TheseGranger_ autocicatrisation
TheseGranger_ autocicatrisation
TheseGranger_ autocicatrisation
ÉCOLE DOCTORALE
Thèse de DOCTORAT
Diplôme délivré conjointement par
L'École Centrale de Nantes et l'Université de Nantes
SEBASTIEN GRANGER
le 28 Novembre 2006
à l’Ecole Centrale de Nantes
TITRE
JURY
Je tiens également à remercier l’ensemble des personnes de l’entreprise Lafarge qui ont participé
à ce travail, par leurs conseils, leurs analyses, ou plus pratiquement par la réalisation
d’éprouvettes et d’observations microscopiques. Merci donc à Julie Arsenault, Fabienne Begaud,
Catherine Bouillon, Patrick Fanget, Didier Lapillonne et Sébastien Lombard.
Je souhaite également témoigner de ma reconnaissance à David Marlot de la société Euro
Physical Acoustics, pour avoir toujours répondu présent pour les conseils et soucis
« acoustiques ». Merci également à Jean Claude Lenain pour l’excellente collaboration mise en
place sur cet aspect.
Je voudrais également, biensûr, évoquer les bons moments passés au sein du laboratoire. Un
merci particulier à :
• Jean Yves, Marc et Christian pour leur assistance sur les moyens expérimentaux,
• Céline Gotardt et Roger Mouammar pour leur aide à travers leur stage,
• Katia et Gaëlla pour le traitement des tâches administratives,
• Marta, Mirvat, Olivier, Ludovic, Abdelghafour, Abbas, Philippe, Emmanuel, Mahmmoud,
Mohammad, Zhenyu, doctorants ou maintenant docteurs, pour l’entraide et la bonne
humeur permanentes,
• Yvon et Christophe, pour les intermèdes sportifs,
• Ainsi qu’à Pierre-Yves, Gérard, Nadia, Frédéric D., Frédéric G., et à tous les membres du
laboratoire.
Enfin, mes derniers remerciements vont à ma famille, et en particulier mes parents, et à Elise
pour son soutien et ses encouragements de tous les jours.
Sommaire
SOMMAIRE
Sommaire…………………………………………………………………………………………. 1
Introduction générale……………………………………………………………………………. 5
Chapitre 1 : Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures dans les matériaux
cimentaires…………………………………………………………………………11
Introduction……………………………………………………………………………………….11
1.1 Comment l’auto-cicatrisation fonctionne-t-elle ?..................................................................... 12
1.1.1 Description du phénomène et principales hypothèses……………………………....... 12
1.1.2 Précipitation de carbonate de calcium CaCO3…………………………………...….. 13
1.1.3 Hydratation du clinker anhydre.....................................................................................14
1.1.4 Gonflement de la pâte de ciment et accumulation de particules................................... 15
1.2 Comment l’auto-cicatrisation se manifeste-t-elle ?.................................................................. 15
1.2.1 Essais de perméabilité à l’eau....................................................................................... 15
1.2.2 Paramètres étudiés lors des essais de perméabilité à l’eau.......................................... 17
1.2.3 Limitation des transferts................................................................................................ 18
1.3 Mise en évidence de l’apport mécanique..................................................................................19
1.4 Apport des méthodes non destructives et de la microscopie.................................................... 21
1.4.1 Caractérisation de l’auto-cicatrisation par des méthodes non destructives................. 21
1.4.2 Analyse microscopique des cristaux formés.................................................................. 22
1.5 Conclusion................................................................................................................................ 23
___________________________________________________________________________- 3 -
Sommaire
Annexes........................................................................................................................................ 203
___________________________________________________________________________- 4 -
Introduction générale
INTRODUCTION GENERALE
Les matériaux cimentaires, dans toute leur diversité, sont sans conteste parmi les matériaux les
plus répandus et les plus utilisés dans l’environnement des pays industrialisés. Le développement
urbain comme économique suscite une envolée manifeste des productions et des réalisations, et
les structures dans lesquelles nous vivons ou travaillons ne sauraient exister et être aussi
fonctionnelles sans ce matériau. Les matériaux cimentaires ont de grandes qualités de résistance,
qui justifient leur emploi quasi systématique, et présentent également un aspect financier
intéressant en comparaison avec l’acier. Néanmoins, une des questions essentielles à laquelle il
reste difficile de répondre dans la mesure où le retour d’expérience reste limité, est le problème
du vieillissement et de la durabilité de ces matériaux. Soumis en effet à de fortes contraintes
climatiques, thermiques ou mécaniques, ils évoluent considérablement au cours de leur durée de
vie, et les problèmes de sécurité générale des ouvrages apparaissent. A l’heure où le devenir des
constructions suscitent les plus vifs intérêts, avec notamment le parc nucléaire français, mais
aussi au moment où le stockage des déchets devient des plus préoccupants, la durabilité des
structures en béton, et des matériaux cimentaires en eux-mêmes, font l’objet de vastes campagnes
de recherche et de développement.
La problématique du sujet présenté dans ce mémoire s’inscrit ainsi pleinement au sein de ces
préoccupations de durabilité dans la mesure où elle s’intéresse de près à une des faiblesses
essentielles de tous les bétons, à savoir leur possibilité de fissuration. Les conséquences de
l’apparition de fissures sont nombreuses, en termes de résistance, d’étanchéité ou de propriétés de
transferts, et peuvent nuire à l’intégrité des structures. Des études préalables ont montré que, dans
certaines conditions, les fissures apparaissant dans les matériaux cimentaires tels que le béton,
pouvaient se cicatriser sans aucune intervention extérieure de réparation, si ce n’est l’apport
d’eau indispensable au phénomène. Cette auto-cicatrisation des fissures se présente donc comme
une propriété des matériaux cimentaires, qui pourrait s’avérer être une composante intéressante
voir essentielle d’un point de vue durabilité.
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Introduction générale
Les bétons de fibres métalliques (BFM) font l’objet depuis bientôt une cinquantaine d’années
d’efforts de recherche importants : énoncés de principes de formulation, compréhension de
l’interaction fibre-matrice, règles de calcul… Ils sont utilisés pour des applications industrielles
très ciblées, parmi lesquelles on peut citer les dallages industriels, les réparations par béton
projeté fibré, ou encore le remplacement des armatures passives d’effort tranchant dans certains
éléments structuraux. Néanmoins, malgré les efforts consentis, le développement industriel des
BFM classiques reste bien marginal en comparaison avec les bétons plus traditionnels. Depuis
une dizaine d’années, le développement de matrices cimentaires à ultra-hautes performances a
relancé l’intérêt pour l’utilisation de ces composites cimentaires. On introduit dans ces matrices
très fragiles, développant un comportement se rapprochant de celui des céramiques, un
pourcentage de fibres de l’ordre de 2 à 3% en volume, ce qui permet d’obtenir des produits plus
ductiles, multi-fissurants et capables de limiter la propagation de l’endommagement. Il existe
cependant, à l’heure actuelle, un marché très réduit pur les BFUP (bétons fibrés à ultra hautes
performances). On peut citer quelques projets déjà réalisés, tels que des passerelles piétonnières
au Québec ou en Corée, des éléments minces de façades, ou la gare de péage du viaduc de
Millau. Ces réalisations apparaissent alors plus comme des vitrines technologiques et
scientifiques, qui ne peuvent faire oublier la très faible utilisation de ce type de matériaux. Il y a
deux raisons principales à ces difficultés d’existence d’un vrai marché pour les BFUP.
Premièrement, ces matériaux sont très récents, et le Génie Civil n’est pas un domaine où
l’innovation technologique convainc rapidement, et deuxièmement ces matériaux sont beaucoup
plus chers que les bétons traditionnels, y compris ceux à hautes performances.
Concernant le premier point, un effort particulier a été fait avec la mise au point d’un guide de
référence pour l’emploi des BFUP, sous l’égide du Service d’Etudes Techniques de Routes et
Autoroutes (SETRA) et de l’Association Française de Génie Civil (AFGC) (2002). En particulier,
ce guide d’utilisation donne des recommandations provisoires sur le dimensionnement des
éléments de structures en BFUP. Le comportement de ces matériaux est caractérisé en traction
par l’apparition d’une première fissuration avant l’atteinte du pic de force. Avant ces
recommandations, il était de coutume de dimensionner les éléments en BFUP en tenant compte
du comportement du matériau en dessous de la contrainte d’apparition de cette première
fissuration, comme on peut le voir sur la figure 0.1.
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Introduction générale
Comportement
mécanique du
Contrainte de matériau en traction
première
fissuration
Plage de dimensionnement
avant les recommandations
ε
Figure 0.1 : Principe de dimensionnement des structures en BFUP en dessous de la limite de première
fissuration
3. Cadre de l’étude
Même si les deux problématiques, de durabilité d’une part, et de développement des BFUP
d’autre part, ne sont pas fondamentalement reliées, le phénomène de cicatrisation se révèle
pouvoir être un atout majeur dans les deux cas. Ce phénomène a ainsi suscité l’attention de
Laboratoire Central de Recherche du groupe Lafarge, dans le cadre du développement de son
produit Ductal®, un béton fibré à ultra hautes performances présent sur le marché depuis
quelques années. Doté de caractéristiques microstructurelles lui conférant des propriétés de
durabilité très intéressantes, ce béton est néanmoins soumis à l’apparition de fissurations au
niveau de sa matrice cimentaire, qui affecte cette durabilité et qui peuvent poser problème dans
les dimensionnements d’éléments de structure.
Plus concrètement, notre étude peut ainsi s’articuler autour des questions suivantes : quel est
l’apport du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures dans les bétons, d’un point de vue
comportement mécanique ? Et en particulier, si on constate une amélioration du comportement
mécanique après cicatrisation, comment la caractériser et l’expliquer ?
La réponse à cette question générale de la reprise de propriétés mécaniques apporterait ainsi une
argumentation intéressante à la fois dans le cadre de la durabilité, où la fissuration apporte des
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Introduction générale
4. Méthodologie adoptée
Les questions soulevées dans le paragraphe précédent vont ainsi être analysées au cours de six
chapitres.
Le chapitre 1 s’intéresse dans un premier temps à la description du phénomène d’auto-
cicatrisation des fissures. Il présente ainsi les principales hypothèses responsables du phénomène
ainsi que les différentes études qui ont été menées sur ce point. A ce sujet, les connaissances
relatives à ce phénomène sont assez rares, et ce travail de recherche a également pour objectif
beaucoup plus général d’apporter de nouveaux éléments.
Le chapitre 2 présente ensuite le programme expérimental développé pour mettre en évidence le
rôle du phénomène de cicatrisation sur le comportement mécanique d’éléments de béton fissurés.
Le programme est en particulier développé à la fois sur un BUHP modèle et sur des bétons plus
traditionnels, afin de permettre une étendue de l’étude à différentes gammes de béton. Les essais
expérimentaux sont présentés avec notamment la qualification du comportement mécanique en
flexion 3 points, et les analyses des processus de fissuration des éprouvettes par la technique
d’émission acoustique.
Le chapitre 3 va ensuite détailler l’ensemble des résultats obtenus pour la quantification du
comportement mécanique des éprouvettes initialement fissurées. Ce chapitre est ensuite complété
par le chapitre 4 qui propose la présentation et le résultat d’une campagne d’observations
microscopiques réalisées au niveau des fissures cicatrisées, et qui permet d’apporter des éléments
de compréhension supplémentaires quant aux comportements mécaniques observés. A la lumière
de ces deux chapitres, le chapitre 5 va alors présenter une étude plus théorique visant à
comprendre et reproduire les comportements mécaniques observés, et permettre ainsi d’intégrer,
dans une première approche, le phénomène de cicatrisation dans la modélisation du
comportement mécanique d’éléments de structure.
Enfin, l’étude réalisée sur le comportement mécanique d’éprouvettes cicatrisées, est complétée
par le développement d’une méthode de contrôle non destructive originale, permettant le suivi en
direct du phénomène. C’est une partie en marge des problèmes liés à l’apport de la cicatrisation
sur le plan mécanique, mais qui relève plutôt des préoccupations de contrôle non destructif, très
en vogue à l’heure actuelle. La technique, basée sur le retournement temporel, est, dans ce cas
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Introduction générale
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Introduction générale
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1. Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
CHAPITRE 1
INTRODUCTION
Après avoir subi un endommagement suite à des chargements mécaniques ou thermiques, ou bien
encore suite à des effets différés, tels que le fluage ou le retrait, un matériau cimentaire peut être
soumis au phénomène d’auto-cicatrisation des fissures, lorsque, sans intervention extérieure de
réparation, et après une certaine période, l’endommagement créé diminue. Il a souvent été
mentionné dans la littérature que des fissures, de tous types (micro, macro, traversantes ou
superficielles), pouvaient se cicatriser sous certaines conditions. Ce phénomène fait apparaître
des mécanismes physico-chimiques complexes, basés principalement sur la chimie des ciments,
qui sont encore assez mal connus. L’auto-cicatrisation est en effet admise de bon nombre de
scientifiques, mais les données s’y rapportant restent assez rares. L’objectif de ce chapitre est
donc de présenter ce phénomène à travers les mécanismes et réactions entrant en jeu, et
également de mettre en avant les principales études menées sur le sujet, afin d’apporter une base
à notre étude, qui vise à proposer de nouveaux éléments dans la compréhension et les
conséquences du phénomène.
La partie 1 s’attache à présenter les différentes hypothèses associées à l’auto-cicatrisation des
fissures, et s’appuie essentiellement sur un état de l’art récent proposé par Neville (Neville,
2002). La partie 2 présente ensuite les différentes études menées sur les aspects de limitation des
transferts et de perméabilité associés au phénomène, et qui ont été particulièrement étudiés dans
les dernières décennies. La caractérisation de l’apport mécanique de l’auto-cicatrisation est
ensuite présentée dans la section 3, alors que la section 4 s’intéresse à la caractérisation par des
mesures non destructives et microscopiques, avant la présentation des conclusions associées au
savoir sur ce phénomène original.
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1. Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
Le mot « auto-cicatrisation » (on trouve également « auto-réparation ») est le plus approprié pour
définir ce qui peut arriver au sein d’une fissure dans un matériau cimentaires, dans des conditions
favorables : c’est bel et bien, la restauration de la continuité entre deux lèvres de fissure, sans
intervention extérieure délibérée de réparation. Exactement comme pour la peau ou les os ! Le
phénomène apparaît entre les deux surfaces opposées d’une fissure, nécessairement en présence
d’eau, avec éventuellement du dioxyde de carbone dissous. La nécessité d’eau est justifiée par le
fait que l’auto-cicatrisation consiste en des réactions chimiques de composés exposés sur les
surfaces de la fissure. L’accrétion de cristaux formés par ces réactions permet ainsi,
éventuellement, de rétablir la continuité entre les deux parties de part et d’autre de la fissure.
C’est le ciment, hydraté ou non, présent dans la microstructure du béton durci, qui est l’autre
élément essentiel associé au phénomène. C’est ainsi que les phénomènes de formation de
carbonate de calcium CaCO3, et d’hydratation du ciment anhydre présent dans la microstructure
du béton durci, sont les plus souvent avancés pour expliquer le colmatage des fissures (Neville,
2002).
Néanmoins, d’autres causes pouvant favoriser l’apparition de la cicatrisation ont également été
mises en avant et étudiées sans pour autant arriver à des conclusions unanimes. Les deux
principaux phénomènes complémentaires avancés sont le gonflement de la pâte de ciment et
l’accumulation, au sein de la fissure, de particules présentes dans l’eau ou issues de la fissuration
du béton. Ces deux phénomènes ne permettent cependant pas de rétablir la continuité physique
entres faces de fissure (comme dans le cas des précipitations de cristaux), mais présentent
néanmoins des avantages dans certains cas.
Ces quatre principales causes sont schématisées sur la figure 1.1. Les phénomènes ne sont pas
successifs mais apparaissent distinctement, ou bien combinés. Ils seront ainsi détaillés et
explicités dans les points suivants.
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1. Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
a) b) c) d)
Figure 1.1 : Hypothèses avancées pour le phénomène d’auto-cicatrisation des fissures dans les bétons : a)
précipitation de carbonate de calcium CaCO3 ; b) accumulation de particules ; c) hydratation du clinker
anhydre ; d) gonflement de la pâte de ciment
C’est une des deux hypothèses essentielles associées au phénomène : la carbonatation du béton,
avec précipitation de carbonate de calcium CaCO3, également appelé calcite. Ce phénomène
apparaît en présence de CO2 dissous dans l’eau. Se produisent alors des réactions de dissolution-
précipitation : dissolution de la portlandite Ca(OH)2 issue de l’hydratation des composés C3S et
C2S du ciment, puis précipitation de carbonate de calcium. Les réactions de formation de la
calcite sont les suivantes, selon le pH de l’eau :
phénomène est donc de première importance pour les bétons contenant une quantité non
négligeable de portlandite. C’est en particulier le cas pour les bétons ordinaires, avec des rapports
Eau/Ciment élevés où les produits d’hydratation sont en plus grandes quantités. A l’opposé, le
phénomène de carbonatation est quasiment inexistant pour les bétons à hautes et très hautes
performances, pour lesquelles les additions activent la réaction pouzzolanique qui consomme la
portlandite.
Les principales mises en évidence de cristallisations de calcite en tant que responsable de la
cicatrisation des fissures, l’ont été lors d’essais de perméabilité à l’eau (voir le paragraphe 1.2 du
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1. Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
présent chapitre) sur des bétons ordinaires de rapport Eau/Ciment supérieurs à 0,45. Le
phénomène de carbonatation apparaît également dans l’air, mais on peut parler d’un très faible
pourcentage de cicatrisation (Neville, 2002). Il est défavorable d’un point de vue corrosion des
armatures pour les bétons renforcés, dans la mesure où la formation de calcite insoluble fait
diminuer de façon importante la valeur du pH de la solution interstitielle, entraînant une
destruction de la couche de passivation des armatures. De plus, le CO2 gazeux ne peut réagir
directement avec la portlandite, et seul le gaz dissous dans les films d’eau sur les surfaces de
fissures est disponible pour les réactions chimiques, ce qui constitue un frein au développement
du phénomène dans l’air ambiant.
C’est l’autre hypothèse essentielle avancée pour expliquer l’auto-cicatrisation des fissures. Dans
la majorité des bétons, ou en tout cas ceux dont le rapport Eau/Ciment (E/C) est inférieur au
rapport stoechiométrique de 0,42, le ciment introduit n’est pas totalement consommé par les
réactions d’hydratation, soit par manque effectif d’eau, soit par des difficultés d’accès de l’eau
pour atteindre les parties non hydratées des grains de ciment. Dans tous les cas, une quantité plus
ou moins importante de clinker anhydre se retrouve dans la microstructure du béton durci. C’est
notamment une des caractéristiques essentielles des bétons à hautes et très hautes performances,
formulés avec des rapports E/C souvent inférieurs à 0,4.
L’ouverture de fissures dans le béton expose ainsi, dans certains cas, l’eau directement avec des
grains de ciment anhydre. L’hydratation peut ainsi reprendre suivant les mêmes équations que
l’hydratation primaire. C’est en particulier l’hydratation des composés C3S et C2S du clinker qui
va être à l’origine de la cristallisation de cristaux responsables de l’auto-cicatrisation. Les
réactions chimiques mises en jeu sont les suivantes :
⎧ C : CaO
C2 S ⎞ ⎪
⎟+ H →C −S −H +C −H avec ⎨ S : SiO2 (1.3)
C3 S ⎟⎠ ⎪H : H O
⎩ 2
En présence d’eau, les grains anhydres de C3S et de C2S réagissent donc pour former de
nouveaux silicates de calcium hydratés (C-S-H) et de la portlandite (C-H). Il est à noter que la
fissure a besoin d’être « inondée » pour que le phénomène soit optimal. Même une humidité
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1. Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
relative supérieure à 95% ne peut permettre une étendue maximale du phénomène (Neville,
2002), l’hydratation étant bien évidemment beaucoup plus rapide et complète dans l’eau.
L’auto-cicatrisation des fissures dans les matériaux cimentaires a été étudiée intensément dans les
dernières décennies dans l’optique de la reprise d’étanchéité et de la limitation des propriétés de
transferts, associées aux structures de stockage en béton. De nombreux travaux ont ainsi été
menés sur ces problématiques, et nombre d’auteurs ont réalisé des campagnes d’essais de
perméabilité à l’eau pour mettre en évidence le phénomène d’auto-cicatrisation des fissures. Le
principe des essais consiste à imposer une pression d’eau à une extrémité d’un échantillon de
béton fissuré (fissure traversante) ou multi-fissuré, et à mesurer à l’autre extrémité le flux d’eau
en sortie de fissure. De tels essais ont été réalisés, par exemple, par Clear (1985), Hearn (1997,
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1. Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
1998), Edvardsen (1999) ou Reinhardt et al. (2003). Des exemples de dispositifs expérimentaux
sont présentés sur la figure 1.2.
a) b)
Figure 1.2 : Dispositifs expérimentaux classiques pour des essais de perméabilité à l’eau : a) d’après
Reinhardt et al. (2003) ; b) d’après Edvardsen (1999)
De tels essais ont ainsi été menés sur différents types de béton. Reinhardt et al. (2003)
expérimentent le phénomène sur des bétons ordinaires de rapport E/C égal à 0,37, Edvardsen
(1999) sur des bétons de rapport E/C égal à 0,6, et Hearn (1997, 1998) sur des bétons et mortiers
conservés dans l’eau, contenant moins de 20% de ciment anhydre en volume. On reste néanmoins
dans des gammes de bétons classiques avec des quantités de ciment anhydre, au sein de la
microstructure, assez peu importantes. Les résultats typiques de ces essais (figure 1.3.a) montrent,
dans une première phase, une décroissance rapide du flux d’eau en sortie des échantillons, et dans
une seconde phase, une diminution beaucoup plus lente, allant dans certains cas jusqu’à
l’annulation totale du débit de fuite en sortie des échantillons. Le même résultat peut être
également obtenu pour le coefficient de perméabilité (figure 1.3.b).
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1. Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
a) b)
Figure 1.3 : Evolution du flux d’eau à travers des échantillons de béton fissurés : a) perméabilité en
fonction du temps (d’après Hearn, 1997) ; b) débit normalisé en fonction du temps (d’après Reinhardt et
al., 2003)
Edvardsen (1999) a avancé une explication pour l’apparition de ces deux phases dans la
diminution du débit de fuite ou de la perméabilité. L’auteur estime que le premier régime est
contrôlé par la présence des espèces réactives directement en surface de fissure. Il y a réaction
immédiate avec l’eau, formation de cristaux et donc rebouchage partiel de la fissure, qui tend à
faire diminuer rapidement le flux d’eau traversant. La seconde phase est, elle, contrôlée par le
phénomène de diffusion. Au bout d’un certain temps, il n’y a en effet plus de composés réactifs
directement en surface de fissure, et l’eau est ainsi obligée de diffuser à travers les premières
couches de nouveaux cristaux pour continuer à réagir avec le ciment (hydraté ou non). C’est donc
cette diffusion qui explique la diminution moins rapide de la perméabilité à l’eau.
Outre la variété de bétons utilisées, d’autres paramètres pouvant avoir une influence sur le
phénomène ont été analysés. L’influence de la température a ainsi été étudiée. Reinhardt et al.
(2003) considèrent, en effet, que les phénomènes liés au transport, ou au stockage de certains
fluides, induisent, la plupart du temps, des conditions de température spécifiques avec
d’éventuelles évolutions. Ils réalisent donc des essais de perméabilité à l’eau à différentes
températures (de 20°C à 80°C) et constatent que le phénomène est plus significatif lorsque la
température est plus élevée.
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1. Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
Dans le même esprit que les essais de perméabilité à l’eau réalisés pour mettre en évidence le rôle
de l’auto-cicatrisation sur l’étanchéité du béton, quelques chercheurs se sont intéressés à d’autres
problèmes de transferts dans les matériaux cimentaires qui cicatrisent.
En particulier, Jacobsen et al. (1996) se sont intéressés à l’influence de la fissuration et du
phénomène d’auto-cicatrisation sur le transport des ions chlorures. Leurs travaux ont consisté en
l’endommagement de disques de béton ordinaire (rapport Eau/Ciment égal à 0,4) par cycles de
gel-dégel, suivi de la conservation dans une eau saturée en chaux à 20°C, avec apparition de
cicatrisation. Ils constatent ainsi une chute du temps de migration de 64 heures (pour le béton
sain) à 0 pour le béton endommagé, et donc une augmentation du taux de migration des ions de
l’ordre de 2,5 à 8 fois. Après cicatrisation (pendant 3 mois), les auteurs mettent alors en évidence
une augmentation significative du temps de pénétration, et une diminution de l’ordre de 28 à 35%
du taux de migration, imputées au phénomène de cicatrisation.
Une autre étude spécifique proposée par Ramm et al. (1997) s’intéresse à l’auto-cicatrisation des
fissures dans des éléments de béton armé, et l’influence sur la possible corrosion des armatures.
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1. Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
Leurs travaux (sur un béton de rapport Eau/Ciment égal à 0,55) permettent d’observer sur une
durée d’essais de 2 ans, que des fissures de largeur 0,1 mm n’engendrent pas de corrosion des
armatures lorsqu’elles cicatrisent, et ce quelle que soit la nature de l’eau (déionisée ou acide). Ils
constatent par contre des débuts de corrosion pour des fissures de largeur 0,2 mm, dépendant
alors de la nature de l’eau (plus de corrosion pour une eau acide).
Ces deux études, les plus complètes à notre connaissance, montrent ainsi de façon logique et
analogue aux problèmes d’étanchéité, que la phénomène de cicatrisation des fissures réduit de
façon significative les propriétés de transport au sein des matériaux cimentaires initialement
fissurés.
Dans la majorité des études publiées en rapport avec le phénomène d’auto-cicatrisation, les
paramètres étudiés sont en rapport avec les soucis d’étanchéité et les problèmes de transport.
Néanmoins, en complément des indéniables atouts que procure la cicatrisation dans
l’amélioration de ces caractéristiques, quelques travaux de recherche ont été menés sur
l’influence du phénomène sur les propriétés mécaniques.
Ainsi, des essais sur des éprouvettes endommagées par cycles de gel-dégel ont été menés par
Jacobsen et al. (1996), sur des bétons ordinaires (E/C égal à 0,4). Des éprouvettes prismatiques
de dimensions 10x10x34,5 cm3 sont endommagées par cycles de gel-dégel puis conservées dans
l’eau pendant 3 mois. Des cubes 10x10x10 cm3 sont extraits des éprouvettes et testés en
compression simple. Les cycles de gel-dégel conduisent à une perte de résistance en compression
(environ 25%). Après cicatrisation, il y a une légère reprise de cette résistance, de l’ordre de 5%,
qui est donc imputée au phénomène. Parallèlement aux essais mécaniques, les auteurs réalisent
des mesures de fréquences de résonance (reliées au module d’Young) sur les éprouvettes. Après
une perte due à l’endommagement, ils constatent une reprise quasi-totale de cette fréquence de
résonance après conservation des éprouvettes dans l’eau, donc une reprise de raideur globale.
D’autres études ont également été menées sur la caractérisation mécanique proprement dite
d’éprouvettes cicatrisées. Ainsi sur des bétons ordinaires fibrés, endommagés puis cicatrisés,
Gray (1983) a remarqué une amélioration de l’adhérence entre matrice et fibre lors d’essais
d’arrachement, ainsi qu’une légère augmentation, là encore, de la résistance en compression.
Toujours concernant les bétons fibrés, mais cette fois-ci à ultra hautes performances, on peut citer
les essais réalisés par Pimienta et al. (2004), sur des éprouvettes pré-endommagées en flexion 3
points et ensuite conservées dans des conditions spécifiques (cycles humdité-séchage, eau
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1. Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
chlorée…). Dans toutes les situations de conservation avec eau, les auteurs constatent, lors de
rechargements en flexion 3 points, une reprise de rigidité (même si le matériau semblait assez peu
endommagé) et une continuité des courbes de rechargement avec les courbes de pré-fissuration.
Ils mesurent également les fréquences de résonance sur leurs éprouvettes et montrent une
évolution de celles-ci avec le temps de conservation. Les courbes caractéristiques obtenues sont
présentées sur la figure 1.4.
a) b)
Figure 1.4 : Evolution du comportement mécanique d’éprouvettes de béton fibré à ultra hautes
performances, endommagées puis cicatrisées : a) comportement mécanique avec les phases de pré-
fissuration puis rechargement après cicatrisation ; b) évolution de la fréquence de résonance (d’après
Pimienta et al., 2004)
Rossi et Parant (Rossi et al., 2005 et Parant, 2003) caractérisent également l’apport de l’auto-
cicatrisation sur les propriétés mécaniques d’un béton renforcés de fibres multi-échelle. Des
plaques fines, pré-endommagées en fatigue puis maintenues sous charge, sont soumises à des
cycles humidité-séchage pendant 30 semaines dans une solution chlorée (5% NaCl, 20°C). Les
auteurs constatent là encore une reprise quasi totale de raideur. Même conclusions pour Ying-Zi
et al. (2005) qui travaillent sur des éprouvettes de composites à base cimentaires endommagées
en traction directe, puis soumises à des cycles humidité-séchage. Là aussi, la reprise de rigidité
est confirmée par des mesures de fréquence de résonance.
L’ensemble des études mentionnées ci dessus a été mené sur des bétons matures, plus ou moins
stables chimiquement. Ter Heide (2005) s’intéresse, lui, au phénomène au jeune âge, et donc à la
cicatrisation pendant la phase d’hydratation. Des éprouvettes de béton ordinaire (E/C égal à 0,5)
sont pré-fissurées en flexion 3 points dans les premières heures (de 24 à 72 heures) suivant le
gâchage, et ensuite immergées afin d’avoir l’occurrence du phénomène. L’auteur constate
également une reprise de rigidité quasi-totale, mais pas d’amélioration de la capacité portante en
flexion (figure 1.5).
__________________________________________________________________________- 20 -
1. Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
Eprouvettes saines
Eprouvettes fissurées
Eprouvettes cicatrisées
Figure 1.5 : Comportements mécaniques d’éprouvettes cicatrisées au jeune âge (d’après Ter Heide, 2005)
Si l’on excepte les mesures de fréquence de résonance, les travaux visant à mettre en évidence le
phénomène par des essais de contrôle non destructif sont très rares. Des mesures ultrasons
réalisées en marge d’essais de perméabilité à l’eau sur des échantillons de bétons fissurés ont été
réalisées par Aldea et al. (1998). L’auteur place ainsi un émetteur sur une face de l’échantillon de
béton et un récepteur sur une autre face de telle sorte que la signal envoyé par l’émetteur vers le
récepteur « traverse » la fissure. Les résultats montrent alors une atténuation significative du
signal transmis après la phase de fissuration, suivi d’un recouvrement progressif du signal
d’origine au fur et à mesure que le phénomène de cicatrisation progresse (les éprouvettes sont en
même temps soumises à un essai de perméabilité à l’eau). Les auteurs suivent ainsi, par une
méthode non destructive, l’évolution de la cicatrisation, en rapport avec l’atténuation du signal
__________________________________________________________________________- 21 -
1. Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
ultrasonore transmis. C’est à notre connaissance la seule étude menée sur le phénomène avec de
telles techniques.
Certaines des campagnes d’essais de perméabilité à l’eau réalisées ont été complétées par des
analyses chimiques ou des observations microscopiques, visant à qualifier la nature des cristaux
ayant précipité dans la fissure. Ainsi, après analyses par diffractométrie des rayons X, Edvardsen
(1999) postule que la principale raison de la cicatrisation des fissures est la précipitation de
calcite CaCO3. Même constat pour Hearn (1997, 1998), qui mesure les concentrations de l’eau en
espèce chimiques à l’entrée et à la sortie de ses essais de perméabilité à l’eau, et met en évidence
une forte teneur en ions Ca2+ en sortie, que l’auteur impute à des phénomènes de dissolution
précipitation, exclusivement de calcite.
Ces résultats confirment clairement l’hypothèse de précipitation de calcite comme étant
prépondérante dans le phénomène d’auto-cicatrisation pour les bétons contenant des quantités de
ciment anhydre limitées au sein de leur microstructure, comme ceux utilisés pour ces deux
études.
Des observations microscopiques proprement dites ont également été effectuées sur des fissures
colmatées. Jacobsen et al. (1995) en ont réalisé sur leurs éprouvettes endommagées par cycles de
gel-dégel, puis cicatrisées, et ont mis en évidence une proportion très importante de nouveaux
cristaux de C-S-H formés, avec quelques traces de portlandite Ca(OH)2 et d’ettringite. Les
travaux les plus importants sur cette caractérisation microscopique ont été effectués par Devoye
et al. (1993), sur des éprouvettes cicatrisées provenant des voussoirs du tunnel sous la Manche.
Ils mettent ainsi en évidence une forte teneur en calcite CaCO3 des espèces minérales formées,
mais également dans une plus faible mesure, en portlandite, en ettringite et en chloro-aluminates
de chaux, qui viennent cristalliser à l’intérieur des plaques de calcite (figure 1.6)
__________________________________________________________________________- 22 -
1. Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
a) b)
Figure 1.6 : Observations microscopiques de cristaux formés dans une fissure cicatrisée : a) plaques de
calcite ; b) chloro-aluminates de chaux précipitant entre les plaques de calcite (d’après Devoye et al.
(1993))
1.5 Conclusion
Les différentes études menées sur le phénomène d’auto-cicatrisation ont permis de dégager une
hypothèse principale. Le phénomène est dû à la cristallisation de nouveaux cristaux au sein de
celle-ci, et spécialement de nouveaux hydrates (C-S-H) ou des cristaux de carbonate de calcium
CaCO3. La première hypothèse s’avère plutôt vraie pour les bétons à faible rapport E/C,
contenant une quantité importante de ciment anhydre au sein de leur microstructure, alors que la
seconde est prépondérante pour les bétons à fort rapport E/C, présentant des quantités de
portlandite significatives.
La cristallisation de ces composés permet ainsi de limiter les phénomènes de transfert et de
retrouver partiellement ou totalement l’étanchéité des structures. Cet aspect a été largement
développé et quantifié au travers des campagnes d’essais présentées, et notamment les nombreux
essais de perméabilité à l’eau développés. Ces études constituent d’ailleurs les bases les plus
complètes sur le phénomène, et des approches de modélisation, exclusivement basées sur la
chimie et la nucléation de la calcite ont été proposées (Edvardsen, 1999, Cowie et al., 1991).
L’apport du phénomène a également été étudié d’un point de vue mécanique. Il est
communément admis que la raideur d’éprouvettes endommagées peut être restaurée après
cicatrisation des fissures, mais pas la résistance mécanique. Les études proposées restent
principalement qualitatives, et le véritable comportement mécanique d’éprouvettes cicatrisées a
été peu quantifié. La présente étude vise alors, à apporter de nouveaux éléments de
compréhension du lien entre ces reprises de propriétés mécaniques, et la cristallisation de
nouveaux cristaux, parle bisais de caractérisations mécaniques et microscopiques.
__________________________________________________________________________- 23 -
1. Etat de l’art du phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
Un dernier point peut également être évoqué en guise de bilan ou plutôt une question : quelles
tailles de fissures peuvent cicatriser ? On trouve bien évidemment toutes sortes de tailles de
fissures dans les éléments des structures en béton, et c’est une question pratique très importante
de savoir quelle est la taille maximale d’une fissure pouvant être cicatrisée (ou plus précisément
la largeur). Néanmoins, au regard des différentes études présentées, il est très difficile de
répondre, tant les conditions d’essais sont différentes selon les auteurs. Dans certains cas, les
fissures sont créées par retrait, dans d’autres par traction directe ou encore flexion 3 points, l’âge
de fissuration varie également, les conditions d’application de l’eau peuvent se faire avec ou sans
pression… Il y a donc des différences importantes sur les études menées. Par exemple, Edvardsen
(Edvardsen, 1999) montre que des fissures de 300 µm de largeur peuvent cicatriser pendant des
essais de perméabilité à l’eau (par cristallisation de calcite principalement), alors que Jacobsen
(Jacobsen et al., 1996), étudie le phénomène, et en particulier la précipitation de nouveaux C-S-
H, sur des fissures de largeur inférieure à 10 µm. Edvardsen (Edvardsen, 1999) rapporte
également que des fissures actives, c’est à dire soumises à des ouvertures et fermetures cycliques,
peuvent sous certaines conditions cicatriser. Il n’y a donc pas de conclusion véritable concernant
la taille des fissures pouvant cicatriser (cela dépend aussi du phénomène mis en jeu).
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2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
CHAPITRE 2
INTRODUCTION
Comme évoqué dans le premier chapitre, les études les plus complètes visant à qualifier et
quantifier le phénomène d’auto-cicatrisation des fissures dans les matériaux cimentaires, ont eu
pour base des campagnes expérimentales d’essais de perméabilité à l’eau. Un des objectifs
principaux de ce travail de recherche est donc d’apporter des éléments complémentaires de
caractérisation du comportement mécanique d’éprouvettes fissurées après cicatrisation, souvent
évoqué d’un point de vue qualitatif. Un travail expérimental est proposé visant à éclaircir l’apport
du phénomène du point de vue comportement mécanique. Ce chapitre a pour but de présenter le
programme expérimental développé, les matériaux analysés et les techniques utilisées.
La section 1 présente les matériaux étudiés. Les caractéristiques du béton modèle à ultra hautes
performances (BUHP), le matériau le plus largement utilisé dans cette étude, sont ainsi
présentées, ainsi que les quatre bétons qui ont utilisés pour analyser l’influence de la composition
sur le phénomène et étendre l’étude aux bétons plus traditionnels. La section 2 décrit ensuite les
essais mécaniques, basés essentiellement sur la flexion 3 points, avec les différentes étapes
menées pour la caractérisation du comportement des éprouvettes cicatrisées. La section 3
s’attache enfin à présenter la technique d’émission acoustique utilisée pour étudier le
comportement à la fissuration des éprouvettes.
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2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
Comme nous l’avons vu au chapitre précédent, les campagnes d’essais qui ont été réalisées pour
mettre en évidence le phénomène de cicatrisation des fissures l’ont été sur des gammes de béton
très différentes. L’idée de base de ce travail de recherche a été dans un premier temps de
s’affranchir de l’influence de la composition du béton sur le phénomène, et de travailler sur un
BUHP modèle, dont la présentation est faite dans la suite. Les essais réalisés sont ensuite étendus
à des bétons de diverses formulations (bétons à hautes performances) pour étudier l’influence de
la composition sur le phénomène, et proposer des résultats pour des bétons plus classiques.
La grande majorité du programme expérimental est mené sur la matrice d’un béton fibré à ultra
hautes performances (BFUP) développé conjointement par Rhodia, Bouygues et Lafarge. La
cicatrisation apparaissant uniquement au niveau de la pâte et pour des raisons liées aux phases de
fissuration et à l’utilisation de la technique d’émission acoustique (voir plus loin dans ce
chapitre), il a été décidé d’analyser uniquement la matrice de ce matériau sans les fibres. Dans la
suite de ce travail, nous désignerons le matériau modèle (donc sans fibres !) par BUHP
modèle et nous préciserons lorsque le matériau contiendra des fibres.
La formulation de ce BUHP est basée sur le concept des bétons de poudres réactives, développés
dans les années 90 (Richard et al., 1995), et pouvant atteindre des résistances en compression
supérieures à 200 MPa. La composition de ce béton comprend du sable, du ciment, de la fumée
de silice, du filler calcaire, un super plastifiant et de l’eau, mais pas de gros granulats. Son rapport
Eau/Ciment (E/C) est de l’ordre de 0,2.
Le béton est mélangé dans un malaxeur classique, et sa rhéologie se situe entre fluide et auto-
plaçant, malgré un fort coefficient de viscosité. Après coulage, la matériau est conservé pendant
deux jours à 20°C et à une humidité relative de 100%. Un traitement thermique est ensuite
appliqué afin d’accélérer les réactions d’hydratation et de favoriser la réaction pouzzolanique. Le
matériau est ainsi placé à 90°C et 100% d’humidité relative pendant 48 heures. Ce traitement
thermique permet en outre d’obtenir une amélioration de la microstructure (obtention d’un
pourcentage optimal d’hydrates cristallins) et des propriétés mécaniques, et est à la base du
concept des bétons de poudres réactives (Richard et al., 1995).
__________________________________________________________________________- 26 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
Les caractéristiques mécaniques du BFUP développé par Lafarge, dont la matrice est ici étudiée,
ne comportent pas d’intérêt majeur pour notre étude. On peut simplement retenir que ce BFUP
atteint des résistances à la compression de l’ordre de 200 MPa, et à la traction de l’ordre de 8
MPa. On peut également noter la très forte amélioration de la ductilité par ajout de fibres
(généralement 2% en volume).
Le BUHP tel que nous l’avons utilisé présente lui aussi une résistance à la compression très
élevée, mais adopte un comportement fragile en phase adoucissante. On peut également noter que
le matériau présente de très faibles déformations différées par fluage ou retrait, ce qui est une
conséquence du traitement thermique appliqué (Loukili, 1996 et Acker, 2004).
Ces caractéristiques mécaniques, bien qu’intéressantes, ne sont pourtant pas la particularité
principale du matériau. C’est l’aspect microstructurel qui nous a permis de le considérer comme
un matériau modèle. En effet, après traitement thermique, le matériau est stable d’un point de vue
chimique (Vernet et al., 2000). Les réactions d’hydratation sont stoppées et le matériau présente
une quantité de clinker anhydre de l’ordre de 50 à 60% (Loukili et al., 1998), ce qui peut lui
conférer un fort potentiel de cicatrisation par hydratation de ce clinker anhydre. Le matériau
présente également une très forte homogénéité, due notamment à l’absence de gros granulats, et
qui contribue à favoriser les études acoustiques réalisées (voir paragraphe 2.3). L’aspect du
matériau est présenté sur la figure 2.1.
__________________________________________________________________________- 27 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
Tableau 2.2 : Composition des 4 bétons à hautes performances (pour un mètre cube)
__________________________________________________________________________- 28 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
une phase de maturation importante, et ne sont soumis aux essais qui seront décrits ci après que
lorsque cette maturation est stabilisée. Des éprouvettes 7x7x28 cm3 sont utilisées pour suivre la
résistance en flexion par traction et en compression, et des fréquences de résonance sont calculées
sur des éprouvettes 4x4x16 cm3 de façon à suivre l’évolution du module d’Young de façon
dynamique (cf section 2.2.5). Après 120 jours de cure humide, les résistances en compression et
en traction par flexion, ainsi que les fréquences de résonance sont stabilisées. Les résultats de ces
tests sont présentés en annexe A. Les résistances en compression moyennes des bétons formulés
sont respectivement de 90, 70, 60 et 75 MPa pour les bétons 1 à 4.
L’ensemble du programme expérimental, que ce soit pour les éprouvettes de BUHP ou pour les
autres bétons, a été réalisé sur des éprouvettes prismatiques de dimensions 50x100x500 mm3. Les
éprouvettes sont entaillées de façon à pouvoir contrôler l’essai de flexion qui sera détaillé ci-
après. Une entaille de profondeur 20 mm et de largeur 1,5 mm est ainsi réalisée dans chaque
éprouvette, en insérant, au moment du coulage, une petite plaque de plexiglas au centre du moule
perpendiculairement à la plus grande dimension de l’éprouvette. Les dimensions des éprouvettes
sont rappelées sur la figure 2.3.
10 cm
2 cm
5 cm
50 cm
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2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
La presse utilisée pour les essais de flexion 3 points est une presse Instron équipée d’une cellule
de force 25 kN. Cette machine est dotée d’un servo-contrôle en boucle fermée permettant
d’effectuer des essais stables. Les essais sont pilotés en ouverture de fissure, à la vitesse de 0,05
µm/s. La mesure de cette ouverture de fissure est assurée par un capteur CMOD (Crack Mouth
Opening Displacement) Instron de type 2670-116 (course ± 2 mm, mesure au dixième de
micromètre). Pour monter ce capteur sur l’échantillon, les deux lames du capteur sont attachées
de part et d’autre de l’entaille à une paire de plaques métalliques. Ces plaques sont collées à
l’échantillon avec une colle (3M 216 A/B) très rigide après polymérisation, ce qui leur assure une
parfaite stabilité. La distance entre les 2 lames métalliques est de 1 cm. La configuration de
l’essai mécanique est présentée sur la figure 2.4. Concernant les appuis, ils sont séparés de 40 cm,
l’un est un appui fixe, alors que l’autre est rotulé pour compenser un éventuel gauchissement des
éprouvettes. Les paramètres mesurés au cours de l’essai sont la force appliquée par le vérin,
l’ouverture de fissure et la position du vérin.
40 cm
Appui
Plaque métallique
pour supporter le
capteur COD Capteur d’ouverture d’entaille
A cet effet, la figure 2.5 présente la comparaison entre un essai de flexion 3 points réalisé sur une
éprouvette BFUP modèle et un essai réalisé sur une éprouvette constituée de la matrice BUHP
correspondante, afin d’illustrer comment a été choisi le principe de pré-fissuration.
20
15
force (en kN)
éprouvette BUHP
éprouvette BFUP
10
0
0 500 1000 1500 2000
ouverture de fissure (en µm)
Figure 2.5 : Essai de flexion 3 points sur une éprouvette BFUP et sur une éprouvette BUHP modèle
On remarque sur la figure 2.5 l’apport très bénéfique de l’ajout de fibres au niveau de la
résistance et de la ductilité du matériau. Cela présente au contraire un inconvénient pour notre
étape de fissuration. En effet, on souhaite décharger l’éprouvette en phase post-pic, à un stade
d’endommagement significatif, et obtenir une ouverture de fissure résiduelle qui permette une
cicatrisation rapide. Ceci ne pourrait pas être le cas pour une éprouvette fibrée dans la mesure où
un endommagement significatif (avec perte de raideur initiale) se ferait pour des ouvertures de
fissures largement supérieures à 100 µm. Cela justifie donc l’emploi du matériau sans fibres,
beaucoup plus fragile, donc permettant un endommagement conséquent pour des largeurs de
fissures limitées. Ainsi, la pré-fissuration sur le BUHP modèle, s’effectue en phase post pic, avec
un déchargement contrôlé en ouverture de fissure. Trois largeurs de fissures résiduelles ont été
choisies : 10 µm, 20 µm et 30 µm. Le choix de ces 3 largeurs de fissures permet d’avoir des
cinétiques de cicatrisation assez rapides (de l’ordre de quelques mois, Jacobsen et al. (1996)) et
d’investiguer l’influence de cette largeur sur l’apport du phénomène.
D’un point de vue pratique, la pré-fissuration est réalisée de la façon suivante : avant de lancer la
régulation en ouverture de fissure, une pré-charge de 0,250 kN est appliquée sur l’éprouvette, en
faisant descendre le vérin manuellement. Après lancement de l’essai et donc l’ouverture de
fissure, la régulation est inversée (fermeture de fissure) lorsque la charge atteint respectivement
2kN, 1kN et 0,75kN pour obtenir respectivement 10, 20 et 30 µm de largeur de fissure résiduelle.
__________________________________________________________________________- 31 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
La refermeture de fissure est également pilotée à la vitesse de 0,05 µm/s. Les figures 2.6 à 2.8
présentent les résultats des étapes de pré-fissuration sur 3 éprouvettes pour chaque type de largeur
résiduelle.
2.5
1.5
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70
ouverture de fissure (en µm)
Figure 2.6 : Phase de pré-fissuration pour des éprouvettes de BUHP modèle avec une largeur de fissure
résiduelle de 10 µm
2.5
1.5
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70
ouverture de fissure (en µm)
Figure 2.7 : Phase de pré-fissuration pour des éprouvettes de BUHP modèle avec une largeur de fissure
résiduelle de 20 µm
__________________________________________________________________________- 32 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
1.5
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70
ouverture de fissure (en µm)
Figure 2.8 : Phase de pré-fissuration pour des éprouvettes de BUHP modèle avec une largeur de fissure
résiduelle de 30 µm
On remarque qu’il y a une bonne reproductibilité de cette phase de pré-fissuration. Les largeurs
de fissures visées sont atteintes avec une dispersion de ±3 µm, et les pentes de déchargement des
éprouvettes, correspondant à l’endommagement subi, sont quasi identiques. Ainsi, malgré
quelques disparités notables au niveau de la capacité portante des éprouvettes, dues notamment à
la très grande sensibilité aux défauts de ce BUHP modèle, la phase de pré-fissuration nous permet
d’obtenir des états de fissuration et d’endommagement très reproductibles pour les éprouvettes.
__________________________________________________________________________- 33 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
3.5
1.5
Là encore, l’étape de pré-fissuration permet d’obtenir des éprouvettes fissurées de façon très
semblables (figure 2.9), avec des ouvertures de fissures résiduelles de 20 µm, et des
endommagements (pertes de raideur) très similaires pour chaque type de matériau.
Après la première étape de fissuration, les éprouvettes sont vieillies. Deux types de vieillissement
ont ainsi été décidés. Certaines éprouvettes sont conservées dans l’eau et d’autres sont conservées
dans l’air.
Les éprouvettes conservées dans l’eau sont totalement immergées à 20°C (température ambiante).
L’eau utilisée est de l’eau du robinet classique, non renouvelée pendant la durée entière du
vieillissement des éprouvettes. Il n’y a pas non plus de mouvement de l’eau comme cela peut être
le cas lors d’essais de perméabilité à l’eau, avec des hauteurs d’eau variables. La figure 2.10
représente les conditions de conservation dans l’eau des éprouvettes fissurées.
Les éprouvettes conservées dans l’air sont placées dans des sacs fermés, dans une salle climatisée
à 20°C et 50% d’humidité relative. Les conditions de conservation sont illustrées sur la figure
2.11.
__________________________________________________________________________- 34 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
Figure 2.11 : Conservation des éprouvettes dans l’air sec – Eprouvettes de référence
Concernant les éprouvettes de BUHP, l’influence du temps de cicatrisation a été étudiée sur les
éprouvettes fissurées à 10 µm. Cinq périodes de vieillissement ont été choisies : 1 semaine, 3
semaines, 10 semaines, 20 semaines et 40 semaines. Les éprouvettes fissurées à 20 et 30 µm ont,
quant à elles, été vieillies pendant 10 et 20 semaines pour analyser (également avec celles
fissurées à 10 µm) l’influence de la largeur de fissure sur le phénomène. Pour chaque échéance et
pour chaque type de vieillissement (eau ou air), 2 ou 3 éprouvettes ont été vieillies.
Pour l’analyse de l’influence de la composition sur le phénomène, les éprouvettes ont, elles, été
vieillies pendant 10 et 20 semaines. Pour chaque échéance et pour chaque type de vieillissement,
deux éprouvettes ont été vieillies.
__________________________________________________________________________- 35 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
Le tableau 2.12 résume alors les différents paramètres (type de conservation, temps de
conservation, largeurs de fissures) étudiés lors de ce programme expérimental.
5
éprouvette de BUHP modèle fissurée puis rechargée
4
force (en kN)
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture d'entaille (en µm)
Figure 2.13 : Comportement mécanique d’une éprouvette de BUHP modèle fissurée à 10 µm, avec
recharge immédiate
Le même type de courbe peut également être obtenu pour les éprouvettes fissurées à 20 et 30 µm.
On constate ainsi au niveau du rechargement, un léger hystérésis puis une recharge selon la
__________________________________________________________________________- 36 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
0
0 50 100 150 200 250 300
ouverture de fissure (en µm)
__________________________________________________________________________- 37 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
Figure 2.15 : Dispositif Grindosonic pour la mesure des fréquences de résonance des éprouvettes
Des essais qualitatifs complémentaires ont été menés sur le matériau modèle afin d’avoir de
premières informations sur l’apparition de la cicatrisation dans d’autres conditions que celles qui
ont été développées au cours de ce travail.
Ainsi des essais ont été menés sur des éprouvettes fissurées à 10 µm puis conservées en extérieur
pendant 20 semaines (de février à juillet), et donc soumises aux différentes facettes du climat
nantais (pluie, soleil, humidité…). L’idée était de confronter ces éprouvettes fissurées à des
conditions de vieillissement, plus proches de la réalité de leur utilisation en service. Ainsi, deux
éprouvettes fissurées ont été conservées à l’extérieur, sans précaution particulière, donc soumises
notamment à la pluie. Le comportement des éprouvettes est ensuite caractérisé en flexion 3
points.
Un autre type d’essai qualitatif réalisé concerne des éprouvettes de béton, cette fois ci fibrées
(BFUP). Deux éprouvettes ont été pré-fissurées, jusqu’à une ouverture d’entaille de 1500 µm (on
ne peut pas parler ici d’ouverture de fissure, puisqu’une fissuration multiple apparaît
contrairement au béton non fibré où on a une fissure unique et localisée), de façon à avoir une
perte de raideur globale significative. Ces deux éprouvettes ont été conservées dans l’eau du
robinet pendant 80 semaines, avant d’être rechargées en flexion 3 points. Les courbes de pré-
fissuration de ces deux éprouvettes sont présentées sur la figure 2.16. Les ouvertures d’entaille
résiduelles obtenues sont respectivement 1,6 et 1,55 mm, avec l’apparition d’une fissuration
__________________________________________________________________________- 38 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
multiple. Les fissures les plus marquées ont des largeurs de l’ordre de 500 µm (mesures
visuelles).
20
éprouvette BFUP 1
éprouvette BFUP 2
15
force (en kN)
10
0
0 500 1000 1500 2000 2500
ouverture d'entaille (en µm)
Figure 2.16 : Courbes de pré-fissuration des éprouvettes BFUP (essais qualitatifs complémentaires)
L’émission acoustique est une technique et un phénomène qui ont été développés dans les années
1950 par Kaiser. Elle peut se définir comme le phénomène de création d’ondes élastiques
transitoires résultant de micro-déplacements locaux internes à un matériau (Hardy, 2003). Ces
micro-déplacements peuvent être liés à de nombreux phénomènes, parmi lesquels on peut citer
les changements de phase, la corrosion, les dislocations, la micro-fissuration, et bien d’autres. Ils
__________________________________________________________________________- 39 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
créent une modification locale très rapide du champ de contraintes. Sont alors créées des ondes
longitudinales et transversales qui vont se propager à l’intérieur du matériau. En cas d’obstacle, et
notamment au niveau des surfaces, une transformation de mode de ces ondes apparaît et des
ondes de surface peuvent être créées. En émission acoustique, ce sont les ondes de surface que
l’on détecte à l’aide de transducteurs piézoélectriques placés sur les surfaces du matériau. Le
principe de propagation d’une onde et de détection en émission acoustique est présenté sur la
figure 2.17.
Onde de surface
Transducteur
piézoélectrique :
détection émission
acoustique
Ondes longitudinales et
transversales
Micro-déplacement
Des salves sont alors détectées par les capteurs. Ce sont des signaux de forme transitoire
caractérisés par une montée rapide des oscillations à partir d’un niveau de référence initial, puis
par une décroissance, généralement plus lente jusqu’à une valeur proche du niveau initial.
Différents paramètres peuvent alors être extraits de ces formes d’onde détectées. Les paramètres
acoustiques les plus souvent utilisés sont les suivants :
- temps d’arrivée
- durée du signal
- temps de montée
- nombre de coups
- fréquence moyenne
- amplitude
- énergie…
La figure 2.18 représente un signal typique obtenu par émission acoustique avec la représentation
de certains paramètres évoqués ci-dessus.
__________________________________________________________________________- 40 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
Nombre de coups
Amplitude
Seuil
Durée
Figure 2.18 : Forme typique d’une salve acoustique avec la définition de certains paramètres extraits
L’analyse sur ces salves détectées peut être effectuée pour établir des corrélations entre certains
paramètres analysés et les mécanismes physiques se développant dans le matériau étudié. Les
études les plus pertinentes sur les matériaux cimentaires sont présentées dans la prochaine
section.
Le second grand principe sur lequel se base l’analyse par émission acoustique est la localisation
de la source génératrice de l’onde acoustique. C’est ce qu’on appelle un évènement acoustique. Il
est en effet possible, à l’aide de plusieurs capteurs formant un réseau géométrique (au minimum 3
en 2 dimensions, et 6 en 3 dimensions) de localiser au sein de ce réseau la source détectée. Le
processus se base sur des algorithmes traitant les différences entre temps de détection par les
différents capteurs. Cette spécificité est largement développée dans la suite, dans la mesure où
elle est à la base des travaux qui ont été développés.
De manière générale, et pour conclure ces généralités, l’émission acoustique diffère de la plupart
des autres méthodes de contrôle non destructif sur deux aspects. Premièrement, l’onde détectée
provient de l’intérieur du matériau inspectée et non d’une source extérieur. Et deuxièmement,
l’émission acoustique est capable de détecter les processus dynamiques associés à la dégradation
du matériau (par exemple la propagation de fissure).
Le premier emploi de l’émission acoustique pour l’étude des dégradations dans les bétons date
des années 1960. Les premières mesures effectuées par Rüsch (1960) ont montré l’existence d’un
seuil d’apparition d’évènements acoustiques corrélé avec le seuil de non-linéarité du
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2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
comportement mécanique. Cette constatation initiale est à la base de tous les travaux qui ont été
menés ensuite sur les matériaux cimentaires et le béton : l’émission acoustique permet de détecter
l’apparition de la fissuration et de l’endommagement.
De nombreux auteurs se sont intéressés à la progression de l’activité acoustique (qui est le
nombre cumulé d’évènements détectés) en fonction du comportement mécanique du matériau.
Ainsi Landis (1999) et Chen et al. (2004) mettent également en évidence un seuil d’activité
acoustique relié au début d’endommagement de leurs échantillons de béton testés. Le passage en
phase post-pic du comportement mécanique coïncide avec une augmentation soudaine de
l’activité acoustique qui tend ensuite à se stabiliser pour un stade très avancé d’endommagement.
La figure 2.19 représente un résultat obtenu par Chen et al. (2004) lors d’un essai de flexion 3
points sur une éprouvette prismatique entaillée.
Figure 2.19: Evolution de l’activité acoustique en fonction du comportement mécanique lors d’un essai de
flexion 3 points sur éprouvette prismatique entaillée (d’après Chen et al., 2004)
Le principe de localisation a également été très utilisé pour étudier la propagation de fissures ou
l’apparition d’endommagement dans les structures en béton. On peut ainsi citer les travaux de
Landis (1999) ou de Wanatabe et al. (2004), qui localisent l’apparition d’endommagement lors
d’essais de compression et de flexion. Des études plus avancées ont également été entreprises sur
l’analyse de cette localisation de l’endommagement ou de la propagation de fissure, et en
particulier l’analyse de la « fracture process zone » (zone de micro-fissuration) associée au
développement de la fissuration. C’est le cas de Mihashi et al. (1996) qui relient les
caractéristiques de la zone de fissuration mesurée par émission acoustique aux propriétés de la
zone d’adoucissement du comportement mécanique du béton. Otsuka et al. (2000) étudient
également le développement de la zone de fissuration sur des essais de traction, et notamment son
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2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
évolution en fonction du chargement appliqué. On peut également citer les travaux de Haidar et
al. (2005) qui estiment la largeur de la zone de fissuration sur des bétons à porosité contrôlée, et
la corrèlent aux longueurs internes des modèles de comportement non locaux, et les travaux de
Rozière et al. (2005) sur l’évolution de la « fracture process zone » en fonction du volume de pâte
dans les bétons. Un exemple de localisation de la micro-fissuration est présenté sur la figure 2.20.
Figure 2.20 : Localisation de la zone de micro-fissuration lors d’un essai de flexion 3 points sur éprouvette
entaillée (d’après Haidar et al., 2005)
L’analyse de ces observations des processus de fissuration des bétons a également été enrichie
par des analyses plus précises des formes d’ondes détectées par émission acoustique, et en
particulier de certains paramètres qui ont été présentés dans le paragraphe 2.3.1 de ce chapitre. En
particulier, Otsuka et al. (2000) analysent l’énergie dissipée par chacune des micro-fissures
détectées et discriminent ainsi les signaux pour arriver à une définition de la zone de micro-
fissuration directement reliée à la séparation proprement dite au niveau de la fissure. Cette zone,
avec des micro-fissures très énergétiques, représente 95% de l’énergie totale libérée. Ils mettent
alors également en évidence une zone de micro-fissures isolées non connectées ne participant pas
à la séparation. La figure 2.21 présente cette définition des zones de fissuration pour une
éprouvette entaillée testée en traction.
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2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
Figure 2.21 : Définition des différentes zones de fissuration selon la quantité totale d’énergie libérée
(d’après Otsuka et al. 2000)
Il est également possible à partir des formes d’ondes détectées de remonter à la nature de la
source, et notamment au mode de fissuration, pour ce qui concerne les micro-fissures. Cette
méthode, appelée analyse du tenseur des moments, a été développée par Ohtsu et al. (1998) et
reprise en particulier par Shigeishi et al. (2001). Elle nécessite cependant des algorithmes assez
robustes. Une analyse plus directe a également été menée sur les fréquences moyennes des
signaux détectés permettant, de façon plus grossière de remonter à la nature de la fissuration. Les
travaux de Grosse et al. (2004) ou de Yang et al. (2005) ont ainsi discriminés les micro-fissures
par analyse des fréquences des signaux associés.
En marge des suivis de fissuration ou de développement de l’endommagement, on peut
également suivre par émission acoustique les effets différés apparaissant dans les structures en
béton, tels que le fluage (Omar, 2004) ou la corrosion des armatures pour les bétons armés.
Certaines éprouvettes de BUHP modèle, saines ou vieillies, sont instrumentées d’un système
d’émission acoustique. De façon synthétique, une chaîne d’émission acoustique comprend 3
phases : la détection, le conditionnement des signaux, et leur traitement numérique.
Concernant la détection des signaux, celle-ci est assurée par des transducteurs piézoélectriques,
de type R15, avec un diamètre de 15 mm et résonant à 150 kHz. Il faut savoir que de façon
générale, l’émission acoustique est large bande avec des fréquences allant de 0 à 30 MHz, mais
que pour la plupart des applications (et notamment celles en laboratoire), la gamme de fréquence
est réduite à 50-300 kHz. Les capteurs sont couplés au matériau à l’aide d’une colle silicone,
assurant un contact parfait entre matériau et capteur. Le couplage des capteurs est vérifié par des
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2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
essais Hsu-Nielsen normalisés (en pratique des cassés de mines de graphite de dureté 2B et de
longueur 3 mm) : le couplage est correctement réalisé lorsque l’amplitude des signaux détectés
lors de plusieurs cassés de mines au même endroit présente une dispersion inférieure à 3 dB. Le
seuil de détection des signaux est placé à 40 dB en amplitude, de façon à s’affranchir du bruit
ambiant.
Au niveau du conditionnement, les signaux détectés sont pré-amplifiés à 40 dB et filtrés entre 20
et 400 kHz. Les signaux sont ensuite véhiculés par des câbles basse impédance, permettant de
négliger l’atténuation due au transport. Les formes d’ondes sont ensuite numérisées via une carte
DISP qui extrait également les différents paramètres acoustiques mentionnés dans la section
2.3.1. Le système utilisé pour nos essais comprend 8 voies de détection.
En plus de l’analyse des signaux détectés, nous avons procédé à la localisation de la micro-
fissuration. La localisation utilisée est une localisation en 2 dimensions. Le système est capable
de faire de la localisation en 3D mais la précision est moins bonne, et l’extraction des paramètres
acoustiques est donc moins précise. Ainsi, on utilisera une maille 2 dimensions pour les essais de
flexion 3 points. Quatre transducteurs piézoélectriques sont placés sur une face de l’éprouvette,
juste au dessus de l’entaille, de façon à couvrir la zone de fissuration escomptée. Ces capteurs
forment une maille de localisation rectangulaire de dimensions 140x65 mm2. La configuration de
l’instrumentation est détaillée sur la figure 2.22.
Transducteurs
Carte- DISP
transducteur
Pre-amplificateurs
Figure 2.22 : Instrumentation émission acoustique pour les essais de flexion 3 points – Maille de
localisation de 140x65 mm2
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2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
Un algorithme de localisation planaire du logiciel AEWin développé par Euro Physical Acoustics
(Proust et al., 2003) est utilisé pour la localisation des évènements acoustiques et l’obtention des
cartes de micro-fissuration. Il est basé sur la triangulation des différences entre temps de
détection par chacun des 4 capteurs. En 2D, les inconnues du problème sont les coordonnées de
la source et l’origine des temps à laquelle l’événement est généré. Ainsi, pour obtenir une
information concernant la précision de l’algorithme de localisation, le problème doit être sur-
déterminé (plus de 3 capteurs dans une analyse 2D), et une technique de minimisation est utilisée
pour obtenir la localisation la plus probable de la source. Ainsi par itérations, et connaissant la
vitesse de propagation dans le matériau, les positions sont déduites. Comme mentionné dans la
présentation de la technique, différents types d’onde se propagent, et une vitesse « moyenne »
doit être retenue pour minimiser les erreurs de localisation. Dans le cas du béton utilisé dans cette
étude, cette vitesse moyenne est calculée par des essais de cassés de mines standards, et la vitesse
retenue est de 4800 m/s.
On peut également remarquer que le principe de localisation 2D permet de s’affranchir de la
profondeur de l’éprouvette. Les évènements qui sont détectés dans la masse du matériau sont
ainsi projetés sur le plan défini par les capteurs. Ceci reste possible lorsque la profondeur de
l’éprouvette n’est pas la plus grande dimension, et lorsque la précision de localisation (voir ci
après) n’est pas affectée (voir par exemple Haidar et al., 2005).
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2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
140 mm
capteurs
65 mm
Positions réelles
Positions calculées
a) b)
Figure 2.23 : Précision de localisation en 2D pour le béton modèle: a) face instrumentée de l’éprouvette
prismatique ; b) face opposée à l’instrumentation
La précision de localisation ainsi mesurée est de l’ordre de ±3 mm, que ce soit avec des cassés de
mines sur la face instrumentée ou sur la face opposée (une division horizontale représente 20 mm
et une verticale 10 mm). Cela valide bien l’hypothèse faite sur la localisation 2D, et constitue une
précision acceptable compte tenu notamment du diamètre des transducteurs.
L’emploi de la technique d’émission acoustique a été l’une des raisons évoquées pour justifier
l’emploi du BUHP associé au BFUP développé par Lafarge, donc sans les fibres. En effet,
l’objectif de l’utilisation de la méthode est de suivre les processus de fissuration du béton. Hors
dans le béton fibré, les phénomènes de déchaussement des fibres, voire de rupture de celles ci,
sont également détectés par émission acoustique. Pour justifier ce fait, la figure 2.24 représente
des cartes de micro-fissuration lors d’essais de flexion 3 points, respectivement sur le BFUP et le
BUHP modèle correspondant, à un niveau de chargement égal à 90% de la charge au pic en phase
post pic.
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2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
Evénement acoustique
capteur
entaille
a) b)
Figure 2.24 : Cartes de micro-fissuration à 90% de la charge au pic en phase post-pic : a) éprouvette
BFUP, b) éprouvette BUHP modèle
La figure 2.24a montre, de façon très claire, qu’il est quasiment impossible de suivre les
processus de fissuration par émission acoustique sur des éprouvettes de béton fibré. Le nuage
d’évènements détectés (micro-fissures, déchaussement des fibres, frottements fibres-matrice,
rupture des fibres…) est également affecté par la multi-fissuration apparaissant. Au contraire, on
remarque sur la carte de localisation pour une éprouvette non fibrée (figure 2.24b), que la zone de
développement de la fissuration apparaît nettement, et qu’un suivi de cette progression de la
micro-fissuration est possible.
__________________________________________________________________________- 48 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
Figure 2.25 : Carte brute de localisation de la micro-fissuration pour une éprouvette de BUHP modèle
fissurée à 10 µm
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2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
Figure 2.26 : Carte de localisation de la micro-fissuration pour une éprouvette de BUHP modèle fissurée à
10 µm – Sélection des évènements avec une énergie supérieure à 1000 atto Joules
Ce traitement en énergie permet ainsi de faire apparaître encore plus nettement le trajet de la
macro-fissure, et met clairement en évidence la zone qui va être soumise pendant la période de
vieillissement à la cicatrisation. C’est en effet dans la zone de macro-fissuration, plus qu’au
niveau des micro-fissures non connectées, que se produisent les réactions susceptibles de
cicatriser la fissure créée.
D’autres types de traitement auraient pu être menés, notamment au niveau de paramètres
acoustiques comme la fréquence moyenne ou l’amplitude. Néanmoins, l’analyse en énergie reste
celle qui se rapproche le plus des préoccupations de comportement mécanique, dans la mesure où
une analogie pourrait être possible entre énergie de fissuration (qui est un paramètre de
caractérisation mécanique) et énergie acoustique dissipée (Otsuka et al., 2000 et Yang et al.,
2005).
__________________________________________________________________________- 50 -
2. Techniques expérimentales pour la caractérisation de l’auto-cicatrisation dans les matériaux cimentaires
10
0
0 5 10 15 20 25
ouverture de fissure (en µm)
Figure 2.27 : Evolution de l’énergie acoustique dissipée pendant un essai de flexion 3 points sur le BUHP
modèle
On peut ainsi remarquer l’évolution selon une loi exponentielle de l’énergie acoustique dissipée
en fonction de l’avancement de l’essai de flexion 3 points. On peut également noter la valeur de
l’énergie totale dissipée à 24 µm (ce qui représente environ 80% de la charge en phase post pic)
qui est de l’ordre de 8 à 10 nano Joules. Ces résultats seront comparés au chapitre 3 avec les
énergies dissipées lors de l’endommagement des éprouvettes vieillies.
2.4 Conclusion
Enfin, la troisième partie de ce chapitre développe les procédés émission acoustique qui ont été
mis en œuvre pour analyser le comportement à la fissuration des éprouvettes. La technique en
elle même est ainsi rappelée, de même que les principales études qui ont été menées sur les
matériaux cimentaires. L’instrumentation utilisée et les principes retenus pour l’analyse sont
ensuite exposés, de même que l’analyse de la fissuration sur le matériau modèle sain.
__________________________________________________________________________- 52 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
CHAPITRE 3
INTRODUCTION
__________________________________________________________________________- 53 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
L’ensemble des résultats présentés dans cette section concerne des éprouvettes de BUHP modèle
fissurées avec des ouvertures de fissures résiduelles égales à 10 µm.
La reproductibilité des phases de pré-fissuration des éprouvettes a été présentée dans le chapitre
2, et ne présente donc pas d’intérêt pour la caractérisation du comportement mécanique des
éprouvettes après vieillissement. Ainsi, dans ce chapitre, seules les courbes de rechargement
après vieillissement sont présentées, avec un décalage à l’origine des ouvertures de fissures. On
retiendra également, pour des soucis de présentation, uniquement les courbes moyennes. En effet,
pour chaque échéance de vieillissement (1, 3, 10, 20 et 40 semaines), et pour chaque type de
conservation (eau ou air), deux ou trois éprouvettes ont été testées. L’ensemble des courbes
obtenues est présentée en annexe C. Les courbes moyennes sont alors obtenues en faisant la
moyenne des forces appliquées pour les différentes éprouvettes, et ce pour chaque ouverture de
fissure.
Les courbes de comportement mécanique représenteront, la plupart du temps, le rapport entre la
force appliquée et la force appliquée au moment du déchargement (lors de la phase de pré-
fissuration) en fonction de l’ouverture de fissure. Ce type de présentation permet ainsi
d’uniformiser l’ensemble des résultats de ce chapitre.
Pour les différentes étapes de vieillissement retenues, des éprouvettes fissurées ont été conservées
dans l’air sec. La figure 3.1 représente, à cet effet, les comportements mécaniques moyens des
éprouvettes fissurées après conservation dans l’air pendant 3, 10 et 40 semaines.
__________________________________________________________________________- 54 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
0.6
0.4
0.2
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.1 : Comportement mécanique moyen des éprouvettes de BUHP modèle fissurées à 10 µm et
conservées dans l’air pour différentes périodes de vieillissement
On constate alors qu’il n’y a pas d’évolution du comportement mécanique moyen des éprouvettes
fissurées qui ont été conservées dans l’air. Ces résultats sont à rapprocher du comportement
mécanique d’une éprouvette fissurée et rechargée immédiatement (voir la section 2.2.4). En
comparant, on met alors en évidence que le comportement mécanique des éprouvettes conservées
dans l’air est ni plus ni moins le comportement classique d’une éprouvette fissurée. La
conservation dans l’air n’a donc aucune influence sur le comportement mécanique d’éprouvettes
fissurées, et cela confirme bien le fait que l’on n’ait pas d’auto-cicatrisation des fissures dans des
environnements sans eau.
Les figures 3.2 à 3.6 représentent les comportements mécaniques moyens des éprouvettes
conservées dans l’eau, pour les cinq périodes de vieillissement allant de une à 40 semaines. Ces
comportements mécaniques sont comparés à ceux des éprouvettes vieillies dans l’air pour les
mêmes périodes, et donc non soumises au phénomène de cicatrisation comme nous l’avons vu
dans la section 3.1.2.
__________________________________________________________________________- 55 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.2 : Comportements mécaniques moyens pour les éprouvettes de BUHP modèle fissurées à 10
µm, puis vieillies pendant une semaine (respectivement dans l’air et dans l’eau)
force / force de déchargement en pré-fissuration
1.5
3 semaines dans l'air
3 semaines dans l'eau
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.3 : Comportements mécaniques moyens pour les éprouvettes de BUHP modèle fissurées à 10
µm, puis vieillies pendant 3 semaines (respectivement dans l’air et dans l’eau)
force / force de déchargement en pré-fissuration
1.5
10 semaines dans l'air
10 semaines dans l'eau
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.4 : Comportements mécaniques moyens pour les éprouvettes de BUHP modèle fissurées à 10
µm, puis vieillies pendant 10 semaines (respectivement dans l’air et dans l’eau)
__________________________________________________________________________- 56 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.5 : Comportements mécaniques moyens pour les éprouvettes de BUHP modèle fissurées à 10
µm, puis vieillies pendant 20 semaines (respectivement dans l’air et dans l’eau)
force / force de déchargement en pré-fissuration
1.5
40 semaines dans l'air
40 semaines dans l'eau
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.6 : Comportements mécaniques moyens pour les éprouvettes de BUHP modèle fissurées à 10
µm, puis vieillies pendant 40 semaines (respectivement dans l’air et dans l’eau)
Les figures 3.2 à 3.6 montrent de façon significative la différence de comportement mécanique
entre les éprouvettes qui ont été conservées dans l’air, et celles qui ont vieillies dans l’eau. On
peut également noter une évolution assez nette du comportement mécanique des éprouvettes en
fonction du temps de conservation dans l’eau.
A première vue, les différences de comportement entre éprouvettes conservées dans l’eau, et
celles conservées dans l’air, se situent au niveau de la raideur initiale, de l’étendue de la zone de
comportement élastique, et de la capacité portante. L’analyse de ces différents paramètres est
menée dans les paragraphes suivants.
__________________________________________________________________________- 57 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
De toutes les manières, la première conclusion, et la première explication, pouvant être apportées
sur cette évolution de comportement mécanique, est que les éprouvettes vieillies dans l’eau ont
sans doute été assujetties au phénomène de cicatrisation des fissures. On constaterait alors un
apport assez significatif de ce phénomène sur le comportement des éprouvettes initialement
fissurées.
Les résultats que nous avons observés d’un point de vue mécanique, au paragraphe 3.1.3.1, ont
été imputés au phénomène de cicatrisation des fissures. Ainsi, nous avons considéré que l’effet de
cure dans l’eau, pouvant engendrer une amélioration des caractéristiques mécaniques, était
inexistant. Pour avoir la confirmation de l’occurrence de la cicatrisation, et non de l’évolution du
béton lui-même par effet de cure, un essai de référence est réalisé. Deux éprouvettes non fissurées
sont vieillies dans l’eau pendant 10 semaines, puis sont pré-fissurées et rechargées
immédiatement en flexion. La figure 3.7 présente ainsi le comportement mécanique d’une de ces
éprouvettes en comparaison avec le comportement mécanique d’une éprouvette fissurée puis
vieillie pendant 10 semaines dans l’eau. Les courbes représentent la force appliquée en fonction
de l’ouverture de fissure.
5
fissuration puis 10 semaines dans l'eau
10 semaines dans l'eau avant fissuration
4
force (en kN)
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.7 : Comportement mécanique d’une éprouvette référence de BUHP modèle (vieillie dans l’eau 10
semaines sans fissure, puis fissurée et rechargée immédiatement) et d’une éprouvette de BUHP modèle
fissurée puis vieillie 10 semaines dans l’eau avant rechargement
__________________________________________________________________________- 58 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
On a donc la confirmation que les résultats mécaniques observés sont bien liés à la cicatrisation
des fissures. En effet, on ne constate pas d’amélioration des propriétés mécaniques pour
l’éprouvette saine conservée dans l’eau. La raideur initiale est inchangée, et la légère déviation au
niveau de la capacité portante, observée sur la figure 3.7 résulte de la disparité statistique
observée sur plusieurs essais de flexion 3 points. Malgré le fait que le matériau modèle possède
au sein de sa microstructure une quantité de ciment anhydre de l’ordre de 50%, la cure dans l’eau
ne relance pas les réactions d’hydratation. La très faible porosité du matériau et donc sa faible
perméabilité en sont la cause principale (Richard et al., 1995). L’eau ne peut que très peu
pénétrer dans le matériau. Enfin, concernant le rechargement après fissuration pour cette
éprouvette vieillie non fissurée, il s’apparente clairement au rechargement classique d’une
éprouvette fissurée. L’évolution du comportement mécanique observé pour les éprouvettes
vieillies dans l’eau résulte donc bien de l’apparition du phénomène de cicatrisation. Nous allons
maintenant voir plus en détails comment l’apport de ce phénomène se caractérise.
éprouvette saine éprouvette fissurée 1 semaine de cicatrisation 10 semaines de cicatrisation 40 semaines de cicatrisation
1,59 kHz 1,53 kHz 1,58 kHz 1,59 kHz 1,59 kHz
Tableau 3.8 : Fréquences de résonance moyennes des éprouvettes saines, fissurées ou cicatrisées
__________________________________________________________________________- 59 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
4.5
raideur après cicatrisation /
4
raideur après fissuration
3.5
2.5
1
0 5 10 15 20 25 30 35 40
temps de cicatrisation (en semaines)
Figure 3.9 : Evolution du rapport raideur globale après cicatrisation / raideur globale après fissuration en
fonction du temps de cicatrisation
La figure 3.9 montre bien l’évolution avec le temps de la raideur initiale de l’éprouvette en
fonction du temps de cicatrisation. Après une semaine, la raideur de l’éprouvette cicatrisée est de
l’ordre de 70% de la raideur initiale des éprouvettes saines. Ce rapport devient 80 à 85% pour un
temps de cicatrisation égal à 3 semaines, et 90% pour 10 semaines. Pour les périodes de
cicatrisation encore plus longues (20 et 40 semaines), la reprise est quasi totale, et la raideur de
l’éprouvette cicatrisée tend vers celle des éprouvettes saines.
Cette reprise de rigidité peut donc s’expliquer par le phénomène d’auto-cicatrisation des fissures
(Jacobsen et al. (1996), Pimienta et al. (2004), Rossi et Parant (Rossi et al., 2005 et Parant, 2003)
ou Ying-Zi et al (2005)). Comme déjà évoqué, le BUHP modèle étudié a un très faible rapport
__________________________________________________________________________- 60 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
Eau/Ciment et contient une quantité importante de clinker anhydre, lui donnant ainsi un fort
potentiel de cicatrisation par hydratation. Cette reprise de rigidité constatée peut donc être
directement reliée à la précipitation de nouveaux cristaux dans la fissure, en particulier de
nouveaux hydrates, les C-S-H, d’après les relations qui ont été décrites au paragraphe 1.1.3 du
chapitre 1. Ainsi, si ces nouveaux cristaux ont une raideur proche de celle des hydrates issus de
l’hydratation primaire, et s’ils peuvent former une continuité entre les deux lèvres de fissure, on
peut légitimement dire qu’ils peuvent redonner, de façon partielle ou totale, de la raideur aux
éprouvettes initialement fissurées. Ces suppositions nécessitent une analyse plus approfondie de
la précipitation de ces nouveaux cristaux qui est menée dans le chapitre 4, à l’aide de techniques
microscopiques.
On peut également constater, sur les figures présentées dans le paragraphe 3.1.3.1 concernant les
comportements mécaniques moyens des éprouvettes vieillies, une certaine évolution de la partie
de comportement linéaire associé à la reprise de raideur constatée. En effet, pour toutes les
échéances de cicatrisation, on a, en phase pré-pic de comportement, un régime quasi bi-linéaire,
avec la reprise de rigidité, puis, après l’amorçage d’endommagement, une seconde pente de
chargement (moins raide) jusqu’au pic.
La figure 3.10 représente, à cet effet, le rapport entre la force de changement de pente en phase
pré-pic et la force de déchargement en phase de pré-fissuration, en fonction du temps de
cicatrisation.
1
pente / force de déchargement
force de changement de
0.8
0.6
0.4
0.2
0
0 5 10 15 20 25 30 35 40
temps de cicatrisation (en semaines)
Figures 3.10 : Evolution du rapport entre force de changement de pente en phase pré-pic de rechargement,
et force de déchargement en phase de pré-fissuration, en fonction du temps de cicatrisation
__________________________________________________________________________- 61 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
On remarque alors que la force de changement de pente en phase pré-pic passe de 50% de la
force de déchargement dans les premières semaines de cicatrisation, à 70% après 10 semaines,
avant d’atteindre une valeur limite pour les plus grandes périodes de cicatrisation, égale à 80% de
la force de déchargement.
Ce changement de pente en phase pré-pic marque en fait, le début d’endommagement des
éprouvettes cicatrisées. Après une phase linéaire élastique de comportement marquée par la
reprise de raideur constatée, on a ainsi, au niveau de ce changement de pente, l’apparition d’un
nouveau seuil d’endommagement qui évolue avec le temps. On peut supposer que ce seuil est
relatif aux propriétés mécaniques des produits formés dans la fissure pendant la cicatrisation, et
représente une sorte de résistance en traction par flexion de la couche formée de ces nouveaux
cristaux. Cette résistance évolue alors avec le temps de cicatrisation avant de se stabiliser.
__________________________________________________________________________- 62 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
1.8
Rapport moyen pour les éprouvettes saines
force de déchargement
pic de rechargement /
1.6
1.4
1.2
Figure 3.11 : Evolution du rapport entre force au pic de rechargement et force de déchargement en phase
de pré-fissuration, en fonction du temps de cicatrisation
On peut constater l’évolution de la capacité portante des éprouvettes cicatrisées par rapport aux
éprouvettes fissurées et non cicatrisées. Si la force au pic de rechargement est de l’ordre de 90%
de la force de déchargement pour les éprouvettes conservées dans l’air, elle est rapidement
supérieure à 100% pour les éprouvettes cicatrisées (dès 3 semaines de conservation). Néanmoins,
ce rapport n’évolue que très peu avec le temps, et reste de manière générale inférieur à 120%,
loin du rapport pour les éprouvettes saines égal à 160%. On a donc une très légère amélioration
de la capacité portante pour les éprouvettes cicatrisées, et même si cette augmentation est réelle,
on imagine difficilement pouvoir retrouver la capacité portante des éprouvettes saines. Cette
légère augmentation a également été constatée, sur des résistances en compression, par Jacobsen
et al. (1996), qui l’expliquent par le fait que les fissures ne sont pas entièrement comblées par les
nouveaux cristaux qui se forment lors de la cicatrisation. On peut effectivement se demander si
ces nouveaux cristaux, au niveau de leur morphologie et de leur nature, sont capables de recréer
localement la complexité du matériau et notamment les liaisons entre hydrates, responsables de la
résistance initiale du matériau.
__________________________________________________________________________- 63 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
On constate ainsi, et c’est le résultat le plus probant, une reprise de raideur globale des
éprouvettes, et on atteint, pour les temps de cicatrisation les plus longs, la raideur des éprouvettes
saines. On remarque également un allongement de la partie élastique linéaire du comportement
mécanique, et ainsi une augmentation de la force appliquée à l’amorçage de l’endommagement.
Ces résultats sont expliqués par le phénomène de cicatrisation des fissures, et la précipitation de
nouveaux cristaux, dont les propriétés mécaniques évolueraient avec le temps. On peut d’ailleurs
noter, que les résultats obtenus à 20 et 40 semaines sont assez proches, et on peut penser que le
comportement mécanique mis en évidence pour ces 2 échéances, est celui d’éprouvettes
totalement cicatrisées.
Par contre, on n’observe pas d’amélioration significative de la capacité portante des éprouvettes.
En effet, si les éprouvettes cicatrisées présentent des capacités portantes supérieures à celles qui
ont été conservées dans l’air, celles ci restent très inférieures à celles des éprouvettes saines (voir
aussi Granger et al., 2006).
Il est donc nécessaire d’avoir des informations complémentaires sur ces nouveaux cristaux (a
priori des hydrates) formés. Les processus de fissuration des éprouvettes cicatrisées (étudiées par
émission acoustique) sont ainsi présentés ci après, et une analyse plus précise, permettant de
qualifier la nature et la morphologie de ces cristaux, est menée grâce à des techniques
microscopiques dans le chapitre 4.
__________________________________________________________________________- 64 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
L’analyse la plus simple pouvant être menée par émission acoustique est l’étude de l’activité
acoustique générée pendant les essais de flexion 3 points. Il s’agit tout simplement de compter le
nombre d’évènements acoustiques ayant été détectés par les capteurs, et correspondant au
développement de micro-fissurations.
La figure 3.12 présente l’évolution du nombre cumulé d’évènements acoustiques détectés lors de
la phase de recharge en flexion 3 points, en fonction de l’ouverture de fissure, pour 2 éprouvettes
de BUHP modèle cicatrisées à 10 semaines, et pour 2 éprouvettes non cicatrisées. Notre
instrumentation (voir paragraphe 2.3.4) est composée de 4 capteurs piézo-électriques. Un
évènement acoustique correspond ainsi à une source acoustique détectée par les 4 capteurs. A
noter, que le résultat est présenté en tenant compte du filtre en énergie placé à 1000 atto Joules
(voir paragraphe 2.3.4.4).
800
nombre cumulé d'évènements
700
éprouvette cicatrisée n°1
acoustiques détectés
400
300
200
100
0
0 5 10 15 20 25 30
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.12 : Evolution du nombre cumulé d’évènements acoustiques détectés lors d’essais de flexion 3
points, en fonction de l’ouverture de fissure, pour des éprouvettes vieillies 10 semaines
On peut ainsi remarquer que l’activité acoustique démarre pour des ouvertures de fissure plus
faibles dans le cas des éprouvettes cicatrisées. Dans la littérature, le début d’endommagement du
béton a souvent été relié au début de l’activité acoustique (voir chapitre 2). Il y a, en effet, peu de
micro-fissuration pendant la phase élastique de comportement, et le début d’endommagement en
phase pré-pic est caractérisé par l’apparition des premières micro-fissures, avant une
augmentation très nette en phase post-pic lorsque les macro-fissures commencent à se
développer. Or pour les éprouvettes non cicatrisées, on est dans le cas d’une recharge classique
d’éprouvette fissurée avec réouverture de la fissure existante. Dans ce cas la, comme dans la
partie élastique de comportement, on a très peu d’émission acoustique. A contrario, dans le cas de
__________________________________________________________________________- 65 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
La figure 3.13 présente les cartes de localisation pour des éprouvettes cicatrisées et non
cicatrisées à une ouverture de fissure donnée de 18 µm (ouverture de fissure qui correspond à la
phase pré-pic du rechargement). A ces cartes de localisation lors de la phase de rechargement
sont associées les cartes de micro-fissuration correspondant à la fin de la phase de pré-fissuration.
Les cartes de localisation sont à nouveau obtenues en tenant compte du filtre en énergie défini au
paragraphe 2.3.4.4 du chapitre 2.
__________________________________________________________________________- 66 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
14 cm
capteur
6,5 cm
entaille
a)
b)
Figure 3.13 : Cartes de micro-fissuration après pré-fissuration et en phase pré-pic (18 µm d’ouverture de
fissure) pour des éprouvettes vieillies 10 semaines : a) dans l’air ; b) dans l’eau
Pour l’éprouvette conservée dans l’eau, on remarque ainsi, sur cette figure, la détection, lors de la
phase de rechargement, de micro-fissurations directement dans la zone où la macro-fissure s’est
développée. Il n’y a, en revanche quasiment pas de détections pour l’éprouvette non cicatrisée
conservée dans l’air. Les 18 µm retenus pour la comparaison correspondent à la partie de la zone
pré-pic du comportement après le changement de raideur dans le comportement global de
l’éprouvette (cf figure 3.4). Ces micro-fissurations détectées, et également mises en évidence par
l’étude de l’activité acoustique, correspondent donc au début d’endommagement des cristaux
formés dans la fissure, ce que nous souhaitions mettre en évidence. Les résultats mécaniques qui
ont été observés avaient été expliqués par la précipitation de nouveaux cristaux. L’analyse
émission acoustique menée ici, nous permet d’avoir la confirmation de la cristallisation, par la
mise en évidence de la micro-fissuration de ces cristaux lors de la phase de rechargement des
éprouvettes.
__________________________________________________________________________- 67 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
Si l’on considère les mêmes éprouvettes que celles utilisées dans le paragraphe 3.2.2.1, on peut
également réaliser des cartes de micro-fissuration à même niveau de chargement. La figure 3.14
présente ainsi les cartes de localisation de l’éprouvette non cicatrisée et de l’éprouvette cicatrisée,
pour le pic de chargement et à 90% de la force au pic en phase post-pic. Les cartes de localisation
sont réalisées en tenant compte du filtre en énergie adopté au paragraphe 2.3.4.4.
a) b)
c) d)
Figure 3.14 : Cartes de micro-fissuration en phase de rechargement : a) éprouvette non cicatrisée au pic ;
b) éprouvette cicatrisée au pic ; c) éprouvette non cicatrisée à 90% en phase post-pic ; d) éprouvette
cicatrisée en phase post pic
l’éprouvette cicatrisée les événements détectés le sont dans une zone restreinte au niveau de la
macro-fissure existante, alors que dans le cas non cicatrisé, les détections sont plus aléatoires et
diffuses, et sont dues, comme déjà mentionné, à des frottements ou réouvertures de fissures et
inclusions. Le résultat est encore plus nette à 90% de la force au pic en phase post-pic (figure
3.14 c) et d)). Les éprouvettes sont en effet encore plus endommagées et les zones de fissuration
apparaissent encore plus clairement. Elles ont ainsi été entourées sur la figure 3.14: dans le cas de
l’éprouvette non cicatrisée, la zone d’évènements la plus dense se situe en pointe de la fissure
préexistante, alors que dans le cas de l’éprouvette cicatrisée, cette zone se trouve au niveau de la
macro-fissure existante.
__________________________________________________________________________- 69 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
90
0-10000 aJ
80 10000-25000 aJ
25000-50000 aJ
70
50
40
30
20
180 230 280
Position x (en mm)
Figure 3.15 : Carte de micro-fissuration en énergie à 90% de la charge au pic en phase post pic pour une
éprouvette cicatrisée
90
0-10000 aJ
80 10000-25000 aJ
Position y (en mm)
25000-50000 aJ
70
sup 50000 aJ
60
50
40
30
20
180 230 280
Position x (en mm)
Figure 3.16 : Carte de micro-fissuration en énergie à 90% de la charge au pic en phase post pic pour une
éprouvette non cicatrisée
Le premier enseignement que nous apporte ces 2 figures est qu’il est assez difficile de relier une
énergie acoustique à sa source, qu’elle soit une micro-fissure des nouveaux cristaux, une micro-
fissure des hydrates primaires, ou un frottement. En effet, pour les 2 figures, la pointe de fissure
initiale se situe à y=55 mm environ (résultat obtenu qualitativement sur les cartes de localisation
des évènements lors de la phase de pré-fissuration). On remarque alors que même pour le cas non
cicatrisé, il apparaît des évènements de très forte énergie dans la fissure pré-existante, alors que
cela ne peut correspondre qu’à des frottements ou des réouvertures de micro-fissures. On aurait
pu penser que la micro-fissuration était la source d’émission acoustique la plus énergétique, mais
__________________________________________________________________________- 70 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
on peut ainsi se rendre compte que des évènements acoustiques attribués à des sources non liées à
la rupture directe du béton peuvent l’être également.
Néanmoins, ces 2 cartes de localisation confirment le mécanisme d’endommagement des
éprouvettes cicatrisées mis en évidence avec les cartes de micro-fissuration. En effet, si on
somme les énergies dissipées par émission acoustique, dans la zone correspondant à la macro-
fissure initiale, on s’aperçoit que dans le cas de l’éprouvette cicatrisée, on a presque la totalité de
l’énergie totale (97%) qui est localisée dans la fissure, alors que pour l’éprouvette non cicatrisée,
cette énergie ne représente que 47% de l’énergie totale dissipée. On a donc bien dans un cas
l’endommagement des produits formés et dans l’autre cas, la poursuite de la propagation de la
fissure initiale.
Dans le même ordre d’idée, on peut également sommer l’énergie totale dissipée dans ce cas de
figure (90% de la force au pic en phase post pic). C’est ce que nous avons fait pour des 2
éprouvettes cicatrisées et 2 non cicatrisées, toujours vieillies pendant 10 semaines. Les énergies
acoustiques totales sont présentées dans le tableau 3.17 en comparaison avec l’énergie dissipée au
même niveau de chargement pour des éprouvettes saines (voir paragraphe 2.3.4.5 du chapitre 2).
Tableau 3.17 : Energies acoustiques dissipées à 90% de la force au pic en phase post pic, pour des
éprouvettes vieillies 10 semaines
On remarque ainsi que les énergies dissipées dans le cas des éprouvettes cicatrisées sont
inférieures à celles des éprouvettes non cicatrisées et des éprouvettes saines. Nous avons vu que
cette énergie correspondait presque totalement à l’énergie dissipée par la fissuration des
nouveaux produits formés, alors que pour les éprouvettes non cicatrisées ou pour les éprouvettes
saines, cette énergie correspond à la fissuration de matériau sain. On peut ainsi penser que les
propriétés mécaniques des cristaux formés sont inférieures à celles du matériau sain. L’énergie
acoustique libérée par leur fissuration est en effet une partie de l’énergie mécanique qui a été
apportée pour fissurer, l’autre partie étant dissipée notamment sous forme d’énergie thermique.
__________________________________________________________________________- 71 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
L’émission acoustique a souvent été utilisée pour analyser et mesurer les caractéristiques de la
zone de micro-fissuration associée à la rupture du béton (« fracture process zone »), comme cela
a été mentionné dans le paragraphe 2.3.2.
L’objectif de cette partie est de s’intéresser qualitativement à une estimation de la largeur de la
FPZ, à partir des cartes de micro-fissuration, et de faire une comparaison entre les éprouvettes
saines et les éprouvettes cicatrisées. La figure 3.18 présente les cartes de micro-fissuration
obtenues à la fin de la phase de pré-fissuration et à la fin de la phase de rechargement pour une
éprouvette cicatrisée pendant 10 semaines.
a) b)
Figure 3.18 : Cartes de micro-fissuration pour une éprouvette cicatrisée pendant 10 semaines : a) fin de la
phase de pré-fissuration ; b) fin de la phase de rechargement après vieillissement
D’un point de vue qualitatif, on peut ainsi comparer les largeurs de zones de micro-fissurations.
En première approche, on peut ainsi dire que les zones de fissuration ont des largeurs quasi
identiques, et qu’il n’y a pas de différence significative entre éprouvette saine et éprouvette
cicatrisée. Dans les 2 cas, la fissuration, dans la zone la plus dense, se fait sur une largeur
légèrement supérieure à 1 cm (une division sur les figures représentant horizontalement 2 cm).
On pourrait néanmoins remarquer que cette largeur semble être supérieure dans le cas de
l’éprouvette cicatrisée, mais compte tenu de la dispersion qui avait été remarquée précédemment
(±3 mm), les largeurs sont presque identiques près de la fissure.
__________________________________________________________________________- 72 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
3.2.5 Bilan
La technique d’émission acoustique utilisée pour suivre les processus de fissuration des
éprouvettes nous a permis de tirer un certain nombre d’informations sur les éprouvettes
cicatrisées. La micro-fissuration de nouveaux cristaux formés dans la fissure a été mise en
évidence lors de la phase de rechargement, tant d’un point de vue activité acoustique que
localisation, justifiant ainsi l’hypothèse de cicatrisation faite pour expliquer le comportement
mécanique des éprouvettes conservées dans l’eau. Une analyse en énergie a ensuite permis de
décrire le régime de fissuration des éprouvettes cicatrisées, à savoir dans un premier temps la
fissuration des cristaux nouvellement formés, et dans un second temps, la poursuite de la
propagation de la fissure pré-existante. Cette analyse a également permis de montrer que les
propriétés mécaniques des cristaux formés étaient vraisemblablement inférieures à celles du
matériau sain. Enfin, d’un point de vue qualitatif, les largeurs de zones de fissuration ont été
évaluées, et on a ainsi montré que les largeurs de FPZ des éprouvettes saines et des éprouvettes
cicatrisées étaient du même ordre de grandeur.
Les résultats présentés dans les sections 1 et 2 de ce chapitre, portent sur des éprouvettes de
BUHP modèle fissurées à 10 µm. L’amélioration des propriétés mécaniques constatées,
notamment la reprise de raideur des éprouvettes après cicatrisation, sont donc relatives à cette
largeur de fissure. Nous avons jugé utile de nous intéresser à d’autres largeurs de fissures, afin de
quantifier l’influence de la largeur des fissures sur le phénomène, et surtout d’évaluer les
conséquences d’un point de vue mécanique.
Des essais ont ainsi été menés sur le matériau modèle avec des largeurs de fissures de 20 et 30
µm, et sont comparés avec les résultats obtenus pour 10 µm. Deux durées de conservation dans
l’eau ont été choisies : 10 et 20 semaines.
Le principe de fissuration des éprouvettes, ainsi que des exemples de courbes de pré-fissuration à
20 µm sont présentés dans le paragraphe 2.2.2.2 du chapitre 2. Les figures 3.19 et 3.20 présentent
le comportement mécanique moyen des éprouvettes fissurées à 20 et 30 µm, après 10 et 20
semaines de conservation dans l’eau. Les courbes représentent le rapport entre la force appliquée
et la force de déchargement en phase de pré-fissuration en fonction de l’ouverture de fissure.
__________________________________________________________________________- 73 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.19 : Comportement mécanique moyen des éprouvettes de BUHP modèle fissurées à 20 µm et
cicatrisées pendant 10 et 20 semaines
force / force de déchargement en pré-fissuration
1.5
10 semaines dans l'eau
20 semaines dans l'eau
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.20 : Comportement mécanique moyen des éprouvettes de BUHP modèle fissurées à 30 µm et
cicatrisées pendant 10 et 20 semaines
Les premières constatations notables sur les figures 3.19 et 3.20 en comparaison avec les
comportements mécaniques moyens des éprouvettes fissurées à 10 µm et présentés dans le
paragraphe 3.1.3.1 de ce chapitre, sont la reprise de rigidité des éprouvettes, et le comportement
quasi bilinéaire en phase pré-pic.
Tout d’abord, intéressons nous à la reprise de rigidité. Il est surtout intéressant de comparer cette
raideur initiale, à la raideur des éprouvettes saines. La figure 3.21 représente ainsi les raideurs des
éprouvettes cicatrisées en fonction du temps de cicatrisation et de la largeur de fissure, comparées
__________________________________________________________________________- 74 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
avec la raideur moyenne des éprouvettes saines. Les raideurs initiales sont calculées
respectivement entre 0,3 et 0,6 kN, 0,2 et 0,5 kN et 0,1 et 0,3 kN pour les éprouvettes fissurées à
10, 20 et 30 µm. Cela représente respectivement des rapports force/force de déchargement
compris entre 0,15 et 0,3, 0,2 et 0,4, et 0,15 et 0,4 (cf figures 3.4, 3.5, 3.19 et 3.20).
0.35
0.3
raideur initiale (en kN/µm)
0.25
0.2
0.15
0
5 10 15 20 25 30 35
largeur de fissure résiduelle (en µm)
Figure 3.21 : Evolution de la raideur initiale des éprouvettes pour les différentes largeurs de fissures, en
comparaison avec la raideur moyenne des éprouvettes saines
On remarque alors que les raideurs brutes après cicatrisation diminuent avec la largeur de fissure.
En effet, si pour une largeur de fissure de 10 µm, les raideurs initiales sont de l’ordre de 90% de
la raideur des éprouvettes saines à 10 semaines, et 98% à 20 semaines, elles sont plutôt de l’ordre
de 50% (à 10 semaines) et 65% (à 20 semaines) pour les éprouvettes fissurées à 30 µm. Il est
encore difficile de dire si la cicatrisation est totale à 20 semaines pour les éprouvettes avec les
plus grandes largeurs de fissures, mais on peut imaginer contrairement au cas des éprouvettes
fissurées à 10 µm, que les éprouvettes fissurées à 30 µm par exemple ne retrouveront pas leur
raideur initiale (avant fissuration).
Les résultats mis en évidence sont également imputés au phénomène de cicatrisation des fissures
avec précipitation de nouveaux cristaux dans la fissure. La rupture de pente en phase pré-pic de
comportement est révélatrice des propriétés mécaniques de cette couche de cristaux. Sur la figure
3.22, on présente ainsi, en fonction de l’ouverture de fissure et du temps de cicatrisation, le
rapport entre la force de changement de raideur en phase pré-pic, et la force de déchargement en
pré-fissuration.
__________________________________________________________________________- 75 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
0.6
0.4
0
5 10 15 20 25 30 35
largeur de fissure (en µm)
Figure 3.22 : Evolution du rapport entre force de changement de pente en phase pré-pic et force de
déchargement en pré-fissuration en fonction de la largeur de fissure
On constate alors que le rapport entre force de changement de pente en phase pré-pic et force de
déchargement en pré-fissuration augmente légèrement avec la largeur de fissure. Cependant, de
façon générale, ce rapport est de l’ordre de 0,8 après 20 semaines de cicatrisation, ce qui
correspond vraisemblablement à une cicatrisation totale. Il n’y a donc pas de variations majeures
avec la largeur de fissure. Néanmoins, si on s’intéresse aux valeurs brutes et non plus aux valeurs
normalisées par rapport à la force de déchargement, on constate bien que la force de changement
de pente est plus grande pour les petites largeurs de fissures. La zone correspondant aux cristaux
nouvellement formés, qui sont moins résistants, est en effet plus étendue dans le cas des grandes
largeurs de fissure, si bien que l’amorçage d’endommagement des éprouvettes cicatrisées, débute
pour des chargements appliqués moins importants.
Enfin, on peut également s’intéresser à la capacité portante des éprouvettes. Même si on a vu
précédemment (paragraphe 3.1.4.3) que ce n’était pas le plus significatif des apports du
phénomène, il est nécessaire de voir si la largeur de fissure a une importance sur la reprise
relative de capacité portante. La figure 3.23 présente ainsi le rapport entre force au pic de
rechargement et force appliquée au moment du déchargement en pré-fissuration.
__________________________________________________________________________- 76 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
1.4
1.3
force de déchargement
pic de rechargement /
1.2
1.1
10 semaines de cicatrisation
0.9
20 semaines de cicatrisation
0.8
5 10 15 20 25 30 35
largeur de fissure (en µm)
Figure 3.23 : Evolution du rapport entre force au pic de rechargement et force au pic de rechargement, en
fonction de l’ouverture de fissure et du temps de cicatrisation
On remarque alors que, pour les différentes largeurs de fissures, il y a une amélioration de la
capacité portante des éprouvettes fissurées puis cicatrisées, puisque le rapport entre force au pic
de rechargement et force de déchargement en phase de pré-fissuration est systématiquement
supérieur à 1. Cependant, il est plus délicat de mettre en évidence une tendance précise
d’évolution de ce rapport, puisque pour les différentes largeurs de fissure et les 2 échéances de
chargement les rapports sont dispersés entre 1,05 et 1,2. La seule conclusion pertinente à apporter
est de dire que la cicatrisation améliore légèrement la capacité portante des éprouvettes fissurées,
d’un ratio de l’ordre de 5 à 20%. Si l’on s’intéresse par contre aux valeurs brutes, les capacités
portantes des éprouvettes fissurées avec les plus petites largeurs de fissures sont évidemment les
plus élevées, dans la mesure où l’endommagement en pré-fissuration est moins conséquent. Mais
dans aucun cas, et nous l’avons vu avec les éprouvettes fissurées à 10 µm, nous ne pouvons
retrouver les capacités portantes des éprouvettes saines.
Les essais dont les résultats ont été présentés dans les sections 3.1 à 3.3 de ce chapitre, ont été
réalisés sur des éprouvettes non fibrées. Comme cette étude a été menée dans le contexte de
développement des bétons fibrés à ultra hautes performances, il est donc intéressant d’avoir une
idée de l’impact, sur le plan mécanique, du phénomène de cicatrisation sur de tels bétons. C’est
ainsi que des essais qualitatifs sur BFUP, avec fibres métalliques (2% en volume), sont présentés
dans cette section.
__________________________________________________________________________- 77 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
Par ailleurs, les conditions de cicatrisation des éprouvettes non fibrées, étaient l’immersion totale
dans l’eau. Dans la réalité de l’utilisation en service des bétons, ces conditions sont rarement
remplies. Il est donc important d’analyser l’étendue du phénomène pour des éléments de béton
conservés en extérieur et soumis aux conditions climatiques, comme dans le cas d’une utilisation
en service. Des résultats d’essais qualitatifs sur des éprouvettes de BUHP modèle, conservées
dans des conditions non contrôlées, sont ainsi également présentés dans ce chapitre.
La figure 3.24 présente les comportements mécaniques des 2 éprouvettes de BFUP, qui ont été
fissurées puis conservées pendant 80 semaines dans l’eau. Les courbes de pré-fissuration ont été
présentées dans le paragraphe 2.2.6 du chapitre 2. Ces comportements mécaniques sont comparés
avec le comportement à la recharge classique d’une éprouvette de BFUP fissurée selon les
mêmes conditions.
14
12
10
force (en kN)
0
0 500 1000 1500
ouverture d'entaille (en µm)
Figure 3.24 : Comportements mécaniques d’éprouvettes BFUP cicatrisées, comparés à une recharge
classique sans cicatrisation
La figure 3.24 montre une légère augmentation de la raideur des éprouvettes après cicatrisation,
en comparaison avec l’éprouvette non cicatrisée, mais on reste assez loin d’une reprise de raideur
globale aussi nette que pour les éprouvettes non fibrées. En effet, pour mettre en évidence cet
apport mécanique, il a fallu endommager les éprouvettes à un stade très avancé, avec l’apparition
d’une multi-fissuration (voir figure 3.25), et des largeurs de fissures de l’ordre de 500 µm.
L’ensemble de ces fissures ont été soumises au phénomène de cicatrisation, mais
__________________________________________________________________________- 78 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
l’endommagement était tel que la reprise de raideur est assez faible. A contrario, si on avait
endommagé les éprouvettes avec des largeurs de fissures de l’ordre de celles obtenues sur le
matériau non fibré, la perte de raideur aurait été tellement faible, que l’on n’aurait pu constater
d’évolution lors de la phase de rechargement. Toutefois, les sections précédentes ont montré que
la largeur de fissure était d’importance et que des fissures de largeur supérieures à 30 µm
pouvaient se cicatriser mais ne pas permettre une reprise de raideur totale en flexion.
Deux éprouvettes de BUHP modèle, fissurées à 10 µm, ont été conservées pendant 20 semaines
directement dans l’air extérieur, au contact du climat (voir paragraphe 2.2.6). Le comportement
mécanique moyen lors de la phase de rechargement de ces 2 éprouvettes est présenté sur la figure
3.26, en comparaison avec le comportement mécanique moyen des éprouvettes fissurées à 10 µm
et conservées respectivement dans l’air et dans l’eau pendant 20 semaines.
__________________________________________________________________________- 79 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.26 : Comportement mécanique moyen, lors de la phase de rechargement des éprouvettes de
BUHP modèle fissurées à 10 µm puis conservées dans l’eau, dans l’air, et en air extérieur pendant 20
semaines
Qualitativement, on constate que les éprouvettes conservées en milieu non contrôlé sont soumises
au phénomène de cicatrisation, et font l’objet d’une reprise de raideur initiale. Les éprouvettes
ont été confrontées à la pluie, et ont donc eu, à certains moments, un apport d’eau suffisant pour
réactiver l’hydratation du ciment anhydre, ce qui peut expliquer le comportement observé
pendant la recharge. Néanmoins, la reprise de propriétés mécaniques reste un peu plus faible par
rapport au cas de la conservation en immersion totale dans l’eau, notamment au niveau de
l’étendue du comportement élastique linéaire caractérisé par la reprise de raideur initiale, et de la
capacité portante.
puis vieillies
Cette partie a pour objectif de présenter les résultats expérimentaux des essais de cicatrisation qui
ont été menés sur quatre bétons à hautes performances, qui ont été présentés dans le paragraphe
2.1.2. Les résultats présentés jusqu’à maintenant étaient relatifs à un matériau modèle qui
présentait des dispositions particulières, en terme de microstructure, pour l’apparition du
phénomène d’auto-cicatrisation. Cette partie a pour objectif d’étendre l’étude proposée à des
bétons plus classiques, et notamment d’étudier l’influence de la composition du béton sur
l’apport mécanique du phénomène.
__________________________________________________________________________- 80 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
Le principe de pré-fissuration des éprouvettes ainsi que les courbes moyennes pour chacune des 4
compositions ont été présentés dans le paragraphe 2.2.3 du chapitre 2. Pour rappel, l’ensemble
des éprouvettes ont été pré-fissurées à 20 µm. Intéressons nous maintenant à la phase de
rechargement.
Les figures 3.27 à 3.30 présentent les comportements mécaniques moyens, à la recharge, des
éprouvettes fissurées, puis conservées dans l’eau, pour les quatre formulations de béton, en
comparaison avec une recharge classique sans cicatrisation. Tous les essais ont été réalisés dans
les mêmes conditions de degré d’humidité du matériau, c’est à dire dès la sortie de l’eau des
éprouvettes. Les courbes moyennes représentent le rapport entre force appliquée et force de
déchargement en phase de pré-fissuration, en fonction de l’ouverture de fissure. L’ensemble des
courbes brutes de rechargement obtenues est présenté en annexe D.
recharge classique
force / force de déchargement
0.6
0.4
0.2
0
0 50 100 150 200 250 300
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.27 : Comportement mécanique moyen des éprouvettes de béton 1 (rapport E/C = 0,33), fissurées
puis cicatrisées, en comparaison avec le comportement classique à la recharge
__________________________________________________________________________- 81 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
0.6
0.4
0.2
0
0 50 100 150 200 250 300
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.28 : Comportement mécanique moyen des éprouvettes de béton 2 (rapport E/C = 0,43), fissurées
puis cicatrisées, en comparaison avec le comportement classique à la recharge
1
force / force de déchargement
recharge classique
0.8 10 semaines de cicatrisation
20 semaines de cicatrisation
0.6
0.4
0.2
0
0 50 100 150 200 250 300
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.29 : Comportement mécanique moyen des éprouvettes de béton 3 (rapport E/C = 0,54), fissurées
puis cicatrisées, en comparaison avec le comportement classique à la recharge
1
force / force de déchargement
recharge classique
0.8 10 semaines de cicatrisation
20 semaines de cicatrisation
0.6
0.4
0.2
0
0 50 100 150 200 250 300
ouverture de fissure (en µm)
Figure 3.30 : Comportement mécanique moyen des éprouvettes de béton 4 (rapport E/C = 0,48 + fumée de
silice), fissurées puis cicatrisées, en comparaison avec le comportement classique à la recharge
__________________________________________________________________________- 82 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
Les résultats obtenus et présentés sur les figures 3.27 à 3.30 sont assez surprenants. On remarque
en effet, en premier lieu, qu’on a une perte significative de capacité portante relative pour les
éprouvettes qui ont été conservées dans l’eau (donc cicatrisées), en comparaison avec
l’éprouvette fissurée puis rechargée. Ainsi lorsque l’on recharge une éprouvette fissurée, on
atteint systématiquement plus de 90% de la force à laquelle on a déchargé en phase de pré-
fissuration (résultat classique), alors que ce rapport est inférieur pour les éprouvettes cicatrisées,
ce qui n’était pas le cas pour les éprouvettes de BUHP modèle où on notait une légère
amélioration.
A la différence du matériau modèle les bétons formulés ici contiennent des gros granulats.
L’auréole de transition (qui n’existe cependant pas pour les bétons à E/C de l’ordre de 0,3), entre
granulat et pâte de ciment, est une zone de faibles propriétés mécaniques. On peut ainsi penser
que la propagation de la fissure met en contact ces zones fragiles avec l’eau, qui du même coup a
un effet néfaste de détérioration et d’augmentation de la porosité, ce qui conduit à une chute de la
capacité portante. Cette explication peut également trouver une justification supplémentaire dans
le fait que cette perte de capacité portante est réduite dans le cas du béton 4 formulé avec de la
fumée de silice (figure 3.30). Un des principaux rôles de cet ajout, en plus d’un rôle
granulométrique, est de consommer la portlandite (présente en proportions importantes dans
l’auréole de transition) via la réaction pouzzolanique, et ainsi d’améliorer les propriétés
mécaniques de cette zone de transition entre granulats et pâte.
Toutefois, malgré cette baisse relative de capacité portante, on remarque à nouveau, comme pour
l’analyse faite sur le BUHP modèle, une reprise de raideur des éprouvettes cicatrisées, dépendant
du temps de cicatrisation. Ce point est développé dans le paragraphe suivant.
__________________________________________________________________________- 83 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
6.5
béton 1 - E/C = 0,33
6 béton 2 - E/C = 0,43
4.5
3.5
2.5
5 10 15 20 25
temps de cicatrisation (en semaines)
Figure 3.31 : Evolution du rapport entre raideur après cicatrisation et raideur après fissuration, en fonction
du temps de cicatrisation, pour les 4 bétons à hautes performances formulés
Pour les 4 formulations différentes, on peut noter une nette reprise de raideur pour toutes les
éprouvettes cicatrisées. Cependant, si on ne constate pas de différence majeure dans cette reprise
pour les 3 bétons sans fumée de silice, on voit bien que la reprise de raideur est plus importante
en proportion pour le béton avec fumée de silice. Ainsi à 20 semaines, cette reprise relative est de
50% supérieure à celles des éprouvettes sans fumée de silice. Cette constatation pourrait être, à
nouveau, expliquée par la contribution de la réaction pouzzolanique qui créerait des hydrates
supplémentaires dans la fissure.
De manière générale, après 20 semaines de cicatrisation, toutes les éprouvettes ont retrouvé une
raideur quasi semblable à celle des éprouvettes saines. Il reste néanmoins surprenant de constater
que le comportement des 3 bétons avec des rapports E/C variant d’environ 0,3 à 0,5, soit quasi
identique. En effet, on a pu constater, avec le matériau modèle, que les réserves de clinker
anhydre constituaient un potentiel de cicatrisation important. Hors le clinker anhydre est, en
proportions, plus important dans un béton mature formulé avec un rapport E/C égal à 0,3,
qu’avec un rapport E/C égal à 0,5. On peut donc se demander si lors de la fissuration, ces
réserves de clinker sont vraiment mises en contact avec l’eau pour permettre une seconde
hydratation qui devrait mettre en évidence plus de différences, ou bien si la fissure passe
uniquement au niveau des interfaces pâte-granulats, limitant ainsi l’apport du phénomène. Ainsi,
il serait sans doute judicieux de s’affranchir de l’influence des granulats et de faire cette étude sur
des mortiers, pour mettre davantage en évidence l’influence de la composition sur l’apport
mécanique de l’auto-cicatrisation.
__________________________________________________________________________- 84 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
3.6 Conclusion
L’ensemble des essais mécaniques menés sur des éprouvettes fissurées puis vieillies dans des
conditions spécifiques (air, eau, extérieur…) a permis d’apporter des informations sur le
comportement mécanique d’éprouvettes cicatrisées.
La majeure partie du programme expérimental a été réalisée sur une BUHP modèle avec un
rapport Eau/Ciment très faible, lui conférant un fort potentiel d’auto-cicatrisation par hydratation
du ciment anhydre de la microstructure. On constate alors, après cicatrisation, une reprise de
raideur globale des éprouvettes, dépendant du temps de cicatrisation. Après plusieurs semaines
(au delà de 10), les éprouvettes ont même repris leur raideur initiale. Parallèlement à cette reprise,
la phase de comportement mécanique élastique linéaire associée, s’étend avec le temps de
cicatrisation, et la force appliquée au début de l’endommagement augmente. Cette reprise de
raideur est le résultat le plus important mis en évidence, et il a des conséquences d’un point de
vue pratique : si un élément de béton est fissuré de façon accidentelle par exemple, qu’il est
soumis ensuite à la cicatrisation, il peut alors retrouver ces caractéristiques initiales en dessous
d’un certain niveau de chargement appliqué, niveau qui évolue lui aussi. Néanmoins, on ne note
pas d’amélioration significative de la capacité portante des éprouvettes, même si celles ci sont
supérieures à celles d’éprouvettes non cicatrisées (jusqu’à 20%). L’influence de la largeur de
fissure est également étudiée, et montre que l’apport du phénomène est moins significatif pour les
largeurs de fissures les plus grandes.
En parallèle des essais mécaniques, le suivi de la fissuration, par émission acoustique, des
éprouvettes cicatrisées a permis de mettre en évidence la précipitation de nouveaux cristaux dans
la fissure par le biais de leur micro-fissuration. Cette précipitation avait en effet permis
d’expliquer les comportements mécaniques observés. L’émission acoustique a également permis
de mettre en évidence les 2 régimes de fissuration des éprouvettes cicatrisées à savoir
l’endommagement des produits formés suivi de la poursuite de la propagation de la fissure
existante. Une analyse des énergies acoustiques dissipées a ensuite permis de mettre en évidence
que les cristaux formés ont des propriétés mécaniques moins bonnes que les cristaux issus de
l’hydratation primaire du béton. Enfin, les zones de micro-fissuration (« fracture process zone »)
des éprouvettes cicatrisées et saines ont été comparées, et le résultat a montré qu’elles étaient de
largeurs semblables.
Des essais complémentaires réalisés de façon qualitative sur des éprouvettes de BUHP modèle
conservées en air extérieur et soumises au climat ambiant, ont montré que le phénomène d’auto-
cicatrisation pouvait apparaître et permettre, de façon certes limitée, une reprise de raideur. De
même pour des éprouvettes de BFUP multi-fissurées puis soumises à la cicatrisation. Le résultat
__________________________________________________________________________- 85 -
3. Apport de la cicatrisation dans le comportement mécanique des bétons : Résultats et analyse
est néanmoins apparu moins net dans la mesure où les éprouvettes étaient très endommagées. Ce
sont des points importants qui devraient susciter des études plus approfondies pour compléter ces
travaux.
L’étude est ensuite étendue à des bétons plus classiques. Quatre formulations (bétons à hautes
performances) sont ainsi étudiées avec des rapports Eau/Ciment variant de 0,3 à 0,5, et contenant
ou non des additions. Les résultats, assez surprenants, ont montré une perte systématique de
capacité portante avec la conservation dans l’eau, malgré une reprise de raideur. D’ailleurs,
aucune vraie influence de la composition n’a été mise en évidence au niveau de cette
caractéristique, si ce n’est l’influence de la fumée de silice qui permet une reprise de raideur plus
conséquente. Néanmoins, cette partie de l’étude a montré, que l’apport du phénomène de
cicatrisation, d’un point de vue mécanique, n’était pas aussi évident pour les bétons classiques, et
ce point mérite indéniablement d’être étudié plus en détails.
__________________________________________________________________________- 86 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
CHAPITRE 4
INTRODUCTION
Le développement des connaissances sur les matériaux cimentaires et le béton doit beaucoup à la
microscopie sous toutes ses formes. La notion de microstructure, c’est à dire la façon dont sont
constitués, assemblés et distribués les différents composants (atomes, cristaux…) formant
l’architecture d’un matériau et qui détermine ses propriétés, est maintenant devenue
incontournable pour comprendre le comportement mécanique ou physico-chimique des bétons.
Le chapitre 3 a présenté les résultats obtenus concernant le comportement mécanique
d’éprouvettes de béton cicatrisées. En particulier, l’étude réalisée sur le BUHP modèle a mis en
évidence un apport significatif de la cicatrisation, qui était plus limité pour les bétons à hautes
performances. Ces résultats ont été expliqués par la précipitation de nouveaux cristaux dans la
fissure, dont la micro-fissuration a été mise en évidence par émission acoustique. Le chapitre 1 a
montré que peu d’études ont permis de qualifier la nature de ces cristaux, et surtout d’établir le
lien avec l’apport mécanique engendré. Les seules conclusions apportées à ce sujet (Edvardsen
(1999), Jacobsen et al. (1995) ou Devoye et al. (1993)) sont la précipitation de carbonate de
calcium ou de nouveaux hydrates dans la fissure.
Ce chapitre a donc pour objectif de présenter l’analyse microscopique et chimique réalisée sur
des éprouvettes de BUHP modèle cicatrisées, et de montrer ainsi le lien entre la précipitation des
cristaux et les propriétés mécaniques mises en évidence dans le chapitre 3. Les techniques
utilisées (microscopie électronique à balayage et spectrométrie à sélection d’énergie) sont
présentées dans une première partie. Dans un second temps, la caractérisation du matériau sain en
présence de fissures est comparée à celle du matériau avec des fissures cicatrisées, par des
observations directement sur les surfaces de la fissure, mais aussi sur des sections polies intégrant
la fissure. Ces observations sont complétées par des analyses qualitatives des produits formés par
spectrométrie à sélection d’énergie.
_________________________________________________________________________ - 87 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
Dans cette étude, c’est la microscopie électronique à balayage, couplée à l’analyse par
spectrométrie à sélection d’énergie, qui a été utilisée pour analyser la microstructure du matériau
modèle ainsi que les fissures cicatrisées. Nous avons jugé utile de rappeler succinctement, le
principe des interactions rayonnement électronique-matière, avant de présenter les deux
techniques utilisées.
Sous l’impact d’un faisceau d’électrons incident, la matière réagit de différentes manières. Une
partie du faisceau est transmise dans l’épaisseur du matériau, une autre partie absorbée dans la
matière, une autre réfléchie, et les modifications engendrées dans la cible peuvent également se
traduire par la réémission d’autres signaux. Ainsi, au point d’impact plusieurs rayonnements sont
émis, chacun porteur d’une information particulière.
Lorsque le faisceau électronique frappe la surface de l’échantillon, les électrons qui sont réémis
par la matière après un choc élastique sont appelés les électrons rétrodiffusés. Le coefficient de
rétrodiffusion correspond à la fraction des électrons primaires (appartenant au faisceau initial)
rétrodiffusés, et est fortement dépendant du numéro atomique dans la zone de l’échantillon
bombardée par le faisceau. Ces électrons fournissent ainsi des informations de nature chimique
(contrastes de numéros atomiques).
Les électrons incidents peuvent aussi interagir avec la matière en cédant une partie de leur
énergie. Les électrons secondaires sont libérés par la matière lors des interactions de l’électron
incident avec les électrons atomiques externes. Leur énergie étant faible, seuls les électrons
secondaires des premières couches atomiques en surface peuvent être détectés. Les informations
transmises par ces électrons correspondent ainsi à une zone superficielle du matériau. Elles
permettent d’avoir une image en nuances de gris caractérisant le relief de la surface étudiée. Le
contraste obtenu résulte des variations locales de l’émission secondaire, fonction de la nature
chimique du matériau étudié, de son orientation cristalline, mais aussi de l’angle entre faisceau
incident et la normale à la surface de l’échantillon.
Enfin, lorsque les électrons incidents interagissent avec des électrons des couches internes d’un
atome en éjectant un électron d’une telle couche, la lacune ainsi formée est immédiatement
remplie par un électron d’une couche électronique supérieure. La différence d’énergie entre les 2
couches se retrouve sous la forme d’un rayonnement X caractéristique de l’élément atomique
émetteur. La caractérisation en énergie (ou en longueur d’onde) et en intensité des rayonnements
_________________________________________________________________________ - 88 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
X émis sous l’impact du faisceau électronique incident permet donc une micro-analyse chimique,
qualitative et quantitative, de la matière irradiée.
La figure 4.1 reprend ainsi la répartition des particules émises par la matière sous l’impact d’un
faisceau d’électrons incidents.
Analyse chimique
Image Faisceau incident
électrons
Image
Surface de l’échantillon
Zone d’émission
d’électrons
secondaires
Electrons
2 à 10 µm rétrodiffusés
Rayonnements X
400 nm
Figure 4.1 : Répartition des particules émises par la matière sous l’impact d’un faisceau d’électrons
(« poire » d’interaction)
Les différents signaux émis par la matière suite au bombardement par un faisceau d’électrons
sont ensuite analysés par un microscope électronique à balayage (MEB), dont la technique est
basée sur le principe des interactions rayonnement électronique-matière.
Un MEB se compose des éléments suivants :
- un canon qui génère un faisceau d’électrons
- une colonne électronique qui réduit la taille du faisceau et assure sa focalisation sur
l’échantillon
- un ensemble de bobines de balayage qui assure la déviation du faisceau sur
l’échantillon en synchronisme avec le balayage sur un tube cathodique
_________________________________________________________________________ - 89 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
- plusieurs détecteurs, qui captent les signaux provenant de l’échantillon pour assurer la
formation d’une image (par modulation de la brillance du spot sur le tube cathodique
en fonction de l’intensité détectée)
- une chambre d’échantillon contenant une platine qui permet des déplacements
mécaniques de l’échantillon. Un vide de l’ordre de 10-3 à 10-4 Pa est réalisé dans
l’enceinte du microscope par l’intermédiaire de pompes.
Le principe du MEB est rappelé sur la figure 4.2. Ses principaux avantages, par rapport aux
techniques d’observations optiques, sont la profondeur de champ, la résolution et le
grandissement. La profondeur de champ correspond à la profondeur pour laquelle les détails
apparaissent nets. Elle est plus importante au MEB qu’en microscopie optique en raison du faible
angle d’ouverture du faisceau. Elle permet donc l’observation de surfaces irrégulières. Quant au
grandissement, on peut atteindre jusqu’à x100 000.
fractures par émission électronique secondaire, s’ajoutent également les images aux contrastes
sélectifs obtenues sur sections polies par émission électronique rétrodiffusée.
La microscopie électronique à balayage est probablement la méthode microscopique qui a permis
les plus grands progrès dans la connaissance des bétons, depuis plusieurs décennies. Au niveau
des développements les plus récents, elle a, par exemple, permis la caractérisation générale des
pâtes de ciment et de l’architecture des bétons (Baroghel-Bouny, 1994, Scrivener, 2004, ou
Diamond, 2004), mais également d’étudier de plus près certaines caractéristiques, comme par
exemple l’auréole de transition pâte-granulats (Zampini et al., 1998 ou Liao et al., 2004) ou les
différents types de C-S-H précipitants (Kjellsen et al., 1997, Richardson, 1999, Hadley et al.,
1999 ou Diamond et al., 2006). L’analyse microstructurelle des bétons de poudres réactives,
relative à notre étude sur le BUHP modèle, a également été effectuée par MEB (Gatty, 1996).
Comme évoqué précédemment, le principe du MEB est basé sur l’interaction rayonnement
électronique-matière. L’imagerie n’est cependant pas la seule finalité car la plupart des MEB sont
équipés de systèmes d’analyse des rayons X (voir paragraphe 4.1.1) qui donnent des
renseignements qualitatifs ou quantitatifs sur la composition chimique du matériau étudié.
La spectrométrie X à sélection d’énergie (EDS) est une de ces techniques permettant l’analyse
des rayons X générés par la matière. Dans notre cas, la détection des photons X est réalisée via un
détecteur constitué d’une diode polarisée au silicium (dopée au lithium en surface). Pour assurer
une détection correcte, la diode est inclinée de 30 à 70° par rapport à l’échantillon. Cette diode
permet alors une analyse de l’énergie des photons X détectés (qui est fonction de la nature
chimique de la zone investiguée), et les spectres finaux obtenus par cette technique se présentent
donc comme des histogrammes du nombre de photons détectés pour une énergie donnée, suite à
l’envoi sur la matière d’un faisceau électronique.
L’objectif de nos essais microscopiques est de caractériser les cristaux qui ont précipité dans les
fissures du matériau modèle, que ce soit au niveau de leur nature, mais également de leur
structure. Ils permettront ainsi d’apporter de nouveaux éléments de compréhension du
comportement mécanique observé pour les éprouvettes cicatrisées.
_________________________________________________________________________ - 91 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
Ainsi, les 2 types d’imagerie présentés précédemment (en électrons secondaires, et en électrons
rétrodiffusés) sont utilisés, et l’investigation porte à la fois sur les fractures au niveau des fissures,
mais aussi sur des sections polies réalisées au niveau de la fissure.
L’analyse en électrons secondaires est réalisée sur les surfaces de fissures. Les échantillons sont
ainsi prélevés directement au niveau des fractures des éprouvettes, après la phase de
rechargement mécanique jusqu’à rupture.
Un échantillon témoin, issu d’une fissure sur une éprouvette de BUHP modèle non cicatrisée, est
prélevé dans un premier temps, afin de servir de référence pour l’analyse de la microstructure. Un
autre échantillon est ensuite prélevé sur une éprouvette cicatrisée à 10 semaines. Après rupture de
cette éprouvette, les zones cicatrisée, et non cicatrisée, apparaissent visuellement en surface par
différence de couleur, et l’échantillon est ainsi sélectionné pour être représentatif des 2 zones,
avec une partie cicatrisée et une autre non cicatrisée.
Concernant le côté pratique, les demi-éprouvettes obtenues après rupture sont réduites de façon à
avoir une tranche, comportant la surface de fissure, d’une épaisseur d’environ 1 cm.
L’échantillon est ensuite découpé à l’aide d’une scie diamantée, et les dimensions finales
obtenues pour l’échantillon sont environ 1,5x2 cm2.
Après prélèvement, les échantillons sont placés sous vide pendant 3 heures, avant d’être étuvés (à
45°C) pendant 12 heures. L’objectif est d’obtenir des échantillons parfaitement secs. Après cette
étape, les échantillons sont préparés. Ils sont collés avec une colle époxy sur le porte échantillon.
Les bords sont ensuite laqués à l’argent, afin d’être parfaitement conducteurs. Enfin, la dernière
étape consiste en la métallisation de la surface : un léger dépôt d’or-palladium est ainsi appliqué
sur les échantillons, sous vide, en 2 cycles de 120 secondes.
Les observations directement sur les fractures ont pour objectif la caractérisation de la nature et
de la morphologie des cristaux formés. Afin de comprendre encore davantage la structuration de
la couche formée par ces cristaux, et surtout son intégration dans la matrice cimentaire initiale
fissurée (et notamment les liens entre produits issus de l’hydratation primaire, et nouveaux
produits), des sections polies des fissures ont ainsi été réalisées, dans un premier temps au niveau
d’une fissure non cicatrisée (afin de caractériser la microstructure du matériau modèle fissuré),
puis au niveau d’une fissure cicatrisée pendant 20 semaines.
_________________________________________________________________________ - 92 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
Au niveau du prélèvement des échantillons, les éprouvettes, fissurées ou cicatrisées, sont dans un
premier temps renforcées avec une résine, de façon à permettre une découpe grossière de la partie
centrale des éprouvettes (contenant la fissure). Après avoir grossièrement enlevé les 2 extrémités
de l’éprouvette, la seconde découpe consiste à retenir uniquement une tranche d’une épaisseur
d’environ 1 cm (contenant la fissure) dans le cœur de l’éprouvette. Un échantillon, pouvant
s’insérer dans une coupole de 3 cm de diamètre, est ensuite prélevé dans cette tranche avec une
scie diamantée.
A la suite du prélèvement, les échantillons sont imprégnés d’une résine Epoxy mélangée à un
durcisseur. L’imprégnation est réalisée sous vide pendant 15 minutes. La polymérisation se
poursuit ensuite pendant 2 jours à l’air ambiant. Enfin, les étapes de rodage et de polissage
permettent d’obtenir l’état de surface des sections polies. Les surfaces sont passées au papier
Silice-Carbure avec des grains de 9 µm puis 3 µm, et ensuite polies à la pâte diamantée, au
micron puis au quart de micron. L’aspect des sections polies obtenues, avec présence de la
fissure, est présenté sur la figure 4.3.
Figure 4.3 : Section polie réalisée sur le matériau modèle avec fissure
Les observations effectuées dans cette section ont pour objectif de caractériser la microstructure
du matériau modèle en présence de fissures, et ainsi servir de témoins pour les observations qui
sont effectuées sur des fissures cicatrisées. Les observations sont réalisées à la fois en électrons
secondaires, et en électrons rétrodiffusés.
_________________________________________________________________________ - 93 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
Afin d’avoir une idée sur la microstructure globale du matériau, et donc l’architecture selon
laquelle il se retrouve à l’état durci, les premières observations ont été réalisées sur des sections
polies, en électrons rétrodiffusés. La figure 4.4 présente à cet effet, l’observation, en section
polie, de la microstructure du BUHP modèle, en présence d’une fissure, à un grandissement
x100.
Grain de
sable
Produits
d’hydratation
Particule de
ciment
anhydre
fissures, est illustrée de façon plus significative sur la figure 4.5 et 4.6, qui présentent des
observations sur sections polies avec un grandissement x500 et x2000.
Particule de
ciment anhydre
fissurée
Produits
d’hydratation
Particule de
ciment
anhydre
fissurée
_________________________________________________________________________ - 95 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
La section 4.3.1 réalisée sur les sections polies a montré, que la microstructure du matériau
modèle était relativement dense et homogène, et comportait une quantité importante de clinker
anhydre, dont certains grains étaient fracturés ou mis à nu par la propagation de la fissure. L’idée
est maintenant d’observer directement ces surfaces de fissure en électrons secondaires, pour
comprendre comment sont formés les faciès de rupture.
La figure 4.7 représente ainsi une surface de surface de fissure non cicatrisée, à un grandissement
x100.
Grain de
sable
Matrice
cimentaire
Figure 4.7 : Surface de fissure non cicatrisée sur le BUHP modèle (grandissement x100)
Cette surface de rupture présente des granulats (de dimensions supérieures à 100 µm, en sombre),
et une matrice très dense, comme ce qui a déjà été observé en section polie. On peut également
remarquer la très bonne accroche entre granulats et matrice, ainsi que la faible porosité globale du
matériau.
_________________________________________________________________________ - 96 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
Grain de
bélite
1 1
3
Grains
d’alite
Figure 4.8 : Surface de fissure non cicatrisée sur le BUHP modèle (grandissement x500)
La figure 4.8, qui représente un zoom sur la pâte de ciment à un grandissement x500, met en
évidence des grains en surface de la pâte de ciment qui pourraient être les grains de ciment
fracturés ou contournés, qui ont été observés sur les sections polies. Des analyses par
spectrométrie à sélection d’énergie sont donc réalisées au niveau des points 1, 2 et 3 représentés
sur la figure 4.8. Les spectres obtenus (figures 4.9 à 4.11) représentent le nombre de coups
détectés (voir chapitre 4.1.3), en fonction de l’énergie représentative des éléments chimiques
mentionnés sur les spectres.
Figure 4.9: Analyse par spectrométrie à sélection d’énergie au niveau du point 1 de la figure 4.8
_________________________________________________________________________ - 97 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
Figure 4.10: Analyse par spectrométrie à sélection d’énergie au niveau du point 2 de la figure 4.8
Figure 4.11: Analyse par spectrométrie à sélection d’énergie au niveau du point 3 de la figure 4.8
Les analyses par spectrométrie à sélection d’énergie montrent alors qu’on est en présence de
grains de ciment anhydre, qui apparaissent ainsi sur la surface de la fissure dans la globalité de la
matrice. Les spectres sont caractérisés par une forte proportion en Calcium, et une plus faible en
Silice. On peut d’ailleurs remarquer, au niveau des valeurs relatives de chacun des pics, que
l’analyse faite au point 1 révèle un composé bélite C2S, alors que celles effectuées en 2 et 3
révèlent des composés alite C3S.
La figure 4.12 représente maintenant un zoom avec un grandissement x10000 au niveau de la
matrice cimentaire proprement dite.
_________________________________________________________________________ - 98 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
Amas de
C-S-H
Particule de
fumée de silice
Figure 4.12 : Surface de fissure non cicatrisée sur le BUHP modèle (grandissement x10000)
On met alors en évidence un aspect très compact et homogène, associé à la matrice cimentaire du
matériau. Celle ci est formée d’un gel de C-S-H, ce qui est confirmé par l’analyse par
spectrométrie à sélection d’énergie effectué au niveau de cette matrice et représentée sur la figure
4.13. On remarque également, localement, des particules de fumée de silice, se présentant sous
forme sphérique, de dimensions de l’ordre du µm.
Figure 4.13 : Analyse par spectrométrie à sélection d’énergie au niveau du gel de C-S-H du BUHP modèle
La formation des C-S-H a été depuis longtemps sujette à des travaux de recherche (Taylor, 1990,
Baroghel-Bouny, 1994, Richardson, 1999, Jennings, 2000 ou encore Famy et al., 2002) et les
_________________________________________________________________________ - 99 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
conclusions visent principalement à définir 2 types d’hydrates : les C-S-H internes (ou haute
densité) qui se développent dans les grains de ciment, et les C-S-H externes (ou basse densité) qui
se développent à l’extérieur des grains de ciment. Les C-S-H ont ici un aspect granuleux,
compact et sans faciès particulier. On est donc en présence de C-S-H internes combinés avec des
C-S-H externes peu développés, à cause du peu d’eau et d’espace disponibles à l’extérieur des
grains de ciment (ce qui est une conséquence du faible rapport Eau/Ciment de ce béton).
Après avoir mis en évidence, dans le paragraphe précédent, que les fissures se propageaient au
sein du matériau, en exposant, en surface de fissure, des grains de ciment anhydres, les
observations présentées ici sont réalisées en sections polies sur des fissures cicatrisées, afin de
comprendre comment précipitent les cristaux. La figure 4.14 présente ainsi une fissure cicatrisée
à un grandissement x100.
Grain de
sable
Particules de
ciment non
hydraté
Bulle Produits
d’air d’hydratation
Figure 4.14 : Fissure cicatrisée en section polie sur le BUHP modèle (grandissement x100)
Il est assez difficile sur cette figure de mettre en évidence la précipitation de cristaux dans la
fissure existante. Néanmoins, on peut commencer à apercevoir, notamment au niveau du plus
_________________________________________________________________________- 100 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
gros grain de ciment anhydre fracturé, que des cristaux ont précipité. En agrandissant à ce niveau,
les figures 4.15 et 4.16 présentent ce grain de ciment anhydre fracturé et cicatrisé (grandissement
x500 et x2000). Des cristaux ont en effet précipité dans la fissure et recréé le lien entre les deux
surfaces. On peut d’ailleurs noter la présence ponctuelle d’une multi-fissuration qui
correspondrait au développement de la « fracture process zone ».
Grain de
ciment
anhydre
fissuré
Produits
d’hydratation
Grain de
sable
Figure 4.15 : Fissure cicatrisée en section polie sur le BUHP modèle (grandissement x500)
Particule de
ciment anhydre
Cristaux
formés dans
la fissure
Figure 4.15 : Fissure cicatrisée en section polie sur le BUHP modèle (grandissement x2000)
_________________________________________________________________________- 101 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
L’analyse par spectrométrie à sélection d’énergie, réalisée au niveau des cristaux (figure 4.16)
révèle la présence de nouveaux C-S-H formés au niveau des grains de ciment fracturés.
Cependant, en dehors de ceux ci, il est plus délicat de mettre évidence des cristaux dans la
fissure. La cicatrisation serait ainsi un phénomène apparaissant plutôt localement, que sur la
totalité de la surface des fissures. La figure 4.17 présente néanmoins des précipitations de
cristaux dans la fissure en dehors des grains de ciment (grandissement x2000). On peut alors
penser que des particules de ciment anhydre puissent être transportées par l’eau, avec des C-S-H
précipitant ensuite en dehors des zones directes de contact eau-ciment.
Figure 4.16 : Analyse par spectrométrie à sélection d’énergie au niveau des cristaux formés sur les
surfaces d’un grain anhydre cicatrisé
Cristaux
formés dans
la fissure
Particule de
ciment
anhydre
Figure 4.17 : Précipitation de cristaux dans une fissure cicatrisée dans une zone hors grain de ciment
fracturé (grandissement x2000)
_________________________________________________________________________- 102 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
Les analyses sur les sections polies présentées dans le paragraphe précédent ont montré des
précipitations locales de C-S-H au niveau des fissures, permettant de recréer la continuité entre
deux surfaces opposées. Par la suite, nous avons analysé ces surfaces en électrons secondaires,
pour mieux étudier la morphologie des cristaux précipités, en comparant la surface de fissure
cicatrisée (figure 4.18) à une autre non cicatrisée (figure 4.7). Nous remarquons alors qu’il est
difficile, à ce grandissement (x100), de déceler la précipitation de cristaux en surface. Cependant,
des zooms effectués sur la matrice cimentaire, à des grandissements x1500 et x1000 (figures 4.19
et 4.20), permettent de mettre en évidence la cristallisation de nouveaux cristaux, sur
pratiquement toute la surface de fissure, celle ci étant recouverte d’une épaisseur de petits
cristaux filamenteux.
Grain de
sable
Matrice
cimentaire
_________________________________________________________________________- 103 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
Matrice
cimentaire
Particules
de CaCO3
Cristaux de
C-S-H
alvéoaires
La figure 4.20 met particulièrement en avant la morphologie particulière des cristaux formés. Si
on s’intéresse dans un premier temps à leur nature, l’analyse menée par spectrométrie à sélection
d’énergie et présentée sur la figure 4.21 confirme bien qu’il s’agit de nouveaux C-S-H. Ceux ci
_________________________________________________________________________- 104 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
présentent ainsi une morphologie de type alvéolaire (C-S-H externes), liée à la présence de
beaucoup d’eau au contact des grains anhydres (Baroghel-Bouny, 1994).
Figure 4.21 : Analyse par spectrométrie à sélection d’énergie au niveau des cristaux filamenteux formés
dans la fissure
On peut également noter au niveau de la figure 4.20 la présence en surface, de petites particules
de couleur blanche, plus ou moins cubiques, et de dimensions de l’ordre du micromètre. Une
analyse par spectrométrie à sélection d’énergie (présentée figure 4.22) est menée sur ces cristaux,
et permet de mettre en évidence la présence de particules isolées de carbonate de calcium CaCO3
ayant aussi précipité en surface de fissure par carbonatation.
Figure 4.22 : Analyse par spectrométrie à sélection d’énergie au niveau des particules de carbonate de
calcium ayant précipité en surface de fissure
_________________________________________________________________________- 105 -
4. Caractérisation microscopique et analyse chimique des fissures cicatrisées sur BUHP
Les observations microscopiques réalisées par microscope électronique à balayage, sur des
fissures cicatrisées et non cicatrisées dans le BUHP modèle, ont permis la caractérisation des
cristaux formés dans la fissure.
Dans un premier temps, les observations menées en sections polies et directement sur les
surfaces de fissures non cicatrisées, ont permis de mettre en évidence une matrice cimentaire très
dense et compacte dans laquelle la fissure se propage en fracturant ou mettant à nu des grains de
ciment anhydres, d’ailleurs présents en grande quantité au sein de la microstructure. Les
observations ont été complétées avec des analyses par spectrométrie à sélection d’énergie.
Les observations ensuite réalisées sur des sections polies de fissures cicatrisées ont montré que
des couches de nouveaux C-S-H se formaient dans la fissure de façon assez localisée, notamment
au niveau des grains de ciment anhydres, et permettaient ainsi de recréer la continuité entre les 2
surfaces de fissure. Parallèlement, les observations réalisées sur les surfaces cicatrisées
contrastent singulièrement avec celles réalisées sur les surfaces non cicatrisées. En effet, on n’est
plus en présence d’une matrice très compacte, mais en présence d’amas de C-S-H de type
alvéolaire (C-S-H externes), donc poreux, qui ont précipité sur la quasi-totalité de la surface de
fissure (ainsi que quelques précipitations de carbonate de calcium). D’ailleurs, ces observations
contrastent également avec celles réalisées sur les sections polies, dans la mesure où seules
quelques précipitations locales avaient été détectées. Ces observations permettent alors d’apporter
des compléments d’explication concernant le comportement mécanique des éprouvettes
cicatrisées. En effet, la précipitation de C-S-H dans les fissures permet de rétablir la continuité
entre les deux surfaces de fissures. Ainsi, et même s’il a été montré que les deux types de C-S-H
pouvaient avoir des module d’Young différents (Constantinides et al., 2004), cette couche de
cristaux permet bien une reprise de raideur des éprouvettes, avec une évolution liée à celle du
module d’Young de ces cristaux avec le temps d’hydratation. En ce qui concerne la faible
amélioration de capacité portante, deux explications peuvent être apportées. D’une part, cette
reprise partielle peut être liée au caractère local de la re-création de continuité entre les lèvres de
fissure. D’autre part, la précipitation de C-S-H alvéolaires sur la quasi-totalité de la surface de
fissure, de nature morphologique très différente (beaucoup plus poreuse et moins compacte), ne
peut pas localement recréer le matériau sain initial, notamment au niveau des liaisons avec les C-
S-H issus de l’hydratation primaire. Cette constatation est d’ailleurs à rapprocher des résultats de
Jacobsen et al. (1996) sur la résistance en compression d’éprouvettes cicatrisées.
_________________________________________________________________________- 106 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
CHAPITRE 5
INTRODUCTION
_________________________________________________________________________- 107 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
L’une des manières les plus intuitives de représenter la fissuration est donc de matérialiser la
discontinuité. Celle-ci devient alors une entité géométrique à part entière. C’est ce qui est à la
base des modèle de type « fissure discrète » (Ingraffea et al., 1985 ou Yang et al., 2004). La
fissure se propage alors dès que la force nodale en bout de fissure dépasse un critère de rupture en
traction. Le nœud correspondant est alors scindé en deux nouveaux nœuds. L’un des avantages de
tels modèles est de représenter réellement la fissure. Néanmoins, celle-ci ne peut se propager que
sur les frontières des éléments du maillage, ce qui nécessite donc la connaissance, a priori, de la
direction et de la longueur de propagation, même si certains algorithmes font ce calcul (Ingraffea
et al., 1985). A ce type d’approche discrète, on peut également ajouter les comportements se
basant sur la mécanique de la rupture (Prat et al., 1997). Néanmoins, avec les approches
discrètes, seule la phase de propagation de la macro-fissuration (phase 3) peut être représentée.
Hillerborg et al. (1976) ont été parmi les premiers à proposer un modèle de comportement
mécanique non linéaire pour le béton, basé sur une approche discrète. Le modèle est basé sur les
développements proposés par Dugdale (1960) et Barenblatt (1962), concernant la zone plastique
en pointe de fissure. La théorie de fissure fictive repose sur l’existence de forces de traction entre
les lèvres d’une fissure tant que son ouverture n’a pas dépassé un certain seuil (noté w01 sur la
_________________________________________________________________________- 108 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
figure 5.1). Cette théorie définit alors une loi entre contrainte appliquée et ouverture de fissure du
type σ = σ (w) (Figure 5.1). La zone de micro-fissuration (ou « Fracture Process Zone » FPZ) est
ainsi définie comme la partie du matériau où la contrainte limite de traction se situe entre la
valeur de la résistance en traction du béton sain et 0.
Fissure réelle
Ouverture
w
de fissure w w01
On peut noter que différentes approches existent pour la définition de la courbe contrainte-
ouverture de fissure, qu’elles soient linéaires, bilinéaires ou exponentielles (Hillerborg et al.,
1976, Reinhardt et al., 1999, Guo et al., 1999).
Ce type de modèles semble donner, au moins qualitativement, de bons résultats en comparaison
avec l’expérience. La formulation introduit, également, directement dans la simulation, l’énergie
de fissuration, et l’ouverture de fissure.
Dans les approches continues, contrairement aux modèles discrets, la discontinuité liée à la
fissuration n’est pas représentée en tant que telle mais par l’intermédiaire de variables internes
(endommagement, déformations irréversibles…). La description de la fissuration consiste alors
en des relations entre les contraintes et les déformations, induisant en particulier un
_________________________________________________________________________- 109 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
comportement post-pic adoucissant. On peut citer, concernant cette approche, les modèles de
fissuration répartie (Bazant et al., 1983 ou De Borst, 2003) ou les modèles d’endommagement
(Mazars, 1984 ou Pijaudier-Cabot et al., 1987). L’approche continue traduit macroscopiquement
l’influence de la dégradation avec apparition, croissance puis coalescence de micro-défauts au
sein du matériau, par l’introduction de variables internes représentatives de l’état de dégradation.
La fissure est alors représentée par la zone de matériau totalement dégradée, qui reste continue au
sens de la mécanique des milieux continus. La zone de concentration des déformations et
d’évolution de la dégradation est également appelée zone de micro-fissuration ou Fracture
Process Zone « FPZ ».
Les modèles d’endommagement introduisent l’effet de la fissuration en modifiant la raideur
élastique du matériau. Une variable d’endommagement D est ainsi définie. Elle est scalaire dans
le cas isotrope, tensorielle sinon. Avec l’hypothèse d’isotropie, une relation possible liant les
contraintes aux déformations s’écrit :
σ ij = (1 − D) Eijkl ε kl (5.2)
C’est la forme la plus usuelle de la loi d’endommagement. Dans ces conditions une valeur de D
égale à 0 correspond à un matériau sain tandis qu’une valeur de 1 représente un matériau
totalement dégradé.
Différents modèles d’endommagement existent dans la littérature avec parmi les plus courants
l’approche isotrope développée par Mazars (1984). L’avantage de ces formulations est de
proposer de manière relativement simple, d’un point de vue numérique et sur le plan physique
(relation contraintes-déformations explicite ou implicite selon les cas), une description complète
du comportement mécanique du béton, en élasticité bien sûr mais aussi dans les phases de
propagation de fissuration (voir également Mazars et al., 1989 ou Pijaudier-Cabot et al., 2002).
Le modèle de comportement retenu pour le matériau sain est une modèle d’endommagement
faisant apparaître l’ouverture de fissure. La facilité de mise en œuvre des modèles continus, ainsi
que la nécessité de connaître l’ouverture de fissure (qui est mesurée expérimentalement, et qui
peut être un paramètre important dans l’occurrence du phénomène de cicatrisation) ont guidé ce
choix. L’approche présentée ici est unidimensionnelle et locale, mais peut bien sûr être étendue
(Pijaudier-Cabot et al., 2000).
_________________________________________________________________________- 110 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
Le modèle se base sur la théorie de fissuration répartie proposée par Bazant et al. (1983).
Considérant uniquement les fissures de mode I, l’analyse des auteurs repose sur le fait que la
rupture des matériaux hétérogènes quasi-fragiles, tels que le béton, peut être représentée par une
bande d’une certaine largeur, où apparaissent, de façon dense et répartie, les micro-fissures.
Considérons une barre de section uniforme soumise à un chargement uniforme de traction,
comme présenté sur la figure 5.2.
L1
L2
Figure 5.2 : Exemple type de chargement monotone pour la définition du modèle de fissuration répartie
ft
fissure
allongement
Pendant la phase pré-pic, avant que la contrainte appliquée n’atteigne la résistance en traction ft,
l’allongement est uniforme et représenté par les lois d’élasticité linéaire. Une fois le pic atteint, le
comportement adoucissant commence, et une bande de fissuration se crée quelque part dans la
barre, alors que le reste du matériau se décharge. On définit alors w l’ouverture associée au
_________________________________________________________________________- 111 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
L’ouverture de fissure w est alors définie comme une fonction de la contrainte appliquée. Bazant
et al. (1983) répartissent ainsi l’ouverture de fissure définie dans la formulation d’Hillerborg et
al. (1976) sur un volume de matière, et l’approche discrète d’Hillerborg devient alors plus
continue. Les auteurs proposent dans un premier temps de retenir une forme linéaire de la relation
entre contrainte appliquée et ouverture de fissure. Nous allons utiliser ici, une relation bilinéaire,
et montrer que l’application du modèle de fissuration répartie, associée à une formulation de type
Hillerborg pour la contrainte au niveau de la zone fissurée, s’apparente à l’utilisation d’un modèle
de type endommagement (dans notre cas précis).
La phase adoucissante en traction (l’endommagement en compression est négligé dans cette
première approche) est ainsi décrite sous la forme d’une loi d’Hillerborg, c’est à dire par la
relation σ = σ (w) . Nous considérons cette relation comme étant bilinéaire avec les paramètres
représentés sur la figure 5.4.
_________________________________________________________________________- 112 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
ft
ftint
w
wint wfin
Le paramètre ft mentionné sur la figure 5.4 est la résistance en traction du béton, wfin est
l’ouverture de fissure critique au delà de laquelle la contrainte transmise entre les 2 faces de la
fissure est nulle, et ftint et wint sont des paramètres intermédiaires. La loi de fissure fictive s’écrit
donc de la façon suivante, toujours en chargement monotone:
f t − f t int
σ = ft − w si 0 ≤ w ≤ wint (5.5)
wint
f t int w fin f t int
σ= − w si wint ≤ w ≤ w fin (5.6)
w fin − wint w fin − wint
Substituant l’équation (5.4) dans les formulations (5.5) et (5.6), nous pouvons écrire la loi de
fissure fictive en fonction de la déformation globale. Il vient alors :
f t − f t int ⎛ f ⎞ ft w f
σ = ft − L⎜ ε − t ⎟ si ≤ ε ≤ int + t (5.7)
wint ⎝ E⎠ E L E
f t int w fin f t int ⎛ f ⎞ wint f t w fin f t
σ= − L⎜ ε − t ⎟ si + ≤ε ≤ + (5.8)
w fin − wint w fin − wint ⎝ E⎠ L E L E
1 ⎡ f t − f t int ⎛ f ⎞⎤ ft w f
D =1− ⎢ ft − L⎜ ε − t ⎟ ⎥ si ≤ ε ≤ int + t (5.9)
Eε ⎣ wint ⎝ E ⎠⎦ E L E
_________________________________________________________________________- 113 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
L’objectif principal de cette étude est de proposer une première approche de modélisation du
comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées, en particulier, ce qui concerne les
caractéristiques principales liées à la reprise de raideur et au comportement en phase pré-pic.
C’est donc l’effet structurel qui est recherché, et dans une première approche il a été choisi
d’utiliser des éléments poutres pour le calcul numérique. L’intérêt est ainsi de permettre de
premiers calculs rapides et simples d’un point de vue numérique, permettant néanmoins d’obtenir
les tendances générales de comportement observées. Néanmoins, ce modèle numérique reste très
limité puisque le déplacement d’une section de poutre est représenté uniquement par 3
paramètres, qui sont les déplacements (selon 2 axes orthogonaux) du centre de gravité de la
section, et la rotation de la section.
Le modèle d’endommagement retenu pour l’étude et défini dans la section 5.1.2 est alors
implanté dans le code éléments finis EFICOS. Ce code traite du calcul non linéaire sur des
_________________________________________________________________________- 114 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
éléments poutres à couches, avec un algorithme de résolution basé sur la méthode sécante
(Bazant et al., 1987).
A chaque incrément de chargement, on résout ainsi l’équation suivante :
K sec u = f (5.14)
avec K sec la matrice sécante de la structure, u le vecteur des déplacements nodaux et f celui des
efforts extérieurs appliqués
Ces éléments poutres sont discrétisés en couches, et la matrice sécante de chaque élément est
ainsi calculée comme l’assemblage des matrices élémentaires de chaque couche. Les matrices
sécantes K sec −el élémentaires sont calculées à partir des contraintes et déformations locales (en
E = 45 GPa
1 cm ft = 4 MPa
déplacement
imposé L = 1 cm
ftint (en MPa) wint (en µm) wfin (en µm)
2 mm
simulation 1 2 5 20
simulation 2 2 10 30
simulation 3 1 5 20
encastrement
Figure 5.5 Configuration de la simulation de l’essai de traction simple – Paramètres pour la loi
d’adoucissement
_________________________________________________________________________- 115 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
Les résultats des simulations sont maintenant présentés sur la figure 5.6. Les courbes représentent
la contrainte appliquée en fonction de la déformation.
simulation 1
4
contrainte (en MPa) simulation 2
simulation 3
3
0
0 0.0005 0.001 0.0015 0.002 0.0025 0.003 0.0035 0.004
déformation
Figure 5.6: Simulations d’un essai de traction simple avec différents paramètres de la loi d’adoucissement
On retrouve ainsi le comportement qui était attendu et qui permet de valider l’implantation du
modèle d’endommagement :
- une partie linéaire élastique de pente E , jusqu’à une valeur de la contrainte égale à f t
ft
(déformation correspondante égale à )
E
- une partie adoucissante bilinéaire caractéristique du comportement σ = σ ( w) , jusqu’ à
w fin ft
une valeur de déformation égale à + , avec un changement de pente à
L E
wint f t
+ (contrainte égale à f t int )
L E
_________________________________________________________________________- 116 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
20 cm – 10 éléments
Section de la
poutre : 15
couches de 10 cm
même
épaisseur
2 cm
Rotation et déplacement
horizontal bloqués
+ 5 cm
Déplacement vertical imposé
Figure 5.7 : Configuration de l’essai de la simulation de l’essai de flexion 3 points – Demi éprouvette et
section
Sur les 10 éléments poutres discrétisant la demi éprouvette, seul l’élément central (celui situé au
niveau de l’axe de symétrie et donc des conditions aux limites imposées) a un comportement
élastique endommageable. Les autres éléments sont supposés avoir un comportement totalement
élastique. La demi-largeur de FPZ est prise égale à la longueur de cet élément central, soit 2 cm.
Cette largeur est utilisée pour passer de l’ouverture de fissure w à la déformation ε, comme
présenté précédemment. Cette largeur de 2 cm correspond approximativement à la demi largeur
du nuage d’évènements acoustiques obtenu lors de la propagation de fissure sans traitement des
données (voir section 2.3.4.4, où la division horizontale vaut 1 cm). Par symétrie, les 2 éléments
centraux concentrent alors toute l’activité acoustique et représentent la FPZ (de largeur 4 cm). Par
ailleurs, le code de calcul EFICOS ne prend pas en compte l’effet de l’entaille, et la concentration
de contraintes associée. Pour se rapprocher des conditions de l’expérimentation, les 3 couches
situées à la base de l’élément central, qui représentent une hauteur de 2 cm, sont affectées d’une
raideur nulle.
Le tableau 5.8 représente maintenant les valeurs des paramètres qui ont été identifiés pour la
simulation du comportement mécanique d’une éprouvette saine de BUHP modèle. Il a, en effet,
été choisi, dans cette première approche, de réaliser les simulations sur le matériau modèle, où les
observations expérimentales sont les plus complètes, même si le développement du modèle se fait
dans un cadre beaucoup plus général.
Tableau 5.8 : Paramètres du modèle d’endommagement, identifiés pour la simulation d’un essai de flexion
3 points sur une éprouvette de BUHP modèle saine (cf figure 5.4)
_________________________________________________________________________- 117 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
La figure 5.9 représente maintenant le résultat obtenu pour la simulation en comparaison avec le
résultat de 2 essais expérimentaux sur le matériau modèle Les courbes représentent la force
appliquée en fonction de l’ouverture de fissure. Numériquement, les résultats obtenus sont les
déplacements et rotations aux nœuds ainsi que les forces et moments appliqués. L’ouverture de
fissure calculée numériquement est ainsi obtenue de la façon présentée sur la figure 5.10.
3.5
expérience 1
3 expérience 2
simulation
force (en kN)
2.5
1.5
0.5
0
0 50 100 150 200
ouverture de fissure (en µm)
Figure 5.9 : Simulation d’un essai de flexion 3 points sur le BUHP modèle en comparaison avec
l’expérience
Déplacement du nœud
avec rotation de la section
La partie élastique du comportement mécanique est bien reproduite, ainsi que le pic, et la partie
post-pic est assez bien retranscrite. Ce résultat présente une bonne simulation globale du
_________________________________________________________________________- 118 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
comportement mécanique. Nous allons maintenant nous intéresser à l’aspect local, afin de
vérifier si les endommagements calculés localement retranscrivent ce qui est constaté
expérimentalement, et en particulier, si ce résultat numérique peut servir de base pour l’état
endommagé de l’éprouvette.
Les simulations proposées dans ce chapitre s’intéressent aux éprouvettes de BUHP modèle qui
ont été pré-fissurées à 10 µm (voir les chapitres 2 et 3, pour les résultats mécaniques). En phase
de pré-fissuration, le déchargement s’effectue à 2 kN en phase post-pic. Le tableau 5.11 fournit
alors les valeurs d’endommagement calculées à ce stade, pour chacune des 15 couches de
l’élément couches de l’élément central. Les couches 1 à 3, à la base de l’élément, correspondent
aux couches de l’entaille, d’où l’endommagement égal à 1, et les couches 4 à 15 représentent le
matériau, avec la couche 15 pour la partie supérieure de l’éprouvette. La valeur de la contrainte
transmise par chaque couche (basée sur la définition du modèle de fissure fictive défini dans la
section 5.1.2) est également calculée. Cette contrainte s’apparente aussi à la résistance en traction
de la couche correspondante.
Tableau 5.11 : Valeurs de l’endommagement et de la résistance en traction des couches de l’élément fini
poutre central, au moment du déchargement lors de la phase de pré-fissuration à 10 µm (les couches 1 à 3
correspondent à l’entaille, et les couches 4 à 15 au matériau)
On remarque ainsi que 7 couches sont endommagées au moment de la décharge (hors les 3
couches totalement endommagées représentant l’entaille). La longueur d’endommagement
correspond donc à 4,7 cm, puisque la hauteur de chaque couche est de 0,67 cm (cf figure 5.7).
Celle longueur est en concordance avec les résultats de propagation de fissure obtenus par
_________________________________________________________________________- 119 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
émission acoustique (figure 5.12), où la division verticale est de 1 cm. Les valeurs
d’endommagements et de contraintes de cohésion calculées vont ainsi définir l’état endommagé
de référence.
1 cm
Longueur de
fissuration entre
4 et 5 cm
Figure 5.12 : carte émission acoustique de propagation de fissure lors de la phase de pré-fissuration d’une
éprouvette de BUHP modèle
Les résultats des chapitres 3 et 4 nous ont montré que de nouveaux cristaux précipitaient au
niveau des zones fissurées et endommagées, et redonnaient ainsi des propriétés mécaniques aux
éprouvettes. L’idée retenue pour modéliser le comportement mécanique d’une éprouvette
cicatrisée à partir de l’état fissuré, est donc d’introduire des nouvelles propriétés mécaniques au
niveau des zones endommagées. Il s’agit ainsi de proposer une nouvelle loi de comportement
pour chacune des couches endommagées des éléments finis poutres.
Dans un premier temps, il est ainsi important de mener une étude qualitative pour avoir de
premières informations sur le développement de ces propriétés et leur impact sur le
comportement global. Ceci est utile, en particulier, pour aider à comprendre comment la
cicatrisation se développe : est ce qu’elle progresse depuis la pointe ou depuis la base de la
fissure ?
En effet, les fissures qui ont été créées dans les éprouvettes ont une largeur à la base de l’ordre de
quelques dizaines de micromètres, largeur qui diminue progressivement jusqu’à la pointe où elle
s’annule. On peut alors se demander si la reprise de propriétés mécaniques au niveau du milieu
fissuré se fait plutôt depuis la pointe ou depuis la base. Afin de répondre qualitativement à cette
_________________________________________________________________________- 120 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
question, un calcul élastique est mené sur différentes configurations de propriétés mécaniques, et
notamment de module d’Young, au niveau des couches fissurées de l’élément fini central des
éprouvettes (voir la section 5.2).
La première configuration, que l’on peut appeler « cicatrisation depuis la base » consiste à
introduire des valeurs de module d’Young décroissantes depuis la base de la fissure vers la
pointe, en partant de la valeur du matériau sain au niveau de la base, jusqu’à la valeur obtenue
pour la pointe (couche 10 du tableau 5.11) après la simulation de la pré-fissuration (section 5.2).
La seconde configuration, que l’on appelle « cicatrisation depuis la pointe » consiste, elle, à
introduire des valeurs de module d’Young décroissantes depuis la pointe, en partant de la valeur
pour le matériau sain en pointe, jusqu’à la valeur obtenue après pré-fissuration pour la base de la
fissure (couche 4 du tableau 5.11). Les valeurs de module d’Young de chacune des couches,
retenues pour ces 2 simulations, sont présentées par la figure 5.13. Les simulations réalisées selon
le maillage et les conditions aux limites présentés sur la figure 5.7, sont ensuite comparées avec
la reprise de raideur constatée sur les courbes expérimentales à une semaine, où on a déjà une
reprise de raideur significative. La figure 5.14 présente ainsi le résultat de cette comparaison.
10
0 10 20 30 40
module d'Young (en GPa)
Figure 5.13 : Valeurs de module d’Young retenues pour chacune des couches, pour les simulations
qualitatives sur la reprise de raideur en fonction du « sens » de cicatrisation
_________________________________________________________________________- 121 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
2.5
1
1 semaines dans l'eau
0.5 cicatrisation depuis la pointe
cicatrisation depuis la base
0
0 5 10 15 20 25 30 35 40
ouverture de fissure (en µm)
Figure 5.14 : Simulations qualitatives de reprise de raideur depuis la pointe de fissure ou depuis la base de
la fissure (calculs « élastiques »), en comparaison avec la courbe moyenne du comportement mécanique
des éprouvettes cicatrisées une semaine
On constate que la reprise de raideur progressive depuis la pointe de fissure, vers la base, ne
permet pas de retrouver la reprise de raideur globale des éprouvettes, même après une semaine
seulement de cicatrisation. Au contraire, si on réintroduit des valeurs de module d’Young de
l’ordre de celles du matériau sain, au niveau de la base de la fissure, on retrouve assez bien la
reprise de raideur globale. Cette première simulation qualitative nous permet ainsi de conclure
que la cicatrisation a d’abord lieu au niveau de la base de la fissure, et progresse ensuite vers la
pointe, avec les reprises de propriétés mécaniques en découlant. Ainsi, selon cette hypothèse,
l’eau pénétrant dans la fissure par la base, et se dirigeant vers la pointe, réagirait presque
instantanément avec les premiers grains de ciment anhydre rencontrés au niveau des premières
zones de la fissure (la base), permettant une précipitation rapide et donc une reprise de raideur.
Cette réaction aurait tendance à ensuite freiner la progression de l’eau vers la pointe de fissure, où
les reprises de propriétés mécaniques se feraient plus lentement, créant ainsi un effet de barrière.
Nous allons donc supposer que la cinétique de cicatrisation, et donc de reprises de propriétés
mécaniques, est pilotée par la variable d’endommagement D (et donc par w, d’après la section
5.1.2). On néglige alors l’effet de barrière, et on suppose que la cicatrisation ne dépend pas du
voisinage. Tout élément endommagé est donc, selon cette hypothèse forte, atteint par l’eau, et
cicatrise avec une reprise de propriétés mécaniques fonction de l’endommagement initial. Cette
hypothèse nous permet, dans cette première approche, de simplifier le problème et en particulier
de ne pas traiter le problème de transfert d’eau en milieu poreux au cours de la cicatrisation.
_________________________________________________________________________- 122 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
Afin de se donner une idée des tendances obtenues en comparaison avec le comportement
mécanique des éprouvettes cicatrisées, il est intéressant de mener une étude qualitative au niveau
des paramètres du modèle d’endommagement (défini au paragraphe 5.1.2), qui est également
utilisé pour le comportement mécanique des couches cicatrisées. Ainsi, des simulations sont
réalisées sur des demi-éprouvettes (selon la configuration de la figure 5.7), dont l’élément central
a les caractéristiques suivantes :
- couches 1 à 3 : entaille, le module d’Young est donc égal à 0
- couches 4 à 8 : matériau cicatrisé, comportement élastique endommageable, avec une
étude de sensibilité sur les paramètres du modèle (modèle défini en 5.1.2)
- couches 9 à 15 : matériau sain, comportement élastique endommageable (défini en
5.1.2)
Cette configuration permet ainsi de définir au niveau de la hauteur de l’éprouvette, une zone
cicatrisée et une zone saine, et de voir quel peut être le comportement global de l’éprouvette dans
ces conditions. C’est une étude de sensibilité sur les paramètres du modèle d’endommagement,
qui n’est pas à rapprocher des autres simulations effectuées. Si on s’en réfère à l’essai de flexion
3 points présenté précédemment, et à l’état d’endommagement obtenu et caractéristique de la fin
de la phase de pré-fissuration, la configuration retenue présente le cas où les 5 couches les plus
endommagées adoptent le comportement du matériau cicatrisé, et où les 2 les moins
endommagées (et situées en pointe de fissure) reprennent le comportement du matériau sain. Ceci
n’est sans doute pas le cas, mais cette configuration permet de faire varier de façon plus
importante les propriétés mécaniques des zones cicatrisées, dans la mesure où on ne peut pas
mettre, en pointe de fissure, des propriétés mécaniques inférieures à celles obtenues en fin de
phase de fissuration.
Au niveau des paramètres du modèle, on en fait varier un seul à la fois, et les valeurs des
différents paramètres sont les mêmes pour toutes les couches appelées « couches cicatrisées ».
Pour l’instant, aucun gradient de propriétés mécaniques n’est donc mis en œuvre dans la
description du matériau cicatrisé.
En ce qui concerne les paramètres pour le matériau sain, ils sont pris égaux aux valeurs pour la
simulation de l’essai de flexion 3 points classique présenté dans le paragraphe 5.2, soit :
- module d’Young E sain : 42000 GPa
_________________________________________________________________________- 123 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
5.3.2.1 Influence de E
Les premières simulations font ainsi varier la valeur du module d’Young au niveau des couches
cicatrisées. Cette valeur est ainsi, tout à tour, prise égale à la valeur du matériau sain E sain , puis à
0,8 E sain , 0,6 E sain , 0,4 E sain et 0,2 E sain . La figure 5.15 représente le résultat des simulations pour
la partie élastique.
2.5
Esain
2 0,8Esain
0,6Esain
0,4Esain
force (en kN)
1.5 0,2Esain
0.5
0
0 1 2 3 4 5 6 7 8
ouverture de fissure (en µm)
Figure 5.15 : Influence du module d’Young E des couches cicatrisées sur la partie élastique du
comportement global des éprouvettes
On constate ainsi clairement que le module d’Young des couches cicatrisées a une influence
majeure sur la raideur initiale du comportement mécanique global des éprouvettes. Plus cette
valeur est faible, plus la raideur est faible. On peut donc considérer, comme cela a déjà été mis en
évidence dans le paragraphe 5.3.1, que les raideurs des couches cicatrisées doivent être de l’ordre
du module d’Young du matériau sain, lorsque la reprise de raideur est totale.
_________________________________________________________________________- 124 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
5.3.2.2 Influence de f t
On fait maintenant varier la valeur de la résistance en traction des couches cicatrisées. Celle ci
varie depuis la valeur de la résistance en traction du matériau sain, jusqu’à 0,4 fois cette valeur.
La figure 5.16 présente le résultat des simulations.
3.5
3
ft
2.5 0,8ft
0,6ft
force (en kN)
2 0,5ft
0,4ft
1.5
0.5
0
0 50 100 150
ouverture de fissure (en µm)
Figure 5.16 : Influence de la résistance en traction f t des couches cicatrisées sur le comportement
mécanique global
On remarque l’influence nette de la résistance en traction des couches cicatrisées sur le pic de
force. En effet, plus cette résistance est faible, plus la capacité portante est faible, et on note
également une augmentation de l’ouverture de fissure au pic avec la diminution de cette force au
pic. On peut également mettre en évidence une diminution de la force appliquée à l’amorçage de
l’endommagement des éprouvettes, avec la diminution de la résistance en traction. Ce résultat est
ainsi à mettre en relation directe avec les résultats mécaniques obtenus pour le comportement des
éprouvettes cicatrisées. Par exemple, le résultat de la simulation avec une valeur de la résistance
en traction égale à 0,4 fois celle du matériau sain, nous permet bien de retrouver une tendance
perçue sur le comportement des éprouvettes cicatrisées, à savoir un comportement élastique suivi
d’une rupture de pente jusqu’au pic de force, ce qui pourrait indiquer que les résistances en
traction des couches cicatrisées sont sensiblement plus faibles que celles de couches saines.
Ainsi, afin de mener une étude de sensibilité plus pertinente, l’influence des autres paramètres va
maintenant être étudiée en prenant une valeur de E égale à 42 GPa, et une valeur de résistance en
traction égale à 1,5 MPa pour les couches cicatrisées. Cette valeur de 1,5 MPa (égale à 0 ,35 fois
la résistance en traction utilisée précédemment) a été choisie de façon à pouvoir bien mettre en
_________________________________________________________________________- 125 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
évidence au niveau des simulations l’effet double pente en phase pré-pic observé
expérimentalement. Les autres valeurs des paramètres ne changent pas, sauf pour le paramètre
variable.
2.5
2 1,5 MPa
1,2 MPa
1 MPa
force (en kN)
0.5
0
0 50 100 150
ouverture de fissure (en µm)
Figure 5.17: Influence de la résistance en traction intermédiaire f t int des couches cicatrisées sur le
comportement mécanique global
_________________________________________________________________________- 126 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
2.5
2 2 µm
4 µm
6 µm
force (en kN)
1.5 8 µm
10 µm
0.5
0
0 50 100 150
ouverture de fissure (en µm)
Figure 5.18 : Influence de l’ouverture de fissure intermédiaire wint des couches cicatrisées sur le
comportement mécanique global
_________________________________________________________________________- 127 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
µm, la valeur pour le matériau sain étant de 16 µm. Les valeurs de f t et f t int sont respectivement
prises égales à 1,5 MPa et 1 MPa. La figure 5.19 présente le résultat des simulations.
10 µm
13 µm
1.5 16 µm
19 µm
force (en kN)
22 µm
1
0.5
0
0 50 100 150
ouverture de fissure (en µm)
Figure 5.19 : Influence de l’ouverture de fissure critique w fin des couches cicatrisées sur le comportement
mécanique global
Comme on peut le constater sur la figure 5.19, l’influence de l’ouverture de fissure critique des
couches cicatrisées sur le comportement global, se situe surtout en phase post-pic. En effet,
malgré une légère influence au niveau du pic de charge, on peut constater que le paramètre décrit
surtout la première phase de la partie post-pic de comportement, avant que l’influence du
matériau sain ne prédomine (lorsque toutes les courbes se rejoignent)
5.3.2.6 Bilan
_________________________________________________________________________- 128 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
L’étude de sensibilité réalisée au paragraphe 5.3.2 nous a permis de mettre en évidence les
grandes tendances de reprise de propriétés mécaniques au niveau de la fissure existante, et de
faire le lien avec le comportement mécanique global des éprouvettes cicatrisées. L’objectif de
cette section est maintenant de présenter, dans son cadre thermodynamique, le modèle de
comportement, tenant compte de la cicatrisation, qui a été développé.
Les chapitres précédents ont montré que la principale cause de reprise de propriétés mécaniques
au niveau des zones fissurées était liée à la précipitation de nouveaux hydrates. Il faut ainsi
introduire au niveau de la description du comportement mécanique des zones cicatrisées de
l’éprouvette, des propriétés mécaniques dépendantes de cette hydratation.
Des approches de développement des propriétés mécaniques avec l’hydratation ont été proposées
par Bournazel (1992), avec l’introduction du concept de maturation, ou plus récemment par Ulm
et al. (1995 et 1996). C’est ce modèle d’hydratation qui est retenu est présenté ici.
Le modèle se place dans la théorie des milieux poreux réactifs développée par Coussy (voir Ulm
et Coussy, 1995). Selon cette théorie, l’hydratation du ciment, composée de multiples réactions
chimiques de cinétiques et amplitudes différentes, peut être vue de la façon suivante : à l’instant t,
la partie solide du milieu poreux est formée de ciment anhydre et d’hydrates. Pour que la réaction
apparaisse, l’eau doit diffuser à travers les couches d’hydrates déjà formées. Une fois en contact,
de nouveaux hydrates sont formés instantanément au regard des temps caractéristiques de
diffusion. Ainsi, c’est le taux m0 de formation en masse de nouveaux hydrates qui est
représentatif de la réaction d’hydratation. Le taux d’hydratation que l’on notera x0 est relié à m0
de la façon suivante :
m0 = kx0 avec k une constante (5.16)
Ce taux x0 est contrôlé par le déséquilibre thermodynamique (affinité Ax ) entre l’eau libre et
l’eau combinée dans la partie solide, et amplifié par l’activation thermique quand l’eau se
combine au ciment anhydre.
_________________________________________________________________________- 129 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
Lorsque le système est clos, la variable d’avancement de l’hydratation x est reliée à la masse
d’hydrates formés, par la relation suivante :
m = kx (5.17)
où k est la même constante que pour la relation (5.16), on ne parle plus ici de taux.
La variable x peut alors être considérée comme la variable interne représentant l’avancée de
l’hydratation
- la température T
- la variable d’hydratation x (représentant l’avancée de l’hydratation, et reliée à la
masse d’hydrates formés)
Le modèle est ici présenté dans une version ne tenant pas compte des effets de déformations
endogènes liés à l’hydratation.
ρψ 0 = − S 0 (T − T0 ) − Ax x0
(5.19)
1
ρψ 1 = −3K ( x)trε (α (T − T0 )) + F ( x)(T − T0 ) (5.20)
T0
1 1 Cε
ρψ 2 = K ( x)tr 2 ε + G ( x)e : e − (T − T0 )2 + 1 κx 2 (5.21)
2 2 T0 2
trε E ( x) E ( x)
avec ε = e + I , K ( x) = , G ( x) = et Cε et κ sont 2 constantes
3 3(1 − 2υ ) 2(1 + υ )
ρψ 0 représente la contribution de l’état initial (entropie S 0 et affinité Ax ), ρψ 1 représente les
0
couplages entre déformations, température et taux d’hydratation (F(x) est la chaleur générée par
l’hydratation) et ρψ 2 considère les termes du second ordre en ε , T et x. Le fait de ne pas tenir
compte des déformations endogènes explique le découplage entre F et ε dans l’équation (5.20).
_________________________________________________________________________- 130 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
s = 2G ( x )e (5.24)
∂ρψ
S=− (5.25)
∂T
1
d’où S = S0 + [Cε (T − T0 ) + 3K ( x)αT0 trε − F ( x)] (5.26)
T0
∂ρψ
• Ax = − (5.27)
∂x
∂K ( x) ∂F ( x) T − T0 1 ∂K ( x) 2 ∂G ( x)
d’où Ax = Ax0 − κx + 3 α (T − T0 )trε − − tr ε − e:e (5.28)
∂x ∂x T0 2 ∂x ∂x
Dans l’hypothèse des petites déformations, les termes du second ordre en trε et e sont négligés.
On se place maintenant dans des conditions isothermes, ce qui sera le cas pour notre étude sur la
cicatrisation dans la mesure où la réaction est limitée aux grains de ciment anhydres présents sur
les surfaces de fissure. Ceci est complètement différent d’une hydratation classique du ciment,
qui est, elle, exothermique. La faible proportion, en volume, du ciment réagissant pendant la
cicatrisation, ne peut en effet, pas faire varier de façon conséquente la température au sein du
système. On obtient alors, en conditions isothermes :
ϕ = [Ax − κx ] x = Ax x
. .
0
(5.31)
_________________________________________________________________________- 131 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
Comme mentionné précédemment, la diffusion de l’eau à travers les couches d’hydrates contrôle
.
la cinétique d’hydratation. Le taux d’hydratation x peut ainsi être vu comme une mesure du taux
de diffusion. Une loi d’évolution du type Arrhenius peut être adoptée, comme suit :
.
⎛E ⎞ . Ax ⎛ E ⎞
Ax = η x x exp⎜ x ⎟ ou x= exp⎜ − x ⎟ (5.32)
⎝ RT ⎠ ηx ⎝ RT ⎠
où E x est l’énergie d’activation de l’hydratation, η x un coefficient de viscosité et R la constante
universelle des gaz parfaits.
Dans ces conditions, la dissipation intrinsèque ϕ (équation 5.30) est bien positive ou nulle,
.
lorsque η x est positif. Nous avons, en effet, le taux de réaction x qui est toujours positif ou nul.
L’inégalité de Clausius-Duhem est ainsi respectée et le modèle d’hydratation est
thermodynamiquement admissible.
Le milieu qui va cicatriser est déjà représenté par une variable d’endommagement scalaire D1 ,
représentative de la fin de la phase de pré-fissuration. Ce milieu va alors cicatriser et être soumis
à un chargement (au cours ou à la fin de la cicatrisation) lors de la phase de caractérisation du
comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées.
Afin de représenter l’avancée de la cicatrisation, la variable d’état x (appelée cette fois ci
variable de cicatrisation, et non plus d’hydratation, et définie dans le paragraphe précédent) est
conservée. L’endommagement lors de la seconde phase de rechargement est, lui, caractérisé par
l’introduction d’une nouvelle variable d’état (endommagement scalaire) D2 , puisque ce sont les
cristaux nouvellement formés qui vont être endommagés.
Le bilan des variables d’état est représenté dans le tableau 5.20, ainsi que les variables associées.
A noter, que l’on se place en conditions isothermes comme déjà évoqué précédemment.
_________________________________________________________________________- 132 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
Tableau 5.20 : Bilan des variables d’état thermodynamiques associées aux phénomènes à modéliser
Ayant défini les variables d’état, on recherche l’existence d’un potentiel thermodynamique ρψ
duquel seront dérivées les lois d’état. En première approche, nous proposons l’écriture suivante
pour le potentiel thermodynamique :
1
ρψ = (1 − D2 )E ( x) : ε : ε + 1 (1 − D1 )E : ε : ε + ρψ x ( x, ε , D1 , D2 ) (5.33)
2 2
où E ( x ) est le tenseur d’élasticité fonction de la cicatrisation et E le tenseur d’élasticité du
matériau sain.
Lorsqu’il n’y a pas de cicatrisation, on a E ( x ) = 0 , et on retrouve le comportement endommagé
initial.
On suppose alors que la partie du potentiel, ρψ x , associée à la variable de cicatrisation, ne
dépend justement que de cette variable d’état. On peut ainsi écrire, au regard du modèle
d’hydratation défini au paragraphe précédent, le potentiel thermodynamique de la façon
suivante :
ρψ =
1
(1 − D2 )E ( x) : ε : ε + 1 (1 − D1 )E : ε : ε + ⎛⎜ 1 κx 2 − Ax0 x ⎞⎟ (5.34)
2 2 ⎝2 ⎠
où κ est une constante et Ax0 une constante caractérisant l’affinité chimique initiale.
Les lois d’état sont obtenues par dérivation du potentiel par rapport aux variables internes.
La première concerne le comportement mécanique du milieu et est définie ainsi :
∂ρψ
σ= (5.35)
∂ε
Soit :
σ = (1 − D2 )E ( x) : ε + (1 − D1 )E : ε (5.36)
_________________________________________________________________________- 133 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
endommagements Y1 et Y2 :
∂ρψ ∂ E ( x)
Ax = −
∂x
1
= − (1 − D2 )
2 ∂x
(
: ε : ε − κx − Ax0 ) (5.38)
∂ρψ 1
Y1 = = − E :ε :ε (5.39)
∂D1 2
∂ρψ 1
Y2 = = − E ( x) : ε : ε (5.40)
∂D2 2
1 . 1 . ⎡ 1 ∂ E ( x) ⎤.
ϕ= D1 E : ε : ε + D2 E ( x) : ε : ε + ⎢ Ax0 − κx − (1 − D2 ) :ε :ε⎥ x (5.42)
2 2 ⎢⎣ 2 ∂x ⎥⎦
Dans l’hypothèse des petites déformations, les termes du second ordre en ε sont négligés. Il
vient alors :
ϕ = [Ax − κx ] x ≅ Ax x
. .
0
(5.43)
Il s’agit maintenant de définir les lois d’évolution propres aux variables internes et aux variables
associées pour compléter la modélisation du comportement des éprouvettes cicatrisées. C’est ce
qui va être fait dans le paragraphe suivant, pour le cas spécifique des éprouvettes de BUHP
modèle fissurées à 10 µm puis cicatrisées.
Des premiers résultats de simulation pour les éprouvettes de matériau modèle fissurées à 10 µm
sont maintenant présentés. Comme, nous le verrons dans le déroulement de ce paragraphe, les
résultats présentés seront semi-quantitatifs, dans la mesure où la représentation de l’état fissuré
des éprouvettes, et notamment la prise en compte de l’ouverture de fissure résiduelle de 10 µm
lors de la phase de rechargement, n’ont pas été possibles avec la modélisation utilisée.
2.5
2 expérience
simulation
force (en kN)
1.5
10µm
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
expérimental, qui n’est pas non plus représenté numériquement), mais que l’atteinte de la force
maximale se fait pour une ouverture de fissure numérique décalée d’environ 10 µm par rapport à
l’expérience (comme indiqué sur la figure 5.21). Ces 10 µm correspondent à la largeur de fissure
résiduelle obtenue expérimentalement. Par ailleurs, la valeur du pic expérimental est légèrement
inférieure à la valeur de la force au moment du déchargement, ce qui n’est pas le cas au niveau du
calcul numérique. Ces aspects nous amènent ainsi à proposer dans la suite de cette étude des
résultats semi-quantitatifs, dans la mesure où les raideurs peuvent être représentées correctement,
mais où les courbes numériques et expérimentales peuvent difficilement être comparées, compte
tenu du décalage lié aux ouvertures de fissures résiduelles.
σ = [E (1 − D1 ) + E ( x)]ε = E c ε
f tc
si ε ≤ (5.45)
Ec
σ = E (1 − D1 )ε + (1 − D2 )E ( x)ε
f tc
si ε > (5.46)
Ec
Dans la phase élastique, le comportement mécanique est caractérisé par le module d’Young
Ec (x) dépendant de la cicatrisation :
E c ( x) = (1 − D1 )E + E ( x) (5.47)
On peut également noter que la reprise de raideur de la couche cicatrisée doit être limitée, de
façon à ce que le module d’Young de la couche cicatrisée ne soit pas supérieur à celui de la
couche saine.
_________________________________________________________________________- 136 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
⎡ D2 g ( x, D1 ) ⎤
σ = Ec ( x) ⎢1 − ⎥ε = E c ( x)[1 − Dc ]ε (5.52)
⎣ 1 − D1 + g ( x, D1 ) ⎦
Une couche cicatrisée a ainsi un comportement linéaire élastique, puis endommageable en phase
D2 g ( x, D1 )
adoucissante, avec une variable d’endommagement Dc égale à . On peut alors,
1 − D1 + g ( x, D1 )
pour chacune des couches cicatrisées, définir un modèle d’endommagement, avec les paramètres
définis dans le paragraphe 5.1.
Après avoir atteint la limite élastique, le matériau formé s’endommage donc. Dc va varier de 0 à
1. On peut imaginer dans un premier temps une variation plutôt associée à D2 , avec des valeurs
évoluer jusqu’à sa valeur limite égale à 1. Lorsque D1 et D2 sont tous les 2 égaux à 1, Dc est
alors lui aussi égal à 1, et la couche est totalement endommagée.
_________________________________________________________________________- 137 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
ft
comportement sain
ftc
comportement cicatrisé
comportement fissuré E(1-D1) en phase élastique
Figure 5.22 : Comportement mécanique des couches cicatrisées en comparaison avec le comportement des
couches saines et endommagées
Le comportement mécanique de la couche cicatrisée est caractérisé par une reprise de raideur
initiale en comparaison avec la raideur du matériau fissuré. Lorsque la contrainte appliquée
atteint la nouvelle résistance en traction ftc (figure 5.22), la couche commence à s’endommager.
La première phase d’endommagement se fait jusqu'à l’endommagement complet du nouveau
matériau formé dans la couche (c’est la partie endommagement avec variation de D2). Le
comportement mécanique atteint alors le point correspondant au pic de contrainte du
comportement de la couche fissurée avant cicatrisation, puis l’endommagement se poursuit (avec
variation de D1) jusqu’à rupture complète de la couche. Ainsi connaissant le pic de contrainte de
la couche fissurée, et la reprise de raideur et de résistance en traction après cicatrisation, on est
capable de déterminer les autres paramètres du modèle d’endommagement (ftint, wintc, wfinc) à
partir du comportement, à la fin de la phase de pré-fissuration, de la couche fissurée. On réalise
donc une interpolation à partir du pic du comportement cicatrisé (défini avec les nouveaux
modules d’Young et résistance en traction) jusqu’à l’état fissuré initial (figure 5.23).
_________________________________________________________________________- 138 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
σ
ft Couche cicatrisée
ftint
Couche fissurée
ε
ε correspondant au wintc du modèle de comportement de la couche
Les fonctions G (introduite dans le calcul du nouveau module d’Young de la couche, (5.49)) et g
(pour le calcul de la nouvelle variable d’endommagement de la couche (5.52)) sont ainsi définies
indirectement au travers de l’interpolation. Le but est donc d’identifier les paramètres de la
nouvelle loi d’endommagement pour chacune des couches, et pour les différentes périodes de
cicatrisation, et de s’assurer que les lois d’évolution sont bien fonctions de l’endommagement
initial et de l’avancée de la cicatrisation. C’est ce que l’on propose de faire dans la section
suivante pour les éprouvettes de BUHP modèle fissurées à 10 µm.
_________________________________________________________________________- 139 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
5
couche 4 (base)
couche 5
4 couche 6
0
0 0.0002 0.0004 0.0006 0.0008 0.001
déformation
Figure 5.24 : Comportement mécanique des couches endommagées à la fin de la phase de pré-fissuration
pour les éprouvettes de BUHP modèle fissurées à 10 µm
L’obtention des comportements mécaniques des couches cicatrisées a été présentée dans la
section 5.5.2. Comme il a déjà été évoqué, la connaissance de l’évolution, en fonction de la
cicatrisation, de la résistance en traction et du module d’Young permet de définir le
comportement mécanique par interpolation (cf figure 5.22). Les autres paramètres du modèle
d’endommagement sont alors déduits du comportement du matériau sain (cf figure 5.23)
Le tableau 5.25 représente alors l’ensemble des paramètres qui ont été calés, pour chacune des
couches initialement endommagées (couches 4 à10), et pour chaque période de cicatrisation, afin
de simuler le comportement des éprouvettes de BUHP modèle cicatrisées. L’ensemble de ces
valeurs est à rapprocher et à comparer aux valeurs des endommagements et des contraintes de
cohésion obtenues en fin de phase de pré-fissuration et présentées également dans le tableau (état
fissuré)
_________________________________________________________________________- 140 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
numéro couche 4 5 6 7 8 9 10
ft (en MPa) 0,65 0,943 1,034 1,226 1,419 2,212 3,198
état fissuré
E (en GPa) 1,01 1,49 2,12 2,98 4,24 8,22 17,65
ft (en MPa) 0,86 0,946 1,075 1,247 1,462 2,15 3,21
ftint (en MPa) 0,65 0,843 1,032 1,226 1,419 1,5 1,5
1semaines E (en GPa) 33,6 32,76 31,5 29,4 26,88 24,36 21
wint (en µm) 12,32 10,72 9,07 7,37 5,59 4,28 3
wfin (en µm) 17,53 17,47 17,36 17,19 16,96 16,28 15
ft (en MPa) 1,1 1,2 1,3 1,5 1,7 2,35 3,25
ftint (en MPa) 0,65 0,843 1,032 1,22 1,419 1,5 1,5
3 semaines E (en GPa) 37,9 36 35 34 33 31 26
wint (en µm) 12,24 10,63 9,01 7,33 5,64 4,53 3,54
wfin (en µm) 17,45 17,38 17,3 17,16 17,01 16,53 15,54
ft (en MPa) 1,16 1,8 2 2 2,4 2,8 3,4
ftint (en MPa) 0,65 0,843 1,032 1,22 1,419 1,5 1,5
10 semaines E (en GPa) 40 39,5 39 38,5 38 37 35
wint (en µm) 12,04 10,38 8,73 7,18 5,41 4,53 4,1
wfin (en µm) 17,24 17,13 17,02 17 16,78 16,43 16,1
ft (en MPa) 1,93 2,18 2,43 2,68 2,93 3,18 3,64
ftint (en MPa) 0,65 0,843 1,032 1,22 1,419 1,5 1,5
20 semaines E (en GPa) 42 42 42 42 42 42 42
wint (en µm) 11,91 10,26 8,6 6,94 5,28 4,53 4,31
wfin (en µm) 17,12 17 16,89 16,77 16,65 16,53 16,31
Tableau 5.25 : Valeurs des paramètres du modèle d’endommagement retenues pour les couches
initialement endommagées, pour les simulations à 1, 3, 10 et 20 semaines
Les figures 5.26 et 5.27 représentent maintenant les évolutions de module d’Young et de
résistances en traction de ces couches endommagées, au fur et à mesure du temps de cicatrisation.
Même si elles n’ont pas encore pu être écrites explicitement, on remarque les évolutions des
propriétés mécaniques des couches en fonction du temps de cicatrisation et de la valeur de
l’endommagement initial, comme nous en avons fait l’hypothèse précédemment.
4
résistance en traction (en MPa)
3.5
2.5
1.5
1
Couches 4 (base) à 10 (pointe)
0.5
0
0 5 10 15 20 25 30 35 40
temps de cicatrisation (en semaines)
Figure 5.26 : Evolution des résistances en traction des couches endommagées (fissuration à 10 µm sur le
BUHP modèle) en fonction du temps de cicatrisation
_________________________________________________________________________- 141 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
50
20
10
0
0 5 10 15 20 25 30 35 40
temps de cicatrisation (en semaines)
Figure 5.27 : Evolution du module d’Young des couches endommagées (fissuration à 10 µm sur le BUHP
modèle en fonction du temps de cicatrisation
A partir du calage de ces évolutions, nous pouvons ainsi simuler le comportement mécanique
pour des éprouvettes cicatrisées pendant 1, 3, 10 et 20 semaines. Le résultat des simulations est
présenté sur la figure 5.28, en comparaison avec les résultats expérimentaux moyens sur la figure
5.29. Les courbes représentent le rapport entre la force appliquée et la force de déchargement en
phase de pré-fissuration, en fonction de l’ouverture de fissure.
1.5
1 semaine - num
3 semaines - num
force / force de déchargement
10 semaines - num
20 semaines - num
1
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
Figure 5.28: Simulation du comportement mécanique des éprouvettes de BUHP modèle fissurées à 10 µm,
pour différentes périodes de cicatrisation
_________________________________________________________________________- 142 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
1.5
1 semaine - exp
3 semaines - exp
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
Figure 5.29 : Comportements mécaniques moyens pour les éprouvettes de BUHP modèle fissurées à 10
µm, en fonction du temps de cicatrisation
_________________________________________________________________________- 143 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
nous pouvons calculer D2 par l’intermédiaire de l’équation (5.52), et représenter son évolution
en fonction de la déformation totale ε de la couche. La figure 5.30 représente ainsi les lois
d’évolution de la variable d’endommagement D2 pour les différentes couches cicatrisées, et ce
pour le calage à 20 semaines de cicatrisation.
_________________________________________________________________________- 144 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
1.2
2
endommagement D
0.8
couche 4
0.6 couche 5
couche 6
couche 7
0.4 couche 8
couche 9
0.2 couche 10
0
0 0.0001 0.0002 0.0003 0.0004 0.0005 0.0006
déformation
Figure 5.30 : Lois d’évolution de la variable d’endommagement D2 pour chacune des couches
cicatrisées, avec le calage à 20 semaines
On remarque alors que les lois d’évolution de D2 sont quelque peu différentes en fonction des
couches cicatrisées concernées. Cela vient du fait que les lois d’évolution sont ici présentées en
fonction de la déformation globale de la couche (constituée d’un mélange de matériau initial
fissuré et de matériau créé), et non de la déformation locale au niveau du matériau créé, duquel la
variable D2 décrit l’endommagement. Cette déformation locale n’est ici pas calculable, et on
peut néanmoins au vu des lois d’évolution de la figure 5.30, penser que celles ci sont relativement
uniformes au niveau de toutes les couches. On peut également représenter les lois d’évolution
pour une couche en fonction des calages à différents temps de cicatrisation. Par exemple pour la
couche 8, avec les calages à 1 et 20 semaines (figure 5.31).
1.2
1
endommagement D2
0.8
0.6
1 semaine
0.4 20 semaines
0.2
0
0 0.0001 0.0002 0.0003 0.0004 0.0005 0.0006
déformation
Figure 5.31 : Lois d’évolution de la variable d’endommagement D2 pour la couche cicatrisée 8, avec les
calages à 1 et 20 semaines
_________________________________________________________________________- 145 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
On remarque alors que les lois d’évolution pour cette couche sont sensiblement identiques pour
les 2 périodes de cicatrisation. Le même type de résultat peut être obtenu pour chacune des
couches et pour les différents temps de cicatrisation, compte tenu du calage réalisé. Ces
évolutions nous permettent ainsi de valider notre calage, qui s’inscrit donc bien dans la démarche
théorique présentée précédemment.
5.6 Conclusion
_________________________________________________________________________- 146 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
Forts de ces éléments qualitatifs, un modèle de comportement avec cicatrisation est présenté. Il
couple ainsi comportement cicatrisant (inspiré d’un modèle d’hydratation proposé par Ulm et al.
(1995)) et comportement élastique endommageable. Le cadre thermodynamique général de ce
modèle est ainsi présenté, et dans une dernière partie, ce modèle est appliqué aux éprouvettes de
BUHP modèle cicatrisées après pré-fissuration à 10 µm. Des lois d’évolution des variables sont
ainsi définies de façon semi-quantitative, et les simulations apportent de premiers résultats
permettant de retrouver les caractéristiques et les évolutions de comportement observées
expérimentalement. Néanmoins, le modèle présenté reste une première approche et la définition
plus précise des lois d’évolution des propriétés mécaniques est nécessaire pour représenter de
façon plus fine les comportements observés. Cette étape s’inscrit ainsi dans les perspectives
associées à ce travail.
_________________________________________________________________________- 147 -
5. Modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées : première approche
_________________________________________________________________________- 148 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
CHAPITRE 6
INTRODUCTION
En marge du programme d’essais réalisés sur le béton modèle et sur les bétons à hautes
performances, dont les détails et résultats ont été proposés dans les chapitres 2 à 4, et aboutissant
à la proposition d’une modélisation du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées
(chapitre 5), un autre outil d’analyse de la cicatrisation a été développé au cours de ce travail.
L’objectif est tout autre que celui développé dans les pages précédentes. La question n’est plus ici
d’apporter de nouveaux éléments de compréhension sur le phénomène de cicatrisation des
fissures et son impact sur les propriétés mécaniques d’éléments structurels, mais de développer
un outil capable de suivre, en direct et de façon non destructive, le phénomène de cicatrisation.
L’émission acoustique avait été utilisée pour suivre les processus de fissuration des éprouvettes
de façon passive (les capteurs ne fonctionnant qu’en réception), et c’est ici une technique active
(réception et émission) qui est développée. Les méthodes de contrôle non destructif actives pour
les bétons sont nombreuses, et on peut citer par exemple des méthodes basées sur la propagation
ultrasonore (Chaix et al., 2003) ou sur des mesures électrochimiques (Idrissi et al., 2003) ou de
résistivités (Lataste et al., 2003). La méthode utilisée ici est basée sur le principe de retournement
temporel développé par Fink (1992 et 1999), et présente la particularité de ne pas encore avoir été
utilisée pour l’inspection des bétons et des matériaux cimentaires.
Ainsi, ce chapitre s’attache, dans un premier temps, à présenter le principe de retournement
temporel, et les applications qui ont pu être proposées. La section 2 présente ensuite les
développements qui ont été réalisés au niveau de l’instrumentation, et notamment la validation
des capteurs retenus pour la mise en œuvre de la méthode. Et enfin, la dernière partie présente les
premiers résultats de suivi de la cicatrisation par retournement temporel, sur un essai
démonstratif.
_________________________________________________________________________- 149 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
La technique de contrôle non destructif présentée ici, et qui est appliquée au suivi du phénomène
de cicatrisation des fissures, est basée sur le phénomène de focalisation ultrasonore dans les
solides, par retournement temporel. Comme déjà évoqué, cette technique a été principalement
proposée par Fink (1992 et 1999). Les principes et applications les plus significatives sont
présentés dans cette section.
La technique a été initialement développée en laboratoire pour la focalisation dans des milieux
fluides. Ainsi, une onde acoustique se propageant dans un milieu fluide non dissipatif de vitesse
du son c(r ) et de densité ρ (r ) peut être décrite par le champ de pression p ( r , t ) , solution de
l’équation suivante :
⎛ grad p ⎞ 1 ∂2 p
div⎜ ⎟− =0 (6.1)
⎜ ρ (r ) ⎟ ρ (r )c(r ) 2 ∂t 2
⎝ ⎠
invariante par retournement temporel : si p ( r , t ) est solution de l’équation (6.1) alors p ( r ,−t ) est
également solution de cette équation. Si l’émission est limitée à un temps fini T (ce qui est
souvent le cas, en pratique), alors p(r , T − t ) est également solution de l’équation d’onde. La
méthode repose donc sur la propriété essentielle que la propagation d’une onde dans un milieu
non dissipatif est réversible.
Le retournement temporel est aussi applicable aux ondes élastiques se propageant dans les
solides. En effet, le champ acoustique dans un solide homogène et isotrope, sans atténuation ni
ρ (r )
∂ 2 u (r , t )
∂t 2
( ) ( ( )) (
= λ (r ) + 2μ (r ) grad div u (r , t ) − μ (r )rot rot (u (r , t )) ) (6.2)
_________________________________________________________________________- 150 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
Ainsi, en pratique, si les pertes d’énergie sont faibles dans le milieu étudié, les équations
gouvernant la propagation des ondes, assurent que des signaux émis depuis un point source puis
détectés, peuvent être renvoyés à leur source après avoir été retournés temporellement et réémis
dans le milieu. Les ondes convergent de façon synchronisée à leur source originale, en recréant le
signal émis initialement. En théorie, le signal source est recréé mais en pratique, compte tenu des
pertes d’énergie inévitables, la focalisation (que l’on peut également appeler convergence) se
traduit par un maximum d’amplitude et d’énergie du signal au niveau du point source. Cette
méthode est également auto-adaptative dans la mesure où elle tient compte, en théorie, des
distorsions de phase et d’amplitudes subies par l’onde au cours de sa propagation à travers le
milieu. L’hétérogénéité du milieu n’a donc pas d’importance, et la méthode présente donc le
grand avantage de pouvoir être appliquée aux matériaux hétérogènes.
L’intérêt du retournement temporel réside donc dans la capacité à faire parcourir à l’onde le
chemin parcouru en sens inverse, et de la faire focaliser au niveau de sa source. L’étude de la
focalisation au point source est alors influencée par les changements pouvant apparaître dans le
milieu, et permet ainsi de mettre en évidence, notamment, la présence de défauts ou de
phénomènes naissant ou se développant dans le milieu.
En théorie, pour recréer l’intégralité du signal émis à sa source, il faudrait être capable de détecter
dans toutes les directions, et en particulier dans le cas d’un solide, sur toute la surface de celui-ci.
En pratique, c’est quasiment impossible et la surface sur laquelle est enregistrée l’onde
acoustique est réduite. C’est ce qu’on appelle un miroir à retournement temporel.
Le miroir à retournement temporel est constitué d’une part, d’un réseau de transducteurs et
d’autre part, d’une électronique capable d’enregistrer le signal capté par chacun des transducteurs
et de le réémettre dans la chronologie inverse.
En contrôle non destructif, le procédé de focalisation par retournement temporel se décompose
alors en 3 étapes :
- une première onde est émise vers le milieu étudié afin de solliciter le réflecteur (qui
s’apparente à la source) sur lequel on désire focaliser
- l’onde réfléchie est captée par chacun des transducteurs du réseau
- le signal délivré par chaque transducteur est numérisé puis retourné temporellement,
avant que l’onde retournée temporellement ne soit émise au même temps par tous les
transducteurs
_________________________________________________________________________- 151 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
On peut également, dans certains cas, capter directement un signal provenant d’un défaut depuis
le milieu, sans avoir à émettre une onde au préalable pour détecter ce défaut. Le principe de
retournement se fait de la même façon et permet de refocaliser le signal au niveau de sa source.
Dans les deux cas, la procédure permet ainsi de convertir une onde divergente issue d’un
réflecteur en une onde convergente sur cette même cible, sans forcément connaître sa position.
Le principe de retournement des signaux est ainsi schématisé sur la figure 6.1.
Figure 6.1 : Principe de retournement temporel des ondes acoustiques (d’après Fink, 1999)
Le processus de retournement temporel peut également être itéré. Cette technique permet alors
une focalisation sélective lorsque le milieu contient plusieurs cibles. En effet, s’il existe un
diffuseur plus échogène que les autres, alors le retournement temporel itératif fournira une onde
convergente vers le diffuseur dominant. La technique de « diagonalisation de l’opérateur de
retournement temporel » a d’ailleurs été mise au point par l’équipe de Fink pour mettre en œuvre
cet aspect de séparation des sources, de façon numérique (Prada et al., 2002)
La variété d’applications de la technique de retournement temporel est très grande. On peut ainsi
citer parmi les applications les plus courantes, la détection de défauts dans les matériaux, couplée
à de l’imagerie, avec notamment les travaux de Kerbrat (2001), Kerbrat et al. (2002) ou de
Clorennec et al. (2002). D’autres applications sont aujourd’hui développées dans le milieu
médical, notamment pour l’imagerie et la thérapie (Wu et al., 1992, Fink et al., 2003 ou encore
_________________________________________________________________________- 152 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
La mise en oeuvre de la technique pour les matériaux cimentaires s’inspire notamment des
travaux sur le retournement temporel réalisés dans le cadre des cavités réverbérantes. La
technique de retournement temporel a, jusqu’à présent, été présentée dans le cas des signaux
directs allant directement de la source aux capteurs. On peut cependant imaginer, dans le cas de
structures solides, qu’un réseau de capteurs puisse être excité par l’onde acoustique directe, mais
également par les multiples réflexions sur les bords de la structure, dont a fait l’objet cette onde
depuis la source. Ainsi, le procédé de focalisation par retournement temporel peut également
exploiter chacune de ces réflexions de l’onde acoustique, ce qui d’ailleurs permet d’augmenter la
résolution du système focalisant. Plus les ondes subissent de réflexions, meilleure est la
résolution. Les milieux réverbérants sont donc des milieux de choix pour la focalisation par
retournement temporel (Quieffin, 2004).
Dans le cas des milieux réverbérants, suite aux multiples diffusions, le champ acoustique prend
alors l’apparence d’un signal dont l’amplitude suit une distribution aléatoire. Ce champ est
qualifié de « coda ». Draeger et al. (1997) ont observé des codas dans des plaques de silicium en
forme de disque. Un dispositif expérimental de retournement temporel à une seule source est mis
en place sur ces plaques. Les ondes acoustiques sont générées et détectées par des transducteurs
couplés à des pointes d’aluminium (figure 6.2). Un des transducteurs émet une impulsion
ultrasonore (une période et demie d’une sinusoïde à 1 MHz) au point A (figure 6.2) qui se
propage et se réfléchit sur les parois de la cavité. L’énergie acoustique est notamment piégée à
l’intérieur de la cavité car la rupture d’impédance air/silice empêche presque tout rayonnement de
cette énergie dans le milieu extérieur. L’autre transducteur enregistre le signal avec ses échos au
_________________________________________________________________________- 153 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
point B (figure 6.2) et fournit ainsi la réponse impulsionnelle qui relie le point A et le point de
réception.
Grâce aux multiples réflexions de l’onde sur les bords de la plaque, la coda s’étend sur plusieurs
millisecondes alors que l’impulsion initiale ne dure pas plus d’une micro-seconde. Une partie de
cette réponse impulsionnelle est retournée temporellement et réémise au point B. Le champ
résultant de cette émission est ensuite caractérisé au niveau du point A. Le résultat est présenté
sur la figure 6.3.
Figure 6.2 : Dispositif expérimental de retournement temporel à une seule source (d’après Quieffin, 2004)
Figure 6.3 : Evolution spatio-temporelle du champ autour du point de focalisation après émission de la
version retournée temporellement de la réponse impulsionnelle (le temps t où a lieu la focalisation est pris
comme origine des temps, t=0)
_________________________________________________________________________- 154 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
Une focalisation des ondes ultrasonores est ainsi observée au point d’émission de l’impulsion
initiale. Le temps auquel cette focalisation se réalise est choisi comme origine des temps sur la
figure 6.3. On peut également remarquer au niveau du pic de focalisation une certaine largeur
spatiale, en comparaison avec l’impulsion ponctuelle qui avait été émise en A. Néanmoins,
malgré cette perte d’information inévitablement induite par l’utilisation d’un seul transducteur, la
compensation par un accroissement de l’information temporelle, dû aux multiples réflexions de
l’onde a permis d’obtenir une focalisation, et de mettre en place le concept de cavité réverbérante
(Draeger et al. (1997)).
C’est à partir du principe de cavité réverbérante qu’on souhaite développer une technique basée
sur le retournement temporel et applicable aux bétons. Les éléments de structure en béton,
susceptibles d’être inspectés en contrôle non destructif, peuvent en effet être assimilés à de telles
« cavités ». C’est ce que nous verrons lors des phases de validation de l’instrumentation qui
suivent cette partie, où les éprouvettes parallélépipédiques utilisées constituent des cavités
fermées dans lesquelles le même type d’expérimentation que celle présentée au paragraphe 6.2.1
peut être effectué.
La première étape de l’instrumentation est néanmoins de développer les capteurs spécifiques.
Pour le retournement temporel, les capteurs généralement utilisés sont émetteurs d’ultrasons. Les
ultrasons sont des ondes élastiques dont les fréquences dépassent celles de la gamme audible
(située entre 20 Hz et 20 kHz). Ils sont très largement utilisés dans le domaine industriel pour la
détection de discontinuités internes ou surfaciques dans des matériaux solides. Les fréquences
mises en jeu sont de l’ordre du méga-Hertz (MHz). Les ultrasons sont couramment générés à
l’aide de transducteurs piézo-électriques capables de convertir de l’énergie électrique en énergie
mécanique et réciproquement. En mode échographique, ce qui est le cas pour le retournement
temporel, le même transducteur sert à la fois d’émetteur et de récepteur. A l’émission, il y a ainsi
conversion d’énergie électrique en énergie mécanique, et vice versa à la réception. Pour le
retournement temporel, les capteurs doivent ainsi avoir de bonnes qualités à la fois en réception
et en émission.
D’un point de vue conception, les transducteurs sont réalisés à partir d’une pastille piézo-
électrique dont la nature (céramique, matériau piézo-composite, ou polymère) détermine en partie
la sensibilité du transducteur à l’émission et à la réception. Le rendement du transducteur est
maximum à la fréquence de résonance. La face avant de l’élément piézo-électrique est protégée
_________________________________________________________________________- 155 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
par une mince couche d’un matériau transparent aux ultrasons tandis que la face arrière est collée
à un amortisseur. Une lame λ 4 située à l’avant de la pastille assure l’adaptation d’impédance
entre le composant piézo-électrique et le milieu propagatif.
L’étape de développement et de choix des capteurs est sans aucun doute la plus cruciale pour une
bonne applicabilité de la méthode. Les capteurs retenus sont de type SOMAXIS et sont
développés par Euro Physical Acoustics. Leurs caractéristiques sont les suivantes :
- diamètre : 10 mm
- fréquence de résonance : 1 MHz
- densité de la pastille piézo-électrique : 3,4 kg/dm3
- permittivité relative de la pastille piézo : 620
- cœfficient de couplage piézo : 0,6
- constante de vitesse : 1,6 MHz.mm
Malgré un pic de résonance à 1 MHz, les capteurs sont large bande, et disposent d’une bonne
sensibilité sur une gamme de fréquences variant de 0 à 50 MHz. Un exemple de capteur est
présenté sur la figure 6.4.
Figure 6.4 : Présentation des capteurs retenus pour la technique de retournement temporel
L’autre partie indispensable d’un dispositif de retournement temporel est l’électronique gérant à
la fois la réception et l’enregistrement des signaux, mais également le retournement et la
réémission de ces signaux dans la matière.
Au niveau de l’enregistrement des signaux, celui ci se fait exactement de la même façon que celle
décrite au chapitre 2 pour l’émission acoustique, mais avec les capteurs spécifiques au
retournement temporel. En effet, le système d’enregistrement acoustique permet l’enregistrement
selon de nombreuses configurations (en terme de détection, de durées, de gammes de
fréquence…), et est donc utilisable pour l’enregistrement de signaux longs et large bande, comme
_________________________________________________________________________- 156 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
ceux utilisés par le retournement temporel. Il permet également d’enregistrer sur plusieurs
capteurs de façon synchronisée. Si plusieurs capteurs sont utilisés pour la détection de signaux,
l’enregistrement peut alors débuter sur chacun des capteurs dès lors qu’un des capteurs a détecté
le signal. De plus, ce système d’enregistrement permet l’extraction d’un certain nombre de
paramètres qui peuvent s’avérer intéressants (amplitude, énergie…) et permet également la
numérisation des signaux selon un échantillonnage défini. Les différents paramètres d’acquisition
sont présentés dans la suite, selon le type de manipulations effectué.
Au niveau de la réémission des signaux, nous disposons d’un système de quatre cartes
génératrices de signaux aléatoires (avec des tensions jusqu’à 10 volts). Ces cartes sont de type
ARB et sont également développées par Euro Physical Acoustics. Les signaux numérisés suite à
l’enregistrement sont donc retournés dans le temps (simple inversion des valeurs numérisées dans
le temps) et ces signaux retournés sont alors reconstruits au niveau des cartes ARB et réémis dans
la structure. Si l’enregistrement a été réalisé de façon synchronisée sur plusieurs capteurs, la
réémission peut également se faire de façon synchronisée, grâce à un trigger externe (un
générateur d’impulsion par exemple) qui déclenche simultanément les tirs sur les différentes
cartes de réémission.
En résumé, nous disposons donc d’un système électronique capable de gérer l’enregistrement et
la réémission, éventuellement de façon synchronisée, sur quatre capteurs spécifiques, disposant
de qualités essentielles en réception et émission.
Des tests de validation ont été menés sur le BUHP modèle (voir chapitre 2) pour vérifier si le
principe de focalisation par retournement temporel fonctionne pour des matériaux cimentaires. Le
choix du matériau modèle est d’ailleurs intermédiaire par rapport à un béton classique, dans la
mesure où ce béton présente une certaine homogénéité et est moins absorbant qu’un béton
classique. Les résultats de focalisation présentés dans cette section sont des premiers résultats
d’applicabilité de la méthode.
Les tests de focalisation ont été menés sur des éprouvettes de BUHP modèle de dimensions
environ 50x100x250 mm3. Le principe retenu s’inspire des résultats constatés dans les travaux de
l’équipe de Fink sur les cavités réverbérantes (voir paragraphe 6.2.1). Ainsi, l’éprouvette utilisée
a été équipée de 5 transducteurs RT, couplés à l’éprouvette via une colle silicone. Dans une
_________________________________________________________________________- 157 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
première phase, un de ces 5 capteurs émet un signal qui est détecté par les 4 autres. Les signaux
sont alors retournés temporellement sur ces 4 capteurs et renvoyés dans l’éprouvette. La
focalisation est alors étudiée au niveau du capteur qui a émis initialement. Ce capteur est ensuite
déplacé dans un périmètre proche de sa position initiale pour analyser la sensibilité de
focalisation.
Les figures 6.5 et 6.6 présentent la disposition des capteurs qui a été retenue. Il nous a paru
intéressant d’utiliser plusieurs capteurs pour enregistrer un maximum de signal. Les travaux sur
les cavités réverbérantes (Draeger et al. (1997)) ont montré qu’un seul capteur était suffisant,
mais pour une première utilisation de nos capteurs, il nous a paru préférable d’enregistrer le
signal généré en différents points de l’éprouvette. La disposition symétrique adoptée pour le
positionnement des capteurs n’est pas obligatoire (et peut provoquer des biais comme nous le
verrons par la suite).
Capteur face opposée Capteur face supérieure
positionné au centre, dans la
n°4 direction de la profondeur
3 cm
n°3
2 cm
10 cm
2 cm
n°1
3 cm
Figure 6.5 : Disposition des transducteurs « retournement temporel » pour les essais de focalisation
Figure 6.6 : Dispositif expérimental « retournement temporel » pour les essais de focalisation (le capteur
surmonté d’une petite masse sur la figure est celui que l’on déplace)
_________________________________________________________________________- 158 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
Deux types de signaux vont être initialement émis par le capteur émetteur et être enregistrés par
les 4 capteurs. Dans un premier temps, le signal émis sera une impulsion, et dans un second
temps un signal modulé en fréquence.
Les caractéristiques des 2 types de signaux émis sont les suivantes. L’impulsion a une amplitude
de 10 volts et une durée de 0,5 µs, et le signal modulé en fréquence présente une variation
continue de fréquence de 100 kHz à 2500 kHz, sur une durée de 0,05 ms, et toujours avec une
amplitude de 10 volts.
Concernant l’acquisition, elle est effectuée sur les 4 capteurs avec le système émission acoustique
(voir paragraphe 6.2.3). L’enregistrement est fait de façon synchronisée sur les 4 capteurs, sur
une séquence de 15000 points et un échantillonnage de 5 MHz, ce qui fait des durées de signaux
de 3000 µs.
Au niveau de la réémission après retournement temporel, celle ci est faite au niveau des 4
capteurs, et de façon synchronisée, via un générateur d’impulsion externe, qui déclenche les tirs
de façon simultanée sur les 4 cartes ARB. Deux types de réémission sont alors possibles. Soit les
signaux sont réémis avec leur tension enregistrée (qui est souvent bien inférieur à 10V, à cause
des pertes dans le matériau), ou alors avec une tension amplifiée de façon identique sur chacun
des capteurs, de façon à utiliser le maximum sur les 10 volts possibles, pour les cartes d’émission.
Les deux possibilités sont testées dans la suite.
Une fois les signaux réémis dans l’éprouvette, ils sont alors enregistrés au niveau du capteur qui
avait émis initialement, à l’aide du système d’émission acoustique. Des paramètres tels que
l’énergie ou l’amplitude sont alors extraits des signaux enregistrés, en plus de la forme d’onde en
elle même et des spectres fréquentiels. Cet enregistrement est fait au niveau de la position initiale
du capteur, et aux alentours de cette position comme décrit sur la figure 6.7.
Le premier signal émis est donc l’impulsion. La figure 6.8 représente l’enregistrement réalisé sur
les 4 capteurs récepteurs. Les signaux sont représentés avec leur amplitude en volts. Les voies
n°1 à 4 sont celles portées sur la figure 6.5.
_________________________________________________________________________- 159 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
3
5 mm
2
5 mm
1
9
5 10 11 12
16 15 14 13
6 2 cm
Figure 6.7 : Différentes positions d’enregistrement du signal réémis aux alentours du capteur initialement
émetteur (à relier avec les figure 6.5 et 6.6)
Figure 6.8 : Enregistrements obtenus sur les 4 capteurs récepteurs après émission de l’impulsion
_________________________________________________________________________- 160 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
Ces signaux sont comparables à des codas, dans la mesure où ce sont des champs assez diffus,
pondérés par une décroissance exponentielle. Cette décroissance est notamment due à la
répartition de l’énergie dans l’ensemble de la cavité, et aux multiples réflexions.
Ce sont donc ces signaux qui sont retournés et renvoyés de façon synchronisée dans l’éprouvette.
On s’intéresse maintenant au signal enregistré après retournement temporel et réémission, sur le
capteur initialement émetteur.
Dans un premier temps, les signaux sont réémis avec leur amplitude réelle, sans amplification. La
figure 6.9 présente alors le signal enregistré au niveau de la position d’émission.
Figure 6.9 : Forme d’onde enregistrée au niveau du capteur émetteur après retournement de l’impulsion
sans amplification
_________________________________________________________________________- 161 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
Figure 6.10 : Forme d’onde enregistrée au niveau de la position 2 après retournement de l’impulsion sans
amplification
Figure 6.11 : Forme d’onde enregistrée au niveau de la position 5 après retournement de l’impulsion sans
amplification
_________________________________________________________________________- 162 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
Figure 6.12 : Forme d’onde enregistrée au niveau de la position 8 après retournement de l’impulsion sans
amplification
Figure 6.13 : Forme d’onde enregistrée au niveau de la position 15 après retournement de l’impulsion sans
amplification
_________________________________________________________________________- 163 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
On constate alors, au niveau des figures 6.10 à 6.13, et en comparaison avec la figure 6.9, une
baisse relative d’amplitude. Le maximum est en effet atteint pour la position initiale du capteur.
On constate également une évolution des 2 lobes secondaires qui entourent le pic de
recompression qui tendent à être moins symétriques.
La figure 6.14 présente maintenant, en fonction de la position d’enregistrement, l’amplitude
moyenne du signal (calculée sur 3 enregistrements). Les positions sont repérées en mm par
rapport à la position initiale du capteur (position 0), et le positionnement horizontal correspond
aux positions 16 (-20 mm) à 12 (20 mm). Le positionnement vertical correspond, quant à lui, aux
positions 8 (-20 mm) à 4 (20 mm) (voir figure 6.7).
0.24 horizontal
vertical
amplitude (en Volts)
0.2
0.16
0.12
0.08
-20 -10 0 10 20
position (en mm)
Figure 6.14 : Amplitude moyenne du signal détecté après retournement temporel des signaux enregistrés
après émission de l’impulsion, sans amplification
On remarque que l’amplitude maximale détectable après réémision des signaux enregistrés suite
à l’impulsion se fait au niveau de la position initiale du capteur de façon plus ou moins marquée
selon les directions, mais que le maximum d’amplitude a lieu au niveau de la position initiale
(position 0). On peut également représenter (figure 6.15), l’énergie moyenne du signal (toujours
calculée sur 3 enregistrements) en fonction de la position.
_________________________________________________________________________- 164 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
700
600
500
400 horizontal
vertical
300
-20 -10 0 10 20
position (en mm)
Figure 6.15 : Energie moyenne du signal détecté (en atto Joules) après retournement temporel des signaux
enregistrés après émission de l’impulsion, sans amplification
Là encore, on peut remarquer que le signal détecté au niveau de la position initiale du capteur
émetteur est celui qui a la plus forte énergie. Les résultats constatés sur les figures 6.14 et 6.15
sont évidemment en accord avec les figures 6.9 à 6.13 représentant directement les formes
d’ondes détectées. On peut cependant remarquer au niveau des résultats moyens en amplitude et
énergie, que certaines oscillations apparaissent et que l’on n’a pas des décroissances continues
dès que l’on s’éloigne de la position initiale. Cette constatation est le résultat de la disposition des
transducteurs retenus. En effet, les transducteurs ont été répartis sur toutes les faces de
l’éprouvette, et il arrive que dans certaines positions du capteur récepteur, celui ci soit dans une
position proche d’un des 4 capteurs émetteurs, ce qui fait qu’il détecte, avec une énergie ou une
amplitude plus grandes, le signal émis par ce capteur. Cette remarque nous amène alors à penser
que les capteurs récepteurs ont sans doute été placés un peu trop proches du capteur émetteur.
Nous pouvons également nous intéresser à la transformée de Fourier des signaux enregistrés, et
donc à leur spectre fréquentiel. La figure 6.16 représente, par exemple, l’évolution du spectre
fréquentiel (moyenne faite sur 3 enregistrements) pour les signaux enregistrés au niveau de la
position initiale et des positions 1 à 4 de la figure 6.7. On constate alors qu’il y a assez peu
d’évolutions de ce spectre fréquentiel lorsqu’on s’éloigne de la position théorique de focalisation.
Le même type de résultat est obtenu pour les positions 5 à 8, 9 à 12 ou 13 à 16. Le spectre
fréquentiel n’est donc pas, dans ce cas précis, le meilleur indicateur de focalisation.
_________________________________________________________________________- 165 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
50
point de focalisation
40 position 1
position 2
10
-10
-20
0 500 1000 1500 2000 2500
fréquence (en kHz)
Figure 6.16 : Evolution du spectre fréquentiel des signaux enregistrés en différentes positions après
retournement temporel de l’impulsion sans amplification
Intéressons nous maintenant aux signaux retournés, cette fois ci, avec une amplification de leur
amplitude, avant la détection par le capteur récepteur. Cette amplification permettrait ainsi, dans
le cas de dispositions de capteurs assez éloignées de la source (ce qui n’est pas le cas ici), donc
avec des détections faibles en amplitude, de réémettre des signaux suffisamment énergétiques,
pour qu’il soit à nouveaux détectés par le capteur source. Il est donc intéressant d’analyser cet
aspect. On peut de toute façon penser, en théorie, qu’amplifier les différents signaux détectés
avec un coefficient égal pour chacun, ne modifiera pas l’architecture des signaux, et la façon dont
ils vont se recombiner au sein du matériau pour focaliser. Par contre, cette amplification peut
limiter l’influence du bruit de fond.
Dans notre cas précis, les amplitudes qui ont été détectées ont été multipliées par 14, de façon à
ce que la plus grande amplitude, après multiplication soit de l’ordre de 10 volts, le maximum
possible avec nos cartes de génération. Les signaux sont ensuite réémis dans l’éprouvette. La
figure 6.17 représente alors le signal focalisé détecté au niveau de la position initiale du capteur.
_________________________________________________________________________- 166 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
Figure 6.17 : Forme d’onde au niveau du capteur émetteur après retournement de l’impulsion avec
amplification
Figure 6.18 : Forme d’onde au niveau de la position 2 après retournement de l’impulsion avec
amplification
_________________________________________________________________________- 167 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
Figure 6.19 : Forme d’onde au niveau de la position 5 après retournement de l’impulsion avec
amplification
On remarque à nouveau une diminution très nette de l’amplitude (en volts) au niveau de la
recompression temporelle. Représentons maintenant comme précédemment les évolutions de
l’amplitude moyenne (en volts) et de l’énergie (en atto Joules) en fonction de la position. Les
résultats sont présentés figures 6.20 et 6.21.
3 horizontal
vertical
amplitude (en Volts)
2.5
1.5
1
-20 -10 0 10 20
position (en mm)
Figure 6.20 : Amplitude moyenne du signal détecté après retournement temporel des signaux enregistrés
après émission de l’impulsion, avec amplification
_________________________________________________________________________- 168 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
180
140
3
120
100
80
60
-20 -10 0 10 20
position (en mm)
Figure 6.21 : Energie moyenne du signal détecté (en atto Joules) après retournement temporel des signaux
enregistrés après émission de l’impulsion, avec amplification
On note encore, avec une amplification des signaux avant réémission dans l’éprouvette, que le
maximum en amplitude ou en énergie, du signal détecté, se fait au niveau de la position initiale
du capteur. Néanmoins, on peut remarquer que ce résultat est moins net que pour la réémission
sans amplification (figures 6.14 et 6.15), et que les oscillations remarquées sans amplification,
sont renforcées ici. Le principal inconvénient de l’amplification réside dans le fait qu’on amplifie
également les parties les plus faibles en amplitude du signal, et on augmente aussi les biais liés à
la disposition des capteurs. La focalisation est cependant effective, même si elle a tendance à être
moins nette. Comme déjà évoqué, le principal avantage de cette amplification est de permettre la
réémission de signaux suffisamment énergétiques pour être détectés, dans le cas
d’instrumentations où les capteurs sont relativement éloignés. Comme précédemment, le spectre
fréquentiel (figure 6.22, avec l’évolution pour les positions 1 à 4) ne constitue pas le résultat le
plus marqué pour analyser la focalisation.
_________________________________________________________________________- 169 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
70
point de focalisation
60 position 1
position 2
40
30
20
10
0 500 1000 1500 2000 2500
fréquence (en kHz)
Figure 6.22 : Evolution du spectre fréquentiel des signaux enregistrés en différentes positions après
retournement temporel de l’impulsion avec amplification
Figure 6.23 : Enregistrements obtenus sur les 4 capteurs récepteurs après émission du signal modulé en
fréquence
_________________________________________________________________________- 170 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
On constate, de la même façon que pour l’impulsion, que les signaux enregistrés sont
assimilables à des codas. Ces signaux sont alors retournés temporellement et réémis, là encore
avec ou sans amplification.
On s’intéresse dans un premier temps à l’étude de la focalisation sans amplification. Les signaux
sont donc réémis, de façon synchronisée, avec leur tension enregistrée à la suite de la détection.
La figure 6.24 présente alors le signal détecté au niveau de la position initiale du capteur, et les
figures 6.25 et 6.26 au niveau des positions 5 et 10, à titre d’exemple.
Figure 6.24 : Forme d’onde enregistrée au niveau du capteur émetteur après retournement du signal
modulé en fréquence, sans amplification
Figure 6.25 : Forme d’onde enregistrée au niveau de la position 5 après retournement du signal modulé en
fréquence, sans amplification
_________________________________________________________________________- 171 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
Figure 6.26 : Forme d’onde enregistrée au niveau de la position 10 après retournement du signal modulé
en fréquence, sans amplification
Il semble, à première vue, que la focalisation soit moins nette que pour le cas de l’échelon,
comme en témoigne le fait que l’amplitude du signal détecté en position 5 soit plus forte que celle
du signal détecté au niveau du capteur émetteur. Les figures 6.27 et 6.28 présentent maintenant,
comme précédemment, les amplitudes (en volts) et énergies (en atto Joules) moyennes (calculées
à partie de 3 formes d’onde) selon la position de détection, et la figure 6.29 l’évolution des
spectres fréquentiels pour les positions 1 à 4.
1.8
amplitude (en Volts)
horizontal
1.6
vertical
1.4
1.2
0.8
-20 -10 0 10 20
position (en mm)
Figure 6.27 : Amplitude moyenne du signal détecté après retournement temporel des signaux enregistrés
après émission du signal modulé en fréquence, sans amplification
_________________________________________________________________________- 172 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
180
140
3
120
100
80
60
-20 -10 0 10 20
position (en mm)
Figure 6.28 : Energie moyenne du signal détecté (en atto Joules) après retournement temporel des signaux
enregistrés après émission du signal modulé en fréquence, sans amplification
70
point de focalisation
60 position 1
position 2
amplitude (en dB)
50 position 3
position 4
40
30
20
10
0
0 500 1000 1500 2000 2500
fréquence (en kHz)
Figure 6.29 : Evolution du spectre fréquentiel des signaux enregistrés en différentes positions après
retournement temporel du signal modulé en fréquence, sans amplification
focalisation. Un seul résultat est présenté, mais les évolutions pour les positions 5 à 8, 9 à 12 ou
13 à 16 (de la figure 6.7) sont qualitativement les mêmes que celle présentée figure 6.29.
On peut maintenant s’intéresser au retournement de ces signaux et à leur réémission avec
amplification. Dans notre cas précis, les amplitudes détectées ont été multipliées par 3, de façon à
atteindre quasiment les 10 volts pour l’amplitude la plus importante. La figure 6.30 présente alors
le signal détecté au niveau de la position initiale du capteur, et les figures 6.31 et 6.32 au niveau
des positions 5 et 10, à titre d’exemple.
Figure 6.30 : Forme d’onde enregistrée au niveau du capteur émetteur après retournement du signal
modulé en fréquence, avec amplification
Figure 6.31 : Forme d’onde enregistrée au niveau de la position 5 après retournement du signal modulé en
fréquence, avec amplification
_________________________________________________________________________- 174 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
Figure 6.32 : Forme d’onde enregistrée au niveau de la position 10 après retournement du signal modulé
en fréquence, avec amplification
Les figures 6.33 et 6.34 présentent maintenant l’évolution des amplitudes et énergies moyennes
des signaux enregistrés (calculs effectués sur 5 signaux) en fonction de la position du capteur
récepteur, par rapport à la position initiale. La figure 6.35 présente, quant à elle, les évolutions de
spectre fréquentiel pour les positions 1 à 4.
4
amplitude (en Volts)
3.5
3
horizontal
vertical
2.5
-20 -10 0 10 20
position (en mm)
Figure 6.33 : Amplitude moyenne du signal détecté après retournement temporel des signaux enregistrés
après émission du signal modulé en fréquence, sans amplification
_________________________________________________________________________- 175 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
1200
3
900
800
700
600
500
400
-20 -10 0 10 20
position (en mm)
Figure 6.34 : Energie moyenne du signal détecté (en atto Joules) après retournement temporel des signaux
enregistrés après émission du signal modulé en fréquence, avec amplification
80
point de focalisation
70 position 1
position 2
amplitude (en dB)
60 position 3
position 4
50
40
30
20
0 500 1000 1500 2000 2500
fréquence (en kHz)
Figure 6.35 : Evolution du spectre fréquentiel des signaux enregistrés en différentes positions après
retournement temporel du signal modulé en fréquence, avec amplification
Les résultats présentés sur les figures 6.30 à 6.34 montrent que l’amplification des signaux avant
leur réémission a dégradé la focalisation qui avait été mise en évidence sans amplification. Le
maximum d’amplitude ne se fait plus au niveau de la position initiale, et on constate des
évolutions de l’énergie des signaux ne permettant pas de conclure sur une nette focalisation. Par
ailleurs comme précédemment, on constate peu d’évolutions du spectre fréquentiel des signaux
détectés. L’ensemble de ces résultats, et les oscillations constatées sur les amplitudes et énergies
détectées, montre clairement le problème dû au positionnement des capteurs.
_________________________________________________________________________- 176 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
Les premiers essais de focalisation par retournement temporel dans un matériau cimentaire nous
ont apporté des premiers résultats sur l’applicabilité de la méthode à de tels matériaux. Les essais
ont en effet montré que l’on pouvait focaliser au niveau de sa source un signal acoustique généré
par un capteur, enregistré par un réseau d’autres capteurs, après retournement temporel et
réémission de ces signaux détectés. Deux types de signaux générés ont été utilisés, une
impulsion, et un signal modulé en fréquence, et les signaux enregistrés ont été réémis avec ou
sans amplification. Les résultats ont montré que dans certains cas, la focalisation était bien
effective, mais que la disposition des capteurs pouvait avoir une influence sur les signaux
détectés si le capteur récepteur était influencé principalement par l’émission d’un des capteurs
(capteurs trop proches, ou face à face), en particulier lorsque les signaux réémis sont amplifiés.
Les résultats nous ont d’ailleurs prouvé que les capteurs étaient sans doute situés trop proches les
uns des autres pour permettre une focalisation optimale. La focalisation observée avec l’échelon
(avec signaux amplifiés ou non), nous permet tout de même de valider l’instrumentation qui a été
retenue. La méthode semble pouvoir fonctionner, et c’était bien l’objectif de ces premiers essais
préliminaires. Nous avons également pu voir que l’amplification des signaux avant réémission
pourrait sans doute être bénéfique si les biais dus au positionnement des capteurs étaient atténués.
Avec les outils et les moyens actuels à notre disposition, ces premiers résultats nous permettent
tout de même d’entreprendre le suivi de la cicatrisation, via une expérimentation qui est
développée dans le paragraphe suivant.
6.3.1 Généralités
L’objectif initial était de suivre par retournement temporel, une pointe de fissure qui cicatrise. La
mise en œuvre de la technique de retournement temporel nécessite la présence d’une source
génératrice d’un signal acoustique, qu’il provienne directement de la source, ou qu’il soit le
résultat de l’écho d’un autre signal sur cette source. Comme nous avons pu le voir avec la
description des essais réalisés en émission acoustique (chapitre 2 et 3), la propagation de la
fissure est génératrice de signaux transitoires associés au développement des micro-fissures.
Ainsi, l’idée pourrait donc être de retenir les signaux acoustiques correspondant à la création de
la pointe de fissure (en théorie ce sont les derniers émis lors de la phase de création de la fissure),
de les enregistrer via le système d’émission acoustique, et de les retourner et les réémettre dans le
_________________________________________________________________________- 177 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
matériau. En théorie, si le matériau fissuré reste en l’état, les signaux vont ainsi se focaliser au
niveau de cette pointe de fissure.
Pour cela, il faut être capable de sélectionner, parmi la quantité d’évènements acoustiques
obtenus lors des essais de fissuration, les signaux correspondant à une zone confinée autour de la
pointe de fissure, à supposer qu’elle soit parfaitement connue, et recréer une séquence continue à
partir de ces signaux isolés. Cette phase présente des difficultés de mise en pratique importantes
compte tenu de l’instrumentation à notre disposition. L’idée a donc été de procéder de façon plus
incorrecte mais plus simple, en plaçant au niveau du chemin de propagation de la fissure, un
transducteur, qui va faire office de source, et sur lequel la focalisation va être étudiée.
50 cm
5 cm 4 cm
n°4
n°1
2 cm
10 cm
2 cm
n°3
Transducteur face opposée 5 cm
5 cm
Figure 6.36 : Disposition des transducteurs « retournement temporel » pour le suivi de la propagation de
fissure en flexion 3 points, et de la cicatrisation
_________________________________________________________________________- 178 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
Avant le début de la phase de fissuration, le capteur positionné sur le chemin de fissure émet un
signal qui est détecté par les 4 autres capteurs. Comme dans la section précédente relatant les
essais de focalisation, les signaux enregistrés sont retournés temporellement et réémis dans la
structure. Ces signaux se focalisent alors au niveau du capteur initialement émetteur, et le signal
focalisé est donc le signal de référence de l’éprouvette saine. Les signaux qui ont été renvoyés
dans l’éprouvette sont conservés, et sont ensuite réémis dans la structure à divers stades
d’avancée de la propagation de fissure ou de la cicatrisation, et la focalisation au niveau du
capteur centré sur le chemin de fissure est alors étudiée.
Comme lors des essais de focalisation présentés précédemment, une impulsion est initialement
émise par le capteur centré sur la fissure. Les caractéristiques de ce signal sont les mêmes que
celles de la section précédente. L’impulsion a une amplitude de 10 volts et une durée de 0,5 µs.
Concernant l’acquisition, elle est effectuée selon la présentation faite au paragraphe 6.2.4.2.
L’enregistrement est fait de façon synchronisée sur les 4 capteurs, sur une séquence de 15000
points et un échantillonnage de 5 MHz, ce qui fait des durées de signaux de 3000 µs.
Au niveau de la réémission après retournement temporel, celle ci est faite au niveau des 4
capteurs, et de façon synchronisée, via un générateur d’impulsion externe, qui déclenche les tirs
de façon simultanée sur les 4 cartes ARB. Les signaux sont amplifiés en amplitude.
Une fois les signaux réémis dans l’éprouvette, ils sont enregistrés au niveau du capteur centré sur
le chemin de fissure, à l’aide du système d’émission acoustique, avec un seuil de détection des
signaux fixé à 35 dB en amplitude.
En pratique, les signaux sont réémis dans l’éprouvette deux fois pendant l’essai de flexion, et la
propagation de fissure : à 60% de la force au pic en post pic, et à la fin de l’essai de pré-
fissuration. A chaque étape, l’essai est momentanément mis en pause, de façon à ce que
l’évolution de la fissure soit stoppée. A la fin de cette étape de fissuration, une fissure de largeur
35 µm (au niveau du capteur d’ouverture de fissure) a été créée. L’éprouvette est ensuite placée
dans l’eau (du robinet) à 20°C, afin de cicatriser. Les capteurs ne sont pas déplacés et restent
couplés à l’éprouvette. Les connexions sont néanmoins enlevées, et les capteurs protégés par des
caches rendus étanches au niveau de leur interface avec l’éprouvette, grâce à des joints silicone
(voir figure 6.37). Des réémissions des signaux sont alors effectuées à divers stades d’avancée de
la cicatrisation : 3 jours, 8 jours et un mois. Les signaux enregistrés sont ensuite comparés avec le
signal focalisé initialement, et le signal obtenu à la fin de la fissuration.
_________________________________________________________________________- 179 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
La figure 6.38 présente les signaux qui ont été enregistrés au niveau des 4 capteurs, qui sont
récepteurs lors de cette première émission, après l’émission initiale du pulse par le capteur centré
sur le chemin de fissure.
Figure 6.38 : Signaux enregistrés sur les 4 capteurs « retournement temporel » après émission d’une
impulsion par le capteur centré sur le chemin de fissure
_________________________________________________________________________- 180 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
Ces signaux sont alors retournés et amplifiés en amplitude avant leur réémission dans
l’éprouvette. L’amplitude est ainsi multipliée par 29 de façon à ce que le signal le plus fort en
amplitude soit réémis avec une amplitude proche du maximum de 10 volts. Ces signaux retournés
et amplifiés sont alors conservés, et ce sont ceux qui seront réémis à tous les stades définis
précédemment.
La figure 6.39 représente maintenant l’évolution du signal brut détecté au niveau du capteur
centré sur la fissure au fur et à mesure de la propagation de fissure, en partant de la focalisation
initiale de référence jusqu’à la fin de l’essai avec la fissure.
3
focalisation initiale
2 60% post pic
fin essai
amplitude (en Volts)
-1
-2
-3
0 50 100 150 200 250 300 350 400
temps (en µs)
Figure 6.39 : Evolution de la focalisation des signaux avec la propagation de la fissure, dans le cas de
l’émission initiale d’une impulsion par le capteur centré sur le chemin de fissure
L’échelle en temps est arbitraire, puisque le temps 0 correspond au début de détection de la forme
d’onde, détection basée sur le dépassement d’un seuil en amplitude (fixé à 35 dB). On peut
néanmoins remarquer une chose essentielle : la diminution de l’amplitude (en volts) du signal
focalisé, avec la propagation de la fissure, qui montre finalement que la focalisation est
influencée par la propagation de la fissure sous le capteur. On peut alors s’intéresser au contenu
fréquentiel de ces signaux enregistrés aux différents stades. La figure 6.40 présente alors les
spectres fréquentiels des signaux présentés sur la figure 6.39.
_________________________________________________________________________- 181 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
70
60 focalisation initiale
60% post pic
fin essai
40
30
20
10
0
0 500 1000 1500 2000 2500
fréquence (en kHz)
Figure 6.40 : Evolution du spectre fréquentiel des signaux focalisés, avec la propagation de la fissure, dans
le cas de l’émission initiale d’une impulsion par le capteur centré sur le chemin de fissure
On remarque alors encore plus clairement que sur les formes d’ondes détectées, l’évolution de la
focalisation avec la propagation de fissure. La fréquence de résonance des capteurs est de 1 MHz,
et on retrouve bien sur ces spectres une amplitude maximum pour les fréquences voisines de cette
fréquence. Ces amplitudes maximum diminuent légèrement au niveau de cette gamme de
fréquence où la sensibilité des capteurs est élevée. Néanmoins, c’est hors de cette plage que
l’évolution du spectre est la plus nette, notamment entre 0 et 500 kHz et entre 1200 et 2500 kHz.
L’amplitude est alors divisée par 4 dans ces gammes de fréquence, avec l’apparition de la fissure.
Voyons maintenant comment évolue le signal détecté avec l’avancée de la cicatrisation. Les
figures 6.41 à 6.43 présentent les signaux détectés à 3 jours, 8 jours et 31 jours de cicatrisation,
en comparaison avec les signaux de focalisation initiale et de fin d’essai. Les spectres fréquentiels
correspondant sont eux présentés sur la figure 6.44.
_________________________________________________________________________- 182 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
-1
focalisation initiale
3 jours
-2 fin essai
-3
0 50 100 150 200 250 300 350 400
temps (en µs)
Figure 6.41 : Comparaison du signal enregistré sur le capteur centré sur le chemin de fissure, après 3 jours
de cicatrisation, avec les signaux de focalisation initiale et après essai
2
amplitude (en Volts)
-1
focalisation initiale
8 jours
-2 fin essai
-3
0 50 100 150 200 250 300 350 400
temps (en µs)
Figure 6.42 : Comparaison du signal enregistré sur le capteur centré sur le chemin de fissure, après 8 jours
de cicatrisation, avec les signaux de focalisation initiale et après essai
2
amplitude (en Volts)
-1
focalisation initiale
31 jours
-2 fin essai
-3
0 50 100 150 200 250 300 350 400
temps (en µs)
Figure 6.43 : Comparaison du signal enregistré sur le capteur centré sur le chemin de fissure, après 8 jours
de cicatrisation, avec les signaux de focalisation initiale et après essai
_________________________________________________________________________- 183 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
70
focalisation initiale
60 fin essai
3 jours
30
20
10
0
0 500 1000 1500 2000 2500
fréquence (en kHz)
La propagation de la fissure avait impliqué une perte de focalisation au niveau du signal détecté
par le capteur centré sur la fissure, perte qui s’était manifestée notamment par une diminution de
l’amplitude du signal, et par une évolution du spectre fréquentiel. L’apparition de la cicatrisation
engendre, elle, l’effet inverse. Comme on peut le constater sur les figures 6.41 à 6.43, le signal
détecté voit son amplitude augmenter, certes légèrement, mais augmenter quand même, avec le
temps de cicatrisation. La cicatrisation permet en effet de recréer de la matière dans la zone
directement en contact avec le capteur, ce qui a pour effet, de recréer localement un matériau plus
proche du matériau initial que de la configuration fissurée. Le retournement temporel permet ici
de ressentir cette évolution, par l’augmentation de l’amplitude du signal détecté. Le résultat
apparaît encore plus nettement sur la figure 6.44 avec l’évolution du spectre fréquentiel avec
l’avancée de la cicatrisation.
Une analyse de l’amplitude moyenne et de l’énergie de signaux est également possible. Les
figures 6.45 et 6.46 présentent ainsi l’évolution de l’amplitude moyenne (calculée sur 3 formes
d’onde détectées, amplitude en dB) et de l’énergie moyenne (également sur 3 formes d’onde) du
signal détecté, en fonction de la propagation de la fissure, et de l’apparition de la cicatrisation.
Les étapes notées sur les figures 6.45 et 6.46 sont définies de la manière suivante : 1 pour la
focalisation initiale, 2 pour la propagation de la fissure à 60% de la force au pic en phase post pic,
3 pour la fin de la phase de fissuration, 4 pour 3 jours de cicatrisation, 5 pour 8 jours de
cicatrisation et 6 pour 31 jours de cicatrisation.
_________________________________________________________________________- 184 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
94
fissuration cicatrisation
90
88 Eprouvette saine
Fin fissuration
86
84
82
80
1 2 3 4 5 6
numéro étape
Figure 6.45 : Evolution de l’amplitude moyenne du signal détecté au niveau du capteur centré sur le
chemin de fissure, en fonction de la propagation de fissure et de l’avancée de la cicatrisation
140
énergie moyenne (10atto Joules)
fissuration cicatrisation
120
100
3
Eprouvette saine
80 Fin fissuration
60
40
20
1 2 3 4 5 6
numéro étape
Figure 6.46 : Evolution de l’énergie moyenne du signal détecté au niveau du capteur centré sur le chemin
de fissure, en fonction de la propagation de fissure et de l’avancée de la cicatrisation
Les résultats présentés sur les figures 6.45 et 6.46 sont ainsi à rapprocher des résultats observés
sur les formes d’ondes et les spectres fréquentiels détectés. La propagation de la fissure crée une
diminution importante de l’amplitude et de l’énergie associées aux signaux, et la cicatrisation
permet de retrouver, a priori plus progressivement, les valeurs d’amplitude et de d’énergie
initiales.
On peut également préciser ici, que la fissure créée passe au niveau du capteur, ce qui permet
d’augmenter la sensibilité de la détection de la fissuration. On est en droit, cependant, de se
demander si cette fissure ne découple pas le capteur de l’éprouvette, impliquant ainsi l’évolution
de signal constatée pendant la phase de propagation de fissure. La fissure créée a une largeur de
_________________________________________________________________________- 185 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
35 µm à la base, ce qui implique, au niveau du capteur une largeur sensiblement inférieure. Elle
n’est d’ailleurs pas visible et il paraît assez improbable qu’un découplage apparaisse, ou alors très
localement sous le capteur (qui est bien plus grand que l’ouverture de fissure). Si toutefois ce
devait être le cas, il serait alors impossible de recréer ce couplage et d’assister à une évolution
inverse avec l’apparition de la cicatrisation.
Le même type d’essais a également été réalisé en considérant l’émission initiale, et
l’enregistrement de la focalisation, au niveau du capteur 1 de la figure 6.36, capteur qui ne se
situe pas sur le trajet de fissure. Le capteur sur le trajet devient alors un capteur récepteur puis
réémetteur. Les résultats obtenus ont été bien moins nets, sans doute dû au fait que ce capteur est
situé trop proche du capteur 3 de l’autre face (voir figure 6.36).
Ces différentes analyses ont tout de même permis de mettre en évidence le suivi de la
propagation de fissure et de l’apparition de la cicatrisation par la technique de retournement
temporel. L’expérimentation proposée est un prototype pour l’application de la technique aux
matériaux cimentaires, et les résultats entrevus sont prometteurs quant à l’application de cette
méthode non destructive pour l’auscultation des structures en bétons. Ils demandent certainement
à être plus approfondis, dans un premier temps en levant les interrogations et restrictions
évoquées ici (position des capteurs, effet de l’amplification, capteur à coté de la fissure...).
6.4 Conclusion
Dans ce chapitre, une technique originale de contrôle non destructif actif, basée sur le
retournement temporel, a été pour la première fois appliquée au suivi d’un phénomène, en
l’occurrence la cicatrisation des fissures, dans les matériaux cimentaires et le béton. La technique
est basée sur le retournement des ondes acoustiques, qui après avoir été détectées, et renvoyées,
temps inversé, dans un matériau, peuvent se refocaliser au niveau de leur source. La technique a
ainsi été présentée, avec notamment les principaux développements entrepris par l’équipe de
Mathias Fink, à l’ESPCI de Paris. Des idées d’expérimentations au sein des matériaux
cimentaires ont ainsi germé, et notamment au niveau du suivi actif de certains phénomènes,
notamment de dégradation. Le thème abordé ici, se prêtait bien à l’expérimentation de
l’applicabilité de la méthode. Une instrumentation a ainsi été mise en place, et des tests de
focalisation permettant de valider la mise en œuvre de la méthode ont été proposés dans ce
chapitre. Ils montrent ainsi que la focalisation d’ondes acoustiques est possible dans le béton,
même si les limitations en termes d’instrumentation donnent des résultats très perfectibles. A la
suite de ces essais, une expérimentation a cependant pu être proposée pour le suivi, en direct et en
_________________________________________________________________________- 186 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
mode actif, de la propagation de fissure dans une éprouvette de béton, et pour la cicatrisation,
après coup, de cette fissure. Un capteur placé sur le chemin de fissure a été utilisé pour simuler
une source acoustique, sur laquelle des signaux enregistrés ont été refocalisés. Cette focalisation
est ensuite analysée en fonction de la propagation et de la cicatrisation de la fissure. On peut alors
constater une dégradation de la focalisation avec l’apparition de la fissure, et une restauration
progressive de cette focalisation avec l’avancée de la cicatrisation. Ces premiers résultats
encourageants sont à approfondir mais ils valident assez nettement la faisabilité de mise en œuvre
du retournement temporel et son application à la détection de la fissuration et de la cicatrisation
éventuelle, au moins pour le matériau cimentaire étudié. C’était d’ailleurs l’objectif principal du
travail entrepris.
_________________________________________________________________________- 187 -
6. Développement d’une méthode de CND originale appliquée au suivi de la cicatrisation
_________________________________________________________________________- 188 -
Conclusion générale et perspectives
Le phénomène d’auto-cicatrisation des fissures dans les matériaux cimentaires et les bétons a été
étudié au cours de ce travail de recherche. Avec le souci d’apporter de nouveaux éléments d’un
point de vue durabilité et dimensionnement des structures, ce travail avait pour objectif principal
de proposer de nouveaux éléments de compréhension et de quantification de l’éventuel rôle
apporté par le phénomène de cicatrisation, sur le plan mécanique.
Le phénomène d’auto-cicatrisation, et les principales études lui ayant été consacrées, ont été
présentés dans le chapitre 1. Les mécanismes associés à ce rebouchage, partiel ou complet, des
fissures s’appuient sur deux types de réactions chimiques distincts : d’une part, la précipitation de
carbonate de calcium, après dissolution de la portlandite, et d’autre part l’hydratation du ciment
anhydre présent dans la microstructure du béton. Les deux réactions peuvent être combinées,
mais apparaissent souvent pour des types de béton différents, la première pour les bétons à fort
rapport Eau/Ciment, et la seconde pour les bétons à faible rapport Eau/Ciment, contenant ainsi
une quantité de ciment anhydre plus importante. Le seul élément essentiel au phénomène, au
regard des réactions mises en jeu, est donc l’eau. C’est ainsi que la plupart des travaux de
recherche associés au phénomène, ou tout au moins les plus complets, ont été développés autour
d’essais de perméabilité à l’eau, mettant en évidence l’occurrence de la cicatrisation par la
diminution d’un débit de fuite à travers des échantillons de béton fissurés. L’importance du
phénomène dans les problèmes d’étanchéité et de limitation des transferts a ainsi largement été
mise en évidence. Des études parallèles, principalement basées sur des analyses chimiques ou
microscopiques, ont été également proposées pour compléter les informations sur les
mécanismes. En contre partie, l’aspect mécanique du phénomène a été moins étudié et nécessitait
incontestablement d’être étoffé, même si quelques études ont été proposées, montrant notamment
de façon qualitative, que des échantillons de béton fissurés reprenaient de la raideur grâce au
phénomène de cicatrisation.
C’est ainsi qu’un programme expérimental, présenté dans le chapitre 2, a été proposé pour
apporter de nouvelles données sur cet aspect du phénomène. Ce programme s’est articulé
principalement autour d’essais structurels réalisés sur des éprouvettes de béton fissurées. Pour
tenter de répondre aux deux problématiques présentées en introduction, à savoir les questions
associées à la durabilité, et au dimensionnement des bétons fibrés à ultra hautes performances
(BFUP), plusieurs types de béton ont été étudiés : la matrice cimentaire à hautes performances
d’un BFUP développé et commercialisé par le groupe Lafarge, et considéré pour l’étude comme
_________________________________________________________________________- 189 -
Conclusion générale et perspectives
un BUHP modèle, ainsi que des bétons plus traditionnels avec divers rapports Eau/Ciment.
L’étude s’est alors appuyée sur la caractérisation en flexion 3 points d’éprouvettes prismatiques
initialement fissurées, puis soumises à des conditions de vieillissement favorisant ou non la
cicatrisation. L’étude mécanique a été complétée par une analyse des processus de fissuration des
éprouvettes, réalisée via la technique d’émission acoustique.
Les résultats de cette campagne d’essais sur le comportement mécanique d’éprouvettes
cicatrisées, présentés dans le chapitre 3, ont ainsi permis de mettre en évidence des
caractéristiques intéressantes quant aux deux problématiques sous jacentes. De façon générale, on
a alors constaté, pour les éprouvettes de béton fissurées soumises à un vieillissement en
immersion totale dans l’eau, une reprise de raideur significative, pouvant dans certains cas,
comme celui du BUHP modèle, aller jusqu’à une reprise totale. Cette reprise de raideur a pu
également être associée à une extension du domaine élastique associé. Elle s’est accompagnée,
dans le cas du matériau modèle, d’une légère amélioration de la capacité portante, en
comparaison avec les éprouvettes non cicatrisées. Dans le cas des bétons traditionnels, on a
constaté, au contraire, une dégradation plutôt surprenante de cette capacité portante avec le
vieillissement en immersion, qui ne nous a pas permis d’apporter de conclusions catégoriques sur
l’influence du phénomène pour les bétons traditionnels. L’étude la plus complète a été réalisée
sur le BUHP modéle avec notamment, en plus des résultats cités ci dessus, l’étude de l’influence
de la largeur de fissure qui a montré que la reprise de raideur pouvait être limitée, et l’étude du
vieillissement dans des conditions ambiantes de service, qui a montré de façon qualitative, que le
phénomène pouvait également apparaître avec une reprise partielle de raideur. Ces résultats
mécaniques ont été complétés, sur le matériau modèle, par le suivi des processus de fissuration
par émission acoustique. Nous avons ainsi montré que de nouveaux cristaux avaient bien
précipité dans les fissures, par le biais de leur fissuration sous contraintes mécaniques, et une
analyse en énergie nous a montré que ces cristaux semblaient être moins résistants que ceux issus
de la première hydratation.
L’analyse plus spécifique de ces cristaux formés a été ensuite développée au chapitre 4, avec
l’analyse des fissures cicatrisées par microscopie électronique à balayage, et spectrométrie à
sélection d’énergie, exclusivement sur le BUHP modèle. Comme on était en droit de l’attendre,
compte tenu du faible rapport Eau/Ciment de ce béton, les résultats des analyses ont montré que
la reprise de propriétés mécaniques était principalement due à la précipitation de nouveaux
hydrates dans la fissure, de façon plus ou moins localisée. De plus, certains hydrates, en
comparaison avec ceux issus de l’hydratation primaire, ont présenté une morphologie alvéolaire,
contrastant significativement avec la microstructure très dense et compacte du matériau sain.
_________________________________________________________________________- 190 -
Conclusion générale et perspectives
C’est ce résultat qui nous a permis, d’avancer de premières explications sur la reprise de raideur,
et la faible amélioration de la capacité portante. Nous étions en présence de nouveaux hydrates,
certes, mais précipitant sous une forme qui ne permettait pas de recréer localement le matériau,
lui redonnant juste sa rigidité.
Forts de ces éléments, une première approche de modélisation du comportement mécanique des
éprouvettes cicatrisées a été proposée dans le chapitre 5. L’objectif était de proposer de nouvelles
explications permettant de comprendre les comportements mécaniques des éprouvettes
cicatrisées. Après avoir présenté le cadre retenu pour l’étude (modèle élastique endommageable
pour le béton, modèle numérique basé sur des éléments finis à couches), la simulation de la phase
de fissuration a été réalisée afin d’obtenir l’état d’endommagement des éprouvettes en début de
cicatrisation. L’idée associée à la cicatrisation a alors été de réinjecter des propriétés mécaniques,
au niveau des zones endommagées, propriétés apportées par la cicatrisation. Des simulations
préliminaires nous ont alors permis de faire l’hypothèse que la cicatrisation débutait à la base de
la fissure et s’étendait ensuite vers la pointe de celle-ci. Une étude de sensibilité a également été
menée pour mettre en évidence le rôle sur le comportement global, de chacun des paramètres du
modèle d’endommagement utilisé également pour les zones cicatrisées. A partir de ces résultats
et hypothèses, un modèle de comportement a été proposé dans son cadre thermodynamique, et
appliqué à la simulation du comportement mécanique d’éprouvettes de BUHP modèle cicatrisées.
Les résultats ont alors permis, semi-quantitativement, de retrouver les tendances perçues
expérimentalement.
En parallèle de ce travail visant à caractériser le comportement mécanique d’éprouvettes
cicatrisées, une méthode de contrôle non destructif originale a été développée et appliquée pour la
première fois au suivi de phénomènes, en l’occurrence la cicatrisation, dans les matériaux
cimentaires. Ce développement a fait l’objet du chapitre 6, qui a décrit le principe de la méthode,
basé sur le retournement temporel des ondes acoustiques, et l’instrumentation développée. La
méthode s’appuie sur le principe de focalisation à leur source de signaux captés puis renvoyés
dans la structure, après avoir été retournés temporellement. Des essais de focalisations ont alors
été présentés sur béton, et ont permis de valider la mise en œuvre de la technique à de tels
matériaux. L’étude a ensuite été étendue au suivi de la fissuration et de la cicatrisation, de façon
active. Les résultats ont alors montré que l’on était capable de suivre qualitativement l’apparition
de ces phénomènes par le suivi et l’analyse de la focalisation de signaux.
Ainsi, cette étude nous a donc permis d’apporter de nouveaux éléments sur un phénomène
souvent mentionné mais rarement étudié, notamment d’un point de vue mécanique. L’étude a
_________________________________________________________________________- 191 -
Conclusion générale et perspectives
montré, de façon générale, que des éléments de structure en béton peuvent retrouver une partie de
leurs caractéristiques mécaniques suite à l’apparition du phénomène de cicatrisation, ce qui
apporte des éléments intéressants en termes de durabilité et de soucis de dimensionnement.
Néanmoins, si cette étude a permis de se confronter à différentes caractéristiques du rôle joué par
la cicatrisation sur le comportement mécanique, de nombreuses questions restent en suspens, et
constituent les perspectives de ce travail.
Tout d’abord, l’étude présentée s’est articulée principalement autour du matériau modèle, et les
quelques résultats présentés sur les matériaux plus traditionnels n’ont pas permis d’aboutir à des
conclusions catégoriques. Pour permettre de considérer encore davantage l’apport mécanique du
phénomène de cicatrisation, il est ainsi fondamental de s’intéresser d’encore plus près au
phénomène pour les bétons les plus courants. En effet, le BUHP modèle présentait l’avantage de
posséder une matrice cimentaire permettant au phénomène d’apparaître dans des conditions
favorisées, ce qui n’est pas le cas des bétons traditionnels. Les essais réalisés directement sur ces
bétons ont fourni des résultats surprenants, et il pourrait être intéressant de reprendre ces essais et
de travailler dans un premier temps sur des mortiers, permettant ainsi de mettre réellement en
évidence l’influence de la composition sur le phénomène. On peut également imaginer travailler
sur d’autres types d’essais mécaniques pour caractériser le comportement mécanique cicatrisé de
ces bétons, notamment s’intéresser au comportement en compression, même si dans ce cas, la
phase de fissuration est beaucoup plus difficile à contrôler. De toutes les façons, il est important
de consacrer une analyse spécifique à l’occurrence du phénomène pour ces bétons, qui sont
beaucoup plus employés que le matériau modèle utilisé dans cette étude. Cette analyse serait
alors incontestablement renforcée par une analyse microscopique des fissures cicatrisées.
Un autre point mérite indéniablement une étude spécifique, ce sont les conditions de
vieillissement. En effet, au cours de cette étude, les conditions d’apparition du phénomène
d’auto-cicatrisation, étaient l’immersion totale dans l’eau domestique. Cela nous a permis d’avoir
une apparition et une cinétique de réactions rapides et facilitées. Néanmoins, ces conditions sont
rarement remplies dans les conditions de service des les éléments de structure en béton. Des
essais qualitatifs ont alors montré que des éprouvettes de BUHP mdoèle fissurées conservées en
extérieur, au contact notamment de la pluie, retrouvaient également une partie de leurs propriétés
mécaniques. L’étude mériterait alors d’être étendue à des conditions de conservation contrôlées,
incluant par exemple des cycles humidité-séchage, ou des ambiances à humidité relatives
contrôlées. L’intérêt serait alors, dans des conditions plus réalistes en comparaison avec les
conditions de service, de mettre en évidence les situations les plus favorables d’apparition du
_________________________________________________________________________- 192 -
Conclusion générale et perspectives
phénomène, et de définir notamment s’il peut y avoir un degré d’humidité relative seuil pour
l’occurrence du phénomène, pour les éléments de structure qui ne seraient pas en contact direct
avec de l’eau.
La partie modélisation nécessite également d’être étoffée, pour permettre la prise en compte du
phénomène dans le comportement mécanique des éléments de structure. La première approche
proposée a, en effet, permis de retrouver qualitativement les tendances observées
expérimentalement, au niveau notamment de la phase pré-pic de comportement. Néanmoins, la
partie post pic n’a pu être représentée, notamment à cause de la modélisation ne décrivant pas les
ouvertures de fissures résiduelles obtenues en fin de phase de fissuration. Cet aspect est donc à
développer, de même que l’expression des lois représentant l’évolution des propriétés
mécaniques des zones cicatrisées. Les premières simulations ont en effet été réalisées avec des
évolutions de propriétés assez arbitraires (mais donnant néanmoins les tendances escomptées), et
il est important de définir correctement ces évolutions, notamment en fonction de
l’endommagement initial des zones fissurées. A ce propos, c’est une hypothèse assez forte de
réduire la reprise de propriétés mécaniques uniquement à une dépendance à l’endommagement.
Des mécanismes de diffusion, de perméation et autres sont ainsi mis en jeu, et il serait nécessaire
de les prendre en considération et de les inclure dans la modélisation adoptée. C’est une
perspective importante de ce travail, qui devrait permettre de représenter encore mieux
l’évolution du comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées.
Enfin parallèlement à ces perspectives associées à l’apport mécanique du phénomène, la
technique de retournement temporel, développée pour la première fois dans le cadre
d’applications liées au suivi de phénomène dans les matériaux cimentaires, présente un panel de
perspectives important, dans un domaine très en vogue actuellement, le contrôle non destructif
des structures en béton. Les premiers essais présentés sur la focalisation ultrasonore demandent,
en effet, à être améliorés, notamment en terme d’instrumentation des structures ou éprouvettes à
tester, mais également au niveau du traitement de l’information recueillie. Les essais ont
notamment été menés en connaissant la source émettrice des signaux, et il est indispensable
d’étendre les manipulations à la détection de signaux focalisés dont on ne connaît pas forcément
la source, notamment après écho d’un signal envoyé au sein de la structure. Cette extension est
également valable pour le cas du suivi de phénomène dans le béton, pour lequel il est nécessaire
d’enregistrer le signal directement créé par le phénomène, et ensuite d’étudier la focalisation
directement au niveau de la source. Il est également nécessaire de s’intéresser de plus près à
l’analyse de la focalisation, et d’être ainsi capable de relier l’évolution de celle-ci à l’évolution du
phénomène suivi. L’ensemble de ces améliorations, nécessaires pour une mise en oeuvre
_________________________________________________________________________- 193 -
Conclusion générale et perspectives
optimale de la technique, pourrait alors être couplé à de l’imagerie, et permettre ainsi un suivi
dynamique de l’évolution d’une structure en béton, sans forcément connaître à l’avance le lieu
d’apparition des phénomènes.
_________________________________________________________________________- 194 -
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_________________________________________________________________________- 201 -
Références bibliographiques
_________________________________________________________________________- 202 -
Annexes
ANNEXE A
100
résistance en compression (en MPa)
80
60
40
béton 1 - E/C=0,33
béton 2 - E/C=0,43
20 béton 3 - E/C=0,54
béton 4 - E/C=0,48 (avec FS)
0
0 20 40 60 80 100 120
temps (en jours)
12
résistance en traction par flexion
10
8
(en MPa)
4 béton 1 - E/C=0,33
béton 2 - E/C=0,43
2 béton 3 - E/C=0,54
béton 4 - E/C=0,48 (avec FS)
0
0 20 40 60 80 100 120
temps (en jours)
Evolution de la résistance moyenne en traction par flexion des bétons à hautes performances
_________________________________________________________________________- 203 -
Annexes
3
béton 1 - E/C=0,33
2 béton 2 - E/C=0,43
béton 3 - E/C=0,54
1 béton 4 - E/C=0,48 (avec FS)
0
0 20 40 60 80 100 120
temps (en jours)
Evolution des fréquences de résonance moyennes des éprouvettes 4x4x16 cm de bétons à hautes
performances
_________________________________________________________________________- 204 -
Annexes
ANNEXE B
4
force (en kN)
éprouvette 1
1 éprouvette 2
éprouvette 3
éprouvette 4
0
0 10 20 30 40 50 60 70
ouverture de fissure (en µm)
3.5
3
force (en kN)
2.5
1.5
éprouvette 1
1
éprouvette 2
0.5 éprouvette 3
éprouvette 4
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
_________________________________________________________________________- 205 -
Annexes
3.5
1.5
éprouvette 1
1
éprouvette 2
0.5 éprouvette 3
éprouvette 4
0
0 10 20 30 40 50 60 70
ouverture de fissure (en µm)
3.5
3
force (en kN)
2.5
1.5
éprouvette 1
1
éprouvette 2
0.5 éprouvette 3
éprouvette 4
0
0 10 20 30 40 50 60
ouverture de fissure (en µm)
Courbes de pré-fissuration des éprouvettes de béton 4 (E/C=0 ,48 et avec fumée de silice)
_________________________________________________________________________- 206 -
Annexes
ANNEXE C
2.5
éprouvette 1
éprouvette 2
2
éprouvette 3
force (en kN)
1.5
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
Comportement mécanique des éprouvettes de BUHP modèle cicatrisées, à une semaine de vieillissement
2.5
éprouvette 1
éprouvette 2
2
éprouvette 3
force (en kN)
1.5
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
_________________________________________________________________________- 207 -
Annexes
2.5
éprouvette 1
éprouvette 2
2
éprouvette 3
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
2.5
éprouvette 1
éprouvette 2
2
force (en kN)
1.5
0.5
0
0 20 40 60 80 100
ouverture de fissure (en µm)
2.5
2 éprouvette 1
éprouvette 2
force (en kN)
1.5
0.5
0
0 10 20 30 40 50 60 70 80
ouverture de fissure (en µm)
_________________________________________________________________________- 208 -
Annexes
ANNEXE D
éprouvette 1
2.5 éprouvette 4
2
force (en kN)
1.5
0.5
0
0 50 100 150 200 250 300 350
ouverture de fissure (en µm)
éprouvette 2
2.5 éprouvette 3
2
force (en kN)
1.5
0.5
0
0 50 100 150 200 250 300 350
ouverture de fissure (en µm)
_________________________________________________________________________- 209 -
Annexes
éprouvette 2
2.5 éprouvette 3
0.5
0
0 50 100 150 200 250 300 350
ouverture de fissure (en µm)
éprouvette 1
2.5 éprouvette 4
2
force (en kN)
1.5
0.5
0
0 50 100 150 200 250 300 350
ouverture de fissure (en µm)
_________________________________________________________________________- 210 -
Annexes
éprouvette 1
2.5 éprouvette 2
0.5
0
0 50 100 150 200 250 300 350
ouverture de fissure (en µm)
éprouvette 3
2.5 éprouvette 4
2
force (en kN)
1.5
0.5
0
0 50 100 150 200 250 300 350
ouverture de fissure (en µm)
_________________________________________________________________________- 211 -
Annexes
éprouvette 2
2.5 éprouvette 3
0.5
0
0 50 100 150 200 250 300 350
ouverture de fissure (en µm)
Comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées de béton 4 (E/C=0,48, avec fumée de silice) à 10
semaines
éprouvette 1
2.5 éprouvette 4
2
force (en kN)
1.5
0.5
0
0 50 100 150 200 250 300 350
ouverture de fissure (en µm)
Comportement mécanique des éprouvettes cicatrisées de béton 4 (E/C=0,48, avec fumée de silice) à 20
semaines
_________________________________________________________________________- 212 -
Résumé
L’apparition de fissures dans les structures en béton, à la suite de sollicitations de toute sorte (mécaniques, thermiques…) ou d’effets
différés (fluage, retrait…), entraîne des pertes de résistance et des problématiques de durabilité, liées à l’étanchéité et aux propriétés de
transfert. Sous certaines conditions, et sans intervention extérieure de réparation, certaines fissures peuvent se cicatriser. Le phénomène
est principalement dû à des réactions chimiques entre l’eau et le ciment, hydraté ou non, présent dans le béton. La cicatrisation a, jusqu’à
présent, été principalement mise en évidence par des essais de perméabilité à l’eau, montrant ainsi les répercussions positives sur les
problèmes de durabilité. Le travail présenté s’attache alors à étudier l’apport du phénomène d’un point de vue mécanique.
Un programme expérimental est ainsi développé, visant à quantifier le comportement mécanique, sous flexion 3 points, d’éprouvettes de
béton initialement fissurées, puis vieillies dans des conditions favorisant ou non l’auto-cicatrisation. Différents types de bétons sont
étudiés, un matériau modèle à hautes performances, et des bétons classiques. Les propriétés de fissuration sont également analysées par
émission acoustique. Les résultats montrent alors une reprise de propriétés mécaniques des éprouvettes après conservation dans l’eau, et
le suivi de fissuration par émission acoustique confirme que cet apport mécanique est dû à la précipitation de nouveaux cristaux dans la
fissure, moins résistants que ceux issus des réactions primaires d’hydratation du ciment. Ces cristaux sont alors analysés par microscopie
électronique à balayage et par spectrométrie à sélection d’énergie, et un lien est établi entre les résultats mécaniques observés et les
morphologies particulières des espèces formées. L’ensemble de ces résultats conduit alors à proposer une première approche de
modélisation du comportement mécanique des éprouvettes, incluant le phénomène de cicatrisation, et des premiers résultats qualitatifs
sont obtenus.
En parallèle de ces travaux sur le comportement mécanique, une technique de contrôle non destructif, basée sur le principe de
retournement temporel, est développée pour permettre le suivi in vivo de phénomènes dans le béton. Les résultats d’essais préliminaires
appliqués à l’auto-cicatrisation sont ainsi présentés.
Mots-clés : auto-cicatrisation, fissuration, propriétés mécaniques, émission acoustique, microscopie électronique à balayage,
spectrométrie à sélection d’énergie, modélisation, endommagement, retournement temporel
Title : Experimental characterization and modelling of the self healing of cracks in concrete
Abstract
The propagation of cracks in concrete structures, due to loadings (mechanical, thermal...) or time dependant effects (creep, shrinkage…),
results in loss of resistances and durability problems, linked to watertightness and transfer properties. With specific conditions, and
without any external intervention of repair, some cracks can heal themselves. The phenomenon is mainly based on chemical reactions
between water and cement, hydrated or not, available in hardened concrete microstructure. The self healing phenomenon has been
mainly highlighted, in previous works, by means of water permeability tests, showing its role in durability considerations. The presented
work aims at analysing the role of the phenomenon on a mechanical point of view.
An experimental program is developed, in order to quantify the mechanical behaviour, under 3 points bending, of concrete beams
initially cracked, and then aged in conditions allowing or not the occurrence of the phenomenon. Different kinds of concrete are
analysed, a model material with high performances and classical concretes. The cracking processes of the specimens are also studied
with acoustic emission techniques. The results show a recovery of mechanical properties for the specimens stored in water, and the
following of cracking processes confirms that this mechanical gains are due to the precipitation of new crystals in the cracks, which are
less resistant than those from the normal hydration of cement. These crystals are then analysed by scanning electron microscopy and
energy dispersive spectrometry, and a link is established between the mechanical results and the characteristics of the new crystals. With
these results, a first approach of mechanical behaviour modelling including the self healing is proposed, and first qualitative results are
presented.
In parallel to this work on the mechanical behaviour, a non destructive technique, based on the time reversal principle, is developed in
order to follow phenomena in concrete. The results of preliminary tests applied to the self healing are thus presented.
Keywords : self healing, cracking, mechanical properties, acoustic emission, scanning electron microscopy, energy dispersive
spectrometry, modelling, damage, time reversal