l'un des réfugiés anglais de la Suisse. pas cette différence.
PLVSIEVRS MARTYRS.
447

vueillions nier ou anéantir les bonnes cible confort aux faindes perfonnes
œuures, nous reconoilTons que tous
hommes font tenus, par la parole de qui fentent en eux-mefmes l'opération
de l'Efprit
œuures de ladechair
Chrift, mortifiant
& leurs les
membres
Dieu, faire bonnes œuures ; non pas
pour deferuir quelque partie de noftre terreftres, en attirant leurs entende-
faluation, ains pour monftrer noftre mens aux chofes celeftes. Item, que
obein"ance par les fruids de la foi, afin cefte conoin"ance nous conferme gran-
que la lumière de nos bonnes œuures dement en l'éternelle faluation qui
puilTe fi bien luire deuant les hommes, eft par lefus Chrift; mais aux perfonnes
que Dieu, autheur d'icelles, en foit curieufes & charnelles, qui n'ont l'Ef-
glorifié. Et ainfi nous auons en hor- prit de Chrift, c'eft vn dangereux la-
reur cefte idole fterile & foi morte, de byrinthe par lequel le diable les peut
laquelle faind laques parle en fa Ca- abatre & mettre en defefpoir, ou inci-
ter à vie abandonnée à toute ordure.
nonique, quin'a aucune bonne œuure
la fuyuante. Et ainfi affermons que
Dieu ne nous repute pasiulles deuant Finalement,
tion par Jefusnous croyons
Chrift que faite,
vne fois l'obla-a
fon iugement , pour regard de quel- pour iamais apaifé l'ire de Dieu, & a
ques œuures noftres , defquelles la fatisfait pour tous les péchez du monde
meilleure examinée à la pureté de la
Loi , fera trouuee , feion le dire du tant
autre originels qu'aduels,
fatisfadion pour les& péchez
qu'il n'y
quea
Prophète, comme vn drap fouillé. cefte-la feule ; parquoi le facrifice de
la Meffe, auquel on dit que le Preftre
C'eft donc pour l'amour de lefus offre lesus Chrift pour les viuans &
Chrift feulement, duquel la precieufe
mort & le fang refpandu en parfaiâ les morts, eft vne tromperie tres-dan-
facrifice, eft fuffifante rançon pour les
gereufe,
fut & autant
oncques pernicieufe qu'il en
inuentee.
péchez du monde. Item, nous croyons
Baptefme. Ceste confeffion de foi fut fignee
que le facreraent
pas feulement du Baptefme
vn figne n'eft
de profeffion de ceux qui s'enfuyuent.
& marque de différence par laquelle
le Chreftien eft difcerné des autres in- Lyon de Coyxe,
Henri Wie,
fidèles, mais auffi que c'eft vn feau de Henri Adlington,
régénération, par lequel, comme par vn RODVLPHE Iacson,
inftruraent, ceux qui reçoiuent le Bap- Iean Dorefall,
tefme droitement font entez & incor-
esmonde hvrst,
porez en de
l'Eglife du Seigneur ; les Iea.n Rothe,
promeffes la remiffion des péchez George Searles,
& de noftre adoption font vifiblement
Lavrent Parmen ,
fîgnees & feellees , & la foi y eft con- ThOiMas Bower,
fermée. Que la couftume de l'Eglife William Houwel,
de baptizer les petis enfans, & eftre Elizabeth Pepper,
recommandez à Dieu par prières, doit Agnes George (i).
eftre maintenue & obferuee.
Cene. Avssi nous croyons que la Cène
Celvi qui a tranflaté cefte confef-
du Seigneur n'eft pas feulement vn
figne de l'vnion que les Chreftiens fion après celle en Anglois, fignee de
leur propre main , les a veu brufler à
doyuent
mais auffiauoir entre eux de
vn facrement l'vn noftre
à l'autre,
ré- demie lieuë de Londres, près de
demption par la mort & paffion de Stratford, ou Slrat/orbowe {2), magni-
Chrift, entant qu'à ceux qui dignement fians le nom du Seigneur autant que
faire (3).
vrais confeffeurs du Seigneur peuuent
auec
rompentfoi enfembleeft
la reçoyuent,la communion
le pain qu'ils
du
corps de Chrift; pareillement, la coupe
de benedidion leur eft vne communion
(1) Voy. p. 456, note 6 de la i" col., la
du fang d'icelui. Et n'a pas efté com- transcription exacte de ces noms. Nous
mandé d'eftre gardée & enfermée ou corrigeons les prénoms des n"' 2 et ; , que
portée par les rues, ni leuee par deffus Crespin avait écrits : Hcnrye, et dont son
la tefte, ni adorée. Nous croyons
continuateur,
nom de femme croyant qu'il
, avait fait s'agissait d'un
Henriette.
auffi que la fainde méditation de la
Predeftination. predeftination éternelle de Dieu, & (2) Stratford-le-Bow.
noftre eledion en lefus Chrift eft (;) Ilbreux
s'agit
réfugiésévidemment
anglais, quide habitèrent
l'un des nom-
Ge-
nève durant le règne de Marie.
pleine de puiffante douceur & d'indi-
LIVRE SEPTIEME.

44» gile , pénètre


conucs & barbares iiifques
, & aux
par nations in-
ce moyen
conuie à foi tous habitans du monde,
DiEV RtCVEUXE VNE EgLISE AV PAYS auanl qti'execuler fon dernier iuge-
Dv Brésil, ET
AVSTRALE, partie de l'Ameriqve
COMMENT ELLE FVT
menl. Cependant l'ingratitude &
AFFLIGEE ET DISPERSEE ( I ).
mefehancelé
tanl de plus des hommesne s'augnien-
en plus, veut ejlre
efclairee de fi près , & fur tout les
Le Seigneur, cfleuant à prcfent en tant hypocrites & apcjlals donnent au-
de lieux les enfeignes de fon Euan- tant ou plus d cmpefchemcnt au
cours de la vérité que les tyrans
me/mes , comme on le peut voir par
(i) Crespin, 1Ç64. p. 857; 1570.(^442, le discours de ccjle hijtoire. En la-
'$97> f" Î90; "J'9, f° 4Î2- Dans l'édition de
IÇ64, cette notice porte pour titre : Tou- quelle nous fom'mes àu/Jl aduerlis,
chant l'Eglise des ftdeles au f'jys Jii Brésil , en fuyuant l'Euangilc , d'oublier
partie de i'Amhique Australe, l'affliâicn & nos commodité^ , prenans contente-
dispersion
de colonisation d'icelk. huguenote,
Sur cette tentative
nous avons avortéele ment en faim, en foif, en nudité &
trùs curieux récit de Jean de Léry, l'un des
mille dangers , efqucls Dieu voudra
membres de l'expédition, intitulé : Histoire que nous tombions, pour efprouuer
d'un voyage faiâ en la Icrre du Brésil , au-
trement dite Amérique, contenant la nauiga- en tous lieux & exercer nojlrc pa-
tion , 4' chofes remarquables , vcués fur mer lations.tience par diuerfes cfpeces de tribu-
par l'auâeur : Le comportement de Villega-
cnon en ce pa'îs-là , &.c. Le tout recueili fur
les lieux par Jean de Lery, natif de la \iar-
gelle, terre Je fainâ Serre au Duché de PovR parucnir à l'hifloire qui fera
Bourgongne 1 m.d.lxxvmi. (s. 1.). Pour An- ci aprcs mile on fon ordre, de quel-
ques fidèles Martyrs, qui franchement
de huittoine Chuppin).en Ce
éditions livre n'a
français Cdonlpasuneeu récente
moins
due à M. Paul Gatrarel, Paris, 1880), et de fe font expofez à la mort & ont ar-
cinq en laiin. Cet ouvrage, paru pour la roufé de leur fang la fecherelfe de la
premièreà Crcspin.
fois en 1578
terre du Brefil , pour maintenir la
source dont, lan'anotice
pas pufigure
servirdéjà
de
doélrine du Fils de Dieu . il ell expé-
dans l'édition de i;64. Mais cette notice du dient d'entendre le commencement &
martyrologe est la reproduction pure et
simple d'un petit volume in-iode 48 f". que le motif, d'auoir eu en ce temps
nous n'avons vu mentionné nulle part, et Eglife reformée , félon la parole du
dont nous avons trouvé un exemplaire à Seigneur, en terre fi eflongnee des
la bibliothèque de l'Arsenal (H. 12192):
Histoire des chofes mémorables aduenues en royaumes & lieux , efquels le fuiet
la terre du Brésil, partie de l'Amérique de noftrc
refté. La hiftoire
mémoireiufques ici s'eft tant
des chofes ar-
australe, fous le gouvernement de N de Ville-
gaignon, depuis l'an 11;^^ iufqu'à l'an U58 mémorables, auenues en ce temps,
(içoi, s. I.). Qui est lauteur de cet écrit.*
qui est ce " perfonnage digne de foy, » nous àdoit
ment vne picquer
méditation& continuelle
foliciter viue-
des
auquel Crcspin emprunta « les mots et le
récit, " de ce chapitre de son livre , ainsi merueilles du Seigneur, & conuient
qu'il le déclare plus loin .•■ {voy. plus bas ,
à la page suivante. ) L'hésitation n'est croire que l'oubliance ou fuppreffion
possible qu'entre les noms de deux hommes, d'icelles fera vn iour cher vendue à
qui furent témoins des faits , el les ont , l'un ceux qui l'auront peu faire entendre
et l'autre, racontés dans des écrits signés
de leur nom. L'un est Pierre Richer, qui & publier par toute la terre (1). ' Ces
fut l'un des ministres envoyés au Brésil par confiderations ont efmeu vn perfon-
Calvin , et qui, en 1561 , publia une Réfu- nage digne de foy, de publier par ef-
tation des folles refueries , exécrables blafphe-
mes, erreurs S mciifonges de Nicolas Du-
rand, qui fe nomme Villegagnon (in-16, s. pas, Il est vrai, de cette publication de
I., 176 (••. Biblioth. du prot. franc.), ouvrage 1561; mais,
suivi , celli- même année, de pamphlets viru- connaît avoirvers la fin au
collaboré de «l'ouvrage,
Livre des Ilmar-
re-
lents sur le mime sujet, et probablement tyrs » (voy. ce passage en note, plus bas,
par le même auteur. Un examen attentif au martyre de Jean du Bordel, etc.). Il est
permis de penser que Crcspin , ne pouvant
nous porte à croire que Richer n'est pas pas utiliser immédiatement cette notice pour
l'auteur de la notice reproduite par Crespin.
Il y a trop de différence entre le fond et la le martyrologe,
forme de ce récit el la manière dont Richer en fil une éditionoù distincte, elle ne parut
et quequ'en i?6),
ce serait
là l'origine du petit volume de ifOt, destiné
présente
qui portelesson
mêmes
nom événements
, pour que dans l'écrit
le même à réfuter la version des faits répandus par
homme, la mime année, ail pu écrire ces Villegagnon et par ses amis.
deux narrations. Il reste Jean de Léry , (1) Le morceau qui suit entre astérisques
l'auteur de l'ouvrage ci-dessus indiqué. ICn a été supprimé a partir de 1570 II nous a
racontant , dans la préface de son livre , les paru assez
vicissitudes de son manuscrit , il ne parle rétabli dans Important
le texte. pour mériter d'être
449
PERSECVTION DES FIDELES EN AMERIQVE.

crit ce qu'il auoit veu de cefte hif- prefentant la vérité en ce commen- m.d.lvii.
toire , duquel i'emprunteray les mots taire de tout ce qui y a efté traité, faid
& le récit, comme s'enfuit i i). & palTé. afin que dorefenauant chacun
Combien (2) que la vérité, de foy- puiiTe eftre aduerty de ne prendre les
mefme fansaucun fard ouappuy fimulé, chofes incogneues, ne iuger légère-
fuffit contre le menfonge, & donne telle ment d'icelles. Combien que la caufe
fufdite foit fuffifante pour mettre cefte
maiefté,
ble qu'outre
de rien icelle ,toutefois
innouer, il n'eft loifi-
elle hiftoire en lumière * , la grandeur auffi Le fruia &
peut eflre tellement oppreiïee par hiftoire.cefte
du faid, auec les circonftances des vtilit^é^de^
l'effort des aduerfaires que , pour vn lieux , n'a moindre poix & valeur.
long temps, elle femblera comme en- Car oij eft-il efcrit qu'au monde nou-
feuelie, mais enfin produit en lumière uellement defcouuert , il y ait eu au-
& decouure en euidence ce qui avoit cun facrifié & mis à mort pour le
efté profondement tefmoignage de la parole de Dieu >
ce théâtre de tout caché : afin
le monde , ilqu'en
y ait Nous auons veu & leu que les barba-
quelque commencement de defcou- res ont tué , facrifié & mangé aucuns
uerture des hypocrites & gens de Portugais & François ; mais pour-
double cœur (3).
quoi }d'autant que, par leur auarice &
PovR cefle caufe, comme il ell rai- ainbition defmefuree , ils auoyent ou-
fonnable de redreffer ceux qui fe tragé & offenfé lefdits Barbares. Cha-
fouruoyent du droid chemin , il eft cun conoit fort bien que les Portu-
a'uffi neceffaire de faire entendre la gais, & mefmes les François, qui ont
vérité du faift de la tragédie qui a elle
iouee en ladide terre du Brefil : ce fréquenté icelles régions, n'ont iaraais
parlé vn feul mot du Seigneur lefus
qui ne fe fauroit mieux faire qu'en re- Chrift aux poures gens de ces pays-la.
Veu donques que les trois perfonna-
ges (la mort defquels eft defcrite ci
(i) Il s'agit évidemment de Jean de Léry,
auquel Crespin se reconnaît , sans le nom- après) fe font comme prémices expo-
mer, redevable des mots et du rJ-cit qui suit. fez à la mort pour maintenir la iufte
Cet écrit publié
mémorables advenues i 1 5O1) en est la
['Histoire
terre duJcsBrésil
clioscs , querelle de l'Euangile, ce feroit chofe
dont nous avons parlé plus haut. mal feante & de trefmauuaife confe-
{2) Ici commence la reproduction pure et quence, de lailTer leur mémoire comme
simple de VHistoire des choses mémorables. enfeuelie & efteinte entre les horn-
Dans l'original, cette phrase est précédée
des lignes suivantes, qui indiquent le motif mes, & auiendroit qu"vn
fang redemanderoit iour leur
vengeance de
de celte première publication :
« Première partie de iliistoire des choses l'oubliance de ceux qui l'auroyent
mémorables aduenues en la terre du Brefil , peu faire entendre par toute la terre.
fous le gouvernement de N. de Villegaignon. Ces confiderations ont efmeu ceux
u Ce n'elt fans raifon iconime iecroy, que
plulieurs perfonnes tiennent leur iugement qui ont efté prefens à ce qui eft ici
fufpend du diuorce interuenu en la terre du recité , & entre lefquels eft paruenu
Brefil entre Nicolas de Villegaignon & les
minirtres de Geneue, qui y eftoyent palTez ce recueil , d'en faire participant le
à fon adueu pour y prefcher : & ce pour Leâeur, pour l'inftruire contre les
autant que la certitude &; vérité du faiél a calomnies qui pourroyent obfcurcir la
efté iufques auiourdhuy tenu fecrete & cou- vérité des caufes de l'entreprife , des
uerte, non fans grand intereft & preiudice
des perfonnages , aufquels on a impofé moyens , exécutions , proteftations ,
faulx blafmes & impu- fuit (i).
(voyant dentes filence)
leurcalomnies : outre les griefs, excès, reuolte , bref de tout ce qui s'en- 29
violences & iniures qu'ils ont fouftenues plus
grandes
uitude du queI urc. s'ils " fuffent tombez fous la (er- (i) Les derniers éditeurs du martyrologe,
(i) L'Histoire des choses mémorables ajoute en modifiant ici leur auteur, l'ont rendu
ici : « Qui ell celuy (avant entendu les belles moins clair. Voici la première rédaction: "Ces
protestations de N. de Villegaignon au com- raifons & caufes ont auffi efmeu ceux entre
mencement de fon entreprinfc , les vœus . les mains defquels eft paruenu ce recueil ,
l'alTedion, le zèle , Ja diligence ( bref la def- leéleur, pour l'inf-
pence). qui ne trouue auiourdhuy eftrange . den faire
truire fur les calomnies lefaulTement
participant- propofées
voire prefque incroyable , qu'il fe foit retiré gens de labien
conire defquels & d'honneur , voire
& reuolté d'un tel train, ou. pour le moins. mefme vie peut eftre en exemple
fans ample & tref-rande occalion.- laquelle à vn chacun. L'ordre de l'hiftoire commence
mefme il produit en lumière pour fa iustifi- aux caufes de lentreprinfe , aux moyens ,
cation Qui eft-ce qui auiourdhuy ne croira
exécutions, proteftations. propofitions , re-
légèrement en fesefcriis, veu qu'on n"a faifl tout ilceestquiicis'enfuyt.
uolte. bref," dedont
u calomnies
Les
question« sont
aucune refponcer Qui eft le iuge qui n'ad- cosmo-
iugera au demandeur fa pétition, après plu- une allusion à l'ouvrage de Thevet .
fieurs defaulx du défendeur? >•
II. graphe de Henri H et compagnon de Ville-
LIVRE SEPTIEME.

Villegagnon o
4>Estant Nicolas de Villegagnon or-
voulant fortir de France en honneur
fe defpilc en donné Viceadmiral en Bretaigne, en- & réputation , il lui conuenoit faire
France.
tré en difcord auec le Capitaine du
vne grande defpenfe, laquelle il n'euft
challcau de Brefl, principale fortereffe peu fournir ; ioind que le Roi euft
trouué fort mauuaisque, fans occafion,
de tout le pays, à raifon des fortifica-
tions du challeau, ce difcord engen- il euft quitté fon feruice, pour fe reti-
dra mefcontentcment & haine mortelle rer en exil volontaire auec vn genre
entre eux , iufques à efpier les occa- d'hommes les plus ellranges & eflon-
fe furprendr e Tvn l'autre. gnez d'humanité qui foyent fous le
ciel.
Leur pour
fions querelle paruint iufques aux
oreilles du Roi Henri fécond de ce Aceftecaufe, par fubiils moyens,
nom , duquel eftoit beaucoup plus fa- il s'inlinua en faueur, faifant entendre
uorifé le Capitaine du challeau que à tous ceux defquels il efperoit grand
Villegagnon, qui lui donna tres-mau- fupport , & qui pouuoyent auancer
uaife efperance de TilTuë de fa que- fon entreprife
auoit vn ardent heureufeinent , qu'il
defir & affedion in-
relle. 11ell certain qu'il efperoit abyf- croyable de cercher vn lieu de repos
ou pourpartie
mer, aduerfe le moins rendre infâme" & tranquililé , pour retirer ceux qui
fon ; mais confiderant
que peu il auançoit fon entreprife , font affligez pour l' Euangile en France ;
mefme trauaillant poffible contre la & qu'ayant longuement penfé en quelle
vérité du faid , ou contre trop grande part il feroit bon de fe retirer pour
euiter les cruautez t^ tyrannies des
faueur, des lors il commença à fe def-
hommes, il s'elloit fouuenu de la terre
plaire en ance
mefconoiff France defhonnef te , d'vne
, l'accufant at- du Brelil, de laquelle tous ceux qui y
tendu qu'il auoit confumé toute fa auoyent nauigé louoyent la tempéra-
ture, fertilité et bonté, en laquelle on
ieuneffe portant les armes pour le fer-
uice d'icelle. Il adioulloit d'auantage, pourroit commodément habiter. Ceux
que fon cœur ne pouuoit plus com- aufquels il s'eftoit adrelTé creurent fa-
cilement fes paroles, louans cède en-
porter d'y faire long fejour & refi-
recueil qu'il treprife, digne plulloft d'vn prince que
dence, receu
auoit veu le de maigre fes feruices palTez. d'vn fimple gentil-homme. Et, 'à la
Fait diuerfes
Pendant ce temps , audit lieu de pourfuite lui promirent toute faueur
Breft refidoit vn commis du Threfo- vers le Roi , pour iinpetrer toutes pourfuites
nement de fon
rier de la marine , qui frequentoit fa- chofes qui feroyent requifes à la naui- pour l'achemi-
entreprife.
milièrement ledit Villegagnon. Ce Mais en con-
Commis parlant à table & en fes gation, conoilTans que ledit fieur l'au- Chrertien trefaifant le
pour
roit pour agréable
redonderoit , attendu& gloire,
à fon honneur qu'elle
propos familiers d'vn lointain voyage tromper le
& au profit de tout fon royaume. Ceft monde , il fe
qu'il auoit autrefois fait es Indes mé- afaire fut follicité en toute diligence ,
ridionales, en la partie du Brefil, mefmc, &
louant grandement la température de trompe foi-
tellement que bien tort après Villega- dcuicnt finale-
l'air du pays, la beauté & lerenité du gnon obtint deux beaux & grans naui- ment Apollat.
, l'abon- res, armez d'artillerie , munitions &
des viuresde, la
ciel , ladancefertilité les terre
richelTes & autres chofes neceffaires , enfemble
grands biens qui prouienent en la dix mille francs pour la defpenfe des
terre, & autres chofes dignes de fin- hommes qu'il conuiendroit paffer, auec
guliere recommandation, inconues to- grand' quantité d'artillerie, poudre à
talement aux anciens; fes dcuis pleu- canon, boulets & armes pour la conf-
rent merueilleufement à Villegagnon, iruftion & defenfe d'vn fort (i). Ces
qui, par grand defir, faifoit fouuente- (i) La relation que reproduit Crespin est
fois repeter les mcfmes paroles , & ia
silencieuse sur la part que prit Coligny h
Ilmonarchie en auoit par fantafic enuahi l'Empire de
imagine vnc l'organisation de- cette entreprise, sans doute
vn nouucau toute celle terre : le defirt,d'y aller de parce qu'il eût paru désobligeant, en ijûi,
monde. iour en iour augmentoi mais les de faire intervenir le nom de l'amiral dans
moyens ne lui ciloyent grands. Car le récit d'une
avortée expédition
Mais Jean si misérablement
de Léry, publiant son
livre après la mort de Coligny, complète sur
gagnon au Brisil, intitulé : Les singularité^ ce point le récit de ifbi : ., Et de fait fous
de la France antarctique (ij!") . dans lequel ce prétexte & belle couverture , ayant gagné
il dé'fcnd son clicf contre les accusolions le-- cueurs de quelques grans feigncurs de la
religion reformée , lefqucis menez de mefme
des proleslanls. ci déverse sur eux des ca-
lomnies, dont Jean de Léry a fait justice alfeélion qu'il (Villegagnon) difoit avoir, de-
firoyent trouver telle retraite : entre iceux
dans son Histoire d'un voyage faiâ en la
terre du Brcfit. feu d'heureufe mémoire meffirc Gaspard de
PERSECVTION DES FIDELES EN AMERIQVE.

chofes ainfi heureufement obtenues, il celle de Geneue. Et en toutes les m.d.lvu.


compofa auec les Capitaines, maiftres compagnies honnorables où icelui fe
de nauires & pilotes , pour conduire trouuoit , promettoit le femblable :
les vaiiTeaux & faire la charge du bois chofe qui imprima au cœur des bons
de Brefil & autres conimoditez en la- vn efpoir merueilleux de fon entre-
dite terre. Or il lui refloit à recou-
prinfe. "Vrai eft qu'aucuns en ingèrent
urer gens fidèles , de bonne vie & mal , ayans conu ce perfonnage les
conuerfation pour habiter au pays années précédentes peu reformé en 451
auec lui ; pour à quoi paruenir faifoit fa vie & conuerfation, ne pouuant ou-
entendre, par tous les endroits où il blier la cruauté des galères dans lef-
quelles il auoit efté nourri tout fon
pouuoit, qu'il
craignans Dieune ,demandoit
patiens & que gens,
bénins ieune aage (i).
fâchant que de tels il tireroit plus de SvR cefie bonne opinion , la com- Embarque-
feruice & commodité que d'autres, pagnie s'embarque dans les nauires, ment de Ville-
pour l'efperance &, les anchres leuees, font voile du gag"on-
voir vne affemblee qu'ils auroyent d'y
& congrégation de
Havre de grâce, l'an m.d.lv. le xv.
gens de bien, dediee au feruice de de Juillet; après auoir fouftenu & ou-
Dieu. A cefte occafion.plufieurs bons trepaffé plufieurs dangers , difficultez
& accidens fafcheux fur le voyage ,
&
rienhonneftes
le long voyageperfonnages , n'eftimans
, ni grandeur des
comme relafchemens, défaut d'eaux
dangers qui peuuent auenir en telle
nauigation , ni la foudaine mutation douces,
ceffiue ardeur fieuresdupefiilentieufes
Soleil , & les , vents
l'ex-
de l'air, ni l'eftrange manière de vi- contraires, tempeftes & tourbillons ,
ure, furent furprms par les belles pa- l'intemperature de la Zone torride, &
roles & douces promeflfes de 'Villega- autres chofes trop longues à racon-
gnon. En outre, il lui conuenoit mener ter, les fufdits arriuerent au Brefil,
gens de labeurs & artifans de tous terre de l'Amérique , en la partie
meftiers , lefquels il ne peut trouuer Méridionale, où le pol Antartique
fans grand' difficulté & moyennant s'efleue fur l'Horizon 25. degrez quel-
grande fomme de deniers; encores la que peu moins. A la defcente des
François en terre , les habitans du
plus part d'iceux eftoyent rufliques &
fans aucune inflruélion d'honnelleté & pays fe trouuerent en grand nombre
ciuilité, adonnez à beaucoup de vices pour les receuoir auec bon acueil ,
& diffolutions impudiques (i). Atten- leur faifant prefent de viures du pays
dant le temps de l'embarquement , & autres chofes fingulieres, pour trai-
ter auec eux vne alliance perpétuelle.
fouuentefois il propofoit à ceux qu'il Or partant du Havre de grâce, les son impru-
conoiflToit aller auec lui d'vne franche
volonté, les faindes & bonnes ordon- pafi'agers ne s'efioyent point informez dence.
fi Villegagnon auoit mis viures dans
nances qu'il efperoit faire auec leur
auis & confeil au pays du Brefil , fe les nauires pour ceux qui habite-
voulant du tout rapporter (comme il royent en la terre , comme il eftoit
difoit) à la délibération des plus nota- raifonnable. Partant arriuezà terre(2),
bles. Et quant au fait de la religion , & conoiffans qu'il n'y auoit viures
tout pour les fuftenter, trouuerent fort
feroitfoneftablie
defir eftoitfuft que l'Eglifecomme
reformée qui y
eftrange & fafcheux à comporter de
viure feulement de la nourriture de
Coligny, Admirai de France, bien veu . & celle nouuelle terre, affauoir de fruiâs
bien venu qu'il eltoit auprès du roy, Henry 2, & racines au lieu de pain , & d'eau
lors régnant, luy ayant propofé que fi Ville- pour du vin, & encores en fi petite
gagnon faifoit ce voyage il pourroit defcou-
vrir beaucoup de richelTes, & autres com- quantité, que c'efioit chofe pitoyable
moditez pour le profit du royaume, il luy
fit donner deux beaux navires équipez & à voir, veu qu'vn homme feul euft
fournis d'artillerie, & dix mille francs pour bien mangé ce qu'on donnoit à qua-
faire fon voyage « (Léry, édit. Gaffarei , I,
40). 'Voy. aussi Bèze, Hist. eccl., I, 80; Au-
bigné, Hist. unii>., t. I. liv. I, chap. XVI, et (i) II avait servi dans la marine et com-
liv. II, chap. VIII; Delaborde, Gaspard de mandé quatre galères chargées de porter des
Coligny. I, 14; ; II, 4!i. secours à Marie de Lorraine, reine-douai-
(1) Claude Haton, dans ses Mémoires rière d'Ecosse. Sa conduite dans cette expé-
(édit. Bourquelot. p. )7), dit : « Par le congé dition lui valut le titre de vice-amiral de
du roy, ledit feigneur alla vifiter les prifons Bretagne.
de Paris pour veoir les prifonniers qui y (2; Cet établissement se trouvait dans la
eftoient, qui feroient de fervice pour TatTaire rade où s'est élevée plus tard la ville de
à quoy il les vouloit employer. ■■ Rio-de-Janeiro.
LIVRE SEPTIEME.

Le mal qui
s'en enfuit.
4^. Par ce foudaiii changement, plu-
irc. pourroyent euiter le cruel ioug de
fieurs tombèrent en grolTes & faf- feruitude qu'on leur vouloit impofer
chcufes maladies, defquelles ils ne fe contre toutes loix ciuiles/& humaines.
pouuoycnt releuer , veu que toutes Aucuns
rer auecelloyent d'opinion
les naturels de fe dereti-
habitans la
chofes requifes aux malades leur de-
failloyent, qui indigna deflors beau- terre, fans entreprendre plus outre;
coup de perfonnes contre ledit Ville- les autres efloyont d'opinion contraire,
gagnon , l'accufant d'vne infatiable all'auoir que plullort il fe deuoyent
rendre aux Portugais qui habitent bien
auarice,
Roi, & icelui ayantconuerii
ei'pargnii
en l'argent du
fes propres près de là ; aucuns, qui furent la plu-
vfages ralité des voix, qui fouuentefois fur-
ures &, au lieu de
chofes l'employerpour
necelTaires en vi-
la
monte la meilleure , n'approuuerent
nourriture les deux fufdites opinions, veu qu'elles
auoit menez»& enfanté
cellede lointaine
tous ceuxrégion.
qu'il leur fembloyent peu aduantageufes
11 e(l certain que les mariniers qui ef- pour obtenir pleine & entière liberté.
toyent nouueilement reuenus de ce Par ainfi vn entre les autres le plus
pays là auoyent donné à entendre audacieux, leur remonllra qu'ils s'abu-
qu'il y auoit des viures en la terre foyent grandement s'ils lailloyent lon-
fuflifamment pour fuftenter tous ceux guement viure 'Villegagnon & tous
ceux qui le voudroyent défendre. A ce
qui y palïoyent
befoin partant
charger :les qu'ilden'efloit
vailTeaux ceux adioulloit qu'il leur eftoit loifible, veu
de par deçà. C'eftoit l'excufc & ref- qu'on ne fe desfioit aucunement d'eux.
ponfe que prenoit Villegagnon pour Ceft auis mal-heureux fut approuué
Seruitude
fe purger de celle tache. Et d'autant de tous, & louèrent le bon entende-
égyptienne. ment de ce perfonnage ; des lors ils
plus eftoyent efmeus les poures per-
malades qu'autres, d'au- le conftituerent chef de toute l'entre-
tant quefonnes,cetant grand défaut fe trouuoit prife , & ia par faiitafie partilToyent
tout au commencement , fans y auoir entr'eux les defpoùiiles, qu'ils efpe-
aucune confideration ; tant s'en faut royent bien toft amaffer. Le iour au-
que pour cela en rien on leur diini- quel l'exécution fe devoit accomplir
nuafl le trauail , que de iour en iour fut affigné, le mot du guet donné, ils
efpierent icelui fort à propos en vn
on leur etté
euffent augmentoit , autant
bien nourris que s'ils;
& fullentez
Dimanche,
retiré en fa lorsmaifonquefanschacun
aucunes'eftoit
des-
mefmement
Soleil eft fi en tel pays où
véhémente l'ardeur
, que peu du
de fiance. 'Vne chofe leur fembloit nuire
gens le pourroycnt croire. 11 leur ef- &uoirempefcher leur EfcolTois
deffein : c'eft
toit necelTaire, depuis le iour leuant trois foldats , quialTa-
ef-
iufques au iour couchant , entendre toyènt de la garde de Villegagnon.
les vns à rompre des pierres, autres à Ils tentèrent de les induire à leur
porter la terre & couper bois, confi- parti , afin d'auoir moins de nuifance
deré & empefchement à l'exploit de ce
fion que le lieu , le
requeroyent temps diligence,
grande & l'occa-
qu'ils auoyent propofé. Or les foldats
craignant le danger tant des habitans EfcolVois en ellans auertis , font fem-
naturels, que des Portugais, ennemis blant d'approuuer tel aile , alleguans
mortels des François en celle terre.
Les artifans beaucoup de rudell'es qu'iceux auoyent
Les artifans, gens de petite confi- receu dudil 'Villegagnon, tant en
confpircnt deration &, peu ou point touchez France que fur le voyage. En celle Confpiration
contre celui dcfcouucrtc.
qui les traite d'aucun honneur, fe perfuaderent que diflimulation les EfcofTois s'informent
indignement. la fin feroit fort dangcreufe, puis que diligemment de la vérité du iour, de
le commencement eftoit tel ; & les
l'heure, du moyen & des complices,
plus ingénieux d'entr'eux preveurent pour faire le rappurt plus certain. Ef-
que s'ils enduroyent croillre le ioug, tans deuëment initruits, iugerent l'ade
lequel leur efioit impofé, eftans enco- trop inhumain iN; indigne d'eftrc celé :
res la plus part fains & difpos , pour partant s'adreirerent à vn des plus fa-
le repoufTer A reielter, il auiendroit miliers dudit 'Villegagnon, tant pour
en fin qu'ils en feroyent les plus faf- la conoiflance qu'il auoit de la langue
chez. Parquoy ayans fait vn complot Efcoffoife que pour autres confidera-
tions ; ils lui déclarent entièrement
entr'eux & allemblé ceux qu'ils efli- la coniuration machinée, les coniura-
moyent dignes d'élire admis au con-
feil d'vne telle entreprife , confulte- teurs principaux, le iour & l'heure,
rcnt enfemble par que! moyen ils afin qu'en cftant auerti on y peufl
45}
PERSECVTION DES FIDELES EN AMERIQVE.

Et attendu que de long temps il auoit


mettre tel ordre qu"il en fuft mémoire
à la porterité. Ainfi Villegagnon auerti, conceu vne fainfte opinion de leur vie
enfemble tous ceux qui eftoyent de & reformation de la religion Chref-
bon vouloir auec lui s'emparent des tienne , il auoit prins la hardieffe de
armes & laifilTent au corps 4. des les prier comme fes frères, de lui vou-
principaux coniurateurs , defquels on loir prefler fecours, faueur, confeil &
fit punition exemplaire, pour retenir
les autres en leur deuoir & eftat : aide, afin qu'ils participan"ent efgale-
ment aux biens-faits & mémoire per-
deux furent retenus en prifon aux
durable de l'honneur qui en pourroit
chaînes & fers, befongnans aux œu- redonder, promettant faire très bon
ures publiques iufquesà certain temps. & honnefle recueil à ceux qui y fe-
Telle fut la fin de cède mal-heureufe royent enuoyez , tant fur le voyage
coniuration (i). En quoi Villeijagnon
qu'audit
ou deux pays. Il requeroit
Miniftres, quelques, auec vn
gens de
ne peut nier qu'il n'ait efté aflillé des
gens honeltes qui s'efloyent embarquez meftier, mariez ou non, de pareille
volontairement auec lui, mais depuis conoiffance , mefmes des femmes &
il leur a rendu vn tres-mauuais loyer filles pour peupler telle nouuelle
& guerdon de leur bon feruice.
Diiïimulation Celle vifitation rendit pour vn terre. Car il preuoyoit qu'auec grande
de Villega- difficulté le pays s'habiteroit par autre
temps Villegagnon fort affectionné à moyen.
gnon.
la parole de Dieu ; & de vrai, il mon- Les palleurs de l'Eglife de Geneue,
ftroit vn zèle & defir merueilleux de ayans receu telles nouuelles, rendent
vouloir là eftablir vne Eglife , & fou- grâces à Dieu de l'amplification du
uentesfois fouhaitoit quelque bon Mi- règne de Noflre Seigneur lefus , aux
niftre pour endoftriner fa famille , & terres tant lointaines & feparees de
inftruire tant de poures perfonnes de noftre habitation; puis en toute dili-
ce pays, qui viuent fans aucune co- gence font eleélion de deux Miniftres,
noiffance
ciuilité & dehonnerteté.
Dieu, ne mefme d'aucuneil
Souuentesfois l'vn nommé M. Pierre Richer, aagé P. Richer &
G. Chartier.
de (,0. ans (i), l'autre s'appeloit
deploroit fa condition, fe voyant acom- M. Guillaume Chartier, de l'aage de
pagné de fi peu de gens de bien, lef- 30. ans (2). Iceux eftoyent conus de
quels combien qu'ils fulTent en petit faine & folide doftrine, & d'vne bonne
nombre, nonobftant lui auoyent affiflé vie & honnefte conuerfation ; & outre
en toutes fes fafcheufes rencontres ; cela plufieurs artifans furent appelez
ce qui le faifoit penfer que fa vie fe- pour faire compagnie aufdits Minif-
roit plus affeuree entre les mains de tres , entre lefquels aucuns eftoyent
mariez, autres non (3). La conduite
gens vertueux, qu'entre mercenaires
totalement defpoiiillez de toute hon-
Il efcrit aux nefleté & vertu. A cefle caufe en la
miniflres de luy ayder & le fecourir autant qu'il leur feroit
Geneue. poflible en celte tant fainéle entreprinfe. »
plus
fible grande diligence
, fit entendre auxqu'il lui fut depof-
miniflres la Il ajoute que Villegagnon avait écrit dans le
même sens à Coligny.
ville de Geneue la neceffité des paf- (i; Pierre Richer, ancien carme et doc-
teurs & moin"onneurs où il eftoit, s'ef- teur en théologie, se convertit au protes-
tant retiré là feulement pour entendre tantisme, et après avoir fait ses études à
les loix & ordonnances de Dieu (2). Genève, se rendit au Brésil en 1556. Re-
venu l'année suivante , il fut envoyé à La
Rochelle, où il organisa l'Eglise et mourut
(i) Comp. le récit que Villegagnon fait le 8 mars 1580. Il y publia, en latin d'abord
lui-même de cette conspiration dans une (1561), puis en français (1562*, sa Réfuta-
lettre à Calvin {Opéra. XVI, ^îyi. Il y pré- tion des folles refveries, exécrables blafphc-
tend que la cause de la révolte fut tout au- mes , erreurs S menfonges de Nicolas Durand,
qui fe nomme Villegaignon.
faite tre,auxet que femmes ce futindigènes
à cause dede pénétrer
l'interdiction
dans (2) Guillaume Chartier, né à Vitré, en
la colonie sans être accompagnées par leurs Bretagne, étudia à Genève et accepta avec
maris . que vingt-six de ses mercenaires, vo- empressement la vocation de missionnaire
lupiatis illccti cupiditatc, conspirèrent contre de la Réforme en Amérique. Nicolas des
sa vie Thevet . dans sa Cosmographie, essaie Gallars, qui le vit ainsi que son compagnon,
de rendre les ministres genevois responsa- peu avant leur embarquement, écrivait à
bles de cette conspiration, qui eut lieu bien
avant leur arrivée, comme la lettre de Ville- Calvin
(1 eadem[Opéra, alacritate XVI,animi
279)quam
qu'ilsantea
partaient
pras
gagnon le prouve assez. Voy. Léry , Pré- se ferebant. « Après l'échec de cette entre-
face . t. 1 , p. 1 5 . prise . on perd la trace de Chartier, sauf
(2) Jean de Léry dit positivement (chap. I, d'Albret.
qu'il paraît avoir été chapelain de Jeanne
p. 41 , de son Histoire) qu' « il efcrivit et
envoya exprelTement homme à Genève, re- (5) Il Ceux-cy fe prefenterent pour accom-
quérant l'Eglife et les miniflres dudit lieu de pagner du Pont . Richier et Chartier, affa-
454 LIVRE SEPTIEME.

de cefte compagnie fut donnée à Phi- A efté obmis ci deffus que l'ambaf-
lippe de Corguilieray, dit du Pont ( i ), fadeur de 'Villegagnon auoit propofé
gentil-homme bien renommé, habitant de bouche beaucoup de chofes au
fircs de la ville de Geneue . lequel grand honneur & aduantage dudit
combien que fon aage & l'a difpofition ■Villegagnon , comme de donner hon-
ne requeroycnt d'entreprendre vn tel neftes gages aux artifans, penfion aux
voyage) ne fut neantmoins aucunement femmes de ceux qui feroyent mariez ,
diuerti par les chofes fufdites; ne aux autres entreteneinents de toutes
mefnie l'amour de fes propres enfans chofes qui leur feroyent neceffaires
& négoces domefliques ne le peurent pour la vie, & mefme odroi de retour-
empefcher de s'employer en la charge ner librement en France , le cas aue-
à laquelle le Seigneur l'appeloit. Or, nant qu'ils ne fe trouuaffent bien , ou
paffant par la France , pour fe rendre qu'on ne les vouluft receuoir, félon
à Honfleur, port de mer en Norman- les promefles faites en pleine affem-
die (2), où les nauires les atten- blee audit lieu de Geneue. Eftans ar-
riuez en la ville de Honfleur, lieu de
doyent , le bruit s'efpard incontinent
par le pays. Pour lors les feux elloyent leur embarquement , furent recueillis
allumez par tous les quartiers de de ceux qui en auoyent la charge , &
France , qui efmeut plufieurs perfon- réitérées lefdites promeffes , qui ia
nes de bon zèle & affedion , à s'aflb- auoyent efté faites auec ampliation de
cier à la compagnie des Miniftres. plus grandes, félon la couflume de
Plufieurs de Paris, de Champagne &
ceux qui ont affedion d'exécuter vne
Normandie, fe prefenterent à l'embar- entreprife.
quement, defqucls aucuns furent re- Le teinps du département venu ,
ceus, autres non, à caufe que les na- chacun s'einbarque dans le vailfeau
uires n'eulTent peu comprendre toute qui lui eftoit ordonné par les chefs de
la compagnie qui fe prefentoit, tant
eftoit défia la renommée de celle en- la nauigation. Car auffi il n'euft efté
poffible de les loger tous dans vn feul
treprinfe publiée & manifeftee. nauire, fans encourir vn grand incon-
uenient. Ainfi difpofez, defmarent du
voir : Pierre Bordon , Mathieu Verneuil ,
lean du Bordel, André Lalon, Nicolas De- port de Honfleur,
nis ,lean Gardien, IVIartin David, Nicolas mettent en mer, &à voiles en peuhauft"ees
de tempsfe
Raviquot, Nicolas Carmeau, Jaques Rouf- delaiffans les terres de I Europe , ap-
feau iSc nioy lean de Léry, qui, lant pour la prochent des Ifles fortunées (1), pro-
bonnede volonté
fervir à que Dieu que
m'avoil donnée des
lors fa gloire, curieux de voir chaines de l'Afrique, oiî ils eurent
ce monde nouveau, fus de la partie : telle- commencement des douleurs & en-
ment que nous fufmes quatorze en nombre nuis auenir ; car des-lors on retrancha
qui, pour faire ce voyafie, partifmes de la leurs viures fort eftroitement , comme
cité de Genève , le dixiefme de feptembre ,
en l'année 15 56 «(Léry, édil. Gatfarcl, t. I,
s'ils eulTent ia efté 10. mois en mer,
foit que la faute vinft par le nombre
p. 441.
(1) D'après YHistoire de Jean de Léry, ce des perfonnes , ou par le larrecin des
fut i< après
follicité que feuPhilippe
par lettres monfieur l'Admirai eut
de Corguilieray, officiers; nonobftant ce, elle eftoit bien
fieur du & Pont (quielle
s'eftoit retiréen près de grande. Car les butineries qui furent
Genève qui avoit fon voilln France,
commifes
fuiuirent. fur
Lesledit voyage, déclarèrent
matelots de là s'en-
près Chaflillon-fur-Loing), d'entreprendre le
voyage » (t. I, p. 421-
(2) " Nous tirafmes & allafmes palTer à
Chaftillon-fur-Loing, auquel lieu ayant trouvé apertement
viures qui lesque c'eftoit le cedéfaut
contraignoit faire des
;&
monfieur l'Admirai , non-feulement il nous combien que les Miniftres leur re-
encouragea de plus en plus de pourfuyvre
nortre enlreprinfc , mais aufli avec promelle monftralTent le tort & iniures qu'ils
de nous affilier pour le faiél de la marine , faifoyent aux poures marchans , les
nous mettant beaucoup de raifons en avant, defpouillans de leurs biens, & mefme
il nous donna efperancc que Dieu nous fc-
roil la grâce de voir les frui(Jls de noilrc la- de leurs vain"eaux (chofe fi inhumaine
beur. Nous nous acheminafmcs de là à Paris, que i'ai horreur de la raconter), no-
où, durant un mois que nous y fejournafmes, nobftant ne rapportèrent que vilaines
quelques gcnlilfhommcs & autres eftans ad- iniures & calomnies. Pour refolution, d'accord
Matelotsaucc
vcrlis pourquoy nous faifions ce voyage .
s'adioignircnl à noflre compagnie. De là, on leur repliquoit qu'il leur eftoit Villegagnon.
nous palTafmes à Rouen, & tiransà llnnlleur, ci'imniandé par Villegagnon d'ainfi
port de mer, qui nous elloit afrtgné au pays faire; duquel ils fe fentoyent très-bien
de Normandie, y faifans nos préparatifs , & auouëz. Partant les Miniftres A autres
en attendans que nos navires fultenl prcfles
à partir, nous y demeurafmes environ un
mois i> (Léry, I, 44.) (1) Les tics Canaries.
455
PERSECVTION DES FIDELES EN AMERIQVE.

eurent la bouche clofe de là en après, lieuës de large ; elle eft femee de plu- m d.lth.
fans ofer peu ou point reprendre le fieurs Ifles & ifleaux de finguliere
faid des mariniers ; & encores , ce
beauté. Ils font entendre que c'eft la
qu'ils en parloyent familièrement , ef- mer mefme qui regorge en & par tout
toit prins en derifion & moquerie. le ne celle terre, & dans icelle defcendent
veux ici fpecifier le tort fait aux An- des pays lointains grans & beaux fleu-
glois (auec lefquels pour lors nous ues, tres-abondans en toute efpece
auions la paix iuree,) les pillant de leur poiffons diffemblables aux noftres. En
argent & marchandifes. le delailTe
auffi les Efpagnols & Portugais, def- la plus prochaine Ifle de l'entrée
(comme i'ai dit deffus), Villegagnon,
quels par force on print leur nauire ,
auec fa compagnie, s'eftoit retiré pour
auec la marchandife, et les poures mi-
ferabies perfonnes mifes dans vn au- faire
auoit vn fortau, félon
faite la promen"e
Roi Henri. Puis qu'il
que
tre vaifTeau, lequel pareillement auoit nous fommes fur ce propos, ie penfe
Inhumanité efté pillé & faccagé comme à guerre qu'il fera bon de déclarer par qui &
barbare. ouuerte ; & qui plus ell (chofe de en quel temps, celle riuiere, & confe-
grande commiferation) on les lailTe quemment toute la terre a efté def-
dans ledit vailTeau, fans viures, voiles, couuerte, à caufe que plufieurs eflon-
cables, ancres, & mefme fans leur gnez de la marine ont opinion que
bafteau , pour du tout les rendre plus Villegagnon a efté le premier qui eft
miferables. En fin ne trouuans plus
palTé en ces pays-là.
que prendre ne piller , pourfuiuent Or la vérité eft, qu'à la defcouuerte La terra
leur route commencée , pour tendre
au Brefil (i). Ils pafferent la Zone de la terre Occidentale , qui fut l'an occidentale
torride , fous laquelle ils endurèrent 1497. par Chriftophe Colomb , aux defcouuerte.
defpens du Roi d'Efpagne , Americ
grandes chaleurs , & autres incommo- Vefpuce, foldoyé par le Roi de Portu-
ditez qui s'y treuuent ; & ayans fe- gal ,fut enuoyé à la partie de Midi,
iourné quatre mois entiers fur les on- où il reconut toute la terre du Brefil
des ,bien las & caffez d'vn fi long continente par longue diftance de che-
erhprifonnement, arriuerent à la ri- min auec les Indes Occidentales. Ce
uiere de Colligny , en la terre de
temps fut enuiron l'an 1 500. Les Por-
l'Amérique tugais defirans habiter les plus beaux
fituee commeAuftrale,
efl dit cipartie du Brefil,
deflTus.
La trouuerent Villegagnon fortifié ports & havres qu'ils trouuoyent en
la reconoiffance de ladite terre, éri-
& parqué dans vne Ifle, efloignee de gent vne tour de pierre en la riuiere
la terre continente la portée d'vne de
coulevrine d'vn collé & d'autre, félon lors Colligny,
de lanuario qu'ils
(i),nommèrent
pource quepourle
que la commodité du temps, des premier iour dudit mois ils y entrè-
rent. En celle tour lefdits Portugais
hommes & du lieu l'auoit permis. Car
le lieu qu'icelui auoit efleu pour forti- auoyent laiffé quelque nombre de
fier, s'efloit trouué fi defert & defpour- poures condamnez à mort pour per-
ueu de tout ce qui eft neceffaire à vn muter auec les habitans naturels ,
lieu de fortification , qu'vne puiffance auffi pour aprendre la langue. Apres
Royale euft efté affez empefchee à le
rendre commode pour habiter. Celle quelques années pafl"ees, iceux fe por-
tèrent fimal à l'endroit defdits habi-
riuiere dans laquelle eft fituee l'Ifle tans naturels, que par iceux fut la
de Colligny, eft autant belle qu'aucune plus grande partie exterminée, facca-
autre , aifee & fort commode pour
grands vaiffeaux; car de toutes ma- gee haute
en & mangée ; les vnautres
mer dans s'enfuirent
bafteau; depuis
rées fans danger, tant la nuid que le
les fufdits n'y ont ofé habiter, car
leur nom y eft demeuré fi odieux, que
leur, Ton y peut entrer. L'entrée eft
clofe de deux hautes pointes , n'ayant iufques auiourd'hui ils ont en délices
plus de demi lieue de large, & de pro-
&Portugais.
volupté de mangertemps
Quelque de laaprès
tefte ,d'vn
qui
fond ,12. braflfes d'eau; elle s'infinue
dans les terres plus de dix grandes
fut, peut eftre, en l'an m.d.xxv. les
lieues , où elle s'eftend & amplifie en marchans François de la ville de Har-
tel endroit qu'elle a de fix à fept fleur y enuoyerent leurs nauires pour
traiter auec les habitans naturels, def-

I (i) Voir, sur ces actes de piraterie et sur


ce voyage, le chap. II de Léry. p. 45 du t. I
de redit. Gaffarel.
quels ils tirèrent du bois de Brefil ,

(i) Janeiro.
LIVRE EPTIEME.

4$6poyures & autres marchandifes.


des fonnes des plus notables pour le corps
Iceux compofcrcnt entre eux vne al- du Confeil , auquel il prefidoit ; de-
uant lefquels tous les difTerens, tant
liance qui dure iufques auiourd'hui ;
depuis l'on a continué tous les ans la ecckfinftiques que ciuils, eftoyent dé-
nauigation. Pour telles caufes, Ville- cidez (1). Cevoyans, les Miniftres
gagnon ne peut cftre premier defcou- louent grandement ce bon propos , &
ureur , ne mefnrie habitant de celle exhortent toute l'affemblce fe monftrer
terre ; mais il fuffit auoir traité légè- modeftes & feruiables en toute raifon;
rement de la defcription de celle dite puis après auffi font entendre que
riuiere , entant qu'elle efl neceffaire à pour les mefmes caufes qu'ils auoyent
ia entendues auparauant, ils auoyent
l'intelligence de cette hiftoire . priant
celui qui en defirera fauoir plus ample- delailTé la France , leur pays naturel ,
ment, de lire les liures qui en ont efté aucuns leurs femmes & enfans, biens
faits exprès. & poffeffions, pour iouir du bénéfice
Maintenant retournons à la com-
de la prédication de l'Euangile, lequel
pagnie parucnue au port tant de fois ils efpcroyent, auec la grâce de Dieu,
d'iceux defiré. Ils defcendent en terre pouuoir là prendre pied tS: racines; &
le 7. de Mars m.d.lvi. où ils furent s'il leuraccordoit ce poinfl, il ne deuoit
receus de Villegagnon & de tous les douter qu'auec lui, ils eftoyent prefts
Tiens à grande ioyc, faifant demonflra- d'endurer toute extrémité & langueur
tion de rcfiouydance extérieure par qui fe pourroit prefenler , pluftoft que
tous les moyens qu'il pouuoit inuen- l'abandonner. A quoi il fit refponfe
ter , pour le nouueau fecours qui lui qu'il vouloit & entendoit que l'Eglife
La bien-venue efloit venu heureufement & à fouhait. fuft policée & ordonnée comme celle
des fidèles en Lg poudre à canon n'y fut cfpargnee, de laquelle ils eftoyent partis. Car il
auoit dés longtemps (comme il difoit)
l'Amer-rque. "' ''^^ ^^"^ '''-' '"^^ > "' aufe chofe
qu'on obferue ordinairement en tels dédié fa vie & tous fes biens à l'am-
ades. Les minirtrcs prefentent leurs
plification d'icelle, n'ayant plus aucun
lettres d'eleélion fignccs de I. Caluin, defir de retourner en France (2). Cha-
enfemble rendent ample tefmoignage cun oyant telles paroles, eut vn cou-
de tous ceux qui eftoyent padez auec rage inerueilleux de s'employer en
eux. Villegagnon ayant Icu les lettres,
fut grandement confolé & refioui en tout
Miniftresqu'il
ce en eftoit appelé , comme
leur miniftere, lequel les
ils
fon entendement, conoifTant que tant cxerçoyent par fepmaines pour le fou-
de vertueux i^ lionneftes perfonnages
auoyent fon entreprife en fingulierc lagement l'vn de l'autre, à caufe qu'il
conuenoit prefcher vne fois tous les
recommandation. 11 leur déclara aper- iours, & les dimanches deux fois. Les
tement quelle affedion l'auoit induit artifans & autres, félon leur pouuoir,
de laitier les plaifirs & délices de auançoyent la fortification à laquelle
France, pour viure priuement en celle on les employoit comme poures gafta-
terre, où s'eflant veu mal acompagné dous (i); ce qu'ils ne refufoyent, tant
les années pafTees, auoit fupplié mef- ils auoyent d'cfpoir aux promeffes du-
(ieurs de Geneue de le vouloir fecou- dit Villegagnon.
rir & fauorifer. Et d'autant qu'ils En ce bon train , auint (qui a efté
auoyent ia demonflré vne partie de depuis la fource de tout le defordre
leur bonne affeflion, par le nombre
qui s'en eft enfuiui) qu'vn nommé
des gens qui lui eftoyent venus de lean Cointac (4), eftudiant de Sor- L'ambition
leur part , icelui s'en fentoit d'au- bonne, lequel eltoit palfé en la com- de I. Cointac,
tant plus obligé en leur endroit, tt
n • \ 1 a s,tv 1d'autant
D lettré tri
,, poufte
qu'il .
Sorbonne''"
e»"''!^""^
deflors auoit telle confiance , qu'ils eftoit
pagniehomme docte
des Miniftre
continueroyent , veu les bons com- d'ambition & d'vn fol defir d'eftre ef-
mencemens qui leur aparoilToyent de timé plus dode que les Miniftres, af-
leur bonne volonté, dequoi il les re-
mercioittres-an"e6lueufement. Aurefte, (0 De L6ry donne le discours que Ville-
quant aux Miniftres & à leur compa- papnon prononça en celle circonstance
gnie, les pria d'eftablir la police & (Edil. GalTarcI, I, fl;).
(2) Voy sur les premières impressions des
difcipline
de Geneue de, àl'Eglife.
laquelle félon la forme
il promit , en deux ministres genevois leurs lettres à Cal-
vin (Of'Crii. XVI, 4))i 44°)-
pleine alTemblee, fe fubmeltre & fa
compagnie pareillement. Quant au ( )) Manœuvres.
(4) Léry (p 91) l'appelle •■ Cointa, qui fe
gouuernement ciuil, il efleut dix per- faifoil appeler monficur Hector. "
457
DES FIDELES EN AMERIQVE
PERSECVTION
M.D.LTII.
feftoit l'intendence d'Epifcopat par gnie, car il ne voyoit nen qui 1 en
deffus iceux , alléguant qu'elle lui ■■« & la
auoit efté promife en France. Mais reil peuft empefcher. Les M '">" n ef-
de l'af femb lee
en fut débouté comme vn témérai plus grand'ispart celle mixtion fe fift
toyenf d'au que mefm ils ne la
& impudent, ettant depuis mal cftimé necelTairement, & es qu
en la compagnie. Il conceut vne haine deuoyent admettre, afin qu n entraft en en aucu ne
mortelle contre lefdits Miniflres, fai- manière celle fuperftition
fant preuue de fa folie en toutes les l'E-life, qui feroit à l'auenir cauf caufe de
difputes & prédications, epiloguant grands troubles. Pour cefte
e, ils
rit'oureufement pour eftre veu quel- demandoye nt que les prom elTe s qui
qi'îe chofe. A la vérité , il auoit en auoy ent efté faite s fuft^ ent inuio-
leur
aparence extérieure quelqu e marque lablement gardées. Us ad.ouftoyent
de vertu, comme vne promptitude de autres arti cles , afl'auoir que tou le
de faire entendr e ce qu'il pain qui feroi t mis fur la table, lors
auoit parler,
bien conceu en l'entendement, foitil que le Miniftre prononce les paroles,
en Latin ou François. Outre plus, eftoit confacré ; & par confeque
nt ,
u-
s'adonoit caufe au gouft & quoi
de
plaifir d'vn cha-
Villegagnon s'il en reftoit quelque chofe, deme
cun , à conu enoi t refer -
roit faina, & qu'il le famées
l'accofta & prefta l'aureille à beau-il uer precieufement, comme
es
coup de folles queftions , lefquelles reliqiies, iouxte la forme des églif
rapport oit en public , pour eflre veu fe firen t de-
de Rom e. Ces difputes
fuperieur, & plus idoineauoyent au Minif- uant l'adminiftration de la Cène, «
tere. que ceux lefquels efté s'appointèrent légèrement; pour le
légitimement & par fuffrages efleus, d au-
moins . les parties d'vne part & qtje
félon l'ancienne forme de l'Eglife. tre feignnyent eftre d'ac cord , afin
Différent
que l'on deuoit cé- l'vfage de la Cène ne fuft retardé
entre Cointac , Le temps venu (car il auoit efté or- autre temps. Villegagnon &
lébrer la Cène à vn
Villegagnon donné au confeil que tous les mois
& les Minif- Cointac, voya ns qu'ils ne pouuoyent
tres, louchant elle feroit célébrée), Cointac de- ea^m er ce poind des Miniftres, que
la Cène du mande quel apareil on vouloit faire , de" leur faire confefter que c eftoit
Seigneur. emen s Sace rdo- de-
Les liures où eftoy ent les veft
taux , les vaiffeaux dédiez & facrez chofe fort neceft-aire & comme
fuppofez (ous du Sacr emen t, que la mix-
pendante tion de l'eau au vin , fecrettement il
le nom d'vn pour enab
conu tellevfasï & e;necef après,vfer
en faire de efloit
qu'il pain
Clément
dit auoir elle qu'on
commanda au maiftre d'hofferoi tel d y méf-
difciple des fans leuain- de méfier l'eau au vin, it& ier de l'eau félon ce qui t railon-
Apoftres font autres telles queftions. 11 confermo nable. Les iours precedens , aux
reurs&, d'er-
pleins fes argumens par les anciens, affauoir exhortations & prefches, les mm.f
tres
Ten- luftin Martyr, Irenee, Tertulliant ,fur & nnef té vn chacun de le
tent leur auoy ent admo
moine fuperfti- autre
s. Les Miniftres infiftoyen fonder foi mefme & s'efprouuer pr^
tieux en toutes n'y a aucu n tefmoi- ente r à ce faind
fortes. ce, d'aut ant qu'il mier que de fe pref
gnage en la parole de Dieu, ne particulier ils ence firen t
ant il conu enoi t banqL?ef. & en deuo ir. Or, pour que
mefm e exem ple, part très bien leur
fe refoudre fur ce que noftre Seigneur Cointac s'eftoit trouué fort eftrange
lefus & fes Apoftres nous auoyent en difputes , & en fes moeurs
mal
laiffé par efcrit. A quoi contrarier que ils
ge, qu'il auoit con-
euflfent efté veus pluftoft rebelles reformé, d'auanta it vn
felTé à quelques vns qu il teno
vrais enfans. D'auantage, lefdits Mi- bénéfice en France confeffion de a , l'vn des mini -
niftres remonftrent la promeffe quon très le pria de rendre
leur auoit faite, tant en France qu en e la
foi publiquement, afin que tout
ladite terre , pour viure félon la re- mauuaife opin ion qu'o n pouu oit auoir
tout
formation qui eftoit au lieu d'où us de lui puis après demeuraft du ■Villegagnon
s'adi oint fit fur le cham p au
àeftoyCoin enttacparti & s.conf Vill
ider e non
egag les anciens , efteintefce qu'il Cointac &
plus d autor ité gra nd con ten tement de tous. Vilie-
aufquels il dit auoir iour rendit font confeffion
Et d au- lagnon femblablement ce de leur foi.
qu'aux dofteurs modernes. pub liq ue cert ific atio n de fa /oi. bien
tant qu'il voyoit que Clémentméfi , pro-
chain des Apoftres. auoit é de Lpl troue&f uaain fortae, de laquelle chacun
content.
nt fe
l'eau au vin , il infift a rigo ureu feme irrité par le
Cointac derechef
que ladite mixtion fe deuoit neceffai- commandement du Mini ftre , &voyan
rement faire, & qu'elle fe feroit, veu feul on s'eft o.t adre flé retint
qu'il eftoit le chef en celle compa- qu'à lui affeftion.
en fon cœur vne mauuaife
LIVRE SEPTIEME.

458
Nonobftant ce, la Cène fut admi-
nilltrcc à Villegagnon, Cointac , & aconfequence
eflé depuis. en full fifirent
Lefdits grandeentendre
qu'elle j
tous autres qui fembloyent eflre di- à Villegagnon que le bruit efloit grand j
gnes, auec proteftation d'appointer en France : Qu'il efloit palTé grand ^
tous les troubles & différents qui ef- nombre de Luthériens dans fes naui- ,
toyent ia efmeus entre eux (i^.
Pev de iours après , Cointac fe rcs, qui pourroycnt efmouuoir le Roi '^
Henri à lui donner beaucoup d'ennui,
plai<;nit priuément à Villegagnon , de comme de profcrire fon bien , retenir
l'iniure qui lui auoit eflé faite par le fes nauires, fecours.
empefcher qu'homme ne
Miniflre en pleine congrégation, & lui donnaft A quoi il penfa
renouuelant les quellions comme ia bien long temps, & imaginant que
affopies , eux deux cerchent occafion
cela fe pourroit faire , délibéra d'y
de calomnier l'inftitution de l'Eglife;
ils confèrent les anciens auec les mo- pouruoir.
QvELQVES iours après , on fit deux
dernes, &cottent la différence, & re- mariages où la plus part des Capitai-
duifent on catalogue certains articles, nes, Miniftres , & officiers de nauire,
& des matelots fe trouuerent en grand
qu'ils affermoyenl eftre tres-nece(Tai- nombre. Ce iour, Richer efloit en fa
res à retenir. Et d'autant qu'ils con-
L'Egiife blaf-
de fideroyent que l'Eglife fepmainc, & auoit en fon texte le bap-
Geneue auoit cenfurez , ils la de Geneue mal
déclarent les tefme de S. lean, déclarant ce paflage
""^^ P^"" . gouuernee , & mefme adminiftree par touchant les traditions humaines par
Cointac. hérétiques. Toutesfois ils n admet- lefquelles ce S. Sacrement a eflé cor-
toyent tous les poinfts de la Papauté, rompu &, y infifla fort longuement,
en laquelle ils confeffoyent auoir de appelant ceux qui auoyent introduit le
grands abus , pareillement vouloycnt fel. crachat, & huile , faulTaires &
retenir ce qui leur fembloit bon des
Allemans, & de leur fantafie adiourter malauifez. 'Villegagnon (la prédication villegagnon
ou diminuer , ayans affedion de faire finie) en grande
femblee dément cholere,
Richer ,Jeuant l'af- '^''.f^tnfe"'
& protefte
vne fede nouuelle. Ces articles ef- contre lui, que les fufdits qui auoyent
Articles de toyent : Q;/t' le Baplcfmefe dcucit faire introduit lefdites cérémonies efloyent
Villegaynon & jucc Jujcl, du Crachai & de l'huile; plus gens de bien que ledit Richer &
Coiniac. ^_, p^,-„ j^ ,^, Q^,„^^ ^,ij^^ confacré feu- fes femblables , & quant à lui , il ne
lement par la protalion du prejhe, Jans vouloit delailfer ce qui auoit eflé ia
auoir efgard à la foi au receuanl; obferué par plus de mille ans, pour
Qu'il e/loit neceffaire parler iceiui pain s'adioindre à vne nouuelle fede Cal-
confac'ré uinienne. Beaucoup d'autres iniures
& autres au , qui malade , s'il le
feroyent troprequérait
longs à, & fols propos furent tenus ce iour
raconter. Defquels articles de iour en
d'vne gnon partproteflaA ded'autre. Ledit, de'Villega-
là en après ne plus
iour s'augmentoyent les difputes fort
aigrement. Ce mauuais commence- affifter aux prédications & prières,
ment fut grandement fauorifé de quel- voire mefme de ne manger auec eux.
ques remonflranccs faites par aucuns, Richer. defirant faire entendre les pa-
qui pour lors ne penfoyent que la roles qu'il auoit dites en prefchant,
pour fe purger des Calomnies que
(i) Ce fut " le dimanche vingt et unième de Villegagnon & Cointac lui impofoyent,
mars que la fainiSe Cène de Noftre Seij^neur ne peut eflre oui. Toutesfois les plus
lefus Chrirt fut celebrie la première fois au aparens de la compagnie defplaifans
fort de Coiigni
Galfarcl, I, 90!. en" VillcKapnon
l'Amérique fe
» (Lèry, éditle
prélcnta grandement de tels difcords , perfua-
premier à la table du Seigneur ,&'reccui à derent aux parties, après longues re-
genoux le pain & le vin de la, main du mi-
niflre n ( p. 97 ). Pendant la cérémonie , monrtrances, tant d'vne part que d'au-
tre, de traifler quelque bon accord,
« tant, comme il diloit, pour dédier fon fort
à Dieu que pour faire confcffion de fa foy ce que Villegagnon & Cointac pro-
en
sur launface carreaude l'Eglife, s'ertans
de velours misàgenoux
(lequel fon page . ticlcs mis mettenten faire, moyennantfuffent
contention que réduits
les ar-
portoit ordinairement après luy) . prononça en ordre, & enuoyez aux Eglifes de
a haute voix deux oraifons , delqucllcs ayant
eu copie, » dit Lèry, " a fin que chacun en- France & d'Alemagne, pour décider,
tende mieux combien il [ciloit malaifé de & pour ce faire plus feurement, le
cognoillre le cœur & l'intérieur de ccfl plus ieune Miniflre dit Chartier, fut
homme , ie les ay icv inférées de mot à mot cfleu pour les porter. Cefte fraude
fans y changer une feule lettre. " Suivent en
effet deux prières fort éloquentes de Ville- fut controuuee pour s'en deffaire ,
gagnon (1, 9>)- comme Villegagnon a depuis con-
459
PERSECVTION DES FIDELES EN AMERIQVE.
M.D.LVtl.
Notez que de feffé (i). Cependant Richer, qui de- fil ; il la demande en mariage, & lui
tout temps fut accordée auec grandes promelTes
meuroit , auroit liberté de prefcher à
la vraye admi-
nillraiion des
telle condition qu'il s'abftiendroit auantageufes de ne la laiffer ianiais
Sacremens a en neceffité. Cointac fut efpoufé en
defpleu aux d'vfer les
contre desarticles
Sacremens
mis en& contention.
de parler
fuppolls de l'Eglife par Richer. Bien toft après,
Satan. Combien que telles conditions fem- les nauires départent du Brefil pour
blalTent iniques & fort preiudiciables
retourner en France , dans l'vn def-
quels Chartier & quelques autres
à l'Eglife, neantmoins, pour acheter
la paix, toute la congrégation les re- s'embarquent , chargez des articles
ceut, efperant que les delTufdits gar- fufdits, defquels ils deuoyent enuoyer
•deroyent inuiolablement la refolution la refponfe dans fix mois après eflre
qui viendroit des Eglifes, tant de arriuez en France. Villegagnon &
France que de Suiffe. Mais ils auoyent
autrement refolu entre-eux ; car ils Cointac,tourner àceux
voyansquique l'efpoirauec
reftoyent de re-
lui
entendoyent ne receuoir aucune chofe leur eftoit totalement ofté , confeffa
qui fuft décidée de la part defdites
publiquement qu'il ne tiendroit au-
Eglifes , ains feulement de la Sor- cune refolution, Et
fi elle
bonne de Paris. Villegagnon fe void de la Sorbonne. auec n'eftoit iffue
ce adioufta Ceux qui font
en ce différent aucunement contraint mal font en
beaucoup d'autres articles , aufquels accord entre
& empefché , attendu que les nauires Cointac ne fe trouua accordant , eux mefmes
qui auoyent apporté lefdits paffagers comme en la tranffubftantiation du & auec tous
pain de la Cène , inuocation des autres.
efloyent
euft encores
empefché tout làincontinent
prefts à partir, s'il
(comme fainéls , prière pour les morts , purga-
puis après il a fait) de ne prefcher. toire, & le facrifice de la meffe. Des-
Par fa promeffe il deuoit renuoyer lors auffi Cointac fe desfia de Villega-
toute ladite compagnie en paix ,
comme ils efloyent venus, qui lui fuft gnon , par ce qu'il ne tenoit les
tourné non feulement à defhonneur , promeffes qu'il lui auoit faites. Le la-
beur des poures artifans s'augmen-
mais auffi à fon grand defauantage ; toit, n'ayant aucun efgard à l'extrême
car il fuft demouré feul en proye aux famine qu'ils enduroyent ; quelques
habitans naturels & aux Portugais. vns defdits artifans voulurent remonf-
Pour couurir fon mauuais vouloir, il trer leurs raifons , mais ils en furent
faifoit entendre à chacun qu'il ne de- déboutez fi rudement & auec fi gran-
mandoit que le repos & vnion de des menaces, que depuis ils n'ofoyent
l'Eglife; pareillement, pour ne perdre ouurir la bouche pour en parler ; feu-
la bonne réputation qu'il auoit ac- lement ils fe retiroyent vers du-Pont
quife en France par lettres, il de- & Richer , fous la foi defquels ils ef-
toyent paffez en celle terre, lefquels,
claire à chacun qu'il s'oblige à tenir
la refolution des poinfts dont ils s'ef- fe voyans totalement abufez en Ville-
toyent trouuez en contention. gagnon ,deploroyent leur condition
En attendant le département des miferable. Icelui defdaignoit les pré-
dications de Richer, tantoft voulant
nauires pour confermer l'alliance de
parfaite amitié entre Villegagnon & qu'il prefchaft d'vn, tantoft d'autre, ce
Cointac , ceftui s'amourache d'vne que nonobftant , ne peut iamais obte-
ieune fille de Rouan , qui auoit fuc- nir d'icelui. Parquoi il s'en abfenta,
& quelque partie de fa compagnie ;
cedé oncle
fien à quelque
decedébien, parlieu
audit la mort d'vn
du Bre-
car la plus grande partie de l'affem-
blee trouuoit fi mauuais ce qu'il auoit
(i) « TGUtesfois Villegagnon, faifant tou- ia fufcité , que peu de gens auoyent
fiours bonne mine. & protellant ne defirer opinion que les afaires de la religion
rien plus que d'eftre droitement enfeigné .
renvoya en France Chartier minirtre , dans par après fe portaffent bien.
Il ne fera hors de propos de racon-
l'un des navires , à fin que fur ce différent ter vn fait qui incontinent furuint, les
de la Cène il rapportait les opinions de nos
douleurs & nommément celle de mairtre
nauires parties de ceux de la compa-
Jean Calvin, à l'advis duquel il difoit fe vou-
loir du tout fubmettre. Et de fait ie lui ay gnie de Geneue. Il y auoit vn nommé Source de
fouventefois ouy dire & réitérer ce propos : le Thoret , homme de bon entende- la haine de
Monfieur Calvin ell l'un des plus favans ment ,ayant fait profeffion des armes Villegagnon
perfonnages qui ait erté depuis les Apollres, en Piémont par vn long temps. A contre Thoret,
& n'ay point leu de dofleur qui a mon gré cefte caufe, Villegagnon le pofa Capi-
n'ait mieux ny plus purement expofé & taine de fa fortereffe à la première
traiélé
éd. l'Efcrilure
GafTarel, fainile qu'il a fait « (Léry,
1, 98). diftribution de fes eftats. Il lui porta
LIVRE SEPTIEME.

46 0
quelque temps bonne amitié ; mais deuoit expofer plus amplement, afin
que fi les deux efloyent coulpables, ils
après auoir conu qu'il ne vouloit llef- receuffent les mefmes peines conte-
cnir de fon codé, autant qu'il l'uuoit
aimé , autant le defaima , t*!: à petite nues en ladite ordonnance. Villega-
occafion lui donna beaucoup d'en- gnon & Cointac n'approuuent tel auis,
nuis. Le faid eft tel : Quelques fau- ains au contraire infident fur l'ordon-
uajjes cftans venus au fort pour recc- nance, laquelle deuoit auoir lieu, en-
uoir payement de quelques efclaues
qu'ils auoyent vendus à Villegagnon, iure ;tant& quecombien
le défendeur
que laconfelToil
pluralité l'in-
des
furent enuoyez au receueur des mar- voix conclud qu'ils fe deuoyent re-
chandifes venu de Paris en la compa- concilier enfemble par arbitres, ce-
nonobflant Villegagnon prononce que
gnie fufdite, qui s'appelloit la Fau-
cille duquel
, comme les fauuages ne Thoret fcroit condamné aux peines
pouuoyent auoir raifon. derechef figni- contenues en l'ordonnance : à quoi à
fient à Villegiignon qu'ils fe vouloyent grandes diffîcultez & prières condef-
cendit Thoret , homme vaillant &
retirer en leurs villages, partant qu'il adroit aux armes , conoitTant que le
leur fifl deliurer leur payement. Vil-
legagnon donna la charge à Thoret , iugement ertoit fait par fes propres
lequel, comme il cuidoit remonftrer ennemis. Toutesfois il obéit à la prière
audit receueur qu'il faifoit mal de fe de Richer & du-Pont, qui le prièrent
faire chaperonner pour fi peu de chofe,
ils entrent tous deux en cholere telle, de
lui prendre patiemment
faifoit. Ayant le tort
fatisfait qu'on
à tout ce
que ledit Thoret prouoqué par les que fes ennemis vouloyent, craignant
refponfes de la Faucille , lui donne
Ordonnance vn defmenti. Or le confeil auoit fait troubler l'Eglife, fut fufpendu de la
capitainerie pour quelque temp-, pen-
'^"L^„"„,'?^'^' ordonnance que nul n'eull à defmen- dant lequel Villegagnon & Cointac
tir plus grand que foi, ou fon compa- fe moquoyent de la patience de ceux
gnon , à peine de faire réparation de Geneue , lefquels ils appeloyent
d'honneur vn genouil en terre, le bon- pufillanin-.es
net au poing , & fufpendu de fon of- auoyent fait ,faire
& fe vantoyent
amende qu'ils
honnorable
fice & eftat , fi aucun en auoit, pour à Thoret, & prenoyent ce comme
trois mois.
note & marque d'infamie. Laquelle
ViLLEGAGNON & Cointac ayans oui moquerie & indignation Thoret porta
le defmenti , prouoquent ledit rece- fi impatiemment, que d'vn grana def-
ueur (qui autrement eftoit prefl de fe
reconcilier) de demander réparation plaifir s'auantura de paffer vn bras de
mer de deux lieues, le plus fecrette-
d'honneur félon l'ordonnance. Ils lui ment qu'il peut , fur trois pièces de
forment fa complainte, & au iour du bois liées enfemble, pour trouuer paf- L'Eglife des
confeil font appeler Thoret, qui trou- fage en vn nauire de Breton, qui eftoit
uoit eflrange que Villegagnon fe for- à vn port diflant de là trente lieues, fidcles réduite
où il fut fort bien recueilli du Capi- en grande
malifoit fi auant d'vne chofe que lui- extrémité.
mefme deuoit compofer priuément , taine. De là en après , Villegagnon
attendu qu'elle eftoit prouenue pour voyant auoir acquis vn tefmoignage
fon feruice. Et neantmoins Villega- de cruauté, poui'fuivit le refte de ce
gnon auoit le fait fi affedé qu'il fem- qu'il efperoit mettre à exécution , fi
bloit élire iugc & partie. Nonobfiant l'heur le fauorifoit comme il auoit
Thoret fe prefente au confeil, où il commencé. Car la grande modeftie &
confefTe auoir donné ce defmenti , le- patience des poures perfonnes acreut
quel il vouloit maintenir efire bon , tellement l'audace de fon cœur , que
entant qu'il auoit erté par trop prouo- plus il ne penfoit que ruiner, méfier
qué par ledit receueur; fur ce reque- & renuerfer fans deffus deffous tout,
roit "Thoret que l'ordonnance furt fans l'ordre Ecclefiaftique & Politique ,
paffion confideree, à laquelle il fe lefquels lui-mefme auoit en vne fi
fubmettoit. Aucuns du Confeil ef- fainéle
firmé. affedion érigé, eftabli & con-
toyent d'auis que ce différent fufi Premieremknt il déclare le Confeil
appointé par deux arbitres ; car ils
trouuoyent tous les deux en faute , nul, difpofant les afaires communes
tant celui qui auoit donné le def- félon les defirs de fon cœur. Il fait
inhibitions & defenfes à Richer de ne
menti que celui qui l'auoit prouoqué
Ear iniures & propos defhonneftes.
prefcher plus, Richer
prier, fi ledit ne de s'alfembler
ne changeoitpour
les
eur auis eftoit que l'ordonnance fe
PERSECVTION DES FIDELES EN AMERIQVE.

prières mal fondées, comme il difoit. fez il leur auoit tenu des termes fi ri- m.d.lvu.
Certainement il efperoit les réduire à goureux, tendant du tout à les exter-
miner ,ils auoyent efleu vn moyen
àtelle extrémiténouuelle
introduire , qu'ils religion
confentiroyent
forgée fort propre pour lui & pour eux, par
en fon cerueau. La defolation eftoit le nauire qui elloit nouuellement ar-
grande en la compagnie pour les riué. D'auantage , allèguent qu'ils
troubl'js efmcus , & mefmes en vn trouuent fort ellrange que les iours 1
6
palfez il les vouloit chafier, tort après 4
temps
de auquel en
retourner il n'y auoit aucun
France. moyen
Souuentefois les retenir : en fin conclurent auec lui

ils fupplient qu'ils vouloyent fe retirer en France,


tre que ceux'Villegagnon de permet-fe
de leur compagnie
congé ou non, parquai qu'il y auifaft,
peulTent alTembler librement , atten- & vferent de paroles rudes, par lef-
dans la venue des nauires , pource
quelles ils declaroyent que d'autant
qu'en faine confcience ils ne fe pou- qu'il auoit faulTé fa foi & apofiatifé de
uoyent retirer auec les fauuages, du la religion, ne le conoilfoyent plus
tout ignorans de la religion Chref- pour leur feigneur, mais pour tyran
tienne. Ce qu'oncques ils ne peurent & ennemi de la republique. Villega-
gnon oyant parler n audacieufement ,
obtenir de 'Villegagnon , & mefmes il
leur defnia paffage fur fes nauires, les leur donne &congé
reputant fi miferables que la mer ne voulurent, leur enenioint
telle forme qu'ils
de fortir de
les pourroitengloutis
fouftenir des
qu'incontinent ils fon ifle le pluftofl qu'il leur feroit
ne fulTent ondes & caufe poffible. Au départir, il n'y eut coffre,
de mettre les nauires à perdition. Si malle, ne paquet qu'il ne vifitafl, cer-
onques poures perfonnes furent en chant occafion de les furprendre en
perplexité , ceux-ci y eftoyent bien larrecin. Les artifans auoyent aporté
auant fourrez ; car de toutes leurs quelques vtils de leur meflier, fem-
requeftes plus que raifonnables , iamais blablement le Miniftre & du-Pont,
on leur en voulut ottroyer vne feule. liures pour leur particulier eftude. Vil-
Mais pendant leurs altercations, legagnon rauit & faifit le tout, difant
arriua vn nauire François de la ville qu'il lui apartenoit , comme eflant
de Havre de grâce, non de ceux de acheté de fon argent & félon vne or-

î
donnance quiauoit efté faite au con-
■Villegagnon , ni de fes alliez : le Ca-
pitaine duquel fe monllra alTez fauo- feil, lors que le tout eftoit en fon en-
rable à du-Pont & à Richer, & auec tier. Tout le bagage ne fe peut
icelui compoferent , moyennant la tranfporter dans vne barque à vne
fomme de cent efcus , pour feize per- fois: pourtant deux demeurèrent at-
fonnes,de laquelle fomme fe faifoit tendans le fécond voyage du bafteau ,
foluable du-Pont pour tous les au- leurs befongnes eftans fur la greue.
Villegagnon très. Il refloit auffi d'obtenir leur L'vn des deux eftoit tourneur, l'autre Touchant vn
empefche les paffe-port & congé , car autrement le vn
menuifier.du
r
fongnes j Villegagnon
.tourneur,
° vifite
oùt -,
il trouua tourneur,&
les be- "lenuiner
'j.''^'.'^^ .''f Capitaine ne l'euft fait. 'Villegagnon, quelques vailleaux & coupes tournées
l'Amérique, ayant entendu que le palTage eftoit
accordé dans le nauire nouuellement
de bois d'ebene , lefquelles ce poure
venu , fut grandement indigné contre homme (qui auoit charge d'enfans)
le Capitaine , le voulant empefcher auoit faites les iours qu'il ne befon-
de charger fon nauire des commodi- gnoit point pour ledit Villegagnon ,
tez des fauuages ; mais lefdits fauua- afin d'en retirer quelque pièce d'ar-
ges auoyent ia promis audit Capitaine gent eflant arriué en France. Comme
icelui Villegagnon , ne pouuant plus
& officiers de leur fournir ce qu'il de- contenir la rage dont il eftoit tranf-
niandoit. 'Villegagnon refufa le congé
que lui demandoit du-Pont & Richer, porté, lui impofa qu'il eftoit larron,
* alléguant qu'ils auoyent promis de lui d'auoir fait tels vaiffeaux de fon bois,
tenir compagnie iufques à la venue & leua deux ou trois fois le poing
de fes nauires : ce qu'on lui accorda pour le frapper. Toutefois pource que
eflre vrai , fi de fa part il n'euft violé quelqu'vn de fes familiers l'apperceut,
fes premières promelTes , leur ayant, il fe contint pour celle fois : neant-
contre fa foi, fait defenfe de ne pref- moins il fe vengea fur les coupes, lef-
cher, ni mefme prier Dieu en compa- quelles ilcalfa & froilla aux pieds,
gnie, qui efioit les priuèr du plus
blafphemant
Dieu. Eftant &reuenu
del'pitant
à lui le& Nom de
fa cho-
grand bien qu'ils eulTent feu fouhai- lere palTee , euft fouuenance que le
ter. Confideré auffi que les iours paf-
LIVRE SEPTIEME.

tort
62
4 qu'il auoit f;iit à ce poure homme fance de Villegagnon. Dii-Pont , Ri-
eftoit fort grand & feroit vn argument cher & leurs compagnons viuoyent
des viures que les naturels habitons
àfaidla, pollerité d'vn cruel
& tefmoignage & barbare
aux autres de la leuraportoyent,commeracines,fruiéls,
compagnie, que s'il euft cuidé eftre le poiftons , & quelques légumes qu'ils
plus fort, il les euft tous fait palfer au achetoyent de leurs chemifes A vefte-
fil de l'efpee. Il iugea que la mémoire mens, à caufe qu'ils n'auoyent aucu-
de ce grief feroit efteinte s'il faifoit nes marchandifes
reftitution de quelque chofe au tour- couurer, A ce en , attandant
ni moyen que
d'en leur
re-

neur pour le dommage


& commanda qu'illaauoit
à celui qui portafait,
de nauire fuft preft. D'autre part, Ville-
gagnon voulant empefclier le Capi-
l'excufer. taine du nauire de ne palTer les fuf-
Reuoltc do De tous ces troubles & mutations , dits, il les accufe de grands & énormes
Viliegagnon , jg^ gcntils-hommes, familiers & ferui-
qui auoit ^ '^ , ,,... ' , . , crimes, tant aux officiers qu'à quel-
inilruii les teurs de Villegagnon lurent grande- quesTelles
rer. matelots qu'il voyoit
calomnies ia murmu-
efmeurent vne
autres, ment contriftez , attendu que la plus
fedition entre Icfdits ofliciers A mate-
part d'iceux auoyent eflé par ledit lots. Les officiers vouloyent tenir leur
Villegagnon catechifez & inllruits la
première & féconde année , & auec promclfe
lefquels il auoit refifté à tant de con- uenoit vne, confideré qu'il leur
grande fomme en pro-
de deniers;
trarietez qui fe prefentoyent.au com- les matelots, au contraire, qui ne par-
:
mencement lefquels auffi ertoyent ticipoyent pas à icelle , refiftoyent de
tefmoins des premières fafcheries, re- tout leur pouuoir.
bellions, & confpirations defquelles Villegagnon cependant , voyant Inhumanité
le Seigneur l'auoit garenti. Icelui Vil- entreprife
que fonvain peu s'auançoit , A *^ fureur
qu'en il trauaill oit de reuoquer villegagnon.
legagnon les voyant affedez à l'opi-
nion de Richer, s'eftudie pour les dif- ce qu'il auoit planté en fes feruiteurs, vray fauuagé
fuader de ne fuiure l'herefie des cerche les occafions d'exécuter vne entre les
modernes, qui eft totalement répu- volonté,de pour donner exem- fauuages.
mauuaife
pie aux autres ne demeurer trop
gnante (comme il difoit) aux tradi-
tions des premiers Pères , lefquels
nous auoyent delaiffé une forme fé- pertinax en leurs opinions. Il s'adreft"e
à vn lien maiftre d'hoftel qui l'auoit
lon les préceptes des Apoftres. Pre- ferui depuis le iour de fon embarque-
mièrement ,par douces paroles & ment, & en fes fafcheufes fortunes
gracieufes, lescuida rendre à fa deuo- tresfidelement fubuenu ; il cerche beau-
coup de petites chofes fur fon eftat ,
tion ; puisvfavoyant
beaucoup, qu'il menaces
de grandes n'auançoit&
aufquelles
fuflifammentle, maiftre d'hollel fatisfait
lui refpondant le plus
mauuais traitement aux vns, aux au-
tres commifllon d'aller defcouurir des gracieufement qu'il peut , le fupplia ,
terres bien loin de là. En lin il n'ou- d'autant qu'il eonoilfoit que fon fer-
blia rien pour les diuertir de la bonne uice ne lui eftoit agréable , auffi qu'il
opinion qu'ils auoyent conceue, efpe- n'y auoit aucun refte d'Eglife, de lui
donner congé de fe retirer en France
rant obtenir par rigueur ce qu'il
n'auoit peu par douceur A amitié. auec les autres, ce qu'il dilfere fort
Le lieu où fe retira la compagnie longuement, le menaçant de lui faire
du- Pont & Richer elloit en terre donner les eftriuieres, ou les chaînes
continente, diflante du fort de Colli- aux pieds; en lin ennuyé des requeftes
gny demie lieuë , au village que les ordinaires dudit maiftre d'hoftel , le
mois precedens auoyent conftruid ietta rigoureufement hors de fon Fort
quelques poures François, que Ville- fans auoir efgard à trois années de
gagnon auoit chalfez de fon ifle , fon
comme bouches inutiles. Entre lef- honteferuice, &, qui
de lui ofter plus eft,
quelques n'eut
veftemens
qu'il lui auoit donnez, eftant à fon
du malquels eftoit Cointac de
prouuenu , qui
fons'aperceuoit
ambition ; feruice. Huit iours après, celui qui
car il eftoit delallfé du tout de celui auoit efté mis en la place du fufdit, à
duquel il efperoit receuoir grande caufe qu'il reprenoit ceux qui iuroyent
courtoifie A honnerteté , deietté en
& blafphemoyent , iSr s'employoit de
terre auec les fauuagcs , comme pcr- tout fon pouuoir à reformer la vie dif-
Humanité des fonne de nulle valeur. Il iette fouf- folue des domeftiques dudit Villega-
fauuagcs. pirs , regrets, A detcfte le iour it gnon fur lefquels il auoit authorité ,
neure que iamais il auoit eu conoif- fut foudainement accufé d'eftre vn
46}
PERSECVTION DES FIDELES EN AMERIQVE.

grande detreffe, tant pour le défaut m.d.lvu.


miniftre ;infini
nombre & outre ce qu'il
de coups euita ou
de bafton vn
de marchandife que pour le long fe-
les chaînes de fer , endura beaucoup iour qu'il leur conuenoit faire atten-
d"iniures & mauuais traidemens, per- dans leur nauire. Et d'abondant les
dit beaucoup de (es befongnes, & fut
chalfé bien rudement : lequel le retira matelots leur fignifient qu'ils ne pou-
auec du-Pont & les autres. uoyent
fion chacun palTer,de s'ils
deuxne boilfeaux
faifoyent proui-
de fa-
On peut reciter encore vn autre rine, qui leur fut vn ennui bien grand,
ade autant vertueux que les autres.
Comment Il auoit au commencement mené auec confideré qu'ils n'auoyent moyen d'en
les poures acheter & mefmes qu'il y en auoit
lui plulîeurs perfonnes de labeur à fes grande neceffité en la terre. Non-
laboureurs y obftant ce , chacun effaya de donner
ertoyent gages pour le temps de deux ans, de-
traitez. dans lequel plufieurs moururent acca- ce qui leur rertoit dhabillemens, pour
blez de labeur, & atténuez de famine fatisfaire à la requefte des matelots;
& langueur ; autres , defquels la car leur affedion eftoit fi grande de
nature eftoit plus robufte , refirterent fortir de celle fafcheufe feruitude, que
volontiers ils fe fulTent obligez à tou-
mieux aufdits alîaux,
jour attendant la fin decombien qu'vn,
leur terme tes conditions, voire prefques impof-
leur femblaft vn an entier, entant que fibles.
fans relafche immoderép.";.at ils tra- Comme ces chofes fe pan"oyent ,
uailloyent & mefmes fans eftre fuften- ceux qui alloyent de la part de Ville-
tez que d'vne farine , de laquelle i'ai gagnon àla compagnie de du-Pont ,
rapportoyent des propos bien légers ,
parlé ci delîus ; encores n'en auoyent- alTauoir que Villegagnon eftoit gran-
ils à la quatrième
conuenoit à fuftenterpartie de auec
nature; ce qu'il
ce,
fié tous dement
les defplaifant
feize, &qu'il n'auoitadiouf-
mefmes facri-
leur breuuage efloit d'vne eau puante
& infede, d'une fale cifterne , pluftoft toit que, s'ils tomboyent encores vne
poifon au corps humain que nourri- fois en fa main , qu'il leur feroit bien
ture. 'Vn de cefte compagnie ne pou- fentir. D'autres femblablement rap- Rapports
uant plus fupporter la neceffité , pria portoyent, de la part de du-Pont & pour troubler
Villegagnon de le laiffer aller viure
auec les fauuages : ce qu'il lui ac- Richer, d'auoir
nimité comporté fileur
qu'ils blafmoyent grandes in- '^ co^pagme.
pufilla-
iures d'vn tyran , lequel on ne deuoit
gages corda
, &,moyennant qu'il quitteroit
de ce palferoit fes
ade deuant lailfer régner non plus qu'vne pefte.
le Notaire : A quoy confentit pour En après adiouftoyent lefdits faux
obtenir liberté. Ayant feiourné quel- rapporteurs , que les fufdits paflagers
que temps auec les fauuages, donne fe vantoyent de retourner bien acom-
tous fes vefter.iens pour viure : quand pagnez & ordonnez pour le chalfer
lui & fes complices. Certainement la
il n'eut plus rien que la chemife , les
fauuages le chalfent ne lui donnans plus grande partie eftoit controuuee ,
plus que viure. Ce poure fut réduit & telles pelles font trefdangereufes
aux Republiques &gouuernement des
en fi grande extrémité qu'il mangeoit Royaumes ; car par icelles elles font
l'herbe & toute forte de fruids indif-
féremment, fans conoiftre ce qui lui deltruites & defolees. Les fufdits rap-
eftoit profitable ou contraire; en cefte porteurs enaigrilToyent par trop les
grande langueur manda plufieurs fois deux parties , car ils y adiouftoyent
à Villegagnon qu'il print compaffion foi , comme fi c'euft efté vne chofe
bien vérifiée. Or puis que Richer &
de lui pour l'honneur de Dieu ; mais
jamais il n'euft du-Pont s'enretournoyent en France,
le trouua mort refponfe.
de faim Vn
fousmatin on
vn ar- Villegagnon, penfanl preuenir la vérité
bre (1). Ceux de la terre viuoyent en que rapportoyent les fufdits eftans de
retour, & que la bonne renommée,
qu'il auoit acquife les années palfees,
(i) enL'HisIcirc
nues la terre du desBrésil
choses (1561)
tncmorablcs
ajoute adiic-
ici : en
uifavndeinftant
faire vn feroitrecueil
fupprimee , s'ad-
de certains
« Il y a infinis autres ailles defhonnelles ,
qu'un chacun cognoilt à l'œil. Je palTe outre poinds qu'auoit prefchez Richer, & à
iceux faire refponfe pour contenter
trente pauures
efclaues , defquels François
aucunsqu'il
fontretient
mariezpouren
France auec charge denfans qui crient de
iour en iour à la faim , les femmes con- ouyr en Normandie les plaintes des pères ,
mères, femmes & enfans qui crient & de-
tentiontraintes
de leursd'ertremaris.
paillardes
Cell par
pitié longue
de veoirdé-& mandent vengeance contre ledict Villeg. »
464 LIVRE SEPTIEME.

auoit violé vn fien parent , ieune en- A<5le execrabi


les Papifles
fauorifé de , 1puis
autrequ'il
part.fe Et
voyoit des-
attendu fant. Ce faiél exécrable troubla le dVn mariniec
qu'il n'elloit bien mumoratif du tout, Capitaine tt fon équipage inerueilleu-
il inllruit vn fien familier (qui, par fement, conlideré que c'efloit fur leur
département. Toutefois le Capitaine
grandes menaces, s'eftoit reuohé auec ayant interrogué le marinier , lequel
ledit Villegagnon) A lui donne com-
miffion de lauoir de Richer quelle ef- ne
toit fon opinion touchant le Sacre- uoyevoulut confeffer
à Richer, lequelfoneftoit
crimetoufiours
, l'en-
ment & autres articles que ce perfon- Miniflre, nonobflant que Villegagnon
nage propofa , feignant auoir defir lui eufl donné congé ; car il ne fut ia-
mais depofé. Le Miniflre dénonce au
d'ertre en feigne : mefmcment fur cer-
Marinier la grandeur de fon péché »&
tains poinds defquels il n'elloit bien le iugement horrible de Dieu fur ceux
refolu, confideré qu'ils ertoyent prcfls
de leur département. Richer ne fait qui commettent tels crimes. Le mari-
fcrupule de lui dire de bouche ce nier appréhendant le iugement de
qui lui en fembloit. Le perfonnage Dieu tombe en grande fantafie de
fait regiftre de toutes les refponfes , defefpoir, fe voulant ietter en mer, &
& fans les communiquer à Richer, les perdre malheureufement fa vie , dé-
prefente à fon maillre qui les a efplu- clarant extérieurement qu'il efloit def-
chez & calomniez comme bon lui a
plaifant d'auoir fait & commis tel
femblé. Il ell certain que, fi Richer
ade. Richer fut d'auis , voyant fa re-
euft eflé aduerti que Viilegagnon de- pentance, que le Capitaine le pour-
mandoit fon opinion pour y refpon- roit mener au voyage , le menaçant
dre fort de lour en iour de la mort, s'il
auec, ilmeilleur
eull rédigé par el'crit
ordre, lui mcfme
& dodrine plus ne fe declaroit iSr monftroit eflre vraye-
folide, qu'elle n'eft infcrce au liure ment defplaii'ant
le lendemain de tel faid.part
le Capitaine Partant
auec
dudit VilL-gagnon (1).
le Maiflre du nauire, attendu auffi
En ce mefme temps, comme 'Ville-
gagnon preueuft que beaucoup de fa qu'il n'y auoit que lui qui eufl conoif-
compagnie le pourroyent laiiVer pour fance des manceuures pilotages du-
le mauuais traitement qu'il leur fai- dit nauire. Quant à ce qu'on a voulu
foil, aufli pour la mutation de la reli- dire que ledit Richer lui auoit or-
donné l'abfolution pour vn baril de
de lesgion,iugea
eflongnerqu'il lesferoit
vns hien à propos
des autres en poiure, il appert du contraire, par ce
enuoyant les vns dans vn nauire en la qu'il a eflé prouué ; car ledit marinier
riuiere de Plate, tendant au pol An- eflant reuenu de fon voyage & fouffrant
tartique plus aual 500. lieues , dans la mort, a déclaré deuant Villegagnon
lequel il pofa dixhuit perfonnes & & plus de cinquante autres perfonnes
deux pages pour les feruir. 11 auoit dignes de foi , qu'il n'efloit point
ellabli Capitaine vn fien fidèle ferui- vrai ; mais bien que quinze iours au-
teur, & pour Maillre vn marinier qui parauant qu'il fuit accufé de ce faid,
auoit eflé retenu du dernier voyage , il auoit vendu à du- Pont OSr Richer
adonné, félon la complexion des ma- vn caque de poiure, qu'ils lui auoyent
riniers, àtous vices; & ne faut croire
trefbien
loit. Lespayé, voire plus
tefmoins ont qu'il
vefcune long
va-
qu'il furt de mais
du Miniflre, la partie
hommede voluptueux,
du- Pont & temps depuis, & aucuns en France.
n'ayant Le Capitaine du nauire des pafTa-
Celle aucune crainte defe Dieu.
defcouucrture faifoit,tant gers ayant chargé fon vailTeau de tou- fieurs Le dcparte-
mcnl defidèles
plu-
pour faire abfenter la compagnie, afin tes les commoditez qu'il peut recou- en la terre du
urer, fait embarquer tous fes gens Brelil.
qu'elle fc peufl adioindre auec les au-
tres (comme il auoit opinion) que pour auec du-Pont , Richer A autres qui
cfloyent en nombre de feize. Le na-
cercher quelque mine d'or ou d'ar- uire appareillé fit voile de la riuiere de
gent, prétendant par tel moyen grati-
fier le roi Henri. Le iour précèdent Colligny pour fe mettre en mer , au
grand delplaifir tS: mefcontentement
qu'ils deuoyjiit partir, il fut dénoncé
au Capitaine que le Maiflre du nauire de Villegagnon »& d'aucuns mariniers,
lefquels auoyent eflé follicitez pour
empefcher ce retour; ou pour le
(Il Ce livre de Villef;at,'non csl probahlc- moins leur donner tel ennui , par le
mcnl celui inliluli : AJ arikiilos Cjlviiitanjc
de sjcramcnlo eucliarisliac Iradittonis rcspon- chemin, et en France, qu'il en peufl
siones per N. ViUagagnonem. Paris, iç6o. eflre mémoire de là à long temps.
465
PERSECVTION DES FIDELES EN AMERIQVE.

Les fufdits matelots eftoyent fimples par le degout de ladite eau, qui de-
manœuuriers dans ledit vailTeau , qui couloit defTus ; ce qui defbaucha gran-
ne participoyent au profit & rapport demen.t l'équipage autant ou plus que
du nauire , partant empefchoyent que le refle; la plufpart des pafTagers
voyant les matelots defbauchez , fe
lefdits tendupafTagers s'embarqualTent
le peu de viures qui reftoit ,pour
at- vouloyent retirer en terre, demandans
vn fi long palTage. On difoit que Vil- au Capitaine la barque que le nauire
legagnon en auoit pratiqué cinq des trainoit en pouppe , ce qui leur fut
plus vicieux , aufquels il auoit promis
refuféeflépartrop
eufi le Capitaine , attendu
preiudiciable qu'il
, fi lefdits
grand en
arriuez auantage,
France ilspourueu
liurairent qu'eflans
du-Pont
palTagers
Capitaine s'en ayant fuffent
entenduretournez. Le
& Richer à la luftice ; ce qui a efté par ceux qui
vérifié depuis (i). Ce nauire , ayant trauailloyent à tourner le cours de
prins la haute mer vingtcinq ou vingtfix l'eau, qu'il fepourroiteftancher, feule-
lieues, commença à puifer beaucoup ment ildeuoit renuoyer vne partie des
d'eau (ou pour auoir efté trop chargé, pafTagers, pour faire place aux autres.
ou de vieillelTe) en telle abondance, Et comme du-Pont & Richer & quel-
qu'vn chacunmefmement
eut grand'peur ques autres efloyent prefls à fe mettre
de mort; les &mariniers
crainte
dans la barque , le Capitaine les re-
qui trauailloyent iour & nuid à efpui- tint ,leur donnant bon courage, que
fer ladite eau, perdoyent courage,
le tout fe porleroit mieux qu'on n'ef-
confiderans qu'ils ne la pouuoyent ef- peroit ; toutefois s'il y en auoit d'autres
puifer. Le Capitaine & officiers, mef- defdits palTagers qui leur
s'en vouluffent
mes les pafTagers, le trouuerent fi ef- retourner, volontiers donneroit
ladite barque, veu que les viures qui
perdus, qu'ils fe fouhaitoyent eftre reftoyent ne pouuoyent fatisfaire à
encore en la terre du Brefil. D'auan-
ture (félon la couflume) on trainoit tant de perfonnes pour vn fi long
vne barque arrière la nef; les mate- voyage.
lots la nuid la penferent furprendre Dv nombre defdits paffagers , fe
pour fe fauuer en terre, n'ayans grand trouuerent cinq perfonnes d'vn mefme nent en la
efpoir Cinq retour-
mais leauCapitaine
nauire qui& s'emplilToit
officiers, en d'eau
eftans; vouloir, lefquels
du Capitaine acceptèrent
, contre le gré del'offre
tous terre.
auertis, y donnèrent tel ordre, que les leurs compagnons , qui preuoyoyent
mariniers ne mirent à exécution le bien que Villegagnon leur pourroit
faire quelque defplaifir (i). Nonobflant
mauuais ade qu'ils
A celle auanture auoyent
furuint un propofé.
merueil- lefdits cinq perfonnages eftimoyent
leux accident de regorgement d'eau , eftre bien recueillis, confideré qu'ils
dans la foute au bifcuit. La plus n'auoyent aucunement ofTenfé Ville-
grand'part de leur bifcuit fut perdu gagnon ,mais fait tout plaifir & fer-
uice. Par ce ayans prins congé de

(i)'Léry, dans son Histoire d'un poyagc leurs compagnons & amis, auec grans '
faid. en la terre du Brésil (II , 145 ), raconte foufpirs
la chose un peu autrement : « Il nous avoit le barteau,& fe
regrets, s'embarquent
recommandans dans
à la garde
bralTé la trahifon que vous orrez; c'eit de Dieu les vns les autres, tant ceux
qu'ayant donné à ce maillre de cirée
navire(à unla
petit coffret enveloppé de toile du nauire qui pafl"oyent en France,
que ceux de la barque , qui retour-
façon de la mer) plein de lettres
voyoit par deçà à plulieurs perfonnes, qu'il en-
il y noyent en la terre du Brefil (2) ; dont
avoit aussi
formé contremis nous un procès, qu'ildefceu
& à nollre avoit fait
. avecet les trois depuis y lailTerent la vie pour
mandemert exprès au premier iuge auquel maintenir la vérité de l'Euangile ,
comme il fera dit en fon lieu , après
on le bailieroit en France, qu'en vertu d'ice-
luy il nous retinll & fiH brufler comme hé-
rétiques qu'il difoit que nous ertions » Léry
raconte plus loin (II, 177), que, à leur arri-
vée en France , le coffret fut en effet remis (i) Jean
même décidéde àLéry raconte avec
retourner qu'illess'était
cinq lui-
au
à des gens de justice qui, heureusement,
étaient favorables aux réformés. « Après fort Coligny , mais, qu'au dernier moment,
sur le conseil d'un ami, il se résolut à rester
qu'ils eurent veu ce qui leur elloit mandé , sur le navire. C'est à cette sage résolution
tant s'en fallut qu'ils nous traitalfent de la que nous sommes redevables de la narration
façon que Villegagnon deliroit ; qu'au con- qu'il nous a laissée de ces événements.
traire, outre qu'ils nous firent la meilleure (2) toire
Icides se termine la reproduction de l'His-
chère qui leur fut poflible, encore offrans elioses mcniorables , pour reprendre
leurs moyens à ceux de noftre compagnie
qui en avoyent affaire , prellèrent-ils argent plus loin,trois
souffrir au de
récitceux
du qui
martyre qu'eurent
revinrent au fortà
Coligny.
audit lieur du Pont & à quelques autres. "
II.
LIVRE SEPTIEME.

4<)0
l'ordre i"t J'uite des Martyrs de manifcde quelque fois aux fie ns ce
née m.d.lvii. qui leur doit auenir ; & quand par
laincle hardiejfe on pourfuil me vo-
cation intcricurcnient cngrauee par
«S'"iîr'**î«'"^A'"^A"«i'*^*'^âi''^*S'*^'^^ le Jainâ Efpril.
AnDOCHE MlNARD (l).
Ce perfonnage vint à la conoiiïance
DiEV ayant donné conoilTance de de la vérité Euangelique.efiant Carme
fa vérité à ce ieune homme , atTez & à Gand en Flandre, fi bien que, quit-
trop auant plonf;é en la fange de fu- tant rhabit monachal, fe retira en An-
perllition, citant Chapelain de TEglife
Collégiale de Saulieu (2). il quitta ce Chrifi, oùgleterre pour fuyure àl'Eglife
il trauailla de liures
tranflater iefus
bénéfice , & fe retira à Geneue , où d'vne langue en l'autre; comme de
ayant feiourné quelque temps pour fe faid il y tranflata en langue Flamen-
confoler & fortifier en la dodrine de
gue vn Commentaire fur l'Apocalypfe
rEuangile,voulantretourner en Bour- & hilloire de la vie & mort efpouuan-
gongne, fut faifi au bourg de Mont- table de François Spiera (i). Il y ef-
fenis(5), pour auoir repris quelques toit durant le règne cruel de Marie,
blafphemateurs du Nom de Dieu. lors que les Eglifes efirangeres de
Ayant fait vne magnifique confeffion Walons& Flamens furent chafTees (2).
de foi , par plufieurs fois réitérée , il & fe retira auec plufieurs de fa nation
fut bruflé vif deuant le grand Temple Embde en
à Embde (5), ville en la Frife Orien- Frife, retraite
de faind Ladre (4) d'Autun le xv. tale. De là, après quelque temps, il lui des Chrcrtiens
iour d'Odobre m.d.lvi. dont plufieurs print enuie d'aller vifiter les poures
furent merueilleufement édifiez & en- fidèles de fon pays, & fe mit en che- perfecutez.
couragez en la profeffion de l'Euan- min l'an M.D.LVI. Comme il partoit
gile, tS: quelques vns à la conoiffance d'Embde en s'cmbarquant, il lui efioit
de leur falut (ï).
auis qu'il entroit en vn feu ; & depuis
^'^ au mefme voyage, vne apprehenfion
^^^ pareille le faifit à Groninghe, eflant
■"-'"'-la
d' en la maifon d'vn dodeur nornmé
M. Hierome, & des lors donna à co-
noiflre ce qu'il ellimoit par ces ap-
Charles Coninck, ou le Roy, de prehenfions lui deuoir auenir. Le
Gand (6). Dodeur tafcha de le diuertir de fon

Ce ne fonl point vaincs illujions quand voyage, lui confeillant de n'entrer au


pays plein de dangers, & auquel les
le Seigneur par vrayes appréhensions Chreftiens efioyent traitez & exécutez
fi cruellement. Mais Charles fentant
au dedans vn faind defir, furmontant
(i) Crespin, 1582, f° 407; 1Ç97, (^ 404;
1619, f- 4)8. Cette notice ne figure pas dans toute apprehenfion de peur, refpondit
les éditions du martyrologe publiées par
Crespin lui-même. Elle a paru, pour la pre- qu'il auoit necefiairement à faire ce
mière fois, en 1582, c'est-à-dire deux ans voyage pour vn dernier deuoir vers les
après VHisloirc ecclésiastique de Théodore de ficns. Efiant paruenu ù Anuers, il y uers.
Bèze, à laquelle elle est empruntée presque feiourna quelque temps à caufe de Eglifc à An-
verbalement (t. 1, p. ())).
l'Eglife du Seigneur, en laquelle pour
(2) Saulieu, aujourd'hui chef-lieu de canton
de l'arrondissement de Scmur (Côte-d'Or). lors M. Gafpar Verheydcn (4) efioit A Gand.
(;) Monlccnis, arrondissement d'Autun Minirtre;&de là s'en alla à Gand pour
(Saône-et-Loire). y confoler les fidèles ; entre lefquels
(4) Il s'agit
construite au de la cathédrale
onzième siècle, etSaint-Lazare,
que domine plufieurs defailloyent i*t fe refroidif-
une admirable Hèche. foyent, à caufe de la perfecution qui
(5) Bèze raconte que le mois précédent, efioit fort afpre en laaite ville. Il les
deu.x libraires ou colporteurs réformés qui
avaient été arrêtés près d'Autun furent seu-
condamnés au fouet, «' encore qu'ils
culTent lement
fait entière confeflion de leur foi , n 1597, f" 404; 11)19, {" 4j8. Le marlyrologiste
hollandais H.x'mstedc donne une notice un
cl que " leurs livres qui avoicnl elle confis- peu plus circonstanciée sur ce martyr.
qués leur furent en partie rendus fecrette-
ment & en partie achetés & paies » (Htst. (1) Sur I-'ranccsco Spiera, voy. la note 1
eccl., I, (>])■ Voy. sur deux autres colpor- de la p. 9. eol. 2.
teurs exécutés à Autun en içjç, p. 156, (2) Voy. plus haut, p. 59.
suprà.
(4) Ce nom doit se lire Van der Hcyden.
(;) Eniden.
(6) Crespin, IÇ7", (*" 440 ; IÇSJ, f° 407 '. ;
467
CHARLES CONINCK.

redreffa
tant vn entant
chacun qu'en lui fut .à exhor-
de feruir lefus & redite, qu'elle n'auoit faueur ne m.d.lvu.
gouft quelconque.
Chrifl entièrement, & de fuir, comme Il y en auoit entre ceux du Ma- La crainte des
vne contaf,'ion pernicieufe , toutes fu- giflrat de Bruges eftans là, qui decla- Phariilens
perftitions Papifliques, toutes les fein- royent
tifes & limulations de ceux qui clo- en leur par leurs contenances
confcience vn certain detefmoi-
fentir ^fié'urs'^d'^m"
mulent.
chent de deux codez, & qui ne font gnage que Charles parloit à la vérité,
ne froids ne chauds. De Gand il s"en & toutefois de crainte qu'ils auoyent
A Bruges. alla à Bruges ; & à fa venue, ceux fe de leurs Preflres & Chanoines, ils
trouuerent vers lui qui aimoyent le parloyent autrement à Charles en leur
Seigneur, ayans faim de fa iullice. Il
les confola & admonnefta de mefme prefence
monfieur qu'en
N. qui abfence.
là eftoit,Etconoiffant
mefmes
que ceux de Gand , fur tout à mener que Charles eftoit mené, d'un droiél
vne vie Chreftienne, & reigler foigneu- & fain iugement de l'Efcriture fainifte,
fement leur conuerfation , d'autant veu que Preftres ne moines ni autres,
qu'ils eftoyent en vne ville adonnée à quelques fauans qu'ils fuffent, ne pou-
toute volupté & lubricité. uoyent rien gagner fur lui, & que fou-
Satan cependant irrité de fa venue, uent ils s'en retiroyent tout confus ,
ne ceflfa d'efueiller fes gras fuppofls il promit à Charles de pourchaffer fa
& feruiteurs de l'eglife Romaine, qui deliurance, moyennant qu'il vouluft
ne tardèrent de mettre par tout embuf- aucunement s'accommoder auec eux,
ches pour attraper Charles, tant qu'vn voire & fi l'habit de moine lui venoit
iour fortant d'vne allemblee des fidè- à contrecœur , qu'il en inpetreroit la
les, ils le faifirent en la rue nommée difpenfe du Pape, & le pouruoiroit
Efelflrate , & le firent mener en pri- d'vne chanoinie. Charles refpondit :
fon. Ce qu'ayant entendu, vn fien « M.onfieur, ie vous mercie grande-
frère demeurant à Gand, il s'auifa ment de cefle voftre faueur & bien-
d'obtenir que deux Carmes allaiïent ueillance, à la miene volonté qu'elle
quand & lui redemander à ceux de fuft félon Dieu. Vous me prefentez
Bruges fon frère, comme fubieft au vne Chanoinie pour viure en repos, &
Prieur de fon ordre. Quand Charles
vous fauez toutefois que l'aife n'ap-
vid fon frère ainfi acompagné, le foli- porte point de repos , quand la con-
citant de reprendre fon habit , & de fcience eft en tourment. Le renonce- Notable ref-
ment de la vérité de mon Dieu me ponfe.
retourner fous l'obédience de l'ordre,
Refponfe de il lui dit tout rondement qu'il n'auoit cauferoit au cœur vn perpétuel remors
Charles
la repnfe fur
de q^g
, ^ faire r de prendre1 • p cefle' peine
x & de confcience , veu qu'il
l'habii mona- defpenfe pour lui; & qu ayant vne honneur tant fpecial, de m'a
me fait ceft
donner
chai. fois defpouillé 1 habit d vn ordre mau- fa conoiffance , pour laquelle mieux
dit, iamais il ne le reueftiroit; pour me vaudra d'endurer mille morts ,
d'affranchi qu'il eftoit par lefus Chrift, qu'en la defguifant encourir la mort
fe remettre en l'obeiffance & feruitude éternelle.
des efclaues de Satan.
Les aduerfaires voyans qu'à le tenir
SvRceci les moines, pour maintenir plus long temps ils ne profitoyent de
la liuree de leur ordre, difputerent rien, le déclarèrent (par leur fentence)
long temps contre lui en prefence de
ceux de la luftice; mais ils ne feurent hérétique , fi que l'ayans dégradé le
liurerent, le vingtdeuxiefme d'Auril ,
rien gagner fur la vérité de l'Efcriture, entre les mains du bras feculier qu'ils
non pas mefme au iugement de ceux appelent. Le Magiftrat incontinent le
qui les condamna d'eftre
& bruflé vif, Charles
attendu
neté deefcoutoyent,
leur coullume,alleguans
les vieuxl'ancien-
Pères, fon obftination rébellion.
les Conciles & femblables légendes. rendit grâces à Dieu, le priant de par-
De l'habit on monta à la Meffe, & à donner àceux qui le pourfuiuoyent à
l'inuocation des fainfts trefpalTez ; & mort par ignorance. Amené qu'il fut
de là on delcendit au Purgatoire,
au lieu du fuppiice , l'exécuteur ne
mais leurs raifons & allégations con- tarda de l'attacher au pofteau, afin de
frontées la
à vérité de l'Euangile du le defpefcher. Charles leuant les
Seigneur , qu'alleguoit fort prompte- yeux au ciel & inuoquant le Seigneur
ment Charles, donnoyent aufli peu au milieu du feu , porta la peine pa-
:^ de contentement aux auditeurs que la tiemment &.coyement (i), tellement
difpute des habits, car ils n'eftoyent
garnis que d'vne afnerie tant recuite (i) Tranquillement.
LIVRE SEPTIEME.

4OUle peuple qui eftoit à fa mort , le


que ftrudion es fainftes Efcritures (i).
Tout fon defir eftoit de feruir au bien
xxvii. d'Auril , m.d.lvii. en fut mer-
ueilleufenicnt eflonné-. Quelques iours de l'Eglife du Seigneur, fuyuant lequel
après, vn des principaux qui auoit elle il leua imprimerie en ladite ville, pour
motif de celle exécution cruelle, mou- publier liures de la fainde Efcriture ;
lugcmcnt de rut en tel efpouuantement de fa con- en quoi il fe porta fidèlement (2). Et
Dieu fur vn
de Bruges. fcience, qu'il donna manifeftcment à pour de tant plus protiter à ceux de
fa nation, il s acoulluma de faire des
conoillre à ceux de Bruges, que c'ef-
toit vn notable iugement de Dieu à voyages par la France, & de fubuenir
l'encontre de ceux qui le perfecutent. à ceux qui eftoyent deftituez de viande
& nourriture à falut , non feulement
par liures qu'il faifoit conduire , mais
auffi par viue voix de la prédication
& explication de ne
gile. Ses voyages la lui
vérité de oncques
furent l'Euan-
Philbert|Hamelin, de Touraine (i). en telle facilité & commodité , que le
feiour de Geneue, s'il euft regardé fon
Aprenons à l'exemple de celui qui nous particulier, car fouuent auec la perte
ejl ici proposé , de cercher tellement
la doêirine de la Vérité, que, quand de l'es liures, il retournoit après auoir
efté chaft'é ou emprifonné ; mais il
Dieu nous l'aura offerte , elle foit s'eftimoit tellement heureux, quand il
employée
non feulement à j'onceux
honneur, & à édifier
qui paifibleinent fortoit d'vn danger, qu'il lui tardoit
de n'eftre entré en vn autre (3).
s'y rengent, mais aufji pour y atti-
rer, fiauant que faire je pourra, les
rudes & ignorans, par toutes façons
(1) Palissy rapporte
noncé àla prùlrise qu'après
et au qu'il eut Ha-
catholicisme, re-
conuenabtes , & aujfi d'annoncer le melin fut mis en prison à Saintes, en i;46,
iugement de Dieu à ceux qui la re- et que , pour échapper au bûcher, il avait
nonceront, voire la mort prochaine , alors « dissimulé en sa confession. » Il se
comme ici je trouue que Haniclin a réfugia à Genève, où il fut reçu habitant
fait à vn Pre/lrc , qui auoit renié le 19 {uillct i;49. Il était marié. Le nom de
sa femme était Marguerite Cheusse. Il eut
lejus Chri/î, penjant prolonger ja d'elle au moins trois filles : Marthe, Louise
vie, &c. Exemple d'vn iugement de et Sara, dont les noms figurent dans les re-
Dieu, aujjï tojt exécuté qu'annoncé. gistres de Genève. L'une d'elles, lors de son
mariage, en 1572, est inscrite comme « fille
de feu M. Philibert .^nielin, martyr» {Bull.de
Qvoi que Satan ait feu braffer, & l'Iiist. du prot. franc., t. XI 1, p. 469).
(21 En 1552 et 1554, Hamelin , imprimeur
oppofer la rage des fiens contre la vé- à Genève, donna deu.x éditions du commen-
rité de l'Euangile, le Fils de Dieu a taire de Calvin sur les Actes des apôtres. Il
toufiours monllré que la vertu d'icelle imprima aussi, en i;;4, une édition de
eftoit par deffus toute puilTance , & VInstitution de la religion clirestienne. On a
divers autres ouvrages portant son nom.
qu'il n y auoit obllaclc qui peuft em- (;) '■ Parce qu'il avoil demeuré à Genève
pefcher l'œuure de ceux qui eftoyent un bien long temps depuis fon emprifonne-
C'eftoit durant ordonnez pour la publier. Et combien mcnt, & ayant augmenié au dit Genève de
les grans qu'en ce temps il femblaft que tout foy (."«c de doélrine , il auoit touliours un re-
feux. accès à la prédication d'icelle fuft mulé en mords de fa confcience de faite
confeffion ce qu'il
en avoil
celte diffi-
ville
fermé au pays de France, fi en a-il eu (Saintes), & voulant reparcrsa faute, il s'ef-
qui, furmontans toute difficulté, ont forçoit partout où il pafToit d'inciter les hom-
expofé leur vie pour annoncer aux mes d'avoir des niimllrcs, & de dresser
ignorans la voye de falut. M. Philbert quelque forme d'eglife , «Se s'en alloit ainfi
Hamelin, natif de Tours en Touraine, par le pays de France, ayant quelques fcr-
\iteurs qui vcndoyent des Bibles & autres li-
vres imprimés en fon imprimerie : car il
n'a pas efté des derniers en ce reng, s'cftoit defpreflré & fait imprimeur. En ce
après que de preftre ellant venu à faifant, il patfoit quelquefois par cède ville
meilleure conoilTance, il fe retira à & alloit auffi en Allcvert. Or, il elloitfi iuste
Gcneue pour prendre plus grande in- &homme
d'un lialtez
grandmal zèle, que ilcombien
portatif, ne voulutqu'il futl
iamais
prendre de chevaux, & encore que plufieurs
(I) Crespln, 1564, p. 85?; H70, 1^449; l'en
combienrcqueroycntqu il cuti d'une
bien debonne
quoy alTeélion.
moyennant,Et
IÇ82 , (" 408; IÇ97. f° 405 ; ''''9. <" 4!0- ^ur
ce martyr, voy. CEurrcs de Bernard PjUssj; li c'(l-ce qu'il n'auoit aucune efpce
ture : ains feulement un fimpie bâton à fa cein-
h la
édit. Analolc- France, Paris, 1880, p. i)j ,
et la corrcsp. de Calvin (XIV. (>i7). Son main, & s'en alloit ainfi tout feul fans aucune
prénom est écrit Philibert par Bèzc(l, 58), crainte » {Œuvres de Bernard Palissy, édit.
cl Philcberl par Palissy. Anatole France, Paris, 1880, p. !)))■
469
PHILBERT HAMELIN.

Façon nou- Plvsievrs fidèles ont dit de lui ,


ucile pour interrogué,
du Roi , il àfitl'inftance
confeffiondu deprocureur
fa foi ,
inllruire les qu'allant par le pays, fouuent il efpioit
payfans. l'heureleurquerefeélion
les gens, comme
des champs d'vne telle afTedion que fes aduerfai-
nent ils ontpre-
de
res eftoyentil contraints
Et depuis la rédigea d'en
par bien
efcritdire.
au
couftume, ou au pied d'vn arbre, ou à
l'ombre d'vne haye. Et là feignant fe long, & y adioufta les tefmoignages
repofer auprès d'eux, prenoit occafion, de l'Efcriture qu'il fauoit neceiTaires
par petits moyens & faciles, de les pour la confirmation d'icelle. L'ayant
inftruire à craindre Dieu, à le prier prefentee à fes luges & à tous ceux
deuant & après leur refeâion , d'au- qui l'abordoyent pour difputer, ils fu-
tant que c'eftoit lui qui leur donnoit rent encores plus eftonnez que de-
toutes Chrift.
Jefus chofes Et pour
fur l'amour
cela, il de fon Fils
demandoit uant ,de manière qu'ils cerchoyent
pluftort le moyen de le deliurer & lui
aux poures payfans, s'ils ne vouloyent faire chemin large que de paft'er ou-
pas bien qu'il priaft Dieu pour eux. tre,ioinift qu'il eftoit tellement aimé
Les vns y prenoyent grand plaifir &
en eftoyent édifiez, les autres eflonnez, au pays, qu'ils
fafcherie craignoyent
en leurs personnesd'en
(i).auoir
Ses
oyans chofes non acouftumees ; aucuns amis , d'autre part , lui prefentoyent
lui couroyent fus , pource qu'il leur plufieurs moyens d'euader. Lui , au
monflroit qu'ils eftoyent en voye de contraire , comme s'eftant dédié à la
damnation, s'ils ne croyoyentà l'Euan- mort pour vne iufte querelle, refufa
gile. En receuant leurs maudilTons (i) tous moyens , difant eftre chofe indé-
& outrages, il auoit fouuent cefte re-
monftrance en la bouche : « Mes cercenteauxàcelui qui laa fait
autres eftatded'annon-
parole Dieu ,
amis, vous ne fauez maintenant que d'efchapper & rompre les prifons pour
vous faites, mais vn iour vous le fau-
rez , & ie prie Dieu de vous en faire levert , & devant que partir, il pria ie petit
la grâce. » troupeau de l'alTemblée de fe congréger, de
Apres auoir continué cefte façon de
prier & de s'exhorter l'un l'autre : & ainfl
faire par quelque efpace de temps, s'en alla en Allevert, tendant à fin de ga-
en diuerfes contrées du royaume de gner le peuple à Dieu, & là eflant recueilli
bénignement par la grand'partie du peuple,
France, pour gaignergens à la vérité, fit certains prefches & baptifa un enfant.
Hamelin finalement il fut appelé au miniftre Quoy voyant , les magidrats de cefte ville
Miniftre. d'icelle en la ville d'Alleuert (2) en contraindrent l'evefque d'exhiber deniers
pour faire la fuite dudit Philebert, avec che-
Saintonge, en laquelle , voire en tous
les lieux circonuoifins , il fit grans vaux, gens-d'armes, cuifiniers & vivandiers.
L'evefque & certains magidrats fe tranfpor-
fruids , & édifia plufieurs en la doc- terent au lieu d'Allevert . là où ils firent re-
baptifer l'enfant &quine avoit elle baptifé par
trine de l'Euangile. Or comme il ef- ledit Philebert, le pouvans là attraper
toit pourfuiui
de Satan, il fut fans prins
cefl'e prifonnier
des fuppoftsà ils le fuivirent à la trace, jusques à ce qu'ils
l'eurent trouvé en la maifon d'un gentil-
comme malfaideur. homme, & ainfi l'amenèrent en fes
combien que cefle ville
œuvres
Saindes, ville capitale du pays, en l'an
mil cinq cens cinquante fept, & auec
lui vn Preftre , fon hofte , lequel il rendent certain tefmoignage qu'il eftoit enfant
de Dieu & diredement efleu. H eftoit li par-
fait en fes oeuvres que fes ennemis eftoient
auoit inftruiét à l'Euangile (î). Eftant
contraints de confelTer qu'il eftoit d'une vie
fainéle, toutesfois fans approuver fa doc-
(i) Malédictions. trine )i Bernard Palissy, Œuvres, p. ij;)-
(2) Arvert, dans la presqu'île du même (I) Palissy raconte qu'il intercéda en fa-
nom, aujourd'hui commune du canton de la veur d'Hamelin auprès de ses juges : u Des
Tremblade (Charente-Inférieure). La lettre lors qu'il fut amené es prifons de Xaintes,
de Calvin, accréditant Hamelin u aux fidèles
je prins la hardieft'e combien que les jours
difpersés en aucunes ifles de France " nous fulTent
a été consen'ée (Calv. Op., XIV, 657; Lettres monrtrerpérilleux
à fix desen principaux
ce temps-là)juges
d'aller re-
& ma-
franc.,
n vous leI, côgnoilTez.
407). " Quant
& deà l'homme,
nollre part>> dit-il,
félon giftrats
avoyent de cefte ville
emprifonné de Xaintes
un prophète , qu'ils
ou ange de
qu'il s'elt monllré
& a converfé avecicy nous
hommefainflement
craignant &Dieu,
fans Dieu, envoyé pour annoncer fa parole & ju-
gement de condamnation aux hommes fur le
reprehenfion
bonne doiSrine, && auffi
faine,qu'il
nous a netoufiours
doutons fuivy
pas dernier temps, leur affeurant qu'il y avoit
onze ans que je cognoilTois ledit Philebert
qu'il ne fe porte fidèlement pardelà, & ne Hamelin d'une {\ fainde vie, qu'il me fembloit
mectc paine à vous édifier. " Cette lettre est
du 12 octobre i\5;. que les autres hommes eftoyent diables au
regard de luy. Il eft certain que les juges
fait(;)quelques
« Or advint prièresun & jour, après
petites qu'il eut
exhortations ufèrent d'humanité en mon endroit & m'ef-
en celte ville, ayant au plus sept ou huit au- couterent bénignement : auflî parlois-je à un
chacun d'eux eftant en fa maifon 'i [Œuvres.
diteurs, ilprint son chemin pour aller en Al-
p. i!4).
LIVRE SEPTIEME.

4 70
crainte du danger, au lieu
vous ne profanez les prifons , afin que
maintenir, voire dans lesqu'il doit
flammes rien ne demeure impollu •■ » Le Geô-
lier aduerti de ce faid, tout furieux &
du fou , la do(5lrine qu'il aura annon- forcené, auec vn ballon au poing, fe
cée (1). N'ayant donc peu eftre amené
à ce poiniS , quelque remonflrance iette furleHamelin
lafTé de charger ;de& coups
après, le
s'eflre
mit
qu'on lui peuftbeaucoup
il profiteroit faire, Qu'ellant dehors
plus que par dans une balTe fofle. Non content de
fa mort d'aigrir d'auantage la rage de ce, en continuant fa rage, il prefenta
fes ennemis, il fut mené à Bourdeaux, le lendemain requefle à la Cour pour
au commencement de Mars, acompa- le mettre hors de fa charge, alléguant
gné du Preftre , & de grande compa- l'ade par lui commis, & qu'il aime-
gnie de gens de pied & de cheual. roit mieux auoir vn diable à gouuer-
Eflant es prifons de la Conciergerie, ner, voire que la perte eufl infedé
on le recommanda afin d'eflre mis à toute la Conciergerie, que Hamelin y
la table du Geôlier (2), & ne tarda demeurafl : n'ayant ia que par trop
gueres d'eftre mené deuant les Prefi- empoifonné les prifonniers de fa doc-
dens & Confeilliers, aufquels il parla
trine , qu'il appeloit malheureufe &
d'vne
role. grande vertu & efficace de pa- damnable. Qui defut lacaufe de l'enuoyer
Hamelin iette en la prifon maifon publique
AuiNT vn iour de Dimanche en nomme fainde Liège , en vne bafle
bas les ferrc-
mens de la fofTe oij il demeura huit iours, chargé
MeiTe. Karefme , qu'vn Preflre porta en la
prifon tous fes ornemens pour là chan- de fers fi pefans, que fes iambes en
ter MefTe, & les drelTa tous prells : dcuindrent enflées.
de quoi M. Philbcrt eflant auerti , QvELQVES iours auparauant ceci ,
efmeu d'vn zelc ardent, alla en cette s'eftant apperceu dequela le Preftre fon
part où eftoit le Preflre , & tira tout hofle flefchilToit vérité , il mit
ceft attirail par terre, 11 rudement que
les calice, chandelier & autres pièces toute peine de l'entretenir en icelle,
& le deflourncr de la crainte du dan-
de l'equippage furent mifes par terre : ger qu'il apprehendoit ; mais quand il
«lieux
Voulez-vous,
le Nom de» Dieu
dit-il,foit
« qu'en tous
ainfi blaf- fceut qu'il auoit renoncé lefus Chrift
tout à plat, il lui dit à fon parlement
& iour de fa deliurance : « O malheu-
phemé ? ilNefoitvous
temples tant fuffit-il
outragé,pas fiqu'es
auffi reux & plus que miferable, eft-il po(-
fible que, pour fauuer fi peu de iours
(i) 1" Veux-tu bien copnoiflre comment le-
qui vous refient à viure félon le cours
dit Philcbert crtnit de fainiîtc vlci' On luy de nature, vous ayez ainfi renié la vé-
donnoit liberté d'ellre en la chambre du geô- rité .''Sachez pourtant , combien que
lier & de boire & manger à fa table, ce qu'il vous ayez par voftre lafcheté euité le
fil pendant qu'il eftoit en certe ville : mais
après que, par plufieurs jours, il eut travaillé feu corporel , que la vie n'en fera pas
& prins peine de réprimer les jeux & blaf- plus longue; car vous mourrez auant
phcmes qui fe commettoycnt en la chambre moi , & Dieu ne vous fera la grâce
lugement en
admirable
du geôlier,
ne fc il fut corri^rcr
vouloyent li defplaifant, voyant
que, pour qu'ilsà
obvier que ce foit pour fa caufe , & ferez en d'vn Preftre.
la perfonne
entendre
Il fe faifoit unmenertel mal,
en foudain qu'il avoit
une chambre difné,
criminelle, exemple à tous les apoftats. » Il n'euft
pas pluftoft acheué fa parole , que le
& eftoit là tout le Ion;,' du jour tout feul, pour preflre , fortant de prifon , fut tué par
obvier les compa;^'nies mauvai'.es. Item ,
vcux-lu encore mieux favoir combien il che- deux gentils-hommes qui auoyent que-
minoit droilement ? Luy eftant en prifon, fur- relle à lui. Ce qu'eflant rapporté à
vinl un advocat du pays de France, de
quelque lieu où il avoit érlf^é une petite M. Philbcrt, il alternia n'en auoir ia-
cgiife, lequel «dvocat apporta trois cents mais rien feu, & que ce qu'il auoit dit
livres qu'il
voulull préfenla
de nuiifl au (,'eolier,
mettre pourvu qu'il
ledit Philebcrt hors eftoit procédé de l'Efprit de Dieu qui
des prifons. Quoy voyant, le peolier fut auoit conduit fa langue (à ce qu'il
prcfquc incité !i ce faire: toutefois, il de- voyoit) à lui prononcer fentence de
mande confeil audit maiftre Philebert, lequel mort. Sur quoi il fil vne exhortation
refpundant lui dift qu'il valoit mieux qu'il à l'inftant de la prouidence de Dieu
mouruft par la main de l'exécuteur, que de pleine de piété : laquelle cfmeut les
le mettre en peine pour luy » (Œuvres, confciences de plufieurs qui à cefte
P- 1)5)- caufe furent conuertis à la vérité.
11) Il y fut visité par André de Maziéres ,
oui avait dû quitter Bordeaux à la suite de
I exécution de. Monier et Decazes , et qui ,
n en présence du geôlier et de tous les pri- De ceste prifon de la ville, Hame-
son iers, leconsola cl le fortifia grandement ■■ lin fut ramené, le Samedi veille des
(Bèze, Hisl. ceci., 1 , 77)-
Rameaux (qu'on dit), en laconcicrge-
ARCHAMBAVT SERAPHON.

rie pour receuoir condamnation de la rent les premiers ; Archambaut les


Cour. Et combien qu'il feuft la mort fuyuit, & Du-Roujfeau puis après.
lui eftre prochaine, fi difna-il ioyeufe-
ment auec les autres prifonniers , te- Y AVRA-iL rudelTe , baflfe condition
nant propos de la vie éternelle auec
eux, confolant tous ceux qui eftoyent ou moyenne, qui puilTe empefcher les
hommes de paruenir à la doftrine de
à la table du Concierge. vie & eftre illuminez en icelle , puis
471
De là il fut mené en la chambre que le Seigneur en plufieurs perfon-
nes fe monftre iournellement tant li-
criminelle deuant les Confeilliers ,
lefquels il fupplia lui permettre auant béral en dons
fait ? Voici & grâces Seraphon
Archambaut qu'il leur,
toutes choies de prier Dieu. Ce que mercier, natif du lieu de Lamoleyere
lui eftant accordé, il fit vne prière au en Bazadois (i), qui le nous monftre
Seigneur autant ardente que longue , par effed. De fa demeure de Geneue
ayant toufiours les yeux au ciel. Et
s'eftant acheminé pour aller en France,
enuiron quatre à cinq heures du foir, fut à fon retour conftitué prifonnier
fon arreft lui eftant prononcé par vn l'an M.D.Lvii. en la ville de Dijon,
Huiffier de la Cour, fut trainé au
Parlement du Duché de Bourgon-
temple de faind André , ne fait-on fi gne, & Dieu lui fit ceft honneur de
là il fut dégradé. Ce fait , on le ra- triompher contre les fages de ce
mena deuant le Palais , lieu ordonné monde , voire & de furmonter la puif-
fance de la mort horrible , auec les
au dernier fupplice. Et afin qu'il ne
fuft entendu de perfonne , les trom- deffus nommez, dont il fait mention
pettes fonnerent fans cefler , tant y a en fes lettres efcrites à fa femme & à
neantmoins qu'à fa contenance & gef- fes amis, lefquelles nous auons extrai-
tes on iugeoit qu'il prioit tes , pour cognoiftre, non feulement
continuellement les yeux en ,haut.
iettantIl
l'hiftoire de fa prife , mais auffi la
fut eftranglé, & puis fon corps réduit
en cendres , le iour fufdit , veille des procédure de la condamnation & exé-
Rameaux (i). trescutionaftes
de fesiudiciaires
compagnons, puis qu'au-
concernans les
interrogatoires
paruenus iufques& à refponl'es
nous. ne font

Ma trefloyale efpoufe, ie vous en-


Archambavt Seraphon , de Lamo- uoye mes humbles faluts, fans oublier
leyere, en Bazadois. les beaux petis enfans que le Sei-
gneur nous a donnez , & auffi mon
Philippe Cène, & Iaqves fon com-
frère & fa compagnie, & les deux frè-
pagnon, Normans, &
res que fauez , entre les mains def-
M. Nicolas Dv-rovsseav , Angoul- quels ie vous recommande , les priant
raois (2).
qu'ils feruent de père aux poures pe-
tis, comme ils ont monftre par ci de-
uant. Ma bonne amie, ie fai bien que
Ces quatre Martyrs ejîans d'vn me/me ces nouuelles vous feront fafcheufes,
temps prifonniers, & puis exécute^ à
Dijon, font qui
ici conioints à caufe du lien d'amitié entière que
que les deux ont efcrit,: d'autant
ajfauoir que me portez, & qui eft entre nous ;
Archambaut & Du-Roujjeau , ioi- mais, ie vous prie , confolez-vous au
gnent & entrelajjent l'hijloirc d'eux Seigneur auecques
rai à plaifir moipeux
, fi ie le que l'au-
: ce entendre.
tous enfemble. Ils furent apprehen-
Conoiflez , trefloyale efpoufe , que le
de\ l'vn après l'autre venans , & ont
tiré à quatre iufqucs. dedans Dijon le Seigneur m'a créé en ce monde pour
chariot de la vérité de l'Euangile , m'employer à fon feruice, & qu'il veut
maugré les luges & le parlement de qu'vne partie de mon temps foit em-
ladite ville : Philippe & laques fu- ployé en chaînes & prifons pour tef-
moignage de fon Euangile & pour mon
(i) 11 faut lire dans Bernard Palissy {Œu-
la vievres, religieuse
p. i;8) l'admirable tableaucommunautés
des petites qu'il fait de (i) Ce nom est écrit la Molsière par Bèze.
fondées par Hamelin, et particulièrement de Nous ne le trouvons pas dans les diction-
celle de Saintes. naires géographiques. Le Bazadais était un
petit pays de l'ancien ^gouvernement de
(2) Crespin, 1564, p. 847; 1570, f» 450; Guyenne et Gascogne , dont Bazas était la
1582, fo 409; 1597, f" 406; 1619, {' 4J9. capitale.
472 Et par là pouuons conoiftre le
falut.
grand honneur que le Seigneur me
LIVRE SEPTIEME.

ville, i'ai oui nouueiles de vous deux , Archambaui


i
fait, à moi, di-ie , qui ne fuis rien, de qui m'ont d'vn cofté contriflé , & puis ^"""' P.*'"''''
grandement efioui de ce que i'ai en- efcrità^NTcolasl
me vouloir cfleucr à vn degré fi haut tendu que le Seigneur vous auoit fait & laqucs
& fi excellent : de quoi ie lui ren
grâces iour & nuid , & ainfi deuez de
fon grandes grâcesdeuant
faind Nom : c'eft les
de hommes.
confefl'er prifomiiers.
vous faire de voflre part , enfcmble
le vous di que i'ai auffi efté marri,
tous mes frères & bons amis. S'il pource que l'vn membre ne peut fouf-
vous efloit poffible me faire fauoir de
frir que l'autre n'en foit participant.
vos nouuellcs , ie di ioyeufes , ce me le vous prie, perfeuerez en voftre
feroit vne grande confolation & allé- fainft propos, & ne craignez ceux qui
gement d'efprit , car le plus grand tuent le corps, & puis ne fauent plus
fouci après vn , qui eft de feruir au que faire, &c. Il y a vn héraut de nos
Seigneur, c'eft de vous & des petis magnifiques Seigneurs qui a efté ici ,
enfans qu'auez en charge, pource que & vous le fauez; & défia on a enuoyé
ie fai qu'elles indigente ; mais i'ai ef- au Roi , dequoi vous-vous deuez efti-
perance que le Seigneur, qui a tou- mer heureux de ce que voftre confef-
tes richeffes en fa main , y pouruoira; fion fera prefentee deuant les grands
& combien qu'en cela ie me repofe , de la terre. Et quant à moi, i'efpere
fi faut-il que ie confelfe que mon in- que l'en porterai bonnes nouuellcs à
firmité-, ou plufioft desfiance, m'en fait l'Eglife , & :que
refiouirons tous enfemble
toutesfois ie ne fainous
en
plus fouuent fouuenir que ie ne vou-
droi; & fur cela ie vous prie, & tous quel reng Dieu me referue ; mais
mes frères , que m'aidiez par prières. quoi qu'il auiene , il faut toufiours
Il faut encores que ie vous die vn au- auoir vn pied leué pour marcher là
tre mien regret , c'efl que i'ai encores où le Seigneur nous voudra employer.
vn de mes membres efgaré de l'Eglife, le vous laift"e vne paire de petis
alTauoir noftre fille que fauez. le Pfeaumes: ie ne fai s'ils paruienclront
vous prie , & tous mes proches, que à vous. «
Ck faiél, ie charge mon paquet, &
vous la retiriez & qu'y faciez voflre
deuoir, & l'œuure fera agréable au m'acheminai vers Geneue fort ioyeux,
Seigneur. le me fie que fon fécond en pfalmodiant tout feul , & ce mefme
foir ie fu prins à Auffonne, pource
pcre & fcs deux oncles s'y voudront
employer, de quoi ie les prie ; & auffi que ie fu vilité & trouué faifi de let-
ie prierai le Seigneur qu'il les y tres de quelques cfcholiers de Paris.
vueille pouffer & conduire. Ainfi foit- De là ie fu ramené en cefte ville , où
il. Quant à mon emprifonnement en ie fuis auec mes frères. le vous ai
cefte ville de Dijon, ie le vous vai bien voulu efcrire ceci, ma femme, &
dire. Vous deuez entendre qu'ayant à tous mes frères , afin que conoiffiez
fait mon voyage de Paris (grâces au comment le Seigneur meine les affai-
Seigneur) efiant chargé d'vn bon pa- res, tune,
& quecomme ce difent
n'eft pas de cas mais
de for-
quet de marchandife, que i'auoi ache- aucuns, tel
tée par l'aide de nos amis, que le Sei- que le Seigneur a preueu de long
gneur me fufcita, lefquels pour ce me temps en fon confeil eftroit , voulant
auancer les bornes de fon Eglife. Or
prefloyent argent : c'eft afiauoir l'vn maintenant ie retourne à vous , ma
vingt liures & l'autre dix efcus, comme
vous fera dit (furquoi ie les prie me bonne compagne, & vous exhorte de
pardonner & auoir mes enfans en re- vous gouuerner fagement en la crainte
com andation ,veu ce qui eft ad- du Seigneur auec nos enfans. le fai
uenu). Ayant cela fur mon col pour qu ..
à ceci• ili n •eft n •la Lbefoin
1- ■, grâces à. Notez
rauenirpour
gagner ma vie, ie m'enuenoi vers vous, Dieu, de grand papier, pour ce que ie
envcndantparvilles iufques encefte-ci, conoi voftre zèle ; mais tant y a que
où i'entendi qu'il y auoit de nos fre- vous-vous chargez de trop grande fo-
litude , qui vient en partie de des-
fciEru'rs''dc ■■" Prifonniers, â mefme le héraut fiance ou faute de foi ; & fi fauez que
Gcncue. '''^ "T-'S feigncurs y cftoit, mais ie ne
parlai point à lui. Le lendemain qui cela vous nuit , pource que voftre
eftoit vn Dimanche , ie m'efforçai de complexion eft débile. le vous prie
les fortifier par lettre que ie leur cf- que gouuernicz bien vos petis enfans,
criui, laquelle contenoit en fomme ce tant que Dieu vous laitTera auec eux,
les endodrinant , fur toutes chofes,
qui s'enfuit.
"Treschers frères, paflTant par cefte en la crainte de Dieu. Que s'il leur
ARCHAMBAVT SERAPHON. 473
baille iugement & conoiffancé , il leur
tendu qu'il eft aduocat à Paris ; mais m.d.lvh.
foiiuiendra de la caiife pour laquelle à tout le moins il eft fauant & en plu-
' i'endure. le penfe prendre fin ici bas, fieurs fciences, comme loix & autres;
affauoir
enfeignentpourleurl'Euangile
femence , àafin qu'ils
venir, & i'efpere que ce fera vne forte tour
pour tenir fon quarre , car il fait le
que detions, lelignée iufqu'en mille quatriefme auec nous. Il y a bien
Nom du Seigneur foitgénéra-
bénit, auffi vn ieune garçon pour faire le
conu , loué & glorifié. cinquiefme; mais il eft fort infirme : ie
Or ie toucherai ici vn mot de ce lailfe le tout entre les mains de noftre
dont vous m'auez fouuent parlé eftans Dieu. Nous auons mangé & beu tous
en vne table deux ou trois iours, mais
enfenible : c'eft , fi le Seigneur m'ap-
peloit deuant , que iamais homme ne
La c'efloit quafi fans s'ofer regarder l'vn
ou afolicitude
le marivous tferoiti rienr en rmariage.
r Je vous prie, l'autre. Depuis on nous a tous fcpa-
de fa femme- ^^ loyale efpoule , Il vous voyez que rez, pource que ne voulons participer
puiffiez mieux viure au feruice du
Seigneur efiant mariée , que vous le aux grâces que difoit le fils du Geô-
faciez, & que ne laiffiez pas pour cela , lier :pour ce, di-ie, on nous a enfer-
rez, & moi plus eftroitement que les
moyennant que le Seigneur vous pre- autres. Mais ie ne laiffe point de
fente quelque homme de bien , ayant
fa crainte & la charité enuers vous & prendre courage en ma cachette, chan-
tant les louanges du Seigneur à pleine
mes enfans. Et poflible que cela vous
voix. Aft'eurez-vous qu'il y a ici des
pourra faire viure plus aifément , veu gens de bien, & qui nous aiment,
les maladies aufquelles vous eftes fu- ainfi que i'ai oui dire , mais ils font
iette , comme fauez. Et auffi vous tant craintifs que merueilles, & mefme
n'eftes pas encores gueres aagee. Et Dieu m'a baillé vn luge qui m'a monf-
par ainfi il me femble que ferez bien ;
toutesfois vous auez bon confeil au- amitié, & ne m'a interro-
gué grande
tré que fur lefdites lettres & du lieu
près de vous , c'eft à dire la parole de ma refidence : item, fi ie trouuoi
du Seigneur , & auffi vos amis & les ma loi bonne, & fi ie vouloi viure en
miens, qui vous fauront bien adreffer.
Et ie prie iour & nuift fans cefle le icelle. le lui ai refpondu qu'elle eftoit
bonne, & que telle la trouuoi. Lors il
me dit fi ie vouloi viure & finir mes
Seigneur qu'il vueille eftre voftre mari ,
conduâeur en tout & par tout, & père jours en icelle : ie di que ie vouloi
adminiftrateurdespoures petis enfans, viure & finir mes iours en la confef-
& qu'il face que nos bons amis & frè- fion de cefte Loi . pource qu'elle eftoit
res en foyent fes inftrumens. Je vous félon l'Euangile du Seigneur.
Il entend aduife que les frères, depuis que le
Ie ne fai comment il en ira : on m'a
Philippe & Seigneur m'a amené ici , fe font tous dit qu'il faudra encore refpondre de-
Jaques. efiouis , & moi auffi ; & combien qu'il
nous foit défendu de parler aucune- uant les grands Dofteurs , & là i'ef-
ment enfemble , fi ne nous peut-on pere bien qu'il
aux armes de lafaudra
foi : àmettre la mainie
cefte caufe
empefcher de communiquer quelque requier eftre fecouru par vos prières;
peu. Et pour nouueau refraifchilfe- & quelque rude ou cruelle fentence
Il entend ment , deux iours après moi fut prins
audit AulTonne vn grand homme noir, qu'on me forge , aft'eurez-vous que ie
Du-rouffeau. ne ployerai pas les genoux deuant
graifle , eftant à cheual , venent delà Baal. Vous pourrez monftrer la pre-
Laufanne & Neufchaftel (i), acompa- fente aux femmes de mes confrères
gné de deux ou trois ; mais le Sei- en l'œuure du Seigneur, qu'elles
gneur n'a voulu
aller les autres que ceftui-ci.il On
, comme eft laiffa
dit : s'efiouyfl"ent , car ils font bonne chère
& ont prins nouuelles forces , & fe
u Deux feront au moulin, l'vn fera font efiouis à ina venue. S'elles efcri-
prins & l'autre lain"é. » Et ce noble uent. ce leur fera vn fingulier bien. le
perfonnage fut incontinent mené vers vous di lettres ioyeufes au Seigneur
nous : vous diriez que c'eft vn Ange & fortifiantes. Helas! il a efté quel-
que Dieu nous a enuoyé, tant il eft
que temps que mefdits frères & moi
fauant. Je n'ai encores peu fauoir s'il n'auons efté enfemble, & n'ofions par-
eft gentil-homme, marchant, aduocat, ler l'vn à l'autre , finon par regards
ou efcholier. Bien ai-ie vn peu en- affe(5lueux , leuans les yeux au ciel ,
auec foufpirs au Seigneur. Mais pour
on |i)liraIl las'agit de unNicolas
notice du Rousseau,
peu plus loin. dont cela ne foyez en trifteft"e , car Dieu
befongne pour le meilleur. Et ie vous
474 LIVRE SEPTIEME.

prie, femmes, enfans & amis, foyez


loyeux au Seigneur, & plus grand
plaifir ne nous pourriez faire auec Autre lellre à la me/me & à fes amis.
prières, car tous quatre (grâces à
Dieu)auons bonne volonté de mar- Tresloyale efpoufe , & vous mes
cher enfemble au facrifice , quand il trefaimez frères , fans oublier nos
plaira au Seigneur nous y appeler.
Ma bonne amie, ie vous ai bien voulu fœurs & amis , i'ai par la grâce de
Dieu receu ce bien pour vous prefen-
ici toucher de mes plus grands foucis,
ter mes dernières falutations , n'efti-
pource que ie ne fai fi ie pourrai plus mant plus, félon mon apprehenfion,
auoir la commodité de vous efcrire ; vous en enuoyer, pource que ie penfe
d'autre part, que ie ne que Samedi prochain fera noftre der-
chofe deuant les yeux, puis (inonauoir
vne autre
om- nier iour tant de moi que noftre frère
bre de mort, mais c'eft pluftoft pallage Du-rou(Teau. le vous ai ci deuant roulTeau.
à la vie , laquelle nous eft préparée , M. N. Du-
& pource ne fera point mort , mais mandé comment le Seigneur m'auoit
baillé vn luge lequel monllre fem-
paflage à vie. Nous tous enfemble
prefentons nos humbles faluts à mef- blant de me fupportcr. Et de fait i'ai
efté deuant lui par trois fois , à chaf-
fieurs les Miniftres, nous recomman- cune defquelles il eftoit feul auec vn
dans à leurs fainftes prières , & qu'ils homme de fimple qualité tt vn clerc
induifent tout le peuple à prier pour
nous de cœur & d'afTedion ; car nous pour efcrire. Il m'a interrogué touf-
en auons bon befoin. Et auffi de ma lours mollement , tournante l'entour
part, à tous les Diacres & autres du pot , & voire m'aidant lui-mefme à
trouuer efchappatoires les plus hon-
Anciens de l'Eglife, vous recomman- neftes qu'il lui eftoit poffible d'inuen-
dant à leur fainde charité : bref, à
ter , & m'a tenu ainfi l'efpace de
tout le corps de l'Eglife. quinze iours en grand trouble & ten-
VosTRE mari & efpoux
tation de confcience. le m'en fuis
Archambaut, celui que vous confeillé à mes frères , & mefmes à
fauez.
noftre frère Du-rouft'eau, qui eft homme
Et au delTous de la lettre eftoit de fauoir : ils m'ont confeillé d'atten-
dre en patience, moyennant que Dieu
efc rit :
Mes frères, ie vous prie, au nom n'y fuft ofîenfé , & qu'il ne me falloit
point auancer de moi-mefmes témé-
de Dieu, aprenez, aprenez les Pfeau- rairement & fans eftre interrogué,
mes, cependant qu'auez le temps & le puis que Dieu m'auoit baillé vn Com-
loifir ; car quand vous ferez appelez milTaire qui fauoit toute mon inten-
aux prifons obfcures{ie di quand le
Seigneur fe voudra feruir de vous) , fidèletion ,&voire
bon &auxqui a le debruit
enfans d'eflre
Dieu. De
lors vous n'aurez pas le liure deuant ma part
vous en groffe ne petite lettre , pour bien les ,fainéles
ie fai bien qu'il entend
Elcritures; mais ilfort
en
regarder quel couplet fuit l'autre. Et vfe enuers moi comme fit Pilate en-
ie vous auerti de ceci à ma grande uers noftre Seigneur Jefus Chrift, de
honte & vergongne ; car fi ie vouloi peur de perdre fon eftat.
dire que ie n'en euffe elle aduerti de Or, mes frères, vous deuez fauoir
long temps, vous fauez du contraire.
Et maintenant ie ne fai que faire , que le iour d'hier, ii. de ce mois, vint
céans vn gros Abbé, nommé monfieur
finon m'humilier deuant le Seigneur, de Cifteaux (qui a ci-deuant prefché
lui criant : Mifericorde, mifericorde ,
aft'ez purement, comme on dit, mais
Seigneur, aye pitié de moi. Que bien
heureux eft celui qui fait prouifion de depuis qu'on luide a douze
en la bouche, baillé mille
vn gros os
francs
Confolation foi <k de fcience , comme d'huile à la pour an, il eft pire qu'vn diable), acom-
enuoycc de venue de l'efpoux ! O mes amis , ie pagné de gens de fa forte en bon
Dieu. vous auife , combien que le Geôlier équipage, pour interroguer it con-
s'efforce de toute fa puiflance de me ueincre noftre frère Du-roufteau ; mais
faire endurer, fi efi-ce que le Sei- ils furent renuoyez par la grâce de
Dieu auffi vuides comme ils y eftoyent
gneur
lationm'afpirituelle
enuoyé, voire
prouifion
& de dela viande
confo-
venus. Ils n'y demeurèrent gueres,
corporelle en abi^ndance , A pcnfe
pource qu'on
defiuné preft difoit qu'ils auoyent
en quelque le
maifon de
qu'il fera pluftoft lalTé de m'artliger
que moi de l'endurer. cefte ville qui les preft"oit. Et fur cela
475
ARCHAMBAVT SERAPHON.

on me vint dire en ma prifon , que le auec moi. Mefmes le Geôlier, qui eft m.d.lvii.
penfaflfe à moi, puis que telles gens le plus dur du monde à rencontre des
de telle qualité eftoyent après noflre fidèles, ne peut tenir fi belle conte-
dit frère. Ceft auertilîement me fit
nance qu'il ne s'en allatl derrière vn
grand bien, car combien que ie ne tapis pour torcher fes yeux : ie ne fai
fiffe que fortir de me leuer de ma fi c'elloit de pitié ou de rage, car il
prière, ayant commencé vn Pfeaume, auoit oui & entendu toutes mes ref-
incontinent ie redouble ma prière , ponfes, lefquelles furent couchées par
pour fecourir mon-dit frère, à ce qu'il efcrit
critureauec bons Car
fainde. tefmoignages de l'Ef-
mondit iuge qui
pleuft au Seigneur lui affifter, & don-
ner dequoi pour repoulTer telles maf- entend mieux que moi , s'eflforçoit de
ques extérieures. Apres on me vint tout fon pouuoirt à bien coucher les
quérir, pour la quatrième fois , pour tefmoignages & pafTages qui feruoyent
aller deuant mon luge, ayant fon à la iuftice de ma caufe , lefquels il
homme auec lui, & vn cler tant feu- auoit en meilleure fouuenance que
lement ;mais notez qu'à chacune fois moi. Dequoi lors ie prenoi grand
il changeoit de clerc. Venu deuant plaifir, & le louoi de cela en fa pre-
lui , il me prefenta le ferment de dire fence, lui difant ainfi : « O qu'il y en
vérité, ce que ie promis, & priai le a bien qui fauent & entendent, mon-
Seigneur qu'il m'en fift la grâce. Et fieur, pleuft
incontinent du premier coup il toucha en fiffent leurau profit
Seigneur Dieu euffiez
I » Vous qu'ils

au blanc, ce qu'il dit qu'il s'efforçoit de bien coucher


uant, & moi alors n'auoit
leuant fait au para-
les yeux au toutes allégations pour iuflifier ma
ciel deuant lui, ie di : « O Seigneur ! caufe deuant les autres. Et de faid, La fuite de
affifte-moi maintenant, afin que, félon ie ne doute pas que le poure homme &'jo|}"de'fen-
la mefure du S. Efprit que tu me n'ait fait tout fon pouuoir enuers moi, dre eil efpece
donnes, ie puiffeteflilier de ta vérité. » & mefme, quand ce vint à iuger les de trahifon.
le fus interrogué fur l'inuocation deux frères, il s'enfuit aux champs.
des Sainds trefpaïTTez ; puis fur le Pur- La dernière demande fut, comme
gatoire & fur la Confeffion auricu- i'ai dit, fur la puiffance du Pape, à
laire, & pour le dernier poinft, fur la laquelle ie refpondi ainfi : « le penfe
puiffance du Pape. Voilà fur les fermement que c'efl celui duquel
poinds fur lefquels i'ai efté oiii, car il parles. Paul aux Theffaloniciens , »
fe haftoit & fembloit qu'on nous vou- & auffi tort il eut le paffage en main.
luft depefcher ce iour-là , comme vn Sur cela, ie me mis à regracier Dieu,
chafcun fe doutoit , car nofdits frères en fa prefence, difant ainfi : « O mon-
Philippe & Philippe & laques furent ainfi prins fieur, que ie fuis ioyeux, de ce que
Jaques. ^^ defceu de tous, iufqu'à l'heure le Seigneur vous donne fi bonne intel-
qu'ils receurent fentence. Et de faid, ligence&, auffi ie l'ai fort prié qu'il
mondit luge demanda quelle heure il vous affiftafl & conduifift par fon Ef-
eftoit, & lors ie lui di : « Comment,
prit en cefte caufe, & l'en voi vn effet
-monfieur, eft il auiourd'hui noflre quand vous couchez fi bien les cho-
iour? n lequel me refpondit : « Nenni,
nenni , Archambaut mon ami, vous fes. Il 11 me
refpondi : « dit que oui,
Oui, ie lesmonfieur,
fignafl"e. le
ie
n'eftes pas encore là. » Et ie di : « le les vai figner, voire de mon propre
ne fai , monfieur ; on pourroit bien
fang plufloft que d'ancre. » Et cela
dire que non, pour nous bailler quel- fait,
que ioye ; mais quant à moi, ie fuis Oril s'en alla.
maintenant, ie vous demande,
toufiours donner
prefl, grâces& àmaDieu, d'aban-la mes frères : Tel homme ne fe coupe-il
mon corps vie pour pas de fon propre glaiue } le vous di
gloire du Seigneur & pour fouflenir fa
qu'à ce Geôlier, qui m'auoit efté au-
vérité, le ne doute point de mon fa- parauant comme vn lion, rugiflTant fans
lut, car il m'eft acquis par la mort & celfe contre moi, en forte que tous les
paffion de noftre Seigneur lefus prifonniers en eftoyent efbahis, main-
Chrift. « Et puis ie di : « O Dijon, tenant le Seigneur a amoli le cœur &
n'es-tu pas encore contente du fang m'eft fort doux. Et de fait hier au foir
innocent des poures il me vint mener en ma prifon lui
iouftai plufieurs autresfidèles
bons .''mots
» l'ad-
de
grande efficace que le Seigneur me mefme, & s'efforça de me confoler de
fon pouuoir, me difant ainfi: « Ne vous Confolation
mettoit en la bouche, tellement que
tous eftoyent contraints de foufpirer fouciez, Dieu vous aidera, & n'auien- que donne le
dra pas (poffible) ce que vous penfez, Geôlier,
LIVRE SEPTIEME.

476
car n'eftimez-vous pas qu'ils diront : Je penfe que fl le Seigneur difoit
(comme il le nous dit iournellemcnt à
« C'cft vn poure compagnon mercier la vérité, fi nous le voulons entendre);
qui palToit ; il n'a point prefché fa loi
à perfonne ; il cft & demeure en cefte Mon fils, ie te veux mettre en Para-
loi-là .' Confolcz-vous. » le lui ref-
dis auec moi & mes Anges, il s'en
pondi : « le fuis bien confolé, Dieu trouueroit qui diroycnt : O ie ne le
merci, & preft de receuoir ce qu'il lui veux pas encores, laiffe-moi ici vn peu
iouir de mes biens, de ma femme, de
plaira m'enuoyer : fi c'eft vie, vie ; fi
c'eft mort, mort. » Et fur cela, il me mes enfans & amis, & puis, quand ie
dit : « Bon foir, » priant pour moi ferai vieil, tu feras ta volonté, & fi
en s'en allant, & moi pour lui, qu'il eft-ce qu'en vieillelTe on eft le moins
pleurt au Seigneur lui faire miferi- preft,
corde. Mes frères, vous ne pourriez difent car: O c'eft alors
ie fuis vieilque les craintifs
, caduc & mal
iamais croire la grande affillance que fain. Je ne pourroi porter la prifon,
noftre Dieu efpand fur nous, par la- les fers ni le feu, i'aime mieux flefchir
quelle nous fonimes fi ioyeux & fer- vn peu , & Dieu aura pitié de ma
vieilleffe. Voilà comment chacun fe
mes, qu'il nous femble que la mort,
les glaiues & le feu ne nous font rien.
Mefmes tous les prifonniers de céans flatte, tellement que c'eft vne groft'e
en font tout efbahis, & font contraints pitié auiourd'hui : chacun le void &
le confefTe , it cependant Satan leue
de donner louange au Seigneur de les cornes, & fe dit maiftre, mais il
cela. A la vérité , n'auons-nous pas en aura faufl"ement menti , lui & tous
raifon de mener ioye & rendre grâces
les fiens, car i'efpere que de ceux
au Seigneur, pour le premier, de nous
auoir exaucé en nos requertes, & de qu'il efpie & aguette, il en perdra ici
vn grand nombre. Et pour cefte caufe,
s'eftre voulu feruir de nous pour rele- mes trefchers frères , aue chacun y
ver & redreffer nofdits frères ? Quant
penfe, & qu'on trauaille pour aug-
au ieune garçon, il s'eft lafché la bride menter l'Eglife du Seigneur. Et fi
à nier le Seigneur, fous ombre de quelquq iour il vous prefenle vne telle
quelque ieunelTe qu'on lui a propofé, mort que celle que ie penfe endurer,
(X de fait, a nié tout quafi auec exé- alors vous pourrez dire auec le Pro- Pf. 16 8
cration, difant qu'il ne conoiffoit les phète : « Que voftre part vous eft cf-
autres, finon du chemin. Si n'eft-il cheuë au plus beau lieu de l'héritage,»
pas trop ieune, car il a plus de vingt & pour cefte caufe, ie vous prie ne
ans craignez point. Or ie retourne à vous,
Dieu: illuifortira
face d'ici, & s'en
conoiflre va à Paris.
fa faute. ma trefchere efpoufe. Je vous prie,
Or , mes chers frères & fceurs , ne vous fafchcz point, afin que le Sei-
pour vn dernier congé, ie vous veux
gneur n'y foit off'enfé. Il eft vrai que
admonncfler , & prier tous , que fuy- le lien de mariage eft grand ; mais no-
uiez la fainfte parole du Seigneur de tez, ma bonne efpoufe, que cefte fe-
cœur & d'affeaion, que pas vne feule paration fera heureufe & digne de
heure ne foit perdue, mais employée louange au Seigneur, & pource vous
à prefchcs, prières, leâures, en ren- vous en deuez pluftoft efiouir que con-
dant grâces & louanges au Seigneur trifter. Quant à mes principaux afai-
par Pfeaumes & prières. Et quand il res, ie vous en ai ia aftez mandé, &
fe voudra feruir de vous en quelque pource ie ne veux tourner paflTer le
endroit, qu'il n'y ait aucun qui recule filet
ou fouruoye ; car, puis que nous fom- toutes parmi l'efguille
mes afaires fur ,noftre
car bon
i'ai Dieu.
roulé
mcs fiens, c'eft bien raifon qu'il ait Ne dites pas que le voyage & les let-
cefte authorité enucrs nous de difpo- tres en font caufe , car le Seigneur
fer de nous comme de la chofe fiene
auoit preucu ceci, des que fa main
tutrice me reccut fortant du ventre de
à fa volonté. L'homme qui n'eft qu'vn
ver de ferre. & moins que rien, aura ma mère. Confolez-vous donc au Sei-
bien le crédit de difpofer de fon fer-
uiteur à fon plaifir fans contredit. Av reftc , vn ieune homme eft ici Idolâtrie
d'or);ueiI.
acompagncc
Mais qui fera fi miferable, qui voudra gneur.
venu, braue & glorieux en idolâtrie,
difputer A plaider contre fon créateur. > ayant vn pourpoint de velours t^' au-
fl f ft-ce qu on en trouuera qui diront : tres acouftremens bouffans , pource
Excufcs fri- J'ai ma femme, & l'autre dira : J'ai
uolcs. que c'cftoit le iour noftre-dame (qu'ils
mes enfans, & l'autre viendra alléguer aifent), & bailla en ma prefence quel-
fa ieuneft"e & tant d'autres folies, &c. ques deniers aux prifonniers, leur di-
477
ARCHAMBAVT SERAPHON.

fant : Dites Un falue deuant noftre demande, & i'aime mieux que mon m.d.dvh.
dame pour moi. Cède leur dame eft corps foit expofé aux tourmens du
vn marmoufet efleuci en ces prifons , monde, que fi mon ame eftoit en la
deuant lequel ces poures gens hurlè- géhenne du feu éternellement. Vous
rent fort pour les petis prefens. Il fauez qu'il a dit : « Qui me niera deuant
les hommes, ie le nierai deuant Dieu
fembloit qu'il y fuft venu plus pour
voir la contenance que ie tiendroi mon Père,» &c. En outre, il a auffi dit:
« Ne craignez point ceux qui tuent le Matth. lo. 28.
qu'autrement.
venin Et de
en fortant, car fait il monftra
il dit que fi l'on
fon corps, & puis ne fauent plus que faire,
père propre efloit Luthérien , que lui mais il faut craindre celui qui peut
mefmes le feroit hrufler. O quelle con- tuer & l'ame & le corps, & mettre le
tout au feu éternel.» Mon falut (Dieu
folation ceflui-la m'apportoit I Tref-
chere efpoufe & vous mes frères , ie merci) m'eft acquis par la mort de
vous di A-dieu, vous priant prefenter noftre Seigneur Jésus Chrift, l'en fuis
mes derniers faluts à tout le corps de
afteuré,
me veut& mettre maintenant ie voi biendequ'il
en polTeffion ce
l'Eglife.
Voftre bon mari, falut. » Puis en regardant mes mains,
A. Seraphon. ie di : « O chair 1 il faut que tu en-
dures, & que tu t'en ailles en poudre
iufques au dernier iour. »
De làcession ondes fainds
m'interrogua De l'intercef-
; & ie fur l'inter-
di que les fion des fainias.
S'enfuyuenl aucuns interrogatoires
qu'on fit à Archambaut Seraphon, fainds trefpan"ez eftoyent bien-heu-
fur cinq poinds de la Religion. reux, d'autant qu'ils auoyent porté la
parole de Dieu , & eftoyent morts en
Premièrement on demanda, Que icelle, tout ainfi que maintenant il y a
De la S. Cène, ie croyoi du Sacrement ? R. n Ce que plufieurs fidèles qu'on fait mourir pour
nous en eft monftré en l'Efcriture icelle Parole. Quant à l'interceffion
fainde. » D. » Dites donc ainfi que des fainds, d'ouyr nos prières & les
vous en croyez. » R. « Monffeur, ie prefenter à Dieu , il n'en ef^ rien.
di que noftre Seigneur Jefus Chrift , D. « Raifon. » R. « Pource qu'il eft
faifant fa Cène auec fes difciples, dit qu'ils font maintenant en repos.
print du pain & du vin, & rendit grâ- Or s'ils font en repos, ils ne fe char-
ces à Dieu fou Père , & puis rompit gent de cela , veu que nous auons vn
le pain & le diftribua à fes difciples, bon Médiateur & Aduocat, noftre
difant : «Prenez, mangez, ceci eft mon
Seigneur lel'us Chrift le Jufte, comme
corps qui eft rompu pour vous. » 11 il eft dit en faind Jean. Lequel lui-
mefme a dit : " Venez à moi vous Matth. n. 28.
print auffi la coupe , & la leur pre-
fenta, difant : a Voici mon fang ,
tous, &c. )i Ce Commiflaire m'enten-
beuuez-en tous, & le départez entre doit à demi mot, & le faifoit ainfi cou-
vous ; toutes fois & quantes que ferez cher par efcrit. Puis retourna à cefte
ceci en mémoire de moi, i'y ferai. » Ce defcente de Dieu en l'hoftie , & ie lui
qui eft vrai, Monfieur, mais cela fe alléguai le Symbole des Apoftres , &
doit entendre fpirituellement, & quand le 2. des Ades; & di que le Seigneur
nous prenons le pain & le vin en la n'auoit plufieurs corps, mais que celui
Cène, tout ainfi que le corps reçoit qu'il auoit , faloit qu'il occupaft place,
le pain & le vin, auffi nos âmes re- &au que
çoyuent par foi & en efprit le précieux ciel,quantcommeà moi,
il eft ieditcroyoi qu'il àfuft
: « Séant la
corps du Seigneur Jefus Chrift cruci- dextre de Dieu le Père , » &qu'il n'en
fié & mort ignominieufement en la partiroit en corps finon au iour du iu-
croix, & fon fang précieux efpandu gement; bien eft vrai que par fa puif-
pour nos péchez & pour nous deliurer fance & fon faind Efprit il conduit
de mort & damnation éternelle. » D. toutes chofes, félon fa prouidence.
a Mais ne croyez-vous pas que quand
le Preftre confacre à l'autel , que le Il me demanda auffi touchant la
confeffion auriculaire ; ie lui refpondi Confeffion
corps de Jefus Chrift y defcend .? Je auriculaire.
fai bien que vous direz que non »
qu'il ne fuffifoit point de fe confeft"er
(comme s'il m'euft voulu auertirdifant : qu'il le conue-
Gardez-vous de dire oui). le lui di : vne tous les, mais
faire l'année
noit fois iours à Dieu , non
« Monfieur, ie ne nierai iamais Dieu
feulement des péchez que nous co-
qui m'a enfeigné de dire non à voftre noilfons , mais auffi de ceux qui nous

ï:
LIVRE SEPTIEME.

478 cachez , & que les fainéls Pro-


font reculions pour demeurer en cefle vie
phètes A Apoftres en auoyent vfé pleine de miferes & pouretez? Qui
ainfi, A les Anciens de l'EKlife. Que fera celui qui s'excufera, it cependant
cède confeffion auriculaire l't fuperlli- dira : o Ta volonté foit faite ? » Tel
tion n"elloit inuentee que depuis cinq ne fera-il pas digne d'ertre reietté de
ou fix cens ans en ça ; & qu'aupara- lui ? 11 ert vrai que l'efprit ell prompt &
uant on n'en auoit iamais vfé. D'autre alaigre , & nela délire que d'aller à fon
part . comment efl-il poffible que Dieu; mais chair voudroit toufiours
l'homme puille dire à l'aureille d'vn ici demeurer pour ramper fur la terre,
preftre ou d'vn moine tous les péchez comme vn poure vermill'eau ; voire elle
d'vn an ? il faudroit vn terrible regirtre. y demeurera , mais ce fera en poudre
& terre , attendant le dernier iour.
Quant
dit à la ie
ce que puilfance
vous en duai mandé.
Pape, l'en ai
A. Seraphon.

Philippe Cène & Iaqves fon compa-


Autre lettre à fes frères & amis. gnon au Martyre (i).

Mes trefchers & bien-aimez frères,


ie vous prefente mes humbles faluta- Ct'llc partie qui s'enfuit des lettres
tions , éc au fil à mon efpoufe & à nos d'Archambciut contient la mort hcu-
reufc de Philippe & de laques, auec
petis enfans, & en gênerai à tous nos
frères & amis qui ont receu la foi en plufieurs circon/lanccs bien notables,
& (es moyens dont le Seigneur vfe
lefus Chrill noilre Seigneur. Je vous
pour redrcffer la cheute des fiens.
ai délia par ci deuant mandé de mes
nouuellcs, mais ne fai (i les auez re-
Pvis que Philippe Cène , natif de
çues ;toutefois le Seigneur m'a enco- fainft Pierre fur Dyne (2), au pays de
res prefente ce petit moyen pour vous Normandie, ieune homme faifant train
efcnri^. Mes frères , n'efles-vous pas d'apoticairie à Geneue, emprifonné à
ioyeux auec moi de voir les grandes
& innumerables grâces que le Seigneur Dijon pour la vérité et caufe du Sei-
gneur, précéda de quelques iours Ar-
m'a fait iufques ici .' qu'après m'auoir chambaut au martyre, auec laques fon
retiré du milieu de tant de dangers,
compagnon, nous auons ici inféré leur
* Il a regard il m'a fait viure encores trois * ans ? & mort, par le fidèle récit dudit Archam-
àl'an
ce qu'en
15 54 maintenant vous voyez qu'il veut par- baut, continuant le récit de fa lettre ,
cllanl con- faire fon ocuure entièrement , & c'efl comme s'enfuit :
damné àTule ,
il cfchappa ce que dit
mencé & Dauid
auancé :, « ilCenequ'il a com-
le delaifTe
comme on le
mcnoit à Mes trefchers frères, puis qu'il a
point.ceIl D'autre part,nous
penfezaux grâces pieu au Seigneur de me faire entendre
Bourdeaux. que bon Dieu a faites , en
nous retirant premièrement du milieu ce que delTus ai recité , voire l^ en-
des profonds abus & fuperditions où core vn peu d'auantage, ne fuis-ie pas
bien-heureux de me voir ainfi auancé,
nous eftions plongez , & puis il nous moi qui ne fuis rien finon vn gouffre
a conduit en fon Eglife, pour nous y
apa(leler( i ) & nourrir comme des petis de péché, digne d'eftre abatu iufques
enfans en fa fainde parole , & ce par au profond des enfers.' mais le Sei-
gneur ayant pitié de moi a bien daigné
gens pleins de fauoir au S. Efprit, me regarder , & prendre toutes mes
voire s'il y en eut iamais depuis le iniquitez pour les plonger au fang de
temps des Apoftres. N'auons-nous fon Fils notlre Seigneur lefus Chrift,
pas,ellonnement,
en di-ie, grande dematière d'ertre
nous voir ainfirauis
ca- puis m'ayant fait nouuelle créature me
relTez de nortre bon Dieu .' Et que veut employer pour foi à l'édification
de ceux qu'il a predertinez à falut. O
nous rc(le-il plus , finon qu'il nous profondeur, ô largeur, 6 fpacieufe
prene comme par la main, pour nous Donté de ce bon Dieu , efpandue fur
employer moi, me voulant cfleuer en vn degré
feruir, pourlàfinalement
où il lui plaira
nous pour
mettre s'en
en
poffeffion de la félicité éternelle qui d'honneur fi haut , moi poure mifera-
nous eft promifc .' Faudra-il que nous (i)Crespin, 1Ç64, p. 8ç); 1570. (^ 455;
IÇ82, (* 41 1 , 1597, 1* 409; 1Û19, f» 44J.
(i) Patire. (j) Sainl-Picrre-sur-Divcs (Calvados).
479
PHILIPPE CENE ET lAQVES.

ble! le vous laiffe à penfer de quelle offenfé, aye pitié de nous! » Incon- m.d.lvu.
tinent ils furent enuironnez de veririine
ioye i'ai entreprins ce voyage, vous de moines de toutes couleurs, comme
fauez comment i"y eftois aflfedionné ,
penlez donc comment le Seigneur a de perchées de harencs, auec leurs
befongné par fon confeil eftroit. J'ai nouices, qui trottoyent & venoyent
fait mon voyage, & m'en fuis reuenu d'vn cofté & d'autre , regardans ça &
iufques ici en ioye, efperant vous voir ; là comme marmots; ils eftoyent là
& arriué que ie fus en cefte ville, amenez par les Juges pour les acouf-
comme ie vous ai mandé, ie m'efforçai tumer au fang, comme on feroit à des
de petits dogues & lévriers. Sur ces en-
fuisfaluer
arreflé.mes frères en paflfant, & m'y trefaites, iyl en eut vn qui auança
Or vous deuez fauoirfermes
qu'au &con-
com- quelque propos de difpute , auquel
mencement iceux furent fut dit par noftre frère Philippe :
ftans, & leur procès fut bien tort fait, « Que veux-tu difputerauecquesnous.^
comme fauez. Ils furent menez iufques
tu fais bien que tu n'es qu'vne befte ,
au pied du fupplice en grande conf- & que tu ne fais rien; ie te prie, laiflfe
iance ;mais à caufe de quelque appel, nous penfer à noftre ame. » Et lors
eftans remenez en la prifon , dirent, mondit frère l'Aduocat & moi eftions
en retournant, aux autres prifonniers: en la basse court nous pourmenans;
« Nous auons encore vn peu à viure. « & comme ayans les bras croifez , re-
Eflans en leur premier eftat & comme gardions vers le ciel auec pleurs &
en repos, Satan qui efl fin & caute- gerailTemens. Lors chacun des prifon-
leux les alTaillit, & de faift fit brefche, niers (qui font céans en nombre de
iufques à les faire chanceler «4 tres- vingt) iettoit fon brocard, les vns di-
bucher. Mais le Seigneur ayant pre- foyent : « Us font plus forts qu'au
ueu toutes chofes, m'amena céans fur commencement. )•> Le commun popu-
ce poind, où ie fu fort marri & dolent
laire difoit & crioit : « N'eft-ce pas vn
ayant trouué vne telle defolation ; grand cas.^ ils font pires que deuant ;
bref, de ma petite puiffance ie me mis & l'on difoit qu'ils s'eftoyent retour-
en deuoir de reboucher cefle brefche
nez,mais il s'en faut beaucoup, » &
par l'aide du frère,
faindAduocat
Efprit. de
SurParis,
cela furent ainfi détenus l'efpace de trois
furuint nortre
dont ie vous ai mandé ; lequel eftant groft"es
confiance.heures auec bonmondit
Cependant maintienfrère&
auec nous s'adioignit à moi, fe mettant & moi, feignans d'aller aux priuez,
de première arriuee au milieu d'icelle nous-nous allions ietter à genouil,
brefche. Et ayant plus d'authorité & prians le Seigneur, & lui rendans grâ-
ces immortelles pour telles nouuelles,
commodité que ie n'auoi , y befongna
de toute fa puiffance , eftant fécondé puis retournions en la court nous
de ma petitelTe ; tellement que le Sei- pourméner comme auparauant. Et
gneur nous afllrta, en forte que ladite vne partie defdits prifonniers à qui
brefche fe referma plus fort en cinq Dieu abaillé quelquecommencement,
nous tenoit compagnie en pleurs &
ou fixouuerte
efté iours, qu'auparauant elle comme
(i). Cependant, n'auoit
gemiffemens; l'autre partie nous mon-
Dieu le vouloit , la refponfe du Roi ftroit au doigt, difant, qu'autant nous
vint, laquelle fit furfeoir l'exécution en pendoit à l'aureille. Nous portions
du premier arreft. 11 fut finalement tout cela auec ioye & confolation. Et
fur les quatre heures du foir fortirent
exécuté le iour d'hier, premier Samedi nofdits frères en bonne confiance. Et
de Septembre, c'ell qu'auec vne grande noftre frère Philippe , ayant vne face
confiance s'en font allez faire la Cène
c'eitoii quel- auec lefus Chrift & fes Anges. Le riante, regardoit noftre frère laques
ques iours Greffier vint premièrement enuiron qui monftroit vn peu fa face trifte,
'^'cene'^ l'heure d'vne heure après midi figni- ainfi qu'il
auoit efié eft
fortde malade.
petite complexion,
Il lui difoit &:
t. ■ fier leur arreft, & lors incontinent fe
prindrent à crier au Seigneur regret- « Qu'auez-vous , mon frère.? il femble
tans leur faute , & difans : « Helas
qu'ayez peur, mon frère; foyezioyeux. »
Et cheminoyent ainfi par la rue tous
Seigneur, nous t'auons griefuement
deux en chemife iufques au lieu du
(i) Voy. plus loin 1-a lettre de Du Rous- fupplice, où eftans, prindrent le tour-
seau, où il raconte la part que Séraphoii el ment en grande patience; & regret-
lui prirent au relèvement do leurs deux com- tans toufiours leur faute, crioyent à
pagnons. Dieu mifericorde deuant tout le peuple.
LIVRE SEPTIEME.

4Et
80 entre autres chofes noflre frère mais ne fai fi ie ferai plus oui ; or fi ie
Philippe, monté fur le bois attendant le fuis fur les poinds principaux, cer-
le tourment, fe print à chanter vn tes alors il fe faudra mettre en reng
Pfeaume, mais vn Moine ellant au- de combatant , & voila où l'en fuis.
près de lui , lui mit la main deuant la Bien ell vrai que ie fai que Satan eft
bouche, pour empefcher fa voix, fi plein de finelTes ; mais le Seigneur
eft-ce qu'en defpit de lui il fut en- m'a auerti de me donner garde du
tendu. Et la plus part du peuple cofté qu'il me voudroit fafcher &
fondoit en larmes, leur difant à haute
nuire , dequoi ie l'en prie iour &
voix : « Courage, mes frères, ne crai- nuid, & defire que m'y aidiez par vos Pf ,4.
gnez pas cède mort. » Lors vn de la prières. Le Seigneur dit par fon Pro-
part des malins fe retira vers vn huif- phète :Que les Anges ont planté le
fier, & lui dit : « Ne voyez-vous pas camp à l'entour de ceux qui le crai-
que quafi la moitié du peuple e(l de
gnent. Or s'il a planté le camp à l'en-
leur part & les confole? » l'efpere , tour, de quel cofté pourra venir l'en-
mes frères , qu'il en fortira vn grand nemi qu'il ne foit veu .-•
fruid , & femmes bien-heureux de ce QvANT à noftre frère l'Aduocat , il
que le Seigneur les a voulu fortifier a efté mené en pleine audience deuant
par nous. Il nous a bien rendu la pa- tous mcfficurs du Palais. Mais fauez-
reille, cent fois au double. En leur vous comment il eft braue homme en
mort, ainfi qu'on dit, ils ne fcmbloyent la foi .•* Il me femble que quand ie le
endurer aucun mal , & rendirent l'ef- regarde , ie voi vn Ange , ou à tout le
prit fans bou;.;er aucun membre, finon moins vn faind , & auffi l'eft-il à la
nollre frère Philippe qui repouffoit le vérité. Je vous lailfe à penfer fi ie fuis
feu vn peu auec les mains , & trefpaf- heureux
eftoit à lad'eftre mort & ainfi acompagné.
en toute la maladieIl
ferent foudain. Il n'y eut homme ne
femmCi voire iufques aux pctis enfans,
de noftre frère le Breton. J'enten qu'il
qui ne s'en eftonnaft ; & cela fut à eft de grande qualité, dont ces gens-ci
cinq heures du foir. font efbahis, & penfe que les plus
gros de la Cour de Paris font fes pa-
rens , lefquels ceux-ci craignent. Si
eft-ce
de qu'incontinent
la Cour, qu'illesfutfers
on lui mit reuenu
aux
Iufques ici Archambaul a récité les
merueillcs du Sei^^ncur en la mort iambes, dcfquels il fe quarre & glori-
fie plus que ne feroit vn Prince ou
de Pbilipbe & hiques. Ce qui s'en-
fuit e/îde lui & de l'Aduocal (on Gentil-homme auec vne chaîne d'or
compagnon, monfirant de quelle con- en fan col : bref, c'eft vn Roi, voire
fiance ilsattendent la mort. vne tour imprenable. Nous eufmes
hier vn peu de commodité de parler
Les nouuclles par nous entendues, enfemble , à caufe que tout le monde
penfez quelle ioye nous eufmes : elle eftoit occupé en la mort de nos frères.
fut fi grande que nous ne pouuions Et iufques là (helas) nous nous ai-
tenir contenance. Et tant s'en faut mons fi fort, que defirons marcher
enfemble , fi le Seigneur le veut ; &
qu'on doyue penfer que cefte mort
tant heureufe nous ait en rien efpou- croi, mes tref-aimcz frères, que noftre
uantez, que ie vous di à la vérité (mes facrifice ne fera point fans grand
frères) que cela nous a renforcez cent fruiél ; car la terre eft bien apareillee
fois au double ; & fommes fi prells & pour receuoir la femence. Il y a en
apareillez par la grâce du Seigneur, ce lieu-ci quelque nombre de bonnes
qu'il nous femble que nous y fommes perfonncs aufquelles Dieu veut faire
défia. Toutefois nous ne fauons com- mifericorde, comme i'eftime, vous af-
ment Dieu y veut befongner en nous : feurant qu'il y en a de fort pitoyables,
bien eftque
vrai de
que les
nousfuyure
n'ellimons & dirai bien ceci qu'il y a vne charité
chofe bien autre
tofl , autant enflammée
comme le bruit en ell par toute la félon le lieu. O que
mes i'aye iamais
frères veu,
& bons
ville. Mais nous attendons en patience amis , ie vous recommande le tout ,
la volonté du Seigneur. Quant à moi , comme ie vous ai défia mandé par
l'ai défia eftéoui trois fois, en la forte autres, vous priant de confoler voftre
que ie vous ai mandé, par ce iuge qui fœur, qu'elle prene bonne patience;
m'a monftré grande bénignité & bonté, conoiftansque nous tous fommes au Sei-
& tout le monde dit qu'il nous aime, gneur, & qu'il en peut difpofer à fa
NICOLAS DV-ROVSSEAV.
Excellent Archambaut, vient le tour & ordre de
volonté. Sur cela ie ferai fin à la pre-
tefmoignage fente , après auoir prié ce bon Dieu
rendu aux Nicolas du-RoulTeau (i), & comme
fidèles de tout-puiffant , pitoyable & mifericor- Archambaut lui a rendu tefmoignage
Dijon. & aux deux autres , auffi en fait du
dieux , qu'il vous conduife , & tous
ceux qui craignent l'offenfer, iufques Roulfeau en pareille fidélité d'hifloire.
au bout de noilre vie & courfe , à l'on 11 elloit natif du pays d'Angoulmois ,
honneur & &gloire,
fesefleus, à l'édification
à voftre falut, Amen. de Aduocat
fante & furueillant
à Paris de l'Eglife
: homme défia naif-&
aagé (2) 481
Je vous prie prefenter mes humbles bien verfé en toutes bonnes fciences ,
faluts, tant de moi que de mon frère, furtout es chofes diuines. Il auoit efté
à tous Hos frères & amis, meffieurs les
enuoyé deuers l'Eglife de Geneue
Miniflres de l'Eglife , enfemble aux pour conférer des afaires Ecclefiafti-
Diacres
en gênerai& àanciens
tous mesd'icelle,
frères && fœurs
puis ques
niftresdefurParis, & auoir
aucunes chofesl'auis
qui des Mi-
eftoyent
de noftre pays , & à tous ceux qui en controuerfe. A fon retour, eftant
nous font conioints en Jefus Chrift. de compagnie auec M. Nicolas des
Arc. Seraphon vollre. Galars (;), minifire de Geneue, pour
aller à Paris (4), il fut appréhendé en
la frontière de Bourgongne, en la ville
d'Auffone, ellant trouué faifi de liures
Ce que nous dcuons recueillir de ces & miffiues , & de là fut mené à Di-
jon ,où il endura de grandes fafche-
cjcrils d'Archambaul, le/quels ont ries. Nous entendrons le tout par la
e/h' fuffif animent ratifie:; par la mort
bien-lie ureufe qui s'en e/l enfuyuie. lettre ici inférée qu'il enuoya de la
prifon à vne damoifelle retirée en lieu
de liberté (5) pour feruir à Dieu.
Par ceft extrait des efcrits d'Ar-
chambaut, nous auons en fomme l'hif- Ma-damoiselle, le Seigneur Dieu Lettres de
toire de ceux qui d'vn mefme temps me faifant ce bien de vous pouuoir
eftoyent prifonniers à Dijon , & fur Nicolas du-
Rouffeau
tous de Philippe & Jaques, qui par
leur mort ont redrelTé maints bons à vnefelle.
damoi-
ris depuis l'an 1557 iusgues au temps du roy
cœurs en ladite ville. Le langage & Cliarles neufuiefme (Lyon, 156^, in-8°), pa-
ftil defdits efcrits manifefle de quelle plus gesloin,
88 à 97.
dansCrespin
le récitl'avait
de la d'abord placée
persécution de
fimplicité & debonnaireté a efté con- Paris, comme dans l'ouvrage de Cliandieu;
duit Archambaut iufques à la fin ; & mais , dès l'édit. de IÎ70, il lui a donné la
place qu'elle occupe actuellement, conformé-
que ce qu'il dit de foi mefme : Que ment àl'ordre chronologique.
le Seigneur s'eflant ferui de fon moyen ( i] Nicolas Du Rousseau appartenait à une
pour redreffer lefdits Philippe & la- famille noble du Poitou , originaire de l'An-
ques, lui a rendu au double en force goumois, à laquelle ont appartenu les sei-
gneuries de Fayolle et de Fernères (Voyez
&cat vertu France protestante).
, fon , compagnon,
pour fouftenirtous
auec
les l'Aduo-
alTauts (2) Dans l'ouvrage de Chandieu , le frag-
qui leur ont eflé liurez, les ayant de- ment qui se rapporte à N. Du Rousseau
uorez comme préparatifs du grand commence ainsi : « Environ ce temps, la
perfecution allumée de tous collez emporta
combat de la mort , ,que un autre surueillant de celle Eglife en la ville
heure ilsattendoyent & end'heure
laquelleen , de Dijon. Il fe nommoit Nicolas Du Rouf-
furmontans toute contradiâion, ils ont feau , bien natifauancé du pays d'Angoulmois,
délia en aage » (p. 88). Lehomme
reste
magnifiquement triomphé. comme dans Crespin.
(;) Nicolas Des Gallars(en latin Gallasius),
seigneur de Saules, né à Paris vers 1Ç20.
étudia à Genève et y devint ministre en 1 544.
Il fut appelé
Paris. Chassé enpar1557 à desservir l'Eglise
la persécution, de
il retourna
Nicolas Du-rovsseav
mois (i). , Angoul- à Genève l'année suivante. En IÇ60, il devint
ministre de l'Eglise française de Londres. Il
prit part, l'année suivante, au colloque de
Poissy, et présida, en 1561, le cinquième
Apres Philippe Cène , Jaques & synode national. Après quelques années con-
sacrées àl'église d'Orléans, il fut attiré par
Jeanne d'.^lbret en Béarn , où il termina sa
(i) Crespin, 1Ç64, {° 879; 1570, P'4Ç5; vie. à une date que l'on ne connaît pas (Voy.
1582, f"4i2 ; 1597, f" 409; 1619, P 445. Cette France prot-, 2' édit.).
notice est textuellement extraite de l'ouvrage (4) Ce membre de phrase relatif à Des
rarissime de La Roche-Chandieu : Hijloire Gallars n'est pas dans Chandieu.
des perfécutions et martyrs de t'Eglifc de Pa- (5) Chandieu : « aux lieux de liberté. »
LIVRE SEPTIEME.

4H2
maintenait efcrire quelque peu de nent des liures & paquets qui eftoycnt
mon cftat de prilbn à la defrobee, dedans. Quant aux liures, ie remon-
félon que la milere du lieu le permet,
le vous ai bien ofé donner cefte peine (Ire que tout profeffion
mis, faifant ainfi qu'il des
m'eftoit per-
lettres,
d'entendre par quel moyen le fuis venu d'auoir des liures pffofancs remplis de
mefchancetez pour en recueillir ce
par lu, & comme ie m'y fuis porté iuf-
ques à prefent, fâchant aflez combien
volontiers vous-vous employerez pour qui ell bon ; qu auffi il m'ertoit loifible
d'auoir lefdits liures pour difcerner la
moi en prières, à ce que ie ne fuc- lèpre d'auec la lèpre , & en faire mon
profit. Ils me répliquèrent que par L'cdia de laj
combe en la querelle de mon "Dieu,
pour tourment qui foit, & combien l'Edit de la Bourdoifiere (i) il elloit
défendu de porter tels liures. Je leur Bourdolliere.
vertueufement vous prendrez l'ennui
de ce mal, fi mal fe doit appeler. En- di que ceft edit eftoit ia trop vieux, &
cores qu'eull'e prins deux adrelîes de que communément tels edits en Fi'ance
chemin pour m'en retourner, & mefme fe furannoyent après l'an, & par ainfi
furtout pour euiter Dijon , toutefois
qu'on ne deuoit prendre l'Ediél à la
lailfant l'vne & l'autre, comme forcé rigueur contre moi. Touchant les pac-
de Dieu, ie ne fai comment ma com- quets, ce bon Dieu a bien tellement,
pagnie & moi nous rendifmes au foir voire miraculeufcment , modéré ma
bien tard à AulTonne, le Samedi vingt-
langue,
rien dit qu'en
qui leur
nuife difant vérité, ie n'ai
à perfonne, ne
vniefme
vifitcr nosd'Aouft, où le
mallettes, & Capitaine
ne trouuantfit mefme en ce qui concerne quelques
rien qui lui full fufped es deux de
créances que i'auoi. Cela fait, ils
mes compagnons , les laiffa aller fans m'ont fondé de ma/oi, ne prenans au-
empefchement, mais de moi, ie fus tres poinds que la Melfe A la Con-
arrerté, parce que dedans la miene fe feffion auriculaire; lefquels leur ai
trouuerent quelques Hures & paquets reietté, par les raifons qui feroyent
qui ne lui plailbyent, touchant le faidl trop longues à déduire maintenant, &
de la Religion. Parquoi le lendemain lefquelles auffi entendez trop mieux.
il m'enuoya lié & garrotté à Dijon , I'ai depuis efté mené au Parlement,
par deuers le Lieutenant du gouuer- où le premier Prefident (fort bon Ca-
neur du pays, nommé monfieur de noni(k') m'a examiné fur mefmes arti-
Ville-franquon (1), lequel voyant que cles, & là
feffion. Et auffi i'ai perfide
au retour en empeftré
ai efié ma con-
&ie ordonnances
n'auoi rien quidufullRoicontre les edi<Ssfa
concernant de gros fers, qui me font nuid & iour
charge, mais feulement le faift de la bonne compagnie auec la vermine.
Religion, me renuoye à la iuftice, li Le mefme examen a encores cfté re-
pris par mes CommilTaires, qui ont eu
aux priions qu'on ditefmeu
trée le Parlement, de la de
ville.
ie D'en-
ne fai ■ refponfes de moi telles que deuant ,
quel zèle, fe rend mon Juge en la tellement qu'il ne refte plus pour pa-
caufe par preuention , comme ils di- racheuerfronter lesmon procès, qu'à mece con-
dodeurs. Je fupplie bon
fent. Je demeurai quatre iours qu'on
ne me dit rien ; le quatriefme , deux
Dieu me faire la grâce de m'affifterau
Confeilliers vienent députez pour
combat par fon Efprit , '& me donner
m'intcrroguer, & me demandèrent dequoi leur refpondre fuyuant fa pro-
premièrement la raifon de mon voyage. mefi'e, mefmement que, depuis que ie
Je leur refpondi que ie l'auoi entre- tien prifon, il ne m'a
pris, afin qu'en vous faifant compa- uoir aucun Hure de laefié permisEfcri-
fainde d'a-
gnie, i'cuffe moyen de voir la forme ture, non pas vne Bible, quelque re-
de viure qu'on tient par delà. Et en qucfie qu'ayele faite, meflieurs
cela Dieu m'ell tefmoin , que n'ai of- que ciefloit liure qui abufoit difans
telles
fenfé, ne rien dit contre ma conf- gens que moi. De là pouuez-vous voir,
ciencc. Et leur ayant palTé outre, que Ma-dainoifelle, en quel aueuglement
telle forme de viure ne me defplaifoit, Dieu a mis ce peuple pour exercer en
pour les raifons que pouuez penfer, foi fes fidèles, A leur faire fentir d'au-
ils vienent à ma mallette & m exami- tant plus la grâce , en laquelle feule
ie mets auffi tout mon apui. Il y a bien
pis, que mefme Satan employé tel
(1) Sur ce personnage, voy. Bèzï , Hisl.
ceci , 1, 424; il. 485, 48I. Il ctail le beau-
pire dci trop fameux Gaspard de Saulx, skur (I) Edil signa par Babou de la Bourdai-
de Tavanncs. si6re, secrélairc du Conseil.
NICOLAS DV-ROVSSEAV.

aueuglement à l'endroit du Prince, &


483
pour fauoir comment ou quelle iuftice
quafi de tout le peuple, pour imputer
aux pauures fidèles les calamitez de la il lui plaifoit qu'on fift d'eux, ainfi
qu'on leur fit entendre. Sur ces en-
guerre, & tous ces maux qui font aue- trefaites eft pris vn Gafcon , mercier ,
nus (comme ceft autheur de menlbnge nommé Archambaut, marié auffi à
a fait iadis aux premiers Chreftiens , Geneue , lequel incontinent fut mis
du temps de la primitiue Eglife) fi en ce lieu ; & y eftant fit tout le de-
bien qu'au moyen de cela iamais le uoir d'admonnefter ces deux poures
feu, ne la rage du monde contre
gens. Bien toft après s'enfuyuit ma
r Eglife, ne fut fi fort emflambee,
prife ,melaquelle
auffi fit employer d'entrée
en filebonSeigneur
afaire.
qu'elle eft maintenant. De toutes parts
y a mandemens de cercher & mafia- Parquoi foudain ie vins à leur remon-
ftrer & la grandeur de leur faute , qui
crer ceux qu'on trouuera, & n'efpar-
gner perfonne. Entre autres le Roi a aportoit fi grand fcandale à ceux mef-
enuoyé le prefident Largebafton en mement . lefquels ils auoyent fi bien
Poiftou, pour fe monftrer en ce beau édifiez par leur confeffion; & le iuge-
ment de Dieu préparé contre eux,
chef-d'œuure. Ce que i'apris derniè-
rement du Prefident mefme qui m'in- s'ils n'amendoyent bien toft cefte
terroguoit , comme dit eft , en Parle- faute , & qu'il ne faloit point qu'ils
ment ;lequel ayant fceu ie ne fai penfaft'ent de marchander ainfi auec
comment , que i'eftoi allié dudit fieur lui, qu'eftans fortis d'ici moyennant fa
de Largebafion, me dit en courroux grâce, ils repareroyent le mal en
meilleur endroit. Car puis que, par fon
cela, penfant ainfi m'auoir & mieux confeil admirable (comme ils voyoyent
m'eftonner. Mais ce Dieu de force ne
m'oublia en ceft acceffoire, feulement bien), il leur faifoit
les prefenter en vn tant d'honneur , de
tel triomphe ils
ie gemin"oi ,oyant
damoifelle vousfi piteux
pouuezrécit. Ma-
entendre s'oublioyent bien d'en fuir la lice, &
quelle grâce le Seigneur vous a faite, refifter à fon faind vouloir. Que ce
de vous auoir tirée fi bien à propos & n'eftoit pas à nous de nous faire iuges
en temps fi prochain du mal, hors de des occafions que Dieu nous prefente
cefte Egypte. en vn faift fi grand , pour les fuir &
Et (i) pour vous monftrer encores remettre à noftre appétit, & de iuger
mieux que telle fureur & inhumanité ainfi du temps qui nous feroit propre
règne par deçà, & toutefois la grâce de pour mieux feruir à fa gloire au gré
Dieu au contraire, ie vous reciterai
de noftre efprit. le n'oubliai les mife-
fommairement ce qu'on a fait ces iours res & pouretez de ce monde, aufquel-
palfez. Il y auoit deux ieunes hommes les & noftre vie & noftre corps font
qui eftoyent prifonniers céans pour la toufiours fuiets; & de
quefuir
c'eftoit ex-
trême folie à nous la mort,
parole, l'vn appelé laques & l'autre mefme fi heureufe en ce tas de maux.
Philippe, apoticaire, tous deux du pays
de Normandie, mais mariez à Geneue. Qu'eux-mefmes fauoyent bien à quoi
Incontinent qu'ils font prifonniers, le s'en retenir, fentans défia la main de
lieutenant du Bailli leur fait leur pro- Dieu par les maladies efquelles lors
cès ,& les ayant examinez fur les ils eftoyent tombez. Au contraire, ie
leur remonftroi la grande mifericorde
principaux
font poirnSs de
vne confeffion l'Idolâtrie,
fainfte ils
& catholi- de ce bon Dieu enuers ceux qui fe
que, ainfi foudain
ils furent que i'ai condamnez
feu , pour laquelle
au feu. retournent, & recognoin"ent leur faute,
rapportant à l'vn & à l'autre poinft
Mais ayans appelé au dit Parlement, les exemples, tant vieux que de noftre
temps. Et quant au regret de leurs
pendant leur appel,' au moyen" des femmes & petis enfans, que ce bon
pouretez
reur de lademort
cefte, &prifon, & deencores
fur tout l'hor- Dieu en feroit tuteur & protefteur,
comme créateur. Finalement Dieu
du grand regret qu'ils auoyent de
leurs petis enfans, & de leurs femmes, par fa mifericorde leur touche fi bien
félon qu'ils m'ont dit, ils fe retraâe- le cœur , que tous deux (principale-
rent, & fignerent leur retraélation. Le ment l'Apoticaire), fondans en foufpirs
tout fut enuoyé par deuers le Roi , & larmes, reconoiffent leur defaueu à
bon efcient. Si bien que la refponfe
(I) L'édit. de 1564 supprime tout ce qui du Roi, qu'on difoit , eftant furuenue
suit, jusqu'au comnieacement du dernier pa- là defl'us, portoit confirmation de leur
ragraplie de la lettre. iugement, & leur eftant cela prononcé
484 LIVRE SEPTIEME.

fixiefme de Septembre, mil cinq cens


Samedi dernier , quoi qu'on leur pro- cinquante fept.
mift faire grâce de ne fentir point le
feu, s'ils perfeueroyent en leur defa- Ce fainél perfonnage , confeffant
ueu, offre,
ceft d'vne reconurent
grande conllance
deuantrciettans
tous le ainfi le Fils de Dieu, comme fa lettre
le tefmoigne , demeura affez long
mal qu'ils auoyent commis, feretractans
comme ils auoyent fait; & allans au temps après les autres trois Martyrs
fupplice , admonncftoyent de cela le fes compagnons , & en telle dellreffe
peuple, louans Dieu de fa mifericorde, qu'il en mourut. Dequoi les aduerfaires
& de la pitié qu'il auoit eue d'eux. non contens, voulurent auffi fe monf-
Celle vermine de Moines qui les en- trer cruels deffus le corps mort , & le
uironnoit auec les fergeans , tafchoit firent brufler & mettre en cendres en
bien, en faifant grand bruit, que cède place publique.
fainéle voix ne full entendue; mefmes
eftans venus au lieu de la mort, & là
garrotez aux poftcaux, continuans tou-
fiours leurs prières, remonftrances, &
Iean Bvron, du bas Poiélou (i).
lamentations, fur toutdePhilippe
ticaire, vn Cordelicr l'apo-
celle vermine
lui ferma la bouche auec fa griffe par Celui qui fcmbloit ejlrc contempti-
cinq ou fix fois. Mais nonobllant cela Hc lors qu'il demeurait à Gencue,
Dieu faifoit toufiours que leurs propos puli^iiirenienl nommé le Lanlernier,
eftoyent entendus. Et ainfi moururent ejl ici bropo/é à tous fidèles, pour
ces deux gens de bien, comme nous exempte de vrjye confiance en toute
ont rapporté ceux qui les auoyent veus. intégrité de foi.
Voila l'exemple que ie difoi, qui nous
fait cognoiftre & la cruauté de noilre Iean Buron, natif d'Afpremont (2)
temps et la bonté de noilre Dieu, la- au bas Poidou , après auoir demeuré
Notable vingt trois ans en la ville de Craon (x)
quelle i'atten contre tout confeil hu-
prediflion main qu'elle vous fera voir bien tort aux Confins d'Anjou en Bretagne, fut
de N. Du-
RoulTeau. régner fon Eglife, & l'abomination mis prifonnier& perfecuté pour la pa-
role de Dieu, tant en ladite ville
aller en ruine. Car c'eft lors , quand
la barbarie & perfecution font en leur qu'à Angers. Et ayant elle relafché
excès, que Dieu volontiers befongne, fans aucun iugement , fe retira en la
pour mieux faire fentir que cela ne ville de Geneue , de laquelle, douze
vient d'autre que de lui , tefmoin la ans après, il partit acompagné d'vn
deliurance qu'il fit des enfans d'ifraël, fien fils, pour audit lieu de Craon re-
les tirant d'Egypte , & autres vulgai- ceuoir quelque argent qui lui refloit
res.
de la vente d'vne maifon faite à vn
nommé Jacques le Seure. André Goul-
voirQuant à moi,bien
ce grand ie ne
, nim'atten pas de
de paffer la lay, procureur du Roi de ce lieu , ef-
tant auerti de fa venue, vn Dimanche
fepmaine; d'autant que ce matin
comme i'efcriuoi la prefente , on m'a matin, l'alla trouuer en ladite maifon.
amené les Théologiens, & entre au- Et afin d'auoir de
occafion de l'appréhen-
der, le folicita le mener à la Meffe,
tres vn grand Monfieur l'Abbé de Ci-
fleaux qui m'a ergoté de la Meffe, & pour à fon refus le conflituer prifon-
nier au chafteau. Le neufiefme de
de la tranffubftantiation , & non d'au-
tre chofe. Et voyant que fes ergots ne luin mil cinq cens cinquante-fept, ef-
tant mené par deuant le Senechal de
feruoyent de rien, prenant congé d'vne
grande cholere , m'a dit mon arreft, Craon, iS: interrogué à l'inftance du
que ie perdroi mon corps & mon ame, procureur du Roi , de fon aage , ref-
félon fon auis , ellant en la main des
pondit qu'il auoit foixante ans. Enquis
hommes. J'ellendroi volontiers ce pro- du temps qu'il auoit demeuré à Ge-
pos (.t autres pluspapier
auant ici
, s'il neue, & qu'il n'auoit elle à la Meffe,
permis, mais le me m'elloit
défaut.
dit, qu'il y auoit douze ans qu'il s'ef-
Parquoi faifant fin, ie vous prie, fi re-
ceuez la prefente deuant mon exécu- (1) Crcspin , 1564, p. 868; IÇ70, 1* 4j6 ;
tion, de prier le Seigneur pour moi , 1582,(^41;; 1597. f° 4"o; '6"9, f* 444-
(2) Aprcmont, arrondissement des Sables
qu'il
fentant ne mes me delaifTe
humblespoint. Vous pre-
recommanda- (Vendée).
(;) Craon , arrondissement de LouJun
tions, &c. De Dijon, en prifon ce (Vienne).
lEAN BVRON. 485
toit retiré audit lieu pour viure félon Jefus Chrift. » R. « Que non, ainfi
la reforraation de l'Euangile; pendant que l'entendoit monfieur le Senefchal
lequel temps, il n'auoit efté à la qui l'interroguoit
mandoit. & le fouuent
Bien auoit-il Pape le efté
com-à
Meffe, & n'y vouloit auffi aller, par ce
que la parole de Dieu lui defendoit. la Cène & receu noftre Seigneur le-
fus Chrift en icelle, félon fon inftitu-
Et quant au Sacrement de l'autel,
ainfi que le Pape le garde & obferue, tion. »Quant à la confeffion auricu-
& que fes fuppofts le tiennent, que laire, dit : >i Qu'il ne fe faioit confeffer
c'eftoit abus & vrai erreur du peuple, aux Preftres ni aux hommes, veu qu'ils
offrant le prouuer par plufieurs palTa- n'ont aucune puin"ance d'abfoudre les
ges de la fainfte Efcriture , qui eft la
péchez ; mais que c'eftoit à Dieu feul
vraye parole de Dieu. Mais quant à auquel fe faioit confeffer. ii Nia auffi
la Cène de noftre Seigneur lefus qu'il faille aucunement prier Dieu
Chrift, comme elle eft célébrée & ob- pour les trefpaffez , & que fi Dieu ne
feruee à Geneue, il croyoit & la con- fait mifericorde aux hommes en leur
fefToit eflre bonne. Apres cela, Buron viuant, il ne la leur fera eftans morts,
remontrant qu'il fe trouuoit inal de fa & qu'il n'y auoit aucun Purgatoire ,
perfonne , fut renuoyé & remis à vne finon le fang de noftre Seigneur lefus
autre fois. L'aprefdifnee, le Senefchal Chrift, auquel fang tous les enfans &
retourna au chafteau, & le manda; le- efleus de Dieu font lauez & nettoyez
quel, continuant fes refponfes précé- de toutes leurs ordures & péchez.
dentesdit
, : Que la feule inftitution Pourquoi
& ordonnance que Jefus Chrift, Fils Interrogué pourquoi , delaifl'ant la foi auoit choifiil
de Dieu éternel, auoit eftablie touchant Catholique, il s'eftoit retiré à Geneue, Geneue pour
attendu que celle ville eft tant mal
la fainéle Cène, pour confermer la foi renommée , & que les gens mal fen- y demeurer.
des enfans & efleus de Dieu, eftoit
certaine & vraye, & non pas celle du tans de la foi y habitent contre l'or-
donnance du Roi. R. « Que la foi la-
Pape, laquelle eft fondée fur vn er- quelle ilcroyoit eftoit meilleure que
reur manifefle, que Dieu defcend en- celle qu'on tenoit en la Papauté. Et
tre les mains des hommes pécheurs. qu'il s'eftoit retiré en icelle ville ,
Ce qu'il offroit derechef monftrer par voyant les abus & erreurs qui eftoyent
la fainéle Efcriture & parole de Dieu. en fon pays. D'auantage , que pour
A raifon dequoi déclara qu'il aimeroit tous les biens du monde, il ne laiffe-
mieux mourir, que d'aller à la Meffe. roit
noit d'y
retour. demeurer » Leâure fi Dieu luifaite
lui fut redon-
de
Il allégua plufieurs raifons pour con-
fermer fon dire, lefquelles le Juge ne fes interrogatoires & refponfes, pour
Notez
fuffit à qu'il
tels voulut comprendre en fon procès ver- fauoir s'il les vouloit maintenir & y
bal, mais feulement y adioufter ces
Juges de faire perfifter. Sa refponfe fut que ce qu'il
le procès aux mots :dues, &c.Pour les raifons qu'il a ren- auoit dit contenoit vérité , & qu'il ef-
fidèles fur
toit preft de monftrer par les S. Efcri-
leurs negatiues, Interrogvé fur l'interceffion des tures tout fon dire. Lors le luge le
fans
de las'enquérir
raifon. remit , comme par acquit , aux doc-
Sainfts, a dit : « Que nous n'auons
autre aduocat , pour adreffer noftre teurs en Théologie, & quand & quand
prière enuers Dieu , que Jefus Chrift enuoya auertir le Clergé d'Angers de
fe lufte , félon qu'il eft efcrit en tout ce qui eftoit paffé. L'Euefque du
l'Epiftre Canonique de fain<ft lean. lieu efleut vn chanoine d'Angers ,
Que par confequent la vierge Marie, nommé M. Chaillaud, pour fe tranf-
ni les Sainfts & fainftes de Paradis, porter à Craon , afin de confuter fes
n'auoyent aucune puiffance d'intercé- opinions. Ceftui ayant prins Chrifto-
fle de Pincé, confeillerdu Roy, pour
der pour nous. » D. « S'il croyoit au
Sacrement du Baptefme. » R. « Qu'il affiftant , fe tranfporta au chafteau le
croyoit en Dieu , croyoit auffi que le 27. de luin. Et au lieu de lui monf-
Baptefme eftoit le premier Sacrement
inftitué de lefus Chrift, & lequel il trer en quoi il erroit , il l'interrogua
auoit commandé eftre adminiftré au tout ainfi que s'il euft efté fon luge,
& comme lui voulant faire nouueau
Nom du Père, du Fils & du S. Ef- procès. Premièrement lui demanda
prit , auecautres
adioufter l'eau chofes
Amplement , fans y
commandées quelle auoit efté & fon accufation &
la caufe de fon emprifonnement à
des Papes. » D. « Si depuis douze
ans qu'il s'eftoit retiré à Geneue, il Angers. « Ce fut, » dit Buron, « qu'on
que i'auoi mal parlé
n'auoit pas receu le précieux corps de de la foimaintenir
vouloit & religion Chreftienne, ce
LIVRE SEPTIEME.

86 reuerence les vns aux autres félon


4 n'efloit ; car ic veux, Monficur,
qui leurs cftats & dignitez, comme aux
pcrfiftcr & demeurer ferme en la con- Rois, Magiftrats & perfonnes ayans
feffion de foi que i'ai ci deuant faite ,
comme edant vraye & certaine. & ti- charge de l'adminiftration publique.
rée des fainéles Efcritures. »
Lors en lieu de lui monflrer du Interrogué, Quel eft l'abus i& folie
qu'il penfe eftre en la Meffe , ainfi
contraire, ceux-ci l'admonneflerent fe qu'elle eft dite & célébrée entre eux
réduire à l'vnion de l'eglife Romaine, qui font fous l'obeifTancc de l'Eglife
fous l'obeiffance de laquelle il eftoit Romaine f a dit qu'il ne trouuoit point
commandé de Dieu (difoyent-ils) & par la faindc Efcriture la Mefte eftre
du Roi leur fouuerain fcigneur, viurc
inflituee de Dieu , ne qu'elle euft efté
& fe régler pour le faiâ de la Reli- célébrée par les Apoftres ou Prophè-
gion. Autrement qu'il ne pourroit tes, loint que par la confcffion de
euiter la rigueur des edids & com- noftre foi qu'on appelle le Symbole, il
niandemens du Roi , lefquels ils lui eft dit nommément que lefus Chrift,
déclarèrent bien amplement pour l'ef- après fa mort & refurredion , monta
aux cieux, où il eft feant à la dextre
pouuanter.
auoit Buron
& tenoit lefusfitChrift
refponfe
pour qu'il
chef de fon Père, & ne fe trouue point
de l'Eglife; que les commandemens qu'il foit depuis defcendu & n'en def-
de Dieu, eftô
efcritsau cendra iufqu'au iour du iugcment ,
auoyent eflablis20.par
chap. d'Exode,
icelui lefus, quand il viendra iuger les vifs & les
en plufieurs paffages de fon Euan- morts. A déclaré auffi que tous les
gile ; que fes Apoftres auoyent eflô Eucfques, Preftres, Moines & fup-
par lui enuoyez prefchcr ce mefme
Euangile par tout le monde ; que les pnfts du Pape, à la manière des Pha-
rifiens, ticnont le poure peuple en er-
Apoflres (& auparauant eux les Pro- reur, le deftournans de la vraye foi,
phètes) auoyent fait de tout temps & fiifans mourir ceux qui la fouflie-
pure confefiion de leur foi deuant nent. Voila, en fomme, le contenu au
Dieu c*!: deuant les hommes, s'apuyans procès des interrogatoires & refponfes
du tout fur Dieu & non fur les tradi- de lean Buron.
tions des hommes. Que tous vrais Son procès eftant fait , le Vendredi
feiziefme de luillet audit an , on le
annonciateurs de l'Euangile prcf- Toute ccrte
choyent purement & fimplcment ce iugca au rapport du lieutenant M. Guil- procédure eft j
qui y eft contenu , fans y adioufter ou laume le Rat. par Chalopin , lieute- exlraite des
diminuer aucune chofe , fuiuant ce nant particulier, P. Gohin , P. des adlcs de
Apoc. 22. l8
qui eft dit
adioufte en chofes.
à ces l'Apocal.Dieu
: « adiouftera
Si aucun Hayes , F. Leuret, F. Colin, Con- minel.
feillers, & ledit Chaillaud , ordonné
fur lui les playes efcrites en ce li- de venir
l'Euefque procès cri-
ure, &c. » fait deuantd'Angers.
eux en laEtChambre
l'ayans
Apres ces refponfes , les luges, du Confeil, fes refponfes répétées de
voyans que les menaces de mort pro- mot à autre, il iura i^- afferma icelles
fitoyent autant peu que la promelTe de contenir vérité, & les auoir faites fé-
lon fa confcience ; toutesfois fi on lui
fa deliurance qu'ils lui auoyent faite,
demandèrent s'il vouloit auoir ledure nionftroit par la parole de Dieu chofe
des refponfes par lui faites deuant le mal dite, la corrigeroit, A' ne demeu-
Senefchal de Craon. Il dit qu'oui , &^ reroit opiniaftre. On lui répliqua quelle
correflinn il y voudroil faire , finon
qu'entant
il les vouloit qu'elles contenoyent
maintenir. vérité,
Ce fait , ils
qu'en délibérant d'aller à la Meffe il
lui demandèrent fi les fdrgcns le me- corrigeaft fon erreur i^ les mauuais
nans auec fon fils prifonnier, ne l'auer-

i
tirent pas , en paiïant par deuant propos qu'il
crement. en feauoit tenus du
confeffant à vnfaind fa-
preftre.
l'Eglife faind Nicolas, d'ofter fon Il leur dit, en fomme, qu'en tout cela
chapeau , tSc faire reuerence à la croix il n'y fauoit rien à corriger , & que
& remembrance de la paffion de le- d'aller à la Meffe ou de fe confeffer
fus Chrift. Sa refponfe fut qu'on l'en au preftre , qu'il ne le feroit iamais ;
auertit, mais que la Loi de Dieu lui de porter reuerence , pour caufe de
commandoit, au vingtiefme d'Exode, religion, à vne chofe corruptible, ou
Exode 20. 4. de n'adorer aucune idole , ni chofe adorer ce que le preftre monftroit en
quelle qu'elle fa Meffe, ce n'eftoit que tout abus;
defTous , trop fuft
bien, tant au ciel
que les que
hommes que la Meffe inuentee des hommes
eftoyent tenus de porter honneur &
eftoit chofe damnable , & qu'il ne
487
TOVCHANT QVELQVES EGLISES DE PIEDMONT.

croyoit point à ce qui n'eftoit en TEf- qui fe fient en lui , & le proteSleur m.d.lvii.
criture , veu que tout ce qui faifoit des Eglifes affemhle^senfon Nom,
befoin à nofire falut eftoit contenu en
ennemi des ennemis d'icclles, comme
l'Efcriture fainde. Pour la dernière il a efïé de tout temps & le fera à
fois eftant admonneflé de changer iamais.
d'opinion, demeuraraifon
ne lui amenoyent relblu,
de puis qu'ils
la faindle
Les habitansdes vallées d'Angron-
Efcriture , laquelle feule il difoit de- gne, Luferne, faind Martin & autres,
uoir ellre iuge de leur différent. Les
deffufdits luges & Confeillers, voyant iffus du peuple appelle "Vaudois (qui
iadis s'eftoit retiré, à caufe des perfe-
fa confiance, qu'ils appelent opiniaf- cutions, es deferts des montagnes de
treté , le condamnèrent d'eflre pendu Piedmont), eurent en ce temps publi-
& eftranglé, & l'on corps bruflé. Bu- quement laprédication de l'Euangile
ron ayant ouy fa fentence , leuant les en pureté de dodrine. Dieu leur en-
yeux au ciel , loua Dieu de la grâce
uoya de vrais & fide'.es annonciateurs
qu'il lui faifoit de fouffrir pour fon d'icelle, lefquels , enfemble le peu-
faind Nom. Lefdits luges tousefmer- ple, deliberoyent bien de continuer,
ueillez, & comme fentans vn iugement comme auparauant on auoit fait efdi-
de Dieu qui les preffoit en leur con- tes vallées , le plus couuertement
fcience , lui dirent : « Et quoi ? n'en qu'ils pourroyent; rnais tant de gens
Refponfe appeles-tu point ?» Il leur dit : « Com-
mémorable. acouroyent de tous codez, qu'il falut
ment,Meilleurs, ne vous fuffit-il pas prefcher en public & deuant tous.
Chofes mémorables font récitées en
d'auoir les'mains teintes en mon fan^,
fans en vouloir fouiller d'autres, & les l'hiftoire des perfecutions & guerres ,
rendre aufjl coulpables de ma mort,
comme vous ferc^) » Cefte refponfe les faites depuis l'an m.d.lv. contre lef- Cefte hiftoire
ell inférée
eflonna encore plus, & partant on dits peuples (i), qui méritent d'eflre
leuës & entendues. Entre autres, d'vn ci 8.après
l'ofta de là pour eftre conduit au lieu liure.au
ordonné au fupplice. Y eftant amené, homme de Briqueras (qui n'eft qu'à
vne lieuë d'Angrongne) , nommé Ican
il mourut conftamment , parlant de la Iugement de
Martin Trombaut, lequel s'ejlant vanté rable.
Dieu admi-
foi & efperance qu'il auoit que noftre par tout que , pour empcfcher le cours
Seigneur lefus Chrift le receuroil à de la prédication^ il couperoit le ne^
l'heure en fon repos éternel. au Mini/Ire d'Angrongne, fut tojl après
afjaiUigea led'vn
nei ,loup
dontenragé qui lui
il mourut man-
enragé.
\^^*^>\^/v^^v^^\^/v^>^^>'.^>' Ceci a eflé conu notoirement par tout

ToVCHANT QvELQVES EGLISES DES le paystenducirconuoif in ; & fi n'a-on en-


FIDELES EN CERTAINS ENDROITS DE tre mal neque ce loup ait iamais fait au-
dommage.
PlEDMONT (l). Or par le difcours du procès ci
deuant dit de Barthelemi Heaor (2), on
Les payfans des vallées de Piedmont a peu conoiftre comment le parlement
ayans tout leur recours à Dieu , de Turin tafchoit par tous moyens
n'attendans aide d'ailleurs, ont ex- d'empefcher le cours de l'Euangile ef-
périmenté enleur grand befoin que le dites vallées, voire de fufciter les for-
ces du Roi de France (qui lors tenoit
Seigneur ejî l'adreffe des fimples
Prefidens
le pays) pour ruiner. L'vn
de cetoutParlement, des
nommé
(1) Crespin, 1564, p. 870; 1570, f» 457; De faind lulian, vn Collatéral appelé
1582, f» 414; 1597, f" 411; 1619, f° 44Ç.
Cette notice a pour source yHistoire des pcr- De Ecclefia , & autres, .furent dépu-
fccutions et guerres faites depuis l'an 1555.^ tez pour informer ou pluftoft efpou-
iusques en l'jn i;6i. contre le peuple appelé uanter de menaces le poure peuple.
Vaudois. qui ejl aux valees d'Angrongne. Lu- Ce prefident, auec fes compagnons
ferne. faincl Martin, la Pérou fe & autres du
pais de Piémont Nouuellement imprimé ,
députez de la Cour, s'adrelTa premiè-
M.D LXH., 170 p. In-8» (sans nom d'auteur
et sans lieu de publication). Dans son édi-
rement àceux de la vallée de Pe-
tion de 1Ç70, Crespin fit passer en entier roufe , où il n'y auoit encores aucun
cette plaquette dans le Martyrologe, en en
reproduisant même le titre (voy. liv. VIII). Miniftre ; mais alloyent aux predica-
Mais, dans son édit. de i;6;, il s'était borné
à y puiser cette courte notice. Les faits qui
s'agit du livre anonyme indiqué dans
noteIl ci-dessus.
la (1)
y sonttice durapportés
livre VIIL se retrouveront dans la no-
(2) Voy. page 4)7, supra .
LIVRE SEPTIEME.

488 qui fo faifoyent à Angrongne.


lions par toutes les vallées il y eut des mi-
Ces poures gens furent fort troublez niftres qui prefchoyent publiquement
de la venue de tels CommiflTaires, lef- en toute pureté la parole de Dieu, &
adminiftroyent les Sacremens. Lors
quels
de S. de là s'enoùallèrent
Martin, en la vallée
ils efpouuanterent les Preftres & moines, qui auoyent
fort le peuple , tant par informations voulu empefcher le cours de la prédi-
que par menaces , & y demeurèrent cation de&l'Euangile
iufques vers Pafques , pourchalTans Prefident des fiens,parfurent
la venue du
fruftrez
de le ruiner & exterminer du tout. de leur attente, comme Dieu fait bien
Ce Prefident, arriué à Pignerol , en- renuerfer les confeils & complots de
uoya qyerir entre autres vn homme fes ennemis, car la Méfie pour lors enLa MefTe cefTs
Angrongne.
de faind lean (qui eft afTez près ceffa du tout en Angrongne & en beau-
d'Angrongne) , & lui demandant s'il coup d'autres lieux.
n'auoit pas fait baptifer fon enfant
par leurs nouueaux miniftres, & pour-
quoi ,ce poure homme refpondit qu'il
l'auoit fait baptifer à Angrongne ,
pource que le Baptefme y eft admi-
niftré félon l'ordonnance de lefus Nicolas Sartoire, de Quier en
Piedmond (i).
Chrift. Là deffus ce Prefident , en
grande cholere , lui commanda de par
le Roi, fur peine d'ellre bruflé, qu'il L'occajlon de mettre à mort ce tefmoin
Exemple euft à le faire rebaptizer. Le poure iic le fus Chril, a efli' , que la vérité
comme Dieu
donne bouche homme fupplia qu'il lui fufl permis de de l'Euangile opp'ofee aux nienfon-
aux pourcs prier Dieu auant que lui refpondre. ges & blafphemes des Juppo/is de
idiots , pour Ce qu'ayant fait dedans la falle en Satan ejl tellement affaillie de tou-
confondre les
fai;es de ce prefence de toute l'affemblee, il dit tes parts, ju'il n'y a lieu de defenje
inonde. au Prefident : Qu'il lui cfcriuift & du cojh' aes hommes. Mais lé Sei-
fignaft de fa main comment il le def-
gneur feul , en l'infirmité des fiens ,
chargeoit d'vn ici péché , & qu'il le veut manifefler (a puijjancc , & am-
prenoit fur lui & fur les fiens, qu'alors plifier es monts & vaux le règne de
il lui refpondroit. Ce Prefident fe lejus Chrijl fon Fils.
trouua eftonné d'vne fi foudaine de- • Cède ville a
mande du payfan , & comme faifi de La cité * d'Ofte (?.), de laquelle la edi iadis
frayeur, fut quelque temps fans pou- val d'Ode eft dénommée, terre fertile nommée
uoir parler. Puis après il lui dit : en bled, vin A pafturages, ayant enui-
« Defloge d'ici , vilain. » Ainfi fut de- Augustetoria,Pre-
comme
liuré le poure homme de la fureur de ron Lxxxvi. paroifi"es en deux iour- les inscriptions
ces ComifTaires. nees de longueur, annexée à la Sa- anciennes le
uoye, fut en ce temps humedee du
Le furplus des procédures tenues fang de Nicolas Sartoire, natif de voyent encores
portent & fe
par eux tendoyent à ce but que le Quier (3) en Piedmond, aagé à peu a prefent.
peuple defdites vallées euft à fe ré- près de vingt fix ans. Icelui vint au
duire àl'obeiftance du Pape, fur peine mois de Feurier m.d.lvii. de Cham-
de confiscation de corps & de biens.
Mais après que le Prefident & les bery en ladite ville d'Ofte , pour cer-
fiens eurent aiïez tracalTé çà & là, tains afairesd'vn marchand, au temps
que les Papiftes célèbrent leur Ca-
s'en retournèrent à Turin auec plu- refme. Y eftant de feiour, ainfi qu'on
fieurs efcritures & procédures faites
lui recitoit plufieurs
dien Cordelier fables qu'vn
prefchant Gar- ,
la paffion
par
tout eux.
par Etdeuers
après ceux
qu'ils du
eurent mis le
Parlement
de Turin , on cnuoya en France à la le iour dredi
qu'ils
deuant appelent
Pafque, le Grand
auoit ven-il
dites,
Cour, où les afaircs demeurèrent en-
uiron vn an auant que la refponfe en reprint,iSc monftra l'horreur de tels
blafphemes forgez par ce Cafard con-
fuft rendue. Durant ce temps-là, tou-
tes les cglifes du peuple furnommé
Vaudois eurent quelque repos , félon (1) Crespin, 1564, p. C71; U70, f"458;
l?82. (^4r4; 1597,^412; 1Û19, f" 446. Voy.
que Dieu, par vne bonté infinie, a Gilles, Hist. cccIl's.. p. 64.
acouftumé de soulager et donner re- (2) Aoste, ville de la province de Turin,
au pied du Sainl-Bernard.
lafche aux fiens après qu'ils ont efté (!) Quiers, ou Chieri, ville de la province
agitez d'orages & tempeftes. Ces de Turin , qui possède la plus vasic église
eglifes s'augmentèrent tellement, que gothique du Piémont.
ANGE LE MERLE.
489
M.D.LVII.
tre la vérité & maiefté de l'Efcriture ni efbranlerent aucunement ; ains per-
fainde. Peu après auoir remonftré feuera conftamment en la pure inuo-
cela, il y eut vn nommé Ripet, fecre- cation du Fils de Dieu, iufques au
taire , qui vint aborder Nicolas en la dernier mouuement de fon corps.
boutique d'vn fidèle de ladite ville
d'Orte, lui demandant: « Eh bien,
noftre Prefcheur n'a-il pas bien pref-
ché ? « « Non, » refpondit Nicolas,
« mais il a menti faullement. » Ripet, M. Ange le Merle, Zelandois (i).
entre autres propos, lui dit : « Vous
ne croyez pas donc que noftre Sei-
gneur foil en rhoftie ? » Nicolas lui édition
celle (juc l'am-
Nous ple des en
difcoiirsons
prcfcnt j(faùts M. Ange
dit : « la n'auiene, car voftre Credo le Merle, excellent feruileur de lefus
mefme vous dit. Qu'il eft affis à la Clvill, a foujlenus pour maintenir la
dextre de Dieu le Père, &c. » Incon-
l'eritii de FEuangile , contre les ef-
tinent après ces paroles, Ripet s'en
alla trouuer le Cordelier & autres fup- forts diuers des fuppojls de l'Ante-
pofts de l'Antechrift, pour faire ap- chrijl, fuyuant l'hiftoire qui en a efté
préhender Nicolas, qui fut auffi tort
auerti par aucuns fidèles de fe retirer (i) Celte notice, sous sa forme actuelle,
de la ville pour euiter le danger. Il fois dans la der-
ne vouloit aucunement entendre à
a parunièrepour du première
édition la Martyrologe, celle de 1619.
La dernière , publiée du vivant de Crespin ,
en 1570, et celles de 1582 et 1597 ont, à
départir, mais s'efiouiffoit, difant : « O
Dieu ! me ferois-tu ceft honneur d'en- cette place, une notice beaucoup moins lon-
durer pour ton Nom ! » Ses amis gue, et fort dirtérente de forme et de fond,
sur le même personnage , qu'elles nomment
neantmoins firent tant par leurs re- Angcl Emphlitius. L'édition de 1608. en rec-
monflrances, que s'accordant de for- tifiant le nom de ce martyr, prévient le lec-
teur qu'il a été ■ nommé M. Angel Emphli-
tir, ils l'accompagnèrent hors la ville tius es éditions precedens, par l'inaduertance
vers Eftrouble , enuiron trois lieues.
des Imprimeurs. » Elle conserve la rédac-
On enuoya incontinent en diuers en- tion de 1570. sauf sur un point important, le
récit de la mort, où elle rectifie le premier
droits après lui pour l'attraper, & fut périr Ange dans les flam-
trouué à fainft Rémi, au pied de la récit ,mes, quitandis faisait
que, en réalité, il mourut de
montagne du grand fainft Bernard, & mort naturelle au moment de monter sur le
amené en la ville. Eftant examiné de- bûcher.
1619 est Le une récit adopté
rédaction par l'éditeur
absolument de
nouvelle
uant Antoine de l'Efchaux, bailli de et bien plus détaillée qui tient plus de douze
la ville, & autres de la luftice, il ref-
pondit de telle promptitude que tous pages in-folio,
occupait tandis Comment
que deux. expliquer n'en
que la précédente ces
différences de forme et de fond? Pour ce
s'efmerueillerent. Quand ce vint à la qui est du nom même du personnage , la
queftion de l'efirapade , lerefufa
fergentde qui solution du problème est assez aisée. Notre
deuoit tirer à la corde, ce
savant collaborateur, M. Christian Sepp, l'a
faire, de manière que le Bailli auec déjà indiquée dans son GcschUdIiundige
le Procureur fifcal & vn Chanoine , Nasporingcn (Leyde, 187;) , p. 88. Ange Le
Merle (ou plutôt Van Merle) , Angélus Me-
eux-mefmes l'ayans tiré en haut, s'ef- rula, selon la forme latine de son nom, était
forcèrent en vain, penfans le faire def- curé de Heenviiet , d'où Crespin a tiré la
dire. Cependant les Seigneurs de forme latinisée Emphlitius. Quant aux
Berne furent requis de le demander à inexactitudes du premier récit, elles s'expli-
quent par le fait qu'il était sans doute le
ceux d'Ofte, comme leur fubieft, ayant produit
des d'une sorte
événements vieuxde déjà
tradition orale ans
de treize , sur,
eftudié & refidé en leur ville de Lau-
quand ils trouvèrent place dans le Martyro-
fanne; mais ceux d'Ofte, après auoir loge français. 'Van Hœmstede a narré le
plufieurs fois examiné le patient , premier l'histoire de ce martyr. Crespin a
dû le suivre, et a eu également sous les
voyans qu'ils ne profitoyent rien, haf-
terent fon exécution, & lui pronon- yeux sans doute l'écrit satirique publié en
Hç8 et IJ59 par Hcnricus Gcldorji , contre
cèrent fentence d'eftre bruflé vif, le l'inquisiteur qui joua le principal rôle dans
quatriefme de May mil cinq cens cin- le procès de Merula : Thcologi Ruardi Tap-
quante fept, auquel iour eftant mené
part Enchiisani Apotkeosis. L'éditeur de
au fupplice, le Seigneur l'arma d'vne 1619, en possession d'une relation authenti-
telle force & conftance, que le Pro- d'Angelus Merula, n'hé-
cureur fifcal ni autres ennemis de sita pas àsoufl"rances
que des rejeter le récit de Crespin et à le
remplacer par une nouvelle narration .qui
l'Euangile là eftans (lui mettans au n'est autre chose que la traduction abrégée
deuant chofes contraires à la vraye du livre de Paul Merula, petit neveu d'Ange,
profeffion de vérité), ne le diuertirent livre dont le titre et la description se trou-
vent dans la note suivante.
LIVRE SEPTIEME.

490 fupportables erreurs. Mais ne voyant


imprimée
ûuatre , àenLcydc
Latin en
, l'an mil f\x cens
Hollande (j). fulïïfante ouuerture pour abolir ou
Sfous y auons Irouui tant de nota- changer tout ce qu'il improuuoit , &
bles remarques, que nous eufjions qui fe trouueroit répugnant à la pa-
fait confcience d'en fru/lrer le Lec- role de Dieu , premièrement il com-
teur, lequel verra en cejlc hijloire mença l'an 1552, sur la fin d'Odobre,
chofcs merueilleufes, & totalement à changer beaucoup de chofes au
MefTel, nommément en la prière qili
dignes d'ejlre fceuës par la pojlerité. fe chante le iour de ToulTamds, & à
Son pays & fa Ange le Merle, nommé en Latin introduire ses paroiffiens en la voye
condilion.
Ant;elus Merula, iffu de noble famille, de falut , tant en fes profnes que par
nafquit à la Briele (2), ville de Ze- enfeignements particuliers, de forte
landc, l'an mil quatre cens huitante que, du viuant de ce Seigneur, il re-
deux. Aagé de vingt & vn ans, il fut forma beaucoup d'abus. Ce Seigneur
enuoyé à Paris, où, palTé maître es qui l'aimoit venant à décéder, Satan
arts au bout de quatre ans après, & fes fuppofis firent tant par diuerfes
l'an I Ç08, il obtint la licence en Théo- plaintes à la Roine de Hongrie (i),
logie, & de retour en fon pays, fut fœur de l'Empereur Charles le Quint,
fait preftre en l'Eglife cathédrale gouuernante des pays bas , que le
d'Vtrecht, & l'an mil cinq cens onze, Sieur Chriflian de "Weert, conseiller
receuCurédeCruninge, Haferwoude, en la Chambre prouinciale de Hol-
& Heenvlitz, du confentement du lande, fut enuoyé de la Haye en Ze-
Seigneur de ces lieux & de tous les lande pour voir ce changement du
MelTel. Les mots de vieille prière, Le commence- ment de fon
paroiffiens (1). Il s'acquitta fort foi- traduits du Latin en François, font :
gneufement de cefte charge, s'adon-
Son eHude, nant le plus du temps à la recerche Dieu éternel tout puiffant , qui nous as
& le dofir de du vrai fens des faindes Efcritures, fait ce bien de folenn\\er, en vn seul
voir I E^'life iour de fejh, les mérites de tous les procès.
reformée. de tel zèle qu'il vint à conoiflre que
l'Eglife elloit honnie de plufieurs lai- Sainâs, nous te fupplions que lu nous
des taches, & enuelopee d'inlinis in- faces
de ta participans
propitialion,depar
l'abondance defiree
la mullilude des
(I) Voici le lilrc complet de ce livre, que intcrceffeurs. Ange auoit corrigé &
nous avons trouvé à la Bibliothèque natio-
nale : FiJclis et succinctj rcriim advcrsus changé cefle prière
Dieu Eternel comme quis'enfuit
tout puiffant, nous as:
Angelum Mcrulam trjgicc anic XL\'Il aniios, fait ce bien de (olenniT^cr, en vn feul
quadrennium , cl qiiod excurril ab inquisilori-
bus geslarum Coinmcmorjtio. Aiictcre Paiillo iour de fejle, (a gloire de tous les
G. F. P. N. Merula I. C. Lu^duni Batavo-
rum , M.DCIV. (20 p. non numérotées et Saints , nous te J'upblions que tu nous
112 p.). L'auteur de cet écrit, Paul Van
Merle, dit Merula (né en 155B, mort en 1607)
faces participans de l'abondance defiree
de ta propiliation par la feule intercef-
fut un érudit de mérite, professeur d'histoire fion de ton Fils vnique. De Weert ,
à l'université de Leyde et historiographe informé du fait, fans dire mot à
des Etats généraux. Il a publié de nom-
breux écrits d'histoire et de jurisprudence. M. Ange, alla fe loger en vne bour-
Dans la préface de son livre latin sur son
gade nomrnee
uoya quérir Gervlict, ,d'où
fecrettemcnt le 50.il iour
en-
a'i'culhollandais
en (livre quelason lils Guillaume
même année) . il traduisit
déclare
que ce sont les erreurs du Martyrologe sur d'Aoull, les principaux & plus anciens
les souffrances d'Ângclus Merula qui lui ont de Heenvlitz, qui auoyent fouuent oui
mis la plume h la main : « Quse in vulgato prcfcher M. Ange, ouit leurs depofi-
leguntur martyrologio tam sunt e.\ilia, tenuia tions, en fit procès verbal, puis reuint
et jcjuna, falsis ctiam quibusdam admixta, à la Haye.
ut quoiies in ea incido, tcmpcrare nequcam
ab indignatione; et primis leclis cognosccrc Av mois de Mars mil cinq cens cin- Ert pourfuiui
pudeat ulteriora » quante trois, M. Ange fut déféré à Sonnius,
(2j " Angélus Gulielmi F. Bartholomaîi par François
N. Merula, nalus anno M.CCCCLXXXII , François Sonnius, fe difant dodeur en
Patricia familia , Brielo; { iirbs est hodie inquifiteur.
Clara potensquc in Insula Vorniensi . ubi Théologie, Chanoine de l'Eglife Ca-
recht, deput(
Mosa lluvius in Oceanum se exonérai). » thedrale d'Vtrecht, député de la cour \
papale & impc Dcriale , feul Inquifiteur
Brielle est une ville fortifiée de la province
de Sud-Hollande (Pays-Bas), où le drapeau de la foi par toute la Hollande, Ze-
de lande, Frife A Vtrecht (2). Ce vene-
1572 l'indépendance
contre la domination nationale fut arboré en
espagnole.
(j) Il y a ici un léger contre-sens. Van
Merle fut nommé curé de Heenvliet. Ha- (i) Marie de Hongrie, gouvernante des
serwoude et autres lieux, grâce au seigneur
du lieu , nommé de Cruninghen. Pays-Bas.
(î) François Van de Vclde, ou de Campo
ANGE LE MERLE.

rable ayant contraint le Curé de Lire, uotions & pèlerinages de lieu en autre m.d.lvu.
village proche de Delft en Hollande,
vers telles ou telles images n'eftoyent
de fe defdire de ce qu'il auoit con- que vains amufemens & impoftures de
damné certaine idolâtrie, fe tranfporta
l'efprit d'erreur. 4. Qu'il auoit empef-
vers Heenvlitz, où, pour commence- ché & fait empefcher que ceux qui
ment de fon inquifition, le preuoft du venoyent en pèlerinage vers quelques
lieu, le procureur fifcal, vn fecrettaire,
iiTiages de l'Eglife de Heenvlitz, cer- 491
fuiuis en
de gens d'efpee, tains iours de l'année, filTent des of-
rent diligence vers feletranfporte-
logis de
frandes àces images. 5. Qu'es iours
M. Ange, lequel ne fçauoit rien de de proceffions & feftes folennelles il
leur venue, l'arreftent, vifitent fes li- n'alloit en proceffion, ni ne faifoit pas
ures, en font inuentaire & remuent
mefnage pour irouuer à mordre fur ce plus de cérémonies lors qu'es iours
ouuriers. 6. Qu'il auoit tant fait en fes
bon
iour vieillard.
la, faute N'ayans
de loifir,rien trouué
eftant tard ce& profnes, que nul n'alloit plus en pèle-
rinage à S. Corneille, ni à S. Lie-
ne voulans faillir au fouper qui les at- nard (1). 7. Que des long temps il ne
tendoit en la maifon du Seigneur de lui efloit chalu de chanter le Salue
Heenvlitz, ils fe retirèrent. Le lende- Rcgina. 8. Auoit fouftenu nos bonnes
main,feiziefme iour d'Auril, fécond œuures n'eftre méritoires, & nié que
dimanche après Pafques, Sonnius vid la Satisfadion fuft vne partie de péni-
la Meffe & ouit le profne de M. Ange,
lequel traita les paroles du Seigneur, tence. 9. Enfeigné qu'il valoit mieux
laiffer courir dix MelTes, fans les re-
s'appellant le bon Pafteur, au dixiefme garder, que mefprifer vn fermon. 10.
Nul ne deuoir croire à falut, finon ce
chapitre de Saind lean, où il n'en-
difné, tendit
ceft rien qu'il peut reprendre.
Inquifiteur Apres
enuoye quérir qui eft contenu en l'Efcriture Sainéte.
1 1. Que cefte parole de Dieu ne nous
XVII articles Ange, & lui prefente dixfept articles amufoit point à des cérémonies ex-
recueillis de recueillis des informations prifes l'an ternes, de iufnes fuperftitieux, de fef-
fes profnes. précèdent par le confeillier de Weert, tes, d'abftinence de viandes, récit,
lui commandant d'y refpondre dedans ledure, ou
trois iours. Ces articles contenoyent : ritoire. 12.œuure que l'on
Que vouer eftime
chofe mé-
à quoi
I. Qu'il croyoit que les Samâs re- cefte parole ne nous oblige pas , ne
cueillis au ciel ne deuoyent eftre ado- contraint le vouant de s'y alTuiettir.
rez, ni inuoquez, ni follicitez de nous 15. Mefprifoit & defcrioit les feftes
monachales, tant aufteres peuffent
affifter ; qu'il ne faloit mettre fa con-
fiance en eux ; qu'ils n'eftoyent ni ne elles eflre. 14. Monftroit à l'oppofite,
pouuoyent eflre nos intercefl'eurs en- que Dieu demande vne ame, vne pen-
fee humiliée, fidèle, obeiffante à fa
uers Dieu. 2,^Qu'il ne faloit parer les
images d'iceux, ni leur allumer des parole, & qui le reuere comme père
cierges, ni leur faire offrandes, d'au- & Sauueur. 11;. Que par lettres il
tant que ce n'eftoyent que rtatues d'or, auoit exhorté pluiieurs moines' de
d'argent, de bois, &c. }. Que les de- quitter leur profeffion, fondée fur tra-
ditions humaines. 16. Enfeigné que
leurs ordonnances, reigles, fedes &
(né en 1506, mort le 2g juin i)76). Il est
plus connu sous le nom de Sonnius. qui lui chimagrees (2) ne feruoyent que d'em-
venait de son village natal Sonne ou Zon ,
pefchement à l'inftrudion & au falut
près d'Eindhoven (Brahant septentrional). des âmes. 17. Finalement qu'il auoit
Professeur à l'université de Louvain , il fut
chargé, en 1Î4;. de l'instruction du procès maintenu que l'on ne deuoit faire
d'hérésie intenté à Pierre Alexandre, con- compte des conftitutions & traditions,
jointement avec Pierre de Corte et Thomas
de Capella. En 1S45. il fut nommé subdélé- furnommees Ecclefiaftiques , qui n'ef-
gué des inquisiteurs généraux pour les com- toyent
critures ouuertement
Sainftes. contenues es Ef-
tés de Hollande et de Zélande. En 1551 , il
fut envoyé au concile de Trente. En IJ)?, Av bout de trois iours, Ange bailla Refponfe à
la gouvernante des Pays-Bas. IVIarie de iceux. après
Hongrie, étendit ses pouvoirs inquisitoriaux fa refponfe bien ample à ces articles,
aux provinces de Frise, Over-Yssel et Gro- fortifiée
ningue. En 1560, le pape Pie IV le nomma Apoftres, d'authoritez des Prophètes
item de plufieurs tefmoigna-& '';;°^„^^'fo'"^[-
efpiuchez, fon
inquisiteur général. En ijôi , il devint pre- ges des Anciens dodeurs , de telle eiUide fouillée
mier évèque de Bois-le-Duc. En iîu8, il
fut transféré à Anvers, où il mourut en H76. forte que Sonnius, en lieu de repli- & pillée.
Voy. Paul Fredericq , Cours pratique d'his-
toire nalionalc, 2' fascicule, p. 11 1; Mémoi- (i) Saint-Léonard.
res de En:^inas (éd. Campan), I, p. 25.
(2) Simagrées.
LIVRE SEPTIEME.

492 voulut voir les liures manufcripts


auer, touchant l'Efcriture Sainde, l'Eglife,
la foi en Chrift , la iuftification , les
des fermons ou profncs d'Ange, &
n'y trouuant ciue reprendre , fe tranf- bonnes œuures, les œuures de fupe-
rogation , les Sacremens vrais & faux,
porta , fuiui de trois autres, en l'ef- la TranlTubflanliation , la MetTc, le
tude d'icelui
grand nombre , ded'où il &fitdeemporter
liures lettres. feruice de Dieu , l'inuocation des
Y ayant trouué certain liuret intitulé Sainds, le purgatoire, le Crucefix,
l'Inlcrim (i), compofé par quelques les images, les dodeurs Scholaftiques
Alemans par le commandement de & modernes, l'aflTeurance de falut,
l'Empereur, pour faire vne religion l'efficace de la foi en Chrift, l'efpe-
méfiée , chargé d'annotations efcri- rance & la charité , le royaume de
tes de la main d'Ange , lequel def- Chrift, les mérites, l'incrédulité, l'ef-
couuroit les impietez de la dodrine ficace du Baptefme , les clefs de
Papiftique, Sonnius le fit affigner à l'Eglife, la remiffion des péchez, la
comparoir deuant le Seigneur de vraye confeffion , l'Euchariftie , la vie
Heenviitz, où il lui dit mille iniures , Chreftienne , la faindc & feinte pau-
& le commit en garde à ce Seigneur,
ureté, la vierge Marie, l'honneur des
auec defenfe de donner accès à per- fainds, les proceffions, images, feftes
fonne vers le prifonnier , fors à Guil- àbaftons(i), reliques, quarefmes, orai-
laume le Merle fon neueu , ieune fons , iufnes louables &. condamna-
homme aagé de 24. ans, fait faifir & bles, latriple facrificature, les fouillu-
inuentorier fes meubles, recueille de res & impietez de la moderne Eglife
l'Intérim fufnommé Trentehuit arti- Romaine , les efciaues du Pape , les
cles ;puis ayant refueilletté plus at- dodeurs Scholaftiques & Canoniftes,
tentiuement les fermons manufcripts les difputes de la iuftice du pécheur
du prtfonnier, en tire quarante deux deuant Dieu , la iuftice des œuures ,
articles (2). En après, il en amalTe les prières, les proceffions champef-
encore vingtcinq autres des remar- tres, Letanies.benedidionsdesfruids,
ques faites par Ange fur vn Hure La- les exorcifmes, la communion fous les
tin ,intitulé Philippica , compofé par
deux efpeces , l'abftinence des vian-
Alfonfe des ,l'attente des déterminations du
rie (;). 'Virueze , Euefque
Non content , il de
fe Cana-
remet Concile, le droit Canon, la remiffion
après l'Intérim, & des cenfures inter- dés péchez, les fedes monachales, le
lineaires manufcriptes tire encores l'Antechrift.
dixhuit articles. Il voulut encore voir cœlibat, les fuperftitions, l'eau bénite,
le commentaire d'vn dodeur Sor- Ange n'eut que huit iours pour ref- Il refpond à
bonnifte nommé Claude Guillaud (4), tous contre
pondre à ces i]<i. articles & en dire
fur les Epirtres de S. Paul, où ce librement fon auis à Sonnius , qui toute attente
humaine.
dodeur, conuaincu par l'Apoftre, con- l'attendoit
bre ou à la pour
mort. l'expofer
Il adioufteenlesoppro-
rufes
felTe que nous fommes iuftifiez par la
feule foi. Le liure ayant eflé apporté, à la cruauté, confeillant le prifonnier
il recueillit des annotations efcrites de faire courte refponfe. Or combien
Cent cinquante par Ange douze articles. Comprins que ce vénérable vieillard, fourd, de-
deux ariicles les dixfept fufpccifiez, voila en tout bile , <& particulièrement affligé de
comfe'iul. ""' cinquante
tenoyent deux articles,
la plufpart qui con-
des controuerfes difenterie , du mal d'efpreintes.& de
fieures continuelles , n'euft en appa-
& traditions papilliques , & le fom- rence vigueur quelconque ni moyen
maire d'infinis efcrits fur les difputes propre pour refifter au cauteleux & fu-
rieux aduerfaire qui le pourfuiuoyent,
(1) " Libcllus, qui vulgo tune cognomina- en continuant de fe recommander au
balur Intérim. •> Il s'agil de Vlnlcrim d'Augs- Seigneur, il fe fentit tellement fortifié
bourg , rédigé sur l'ordre de Charles-Quint
el
1548,proclamé, par les
mais auquel lui, prolestants
loi de l'Empire, en
refusèrent par le Saind Efprit , qu'à l'aide d'vne
Bible & de quelques autres bons li-
de
que sedessoumettre , parce
concessions qu'il ne leur faisait
Illusoires. ures qu'il recouura , fe feruant auffi
de la main de fon nepueu pour ef-
(2) L'ouvrage latin de Paul Mcrula cite crire, il achcua fa refponfe fans rien
au long ces articles, ainsi que les suivants.
()) Alphonse 'Vir\és, bénédictin d'Olmeda,
oublier, & bailla fon efcrit à Son-
théologien espagnol . éviquc des Canaries , nius. Au bout de ceft efcrit eftoit vne
est l'auteur des PhiUppicac dispulationes vi-
ginti, en réponse à Mélanchlhon.
(j) Claude Guillaud, auteur d'une (1) Fêtes dans lesquelles les confréries
funèbre de Claude de Lorraine, i;$o.oraison sortaient avec leurs bannières et croix.
493
ANGE LE MERLE.

proteftation que tout ce qu'il auoit ef- à falut, finon ce qui eft contenu en m.d.lvu.
crit en fes Hures n"eftoit pour outra- l'Efcriture fainde. Ced Inquifiteur fe
ger les auteurs de l'Intérim , ni prend à crier, difant que celle pofition
l'Euefque de Canarie , ni autres, mais elloit pernicieufe , que le prifonnier
feulement pour le refpeél & la recer- deuoit adioufter & auertir fes paroif-
che de vérité. Qu'il n'auoit monftré fiens, qu'oultre l'Efcriture faincte il y
ni prefté fes Hures à perfonne , ni dif- auoit encore vne parole de doftrine ,
puté de ces matières auec aucun ; qui auoit ferui aux anciens Pères, de-
eftimoit au refte lui eftre loifîble , uant que les Hures de la Bible fufTenl
comme à tous autres Ecclefiaftiques , efcrits. R. « l'ai fait clairement en-
& lui auoir mefmes efté permis par le
concile commencé à Pife , continué à tendre àmes paroifliens qu'ils ne de-
uoyent adioufter foi quant à leur falut
Vicence , puis affigné à Trente , de finon à l'Efcriture fainfte , laquelle
marquer à part foi les défauts & abus fuffifoit pour les contenter. Neant-
qu'il iugeroit deuoir eftre reformez en moins ie penferai à ceft article &
l'Eglife. Que ce priuilege ayant efté l'expliquerai par Hure que ie ferai im-
publié, lui (comme vn de ceux qui ne
primer. Sonnius,
» n'ayant point de ré-
defiroyent que vraye paix en l'Eglife) plique entra
, en la difpute des vœux.
eftoit refolu en fa penfec, que fon de- La dessus arriue vn doéleur de Lou-
uoir lui commandoit de dire, ou de
uain, chancelier de l'Académie, Doyen
viue voix ou par efcrit , en toute li- de S. Marie & premier Inquifiteur es
berté ,fans péril ni recerche crimi- pays bas , nommé Ruard Tapper (i),
nelle, ce qu'il feroit d'auis de propo- lequel , acompagné de deux hommes,
fer en fait de religion , pour la manu- fe rend vers la prifon. Entré, déclare
tention d'icelle. Qii'on ne deuoit point qu'il defire voir fon confrère & ancien
le traiter fi indignement , pour auoir compagnon. On appelle le prifonnier
efpandu fon cœur deuant Dieu , pour en la chambre de l'Inquifition , où
le foulagement de fa mémoire : nom- Ruard le falua , puis entre en confé-
mément après auoir entendu que rence fur l'article du feruice des
l'Euefque d'Vtrecht & l'Archeuefque Sainds, iusques à s'efcrier que lui &
de Cologne vouloyent (ce que Son- le
nius furprifonnier
ce poinft fe, trouueroyent d'accord
& que finalement ils
Merle n'ignoroit
fuft du nombre pas) des
que Ecclefiafti-
Ange le
s'efclairciroyent de tous les autres ,
ques députez du pays bas pour fe que le prifonnier déclara auoir enclos
trouuer au Concile. Qu'il auoit gran- enfemble. L'aprefdifnee de ce mefrae
dement defiré de faire vn tel voyage , iour, qui elloit le I^. de luin, Tapper Difpute des
mais fa vieillelTe & fes maladies l'ar- & Sonnius difputerent contre Ange , deu.x inquifi-
reftans , il délibéra fuppleer à cefle
abfence par efcrits bien amples, pour qui le lendemain prefenle à Tapper 's"" contre
en vn papier fa confeffion de foi en "^^'
fe faire mieux entendre par les délé- douze articles, déclarant qu'il preten-
guez qui fe trouueroyent au Concile, doit viure & mourir en cefte confef-
afin d'entendre mieux leurs refolu- fion. Là delTus Tapper propofa vn
tions après la tenue d'icelui. efcrit Latin , declairant que, fi le pri-
Eft mené pri- Tandis qu'il maintenoit fon inno- fonnier l'aprouuoit, le différent pour-
fonnier à la cence & la vérité par fermes afler- roit s'appaifer. Nous l'auons tourné
^^y^' lions , Sonnius le diffamoit près &
loin ; puis ayant receu fes refponfes
aux cent cinquante deux articles , il (i) Voy. tome I, p. 538. Ruard (ou
Rueward) Tapper (souvent appelé Tappaert
laiflTa fon prifonnier en feure garde, & par Crespin) naquit à Enkhuizen en 1480 et
fit tant par fes menées que , par le mourut à Bruxelles en 1558. 11 fut recteur
commandement du gouuerneur de et professeur au collège du Saint-Esprit, à
Hollande & Zelande, Ange fut mené l'université de Louvain. En 154;, il fit partie
de nuid à la Haye, le huitiefme iour d'une commission inquisitoriale chargcc
d'instruire le procès de Paul , chapelain de
de luin, fur les neuf heures du foir, & Saint-Pierre de Louvain. En IÇ47, le pape
fut conduit en la prifon , nommée Paul 111 le nomma inquisiteur général con-
Porte de deuant.
des membresjointementles
avec Michel Drieux.
plus actifs Il fut l'un
du concile de
Sonnius dif- SONNivs l'eftant venu vifiter au ma- Trente. Mais son nom rappelle surtout le
pute contre tin du iour fuyuant , entra en confe- souvenir d'un inquisiteur impitoyable. Ses
œuvres ont été publiées en H82 à Cologne,
in-f". Paul Fredericq , Travaux ou cours
pouMa"parole
non efcrite. articles fur des
mis lui
""ence auec table, & fe premiers
dixfept print à
celui qui porte que nul ne doit croire prat. d'hist. nat. , 2' fasc, p. 109. Gachard,
Corr. de Philippe II, t. I, p. cxiii.
494 LIVRE SEPTIEME.

mot à mot en François, comme s'en- douces paroles, mais fans effed, le
fuit :le fuis prcll de fiirurc tout ce prifonnier ayant renuerfé toutes les
qui (.1 eiU déterminé es Conciles legiti- limitations & dillindions de ce fo-
memenl aj^femblei au Sainâl Efpril, ou phille , lequel entra lors en confulta-
qui ci afres y fera déterminé félon les tion auec deux fiens adherans , du
moyen de faire mener Ange à Vtrecht,
Efcritures , encore que ie n'entende
furquoi entreuindrent force lettres,
point comment jeni tire
détermination en quelle l'orle celle
des Efcritures. requeftes, confultations & protefla-
Semhlablement ie fuis prefl de fuyure tions, pour & contre cefte pratique,
ijuis 6' iugement de mon pa/leur & Ange demandant moins rigoureufe
fuperieur es quejlions qui font en con-
trouerfe , moyennant que cejl auis & prifon , le Clergé
les Inquifiteurs s'y oppofant
, par fubterfugesauec&
iugement ne répugne point aux Efcri- rufes de toutes fortes. Celle efcrime
tures faincles. Mais Ange, fcntantqu'en dura cinq mois entiers. En fin def-
ceft article n'y auoit que nouuelle ma- quels, au commencement de Décem-
tière d'ellrif, & en cinq autres encor
que Ruard y vouloit enclorre, lefquels rie,bre roine
,en vertu
de d'une patente
Hongrie, de Ma-
gouuernante
Ange ne pouuoit accepter en bonne des pays bas, Ange fut logé en prifon
confcience , la difpute recommença moins incommode que la précédente.
fur l'article du feruice & de l'honneur Il y demeura quatre mois, & pre-
des Sainds, dont Ruard dre(Ta certain uoyant que les Inquifiteurs vouloyent
efcrit fort prolixe, dedans lequel il le matter & faire mourir en prifon .
tafcha, par toutes fortes d'indudions, par le confeil de Nicolas Bœkelar,
de perfuader qu'il faloit inuoquer les fon aduocat , il prefenta requefle à la
Sainds trefpalfez ; la conclufion con- chambre prouinciale de Hollande ,
tenoit vne exhortation au prifonnier, fuppliant que, fous caution fuffifante,
la Haye fui fuft baillée pour prifon,
qu'il reuoquafl ce qu'il auoit auancé
par fa confeffion de foi & contre les que Sonnius & fes adjoints fuffent
lix articles propofez par Ruard , & contrains nommer luges deuant lef-
fuiuill le confeil qui lui eftoit donné, quels ledifférent fe iugeafl, fans con-
fur peine d'eftre déclaré hérétique. damner ainfi réellement le pauure fup-
Ange refpondit le lendemain à cefl pliant à prifon perpétuelle. Celle
efcrit par vn autre plus brief, mais
requefle fut l'occafion
rent les aduerfaires de qu'empoignè-
ce vénérable
mais trelTolide, prouuant par tefmoi-
pnages de l'Efcriture fainde & des vieillard pour l'exterminer, & la fa- tre
Dieuadmirable,
fe monf-
Dodeurs anciens qu'il ne faloit inuo- geffe du Père celefie l'afranchit de & enel\tous
adorable
quer autre que Dieu feul , réfuta les toutes captiuitez par vne heureufe fes
faits.
fophifmes de l'aduerfaire , concluant mort. Car, d'vne part, la chambre
qu'il aimoit mieux mourir & eftre dé- prouinciale de Hollande enuoya cède
nigré ,comme
fouftenant celui on
feull'en menaçoit
deuoir , en
eftre inuo- requefie d'Ange à la Gouuernante ,
pour entendre et fuiure fon comman-
qué , lequel eft riche enuers tous fes dementde
; l'autre, les Inquifiteurs
feruiteurs, que d'edre grand au monde & l'Académie de Louuain commen-
en delain"ant ce riche-la, pour enfei- cent à s'efcarmoucher plus que de-
uant ,& combien que Ruard euft eu
gner fes paroiffiens à s'adrelfer & de-

i
mander àdes pauures, qui n'ont chofe quelques efirifs pour fes leçons auec
quelconque d'eux mcfmes & ne peu- les autres profelTeurs (i) , en fin He-
uent rien donner du leur, attendu rodes it Pilate (comme on dit) deuin-
drent amis, de forte que Ruard, par
qu'ils ne peuuent
lefus Chrift. rienfont
Ceux-là de les
bienSainds
fans commiffion de la Gouuernante, vint
trefpaffez. à la Haye, le neufiefme iour de luil-
Confiante Or vn peu deuant que Ruard par-
rcfolution Ju let 1 S^A- fit referrer Ange plus efiroit-
tift, qui fut le 21. de luin ii;^?. il tement que les mois precedens; on le
prifonnicr
prefenta vn deuxicfme efcrit touchant menace , fes liures & efcrits lui font
cède matière, exhortant Ange de le oflez ; fomme Ruard lui fait toutes
Héroïque &
lire,, le
copier fortes d'indignitez ilfe d'outrages. Or
leu rendit& tout
accepter. Ange
fur pied l'ayant ,
à Ruard tant s'en falut que le courage lui extraordinaire

déclarant au'il l'improuuoit. Ruard grandeur h de


courai;e vn
defloge it lailTe la place à Sonnius , (1) Il eut à soutenir contre Baïus quol-
homme demi
mort.
tion reprint
lequeldes ce propos
Sainds de l'inuoca-
auec beaucoup de ciucs débats , qui lui attirèrent l'accusation
jc pélagianisme.
495
ANGE LE MERLE.

les Confeillers de la Chambre auoyent m.d.lvu.


faillift, qu'au contraire en prefence du
gouucrneur de Hollande , du Prefi- efté abfens pour la plufpart , à caufe
dent Allendeif, des Confeillers de la
des vacations d'Aouft. Sur ce, le pri-
Chambre prouinciale & de plufieurs fonnier leur dit : « Ma refponfe aux
autres doaes perlbnnages , prefques
Lxvii. articles eft prelle, peu s'en faut. »
vn mois durant, Ange, fourd, atténué Ce procureur Inquifitorial repart :
<< Ni nous, ni Meffieurs nos maiftres,
des mileres
maladies d'vne& hideufe
aiguës prifon armé
continuelles, , de
ne fommes pas en fouci de vos ref-
d'éloquence inuincible, difputa contre ponles. » « Mais ie m'en foucie beau-
l'inquifiteur Ruard & fes adherans, coup, moi, » leur dit Ange; « s'ils ne
foulîint d'vne conliance admirable tous les veulent, qu'ils les refufent. » Le
les principaux poinfts de la dodrine lendemain, Ange enuoye vn de fes
Chreftienne , renuerfa de fond en gardes porter aux Inquifiteurs vn am-
comble les boulevards & rempars de ple efcrit contenant fa croyance tou-
la Babylon Romaine, de forte que les chant la doftrine Orthodoxe & vraye-
Aduerfaires ne furent iamais plus ef- ment Catholique. le la reprefente du
Latin , en la: forme & es termes qui
s'enfuiuent
tonnez & efperdus qu'alors, tombans
à l'enuers aux tonnantes refponfes de
ce herauld de vérité. L'on ne vid » Messievrs, afin que ie ne vous Notable lettre
oncqucs homme fi prompt à recueillir
les fophifmes des ennemis , ni plus fois
que plus
vous importun, non amiable
de voir vne moins defireux
compo- a^u.fi'ÎTJÎif.'"
teurs.
adroit à les réfuter, que cell Ange, à fition de noftre procès, ou fentence
qui l'on ne pouuoit faire afront quelcon- definitiue d'icelui ; bref, pour vous fa-
que par allégations de palTages. Car tisfaire vne bonne & dernière fois par
outre ce qu'il elloit tres-dode es lan- la prefente , ie vous prie n'eftre en
gues Latine, Grecque, Hébraïque, il fouci ni en doute, fi ie penfe à me def-
paroiffoit merueilleufement confommé dire des articles qui fe trouueront en
en la leélure de la Bible & de tous mes efcris conuenanS & s'accordans
les anciens Théologiens. auec l'Efcriture fainde, item les Doc-
Les perfecu- ApRES la difpute , le procureur fif- teurs & dodrines de la fainde Eglife
eurs s'enueni- ^al, affilié d'vn fecrettaire, prefente vniuerfelle. N'eftimez point que ie
de"fa'^verité ^ Lxvii. articles au prifonnier, pour s'en vueille m'en retrader publiquement à
la confufion de vérité, ni prétendre les
defdire, & accepter autant d'autres
contrairesefcritàroppofite. Guillaume defguifer, ni m'en deftourner; mais fâ-
le Merle les ayant copiez prompte- chez que i'ai refolu de m'y tenir fer-
ment, Ange les leut, & dit ne lui ef- mement, & vous declaire que ie ne
tre poffible d'y refpondre tout à m'en eslongnerai iamais, ni à droite,
ni à gauche.
l'heure. Ce procureur ne pouuant
rien obtenir, & les Inquifiteurs s'ef- Cl Si vous m'alléguez l'Eglife, le
tans retirez qui ça qui là, le tranfporte commun & ancien vfage, la couftume;
à Heenvlitz, ou il s'efforça faire exade ie refpon , que les Eglifes (au dire de
recerche des biens du prifonnier. S. Hilaire) dedans lefquelles la parole
Mais rebuté , à caufe de l'abfence du de Dieu ne luit point, font naufrage.
Seigneur de ce lieu, force lui fut de Pourtant ii l'Eglife n'eft ordonnée ni
fe retirer chez foi , d'où reuenu à la gouuernee félon cefle parole,
tens eftre obligé, comment que ie
ce n'en-
foit,
Haye le 24. iour d'Aouft , il preffa le à tel defordre ; ains vous déclare,
prifonnier de refpondre par efcrit aux
après Cyrille , que la neceffité nous
Lxvii. articles. Ange dit qu'il les im-
prouuoit, & les refuteroit de nouueau, eft impofee d'enfuiure le contenu es
lettres du Dieu viuant, fans nous def-
dont ce procureur fut fi defpité qu'il tourner tant peu que ce foit arrière
s'en alla; mais auant que partir, il
commit vn troifiefme portier à la garde de ce qu'elles prefcriuent. l'ai apris
auec S. Auguftin , de déférer ceft
d'Ange, qui n'efloit pas homme pour honneur aux liures Canoniques de la
fuir. Cinq iours après, alfauoirle xxx.
Bible, & non à autres , que ie croi
d'Aoufi, Ange eft auerti par le procu-
reur Inquifitorial , accompagné d'vn certainement nul efcriuain d'iceux
notaire, que Ruard & fon compagnon n'auoir erré. Quelqu'vn dira qu'il
lui auoyent enuoyez fçauoir nouuelles
de fa fanté (lors il elloit griefuement faut croire ce que l'Eglife commande,
& ie lui refpon que celle n'eft pas
malade; s'excufans qu'à eux ne tenoit Eglife qui enfeigne ou commande ce
que ceft afaire ne prinft fin ; mais que qui lui plait , fans enfeignement , ap-
LIVRE SEPTIEME.

496
probation & authorization de la pa- vain, qui propofent pour reigle de fon
role efcritc. Chryfotlome dit bien à feruice les commandemens & dodri-
nes des hommes. La vérité doit eftre
, que l'on
propos Eglife conoiftre
ne peut finon la
vraye de Chrift par les préférée à la plus vieille couftume du
Efcritures; que du milieu des vrayes monde , & tout ce qui eft vfité con-
Eglifes fortent fouuentesfois des fe- traire àla vérité doit eftre aboli pour
dudeurs, aufquels ne faut adiouftcr iamais.
Contre la
foi, s'ils ne difent « S. Auguftin dit très-bien que le
uenantes auec les &faindes
font chofes con-
Efcritures. couflume

Nous fommes auertis par S. Auguftin, contempteur de "Vérité, &qui prefume vérité.
fuiure la couftume , eft poufté de vice
que les dogmes contraires à la doc- & de malignité contre les frères qui oppofec à
trine de l'Euangilo contrarient auffi A conoift"ent cefte Vérité , ou ingrat cn-
tout le refle de l'Efcriture fainde. Et uers Dieu, par l'infpiration duquel
par S. au
branslc Ambroife
vent de , laqueraifon
l'homme qui
ou auilo- l'Eglife eft endodrinee. Non moins
eftreceuablelafentcncedeS.Cyprian,
rité humaine , ert Cananean, c'eft-à- que la couftume receùe de plufieurs ne
dire inconllant & infidèle; que tout ce doit empefcher la vidoire de vaincre
qui n'a point de fondement en la pa- & de triompher ; d'autant que la Cou-
role de Dieu ne contient que mef- ftume fans Vérité n'eft qu'vne anti-
chancetez. Dont s'enfuit que l'Eglife quaille d'erreur. Lain"ons doncques
Catholique doit fuiure la feule parole l'erreur, & fuiuons la Vérité; comme
diuine & dodrine Euangelique , fans pour exemple, quittons les feruices &
quoi elle n'eft ni Chreftienne , ni ca- inuocations des trefpaft'ez, des images
tholique, ains reHemble au bafteau qui & reliques ; fuiuons la dodrine & pa-
coule en fond, e^ dont tous les pilotes, role de Chrift, nous enfeignant de
matelots & paffagers font naufrage. feruir à Dieu feul, de ne recourir à
On m'oppofera le long vfage & la autre qu'à lui en aduerfité. Tertullian
coultume de quelques fiecles, qu'il dit, que tout ce qui ne fent point la
faut fuiure & garder félon les ordon- Vérité eft herefie , quand elle feroit
nances des prélats, aufquelles chacun très vieille; & S. Hierofme efcrit
cft tenu d'obéir, le refpon, que la qu'il ne faut fuiure l'erreur de nos
couftume tient place , & pa(Te en vi- pères & anccftres, mais l'authorité des
Efcritures & le commandement de
gueur de loi . moyennant qu'elle foit
fondée en raifon, maintiene l'vnité de Dieu noftre Dodeur; n'eftant raifon-
l'Eglife & l'auance, & contiene les nable d'oppofer Couftume à Vérité ,
(ideles en charité. Car fi elle répugne veu que nous deuons dépendre non
à la parole de Dieu , efcrite es Hures point de l'vfage , ains de la parole du
des Prophètes & Apoflres , il ne faut Seigneur, & de lefus Chrift à caufe
point de qui nous fommes nommez Chref-
erreur. l'appeler
Vne couftume,de mais
couftume fept vieil
ou ticns , puis du Saind Efprit , noftre
huid cens ans entre les luifs n'empef- de
cha point Ezechias de brifer le fer- Vérité. adrelTe
vnique Outreplus ie conoin"ance
à la prie Meffîeurs
pent d'airain que Moyfe auoit fait, les Dodeurs qu'à l'exemple des Pères,
pource que iufques à ce iour là les qui ont vefcu deuant eux , il leur
enfans d'ifrael lui faifoyent des cn- plaife prendre la plume, pour me don-
cenfemens, & le nomma Nehufçtan,
ner occafion de refpondre. C'eft vn
comme 18. 4.diroit
a. Rois, qui ce n'eft
Ainfi, toute qu'airain.
ordonnance, œuure bien feant & profitable d'exer-
cer les efprits au labourage en la vi-
tout vfage contredifant à la parole de gne du Seigneur, & en difputes im-
Dieu, doit cftrc aboli & totalement portantes pour la recerche de vérité,
fur tout quand il y a danger que le
exflirpé. C'eft approuuer l'erreur ,
quand on ne lui refifte pas ; & puis peuple Chreftien ne foit deftourné du
chemin de falut & de la fincere pro-
qu'il ne faut efcouler en l'Eglife autre
Dodeur que lefus Chrift , il ne con- feffion de fa foi. 11 conuient s'exercer
uicnt nous arrefter à ce que. tel ou tel continuellement en l'eftude & foi-
gneufe recerche de la parole de Dieu,
predeceft"eur a cuidé eftre bon de
faire; mais à ce que lefus Chrift, qui l'oigneufement examiner les traditions
eft deuant tous, a fait le premier. humaines, attendu que la vie ne nous
Nous ne fommes tenus de fuiure la vient d'ailleurs que de la parole de
couftume humaine, oui bien la vérité Dieu ; mais les inuentions humaines
diuine; & ceux honorent Dieu en nous produifent & apportent la mort.
497
ANGE LE MERLE.

« Si vous confiderez exadement ces mede à ces maladies, touchées comme M.D.LVII.

chofes , vous ne me traiterez pas fi attend


palTant,mainti deux
u quequeles le fuf-
en
nommez enent peuple
cruellement qu'a fait l'inquifiteur Son-
nius, lequel commença fansauo de m'empri- n'eft pas enfeigne comme il faut en la
fonner il y a feize mois, ir ef- dodrine de repentance, de foi & noftre con-
gard à ma fieure eS: à mes diuerfes fiance en Dieu, principes de
corporelles, contre toute falut & de toute la vérité conten ue,
douleurs
équité, fans refpeft de la vérité Euan- en la dodrine de l'Euangile. Ces
gelique, en defpit de la charité frater- principes fouillez, embrouillez, defchi-
nelle t^ Chreftienne; attendu qu'il rez, & abolis , ne refte aucune efpe-
aux Théolo- rance de falut au peuple, attendu
appartient nommément
giens de mener vie Apoftolique, & ne qu'impoffible eftcraindr de plaire à Dieu fans
foi. Douter, e feruilement ,
prendre occafion de la dodrine pro-
font vices condamnez de Dieu, comme
pofee par lefus Chrift de perfecuter
leurs prochains, ainsefgalerles temps, l'infidélité. La part des timides & in-
& fupporter en grande patience ceux
I
crédules fera en l'eftang ardent de feu,
qui défirent eftre difciples de Venté. ce dit l'Apoc alypse. le pouuoi m'ef-
Si i'ai dit ou efcrit quelque chofe en tendre d'auantage ; mais pour enle cefle pre-
fent ie comme ts le contenu
termes plus rudes qu'il ne faloit , ou lettre à voftre cenfure, me perfuadant
auec trop d'ardeur , vous fçauez que
tout cela eft prouenu Impéria du commande- que vous ne penfez pas moins au falut
ment de la Maierté le , des commis, que
du peuple, qui vous eft
mandemens de TArche uefque de Co- moi du mien. Grauez en vos cœurs la
fentence de Félix I. ancien Euefque
logne, &de l'Euefque d'Vtrecht; item Auertiffement
de la liberté que le Concile odroye. de Rome , en ces mots : « Maudits notable aux
Quiconque defire que l'Eglife foit les du S. s,
pafteur ere ns
quiaya , neembrafi "é
tienent
nettoyée de fcandales, & guérie de feront
la charge Minift
fent, fe compte de prefcher la dodrin e de
tant de maladies qui l'eftoufpoignan pafteurs.
fentant picqué par tant & puiffans fi s l'Euangile annoncée parles Apoftres;
ai<Juillons de Princes fi , eft item ceux qui enfouilTent dedans terre
yer toute fa fuffifan ce & le talent receu, en lieu de le faire va-
tenu d'emplo defire que mes compagnons
l'Eglife , loir. » le
adreffe à la reformation de
au redrelTement du feruice diuin, & à & moi foyons gouuernez par la crainte
procurer que le vrai Dieu , foit auquel de Dieu, & qu'auec diligefait nce & cha-
feul il faut feruir & facrifîer, feul rité Chreftienne (laquelle à autrui
reconu, adoré, inuoqué & fandifié des ce qu'ell e veut qu'on lui face) nous
(i),
Confemon des fiens. Or fi le Cardinal Contarin rapportions toutes chofes à la gloire
aduerfaires. Legatdu Pape,&le DoaeurEckius(2), de Dieu & à l'édification de nos
ont , n'y a pas long temps, franche - procha ins. lugez confci mon procès:, &mettez puis
fin en bonne ence
ment confeffé, qu'il y a beaucoup
qu'auez à refpondre au tribun al de
d'abus es Meffes, que Dieu n'eft pas ordre de procéd er auec
ferui droitement, ni n'efl inuoqué feul, Dieu, donnez
moi de fincere affedion. »
félon que l'Efcriture enfeigne, pour
certain c'eft iniuftice & iniquité de fe Ruard ayant receu ceft efcrit, &
qui- defauo ué les procédures du procureur
def citer, ou condamner d'herefie, de choifir
conque fouhaite qu'on applique re- fifcal , permit au prifonnierant que fa
vn aduocat. Ange, entend
lettre auoit efté rendue , fans fe foii-
(il GaspareComarini, évêquede Bellune,
né à Venise en 1485 . mon à Bologne en cier de procureur ni d'aduocat , remit
IU2, pril part à la diète de Worms et à fa perfonne & fes afaires à Dieu, fe
celle de Ratisbonne ; il fut lun des théolo- difpofant à mourir en prifon , ou en
giens catholiques qui travaillèrent a rélor- pays eftrange , ou de tel fupplice que
mer l'Eglise romaine. Dans son livre De jus-
tificali
la oiu,e. il fit des concessions aux idées de
Réform fes iuges ordonneroyent ; en & s'efcriant
dit : « Le grand Dieu soit tous acci-
(l'i Jean Maier, surnommé Eck, du nom dens auec moi. le ne craindr ai chofe Sainae refolu-
en i486,
il naquit,érudits tion duer.pri-
fonni
du'villa::e de Souabe nsoù les plus de coni-
fut un des théologie aucune que Ihomme puiffe faire,
son temps. Ses discussions avec Luther plotter & machiner contre moi. » Le
ont donné à son nom une célébrité qu il
n'aurait pas eue sans cela. 11 opposa aunela lendemain , premie r iour de Septem-
traduction de la Bible faite par Luther bre I5S4. des le matin, plufieurs
à
en iS4i-n faite d'après
autre traductio la Vulgate. U notables perfonnages le foUiciterent
mourut
II. reuolte , mais en vain. Pource qu ils

I
LIVRE SEPTIEME.

498importunoyent fort, il leur dit :


l'en procès au }. iour fuiuant, & députè-
Il l'aime mieux ejlre bru/lé que de me rent l'Euefque d'Yorck, le Suff'ragan
défaire, furioul au regard de l'arliele de d'Vtrecht, <& le Curé de Haerlem,
la fatis/acticn. » Le procureur repar- pour aller tendre vn nouueau piège au
tit en vne autre conférence du 3. lour
prifonnier. Nouucaux
de ce mefme mois, que les Décrétâtes L'EvESQVE ioua le prologue de
condamnoyent à mort tous hérétiques cefte tragédie, »S: entrant feul follicita à l'innocenl.
conuaineus , encore que puis après ils picpes drcffez
fort l'abiuration. « le ne penfe point,
confeUaffent leurs erreurs. « // n'y a refpond Ange , m'eftre retiré de
(refpond l'Eglife, i'y ai fait & ferai toufiours
le ne faisAnge) ejlatj'upplice
que de qui
la m'ejlonne;
parole de demourance. l'ai beaucoup remarqué
Dieu. » Sur ce, après diucrfes menées, d'abus & de maladies, caufe des torts
les politiques & Inquifiteurs, ayans
que l'on m'a faits. Le Concile m'aoc-
entendu par diuerfes fois Ange répé- cafionné, comme auffi ont fait l'Em-
quandtant qu'il ne feroit
mefmes on point d'abiuration,
lui feroit fouffrir liure de pereur,
la lesReformation
Eftats de l'Empire, & le
(1), à efcrire
mille fortes de fupplices, commencè- diuerfes chofes. » Le Suffragant furue-
rent àle manier d'autre forte, i. Le nant adioufta, qu'on fe plaignoit de fa
igiour de Septembre, ils lui font ofter pertinacité; mais Ange répliqua que
fes liures & efcrits, papier , plume & le différend fe fuft plus paifiblement
ancre. 2 11 eft remené en fa première
compofé, fi Ruard n'euft gafté tout par
prifon. 5. Eft follicité plus fort que fa perfidie. « La Cour auoit ordonné,
deuant à fe defdire, par deux Inquifi- peu de iours auparauant, que ie confef-
teurs & deux Confeillers , aufqucls il feroi d'auoir equiuoqué en quelques
fit cefte refponfe : » le ne puis ni ne chofes indift'erentes. l'y enclinoi pour
dois renier la vérité. Comment dirai ie
le bien de paix, afin d'apaifer les
qu'il ne faut point auoir de foi en Dieu, bruits du peuple; fans le
l'importunité
ni de charité enuers le prochain ? Ofe- de Ruard, lequel vint lendemain
roi-ie nier que la mort & pajfion'de infifter à ce que i'abiuralTe vn par vn
lej'us Chrijt fait l'vnique jatis/aâion tous les articles que i'auoi vérifiez
pour nos peche:^ / voudroi-ie me defdire
par
le letefmoignages de l'Efcriturefainde.
rebutai difant, que celui-là baf-
d'infinies choses que l'ai prouuees par
mes efcrits eftre tres-vraycs, & que vous tit enfer, quipechccontrefaconfcience.»
autres n'aue7peu réfuter, nienfraindrel Apres quelques autres propos, le pri-
le mourrai aix fois deuant que deshon- fonnier conclud qu'il maintiendroit
norer la Vérité. » Ruard, lafchant alors
Voix de l'efprit la bride à facholere : a 11 faut retran- faut adorer bout
iufques au ces articles
& inuoquer ci :Dieu;
vn feul Qu'il
meurtrier, en
la bouche cher (dit-il) ce mefchant du corps de que nous n'auons autrePère
aduocat
tercelTcur enuers le celefte& que
in-
d'vn homme
mortel. l'Eglife, graderle publier
de tous hérétique,
ordres, le dé-
le liurer au lefus Chrift ; que le feruice fait aux
bras feculier, l'exterminer par feu , le images mortes n'eft que vanité; que
nous fommes iuftifiez par la feule foi ,
defpouillerde tous biens, de l'honneur,
& de la vie , puis l'enuoyer à Satan non rite
point
de la parmortœuures , «S: Chrift
de lefus que le efloit
mé-
pour eftre bruflez enfemble au feu
éternel auecque les damnez. » Voyant la feule fatisfaction de tous nos pé-
que le prifonnier ne tenoit compte de chez. Le lendemain 27. de Septembre,
ces mines. « Et bien (lit-il) ne voulez- prefl'é plus que defcouurant
les autres fois, il de-
vous faire autre chofe ? » a Non, » meura ferme, toufiours
refpond le prifonnier , lequel fut ren- les impietez du Papifme; au moyen
uoyc en prifon. Deux iours après, dequoi le iour fuiuant, à petit bruit,
grands et pctis à la Haye, indignez de & fans faire femblant de rien, les In-
tant d'iniques procédures des Inqui- quifiteurs- appellent Ange , pour ouir
fentence. Penfant que fon heure fuft Horrible l'innocenl.
fiteurs contre vn perfonnage qu'ils com-
fouftenoyent eftre de vit- irreprehenfi- venue, il donne gracieux congé à Guil-
ble, cloquent & dode à mcrueilles, laume le Merle fon neueu, puis plot contre
indiciblement charitable enuers les s'achemine vers la chambre du con-
pauures, auquel fes aduerfaires ne feil, fous la conduite du procureur fif-
pouuoyent refifter ni répliquer, com- cal & de quelques oftîciers. Là eftoyent
mencèrent àparler fi haut , que les le gouuerneur de Hollande, le Prefi-
Inquifiteurs ne fachans bonnement à
quoi fe refoudre, en fin remirent le (i) L'Intérim. Voy. plus haut, p. 492.
499
ANGE LE MERLE.

dent, tous les Confeillers , les Inqui- vous. Si voftre confcience vous preffe
fiteurs, le Seigneur de Heenvlitz, & en ceft efgard, nous obligeons nos confciences I
autres. L'Euefque rufnommé, pourfui- âmes à refpondre de voftre péché au
uant fa pointe, fe iette aux genoux du luge fouuerain , pour eftre punies, & Quelles
prifonnier, & à telle defcouuerte, les vous declairé innocent. »
mains iointes, larmoyant de fois à au- Alors les Inquifiteurs commencent
tre ,& parlant fort haut (à caufe que à tendre chacun l'vne des mains au
le prifonnier eftoit fourd) , lui fit la
prifonnier, & porter l'autre à la poic-
harangue qui s'enfuit : « M. Ange, le trine, auec ferment d'approbation de
fçai bien la harangue de l' Euefque. Le Con-&
vous eftesqu'à
centparler
fois par
pluscomparaifon,
fauant que feiller Waffenhdve lit le mefme,
meffieurs nos maiflres, & ne maintenez dit au prifonnier : « Defchargez vous
pas vne mauuaife caufe; toutesfois ie hardiment de voftre confcience fur
vous prie que , pour deflourner vne moi; s'il y a de la faute , ie fuis preft
fanglante fedition, vous retourniez au d'en refpondre au fiege iudicial de
giron de l'Eglife, & foufcriuiezà l'auis Dieu. » Tant de harangues, protefta-
tions & foumiffions efmeurent le bon
d'icelle. "Vous voyez que le peuple eft
tellement efmeu, que, fi l'on procède vieillard, iufques là qu'adreftant fa
à rigueur contre vous , les Dofteurs parole au prefident AITendelf, il lui
& les luges auront fort à faire à fe dit : <i Monfieur, que vous femble-il
fauuer. Ce feroit mal fait à vous d'ex- que ie doiue faire .^ » Les Inquifiteurs
pofer vos aduerfaires à la fureur fan- attendoyent à grandes oreilles la ref-
guinaire d'vn tas d'artifans. Si vous ponfe du prefident; mais il ne fit rien
faites lidiere de voftre vie, eft-ce rai- pour eux, ains fimplement exhorta le
fon que nous en refpondions au péril prifonnier de prendre auis de fa pro-
de nos telles > Posé le cas que le peu- pre penfee pluftoft que de celle des
ple nous lapide, auant que nous ouir, Ange prins
Meffieurs de la Chambre ici prefens autres. Ange, fort fourd, n'entendant au piège de
pas bien ht refponfe du prefident , &
attefleront que vous aurez téméraire- rinquilition.
n'ofant lui faire repeter fes mots , à
ment affedé la gloire du martyre , & caufe de fa dignité , print telle ref-
ponfe à fon auantage , nommément
efté caufe du mafl'acre qu'on prétend
faire de nos perfonnes. » Tout d'vn pource quel' Euefque adioufta, qu'Ange
fil de propos , il adioufta : ne deuoit faire difficulté d'acquiefcer,
Hypocrifie « Pensez de plus près à voftre fait, puis que les ConfeilUers ratifioyent
fanglante
Euefqued'vn ne vous perdez pas, puis que la necef- ce qu'il fiteurs
auoit dit. Lele piège
Papitte. fité ne vous porte point à périr, fi vous ainfi tendu, confeildesdefcend
Inqui-
efcoutez vous mefmes. Referuez-vous
en la grand' fale de l'Audiance, où
aux larmes des pauures, aux faneurs tous eftans affis & les Inquifiteurs
du peuple, à la bonne opinion que les auffi , fut permis au peuple (affemblé
là non feulement de Hollande, mais
Eftats,&
de vous.l'honorable
Faites ce afiembleeauoyent
bien à meffieurs
auffi d'autres prouinces prochaines
nos maiflres, que cefte réputation leur pour ouir & voir l'ifTue de ce long &
demeure (quoi que la populace foit fameux procès) d'entrer en la falle,
où le prifonnier fut amené. Alors les
de contraire auis) qu'ils ne font pas
opprelTeurs, mais conferuateurs des Inquifiteurs & leurs adherans vferent
gens de bien. Donnez leur la vie d'artifices deteftables , qu'il nous faut
qu'ils poflfedent encor, & combien que remarquer diftindement, afin que l'ef-
vous n'en foyez pas l'auteur, fi con- prit ennemi d'innocence c^ de vérité ,
fefferont-i!s la tenir de vous, eftant en menteur e% meurtrier furieux des en-
voftre puilîance de la leur ofter. Pour fans de Dieu, foit tant mieux reconu,
peu vous remédierez à de grands pour eftre auffi tant plus detefté de
maux, fubuiendrez à l'honneur de ces toutes perfonnes qui aiment la gloire
meffieurs, garantirez voftre vie & celle de lefus Chrift fi fuperbement vili-
de plufieurs autres. Lailfonsen arrière pendé en fes membres.
ces importans articles de la religion I. Des l'entrée, fans commander ni Artifices detef-
Chreftienne. Reconoiffez au moins attendre filence , tout eftant en mur- tables des
mure àla venue & veuë du vénérable
que vouscertaines
n'auez pascérémonies
afi'ez prudemment menfonge.
remué indiffé- vieillard, on ouure promptement le fuppofts de
rentes receuës de longue main par
deuote acouftumance. Faites cela , regiftre del'Inquifition,
aux cérémonies &fans &toucher
indifférentes furan-
vous viurez, & nous viurons auecques nees dont l'Euefque auoit parlé en la
LIVRE SEPTIEME.

500
chambre , on commence par les qu'en fin reconoiffant fa faute, parl'auis
Lxvii. articles, que le prifonnier auoit des Inquifiteurs, il a reuoqué &abiuré
toufiours conllaiiiment maintenus, & lefdits erreurs, & toute autre herefie,
protefté vouloir mourir en la confeffion offrant en vérité , fans fraude & fans
de vérité y contenue. Au contraire, feinte, retourner à l'vnité de la foi Ca-
le regiftre portoit que le prifonnier tholique & fe monfirant preft à fatif-
s'en2.elloit defdil, fadion, rinquifiteur (Ruard) le reçoit
Furent leus& àlesvide
abiuroit.
& à bafle
comme vrai pénitent à cède reuoca-
voix les articles oppofez par les In- tion & abiuration. Toulesfois veut &
quifiteurs à ces Lxvii. comme aprou-
uez par AngeiS: pofez en la place des ordonne que les liures & efcrits d'ice-
lui le Merle, tachez d'herefie, foyent
autres , de forte que le peuple ni le
bruflezde par
Cure feu ; qu'il& soit
Heenvlitz, priué autres
de tous de la
prifonnier n'entendoyent rien en toute
cefte fanglante farce d'Inquifition. bénéfices qu'il peut auoir, demeurant
5. Pour la iouer du tout à leur perfonne priuee le relie de fes iours,
auantage, ils apollerent gens qui umu- lui ellant interdite toute prédication,
foyent de paroles le prifonnier durant ouye de confeffions, & autre adminif-
ce récit d articles, afin que quelque tration d'office pastoral. Item, com-
mot entendu par lui ne l'occafionnaft mande que dedans 15. iours prochai-
de parler & gafter tout ce myftere nement venans, en iour de Dimanche
d'iniquité , la fomrae duquel fut ou fefte folennelle, en plus fréquente
qu'Ange le Merle improuuoit tout ce afi'emblee de peuple, il face lire & pu-
qu'il auoit maintenu en prifon , A blier en chaire fon
deuant tous en& l'Eglife
aprouuoit toute la dodrine de l'Eglife de Heenvlitz abiuration confef-
Papale. fion. »
4. Tout ayant efté ainfi recité, ceux Adiouftons encore deux autres rua- Ruades de
l'innocent.
Ruard contre
du peuple qui auoyent bonnes oreilles des de ce Ruard & de fes complices,
commencèrent à changer leur faueur pour acheuer le feptenaire des perfi-
& compaffion en defpit & cholere.
chrift.dies de ces furieux fuppoftsde l'Ante-
Ange enquis s'il fe retraftoit, cuidant
qu'on euft fuiui ce que l'Euefque 6. Le greffier donc pourfuiuit , di- Le renard veut
auoit dit & promis par fa harangue, ertrangler d
fantque l'Inquifiteur condamnoit Ange
fit figne de la tefle qu'oui , & figna. à prifon perpétuelle, en lieu qui lui Merle.
Mais voulant voir & lire tout, plufieurs feroit nommé, pour y faire pénitence plumer le
commencent à crier tout haut en fes continuelle en pain de douleur & en
oreilles : « Defpefchez , le peuple fe eau de trifteffe , y pleurant fes péchez
mutine, & nous auons encores d'autres le refle de fa vie ; puis aux defpens de
chofes à paracheuer. » Les affiliants fa capture, prifon, garde, & cie toute
deteftoyent d'vn cofté l'impoflure exé- la procédure & pourfuite de fon pro- d'un fage
crable des Inquifiteurs , & plufieurs cès, la taxe referuee à ceux qui fe-
accufoyent d'inconftance le pauvre royent commis pour tel effed. Nouuelle
prifonnier. mondain rufe
,
En fin les 7. L'Euefque d'Yorck redoutant la
grifes de 5. Mais voyons l'effort ioint aux fureur
ioufia dedu viue peuple, pour permettre
voix (fans l'adoucir, que hommes, les
ad- redoutant
précédentes rufes des Inquifiteurs :
l'Inquifition leur farce efiant moitié ioùée , le plus rien en fuit couché par efcrit) que le
perccni
cent.l'inno- fort relloit. Voici donc Nicolas de prifonnier iouiroit de tous & chacuns & peu penfant
à Dieu.
Caftre, licencié en Théologie A gref- fes biens & reuenus, Guillaume le
Merle fon neueu A fes amis auroyent
fier de l'Inquifition, lequel fe Icue en
flieds, & par commandement de Ruard libre accès à lui pour le vifiter fami-
it la fentcnce du prifonnier, comme lièrement, luieftoit ottroyee toute li-
s'enfuit :
berté d'efludier A paifible loifir de mé-
(' Ange le Merle , s'ellant efleué diter fa
; prifon feroit appellee garde,
où nul ne le molefieroit ; payeroit les
contre la foi de l'Eglife Catholique
Romaine vt iufques à ce iour demeuré defpens du procès, dont les items fe-
hérétique manifefte, pertinax i& imper- royent dedans certain terme de iours
baillez par efcrit à taxe fort raifonnablc
tinent, àraifon dequoi meritoit d'eftre es mains de fondit neveu éi à ceux que
excommunié A d'encourir les autres
cenfures & peines Ecclefiartiques pro- le prifonnier nommeroit pour les voir,
pofees par les Canons A autres coiilli- it lans que lui en eull la tefte rompue,
tuti<jns du Saint fiege Apoflolique con- amalfcroyent tout à loifir l'argent à
irj les herciiques; neantmoins pource quoi cède taxe pourroit monter. Que
ANGE LE MERLE.

les gens de bien (du nombre defquels pour empefcher, en vertu des priui- m.d.dvii.
ceft Euefque fe comptant, commence leges de Hollande, que fon oncle ne
à tendre fa main, pour gage de pro- fuft tranfporté en quelque autre pro-
meffe, à tous les affiftants) entre lef- uince plus fauorable aux aduerfaires,
quels ie ferai des premiers, trouuerons Ruard fit tant que le prifonnier fut
de enleué du Conuent de la Magdelaine,
moyen d'acommoder les afaires
M. Ange à fon contentement, de & conduit, à l'inftance du Procureur
forte qu'en fa folitude pénitentiaire, il gênerai, en vn monaftere de Louuain,
nommé les Cellites, qui font enfeue- 501
aura table honnefte & digne d'vn fi lift'eurs & enterreurs de morts, gens
grand perfonnage.
Novs verrons bien tort la différence au refte mal acommodez & fales entre
qu'il y a entre le dire & le faire de plufieurs autres feétes de moines.
telles gens, qui machinoyent la mort fecoursfutd'amis
toutneueu,
de l'innocent, lequel ils cerchoyent deftituédede fon
du ,feruice
&Ange ferré
d'enleuer par telles pippees hors des dedans ce puant cachot , dont s'eftant
prifons & loin des mains du peuple pleint par lettres du ix. iour de Mars
qui lui eftoit très affedionné , pour à l'Euefque d'Yorck, ce reuerend fit
l'emmener en lieu d'aflTeurance pour refponfe le xxi., en laquelle il fe moc-
eux, afin de le faccager cruellement, quoit de l'affligé , fous ombre de le
comme ils firent au bout de leurs cir- confoler. Ruard, d'vn autre cofté, le Mafque hypo-
cuits. Au refte, l'on ne fçauroit bien perfecutoit à outrance, iufques à le critique
leué.
reprefenter les ameres doléances & feparer de toute compagnie, ne per-
plaintes que l'innocent fit entendi à Dieu mettre qu'aucun parlaft à lui, le ré-
quand, remené en prifon , il t duire, au pain & à l'eau 5. iours de la
de fon neueu l'impofture des Inquifi- femaine difant au refte, que tant plus
ceft Ange eftudioit, & plus il deuenoi t
teurs qui frauduleufem ent l'auoyent mefchant. Sur ce eftant auenu en luin
manié comme nous l'auons veu. Ses
douleurs fe rengreg erent tellement & es mois fuiuans, que plufieurs moi-
on n'y nes de Louuain quittèrent leurs mo-
que, de esvie,iours,
it plusquelqu
attendodurant enuiron le nafteres, les autres difoyent merueilles
bre ^U. telleme nt que fon
15. d'Ofto du fçauoir & de la probité d'Ange.
neueu fut contraint de prefenter re- Les efcholiers & profelTeurs de l'Aca-
quefte à la Cour tendant à obtenir démie fe monftroyent mal aff'eftionnez
quelque plus doux traitement pour fon à Ruard, lequel ayant fceu que quel-
Autre rufe du oncle. La Cour, ayant oui le rapport ques moines enquis fi ceft hérétique .
fage mondain, des Médecins, permit, par 1 auis de de Heenvlitz les auoit pas enchantez,
l'Euefquedestantprifons de fois nommé, qu'on firent refponfe que celui là, que l'on
le tiraft de la Haye, & qualifioit ainfi , eftoit cent fois plus
à Delft, au homme de bien que les Inquifiteurs,
qu'il fuft mené par chariot
couuent de la Magdelaine, pour y continua fes fureurs contre le prifon-
demeurer iufques au mois de Mars de nier, lui retrancha les viures , fit em-
l'an 1555. ,^ ^ porter tout le refte de fes liures & pa-
DvRANT fa détention à Delft, Ange
efcriuit vne doAe Apologi e pour la ment tou-
Ange fuppor
ntes fort douce
ta ruades de ce Ruard,
ue de fon innocenc e ; puis vne tes les infole
Pfrrit, hi^iifi- mainten piers.
de la fentence pro- & au bout ne dit autre chofe que ces
catifs de a! le folide réfutation lui par 1 Inquinteur
Merie, noncee contre
anéantis par la j^ya^j Tapper. Cefte réfutation eftoit mots : (i Au nom du Seigneur, i^u'ils
ayent pour fe gorger , tandis quil y
""d'^'' munie d'allégations du droift Canon dura dequoi. Dieu eft riche enuers
& Ciuil, enfemble des dofteurs an- ceux qui l'inuoquent, & fe monftrera
ciens, & de plufieurs raifons par lef- iufte iuge. » Alors plufieurs accidens
quelles eftoit prouué que la fentence eftranges & lamentables diffamèrent le
Inquifitoriale auoit efté efcrite & pro- clergé. Sur la fin d'Aouft, vn preftre
noncée contre tout ordre de droit, ef- s'eftoit tué de fon coufteau en l'vn des
toit iniufte, mefchante, faufl"e, men- faux-bourgs. Le 27. de Septembre
parfeme
eufe, par e d'in- fuiuant, vn autre preftre, conuaincu de
fongere,
iures atroces, calomni& infâme, confequ ent puis décapité.
parricide, fut dégradé,près
inualide, de nulle force & vigueur. A S. Truiden, ville du Liège,
Or combien qu'au commencement enuiron Pafque en la mefme année,
de Mars 1 5 5 5. , Guillaume le Merle vn autre preftre s'eftoit pendu & ef-
euft employé tous moyens légitimes.
tranglé foi mefme. Ruard & fes adhe-
LIVRE SEPIIKME.

rans, il fut rclTerré plus eftroittement que


Les perfccu-
leurs ne voyent 502 fans pcnfcr aux coups de pierre iamais, & au S. fuiuant attaqué fort
ni ne fcntenl qui leur eftoyent ruez du ciel , conti-
la main de nuoyent en leurs cruels complots con- rudement par Ruard , & par deux au-
Dieu. tre Ange le Merle, lequel coniblé par tres dodeurs de l'Académie de Lou-
vn bon perfonnage nommé Sebaflian uain , lefquels il confondit, adiouftant
au bout de la difpute qui dura depuis
de lafuit : Haye, lui fit la refponfe qui s'en- midi iufques à 4. heures : « Faites ce
Lettre Chrcf- « Il plait à Dieu tout puilTant & que bon vous fembicra , ie ne redoute
ticnnc du tout bon, à la volonté duquel ie me
prifonnier. vos menaces & efforts; i'ai la vérité
range, que ie fois encore en exil &
Euangelique de mon coflé ; l'entrerai
prifon. C'eft chofe conuenable & équi- four
table que ma vie dépende de fon bon eau la
plusmaintenue
volontiersd'icelfc
que ie aune feu ۥ en
fouperai
plaifir. Combien que nous femblions
réduits à tresgrandes difficultez, & af- du painencores
donne, & de que
la iebière
fois que l'onIl me
a icun. ne
fligez de diuerfes tentations, félon les tiendra qu'à vous que le ne meure, tant
reuolutions de ce monde ; toutesfois plus tojl , & mieux pour moi. En tous
nous ne fommes encore tant abandon-
nez de Dieu ni deftituez de fa grâce, accidens
ucrl & preffi iufquesparAprefent
force i'ai efîé cou-
& violence;
quenoftre trauailfoitvuidedefafaueur; finilje^ comnie vous aue:{ commencé;
nous fommes humiliez, mais non du mais Jouuenc:{-vous de ce qui cjl cfcrit
tout confondus deuant fon throne ni au ij. ch. de la Sapience : a Les iufles
deuant la face de fes fainds Anges. fe trouueront en grande affeurancc de-
Combien que foyons frurtrez de nos uant la face de ceux qui les auront
defirs & efperances, quoi que non mal tourmente^, & qui auront raui leurs
fondées, fi fubfidons nous encor. Tout
trauaux. » Vous m'aue:{ ainfi traité. Le
noflre fouhait à falut ell foible & per- Seigneur lefus Chrift, Fils de Dieu,
plex ; neantmoins lefus Chrift feul eft
de la caufe'duquel
vérité duquel ie fouffre il s'agit, & pour mela
ces chofes,
nofire plénitude & perfedion, telle-
ment que par feure& certaine foi nous foit en aide au fort de mes griefues af-
fommes confommez en lui feul, quoi II auoit fait
fliclions. le ne; vous demande point ied'cf- ballir & rente
que toufiours nous portions en nos lars;ilfement fi Dieu le veut, me vn hofpital
corps la mortification d'icelui, à celle retirerai près de mes pauurcs pupilles urcs àla
fin que la vie de lefus, comme de nof- & orphelins à la Briele , fans bouger pour les pau-
Briele: où il
tre vnique Sauueur, foit inceflTamment de la maifon ; mais ie fuis prefl A fouf-
manifeftee en noflre chair mortelle. ert encore
frir tout ce que le Seigneur voudra, le
Ceux qui font fans difcipline méritent
priant qu'il m'adreffe , comnie il a fait bien entretenu.
auiourd'hui
le nom de baflards, &c. Pourtant, benignement iufques A ce iour. » Les
trefcher frère , confolons-nous mu- dodeurs fembloyent cfmeus de la cou-
tuellement, fachans que nous portons rageufe defenfe du prifonnier. Mais la
nos vies en nos mains, & faifons fi bien malice cruelle de leur procureur in-
valoir nos admonitions, que nos âmes quifitorial s'enflamma de telle forte,
comparoiffent comme efpoufes chartes
deuant lefus Chrift , auquel nous qu'entrant en la chambre d'icelui , il
auons à rendre compte de nos vies, a emporta tout ce foulant
ures & papiers, qu'il peut
aux de fes ce
pieds li-
Il efcriuit plufieurs autres lettres à qui reftoit , procura que defenfes fuf-
diuers amis, ne cefTant d'employer le fent faites de bailler ancre ni papier à
refte du temps à deuifcr, conférer &
Ange, le redeur de l'académie ayant
difputerfieursen
iours. fa prifon, l'efpace de plu- dit que ce n'eftoit pas vn Ange, mais
vn diable que l'on tenoit en prifon.
Indipnes trailc- Environ le 17. de Décembre, comme
mcnts faits à
il pourfuiuoit vnc prolixe & nouuelle Maugré tous ces efforts de l'Inquifi-
l'innocent. tion ,Ange eftoit vifité , fortifié & en-
defenfe de la vérité Euangelique, on quis de plufieurs efcholiers , fur les
lui rauit le refte de fes liures & pa- differens en la religion , à quoi les in-
piers, puis pour le rendre plus odieux, quifiteurs & dodeurs s'oppoferent ,
on fcma
fe défendre, le bruitblefféqu'il auoit leelTayé
au bras de
notaire, mais auec
ment, commepeu lad'honneur 1% d'auance-
fuite iSr Tiffue de leurs
& defchiré le manteau du procureur deffeins en fit fullifante preuue à leur
confufion deuant Dieu A toute fon
de l'Inquifition; il fut accufé d'auoir
diffamé le Pape & fon Eglife, con- La vérité
triomphe
damné la'confeffion auriculaire; de Le XX. de lanuier ii^ô. Ange con-
Eglife.
forte que le i. iour de lanuier i^;6., fondit en difpute le prieur des Char- touliours.
ANGE LE MERLE.

treux, lequel lui ayant obiefté que rent de langage. Ruard continuant en
c'efloit merueillcs qu'en aux
tantdofteurs
d'arti- fa. malice,nication
ofacertainmenacer
cles il full (i contraire dodeur d'excommu-
Théologien Fureur Inqui-
(itoriale.
de Louuain, il repartit Toudain : « Ne
qui auoit parlé fort librement à l'auan-
vous en cfbahiffc^ p.is , peu qu'eux en tage du prifonnier, s'il ne le defcrioit
tant d'arlicles imj^ugnent les fainâes deuant le peuple & en toutes compa-
eferilurcs. » Quinze iours après, l'offi- gnies. Sur la fin d'.Auril, le prifonnier
cial de Louuain lui enuoya par homme reproche par lettres à Ruard fes inhu-
exprès gracieufement offrir phiifir & manitez & cruautez , lui defcouurant
feruice , dont il le remercia , difant : de plus en plus fa fureur contre Je-
« le prierai pour lui , qu'il fus Chrill & la dodrine de l'Euan-
moi. I) Le dixhuitiefme de prie pour
Feurier,
(ayant recouuré papier & ancre) par C'estoit ietter de l'huile au feu,
lettres viues il picque & exhorte Ruard car, le premier iour de Mai , le fenat
à ferieufe repentance des lïiefchance- Académique
gile. fit faire recerche des li-
tez par lui commifes en ce procès, ures défendus & cenfurez. Le promo-
l'adiure de ne plus pécher contre fa teur n'oublia
eftudiant nommé pas l'eflude
Corneilled'vn ieune
, neueu
confcience, & l'adiourne à comparoir
deuant Dieu , lequel il lui fouhaite d'Ange, où fut trouué vn recueil de
Hypocrite propice itmifericordieux. Ruard ruant lettres à plufieurs. Il fut conftitué pri-
chapitré, fonnier, puis relafché au bout de trois
deuient pire. & rongeant fon frein à l'acouftumee , femaines. En fuite, Ange fut de là en
en lieu de refponfe, fema vn bruit, le
vingtcinquiefme du mois, que la nuiâ. auant empefché de plus efcrire & re-
fuyuante Ange feroit ietté dans vn fac ceuoir lettres, & par patentes obte-
en l'eau , & enuoya vn moine vers nues du Roi Philippe, Ruard obtint
Ange pour ouir fa confefllon. Le pri- que le prifonnier feroit relégué & en-
fonnier libre fit refponfe à ce chetif uoyé prifonnier hors de Louuain en AngeLouuain mené de
confeffeur : « le fuis difpofé à tous pays eflongné, fans liures, fans moyen en l'abbaïe de
Lieffe.
fuppliccs pour maintenir la vérité; mais d'efcrire ni communiquer auec gens
va dire aux Inquijiteurs que ie fuis tout de conoiffance. Il fut doncques en-
pre/l à partir. » leué de Brabant, & conduit en l'Ab-
Ce Ruard rugiflfant en aparence & baïe de Liefie , en la Comté de Hai-
deuant les hoinmes, mais rougiffant naut, le xxx. de luin 1556. Dieu lui
donna du foulagement plus que Ruard
en fon
de fes ame crimes efperdue dedanstrois
, enuiron l'atrocité
iours
ne penfoit.
douicus Blofius,L'Abbé fe nommoit
homme Lu-
de médiocre
après employa le Curé de faind Ja-
ques pour traiter quelque accord qui fçauoir, doéteur contemplatif, & plu-
ne preiudiciaft à fon honneur ni à ce- fieurs traitez duquel ont eflé imprimez
Artifices lui du prifonnier. Le Curé y perdit
nouueaux,
en vn volume. Il auoit quelques moi-
inutiles. fes pas, fes paroles & fes peines, re- nes , non du tout beftes, qui receu-
rent affez humainement ce vénérable
quérant que l'on ne parlaft point des
procédures & fentences prononcées à vieillard, lui donnèrent vn d'entre eux
la Haye. Ne pouuant rien gaigner de pour le feruir, mefmes lui permirent
ce cofté , i'onziefme iour d'Auril , il de fe promener par les treilles & fpa-
enuoya vn papier contenant les lxvii. cieufes allées du beau iardin de leur
articles, aufquels il demandoit ref- abbaïe. Celle bienueillance dura enui- CarelTe mona-
ponfe. Ange enuoya le Curé auec fon chale de
ron fix femaines, en l'efpace defquel- courte durée.

i
lacet , & en peu de paroles lui def- les l'Ange & l'Abbé conférèrent affez
couurit l'impofture des Inquifiteurs , paifiblement de quelques articles ,
redemanda fes liures & efcrits, d'abon- comme de l'authorité de l'Eglife, de
dant mit es mains de ce Curé vn pa- l'Efcriture S., des Conciles, du fer-
pier contenant les nullitez , iniqui- uice des morts, de leurs images, de
tez , iniuftices , fauflfetez & violences l'Inuocation des Sainiîls& de la vierge
tyranniques de ces malheureux en leur Marie. Sur la fin de luillet, lettres
fentence de la Haye, le priant de le
rendre à Ruard en mains propres ; font enuoyees de Bruxelles conte-
nans defenfes à l'Abbé de bailler an-
outreplus il lui marqua briefuement cre & papier à Ange , lequel ne fe
les articles faux & falfifiez, changez & foucia pas beaucoup de ce qui lui en
mutilez. Celle confiance du prifon- fut fignifié. Quelques iours après la
nier fit que plufieurs commenceront à
remife l'Inuocation
difpute fusde, fuiuie des Sainds
de la certitude de
penfer de plus près à eux & change-
LIVRE SEPTIEME.
504
falut par l'Efcriture Sainde, finale- vingtquatriefme de luillef, mais Quel-
ment l'Abbé Ce laifTa tellement em- que empefchement furuenu fit diffé-
Colère mona- rer cefte exécution iufques au vingt-
chalc , prcfage fonnier porter: par«fa M.
colère . qu'iliedittien
Ange, au que
pri- (Ixiefme.
de mon. Cependant Guillaume le Merle ,
vous auez perdu le lens , & comme
hérétique deuez eftre retranché du neueu d'Ange , ayant eu auis que fon
Oncle auoit efté mené prifonnier du
corps de l'Eglile. i> PoulTiint encore monaftere de LiefTe au chafteau de
oultre , il commande au moine fer-
uant de ne laiffer plus fortir le prilon- Monts, fe douta que les ennemis ne
nier, lequel ne dit que ces dix mots : le garderoyent plus gueres. Pourtant
« Le Scis;neur lefus Chrift ail titié de il fe tranfporte à Bruxelles, où eftoit
vous & Je moi. » Tout le refle au mois Ruard , lequel il fupplie lui vouloir
donner vn mot de recommandation
d'Aouft & les quatre fuiuans, l'Abbé,
le prieur & quelques moines, nommé- pour auoir accès vers le prifonnier.
ment celui qui le gardoit, fuyuant les Ruard ayant vn peu fongé, lui dit que
inftruélions qu'ils receuoyent de Lou- fon Oncle auoit efté déclaré héréti-
uain , elTayoyent & employoyent tous que relaps & liuré au bras feculier, &
moyens à eux polTibles, par continua- ne voulut lui bailler aucune lettre ,
tions de difputes , menaces , douces difant qu'il homme
trouueroitmonte
fon Oncle mort. ,
paroles, promelTes, de ramener Ange Ce ieune à cheual
marche tout le foirdu vingtcinquiefme
Confiance à l'approbation des fentences de Ruard
Chrcfticnne en & de fes complices. Mais ils trouue- luillet & toute la matinée du vingt-
aduerliié. rent toufiours Ange femblable à foi
mefme & tant plus abondant en efprit fixiefme
Monts , de lesfortedix qu'il
fur heuresfe rend
deuantà
midi. Lors il rencontre en rue fon
& en de
priué parole
toutesinuincible , qu'il neeftoit
autres armes, lui Oncle tiré de prifon, lequel marchoit
eflant permis de lire ni d'efcrire. au pas apuyé fur vn bafton, fort atté-
Ainfi fe pafTa l'année 1556. nué & en pauure équipage, ayant efté
La fin cou- La fuyuante, deflinee au triomphe détenu l'efpace de fix femaines en vn
ronne l'œuure
de ce Martyr d'Ange le Merle, eut renouuellement vilain cachot.
du Seigneur Cordelier qui Ilcrioit
eftoit àacompagné
fes oreilles d'vn
les
de difpute , en laquelle l'Abbé de fainds & faindes. Mais le vénérable
l'an iç-. LiefTe eut auffi peu d'occafion de rire
qu'es précédentes. vieillard n'ayant confiance de falut
voulant eftre glorifié Or
en le Seigneur
la confiance qu'en lefus Chrift, voyant fon neueu,
& perfeuerance invincible de fon fer- lui dit de franche voix : « Mon fils,
uiteur , lui donna trefues depuis le l'oici la dernière heure aue i'ai fi aj-
commencement de lanuier mil cinq
JCilucuJ'emenl
dcfiree. » Puisattendue
, leuant é- les
ardantemenl
yeux au
cens cinquante fept iufques au qua-
ciel & hauffant le bras droit (car il
triefme de luin fuyuant , qu'il fut
mené de l'abbai'e de LiefTe en la ville n'eftoit pas lié), adioufta ces mots :
de Monts en Hainaut, à l'inftance & « Le grand C'>icu m'a oâroyd miferi-
pourfuite de Ruard & fes fuppofts , cordieujemenl ce bien , que ie fii^ne de
puis coffré en la prifon du chafteau ,
mon J'ani^ , & ratifie par mort violente
où quelques dodeurs de Louvain fu- tout ce que i'ai maintenu tant en public
rent enuoyez difputer contre Ange,
qu'en particulier, iufques à prefent, de
qui les rembarra viuement: puis, le-
uanl les mains au ciel, remercia Dieu ta vraye religion par l'Efcriture fainSie
contre
donne fes ennemis.de Item
le moyen de ce que
protcfler qu'il tout
me
de ce que l'heure de deliurance de
fon pauure feruiteur eftoit proche, en ce
laquelle il fe confacreroit à Jefus Courqu'ils ont publiécflcontre
de Hollande faux. moi
» Le enrefte
la
Chrift & au Nom éternel d'icelui , de fon propos contenoit le récit des
auec cefte gloire d'auoir maintenu outrages qui lui auoyent efté faites,
des confolations tt inftrudions Chref-
conftamment la vérité de l'Euangile.
Alors ces dodeurs, députez de l'In- tiennes à fon neueu, auquel il recom-
quifition, déclarèrent Ange le Merle manda les pauures de la Briele & le
relaps congédia , fon neueu l'ayant acouragé
au bras & feculier,
pire qu'heretiaue,
après 1 auoirledégradé
liurant àperfeuerer iufques au dernier foufpir.
félon leurs cérémonies acouftumees ; Comme les bourreaux prelToyent la Dernières
puis fentence fui prononcée le con- départie , Ange leur dit : « le m'en paroles
damnant àeftre bruflé. Il deuoit eftre et pre-
dii^ion
Martyr
vcrilablc du
vai, ie m'en vai. remerciant mon père
exécuté ce iour mefme , qui eftoit le mifericordieux de ce que ie fuis mis à
ANGE LE MERLE.
deChriftcontre mort publiquement , afin que les ad- lure , laquelle il portoit fort longue.
les perfecu- uerfaires ne puiflent calomnier la con-
teiirs
Ceux qui n'auoyent entendu qu'il
des Eglifes du ftance qui m'eft donnée au ciel , ce auoit rendu l'ame à Dieu , le priant ,
pays bas. firent courir le bruiél que ce faind
qu'ils pretcndoyent faire durant ma
captiuité on l'ahhaïe de Liell'e, où ils perfonnage
le feu dedansn'auoit aucunement fenti
fa logette.
■vouloyent me tuer par poifon , ou me
ietter dedans vn fac en Teau. Toutes-
Telle fut l'ifTue du Martyr de Je-
fois mon fang n'efteindra pas le feu fus Chrift, lors en l'aage de feptante
qui s'eft allumé
flammera biencontre eux, toute
tort de car il autre
s'en- cinq ans , lequel lailTa pour la pofte- d'Ange
rité plufieurs beaux efcrits, defquels
forte. Ni eux ni leurs defcendans Paul le Merle, doâe lurifconfulte , Lifte de
n'auront pas affez d'adrelTe ni de fon petit neueu , nous a laiffé la lifte ,
manufcripts
force pour l'eftouffer & amortir. » au difcours duquel nous auons re- plufieurs Hures
PalTant par les places & carrefours, il
cueilli noftre récit, difant qu'iceux ef- le Merle.
admonnelloit en bon langage Fran- toyent en lieu
çois les hommes & femmes affemblez mil fix cens fix. feur de fon eftudeen l'an
Ses fucceflfeurs fe-
par grolTes troupes pour le voir , ront part à la pofterité , fi tant eft que
qu'ils s'eftudiaffent à conoirtre , aimer tels efcrits foyent iugez pouuoir feruir
& craindre le vrai Dieu, à fonder leur
falut en Jefus Chrift noftre feul ré- beaucoup à l'édification de l'Eglife, à
laquelle nous en euffions tres-volon-
dempteur, &à deterter la folle con- tiers communiqué des pièces, fi elles
fiance des lufticiaires, affermant la
euffent efté en noftre puifl'ance.
principale caufe que
de fa En voici l'Inuentaire, traduit du
auoit fouflenu lesmort eftre qu'il
Chrefliens ne Latm.
doyuent inuoquer qu'vn feul Dieu. Difcours. I. Que tous peuuent
Estant paruenu au lieu du fupplice traiter & deuifer de la parole de
Dieu. 2. De la Juftification par foi.
hors la ville, il requit qu'on lui per-
mift de prier Dieu & implorer la 3. De la grâce de Dieu. 4. De la
grâce d'icelui, deuant qu'entrer en la vraye intelligence de la foi & des Sa-
logette de paille enuironnee de fafci- cremens. 5. Du profit reuenant de la
nes & fagots, où l'on deuoit mettre le participation des Sacremens. 6. Moyen
feu fi tort luiqu'il
demande y feroit
eftant enfermé.
accordée, Sa
il fe mit d'aprocher dignement de la table du
à genoux &, leuant les mains au ciel, Seigneur. 7. Delà 9.Trann"ubftantiation.
8. Du Mariage. De la Pénitence.
fe mit à prier : lors on le vid fe baif- 10. De la croix & des afflidions. 11.
fer fur le cofté droit. Les bourreaux ,
Confolation des confciences blefl'ees.
Mort paifible I 2. Confolation au Chreftien efprouué
d'Ange penfans que l'apprehenfion du fup-
le Merle à la plice lui euft caufé quelque pafmoi- de Dieu
confufion de fon , acourent pour le fouleuer; mais mité. I] . ,De& lacomme
droite réduit à l'extré-
I nuocation, & de
Satan & de fes ils le trouuerent roide mort : Dieu la fauffe. 14. Comment il faut prier.
fupports. mifericordieux ayant voulu , par vn 11;. Qu'il faut mourir volontairement.
très rare exemple , arracher d'entre Expofitions. I. Du Decalogue. 2.
les mains des tyrans & retirer douce- De l'oraifon Dominicale. 3. Du Sym-
ment à foi fon fidèle feruiteur qui ,
bole des Apoftres. 4. Del'Ecclefiaftede
par l'efpace de cinq ans , auoit efté Salomon. 5. Destentationsd'Ezechias.
brifé de maladies, de foibleff'es & de Pièces diiterfes. i. Infinis fermons.
dures prifons. Le maifire exécuteur 2. Vn Catechifme. 5. Confeffion quo-
commence à dire tout haut que iuftice tidiane. 4. Confolation des malades.
eftoit fatisfaite , & tout eflonné de ce
5. "Vn nombre innombrable de lettres.
miracle ne voulant palTer oultre, fou- 6. Quelques commentations fur le
dain quelques fiens feruiteurs mettent droit Canon.
le feu à la logette, où les fpeâateurs
plus eflongnez cuidoyent qu'Ange fuft
enclos. Cefte logette entièrement
bruflee, on vid le corps du defund,
pource que les bourreaux voulans le Arnovld Diericx, de Flandre (i).
ietter fur le bois pour le brufler, fans
y penfer autrement , le leuerent pref- La vérité en ce Recueil eft deleSlable ;
ques debout , tellement que chafcun
le vid, fans que le feu euft atteint au- {i\ Crespin, 1,-70, C 460; 1582, f° 416;
cun poil de fa barbe ni de fa cheue-
1597, f" 41; ; 1Û19, f 45.!. Ce n'est qu'à par-
LIVRE SEPTIEME.

5o6 vn Théologien lettré, voici vn


atres
/impie laboureur , lequel ejlcinl prins
de la nxer , au/quels tant de fois les
vagues , les vents , les lempejles
au lieu J'rn larron qu'on pour ju\uoil, auo/enl laiffé la vie, au/quels les
rend lefmoignage \ la vérité , & la Barbares n'auoyent rien demandé,
le/quels les bejles fauuages auoyent
figne Je l'on propre fang. làiffé viure, nous font ici propofe^ en
En cette mefine année 1ÎÎ7, Ar- exemple de patience; £• pour paran-
nould Diericx , homme fimple , natif
de la Flandre Occidentale, laboureur gonner au
énorme des vif l'inhumanité
hypocrites & cruauté
& apo/lals de
de fa vocation, fut tefmoin de la vérité la vraye religion ; tour les monflrer
de l'Euangile. Sortant de fon pays, il plus barbares que les Barbares mef-
fe retira en la Frife Orientale , où mes, voire des plus fauuages qui
l'Euangile du Seigneur ertoit fidèle- foyenl fur la terre.
ment annoncé, »& y fut quelque temps,
rendant toute diligence à eflre bien Novs auons veu ci delTus le traite-
inftruit en la pieté. Il fit quelques ment des fidèles en la terre du Brcfil,
voyages en fon pays pour apporter à entre les Sauuages, & a elle premis (1)
fes parens & amis quelque fruid de pour preparatif de ce qui eft mainte-
nant àdéduire , touchant la mort de
l'infirudion qu'il auoit receuë. En fon
dernier voyage, comme il penfoit re- trois Martyrs, qui ont, comme féaux
tourner en Frife, les fergens de Bru- précieux, rendu authentique la prédi-
ges cerchans vn facrilege oui auoit cation de l'Euangile en pays eftrange
defrobé quelque meuble d'Eglife , &
vindrent de nuift au logis mefme où feulement Antartique.
terre L'hiftoire
nous en a efié efcrite non
par
Arnould logeoit, & le conftituerent homme fidèle , mais auffi au vrai réci-
prifonnier, penfans auoir trouué le tée par gens dignes de foi , qui ont
larron qu'ils cerchoyent. Mais en ou- e(lé de la partie , voire première &
urant vn petit paquet qu'il auoit, ils principale de tout le récit. La dis-
aperceurent bien que ce n'eftoit point tance des lieux n'a pou cacher vne
celui-là. Et toutesfois, comme gens vi- chofe fi digne de mémoire, de laquelle
uans de proye , ne voulurent perdre vne telle barbarie , toute efionnee
leurs peines , mais pour gratifier à d'auoir veu mourir les Martyrs de
leurs maifires, l'emmenèrent, le char- nollre Seigneur lefus Chrill, produira
geans de crime d'herefie. Le lende- quelque
main, ertant enquis de fa foi, il en ren- précieux iour
a de les
tousfruits qu'vn
temps fang fi
acouftumé
dit raifon fi bien fondée par palTages de produire. Quant aux fidèles, faire
qu'il allegui'it de la fainde Efcriture , ne fe peut qu'ils n'en reçoyuent
que tous furent contraints s'en efmer- grande confolation , quand ils fe
ueiller , montrant iufques au bout voyent de fi loin efclairez ; quand au
qu'il auoit en finguliere recommanda- milieu des eaux , des pierres & ro-
tion l'honneur de l'Euangile. Sa der- chers ,en faim , foif , nudité A indi-
nière condamnation d'efire bruflé fut gence de toutes chofes, ils voyent
exécutée le vingtiefme de Mars mil leurs propres frères en pays eftrange
cinq cens cinquante fept , àMonike- douez de telle hardielfe de courage.
ree en Flandre, où il auoit des aupa- Lors (2) que ceux du bafteau
rauant efié appréhendé. fe départirent du nauire , ils pou-
uoyent eftre loin de terre dixhuit ou
vingt lieues. L'adieu fut fort grief
aux vus i!k aux autres; mais le péril

Iean dv Bordkl , Matthiev Ver- qui eftoit prefques efgal tant a'vne
meil, ET Pierre Bovrdon (i). 1Ç82 , 1* 416; 1Ç97 , (* 418; 1619 , (* 4Ç2. Ce
récit est la suite de celui qui est inséré
Ceux qui auoyent efchappé les périls plus haut, de la p. 44K à la p. 48(1, et, il
est , comme le précédent , la reproduction
pure et simple de l'écrit anonyme paru en
tir de 1570 que ce tnarlyr fif,'urc au Mariy- 1561 sous ce titre : Hijlcirc des chcfcs mé-
rolo(;e de Crcspin. La notice que Van morahks adiicniics en la Icrrc du Brcfil, fous
Hœmsiede lui consacre est bien plus àù- le goiiucrncmcnt de N. de VillcgagnSn. Voy.
la note de la p 448, supra.
laillcc que celle de Crespin, cl l'on sélonnc (1) Mis avant, susmentionné.
auc celui-ci
du récit n'aitprédécesseur.
de son pas davantai;c tiré parti (2) Ici commence la reproduction de
(1) Crcspin, IÇ64, p. 881; 1570, 1*460; VHiJloirc des cho/cs mémorables.
lEAN DV BORDEL, MATTHIEV VERMEIL & PIERRE BOVRDON. 507

part que d'autre , caufoit vne dure quelques racines & farines, pource m.d.lvu.
départie. Or ceux qui entrèrent dans
le bafleau pour retourner au Brefil , qu'ils font curieux des habillements
des François. Au refte ils conuenoyent
eftoyent totalement ignorans de la
fi bien auec les noflres , qu'ils euffent
nauigation , pource qu'ils n'auoyent grandement defiré qu'iceux euffent là
hanté la mer, que depuis qu'ils ef- fait long feiour , ce que les noftres ne
toyent palTez de France au Brefil. Et
à peine entendoyent-ils quelle part il nité defditsfaire
pouuoyent habitants , quel'importu-
, tant pour pour le
faloit mettre la prouë de la barque ,
& icelle conduire pour paruenir à regret qu'ils auoyent d'eftre priuez de
la compagnie des François. Partant
quelque port. D'auantage la barque délibérèrent fe retirer auec les Chref-
n'auoit ne mafts ne voiles, cordages, tiens , & gens de mefme langage.
ni autres chofes necelTaires à la naui- Principalement ceux qui eftoyent mal
gation ;car quand ils départirent de difpofez ne pouuoyent recouurer fanté,
leur nauire , chacun eftoit fi empefché conuerfant longuement auec lefdits
à cercher les moyens pour eftancher Brefiliens , exempts de toute honnef-
l'eau, qu'on ne leur feut donner ce teté Chreftienne. Aucuns, comme les
qui eftoit neceffaire; & eux mefmes
plus fains , n'eftoyent de ceft auis,
Ceux qui vont eftoyent fi efperdus qu'ils n'auoyent preuoyans que Villegagnon les pour-
fur la mer fouuenance de ce qui leur eftoit pro- roit mal traiter, pour le mauuais vou-
''"^^ueiMes"*'"" loir qu'il leur portoit à caufe de la
du Seigneur, P'"'-^-
terentLesvn plus auifez
auiron pourd'entre eux plan-
vn mafts; & au religion, & furent quelques iours en
cefte difficulté. En fin les malades
Pf. 107. lieu d'vne
arcs hune; de
enfemble ils ioignirent deux
leurs chemifes
firent vne voile ; de leurs ceintures , prièrent fi affedueufement leurs com-
les efcoutes , boulines & rouets , qui pagnons que
, cela fut refolu de dé-
partir de cefte Ifle, pour aller au port
font cordages à ce neceft'aires. Ils ra- de Colligny, diftant par mer du lieu où
ment quatre iours entiers , la mer ef-
tant calme & bonnalTe. Le cinquième ils eftoyent (qui s'appelle la riuiere
des 'Vafes) enuiron de trente lieues :
fur le foir, comme ils penfoyent abor- les Brefiliens vouloyent empefcher ce
der en terre, l'air s'obfcurcit de noire
département, &demonftroyent qu'ils ef-
nue,
de vent & d'icelui
furieuxprocéda vn tourbillon
à merueilles, auec toyent grandementt defplaifans d'icelui.
Ils feiourneren plus de trois iours
à faire ces trente lieuës, à raifon de la
grand'pluye & tonnerre , qui efmeut contrariété des vents & marées qui
la mer en vn inftant, rendant les va-
gues efpouuantables ; & en ce faf- font là fort violentes. Eftans entrez
cheux temps, ils fe deuoyerent de leur en la riuiere de Colligny, auec gran-
route, perdirent leur gouuernail , & des difficultés & dangers , & mefme
furent tranfportez errans çà & là fans
en grand'doute, fi c'eftoit elle ou non,
ofer monter vn pied de leur voile. La
nuid furuenante, la bourafque continue res ;en qu'vn
pource brouiliaz
conteftant les couvroit les ter-
vns contre les
de plus en plus; autres, le brouiliaz tomba; fi apper-
deftroids entre des ils pafl"ent& trefdan-
rochers par des
ceurent la fortereffe de "Villegagnon &
gereux paffages, où en plain iour les le village des François, fitué en terre
pilotes eufTent efté bien empefchez ; continente, efloigné dudit fort la por-
en fin font iettez par la violence de la tée d'vne coulevrine. Eftans defcendus
en terre , ils trouuerent Villegagnon
mer fur lehaute.
montagne riuage
Le àiour
couuert d'vne ,
eftant venu au village qui y eftoit allé au matin ,
ils defcendent en ferre pour cercher pour quelques fiens affaires. Ils fe pre-
fenterent à lui , declarans les caufes
de l'eau douce , ou quelques fruids à
manger, mais la terre elîoit fi fterile, de leur relafchement, le péril où ils
qu'après la tempefte palîee , ils furent auoyent laififé leur nauire , & le fup-
contraints de partir de là , & aller
plient de les vouloir retenir au nom-
quatre lieuës plus auant , où ils trou- de fes
bre tant feruiteurs, re& auoyent
ofé entreprend d'au-
de retourner Requette
uerent de l'eau douce. Ayant feiourné
là quatre iours pour fe refraifchir, il
furuint quelque nombre des habitans fous fa puilfance, confideré qu'ils ef- des povres per-
naturels , qui monftroyent affez bonne toyent alTeurez en leur confcience de fecutez.
ne l'auoir iamais ofîenfé; par ainfi
careft'e auxlespoures auoyent mieux aimé fe retirer eftans
toutesfois voyansaffligez Françoisde;
en neceffité François auec les François, que fe
viures , leur vendoyent bien cher rendre aux Portugais, auec lefquels
LIVRE SEPTIEME.

5olis,8ou auec peut-être,


ilseuffent, cflé bien recueil-
les Brefiiiens de la riuiere
trangers du monde , & mefme fes en-
nemis, il ne leur voudroit nier le
des Vafes, defqueis ils auoyent reccu traité , ni demeure affeuree. Et no-
bon & honncfte traitement. Dauan- nobflant qu'eux & leurs compagnons
tagc adiourtont que fi le faift de la re- fuffent départis de fa forterelTe en
li^'ion l'efmouuoit feulement à les mefcontentement , & prefques comme
mal traiter & reietter, il fauoit très- fes propres ennemis, contre lefquels
bien clesau'entre les fortie
dont eftoit plus do6les, les arti-,
la contention il euft peu vfer de droid d'hoftilité, ef-
tans tombez fous fapuiflfance, fi efl-ce
n'efloyent encores refolus , & que lui toutefois qu'il vouloit pour lors ou-
mefme , les années palTees , auoit fait blier les iniures paffees , Sz rendre le
protertation du contraire. Et outre ce bien pour le mal, fe contentant de la
que deflus , remonllrent & adiourtent vengeance que Dieu feroit de fes en-
qu'ils n'elloyent Efpagnols, ne Fla- nemis. Partant leur permit de iouir
mens ou Portugais; encores moins des franchifes & libertez , telles que
Turcs infidèles, Athcifles, Libertins, les autres François iouiffbyent ; & ce
ou Epicuriens; mais Chreftiens bapti- neantmoiiis par telles conditions ,
zez au Nom de noftre Seigneur lefus qu'ils n'eulTent à tenir ou femer aucun
Chrift : François naturels ; non loin propos de la religion , à peine de la
de fa conoiffance ; non fugitifs ou ban- mort, bref qu'ils fe gouuernaffent fi
nis de leur pays pour quelque infamie
ou defhonnefte faid, mais ayans lailVé prudemment
les mal traiter.qu'il n'euft occafion de
aucuns d'eux leurs femmes & enfans , ViLLRGAGNON fc faifit de la barque
pour lui venir faire feruicc en ce pays que lefdits paffagers auoyent amenée,
fi lointain & eflongné, où ils auoyent laquelle de tout droiél leur apartenoit.
fait leur deuoir félon leur puilfance.
Et combien qu'il les vift en grande
Et fi onques poures gens deiettez par defireffe , n'ayans dequoi acheter des
tempefte en quelque eftrange port, ou viurcs , oncques ne leur en fit reftitu-
defpodedez de leurs propres héritages tion d'vn clou. Les fufdits fur ceft ef-
par la violence de la guerre, ou par poir demeurèrent en terre , recueillis
autres telles calamitez, font dignes des François feruiteurs de Villega-
d'eftre receus à compaffion , ils re- gnon; & ia commençoyent s'afTeurer,
monflroycnt & recouurer vne partie de leurs for-
tel catalogue qu'ils
; car eftoyent
outre la efcrits
perte en
de ces perdues. Les François leur affif-
leurs biens , la mer les auoit mis en
toyent d'habillemens, viures & autres
extrême langueur & ennui. Nonobflant chofes, félon leur pouuoir. A peine
ce, tels qu'ils eftoyent , offrirent leur demeurerent-ils en cefte tranquillité
feruice à 'Villegagnon, le fupplians leur & repos douze iours entiers ; car 'Vil-
permettre de viure auec fes feruitcurs,
lufques à ce que nortre Seigneur leur legagnon, depuis le fur
à eux , epilogua iour les
qu'il refponfes
eut parlé
donneroit moyen de repafTeren France. qu'ils auoyent faites touchant leur
Refponfc ApRES telle remonftrance , Ville- nauire. Il entra en opinion que tout
deVillegagnon. gagnon leur fit vne refponfe douce ce que lés fufdits auoyent refpondu,
efioit chofe trouuee & faulTe , & lui
& honnefle, affauoir qu'il louoit Dieu
de ce qu'il
autres les de
; auffi auoit
les fauuez
auoir d'entre
amenez les
de fembla qu'il y auoit fraude en leurs
la haute mer, eux qui ne fauoyent ainfi & que
paroles,bralTee celle à farce
de guet s'eftoit
pens par du faulTo,
gouuerner la barque , en vn fi bon Pont tSî Richer, attendu qu'ils fe reti- Pcrfuafion
port. royent du Brefil , contre leur vouloir de laquelle est
le toutEt eftoit
s'efiant bien Siinformé
auenu, mefme comme
quelle & à leur grand regret , t.int pour la
cfperance ils auoyent de leur nauirc , bonne température du pays, que pour Villegagnon.
il les confole , leur permettant viure agité
auec les fiens, aux mcfmes franchifes le repos qu'ils efpcroyent auoir à
l'auenir. Telles fantafies lui firent lé-
& libériez. Et parce qu'il craignoit gèrement croire que les fufdits Cinq
qu'iceux ne fe retiralfent auec les efloyent enuoyez pour cfpies , & pour
Portugais ou Breliliens, leur vfa d'vn pratiquer les autres François ae la
fort trefvolontiers
oui beau langage les
, difant
caufesqu'il
de auoit
leur terre fesloyent Aferuitcurs,
la deuntion qui de du tout n'ef-
Villegagnon,
relafchement , lefquelles l'eftonnoyent afin qu'ayant l'opportunité & l'occa-
grandement, fiel les efloyent véritables;
fion bien difpofee , le nauire qu'il iu-
& quand ores ils feroyent les plus ef- geoit eftre caché à trois ou quatre
lEAN DV BORDEL, MATTHIEV VERMEIL & PIERRE BOVRDON. 509

lieuës, auec le renfort de ceux qui ef- vie lui donnoit ; ains ceft ade lui
toyent allez en la riuiere de Pilate , tourneroit à grand honneur. Car il
en vne nuift tous enfemble peulTent fauoit que la plufpart de la Cour pre-
furprendre fa forterelTe; voire le met- noit grand plaifir au facrifice des
tre en pièces auec tous ceux qui fe- poures Chreftiens , & ce lui feruiroit
royent de fon collé & parti. d'ample
fut touchétefmoignage, qu'onques
de la crainte de Dieu,il neni
Il n'y a point
de paix Celle faulfe opinion s'imprima fi
au meichant, auant ep fon efprit , qu"il la creut vé- de zèle d'amplifier fon règne , comme
dit le ritablement eflre telle, & ne peut au- il auoit, les années précédentes, fait en-
Prophète Ifaie, cunement eftre diuerti d'icelle; & tendre àtoutes perfonnes. Pour pro-
ch. 48 & 57. deflors il fe desfia de tous fes ferui-
Villegagnon en céder àl'exécution de ce qu'il auoit
teurs fidèles & anciens, confpirant
ell la preuue. délibéré, il dreft'a vn catalogue des
puis fur l'vn, puis fur l'autre. Il pre- articles, auquel il vouloit que les fuf-
noit oc'cafionlesenoutrageant
peu de chofe de les dits cinq refpondiffent ; & leur en-
mal traiter, de griefues uoyant, commanda que dans douze
iniures, menaces de coups de bafton, heures , ils deliberalTent de refpondre Commande-
ment
de refpondre
ou chaînes, ou autres chofes fembla- par efcrit. Lefdits articles fe pourront fur les articles.
bles. Ce qui leur fembloit fi defrai- entendre par leur Confeffion de foi,
laquelle fera inférée ci après. Les
fonnable, que la plus part d'iceux de- François de la terre continente les
firoyent que la terre s'ouurifl pour les
engloutir, tant ils auoyent afîedion vouioyent empefcher par tous moyens
de ne rendre raifon de leur foi à ce
d'eflre deliurez de la prefence de ce
maiftre. Le iour s'il eftoit bien empef- de
tyranles , faire mourir.
qui ne Au que
cerchoit contraire leur
l'occafion
ché à molefter fes gens, la nuid lui
eftoit encore plus contraire. Car au- perfuadoyent de fe retirer auec les
cune fois il fongeoit (comme gens fan- Brefiliens, à 30. ou 40. lieues de là,
guinaires, & auec lefquels l'Efprit de ou qu'ils fe rendiffent pluftoft à la
merci des Portugais, auec lefquels
Dieu n'habite point) qu'on lui coupoit
la gorge; autrefois que du Pont & ils trouueroyent plus de courtoifie
Richer, auec grand nombre de gens,
fans
nai àcomparaifon, qu'auec
toute tyrannie Villegagnon
& cruauté.
le tenoyent affiegé eftroitement , fans
lui prefenter aucune compofition.
Villegagnon
Mais contre l'opinion de tous lef-
délibère S'estant, par telles faulTes coniedu- dits confeillers, noftre Seigneur forti-
de faire mourir res, perfuadé que les perfonnes reue- fia ces poures gens d'vne conftance
les cinq nues eftoyent traiftres & efpies , pro- admirable , veu qu'ils auoyent option
qui eftoyent re- pofa en lui mefme qu'il eftoit fort de faire l'vn ou l'autre , & fe pou-
uenus. necelTaire, & mefmes expédient, pour uoyent retirer la part de la terre , où
maintenir fa grandeur, de les faire
mourir. 11 confidere beaucoup de bon leur gagnoneuft
ne lesfemblé, fans que
fiens euflent peu'Ville-
leur
moyens pour euiter le blafme & re- donner empefchement. Ils eftimoyent
proche des hommes ; fon defir eftoit peu tous les fufdits moyens, voyans
les conuaincre de trahifon , mais cela
que l'heure eftoit venue, en laquelle
ne fe pouuoit prouuer, ne par coniec- il conuenoit faire preuue de la conoif-
ture ne par verifimilitude quelconque. fance que Dieu leur auoit donnée.
Confiderant donc que, par ce moyen, Partant trefvolontairement , ayans in-
il ne le pouuoit faire, fans encourir uoqué l'aide du Seigneur, entreprenent
note d'infamie, mefmeraent entre ceux de faire la refponfe aux articles en-
lefquels ne portent aucune faueur à la
uoyez par Villegagnon, eftimans qu'en
religion, il s'auifa qu'ils eftoyent de ce faind combat le Seigneur leur af-
l'opinion de Luther & Caluin en la fifteroit par fon S. Efprit, & les inf-
religion, parquoi lui, comme lieutenant truiroit abondamment de ce qu'ils
du Roi en ces pays-la , leur pourroit auroyent à refpondre. Lefdits articles
( iouxte les ordonnances des Rois
eftoyent en grand nombre, & d'aucuns
François & Henri II.) demander rai- poinfts des plus difficiles de toute la
fon de leurmerueilleufement
foi. Et d'autant conftans
qu'il les fainfte Efcriture, aufquels vn bon
conoiftbit Théologien, voire ayant tous lesautres
en icelle , il auiendroit qu'ils vou- liures necelTaires à l'eftude des fainc-
droyent pluftoft foufFrir la mort , que tes Efcritures, fe fuft trouué bien em-
renier ce qu'ils auroyent confeflé pu- pefché en vn mois. Les poures per-
bliquement. Ainfi non feulement fe- fonnes à peine auoyent-ils vne Bible
roit deliuré de l'ennui que leur poure pour le foulagement des paffages.
LIVRE SEPTIEME.

510 que les vns efloyent mal difpo-


Joint fi elle ne fe trouue du tout fi ample
fez, les autres furprins de crainte, & qu'il feroit requis, vueilles, ie te prie,
peu exercez aux Efcritures. confiderer en quel lieu les poures
perfonnes efloyent , en quelle per-
ple.xité tant de leurs corps que de leur
»S''^i'*^*'*ii'*^i'"^'"^ît'*^i"*i'*S'*S' efprit, fans fupport, faueur, confeil ni
aide, ni de perfonnes, ni de Hures,
Iean dv Bordel. chofes qui apportent grand fûulagc-
ment à l'intelligence des Efcritures.
Cela fui caufe qu iIls efleurent D'auantage, comme les dons de Dieu
Ju Bordel font diuers, auffi les vns en reçoyuent
entr'eux
cien & Jean
mieuxdu inftruit
Bordel,aux
le plus an-
lettres,
plus,
eft les autres moins, félon qu'il leur
expédient.
pour de
auoit la laconoilTance médiocre
langue Latine. qu'il
A la vérité
auffi , c'eftoit celui qui fembloit auoir
plus de dons & de grâces, que tous La Confeffion (i).
les autres. Bien fouuent il aiguiUon-
noit Tes compagnons , & , les voyant SviVANT la dodrine de S. Pierre I. Pierre j.
comme refroidis, les tançoit, confoloit
Apoflre, en fa première Epifire , tous
&uezacourageoit, afin qu'ils fudent trou- , Chreftiens doiuent eftre toufiours
fidèles feruiteurs à leur Maiftre
auquel ils auoyent toute alTeurance. prefts de rendre raifon de l'efperance
Cellui du Bordel mit par efcrit vne qui ert en eux, & ce en toute douceur
Confeffion de foi qui contenoit ample cir bénignité ; nous fous-fignez. Sei-
refponfe aux articles & la communi- gneur de Villegagnon, auons vnani-
memcnt (félon la mefure de grâce
qua à tous fes compagnons, leur en
que noftre Seigneur nous a faite) rendu
faifant la lefture plufieurs fois, & dif- raifon à chacun poind, comme nous
tindement les interroguant fur chacun
article ; laquelle confeffion ils iugerent auez enioint & commandé, & com-
mençant au premier article :
eftre catholique, & fondée fur la pa- I Novs croyons en vn feul Dieu,
role de vérité, en laquelle ils prioyent immortel, & inuifible, créateur du
Dieu {C) c'elloit fa volonté) de mourir. ciel i& de la terre, & de toutes chofes
Chacun la figne de fa propre main ,
tant vifibles qu'inuifibles ; lequel eft
pour déclarer qu'ils Laquelle
la receuoyent diftingué en trois perfonnes, le Père,
comme leur propre. auffi le Fils, & le S. Efprit , qui ne font
(ami Leéleur) ie t'ai voulu communi- qu'vne
quer en ce Recueil , félon qu'elle a éternelle,mefme
& vnefubftance en effencele
mefme volonté;
efté tranfcrite de mot à mot fur l'ori- Père , fource & commencement de
ginal de leurs propres cfcrits (i). Or tout bien ; le Fils engendré du Père
éternellement; lequel, la plénitude
(i) Celte confession fut communiquée à
Crcspin par Jean de Léry , comme il le ra- du temps
chair au acomplie
monae, ,eftants'eft manifefté
conceu duen
conte lui-mÈmc dans son Hijloirc d'un voyage S. Efprit, nai de la vierge Marie, fait
faict en ta terre du Brifil (édit. Gaffarcl ,
1880, t. Il , p. r8o) : ■• Me fentant fur tous fous la Loi pour racheter ceux qui ef-
autres oblige d'avoir foin que la confeftion loyent fous icelle , afin que nous re-
de foy de ces trois bons personnages fuit en-
rcgirtrée au catalogue de ceux qui de noUre ceuffions l'adoption des propres enfans;
temps ont conltammcnl enduré la mort pour le S, Efprit procédant du Père & du
le lefmoignat,'c de l'Iîvangile. dès celle mefmc Fils dodcur de toute vérité , parlant
année i!(8, ie la baillay à Ican Crefpin, im-
primeur, lequel, avec la narration de la dif- par la bouche des Prophètes, fugge-
rant toutes chofes qui ont efté aites
(icullé qu'ils eurent d'aborder en la terre
des fauvages . après qu'ils nous eurent laif- aux Apoftres par nodre Seigneur lefus
fez, l'infera au livre des marlyrs , auquel ie Chrift. Icclui eft le feul confolateur
renvoyé le lecteur. • u Ce passage, » dit
M. GafTarel, le savant éditeur de Léry, en alîlidion, donnant confiance & per-
feuerance en tout bien. Nous croyons
Il prouve claircmcnl que l'auteur de la rela-
tion insérée dans l'ouvrage de Crespin est qu'il faut feulement adorer & parfaite-
Léry lui-même. >■ Celle affirmation nous pa- ment aimer, prier & iiuioquer la
raît dépasser le sens du passage, qui ne fait
mention que de la confession ici insérée. maiefté de Dieu en foi, ou particuliè-
Toutefois il n'est pas douteux que Léry a rement.
fourni, sinon le texte même de la nolice de
Crespin , au moins les renseignements sur
lesquels il a travaillé. (1) Hijloirt des chofes mimorables, (° )6.
lEAN DV BORDEL.

2. Adorans notlre Seigneur lefus quatriefme contre Marcion , explique


Chrift, nous ne feparons vne nature ces paroles ainfi : « Ceci eft le figne & Interprétation
des paroles :
de l'autre, confeUans les deux en
natures, la figure de mon corps. » S. Auguftin
affauolr diuine & humaine, icelui eft mon
Cecicorps.
inleparables. dit : « Le Seigneur n'a point failli de
dire : Ceci eft mon corps, quand il ne
5. Novs croyons du Fils de Dieu donnoit que le figne de son corps. »
& du fainil Efprit ce que la parole de Partant (comme il eft commandé au
Dieu & la dodrine Apoftolique, & le premier canon du Concile de Nicee),
lymbole nous en enfeigne. en ce faind Sacrement nous ne deuons
imaginer rien de charnel, & ne nous
5^'
4. Novs croyons que noftre Sei-
gneur Jefus viendra iuger les viuants amufer ni au pain ni au vin , qui nous
& les morts, en forme vifible & hu- font en icelui propofez pour fignes,
maine, comme il eft monté au ciel, mais efleuer nos efprits au ciel pour
exécutant icelui iugement en la forme contempler par foi le Fils de Dieu,
qu'il nous a prédit en faind Matthieu, noftre Seigneur Jefus, feant à la dextre
vingtcinquiefme chapitre, ayant toute de Dieu fon Père. A ce propos, nous
puiflance de iuger, à lui donnée du
pourrions
fion , auec ioindre l'article
plufieurs autresde fentences
l'Afcen-
Père, entant qu'il eft homme. Et
quant à ce que nous difons en nos de faind Auguftin, lefquelles nous ob-
prières, que le Père aparoiflra en iu- mettons, craignans d'eftre longs.
gement en la perfonne de fon Fils ,
6. Novs croyons que, s'il euft efté Mettre
au vin.l'eau
nous entendons par cela que la puif- neceffaire de mettre l'eau au vin, les
fance du Père donnée au Fils fera
manifeftee audit iugement , non tou- Euangeliftes & S. Paul n'euffent ob-
mis vne chofe de fi grande confe-
tesfois que nous voulions confondre
quence. Et quant à ce que les doc-
les perfonnes , fachans qu'icelles font teurs anciens l'ont obferué (fe fondans
realement dillindes l'vne de l'autre. fur le fang méfié auec l'eau qui fortit
5. Novs croyons qu'au S. Sacre- du cofté de Jefus Chrift), d'autant
ment de la Cène, auec les fignes cor-
porels du pain & du vin, les âmes que telle obferuation n'a aucun fonde-
fidèles font nourries realement & de ment en la parole de Dieu, veu mef-
faid, de la propre fubftance de noftre mes qu'après
Cène cela auint l'inftitution
, nous nedela lapouuons
fainde
Seigneur lefus, comme nos corps font admettre auiourd'hui neceft'airement.
nourris de viandes, & fi n'entendons 7. Novs croyons qu'ilquin'y
dire ne croire que le pain & le vin confecration que celle fe afaitautre
par
foyent transformez, ou tranlfubftantiez
le Miniftre, lors qu'on célèbre la
au corps &en fang d'icelui &, car le pain, Cène, ledit Miniftre recitant au peu-
demeure fa nature fubftance
ple , en langage connu, l'inftitution
pareillement le vin, & n'y a change- d'icelle Cène, iouxte la forme que
ment ou altération. Nous diftinguons noftre Seigneur lefus nous a pref-
toutesfois ce pain & vin de l'autre cripte , admonneftant le peuple de la
pain qui eft dédié à vfage commun, mort & paffion de noftre Seigneur. Et
entant que ce nous eft vn figne facra- mefmes, comme dit S. Auguftin, la
raental, fous lequel la vérité eft infail- confecration eft la parole de foi qui
liblement reçeuë. eft prefchee & receuë en foi. Parquoi
Or cefte réception ne fe fait que il s'enfuit que les paroles fecrettement
par le moyen de la foi, & n'y conuient prononcées fur les fignes ne peuuent Matth. 26.
imaginer rien de charnel, ni préparer eftre la confecration, comme il apert Marc
Luc 2.I. 19.
21
les dents pour le manger, comme
par l'inftitution que noftre Seigneur
fainft Auguftin nous enfeigne, difant :
Jefus
fant fesChrift lain"aà fes
paroles à fesdifciples
Apoftres,prefens,
adref-
« Pourquoi appreftes-tu les dents &
le ventre } croi, & tu l'as mangé. » Le aufquels il commanda de prendre &
figne donc ne nous donne pas la vé- manger.
rité,ne la chofe fignifiee; mais noftre 8. Le s. Sacrement de la Cène
Seigneur lefus Chrift, par fa puiffance, n'eft viande pour le corps, ains pour
vertu & bonté , nourrit & entretient
les âmes (car nous n'y imaginons rien
nos âmes, & les fait participantes de de charnel, comme nous auons dé-
fa chair & de fon fang, & de tous fes claré Article cinquiefme) , receuans
bénéfices. Venons à l'interprétation icelui par foi, laquelle n'eft charnelle.
des paroles de Jefus Chrift : « Ceci 9. Novs croyons que le Baptefme Baptefme.
eft mon corps. » Tertullian, au liure eft Sacrement de pénitence, & comme
LIVRE SEPTIEME.

vne entrée en l'Eglife de Dieu, pour partant , s'il condamne ou abfoult , ce


eftre incorporez en Jefus Chrift. Ice- n'eft pas lui , mais la parole de Dieu,
lui nous reprefente la remiffion de nos laquelle il annonce. S. Auguftin en
péchez pallez & futurs, laquelle eft ceft endroit dit que ce n'eft point par
pleinement acquife par la feule mort le mérite des hommes que les péchez
font remis, mais par la vertu du S.
de noftre Seigneur lefus. D'auantage
la mortification de noftre chair nous y Efprit. Car le Seigneur auoit dit à
eft fignifiee, & le lauenient reprefcntô fes Apoftres : « Receuez le S. Efprit; »
par l'eau iettee fur l'enfant , qui eft puis il adioufte : « Si vous remettez à
figne & marque du fang de noftre
Seigneur lefus, qui eft la vraye pur- quelqu'vn
dit que le fes péchez,ne »peut
feruiteur &c. remettre
Cyprian
gationde nos âmes. L'inftitution d'icc- l'offenfe commife contre fon maiftre.
lui nous eft enfeignee en la parole de
Dieu, laquelle ont obferuee les fainds 12. QvANT à l'impofition des mains,
elle
foin amaintenant
ferui en fonlatemps, & n'eft
retenir, car be-
par
Apoftres, prenans de l'eau au nom
du Père, l'impofition des mains on ne peut pas
Quant aux du Fils &' adiurations
exorcifmes, du S. Efprit.
de
Satan, chrefmes , faliuc & fel , nous donner le S. Efprit, car c'eft à Dieu
les reiettons comme traditions des feul. Touchant l'ordre Ecclefiaftique,
nous croyons ce que S. Paul en a ef-
hommes, nous contentans de la feule crit en la première à Timothee, & au-
tres lieux.
forme & inftitution delaift'ee par noftre
Seigneur lefus.
10. QvANT au franc arbitre, nous 13.femme
& la La feparation
légitimementd'entre
vnis l'homme
par ma-
croyons que le premier homme eftant riage ne fe peut faire finon pour forni-
créé à limage de Dieu, a eu liberté cation, comme noftre Seigneur lefus
& volonté tant à bien qu'à mal, & lui nous i'enfeigne, Matt. ■;. & 19. chap.
Et non feulement feparation peut eftre
feul a fceu que c'eftoit du franc-arbi-
tre, eftant en fon intégrité. Or il n'a faite pour ladite fornication , mais
gueres gardé ce don de Dieu, ains en auffi la caufe bien examinée deuant le
a efté priué par fon péché , & tous Magiftrat, la partie non coulpable, ne
ceux qui font defcendus de lui, telle- pouuant fe contenir, fe peut marier,
comme S. Ambroife dit fur le 7. de
ment que nul de la femence d'Adam
n'a vne eftincelle de bien. A cefte la première aux Corinthiens ; le Ma-
I. Cor. 2.
caufe fainft Paul dit, que l'homme giftrat toutefois y doit procéder auec
Ofee ij. 9. maturité de confeil.
fenfuel
de Dieu.n'entendEt Ofeeles crie
chofes
auxquienfans
font
14. Sainct Paul enfeignant que I. Tim. }. 2.
d'Ifrael
Ifrael ! i>: Or,
« Ta nous
perdition eft dececi
entendons toi, deô l'Euefque doit eftre mari d'vne feule
femme,
le deces nede défend par cela
fa première femmequ'après
, il ne
l'homme qui n'eft point régénéré par lui foit loifible de fe remarier, mais le
le S. Efprit. Quant à l'homme Chref-
tien, baptizé au fang de lefus Chrift, S. Apoftre improuue la Bigamie, à la-
lequel chemine en nouueauté de vie , quelle les hommes de ce temps-là ef-
noftre Seigneur lefus reftitue en lui toyent grandement enclins; toutefois,
le franc-arbitre, & reforme la volonté nous enaux lain"ons le iugement aux noftre
plus
à toutes bonnes œuures, non point verfez faindes Efcritures,
toutefois en perfedion, car l'exécution foi n'eftant fondée fur ce poind. Villegagnon
de bonne volonté n'eft en fa puiftance, 15. Il n'eft licite de vouer à Dieu, formant
mais vient de Dieu, comme amplement
finon ce qu'il aprouue. Or il eft ainfi desmoines qucftions
ce S. Apoftre déclare, au feptiefme que les vœus monaftiques ne tendent ,
fur l'cHat
chapit. des Romains, difant : « l 'ai vou- qu'à vne corruption du vrai feruice de des prcrtrcs de
loir, mais en moi ie ne trouue le par- l'Amérique,
lice,
Dieu. C'eft auffi grande témérité &
monflrcs nusincon-
en
faire. »L'homme predeftiné à vie éter- prefomption
tre la mefure à del'homme de vouer
fa vocation, ou-
veu que
nelle iaçoit
, qu'il pèche par fragilité defcouvre
humaine, toutefois il ne peut tomber la S. Efcriture nous enfeigne que con-
en impenitence. A ce propos, S. lean tinence eft vn don fpecial, Mat. 15. fa bellise & ma-
suflifamment
dit qu'il ne chap. A en la i. aux Corint. 7. Pour- refulec.
demeure en pèche
icelui. point, car l'eledion
tant il s'enfuit que ceux qui s'impo-
11. Novs croyons que c'eft à la fent cefte neceffité, renonçans au ma-
parole de Dieu feule de remettre les riage toute leur vie, ne peuuent eftre
péchez, de laquelle, comme dit S. excufez d'extrême tementé tt outre-
cuidance effrontée. Et par ce moyen
Ambroife, l'homme n'eft que minillre;
lEAN DV BORDEL.

tentent Dieu, attendu que le don de & aduocat, par lequel nous auons ac-
continence n'eft que temporel en au- cès au Père , & qu'eftans iuftifiez5.13
en
cuns, & que celui qui l'aura eu pour fon fang, ferons deliurez de la mort,
& par lui eftans la reconciliez, nous
quelque
de fa vie.temps, ne l'aura
Sur ce donc pour le relie
les moines, obtiendrons pleine viftoire contre la
mort. Quant aux fainds trefpalîez,
preftrcs& autres telles gens qui s'obli-
gent & promettent de viure en chaf- nous difons qu'ils défirent noftre falut
teté, attentent contre Dieu, entant
& l'accompliirement du royaume de
Dieu, & que le nombre des efleus
qu'il n'efl en eux de tenir ce qu'ils
foit acompli ; toutefois nous ne nous
promettent. Saind Cyprian, en l'on- deuons adrelTer à eux par interceffion
ziefme epillre, parle ainfi : « Si les vier-
ges fe font dédiées de bon cœur à pour obtenir quelque chofe , car nous
contreuiendrions au commandement
Chrift, qu'elles, perfeuerent
fans feintife eflans ainfi enfortes
chafleté&
de Dieu. Quant à nous, durant que
confiantes qu'elles attendent le loyer nous viuons, d'autant que nous fom-
qui leur eft préparé pour leur virginité ; mes conioints enfemble comme mem-
fi elles ne veulent ou peuuent perfeue- bres d'vn corps , nous deuons prier
rer comme elles fe font vouées, il eft les vns pour les autres, comme nous
meilleur qu'elles fe marient que d'ef- fommes enfeignez en plufieurs paffa-
tre précipitées au feu de paiilardife ges de la fainfte Efcriture.
par leurs plaifirs & délices. » Quant 17. Quant aux morts, S. Paul en
au paflfage de l'Apoftre S. Paul , il efl la première des Thefi". 4. cha., nous
vrai que les vefues qu'on prenoit pour défend d'eftre contriftez fur iceux ;
feruir à l'Eglife, fe fubmettoyent à ne car cela conuient aux Payens , lef-
fe remarier tant qu'elles feroyent fub- quels n'ont aucune efperance de ref-
iettes à ladite charge, non qu'en cela fufciter. Le S. Apoftre ne commande
on lesquelque
reputaftfaindeté,
ou qu'onmais
leurà caufe
attri- & n'enfeigne de prier pour eux, ce
buaft qu'il n'euft oublié s'il euft efté expé-
qu'elles dient. S. Auguftin fur le Pfeaume 48.
de leur nedeuoir fe pouuoyent bien acquiter
eftant mariées; & fe
dit qu'il paruient feulement aux ef-
voulant marier, renonçoyent à la voca-
prits des morts ce qu'ils ont fait du-
tion à laquelle Dieu les auoit appe-
lées, tant s'en faut qu'elles accomplif- eftansrantviuans,
leur vie; que
il ne s'ils
leur n'ont rien rien
paruient fait
eftans morts.
fent ce qu'elles auoyent promis en
l'Eglife, que mefmes elles violoyent
la promeffe faite au Baptefme, en la-
quelle ileft contenu ce poinâ : Que En la fin defd'Us articles, ce qui s'en-
fuit efioit efcrit de leurs mains.
vn chacun doit feruir à Dieu en la vo-
cation en laquelle il eft appelé. Les
vefues donques ne vouoyent point le C'est-ci la refponfe que nous fai-
fons aux articles par vous enuoyez ,
don de continence, finon entant que félon la mefure & portion de foi que
le mariage ne conuenoit à l'oflice au- Dieu nous a donnée , le priant qu'il
quel elles fe prefentoyent, & n'auoyent lui plaife faire qu'elle ne foit morte en
autre confideration que de s'en acquit- nous , ains produife fruits dignes de
ter. Elles n'ont efté auffi tellement fesenfans, tellement que, nous donnant
contraintes qu'il ne leur ait efté per- accroifTementA perfeueranceenicelle,
mis foi marier pluftoft que de brufler, nous lui en rendions aélion de grâces
& tomber en quelque infamie & def- & louanges à toutiamais. Ainfi foit-il.
honnefte faift. En outre, pour euiter Au deffous, leurs noms y efloyent
tel inconuenient , l'Apoftre S. Paul, efcrits ainfi :
au chapit. preallegué, Jean dv Bordel.
foyent receuës à faire défend qu'elles
tels vœus que
Matthieu 'Vermeil.
Pierre Bovrdon.
premier elles n'ayent l'aage de 60. ans,
qui eft un aage communément hors
André la-Fon.
d'incontinence. 11 adioufte que celles
qu'on eflira n'ayent efté mariées qu'une
feule fois, afin que, par ce moyen,
elles ayent défia vne approbation de Ceste confeffion fut enuoyee à
continence.
16. Novs croyons que lefus Chrift "Villegagnon pour refponfe à fes arti-
cles. 11 fonge fur icelle comme
33 bon
eft noftre feul médiateur , interceiTeur
lui femble , conduit toufiours d'un
LIVRE SEPTIEME.
5'4
Le mefchani mauuais talent. Il les déclare héréti- pouuons de nous-mefmes refifter. Mais
ne peut ques fur les articles du Sacrement, nous retirans à noftre Seigneur lefus
longuement Chrift, qui les a vaincus pour nous,
defguifer
des vœus & autres, les ayant en plus
son hypocrific. grand horreuT que les peftiferez. Il aft"eurons-nous , voire repofons-nous
en lui, car il nous affiftera comme il a
n'auoit
toit pointdehonte
loifible de direlonguement
les lailTer qu'il n'ef-
viure, atin que de leur poifon le refte promis, veu qu'il eft fidèle & puilTant
de fa compagnie ne fuft furpris. Ayant de
donctenircourage ce qu'il , mes promet.
frères , Prenons
que les
pour la dernière fois refolu de les cruautez , que les richeffes , que les
faire vanitez de ce monde ne nous empef-
enuie mourir
de faire, fort
diffimula ce qu'il auoit
ingenieufement , de chent de venir à Chrift. » Ses compa-
peur que les poures hommes ne fuf- gnons reçoyuent incroyable confola-
fent aduertis de la trahifon qu'il braf- tion de ces paroles, & d'vn faind zèle
foit. On difoit qu'il ne communiqua à & afl'edion prient le Seigneur les for-
homme viuant de fon entreprife, »4 fe tifier & alTeurer par fon efprit, & in-
contint ainfi fecret iufques au Ven- ftruire pour refpondre deuant les hom-
dredi neufiefme lourde Feurier 15^8.
auquel iour, diis le matin, fâchant que mes de la conoift"ance qu'il leur auoit
donnée. Puis lean du Bordel , Mat-
fon bafteau deuoit aller en terre ferme
thieu Vermeil
barquent dans,leAndré
bafteaula-Fon
qui là, s'em-
eftoit
cercher quelques viduailles , com-
manda àceux du bafteau de lui ame-
pour
Pierreles Bourdon
mener en demeura
l'ifle de Coliigny.
en terre
ner Jean du Bordel & fes compa-
gnons ,qui pour lors s'eftoyent logez bien malade , ne fe pouuant embar-
auec autres François. Le commande-
Abord
ment eftant fait, ils iugerent que c'ef- EsTANS defccndus en l'ifle, Ville- des trois
toit pour les interroguer fur leur dite
confeffion de foi, partant furent faifis gagnon commande qu'ils fuffent ame-
quer.

I
de crainte & tremblement. Les Fran- confeffion
nez deuant deluifoi, aufquels (tenant
en la main) demandaleur ^ V.ilegagnon.
çois, en pleurs & larmes, les diffua- s'ils l'auoyent faite & fignee, & s'ils
doyentrie.de Nonobftant
s'aller rendre à la bouche- eftoyent prefts de la fourtenir. Ils ref-
Jean du Bordel ,
pondent tout enfemble qu'ils l'auoyent
homme vertueux & doué d'vne con- faite & fignee , reconoift"ans chacun
ftance merueilleufe , pria tous les
fon feing ; & attendu qu'ils la pen-
François de n'intimider plus fes com- foyent Chreftienne, puifee des fainc-
pagnons, lefquels auffi par telles pa- tes Efcritures, félon la confeffion des
fainiSs Apoftres & Martyrs de la pri-
aller, mais auffi fe non
roles il exhorta feulement
prefentcr d'y
à la mort, mitiue Eglife , ils fe deliberoyent
Exhortation fi Dieu le vouloit, difant : « Mes frè- icelle , moyennant la grâce de Dieu ,
de Du Bordel
à fes res ie
, voi que Satan nous veut em- maintenir de point en point eftre bien
compagnons. pefcher par tous moyens de ne com- fondée , voire iufques à leur fang , fi
Dieu le permcttoit , fe fubmettans ,
paroir auiourd'hui pour la querelle de
noftre Seigneur Jefus, & ia ie m'ap- nonobftant ce , à la cenlure & iuge-
ment de ceux qui auroyent plus de
perçoi qu'aucuns de nous font intimi-
nous dezdeshans
plus qu'il n'eft raifonnable,
du fecours commede
& faueur grâces & intelligence des faindes Ef-
critures. Apeine eurent-ils refpondu
noftre bon Dieu, lequel nous sauons ce peu de paroles , que Villega-
tenir noftre vie en fa main , laquelle gnon demonftrant vn vifage furieux &
les tyrans de la terre ne nous peu- courroucé , de grand' audace menace
uent ofter fans fa volonté. le vous
de les faire mourir, s'ils continuoyent
prie de confiderer auec moi comme & en celle opinion mal-heurcufe (comme
pourquoi nous fommes venus en ces il difoit) &damnablc. Et toutlesà l'heure
quartiers ; qui nous a fait pafler deux commanda à fon bourreau enfer-
mille lieues de mer? qui nous a pre- rer par les iambes , & à chacune
chaîne eftre fufpenduc la pefanteur de
ferué au milieu d'inlinis dangers & cinquante ou foixante liures. On dit
&périls.'
gouuerne N'ert-cetoutes pas celui qui conduit
chofes par fa qu'il eftoit fourni fuftîfamment de tels
bonté infinie, affiftant aux fiens par engins, defquels il inftruifoit les pou-
tous moyens admirables.'' Il eft cer- res Brefiliens à pitié , au lieu de leur
tain que nous auons trois puilTans donner
ennemis : alfauoir le Monde, Satan , douceur. l'intelligence
Non content dede Dieu par
les auoir
la Chair , contre lefquels nous ne fait enferrer, commande qu'ils fulTent
lEAN DV BORDEL.

ferrez eftroitement en une prifon puante demeurans ferfs & efclaues toute leur
Les pauures & obfcure , & foigneufement gardez vie. Mais fes compagnons conoiffans
auiiagesonteu le naturel de Villegagnon, auoyent
pour maiftres par gens armez qu'il auoit ordonnez
des pour ce faire. Les poures emprifonnez peu d'efperance en leur vie , attendu
larbares extrê- au contraire fe refiouilTent iSi confo- que des long temps icelui auoit cer-
mement
sauuages : lent l'vn l'autre en leurs liens, prient, ché l'opportunité qui lors lui eftoit
chantent Pfeaumes & louanges à Dieu venue fort à propos. Le lendemain
sçauoir Ville- matin, iour de Vendredi audit mois,
gagnon, d'vn grand zèle & affedion.
les Efpagnols il defcend bien armé auec vn page en
i. telles autres Or toute la compagnie de l'Il'le
grandement troublée de ceft ade ,fut& vne falette, dans laquelle il fait ame-
du pelles
monde. chacun en fon endroit conceut vne ner lean du Bordel enferré, auquel il
grande crainte. Neantmoins aucuns demanda l'explication de l'article du
Sacrement, où il confelToit que le pain
d'eux, quand Villegagnon elloit em-
pefché en fon repos, ou autre lieu, & le vin eftoyent figues du corps & du
fecrettement vifitoyent les prifonniers, fang de noftre Seigneur lefus Chrift,
les confolans de quelque efpoir , pa- le confermant par le dire de S. Au-
reillement des viures defquels ils guftin. Du Bordel lui voulant alléguer
auoyent grande neceffité. Mais à rai- le palTage pour confermer fon dire ,
fon qu'entre eux il n'y auoit homme Villegagnon, efmeu de grande cho-
d'authorité ou apparence qui peuft lere, defment ce poure patient, & le-
prendre la hardielTe de remonftrer uant le poin, lui en donne vn tel coup
fur le vifage , que tout incontinent le
audit Villegagnon l'iniuftice & tyran- fang fortit du nez & de la bouche en
de niefecours
qu'il cominettoit,
de ceux efperoyent
de ladite moins
Ifle. abondance. En le frappant, adioufta
Tout ce iour, Villegagnon défend que femblables paroles : « Tu as menti ,
barque ne bafteau fortift hors de fon
paillard , S. Auguftin ne l'a pas ainfi
Ifle à peine de la mort; par ainfi ceux entendu. Parquoi auiourd'hui premier
de terre ferme ne peurent eftre auer- que ie mange , ie te ferai fentir le
tis de ce qui fe braflfoit en la forte- fruid de ton obftination. » Ce poure Cruauté barebar-
de
refTe. Ce iour, Villegagnon eut peu homme ainfi outragé , ne lui fit autre
de repos, fe pourmenant tout autour refponfe , qu'au Nom de Dieu fuft.
de fon Ifle , penlif lui deuxiefme. Comme il lui tomboit quelques lar-
Souuent il alloit aux prifons voir fi les mes auec le fang, de la grand' douleur
portes eftoyent bien clofes, & iufques du coup qu'il auoit receu, Villegagnon
aux ferrures fi elles n'eftoyent faul- fe moquant l'appeloit douillet & ten-
Signes fees. Il fe faifit des armes que les fol-
l'vne confcien- dats & artifans tenoyent en leurs dron, pource qu'il pleuroit d'vne chi-
ce agitée quenaude. Derechef lui demanda s'il
de tourmens. chambres pour la garde & defenfe du vouloit maintenir ce qu'il auoit efcrit
lieu. C'eftoit de crainte que le peu- & figné. 11 lui fut fait refponfe par le-
ple ne afaires
s'efleuaft dit du Bordel qu'oui , iufques à ce
Ses ainficontre lui.
ordonnées, le refte que, par authorité de la S. Efcriture,
du iour & de la nuiét confulta à part il fuft enfeigné du contraire. Villega-
foi de quelle efpece de mort il les de- gnon voyant la fermeté & affeurance
uoit faire mourir ; en fin il conclud dudit du Bordel , commanda à fon
de les faire eftrangler & fuffoquer en bourreau de le lier par les bras & les
mains & le mener fur vne roche , la-
pource
mer, aux fon boureau
que efpeces n'elloit
ftylé autres de mort. Et quelle il auoit lui-mefme choifie à
combien qu'il l'euft arrefté , fi eft-ce propos,
iour de trois où lapieds; mer s'enflelui avecdeux
fon fois
page,le
que celle nuid il ne repofa aucune-
ment, mais alloit & enuoyoit vifiter les armes au poin, conduifent ce poure
les prifons d'heure en heure. Ce patient au lieu affigné. Bordel, paf-
temps pendant, lean du Bordel conti- fant près de la prifon où eftoyent fes
nuoit & perfeueroit d'exhorter fes compagnons , s'efcria à haute voix
compagnons à louer Dieu & lui ren- qu'ils prinffent bon courage, veu qu'ils
feroyent bien toft deliurez de cefte
dre grâces de l'honneur qu'il leur fai- vie miferable. Et en allant à la mort
foit , les appelant à la confeffion de
fon faind Nom , en ce pays-la fi bar- de grand' ioye chantoit Pfeaumes &
bare & eftrange, leur donnant efpoir cantiques au Seigneur, chofe qui ef-
que Villegagnon ne feroit fi tranfporté tonnoit la cruauté de Villegagnon &
de cruauté de les faire mourir; feule- fon bourreau. Eftant monté fur la ro-
ment ils s'attendoyent eftre quites , che, à peine obtint-il faueur de prier
LIVRE SEPTIEME.

Dieu, mois partez) encores ample confeffion


5.6 premier que de partir de ce des poinds & articles pour lefquels
monde, pour la précipitation que fai-
fbit Villegaj^non ù fon exccuteur. Tou- auiourd'hui vous nous faites mourir ?
M O Dieu éternel, puisque, pour la
tefois, par manière d'acquit, il lui Mauhieu.
Oraifon
permit fe ietter à genoux fur ladite querelle de ton (ils lefus Chrilt, nous ''^
roche , où il fit confeffion à Dieu de fouffrons auiourd'hui, puis que, pour
fes fautes & péchez , lui demanda maintenir ta fainde parole & doArine,
grâce & pardon au nom de fon fils on nous meine à la mort , vueilles
Jesvs Chrill, entre les mains duquel par ta clémence te refueiller & af-
il recommanda fon efprit. Puis il fe iifter aux tiens , prenant leur caufe,
defpouilla en chemife , fe fubmettant qui eft la tienne, en ta main, à
à la merci du bourreau , le priant de ce que Satan ni les puilVances du
ne le faire languir. Villegagnon, voyant monde n'ayent vidoire fur moi. »,
Retournant la face vers Villegagnon
que l'exécution
le bourreau de tardoit
lui fairetrop, menace
donner les
le prianantqu'il ne le
pour fon fift mourir,
efclaue. le rete- ,
Villegagnon
eftriuieres, s'il ne fe haftoit ; partant à confus de vergongne , ne fauoit que
l'ellourdi le bourreau iette en mer ce
poure homme inuoquant noftre Sei- refpondre aux pitoyables requeftes de
gneur lefus à fon aide , iufqucs à ce
ce poure patient, finon qu'il ne trouuoit
que, noyii par grande violence & à quoi l'employer, l'eftimant moins
cruauté, il rendit à Dieu fon efprit. que l'ordure du chemin. Toutesfois il
lui promettoit d'y penfer s'il fe fuft
voulu defdire & confeller qu'il erroit.
Lors Vermeil , voyant que l'efpoir
qu'on lui donnoit elloit au preiudice
de (on falut & encore incertain, tout
Matthiev Vermeil.
refolu, cria à haute voix qu'il aimoit
mieux mourir pour viure éternelle-
Iean du Bordel exécuté, le bour- ment au Seigneur, que viure vn peu
de temps pour mourir à iamais auec
reau amena Matthieu 'Vermeil , ef- Satan. Puis, ayant fait fa prière fur la
tonné grandement de la mort de fon
compagnon ; toutefois , il demeura roche & recommandé fon ame en la
ferme & confiant. Car en le menant garde de Dieu , lailTa volontairement
faire le bourreau , & criant à haute
au lieu de l'exécution, Villegagnon, voix : « Seigneur lefus, aye pitié de
qui ne lui portoit telle haine qu'à
Iean du Bordel, lui demanda s'il fe moi , » rendit l'efprit.
vouloit perdre & damner ; mais ceft
homme vertueufement le repouffa.
Vrai eft qu'en fe defpouillant fur la
roche il apprehendoit la mort, & fur Ccjhi-ci n'ejî demeuré conjlant , &
partant le récit Je lui cjl ici mis par
ce requiert
raifon (jn le qu'onfaifoit lui dift :fur
mourir « Oquelle
Sei-
gneur de Villegagnon (difoit-il), vous forme d'iiijloire.
auons-nous defrobé , ou outragé le Le troifiefme, André La-fon , tail-
moindre de vos feruiteurs ? auons- leur d'habillemens , fut amené par le
nous machiné voflre mort ou procuré bourreau au lieu du fupplice. En y
chofe à vollre defhonneur.' faites com-
allant requeroit que, s'il auoit ort'enfé
paroir ceux , s'il y en a aucuns , qui quelqu'vn, on lui pardonnall, veu que
nous accufent de ce. » « Non , pail- c'eftoit le vouloir de Dieu qu'il mou-
lard, i> refpond Villegagnon, « toi ne ruft pour la confeffion de fon faind
tes compagnons ne mourez pour au- Nom. Or Villegagnon eult bien voulu
cune des chofcs que tu allègues; retenir celui-là pour le feruice qu'il
lui pouuoit faire de fon ellat, attendu
mais d'autant qu'elles pertes tres-
dangereufes feparez comme
de l'Eglife , il qu'il n'auoit aucun tailleur en fa mai-
vous faut retrencher membres fon ; toutefois il ne le pouuoit faire
pourris , afin que ne corrompiez le fans en élire reprins , afin qu'on ne
refte de ma compagnie. » Ce poure l'eftimaft porter plus de faueur à l'vn
patient refpond en ces termes : » Or qu'à l'autre. On difoit qu'il auoit in-
ftruid vn fien page de ce faire, car ce
puis qu'il
gion poureftcouuerture
ainfi que preniez
, ie vousla prie
reli-,
page auec vn autre auertirent La-fon
auez-vous pas fait (il n'y a pas huit que, s'il vouloit fauuerfavie, il lui
PIERRE BOVRDON.

conuenoit remonrtrer à Villegagnon rie de Villegagnon blafmoyent à 5'7


bon
qu'il n'efloit beaucoup verfé aux fainc- droit leur pufiUanimité , par ce que
tes Efcritures pour refpondre à tous perfonne ne s'efloit voulu oppofer à
les poinfts qu'on lui pourroit deman- i'iniufte eflfufion du fang innocent.
der. La-fon ne fit grand conte de leur Pource qu'il n'y auoit homme pour
confeil, entreprendre de faire ladite remonf-
afaire du ayant
pardonopinion qu'il n'auoit
des hommes , mais trance, chacun fe contint en fa cham-
de Dieu. Ce page & l'autre font re- bre, fans ofer proférer vn feul mot de
tarder lebourreau, & cependant acou- ce qu'il penfoit : partant il fut loifible
rurent à Villegagnon qui n'efloit loing à Villegagnon d'exécuter telle cruauté
de que bon lui fembla.
la là.
vie Ils au luitailleur
requièrent
, lui qu'il donnafl
remonftrans
qu'il n'auoit
roit tenir vne efludié
opinion & obftinément
qu'il ne defi-
,&
fe pourroit faire auec le temps que le
poure tailleur changeroit d'opinion. Pierre Bourdon.
D'auantage , alleguans que ledit tail-
leur, lui feroit fort neceffaire pour
fon feruice , fuppléroit en lieu d'vn Le facrifice fanglant de Villega-
_autre , qui lui conuiendroit entretenir gnon n'eftant du tout acompli , le
à grande defpenfe. Villegagnon, de quatriefme reftoit qui eftoit Pierre
prime face, reboute trefrudement les
Bourdon,ment. Ilcelui
eftoitqu'il haïflToit en
demeuré extrême-
terre
fupplians de leurs requeftes, alléguant
que ce tailleur demeuroit obftiné en
ferme bien malade, partant ne s'efloit
l'opinion de fes compagnons, dont il peu embarquer auec fes compagnons.
eftoit fort defplaifant. Car il l'auoit Villegagnon, pour parfaire l'exécution
conu homme paifible , duquel il pou- qu'il auoit commencée , entra en vn O trahifon
& defloyauté
uoit tirer feruices ; s'il vouloit reco- bafteau auec quelques mariniers (crai- barbare I
noiflre fon erreur, il lui pardonnoit :
gnant qu'enfaueur
ne trouuaft fon abfence le tourneur ,
en fes feruiteurs)
autrement il ne le pouuoit garentir de
mort. Il commande qu'on feuft cela puis defcend en terre lui deuxiefme ;
le refte demeure dans le bafteau. Ef-
de lui, premier que lehomme, l'ef-
bourreau eflant tant entré en fa maifon , demande le
tranglaft. Ce poure
preft de paffer le pas , fut foUicité & tourneur, lequel on lui prefente à
pratiqué par le page & fon compa- demi mort de maladie. La première
gnon de fe defdire, ou promettre de falutation
reconoiftre fon erreur, ou pour le fut de lui qu'il fait à ce depoure
commander malade&
fe leuer
moins qu'il proteftaft de ne vouloir ef- s'embarquer en diligence. Et comme
tre obliiné : autrement il n'y auoit icelui euft déclaré , tant par paroles
moyen de lui fauuer la vie. En fin ces
confeilliers perfuadent tellement le que par grande
uoit faire feruicedébilité,
en ce qu'il
à quoine on
pou-le
tailleur , que , pour euiter la mort , il vouloit employer, veu que pour lors
condefcendit à dire qu'il ne vouloit il eftoit inutile , Villegagnon lui fit
eftre obftiné ne pertinax en fes opi- refponfe que c'eftoit pour que
le faire pen-
nions ,quand on lui enfeigneroit le fer & traiter. Et voyant ce poure
contraire par la parole de Dieu , in- malade ne fe pouuoit fouftenir debout
fiflant en ce qu'il entendoit fe def- (tant s'en faut qu'il euft peu marcher),
il le fit porter iufques au bafteau.
dire. Villegagnon, ayant entendu qu'il
Comme on le portoit , il demanda fi
promettoit
tant conftamment d'abiurer ce qu'il
foullenu, mandeauoit
au on le vouloit employer à quelque
bourreau qu'on le defliaft & iaiffaft chofe; mais homme ne lui ofa refpon-
aller en paix en la fortereffe , laquelle dre vn feul mot. Or eftant interrogué
lui fut donnée pour prifon , & dans
laquelle il efl demeuré captif œuurant par Villegagnon s'il vouloit fouftenir
la confeffion qu'il auoit fignee, fit ref-
de fon eftat pour ledit Villegagnon &
fes gens. Tiutes ces chofes furent ponfe qu'il y penferoit ; toutefois fans
aucune dilation , quand ils furent def-
expédiées ledit iour auant neuf heu- cendus en terre , le bourreau (fe'on
res du matin , & premier que la plus le commandement qui lui eftoit fait)
grande partie des perfonnes qui ef- le lia , puis le mena au lieu où les
toyent en l'ifle en fut aduertie. Dont , l'aduertift'ant
après auoir conu la cruauté & barba- autres
de penfer à fa fouff'ert
auoyent confcience. Lors ce
LIVRE SEPTIEME.

5.8 patient leua les yeux au ciel ,


poure
& , les oras croifez, fe contrifta aucu-
ordonna
aux artifans que largeft'e de viure fufl
& manouuriers en faite
mé-
moire de trefgrande refiouiffance (i).
nement, iugeant qu'en ce lieu là fes
compagnons auoyent obtenu vidoire Depvis le temps d'vne fi barbare
contre la mort. Il recommanda fon cruauté, Villegagnon alla toufiours en
ame à Dieu , & s'efcria à haute voix empirant. Ses afaires lui fuccedant
en tels termes : « Seigneur Dieu , tout au rebours, il promit par lettres
ie fuis de la mefme parte que mes à quelques courtifans, que, fi on ne le
compagnons, qui ont auec gloire & recerchoit de ce qu'il auoit fait pref-
honneur fouftenu ce combat en ton
cher au pays du Brefil, il feroit mer-
Nom ; ie te prie me faire la grâce ueilles contre les miniflres. lefquels il
que ie ne fuccombe au milieu des af- promettoit rendre muets. Puis, quit-
faux que me liure Satan, le Monde &
tant fes rique,
fantaftiques
ilreuint endeffeins
France,fur &l'Amé-
pour
la Chair, & me vueille pardonner tou-
tes mes fautes rentrer en grâce, publia & laida im-
commifes contre &ta maiefléoffenfes, &quece i'ai
au primer àParis, fous fon nom, certains
Nom de ton Fils bien aimé noflre libelles Latins tres-obfcurs , contre la
Seigneur. » Ayant ainfi prié, fe re- pure dodrine (2). On lui refpondit,
tourna vers VilJegagnon, auquel il de- fous le nom de P. Richer (3), & fut ru-
manda quelle efloit la caufe de fa
dement eftrillé & efpoufl"eté ce mife-
mort. On lui fit refponfe que c'efloit rable dodeur(4), tellement qu'au lieu
pource qu'il
neretique & auoit figné vneEt confeffion
fcandaleufe. comme il (0 C'est
chofes ici que aducnucs
mcmcrabks se termineenVHiJloire
la terre des
de
vouloit répliquer & entendre fur quel
poind il efloit déclaré hérétique, veu Brefil, que Crespin s'est borné à repro-
duire
rêtait (voy. p. récit
aussi le 448, coL I , note Le
de Crespin. 1) paragra-
Là s'ar-
qu'il n'auoit efté aucunement examiné, phe qui suit ne se trouve pas dans la dernière
tant s'en faut qu'il euft erté conuaincu. édition publiée par lui (1570) ni môme dans
Mais ces remonftrances n'eurent au- la suivante (i;82), mais il figure dans celles
cun lieu , par ce (comme difoit Ville- de 159-, 1608 et 1619.
gagnon) (2) Voy.de les titres de ces écrits dansprotes-
l'art.
tefter en qu'il caufe,n'efloit temps
ains de de con-
penfer à fa Durand Villegagnon de la
tante (2* édii., t. V, col. 98J).
France
confcience, commandant au bourreau (î) Cette forme inusitée de parler semble
de faire diligence. Ce poure homme, justifier la supposition de M. Bordier, que
voyant que les loix diuines & humai- Richer n'était pas le véritable auteur du livre
qui réfuta victorieusement les vues théolo-
nes, les ordonnances honneftes & ciui- giques de Villegagnon. Ce livre a pour
titre : Pétri Richcrii libri duo apologetici, etc.,
les, l'humanité,
comme enfeuelies, la Chreftienté
bien refolu eftoyent
fe fou- et fut achevé d'imprimer à Genève, le 16 sep-
tembre 1(61. Or, le 6 juin de celte même
rnit au bourreau , & en inuoquant le année, le Conseil de Genève autorisait
fecours en faueur de Dieu , expira au « Spectable Jehan Calvin à imprimer contre
Seigneur; fuffoqué & eftranglé , fut Villegagnon.
dice le fait que» Si l'on rapproche
le livre est écrit en deexcellent
cet in-
ietté en l'eau comme fes compagnons. latin, on sera amené à penser, avec M. Bor-
Celle tragédie ainfi acomplie, Viile- dier. n qu'il pourrait bien être de Calvin
gagnon fe trouua grandement foulage lui-même , qui aurait arrangé les notes de
en fon efprit, tant pour auoir exécuté Richer, en leur prêtant ie charme de sa
le de(Tein de ce que ia de longtemps plume " [France protestante, V, 997).
il auoit confpiré, que pour auoir fait (4) Allusion à des pamphlets contre Ville-
preuue de fa puiffance & tyrannie en- mais quigagnon, publiés ici
sont en i;6i, sans noms
attribués d'auteur,
i Richer. Ils
tre les fiens. Il affembla, sur les dix se trouvent reliés avec VHiJloire des chofes
heures, fon peuple, & par vne longue mémorables, dans l'exemplaire de la biblio-
harangue les exhorta de fuir & euiter thèque de l'Arsenal. Voici les litres de ceux
auxquels le passage ci-dessus fait allusion :
la fede des Luthériens, de laquelle il L'EJlrille de Nicolas Durant, diâ le chevalier
auoit efté lui-mefme furprins, à fon de Villegaignon; La fuffifance de mai/Ire
Colas Durant, etc. Item, l'Efpoujfette des
grand defplaifir, pour n'auoir leu les armories de Villegaignon tour bien faire luire
efcrits des anciens. Il propofa à ceux la fleurFrancede lys prolestante,
que l'EflrilleV,n'a989.
pointLéry
touchée.
qui feroyent obftinez grandes menaces Voy. dit,
de son côté , dans son Hiji. d'un voy. faiS
de mort , telle qu'auoyent fouffert les en la terre :du■■ Brefil
GalTarel) Quand(t.ilI,futp. de
\o\ retour
de l'édil.
en
trois.
moins Et de leur pitié protefta qu'il en partant
que des fufdits, auroit France , non feulement Petrus Richellus
que chacun eut à tenir «& garder ce (Pierre Richer) le dépeignit de toutes fes
que les Pères auoyent fi religieufe- couleurs : mais auffi d'autres depuis l'eflril-
mcnt inflitué & entretenu. Ce lour, il Icrent et efpoulTeterent fi bien qu'il n'y fal-
lut plus retourner. >>
GEFFROY VARAGLE.

de la gloire qu'il attendoit , il deuint n'a pas eflé introduit du co/lé des
odieux & infupportabie à tous , voire hommes, mais que le Seigneur efl
fut réputé fol & perclus de cerueau. authcur de fa vocation, quelque con-
Sous le règne de François II., il en- tradiction ou cmpcfchement que le
treprint premièrement de viue voix, monde y fâche mettre par cruauté^
puis par efcrit, contre M. Simon & tourmcns extrêmes.
Broffier , miniftre de Loudun , prifon-
Depvis que du bourbier monaftique,
nier es mains de l'Archeuefque de Geffroy Varagle de Bufque (i), pays
Tours (i). Mais Broffier le rembarra
de telle forte que Villegagnon fut iugé de Piedmont, a efté amené à Chrift, il
homme du tout impertinent & fans s'eft tellement dédié & offert à l'auan-
aucun vrai fentiment de religion. cement de la doârine de l'Euangile,
Ayant rodé quelque temps parauant qu'eftant prifonnier pour l'auoir fidè-
& depuis, par les cuifines des Sei- lement prefchee en la vallée d'An- '
à lui ouirgneurs, qui quelquefois
faire des contess'efbatoyent
des terres grongne. Dieu voulut qu'il la figna de
fon fang en la ville de Turin, Parle-
neufues , finalement vne maladie ex- ment de Piedmont. Cela auint que,
retournant de Bufque pour fe retirer
traordinaire, affauoir d'vn feu fecret,
le faifit & confuma peu à peu, telle- en Angrongne, il fut arreflé en la ville
ment qu'il finit fa malheureufe vie par de Barges (2), & le 17. de Nouem-
vne mort correfpondante à fes cruau- bre \y-,"., adiourné à comparoir per-
tez, fans repentance de fon apoftafie fonnellement deuant le Lieutenant du
& des
uis (2). maux qui s'en eftoyent enfui- lieu, il s'y trouua fans contredit. Ce
Lieutenant, après l'auoir fait iurer de
dire la vérité fur ce qu'il feroit enquis,
à peine de cent efcus, & de trois ef-
trapades de corde , l'interrogua pre-
mièrement d'où il efloit, de quel aage,
de quel art, & quels eftoyent fes biens
Geffroy Varagle, Piedmontois (5).
& facultez. Varagle refpondit qu'il
De M. Geffroy Varagle, miniflre de eftoit de Bufque, de l'aage de cin-
quante ans, miniftre de la parole de
l'Euang'ue , nous pouiions auoir & Dieu, n'ayant aucun bien. Interrogué
obferuer cefle conclufwn toute ajfcu- s'il fait la caufe de fon arreft, refpon-
ree , Que Dieu niettant les fiens en dit que non, finon , dit-il, que vous,
œuvre , il leur donne dequoi pour y
monfieur le Lieutenant (à ce que i'ai
fournir, & qu'im minijlre cjlant ap- entendu), pouuez auoir charge de la
pelle vrayement de lui , fera conduit cour du Parlement de Turin de conf-
en forte qu'on verra par effeû qu'il tituer prifonniers ceux qui annoncent
la dodrine qui vous eft fufpede. En-
(i) Voy., sur Simon Brossier, la notice quis s'il auoit annoncé telle dodrine,
intitulée Pirigueux, au liv. VIII ci-dessous
en quel lieu & de quelle authorité &
et l'article de la France protestante. Ce re-
licence, dit auoir prefché la parole de
cueil ,ni dans l'art. Brossier, ni dans celui Dieu aux lieux d'Angrongne & S.
sur Vittegagnon, ne mentionne cette discus-
lean de Luferne, & y auoir efté en-
sion entre Brossier et 'Villegagnon. Crespin uoyé par les miniftres de Geneue , &
dit seulement : « Ce iour-là les principaux
chanoines de la ville (Périgueux) le furent ce à l'inftance & requefte des poures
voir auec plusieurs gentilfhommes, pourdif-
puter contre lui : mais il ne leur tint autre fidèles
la defenfe du pays. faite Interrogué par le Roi s'il
& laignore
cour
propos, fmon qu'ils eftoient là pludoll pour du Parlement de Turin, affauoir que
fe rire de lui que pour apprendre » (édit.
de 1619, {" 665 v°). La bibliographie des perfonne ne fuft fi ofé ne hardi de
ouvrages de 'Villegagnon dans la France pro-
testante ne mentionne pas d'écrit contre prefcherdoârine reprouuee de l'Eglife
Brossier. Ce même ouvrage fait de Brossier
romaine, auoir
defenfe a refpondu
efté faitequ'il
aux fait bien la
Syndiques
un ministre d'Issoudun et non de Loudun.
(2) AuHat'
Claude commencement
:i de 1571, d'après defdits lieux de ne tenir aucuns minif-
(;) Crespin, 1)64, p. 8r)8 ; 1570, f" 46; V; tres ou prefcheurs ni nouuelle doc-
IÇ82, f° 420 V; i>97. f 418; 1619, f» 457. trine ;mais quant à autres prohibi-
Sur Varagle (que les historiens vaudois écri-
vent Varaille. conformément à la prononcia-
tion), voy. Gilles, Hist. ecct., p. b; ; Calvini (1) Busca, ville de la province de Coni
Opéra, XVI, ùjb, 744; XVII, 7î, ni, 128;
Bèze, Hist. eccl., I, 89. (Piémont).
(2) Barge, ville de la même province.
LIVRE SEPTIEME.

Geffroy Varagle de Bufque, miniflrc


520 & defenfes, il n'en fait rien.
tions
Interrogué
dits faulTe s'il a prefché
dodrine & es lieux pré-
Luthérienne prefchant grongne,
herefiesauroit efléenamené
la vallée d'An-
es prifons
de ladite Cour, a interrogué ledit
défendue par le Pape , dit qu'il a
prefché la parole de Dieu , combien ■Varagle, après ferment fait de dire vé-
qu'autrefois il ait efté de la fede Ro- rité, de quel art ou profeffion il efloit,
maine. Enquis fi par ci deuant il a dit & la caufe pour laquelle il auoit efté
& célébré la Meffe, s'il a eflé moine, pris prifonnier. Icelui a refpondu
a refpondu qu'oui, par l'efpace de qu'autrefois il auoit eflé de la religion
27. ans, dequoi il lui defplait grande- des Capucins, iadis compagnon de
ment,d'autant qu'ores il conoit que frère Bernardin de Siene (i), député
auec lui. & 12. autres Frères pour
la MefTe contient beaucoup d'erreurs
contraires à la parole de Dieu. Plu- aller prefcher. Qu'eux eftans à Rome Comment
- fieurs autres demandes lui furent fai-
tes. Et entre autres chofes, lui fut auroyent eflé détenus en prifon non Vara^'ieparuint
fermée, mais fous ferment, enuiron au mimilere.
Ordonnances remonftré qu'il n'ignoroitfaites
pas les l'efpace de S. ans, & que, chargez
du Roi, donnances & defenfes paror-le d'eflre de la fede Luthérienne, ils ab-
iurerent en termes généraux toutes
de ne^dogmati- roj Henri IL, affauoir que ceux qui
demeurent ou paflfent en fes terres, herefies. Sur cela, à l'inflance de quel-
n'eulfent à enfeigner autre doftrine ques Cardinaux, on ordonna qu'il po-
que celle qui efl tenue de l'Eglife de feroit l'habit de ladite religion pour
Rome. Par ainfi qu'il erroit grande- eflrc preflre feculier.iufques
Qu'en au
ceft temps
habit
ment en tranfgreffant les ordonnances il auroit perfeueré
du Roi, duquel il edoit fuied, pour de l'an Iîî6., auquel cftant auec le
obferuer celles de Geneue. Geffroy Légat du Pape, il auoit penfion com-
à cela refpondit, qu'il ne penfoit pas pétente, &tenoit bénéfices pour s'en-
faillir en prefchant l'Euangile, & fi le tretenir. Qu'eflant à la fuite dudit Lé-
Roi eftoit bien informé de la pureté gat, ilmangea deux ou trois fois auec
de la dodrine qu'il a prefchee en la Meffieurs les prefidens Purpurat & de
ville d'Angrongne, il ne contrediroit faind Iulian, qui pour lors cftoyent
auffi en ladite Cour. Au retour de la-
pas, &tions,n'empefch
lefquelles neeroit fes t prédica-
contienen aucune
faufle ou erronée dodrine. On lui ob- quel e, fitoft qu'il fut arriué à Lyon,
il print congé de fon patron le reue-
ieda l'authorité des Conciles, mais il rendiffime Légat, & fe retira à Ge-
neue, eflant ftimulé de fa confcience.
refpondit qu'après que l'Euefque de
Auquel lieu , après auoir demeuré
vfurpé lequi
Rome, s'appeloi Boniface, eut
nom & titret de Pontife par uelques mois, fut efieu par Caluin
defi'us cileslesont efté
autres, beaucoup
tenus de Con-
au vouloir du autres pour aller prefcher l'Euan-
gile àceux d'Angrongne,
teftimoniales & gage , & y auec lettresà
a quatre
Pape, afin d'enrichir l'Eglife par
moyens illégitimes. Quant aux autres
cinq mois qu'il y annonce l'Euangile
qui ont eflé tenus pour l'édification à la façon de Geneue, prefchant qua-
commune tre iours en la fepmaine, auec vn
de Dieu, de l'Eglife,
comme celuifélon
de la parole&
Nicee autre miniftre nommé M. Noël (2),
qui auffi prefche fes quatre iours en la
autres, il ne refufoit de s'y arrefler, &
ne s'en veut reculer ni efloigner, en- fepmaine.
tant qu'ils font conformes aux efcrits Interrogvé plus auant, a fouftenu
des Pères anciens, affauoir les Prophè-
tes & Apoflres. Ce lieutenant & fes que la dodrine & foi qu'on tient à
Geneue efl & meilleure i*v' plus vraye
affiflans oyans Varagle tant refolu,
auertirent le Parlement de Turin, le- que celle de l'eglife Romaine, voire
& que les Confeillers de cefte Cour,
quel defpefcha incontinent gens pour & que tous ceux qui tienent les tradi-
l'amener à Turin & lui faire fon pro- tions d'icelle eglife Romaine, affauoir
cès. Nous entendrons par les ades du es articles contraires à ceux de Ge-
Parlement tout le faid, voire la vie neue , font en très grand erreur Si
du prifonnicr, & la procédure tenue
contre lui, extraite de l'original Latin, (i) Bernardino Ochino, ou Ochin, le cé-
lèbre et aventureux ihioloKien italien.
comme s'enfuit. (2) Etienne Noi;l, ministre à Grenoble et
dans les vallées vaudoises. Voy sur lui les
Ce iourd'hui , à l'iffue du Confeil , Cali'iniOpcra, XVI, ni; XIX, 51$; XX, (8,
476; XXI, 755.
la Cour cftant auerlie qu'vn nommé
GEFFROY VARAGLE.

abus. A dit auffi qu'eftant en ladite des gentils. Toutesfois Dieu n'œuure m.d.lvu.
vallée d'Angrongne, auroit efté appelé fa grâce , ainfi qu'en
de la part de Montifcalle (i), pour des en nous par
pas créatures ayans volonté, laquelle
venir à Dragonere (2) ouyr chofes qui
foit bonne & d'accord auec l'infpira-
lui feroyent propofees fur le poind de
tion diuine ; il faut auffi qu'elle foit
La iuflification la luftification, & qu'en reuenant dudit préparée du Seigneur, qui fait en nous
par la Foi. lieu, auroit efté détenu prifonnier en & le vouloir &\e parfaire, félon le
la ville de Barges. Interrogué quelle
propos de fa volonté. Par ainfi qu'il Abfurditez des
foi, quelle vie & mœurs il a fuadé ou 521
fe faut garder de confentir auec au- Scholailiques.
diffuadé à fes auditeurs, a dit fur tout cuns Scholaftiques qui difent que nous
auoir prefché iSj traité publiquement pouuons aimer Dieu de nos propres
l'article de la Iuflification, affauoir forces naturelles, & que Dieu ne dé-
que par la feule foi en la mifericorde nie pas fa grâce à ceftui-là qui fait ce
promife par la mort de nortre Sauueur,
tous ceux qui croyent & fe repentent, qu'il peut, & telles abfurditez, lef-
quelles fentent la doftrine de Pela-
ayans fiance en iceile mifericorde, ont
gius confutee par le Concile de leru-
remiffion de leurs péchez. D'auan- falem , & par S. Auguftin & autres
tage, que les bonnes œuures ne peu- dodeurs catholiques. Il a enfeigné
uent eftre caufe de la remiffion de nos
mérites & defautleur
qu'il ne fe tourmenter
pasrémunératio n, des
&
péchez , encores qu'elles foyent re-
quifes & neceffaires pour obtenir falut que, quand il en eft parlé, nous deuons
comme le fruit de la iufiice de foi , & confelTer que ce font dons de Dieu ,
non pas comme la caufe. Et qui ne & quand il couronne nos mérites (dit
voudra bien faire, fans doute ceftui-là S. Auguftin), il ne couronne rien finon
fe glorifiera en vain d'auoir la foi iulli- fes dons , comme dit l'Apoftre :
fiante , veu qu'icelle eflant vn don de Qu'as-tu que tu n'ayes receu t II a en i. Cor. 4.
Dieu , ne peut eftre feparee de cha- horreur le zèle de l'Efcot, de Bona-
rité. Et n'a point dit, que la foi iufli- uenture. & de quelques autres, parce
fie, comme fi c'eftoit vne œuure digne qu'il n'eft félon fcience, ayans trois
de foi-mefme , par lequel nous puf- fortes de mérites, affauoir : congrui ,
fions mériter la remiffion de nos pé- digni & condigni, & encore plus les Oeuures
chez :mais pourcc qu'elle e/l l'injlru- mérites de fupererogation des moines, de fupereroga-
ment & le moyen par lequel nous
fatisfair e "°"-
appréhendons la promejje gratuite de lefquels
aux péchez des viuants pour
ils appliquent & des morts,
la femence bénite promife à Adam, comme auffi leur dire eft, Que leurs
Abraham, & aux autres Pères. A dit
œuures, quelles qu'elles foyent, mé-
en outre & affeuré que ceux qui con- ritent d'auantage que celle des fecu-
felTent eftre iuftifiez en telle forte par
liers,
eftudiant & qu'en
voire dormant,
trauaillant, veillant,
ils méritent,
la foi, encore qu'ils ne facent aucune
mention des œuures, & de la mortifi- eftans (comme ils parlent) en la na-
cation de la chair, ne font point en uire, c'eft à dire en leur religion qui
erreur , d'autant que lefdites œuures meine au port. Il a pareillement en
fuiuent neceffairement la foi , & mef- abomination leurs blafphefmes, afta-
mes que fans iceile elle eft morte to- uoir que les Sainéls ont plus de méri-
talement.
tes qu'il n'en falloit pour la fatisfadion
Le Lundi , 27. iour de Décem- de leurs péchez ; ils en font vn threfor
bre 1557., enquis du franc arbitre, a qu'ils méfient auec les mérites de
dit auoir enfeigné fes auditeurs , que Chrift, pour eftre diflribué par le Pape
Du le franc arbitre eft quelque puiffance en vertu des clefs qui lui font données
franc arbitre. Je raifon ou de volonté, par laquelle de Dieu en baillant des indulgences
le bien eft efleu , la grâce eftant don- & bulles. Toutes lefquelles 'chofes il
née, & le mal eft efleu , iceile grâce a prefché deuoir eftre reiettees de
défaillante. Sur quoi il a allégué quel- tous Chreftiens.
ques Dodeurs, fpecialement S. Au- De la Prédestination il a enfeigné La
guftin & S. Ambroife, de la vocation
la caufe de predemnat.on.
qu'il neeledion,
noflre ni dere ladepart
faut débatt de celui
(i) Personnage inconnu. qui eflit, ni de la part des efleus, veu
(2 Drasonera. Il y a deu.x petites ifes de qu'autre caufe n'eft affignee par la pa-
role de Dieu , finon le bon plaifir de
ce nom , l'une sur les côtes d'Espagne , et

I
l'autre sur celles de la Grèce; il doit s'agir la volonté Diuine, & qu'il nous doit
.ici d'une localité piéraontaise. fuffire, que Dieu nous eft père bénin
LIVRE SEPTIEME.

& 5mifericordieux.
22 Que les hommes vie, comme dit Bafile, in regulis bre-
craignans Dieu doiuent eftre diligens uioribus.
& foigneux par vraye foi & bonnes Des Indvlgences, il tient & a en- indulgences,
œuures, qui leur
font vocation
fruits d"icelle, ren- feigne auoir eft6 le temps paffé remif-
dre certaine & eleélion, fions & relafches des tourmens de la
1. Pierre i. lo. comme S. Pierre l'enfeigne. Donc- chair, aflfauoir, quittemens des fa-
ques les doutes Scholafliques font plus tisfaélions publiques, ordonnées de
curieufcs qu'vtiles, aflauoir, Si la pre- l'Eglife à ceux qui publiquement
dcflination efl changée ou entrée en auoyent failli. Lefquelles fatisfactions
vn temps ia paffé. Si le nombre des efloyent baillées par les Patriarches
efleus fe peut augmenter ou amoin- & Euefques , & elloyent commifes in
drir. Si ceflui-là qui eft efleu a la
tctum rcl
contre in partem.
Dieu Icelles mais
& fa parole, n'efloyent
quant
puiffance à l'oppofite ; item, Si necef-
fairement , ou par contingent (comme aux indulgences des Papes & leurs
ils parlent) quelcun eft efleu. Lefquel- efcrits & bulles, par lefquelles la
les queftions doiuent eflre reiettees, coulpe & mort éternelle eft remife, a
tant s'en faut Chrerticns.
aux auditeurs qu'il les faille
De propofer
la con- dit
nié cela eftre du tout abfurde, & l'a
eftre vrai.
feffion auriculaire, il a enfeigné & la De r Invocation des Saincts, a L'inuocation
tient n'eftre ordonnée ni de Dieu, ni dit auoir enfeigné que l'affeftion de des Sainds.
de droiél diuin, mais pofitif, affauoir, ceux qui font morts en lefus Chrift
d'Innocent Pape, commandée au troi- en vraye confeffion de l'Euangile, &
fieme concile de Latran, félon le ca-
qui ont vefcudiminuée
aucunement félon fa, ains
parole, n'eft
pluftoft
Confeffion non : Omnis l'triufque fexus. Que le
de droit pofiiif. dénombrement des péchez eft chofe
augmentée après qu'ils font receus au
impoffible, laquelle neantmoins re- ciel , que àtel
quiert ledit Canon, en difant : Omnia contraire la defir
parole& deaffedion n'eft
Dieu, mais
peccata fua. Qu'il eft les
poffible de confeffer encore plus im-
circonflances pource qu'il ne fe trouue rien de ceci
en l'Efcriture fainde, laquelle au
agrauantes ou attirantes d'autres ef- contraire nous enfeigné qui nous de-
peces^ fans lefquelles auffi les péchez uons prier & comment, alTauoir, Dieu
oubliez (félon l'opinion de l'Efcot & par lefus Chrift noftre Seigneur, feul
des Sommiftes) ne font pardonnez. fauueur, moyenneur & aduocat, il
Toutesfois a confeffé que iadis on nous faut fuiure cefte reigle, ne dou-
auoit recours aux Anciens de l'Eglife tans que nous obtiendrons nos requef-
pour redreffer les confciences affli- tes.
gées & efpouuantees de la pefanteur Des Images, a enfeigné qu'elles Des images.
des péchez, par la parole de Dieu, ont efté introduites en l'Eglife de
pour humilier ceux qui s'efleueroyent, Dieu contre la première table , lef-
ou qui ne feroyent touchez du fenti- quelles Epiphanius, Euefque de Sala-
ment de l'ire de Dieu & de fon iuge- mine, a reiettees de l'Eglife, comme
ment , pour monftrer les remèdes de il appert en fa vie traduite de Grec
fe garder de retomber, & prier pour en Latin par S. Hierome. Semblable-
le pénitent qu'ils auroyent veu con- ment qu'elles ont efté reiettees par
uerti. Il n'y a celui qui feuft mefprifer Léon Ifaure, empereur, par Conftan-
telle manicre de confeffer, ce que lui tin 5. & 6., par le Concile de Conf-
& fes compagnons ne reiettent aucu-
nement ,ains en cefle façon enfei- tantinople &400.
Seigneur Elibertin,
: combienenuiron
quel'anpuis
du
gnent, confolent ou retiennent les pé- après elles ont efté de nouueau intro-
chez de leurs auditeurs. duites par autres Pontifes, en leurs
Satisfaflion. TovcHANT la SATISFACTION , a en- conciles tenus en Italie, & par Irène,
feigné A tient pour certain qu'il n'y a enuiron l'an Hoo. Outre a dit & affermé
chofe qui puiiïe fatisfaire pour nos pé- qu'il a prefché & enfeigné qu'es cho-
chez, finon la mort de Icfus Chrift, fes qui concernent la foi , comme en
laquelle chacun vrai repentant em- ceft article, il faloit pluftoft demeurer
en ce que Dieu en auoit prononcé par
braffe par foi. Trop bien qu'il faloit
fatisfaire à l'Eglife pour les péchez fa parole, qu'en ce que les hommes
publics par pénitence publique. Quant defpourueus de la parole de Dieu en
aux pecnez cachez , nous ne pouuons auoyent fait.
fatisfaire à l'Eglife ni à noftre pro- Dv Pvrgatoire, veu qu'en l'Efcri- Du Purgatoire,
chain, finon que nous changions de ture fainâe il n'en eft fait aucune

GEFFROY VARAGLE.
mention , & que ne deuons eftre en 52?
I. que l'Euefque Romain a les clefs m.d.lvu.
fouci fur ceux qui font morts, & que
de l'Empire celefte & terrien , auec
lefus Chrift ayant fatisfait pour nos puiffance de tous les deux glaiues
péchez , fe fied à la dextre éternelle dilUnâ. 19. cap. ita Dominus. 2. Que Articles
de Dieu le Père, veu auffi que tout le
genre humain eft diuifé en deux fortes, blez, ni déterminer
les Conciles chofeaffem-
aucune eftre
ne peuuent fans 'a^doarine
dedireflement
affauoir les fidèles & les incrédules ;
lui , & que tous les fecrets d'iceux oppofez
qu'aux premiers la vie éternelle eft af- demeurent in Icrinio peâoris , comme à a Dieu. parole de
fignee & donnée par la parole de cachez au coffret de fa poiclrine, con-
Dieu, & aux autres la mort éternelle; tre lefquels il peut ordonner félon fon
il n'eft loifible à aucun de mettre en plaifir, dijïind. 21. cap. in nom.
auant en l'Eglife du Seigneur vn troi-
fieme genre d'hommes, ni affigner vn Ce iourd'hui , pource qu'il ejloit tard,
tiers lieu aux âmes après cefte vie. il ne fut oui plus auant. On conti-
Du Pape. nua au Mardi, vingthuitième iour
ne QvANT
feroit au Pape, de
loifible il fait & tient
fortir horsqu'il
de
audit mois de Décembre, ce qui s'en-
l'obeiffance deuë par la parole de
Dieu aux Euefques & Prélats pour
leur mauuaife 5 . Que les commandemens du Pape
feignent commevie.il apartient,
pourueu qu'ils en-
fans note font en pareille authorité auec les
de fchifme ou herefie, veu que fommes
commandemens
fuit. de l'Euangile, & qu'ils
aprins de Dieu, les efcouter quand ils obligent, fous peine de péché mortel,
feront affis fur la chaire de Moyfe, & les fidèles de Chrift, 21 . diJlinSî. cap.
Malth. 2;. 2. omnes.&cap. facrofanâa,le(\ue\ péché
ce qui s'enfuit.
choses mefchantes Maisou s'ils enfeignentà
répugnantes le Pape ne pardonne à aucun fexe ni
la vérité, lefus Chrift commande de aage , finon que la difpenfation de la
nous en donner garde, quand il dit :
Matth. 16. 6. loi foit rachetée par argent. 4. Qu'il
& II. Gardez-vous du leuain, c'eft à dire de peut à fon plaifir expofer les Efcritu-
la dodrine des Pharifiens & Saddu- res , à la détermination duquel il faut
ciens ; car fi vn aueugle meine vn
immobilement s'arrefter, d'autant qu'il
autre aueugle, tous deux ne tombe- ne peut faillir en ce qui concerne la
ront-ils pas en la fofie ? Or , veu que foi, di/linâ. 19. cap. Sic omnes. & cap.
le Pape veut contraindre de croire
chofes qui répugnent directement à la Nulli. 5. Qu'il peut
tuer nouueaux introduire
feruices & infti-
meritans iuf-
parole de Dieu, les fidèles ne peuuent tice, comme les ordres des mendians,
adhérer aucunement à lui, leur con-
lefquels l'Eglife de Chrift n'a conus
fcience fauue, & ne peut-on toutefois par l'efpace de 1200. ans. Item les pè-
dire qu'ils foyent pourtant hors de lerinages, mérites des Sainfts & appli-
l'Eglife, laquelle eftant l'efpoufe de cations d'iceux, enfeuelir auec l'habit
Chrift, colomne & apui de vérité, elle feraphic, ou de S. François, aufquel-
oit la voix de fon efpoux, & ne s'ef- les chofes quatre Papes n'ont efté
gare de fa bergerie. Au contraire , le honteux d'attribuer la remiffion de la
Pape ayant laiffé toute vérité en der- quarte partie des péchez pourvn cha-
rière,contraint par fes décrets, ex- cun. Item d'ordonner les chappelets,
communications, cenfures, glaiues & indulgences & iubilez par bulles, auec
flammes, d'acquiefcer à fes comman- remiffion de la coulpe & mort éter-
demens & ti-aditions, tous ceux qui nelle. Et fpecialement en aprouuant
ne fuiuent & confentent à fa doârine. cefte exécrable indulgence, appelée
Ce n'eft pas à dire que les fchifmes ou en leur gergon (i), de Sainéte Marie de
diflTenfions plaifent aux fidèles , car ils portiuncula (2), pour retirer les âmes
ne défirent rien plus que bon accord
de Purgatoire. 6. Qu'il a defpouillé de
& vnion ; mais c'eft pource que les vrais Pafteurs les Eglifes des Chref-
commandements de Dieu, & les tra- tiens, fubftituant en leur lieu gens
ditions des hommes font chofes di- ignorans les fainftes Efcritures , &
redement contraires, & que les Chref-
tiens ne peuuent garder l'vn fans (i) Jargon.
offenfer l'autre. (2) Nom d'une chapelle élevée par saint
Or les chofes que ledit Varagle & François d'Assise, ainsi appelée, soit à cause
ceux qui fuiuent la vraye doftrine, iu- de sa petitesse, soit à cause de la petite
gent notoirement contraires à la parole portion de terre qui en dépendait. Ce fut
près de cette chapelle que François se fit
de Dieu , font celles qui s'enfuiuent : une hutte pour y vivre en anachorète.
P4 LIVRE SEPTIEME.

mefmes infâmes, lefquels puis après raché toute difcipline des Eglifes, &
il a difpcnfez de rcfider A auoir foin baillé la vogue à tous loueurs, pail-
des âmes, contre Dieu i.t tous droits. lards, blafphemateurs éc Sodomites,
lefquels ne font aucunement chaftiez
7. Qu"cs Egiifes de fon obeillance
rien ne peut eflre entendu par les ne feparez de la compagnie des au-
idiots, qui ert contre la dodrine de tres, contre la dodrine de S. Paul.
S. Paul. Que tout y retentit en fons 10. Que le Pape a mis au nombre des
ade finchants de cloches
ne mefure & orgues,
en leurs & n'y
luminaires & Sainds ceux qui , par leurs efcrits in-
iuricux, ont defgorgé chofes enragées
contre le Fils de Dieu & fa parole,
mortuaires. Qu'à grand' peine, en fix
mois, on y oit vn feul mot d'exhorta- corrompans
eflablir non l'Efcriture
feuleinent fafainde pour
primauté,
tion àvraye pieté. On y nourrit & en-
tretient l'idolâtrie par l'introduftion mais auffi fa tyrannie, comme ces
des images, par la tranfrubftantiation
paffages : le t'ai conflitué fur les na- 1er. i. 10.
du pain en la Mcffc, lefquelles chofes tions & règnes, afin que tu arraches
contraint d'ado- & deftruifes, & que tu édifies & plan-
y acourire(tcomme
rer, voire peuple
le poure au refuge, tes. Item, le frapperai d'vne verge de Pf. 2. 6.
attribuans diuinité à telles chofes, la- fer
quelle apartient au feul Dieu viuant. Adorez Rois
les le d'iceux,
fcabeau & dece qui
fes s'enfuit.
pieds , pf. 98 ç.
Le Pape eftime plus fes conftitutions
& loix que les commandemens de pource qu'il ert fainft. Tu l'as cou- Pf89.7.8&9.
Dieu, car fi quelcun mange chair le ronné de fur
confiitué gloire
les &œuures
honneur,
, &c.& ,tu& l'as
as
toutes chofes fubmis defTous fes
Vendredi, il eft excommunié ; mais s'il
blafpheme le Nom de Dieu, cela de- pieds : les brebis , c'eft à dire les
Conformitez meure impuni. Si aucun ayant voué
Chrefliens; les boeufs, c'eft à dire les
de S. François, challeté, commet paillardife, ou adul-
tère, foit moine, foit preftre, ce(lui-là àPrinces;
dire toutleslebeftes
Clergédes; les
champs,
oifeauxc'eft
du
fera digne d'vn bénéfice & faueur ciel , c'eft à dire les Anges; les poif-
Apoftolique. fons de la mer, c'eft à dire les dia-
marier, félon Que s'il a mieux
le remède que aimé
Dieu fea bles, hérétiques & infidèles. Bref, fa
volonté & fes inuentions lui font pour
baillé , le Pape veut qu'il foit bruflé.
Si quelcun lit les liures des Sophifles raifon. 11. Il n'eft loifible à aucun de
& Sommifles, & les Conformitez de le reprendre tt arguer de fes fautes,
BarthelcmidePifis(i)rempliesd'infinis encore que, par fon mauuais exemple,
blafphemes & iniures à l'encontre du il meine les âmes par bandes en en-
Fils de Dieu, voire qu'il ait enfeigné fer, pour eftrc tourmentées auec lui,
comme il eft dit , dijlintl. 40. cap. fi
d'y croire ; le Pape veut qu'on l'eflime
Papa. Il ne peut eftre iugé ni des
auoitVaraglc bon lire
conu plu- de catholique.
ou toucherQuefeulement
s'il a cftélesfi liures
hardi
Empereurs & Rois, ni mefme de fon
clergé, comme il eft cfcrit : Vi noua,
f l'^d'^^'-" d'Alemagne, qu'il foit emprifonné, ou
I. Cor. î.° à tout le moins anathcmatizé. 8. Que qua'lHone ? . cap. Ncmo iiuiicabit pri-
l'article de la luflification de la foi a mant fedcm. Donques veu que non
eflé efleint du tout par les traditions feulement il vit malheureufemcnt auec
les fiens , mais auffi enfeigné chofes
des Papes, & Léon dernier expiré l'a
bruflé publiquement. 9. Qu'on a ar- contraires à la parole de Dieu & per-
met les enfeigner, comme il apert par

(i) Barthilcmy
Barthélémy deAlbizzi
ce que ;deft'us
raifons ioint ,que
& tous
beaucoup
ceux d'autres
qui font
aussi Pise ,(dequ'on
Pisis),appelle
né au
rachetez par le fang de Chrift ne
quatorzième siècle, fut de l'ordre des Fran-
ciscains ou Frères mineurs, et s'est rendu cé- peuuent fclon
bien viure finon
lèbre par son livre Des conformités de saint inftruits la voix de qu'ils foyent
leur palleur
François avec Jésus-Christ, qu'il présenta au & efpoux : il a efté neceflTaire, quand
chapilrc général de son ordre, en 1509.
Marchand, dans son Dictionnaire historique, elle nous eft aparue & que nous
a consacré seize colonnes h décrire toutes les
l'auonstoutes
auec ouye,difticultez
de la fuiure, voire
& de nos mefme
biens
éditions que l'on a faites du livre d'Albizzi,
et toutes les réfutations qu'on en a publiées. & de nos vies , ()t en ce faifant de
C'est un ouvrage plein d'extravagances et
d'inepties, qui élève François d'Assise au quitter l'Antechrift tSr le laifl'er du
niveau de Jésus-Christ. L'Alcoran des Cor- tout. D'auantage a dit que lui avec
deliers. dont il est fait mention plus loin fes confrères ne comniencent de cefte
(p. s 281, est le plus connu des livres protes-
tants qui furent suscités par l'ouvrage de heure, & ne font pas feuls qui detef-
Barthélémy de Pisc. tent les chofes fufdites , comme il fe
GEFFROY VARAGLE.
52?
peut voir au Concile de Cartilage Qu'il vous fouuienedonc que ceftui-la m.d.lvh,
cinquième, aux Epiftres de Cyprian à mefme qui a bien daigné vous faire
Corneille, d'Irenee ad Vidcrem Pa- ceft honneur vous a produit pour fon
pam , de Grégoire premier contra
tefmoin , afin que, s'il eft belbin, vous
loanncni Archicpifcopum, & beaucoup
d'autres. figiiiez de voftre propre fang ce qu'au-
parauant vous auez enfeigné de bou-
SvR ces entrefaites, M. lean Cal- che. Cependant ne doutez point qu'il
ne foit fait fidèle gardien & protec-
uin confola M. Geffroy Varagle par
lettre efcrite en Latin , que nous teur de voftre vie. Et d'autant qu'il a
promis que la mort des Sainds lui
fera precieufe, quelque iffue qui en
auons traduite comme s'enfuit (i) :
auienne , que cefte recompenfe vous
Combien (trefcher & bien-aimé fuftife : c'eft que maintenant le Fils
frère) que les nouuelles de voflre em- de Dieu triomphe par vous , afin de
prifoanement nous ayent efté fort trif- vous recueillir en la compagnie &
tes & fafcheufes, tant y a neantmoins iouyft"ance de la vie éternelle. le ne
qu'elles nous eulfent navré le cœur m'arreflerai pas d'auantage fur ce
beaucoup plus grieuement fi nortre poind auec vous, pource que ie me
bon Dieu , lequel a acouflumé de ti- perfuade que vous-vous apuyez & re-
rer la clarté des tenebr.s, ne nous polez en la protedion & fauue-garde
euft adouci noftre trirtede par quelque de celui auquel, quand nous mourons
ioye & confolation. Car nous auons & viuons, nous femmes, en mourant,
bien dequoi nous rel]ouyr , fachans trop plus heureux que ne font les
que voftre labeur a défia commencé hommes terreftres & profanes en vi-
de profiter, voire en la prifon mefme; uant (i). Mes compagnons & frères
vous faluent. le prie noftre Seigneur
que par vortre moyen l'Euangile de
noftre Seigneur iefus a efté pins ma- qu'il vous gouuerne par ]a prudence
gnifié que li vous euffiez efté en liberté
de fon Efprit,
inuincible, vous maintiene
& vous arme d'vnefous
forcefa
2. Tim. 2. 9. & àdeliure. Parquoi celle gloire dont
S. Paul fe glorifioit à bon droit vous c e m b r e ,1 5 57.
protedion. Le dixfeptiefme de Dé-
doit bien donner courage , an"auoir
combien que les ennemis vous tie- 'Voftre, I. Caluin (2).
nent captif, que la parole de Dieu
n'eft point liée, & que non feulement
la porte eft ouuerte à des auditeurs ,
lefquels efpandront plus loin cefte fe- Rcfponfcs de M. Geffroy Varagle fur
certains poincls de la dodrine par
mence de vie qu'ils auront receuë de lui annoncée.
voftre bouche, mais que le fruift apa-
roit défia deuant vos yeux. Que s'il
vous auientd'eftre tenu encores Les CommilTaires au procès de Va- De
eftroitement , toutesfois ce fruiftplus
de
voftre labeur vous feruira de confola- ragle
efcrit permirent
fes refponfes qu'icelui
aux redigeaft
poinds par
fur l'Euchariftie.
tion de
finguliere, d'autant que,vnefi lanation
con- lefquels il auoit fpecialement efté in-
feffion foi faite deuant
tortue & peruerfe eft vn facrifice terrogué, comme s'enfuit :
L Geffroy 'Varagle a enfeigné
agréable à Dieu, combien plus doux qu'au Sacrement de la Cène, la fub-
fera l'odeur qui s'efpand pour, levous
fa- ftance du corps de Chrift, fous l'ef-
lut de plufieurs r Au refte pece du .pain & du vin , ne nous eft
voyez , mon frère , à quelle guerre donnée; item que le pain & le vin ne
vous eftes appelé , & vous faut bien fe changent point & ne font point
Matth. 10. î2. confiderer cela diligemment. Car puis tranliubftantiez quant à la fubftance
que Iefus Chrift requiert d'vn chacun & accidens ; mais icelle mefme fub-
ftance & accidens demourans , le pain
particulier qu'il rende tefmoignage à
fon Euangile , il vous a obligé beau- & le vin prennent vne autre lignifica-
coup plus eftroitement, vous ayant tion & autre manière d'eflre , alTauoir
ordonné pour annoncer publiquement que ce pain & ce vin matériel diftri-
la dodrine de falut, laquelle eft main-
tenant aft"aillie en voflre perfonne. (0 Le texte latin ajoute : <> Vale, optime
et carissime frater. »
(i) Voy. le texte latin original dans les (2) Le texte latin porte : " loannes tuus
Ciilvini Opcra, XVI, 744.
quem nosti. '>
LIVRE SEPTIEME.

526en la Cène ne fignifient & mon-


buez colombe eft dite la vifion du S. Ef-
flrcnt feulement , mais auffi reprefen- prit , ainfi le pain en la Cène eft dit Mauh. j. 16.
tent aux lidcles le vrai corps A le vrai
le corps
foit de &Chrift,
le figne encores
la figure qu'ilnon
, laquelle en
fang de Chrill , qui a elle nai de la
Vierge , a cité pendu à la croix & fied feulement nous monftre , mais auffi
au ciel , mais le faut prendre fpirituel- reprefente icelui corps. Lefquels ar-
lement & facramentalement , c'eft à gumens il a dit deuoir auoir lieu &
eftre valides contre les aduerfaires,
dire par foi it efprit , d'vne manière comme en femblable ces paffages du
qui ne fe peut exprimer. Et ainfi
qu'on prend de la bouche le pain & nouueau Teftament : « La pierre eftoit
le vin , auffi nos âmes font vrayement Chrift; » « le fuis la vraye vigne, le
nourries & fubrtantees aduellement
fuis l'huis , &c. • Que s'il faloit con-
& de faiâ du vrai & naturel corps & traindre de plus près ces fentences :
fang de nortre Seigneur iefus Chrill. « Ce calice eft le nouueau Teftament
Item a nié que le vrai corps de Chrift en mon fang , » il faudroit que le ca-
puiiïe eflre en plufieurs lieux enfem- lice fuft le nouueau Teftament. Par :
ble & vne fois, veu qu'il eft au ciel « Ceci eft mon corps, » il demonftre-
realement, naturellement, & circuml- roit que c'eft le corps réel , fans
cripiiué; car le corps de Chrift n'eft figure. D'auantage,a aefté
tranlTubftantiation affermé
inconuequeauxla
pas de l'air ou fantaftique , comme Pères anciens, finon depuis Innocent i. Cor. 10.
l'affermoit Marcion hérétique. Que
la parole de Dieu attribue au corps Pape III. & puis après par Léon IX. lean 1$.
de Chrift glorieux la propriété de & Nicolas II. au concile de Verceil '^an 10.9.
& Romain , contra Bcrcngarium , &
quantité & certain lieu ; & d'autant
que l'efprit n'a ne chair ni os, ni affi- auffi par Thomas d'Aquin , qui a dé-
gnation de lieu , le corps de lesus claré ces chofes phyficalement contre
Chrift fied à la dextre de Dieu iufqu'à la parole de Dieu. A dit que tout ce
ce que, &c., approchant de foi mef- qu'ont fait les anciens , aftauoir les
mes de Dieu toufiours viuant, &c., inuocations & adions de grâces, louan-
ges ,oblations du pain & du vin , qui
lean 14. }. ainfi qu'il eft efcrit : <■ le m'en vai pre-
Maith 2ù. II. parer le lieu, &c. ; » & : « Vous ne deuoyent eftre diftribuez aux fidèles
m'aurez pas toufiours ; <> c'eft affauoir, de Chrift pour entretenir vne charité
de préfence corporelle. Et quant aux Chreftienne,
miracles alléguez par les Sophiftes, a dication de lachants d'hymnes,
Parole, la pré-
la mémoire &
annonciation de la mort du Seigneur ,
refpondu
de Dieu, que
fansles famiracles
parole,en neceffité
l'Eglife tout cela eftoit appelé par les Grecs
ou vtilité, font moqueries de Satan : LiTOVRGiE, laquelle les Latins ont
donc , les miracles qui font alléguez interprété Melte : ce que perfonne
par les Scholaftiques eftre faits en craignant Dieu ne doit mefprifer ,
l'Euchariftie ne font pas necelTaires , mais defirer qu'elles foyent reftituees.
Mais ainfi que la MelTe eft à prefent
veu auffi qu'ils ne font aucunement
traittee par les efclaues du Pape, il a
vtiles, partant
fpirituelle fufpeds. Qu'il
& facramentale y a vne ,
exiftence
enfeigné & dit que c'eft vne horrible
en prenant Iefus Chrift noftre Sei- idolâtrie & profanation de la Cène
du Seigneur, voire du tout exécrable,
gné engneur ,S.
ainfilean,que 6.
lui-mefme l'a enfei-
ch. S. Paul dit le & aboliffant le feul facrifice propitia-
mefme aux Corinthiens, & S. Auguft. toire vne fois offert par Chrift, lequel
au traitté 26. in loanncm, de Vcrbis ne doit eftre réitéré. Premièrement
Apo/loli & ad Dardanum. aux oraifons de la MefTe , Dieu eft
Quant au mot fubftantif : » Ceci prié
fenfesqu'il lui plaife
à ceux qui lapardonner
difent , & lesaider
of-
eft mon corps, « il a dit que c'eft
vne figure ou manière de parler acouf- fes fidèles
des Sainds. pour En lal'amour
MelTe, des
le mérites
pain eft De la MelTe.
flumee en l'Efcriture, laquelle at-
tribue au figne les noms des chofcs adoré au lieu de Chrill, laquelle ado-
fignifiees, comme quand elle ap- ration a efté inconuë aux Pères an-
Gcn. 17. 10. P'^'ls ^^ circoncifion vn pad _('),& ciens, qui exhortoycnt feulement le
l'agneau
Exode 13. li). efté le paffage, encore qu'il n'ait peuple , à celle heure-la , d'eficuer le
autre cnofe que le figne ou fou- cœur en haut, & non de s'arrelter aux
uenance du palTage ; & ainfi que la fignes , mais à la chofe fignifice , alTa-
uoir au corps de Chrift, lequel il faut
(ij Une alliance. adorer au ciel , comme demonftre au-
GEFFROY VARAGLE.

iourd'hui leur Surfum corda. En la uoyent aucunement craindre ni les m.d.lvu.


Meffe , on croid le vrai corps de perfecuteurs ni les iniures des infidè-
Chrill ertre tout entier realement &
charnellement en toutes les hofties & les, veu qu'ils ont Dieu pour Père &
adiuteur, qui les void & affifte. Fina-
autels, ce qui répugne à la vérité du lement Varagle
, pria tous les Sei-
corps de Chrift. En lu MelTe, le corps
de Chritt efl offert à Dieu le Père en gneurs de
auec la parole de Dieu conférer ce qu'il
& lesauoit dit
efcrits
facrificede propitiatoire,
litoire la coulpe & c'ell
mort àéternelle,
dire abo- des Anciens
eftoit pères.
tard , le refteOr,
fut d'autant
remis à qu'il
vne
autre fois.
contre toutecarl'Epillre
Hebrieux, de l'Apollre
il eft ainli aux
dit en celle
deteflableoraifon : Sujcipe,Jan£le Pa- Le penultiefme dudit mois de Dé-
ter,hanc ho/liain quain ojfcro libi pro cembre M.
, Geffroy fut amené de-
innumcrabiiwus uant fes iuges, & lui furent fes ref-
dire : « Pren, S.peccatis
Père, meis
cefte, hoftie
c'ert à,
ponfes leuës de mot à autre, aufquelles
laquelle ie t'offre pour mes innume- il ne voulut rien diminuer n'augmen-
rables péchez. j> En la Meffe , Dieu
ter pour lors , finon qu'il pleuft à la
eft prié de prendre d'vn vifage alaigre Cour lui permettre d'efcrire , afin de
le corps «i le fang de Chrift Ion Fils, plus amplement conferraer fa doétrine
& qu'il commande d'eftre porté par par
Roi les eft fainétes
derechefEfcritures. L'edit ,dua
mis au deuant
les mains de fon S. Ange en l'autel
du ciel,
tel foit afin que &ce corps
affocié mis auec
conioint en l'au-
le perfifté n'auoir
volonté du Roicontreuenu à la, droits
bien informé car il
corps exiftent au ciel. Ce qui fe void,
&ra ainfi efcrit : Biellus fupcr Canoiie tient pour certain que l'intention du-
Mijjac (i). En la Meffe eft faite vne lefusditChrift
Seigneur foit
eft purement
que l'Euangile de
prefché.
tres-horrible application des mcites Et d'autant que ledit feigneur n'eft au
de la paffion de Chrift, tant de l'œuure vrai informé de la doélrine qu'il a
opérante par les Preftres miffatiers , annoncée, dit n'auoir dogmatizé en la
pour les viuans & les morts , comme façon qu'on l'accufe , ains que lui &
on le peut voir par les Scholaftiques fes confrères font accordans à la pa-
& Sommiftes, mais fpecialement apud role de Dieu & aux Pères , qui ont
Gabrklein Biclluni fuper Canonc Mij- efté depuis lefus Chrift par trois cens
fac. Cependant il laiffoit à dire com- ans , iufques au temps de Conftantin
bien a efté foufferte & entretenue, par le grand , lefquels ont eu vn mefme
les povres aueugles , la multitude des Euangile auec danger de leur vie, &
facrificateurs tres-impurs qui propha- l'ont publié nonobftant les edits des
nent pour le gain infâme la Cène du Empereurs , qui font pareils à ceux
Seigneur, nonobftant que, félon le du temps prefent.
tefmoignage de S. Paul , la faute de Enqdis s'il n'a point efcrit à quel-
quelque nombre de Corinthiens, qui ques perfonnes de la matière &
ont prins indignement ce Sacrement, dùdrine dont il s'agit, ou donné
a efté caufe de la perdition de plu- Hures défendus , & qui font ceux-là
fieurs. qui lui ont prefté faueur, confeil &
Des mœurs. A dit qu'il auoit enfeigné fes au- aide : A refpondu
nuls liures, qu'il n'a enuoyé
mais confeffe auoir efcrit Pourquoi
diteurs, qu'il faloit fe tenir à la pure
aux habitans de Bubiane(i) en ge- il auoit efcrit
parolenant de Dieu , de
en intégrité l'honorant & chemi-
vie, en innocence neral, comme on le peut voir par à ceux
& mortification de la chair. Qu'il fa- let-
fes efté ''^ Bubiane.
loit obéir aux Magiftrats, comme il l'infcription
très. L'occafion de ce fairedeauoit
& foufcription
eft ordonné de Dieu ; & toutefois s'ils à raifon que la Cour du Parlement
commandoyent chofes qui fuffent con- de Piedmont auoit fait ordonnance :
tre fa parole , auquel cas ils ne de- Que les Prélats prefcheroyent en
leurs diocefes , & qu'au refus & dé-
(i) Gabriel Biel, théologien allemand, né faut d'iceux , lefdits de Bubiane l'a-
uoyent requis de prefcher.
àTubingue
Spire, fut professeur
à partir à l'Université
de 1477, et mourut deen
1495. On a de lui Lectura super canone Enquis s'il auoit autres liures à
Missae (1488) ; il y soutient que le Canon de Angrongne que ceux-ci, affauoir Al-
la Messe
aussi sur estle d'inspiration
même sujet divine.
: Sacri11 canonis
publia
Missae Utteralis et myslica Expositio. (i) Bubbiana , localité des Vallées vau-
doises.
LIVRE SEPTIEME.

Ç28
coranum Francijcanorum (i), & vn outre ladite Cour , & nous Confeil-
Afl. ch. 5.
autre intituléj De falti de reri fuc- 1ers
ccJJori\icl Icfti Chrijlo & Je ApoJ- malield'icelle, de penferdes
, au conclaue à ceScribes
que Ga-&
lali{2),\yk vn autre intitulé Vnio Hcr- Pharifiens, auoit dit de regarder foi-
gneufement fi vne chofe ell de Dieu
mjnni boJijquand
trois Hures (;), aondit!e qu'il auoit ces
fit prilbnnier,
ou des hommes, & qu'on auifaft de
& qu'il en a piiHieurs autres en fa bonne heure fur cela. Mais pource
maifon à Angrongne. Et quant à ceux qu'il eftoit tard, on le renuoya, après
qui, de diuers lieux & villes, font ve- lui auoir fait figner ce que deffus.
nus à fes fermons , ou qui l'ont inter- G. Varagle.
roguédefur'.aucuns
cas confciencearticles
, il nede fait
la foi &
leurs
noms & ne s'en eft enquis. Admon-
nerté plus ellroitement de déclarer les L'ijfue de M. Gcffroy Varagle.
noms c^ furnoms de fes compagnons ,
Ceci a efté finalement extrait du
qui ont pareille charge & office qu'il
auoit, & qui les a ordonnez Minif-
tres, à quel gage & falaire , en quels procès des Coinmin"aires
caufe , lefquels en cefte
ouyrent paifiblement
lieux ils prefchent , & qui font ceux
■Varagle en fes defenfes , & mcfme le
qui leur portent aide & faueur : A ref- voyansrent dehomme d'érudition,
pondu auoir veu , le fixiefme iour de les diâer & nommerlui comme
permi-
Miniftres Septembre dernier palTé , 24. Minif- il les entendoit. Il y auoit au procès
en Angrongne. t^es en la congrégation générale de plufieurs autres choies ; mais , en ei-
plufieurs vallées , au lieu appelé La fed , nous auons obferué les principa-
combe, defquels il ne fait les noms , les qui feruent à édification. Or, après
finon de quelques-vns , dont la plus toutes ces procédures, la Cour donna
part a efté enuoyee par lean Caluin fentence de mort contre Varagle ,
& autres Miniftres de Geneue, & ce pluftort par crainte de reproche que
à la requelle des habitans es fufdites
vallées. Et fe retournant vers nous de vraye opinion qu'ils eulTent qu'il la
meritaft. On le mena donc à l'exécu-
CommilTaircs prédits, en nous regar- tion pour eftre bruflé deuant la place
dant, dit : « Soyez certains, mes Sei- du Charteau, où eftant venu, il fit
confeffion de fa foi deuant tous, pour
gneurs,qu'il y a tant de Miniflres
prefchans l'Euangilc (comme i'ai pref- monllrer qu'il n'eftoit hérétique , mais
ché) , que li la Cour auoit ordonné Chrertien. La plus part de ceux qui
qu'ils fulTent tous bruflez , pluftort le eftoyenl à ce fpedacle , s'efmerueil-
bois defaudroil que lefdits Miniftres lans de fa dodrine , difoyent haut &
defailliffent à prefcher ; car de iour clair : n Que veut-on dire de ceft
en iour ils fe multiplient, & la parole homme qui parle tant bien &. fainde-
de Dieu éternellement.
demeure s'augmente & »s'efpand
11 auifa, en& ment de Dieu
de toutes , de} Ceft
chofes la 'Vierge
à tortMarie &
& fans
caufe qu'on le fait mourir. » Il y eut
(i) Ouvrage souvent réimprimii et traduit, vn Prertre qui auoit efté compagnon
dont la première édition (Krancfort , 1542 ,
de M. Geffroy au temps de fon igno-
pet. in-8» de 12 lî.) est intitulée : Alcoranus rance, lequel , en partant, lui dit en
Franciscanorum, id est, blasphcmiarum cl
nugarum Lcrna , de sligmalisato idoto , quod fon langage : « Mai/tro laffre, Conuer-
Franciscum vacant, ex lihro eon/ormitatum. tilevi, conuertilcvi. » Le patient lui ref-
Conrad Badius en publia , à Genève, une pondit : « Conuertitevi i>oy, chc fono
traduction française en i;6o, sous ce litre :
VAlcoran des Cordclicrs
(2) Sur ce livre, voyez une note aux Notes
conuerlito
uertift io, » fignifianl
lui-mefme de fa qu'il fe con-
malheureufe
et corrections , à la lin du troisième volume.
(i) Unio dissidcntiiim , ouvraj;e de Hcr- condition. Eftant à l'eftache , inonté
mann Bodius , publié à Anvers en 1Ç27, et fur vne efcabelle, le bourreau, à la fa-
en français h Genève en Hî9, sous ie titre çon acouftumee, lui demanda pardon
suivant : La première partie de l'union de de fa mort. ieM.le teGcrt'roy lui dit : « Non
plufieurs pajjfaiges de l Efcripture fainSe. feulement pardonne , mais auffi
Livre Ire/ulile à tous amateurs de paix..,, par
vénérable doâeur Herman Bodium. Cet ou- àemprifonner
ceux qui m'ont premièrement fait
vrage fut condamné par le Parlement de à Barges , à ceux qui
Paris , après l'avoir été par la Sorbonne. m'ont amené en cefte ville & à ceux
Vov. d'Argcntré, Collectio judiciorum. II, Bs ; qui m'ont condamné à cefte mort.
Bull, de l'hisl.entête
four, Notice du prot.. XX.XIV, 2);
du Catéchisme Du-
français Pren courage & exécute ta charge ;
de Cali'in, Genève, 1878, p. cci.v. ma mort ne fera pas inutile, n Apres
BENOIT ROMYEN.
d'Opede,
cela fit fon oraifon à Dieu , & , en
529
l'alla déceler à vn Confeiller du par-
l'inuoquant à haute voix , le bourreau lement d'Aix eftant lors à Dragui- Lauris, gendre
l'eftrangla par derrière, & mit quand gnan, nommé de Lauris , gendre du
Le vol & quand le feu au bois. Plufieurs re-
prefident d'Opede, duquel a elle fait hommeauffide bien
d'vne colombe citent , pour chofe notable auenue en mention en l'hiftoire de Merindol &
Cabrieres. Ce Blanc confeilia Benoit
fon beau père.
"du^feu""^ cefte mort , qu'vne colombe voltigea de monftrer fa marchandife à Lauris ,
à l'entour du feu, qui fut eflimee pour
figne & tefmoignage de l'innocence l'alTeurant qu'il l'acheteroit auffi vo-
de ce Martyr du Seigneur; mais nous lontiers fon pris que nul autre. De-
auons pluftoft à infifter au principal
que alla droit , & homme
quoi ce poure perfuadé
Lauris ayant s'y enle
trouué
ment de
aux s'arrefter par trop curieufe-
chofes extérieures ou rares.
Corail femblant,
aucun à fon plaifir,
mais n'en fit toutefois
entendit comme
que
en paffant que Benoit le faifoit trois
cens efcus. Si toft que Romyen fe
fufi retiré , Lauris ne tarda pas d'en-
uoyer quérir le Viguier de la ville,
Benoit Romyen, Dauphinois (i). auquel il fit entendre que Romyen
eftoit l'vn des plus mefchans Luthé-
Voici derechef, après le fanant Minij- riens du monde , & qu'il le faloit ar-
trc dejjus-ait,fuccede im pourc Mer- refter prifonnier. Ceux-ci ne deman-
cier, en qui reluit la Maie fié de dans que butin , fe tranfporterent
incontinent au logis de Romyen , &
VEfpritcontre
tenue du Seigneur.
lui nous Lamonllrc
po'urfuite
de
l'ayant fait prifonnier de par le Roi ,
quelle affeâion font mene:{ la plus fe faifirent de tout ce qu'il auoit , &
part de ceux qui perfecutent les pareillement de deux hommes haque-
fidèles , li fauoir de piller & rauir tiers qui conduifoyent fa marchan-
leur bien; on y oid & void les mef- dife lors
; fe doutant de la trahifon ,
mes cris & fureurs des Moines &
dit tout haut que c'eftoit Lanteaume
Preflres , & du collé des luges vne qui lui dreffoit cefte partie. Gafpar,
mefme diffimulation, trahifon & pro- Viguier audit Draguignan , ayant fait
cédure , qu'a efié iadis celle des ce beau chef d'œuure , enuoya incon-
Scribes & Pharifiens contre le Fils tinent quérir aduocat du Roy , loa-
de Dieu. chim Portanier , Antoine Caualier,
lean Feraud & Pierre ArdifTon , con-
Benoit Romyen, mercier, natif de fuls, & autres fuppofts du fiege , pour
Villars d'Arennes en Dauphiné, ayant lui affifter en ceft afaire. Apres qu'on
retiré à Geneue fa femme & fes en-
les eut feparez l'vn de l'autre, ils in-
fans, pour y viure félon la reforma- terroguerent Romyen d'où il venoit ,
tion de l'Euangile, alloit fouuent çà pourquoi il alloit par pays , s'il eftoit
& là par pays, ainfi que font merciers marié & de quel temps il eftoit ar-
& col-porteurs , pour gaigner fa vie. riué. R. Qu'il venoit d Aix, & alloit à
Et d'autant qu'il fe conoilToit à acouf- Marfeille pour vendre & acheter la
trer le Corail , il fe trouua en Pro- commodité qu'il rencontreroit ; auoit
femme & enfans, & eftoit là arriué le
uence, au mois d'Auril rail cinq cens
cinquante huit ; & ayant aflTcmblé iour précèdent enuiron fept heures
deux cabinets, print le chemin du du matin, iour de Pafques, au par-
tir de Trans. D. Comment & en Comment
Gruf (2) à Marfeille pour les y aller
vendre. Paffant par la ville de Dra- quelle qualité il auoit fait fes Paf- Romyen a fait
les Pafques
guignan , il monftra lefdits cabinets à ques, & qui les lui auoit adminiftrees.
vn de fon eftat , nommé Lanteaume terre eflrange.
R. Qu'il les auoit faites ainfi qu'il
Blanc, fréquentant Marfeille. Et d'au- auoit peu, à fauoir que le iour précè- en
tant qu'ils ne peurent conuenir de dent au logis où il eftoit & en la
pris , Lanteaume , fafché que fi belle chambre des merciers, regardant vers
marchandife lui efchappoit, fâchant les prez , fe profterna en terre , de-
auffi que Romyen fe tenoit à Geneue, mandant à mains iointes pardon à
Dieu fon créateur, par lefus Chrift
fon Fils vnique, qui auoit fouflfert en
(i) Crespin, 1564, p. 897; li/O, f» 470;
1582, l'arbre de la croix pour lui & tous les
f» 460.f" 42; ; 1597, f° 421 ; 1608, f" 421 ; 1619, humains. D. S'il s'eftoit confeffé?4 auant
(2) Peut-être Gruffy (Haute-Savoie).
Pafques & à qui. R. S'eftre confeffé
LIVRE SEPTIEME.

5îo & à lefus Chrift fon Fils ; que


à Dieu nom , aage , qualité & demeurancc ,
refpondit comme au précèdent. D.
palTé fix ans ne s'elloit confelTé à Pour quelle raifon il eftoit allé de-
Preftre ;'niais s'il euft c(\é à Gencue ,
lieu de la refidencc , auec fa femme, meurer à Geneue. R. Que c'eftoit La caiifc de
il y eut fait fes Pafques le iour en pour entendre la parole de Dieu, la àdcmcurance Geneue.
raflTemblee.des fidèles, en laquelle le
D. Quel befoin il auoit d'y aller à
pain fe dillribue , li chacun en prend ces fins, veu qu'au paysonduenfeigne
Dauphiné&
vn morceau, en mémoire de la paffion Ot autres de la France
de lesus Chrift; fembiablement cha-
cun boit du vin de la Cène, en com- prefche fulfifamment. R. Que c'eftoit
parce qu'audit pays on y cachoit la
mémoration du l'ang de lefus Chrift, vérité ,ment&iS: entièrement
qu'on ne la prefchoit
comme àpure-
Ge-
qui a eltii refpandu en la croix. Ils lui
firent dire le Patenoftre Os le Credo, neue. D. S'il aimoit mieux tenir &
qu'ils appelant; mais il ne voulut dire obferuer les loix de Geneue que cel-
l'Aue-Maria. Enquis û on le difoit à les de l'Eglife vniuerfelle , «& qui ef-
Geneue , dit que non. D. S'il tenoit toit le premier qui l'auoit perfuadé
&Marie
croyoit
& qu'il faille prier
les Sainds & la vierge
Saindes. d'y aller. R. Qu'à fon aduis on y
prefche plus purement & entièrement
R. Que non ; mais Dieu feul , qui eft
qu'en
aimoit France, mieux &tenir par la
confequent qu'il
loi de Dieu
le créateur. D. S'il auoit fait abfti-
nence de manger chair les Carefmes, comme on la tenoit & prefchoit à
Vendredis , Samedis & autres iours
prohihez. R. Que non, quand il en Geneue,
tenoyent, que noncelui
& que pas qui
ainliluiqu'eux la
en parla
auoit
auec commodité
adion de ; grâces
& qu'en, lanemangeant
pechoit premièrement
res Cordelier
fut vn en
, natif de Troye d"Ve- ,
Champagne
point, parce qu'il n'eftoit défendu de qui depuis fe retira audit lieu. L'a
Dieu, mais des hommes. D. De com- auffi entendu d'autres , defquels il
bien de temps il n'auoit oui Meft'e. n'auoit fouuenance. D.Si depuis qu'il
R. Ne l'auoir ouye depuis quatre s'eft retiré audit Geneue il a efté ouyr
MelTe , ainfi que font les autres
ans, parce qu'il ne la tenoit pour
bonne, mais l'auoit en exécration. Ce Chreftiens. R. Que non , & qu'il ne
fait, il fut mené prifonnier & mis au veut tenir deux loix ni adorer ido-
retrait des aifances , les fers aux
flieds. On commanda au Geôlier de les, d'autant qu'il
commandcmens eft défendu
de Dieu. aux
Et fur cela
e garder à part, fans que nul parlaft alléguant le premier & fécond com-
à lui , fur peine d'ellre mis en fa mandement, &voulant pourfuiure fut
interrompu, & les tefmoignages par
place.
Lavris ayant entendu cela, ne feut lui alléguez ne furent efcrits. Interro-
diffimuler la haine & trahifon, laquelle gué quelle oraifon il auoit acouftumé
il auoit iadis aprinfe fous la pédagogie
faire en prières, & s'il ne vouloit pas
de fon beau-pere d'Opede. 11 enuoya prier la glorieufe vierge Marie &
foudain quérir le Lieutenant du Sé- les Sainds & Saindes de Paradis ,
néchal ,Antoine Du-reveft, & lui foudain fe mit à genoux pour monf-
conta comment il auoit lait prendre
le plus grand Luthérien du inonde , trer qu'il prioit Dieu fuiuant la forme
voulant ii toutes forces le mener en des Eglifes reformées. Ils ne rédigè-
rent ceci par efcrit, mais mirent feu-
àla leprifon
voir. &Mais
prendre fon paft'e-temps
le Lieutenant qui en lement Qu'après
: auoir fait des orai-
fons alTez longues , il auoit dit la
Pate-noftre & le Credo en François ,
auoit ia efté auerti , lui dit qu'il trou-
uoit mauuais d'auoir fait entreprife ne voulant dire l'Aue-Maria. Lui fut
fur lui, & que c'eftoit à lui à qui la remonftré que ladite oraifon eftoit
conoiflance appartenoit. Lauris , taf- contenue au faind Euangile. R. Non Tant
de demandes
chant de l'appaifer, le vouloit mener pas en forte et forme d'oraifon, ad- confuTcs
voir & ouyr le prifonnier. Le Lieute- loullant
nant courroucé, refufa d'aller auec lui Dieu au qu'il
Nom fe de
contentoit
fon Filsdevnique
prier rance
des luges.
lefus Chrift. D. S il faifoit la Cène arguent l'igno-
& s'excufa fur l'incommodité de la
prifon ; toutesfois , pour faire fon de- dont il auoit parlé ; s'il ne croyoit pas
uoir, il fc tranfporta le mefme iour en que le corps de lefus Chrift full en-
la Conciergerie auec Philbert Baro- clos & contenu au pain qu'il prenoit.
nis, fon adioind, & fit venir deuant lui
R. Que non ; mais qu'en prenant le
Romyen , lequel , intcrrogué de fon pain du Miniftre , il receuoit le (igné
BENOIT ROMYEN.

pour eftre conduit & mené à lefus Samedi & autres veilles. Et (i, par m.d.lvu.
Chrill, qui eft en Paradis, à la dextre confequent
de Dieu fon Père. Il dit le femblable la chair, &c., elle a défendu
R. Que l'vfage que
non, pource de
du vin , & que quiconque mange & l'Efcriture fainde permet de manger
boit indignement prend fa condamna- auec adion de grâces ce qui eft pre-
tion. D. S'il fe confelToit au Preflre. fenté , fans faire diftindion des iours
R. Que non , fe contentant de fe ni des temps ; & neantmoins , comme
confelTer à Dieu , auquel à toutes il a efté dit, s'abftient d'vfer de cefte
heures il a accès par fon Fils lefus. liberté en ce pays, afin de ne fcanda- 5îi
Enquis de fes complices & de ceux lizer perfonne. Enquis du Purgatoire
aufquels il a communiqué fon opi- &s'il prie Dieu pour les trefpaft"ez ,
nion , mefme de fes compagnons à
afin qu'ils foyent abfous de leurs pé-
prefent détenus auec lui. R. Que
bien fait-il que lean Gombaud lui dit ait vn chez, aPurgatoire
dit qu'il n'entend
après lapasmort
qu'il, &y
hier de vouloir faire fes Pafques ; qu'à la vérité il prie Dieu pour les vi-
mais il ne lui a dit quel iour ne com- uans & non pour les morts , par les
ment illes vouloit faire. D. S'il eftoit raifons qu'il a entendues à Geneue.
loifible de manger chair le Carefme. D. S'il a vouloir de s'en retourner à
R. Qu'oui, ains
pourceque Dieu nelefquels
l'auoit Geneue, & s'il veut tenir leur loi, ou
défendu, les hommes, s'il vouloit croire à la fainde Eglife
n'auoyent puiffance de ce faire , bien Romaine & obferuer les feftes qu'elle
qu'en ce pays il s'en voudroit abftenir a commandées. R. Qu'il auoit defir
les iours prohibez, pour ne fcandali- d'y retourner , entant que fa femme
zer les hommes ; mais s'il efloit à Ge- & enfans y eftoyent, & pour viure en
neue , il n'en feroit aucune difficulté. leur loi, ev qu'au demeurant il croyoit
Ledure faite des interrogatoires & la fainde Eglife vniuerfelle & non la
Romaine, & obferuoit pour toutes les
refponfes trement
, pource
efcrire ne qu'il ne ilfauoit
figner, y mitau-fa feftes le Dimanche.
marque. Apres ces procédures, quelques Confeils que
Le lendemain , ce Lieutenant lui fidèles trouuerent moyen de lui dire donnent
aucuns fidèles
ayant fait relire fes refponses, & trou- qu'ayantdedéfia
feffion foi ,par trois fois
il deuoit fait con-
cercher les à Romyen.
uant qu'il perfiftoit en icelles, lui de-
manda s'il eftoit là venu pour feduire moyens de fortir des mains de fes en-
le peuple & perfuader de croire en la nemis , qui ne cerchoyent que fa
loi de Geneue, Item, s'il auoit apporté mort. Qu'il remonftraft donc au Lieu-
quelques liures cenfurez pour inftruire tenant n'auoir fait aucun mal dans le
Royaume, ne mefme en fon reffort &
quelqu'vn : dit que non , pourautant
qu'il n'eftoit homme de lettres & qu'il iurifdidion ; qu'il n'auoit dogmatizé
n'auoit apporté aucuns liures, ne pro- ne fait ade fcandaleux ; que la confef-
hibez ne
, permis. D. S'il auoit acouf- fion par lui faite eftoit pource qu'on
tumé faire fes Pafques toutes les an- l'auoit adiuré de dire vérité ; qu'il
nées ,& receuoir le corps précieux s'eftoit fiinplement méfié de vendre &
de Chrift contenu en la fainfte hoftie acheter marchandifes, chofe permife
à lui adminiftree par vn Prelire après non feulement aux fubieds du Roi ,
la confecration. R. Que non ; vrai eft mais auffi aux Alemans & Suilfes ,
que, depuis quatre ans, il auoit fait lefquels eftans confederez auec le
audit Geneue la fainde Cène quatre Roi, ceux de Geneue, leurs alliez,
fois l'an , affauoir les iours de Paf- peuuent pareillement vfer de com-
ques, Pentecofte, premier Dimanche merce en France ; à ces caufes qu'il
requift eftre renuoyé par deuant fes
de Septembre
croyoit t*t à Noël
que la fainde mère (i). D. euft
Églife S'il
luges. Qu'au refus d'obtenir renuoi ,
ordonné les Carefmes , 'Vendredi , il interiettaft appel par deuant les
Seigneurs du Grand Confeil, aufquels
(i) Calvin, dans un mémoire adressé au telles conoilTances apartenoyent. Sa
Petit Conseil , et examiné par ce corps le refponfe fur ces remonftrances fut
i6 janvier 15;7, disait : « qu'il feroit bien à
délirer que la Cène de Jéfus-Chrift fe diltri- qu'il ne pourroit iouyr de tels priuile-
buât au moins tous les dimanches. >• Toute-
fois, vu u rinfirmité du peuple, » il requérait ges, parce qu'il n'eftoit
bitant de Geneue que nefimple
: voire ha-
fe vou-
que 11 la Sainte-Cène ait lieu une fois par
mois. » Ce lut le Petit Conseil qui décida loit aider de tels moyens , fe conten-
que tant d'auoir rendu raifon de fa foi ,
an. la Cène n'aurait lieu que quatre fois par pour laquelle il eftoit preft de mourir.

I
LIVRiî SEPTIEME.

Le bruit efpars par la ville de la fer- fon infiruélion, d'autant qu'il n'eftoit
meté & condance de ce prifonnier , verfé en termes de luftice & n'auoit
laquelle ils appelent opiniallreté, Bar- nulles lettres. Parquoi ayant dit au
bofi . iuge à Draguignan . homme du Geôlier qu'il vouloit parler au Lieu-
tout ignare, pririt enuie de le voir, &
alla trouuer Romyen & lui dit : rir. tenant,
Venuonauec
ne fon
tarda de l'aller
Greffier, qué-
Romyen
« En qui crois-tu r croyent-iis en Dieu ne fe pouuant
ceux de Gencue? le prient-ils ? » Be- lui auoit confeilléfouuenir de ce
(tant efioit qu'on&
fimple
noit, falché de (i lourde demande, ne peu conoiflTant les rufes de ce monde),
conoilTaiit l'homme, mais le voyant de dit qu'il fe portoit pour appelant par
nature diflforme, gros & lourd, le nez deuant les Seigneurs de Geneue, &
plat e^ large , & de regard hideux , il là où fon appel ne lui feruiroit, qu'il
Refponfe
au lui dit : « Qui es-tu qui biafphemes appeloit par deuant le Roi en fon
ainfi malheureufement ? » Barbofi dit : grand Confeil. Le Lieutenant lui de-
lugu Barbol'i. « le fuis le luge ordinaire de celle manda qui lui auoit enfeigné & fait
dire cela. Romyen dit que Dieu lui
ville. » « Et qui t'a mis (dit Romyen) auoit donné ce confeil par fon S. Efprit,
en ceft office , fi gros & infâme ? pen-
fes-tu que nous ne foyons pas Chref- & non
tiens .' les diables conteffent vn Dieu : loit autre.
Miniflre des Vn Obferuantins
Moine qu'on , appe-
ayant
le nieroi-ie, moi? Penfes-tu auflî que là prefché le Carefme , faifoit auffi ,
ceux qui font à Geneue le nient ? Non, de fon cofié, toute diligence de folli-
non : nous croyons en Dieu , nous le citer la mort de ce poure Chreftien ;
prions & inuoquons, & auons ferme & ayant gagné à lui Caual & Caua-
apui & efperance en lui. » Ce repouf- lieri, confuls , ils ne celferent d'im-
portuner leLieutenant (qui autrement
fement aigrit d'auantage Barbofi , en
forte qu'il ne ceffa de pourfuiure con-
tre Romyen. Cependant le Lieute- àn'eftoit que trop
le menacer d en diligent),
auertir laiufques
Cour
nant, follicité, procéda aux dernières de Parlement, s'il ne fe haftoit de
répétitions pour mettre les procès en le faire brufler. Parquoi fe fentant
efiat de iuger. Et Romyen pria qu'on prefl"é en
lonné de fa
cefte part, & d'autre
confcience, efguil-
pour iuger ce
lui permift de faire oraifon à Dieu, ce
que lui ellant accordé, la commença procès & faire droid fur les declina-
toires & appelations , il alTembla , le
d'vne grande véhémence & zèle mer- XV. dudit mois, les autres luges de
ueilleux, & la continua de tant plus
longuement, que voyant Barbofi pre- Draguignan , ^ print auec eux tel
fent , il lui vouloit faire conoiftre par nombre d'Auocats qu'il eftoit requis
effed qu'il auoit vn Dieu, auquel il par l'ordonnance du Roi. Le Ca-
feruoit, & lequel il prioit par fon Fils phard,alla
auerti qu'ils eftoyent en ,befon-
noftre Seigneur lelus Chrift. Ceci , gne, recommander le faid & dit
toutefois , ne fut rédigé par efcrit ; au Lieutenant qu'il alloit chanter
mais le Lieutenant & l'Auocat du Roi vne * Melfe du S. Efprit, afin d'illu- • Qui niera
dirent : u Voila de belles prières. » miner leurs entendemens à condam- queiameflene
<i Oui, oui 'dit Barbofi), il s'en va ef- rner Romyen
feu. r-. d'eflre
r . ,bruflé
Et pour renfort /-> 1-vif • ày petit
Caualieri /• . iï''' "" ,
inrtrument
fur- ^ 'ouie chofe :
tre martyr de tous les diables d'en-
fer. ))Il fema par toute la ville que ce uint, qui vfa de menaces de le faire voire
Fureur prifonnier n'efchaperoit point & qu'on entendre
autrement. à la Cour, s'ils iugeoyent ^" soufflet
pour allumer
de ce barbare en prendroit bien d'autres. Les fidè-
Barbufi. les, penfans que fa mort feroit de pe- Ce procès mis fur le bureau, Bar-
bofi A quelques autres pratiquez par
titebareedilication, le fcui'
& cruel iStenqu'vn peuple fi plus
deuiendroit bar-
le Moine,
endurci & animé contre eux , crai- ledure & leauant
méritequede d'entendre la
la caufe , fe
monftrerent fi paffionnez de rage &
gnans auffi qu'à l'inftance des gens du
Roi il fuft géhenne, & qu'à force de furie
eftre , bruflé
que leur
& auis fut qu'il
bâillonné , de deuoit
peur
tourmens il n'en mift aucuns d'eux en
danger & ne diffipafl le petit troupeau qu'il n'infedaft le peuple. Et d'auan-
qui efioit en leur ville , rcnuoyereiit tage , qu'on lui baillaft la quefiion
derechef vers Romyen celui qui y pour fauoir qui efioit de fa religion.
auoit elle auparau.int, leqiii-l le per- D'autre-part, la ledure faite du pro-
cès, vn Aduocat mené de fain iu-
fuada de s'aider des moyens qu'on lui gement, voyant les autres f\ animez,
bailloit , puis Romyen
Dieu. Mais qu'ils n'edoyent contre
ne feut retenir fut de contraire auis , & dit qu'il de-
BENOIT ROMYEN. 5îî
uoit eftre renuoyé , parce qu'il eftoit faiél, la Cour lui fit defenfe & aux au- m.d.lvu.
domicilié de Geneue. & n'auoit aucu- très luges, de ne pafter plusauant,
nement d'ogmatifé, ni porté liures, & ains leur enuoyer le prifonnier & le
n'y auoit aucunes informations contre procès. Eftant de retour, il trouua
lui , & ce qu'il auoit dit eftoit comme qu'ils eftoyent empefchezau iugement,
chofe contrainte par le ferment prefté
& leur ayant fait figniller l'arreft , &
à la iuftice. Cefte opinion fut telle- inionftion au Greffier de porter le pro-
mement fuiuie des autres ieunes hom- cès, àpeine le voulurent-ils faire. Fina-
mes , qu'ils fe trouuerent autant lement Barbofi le porta à Aix, & fol-
d'vne part que d'autre , & ne reftoit licita en forte, que par arreft les fins
plus que le Lieutenant à opiner. declinatoires furent déclarées nulles.
11 fut ordonné au Lieutenant de iuger
Et d'autant qu'il eftoit fufped aux fac-
tieux, & que l'heure du difner apro- le procès , appelant auec foi les an-
choit, ils ne voulurent permettre que ciens Aduocats, & auertir la Cour
lors rien fe concluft ; mais remirent
dans huit iours de ce qu'il auroit fait.
l'affignation à vne autre fois, & ce- Ainfi , Romyen fut par leur fentence
condamné à eftre bruflé vif , & où il
pendant femerent par tout ce qu'ils
deuoyent tenir fecret , comme ils en
ont le ferment. fe defdiroit d'eftre eftranglé. Et qu'il
Les Confuls auertis & follicitez auroit la queftion auparauant l'exécu-
tion de la mort , pour fauoir fes com-
par le Moine, font affemblee de ville plices. Dequoi il fe porta pour appe-
au fon de la cloche , en laquelle fe lant, difant qu'il n'ertoit hérétique.
trouua grand amas de menu peuple , Ainfi qu'on le menoit à Aix par Dra-
Ceft officiai
eft du nombre lequel efguillonné par l'Official et la guignan, l'aduocat du Roi, le voyant Repentance
de ceux preftraille, vindrent tous enfemble
crier chez le Lieutenant de brufler par la feneftre , lui dit qu'il auoit con- del'aduocatdu
qui Dieu
n'ont que
autre clu à fa mort, mais il prioit Dieu de ^°y-
ceft hérétique , finon qu'ils le brufle- lui pardonner. Romyen dit : « Il nous
leur ventre, royent lui mefme & toute fa famille. iugera tous au iour du iugement. » Si
& nulle religion Ils firent le femblable vers les luges toft qu'il fut arriué à Aix, & que la
leur mqauremite. & Aduocats. Pour toute raifon , ceft Cour l'eut oui , on lui enuoya vn
Officiai difoit que, s'il en auenoit au- Moine enfumé qui fut trois heures
trem.ent , les Luthériens prendroyent auec lui , & le trouuant pertinax
tel courage, qu'on verroit bien toft (comme ils parlent), rapporta à la cour
fermer les temples acouftumés. Et qu'il eftoit damné , dont le mefme iour
d'autant que le Lieutenant ne vouloit la fentence fut confermee, & Romyen
à leur pofte prendre d'autres luges , renuoyé audit Lieutenant pour eftre
ils firent accorder le peuple de con- mis à exécution. A fon retour, les
Confuls mandèrent par les paroilTes
tribuer aux frais qu'il conuiendroit
faire pour enuoyer à Aix, & faire les aux Curez de fignifier à leurs profnes
pourfuites. Si forcèrent le Lieutenant le iour de fa mort, afin qu'on y allaft,
& firent crier par la ville à fon de
d'y porter le procès pour le faire iu-
ger. Chacun crioit : (( Au feu, au feu, trompe : Que tous les Chreftiens por-
qu'il foit bruflé. » Ce Lieutenant, ne tafl"ent bois en la place du marché
les pouuant autrement apaifer, promit pour brufler vn Luthérien.
d'aller à Aix faire iuger le procès. A Le Samedi xvi. de May, le Lieu-
tenant eftant abfent de la ville,
l'aprefdifnee fut tenu autre confeil du
peuple, auquel furent députez pour l'autre Lieutenant des fubmiffions,
aller à cefte pourfuite , Barbofi, 1 Ad- acompagné des Confuls & autres,
uocat du Roi , & Caualieri , premier allèrent de matin bailler la queftion
ConfuI , auec le Greffier, pour aller
aux defpens de la commune à Aix. au poure patient. D'entrée, ils lui
prefenterent les cordes , fers & poids
Par le chemin, ils rencontrèrent le
pour l'efpouuanter
lui falloit nommer ,fes
lui complices
difans qu'il
&
Prefident Ambrois, homme fangui-
naire. Icelui tafcha de perfuader au renoncer à fa loi , & qu'il voyoit
Lieutenant de procéder à la fentence bien leur bon iugement, puis que
leur fentence auoit efté confermee &
de mortobéir.
voulut fins Les
aller autres
à Aix;retournèrent
mais il n'y
fes opinions confutees par tant de
par confeil auec le procès, délibérez
eux-mefmes de le faire brufler. Le grands perfonnages. Il refpondit d'un
Lieutenant pourfuiuit le voyage , & cœur conftant , qu'il n'auoit aucun
complice & ne vouloit tenir autre loi
ayant faid vn rapport fommaire du que celle de lefus Chrift, prefchee

^
SM LIVRE SEPTIEME.

par fes Apoftres, de laquelle il auoit rent incontinent vfez. Romyen de-
Fait confeffion deuant eux ; que s'ils meura pendu en l'air auant oue mou-
l'appcloyent maintenant peruerfe & rir. Eftoit prefque tout brufié par le
defloyale , Dieu au iour du iugement bas, qu'on le voyoit remuant les leures
la declareroit iufte & fainéle, & ceux
qui la perfecutoyent, éternellement àfansDieu.
faire Plufieurs
aucun cri bruits
, & rendit
furentl'Efprit
ouys
Intcrropalion damnez. Interrofrué fi fes compagnons de ce que les Moines & Preftres auo-
fur la qucllion prins auec lui tienent la foi Romaine,
& géhenne. yent tant efté à l'entour de lui ; au-
s'il auoit iamais communiqué auec eux, cuns difoyent que, fi on y euft laifié
& n en la ville ou en la prouince , il approcher des gens de bien , que
en conoiffoit de fa loi, dit que non. tout fut allé mieux, & que ceux là ef-
Interrogué qu'il efloit allé faire en toyent paillards & infâmes. Autres
cefte ville-la, veu qu'il n'y auoit point difoyent qu'on lui auoit fait tort , &
de corail n'autre chofe de fon meftier, que plus de cent de la compagnie
dit que c'eftoit pour vendre fa pièce auoyent mieux mérité la mort que lui ,
de corail. Enquis qui lui auoit con-
& principalement ceux qui l'auoyent
feillé de fon
fon S.appel, condamné. Autres s'en retournèrent
Dieu par Efprit. dit
Sur que
quoic'eftoit
eftant efbahis , difputans de la caufe de fa
mis fur la géhenne & tiré outrageufe- mort & de fa doArine.
ment , il cria fans ceffe à Dieu qu'il
euft
Chriflpitié fon deFils. lui pour On lel'amour
preffoitdepourlefusle <S'^S"S'*S"^i"^i'*S'>S'>S'*S"S'>^
faire reclamer la vierge Marie; mais
ce fut en vain. La queftion lui fut réi- Les derniers Martyrs en Angle-
térée en telle outrance qu'ils penfo- terre , AVANT LA MORT DE LA
Roine Marie & dv cardinal
yent l'auoir laiffé pour mort; parquoi POLVS (i).
l'ayans remis aux barbiers , & trouué
qu'il n'en pourroit plus endurer, crai-
gnans qu'il ne trefpan"afl, fe haflerent La mort des perfecutc:{ contre l'Euan-
de
atTezl'enuoyer
folliciter au par feu. Apres l'auoir fait
des Preftres & s;ile npf'orte grande confolation & a
Moines de fe defdire , iceux aidèrent )ujlrc , quand elle se rencontre auec
la fin des perfecuteurs. La différence
au bourreau à l'efleuer tout defmem- des deux ijfues eft bien diuerfe ,
bré fur le bois , & l'ayans attaché comme ce récit le manifejîe.
d'vne chaîne de fer, defcendirent à
bas. Romyen fit fa prière à Dieu , de On doit cefte louange aux Anglois,
quoi ces caphards irritez retournèrent
d'auoir efté diligens de conferuer la
Cruautez à lui pour lui faire dire l'Aue-Maria. mémoire de leurs Martyrs, non feu-
horribles des Irritez de fon refus, l'outragèrent & lement de ceux de renom, & qui par
fuppofls de
lui tirèrent la barbe , & le poure Ro- leurs efcrits ont confacré leur mé-
l'Ame- Chrill. myen en ces angoilfes auoit fon re- moire à l'Eglife du Seigneur; mais
cours àDieu, le fuppliant lui donner auffi de garder celles des autres qui ,
patience. 'Vn lourdaut d'entre la par exécutions publiques ou tourment
troupe monta fur le bois pour l'ad- des prifons, ont heureufement fini
monnefter. Romyen cuidoit du com- leurs iours à la pourfuite des ennemis
mencement que ce fuft quelque fidèle,
de l'Euangile. Or, les noms de ceux
parce qu'il lui parloit adez gracieufe- qui furent les derniers emprifonnez ,
« finalement exécutez deuant la Roine
ment
prier ;lamais vierge comme Marieil ,le ifpreft'oit
lui ditde: Marie (comme lean Foxus(2) & autres
(I Laiiïe-moi en paix. » Si tort qu'il
l'euft lailTé, il efleua la tefte & les (1) Crespin, 1564, 42); 1570, f 42)
1608, 1^ 472; ;
yeux en haut , priant Dieu le garder IÇ82, (' 42; ; 1597,
de tentation. Vn beau perc Gardien, 1619, f 462. 902 ;
pour le rendre odieux au peuple , (2) John Foxe , dont nous rencontrons le
nom pour la dernière fois sous la plume
s'efcria & dit : « Blafpheme , blaf- de Crespin, a lité sa source principale pour
pheme; il a mefdit de la vierge Ma- les marlyrs anglais La mime année I1Ç54I
rie. » A vnce bâillon,
cri, Barbofi que Crespin publiait sa première édition à
lui mift & leadioulla
peuplequ'on cria Genève, l-oxe imprimait ù Strasbourp ses
Ccmmcntarii rcrum in EccUsia geslarum,
qu'on le bruflafl.
mit le feu à la pailleLors
A aulemenu
bourreau
bois maximarumquc , pcr IclJin Eiiropam pcrsccu-
tionuin, a \'uiclci>i Icmporihits a,i hanc iisque
acialcin dcscriplio. La première édition de
qui eftoit à l'entour, en forte qu'ils fu-
LES DERNIERS MARTYRS EN ANGLETERRE. 5î5
M.D.LVIII.
hiftoriens Anglois les ont nommez & de luillet, Thomas Withed, minidre,
mis par efcrit) , font ceux-ci. A Lon- fut exécuté. A Brainford, le xiii. iour
dres XXVII. iour de Feurier m.d.lviii. dudit rnois de luillet , lean Slade, vn
on brufia Cvtbert Simon , diacre de nommé Pikés, auec trois autres, fu-
la congrégation de Londres (i); lean rent cruellement mis à mort (i). A
Deuenysh & Hugues Foxe, chaulTe- WiNCESTRE, il y euli vn gentil-homme
tier (2). A Hvntigton, au mois de nommécuta duBrambrique (2), qu'on
Mars, vn nommé Lawton fut exécuté. dernier fupplice , pour exé-
vne
De la prifon de Newgat, à Londres, mefme caufe de la vérité de l'Euan-
on tira mort lean Mainerd (]), le xv.
d'Auril. A Glocestre, le xxvi. iour Or combien que la Roine Marie &
de May, furent exécutez lean Har- autres fauteurs du fiege de l'Aiite-
rifon, vn nommé Daye, & Agnes chrift
gile. eulTent entreprins la deftrudion
George (4). Le vi. iour de luin, on & ruine totale des fidèles d'Angle-
exécuta, à Norwicht, Richard Mar- terre, le Seigneur qui void de loin le
iour de la ruine de fes ennemis, donna
ris, lean Dauus, la femme d'vn nommé
George, & vn nommé Three (<,). A en ce temps foulagement & repos aux
Londres, au mefme mois de luin,
liens. Car comme ainfi foit qu'il n'y
Thomas Tyler , & Matthieu We- euft iamais perfonne qui fe foit à la fin
thers (6), furent tirez morts de la bien trouué d'auoir fait la guerre à
prifon en Newgat. Là mefme, le l'Euangile, cède Marie, après tant
xxvii. iour de luin, furent exécutez de perfecutions ci deuant récitées ,
Henri Pond, Matthieu Rycarbie, finalement a fenti combien est pefante La mort
de la
lean Holydaie, lean Flond, Reynod la main de Dieu éternel conti'e ceux Roine Marie.
Lauonder, Roger Holiand , Thomas qui l'affligent en fes membres. Apres
Sowthan (7). A Norwicht, le y. iour que par tourmens extrêmes de maladie
elle eut efté affligée , voire es parties
Crespin ne faisait aucune mention des mar- les plus fecrettes de fon corps , la
tyrs anglais; le livre de Foxe lui servit lors- mort l'ofta de ce monde au mois de
que, dès 1516, il les fit entrer dans son Nouembre m.d.lviii., enuiron deux
cadre. Ce fut pendant son séjour sur le con-
tinent ,sous le règne de Marie, que Fo.xe, mois après le trefpas de fon beau-
élargissant lui aussi le cadre de son premier pere Charles 'V. Empereur,
ouvrage , le refondit d'après les documents mois de Septembre précèdentauenu au
(3). Le
qui lui furent envoyés d'Angleterre, et y fit Cardinal Polus, Anglois, qui auoit fait La mort
place aux victimes de la politique persécu- de Reginaldus
trice de Marie. Avant de repartir pour autrefois profeffion de conoiflre la vé- Polus.
l'Angleterre, il le publia à Bâie, chez Opo- rité, & qui depuis contre fa confcience
rin, en 1559, sous ce titre : Rcrum in Eccic- auoit reftabli >t remis en Angleterre
fia gejiarum, quac poftrcmis S- pcriculofis his
temporibus cpencrunt , ma xiinar unique per les eflandars de l'impiété Romaine ,
Europam pcrfecutionum , ac fanctorum Dci mourut incontinent après Marie en la
Marlyrum... Conimcntarii. Autorc Jeanne
Foxo, Angio.de C'est cet certaines
ouvrage qui a permis mefme fepmaine
henfion , de regret, horribles
« efpouuantemens d'appre-
à Crespin refaire notices de
martyrs anglais (celle de Cranmer, par qui l'accornpagnerent en la mort (4).
exemple) et d'en accroître le nombre, dans Ainfi le Seigneur fait comme le bon
son édition de 1564. Ajoutons que, si Cres- laboureur, qui du milieu de fon champ
pin mit Foxe à contribution pour les martyrs
anglais, Foxe mit Crespin à contribution arrache les gros chardons, qui empef-
pour les martyrs français. Mais le martyro- chent & fufFoque'nt la bonne femence.
logiste français a été plus généreux envers Il redonna par vne viciffitude defira-
les Anglais que Foxe ne l'a été envers les
Français. Les notices de ce dernier sur nos
ble , après Marie , Elizabet Roine ,
martyrs sont en général écourtées et insuf-
fisantes. (i) Foxe ne mentionne ni Whitehcad, ni
(i) Cutbert Symson, brûlé le 28 fév. 1558 Slade, ni Pikes.
(Foxe, VIII, 454). (2) Thomas Benbridge (Foxe, Vlll, 490).
(2) John Devenish, Hugh Foxe (Foxe, (;) Marie mourut le 17 novembre, dans
Vlll, 461I. sa quarante-troisième année, après avoir
(;l nerd
Nousmentionnés
ne trouvons ni Lawton ni Mai- régné cinq ans et quatre mois, La prise de
dans Foxe.
Calais par les Français, porta, dit-on, le
(4) Ne se trouvent pas dans Foxe.
(5) Noms inconnus de Foxe. été coup à sa s.inté qui n'avait jamais
bonne.
dernier
(6) T. Tylar et Matthew Wythcrs (Foxe,
Vlll, 469). (4) Le cardinal Pôle était au fond un es-
n de la Ré-
(71 Henry Pond, Matthew Ricarby, John prit modéré,formation anglaise le l'historie
et Burnet, représente comme
Holyday , John Floyd , Reinald Eastland, aux persécutients ons, qui furent surtout
Roger Holiand, Robert Southam (Foxe, oppusé des
l'œuvre ressentim de la reine et de
Vlll, 469).
Gardiner.
LIVRE SEPTIEME.
!
pour derechef foulager ceux qui ont tient, après Dieu , à vn ieune homme
efperance en lui, A pour anéantir les (chofe qui rend ce grand œuure de
confeils & entreprifes de toutes hau- Dieu tant plus admirable) nommé
le Maçon,
telTes qui s'cfleuent contre la vérité Jean le Maçon, natif d'Angers, dit la
de fa parole éternelle, par laquelle il Rivière (1), fils aifné du fieur de dit laJean
Riuiere.
veut régner & réduire en captiuité Launay, procureur du Roi du lieu,
toute fageffe humaine. homme ayant beaucoup de biens ,
mais grand ennemi de ceux de la
Religion. Ce ieune homme donc ef-
tant rappelé par fon père de l'eftude
des loix , auant que retourner à An-
gers, voulut employer quelque temps
Récit d'histoire, à fe conformer es Eglifes de Geneue
Du premier cjlahlijjemcnt des Eglifes & de Laufanne. Or, parce que quel-
F'rançoifes {i ). ques amis fiens , conoiffans le naturel
de fon père, le dilTuadoyent de faire
Eftat L'ennemi de vérité s'eflant def- la Cène auant que partir de ces Egli-
des Eglifes de bordé fi furiéufement en diuers en-
France , fes-la , traintcraignans
fe polluer qu'il ne full
bien toft aprèscon-es
fous le règne droits de r Europe, comme nous l'auons
de Henri II. veii es liures précédons, redoubla fes fuperftitions de l' Eglife Romaine, par
coups, fc voyant aflailli & combatu de le commandement de fon père, il ref-
plus près, fous le règne de Henri II. pondit : « J'ai d'autant plus befoin de
bonnes armes, que le combat où ie val
qu'il n'auoit cfté auparauant en France, entrer fera plus grand. »
où il n'y auoit encore proprement au- De fait, fon père ayant tout foudain Ses efpreuues,
cune Eglife dreflTee en toutes fes par- aperceu de quelle religion il eftoit ,
ties (2) , eftans feulement les fidèles
elTaya premièrement de le deftourner
enfeignez par la lefture des bons li-
par flatteries •'k. promeffes , lui propo-
ures,& félon qu'il plaifoit à Dieu de fant fes biens , aufquels , félon la
les inftruire, quelquefois par exhorta- couflume du pays , il eftoit appelle
tions particulières
adminiftration , fans dequ'il
ordinaire y euft
la Parole comme aifné , adiouftant vn eftat hon-
ou des Sacremens, ni confiftoire efta- norable dont il feroit bien toft pour-
ueu , puis marié en quelque bonne &
bli ; ains l'vn confoloit l'autre comme
faire fe pouuoit , s'affemblant félon grande maifon , le tout s'il voulolt
abiurer la religion qu'il appelloit des
l'opportunité, pour faire les prières,
fans qu'il y euft proprement autres Chriftaudins; comme au contraire, s'il
vouloit perfeuerer , non feulement il
prefcheurs que les Martyrs , horfmis
perdroit les fufdites commoditez, mais
quelque petit nombre de moines, doc- auffi ne pouuoit attendre autre chofe
teurs & curez, prefchans moins impu-
qu'vne fin , difoit-il , tres-miferable.
rement que les autres, tellement qu'il Or , cela eftoit acompagné de tant
fe peut dire que iufques alors le
de larmes, répétant fouuent ces mots :
champ de Chrift auoit efté feulement
femé & auoit fruftifié par ci par là ; (I Mon fils, voulez-vous me faire mou-
rir ? )i (comme la Riuiere a depuis
mais qu'en l'année mil cinq cens cin-
quante cinq, cinquante fix & fuyuan- confeft'é à fes amis) que toutes les ri-
gueurs dont fon père vfa depuis con-
tes, l'héritage du Seigneur commença tre lui ne lui eftoyent rien au pris de
d'eftrc rangé & mis par ordre à bon
efcient. ces larmes paternelles, aufquelles il
difoit n'eftre poffible de refifter en tel
L'HONNEt;R de ceft ouurage apar-
(i) La première partie de cotte notice ne (i) Jean Le Maçon de Launay, sieur de
figure dans aucune des éditions de Crespin La Rivière (en latin, Lannacus , Riparius ,
antérieures à ioiq. Elle est empruntée à Riitcrius). Calvindu , i;
dans
IHist. ceci, de Th. de Bèze (t. I , p. 55 do de Paris, datée marsuneiççy
lettre à l'Eglise
(Of>cra, XVI,
l'édlt. 42; ; Lettres fran(.. Il, 122), dit que " nollre
Paris). de Toulouse, t. I, p. 117 de l'édit. do
Seigneur s'elloit fervy de luy en celte ieu-
(2) Celte assertion n'est pas absolument nelTe, tellement que nous avons Je quoy l'en
exacte, comme le font remarquer les savants glorifier. " Mais il demande pour lui un
édit. sirasbnurgcois de Béze. L'Eglise de congé de deux ans, pour " luy permettre le
Meaux, pour ne citer que celle-là, avait été nioi'en d'clludicr. .1 II alla à Genève dans ce
orgiinisée antérieurement à 1^4(1, d'après le but, en i(sll, et en revint jusqu'en 15(12. Il
modèle Je celle que Calvin avait établie à fut tué à Angers en 1572, à la Saint-Barlhé-
Strasbourg depuis 1(39. Icmy. Voy. Crespin, liv. X.
RÉCIT d'histoire.
cas , fans vne fupernaturelle force & fcience , confentir aux meflinges &
537 m.d.lvh.
affiftance de Dieu , ployant fous foi
l'affedion naturelle de l'enfant enuers corruptions du Baptefme de l'eglife
Romaine; qu'il lui eftoit impoffible
fon père. Ayant doncques refifté quel- d'aller i Geneue pour ceft effet , &
ques Jours à ces larmes auec autres
larmes , jointes à plufieurs humbles que fi l'enfant mouroit fans cefte mar-
que ,il auroit extrême regret & les
prières & remonftrances, qu'il pleuft à appelleroit tous deuant Dieu , fi tant
fon père confiderer la vérité de la
eftoit qu'ils mande. lui refufafl'ent
Cefte tant inftantefi pourfuite
iufte de-
doftrine en laquelle il auoit efté en-
feigné par la parole de Dieu, la fin fut occafion des premiers commen-
fut telle , que l'amour du Père eftant cemens de l'Eglife de Paris. Jean jean le Maçon
conuertie non feulement en haine ,
mais auffî en fureur , fur le poinft de le Maçonaprès ayanl efté efleu par l'af- eOeu minittre
femblee, la célébration du iufne '^fg p^/r'/s
le liurer à la Juftice, il ne pouuoit & prières fpeciales requifes en telle
fubfifter en apparence , fi quelques
cérémonie fainfte, lors d'autant plus
amis ne l'euffent retiré de là & fait diligemment & ferieufement con-
aller à Paris , afin d'euiter la colère ceuës , que la chofe eftoit nouuelle
Sa vocation de fon père. Mais Dieu fe feruit de
en ce lieu-la. Put auffi drefi'é quel-
au S. miniftere. ce moyen , voulant que la Rivière , que tels petis com-
que ordre, félon
mencemens le pouuoyent porter, par
aagé lors d'enuiron vingt & deux ans,
quittaft la maifon de fon père charnel l'eftablilTement d'vn confiftoire com-
pour en aller baftir vne fpirituelle à & Dia-
Paris, y dreffant toft après vne Eglife pofé de quelques Anciens
cres, qui veilloyent fur l'Eglife de
qui a efté des plus belles & fleurif-
Paris, le tout au plus près de l'exem-
fantes, ainfi qu'il fera dit es fueillets ple de l'Eglife primitiue qui eftoit du
fuyuans (i). temps des Apoftres :i).
Commence- Or, l'occafion du commencement Véritablement , ceft œuure pro- Les chofes
.^"}f j de cefte Eglife fut par le moyen d'vn céda totalement de Dieu mifericor- '""Pi^^'^^^fg/""
Paris? ^ gentilhomme du Maine , nommé le dieux & tout puiffant , fur tout fi l'on font°porables
fieur de la Perrière (2), lequel s'eftoit regarde les difficultez qui pouuoyent à Dieu,
retiré à Paris auecques fa famille , ofter toute efperance de pouuoir com-
afin d'eftre moins recerché à caufe de mencer vn tel ordre par la ville capi-
la Religion , & fur tout pour ce que tale du royaume. Car, outre la pre-
fa femme eftant enceinte , il ne vou- fence ordinaire du roi en icelle , auec
loit que l'enfant que Dieu lui donne- tous les plus grands ennemis de la
roit fuft baptizé auec les fuperftitions Religion eftans à fes aureilles , la
& cérémonies acoufturaees en l'Eglife chambre ardante du parlement eftoit
Romaine. Apres donc que Jean le comme vne fournaife allumée , pour
Maçon & quelques autres fe furent confumer tout de iour en autre : la
aflemblez quelque temps au logis de
Sorbonne trauailloit fans cefi'e à cen-
ce bon gentilhomme , en certain en- furer les Hures, à condamner les per-
droit nommé le pré aux Clercs, pour fonnes; les prefcheurs papiftiques atti-
y faire les prières & quelques leétures foyent le feu de la plus eftrange forte
de l'Efcriture fainde , fuyuant ce qui qu'il eftoit poffible, & n'y auoit bouti-
fe pratiquoit lors en plufieurs endroits que ni maifon , tant foit peu fufpefte,
de la France , auint que la damoifelle qui ne fuft fouillée. Outreplus, le peu-
eftant acouchee, la Perrière, fon mari ,
ple eftant de foi-mefme des plus ftoli-
requit rafl"emblee de ne permettre la France, paroifl"oit comme
que l'enfant que Dieu lui auoit donné hors (2)
des du defens & enragé. Neantmoins,
fuft priué du Baptefme par lequel les Dieu fit la grâce à cefte petite alTem-
enfans des Chreftiens doyuent eftre blee de dreffer les enfeignes de la
confacrez à Dieu, les priant d'eflire vraye Eglife & en auoir les marques,
entr'eux vn Miniftre qui peuft confé- fur le formulaire & patron de la vraye
rer le Baptefme. Et pource que l'af- Eglife Catholique à Apoftolique, fé-
femblee n'y vouloit entendre , il re- lon le contenu es liurcs du Nouueau
monftra ne pouuoir , en bonne con- Teftament. Au refte , ces petis com-
Bèze écrit à Bullinger en janvier 1556 :
(i) Bèze : « ainfi qu'il fera dit cy-après. » « (1)
Parisiense s novum ministrum petunt ,
(2) C'est par erreur que MM. Baum et (Cah. op.
quam XVI,ut 5).
brevi, spero, missuri,.^ sumus.
, ■.
Cunitz
nistre. (I , 119) font de La Ferrière un mi-
(2) Sots, stupides (du latin stoiidus).

I
LIVRE SEPTIEME.

mencemens
8 furent tellement fauorifez rain Seigneur de fes fuiets, au lieu

de Dieu , qu'eftant le Roi & ceux qui que tel pouuoir demeurant à vn Offi-
le gouuernoyent du tout empefchez ciai ou Inquifiteur, le chemin feroit
aprèsParis
leurs feguerres, ouuert pour tourmenter les inno-
de maintintl'ordre de l'Eglife
& auança fort cens, confifquer leurs corps & leurs
heureufement , depuis l'an mil cinq biens , outre l'occafion que ce feroit
cens cinquante cinq iufques à l'an mil de s'oublier en leurs charges & offi-
cinq cens cinquante fept (i). Plufieurs ces ,fe voyans auoir part à la fouue-
autres furent drelTees à ceft exemple à raineté du Roi. Ces raifons firent
Meaux, Angers, Poidiers, es Iflesde
Saintonge, Agen, Bourges, IfToudun, que rinquifition d'Efpagne (ramenée
depuis plufieurs fois en France ,
Aubigny, Blois, Tours, Lion, Or- comme l'hiftoire de nos Rois en fait
Efforts du léans, Rouan, & autres (2). Les prin-
Clergé Romain foi) n'a point encore impofé fon ioug
cipaux du Clergé Romain ne pouuans importable fur le col des François.
repoulTcz
porter la clairté de l'Euangile Alors auffi le royaume rcceut vne
le parlement defcouuroit leurs ténèbres, firent, tant
qui
par
de Paris. griefue playe en la bataille ou iournee
que le Roi Henri deuxiefme requit le de faina Laurent (1), puis en la perte
Pape que la forme de l' Inquifition de
d'Efpagne de fainft
France,Quentin.
Paris, La Picardie, l'Ifle
trembloyent. Vne
eflablie en fut du tout
France {]).ouLaà Bulle
peu près
en grande partie de la gendarmerie
fut expédiée à Rome le vingtfixiefme Françoife auoit efté menée en Italie
Auis
iour d'Avril mil cinq cens cinquante à des conquefles imaginaires. On fai- ueilleu fument
fept , fuyuant laquelle fut drclfé vn foit dire à la populace que les calanii- conlr aires.
edit du Roi à Compiegne , le vingt- tez publiques procedoyent du doux
quatriefme Juillet fuyuant. Mais ceft traitement fait à ceux de la Religion.
edit apporté au parlement de Paris L'Eglife reformée de Paris, voyant le mer-
pour le vérifier, Dieu voulut que la fond de ces calamitez (iniquement
Cour, confiderant le profit & la tran- imputées aux fidèles), efloit en priè-
quillité du royaume, y refifla fort &
ferme , remonfirant que fi cefie chofe de res continuelles
Dieu pour dcllourner
de deffus le Roi & l'irele
elloit receué & les fuiets du Roi ainfi
Royaume. Et combien que les dan-
abandonnez aux Juges Ecclefiafliques,
le pouuoir des Inquifiteurs feroit infi- gers fuffent
parauant, lesalors plusne grands
fidèles qu'au-
lailToyent de
niment amplifié , l'authorité & fouue- s'alTcmbler tant plus fouucnt & de
raineté tant du Roi que de fa cou- prier plus ardamment que iamais. Ce
ronne grandement diminuée , quand que ne peurent foufTrir ceux pour la
les fuiets naturels du Roi feroyent
profperité defquels ces prières & af-
prcuenus & entrepris par vn Officiai femblees fe faifoyent , tant eft le
ou Inquifiteur. En après, que ce fe- monde ennemi de fon falut (2).
roit trop de regret aux fidèles fuiets Or deuant que parler des cruelles
du Roi de fe voir abandonnez par perfecutions efmeuës fpecialement
leur Prince naturel , pour deuenir ef- contre l'Eglife de Paris, nous infére-
claves A' prifonniers des Officiers du rons ici pour préface la renionftrance
Pape ; tt encores plus grand regret , & requefte prefentee au Roi Henri
quand par vn Officiai ou Inquifiteur deuxiefme, divulguée puis après, au
ils feroyent iugez fans appel en leurs bout de laquelle nous reprendrons le
biens, vies & honneurs, eftant toutes- fil de l'hiftoire des Martyrs en ces
fois la voye d'appel le vrai recours & années mil cinq cens cinquante fept,
Inquifition cinquante huit & fuyvans.
afyle de l'innocence, comme auffi le
d'Efpagnccou- Ceste Remonrtrance (î) doncques
rageufemcnl Roi auquel eft adrcffé l'appel eft le
rebutée. protedeur & conferuateur des inno-
cens ; d'ailleurs auffi efi feul fouue- (1) I.c s septembre.
(2) Tout tuellement
ce ou paragraphe
abrégé de Bèzcest ou(I,extrait
66). tex-
( I) Ici se termine l'e-xtrait de YHisloirc (î) La " remontrance » qui se trouve ici
ecclhiastiquc. résumée ne figure pas dans les éditions pu-
(1) Celte dnumération de localités résume bliées par Crcspin. Elle a été insérée,
plusieurs pages de Bèze. d'abord dans l'édition de M82 , puis dans
(î) Bèzc (I, 65) dit cela avec plus de dé- Celles de 1597 et 1608, comme article dis-
tails, et attribue surtout au cardinal de Lor- tmct, sous ce litre : Dcclaralicn de plufieurs
raine cette tentative. Ce qui suit jusqu'à la iugemens de Dieu, exécute^ Jur les entrefri-
lin du paragraphe est reproduit plus ou
moins librement de Béze et de Chandieu. fes & perj'onncs.
derniers temps contre de ceux
fonquiEglife.
cm attenté en ces
Goulart ne
RECIT D HISTOIRE.
M.D.LVU.
portoit, que les calamitez & afflidions
qui tenoyent la Chreftienté comme contraire , que vous eft-il auenu 5Î9 de-
puis que vous vous eftes ioind auec le
accablée & defolee , efloyent telles ,
Pape a, enuoyee
vous lui receu
ayant de pour l'efpeen qu'il
fa protedio ,&
que chacun confelToit qu'elles proce-
doyent du iufte iugement de Dieu, & qui fut caufe de vous faire rompre la
treue } Dieu a tourné en vn infiant
de ce qu'on laifl'oit pulluler tant de
fortes d'herefies qui regnoyent ; mais vos profperitez en telles afflidions ,
que le mal eftoit que nul de ceux qui
auoyent Tadminiflration publique , & qu'elles
vous touchent
& dene voflre qu'à. l'eftat
Royaume de
A quelle
à qui apartenoit fin efl tournée l'entreprife de mon-
gardoit auec bon d'y pouruoir,
iugement fondéne re-
fur fieur de Guife en Italie, allant au fer-
les fainéles Efcritures , qui efloyent uice de l'ennemi de Dieu , auec déli-
les hérétiques, & quelle eft la vraye bération de ruiner à fon retour les
& fauflfe religion, pour de là tirer la vallées de Piedmont, pour immoler
vraye reigle & concorde : Que le vrai à Dieu fes vidoires } L'iffue a bien
office du Roi eftoit de vaquer à la co- monftré que Dieu fait bien renuerfer
noilTance de tels differens , comme toutes nos délibérations, comme il a
auoyent fait les Rois Ezechias & Jo- dertourné n'agueres celle de monfieur
fias, & autres. Et après auoir fait en- le Conneftabre à faind Quentin le iour
tendre les marques & différences de de faind Laurent, ayant voué à Dieu
la vraye & faulTe Religion, eftoit ef- qu'à fon retour il iroit ruiner Geneue,
crit en ces termes : s'il auoit vidoire. Auez-vous iamais
« Considérez, Sire , & vous trou- Poncher.
entendu, comme feu Poncher, Arche-
uerez que toutes afflidions font aue- ueque de Tours (i), pourfuyuant
nues lors que vous auez entrepris l'érection d'vne chambre ardente, fut
Ceft edit de courir fur ceux qu'on appelle bruflé du feu de Dieu , qui lui com-
Luthériens. Quand ,vous mença au talon , & fe faifant couper
Dieufiftesvous
l'Edit
en- *
fut fait
de Chafteaubriant
en Juin 15Ç5. vn membre après l'autre , mourut mi-
en 47. articles, uoya la guerre ; mais quand vous ent
donnant iamais la caufe, fans
ferablem .' CommeCa peut trouuer
qu'onflellan us(2) Caftellanus.
en fifles furfoir l'exécution , & tant
toute puilTance que vous fuftes ennemi du Pape ,
aux Juges s'eftant enrichi par l'Euangile , &
eftant allé en Allemagne pour la ayant reietté la pure dodrine , pour
prefidiaux.
protedion de la Hberté de la Ger- retourner à fon vomidement , voulant
manie ,affligée pour la Religion , vos
afaires profpererent à fouhait. Au ché en er
perfecut la villedu d'Orléan
la chaire doigt des, Dieu,
fut tou-&
d'vne maladie inconue aux médecins,
l'a trouvée ni dans Crespin, ni dans Chan- bruflant la moitié de fon corps , &
dieu, ni dans Bc-ze ; il l'a empruntée textuel- l'autre froide coinme glace, mourut
lement aux Ccmmentiiircs de l'cjlat de la
Religion & Refpublique, du président Pierre auec cris & gemiflemens efpouuanta-
de là Place vrage, qui le ,"premier,
parus enà Iï6ç. Dans cet ou-
notre connaissance, bles. Il y a auparauant autres exem-
a publié ce document, il est placé à la suite ples mémorables du iugement de Dieu,
comme de la mort du Chancelier &
du récit de l'affaire de la rue Saint-Jacques,
et commence ainsi : u Une lettre, peu de Légat du Prat (3) . qui fut le premier
temps après, efcripte au roi fut divulguée,
par laquelle elloit di(5lque les calamitez
(le reste comme dans le Martyrologe.) Cette (1) François Poncher, archevêque de Sens
lettre au roi est-elle la même que celle dont (et non naître
de comme
Tours), s'était d'abord fait con-
Crespin, reproduisant le récit de La Roche- un simoniaque scandaleux en
Chandieu , a inséré plus loin un résumé, et
employant jusqu'à des falsifications de titres
dontla chambre
en il dit qu'on» dula roi. fit •>Les
fecretement tomber
savants éditeurs pour se procurer l'abbaye de Saint-Benoît-
sur-Loire , qu'il n'eut point parce que le
de Th. de Bèze (édit. de Paris), paraissent cardinal Duprat était son concurrent. Il fut
le penser (1, 146); mais telle n'a pas été arrêté comme crimmel d'Etat : par ses intri-
l'opinion de Goulart, qui, adoptant en 1582 gues en Espagne, il avait cherché à prolon-
le texte de Pierre de la Place , eiit dû , s'il ger la prison du roi ; et par ses cabales il
eût cru à l'identité des deux pièces, substi- avait tâché de faire ôter la régence à la
tuer ce texte à l'autre, et non les insérer duchesse d'AngouIème. Ses menées ne fu-
l'un et l'autre. Il suffit de les comparer d'ail- rent découvertes qu'en IÎ29. 11 fut enfermé
leurs pour s'apercevoir qu'ils diffèrent, tant au château de Vincennes , où il mourut
pourécritsle fond parleque au pour la un
forme.
ton L'un de dispu-
la courde seceux
ces roi sur presque en 1552,
tait avec Rome sur que
pendant la qualité qui
menaçant, et est peut-être antérieur à l'af- devaient le juger. Biographie universelle
faire de la rue Saint-Jacques , tandis que (Michaud).
l'autre . composé au moment où l'élite de
l'Eglise de Paris était en prison, est rédigé (2) Pierre I,Du
Toulouse), 46. Chastel. 'Voy. Bèze (éd. de
dans un but apologétique.
^;) Antoine Duprat, cardinal légat, chan-
S LIVRE SEPTIEME.

Catalogue qui défera au parlement la conoifTance du Prefident Lifet & du Procureur du


de plulicurs
des herclk-s , & qui donna les pre- Roi Bruflard , mourut tjn fureur &
Cages mondains
mières commiffions pour faire mourir rage.
uence L'inquifiteur de Roma(i)en
fi puant Pro-
perfcculeurs
de la vérité les lideles. Car il mourut en fa maifon , tomba à lopins que
du S. Euangile,
exterminez
de Nantouillet, iurant A defpitant nul ne pouuoit approcher de lui. Jean
de la Dieu , & fut trouué fon eflomach Mefnier (2), Prefident de Prouence,.
main de Dieu percé et rongé des vers. Jean Rufé ,
par fupplices Confeilleren Parlement (i), venant de quienfansA
(X fit mourir tant d'hommes,
Cabriere i!^' Merindol,femmes
mou-
extraor- fiiire vn rapport de procès contre les
dinaires, &du rut d'vne ftrangurie, le feu eftant prins
tout poures fidèles , fut pris du feu au petit en fon ventre , blafphemant & defpi-
remarquables. ventre , & à peine fut conduit en fa tant Dieu. Et plufieurs autres dont
maifon que le feu fe print à fcs parties l'on pourroit faire récit, pour eflre pu-
fccretes, dont miferablement il mou- nis de inort femblable. Que s'il plail
rut, bruflant par tout le ventre , fans à Voftre Maieflé y auifer, vous trou-
monllrer aucun figne de reconoiftre uerez que n'auez pas plurtnfi conclu
Dieu. Claude des Affes.auffi Confeil- de leur courir fus , qu'auffi foudain
1er en ladite Cour (2), le iour mefme nouueaux troubles n'ayent efié efmeus
que contre Dieu il donna opinion
pour faire brufler vn fidèle, qui ne fut par vos ennemis, auec lefquels n'auez
toutesfois du tout fuiui , après difné peu tomber d'accord. Ce aue Dieu
n'a permis, pourautant que le fonde-
fe mit à paillarder auec vne cham- ment de paix eftoit fur la perfecution,
brière &, en l'aélc fut frappé d'vne que délibériez faire des feruiteurs de
apoplexie, de laquelle il mourut fur le Dieu, comme auffi vos Cardinaux
champ. Pierre Lifet(?), premier Pre- n'ont pu empefcher par leur cruauté
fident en ladite Cour, autheur de la
le Cours de l'Euangile, laquelle a
chambre ardente , fut depofé de fon prins telle racine en voftre royaume ,
eftat , pour ertre conu priué de fon que Ç\ Dieu vous lafchoit la bride pour
les exterminer , vous feriez quafi Roi
bon fens , Dieu lui ayant ollé l'enten- fans fuiets. Tertullian a bien dit que
dement. Jean Morin, Lieutenant cri-
minel de la Preuollé de Paris, après le fang des Martyrs eft la femence de
l'Euangile.
auoir fait mourir tant de fidèles , fut
finalement frappé des loups aux Ïam- » PovR donc ofter tous ces maux
prouenans des richeffes des Papiftes ,
bes,dont
aliéné de fonayant fens,perdu
après l'vfage
plufieursmourut
iours qui caufent tant de paillardifes, fodo-
auoir renié & blafphemé Dieu. Jean mies , incefles , fe vcautrans & nour-
André (4), libraire au Palais, efpion riffans en pourceaux , comme ventres
oififs , le meilleur moyen feroit de les
celier de France et principal minisire de remettre ainfi que les anciens facrifi-
François 1", naquit à Issoire, en Auvergne, cateurs Leuites , aft'auoir fans terres
le 17 janvier 146;. Son nom est devenu tris- & polfcffions, comme le commande-
tement célèbre par ses concussions et par
ment fut donné exprès à Jofué. Car
l'absence absolue de scrupules qu'il montra
dans toutes les grandes alTaircs auxquelles tant que l'ordonnance de Dieu eut
il fut mile.
(1) Jean Ruzé, secrétaire du roi en 1509, lieu , tion,& lapureté
qu'ils furent exempts demeura
de la Religion d'ambi-
conseiller au Parlement de Paris en içiS,
avocat du roi au même siège en 1522. en fon entier; mais quand ils com-
(2) Il fut l'un des cinq conseillers du Par- mencèrent àafpircr, & furent parue-
lement envoyés en province par le roi, en nus en la principauté, richelfes &
IÇ4Î, Cl pour la recherche et la punition des
hérétiques. » Il fut dirigé sur l'Anjou et la honneurs mondains , lors s'efleuerent
Touraine.
()l Pierre Lizet, né en 1482. Protégé du
cardinal Duprat, il s'éleva en isiy aux fonc- s'employoit du tout à chercher tcfmoins
tions d'avocat général du Parlement , et en contre eux . citant incité de Lizet et de Bruf-
IÇ29, à la présidence II poursuivit les pro- lart. procureur du roy. Ce miférable fut fur-
testants avec une haine implacable, et fut le pris d'une fureur
créateur de la fameuse Chambre ardente, conduit en fa maifon)& ne
rage, laquelle
diminua point,(eltant
mais
qu'il présida presque toujours. Il eut le crut de plus en plus tellement qu'il en mou-
malheur d'indisposL-r les Guise, qui l'obli- rut. " (La manière d'appaifcr les trou-
gèrent, en 1550, Â se ilémcltrc de ses char- bles (içoi I dans les Mi'nwircs de Condi).
ges. Comme compensation , on lui donna (1) Sur Jean de Roina, voy. t. I , p. Î97.
Voir aussi les documents inédits, publiés
l'abbaye
>(54- de Saint -Victor. Il mourut en
par M. Herminjard, dans le t. Vil de la Cor-
(4) Jehan André, imprimeur juré de l'Uni- respondance des réformateurs.
versité. '•Il contrefaifoit le lidèle pour def- (2) t.SurI, Jean
voy. p. 407Maynier, el $)4. seigneur d'Oppède,
couvrir ceux qui l'cfloicnt à la vérité &
RÉCIT d'histoire.
les abominations que Jefus Chrift y vos ennemis pour vous fairet laenguerre . m.d.lv.i.
gUfep nmi- Et en ce faifan t. demeureron voftre
Uenae ttéai nfi enl'E
t
commenTEgiife
a fleuri tiue ,.car elle a fleuri & eft demeurée
trouua
opulepar nt ce n demeu-
moyeible. _
primiiiiie. ^^ pureté, t;int que les Miniftres Royarera ume,riche , qui & inuinc
point ,) QvAND les Papiftes voyen t qu ils
ont elK" Amples & qu'ils n'ontpartic u- yent de
cerché leur grandeur & profit n'ont raifon aucune, ils s'elfa
lier, mais feulement la gloire de Uieu. rendre odieux à voftre Maiefté les Lu-
Car lorsqu e les Papes ont tendu à la thériens, qu'ils appellent, & difent
Principauté & vfurpé le vrai domaine que fi leur dire auoit lieu , qu il vous
d'vne faufle faudro it demeurer perfonne pnuee, & 54'
de rempi re, fousontombreauffi deftou rné les
domination, ils que iamais changement de Religion
laindes Efcritures & fe lont attribuez ne vient, qu'il n'y ait auffi changfaulTe ement
deuon s à Dieu. Pour- princi pauté. Chofe auffi ,
le feruice que de
tant, voltre Maief té fe pourro it faifir comme quand ils nous accuf ent d eftre
de tout le temporel des bénéfices , Sacramentaires & que nous nions 1 au-
emplo yer à leur vrai & propre thorit é des Magif trats , fous ombre de
pour les
vfac^e : Premièrement res à l'entretene- quelques furieux Anabaptiftes , que
raent des fidèles Minift de la pa- Satan a fufcitez de noftre temps pour
role de Dieu , qui auront eftat pour obfcurcir hiftoi la lumièdes re de l'Euan gile_.
res Empereurs qui
leur nourriture , ainfi que !e cas le re- Car les
ont commencé de receuoir la Religion
querra. Secondement , à l'entretene-
mentdesgensdevoftreJuftice.Tie rce- Chreftienne, & ce qui eft auenu de
ment, à la nourriture des poures & en- noftre temps, monftre le contraire.jS
tretenement des Collèges, & à inftruire Fut-il onques vn prince plus craint
la poure ieuneflfe , félon ce à quoi ils obéi que Conftantin en a-ilreceu ant la
eft in- Reli'^ ion Chreftienne .> pourtant
feront propres. Et du relie qui
fini il demeurera pour l'entretene- abandonné fut-il l'Empirer rmé d'autant plus , au<S
ment de voftre eftat & fubuention de contraire confi en icelui
vos afaires , au foulageraent de voftre ceux de fa pofter ité qui fe font laiffez
porte le faix & . Car au re-
poure peuple, qui feul conduire par fa prouidencedefto
comme rien. Et en ce fai- gard de ceux qui fe font urnez, &
ne pofl'ede nes. Dieu
& ont fuyui les tradit ions humai
fant, vn nombre infini d'hommes,
mefme s de voftre noblefl "e , qui vit du les a ruinez , voire leur race n'eft plus
Crucefix, s'employera à voftre ler- conue en la terre , tant Dieu a en
uice & de la Republique , d autant horreur ceux qui l'aba ndonnent ne
verro ntque ne tant ne quand . Et de noftre temps les
plus diligemment qu'ils
nt feux Rois d'Angleterre & les Princes
recompenferez que ceux qui l'auro d'Allemagne ont-ils efté contraints en
deft'erui. Car il n'y a Capitaine ne
fente mieux recom - repurgeant les fuperftitions , que la
Seigneur qui ne fe temps auoit apportées ,
cens li- malice du
penfé d'vn bénéfice de cinq
ures, que d'en voir donner dix mille d'abandonner leurs Royaumes & Pnn-
à fon frère, pour les confumer en cipautez.' Chacun void le contraire, &
chiens , putain s & oifeau x. Et y a vn quel honneur, obeilTance & fidehté
nombre infini d'hommes en voftre portent à leurs Princes & fuperieurs
les beaux ef- la reforma-
Royaume, qui occupent les peupl es qui ont receu
ngile de noftre temps.
tats & bénéfi ces , & n'ont iamais rien tion de l'Eua
mérité de la Chofe publique. Par ce 'Voire ie puis dire que les Prmces ne
moyen , il fera aifé à voftre Maieft é de
fauoyentauparauant que c'eftoit d eftre
fe feruir feulement de voftre main obéis, lors que le ent peuple rude &fesgref-
t les difpen du
Françoife au fait de la guerre, fuyuan fier receuoit aifém
l'auis & confeil du Sieur de Langeay, Pape pour chalfer leurs Princ es &
en fon traité De l'art militaire; car Seign eurs nature ls. Auez- vous aperc eu
vous n'auez que trop de gens aufquels qu'aucun de ceux qu'on appelle Lu-
fidélité qu'au x eftran - thériens ait tendu à trouble ne ledi-
y aura plus de rrilTe nt à vos defpe ns, , quelq ues cruels fupplices qu on
gers , qui s'ague tion
& emportauffi ent l'argent du royaume, leur ait fait fouffrir r J'appellechal lur ce
comme les deniers que vous tefmo in raonfieur le Marel de
en
baillez chacun an pour les penfions Brilfac (i), s'il a trouu é peupl e plus
des eftrangers; & ceux qui vont à
Rome chacun iour pour les collat ions
{,) Charles mort de Cossé , comt e de Brissac
des bénéfices , lefquels en preftent à vers i;o6,
né en ijô;, fut tau maréchal
LIVRE SEPTIEME.

obeilTant en Piedmont , que ceux des fait à Jéroboam , Nadab , Baafa ,


542
Vallées d'Aii^^rongne & autres; et s'il Achab, & à tant d'autres Rois, qui
leur a baillé char^'c tant dure qu'ils ne ont fuyui les traditions humaines con-
tre le commandement de Dieu , & la
l'ayent portée fans murmurer; que s'ils baille à vos ennemis pour triompher
n'eulTent tenu pour certain que les
Rois, Princes & Magillrats font or- de vous & de vos enfans. Que fi
donnez de Dieu , ils n'euffent obéi vo- l'Empereur Antonin Débonnaire, en-
lontairement, mais contrains par force cores qu'il fuft payen & idolâtre , fe
fe fulTent portez plu^ lafchement. voyant accablé de tant de guerres , a
De tenir un >i Le vrai & feul remède , Sire , cft bien veulu faire celTer les perlecu-
sain(5t Oie libre
Concile. que vous faciez tenir vn faind & libre tions qui eftoyent de fon temps con-
Concile, où vous prefiderez, & non tre les Chreftiens, remettant à la fin
pas le Pape & les fiens, qui doyuent d'icelles d'y : pouruoir
feulement défendre leur caufe par les leurs raifons combien & d'entendre
plus, vous qui

?
faindes Efcritures ; que cependant portez le nom de Tres-chreftien , de-
vous cerchiez gens non corrompus , uez-vous eftre foigneux & diligent de
non fufpeds ne fauorables , que vous faire cefTer les perfecutions contre les
chargerez de vous rapporter fidèlement poures Chreftiens, vu mefmement qu'ils
le vrai fens des fainéles Efcritures. Ce n'ont troublé & ne troublent aucune-
fait, à l'exemple des bons Rois Jofa- ment l'eftat de voftre Royaume ni de
phat , Ezechias & Jofias , vous ofterez vos afaires, & ne tendent à aucune fe-
de l'Eglife toutes idolâtries, fuperfti- ditinn tt trouble .' Confiderez auffi que
tions li abus qui fe trouueront direc- les Juifs font foufferts par toute la
tement contreuenir aux fainéles Efcri- Chreftienté, encores qu'ils foyent en-
tures du vieil & nouueau Tellament , nemis mortels de noftre Seigneur Jefus
& vous rengerez auec ce vollre peuple
au vrai & pur feruice de Dieu , fans Chrift, que
accord nous tenons d'vn
& confentement pourcominun
noftre
vous arrefter au dire des Papilles, que Dieu, Rédempteur & Sauueur ; & ce
telles queftions ont efté vuidees aux iufques à tant que vous ayez ouy lé-
Conciles. Car l'on fait alTez que nul gitimement debatre & entendre nos
raifons prinfes des fainftes Efcritures,
Concile n'a efté légitime depuis que
les Papes, ayans vfurpé la principauté A' que voftre Maiefté ait iugé fi nous
& tyrannie fur les âmes, les ont fait fommes dignes de telles punitions.
feruir à leur auarice , ambition & Car fi nous ne fommes conuaincus
cruauté; & la contrariété qui eft en par la parole de Dieu , les feux , les
iceux les fait alTez improuuer, auec glaiues & les plus cruels tourmens ne
cent mil autres abfurditez contre la nous efpouuanteront point. Ce font
parole de Dieu qui font en iceux. La les exercices que Dieu a promis aux
vraye efpreuue de telles decifions eft fiens & qu'il leur a prédit deuoir
aux vrayes & Saindes Efcritures, auf- auenir au dernier
fe troublent quandtemps,
telles afin qu'ils ne
perfecutions
quelles le temps & l'aage n'ont peu auiendront. »
apporter aucune prefcription. Car par
elles nous receuons les Conciles fon-
dez fur la parole de Dieu, & par elles
mefmes nous reiettons ce qui y con-
treuicnt.
Nolcz QvE fi vous en faites ainfi , Sire,
et confidercz Paris de
La persecvtion (i). l'Eglise a
Dieu bénira voftrc entreprife. Il
ce que Henri II acroiftra & confirmera voftre règne tt
& fes
fucccITeurs Empire, & à vodre pofterité. Si au-
ont trement, laruine eft à voftre porte, & Lj ccinpLiinte ordinaire de l'Eglife
fcnti depuis.
malheureux le peuple qui demeurera (r) Crespin, 1564, p. fi;2 ; 1Ç70, f» 474 ;
fous voftre obeift'ance. Il n'y a doute 1582, 1» 427; 1597, C' 424 ; t608, 1*424; 1619,
I* 46Ç. Crespin commence ici à reproduire
que Dieu n'endurciftant voftre cœur , l'ouvrage de Chandieu : Hiftoirc des pcrfécu-
comme A Pharaon , vous ofte la cou-
licuts cl martyrs de l'Ef^lifc de Pjris, Jepuis
ronne de delfus la tefte , ainfi qu'il a t'iVi I ^ (7 iufques au temps du Roy Charles
ncufiiiejme. Ai'cc une cpiftre contenant la rc-
mcnftrancc des proflîls qui reviendront aux
de France en 15Ç0. Il fut pouvcrneur Rént:- fidèles de la leâure de cette lii/loire : et une
ral de Piémont, et y conquit, par ses talents exhortation à ceux qui nous ont pcrfccute\, de
militaires, la riiputation d'un gra'"' homme revoir noftre caufe et juger derechef si ('a
de guerre. efté à bon droifl qu'ils ont fait mourir tant
LA PERSECVTION DE L EGLISE A PARIS. 545
ancienne fe renouuelle en ce temps
par vraye expérience. Ceux qui gnation de Dieu.
principauté:^ auffi l'indi-
Ceuxdeuant
fuhfijlent pour
rompent les affemblees, ejquelles je le (quels prières fe font, comme per-
font prières pour les Princes & le fonnes ennemies de leur falut , ne
peuple , je priuenl à leur efcient du peuuent longtemps foujfrir les faine-
bien par lequel les Royaumes & tes afjemblees ; mais les ayant dej-
couuertes, fe ruent fus & les pour-
de fcrfitcurs de Dieu. roma. viii. « Nous fuyuent iufquà la mort (1).
fomincs iii'rci à la mort pour loy tous les
iours, & fommes ejlinic^ comme brebis d'oeei- Le quatrième de Septembre m.d.
ficn ; mais en toutes ces clto/es nous furmontons
par eeluy qui nous a aime^. » A Lyon, Lvii. il fe trouua vne troupe de fidè-
MDLXIII. Gel ouvrage renftrme une épilre Affemblee
Il à l'Eglife de Dieu qui ell à Paris , " les de trois à quatre cens en vue mai- en la
p. i-Lxxvii; deux sonnets de Zamariel (Ghan- fon affile deuant le Collège du Plef- rue S. Jaques.
dieu), et le texte p. 1-44;, avec une table des fis, en la rue fainft Jaques, ayant
matières, non paginée, de 50 pages. Ghan- fur le derrière le Collège de Sor-
dieu avait pris soin de s'entourer des ren- bonne , & ce des le commencement
seignements les plus sûrs : « le veux bien
proteller que ie n'ay rien mis dans ces ef-
de la nuiiS, pour faire la Cène. Ce
critures,
de ceux qui que font
je n'aye morts euou deapprins
la main demefnie
leur qui fut incontinent defcouuert par au-
bouche, quand ie les ay vifitez en la prifon, cuns Preflres bourfiers (2) de ce col-
lège du Pleffis , qui défia de long
ou
mes extrait
yeux des
ou rcceu regiltresdesdesfidèles greu'estetmoins,
ou vou de»
p. XXXV. On liia avec intérêt le commence- temps y faifoyent le guet , pour s'eftre
aperceus que par fois il venoit là vne
ment de l'admirable préface de ce livre, multitude de perfonnes, non acouftu-
dont on ne connaît que deux ou trois exem-
plaires : mee ; pourtant ils amaflfent le plus de
11 A VEglife de Dieu qui eftà Paris, grâce
et paix de par Dieu le Père, et de par noftre gens qu'ils peuuent de leur faftion ,
enuoyent auertir le guet ordinaire de
Seigneur Usus-Chrift. la ville, & font les apprells de toutes
» 11 y a deux choses qui m'ont efmeu de
faire ce recueil & le produire : l'efpoir du chofes qu'ils penfent neceffaires pour
profRt & contentement que ce vous fera attraper celle compagnie. Toutefois ,
(mes trefchers frères) de reuoir icy l'image Dieu lui donna tout loifir de parache-
de tout le
exercer temps qu'il
enfemble par atribulations
pieu à Dieu : & nous
puis uer les chofes fainftes, pour lefquelles
le defir que i'ay de remettre les poures igno- elle s'eftoit trouuee là, voire en auffi
rans ,dequinoftre
men nous caufe,
font tant
pourennemis,
les faire fur l'e.xa-à
penfer grand repos
venus que pour
enfemble iamais.mal
Carfaire
n'eftans
, ne
leurs iniuftices & cruautez, & les amener, \\
poftible ell, par ce moyen, à quelque com- penfoyent point à la mauuaife volonté
pofilion raifonnable. Gar , en premier lieu , des autres.
l'expérience nous monftre, qu'il n'y a lieffe La délibération de ces meurtriers Fidèles
d'efprit qui approche de celle que l'homme affaillis par le
reçoit, quand après une deliurance non ef- eftoit, fi d'auenture le guet ne venoit
perée, il regarde derrière foi, & fe fouuient à temps pour forcer cefte maifon, de
de l'e.xtrème dangier duquel il eft forli. La faire tout ce qui feroit poffible pour
mémoire de la ru'i'ne qui de près le menaçoit, peuple.
l'effraie : mais en vn inllant fe voiant ef- empefcher que pcrfonne n'en peuft
chappé , il fe reliouit d'vne ioie autant fortir. Ils auoyent donc fait vn mer-
grande que grand eftoit fon effroi & efpou- ueilleux amas de pierres en leurs fe-
uantement. Ainfi les mariniers , après vne
longue & perilleufe nauigation, ellans venus
neftres, iufques à demollir la muraille
au port, ont de quoi toute leur vie eftre gais afin de repoulTer ceux qui voudroyent
& contens : cSc les gens de guerre, lorfque fortir. De façon que fur la minuift,
toutes les munitions en la ville font deifail- comme l'alTemblee deliberoit fe reti-
lies, que la faim & la maladie les preffe, &
que toute efperance leur ell ollée de pou-
rer chacun en fa maifon , ils commen-
uoir tenir la place, si là deffus l'ennemi leue cèrent l'exécution de cefte cruelle
le fiege, & fe départ , les voilà pour toute
entreprife,
furie incroyable.& de batre la fortie d'vneà
Ils adioufterent
leur
& de vie
lieffe. pourueus
Or Dieude par
matière d'efiouillance
fa grâce, après ces
tempelles tant horribles des perfecutions ,
defquelles nous auons elle agitez, commence
à donner à (on Eglife un temps un peu plus
doux & paiUble . petit à petit nous mené à (1) des
toire Ce sommaire
persécutionsse, trouve
p. ;-88.dans l'Wi's-
Ghandieu
vn port plus affeuré, afin que rapportans dit : " Voici que porte la complainte ordi-
auffi la mémoire de nos aduerfttez à celle
naire de l'Eglise ancienne ; Geux qui rom-
deliurance qu'il fait auiourd'huy de fon pent, &c. " La reproduction du livre de
Eglife, noz cœurs encore trilles & ennuiez , Ghandieu par Crespin est à peu près litté-
déformais fe confolent & refiouilfent. n Les rale , sauf de légères retouches de style.
événements ne devaient pas tarder à donner Nous n'indiquerons que les changements un
un cruel démenti aux espérances de Ghan-
dieu. peu notables.
(2) Ce mot n'est pas dans Ghandieu,
LIVRE SEPTIEME.
544
cela vn grand cri pour auoir fecours toyent au trauers des rues pour rete-
de toutes parts; & pour mieux efmou- nir la courfe de ceux qui fortoyent.
uoir le peuple , difent que c'ertoyent Toutesfois, cela n'empcfcha point que
ceux que Dieu vouloit referuer ne
voleurs, brigans, coniurateurs qui s'ef-
toyent là alîemblez. A ce bruit , les
pafratTcnt fans dommage , afin qu'vne
telle deliurance tcfmoignaft fon pou-
plusmerme
le prochains
(ignés'efveillcnt
aux plus & lointains
donnent ,
uoirà la conferuation des fiens; qu'on
comme il fe fait en vn danger com- entendit! que toute la force du peuple
ne pouuoit tenir les autres enclos de-
toute munla: tellement qu'en
ville eft en peu Car
armes. de temps
défia,
dans la maifon , s'il n'euft voulu les
depuis la prinfe de faind Quentin, le prefenter deuant les Magirtrats, pour
peuple efioit en continuelles frayeurs
& alarmes, & auoit eflé commandé de en eftre glorifié ; & qu'ainfi chacun
fu(l apris de remettre fa vie à la con-
faire prouifion d'armes & fe tenir duite de la prouidence diuine. 'Vn feul
prert. Vn chacun donc prend fes ar- de toute la troupe , n'ayant fa courfe
mes & accourt de tous codez là où le d'vn fidèle.
libre entre tant d'empefchemens , fut Meurtre
bruit s'entend ; & oyans dire que ce attaint d'vne pierre & abatu fur le
n'eftoyent voleurs, mais Luthériens paué , & après, à diuers coups, af-
(ils les appeloyent encores ainfi) , en- fommé d'vne façon pitoyable, lufques
trent en vne rage extrême & ne de- à perdre toute forme humaine, & de
mandent que fang. Ils occupent les là fut emporté au Cloiflre S. Benoift,
deftroits des rues , allument des feux &
mondecxpofé (i). aux outrages de tout le
en diuers lieux , afin que perfonne ne
peuft
nuid. efchapper par l'obfcurité de la Apres plufieurs faillies, il ne de-
meura plus en la maifon que les fem-
Quelletionrefol u- Ce danger crtant venu fi foudain & mes & ieunes enfans , et quelques
ils prcncnt. contre l'attente de tous , apporta vne hommes
grande frayeur à ceux de dedans , & fuyure, &qui, de frayeur,
encores n'oferent
des hommes les
penfoyent bien eflre tous maflacrez là vns fe ictterent dedans les iardins
fur l'heure. Toutesfois , ceux qui prochains, où ils furent retenus iuf-
auoyent la conduite & gouuerncment ques à la venue du Magiflrat ; les au-
de l'Eglife les raffeurerent au mieux tres s'eftans en"orcez fur le point du
iour de fortir , furent arreftez par le
qu'il fut poffible , les exhortèrent à
patience , félon le peu de loifir qu'ils peuple , après auoir efté bien batus &
auoyent; & après auoir prié Dieu par meurtris. Alors les femmes, voyans
plufieurs fois , furent d'auis qu on que fi peu d'efperance
print vne refolution de ce qui efioit fauuegarde des hommes qui eftoit
eftoit en la
perdue,
de faire. Il faloit faire de deux chofes voulurent fe prefenter à la feneftre &
l'vne : ou attendre la venue des Juges implorer la mifericorde de ces enra-
& vne mort certaine, en faifant vne gez, qui commençoyent défia à faire
ouuerte confeffion de fa foi, ou rom- force à la maifon pour entrer dedans
fire cefte multitude furieufc qui tenoit & mettre tout à fac. Elles remonftrent
a maifon affiegee. Finalement, à la leur innocence l't demandent que la
fuafion de ceux qui conoilToyent la
couardife de la populace Parifienne , luftice foit
contre appelée
elles & qu'on
par voyes procède
ordinaires.
on conclud de forcer & paffer au tra- Mais il n'y auoit plus aucune raifon
uers, les hommes qui auoyent efpees en cefte populace du tout furieufe.
marchans les premiers, pour faire le Ainfi remettans leur vie entre les
f)a(Tage aux autres. Cela e(l fuyui par mains de Dieu, elles s'appareilloyent
a plus part, & efchapperent plufieurs défia à l'occifion comme poures bre-
à diuerles faillies, mais non fans tra- bis, quand Martine, procureur du roi
uerfer vne infinité de périls. Et c'eft au Cnaftelet, arriua auec
merucilles comment vn feul peut ga- res & force fergeans , tout Commifi'ai-
à propos ,
gner fa maifon à fauueté, car les pier- comme Dieu voulut, pour empefcher
res grefloyent de tous coflez : les vns vn fi cruel malTacre. Incontinent ou-
lenoyent les rues auec picques & hal-
lebardeles
s ; autres qui . de crainte ,
(l) Chandieu ajoute, p. 7 : " tellement qu'il
s'efloyent retirez en leurs maifons , n'cltoit pas bon ennemi de Dieu, qui ne luy
jetla de la fange ou luy donna quelque coup
dardoyent par les feneflres leurs pi- accompagné de quelque lilarphemc en haine
ques fur les paiïans ; & les autres de l'Evangile " Ce membre de phrase est
amenoyent les charrettes & les met- dans les éditions anuïricurcs à celle de tôiç.
LA PERSECVTION DE L EGLISE A PARIS.
545
uerture lui eft faite & à toute fa fuite, de leurs hallebardes & iauelines, ceux m.d.lvu.
pource lement
que ilfut c'efloit
requis le
de Magiftrat: feu- principalement
retenir la furie en robes longues,quicareftoyent d'aage ou
ils fe donnoyent
du peuple . qui efloit là fremiffant &
efcumant de rage, dequoi cefte proye opinion que c'eftoit lespredicans. Mar-
tine, voyant cela, voulut referuer les
lui efloit arrachée. Martine s'eflant femmes en la maifon iufqu'à ce que ce
mis dedans, trouua les choies en tel mefchant peuple fe fufl efcoulé; mais
eftat, qu'il il ne lui fut iamais poffible. Car ce peu-
nocencepouuoit bien gens
de ces poures iuger ; de l'in-
mefme ple menaçoit quelui-mefme en feroit le
bourreau , & mettroit le feu en la
confiderant la fimplicité de tous , l'o-
bei(rance& l'honneur qu'ils portoyent mail'on,
comme les fi on ne les
autres. mettoit, cehors
Pourtant fut
à la Juftice, il en eut compaffion, iuf-
ques à en ietter larmes. force de les expofer à la furie , &
Procès verbal ToUTESFOlS , il ne lailTa point de auffi ne les efpargna-il non plus que
de ce qui paflfer outre & s'informa diligemment les hommes, fans aucun refpeâ; ni du
fexe , ni de leur eftat. Car, quatre ou
"l-affimbiee"" de ce qui s'elloit là fait. Il trouue
qu'attendant que tous fulTent a(Tem- cinq exceptées, toutes eftoyent Dames
on Damoifelles de grandes maifons(i).
blez, on auoit long temps leu de l'Ef-
criture fainte en langage vulgaire ; Elles furent donc nommées putains & L'outrage
qu'après que tous furent alTemblez, le énorme fait aux
Miniftre auoit prié Dieu, toute la chargées de
outragées de toutes leurs d'iniures,
coups,fortes acouftre- ^J^^^^(li^^,_
compagnie ayant les genoux en terre; mens furent rais en pièces , leurs
& après auoir expofé l'inftitution de chapperons abatus de leurs teftes ,
la Cène de l'onziefme de la première leurs cheueux arrachez & leurs vifa-
aux Corinthiens , raonftré quel en ef-
ges fouillez & couuerts d'ordure & de
toit l'vfage & comment on s'y deuoit fange. En tel eftat, tous furent con-
prefenter , après auffi auoir excom- duits aux prifons , après auoir efté af-
munié tous feditieux, defobeiflfans à
leurs fuperieurs , paillards , larrons , fiegez dans la maifon l'efpace de fix
heures , iufques au nombre de fix à
&c. , leur dénonçant de ne s'appro- fept vingts (2). Et combien que ce fuft
cher de la fainéte table. Qu'après tou- contre tout droift, que perfonnes fai-
tes ces chofes, ceux qui auoyent efté fies, & entre les mains du Magiftrat ,
fuffent ainfi meurtries & outragées des
iugez capables
toyent approchezdedecela Sacrement s'ef-
table & auoyent particuliers, fi eft-ce que jamais en-
receu du pain & du vin de la main des
quefte aucune n'en fut faite , pource
miniflres, auec ces
communication du paroles
corps &: « du
C'eft la
fang que c'eftoyent Chreftiens qui auoyent
efté outragez ; mais Dieu vouloit ainfi
du Seigneur;
faites pour le i>Roique& prières s'eftoyent
la profperité de triompher en l'opprobre & ignominie
des fiens. Or, s'ils furent mal traitez
fon royaume, pour tous poures affli- par les rues, ils n'eurent pas mieux en
gez, & en gênerai pour toute l'Eglife, la prifon du Chaftelet , en laquelle ils
auffi que quelques Pfeaumess'efloyent
chantez. (i) Parmi les dames de grandes maisons ,
Voila le contenu de fon procès arrêtées rue Saint-Jacques , le président
Pierre de la Place mentionne, outre la dame
verbal , comme il fe trouuera auiour- de Graveron , dont le martyre est raconté
d'hui en leurs greffes, defquels on plus loin. M'»" de Rentigny , fille du sieur
l'a (i) fidèlement extrait. On com- de Rambouillet et femme d'un enseigne du
manda neantmoins que tous fuffent duc de Guise, Mesdames d'Ouarty et de
Champagne.
Fidèles liez & menez en prifon , & le peuple
(2) t)es Gallars, qui était depuis peu pas-
liez & menez en multitude infinie s'ertoit refpandu teur à Paris , après avoir failli être arrêté
pnfonniers. ^^^^ 1^ l^^ig ^^ [^ rue, les attendant avec Nicolas du Rousseau (voy. p. 481,
auec armes, & defpitant Dieu & les suprà), écrivait le 7 septembre , aux minis-
tres de Genève : i< Quanta nudius tertius
Magiflrats dequoiTellement
l'exécution cœtui nostro clades accident vos jam ex
toit défia faite. quen'en ef-
quand rumoribus saltem audiisse puto. Ducenti
ces poures gens , ainfi liez & garrotez fere captivi tenentur ab hostibus qui dira
les vns aux autres, vindrent à paffer, omnia ipsis minantur. Inler eos insignes ple-
ils commencèrent non feulement à rique tum viri tum mulieres , quorum tamen
nec stirpis nec dignitatis ulla ratio habetur. n
leur dire raille vilenies & iniures, mais [Cahitii Opéra. XVI, 602). Des Gallars,
à les battre outrageufement des fufts 35 écri-
vant sous l'impression du moment , estime à
deux cents le chiffre des prisonniers. De
la Place, d'accord avec Chandieu. dit : « au
(i) Chandieu
II. : « nous l'avons. ■> nombre de cent ou six-vingts. »
LIVRE SEPTIEME.

546 premièrement conduits. Car les


furent maifon plufieurs pailladcs, fur lefquel-
brigans & voleurs furent retirez des les fe commettoyent les paillardifes ,
TofTesA grotons les plus infeds, pour & l'appareil auffi d'vn bien fomptueux
faire place & y mettre ceux-ci ; le banquet qui s'y deuoit faire : chofe
boire <& le manger refufé à beaucoup qui irrita grandeinent fa Maiefté. Car
&d'entre eux, iufques
inhibitions faites àdebien long temps,
donner entrée il n'y auoit perfonne qui eull la har-
dielTe de contredire. Le Roi enten-
à perfonne pour les vifiter. Toutefois, dant ces chofes & follicité par les
Dieu qui a toufiours le foin des fiens ,
ennemis d'efpandre le fang. & ne fouf-
auoit frir defi'us la terre telles perfonnes
ralTontpourueu à ce qu'ilsCar
fans confolation. ne pour
demeu-le
chargées de tant de crimes , donna
grand nombre des prifonniers, les geô- charge de trouuer homme propre, qui
liers auoyent efté contraints d'en met- euft la commiffion pour en faire bien
tre plufieurs en vn mefmc lieu, telle- tort la defpefche.
Il y auoit lors à Paris vn nommé Commiffion
ment qu'il s'en trouuoit toufiours donnée
quelcun plus fortifié que fes compa- Mufnier (1), homme de fadion & au Lieutenant
gnons, qui donnoit courage aux au- acouftumé à toutes cruautez , qui de
tres. De tous collez , Pfeaumes fe fimple Soliciteur de procès efioit de Paris.
ciuil
chantoyent & retentilToit tout le monté iufqu'à eftre Lieutenant ciuil.
Chaftelet des louanges de Dieu , fuf- Vrai eft que pour lors il fe tenoit ca-
fifant tefmoignage d'vne finguliere af- chédroitpourde la fauffeté de
vneComteffe Seniganà l'en-
commife , en
feurance
cœurs de qu'ils portoyent en leurs
leur innocence.
Calomnies
l'afaire du duc d'Arfcot, iufques à
Cependant, le bruit couroit par faire pendre vn de fes gens par faux
fur
les Chrediens. tout de cefle prife, & propos diuers
l'eftima
fe tenoyent deçà & delà, touchant ce tefmoignage
fi propre pour (2);faire mourir on
toutefois, perfonnes
qui s'elloit fuit en l'alTemblee , & innocentes, qu'eftant abfous, ou pour
(comme l'ignorance fe fait aifément à le moins les procédures qui fe fai-
croire le pis qu'elle peut de ceux foyent contre lui ceffantes , on fut
qu'elle a en haine) la commune opinion d'auis de lui bailler la commiffion. Lui
cfloit qu'on s'edoit là alfemblé pour vn fe voyant remis en crédit , & en train
banquet, puis paillarder pefle méfie , d'auoir fa grâce, fe délibère de faire
leschandeleselleintes. llsadiouftoyent ce qui feroit poffible pour gratifier à
auffi , pour mieux acouftrer ce men- ceux qui auoyent elle le moyen de lui
faire tomber entre les mains cefte
fongemoines
des , qu'il, ytant
auoit
cesdesbons
nonnains &
religieux commiffion. Il prend pour adiuteurs
de la Papauté fe font acquis bonne fes femblables, il s'enquefte, il vfe de
réputation de faindeté, que s'il fe fait promeffes à l'endroit des vns, de me-
conte de paillardife & d'infamie, il faut naces à l'endroit des autres prifon-
qu'ils foyent de la partie , par la con- niers ;s'il void aucun vaciller en la
feffion mefme de ceux qui les fauori- confeffion de la vraye dodrine, pour
Tertullian
en fon fent. Les prefcheurs de leur cofté em- efchapper la mort , il leur propofe ,
Apologeliquc, ployent profncs & fermons à imprimer s'ils ne confefi"ent lefus Chnfi, qu'ils
Ces menfonges au peuple, & difoyent ne feront point aduouëz de lui , &
mefme qu'on y tuoit les petis enfans , prelTe leur confcience de le confeffer,
& autres chofes femblables, defquelles par la fouuenance de cefte menace ,
Satan a voulu diffamer l'ancienne afin qu'ayans confelTé , il ait occafion
Eglife. Et ce bruit ertoit non feule- de les condamner tt d'efpandre plus
ment entre le commun peuple, mais
entre les plus grands, iufques au Roi, res, ilmitTellement,
de fang. beaucoup de ou'en peu end'heu-
procès eftat
auquel on tafcha de le perfuadcr par de iuger.
faux rapports (1). On introduit donc Voila comment les ennemis fe gou- Comment fe
l'vn des luges du Challelet, lequel ola, uernoyent de leur cofté, c% eftoit la
le demeurant
à l'appétit des aduerfaires de l'Euan- ioye fi grande par tous les quartiers de de l'EKlife
gile , rapporter à la maiefté du Roi la ville, qu'on ne voyoit que trioin- de Paris.
portoil
qu'on auoit trouué en la falle de la
(i) Chandieu ne donne pas son nom.
12) Voy. sur celle airnire de la comtesse
(1) Chnndicu ajoute (p. u) : ■■ Charles de de Scnin(,'hcn et du duc d'Arschot , la belle
Lorraine, cardinal, elloil lors fcul ayant étude que M Jules Dclaborde a consacrée
grande puilTance en la Court. ■> Cette phrase 0 Antoine de Croy, dans le Bulletin de l'Hist.
a 6té supprimée dans l'édition de 1619. du prot. franc., XVIll, j.
LA PERSECVTION DE L EGLISE A PARIS.

phes de viéloire deçà delà , comme fi ils 547


en vn feul iour toute la dodrine de trertafchent d'adoucir
audience à leurfoncaufe
cœur,& impe-
ofter m.d.lvu.

l'Euangile euft efté opprimée. Mais cèdeauoit


mauuaife
de l'autre cofté le demeurant de lui impriméopinion d'eux , qu'on
malicieufement. Ils
l'Eglife fe trouuoit en vne merueil- remonftrent que c'eftoit à tort qu'on
les chargeoit de chofes fi énormes
leufe
ment &perplexité
détention pour l'emprifonne-
de leurs frères , &
enuers fa Maiefté ; que c'eftoyent ca-
n'y leurs
en auoit familles.
que pleurs & gemilîemens
Toutefois , ils ne lomnies quin'elloyent pas nées de ce
temps, mais des le commencement
perdent point courage. Ceux qui
auoyent efté mifes fur l'Eglife de
auoyent la conduite de l'Eglife (i) noftre Seigneur lefus Chrift, par lef-
s'exhortent les vns les autres, fe met- quelles Satan auoit tafché de bander
tent deuant les yeux la prouidence de les yeux aux Rois & Princes , & les
Dieu, par laquelle auoyent prefque efchauffer à l'encontre de l'innocence
tous erté deliurez de ce danger, que des Chrelliens , & maintenant ne lui
c'eftoit bien vn affez fuffifant tefmoi- eftoyent rapportées par autres que par
ceux qui défirent opprimer la vraye
gnage qu'il fe vouloit encore feruir
d'eux pour entretenir ceft œuure Religion , pour retenir les richeffes
commencé. Que la perfecution n'ef- qu'ils ont vfurpees delTus l'Eglife.
toit point arriuee fans qu'ils l'euffent Qu'il deuoit mettre ordre auant toutes
preueuë des long temps , & s'y fuf- chofes , que bonne enquefte en fuft
fent apprêtiez , comme vue chofe faite, & ne croire point de léger,
commune à tous ceux qui veulent feruir mefme en vne caufe de fi grande im-
à Dieu, & pourtant n'en deuoyent portance. Car s'il fuffifoit d'accufer,
point eftre tant effrayez, que de quit- qui feroit innocent .> S'il lui plaifoit
ter la vocation à laquelle Dieu les s'informer de la vérité , il trouueroit
auoit appelez. Que celle afflidion ne qu'autre chofe n'auoit amaffé ces po-
feroit pas la ruine de l'Eglife, mais ures gens enfemble, que le defir de
pluftoft l'auancement , & que de cède prier Dieu & pour lui & pour la con-
façon Dieu auoit acouflumé d'auancer feruation de fon royaume. Que leur
fon règne & la prédication de fon dodrine ne tend point à fedition ni à
Euangile. Ils en auoyent les promef- la ruine des Principautez , comme on
fes en la parole de Dieu , & l'expé- les charge. Car l'expérience lui auoit
rience en tout l'eflat de l'ancienne bien monftré le contraire. Et n'efioit
Eglife. S'eftans ainfi acouragez , & faute
ayant remis leurs vies entre les mains meuft de nombre
; mais ciue fedition
la parole ne s'ef-
de Dieu (qui
de Dieu , premièrement ils mettent feule eft leur reigle) leur enfeigne de
ordre que leurs (2) prières extraordi- ne point attenter ces chofes , ains
naires fe facent par toutes les familles rendre tout deuoir d'obeiffance aux
& qu'vn chacun s'humilie deuant Dieu. Seigneuries eftablies de lui (1). Pour
Secondement , que ces faux bruits
conclufion,
ne fouffrift requirent
point queinftamment
la caufe qu'il
des
qui couroyent de leurs fainftes affem-
blees, au defhonneur de Dieu, foyent
rabatus par defenfes & Apologies , &
finalement que les prifonniers ayent dre cette « remontrance » avec celle qui est
lettres de confolation le plus fouuent plus haut. Celle-ci avait pour but « d'adou-
cir le cœur » du roi; l'autre ne pouvait que
l'irriter. M Puau.x [Hist. de la réf. franc.,
Remonftrancequ'il
Ilsferoit
fontpoffible.
donc vne remonflrance I, 565) voit dans cette virulente philippique
une des causes qui décidèrent la royauté et
au roi Henri, bien longue au Roi , & la font fecret-
tement tomber en fa chambre & ve- le clergé à établir l'Inquisiticjn en France.
Nous ignorons sur quels textes s'appuie cette
nir entre fes mains (5), par laquelle assertion.
(i) Chandieu ajoute : que
mandent ell feulement « Tout ce qu'ils soit
léfus-Chrilt de-
(i) Bèze, qui reproduit ce récit dans son recognu le feul Sauveur du monde, que Dieu
Hist. ceci., ajoute ici : " envoièrent en dili- foit i'ervi félon fes ordonnances, et que tou-
gence au.\ Eglises de SuilTe , & de là aux tes les conflilutions des hommes contraires
princes protertants
leur interceflion. d'Allemagne,
» Voy. requeransla
sur ces démarches foient caffées & mifes à néant. Et que . s'il
corresp. de Calvin, lettres n"' 2708 et suiv., plaill à Sa Maielté d'entrer en cognoiifance
de caufe, il pourra faire venir aucuns des
et Lutteroth, Reformation en France, p. 95- prifonniers en fa prefence et les mettre en
102.
(2) Chandieu : « les, " p. 16. difpute avec les forbonilles, & cognoiftra que
la vérité ert de leur collé. » Ces deux phra-
(!) Voy. plus haut la note ; de la col. 2 , ses, omises dans toutes les éditions de Cres-
page 5)8. Il nous paraît difficile de confon- pin, se trouvent dans Bèze (1, 70).
LIVRE SEPTIEME.

548 de bien fuft ainfi condamnée ,


gens leur regard feulement comme es au-
fans auoir audience aucune, veu que tres afaires communs , mais d'autant
cela n'ertoit point mefme refufii aux qu'en leurs perfonnes le Noin de Dieu
voleurs tt brigans. Ces lettres furent eft blafphemé & la fainde dodrine vi-
leuësen la prefence du Roi &de tous lipendée par impudentes calomnies.
ceux qui fe trouuorent en fa chambre ; Le pis e(l , que les hommes feront
mais elles ne feruirent de rien , car bien ouis en leurs defenfes, quand il
les aduerfaires les eurent incontinent ne fera queftion que des afaires de ce
accufees de fauffeté, & cependant monde; mais fi Dieu & fon feruice y
perfonne ne s'ofoit prefcnter pour ré- font ineflez , les oreilles feront eftou-
pliquer & maintenir le contraire. pees, tes
il n'y aura lieu d'audience fauffes
; tou-
Apologie Il y eut vne autre defenfe faite & accufations , quelques
des Chrcliicns.
imprimée, pour feruir en commun à qu'elles foyent, feront receuës ; les
tout le peuple, & lui faire auffi enten- penfces des hommes feront tellement
dre la vérité des chofes fufdites. Cède préoccupées de haine & de rage, que
defenfe eftoit briefue , & tellement celui qui controuuera contre les en-
fans de Dieu crirne plus deteftable
drelTee que les Dofleursde l'ancienne fera le mieux efcoutô. TelU a cjlé des
Eglife y eftoyent introduits, eux mef-
mes defendans celle caufe , qui leur le commencement iajîuce de Satan ,
auoit efté commune auec nous. Car il
fembloit que ceux qui fe difent leur père
ceeurs dedes menjonge
hommes, ,afin d'enforcelcr les
que la bonne
porter honneur, deuoyent élire fatis- caufe foit condamnée fans en faire
faits par ce moyen , fans qu'il fuft be- iulle conoiffancc. Lifons les complain-
foin tes que fait Dauid contre fes calom- Exemple de
Nous d'vfer
auons debiendefenfe
voulu plus longue.
la mettre ici
niateurs, & nous trouuerons qu'il ne en fosDauid
blafmes.
de mot à mot, afin que toute la pofte- lui eftoit point fi grief d'eftre banni de
rité puiffe conuillre que telles alfem- fon pays, priué de fa famille, ni de
blees pour ouyr la parole de Dieu ne fes biens , ni d'eftre tourmenté en fon
font dellituees de iuftifications (i). corps, que de fe voir diffamé par faux
blafmes, d'autant que ceux qui le per-
fecutoyent ne s'adrelfoyent point à lui
feulernent , mais à Dieu , auquel il
Teneur de l'Apologie. auoit
lieu de obéi. Surquoi
defenfe , ne n'ayant
perfonneaucun
qui
fouftint fa caufe , il fe retire à Dieu,
S'il eft bien grief à tous ceux qui fe defchargeant de fes follicitudes
cheminent droitement d'eftre blafmez
en bien faifant, & mettent peine à bon & angoift"es fur lui. Cependant, il
droit de manifefter leur innocence , à n'a point laifl"é de les mettre par ef-
plus forte raifon ceux qui tafchent à crit , afin que fon innocence full à ia-
cheminer en bonne confcience deuant mais conuë, & que tous ceux qui fer-
Dieu , & le feruir purement félon fa uent à Dieu prenent exemple de
fainde volonté, doyuent auoir le cœur confiance &. fermeté en lui. Le fem- s'enCefaitquiiadis
blable ont fait les Chreftiens & Mar- fe fait
bien faifi, voire tranfpercé, quand
pour auoir cerché de plaire à Dieu, tyrs de l'Eglifê primitiue , lefquels a prefent.
non feulement ils font tourmentez en nous monftrent bien que ce que nous
leurs corps, mais auffi opprimez & ac- expérimentons auiourd'hui pour la
cablez de diffames & opprobres en mefme caufe n'eft pas nouueau , &
leur renommée. Car cela n'eft point pourtant n'en deuons-nous point eflre
eftonnez. Si eft-ce qu'entant qu'en
nous eft , nous déclarerons noftre in-
(1) Celte apolo<;ie , comme sa lettre au nocence ,comme ils ont fait, li fi les
roi, résumic plus haut, est attribuée à La hommes ne nous veulent point ouir,
Rochc-Chandieu. Elle ne ligure pas dans
les premières éditions du Martyrolo^je , mais nous plaiderons noftre caufe deuant
Goularl l'a introduite dans ce recueil à par- Dieu , en la prefence duquel il faudra
tir de l'édition de lîUj Elle est enraiement que ces perfecuteurs & calomniateurs
absente de \'Hisl. cccUs de Th de Bèze.
Mais elle ligure dés iU>) dans VHist. des fe trouuent , oi"! les liures feront ou-
uerts, (Se ce qui eft caché, manifefté.
persécutions de l'Egl de Paris, de Cliandicu. Or nous auons afaire à deux ma-
Elle parut sous ce titre : Apologie ou defenfe
des bons chreftiens contre les ennemis de nières de gens qui nous calomnient :
t'Eglife calhoiique. Toutes nos recherches
pour retrouver un exemplaire de celte pre- Les vns font ignorans , & les autres
mière édition de l'Apologie ont été inutiles fauans. Les ignorans font menez
LA PERSECVTION DE L EGLISE A PARIS.
549
d'vne brutalité enragée, & ne deman- fement auec vn bref recueil des an- m.d.lvu.
dent que noftre fang, & à nous voir ciens Dodeurs de l'Eglife, par lef-
en pièces ou en poudre. Ils fe perfua- quels il appert que tels deteftables
dcnt ailcment tout le pis qu'ils peu- crimes ont autrefois efté impofez aux
uent penfer de nous; & fur cela il Chreftiens , afin que leurs mefmes
leur foit
leur femble
licitequ'il n'y &a àrien
à faire dire qui ne
contre propos nous feruent auiourd'hui de
defcnfe
lomnient.contre tous ceux qui nous ca-
nous & nos affemblees. le laiffe à
parler de la cruauté dont & grans & Et puis que nous fouftenons tous
petis ont vfé depuis vingtcinq ou vne mefme caufe , il nous a femblé
trente ans en ça contre les enfans de
qu'il valoit mieux ainfi coucher leurs
Dieu ; mais n'agueres on a aperceu mefmes fentences, parlans pluftoft par
leur bouche que par la noftre, afin
comme cefle rage s'enflamme de plus
en plus, ainfi que le populaire a bien qu'on conoiffe de quel efprit font me-
monftré en la fureur dont il a elle ef- nez ceux qui nous perfecutent. Telles
meu contre hommes & femmes crai- fentences mefmes nous feruiront con-
gnans Dieu, & mefme contre Dames tre les fauans , qui conoiffent bien
& Damoifelles d'eftat & renom , lef- que tels blafmes nous font mis fus
quelles autrement il n'euft ofé regar- par calomnie ; mais ils ne laissent
der qu'auec crainte & reuerence. pas de nous arguer de témérité & in-
Tout fe dit li- Mais comme ceux la n'ont rien tant confideration. Or ils conoiftront par
cite contre q^i haine que le pur feruice de Dieu , la ledure des chofes fuyuantes , que
es re lens. j|j n'ont eu auffi aucune vergongne nous n'auons rien fait ni entrepris
deuant les hommes; & fans auoir ef- qu'à l'exemple des anciens Chreftiens
gard ni à eftat ni à fexe, ont ietté ou- & fainds Martyrs, lefquels, durant les
trageufement les mains fur lefdites perfecutions, fe font affemblez en ca-
Dames fans authorité de luflice, les chette&, fouuent de nuid ; & ont
defcheuelans , les fouillant de fanges efté bénits de Dieu en tout leur ou-
& ordures, leur pillant leurs bagues urage , encores qu'ils ayent enduré
& loyaux. Et tout cela eft fouffert, perfecution. Lifez donc ces chofes
pource que tout eft licite contre les attentiuement au Nom de Dieu , &
Chreftiens. le lailîe , di-ie, à parler prenez garde à tels exemples, afin de
de ces chofes qui feruiront à autre ar- n'eftre tranfportez par faux bruits , ne
deceus par les iugemens des hommes.
gument .
Ie dirai feulement vn mot des blaf-
mes & faux crimes qu'ils impofent à Du Chapitre premier de Tertullian
en fon Apologétique.
telles
pudicitéperfonnes d'honneur,
& chafteté eft aflfez dont
conuë.la
N'eft-ce point vne malice par trop S'il n'eft loifible de faire aparoiftre ce do(5le
effrontée, le ne di point aux petis feu- publiquement quelle eft la caufe des Théologien
lement, mais bien aux plus grans , de
iuger ainfi contre la confcience de Chreftiens
porte ,les empefchentu haines
, & fi/• les . dj' eftre ouïs■ leur
n qu'on „ entre
en premier
les Latins
viuoit l'an
celles qui n'ont iamais efté atteintes leurs defenfes, au moins qu'il foit loi- de grâce 200.
ne foupçonnees de tels blafmes, & fible que fecrettement , par le moyen
dont la vie a relui, mefme depuis que des lettres , la vérité foit manifeftee,
Dieu les a illuminées, affez fuffifam- laquelle ne fupplie autrement pour
ment pour fermer la bouche à toutes foi mefme, fâchant quelle eft fa condi-
tion, fe fentant eftrangere en la terre,
medifances?
foyent Ne faut-il
enforcelez pointqui
du diable qu'ils
eft & conoiffant combien il eft facile que
leur père, calomniateur & autheur les eftrangers ayent des ennemis. Or
de fauffeté ? Car auffi ne peuuent
nos ennemis font tels , qu'ils condam-
ils combatre la vérité que par tel-
les armes. Mais loué foit Dieu, que nent no/lre caufe, fans qu'elle foit
ouye ; ne voulant ouyr ce qui, eflant
la vie & le faid les peut démentir ouy , ne pourroit eftre condamné par
tellement , que leurs calomnies ne eux. Or y a-il rien plus iniulîe que de
peuuent au ^:r lieu qu'entre leurs fem- hair ce qu'on ne conoit point / Veu
blables. Toutesfois , afin que plu- donc que les hommes haylTent ce
fieurs fimples , légers à croire , &
qu'ils n'entendent , pourquoi ne nous
qui ne font menez de telle malice fera-il permis de fuiure cela qui de-
comme eux , ne foyent abufez , nous uroit eftre conu , & qui eftant conu ne
auons bien voulu donner ceftadueriif- feroit plus hay comme il eft ? Certes
LIVRE SEPTIEME.

la faute des hommes aparoit claire- pourquoi ne fommes-nous ouys.' Il


ment en ce qu'ils crient par tout que n'y a aucune loi qui empefche de dc-
les villes font afficgees à caufe des
batre du fait qu'elle défend , & n'y a
Chrcfiiens, pourautant, difent-ils, que iufie iuge qui puilTe condamner fans
de tout fexe , aage , condition & cflat fauoir que ce que la loi défend a eflé
on en voit qui prenent ce Nom de commis ; & ne le peut fauoir fans co-
Chrcftien. Et toutesfois ce qui les noillre premièrement quelle eft la chofe
peut cfmouuoir à cela n'cft point ce- qui eft condamnée par la loi. Dont il
pendant confideré par ceux oui les appert que la loi eft fufpcêle, fi elle ne
blafment. D'auantage, raueuglement veut point eftre examinée; & eft iniufte,
des hommes fe monllre en cela, qu'ils fi n'eftant point examinée, elle a lieu.
nous eftiment malfaiteurs, car la caufe
QvANTà l'ancienneté, laquelle vous Chap. 6.
des mal- faite tirs ejî ouye , dcbaliic , 6'- dites que les Chreftiens tranfgreffent,
vous la louez toufiours , et cependant
défendue , & n'y a que les Chrcftiens
aufqucls il neji permis de dire choje de iour en iour vous viuez d'vne fa-
qui face entendre leur caufe, ne qui çon nouuellc , retenans les chofes
défende la vérité, & qui empcfche le
que vous deuriez laiffer, & laift'ans les
chofes que vous deuriez retenir. Main-
Chap. :. iugc d'ejlre iujle.
Cependant ce faux bruit court, que tenant ie veux rcfpondre aux calom-
les Chreftiens tuent & mangent les en- nies que l'on nous iette fus touchant
fans, & qu'ils commettent paillardifes les horribles mcfchancetez que l'on
inceftueufes ; & les iugcs tafchent par dit eftre commifes par nous en fecrct.
force à faire confelTer cela à ceux On nous accufe ae meurtre de petis
qu'ils tienent, encores que telle chofe enfans; on dit quatres le banquet et
ait eflé défendue par Trajan Empe- après que les chandelles sont cfleintes ,
reur, auquel Pline fécond auoit efcrit nous commettons incefles et toutes pail-
qu'après lon^^ue lardifes defhonnejh's. Or nous fommes
rien trouuè de lainquijition, il n'auoil
façon de faire des
fouuent defcouuerts en nos an"em-
Chreftiens, finon qu'ils s'aj]emblorenl blees , nous fommes fouuent oppref-
de nuiSl pour chanter à lejus Cbrijl & fez en nos congrégations ; qui eft ce-
à Dieu, pour conférer de leur doârine, lui qui ait oncques là trouué des
defendans toutes paillardifes, adultères, enfans fanglants.' Qui eft celui qui
& tous autres vices. ait veu aucunes marques de paillardife
Chap. }. Maisvcu que la?veritéjeft contraire aux femmes.^ Et qui eft celui, qui
à ce que les nommes impofent , pour ayant veu ces chofes, les euft celées .-"
le dernier ils mettent en auant l'au- S( vous dites que nous les commettons
thorité des loix, lefquelles, difent-ils, enfecrel, comment donc le faue:{-vous)
Chap. 4. ne pcuuent eftre retradees. Or , pre- Si vous ne les jaue^ des noflrcs , com-
mièrementquand
, les hommes difent ment les faurfe^-vous des cftrangcrs,
qu'il ne nous faut point laiffer viure , lefquels lie font receus auec nous ?
aefîa ils demondrc-nt leur inique do- Et quant au commun bruit, fa na- Chap. 7.
mination&, ne font point profeffion
de la loi , mais de force et violence. ture eft conuë de tous : le bruit n'ap-
porte que menfonge le plus fouuent ,
Et quant à la loi, fi cela eft bon que & mefmes ce qu'il a de vérité quel-
la loi des hommes défend , cède loi quefois ,eft toufiours méfié parmi le
me le peut-elle défendre ? Trouue-lon menfonge, adiouftant ou diminuant de
la vérité.
cflrange que les hommes puiflTent fail-
lir en ordonnaut des loix, & fe corri- Or que nous nous rapportions à la Chap. 8.
ger en les' annichilant .' Et mefmes confcience de ceux là mefmes qui
rcxperience l'enfcignc affez tous les nous blafment , s'en trouucra-il vn qui
leurs, quand on void les loix ancien- cftime que la nature des hommes peufl
nes abrogées par les nouueaux edids endurer meurtrir les enfans, ou, après
qui fe font. De là s'enfuit que ni le (comme l'on dit) que les chandelles font
nombre des ans, ni l'authorité du le- efleintes, commettre j'ilenies ft exécra-
giflateur ne recommande la loi , mais
la feule équité <fk iuflice. Que fi la loi
Et quant à ce qu'on nous obiefte Chap. )o.
cft iniufie, à bon droit eft-elle reiettee. que nous oft"enfons la maiefté des
Mais encores, comment efl-ce que les Princes, que l'on fâche que nous
loix font obferuees par ceux qui nous prions bles 'fDieu pour leur falut , nous
condamnent.- Si nous auons commis

{
chofe contre Dieu & les Princes , prions qu'il leur donne tontine vie, prin-
cipauté affeuree, fortes armées, le Se-
LA PERSECVTIOK DE L EGLISE A PARIS.

nat fideh, et le peuple bon et vertueux. cun qui peut, apporte quelque chofe m.d.lvu.
Chap. 57. D'avantage comment ferions-nous par mois, ou quand il veut (car nul
rebelles à nos fuperieurs , veu que n'y efl contraint) , & ces chofes font
nous fupportons patiemment les iniu- comme vn déport de pieté, car on n'en
res qui nous l'ont dépend rien en banquets & yurongne-
Reconoillez celafaites
en parvous-mefmes.
vn chacun ?
ries, mais le tout eft employé à nourrir
Combien de fois auez-vous exercé les poures & enterrer les morts, à fub-
voftre cruauté contre les Chreftiens ? uenir aux poures enfans, aux pupilles,
Combien de fois le peuple enragt' de aux poures vieillards & à ceux qui 55'
font prifonniers pour la vérité de
fa feule authorité nous a -il a^'aillis
auec pierres & feux ? Où ejl la ven- Dieu & qui la maintiennent. Celle af-
geance que nous en auons prise , en- femblee donc des Chreftiens merite-
core qu en vne nuid vn peu de feu elle d'eflre appellee illicite, de la-
nous en vengeroit affez? Mais ia quelle nul ne fe peut plaindre ? Nous
n'auiene , qu'vn tel feu des hommes fommes-nous iamais alfemblez pour
face la vengeance du mefpris de la faire tort à quelqu'vn ? Or quand les
dodrine de Dieu. Au refle, penfez- gens de bien s'alTemblent , vne telle
vous que le nombre de gens nous de- affemblee mérite d'eflre appelée Sénat,
faille ? Les nations étrangères qui & non pas conuenticule ou faàion. Ce
vous font guerre ont leurs pays limi- nom-là aparticnt à ceux qui confpirent
tez ; mais nous fommes efpars par contre les bonS; qui font efpandre le
tout le monde , & mefmes vos villes , fang innocent, & cependant reiettent
vos villages, vos cours, vos armées, fur les Chre/liens la caufe de tous les
vos maifons font pleines des noftres , maux qu'ils endurent. Si le Tybre fe incontinent
& ny a que vos temples que nous laij-
fons à vous feuls. Que (i noftre doc- def borde, fi le Nil n'arroufe point le qu'il aduient
Iterre, famine
de
pays, s'il ry a • fecherefje /, , tremblement
ou pe/le, ■ . criG contre
quelque
incontment jgj mal on
chreiUens
trine portoit d'ertre plus to(l tuez que
tuer, nous euffions peu, voire fans il faut faire mourir vn Chreftien. Com- Chap. 40.
armes, vous combatre par vne feule bien que toutes ces chofes auienent ,
efmeute. Nous méritons donc d'eftre & foyent auenues de tout temps, pour
pluftoft tenus pour vos citoyens que les offenfes que les hommes font &
pour vos ennemis. ont faites contre Dieu.
Or, non feulement le populaire
Chap. ;8. Et pourtant , qu'on n'eftime point
de
des nos affemblees& ce
conuenticules qu'onfeditieu-
fadions eftime aueuglé fe refiouit de la cruauté qu'on
exerce contre nous , mais auffi quel-
fes, car nous ne faifons rien qui apro- ques vns des plus grans qui conduifent
che de cela , & ne fommes efmeus de le peuple. Vous donc, ô luges, qui
voulez élire eftimez meilleurs en tuant
gloire ni d'ambition à nous affembler.
Chap. 59. Mais nous-nous alJeniblons, afin les Chrelliens, condamnez, tourmen-
Pourquoi qu'ellansvnis cnfenible nous inuoquions tez, débrifez-nous. Car puis que Dieu
''''"es""^' D/cw, nous prions pour les Princes, 6 fouffre que nous fouffrions, voftre in-
pour ceux qui gouuernent fous leur iuflice fera preuue de noftre inno-
main, pour les puifTances, pour l'ef- cence. Cependant quant à vous, vof-
tat & tranquillité de toutes chofes; tre cruauté augmentera nollre nombre ,
nous-nous alfemblons pour faire com- veu que le fang des Chrejliens efl la
mémoration des fainftes Lettres, & les femence de leur doctrine , & quant à
accommoder à nollre temps ; nous- nous, noftre patience, que vous appe-
nous alfemblons pour nourrir nollre lez opiniaftreté , enfeignera aftez que
foi de faindes admonitions, pour nous la caufe pour laquelle nous fouflfrons
acroiftre en efperance , & pour nous eft tellement condamnée par les hom-
confermer en vraye foi, pour aprendre mes que cependant elle eft aprouuee
la dodrine des commandemens de de Dieu.
Dieu. Il y a exhortations & correëlions
& cenfures diuines. Si quelqu'vn a tel- Lui mefme, au Hure à Scapula, Prefi-
lement failli qu'il foit reietté de la dent & gouuerneur de la ville de
Cartilage.
communication des prières & de toute
l'alTemblee, en cela il y a des Anciens
aprouue\, qui prefident, ayans receu On nous diffame auffi quant à la
cejl honneur par bons tcfmoignages & Maiefté de nos Princes, & toutefois
non par argent. Car les chofes de
on n'a point trouué de Chreftiens fem-
Dieu ne s'achètent par argent. Cha- blables à Albin, ou à Nice, ou à Ni-
LIVRE SEPTIEME.

S5^ ou à Caffius ; mais ceux-là mef- difcipline de Platon, oyant que les
ger,
mes ont efté aprouuez ennemis de la Chreftiens accufez n'aftoyent touchez
principauiL- & puKTance fouuerainc , d'aucune crainte, ni de la mort, ni
qui aiioyent iurti le iour précèdent par des autres chofes qu'on eftime horri-
leur ange, qui auoyent voué facrifi- bles, certes ie ne pouuoi pcnfer qu'il
ces, & les auoyent rendus pour leur
fanté, qui auoyent fouuent condamné yadonnez
euft vice en eux,
à leurs ou qu'ils
plaifirs. fultent
Car qui efl
les Chreftiens. Le Chrcfilcn n'cjl en- celui qui, ejlant voluptueux & charnel ,
nemi d'homme viuçnt, beaucoup moins aille loreufement à la mort , par la-
de fon Prince , lequel il fait cjlre or- quel e ilperde toutes fcs commodite:{ &
donné de fon Dieu, à caufe dequoi il
l'aime, reuere & honore. Nous donc plaifirs )
honnorons noftre Prince en telle forte, Sainâ Cyprian. au premier Traité, Ce faina
contre Demetrian.
qu"il nous
alTauoi r, comme cft licite vn
& àhomme
lui expédie nt,
fécond
dodeur (lorif-
de grâce 249.
après Dieu, qui tient tout de Dieu ce Tv dis que plufieurs fe pleignans foil l'an
qu'il eft, & qui n'eft inférieur à autre cftiment que leslesguerres
ucnt fouuent, peftes, qui
les s'efmeu-
famines,
Au qu'à Dieu.
mefmc liurc.
Qvi eft celui qui ait caufe de fe les longues pluyes auienent à caufe
pleindre de nous r quel empefchement de nous, & que tous les maux dont
ou afaire a le Chreftien, finon à caufe le monde eft troublé nous doiuent
de fa fefte, laquelle toutefois nul, par
eftre imputez, d'autant que nous ne
tant de laps de temps, n'a peu encores feruons point à leurs dieux. Or qu'ils
conuaincre
infâmes ou ded'inceftes
cruauté ou
? Etpaillardifes
toutefois fâchent, au contraire, que c'ejl pour-
autant que Dieu n'efl point ferai par
eux.
nous honlé,
pour fommespour
bruj'le^
milice,en pour
telle honnefleté,
innocence,
pour fidélité, bref pour le Dieu vluanl, Arnobe, au Hure huiticfme contre les Ce sain(5l

& nous fait-on ptrement qu'aux facrile- Gentils, auquel, en la perfonne de perfonnage flo-
ges, & aux ennemis de la republique, Cecilius Pavcn, il récite les crimes En grâce
ce temps
de riiroil 286.
l'an
& à tant de coulpables de lefe-maiejlé. qu'on impofoit aux Chreftiens an- fut faite

luftin Martyr, au dialogue auec Try- cien ement, en


tauius Chreftien, & larefpond
perfonneà d'Oc-
toutes n cruelle perfe-
cution contre
les Chrertiens
ph'on contre les luifs. fes calomnies. en Occident,
Ce sainiîl Or voici ce que ie di : Ne vous qu'en moins de
dofleur Horif- eftes-vous pas perfuadez de nous, que LA fcSle des Chreftiens (dit Ceci- trente iours
foil l'an nous mangeons la chair humaine, & lius Payen) efl recueillie des plus is;no-
de grâce 140. rans & idiots, des femmes fragiles & fes prouinces
qu'après le banquet on efteint les furent
légères à croire, Icfquels tous enfemble par diver-
niartyrifez
chandelles pour fe veautrer en detef- enuiron 20,000
tables paillardifes? Ne nous condam- fc rallient es congrégations qu'ils font
nez-vous pas de ce mefme crime, de nuiâ. C'efl vne nation qui aime les tant hommes
cachettes & fuyt la lumière, qui eft pcrfonncs
d'autant que efcoutans attentiuement muette en public, babillarde en fe- que femmes,
telles paroles, toutefois nous ne
croyons point, ce vous femble , à la cret, qui ne tient conte des temples, principalement
alTemblecs
Chrcllienncs(i)
fe moque des dieux, & de leurs facri-
vraye opinion .' C'e/l cela mcjme , dit fices, & d'vne folie admirable & in- pour les
Tryphon, Juif, dont nous fommes cj- croyable audace mefprife les lourmens
merueillc^, & quant au bruit qui fe
prelens , craignant ceux qui JonI à ve-
feme
de le decroire,
vous, car il n'efl
ce point
font raifonnablc
chofes fort nir, & voulant euiter de mourir après
abhorrentes de la nature humaine. la mort, cependant ne craind point de
Aufll ie fai que les commandemens mourir. Or comme les chofes mauuai-
fes croiflent plufloft que les autres,
qui vousdu font ainfi cefte fede croift de iour en iour,
y font tout exprimezcontraires,en &l'Euangile
mefmes
font (1 mcrueilleux <Sr fi grans, que ie & pullule par tout le monde. Ces
gens-lA fe conoiffent par certains fignes
penfe
eu foinque
de nul
les n'y peut obéir, car i'ai
fueilletter. entre eux , & s'cntre-aiment , prefque
autant que fe conoiftre, & font comme
Lui-mcfmc, en la première Apologie religion de paillardifeet mefchanceté.
pour les Chreftiens.
(i) Celte noie n'est pas de Chandieu. Elle
Dv temps que ic prcnoi plaidr à la est dans l'^dit. de Crcspin de 1570.
LA PERSECVTION DE L EGLISE A PARIS.
553
Ils s'appellent frères & fœurs, afin nombre,
que leur paillardife acouftumee fe ront affez& conuaincues.
diuerfes qu'ilIla fe
dites fe-
fafche
tourne en incefte, &, s'il n'en eftoit que poures & non lettrez
gens celeftes. dispu-
quelque chofe, le bruit n'en feroit pas tent des chofes Je refpon,
fi grand. On dit qu'ils tuent & man- que tous hommes ont efté cree:{ de
gent entre eux des petis en fans, & ce Dieu, capables de fens & de raijon ,
qu'on dit de leurs banquets eft tenu receuans fagelTe de lui & non pas de
pour certain, aflfauoir qu'ils s'afifem- fortune ; ioint qu'en difputant on ne
blent auec leurs enfants, fœurs, mè- cerche point la dignité de ceux qui
res de quelque fexe, & de quelque difputent, mais la vérité de la chofe
aage qu'ils foyent. Apres beaucoup propofee. D'auantage, puis que les
de gourmandifes & d'yurongeries, les yeux pour voir le ciel , la parole & la
chandelles e/lant e/leinles, ils fe mej- raifon font données de Dieu à tous
lent enfemble, commettant toutes vi- hommes, tous font oblige::; de le conoif-
lenies & paillardifes inceftueufes. Je
Ire, & n'efl moins mal fait de ne le co-
laiffe beaucoup d'autres chofes qu'on noijlre que de l'offenfer.
en dit, mais tant y a que cela fuffit Il dit que nous aimons les cachet-
pour conueincre leur religion en ce tes, & cependant, ou par crainte ou
qu'ilsleslachofes
tienenthonnefies
couuerte aiment
& cachée. par honte, on ne nous veut pas ouir
Car eftre en public. Nous ne tenons conte de
publiées & mifes en auant ; les mef- leurs dieux ni de leurs feruices , car
chantes veulent eflre fecrettes. Pour- nous fauons le tout efire inuenté par
la folie & témérité des hommes. Nous
quoi auffi n'ont-ils point d'autel, ni de
temples r Pourquoi ne parlent-ils ia- mefprifons les tourmens & combatons
mais en public ? Pourquoi n'ofent-ils hardiment contre l'horreur de la mort,
s'aifembler en liberté , fi ce n'eft pour par ce que la prefence de Dieu no/lre
autant que ce qu'ils adorent & ca- Capitaine
chent mérite ou punition, ou honte? pourquoi nous rend ainft
beaucoup des hardis.
noftres'Voilà
ont
La plus grand' part d'eux, & la meil- enduré eftre bruflez, fans qu'ils iet-
leure, comme ils dînent, font poures, taffent de grands cris, & mefmes les
endurent froid & faim , & cependant petis enfans & les femmes fe moquent
leur Dieu n'en tient conte. Ils endu- des gibets & tourmens par la patience
rent menaces, ils font traînez au gibet qui leur eft donnée. Et encores, ô
& au feu , & cependant leur Dieu ne miferables, vous n'entendez point que
les en garentit point. Ils reiettent tous nul ne fe veut prefenter à la peine
pafle-temps ; ils ne fe trouuent point fans quelque raifon , & que nul ne la
aux ieux, ni aux banquets publiques ; peut endurer conftamment , fans que
Dieu lui affifte.
ils font pafles £■ craintifs, & attendans
vne vie éternelle, cependant ils ne Et quant à ce que noflre nombre
viuent point. Pour autant ie vous con- croijl de iour en iour, ce n'eft pas figne
feille, ô Chrelliens, s'il y a quelque d'erreur, mais tefmoignage de louange.
fageflfe en vous, ceflTez de vous enqué- Nous-nous conoilTons entre nous, &
rir de chofes fi hautes, principalement le figne auquel nous-nous conoilTons
eftans indoftes, mal-aprins, rudes, & eft innocence & modeftie. Ainfi nous-
qui ne pouuez entendre les chofes de nous entre-aimons , ne fachans que
ce monde, encore moins les chofes c'eft de hair. Ainfi nous-nous appelions
diuines.
frères, ejlans enfans d'vn mefme Père,
OSlauius Chrc/Jien refpond (i). compagnons d'vne mefme foi, & héri-
tiers d'vne mefme efperance.
QvANT au commun bruit, qui nous
Ce n'en pas de merueille , fi Ceci- charge de calomnies tant deteftables,
lius, ne conoiffant la vérité, eft ef- nous fauons qu'il efï femé par la ruje
branlé de diuerfes & contraires opi- du Diable , afin que les hommes nous
nions, ne fâchant à quoi fe tenir. Or, haiffent auant que nous conoiflre , de
afin quela cela
monflré vérité n'auiene plus,
, les chofes ayant
en grand peur que nous conoiffans , ou ils vueil-
lenl nous enfuvurc, ou ils ne nous puif-
fent condamner. Or il faut s'enquérir
(i) Chandieu indique la page ;02. Il ren- de ce qui eft vrai, & non s'arrefter au
voie à différentes pa^'es pour les autres cita- bruit, lequel comme il fe nourrit en
tions. Ces indications sont aussi dans les menfonge , auffi meurt il dés que la
premières éditions de Crespin. iieriié ejl comte. Nous ne tuons point
LIVRE SEPTIEME.
554
les petis enfans, ayans horreur non fpedacle au théâtre } Il fe defendoit
feulement de voir vn homicide, mais (ce croi-ie) de Néron, ou de Vefpa-
auffi d'en ouyr parler. Nous ne com- fian , ou de Decius, par la haine def-
meuons ni paillardifes, ni inceftes, ni quels la confeffion de la prédication
autres telles mefchancetez, lesquelles aiuine a flori. Iceux fe nourriffans de
nous ne penferions cflrc au monde, fi l'œuure de leurs mains, en s'ajjemblanl
nous ne les voyions en vous. Cela doit dedans les chambres & lieux fecrets,
eftre dit de ceux qui contre nature & par les rues, & par les villages, en-
mefme fe fouillent en toutes vilenies ; uironnoyent quafi toutes gens par mer
de ceux qui n'eftiment paillardife que & par terre,
donnances descontre les &décrets
Sénateurs & des
les edits or-
ioyeufeté ; de ceux qui n"ont point de
honte des voluptez, efquelles ils fe Rois.
defbordent ; de ceux qui , entre leurs
autels, au milieu de leurs temples, Du premier chapitre du cinquième Hure
font marché de leurs paillardifes, trai-
de
SEBE Ihijloire
, où eflEcclefiajlique d'EV-
contenue me Epijlre
tent de leurs maquercllages, & pen-
fent à leurs adultères. Ncftre Religion enuoyee par les Martyrs de Lyon
n'cjï couucrte ni cachée, encores que &de de Vienne aux Eglijes d'Afie &
Phrygie.
nous n'avons ni Temples ni Auleis ;
nous dédions Dieu en noflre efprit.
nous le confacrons en noftre cœur, Or, on en prenoit tous les iours
nous-nous eftudions à innocence ,
qui n'eftoyent dignes , finon pour ac-
prières, iuflice, nous fuyons toute mef- complir le nombre de ceux qui tom-
chanceté. Voilà nos facrifices. Noflre
boyent & ne perfifloyent en la con-
poureté ne nous doit eflre tournée à feffion de Foi , tellement que des
mocquerie, mais à gloire. Au refte, deux Eglifes on appréhendait tous les
celui n'eft poure, qui ayant principaux & ceux par le/quels nos
fa richcffe, fe contente du Dieu
fien, ixpour
ne
Eglifes ejloj-cnt principalement gou-
conuoite l'autrui. uerriees. Il y a eu auffi quelques
DiEV ne nous mefprife point en nos Payens feruiteurs des noflres, qui ont
afflidions & n'efl pas impuiffant de eflé enfemblément prins; car le Gou-
nous fecourir ; mais nous ^'ouuernant uerneur auoit commandé que tous fuf-
& aimant les fiens , il efpreuue & fent publiquement recerchez; & iceux
exerce par là leur patience. Et quant eftans vaincus par les aftuces de Sa-
tan & craignans les tourmens lefquels
aux tourmens , qu'on fâche que le ils auoyent veu foufTrir aux fainds ,
vrai foldat de Dieu n'eft point aelaijji
enjouffranl, & en mourant il ne périt ont controuué à l'encontre de nous, à
tomt. Nous nous abflenons de vos
l'inftigation des genfd'armes qui les
leux & pompes diflTolues, entant que prefToyent, que nous faifions des ban-
l'honnefteté & vertu nous eft recom- quets de Thyeftes, c'eft à dire où on
mandée, & viuons ici tellement par mangeoit des petis enfans , & com-
foi , que nous fommes afleurez de mettions telles inceftes que Oedipus,
la félicité éternelle. Refiouiffons-nous & autres chofes, lefquelles il ne nous
donc d'auoir la conoi£ance de chofes eft licite iamais de dire, ni de penfer,
fi hautes ; iouiffons de nojîre bien, ni mefme de croire que telle cnofe ait
fuyons toute impiété & fuperfiition. iamais eflé faite par les hommes. Or,
ces chofes eflans diuulguees, tous ont
Ce sainA Sainâ Hilairc contre Auxencc. commencé à exercer cruauté contre
doflcur florif-
nous, tellement que ceux qui aupara-
foil l'an Ie vous prie, Euefques, qui le pen-
de grâce 371 .
fez eflre, cie quels fun"raj:;es ont vfé àuantcaufe
s'ejloyenl
de laporle^ plus modérément
familiarité que nous
les Apoflres pour prefcher l'Euangile.' auions auec eux , ont eflé plus fort in-
de quelle puijfance ont-ils ejlé aiJe:{ digne:{ & courrouce^ contre nous. En
pour prefcher Je fus Chrifi , & pour ce faifant , efloit acompli ce que le
quafi tranfmuer tous gentils de leurs Seigneur a dit ; c'eft alfauoir : « Le
images à Dieu .' Ont-ils prins quel- temps viendra que quiconque vous
que dignité de palais en chantant aura mis à mort penfera auoir fait vn
hymnes à Dieu en la prifon entre les feruice à Dieu. » Pourtant alors les
chaînes .' Et après auoir eflé fouetté , fainds Martyrs ont fouft"ert fupplices
Paul afl"embloit-il l'Eglife à Chrift par fi grans qu'on ne fauroit les raconter ;
l'edia du Roi, quand il efloit comme vn & Satan faifoit tous fes eft^orts pour
LA PERSECVTION DE l'église a paris. 555
leur faire dire quelque blafpheme. nient les Chrelliens, en Eufebe, U-
ure 4., chap. 9.
De l'hi/loire Ecckfiallique, au qua-
I'ai veu les lettres de Granianus_,
iricjmc Hure, c/iap. "18., où (7 monj- en l'eftat duquel tu as succédé. Or, il
tre'b perfeucrance de ceux qui fre-
quentorcht les affcmblees Chrejîicn- ne me femblc point que cefte caufe
nes en la ville d'Edejfe , au pays de des Chreftien s doiue eftre lain"ee fans
Mefopotamie. diligentes informations , afin que les
hommes ne foyent troublez, & auffi
Ceft empereur Qn dit que r Empereur Valcns prefte point
qu'onlicenedes calomnia la main à la ma-
teurs. Et pourtant ,
are°gri"a';'de voulu
ayant que voir cefte alTemblee & fi ceux de la prouince où tu es peu-
grâce 168. conu toute la multitude de ceux
qui s'afifenibloyent deteftoit herefie , uent prouuer en iugement ce qu'ils
propofent contre les Chreftiens, qu lU
frappa de fa main le Preuojl , pource
facent ainfi , pluftoft que d'accufer &
qu'il n'auoit point mis ordre qu'on les crier tant feulement; car il eft beau-
chaffalï de là. Or, comme ainfi foit
coup plus conuenable que, fi aucun
que le Preuoft ayant receu cefte in-
veut accufer, tu ayes conoift'ance de
iure, fuft preft d'obéir, maugré qu'il en caufe, et fur cela tu en iuges. Si donc
euft, à la cholere de l'Empereur, il fit
fauoir couuertement que nul ne fuft quelque Chreftien ejl accufi par de-
furpris en ce lieu de martyre. Car il uant toi, qu'il joit prouué nos qu'd ciit com-
mis quelque chofe contre loix, alors
ne vouloit point commettre vn tel
tu en iugeras félon le delicl ; mais fi
meurtre de tant de gens. Mais il n'y aucun pour calomnier les accufe , au il
auoit perfonne qui acquiefçaft ni à fon
confeil ni à fes menaces , car le len- ceté challié
foit (i). comme fa mefchan-
le mérite& puni
demain tous s'affemblerent en l'ora-
toire. Or , comme le Preuoft ayant .
auec foi vne groffe bande de gens Ceci que nous auons recueilli des
Anciens pourra inftruire les vns &
d'armes s'en alloit viftement à ce lieu
de martyre pour mettre à exécution nous pourra défendre à l'encontre des
autres Car qui fera celui qui croira
la colère de l'Empereur, vne poure nous
femme, traînant fon enfant par la main, du premier coup ce qu'on dit de cien-
eftre vrai , s'il eft aduereftoye ti qu'an
couroit au martyre & rompoit l'ordre nement les Chreftiens nt char-
des fatellites du Preuoft, dont le Pre- gez des mefmes calomnies? Qui fera
uoft eftant indigné, commanda qu'on celui , lequel nous voyant aftaïUis
la lui amenaft, & parla à elle, difant :
comme ils ont efté , ne fe vueille en-
« Où vas-tu ainfi follement & à l'ef- quérir finous fouftenons vne mefme
Refponfe tourdie, mal-heureufe créature? » Au- querelle , & ayans mefme occafion
digne quel elle refpondit : « le vay où les contre nous, nous auons auffi vne
de mémoire autres courent. » Il lui dit : « N'as-tuà mefme innocence ? Or, qu'on demande
àiamais. pas entendu que le Preuofl mettra à ceux qui ont quelque iugement de
mort tous ceux qu'il trouueraï » La refte , pourquoi ils appellent chiens &
femme refpondit : « h l'ay entendu , prophanes les anciens Gentils, par
& pour cefte caufe ie me hafte , afin efté perfe-
lefquels les Ne Chref -ils ont
dironttiens pas que c eft
que ie fois auffi là trouvée. » Le Pre- cutez?
uoft ayant oui cefte refponfe , s'ef- ntre
merueilla de la folie de ceux qui ef- pour autant
d'eux & de faufl'e
ont vfé
qu'ilss accufa à l'enco
tions, & d ini-
toyent affemblez, & vint à l'Empereur, des té
de cruau
, & fait exécra -
l'auertift'ant que tous eftoyent prefts donc s le
Si iugemen
ble '-ques Payen s eft
de mourir pour leur foi , & qu'il n'ef- condamné par eux, queen fera-c e fi eux
vn mefme
toit point raifonnable qu'vn fi grand auiourd'hui tombent
nombre de gens fuft meurtri en vn vice , nous accufans fauflfement , nous
moment; & par ce moyen il perfuada condamnans iniuftement , & exerçans
à l'Empereur d'apaifer fon ire. Ainfi té à l'encontre de
les Edeft'eens efchapperent la fureur vne exécrable cruau
nous ? Il eft certain que ceux qui ont
de leur Empereur & ne furent point
desfaits.
(0 Ici Chandieu ajoutedit(p.qu4>-4? ) dix-sept
lignes dans lesquelles il « il y a alTez
urs
Cefl empereur ^-^j^jY de l'Empereur Adrianadrefté d'autres tefmoignages des anciens dcfle
qui fervent à cellipropo s, mais que ce qui en
a efté ici recuei fuffira. »
deTace'1%. à Fundanus contre ceux qui calom-
LIVRE SEPTIEME.

quelque crainte de Dieu en leurs der > on difoit le fcmblable d'eux.


confciences difent bien auoir en hor- Dit-on que nous faifons banquets &
reur les abominations des Payens : fi
puis qu'on efteint
commettre toute les chandelles
vilenie ? cela pour
auffi
efl-ce qu'eflans deceus par leur igno-
rance ils
, encourent vne mefme con- fe difoit d'eux. Et comme on dit
damnation, en tant qu'ils nous perfe- que nous fommes rebelles à nos Prin-
cutent, ne voyans point que nous ces, auffi les accufoit-on de cela.
auons vne mefme caufe auec les
D'auantage , ils ont elle furprins en
Chreftiens de l'ancienne Eglife. Car leurs alTemblees , alTaillis de pierres
s'ils s'iin'cmbloyent en fecret, ne leur & feux,.& outragez par le commun
eftant permis de ce faire en public , populaire , comme auffi il nous e(l
aulfi faifons-nous. Si, ne pouuans de aucnu. Et cependant les Chreftiens
iour, il s'afl'embloyent de nuid , auffi elloyent toufiours condamnez & le
faifons-nous. Si, ellans alTemblez, ils peuple abfous , comme nous voyons
Conférence prioycnt Dieu, oyoyent fa parole, &
des Anciens auiourd'hui deuant nos yeux. Tant y
auec nous. communiquoyent aux S. Sacremens
a toutesfois que l'infolence , voire la
que noftre Seigneur lefus Chrifl a
inftituez en fon Eglife, nous faifons le rage de ce peuple, fi elle n'eft punie
femblablc. Si en leurs alTemblecs ils par les hommes,
le iugemcnt de Dieu elle, n'euitera
duquel le point
bras
donnoyent dequoi pouuoir fubuenir cft défia Icué pour en faire vengeance,
aux pourcs , nous le faifons auffi , & fi on le pouuoit conoiftre.
auons de quoi louer Dieu que plu- Car que ie m'adreffe à toi , peuple
fieurs poures malades i*t autres affli- ignorant & infenfé , fi tu es reuenu à
gez ont fenti quelque fruid de nos af- toi mefme, confidere qui font ceux
Qui font ^
femblees. Bref, s'il y auoit ordre, qui ont failli , qui font coulpables &
difcipline & ccnfure entr'eux , auffi y qui méritent punition , ou nous qui ceux qu'on doit
a-il entre nous. Et de fait, fi vous-vous prions Dieu en vne chambre, ou toi ertimer
coulpables
en efiiez bien enquis, vous trouueriez qui , eftant efpars au milieu des rues,
la veritii de ce que nous difons, & blafphemois fon faind nom , criant
aprouueriez la bonté & équité de nof- fans fauoir pourquoi ? Lefquels ef-
tre caufe. toyent feditieux , ou nous qui eflions
Mais comment eft-ce qu'on y pro- en vn lieu paifible, ou toi qui trou-
cède .'Il y aura bien force gens qui blois tout par ton cri & tes armes ?
s'enquerront , qui guetteront , & qui Lefquels s'efleuoyent contre le Roi,
en cela feront toute diligence; mais ou nous qui , après auoir prié Dieu
quoi ? on s'enquiert où font ceux de pour lui & pour toi-mefme , fufmes
trouuez fans armes & fufmes prias
noflre afi'emblec, & non pas quels ils
font ; on s'enquiert quels font leurs fans defenfc , ou toi qui, fans com-
biens, & non pas quelle efi leur caufe ; mandement, fans authorité de iuftice,
fus trouué la nuiil eftant en armes ?
on conte combien on tirera d'argent , Tu criois aux mefchans , & toi feu!
& non pas combien on commettra de
cruautez, faifaiit mourir des innocens; commettois mefchanceté. Tu criois
& cependant chacun forge à fon plai- aux voleurs, & toi-mefme faifois la
fir de nouueaux . crimes pour nous violence contre nous, qui eftions ex-
mettre fus , en defguifant la caufe pofez à tes voleries & outrages. Et
pour laquelle nous fouffrons. On parle cependant on ne lai (Te de crier par
de ces crimes par les carrefours, par tout que nous fommes mefchans , fe-
les rues & par les maifons ; mais on ditieux &defobeiffansà noftre Prince.
n'en
il foitparle point
loifible de en vn auditoire, là où
fc défendre. Qu'on croye donques maintenant au
Et par cela on void que, tout ainfi dire du peuple,
commun bruit. qu'on adioufte foi au
que nous faifons les mefmcs chofcs qui Qui croira auffi eftre vrayes les au-
ont cjlé faites par les anciens fidèles
tres menteries, qu'on defgorge à ren-
nos predeccjjeurs , auffi nous endurons contre de nous ? On dit que nous ef-
les me fmes outra f;es, & rien n'eft mis tions alTemblez pour p;iillarder, mais
auiourd'hui en auanl contre nous qui d'où en peut venir la coniefture ? La
licence de paillarder, laquelle chacun
n'ait eflii obieêli! îi ceux de l'ancienne
Eglife. &Carfairenousconuenticules
charge-on d'élire fe- void eftre ici , peut-elle contraindre
ditieux ? on les aucun de fe cacher pour commettre publiquement
Ce qu'ilonen
fc feroit
en chargeoit aufli. Dit-on que nous- en fccrct ce qui fe fait manifeftemcnt, permet
pourquoi
cachettes }
nous alTemblons de nuid pour paillar- & fans punition, & fans honte? Au
SSl
LA PERSECVTION DE l'eGLISE A PARIS.

demeurant , d'où eft furuenue au peu- nuë , & n'auons iamais douté de M.D.LVII.

ple cette nouuelle haine de péché r leur' cruauté & malice. Nous fauons
Pourquoi blafme-il en nous le vice le- en outre que Dieu feelle fon Euan-
quel il ne fait point y eftre , & gile par les perfecutions; nous fauons
Taprouue es autres, efquels il le void enuiron-
que l'Eglife en eft toufiours eftre
nee; niais faloit-il pourtant pri-
eftre manifeftement ? Les paillardil'es
de fes prettres font conues, elles font uez des chofes que Dieu a ordonnées
deuant fes yeux , les rues & bien fou- necen"aires à noftre falut.' pluftoft fa-
uent les maifons font pleines de leurs chans la générale condition de toute
baftards, & toutesfois on n'a iamaisoui l'E'jlife, & preuoyans comme de loin
crier leil peuple à l'encon
nous d'eux ,
tre, efquels les^perfecutions à venir, nous n'ef-
comme a fait contre tions point admonneftez de quitter
il n'a trouué aucune tache de telle in- tout pour cela & perdre courage;
fameté. Que doncques les ignorans mais pluftoft de nous préparer à rece-
confiderent ceci à bon efcient , pour
uoir ce qu'il plairoit à Dieu ordonner
ne fe harter point à nous condamner, de nous, & ainfi remettans tout le
fouci de noftre vie entre fes mains ,
de peur qu'en nous condamnant, ils nous fuiuions le chemin où i! nous
ne condamnent auffi l'eftat de l'Eglife
ancienne , voire fe condamnent eux- eft vrai
votre Ilconfeil
ce n'eft
que tant pas
mefmes , enfuiuans la légèreté & félon mis.
auoit , mais y a que
cruauté des Payens. c'eft félon la volonté de Dieu , qui ne
QvANT à ceux qui fe bandent les genfd'armes, lef-
yeux à leur efcient, & publient contre veut point auoir de lefescombat ne veulent
quels preuoyans
nous des acccufations & calomnies, fuyure leur enfeigne. Au refte, quand
encores que leurs confciences les def- vous dites qu'il y faut aller petit à pe-
mentent , foit de ceux qui n'ont autre que par nos aft'emblees nous
Dieu que leur ambition & auarice , noustit,&précipitons témérairement, outre
foit de aux qui veulent rachetde er la Ja- ce que non feulement vousles mefmes autres,
ucur des Princes au prix nojlre reculez, mais vous retardez
fang, que telles gens fâchen t que nous vous ne confiderez pas que celui ne je
appelions de leur cruauté & iniujïiee précipite point témérairement , lequel
deuant la maielh' de nojlre Dieu , qui fuit le train que Dieu lui a vne fois
ne delailTe iamâis impuni le mefpns de
prefcrit. Ainfi ont cheminé tant d'ex-
fa parole & l'outrage qu'on a fait aux
Cens. cellents perfonnages
tant de
en l'ancienne
S. Martyrs ont
Eglife, ainfi
En outre , fi les fages de ce monde fini leur courfe & ont efté couronnez,
tournent en mocquerie ce que nous defquels, fi on approuue & le zèle &
faifons, & preftent la main à ceux qui la conftance, on ne nous peut accufer
nous blafment , nous les renuoyons à de témérité.
toute l'Eglife nous, ancienne, afine qu'elle Or, quant à nous, eftans refolus
refponde pour à laquell fi nous que noftre Seigneur lefus Chrift ne fe
prefente finon auec fa croix ,lefesfuiuan efpi-
auons plus d'efgard qu'à eux-mefraes, s
ils nous excuferont, s'il leur plait, veu nes & fes opprobres, & que
qu'il eft bien raifonnable que le com- nous ferons dechaff'ez de tout le
mandement de Dieu . l'authorité des monde , nous ne nous eftonnerons
Apoftres & l'exemple en des anciens point des chofes que nous voyons au-
Martyrs nous foyent plus grande iourd'hui eftre faites à l'encontre de
recommandation que la foibleffe Nous & té- nous, & ne quitterons point le feruice
mérité de noftre raifon propre. de noftre Dieu , encores que les igno-
fauions bien, difent-ils, que vos affem- rans nous blafment, les endurcis nous
blees feroyent defcouuertes , non fans pcrfecutent & les prudens charnels Je
mocquent de nous ; pluftoft eux tous en- De quoi
le danger de ceux qui s'y trouueroyent ; nous doment
c'eftoi't donc témérité que laVoila vie des
les femble nous feront comme vn aiguil-
hommes fuft ainfi hazardee. Ion à refueiUer noftre parefle, afin que ^^^ iu''gements
vous nous reconoiffions mieux la grande ju monde,
propos de telles gens. Mais ie
vous mifericorde de Dieu, qui reluit fur
Refponfesaux demande, ô fages, nous ibenfei-
fages d'vn entendement fi ejlourd , que nous nous, en ce qu'au lieu de nous lailler
preuoyans. n'avons aujfi preueu toutes ces chojcs)
aueugles & ignorans, il nous fait co-
Nous fauons bien que nous habitons noiftre fa volonté : au lieu de nous laif-
au milieu de ceux qui hailTent lavraye il nous
flefchi à fon endurc
fer ent noftre au ,lieu
; & ent
feruiceift'em de
dodrine, leur ignorance nous eft co-
LIVRE SEPTIEME.

nous abandonner à noftre confcil , il plus fanguinaire que fon compagnon,


nous5>8fait obéir à fon commandement , amalTe toutes les chofes énormes
afin que, courans après tant de fidèles cju'on nous.
peut imaginer & les charge
& exceliens Martyrs, nous furmon- deffus Ne dit point feulement
tions voftre cruauté par noflre pa- qu'en ces affemblees on paillarde, les
tience. Car celui auquel nous fcruons, chandelles efteintes, mais que nous
que nous préférons à nos plaifirs , maintenons qu'ilA n'y a point dede Chrift,
Dieu,
honneurs & à nollre propre vie, qui nions la diuinité humanité
void les outrages que nous endurons , l'immortaJité de l'âme , la rcfurredion
voire qui les endure auec nous, icelui, de la chair ; bref, tous les articles de
di-ie , nous fera la ^raee de continuer la vraye religion, & nous charge ainfi,
iufques à la fin , comme au/fi ont fait fans en faire demonftration aucune ,
tous les fainâs Martyrs , qui ont eft<i non plus que l'autre. Là deffus
dcuant nous (i), afin que tout ainfi les Rois & les Princes de nousexhorte
met-
que nous auons vn mefme Capitaine tre en pièces, s'adrefl"e au peuple &
auec eux, que nous maintenons vne l'incite à tuer & meurtrir, fans atten-
mefme querelle & fouftenons les mef- dre les procédures acouflumees en
mes alTauts , auffi eftans armez d'vne
mefme confiance , nous iouyffions bons chrcjiicns contre les ennemis de l'Eglife
d'vne mefme vidoire. catholique. Auteur Antoine de Monchi , fur-
nommé Democharcs. Docteur en Théologie à
Sorbonne (In-S" de 72 l*' ; Paris, Claude
Ce petit Fremy, 1560). Voici ie « fommaire des prin-
mable Si oftaliure fut d'vn fruid
à beaucoup inefii-la
de gens
ligure aucipauxverso
poinéls dedu celle
litre refponfe, n tel qu'il
: « Réprobation de
mauuaife opinion
affemblces, & incitaqu'ils
mefmeauoyent des
les autres l'infcription que prennent les hérétiques.
Rcfponfe et intelligence de la première au-
à faire plus diligentes enqueftes de la thorité qu'ils allèguent. Claire dcmonllration
vraye (iodrine. Aucuns Dodeurs de que
font lesfainiMs
hérétiques,
martyrs,quoy ains
qu'ilsmalheureux
foulfrent, ne&
Sorbonne s'efforcèrent d'y faire ref- damnez. Ample deprobation qu'onfeu.doibt punir
ponfe; mais les poures beftes, comme les hérétiques mort & par Rcfponfe
en toutes autres chofes, ne firent en à la féconde aulhorité & réprobation mani-
fefle des alTemblées calviniques. Refponfe
cela que defcouurir leur ignorance.
Democharcs aux auihoritez des doéleurs qu'ils allèguent
Sorbonifle L'vn , nommé de Monchi (2), fe fon- pour prouver leurs alTemblées. Déclaration
dant fur vne refolution Doftorale que cuidente qu'on doibt fuir les hérétiques &
peut nommé
cflre sur- nous fommes hérétiques, fans en faire leurs alTemblées Enfeignemens certains pour
congnoiltre les hérétiques. Probation des
iCmochares. c. aucune preuue, employé tout fon fainéls Doéleurs quels font les hérétiques.
fanguinaire. liure à difcourir fur la punition des Probation que les hérétiques de maintenant
font paillards. Demonltraiion que les héré-
hérétiques,
eftre bruflez &, &monftre qu'ils
là deffus crie doiuent
au feu tiques enfuiuent le diable. Les trois amor-
fes du diable. » Démocharès commence par
& aux glaiues ()). L'autre, encore s'excuser d'avoir écrit son livre en français,
en alléguant
teurs anciens,1 qui
l'exemple des fainéls
ont louliours Doc-
accouOumé
(i) Chandieu, ici et plus haut, ne souligne d'efcrire contre les hérétiques en latin &
aucun des mots que Crespin met en itali- non en françois. « Il ajoute : « Or mainte-
nant il ell ainfi qu'il fault rcfpondre à vn
ques.
(2) Chandieu l'appelle « de Mouchi , » et liure, qui efl petit en quantité, mais en mef-
c'est chanceté très grand , lequel ell en françois
même laseforme qui "a de
nomme prévalu,
Monchiquoique
» dans lui-le
& ne parle pas latin. » L'ouvrage est sur-
titre de sa réponse à l'.Apologie (voy. noie tout consacré
les Pères , que àlesprouver par doivent
hérétiques l'Ecritureêtre
et
suivante;. Mczeray a prétendu que la dé-
nomination de mouchard dérivait du nom de
punis
ne par lepas,
réussit glaive
cela etva par
sans ledire,
feu. à L'auteur
faire la
cet inquisiteur, et que c'était le titre que
l'on donnait couramment à ses espions. u probation » qu'il promet concernant les
Cette étymologie a été adoptée par Vol- désordres des mœurs des protestants. " Il
taire, et Litlré l'indique comme possible ell par tout notoire, ■■ dit-il, ■■ que les héré-
(Voy. sur ce point le Bull, de t'hist duprût., tiques du lourd'huy font adonnez à leurs
X, III et 4ï8; XI. 115I. Il n'est pas impos- plaifirs charnels. » Il en donne pour preuve
sible que ce personnage ail lui-même mo- qu'ils
blemenl marier. les
induisent religieux
» Puis " a fctmites
il ramasse execra-
les
difié l'orthographe de son nom et pris le sur- accusations infâmes, auxquelles la surprise
nom ijrcc de Di'inoch.irh. pour échapper à
l'odieux de l'assemblée de In rue Sainl-Jacques avait
son nom. d'un sobriquet populaire attaché à donné naissance . et les reproduit avec une
()) Voici le litre et la description du livre perfidie d'inquisiteur et une complaisance de
de Démocharès, dont la Bibliothèque natio- casuiste. Son seul regret est qu'en France ,
nale possède un exemplaire ( Réserve , •• où le roy cil très clirellien, il n'y ait jamais
H. )ii')) : Rcfponfe à ^udjuc apologie que eu autant d'heretiques & moindre punition
d'iceux , mefme en la ville capitale de fon
les hérétiques',
auant ces :iours
fous ce titre fajfe^.
Apologie ou ont mis des
defenft en
royaume. i>
LA PERSECVTION DE L EGLISE A PARIS.
5^9
luftice, & tafche de remplir toute la ble ; celles-là ouurent les cieux ,
terre de meurtres & faccagemens (i). celles-ci ouurent les enfers; celles-là
Ccnaiis Letroilieme, nommé Cenalis, Euef- chalTent les nuées & les tonnerres ,
Euesqiie que d'Auraiiches (2), débat vne mefme celles-ci alTemblent les nuées & con-
de Auranches, ^,^^|.^,^ ^^-^ ,^^^^ ^^^^j^^ ^^ véhémence trefont les tonnerres. Et beaucoup
que les autres, maintient toutefois ef-
frontément que nous ne nous affem- d'autres proprietez qu'il amalTe en-
blons que pour paillarder, & fe com- femble
Romaine pour
eft laconclurre que , l'pource
vraye Eglife Eglife
plaint grandement dequoi les iuges ne
nous font point plus feueres , comme qu'elle a des cloches. Voila les argu-
mens par lefquels les fidèles font com-
fi iufquesaffez
à prefent ils n'auoyent batus par nos maiftres, & la refponfe
monftré de cruautez, & que point
cela
cfl caufe que nodre nombre croift de qu'ils faifoyent à l'Apologie imprimée
pour la defenfe des prifonniers.
telle façon. Entre les autres poinds
QvANT à donner courage & confo-
de fon liure , il y a vne difpute mer- lation à ces poures gens , tourmentez
ueilleufement plaifante touchant les des infeftions & peines des prifons ,
fignes & marques de la vraye Eglife. effrayez des continuelles menaces de
Car il prefuppofe vne chofe qui eft
vraye , que la vraye Eglife a des fignes la mort & afTaillis d'interrogatoires or-
dinaires, ceux qui eftoyent en liberté
par lefquels elle ell difcj.'-nee d'auec ne lailToyent point paffer les conirno-
la faulTe Eglife, & là deffus, fans rien ditez qui fe pouuoyent prefenter en
toucher de la prédication de TEuan- cefte garde fi eftroite, fans leur faire
gile & adminiftration des Sacremens , tenir lettres de iour à. autre. Mefmes
Les cloches il dit que leur Eglife a les cloches pour les Eglifes lointaines, fe relTentantes
marques fignes , par lefquels elle efl ordinaire- de cefte affliétion auenue à leurs frères,
d'Egl.fe , félon ^^,„j firent auffi deuoir de les fecourir (i)
foupicr , aflembl,ce, ,' & que ,•noïlre Eglife
& ce
charnel Ce- 3 'ss coups de harqueboules 1
«o pilloles
■,? \ & de confolation & de confeil, entre
nalis. pour fignes , par lefquels il fe fait autres ceuz de Geneue adrelTerent
acroire que nous fommes affemblez , particulièrement lettres aux femmes,
comme le bruit auffi eftoit entr'eux. de la teneur qui s'enfuit (2) :
Cela prefuppofe, il s'efgaye&triomphe
comme d'vne viftoire gagnée , & fait Je ne m'esbahi point, trescheres
vne longue antithefe, par laquelle il fœurs, fi vous eftes eftonnees en ces
veut prouuer que les cloches font les durs alTauts, & fentez les répugnances
fignes de la vraye Eglife. Les cloches,
de voflre chair, laquelle fait d'autant
dit-il, fonnent , les harqueboufes ton- plus fes efforts que Dieu veut befon-
nent ;celles-là ont vn doux fon & mé- gner en vous par fon Sainél Efprit. Si
lodieux, celles-ci vn fon efpouuanta- les hommes font fragiles & aifément
troublez , la fragilité de voflre fexe eft
(1) Le nom de cet- autre adversaire ne encore plus grande , voire félon le
nous
trouvéestson pasécrit,connu qui, etdutnousèlren'avons pas
anonyme.
cours de nature. Mais Dieu qui be-
fongne es vailTeaux fragiles, fait bien
C'est, sans doute, de ce
car écrivait à Calvin, le 7 février lîçS : pamphlet que Ma-
monftrer fa vertu en l'infirmité des
« Puto ad te perlatum esse libellum aliquem
Magistri noslri adversus apologiam quœ fiens. Parquoi c'eftàlui qu'il vous faut
hic conscripta est. » 11 ajoutait dédaigneu- auoir voftre recours , l'inuoquant con-
sement au sujet de l'écrit de Démocharés :
« Alius pra^ter hune jam exstat scriptus ab (ij Chandieu ajoute ceci : « en cela, nous
inepto quodam Demochare. « CalDini Opcra, en lailTerons deux en ce lieu pour toutes
XVII, îj).
(2) Cenalis, ou plutôt Robert Ceneau, né les autres, afin qu'un chafcun s'en puilfe
fervir, s'il advient qu'il tombe en une perfé-
à Paris vers la fin du quinzième siècle, fut
cution pareille.
femmes La première
particulièrement, de s'adrelToit
la teneur aux
qui
successivement nommé évèque de 'Vence , s'enfuit- »
de Riez et d'Avranches, et mourut à Paris
en 1500. 11 ne manquait pas d'érudition, et (2) Calpini Opéra , XVI , 6;2. Quoique ne
a écrit des dissertations d'histoire, d'archéo- portant pas la signaUire de Calvin, cette
logie et de jurisprudence qui lui firent une lettre est évidemment de lui, et ses édi-
certaine réputation. Ses écrits polémiques
lui font moins d'honneur et lui attirèrent de teurs, tant deà Paris
pas hésité la lui que de Brunswick,
auribuer n'ont
(Voy. Lettres
virulentes réponses de la part des écrivains franc., II . 145). En même temps que cette
réformés, notamment un écrit satirique, qui lettre admirable .de Calvin adressée aux pri-
est probablement de Th. de Bèze \Cahini sonnières de Paris, une autre, écrite pro-
Opéra, XVI, ;ji). Le pamphlet qu'il publia bablement aussi par Calvin, au nom des
àestla suite
sans de l'affaire
doute ie de la rue : Saint-Jacques
suivant Mctiiodus de pasteurs de Genève, était adressée à l'Eglise
de Paris (Voy. Calv. Op., XVI , 629 ; Let-
compesceiida hœreticorum feroeia, Paris, IJ57. tres franc., II, IJ9)-
LIVRE SEPTIEME.

560
tinuellement ék le priant que la fe- querelle. Quand il nous met au com-
mencc incorruptible (qu'il a mis en bat & à l'efpreuue contre fes ennemis,
vous, A par laquelle il vous a adoptez d'alléguer là deiïus noftre infirmité ,
pour élire au nombre de fes enfans) pour l'abandonner ou renier, il ne
produife fes fruifts au befoin , & que nous profite de rien , finon pour nous
par icelle vous foyez fortifiées pour condamner de defloyauté. Car celui
rolifter à toute angoifTe & alTliiHion. qui nous met en bataille nous garnit
Vous fauez ce que dit fainél Paul :
Que Dieu a efleu les chofes folles de «ceffaires,
munit quand& nous& donne
quand adrelTe
d'armes pour
ne-
ce monde pour confondre les fagcs, & en vfer. Il ne refle que de les accep-
a efleu les chofes infirmes pour abatre ter & nous laiffer gouuerner à lui. Il
les fortes ; les chofes contemptibles & a promis de nous donner bouche &
mefprifees, pour dellruire celles qui fagesse à laquelle nos ennemis ne
font grandes & de haut prix. Cela pourront refiller. Il a promis de don-
vous doit bien encourager, afin que la ner fermeté & confiance à ceux qui fe
1 Cor. I. 28. confideration de vollre fexe ne vous fient en lui. Il a efpandu de fon Ef-
face défaillir, encores que fouuent il prit fur toute chair, tt fait prophetifer
foit mefprifé par les hommes. Car fils & filles, comme il auoit prédit par
quelques hautains & orgueilleux qu'ils fon prophète loel, qui efi bien figne
foyent, & que par mefpris & defdain qu'il communique femblablement fes
ils fe mocquent de Dieu & de tous
autres
defiitue grâces
ne fils necelTaires
ne filles, ni, hommes
& qu'il ne
ni Aa. 1. 17.
ceux qui le feruent, fi font-ils con-
traints d'auoir en admiration fa vertu femmes, des dons propres à maintenir
& fa gloire par tout où ils la voyent fa gloire. H ne faut donc eftre paref-
feux à les lui demander, ne lafches à
reluire. Et d'autant que le vailfeau
par lequel Dieu befongne fera débile, les receuoir , & en vfer au befoin
d'autant feront-ils eftraints & enferrez quand il nous les a départies.
en eux-mefmes de la vertu de Dieu, à Considérez quelle a elle la vertu Luc 2). 46.
laquelle ils ne peuuent refifier. & confiance des femmes à la mort de
Vovs voyez que la vérité de Dieu , noflre Seigneur lefus Chrift, & que
quelque part qu'elle fe trouue , leur lors que les Apoflres l'auoyent de-
efl oaieufe ; & qu'elle n'eft pas moins laifl'é, elles ont perfifté auec lui en
haye d'eux es hommes qu'es femmes , merueilleufe conftance , & qu'vne
es vieux qu'es ieunes, es fçauans qu'es femme a efté la melfagere pour an-
noncer aux Apollres fa refurredion,
idiots, es riches qu'es poures, es grans
qu'es petis. Que s'ils prennent occa- laquelle ils ne pouuoyent croire ne
fion du fexe ou de la qualité exté-
comprendre. S'il les a lors tant hono-
rieure de nous courir fus d'auantage, rées & douées de telle vertu, eftimez-
(commequent desnous voyons qu'ils fe moc- vous qu'il ait moins de pouuoir main-
femmes, i.% des poures gens
tenant & qu'il ait changé de volonté ?
mechaniques , comme s'il ne leur Combien y a-il eu de milliers de fem-
apartenoit point de parler de Dieu &
conoiftre leur falut), fâchons que tout mes, qui n'ont efpargné leur fang ne
leur vie, pour maintenir le nom de
cela efi en tefmoignage contr'eux & à lefus Chrift & annoncer fon règne .>
leur grande confufion. Mais puis qu'il Dieu n'a-il point fait profiter leur
a pieu à Dieu vous appeller à foi ,
martyre .- Leur
tenu vidoire du foi n'a-elle
monde, auffi point ob-
bien que
suffi bien que les hommes (car il n'a
cfgard n'a mafle n'a femelle) il efl be- celle des Martyrs .-' Et fans aller plus
fom que faciez vortrc deuoir pour lui loin, ne voyons-nous point encores
donner gloire, félon la mefure de grâce deuant nos yeux , comment Dieu be-
qu'il vous a départie, auffi bien que fongne iournellement par leur tefmoi-
les haute
grans Icience
perfonnages qu'il Puis
a douez gnage & confond fes ennemis , telle-
Luc 21. I. de & vertu. que
lefus Chrift eft mort pour vous, & par ment qu'il n'y a prédication de telle
elllcace , que la fermeté & perfeue-
lui efperez falut, ayant elle baptizees
en fon Nom , il ne faut point edre rance qu'elles ont eu à confen"er le
nom de Chrift.' Ne voyez-vous pas
comme cefte fentence de noftre Sei-
lafches à lui rendre l'honneur qui lui
appartient. Puis que nous auons vn gneur a efté viuement enracinée en
falut commun en lui , il ert necelfaire leurs ctvurs, par laquelle il dit : « Ce- Mntih. 10 )}•
que tous d'vn commun accord , tant lui qui me renonce deuant les hom-
hommes que femmes, fouftienent fa mes ,ie le renoncerai deuant Dieu
TARDIF, GVYOTET, CAILLOV & NICOLAS.

mon Père ; & celui qui me confefTcra, l'auancer. Le peuple auffi l'attendoit
ie le coiifefl'erai auffi & auouërai dé- d'vne affeftion grande , infinie
& s'afi'embloit
fouueiit en multitude par les
liant Dieu mon Père ? » Elles n'ont pas
eu crainte de lailler celle vie caduque places ordonnées à faire les exécutions,
pour en obtenir vne meilleure, pleine pour ralTafier fa veuë d'vn fpeftacle
de béatitude qui dure à iamais. Pro- tant defiré. Finalement le 17. de Sep-
pofez vous donc ces exemples fi ex- tembre, leRoi, auerti par ce Lieute-
cellens.tant anciens que nouueaux, nant Ciuil que les procès efioyent
pour alTeurer voftre fciblelTe , & vous défia en eflat de iuger , enuoye com- 561
repofer en celui qui a fait fi grans ou- miffion àla Cour, pour arrefler l'exé-
urages par des vailTeaux fragiles, & cution d'iceux, & commande d'y pro-
céder extraordinairenient , & toutes
conoifiez l'honneur qu'il vous a fait,
afin de vous lailTer conduire à lui ; ef- autres afaires pofipofees, & ce au
tans bien affeurees qu'il eft puilTant rapport d'icelui
vouloit eftre Lieutenant,
admis en leur lequel
confeil,il
pour vous conferuer la vie, s'il s'en
veut encores feruir, ou bien s'il en encores que, par
Cour , aucun ne l'efiabliffement de la,
foit receu à entrer
veut faire efchange pour vous en don-
ner vne meilleure , vous eftes bien opiner, ne rapporter, qui ne foit du
heureufe d'employer cefte vie cadu- corps d'icelle. Il deputoit auffi ceux
que pour fa gloire de fi haut pris , & qu'il entendoit efire Commiffaires en
pour viure éternellement auec lui. celle caufe, alTauoir deux Prefidens,
Car à cela fommes nous mis au & feize Confeilliers nommez, ou douze
monde, & illuminez par la grâce de d'eux, félon que la Cour verroit eflre
Dieu, à ce que nous le glorifions &
en nortre vie, & en noftre mort, & que bon, tous gens d'eflite. Celle commif-
fion eftant venue, la Cour ne peut ac-
nous foyons vne fois pleinement con- corder que le Lieutenant Ciuil fuft
ioints à lui. Le Seigneur vous face la receu à la decifion des procès, pource
grâce de méditer attentiuement ces que cela derogeoit par trop aux couf-
chofes, & les bien imprimer en vos
cœurs, afin de vous conformer du tout tumes de leur parlement, & auffi qu'il
eftoit en aftion d'auoir faulTement iugé
à fa bonne volonté. Ainfi foit-il. De au fait de la Comteffe de Senigan.
Geneue (i ). Pourtant Louis Gayan, confeillier, &
Baptifte du Mefnil, aduocat du roi ,
Pourfuite font enuoyez deuers fa Maiefté, pour
de Ihiftoire fur PovR reuenir aux aduerfaires, pen- en faire remonflrance.
la perfeculion
dant que les fidèles pouruoyoyent à
de Paris. ces chofes , eux , de leur cofté , taf-
M.D.LTllI. choyent en toutes fortes de hafter
l'exécution de ces poures gens; & le
Lieutenant ciuil , qui en auoit receu
commiffion verbale par le garde des George Tardif, Nicolas Gvyotet,
féaux (2), ne laillbit rien derrière pour Iean Caillov de Tovrs, et Ni-
colas DE Ieinville (1).
(i) Ici Chandieu insère (p. 58-68) une
« aurtre epirtre de Maillre Pierre Viret à Qcs quatre Martyrs aitoycnt cfié lon-
toute l'Eglife, >• qui commence ainsi : «Chers f^uemcnt détenus à Paris , & furent
frères et hien-aimez, les nouvelles qui nous
ont elle annoncées de la perfécution que en ce temps enuoj-e:{ à la mort en
trois diuers lieux. Et partant nous
l'adverfaire de Dieu vous a fufcitèe, nous
ont apporté une trirtelTe qui nous prelfe
grandement le cœur. Mais celte tridelfe a les auons ici infère:^ félon qu'ils ont
ejU exécute^ , afin de conferuer leur
ce bien conioint
enllambe avec deelle,
les Eglifes deçàqu'elle incite les
, & tous & mémoire , en attendant que plus à
vrais chrefliens de lésus-Clirift (qui font du plc<n on pui[Je auoir ce qui efl de
corps duquel vous pour
elles)vous
à prier furplus de leur hi/loire (2).
cœur plus ardent tous, Dieu
& pourd'unla
déliurance des panures prifonniers : dcf- SvR ces entrefaites, le Parlement
quels nous auons soing , comme si nous En la
fentions leurs liens, & citions détenus auec de Paris (5), intimidé de la prife de
eux... 1) Cette lettre de Viret, qui occupe de Paris.
perfécution
dix pages dans IHistcirc des pcrjécutions de
tant de gens & des menaces du Roi ,
Chandieu. a été omise par Crespin , sans 3^' .
doute pour ne pas allonger son récit, et ne
(1) Crespin, 1Ç64, p. 878; 1570, f° 481 ;
figure, à notre connaissance, dans aucun re- 1582,
cueil moderne des lettres des réformateurs. f*' 471.f»Chandieu,
4i) ; IÏ97, p.
f° 4îo;
69. iûo8, f* 4Jo; 1619,
(2) Th. de Bèze le nomme; c'était le car-
dinal Bertrand!. (2) Ce sommaire n'est pas dans Chandieu.
(;) Chandieu dit •• la Court, n
11.
LIVRE SEPTIEME.

562 auoir afTez délayé le iugement


après Celvi de leinuille , eflant reuenu La caufe
de ces quatre (idoles (1) , les cnuoya
auoir quelques de- '''' '* P""'*^ '^*^
à la mort aux lieux dont ils elloyent de , auoit pour
niersGeneue erté déféré à la Dame du je'^lcinu^iîie
appelans : George Tardif à Sens ; lieu, par fon pcre mefines. Il eftoit de
lean Caillou (2) , brodeur de fon ef- fort bas aage , & de meftier mechani-
tat, à Tours; le troifieme, nommé Ni- que , mais bien inrtruit aux lettres
colas, compagnon cordonnier, à lein- faindes, comme font plufieurs autres
uiUe (5), dont auffi il elloit natif. Il de mefme ellat. Ayant elle détenu
y auoit telle conllance en tous trois, quelque temps au charteau de celle
& y voyoit-on vne telle alleurance, que Dame, elle ellant cachée derrière les
des luges les plus aduerlaires en ef- cultodes (i) d'vn lid, le fit condamner
toyent tout edonnez.
La mort de George Tardif, en la pour bruflé
tre auoir vif
confelTé lefus Chrill
& la langue , d'ef-
coupée. Le
ville de Sens, en Bourgongne, edilia bourreau qui elloit là préfent, & déli-
plulieurs fidèles en la vérité de l'Euan- béré de l'exécuter ce iour mefme, lui
gile. En la mefme ville , & en ces mit incontinent la corde au col; mais
mefmes temps, Robert Hemard, Lieu- il la reietta par deux fois, appelant de
tenant criminel, grand ennemi de la la fentence. Toutesfois voyant que ,
vraye Eglife, lit tant qu'ayant furprins pour la troifieme fois, on lui mettoit
Nicolas Guyotet, natif de Neufuilie la corde, A ellimant que fon appel ne
fous Gyé, le condamna à eftre bruflé, deuil élire reccu, il la print ; ik' difant
comme il le fut en trefgrande conf- qu'il ne vouloit pourtant preiudicier à
iance ,n'ayant mefme voulu appeller fon appel, s'efcna : « Loué foit Dieu,
de la fentence donnée par ce iuge car ie fuis maintenant honoré de l'or-
fanguinaire (4). dre celefte. » Là delTus les lulliciers
La caufe de Celvi de Tours auoit efle pris auec rindrent confeil , & trouuerent com-
laprircdecclui cinq ou lix autres, comme ils reue- ien que la Dame requift que l'appel
en dcTouraine.
Tours noyent de prier Dieu enfemble d'vn full mis à néant, toutesfois qu'il elloit
bois prochain de la ville de Tours.
Vne fois entre les autres, ellant venu meilleur,
renuoyé à la pour fon mais
Cour, profit,
ce qu'il
fut en full
vn
deuant Meflleurs, il requit qu'il lui eftat pitoyable. Son père, le voyant en
full permis de prier Dieu , auant que la charette, le vint battre. Vn des offi-
refpondre de fa foi, afin qu'il lui don- ciers reprint le père bien rudement &
nait force & fageire pour ce faire. On le frappa ; inais le ieune homme, gran-
ne lui ofa refufer telle requefte. Ainfi dement defplaifant, dit : « Monlieur,
ayant commencé de faire confeffion
de fes péchez & inuoqué la grâce du ie vous prie au nom de Dieu, n'outra-
gez point mon père ; car il ell en lui
Saind Efprit, il pourfuiuit les prières de faire de moi tout ce qui lui plaira
qui fe font^ordinairement es Eglifes Frappez-moi pkilloll que mon père. ■<
Françoifes , pour tous eftats , pour le Le iullicier refpondit : « Mefchau, ie
Roi , pour la conferuation de fon fuis bien à cell'heure marri , que ce
Royaume, pour les Magirtrats, pour
n'a elle fur toi que i'ai frappé. » Ni-
toutes les neceffitez des poures affli- colas dit : « le l'aimeroi beaucoup
gez, & ce d'vne ardeur (inguliere. Et mieux, car ie fai que mon père l'a fait
puis ayant recité pour confeffion de par ignorance. » Depuis leinuille iuf-
foi le Symbole des Apoftres , fe leua, ques àParis, auand il entroit en quel-
& refpondit aux demandes qui lui fu- que ville ou village , on lui mettoit vn
rent faites auec vne telle grâce & mo- bâillon de fer en la bouche, & neanl-
deftie, que les cœurs de plulieurs fu- moins Dieu lui affilia de telle forte
rent rompus iufques à ietter larmes, &
qu'auec hardielfe & alTez intelligible-
monftrer fignes qu'ils ne demandoyent ment, ilannonçoit la parole de f;ilut,
que fa deliurance. & monllra que la caufe pour laquelle
il elloit fi inhumainement traité elloit
(1) Chandicu : '< de trois poures chrcf- bonne & faiiide. Eflant arriué en ce
ticns. » point à Paris, après auoir elle détenu
{ij Chandicu ne donne pas son nom.
(!) Joinvillc, en Chanipa|,'ne. quelque temps en la Conciergerie &
(4) Ce
dieu, qui paragraphe
ne fait aucunen'est pas dans
mention Chan-
de George confelTé la vérité de l'Euangile d'vne
Tardif. Il ne ligure dans le Martyrologe qu'à
force admirable, il entendit qu'il
partir de l'édition de 1582, et est emprunté auoit arrell d'élire bruflé. Et depuis
presque lexlucllcmenl à \'Hisloirc cccU'sias-
Uque de Th. de Bèze. (1) Rideaux.
NICOLAS CLINET.
M.D LV1I1.
ne ceffa de louer Dieu, de quoi il lui tre, & pourtant ils le voulurent mettre fans offenfe
faifoit l'honneur de fouffrir pour lui. en difpute contre les plus braues de de perfonne :
Quand il fut de retour à leinuille , il leurs dofteurs, penfans le conuaincre,
fut martyrifé à l'appétit de fes enne- & ainfi triompher de la dodrine de accueillir aumofnes,les
mis d'vne façon incroyable, comme on
a entendu. l'Euangile. Mais il auoit bien dequoi &lesdil1ribuer,
combatre, eftant verfé dés long temps
PovR reuenir à la commiflion en- en l'Efcriture fainfte & efcrits des de confeil aux
de afaires
pourl'Eglife,
feriiir
uoyee à la Cour & remonftrances fainftsrantDofteur s, & n'eftoit point igno- pour
faites fur icelle , le Roi accorda que de la nouuell e Théolo gie des
& faire
les procès feroyent iugez, non au rap- Scholafliques & de la Sorbonne. De que le peuple
Ciuil, mais
port du Lieutenantnommez. de l'vn façon qu'ayant vne fois abordé le Sor- de Dieu (i).
des Confeillers Et ainfi fu- bonnifte Maillard, il le rendit fi con- oye la parole
rent les lettres patentes enregiftrees fus en la prefence du Lieuten ant
au greffe criminel de ladite Cour, &
Ciuil, qu'icelui Lieutenant tefmoigna
félon icelles procédé au iugement des
prefenc
iamaisen veu
puis après, qu'il
gens,fauant.
e deplus
procès. Les premiers amenez deuant n'auoit homme
eux & condamnez à mort furent Ni- Nous n'auons fa confeffion que des
colas Clinet, Taurin Grauelle & da-
moifelle Philippe de Luns, vefue du foi de fatelle
greffes, confianc e. s qu'elle donnera
toutefoi
feigneur de Graueron, defquels par- Interrogvé s'il alloit à confefi'e ,
ticulièrement nous .déduirons les in-
dit que non, finon à Dieu feul. D.
ter ogatoires &refponfes (i). Pourquoi il n'alloit au preftre. R.
Qu'il ne lui eftoit commandé en la
parole de Dieu. D. Si le preftre apuif-
fance d'abfoudre, quand on va à lui à
confelTe. R. Que le Miniftre a la
Nicolas Clinet, de Xaintonge (2).
puilTance d'abfoudre, mais que cefte
puifl'ance n'eft pas de lui, ains de la
La tcmpcjîe de cejfe pcrfccution Je
feule parole de Dieu, laquelle il an-
de/chargea premièrement fur ceux nonce. Et n'y a que Dieu feul qui
que les ennemis peurenl attraper
pardonne les péchez par les promef-
premiers de rajjemblce. Quant à fes de remiffion, qui font en fa parole.
Clinet, il c/loit de long temps exercé D. S'il ne croid pas que le corps de
à tels combats, dés qu'il eut com- lefus Chrift foit en l'hoftie, après la
mencé d'ouurir efchole Chrejîiennc confecr ation du Preftre. R. Qu'il ne
à la ieuncjje de Xaintonge (3).
le pouuoit croire, pour-autant qu'il
fçauoit le corps de lefus Chrift eftre
Nicolas Clinet, natif de Xain- aux cieux, comme il eftoit contenu en
tonge, aagé de foixante ans ou enui- la confeffion de foi que font tous
ron, fi toll que Dieu lui eut manifefté
fa vérité, ne fut point oifeux à la ma- Chreftiens, contre laquelle il iroit s'il
à la ieu- difoit autrement. D. S'il croid qu'il
nifefter aux autres, mefme faille s'adrefl"er aux Sainds pour faire
neffe de fon pays, de laquelle il te-
fes prières. R. Qu'il ne fait fes priè-
noit les efcholes,
incontine nt vne bonne de forte qu'il en eut
recompenfe du res qu'à Dieu feul, & ne les faut faire
à autre. D." S'il croid pas qu'il y ait
monde , & fut perfecuté & chalTé du
vn Purgatoi re. R. Que non, car l'ame
bruflé en effigie. S'eftant re-
pays tiré&àParis bien-heureufe s'en va tout droit en
, il faifoit office de péda- Paradis, & les autres en enfer.
gogue, & peu après fut receu en Vne autre fois, il fut mis en difpute
l'Eglife, & pour fa doftrine & fa auec Maillard, en la chambre ciuile du
fainéte conuerfation, mis en la charge
* Surueillans , de * Surueillant, en laquelle il fe porta Chaftelet, & interrogué s'il ne croid
ou anciens,
touflours fidèlemen t. Son aage donna pas que le corps de lefus Chrift eft
font ceux qui en l'hoftie après la confecration. R.
font adioints aux
auxrainirtresde foupçon aux luges qu'il eftoit Minif- Qu'en la Cène deuëment adminiftree, Clinet exercé
la parole le corps de noftre Seigneur eft receu fainfles lettres.
de Dieu , pour
veiller fur (i) Les mots depuis « vefue » ne sont pas
dans Chandieu. des fidèles, modo facramentali £■■ fpin-
les fcandales, (2)Crespin, 1564, p- 879; i$70, f° 482 ; tuali, c'eft à dire d'vne façon fpiri-
mettre ordre
1582, f° 4Î4; IS97> f° 431; 1608. t° 4Î';
1019, f''472. La Roche-Chandieu, Hijl. des
quVnviue
chacun (ij Cette note marginale fait partie du
fainélement &
pcrfcc, p. 7;. texte même de Chandieu. « Nous appelons
(5) Ce sommaire n'est pas dans Chandieu. furueillans, « dit-il, « ceux..., » etc.
LIVRE SEPTIEME.
564
recueillant les fidèles ainfi chaffez du
tuelle & propre aux racremcns. Mais
public. La voyant affaillie de la forte
ne vouloit croire qu'il fuit en rhortie que nous auons dite, il pouuoit bien
en chair »S: en fang. D. Quel temps y
avoit qu'il n'auoit rcceu le corps de fortir auec les autres; mais il s'arreftn
là tout à propos pour refpondre de
nodre Seigneur par les mains d'vn
prelire. R. Qu'il le receuoit tous les fon faid, i^ ûu'il n'auoit rien entrepris
iours par foi. D. De la Confcffion contre fon aeuoir, receuant ceux qui
auriculaire, ce qu'il en croyoit. Ref- ne s'affembloyent là que félon l'or-
pondit ce que delTiis. D. S'il croid donnance de Dieu.
les aduerfaires C'elloit à leluiplus,
en vouloyent que
pas qu'il faut prier pour les trefpalîcz. & de fon cofté il auoit vne confiance
R. Qu'il s'aiïeuroit, quand il mour-
roit , d'aller à la vie éternelle, & ne inuincible pour leur refifter & foufte-
croyoit y auoir purgatoire autre que noit la vérité contre tous venans. Mef-
le fang de lefus Chrill. D. S'il croid mes à rencontre d'vn Dodeur de Maillard
Sorbonne renommé, qui faifoit de Sorbonnidc.
pas qu'il faut prier la Vierge Marie
& les Sainds de Paradis. R. Qu'il ne l'empcfché plus que tous les autres ,
faut faire prières qu'A Dieu, par lefus après ces poures gens, pour les affail-
Chrid, qui eft noflre fcul intercelTeur. lir de fa difputc. Ledit Grauelle
Voilà ce qu'on a trouué de fes ref- l'auoit autrefois conu, voire hanté fa-
ponfes. Si elles ne font pas affez am- menoit en familièremenmaifon
t&, fauoitauec
le train qu'il
fes ieunes
ples, ou fi les tefmoignages de l'Ef- garçons & feruiteurs. Tellement que
criture y défaillent, c'eft la faute des n Maillard auoit la bouche ouuerte
Greffiers, qui ne fauorifent pas volon-
tiers àcelle caufe.
pour parler
blees, elle contre
lui efioitlesincontinent
faindes afi"cm-
fer-
mée par les reproches de fes bougre-
ries infâmes. Car il ne les pouuoit
nier deuant celui qui en fauoit affez
Tavrin Gravelli£, de Dreux (1). de preuues, & puis la chofe eft no-
toire, mefme aux petis enfans. Tou- Sodomie
tesfois ce malheureux eshonté (i) du dodeur
Veut-on fauoir de quelles gens les en- ofoit venir deuant le Magifirat (qui en
fans ae Dieu, en bien faijant, font Maillard
toire. , no-
a encoresles informations), A accufer
repris, ajfaillis
regarde & oulrage:{}
cotnme en vn miroir cequ'on
qui les autres faulfement de paillardifes &
e/i ici pourlrail & a ejîé démené incefics. Comme s'il euft efté bien
contre ce faincl Perfonnai^e , Aduocat feant à celui duquel la Sodomie eftoit
au Parlement Je Paris (2). demeurée impunie (faite toutesfois au
feu de tout le monde), de dire que
Tavrin Grauelle, de Dreux, ville les autres s'efioyent enfermez dedans
au Diocefe de Chartres, après auoir maifons priuees , & de nuid, pour
fait fes eltudes en droit en la ville de paillarder (2).
Thouloufe, vint à Li pratique à Paris, Novs auons ces (3) fienes refponfes
comme c'eft la coullume des ieunes extraites
gens, & fut receu Aduocat en la auoit faitdes regiftres.
la Cène Interrogué
& pris du pain s'il
&
Cour de Parlement. Là il eut la co- du vin. Refpond qu'oui , & que la
noilTance de Dieu, & après s'eflant prédication auoit efté faite en sa mai-
ioint à , l'Eglife, pour fa de
bonne conuer- fon, & auoit donné charge d'inuiter
fation eut la charge Surueillant ceux qui s'eftoyent là trouuez. D.
ainfi que Clinet. Voyant la difette de Qu'il penfe des prières qu'on fait à la !
logis à recueillir le peuple, il offrit vierge Marie
volontairement celui de M. Bartho- ne conoit autre04 Aduocat
aux Sainds. R. Qu'il
enuers Dieu
mier, fon allié, lequel il aucjit en garde auquel il fe faille adrefler pour faire
ai qui fut celui où la compagnie fut prières, que lefus Chrirt. Et que quand
La maifon furprinfe. Car fermant les yeux a tous nous faifons prières en fon Nom ,
de M. Bartho- dangers, il ertimoit qu'il ne pourroit ;ious auons efperance d'eftre exaucez,
'""'''■ mieux faire feruir celle maifon qu'en
(i) Chandicu : « cert efhonté vilain. »
(2) Chandieu ajoute : •< Maib voilà de quel-
(I) Crcspin, U64, p. 87!!; 1570, f" 4»! ; les ;;eiis les enfans de Dieu elloyent aifail-
1582, f" 4\4\ li97. (^ 4!"; "'Ofi. 1^ 4)1 ; lis. Gruvelle fui aufli ballu des remonllran-
1(119, f' 47J La Roche-Chandicii, Hijt. dis
/■it/i'lh/iiVIs, p. 70. ces de SCS amis; mais ce fut en vain. »
(Ji Ce sommaire est de Crespiii. (I) Chandicu " quelques. »
PHILIPPE DE LVNS. 5(>5
pource que nous en auons & commun- Surueillant. fut emporté d'vnevefue,
maladie
démens & promeflTes en la parole de de fieure. Eftant demeurée elle
Dieu : mais quand nous les faifons
aux Sainds, nous ne pouuons auoir ne laift"a pas de continuer à feruir à
Dieu, fi bien
affeniblee auecqu'elle fut prife
les autres. Elleeneutcefte
de
celle affeurance. Mefmes que les
Codeurs de Sorbonne en eftoyent en durs affauts en la prifon & par les
doute ; voire Maillard, auec lequel il Sorbonniftcs, mais elle demeura vido-
auoit difputé autrefois. D. Ce qu'il rieufe. C'eftoit fa refponfe ordinaire.
fentoit des Images. R. Que d'en auoir Qu'elle auoit apris la foi qu'elle con-
pour religion, efloit idolâtrie. D. Si feftbit de la parole de Dieu, i*!: pour-
les prières pour les trefpaffez ne font tant vouloit viure & mourir en icelle.
Quand le dodeur Maillard vint à elle,
pas bonnes, & s'il n'y auoit pas vn Refponfe
purgatoire .- R. Que par le fang de il fut repouffé par mefme reproche
Chrifl nous fommes fauuez , & ne que Grauelle lui auoit fait de fa bou- ordinairement
croid y auoir autre Purgatoire , fi on cède
quauoit
ne lui fait aparoir du contraire. D. Si grerie,
rien à vn& telditvilain.
qu'elle ne refpondroit
Venant deuant les Damoifelle
fes père & mère lui auoyent apris luges, elle foufpiroit quelque fois,
celle dodrine. R. Que non, mais le mais cependant elle refpondoit tou-
S. Efprit , & que celle dodrine auoit
ment. fiours
Mefmes d'vn francvn courage & alaigre-
iour eftant deuant
toufiours efté tenue en l'Eglife an-
cienne & mife par efcrit par les Pro- le lieutenant Mufnicr (i), lui fut de
phètes & Apoftres, qui lui eftoyent mandé fi elle ne croyoit pas que le
Pères. D. S'il fe faut confeffer au corps de lefus Chrift fuft au facre-
preftre auriculairement. R. Qu'il ne fe ment de l'autel, qu'ils appellent ; elle
faut confelTer qu'à lel'us Chrift , qui refpondit : « Et , Monfieur, qui croi-
feul peut pardonner les péchez, & roit que cela fuft le corps de celui au-
n'eftoit requife la Confeffion auricu- quel toute puiffance a efté donnée, &
laire.
qui
cieux,eftquand
efleuéles par
fourisdeft'us tous les
le mangent, &
les guenons & finges s'en louent & le
mettent en pièces ? » Là deffus , elle
fit un conte de ce qui eftoit auenu en
Philippe de Lvns. damoifelle de fon pays , fur ce mefme fait , d'vne fi
Graueron en Perigueux (i). bonne grâce & d'vne façon fi ioyeufe ,
qu'elle monftroit bien, encores qu'elle
O V rapporlcrons-nous ce/l exemple euft la larme à l'oeil . que toutesfois
rare & notable de la magnaninvté elle n'eftoit point abatue de crainte.
& confiance de ceftc ieune Damoi- Quand le Lieutenant la voulut ren-
uoyer , elle lui fift cefte requefte :
felle, finon aux fruiâs & ieejfeâs
tcs que
portent les aile aûemblecs fidèles par la « Monfieur, vousm'auez ofté ma fœur,
benediâion du du Seigneur (2) & auez commandé
mée feule que ie
; ie voi bien quefufl"e
ma enfer-
mort
Damoiselle Philippe de Lunseftoit aproche ; & pourtant , fi i'ai eu iamais
natiue de Gafe, de la paroiffe de Luns, befoin de confolation , c'eft à pre-
diocefe de Perigueux, aagee de vingt fent; Bible
vne ie vousou prie
vn m'ottroyer que i'aye
nouueau Teftament
trois ans ou enuiron. Elle eftoit venue
de ces parties de Gafcongne en cefte pour me conforter. » Au refte, elle ef-
ville de Paris auec fon mari . pour fe toit grandement chargée de fes voi-
fins, qui depofoyent
de bonne conuerfationbien& qu'elle eftoit
fort charita-
ioindre
nourrie, à fel'Eglife de Dieu
monftrant & y eftre
fi admirable en
faindeté de vie, qu'elle efloit en exem- ble ,mais que fans cefi'e il y auoit en
ple à vn chacun. Sa maifon eftoit touf- fa maifon gens chantans les Pfeau-
mes. Et que par deux ou trois fois
iours ouuerte à l'alTemblee du Sei- on auoit veu fortir nombre infini de
gneur. Sur le mois de Mai, fon mari,
feigneur de Gnueron, qui eftoit auffi perfonnes de là dedans. Que fon mari Accufalion
mourant n'auoit iamais appelle les de fes voifins.
Preftres, qu'ils ne fauoyent où il ef-
(1) Crespin , 1564, p. 878; 1,-70, f« 482;
1582 . f" 454; 1507, C 4)1 ; 1608, f 451 ; toit enterré, & que iamais ils n'auoyent
1619, f" 472. La Roche-Chandieu, Hist. des eu nouuelles du Baptefme de leur en-
pcrsécut., p. 79.
(2) Ce sommaire est de Crespin,
(1) Chandieu ; " Mofnier. «
LIVRE SEPTIEME.
mais ne leur vouloit adreflfer fes
566car il auoit efté baptizé en l'Eglife
fant,
<3u Seigneur. Deux de fes voifins de- prières. D. Ce qu'elle croyoit des
mourans à S. Germain des prez, ayans Images. R. Qu'elle ne leur vouloit
tefmoigné contre elle , incontinent porter aucunement rcucrence. D. De
lugemcnt qui elle auoit aprins cefte dodrine. R.
Je Dieu cfmer- après s'efleua quelque débat entre
ucillablc. eux, & l'vnLatuamort
coufleau. fon compagnon de fon
de celte vertueufe Qu'elle auoit
tameiit. D. Sieftudié au nouueau
elle faifoit Tef-
diftindion
Damoilelle fut bien haftee par la des viandes es iours de Vendredi &
pourfuite de ceux qui auoyent défia Samedi. R. Qu'elle ne voudroit man-
obtenu fa confifcation. Mais ce qui ger de la chair en ces iours , fi elle
auança des plus féaux
fes iours fut l'auarice du penfoit bleflTer la confcience de fon
Garde Bertrand , Cardinal
de Sens (1), & de fon gendre le Mar- prochain
bien que lainfirme;
parole demais
Dieu qu'elle fait
commande
quis de Tran , qui elïoit affamé de ne faire diftinction des viandes en
confifcations (2).
Refponfcs Or voici les pièces de fes refponfes quelque iour que ce foit, & qu'on
Je Damoifellc pouuoit vfer de toutes , en les pre-
de Graucron. prinfes du greffe. Interrogué par le nant auec aélion de grâces. Là deffus
Lieutenant particulier fi elle ne vou- on lui obieda que l'Eglife auoit fait
loit pas croire à la MelTe. R. Qu'elle dcfenfe de manger de la chair à cer-
vouloit feulement croire ce qui eft au
vieil & nouueau Teflament. D. Si tains iours , & que ce qui n'eftoit de
foi péché eftoit fait péché à raifon de
elle ne croid pas en ce qui eft en la
Meffe & mefme au Sacrement de la prohibition.
en R. Qu'elle
cela à autres ne croyoit&
commandcmens
l'hoftie. R. Qu'elle croid aux Sacre- defenfes qu'à celles que lefus Chrift
mens inflituez de Dieu, mais qu'elle auoit faites. Et quant à la puifl"ance
n'auoit trouué que la Meffe fuft infii- que le Pape s'attribue de faire ordon-
tuee de lui. D. Si elle vouloit rece-
nouueau nances, elle n'en auoitDerechef
Teftament. rien trouué au
on lui
uoir le facrementde
ne vouloit rien faire l'hoftie.
que ce R.queQu'elle
lesus répliqua : Que les puiftances tant
Chrift auoit commandé. D. Depuis ecclefiaftiques que feculieres, ont efté
quel temps elle s'eftoit confeffee au delailfees par Dieu pour gouuerner
preftre.lesR. iours
Qu'elle
ellenefefauoit, & queà fon peuple. R. Qu'elle
tous confeffoit des puilîances appelées lefeculieres
confefloit;
Dieu, comme il auoit commandé. Et
mais en l'Eglife, elle n'auoit point
ne croyoit qu'autre confeffion fuft re- leu qu'autre euft authorité de com-
quife & inftituee par lefus Chrift, mander que lefus Chrift. D. Qui ef-
pource que lui feu! auoit puin"ance de toit celui ou cellc-la qui l'auoit ainfi
pardonner les péchez. D. Qu'elle fen- inllruite. R. Qu'elle n'auoit autre in-
toit des prières adreffees à la vierge ftrudeur que le texte du nouueau Tef-
Marie & aux Sainds. R. Qu'elle ne tament. 'Vne autre fois, elle fut inter-
fauoit autre oraifon à faire que celle roguee de la mort de fon mari , fi elle
que Dieu lui auoit enfeignee, s'adref- ne l'auoit pas enterré en fon iardin.
fant à lui par fon Fils lefus Chrift, & R. Que Bon , mais auoit efté emporté Touchant
non autre. Bien fauoit-elle que les la mort
à l'hoftcl Dieu pour eftre inhumé auec de fon mari.
fainâs de Paradis font bien-heureux , les poures (comme elle en pourroit
monftrer l'atteftation) , fans toutefois
autres cérémonies fuperftitieufes. D.
(1) Jean Berlrandi. d'une ancienne famille S'il eft requis , pour la faluation de
de Toulouse, après avoir exercé la magis-
trature dans sa ville natale, fut appelé à celui qui eft decedé , de faire prières!'
Paris en IÇ)8. comme troisième président R. Qu'elle croyoit celui qui feroit
du Parlement, et devint premier président decedé au Seigneur eftre purgé par
en iSîo. Diane de Poitiers, l'année suivante, fon fang, & ne lui falloit autre pur-
le fil élever à la dignité de u'arde des sceaux.
Devenu veuf, il entra dans la prêtrise, et fut
évèquc de Commin^es, puis archevêque de gation.
foin de Et
faireque pourtant
prières pour n'eftoit be-
les trefpaf-
Sens, et enfin cardinal en 15^7. Il mourut
en m6o, âgé de quatre-vingt-dix ans. fez , & qu'ainfi elle l'auoit leu au
(j) Le président de la Place dit : •• La nouueau "Teflament. D. Si aux aft"em-
confifcation de ladiélc damoifclle de Gra- blees où elle fe trouuoit , après la
veron fut demandée et nhicnue par le mar- prédication faite, on auoit acouftumé
quis de Trans , gendre du garde des feaulx,
que plufieurs trouvèrent mauvais. » (Com-
d'efteindre les chandelles. R, Que
mun/, surp.t'eflal non , iSf ne s'eftoit iamais trouuee en
Buchon, 4). de la Rcl. & Rcpub. , éd. lieu où tel cas fe fifl. Voila vne partie
PHILIPPE DE LVNS. 567
de fes refponfes recueillies de fon n'eftoit aucunement fafché de la con- m.d.lviu.
procès. Nous n'y auons rien voulu damnation. Quelqu'vndefesamis lui de-
adiouder; auffi font-elles fuffifantes manda àquelle mort il eftoit condamné.
pour monftrer la foi qu'ils auoyent « le fai bien, » dit-il, « que ie fuis con- Notable ref-
tous trois.
damné à mort ; mais ie n'ai point pris ponfe.
garde à la façon de la mort , fâchant
bien que Dieu m'affiflera toufiours, en
quelque tourment que ie fois mis. »
S'enjuit
dits, àl'iffuc
falloirhcunuj'c
N. Clinctdes, Irais fuj-
T. Gra- Au fortir de la chapelle, il dit telles
uelle, & de la Damoifelle de Gra- paroles : « Seigneur mon Dieu, qu'il
ueron (i).
te plaife m'affifler. » Et quand on
l'eut aduerti que la Cour entendoit
Le XXVII. iour de Septembre, par
qu'ils euffent la langue coupée, s'ils
arreft des Commiflaires déléguez, au ne fe vouloyent conuertir, il dit que
rapport des procez informez par le cela n'efloit porté par fon arreft & en
Lieutenant ciuil , ces fainds Martyrs faifoit difficulté. Mais après auoir feu
furent condamnez; après auoir enduré qu'il eftoit contenu au retentuni de la
la queflion, menez à la chappelle, at- Cour, il bailla la fiene franchement
tendans l'heure bien-heureufe de leur au bourreau pour eftre coupée. Et in- Graueiie
mort. Là, les Doéteurs, félon leur continent dit ces mots intelligible- affeuré
couftume , arriuerent pour les tour- ment : « le vous prie, priez Dieu ^"dëmorr"
menter, mais ils furent repouITez vail- pour moi. >> La Damoifelle eftant re-
lamment;deftournez
de forte de
que leur
n'eftans aucu- , quife de bailler fa langue , le fit alai-
nement confiance grement , difant ces paroles : « Puis
furent tirez de la prifon & mis cha- que ie ne plains mon corps , plain-
cun en fon tombereau pour eftre traî- droi-ie ma langue .> Non, non. »
nez au fupplice. Tous trois eftans ainfi acouftrez
Ciinet. Clinet crioit toufiours à ceux qui partirent du Palais. La conftance de
Grauelle eftoit merueilleufe , & les
le prelToyent de changer propos, qu'il
n'auoit dit ni maintenu que la vérité foufpirs qu'il deuers
iettoit fans
de Dieu. Et à vn dodeur qui lui de- veuë tournée le cielcefl"e , la
, monf-
mandoit s'il ne vouloit point croire troyent bien l'ardeur de fon affedion
S. Auguftin , touchant quelque pro- en priant Dieu. Clinet auoit auffi
toufiours la veuë en haut, mais fem-
pos, refpondit qu'oui, & qu'il ne di- bloit plus trifte que les autres, pource
foit rien qu'il ne peuft prouuer par fon
authorité.
qu'il eftoit défia abatu de vieilleffe, &
La Damoifelle. La Damoiselle voyant un preflre de fa nature eftoit blefme & tout des-
fait. La Damoifelle fembloit encores
aprocher d'elle pour la vouloir con- les furmonter en conftance , car elle
feffer , dit : Qu'elle fe confefferoit à
Dieu & s'affeuroit receuoir de lui n'eftoit aucunement changée de vi-
pardon, & ne croyoit autre la pouuoir fage ; mais affife deflus le tombereau,
monftroit vne face vermeille , voire
abfoudre que lui feul, & qu'elle n'auoit
apris autre chofe en la parole de d'vne excellente beauté. Elle auoit
Dieu. Elle fut follicitee par aucuns auparauant pleuré fon mari & porté
Confeillers de la Cour de prendre le dueil, habillée de linges blancs à la
vne croix de bois en fes mains , félon façon du pays; mais alors elle auoit
pofé tous fes habillemens de vefuage,
la couftume des autres qu'on mené au
fupplice. Et alleguoyent lefdits Con- & reprins le chaperon de velours &
feillers, que Dieu commandoit à cha- autres acouftremens de ioye, comme
cun de porter fa croix. Sa refponfe pour receuoir ceft heureux triomphe
fut : « Meffieurs, vous me faites bien & eftre iointe à fon efpoux lefus
porter ma croix, m'ayant iniuftement Chrift. Etans arriuez à la place Mau-
condamnée & m'enuoyans à la mort bert (i), lieu de leur mort, auec cefte
pour la querelle de noftre Seigneur conftance , ils furent ars & bruflez :
lefusChrifl, lequel n'entend dit on- Clinet & Grauelle vifs, la Damoifelle
ques parler d. cefte croix que vous
dites. »
Gravelle auoit vne face riante & (1) La place Maubert . où périrent un si
grand nombre de martyrs protestants .était
située à la rencontre des rues Saint-Victor,
d'une bonne couleur, déclarant qu'il Mont-Sainte-Geneviéve.desiNoyers,Galande,
le Pavé, Perdue et de Bièvre (A. Franklin,
(i) Ce sommaire n'est pas de Chandieu. Us Anciens Plans de Paris, t. l. p. 2)).
LIVRE SEPTIEME.

568
cftranf^lee , après auoir eflé flamboyée rien peu retirer de fes refponfcs ,
aux pieds & au vifage. finon des tefmoignages infinis de fon
Le Iriomphe Ce triomphe fut admirable ; car fauoir iS; confiance.
de Satan
rcnucrfii en ces Satan fombloit , à fon efcient , auoir L'avtrk, Pierre Gabart, efloit aagé
irois. voulu alTaillir tout en vn coup, à fauoir au dell'us de trente ans, natif de S.
en GraucUe, r.inconrtance courtumiere George lez Montagu en Poidou (i).
de ieunelfe trop defireule des plaifirs Il efloit foliciteur de procès. Sa conf-
de ce monde ; en Clinel , la débilité tance fut d'vn grand fruid aux autres
de vieillelTe ; & endélicate.
la Damoifelle l'in- prifonniers. Car ellans mis en vne
firmité de femme Mais Dieu
grande
Challeletbande d'ElVholiers
, & voyant au palfer
que, pour petit
monftra quelle ell la force de fa puif-
fance & à raffeurer la ieunelTe & lui
faire oublier la terre, & à renforcer la le temps, ils s'anuifoyent i\ parler de
la Philofophie : « Non, non, » dit-il,
vieillelTe pour la faire combatre con- (< il faut que toutes ces chofes foyent
oubliées ; ragardons comment nous
tre tous tourmcns, & àenchanger
bécillité de la femme l'im-
vn courage pourrons fouflenir la vérité celefle de
plus qu'hcroique pour vaincre, voire noUre Dieu; nous fommes ici à la de-
quand il lui plait befongner en fes ef- fenfe du royaume de noflre Seigneur
leus (1). lefus Chrifl. » Là deffus il commença
à les enfeigner comment ils auovcnt
à refpondre fur vn chacun poina, fi
»^/v^^^vJ^t'^^v^v^^,^^|irv^^A^v^v^v^ bien que (au rapport de ceux de la
compagnie) il fembloit que iamais il
Nicolas le Cène, de Normandie; n'eufl l^ait autre chofe que pratiquer
& Pierre Gabart, Poiteuin (2). l'inflruèlion de Théologie, encores
qu'il ne full de lettres. Eflant inis de- Exhortation
Puis qu'en vn mefme lia ifhonncur puis à part au cachot le plus fafcheux aux Efcholiers
ces deux enfcmble ont rcccu la cou- nommé Find'aife, plein d'ordures &
de befles, ne ceffoit pourtant de chan-
ronne de martj-re , nous les auons ter Pfeaumes, & crioit à pleine voix
pareillement ici conioinls comme en
vn mefme tombeau {5). conlolations de la parole de Dieu ,
pour eflre entendu ues autres. Il auoit
Ceux de Paris, non faoulez du fang vn Neueu, ieune enfant, prifonnier en
de ces trois premiers, pourfuiuans vn cachot prochain éè trouua manière
leur cruauté , tirèrent deux autres de fauoir ce qu'il auoit dit aux luges.
fidèles à la mort , cinq ou fix iours L'Enfant de lui faire
rcfpond qu'on l'auoit
* De fon contraint quelque reuerence
frère Philippe après
Nicolasle le2. Cèned'Odobre. L'vn eftoit
(4) , médecin, natif* à vn crucifix peind. Lui, indigné, dit :
Cène qui
a eflè exécuté de S. Pierre fur Dyne (5), près Li- « Mauuais garçon, ne t'ai-ie pas aprins
zieux en Normandie. Il ne faifoit que les commandemens de Dieu.' Ne fais-
à Dijon :
Voyez ci de- d'arriuer à Paris, quand le iour mefme tu pas ce qu'il, eft
uant, f" 4)9 (6). image taillée &c.dit »: Tu
Et ne te feras
commença
on l'auertit de l'affemblée qui fe fai-
foit en la rue S. laques. Et comme il d'expofer ce commandement fi haut
ne defiroit autre chofe que d'ouyr la qu'il efloit entendu de bien loin.
Av refte , voici fes refponfcs de
parole de Dieu , s'y en vint encores mot à mot , recueillies de fon procès.
tout botté. Là eflant appréhendé auec
les autres, fouflint iufqiies à la mort Interrogué fi, en la maifon où il fut
la vérité de l'Euangile. Nous n'auons prins, fut faite la Cène. R. Qu'oui, &
pouuoit cflre lors enuiron les neuf
ou dix heures du foir. D. Pour faire
(1) Ce mot termine la pape «7 de Chnn-
dieu. Les paj;es88,'i 07, contiennent l'histoire ladite Cène, ce qui y fut fait. R. Qu'vn
de Nicolas du R 'usseau, martyr. Dès 1 édi- perfonnagc commença à faire les priè-
tion de 1570, Crcspin a remis cette notice res ,les autres eftans à genoux , cSt ce
h la place que lui assignait sa date (p. 482,
supra) àdeshaute voix, les
affiflans fi bien qu'vnentendre.
pouuoit chacun
(i) Crcspin, 1ÇO4, p. 880; 1Ç70, f" 484;
1582, C 4)5 ; 1597, f 4',i; 1608, f*4)2; Puis après prefcha de l'onzième de la ceKccil
1619, f" 47). La Roche-Chandieu, Hisl. des première aux Corinthiens, déclarant de enqui fe lit
l'adminiltration
perst'cul., p. 97. rinfiitution de la Ccne faite par nof-
(î) Ce sommaire est de Crcspin. tre Seigneur lefus Chrirt auec fes de la Cène.
(41 Chandieu écrit : « le Sène. »
(O Sainl-Pierre-sur -Divc.
(6) Voy. p. 478 supra. (1) Saint-Gcorgc-de-Montaigu (Vendée)
NICOLAS LE CENE & PIERRE GABART.
569
Apoftres. Et après lefdites prières &
expolltion faite de ladite Cène, bailla traire aux articles de la foi qu'il a re-
aux afllftans du pain & du vin , leur citez. Et s'il croyoit que lefus Chrifl
fufl facrifié chacun iour, il faudroit
dilant : « Qu'il vous fouuiene que le- qu'il mouruft beaucoup de fois. D. S'il
fus Chrift a baillé fon corps & ref- auoit eflé à Geneue. R. Qu'oui. D.
pandu fon fang pour vous. » Puis Quel temps il y auoit. R. Deux ans,
rendirent tous grâces à Dieu d'vn tel iSi y auoit demeuré enuiron quinze
bénéfice. D. Quel nombre de perfon- iours ou trois fepmaines. D. Si aupa-
nes il pouuoit auoir en la falle lors rauant il alloit pas à la meffe. R.
qu'ils firent la Cène. R. Qu'il n'y Qu'oui ; mais il y alloit contre fa
print pas garde. D. Si les Gentils- propre confcience , fâchant que la
hommes, Damoifelles, & autres qui
furent prins , firent la Cène auec lui. MefTe eft pleine d'abus & blafphe-
mes. D. S'il croid pas qu'il faut prier
R. Qu'il y auoit des Gentils-hom- la vierge Marie & les Sainâs de Pa-
mes, Damoifelles, & autres qui firent radis pour intercéder & prier noftre
la Cène comme lui. D. S'il pourroit Seigneur pour nous. R. Que non,
reconoiftre ceux qui efloyent à ladite pour autant que nousauons vn Moyen-
Cène, s'il les voyoit. R. Que non. neur & Aduocat, qui eft lefus Chrift,
D. Qui efioit le predicant.' R. Qu'il qui nous a efté ordonné & enuoyé par
le Père.
ne l'auoit point conu , car auffi il ne
faifoit que pafTer "Vne autre fois , ledit Gabart fut
auoit iamais eflé enpar la ville.
ladite maifonD. ouyr
S'il
amené deuant les luges pour eftre
ce Predicant, ou autre. R. Que non. confronté à fon neueu. Là, interpellé
D. S'il auoit eflé autrefois à S. Ger- de iurer Dieu, & la paffion figurée illec
main des Prez, ou deuant le collège en vn tableau, de dire vérité, dit :
de Nauarre, ouyr des prédications. Qu'il iuroit Dieu de dire vérité , &
R. Qu'il auoit eflé en d'aucunes mai- non point la paffion illec figurée.
fons pour ouir les prédications, mais
ne fauoit les lieux, & que les prédi- Apres plufieurs propos qu'il eut auec
fon Neueu, enquis s'il auoit prins du
cations fefaifoyent du nouueau Tefla- pain & du vin comme les autres.
ment. D. S'il auoit efté confeffé le R. Qu'il efloit ainfi. félon que défia il
iour de Pafques & receu fon créa- en auoit depofé. D. S'il auoit efté à
teur. R. Que non. D. Pourquoi ?
confefl'e, & depuis quel temps, & s'il
R. Qu'il n'auoit fceu par les Efcritu- n'y faut pas aller. R. Qu'il lui fuffifoit
res qu'il foit requis fe confeflfer à de confeffer fes péchez à Dieu feul.
l'aureille d'vn Preflre, mais bien cha- D. Pierre
Si Dieu &n'auoit pas laifle monfieur
cun iour à Dieu, qui feul peut par- S. fes fuccelfeurs , & leur
donner les péchez. Quant à fon créa- auoit donné puilfance de lier & déf-
teur, il ne l'auoit receu, il y auoit iler, & que les Preflres qui font fuc-
deux ans, à la forme des Papiftes , &
reconoiffoit Dieu feul qui efl es cieux ceffeurs & miniftres baillent l'abfolu-
tion , & qu'il fe faut confelTer à eux.
pour fon Créateur. D. S'il croyoit R. Que les Miniftres deuoyent pro-
pas fermement que le corps de lefus
Chrifl efl en l'hoflie après la confe- toit la parole
poferDieu de Dieu.
feul qui pardonnoit les c'ef-
Et que pé-
cration. R. Qu'il croyoit que noflre chez. D. S'il a pas receu les Sacre-
Seigneur e(l nai au ventre de la vierge mens de l'Eglife. R. Qu'il auoit receu
Marie fans corruption, qu'il a fouffert le Sacrement du Baptefme. D. S'il
mort & paffion pour les pécheurs ,
trois iours après refTufcita, quarante auoit receu le Sacrement de l'autel,
& s'il y croyoit pas, & que la chair
iours après monta es cieux , ayant & le fang de lefus Chrift y font , fé-
conuerfé auec fes difciples , & con-
que le croid l'Eglife. R. Qu'il
uient que le de cieltoutes
le reçoiue n'en lontrôuuoit rien par efcrit. D. S il
reftauration chofes,iufqu'à
commela auoit tant leu l'Efcriture & fauoit tant
il eft efcrit au troifiefme chapitre des
Aftes. Et ne reconoiffoit autre hollie de Latin,R. pour fouftenir ce qu'il fouf-
tenoit. Qu'il fauoit quelque peu
viuifiante que lefus Chrifl , lequel
s'efl vne fois offert en facrifice en de Latin ; & ce qu'il en fauoit , il
Ades l'auoit oui de gens fauans. D. Qu'il
l'arbre de la croix. Qu'il ne pouuoit
croire que le corps de lefus Chrifl fift en Latin ces mots : " le n'en
trouue rien en l'Efcriture. « R. Qu'il
fufl en l'hoflie , après la confecration ne fauroit ; mais qu'il y auoit ia long
du preflre , pource que cela eft con- temps que la Bible eftoit tournée en
LIVRE SEPTIEME.

0 tendant le Cène s'efcria : « Ce n'eft


eufl57 commandé
vulgaire, & n'y auoit trouué
de dire que &Dieu
Melîe fa-
crifier lefus Chrifl. Cependant no point l'Eglife de Dieu , ains l'Eglife
nJoit pas les facremens ordonnez de Papale Babylonique.
riuerent » A l'indant
pludeurs dodeurs pour ar-
les
Dieu, mais les prenoit en lefus Chrift. tourmenter, entre autres deux Cor-
D. &S'ildene laconfelToit
os chair au pas qu'il y a des
S. facrement de deliers , l'vn defquels prefenta vne
croix de bois à le Cène ; mais il la
l'autel. R. Que non, & n'en trnuuoit reietta. Le Cordelier print là occafion
rien par efcrit. D. Pourquoi donc de lui parler des Images; mais le
clt-il dit : Hoc cjl corpus mcitm) R.
Que nodre Seigneur reprefentant par Cène refpondit
fendues de Dieu.qu'elles edoyent pour
Le Cordelier, dé-
le pain fon corps, & le donnant véri- lui en faire enuie, baifotoit cède croix,
tablement ceux
à qui le reçoiuent par difant que les Images edoyent indi-
foi, pour les nourrir en immortalité de tuees de Dieu pour mémoire. Le
fa fubftance par la vertu de fon Efprit, Cène refpondit : » Pourquoi donc
donnoit le nom de fon corps au ligne prefchez-vous & admonneftez-vous le
de fon corps , félon la manière de
parler ordinaire en tous les Sacre- peuple de les baifer & honorer .■'
N'ed-ce point aller contre le fécond
mens. D. Puis qu'il ne fauoit rien de conimanaement de Dieu en ce qu'il
Latin , pourquoi il fouflenoit cela. R.
dit : Tu ne t'enclineras point à icei-
Qu'il n'eftoit pas bon Latin, toutes- les .> le fuis ton Dieu, Dieu ialoux,
fois qu'il foufliendroit ce qu'il difoit &c. Edce ainfi que vous autres gar-
par la fainfte Efcriture.
Ces deux perfonnages maintenans dez les poures brebis d'aller à Dieu ? »
Gabart , adailli par les Dodeurs ,
de telle confiance la vraye dodrine
difoit toufiours qu'il vouloit viure &
(combien qu'il foit mal-aifé de fauoir mourir fur ce qu'il auoit dit & main-
le tout de la main des greffiers, comme
tenu.,Quand
fut venue l'heure
on les auertitde que
l'exécution
la Cour
il a elle dit, & que leurs principales
refponfes faites en la Cour ne foyent entcndoit , s'ils fe vouloyent defdire ,
ici mifes) furent condamnez à la mort
par les CommilTaires déléguez de la qu'ils feroycnt edranglez, finon bruf-
•Cour. lez vifs, & auroyent les langues cou-
pées. Eux délibérez de foufTrir tous
Nicolas le Cène en la qucrtion tourmens pour nodre Seigneur lefus
fut interrogué qu'il fentoit de la vierge Chrid , prefenterent volontairement
Marie & des Sainds. Il refpondit leurs langues au bourreau. Gabart
qu'ils crtoyent bien-heureux & bien commença à gémir, dequoi il n'auoit
marris qu'on leur attribuoit ce qui plus le pouuoir de louer Dieu de fa
appartient à Dieu d'eftre feul inuoqué langue; le Cène, de la tede le confo-
par lefus Chrift. Enquis du facrement loit. En ced edat , depuis la concier-
de l'autel , refpondit : Qu'en la Cenc gerie furent
, traînez dedans des tom-
deuëment adminiftree , il receuoit le bereaux iufques aux faux-bourgs faind
corps de nodre Seigneur lefus Chrid Germain, en la place du pilori. Le Cruauté
fpirituellement. De la torture furent peuple furieux les pourfuiuoit auec
de populace.
menez à la chapelle, & là fe prefente- toutes fortes d'iniures & blafphemes ,
rcnt des predres pour les confedcr, & voulut en faire l'exécution maugré
le bourreau, tellement que ce fut vne
lefquels ils repoud'erent , difans qu'ils mort la plus cruelle du monde ; car
fe confed"eroyent à Dieu feul, & que
cela lui appartenoit , & s'ad"euroyent ils furent longuement tenus en l'air à
bien qu'ilEt, leurde feroit petit feu. & auoyent les parties badies
ricorde. fait, pardon & mife-
ils furent là vn
toutes bruflees , que le haut n'edoit
long temps en prières , chantans fioint encores ofTenfé. Toutesfiis pour
Pfeaumes t^ louans Dieu. Apres e tourment ils ne lailTerent point, la
difné , vn Huiffier de la Cour de- veuë tournée vers le ciel, de mondrer
manda àvn Clerc du greffe criminel tefmoignages infinis de leur foi &
confiance. En mefme feu , plufieurs
qui edoit là prefcnt, s'ils ne croyoyent
pas en Dieu & en la pafdnn de fon Bibles, nouueaux Teltamens t"t autres
Fils lefus Chrid. L'autre lui fit ref- liures fainds furent ars (i).
ponfe qu'ils croyoyent en tout ce qui
ed comprins au vieil A nouueau Tef- AvcvNS des amis des autres pri- Recufalions
des luges.
tament, mais ne vouloyent croire aux
commandemens de l'Eglife. Ce qu'cn- (i) ChanJieu ajoute : « & bruflcz. »
FRANÇOIS REBEZIES & FRIDERIC DANVILLE.

fonniers, craignans la cruauté de ces


fcricurs en quelques qualité^ exté-
iuges , prefenterent caufes de recufa- rieures aux preccdens , mais pareils
tions contr.'eux , demandans autres en foi & confiance. Ils ont efté aj-
CommilTaires. Cela retarda quelque failtis de diuers monjlres ennemis,
peu les procédures ; toutesfois le Roi au/quels ils ont vaillaninient refijlé.
en cftant auerti par fon foliciteur en Satan mcfmc les a penjé cribler , &
ccfte caufe , par lettres patentes don-
nées à S. Germain en Laye , du 7. furtout Rebelles; mais ils l'ont tous
deux
de Dieurepouffé en la
, voire vertu fur
effans de l'Efprit
le bois
iour d'Odobre, commanda lefdites re-
cufations eftre mifes à néant, & qu'on prejîs à ejlre ars & bru/le^ (i). 57'
palTaft outre à la procédure des pro-
cès, tous autres procès & afaires cef- SvR deux ieunes hommes tomba
En la perfecu-
fantes & poftpofees , fur peine de de tion
Paris.
nullité de iugemens. Que les Prefi- depuis
toit aagéla rage des àennemis
de xix. : l'vn
xx. ans ef-
, natif
dens eufl'ent la charge de choifir tels d'Aftaffort en Condomnois (2), nommé
Confeillers que bon leur fembleroit,
pour fuppleer au défaut des autres François Rebezies ; l'autre n'ellant
guère plus aagé , natif de la ville
qui feroyent abfens. Et puis qu'il y d'Oleron en Bearn , Frideric Dan-
auoit certain empefchement qui met- uille : tous deux efcholiers eftudians
toit hors de conoilTance de caufe le à Paris. Combien vaillamment ils fe
lieutenant , & lui oftoit l'inftrudion font portez en cefte ieuneffe , foufte-
des nans la querelle de noftre Seigneur
Cour procès, qu'ils choifilTent
ou du Chaflelet inftrudeursdetels
la
Jefus Chrift ; quelle confeffion ils ont
qu'ils voudroyent. Que fon foliciteur faite , quelles difputes il ont eues
fuit receu Subflitut du procureur du auec les Dodeurs de Sq^bonne ; leurs
Roi, pour faire la pourfuite (i). Que lettres qui ont efté receuës de leurs
les dogmatifans pertinax facramentai- mains en feront tefmoignage à tout le
res fulfent iugez ; toutesfois qu'on ne monde. Car ayans plus de moyens
palfaft point à l'exécution d'iceux que les premiers, ils les ont fait feruir
auant que l'en auertir. Ces lettres pour mettre par efcrit ce que Dieu
allumèrent encores le feu de plus leur donnoit à conoiftre deuoir eftre
fort, auec ce que les iuges eftoyent au profit de fon Eglife defolee.
bien indignez
Toutesfois d'auoirhomme
vn ieune efté reprochez.
Alemand,
Albert Hartung , natif du pays de
Brandebourg, & filleul de feu Albert, Lettres de Frideric Danuille (3) à vn
Marquis de Brandebourg, qui auoit fien ami , par le f quelles il expofe les
erté prins en cefte afTemblee, fut deli- affauts & combats qu'il a foujlenus
uré par le commandement du Roi , contre les aduerfaires , & Jpeciale-
ment Moines & Sorbonnijles.
qui en auoit efté importuné par priè-
res des Alemans.
Frère & ami, voyant la fin de mes
iours approcher, & que la commodité
de vous efcrire m'eft offerte , ie n'ai
voulu faillir de vous efcrire , pour vous
faire participant des interrogations
François Rebezies, d'Aftaffort en qui m'ont efté faites , tant au petit
Condomnois ; & Frideric Dan-
ville , d'Oleron en Bearn (2). Chaftelet qu'au, Palais,
mis de Dieu par les enne-
& fingulierement de
En voici deux de la troupe Jidele , in- celles qui m'ont efté faites par les
Sorbonniftes, comme vn nommé fîcng-
dicii lacopin (4), & vn Sorbonnifte fon
(i) Théodore de Bèze, qui copie, el par-
fois résume le texte de Chandieu et de
Crespin, ajoute ici: « Le procureur général a fait des coupures assez grandes au texte
nommé Brulart, eflant mort en ce temps, de Chandieu. Mais, dans les dernières édi-
grand adverfaire de ceux de la religion, tions, le texte primitif a été rétabli à peu
combien qu'on ait entendu que lors de sa près intégralement.
mort il tint ces propos, qu'il craignoit qu'on (1) leCerécit sommaire Chandieu,
n'est etpassansde divisions
fid tort à ces pauvres gens. » dont est continu de
(2) Crespin, 1564, f" 881; 1570, f° 48c ; chapitres.
15R2 , f" 456; 1Î97, (" 4)4 '• i'>o8, f" 4i4; (2) Astafford i Lot-et-Garonne).
1010, (" 47Ç. La Roche-Chandieu, Hist. des (;) Le reste de ce sommaire est de Crespin.
pcrsc'c, p. 107. Crespin, dans l'édit. de 1Ç64, (4) Chandieu : " Bénédictinus. »
LIVRE SEPTIEME.

compagnon , & ce la première fois ; fidens, moi & François Rebezies, le


572, pour la féconde fois , par le
puis .\i. d'Odobre; depuis lequel iour ils
compaj^non de Benedifti & deux au- ntius ont tellement marquez , qu'à
tres Sorbonnilles. Les premières fu- prefent l'vn ne fçauroit eftre appelé
rent au Chaflelet , & faites par vn qu'incontinent l'autre ne le foit auffi.
Parquoi auons ceft efpoir en Dieu ,
homme duquel i'auoi conceu autre
opinion que le Icelui
faid A eftoit
l'examen mefme qu'à la mort ne ferons point feparez ,
ne le monllra. le Lieute-
nant criminel, lequel, après auoir oui laquelle n'attendons que d'heure à
heure. Neantmoins nollre Dieu, con-
que ie ne confeffoi rien de la Cène , tre efpoir, nous a amenez iufques ici,
à laquelle auoi communiqué, me vint après auoir eflé interrogué defdits
mettre en auant ce paffage de Jefus Prefidens, defquels les interrogations
enuers moi ont efté telles : Si ie ne
Chrid : Que quiconque le nieroit de-
uant les hommes , il le nieroit deuanl croioi pas à la Meffe, laquelle de fi
Dieu fon Père. Duquel paffage il en long temps eftoit en lumière & auoit
vfa auffi bien que faifoit Satan quand efté chantée de fi fainds perfonnages
il tenta Jefus Chrifl. Ayant donc que les Apoftres. Laquelle chofe vins
à nier , & au contraire dire , que la
amené ce paffage, il m'interrogua que
ie fentoi du Sacrement de l'autel. Je caufe pourquoi ie n'y croyoi , c'eftoit
lui refpondi (ainfi que le Saind Efprit qu'il n'en eftoit fait mémoire ni au
me poulToit) : Que fi ie croioi que vieil ni au nouueau Teftament, & que
Jefus Chrift fuft entre les mains du
ce n'eftoit qu'vn renoncement de la
Preftre , après auoir dit les paroles Cène de lefus Chrift. Defquels pro-
facramentales (i'vfe de leurs termes) , pos furent moult efbahis , tellement
que le croiroi chofe contraire au con- qu'à chacun mot ils me difoyent que
tenu du Symbole
efl affis des Apofires
à la dextre de Dieu: Qu'il
fon ie penfan"e à ma confcience. Puis me
fut demandé fi i'auoi communiqué à
Père ; et au contraire de ce qui efl
efcrit au premier des Ades , quand cefte Cène. Refpondi qu'oui. Me fut
demandé fi ie l'aprouuoi. le di qu'oui.
Jefus Chrif\ monta au ciel, lequel ef- Combien il y auoit que i'eftoi en cefte
tant feparé du regard des Apoftres , opinion. R. Eiuiiron 2. ans. D. Com-
aparurent à iceux deux Anges vertus
de blanc , lefquels dirent ainfi aux la Cène.bien il y auoit que ie
R. Deux n'auoi
ans, affiftéceà
horfmis
Apoflres : " Ô hommes Galileens , foir que ie fu pris. D. Pourquoi
qu'ert-ce que vous regardez? » &c. cela .> R. Pource que i'euffe fait cela
Puis m'interrogua de l'inuocation des contretoit mal
ma adminiftree
confcience, enveulaqu'elle ef-
Sainds. le di ne reconoirtre autre in- Papauté.
uocation que celle qui fe fait à Dieu D. Si ie ne croioi pas que le pain foit
le corps de lefus Chrift . it le vin le
par 2.Jefus
au de Chrift,
la i. S.ainfi
Jeanqu'il
: « eft
Si efcrit
nous fang; it fi ie ne le mangeoi pas.
auons péché , nous auons vn Auo- R. Que ni'eftans adminiftrez le pain
cat , » iVc. Finalement fus interrogué & le vin du Miniftre, appelé à tel mi-
du Purgatoire. Je refpondi que ie ne niftere légitimement , après auoir an-
croy<ji autre Purgatoire que le fang noncé la parole de Dieu , que rece-
de lel'us Chrift. fuiuant ce qui eft dit uant de lui le pain & le vin , ie croioi
en la i. de S. Jean, chap. i. Que Je- receuoir le corps & le fang de Jefus
fus Chrift nous nettoyé de tous pé- Chrift fpirituellement & par viue foi.
chez. Quand telles interrogations me Le 12. dudit mois, ie fus amené
furent faites, trefcher frère, c'eftoit le deuant Benedidin lacopin it fon com-
quatriefme de nollre emprifonnement,
pagnon Sorbonnifte , dit Noftre maif-
8. de Septembre, depuis lequel temps tre. Defquels les aftauts 1% depraua
demeurai, iufques à la fin dudit mois, lions des paffages combien furent
dans vn cachot , accompagné de mes grandes, il me feroit quafi impoffible
frcres. d'efcrire. Toutesfois vous en aurez
fufmes Le premier
amenez d'Odobre
au Palais , auec, nous
cinq
ce qu'en ai peu retenir. Car ia pou-
ou fix autres, François Rebezies Con- uez eftimer qu'eftant deuant telles
domnois, A moi , ayans tous fait con- gens , il ne peut eftre qu'on ne foit
feffion de foi, troulTez tout ainfi qu'ef- quelquefois troublé. D'iceux donc les
toi le iour de la prife , quand palfai
par deuant voftre logis. Nous fufmes premiers affauts furent tels , art'auoir
quelle Eglife i'eftimoi eftre vraye , ou
là interroguez de Mefficurs les Pre- celle des Proteftans , ou celle de Pa-
FRANÇOIS REBEZIES & FRIDERIC DANVILLE.
573
ris. R. Que ie ne conoidoi autre
que la Cène m'eftant adminiftree m.d.lvu.
Eglife eflre dite vraye que celle en (comme i'ai défia dit) ie penfoi &
croioi fermement manger le corps de
laquelle rement
l'Euangile eftoit &annoncé
& lliicerement, les S. pu-
Sa- Chrift, & boire fon fang, fpirituelle-
cremens adminiUrez, ainfiCfirift
qu'ils &nous ment & par viue foi. De laquelle
ont elle lailTez de Jefus de refponfe furent mal contens.
Apres auoir efté defpefché de ces
l'es Apollres. A quoi me dirent fi ic deux, Benedid. & fon compagnon, ie
rcconoilfoi pour telle celle de Ge-
fu derechef amené, le 19. dudit mois,
neue. R. Qu'oui. D. Et H ie vous
monftre le contraire (dit Bened.), me deuant D. (i) & deux autres Sorbon-
croirez-vous ? R. Qu'oui parauenture, niftes, pour me penfer faire croire à
leur MelTe. Mais fi ceux de deuant
& mefinement s'il me le monftroit
furent par moi reiettez fur cefte MefTe,
par l'Efcriture. D. Si ie croioi à S.
Auguflin, & vne autre infinité de ceux-ci n'en eurent pas moins. Par-
Sainfts. R. Qu'oui, pourueu qu'ils ne quoi
De là ie n'en
nous parlerai
vinfmespoint
à lad'auantage.
Cène. le
difent rien contraire à l'Efcriture.
Apres lefquels propos me vint argu- leur refpondi comme aux autres, &
menter ainfi , amenant l'authorité de ce fut au grand regret de D. , lequel
S. Augufiin : Ibi e/l l'cra Ecclcfia , pour applaudir aux autres, m'eftoit (fi
phi cjl fcries & fuccefjio P^'fcoporiim. voulez) plus contraire , comme vous
Alqui in Ecclcfia Parificnfi cjl talis verrez puis après. Et, fur ce poind de
la Cene^ ledit D. tira vn papier de
/crics & fucccj'jio Epijcoporum. Ergo. fon fein, où il difoit eftre contenu la
C'eft à dire : Là eft l' Eglife où y
a perpétuelle fucceffion d'Euefques. foi d'vn, qu'il difoit venir de Geneue :
Or, en l' Eglife de Paris, y a telle Qu'en receuant le pain & le vin , il
receuoit le corps & le fang de Chrift
fucceffion d'Euefques. Ergo, » & ce
qui s'enfuit. Auquel argument ne ref- realement
deux ■Si me
autres de fait. Là deft'usfi les
demandèrent ie
pondi autre chofe, finon qu'à Geneue
i'eftimoi auoir plus vraye fucceffion n'acceptoi pas telle confeffion. R.
qu'en l'eglife de Paris. Raifon , qu'en Que ie n'en vouloi tenir d'autre que
celle de Geneue le pur Euangile de celle que i'auoi faite, fâchant bien
Dieu eftoit annoncé, & les Sacremens
qu'ils prenoyent ce mot (realement)
vrayement adminiftrez. A quoi ref- pour vne prefence charnelle, non pas
pondirent que Caluin s'eftoit de foi- comme nous qui l'oppofons à l'imagi-
raefme ingéré à tel miniftere , ou qu'il nation vaine. Lors s'efleua D. & dit
n'eftoit qu'efleu du peuple. R. Que qu'il s'efmcrueilloit de nous , qui ne Le mot
c'eftoit pluftoft diuinement, veu qu'ainfi voulions dire realement, mais toufiours realement :
eftoit de par lui annoncé l'Euangile, Caluin mefme ne ambigu,
difoit realement. & R.queQue
Spirituellement, Caluin
&cher.
de là ne fut à eux poffible m'arra-
l'entendoit pas comme ils l'enten-
De ce poind vinfmes à la confef- doyent.
fion auriculaire , laquelle ils ne me Novs vinfmes à la confeffion auri-
peurent perfuader, combien qu'ils me culaire; ieleur
vinfient alléguer le palîage de S. lean : autres. Ce qui en dis autantà D.
defplaifoit qu'aux
,&
Au 20. chap. u Comme le Père m'a enuoyé, auffi pour reiedion de mon dire , ne peut
vous enuoye-ie, » et « tout ce que vous répliquer efcriuit
autre chofe,
aurez lié, » &c. R. Que chacun vraye- lemagne au roi finon que l'Ai-,
François pour
ment fe deuoit confelTer pécheur , probation de telle confeffion : Confef- Confeffion au-
& que lors ie Miniftre, par la vertu Jionein aiiricularcm non iinprobamus. ricuiaire
de la parole, leurpouuoit annoncer
remiffion des péchez. Ils me refpondi- E/} enim cuam^elium Iccrctuin , c'eft- "°™'",^ ^"f"'
à-dire : Nous ne reiettons point la "
rent feulement que c'eftoit autre chofe confeffion auriculaire, car c'eft vn
de fe confeffer pécheur, & autre chofe Euangile fecret & priué. Et me dit
que IVIelanfthon,en fes lieux communs,
confeffer fes péchez. R. Qu'en ce
paflfage eftoit parlé généralement ,
l'appeloit Euangelium Jecretum, c'efl
quand il dit : « Tout ce que vous lie- Euangile fecret ou priué. Nous fau-
rez &c.
, » Pour le troifiefme article , tafmes de ce point au purgatoire; ie
ils m'interroguerent de la Cène. R. di que n'en reconoift'oi d'autre que le
Que ie ne croioi point manger le
corps
donnentde àJefus Chriftau ainfi
entendre qu'euxmais
peuple: le (i) Il s'agit peut-être de De Monchi (Dé-
mocharès) mentionné plus loin.
LIVRE SEPTIEME.
574
tenant le difcours de la procédure
fang de JefusChrifl. D. Dit qu'il me tenue contre eux.
prouucroit y on auoir d'autres. Je
refpondi que quand il entreprendroit
de le faire, il feroit contre fa con- Messievrs, il vous plaira receuoir
fcience. Eftant irrité de cela, il pour- de bon zèle la confeffion de voftre
frère en lefus Chrift , feruiteur du
fuyuit, Efcriture
fainde difant queertoit
l'Aumofne en la
dite remettre Seigneur, nommé François Rebezies,
les péchez, & l'oraifon auffi. R. Que d'Allafort en C<jndomnois de Gaf-
ce purgement, adioint au vrai, qui ell congno, fils de Remond Rebezies.
le fang de Chrift , a fa vertu comme Le 5. iour de Septembre, ie fu mené
caufe féconde. Eux répliqueront auffi de deuant la maifon de monfiour Gra-
que leur feu de purgatoire , ellant uclle au petit Chaftolet , prifonnier
ioint au fang de Chrift, auoit plus pour la querelle du Soigneur; & le
foir, cnuiron deux heures après midi,
grande force.
point parlé Je lainde
en la di qu'il n'en eftoit
Efcriture. fu mené de la balfe folle du Chaftelet,
De là nous tombafmes fur la véné- pour eftre oui de quelque Confeiller,
ration des Sainds. R. Qu'il les faloit accompagné d'vn Greffier. Sa pre-
vénérer en ce qu'ils auoyent bien mière interrogation fut fi i'eftoi Chref-
vefcu; mais toutcsfois tellement que
tien. R. Qu'oui, it au nom de Chrift
l'honneur de Dieu n'y fuft point foulé. olloi baptifé, 1*4 le vouloi enfuiure.
D. S'ils prioyent pour nous. R. D. Si l'auoi fait mes Pafques. R.
Qu'ils fouhaittoyent bien que nous Que non pas à leur manière. D. Si
paruenions à cefte béatitude à laquelle i'eftoi allé à confeft'e. R. Que non. D.
Que ie tenoi de la Melfe. R. Que
ils font paruenus. D. S'il ne les faut
fioint prier. R. Nenni. Puis me par- totalement le tenoi cela pour vne
chofe diabolique. D. Si ie prioi la
èrent des feftes. R. Que ie n'en re- vierge Marie & les Sainds. R. Que
conoilToi que le Sabbat. Vrai ell que
ce malheureux Satan D. gaigna tant ie prioi Dieu feul, au nom de fon Fils
lefus Chrift. D. Si ie croioi point vn
fur moi , me voulant aider , qu'il me
fit aduouër d'autres fortes, fi Dieu y Purgatoire.
eftoit honoré. Apres il fut parlé des fang de JefusR. Chrift.
Qu'oui Voila
, aft"auoir
ce quele
fimplement refpondi audit Confeiller,
miracles des Sainds
ne les faifoyent pas viuans.
de leur R. Qu'ils
authorité
car il n'auoit loifir d'eftre plus Ion-
&puift"ance, ainfi qu'il aparoilToit par vn temps après moi, pource qu il en de-
fialTage des Ades, uoit ouyi- d'autres. Mon dire fut mis
es Apoftres firent que i'alleguai,
cheminer quand
le boiteux. par efcrit, tS: commanda que ie fulTe
Le vingtiefme iour dudit mois, ie
fu derechef appelé douant Meffieurs, mis en bien
feroit la plus direbalfe Ibfl'e , &desqu'il
la vérité me
autres
chofes. le lui refpondi tout de prime
où plus attendoi l'heure de la mort
que le retour au cachot ; toutefois ils face que ie ne conoifToi perfonne de
ne me firent oue me demander , veu ladite maifon, ne mefme les Miniftres.
Sur quoi il infifta fort, promettant fi
* Il entend que i'eftoi d'Oleron, fi ie n'auoi point
M. Girard Ruffi oui maiftre " Girard (i). R. Qu'oui. D. l'en vouloi dire la vérité, qu'il me fe-
Euefquc. Veu que lui chantoit la Moffo, pour- roit grâce. R. Que ce m'eftoit affez
quoi ne la receuez-vous.' R. Il le fai- que iuftice me fuft faite. Le vu. iour
foit pour retenir fon Euefché. Voila, dudit mois fu prcfcnté douant le Lieu-
tenant ciuil. Il me demanda (\ ie me
frère, ce que dei'aimavoulu
tefmoignage foi , &efcrire
vous pour
faire tenoi pas auec Monfiour N. Surueil-
entendre comment on traitte les pou- lant de rafi"emblee, & diftributour des
res enfans de Dieu quand on les tient mailles, parlant ainfi. De premier
en prifon. La faute de papier m'em- front ie fus eftonné A di que n'enten-
pefche de palTer plus outre. A Dieu. doi dequoi il me parloit. « Vrai eft ,
monfieur, que ie me tenoi auec lui, &
fa vocation
dites , ains n'eftoit pas telle que
eftoit efcholier. » D.vousSi
Lettre de François Rebelles (2) con-
i'auoi prins du pain & du vin en cefte
(I) Gérard Roussel , évÈquc d'Oléron et alTemblee, & fi ie n'auoi pas des mail-
chapelain de Mart-ucrltc de Navarre, fut le les pour entrer. R. Que non. " Ha, le
réformateur du Bcarn. Voy. Cli. Schniidt,
Gérard Roussel, préJicalcur de la reine de fin pendard (dit-il) vous faites de
Navarre, Strasbourg, 184J. l'ignorant .' & c'eftiez vous-mefme qui
(1) Ce qui suit du sommaire est de Crespin. auiez la charge de les diftribuer. Ve-
FRANÇOIS REBEZIES & FRIDERIC DANVILLE. 575
nez-ça, leuez la main, direz-vous vé- voudroi bien prier d'vne chofe : fi m.d.lviu.
rité ?» R. « Oui. » D. « ConoiUrez- vous pouuiez faire quelque feruice à
vous vil homme qui tout à prefent
vous fera prefenté ? » R. « Peut bien la Cour, vous n'y perdrie*rien. « R.
tt Helas poure! quel feruice pourroit
eftre, Monfieur. » D. « Si i'accorde- auoir la Cour de moi, qui fuis defnué
roi à fon dire. » R. « Oui , pourueu de tout fecours humain ? Toutefois en
que fon dire foit réciproque au mien. » ce que me pourrai employer pour
Incontinent me fut prefenté vn efcho- Meffieurs, ie le ferai de bon cœur,
lier d'Agenois. « Le voici (dit le Lieu- fauf toutefois l'ofifenfe de mon Dieu
tenant) leconoilTez-vous ? » R. Qu'oui, & de mon prochain. » i O (dit-il) il
& qu'eflions tous d"vn pays. Apres, le n'y aura point d'offenfe en cela; vous
Lieutenant, parlant à lui , dit : « Ve- n'auez qu'à me dire fi ne conoift"ez
nez ça, eft-ce pas lui qui a diftribué point vn nommé Ballon. » R. « Pour
les mailles, & prins du pain & du vin faire bref, ie ne fai de qui vous me
en l'alTemblee ? » Il refpondit que parlez. » Ainfi s'enaualla. D'autre chofe
non. le ne fçai s'il le nia pour crainte ne fus interrogué Chaftelet.
ou honte d'eftre trouué menteur. « O ! Le premier d'Oétobre, nous fufmes
(dit le Lieutenant) il ne s'enfuit pas, amenez au Palais, aucuns de mes frè-
fi vous ne lui auez veu prendre du res & moi, & fufmes mis dedans la
pain, qu'il n'en ait prins. Refpondez- Tour criminelle. Ayans demeuré de-
moi , Rebezies (dit-il) eftiez-vous pas dans ladite Tour 15. iours, fu mené
feruiteur de Monfieur D. & de celui
deuant Meffieurs pour eftre interro-
qui eftoit Surueillant .- » R. Qu'oui. D. gué dedans la chambre dorée du Pa-
« Or puis que vous eftiez fon ferui- lais. Les interrogations furent faites
teur, vous deuez fauoir où il fut tout par deux Prefîdens , affiftans enuiron
ce foir, & s'il eftoit Surueillant. » R. 25. Confeillers auec eux. Première-
« Et moi, Monfieur, ie vous refpon
ment par M. d'où i'eftoi, &c. De tout
à l'oppofite, que puis qu'il eftoit mon cela leur refpondi à la vérité. Le
maiftre , & moi fon feruiteur, il n'a- refte , ie vous le raconterai en bref,
uoit que faire de me dire où il alloit. »
pour le défaut que i'ai d'encre & de
D. « Si i'auoueroi point des Hures qui papier. Interrogué par ledit M. fi
auoyent efté trouuez en noftre cham- i'auoi efté prins en la maifon. R.
bre. » R. « l'auGuerai bien quelques Qu'oui. D. Que i'alloi faire là. R.
œuures de Ciceron, & ne penfe auoir Ouir la parole de Dieu & faire la
autre
ment. liure,
» Le n'eftoit vn nouveau
Lieutenant : « O !Tella-
nous Cène. D. Qui t'amena là.' R. Moi-
mefme. D. Qui eft-ce que i'y conu ?
ne parlons point ici d'œuures R. Perfonne. D. Comment i'auoi
ceron; nous fommes à prefentde tous
Ci-
pris la hardielfe d'aller en vn lieu fans
Théologiens. y conoiftre perfonne. R. Que bien
remene, ie lui Oferai
bienbien
(dit-il)
dire qu'on
la véritéle
eftoit vrai que i'y en conoilfoi deux
auant qu'il efchappe de mes mains. » ou trois. D. Et quels .^ R. le conu
monfieur Grauelle, Clinet, & vn autre
Ie' fu mené en vn cachot, où ie
nommé lean de Sanfot , lequel nom Nom excogité.
n'auoi aucun air, & y fu enuirondix-fept
iours. Apres fu amené deuant le Pro- ai de moi raefme excogité. Quant aux
cureur du Roy, homme affez humain, deux autres , ie fauoi que le Seigneur
les auoit appelez en fon Règne , &
& me demanda d'où i'eftoi & qui ef-
toyent mes parens. De lui ie fu dere- que nul mal n'en pouuoit auenir. D.
chef prefenté au Lieutenant ciuil , Si ie conoilToi celui qui prefchoit. R.
mais il me renuoya incontinent , di- Que non. D. Si ie tenoi pour vne
fant : Que i'eftoi celui qui auoi dit en chofe bonne ce que i'y auoi fait. R.
ma depofition première que c'eftoit le Qu'oui. D. Ne t"euft-il pas plus valu
affifter en nos temples que tu vois
Fils dedodrine
belle Dieu qui , parm'auoit aprinsEfprit.
fon Saind cefte
tant bien parez, pour ouyr Mefl'e > R.
R. Qu'il eftoit ainfi. Il refpondit en Qu'en mon temps l'en auoi trop oui,
& que ie rendoi grâces au Seigneur ,
fe moquant : « "Voi , la belle dodrine
qu'il vous a aprinfe. » qui par fa bonté m'auoit tiré de ceft
E.NUiRON le XX. iour dudit mois, ie abyfme. D. Comment ? ne la tiens-tu
fu mis au plus haut de la tour ; & là pas pour vne chofe fainde & ordon-
vn greffier eftant venu pour me faire
née de Dieu ? R. Que c'eftoit tout au
reconoirtre quelques liures, me dit, contraire, mais que vraiement ie croioi
après plufieurs propos : « le vous que c'eftoit vn grand blafpheme contre
LIVRE SEPTIEME.

576 d'y affifler, t% vn feruice con-


Dieu R . Que ie croioi que les Sain<fts auoyent
vn defir que tout ainfi que fa volonté
trouuti du Diable. D. Si ie n'y alloi efloit faite au ciel , aufd elle fuft faite
pas quand i'edoi au pays. R. Qu'oui,
mais que bien fouuent l'extériorité en la terre, & qu'ils auoyent ce fou-
eiloit contraire à l'intériorité, Adifois hait,
aimer de bouche les chofes, lefquelles nus àque toutbéatitude
cefte ainfi qu'ils font parue-
éternelle , auffi
de cœur hayflois. Mais auffi en ce Dieu nous vueille faire mefme grâce,
faifant ofTenfoi le Sei),'neur. Car il a à nous qui fommes ici bas. Et alors
en haine ceux qui font de double
cœur, & que de ces chofes demandoi des Confeillers me dirent qu'il efloit
efcrit en l'Euangile , que les Apoflres
pardon à mon Dieu. D. Si ie conoif- difoyent au Seigneur : « Cefle femme
foi vn Purt^atoire. R. Qu'oui. D. crie après nous, » parlans de la Cha-
Mais quel ? R. Le feul fang de lefus nanee. Dequoi ils voulurent tirer la
Chrift. u Alors (dirent-ils) vraiement prière des Sainds. A quoi ie refpondi
icelui eflilleen principal ; mais qu'auec» qu'il n'eftoit pas là dit que la femme
celUii-là faloit croire vn autre. fe foit retirée aux Apoflres, mais pluf-
R. Qu'icelui eiloit fuffifant pour pur- tort à Dieu , auquel feul tous enfans
ger toutes nos iniquitez, & que nortre de Dieu adrelVent toutes leurs requef-
Dieu ne faifoit point les chofes à tcs t'i oraifons. Car c'efl celui feul qui
demi , mais fauuoit à plein ceux qui nous peut exaucer quand nous le
s'approchent de lui par Chrift , lequel prions en vraye fiance de cœur, au
e(l toufiours viuant pour intercéder Nom de fon Fils bien-aimé ; ».t icelui
efl noflre feul Aduocat enuers Dieu
pour tous, ainfi quetefmoij^nc l'Apoftre
aux Hebrieux 7. chapitre. « Helas,
fon Père, ainfi qu'il efl efcrit i Tim.
Seigneur (di-ie) iamais ne nous con- 2. chap. : a II y a vn Dieu & vn
tenterons-nous de la fimplicité de Moyenncur de Dieu & des hommes,
l'Euangile.' l'homme toufiours lefus Chrifl homme, d &c. & 1 lean.
adioufter de fon cerueau. Nous yvoions
veut 2. Rom. H.
en plufieurs lieux dedans l'Efcriture, Alors commença à parler mon-
fieur le Prefident S. André, & me
tant au vieil qu'au nouueau Tella- S. André.
ment , ce feul Purgatoire eflre le feul Le Prefident '
demanda qui m'auoit aprins cefte doc-
trine. R. Le Fils de Dieu par fon
fang de Jefus Chrifl, & que d'autre
n'en deuons cercher. » D. a. En quels S. Efprit,
vieil et queTeflament.
&. nouueau ainfi l'auoiD.leuSi auie
lieux de l' Efcriture
clairement efcrit en.' n S.
R. lean
« Vous 1.l'auez
cha. n'auoi leu autre chofe .^ R. Non.
Apoc. 5. Heb. 9. Efaie 45. où il dit : Alors le rapporteur de mon procès
dit : « lia bien auffi leu Caluinus in
le fuis celui qui, pour l'amour de mol-
incj'me, efface les iniquité'^. En la 2. Ofeani, Bucer, Bulinger; car ce font
Cor, 5. chap. Dieu ejhit en Chrifl re- les liures
conciliantfoi
A le monde, &c. Lefquels bre. » A qu'on
quoi anetrouuez
voulu en fa cham- ,
contredire
lieux de l'Efcriture vous doiuent con- de peur de mettre en fafcherie mes
tenter (Meffieurs) pour confirmer ce frères, auec lefquels ie me tenoi.
Apres cela , Monfieur le Prefident va
APurgatoire,
enfant de qu'vn chacun
Dieu doit vrai, &lidele
croire non faire vne exclamation , difant : « Hé!
autre. » En après, Meffieurs les Con- poure enfant,comme
ne crains-tu point d'ef-
feillers prindrent la parole, difans : tre bruflé, les principaux de
Qu'il eftoit efcrit de ce Purgatoire ta compagnie ont eflé ces iours paf-
(qu'ils entendent) en faind Matth. 5. fez à la place Maubert .' » & puis
où il dit : » En vérité ie te di que tu
que i'auoi parens, fi ie ne doutoi de
ne fortiras de là iufques à ce que tu les mettre en defhonneur à tout ia-
ayes payé le dernier quadrain. i> A mais .■•Sur quoi le priai à iointes
quoi refpondi que, s'ils auoyent bien mains , & au Nom de Dieu , qu'il me
Icu & entendu le chapitre, il n'eft permift que ie parlafTe. Alors il dit ;
parlé & ne s'entend que des chofes a le permets que tu parles; di , mon
ciuilcs ; ou fi voulez, ce Donec (c'efl ami. » a Monfieur, » di-ie, « quant à
iufques à ce) fe prend en l'Efcriture ce que m'auez dit, & fi ie ne crai-
pour iamais. En quoi ainfi demouraf-
mes touchant le Purg.itoire. D. Si ie gnoi point , A fi ie n'auoi en hor-
eu , reurcomme
lialTer, les dangers, lefquelsen i'auoi
mes frères, premierà
ne croyoi quo les Sainds priaffent
pour nous , & qu'iceux (^n doit prier il m'efl tout certain que tous
pour eflre nos aduocats enucrs Dieu. ceux qui voudront viurc en Jefus

pafl'er
FRANÇOIS REBEZIES & FRIDERIC DANVILLE. 577
Chrift fouffriront perfecution , & que, Parlement m'ont faite. Mais non tant m.d.lvui.
quant à moi , ie me pouuoi bien pré- efmeus de leur prière , que le bon
parer vn gibet, ou femblable tour- vouloir que nous auons enuers les en-
ment ,fi ie vouioi fouftenir fa que- fans de Dieu » (defquels toufiours m'ef-
relle ;mais que tout cela, & mort & n'ef-
timoit eftre).venus D'autre part qu'ils
vie, m'eftoit gain au Seigneur. Quant toyent pas me voir pour me
au defhonneur de mes parens, le Sei- furprendre. « Car, comme voyez (di-
gneur nous a défia prédit que quicon- foit-il) , nous n'amenons aucuns voftre gref-
que aime l'on père ou fa mère, &c., il fiers auec nous pour mettre
neft pas digne de lui. » Le Prefident dire par efcrit , mais feulement vous
ayant oui cefle refponfe : « lefus ma- venons voir en partie pour vous con-
ria, qu'ert-ce que veut dire auiour- foler & pour confabuler enfemble ; »
d'hui cefte ieuneflfe qu'ainfi elle fe & qu'il ne pouuoit croire que nous
vueille faire brufler -à crédit ! » Dere- fuffions hérétiques , & qu'ainfi , en
chef m'a fait inftance fur la Méfie, communiqu ant de l'Efcriture, le pour-
difant fi ie penfoi eftre plus fage que roit conoiftre.
tant de millions de gens qui auoyent Alors ie commence à refpondre :
vefcu & tenu icelle pour bonne, & « Monfieur, ie feroi marri de fouftenir
aucune opinion hérétique ; mais ce
que les dofteurs faimfts ie l'auoyent
ainfi aprouuee .' A quoi refpondi que ie veux fouftenir eft feulement la
querelle du Seigneur , & que pour
que les Dodeursqui l'auoyent receuë
auoyent paffé les bornes de la parole. herefie ie n'eftoi point emprifonné ;
Alors me dit fi ie ne vouioi pas viure mais que les peruers & aduerfaires
félon icelle. R. « Non. » Adonques, de Chrift eftiment hérétiques ceux
comme d'vne rage enflammée , dit : qui , de tout leur pouuoir & puif-
« Va, va, damné ; » & ainfi commanda fance, s'efforcent de fuyure les traces
à vn huiffier que l'on me remenaft en du Seigneur , non que le Seigneur
mon cachot. Voila quant à la pre- ne nous l'ait défia prédit , coranie
faite par les Pre- i'eftime que fauez auffi bien que moi,
fidens. mière interrogation
Monfieur : c'eft que nous ferons efti-
Maintenant ie vous ferai partici- mez l'ordure & les excremens du
monde. Mais le Seigneur, lequel feul
pans des interrogations à moi faites
par meffieurs de la Sorbonne , fauoir eft fpeculateur (i)des cœurs des hom-
eft vn lacopin nommé Bened., le maif- conoit fij> nous fommes tels qu'on
tre des Dodeurs, & vn autre laco- nous mes,
eftime.
Alors Benedidin , parlant à moi , Rebezies
pin, duquel le nom m'eft inconu. Et
ces afl"auts me furent faits par les fup- &dit tant que vous eftes vous, reprin^^d'auoir
: « Voyez-vous (mon, vous trompez
frère), ,g seigneur,
pofts de Satan , le 14. d'Odobre, de- de dire fimplement le Seigneur , fans
du matin iufques en-
trepuisdixfept& heures
onze. Leur falutation fut y adioufter ce pronom Noftre , ou
premièrement par Bened. en vn petit mon Seigneur ; car (dit-il) les Dia-
Cabinet (où nul n'eftoit qu'eux & moi) : bles l'appellent bien Seigneur & mef-
mes tremblent deuant fa face. » R.
Harangue « Le Dieu de paix, mifericorde & con-
confite d'hypo- folation foit auec nous tous, d R. « Ainfi «Que les Diables l'appellentSeigneur,
crifie foit-il.T)D. CI Je ne doute point que vous en telle forte que les Pharifiens ame-
& trahifon. ^^ fâchiez la caufe pour laquelle (mon nans
Chrift,la difans
femme : s"approchans de auons
« Maiftre, nous Jefus lean 8. 4.
frère, mon ami) nous-nous fommes
tranfportez deuers vous. En premier trouué , » &c. Là les Pharifiens l'ap-
lieu , puis que tel eft le vouloir de pellent maiftre , mais non qu'ils vueil-
noftre Dieu de nous commander de
lent tenir fa dodrine , ne qu'ils vueil-
donner confolation aux affligez & de lent eftre fes difciples. Ainfi , » di-ie,
vifiter les prifonniers, & principale- « eft-il du Diable , lequel fe dit co-
ment fes membres, lefquels font ainfi noiftre Dieu & l'appelle Seigneur, fi
enferrezDieu , & qu'icelui
pour fon Nom eftre eft-ce pourtant que iamais il ne le
noftre acceptera fait à lui veut reconoiftre pour fien ; mais de
ce qu'on fera à vn de fes membres , fait, il le nie. Et puis vous fauez qu'il
defquels i'eftime que foyez (mon frère,
mon ami ,) non point vn hérétique , scru^
(t) Crespin
tateur. » Goular t, changé
avait en rétabli ssanten leu texte
ce mot
comme l'on dit. L'autre caufe pour de Chandieu, a remis « spéculateur, » que
laquelle nous fommes venus deuers l'on trouve aussi dans Calvin , avec le sens
vous, c'eft la prière que Meffieurs de de : celui qui regarde.
37
II.
LIVRE SEPTIEME.

7B plein df mcnfongc i^ cautellc.


cil5tout Quant i\ la puiffance des clefs &
Car quiconque le dit cognoiftre Dieu vortre confeffion , ie croi que pour
& ne garde point les commandemens, auoir remiffion de nos péchez, il nous
il eft menteur, i. Jean, 2. Mais moi faut retirer & confelfer au feul Dieu,
& non point aux Preftres , comme
(monfieur)
tien : car ilieertl'appelle
vrai & Seigneur & le
le veux reco- trefbien le dit S. Jean, i : «Si nous
noillre pour tel entant qu'en moi fera. • confelfons nos péchez, Dieu eft fidèle
a C'eft bien dit (dit-il) ; mais nous & iufte pour nous pardonner nos pé-
deuons auolr quelque dilTerence de chez c^ nous nettoyer de toute ini-
nommer noflre Dieu d'auec les dia- quité. « Mefine le Prophète Royal
bles. » R. S'il ne fe contentoit de Dauid, Pf. 9. & p : « le t'ai manifefté
cefte différence que ie lui auoi don- mon péché, &c. » D. Si ie ne croioi
née. Alors me dit qu'oui. pas qu'au temps des Apoftres, Dieu
« Venons (mon frère), » dit-il, « à
leureuft donné la puift"ance que lefus
parler de l'Eglife, Chrift , le temps palfé , donna à fes
bon Chreftien doitlaquelle
croire.vn Je
chacun
croi
que vous tenez pour bonne icelle Apoftres, eftantà bien
defaccordante mon entendue,
dire. Alorsn'eft
ie
Églife (dit-il) en laquelle la Parole commençai à dire : « le confelTe
ert prefchee purement & fincerement, que le Seigneur bailla fa parole entre
& les Sacremens adminiftrez félon
les mains de fes Apoftres pour l'an-
qu'ils nous ont eflé lailTez de Jefus noncer&, par icelle parole la remif-
Chrift & des Sainds Apoflres. » R. fion de nos péchez. » D. « Vous niez
a Icelle ie croi & y veux viure & mou- donc la confeffion auriculaire ? » R.
rir. i>D. Si ie ne croyoi pas que qui- « Oui. » D. Si ie croioi qu'il faloit
conque n'ertoit en icelle ne pouuoit prier les Sainds. R. Que non.
obtenir remiffion de fes péchez ? R. Lu Maiftre des dodeurs de Sor-
bonne demanda fi Icfus Chrift, eftant
Que quiconque fe feparoit d'icelle
pour faire fede à part ou diuifion, en ce monde , n'eftoit auffi fuffifant
vrayement n'en pouuoit point obte- pour ouyr tout le monde t*t intercé-
nir. (IC'ell-mon , » voir
dit-il. der pour tous, comme il eft à prefent?
tenant ilnous faut & Or, main-
confiderer
R. Qu'oui. D. « Mais nous trouuons
deux Eglifes : c'ert alTauoir , qu'en que lui eftant en ce monde, les Apof-
l'une la parole foit annoncée faulTe- tres intercedoyent pour le peuple ;
ment , & les Sacremens autrement pourquoi auffi bien ne le feroyent-ils
adrainiftrez qu'ils n'ont elle delailfez à prefent? » R. « Tant qu'ils furent
de lefus Chrifl ; l'autre, en laquelle en ce monde , ils exercèrent en-
l'Euangile foit purement prefché & les cores leur miniftere & prioyent les
Sacremens bien adminiftrez. « Mais, » vns pour les autres, comme ayans
dit-il , « laquelle de ces deux nous befoin de fecours humain ; mais à
faut-il croire > » R. Que ie croyoi
prefent qu'ils font en Paradis , toutes
celle qu'auparauant il m'auoit définie. leurs prières font qu'ils fouhaittent
« C'ell bien creu , » dit-il , « mon que ceux qui font lur la terre puif-
frère, mon ami; nous n'en voulons fent paruenir à cefte béatitude à la-
point croire d'autre. Or fus, il faut quelle ils font paruenus; mais pour
parler des dons, lefquels il a donné à obtenir quelque chofe du Père , il
nous faut auoir recours à fon Fils. »
icelle ; c'ell aflTauoir : la puiffance des
clefs, la confeffion pour obtenir re- Alors ils me tirent cefte queftion, alTa- l'iiUercelTeur.
de
miffion de nos péchez , après cflre uoir fi un homme prenant la charge Quel ert l'office
confelTé au Prellre ; en après, il nous de prier pour vn autre, feroit dit In-
faut auffi croire fept facremens en
terceffeur? R. Qu'oui. D. « Or bien,
icelle Eglife vrayement adminillrez.
Dites (mon frère), icelle eft vraye, vous dites qu'il n'eft qu'un intercef-
feur ; donques , moi , faifant prière
comme nos Eglifes de Paris, aufquel- pour vn autre , ie ne me retirerai
les le faind lacrement de l'autel eft point à lefus Chrift, mais à Dieu feu-
lement, laiftant lefus Chrift à part; &
adminiftré
ment. i> R.& «l'Euangile
Monlieur,prefché
ie voipure-
que de vrai , il nous faut ainfi croire. »
vous commencez à branfler ; quant à R. u Ne fauez-vous point (Monfieur)
moi , ie ne reconoi en la vraye Eglile que fi Dieu ne nous regarde en la
du Seigneur que deux Sacremens , face de fon Fils bien-aimé , nous ne
lefquels il a inftituez en icelle pour
toute la communauté des fidèles. lui
veut pouuons
regarder eftre agréables
fur nous, il ne ?void
car que
s'il
FRANÇOIS REBEZIES & FRIDERIC DANVILLE.
579 M.D.LVIII.
tout péché. Et fi les cieux ne font fauriez donner. » Alors me dit que
purs deuant fes yeux , combien plus i'eftoi vn obftiné en mon herefie.
fera l'homme abominable & inutile , « Venez-ça , » dit-il; « ne croyez-
lequel boit l'iniquité comme eau, ainfi vous point que quand le preftre a
confacré fon hoftie , noflre Seigneur eft
qu'il eft efcrit en lob? » Alors Bene-
didin , voyant que fon maiftre doc- là auffi bien & tout autant que quand il
teur ne refpondoit à mon dire : fut pendu en la croix .? » R. « Non,
a Non, mon frère (dit-il), delailTons véritablement , ie n'en croi rien , car
cefte grande mifericorde du Seigneur ie croi que lefus Chrift eft feant à la
& venons à defcendre en nous mef-
dextre de Dieu fon Père, ainfi qu'il y
mes; nous conoirtrons que Dieu n'eft a amples tefmoignages au nouueau
Teftament. Hebr. 10. i. Corinth. 15.
fainds.defplaifant
point » R. « qu'on fe retire
Monfieur , nousà fes
ne
& Colofl". V Parquoi , pour le vous
deuons point faire félon noftre vo- faire brief, ie ne tien voftre Méfie
lonté, mais félon que le Seigneur finon pour vn faux & controuué fer-
veut. Car « cefte eft la fiance que nous uice de Satan , entretenu par fes fup-
auons en lui ; que fi nous demandons pofts. Et, qui plus eft, vous aneantif-
quelque chofe félon fa volonté, il fez par icelle le précieux fang de
nous exaucera. » i. Jean, 5. Derechef Chrift , & fon oblation vne fois faite
il me voulut perfuader qu'il nous fa- de fon corps , vous fauez qu'icelle a
loit retirer aux fainfts , par vn exem- efté fuflifante , & qu'il ne la faut plus
ple du royaume terrien. Et moi ie lui réitérer. » A quoi refpondit Bened.
refpondi auffi par vn exemple tout à que nous-nous trompions fur cefte
Luc 15. 12. l'oppofite du fien : c'eft alTauoir de réitération , & qu'eux ne la reite-
l'Enfant prodigue, quand de premier royent point, & me bailla ceft exem-
front il ne fe retira à autre pour ple : « Vous me voyez à prefent en
auoir mifericorde , qu'à fon père habit de religieux, & tantoft que ie
mefme. Et a'infi demeurafmes tou- prinlTe vn habit de gendarme, ie ne
chant l'inuocation des fainds. feroi que defguifé ; & toutefois ie ne
feroi le mefme dedans mon halecret(i)
De là vindrent à l'adoration , pour
voir fi ie croioi qu'il les faluft adorer. que i'eftoi en mon habit de frère reli-
R. « Oui bien , fi eux-mefmes , de gieux. Ainfi eft-il de ce facrifice. Nous
leur temps , y ont pris plaisir ; » & confefl"ons bien que naturalitcr il a Benediain
pour prouuer mon dire, à fauoir qu'ils efté offert en facrifice, & eft auffi affis moine naturel-
en eftoyent defplaifans, ie voulu allé- naturaliler
_. .à la,dextre I 1-4 Dieu
de c r fon . 'ement
} r &. fupernaturel-
guer les paffages qui font au 10., 13. Pere ; mais siipcrnaluralitcr ù- JubJ- lement
& 14. des Ades , & en l'Apocalypfe, cripliui , nous le facrifions pour le rei- gendarme,
19. 10.
& 22., terer. Supcniaturcilitcr nous le facri-
au & 14.& desdi auffi qu'il efloit
Hebrieux. Sur efcrit
quoi fions ;mais c'eft feulement defguifer
ils me furprindrent & dirent : « Il le
fousfacrifice,
cefte courtine à favoir,& qu'il
cefte eftblancheur
contenu
n'eft pas efcrit de l'adoration des
fainds au 14. des Hebrieux; c'eft que vous voyez. » « Monfieur, » di ie,
pluftoft à l'onziefme chapitre. » « Bien « il eft tellement defguifé que c'eft vn
foit,nouueau
» di-ie, Teftament.
« tant y a qu'il facrifice'diabolique ; & de cela ie me
au » Et efttoutes-
efcrit
tien pour refolu. » D. Que ie croioi
fois , eftant de retour d'auec eux , ie de
recitai leurs propos à mes compa- tantlaadminiftree
fainde Cène.
par R.
le Qu'icelle
Miniftre enm'ef-
tel

des Ades. gnons, & trouuai


Voyez fique
ces c'eftoit au leu
gens ont 14. vfage qu'elle a efté laift'ee de Jefus
Chrift & de fes Apoftres, « icelui Mi-
leur nouueau 'Teftament , de médire niftre (di-ie) ayant annoncé la parole
purement , en prenant du pain & du
&qu'il
noneftoit efcrit
au 14. De aux Hebr.vinfmes
là nous 11. chap.
à la, vin matériel , ie croi receuoir auec
MelTe, & Benedid. print la parole, & viue foi le corps & le fang de Jefus
s'en va en faire vne grande louange Chrift fpirituellement. » Le Sorbo-
pour me la faire trouuer bonne ; mais nifte : u Dites corporellement. » R.
moi qui eftoi fafché d'ouir tels blaf- » Non, Monfieur, car ces paroles
fiheraes, lui interrompi fon propos &
ui di : « Monfieur, vous auez beau font efprit & vie ; & contentez-vous
coulorer voftre dire, vous ne fauriez de cela. » D. S'il faloit que le Minif-
me faire trouuer bon le poifon , pour
quelques defguifemens que vous lui (i) Cuirasse dont se servaient les lansque-
nets.
LIVRE SEPTIEME.

tre fuft mencerent à lire mesdepofitions, tant


580 marié ou non. R. « Il le faut
en telle forte, comme dit l'Apoftre : celles que i'auoi fait au Chaftelet
qu'au Palais, & me dirent : « Vien
I. Cor, 7. 9. Que quiconque n'a le don de conti- ça, Rebezies, tu ne veux point dire la
nence ,qu'il fe marie ; car il vaut vérité, affauoir quelles gens tu as
mieux fe marier que brufler. » Et s'ils conu en cefle affemblee } » R. Que ie
ne fe contentoyent de cela , qu'ils
leuflTent ce qui ell efcrit des Euefqucs n'en
& Surueillans, 1. Tim. 3. & à Tite 1. lean auoi conu« autres
Sanfot. La Courquea Grauelle
ordonné &&
Ainfi prouuant mon dire, me dirent ordonne, » dirent-ils, » fi tu ne veux dire
que ie nioi la prellrife ; & en prenant autre chofe , que tu enduros la quef-
congé prièrent que Dieu vouluft auoir tion. » « Bien, Meffieurs (di-ie), ie
pitié de moi. « Ainfi foit-il , • di-ie. fuis tout preft d'endurer tous tour-
mens pour mon Dieu. » D. Si ie ne
a Et qu'il vous puilTe oiler l'opinion vouloi dire autre chofe. R, Que non.
que vous auez en voftrc tefte , » di-
rent-ils. R. Que ce n'efloit point opi- « Sus qu'on le mette en chemife, di-
nion, mais la pure dodrine de l'Euan- rent-ils àleursla fatellites,
face confefTer vérité. » & qu'on lui
gile. Et ainfi s'en allèrent. Cela fut incontinent exécuté , & mis
Le XX. d'OcSobre, ie fu amené de- & Rebezies
Danuille
uant Meffieurs les Prefidens , <St là le auant que m'attacher mes mains , le
Prefident S. André me demanda fi Confeillcr me dit que ie filTe le figne à la torture.
de la croix & que ie me recomman-
i'auoi parlé aux Codeurs. R. Qu'oui. dalTe à Dieu & à la vierge Marie. R.
D. S'ils m'auoyent tenu propos de la
Que ie ne feroi aucun figne de croix
Meffe. R. Qu'oui. D. Si ie n'y vouloi
adhérer, & la tenir pour vne chofe & ne me recommanderoi à autre qu'à
fainde : « Toi, » dit-il , « qui te dis mon Dieu , & que icelui eftoit fuffi-
n'auoir conoilTance de ces chofes que fant pour me garentir iS deliurer de
depuis dix mois, penfes-tu eftre plus la gueule des lions. Et quand ie fu
fage que nous & ces dodeurs ? » R. tendu en l'air, ie commençai à dire :
Que le ne m'arrefte pas à l'auis des « 'Vien, Seigneur, monftre ton effort ,
dodeurs ni d'autres, finon que de que l'homme ne foit le plus fort, » &c.
Alors dirent-ils : « Di vérité, Fran-
mon Dieu. D. Si mes parens m'auo- çois ,& nous te lairrons. » Et moi
yent apriscela?
alloyent R. Que
à la Melfe non. D. S'ils
& veneroyent les toufiours
& prière du de Seigneur,
pourfuiure tellement
à l'inuocation
que
fainds, pourquoi ie ne les enluiuoi.
R. « Monfieur, fi mes parens font ido- de moi n'eurent mot qui foit. Et La cruauté
lâtres & ont tranfgrclTé toute leur vie qu'exercent
luges les
après auoir vuidé : vn« feau
les Confeillers Ne d'eau,
veux-tudirent
rien
les commandemens de l'Eternel , les dire ? » R. « le ne vous dirai autre cou Ire les en-
doi-ie enfuiure en cela? voyez ce qui de fans
Dieu.
e(l efcrit au 20. d'Ezechiel & au 2. chofe. 1) « Sus qu'on le lafche & qu'il
Chron. 20. « « O, dirent-ils, nous foit mis auprès du feu , » dirent-ils.
auons beaucoup à faire ici de prcf- Et ainfi lalché ie di : « Ell-ce ainfi
cheurl 'Va, va, chroniciueur aucc tes que vous traitez les enfans de Dieu. »
Autant en firent-ils à mon frère Fri-
Chroniques; » ainfi fu d'eux renuoyé. deric Danuille, & eurent mefme ref-
Le XXII. d'Odobre nous montafmes,
mon frère Frideric Danuille & moi , ponfe de lui que de moi. En quoi
f>our endurer la quellion, & fu mené auons conu que nofire Dieu nous a af-
e premier en la chambre où on la fifté autant qu'à gens du monde. Car
baille , & là trouuai trois Confeillers, il vous faut penfer que mon frère Fri-
qui me commencèrent à dire : « Leue deric efioit bien malade ; mais le Sei-
la main. Tu iures par la paffion de gneur nous a fecouru , comme il nous
rée, Chrirt, laquelle tu vois là figu-
Jefus a promis qu'il ne nous baillera point
» me monllrant vn marmoufet chofe que nous ne puiffions fouftenir.
en vne carte de papier. R. Nous n'attendons que l'heure du Sei-
«peint
Monfieur, ie vous iurcrai par la paf- gneur. 'Voila, Meffieurs A trefchers
frères, ce que vous ai voulu mander
fion de Icfus Chrift , laquelle l'ai en
mon cœur imprimée. » D. Pourquoi ie touchant les iraitemens qu'on fait aux
refpondoi ainfi, & non comme ils enfans du Seigneur. Nous-nous recom-
auoyent dit. R. Que ie commettroi vn mandons àvos bonnes prières , tant
grand blafpheme contre le Seigneur. que ferons cji ce tabernacle. A Dieu.
Pourfuite de
Lors on me reprocha que i'eftois
obftiné en mon herefie , & puis com- Apres qu'ils furent retournez de la leur conltance.
FRANÇOIS REBEZIES & FRIDERIC DANVILLE.

queftion, voici comment ils fe portè- du cachot & menez à la chapelle ,


rent, ainfi que nous ont recité aucuns louans Dieu d'vn cœur ioyeux. Arreft donné
frères confeffeurs de lefus Chrifl qui contre
La nez, enilsdes
eurent fentence àd'eftre
tombereaux me-
la place
eftoyent auec eux. Ils ne celToyent Rebezies
de louer Dieu de fon affiftance. Fri- Maubert, embaillonnez & eftre atta- & Danuille.
deric gemilToit fouuent, & eftant re- chez chacun à fon pofteau , & après
quis des autres prifonniers pourquoi qu'on les auroit eftranglez , eftre mis
il gemiflToit ainfi : « Ce n'eft pas, » en cendre. Incontinent on leur pre-
fenta des croix , mais les refuferent ,
dit-il, « pour le mal que i'endure ,
difans qu'ils auoyent la croix de Jefus
58.
mais pour le mal qu'il vous conuiendra
endurer auffi bien que nous. Toute- Chrift emprainte en leurs coeurs. Re-
fois, foyez forts & ne foyez efpouuan- bezies crioit à fon compagnon : « Mon
tez , vous alTeurans de l'aide de ce frère , garde-toi de ces feduAeurs. »
bon Dieu qui nous a fecourus comme
Apresboucles
aux que lequi bourreau
font là,l'eut attaché
il demanda
vous voyez , « & les confoloit. Rebe-
zies eftoit tout rompu de la torture, & vn peu de vin pour fe conforter, afin
en auoit vne efpaule beaucoup plus qu'il peuft, comme il difoit, porter
efleuee que l'autre, & le col tout tors, plus patiemment le tourment qui lui
& ne fe pouuoit remuer. Toutefois, il eftoit ordonné. Quand vn chacun fe
pria fes frères de le mettre fur vn lid,
fut retiré
de chanterpourPfeaumes
difner, ils
& nelouanges
cefl"erentà
& acheua d'efcrire cède Confeffion
que nous auons veuë. La nuid eftant Dieu , iufqu'à ce que les doéteurs ar-
venue, ils s'efiouiffoyent tous deux riuerent , qui leur rompirent leur
enfemble & fe confoloyent l'vn l'autre chant : l'vn eftoit Demonchi ( i ), l'autre
Maillard.
par la méditation de la vie celefte & Fureur de
du mefpris de ce monde , chantans Demonchi s'adrefla premièrement à Demochares,
Rebezies, & le folicitoit de fe conuer- infigne
Pfe'aumes iufques au poind du iour.
Rebezies s'efcria deux ou trois fois : tir. Rebezies difoit toufiours qu'il
<i "Va arrière de moi , Satan. » Fride- n'auoit rien maintenu que la pure vé- y en au eut iamais
monde.
ric, eftant couché auprès de lui, lui rité de Dieu. Demonchi oyant cela, hypocrite, s'il
demanda : « Que vous propofe ce comme forcené , print vne croix de
malheureux ? Vous veut-il dellourner bois qui eftoit en ladite chapelle &
Rebezies de la courfe? » Rebezies dit : « Ce lui fit baifer par force. Rebezies com-
tenté parSatan. mefchant me propofe mes parens , mença de rendre grâces à Dieu , de
mais, par la grâce de Dieu, il ne gai- ce qu'il l'auoit choifi pour endurer le
gnera rien fur moi. » martyre pour la confeffion de fon
Le iour venu, ils furent mandez faind Nom , & le prioit de lui vouloir
pour aller deuant Meffieurs, & cui- pardonner ce qu'il faifoit (parlant du
dans receuoir fentence de mort, em- baifer de la croix). « Car, ô Seigneur, »
brafferent leurs frères, les exhortans difoit-il, « tu vois qu'on me le fait
de fe préparer au combat; toutefois faire par force. » Demonchi fe tourna
ils n'eurent point encores fentence vers Frideric, mais lui, le voyant apro-
pour ce coup; feulement on leur de- cher pour le tourmenter, lui dit : « Je
manda s'ils ne vouloyent point décla- vous
rer leurs complices. Ils refpondirent pondu prie, laift"ez-moi,
par deuant i'aienafl'ez
les iuges ref-
la Cour
& à vous, ou à vos femblables, que
que non. Apres, s'ils vouloyent de-
meurer opiniaflres en leurs erreurs > gaignez-vous de me vouloir foliciter
de croire voftre tranffubftantiation }
« Nous n'auons point, » dirent-ils,
« fouftenu d'erreurs , mais feulement voulez-vous
la pure vérité de Dieu, &, par la grâce de la dextre que i'arrache
de Dieu lefus ?Chrift
fon Père » Là
de Dieu , demeurerons fermes en deffus ils difputerent longuement fur
icelle iufques à la mort. » Sans pafler
la Cène; & le doéleur voyant qu'il ne
outre & fans fentence, ils furent reme- profttoit de rien, dit à Frideric : « Il
nez contre leur attente, aucunement y a fi long temps que ceux qui ont
contriftez, pourcefiiflqu'il fembloit que , fouftenu voftre opinion ont efté exé-
leur exécution encore différée
cutez, & neantmoins il n'y a eu aucun
d'autant, difoyent-ils, que ce iour ils d'eux qui ait fait miracles, comme ont
fe trouuoyent , par la grâce de Dieu ,
bien difpofez à endurer tous tourmens.
Mais auffi ne la tirent-ils pas longue , (I) Sur De Monchi (surnommé Démocha-
car fur les onze heures ils furent tirez dessus.voy. les notes 2 et j de la p. $58 ci-
rès),
LIVRE SEPTIEME.
de l'hiftoire de
2 Apoftres A Sainfls. ti Frideric
Ç8les
fait ce temps.
efté desfaits, on voyoit
tention des Juges bienlesenuoyer
eftoit de que l'in-
lui demanda s'il vouloit de lui aucun
ligne. Il dit que non, & demeura ainfi les vns après les autres à la
muet. Maillard print la parole et dit : mort, & y auoit défia les procès de
« Penfez, ie vous prie, à ce que nous douze ou treize prefts à iuger ; mais
La gageure
d'vn auons dit : le gage mon ame à eftre vne Damoifelle (qui eftoit auffi pri-
vraiSorbonifte. damnée, s'il n'eft ainfi. » Frideric fonniere) prefenta des caufes de re-
cufations contre les CommilTaircs , &
refpondit qu'ils fauoyent le contraire
eflre véritable & tendoyent au vrai but, les procédures fi afpres & defreglees
auquel tousChreftiens doyuent tendre. furent arreftces pour vn temps , pen-
Alors fe retirèrent ces doileurs, i*t dant qu'on eftoit après à les vuider.
eux furent menez hors de la Concier- Et Dieu, content au nombre de ces
gerie fur les trois ou quatre heures , fept Martyrs pour vne fois, fufcita vn
embaillonnez. Ils auoyent toufiours autre moyen pour retenir la rage des
vne face ioyeufe & contente , & ainfi ennemis iufques au mois de Juillet
qu'on prononçoit leurs arrefts en la fuyuant. Car les nouuelles de cette
cour du Palais,
condamnez à eflreoyans qu'ilsRebezies,
bruflez, eftoyent prinfe eftoyent venues iufques aux na-
ticjns eftranges ; tellement que les
AmbafTade des
frappant fa poitrine de (a main, fit figne SuilTcs.
à Frideric , & ainfi efleuerent enfem- Cantons Euangeliques des Suift'es ef-
ble les yeux au ciel, glorifians Dieu meus de pitié , & fachans que c'eftoit
pour la mefme doftrine qui eft annon-
leur Qvand de
faifoit.extérieurs
par fignes ils l'honneur qu'il
furent arriuez cée en leurs Eglifes, qu'ils eftoyent
prifonniers, enuoyerent leurs Ambaf-
au lieu du fupplice, vn preftre pre- fadeurs deuers le Roi , pour faire re-
fenta vne croix de bois à Frideric ; nionftrances & fupplications pour eux.
A mefme inftant arriuerent auffi lettres Lettres du
mais fe retournant lui dit qu'il la por-
toit en fon cœur. Puis le preflre lui de la part du Comte Palatin, Electeur, Comte Palatin, j
tendantes à mefme fin (i), tellement
dit auec le peuple : » 'Voulez-vous que le Roi , folicité de cefte forte, &
point croire en la vierge Marier" » 11
refpondit alTez intelligiblement & dit
par trois fois : « Règne vn feul Dieu. » voyant le befoin qu'il auoit du fecours
Lors ceux qui eftoyent plus près de des ellrangers, accorda qu'on proce-
daft plus doucement en la caufe de
lui, crioyent que c'eftoit vn Luthé- ces prifonniers. Ainfi le feu cefl"a pour
rien mefchant, & il refpondit : « Je quelque temps, & depuis la venue des
fuis Chreftien. « Ils furent attachez
AmbalVadeurs, on commença à procé-
chacun à vn pofleau , l'vn vis à vis de der par eflargilTements. Plufieurs fu-
l'autre , & prioyent Dieu enfemble , rent enuoycz aux monafteres en la
difans : « Seigneur, vueilles-nous af- charge des Prieurs, pour eftre con-
fifter auiourd'hui, à ce que nous ayons traints d'affifter aux feruices d'idolâ-
iouylTance de vie éternelle. » Comme trie, principalement les plus ieunes
ils continuoyent la prière , quelqu'vn des Efcholiers, defquels les vns fe
dit qu'on les defpefchart. Frideric dit : laift"erent couler, les autres n'eftans
« le vous prie, lai(fez-nous prier eftroittement ferrez efchapperent. La
Dieu. » Apres ils difoyent l'vn à Vau-
tre : « Bataillons, mon frère, batail-
(i) « Le consistoire de Paris envoya un
lons. Satan, retire-toi de nous. » Lors de ses pasteurs, Gaspard Carmel , aux
quelques vns s'efcriercnt : « Les mef- princes allemands et aux cantons suisses
pour obtenir leur intercession auprès du
chans , ils inuoquent Satan." » Jean roi. Carmel prit avec lui Jean Budii en pas-
Morel (martyr depuis de lefus Chrift, sant à Genève, Bcze à Lausanne et Farel
Son procès & lors eftanl encores en liberté) fe à Neuchâlel. Tous quatre se rendirent à
en ici
après dcfcrit. trouua là & refpondit : « le vous prie, Worms, où se trouvait réunie, sous la direc-
tion de Mélancluhon, une assemblée de
efcoutez ce qu ils difent , & vous or- théologiens allemands. Cette assemblée les
rez qu'ils inuoquent le Nom de Dieu, n recommanda chaleureusement au duc de
Ils fe teurent, A entendirent qu'ils Wurlemberg, qui les accueillit parfaitement.
crioyent : " Vueilles nous affilier. De là ils allèrent à Zurich, où ils obtinrent
l'intercession des cantons suisses. » (Coque-
Seigneur. » Incontinent après ils ren- rel, Pn'cis Je riiist. de /'Ef/. n'f. di: Paris,
dirent leurs efprits au Seigneur dou- p. 21) l-n corrcspond.mce de Calvin montre
quel vif intérêt il prit à ces démarches. Il
comme
cement &, cunement enduré. s'ils n'eulTent au- allait jusqu'il écrire que, si l'argent manquait,
il le trouverait à Genève, « quand il fe de-
vroii engaigcr telle & pieds. >■ {Lettres Jranç.,
II, rji).
Continuation Or quand ces deux martyrs eurent
RENÉ DV SEAV & lEAN ALMARIC.
583
furent
plufpartpour renuoyez deuant l'Of- en telle difette, qu'il faifoit meftier de
ficial, là faire confeffion de leur chanter les faluts (i) es coins des
foi, ou pluftoft abiuration, & receuoir rues, deuant les idoles; mais Dieu
rabfolution ordinaire. Car les iuges,
(duquel la vertu eft toufiours admira-
fe voyans les mains aucunement liées ble en la vocation des fiens , les pre-
pour les enuoyer au feu , vferent de nant fouuent lors qu'ils femblent eftre
ce moyen pour s'en desfaire, efperans du tout perdus) l'auoit fi bien retiré,
qu'au moins
uouër ils leurs
la faimfte feroyent
dodrine defa-
de noftre qu'en peu de temps il embralTa lefus
Chrift pour fon vrai falut, fi bien que
Seigneur lesus Chrifl. Et plufieurs iamais l'affeurance n'en a peu eftre ef-
lafches & craintifs ne fe foucierent pas
fouffertfacéeaux
par quelque
prifons. tourment qu'il ait
beaucoup d'obéir à cela ; les autres
vferent de confeffions ambiguës. Quoi L'avtre fe nommoit Iean Alma-
qu'il en foit, il y eut de grandes def- ric (2), natif de Luc en Prouence (3).
loyautez en beaucoup (i). Ce qui eft Il eÀoit défia tirant à la mort & ne fe
dit à la honte de ceux qui font fortis
par ce chemin de trauers , pour les pouuoit fouftenir qu'à grand'peine,
quand on l'appela pour eftre iugé au
folliciter d'en gémir, & de mieux faire Parlement. Lors (comme depuis il a.
vne autre fois, s'ils ne veulent que raconté à ceux qui le vifitoyent) il
Dieu leur face fentir la vengeance (2) commença à reprendre fes forces, &
que mérite leur lafcheté. s'en alla tout délibéré à la Tournelle,
& parla fi franchement qu'on ne l'efti-
moit malade, & difoit qu'il ne fentit
v^'vS'^S'*^»^»^'*^'*^'»^'»^»^ aucune douleur pendant qu'il fut là.
Entre les autres poinds, eftant inter-
rogué de la Meffe, il maintint que Je-
fus Chrit eft feant à la dextre de Dieu
René dv Seav, de Xaintonge, & Iean
Almaric, de Prouence (5). fon Père , & qu'il ne faut rien imagi-
ner de charnel en la Cène , & contre
toutes faufles expofitions qui lui ef-
Le Seigneur conoiffant ceux d'entre la toyent alléguées , il fouftenoit que les
troupe prijonnicr eà Paris, ^u' il auoit paroles de noftre Seigneur Jefus Chrift
ordonné pour efîre te/moins de Ja
font efprit & vie, & qu'il ne faut point
vérité, arma de force' & conltance que les hommes les affuiettiffent à Du Seau
deux ieunes en/ans iufqucs à faire leur fens charnel (4). Ces deux ieunes
enfans moururent entre les puantifes & Almaric
vne fin heureufe es prifons de la morts
Conciergerie de Paris. & deftrefl"es des prifons, ayans tou- en la puantife
fiours perfeueré conftamment en la des prifons.
En Dv Seav , natif de Xaintonge , fe gile(5)-
la de
perfecuiion trouuoit , du temps de fon ignorance, pure & entière confeffion de l'Euan-
Paris.

(i) Chandieu ajoute, p, 145 : " Mais ce (il Bèze : " des Salve Regina. »
n'en de merveilles, s'il y en a fi peu qui (2) Chandieu : » Amalric. »
abandonnent leur vie à une telle querelle : (1) Luc-en-Provence, arr. de Draguignan
car c'en un don de Dieu, et l'infirmité s'eft
toujours ainfi montrée au.x perfécutions. » (4) Ici s'arrête l'e.xtrait de VHistoire des
(Var).
(2) Chandieu ajoute (ibid.) : n de leur mé- persécutions de Chandieu , pour faire place
chant courage. Toutesfois Dieu favoit ceux à une notice sur un martyr du Hainaut.
Dans une lettre du 6 mars iç;8. Macar
qu'il avoit ordonnez pour cefi'heure au mar-
tyre. » Le ministre Macar. dans sa lettre du écrivait à Calvin que c'était l'avant-veille de
7 février IÇ58 à Calvin , confirme ce fait de ce jour qu'Amalric était mort en prison :
la faiblesse de plufieurs des prisonniers qui (1 Septem fortes supersunt addicti carceri ,
avaient été élat-gis. Il ajoute au sujet des in quo vel tabescant, ut nudius quartus
autres : « Qui restant (circiter , aiunt , 25) unus, cui nomen erat Amelric, fortis athleta
adhuc (me miserum) ex parte fracti esse di- misère obiit. » {Calvini Opéra, XVll, 81).
cuntur longo carcere, importunitate paren- (5) Cette dernière phrase est en tête du
tum, precibus amicorum. blanditiis judicum, récit dans l'ouvrage de Chandieu, et com-
ut vocali ad reddendam coram judicibus mence ainsi : « EÎitre lefquels (martyrs) doi-
fidei suœ rationem nimium dissimulare non uent auffi efire mis deux ieunes enfans, qui
récusent, ut :..^..iem possint effugere. » font morts entre les puantifes... »
(Cahini Opéra, XVU, jo.)
(;) Crespin, 1564, f» 884; 1570, f» 490;
1582, f" 440; 1597, f''4)7; 1608, f"4;7; 1O19,
f 479. La Roche-Chandieu , Hist. des per-
sécut., p. 14Ç.
LIVRE SEPTIEME
584
ingèrent à la mort, l'ayant tenu neuf
mois
la villeen deprifon.
BolducL'occafion fut, qu'en
(1), le peuple auoit
Iean dv Champ (i), de Bauay (2) en
Hainaut. n'agueres, de nuid, deliuré vn prifon-
nier Anabaptifte, par ce que, s'eftant
Ce rccit nous informe comme , le plus repenti de la fede damnable, on trou-
uoit cftrange de le faire mourir. Les
fouucnt, ceux qui ont a.imini/lration nouuelles en vindient à la Cour de
de la iujlice en quelques rillcs font Brabant, où eftoit pour lors le Roi
iranfporte:{ de faire chofe du tout Philippe auec le Cardinal GarafTe(2), Le Cardinal
contre leur confcience.
dont le Marcgraue d'Anuers, troublé Garaffe
Bradant eut, en ce temps, en la de double crainte à raifon du Roi & '^5*' '^" P'P'^'
du Légat, fit tant vers les Bourgmaif-
ville d'Anuers, ce Martyr du Seigneur. tres & Efcheuins que contre leurs
Vn marchant eftranger , logé en fa confciences Jean fut condamné à rnou-
maifon, lui donna ouuerture à l'Euan- rir. On le mena , le cinquiefme de
gile, par vn fimple récit des abomina- Feurier, au fupplice quand & quand
tions qui font en la MelTe, conférant vn Anabaptifle, deuant la maifon de la
comme par antithefe combien la Cène
de lefus Chrift en eft eflongnee. Il ne ville. Cependant qu'on executoit l'Ana-
baptifte, Jean déclara à haute voix fa
ceffa depuis ce temps-là de s'informer confeffion , & protefta de foi-mefme
plus auant de la vérité, iufques à ce
deuant tout le peuple, qu'il ne mou-
que, l'ayant entendue, il s'abdint de roit point pour quelques erreurs
toute idolâtrie, fe ioignant à l'Eglife d'Anabaptifme ou autre herefie, mais
des fidèles en Anuers, pour ouyr la
parole de Dieu, & aprendrepar icelle feulement pour la dodrine des Pro-
àconduire fa vie. Etcomme ils'yconfer- phètes & Apoflres. Et fur l'heure
moit de iour en iour, auffi mit-il peine rendit grâces à Dieu de l'honneur
qu'il lui faifoit, & fi pria pour fes en-
d'attirer les autres à cefte conoilTance , nemis, tant qu'il fut eftranglé, & par
iufques à efcrire lettres à vn lien .ne- fa mort confacré & corps & ame au
ueu Moine, par lefquelles, remonf- Seigneur. Voyans les fidèles (aui ef-
trant les abominations Papifliques, il
lui confeilloit de les fuyr. Ces lettres toyent àce fpedacle en grand nom-
bre) la confiance de leur frère , ils en
furent trouuees & enuoyees au Marc- receurent grande confolation. On y
graue d'Anuers, lequel incontinent eufi veu les vns foufpirer & leuer les
fe faifit de lui, & l'enuoya en prifon. yeux au ciel , les autres remercier
Il fut fouuent interrogué de fa foi,
par moines & preftres , deuant les Dieutelle
fait auecgrâce larmes
à leurde compagnon,
ce qu'il auoit
de
Bourgmaiftres & Efcheuins ; mais il
retint en toutes les interrogatoires & l'auoir choifi pour tefmoin de fa vé-
rité. Le corps tout rorti fut mis au
refponfes, vne mefme confeffion con- lieu de la iuflice hors la ville , pour
forme à l'Efcriture fainde. Sur tout, efire en fpedacle au monde, le dit iour
quant au Sacrement de la Cène du V. de Feurier M.D.LViii.
Seigneur, il fouftint toufiours que tant
feulement les fidèles participoyent
par foi au corps & fang de Jefus Chrill.
Quelques
Efchcuins ont Quelques vns des Efcheuins confelfe- Tovchant les efforts des ennemis
bonne rent qu'ils eftoyent d'accord auec lui
conoilTancc. en ce point, & toutefois depuis ils le DE l'Evangile povr establir l'In-
QVISITION AV PAYS DE FraNCE , &
DE QVELLES CRVAVTEZ LES FIDELES
(1) Crespin . IÇ70, f" 490; iç82,(*440; SONT POVRSVIVIS (?).
IÇ97, f"4;»; 1608, 0'4;8; 1619, f" 479. Celte
notice n'est pas dans ledit, de \s<>A- Cres-
pin parait avoir emprunté ce récit à Van
Des le mois de lanuier m.d.lviii.
Hœmstcdc, mais en l'abrépcanl. Le mar-
lyrolopislc des Pays-Bas ne le nomme pas
Jan Du Champ, mais Jean de Schonlmecs- (2) Le
(1) cardinal Charles Caraffa, neveu du
Boisic-Duc.
Icr, c'est-à-dire Jean le maître d'école;
de casse-couIV de
pape Paul et l'inspirateur
ce belliqueuxde pontife,
la politique
qui,
c'était
tedc a lAprobablement
la profession connu qu'il exerçait H.x'ms-
ce membre de pour enrichir lui et ses frères, dépouilla une
l'Eglise d'Anvers. Il place son martyre partie de In noblesse romaine lie cardinal
le n (et non le 5) février. Charles Carnffa fui dégradé cl condamné à
(2) Bavay, aujourd hui petite ville du dé- mort sous le pontificat de Pie IV.
partement du Nord. (j) Crespin, 1564, !*■ 9}i; 1570, f 491;
ESTABLISSEMENT DES INQVISITEVRS.

il fembloit que la perfecution deuoit. lafche & quelque refpit de fe releuer


eftre releuee en France. Car les en- de cefte ruine, en laquçUe elle fem-
nemis auoyent toufiours voulu eftablir bloit eftre par les perfecutions précé-
en France vne forme d'Inquifition de dentes. Ceux qui s'eftoyent retirez de
long temps vfitee en Efpagne, & fur crainte reprindrent courage, & plu-
cela en auoyent nouuellement obtenu fieurs autres ayans efté confermez ou
lettres du fiege Romain, par lefquel- nouuellement édifiez par la confiance
les trois Cardinaux (i) eftoyent conf-
tituez principaux Inquifiteurs, penfans des Martyrs, s'adioignirent à l'alTem-
blee. Ceux auffi qui s'eftoyent retirez
bien ruiner tout par ce moyen. Tou- de la ville pour fuyr la perfecution
Le Parlement tefois laCour de Parlement, qui poi- ne furent point inutiles. Car Dieu a
s'oppofe foit mieux lors ce qui eftoit pour le ainfi acouftumé de faire profiter en tou-
à l'inquifition profit & tranquillité du royaume, que tes fortes les affligions de fon Eglife,
veut quef'otanblir. Entre autres, vn des Surueillans Hidoire
de
ne font ceux qui ne penfent qu'à re-
paruint iufques au Croifil (1), ville
iamais tenir leur reuenu
voulu particulier,
authorizer n'auoit
cela (combien maritime de Bretaigne & grandement la perfecution
du Croifil.
que le Roi l'euft défia accordé), quel- adonnée aux fuperftitions ; & ce fur
que inftance qu'on en fifl. Nous auons le prin-temps. Il commence là à re-
veu ci-deuant le fommaire des re- monftrer à ce poure peuple ignorant
monftrances de ceft augufte Sénat en
la manutention de la dignité royale (2). les ténèbres où ils eftoyent , & qu'ils
s'abufoyent de fe laiffer ainfi manier à
La chofe donc fut différée iufques à ces aueuglez preflres, pour cercher
l'an 1558. que les aduerfaires voyans ailleurs falut qu'en Jefus Chrift, &
le Roi de loifir en la ville de Paris,
fait tant qu'vne bonne partie de ces
le foliciterent fe prefenter en fon fiege poures gens ouure les yeux à cefte
en ladite Cour pour, par fa prefence, lumière de l'Euangile, & fe renge en-
faire pafier ces lettres de l'inquifition. femble en vn fainà troupeau, pour ef-
Le Roi donc venu là, & ayant fur ce tre conduite & gouuernee par le Mi-
pris féaux,
les auislesd'aucuns par &fonadioufta
Garde niftere de la parole de Dieu. Mais
des fit interiner, Satan ne les lailTa pas longuement en
Edits contre
les Sacramen- des Edits bien griefs (3) à l'encontre paix , comme c'eft bien fa couftume.
taires de ceux qu'ils nomment Sacramen- Sur le mois de luin 1558. l'Euefque
& dogmatizans. taires , pour ne vouloir receuoir leur de Nantes (2) vint en ces quartiers,
tranfl'ubftantiation , à l'encontre des & ayant des lieux circonuoifins de la
dogmatifans, de ceux qui fe trouuent ville affemblé ceux de fa fadion , il
aux aflfemblees, ou bien font trouuez entra au Croifil , & commanda de ta-
faifis de Hures. Ces menaces eftoyent pifier les rues pour porter leur hoftie
grandes ; toutefois Dieu (foit par les en folennité, fâchant bien que les
guerres, ou par autre moyen) leur en fidèles ne lui feroyent honneur , &
ofta l'exécution. Ainfi l'Eglife eut re- que par ce moyen il les reconoiflroit.
Apres ayant fait fonner le toxin pour
leur courir fus auec les fiens, il mit
1582, (" 441; 1Ç97, f" 458; 1608, f» 458;-
1619, f° 479. La Roche-Chandieu, p. 147.
(i) Les cardinaux de Lorraine , de Bour-
toute la ville en armes, fans qu'autre
bon et de Châlillon. Le bref qui les nom- voye de iuftice fuft obferuee.
mait grands inquisitcursétait du 2Ç avril I$î7. Il fe trouua là vn bon feigneur,
meuë ef-
Sédition
(2) Voy. p. ç;8 suprà. Crespin a placé a ayant charge de l'Arriereban (3), pour
cet endroit les remontrances du Parlement par l'Euesque
de Nantes.
que Chandieu mentionne ici.
(;) Voy. le texte de l'édit (i) Le Croisic (Loire-Inférieure). Cet épi-
dans Isambert, Recueil gén. dedesCompiègne
anc. lois sode est emprunté, comme tout le reste, au
franc., XIU, 494. La peine de mort y était livre de Chandieu. L'Histoire eccl. de Bèze
prononcée contreiilessacramentaires obstinez des dé-
et pertinax ou relaps, qui auront dogmatizé (1, 86), donne
tails assez différents de événements
sur ces ceux de Chandieu.
tant publiquement qu'en conventicules privez Ce fut avec l'appui de d'Andelot, que, le
et secrets, qui auront fait injure au saint sa- 2 mai IÇ58. Gaspard Carmel (dit Fleury),
crement, aux image^de Dieu, de sa benoiste ministre de l'Eglise de Paris . prêcha au
mère, et des saincts, qui, pour les effets que château du Croisic. Le 14 du même mois, il
dessus, soustenans lesdits erreurs, auront faict
séditions et assemblées populaires, tant pour prêcha dansprobation dul'église catholique , avec l'ap-
faire prescher lesdits erreurs et opinions, peuple et malgré les prêtres.
(2) Antoine de Créquy, que Bèze désigne
qu'autrement pour soutenir lesdites sectes, ainsi : u Picart de nation, d'esprit bouillant,
pareillement ceux qui auront contrevenu aux et depuis devenu cardinal. »
défenses par nous faites de n'aller à Genève, sieurde dela Brossay.
de ne porter livres réprouvez pour iceux ven- L'arrièr e-banl'appelle
(;) Bèze était le le
corps noblesse
dre et distribuer parmi le peuple. » convoqué pour aller à la guerre.
LIVRE SEPTIEME.

586 la defcente des Anglois , qui


garder lement le peuple eut incontinent fait
vint deuers lui , & lui remonrtra en brefche à la maifon, & fe mettans les
quel dan,L,'er il mettoit celle ville, plus hardis
clef de la Bretaigne , par fa fedition , teftc baiffee deentrer
front ,dedans.
s'en venoycnt la
Ainfi les raculcufe mi-
Deliurance
& qu'il feroit aifii à l'Anslois qui ef- autres contraints ;\ toute force, lafche- des tîdcles.
toit aux enuirons de l'occuper en ce rcnt quelques harquebuzades delTus ,
trouble. Mais l'Euefque n'y voulut & en emportèrent deux ou trois, def-
entendre , tt le peuple eftoit défia fi ûuels eftoit vn preftre, qui faifoit plus
efmeu & enragé que le Gentilhomme
eut beaucoup à faire de fe fauuer de bruit que
continentperfonne. Cela fit
toute cefte racaille qu'in-
, comme
auec ceux de fa fuite. Ainfi l'Euefque, pourchalTee d'vne grande multitude
pourfuyuant fon entreprife , acompa- d'ennemis, s'efcoula; & y eut tel
filence en toute la ville par ceft effort,
gné de tous les Papilles, s'en vint af-
faillir vne maifon, en laquelle enuiron
qu'il
meute fembloit
aucune. n'yPourtant
auoir iamais eu ef-
les autres,
19. fidèles s'eftoyent retirez pour prier
dcliurez miraculeufement , fortirent,
Dieu qu'il apaifall celle efmeutc.
Ceux-ci, fe voyans affiegez, requirent & chantans le Pfeaume 124. par le
qu'on leur declarall s'il auoit aucunes trauers de la ville , efchapperent fans
charges contr'eux , & qu'ils elloyent que perfonne fe prefentaft pour leur
prefls de fe rendre au Magiftrat.
faire ouempefchement.
huit neuf heures , &L'alTaut dura
eftoit défia
L'Euefque refpond que non, mais toute la nuid clofe. Le lendemain, ces
qu'ils auoyent lu Predicant auec eux.
Ceux de dedans dirent qu'on fill venir feditieux rafi'emblez retournèrent &
le luge de la ville, A qu'ouuerture lui mirent à fac la maifon, faifans le fem-
feroit faite pour fouiller par tout, blable aux autres qui eftoyent fufpec-
mais ne s'abandonneroyent à la rage tes d'vne façon pitoyable. L'Euefque,
du peuple. Le luge ellant entré & fentant que fon entreprife eftoit trou-
ayant bien recerché de tous collez , uee fort mauuaife du Parlement , &
retourna , & déclara que le Predicant qu'il lui en pourroit mal prendre ,
vint en hafte deuers le Roi, & fit tant
n'y eftoit point: & de ce rapport ceux
de dedans prindrent afte de la main que ses exploits, allez agréables à
d'vn de fes officiers. Ce nonobftant fes femblables, furent authorifez.
l'Euefque commanda de pourfuyure
l'alTaut. Le peuple auec toutes fortes
d'armes y fit elTort iufques à faper la
maifon. Les autres eftoyent là fe re-
commandans à Dieu, Si chantans à Les ASSEMBLEES DV PRÉ AVX
haute voix Pfeaumes & Cantiques. Clercs (i).
De quoi le peuple encore plus en-
ragé, voulut aller quérir l'artillerie;
Afin auffi qu'on fâche de quelles rufes
mais l'Euefque derechef les fit fom- & accujations calomnicufcs les fide-
mer de fe rendre. Eux ne refufoyent
• les font charge\ vers les Princes &
s'il y auoit aucune information con- Rois, nous auons ici inféré, par forme
tr'eux , tSc fi le peuple fe rctiroit. de rccil d'hifioire, ce qui s'enfuit (2).
L'Euefque, qui auoit luré leur mort,
n'y voulut entendre, tS: voulut que le Environ le mefme temps , la per-
Canon fuft amené. Ce qui fut fait ; & fecution cuida fe rallumer en la ville
les caques de poudre de la ville furent
de Paris. L'occafion fuft telle : Quel- Affemblee
défoncées à l'abandon de ceux qui ques efcholiers eftans au pré aux
voudroyent tirer. 'ri o pour chanter
Les autres, fe voyans ainfi prelTez, lercs, lieu public, aux faux-bourgs de P""^ aux Clercs
au
les Pfeaumes,
deliberoyent de fe défendre (car ce
(1) Crespin, 1Ç64, p. oja; 1Ç70, f" 49J ;
n'eftoit point refiller au Magiftrat , IÎ82, f"44i; H97,f'4)9; r6oR,f"4î9; 1619,
mais à des brigans) & pouuoyent f*'4!)o. La Rochc-Chandicu, Hist. des (•ersic,
p. 152. Voy , sur ces assemblées du Pré-
bien, auec la bonne munition qu'ils aux-Clercs, la lettre de Macar à Calvin
auoyent , chalTer tous ces feditieux , (Cj(i'. Op., XVII, 177), dont on trouvera la
s'ils eulTent tiré à tors it à trauers traduction dans Coqucrcl , Hist. de l'Egl.
dedans la foule. Mais conoilTans que rif. de Pjris , appendice, p. XL. Grâce à
ce ne feroit fans grand meurtre , ne cette lettre, nous savons que ce fut au mois
voulurent encores rien faire , iufques de mai n?B, que se produisirent les inci-
dents du Pré-aux-CIcrcs.
à ce qu'ils fuffent à l'extrémité. Fina- (2) Ce sommaire n'est pas dans Cliandicu.
LES ASSEMBLEES DV PRÉ AVX CLERCS.
587 M.D.LVIII.

Paris ( I ), pendant que les autres s'amu- Pourtant le roi manda qu'inhibition
foyent aux mencèrefbats font ,escom-
rquiless'yPfeaum fiift faite de plus chanterdesen féauxtelle af-
à
ent chante de femblee ; & le Garde fut
Dauid en petit nombre, ne penfans enuoyé pour informer contre ceux qui
point inciter les autres à faire le fem- ne eftoyen
s'y t trouuez
fe trouuer
, auec defenfes de
audit pré, fous peine
blable. Toutef ois il auint qu'inconti-
nent ,tous ieux laiffez , la plufpart de d'eftre puni comme feditieux. Ceux
ceux qui eftoyent au pré les fuiuirent, l'Eglife ,
chantans auec eux. Cela fut continué qui auoyen condui
quet lela Roi te de
tiroit foupço n de
voyans
par quelques iours en nombre infini fedition contre fa perfonn e, de telles
de perfonnes de toutes fortes, & plu- publiqu
affemblees donnance es, mefme
eftoit fondée fur le l'or-
quecrime
fieurs grans Seigneurs François &
d'autre nation ( 2) eftoyent en la troupe, de coniuration , pour ofter toutes oc-
marchans des premiers. Et combien d'eux , auerti-
cafions de mal penfer
que trop grande multitude , en autres rent leurs gens de ne plus fe trouuer
là en telle troupe (i). Nonobftant ce,
chofes , ait acouftumé d'engendrer
confufion , toutefois il y auoit vn tel
le Garde des féaux paft'a outre & en
accord & telle reuerence, qu'vn cha- fit emprifonner vn grand nombre ,
cun en eftoit raui ; ceux qui ne pou- lefquels toutefois furent relafchez,
uoyent chanter, mefmes les poures
pourcene que
ment la caufe
fembla de l'empri
eftre fufiifan fonne-
te (2). Les
ignorans , eftoyent là montez fur les
lieux les plus eminens autour du pré,
pour ouir la mélodie, rendans tefmoi- de la let-
le u.chant (i) Voici les principaux passages
gnage
de chofes que fic'eftoi
bonnes tort que
t à eftoit défend tre de Macar sur les incidents du Pré-aux-à
Clercs. Nous en emprunton s la traduction
Cependant les Preftres, Sorbonnif- M. Jules Bonnet (Bull, de ihist. du prot.
franc., XXVI, Jj) : " Ainsi que je vous en
tes, & autres aduerfaires de l'Eglife, ai informé, on a chanté pendant cinq jours,
penfans auoir tout perdu, comme for- en nombreuse assemblée du soir , les psau-
cenez, coururent vers le Roi, qui lors mes de David au Pré-aux-Clercs. Le troi-
eftoit près fon camp à Amiens , & lui jour, sur lasplainte
et des sièmesorboniste réitérée de a l'évêque
, le Parlement interdit
font entendre que les Luthériens
auoyent efmeu fedition en la ville de de chanter des cantiques (on n'a pas osé dire
des psaumes) à une heure indue et avec ar-
Paris, prefts de ietter fa Maiefté hors mes. Les prêtres avaient en effet répandu le
bruit que nous nous réunissions les armes à
la poffeffion d'icelle. Qu'ils fe trou- la main. Ceux d'entre les juges qui ne sont
uoyent en troupe innombrable, equip-
simple àmesure l'Evangile ont dit queet c'est
pez de piftoles & autres armes pour pasuneopposés
là de prudence, que
coniurer contre lui. Qu'il y pouruoye, nous pouvons continuer à nous réunir. Seu-
, ne devait pas chanter trop fort ,
lement on
s'il ne veut que l'Eglife foit abatue , des meur-
de peurtres nocturnesd'exciter ville ; maiset nous,
dansdesla séditions à qiii
& fon (ceptre lui foit ofté. 'Voilà leur le soin de l'Eglise est confié, voyant le péril
rapport. Or il n'y a perfonne de ceux et ne connaissant que trop la fureur des ad-
qui eftoyent lors en la ville, qui ne fâche versaires, nous avons sérieusement averti les
tout le contraire. Car il n'y auoit au- nôtres de cesser... Le même jour, bien qu'une
cune marque de fedition. On chantoit foule nombreuse fiât réunie dans le même
là en toute fimplicité , mefmes les lieu, les uns pour regarder, les autres pour
Pfeaumes qui eftoyent pour la profpe- chanter, personne ne chanta, un petit nom-
rité du Roi & de fon royaume eftoyent bre excepté, qui ne se fit entendre que lors-
que presque tout le monde se fut retiré...
toufiours chantez les premiers & ne Le lendemain, jour de l'Ascension, une foule
portoyent efpees que les gentilshom- plus considéra
comme les chants ble encore quelqueset
cessé, réunie,
avaient s'était
mes qui l'auoyent acouftumé. Toute- brouillons s'écrièrent : Voilà les évartgélistcs
fois ils vferent de calomnies & forgè-
de trois jours ! L'un poussa l'autre , et l'on
rent des tefmoinsd'entre leurs preftres, chanta comme à l'ordinair e, mais sans tu-
multe. 11fallait voir les prêtres et les moines
& firent entendre que c'eftoit fedition. écumant de rage, tandrs que le peuple était
divisé : les uns disant que ces airs leur plai-
(1) Le Pré-aux-Clercs était un pré situé saient beaucoup, et admirant le nombre et
sur la rive de la Seine, opposée au Louvre
et au futur palais des Tuileries , qui servait la gravité des chanteurs; les autres disant
qu'il fallait se ruer sur les magistrats qui to-
de lieu de promenade aux étudiants. léraient de tels scandales. Tel est le fidèle
(2) Bèze mentionne le roi de Navarre. récit de ce qui s'est passé , et vous pouvez
Sauf de légères retouches, le récit de Bèze en croire un témoin qui, depuis deux mois,
sur ces faits est , comme celui de Crespin ,
la reproduction du récit de Chandieu , ce jouit de l'agrément de ce pré , en depit des
moines. » (LeUre du 22 mai iÇîS.)
que n'ont pas remarqué les éditeurs moder- 12) <i On a publié un édit , écrit Macar à
nes de l'Histoire ecclésiastique. Calvin le 2, mai, d'après lequel quiconque
LIVRE SEPTIEME.

Les prefcheurs
Papilles 588
Prefcheurs Papiftes, voyans que le gneur fouuerain nous induit à mainte-
enflammcnl le Roi leur tcnoit la main, s"efchaufoyent nir la dodrine dont nous faifons pro-
en chaire & donnoyent congé de tuer feffion, iufques à ce que foyons receus
populaire.
le premier Luthérien qui feroit ren- en la compagnie éternelle du royaume
contré, lîtcela engendra de grandes celefte : c eft la caufe qui nous a ef-
infolenccs. Vn poure Papirte prins meus a vous efcrire , fachans leur
pour Luthérien fut lailTé pour mort à Confeffion eftre du tout accordantes
S. Euftache ; & eut la Cour fort à aux Symboles , & eflongnee de toute
faire pour les reprimer. opinion fanatique ou feditieufe. Et
Environ ce temps, les Princes Pro- pour vous alTeurer d'auantage , nous
teftansd'Alemagne,ayansauffi entendu vous enuoyons le contenu de leur
les perfecutions de celle poure Eglife, Confeffion que trouuerez eftre (comme
enuoyerent leurs ambalTadeurs deuers dit eft) totalement eflongnee de fedi-
Abus
le Roi, auec charges de le prier d'ap- tions (1). Or il n'y a celui qui ne con-
paifer lefdites perfecutions, & lettres feft"e plufieurs abus auoir efté receus
& enracinez, partie par erreur, partie enracinez.
telles qu'il s'enfuit (i).
Lettres des aufli par l'auarice ae quelques-vns ,
Mon Seigneur, eftans auertisque, l'extirpation defquels beaucoup de
Princes protef- depuis quelques temps en ça, plufieurs gens de bien ont long temps par ci
tants au Roi.
perfonnages nobles, tant hommes que deuant grandement dellree ; & fingu-
femmes , comme auffi d'autres , ont lieremcnt ceux qui ont fleuri entre les
efté mis prifonniers pour auoir receu gens fauans de voftre Vniuerfité de
la doflrine contraire aux fupcrftitions Paris, alTauoir Guillaunic Paris, Jean
qui pullulent en l'Eglife de Dieu , & Gerfon, Weft"el (2) & autres. Lefquels
qu'en voftrede royaume
confeffion la fufdite, ceux qui font
dodrine font abus confeft'ons auoir efté auffi par
nous corrigez, fuyuant le contenu de
extrêmement perfecutez, tant en leurs
la Confeffion
auffi le poind par quenous
feu publiée. C'eft
de mémoire
biens qu'en leurs corps, nous reco- heureufe le Roi François voftre Père
noiffans membres d'vn mefme chef &
eftre tenus à ce qui peut feruir à les auoit entreprins , il y a 20. ans ,
foulager, auons enuoyé la prefente, comme prince orné de vertu & pru-
vous fupplians n'eflimer qu'ayons eftre
pris dence, fuyuant en ce l'exemple de fes
celle charge fans premièrement anceftres Rois de France, qui par plu-
fuffifamment informez de la doftrine fieurs fois ont pris la conoilfance des
qu'ils tienent , & fans eftre entière- differcns furuenus en (3)
la raifon (Monfieur) l'Eglife. Et c'eft
qui vous doit
ment alTeurez qu'ils ne fouftienent femblablenient induire à vous reigler
opinions feditieufes ou fouruoyantes
en ceft afaire, pluftoft que donner lieu
des Symboles Chreftiens. Et d'autant
que nous ne trauaillons pas moins que à la cruauté qu'exercent aucuns. Vous
vous à reietter tout ce qui peut tom- deuez eftre certain que cefte dodrine
ber au defhonneur de noftre Dieu , & iamais ne fe pourra eftcindre par telle
prenons peine de maintenir la vraye manière de force qu'on exerce ; mais,
inuocation de Dieu, & la doftrine de au contraire , que le fang qui fera à
l'EglifeChrift
Jefus catholique de noftre
contenue Seigneur
es liures des cefte occafion refpandu (eruira d'vne
femence pour faire croiftre les Chref-
Prophètes & Apoftres, & es Symboles tiens de lour en iour d'auantage. En
& anciens Dodeurs de la première forte que, pour les extirper entière-
Eglife Chreftienne ; d'auantage nous ment il
, vous faudroit ruiner la plus
faifons punitions rigoureufes des mal- grand'part de vos fuiets, de quelque
viuans, & donnons à conoiftre que la
feule obeilTance deuë à noftre Set- aage,
Dieu condition,
menace paroufaeftat qu'ils
fainde fulTent.
Efcriture,
qu'il fera punition & vengeance rigou-
verrail un des chanteurs du Préaux-Clercs, reufe du fang des Innocens, A qu'il
ou qui connaîtrait une maison dans laquelle punira griefuement ceux qui auront
se tiennent les assemblées, cl ne le déclare-
rait pas, serait regardé comme coupable du
m6me crime... Jusqu'ici personne n'a encore (i) Voy. le texte de celte première con-
été conduit h la mon ; dix ou douze person- fession Jefoi de l'Eglise de Paris, dans le
nes seulement, hommes du peuple, ont été t. IX des Catiiini Opcra, p 715. Elle com-
emprisonnées, n mence par ces mots : o Puifque nous femmes
(i) C'est le livre de Chandicu qui nous a chargez, « etc.
conservé celte pièce importante , qui ne fj) Dans Chandieu, ces noms sont en latin.
figure dans aucun auteur contemporain. (}) Chandieu : • Monseigneur. »
LETTRE DES PRINCES PROTESTANS.
589
mefprifé ou reietté la conoiffance de lement vous paruiendriez à la conoif- m.d.lvui.
fance de ceft afaire , qui eft fi grand ,
Promeffe fa dodrine. Il n'y a pas long temps
du Roi (Monfeitrneur) que par nos AmbalTa- fans ouyr le iugernent des gens de fa-
Alemans. deurs & par lettres par eux prefentees, uoir craignans Dieu ; qu'il vous plaife, Aduis
nous vous auons fait femblable re-
monftrance (1) & fuiuant la refponfe afiembler pluftoft quedespourrez
enfuiuant lel'exemple '^^ conuoquer
gens, craignansDieu.
Anceftres
qu'il vous plut nous mander, ellions idoines, aimans l'honneur de Dieu, &
défia prefque alTeurez que pour l'aue- n'eftans tranfportez d'aflfedion ; les
nir n'endureriez que les poures Chref- ouir paifiblement , & faire examiner
tiens fulTent fi cruellement affligez , & les articles de la foi qui font en diffé-
que tel tort fuft exercé à l'encontre auis rent ,& d'en
félon les fainftes Efcritures leur
dire franchement fur
d'eux & de leurs biens. Et neantmoins
chacun poind, afin que par ce moyen
auons eftéauertis qu'en voflre royaume
la perfecution dure par
& qu'elle s'y ,con- puiffiez les
&vousreformer abus l'Eglife
rertablir de Dieu
qui y font. Que
tinue autant que ci deuant par
feu , glaiue , & toute autre forte de durant ce temps , & deuant que tout
tourment ; en quoi nous portons la foit entièrement refolu & conclu , vos
trifteffe de vos loyaux & bons fuiets , bons & loyaux fuiets, adherans à nof-
comme la charité entre vr?.is Chref- tre confeffion , ne foyent inquiétez ne
contrains de faire chofe contre Dieu
tiens requiert, & fommes par ce con-
traints d'eftimer que ne foyez pas ou leur confcience, ne d'obferuer les
moins animé à l'encontre de noftre cérémonies iufques à prefent receuës
dodrine mefme, d'autant que les pou- en voftre royaume. Et auffi que défor-
res fufdits ne font trauaillez pour au- mais ne foit procédé aucunement à
tre occafion que pour la Religion rencontre de leurs perfonnes ou leurs
propre que nous maintenons & en- biens, & que ceux qui, par fi long
fuiuons en nos Eglifes, & fur laquelle temps, font détenus prifonniers, foyent
nous apuyons le fondement de noftre deliurez à pur & à plein , & que par
falut. Ce qui nous rend extrêmement effed nous puilTions entendre que nos
compaffionnez & marris , non feule- requeftes n'ayent point moins profité
lement pour le preiudice de nous ,
enuers
calomnies vous, des que l'importunité
ennemis les
de noftre& Re-
ains principalement à caufe fouuerain
neur de noftre Seigneur de l'hon- , ligion. Ce fait , vous exécuterez le
eftant par tels efforts foulé & anéanti. cominandement du Fils de Dieu , le-
Or d'autant que l'affedion quel fur toutes chofes vous recom-
tons àvos fuiets, nous induitque por-
à aimer
leur repos & les voir deliurez de ces mande fon Eglife , l'ayant fi chère-
ment 'rachetée par fon fang tant
trauaux , & auffi que defirons de bon précieux, & monftrerez auffi à vos fu-
cœur que puiffiez en ceft afaire con- iets vne mifericorde & grâce fingu-
cernant la gloire de Dieu, & le falut
liere, leur permettant d'inuoquer Dieu
des âmes, tellement befongner, que & l'honnorer purement. Et nous , de
noftre cofté , ferons en tout temps
n'amaffiez fur vous le iugeraent & ire
de Dieu, nous vous fupplions de bien prefts de le reconoiftre en voftre en-
auifer à toutes les circonftances de droit &, demeurer vos anciens amis
ce faiét , & mefmement confiderer les & feruiteurs. .
caufes pour lefquelles vos propres fu- De Francfort ce 19. Mars 1558.
iets font mis en ces extremitez , & de La lettre eftoit fignee : Le Comte
Palatin, le Duc de Saxe, le Marquis
prendre peine à ce que l'Eglife de de Brandebourg, Elefteurs; le Comte
Dieu foit repurgee de toutes idolâ-
tries & erreurs qui font furuenues en Wolfgang, Comte de Weldents (i),
la Chreftienté, & que les efprits de le Duc de Wirtemberg.
plufieurs puilTent en receuoir quelque
contentement. Et d'autant que diffici- Le Roi, pour toute refponfe, dit aux
Ambafl'adeurs qu'ils eftoyent les tref-
bien venus, & quant à leur charge,
- (i) Sur cette première ambassade, qui
avait eu lieu au commencement de 1558, qu'il enuoyeroit en bref & vnPrinces,
gentil
voyez une lettre de Macar à Calvin , du homme vers les Eleéteurs
22 février (Caluini Opcra, XVII , 57). Voy. pour leur faire entendre fon vouloir
aussi les lettres de Calvin au duc de Wur-
& refponfe, laquelle feroit telle ,
temberg et à l'Electeur palatin , pour leur
demander
niers de Parisd'intervenir en faveur
(XVI 1, 48, 51). des prison-
(i) Chandieu : » 'Veldour. »
LIVRE SEPTIEME.

590
qu'iceux, comme il eftimoit, s'en con- manda, & penfoit-on qu'il deuft eftre
lenieroycnt (i). ToutefcMS , les Am- defpefché des premiers, mais inconti-
balTadeurs n"e(loyent encores partis nent après , abatu de crainte , com-
de la Cour, que le feu (qui lembloit mença àreculer tSt quitter la vidoire cltGuerin
feduit.
deuoir e(lre efleint par leur venue) aux ennemis, retradant ce qu'il auoit
s'embrafa fur Geoffroy Guerin & au- depofô. On cftime que ce fut à la fo-
tres lideles prifonniers d'vn mefme licitation d'vn j^arnement tenant les
temps, defquels nous auons ici inféré erreurs de Ca(lalio(i). Il lui faifoit
les procédures (2). accroire
tourmenterqu'il ne lafe Religion
pour faloit point
, & ainfi
que
Dieu ne demandoit point que le fang
des hommes fufl ainfi efpandu; que

' ï M Mf"'' c'eftoyent chofes indifférentes d'aller


à la Melfe & nier la foi en la perfecu-
tion. Guerin fauoit bien ce qui en ef-
Geoffroy Gverin , de Nor- mandie {}). toit, mais la crainte qui le tenoit de
l'autre codé, lui faifoit receuoir vo-
En la personne de ce Martyr, le Sei- lontiers ce couffinet pour endormir fa
gneur a monjlré vn bel exemple , & confcience
vouloit faire.& Pourtant, couunr eflant
la faute qu'il
retourné Guerin
condamné
de rinfinnité de l'homme delaijjé à deuant les luges, leur accorda ce
foi-mcfme , & de la confiance du à amende
norable.hon-
fidèle foujlcna par la vertu & force qu'ilsbre futvoulurent,
condamné &à eftre le 5.mené
de Décem-
tefte &
de fon S. Efprit (4).
pieds nuds depuis la Conciergerie ,
iufques deuant le grand portail des
GEOFFROvGuerin, natifdu Ponteau- jacobins, tenant vne torche de cire
de-mer en Normandie (î), fur l'aage ardente du poids de deux liures, &
de 25. ans, ayant efté emprifonné auec
piufieurs autres en la ville de Paris , illec à deux genoux faire amende hon-
norabie , &c., auec defenfes de fe
de première arriuee refpondit Chref- trouuer aux alfemblecs fecrettes. Cela
tienncment à tout ce qu'on lui de- fut par lui mis en exécution, au grand
regret de tous ceux qui le connoiffoyent
(i) Voy. dans les Calvini Opéra (XVII, & auoyent autre efperance de lui. Et
171), la réponse de Henri II aux princes alle-
mands ,en dale du 21 mai 1Ç58. C'est une
pource que l'arreft portoit auffi , après
fin de non-recevoir polie, mais très ferme. Il l'amende qui feroit mis entre les
leur dit : <• Vous priant, mes coulins, crtrc mains de l'Otficial , pour eftre à ren-
conlens vous dcporler de plus m'cfcrirc de contre de lui procédé par cenfures
telles choses, & tenir pour certain que mon
intention ell de vivre & faire vivre mon peu- Ecclefiaftiques, il fut rnené aux pri-
ple en celle (religion) où il a pieu à Dieu fons de l'Euefché. Là Dieu, après
nourrir mes ancellres iufques icy , afTin que l'auoir fi fort humilié, le releua par fa
le luy en puilTe rendre meilleur conte. » Il mifericorde, & lui faifant fentir à bon
ajoute que « la plus i,'rande partie de telz efcient fon iugemcnt , lui fit prendre
perfonnaiges font perturbateurs du repos
publicq & ennemys de la tranquillité &
union des chrelliens. » courage par l'alTeurance de fa bonté.
Si bien qu'au lieu d'accomplir le refte
aux(2) ambassadeurs
Sur l'audience des accordée
grincesparallemands,
Henri II
de l'arreft, il fe délibéra d'amender,
voy. la lettre du minisire Macar à Calvin,
en date du 2; mai 155!! {CalviniO crj, XVII, par vneditconfeffion
auoit contraire,
mefchamment (2). ceEt qu'il
des
182, et Coquerel, Hist. de l'Egl. rij. de
Paris, appendice, p. XLIl). Voy. aussi Tin-
léressanle élude de Jules Bonnet sur Ma- (1) Sur Sébastien Chasteillon ou Casta-
car, Biillelin de fhisl. du prot. franc., XXVI,
lion,VEncycl.
de voy. les desart. sciences
de la l'rjncc proteslanic
religieuses. et
Il fui
loi). Macar dit ,ambassadeurs,
sence même des lui aussi , « qu'en la pré-
on continua l'un des rares hommes qui, au seizième siè-
à sévir " contre les réformés : « En vero cle ,défendirent la cause de la liberté de
eximiiis fruclus legationis, quod dum hic ad- conscience
sunt , tania saevitia cxercetur. Saltem si de nos ioursL'histoirece savantimpartiale
et cet ahomme
réhabilité
de
exspectarctur doncc migrassent, ne testes bien, dont Calvin , qui avait été son ami, se
essent tam tristls spectaculi. n sépara parce que, sur plusieurs points, leurs
I)) Crespin, IÇ64, p. 0!4; '^7°. f' 40); vues ne s'accordaient pas.
1582, f» 442; 1Ç97, 0'4I9; i'io«. !*■ 410; it'iO, (2) Macar parle, à diverses reprises, de
f" 48t. La Roche-Chandicu, Hist. des pers., Guerin, dans ses lettres a Calvin. Il fait men-
tion de son relèvement dans une lettre du
p. (4)
1O2.Ce sommaire est de Crespin. 21 mars : " Krairem alterum cui cognomcn
(j) Pont-Audemcr, chef-lieu d'arrondisse- est Guerino , qui quum palam antca abjura-
vit Chrislum nunc dellet peccatum suum et
ment de l'Eure.
GEOFFROY GVERIN.

lors commença à drefTer vne confeffion


Eglife, pour laquelle il eft mort, iufte
de foi , pour prefonter à Meffieurs de pour les iniuftes , afin que par fa mort
la Cour (deuant lefquels il auoit fait il nous reconciliart à Dieu fon Père ,
abiuration), afin de les faire r'entrcr nous ayant lailTé exemple , à ce que
Liuenn
rcdrelTc. en la conoilTance de fon procès. Re- nous fuiuions fes pas , portans noftre
monilrant qu'il ne fe vouloit tenir à la croix tous les iours de noftre vie après
première depofition, mais confelToit
lui , lequel n'a point fait de péché &
deuant tous qu'elle ne valoit rien , point
pour leur auoir accordé chofes direc-
en la de
trouué O mesn'aamis,
fraude.duquel
bouche que efté
ce
tement contraires à la parole de Dieu. bon Père celefte , Père de toute mi-
Et d'autant qu'il fauoit que , perfeue- fericorde , nous fait auiourd'hui vn
rant en icelle , il n'auoit aucune efpe- grand honneur de nous produire
rance de falut & ne pouuoit attendre comme tefmoins deuant les ennemis
que le iufte iugeraent de Dieu , qui de noftre foi, en ces derniers temps ,
tombe delfus ceux qui detienent la aufquels eft reuelé le fils de perdition,
vérité de Dieu en iniuftice, il enten-
prit de noftre
lequel fa bouche deftruira
Dieu1 le par l'Ef-
vous prie, mes
doit fe tenir à celle qu'il leur prefen-
toit fignee de fa main. "Voila frères , combien nous deuons-nous
de ladite confeffion, bien laample
préface&
efforcer (en monftrant la grâce de la-
contenant vne longue difpute de tous quelle Dieu nous a pourueus de tout
les poinds qui font auiourd'hui en temps , voire au milieu des plus grans
débat. Mais nous n'en auons voulu combats que nous auons maintenant)
charger le papier, pource qu'ils font pour maintenir & défendre la propre
aflfez déduits autre part. Tant y a qu'il caufe & querelle de fon Fils bien-aimé
n'y auoit rien qui n'eufl vne bonne noftre Seigneur lefus Chrift ? Ne fen-
confirmation d'infinis palTages de l'Ef- tons-nous pas toufiours fa très-grande
criture. Il enuoya auffi aux autres affiftance ? Où nous a-il delailTez quand
prifonniers qu'il auoit lailîez en la nous l'auons prié ? N'a-il pas toufiours
Conciergerie , vne lettre de fa con- fouftenu fes feruiteurs qui l'ont inuo-
uerfion , de peur que fa cheute ne qué au iour de leur neceffité , qui
leur fuft en fcandale, mais aprinffentà l'ont, di-ie , inuoqué en vérité.? Ne
fon exemple la leçon de leur deuoir, voyons-nous pas tous les iours deuant
comme il s'enfuit : nos yeux les efpreuues de fa bonté
« Le Sainâ Efprit, parlant par la enuers fes efleus , iufques aux extrê-
bouche de S. Pierre , nous donne mes tourmens t Serons-nous defcen-
grande confolation, quand il nous en- dus iufques aux enfers, que nous ne
feigne que , fi nous fouffrons quelque foyons fecourus de la puiflance de
chofe pour iuftice, nous ferons bien- Dieu.? O bonté immenfel O infinie
heureux. Et auffi les yeux du Sei- clémence de Dieu ! Qui efperera en
gneur font toufiours fur les iuftes, & toi ne fera point confus.
fes aureilles attentiues à leurs prières ; >i ÎVIes frères & bons amis, il eft
mais fon vifage fur ceux qui font mal. bien vrai que ie ne me fuis pas monftré
Pourtant, nous ne deuons craindre & tel queiedeuois eftre, & maconfcience
nous troubler, ains fanftifier noftre fe fent fort accufee deuant Dieu , de
Dieu en nos âmes, toufiours prefts
de rendre raifon de noftre foi & de ce qu'ayant efté nourri en fon efchole
par l'efpace d'an & demi (en laquelle
l'efperance que nous auons de la vie ie me conoi auoir grandement profité
éternelle, auec toute modelVie, puis
félon la mefure de la foi que Dieu m'a
que c'eft la volonté de Dieu que nous donné) , toutefois abreuué & quafi
fouffrions, non comme paillards , lar- comme enyuré des délices & promef-
rons, voleurs, brigans va homicides , fes de ce monde, ie me fuis veu tout
mais pour porter tefmoignage de fa
bonne volonté enuers nous & fon preft
Pfeaumede choir, n'ayant
feptante mémoire ledevous
troifiefme. ce
lailTe à penfer combien nous deuons
respuit absolutionem. » (Calv. Op., XVII, aprendre en icelui auec Dauid , de
log). Quelques jours après (27 marsi, il écri-
nous tenir fur nos gardes, de veiller
vait : « Très adhuc sunt ^captivi) non sper- en prières & oraifons procédantes
nandi athletae, Sarrazier, Faber, Guerin, in
pratulo palatii, quos quum nudius tcriius d'vne viue foi, & qu'il n'y ait point
confirmarem vicissim valde conlirmatus sum d'hypocrifie en nous, que nous ne
ipsorum serraone. » (XVII, 117.) Voy. aussi foyons point doubles de courage, que
p. 201 , 210, 224, 250. noftre langue ne parle point autre
LIVRE SEPTIEME.

chofe 2 que noftre cœur penfe, fur peine


J9 efgarez
toufioursdefafon troupeau,
crainte deuant& les
qu'ayons
yeux. Hcb. 5. 4.
d'encourir le iuflc iugcment de Dieu.
Car le loyer des hypocrites eft en ce Car « ceux qui ont efté vne fois illumi-
monde. Recourons donc à noilre nez & ont goufté le don celefle, & ont
Dieu, comme à noflre fauue-garde , efté faits participans du S. Efprit , &
noftre rempart & feu! refuge , à celui ont goufté la bonne parole de Dieu .
duouel nous tenons la vie & du corps
& les puin"ances du fiecle à venir, s'ils
& de l'ame, fous la protedion & de- retombent , il eft impoffible qu'ils
fenfe duquel nous deuons tous batail- foyent renouuelez par repentance ,
ler, comme vrais champions & fidèles d'autant qu'ils crucifient derechef le
foldats de nortre Capitaine & feul Fils de Dieu en eux-mefmes & le dif-
fament. »
Seigneur lefus Chrill. S'il eft ainfi
que pour maintenir quelque querelle » Mes frères & bons amis, efiouif-
ou d vn Roi ou d'vn Prince terrien , fez-vous de ce que moi , poure brebis
tant d'hommes cxpofent leurs âmes & efgaree, ai efté trouupe du bon Paf-
fe font déchirer comme pièce à pièce, teur, comme apportée derechef en la
abandonnans leurs femmes & enfans, bergerie de Dieu auec vous. Efiouif-
leurs parens & amis, & biens de ce
monde , & toutefois ne font affeurez fez-vous, di-ie, que le Seigneur m'a
fait tant de bien & d'honneur de me
de receuoir falaire & recompenfe , faire ouyr & entendre fa douce & mi-
Comparaifon. finon pécuniaire & temporelle. S'il eft fericordieufe voix, & qu'il a eu pitié
ainfi que le marchand, chargé de
femme & enfans, aille & tracalTe iour de
perdumoi auec
, n'ayant permis que Auffi
les defcfpercz. ie fufl"e
ie
& nuid , par mer & par terre , iufques fuis à lui, & ferai pour iamais, nonobf-
aux pays les plus edranges, trafiquant tant ma faute bien lourde , & de trop
auec Turcs & mefcreans , n'ayant ef- grand
ietté mafcandale; mais
prière , il a ouiil n'a
mes point
pleursre-&
gard
& metqu'à les la nourriture
biens & fa viedeen cemille
corps
ha-, mon gcmilTement, comme il a fait de
zards , combien nous (qui fommes fon feruiteur Pierre. Pour cefle caufe,
certains de la bonne volonté de Dieu,
& des promelTes qui nous font fiiites priez Dieu pour moi , qu'il me con-
duife
defir cipar fon de
après S. refpondre
Efprit. Carde i'ai bon ,
ma foi
en l'Euangile, & de l'aireurance de
noflre falut que nous auons en lefus afin de reparer le fcandale de ma
Chrifl) ferons plus incitez & poulTez faute. Les frères qui font céans en
d'vn nirzèle bon iufte
cette tant & faind,
& tantpour mainte-
honnorable pareilluezlieu quefrères
tous les moi en
vousmon
faluent.
nom ,Sa-&
& tant fainde querelle de noflre Dieu nous recommandez à leurs prières ,
& de fa fainde parole, iufques à fouf- car nous en auons bon befoin , eftans
frir mefmes toutes les peines, tous les ici comme au milieu de nos ennemis.
tourmens & fupplices de mort qui De noflre part , nous vous difons à
nous feront prefentez par les hommes
Dieu.
Paris, Des prifons iour
ce dernier de l'Euefché de
de Décem-
& iuges de la terre .' La fanté de nof-
tre corps nous fera-elle oublier le fa- bre. »
lut de nos âmes, pour viure quelque
peu de temps en ce val de mifere , au Ayant donc reprins courage en
plaifir de noflre chair? Oublierons- cefle façon, il demeura afl'ez long
nous cefle demeure éternelle iS: bien- temps, à fon grand regret, fans eflre
heureufe auec Dieu & noflre Seigneur appelé des luges, A 1 Officiai ne fai-
lefus Chrifl & fes Sainds, lefquels foit femblant de vouloir touchera fon
nous attendans en patience, crient procès. Car il vouloit auoir la main
vengeance du tort qu on nous fait ici
garnie
toit , & auffi
à ceux de la haine
qui efloyent en fesqu'il por-
prifons,
bas? Nous n'auons pas ici vne cité
permanente, mais il nous faut trauail- pour la caufe de la Religion , il euft
ler par la grâce de Dieu après cefle
demeure & cité future, qui efl la bien defiré qu'ils y fulTent pourris en
toute poureté, faifant defenfeau Geô-
gloire du ciel, à laquelle , partans de lier de ne leur faire part des aumof-
ce corps mortel, ferons conduits par ncs. Or, quoi qu'il en foit , ce délai
l'Efprit de Dieu. Pour cefle caufe , afl'ez long donna loifir à Guerin de re-
prions noflre bon Dieu au'il nous prendre haleine, pour puis après com-
ticne toufiours en bride, »v ne per- Datre plus vertueufement. A la fin ,
mette que nous foyons aucunement l'Oflicial , à l'inflance de quelques
GEOFFROY GVERIN.
593
preflres prifonniers auec lui, fut con- commencé à parler que le Confeiller, m.d.lviii.
traint de prendre le procès. Car Gue- pour toutes refponfes, vint aux mena-
rin ne vouloit aucunement confentir
ces & aux fans
menuifier fagotslettres
, difant
, & qu'il eftoit vnil
toutefois
aux blafphemes qu'ils ont acouftumé
de chanter, mefnie les reprenoit , de fe vouloit méfier de parler, & que la
Cour lui auoit fait trop de grâce de
forte qu'il eftoit batu aucunefois par
eux, qui penfoyent en l'outrageant l'auoir gardé fi long temps. Bref, après
, racheter leurs meurtres, leurs larre- beaucoup de paroles fort rigoureufes,
lui défendit de plus parler. Toutefois,
cins & violemens de filles. L'Official,
après lui auoir fait quelques légères cefte furie ne paffa point outre, pource
demandes fur les interrogatoires faits que les feftes de Pafques donnèrent
en la Cour, le condamna à faire dere- vacation neà la
chef amende honnorable, à ieufner au Guerin fe Cour,
vuidoit &en que l'appel de
la Tournelle,
de laquelle eftoit le Confeiller, mais
pain & à l'eau quelque temps, & au-
tres peines acouftumees. D'icelle fen- en la grand'Chambre. Ainfi, il eut-
tence, Guerin fe portant pour appe- encores relafche pour fe fortifier auec
lant fut
, ramené en la Conciergerie fes autres frères, iufquesau quatrième
du Palais. Et pource qu'il n'eftoit ap- de luin, qu'il fut mandé deuant les
pelant de la mort, on le mit au preau. luges de ladite Chambre. Là, comme
Là trouua deux excellens tefmoinsde il auoit toufiours fouhaitté, il fit telle
noftre Seigneur, qui lui acreurent le confelTion de fa foi , que fon appel
courage de la moitié (i). C'eftoit au comme d'abus , déclaré nul & non re-
temps de Carefme que les ignorans ceuable, fut condamné à eftre bruflé Guerin
font le plus de cas de leurs fuperfli- tout vif en la place Maubert, & condamné,
Deux prifon- tions. Les autres prifonniers , voyans neantmoins fut dit que l'on furfoiroit
niers ceux-ci mefprifer leurs MelTes & leurs l'exécution pour le faire admonnefter
pour la venté, ^jg^otions vaines , incitèrent le Geô- par quelques Doéleurs en Théologie,-
lier de faire plainte aux gens du Roi , & s'il fe reuenoit ne fentiroit le feu ,
ains feroiteftranglé(i). Pource faire, le
& demander qu'iceux fulTent referrez, lendemain il fut mis en difpute contre
ce qui fut fait le Dimanche nommé
deux Doâeurs de Sorbonne, lefquels
des Rameaux, après qu'ils eurent efté il fouftint vertueufement.
outragez à coups de poin par les au-
tres prifonniers. Le lendemain, la Depvis, eftant mené en vne cham-
Cour les fit venir tous trois & les bre, fut interrogué par Maillard , & ,
tança bien rudement de n'auoir efté à après longues difputes, efquelles il
la MefTe en vn fi bon iour. les renuoya pouuoit conoiftre fa perfeuerance , ils
auec menaces de mort , fans plus re- tombèrent fur la manducation du Sei-
tourner deuant eux , & defenfe au gneur en la Cène. Il confelfoit touf-
Geôlier de leur donner autre nourri- iours en icelle participer realement &
de fait au vrai corps de noftre Seigneur
ture que du
Apres celapain
, vn& des
de l'eau.
Confeillers fut lefus Chrirt ; mais que cela fe faifoit
enuoyé fpirituellement. Maillard ne confide-
moyen depour
leur effayer s'il n'ypropos
faire changer auroit : rant ou diffimulant cefte manducation
ce qu'il fit par trois iours fuiuans, les fpirituelle, conclud qu'ils eftoyent
folicitant de toutes façons ; mais c'ef- d'accord , pource &qu'il auoittriompher
confeffé
toit peine perdue. Entre autres, in- vne manducation, voulant
de fa conuerfion , en fit rapport à la
terroguez s'ils vouloyent demeurer Cour. Plufieurs en furent refiouis, qui
opiniaftres, refpondirent qu'ils ne l'ef-
toyent , & ne tenoyent aucune opi- n'eftoyent point cruels , mais marris
nion particulière. Le Confeiller répli- de la fentence qu'on auoit arreftee
qua : « Or ça , le fondement de ce contre lui , de forte qu'ayans prins
que vous dites eft que voulez feule- depofition de cela fignee de la main
ment croire ce qui eft contenu en la
parole dene Dieu,
adioufter & qu'il
diminuer. n'y faut
» Guerin ref- (1) Il lllud acerbum est quod die sabbathi
pondit : » Oui, monfieur, car il eft proxime praeterito sententia lata est in
Guerinum, ut vivus cremetur. nisi abjuret
ainfi efcrit au 12. chapitre du Deute- Christum. Quod si adducatur ut abneget,
ronome. » Mais il n'eut pas fi toft praefocetur laqueo priusquam ignem senliat.
Hucusque sollicitatus est a Sorbonicis , nec
quidquam profecerunt.
ria. » (Macarius Calvino, 10 laus
Deo sit glo-
juniiet lîjS;
(i) Sarrazier et Fabre. Voy. note 2, col. 2,
p. Ç90, suprà. CMp. Op., XVII, 201).
>94 LIVRE SEPTIEME.

de Maillard, cution furtfurent d'aduis que l'exé- qu'il draneiuger


bougera
encores différée. Et les vifs de& làlestantmorts,
qu'il félon
vien-
comme chofe qui no le fait pas volon- les articles
faut que le de ciel lale foi, mefmes
reçoiue qu'ilà
iufques
tiers qu'vn arrell traîne II long temps, la roftauration de toutes chofos, dont
il en vint quelque bruit que le Roi
s'en mefcontentoit. Ainfi pour donner Dieu a parlé, comme il eft efcrit aux
à conoillre que telle dilation, à la- Ades 3. chapitre. »
quelle laplupart enclinoyent , n'efloit « Apres, ie fus interrogué de la man-
preiudiciable aux ordonnances, ils dé- ducation, & refpondi qu'en communi-
putèrent deux Confeiilers pour lui quant au pain & au vin, qui nous font
donnez au Sacrement, ie communique
porter déclaration des caufes d'icelles,
fous le figne de Minard, l'vn des Pre- au corps tS: au fang de noftre Soigneur
fidens. Le Roi fit refponfe telle que le lefus Chrift, realement (t de fait, fpi-
délai fut incontinent rompu (i), ioint rituclloment, & par viue foi, en efpe-
que Guerin cependant auoit maintenu rance de la vie éternelle, le cerchant
la vérité douant Maillard , tellement au ciel pour en auoir la fruition, & ce
qu'on par la vertu incomprehonfible du
fondé conut bien qu'on s'elloit
fur fa conuerfion. mal
Mais auant Saind Efprit. le fus auffi interrogué,
que pall'or, outre
houreufo il fautau que
récitnous
de fa mort
voyons fi quand i'eftois aux prifons de l'OHï-
cialité, ie chantoi pas au falut & y af-
toutes les difputos ofcrites de fa main fiftoi ? le di que non. La caufe pour-
propre, comme s'enfuit : il y a long quoi ie fus interrogué fur ce poind
a Treschers frères (2), vint de l'Olficial, qui là oftant prefent,
temps que ie dedrois auoir occafion
de vous ofcrire ; mais grâces à noftre difoit tout ce qu'il vouloit contre moi.
L'vn des Prefidons me tança fort, &
bon Dieu, l'occafion y oft bien grande m'iniuria plufieurs fois, difant, Que
.à cède fois, l'ai bien voulu vous auer- i'eftoi défia damné, & fi ie vouloi pas
tir que Samedi 4. luin, ie fus amené dire mon Aue Maria, & fi ie niefpri-
douant Mefliours de la grand'Cham- foi de faluor la vierge Mario. R.
bre, où, tout malade que i'eftoi, m'in- « lournellement ie prie Dieu, & lui fai
terroguerent fur certains articles, auf- mon oraifon, ainfi que noftre Seigneur
lefus Chrift nous a aprins, comme il
^fP°"''' \ ^''''"^'' difficulté,
parltéer.
La difficul 1 auoi. fles loures, a tous propos que
de ?."'^'^ eft efcrit en S. Matthieu, au 6. chap.
prononçoi, herfes U) enfemble ; mais
toutefois noilre Dieu , qui a le foin Et n'ai point d'autre aduocat & mé-
diateur enuers Dieu pour auoir accez
des fiens, m'aflilla iufques à la fin , & à lui, que noftre Soigneur lefus, le-
ne permit qu'ils gagnalTent rien fur quel nous eft propofé pour tel en la
faindo Efcriture, par les palTages i.
moi, dont
aimé noilre ie leSeigneur
loue par l'on FilsChrift.
lefus bien-
lean 2. & i. Tim. 2. m'alVourant
Premièrement , après auoir prefté le auffi aux promeffes qui nous font fai-
ferment acoullumé, Monliour le Pre-
fidont me demanda fi ie croyoi pas, noustes demanderons
en l'Euangile : Que tout auce Nom
à Dieu, que
après les paroles facramentales pro- de fon Fils, nous l'obtiendrons. » Fi-
noncées par le prellre, que le corps nalement ie fus interrogué de la
de nortre Seigneur lefus Chrift elloit prière pour les trofpalTez. le refpondi
fous l'efpece du pain, réel & corpo- que ie n'auoi point aprins do prier
rel rle rofpondi : « Monfieur, ie croi
véritablement que le corps de nofire pour les trefpaU'oz.
de plufieurs autres menusL'on m'intorrogua
fatras, que
Soigneur lefus Chrift eft toufiours en ie no mis point en mémoire; mais fur
haut à la dextre de Dieu fon Pore, & mes interrogatoires ce font à peu près
les rofponfes que ie fis.
(1) u Sanguincm et cœdes adhuc spirat
« Apres, monfieur le Profident me
Pharao (Henri II), quod ar^jumcntuin est demanda quelles raifons ie vouloi dire
horribilis Uci vindicla;... Urgcl ul Guerinus
damnalus tradalur llammis. Curia prajlcxil pour mes caufes d'appel comme d'abus.
ipsius abjuraiiunem, scd fal&o, quod e\ cjus le di que ie ne fauoi que c'eftoit, &
orc et tcslimonio licet affirinare. » (Maca- qu'ils feroyent beaucoup pour moi fi
rius Calvino, 20 junii 1558, Cah. Op., XVII,
224.) de leur grâce ils me bailloyent vn Ad-
uocat pour me confeiller. Mais mon- Ainfi iugcnt
(2) Celle lettre commence ainsi dans
Cliandicu : " La ^'racc & paix de nortre
Seigneur léfus-Chrill foil auec vous. » faloit vnProfident
fieur le homme M. pourme meditconfeiller
qu'il me les mondains,
()) Fermies. de mon falut , & que i'eftoi on grand
GEOFFROY GVERIN. 595
danger, attendu que défia vne fois il
ble, qu'elle ne prefume rien d'elle m.d.lviu.
m'auoit retiré du feu , & que i'efloi mefme pour commander outre ce
preft d'eflre condamné. le lui di : qu'elle tient de fon Efpoux, par la
« Monfieur, ie ferai bien heureux fi parole duquel elle eft régie & gou-
Dieu me retire des afflidions où ie uernee. Et pourtant, comme vn du
fuis, & ie defire d'efire difl"ous& eftre troupeau, ie veux feulement ouir la
au ciel auecques Chrift. « Mais il dit voix de mon Pafteur, qui eft noftre
que ie n'auoi garde d'aller au ciel, & Seigneur lefus Chrift. le me veux
feulement arrefter aux promeffes qui
que i'eftoi défia damne. le fi refponfe nous font faites en fon Nom, aflauoir
que i'eftois affeuré d'eftre fauué. C'eft
tout. Alors on me remena en ma pri- que nous obtiendrons tout ce que
fon. nous demanderons au Père de par
» Le lendemain, qui efloit le Di- lui , & auffi il nous eft propofé pour
manche, enuiron quatre heures de re- noftre feul Aduocat & Médiateur. »
leuee, l'vn des feruiteurs me mena en D. « Voire, mais ne croyez-vous pas

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