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JOHN M. KELLY LIBDADY

Donated by
The Redemptorists of
the Toronto Province
from the Library Collection of
Holy Redeemer Collège, Windsor

University of
St. Michael's Collège, Toronto
HOLV
^
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V
m V DciSrl-»«,

PREMIERE. ^r
ENCYCLOPEDIE
THÉOLOGIQUE, "''

ou PREMIÈRE

SÉRIE DE OIGTIONNÂIRES SUR TOUTES LES PARTIES DE L& SCIENCE RELIGIEUSE

OFFMAMT EN rSAHÇA», BT PAS ORDKB ALPHABÉTIQUE,


LA PLUS CLAIUK, LA PLUS FACILE, LA PLUS COMMODE, LA PLUS VARIÉE
ET LA PLUS COMPLÈTE DES THÉOLOGIES.
CES DICTIONNAIRES SONT, POUR LA PREMIÈRE SÉRIE, CEUX :

m'kcKITIIHK SAI.NTK, — liE l'IllI.Ol.OGlE SACRÉK,—BE LITURGIE, — DROIT CANON,


l(E —
IIKS lIÉKÉSfES, liKS SCIIISMIS, DES LIVRES JANSÉNISTES, DES PROPOSITIONS ET DES LIVRES CONDAMNÉS,
— DES CONCILES, — DES CÉliÉHOMES ET DES RITES, —
DES CAS DE CONSCIENCE, — DES ORDRES RELIGIEUX (lIOMMES ET EEMMES), —
DES DIVERSES RELIGIONS, —
DE GltOGRAPIIIE SACRÉE ET ECCLÉSIASTIQUE, — DE THÉOLOGIE DOGMATIQUE, CANONIQUE,
LITURGIQUE ET POLÉMIQUE, — DE T1IÉOI,0(;IE MORALE ET MÏSTIQUE,
— DE JURISPRUDENCE CIVILE-ECCLÉSIASTIQUE,
— DES PASSIONS, DES VERTUS ET DES VICES, — d'iIAGiOGRAPIIIE, — DES PÈLERINAGES RELIGIEUX, —
d'astronomie, de PHYSIQUE ET DE MÉTÉOROLOGIE RELIGIEUSES,
D'l<:UI>IOGnAPIIIE CHRÉTIENNE, — DE CHIMIE ET DE MINÉRALOGIE RELIGIEUSES, —DE DIPLOMATIQUE CHRÉTIENNE, -

DES SCIENCES OCCULTES, — DE CÉOLOIME ET DE CHRONOLOGIE CHRÉTIENNES:


Publication tans luquelle on ne saurait parler, lire et écrire uiilement, n'importe dam quelle situation delà vie:

PUBLIÉE

PAU M. L'ABBÉ MIGNP,


ÉDITEUB DE LA BIBLIOTHt'^UE IJNIVEBSRtL.E DU CLERGÉ
ou
DES COURS COmPI.STa sur chaque branche de la science ECCLÉSIASTIQUE.

PPIX : 6 FB. LE VOL. POUR LE SOUSCRIPTEUR A LA COLLECTION ENTIÈRE, OU A 50 VOLUMES CHOISIS DANS LES TROIS
Encyclopédies; 7 fr. et même 8 fr. pour le souscripteur a tel ou tel dictionnaire particulier.

52 YOLIMES, PRIX : 312 FRANCS.

TOME QUARANTE-HUITIÈl
ATARI
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.
rOME PREMIER.

2 VOL., PRIX : 16 FRANCS.

S'IMPRIME ET SE VEND CHEZ J.-P. MIGNE, EDITEUR,


AUX ATELIERS CATHOLIQUES, RUE D'AMBOISE, 20, AU PETIT-MONTROUGE,
AUTREFOIS BARRIÈRE D'ENFER DE PARIS, MAINTENANT DANS PARIS.
1861
^
DICTIONNAIRE
DKS

SCIENCES OCCULTES
SAVOIR,

DE :AltllOMAXCIE, AI.CIIIMIE, ALECTIIVOMANXIE, ALEL'ROMANCIF.,


ALFRIDARIE, AL0MA^(.1E, ALOPÉCIE, ALPIIITOMANCIE, AMMO-
NA.NCIE, A.NTlinOPOMANCIE, APAMOMANClEjARlTIlMANCIE, ARMOMANClE.AfPlDO-
MA.NClK, ASTI1AGAL0MA^CIE, BASCANIE, BÉL0MA>C1E, BIBLIOMANCIE, ROTA-
NOMAMCIE, BOUSANTIIRDPIE, BRIZOMANCIE, CABALOMANCIE, CAPNOMANCIE, CARTOMANCIE,
CATOPTROMA.NCIE, CAl'SIMANClE, CÉPIIALO.NOMANCIE, CÉRAll^O^COPlE, CÉROMANCIE,
CHlftl.lE, CHIROMANCIE, CLÉDONISMaNCIE, CLÉIDOMANCIE, CLÉROMAiNCIE, COSQUINOMANCIE, CRIS'IA-

LOMANCIE, CRlTOMAiNCIE, CRdMNlOMANCIE , CUBOMANCIE CÏNANTUROPIE , BACTÏLOUANCIE,


,

BAPhPiOMA.NClE, DKM. KOCRATIE, BÉMONOGRAPIIIE, DÉMONOMANCIE, ENGASTBIMISME, FANTASMAGORIE, FATA-


LISME, GASTBOMANCIE, GÉLOSCOPIE, GÉJIATRIE, GÉOMANCIE, GÏROMANCIE, IIÉPATOSCOPIE, IIIPPOHANCIK,
UVURdHANCIË, ICIITIIÏOMANCIE, ILLUMIXISME, LAMPADOMANCIE, LÉCANOHANCIE, LIBANOMANCIE, LITIIIlMANCIE, LÏCAÎI-
THHOPIE, LYSIHACIIIE, MAGIE, MAGNÉTISME, MAHGARITOMANCIE, HATRIHONANCIE, HÉCANOMANCIE, HCGA-
iaNTimOPOGÉNÉSIE, MÉTOSCOPIE, MIMIQUE, MONARCHIE INFERNALE, M\OMAr(CIE, NAIBANCIE, NÉCROMANCIE,
NICROMANCIE, OCULOMANCIÏ, OENOMANCIË, OLOLVGMANCIE, OMOMANCIE, OMPIIALOMANCIE,
ONtWOCRITIQCE, ONOMANCIE, ONÏCHOMANCIE, OOMANCIE, OPIIIOMANCIE, OPHTIIALMOSCOPIE, ORDA-
LIE, ORNITHOMANCIE, PALINGÉNÉSIE, PALMOSCOPIE, PARTHÉNOMANCIE, PÉCOMANCIE,
PE ICHIMANCIE, PETTIMANCIE, PHARMACIE, PHRÉNOLOGIE, PHÏLLORHODOMANCIE, PHVSIO-
GNOMONIE, PIERRE PIIILOSOI'HALE, PÏROMANCIE, RABDOMANCIE, RBAP-
SODOMANCIE, SCIAMANCIE , SEXOMANCIE, MDÉROMANCIE , SOMNAMBULISME,
SPODOMANCIE, STÉGANOGRAPHIE, bTKRNOMANCIE, STOÏCHÉO-
MANCIE, STOLISOHANCIE, SCPEBSTITIONJ, S\COMANCIE, SYMPATHIE,
TACITURNOMANCIE, TAUPOMANCIE, TÉPHRAMANCIE,
T^RATOSCOPIE, THALMCDANCIE, THÉOMANCIE, THÉURGIE,
THURIFIJMIE, TIROMANCIE, UROTOPÉGNIE,
UTÉSÉTLRE, VAMPIRISME, VENTRILOQUIE, VISIO-
HANCIE, XVLOMANCIE, ZAIRAGIE;

Dlj

RÉPERTOIRE UNIVERSEL
IHB ËTRKS, DES PEnSONNAGES, TES LIVRES, DES FAITS ET DES CHOSES QUI TIE>NEST AUX ArPABITIOKS, AUX DIVINATIONS, A LA MAGM '
AW commerce de l'eNFEB, aux démons, aux SORCIERS, AUX SCIENCES OCCULTES, AUX GRIMOIRES,
A LA CABALE, AUX FSPRITS Él£mENTAIBES, AU GRAND CEUVRE, AUX PRODIGES, AUX ERREURS, AUX PRéjCGES,
aux impostures, aux arts des bohemiens, aux superstitions diverses, aux contes populaires, aux prohostics,
et généralement a toutes les croyances fausses, merveilleuses, surprenantes,
mvstériec:>es ou subnaturelles ;

suivi uu traité historioue des dieux et des démons du paganisme, par binet ; et de la réponse a
l'histoire des oracles de fOntinelle, par baltus :

'public par îOÎ. l'abbé SDÎtgne,


tolTEUm DE I.A BIBLIOTBÈQVX aNXVERHEULB DU CLEROA.

TOME PREMIER.

2 VOL. PRIX : 16 FRANCS.

S'IMPRIME ET SE VEND CHEZ J.-P. MIGNE, EDITEUR,


AUX ATELIEIIS CAl'HOLIQUES, RUE D'AMBOISE, 20, AU PETII -MONTIIOUGE»
AUTREFOIS BARRIÈRE D'ENFER DE PAHIS, MAINTENANT DANS PARIS.
1861
Paris. — Iniprimerio J.-P. MIGNE.
DICTIONNAIRE
OES

SCIENCES OCCULTES
ET DES

IDEES SUPERSTITIEUSES
-tsSEOl,

AAMON.Voy. Amox. nu. Il est de la suite de Paymon.


AARON,magicipii du Bas-Empire, qui
Vov. ce
•'
mot.
vivait du lemps de l'empereur Manuel Com-
ABANO. Voy. Pierre d'Apone.
nène. On conle qu'il possédait les Clavicules ABARIS, magicien scythe et grand-prêtre
de Salomon qu'au moyen de ce livre il avait d Apollon, qui lui
,
donna une flèche d'or sur
à SCS ordres des légions de démons, et se laquelle il chevauchait par les airs
mêlait de nécromancie. On lui fit crever les avec la
rapidité d'un oiseau ; ce qui a fait
yeux; après quoi on lui coupa encore la que les
Grecs 1 ont appelé VAérobale. 11 fut, dit-on
langue. Mais n'allez pas rruire que ce fût maiIredePythagore, qui lui vola sa flèche,
une victime de quelque fanatisme ; il fut dans laquelle on doit voir quelque allégorie
condamné comme bandit car on trouva :
On ajoute qu'Abaris prédisait l'avenir, qu'il
chez lui un cadavre qui avait les pieds en- apaisait les orages, qu'il chassait la
chaînés, le cœur percé d'un clou el d'autres peste;
, on conte même qu'il vivait sans boire
abominations (Nicélas, Annales, liv. k.) ni
manger. Avec les os de Pélops, il fabriqua
ABADDON, ou le destructeur, chef des une figure de Minerve, qu'il vendit aux
démons do la septième hiérarchie. C'est le froyens comme un talisman descendu du
nom de l'ange exterminateur dans l'Apoca- ciel: c'est le Palladium qui avait la
réputa-
lypse. tion de rendre imprenable la ville
où il se
ABADIE (Jeannette), jeune fille du village trouvait (1).
de Siboure, en Gascogne. Dclancre, dans ABDEEL (Abraham), appelé communé-
son Tableau de l'inconstance des démons, ra- ment Schœnewald (Beauchamp), prédicateur
conte que Jeannette Abadie, dormant, un a Custrin, dans la marche de Brandebourg
dimanche, pendant la messe, dans la maison fit imprimer à Thann,enl572,
le Livre delà
de son père, un démon profila du moment et parole cachetée, dans lequel il a fait des
cal-
l'emporta au sabbat (quoiqu'on ne fît le sab- culs pour trouver qui est l'antechrist
el à.
bat ni le dimanche ni aux heures des saints quelle époque il doit paraître. Celle méthode
offices, temps où les démons ont peu de joie). consistée prendre au hasard un passage
du
Elle trouva au sabbat grande compagnie et prophète Daniel ou de l'Apocalypse, et
à
vit que celui qui présidait avait à la lêle donnera chaque lettre, depuis o jusqu'à z,
deux
visages, comme Janus. Du resie, elle ne fit sa valeur numérique. A vaut 1, b vaut
2, e
rien de criminel et fut remise à son logis vaut 3, et ainsi de suite. Abdee! déclare
par que
le même moyen de transport qui l'avait 1 antechrist est le pape Léon
em- X. Il trouve de
menée. Elle se réveilla alors et ramassa une la même manière les noms des trois
anges
petite relique que le diable avait eu la pré- par lesquels l'antechrist doit être découvert.
caution d'ôter de son cou avant de l'empor- Ces trois anges sont Hiiss, Huthen et un
cer-
ter. parait que le bon curé à qui elle con- tain Noé qui nous est inconnu.
Il Ces trois
fessa son aventure lui fit comprendre qu'elle insensés ne s'en doutaient probablement
pas.
n'avait fait qu'un mauvais rêve; car elle
ne
A la fin de son livre, Abdeel prend l'engage-
futaucunemenl recherchée, quoique Delancre ment de découvrir le vrai nom de ce certain
dise qu'elle avait commencé là le métier Noé, ainsi que d'autres secrets, par les nom-
de
sorcière. Voy. Crapaud. bres cabalistiques du prophète Daniel il
; ne
paraît pas qu'il ait jamais rempli cette pro-
ABALAM, prince de l'enfer, très-peu con-
messe (2).
II) Hérodote, Jambliqup. Clément d'Alexandrin elc
livre de la parole cachetée du
(2; Le livre très-rare d'Abdeel est intitnlé : Das Buch proplièle Daninl au xir clia-
pitre , exposant clairement comment
aer verstegetlen rede des proplieten Danielis, —
etc. Le i antechrist.
on peut reconnaître

DlCTlONN. DES SCIENCES OCCULTES. I.


tl IICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. «
ABDEL- AZYS, aslroloum- aralic ilu gnilé de la terre d'Irlande? Non, car il sullil
diiièmfi sièclf, plus ronnu en Eiiropi' sous de dire que c'est une fable , et qu'on trouve
le nom d'Aichabilius. Sou Trniié d'aslroloiiic en Irlande beaucoup d'abeilles.»
indicinire a été Irailuil en latin par Jean de ABEL, fils d'Adam. Des docteurs musul-
Séviile (Uifpalensis). L'édition la plus re- mans disent qu'il avait quarante-huit pieds
cherchée de ce livre Alchubitius. cum com- : de haut, il se peut qu'ils aient raisonné d'a-
tnento, est celle de Venise, 1503, in i° de près un tertre long de cinquante-cin(| pieds,
140 pages. que l'on montre auprès de Damas, et qu'on
ABDIAS DE BABYLONE. Ou attribue à un nomme la tombe d'Abel.
éirivain de ce nom l'histoire du combit Les rabbins ont écrit beaucoup de rêveries
merveilleux nue livra saint Pierre à Simon sur le compte d'Abel. Nos anciens, qui
le magicien. Le livre d'Abdias a clé traduit croyaient tant de choses , lui attribuent un
par Jules l'Africain, sous ce litre Uisloriu : livre d'astrologie judiciaire qui lui aurait
cerlaminis apostolici loCG, in-8°. , été révélé et qu'il aurait renfermé dans une
ABEILAUD. Il est plus célèbre aujourd'hui pierre. Après le déluge. Hermès-Trismégiste
par ses tragiques amours que par ses ou- le trouva : il y apprit l'art de faire des talis-
f rages Ihéologiques, qui lui atiirèrrnt juste- mans sous l'influence des consteilations. Ce
ment les censures de saint Bernard , et qi:i livre est intitulé : Liber de virtutibus planeta-
étaient pleins d'erreurs très-dang.-rcuses. Il rum omnibus rerum mundmiarum virtuti-
et
mourut en lli2. Vingt ans après, Héloïse bus. Voy. le traité De Ks.ientiis essenliarum ,

ayant été ensevelie dans la niôuie tombe, ou qu'on (iécore faussement du nom de saint
conte qu'à st)n approche la cendre froide "Thomas d'Aquin pars 4, c:ip. 2. Voy. aussi ,

dAbeilard se réchauffa tout à coup, et qu'il Fabricius , Codex pseud. Yet. Testain.
étendit les bras pour recevoir celle qui av.iit ABEL DE LA BUE, Cosseur, save- dil le
été sa femme. Leurs restes étaient au Para- tier et mauvais drôle qui fut arrêté, en lo82,
clet , dans une précieuse tombe gothique que à Coulommiers et brûlé comme voleur,
,

ion a transportée à Paris en 1799, et qui est sorcier magicien


, noueur d'aiguillettes. ,

présentement au cimetière du Père- La- \'oici sa légende:


chaise.
Le noueur d'oigtiilleltes.
ABEILLES. Cetail l'opinion de quelques
démonographes que si une sorcière, avant C'était grand deuil à Coulommiers, dans la
d'être prise, avait mangé la reine d'un essaim maison de Jean Moureau le 15 juin de l'an ,

d'abeilles, ce cordial lui donnait la force de de grâce 1582. Le petit homme s'était marié
supporter la torture sans confesser (1) ; mais la veille, plein de liesse et se promettant
celte découverte n'a pas fait iorlune. heureux ménage avec Fare Fleuriol, son
Dans certains cantons de la Bretagne, on épousée. Il élail vif, homme de tête, persé-
prétend que les abeilles sont sensibles aux vérant dans ses affections comme dans ses
plaisirs comme aux peines de leurs maîtres, haines ; et il se réjouissait sans ménagement
et quelles ne réussissent point si on néglige de son succès sur ses rivaux. Fare, qui
de leur faire part des événements qui inté- l'avait préféré, semblait partager son bon-
ressent la maison. Ceux qui ont cette heur et ne se troublait pas plus que lui des
croyance ne manquent pas d'attacher à leurs alarmes que les menaces d'un rival dédaigné
ruches un morceau d'étoffe noire lorsqu'il y avaient fait naître chez leurs convives. Fare
a une mort chez eux, et un morceau d'étoffe Fleuriot, habile ouvrière en guipure, n'avait
rouge lorsqu'il y a un mariage ou toute pu hésiter dans son choix entre Jean Mou-
autre fête (2). reau, armurier fort à son aise, et ce concur-
Les Circassiens, dans leur religion mêlée rent redouté, nommé Abel de la Rue, sur-
de christianisme de mahomélismeet d'ido-,
nommé le Casseur, à cause de sa mauvaise
lâtrie, honorent la Mère de Dieu sous le nom conduite; homme réduit au métier de save-
de Mérième ou de Melissa. ils la regardent tier, et qu'on accusait de relations avec le
comme la patronne des abeilles, dont elle diable à cause de ses déportements; circon-
sauva la race en conservant l'une d'elles stance mystérieuse qui effrayait les amis de
dans sa manche un jour que le tonnerre
,
l'armurier.
menaçait d'exierminer tous les insectes. Les — Vous avez supplanté Abel, lui disaienl-
revenus que les Circassiens tirent de leurs ils; il vous jouera quelqu'un de ses mauvais
ruches expliquent leur reconnaissance pour tours.
le bienfait qui les leur a conservées. —Les gens de justice de notre roi, Henri
Solin a écrit que les abeilles ne peuvent troisième, nous sauront bien rendre raison du
pas vivre en Irlande; que celles qu'on y Casseur répondit Jean Moureau.

,

amène y à coup ; et que si l'on


meurent tout Et qui sait, dit une vieille tante, s'il ne
porte de la terre de celte île dans un autre vous jetterait pas un sort?
pays, et qu'on la répande autour des ruches, —
Patience : telle avait été la réponse du
les abeilles sont forcées d'abandonner la jeune marié.
place, parce que celte terre leur est mor- Mais Fare était pourtant moins rassurée :

telle. lit la môme chose dans les Oiiyincs


On la noce toutefois s'était faite joyeusement.
d'Isidore. « Faut-il examiner, ajoute le père Or, le lendemain, comme nous avons dil,
Lebrun (3), d'où peut venir cette mali- c'était dans la maison grand deuil cl pleine

(1) Wierus, Dh Praestigii-s lil). VI, cap. 7. (3) Ilisioire criiique des pratiques supcrslilieuses,
(30 Caii'bfi', Vojage dans le l'iriUlèrc, I. II, p. IG. liv. 1, tliap 5.
13 ABE i?,K II

tristesse. Les deux époux, si honrnix la Comme j'élais en cette mauvaise volonté, un
veille, paraissaient effarés do trouble ;
on chien barbet , maigre et noir, parut (oui à
.Tnnonçail timidemciU ce qui était survenu : coup devant moi il me sembla qu'il me
:

le résultat eu paraissait pénible. Le mari et parlait, ce qui me troubla fort ; qu'il me pro-
la femme cnsorci lés sentaient l'un pour l'au- mettait de m'aider en toutes choses et de no
tre autant déloignement qu'ils s'étaient lé- me faire aucun mal, si je voulais me donner
nioigné d'aff(Ction le jour précédent. Celle à lui...
nouvelle se répandit en peu d'instants dans —Ce barbet, interrompit le juge, était cer-
la petite ville le second jour, l'éloignement
:
tainement un détnon.
devint de l'antipathie, qui, le jour d'après, —
C'est possible, messire il me sembla qu'il
:

eut tout l'air de l'aversion. Cependant les me conduisait dans la chambre du couvent
jeunes mariés ne parlaient pas de demander qu'on appelle la librairie. Là il disparut, et
une séparation seulement ils annonçaient je ne le revis jamais.
;

que quelque ennemi endiablé ou quelque —Et quelle vengeance avez-vous eue du
sorcière maudite leur avait noué l'aiguillello. frère Caillet?
On sait que ce maléfice, qui a fait tant de — Aucune, messire, ne l'ayant pas pu.
bruit aux seizième et dix-seplicme siècles, —Que files-vou< alors dans la librairie?
rendait les mariés repoussants l'un pour l'au- —
Je pris un livre, car on rn'a enseigné la
tre, et les accablant au physique comme au lecture ; mais voyant que c'était un missel, je
moral, les conduisait à se fuir avec une sorte le refermai ; je sortis et je demeurai quelques
d'horreur. semaines triste et pensif. Un jour je pris un
Il ne fut bruit dans tout Coulommiers que autre livre, c'était un grimoire. Je l'ouvris
de l'aiguillelte nouée à Jean Moureau. Abel au hasard, et à peine avais-je lu quelques
de la Rue, le savetier dédaigné, en avait ri si lignes que je ne comprenais point, quand je
méchamment, qu'il fut à bon droit soupçonné vis paraître devant moi un homme long el
du délit il était assez généralement détesté.
;
mince, de moyenne stature, blême de visage,
La clameur publique prit une telle consis- ayant un effroyable aspect, le corps sale el
tance, que les jeunes époux ensorcelés se l'haleine puanle.
crurent autorisés à déposer leur plainte. —Sentait-il le soufre?
Mcssire Nicolas Qualre-Sols était lieutenant —Oui, messire; il était vêtu d'une longue
civil et criminel au bailliagede Coulommiers. robe noire à l'italienne, ouverte par devant;
Il fît comparaîlre Aliel devant lui. il avait à l'eslomac et aux deux genoux
Le chenapan, qui était hypocondro et mo- comme des visages d'hommes, de pareille
rose, avoua qu'il avait recherché Fare Fleii- couleur que les autres. Je regardai ses pieds
riot, mais il nia qu'il eût rien fait contre elle qui étaient des pieds de vache.
et contre son mari. Comme il était malheu- Tout l'auditoire frissonnait.
reusement chargé de la mauvaise réputation — Cet homme blême, poursuivit l'accusé,
qu'on alors à ces vauriens qui cher-
faisait me demanda ceque je lui voulais etqui m'avait
chaient dans la sorcellerie une prétendue conseillé de l'appeler. Je lui répondis avec
puissance et de prétendues richesses toujours frayeur que je ne l'avais pas appelé, el que
insaisissables, on le mit au cachot, en l'invi- j'avais ouvert le grimoire sans en prévoir les
tant à faire ses réflexions ; et le lendemain, conséquences. Alors cet homme blême, qui
sur son entêtement à ne rien avouer, on l'ap- était le diable, m'enleva et me transporta
pliqua à la question; il déclara qu'il allait sur le toit de la salle de justice de Meaux,
confesser. en me disant de ne rien craindre. Je lui de-

Ayez soin, dit Nicolas Quatre-Sols, que mandai son nom, et il me répondit Je m'ap- :

votre confession soit entière et digne de no- pelle maître Rigoux. Je lui témoignai ensuite
tre indulgence. Pour ce, vcus nous expose- le désir de m'enfuir du couvent; là-dessus il
rez dès le commeiicement toutes vos affaires me reporta au lieu où il m'avait pris ; du
avec Satan. moins, je m'y retrouvai comme sortant d'une
Il fil donner au savetier un verre d'eau re- sorte d'étourdissement. Le grimoire était à
levé d'un peu de vinaigre, afin de ranimer mes pieds. Je vis devant moi le Père Pierre
ses esprits; et il s'arrangea sur son siège B. rsnn,docteur en théologie, elle frère Caillei,
dans la position d'un homme qui écoute une qui me reprirent d'avoir ludans le grimoire el
histoire merveilleuse. me menacèrent du fouet, si je louchais en-
\bel de la Rue, voyant que son juge était core à ce livre. ToU'* les religieux se rendi-
prêt, recueillit ses esprits et se disposa à rent à la chapelle et chantèrent un Salve à
parler. D'abord il se recommanda à la pitié mon intention. Le lendemain, comme je des-
et à ta compassion de la justice, criant merci cendais pour aller à l'Eglise, maître Rigoux
et prolestant de sa repentaiice; puis il dit ce m'apparut encore il me donna rendez-vous
:

qui suit : sous un arbre près do Vaulxcourtois , entre


, — Je devrais élre moins misérabieque je ne Meaux clCoulommiers. Là je fus séduit. Je re-
suis et faire autre chose que mon pauvre mé- pris,sans rien dire, les habits quej'avais à mou
tier. Etant petit enfant, je fus mis par ma entrée dans le couvent, el j'en sortis secrèle-
mère au couvent des Gordeliers de Meaux. ment par une petite porte de l'écurie. Rigoux
Là, le frère Caillet qui était maître des no- m'attendait sous la figure d'un bourgeois ; il
vices, m ayant corrigé, je ino fâchai si iu- me mena chez maître Pierre berger, de ,

rieuseracnt conlre lui, (lue je ne rêvais plus Vaulxcourtois, qui me reçut bien, et j'allais
autre cliose, sinon la possibililéde me venger. conduire les troupeaux avec lui. Deux mois

niCTIOXN.\mE DES SCIENCES OCCULTES. 1«

re borpcr, qui élail sorcier, me promet


iil'ics.
— Mon oncle, dit il en se penchant à l'o-
(le présenliT à Vasseinblée, Jiyant besoin
me reile de maître Nicolas Quatre-Sols, ne pen-
de s'j rendre lui-mémo, parce qu'il n'avait sez-vous pas que le patient n'est i|u'un drôle
plus lie poudre à maléfices. L'assemblée de- qui a le cerveau malade, qui est sujet peut-
vait so leiiir dans trois jours : nous étions ù élrc à de mauvais rêves?
l'avent de Noël 1575. Maître Pierre envoya Pendant que i'iMicle réprimandait le ne-
sa femme coucher dehors, et il me fit mettre veu à voix basse, Abel de la Rue levant la
an à sept heures du soir; mais je ne ilor- tétc :
lit

mis puère. Je remnrquai qu'il plaçait au coin


— De tout ce que j'ai fait de mal, dit-il, je

du feu un trè>i-long balai de genêt sans man- suis repentant et marri, et je crie merci et
che; à onze heures du soir, il fil grand bruit miséricorde à Dieu, au roi , à monseigneur
et me dit qu'il fallait partir il prit de la cl à la justice.

:

graisse, s'en frolla les aisselles et me mit sur C est bien, dit Nicolas Qualre-Sols,
le balai, en me recommandant de ne pas qu'on le ramène au cachot.
quitter cette monture. Maître Rigous p n ul Le soir de ce même jour, le maléfice de
alors ; mon maître par la cheminée
il enleva : Jean Moureau se trouva rompu. L'antipa-
moi je le tenais au milieu du corps, t il me ( thie qui avait surgi entre lui et sa jeune
sembla que nous nous envolions. La nuit épouse s'évanouit. Le corps du principal dé-
était très-obscure, mais une lanterne nous lit avait donc disparu. Néanmoins, peu de
précédait. Pendant ((ue je voyageais en lair jiiurs après, le 6 juillet, sur les conclusions
de la sorte, je crus apercevoir l'abbaye de du procureur fiscal, la Rue fut condamné à
Rebais nous descendîmes dans un lieu plein
: être brûlé vif. Il appela de sa sentence au
d'herbe où se trouvaient beaucoup de gens parlement de Paris ; et le 20 juillet to82, le
réunis. parlement de Paris, prompt a expédier ce*
— Qui faisaienl le sabbat, interrompit le sortes d'affaires, rendit un arrêt qui porte
juge. qu'Abel de la Rue, appelant, ayant jeté des
— Oui mcssiro. J'y reconnus plusieurs
, sorts sur plusieurs, prêle son concours au
personnes vivantes et quelques nurts, no- diable, communiqué diverses fois avec lui,
tamment une sorcière qui avait été pendue à assisté aux assemblées nocturnes et illicites,
Lagny. Le maître du lieu, qui était le diable, pour réparation de ces crimes la cour <ou-
ordonna, par la bouche d'un vieillard, que damne l'appelant à être pendu et étranglé à
l'on nettoyât la place. Maître Rigoux prit in- une potence qui sera dressée sur le marché
continent la forme d'un grand bouc noir, se de Coulommiers, et le renvoie au bailli
mit à gronmielcr et à tourner; et aussitôt chargé de faire exécuter leilit jugement, et
l'assemblée commença les danses, qui se fai- de brûler le corps après sa mort. Cet ar- —
saient à revers, le visage dehors et le derrière rêt, qui adoucissait un peu la senicuce du
tourné vers le bouc. premier juge, fut exécuté selon sa teneur,
—C'est conforme à l'usage du sabbat, au marché de Coulommiers, par le maître
comme il est prouvé par une masse de dépo- des hautes-œuvres de la ville de Meaux, le
sitions. Maisnechanta-l-on point? et quelles 2'{ juillet 1582. —
« Au reste, dit uii auteur
furent ces chansons? sensé, ces sorciers qu'on brûlait méritaient
—On ne chanta point, messire. Après la toujours châtiment par quelques vilains et
danse, qui avait duré deux heures, on pré- odieux crimes. » Voyez les articles S ibbàt.
senta les hommages au bouc (Ij. Chaque Ligatures, etc.
personne de l'assemblée s'en acquitta. Je ABEN-EZRA. Voy. Mâcha Halli.
m'approchai du bouc à mon tour, il me de- ABEN - RAGEL , astrologue arabe né à ,

manda ce que je voulais de lui? Je lui répon- Cordoue ,au commencement du cinquième
dis que je voulais savoir jeter des sorts sur siècle. 11 a laissé un livre d'horoscopes d'a-
mes ennemis. Le diable m'indiqua maître près l'inspection des étoiles, traduit en latin
Pierre, comme pouvant mieux qu'un au- sous le titre De Judiciis seii fatis stellarum,
tre m'cnseigner cette science. Je l'appris Venise, 1485 ; très-rare. On dit que ses pré-
donc. dictions, quand il en faisait, se distinguaient
—Et vous on avez fait usage contre plu- par une certitude très-estimable
sieurs, notamment contre les époux qui se ABIGOR, démon d'un ordre supérieur, grand-
plaignent? Avez-vous eu d'autres relations duc dans la monarchie infernale. Soixante
avec le diable? légions marchent sous ses ordres (2j. Il se
—Non , messire, sinon en une circon- montre sous la figure d'un beau cavalier
slance. Je voulais rentrer dans la voie. portant la lance, l'étendard ou le sceptre; il
Un jour que j'allais en pèlerinage à répond habilement sur tout ce qui concerne
Saint-Loup, près de Provins, je fis rencon- les secrets de la guerre, sait l'avenir, et en-
tre du diable, qui chercha à me noyer je lui : seigne aux chefs les moyens de se faire aimer
échappai par la fuite. des soldats.
Tout le monde dans l'assemblée ouvrait de ABIME, cl plus correctement abysme. C'est
grandes oreilles, à l'exception d'un jeune le nomqui est donné, dans l'Ecriture sainte,
homme de vingt ans, le neveu du lieutenant 1" à l'enfer, 2* au chaos ténébreux qui pré-
civil et criminel. 11 faisait les fonctions d'ap- céda la création.
prenti greffier. ABOU-RYHAN, autrement appelé Moham-
(I) Histoire lie kl magie en l'rance, par M. Jules Gari- mcd-hen-Alimed astrologue arabe, morl en
,

uel. Voui l'arlidc Uouc*. (2) Wierus, iii Pscudomonarciiia Dxm., elc.
17 ABR ADit tu
3'JO, qui passe pour avoir possédé à un Irès- docteur Rossi. Quelques-uns en font auteur
liaut degré le don de prédire les choses futu- Akiba; d'autres le croient composé par un
res. On lui doil une introduction à l'astrolo- écrivain antérieur au Thalmud dans lequel ,

gie judiciaire. il en est fait mention. » —


Le litre de l'ou-
ABRACADABRA. Avec ce mol d'enchante- vrage porte le nom d'Abraham mais ajou- ;
ment, qui esi très-célèbre, on faisait, surtout tons qu'il y a aussi des opinions qui le croient
en Perse et en Sjirie, une figure magique à écrit par Adam lui-même.
laquelle on attribuait le don de charmer di-
verses maladies et de guérir particulièrement Légendes orientales d'Abraham.
la fièvre. Il ne fallait que porter autour du Les Orientaux ne racontent donc pas l'his-
rou cette sorte de philaclère écrit dans la dis- toire d'Abraham au si simplement que nos
position que voici :
livres saints. Ils disent que Nemrod, régnant
ABRACADABRA à Babylone, vit en songe une étoile dont l'é-
ABRACADABR clat effaçait le soleil. Ses devins lui conseil-
ABRACADAB lèrent là-dessus de prendre garde à lui, parce
ABRACADA qu'un tel songe annonçait qu'il devait naître

ABRACAD d ins son royaume un enfant de qui il aurait


ABRACA tout à craindre.
ABRAC Nemrod ordonna aussitôt qu'on épiât bien
ABRA les femmes enceintes et qu'on mît à mort
,

ABR tous les enfants mâles qui viendraient à naî-


AB tre. Adna (appelée Kmlelaïdans le Thalmud),

A fenune d'Azan, l'un des principaux seigneurs


ABRACAX ou ABRAXAS, l'un des dieux du pays, était grosse; mais aucun indice
(tequelques théogonies asiatiques du nom n'accusait sa grossesse. Elle s'en alla un
,

duquel on a tiré le philactère abracadabra. jour dans une grotte écartée, mit au monde
Abracax est représenté sur des amulettes Abraham, et s'en revint à sa maison, après
avec un fouet à la main. Lesdémonographcs avoir soigneusement fermé l'entrée de la
ont de lui un démon, qui a la tète d'un
fait grotte. Elle allait tous les soirs visiter son
roi clpourpieds des serpents. Lesbasilidiens, enfant pour l'allaiter elle trouvait toujours
hérétiques du deuxième siècle, voyaient en occupé à téter ses deux pouces, dont l'un lui
lui leur dieu suprême. Comme ils trouvaient fournissait du lait et l'autre du miel. Elle ne
que les sept lettres grecquesdont ils formaient futpas moins surprise de reconnaître (ju'il
son nom faisaient en grec le nombre 365, qui croissait en un jour comme les autres enfants
est celui des jours de l'année, ils plaçaient en un mois. Dès qu'il fut grand, elle le con-
sons SCS ordres plusieurs génies qui prési- duisit à la ville, où son père lui fit voir Nem-
daient aux trois cent
soixante-cinq cieux, et rod, qu'on adorait. Il le trouva trop laid pour
auxquels attribuaient trois cent soixante-
ils être un dieu; et miraculeusement éclairé, il
cinq vérins, une pour chaque jour. Les basili- tira ses parents de l'idolâtrie (1).
(liens disaient encorequeJésus-Christ, Notre- Gomme il faisait des choses prodigieuses,
Seigneur, nélait qu'un fantôme bienveillant on l'accusa de magie. Nemrod, excité par
envoyé sur la terre par Abracax. Us s'ccir- se» devins, condamna Abraham à être jeté
taient de la doctrine de leur chef. Voy. Ba- dans une fournaise ardente. Mais la four-
SILIDK. naise se changea en fontaine, la flamme en
ABRAHAM. Tout le monde connaît l'his- eau limpide, et Abraham ne prit qu'un bain.
toire de ce saint patriarche, écrite dans les Un courtisan, frappé de cette merveille, dit
livres sacrés; maison ignore peut-être les à Nemrod :

contes dont a été l'objet.


il — Seigneur ce n'est pas là un magicien ,
,

Les Orientaux voient dans Abraham un mais uu prophète.


habile astrologue et un puissant magicien. Nemrod, irrité, fit jeter le courtisan dans
Suidas et Isidore lui attribuent linvenlion une autre fournaise, qui se changea pareil-
de l'alphabet et de la langue des Hébreux. lement en une source deau fraîche ; et le
Les rabbins font encore Abraham auteur voyageur Thévenot rapporte qu'on montre
d'un livre De l'explication des songes, que encore ces deux fontaines auprès dOrfa.
Joseph, disent-ils, avait étudié avant d'être Il y a sur ce point une autre version.
vendu par ses frères. On met aussi sur son Des écrivains mahomélans content qu'Abra-
compte un ouvrage inUiulé Jetzirah, ou la ham, ayant connu le vrai Dieu, saisit le
Création que plusieurs disent écrit par le
,
moment où son père était absent pour
rabhin Akiba. Voy. ce nom. Les Arabes pos- mettre en pièces toutes ses idoles, excepté
sèdent ce livn- cabalistique, qui traite de l'o- celle de Baal, au cou de laquelle il pendit la
rigine du monde: ils l'appellent le Sepher. hache qui avait fait tout le dégât. Son père
On dit que Vossius , qui raisonnait tout de étant de retour, il lui dit que ses idoles s'é~
travers là-dessus, s'étonnait de ne pas le voir talent querellées à l'occasion d'une offrande
dans les livres canoniques. Postel l'a traduit de froment, et que Baal, le plus gros, avait
en latin on l'a imprimé à Paris en 1532
:
à
exterminé toutes les autres... C'est pourccla,
;
M.mtoueen 1562, avec cinq commentaires ajoutent quelques doctes, que Nemrod vou-
;
a Amsterdam en 164-2. On lut brûler Abraham.
y trouve de la ma-
irie et do l'astrologie. —
« C'est un ouvrage Suidas et Isidore attribuent à Abraham,
cabalistique Irèi-aiicien et Irès-céicbre, dit le
(l) Ciljliolhèqiic oritiulalc de d'IIcrbcloU
19 IICTIONNAIRE DES SCIEiNCES OCCULTES. 20
cumme nous l'avons dil. l'invention de l'al- masse en quatre portions qu'il
et la divisa
ph.ibeleldi" la langue dos Hébreux. LfisRab- porta sur la cime de quatre montagnes dif-
hins nictlcnl sur son conipie des livres caba- icrentcs. Après cela, tenant à la main les
li^ti |ucs <'l magiques dos psaumes , un
, quatre têtes qu'il avait réservées, il appela
lolaincnt et beaucoup d'autres pièces apo- séparément les quatre oiseaux par leurs
cryphes. Les Guèbres soutiennent qu'il est noms; chacun d'eux revint incontinent se
le même que leur Zoroaslre, qu'ils appellent rejoindre à sa tête et s'envola (2).
Zerdusl, c'e»t-à dire l'ami du feu, nom qui Abraham était devenu le père des pauvres
lui fut donné, disenl-ils, à cause de l'aven- du pays qu'il habitait. Une famine l'obligea
ture de la fournaise. Pliilon fait d'Abraham de vider ses greniers pour les nourrir. Lors-
un habile astrologue. Jusèphe dit (1) qu'il qu'il eut épuisé cette ressource, il envoya
légna à Damas, (>ù il tirait des horoscopes ses gens et ses chameaux en Egypte, pour
et pratiquait les arts magiques des Chal- acheter du grain à un de ses amis qui était
déens. Tous ces doctes venus longtemps
, puissant dans la contrée ; mais cet ami ré-
après Moïse, savent toujours des histoires pondit « Nous craignons aussi la famine.
:

maintes beaucoup plus de particularités que D'ailleurs, Abraham a des provisions suffi-
Mo'i'se même. Ils racontent gravement que santes, et je ne crois pas qu'il soit juste,
le patriarche Abraham était profondément pour nourrir les pauvres de son pays , de lui
versé dans l'aruspicine ; qu'il enseignait envoyer la subsistance des nôtres. »
une prière au moyen de laquelle on empê- Ce refus causa beaucoup de chagrin
chait les pics de manger les semailles; et ans gens d'Abraham. Pour se soustraire à
qu'il eut alfairc avec le diable en dis tenta- l'humiliation de reparaître les mains vi-
tions dont il sortit toujours à son hon- des ils remplirent
, leurs sacs de sable
neur. très -blanc et très -fin. Arrivés à la mai-
Voici la plus curieuse de ces aventures : son de leur matlre, l'un d'eux lui dit à l'o-
Le diable un jour, considérant le cadavre reille le mauvais succès de leur voyage.
d'un homme que la mer avait rejeté sur Abraham cacha sa douleur et entra dans son
le rivage, et dont les bêles féroces, les oi- oratoire. Sara reposait et n'avait rien appris;
seaux de proie et les poissons avaient dé- voyant à son réveil des sacs pleins, elle en
voré des lambeaux, songea que c'était une ouvrit un, vit de la bonne farine, et sur-le-
lielie occasion pour tendre un piège à champ se mit à cuire du pain pour les pau-
Abraliam sur la résurrection il ne com- : vres.
prendra jamais, disait-il, que les membres Abraham, après avoir sa prière, sen-
fait
de ce cadfavre, séparés et disséminés dans le tant l'odeur du pain nouvellementcuit , de-
ventre de tant d'animaux différents, puissent manda à Sara quelle farine elle avait em-
se rejoindre pour former le même corps, ployée. —
« Cel'.e de votre ami d'Kgypte, ap-
au jour de la résurrection générale. portée par vos chameaux.
Dieu, sachant le projet de l'ennemi du — Dites plutôt celle du véritable ami, qui
genre humain, le seconda aussitôt; car il est Dieu ; car c'est lui qui ne nous aban-
dit à Abraham d'aller se promener au bord donne jamais au besoin. »
de la mer. Le patriarche obéit. Le diable ne Dans ce moment qu'Abraham appela Dieu
manqua pas de se présenter à lui sous la son ami. Dieu, disent les musulmans, le prit
figure d'un homme inquiet; et lui mon- aussi pour le sien.
trant le cadavre, il lui proposa le doute où Il y aaussi des traditions orientales qui pla-
il était au sujet de la résurrection. Mais cent Abraham en qualité déjuge à la porte
Abraham, après l'avoir écouté, lui répon- de l'enfer (3), tandis que l'Eglise chrétienne,
dit : avec plus de vérité, met les élus dans son
— Quel motif raisonnable pouvcz-vous sein.
avoir de douter ainsi? Celui qui a pu tirer ABRAHEL démon succube connu par
, ,

toutes les parties de ce corps du néant, n'aura une aventure que raconte Nicolas Remy
pas plus de peine à les retrouver dans l'univers dans sa Démonolâtrie et que voici En
, : —
|)Our les rejoindre. Le potier met eu pièces l'année 1581, dans le village de Dalhem au ,

un vase de terre, et le relait de la même terre, paysdeLimbourg, un méchant pâtre, nommé


quand il lui plalt. Pierron conçut un amour violent pour une
,

Dieu, satisfait d'Abraham, voulut achever jeune fille de son voisinage. Or, cet homme
de le convaincre. Il lui dit, s'il faut mainte- mauvais était marié; il avait même de sa
nant en croire le Coran —
Prenez quatre
: femme un petit garçon. Un jour qu'il était
oiseaux , mettez-les en pièces, et portez-en occupéde la criminelle pensée de son amour,
les diverses parties sur quatre montagnes la jeune fille qu'il convoitait lui apparut
séparées; appelez-les ensuite, ces oiseaux dans la campagne c'était un démon sous sa
:

viendront tous quatre à vous. figure. Pierron découvrit sa passion


lui la ;

Les interprètes musulmans ajoutent que piélendue jeune fihe promit d'y répondre,
ces quatre oiseaux étaient une colombe, un s'il se livrait à elle et s'il jurait de lui obéir
coq, un corbeau et un paon; que le patriar- eu toutes choses. Le pâtre ne refusa rien, et
che, après les avoir mis en pièces, en fit un son abominable amour fut accueilli. Peu —
partage exact quelques-uns disent même
:
de temps après, la jeune fille ou le démon ,

qu'il les pila dans un mortier, n'en flt qu'une qui se faisait a|ipe!er Abrahel par son ado-
(1) AiiUqiiiiésjud., liv. l, cil. 8. (3) Sciiio Sgaml>alus, iii aitUiv. vct. Teslam., p. 19*>
(2) Bibllutliè-jue oriïulali; de d'Ucrbclut. 19S.
SI ACC ADA 21

ratcur , lui demanda, pour gage do son mît au La pirtie piquée s'enfla prodigieu-
lit.

atiachement ,
qu'il lui sacrifiât son fils. Le sement en peu de temps l'enflure gagna. :

pdtre recul une pomme qu'il devait faire Atteinte d'une fièvre algide qui acquit le
manger l'enfant; l'enfant, ayant mordu
à carac;ère le plus violent, malgré tous les
dans la pomme, tomba mort aussitôt. Le soins qui lui furent prodigués, el quoi((uo sa
désespoir de la mère fit tant d'effet sur Pier- pi(iûre eût été cautérisée et alcalisée, made-
ron, qu'il courut à la recherche d'Abrahel moiselle Mercier mourut le lendemain dans
pour en obtenir reconfort. Le démon promit les souffrances les plus atroces. »
de rendre la vie à l'enfant, si le père voulait Le Journal du Rhône racontait ce qui suit,
lui demander celte {^râce à genoux, en lui le 3 juin : —
« Un jeune paysan des envi-
rendant le culte dadoration qui n'est dû rons de Boui'goin qui voulait prendre un ,

qu'à Dieu. Le paire se mit à genoux, adora, repas de cerises, commit l'impruilence, lundi
et aussitôt l'enfant rouvrit les yeux. On le dernier, de monter sur un cerisier que les
friclioniia, on le réchaulTa ; il recommença chenilles avaient quille après en avoir dé-
à marcher ci à parler. Il était le mémo voré toutes les feuilles. Il y avait vingt mi-
qu'auparavant , mais plus maigre , plus nutes qu'il satisfaisait son caprice ou son
hâve, plus défait, les yeux battus et enfoncés, appétit, lorsque presque instantanément il
les mouvements plus pesants. Au bout d'un s<î sentit atteint d'une violente inflammation

an , le démon qui l'animait l'abandonna avec à la gorge. Le malheureux descendit en


un grand bruit ; l'enfant tomba à la ren- poussant péniblement ce cri J'étotiffe ! :

verse... —
Cette histoire décousue et incom- j'étouffe ! Une demi - heure après il était
plète se termine par ces mots dans la narra- mort. On suppose que les chenilles déposent
lion de Nicolas Uemy : « Le corps de l'enfant, dans cette saison sur les cerises qu'elles tou-
d'une puanteur insupportable, fut tiré avec chent une substance que l'œil distingue à
un croc hors de la maison de san père cl en- peine mais qui n'en est pas moins un poi-
,

terré dans un champ. » Il n'est plus question son. C'est donc s'exposer que de manger ces
du démon succube, ni du pâtre. fruits sans avoir pris la sage précaution de
ABSALON. On a écrit bien des choses les laver. »
supposées à propos de sa chevelure. Lepel- ACCOUCHEMENTS PRODIGIEUX. Voy.
Iclior, dans sa disserlation sur la grandeur Imagination, Couches, Aétite, etc.
de l'arche de Noé, dit que toutes les fois ACHAM, démon que l'on conjure le jeudi.
qu'on coupait les cheveux à Absalon on lui , Voy. CONJUBATION*.
en ôlait Irenle onces.... ACHARAI-RIOHO, chef des enfers chez
ABSTINENCK. On prétend, comme nous les Yakouls. Voy. Mang-taar.
l'avons dit, qu'Abaris ne mangeait pas et ACHÉRON fleuve de douleur dont les
,

que les magiciens habiles peuvent s'abstenir eaux sont amèrcs l'un des fleuves de l'enfer
;

de !Tianger ut de boire. des païens. Dans des relations du moyen-


Sans parler des jeûnes merveilleux dont il âge, l'Acliéron est un monstre. Voy. Tondal.
est fait mention dans la vie de quelques ACUÈRUSIE. Marais d'Egypte près d'Hé-
Rainis , M irie Pelet de Laval , femme du liopolis. Les morts le traversaient dans une
Hainaut, vécut Irenle-di'ux mois (du 6 no- barque lorsqu'ils avaient été jugés dignes
,

vembre 1751 au 25 juin 1757) sans recevoir dos honneurs de la sépulture. Les ombres
aucune nourriture, ni solide, ni liquide. des morts enterrés dans le cimetière voisin
Anne Hirley, d'Orival, près de Rouen, se erraient , disait-on , sur les bords de ce ma-
soutint vingl-six ans eu buvanl seulement rais, que quelques géographes appellent un
un peu de lait qu'elle vomissait quelques lac.
moments après l'avoir avalé. On citerait ACHMET. Devin arabe du neuvième siècle,
d'aulres exemples. auteur d'un livre De l'interprétation des son-
Dans les idées des Orientaux, les génies ges, suivant les doctrines de l'Orient. Le texte
ne se nourrissent que de fumées odorantes original de ce livre est perdu; mais Rigault
qui ne produisent point de déjections. en a fait imprimer la traduction grecque et
ACCIDENTS. Beaucoup d'accidents peu latine à la suite de VOniro critique d'Artémi-
ordinaires , mais naturels , auraient passé dore; Paris, 1C03, in-4°.
autrefois pour des sortilèges. Voici ce qu'on ACONCE (Jacques), curé du diocèse do
lisaitdans un journal de 1841 « Made- : — Trente, qui poussé par la débauche em-
, ,

moiselle Adèle Mercier ( des environs de brassa le protestantisme en 1537, et passa en


Saint-Gilles), occupée il y a peu de jours à Angleterre. La reine Elisabeth lui fit une
arracher dans un champ des feuilles de pension. Aussi il ne inanijua pas de l'appeler
mûrier, fut piquée au bas du cou par une diva Elisabetha, en lui dédiant son livre Des
grosse mouche qui, selon toute probabilité, Stratagèmes de Satan (1). Mais nous ne men-
venailde sucer le cadavre putréfié de quelque tionnons ce livre ici qu'à cause de son titre :

animal, et qui déposa dans l'incision faite ce n'est pas un ouvrage do déujonomanie ,
par son dard une ou quelques gouttelettes c'est une mauvaiseet détestable diatribe
de suc morbifique dont elle s'était repue. La contre catholicisme.
le
douleur, d'abord extrêmement vive, devint ADALBERT, hérétique qui fit du bruit
insupportable. 11 fallut que mademoiselle dans les Gaules au huitième siècle, regardé
Mercier fût conduite chez elle et qu'elle se par les uns comme un habile faiseur de mi-
*,
(t) De SlralagciualiDus Sataiije in rolifçionis ncgolio, schisma, etc., lil). VIII. Râle, IbGu. Souvent réimp; iiné al
pi'i suiicrstitioauai, «rroreiii, Iio-Tosim, wlium, ratuimiiani, traduit on l'tusiuurs lanjjm'S.
DICTIONNAIUE DES SCIENCES OCCLLTES. •i

racles, et p<ir les antres comme un grand les plaintesdelà lerre, arracha violemment
cabalislc. Il distribiiail les ro<;nures de ses de son sein les sept poignées que Dieu de-
ongles et de ses cheveux, disant (|ue c'étaient mandait el les porta dans l'Arabie, où devait
de puissants préservatirs; il contait qu'iiu se consommer le grand œuvre de la création
ange, venu des extrémités du niunde lui , de l'homme. Dieu fut si satisfait de la prompte
avait apporté des reli(|ues cl des amulettes etsévère obéissance d'Azraël qu'il lui donna ,

d'une sainteté prodigieuse. On dit même qu'il la charge de séparer les âmes. C'est pour
se consacra des autels à lui-même et qu'il se cela qu'il est appelé l'ange de la mort.
fit adorer. Il prétendait savoir l'avenir, lire Cependant Dieu avait pétri celle lerre, dont
ilans la pensée et cunnaitrc la confe<sion des il fit une figure de sa propre main il la laissa ;

pécheurs rien qu'en les reg.irdant. il mon- sécher, et les anges se plaisaient à consi-
trait impudemment une lettre de Notre Sei- dérer celte figure. Eblis (ou Lucifer, ou Sa-
gneur Jésus-Christ, disant qu'elle lui avait lan) ne se contenta pas de la regarder, il
été apportée par saint Michel (1) el il ensei- ; la frappa sur le ventre, et voyant qu'il était
gnait a SCS disciples une prière qui commen- creux il fit son calcul , et se dit en lui-même :
,

çait ainsi : «Celle créature, formée vide, aura besoin



« Seigneur, Dieu tout-puissant, père de se remplir souvent, et sera par consé-
de Notre Seigneur Jésus-Christ, Alpha et quent sujette à beaucoup de tentations. »
Oméga, qui êtes sur le trône souverain, Alors il demanda aux autres anges ce qu'ils
sur les chérubins el les séraphins, sur l'ange feraient, si Dieu voulait les assujettir en
Uriel, l'ange Ragucl, l'ange Cabuel l'ange .
quelques choses à ce souverain qu'il allait
Michel, sur l'ange Inias, l'ange Tabuas donner à la terre. Tous répondirent qu'ils
l'ange Simicl el l'ange S.ibaolh, je vous prie obéiraient. Eblis parut du même sentiment ;
de m'accorder ce que je vais vous dire. » mais il résolut de n'en rien faire.
C'était, comme on voit, très-ingénieux. Le corps du premier homme étant donc
Dans un fragment conservé des mémoires formé. Dieu l'anima d'une âme intelligente,
qu'il avait écrits sur sa vie , il raconte que sa et lui donna des habits merveilleux. Ensuite
mère, étant enceinte de lui, crut voir sortir il ordonna aux anges de s'incliner devant
de son côté droit un veau ce qui était, dit-il, ;
lui; ce qu'ils firent, à l'exception d'Eblis,
le pronostic des grâces dont il fut comblé en que sa désobéissance fil chasser du paradis,
naissant par le ministère d'un ange. On et dont la place fut donnée à Ad;im. M lis ou
•irréla le cours des extravagances de cet lui avait défendu de manger du fruit d'un
insensé en l'enfermant dans une prison, où il certain arbre; Eblis s'associa avec le paon et
mourul. le serpent , el fit tant, par ses discours arti-

ADAM, le premier homme. Sa chute de- ficieux, qu'Adam désohéil. Du momeul qu'il
vant les suggestions de Salan est un dogme eut mangé du fruit défendu , ses habits mer-
de la religion chrétienne. veilleux tombèrent à ses pieds, et la vue de
sa nuililé le couvrit de honte. 1! ne larda pas
Les Orienlaux font d'Adnm un géant dé-
à recevoir la sentence qui, le précipitant du
mesuré, haut dune lieue ; ils en font aussi un
paradis, le condamnait au travail cl à la
roag*ien, un cabaliste; les rnbbins en font
mort. Dans sa chute du ciel, il tomba sur la
de plus un ahhimiste et un écrivain. On a
montagne de Sérendib, en l'île de Ceyian,
supposé un testament de lui (2) et enfin les ;
où se voit encore aujourd hui la moniagno
musulmans regrettent
toujours dix traités
appelée le Pic-d'Adam. Eve, sa femme qui
merveilleux que Dieu lui av.iil dictés. Il avait ,

avait péché avec lui, tomba près de l'endroit


aussi inventé l'alphabet. Voy. Abraham.
où fut depuis bâtie la ville de la Mecque. Eblis
' Légendes d'Adiun, chez les Orienlaux. arriva comme elle en Arabie; le paon avait
été jeté dans l'Indoustan, el le serpent dans
Selon les traditions des Arabes, Dieu, vou- la Perse. L'état de misère et de solitude où se
lant créer l'homme chargea l'ange Gabriel ,
trouva réduit le malheureux Adam lui fil
de prendre une poignée de chacun des sepl
sentir sa f.iule; implora la clémence de
il
lits de la terre. La lerre effrayée représenta
son Créateur, Dieu fit descendre du ciel
cl
que Dieu avait tort de faire l'homme, parce
un pavillon, qui fut placé jiisie dans l'en-
qu'un jour il se révoUerait contre son créa-
droit où, depuis , Abraham bàlii la Caaba
teur. Gabriel fit part à Dieu de celle obser-
(saillie maison de la Mecque). Gabriel lui
vation ; niais l- Seigneur n'en tint compte , et
enseigna les céicmonies qu'il devait prati-
il enjoignit à Michel d'exécuter sa volonté.
quer autour de ce saiictu;iiie pour obtenir
La terre se plaignit derechef el dit que, si
son pardon, et le conduisit ensuite à la
on faisait l'homme, elle serait maudite à
cause de lui. Michel fui louché de compas-
montagne d'Arafat, où il retrouva Eve après
trois cents ans de séparation. Ou montre
sion; Dieu, voyant cela, chargea de ses
encore à une lieue de la Mecque une petite
ordres le terrible Azraël, qui , sans écouler ,
,

colline sur le sommet de laquelle les Musul-


( ) ) Baluie. dans son appendice aux Capitulaires des rois
francs, a
nom d« Dieu
|.ul)lié celle Itiire, doiil voici le lilre : — « Au

voyée à
reçue par le piètre Macarius, qui l'a ren-
elle a été
la montagne du
saint Archange Michel et par lu
: Ici coiiiuieiico la lettre de Nulre-Sciifiieur ;

Jesus-Clirisi,qui est loiiibée ï Jérusalem, et qui a &1& moyen d'un ange la lettre est arrivée à la viil
, de Kome,
;

trouvée par l'Arcliaiige saint MicUe! , lue el copiée au sépulcre de saint Pierre, ou sont les clefs du royaume
par
la main d un prêlro nommé Jean des cieux et les douze prêtres (pii sont à Rome ont fail
;
, qui l'a envoyée à la
ville de Jerémic ii uu aulre piètre, dos veilles de trois jours, avec des jeûnes et des prières
noimiié Talasius; et
ialaMus I a envoyée en Araljie à un autre prôlre, jour el nuit, » elc.
numnié
LCobïUj et Léoliau l'a cuuvvée àU>illc de (2) Voyez Kabricius, Codex Pseudep.
Bt-isaïuic.
ADA 50
23
ADA
mans croient qu'Eve élail assise, lorsqu'Adam Seigneur, qu'il y avait deux souverains, l'un
la retrouva (1). au ciel, l'autre sur la terre. Alors Dieu ap-
D'autres légendes de l'Orient disent que
puya sa main sur la lête d'Adam et le réduisit
d'a- à la hauteur de mille coudées (cinq cents
Dii'U forma le corps d'Adam et le plaça
mètres).
bord dans l'Eden. Son âme, qu'il avait créée
eut ordre 11 y a encore chez les Juifs beaucoup de
plusieurs siècles auparavant ,

traditions , variées dans leurs merveilles.


d'aller l'animer. Elle représenta à Dieu com-
Ainsi quelques rabbins disent que Dieu da-
bien cette masse périssable était peu digne
bord avait fait Adam double, et qu'il sépara
de l'élévation de son être. Dieu qui ne vou- ,

les deux corps d'un coup de hache.


lait pas, en cette occasion, employer la vio-
Tous peuples de l'Orient entourent
les
lence, ordonna à son fidèle ministre Gabriel
d'Adam de fables
l'histoire différentes. Les
de prendre son flageolet et d'en jouer un air
Persans content que Dieu le plaça dans le
ou deux auprès du corps d'Adam. Au son de
cet instrument, l'âme parut oublier ses anti-
quatrième ciel, lui permettant d'en manger
pathies; elle SD prit à tourner en cadence tous les fruits excepté le froment, qui ne pou-
autour du corps et enfin dans un moment
, ,
vait se digérer par les pores. Adam et Eve,
de délire, elle y entra par les pieds qui se séduits par le diible, en mangèrentpourtanl;
mirent aussilôt en mouvement. Dès lors il et avant qu'ils n'infectassent le paradis,
ne lui fut plus permis de quitter sa nouvelle l'ange Gabriel vint les mettre dehors.
habitation sans un ordre exprès de l'Eternel. Les habitants de Madagascar exposent le
fait plus rudement encore. Adam
mangea,
Les Juifs, peuple de Dieu, conservèrent
saintes Ecritures jusqu'à la disent-ils, ce qui lui était défendu. On recon-
intactes It'S

venue du Messie. Peuple réprouvé après le nut son crime, aux suites nécessaires. Le
déïcide ils les ont altérées des plus étranges
,
diable qui l'avait séduit courut l'accuser et
absurdités. Leur Thalinud a défiguré tout, et, Dieu le chassa. Sans doute il n'était pas ma-
dans leur sens dépravé, les plus grossières rié encore, car ils ajoutent que, quelque
erreurs ont remplacé chez eux la vérité. Les temps après, il lui vint à la jambe une tumeur
d'oîi tira une femme qu'il épousa (2).
Ihalraudisles, entre autres singulières rêve- il

ries rendent comiJte de la manière dont fu-


,
Les Espagnols de l'Amérique méridionale
rent employées les douze heures du jour où croient que le banane certain fruit de ce
,

Adam fut créé. A la première heure, di- pays, dont les fibres représentent une croix,
sent-ils. Dieu assembla la poudre dont il est le fruit défendu, dans lequel Adam dé-
devait le composer; et il en fit un embryon. couvrit le mystère de la Rédemption.... Les
A seconde heure, Adam se tint sur ses
la habitants de lîle Saint-Vincent pensent que
pieds. A la quatrième. Dieu l'appela et lui le fruit fatal est le tabac...
dit de donner aux animaux les noms qu'ils Après son péché, Adam fut chassé du pa-
devaient porter. Quand il eut fait cela Dieu , radis terrestre. Les rabbins cabaiistes ajou-
lui demanda Et moi, comment m'appel-
: tent qu'il fut jeté dans les enfers d'où il ne
leras-tuî Adam répondit Jéhovah [c'est toi: se tira qu'au moyen du très-saint mot Lave-
qui es La septième heure fut occupée par le
). rererareri, qu'il savait prononcer convena-
uiariaged'AdamavecEve.queDieu lui amena blement (3).... On dit encore que pour faire
après l'avoir frisée. A la dixième heure, Adam pénitence, il se plongea jusqu'au nez dans
désobéit. Il fut jugé à la onzième et condamné le fleuve Gehon, macérant son corps à
coups
à sortir d'Eden. Enfin, à la douzième, ii sen- de fouets avec si peu de ménagement qije
,

tait déjà la peine et les sueurs du travail... lorsqu'il sortit de là, sa peau était percée
Dieu, ajoutent les rabSiins^ avait fait Adam comme un crible. Il vécut cent trente ans
si grand, que sa tête touchait le ciel, ils as- ainsi dans l'expiation. A sa mort, il se vit
surent que l'arbre de vie, planté dans le pa- entouré de ses enfants, qui étaient au nom-
radis terrestre, était si gros, qu'il aurait bre de quinze mille, sans compter les fem-
fallu cinq cents ans à un bon piéton pour en mes (4).
faire le tour, et que la taille d'Adam était On dit encore qu'Adam, pendant quelque
proportionnée à la grosseur de cet arbre. Les temps, adora la lune que les anges l'instrui-
;

anges étonnés murmurèrent et dirent au s^irent; qu'il écrivit un commentaire sur les

(I) c G&lda ouDjedda (ponde la mer Rouge, jolie ville dien); la distance des pieds à la lête est de 400 pieds
de 13,000 bal)ilarils) ne reiileriiie pas l)eauioiip de ciirio- Comuie nous avons diminué de taille depuis la création \

si.és; cependaut c'est a l'entrée de la ville, du côié du léserais presque tenté de me croire un Lilliputien. Gedda,
N.-l£., (lue se trouve le prétendu lonilioau de uolre coni- en arabe, veut dire grand'inère; les savants prétendent
imiiie aïeule, Kve. J'ai recueilli loutis le-i vieilles chroni- que la ville porte ce nom, parce qu'elle a l'honneur de
ques Il eu résulte que les savants du pays sont encore
: posséder le corps d'Eve. Les irariilioiis orientales perlent
dans une espèce de doute; le peuple cl tous les dévols y qu'après la mort de sa femme , Adam se mil en voyago ; it
croieni fermement. partitpour les Indes et il mourut à l'Ue de Ceylaii où son ,

a Eu entrant par la grande porte du grand cimetière, loinbeau existe encore sous le Pic-d' Adam. Les Musul-
on trouve à gauctie un petit mur de trois pieds de hauleur, mans, même ceux qui ne possèdent pas la foi nécessaire
Ibruianl Ou carré de dix à douze pieds; là repose la lèle à un (i lèle , ne forment pas le moindre doute sur ce
der-
de notre_ première mère. Au milieu du einiclière se trouve nier fait. » (Lettre de M. A. D., consul de France en
nne espèce de coupole où repose le milieu du corps, et Abyssinie, 12 janvier I8H.)
à l'autre biml, près d'une porte de sortie, se trouve un (2) D'Herbidol, Bibliothèque orientde.
autre petit mur, aussi de trois pi.ds de hauleur (ail en (3)Basnage, Hisl. des Juifs, loin. III.
losange; c'est là que louchenl les pieds. Dans ee petit (l)Adam, anle m'jrteni ejus, coiivocavil omnes lihos
espace se trouve paeé un grand morceau d'étolK; sur suus qui eraiil in numéro .xv millia virorum absque mulie-
laquelle les fidèles dé, osent leurs oU'ianries , <pii servent iilms. Vka Aclœ el tia;, cilo par U.Peigiiul, livre des
i hiûler des pailums sir son corps (et à nuunir le ^m- i>iiii,'ularil6s, p. 37.
51 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 28

noms des animaux qu'il prophélisa ; qu'il


;
lait surtout à l'époque OÙ l'on s'occupait en
fut astrologue qu'il prédit le déluge par
;
France de l'extinction des Templiers. Alors
rinspoclion des aslros; qu'il coniiaissail na- un certain abbé Adam, qui gouvernait l'ab-
lurellciiieiit toutes les sciences; qu'il avait baye duVanx-deCernay.au diocèse de Pans,
un pouvoir magique sur toutes les créatures; avait l'esprit tellement frappé de l'idée (juc
qu'il eut une apocalypse; qu'il composa des le diable le guettait, qu'il croyait le recon-
psaumes ils ont élé imprimés dans quehiucs
:
naître à chaque pas sous des formes que sans
thalriiuds. On lui attribue aussi un livre de douie le diable n'a pas souvent imaginé de
cabale intitulé Sepher-llnziel. Les Juifs di- prendre. — Un jour qu'il revenait de visiter
sent que re livre lui fut donné par l'ange Ra- une de ses petites métairies, accompagné
phaël; le livre Ae Jetzirah passe même pour d'un serviteur aussi crédule que lui, l'abbé
<!tre de lui il écrivit, disent les adeptes
;
sur , Adam racontait comment le diable l'avait
l'alchimie. iiarcelé dans son voyage. L'(!sprit malin s'était
D'autres assurent que l'ange Raziel fut le montré sous la figure d'un arbre blanc de
précepteur d'Adam, qu'il lui donna dans un frimas, qui semblait venir à lui. —C'est sin-
livre la connaissance de tous les secrets de gulier! dit un de ses amis; n'éliez-vous pas
la nature, la puissance de converser avec le la proie de quelque illusion causée par la
soleil et la lune, de guérir les maladies, d'ex- course de votre cheval?— Non, c'était Satan.
citer des tremblements de terre, de comman- Mon cheval s'en effraya; l'arbre pourtant
der aux p\iissances de l'air, d'interpréter les passa au galop el disparut derrière nous, il
songes et de prédire tous les événements. Ce laissait une certaine odeur qui pouvait bien
livre passa dans la suite entre les mains de être du soufre. —
Odeur de brouillard, mar-
Salomon; c'est là qu'il apprit la manière de motta l'autre. —
Le diable reparut et, celte
composer le fameui talisman de son anneau, fois, c'était un chevalier noir qui s'avançait
arec lequel il opéra dans tout l'Orient des vers nous pareillement. — Eloigne-loi, lui
choses étonnantes... criai-je d'une voix étouffée. Pourquoi m'at-
Parmi les troubadours et les poêles du taques-tu? Il passa encore, sans avoir l'air
moyen-âge, plusieurs, infectés de la grossiè- de s'occuper de nous. Mais ilrevint une troi-
reté des Vaudois et des Albigeois qui rame- sième fois ayant la forme d'un homme grand
naient si vite l'humanité à l'état sauvage, si et pauvre, avec un cou long et maigre. Je
l'Eglise romaine n'eût sauvé alors, comme fermai les yeux et ne le revis que quelques
toujours, la civilisation menacée, traitaient instants plus tard sous le capuchon d'un pe-
fortmal et fort lâchement les femmes; et si tit moine. Je crois qu'il avait sous son froc
nou* citons à ce propos la satire assez plate une rondache dont il me menaçait. Mais,—
de Pierre de Suint-Cioud, dans son début du interrompit l'autre, ces apparitions ne pou-
poëme du Renard, c'est qu'elle s'étaye d'une vaient-elles pas être des voyageurs naturels?
légende d'Al.ira. — Comme si on ne savait pas s'y rcctmnaî-
Lorsqu'Adacn, dit le poêle, fut chassé du tre! commesinonsnel'avions pasvuderechet
paradis terrestre. Dieu, par pitié, lui donna sous la figura d'un pourceau, puis sous celle
une baguette merveilleuse, qui était douée d'un âne, puis sous celle d'un tonneau qui
dételle vertu que toutes les fois qu'il aurait roulait dans la campagne, puis enfin sous la
besoin d'un animal quelconque, il lui suffi- forme d'une roue de charrette qui, si je ne
rait, pour voir pariitlreà l'instant mène,
le me trompe pas, me renversa, sans toutefois
de frapper la mer avec sa baguette. Adam —
me faire aucun mal. Après tant d'assauts,
l'ayant frappée, vit sortir aussiiôt une bre- la route s'était achevée sans autres malcn-
bis. Eve Voulut à son lour essayer l'inslru- conlres 2).
mcnt; mais sous sa m.iin un loup s'élança, ADAMANTIUS, médecin juif, qui se fit
qui saisit la brebis et l'emporta dans les bois, chrétien à Constanlinopte, sous le règne de
notre première mère pleurait son malheur, Constance, à qui il dédia ses deux livres sur
quand Adam reprit la baguette et fit naître \aPhysiognomonie ou l'art de juger les hom-
un chien , qui courut après le loup, lui mes par leur figure. Cet ouvrage, plein do
enleva la brebis et la rapporta. contradictions et de léveries, a élé imprimé
Il en fut de même des autres animaux, dans quelques collections, notamment dans
tous ceux qui durent leur naissance à Eve les Sciiplores phi/siognomoniœ veteres, grec
furent sauvages el malfaisants (le renard en- et latin, cura J.-G.-F. Franzii-.AlXembourg,
tre autres); et ils se retirèrent dans le bois 1780, in-8.
avec loup. Ceux que produisit Adam res-
le ADAMIENS ou ADAMITES. Hérétiques du
tèrent tous auprès de lui et devinrent domes- second siècle, dans l'espèce des Basilidicns.
tiques (I)... Ils se mettaient nus et professaient la pro-
ADAM ( l'àbbé ). Il y eut un temps où l'on niiscuilé des femines. Clément d'Alexandrio
voyait le diable en toutes choses et partout, dit qu'ils se vanlaient d'avoir des livres
et peut-élre n'avait-on pas tort. Mais il nous secrets de Zoroasire, ce qui a fait conjectu-
semble qu'on le voyait trop matériellement. rer à plusieurs qu'ils étaient livres à la ma-
Le bon et naïf Césaire d'Heisterbach a fait ge.
un livre d'histoires prodigieuses où le diable ADELGREIF (Jean-Albert ), fils naturel
«'St la machine universelle; il se montre s.ins d'un pasteur allemand, qui lui apprille laliu,
cesse et sous diverses figures palpables. C'é- le grec, l'hébreu cl plusieurs langues moQcr-

(1) M. Odavi' Di'l|>iiTre, préliminaires de sa Iraductiou (2) Uoljcrl Gagiiiii, riiilipi..


(lu W-iturd (Je J.-l''. Willcuis, j). 57.
29 ADR .\G.\ 50
nés. 11 devint fou et crut avoir des visions; il Ou lui attribue en Ecosse la construction
disait <iue sept anges l'avaient chargé de de la muraille du Diable.
représenter Dieu sur la terre et de châlierles Fulgose, qui croyait beaucoup à l'astrolo-
souverains avec des verges de fer. Il se don- gie, rapporte, comme une preuve de la soli-
nait les noms d'empereur universel, roi du dité de cette science, que l'empereur Adrien,
royaume des deux, envoyé de Dieu le Père, très-habile astrologue, écrivait tous les ans,
juge des vivants et des morts. l\ causa beau- le premier jour du premier mois, ce qui lui
coup de troubles par ses extravagances, qui devait arriver pendant l'année, et que, l'an
trouvèrent, comme toujours, des partisans. qu'il mourut, il n'écrivit que jus(iu'au mois
On lui attribua des prodiges, et il fut brûlé à de sa mort, donnant à connaître par son
Kœnigsberg comme magicien, hérétique et silence qu'il prévoyait son trépas. Mais
perturbateur, le 11 octobre 1636. Il avait pré- ce livre de l'empereur Adrien , ((u'on ne
dit avec assurance qu'il ressusciterait le montra qu'après sa mort, n'élail qu'un jour-
troisième jour; ce qui ne s'est pas du tout vé- nal.
rifié. AEOROMANCIE, art de prédire les choses
ADÉLITES, devins espagnols qui se van- futures par l'examen des variations et des
taient de prédire, par le vol ou le chant des phénomènes de l'air (2). C'est en vertu de
oiseaux, ce qui devait arriver en bien ou en cette divination qu'une comète iiunonce la %
mal. mort d'un grand homme. Cependant ces pré-
ADELUNG (JEAN-CnniSTOPHE;, littérateur sages extraordinaires peuvent rentrer dans
allemand, mort à Dresde en 1806. Il a laissé la tératoscopie.
un ouvrage 'in\i[u\é: Histoire des folies hu- François de LaTorre-Blanca (3) dit que
maines, ou Biographie des plus célèbres né- l'aéromancie est l'art dédire la boime aven-
cromanciens, alchimistes, devins, etc., sepi ture en faisant apparaître des spectres dans
parties; Leipzig. 1785-1789. les airs, ou en représentant, avec l'aide des
ADEPTES, nom que prennent lesalchimis- démons, les événements futurs dans un nua-
tes qui prétendent avoir trouvé la pierre phi- ge , comme dans une lanterne magique.
losophale et l'élixir de vie. Ils disent qu'il y « Qiiant aux éclairs et au tonnerre, ajoute-
a toujours onze adeptes dans ce monde; et, t-il, ceci regarde les augures, et les aspects du
comme l'élixir les rend immortels, lorsqu'un ciel et des planètes appartiennentà l'astrolo-
nouvel alchimiste a découvert le secret du gie.»
grand œuvre, il faut qu'un des onze anciens AETIi'E, espèce de pierre qu'on nomme
lui fasse place et se retire dans un autre des aussi pierre d'aigle, selon la signification de
mondes élémentaires. ce mot grec, parce qu'on prétend qu'elle se
ADÈS, roide l'enfer. Ce mot est pris sou- trouve dans les nids des aigles. On lui attri-
vent chez quelques poètes anciens, pour bue la propriété de faciliter l'accouchement
l'enfer même. lorsqu'elle est attachée au-dessus du genou
ADHAB-ALGAB, purgatoire des musul- d'une femme, ou de le retarder, si on la lui
mans où les méchants sont tourmentés par met à la poitrine. —
Dioscoride (4) dit qu'on
les anges noirs Munkir et Nékir. s'en servait autrefois pour découvrir les
ADJURATION, formule d'exorcisme par voleurs. Après qu'on l'avait broyée, on en
laquelle on commande, au nom de Dieu, à mélaitla cendre dans du pain fait exprès; on
1 esprit malin de dire ou de faire ce au'on en faisait manger à tous ceux qui étaient
exige de lui. soupçonnés. On croyait que si peu d'aétito
ADONIS, démon brûlé. Selon les démo- qu'il y eût dans le pain, le voleur ne pou-
nologues, il remplit quelques fonctions dans vait avaler le morceau. Les Grecs modernes
les incendies (Ij. Des savants croient que emploient encore celte vieille superstition ,

c'est le même que le démon Thamuz des Hé- qu'ils rehaussent de quelques paroles mysté-
breux. rieuses.
ADUAMELECH, grand chancelier des en- MVOLl (César), auteur ou collecteur d'un
fors, intendant de la garde-robe du souve- livre peu remarquable, intitulé: Opuscules
rain des démons, président du haut conseil surles attributs divins et sur le pouvoir qui
des diables. Il était adoré à Sépharvuïm, a été donné aux démons de connaître les
ville des Assyriens, qui brûlaient des enfants choses secrètes et de tenter les hommes.
sur ses autels. Les rabbins disent qu'il se Opuscula de divinis atlribulis et de modo et
montre sous la figure d'un mulet elquclquc- potestate quam dœmones habent inteiligendi
fois sous celle d'un paon. et passiones animi ejccitandi, in-4; Venise,
ADRIEN. Se trouvant en Mésie, à la tête 1389.
d'une légion auxiliaire, vers la fin du règne AGABERTE. « Aucuns parlent, dit Torqué-
de Domilien, Adrien consulta un devin car ( mada, d'une certaine femme nommée Aga-
il croyait aux devins et à l'astrologie judi- berte, fille d'un géant qui s'appelait Va-
ciaire), lequel lui prédit qu'il parviendrait gnosle, demeurant aux pays septentrionaux,
un jour à l'empire. Ce n'était pas, dit-on, la laquelle était grande enchanteresse. Et la
première foisqu'on lui faisait cette promesse. force de ses enchuiUemenls était si variée,
Trajan, qui était son tuteur, l'adopta, et il qu'on ne la voyait presque jamais en sij
régna eu effet. propre figure quelquefois c'était une petite
:

' (l) AVierus,de l'rsest. ,lacin., lih. I. MaL;i.i, lib. I, cap. xx, posl Picloiiiiin cl Psellum.
(2)Wienis, de l'i*>t. &,vm-, lib. Il, cap. xii. (i) Cil é par le père Lcbiuii, Hial. des l'ralinucs superst.,
(SjKraiic. îorre llUoca Cordub, Epil. dcliot. sivc do liv. 1, cb. XIV.
M DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. S2
ioille forl riilée,qui somblait ne se pouvoir celés : il se montre surloul au Brésil et chez
remuer, ou bien une p;uivre femme malade les Topinamboux , et parait sous toutes
el sans forces; d'autres fois elle était si haute sortes de formes, de façon que ceux qui
qu'elle paraissait toucher les nues arec sa veulent le voir peuvent le rencontrer par-
télé. Ainsi elle prenait telle forme qu'elle tout (6).
voulait, aussi aisément que les auteurs écri- AGOBARD, archevêque de Lyon au neu-
vent d'Urgande la Méconnue. Et, d'après ce vième siècle. Ila écrit contre les épreuves
qu'elle faisait, le monde avait opinion qu'en judiciaires et contre plusieurs superstitions
un instant elle pouvait obscurcir le soleil, de son époque.
la lune et les étoiles, aplanir les monts, ren- AGRAFÉNA-SHIGANSKAIA. L'une des
verser les montagnes, arracher les arbres, maladies les plus générales sur les cAtes
dessécher les rivières, el faire autres choses nord-est de la Sibérie, surtout parmi les
pareilles, si aisément qu'elle semblait tenir femmes , est une extrême délicatesse des
tous les diables altachés et sujets à ses vo- nerfs. Cette maladie, appelée mirak dans ce
lontés (1).» -- Celle femme ne serait-elle pays, peut être causée par le défaut absolu
pas la mime qu'AcBAFÉNA? Voy. ce mot. de toute nourriture végétale ; mais la super-
AGARÈS, grand-duc de la contrée orien- stition l'attribue à l'inlluence d'une magi-
* taie des enfers. Il se montre sous les traits cienne nommée Agraféiia-Shiganskaïa, qui,
d'un soigneur, à cheval sur un crocodile, bien que morte depuis plusieurs siècles,
l'épervierau poing. Il fait revcnirà la charge continue à répandre l'effroi parmi les habi-
les fuyards du parti qu'il prolége et met tants et passe pour s'emparer de la malade.
l'ennemi en déroute. Il d^nne les dignités, — M. de Wrangel, qui rapporte ce fait dans
enseigne toutes les langues, et fait danser les le récit de son expédition au nord-est de la
esprits de la terre. Ce chef des démons est Sibérie, ajoute que parfois on trouve aussi
de l'ordre des verlus: il a sous ses lois trente des hommes qui souffrent du mirak ; mais
el une légions (2). ce sont des exceptions.
AG.ATE pierre précieuse à laquelle les
,
AGRIPPA (Henri-Corneille), médecin et
anciens attribuaient des qualités qu'elle n'a philosophe, contemporain d'Erasme, l'un des
pas, comme de fortifier le cœur, de préserver plus savants hommes de son temps dont on ,

de la peste et de guérir les morsures du l'a appelé le Trismégisie, mais doué d'ex-
scorpion el de la vipère. travagance né à Cologne en H86, mort en
;

AGATHION , démon familier qui ne se 1535, après une carrière or.igeuse, chez le
montre qu'à midi. Il paratten forme d'Iiomme receveur général de Grenoble , et non à
ou de bêle; quelquefois il se laisse enfermer Lyon, ni dans un hôpital, comme quelques-
dans un talisman, dans une bouteille ou dans uns l'ont écrit. 11 avait été lié avec tous les
un annenu magi(]ue (3). grands personnages et recherché de tous les
AGATHODÉMON, ou bon démon, adoré princes de son époque. Chargé souvent de
des Egyptiens sous la figure d'un serpent à négncialions politiques, il fil de nombreux
tête humaine. Les dragons ou serpents exilés, voyages, que Thevel, dans ses Vies des
que anciens révéraient, s'appelaient aga-
les hommes illustres, attribue à la manie «do
thodemonts, ou bons génies. faire partout des tours de son métier de
AGLA mot cabalistique auquel les rab-
, magicien ce qui le faisait reconnaître et
;

bins attribuent le pouvoir de chasser l'esprit chasser inconlinenl. »


hialin. Ce mot se compose des premières Les démonologues, qui sont furieux contre
lettres de ces quatre mots hébreux Athah : lui, disent qu'on ne peut le représenter que
gabor leolam, Adonai; « Vous êtes puissant comme un hibou, à cause de sa laideur ma-
et éternel, Seigneur. » Ce chnrme n'était pas gique et de crédules narrateurs ont écrit
;

seulement employé par les Juifs et les caba- gravement que, dans ses voyages, il avait
listes, quelques chrétiens hérétiques s'en coutume de payer ses hôtes en monnaie
sont armés souvent pour combattre les dé- fort bonne en apparence, mais qui se chan-
mons. L'usage en était fréquent au seizième geait , au bout de quelques jours, en petits
siècle (4), el plusieurs libres magiques en morceaux de corne, de coquille ou de cuir,
sont pleins, principaieaient Y E nchiridion et quelquefois en feuilles d'arbres.
attribué ridiculement au pape Léon 111. Voy. Il est vrai qu'à vingt ans il travaillait à la
Cabale. chrysopée ou alchimie mais il ne trouva ;

AGLAOPHOTIS, sorte d'herbe qui croit jamais le secret du grand œuvre. Il est vi'ai
dans les marbres de l'Arabie, et dont les aussi qu'il était curieux de choses étranges,
magiciens se servaient pour évoquer les dé- et qu'il aimait les paradoxes son livre de :

mons (5). Ils employaient ensuite l'ananci- la Yanilé des sciences, que l'on considère
tide et la syrrochile, autres ingrédients qui comme son chef-d'œuvre, en est une preuve.
retenaient les démons évoq-.;cs aussi long- Mais au chapitre xiii de ce livre, il dé-
temps qu'on le voulait. Voy. Baaras. clame contre la magie cl les arts supersti-
AGNAN, démon qui tourmente les Améri- tieux. Si donc il fut obligé plus d'une fois de
cains par des apparitions et des méchan- prendre la fuite pour se soustraire aux

(l)IIex.iméron de Torqnémada , traduit par Gal)riel (5) Pline, Hist. nat., liv. XXIV, ch. xvn. I
(6) Wierus, Di! l'rseslig., lib. I, cap.
Cliapruis, Tourangeau, sixième journée. xxii. T'.-evel,
(2) Wicnis, in Pscudomonarch. dsem. OI)S. sur l'Amérique, cl), xxxv el xxxvi. Boguil. D'ac
(3) Lcloyer, Disc, el liisl. dos spectres, liv. III, cli. v. dus sorciers, cli. vu.
Uj Lcloycr, Disc, el Uisi. des sj^cctres, liv. Vlll. cIj. vi.

I
53 AGK AGR U
mauvais traitements de la populace, qni fait passer Agripf a pour un grand magicien,

l'accusait de sorcellerie, n'est-il pas permis c'est un fatras plein de cérémonies magiques
et superstitieuses qu'on publia sous son nom,
de croire ou que son esprit caustique, et
peut-être ses mœurs mal réglées, lui faisaient vingt-sept ans après sa mort, qu'on donna
des ennemis ou que son caractère d'agent
,
comme le quatrième livre de sa Philosophie
diplomatique le mettait souvent dans des occulte, et qui n'est qu'un ramassis de frag-
situations périlleuses, ou que la médecine ments décousus de Pierre d'Apone, de Picto-
empirique, qu'il exerçait, l'exposait à des rius, et d'autres songe -creux (2).
catastrophes à moins qu'il ne faille croire,
; Cependant Dclancre ne porte son accu-
en effet, que cet homme avait réellement sation que sur les trois premiers livres.
étudié la magie dans ces universités mysté- «Agrippa, dit-il (3), composa trois livres
rieuses dont nous ne savons pas encore les assez grands sur la magie dé.noniaque mais ;

secrets? Voy. Universités. Quoi qu'il en il conifessa qu'il eu aucun


n'avait janiais
soit, Louise de Savoie, mère de François l*', commerce avec le démon, et que la magie cl
le prit pour son médecin. Elle voulait qu'il la sorcellerie (hors les maléfices) consis-
fût aussi son astrologue, ce qu'il refusa. Et taient seulement en quelques prestiges, au
pourtant on soutient qu'il prédisait au trop moyen desquels l'esprit malin trompe les
.'ameux connétable de Bourhon des succès
l ignorants. » —
Thevel n'admet pas ces pal-
contre la France. Si cette allégation est vraie, liatifs. «On ne peut nier, dil-il, qu'Agrippa
c'était semer la trahison, et Agrippa était un n'ait été ensorcelé de la plus fine et exécrable
fripon ou un fourbe. magie, de laquelle, au vu et au su de chacun,
Mais on établit encore l'éloignement d'A- il a fait profession manifeste. Il était si
grippa pour le charlatanisme des sorciers subtil ,
qu'il grippait de ses mains crochues
en rappelant ce fait, que, pendant le séjour des trésors que beaucoup de vaillants capi-
qu'il fil à Metz, remplissant les fonctions de taines ne pouvaient gagner par le cliquetis
syndic ou avocat général (car cet homme fit de leurs armes et leurs combats furieux. Il
tous les métiers), il s'éleva très- vivement composa le livre de la Philosophie occulte,
contre le réquisitoire de Nicolas Savin, qui censuré parles chrétiens, pour lequel il lut
voulait faire brtiler comme sorcière une chassé de Flandre, où il ne puldorénavant être
pavsanne. La spirituelle et vive éloquence souft'ert; de manière qu'il prit la route d'Ita-
d'Agrippa fit absoudre cette fille. A cela les lie, qu'il empoisonna tellement que plusieurs
partisans de la sorcellerie d'Agrippa répon- gens de bien lui donnèrent encore la chasse,
dent qu'il n'est pas étonnant qu'un pareil et il n'eut rien de plus hâtif que de se retirer
compère ait défendu ceux qui pratiquaient à Dôle. Enfin il se rendit à Lyon, dénué de
la magie, puisqu'il la pratiquait lui-même. facultés il y employa toutes sortes de moyens
— Ils ajoutent que, tandis qu'il professait à
;

pour vivoter, remuant le mieux qu'il pouvait


l'université de Louvain, il infecta ses écoliers la queue du bâton mais il gagnait si peu,
;

d'idées magiques. « Un de ses élèves, lisant qu'il mourut en un chélif cabaret, abhorré de
auprès de lui un certain livre de conjura- tout le monde, et délesté comme un magicien
tions fut étranglé par le diable. Agrippa,
, maudit, parce que toujours il menait en sa
craignant qu'on ne le soupçonnât d'être compagnie un diable sous la figure d un
l'auteur ou la cause de cette mort arrivée chien noir. »
dans sa chambre, commanda à l'esprit malin Paul Jove ajoute qu'aux approches de sa
d'entrer dans le corps qu'il venait d'étouffer, mort, comme on le pressait de se repentir, il
de ranimer le jeune homme et de lui faire ôla à ce chien, qui était son démon familier,
faire avant de le quitter sept ou huit tours un collier garni de clous qui formaient des
sur la place publique. Le diable obéit; le inscriptions nécromantiques, et lui dit Va- :

corps du jeune étranglé après avoir paradé ,


t'en , malheureuse bête , c'est toi qui m'as
pendant quelques minutes , tomba sans vie perdu; qu'alors le chien pril aussitôt la fuite
devant la multitude de ses camarades, qui vers la rivière de Saône, s'y jeta la tête en
crurent que ce n'était là qu'une mort su- avant et ne reparut plus.
bite (1).»
Ce ne fut pas pourtant à cause de sem- Delancre rapporte autrement celte mort,
blables faits qu'il partitde celte ville savante. qui n'eut pas lieu dans un cabaret de Lyon,
Ce fut parce qu'il s'y était fait des ennemis, mais comme nous l'avons dit à Grenoble.
, ,

« Ce misérable Agrippa, dit-il, fut si aveuglé


à qui il donna un prétexte par la publication
de son ouvrage de la Philosophie occulte. On du diable, auquel il s'était soumis, qu'encore
qu'il connût très-bien sa perfidie et ses arti-
accusa ce livre d'hérésie et de magie ; et, en
attendant qu'il fût jugé, l'auteur passa une fices, il ne les put éviter, étant si bien enve-

année dans les prisons de Bruxelles. Il en loppé dans les rets d'icelui diable, qu'il lui
fut tiré par l'archevêque de Cologne, qui avait persuadé que, s'il voulait se laisser
avait aciepté la dédicace du livre, dont il tuer, la mort n'aurait nul pouvoir sur lui, et
qu'il le ressusciterait et le rendrait immor-
reconnut publiquement que l'auteur n'était
pas sorcier. Les pensées de ce livre et celles tel ; ce qui advint autrement, car Agrippa
que le même savant exposa dans son com- s'élant fait couper la tête, prévenu de celle
mentaire In ariem brevem Itaymundi Lullii fausse espérance, le diable se moqua de lui
ne sont (pie des rêveries. Ce qui surtout a et ne voulut (aussi ne le pouvait-il) lui re-

mag., quœsl. 39. (3) Tableau de l'inconstance des démons, liv. V.


(1) Deirio, Disquisit. lib. Il,

(2) Vqjez Apoiie.


ss DICTIONNAIIŒ DES SCIENCRS OCCULTES. ss
donner la vie pour lui laisser le moyen de et mangée en ragoût , rend
furieux ceux si
déplorer ses crimes. » qui se sont permis ce régal , qu'ils s'arra-
Wiériis , qui fui disciple d'Agrippa . dit chent les cheveux et se déchirent jusqu'à ce
qu'en effet cet homme aviiil beaucoup d'af- qu'ils aient complètement achevé leur diges-
fection pour les chiens, qu'on en voyait con- tion. Le livre qui contient cette singulière
stamment deux dans son cluilc, donl l'un se recelte (2) donne pour raison de ses effets
nommait Monsieur et l'autre Mademoiselle , que «la grande chaleur de la cervelle de
et qu'on prélendail que ces deux chiens noirs l'aigle forme des illusions fantastiques en
étaient deux diables déguisés. Tout cela — bouchant les conduits des vapeurs et en rem-
n'empêche pas qu'on ne soit persuadé, dans plissant la tète de fumée. » C'est ingénieux
quelques provinces arriérées, qu'Agrippa et clair. Voy. Pierre d'Aigle.
n'est pas plus mort que Nicolas Flamel, et On donne en alchimie le nom d'aigle à dif-
qu'il se conserve dans un coin, ou par l'art férentes combinaisons savantes. L'aigle cé-
magique, ou par l'élixir do longue vie. Voy. leste est une composition de mercure réduit
ClRAJfO. en essence, qui passe pour un remède uni-
AGUAPA, arbre des Indes orientales dont versel ; l'aigle de Vénus est une composition
on prétend que l'ombre est venimeuse. Un de vert- de-gris et de sel ammoniac, qui for-
homme velu, qui s'endort sous cet arbre, se ment un safran ; Vaigle noir est une composi-
relève tout enflé; et Ion assure qu'un hom- tion de celle cadmie vénéneuse qui se nomme
me nu crève sans ressource. Les habitants cobalt, et que quelques alchimistes regardent
altribuenl à la méchnnclé du diable ces comme la matière du mercure philosophi-
cruels effets. Voy. Bouon-Upas. que.
AGUEKUE. Sous Henri IV, dans cette par- AIGUILLES. On pratique ainsi, dans quel-
tie des Basses-Pyrénées qu'on appelait le ques localités, une divination par les aiguil-
pays de Labour, on fit le procès en sorcelle- les. —
On prend vingt-cinq aiguilles neuves ;
rie à un vieux coquin de soixante-treize ans, on les met dans une assiette, sur laquelle on
qui se nommait Pierre d'Aguerre, et qui cau- verse de l'eau. Celles ()ui s'affourthcnt Us
sait beaucoup de maux par empoisonne- unes sur les autres annoncent autant d'en-
ments, dits sortilèges. On avait arrêté, en nemis. On conte qu'il est aisé de faire mer-
même temps que lui, Marie d'Aguerre et veille avec de simples aiguilles à coudre, en
Jeanne d'.\guerre, ses petites-filles ou ses leur communiquant une vertu qui enchante.
petites-nièces, avec d'autres jeunes filles, et Kornmann écrit ceci (3) « Quant à ce que :

les sorcièresqui les avaient menées au sab- les magiciens cl les enchanteurs font avec
bat. Jeanne d'Aguerre exposa les turpitudes l'aiguille dont on a cousu le suaire d'un ca-
qui se commettaient dans les grossières or- davre, aiguille au moyen de laquelle ils peu-
gies où on l'avait conduite; elle y avait vu vent lier les nouveaux mariés cela ne doit ,

le diable en forme de bouc. .Marie d'Aguerre pas s'écrire de crainte de faire naître la
,

déposa que le démon adoré au sabbat s'ap- pensée d'un pareil expédient... »
pelait Léonard, qu'elle l'avait vu en sa forme AIGUILLETTE. On appelle nouement de
de bouc sortir du fond d'une grande cruche l'aiguilletteun charme qui frappe tellement
placée au milieu de l'assemblée qu'il lui , l'imagination de deux époux ignorants ou ,

avait paru prodigieusement haut, et qu'à la superstitieux qu'il s'élève entre eux une
,

6n du sabbai il était rentré dans sa cruche. sorte d'antipathie dont les accidents sont
— Deux témoins ayant affirmé qu'ils avaient très-divers. Ce charme est jeté par des mal-
TU Pierre d'Aguerre remplir au sabbat le veillants qui passent pour sorciers. Voy.
personnage de maître des cérémonies, qu'ils Ligatures.
avaient vu le diable lui donner un bâton doré AIMANT (Magnes), principal producteur
avec lequel il rangeait, comme un meslre- de la vertu magnétique ou attractive. — Il
de-camp les personnes et les choses , tt
,
y a sur l'aimant queliiues erreurs populaires
qu'ils 1 avaient vu à la fin de l'assemblée qu'il est bon de passer en revue. On rap-
rendre au diable son bâton de commande- porte des choses admirables, dit le docteur
ment (1), Pierre d'Aguerre fut condamné à Brown (4), d'un certain aimant qui n'attire
mort comme sorcier avéré. Voy. Bouc et pas seulement le fer, mais la chiiir aussi.
Sabbat. C'est un aimant très faible, composé surtout
AIGLE. L'aigle a toujours été un oiseau de terre glaise semée d'un petit nombre de
de présage chez les anciens. Valère-Maxime lignes magnétiques et terrées. La lerre glaise
rapporte que la vue d'un aigle sauva la vie qui en est la base fait qu'il s'altathe aux
au roi Déjotarus , qui ne fiisait rien sans lèvres, comme Ihémalite ou la terre de
consulter les oiseaux : comme il s'y connais- Lemnos. Les médecins qui joignent celle
sait, il comprit que l'aigle qu'il voyait le dé- pierre à l'aélile lui donnent mal à propos la
tournait d'aller loger dans la maison qu'on vertu de prévenir les avortements.
lui avait préparée et qui s'écroula la nuit
, On a dit, de toute espèce daimanl, que
suivante. De profonds savants ont dit que l'ail peut lui enlever sa propriété attractive;
l'aigle a des propriétés surprenantes , entre opinion certainement fausse quoi(]u'elle ,

autres celle-ci , que sa cervelle desséchée , nous ait été transmise par Solin, Pline, Plu-
«lise en poudre , imprégnée de suc de ciguc tarque, Mathiole, etc. Toutes les expériences
(1) DcljiHTe, Tableau Je l'inconstaiicedcs démons, etc., (.5) De Mirab. mort., pars V, c;ip. smi.
liv. Il, discours l. (îj Lssai sur les erreurs, etc., liv. li, ch. ui.
(2) Admiraljles secrets d'Albert le Granit, liv. Il, ch. m.
57 AIM AJO r,8

l'ont démentie. Un fil rougi, puis


d'archal porte, au contraire, que les rois de Ceyiau
éteint dans le jus d'ail, ne laisse pas de con- avaient coutume de se faire servir dans des
server sa vertu polaire; un morceau d'ai- plats de pierre d'aimant, s'imaginanl par là
mant enfoncé dans l'ail aura la même puis- conserver leur vigueur.
sance attractive qu'auparavant ; des aiguilles On ne peut attribuer qu'à la vertu magné-
laissées dans l'ail jusqu'à s'y rouiller n'en tique ce que dit ^tins, que, si un goutteux
retiendront pas moins celle force d'attrac- tient quelque temps dans sa main une pierre
tion. d'aimant, il ne se sent plus de douleur, ou
On doit porter le môme jugement de cette que du moins il éprouve un soulagement.
autre assertion, que le diamant a la vertu C'est à la même vfrlu qu'il faut rapporter
d'empêcher l'attraction de l'aimant. Placez cetju'assure Marcellus Empiricus, que l'ai-
un diamant (si vous en avez) entre l'aimant mant guérit les maux de tête. Ces effets mer-
et l'aiguille, vous les verrez se joindre, dus- veilleux ne sont qu'une extension gratuite
sent-ils passer par-dessus la pierre précieuse. de sa vertu attractive dont tout le monde
,

Les auteurs que nous combattons ont sûre- convient. Les hommes s'élant aperçus de
ment pris pour des diamants ce qui n'en était celle force secrète qui attire les corps ma-
pas. gnétiques, lui ont donné encore une attrac-
Mettez sur la même ligne, continue Brown, tion d'un ordre différent, la vertu de tirer la
cette autre merveille contée par certains rab- douleur de toufes les parties du corps c'est ;

bins, que cadavres humains sont magné-


les ce qui a l'ail ériger l'aimant en philtre.
litiues, et que, s'ils sont étendus dans un On dit aussi que l'aimant resserre les
bateau, le bateau tournera jusqu'à ce que la nœuds de l'amitié paternelle et de l'union
tête du corps mort regarde le septentrion. conjugale, en même temps qu'il est très-
François Rubus, qui avait une crédulité très- propre aux opérations magiques. Les basi-
solide, reçoit comme vrais la plupart de ces Ildiens en faisaient des talismans pour chas-
faits inexplicables. Mais tout ce qui tient du ser les démons. Les fables qui regardent les
prodige, il l'attribue aux prestiges du dé- vertus de cette pierre sont en grand nom-
mon (1), et c'est un moyen facile de sortir bre. Dioscoride assure qu'elle est pour les
d'embarras. voleurs un utile auxiliaire; quand ils veu-
lent piller un logis, dit-il, ils allument du
Disons un mot du tombeau do Mahomet.
Beaucoup de gens croient qu'il est suspendu, feu aux quatre coins et Jettent des mor-
y
à Mcdine, entre deux pierres d'aimant pla- ceaux d'aimant. La fumée qui en résulte est
si incommode, que ceux qui habitent la mai-
cées avec art, l'une au-dessus et l'autre au-
dessous ; mais ce tombeau est de pierre son sont forcés de l'abandonner. Malgré l'ab-
comme tous les autres, et bâii sur le pavé surdité de cette fable, mille ans après Diosco-
du temple. —
On lit quelque part, à la vérité, ride, elle a été adoptée par les écrivains qui
ont compilé les prétendus secrets merveil-
que les mahométans avaient conçu un pa-
reil dessein; ce qui a donné lieu à la fable
leux d'Albert" le (îrand.
que le temps et l'éloignement des lieux ont Mais on ne trouvera plus d'aimant com-
fait passer pour une vérité, et que l'on a es- parable à celui de Laurent Guasius. Cardan
sayé d'accréditer par des exemples. On voit affirme que toutes les blessures faites avec
dans Pline que l'architecte Dinocharès com- des armes frottées de cet aimant, ne cau-
mença de voûter, avec des pierres d'aimant, saient aucune douleur.
le temple d'Arsinoé à Alexandrie, afin de sus- Encore une fable je ne sais quel écri-
:

pendre en l'air la statue de cette reine; il vain assez grave a dit que l'aimant , fer-
mourut sans avoir exécuté ce projet, qui eût menté dans du sel, produisait et formait
échoué. — Ilufin conte que dans le temple le petit poisson appelé réniore, lequel pos-
de Sérapis il y avait un chariot de fer que sède la vertu d'attirer l'or du puits le plus
des pierres d'aimant tenaient suspendu que, ;
profond. L'auteur de cette recette savait
ces pierres ayant été ôlées, le chariot tomba qu'on ne pourrait jamais le réfuter par l'ex-
e! se brisa. Bède rapporte également, d'après périence (2) ; et c'est bien dans ces sortes de
des contes anciens, que le cheval de Belléro- choses qu'il ne faut croire que les faits
phon, qui était do fer, fut suspendu entre éprouvés.
deux pierres d'aimant. AIMAR. Voy. Baguette.
C'est sans doute à la qualité minérale de AJOURNEMENT. On croyait assez généra-
l'aimant qu'il faut attribuer ce qu'assurent lement autrefois que, si quelque 0|)primé, au
quelques-uns, que les blessures faites avec moment de mourir, prenait Dieu pour juge ,
des armes aimantées sont plus dangereuses et s'il ajournait son oppresseur au tribunal
et plus dirn<:i;es à guérir, ce qui est détruit suprême, il se faisait toujours une manifes-
par l'expérience; les incisions faites par des tation du gouvernement temporel do la Pro-
ciiirurgiens avec des instruments aimantés vidence. Nous ne parlons de l'ajournement
ne causent aucun mauvais eflVi. Rangez dans du grand mailre des Templiers, qui cita le
la même classe l'opinion qui fait de l'aimant pape et le loi de France, que pour remar-
un poison, parce que des auteurs le placent quer que cet ajournement a été inventé après
dans le catalogue des poisons. Garcias de coup. Voy. Templiers.
Huerta, médecin d'un vice-roi espagnol, rap- Mais le roi d'Aragon Ferdinand IV, fui
,

(1)Discours sur les pierres précieuses dunl il est fait (2) Brown, au lieu cilû
menliOQ daiu l'Apocalypse.
DICTIONNAIIIE DES SCIEiNCEà OCClLThS. 40

ajourné par deux gentilsliommcs injuslc- auprès d'Alarcos, pâle et triste mais elle ne ,

inent con(i<tinncs,ct tnourul au bout de trente mange ni ne boit. Ses enfants étaient silen-
jours. cieux auprès de leur père. Tout à coup il
Enéfis Sylvius raconte que François I", penche sa léle sur la table el cache avec ses
iluc df Brciagiic, ayant fait assassiner son mains son visage en larmes.
fièrc (en IV' 0), ce prince, en mourant, ajonr- —J'ai besoin de dormir, dit-il.
ua son nieurlricr devant Dieu, et que le duc H savait bien qu'il n'y aurait pas de som-
expira au jour fixé. meil pour lui cette nuit-là.
On avait autrefois grande confiance en ces Les deux époux entrent dans la chambre
njournenicnts , et les dernières paroles des et y demeurent seuls avec leur plus jeune
mourants étaient redoutées. On cite même enliinl encore à la mamelle. Le comte
une foule d'exemples qui feraient croire ferme les portes aux verroux ce qu'il n'a- ,

qu'un condamné peut toujours, à sa der- vait p.Ts l'habitude de faire.


nière heure, en api>eler ainsi d'un juge ini- — Femme malheureuse s'écrie-t-il et I ,

que ; si ce n'était qu'une idée, dans les temps moi plus à plaindre des hommes
le 1

barbares elle pouvait être salutaire. Mais — Ne parlez pas ainsi mon noble sei- ,

n'élait-ee qu'une idée? Uelancre dit qu'un gneur; elle ne saurait être malheureuse celle
innocent peut ajourner son juge , mais que qui est l'épouse d'Alarcos.
l'ajourncnient d'un coupable est sans effet. — Trop malheureuse cependant, cardans
Comme les sorciers ajournaient leurs con- le mol que vous venez de prononcer est
damnateurs, il raconte, d'après Paul Jove, compris tout votre malheur. Sachez qu'avant
que Gonzalve de Cordoue ayant condamné de vous connaître j'avais juré à l'infiinte que
à mort un soldat sorcier, ce soldat s'écria je n'aurais jamais d'autre épouse qu'elle; le
qu'il mourait injustement, et qu'il ajournait roi, notre seigneur, sait tout; aujourd'hui l'in-
(ironzalve à comparaître devant le tribunal fante réclame ma main pio-
; el, mol fatal à
de Dieu. —Va, va, lui dit Gonzalve, hâte- noneer, pour vous punir d'avoir été préfé-
toi d'aller et fais instruire le procès ; mon rée à l'infante, le roi ordonne que vous mou-
fière Alphonse, qui est dans le ciel, compa- riez celte nuit.
raîtra pour moi. —
L'ajournement ne lui fut —Ksl-ce donc là , répondit la comtesse
pas falul. effrayée, le prix de ma tendresse soumise ?
Ahl ne me tuez pas, noble comte, j'em-
Ballade de l'ajournement.
brasse vos genoux renvoyez-moi dans la
;

La Revue de Paris a
publié en 1831 l'analyse maison de mon père, où j'étais si heureuse ,

d'une singulière ballade espagnole. Nous où je vivrai solilairc, où j'élèverai mes trois
reproduisons ici celle pièce pathétique en enfants.
résumé. — Cela ne se peut... mon serment a été
Solisa, l'infante, seule dans son oratoire, terrible... Vous devez mourir avant le jonr.
versait des larmes et se disait avec déses- —Ahl il se voit bien que je suis seule sur
poir qu'il n'y aurait plus de mariage pour la terre mon père est un vieillard infirme...
;

elle. Le roi son père la surprit en ce mo- ma mère est dans son cercueil, et le fier don
ment, et, cherchant à la consoler, il apprit Garcia est mort... lui, mon vaillant frère,
d'elle que le comte Alarcos l'avait aimée ;
que ce lâche roi fit périr. Oui , suis
je
puis qu'il l'avait oubliée pour en épouser seule el sans appui en Espagne... Ce n'est
une autre depuis trois ans. Le roi fait venir pas la mort que je crains, mais il m'en coûte
le comte et le somme de tenir la parole qu'il de quilier mes fils... Laissez-moi du n)oins
a donnée jadis à sa fille. les presser encore sur mon cœur, les embras-
—Je ne nierai pas la vcrilé, répond Alar- ser une dernière fois avant do mourir.
cos ; je craignais que Votre Majesté ne vou- —Embrassez celui qui est là dans son
lût jamais consentir à m'accorder la main de berceau ; vous ne reverrez plus les autres.
ga fille. Je me suis uni à une autre femme. —Je voudrais au moins le temps de dire
— Vous *ous en débarrasserez, dit le roi. un Ave.
— Epargnez, qui est innocente ;
sire, celle — Dites-le vite.
ne me condamnez pas à un ailreux assas- Elle s'agenouilla.
sinat. — Seigneur Dieul dit-elle, en ce moment
Le roi est inflexible; il faut que la com- de terreur, oubliez mes péchés ne vous ,

tesse meure cette nuit même, ou que le comte souvenez que de votre miséricorde.
ail la tèle tranchée le lendemain. Quand elle eut prié, elle se releva plus
Alarcos retourne à sa demeure,triste pour calme.
sa femme pour ses trois enfants. Il aper-
et —Alarcos, dit-elle, soyez bon pour les
çoit la comtesse sur sa porte (Un jeune page gages de notre amour et priez pour le repos
avait pris les devants pour la prévenir du de mon âme... Et maintenant donnez-moi
retour de son époux). noire enfant sur mon sein, qu'il s'y puisse
— Soyez le bicn-v<nu, mon Seigneur, dit- désaltérer une dernière fois, avant que le
elle. Hélas vous baissez la tète? Dites-moi
I froid de la mort ait glacé le lait de sa mère.
pourquoi vous pleurez? ' — Pourquoi réveiller le pauvre enf.iiit?
—Vous le saurez mais ce n'est pas
; Vous voyez qu'il Préparez-vous ; le
dort.
l'heure, répondit-il ; nous souptrons el je temps presse ; l'auroro couimence à pa-
vous dirai tout plus tard. raître.
On sert le souper ; la comtesse se place — Eh bien 1 écoute-moi, comte Alarcos;
41 ALB ALn 42

je te pardonne. Mais je ne puis pardonner à ce (le Groot), savant et pieux dominicain, mis
roi si cruel, ni à sa fille si fière. Que Dieu à tort au nombre des magiciens par les dé-
les punisse du meurtre d'une chrétienne. Je monographes, fut, dit-on, le plus curieux de
les nppelle , de ma voix mourante, devant tous les hommes. 11 naquit dans la Souabe,
le trône de l'Eternel, d'ici à trente jours. à Lawigen sur le Danube, en 1203. D'un es-
Alarcos, barbare et ambitieux, étrangla prit fort grossier dans son jeune âge, il de-
la pauvre comtisse avec son mouchoir. Il la vint, à la suite d'une vision qu'il eut de la
recouvrit avec les draps du lit puis, appe- ;
sainte Vierge, qu'il servait tendrement et qui
i;int ses écuycrs, il leur fit un faux récit lui ouvrit les yeux de l'esprit, l'un des plus
pour les tromper, et s'en alla épouser l'in- grands docteurs de son siècle. Il fut le maître
fanie. de saint Thomas d'Aquin. Vieux, il retomba
Mais la vengeance céleste s'accomplit au- dans la médiocrité, comme s'il dûl être évi-
delà des malédictions de la comtesse; car, dent que son mérite et sa science étendue
av.nnl que le mois fût expiré, trois âmes cou- n'étaient qu'un don miraculeux et tempo-
pables, le roi, l'infante et le comte, parurent raire. —
D'anciens écrivains ont dit, après
devant Dieu... avoir remarqué la dureté naturelle de sa
AKHMlN,villedelamoyenneThcbaïde,qui conception, que d'âne il avait été transmué
avait autrefois le renom d'être la demeure des en philosophe ; puis, ajoutent-ils, de philo-
plus grands magiciens (1). Paul Lucas parle, sophe il redevint âne (3).

dans son second voyage (2), du serpent mer- Albert le Grand fut évêque de Ratishonne
veilleux d'Akhmin, que les musulmans ho- et mourut saintement à Cologne , âgé de
norent comme un ange , et que les chré- quatre-vingt-sept ans. Ses ouvrages n'ont été
tiens croient être le démon Asmodée Voy publiés qu'en 1631 ; ils forment 21 volumes
Haridi. in-fol.Enles parcourant, on admire un savant
AKIBA, rabbin du premier siècle de notre chrétien; on ne trouve jamais rien qui ait
ère, qui, de simple berger, poussé par l'es- pu le charger de sorcellerie. Il dit formelle-
poir d'obtenir la main d'une jeune fille dont ment au contraire « Tous ces contes de dé-
:

il était épris, devint un savant renommé. Les « mons qu'on voit rôder dans les airs, et de
Juifs disent qu'il fut instruit par les esprits « qui on tire le secret des choses futures,
élémentaires, qu'il savait conjurer, et qu'il « sont des absurdités que la saine raison
eut, dans ses jours d'éclat, jusqu'à quatre- « n'admettra jamais (4). » —
C'est qu'on a
vingt mille disciples... On croit qu'il est au- mis sous son nom des livres de secrets mer-
teur du Jelzirah, ou livre de la création, at- veilleux, auxquels il n'a jamais eu plus de
tribué par les uns à Abraham, et par d'au- part qu'à l'invention du gros canon et du
tres à Adam même. Voy. Abraham. pistolet que lui attribue Matthieu de Luna.
ALAIN DE L'ISLE (Insulensis), religieux Mayer dit qu'il reçut des disciples de saint
bernardin, évêque d'Auxerre au douzième Dominique le secret de la pierre philoso-
siècle, auteur àe l'Explication des prophéties phale, et qu'il le communiqua à saint Tho-
de Merlin (Explanalionesin prophetias Mer- mas d'Aquin; qu'il possédait une pierre
Uni Angli; Francfort, 1608, in-8°). Il composa marquée naturellement d'un serpent, et douée
ce commentaire, en 1170, à l'occasion du de cette vertu admirable, que si on la met-
grand bruit que faisaient alors lesdites pro- tait dans un lieu que les serpuits fréquen-
phélies. Un autre Alain ou alanus, qui vi- tassent, elle les attirail tous; qu'il employa,
vait dans le même siècle, a laissé pour les pendant trente ans, toute sa science de ma-
alchimistes un livre intitulé Dicta de lapide: gicien et d'astrologue à faire, de métaux bien
philosophico in-8°; Leyde, 1600.
,
choisis, et sous l'inspection des astres, un
ALARY (François), songe-creux, qui a automate doué de la parole, qui lui servait
fait imprimer à Rouen, en 1701, la Prophétie d'oracle et résolvait toutes les questions
du comte Bombaste, chevalier de la Rose- qu'on lui proposait: c'est ce qu'on appelle
Croix, neveu de Paracelse, publiée en l'année l'androïde d'Albert le Grand; que cet auto-
1609, sur la naissance de Louis le Grand. mate fut anéanti par saint Thomas d'Aquin.
ALASTOR, démon sévère, exécuteur su- qui le brisa à coups de bâton, dans l'idée
prême des sentences du monarque infernal. que un ouvrage ou un ag^ent du diable.
c'était
Il fait les fonctions de Néinésis. Zoroastre On sent que tous ces petits faits sont des
l'appelle le bourreau; Origène dit que c'est contes. On a donné aussi à Virgile, au papo
le même qu'Azazel; d'autres le confondent Sylvestre II, à Roger Bacon, de pareils an-
avec l'ange exterminateur. Les anciens ap- droïdes. Vaucanson a montré que c'était un
pelaient les génies malfaisants Alastores ; et pur ouvrage de mécanique.
Plutarque dit que Cicéron, par haine contre Une des plus célèbres sorcelleries d'Albert
Auguste, avait eu le projet de se tuer auprès le Grand eut lieu à Cologne. Il donnait uu
du foyer de ce prince pour devenir son alas- banquet, dans son cloître, à Guillaume II,
tor. comte de Hollande et roi des Romains; c'é-
ALBERT LE GRAND , Albert le Teuto- tait dans le cœur de l'hiver; la salle du fes-
nique, Albert de Cologne Albert de Ralis-
,
tin présenta, à la grande surprise de la cour,
bonne Alberlus Grolus car on le désigne
, ,
la riante parure du printemps; mais, ajoute-
tous tous ces noms (le véritable était Albert t-on, les fleurs se flétrirent à la tin du repas.

D'Hcrbflot, Bibliollièque orieiilale. vision fie l'écolier.


2) Liv. V, l. II, p. 85.
ft) (4) De Soinii. (tïig.,Iib. III, tricl. I, cap. vui.
s) Veycz., dans les légemlei de la sainte Vierge, la

DlCTlONN. DES SCIENCES OCCULTES. L


il niCTlONNAlRE DES SCIENCES OCCULTES. 4i

A une époque où l'on ne connaissait point sont des figures de talismans). Lyon, chez
les serres chaudes, l'élégante prévenance du de Beringos fratres, à l'enseigne
les héritiers

bon et savant roligiiux dut surprendre. — d'Agrippa. In-18, 6516 (année cabalistique).
Os qn'il appelait lui-même ses opérations
— Albert le Grand est également étranger
magiques n'élaient ainsi que de la magie à cet autre recueil d'absurdités, plus dange-
Manche. reux que le premier, quoiqu'on n'y trouve
Finissons en disant que son nom d'Albert pas, comme les paysans se l'imaginent les .

le Grand n'est pas un nom acquis par la moyens d'évoquer le diable. On.y voit la

fîloire, mais la simple traduction de son nom


manière de nouer et de dénouer l'aiguillette,

de famille, Albert de Groot. la composition de divers philtres, l'art do


On lui attribue donc le livre intilulé : les savoir en songe qui on épousera, des secrets
Admirables secrets d'Albert le Grand, conle- pour faire danser, pour multiplier les pi-
iiant plusieurs traités sur les vertus des her- geons pour gagner au jeu pour rétablir le
, ,

bes, des pierres précieuses et des animaux, vin gâté, pour faire des talismans cabalisti-
rtc, augmentés d'un abrégé curieux de la ques, découvrir les trésors, se servir de la
physiognononiie et d'un préservatif contre la main de gloire, composer l'eau ardenle et lo
peste, les fièvres malignes, les poisons et feu grégeois, la jarretière et le bâton du voya-
l'infection de l'air, tirés et traduits des an- geur l'anneau d'invisibilité la poudre de
, ,

riens manuscrits de l'auteur qui n'avaient sympathie, l'or artificiel, et enfin des remè-
pas encore paru, etc., in-18, in-24, in-12. des contre les maladies, et des gardes pour
lîxcepté du bon sens, on trouve de tout dans les troupeaux.
ce fatras, jusqu'à un traité des fientes qui ALBERT D'ALBY. Voy. Cartomancie.
« quoique viles et méprisables, sont cepen- ALBERT DE SAINT-JACQUES, moine du
« dant en estime, si on s'en sert aux usages
dix-septième siècle, qui publia un livre inti-
• prescrits. » Le récoliecteur de ces secrets tulé Lumière aux vivants par l'expérience
:

débute par une façon de prière ; après quoi des morts, on d\\ erses apparitions des âmes
il donne la pensée du prince des
philosophes, du purgatoire de notre siècle. In-8',Lyon,
lequel pense que l'homme est ce qu'il y a de 1675.
meilleur dans le monde, attendu la grande ALBIGEOIS, espèce de manichéens très-
sympathie qu'on découvre entre lui et les si- perfides, dont l'hérésie éclata dans le Lan-
gnes du ciel, qui est au-dessus de nous et, guedoc, et eut pour centre Albi. Ils admet-
par conséquent, nous est supérieur. taient deux principes, disant que Dieu avait
Le livre 1" traite principalement, et de la produit de lui-même Lucifer, qui était ainsi
manière la plus inconvenante, de l'influence son fils aîné ; que Lucifer, fils de Dieu, s'é-
des planètes sur la naissance des enfants, du tait révolté contre lui ;
qu'il avait entraîné
merveilleux effet des cheveux de la femme, dans sa rébellion une partie des anges ; qu'il
des monstres, de la façon de connaître si une s'était vu alors chassé du ciel avec les com-
femme enceinte porte un garçon ou une Olle, plices de son crime; qu'il avait dans son ,

du venin que les vieilles femmes portent exil , créé ce monde que nous habitons, où
dans les yeux, surtout si elles y ont de la ilrégnait et où tout allait mal. Ils ajoutaient
chassie, etc. Toutes ces rêveries grossières que Dieu, pour rétablir l'ordre, avait pro-
sont fastidieuses, absurdes et fort sales. duit un second fils qui était Jésus-Christ.
,

On voit, dans le livre II, les vertus de cer- Ce singulier dogme se présentait avec des
taines pierres, de certains animaux, et les variétés, suivant les différentes sectes. Pres-
merveilles du monde, des planètes et des que toutes niaient la résurrection de la chair,
aslrps. — Le livre III présente l'excellent l'enfer et le purgatoire, disant que nos âmes
traité des fientes, de singulières idées sur n'étaient que des démons logés dans nos corps
les urines, les punaises, les vieux souliers en châtiment de leurs crimes. —
Les albigeois
et la pourriture; des secrets pour amollir le avaient pris, dès la fin du douzième siècle,
fer,pour manier les métaux, pour dorer l'é- une telle consistance, cl de si odieux excès
tain et pour nettoyer la batterie de cuisine. marquaient leur passage, que, les remon.
Enfin, le livre IV est un traité de physio- trances et les prédications étant vaines, il
gnomonie, avec des remarques savantes, des fallut faire contre eux une croisade, dont
observations sur les jours heureux et mal- Simon de Montfort fut le héros. On a déna-
heureux, des préservatifs contre la fièvre, turé et faussé parles plus insignes menson-
des purgatifs, des receltes de cataplasmes et ges l'histoire de cette guerre sainte; on a
autres choses de même nature. Nous rappor- oublié que, si les albigeois eussent triomphé,
terons en leur lieu ce qu'il y a de curieux l'Europe retombait dans la barbarie. 11 est
dans ces extravagances ; et le lecteur trou- vrai que leurs défenseurs sont les protestants,
vera, comme nous, étonnant qu'on vende héritiers d'un grand nombre de leurs erreurs,
chaque année par milliers d'exemplaires les et les philosophes, amateurs assez souvent
secrets d'Albert le Grand aux pauvres habi- de leurs désordres.
tants des campagnes. ALBIGERIUS. Les démonngraphes disent
Le solide Trésor du Petit Albert, ou secrets que les possédés, par le moyen du diable,
merveilleux de la magie naturelle et cabalis- tombent quelquefois dans des extases pen-
tique, traduit exactement sur l'original laliu dant lesquelles leur âme voyage loin du
intitulé « Alberli Parvi Lircii liber do mira-
:
corps, et fait à son retour des révélations de
bilibus naturœ arcanis, » enrichi de figures choses secrètes. C'est ainsi , comme dit
«lyslérieuses, et la manière de les faire (ce Lcloyer , que les corybantcs devinaient et
4E âLB ALC 40

prophélisaicnt. Saint Augustin parle d'un imprimé d'Albnmazar le Tractatns fin-


tin el

Carthaginois, nommé Albigérius, qui savait rum astrologiœ; in-4°, Augsbourg, 1V88. On
par ce moyen tout ce qui se faisait hors de peut voir dans Casiri, Bibliolh. arab. hispan.,
I. I, p. 351, le catalogue de ses ouvrages.
chez lui. Chose plus étrange, ajoule-t-il, cet
Albigérius, à la suite de ses extases, révé- ALBUNÉE. Voy. Sibylles.
lait souvent ce qu'un autre songeait dans le ALGHABITIUS. Voy. Abdel-Azys.
plus secret de sa pensée. Etait-ce du ma- ALGHliMIE. L'alchimie ou chimie par ex-
gnétisme? cellence, qui s'appelle aussi philosophie her-
Saint Augustin cite un autre frénétique métique, est cette partie émincnte de la chi-
qui, dans une grande fièvre, étant possédé mie qui s'occupe de l'art de transmuer les
du mauvais esprit, sans extase mais bien , métaux. Son résultat, en expectative, est la
éveillé, rapportait fuièlement tout ce qui se pierre philosoohalo. Voy. Pierre piiiloso-
faisait loin de lui. Lorsque le prêtre qui le PHALE.
soignait était à six lieues de la maison, le ALCHINDUS, que Wiérus (3) met au
diable, qui parlait par la bouche du malade, nombre des magiciens, mais que Delrio (k)
disait aux personnes présentes en quel lieu se contente de ranger parmi les écrivains
était le prêtre à l'heure qu'il parlait et ce qu'il superstitieux , était un médecin arabe du
faisait, etc. Ces choses-là sont surprenantes. xi"^^ siècle , qui employait comme rentède les
Mais l'âme immortelle, suivant la remarque paroles charmées et dos combinaisons de, chif-
d'Aristoie, peut quelquefois voyager sans le fres. Des démonologues l'ont déclaré suppôt
corps (1). du diable à cause de son livre intitulé : Théo-
ALBINOS. Nom que les Portugais ont rie des arts magiques, qu'ils n'ont point lu ;
donné des hommts d'une blancheur ex-
à car Jean Pic de la Mirandole dit qu'il ne con-
trême, qui sont ordinairement enfants Je nè- naît que trois hommes qui se soient occupés
gres. Les noirs les regardent comme des de la magie naturelle et permise : Alchin-
monstres, et les savants ne savent à quoi at- dus , Roger Bacon et Guillaume de Paris.
tribuer celte blancheur. Les albinos sont pâ- Alchindus était simplement un peu physi-
les comme des spectres ; leurs yeux, faibles cien dans des temps d'ignorance. A son —
el languissants pendant le jour, sont brillants nom arabe, Alcendi, qu'on a latinisé, quel-
à la clarté de la lune. Les noirs, qui don- ques-uns ajoutent le prénom de Jacob ; on
nent aux démons la peau blanche, regardent croit qu'il était mahométan. —
On lui repro-
les albinos comme des enfants du démon. Us che d'avoir écrit des absurdités. Par exem-
croient qu'ils peuvent les combattre aisé- ple, il croyait expliquer les songes en disant
ment pendant le jour, mais que la nuit les qu'ils sont l'ouvrage des esprits élémentaires,
albinos sont les plus forts et se vengent. Dans qui se montrent à nous dans le sommeil et
le royaume de Loango, les albinos passent nous représentent diverses actions fantasti-
pour de.s démons champêtres el obtiennent ques , comme des acteurs qui jouent la co-
quelque considération à ce titre. médie devant le public.
Vossius dit qu'il y a dans la Guinée des ALCOUAN. Voy. Koran
peuplades d'albinos. Mais comment ces peu- ALCYON. Une vieille opinion, qui subsiste
plades subsisteraient-elles, s'il est vrai que encore chez habitants des côies, c'est que
les
ces infortunés ne se reproduisent point? Il l'alcyon ou martin-pôcheur est une girouette
paraît que les anciens connaissaient les al- naturelle, et que , suspendu par le bec, il
binos. « On assure, dit Pline, qu'il existe en désigne le côté d'où vient le vent, en tournant
Albanie des individus qui naissent avec des sa poitrine vers ce point de l'horizon. Ca
cheveux blancs, des yeux de perdrix , et ne qui a mis cette croyance en crédit parmi le
voient clair que pendant la nuit.» Il ne dit peuple, c'est l'observation qu'on a laite que
pas que ce soit une nation, mais quelques l'alcyon semble étudier les vents el les devi-
sujets affectés d'une maladie particulière. ner lorsqu'il établit son nid sur les flots, vers
« Plusieurs animaux ont aussi leurs albinos, lesolsticed'hiver. Mais cette prudence est-elle
ajoute M. Salgues ; les naturalistes ont ob- dansl'alcyonuneprévoyancequi lui soitpar-
servé des corbeaux blancs , des merles ticulière ? N'est-ce pas simplement un instinct
blancs , des taupes blanches ; leurs yeux de la naiure qui veille à la conservation do
sont rouges, leur peau est plus pâle et leur cette espèce? « Biin des choses arrivent, dit
organisation plus faible (2). x Brown, parce que le premier moteur l'a
ALBOKACK. Voy. Borack. ainsi arrêté, el la nature tes exécute par des
ALBUAIAZAU, astrologue du ix" siècle, né voies qui nous sont inconnues. »
dans le Kborassan, connu par son traité as- C'est encore une ancienne coutume de
trologique intitulé Milliers d'années, où il conserver les alcyons dans des coffres , avec
affirme que le monde n'a pu être créé que l'idée qu'ils préservent des vers les étoffe.'J
quand les sept planètes se sont trouvées en de laine. On n'eut peut-être pas d'autre but
conjonction dans le premier degré du Bélier, en les pendant au plafond des chambres. «Je
et que la fin du monde aura lieu quand ces crois même , ajoute Brown , qu'en les sus-
sept planètes (qui sont aujourd'hui au nom- pendant par le bec on n'a pas suivi la mé-
bre de douze) se rassembleront dans le der- thode des anciens qui les suspendaient par
nier degré des Poissons. On a traduit en la- le dos , afin que le bec marquât les veate.

Îl) Leioyer, Hisl. el dise, des spectres, liv. IV. (5) De Praesligi'u, lib. II, cap. m.
îj Dus erreurs et des pri'jiigés, eto , l. I, p. 179. (4) Disquisit. M^iaiiLC. lib. I, cap. m.
tn I K.TIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. iZ

Car c'est ninsi que Kiikor a décrit l'hiron- consacrèrent par dhorrihles imprécations •
delle de mer. » Disons aussi qu'autrefois , sur ce trépied ils placèrent un bassin fortni
en tonservanl cet oiseau, on croyait que ses de différents métaux, et ils rangèrent autour,
plumes se renouvelaient comme s'il eût été à distances égales, toutes les lettres de l'al-
. "ivant, et c'est ce qu'Albert le Grand espéra phabet. Alors le sorcier le plus savant de la
inutilement dans ses expériences (1). compagnie s'avança , enveloppé d'un long
I

'
Outre les dons de prédire le vent et de chas- voile, la tète rasée, tenant à la main dis
feuilles de verveine et faisant à grands cris
ser les vers, on attribue encore à l'alcyon la ,

précieuse qualité d'enrichir son possesseur, d'effroyables invocations qu'il accompagnait


d'entrenir l'union dans les familles et de deconvulsions.Ensuite,s'arrétanltoutàcoup.
communiquer la beauté aux femmes qui devant le bassin magique, il y resta immo-
portent ses plumes. Les Tartares et les Os- bile tenant un anneau suspendu par un fil.
,

tiaks ont une très-grande vénération pour C'était de la dactylomancie. A peine il ache-
cet oiseau. Us recherchent ses plumes avec vait de prononcer les paroles du sortilège,
empressement, les jettent dans un grand qu'on vit le trépied s'ébranler, l'anneau se
«ase d'eau, gardent avec soin celles qui sur- remuer, et frapper tantôt une lettre, tantôt
nagent , persuadés qu'il suffit de toucher une antre. A mesure que ces lettres étaient
quelqu'un avec ses plumes pour s'en faire ai- ainsi frappées , elles allaient
s'arranger
mer. Quand un Ostiak est assez heureux pour d'elles-mêmes, à côté l'une de l'autre, sur
posséder un alcyon, il en conserve le bec, une table où elles composèrent des vers hé-
les p.ittes et la peau qu'il met dans une
,
roïques qui étonnèrent toute l'assemblée.
bourse et , tant qu'il porte ce trésor, il se
,
Valens, informé de cette opération , et
croit à l'abri de tout malheur (2). C'est pour n'aimant pas qu'on interrogeât les enfers sur
lui un talisman comme les fétiches des nè- sa destinée, punit les grands et les philoso-
gres. phes qui avaient assisté à cet acte de sorcel-
lerie il étendit même la proscription sue
:
ALDON. Voy. Granson.
tous les philosophes et tous les sorciers
ALECTORIENNE (Pierre). Voy. Coq. de Rome. 11 en périt une multitude et les ;

ALECTRYOMANCIE ou ALECTROMAN- grands, dégoûtés d'un art qui les exposait à


CIE. Divination par le moyen du coq, usitée des supplices, abandonnèrent la magie à la
chez les anciens. Voici quelle était leur mé- populace et aux vieilles, qui ne la firent plus
thode : —
On traçait sur le sable un cercle servir qu'à de petites intrigues et à des ma-
que l'on divisait en vingt- quatre espaces léfices subalternes. Voy. Coq, Mariage, etc.
égaux. On écrivait dans chacun de ces es- M. de Junquières, au k^ chant de Caquet-
paces une lettre de l'alphabet; on mettait Bonbec, la Poule à ma tante donne des dé- ,

sur chaque lettre un grain d'orge ou de blé; tails exacts et curieux sur les opérations des
on plaçait ensuite, au milieu du cercle, uu alectryomanciens. Ou nous permettra do
coq dressé à ce manège on observait sur
; Is citer :

quelles lettres il enlevait le grain ; on en


Leur coutume est, en rendant leur oracles,
suivait l'ordre, et ces lettres rassemblées De se servir de coqs, et c'est, dit-on,
formaient un mot quidonnait la solution dece De là qu'en grec est dérivé leur nom.

que l'on cherchait à savoir. Des devins D'abord ces coqs doivent être coqs vierges ;
Puis dans un coin, au milieu de trois cierges.
parmi lesquels on cite Jamblique , voulant Est élevé, sur des pieds en sautoir.
connaître le successeur de l'empereur Va- Comme un autel rond, plat, de marbre noir.
lens, employèrent l'alectryornancie ; le coq Au bord duquel, dans deux circonférence»,
Sont vidés, à d'égales distances.
lira les Théod.... Valens, instruit de
lettres
Vingt-quatre creux ayant chacun devant
cette particularité , fit mourir plusieurs des De l'alpliabet une lettre d'argent.
curieux qui s'en étaient occupés, et se déOl Quand au sorcier arrive une pratique,
même , s'il faut en croire Zonaras , de tous Il prend d'abord sa baguette magique.

Roule les yeux, et trace sans compas


les hommes considérables dont le nom com- Un cercle en l'air, prononce à demi bas
mençait par les lettres fatales. Mais, malgré Qnq ou six mots inconnus et qu'il forge.
ses efforts , son sceptre passa à Théodose le Dans chaque case il dépose un grain d orge.
Choisit son coq à jeun, le met debout
Grand. Cette prédiction a été faite après
Sur cet autel, bien au centre surto'it.
coup. Du centre aux grains, dont l'odeur l'éleclrise.
Ammien-Marceilin raconte la chose au- Le coq bientôt s'avance (quoi qu'en dise
Jean Buridan) (3), en croque deux ou trois,
iremeiit. Il dit que sous l'empire de Valens
Ou plus, ou moins. De ceux dont il fait choix
un comptait, parmi ceux qui s'occupaient Le sorcier suit les lettres sans rien dire,
de magie, beaucoup de gens de qualité et El puis, feignant que quelque dieu l'inspireL
D'après cela débite hardiment
<]uelques philosophes. Curieux de savoir
Une réponse. On paie honnêloment
quel serait le sort de l'empereur régnant, Et l'on s'en va très-instruit. Dans la suite.
ils s'assemblèrent pendant la nuit dans une S'il s'est trouvé menteur, il eu est quitte

des maisons affectées à leurs cérémonies : Pour dire aux gens qu'ils ne l'ont pas compris.
Notre devin, grand, sec, à cheveux gris,
ils commencèrent par dresser un trépied Avait l'honneur, disaii-on, de descendre,
•le racines et de rameaux de laurier, qu'ils Du côté gauche, il est vrai, du Cassandre.
Brown, Erreurs populaires, liv. Ht, cti. x.
(1) d'avoine également pleins et agissant avec une même
M. Salgucs, Des Erreurs el dos préjugés, t. Ht,
(2) force sur ses organes, se laisserait mourir de fain, ne
|>.374 pouvant jamais se déterminer à l'un plutôt ([u'ii l'autre.
(5) Jean Buri'l,tn, so|'lilsle du quartorrième siècle, qui Or, dans l'exemple présent tous les mvoiis soiii éj-aux
wuluuail i^u'uu iuc pusé juste au uiilieu du deux picutius (lYole du poêin*.
j
49 ALE ALE 50
(iileinbredain (1) élail son nom. Le sort éteignit les lumières et renversa les livres
Semblait toujours être avec lui d'accoril,
avec tout ce qui s'y trouvait. L'obscurité ren-
Il n» s'était, assuie la chronique,
Jamais trompé, hors une fois unique, dit l'effroi plus violent encore. Les amis d'A-
Ou'un jeune gars, croyant beaucoup valoir, lessandro hurlèrent. Pendant qu'on appor-
Vint tout exprès le trouver pour savoir tait des flambeaux, il remarqua que le fan-
Quel rang, un jour, il aurait dans le monde.
Le coq, posé lors sur la table ronde,
tôme ouvrit la porte et s'échappa, sans être
Prit sans choisir, quatre grains qu'il croqua, vu des domestiques, n'ayant fait du reste le
Dont le devin les lettres reniar(|ua. moindre mal à personne (.3). Elait-ce une
Elles formaient le mot frip, mot barbare
hallucination de jeunes gens ivres ou une
Et propre i faire enrager un ignare.
Le grand docteur, maître Calembredain, espièglerie?
D'après ce mot, au jeune homme sondiiiii ALEUROMANCIE, divination qui se pra-
Dit qu'il serait fripier ; niais notre drôle,
Se sentant né pour faire un autre rôle, ti(iuaitavec de la farine. On mettait des bil-
lit d'un métier si vil ayant horreur. lets roulés dans un tas de farine; on les re-
Prit une étude et se fit procureur. muait neuf fois confusément. On partageait
Donc, pour n'avoir trouvé frip analogue
ensuite la masse aux différents curieux, et
Ou'au iwol fripier, cet habile astrologue
Pour cette l'ois prit à gauche. En tout cas, chacun se faisait un thème selon les billets
Quel est celui qui ne se trompe pas? qui lui étaient échus. Chez les païens, Apol-
lon était appelé Aleuromantis, parce qu'il
ALÈS (Alexandre), ami de Mélanchlhon, présidait à cette divination. Il en reste quel-
né en 1500 à Edimbourg. Il raconte que, dans
ques vestiges dans certaines localités, où l'on
sa jeunesse, étanl moulé sur le sommet d'une
emploie le son au lieu de farine. C'est une
très- haute montagne, il Dt un faux pas et
amélioration.
roula dans Un précipice. Comme il était près
de s'y engloutir, il se seutil transporter en ALEXANDERab ALEXANDRO. Voy. Ales-
un autre lieu, sans savoir par qui ni com- SANDRO.
ment, ei se retrouva sain et sauf, exempt de ALEXANDRE LE GRAND, roi de Macé-
contusions et de blessures. Quelques-uns doine, etc. H a été le sujet de légendes pro-
attribuèrent ce prodige aux amulettes qu'il digieuses chez les Orientaux, qui ont sur lui
portait au cou, selou l'usage des enfants de des contes immenses. Ils l'appellent Isken-
ce temps-là. Pour lui, il l'attribue à la foi et der. Les démonographes disent qu'Arislole
aux prièi'es de ses parents, qui n'étaient pas lui enseigna la magie; les cabalistes lui at-
hérétiques. tribuent un livre sur les propriétés des élé-
ments; les rabbins écrivent qu'il eut un
ALESSANORO ALESSANDRI, en latin songe qui l'empêcha de maltraiter les Juifs,
Alexander ab Alexandro, —
jurisconsulte na-
lorsqu'il voulut entrer en conquérant dans
politain, mort en 1523. Il a publié un recueil
Jérusalem.
rare de dissertations sur les choses merveil-
La ligure d'Alexandre le Grand, gravée
leuses (2). Il y parle de prodiges arrivés ré-
en manière de talisman sous certaines in-
cemment en Italie, de songes vériQés, d'ap- fluences, passait autrefois pour un excellent
paritions et de fantômes qu'il dit avoir vus
préservatif. Dans la famille des Macrins, qui
lui-même. Par la suite, il a fondu ces disser-
usurpèrent l'empire du temps de Valérien,
tations dans son livre Genialium dierutn, où
les hommes portaient toujours sur eux la
il raconte toutes sortes de faits prodigieux.
figure d'Alexandre; les femmes en ornaient
Nous en citerons un qui lui est personnel. leurs coiffures, leurs bracelets, leurs an-
Il fit, un soir, la partie d'aller coucher, avec neaux. Trebellius PoUio dit que cette figure
quelques amis, dans une maison de Rome est d'un grand secours dans toutes les cir-
que des fanlômcs et des démons hantaient constances de la vie, si on la porte en or
depuis long-temps. Au milieu de la nuit, ou en argent... Le peuple d'Anlioche prati-
comme ils étaient rassemblés daus la même quait celte superstition que saint Jean-
,

chambre, avec plusieurs lumières, ils virent (ihrysostome eut beaucoup de peine à dé-
paraître un grand spectre, qui les épouvanta truire.
par sa voix terrible et par le bruit qu'il fai-
sait en sautant sur les meubles et en cassant Légendes d'Iskender Zulcarnain ,

les vases de nuit. Un des intrépides de la (Alexandre le Grand.)


compagnie s'avança plusieurs fois avec de Les Orientaux ont construit sur Alexan-
la lumière au-devant du fantôme; mais, à dre le Grand [Iskender Zulcarnain, dans
mesure qu'il s'en approchait, l'apparition leurs idiomes), de longues et merveilleuses
s'éloignait; elle disparut entièrement après fables assez semblables aux romans de che-
avoir tout dérangé dans la maison valerie du moyen-âge européen , où des
Peu de temps après, le même spectre ren- exploits imaginaires étaient attribués à des
tra par les fentes de la porte. Ceux qui le personnages véritables, comme dans les ro-
virent se mirent à crier. Alessandro, qui ve- mans de la Table ronde et des douze pairs de
nait de se jeter sur un lit, ne l'aperçut point Gharlcmagne. La fiction européenne s'est
d'abord, parce que le fantôme s'était glissé aussi approprié le héros macédonien, entre-
sous la couchelte. Mais bientôt il vit un mêlant de bizarres inventions les récils au-
grand bras noir qui s'allongea sur la table, thentiques de Quinte-Curce et d'Arrien. Nous

1) Calembredain. C'est son nom oui a mis en vogue les (inatuor de rébus adinirabilibus, etc. Rome, sans date,
calembredaines. (Sole du poi.iie.) in-i».
t2j Alexandfi jurisperiti noapulilaui , Diisertatioucs (3) Genialium dicrum, lib. V, cap. xxui.
m DICTIONNAIRE DKS SCIENCKS OCCLILTES 52
f laminerons plus loin quelqurs-uncs de ces tigue? Qui vous a engagée â ce voyage long
compositions occupons-nous d'abord de
; et dangereux? Pourquoi ne m'avez-vous pas
l'histoire persane et arabe d'Alexandre. fait savoir vos intentions par un message ?
L'auteur du manuscrit que nous dé^iirons Elle lui répondit; — O mon
fils la cause (|ui
1

analyser (1) commence ab ovo, comme dirait m'amène vers vous ne m'a laissé ni tranquil-
Horace, par la mortdu grand-père d'Alexan- lité ni repos car mon bonheur en dépend.
;

dre, Bahman, roi de Perse. Sa femme Bornai, O roi qu'avez-vous fait de Dara (Darius)?
1

qu'il a laissée enceinte, cache, dans des vues En apprenant que Dara était sauf, elle res-
ambitieuses, la naissance de son (ils Darab, sentit une grande joie, et se prosterna la face
et l'cspu^e dans une auge en bois sur les contre terre pour remercier Dieu. mon —
eaux du Tigre; il est recueilli par un teintu- fils! reprit-elle, gardez bien le secret tiue je

rivr, qui l'élève comme son enfant et lui vais vous confier:sachez donc que celui que
permet d'entrer dans l'armée persane, à l'oc- vous poursuivez en ce moment est votre
frère, le fils de votre père. Iskender, éionné,
casion d'une guerre avec les Grecs. La va-
leur du jeune Darab le fait remarquer, et il la baisa au front, disant :

Puisque le roi
est reconnu pour le fils de la reine Homai, est mon frère, je lui rendrai ses provinces de
^ui résigne la couronne en sa faveur. Il Perse et je retournerai en celles de Roum.
épouse la fille du roi de la Grèce, Filosùf; Elle lui dit encore Mon fils, ne révélez
:

c'est le nom sou» lequel Philippe de Macé- rien de ce secret, jusqu'à ceque leTout Puis-
doine est toujours désigné dans cet ouvrage. sant vous ait fait rejoindre le roi. Isk-jnuer
Lareine^u(iin/iayanlélé renvoyée à son père garda son secret; il dormit cette nuit-là, el
par Darab son époux, c'est à la cour de Ma- le matin il se rcaiit en marche pour chercher
cédoine que naît hkender, le héros de la lé- sor. frère.
gende. L'avis est arrivé trop tard; Dara périt de
la main des traîtres, dont Alexandre tire une
L'histoire de
Bucépbale est racontée pres-
éclatante vengeance.
que dans les termes des biographes grecs et
Après la réduction complète de la Perse, il
romains, avec celle différence que le cour-
retourne en Macédoine; enllé de ses succès,
sierayantsurle corps l'empreinle d'une tête,
il aspire aux honneurs divins et veut être
on l'avait appelé Zulrasayn (à deux têtes),
adoré. L'explication de ce désir impie soufflé
comme qui dirait Bicéphale au lieu de Bucé-
par Iblis (le Satan des Orientaux), ne se
phale :
trouve dans aucun écrivain classique.
«Certains marchands de chevaux avaient « En contemplant la grandeur de sa puis-
fait présent au roi Filosùf d'un cheval ma-
sance, l'éclat de ses conquêtes, tant de peu-
gnifique de taille et de forme, plein de feu et ples soumis ou qui venaient se soumettre,
d ardeur, mais si farouche qu'on ne pouvait Iskender fut plongé dans les cinq enivrements
le monter qu'à l'aide d'une bride de fer et de
de la jeunesse, des richesses, de la victoire,
rênes à chaînons d'acier, qui lui tenaient la du nieurtre de son rival et de son propre
tête penchée sur le cou. On disait qu'il man-
courage dans les combats. Iblis trouva au-
geait de la chair humaine. Iskender l'admira, près de lui un accès plus facile. Le maudit
et le fit enfermer dans un édifice dont les fe-
se présenta sous les traits d'un vieillard,
nêtres étaient garnies de grilles en fer, afin vêtu de laine grossière, et s'appuyant sur un
qu'il pût s'habituer à la vue de l'homme et fût
bâton. 11 dit O roi! Dieu le garde, je te
;

moins ombrageux. Sur le point de partir salue Ton front ne se courbera point de-
!

pour une expédition, il vint voir le cheval ; vant les autels à cause de ta magnificence.
il passa sa main à travers les grilles, et l'a- Aie confiance en toi-même et en ton grand
nimal la caressa. Alors il le fit manger; et pouvoir. » Ces paroles étonnèrent Iskender;
comme il n'en reçut aucun mal, il le fit sor- jamais encore il n'avait entendu de salut
tir, et le cheval le lécha, agitant la queue
semblable. Regardant le vieillard, il vit que
comme un jeune chien. Iskender le capara- son accoutrement était étrange et quand ,

çonna et le monta. » tout le monde fut sorti, il l'emmena dans une


Quand Filosùf envoya demandera ses au- pièce particulière, et lui dit: Vieillard, je—
guresquel serait son héritier, il lui fut répondu n'ai jamais entendu salut plus extraordinaire
que le royaume passerailà un enfant de samai- que le tien.
son, qui dompterait un cheval que personne Quel est le sens de ces mots Ton front ne
« :

n'aurait pu dompter, et que le nom de ce se courbera plus devant les autels à cause de ta
cheval serait Zulrasayn. magnificence? Le maudit se mit à rire: Elève
Le refus que fait Iskender de payer le tri- d'Aristote, dit-il, comment se fait-il que ton
but aux ambassadeurs persans, est suivi précepteur caché ce que je viens de dire ?
l'ait

d'une invasion de la Perse. La veille d'une Sache donc que le sens de mes paroles est
bataille, au milieu des préparatifs, sa mère ceci que je n'ai pas vu de ton temps un
:

le prévint de son arrivée.» Par Allah dit-il, !


homme au-dessus de toi, ou un homme (|ui
elle ne peut venir que pour un sujet impor- mérite plus l'adoration que toi et que cel ;

tant! » Il l'attendit donc, et à la nuit elle ar- les-ci Aie confiance en toi-même et en ton
:

riva; elle entra dans l'intérieur de la tente. grand pouvoir , veulent dire que tu es lo
Quand il la vit, il s'avança pour la recevoir, conseil de cel âge, le dieu de ce temps, le
disant : —
O ma mère pourquoi tant de fa-
!
seigneur de celle période. Iblis ne cessa de
parler ainsi jusqu'à ce qu'il eût subjugué hi-
(1» Àddiiionat MSS. in Ihe Britiih Uuscum. léricuremenl son cœur. »
C3 ALE ALE 5*

Mciis, selon d'aulrcs écrivains musulmans, bornes ou aucune limite connue; prévoyant
Alexandre était un vase d'élection que Dieu tout ce qui peut être prévu; qui nous traite
avait résolu de tirer des ténèbres de l'idolâ- selon nos mérites, nous fait entreprendre ce
trie pour en
faire un apôtre de l'islamisme. qui nous est ordonné, nous secourt dans nos
Dans cette autre version apparaît un impor- difficultés, nous répond quand nous le prions,
l.int personnage, qui, sous le nom de Khizzer nous juge quand nous nous révoltons contre
(l'Elie de la Bible), accompagne Iskender dans ses ordres. »
toutes ses conquêtes, et l'aide efficacement Or, personne n'avait osé dire un mot sem-
de ses conseils et de son pouvoir surnatu- blable dans l'assemblée d'Iskender depuis
rel : l'arrivée d'Iblis. Iskender cria à haute voix à
Dieu le Très-Haut révéla à Khizzer qu'il
« ses jeunes hommes de le prendre, et de l'em-
devait aller trouver Iskender pour lui ensei- prisonner dans une chambre de son palais.
gner la vraie voie, et lui annoncer qu'il le Iblis, le maudit, vint alors. « Hakim lui 1

ferait le maître du monde, de l'orient à l'oc- dit Iskender, il m'est venu un jeune homme
cident, tant de la terre que des mers, depuis qui m'a dit des choses prodigieuses. J'ai ap-
le coucher du soleil jusqu'à son lever; qu'il pris cela, répondit Iblis, el je venais te par-
soumettrait des contrées que nul n'aurait ler de lui pour te tenir en garde, car c'est un
parcourues, et pénétrerait dans des pays où enchanteur et un devin; et si lu voulais en
personne n'avait pénétré avant lui, pas même purifier la terre, il serait bien que lu le fisses
Soliman ben Daoud. Quand le Très-Haut lui mourir. Iskender lui dit : —
Il est en prison ;

eut révélé tout cela, il partit des îles pour et la nuit prochaine on lui tranchera la
Makeduniah; car Khizzer servait Dieu dans têle. »
les îles de la mer, et quand il vint à Make- Khizzer, délivré par intervention surnatu-
duniah, il se présenta à la porte et demanda relle, est porté sur une montagne de Macé-
où se tenait l'assemblée du conseil présidée doine: il est trouvé là par un balrik (géné-
par Iskender, et on le lui enseigna. Or, celte ral) qu'Alexandre avait envoyé à sa recher-
assemblée se tenait deux fois chaque se- che. Ce général perd la plus grande partie de
maine; Khizzer y assista la première fois, sa troupe, qui est détruite par le souffle de
et entendit les discours du peuple et ses
il Khizzer. Sur une invitation plus amicale,
discussions; le roi les écoutait, et quand ils Khizzer retourne à la cour d'Iskender, expose
différaient d'opinion sur un point difficile, on les ruses du démon, el finit par convaincre
l'expliquait à Iskender par une interprétation le roi , qui après avoir confessé l'unité
,

fidèle. Khizzer garda le silence et ne proféra pas de Dieu, prend en même temps pour son
un mot dans cette assemblée. Il y revint une conseiller futur et son ami l'apôtre de sa con-
seconde fois de la même manière, et une troi- version.
sième fois. Quand il sortit la troisième fois, Aussitôt commence la relation de la mar-
Iskender dit: Quel magnifique vêtement por- che triomphante d'Alexandre à travers l'Eu-
tail ce jeune homme qui vient d'assister pour rope, en passant par Rome, où il rencontre
la troisième fois à mon assemblée, et que nous Bélinas (Pline), qui l'accompagne dans son
n'avons pas entendu prononcer un seul motl expédition.
Ceci dénote qu'il est homme de grand sa- Bélinas fait un anneau royal qui a la pro-
voir, ou qu'il ne sait rien du tout. L'un de priété de s'élargir dans la proximité d'un
ceux qui étaient présents, dit: «Je l'accos- poison. Ce présent rend bientôt au roi un
terai et le questionnerai. » L'assemblée ré- éminent service , car un de ses courtisans
pondit « Au nom de Dieu. »
: essaie de le faire mourir, el le roi, prévenu
t< Quand arriva le jour de l'assemblée, par son anneau, échappe au danger.
Khizzer vint pour la quatrième fois ; il s'as- «Takaphanes (le courtisan empoisonneur),
sit, et Iskender lui dit —
Quel est ton nom,
: est interrogé parKhizzer. Quand le crime est
jeune homme? Il répondit: Elle. Quel— — prouvé : —
envoyé de Dieu dit Iskender, 1

est Ion prénom? Il répondit: Abdulabbas.— que te semble-l-il que nous devions faire en
— Et d'où viens-tu? Il répondit : De la — un tel cas? C'est ici un crime qui ne mérite
terre des Philistins. II lui demanda encore: aucune pitié, répond Khizzer, et un criminel
— Qui l'a conduit ici? et il répondit: C'est — qui n'a ni jugement ni prudence; il est juste
loi-même qui m'as conduit ici. O roi je suis ! qu'il serve d'exemple aux hommes et d'avis
venu à ton assemblée; j'ai entendu les pa- salutaire à tous ceux qui oseraient tenter
roles des hommes qui parlaient devant loi ; contre roi un crime semblable. Qu'une
le
j'ai reconnu qu'elles étaient des paroles sans grande fosse soit creusée pour lui à côté
but. Sache, ô roi que les cieux et cette
1 du camp; qu'elle soit remplie de bois, et
terre, et le firmament, qui marche la nuit qu'on y mette le feu; puis, qu'on apporte
et le jour, ont un Créateur haut et puissant, les viandes empoisonnées, et quand le cou-
vivant et éternel; sache qu'il yaun artisan de pable les aura mangées, qu'il soit précipité
ce mondequiafaitle ciel, qui gouverne la ré- dans les flammes. Le roi dit Voilà qui est
: —
volution des astres et des cieux, le soleil, la juste. En conséquence, il donna l'ordre de
lune et les étoiles, bienfaisant, infiniment ramasser le bois. Quand il fut allumé, on ap-
sage, miséricordieux, entendant, voyant, porta à Takaphanes la viande qu'il avait pré-
existant de toute éternité, ne finissant point parée pour le roi; on la lui fit manger, el
et ne devant jamais finir ni changer, trop ma- lorsque le poison commença à faire son effet,
gnifique pour être compris par l'intelligence, Iskender dit —
Je resterai, afin de voir ce
:

*t trop grand pour qu'il lui soit trouvé des iiui me serait arrivé. Eisa fucc enfla, ainsi
ss DICTIONNAinE DES SCIENCLS OCtUl.TES. 53
qae son corps, jusqu'à ce qu'il crovâl ; un rendait facile. Ils comptèrent les arches d(i
liquide jnune coula de tout son corps. Alors pont , qui étaient au nombre de mille
îskeniler s'en all.i, ordonnant qu'il fût jeté trois cents, et la largeur du pont fut de soi-
dans le feu. Ce qui fut fait en présence de xante et dix verges. Quand ils eurent posé
toute l'année, et il n'en était pas un qui ne ces fondations, ils commencèrent à bâtir, el
le maudit. » quand ils eurent achevé le pavage, Iskender
Nous trouvons ensuite le héros en Espa- passaàchevalavec dix des principaux chefs,
ene, où le roi de ce piiys, Naamah, embrasse il traversa le pont d'un bout à l'autre en un
la religion d'Iskender et l'aide dans ses con- jour; il employa un autre jour pour revenir
quéles en .\frique. La construction d'un pont au camp. Alors on l'orna de parapets de
à travers le détroit de Gibraltar, attribuée chaque côté dans toute sa lonjjueur; et ce
Ici au « fou macédonien, » est sérieusement pont, appelé pont deSanjah, fut achevé en
rapportée par les écrivains orientaux, qui, huit mois....»
lorsqu'ils croient, étendent leur croyance à
Les aventures d'Alexandre en Afrique sont
ses extrêmes limites. Quelques chroni(|ueurs,
peu variées. Le principal incident est le si-
à la vérilé, racontent ces exploits dilTérem-
lence des idoles.
inent. Selon eux Alexandre trouva l'Atlanti-
que et la Médilerranéeséparés par un isthme, « Khizzer alla en silence jusqu'à ce (jue le

et il prit la peine de le percer aux dépens de peuple vînt à l'idole; quand ils en approchè-
quelques-unes des plus belles villes des cAtes rent, le roi (des idolâtres cria à haute voix :
méridionales de l'Europe, que détruisirent — Dieu seigneur et maître, tu sais ce qui
1
)

soudain les flots en se précipitantde la grande arrive et entends ce qui se passe , fais donc
mer. de toi-même quelque manifestation de ta
« Arrivé an détroit de Gibraltar, Iskender colère, afin que cet homme reconnaisse que
demande à un vieillard quelle est la distance tues un monarque puissant.... Alors il se
de ce rivage au bord opposé? Par le che- — retira et dit à Khizzer Approche mainte-
: —
min le plus court, ce serait la journée d'un nant, et vois ce que tu vas voir. Khizzer —
cavalier mais par la mer, c'est selon le temps
;
approcha, disant : —
O Dieu sois loué toi ! I

et le vent —
Quelle est sa profondeur? De
:
qui as donné pouvoir à Satan sur les fils des
cinquante verges à quelques endroits; elle hommes ; à toi, ô Dieu, les actions de grâ-
diminue vers les bords comme une rivière ces el les louanges II n'y a de pouvoir et de
1


:

L'eau est-elle dormante ou courante? salut qu'en toi. Dieu haut et puissant, je me
L'eau est immobile, et son mouvement vient réfugie en toi contrôles traits de Satan. Il
du vent —
Est-elle salée ou douce?
:
G — cracha ensuite au visage de l'idole , et, lui
roi! elle est salée; car si elle, ne l'était pas, arrachant ses ornements et sa lance, il l'eu
elle se corromprait et détruirait le monde. frappa à la tête et elle se brisa ; il frappa
Les paroles du vieillard plurent à Iskender ; lamain droite et la main se cassa ; il mil en
il so tourna vers Khizzer et lui dit O en- :
pièces son pied gauche et les ornements qui
voyé de Dieu j'ai demandé toutes ces choses
1
le recouvraient. Le roi idolâtre était demeu-

à ce vieillard, parce que j'ai formé dans mon ré dans le silence et l'élonneinent, ne disant
esprit le projet de construire un pont sur ce pas un mol. Khizzer se tourna vers lui, et
passage, afln qu'on se souvienne de moi lui dit que s'il était fâché, ce devaitêlre con-
dans les siècles reculés. Quelle est ton opi- tre lui-même. — Tu viens de voir de tes
nion? Il répondit Dieu n'a rien mis dans
:
yeux ce que j'ai fait de ton idole et com-
Ion cœur qui ne soit d'un bon augure. Aie ment je l'ai irailée; que m'est-il arrivé et
courage; lu es un roi protégé et victo- qu'as-tu vu ? — loi I dont la face est belle,
rieux. dit le roi, le démon à ton appro-
s'est retiré
« Le appela Bélinas et lui commanda de
roi che. Khizzer reprit —
Satan parlait par la
:

rassembler les géomètres et les philosophes, bouche des idoles, et c'était lui qui s'adres-
afin qu'ils pussent exécuter son plan; en mê- sait à vous; quand je suis venu vers vous ,
me temps il fit venir des ouvriers en pierre, il a pris la fuite et s'est éloigné de ce royau-

en fer et airain. Il fit étendre des tapis sur me. Les yeux du roi se mouillèrent de lar-
lesquels on répandit de l'argent; des livres mes, et il dit: —
Maintenant je reconnais
decomptefurentdistribués,etil fit faire dans ce que tu as dit; j'entends ta mission, et je
l'armée Cette proclamation tribus des: — comprends ta parole: va dans la paix du Sei-
hommes réunissez-vous; que pas un seul
I gneur.»
ne demeure en arrière, mais que tous pren- Cinq rois confédérés, persuadés par les
nent part à celte entreprise; que celui qui succès d'Alexandre et par des preuves évi-
est pauvre prenne mon argent pour éta- dentes de sa mission divine, se soumettent à
blir ses enfants ; que celui qui est riche agis-
sa loi el embrassent sa religion. Enfin il va
se pour obéir à la volonté de Dieu. Tous jusqu'aux confins de l'Occident, où il entend
répondant à cet appel , ils commencèrent à le bruit que fait le soleil couchanten se plon-
laillerdes pierres, à fondre l'airain et ne ces- geant dans l'océan ; il trouve la fontaine de
sèrent de travailler pendant l'espace de trois la vie ; mais il ne lui est pas permis d'en boire.
mois. A la lin de co temps, les géomètres Son visir Khizzer, plus favorisé, obtient la
passèrent dans les navires sur l'autre bord don d'immortalité; cette partie de la légende
I)our choisir la place des fondations des ar- est fondée, selon louie apparence, sur l'en-
ches; Khizzer et Bélinas les précédaient; et lèvement d'Elisée au ciel :

Muand l'ouvrage était dificile, Dieu le leur « Quand Zulcaruainapprochadc celle plaine
67 ALB ALE 83

et voulut y entrer, elle s'agita comme par un kender, lui rendant son salut, l'invita à s'as-
tremblement de terre et le soi se crevassa, et seoir près de lui, et ordonna que ses com-
quand il s'éloigna, elle reprit sa tranquilité. pagnons fussent introduits. Le roi Safwan,
Mais quandKhizzer approcha ety entra, elle se tenant debout, demanda la permission do
demeura itnmobile, et il ne cessa pas de s'a- faire apporter les présents, ce qui lui fut ac-
vancer. Zulcarnain le regarda jusqu'à ce cordé. La plupart de ces présiMits étaient des
qu'il disp.irûtà sa vue. Alors une voix ve- objets d habillement ; ils furent reçus gra-
nue du ciel cria à Khizzer : —
Saisis ce qui cieusement par Iskender, qui en fit de sem-
est devant toi, c'est-à-dire hâle-loi d'avan- blables à son tour, et commanda au roi de
cer. 11 avança donc rapidement jusqu'à ce retourner à sa ville.
qu'il arrivât à l'endroit où devait être la fon- «Lejoursuivant, Iskender ordonna de plan-
taine de vie ; la voix lui commanda d'y boire. ter sa tente sur le bord de la mer, près de la
On dit qu'il regarda l'eau: elle tombait du cité, et quand il vit qu'elle était sous terre ,
ciel dans une piscine et rien n'en sortait ; il il s'en étonna grandement; il assembla les
y Gt ses ablutions, et il s'écria : Eau di- — philosophes, les géomètres et les hommes sa-
vine, où vas-tu ? Une voix lui répondit du ges ; il leur dit qu'il désirait bâtir une ville
ciel : —
Sois silencieux ; ta science sur ce sur le sol, et qu'on la nommerait de son pro-
sujet est arrivée à ses limites. Khizzer revint pre nom. Alors Bélinas, se levant, s'écria :
donc jusqu'à la place d'où il s'était élevé, et — O roi je vais m'empresserde la construire,
1

il vil Zulcarnain qui l'attendait ; il lui dit ce et, s'il plaît à Dieu, cela s'accomplira glo-
que Dieu lui avait permis, de boire à la fon- rieusement. I-kender le loua pour ces paro-
taine de vie et de s'y purifier, lui accordant les, lui recommandant de faire toute dili-
de vivre jusqu'au premier son de la trom- gence ; Bélinas répondit: —
Entendre, c'est
pette. — Et maintenant , ajouta-t-il, retour- obéir. Il s'éloigna de la présence du roi, et
nons, ô Zulcarnain 1 » ordonna de couper des pierres et de tailler
De Alexandre, qui apprend la révolte
là,
des colonnes. Les ouvriers exécutèrent promp-
des Perses, tourne vers l'Est. Chemin fai- tement ces ordres ; ils en amenèrent des mon-
sant, il prend l'Egypte et construit la ville tagnes. Ensuite, comme il avait lu dans cer-
d'Alexandrie :
taines chroniques qu'il était impossible de
bâtir en ce lieu une ville au-dessus du sol
« Et vinrent au royaume d'Afrikiah ; et
ils
sans qu'elle fût aussi tôt dévastée par desmons-
quand la reine de Sikilyah , qui se nommait Ires marins, Bélinas ordonna à des sculp-
Ghidakah, apprit l'approche d'Iskender, elle teurs de sculpter sur d'énormes blocs de
vint à sa rencontre avec toute son armée. Is- pierre les images de ces monstres marins
kender, qui en fut prévenu, ordonna au fils et il en fit placer sur le rivage, à l'endroit où
de cette reine, ainsi qu'aux rois des nations, la mer borde la ville. Quand ces talismans
d'aller au devant d'elle; lui-même il vint à furent faits, il alla vers les ouvriers, et leur
la porte de satentcpour la recevoir;et quand commanda de construire les murs. Il fit aussi
ils furent assis, Khizzerà côté du roi, la rei-
proclamer par la ville souterraine que cha-
ne fit apporter ses présents, qui étaient nom- cun de ceux qui avaient une maison sous
breux. Iskender lui donna un vêlement terre eût à en construire une nouvelle sur
d'honneur, ainsi qu'à ceux qui étaient avec le sol au-dessus de l'ancienne; à celui qui
Cile, et se tournant vers Salem, le fils de la était pauvre, il offrait assez d'argent pour
reine, il lui dit de partir en compagnie de sa le faire. Les habitants de la ville élevèrent
mère et de la reconduire dans ses Etats. Sa- leurs voix pour célébrer Iskender, et ils se
lem, lui baisant la main, répondit En- : — hâtèrent de faire ce qui leur était commandé.
tendre, c'est obéir. Le jour suivant , les rois « Khizzer commanda d'étendre des lapis et
de l'Occident partirent pour leurs royaumes, de verser dessus des pièces de monnaie; il
hkender leur fit à tous des présents, et les en fit une distribution parmi les personnages
congédia avec honneur. élevés elles hommes obscurs, et les travaux
«Le lendemain, les trompeKes sonnèrent le marchèrent rapidement. Le peuple connut
départ, et l'armée, ayant Khizzer à sa tête qu'ïskender était assisté du pouvoir de Dieu.
se mit en marche pour les pays qu'elle n'a- Et Dieu envoya dans ses mains chaque chose
vait pas encore visités; et elle marcha jus- qui était utile. Les constructions ne cessè-
qu'à ce qu'elle eût atteint une ville souter- rent de s'élever et les ouvriers de travailler
raine. Le roi Safwan, qui gouvernait cette diligemment jusqu'à ce que tout fût terminé.
ville , sortit à la têle de son peuple; il Alors, les habitants supplièrent Iskender de
commanda à ses nobles de préparer au - leur procurer la quantité d'eau douce qui
tant de présents qu'ils pourraient et il , leur était nécessaire. Pour cela il comman-,

s'avança jusqu'à ce qu'il rencontrât l'avant- da aux nobles, au peuple et aux soldats de
garde de l'armée d'Iskender où était le vizir creuser un canal, à partir du Bahr-al-Kébir,
Khizzer. Celui-ci demanda au roi le motif de qui est le Nil ). Tous se partagèrent les
sa venue. Le roi lui répondit —
J'étais im-
:
(

travaux; et il ne s'était point écoulé beau-


patient de voir la face du roi Iskender. Khiz- coup de jours avant que l'eauarrivâtdu Bahr-
zer le prit par la main et le conduisit, ainsi al-Kcbir à Iskenderya. Alors Iskender vint à
que dix de ses compagnons, à la tente roya- Bélinas, le loua beaucoup pour ce qu'il avait
le. Puisse présentant devant Iskender, il lui fait, et dit : —
Je veux que lu me bâtisses
dit l'arrivée du roi Safwan, et reçut l'ordre sur le bord de la mer un minaret ; que tu y
de l'introduire. Quand Safwan fut entré, Is- déploies toute tasiigesse; et que lu en fasses
89 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCILTF.S 00

lin monument qni conserve ma mémoire exemple, il y est dit qu'Alexandre, enfermé
jusqu'à la Gn des temps » dans une caisse de verre que l'eau ne pou-
Viennent ensuite les récils de la vi-iite vait pénétrer, se Gt descendre au fond de la
d'Alexandre à Jérusalem et du siège de Tyr ; mer, où, ajoute l'auleur, il vit beaucoup de
puis des relations de batailles et de victoires choses qu'il ne voulutjainais dire, car il com-
en Syrie, en Perse et dans l'Inde. Il est parlé prit qu'on ne voudrait pas les croire. On le
du roi Porus, mais son nom est écrit de ma- f.iit encore s'enfermer lui-même dans une
nière que, par l'addition d'un point, il se grande cage de fer treillagée ( une autre his-
trouve changé en celui de Fouz. On trouve toire met une cage de cuir ), et , se laissant
aussi un passage curieux au sujet îles Tar- emporter dans les airs par deux griffons ,

lares, qui sont appelés les nations des Yad- Alexandre s'élève assez haut pour que toute
jouj el des Madjouj, enfermés par une puis- la terre, sous la forme d'une pomme , soit
sante muraille pour les empêcher de faire embrassée par un regard (1). Alors la natu-
des incursions sur leurs voisins du côté du re, alarmée de ce qu'un mortel ose tenter
sud. On les bat, quoiqu'ils soient montés sur si hardiment de contempler ses mystères,
des gazelles. On leur fait des prisonniers , descend aux enfers et obtient de Béelzébub
auxquels on demande quelle est leur reli- le poison qui termine les jours du hcros(2) ..
fiiin? L'un des prisonniers répondit Quant : — ALEXANDRE DE PAPHLAGONIE , im-
notre religion, il en est parmi nous qui posteur, né au deuxième siècle, en Paphla-
adorent le soleil et d'autres la lune, et d'au- gonie, dans le bourg d'Abonotique. Ses pa-
tres qui adorent l'un et l'autre ; et il en est rents, qui étaient pauvres, n'ayant pu lui
qui ne savent pas ce que c'est qu'une reli- donner aucune éducation, il profita, pour se
gion. Khizzer demanda ensuite: —
Que man- pousser dans le monde, de quelques dons
gez-vous îLeprisonnier répondit: —
Les uns qu'il tenait de la nature. Il avait le teint
parmi nous mangent la chair du daim, d'au- blanc, l'œil vif, la voix claire, la taille belle,
tres la chair des charognes, d'autres mangent peu de barbe et peu de cheveux, mais un
l'une et l'autre, et d'autres un serpent qui air gracieux et doux. Se sentant des dispo-
leur descend du ciel, et dont ils conservent sitions pour le charlatanisme médical , il
la chair d'une année à une autre année, et s'attacha, presque enfant, à une sorte de
quelques-uns de nous ont jusqu'à mille en- magicien qui débitait des secrets et des phil-
fants avant de mourir. Quand Iskcnder en- tres pour produire l'affection ou la haine,
lendit cela il rendit grâces au Dieu tout-
, découvrir les trésors, obtenir les succes-
puissanletdità Khizzer : —
O mou Seigneur 1 sions, perdre ses ennemis, et autres résul-
faites une rude guerre à ces gens-là. tats de ce genre. Cet homme ayant reconnu
 la fin, Alexandre parvient au lieu où se dans Alexandre un esprit adroit, une mé-
lève le soleil sur la montagne de Kaf, qui moire vive et beaucoup d'effronterie, l'initia
est la limite de ses victoires, et il retourne à aux ruses de son métier. Après la mort —
Babylone. Là, sa mort, qui est très-briève- du vieux jongleur, Alexandre se lia avec un
ment racontée, est attribuée à du vin empoi- certain Coconas dont les récils font un
,

sonnéqui lui aurait été servi par la trahison chroniqueur byzantin el un homme aussi
d'un noble macédonien, que la reine-mère malin qu'audacieux. Ils parcoururent en-
avait menacé de la vengeance de son Gis. semble divers pays, étudiant l'art de faire
Quelque pâle que soit ce résumé, il sufGt des dupes.
à montrer que l'histoire orientale de ce hé- Ils rencontrèrent une vieille femme riche,
ros, dont la renommée remplit le monde, que leurs prétendus secrets charmèrent, et
diffère sur quantité de points, des histoires qui les Cl voyager à ses dépens depuis la
de l'Occident. Dans son ensemble, elle a du Bithynie jusqu'en Macédoine. Arrivés en —
rapport avec nos romans du moyen-âge. ce pays, ils remarquèrent qu'on y élevait de
Ainsi, des deux côtés , on nie qu'Alexandre grands serpents, si familiers, qu'ils jouaient
soit Qls de Philippe. La chronique europé- avec les enfants sans leur faire de mal ; ils
enne lui donne pour père un roi d'Egypte, en achetèrent un des plus beaux pour les
nommé Nectanebus , qui se changeait eu scènes qu'ils se proposaient de jouer. Ils
dragon par art magique. Au lieu de faire ar- avaient conçu un projet hardi. L'embarras
rêter le héros à l'endroit où se lève le soleil, était de décider quel lieu serait leur théâtre.
la limite de ses conquêtes devient une mon- Coconas, qui s'attribuait le personnage de
tagne sur laquelle est un palais magniGque, prophète en titre, préférait Clialcédoine, ville
avec les arbres du soleil el de la lune les ; de Paphiagonie, à cause du concours de di-
premiers portent des feuilles d'or et les se- verses nations qui l'environnaient. Alexan-
conds des feuilles d'argent. Ces arbres par- dre aima mieux son pays, Abonotique, parce
lent à Alexandre en langue grecque et per- que les esprits y étaient plus grossiers. —
sane, et ils lui prédisent sa mort prochaine. Son avis ayant prévalu, les deux fourbes ca-
Les romans de l'Europe contiennent aussi chèrent des lames de cuivre dans un vieux
<iuelques fables gros:>ières et ridicules. Par temple d'Apollon qu'on démolissait ; ils
Dans le voyage aérien d'Alexandre, un romancier
(1) d'un point très-élevé, il abaisse sa lance et les coursier»
^u moyen-ige aïlèle un trône sur lequel s'assied le
!i
ramènent vers la terre.
ailés le —
Voici, dit un critUiue,
Jiéros, des griOuns que l'on fait jeûner plusieurs jours. un aérostat aussi lugéuieusement inventé que tes aigloui
Alexandre lient en l'air des gigols au bont d'une lance d'Esope.
<luM élè»e au-dessus de leurs têtes, el les griffons l'eiii- (2) Asialic journul, traduit avec plus d'étendue par lei
jiortoiit eu cherchant h atteindre la pâliirc qu'il leur offre ; auteurs de la Revue britannique.
Mtiiiui il a couleiui'lé assex touijteinjis le ii\obt terrestre
61 ALE ALE 69
avaient écrit dessus quEsculape et son père de ses habits prophétiques et. tenant dans
;

viendraient bientôt s'établir dans la ville. son sein le serpent qu'il avait apporté de
Ces lames ayant été trouvées, le bruit s'cm Macédoine, il le laissa voir entortillé autour
répandit aussitôt dans les provinces; les ha- de son cou et traînant une longue queue;
bitants d'Abonotique se hâtèrent de décerner mais il en cachait la tête sous son aisselle,
un temple à ces dieux, et ils en creusèrent el faisait paraître à place la léte postiche
la
les fondements. —
Coconas qui s'apprélait
,
à figure humaine avait préparée. Le
qu'il
à faire merveilles, mourut alors, de la mor- lieu de la scène était faiblement éclairé; on
sure d'une vipère. Alexandre se hâta do entrait par une porte et on sortait par une
prendre son rôle, et, se déclarant prophète autre, sans qu'il fût possible de s'arrêter
avant de se rendre au lieu de sa naissance, longtemps. Ce spectacle dura quelques jours;
il se montra avec une longue chevelure bien il se renouvelait toutes les fois qu'il arrivait

peignée, une robe de pourpre rayée de blanc; quelques étrangers. On fit des images du
il tenait dans sa main une faux, comme on dieu en cuivre et en argent.
en donne une à Persée, dont il prétendait Lo prophète, voyant les esprits préparés,
descendre du côté de sa mère il publiait un ; annonça que le dieu rendrait des oracles, et
or.=ic!e qui le disait fiis de Podalyre, lequel, qu'on eût à lui écrire des billets cachetés.
à la manière des dieux du paganisme, avait Alors, s'enfermant dans le sanctuaire du tem-
épousé sa mère en secret. Il faisait débiter ple qu'on venait de bâtir, il faisait appeler
en môme temps une prédiction d'une sibylle cuLX qui avaient donné des billets, et les
qui portait que, des bords du Pont-Euxin, il leur rendait sans qu'ils parussent avoir été
viendrait un libérateur de i'Ausonie. ouverts, mais accompagnés de la réponse du
Dès qu'il se crut convenablement annoncé, dieu. Ces billets avaient été lus avec tant
il parut dans Abonotique , où il fut accueilli d'adresse qu'il était impossible de s'aperce-
comme un dieu. Pour soutenir sa dignité, il voir qu'on eût rompu le cachet. Des espions
mâchait la racine d'une certaine herbe qui el des émissaires informaient le prophète de
le faisait écumer, ce que le peuple attribuait tout ce qu'ils pouvaient apprendre, et l'ai-
à l'enthousiasme surhumain dont il était daient à rendre ses réponses, qui d'ailleurs
possédé. étaient toujours obscures ou ambiguës, sui-
Il avait préparé en secret une tête habile- vant la prudente coutume des oracles.
ment fabriquée dont les traits représen-
, On apportait des victimes pour le dieu et
taient la face d'un homme, avec une bouche des présents pour le prophète.
qui s'ouvrait et se fermait par un Gl caché. Voulant nourrir l'admiration par une
Avec cette tête et le serpent apprivoisé qu'il nouvelle supercherie, Alexandre annonce uu
avait acheté en Macédoine, et qu'il cachait jour qu'Esculape répondrait en personne
soigneusement, il prépara un grand prodige. aux questions qu'on lui ferait cela s'appe-:

11 se transporta de nuit à l'endroit où l'on lait des réponses de la propre bouche du


creusait les fondements du temple, et déposa, dieu. On opérait cette fraude par le moyen
dans une fonlaine voisine, un œuf d'oie où de ((uelques artères de grues , qui aboutis-
il avait enfermé un petit serpent qui venait saient d'un côté à la tête du dragon postiche,
de naître. Le lendemain matin, il se rendit et de l'autre à la bouche d'un homme caché
sur la place publique, l'air agité, tenant sa dans une chambre voisine —
à moins pour-
;

faux à la main, et couvert seulement d'une tant qu'il n'y eût dans son fait quelque ma-
écharpe dorée. Il monta sur un autel élevé, gnétisme ; —les réponses se rendaient en
et s'écria que ce lieu était honoré de la pré- prose ou en vers, mais toujours dans un
sence d'un dieu. A ces mots, le peuple, ac- style si vague qu'elles prédisaient égale-
,

couru pour l'entendre, commença à faire des ment le revers ou le succès. Ainsi l'empe-
prières, tandis que l'imposteur prononçait reur Marc-Aurèle, faisant la guerre aux Ger-
des mois en langue phénicienne, ce qui ser- mains, lui demanda un oracle. On dit même
vait à redoubler l'étonnement général. Il — qu'en 174, il fit venir Alexandre à Rome le ,

courut ensuite vers le lieu où il avait caché regardant comme le dispensateur de l'im-
.son œuf, et, entrant dans l'eau, il commença mortalité. L'oracle, sollicité, disait qu'il fal-
à chanter les louanges d'Apollon et d'Escù- lait,après les cérémonies prescrites, jeter
lape, et à inviter ce dernier à se monlreraux deux lions vivants d.ms leDanube, et qu'ainsi
mortels; puis, enfonçant une coupe dans la l'on aurait l'assurance d'une paix pro-
fontaine, il en relira l'œuf mystérieux. Le chaine, précédée d'une victoire éclatante. On
prenant dans sa main, il s'écria : « Peuples, exécuta la prescription. Mais les deux lions
voici votre dieu «Toute la foule attentive
I traversèrent le fleuve à la nage, les barbares
poussa des cris de joie, en voyant Alexandre les tuèrent et mirent ensuite l'armée de l'em-
casser l'œuf et en tirer un petit serpent, qui pereur en déroute; à quoi le prophète ré-
s'entortilla dans ses doigts. pliqua qu'il avait annoncé la victoire, mais
Chacun se répandit en bénédictions, les qu'il n'avait pas désigné le vainqueur.
uns demandant au dieu la santé, les autres Une autre fois, un illustre personnage fit
les honneurs ou des richesses. —Enhardi demander au dieu quel précepteur il devait
par ce succès, Alexandre fait annoncer le donnera son fils, il lui fut répondu Py- : —
lendemain que le dieu qu'ils avaient vu si Ihagore et Homère. L'enfant mourut quelque
petit la veille, avait repris sa grandeur na- temps après. — L'oracle annonçait la chose,
turelle. dit le père, en donnant au pauvre enfant
lise plaça sur un lit, après s'être revêtu deux précepteurs morts depuis longtemps.
6S DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. ri

S'il oui vécu, on l'eût inslniit avec les ou- sont appelés lios ou lumineux, les méchants
vrages de Pylhagore et d'Hoaière , et l'ora- docka ou noirs.
cle aurait encore eu raison. ALFRIDARIE, espèce de science qui tient
Quelquefois le prophète dé'.laignail d'ou- de l'astrologie et qui attribue successive-
rrir les billets lorsqu'il se croyait instruit de ment quelque influence sur la vie aux di-
la demande par ses agents, il s'exposait à de verses planètes, chacune régnant à son tour
singulières erreurs. Un jour il donna un re- un certain nombre d'années. Voyez Planè-
mède pour le mal de côté, en réponse à une tes.
lettre qui lui demandiit quelle était vérita- ALGOL. Des astrologues arabes ont donné
blement la patrie d'Homère. ce n^m au diable.
On
ne démasqua point cet imposteur, que ALIS DE TÉLIEUX, nonne du monastère
l'accueil de Marc-Aurèle avait entouré de vé- de S liiit-Pierre-de-Lyon, qui s'échappa de
nération. Il avait prédit qu'il mourrait à cent son couvent au commencement du seizième
cinquante ans, d'un coup de foudre, comme siècle, en un temps où cette maison avait
Esculape : il mourut dans su soixante- besoin de réforme, mena mauvaise vie et
dixième année, d'uii ulcère à la jambe, ce mourut misérablement, toutefois dans le re-
qui n'empêcha pas qu'après sa mort il eut, pentir. Son âme revint après sa mort. Cette
comme un demi-dieu, des statues et des sa- histoire a été écrite par Adrien de Montalem-
crificcs bert, aumônier de François I".
ALEXANDRE DE TRALLES, médecin, né
Légende d'Alis de Télieux.
à Traites, dans l'Asie-Mineure, au sixième
siècle. On dit qu'il était très-savant, ses ou- C'est un extrait fidèle d'un livre très-rare,
vrages prouvent au moins qu'il était très- imprimé à Paris, en 1528, petit in-k" gothi-
crédule. Il conseillait à ses malades les amu- que, et intitulé : —
La merveilleuse histoire de
lettes et les paroles charmées. Il assure, dans Vesprit qui, depuis naguère , s'est apparu au
sa Médecine pratique (1), que la Ggure d'Her- monastère des religieuses de Saint- Pierre-de-
cule étouffant le lion de la forôt de Némée, Lyon, laquelle est pleine de grande admira-
gravée sur une pierre et enchâssée dans un lion, comme on pourra voir par la lecture de
anneau, un excellent remède contre la
est ce présent livre, par Adrien de Montalembert,
colique. prétend aussi qu'on guérit parfai-
Il aumônier du roi François l"
tement la goutte, la pierre et les fièvres par Avant que le monastère des nonnes de
des philaclères et des charmes. Cela montre Saint-Picrre-de-Lyon sur le Rhône fût ré-
au moins qu'il ne savait pas les guérir autre- formé en 1513
( il y avait en ce couvent
)
,

ment. grands désordres, chacune vivant à son plai-


ALEXANDRE III, roi d'Ecosse, qui épousa, sir; et il ny avait abbé, abbesse ou évêque
en l'28o. Volette, fille du comte de Dreux. qui pût régler le gouvernement desdiles non-
Le soir de la solennité du mariage, on vit nes. Elles menaient donc piteuse religion,
entrer à la fin du bai, dans la salle où la désolée et méchante; et quand arrivèrent là
cour était rassemblée, un spectre décharné d'autres bonnes religieuses qui vivaient sain-
qui se mit à danser. Les gambades du spec- tement, les nonnes déréglées emportèrent ce
tre troublèrent les assistants; les fêtes furent qu'elles purent, et s'en allèrent.
suspendues, et des habiles déclarèrent que Entre les autres , il en était une nommée
cette apparition annonçait la mort prochaine Alis de Télieux, sacristine de l'abbaye, qui
du roi. En effet, la même année, dans une avait les clefs des reliques et des ornements.
partie de chasse, Alexandre, montant un Celle-là sortit du monastère à telle heure
cheval mal dressé, fut juté hors de selle et malheureuse que jamais depuis en vie n'y
mourut de chute (2).
la rentra. Saisie d'aucuns parements d'autel,
ALEXANDRE VI, élu pape en 1492 ; pon- elle les engagea pour certaine somme. Je ne
tife qui a été jugé souvent avec beaucoup voudrais pour rien au monde raconter la
d'exagération (3). Quelques sols écrivains af- déplorable vie que depuis elle mena. Elle y
firment qu'il avait à ses ordres un démon gagna de grandes maladies dont son pauvre
familier (4) qui passa ensuite aux ordres de corps fut mis en telle sujétion, qu'il n'était
César Borgia. nulle part sans ulcères et sans douleurs.
ALFADER, dieu très-important dans la Notre-Seigneur, par sa bonté, rappela pour-
théogonie Scandinave. Avant de créer le ciel tant cette malheureuse , et lui représenta sa
cl la terre, il était prince des géants. Les grande miséricorde en lui inspirant la pen-
âmes des bons doivent vivre avec lui dans sée de réclamer sa douce Mère. 11 est bon
Simle ou Wingolfjf; mais les méchants pas- d'avoir servi Noire-Seigneur quelquefois,
sent à Hélan, de là à Niflhcim, la région des car il en fait récompense, et à l'heure que
nuages inférieursau neuvième monde. L'Edda l'on en a le plus grand besoin. La pauvre
lui donne divers noms : Nikar (le sourcil- sœur Alis soupira, pleura, et pria dévote-
leux), Svidrer (l'exterminateur), Svider [l'in- ment la sainte Mère de Dieu qu'elle fût son
cendiaire), Oske (celui qui choisit les avocate envers son cher Fils. Elle rendit l'es-
morts), elc —
Le nom d'Alfader a été donné prit alors, non pas en l'abbaye, non pas en
aussi à Odin. la ville ; mais abandonnée de toul le monde,
ALFAKES, génies Scandinaves. Les bons en un petit village, où elle lut enterrée sans
? (l)Liv. X, cb. I. Léon X.
(2) Hiiclor (le Boëce, iii Aniiallbus Scol. (4) Ciiriosilés de la lilléralure, irad. de Vanglai»
^ l'"'

(3) Voi'ui Koscoé, dans »uii Uisioire Ju [loiiliûcat dô Bcruu, t. I, !>. 5t.
55 ALI ALI C8
funérailles, ni obsèques, ni prières, comme Le samedi, seizième jour de février mil
la plus méprisée créature cl, pendant l'es-
; cinq cent vingt-sept, monseigneur l'évéque
pace de deux ans, elle a été ainsi enterrée coadjuteur de Lyon et moi partîmes le plus
sans que mémoire d'elle eût régné en la sou- secrètement qu'il nous fut possible vers ,

venance d'aucun. deux heures après midi pour l'abbaye. Le


Mais en cette abbaye, il y avait une jeune peuple nous aperçut ils accoururent hâti-
;

religieuse de l'âge d'environ dix-huit ans, vement et cheminèrent après nous en dili-
nommée Anioineltc Grollée, gentil-femme, na- gence, au nombre de près de quatre mille
tive du Dauphiné, sage, dévoteet simple. Seu- personnes, tant hommes que femmes. Silôt
le, elle gardait mémoire d'Alis et priait pour que nous arrivâmes, la presseétail si grande,
elle. Une nuit qu'elle était toute seule dans que nous ne pouvions entrer en l'église des
ea chambre, en son lit couchée, et qu'elle religieuses ; lesquelles étaient averties de
dormait, il lui sembla que quelque chose lui notre venue et incontinent vint à nous leur
;

levait son couvre-chef, et lui faisait au front père confesseur, auquel fut charge d'ouvrir
le signe de la croix; elle se réveille, non un petit huis pour entrer par le chœur. Lo
point grandement effr;iyée, mais seulement peuple s'en aperçut, et par force voulut en-
ébahie, pensant à part soi qui pouvait être trer aussi. Nous trouvâmes l'abbesse accom-
celle qui l'aurait de la croix signée; enfin pagnée de ses religieuses, qui se mirent à
elle n'aperçoit rien, et ne sait ce qu'elle doit genoux en grande humilité et saluèrent le
faire. Elle crut qu'elle avait songé, et ne révérend évêqne et sa compagnie. Après le
parla à personne. salut rendu par nous, elles nous menèrent
Un autre jour qu'elle entendait autour en leur chnpitre. Incontinent la jeune sœur
d'elle quelque chose faisant des sons, et sous fut présentée à l'évéque, qui lui demanda
ses pieds frappant de petits coups, comme si comment elle se portail; elle répondit :
on eût heurté d'un bâton sous un marche-pied; — Bien, Dieu merci I

quand elle eut plusieurs fois ouï ce bruit Il lui demanda


ensuite ce que c'était que
étrange, elle commença à s'étonner, et tout l'esprit qui la suivait? Aussitôt ledit esprit
épouvantée le conta à la bonne abbesse, la- heurta sous les genoux de la sœur, comme
quelle la sut réconforter. Ledit esprit ( car s'il eût voulu dire quelque chose. Il fut te-

c'en était un ) faisait signe de grande réjouis- nu maints propos concernant la délivrance
sance, quand on chantait le service divin et de cette pauvre âme. Plusieurs disaient
quand on parlait de Dieu, à l'église ou autre qu'elle soutenait grande peine. Nous avisâ-
part. Mais jamais il n'était entendu si la mes que premièrement on prierait Dieu pour
jeune fille présente; jour et nuit il
n'était elle, et l'évéque commença le De profundis.
lui tenait compagnie, et jamais depuis ne Pendant ce psaume, la jeune religieuse de-
l'abandonna en quelque lieu qu'elle fût. meura à genoux devant lui; l'esprit heur-
Je vous dirai grand'merveille de cette tait incessamment comme s'il eût été sous
bonne âme. Je lui demandai, en la conjurant terre.
au nom de Dieu, si, incontinent qu'elle fut Après que le psaume fut achevé et les orai-
partie de son corps, elle suivit cette jeune sons dites, il fut demandé à l'esprit s'il était
religieuse? L'âme répondit que oui vérita- mieux? signe que oui. Je fus chargé
11 fit
blement, ni jamais ne l'abandonnerait que alors de régler celte affaire, c'est-à-dire les
pour la conduire au ciel. cérémonies, exorcismes, conjurations et ad-
Après que la bonne abbesse eut aperçu la juremenls qu'il convenait d'employer pour
vérité et pris conseil, car le cas lui était fort savoir la pure vérité de cet esprit et pour
admirable, grand en fut le bruit par la ville connaître si c'était véritablement l'âme de la
de Lyon, où accoururent maints hommes et défunte ou bien quelque esprit malin, fei-
maintes femmes. Les pauvres religieuses fu- gnant d'être bon pour abuser les religieuses.
rent éperdues de prime face, ignorant encore Ce tut un vendredi, de la Chaire de
fête
ce que c'était. Antoinette fut interrogée pour saint Pierre, le 22 février 1527, que nous ren-
savoir ce qu'elle pensait de celte aventure? trâmes au monastère. L'évéque, après qu'il
Klle répond qu'elle ne savait ce que ce pour- se fut confessé, s'appareilla de son rochet
rait élre, si ce n'était sœur Alis, la sacristine; épiscopal. Tous ceux de l'assemblée s'étaient
d'autant que depuis son trépas souvent elle mis en état. Après l'oraison, l'évéque prit
avait songé à elle et l'avait vue en dor- une étole, la mit à son cou, et fit l'eau bénite ;
mant. L'espril, conjuré alors, répondit qu'il etquand tous furent assis, il se leva, et com-
étaiten effet l'esprit de sœur Alis,etendonna mença à jeter de l'eau béni te çà et là, invoquant
signe évident. L'abbesse envoya donc qué- tout haut l'aide de la majesté divine ; nous lui
rir le corps de la trépassée, et pour ce fut répondions; et après qu il eut dit l'oraison :
enquise l'âme, premièrement, si ellevoudrait Omnipotens sempiterne Veus, etc., et que l'on
que son corps lut enterré à l'abbaye ? Elle eut dit amen, il se rassit conmie devant. In-
donna signe qu'elle le désirait. Alors la bonne continent l'abbesse et une religieuse des an-
dame abbesse le fit emmener honnêtement. ciennes amenèrent la jeune sœur que l'esprit
L'âme faisait bruit autour de la jeune fille, à suivait. Après qu'elle fut agenouillée, chacun
mesure que son corps approchait de plus en se prit à écouler attentive^uent ce qu'on al-
plus; quand il fut à la porte de l'église du lait dire. Le seigneur évêque commença par
monastère, l'esprit se démenait en frappant imprimer sur le front d'Antoinette le signe de
cl en heurtant plus fort sous les pieds d'Au- la crois, et, mettant les mains sur sa lète, la
luiaetle. ténit, en disant ;
«7 DICTIONNAIUE DES SCIENCES OCCULTES. 68

Bénôdiclion sur la lêlo de la jeune sœur.


« s de tes efforts soit annihilée, afin que tu ne
« Que la bénédiction de Dieu lout-puissant, « suives plus les pas de notre sœur Antoi-

« Fère, Fils et Saint-Espril, descende sur « nette, si, par ci-devant, tu les as suivis; et

« vous, ma fille, et y demeure toujours; par « nous, serviteurs de Dieu lout-puissant,


« laquelle soient repoussées loin les forces et « quoique pécheurs, quoique indignes, tou-
« machinations de l'ennemi. Que la vertu de « tefois en nous confiant en sa spéciale misé-

« Dieu le frappe par nos mains, jusqu'à ce « ricorde, nous te condamnons, par la vertu
a qu'il s'enfuie, et vous laisse paix et repos, a de Notre-Si'igneur Jésus-Christ, que lu
« à vous, servante de Dieu, banissant toutes « laisses en paix ces pauvres religieuses. Oh 1
« frayeurs J'adjure l'ennemi par celui qui
1 « antique serpent, en t'anathéinatisant,nous
« viendra jnger les vivants et les moris, et le « l'excommunions, el en te dcleslanl el re-
« siècle par le feu. Amen. » « nonçi'inl à tes œuvres, sous l'extermination
Après que tous eurent répété amen, l'évé- « du souverain jugement, nous l'exécrons,
que dit aux assistants : « l'interdisant ce lieu el ceux el celles qui f
chers frères, il est notoire que l'ange
« iMes « demeurent, te maudissant au nom de Notre-

de ténèbres se change souvent en espèce « Seigneur Jésus-Christ, afin que, par ces im-
d'ange de lumière, el, par subtils moyens, « précalions, perturbé, confus, exterminé, lu

déçoit et surprend les simples. De peur que, « l'enfuies hâtivement aux lieux étrangers ,
par aventure, il n'ait occupé la demeure do « déserts el inaccessibles, et là lu attendras

ces femmes religieuses, nous voulons le jeter « le terrible jour du jugement dernier, en te
dehors, s'il y est; et pour cela, du glaive spi- « cachant et rongeant le frein de ton mor-

rituel il nousconvient trancher sa cruelle « tel orgueil; et là sois enfermé et muselé


ne nous empêche et ne nous
léle, afin qu'il « avec ta fureur damnable, adjuré, excom-
trouble en aucune chose. » « munie, condamné, analhèmatisé, interdit
L'évéque se leva alors contre le mauvais « et exterminé par ce même Dieu Notre-Sei-
esprit, lui faisant cet adjurement : • gncur Jésus-Christ, qui viendra juger les
— Viens donc en avant, ténébreux es-
« « vivants et les morts, el le siècle par le
« prit, si tu as usurpé entre ces simples fem- « feu. i>

« mes religieuses aucun siège. Entends-moi, Tous répondirent : Amen.


« prince de menteries, de mauvais jours en- Lors, en signe de malédiction, furent étein>
« vieilli. Tu es destructeur de vérité et con- les les chandelles, la cloche en déleslation
« trouveur d'iniquité; écoute donc quelle fui sonnée, el l'évéque frappa la terre plu-
« sentence aujourd'hui nous prononcerons sieurs fois du talon, en exécrant le diable,
« contre les fraudes. Pourquoi donc, ô esprit l'excommuniant el chassant s'il était autour
» diimné, ne seras-tu pas soumis à notre de la jeune sœur. 11 prit de l'eau bénite, la
« Créateur? Par la vertu de celui qui toutes répandit et la jeta en l'air, el sur nous et sur
« choses a créé, va-t-en d'ici, fugitif, en nous la terre, criant à haute voix Discedite
: —
« laissant les sièges du paradis pour les rem- omnes qui operamini iniquitatem! De plus, il
« plir ; c'est d'où procède ta rage contre nous. envoya trois prêtres, vêius daubes el ayant
« Par l'autorité de Dieu, nous le cominan- chacun l'étole au cou, pour répandre l'eau
« dons que si tu n'as bâti aucune trahison par bénite par tous les lieux de l'abbaye. Ils fu-
« tes cautelles contre les servantes de Jésus- rent longuement en ce labeur, parce (|ue le
« Christ, lu t'en ailles subitement, elles laisses couvent est assez spacieux ; et, comme ils
« servir Dieu en paix. Adjuré de par celui qui jetaient leur eau bénite, disant Discedite: —
« viendra juger les vivants el les morts, el le omnes qui operamini iniquitatem, voilà subi-
Il siècle par le feu. Amen. » tement aucuns diables, esprits mauvais,
Après qu'il eut ainsi conjuré le mauvais fuyant et chassés par eux, qui vinrent pren-
esprit, il prononça l'excommunication sui- dre une jeune religieuse encore novice, gen-
vante : til-femme qui, outre son gré, par ses pa-
— « Ohl maudit esprit, reconnais que ta rents, là dedans avait été mise.
« es celui qui jadis fus, aux délices du paradis C'élail horreur de la voir. Tous furent
« de Dieu, parfait en tes œuvres, depuis le épouvantés el troublés, et les plus hardis
« temps que tu fus créé jusqu'au temps qu'il eussenl voulu être bien loin. Les pauvres re-
« a été trouvé mauvaiseté en toi. Tu as pé- ligieuses pâlirent, ayant peur incomparable;
« ché, el tu as été jeté de la sainte montagne elles se serraient l'une contre l'autre, comme
« de Dieu jusqu'aux abîmes ténébreux et aux brebis au troupeau desquelles le loup s'est
« gouffres infernaux. Tu as perdu ta sagesse subitemenl jeté. La jeune fille se déi'endail
« et recouvré en place les ruses dainnables. comme J'ordonnai que l'un prit
elle pouvait.
« Maintenant donc, misérable ciéalure, qui trois éloles dont elle fut liée; el lorsque nos
« que lu sois, ou de quelque infernale hié- prêtres furent revenus, je leur donnai en
« rarchie tu puisses être, qui, pour alfiiger le garde ladite religieuse démoniaque. L'évé-
« numainS', as pris puissance de la permis- que s'appareilla de lous ornements pour cé-
« sion divine, s'il est ainsi que, par si sublili; lébrer la sainte messe, cl quand ce vint à
• fraude, lu as délibéré de te jouer de ces re- l'offrande, la sœur que l'âme suivait se leva
« ligieuses, nous invoquons le Père toul- el vint uffrir un pain blanc et un pot de vin,
« puissant, nous supplions le Fils notre Ré- laquelle offrande fut incontinent donnée aux
« ilempteur, nous réclamons le Sainl-Esprit pauvres pour l'amour de Dieu.
« consolateur contre toi, afin que de sa droite Comme nous étions tous assis, void qua-
« [)uissante il commande que la mauvaiseté tre persounes qui apportèrent les ossemcnls
69 MA AU 70
(ie sœur dans un cercueil de bois
Alis, étant — Oui.
couvert d'un drap mortuaire. Silôl que le — Dis-moi, n'est-ce pasle bon ange qui en
mauvais esprit, qui était au corps de la reli- la vie avait étédéputé à te garder par la pro-
gieuse novice, aperçut icsdils ossements vidence divine?
tans autrement s'émouvoir, il dit : —
Oui.

Ah! pauvre méchante, es-tu là? —Dis-moi, comment a nom ce bon ange?
Puis il se tint tout coi (1 . Point de réponse.
Cependant monseigneur se préparait à con- —Dis-moi si le bon ange n'est pas de la
jurer l'esprit de ladite défunte, dont les osse- première hiérarchie?
ments étaient présents; et premièrement en Point de réponse.
bénissant le nom de Dieu, dit tout haut en —
Dis-moi s'il est de a seconde hiérarchie?
latin Sit nomen Domini benediclum. Puis
: : Point de réponse.
Adjutorium noslrutn in noinine Domini. Et —
Dis-moi s'il est de la tierce hiérarchie?
les assistants lui répondaient. Il commença —
Oui.
ensuite à conjurer en cette manière : —
Dis-moi si ce bon ange fut séparé de toi
« —esprit, quel que tu puisses être, incontinent quand tu fus morte?
« d'adverse partie ou de Dieu, qui de long- —
Non.
« temps suis celte jeune religieuse, par — —
Dis-moi s'il ne t'a point laissée quel-
« celui qui fut mené devant Caïphe, prince quefois?
« des prêtres juifs, là fut accusé et interrogé, — Non.
« mais rien ne voulut répondre jusqu'à ce — Dis -moi ton bon ange reconforte
si te
« qu'il fût conjuré au nom de Dieu vivant, et console en tes afflictions et peines?
te
« auquel il répondit que véritablement il — Oui.
«était Fils de Dieu le tout- puissant ; à — Dis-moi tu peux voir d'autres bon»
si
« l'invocation duquel terrible nom, au ciel, anges que tien et
le tu en vois?
si
« en terre et en enfer, soit révérence fiile, — Oui.
« par la vertu d'irelui même Dieu, Notre- — Dis-moi l'ange de Satan n'est poinl
si
« Seigneur Jésus-Christ (alors tous s'age- avec toi?
« nouillèrent) jeté conjure et te commande
: Point de réponse.
« que tu me répondes apertement, ainsi que — Dis-moi, ne vois-tu point le diable?
« tu pourras et que par la volonté divine il — Oui.
« te sera permis, de tout ce que je te deman- — Dis-moi, adjuré par les hauts noms de
« derai, sans rien sceller, tellement que je Dieu, s'il y a véritablement un lieu particu-
« puisse entendre clairement toutes tes ré- lier qui soit appelé purgatoire, auquel puis-
« ponses, et avec moi tous les assistants, afin sent être toutes les âmes qui par la justice
« que chacun de nous ait occasion de louer divine là sont condamnées?
« et magnifier les hauts secrets de Dieu, no- -Oui.
« tre Créateur, qui règne à 'amais et par —
Dis-moi, n'as-tu point vu punir aucu-
« tous temps infiniment. » nes âmes en purgatoire?
Et nous répondîmes amen. —
Non.
Alors tous les assistants, désirant entenare —
Dis-moi, n'as-tu point vu an purgatoire
les réponses de l'esprit, se délibérèrent de aucuns que tu aies vus en ce monde?
prêter grand silence, et vous n'eussiez pas —Oui.
ouï créature en celte compagnie qui fit au- —
Dis-moi s'il y a douleur ou affliction en
cun bruit, mais tous ouvraient les oreilles et ce monde, qui puisse être comparée aux pei-
tenaient leurs yeux fixés sur la sœur Antoi- nes du purgatoire?
nette. Point de réponse.
Premièrement, il lui fût demandé en cette —
Dis-moi si tu as eu repos le jour du
manière : —
Dis-moi, esprit, si tu es vérita- Vendredi-Saint, en révérence de la Passion
blement l'esprit de sœur Alis, depuis long- de Noire-Seigneur?
temps morte? —
Oui.
— Oui, répondit l'esprit. —
Dis-moi si tu fus en repos le jour de
— Dis-moi de ton corps ces ossements
si Pâques, pour l'honneur de la glorieuse ré-
ont été apportés?
ici surrection?
— Oui. — Oui.
— Dis-moi incontinent que lu sortis de
si — Dis-moi si repos te fut octroyé le jour
ton corps, tu vins suivre celte jeune sœur? de l'Ascension?
— Oui. — Oui.
— Dis-moi y a aucun ange avec toi?
s'il — Dis-moi, si le jour de la Pentecôte?
— Oui. -Oui.
— Dis-moi, cet ange est-il des bienheu- — Dis-moi jour de Noël tu as reposé?
si le
reux? — Oui.
— Oui. — Dis-moi pour l'honneur de sainte
si, la
— Dis-moi, ce non ange te conduit-il par-- vierge Marie tu as eu repos en ses fêtes?
tout ou il te convient d'aller? — Oui.
(1) Adrien de Montalembert dit ici qu'il parlera dans un Si on trouve cet arUcle nn peu étendu, c'est que cpl
autre ouvrage de la possession de celle jeune démoniaque ouvrage très- curieux nous a semblé digne d'être enlièré-
(mais cet auire ouvrage n'a point paru), et il ne s'occupe rement analysé.
pLu) que (lu bceiir Àlis, dont il traite lungueiuent l'histoire.

I
71 PICTIOISNAIRE DES SCIENCES OCCULTrS. 72

Dis-moi si tu as eu allègcmenl à la « — Ah bon Jésus, qui êtes
1 sire Dieu,
Toussaint? « prince de tous qui nous avci tant
les rois,
— Oui. « aimés que vous nous avez lavés de nos
,

— Dis-moi, connai— tu temps où lu se- le « péchés en votre précieux sang, je vous


ras délivrée de peine? ta « appelle en témoin de vérité au nom de votre
— Non. « pauvre créature. Je vous invoque contre
— Dis-moi tu pourrais être délivrée par
si « le faux ennemi accusateur de notre sœur,
jeûnes? « comment la mère abbesse présentement et
~ Oui. et toutes les religieuses lui ont pardonné et
— Dis-moi tu pourrais être délivrée par
si « consenliàson absolution.» Puis dit: Amen.
oraisons? Dominus rétribuât pro te, soror charissima.

Oui. La jeune sœur, qui était à genoux, se leva,
—Dis-moi si par aumdnrs tu serais déli- et, en joignant les mains, chanta hautement
vrée? Dec gralias. Après quoi, elle dit le Confileor,

Oui. et sitôt qu'elle
— Que
eut achevé, l'évêque reprit :


Dis-moi si par pèlerinages lu réchap- « Dieu tout-puissant ait merci do
le

perais? « vous , très-chère sœur qu'il vous veuille ;

— Oui. « pardonner tous vos péehés et en vous dé- ,

—Dis-moi, le pape a-t-il puissance de le « livrant detoutmal, qu'il veuille vous mener
délivrer par son aulorilé papale? « à la vie éternelle » !

—Oui. El la sœur répondit


Amen. :

A chaque réponse de oui ou de non, l'évê- Le seigneur évèque étendit alors sa main
que avait encre et papier pour marquer ce droite sur le cercueil en disant :

que l'âme répondait. « — Que Noire-Seigneur Jésus-Christ, par


Après qu'il eut ainsi interrogé et examiné sa sainte et très-pieuse miséricorde, et par
«

ladite âme, il lui dit: —


Ma chère sœur, celte « le mérite de sa passion , vous absolve,
pieuse compagnie est assemblée pour prier « ma sœur ; et moi, par l'autorité apostoli-

Dieu qu'il lui plaise mettre fin aux peines et « que qui m'a été confiée, je vous absous de
douleurs que vous souffrez, et qu'il vous « tous vos crimes et péchés, et de tous autres
veuille recevoir parmi les anges et les saints « excès quoique graves et énormes, vous
de paradis. « donnant plénière absolution et générale,
Comme il disait ces paroles, elle heurtait « vous remettant les peines du purgatoire,
très-fort. L'évêque ayant ôlé les ornements, ex- « vous rendant à votre première innocence
replé l'aube et l'étole, il commença le psaume « en laquelle vous avez été baptisée, autant
Miserere met, Deus; et les religieuses et nous « que peuvent s'étendre les clefs de la sainte
répondions. Quand ce psaume fut chanté, la « Eglise, notre mère, au nom du Père, et du
sœur Antoinette se tourna vers la Mère de « Fils, et du Saint-Esprit. »
Dieu, en chantant un verset avec une autre La jeune sœur répondit à haute voix Amen : ;
religieuse: Maria, Stella maiisi Puis elle et tous s'en allèrent en paix.
récama dévotement la glorieuse Madeleine, Adrien de Montalembert raconte ensuite
et après les réponses des religieuses, le révé- que l'âme délivrée mena depuis grande joie
rend évéque, en donnant de l'eau bénite au dans le monastère qu'elle venait le recevoir;

corps, dit A porta inferi et d'autres orai-


: , avec joie lorsqu'il y arrivait; qu'elle conti-
sons, lesquelles achevées, la jeune sœur s'a- nua de frapper, non plus sous terre, mais
genouilla au chef du cercueil. Tous les assi- en l'air. Elle révéla, ajoute-t-il, qu'elle n'é-
stants pareillement se mirent à genoux ; et tait plus dans le purgatoire , mais que cer-
lorscommença doucement la sœur Creator : taines raisons qu'on ne sait pas l'empêchaient
omnium rerum, Deus, ce qu'elle acheva avec encorepour quelque temps dêtre reçue parmi
la compagnie ; et ensuite l'évêque dit: les bienheureux.
— Mes bonnes dames, mes sœurs et mes Elle apparut encore à la sœur Antoinette,
filles, notre pauvre sœur Alis ne peut être en rnais en habit de religieuse, et tenant un
repos, si préablement vous ne lui pardonnez cierge à la main ; elle lui apprit, dans sa der-
toutes de bon cœur. nière visite, cinq petites invocations que l'au-
Incontinent qu'il eut dit, voilà Antoniette teur croit composées par saint Jean l'Evan-
Grollée qui se lève, parlant pour la défunte, géliste, chacune commençant par une des
et s'en va aux pieds de l'abbesse, piteusement lettres du saint nom de Marie, les voici :

lui crio merci, en disant: Médiatrice de Dieu et des hommes, fon-


«
—Ma révérende mère, ayez merci de moi, « lai ne vive répandant incessamment des ruis-
en l'honneur de celui qui est mort sur la « seaux de grâce, ô Marie !

croix pour nous racheter. « Auxiliaire de tous et source de la paix


La bonne abbesse lui répondit : « éternelle, ô Marie I

Ma fille ,
je vous p.irdonne et consens à « Réparatrice des faibles, et médecine Irès-
votre absolution. « efficace de l'âme blessée, ô Marie 1
La jeune nonne s'alla mettre ainsi aux « Uluminalrice des pécheurs, flambeau de
pieds de chaque religieuse pour qu'elles lui « salut et de grâce, ô Marie I

voulussent pardonner et consentir à son ab- « Allégeance des malheureux opprimés,


solution. Après qu'elle eut rcqtiis pardon à « c'est vous qui finissez tous nos maux, ê
toutes entièrement, l'évêque se leva de nou- « Marie » I

veau, et dit Qui dira chaque jour pieusement ces cinq


ft aLl ALM 74

ornisons, ajoula l'espril, jamais ne tombera être pendu clbrûlé en place publique, avec
en damnation éternelle (1). le squelelle complice de ses sortilèges; la
Peu de jours après, l'âme de sœur Alis fit sentence fut exécutée en 1664. »
ses adieux et ne fut plus ouïe ni vue en ce ALMANACH. Nos ancêtres du Nord tra-
monde. çaient le cours des lunes pour toute l'année
ALKALALAI, d'allégresse des Kamts-
cri sur un petit morceau de bois carré qu'ils
rhndaics; répèlenl trois fois à la fêle
ils le appelaient al-mon-agt (observation de toutes
des balais, en l'honneur de leurs trois grands les lunes) : telles sont , selon quelques au-
dieux, Filiat-Chout-Chi le père; Tou'Ha , teurs, l'origine des almanachs et l'étymologiu
son fils, et Gaëlch, son pelit-fils. La fête des de leur nom.
balais consiste , chez ces peuples sales, à D'autres se réclament des Arabes , cliei
balayer avec du bouleau le foyer de leurs qui al-manack veut dire le mémorial.
cabanes. Les Chinois passent pour les plus ancien*
ALIETTE. Voy. Etteila. faiseurs d'almanachs. Nous n'avons que
ALLELUIA mot hébreu , qui signifia douze constellations; ils en ont vingt-huii.
.ouange à Dieu. Les bonnes gens disent en- Toutefois leurs almanachs iressemblent à
core dans plusieurs provinces qu'on fait pleu- ceux de Matthieu Laensbergh par les prédic-
rer la sainte Vierge lorsqu'on chante alleiuia tions et les secrets dont ils sont farcis (4).
pendant le carême (2) Bayie raconte l'anecdocle suivante, pour
Il y avait à Chartres linc singulière cou- faire voir qu'il se rencontre des hasards pué-
tume. A l'époque où l'on en cesse le chanl, rils qui éblouissent les petits esprits sur la
l'AUeluia était personnifié et représenté par vanité de l'astrologie. Marcellus, professeur
une toupie qu'un enfant de chœur jetait au de rhétorique au collège de Lisieux. avait
milieu de l'église et poussait dans la sa- coiuposé en latin l'éloge du maréchal de
cristie avec un fouet. Gela s'appelait VAlkhda Gassion, mort d'un coup de mousquet au
fouetté siège de Lens. 11 était près de le réciter en
On appelle trèfle de l'Alléluia une plante public, quand on représenta au recteur de
qui donne, vers le temps de Pâques, une pe- l'Université que le maréchal était mort dans
tite fleur blanche étoilée. Elle passe pour un la religion prélendue reformée, et (jue son
spécifique contre les philtres. oraison funèbre ne pouvait être prononcéa
ALLIX. Voici un de ci>s traits qui accu- dans une université catholique. Le recteur
sent l'ignorance et la légèreté des anciens convoqua une assemblée où il fut résolu, à
juges de parlement. —
Allix, mathématicien, 1.1 pluralité des voix, que l'observation était
mécanicien et musicien , vivait à Aix en Pro- juste. Marcellus ne put donc prononcer son
vence, vers le milieu du dix-septième siècle ; p-inégyrique; et les partisans de l'astrologie
il fit un squelette qui, par un mécanisme ca- triomphèrent en faisant remarquer à tout lo
ché, jouait de la guitare. Bonnet, dans son monde que, dans l'almànach do Pierre Lar-
Histoire de la Musique, page 82, rapporie rivey pour celte même année 1648, entre
l'histoire tragique de ce pauvre savant. Il autres prédictions, il se trouvait écrit en
mettait au cou de son squelette une guitare gros caractère LATIN PERDU
: I

accordée à l'unisson d'une autre qu'il teii.iit ALMANACH DU DIABLE, contenant de»
lui-même dans ses mains, et plaçait les doigts prédictions très-curieuses pourles années 1731
de l'automate sur le manche; puis, par un et 1738, aux enfers, in-24. Cette plaisanterie
temps calme et serein, les fenêtres et la porle contre les jansénistes était l'ouvrage d'un
étant ouvertes, il s'installait dans un coin de certain Quesnel, joyeux quincaillier de Di-
la chambre et jouait sur sa guitare des pas- jon, affublé d'un nom que le fameux appe-
sages que le squelette répétait sur la sienne. lant a tant attristé. Elle est devenue rare,
Il y a lieu de croire que l'instrument réson- attendu qu'elle fut supprimée pour quelques
nait à la manière des harpes éoliennrs, et prédictions trop hardies. Nous ne la citons
que le mécanisme qui faisait mouvoir les qu'à cause de son titre. Les jansénistes y ré-
doigts du squelette n'était pour rien dans la pondirent par un lourd et stupide pamphlet
production des sons. (Nous citons M.Fétis (3) dirige contre les jésuites et supprimé égaie-
sans l'approuver, et nous le renvoyons aux menl. Il était intitulé: Âlmanach de Dieu,
automates musiciens de Vaucanson , qui dédié à M. Carré de Montgeron , pour l'an-
n'étaient pas des harpes éoliennes). Quoi — née 1738, in-24, au ciel...
qu'il en soit, poursuit le biographe, ce con- ALMOGANENSES, nom que les Espagnols
cert étrange causa de la rumeur parmi la donnent à certains peuples inconnus qui,
population superstitieuse de la ville d'Aix ; par le yol et le chant des oiseaux, par la
Allix fut accusé de magie, et le Parlement fit rencontre des bêtes sauvages et par divers
instruire son procès. Jugé par la chambre autres moyens, devinaient tout ce qui de-
de Tournelle, il ne put faire comprendre
la vait arriver. « Ils conservent avec soin ,

que merveilleux de son automate n'é-


l'effet dit Laurent Valla, des livres qui traitent d •

tait que la résolution d'un problème mécani- celte espèce de science; y trouvent d«g
ils
que. L'arrêt du Parlement le condamna à règles pour toutes sortes de pronostics.

(1) Parce que celui qui dit pieusement les cinq invoca- paraître en 1G3G. Mais avant lui on avait déjà des annuain-s
lioiis, vit |)rol)al)lenienl eu conséipience. de même nature. Fischer a découvert à Mayence, en lédi..
(2) Tliiers, Traité des superstitions. un âlmanach imprimé pour 1437 tout b fait tt la naissa». j
(.5) Biograpliie universelle des musiciens. de l'imiiriraerie,
ii) l.'Atnanach de Matthieu l.jeiisbergli commença U

DiCTIONN. DES SCIENCES OCCULTES. I


n DICTIONNAIRE DES SCIENXES OCCULTES.
Leurs devins sont divisés en doux classes : diable, dit Deirio, les conduisait leur droit
l'une de chefs ou de maîtres, cl l'autre de chemin. Celle dont le serpent refusait de
disciples ou d'aspirants. » —
On leur attri- manger le gâteau n'était pas sans repro-
bue aussi l'art d'indiquer non-seulement par che. »
où ont passé clievaus et les autres bêles
les ALPHONSE X, roi de Castille et de Léon,
de somme égarées, mais encore le chemin surnommé l'astronome et le philosophe ,
qu'auront pris une ou plusieurs personnes; mort en 1284. On lui doit les Tables Alphon-
ce qui est très-utile pour la poursuite des sines. C'est lui qui disait que, si Dieu l'avait
voleurs. Les écrivains qui parlent des Almo- appelé à son conseil au moment de la créa-
ganenses ne disent ni dans quelle province tion , il eût pu lui donner de bons avis. C«
ni dans quel temps ont vécu ces utiles de- prince extravagant croyait à l'astrologie.
vins. Ayant fait tirer l'horoscope à ses enfants , Il
ALMUCHEFI. Voy. Bacon. apprit que le cadet serait plus heureux ([ue
ALMULUS (Salomon), auteur d'une expli- l'aîné, et le nomma son successeur au trône.
cation des songes en hébreu; in-8°. Amster- Mais malgré la sagesse de cet homme, qui se
dam, 16^2. jugeait capable de donner des conseils au
ALOCER, puissant démon, grand-ducaux Créateur, l'alné tua son frère cadet, mit son
enfers j il se montre vêtu en chevalier, monté père dans une étroite prison et s'empara de
sur un cheval énorme ; sa figure rappelle les la couronne; toutes choses que sa science
traits du lion; il a le teint enflammé, les ne lui avait pas révélées.
yeux ardents; il parle avec gravité; il en- ALPIEL, ange ou démon qUi, selon le
seigne les secrets de rasiroflomie et des arts Talmud a l'iiilendance des arbres frui-
.

libéraux ; il domine trente-six légions. tiers.


ALOGRICUS. Voy. Alrdy. ALRINACH démoTi de rOccident, que les
,

ALOMANCIE, divination par le sel, dont démonographes font présider aux tempêtes ,
les procédés sont peu connus. C'est en rai- aux tremblements de terre, aux pluies, à la
son de l'alomancie, qu'on suppose qu'une grêle, elc. C'est souvent lui qui submerge
salière renversée est d'un mauvais présage les navires. Lorsqu'il se rend visible il ,

ALOPECIE, sorte de charme par lequel parait sous les traits et les habits d'une
on fascine ceux à qui l'on veut nuire. Quel- femme.
ques auteurs donnent le nom d'alopécie à ALRUNES, démons succubes o sorcières,
l'arl de nouer l'aiguillette. Voy. Ligatures. qui furent mères des Huns. Elles prenaient
ALOUETTK. Voy. Casso. toutes sortes de formes, mais ne pouvaient
ALPHITOMANCIE , divination par le pain changer de sexe. —
Voy. aussi Mandra-
d'orge. Celte divination imporlanleest très- gores.
ancienne. Nos pères, lorsqu'i's voulaient ALRUY (David), imposteur juif, qui, en
dan» plusieurs accusés reconnaître le cou- 1199, se prétendant de la race de David, se
pable et obtenir de lui l'aveu de son crime , vanta d'être le Messie destiné à ramener
faisaient manger à chacun des prévenus un les Juifs dans Jérusatem.Le roi de Perse le
rude morceau de pain d'orge. Celui qui l'a- fit mettre en prison ; mais on voit, dans Ben-

valait sans peine était innocent : le crimi- jamin de Tudèle, qui le cite, qu'il s'échapjia
nel se trahissait par une indigestion (1). en se rendant invisible. 11 ne daigna se rc-
C'est même de cet usage, employé dans les monlrer qu'aux bords de la mer. Là, il éten-
épreuves du jugement de Dieu, qu'est venue dit son écharpe sur l'eau, planta ses pieds
l'imprécation populaire: Je veux, si je— dessus et passa la mer avec une légèreté in-
vous trompe, que ce morceau de pain m'é- croyable, sans que ceux qu'on envoya avec
Iranglel des bateaux à sa poursuite le pussent arrê-
Voici comment se pratique cette divina- ter. —Cela le mil en vogue comme grand
tion, qui, selon les doctes, n'est d'un effet magicien. Mais enfin le Schcick Aladin
«ertain que pour découvrir ce qu'un homme prince turc, sujet du roi de Perse, fit tant à
a de caché dans le cœur. Ou prend de la force d'argent, avec le beau-père de David
pure f;irine d'orge; on la pétrit avec du lait AIruy ou Alroy, lequel beau-père élail peu
et du sel; on n'y met pas de levain; on en- délicat,que le prétendu Messie fut poignardé
veloppe ce pain compacte dans un papier dans son lit. « C'est toujours la fin de telles
graissé, on le fait cuire sous la cendre ; en- gens, dilLeloyer; et les magiciens juifs n'en
suite on le frotte de feuilles de verveine et ont pas meilleur marché que les autres
on le fait manger à celui par qui on se croit magiciens, quoi que leur persuadent leurs
trompé, et qui ne digère pas si la présomp- talmudistes, qu'ils sont obéis de l'esprit ma-
tion est fondée. lin. Car
c'est encore une menlerie duTalmud
Il y avait, près de Lavinium, un bois sa- des Juifs, qu'il n'est rien do difficile aux sages,
cré où l'on pratiquait l'alphitomaneie. Des maîtres savants en leurs lois, que les es-
et
prêtres nourrissaient dans une caverne un prits d'enfer et célestes leur cèdent, et que
serpent, selon quelques-uns; un dragon, se- Dieu même (ô blasphème Ij ne leur peut ré-
lon d'autres. A certains jours on envoyait sister (2)...» —
Ce magicien est appelé encore
des jeunes filles lui porter à m.mgei elles ; dans de vieux récils \logricus. Il est enterré
avaient les yeux bandés et allaient à la dans une île mystérieuse. Voy. Corbeau.
grotte, tenant à la main un gâtenu fait par ALTANGATUFUN, idole des Kalmoutls,
elles avec du miel et de la farine d'orge. « Le qui avait le corps el la tête d'un serpent
(1) Deirio, disquisil. msgic, lib, IV, cap i, quaest. 7. (2) Leioyer, discours des spectres, liv. IV, cb. i.
n AM.V AMA •JS

Qvcc quali'c pieJs de lézard. Celui qui porte pour cela des Amazones. Des mis-
le fleuve
avec vépéralion son image est invulnérable sionnaires en placent une nalion dans les
tliins les coiiibals. Pour en faire l'épreuvo, Philippines, et Thévenot une autre dans la
un khan fit suspendre celle idole attachée à Mingrélie. Mais, dit-on, une république d.j
un livre, et l'exposa aux coups des plus ha- femmes ne subsisterait pas six mois, et cis
biles archers ; leurs traits ne purent attein- états merveilleux no sontque fictions inven-
dre le livre, qu'ils percèrent au contraire dès tées pour récréer l'imagination. Cependant,
.>(ue l'idole en fut détachée. C'est là une lé- voici un curieux passage qui nous est fourni
gende de Cosaques. par les explorations récentes de M. Texier
ALVEIIOMANCIE , ou ALEUROMANCIE. dans l'Asie Mineure :

Voy. ce mot. «J'ai lieu d'être satisfait de mon voyage,


AMADEUS, visionnaire qui crut connaî- écrit M. Texier à M. Albert Leiioir, car j'.ii
tre par révélation deux psaumes d'Adam : découvert sur les frontières de la Galalie
le premier composé en transport de joie
, une ville de la plus grande importance. Fi-
à la création de la femme, le second en triste gure-toi plus de trois mille carrés de ter-
dialogue avec Eve, après la chute (1). rain couverts de monuments cyclopéens
,

AMAIMON. Voy. Amoym )N. d'une belle conservation, des citadelles, des
AMALARIC roi d'Espagne,
, qui épousa la palais, les murailles avec les portes ornées
princesse Clolilde, sœur du roi des Frar.6 s de têtes de lions, et des glacis comme ceux
Childeberl. La pieuse reine, n'approuvant de nos places, inclinés à 35 degrés, et de dix
pas les excès de son mari, tombé dans l'aria à douze mètres de penle, un temple immense
uisme, le barbare, après d'autres mauvais dont l'appareil est admirable. Il est entouré
traitements, lui fit crever les yeux. Ciotilde de part et d'autre de dllules ou chambres
envoya à son frère un mouchoir teint de son dont une seule pierre forme la paroi , et qui
sang, et Childebert marcha aussitôt avec une cependant ont six à sept utètres de longueur.
armée contre Amalaric. La justice des hom- Avant d'arriver à ces superbes ruines,
mes fut prévenue par la justice éternelle. M. Texier avait reconnu dans la ville mo-
Tandis que le bourreau de Clolilde s'avan- derne de Galagik, Galalon-Teikos, l'ancienne
çait au-devant des Francs, il tomba percé cité des Gallo-Grecs Galatœ. Il avait en-
,

d'un trait lancé par une main invisible. Des suite suivi le cours de l'Halys, et, Ueux jours
légendaires ont écrit que cette mort était après l'avoir quitté, il était arrivé à ces rui-
l'ouvrage du diable; mais le trait ne venait nes. « Si les géographes, écrit-il à M. Dureau
pas d'en bas (2). de la Malle, n'étaient pas aussi unanimes
AMALARIC (Madeleine) , sorcière qui al- pour placer Tavia aux bords de l'Halys, je
lait au sabbat et qui, accusée de onze homi- croirais que j'ai trouvé Tavia. Ce temple ne
cides, fut mise à mort à soixante-quinze ans serait pas autre chose que le temple de Jupi-
dans la baronnie de la Trimouille, à la fin ter avec l'asile. Mais la découverte de cette
du seizième siècle (3). ville, fort importante par elle-même, est
AMAUANTHE, fleur que l'on admet parmi effacée par celle d'un monument que j'ai
les symboles de l'immortalité. Les magiciens trouvé dans les montagnes voisines , et qui
attribuent aux couronnes faites d'amaran- doit se placer au premier rang des monu-
Ihe de grandes propriétés, et surtout la vertu ments antiques.
de concilier les faveurs et la gloire à ceux qui « C'est une enceinte de rochers naturels
,
les portent. aplanis par l'art, et sur les parois de la-
AMASIS. Hérodote raconte qu'Amasis, roi quelle on a sculpté une scène d'une impor-
d'Egypte, eut l'aiguillette nouée, et qu'il fal- tance majeure dans l'histoire de ces peuples.
lut employer les plus solennelles impréca- Elle se compose de soixante figures, dont
tions de la magie pour rompre le charme. quelques-unes sont colossales. On y recon-
Voy. Ligatures. naît l'entrevue de deux rois qui se font mu-
AMAZONES, nation de femmes guer- tuellement des présents.»
/ières, dont Strabon regarde à tort l'cxis- Dans l'un de ces personnages , qui esC
lence comme une fable. François de Terre barbu ainsi que toute sa suite , et dont l'ap-
,

Blanca dit (4-) qu'elles étaient sorcières; ce pareil a quelque chose de rude, le voyageur
qui est plus hasardé. Elles se brûlaient la avait d'abord cru distinguer le roi de Paphla-
mamelle droite pour mieux tirer de l'arc; et gonie ; et dans l'autre, qui est imberbe
le père Ménestrier croit que la Diane d'E- ainsi que les siens, il voyait le roi de Perse,
plièse n'était ornée de tant de mamelles qu'à monté sur un lion et entouré de toute la
cause que les Amazones lui consacraient pompe asiatique. Mais sa dernière lettre,
telles qu'elles se retranchaient. On dit que datée de Constantinople, nous apprend qu'il
celle république sans hommes habitait la à changé son interprétation. En communi-
Cappadoce et les bords du Thermodon. Les quant ses dessins et ses conjectures aux
modernes ont cru retrouver des peuplades antiquaires de Smyrne, qu'il a trouvés fort
d'amazones en voyant des femmes armées instruits, il s'est arrêté à l'opinion que celte
tur les bords du Maragnon, qu'un a nommé scène remarquable représentait l'entrevue

(t) Ces deux psaumes sont imprimés dans le Codex idolâtries, tiré des procès criminels jngés au siège riiyal
pseudepigrapbus velerisTeslamenti de Fabricius. de Montmorillon , en Poitou, la présente année tOTit,
(2) Laml>ertinl de Cruz-Uoucn , Tliealrmn regium bis- p. 29.
(laiiicum, ad ann. 510. (4) Kpisl.Delict. sive ilemagia, lib. I, cap. 8.
(3) Uikius. Disc, sommaire des sortilèges, véncflces.
79 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. so
annuelle des Am;izoiics avec le peuple voi- voient pas non plus le sommeil ; ils ne voient
sin, qui sprail les Louco-Sjricns cl la ville ; pas le vent; ils ne comprennent pas la lu-
voisine, où le témoignage des géographes mière, ni cent mille autres faits que pourtant
l'avait empôtlié de reconnaître Tavia, se- ils ne peuvent nier.
rait ThémIsrjTO, capitale de re peuple. On
a cherché de tout temps à définir ce
Celle explication nous paraît offrir toute que c'est que l'âme, ce rayon, ce souffle de
espèce de probatiililés. Plusieurs auteurs la Divinité. Selon les uns, c'est la conscience,
«nnciens, que M. Texicr n'a pu consulter à c'est l'esprit; selon d'autres, c'est cet espoir
Conslaniinoplo, parlent en efîcl de celle en- d'une autre vie qui palpite dans le cœur de
trevue annuelle des Amazones avec les tous les hommes. C'est, dit Léon l'Hébreu, le
liomnies d'un pays voisin. Piinc dit qu'elle cerveau avec ses deux puissances, le senti-
durait cinq jours. Au bout de neuf mois, on ment et le mouvement volontaire. C'est une
faisait parmi les enfants qui naissaient un flamme, a dit un autre. Bieéarque affirme
triage, à la suite duquel un gardait les (îlles, que l'âme est une harmonie et une concor-
et l'on renvoyait les garçons au peuple qui dance des quatre élémenls.
avait fourni les pères. Pline nomme ceux-ci Quelques-uns sont allés loin, et ont voulu
(jynœcocralumeni, moi dont l'énergique com- connaître la figure de l'âme. Un savant a
position indique la sujétion où ils étaient môme prétendu, d'après les dires d'un reve-
vis-à-vis des Amazones, leurs voisines. nant qu'elle ressemblait à un vase sphéri-
,

La pompe qui entoure le personnage im- (|ue de verre poli, qui a des yeux de tous les
berbe, suivi d'un magnifique cortège égale- côtés.
ment imberbe, indique naturellement les L'âme a-l-on dit encore, est comme une
,

Amazones et leur supériorité, tandis que la vapeur légère et transparente, qui conserve
barbe, la massue et l'appareil beaucoup plus la figure humaine. Un docteur talmudique,
simple de l'autre corlége s'applique très- vivant dans un ermitage avec son fi's et
bien aux Louco - Syriens , tributaires de quehjues amis, vit un jour l'âme d'un de ses
leurs superbes voisines. Ce monument si compagnons qui se détachait tellement de
antique serait dune un nouveau témoignage, son corps, qu'elle lui faisait déjà ombre à la
bien imposant de l'existence des Amazones, (êle. Il comprit que son ami allait mourir, et
longtemps traitée de fable, et dont de savan- fit tant par ses prières, qu'il obtint que cette

tes rechcrciies ne permettent guère aujour- pauvre âme rentrât dans le Ci)rps qu'elle
d'hui de douter, malgré sou invraisem- abandonnait. « Je crois de cette bourde ee
blance. qu'il faut en croire, dit Leioyer (1) comme ,

AMBROSIUS ou AMBÏIOISE, roi d'Angle- de toutes les autres bourdes et baveries des
terre. — Voy. Merlin. rabbins.»
AMDUSCIAS, grand-duc aux enfers. Il a la Les Juifs se persua'lcnt, au rapport du
forme d'une licorne; mais lorsqu'il est évo- Hollandais Hoornbeeek, que les âmes ont
(|ué, il se montre sous une figure humaine. toutes été créées ensemble et par paires
,

11donne des concerts si on les lui com- d'une âme d'homme cl d'une âme de feuuuc;
mande; on entend alors, sans rien voir, le de sorte que les mariages sont heureux et
son des trompettes et des autres instru- accompagnés de douceur et de paix, lors-
ments de musique. Les arbres s'inclinent qu'on se marie avec l'âme à laquelle on a
à sa voix. Il commande vingt -neuf lé- élé accouplé dès le commencement; mais ils
gions. sont malheureux dans le cas contraire. On
AME. — Tous les peuples ont reconnu a à luller contre ce malheur, ajoutc-t-il, jus-
l'immorlalilé de l'âme. Les hordes les plus qu'à ce qu'on puisse être uni, par un secon l
barbares ne l'ont jamais élé assez pour se mariage , à lâmc dont on a été fait le pair
rabaisser jusqu'à la brute. La brute n'est dans la création et cette rencontre est rare.
;

attachée qu'à la terre 1 homme seul élève ses


: Philon, juif, qui a écrit aussi sur l'âme,
regards vers un plus noble séjour. L'insecte pense que, comme il y a de bons et de mau-
est à sa place dans la nature; l'homme n'est vais anges, il y a aussi de bonnes et de mau-
pas à la sienne. Chez certains peuples, on \ aises âmes, el que les âmes qui descendent

altachail les criminels à des cadavres pour dans les corps y apportent leur bonnes ou
rendre leur morl plus affreuse : tel est ici-bas mauvaises qualités. Toutes les innovations
le sort de l'homme. Cette âme qui n'aspire des hérétiques el des philosophes, et toutes
qu'à s'élever, qui est étrangère aux accidents les doctrines qui n'onl pas leur base dans les
(lu corps, qui les vicissitudes du temps ne enseignements de l'Eglise , brillent par du
peuvent altérer , ne s'anéantira pas avec la semblables absurdités.
matière. Les musulmans disent que les âmes de*
La conscience, le remords, ce désir de pé- meurent jusqu'au jour du jugement, dans I<J
nétrer dans un avenir inconnu, ce respect tombeau, auprès du corps qu'elles ont animé.
que nous portons aux lombcaux, cet cITroi Les pa'ïcns croyaient que les âuies, séparées
de l'autre monde celte croyance aux â(nes,
, de leurs corps grossiers el terrestres, conser-
qui ne se distingue que dans l'homme tout ,
vaient après la mort une forme plus subtile cl
nous instruirait déjà, quand mcn)e la révé- plus déliée, de la figure du corps qu'eues
lation ne Serait pas là pour repousser nos quittaient, mais plus grande et plus majes-
doutes. Les miilérialistes qui, voulant tout tueuse; que ces formes étaient lumineuses
juger par les yeux du corps, nient l'existence et de la nature des aslrcs; que les âmes gai-
de l'âme ,
parce qu'ils ne la voient poinl , ne (I) Leioyer, Disc, et liist, des spectres, liv. IV, cli. 1.
81 AME AME Si
d licnldcrinclinalion pour les choses qu'elles faisait:— Vers minuit, ils entendaient frapper
av.iienl aimées pendant leur vie, cl que sou- à leur porte; ils suivaient sans voir personne
vent elles se montraient autour de leurs tom- jusqu'au rivage là ils trouvaient des navires
;

beaux. qui leur semblaient vides, mais qui étaient


Quand l'âme de Palrocle se leva devant chargés d'âmes ; ils les conduisaient à l'île
Achille, elle avait sa voix, sa taille, ses yeux, (les ombres, où ils ne voyaient rien encore
;
ses habits, du moins en apparence, mais mais ils entendaient les âmes anciennes qui
non pas son corps palpable. venaient recevoir et complimenter les nou-
Origène douve que ces idées ont une source velles débarquées; elles se nommaient par
respectable et que les âmes doivent avoir
, leurs noms, reconnaissaientleurs parents, etc.
en effet une consistance, mais subtile; il se Les pêcheurs, d'abord étonnés, s'accoutu-
fonde sur ce qui est dit dans l'Evangile du maient à ces merveilles et reprenaient leur
Lazare et du mauvais riche, qui ont tous chemin. —
Ces transports d'âmes, qui pou-
deux des formes puisqu'ils se parlent et se vaient bien cacher une sorte de contrebande,
voient, et que le mauvais riche demande une n'ont plus lieu depuis que le christianisme
goutte d'eau pour rafraîchir sa langue. Saint est venu apporter la vraie lumière.
Irénée ,
qui est de l'avis d'Origèiie , conclut Ou a vu parfois, s'il faut recevoir tous les
du même exemple que les âmes se souvien- récits des chroniqueurs, des âmes errer par
nent après la mort de ce qu'elles ont fait en troupes. Dans le onzième siècle, on vit passer
celte vie. près de la ville de Narni une multitude infinie
Bans la harangue que fit Titus à ses sol- de gens vêtus de blanc, qui s'avançaient du
dats poui les eng.iger à monter à l'assaut de côté de l'Orient. Celle troupe défila'depuis le
la tour Antonia, au siège de Jérusalem , on matin jusqu'à trois heures après midi. Mais
remarque une opinion qui est à peu près sur le soir elle diminua considérablement.
celle des Scandinaves. Vous savez, leur dit- Tous bourgeois montèrent sur les mu-
les
il, que les âmes de ceux qui meurent à la railles craignant que ce ne fussent des
,

guerre s'élèvent jusqu'aux astres, et sont re- troupes ennemies; ils les virent passer avec
çues dans les régions supérieures, d'où elles une extrême surprise. Un ciladin, plus résolu
apparaissent conmic de bous génies; tandis que les autres, sortit de la ville remarquant ;

que ceux qui meurent dans lour lit, quoique dans la foule mystérieuse un homme de sa
ayant vécu dans la justice, sont plongés sous connaissance, il l'appela par son nom et lui

terre dans l'oubli et les ténèbres (1). demanda ce que voulait dire cette multitude
Il y a, parmi les Siamois, une secte qui de pèlerins. L'homme blanc lui répondit: —
croit (jue les âmes vont et viennent où elles Nous sommes des âmes qui, n'ayant point
veulent après la mort ; que celles d.s hommes expié tous nos péchés et n'étant pas encore
qui ont bien vécu acquièrent une nouvelle assez pures, allons ainsi dans les lieux saints,
force, une vigueur extraordinaire, et qu'elles en esprit de pénitence : nous venons de visi-
poursuivent, attiqueul et maltraitent celles ter le tombeau de sainlMartin, et nous allons
des méchants partout où elles les rencon- à Notre-Dame de Farfe (2).
trent. Platon dit, dans le neuvième livre de Le bourgeois de Narni fût tellement effrayé
ses Lois, que les âmes de ceux qui ont péri de cette vision, qu'il en demeura malade pen-
de Diort violente poursuivent avec fureur, dant un an. Toute la ville de Narni, disent
dans l'autre monde, les âmes de leurs meur- de sérieuses relations, fut témoin de cette
triers. Cette croyance s'est reproduite sou- procession merveilleuse , qui se fit en plein
vent et n'est pas éteinte partout. jour.
Les anciens pensaient que toutes les âmes N'oublions pas, à propos du sujet qui nous
pouvaient revenir après la mort, excepté occupe, une croyance très-répandue en Alle-
les âmes des noyés. Servius en dit la magne c'est qu'on peut vendre son âme au
:

raison c'est que l'âme, dans leur opinion,


: diable. Dans tous les pactes faits avec l'esprit
n'était autre chose qu'un feu, qui s'éteignait de ténèbres, celui qui s'engage vend son
dans l'eau, comme si le matériel pouvait dé- âme. Les Allemands ajoutent même qu'après
truire le spirituel. cet horrible marché le vendeur n'a plus
On sait mort est la séparation de
que la d'ombre. On conte, à ce propos, l'histoire
l'âme d'avec corps. C'est une opinion de
le d'un étudiant qui fit pacte avec le diable pour
l:>us les temps et de tous les peuples que les devenir l'époux d'une jeune dame dont il ne
Auies en quittant ce monde passent dans un pouvait obtenir la main. Il réussit avec l'aide
autre meilleur on plus mauvais, selon leurs du diable. Mais au moment de la célébration
œuvres. Les aucions donnaient au bnle'ier du mariage, un rayon de soleil frappa les
Ciiron la charge ûc conduire les âmes au sé- deux époux qu'on allait unir; on s'aperçut
jour des ombres. On trouve une tradilion avec effroi que le jeune homme n'avait pas
analogue à celte croyance chez les vieux d'ombre on reconnut qu'il avait vendu son
:

Itreluns. Ces peuples plaçaient le séjuur des âme, et tout fut rompu.
âîucs dans une île (jui doit se trouver entre Généralement les insensés qui vendent
l'Angleterre et l'Islande. Les bateliers et pé- leur âme
font leurs conditions et s'arrangent
cheurs, dit Tzelzès , ne payaient aucun tri- pour vivre un certain nombre d'anntTes après
but, parce qu'ils étaient chargés de la corvée le pacte. Mais si on vend sans fixer de terme,
de passer les âmes; et voici comment cela se le diable, qui est pressé de jouir, n'est pas
il) Jost'iilie, De Bollo jud., liv. VI, cap. I, cilé dans (i) De Cura pro morluis, cilé parCalmet, preiuièra
Quliiiii, iircmièrc jiarlic du U'aiU de» Aiipariiions, cli. \fi. puiiio, (.1). 1 1.
13 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 8)

toujours délicat; et voici un trait qui mérite si elle était rouge, et des malheurs si elle

altenliun :
présentait une couleur plombée. Voy, GoifFU.
Trois ivrognes s'entretenaient, en buvant, AMON, ou AAMON, grand et puissant
de rimuiorliililé de l'âme et des peines do marquis de l'empire infernal. Il a la figure
l'enfer. L'un deux commença à s'en moquer d'un loup, avecunequeuede serpent; il vomit
et dit là-dessu< des slupidités dignes de la de la flamme lorsqu'il prend la forme hu-
;

circonstance. C'était dans un cabaret de vil- maine, il n'a de l'homme que le corps; sa lêlo
lage. Cependant survient un homme de haute ressemble à celle d'un hihou etson bec laisse
sinture, velu gravement, qui s'assied près voir des dents canines très-effilées. C'est le
dos buveurs, et leur demande de quoi ils plus solide des princes des démons Il sail :

rient. Le plaisant villageois le met au fait, le passé et l'avenir, et réconcilie, quand il le


ajoutant qu'il peu de cas de son âme,
fait si veut, les amis brouillés. Il commande à qua-
vendre au plus offrant et à
qu'il est prêt à la rante légions (3).
bon marché, et qu'ils en boiront l'argent. AMOUR. Parmiles croyances superstitieu-
— Et combien me la vcus-tu vendre? dit le ses qui serattachent innocemment à l'a-
nouveau venu. Sans marchander, ils con- mour, nous citerons celle-ci, qu'un homme
viennent du prix l'acheteur en compte l'ar-
;
est généralement aimé quand ses chevenx
gent, et boivent. C'était joie jusque-là.
ils le
frisent naturellement. A Roscoff en Breta-
Mais, la nuit venant, l'acheteur dit 11 est : — gne, les femmes après la messe balayent la
temps, je pense, que chacun se retire chez poussière de la chapelle de la Sainte-
soi; celui qui a acheté un cheval a le droit Union, la soufflent du côté par lequel leurs
de l'emmener. Vous permettrez donc que je époux ou leurs fiancés doivent revenir
prenne ce qui est à moi. —
Or, ce disant, il
et se flattent, au moyen de cet inoff nsif
empoigne son vendeur tout tremblant, et sortilège, de fixer le cœur de celui qu'elles
l'emmène où il n'avait pas cru aller si vite; aiment (4). Dans d'autres pays, on croit stu-
de telle sorte que jamais plus le pays n'en pidement se faire aimer en attachant à son
ouït nouvelles. Voy. Mort. cou certains mots séparés par des croix
AMES DES BETES. Dans un petit ouvrage Voy. Philtres. Voy. aussi Rhombus.
très-spirituel sur l'âme des bêles , le Père
Il y a eu des amants entraînés parleurs pas-
Bougeant , jésuite a développé cette sin- sions qui se sont donnés au démon pour être
gulière ideede quelques philosophes anciens,
heureux. On conte qu'un valet vendit son
que les bétes étaient animées par les démons âme au diable, à condition qu'il deviendrait
les moins coupables, qui faisaient ainsi leur
l'époux de la fille de son maître, ce (jui le
expiation. Voy. albigeois.
rendit le plus infortuné îles hommes.
AMETHYSTE, pierre précieuse, d'un violet On attribue aussi à l'inspiration des démons
foncé, autrefois la neuvième en ordre sur le
certaines amours monstrueuses, romme la
pectoral du grand prêtre des Juifs. Une vieille
pnssion de Pygmalion pour sa statue. Un jeu-
opinion populaire lui attribue la vertu de
ne homme devint pareillement éperdu pour
garantir de l'ivresse.
la Vénus de Praxitèle; un Athénien se tua do
AMIANTE, espèce de pierre incombusti- désespoir aux pieds de la statue delaFortune,
ble, que Pline et les démonographes disent
qu'il trouvaitinsensible.Ces traits ne sontque
excellentecontre les charmes de la magie (1).
dis folies déplorables, pour ne pas dire pluj.
:AM1LCAR, général carthaginois. Assiégeant
Syracuse, il crut entendre pendant son som- AMOYMON ou AMAIMON l'un des qua^ ,

meil, une voix qui l'assurait qu'il souperait tre rois de l'enfer, dont il gouverne la partie
le lendemain dans la ville. £n conséquence, orientale. On l'évoque le matin, de neul
il Gt donner l'assaut de bon matin, espérant heures à midi, de trois à six heu-
et le soir

enlever Syracuse et y souper, comme le lui res. Asmodée est son lieutenant et le pre-
promettait son rêve. Il fut pris par les assié- mier prince de ses états (3j.
gés et y soupa en effet, non pas en vainqueur, AMPHIARAUS, devin de l'antiquité, qui se
ainsi qu'il s'y était attendu, mais en captif: cacha pour ne pas aller à la guerre de Thè-
te qui n'empêcha pas le songe d'avoir pré- bes, parce qu'il avait prévu qu'il y mour-
dit iuste (2). rait; ce qui eut lieu lorsqu'on l'eut décou-
Hérodote conte encore qu'Amilcar, vaincu vert et forcé à s'y rendre. Mais on ajoulo
par Gélou, disparut vers la fin de la bataille, qu'il ressuscita. Oa lui éleva un temple dans
et qu'on ne le retrouva plus; si bien que les l'Atlique, près d'une fontaine sacrée par la-
Carthaginois le miienl au rang de leurs quelle il s'était coulé en revenant des enfers.
dieux et lui offrirent des sacrifices. Il guérissait les malades en leur indiquant
AMMON. Voy. Jupiter-Ammon. des remèdes dans des songes, comme font
A.MN10MANCIE,divinationsurla coiffe ou de nos jours ceux qui pratiquent le som-
membrane qui enveloppe quelquefois la tête nambulisme magnétique. Il rendait aussi
des enfants naissants, ainsi nommée de celte p.'ir ce moyen des oracles, moyennant argent.
coiffe que les médecins appelaient en grec Après les sacrifices, le consultant s'endor^
nmnios. Les sages-femmes prédisaient le sort mait sur une peau de mouton ; et il lui ve-
fulur du nouveau-né par l'inspection de cette nait un rêve qu'on savait toujours interpré>
coiffe; elle annonçait d'heureuses destinées 1er après l'événement. On lui attribue des
Delancre, de l'Inconstance, clc,
proplicties écrites en vers, qui ne sont pas
(!) liv. IV, dise 3
(1) Valère-Maxime. Voyage de M. Canibry
(4) diins le Fliiisière, t I.
t^ Wicrus, in IVudomouarcbia cUeiu. (oj Witius, io PsL'uUomunaicliia Jaiu.
25 A\;U A MU 86
venues jusqu'à nous. Il inventa la pyroman- Mais comme il des préservatifs aux
fallait
cie. Voyez ce Mot. espriis fourvoyés, qui sont toujours le plus
AMPHION, Pausanias, Wierus et beau- grand nombre, on trouva moyen d'éluder la
ponp d'autres mollenl Amphion au rang des loi. On fit des amulettes avec des morceaux
habiles magiciens, parce qu'il rebâtit les de papier chargés de versets de l'Ecriture
•nurs de Thèhcs au son de sa lyre. sainte. Les lois se montrèrent moins rigides
AMPHISBÈNE, serpent auquel on attribue contre cette coutume, et on laissa aux prê-
lieux têtes ans doux extrémités, par lesquel- tres le soin d'en modérer les abus.
les il mord également. Le docteur Brown a
Les Grecs modernes, lorsqu'ils sont mala-
combattu celle erreur, que Pline avait adop- des, écrivent le nom de leur infirmité sur
tée. « On ne nie point, dit Brown (1), qu'il
un papier triangulaire qu'ils attachent à la
n'y ait eu quelques serpents à deux lôtes , porto de leur chambre. Ils ont grande foi à
dont chacune était à l'extrémilé opposée. celte amulette.
Nous trouvons dansAbidovrand un lézard de
cette même forme, et tel était peut-être l'am-
Quelques personnes portent sur elles le

phisbène dont Cissien du Puy montra la commencement de l'Evangile de saint Jean


figure au savant Fuber. Gela arrive quelque- comme un préservant contre le tonnerre; et

fois aux animaux qui font plusieurs petils à ce qui est assez particulier, c'est que les
surtout aux serpents, dont les œufs
la fois, cl
Turcs ont confiance à cette même amulelte,
si l'on en croit Pierre Leloyer.
étant attachés les uns aux autres peuvent
s'unir sous diverses formes el s'éclore de la Une autre queslion est de savoir si c'est
sorte. Mais ce sont là des productions mons- une superstition de porter sur soi les reli-
trueuses, contraires à celle loi suivant la- ques des saints, une croix, une image une
quelle toute créature engendre son sembla- chose bénite par les prières de l'Eglise , un
ble, et qui sont marquées comme irréguliô- Agnus Dei, elc, et si l'on doit mettre ces
res dans le cours général de la nature. Nous choses au rang des amulettes, comme le
douterons donc que l'amphisbène soit une prétendent les protestants. Nous recon- —
race de serpents à deux têtes, jusqu'à ce que naissons que si l'on attribue à ces choses la
le fait soil confirmé. » vertu surnaturelle de préserver d'accidents ,

AMULETTE, préservatif. Ou
appelle ainsi de mort subite, de mort dans l'état de
certains remèdes superstitieux que l'on péché, etc., c'est une superstition. Elle n'est
porte sur soi ou que l'on s'allache au cou pas dumême genre que celle des amulettes,
pour se préserver de quelque maladie ou de dont le prétendu pouvoir ne peut pas se rap-
quelque danger. Les Grecs les nommaient porter à Dieu ; mais c'est ce que les théolo-
phylactères, les Orientaux talismans. G'é- giens appellent vaine observance, parce que
t lient des images capricieuses ( un scarabée l'on attribue à des choses saintes et respec-
chez les Egyptiens ), des morceaux de par- tables un pouvoir que Dieu n'y a point atta-
chemin, de cuivre, d'étain, d'argent, ou en- ché. Un chrétien bien instruit ne les envisage
core de pierres particulières où l'on avait point ainsi; il sail que les saints ne peuvent
tracé de certains caractères ou de certains nous secourir que par leurs prières el par
hiéroglyphes. leur intercession auprès de Dieu. C'est pour
Comme cettesuperstilion est néed'un atla- cela que l'Eglise a décidé qu'il est utile et
chemcnt excessif à la vie el d'une crainte louable do les honorer et de les invoquer. Or
puérile de tout ce qui peut nuire, le christia- c'est un signe d'invocation et de respect à
nisme n'est venu à bout de la détruire que leur égard de porter sur soi leur image ou
chez les Ddèles (2). Dès les premiers siècles leurs reliques; de même que c'est une mar-
de l'Eglise, les Pères et les conciles défen- que d'affection et de respect pour une per-
dirent ces pratiques du paganisme. Ils repré- sonne que de garder son portrait ou quel-
sentèrent les amulettes comme un reste ido- que chose qui lui ait appartenu. Co n'est
lâtre de la confiance qu'on avait aux préten- donc ni une vaine observance ni une folle con-
dus génies gouverneurs du monde. Le cure fiance d'espérer qu'en considération de l'af-
Tliiers (3) a rapporté un grand nombre de l.'clion el du respect que nous témoignons à
passages des Pères à ce sujet, et les canons un saint, il intercédera el priera pour nous.
de plusieurs conciles. Il en est de même des croix et des Agnus Dei.

Les lois humaines condamnèrent aussi Bergier, Dictionnaire théologique.


l'usage des amulettes. L'empereur Constance On
lit dans Thyrœus (5) qu'on 1568, dans
défendit d'employer les amulettes el les leduché d>; Juliers, le prince d'Orange con-
charmes à la guérison des maladies. Cette damna un prisonnier espagnol à mourir; que
loi, rapportée par Ammien Marcellin, fut exé- ses soldats l'attachèrent à un arbre et s'ef-
cutée si sévèrement, que Valenlinien fit punir forcèrent de le tuer à coups d'arquebuse;
de mort une vieille femme qui ôtait la fièvre mais que leurs balles ne l'atteignirent point.
avec des paroles charmées, et qu'il fit cou- On le déshabilla pour s'assurer s'il n'avait
per la tête à un jeune homme qui touchait pas sur la peau une armure qui arrêtai le
un certain morceau de marbre en pronon- coup; on trouva une amulette portant la fi-
çant sept lettres de l'alphabet pour guérir le gure d'un agneau; on la lui ou», el le pre-
mal d'estomac (4). mier coup de fusil l'éteudit raide mort.
(I) Essii sur les errcors, liv. HI, cli. 13. U) Voyez Ammi -Marcellin, lib. XVI, XIX, XXIX, el
(i) Itergicr, Dictionnaire tliéoloj;iiiiie. le P. Lubruii, liv. III, cb. 2.
(g; ïiaiié des supcrslilions, liv. V, tli. 1 (îij Uisp de Dœmouiac. pars UI, wp. 43.
8T I ICTIONNAIUE DES SCIENCES OCCULTES.
On dans la vieille chronique de dom
voit, que le lendemain il s'éleva une querelle entre
IJrsino, QUC quand sa mère l'envoya, tout lui et un homme de sou auberge, qu'il tua
petit enfant qu'il était, à Saint-Jacques de son adversaire, et qu'il fut pendu huit jours
Compostelle, elle lui mit au cou une amu- après sur la place publique de Riom. —
litlc que son époux avait arrachée à un che- C'est un vieux conte renouvelé. On voit
valier maure. La vertu de celte amulelle dans Delancre (3) que le pendu s'appelait
était d'adoucir la fureur des bêles cruelles. Jean de Pruom, dont l'anagramme est la
En traversant une forél, une ourse enleva même.
le petit prince des mains de sa nourrice et J.-B. Rousseau, qui ne voulait pas re-
l'emporta dans sa caverne. Mais, loin de lui connaître son père, parce que ce n'é'.ail
faire aucun mal, elle l'clcva avec tendresse; qu'un humble cordonnier, avait pris le nom
il devint par la suite très-fameux sous le de Vernictics, dont l'anagramme fui faite;
nom de dom Ursino, qu'il devait à l'ourse, on y trouva Tu te renies.
:

sa nourrice sauvage, et il fut reconnu par On fit de Pierre de Ronsard, rose de Pin-
son père, à qui la légende dit qu'il succéda dare.
sur le Irdne de Navarre. On donna le nom
de cabale à la ligue des
Les nègres croient beaucoup à la puis- favoris de Charles d'Angleterre, qui étaient
11
sance dis amulettes. Les Bas-Bretons leur Clifford , Ashley Buckingham, Arlinglon,
,

attribuent le pouvoir de repousser le démon. Lauderdale, parce (;ue les initiales des noms
Dans le Finistère, quand on porte un enfant de ces cinq minisires formaient le mot cabal.
au baptême, on lui met au cou un morceau On voulut présenter comme une prophétie
de pain noir, pour éloigner les sorts cl les cette anagramme de Louis quatorzième, roi
maléfices que les vieilles sorcières pourraient de France et de Navarre: « Va, Dieu con-
jeter sur lui (1). Voy. Alès. fondra l'armée qui osera te résister... »
AMY, grand président aux enfers, et l'un Parfois les anagrammes donnent pourtant
des princes de la monarchie infernale. Il pa- un sens qui étonne. Qu'est-ce que la vérité?
rait là- bas environné de flammes, mais il af- Quid est veritas? demande Pilate à Homme- 1

fecte surlalerredes traits humains. Ilenseignc Dieu; et il se lève sans ,it endre la réponse.
les secrets de l'astrologie et des arts libé- Mais elle esl dans la question dont l'ana-
raux ; il donne de bons domestiques; il dé- gramme donne exactement est vir qui adest.
:

couvre, à ses amis , les trésors gardés par C'est celui qui est devant vous.
les démons;^ il est préfet de trcnle-six lé- fait des anagrammes
Les Juifs cabalisles ont
gions. Des anges déchus et des puissances la troisième partie de letir cabale leur but :

sont sous ses ordres. 1! espère qu'après deux est de trouver, dans la transposition des let-
cent mille ans il retournera dans le ciel pour tres ou des mots, des sens cachés ou mysté-
y occuper le septième trône; ce qui n'est rieux. Voy. Onomancie.
pas croyab'e, dit Wierus (2), ANAMELECH, démon obscur, porteur de
AMYRAUT (Moïse théologien protestant,
I, mauvaises nouvelles. 11 était adoré à So-
né dans l'Anjou, en 1596, mort en 16Gi. On pliarvaïm, ville des Assyriens. Il s'est mon-
lui doit un Traité des songes, aujourd'hui Irésouslafignred'une caille. Son nomsignifle,
peu recherché. à ce qu'on dit, bon roi; et des doctes assu-
ANAGRAMME. Il y eut des gens, surtout rent que ce démon est la lune, et Adramolcch
dans les quinzème et seizième siècles, qui le soleil.
prétendaient trouver des sens cachés dans ANANCITIDE, Voy. Aglaophotis.
les mets qu'ils décomposaient, et une di- ANANIAou ANAGNl (Jean u"), juriscon-
vination dans les anagrammes. On cite sulte du quinzième siècle, à qui on doit
comme une des plus heureuses celle que l'on quatre livres De la Nature des démons (4), et
fit sur le meurtrier de Henri 111, Frère dit un traité De la Magie et des mali'fiées (5). Ces
Jacques Clément, où l'on trouve C'est l'en- : ouvrages sont peu connus. Anania mourut
fer qui m'a créé. —
Deux religieux en dis- en Italie en 1458.
pute, le père Proust et le père d'Orléans, ANANISAPTA. Les cabalisles disent que ce
faisaient des anagrammes; le père Proust mol, écrit sur un parchemin vierge, est un
trouva dans le nom de son confrère l'Asne : talisman très-efficace contre les maladies.
d'or, et le père d'Orléans découvrit dans celui Les lettres qui le composent sont, à leur
du père Proust: Pur sot. avis, les initiales des mots qui forment la
Un nommé André Pujon, de la haute Au- prière suivante : Antidotum Nazareni Au-
vergne, passant par Lyon pour se rendre à ferat Necem Intoxicationis, Sanctificet Ali-
Paris, rêva la nuit que l'anagramme de son menta Poculaque Trinitas Aima.
nom était pendu à liiom. En effet, on ajoute ANANSIÉ. C'est le nom de l'araigoée gi-

(l) On lil dans les sages observalions de Thomas C.im|)- les liémorrhagies avec de la poix !
bcll sur Alger ; —
« 11 y a dans l'Algérie quelques Maures « Le docteur Abernelliy, dans une leçon sur le goîire,
et quelques Juils qui se préleiidenUIOLleiirs, el des femmes disait qu'il ne savait comment guérir cette maladie, el
qui se disent accoucbeuses. Mais les médecins et les chi- que peut-être la meilleure ordonnance serait de siffler. Il
rurgiens du pays ne savent pas un mot d'anatomie; ils ebt possible en vérité que les amulettes données aux
ignorent jusqu'au nom des drogues qu'ils prennent ÎJ tort Algériens par leurs marabouts soient les remèdes les plui
et à travers. En chirurgie, ils ne savent pas même manier innocents de leur pharmacie. »
la lancette. Eu médecine, ils viennent au secours d'une (2) In Pseudomon. dsemonum..
colique, de la pierre et de la pleurésie, par rapplicatiOf (3) L'Incrédulité et mécréance, etc., traité S.
d'un fer rouge sur la partie souffrante ce traitement
: (4) De Naturadjemonum, lib. IV, in-12; Keapoli, VXii,
force souvent le patient à crier qu'il est guéri , alin qu'on (5) De Magia et njaieficiis, iu-l»; Luiçduni, 1663.
çi;sse le remède. Ils saisncat avec un rasoir, el ancleu
8*) ANA AND 90
gantcsqiie et loute-puissanfo à qui les nègres effet (1). Alors le volcar se trahit par un
«le la Côtc-dOr atlribuenl la création de grand cri.
l'homme. Voy. Araignée. d'une sorcière, et qu'on veuille
S'il s'agit

ANARAZEL, l'un des démons chargés de seulement ôicr le maléfice pour le rejeter
la garde dos trésors souterrains, qu'ils trans- sur celle qui l'a jeté, on prend, le samedi,
portent d'un lieu à un autre pour les dérober avant le lever du soleil, une branche de cou-
aux recherches des hommes. C'est Annrazel drier d'une année, et on dit l'oraison sui-
qui, avec ses compagnons Gazicl et Fécor, vante « Je le coupe, rameau de cetteannée,
:

ébranle les fondements des maisons, excite « au nom de celui qae je veuxblcsser comme

les tempêtes, sonne les cloches à minuit, fait « je te blesse. » On met la branche sur la

paraître les spectres et inspire les terreurs table, en répétant trois fois une certaine
nocturnes. prière (2) qui se termine par ces mots Qiio :

le sorcier ou la sorcière soitanathèmp,etnous


ANATHÈME.Ccmol, tiré du grec, signifie
saufs (3)1
exposé, signalé, dévoué. On donnait chez les
païens le nom d'anathèmes aux filets qu'un
ANATOLIUS, philosophe platonicien, maî-
tre de Jamblique, auteur d'un traité des
et
pêcheur déposait sur l'autel des nymphes de
Sympathies et des antipathies, dont Fabricius
la mer, au miroir que Laïs consacra à Vénus,
a conservé quelques fragments dans sa Bi-
aux offrandes de coupes, de vêtements, d'in-
bliothèque grecque.
struments et de figures diverses. Ou l'appli-
qua ensuite aux objets odieux que l'on ex-
ANAXILAS, philosophe pythagoricien qui
vivaitsous Auguste. On l'accusa de magie,
posait dans un autre sens, comme la tête ou
parce qu'il faisait de mauvaises expériences
les dépouilles d'un coupable; et l'on appela
(!e physique, et Auguste le bannit. Il fut l'in-
anathème la victime vouée aux dieux infer-
venteur du flambeau infernal, qui consiste
naux.
à brûler du soufre dans un lieu privé
Chez les Juifs l'analhème a été générale- de lumière, ce qui rend les assistants fort
ment pris ainsi en mauvaise part. Chez les laiils.
chrétiens c'est la malédiction ou l'être mau- ANDERSON Alexandre ( ). Voy. Vampi-
dit.L'homme frappé d'anathèmc est retran- res, à la fin.
ché de la communion des fidèles.
ANDRADË, médecin qui eut des révéla-
Ily a beaucoup d'exemples qui prouvent lions en 853. Elles sont peu curieuses; cepen-
les effets de l'anathème; et comment expli- dant Duchesne les a recueillies dans sa col-
quer ce fait constant, que peu d'excommu- lection des historiens français [k).
niés ont prospéré? —
Voy. Excommunica-
ANDRAS, grand marquis aux
tion, Pierres d'anathème, etc. enfers. On
le voit avec le corps d'un ange, la tête d'un
Les magiciens et les devins emploient une chal-huani à cheval sur un loup noir, et
,

sorte d'anathème pour découvrir les voleurs portant à ïa main un sabre pointu. 11 ap-
et les maléfices: voici cette superstition. prend à ceux qu'il favorise, à tuer leurs en-
Nous prévenons ceux que les détails pour- nemis, maîtres et sirvitcurs; c'est lui qui
raient scandaliser, qu'ils sont extraits des élève les discordes et les querelles;
grimoires. —
On prend de l'eau limpide; on mande trente légions.
il com-
rassemble autant de petites pierres qu'il y a
de personnes soupçonnées; on les fait bouil-
ANDRÉ (Tobie), auteur d'un livre sur le
lir dans cette eau; on les enterre sous le seuil
pouvoir des mauvais anges, rare et peu recher-
rie la porte pur où doit passer le voleur ou
ché (5). Dix-sep;ième siècle.
la sorcière, en y joignant une lame d'clain ANDRE^E (Jean-Valentin), luthérien, né
sur laquelle sont écrits ces mots : Christus dans le durhede Wurtemberg en 1593, mo: t
vincit, Christus régnât, Christus imperat. On en 1654. Sis connaissances confuses, son
a eu soin de donner à chaque pierre le nom activité mal réglée, les mystérieuses allu-
de l'une des personnes qu'oii a lieu de soup- sions qui se remarquent dans ses premiers
çonner. —On ôte le tout de dessus le seuil ouvrages, l'ont fait regarder comme le fon-
de la porte au lever du soleil; si la pierre dateur du fameux ordre des Roses-Croix.
qui représente le coupable estbrûlante, c'est Plusieurs écrivains allemands lui attribuent
déjà un indice. Mais, comme le diable est au moins la réorganisation de cet ordre se-
sournois, il ne faut pas s'en content'^; on cret, affilié depuis àceluidis Francs-Maçons,
récite donc les sept psaumes de la pénitence, qui révèrent encore la mémoire d'Andreœ.
avec les litanies des saints : on prononce — Ses ouvrages, au nombre de cent, prê-
ensuite les prières de l'exorcisme, contre le chent généralement la nécessité des sociétés
voleur ou la sorcière; on écrit son nom dans secrètes, surtout la République Chrialianopo'
un cercle; on plante sur ce nom un clou litaine, la Tour de Babel, le Chaos des juge-
d'airain , de forme triangulaire, qu'il faut ments portés sur la Fraternité de la Rose-
enfoncer avec un marteau dont le manche Croix, Vidée d'une Société Chrétienne, la
soit de bois de cyprès, et on dit quelques lié forme générale du Monde et les Noces
paroles prescrites rigoureusement à cet chimiques de Chrétien Jiosencreulz.
,

— On
(I) Jusius es, Domine, et justa sunt jiidicia tua. (ô) Wierns, De Prœ-stig. daem., lib. V, cap. v.
i'ï) Comme la première, c'est une inconvenance. On (4) Excer|]ta revelationum Andradi medicl, anno
liiiri

ajnu;e aux l'aroli s saintes du sij^ne de la croix Drocli,


: — 833, tomo Scriptorum And. Ducliesne.
II,
Wirroch, Esenarotli, Bétuijarocli, Assmaarotli, qu'on cn- (o) Tuliia; AnJrea; Exercitaliones pliilosophic» de anfre»
11 umOI» de sig.içs de ciyix. SuJ'uiu maloruni iiotculia iii torpora, in 12; Au'Slel., llîU
PI nA:TlO;SNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 93
attribue à Andreœ des voyages merveilleux, Chez Indiens du Maduré, une des pre-
les
une existence pleine de mystères et des pro- mières castes, celle des cavaravadouks, pré-
diges qu'on a copiés récemment en grande tend descendre d'un âne ceux de celte caste ;

partie dans lu peinture qu'on nous a faite traitent les ânes en frères, prennent leur dé-
des tours de passe passe di; Caglioslro. fense, poursuivent en justice et font condam-
ANDRIAGUE, animal fabuleux, espèce de ner à l'anieiide quiconque les charge trop ou
cheval ou de griffon ailé, que les romans de les bat et les outrage sans raison. Dans les
chevalerie donnent quelquefois aux magi- temps de pluie, ils donneront le couvert à un
ciens, qu'ils prêtent même à leurs héros et , âne et le refuseront à son conducteur, s'il
qu'on relrouYC aussi dans des contes de n'est pas de certaine condition M).
fées. Voici une vieille fable sur l'ane Jupiter :

ANDROALPHUS puissant démon


, mar- , venait de prendre possession de l'empire les ;

quis de l'empire infernal ;il se montre sous hommes, à son avènement, lui demandèrent
la figure d'un paon à la voix grave. Quand un printemps éternel, ce qu'il leur accorda ;
il parait avec la forme humaine on peut le , il chargea l'âne de Silène de porter sur la
contraindre à donner des leçons de géométrie. terre ce présent. L'âne eut soif, et s'appro-
li est astronome, et il enseigne de plus à er- cha d'une fontaine ; le serpent qui la gardait,
goter habilement. 11 donne aux hommes des pour lui permettre d'y boire, lui demanda le
figures d'oiseaux ce qui permet à ceux qui
;
trésor dont il était porteur, et le pauvre ani-
commercent avec lui d'éviter la griffe des ju- mal troqua le don ducici contre un peu d'eau.
ges. Trente légions sont sous ses ordres (1). C'est depuis ce temps, dit-on, que les vieux
ANDROGINA. Bodin et Delancre content serpents changent de peau et rajeunissent
(2) qu'en 1536, à Casai, en Piémont, on re- perpétuellement.
marqua qu'une sorcière , nommée Andro- Aiais il y a des ânes plus adroits que ce-
gina, entrait dans les maisons, et que bien- lui-là à une demi-lieue du Kaire se trou-
:

tôt après on y mourait. Elle fut prise et li- vait, dans une grande bourgade, un bateleur
vrée aux juges ; elle confessa que quarante qui avait un âne si instruit que les manants
sorcières , ses compagnes avaient composé , le prenaient pour un démon déguisé. Son
avec elle le maléfice. C'était un onguent dont maître le faisait danser ensuite il lui disait ;

elles allaient graisser les loquels des portes ; que le soudan voulait conslruire un bel édi-
ceux qui louchaient ces loquets mouraient fice, et qu'il avait résolu d'employer tons les
en peu de jours. —
« La mémo chose advint ânes du Kaire à porter la chaux le mortier ,

à Genève en 1363 ajoute Delancre si bien


, , et la pierre. Aussitôt l'âne se laissait tomber,
qu'elles y mirent la peste qui dura plus de ,
raidissait les jambes et fermait les yeux
sept ans. Cent soixante-dix sorcières furent comme s'il eûl été mort. Le bateleur se plai-
exécutées à Rome pour cas semblable som gnait de la mort de son âne , et priait qu'on
it consulat de Claudius Marcellus et de Va- lui donnât un peu d'argent pour en acheter
lerius Flaccus : mais la sorcellerie n'élant un autre.
pas encore bien reconnue, on les prenait Après avoir recueilliquelque monnaie :

simplement alors pour des empoisonneu- Ah ! disait-il, il n'est pas mort, mais il a fait
ses » semblant de l'être, parce qu'il sait que je n'ai
ANDROIDES, automates à Ggure humaine. pas le moyen de le nourrir. — Lève-toi,
^-Voy. MÉCANIQUE et Albert lb Grand. ajoutail-il. — L'âne n'en faisait rien. Ce que
ANE. Les Égyptiens traçaient son image voyant maître annonçait que le soudan
, le
sur les gâteaux qu'ils offraient à Typhou , avait fait crier à son de trompe que le peuple
dieu du mal. Les Romains regardaient la ren- eût à se trouver le lendemain hors de la ville
< outre de l'âne comme un mauvais présage. du Kaire, pour y voir de grandes magnificen-
Mais cet animal était honoré dans l'Arabie. —
ces. Il veut, poursuivait-il, que les plus

Certains peuples trouvaient quelque chose nobles dames soient montées sur des ânes...
de mystérieux dans celte innocente bête et — L'âne se levait à ces mots dressant la ,


,

«n pratiquait autrefois une divination dans tête et les oreilles en signe de joie. Il est
laquelle on employait une tête d'âne. Voy. vrai reprenait le bateleur , que le gouver-
,

Képhalonomancie. neur de mon quartier m'a prié de lui prêter


Ce n'est pas ici le lieu de parler de la fêle le mien pour sa femme , qui est une vieille
lie l'âne. Mais relevons une croyance popu- roupilleuse édenlée.
laire qui fait de la croix noire qu'il porte sur L'âne baissait aussitôt les oreilles et com-
le dos une distinction accordée à l'espèce, à mençait à clocher , comme s'il eût élc boi-
cause de l'ânesse de Belhphagé. C'est un fait teux*(2).
singulier. Mais Pline, qui était presque con- Ces ânes merveilleux , disent les démono-
temporain de l'ânesse qui porta Noire-Sei- graphes, élaient, sinon des démons, au moins
gneur , et qui a rassemblé avec soin tout ce des hommes métamorphosés ; comme Apulée,
r\ai concerne l'âne, ne parle d'aucune révolu- (jui fut , ainsi qu'on sait transmué en âne. ,

lion'survenue dans la distribution de la cou- Vincent de Beauvais (3) raconte la légende de


leur et du poil de cet animal. On peut donc deux femmes , qui tenaient une petite au-
croire que les ânes ont toujours porté celte berge auprès de Rome, et qui allaient vendre
marque.
(1) Saint-l'^oÎT, t. IF des Essais sur Paris.

(1) Wienis, in Pseudomor daemon. (2) Léo Àfricanus, pari. 8 délia Africa, elle dans Lcr
(i) Déinonoinauie, liv. fV, cli. iv. Tableau de loyer.
l'incoii-
tiliace, cic., iJv. n, Uibc, i. ^3) lu Si)ccul. nalur., Ul). III, cap. «ii.
85 ANC -\NG >Ji

leurs hôtes au marché après les avoir chan- terrc , comme


les anges le louaient dans la
gés en cochons de lail, en poulets en mou- , ciel. 11 leur demanda ensuite, s'ils savaient
lons. Une d'elles, njoutc-l-iltransforma un
, le nom de toutes les créatures ? Us répondi-
comédien en âne ; comme
il conservait
et, rent que non ; el Adam, (lui parut aussitôt
SCS tîilents sous sa nouvelle peau, elle le me- les récita tous sans hésiter , ce qui les con-
nait dans les foires des environs, où il lui ga- fondit.
gnait beaucoup d'argent. Un voisin acheta L'Ecriture sainte a conservé quelquefois
très-cher cet âne savant. En le lui livrant, la aux démons le nom d'anges , mais auges de
sorcière se borna à lui recommander de ne ténèbres, anges déchus ou mauvais anges.
pas le laisser entrer dans l'eau, ce que ic Leur chef est appelé le grand dragon et l'an-
nouveau maître de l'âne observa quelque cien serpent à cause de la forme qu'il prit
,

temps. Mais un jour le pauvre animal, ayant pour tenter la femme.


trouvé moyen de rompre son licou se jeta , Zoroastre enseignait l'existence d'un nom-
dans un lac , oiî il reprit sa forme naturelle, bre infini d'anges ou d'esprits médiateurs ,
au grand étonncminl de son conducteur. auxquels il attribuait non-seulement un
L'allaire, dit le conte, fut portée au juge, qui pouvoir d'intercession subordonné à la pro-
fil châtier les deux sorcières. vidence continuelle de Dieu mais un pou- ,

Les rabbins font grand cas de Tânesse


très voir aussi absolu que celui que les païens
de Balaara. j'est disent-ils , un animal pri-
, prêtaient à leurs dieux (2). C'esl le culte
vilégié que Dieu forma à la fin du sixième rendu à des dieux secondaires que saint Paul
jour. Abraham se servit d'elle pour porter a condamné (3).
le bois destiné au sacrifice d'Isaac ; elle Les musulmans croient que les hommes
porta ensuite la femme et le fils de Moïse ont chacun deux anges gardiens dont l'un ,

dans le désert. Ils assurent que celle ânesso écrit le bien qu'ils font, et l'autre, le mal. Ces
est soigneusement nourrie et réservée dans anges sont si bons, ajoutent-iln, que, quand
un lieu secret jusqu'à l'avénemenl du Mes- celui qui est sous leur garde fait une mau-
sie juif, qui doit la monter pour soumellre vaise action , ils le laissent dormir avant du
toute la terre. Voy. Borack. l'enregisirer, espérant qu'il pourra se repen-
ANGAT. Nom du diable à Madagascar, oiî tir à son révtil.
il esl regardé comme un génie sanguinaire Les Persans donnent à chaque homme cinq
et cruel. On lui donne la figure du serpeiU. anges gardiens qui sont placés : le premier
,

ANGELIERI, Sicilien du dix-septième siè- à sa droite pour écrire ses bonnes actions, le
cle, qui n'est connu que par un fatras dont second à sa gauche peur écrire les mauvai-
il publia deux volumes, et dont il en promc t- ses, le troisième devant lui pourle conduire,
lait vingt-quatre , sous le tilrc de Lumière le quatrième derrière pour le garantir des
Tnayi(/ue, ou origine, ordre et gouvernement démons , et le cinquième devant son front
de toutes choses célestes, terrestres et in-
les pour tenir son espril élevé vers le prophète.
fernales, etc. (1). Mongitore en parle dans le D'autres en ce pays portent le nombre des
lomc I" d:t sa Bibliothèque sicilienne. anges gardiens jus(]u'à cent soixante.
ANGÉLIQUE, plante qui passe pour un Les Siamois divisent les anges en sept or-
prcscrv.iiif contre les fascinations de la ma- dres, et les chargent de la garde des planètes,
gie. On la mettait en manière d'amulclle au des villes, des personnes. Us disent que c'est
cou des petits enfants pour les garantir des pendant qu'on étcrnue que les mauvais an-
maléfices. ges écrivent les fautes des hommes.
ANGERBODE ou ANGURBODE, femme gi- Les théologiens admettent neuf chœurs
gantesque qui se njaria avec le diable, selon d'anges, en trois hiérarchies les séraphins,
:

l'opinion des Scandinaves, et qui enfanta les chérubins, les trônes; —


les domina-
trois monstres le loup Fenris , le serpent
: tions, les principautés, les vertus des cieux j
Jormungandur et la démone Héla, qui garde — les puissances, les archanges et les anges.
le monde souterrain. Parce que des anges, en certaines occa-
ANGES. Les Juifs, à l'exception des sadu- sions où Dieu l'a voulu, ont secouru les Juifs
céens , admettaient cl honoraient les anges contre leurs ennemis, les peuples modernes
en qui ils voyaient, comme nous , des sub- ont quel(iuefois attendu le même prodige. Lo
stances spirituelles, intelligentes, et les pre- jour de la prise de Constantinople par Ma-
mières en dignité entre les créatures. homet 11, les Grecs schismatiquos comptant ,

Les rabbins , qui depuis la dispersion ont sur la prophétie d'un de leurs moines, se per-
tout altéré, et qui pla( eut la création des an- suadaient que les Turcs n'entreraient pas
ges au second jour, ajoutent (ju'ayant été ap- dans la ville, mais qu'ils seraient arrêtés aux
pelés au conseil de Dieu, lorsqu'il voulut fur murailles par un ange armé d'un glaive, qui
mer l'homme, leurs avis furent partagés, et les chasserait et les repousserait jusqu'aux
que Dieu fil Adam à leur insu, pour éviter frontières de la Perse. Quand l'ennemi parut
leurs murmures. Us reprochèrent néanmoins sur la brèche le peuple et l'armée se réfu^
,

à Dieu d'avoir donné trop d'empire à .\dam. gièrent dans le temple de Sainte-Sophie, sans
Dieu soutint l'excellence de son ouvrage ,
avoir perdu tout espoir; mais l'ange n'arriva
parce que l'homme devait le louer sur la pas, et la ville fut saccagée.

I (1^ Lux magica acaili'mic.i, cœleslium, terresuium rt


infernorum origo, ordo cl subordiiialio cuiiclorum quoad
esse, fieri el operari JXIV voluminibus divisa. Pars 1,
,

Teuise, 1C86, sous le i^om de Livio Bctani; pars %, Yc-


nise, 1687. Ces deui vol. sont in-4".
(2) 13prgier, Dicliomiaire lliéologique.
(.lj Coloss-, cap. u, vers. ly.
!)5 MCTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. W
cardan raconle qu'un jour qu'il était à par reconnaissance ou par suite des doc-,

Milan, bruit se répandit tout à coup qu'il y


le trines de la métempsycose. Chaque dieu
avait les airs au-(!essus do la
un ange dans avait un animal qui lui était dévoué. Les
ville. Il accourut et vit, ainsi que deux mille anciens philosophes avaient parfois , au su-
personnes rassemblées, un ange qui planait jet des animaux, de singulières idées. Celse,
dans les nuages , armé d'une longue épée et qui a été si bien batlu par Origène soute- ,

les ailes Les habitants s'écriaient


étendues. nait très sérieusement que les animaux ont
que c'était l'ange exterminateur; et la con- plus de raison, plus de sagesse, plus de vertu
siernation devenait générale lorsqu'un ju- ,
que l'homme (peut-être jugeait-il d'après lui-
risconsulte fit remarquer que ce qu'on voyait même), et qu'ils sont dans un commerce plus
n'était que la représentation qui se faisait iiiiimc avec la Divinité. Quelques-uns ont
dans nuées , d'un ange de marbre blanc
les cherché Jans de telles idées, l'origine du cullo
placé au haut du clocher de Saint-Gothard. que les Egyptiens rendaient à plusieurs ani-
Vov. Armées prodigieuses. maux. Mais daulres mythologues vous diront
ÂNGEWEILLER. Voy. Fées. que ces animaux étaieni révérés, parce qu'ils
ANGUEKKOK, espèce de sorcier auquel les avaient prêlé leur peau aux dieux égyp-
Groenlandais ont recours dans tous leurs tiens en déroule et obligés à se travestir.
embarras. Ainsi, quand les veaux marins ne Voy. Ame des bêtes.
se montrent pas en assez grand nombre on ,
Divers animaux sont très-réputés dans la
va prier l'anguekkok d'aller trouver la femme sorcellerie , comme le coq , le chat , le cra-
prodigieuse qui, selon la tradition, a traîne paud bouc le loup
, le le chien
, ou parce , ,

la grande île de Disco, de la rivière de IJaal, qu'ils accompagnent les sorcières au sabb.it,
où elle était située autrefois pour la placer ,
ou pour les présages qu'ils donnent, ou parce
à plus de cent lieues de là, à l'endroit où elle que les magiciens et les démons empruntent
se trouve aujourd'hui. D'après la légende, I urs formes. Nous en parlerons à leurs ar-
cette femme habite au fond de la mer , dans ticles particuliers.
une vaste maison gardée par les veaux ma- Dix animaux sont admis dans le paradis do
rins; des oiseaux de mer nagent dans sa Mahomet la baleine de Jonas,
: la fourmi do
lampe d'huile de poisson et les habitants de
,
Salomon, le bélier d'ismacl, le veau d'Abra-
l'abîme se réunissent autour d'elle, attirés ham , l'âne d'Aasis , reine de Saba , la cha-
par son éclat, sans pouvoir la quitter, jusqu'à melle du prophè;e Saleh le bœuf de Moïse, ,

ce que l'anguekkoK la saisisse par les che- le chien des sept dormants , le coucou de
veux , et lui enlevant sa coiffure rom;:e le
, ,
Belkis et l'âne de Mahomet. Voy. Borack.
charme qui les retenait auprès d'elle. Nous ne dirons qu'un mot d'une erreur
Quand un Groenlandais tombe malade, c'est populaire qui, aujourd'hui, n'est plus très-
encore l'anguekkok qui lui sert de médecin ; enracinée. On croyait autrefois que toutes
il se charge également de guérir les maux du les espèces qui sont sur la terre se trouvaient
corps et ceux de l'âme (1). Voyez Torngar- aussi dans la mer. Le docteur BroTvn a prouvé
SUK. que cette opinion n'était pas fondée. « 11 se-
ANGUILLE. —
Les livres de secrets mer- rait bien difficile, dit-il, de trouver 1 huître sur
veilleux donnent à l'anguille des vertus sur- la terre ; et la panihère , le chameau , la
prenantes. Si on la laisse mourir hors de l'eau, taupe ne se rencontrent pas dans l'histoire
qu'on mette ensuite son corps entier dans du naturelle des poissons. D'ailleurs le renard,
fort vinaigre mêlé avec du sang de vautour, le chien , l'âne, le lièvre de mer ne ressem-
et qu'on place le tout sous du fumier, cette blent pas aux animaux terrestres qui portent
composition « fera ressusciter tout ce qui lui le même nom. Le cheval marin n'est pas plus
sera présenté, et lui redonnera la vie comme un cheval qu'un aigle le bœuf de mer n'est ;

auparavant (2). » qu'une grosse raie le lion marin, une espèce


;

Des autorités de la même force disent en- d'écrevisse; et le chien marin ne représenie
core que celui qui mange le cœur tout chaud pas plus le chien de terre que celui-ci ne res-
d'une anguille sera saisi d'un instinct pro-
, semble à l'étoile Sirius qu'on appelle aussi ,

phétique, et prédira les choses futures. le chien (4). »


Les Egyptiens adoraient l'anguille, que Il serait long et hors de propos de rappor-
leurs prêtres seuls avaient droit de manger. ter ici toutes les bizarreries que l'esprit hu-
On a beaucoup parlé, dans le dernier siècle, main a enfantées par rapport aux animaux.
des anguilles formées de farine ou de jus de Voy. BÊTES, etc.
inonton ; c'était une de ces plaisanteries qu'on ANJORRAND. — Voy. Denis.
a))pelle aujourd'hui un canard. ANNEAU. — Il y avait autrefois beaucoup
N'oublions pas le petit trait d'un avare, d'anneaux enchantés ou chargés d'amulelies.
rapporté par Guillaume de Malmesbury, Les magiciens faisaient des anneaux constel-
doyen d'Elgin dans la province de Murray
, lés avec lesquels on opérait dos merveilles.
en Ecosse, lequel avare fut, par magie, changé Voy. Eléazar. —
Cette croyance était si ré-
en anguille et mis en matelotte ^3). pandue chez les païens, que leurs prêlres ne
ANIMAUX. —
Us j;!)ucnt un grand rôle pouvaient porter d'anneaux à moins qu'ils ,

us les anciennes mythologics. Les païens


«Il ne fussent si simples qu'il était évident qu'ils
en adoraient plusieurs , ou par terreur ou , ne contenaient pas d'amulettes (5).
(I) l^xpéilition du capitaine Graaii dans le Groenland. t. I, p. 323.
(2| Admirables Secrets (l'Albert le Grand, liv. Il, cl). i:i. (l) Brown, Des Erreurs populaires, 'iv. lU, cli. xxir.
(5J Ciié par M. Salgues. .Des Erreur] et des l'réjuges, {y, Aitiu-Cclle, lib. ,X, cap. xxv.
97 ANC AÎSG rs
Les anneaux magiques devinrent aussi de les : Je'sus passant an milieu d'eux f s'en
f
quelque usage chez les chrétiens, et même alla (2) puis, ayant posé le tout sur une pla-
;

beaucoup de superstilions se ruUachèrent au que de mercure fixé on fera le parfum de


,

simple anneau d'alliance. On croyait qu'il y Mercure; on enveloppera l'anneau dans un


avait dans le quatrième doigt , qu'on appela taffetas de la couleur convenable à la planète,
spécialement doigt annulaire ou doigt destiné on le portera dans le nid de la huppe d'où
à l'anneau, une ligne qui répondait directe- l'on a lire la pierre, on l'y laissera neuf jours
;

ment au cœur; on recommanda donc de inet- et quand on le retirera, on fera encore le par-
Ire l'anneau d'alliance à ce seul doigt. Le fum comme la première fois; puis on le gar-
moment où le mari donne l'anneau à sa jeune dera dans une petite boîte faite avec du mer-
épouse devant le prêtre ce moment dit un
, , cure fixé, pour s'en servir à l'occasion. Alors
vieux livre de secrets est de la plus haute
, on mettra la bague à son doigt. En tournant
importance. Si le mari arrête l'anneau à l'en- la pierre au dehors de la main, elle a la vertu
trée du doigt et ne passe pas la seconde join- de rendre invisible aux yeux des assistanis
ture la fLMTime sera maîtresse; mais s'il en-
, celui qui la porte; et quand ^n veut être vu.
fonce l'anneau jusqu'à l'origine du doigt, il il suffit de rentrer la pierre en dedans de la

sera chef et souverain. Cette idée est encore main, que l'on ferme en forme de poing.
en vigueur, et les jeunes mariées ont géné- Porphyre, Jamblique, Pierre d'Apone et
ralement soin de courber le doigt annulaire Agrippa, ou du moins les livres de secrets
au moment où elles reçoivent l'anneau de , qui leursont attribués, soutiennent qu'un an-
manière à l'arrêter avant la seconde jointure. neau fait de la manière suivante a la même
Les Anglaises qui observent la même su-
,
propriété. Il faut prendre des poils qui sont
perstition, font le plus grand cas de l'anneau au-dessus de la tète de la hyène, et en fairo
d'alliance à cause de ses propriétés. Elles
, de petites tresses avec lesquelles on fabrique
croient qu'en mettant un de ces anneaux dans un anneau, qu'on porte aussi dans le nid du
un bonnet de nuit, et plaçant le tout sous leur la huppe. On le laisse là neuf jour»; on le
chevet , elles verront en songe le mari qui passe ensuite dans des parfums préparés soui
leur est destiné. les auspices de Mercure (planète). On s'en
LesOrienlaux révèrcnllcsanneauxetles ba- sert comme de l'autre anneau, excepté qu'oii
gues, cl croient aux anneaux enchantés. Leurs rôle absolument du doigt quand on ne veut
coules sont pleins de prodiges opérés par ces plus être invisible.
anneaux. Ils citent surtout, avec une admiration Si, d'un autre côlé, on veut se précaution-
sans bornes, Vanneau de Salomon, par la force ner contre l'effet de ces anneaux cabalisti-
duquel ce prince commandait à toute la nature. ques, on aura une bague faile de plomb raf-
Le grand nom de Dieu est gravé sur celle finé et purgé; on enchâssera dans le chaton
bague, qui est gardée par des dragons, dans un œil de jeune belette qui n'aura porté des
le tombeau inconnu de Salomon. Celui qui petits qu'une fois; sur le contour on gravera
s'emparerait de cet anneau, serait maître du les paroles suivantes Apparuit Dominus Si-
:

monde et aurait lous les génies à ses ordres. moni. Celte bague se fera un samedi, lors-
Voy. Sakhar. —
A défaut de ce talisman pro- qu'on connaîtra que Saturne est en opposi-
digieux, ils achètent à des magiciens des an- tion avec Mercure. On l'enveloppera dans
neaux qui produisent aussi des merveilles. un morceau de linceul mortuaire qui ait en-
Henri VIII bénissait des anneaux d'or, qui veloppé un mort; on l'y laissera neuf jours ;
avaient, disait-il, la propriété de guérir de la puis, l'ayant retirée,on fera trois fois le
crampe (1). parfum de Saturne, et on s'en servira.
Les faiseurs de secrets ont inventé des ba- Ceux qui ont imaginé ces anneaux ont rai-
gues magiques ([ui ont plusieurs vertus. Liurs sonné sur le principe de l'antipathie qu'ils
livres parlent de Vanneau des voyageurs. Cet supposaient entre les matières qui les com-
anneau, dont le secret n'est pas bien certain, posent. Rien n'est plus aniipalhique à la
donnait à celui qui le portait le moyen d'aller liyène que la beletle, et Saturne rétrograde
sans fatigue de Paris à Orléans, et de revenir presque toujours à Mercure; ou, lorsqu'ils
d Orléans à Paris dans la même journée. se rencontrent dans le domicile de quelques
Mais on n'a pas perdu le secret de Vanneau signes du zodiaque, c'est toujours un aspect
d'invisibilité Les cabalistes ont laissé la ma-
. funeste et de mauvais augure (3J.
nière de faire cet anneau, qui plaça Gygès au On peut faire d'autres anneaux sous i'in-
trône de Lydie. Il faut entreprendre cette opé- nuencc des planètes, et leur donner des ver-
ration un mercredi de printemps sous les ,
tus au moyen de pierres et d'herbes mer-
auspices de Mercure , lorsque cette planète veilleuses. « Mais dans ces caraclèrus, her-
se trouve en conjonction avec une des autres bes cueillies, constellations et charmes, le
planètes favorables, comme
Lune, Jupiter,
la diable se coule, » comme dit Leloyer, quand
Vénus et le Soleil. Que bon mer-
l'on ait de ce n'est pas simplement le démon de la gros-
cure fixé et purifié; on en formera une bague sière imposture. « Ceux qui observent les
où puisse entrer facilement le doigt du mi- heures des astres, ajoute-t-il, n'obsencut
lieu; on enchâssera dans le chaton une petite que les heures des démons qui président aux
pierre que l'on trouve dans le nid de la huppe, pierres, aux herbes et aux astres mêmes, »
et on gravera autour de la bague ces paro- — Et il est de fait que ce ne sont ni des
(1) Misson, Voyage d'Italie, t. IH, p. IC, à la marge.
(3J Pclil Albert.
(2) Sailli Luc, ch. iv, verseiSO.
niCTIONNAIRE DES SCIENCES OCCl LTES 100

sninis ni des cœurs lionnélcs qui se môlcnt vous vous en allâtes sans payer, acquittez le
tic ces superstitions. passé, et je vous ferai crédit du présinl...
ANNEBERG, — démon des mines; il lua Le préjugé des années climalériques sub-
un jour de son doure ouvriers (jui
soufllc siste encore, quoiqu'on en ait à peu près
travaillaient à une mine d'argent dont il démontré l'absurdité. Auguste écrivait à son
iivait la garde. C'est un démon méclianl, ran* neveu Caïus, pour l'engager à célébrer le
cunier et terrible. Il se montre surtout en jour de sa naissance , attendu qu'il avait
Allemagne; on dit qu'il a la figure d'un che- passé la soixanle-lroisiènic année, qui est —
val, avec un cou immense et des yeux ef- celle grande climalérit)uc si redoutable pour
froyables (1). les humains. —
Beaucoup de personnes crai
ANNÉE. — Plusieurs peuples ont célébré, gnent encore l'année climalcriquc ; cepen-
par des cérémonies plus ou moins singuliè- dant une foule de relevés prouvent qu'il ne
res, le retour du nouvel an. Chez les Perses, meurt pas plus d'hommes dans la soixante-
un jeune homme s'approchait du prince et troisième année que dans les années qui la
lui faisait des offrandes, en disant qu'il lui précèdent. Mais un préjugé se détruit avec
apportaitla nouvelle année de la part de Dieu. peine. Selon ces idées, que Pythagore fit
Chez nous, on donne encore des élrennes. naître par ses singulières rêveries sur les
Les Gaulois commençaient l'année par la nombres, notretempéramenléprouve tous les
cérémonie du gui de chêne, qu'ils appelaient sept ans une révolution complète. Quelques-
le gui de l'an neuf ou du nouvel an. Les drui- uns disent même qu'il se renouvelle entière-
des, accompagnés du peuple, allaient dans ment. D'autres prétendent que ce renou-
une forêt, dressaient autour du plus beau vellement l'a lieu que tous les neuf ans :

chêne un autel triangulaire de gazon, et gra- aussi les années clim.itériques se comptent
vaient sur le tronc et sur les deux plus gros- par sept et par neuf. Quarante-neuf et qua-
ses branches de l'arbre révéré les noms des tre-vingt-un sont desannées très-importanles,
dieux qu'ils croyaient les plus puissants : disent les partisans de celte doctrine ; mais
J'Iieutatès, IJésus, Tarants, Belenus. Ensuite soixante-trois est l'année la plus fatale, p.in e
lun d'eux, vêtu d'une blanche tunique, cou- que c'est la multiplication de sept par neuf.
pait le gui avec une serpe d'or; deux autres Un Normand disait: Encore un des miens
druide:» étaient là pour le recevoir dans un pendu à quarante-neuf ans et qu'on dise !

linge et prendre garde qu'il ne touchât la qu'il ne faut pas se méfier des années clima*
terre. Ils distribuaient l'eau où ils faisaient tériqucs !

tremper ce nouveau gui, et persuadaient au « On ne doit pourtant pas porter trop loin,
peuple qu'elle gucriss^iil plusieurs maladies dit M. Salgues, le mépris de la période septé-
i-t qu'elle était efficace contre les sortilè- naire, qui marque en effet les progrès du dé-
ges (2). veloppement cl de l'accroissement du corps
On appelle anne'e platonique un espace de humain. Ainsi, généralement, « les dents de
temps à la Gn duquel tout doit se retrouver l'enfance tombent à sept ans, la puberté se
à la même place (3). Les uns comptent seize manifeste à quatorze, le corps cesse de croî-
mille ans pour cette révolution , d'autres tre à vingt-un. » —
Mais celte observation
trente -six mille. Il y en eut aussi qui n'est pas complètement exacte.
croyaient anciennement qu'au bout de celle ANNIUS JjE VITEUBE (Jean Nansi), sa- —
période, le monde serait renouvelé, et que les vaut ecclésiastique, né à Vilerbe en 1432. Il
âmes rentreraient dans leurs corps pour a publié une collection de manuscrits attri-
commencer une nouvelle vie semblable à la bués à Bérose, à Fabius Pictor à Galon, à ,

précédente. On conte là-dessus celle petite Archiloque,à Manéthon,etc., et connus sous


auecdote : le nomii'AnHquitésd'Annius. Ce recueil a peu
Deux Allemands, arrêtés dans une auberge de crédit. On prétend qu'il contient beaucoup
de Châlons-sur-Marne, amenèrent la con- de fables; mais plusieurs de ces fables sont
versation sur cette grande année platonique d'antiques légendes.
uù toutes les choses doivent retournera leur — On doit encore à Annius un Traité de
premier état; ils voulurent persuader au V empire des Turcs, cl un livre des Futurs
niailre du logis qu'il n'y avait rien de si vrai triomphes des chrétiens sur les Turcs et lis
que celte révolution; « de sorte, disaient-ils, Sarrasins etc. Ces deux ouvrages sont des
,

que, dans seize mille ans d'ici, nous serons explications de l'Apocalypse. L'auteur pense
à boire chez vous à pareille heure et dans que iMahomel est l'anlechrist, et que la Gn du
celte même chambre. » uionde aura lieu quand le peuple des saints
Là-dessus, ayant très-peu d'argent, en (les chrétiens) aura soumis entièrement les
vrais Allemands qu'ils étaient, ils prièrent Juifs et les mahoméians.
l'hôte de leur faire crédit jusque-là. ANOCCUIATUUA, — fascination involon-
Le cabarelier champenois leur répondit taire qui s'exerce, soit par les yeux, soit par
qu'il le voulait bien. —
Mais, ajouta-l-il, les paroles , selon les croyances populaires
parce qu'il y a seize mille ans jour pour jour, des Corses mais dans un sens très-bizarre,
,

iicurc pour heure, que vous étiez pareille- lespuissances mystérieuses qui président à
ment à boire ici, comme vous faites, et que l'anucchiatura ayant la singulière habitude

(1) Wierus, De Prx'sl., lib. I, cap. un. année. Ciecron, dans un pas5.ige de son Hnrlensius, luii-
(2) Saint-Foix, EssaU, etc., t. II. servé par Servius, l'ait celte grande année de douze nulle
(3) Uiicl()ues-uns diraient que les cor|» rélesles scule- neuf cent cinquanie-qualre des uAires.
nicul«e relrouveraieni au wèuic point au buut de la grande
101 ANT ANT m
d'exécuter le contraire de ce qu'on souhaite. comberaient, si le temps r. en èiail abréiçé oh
Aussi, dans la crainte de fasciner les enfants, leur faveur ;car il se donnera pour le Messie
en leur adressant des bénédictions ou des et fera dos prodiges capables d'induire en er-
éloges le peup!e qui leur veut du bien le
, reur les él:(s mêmes.
leur prouTe par des injures et des souhails Leloyer (4) rapporte celte opinion popu-
d'autant plus favorables qu'ils sont plus af- laire, que les démons souterrains ne gardent
frcHsemenl exprimes (1). que pour lui les trésors cachés, au moyeu
ANPIEL, — l'un des anges que
les rabbins desquels il pourra séduire les peuples et sa ;

chargent du gouvernemenl des oiseaux car ; persécution sera d'autant plus redoutable,
ils mcttnnt chaque espèce créée sous la pro- qu'il ne manquera d'aucun moyen de séduire
tection d'un ou de plusieurs anges. et agira beaucoup plus par la corruption que
ANSELME DE PAUME, —
astrologue, né par la violence brutale. C'est à cause des
à Parme, où il mourut en 1440. Il avait écrit miracles qu'il doit faire que plusieurs rap-
des Institutions astrologiques qui n'ont pas , pellent le singe de Dieu.
été imprimées. Wierus (2) et quelque s dénio- L'Antéchrist aura beaucoup de précurseurs;
nographes le mettent au nombre des sorciers. il viendra peu de temps avant la fin du monde.

Des charlatans, qui guérissaient les plaiesau Saint Jérôme dit que ce sera un homme fils
moyen de paroles mystérieuses que l'on pré- d'un démon. D'autres ont pensé que ce serait
tend inventées par lui, ont pris le nom d'an- nn démon revêtu d'une chair apparente et
selmistes et, pour mieux en imposer, ils se
; fantastique. Mais, suivant saint Irénée, saint
vantaient de tenir leur vertu de guérir, non Ambroise,saint Augustin, et plusieurs autres
d'Anselme de Parme, mais de saint Anselme Pères, l'Antéchrist doit être un homme de la
de Cantorbéry. même nature que tous les autres, de qui il ne
ANSUPEROMIN, —
sorcier des environs différera que par une malice et une impiélé
de Saint-Jean-de-Luz, qui, selon des infor- dignes de l'enfer.
mations prises sous Henri IV par le conseiller Il sera Juif, et de la tribu de Dan, selon

Pierre Delancre (3), fut vu plusieurs fois au Malvenda (5), qui appuie son sentiment sur
sabbat, à cheval sur un démon qui avait ces paroles de Jacob mourant à ses fils :
forme de bouc , et jouant de la flûte pour la Dan est un serpent dans le sentier (6); sur
danse des sorcières. Voy. fioucs. celles-ci de Jérémie Les armées de Dan dé-
:

ANT^US. Il y a— comme dit Boguet,


, voreront la terre; et sur le chapitre 7 de
des familles où il se trouve toujours quel- y Apocalypse, où saint Jean a omis la tribu do
qu'un qui devient loup-garou. Evanthes, et Dan dans l'énumération qu'il fait des autres
après lui Pline, rapportent que dans la race tribus.
d'un certain Anthœus, Arcadien, on choisis- « L'Antéchrist sera toujours en guerre ; il

sait par le sort un homme que l'on condui- fera des miracles qui étonneront la terre; il
sait près d'un étang. Là, il se dépouillait, persécutera les justes ; et, comme lediablo
pondait ses habits àun chône ; et, après avoir marque déjà ses sujets, il marquera aussi les
plissé l'eau à la nage, s'enfuyait dans un dé- siens d'un signe au front ou à la main (7). »
sert où, transformé en loup, il vivait et con- Eiie et Enoch viendront enfin, suivant
versait avec les loups pendant neuf ans. 11 Malvenda, et convertiront les Juifs. L'Anté-
fallait que durant ce temps il ne vit point christ leur fera donner la mort qu'ils n'ont
d'hommes ; autrement le cours des neuf ans pas encore reçue, et qu'ils ne doivent rece-
fût recommencé. Au bout de ce terme il re- voir que de lui. Alors Jésus-Christ, Notre-
tournait vers le même étang, le traversait à la Seigneur, descendra des cieux et tuera l'An-
nage et rentrait chez lui, où il ne se trouvait téchrist avec l'épée à deux tranchants qui
pas plus âgé que le jour de sa transmutation sortira de sa bouche.
en loup le temps qu'il avait passé sous cette
: Quelques-uns prétendent que le règne ac
forme ne faisant pas compte dans le nombre l'Antéchrist durera cinquante ans ; d'autres,
des années de sa vie. qu'il ne durera que trois ans et demi; après
ANTAMTAPP. enfer des Indiens, plein de quoi les anges feront entendre les trompolles
chiens enragés eld'insoctes féroces. On y est du dernier jugement.
couché sur des branches d'épines et conti- Le mot <le passe des sectateurs de l'Anté-
nuellement caressé par des corbeaux qui ont christ sera, dit Boguot Je renie le baptême.
:

des becs de for. Les Brames disent que les Ce qui est assez grotesque, assurément,
supplices de cet enfer sont éternels. c'est que les protestants, ces précurseurs de
ANTECHRIST. Par Antéchrist on entend l'Antéchrist, donnent le nom d'Antéchrist au
ordinairement un tyran impie et cruel, en- pape, comme les larrons qui crient au voleur
nemi do Jésus-Christ. Il doit régner sur la pour détourner d'eux les recherches. Voy.
terre lorsque le monde approchera de sa fin. Abdekl.
Les persécutions qu'il exercera contre les Pondant un moment, dans le peuple, on a
élus seront la dernière et la plus terrible craint que Napoléon ne fût l'Antéchrist. Nous
épreuve qu'ils auront à suWr et même ;
mentionnons cette petite circonstance comm'*
Nolrc-Seigneur a déclaré que les élus y suc- un simple fait.

P. Mérimée, Colomba.
(5) Dans un long 'et curieux ouvrage en 13 livres sur
Ci)
(S) In lihro apologelico. fAntcclirisl. Uahau-Maur, au neuvième siècle, a fait aussi
(3) Tableau de l'inconslaiice des démons , .iv. lit , un livre sur la Vie et les mœurs de l'AiitechrisU
dise, i,
(6) Genèse, cli. ilux.
(1) Discours des spectres, liv. IV, ch. xv.
Il) Bouiiel. Discouis des sorciers, cti. i.
|« DU.TIONNA.RE DES SCIENCES OCCULTES. 10S

Le troisième traité Je l'Histoire des trois ANTIDE. Une vieille tradition populaire
possédées de Flandre , par Sébastien Mi- rapporte que saint Antide, évéque de Besan-
chaëlis, donne des éclaircissements sur l'An- çon, vit un jour dans la campagne un démon
Icclirist, d'après les dires des démons exor-
fort maigre et fort laid, qui se vantait d'avoir

cisés. « Il sera méchant comme un enragé.


porté le trouble dans l'église de Rome. Le
Jamais si méchante créature ne fut sur terre. saint appela le démon, le fit mettre à quatre
fait en enfer pattes, lui sauta sur le dos, se fit par lui
Il fera (les chrétiens ce qu'on
des âmes;ce ne sera pas un m.irlyre humain, transporter à Rome, répara le dégât doiU
mais un martyre inhumain. Il aura une foule l'ange déchu se montrait si fier, et s'en revint
de noms de synagogue; il se fera porter par en son diocèse par la môme voiture (1).
les airs quand il voudra ; Belzébut sera ANTIOCHUS, moine deSéba, qui vivait au
son père. » commencement du septième siècle. Dans ses
Une sorcière, qui avait des visions, dé- 190 homélies, intitulées Pandectesdes divines
clara que l'Antéchrist parlerait en nais- Ecritures, la Sï" de Insomniis, roule sur les
sant toutes sortes de langues, qu'il aurait des visions et les songes (2).
griffes au lieu de pieds et ne porterait ANTIPATHIE. Les astrologues prétendent
pas de pantoufles; que Belzébut, son père, que ce sentiment d'opposition qu'on ressent
se montrera à ses côtés sous la Ggure pour une personne ou pour une chose est
d'un oiseau à quatre pattes, avec une queue, produit par les astres. Ainsi deux personnes
une tête de bœuf très-plaie, des cornes, et nées sous le même aspect auront un désir
un poil noir assez rude; qu'il marquera les mutuel de se rapprocher, et s'aimeront sans
siens d'un cachet qui représentera celle gra- savoir pourquoi de même que d'autres se
;

cieuse figure en petit. haïront sans motif, parce qu'ils seront nés
Nous pourrions citer beaucoup de choses sous des conjonctions opposées. Mais con>-
pareilles sur l'Antéchrist; mais les détails ment expliqueront-ils les antipathies que les
burlesques et les plaisanteries ne vont qu'à grands hommes ont eues pour les choses les
moitié dans une pareille matière; et peul- plus communes? on en cite un grand nombre
étre faut-il demander pardon au lecteur de auxquelles on ne peut rien comprendre. —
leur avoir déjà donné trop de place. Lamolhe-Levayer ne pouvait souffrir le son
On a raillé l'abbé Fiard, qui regardait d'aucun instrument, et goûtait le plus vif
Voltaire et les encyclopédistes comme des plaisir an bruit du tonnerre. César n'enten-
précurseurs de l'Antéchrist. Il est possible dait pas le chant du coq sans frissonner. Le
que les railleurs aient tort. chancelier Bacon tombait en défaillancî
ANTESSEH, démon. Voy. Blokcla. toutes les fois qu'il y avait une éclipse de
ANTHROrOMANCIE, divination par l'ins- lune. Marie de Àlédicis ne pouvait supporter
pection desentraillesd'homnusoude femmes la vue d'une rose, pas même en peinture, et
cventrés. Cet horrible usage était très-an- elle aimait toute autre sorte de fleurs. Lu
cien. Hérodote dit que Ménélas, retenu en cardinal Henri de Cardonne éprouvait la
Egypte par les vents contraires, sacriDa à sa môme aversion, et tonibait en syncope lors-
barbare curiosité deux enfanis du pays, et qu'il sentait l'odeur des roses. Le maréchal
chercha à savoir ses destinées dans leurs d'Albret se trouvait mal dans un repas où
entrailles. Héliogabale pratiquait cette divi- l'on servait un marcassin ou un cochon de
nation. Julien l'Apostat, dans ses opérations lait. Henri 111 ne pouvait rester seul dans
magiques et dans ses sacrifices nocturnes, une chambre où il y avait un chat. Le maré-
faisait tuer, dit-on un grand nombre d'en- chal de Schombcrg avait la môme faiblesse.
fanls pour consulter leurs entrailles. Dans Ladislas, roi du Pologne, se troublait et pre-
sa dernière expédition, étant à Carra en Mé- nait la fuite quand il voyait des pommes.
sopotamie, il s'enferma dans le temple de la Scaliger frémissait à l'aspect du cressoa.
Lune; et, après avoir fait ce qu'il voulutavrc Enisme ne pouvait sentir le poisson sau'^
les complices de son impiété, il scella les avoir la fièvre. Tycho-Brahé défaillait à la
portes, et y posa une garde qui ne devait rencontre d'un lièvre ou d'un renard. Leduc
être le\ée qu'à son retour. Il fut tué dans la d Eiiernon s'évanouissait à la vue d'un le-
bataille qu'il livra aux Perses, et ceux qui vraut. Cardan ne pouvait souffrir les œii's;
entrèrent dans le temple de Carra, sous le le poêle Arioste, les bains le fils de Crassus,;

règne de Jovien, son successeur, y trouvè- le pain ; César de Lescalle, le son de la


rent une femme pendue par les cheveux, les vielle.
mains étendues, le ventre ouvert et le foie On trouve souvent la cause de ces antipa-
arraché. thies dans les premières sensations de l'en-
ANTHROPOPHAGES. Le livre attribué à l'ance. Une dame qui aimait beaucoup les
Enoch dit que géants nés du commerce
les tableaux cl les gravures s'évanouissait lors-
des anges avec les filles des hommes furent qu'elle en trouvait dans un livre elle en dit ;

les premiers anthropophages. Marc-Paul la raisiMi élanl encore petite, son père l'a-
;

rapporte que de son temps, dans la Tartarie, perçut un jour (|ui feuilletait les volumes de
les magiciens avaient le droit de manger la sa bibliothèque pour y chercher des im.igcs ;
il les lui relira brusquement des mains, et
chair des criminels et des écrivains ont re-
;

levé ce fait notable qu'il n'y a que les chré- lui dit d'un ton terrible qu'il y avait dans ces

tiens qui n'aient pas été anthropophages. livres des diables qui l'clrangleraicnt si elle

a) Yojvï les BollaBJi'-.tcs, 25 juin, etc. (2) Vojei l. \tl de Ij BiLiliolbwa p.Uruin, cJ. I.in;lun
105 AP.\ APO IM
osait y toucher... Ces menaces absurdes, or- ciens cnntcurs ont placés d.ins le Septen-
dinaires à certains parents, occasionnent tou- trion. Ils étaient transparents comme du cris-
jours de funestes effets qu'on ne peut plus tal, et avaient 1rs pieds étroits et tranchants
détruire. comme des patins, ce qui les aidait merveil-
Pline assure qu'il y a une telle antipa- leusement à glisser sur leurs lacs gelés.
thie entre le loup et le cli(!val, que si le Leur longue barbe ne leur pendait pas au
cheval passe où le loup a passé, il sent aux menton, mais au bout du nez. lis n'avaient
jambes un engourdissement (jui l'empêche point de langue, mais d ux solides râteliers
de marcher. cheval sent le ligrn en Amé-
Un de dénis, qu'ils frappaient musicalement
rique, et refuse obstinément de traverser une l'un contre l'autre pour s'exprimer. Ils ne
forêt où son odorat lui annonce la présence sortaient que la nuit, et se reproduisaient
de l'ennemi. Les chiens sentent aussi très- par le moyen de la sueur, qui se congelait
bien les loups avec qui ils ne sympathisent et formait un petit. Leur dieu était un ours
pas; et peut-être serions-nous sages de sui- blanc (2).
vre jusqu'à un certain point, avec les gens APOCALYPSE. Dans cette clôture redou-
'que nous voyons la première fois, l'impres- table du saint livre, qui commence par la
sion sympalhiqueou antipathique qu'ils nous Genèse l'esprit de l'homme s'est souvent
,

font éprouver; car l'instinct existe aussi chez égaré. La manie de vouloir tout expliquer,
les hommes mêmes, qui le surmontent ce- quand nous sommes entourés de tant de
pendant par la raison. mystères que nous ne pouvons comprendre,
ANTIPODES. L'existence des antipodes a fourvoyé bien des esprits. Apres avoir
était regardée naturellementcommeun conte, trouvé la bête à sept têtes et l'Antéchrist
dans temps où
le l'on croyait que la terre dans divers personnages, jusqu'à Napoléon,
était n'est pas vrai, comme on
plate. Mais il qui prête du moins à des aperçus piquants,
l'a perfidement écrit, que le prêtre Virgile fut on est aussi peu avancé que le premier jour.
excommunié par le pape Zacharie pour avoir Newton a échoué, comme les autres, dans
soutenu qu'il y avait des atitipodes : ce Vir- l'interprétation de l'Apocalypse. Ceux qui
gile au contraire, à cause de sa science, fut lont lue comme un poëme hermétique ont
comhléd'honneurs par le saint-siége et nom- leur excuse dans leur folie. Pour nous, at-
mé à l'évêché de Salzbourg. D'ailleurs le tendons que Dieu lève les voiles.
pape Zacharie savait probablement qu'il y a Il y a eu plusieurs Apocalypses suppo-
des anlipodi's, puisqu'avant lui Origène, le sées, de saint Pierre, de saint Paul, de saint
pape saint Clément et d'autres en avaient Thomas,desaint Etienne, dEsdias, deMoïse,
parlé. Saint Basile, saint Grégoire de Nysse, dElie , d'Abraham, de Marie, femme de
saint Athanase et la plupart des Pères n'igno- Noé, d'Adam môme. Por(>hyre a cité encore
raient pas la forme sphérique de la terre. une Apocalypse d^; Zoroastre.
Voy. Philoponus De Mundi créât, lib. v,
, APOLLONIUS DE TYANE , philosophe
c. j3. pythagoricien né à Tyane en Cappaduce,
,

La plupart des hommes, à qui l'éducation un peu de temps après Notre-Seigneur Jé-
n'a pas étendu les bornes du l'esprit, croient sus-Christ. Philostrato , au cammencemont
encore que la terre n'est qu'un grand pla- du troisième siècle, plus de cent ans après
teau et il serait difficile de leur persuader
; la mort d'Apollonius dont personne ne,

qu'on trouve au-dessous de nous des hu- parlait absolument plus, imagina le roman
mains qui ont la tête en bas et les pieds
, de sa vie pour opposer quelque chose de
justement opposés aux nôtres (1). prodigieux à lEvangile, qu'il croyait détrui-
Les anciens mythologues citent, dans un au- re. 11 dit qu'il écrit sur des mémoires laissés
nom d'Antipodes, des peuples
tre sens, sous le par Damis, ami et secrétaire d'Apollonius.
fabuleux de la Libye, à qui ont attribuait On peut juger du degré de confiance que
huit doigts aux pieds, et les pieds tournés en méritaient ces sortes d'écrivains par ce trait
dehors. On ajoute qu'avec cela ils couraient de Damis qui assure avoir vu, en traver-
,

comme le vent. sant le Caucase, les chaînes de Prométhée


ANTOINE. Saint Antoine est célèbre par encore fixées au rocher.
les tentations qu'il eut à subir de la part du Philoslrate admit tout, et embellit les ré-
diable. Ceux qui ont mis leur esprit à la cits de Damis.
torture pour donner à ces faits un côté plai- La mère d'Apollonius fut avertie de sa
sant, n'ont pas toujours eu autant d'esprit grossesse par un démon ; un salamandre fut
qu'ils Oiit voulu en montrer. Us n'égalent son père selon les cabalistes. Les cygnes
,

certainement pas le lion légendaire, qui conte chantèrent quand il vint au monde, et la
qu'Antoine, .'lyanl dompté Satan, le contrai- fondre tomba du ciel. Sa vie fut une suite
gnit à demeurer auprès de lui, sous sa forme de miracles. Il ressuscitait les morts, déli-
la plus conv<'nablc, qui était celle d'un co- vrait les possédés, rendait dt-s oracles,
chon. Voy. Abdents. voyait des fantômes, apparaissait à ses amis
APANTOMANCIE, divination tirée des ob- éloignés, voyageait dins les airs, porté par
présentent à l'improvisle. Tels sont
jets qui se des esprits , et se montrait le même jour en
les présages que donne la rencontre d'un filusieurs endroits du monde. Il comprenait
lièvre ou d'un aigle, etc. e chant des oiseaux.
APARCTIENS, peuples fabuleux que d'an- Philostrate conte qu'étant venu an tom*
'1) M. Salgues, des Erreurs et des préjugés, l. Il, p. 72. (2) Suppléffleal à Pbisloire véritable de Lucien.
DiCTIONN. DES SCIENCES OCCOI.TEÏ4 L
J07 DlCTlONNAinE DES SClEîSCES OCCULTES 108

beaud'Acliille, h qui il voulait parler, Apol- lonius est annoncé pir un démon. Les cy-
lonius évoqua ses mânes; qu'après un Irem- gnes clianlenl A sa naissance. Tous les autres
Memenl de terre autour du l mbcan, il vil prod ges sont combinés ainsi de manière à
paraître d'abord un jeune homme di; sept pouvoir être comparés aux faits divins de
pieds et demi; que le fantômo , qui était la plus auguste histoire , avec cette diffé-
d'une beau'é singulière , s'éleva ensuite à renc", entre autres, que ceux d'Apollonius
dix-huit pieds. Apollonius lui fil des ques- ne méritaient pas même le peu de succès
tions frivoles. Comme le spectre répon- qu'ils ont eu.
dait grossièrement, il comprit qu'il était pos- La foudre qui tombe du ciel est opposée
sédé d'un démon, qu'il chassa ; après quoi il à l'étoile qui parut en Bethléhem; les lettres
cul sa conversation réglée. de félicitalion que plusieurs rois écrivirent
Un jour qu'il était à Rome, où il avait ren- à la mère d'Apollonius répondiuit à l'adora-
du la vie à une jeune ûllc morte le matin du lion des mages; les discours (|u'il pronon-
ses noces, il y eut une éclipse de lune ac- çait, fort jeune, d ins le temple d'Esculape, à
compagnée de tonnerre. Apollonius regarda la dispute de Jésus enfant parmi les doc-
le ciel , et dit d'un ton prophéli(iue :
— teurs ; le fantôme qui lui apparut en traver-
Quelque chose de grand arrivera et n'arri- sant le Caucase , ù la tentation du diable
vera pas. — Trois jours après, la foudre dans le déserl, etc. « Ces parallèles montrent
tomba sur la lable tic Néron, et renversa la la malice grossière el la finesse mal lissuo
coupe qu'il portait à sa bouehc; ce qui étail do Pliiloslrate ( pillard de Lucien (2);) et le
l'accomplissement de la prophétie. cas qu'on doit faire de ces fables n'est pas
Dans la suite l'empereur Domitien, l'ayant de les rapporter à la magie comme a fait ,

soupçonné de sorcellerie, lui fit raser le poil François Pic, mais de les nier totalement (3)
pour s'assurer s'il ne portait pas les mar- comme des stupidités niaises.»
ques du diable, comme dit Pierre Delancre ; Hiéroclès, qui osa faire sous Dioclélion,
mais Apollonius disparut alors, sans qu'on d ins un écrit spécial la comparaison d'A-
,

sût par où il s'était sauvé. Ce n'était pas la pollonius el de Noire-Seigneur Jésus-Christ,


première fois qu'il s'échappait ainsi. Sous a été dignement réfuté par Eusèbe, qui veut
Néron on avait dressé contre lui un .'Cte
, bien regard t Apollonius comme un magi-
d'accusation ; le papier se trouva tout blanc cien. Leloyer pense que C' l'ut Simon qui lui
au moment où lu juge voulul en prendre enseigna la magie noire et Ammien ;

lecture. Marcellin se contente d; le mettre dans le


De Rome il se rendit à Ephèse. La pe<le nombre dt's hommes qui ont été assistés de
infestait celte ville; les habilanls le prièrent quelque démon familier, comme Socrate cl
de les en délivrer. Apollonius leur comman- Numa.
da de sacrifier aux dieux. Après le sacrifice, On sait peu de chose sur la fin de la vie
il vil le diable en forme de gueuv toul dé- d'Apollonius. On assure qu'à l'âge de cent
guenillé; il commanda au peuple de l'as- ans il fut emporté par le diable, qui était
sommer à coups de pierre, ce qui fut fait. son père, quoique Hiéroclès ait eu le front
Lorsqu'on ôta les pierres, on ne trouva plus de soutenir qu'il avait été enlevé au ciel.
à la place du gueux lapidé qu'un chien Vopiscus dit que , par la suite , le spectre
noir, qui fui jeté à la voirie; et la peste d'Apollonius apparut à l'empereur Aurélien,
cessa. qui assiégeait Tyane, et lui recommanda
Au moment où Domitien périt, Apollo- d'épargner sa ville, ce que fit Aurélien.
nius, au milieu d'une discussion publique, 11 y a eu des gens qui ont trouvé Apol-
s'arrêta, et, changeant do voix, s'écria, ins- lonius vivant au douzième siècle. Voy. Ar-
piré par le diable —C'est bien fait, Sté-
: TEPHIDS.
phane, couragel tue le lyranl Ensuite, — APOMAZAR. Des significations et événe-
après un léger intervalle, il reprit Le ty- : — ments des songes selon la doctrine des In-
,

ran est mort. Stéphane en ce moment assas- diens, Perses el Égyptiens, par Apomazar.
sinait Dotnilien. Vol. in-8°; Paris, 1580. Fatras oublié, mais
Ce fut alors, à ce qu'on croit, que le sor- rare.
cier Tespésion , pour montrer qu'il pouvait APONE. Voy. Piehre b'Apone.
enchanter les arbres, commanda à un orme APPARITION. On ne peut pas très bien
de saluer Apollonius , ce que l'orme fil ; préciser ceque c'est qu'une apparition. Doni
mais d'une voix grêle et efféminée (1). C'é- Calmet dit que si l'on voit quelqu'un en
,

tait bien excusable do la part d'un orme. songe c'est une appariiion. « Souvent
, ,

Apollonius étail, dit-on encore, habile ajoute- t- il, il n'y a que l'imagination de
faiseur de talismans; il en fit un grand nom- frappée ce n'en est pas moins quelque-
;

bre à Tyane, à Rome, à Byzance, à An(io- fois un fait surnaturel quand il a des re-
,

che à Babylone et ailleurs ; tantôt contre


, lations. »
les cygognes cl les srorpions, tantôt contre Dans la rigueur du terme, une apparition
les debord .mcnts et les incendies. Il fui re- est laprésence subite d'une personne ou d'un
gardé par les uns Comme un magicien, com- objet contre les loisdela nature: par exem-
mo un dieu par les autres; on l'honora ple, l'apparition d'un mort, d'un ange, d'un
même après sa mort. Mais sa vie, nous le démon, etc.
répétons, n'est qu'un roman calculé. Apol- Ceux qui nient absolument les apparitions

(U Jacques d'Aulun, rincriidiilité savaiile et la crédu- (2) Dgus Alexandre de r.ipldngmiie.


lité i^noranie. (3) Naiidé, A):ol. pour lus yrauds personnages, cl), f S.
109 APP APP 410
sont léméraires. Spinosa, malgré son alliéis- chu, ou les mains en griffes, ou la queue au
me, roconnaissail qu'il ne pouvait nier les derrière et les cornes en tête, etc.; à moins
apparitions ni les miracles. qu'il ne prenne une forme bizarre. Il parlait
On ne raisonne pas mieux, lorsqu'on dit à Simon le magicien et à d'autres, sous la fi-
qu'une chose qui est arrivée aulrefois de- gure (l'un chien; à Pylhagore, sous celui
vrait arriver encore. Il y a bien des choses d'un fleuve; à Apollonius, sous celle d'un
qui ont eu lieu jadis et qui ne se renou- orme (1). etc.
vellent pas, d;ins le système même des ma- Excepté les démons de midi, les démons et
lérialisics comme il y a bien des choses
,
les spectres apparaissent la nuit plutôt que le
qui ont lieu aujourd'hui, et que jadis on jour, et la nuit du vendredi au samedi de
n'a pas soupçonnées. préférence à toute autre, comme le témoigne
Nous devons admettre et croire les appa- Jean Bodin.
rilions rapportées dans les sainles Ecritu- Les apparitions des esprits, dit Jambliqae,
res. Nous ne sommes pas tenus à la même sont analogues à leur essence. L'aspect des
foi dans les simples histoires; et il y a des habitants des cieux est consolant, celui des
apparitions qui, réelles ou inlelleciuelles, archanges terrible, celui des anges moins
sont fort surprenantes. Ou lit dans la vie de sévère celui des démons épouvantable. Il
,

saint Macaire, qu'un homme ayant reçu un est assez difficile, ajoute-t-il, de se reconnaî-
dépôt le cacha sans en rien dire à sa femme, et tre dans les apparitions des spectres; car il
mourut subitement. On fut très-embarrassé y en a de mille sortes. —
Delancre donne
quand le maître du dépôt vint le réclamer. pourtant les moyens de ne point s'y tromper.
Saint Macaire pria, dit la légende, et le « On peut distinguer les âmes des démons,
défunt apparut à sa femme, à qui il dé- dit-il. Ordinairement les âmes apparaissent
clara que l'argent redemandé était enterré en hommes portant barbe, en vieillards en ,

au pied de son lit, ce qui fut trouvé vrai. enfants ou en femmes, bien que ce soit en
Ce sont les apparitions des morts chez les habit et en contenance funeste. Or les dé-
anciens qui ont donné naissance à la nécro- mons peuvent se montrer ainsi. Mais, ou
mancie. Voy. NÉCROMANCIE. c'est l'âme d'une personne bienheureuse, ou
Nous ne songerons à nous occuper ici que c'est l'âme d'un damné. Si c'est l'âme d'un
des apparitions illusoires ou douteuses, et le bienheureux, et qu'elle revienne souvent, il
nombre en est immense. Nous suivrons un faut tenir pour certain que c'est un démon,
moment les écrivains qui ne doutent de rien, qui, ayant manqué son coup de surprise, re-
et qui, dans leurs excès mêmes, sont encore vient plusieurs fois pour le tenter encore.
moins stupides et moins à quatre pattes que Car nne âme ne revient plus quand elle est
ceux qui doutent de tout. Quelquefois, di- satisfaite, si ce n'est par aventure une seule
sent-ils, les apparitions ne sont que vocales : fois pour diremerci.» —
«Si c'est une âme
c'est une voix qui appelle. Mais dans les qui se dise l'âme d'un damné, il faut croire
bonnes apparitions l'esprit se montre. — encore que c'est un démon, vu qu'à grande
Quand les esprits se font yoir à un homme peine laisse-t-on jamais sortir l'âme des
seul, ajoutent les cabalistes, ils ne présagent damnés. » Voilà les moyens que Pierre De-
rien de bon ; quand ils apparaissent à deux lancre donne comme aisés (2).
personnes à la fois, rien de mauvais; ils ne Il dit un peu plus loin que le spectre qui

se montrent guère à trois personnes en- apparaît sous une peau de chien ou sous
semble. toute autre forme laide est un démon; mais
Il y a des apparitions imaginaires causées le diable est si malin, qu'il vient aussi sous
par les remords; des meurtriers se sont crus des traits qui le font prendre pour un ange.
harcelés ou poursuivis par leurs victimes. Il faut donc se défier. Voy. pour les anecdo-
Une femme, en 1726, accusée, à Londres, tes. Visions, Spectres, Fantômes, Halluci-
d'être complice du meurtre de son mari, niait nations, Esprits, Lutins, Vampires, Reve-
le fait; on lui présente l'habit du mort, qu'on nants, Songes, Armées prodigieuses, etc.
secoue devant elle; son imagination épou- Voici, sur les apparitions, un petit fait qui
vantée lui fait voir son mari même; elle se jette a eu lieu à La Rochelle, et que les journaux
à ses pieds et déclare qu'elle voit son mari. rapportaient. en avril 18i3. « Depuis quelque
Mais on trouvera des choses plus inexplica- temps, la population se préoccupait des re-
bles. venants qui apparaissaient tous les soirs
Les apparitions du diable, qui a si peu be- sous la forme de flammes phosphorescentes,
soin de se montrer pour nous séduire, faibles bleuâtres cl mystérieuses. Ces revenants onl
que nous sommes, ont donné lieu à une mul- été pris au trébuchet : c'étaient cinq gros
tiluilede contes merveilleux. Des sorciers, réjouis de paysans des environs ((ui, grimpés
brûlés à Paris, ont dit en justice que, quand tous les soirs sur des arbres très-élevés, lan-
le diable veut se faire un corps aérii'U pour çiient des boulettes phosphoriques avec un
se montrer aux bommee, « il faut que le fil imperceptible. Pendant la nuit, ils don-
vent soit favorable et que , la lune soit naient le mouvement et la direction qu'ils
(ileine. » Et lorsqu'il apparaît, c'est tou- voulaient à leurs globes de feu, et quand
jours avec quelque défaut nécessaire, ou les curieux couraient après une flamme, elle
trop noir, ou trop pâle, ou trop rouge, ou devenait aussitôt invisible; mais, à l'instant,
trop grand, ou trop petit, ou le pied four- il en surgissait une autre sur un point op-
(1) Gabriel Nuiidé , Àpol. pour les grands personnsgcii (2) L'incoostance des démons, liv. V diK. 3.
cb. li.
fit DiCTlONNAlUE DES SCtENCfiS OCCIII.TKS. 112

posé pour détourner l'attenlion. Ce jeu s'ef- L'esprit se remit à faire du bruit le 2G; il
fectuait ainsi pendant quelques instants suc- verrouilla les portes, dérangea les meubles,
cessivement, et puis simullanéinenl, de ma- ouvrit les armoires; et pendant que M. de S*"
nière à produire plusieurs flammes à la fois. Ireiiiblail de tous ses membres, l'esprit, sai-
^ Celte jonglerie trompa bien des incrédu- sissant l'occasion, lui parla enfin à l'oreille
les effrayés; mais enfln il se trouva un es- et lui commanda de faire certaines choses
prit rassis. Caché derrière une haie, il ob- qu'il tint secrètes, et qu'il fil quand il fui
serva attentivement la mise en scène et sorti de l'évanouissement que ta peur lui
devina le secret de la comédie. Suffisamment avait causé. L'esprit revint au bout de quinze
édifié, il alla quérir la gendarmerie, et les jours pour le remercier, frappa un grand
linq mystificateurs furent arrêtés au moment coup de poing dans une fcnélre en signe
i>ù ils donnaient une nouvelle représenta- d'actions de grâces ; —
et voilà l'aveniure de
tion. Quel était leur but? On l'ignore ; le l'esprit de Saint-Maur, que M. Poupart a le
plus curieux de l'histoire, c'est qu'une com- bon esprit de regarder comme inexplicable,
mission scientifique avait déjà préparé un à moins qu'elle ne soit l'enfantement d'un
rapport sur l'étonnant phénomène météoro- cerveau visionnaire. Voy. Meter , Cal-
logique de ces mauvais plaisants. MET , etc.
APULEE. Philosophe platonicien, né en
Disserlation sur ce qu'on doit penser de Vap- Afrique, connu par le livre de l'Ane d'or.
parition des esprits, à l'occasion de l'aven^
Il vécut au deuxième siècle sous les Anto-
lure arrivée à Saint-Muur en 1706, par
nins. On lui attribue plusieurs prodiges aux-
M. Poupart, chanoine de Saint-Maur, près quels, sans doute, il n'a jamais songé. Il dé-
Paris. Paris, 1707.
pensa loul son bien en voyages, et mil tous
L'auteur croit, avec la modération conve- ses soins à se faire initier dans les mystèies
nable, aux apparitions. raconte l'aventure
Il des diverses religions païennes; après quoi
il s'aperçut qu'il était ruiné. Comme il élait
de Saint-Maur; elle a fait tant de bruit à Pa-
ris dans sa nouveauté, que nous ne pouvons bien fait, instruit et spirituel, il captiva l'af-
la passer sous silence. M. de S*"*, jeune fection d'une riche veuve de Carlhage, nom-
homme de vingt cinq ans, fixé à Saint-Maur, mée Pudenliila, qu'il parvint à épouser. Il
entendit plusieurs fois la nuit heurter à sa était encore jeu ne, et sa femme avait soixante
porte, sans que sa servante, qui y courait ans. Cette disproportion d'âge et la pauvreté
aussitôt, trouvât personne. On lira ensuite connue d'Apulée firent soupçonner qu'il avait
les rideaux de son lit; cl le 22 mars 1706, employé, pour parvenir à ce riche mariage,
sur les onze h< nres du soir, étant dans son la magie elles philtres. On disait même qu'il
cabinet avec trois domestiques, tous quatre avail composé ces philtres avec des filets de
entendirent distinctement feuilleter des pa- poissons, des huîtres et des pattes d'écre-
piers sur la table. Ou soupçonna d'abord le visses. Les parents , à qui ce mariage ne
chat de la maison mais on reconnut qu'il
;
convenait pas, l'accusèrent de sortilège; il
n'était pas dans le cabinet. Ce bruit recom- parut devant ses juges, et quoique les préju-
mença quand M. de S**' se fut relire dans sa gés sirr la magie fussent alors en très-grand
chambre, il voulut rentrer dans le cabinet crédit, Apulée plaida si bien sa cause qu'il la
avec une lumière, et sentit derrière la porte gagna pleinement (1).
une résistance qui finit par céder; cepen- Boguet (2) et d'autres démonographes di-
dant il ne vit rien seulement il entendit frap-
, sent qu'Apulée fut métamorphosé en âne,
per un grand coup dans un coin contre la comme quelques autres pèlerins , par le
muraille; ses domestiques accoururent au moyen des sorcières de Larisse, qu'il était
cri qu'il jeta; mais ils ne firent aucune dé- allé voir pour essayer si la chose était pos-
couverte. sible et faisable (3). La femme qui lui dé-
Tout le monde s'étant peu à peu rassuré, montra que la chose était possible en le
«n se mil au lit. —
A peine M. de S*" com- changeant en âne, le vendit, puis le rachiia.
mençait-il à s'endormir, qu'il fut éveillé su- Par la suite, il devint si grand magicien (luil
bitement par une violente secousse ; il appela; se métamorphosait lui-même, au besoin, en
on rapporta deux flambeaux, et il vil avec cheval, en âne, en oiseau. Il se peiçait le
surprise son lit déplacé au moins de quatre corps d'un coup d'épée sans se blesser, il se
pieds. rendait invisible, étant très-bien servi par
On le remit en place; mais aussitôt tous son démon familier.«C'est même pour cou-
les rideaux s'ouvrirent d'eux-mêmes, et le vrir son asinisme, dit encore Delancre, qu'il
lit courut tout seul vers la cheminée. En a composé son livre de l'Ane d'or. »
vain les domestiques tinrent les pieds du lit Taillepied prétend que lout cela est une
pour le fixer; dès que M. de S"" s'y cou- confusion, et que s'il y a un âne mêlé dans
chait, le lit se promenait par la chambre. l'histoire d'Apulée, c'est qu'il avait un esprit
Celte aventure singulière fui bientôt pu- familier qui lui apparaissait sous la forme
blique; plusieurs personnes voulurent en d'un âne (4). Les véritables ânes sont peut-
être témoins, et les mômes merveilles se ré- élre ici Delancre et Boguet.
pélèrcnt la nuit suivante; après quoi il y eut Ceux qui veulent jeter du merveilleux sur
deux nuits paisibles. toutes les actions d'Apulée, affirment que,
(I) S» défense se trouve dans ses œuvres sous le litre (5) Delancre. Talileau de l'inconstaace des démons, etc.
Je Oratio de nmgia. liv. iV, .h. i".
li) Discours des sorciers, cli. bô. (i) De l'ipparilion des es;Tits cti. 15,
113 ÂIIA AUD 4lt
p;tr un effel de ses charmes, sa icmine clail écrits sur de petits carrés de papier. L'arai-
obligée de lui tenir la ciiandelle pendant gnée , en manœuvrant la nuit retournait ,

qu'il travaillait; d'autres disent que cet of- quelques-uns de ces papiers. Ceux qui
fice était rempli par son démon familier. étaient retournés de la sorte, étaient re-
Quoi qu'il en soit, il y avait de la complai- gardés le lendemain matin , comme numé-
sance dans cette femme ou dans ce dé- ros gagnants
mon. Cependant les toiles d'araignées sont uti-
Outre son Discours sur la magie, Apulée les appli(iuées sur une blessure . elles ar-
:

nous a laissé encore un petit traité du dé- rêtent le sang et empêchent que la plaie ne
mon de Socrate, De deo Socratis, réfuté par s'enflamme. Mais il ne faut peut-être pas
saint Augustin on en a une traduction sous
; croire, avec l'auteur des Admirables secriïs
le litre De l'Esprit familier de Sacrale,
: d'Albert le Grand ,
que l'araignée pilée cl
avec des remarques, in-12. Paris, 1038. mise en cataplasme sur les tempes guérisse la
AQUIRL. démon que l'on conjure le di- fièvre tierce (3).
niaiiclip. Voj/. Conjurations. Avant que Lalande eût fait voir qu'on
AQUIN (Mardochée d'), rabbin de Carpen- pouvait manger des araignées, on les re-
Iras, mort en 1650, qui se fit chrétien, et gardait généralement comme un poison. Un
changea au lîaptéine son nom de Mardochée religieux du Mans disant la messe, une arai-
en celui de Philippe. On recherche de lui gnée tomba dans le calice après la consécra-
l'Interprétation de l'arbre de la cabale des tion. Le moine, sans hésiter, avala l'insecte.
Héhreux: Paris, in-8', sans date. On s'attendait à le voir enfler; ce qui n'eut
ARACHDLA, méchant esprit de l'air chez pas lieu.
les Chinois voisins de la Sibérie. Voyez Il y a de vilaines histoires sur le compta
Lune. des araignées. N'oublions pourtant pas que,
AUAEL, l'un des esprits que les rabbins dans son cachot, Pélisson en avait appri-
du Taltnud font, avec Anpiel, princes et voisé une que Delille a célébrée. Mais la ta-
gouverneurs du peuple des oiseaux. rentule est aussi une araignée ! . .

ARAIGNÉES. Les anciens regardaient Le maréchalde Saxe, traversant un village,


comme un présage funeste les toiles d'arai- coucha, dans une auberge infestée, disait-on,
gnées qui s'attachaient aux étendards et aux de revenantsqui étouffaient les voyageurs. On
st.itues des dieux. citait des exemples. Il ordonna à son domes-
Chez nous, une araignée qui court ou qui tique de veiller la moitié de la nuit, promet-
file promet de l'argent; les uns prétendent tant de lui céder ensuite son lit et de faire
que c'est de l'argent le matin, et le soir une alors sentinelle à sa place. A deux heures
nouvelle; d'autres, au contraire, vous cite- du matin, rien n'avait encore paru. Le do-
ront ce proverbe-axiome Araignée du ma-
: mestique, sentant ses yeux s'appesantir, va
tin, chagrin araignée de midi, petit
petit ; éveiller son maître, qui ne répond point;
profil; araignée du soir, petit espoir. « Mais, il le croit assoupi et le secoue inutilement.
comme dit M. Salgues (1), si les araignées Effrayé, il prend la lumière, ouvre les draps,
ét.iient le signe de la richesse, personne ne et voit le maréchal baigné dans son sang.
serait plus riche que les pauvres. » Une araignée monstrueuse lui suçait le sein
Quelques personnes croient aussi qu'une gauche. Il court prendre d<>s pincettes pour
araignée est toujours î'avant-coureur d'une combattre cet ennemi d un nouveau genre,
nouvelle heureuse, si on a le bonheur de l'é- saisit l'araignée et la jette au feu. Ce ne fut
craser. M. de T"*, qui avait cette opinion, qu'après un long assoupissement que le ma-
donna, en 1790, au tliéâtre de Saint-Péters- réchal reprit ses sens ; et depuis lors on n'en-
bourg, une tragédie intitulée Abaco et Moïna. tendit plus parler de revenants dans Tau-
La nuit qui en précéda la représentation, au berge. —Nous ne garantissons pas celte
moment de se coucher, il aperçut une arai- anecdocte , conservée dans plusieurs re-
gnée à côté de son lit. La vue de l'insecte lui cueils.
fit plaisir; il se hâta d'assurer la bonté du Au reste, l'araignée a de quoi se consoler
présage en l'écrasant ; il avait saisi sa de notre horreur et de nos mépris. Les nègres
pantoufle, mais l'émotion qu'il éprouvait Ht de la Côte-d'Or attribuent la création de
manquer le coup l'araignée disparut. Il
, l'homme à une grosse araignée qu'ils nom-
passa deux heures à la chercher en vain, fa- ment Anansié, et ils révèrent les plus belles
tigué de ses efforts inutiles, il se jeta sur son araignées comme des divinités puissantes.
lit avec désespoir —
Le bonheur était là,
: ARBRES. On sait que dans l'antiquité les
s'écria-t-il, et je l'ai perdu! Ahl ma pauvre arbres étaient consacrés aux dieux le cyprès :

tragédie! Le lendemain il fut tenté de retirer à Pluton etc. Plusieurs arbres et plantes
,

sa pièce, mais un de ses amis l'en empêcha; sont encore dévoués aux esprits de l'enfer :

la pièce alla aux nues, et l'auteur n'en de- le poirier sauvage , l'églantier, le figuier, la
meura pas moins persuadé qu'une araignée verveine la fougère etc.
, ,

porte bonheur lorsqu'on l'écrase {2). Des arbres ont parlé ; chez les anciens ,
Dans le bon temps de la loterie, des fem- dans les forêts sacrées, on a entendu des
mes enfermaient le soir une araignée dans arbres gémir. Les oracles de Dodone étaient
une boîte, avec les quatre-vingt-dix numéros des chênes qui parlaient.

(1) Des Erreurs et des préjusés, t. I, p 510. p.nr une sociale do gens de lettres, t. I, an mot Abaco.
(2J Auuulcs Uiaffluliquus , ou Uiclioniiuire des tiié&lrus, Les Admirables secrets d'Albert le Grand, liv. IIJ.
(3J
f(B DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 416

On entendit, dans une forêt d'Angleterre, histoire de revenant qui fit assez de bruit-
lin arbre qui poussnil des gémissemenls; on Marseille ; une espèce de feu ardent
c'était
le disait enchanté. Le propriétaire du terrain ou d'homme de feu. Le comte et la comtesse
lira beaucoup d'argent do tous les curieux d'Alais voyaient toutes les nuits un spectre
qui venaient voir une chose aussi merveil- enflammé se promener dans leur chambre ,
leuse. A la fin, quelqu'un proposa de couper et aucune force humaine ne pouvait le forcer
l'arbre ; le maître du terrain s'y opposa , à se retirer. La jeune dame supplia son mari
non par un inolif d'inlérét propre, disall-il, de quitter une maison et une ville où ils nu
mais de [)eur que celui qui oserait y mettre pouvaient plus dormir. Le comte, qui se
lacognée n'en mourût subitement; on trouva plaisait à Marseille, voulut employer d'abord
un homme qui n'avait pas peur de la mort tous les moyens pour l'expulsion du fantôme.
subite , et qui abattit larbre à coups do Gassendi fut consulté il conclut que ce fan-
;

hache alors on découvrit un tuyau qui


: tôme de feu qui se promenait toutes les nuits
formait une communication à plusieurs toi- était formé par des vapeurs enflammées que
ses sous terre, et par le moyen duquel ou produisait le souffle du comte et de la com-
produisait les gémissements que l'on avait tesse ;.... d'autres savants donnèrent des ré-
remarqués. ponses aussi découvrit
satisfaisantes. On
ARC-EN-CIEL. LechapilrelXde Genèse la enfin le secret. Uue femme
de chambre ,
semble dire, selon des commentateurs, qu'il cachée sous le lit , faisait paraître un phos-
n'y eut point d'arc- en-ciel avant le déluge : phore à qui la peur donnait une taille et des
mais jt! ne sais (1) où l'on a vu qu'il n'y en formes effrayantes; et la comtesse elle-même
aura plus quarante ans avant la fin du faisait jouer cette farce pour obliger son
monde, « parce que la sécheresse qui pré- mari à partir de Marseille , qu'elle n'aimait
cédera l'embrascinenl de l'univers consu- pas....
mera la matière de ce météore. » C'est ARGENS ( BoYER d' ) , marquis , né en
pourtant une op'uion encore répandue chez 170i à Aix en Provence. Ou trouve, parmi
,

ceux ijui s'occupent de la fin du monde. beaucoup de fatras, des choses curieuses
L'arc-en-ciel a son principe dans la na- sur les gnomes, les sylphes, les ondins el les
ture ; et croire qu'il n'y eut point d'arc-en- salamandres, dans ses « Lettres Cabalistiques,
ciel avant le déluge, parce que Dieu en fit le ou Correspondance philosophique, historique
«igné de son alliance, c'est comme si l'on et critique entre deux cabalisies, divers es-
di>ait qu'il n'y avait point d'eau avant l'insti- prits élémentaires et le seigneur Astaroth. »
tution du baptême. Et puis, Dieu ne dit point, La meilleure élition est de 1769 , 7 vol. in-
au chapitre IX de la Genèse, qu'il place son 12. Ce livre, d'un très-mauvais esprit, est
arc.-en-ciel,mais son arc en si^ne d'alliance; infecté d'un philosophismc que l'auteur a des-
et comment attribiicra-t-on a l'arc-en-ciel avoué ensuite.
re passage d'Isaïe J'ai mis mon arc et ma
: ARGENT. L'argent qui vient du diable
pêche dans les nues? est ordinairement de mauvais
Deirio aloi.
ARDENTS (mal des), appelé aussi feu in- conte qu'un homme ayant reçu du démon
,

fernal. C'était au onzième et au douzième une bourse pleine d'or, n'y trouva le lende-
siècle une maladie non expliquée , qui se main que des charbons et du fumier.
manifestait comme un l'eu intérieur et dévo- Un inconnu, passant par un village, ren-
rait ceux qui en ét;iient frappés. Les per- contra un jeune homme de quinze ans, d'une
sonnes qui voyaient là un effot dj la colère figure intéressante el d'un extéiieur fort
céleste l'appelaient feu sacre'; d'autres le simple. Il lui demanda s'il voulait être riche ;
nommaient feu infernal; ceux qui l'attri- le jeune homme ayant répondu qu'il le dési-
buaient à rinfluence des astres le nommaient rait, l'inconnu lui donna un papier plié, et
sidération. La
reliques de saint Antoine, lui dit qu'il en pourrait faire sortir autant
que le comte de Josselin apporta de la Terre d'or qu'il le souhaiterait, tant qu'il ne le
Sainte à la Mothe-Saint-Diilier, ayant guéri déplierait pas ; el que s'il domptait sa curio-
plusieurs infortunés atteints de ce mal , on sité, il connaîtrait avant peu son bienfaiteur.
le nomme encore feu de saint Antoine. Le jeune homme rentra chez lui, secoua son
Ou fêlait à Paris sainte Geneviève des Ar- trésor mystérieux, il en tomba quelques
dents, en souvenir des cures merveilleuses pièces d'or.... Mais, n'ayant pu résister à la
opérées alors par la châsse de la sainte (2) tentation de l'ouvrir, il y vit des griffes de
sur les infortunés atteints de ce mal. chat, des ongles d'ours, des pattes de cra-
ARDENTS exhalaisons enflammées qui
, pauds, et d'autres figures si horribles, qu'il
paraissent sur les bords des lacs et des ma- jeta le papier au feu où il fut une dtuni-
,

rais, ordinairement en autouinc , et qu'on hruresans pouvoir se consumer. Les pièces


prend pour des esprits follets , parce qu'elles d'or qu'il en avait tirées disparurent et il ,

sont à fleur du terre et qu'on l( s voit quel- reconnut qu'il avait eu affaire au diable.
quefois changer de place. Souvent on en est Un avare, devenu riche à force d'usures,
ébloui el on se perd. Ldoyer dit que lors- se sentant à l'article do la mort, pria sa
qu'on ne peut s'empôchcr de suivre les ar- femme de lui apporter sa bourse, afin qu'il
dents, ce sont bien en vérité des démons (3). pût la voir encore avant de mourir. Quand
il y eut, sous le règne de Louis Xlll, une il la tint, il la serra tendrement, el ordonna
(l) Brown, Erreurs popnlairps, liv. VII, cli. o. éplJému|ue, une sorte de lèpre brûlaute , dont oo dut U
(i) Lf iml des ardeiUs. i\u\ se iioiiim.iii aussi f,;u infer- Geneviève.
giiciisoii à sainte
nul. et feu SaiiU-A.iiloiiie, claili Paris uue affreuse m^taJie
(5J Discours des spectres, Hv I, cb. 7.
W7 ARG A m 1'3

qu'on l'entorrâlavoc lui, p.irce qu'il trouvait part de ce soufre; versez dessus trois fois
l'idée de s'en séparer déchirante. On ne lui son poids d'esprit blanc mercuriel extrait
promit rien précisément; et il mourut en du vitriol minéral; bouchez bien le vase;
contemplant son or. Alors on lui arracha la faitesdigérer au bain vaporeux jusqu'à ce
bourse des mains, ce qui ne se fit pas sans que soufre soit réduit en liqueur; alors
le
peine. Mais quelle fut la surprise de la fa- vrrsez dessus de très-bon esprit de vin à
mille assemblée lorsqu'en ouvrant le sac
,
poids égal; digérez-les ensemble pendant
on y trouva, non plus des pièces d'or, mais quinze jours; passez le tout par l'alambic ;
deux crapauds Le diable était venu et
1 ,
relirez l'esprit par le bain tiède, et il restera
en emportant l'âme dcl'usurier, il avait em- une liqueur qui sera le vrai argent potable,
porté son or, comme di'ux choses insépa- ou soufre d'argent, qui ne peut plus être re-
rables et qui n'en faisaient qu'une (lU mis en corps. Cet élixir blanc est un remède
Voici autre chose: un homme qui n'avait à peu près universel qui fait merveilles en
,

que vingt sous pour toute fortune se mit à médecine, fond l'hydropisie et guérit tous les
vendre du vin aux passants. Pour gagner maux intérieurs 5).
davantage, il mettait autant d'eau que de vin ARGOUGES. Voy. Fées, à la fin.
dans ce qu'il vendait. Au bout d'un certain ARIGNOTE. Lucien conte qu'à Corinthe,
temps, il amassa par cette voie injuste, la
,
dans quartier de Cranaûs personne n'o-
le ,

somme de cent livres. Ayant serré cet argent sait habiter une maison qui était visitée d'un
dans un sac de cuir, il alla avec un de ses spectre. Un certain Arignote, s'étant muni
amis faire provision de vin pour continuer de livres magiques égyptiens, s'enferma dans
son trafic; mais, comme il était près d'une celle maison pour y passer la nuit, el se mit
rivière, il tira du sac de cuir une pièce de à lire tranquillement dans la cour. Le spectre
vingt sous pour une petite emplette; il tenait parut bienlât pour effrayer Arignote, il prit
;

le sac dans la main gauche et la pièce dans d'abord la figure d'un chien, ensuite celles
la droite; incontinent un oiseau de proie d'un taureau et d'un lion. Mais, sans se
fondit sur lui et lui enleva son sac , qu'il troubler, Arignote prononça dans ses livres
laissa tomber dans la rivière. Le pauvre des conjurations qui obligèrent le fantôme à
homme, dont toute la fortune se trouvait se retirer dans un coin de la cour, oii il
ainsi perdue , dit à son compagnon Dieu : — disparut. Le lendemain ou creusa à l'endroit
est équitable; je n'avais qu'une pièce de où le spectre s'était enfoncé; on y trouva un
vingt sous quand j'ai commencé à voler; il squelette auquel on donna la sépulture, et
m'a laissé mon bien, et m'a ôté ce que j'a- rien ne parut plus dans la maison. Cette —
vais acquis injustement (2). anecdote n'est autre chose que l'aventure
Un étranger bien vêtu passant au mois ,
d'Athénodore, que ^ucien avait lue dans
de septembre 1606 dans un village de la Pline, el qu'il accommode à sa manière pour
Franche-Comté, acheta une jument d'un divertir ses lecteurs.
paysan du lieu pour la somme de dix- huit ARIMANE prince des enfers chez les
,

ducatons. Comme il n'en avait que douze anciens Porses, source du mal, démon noir,
dans sa bourse, il laissa une chaîne d'or en engendré dans les ténèbres (6), ennemi d'O-
gage du reste, qu'il promit de payer à son romaze, principe du bien. Mais celui-ci est
retour. Le vendeur serra le tout dans du éternel, tandisqu'Arimane est créé et doit
.papier, elle lendemain trouva la chaîne dis- périr un jour.
parue , et douze plaques de plomb au lieu ARiOCH , démon de la vengeance, selon
des ducalons (3). quelques démonographes; différent d'Alas-
Terminons n rappelant un stupide usage
<
lor, et occupé seulement des vengeances
de quelques villageois qui croient que, quand particulières de ceux qui l'emploient.
on fait des beignets avec des œufs, de la fa- ARIOLISTES, devins de l'antiquilé, dont
rine et de l'eau, pendant la messe de la Chan- le métier se nommait ariolntio, parce qu'ils
deleur, de manière qu'on en ait de faits après devinaient par les autels {ab aris). Us con-
la messe, ou a de l'argent pendant toute sultaient les démons sur leurs autels, dit
l'année (i). Daugis(7); ils voyaient ensuite si l'autel
On en a toute l'année aussi, ([uind on en tremblait ou s'il s'y faisait quelque merveille,
porte sur soi le premier jour où l'on entend et prédisaient ce que le diable leur inspirait.
le chant du coucou, —
et tout le mois, si on ARISTEE, — charlatan de l'île de Proco-
on a dans sa poche la première fois (ju'oii nèse, qui vivait du temps de Crésus. Il disait

voit la lune nouvelle. que son âme sortait de son corps (|uand il
ARGKNT POTABLE. Si vous êtes versé voulait, et qu'elle y retournait ensuite. Les
dans les secrets de l'alchimie et que vous uns content qu'elle s'échappait, à la vue de
souhaitiez possédercette panacée, prenez <lu sa femme et de ses enfants , sous la figure
soufre bleu céieste; mettez-le dans un vase d'un cerf, Wierus dit sous la figure d'un
de verre; versez dessus d'excellent esprit corbeau (8). —Hérodote rapporte, dans son
de vin; faites digérer au bain pendant vingt- quatrième livre, que cet Aristée, entrant un
quatre heures; et quand l'esprit de vin aura jour dans la boutique d'un foulon, y tomba
attiré le soufre par distillation, prenez une mort; que le foulon courut avertir ses pa-
(1) Caosariillisl.demorifîntibns, cap. 30 Mirac.lib. II. (5) Traité de chimie pliilosopli. et hermétique p. 16â.
(2) Sailli OréKoire de Tours, livre des Miracles. (6) Plutarqiie, sur Isis el Usiris.
(5j I5iigii(M, Discours (les sorcii.TS. (7) Traité sur la magie, elc, p. 66.
(4J ï'Iiii.rs^ Ujili des siipersl., elc. (8) De PrKjiigiis (Jxiii., lib. 1, cai>. li.
119 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 420

renis, qui arrivèrent pour le faire enterrer. sion. Le Macédonien, écoutant les leçons (i«
M.iis on ne trouva plus le corps. Toute la la sagesse , promit de rompre d'indignes
ille étail en grande surprise, (juand des gens liens. L'Indienne connut la cause de ce chan-
(|ui revenaient de quel()uc voyage assurèrent gement subit et prit la résolution de s'en
qu'ils aviiienl rcnronlré Arislée sur le che- venger. Elle alla trouver le philosophe, et
min de Crolone (1). 11 paraît que célail une comme il n'était protégé que par sa pauvre
Ispècf de v.itnpire. Hérodote ajoulo qu'il re- philosophie, clic; l'eut bienlôl séduil par ses
parut au bout de S' pi ans à Proconèse, y agaceries. Quand elle eul tourné l'esprit du
coin[iosa un poëuie el uiourut de nouveau. vieillard, elle exigea, pour prix de ses sou-
Lenoyer, (|ui regarde Aristéc comnie un rires, qu'il satisfit à un désir qu'elle avait
sorcier à exlasos (-2) elle une aulorilé d'a-
, toujours eu ; c'était qu'il consentît à la lais-
près laquelle, à l'heure môme ou ce vamiiire ser se mtltre à cheval sur son dos. Arislole,
disparut pour la seconde fois , il aurait élé chauve cl ridé, n'i ut pas la force de refuser
transporté en Sicile, et s'y serait fait maître une demandeaussi absurde. La fine Indienni-,
d'école. allant chercher aussilôt une selle et une
Il se montra encore trois cent quarante bride, plaça la selle sur le dos du philosophe,
ans après, dans de Métaponle et il
la ville ,
et la bride dans sa bouche; puis elle sauta
y fit élever des monuments qu'on voyait du sur lui comme sur un roussin. En ce mo-
temps dHérodole. Tant de prodiges engagè- ment, Alexandre, qui étail prévenu, parut à
rent les Siciliens à lui consacrer un temple, une fenêtre, et put adresser à son maître les
où ils l'honoraient comme un demi-dieu. mêmes leçons que ce dernier lui donnait peu
ARISTODEME roi des Messéniens. Voy.
de jours auparavant (6).
,

Ophioneus et Ololygmancie. On ne sail trop la source de cet autre conte.


On a prétendu qu'Aristote ayant épousé la
ARISTOLOCHIE ou paille de sarrasin,
,
nièce ( d'autres disent la fille ou la petile-
ou plutôt espèce de plante appelée pistoloche, fille ) d'Hermias, son ami, il en devint si
avec laquelle Apulée prétendait qu'on pou-
épris, qu'il alla jusqu'à lui offrir des sacri-
vait dénouer l'aiguillette, sans doute en l'em-
fices. En tout cas, l'aventure du fabliau est
ployant à des fumigations. Voy. Ligatures.
citée dans les Amours d'Euriale, d'^Encas
ARISTOMENE , général messénien , si Sylvius. Spranger , peintre de l'empereur
habile et si adroit que, toutes les fuis qu'il Rodolphe II, en a fait, au commencement du
tombait au pouvoir des Athéniens, ses enne- dix-septième siècle, un tableau que Sadeler
mis, il trouvait moyen de s'échapperdc leurs a gravé. Le vieil amoureux est représenté
mains. Pour lui ôler celte ressource , ils le marchant à quatre pattes avec le mors en ,

firent mourir; après quoi on l'ouvrit et on bouche, et portant sur son dos la dame qui,
lui trouva le cœur tout velu el tout couvert d'une main tient la bride, et de l'autre, un
de poils (3). fouet (7).
ARISTOTE ,
que l'Arabe Averroës ap- Nous ne citerons ici des ouvrages d'Aris-
comble de la perfection humaine. Sa
pelle le toie que ceux qui ont rapport aux matièri s
philosophie a toujours été en grande véné- que nous traitons 1° De la Divination par
:

ration, el son non» ne peut recevoir trop les songes; 2° Du Sommeil et de la veille, im-
d éclat. Mais il ne fallait pas se quereller pour primés dans ses œuvres. On peut consulter
ses opinions et emprisonner dans un temps aussi les remarques de Michel d'Ephèsc sur
ceux qui ne les partageaient pas pour em- ,
le livre de la Divination par les songes (8j, cl
prisonner dans un autre ceux qui les avaient la Paraphrase de Thémistius sur divers trai-
adoptées. Ces querelles, au reste, n'ont élé tés d'Aristole, principalement sur ce même
élevées que par les hérétiques. ouvrage (9).
Delancre semble dire qu'Aristote savait la ARITHMANCIE ou ARITHMOMANCIE.
magie naturelle (4); mais il ne parle guère Divination par les nombres. Les Grecs exa-
en homme superstitieux dans aucun de ses minaient le nombre et la valeur des lettres
écrits. Quant à la vieille opinion, soutenue dans les noms de deux combattants, el en
par Procape et quelques autres, qu'Aristote, auguraient que celui dont le nom renfer-
ne pouvant comprendre la raison du flux et mait plus de lettres et d'une plus grande va-
du reflux de l'Euripe, s'y précipita en faisant leur remporlerail la victoire. C'est en vertu
de désespoir ce mauvais calembourg: Puis- — de cette science que quelques devins avaient
que je ne puis te saisir, saisis-moi (5) ;
— prévu qu'Heclor devait être vaincu par
cette opinion est aujourd'hui un conte mé- Achille.
prisé. Les Chaldéens, qui pratiquaient aussi l'a-
Aristote joue, dans un vieux fabliau fran- rithmomancie, partageaient leur alphabet en
çais, un rôle assez ridicule. Un jour, dit le trois parties, chacune composée de sept let-
conteur, il reprocha à son élève le trop grand tres, qu'ils attribuaient aux sept planètes,
amour à une jeune Indienne, et
qu'il portail pour en tirer des présages. Les platoniciens
l'oubli de tout devoir où le jetait cette pas- et les pythagoriciens étaient fort adonnés i
(1) Pjularque, dans la Vie d« Romulus.
(7) Fabliaux de Legrand d'.iussv, t. I.
(2) Discours des spectres, liv. IV, cli. ti.
(S) MiLbaelis Ë|.liesii AnnutJtiunes in Âristotelem, de
(3) Valère-Maiiine, liv. I, cU 8, exl. u- \f}. soinno, iJ est, de diviiialioiie per soiunum. Veuise, iu-8°,
(i) Tableau du l'iucoiistaiice dos mauvais ances pic
''
10^7.
liv. Vl.ilisc. 2. • •
(9J Tbemistii Paraphrasls in Aristoleleni de niomoria et
Si quidtni ego non capio lo, lu capies nie
(fi).
reniiui.sccntia, île in.suiiiniis, de dlvinalioiie per soinuun!,
(6J H. Lcrouï Ue iiiicjf, Léacude dUii.pocriil^- laUii lleiiuuUo Uarbaio. Bàle, m-S% 13iW.
> iiileriirele
121 ARM ARN l'Jfi

cette divination, qui comprend aussi une VOUS vous imaginez, ni de vrais fantômes,
partie de la cabale des Juifs (1). ni de vrais soldats. Nous sommes les âmes
ARIUS, fameux hérétique qui niait la di- de ceux qui ont été tués en cet endroit dans
vinité de Jésus-Clirist, Nolre-Scigneur. Voici la dernière bataille. Les armes et les chevaux
comment on raconte sa mort : — Saint que vous voyez sont les instruments de notre
Alexandre, évêciue de Byzance, voyant que supplice, comme ils l'ont été de nos péchés.
les sectateurs d'Arius voulaient le porter en Nous sommes tout en feu, quoique vous n'a-
triomphe, le lendemain dimanche, dans le perceviez en nous rien qui paraisse en-
temple du Seigneur, pria Dieu avec zèle flammé. — On dit qu'on remarqua en leur
d'empêcher ce scandale, de peur que si compagnie le comte Enrico el plusieurs au-
Arius entrait dans l'église, il ne semblât que tres seigneurs tués depuis peu d'années, qui
l'héresic y fût entrée avec lui. Et le lende- déclarèrent qu'on pouvait les soulager par
main dimanche, au moment où l'on s'atten- des aumônes et des prières (2). Voy. Appa-
dait à voir Arius, l'hérétique ivrogne, sen- ritions, Phénomènes, Visions, Aurore bo-
tant un certain besoin qui aurait pu lui élre réale, etc.
fort incoiiiniode dans la cérémonie de son ARMIDE. L'épisode d'Armide, dans le
triomphe, fut obligé d'aller aux lieux se- Tasse, est fondé sur une tradition populaire
crets, où il creva par le milieu du ventre, qui est rapportée par Pierre Delancre (3).
perdit les intestins, et mourut d'une mort Cette habile enchanteresse était fille d'Arbi-
infâme et malheureuse, frappé, selon quel- lan, roi de Damas ; elle fut élevée par Hi-
ques-uns, par le diable, qui dut en recevoir draote, son oncle, puissant magicien, qui en
l'ordre, car Arius était de ses amis. fit une grande sorcière. La nature l'avait si

ARMANVILLE. Une dame d'Armanville, à bien partagée, qu'elle surpassait en attraits


Amiens, fut battue dans son lit en 17i6. Sa les p'us belles femmes de l'orient. Son oncle
servante attesta que le diable l'avait maltrai- l'envoya comme un redoutable ennemi, vers
tée. La cloche de la maison sonna seule ; on la puissante armée chrétienne que le pape
entendit balayer le grenier à minuit. Il sem- Urbain JI avait rassemblée sous la conduite
bla même que les démons qui prenaient cette de uudefroi de Bouillon; et là, comme dit
peine, avaient un tambour et faisaient en- Delancre « elle charma en effet quelques
suite des évolutions militaires. La dame, ef- chefs croisés ; » mais elle ne compromit pas
frayée, quitta Amiens pour retourner à Pa- l'espoir des chrétiens.
ris ; c'est ce que voulait la femme de cham- ARMO.MANCIE, divination qui se faisait
bre, il n'y eut plus de maléfice dès lors, et par l'inspection des épaules ('i^). On juge en-
l'on a eu toit de voir là autre chose que de core aujourd'hui qu'un homme, qui a les
la malice. épaules larges, est plus fort qu'un autre qui
ARMÉES PRODIGIEUSES. Au siège de les a étroites.
Jérusalem par Titus, et dans plusieurs au- ARNAUD DE BRESSE, moine du douzième
tres circonstances, on vit dans les airs des siècle, disciple d'Abeilard. Turbulent et am-
armées ou des troupes de fantômes, phéno- bitieux, il se fit chef de secte II disait que
mènes non encore expli(iués, et qui jamais les bonnes œuvres sont préférables au sacri-
ne présagèrent rien de bon. fice de la messe ;ce qui -est absurde ; car le
Plutarque raconte, dans la vie de Thémis- sacrifice de la messe n'empêche pas les bon-
tode, que pendant la bataille de Salamine, nes œuvres il les ordonne au contraire et
, ;

on vit en l'air des armées prodigieuses et ra comparaison n'avait pas le sens commun.
des figures d'hommes qui, de l'île d'Egine, 11 avait jeté le froc, comme tous les réfor-
tendaient les mains au-devant des galères mateurs. Ayant excité de grands troubles, il;
grecques. On publia que c'étaient les Eaci- fut pris et brûlé à Rome en 1155. On l'a mis
dcs qu'on avait invoqués avant la ba-
,
au rang des sorciers; il ne l'était guère,
taille. mais il était dissolu et il fit beaucoup de mal..
Quelquefois aussi on a rencontré des trou- ARNAULD ( Angélique ). Apparition ds
pes de revenants et de démons allant par ba- la mère Marie-Angétique'*Arnauld , abbesse
taillons et par bandes. Voy. Retz, etc. de Port-Royal de Paris, peu avant la mort
En 1123, dans le comté de Worms, on vit, de la sœur Marie-Dorothée Perdereau, ab-
pendant plusieurs jours, une multitude de besse intruse de ladite maison; rapportée
gens armés, à pied et à cheval, allant et ve- dans une lettre écrite en 1683, par M. Du-
nant avec grand bruit, et qui se rendaient fossé, à la suite de ses. mémoires sur Port-
tous les soirs vers l'heure de none, à une Uoyal. — t Deux religieuses de Port-Royal,
montagne qui paraissait le lieu de leur réu- étantà veiller le Saint Sacrement pendant la
nion. Plusieurs personnes du voisinage s'ap- nuit, virent tout d'un coup la feue mère An-
prochèrent de ces gens armés, en les conju- gélique, leur ancienne abbesse, se lever du
rant, au nom de Dieu, de leur déclarer ce lieu où elle avait été inhumée ayant eu
,

que signifiait cette troupe innombrable et main sa crosse abbatiale, marcher tout la
quel était leur projet. Un des soldats ou f;in- long du chreur et s'aller asse lir à la place
tbmes répondit : Nous ne sommes pas ce que où se met l'abbesse pendant les vêpres.

(1) Delancre, Incrédulilé el mécréanco du sortilège (t) Du mot latin annus, épaule. Les anciens apijli-
pleinement convaincue, traité 3. quaicnl surtout celle divination aux animaux. Ils ju-
(^) Clironique d'Ursperg. geaient par t'armouiancic si la victime était Iwnne [>om,
(5) Tableau de l'inconstance des mauvais anges, etc., les dieux.
liv. I.
t2S DICTIONNAIKE DES SCIENCES OCCULTES. lii

« Etant assise, elle appela une religieuse dont les Quades fermaient l'issue, et mou-
qui paraissait au même lieu, et lui orilonna rant de soif sous un ciel brûlant, il fit tom-
d'aller chercher la sœur Dotolhée, laquelle, ber, par le moyen de son art, une pluie pro-
ou du moins son esprit, vint se présenter digieuse qui permit aux Romains de se dés-
devant la mère Angélique , qui lui parla altérer, pemlant que la grêle et le tonnerre
pendant que!<|ue lemps, sans qu'on pût en- fondaient sur les Quades et les contraignaient
tendre ce qu'elle lui disait; après quoi, tout à rendre les armes. C'est ce que racontent,
disparut. dans un but intéressé «luelques auteurs
,

« On
ne douta point que la mère Angé- pa'ii'us. D'autres font honneur de ec proilige
lique n'eût ('ité la sœur Dorothée devant aux impuissantes prières do iMarc-Aurôle.
Dieu; et c'est la manière dont elle l'inier- Lis auteurs chrétiens, lis seuls ('ui soii'nt
préta eilo-mérne, lors(iue les deux religieu- ici dans la vérité, l'attribuent unanimement,
.ses qui avaient été ténioiusde celte appari- et avec toute raison, à la prière des soldats
tion la lui rapporièieiit. Elle s'écria: Ah — 1 chrétiens qui se trouvaient dans l'armée ro-
je mourrai bientôt. El en effet, elle mourut maine.
(|uinze jours ou trois semaines après. » ARNDS, devin tué par Hercule, parce qu'il
Voilà ! faisait le métier d'espion. Apollon vengea la
ARNAULD DE VILLENEUVE, médecin, mort d'Arnus, qu'il insfiirail, en mettint la
astrologue et alchimiste, qu'il ne faut pas peste dans le camp des Héraclides. 11 fallut,
confondre, cotnme on l'a fait quelquefois, pour faire cesser le fléau , établir des jeux eu
avec Arnaud de Bresse. H était né auprès de i'iionneur du défunt.
Montpellier; il mourut dans un naufrage en A ROT. Voy. Marot.
13U. ARPUAXAT, sorcier perse, qui fut tué
La chimie beaucoup de découver-
lui doit d'un coup de foudre si l'on en croit Abdias
,

tes ; il ne cherchait, à la vérité, que la pierre de B.ibylone (2) à l'heure même du martyre
,

philosophale et ne songeait qu'à faire do de saint Simon et de saint Judo. Dans uni- —
l'or; mais il trouva les trois acides sulfuri- possession qui fil du bruit à Loudun (6), on
que, muriatique et nilri(iue. Il composa le cite un démon Arphaxal.
premier de l'alcool et du ratafia; il lit con- ART DE SAINT ANSELME. Moyen super-
naître l'essence de térébenthine, régularisa stitieux de guérir, employé par des impos-
la distillation, etc. Il mêlait à ses vastes teurs ()ui prenaient le no u d'anseluiistes. ils
connaissances en médecine des rêveries as- se contentaient de toucher, avec certaines
trologiques, et il prédit la fin du monde pour paroles, les linges qu'on appliquait sur les
l'année 1335. blessures. Ils devaient le secret de leur art,
On l'accusa aussi de magie. François Pe- disaient-ils, à saint Anselme de Cantorbéry.
gna dit qu'il devait au démon tout ce qu'il Aussi l'appelaienl-ils l'art de saint Anselme,
savait d'alchimie, et Mariana (1) lui repro- voulant de la sorte se donner un certain >er-
che d'avoir essayé de former un homme avec nis. Mais Deirio assure que leur véritable
de certaines drogues déposéi-s dans une ci- chef de file est Anselme de Parme.
trouille. Mais Deirio justifie Arnauld de Vil- ART DE SAINT PAUL. Moyen de prédire
leneuve de ces accusations; et le pape Clé- les choses futures que des songes creux ont
,

ment V ne l'eût pas pris pour son médecin prétendu avoir été enseigné à saint Paul
s'il eût donné dans la magie. L'inquisi- — dans son voyage au troisième ciel. Des char-
,

tion de Tarragone fit brûler ses livres, trois latans ont eu le front de s'en dire héritiers.
ans aprè^ sa mort, mais el'e les fit brûler ART DES ESPRITS, appelé aussi art an-
comme étant empreints de plusieurs senti- gélique. Il corisiste dans le talent d'évoquer
uients hérétiques. les esprits, et de les obliger à découvrir les
On recherche d'Arnauld do Villeneuve un choses cachées. D'autres disent que l'art an-
traité de l'explication des songes (2) mais : gélique est l'art de s'arranger avec son ange
on met sur son compte beaucoup d'ouvrages gardien, de manière à recevoir de lui la ré-
d'alchimie ou de'magie auxquels il n'a pas vélation de tout ce qu'on veut savoir. Cet art
eu la moindre part. Tels sont le livre des : superstitieux se pratique de dc:ix manières,
Ligatures physiques (3), qui est une traduc- ou par des extases, dms lesquels on reçoit
tion d'un livre arabe ; et celui des Talismans des avis, ou par des entreliens avec l'ange
des douze signes du zodiaque (i). On lui at- que l'on cvo(|ue, qui apparaît, et qui, «n
tribue aussi faussement le livre stupide et celte circonstance, n'est pas, sans doute, un
infâme des Trots imposteurs. ange de lumière. Yoij. Evocatiox.
ARNOUX, auteur d'un volume in-12, pu- ART NOTOIRE espère d'encyclopcilic
,

blié à Rouen, en 1630, sous le titre des Mer- inspirée. Le livre superstitieux, qui coniii'nt
monde ouvrage écrit dans
veilles de l'autre , les principes de l'art notoire, promet la
un goût bizarre et propre à troubler les connaissance de toutes les sciences en qu'i-
imaginations faibles, par des contes de vi- ti>rze jours. L'auteur du livre dit elTroiilc-
sions et d revenants. •
menl que le Saint-Esprit le dicta à s.iint
A RNUI'UIS, sorcier égyptien. Voyant Marc- Jérôme. Il assure en( ore que Salooion n'a
Aurèle et suu armée engagés dans des défilés obtenu la sagesse el la sciL-ncc universelle
(11 Reriim liispaiiic. llb. XIV, cap. ix. (.") De Ptiysicis ligaliiris.
(2) Annldi de Villanova til)ellus de somiiifiruin inter- (i) t)e Si^illisduuileciiii hignorum.
{TeUitionc ul soiuuia Daiiielis. iu-i". Aucieuuc cdiliou (>) C.irlaiiiiTiis aiioslulici, lib. M.
Uès-rai'u. (G) Voyei Uranditr.
t25 ART ART US
qne pour avoir lu en une seule nuit ce mer- lion latine de Rigaut (2) , et quelques tra-
veilleux livre. Il faudrait qu'il eût déjà été ductions françaises (3).
dicté à quelque enfant d'Israël; car ce serait ARTÉPHIUS philosophe hermétique du
,

un prodige trop grand, que Salomon eût lu douzième siècle, que les alchimistes disent
le manuscrit de saint Jérôme. Mais les
fai- avoir vécu plus de mille ans par les secrets ,

seurs d'écrits de ce genre ne reculent pas de pierre philosophale. François Pic rap-
la
pour si peu. porte le sentiment de quelques savants qui
GillesBourdin a publié, an seizième siècle, affirment qu'Artéphius est le même qu'Apol-
un grimoire obscur, sous le titre de l'Art no- lonius de 'Tyanes, né au premier siècle, sous
toire. Il n'est pas probable que ce soit la ce nom , et mort au douzième , sous celui
"îonne copie, qui sans doute est perdue. d'Artéphius.
Dcirio dit que, de son temps, les maîtres On lui attribue plusieurs livres extrava-
de cet art ordonnaient à leurs élèves une gants ou curieux : 1° VArt d'allonger sa vie
certaine sorte de confession générale, des { De Yita propaganda ) , qu'il dit , dans sa
jeûnes , des prières , des retraites , puis leur préface, avoir composé à l'âge de mille vingt-
faisaient entendre, à genoux, la lecture du cinq ans ; 2" la Clej'de la Sagesse suprême^ (4) ;
livre de VArt notoire, et leur persuadaient 3" un livre sur les caractères des planètes,
qu'ils étaient devenus aussi savants que Sa- sur la signification du chant des oiseaux, sur
lomon, les prophéties et les apôtres. Il s'en les choses passées et futures, et sur la pierre
trouvait qui le croyaient. philosophale (5). Cardan qui parle de ces ,

Ce livre a été condamné par le pape Pie V. ouvrages, au seizième livre de la Variété des
Mêlant les choses religieuses à ses illusions, choses, croit qu'ils ont été composés par
l'auteur recommande entre autres soins de quelque plaisant , qui voulait se jouer de la
réciter tous les jours, pendant srpl semaines, crédulité des partisans de l'alchimie.
les sept psaumes de la pénitence, et de chan- ARTIIÉMIA, fille de l'empereur Dioclélien.
ter tons les malins, au lever du soleil, le Elle fut possédée d'un démon qui résista aux
Veni, Creator, en commençant un jour de exorcistes païens, et ne céda qu'à saint Gy-
nouvelle lune pour se préparer ainsi à la
,
riaque, diacre de l'Eglise romaine.
connaissance de VArt notoire (1). Erasme, L'idée de rire et de plaisanter des posses-
qui parle de ce livre, dans un de ses col- sions et des exorcismes de l'Eglise est venue
loques, dit qu'il n'y a rien compris; qu'il quelquefois à des esprits égarés, qu'il eût été
n'y a trouvé que des figures de dragons, de bon peut-être d'exorciser eux-mêmes.
lions, de léopards, des cercles, des triangles,
grecs , latins AllTHUS ou Artus roi des Bretons cé-
, ,

des caractères hébreux et ,


lèbre dans les romans de la Table-Ronde, et
,

qu'on n'a jamais connu personne qui eût rieu


dont la vie est entourée de fables. On pré-
appris dans tout cela.
tend qu'il revient la nuit dans les forêts de
,
Des doctes prétendent que le véi itabîe Ars
la Bretagne, chasser à grand bruit, avec des
noloria n'a jamais été écrit, et que l'esprit
chiens, dfs chevaux et des piqueurs, qui ne
te révèle à chaque aspirant préparé. (.Mais
sont que des démons ou des spectres, au sen-
quel esprit? ) Il leur en fait la lecture pen-
timent de Pierre Delancre (6). Quand lo
dant leur sommeil s'ils ont sous l'oreille la
,
grand-veneur apparut à Henri IV, dans la
nom cabalistique de Salomon écrit sur une ,
forél de Fontainebleau quubiues-uns dirent
lame d'or ou sur un parchemin vierge. Mais
,

que c'était la chasse du roi Arthus.


d'autres érudits soutiennent que VArs no-
La tradition conserve aux environs de ,

toria existe écrit, et qu'on le doit à Salomon.


Huelgoat, dans le Finistère, le souvenir cu-
Le croira qui pourra. rieux de l'énorme château d'Arlhus. On
ART SACERDOTAL. C'est, selon quelques montre des rochers de granit eiitassés
adeptes, le nom que les Egyptiens donnaient comme étant les débris de ses vastes mu-
à l'alchimie. Cet art, dont le secret, recom- railles. Il s'y trouve, dit-on, des trésors
mandé sous peine de mort, était écrit en gardés par des démons qui souvent traver-
langue hiéroglyphique n'était communi-
,
sent les airs, sous la forme de feux follets ,
qué qu'aux prêtres à la suite de longues
,
en poussant des hurlements répétés par les
épreuves. échos du voisinage (7'. L'orfraie, la buse et
ARTÉMIDOllE , Ephésien qui vécut du le corbeau sont les hdles sinistres qui fré-
temps d'Anlouin le Pieux. On lui attribue le quentent ces ruines merveilleuses, où de
traité des songes, intitulé Oneirocriticon temps en temps apparaît l'âme d'Arthus avec
publié pour la |iremière fois en grec, à Ve- ,
sa cour enchantée. Voy. Merlin.
nise, 1518, in-8°. Ou recherche la traduc- Nous emprunterons à Legrand d'Aussy
(1) Franc. Torreblanca, cap. xiv, episl. de mag.
(o) De Cliaracteribus ptanelarnm, canlu et motibus
(2) Arlemidori E|iliesii Oniiirocritica, seu de souiniorum
iiilerprelaiione, grœc-lat. cuni notis Nie. KigalUi, in-i".
avium, rerum praîieruarum et fulinarum, laiiideipie ()lii-
losophico Le Traité d'Ailcpbjus sur la pierre pliilusoiiliale
Paris, 160.'!.
a été traduit en français par P. AruauU, et imprimé avec
(3) Ané!!iidore, De
l'Explication des songes, avec le
Rouen, ceux deSynésiiis et de Kliniel. P.irs, 161'2, tG"39, 168-2,
livre d'Augus' in Nviilms, des Divinations, in-lB.
lii-4°. Ou attribue encore à Arlé|iliius, le Miroir des
liiOO édition augmenté», IfiOt.— lîpitome des cinq livres
miroirs, Spéculum speculorum, et le Livre secret. Liber
;

d'Arléinidore, tiMitant des son;.50s, iradiiit du grec, par


secretus.
Cbarles Fontaine ; avec \m recueil de Valére-Maxinie sur
le ni^'me sujet, traduit du latin, iii-S". lyon, tooo. (6) Tableau de l'inconstance des mauvais anges, liv. lY,
imprimé dans le Théâtre dise. 3.
(l) Clavis ni;iji)ris sapientiae ,

cliitninue. Frandorl, tOU, in-8° ou Strasbourg, 1009, (7; Cawtry, Voyage dans le Finistère, 1. 1, p. 277.
niCTlUN.NAlIlE DES SCIENCES OCCULTES. HH
(tome !•• de ses Fabliaux), quelques noies tirées, soit de la province de Galles, sa pa-
intéressantes sur le roi Artus. trie, soit de la Bretagne oiî il les avait ap-
Ce héros, fiimeux dans nos vieux romans, prises. Au nombre de ces choses intercalées,
qui le font régner dans la Graïuic-Brelagne, étaient les prétendues prophélies de Mirliu,
fil beaucoup de conquêtes, et porta au plus enchanteur à qui Geoffroi faisait jouer un
haut degré de gloire l'urdrc prétendu des grand rôle; enfin, il s'étendait beaucoup
Chevaliers de la Table-Ronde , institués par sur It? couronnement d'Artus; et il y faisait
son père, et nommés ainsi d'une table mys- assister les douze pairs de Charlemagne.
térieuse que leur avait donnée l'enchanteur (History of english puelry.) »
Merlin. Artus possédait une épée magique Tel est, en abrégé, le récit de \Varlon.
nommée Escalibor, à laquelle nulle arme ne D'après cet exposé, il est aisé de concevoir
pouvait résister. Pour enseigne il avait un quel parti purent tirer de Merlin cl d'Artus
dragon d'acierquivomissait des flammes, etc. les romanciers qu'enfanta dans l'Angleterre
Malgré tous ces avantages merveilleux, il la chronique de Geoffroi. Quant à celte chro-
fut tué dans une bataille avec un grand nique, je crains que Warton ne se soit trom-
nombre de chevaliers. On p'-ut voir dans La pé, et que son Brul-y-Brenhined ne soit
Colombièie (1), le nom et les armoiries de notre Roman du Brut, ouvrage composé en
ces braves, la merveille du monde. effetdans le. douzième siècle, mais composé
On a remarqué que le personnage d'Artus en Normandie, et qui contient une préten-
est le fruit il'une jalousie nationale. Ce héros due histoire des rois d'Angleterre, dont le
prétendu de la romancerie anglaise, imaginé premier, selon l'auteur, fut un certain Bru-
pour suppléer Charleniagne, le héros de la tus. Au reste, que le Brut-y- Brenhined soit
nôtre n'en est qu'une copie maladroite.
, dû à la Bretagne ou à la Normandie, il n'en
Guerres, conquêtes, beaux faits d'armes, ca- esl pas moins une production de nos pro-
ractères, actions, tout est calqué. Si les ro- vinces septentrionales; et, à ce titre, elles
manciers français donnent à Charles des peuvent revendiquer tous ceux des romans
paladins, les romanciers bretons en font des de chevalerie anglais qu'il a produits.
chevaliers de la Table-Ronde. La Vurandal, Donnons aussi, comme échantillon, un des
cette épée fameuse que les premiers prôlenl mille romans de chevalerie à enchantements,
à leur héros, chez les seconds c'est VEscali- qui ont célébré le roi Artus. Nous choisissons
bor. Il n'est pas jusqu'aux personnages se- le plus court que l'écrivain, à qui nous
condaires, qui ne soient une imitation. Chez avons emprunlé les notes précédentes , à
nos poètes, le plus célèbre d'entre les pala- mis au commencement de son choix (d'ail-
dins est Roland, le neveu de Charlemagne; leurs Irès-grossier, très-inconvenant et très-
chez nos rivaux, c'est Gauvain, le neveu mauvais) d'anciens fabliaux.
d'Artus. Enfin, ce qui, plus que tout le reste La mule sans frein,
encore, trahit ceux-ci, c'est qu'au couron- Artus, aux fêles de la Pentecôte, tenait
nement de leur Artus, ils font assister les cour plénière dans sa cité de Carduel; et
douze pairs de Charlemagne (nos romanciers tout ce que ses états renfermaient de hauts
appellent ainsi les douze chevaliers les plus barons et de chevaliers, s'y était rendu. Le
braves du monarque français). second jour, au moment qu'on se levait de
On peut au reste alléguer ici, en faveur table, on aperçut au loin, dans la prairie, une
de notre antériorilé, un témoignage irrécu- femme qui paraissait venir vers le château, et
sable : celui d'un auteur anglais, Warton, quiétaitmontéesur une mulesanslicolet sans
qui a écrit sur l'origine des romans en Eu- frein. Cet objet piqua la curiosité. Le roi, la
rope. Voici ce qu'il raconte au sujet de sa reine, tout le monde accourut aux fenêtres;
patrie. et chacun, cherchant à deviner, faisait sa
* Au commencement du douzième siècle, conjecture. Quand la dame fut plus à por-
on ou Gautier, archidiacre
certain Gualter, tée, tous les chevaliers volèrent au-devant
d'Oxford, ayant eu occasion de faire un d'elle on l'aida à descendre. Son visage
:

voyage dans notre Bretagne, y eut connais- était mouillé de pleurs et annonçait un graud
sance d'une vieille chronique, intitulée : chagrin.
Brul-y-Brenhined (Histoire des rois bretons). Introduite devant le prince, elle le salua
Aucun livre ne devait flatter davantage un respectueusement, et s'élant essuyé les yeux,
Anglais aussi Gautier fit-il copier celui-ci,
: lui demanda pardon de venir l'importuner
et il l'emporta en Angleterre, dans le dessein de ses douleurs ; mais on lui avait pris, di-
de le publier. A
la vérité, l'ouvrage était sait-elle, le frein de sa mule. Depuis ce jour
écrit en bas-breton ; mais Gautier savait que, elle pleurait et se voyait condamnée aux
parmi ses compatriotes, les habitants de la larmes, jusqu'à ce qu'il lui lût rapporté. Il
province de Galles enlendaient cette langue, n'y avait que le plus brave des chevaliers
et il s'adressa, pour faire traduire sa chro- qui pût le conquérir et le lui rendre ; et où
nique, à un moine gallois, nommé Geoffroi chercher ce héros ailleurs qu'à la cour d'un
de Monmoulh. Geoffroi la traduisit en effet, si grand roi? Elle pria donc Artus de per-
et, quoiqu'on ignore quand elle fut publiée, mettre que quelques-uns des braves qui
néanmoins ce fut postérieurement à l'année l'écoulaienl voulussent bien s'intéresser à
1138 ; mais le translateur, pour embellir son son malheur. Elle assurait !e chevalier qui
sujet, se permit d'y faire des additions, et consentirait à devenir son champion, qu'il
d'y insérer certaines traditions populaires, serait conduit sûrement au lieu du cOMibal
M Théâtre d'Honneur, l. II, p. 136 par sa mule.
129 ART ART 150

Tous allaient s'offrir et briguer l'honneur autour du héros les vagues écumanles s'éle-
du choix; mais le sénéchal messire Queux vaient en grondant, et s'élançaient sur lui
saisit le premier la parole, et il fallut bien pourle renverserel l'engloutirimaisilfutiné-
accepter son appui. Il jura donc de rapporter branlableet aborda heureusement au rivage.
le frein, fût-il à l'exlrémitédu monde : il prit Là se présenta un château fortifié garni ,

(les armes et partit, se laissant conduire par en dehors d'un rang de quatre cents pieux
,
la mule, comme on le lui avait recommandé. en forme de palissades dont chacun portait
,

A peine entré dans la forêl, que des


fut-il sur sa pointe une tête sanglante, à lexcepliou
troupeaux affamés de lions, de tigres et de d'un seul qui, nu encore, semblait attendre
léopards, accoururent avec des rugissements cet ornement terrible, La forteresse, entou-
affreux pour le dévorer. Le pauvre Queux se rée d(! fossés profonds, remplis par un torrent
repentit bien alors de son indiscrète fanfa- impétueux, tournait sur elle-même comme
ronnade et, dans ce moment, il eût pour ja-
;
une meule sur son pivot, ou comme le sabot
mais renoncé de grand cœur à tout l'hon- qu'un enfant fait pirouetter sous sa courroie.
neur de son entreprise. Mais, dès que ecs Elle n'avait d'ailleurs aucun pont et parais-
animaux terribles reconnurent la mule, ils sait interdire à Gauvain tout (noycn d'exer-
se prosternèrent devant elle pour lui lécher cer sa valeur. 11 résolut d'attendre néan-
les pieds, et retournèrent sur leurs pas. moins, espérant que la forteresse peut-être,
Au sortir de la forêt se présenta une vallée dans une de ses révolutions lui offrirait,

si obscure, si profonde ei si noire, que l'hom- quelque sorte d'entrée, et déterminé en tout
me le plus brave n'eût osé y entrer sans fré- cas à périr sur le lieu, s'il le fallait, plutôt
mir. Ce fut bien pis encore , quand le séné- que de retourner honteusement. Une porte
chal y eût pénétré, et qu'entouré deserpents, s'ouvriten effet: il piqna sa mule, lui fit sauter
de scorpions et de dragons vomissant des ce large fossé, et se trouva dans le château.
flammes, il ne marcha plus qu'à la lueur fu- Tout semblait y annoncer une dépopula-
nèbre de ces feux menaçants. Autour de lui tion récente des rues vides (1), personne
:

tous les vents déchaînés mugissaient à la fuis, aux fenêtres, partout le silence affreux de la
des torrents grondaient comme le tonnerre ; solitude. Un nain paraît enfin et le regarde
des montagnes s'écroulaient avec un fracas avec attention. Gauvain lui demande quel est
horrible. Aussi , quoique l'air y fût plus froid son seigneur ou sa dame où l'on peut les
,

et plus glaçant que celui de mille hivers en- trouver, et ce qu'ils exigent. Le nain ne ré-
semble, la sueur ruisselait sur tout son corps. pond rien et se retire. Le chevalier poursuit
Il sortit pourtant, à la faveur de sa monture. sa route et voit sortir d'une caverne un géant
Après avoir encore marché quelque temps, d'une laideur affreuse, les cheveux hérissés,
il arriva enfin à une rivière large et profonde et ariné d'une hache. Celui-ci applaudit à son
dont les eaux noires n'offraient ni pont ni courage; mais il le plaint d'être venu tenter
bateau, mais seulement une barre de fer en une aventure dont l'issue ne peut que lui
forme di; planche. Queux, ne voyant point là être funeste, et que la palissade terrible eût
de passage, renonça à l'aventure et revint sur dû l'avertir d'éviter. Il lui offre ses services
ses pas. Malheureusement, il fallait repasser cepi ndant, le fait manger, le traite bien , le
par la vallée et la forêt. Les serpents et les mène à la chambre où il doit coucher ; mais,
lions s'élançaient sur lui avec une espèce de avant de soriir, il ordonne au héros de lui
joie, et il en eût été dévoré mille fois , s'ils abattre la télé, en annonçant qu'il viendra le
l'eussent pu faire sans toucher à la mule. lendemain à son tour lui en faire autant.
Du plus loin qu'on l'aperçut du château , G;iuvain prend son cimeterre, et fait rouler
on s'apprêta à rire. Les chevaliers s'assem- la tête à ses pieds. Mais quel est son élonne-
blèrent , comme pour le recevoir avec hon- ment de voir celui à qui elle appartient la
neur ; Artus lui-même vint au devant de lui; relever, la replacer sur ses épaules et sortir.
hommes etfemmes enfin, chacun le plaisan- Il se couche néanmoins et dort tranquille-

ta , et le malheureux sénéchal ne sachant


, ment, peu effrayé du sort qui l'attend le len-
plus à qui répondre, et n'osant lever les demain. Au point du jour le géant arrive
yeux, disparut et alla se cacher. avec sa hache pour effectuer sa promesse; il

La dame était plus affligée que lui encore. éveille le chevalier; et selon leurs conditions
Déchue de son espoir, elle pleurait amère- de la veille, lui ordonne de présenter sa tête,
ment et s'arrachait les cheveux. Le brave Gauvain tend cou sans balancer: ce n'é-
le
Gauvain fut touché de ses douleurs. Il s'ap- tait qu'une épreuve pour tenter son courage :
procha, lui offrit avec assurance son épée , on on l'embrasse. Il demande alors
le loue,
promit de tarir ses larmes, et partit à son où pourra aller chercher le frein , et cj
il

tour sur la mule. qu'il lui faut faire pour l'avoir.


Les mêmi s dangers se représentèrent il : —Tu le sauras avant la fin du jour, lui
n'en fit que rire. Les serpents cl les lions vin- dit-on; mais prépare toute ta valeur : jamais
rent fondre sut lui il tira son épée et allait
: tu n'en eus plus besoin.
les combattre. Il n'en eut pas besoin ; les A
midi, il se rend au lieu du combat, et
moiistres, s'inclinant (le nouveau à l'aspect voit un lion énor(ne qui , en écumant , ron-
de l'animal , se retirèrent tranquillement. geait sa chaîne , et de ses griffes creusait la
Enfin il arrive à la rivière, voit la barre, se terre avec fureur. A la vue du héros, lo
recommande à Dieu et s'élance sur ce pont monstre rugissant hérisse sa crinière; sa
périlleux. Il était si étroit, qu'à peine la mule (Ij Un château, au nioycii-5ge, éuil un bourg. Ou lui
Douvail-cUe y poser les pieds à moitié. Tout doiiuïil aubsi ce uoin.
1S1 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 132

chalnotombecl il s'élnncc sur Gaïuain, dont vice. Mais tout préparer aussitôt pour
elle fit

il ilécliiro Après un long combat


le lia«l)ort. son départ. En vain Artus et la reine la pres-
cependant il Un autre est détaché
est tué. sèrent d'attendre que les fêtes fussent termi-
plus gr;ind et plus furieux encore il périt de : nées; rien ne put la retenir elle prit congé :

même. Gauvain, ne voyant plus d'ennemis d'eux, monta sur sa mule et repartit...
paraître, demande le frein. Le géant, sans lui Tels étaient généralement les romans de
répondre, le reconduit à sa chambre. 11 lui chevalerie et de féerie si chers à nos pères.
fait servir à manger pour rétablir ses forces, Voy. FÉES. Enchantements, etc.
et lui présente ensuite un autre ennemi. AllUNDEL (Thomas). Comme il s'était op-
Gétait un chevalier redoutable, celui - là posé (quatorzième siècle) aux séditions des
môine qui dvait planté les pieux de l'enceinte, wickleffites, Chassaignon, dans ses Grandi et
et qui de sa main y avait ntlacbé les télos redoutables jugements de Dieu, imprimés à
dos (jualre cents chevaliers vaincus. On leur Morges en 1581, chez Jean Lépreux, impri-
amène à chacun un cheval; on leur donne meur des très-puissants seigneurs de Berne,
une forte lance ils s'éloignent pour prendre
; Chassaignon, réformé et défenseur de tous
carrière et fondent un sur l'autre. Du pre-
I les hérétiques, dit qu'il mourut cruellement,
mier choc leurs lances volent en éclats et , la langue tellement eiidée qu'il ne pouvait
les sangles de leurs chevaux se rompent. Ils plus parler, « lui qui avait voulu empêcher
se rfc!èveiit aussitôt pour commencer à pied dans la bouche des disciples de Wickicff, le
un combat nouveau. Leurs armes releulis- cours de la sainte parole.... » Mais il n'ose
sent sous leur épée redoutable leur écu , pas rechercher si Thomas Arundel fut ,
étincelle, et pendant deux heures entières la comme Wickleff, étranglé par le diable.
victoire reste incertaine. Gauvain redouble ARUSPICES, devins du paganisme, dont
de courage il assène sur la tête de son ad-
: l'art senommait aruspicine. Ils examinaient
versaire un si terrible coup, que, lui fendant les entrailles des victimes pour en tirer des
le heaume jusqu'au cercle il l'étourdit et , présages; il fallait être de bonne maison
l'abat. C'en était (iùt du chevalier il allait : pour exercer cette espèce de sacerdoce. Ils
périr s'il ne se fût avoué vaincu , et déjà on prédisaient 1° par la simple inspection des
lui arrachait les lacets de son heaume. Mais victimes vivantes; 2" par l'état de leurs en-
il rendit son épée et demanda la vie. Dès ce trailles après qu'elles étaient ouvertes; 3° par
moment, tout fut terminé. Le vainqueur avait la flamme qui s'élevait de leurs chairs brû-
droit au frein; on ne pouvait le lui refuser : lées. — La victime qu'il fallait amener avec
il ne restait plus que la ressource de l'y faire violence, ou qui s'échappait de l'autel, don-
renoncer lui-même , et voici comment on nait des présages sinistres; le cœur maigre,
espéra réussir. le foie double ou enveloppé d'une double lu-
Le nain, venant le saluer avec respect, nique, et surtout l'absence du cœur ou du
l'invita, de la part de sa maîtresse, à manger foie, annonçaient de grands maux. On croi-
avec elle. Elle le reçut très-paréc, assise sur rait que les aruspices étaient habiles dans
un siège magnifique dont les pieds étaient l'art d'escamoter, car le cœur manqua aux
d'argent, et que surmontait un pavillon orné deux bœufs immolés le jour qu'on assassina
de broderie cl de pierres précieuses. Pen- César. —
C'était encore mauvais signe quand
dant le repas, elle lui avoua que la dame la flamme ne s'élevait pas avec force et n'é-
dont il servait la cause était sa sœur, et tait pas transparente et pure; et si la queuo
qu'elle lui avait enlevé le frein. de la bête se courbait en brûlant, elle mena-
— Mais si vous voulez renoncer aux çait de grandes difficultés dans les affaires.
droits de votre victoire, ajuuta-l-elle, si vous Voy. Hépatoscopie.
voulez vous fixer auprès de moi et me vouer AUZELS. Voy. Cheval.
ce bras invincible dont je viens d'éprouver ASAPHINS, devins ou sorciers chaidéens,
la force, ce château et trente-huit autres plus qui expliquaient les songes et liraient les
beaux encore sont à vous avec toutes leurs horoscopes.
richesses; et celle qui vous prie de les accep- ASCAROTH. C'est le nom que donnent les
ter, s'honorera elle-même de devenir l'é- dénionographes à un démon peu connu, qui
pouse du vainjueur. protège les espions et les délateurs. Il dépead
Gauvain ne fut point ébranlé par ces offres du démon Nergal.
séduisantes. 11 persista toujours à exiger le ASCIK- PACHA, démon turc, qui favorise
frein et quand il l'eut obtenu, il repartit sur
;
les intrigues secrètes , facilite les accouche-
sa mule, au milieu des cris de joie d'une ments, enseigne les moyens de rompre les
foule de peuple qui, à son grand élonnement, charmes (1) , etc.
accourut sur son passage c'étaient les habi- : ASCLETARION, sorcier qui prédit à l'em-
tants du château qui, confinés jusqu'alors pereur Domilien qu'il serait mangédes chiens;
dans leurs maisons par la tyrannie de leur sur quoi l'empereur le fit tuer, « ce qui ne
dame, ne pouvaient en sortir sans être aus- l'empêcha pas d'être mangé des chiens ca- ,

sitôt dévorés par ses lions, et qui, maintenant sueliemenl, après sa morl (2).»
libres, venaient baiser la main de leur libé- ASELLE. —
L'aselle aquatique, espèce de
rateur. cloporte , était révérée des hlandais, qui
De retour à Carduel, le chevalier fut reçu croyaient qu'en tenant cet insecte dans la
de la dame avec les transports et la recon- bouche, ou son ovaire desséché sur la langue,
naissance que devait inspirer un pareil ser- ils obtenaient tout ce qu'ils pouvaient dé •

OJ Wierus, de Prasl Jaein., lil). I, cap. vu (i) Boguet, Discours des sorciers, cb. u.
rs ASM ASR 13!

sirer. Ils appelaient son ovaire sec jnerre à sors qn'on peut le forcer à découvrir; soi-
soulunls. xante-douze légions lui obéissent (1). On lo
ASHMOLE Eue), (
antiquaire et alchimis- nomme encore Ch;imm;idaï el Sydonaï. Le —
Siige a fait d'Asmodée !i' héros d'un de ses
te anglais, né en 1617. On lui doit quelques
ouvriifîPS utiles, et le Musée asiimoléen d'Ox-
roioans ( le Diable boiteux ).

ford.Mais il publia à Londres, en 1652, un ASMOND et ASWITH, compagnons d'ar-


volume in-4% intitulé Thealrum chemicum
: mes danois. d'une étroite amilié, ils
Liés
hrilannicum, contenant différents poënies des convinrent, par un serment solennel de ne ,

philosophes anglaisqui ont écrit sur les mys- s'abandonner ni à la vie, ni à la mort. As-
tères hermétiques. Six ans après, il fit im- wilh mourut le premier et, suivant leur ac-
primer If! Chemin du bonheur, in-4-% 1C58. cord, Asmond, après avoir enseveli son ami,
Ce traité, qui n'est pas de lui, mais auquel avec son chien el son cheval dans une grande
il mit une préface, roule aussi sur
la pierre caverne, y porta des provisions pour une
philosophale. Voy. Pierre philosophale. année et s'enferma dans ce tombeau. Mais
ASILK. Les lois qui accordaient droit ajoute gravement un historien (2), le diable,
d'asile aux criminels dans les églises, excep- qui était entré dans le corps du mort, tour-
taient ordinairement les sorciers qui, d'ail- menta le fidèle Asmond, le déchirant, lui dé-
leurs ne cherchaient pas trop là leur recours. figurant le visage el lui arrachant même une
ASIMA, démon qui rit quand on fait le oreille, sans lui donner de raisons de sa fu-
mal. Il a été adoré à Emath, dans la tribu reur. Asmond, impatienté, coupa la léte du
de Nephtali, avant que les habitants de celte mort, croyant rogner aussi le diable qui
ville fussent transportés à Samarie. s'était logé là. —
Sur ces entrefaites, préci-
ASMODÉE, démon destructeur, le même sément, le roi de Suède, Eric, passant devant
que Samaël, suivant quelques rabbins. U est la caverne murée et entendant du vacarme,
aux enfers surintendant des maisons de jeu, crut qu'elle renfermait un trésor, gardé par
selon l'esprit de quelques démonomanes, qui des démons. Il la fil ouvrir, et fut bien sur-
ont écrit comme s'ils eussent fait en touristes pris d'y trouver Asmond,
pâle, ensanglanté,
le voyage de l'autre monde. Il sème la dissi- auprès d'un cadavre puant il lui fil conter ;

pation et l'erreur. —
Les rabbins content son histoire, el, ravi de sa fidélité et de son
qu'il détrôna un jour Salomon; mais que bien- courage, il l'obligea par de bons procédés,
,

tôt Salomon le cliargea de fers et le força à le suivre à sa cour.


de l'aider à bâtir le temple de Jérusalem.
,

— ASMOUG, l'un des démons qui , sous les


Tobie, suivant les mêmes rabbins, l'ayant ordres d'Arimane , sèment en Perse les dis-
expulsé, avec la fumée du fiel d'un poisson, sensions, les procès el les querelles.
du corps de la jeune Sara qu'il possédait, ASOORS. C'est le nom que les Indiens don-
l'ange Raphaël l'emprisonna aux extrémités nent à certains mauvais génies qui font toai-
de l'Egypte. Paul Lucas dit qu'il l'a vu dans ber les voyageurs dans des embûches.
un de ses voyages. On s'est amusé de lui à ASPAMIil. « Zorobabel était épris d'un si
ce sujet cependant on a pu lire dans le
;
fol amour pour Aspame, qu'elle le souffle-
Courrier de l'Egypte que le peuple de ce tait comme un esclave et lui ôlait le diadème
pays adore encore le serpent d'Asmodée, le- pour en orner sa tête, indigne d'un tel orne-
quel a un temple dans le désert de Ryanneh. ment, dit Delancre (3) elle le faisait rire et
;

On ajoute que ce serpent se coupe par mor- pleurer, quand bon lui semblait, le tout par
ceaux, et qu'un instant après il n'y paraît philtres et fascinations. » Les belles dames
pas. font tous les jours d'aussi grands excès et
Gel Asmouée est , au jugement de quel- produisent d'aussi énormes stupidités, sans
ques-uns, l'ancien serpent qui séduisit Eve. fascination et sans philtre.
Les Juifs, qui l'appellent Asmodai, faisaient ASPICULETTE (Marie d'), sorcière d'An-
de lui le prince des démons, comme on le daye.dans le pays de Labour, sous le règne
voit dans la paraphrase chaldaïque. C'est de Henri IV. Elle fut arrêtée à l'âge de dix-
aux enfers, dans Wierus,un roi fort et puis- neuf ans el avoua qu'on l'avait menée au
,

sant, qui a trois létes la première ressem-


: sabbat, que là elle avait baisé le derrière du
ble à celle d'un taureau, la seconde à celle diablean-dessons d'une grande queue, el que
d'un homme, la troisième à celle d'un bélier. ce derrière était fait comme le museau d'un
Il a une queue de serpent, des pieds d'oie, bouc. ['*)
une haleine enflammée. Il se montre achevai ASPIDOMANCIE , divination peu connue
sur un dragon, portant en main un étendard qui se pratique aux Indes, selon quelques
et une lance. Il est soumis cependant , par voyageurs. Delancre dit (5) que le devin oti
la hiérarchie infernale, au roi Amoymon. sorcier trace un cercle, s'y campe assis sur
Lorsqu'on l'exorcise, il faut être ferme sur un bouclier, marmotte des conjuralions, de-
SCS pieds, et l'appeler par son nom. Il donne vient hideux el ne sort de son extase que
,

des anneaux constellés ; il apprend aux hom- pour annoncer les choses qu'on veut savoir,
mes à se rendre invisibles et leur enseigne el que le diable vient de lui révéler.
la gcoa.étrie, l'arithmétique, l'astronomie et ASRAFIL, ange terrible qui, selon les mu-
les arts mécaniques. Il connaît aussi des Iré- sulmans, doit sonner de la trompette cl ré-

(t) Wierus, in Pseiidomonarcliia dsmon. (4) Incrédulité el mécréance, etc , IP. S.


\i) Saxo Giaiimial. Daiiioa; liisl lib. V. (5) Delancre, Tal)leau de l'icoonslance de» mauvais
(3} Inçréiiulilé el Qiétréance du soriilégo, elc. angis, elc, liv. II, dise. 1.
135 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCIXTES. 156

veiller lous les morts pour le jugement der- chiffres 1 à 12. V^ous voulez
deviner quel-
On le confond souvent avec Asraël.
nier. que affaire qui vous embarrasse, ou pénétrer
ASSA-FOKTIDA. les Hollandais appfl- les secrets de l'avenir posez la question
;

Icnl relto pl.inle/îeH/e du diable (duivelsdrek). sur un papier que vousaurezpasséau-drssu»


ASSASSINS secte d'Ismaéliens qu'on eni-
, de la fumée du bois de genièvre; placez ce
vrait de hracliick et ;1 qui on faisait un dogme papier renversé sur la table, et jetez les dés.
de tuer. Le souverain des Assassins s'appe- — Vous écrirez les lettres à mesure qu'elles
j.iit le chfii k ou vieux de la Montagne. Il est se présentent. En se combinant, elles vous
réièhre dans l'histoire des croisades. Voy. donneront la réponse 1 vaut la lettre A ; 2
:

ÏHUGGISME. vaut E; 3 vaut I, ou Y; 4 vaut 5 vaut U; ;

ASSHETON (Guillaume) , Ihéologien an- 6 vaut B, P, ou V; 7 vaut G, K, ou Q; 8


glican, mort en 1711. Il publia, en 1691, un vaut D, ou T - 9 vaut F, S, X, ou Z 10 vaut
petit ouvrage peu recherché, intitulé: /a Pos- G, ou J; Il vaut L, M, ou N; 12 vaut R.
;


sibilité des apparitions. Si la réponse est obscure, il ne faut pas s'en
ASTAROTH, grand-duc Irès-puissant aux étonner ; le sort est capricieux. Dans le cas
enfers. Il a la figure d'un ange fort laid, et où vous n'y pouvez rien comprendre, recou-
se montre chevauchant sur un dragon infer- rez à d'autres divinations. La lettre H —
nal ; il tient à la main droite une vipère. n'est point marquée, parce qu'elle n'est pas
Quelques magiciens disent qu'il préside à nécessaire. Les règles du destin se dispen-
l'Occident, qu'il procure l'amitié des grands sent de celles de l'orthographe. PH s'expri-
seigneurs, et qu'il faut l'évoquer le mercredi. me fort bien par la kllrc F, et CH par la
Les Sidoniens, les Philistins et quelques sec- lettre X.
tes juives l'adorèrent. Il est, dit-on, grand- Les anciens pratiquaient l'aslragaloman-
trésorier aux enfers, et donne de bons avis cie avec des osselets marqués des lettres de
quand on émet des lois nouvelles. Wierus l'alphabet, et les lettres que le hasaid ame-
uous apprend qu'il sait le passé, le présent nait faisaient les réponses. C'est par ce
et l'avenir, qu'il répond volontiers aux ques- moyen que se rendaient les oracles d'Her-
tions qu'on lui fait sur les choses les plus cule en Acha'ie. On mettait les lettres dans
secrètes, et qu'il est facile de le faire causer une urne et on les tirait comme on lire les
sur la création, les fautes et la chute des an- numéros des loteries.
ges, dont il connaît toute l'histoire ; mais ASTRES. La première idolâtrie a com-
dans ses conversations il soutient que pour mencé par le culte des astres. Tous les peuples
lui il a été puni injustement. 11 enseigne à fourvoyés les adoraient, au temps de Moïse.
fond les arts libéraux et commande quaran- Lui seul dit aux Hébreux « Lorsque vous:

te légions. Celui qui le fait venir doit pren- élevez les yeux vers le ciel, que vous voyez
dre garde de s'en laisser approcher, à cause le soleil, la lune et les autres astres, gardez-
de son insupportable puanteur. C'est pour- vous de tomber dans l'erreur et de les ado-
quoi il est prudent de tenir sous ses narines rer, car c'est Dieu qui les a créés » ( Deulé-
un anneau magique en argent, qui est un ronome, chap. 4 ).
préservatif contre les odeurs fétides des dé- Ceux qui ne croient pas à la révélation
mons (I). Astarolh a figuré dans plusieurs devraient nous apprendre comment Moïse a
possessions. été plus éclairé que les sages de toutes les
ASTARTÉ, femelle d'Astarolh, selon quel- nations dont il était environné (1)
ques démonomancs. Elle porte des cornes , Mahomet dit dans le Koran, que les étoiles
non difformes couune celles des autres dé- sont les sentinelles du ciel, et qu'elles em-
mons, mais façonnées en croissant. Les Phé- pêchent les démons d'en approcher et dé
niciens adoraient la lune sous le nom d'As- connaître les secrets de Dieu. Il y a des sec-
tarlé. A Sidon, c'était la môme que Vénus. tes qui prétendent que chaque corps céleste
Sanchoniaton dit qu'elle eut deux fils le : est la demeure d'un ange, Les Arabes, —
Désir et l'Amour. On l'a souvent représentée avant Mahomet, adoraient les astres. Les
avec des rayons, ou avec une tête de génisse. anciens en faisaient des êtres animés; les
Des érudils prétendent qu'Astaroth, qui don- Egyptiens croyaient qu'ils voguaient dans
ne les richesses, est le soleil, et Astarlé la des navires à travers les airs connue nos
lune; mais danslesancicnsmonumensoricn- aéronautes ; ils disaient que le soleil, avec
•aux, Astarté est le même qu'Astaroth, et son esquif, traversait l'Océan toutes les nuits
Astarolhle même qu'Astarté. pour retourner d'occident en orient.
ASTIAGES roi , des Mèdes. Quand Cyrus . D'autres physiciens ont prétendu que les
eut vaincu l'Asie, on publia qu'Astiuges , étoiles sont les yeux du ciel, et que les lar-
son grand-père, avait songé en dormant que mes qui en tombent forment les pierres pré-
dans le sein de sa fille Mandanc croissait une cieuses. C'est pour cela, ajoutent-ils , que
vigne qui, de ses feuilles, couvrait l'Asie en- chaque étoile (ou plutôt chaque planète) a sa
tière; présage de la grandeur de Cyrus, fils pierre favorite.
de Mandane. ASTROLABE, instrument dont on se sert
ASriUGALOMANCIE, divination parles pour observer les as très et tirer les horoscopes.
dés. Prenez deux dés, marqués comme d'u- Ilestsouvent scmblableà unesphèrearmillai-
sage des iiuraéros 1, 2, 3, d., 5, 6. On peut du jour, de l'heure,
re. L'astrologue, instruit
jeter à volonté un dé seul, ou les deux dés du moment où est né celui qui le consulte, ou
à la fois ; on a ainsi la chance d'amener les pour lequel on le consulte, met les choses à
(1) Wiorus, in Pseudomonarthia dsein. (t) Bergicr, DiiU. (liéolug., au mot Astres.
izl AST A8T 136
la place qu'elles occupaient alors, cl dresse quèrent pas de la trouver ; et la cérémonie
son (hème suivant lu position des planètes du couronnement fut renouvelée, à la grande
et des constellations. satisfaction de Schah-Sephi , qui mourut
Il y a eu dos gens autrefois qui faisaient quelques jours après. »
le métier de découvrir les voleurs par le 11 en est de même à la Chine, où l'empe-
moyen d'un astrolabe. « Le ciel, disaient-ils, reur n'ose rien entreprendre sans avoir con-
est un livre dans lequel on voit le passé, le sulté son thème natal.
présent et l'avenir; pourquoi ne pourrait-on La vénération des Japonais pour l'astrolo-
pas lire les événements de ce monde dans gie est plus profonde encore; chez eux per-
un instrument qui représente la situation sonne n'oserait construire un édifice sans
des corps célestes (1) ?» avoir interroge quelque astrologue sur la
ASTROLOGIE, art de dire la bonne aven- durée du bâtiment. 11 y en a même qui, sur
ture et de prédire les événements, par l'as- la réponse des astres, se dévouent et se
pect, les positions elles influences des corps Inent pour le bonheur de ceux qui doivent
célestes. —
On croit que l'astrologie , qu'on habiter la nouveliejnaison (2).
appelle aussi astrologie judiciaire, parce Presque tous les anciens, Hippocrate, Vir-
qu'elle consiste en jugements sur les per- gile, Horace, Tibère, croyaient à l'astrologie.
sonnes et sur les choses, a pris naissance Le moyen-âge en fut infecté. On tira l'horos-
dans laChaldée, d'où elle pénétra en Egypte, cope de Louis XIII et de Louis XIV ; et Boi-
en Grèce et en Italie. Quelques antiquaires leaudit qu'un téméraire auteur n'atteint pasie
attribuentrinvenlionde celle science àCham, Parnasse, si son astre en naissant ne l'a formé
fils de Noé. Le cemmissaire de Lamarre, dans poëte
son Traité de police, litre 7, chap. 1", ne En astrologie, on ne connaît dans le ciel
repousse pas les opinions qui établissent que sept planètes, et douze constellations
qu'elle lui a été enseignée par le démon. dans le zodiaque. Le nombre de celles-ci
Diogène Laërce donne à entendre que les n'a pas changé mais il y a aujourd'hui
;

Egyptiens connaissaient la rondeur de la douze planètes. Nous ne parlerons que des


terre et la cause des éclipses. On ne peut sept vieilles, employées par les astrolo-
leur disputer l'habilelé en astronomie; mais, gues. Nous n'avons, disent -ils, aucun
au lieu de se tenir aux règles droites de cette membre que les corps célestes ne gouver-
science, ils en ajoutèrent d'autres, qu'ils fon- nent. Les sept planètes sont, comme on sait,
dèrent uniquement sur leur imagination; ce le Soleil, là Lune, Vénus, Jupiter, Mars
,

furent là les principes de l'art de deviner cl Mercure et Saturne. Le Soleil préside à la


de tirer les horoscopes. Ce sont eux, dit tète la Lune, au bras droil; Vénus, au bras
;

Hérodote, qui enseignèrent à quel dieu cha- gauche; Jupiter, à l'estomac; Mars, aux par-
que mois, chaquï jour est consacré, qui ob- ties sexuelles Mercure, au pied droit, et
;

servèrent les premiers sous quel ascendant Saturne, au pied gauche; —


ou bien Mars
un homme est né, pour prédire sa fortune, gouverne la tête, Vénus le bras droit, Jupi-
ce qui lui arriverait dans sa vie, cl de quelle ter le bras gauche, le Soleil l'estomac, la
uiorl il mourrait. Lune les parties sexuelles. Mercure le pied
« J'ai lu dans les registres du ciel tout ce droit et Saturne le pied gauche.
qui doit vous arriver à vous et à votre fils, » Parmi les constellations, le Bélier gouver-
disait à ses crédules enfants Bélus, prince ne Taureau, le cou; les Gémeaux,
la tête; le
de Babylone. Pompée , César , Crassus , les bras et les épaules; l'Ecrevisse, la poitrine
croyaient à l'astrologie. Pline en parle et le cœur; le Lion, l'estomac; la Vierge, lo
comme d'un art respectable. Cette science ventre; la Balance, les reins et les fesses; lo
gouverne encore la Perse et une grande par- Scorpion, les parties sexuelles; le Sagittaire,
tie de l'Asie. « Rien ne se fait ici, dit Taver- les cuisses; le Capricorne, les genoux; le
nier dans sa relation d'Ispahan, que de l'avis Verseau, les jambes; et les Poissons, les
des astrologues. Ils sont plus puissants et pieds.
plus redoutés que le roi, qui en a toujours On a mis aussi le monde , c'est-à-dire les
quatre attachés à ses pas, qu'il consulte sans empires et les villes, sous l'influence des
cesse et qui l'avertissent du temps où il doit constellations. Des astrologues allemands, au
se promener, de l'heure où il doit se renfer- seizième siècle, avaient déclaré Francfort
mer dans son palais, se purger, se vêtir de sous l'influence du Bélier, Wurtzbourg sous
ses habits royaux, prendre ou quitter le celle du Taureau, Nuremberg sous lès Gé-
sceptre, etc. Ils sont si respectés dans cette meaux, Magdebourg sous l'Ecrevisse, Ulm
cour, que le roi Schah-Sophi étant accablé sous le Lion Heidelberg sous la Vierge,
,

depuis plusieurs années dUnfirmités que l'art Vienne sous la Balance Munich sous le
,

ne pouvait guérir, les médecins jugèrent Scorpion, Stuitgard sous le Sagittaire, Augs-
qu'il n'était tombé dans cet état de dépéris- bourg sous le Capricorne, Ingolstadt sous
sement que par la faute des astrologues, qui le Verseau, et Rastibonne sous les Poissons.
avaient mal pris l'heure à laquelle il devait Hermès a dit que c'est parce qu'il y a sept
être élevé sur lo trône. Les astrologues re- trous à la tête, qu'il y a aussi dans le ciel
connurent leur erreur ils s'assemblèrent de
: sept planètes pour présider à ces trous Sa- :

nouveau avec les médecins, cherchèrent dans turne et Jupiter aux deux oreilles. Mars et
le ciel la véritable heure propice, ne man- Vénus aux deux narines, le Soleil et la Lune
(t| Le père Lebrun, Hist. des pratiques superst.. 1. 1, (2) Essai sur les erreurs et les superstilion» , wr
p. 220. M. L. C, ch. 5.
'
.

DlCTIO.NK. DES SCIENCES OCCULTES. I.


139 DICTIONNAIRE DES SCir.NCKS OCCULTKS. liO
aspect, parce qu'ils parla geni le < iel en trois,
aux deux yeux, el Mercure à la bouche.
et qu'ils sonl séparés lun de l'autre par
Léon rUcbreu, dans sa Philosophie d'amour,
parle sieur Duparc, champenois, trois autres constellations. Cet aspect est bon
Iniduile
admet relie opinion, qu'il précise très-bien : el favorable.

« Le Soli'il préside à l'œil droit, dit-il l , <


Quand ceux qui partagent le ciel par
la Lune à lœil gauche, piirce que tous les sixième se renconlrenl à l'heure de l'opéra-
deux sont les yeux du ciel Jupiter gou- ; tion couimc le Bélier avec les Gémeaux , le
,

verne l'oreille gauche Saturne, la droiti-


; ; Taureau avec lEcrevisse etc. , ils forment ,

Mars, le pertuis droit du nez Vénus, le per- ; Vaspect sextil, qui est médiocre.
tuis gauche; cl Mercure, la bouche, parce Quand ceux qui partagent le ciel en qua-
à la parole. »
qu'il préside tre comme avec lEcrevisse , lo
le JJclicr
,
Ajoutons encore que Saturne domine snr Taureau avec le Lion les Gémeaux avec la
,

la vie, les changements , les édifices el les


Vierge , se rencontrent dans le ciel ils for- ,

sciences ; Jupiter, sur l'honneur, les sou- ment Vaspect carré, qui est mauvais.
haits, les richesses et la propreté des habiis;
Mars, sur la guerre, les prisons, les maria-
Quand ceux qui se trouvent «tux parties
opposées du ciel comme le Bélier avec la
ges, les haines ; le Soleil, sur l'espérance, le
,

Balance le Taureau avec le Scorpion , les


bonheur, le gain, les héritages; Vénus, sur ,

les amitiés el les amours ; Mercure, sur les Gémeaux avec le Sagittaire etc., se rencon- ,

trent à l'heure de leur naissance, ils forment


maladies, les perles, les dettes, le commerce
et la crainte; la Lune, sur les plaies, les son-
Vaspect contraire, qui est méchant el nuisi-
ble.
ges elles larcins. Aussi, du moins, le décide
le livre des admirables secrets d'Albert le Les autres sonl en con/onc/i'on, quand deux
Grand. planètes se trouvent réunies dans le même
En dominant de la sorte lout ce qui arrive signe ou dans la même maison, el en oppo-
à l'homme, les planètes ramènent le même sition quand elles sont à deux points oppo-
cours de choses loules les fois qu'elles se sés.
retrouvent dans le ciel au lieu de l'horos- Chaque signe du zodiaque occupe une
cope. Jupiter se retrouve au bout de douze place qu'on appelle maison céleste ou maison
ans au môme lieu, les honneurs seront les du soleil; ces douze maisons du so!ei! coupent
mêmes; Vénus, au bout de huit ans, les ainsi le zodiaque eu douze parties. Chaque
amours seront les mêmes, elc, mais dans maison occupe trente degrés, pui'^que le cer-
un autre individu. cle en a trois cent soixante. Les astrologues
N'oublions pas non plus que chaque pla- représentent les maisons par de simples nu-
nète gouverne un jour de la semaine; le So- méros , dans une Ggure ronde ou carrée di- ,

leil dimanche, la Lune le lundi. Mars


le visée en douze cellules.
le mardi, Mercure le mercredi Jupiter le , La première maison est celle du Bélier,
jeudi, Vénus le vendredi, Saturne le samedi; qu'on appelle l'anj/e oriental, en argot astro-
— que le jaune est la couleur du Soleil, le logique. C'est la maison de la vie, parce que
blanc celle do la Lune, le vert celle de Vénus, ceux qui naissent quand cette constellation
le rouge celle de Mars, le bleu celle de Jupi- domine, peuvent vivre longtemps.
ter, le noir celle de Saturne, le mélangé La seconde maison est celle du Taureau
celle de Mercure ;

que le Soleil préside à qu'on appelle la porte inférieure. C'est la
,

l'or, la Lune à l'argent, Vénus à l'étain, Mars maison des richesses el des (i)Ojens de for-
au fer, Jupiter à l'airain, Saturne au plomb, tune.
Mercure au vif-argent, elc. La troisième maison est celle des Gémeaux
Le Soleil est bienfaisant et favorable Sa- ; appelée /o demeure des frères. C'est la maison
turne, triste, morose et froid Jupiter, tem- ; des héritages et dog bonnes successions.
péré el bénin ; Mars, ardenl ; Vénus, bien- La quatrième maison est celle de l'Ecre-
veillante; Mercure, inconstant; la Lune, visse. On l'appelle le fond du ciel, l'angle de
mélancolique. la terre, la demeure des parents. C'est la mai-
Dans les constellations, le Bélier, le Lion et son des trésors et des biens de patrimoine.
le Sagittaire sont chauds, secs et ardents; le La cinquième maison est celle du Lion ,

Taureau, la Vierge el le Capricorne, lourds, dite /a demeure des enfants ; c'esi la maison
froids el secs les Gémeaux, la Balance et
; des legs el des donations.
le Verseau, légers, chauds el humid<s; l'E- La sixième maison est celle de la Vierge ;
crevisse, le Scorpion et les Poissons, humi- Gn l'appelle l'amour de Mars. C'esl la maison
des, mous et froids. des chagrins , des revers et des maladies.
Au moment de d'un enfant
la naissance La septième maison est celle de la Balance,
dont on \eut ou bien au
tirer l'horoscope , qu'on appelle V angle occidental. C'est la mai-
jour de l'événement dont on cherche à pré- son des mariages et des noces.
sager les suites, il faut d'abord voir sur l'as- La huitième maison est celle du Scorpion,
trolabe quelles sont les constellations et pla- appelée la porte supérieure. C'est la maison
nètes qui dominent dans le ciel , et tirer les de l'fffroi des craintes et de la mort.
,

conséquencesqu'indiquenl leurs vertus, leurs La neuvième maison est celle du Sagit-


qualités el leurs fonctions. Si trois signes de taire, appelée l'amour du soleil. C'est la mai-
la même nature se rencontrent dans le ciel , son de la piété de la religion , des voyages
,

comme , par exemple le Bélier, le Lion et


, et (le la philosophie.
le Sagittaire, ces trois signes forment le trin La dixième maison est celle du Capricorne,
ni AST AST U-2
ilite milieu du ciel. C'est la maison des
le des horoscopes tout dressés, d'après les cons -
charges , dos dignités et des couronnes. tellalions de la naissance. Voy. Horoscope.
La onzième maison est celle du Verseau , Tels sont, en peu de mots, les principes de
/lu'on appelle l'amour de Jupiter. C'est la cet art, autrefois si vanté, si universellement
maison des amis , des bienfaits et de la for- répandu, et maintenant un peu tombé en dé-
lune. suétude. Les astrologues conviennent que le
La douzième maison est celle des poissons, globe roule si rapidement, que la disposition
appelée l'amour de Saturne. C'est la plus des astres change en un moment. 11 faudra
mauvaise de toutes et la plus funeste ; c'est donc, pour tirer les horoscopes, que les sa-
la maison des empoisonnements , des misè- ges-femmes aient soin de regarder attentive-
res , de l'envie , de l'humeur noire et de la ment les horloges, de marquer exactement
mort violente. chaque point du jour, et de conserver à celui
Le Bélier et le Scorpion sont les maisons (\u\ naît ses étoiles comme son patrimoine.
chéries de Mars; le Taureau et la Balance ,
« Mais combien de fois, dit Bardai, le péril
celles de Vénus les Gémeaux et
; la Vierge , des mères empêche-t-il ceux qui sont autour
celles de Mercure le Sagittaire et
; les Pois- d'elles de songer à cela Et combien de fois
1

sons celles (le Jupiter; le Capricorne et le


, ne s'y trouve-t-il personne qui soit assez su-
Verseau , colles de Saturne; le Lion , celle perstitieux pour s'en occuper! Supposez ce-
du Soleil ; l'Ecrevisse, celle de la Lune. pendant qu'on y ait pris garde, si l'enfant est
Il faut examiner avec soin les rencontres longtemps à naître, et si ayant montré la
,

des planètes avec les constellations. Si Mars, tôte, le reste du corps ne parait pas de suite,
par exemple se rencontre avec le Bélier à
, comme il arrive, quelle disposition des astres
l'heure de la naissance, il donne du courage, sera funeste ou favorable? sera-ce celle qui
de la fierté et une longue vie ; s'il se trouve aura présidé à l'apparition de la léte, ou celle
avec le Taureau, richesses et courage. En un qui se sera rencontrée quand l'enfant est en-
mot, Mars augmente l'influence des constel- tièrement né?... »
lations avec lesquelles il se rencontre, et y Voici quelques anecdotes sur le compte des
ajoute la valeur et la force. —
Saturne , qui astrologues :

donne les peines les misères, les maladies,


, Un valet, ayant volé son maître, s'enfuit
augmente les mauvaises influences et gâte avec l'objet dérobé. On mit des gens à sa
les bonnes. Vénus , au contraire , augmente poursuite, et, comme on ne le trouvait pas, on
les bonnes influences et affaiblit les mauvai- consulta un astrologue. Celui-ci habile à
,

ses. —
Mercure augmente ou affaiblit les in- deviner les choses passées, répondit que le
fluences suivant ses conjonctions. S'il se ren- valet s'était échappé parce que la lune s'é-
contre avec les Poissons , qui sont mauvais, tait trouvée, à sa naissance, en conjonction
il devient moins bon; s'il se trouve avec le avec Mercure, qui protège les voleurs, et que
Capricorne , qui est favorable, il devient de plus longues recherches seraient inutiles.
meilleur. —
La Lune joint la mélancolie aux Comme il disait ces mots, on amena le do-
constellations heureuses; elle ajoute la tris- mestique , qu'on venait de prendre enfin ,
tesse ou la démence aux constellations fu- malgré la protection de Mercure.
nestes. —
Jupiter, qui donne les richesses et Les astrologues tirent vanité de deux ou
les honneurs augmente les bonnes influen- trois de leurs prédictions accomplies, quoi-
,

ces et dissipe à peu près les mauvaises. — que souvent d'une manière indirecte, entro
Le Soleil ascendant donne les faveurs des mille qui n'ont point eu de succès. L'horos-
princes ; il a sur les influences presque au- cope du poëte Eschyle portait qu'il serai»
tant d'effet que Jupiter ; mais descendant il écrasé par la chute d'une maison; il s'alla.
présage des revers. dit-on, mettre en plein champ, pour évileir
Ajoutons que les Gémeaux la Balance et , sa destinée; mais un aigle, qui avait enleva
la Vierge donnent la beauté par excellence ; une tortue, la tomber sur la tétc
lui laissa
le Scorpion, le Capricorne et les Poissons etil en fut tué. Si ceconte n'a pas été fait
donnent une beauté médiocre. Les autres après coup, nous répondrons qu'un aveugle,
constellations donnent plus ou moins la lai- en jetant au hasard une multitude de flèches,
deur. —
La Vierge, la Balance, le Verseau et peut atteindre le but une fois par hasard.
les Gémeaux donnent une belle voix; l'Ecre- Quand il y avait en Europe des milliers d'as-
*isse, le Scorpion et les Poissons donnent une trologues qui faisaient tous les jours de nou-
voix nulle ou désagréable. Les autres cons- velles prédictions ,il pouvait s'en trouver
tellations n'ont pas d'influence sur la voix. quelques-unes que l'événement, par cas for-
Si les planètes et les constellations se trou- tuit , justifiait; et collesci, quoique rares ,

vent à l'Orient, à l'heure de l'horoscope, on entretenaient la crédulité (jUt; des millions


éprouvera leur influence au commencement de mensonges auraient dû détruire.
de la vie ou de l'entreprise; on l'éprouvera L'empereur Frédéric -Barberousse étant ,

au milieu si elles sont au haut du ciel, et à la sur le point de quitter Vicence, qu'il venait
fin si elles sont à l'Occident. de prendre d'assaut, défia le plus fameux
Afin que l'horoscope ne trompe point, il astrologue de deviner par quelle porte il sor-
faut avoir soin d'en commencer les opéra- tirait le lendemain. Lecharlatan répondit au
tions précisément à la minute ou l'enfant est défi par un tour de son métier; il remit à
né, ou à l'instant précis d'une affaire dont Frédéric un billet cacheté, lui recommandant
on veut savoir les suites. —
Pour ceux qui de ne l'ouvrir qu'après sa sortie. L'empereur
Il cxijjoiit pas une exactitude si sévère, il y a fit abattre, pendant la nuit, quelques toises
1^ DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. tu
(Je mur, cl sorlil par la brèche. Il ouvrit en- fêtes de Noël. L'astrologue répondit qu'il
suite le billet, et ne fut pas peu surpris «l'y n'en savait rien. —
Je suis donc plus habile
lire CCS mots : —
« L'empereur sortira par que toi, répondit le roi; car je sais que lu
la porte neuve. » C'en fut assez pour que les passeras dans la Tour de Londres. Il l'y
laslrologue et l'astrologie lui parussent in- fit conduire en méuie temps. Il est vrai quu
finiment respectables. c'était une mauvaise raison.
Un homme, que les astres avaient con- Un astrologue regardant au visage Jean
damné en naissant à être tué par un cheval, Gaiéas, duc de Milan, lui dit Seigneur,
: —
avait grand soin de s'éloigner dès qu'il aper- arrangez vos affaires , car vous ne pouvez
cevait un de ces animaux. Or, un jour qu'il vivre longtemps.
passait dans une rue, une enseigne lui tomba —
Comment le sais-lu? lui demanda le
sur la tête, et il mourut du coup : c'était, dit duc.
le conte l'enseigne d'un auberge où était —
Par la connaissance des astres.

,

représenté un cheval noir. Et toi, combien dois-tu vivre?


Mais il y a d'autres anecdotes. Dn bour- —
Ma planèle me promet une longue vie.
geois de Lyon, riche et crédule, ayant fait —
Oh bieni lu vas voir qu'il ne faut pas
dresser son horoscope, mangea tout son bien se fieraux planètes ; et il le fit pendre sur-le-
pendant le temps qu'il croyait avoir à vivre. champ. Voy. Louis XI, TrasuÙe, etc.
N'étant pas mort à l'heure que l'astrologue ASTRONOMANCIE, divination par les as-
lui avait assignée, il se vit obligé de demander tres. C'est la même chose que l'astrologie.
l'aumône, ce qu'il faisait en disant Ayez : — ASTYLE, devin fameux dans l'histoire des
pitié d'un homme qui a vécu plus longtemps Centaures. On trouve dans Piutarque un au-
qu'il ne croyait. tre devinnommé Asiyphile. Voy. Gimon.
Une dame pria un astrologue de deviner ASWITH, Voy. Asmond.
un chagrin qu'elle avait dans l'esprit. L'as- ATHENAGOliE, philosophe platonicien,
trologue, après lui avoir demandé l'année, qui embrassa le christianisme au deuxième
le mois, le jour et l'heure de sa naissance, siècle. On peut lire son Traité de la résur-
dressa la figure de son horoscope, et dit beau- rection des morts, traduit du grec en français
coup de paroles qui signifiaient peu de par Gaussart, prieur de S;iinte-Foy, Paris,
chose. La dame lui donna une pièce de quinze 1574, et par Dulèrrier, Bordeaux, 1577, in-8 .

^>ous. ATHENAIS, sibylle d'Erythrée. Elle pro-


— Madame, dit alors l'astrologue, je dé- phétisait du temps d'Alexandre. Voy. Sibyl-
couvre encore dans votre horoscope que les.
vous n'êtes pas riche. ATHENODORE, philosophe stoïcien du
-^ Cela est vrai, répondit-elle. siècle d'Auguste. On conte qu'il y avait à
—Madame , poursuivit-il en considérant Athènes une fort belle maison où personne
de nouveau les flgures dos astres, n'a vez-vous n'osait demeurer, à cause d'un spectre qui
rien perdu? s'y montrait la nuit. Aihénodore, étant arrivé
—J'ai perdu lui dit-elle , l'argent que je
, dans celle ville, ne s'elTraya point de ce
viens de vous donner. qu'on disait de la maison décriée, et l'achela.
Darah, l'un des quatre fils du grand-mogol — La première nuit qu'il y passa, étant oc-
Schah-Géhan, ajoutait beaucoup de foi aux cupé à écrire, il entendit toul à coup un bruit
prédictions des astrologues. Un de ces doctes de chaînes, et il aperçut un vieillard hideux,
lui avait prédit, au péril de sa tête, (ju'il por- chargé de fers, qui s'approchait de lui à pas
terait la couronne. Darah comptait la-dessus. lents. Il continua d'écrire. Le spectre l'appe-
Comme on s'étonnail que cet astrologue osât lant du di)igt, lui fit signe de le suivre. Allié-
garantir sur sa vie un événement aussi in- nodore répondit à l'esprit, par un autre signe,
certain : —
Il arrivera de deux choses l'une, qu'il le priait d'alkndre , et continua sou
répondit-il, ou Darath parviendra au trône, travail; mais le spectre fit retentir ses chaî-
et ma fortune est faite; ou il sera vaincu; nes à ses oreilles, et l'obséda tellement, que
dès lors sa mort est certaine, et je ne redoute le philosophe, fatigué, se détermina à voir
pas sa vengeance. l'aventure. Il marcha avec le fantôme, qui
Hcggiage, général arabe sa; s le calife Va- disparut dans un coin de la cour. Aihénodore
lid, consulta, dans sa dernière maladie, un étonné arracha une poignée de gazon pour
astrologue qui lui prédit une mort prochaine. reconnaître le lieu, rentra dans sa chambre,
— Je compte tellement sur votre habileté, et le lendemain il fil part aux magistrats de
lui répondit Heggiage, que je veux vous avoir ce qui lui était arrivé. On fouillii dans l'en-
avec moi dans l'autre monde, et je vais vous droit indiqué; on trouva les os d'un cadarre
y envoyer le premier, afin que je puisse me avec des chaînes, on lui rendit les honneurs
servir de vous dès mon arrivée. El il lui fit de la sépulture, et dès ce moment, ajoute-I-
couper la téle, quoique le temps fixé par les on, la maison fut tranquille (1). Voy. Ayola
astres ne fût pas encore arrivé. et Abigniitë.
L'empereur Manuel, qui avait aussi dos ATINIUS, Tile-Live raconte que, le malin
prétenlions à la science de l'astrologie, mit d'un jouroùl'on représentait les grands jeux,
en mer, sur la foi des astres, une flotte qui un citoyen de Rome conduisit un de ses es-
devait faire des merveilles et qui fui vaincue, claves à travers le cirque, en le faisant battr<.'
brûlée et coulée bas. de verges; ce qui divertit ce grand peuple
Henri VII roi d'Angleterre demandait à
, , romain. Les jeux commencèrent à la suite
un astrologue s'il savait uû il passerait les (t) PliD. juD., Episl. lib. VII, ep. 27, ad Suran.
TT3 AUB AL'G US
(le parade; mais quelques jours après
celte suivants : Fatalité de jours, fatalité de Heur,
Jupiter Capiloliii apparut la nuit, en songe, à présages , songes , apparitions , merveilles et
tin homme du peuple nommé Atinius (1), et prodiges; réimprimé en 1721, avec des addi-
lui ordonna d'aller dire de sa part aux con- tions.
suls qu'il n'avait i)as clé content de celui qui AUBRY (Nicole), possédée de Laon au
menait la danse aux derniers joux , et que seizième siècle. Boulvèse, professeur d'hé-
l'on recommençât la fêle avec un autre dan- breu au collège de Montaigu homme qui ,

seur. —
Le Romain, à son réveil , craignit croyait facilement et qui était facilement
de se rendre ridicule en publiant ce songe ; dupé a écrit l'histoire de cette possession ,
,

et le Icndomain son sans être malade,


fils, qui fit grand bruit en 1506.
mourut subitement. La nuit suivante, Jupi- Nicole Aubry, de Vervins, fille d'un bou-
ter lui apparut de nouveau et lui demanda cher et mariée à un tailleur, allait prier sur
s'il se trouvait bien d'avoir méprisé l'ordre le tombeau de son grand-père mort sans ,

des dieux, ajoutant que s'il n'obéissait, il lui avoir pu faire sa dernière confession. Elle
arriverait pis. Alinius, ne s'étant pas encore crut le voir sortir du tombeau, lui demandant
décidé à parler aux magistrats fut frappé , de faire dire des messes pour le repos de son
d'une paralysie qui lui ôta l'usage de ses âme , qui était dans le purgatoire. La jeune
membres. Alors il se fit porter en chaise au femme en tomba malade de frayeur. On s'ima-
sénat et raconta tout ce qui s'était passé. Il
, gina alors que le diable avait pris la forme
n'eût pas plutôt fini son récit, qu'il se leva, de Vieilliot, grand-père de Nicole, et qu'elle
rendu à la sanlé. —
Toutes ces circonstances était maléficiée. Si cette femme jouait une
parurent miraculeuses. —
On comprit que le comédie , elle la joua bien ; car elle fit croire
mauvais danseur était l'esclave battu. Le à toute la ville de Laon qu'elle était possédée
maître de cet infortuné fut recherché et puni ; de Belzébut, de Baltazo et de plusieurs autres
on ordonna aussi de nouveaux jeux qui fu- démons. Elle disait que vingt-neuf diables ,

rent célébrés avec plus de pompe que les pré- ayant formes de chats et taille de moutons
cédents. —
An de Rome 265. gras, l'assiégeaient de temps en temps. Elle
ATROPOS, l'une des trois Parques ; c'est obtint qu'on l'exorcisât et on publia que les
;

elle qui coup lit le fil. Hésiode la peintcomme démons s'étaient enfuis , Astarolh sous la
très-féroce; on lui donne un vêtement noir, figure d'un porc Cerbcrus sous celle d'un
,

des traits ridés et un maintien peu séduisant. chien, Belzébut sous celle d'un taureau. Ou
ATTILA , dit le Fléau de Dieu , que saint ne sait trop comment juger ces faits inconr
Loup, évêque de Troyes, empêcha de ravager cevables, si fréquents au seizième siècle.
la Champaf^p. Comme il s'avançait sur Rome Nicole Aubry parvint à se faire préscnier,
pour la détruire, il eut une vision il vit en :
le 27 août 1566, au roi Charles IX, qui lut
songe un vieillard vénérable, vêtu d'habits donna dix écus d'or.
sacerdotaux, qui, l'épée nue au poing, le AUGEROT, Voy. Chorropique.
sorcier.
menaçait de le tuer s'il résistait aux prières AUGURES. Les augures étaient chez les
du saint pape Léon. Le lendemain, quand le Romains les interprètes des dieux. On les
pape vint lui demander d'épargner Rome, il consultait avant toutes les grandes entrepri-
répondit qu'il le ferait, et ne passa pas plus ses : ils jugeaient du succès par le vol , le
avant. Paul Diacre dit, dans le livre xv de chant et la façon de manger des oiseaux. On
son Histoire de Lombardie, que ce vieillard ne pouvait élire un magistrat , ni donner
merveilleux n'était autre , selon l'opinion une bataille, sans avoir consulté l'appétit
générale, que saint Pierre, prince des apô- des poulets sacrés ou les entrailles des vic-
tres. times. Annibal pressant le roi Prusias de
Des légendaires ont écrit qu'Attila était le livrer bataille aux Romains, celui-ci s'en
Qls d'un démon. excusa , en disant que les victimes s'y oppo-
ATTOUCHEMENT. Pline dit que Pyrrhus saient. — C'esl-à-dire, reprit Annibal ,
que
guérissait les douleurs de rate en touchant vous préférez l'avis d'un mouton à celui d'ua
les malades du gros doigt de son pied droit ; vieux général.
et l'empereur Adrien, en touchant les hydro- Les augures prédisaient aussi l'avenir, par
piques du bout de l'index, leur faisait sortir le moyen du tonnerre et des éclairs par les ,

l'eau du venlre. Beaucoup de magiciens et de éclipses et par les présag<s qu'on tirait de
sorciers ont su produire également des cures l'apparition des comètes. Les savants n'é-
merveilleuses par le simple attouchement. taient pas dupes de leurs cérémonies , ei
Voy. Charmes, Écrouelles, etc. Gicéron disait qu'il ne concevait pas que
AUBIGNÉ (Nathan d), en latin Albineus, deux augures pussent se regarder sans rire
fils du fameux huguenot d'Aubigné. Il était Quelques-uns méprisèrent, il est vrai , la
partisan de l'alchimie. lia publié, sous le science des augures; mais ils s'en trouvèrent
litre de Bibliollièque chimique (2), un recueil mal, parce que le peuple la respectait. On
de divers traités, recherché par ceux qui vint dire à Claudius Pulcher, prêt à livrer
croient à la pierre philosophale. bataille aux Carthaginois, que 1rs poulets
AUBREY (Jean), Alberius , savant anti- sacrés refusaient de manger. Qu'on les —
quaire anglais, mort eu 1700. Il a donné, en jette à la mer, répondit-il , s'ils ne mangent
1696, un livre intitulé Mélanges sur les sujets
: pas, ils boiront. Mais l'armée fut indignée de

(1) Pluiarque le nomme lilus Latinus dans la Vie de (2) Bil)lioltieca cliimica coni.racia ex delectu et einenda-
Goriolao. lioiie Nalliaiiis Albiiiei, in-8. Genève, 1031 el 1675.
!i7 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES {(3
qucs anciens que la mère de l'empereur
cp s.icrilége, cl Claudius perdit la bataille. ,

Auguste, étant enceinte de lui, eut un songe


Les oiseaux ne sont pas, chez nos bonnes
où il lui sembla que ses entrailles étaient
gens, dépourvus du don de prophélie. Le cri
portées dans le ciel, ce qui présageait la fu-
de la chouclle annonce la mort. Le chant du
ture grandeur de son fils. Ce nonobstant,
rossignol promet de la joie ; le coucou donne
d'autres démonographes disent qu'Auguste
de l'argent, quand on porte sur soi quelque
monnaie le premier jour qu'on a le bonheur était enfant du diable. Les cabalistes n'ont —
pas manqué de faire de ce diable une Siila-
de l'entendre, etc.
Si corneille vole devant vous, dit Car-
une mandre.
Il le destin d'Au-
y a des merveilles dans
dan, elle pré -âge un malheur futur; si elle
vole à droite , un malheur présent ; si elle
guste Boguet conte, avec d'autres bons
; et

vole à gauche, un malheur qu'on peut éviter


hommes que cet empereur, él;int sur le
,

point de se faire proclamer maître et sei-


par la prudence ; si elle vole sur la tête, elle
gneur de tout le monde, en fut empêché par
annonce la mort, pourvu toutefois qu'elle
croasse car, si elle garde le silence, elle ne
:
une vierge qu'il aperçut en l'air, tenant en ses
bras un enfiint (2)....
présage rien....
Auguste était superstitieux Suétone rap-
On que la science des augures passa
dit
;

des Chaldéens chez les Grecs, et ensuite chez


porte (3) que comme on croyait de son ,

temps que la peau d'un veau marin préser-


les Romains. Elle est défendue aux Juifs par
!e chapitre XXIX du Lévitique.
vait de la foudre, il était toujours muni d'une
peau de veau marin. Il eut encore la faiblesse
Gaspard Peucer dit que les augures se
de croire qu'un poisson qui sortait hors de
prenaient de cinq choses : 1° du ciel ; 2° des
la mer, sur le rivage d'Actium lui présa-
oiseaux ; 3° des bêtes à deux pieds 4° des
,
;
geait le gain d'une bataille. Suétone ajoute
bêles à quatre pieds ; 5° de ce qui arrive au
(ju'ayant ensuite rencontré un ânier, il lui
corps humain, soit dans la maison, soit hors
de la maison.
demanda le nom de son âne ;
que l'ànicr lui
ayant répondu que son âne s'appelait Nicolas,
Mais les anciens livres auguraux, approu-
qui signifie vainqueur des peuples, il ne douta
vés par Maïole dans le deuxième colloque du
plus de la victoire; et que, par la suite, il
supplément à ses Jours caniculaires, portent
fitériger des statues d'airain à l'ânier, à l'âne
les objels d'augures à douze chefs princi-
et au poisson sautant. Il dit même que ces
piux selon le nombre des douze signes du
,
statues furent placées dans le Capitole.
zodiaque 1° l'entrée d'un animal sauvage ou
:

domestique dans une maison 2° la rencontre ;


On sait qu'Auguste fut proclauié dieu de
son vivant , et qu'il eut des temples et des
d'un animal sur la route ou dans la rue;
3° la chute du tonnerre ; k° un rat qui mange
prêtres.

une savate , un renard qui étrangle une AUGUSTIN (saint), évéque d'Hippone, l'un
poule un loup qui emporte une brebis, etc.;
,
des plus illustres Pères de l'Eglise. On lit
5° un bruit inconnu entendu dans la maison, dans Jacques de Varasc une gracieuse lé-
et qu'on attribuait à quelque lutin ; C° le cri gende sur ce grand saint :
de la corneille ou du hibou, un oiseau qui Un jour qu'il était plongé dans ses médi-
tombe sur le chemin etc. 7» un chat ou tout
, ; tations , il vit passer devant lui un démon
autre animal qui entre par un trou dans la qui portait un livre énorme sur ses épaules.
maison on le prenait pour un mauvais gé-
: Il l'arrêta et lui demanda à voir ce que con-
nie ; 8° un flambeau qui s'éteint tout seul, ce tenait ce livre. —
C'est le registre de tous
que l'on croyait une malice d'un démon ; les péchés des hommes, répond le démon ; je
9° le feu qui pétille. Les anciens pensaient les ramasse où je les trouve cl je Us écris â ,

que Vulcain leur parlait alors dans le foyer; leur place pour savoir plus aisément ce que
10" ils tiraient encore divers présages lorsque chacun me doit. Montrez-moi dit le — ,

la flamme étincelait d'une manière extraor- pieux évéque d'Hippone quels péchés j'ai ,

dinaire; 11° lorsqu'elle bondissait, ils s'ima- faits depuis ma conversion?.... Le démon
ginaient que les dieux Lares s'amusaient à ouvrit le livre, et chercha l'article de saint
cnGn, ils regardaient comme un
l'agiter; 12° Augustin où il ne trouva que celle petite
,

motif d'augure une tristesse qui leur surve- note : — Il a oublié tel jour de dire les com-
nait tout-à-coup. piles. Le prélat ordonna au diable de l'at-
Nous avons conservé quelques traces de tendre un moment
se rendit à l'église , ; il

CCS superstitions ,
qui ue sont pas sans récita les compiles, et revint auprès du dé-
poésie ?1). mon à qui il demanda de lire une seconde
Les Grecs modernes augures du tirent des fois sa
,

note. Elle se trouva effacée. — Ah 1

cri des pleureuses à gages. Ils disent que si vous m'avez joué, s'écria le diable,.... mais
l'on entend braire un âne à jeun, on tom- on ne m'y reprendra plus En disant ces
bera infailliblement de cheval dans la jour- mots, il s'en alla peu content (4).

née, pourvu toutefois qu'on aille à cheval.
Voyez Ornithomancie , Aigle , Corneille ,
Nous avons dit que saint Augustin avait
réfuté le petit livre du Démon deSocrate, d'A-
Hibou , Arcspices etc. ,
pulée. On peut lire aussi de ce Père le traité
AUGUSTE. Leloyer rapporte , après quel- de l'Antéchrist et divers chapitres de sou ad-

|1) Dictionnaire plillosophiqiie, au mot Augures. (4) Legpnda aurea Jac. de Yoragine, aucia a Claudiuo t
(2) Discours des sorciors, ch. 7. Rota, leg. 119.
t3j In Auguste, cap. 90.
«19 AlP Al'R l'iO

inirable ouvrage de la Cité de Dieu, qui ont ou désembarror, et se rendre invisible étant
rapport au genre de merveilles dont nous prisonnier, il répond que non. —
Interrogé
nous occupons. s'il sait dire des messes pour obtenir la gué-

AUMONE. Le peuple croit en Angleterre rison des malades, il répond qu'il en s^l dire
que, pour les voyngeurs qui ne veulent pas en l'honneur des cinq plaies de Notre-Sei-
s'égarer dans leur route, c'est une grande gneur et de monsieur saint Côme. Pour —
imprudence de passer auprès d'une vieille tirer de selon les usages d'alors,
lui la vérité,
femme sans lui donner l'aumône, surtout on l'appliqua à la question. 11 avoua qu'il
quand elle regarde en face celui dont elle était allé au sabbat; qu'il lisait dans le gri-
sollicite la pitié (1). moire que le diable, en forme de mouton,
;

Nous rapporterons sur l'aumône une anec- plus noir que blanc, se faisait baiser le der-
dote qui ne tient pourtant pas aux supersti- rière; que Gratoulet, insigne sorcier, lui avait
tions. C'est celle de cet excellent pèreBri- appris le secret d'embarrer, d'étanchor et
daine, missionnaire toujours pauvre, parce d'arrêter le sang; que son démon ou esprit
(lu'ildonnait tout. Un jour il alla demander familier s'appelait Belzébul, et qu'il avait
coucher au curé d'un village, qui n'avait reçu en cadeau sou petit doigt. Il déclara
qu'un lit et qui le lui fit partager. Le père qu'il avait dit la messe en l'honneur de Bel-
CriJaine se leva au point du jour, selon son zébut, et qu'il savait embarrer en invoquant
usage, pour aller prier à l'église. En sortant le nom du diable et en mettant un liard dans
du presbytère, il trouva un pauvre mendiant une aiguillette; il dit, de plus, que le diable
qui lui demanda l'aumône. Hélas mon — 1 parlait en langage vulgaire aux sorciers, et
ami, je n'ai plus rien, répondit le bon pré- que, quand il voulait envoyer du mal à quel-
Ire, en louchant cependant son gousset, où qu'un, il disait ces mots « Vach, veçh, slet,
:

il fut Irès-élonné de sentir quelque chose; sly, stul » Il persista jusqu'au supplice dans
car il n'y avait rien laissé. 11 fouille vive- ces ridicules révélations, mêlées d'indécentes
ment, tire un petit rouleau de quatre écus, grossièretés (2j. Pour comprendre ces cho-
crie miracle, donne le rouleau au mendiant ses, voy. les articles Saebat, Boucs, etc.
et court remercier Dieu. AURORE BOREALE, — espèce de nuée
Au bout curé arrive le
d'un instant, le : rare, transparente, luoiiueuse, qui parait la
père Bridaine, dans l'obscurité, avait mis la nuit du côié du nord. On ne saurait croire,
culotte du curé pour la sienne. Les quatre dit Siiinl-Foix, sous combien de formes l'i-
écus étaient le bien, le seul trésor peut-être gnorance et la superstition des siècles pas-
du pauvre bon curé. Mais le mendiant avait sés nous ont présenté l'aurore boréale. Elle
disparu; il fallut bien qu'il se consolât de la produisait des visions différentes dans l'es-
perte de sou argent, et le père Bridaine de la prit des peuples, selon que ces aijparitions
perte de son petit miracle. Une aventure — étaient plus ou moins fréquentes, c'est-à-dire,
semblable a été attribuée à un curé de selon qu'on habitait des pays plus ou moins
Bruxelles au dix-septième siècle. éloignés du pôle. Elle fut d'abord un sujet
AUPETlï (Pierre), —
prêtre sorcier, du d'alarmes pour les peuples du nord; ils cru-
village de Fossas, paroisse de Paias, près la rent leurs campagnes en feu et l'ennemi à
ville de Chalus, en Limousin, exécuté à l'âge leur porte. Mais ce phénomène devenant
de cinquante ans, le 25 mai 1398. Il ne — presque journalier, ils s'y sont accoutumés.
Ils disent que ce sont des esprits qui se que-
voulut pas d'abord répondre an juge civil; il
en fut référé au parlement de Bordeaux, qui rellent et qui combattent dans les airs. Cette
ordonna que le juge laïque connaîtrait de opinion est surtout très-accréditée en Sibérie.
celte affaire, sauf à s'adjoindre un juge d'é- Les Groiinlandais, lorsqu'ils voient une au-
glise. L'évéque de Limogîs envoya un mem- rore boréale, s'imaginent que ce sont les
bre de l'officialilé pour assister, avec le vice- âmes qui jouent à la boule dans le ciel, avec
sénéihal et le conseiller dePeyrut,à l'audi- une tête de baleine. —
Les habitants des pays
tion du sorcier. — Interrogé s'il n'a pas été qui tiennent le milieu entre les terres arcti-
au sabbat de Menciras, s'il n'y a pas vu ques et l'extrémité méridionale de l'Europe,
Antoine Humons de Saint-Laurent, chargé de n'y voient que des sujets tristes ou uiena-
fournir des chandelles pour l'adoration du çants, affreux ou terribles; ce sont des ar-
diable; si lui, Pierre Aupelit, n'a pas tenu le mées en feu qui se livrent de sanglantes
fusil pour les allumer, etc.; il a répondu que batailles, des têles hideuses séparées de leur
non, et qu'à l'égard du diable, il priait Dieu tronc, des chars enflammés, des cavaliers qui
de le garder de sa figure : ce qui signifie, au se percent de leurs lances. On croit voir des
iugement de ])elancre, qu'il était sorcier. — pluies de sang on entend le bruit de la mous-
;

nterrogé s'il ne se servait pas de graisses, qneleric, le son des trompettes, présages fu-
et si, après le sabbat, il n'avait pas lu dans nestes de guerre et de calamités publiques.
un livre pour faire venir une troupe de co- Voilà ce que nos pères ont aussi vu et en-
chons qui criaient et lui répondaient « Ti- : tendu dans les aurons boréales. Faut-il
» ran, îiran, ramassien, ramassien, nous s'étonner, après cela, des frayeurs alfreuses
» réclamons cercles et cernes pour faire l'as- que leur causaient ces sortes de nuées quand
» semblée que nous t'avons promise; » il a elles paraissaient?— La 6' Aronù/ lie (/e />0M!sJ/
répondu qu'il ne savait ce qu'où lui deman- rapporte qu'eu 1463 on aperçut à Paris une
dait. —
Interrogé s'il ne sait pas embarrer
des mau\uij
(i) Delaiicre, Tableau do riiicuiistancc

(1) FieUling, Tom Joncs, liv. XIV, ch. 2. anges, liv. VI, dise. 1.
151 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. isa
aurore boréale, qui fit parallrn toute la ville mort vers le milieu du onzième siècle, fameux
en feu. Les soldats qui faisaient le guet en par le grand nombre et l'étendue de ses ou-
furent épouvantés, et un homme en devint vrages, et par sa vie aventureuse. On peut
fou. On en porta la nouvelle au roi, qui en quelque sorte le comparer à Agrippa. Les
monta à cheval et courut sur les remparts. Arabes croient qu'il maîtrisait les esprits et
Le bruit se répandit que les ennemis qui qu'il se faisait servir par des génies. Comme
étaient devant Paris se retiraient et mettaient il rechercha la pierre plillosophale, on dit
le feu à la ville. Tout le monde se rassembla encore dans plusieurs contrées de l'Arabie
en désordre, et on trouva que ce grand sujet qu'il n'est pas mort; mais que, grâce à l'é-
de terreur n'était qu'un phénomène. lixir de longue vie et à l'or potable, il vit
AUSITIF, —
démon peu connu, qui est cité dans une retraite ignorée avec une grande
dans possession de Loudun,
la en 16i3. — puissance. —
Il a composé divers traités
AUSPICES, —
augures qui devinaient sur- d'alchimie recherchés des songe-creux. Son
tout par le vol et le chant des oiseaux. Yoy. traité de la Congélation de la pierre et son
AUGDRES, ArUSPICES, ctc. Tractalutus de Alchimia se trouvent dans les
AUTOMATES. —
On croyait aulrefois que deux premiers volumes de l'Ars aurifera.
ces ouvrages de l'art étaient l'œuvre du dé- Râle, 1610. Son Ars chimica a été imprimé à
mon. Voy. Albert le Grand, Bacon, En- Berne, 1572. On lui attribue encore deux
chantements, MÉCANIQUE, etc. opuscules hermétiques insérés dans le Thea-
AUTOPSIE, — espèce d'extase où des fous trum chimicum, et un volume in-8°, publié à
se croyaient en commerce avec esprits. les Râle en 1572, sous le titre de la Porte des élé-
AUTRUCHE. — est bien vrai qu'elle
Il ments. Porta elementorum. —
Les livres de se-
avale du fer, car elle avale tout ce qu'elle crets merveilleux s'appuient souvent du nom
rencontre; mais il n'est pas vrai qu'elle le d'Avicenne pour les plus absurdes receltes.
digère, et l'expérience a détruit cette opinion AXINOMANCIE, divination par le moyen
erronée (1). d'une hache ou cognée de bûcheron. Fran-
AUTUN (Jacques d'). —
Voy. Chevanes. çois de Torre-Rlanca, qui en parle (4), ne
AVENAR, —
astrologue qui promit aux nous dit pas comment les devins maniaient
Juifs, sur la foi des planèles, que leur messie la hache. Nous ne ferons donc connaître que
arriverait sans fau(eenl41'i',ou,au plus tard, les deux moyens employés ouvertement dans
en 1464. « Il donnait pour ses garants Sa- l'antiquité et pratiqués encoredans certains
turne, Jupiter, l'Ecrevisse et les Poissons. pays du Nord.
Tous les Juifs tinrent leurs fenêtres ouvertes 1° Lorsqu'on veut découvrir un trésor, il
pour recevoir l'envoyé de Dieu, qui n'arriva faut se procurer une agate ronde, faire rou-
pas, soit que l'Ecrevisse eût reculé, soit que gir au feu le fer de la hache, et la poser de
les Poissons d'Avenar ne fussent que des pois- manière que le tranchant soit bien perpen-
sons d'avril (2). » diculairement en l'air. On place la pierre
AVENIR. —
C'est pour en pénétrer les se- d'agate sur le tranchant. Si elle s'y tient, il
crets qu'on a inventé tant de moyens de dire n'y a pas de trésor; si elle tombe, elle roule
la bonne aventure. Toutes les divinations ont avec rapidité. On la replace trois fois, et si
principalement pour objet de connaître l'a- elle roule trois fois vers le même lieu, c'est
venir. qu'il y a un trésor dans ce lieu même; si elle
AVERNE, —
marais consacré à Pluton, prend à chaque fois une route différente, on
près de Bayes. en sortait des exhalaisons
Il peut chercher ailleurs.
si infectes, qu'on croyait que c'était l'entrée 2° Lorsqu'on veut découvrir des voleurs,
des enfers. on pose la hache à terre, le fer en bas et le
AVERROÈS, —
médecin arabe et le plus bout du manche perpendiculairement en
grand philosophe de sa nation, né à Cordoue l'air; on danse en rond à l'entour, jusqu'à
dans le douzième siècle. Il s'acquit une si ce que le bout du manche s'ébranle et que la
belle réputation de justice, de vertu et de hache s'étende sur le sol le bout du manche
:

sagesse, que le roi de Maroc le fit juge de indique la direction qu'il faut prendre pour
toute la Mauritanie. Il traduisit Aristote en aller à la recherche des voleurs. Quelques-
arabe, et composa plusieurs ouvrages sur la uns disent que pour cela il faut que le fer do
philosophie et la médecine. Quelques démo- la hache soit fiché en un pot rond « Ce qui :

nographes ont voulu le mettre au nombre des est absurde tout à fait, comme dit Dclan-
magiciens et lui donner un démon familier. cre car quel moyen de ficher une cognée
(o) ;

Malheureusement Avcrroès était un épicu- dans un pot rond, non plus que coudre ou
rien, mahomélan pour la forme, et ne croyait rapiécer ce pot, si la cognée l'avait une fois
pas à l'existence dus démons (3). L'empereur mis en pièces! »
de Maroc, un jour, lui fit faire amende hono- AYM. Voy. Habortm.
rable à la porte d'une mosquée, où tous les AYMAR (Jacques), paysan né à Saint-Vé-
passants eurent permission de lui cracher au ran, en Dauphiné, le 8 septembre 1662, entre
visage, pour avoir dit que la religion de Ma- minuit et une heure. De maçon qu'il était, il
homet était une religion de pourceaux. se rendit célèbre par l'usage de la baguette
AVICENNE, —
célèbre médecin arabe, divinatoire. Quelques-uns, qui donnaient

(t) Voyez Brown, Des Erreurs populaires, liv. III, et alii epicurei, qui, una cum Saduca;is dœmones esse
ch. 32. negaruot. (Torrebtauca , Denis magiques, liv. Il, cb. v.)
(2) M. Salgues, Des Krreurs et des préjugés, t. I, p. 90. (i) Epist. delicl. slve de magia, lit). I, cap. 24.
(3) Magiam dsemooiacam pleno orc negarunt Âverroes (5) L'Incréduliti et mécréaocc, etc., traité 5.
IS3 6AÂ DAA 15i
dans l'astrologie, ont attribué son rare talent AZAEL, l'un des anges qui se révoltèrent
à l'époque précise de sa naissance; car son contre Dieu. Les rabbins disent qu'il est en-
frère, né dans le môme mois, deux ans plus chaîné sur des pierres pointues, dans un en-
lard, ne pouvait rien faire avec la baguette. droit obscur du désert, en attendant le juge-
Voy. Baguette divinatoire. ment dernier.
AYMON (les quatre fils). Siècle de Char- AZARIEL, ange qui, selon les rabbins du
lemagne. Ils avaient un cheval merveilleux. Talmud, a surintendance des eaux de la
la
Voy. Bâtard. terre. Les pêcheurs l'invoquent pour pren-
AYOLA (Vasques de). Vers 1570, un jeune dre de gros poissons.
homme nommé Vasques de Ayola étant allé
à Bologne, avec deux de ses compagnons, AZAZEL, démon du second ordre, gardien
pour y étudier en droit, et n'ayant pas trouvé du bouc. A la fêle de l'Expialion, que les
de logement dans la ville, ils habitèrent une Juifs célébraient le dixième jour du septième
grande et belle maison, abandonnée parce mois (1), on amenait au grand prêtre deux
qu'il y revenait un spectre qui épouvantait boucs qu'il lirait au sort l'un pour le Sei-
:

tous ceux qui osaient y loger; mais ils se gneur, l'autre pour Azazel. Celui sur qui
moquèrent de tous ces récits et s'y installè- tombait le sort du Seigneur était immolé, et
rent. — Au bout d'un mois, Ayola veillant son sang servait pour l'expiation. Le grand
prêtre mettait ensuite ses deux mains sur la
un soir seul dans sa chambre, et ses compa-
gnons dormant tranquillement dans leurs tête de l'autre, confessait ses péchés et ceux

lits, il entendit de loin un bruit de chaînes,


du peuple, en chargeait cet animal, qui était
qui s'approchait et qui semblait venir de alors conduit dans le désert et mis en liberté ;
l'escalier de la maison il se recommanda à et le peuple, ayant laissé au bouc d'Azazel,
;

Dieu, prit un bouclier, une épée, et, tenant appelé aussi le bouc émissaire, le soin de ses
sa bougie en main, il attendit le spectre, qui iniquités, s'en retournait en silence. Selon —
bientôt ouvrit la porte et parut. C'était un Milton, Azazel est le premier porte-enseigne
squelette qui n'avait que les os; il était, avec des armées infernales. C'est aussi le nom du
cela, chargé de chaînes. Ayola lui demanda démon dont se servait, pour ses prestiges,
ce qu'il souhaitait? Le fantôme, selon l'usa- l'hérétique Marc.
ge, lui fit signe de le suivre. En descendant AZER, ange du feu élémentaire, selon les
l'escalier, la bougie s'éteignit. Ayola eut le Guèbres. Azer est encore le nom du père do
courage d'aller la rallumer, et marcha der- Zoroastre.
rière le spectre, qui le mena le long d'une AZRAEL ou AZRAIL, ange de la mort. On
cour où il y avait un puits. Il craignit qu'il conte que cet ange, passant un jour sous
ne voulût l'y précipiter, et s'arrêta. L'esprit une forme visible auprès de Salomon, re-
lui fit signe de continuer à le suivre; ils en-
garda fixement un homme assis à côté de
trèrent dans le jardin, où la vision disparut.
lui. Cet homme demanda qui le regardait
— Le jeune homme arracha quelques poi- ainsi, et ayant appris de Salomon que c'était
gnées d'herbe, pour reconnaître l'endroit; il l'ange de la mort —
Il semble m'en vouloir,
:

alla ensuite raconter à ses compagnons ce


dit-il; ordonnez, je vous prie, au vent de
qui lui était arrivé, et le lendemain malin il m'emporter dans l'Inde. —
Ce qui fut fait
en donna avis aux principaux de Bologne. aussitôt. Alors l'ange dit à Salomon Il : —
Ils vinrent sur les lieux et y firent fouiller.
n'est pas étonnant que j'aie considéré cet
On trouva un corps décharné, chargé de homme avec tant d'attention j'ai ordre d'al- :

chaînes. On s'informa qui ce pouvait être; ler prendre son âme dans l'Inde, et j'étais
mais on ne put rien découvrir de certain. Ou surpris de le trouver près de toi en Pales-
fit faire au mort des obsèques convenables;
tine... — Voy. Mort, Ame, etc. — Mahomet
on l'enterra, et depuis ce temps la maison ne pour prouver que nul ne
citait cette histoire
fut plus inquiétée. Ce fait, rapporté par An-
peut échapper à sa destinée. Azraël est —
toine de Torquemada, est encore une copie
différent d'Asrafil.
des aventures d'Alhénodore et d'Arignote.
AYPEROS comte de l'empire infernal.
, <l) Le septième mois chez les Juifs répondait à sep-
C'est le même qu'Ipès. Voy. ce mot. tembre.

B
BAAL grand duc dont la domination est
, déterminé. Souvent, on Asie, il a été pris pour
très-étendue aux enfers. Quelques démono- le soleil.
raanes le désignent comme général en chef BAALBÉRITH, démon du second ordre ,
des armées infernales. Il était adoré des maître ou seigneur de Valliance. 11 est ,
Qhaldéens, des Babyloniens et dcsSidoniens; selon quelques démonomanes, secrétaire gé-
ille fut aussi des Israélites lorsqu'ils tom- néral et conservateurdes archives de l'enfer.
bèrent dans l'idolâtrie. On lui offrait des Les Phéniciens, qui l'adoraient, le prenaient
victimes humaines. On voit dans Arnobe que à témoin de leurs serments.
ses adorateurs ne lui donnaient pointdesexc BAALZEPHON , capitaine des gardes ou
DICÏIONNMUF, DKS SCIENCES OCCULTES. i:6
scnliiicllcs de l'enfer. Les Egyptiens l'aiio- les fables dont l'ancienne mythologie a orné
raient et lui reconnaissaient le pouvoir d'em- son histoire. Nous ne faisons mention de Bac-
pêcher leurs esclaves de s'enfuir. Néanmoins, chus que parce queles démonographes le
(lisent les rabhins, c'est pendant un sacrifi- regardent comme l'ancien chef du sabbat,
ce que Pharaon faisait à cet idole que les fondé par Orphée ils disent qu'il le prési-
;

Hébreux passèrent la mer Rouge, et on lit dait sous le nom de Sabasius. « Bacchus, dit
dans le Targum que l'ange exterminateur, Leloyer, n'était qu'un démon épouvantable
ayant brisé les statues de tous les autres dieux, et nuisant, ayant cornes en tête et javelot en
ne laissa debout que Baaizephon. main. C'était le maître guide-danse (2), et
BAAUAS, plantemerveilleuse, queles Ara- dieu des sorciers et des sorcières ; c'est leur
bes appellent herbe d'or, et qui croît sur le chevreau, c'est leur bouc cornu, c'est le prin-
mont Liban, lis disent qu'elle paraît au mois ce des bouquins, satyres et silènes. Il appa-
de mai, après la fonte des neiges. La nuit, raît toujours aux sorciers et sorcières, dans
elle jette de la clarté comme un petit flam- leurs sabbats, les cornes en tête et hors des ;

beau, mais elle est invisitile le jour et mê- ; sabbats bien qu'il montre visage d'homme,
,

me, ajoutent-ils, les feuilles qu'on a enve- les sorcières ont toujours confessé iju'il a le
loppées dans des mouchoirs disparaissent pied difforme, tantôt de corne solide comme
ce qui leur fait croire qu'elle est ensorcelée, ceux du cheval, tantôt fendu comme ceux du
d'autant plus qu'elle transmue les métaux en bœuf (3). »
or, qu'elle romptcharmes et les sortilè-
les Les sorciers des temps modernes l'appel-
ges, etc. —
Josèphe , qui admet beaucoup lent plus généralement Léonard, ou Satan ,

d'autres contes, parle de celle plante dans ou le bouc, ou maître Rigoux.


son histoire de la guerre des Juifs (1). « On Ce qui sans doute appuie celte opinion ,

ne la saurait toucher sans mourir, dit-il si , que le démon du sabbat est le même que
on n'a dans la main de la racine de la même Bacchus, c'est le souvenir des orgies qui a-
plante; mais on a trouvé un moyen de la vaient lieu aux bacchanales.
cueillir sans péril on creuse la terre tout
: BACIS, devin de Béotie. Plusieurs de ceux
alentour, on attache à la racine mise à nu qui se mêlèrent de prédire les choses futu-
un chien qui, voulant suivre celui qui l'a at- res portèrent le même nom de Bacis {'*). Le-
taché enlève la plante et meurt aussitôt.
, loyer dit que les Athéniens révéraient les
Après cela, on peut la manier sans danger. vers prophétiques de leurs bacides, t qui é-
Les démons qui s'y logent, et qui sont les taienttrois insignes sorciers très-connus (5).»
âmes des méchants, tuent ceux qui s'en em- BACON (rogek) parut dans le treizième
parent autrement que par le moyen cju'on siècle. C'était un
cordelier anglais. 11 passa
vient d'indiquer ; et, ce qui d'un autre côté pour magicien , quoiqu'il ait écrit contre
n'est pas moins merveilleux, ajoute encore
la magie, parce qu'il étudiait la physique
Josèphe, c'est qu'on met en fuite les démons et qu'il faisait des expériences naturel-
des corps des possédés aussitôt qu'on appro- les. 11 est vrai pourtant qu'il y a dans ses
che d'eux la plante baaras. » écrits de singulières choses, et (ju'il voulut
BABAILANAS, Voy. Catalonos. élever l'astrologie judiciaire à la dignité de
BAB.\U , espèce d'ogre ou de fantôme dont science. Onlui attribue l'invention de la pou-
les nourrices menacent les petits enfants dre. Il paraîtrait même qu'on lui doit aussi
dans provinces du midi de la France
les , les télescopes et les lunettes à longue vue.
comme on les effraie à Paris de Croquemi- Il était versé dans
les boaux-arls, ei surpas-
taine, et en Flandre de Pier-Jan Claes, qui contemporains par l'étendue de
sait tous ses
est Polichinelle. Mais Babuu ne se contente
ses connaissances et par la subtilité de son
pas de fouetter, il mange en salade les enfants génie. Aussi on publia qu'il devaitsa supério-
qui sont méchants. rité aux démons, avec qui il commerçait.
BABEL. La tour de Babel fut élevée cent Cet homme savant croyait donc à l'astrolo-
quinze ans après le déluge universel. On gie et à la pierre philosophale. Delrio, qui
montre les ruines ou les traces de celte tour n'en fail pas un magicien, lui reproche seu-
auprès de Bagdad. —
On sait que sa con- lement dessuperstitions. Par exemple, Fran-
struction a.'iiena la confusion des langues. Le çois Pic dit avoir lu, dans son livre des six
poêle juif Emmanuel, à propos de celte con- sciences, qu'un homme pourrait devenir
fusion, explique dans un de ses sonnets com- prophète et prédire les choses futures par
ment le mot sac est resté dans tous les idio- le moyen d'un miroir, que Bacon nomme «/-
mes. « Ceux qui travaillaient à la tour de
muchefi, composé suivant les règles de per-
B.ibel avaient, dit-il, comme nos manœuvres, spective, pourvu qu'il s'en serve, ajoule-
chacun un sac pour ses petites provisions. t-il, sous une bonne constellation, et après
Quand le Seigneur confondit leurs langages, avoir tempéré son corps par l'alchimie.
la peur les ayant pris, chacun voulut s'en-
Cependant Wiérus accuse Bacon de magie
fuir, et demanda son sac. Ou ne répétait par-
goétique et d'autres doctes assurent que
;
tout que ce mol ; et c'est ce qui l'a fuit pas-
l'Antéchrist se servira lie ses miroirs magiiiue»
ser dans toutes les langues qui se formèrent
pour faire des miracles.
alors. »
Bacon se fit , dit-on , comme Albert le
BAGCHDS. Nous ne rapporterons pas ici
(2) Jllscours des spectres, liv. Vit, cli. iii.
(I) Liv. VII, ch. 23. Elieii , de Animal., liv. XIV, (5) Discours des spectres, liv. VIII, cli. v.
ch. xxvii, accorde les mêmes vertus à la (ibiiic aylaoïitio- (i) Cicoro, De Divin., lib I, cap. xxxiv.
lis. Vojei ce mot. (3) Discours des spectres, liv. VU, cli. u.
iS"? BAC B.VC irîs

Grand ,un androïde. C'était, assurent les « Ce n'est pas , du reste, le seul passage
conteurs, une tête de bronze qui parlait dis- où Bacon parle avec cette assurance de la
tinctement , et môme ([ui propliétisait. On (luadrature du cercle car à l'occasion d'A-
;

ajoute que l'ayant consultée pour savoir


, vicenne et d'Averrhoës il fait observer
,

s'il serait bon d'entourer l'Angleterre d'un que ce dernier « avoue qu'il ignorait la qua-
gros mur d'airain, elle répondit: il est temps. drature du cercle chose, dit Bacon, qui est
,

Un savant de nos jours (M. E. J. Dciécluze) su.' complètement aujourd'hui.» — ./Vfim qua-
a publié sur Bacon une remarquable notice, dratiiram circulise ignorasse confilelur, quod
dont nous citerons quelques passages cu- his dicbus sciCur veraciler.
rieux. Bacon s'est beaucoup occupé , avant « Pour donner une idée complète de tous
Montesquieu, de l'influencedos climats, mais les secrets, vrais ou prétendus, sur l'appli-
il en tire des inductions plus précises. Lais- cation des(|uels Bacon voulait appeler l'at-
sons parler M. Delécluze : tention de ses contemporains, je rapporterai
« Tout le morceau où il est question des quelques phrases tirées d'une lettre de ce
climats, et qui mène droit à faire une science philosophe (1), par lesquelles il indique dos
de l'astroiogio judiciaire, est on ne peut plus idées de machines extraordinaires, dont plu-
ingénieux et justifie jusqu'à un certain point sieurs en effet ont été mises en pratique de-
le préjuge entretenu si longtemps en Europe, puis lui et particulièrement de nos jours.
eu faveur de ces idées étranges. Ainsi, par- Après s'être efforcé de prouver que, par le
tant des grandes divisions de la terre, qui secours des sciences, on peut exécuter réel-
parle cours du soleil déterminent les cli- lement des choses que la magie prétend pro-
mats dont personne ne conteste la réalité et duire, mais auxquelles elle n'atteint pas ef-
l'influence f.rise en grand, Bacon arrive, de fectivement, il dit: —
« Par la science et l'art
proche en proche, à établir des subdivisions » seulement, on peut faire des machines pour
pour les pays, pour les contrées, les pro- » naviguer sans le secours de rameurs, do
vinces, les villes et même pour les hommes » manière à ce que les bâtiments soient por-
pris un à un, qu'il place sous l'influence » tés sur les fleuves et sur la mer avec une
d'un cône plus ou moins étroit dont le cer- , » vélocité extraordinaire, et sous la dire-
cle supérieur comprend ceux des astres qui » ction d'un seul homme. Il est également
influent sur la naissance la nature et la
, » possible d'établir dos chars mis en mou-
destinée des lieux, des objets et des êtres qui » vement avec une promptitude merveilleu-
se trouvent sur certains points du globe. » » se, sans le secours d'animaux de tirage,
Le savant moine est plus hardi encore sur » semblables à ce que l'on croit qu'étaient
d'autres croyances, par exemple sur l'art de » les chars de guerre armés de faux chez les
prolonger la vie. Sur la parole d'un homme » anciens. Ou pourrait faire aussi des mé-
en qui il avait pleine confiance, il cite ce fait » caniques pour voler l'homme serait as-
;

« qu'un savant célèbre de Paris, après avoir » sis au milieu et développerait quelqu'in-
coupé un serpent par tronçons, en ayant eu » vention au moyen de laquelle des ailes ar-
.•ioin toutefois de conserver intacte la peau » tificiclles frapperaient l'air. On p-ut faire
de son ventre, lâcha ensuite l'animal, qui se » un instrument très-petit, pour élever et
mita ramper sur des herbes dont les vertus » abaisser des poids immenses ( la grue, le
le guérirent aussitôt. L'expérimentateur » cric ). Et avec le secours d'un instrument
ajoute Bacon, alla reconnaîlre les lierbes ,
» de trois doigts cubes et même moindre ,
qui étaient d'un vert extraordinaire. D'après » il serait facile à un homme de s'échapper
l'autorité d'Artephius , il répète comment » en sélevant ou en descendant avec ses
un certain magicien, nommé Tantale, atta- » cotnpagnons, d'un cachot ou d'une prison.
ché à la personne d'un roi de llnde avait , » Ou pourrait encore composer un appa-
trouvé, par la connaissance qu'il possédait )>,reil avec lequel un seul homme entraîne-
de la science des astres , le moyen de vivre » rait et malgré eux une foule
violemment
plusieurs siècles. Différentes anectodes de » immensed'autres. Il est d'autres machi-
la même force, empruntées à Pline ou à quel- » nos qui serviraient à se promener au fond
ques auteurs modernes, suivent celle de Tan- » des fleuves et de la mer, sans aucun dan-
tale, puis il s'étend longuement sur la thé- » gcr pour la vie. Ces choses ont été faites
riaque, qu'il regarde comme propre à pro- » anciennement et dans nos temps. Ou peut
longer excessivement la durée de la vie il ;
» encore en faire beaucoup d'autres, com-
vante la chair des serpens ailés comme un » me des ponts sans piles (suspendus) etc.,
spécifique contre la ca'lucilédi; l'homme, et » etc. »
recommande surtout l'hygiène d'Artephius « dit-il ailleurs, néglige les
L'alchimie,
qui, à ce que l'on assure, dit-il, a vécu mille moyens fournis par l'expérience ; aussi ar-
vingt-cinq ans, ce qui doit faire préférer sa rive-t-il rarement qu'elle donne de l'or à
méthode à toute autre. Quant à Aristote et à vingt-quatre degrés (karats). Encore y a-
Platon, ajoute-t-il encore, on ne doit pas s'é- t-il eu peu de personnes qui aient porté l'al-
tonner de ce qu'ils n'ont pas su prolonger chimie à ce point. Mais au moyen du secret
leur vie ,
puisque ces philosophes fameux des secrets d'.iristote, la science expérimen-
ainsi quêtant d'autres no connaissaient pas a produit de l'or non-seule-
tale (la chimie)
cette grande doctrine médicale, et qu'Ari- ment de vingt-quatre degrés, mais de trente,
.stole déclare même dans ses averlissemenis de quarante, et d'aussi fin que l'on veut.
<;u'il ignore la quadrature du cercle, secret
(1) Epislola Frat. RoRcrii Baconis de secrelis opi-rflms
fort inférieur à celui d'Artephius. » arlis lit lutuiie et de iiullilalc uiaaiae. Hambourg, ISJlS.
159 C ICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. IflO

El c'est à cette occasion qu'Aristote dit à qui aurait élé blessé par un animal veni-
Alexandre: —
Je veux le faire connaîlre le meux , que Bçda avance dans son hi-
fait
plus grand des secrets, car non-seulement il stoire ecclésiastique et
que nous savons par
procurerait le bien-être de la république et expérience. Tout cela prouve qu'il y a une
des particuliers mais il prolongerait en-
, foule de choses étrangères dont nous igno-
core la vie car l'opération qui purgerait
; rons les propriétés , faute d'avoir recours à
les métaux les plus vils des parties corrom- l'expérience. »
pues qu'ils contiennent, do manière à ce Voici d'autres idées de Bacon :
qu'ils devinssent de l'argent ou de l'or pur, « De tous les exemples que l'on pour-
sérail jugée susceptible par tous les savants rait ciler en faveur de la supériorité de la
d'enlever les parties corrompues du corps sagesse sur la force , je choisirai celui que
humain si complètement , qu'elle prolonge- me fournil la vie d'Alexandre. En quittant la
rait la vie humaine pendant plusieurs siè Grèce pour aller conquérir le monde, il n'a-
clés. » vait que trente-deux mille fantassins et qua-
Passons en revue quelques autres secrets. tre mille cinq cents cavaliers. Cependant, dit
« Le nombre des moyens trouvés pour re- Orosius, lorsque l'on considère cet homme
fiousscr et pour détruire les ennemis de allant porter la guerre au monde avec une
'Etat sans armes et sans même les toucher si petite armée , on se demande ce qui doit
est grand, dit Bacon. On pratique des opé- étonner le plus de la hardiesse de son pro-
rations qui blessent exclusivement l'odorat ; jet ou de sa réussite. Dans le premier enga-
non pas en modifiant la qualité de l'air, gement qui eut lieu entre lui et Darius , six
comme l'a fait Alexandre, mais en l'infec- cent mille Perses tombèrent, tandis que le
tant. On possède aussi d'autres moyens pour Macédonien ne perdit que cent vingt cava-
blesser et pervertir les autres sens. Par le liers el neuf fantassins. A la seconde ba-
contact seul de certaines matières on com- taille, Alexandre mit quarante mille Perses
promet, on peut même ôter la vie. hors de combat , et de son côté il perdit cent
» La malche, espèce de bitume fort con- trente piétons et cent cinquante cavaliers
;
nue, lancée bouillante surdes hommesarmés, mais le résultat fut qu'il frappa facilement
les brûle. Les Romains , dans leurs guer- et tout à coup le monde entier de terreur.
res , en ont fait un fréquent usage, comme Toutefois , ajoute Orosius , ce fut autant par
l'atteste Pline. L'huile de bitume (oleitm ci- la science que par le courage que le Macé-
trinum pelreolum), que l'on tire de la pierre, donien devint victorieux. Eh ! comment au-
consume tout ce qu'elle rencontre lors- rait-il pu en être autrement lorsque nous li-
qu'elle est préparée d'après certaine recelte, sons dans la vie d'Aristote que ce philoso-
et le feu qu'elle produit ne peut être éteint, phe accompagnait Alexandre dans ses expé-
même par l'eau. ditions guerrières? Sénèque tient le même
» D'autres opérations étonnent et blessent langage, et, selon ce dernier, si le Macédo-
tellement l'ouïe, que si l'on en fait usage nien remporta constamment la victoire, c'est
avec adresse et pendant la nuit, une ville pas qu'Aristote et Callislhène étaient réellement
ftlus qu'une armée n'en peuvent supporter les chefs, les conducteurs de ces entreprises
es terribles effets. Aucun bruit de tonnerre et qu'ils enseignaient toute espèce de scien-
ne peut être comparé à celui que produisent ces à Alexandre.
ces préparations. » Mais Aristote a livré principalement le
» On peut aussi imprimer la terreur par monde à Alexandre ; Aristote qui connaissait
la vue, en produisant des éclats de lumière toutes les voies de la science dont il est le
qui jettent le trouble dans toutes les âmes. père... »
Nous empruntons cette expérience d'un jeu Les curieux recherchent, de Roger Bacon,
d'enfant en usage dans presque tout le le petit trailé intitulé Spéculum Alchimiœ ,
monde. Il consiste à faire un instrument traduit en français par J. Girard de Tour-
(cartouche) de la longueur du pouce d'un nus, sous le titre de Miroir d'Alchimie, in-12
homme, avec lequel on produit par la vio- et in-8°, Lyon 15o7 ; Paris, 1612. Le même
,

lence de ce que l'on nomme sel de pierre {sal a traduit l'Admirable puissance de l'art et de
pelrœ) un bruit si horrible , bien que l'in- la nature, in-8', Lyon, 1357; Paris, 1729. De
strument ne soit qu'un petit morceau de potestate mirabili artis et nalurœ (2).
parchemin ,
que le bruit du tonnerre et l'é- On ne confondra pas Roger Bacon avec
clat de l'aurore ne sont ni plus grands, ni François Bacon grand chancelier d'Angle-
,

plus brillants que ceux que cet instrument terre , mort en 1626, que Wal pôle appelle
occasionne (1). « le prophète des vérités que Newton est
» Il y a aussi plusieurs choses (res) dont venu révéler aux hommes. »
le contact le plus léger mourir les ani-
fait
BACOTI. Nom commun aux devins et aux
maux venimeux ; en ne formant même sorciers de Tunquin. On interroge surtout le
qu'un cercle avec ces choses , les bêles ve-
bacoli pour savoir des nouvelles des morts.
nimeuses que l'on y renferme ne pourront
Il bat le tambour, appelle le mort à grands
en sortir et mourront sans en être touchées.
cris, se lait ensuite pendant que le défunt
Ces choses , réduites en poudre , deviennent
lui parle à l'oreille sans se laisser voir, et
un spécifique sûr pour guérir tout homme
(2) Ce n'est qu'un cliapitrc de l'ouvrage inlilulé : Epi-
(1) On pense que Bacon a trouvé la recelte de la pou- slola Fralris Kogerii Itaconis de secrelis operihus arlis et
dre â canon dans le iraitii d'un cenain Grec nommé Marco, nauine el de nullilalc inagis. In-t*. Paris, 1342: Uam-
Intitulé le Livre det {eux. Iwurg, 1008 Cl 1018, in-8».
161 BAG BAG 46%
donne ordinaircmont de bonnes nouvelles, roastrc, Pythagorc, les sorciers de Pharaon,
parce qu'on les paie mieux, voulant singer la verge de Moïse, avaient
BAD. Génie des vents et des tempêtes chfz une baguette Romulus prophétisait avec
;

les Persans. Il préside au vingt-deuxième un bâton augurai. Les Alains, et d'autres


jour de la lune. peuples barbares consultaient leurs dieux
,

i BADUCKE. Plante dont on prétend que le en fichant une baguette en terre. Quelques
fruit pris dans du lait, glace les sens. Les
,
devins de village prétendent encore deviner
magiciens l'ont quelquefois employé pour beaucoup de choses avec la baguette. Mais
nouer l'aiguillette. Il sufQt, dit-on, d'en faire c'est surtout à la fin du dix-septième siècle
boire une infusion à celui qu'on veut lier. qu'elle le plus grand bruit
fit Jacques Ay- :

BAEL. Démon cité , dans le Grand Gri- mar lamit en vogue en 1692. Cependant,
moire , en tête des puissances infernales. longtemps auparavant, Delrio (2) avait indi-
C'est aussi par lui que Wiérus commence qué, parmi les pratiques superstitieuses,
l'inventaire de sa fameuse Pseudomonarcina l'usage d'une baguette de coudrier pour dé-
dœmonum. Il appelle Bael le premier roi de couvrir les voleurs ; mais Jacques Aymar
l'enfer ses Etats sont dans la partie orien-
;
opérait des prodiges si variés et qui surpri-
tale. Il se montre avec trois têtes, dont rent tellement, que le Père Lebrun (3) et le
l'une a la flgure d'un crapaud , l'autre savant Malebrancho (4) les attribuèrent au
celle d'un homme , la troisième celle d'un démon , pendant que d'autres les baptisaient
chat. Sa voix est rauque ; mais il se b<it du nom de physique occulte ou d'électrjcité
très-bien. Il rend ceux qui l'invoquent Ans souterraine.
et rusés, et leur apprend le moyen d'être in- Ce talent de tourner la baguette divina-
visibles au besoin. Soixante-six légions lui toire n'est donné qu'à quelques êtres privi-
obéissent. —
Est-ce le même que Baal ? légiés. On peut éprouver si on l'a reçu de
BiETILES. Pierres que les anciens consul- la nature ; rien n'est plus facile. Le cou-
taient comme des oracles et qu'ils croyaient drier est surtout l'arbre le plus propre. Il
animées. C'étaient quelquefois des espèces ne s'agit que d'en couper une branche four-
de talismans. Saturne, pensant avaler Jupi- chue, et de tenir dans chaque main les deux
ter, dévora une de ces pierres emmaillotée. Il bouts supérieurs. En mettant le pied sur
y en avait de petites, taillées en forme ronde, l'objet qu'on cherche ou sur les vestiges qui
que l'on portait au cou; on les trouvait sur peuvent indiquer cet objet , la baguette
des montagnes où cites tombaient avec le tourne d'elle-même dans la main , et c'est
tonnerre. un indice infaillible.
Souvent les baetiles étaient des statues ou Avant Jacques Aymar, on n'avait employé
mandragores. On en cite de merveilleuses la baguette qu'à la recherche des métaux
qui rendaient des oracles, et dont la voix propres à l'alchimie. A l'aide de la sienne,
siffl.iit comme celle des jeunes Anglaises. On Aymar fit des merveilles de tout genre.
assure même que quelques bsetiles tombèrent Il découvrait les eaux soiiterraines les ,

directement du ciel ; telle était la pierre bornes déplacées, les maléfices , les voleurs
noire de Phrygie que Scipion Nasica amena et les assassins. Le bruit de ses talents s'é-
à Rome en grande pompe. tanl répandu, il lut appelé à Lyon , en 1672,
On révérait à Sparte , dans le temple de pour dévoiler un mystère qui embarrassait
Minerve Chalcidique, des bœtiles de la forme la justice. Le 5 juillet de celle même année,
d'un casque , qui dit-on , s'élevaient sur
, sur les dix heures du soir, un marchand de
l'eau au son de la trompette, et plongeaient vin et sa femme avaient été égorgés à Lyon,
dès qu'on prononçait le nom des Athéniens. enterrés dans leur cave, et tout leur argent
Les prêtres disaient ces pierres trouvées avait été volé. Cela s'élait fait si adroitement
dans l'Eurotas (1). qu'on ne soupçonnait pas même les auteurs
BAGOÉ. Devineresse que quelques-uns du crime. Un voisin fit venir Aymar. Le lieu-

croient être la sybille Erythrée. C'est, dit-on, tenant criminel et procureur du roi le con-
le

la première femme qui ait rendu des oracles. duisirent dans la cave. Il parut très-ému en
Elle devinait en Toscane, et jugeait surtout y entrant; son pouls s'éleva comme dans
des événements par le tonnerre. Voy. Bi- une grosse fièvre sa baguette qu'il tenait
; ,

coïs. à la main tourna rapidement dans les deux


,

BAGUE. Voy. Anneau. endroits où l'on avait trouvé les cadavres


BAGUEFTE DIVINATOIRE. Rameau four- du mari et de la femme. Après quoi , guidé
chu de coudrier,(]'aulne,de hêtre ou de pom- par la baguette ou par un sentiment inté-
mier, à l'aide duquel on découvre les métaux, rieur ,il suivit les rues où les assassins
les sources cachées, les trésors, les maléfices avaient passé, entra dans la cour de l'arche-
et les voleurs. vêché , sortit de la ville par le pont du
Ily a longtemps qu'une baguette est répu- Rhône, et prit à main droite le long de ce
tée nécessaire à certains prodiges. On en fleuve. —
Il fut éclairci du nombre des as-

donne une aux fées et aux sorcières puis- sassins en arrivant à la maison d'un jardi-
santes. Médée, Circé, Mercure, Baccbus, Zo- nier, où il soutint opiniâtrement qu'ils étaient

in-12. Paris, 1693, et dans son Hisloire des


pratiques
(1) Tome III' des Mémoires de 1 Académie des inscrip-
tions.
superstitieuses.
père Lel)run. On écrivit une
....
(î) Disquisil. HI, secl. ult.
magisc, lib. (4) Dans ses réponses au
multitude de brocliures sur celle raalière.
(3) Dans ses Le'.lres qni découvrent rilliislon des iiliilo-
so;ilies sur la baguette el qui délruiseoi leurs sysiemes,
1(3 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. \a
Irois, qu'ilsavaient cnlonré une tab!e cl vide baguette; il s'arrêta à la boutique d'un orfèvre,
une botileilie sur iaquoilc la bagueUo lour- qui nia le vol et se trouva très-offensé de
nail. Cos circonsiancos furent confinnéos l'accusation. Mais le lendemain on remit à
par l'aveu de deux eiil'aiils de neuf à dix l'hôtel le prix des (lambeaux; quelques [ler-
ans, qui déclarèrent qu'en effet trois hom- sonnes dirent que le paysan l'avait envoyé
mes de mauvaise mine éiaienl entrés à la pour se donner du crédit.
maison et avaient vidé la bouteille désignée Dans de nouvelles épreuves, la baguette
par le paysan. On eoniinua di^ poursuivre les prit des pierres pour de l'argent, elle indi-
meurtriers avec plus de cc)nfianc<'. La trace qua de l'argent où il n'y en avait point. En
de leuîs pas, indiqués sur le sable par la un mot, elle opéra avec si peu de succès,
baguette, montra qu'ils s'étaient emb;irqués. qu'elle perdit son renom. Dans d'autres ex-
Aymar les suivit par eau s'arrétanl à tous
, périences, la baguette resta immobile quand
les endroits où les scélérats avaient pris il lui fallait tourner. Aymar, un peu confon-

terre, reconnaissant les lits où ils avaient du, avoua enfin qu'il n'était qu'un charlatan
couché les tables où ils s'étaient assis, les
, adroit, que la baguette n'avait aucun pou-
vases où ils avaient bu. voir, et qu'il avait cherché à gagner de l'ar-
Après avoir longtemps étonné ses guides, gent par ce petit procédé...
il s'arrêta enfin devant la prison de Beau- Pendant ses premiers succès, une demoi-
caire et assura qu'il y avait là un des crimi- selle de Grenoble, à qui la réputation d'Ay-
nels. Parmi les prisonniers qu'on amena, un mar avait persuadé qu'elle était douée aussi
bossu qu'on venait d'enfermer ce jour mémo du don de tourner la baguette, craignant que
pour un larcin commis à la foire fut celui que ce don ne lui vînt de l'esprit malin, alla con-
la baguette désigna. On conduisit ce bossu sulter le père Lebrun, qui lui conseilla de
dans tous les lieux qu'Aymar avait visités : prier Dieu eu tenant la baguette. La demoi-
partout il fut reconnu. selle jeûna et prit la baguette en priant. La
En arrivant à Bagnols, il finit par avouer baguette ne tourna plus; d'où l'on conclut
que deux Provençaux l'avaient engagé, com- que c'était le démon ou l'imagination trou-
me leur valet, à tremper dans ce crime; qu'il blée qui l'agitait.
n'y avait pris aucune part; que ses deux On douta un peu de la médiation du dia-
bourgeois avaient fait le meurlre et le vol, et ble, dès que le fameux devin fut reconnu
lui avaiinl donné six écus et demi. pour un imposteur. On joua surtout un
lui
Ce qui sembla plus étonnant encore, c'est tour qui décrédila considérablement la ba-
que Jacques Aymar ne pouvait se trouver guette. Le procureur du roi au Châtelel de
auprès du bossu sans éprouver de grands Paris fit conduire Aymar dans une rue où
maux de cœur, et qu'il ne passait pas sur un l'on avait assassiné un archer du guet. Les
lieu où il sentait qu'un meurtre avait été meurtriers étaient arrêtés, on connaissait les
commis, sans se sentir l'envie de vomir. rues qu'ils avaient suivies, les lieux où ils
Comme les révélations du bossu confir- s'étaient cachés : la baguette resta immobile.
maient les découvertes d'Aymar, les uns ad- On fit venir Aymar dans la rue de la Harpe,
miraient son étoile et criaient au prodige, où l'on avait saisi un voleur en flagrant dé-
tandis que d'autres publiaient qu'il était sor- lit ; la perfide baguette trahit encore toutes

cier. Cependant on ne put trouver les deux les espérances.


assassins, et le bossu fut rompu vif. Néanmoins la baguette divinatoire ne périt
Dès lors plusieurs personnes furent douées point ceux qui prétendirent la faire tourner
;

du talent de Jacques Aymar, talent ignoré se multiplièrent même, et ce talent vint jus-
jusqu'à lui. Des femmes mêmes firent tour- qu'en Belgique. Il y eut à Heigne, près do
ner la baguette. Elles avaient des convul- Gosselies, un jeune garçon (jui découvrit les
sions et des maujc de cœur en passant sur un objets cachés ou perdus au moyen de la ba-
endroit où un meurtre avait été commis; ce guette de coudrier. Cette baguette, disait-il,
mal ne se dissipait qu'avec un verre de vin. ne pouvait pas avoir plus de deux ans de
Aymar faisait tant de bruit, qu'on publia pousse. — Un homme, voulant éprouver l'art
bientôt des livres sur sa baguette et ses opé- de l'enfant de Heigne, cacha un écu au bord
rations. M. de Vagny, procureur du roi à d'un fossé, le long d'un sentier qu'on ne fré-
Grenoble, fit imprimer une relation intitulée : quentait presque pas. Il fit appeler le jeune
Histoire merveilleuse d'un maçon qui, conduit garçon et lui promit un escalin, s'il pouvait
par la baguette divinatoire, a suivi un meur- retrouver l'argent perdu. Le garçon alla
trier pendant quarante-cinq heures sur la cueillir une branche de coudrier, et tenant
terre, et plus de trente sur l'eau. Ce paysan dans ses deux mains les deux bouts de celle
devint le sujet de tous les enircliens. Des baguette, qui avait la forme d'un Y, après
philosophes ne virent dans les proiiigi'sde la avoir pris différentes directions, il marcha
baguette (lu'un effet des émanations des cor- devant lui et s'engagea dans le petit sentier.
puscules, d'autres les attribuèrent à Satan. Le La baguette s'agitait plus vivement. Il passa
père Lebrun fut do ce nombre, et Malebran- le lieu où l'écu était caché; la baguette cessa
che adopta son avis. de tourner. L'enfant revint donc sur ses pas;
Le fils du grand Condé, frappé du bruit de la baguette sembla reprendre un mouvement
tant de merveilles, fit venir Aymar à Paris. très-vif; elle redoubla vers l'endroit qu'on
On avait volé à mademoiselle de Condé deux cherchait. Le devin se baissa, chercha dans
petits flambeaux d'argent. Aymar parcourut l'herbe cl trouva le petit écu, à l'admiration
(quelques rues de Paris en faisant tourner la de tous les spcclalcurs.
icn BAG BAG let

que
Sur l'obsorvalion bourgoois fi(, pour
le client des émanations qui se reconnaissent,
rssayer la bagiietio, qu'il avait perdu encore et si nous ne les sentons pas c'est qu'il n'(>st
d'autre argent, le jeune garçon la reprit, mais pas donné à tous les chiens d'avoir le ne;!
elle ne tourna plus. —
On se crut ronvaincu lin.Ce sont là, dil-il, p.ige 23, des axiomes
lie ta réalité du talent de l'enfant. On lui de- incontestables. « Or, res corpuscules qui en-
manda qui l'avait instruit. « C'est le hasard, trent dans le corps de l'homnie muni de la
dit-il; ayant un jour perdu mon couteau en baguelle l'agitent tellement, qui- de ses mains
gardant les troupeaux de mon père, et sa- la matière subtile passe dans la baguette mê-
chant lout ce qu'on disait de la baguette de me, et, n'en pouvant sortir assez prompie-
coudrier, j'en fis une qui tourna, qui me fit ment, la fait tourner ou la brise ce qui me. :

retrouver re <iuc je cherchais et ensuite beau- paraît la chose du monde la plus facile à
coup d'autres ohjels perdus. » croire... »
Celait très-bien. Malheureusement d'au- Le bon père Ménesirier, dans ses Ti:-
tres épreuves, examinées de plus près, ne flexions sur les indications de la baguriie,
réussirent pas, et on reconnut que la ba- Lyon, 1C94', s'étonne du nombre de gens qui
guette divinatoire était là aussi une petite devinaient alors par ce moyen à la moile.
supercherie. Mais on y avait cru un siècle et « A combien d'effets, poursuit-il, s'étend au-
des savants avaient fait imprimer cent volu- jourd'hui ce talent 11 n'a point de limites.
1

mes pour l'expliquer. On s'en sert pour juger de la bonté des étof-
« Faut-il rassembler des arguments pour fes et de la différence de leurs prix, pour
prouver l'impuissance de la baguette divina- dcmê'er les innocents des coupables, pour
toire? ajoute M. Salgues (1). Que l'on dise spécifier le crime. Tous les jours celte vertu
quel rapport il peut y avoir entre un voleur, fait de nouvelles découvertes inconnues jus-
une source d'eau, une pièce de métal et un qu'à présent. »
bâton de coudrier. On prétend que la ba- 11 y eut mémo en 1700, à Toulouse, un
guette tourne en vertu de l'attraction. Mais brave homme qui devinait avec la baguette
par quelle vertu d'attraction les émanations ce que faisaient des personnes absentes. 11
qui s'échappent d'une fontaine, d'une pièce consultait la baguette sur le passé, le pré-
d'argent ou du corps d'un meurtrier tordent- sent et l'avenir; elle s'abaissait pour ré-
elles une branche de coudrier qu'un homme pondre oui et s'élevait pour la négative. Ofi
robuste tient fortement entre ses mains? pouvait faire sa demande de vive voix ou
D'ailleurs, pourquoi le même homme trou- mentalement; « Ce qui serait bien prodi-
ve-t-il des fontaines, des métaux, des assas- gieux, dit le père Lebrun, si plusieurs ré-
sins et des voleurs quand il est dans son pays, ponses (lisez la plupart) ne s'étaient trouvées
et ne trouvc-t-il plus rien quand il est à Pa- fausses (3). »
ris ? Tout cela n'est que charlatanisme. Et ce Un qui n'est pas moins admirable,
fait
qui détruit totalement le merveilleux de la c'est que la baguette ne tourne que sur les
baguette, c'est que lout le monde, avec un objets où l'on a intérieurement l'intention
peu d'adresse, peut la faire tourner à vo- de la faire tourner. Ce serait donc du ma-
lonté. Il ne s'agit que de tenir les extrémités gnétisme ? Ainsi quand on cherche une
,

de la fourche un peu écartées, de manière à source, elle ne tournera pas sur autre chose,
faire ressort. C'est alors la force d'élasticité quoiqu'on passe sur des trésors enfouis ou
qui opère le prodige. » sur des traces de meurtre.
Cependant on croit encore à la baguette Pour découvrir une fontaine, il faut mettre
divinatoire dans le Dauphiné et dans le Uai- sur la baguette un linge mouillé si elle :

naul; les paysans n'en négligent pas l'usage, tourne alors, c'est une preuve qu'il y a de
et elle a trouvé des défenseurs sérieux. For- l'eau à l'endroit qu'elle indique. Pour trou-
mey, dans V Encyclopédie, explique ce phé- ver les métaux souterrains , on enchâsse
nomène parle magnétisme. Ritter, professeur successivement à la tète de la baguette di-
de Munich, s'autorisait récemment des phé- verses pièces de métal, et c'est un principe
nomènes du galvanisme pour soutenir les constant que la baguette indique la qualité
merveilles de la baguette divinatoire; mais du métal caché sous terre, en touchant pré-
il n'est pas mort sans abjurer son erreur. cisément ce même métal.
L'abbé de La Garde écrivit au commence- Nous répétons qu'on ne croit plus à la ba-
ment avec beaucoup de foi l'histoire des pro- guette, et que cependant on s'en sert encore
diges de Jacques Aymar; en 1692 même, dans quelques provinces. Il fallait autrefois
Pierre Garnier, docteur-médecin de Mont- qu'elle fût de coudrier ou de quelque autre
pellier, voulut prouver que les opérations de bois .spécial depuis on a employé (oulo
; ,

la baguette dépendaient d'une cause natu- sorte de bois, et même des côtes de baleine;
relle (2); cette cause naturelle n'était, selon on n'a plus même exigé que la baguette fût
lui, que les corpuscules sortis du corps du en fourche. •'''

meurtrier dans les endroits où il avait lait le Secret de la baguette divinatoire et moyen
meurtre et dans ceux où il avait passé. Les de lu faire tourner, tiré du Grand Grimoire,
galeux vt les pestiférés, ajoute-t-il, ne tran- pane 87 {k).
spirent pas comme les gens sains, puisqu'ils IJès le moment que le soleil paraît sur l'ho-
sont contagieux; de môme les scélérats la- rizon, vous prenez de la main gauche une

it) Des Errpiirs et dos préjugés, elc, t. I, p IG"). mi.


(2) Dans sa Disscrlalloti iilivsiiiue en formt> île Icllreh (.5) Histoire des pr.iliques superstitieuses, t. II, p. 337.
11. Je Sèvrp, seigneur de l'Iiclièrcs, etc. Iii-li. Lyon, (4) Ce secret est aussi daus le Uragoii rougo, p. 85.
167 DICTIONNAIRE DKS SCIENCES OCCULTES. 1G8

bflgucUe vierge de noisetier sauvage, et la encore en Angleterre Charles H. et miss


sir
coupez de la droilc en trois coups, en disant : Fenwik comme étant doués de la môme f;i-
« Je te rainasse au nom d'Eloïni, Mulralhon, culté que lady Newark, et à un degré plus
Adonay et Sémi|>horas, afin que tu aies la élevé encore. Cette faculté inexplicable est
vertu de la verge de Moïse cl de Jacob pour tout à fait indépendante de la volition; elle
découvrir tout ce que je voudrai savoir. » a une grande analogie avec celle qui dis-
Et pour la faire tourner, il faut dire, la te- tingue les Zuhories espagnols; mais ceux-ci
nant serrée dans ses mains, par les deux ne se servent pas de la baguette de cou-
bouts qui font la fourche « Je te com-
: drier.
(

mande, au nom d'Eloïm, Mutrathon, Adonay Ajoutons à tout ce qui précède, la sérieuse
elSéniiphoras, de me révéler... » (on indique défense de Jacques Aymar, par l'auteur de
ce qu'on veut savoir). La Physique occulte, ou traité de la baguette
Mai^ voici encore quelque chose sur cette divinatoire. Lahaye 17C2 :

matière qui n'est pas épuisée. Nous emprun- « Depuis que les hommes se mêlent de
tons te qui suit au Quarlerty Magazine : philosopher, on n'a point examiné une ma-
La baguette divinatoire n'est plus em- tière plus curieuse et plus importanle, que
ployée à la découverte des trésors, mais on celle qui est traitée ici ; et je puis dire que
dit que, dans les mains de certaines per- si l'on avait une fois expliqué clairement la
sonnes, elle peut indiquer les sources d'eau cause du mouvement de la baguette divina-
vive. Il y a cinquante ans environ que lady toire sur les sources d'eau, sur les minières,
Newaik se trouvait en Provence dans un sur les trésors cachés et sur les Iraccs des
château dont le propriétaire, ayant besoin criminels fugitifs, il n'y aurait plus rien de
d'une source pour l'usage de sa maison, *
si occulte dans la nalure, qui ne fût bientôt
envoya chercher un paysan qui promettait développé et mis dans un grand jour.
d'en faire jaillir une avec une branche de » Car si l'on connaissaitcomment les écou-
coudrier; lady Newark rit beaucoup de l'idée lements des corpuscules qui s'exhalent des
de son hôte et de l'assurance du paysan ; eaux souterraines, des métaux et du corps
mais, non moins curieuse qu'incrédule, elle de certains hommes, s'insinuent par la res-
voulut du moins assister à l'expérience, ainsi piration insensible dans les pores d'un autre
que d'autres voyageurs anglais tout aussi homme, on comprendrait bientôt pourquoi
philosophes qu'elle. Le paysan ne se décon- les maladies contagieuses et populaires atta-
certa pas des sourires moqueurs de ces étran- quent les uns et épargnent les autres ; on dé-
gers; il se mit en marche suivi de toute la couvrirait cette roule invisible par où coule
société, puis tout à coup s'arrétant, il dé- ce flux et reflux d'humeurs malignes qui
clara qu'on pouvait creuser la terre. On le sortent d'un corps par la transpiration et
fil; la source promise sortit, et elle coule en- que la respiration fait rentrer dans un autre.
core. Cet homme était un vrai paysan, sans Et si ce chemin était bien reconnu, la méde-
éducation il ne pouvait expliquer quelle
: cine trouverait ensuite facilement le secret
était la vertu dont il était doué, ni celle du de préserver ou de guérir les hommes de
talisman ; mais il assurait modestement tant de maladies dont la propagation se fait
n'être pas le seul à qui la nature avait donné par les écoulements des corpuscules conta-
le pouvoir de s'en servir. Les Anglais pré^ gieux qui sont répandus dans l'air. Cela est,
sents essayèrent sans succès. Quand vint le ce me semble, de la dernière importance.
tour de lady Newark, elle fut bien surprise » Mais de quelle ulililé ne serait point
de se trouver tout aussi sorcière que le pay- l'usage de la baguette divinatoire pour la
san provençal. A son retour en Angleterre, découverte des sources d'eau, dont on ne
elle n'osa faire usage de la baguelte divina- saurait se passer dans la vie, el pour la re-
toire qu'en secret, de peur d'être tournée en cherche des métaux les plus nobles, qui font
ridicule. Mais en 1803, lorsque le docteur aujourd'hui tout le lien de la société hu-
Hulton publia les Recherches d'Ozanam, où maine.
ce prodige est traité d'absurdité (tom. IV. p. » Certainement le grand éclat que l'hi-
260), lady Ncwark lui écrivit une lettre si- stoire du paysan du Dauphiné ( Jacques
gnée X. Y. Z., pour lui raconter les faits qui Aymar) a l'ait dans le monde, et l'empresse-
étaient à sa connaissance. Le docteur ré- ment que chacun a marqué pour s'en infor-
pondit, demandant de nouveaux renseigne- mer, montrent mieux que ce que je pourrais
ments à son correspondant anonyme. Lady dire, combien le public croit qu'il est impar-
Newark le satisfit, et alors le docteur désira tant d'expliquer cette physique si surprcn-
être mis en rapport direct avec elle. Lady nante
Newark alla le voir à Wooiwich, el, sous » Je sais bien que certains savants om-
«es yeux, elle découvrit une source d'e;;u brageux ne feront pas grand cas de tout ce
dans un terrain où il faisait construire sa qu'un pourrait dire de bon sur ce qui regarde
résidence d'été. C'est ce même terrain que le mouvement de la baguelte el qu'ils conli-
le docteur Hulton a vendu depuis au collège nueront de la regarder comme la chose du
de Woolwik, avec un bénéfice considérable monde la moins digne de leur attention. Ils
à cause de la source. Le docteur ne put ré- en penseront ce qu'il leur plaira mais je
,

sister à l'évidence lorsqu'il vit, à l'approche de puis leur citer d'autres savants qui n'ont pas
l'eau, la baguette s'animer tout à coup pour cru employer mal leur temps de tourner
ainsi dire, s agiter, se ployer, et même se bri- leurs études de ce côté-là. Nous voyons par-
f er dans les doigts de lady Newaïk. On cite mi les mémoires de l'académie royale des
ÏC!) nAc. nsG m
scienros d'Anglclrrro, le dessein que celte l'ignorance et la barbarie avaient répandu
illustre société a pris de s'informer de tout de si épaisses ténèbres. J'ai eu en vue surtout
ce qui concerne la baguette divinatoire pour de montrer qu'outre les utilités qu'on peut
la recherche des minières. En effet, parmi tirer de la baguette, ces nouveaux phéno-
cent articles que M. Boylo a dressés sur le mènes peuvent apporter beaucoup de lu-
chapitre des minières, le x.vni« représente le mières à la physique et à la médecine. Le
plan sur quoi il souhaitait qu'on se réglât public jugera si mes efforts doivent être
pour faire des recherches sur la baguette. comptes pour quelque chose.
Le voici Utrum virgula divinaloria adhibea-
: » Cette matière, assez obscure d'elle-même,

tiir ad investigntionctn vcnarum proposilarum est égayée par des expériences curieuses,
fodinarum : et si sic, quo id
fiât, sitccessu? tout à fait propres pour accoutumer l'esprit
art. 18. C'est ainsi est rapporté dans
qu'il à croire que la nature en)pioie des agents
les Actes philosophiques de la société royale invisibles quand elle opère ses plus grandes
dos sciences d'Angleterre, du mois de No- merveilles. C'est ce que j'appellela Physique
vembre t6C6, pag. 344. occulte, pour la disiinguer de ce que la na-
» Il y a donc des gens qai n'ont pas si ture fait à découvert, et par des causes sen-
fort méprisé la chose. Plus sincères que ces sibles.
savants dont je viens de parler, ils confessent » J'ai cru que pour expliquer la physique
que les phénomènes de la baguette divina- occulte de la baguette divinatoire, je devais
toire sont merveilleux, et qu'ils méritent préférer la [ihilosophle des corpuscules à
bien l'attention des hommes les plus sages. toutes les auties, non -seulement parce
Mais parmi ceux-là, quelques-uns , se lais- qu'elle csl la seule qui puisse servir utile-
sant prévenir par des terreurs paniques, s'i-' ment à développer les secrets de la nature,
maginent que la baguette n'a point d'autre mais parce qu'elle est encore plus ancienne
mouvement que celui que le démon lui im- que toutes celles dont la connaissance est
prime. Ils ne peuvent pas croire qu'il so venue jusqu'à nous. Car avant Leucippc,
puisse faire quelque chose dans la nature maître de Démocrile, le premier, selon Mi-
au delà de leur connaissance. Tout ce qu'ils nucius Félix, qui ait employé les atomes
no comprennent pas ne peut être naturel. dans la philosophie, un certain Moschus ,
» C'est de là que le monde s'est rem- originaire de Phénicie, expliquait les phéno-
pli de tant de fables grossières cl ridicules mènes de la nature par les corpuscules,
louchant les sorciers. Ceux qui savaient un c'est-à-dire par les particules, ou petites
peu de grec et d'hébreu il y a quelques
,
parties insensibles de la matière. Strabon,
centaines d'années, passaient pour des ma- qui rapporte cela, ajoute que Moschus vivait
giciens. Il est arrivé plusieurs fois à des avant la guerre de Troie, et par conséquent
ignorants de prendre des figures de mathé- plusieurs siècles avant qu'aucun des philo-
matiques pour des caractères magiques. Jean sophes grecs parût dans le monde.
Shiphower, de l'ordre des ermites de saint » Voilà l'ancienne origine de la philoso-
Augustin, du couvent d'Ofenburg, dans le phie des corpuscules ; et. puisqu'elle est phé-
comté d'Edimbourg, parlant de l'imprimerie nicienne, on a tout sujet de croire que c'a
vers l'an 1440, dit que, dans ces premiers été celle des Hébreux, d'où elle a passé chez
commencements, les superstilieuxel les igno- les Grecs.
rants la faisaient passer pour un art où il y » Personne, dans ces derniers temps, n'a
pouvait avoir de la magie la plus criminelle, si bien cultivé la philosophie que M. Boyle,

il n'y a point de bateleurs dont les subtilités comme on le peut voir par tant de beaux en-
ne passent pour des sorcelleries auprès de droits de ses observations que j'ai rapportés
bi-aucoup de monde. C'est encore par le dans ce traité. Et si le P. Lana, jésuite, n'é-
même esprit que nous voyons aujourd'hui tait pas mort sitôt, il l'aurait encore portée
accuser de magie les opérations de la ba- beaucoup plus loin, comme il est aisé de le
guclle, parcequela cause n'en est pas connue. juger par son grand el excellent ouVrage, in-
» Van-Helmonl a fort bien remarqué qu'on titulé : Magisteriam artis et niiturai,(iii l'on
ne saurait trop déplorer le mal que ces pré- peut remarquer que cet homme
laborieux si
jugés font dans les sciences, et surtout dans philosophait, comme on
expériences
dit, les
la physique. Y a-t-il rien, dit-il, de plus sur- à la main, sans quoi, en matière de physi-
prenant et de plus déplorable, que de voir que, on ne sait pas où conduisent les raison-
les arts vils et mécaniques se perfectionner nements comme on ne sait pas si l'on ne s'é-
;

tous les jours, pendant que la physiiiue de- gare point qu.ind on marche sans guide dans
meure toujours quasi dans le même état ? un pays inconnu. Un physicien, disait le P.
Rien ne retarde tant le progrès de la science Kirker, jésuite, qui philosophe sans faire des
naturelle, qtse les criaillerieset les censures expériences, est comme un aveugle qui au-
injustes des ignorants, parce qu'elles épou- rait la folie de vouloir disputer des couleurs :

vantent, arrêtent et font môme recu!er ceux Jn physicis rébus sine expérimenta philoso-
que quelque ouverture d'esprit et une lon- phari, idem est ne si cœcus de colore judicium
gue étude auraient mis en état de contribuer ferre insipientius prœsumeret. Mund. sabler,
à pcrfeclioniner la physique. l. X,
3,/). 188.
» Je déclare que je n'ai point été retenu »semble qu'il m'aurait toujours manqué
11

par cet épouvantail, car enfin nous sommes quelque chose, si je n'avais raisonné quo
dans un siècle éclairé, de qui on doit atlen- sur des relations dont tout le monde ne s'ac-
drc [)!us de justice que de ceux sur lesquels commode p is. Enfin cet homme, si fameux
DiCTIONXAÏRK DES SCIIÎXCES OCCUI.TKS. I. G
<71 DiCTIO.NNAlUK DES SCIENCES OCCULTES. ri
(Jacques Aymar) est venu à Paris lo 21 de on qu'Aymar soit toujours
cgalemeul sensi-
janvier 1693, par l'ordre d'un grand prince. ble aux impressions de l'air? Mais, afin de
Je l'ai vu deux heures par jour, presque un redifier les idées de ces gens qui voudraient
mois <turanl; cl on peut croire que, dans qu'il réussît toujours, il n'y a qu'à les ren-
lout ce lemps-là, jo l'ai tourné et retourné voyer à Vinclinaison de la verge do fer ai-
roinme je devais. I! est certain que laba- m.mlée. Ils verront que la mélhode dont on
{•uptte divinatoire lui tourne entre les mains se sert pour trouver cette inclinaison de-
sur les traces des voleurs et des meurtriers mande une exactitude si scrupuleuse, que,
rii<Titil's. Il n'en sait pas la raison, et s'il en d'ordinaire, de vingt expériences il ne s'en
cDiinaissait la cause physique, et qu'il eût rencontrera [las quatre qui SDienl enlière-
assez d'étendue d'esprit pour raisonner là- iiicntsemblables. Ainsi le bon sens veut que
ilessus, je puis assurer que quand il cntre- les essais qui ne réussissent pas, i.e fassfiit
hrendrail une expérience, il n'y manquerait point de préjugé contre les expériences con-
j.'itnais. Mais un paysan, qui ne sait ni lire stantes.
ni écrire saura bien moins ce que c'est » Je ne nie pourlant pas qu'il n'y ait des
•<|u'fl(mospftè/c, volume, écoulements de cor- fourbes qui en donnent à croire, et qui
piisc.iles répandus dans l'air. Il ignore encore poussent l'usage de la baguette à trop de
j)lus comment ces corpuscules peuvent se choses, comme il arrive aux charlatans qui
déranger cesser de produire le mouve-
el ayant erfictivement un bon remède parlicu-
4i;i'nl cl rinclinaisi>n de la baguette. Il n'est lier, le rendent eux-mêmes méprisable, en
p.'is capable non plus de reconnaître coinbion voulant le faire passer pour universel.
il lui importe, pour réussir, de savoir s'il est M lit j'ajoute à cela qu'on découvrira des
lui-incmc dans un état tel qu'il faut pour gens qui, ayant une sensibilité plus vive et
être sensible aux impressions des corpuscu- plus délicate, auraient encore plus abon-
les qui s'exhalent des corps sur lesquels la damment que lui la faculté de trouver les
baguette s'incline; car il ne faut presque sources, les minières, les trésors cachés, les
rien pour déranger l'ordre des causes nalu- voleurs et les meurtriers fugitifs. On nous
Tclles et pour faire manquer une expérience. mande déjà de Lyon qu'il y a un garçon de
IVI. fait un traité entier sur cette nia-
Boyle a dix-huit ans. qui, là-dessus, surpasse de
lière. y peut apprendre comme une seule
On beaucoup Jacques Aymar; et chacun peut
tirtoostance de plus ou de moius empêche voir à Paris, chez M. Geolîroi, ancien écho-
l'action ordinaire de la nature. vin de cette ville, un jeune homme qui trouve
» quoique Jacques Aymar soit un
Ainsi, l'or caché en terre par une violente émolioii
homme simple et de bonnes mœurs, il lui qu'il ressent, du moment qu'il marche des-
peut arriver d'entreprendre ce qu'il n'exé- sus »
cutera pas toujours bien, par la raison qu'il BAGUETTE MAGIQUE. On voit , comme
ne sait pas qu'il doit être dans une cer- nous l'avons dit, que louies les fées ou sor-
taine disposition présente de sensibilité, afin cières ont une baguede magique avec la-
<]ue les corpuscules répandus dans l'air puis- quelle elles opèrent. Boguet rapporte (I) que
sent lui causer quelque sensation; et que Françoise Sicrétain et Thévenne Paget fai-
cette disposition si rare peut être facilement saient mourir les bestiaux en les touchant de
renversée par un mouvement de crainte leur baguette; el Cardan cite une sorcière
ou par d'autres émotions subites el véhé- de Paris, qui tua un enfant en le frappant
4uentes. doucement sur le dos avec sa baguette ma-
» Quoiqu'il ne puisse pas démêler tout gique.
cela, cependant il reconnaît qu'il se peut C'est aussi avec leur baguette que les sor-
bien tromper, et qu'il ne sait pas précisé- ciers Iracent les cercles, fout les conjura-
ment, toutes les fois que sa baguette tourne, lions et opèrent de toutes les manières. Celle
si c'est sur de l'eau, sur du métal, ou sur baguette doit être de coudrier, de la pousse
uu cadavre, parce qu'elle se meut sur tout de l'année. Il faut la couper le premier mer-
ce qui transpire beaucoup. S'il assure que credi de la lune, entre onze heures el mi-
c'est un meurtrier qu'il suit, c'est qu'il re- nuit, en prononçant certaines p.iroles {-2).
connaît que la sensation qu'il a prise au lieu Le couteau doit élie neuf et retiré en haut
(le l'assassinat, est la même qui dure le long quand oncoupe.On bénit ensuite la baguette,
du chemin, et dont il est toujours également disent les formulaires supersiilieux ; on écrit
agité. Voilà son Critérium. au gros bout le mol Agla f, au milieu O/if;
• Si Jacques Aymar se hasarde donc à et Tetragammaton f au petit bout, el l'on
des essais qui ne lui réussissent pas, on ne dit Conjuro le cilo mtlii oOedire, elc,
:

s'en étonnera point, pour peu qu'on se soit BAHAMAN, génie suivant les Perses,
ijui,
formé une juste idée de la conduite de la na- apaise la colère, et, en conséquence, gou-
ture, et qu'on ait étudié la physique par les verne b(cufs, les moutons et tous les
les
ei.périences. Car on saura que le mécanisme animaux susceptibles d'être apprivoisés.
de la nature demande une proportion si BAH1R , litre du plus ancien livre des
exacte dans l'arrangement, dans la force et rabbins, où, suivant Buxlorf, sonl traité»
dans le mouvement des causes, que le moin- lis profonds mystères de la haute cabale des
dre obstacle en renverse les effets. Les meil- Juifs.
leurs chiens de chasse ne tombent-ils pas BAIAN. Wiérus et vingt autres démnno-
quelquefois en défaut? Pourquoi donc veut- gra|)hes comptent que Baïan ou Bajan, fils
Il) Voyci Verge. (2) Discours des sorciers, ch. xxx.
173 BAL fîAL 174

de Siméon, roi des Bulgares, iiUiil si grand transportée à Bruck où se faisait le sab-
,

magicien, qu'il se transformait on loup, b;it (2). Klle profita de l'occasion se fit sor- ,

quand il voulait, pour épouvanter son peu- cière , et peu après fut arrêtée comme telle.
ple, cl qu'il pouvait prendre toute autre fi- il y a sur le balai d'autres croyances. Ja-

gure de bétc Icroce, et même se rendre invi- mais, dans le district de Lcsnevcn en Bre- ,

sible ce qui n'est pas possible sans l'aide de


;
tagne on ne balaie une maison la nuit : ou
,

puissants démons, comme ditNinauld dans sa prétend que c'est en éloigner It bonheur j
J.ycdnthropie. »iuc les âmes s'y promènent, et que les mou-
vements d'un balai les blessent et les écar-
lîAIKR (Jean-Guillaume), professeur de
tent. Ils nomment cet usage proscrit balaie-
théologie à Allorf, mort en 1729. Il a laissé
Dissertation sur Behe- ment des morts. Us disent que la veille du
une thèse intitulée :

Lc'vialhati, l'élcplumt et la baleine, jour des Trépassés (2 novembre) il y a plus


iiiulh el
de Job, cliap. 40 et 41, avec la d'âmes dans chai|ue maison que de grains de
d'après le livre
sable dans la mer et sur le rivage (3).
réponse de Stieber (1). Baïer ne voyait que
druK animaux, monstrueux daus Behcmoth BALAN roi grand et terrible dans les en-
,

et Lévialhan.
fers. Il a trois têtes : l'une faite comme celle
d'un taureau, l'autre comme celle d'un
BAILLEMENT. Les femmes espagnoles, homme, la troisième comme celle d'un bélier.
lorsqu'elles bâillent, ne manquent pas de so Joignez à cela une queue de serpent et des
signer quatre fois la bouche avec le pouce,
yeux qui jettent de la flamme. Il se montre
de peur que le diable n'y entre. Cette su- à cheval sur un ours , et porte un épervicr
perstition remonte à des temps reculés, et
au poing. Sa voix est rau(|ue et violente. Il
chez beaucoup de peuples, on a regardé le répond sur le passé, le présent et l'avenir.
bâillement comme une crise périlleuse.
BAILLY (Pierre), médecin, auteur d'un
— Ce démon qui était autrefois de l'ordr»!
,

des dominations , et qui commande aujour-


livre publié à Paris en 1634, in-8°, sous le d'hui quarante légions infernales enseigne ,

titre de Songes de Phestion, paradoxes phy-


les ruses, la finesse, el le moyen commode
siologiques, suivis d'un dialogue sur l'immor- de voir sans être vu (4).
laliié de l'âme.
BALANCE , septième signe du zodiaque.
BALAAM , sorte de magicien madianitc , Ceux qui naissent sous cette constellation ai-
qui florissait vers l'an du monde 2515. Lors- ment généralement l'équité. C'est, dit-on,
que les Israélites errants daus le désert se pour être né sous le signe de la Balance qu'où
disposaient à passer le Jourdain Balac, roi , donna à Louis XIU lu surnom du Juste.
de Moab, qui les redoutait, chargea Balaani Les Persans prétendent qu'il y aura au
de les maudire. Mais le magicien, ayant con- dernier jour une balance dont les bassins ,

sulté le Seigneur, qu'il connaissait, quoi- seront plus grands el plus l;irgcs t]ue la su-
qu'il servît d'autres dieux , et que surtout il perficie des cieux, et dans laquelle Dieu pè-
redoutait, reçut une défense précise de céder sera les œuvres des hommes. Un des bassins
à cette invitation. Cependant, les magnifiques de celte balance s'appellera le bassin de lu-
présents du Uoi l'ayant séduit, il se rendit à mière, l'autre le bassin de ténèbres. Le livre
son camp. On sait que l'ange du Seigneur des bonnes œuvres sera jeté dans le bassin
arrêta son ânesse , qui lui parla. Balaam , de lumière, plus brillant que les étoiles ; et
après s'être irrité contre la béte , aperçut le livre des mauvaises dans le bassin de té-
l'ange , se prosterna , promit de faire ce que nèbres, plus horrible qu'une nuit d'orage. Le
commanderait le Dieu d'Israël , et parut au fléau fera connaître qui l'emportera, et à quel
camp de Balac très-embarrassé. Lorsqu'il
, degré. C'est après cet examen que les corps
fut devant l'armée dos Israélites , eu pré- passeront le pont étendu sur le feu éternel.
sence de la «our de Balac fort surprise, pen- BALCOIN (Marie), sorcière du pays de La-
dant qu'on s'attendait à entendre des malé- bour, qui allait au sabbat du temps de Henri
dictions il se sentit dominé par un enthou-
, IV. On lui fit son procès, où elle lut convain-
siasme divin , et prononça , malgré lui , une cue d'avoir mangé, dans une assemblée noc-
uiagnifique prophétie sur les destinées glo- turne, l'oreille d'un petit enfant (5). Elle fut
rieuses du peuple de Dieu. Il annonça même sans doute brûlée.
le Messie. Bal-jc , furieux, le chassa ; par la BALEINE. Mahomet place dans le ciel la
suite les Hébreux , ayant vaincu les Ma- baleine de Jonas.
\ rîianites, firent Balaam prisonnier et le tuè- BALI, prince des démons et roi de l'enfer,
rent. selon les croyances indiennes. Il se battit au-
BALAI. Le manche à balai est la mou- trefois avec Wishnou, qui le prccipila dans
lure ordinaire des sorcières lorsqu'elles se l'abîme, d'où il sort une lois par an pour faire
rendent au sabbat. Kcini conte à ce sujet que du mal aux hommes ; mais Wishnou y met
lafemme d'un cordonnier allemand, ayant ,
ordre.
sans le savoir, fourré le bout de son manche Les Indiens donnent aussi le nom de Bali
à ()alai dans un pot qui contenait l'onguent aux farfadets à qui ils oQ'rcnt du riz, que
,

des sorcières, se mit machinalement aussitôt ces lutins ne manquent pas de venir manger
à califourchon sur ce manche , et se sentit la nuit.

(1) Dissertalio deBeliemolh et de Leviatlian, eleplias (3) Voyage do Cambry dans le Finistère, t. II, p. 32.
Pl baix'iia.e Jn'b xt, 41. Kespond. G. SlejU. Slitber. (4j Wjerus, in l'scuildiiioiianliia Uaeiii.
lu-l°, Altnrr. 1708. (3) Di^lancrc.Talileau de l'iiicoa'slaïKO dMdimous, etC ,

(2i llciiiit'ius, lil). II. DiTiiion., cap. m. p. l'J(J, liv. 111.


,,

175 niCTiONNAinE DES SCIENCES OCCl LTES f-6

liALLKS. On a cru autrefois que rpitaiiis personnes qui la passent pour !,i première
guerriers avaionl un charme contre les bal- fois tiiiecérémonie qu'ils appellent le bap-
les, parce qu'on tirait sur eux sans les atlein tême de la ligne et qui consiste en une as-
,

drc. Pour les tuer, on mettait dans les carlou- persion plus ou moins désagréable, dont on
rlios «les pièces d'argent, car rien, dit-on, ne évite souvent les ennuis p;ir une générosité.
peut ensorceler la monnaie. Les personnages qui font la plaisanterie so
BALTAZO , l'un des démons de la posses- travestissent ; le Père la Ligne arrive dans
sion de Lion. Voy. Aubrï. Il paraît que ce un tonneau, escorté par un diable, un cour-
doiiion, ou quelque chenapan qui se fil pas- rier , un perruquier et un meunier. Le pas-
ser pour tel, alla souper avec le mari de Ni- siiger qui ne veut pas donner pour boire aux
cole Aubry la possédée, sous prétexte de
, matelots est arrosé ou baigné, après avoir él6
combiner sa délivrance, qu'il n'opéra pas. pondre et frisé. On ne sait trop l'origine do
On remarqua en soupant qu'il buvait tres- cet usage, ni pourquoi le diable y figure.
sée ; ce qui prouve, dit Leloycr, que l'eau est BARAT maladie de langueur, ordinaire-
,

contraire aux démons (1). ment le résultat d'un sort jeté «lui conduit ,

BALTHAZAU. dernier roi de Babylone infailiibleinent à la mort , et qui selon les ,

petit-fils de Naburhodonosor. Un soir qu'il opinions bretonnes, est guérie par les eaux
prutanait dans ses orgies les vases sacrés de de la fontaine de Sainle-Caiidide près de ,

Jcrusalein il aperçut une main qui traçait


, Scacr, dans le Finistère. Il n"esl |ias d'cnfiint
sur la muraille en lettres de feu ers trois
, , qu'on ne trempe dans cette font line quel-
mots Mane, thecel, phares. Ses devins et ses
: ques jours ai)rès sa naissance «m croit qu'il ;

astrologues ne purent expliquer ces cara- vivra, s"il étend les pieds, et qu'il mourra
ctères ni en interpréter le sens. 11 promit de dans peu, s'il les retire (3).
grandes récompenses à qui lui en donnerait BARBAS, démon. Voy. MARBAS. '

l'interprétation. Ce fut Daniel qui, méprisant BARBATOS, grand et puiss.int démon,


ses récompenses, lui apprit que les trois comie-tluc aux enfrrs , type de Robin-des-
mois signiGaient que ses années étaient Bois ; il se montre sous la figure d'un archer
comptées , qu'il n'avait plus que quelques ou d'un chasseur on le rencontre dans les
;

moments à vivre, et (lue son royaume al- foréis. Quatre rois sonnent «lu cor devant
l.iil être divisé. Tout se vérifia peu de jours lui. Il apprend à deviner par le chant des
/ après. oiseaux le mugissemenl des taureaux
, les ,

BALTUS (Jeax-François), savant jésuite, aboiements des chiens et les cris des divers
mort en 1743. Lisez sa Réponse à l'Histoire animaux, il connaît ks trésors enfouis par
des oracles de Fontenelle, in-8°, Strasbourg les magiciens. Il réconcilie les amis brouillés.
17C9,oii il établit que les oracles des an- Ce démon, qui était autrefois de l'ordre des
ciens étaient l'ouvrage du démon , et qu'ils vertus des cieux ou de celui des dominations,
furent réduits au silence lors de la mission est réduit aujourd'hui à commander trente
di- Jésus-Christ sur la terre. légions infernales. Il connaît le passé et le
BANIANS, Indiens idolâtres, répandus sur- futur (V).
tout dans le Mogol. Ils reconnaissent un Dieu BARBE. Les Romains gardaient avec un
créateur ; mais ils adorent le diable, qui est soin superstitieux leur première barbe. Né-
chargé , disent-ils de gouverner le monde,
, ron faisait conserver la sienne dans une
lis le représenicnt sous une horrible figure. boîte d'or enrichie de pierreries (5).
Le prêtre de ce culte marque au fronl, d'un BARBE-A-DIEU. Tliiers , dans son Troiié
signe jaune , ceux qui ont adoré le diable , des superstitions , rapporte la prière dite la
qui dès lors les reconnaît et n'est plus si Barbe-à-Dieu ; c'est une prière superstitieuse
porté à leur faire du mal (2). encore populaire , et qui se trouve dans di-
BAPTÊME. On que les sorcières, dans
dit vers recueils. La voici : « Pécheurs et péche-
leurs cérémonies abominables baptisent au , resses, venez à moi parler. Le cœur me dut
sabbat des crapauds et de petits enfants. Les bien trembler au ventre , comme fait la
crapauds sont habillés de velours rouge, les feuille au tremble , comme fait la Loisonni
petits enfants de velours noir. Pour celte quand venir sur une pe-
elle voit qu'il faut
opération infernale le diable urine dans un , tite branche, qui n'est plus grosse ni plus
trou ; on prend de celte déjection avec un membre que trois cheveux de femme grosse
goupillon noir, on en jeite sur la télé de l'en- ensemble. Ceux qui la 5arfce-d-Z>j«u sauront,
fant ou du crapaud, en faisant des signes de par-dessus la planche passeront, et ceux qui
croix à rebours avec la main gauche, et di- ne la sauront, au bout de la planche s'assise-
sant Jn nomine patrica. matrica , araguaco
:
ront, crieront, braieront Mon Dieu- hélas : !

pelricu agora, agora Valenlia ; ce qui veut malheureux état Est comme petit enfant
1

•lire « Au nom de Palrique


: de Matrique , , celui qui la Barbe-à-Dieu n'apprend. »
Pétrique d'Ara};on à celte heure , à celte
, BARBELOTH. Des gnostiques appelés
heure, Valenlia. » Cette stupide impiété s'ap- barbeliols ou barboricns disaient qu'un Éon
pelle le baptême du diable. immortel avait eu commerce avec un esprit
BAPTÊME DE LA LIGNE. Lorsqu'on tra- vierge appelé Barbclolh, à qui il avait suc-
verse la ligne, les matelots font subir aux cessivement accordé la prescience, l'incor-
M) Disc, elhist. des spectres, liv. III, ch. x. (3) r.iinibry, Voyage dans le Fiiiislèro, l. III, p. iSl.
12) Histoire de la religion des B.iniaiis , tirée de leur (4) Viprus, in l'seuiiouioiiarcliia dsem.
livre sii.islcr, ne, Iraduit de raii;;l:iis de lleiirv
' Lord, (5) M. Kisard, Suce.
r»- is, 16G7. 111-12.
177 BAR BAR 17»

rupUbililé et la vie éternelle; que Barbeloth, Barkokebas, fils de prétendit qu'il


l'étoile, et
un jour, plus gai qu'à l'ordinaire, avait en- était l'étoile annoncée par Balaam. Il se mit
gendré la lumière, qui, perfectionnée par à faire des prodiges. Saint Jérôme raconta
l'onction de l'esprit, s'appela Christ; que qu'il vomissait du feu par la bouche, au
Christ désira rinleliigence et l'obtint; que moyen d'un morceau d'étoupes allumées
l'intelligence, la raison, rincorruptibilité et qu'il se mettait dans les dents, ce que font
Christ s'unirent; que la raison et l'intelli- maintenant les charlatans des foires. Les
gence engcn'irèriint Autogène ; qu'Autogène Juifs le reconnurent pour leur Messie. Il se
engendra Adainas, l'homme parfait, et sa fit couronner roi, rassembla une armée, et
femme la connaissance parfaite; qu'Adamas soutint contre les Romains une guerre assez
et sa femme engendrèrent le bois; que le longue; mais en l'année 136, l'arméo
enfiii,
premier ange ciigendra le Saint-Esprit, la juive fut passée au de l'épée et Barkoke-
(il

sagesse ou Prunic; que Prunic engendra bas tué. Les rabbins assurent que, lorsqu'on
Prolarchonte ou premier prince, qui fut in- voulut enlever son corps pour le porter à
solent et sol; que Protarchonte et Arrogance l'empereur Adrien, un serpent se présenta
engendrèrent les vices et toutes leurs bran- autour du cou de Barkokebas, et le fit res-
ches. Les barbeliots débitaient ces merveilles pecter des porteurs et du prince lui-même.
en hébreu, et leurs cérémonies n'étaient pas BAIINAUD (Nicolas), médecin protestant
moins abominables que leur doctrine était du seizième siècle, qui rech(!rcha la pierre
extravagante (1). philosophalc. Il a publié sur l'alchimie di-
BAUUIER. Pline le jeune (2) avait un af- vers petits traités recueillis dans le troisième
franchi, nommé Marc, homme quelque peu volume du Tlientrum chimicum, compilé par
lettré, qui couchait dans un même lit avec Zetzner; Strasbourg, 1639.
son jeune frère. Marc, diins le sommeil, crut BARRABAS. « Quand les sorcières sont
voir une personne assise au chevet du lit, entre les mains de la justice, dit Pierre De-
qui lui coupait les cheveux du haut de la lancre [k], elles font semblant d'avoir le dia-
tète. A son réveil il se trouva rasé, et ses ble leur maître en horreur, et l'appellent par
cheveux jetés au milieu de la chambre. La — dédain Barrahas ou Barrabam. »
même chose arriva, dans le môme temps, à BAllTHOLlN (TuoMAs), né à Copenhague
un jeune garçon qui dormait avec plusieurs en 1619. On rec herche de lui le livre De Un-
autres dans une pension. Il vit entrer par la guento armario. Ce traité de la poudre de
fenêtre deux hommes vêtus de blanc, qui sympathie se ressent du temps et de la cré-
lui coupèrent les cheveux comme il dormait. dulité de l'auteur; on y trouve cependant
A son réveil, on trouva ses cheveux répan- des choses singulières et qui ne sont pas in-
dus sur le plancher. —
« A quoi cela peut-il dignes de quel(|ue attention.
être attribué, dit D. Calmet (3), si ce n'est à BARTHOLE, jurisconsulte, mort à Pérousc
des follets? » — ou aux compagnons de lit? en 1356. Il commença à mettre de l'ordre
Il y a quelques lutins, du genre de ceux- dans la jurisprudence; mais on retrouve les
là, qui ont fait pareillement les fonctions de bizarreries de son siècle dans quelques-uns
barbiers. Les contes populaire» de l'Allema- de ses ouvrages. Ainsi, pour faire connaître
gne vous apprendront que les revenants la marche d'une procétlure, il imagina un
peuvent ainsi faire la barbe aux vivants. procès entre la sainte Vierge et le diable,
BARlilEKI. Dialogues sur la mort et sur jugé par Notre-Seigneur Jésus-Christ (5).
les âmes séparées Dialoijhi delta morte e
: Les parties plaident en personne: Le diable
dell' anime separate, di Barbieri. Jn 8°. Bulo- demande que le genre humain rentre sous
gna, 16C0. son obéissance; il fait observer qu'il en a été
BAHBU. On appelle démon barbu le démon le maître depuis Adam; il cite les lois qui
qui enseigne le secret de la pierre philoso- établissent que celui qui a été dépouillé
phale; on le connaît peu. Sou nom semble- d'une longue possession a le droit d'y ren-
rait indiquer que c'est le même que Barba- trer. La sainte Vierge lui répond qu'il est
los, qui n'a rien d'un démon philosophe. Ce un possesseur de mauvaise foi, et que les
n'est pas non plus Barbas, qui se mêle de lois qu'il cite ne le concernent pas. On épuiso
mécanique. On dit que le démon barbu est des deux côtés toutes les ressources de la
ainsi appelé à cause de sa barbe remar- chicane du quatorzième siècle, et le diablu
quable. est débouté de ses prétentions.
BAUESTE (EuGiiS;NE), auteur de la Fin des BARTON (Elisabeth), religieuse de Kent,
l'emps et de quelques prophéties du moins qui prévit et révéla, en 1323, les excès où
très-spirituelles. Il est le réducteur de i'Alma- tomberait bientôt le schisme qu'elle voyait
nach prophétique, pittoresque et utile, la plus naître en Angleterre. Les partisans de
remarquable assurément de ces légères pro- Henri VllI s'écrièrent (ju'elle était possédée
ductions que chaque année ramène. du diable. La protection de Thomas Morus,
BAUKOKEBAS ou BAIlCHOCHliBAS, im- loin de la sauver, la perdit en 1333, celte
:

posteur qui se fit passer pour le Messie juif, pieuse et sainte Gllo fut mise à mort avec
sous l'empire d'Adrien. Après avoir été vo- beaucoup d'autres, sous prétexte de sorcel-
leur de grand chemin, il changea son nom
de Barkoziba, fils du mensonge, en celui de (4) Taliloau de l'iiiconstaace des maavais anges, etc.,
liv. VI, dise. 3. l'aris, 1612.
(1) HiTgier, Dict. lliéolog. au mot Barbelios. (5) Ce siniîulier ouvrage, intitulé:
Processus Sat:iii m
1%) l.ib. XVI, epist. 27. cniilra Virgiiiem curain judiceJesu, esl impriiui djuo 1*
(i) Dissurtallofl sur lusapiiariUous, Processus jurisjocoserius. Iu-8°. Haiiau, 1611.
f73 niCTlONNAlBE DES SCIENCES OCCULTES 180

Irric , par les réformés qui se vantaient


,
BASILIC, serpent, lOng d'un demi-
petit
d'apporter la Itiniicre et la liberté mètre, qui n'a été connu que des anciens. Il
BAS. Qui a chaussé un de ses bas à l'en- avait deux ergots, une tôtc et une crôte do
vers, recevra dans la journée un conseil,
— coq, des ailes, une queue de serpent ordi-
probablement celui de le retourner. naire, etc. Quelques-uns disent qu'il naît de
BASCANIE, sorte de fascination employée l'œuf d'un coq couvé par un serpent ou par
par les magiciens grecs; elle troublait lelle- un crapaud. Boguet, au chapitre li de ses
ment les yeux, qu'on voyait tous les objets à Discours des sorciers, le fait produire de l'ac-
rebours blanches les choses noires, rondes
:
couplement du crapaud et du coq, comme le
les choses pointues, laides les plus jolies mulet naît d'un âne et d'une jument.
figures, et jolies les plus laides. C'est une opinion encore répandue dans
BASILE. Michel Glycas (1) raconte que les campagnes que les vieux coqs pondent
,

l'empereur Basile, ayant perdu son Gis bicn- un œuf duquel naît un serpent. Ce petit œuf,
aimè, obtint de le revoir peu après sa mort, imparfait n'est , comme on sait que l'effet
,
,

par le moyen d'un moine magicien; qu'il le d'une maladie chez les poules ; et l'absurdité
vil en effet et le tint embrassé assez long- de ce coule bleu n'a plus besoin d'être démon-
temps, jusqu'à ce qu'il disparût d'entre ses trée.
bras. « Ce n'était donc qu'un fantôme qui Il est possible que les anciens, dans leurs

parût sous la forme de son fils (2). » expériences, aient pris des œufs de serpent
BASILE-VALENTIN , alchimiste, qui est pour des œufs de coq. Voyez Coq. Quoi —
pour les Allemands ce que Nicolas Flamcl qu'il en soit, on croit que le basilic tue de ses
est pour nous. Sa vie est mêlée de fables qui regards; et Malhiole demande comment on a
ont fait croire à quelques-uns qu'il n'a ja- su que le basilic tuait par son regard , s'il a
mais existé. On le fait vivre au douzième, au tué tous ceux qui l'ont vu. On cile toutefois
treizième, au quatorzième et au quinzième je ne sais quel historien qui raconte qu'A-
,

siècle; on ajoute même, sans la moindre lexandre le Grand, ayant mis le siôge devant
preuve, qu'il était béuédictiu à Erfurt. C'est une ville d'Asie, un basilic se déclara pour
lui qui, dans ses expériences chimiques, dé- les assiégés, se campa d^ms un trou des rem-
couvrit l'antimoine, qui dut son nom à cette parts et lui tua jusqu'à deux cents soldats
,

circonstance , que , des pourceaux s'étant par jour. Une batterie de canons bien servie
prodigieusement engraisses pour avoir avalé n'eût pas fait mieux.
ce résidu de métal, Basile en fil prendre à « Il est vrai ajoute M. Salgues (10) que si
,
,

des religieux, qui en moururent. le basilic peut nous donner la mort, nous
On comple que, longtemps après la mort pouvons lui rendre la pareille en lui présen-
de Basile-Valcntin, une des colonnes de la tant la surface polie d'un miroir les vapeurs
:

cathédrale d'Erfurt s'ouvrit comme par mi- empoisonnées qu'il lance de ses yeux , iront
racle, et qu'on y trouva ses livres sur l'al- frapper la glace, et, par réllexion, lui renver-
chimie. Les ouvrages de Basile, ou du moins ront la mort qu'il voudra donner. C'est Ari-
ceux qui portent son nom, écrits en haut slote qui nous apprend celte particularité. »
allemand, ont été traduits en latin, et quel- Des savants ont regardé en face le serpent
ques-uns du latin en français. Les adepti'S qu'oa appelle aujourd'hui basilic, et qui n'a
recherchent de lui VAzoth (3) , les Douze pas les accessoires dont les anciens l'ont
Clefs de la philosophie de frère Basile-Valen- embelli; malgré tous les vieux contes, ils
lin, traitant de la vraie médecine métalli- sont sortis bien portants de celte épreuve.
que (k), à la suite de la traduction de l'Azoth, Mais, nous le répétons, le replile auquel les
iu-12, 1660; in-S", 1669; \ Apocalypse chimi- modernes donnent le nom de basilic, n'est
que (5) la Révélation des mystères des tein-
; peut-être pas le basilic des anciens ; car il y
tures essentielles des sept métaux et de leurs a des races perdues.
vertus médicinales (6), in-4°, Paris, 1646; du BASILIDE , hérétique du deuxième siè-
Microcosme, du grand mystère du monde et cle, qui se fit un système en mêlant les prin-
de la Médecine de l'homme (7); Traité chi- cipes de Pythagoré et de Simon, les dogmes
mico -philosophique des choses naturelles et des chrétiens et les croyances des Juifs. Il
surnaturelles des minéraux et des mé- prétendit que le monde avait é;é créé par
taux (8); Ilaliographiti, de la préparation, de les anges. « Dieu (Abracax), disait-il, pro-
l'usage et des vertus de tous les sels miné- duisit l'Intelligence laque le produisit lu
,

raux, animaux et végétaux, recueillis par Verbe, qui produisit la Prudence; la Pru-
Antoine Solmincius, dans les manuscrits de dence eut deux filles la Puissance et la Sa-
:

Basilc-Valentin (9j, etc. La plupart de cis gesse, lesquelles produisirent les vertus, les
ouvrages ont fait faire des pas à la chimie princes de l'air et les anges. Les anges étaient
utile. de trois cent soixante-cinq ordres ; ils créèrent

il)
Annal., part. t. (7) De microscomo, deque magno niundi niystcrio et
i) \). Cahnei, Dissprtalion des revenants en corps, medicina hoiiiinis. Marpur;;, 1609. In-S".
(8) Tractalus cliimico-pliilosopliicus de rébus
cb. XVI. natnrali-
(3) Aïolh, sive aureli» philosopborutu. Francfort, 1613. bus et prseterualuralibui uietallorum et iniaeraliniD. Franc-
In-4», traduit en français eu t660. fort, 1676. In-8°.
(4) Praciica, una cuui duodeciin clavibiis et appendice. (9) Haliographia
, de Prseparationc , usu ac vlriulibu»
Francfort, 1618. ln-4». omuiuui saliuui miueralium, animaliuiii ac vegetabilimn ,
iS)
Apocalypsis chimica. Erfurt, 162i. In-8". ex nianuscriplis lîasilii Valcutini collecta ab Antonio Sal-
6) Manifeslalio arlificioiiim, etc. Erfurt, lG2i. \a-i°, tnincio. Bologne, 16<4. tn-8°.
Ll traduction dont ou indique le titre est de J. Israël. (10) DssLrreurs et dos préjugés, etc.t t, p. 113.
ist BAT BAU im
trois cent soixante-cinq deux ; les anges du on à Tolentino dans la marche d'Ancône,
, ,

•lornier ciel firent le monde sublunairc ; ils un bâton dont on prétend que le diable a fait
s'en partagèrent l'empire. Celui auquel ccliu- usage.
renl les Juifs étant puissant, Qt pour eux BATON DU BON VOYAGEUR. « Cueillez,
beaucoup de prodiges; mais, comme il vou- le lendemain de la Toussaint, une forte branche
lait soumettre autres nations, il y eut des
les de sureau, que vous aurez soin de ferrer par
querelles et des guerres rt le mal fit de , le bas; ôli'z-en la moelle; mettez à la place
grands progrès. Dieu ou l'Elre supérieur, , les yeux d'un jeune loup, la langue et le cœui
touohé dos misères d'ici-bas, envoya Jésus, d'un chien, trois lézards verts et trois rœun
son premier Fils, ou la première intelligence d'hirondelles, le tout réduit en poudre par la
créée, pour sauver le momie. Il prit la ligure chaleur du soleil , entre deux papiers sau-
d"un honune, miracles qu'on raconte,
fit les poudrés de salpêtre placez par-dessus, dans ;

et ,
pendant la passion , il donna son appa- le cœur du bâion sept feuilles de verveine,
,

rence à Siméon le Cyrénéen, qui fut crucifié caeiilies la veille de la Saint-Jean-Baptiste,


pour lui, pendant que, sous les traits de Si- avec une pierre de diverses couleurs qui se
méon, il se moquait des Juifs; après quoi il trouve dans le nid de la huppe; bouchez en-
remonta aux cicux sans avoir été précisé- suite le bout du bâlon avec une pomme à
ment connu. » votre fantaisie, et soyez assuré que ce bâton
Basilidc, à cô'é de ce système étrange, en- vous garantira des brigands des chiens en- ,

seignait encore la niéleiripsycoso, et il don- ragés des bêtes féroces des animaux veni-
, ,

nai! aux hommes deux âmes pour accorder ,


meux, des périls, el vous procurera la bien-
les combats qui s'élèvent sans cesse entre la veillance de ceux chez qui vous loge-
raison et les passions. rez... »
irès-habiie, ajoule-t-on, dans la ca-
11 était Le lecteur qui dédaigne de tels secrets , ne
bale des Juifs. C'est lui qui inventa le puis- doit pas oublier qu'ils ont eu grand crédit,
sant talisman Abracadahra , dont nous avons el qu'on cherche encore, dans beaucoup de
parlé, et dont l'usage fut longtemps extrême- villages, à se procurer le bâlon du bon voya-
ment répandu. 11 fit un évangile apocryphe et geur...
des prophéties qu'il publia sous les noms de BATRACHYTE, suivant quepierre qui ,

Barcabas et de Barcoph. il plaçait Dieu dans l'indique sonnom grec se trouve dans le ,

le soleil, et révérait prodigieusement les trois corps de la grenouille, el qui a , disent les
cent soixante-cinq révolutions de cet astre bonnes gens de grandes vertus contre les
,

autour de la terre. Voy. Abràcax. poisons el contre les maléfices.


BASILICS. Il y eut à Rome, du temps BATStJUM-BASSA ou BATSCUM-PACHA,
de saint (Irégoire un sénateur de bonne et
, démon turc que l'on invoque en Orient
ancienne famille, nommé Baslliu'*, magicien, pour avoir du beau temps ou de la pluie. Ou
scélérat el sorcier lequel s'étanl rendu
, , se le rend favorable en lui offrant des tarti-
moine pour éviter la peine de mort, fut en- nes de pain grillé, dont il est très-friand.
fin brûlé avec son compagnon Prétextatus, BAUME UNIVERSEL, élixir composé par
comme lui sénateur romain et de maison les alchimistes : c'est, disent-ils, le re-
illustre « Ce qui montre, dit Delancre (1),
: mède souverain el infaillible de toutes les
que la sorcellerie n'est pas une tâche de sim- maladies, li peut même, au besoin, ressusciter
ple femmelelle, rustiques et idiots. » des moris. Voy. Alchimie.
BASSANTIN (Jacques) astrologue écos- , On conte dans la Franche-Comté sur lo
, ,

sais qui, en 1562, prédit à sir Robert Melvil, baume universel une facétie fort triviale,
,

si l'on encroitles mémoires de JacquesMelvil, que pourtant nous pouvons citer, en récla-
son frère, une partie des événements arrivés mant l'indulgence du lecteur.
depuis à MarieStuart, alors réfugiée enAngle- Un alchimiste de Besançon avait trouvé la
terre. Il ne fallait pour cela que quelque con- pierre philosophale, l'élixir de longue vie et
uaissancedu temps et des hommes. Les autres le baume universel. Avec la première décou-
prédictions de Bassanlin ne se réalisèrent pas. verte, il était sûr d'être l'homme le plus riche
San grand traité A' Astronomie , ou plutôt de la terre; et comme son élixir lui assurait
d'ylsïro/or/te, a été publié en français et en la tin. une vie qui ne finirait pas de longtemps il ,

3n cherche de Genève , 1599,


l'édition laiine n'atiachail d'intérêt à soiî baume, qu'autant
que les éditeurs appellent ingens et doctum qu'avec ce puissant remède il pourrait étro
votumen. Tous ses ouvrages présentent un utile à ses semblables. Ce baume guérissait
mélange d'heureuses observations et d'idées toute espèce de blessure aussi vile que la
superstitieuses (2). pensée; il ne laissait aucune trace de cica-
BATELEURS, faiseurs de tours en plein trice. Mais la foule douta. Pour prouver l'ef-
air avaleurs de couleuvres , d'étoupes et de
, ficacité de son remède, l'alchimisle se fit des
baguettes , qui passaient autrefois pour sor- plaies, se coupa la main , et même la tête, s;
ciers , comme les escamoteurs et môme les l'onen croit la chronique, puis il rétablit parfai-
comédiens. tement les choses. 11 n'avait pas encore ga-
BATHYM. — Voy. Marthvm. gné avec tout cela la confiance générale. Les
BATON DU DIABLE. On conserve, dit- ignorants disaient C'est un magicien qui
: —
Delancre, de l'Ioconslauce des démons, etc., liv. IV,
(1) lionde l'usage de cet inst riimenl. In-8°. Paris, 1617. SiipfT
p.416 nialhemalica genetliliac;i; aiilliinetica; luusica secuudui*
(2i Aslronomia Jaeobi Basjjaniini Scoli, etc. la-fol. Ge- i'IaloiieiB ; de iiiaUifii iii geuere, etc.
oéve. 19t)'J' l'aiaplirasu de l'a^Urulabe, avec lum exphca-
«S5 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. tu
nous fascine yeux les médecins
les ; C'est : — gne en Brabant. On trouve aussi la marque
un charlatan un imposleur. Le savant,
et d'un de ses fers sur un rocher près de l)i-
piqué promit une grosse somtne d'argent à
,
nant.
quiconque voudrait se laisser couper quelque BAYEMON. Le grimoire attribué stupi-
membre, qu'il s'engageait à remellre au péril dement au pape Honorius donne ce nom
(le sa vie. L'appât du gain lui amena Irois à un roi de l'occident infernal. On le conjure
Savoyards. A l'un il coupa la main gauche; par cette prière « Oroi Bayemon, très-fort,
:

il arracha les yeux à son camarade il relira ; qui règnes aux parties occidentales, je t'ap-
les intestins du troisième, après quoi il posa pelle et invoque au nom de la Divinité je le ;

du baume sur les plaies, et les trois patients commande, en vertu du Très-Haut, de m'cn-
ne sentirent pas la moindre incommodité. voyer présentement devant ce cercle (on
Pour rendre le prodige plus éclatant, quel- nomme l'esprit dont on veut se servir Pas-
qu'un ayant demandé qu'on laissât un inter- siel,Rosus, etc.), et les autres esprits qui le
valle entre le dégât et le rétablissement, l'al- sont sujets, pour répondre à tout ce que je
chimiste , sûr de ses moyens , voulut bien leur demanderai. Si tu ne le fais, je te tour-
attendre au lendemain. 11 lit porter à son menterai du glaive du feu divin ; j'augmen-
logis les pièces enlevéï'S , et les recommanda terai tes peines et te brûlerai. Obéis, roi
à sa servante, qui négligea la commission. Bayemon (1).»
Pendant qu'elle était dehors, ayant laissé le BAYER. En 1726, un curé du diocèse de
tout dans un saladier un chien mangea les
, Constance, nommé Bayer, pourvu de la cure
intestins et le reste. Dans la peur d'une ré- de Rutheim fut inquiété par un spectre
,

primande , la servante soupçonnant le chat, ou mauvais génie qui se montrait sous la


l'assomma, prit ses yeux, qu'elle mit sur une forme d'un paysan mal velu, de mauvaise
assiette, acheta les tripes d'un cochon qu'on mine et très-puant. 11 vint frapper à sa
venait de tuer , et courut au gibet où elle , porte; étant entré dans son poêle, il lui dit
coupa la main d'un Clou qu'on avait pendu qu'il était envoyé par le prince de Constance,
le matin. son évêque, pour certaine commission qui
Le lendemain, tout Besançon se rassembla se trouva fausse. Il demanda ensuite à man-
à de l'alchimiste. Les trois compa-
la porte ger. On lui servit de la viande, du pain et du
gnons arrivèrent. Le savant remit au pre- vin. 11 prit la viande à deux mains et la dé-
mier la main du pendu; par un hasard qui vora avec les os, disant : «Voyez comme je
n'a rien de surprenant, la servante avait pris mange la chair et les os; faites-vous de
au filou sa main droite, tandis qu'il fallait même (2)? «Puis il prit le vase où était le
une main gauche , ce qui parut singulier ; vin, el l'avala d'un trait; il en demanda
cependant un passa outre, en soutenant au d'autre qu'il but de même. Après cela il se
Savoyard que c'était bien sa main. Les yeux retira sans dire adieu; et la servante, qui le
du chat s'ajustèrent dans la tête du second ;
conduisait à la porte, lui ayant demandé
les intestins étrangers furent remis au troi- son nom, il répondit : «Je suis né à llutsin-
sième. Toutes les plaies disparurent; tout le gue, et mon nom est Georges Kaulin;» ce
monde cria au prodige. La réputation de l'al- qui était faux encore.
chimiste fut faite. Il passa le reste du jour à se faire voir
Ou ajoute que les trois hommes rajustés se dans le village, et revint, le soir à minuit, à
rencontrèrent un an après. —
C'est singulier, la porte du curé, en criant d'une voix terri-
dit le premier, la main qu'on m'a raccommodée ble Mynheer Bayer, je vous montrerai qui
:

ne peut plus s'empécherde voler loutceiju'elle je suis...


rencontre.— Et moi, dit l'autre, depuis qu'on Pendant trois ans, il revint tous les jours
m'a remisles yeux, je vois plus clair la nuit que vers quatre heures après midi, et toutes les
le jour. —
Pour mon comple, dit le troisième, nuits avant le point du jour. Il paraissait
mon aventure m'a donné des goûts inconce- encore sous diverses formes, tantôt sous la
vables je ne puis pas voir une auge à porcs
: figure d'un chien barbet, tantôt sous celle
•ans être tenté d'y aller prendre ma part. d'un lion ou d'un autre animal terrible;
BAVAN (Madeleine), sorcière du dix- quelquefois sous les traits d'un homme, sous
septième siècle, qui raconta en justice les ceux d'une femme; certains jours il faisait
orgies infâmes du sabbat, auxquelles, comme dans la maison un fracas semblable à celui
tant d'autres âmes perdues elle avait pris d'un tonnelier qui relie des tonneaux; d'au-
part. Voy. sabbat, boucs, etc. trefois, on aurait dit qu'il voulait renverser
BAXTER, écrivain anglais qui publia, à la le logis par le grand bruit qu'il y causait.
findu dix-septième siècle, un livre intitulé : Le curé fit venir comme témoins le marguil-
Certitude du monde des esprits. 1er el d'autres personnes du village. Le spec-
BAYARD, cheval des quatre fils Aymon. tre répandait partout une odeur insuppor-
Il avait la taille d'un cheval ordinaire lors- table, mais ne s'en allait pas. On eut recours
qu'il ne portait qu'un des frères, et s'allon- aux exorcismes qui ne produisirent aucun
geait lorsqu'il les fallait porter tous quatre. effet; on résolut de se munir d'une branche
Ou comple beaucoup de merveilles sur celte bénite le dimanche des Rameaux, el d'une
monture célèbre, qui se distinguait surtout épée aussi bénite, du s'en servir contre
et
par une vitesse incroyable, et qui a laissé la le spectre. On le fois, et depuis ce
til deux
trace d'un de ses pieds dans la forél de Soi- temps il ne revint plus. Ces choses rappor-
(1) Grimoire du pape Honorius.
m Dom Calmci, Traittt sur les apparilioas, clc, t. II, Cm. 48.
tas BEA BEII 18}
tées par dota peuvent s'expliquer
C.ilrnel, BEBAL, prince de l'enfer, assez inconnu.
par.lfs frayeurs qu'un garnement aura cau- Il est de la suite de Paymon. Voy. ce n.ol.
sées au curé, frayeurs qui ont pu lui don- BEGHARÏ), démon désigné dans les Clavi-
ner des visions. cules de Sa/omon comme ayant puissance sur
BAYER (Jeas), ministre protestant, né à les vents et les tempêtes. 11 fait grêler, ton-
Augsbourg au seizième siècle. On reclicrche ner et pleuvoir, au moyen d'un maléfice qu'il
de lui une thèse sur cette question : « Si l'exi- compose avec des crapauds fricassés et au-
slence des anges peut se démontrer par les tres drogues.
seules lumières naturelles (1)?» BECHET, démon que l'on conjure le ven-
BAYLE (François), professeur de méde- dredi. Voy. Conjurations.
cine à Toulouse, mort en 1709. Nous ne ci- BEDE (le vénérable), né au septième
terons de ses ouvrages que la Relation de siècle, dans
le diocèse de Durham, en An-
l'état de quelques personnes prétendues possé- gleterre. 11 mourut à soixanle-trois ans. On
dées, faite de l'autorité du parlement de Tou- dit qu'il prévit l'heure précise de sa mort.
louse, in-12; Toulouse 1682. Il veut prouver Un instant avant d'expirer, il dictait quel-
que les démoniaques, s'ils ne sont pas des ques passages qu'il voulait extraire des œu-
charlatans, sont très-souvent des fous ou des vres de saint Isidore le jeune moine qui
;

malades. écrivait le pria de se reposer parce qu'il par-


BAZINE, célèbre reine des Tongres, qui lait avec peine : —
Non, répondit Bède, pre-
épousa Childéric et qui fut mère de Clovis. nez une autre plume, et écrivez le plus vite
Elle est représentée par les vieux historiens que vous pourrez. —
Lorsque le jeune homme
comme unehabiie magicienne. Onsaitqu'ellc eut dit : —
C'est fait. —
Vous avez dit la vé-
était femme de Bising, roi des Tongres ; que rité, répli(iua Bède; et il expira. Peu de

Childéric, chassé de ses Etats par une révo- temps après sa mort, on dit qu'il se fit voir
lution et réfugié à la cour de Bising, plut à à un moine nommé Gamèle, à qui il témoi-
sa femme; que lorsqu'il fut rétabli sur le gna le désir d'être enterré à Durham au-
trône, B;izine quitta tout pour venir le trou- près de saint Cuthbert. Ou se hâta de le sa-
ver. Childéric l'épousa. Le soir de ses noces, tisfaire, car ou avait un grand respect pour
quand elle fut seule avec lui, elle le pria de sa mémoire.
passer la première nuit dans une curieuse BEHEMOTH, démon lourd et stupide,
observation. Elle l'envoya à la porte de son malgré ses dignités. Sa force est dans ses
palais en lui enjoignant de venir rapporter reins, ses domaines sont la gourmandise et
ce qu'il y aurait vu. —
Childéric, connais- les plaisirs du ventre. Quehjues démonoma-
sant le pouvoir magique de B,izine,qui était nes disent qu'il est aux enfers sommelier et
un peu druidesse, s'empressa d'obéir. 11 ne grand échanson. Bodin croit (4) quc-Béhé-
fut pas plutôt dehors, qu'il vit d'énormes moth n'est autre chose que le Pharaon d'E-
animaux se promener dans la cour c'étaient ; gypte qui persécuta les Hébreux. 11 est parlé
des léopards, des licornes, des lions. Etonné deBéhémoth dans Job, comme d'unecréatare
de ce spectacle, il vint en rendre compte à monstrueuse. Des commentateurs préten-
son épouse; elle lui dit, du ton d'oracle dent que c'est la baleine, et d'autres que
qu'elle avait pris d'abord, de ne point s'ef- c'est l'éléphant mais il y eut d'autres mon-
;

frayer, et de retourner une seconde fois et stres dont les races ont disparu. On voit dans
même une troisième fois. 11 vit à la seconde le procès d'Urbain Grandier que Béhémoth
fois des ours et des loups, et à la troisième des est bien un démon. Delaiicre dit qu'on l'a
chiens et d'autres petits animaux qui s'en- pris pour un animal monstrueux, parce qu'il
tre-déchiraient. —
«Les prodiges que vous se donne la forme de toutes les grosses bê-
avez vus, lui dit-elle, sont une image do queBéhémoih se déguise aussi
tes. 11 ajoute
l'avenir; ils représentent le caractère de avec perfection en chien, en renard et en
toute notre postérité. Les lions et les licor- loup.
nes désignent le (ils qui naîtra de nous ; les Si Wierus, notre oracle en ce qui concerne
loups et les ours sont ses enfants, princes les démons, n'admet pas Béhémoth dans son
vigoureux et avides de proie; et les chiens, inventaire de la monarchie infernale, il dit,
c'est lepeuple indocile aujougde ses muîlres, livre I", des Prestiges des démons chapitre ,

soulevé contre ses rois , livré aux passions 21, que Béhémoth ou l'éléphant pourrait bien
des puissants et souvent victime (2j.» Au — être Satan lui-même, dont on désigne ainsi
reste, on ne pouvait mieux caractériser les la vaste puissance.
rois de cette première race; et si la vi-^ion Enfin, parce qu'on lit dans le chapitre 40
n'est qu'un conte, il est bien imaginé (3j. de Job que Béhémoth mange du foin comme
BEAL. — Voy. Bérith. un bœuf, les rabbins ont fait de lui le bœuf
BEALVOYS de CHAUVINCOUKT ,
gentil- merveilleux réservé pour le festin de leur
homme imprimer en 1509 un
angevin, (il Messie. Ce bœuf est si énorme, disent-ils,
volume intitulé Discours de la Lycanthro-
: qu'il avale tous les jours le foin de mille
pie ou de la Iransmulalioa des hommes en montagnes immenses, dont il s'engraisse de-
loups. puis le commencement du monde. 11 ne quitte

(1) An Aiipetonitn exislenlla a solo luiniiie naliirali pos- seraient un jour renversés du Irôiie par tes grands et la
sU (Jemonsirari? ln-i°.Witii bergje. lUo8. peuple, dont les pelils anim.aix éwieiit la ligure.
(2) Selon il'autres cliroiiiciues, eils ilil ((lie les lions et (5) Ureux du liadier, Tableiles des reines de l'"rauce.
los licornes représenlaienl Cluvis, les loups el les ours (tj Dciuonoinauiedes sorciers, liv. I, cb. i.

SCS eulanls, cl les cliicns lea Jerniors rui» de race, nui U


IS7 DICTIONNAIIIE DES SCIENCES OCCL'LTKS. <•?»

jamais ses mille monlagiies, ou l'hprbe qu'il wereld (le monde ensorcelé), imprimé plu-
a inaiigce le jour repousse la nuit pour lo sieurs fois, et traduit on français sous ce
lendemain. Ils .ijonlent (|ue Dieu tua la fe- litre : « Le monde enchanté, ou examen des
melle de ce bœuf au eonimenconiont; car on communs senlimonts toucliant les esprits,
ne pouvait laisser multiplier une telle race. leur nature, leur pouvoir, leur administra-
Les Juifs 9(! proniellonl bien de la joie au tion et leurs opérations, et touchant les
festin oti il fera la pièce ilo résistance. Ils effets que les hommes sont capables de pro-
jurent par leur part du bœuf Béhéniolli. duire parleur communication et leur verlu;
BEHIiRIT, démon sur lequel on a très- divisé en quatre livres; » k forts volumes pe-
peu de renseilîlicmenISjà moins qu'il ne soit tit in-12, avec le portrait de l'auteur (3),
le même que Bérith. Voy. ce mot. Il est cité Amsterdam, 169i.
dans la possession deLoudun. Il avait même L'auteur, dans cet ouvrage, qui lui fit per-
promis d'enlever la culotte du situr commis- dre sa place de ministre (4), cherche à prou-
saire, et de la tenir en l'air à la hauteur de ver qu'il n'y a jamais eu ni possédés ni sor-
deux piques ;ceiqui n'eut pas lieu, à sahon te (1). ciers; que tout ce qu'on dil des esprits malins
Remarquons pourtant que, sur celte pos- n'est que superstitions, etc. Un peu pins
session de Loudun, le calviniste Saint-Albin tard pourtant, dans une défense de ses opi-
a imaginé beaucoup de quolibets, pour écor- nions, il admit l'existence du diable; mais il
nider d'autant l'Eglise romaine, qu'il vou- ajouta qu'il le croyait enchaîné dans le»
lait, comme tant d'autres, démolir un peu, enfers el hors délai do nuire.
— mais qu'on ne démolit pas. 11 ne fallait pas, pour des calvinistes qui se

BEKKER(BALTnsAn), docteur en théologie disent si lolérantsel qui le sonlsi peu, pour-


réformée, et ministre à Amsterdam, i)é en suivre si sérieusement un livre (jue sa pro-
1G34. « Ce Ballhasar Bckkcr, grand ennemi lixité seule devait rendre illisible. « Il y a
de l'enfer éternel ri du diable, et encore plus grande apparence, dil encore V^oltaire, qu'on
delà précision, dil Voltaire, fil beaucoup de ne le condamna que par ledépit d'avoir perdu
bruit en son temps par son gros livre du son temps à le lire. » —
Dans lo livre 1". ou
Monde enchanté. » A\ors la sorcellerie, les premier volume, qui a quatre cents pages,
possessions , étaient en vogue dans toute l'auteur examine les^ sentiments que les pou-
l'Europe, ce qui le détermina à combattre le pies ont eus dans tous les temps ot qu'ils ont
diable. « On eut beau lui dire, en prose et en encore aujourd'hui louchant Dieu et les
vers, qu'il avait tort de l'attaquer, attendu esprits; il parle des divinations, de l'art ma-
qu'il lui ressemblait beaucoup, étant d'une gique, des manichéens et des illusions du
laideur horrible: rien ne l'arrêta; il com- diable; il entre en malièredèsle tome second.
mença par nier absolument le pouvoir de Ce tome ou livre second a 733 pages énor-
Satan et s'cnhardil jusqu'à soutenir qu'il
, mes. L'auteur traite de la puissance des es-
n'existe pas. « S'il y avait un diable, disait- prits, de leur influence, des effets qu'ils sont
il, il se vengerait de la guerre queje lui fais.» capablesdeproduire.il prétend qu'il n'y a
Le laid bonhomme se croyait important. «Les aucune raison de croire qu'il y ait des dé-
ministres, ses confrères, prirent le parti de mons ou auges, ou vice-dieux il s'embarrasse;

Satan et déposèrent Bckker. » cependant avec les anges d'Abraham et de


Il avait déjà fait l'esprit fort dans de prc- Loth; ildit que le serpent qui tenta nos pre-
rédenls ouvrages. Dans l'un de ses catéchis- miers parents n'était pas un diable, mais un
mes, le Mets de carême (2), il réduisait les vrai serpent; il soutient que la tentation do
peines de l'enfer au désespoir des damnés, Notrc-Seigiieur par le diable est une allégo-
cl il en bornait la durée. On l'accusa de rie, ainsi que le combat du diable avec saint
socinianisme , et son catéchisme fut con- Michel que Job ni saint Paul n'ont pas été
:

damné par un synode. Il publia, à l'oeca- tourmenlés corporellement par le diable; il


sion de la comète de 1680, des recherches dit que les possédés sont des malades, que
sur les comètes, imprimées en flamand, in-8, les vrais diables sont les hommes méchants
Leuwarde, 1683. —
11 s'efforce de prouver etc.
,

«jue ces météores ne sont pas des présages de Dans le troisième volume, Bekker veut
malheurs, el combat les idées superstitieu- démontrer, dans le méoïc style prolixe, que
ses que le peuple attache à leur apparition. le commerce avec le diable et les pacles des
Va'I ouvrage fut reçu sans opposition. 11 n'eu sorciers sont des idées creuses; il remarque
fut pas de même de son livre De Betooverde que les livres saints ne font aucune mention

I
(1) Saint-Albin, Histoire des dialilesde Loudun. uuc multitude de libelles. Benjamin Binet l'a réfuté dans
(2) Il publia deux espèces de caiéciiisme en langue hol- un volume intitulé Traité historique des dieux du pa-
:

landaise, Vasle spiie (le Mets d* carême), et Gesneden ganisme, avec desreniarques criliques sur le système de
brood (le Pain coupé). ]lalthasar Bekker. Delft, 1696, in-12. Ce volume se joint
(3) Bekker élail si laid que La Monnoye Ot sur lui celle ordinairement aux quatre de Bekker; il a aussi été im-
épigrainme : primé suus le titre d'Idée générale de la théologia
Oui, par de Satan la puissance est bridés;
toi, païninie, servant de réfutation au système de Balliiasar
Mais lu n'as cependant pas encore assez fait : itf kker, etc. Amsterdam et Trévoux 1699. Les autres
,

Pour nousôler du diable entièrement l'idée, rél'uialions du Monde enchanté sont Melchioris Leydi'k-
:

Bfilter supprime ton portrait, keri dissertalia de vulgalo nuper Bekkeri volumine, etc.
(i) Pendant que les ministres d'Amsterdaiji prenaient lu-S" Ultr;]jecll, 1695. Brevis nieditalio academica de spi-
le parti du diable, un ami de l'auteur le dél'eudit dans riluum actionibus in homiurs spiri-'.ualibus, cujus doclrin»;
on ouvrage intitulé Le Diable Iriowpltant parlant sur
:
,
usus conlra Hckkemm et alios fanaticos exhibelur a i. Zi-
le mont Parnasse; mais le synode qui avait déposé
, pt'liio. lu 8". Fraucorfuili, 1701, elc.
Bekker, uerévo(iua passa scutencc. Ou écrivit conuc lui
189 15KL IJEL loa

d'.icU'sil(' société avec le dialile, que les do- dignités et les faveurs, fait vivre les amis en
vins de l'antiquilé claieiit des iinlicciles sans bonne intelligenee, donne d'habiles servi-
lalenlet sans pouvoir. —
11 se moi|ue, dans teurs. Il commande quatre-vingts légions de
le qualriènie volume, de ceux qui croient à l'ordre des Vertus et de l'ordre des Anges. Il
la magie, et des juges qui condamnent les est exaet à secourir ceux qui se soumettent
sorciers. à lui; s'il y manquait, il est facile de le châ-
BEL, divinité suprême des Chaldéens.Wié- tier, comme fil Salomon, qui l'enferma dans
rus dit que c'est un vieux démon dont la une bouteilleavec toutesses légions, lesquel-
voix sonne le creux (1). Les peuples qui en les font une armée de cinq cent vingt-deux
firentun dieu conlaientqu'au commencement mille deux cent quatre-vingts démons.» Il
le monde n'était qu'un chaos liahilé par des fallait que la bouteille fût de grande taille.
monstres; que Bel les tua, arrangea l'u- Mais Salomon était si puissant que, dans
nivers, se fit couper la tête par un de ses une autre oj:casion, il emprisonna pareille-
serviteurs, détrempa la terre aven son sang ment six mille six cent soixan'e-six millions
cl en forma les animaux et les hommes. de diables qui ne purent lui résister. Des —
BELAAM, démon donloii nesait rien sinon doctes racontent encore que Salomon mit la
qu'en 1C32 il entra dans le corps d'une des bouteille où était Bélial dans un grand puits,
possédées de Loudun, avec Isaacarum et qu'ilreferma d'une pierre, près de Babylone ;
Béliémoth on le força de déloger (2).
: que les Babyloniens descendirent dans co
BELBACHou BELBOG. Voy. Belzebuth. puits croyant y trouver un trésor; qu'ils
BELEPHANTES, astrologue chaldécn qui cassèrent la bouteille, que tous les diables
prédit à Alexandre, selon Diodore de Sicile, s'en échappèrent, et que Bélial , qui avait
que sou entrée à Babylone lui serait funeste: peur d'être repris, se campa dans une idole
ce qui advint, comme chacun sait. qu'il trouva vide et se mil à rendre des
,

BELETTE. Les anciens croyaient que la oracles ; ce qui fit que les Babyloniens l'ado-
belette faisait ses petits par la gueule, parce rèrent ('i-).

qu'elle les porte souvent entre ses lèvres, BELICHE. C'est le nom
qu'on donne au
comme font les chattes. diable à Madagascar. Dans les sacrifices,
Plularque remarque que les Thébains hono- on lui jette les premiers morceaux de la
raient la belette, tandis que les autres Grecs victime, avec la persuasion qu'il ne fait
regardaient sa rencontre comme un présage point de mal tant qu'il a de quoi mettre sous
funeste. la dent.
On prétend que sa cendre, appliquée en BÉLIER. Le diable s'est quelquefois trans-
cataplasme, guérit les migraines et les ca- mué en bélier, et des maléficiés ont subi
taractes; et le livre des Admirables Secrets celle métamorphose. C'est même sur une
<rAlbert le Grand assure que, si on fait man- vieille tradition populaire de cette espèce
ger à un chien le cœur et lu langue d'une qu'Hamillon a bâti son conte du Bélier.
belette, il perdra incontinent la voix. Il Il paraît que le bélier a des propriétés
ajoute imprudemment un secret qu'il dit magiques ; car, lorsqu'on accusa Léonora
éprouvé, et qu'il certifie infailliblo c'est : Galigaï, femme du maréchal d'Ancre, d'avoir
qu'un amateur n'aqu'àmanger Icrœur d'une fiit des sorcelleries on prétendit que, pen-
,

belette encore palpitant pour prédire les cho- dant qu'elle &'occupait des maléfices, elle ne
ses à venir (3)... mangeait que des crêtes de coq et des ro-
BELLVL, démon adoré des Sidonicns. L'en- gnons di- bélier
fer n'a pas reçu d'esprit plus dissolu, plus Pour l'inlluence du bélier, signe du zodia-
crapuleux, plus épris du vice pour le vice que, voyez Astrologie et Horoscopes.
menu;. Si son âme est hideuse et vile, s m BELIN (Albert), bénédictin né à Besan-
extérieur est séduisant, lia le maintien plein çon en 1(510. On recherche parmi ses ou-
de grâce et de dignité. Il eut un culte a So- vrages r le Traité des talismans, ou
:

dome et dans d'autres villes; mais jamais on Figures astrales dans lequel il est montré
,

n'osa trop lui ériger des autels. Delancre dit que leurs effets ou vertus admirables sont
que son nom signifie rebelleou désobéissant. naturels, ensemble la manière de les faire
— Wiérus, dans son inventaire de la monar- et de s'en servir avec profil, in-12, Paris,
chie de Satan, lui consacre un grand article. 1671. On a joint à l'édition de 1709 un traité
« On croit, dit-il, que Bclial, l'un des rois de du même auteur, de la Poudre de sympathie
l'enfer, a été créé immédiatement après Lu- justifiée ; 2° les Aventures du philosophe in-
cifer, et qu'il entraîna la plupart des anges connu en la recherche et invention de la pierre
dans la révolte aussi il fut renversé du ciel
: philosophate divisées en (juatre livres, au
,

un des premiers. Lorsqu'on l'évoque, on l'o- dernier desquels il esl parlé si clairemeul de
blige par des offrandes à répondre avec sin- la manière de la faire que jamais on n'en a
cérité aux questions qu'on lui fait. Mais il traité avec tant de candeur. In-12 ; Paris,
conte bien vite des mensonges, si on ne 1 ad- IGG'i. et 1674.
jure pas, au nom de Dieu, de ne dire que la BELINUNCIA, herbe consacrée à Belenus,
vérité. Il se montre quelquefoissous la figure dont les Gaulois employaient le suc pour
d'un ange plein de beauté, assis dans un char empoisonner leurs flèches. Us lui altribuiiienl
de feu; il parle avec aménité; il procure les lu yerlu de faire tomber la pluie. Lorsque le

(I) De Prœstigiis daem., lib. I, cap. y chaap. III.

(•i) Hialoire des diables de Loudun. Wicrus, iu


(î) \Yi PseudoSnon. daernci
(j) Les Admirables Sccicls U'Alberl lo Grand, liv. Il,

I*! DICTIONNAIEK DES SCIIiiNCES OCCULTES. <9î


pays d'une sécheresse, on cueil-
étnit affligé l'ignoble résidu de la digestion. C'était digne
lait celle herbe avec de grandes cérémonies. de lui. C'est pour cela que certains doctes
Les femmes des Druides clioisis-tnient une ne voient dans Belphégor que le dieu Pit ou
jeane vierge qui déposait ses vêletnenls et Crepitus ; d'autres savants soutiennent qne
marchait à la télé des autres femmes, cher- c'est Priape. —
Selden, cité par Banier. pré-
chant l'herbe sacrée ; quand elle l'avait tend qu'on lui offrait des victimes humaines,
trouvée, elle la déracinait avec le petit doigt dont ses prêlres mangeaient la chair. Wiérus
de la main droite en même temps ses com-
; remarque que c'est un démon (jui a toujours
pagnes coupaient des branches d'arbres et la bouche ouverte; observation qu'il doit
les portaient à la main en la suivant jusqu'au sans doute au nom de Phégor, lequel signifie,
bord d'une rivière voisine ; là , on plongeait selon Leioyer, crevasse ou fendasse, parce
dans l'eau l'herbe précieuse, on y trempait qu'on l'adorait quelquefois dans des ca-
aussi les branches que l'on secouait sur le vernes, et qu'on lui jetait des offrandes par
visage de la jeune fille. Après celte cérémo- un soupirail.
nie, chacun se relirait en sa maison seule- ; BÉLUS, premier roi des Assyriens ; on dit
ment la jeune vierge était obligée de faire à qu'il se fit adorer dans des temples de son
reculons le reste du chemin. vivant. Il était grand astrologue: «J'ai lu
BELLOC (Jeanne), sorcière du pays de dans les registres du ciel tout ce qui doit
Labour, prise à vingt-quatre ans, sous Henri vous arriver, disait-il à ses enfants, et je
IV. Pierre Delancre qui l'interrogea, dit
. vous dévoilerai les secrets de vos destinées.»
qu'elle commença d'aller au sabbat dans 11 rendit des oracles après sa mort. Bélus
l'hiver de 1609 ; qu'elle fut présentée au pourrait être le même que Bel.
diable, dont elle baisa le derrière, car il n'y BELZEBUTH ou BELZEBUfl ou BEELZE-
avait que les notables sorcières qui le bai- BUTH, prince des démons, selon les Ecri-
sassent au visage. Elle conta que le sabbat tures (2); le premier en pouvoir et en crime
est une espèce de bal masqué où les uns se après Satan , selon Milton chef suprême de
;

promènent en leur forme naturelle, tandis l'empire infernal, selon la plupart des dé-
que d'autres sont transmués en chiens, en monographes. —
Son nom signifie seigneur
chats, en ânes, en pourceaux et autres bêles. des mouches. Bodin (3) prétend qu'on n'en
Voy Sabbat. voyait point dans son temple. C'était la di-
BELMONTE, conseiller du parlement de vinité la plus révérée des peuples de Cha-
Provence, qui eut au pied une petite plaie naan, qui le représentaient (iuel(iuefoi'î sous
où la gangrène se mit ; le mal gagna vite, et la figure d'une mouche, le plus souvent avec
il en mourut. Comme il avait poursuivi les les attributs dj la souveraine puissance. 11
sorciers protestants et les perturbateurs ré- rendait des oracles, et le roi Ochozias le
formés, les écrivains calvinistes virent dans consulta sur une maladie qui l'inquiétait;
sa mort prompte un châtiment et un pro- il en fut repris par le prophète Elisée, qui
dige (1). C'était au seizième siècle. lui demanda s'il n'y avait point de Dieu en
BELOMANCIE. Divination par le moyen Israël, pour aller ainsi consulter Belzébulh
des flèches. On prenait plusieurs flèches, sur dans le pays des Philistins. On lui attribuait
lesquelles on écrivait des réponses relatives le pouvoir do délivrer les hommes des mou-
à ce qu'on voulait demander. On en mellait ches qui ruinent les moissons. Presque —
de favorables et de contraires ; ensuite on tous les démonomanes le regardent coimno
mêlait les flèches, et on les lirait au hasard. le souverain du ténébreux empire et chacun ;

Celle que le sort amenait éUn't regardée le dépeint au gré de son imagination. Milton
comme l'organe de la volonté des dieux. lui donne un aspect imposant, et une haute
Celait surtout avant les expéditions mili- sagess' respire sur son visage. L'un le fait
taires qu'on faisait usage de la bélomancie. haut comme une tour; l'autre d'une taille
Les Chaldéens avaient grand'foi à cette di- égale à la nôtre quelques-uns se le figurent
;

vination. sous la forme d'un serpent il en est qui lo ;

Les Arabes encore par trois


devinent voient aussi sons les traits dune femme.
flèches qu'ils enferment dans un sac. Us Le monarque des enfers, dit Palingène
écrivent sur l'une: Commandez-moi, Sei- in Zodiaco vitœ, est d'une taille prodigieuse,
gneur; sur l'autre Seigneur, empêchez-moi,
: assis sur un trône immense ayant le front ,

et n'écrivent rien sur la troisième. La pre- ceint d'un bandeau de feu, la poitrine gonflée,
mière flèche qui sort du sac détermine la le visage bouffi, les yeux élincelants, les
résolution sur laquelle on délibère. Voy. sourcils élevés et l'air menaçant. 11 a les
FLÈcnEs. narines extrêmement larges, et deux grandes
BKLPHÉGOR démon des découvertes et
, cornes sur la tête; il est noir comme un
des inventions ingénieuses. 11 prend souvent Maure : deux vastes ailes de chauve-souris
un corps de jeune femme. 11 donne des ri- sont attachées à ses épaules ; il a deux larges
chesses. Les Moabiles, qui l'appelaient Baal- pattes (le canard, une queue de lion, et de
phégor, l'adoraient sur le monl Pliégor. Des longs ()oils depuis la tête jusqu'aux pieds.
rabbins disent qu'on lui rendait hommage Les uns disent de plus ([ue Belzébulh est
sur la chaise percée et qu'on lui offrait
, encore Priape ; d'autres, comme Porphyre,
(t) Cbassanion, Des Grands ei redoutables jugements v. 15). Los scribes reproclialent au Sauveur qu'il cliassait
de Dieu. Morges. 1581, p. 61. li'S (Ijulilos au uoiii (le Bi.'lz;l>iilli, prince des démons.
(2) Nnii,!-Sei^'neiir Jésus Clirisl mêrriR lui donne oe (.") OJiiiouoMiauif des surciors, liv. IV. ch. m.
noiu fsaint MaUtiii'U, uli. xn, v. 2t; saim Lui-, cli. xi.
m niN BEN f9«

Je confondent avec Baiclius. On a cru le re- de DiiVi ajoute n.énu' qui! fol éirr.itglé par
trouver dans le Beibog, ou Bolbach (dieu blanc) le diable et qu'après sa mort, son ime fut
,

{les Slavons, parce que son ima^c ensan- condamnée à errer dans les foiéls sous la ,

glanlée était toujours couverte de mouches, forme d'une bête sauvage, avec un corps
comme celle de Bclzébulh chez les Syriens. d'ours à longs poils une queue de chat et
,

On dit aussi que c'est le même que Tlulou. une tête d'âne. Un ermite qui le rencontra lui
Il est plus vraisemblable de croire que c'est demanda pourquoi il avait celle figure. « J'é-
B;;al, que Wiérus fait empereur des enfers; tais un monstre, répondit Benoît, et vous
d'autant mieux que Belzébuih ne figure voyez mon âme telle qu'elle a toujours été. »
pus sous son nom dans i'invcn!aire de la Voilà qui est très gracieux. Mais Benoît IX,
monarchie infernale. au contraire, mourut dans la retraite sous le
On voit, dans les Clavicules de Salomon, ciliée, pieusement et saintement, en 105'*. Il
que Beizébuth apparaît quelquefois sous de est encore là une des victimes de la calomnie
monstrueuses formes comme celles d'un , historique.
veau énorme ou d'un bouc suivi d'une longue BKNSOZIA. Certains canonistes des dou-
queue; souvent, néanmoins, il se montre zième et treizième siècles s'élèvent fortement
sous la figure d'une mouche d'une extrême contre les femmes d'alors qui allaient à une
grosseur. Quand il est en colère, ajoutet-on, espèce de sabbat sur lequel il ne nous est
il vomit des flammes et hurle comme un parvenu que très-peu de notions. On disait
loup. Quelquefois enfin Astarolh apparaît à que des fées ou des démons transformés en
ses côtés, sous les traits d'un âne. femmes s'associaient toutes les dames qui
BENEDICT (Jean), médecin allemand du voulaient prendre part à leurs plaisirs; et
seizième siècle. On lui doit un livre sur les que toutes, dames el fées ou démons, moulées
Visions el les révélations naturelles et surna- sur des bêtes ailée», allaient de nuii faire des
turelles, qui n'est presque pas connu (1). courses et des fêtesdaiis les airs. Elles avaient
BtNOlT VIII, ce lit quarante-huitième pape, pour chef la diablesse ou fée Bensozia, à
élu en 1012, mort en 102'». On lit dans Pla- qui il fallait obéir aveuglément avec une sou-
tine, cité par Leloyer et par Wiérus (2), que mission sans réserve. Celait, dit-on, la Diane
quelque temps après sa mort, Benoît VllI des anciens Gaulois ; on l'appelait aussi No-
apparut, monté sur un cheval noir, à un cticula, Hérodias ou la Lune. On voit, dans
saint évêque dans un lieu solitaire et écarté ; des manuscrils de l'église de Cousérans, quo
que l'évéque lui demanda comment il se fai- des dames au quatorzième siècle avaient le
sait, qu'étant mort, il se montrât ainsi sur un renom d'aller à cheval aux courses noctur-
cheval noir. A quoi le pape répondit que, nes de Bensozia. Toutes, comme les sorcières
pendant sa vie, il avait été convoileux d'a- au sabbat, faisaient inscrire leur nom sur un
masser des biens ; qu'il était en purgatoire ; catalogue, et après cela se croyaient fées. On
mais qu'il n'élail pas damné, parce qu'il avait remarquait encore au dernier siècle, à Mont-
fait des aumônes. 11 révéla ensuite le lieu où morillon eu Poitou, sur le porlicjue d'un an-
il avait caché des richesses, et pria le saint cien temple , une femme; enlevée par deux
évêque de les distribuer aux pauvres. — serpents dans les airs. C'était sans doute le
Après cela, le fantôme (selon le récit) se modèle de la contenance des sorcières ou
montra pareillement au pape son succes- fées dans leurs courses de nuit (4).
seur, et le supplia d'envoyer en diligence un BENTHAMÉLÉON. Titus, ayant pris Jéru-
courrier à Oiiilon, abbé de Cluny, pour l'a- salem, publia un édit qui défendait aux Juifs
vertir qu'il priai Dieu pour le r( pos de son d'observer le sabbat et de se circoncire et ,

âme. Odilon le fil ; et peu de jours après on qui leur ordonnait de manger toute espèce de
vit un homme lumineux entrer dans le viande. Les Juifs consternés envoyèrent à
cloître, avec d'autres personnes habillées de Titus le rabbin Siméon, qui passait pour un
blanc, et se mettre à genoux devant Odilon. homme très-habile. Siméon s'étant mis en
Un religieux demanda qui était cet homme chemin avec le rabbin Eléazar, ils rencon-
de si haute apparence, qui faisait tant trèrent un diable, nommé Benthaméléon, qui
d'honneur à l'abbé- Il lui fut répondu que demanda à les accompagner, leur avouant
c était Benoît VIII qui, parles prières d'Odi- quelle éîail sa nature, mais se disant enclin
lon. jouissait de la gloire des bienheureux. à rendre service aux Juifs et leur promettant
BKNOIT IX cent cinquantième pape, élu
, d'entrer dans le corps de la fille de Titus, et
en 1033, dans un temps de troubles, où les d'en sortir aussitôt qu'ils le lui commande-
partis se disputaient Rome. Il eut à lutter raient, afin qu'ils pussent g.igner l'empereur
contre des anti|)apes qui l'ont fort noirci. On par ce prodige. Les deux rabbins acceptèrent
a dit qu'il était et que, renversé du
magicien, sa proposition avec empressement ; et, Ben-
saint-siége par ses ennemis il y remonta , thaméléon ayant tenu parole, ils obtinrent
deux fois par son pouvoir magique. C'est un en effet la révocation de l'édit.
peu niais. On a dt encore avec autant de bon BKRANDE, sorcière brûlée à Maubec, près
sens qu'il prédisaît les choses futures, el qu'il Beaumont de Lomaignie, en 1577. En allant
était habile enchanteur (3). L'auleur cal- — au supplice, elle accusa une demoiselle d'a-
viniste desGranUs et redoutables jugements voir été au sabbat la demoiselle le nia Bé-
; :

(t) Joannis Beriedicli I.ihellusdfi visionibus el revela- {?>) Naudé, pour lous les grands personnages
Apolrij^ie
tioiiibiis iialuralibiis el iJiviiiis. lu-S". Mogiinli;e, 15ii0. souiiçonnésdc magie, ch. xix,
(2) Leloyer, Discours des speclres, liv. VI, cli. xiii. (i) Dom Uurlin, i(elii;iou des Gaulois, l. II, p. 59 et Gti.
Visrus, De l^rscit., lib. 1, cap. xvi.
195 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCILTES. 1)6

rande lui dit —Oublies-tu que la dernière


: mon flambeau; je ne vois rien. Le bruit que
fois que nous fîmes la danse, à la croix du j'entendais ressemblait au mugissement des.
pâle, tu portais le pot de poison?... Et la de- bétcs féroces; il dura toute la nuit. Je souf-
moiselle fut réputée sorcière , parce qu'elle fris trois jours diverses tortures, pendant les-

ne sut que répondre (1) quelles les deux sorcières préparaient leurs
BERBIGUlEll. Alexis-Vincent-Charles Ber- maléfices. Elles ne cessèrent , tant que dura
biguior de Terre-Neuve du Thym, né à Car- leur manège , de me demander de l'argent.
pentras, est un auteur qui vit peut-être en- Il fallait aussi que je fusse là pour leur don-

core et qui a publié en 1821 un ouvrage dont ner du sirop , des rafraîchissements et des
voici le titre Les Farfadets, ou Cous les dé-
: comestibles ; car leurs entrailles étaient dé-
mons ne sont pas de l'autre monde, 3 v. in-8°, vorées par le feu de l'enfer. Elles eurent be-
ornés de huit lithographies et du portrait de soin de rubans de différentes couleurs, qu'el-
l'auteur, entouré d'emblèmes, surmonté de les ne mont jamais rendus. Pendant huit
cette devise: Le F/^au des Far/'adets.— L'auteur jours que dura leur magie, je fus d'une tris-
débute par unedédicaceàtous les empereurs, tesse accablante. Le quatrième jour, elles se
rois, princes souverains des quatre parties métamorphosèrent en chais , venant sous
du monde. —
« Réunissez vos efforts aux mon lit pour me tourmenter. D'autres fois

miens, leur dit-il, pour détruire l'influence elles venaient en chiens J'étais accablé par
:

des démons, sorciers et farfadets qui désolent le miaulement des «ns et l'aboiement des au-
les malheureux habitants de vos Etals. » tres. Que ces huit jours furent longs 1»
11 ajoute qu'il est tourmenté par le diable Berbiguier s'adressa à un tireur de cartes,
depuis vingt-trois ans et il dit que les far-
: qui se chargea de combattre les deux sorciè-
fadets se métamorphosent sous des formes res ; mais il ne lui amena que de nouveaux
humaines pour vexer les hommes. Dans le tourments.
chapitre 2 de son livre il nomme tous ses
, Dans les chapitres suivants, l'aulcur se fait
ennemis par leur nom, soutenant que ce sont dire encore sa bonne aventure et se croit ob-
des démons déguisés, des agents de Beizé- sédé; il entend sans cesse à ses oreilles des
buth ; qu'en les appelant infâmes et coquins, cris de bêles affreuses ; il a des peurs et des
ce n'est pas eux qu'il insulte, mais les démons visions. Il vient à Paris pour un procès, fait
qui se sont emparés de leurs corps. « Ou me connaissance d'une nouvelle magicienne, qui
fait passer pour fou, s'écrie-t-il ; mais si j'é- lui tire les cartes. « Je lui demandai, dit-il,
tais fou, mes ennemis ne seraient pas tour- si je serais toujours malheureux ; elle me
mentés comme ils le sont tous les jours par répondit que non ; que, si je voulais, elle me
mes lardoires, mes épingles, mon soufre, mon guérirait des maux présents et à venir, et
sel, mon vinaigre et mes cœurs de bœuf. » que je pouvais moi-même faire le remède.
Les volumes sonten quelque sorte les
trois Il faut, me dit-elle, acheter une chandelle de

Mémoires de l'auteur, que le diable ne quitte suif chez la première marchande dont la bou-
pas. 11 établit le pouvoir des farfadets il ; tique aura deux issues, et tâcher, en payant,
conte, au chapitre k, qu'il s'est fait dire la de vous faire rendre deux deniers. » Elle rao
bonne aventure en l'î96 par une sorcière recommanda de sortir ensuite par la porte
d'Avignon, appelée la Mansottc, qui se ser- opposée à celle par laquelle je serais entré ,
vait pour cela du jeu de tarots. « Elle y ajou- et de jeter les deux deniers en l'air ce que
;

ta, dit-il, une cérémonie qui, sans doule est , je fis. Je fus grandement surpris d'entendre
ce qui m'a rais entre les mains des farfadets. le son de deux écus au lieu de celui des deux
Elles étaient deux disciples femelles de Sa- deniers.
tan elles se procurèrent un tamis propre à
;
L'usage qu'elle me dit de faire de la chan-
passer de la farine, sur lequel on fixa une delle fut d'allumer d'abord mon feu, de jeter
paire de ciseaux par les pointes. Un papier dedans du sel, d'écrire sur un papier le nom
blanc plié était posé dans le tamis. La Man- de la première personne qui m'a persécuté,
sottc et moi nous tenions chacun un anneau de piquer ce papier dans tous les sens, d'en
des ciseaux, de manière que le tamis était , envelopper la chandelle en l'y fixant avec
par ce moyen, suspendu en l'air. Aux divers une épingle, cl de la laisser brûler entière-
mouvements du tamis, on me faisait des ques- ment ainsi.
tions qui devaieut servir de renseignements à Aussitôt que j'eus tout exécuté, ayant eu
ceux qui voulaient me mettre eu leur posses- la précaution de m'armer d'un couteau en cas
sion. Les sorcières demandèrent trois pois : d'altaque, j'enlemlis un bruit effroyable dans
dans l'un elles enfermèicnt (juclques-uns dos le tuyau de ma cheminée je m'imaginai que
;

tarots jetés sur la table, et prèférahlcment j'étaisau pouvoir du magicien Moreau, que
les caries à figures. Je les avais tirées du jeu j'avais consulté à Paris. Je passai la nuit à
les yeux bandés. Le second pot fut garni de alimenter le feu, en y jetant de grosses poi-
sel, de poivre et d'huile ; le troisième de lau- gnées de sel et de soufre, pour prolonger le
rier. Les trois pots, couverts, furent déposés supplice de mes ennemis... »
dans une alcôve, et les sorcières se retirè- M. Berbiguier fit neuf jours de suite la
rent pour attendre l'effet... Je rentrai chez même opération, sans se voir débarrassé des
mot à dix heures du soir ; je trouvai mes trois farfidets et des magiciens.
croisées ouvertes, et j'entendis au-dessus de Ses trois volumes sont partout de cette
ma tétc un bruit extraordinaire. J'allume force, el nous ne dirons rien de trop en ran-

(1) H. Jules GarincI, Uistoire (le la oiagic en Frani^c , p. 1:^2.


<07
«,'eant cet ouvrnpo pnin)i
RER
rxlrnva- les plus rrr,
i;r:R
m
eut rrgrcî de n'avoir pas été jilus hon-
il
saiites produclions. L'auleur se croyait en
forrespoiidance avec des sorciers et des dé-
néle. —
Comme il s'occupait de ces pensées
il entendit marchorderrière
lui il se retourne'
:
mons. II rapporte dos lettres faites par des cl entrevoit un spectre nu, hideux,
qui le
plaisants assez malhabiles et qu'il atlribue , poursuit... C'est sûremonl un fanlôme
en-
à Lucifer, à Rolhomago et à d'autres dont voyé par le berger... Il pique son cheval
qui
elles portent les signatures. En voici une qu'il no peut plus courir. Pour comble de frayeur
a transcrite scrupuleusement. e spectre saute sur la croupe du
cheval, en-
A M. Berbiguier. lace de ses deux longs bras le corps
du cava-
« Abomination de la délestation, trenible- lier, et se met à hurler. Le
voyageur fait de
nienl de terre, déluge, tempête, vent, co- vains efforts pour se dégager du
mèle, planète, Océan, flux, reflux, génie, monstre,
qui continue de crier d'une voix rauque
sylphe, faune, satyre, Sylvain, Le
driade et cheval s'efiraie et cherche à jeter à terré
liamadriadc sa
! double charge; enfin une ruade de l'animal
» Le mandataire du grand génie du bien et renverse le spectre sur lequel le cavalier
,
du mal, allié de Belzébuth et de l'enfer, com- ose à peine jeter les yeux. Il a une barbe sale
pagnond'armes d'Aslaroth, auteur du péché le teint pâle, les yeux hagards; il fait d'ef-
originel et ministre du Zodiaque, a droit de froyables grimaces... Le voyageur fuit
posséder, de tourmenter, de piquer, de pur-
au
plus vite arrivé au prochain village, il ra-
:

ger, de rôtir, empoisonner, poignarder et li- conte sa mésaventure. On lui apprend que
tifier le très-humble et très-patient vassal le spectre qui lui a causé tant de
frayeur est
Berbiguier, pour avoir maudit la très-hono- un fou échappé qu'on cherche depuis quel-
rable et indissoluble société magique en foi : ques heures (2).
de quoi nous avons fait apposer les armes do Les tnaléfiocs de bergers ont eu quelque-
la société. fois des suites plus fâcheuses. Un
boucher
» Fait au soleil, en face de la lune, le grand avait acheté des moutons sans donner lo pour-
officier, ministre plénipotentiaire, le S818' boire au berger de la ferme. Celui-ci se ven-
jour et la 5819* heure de nuil, grand'croix et gea; en passant le pont qui se trouvait sur
tribun de la société magique. Le présent pou- leur roule, les moutons se ruèrent dans l'eau
voir aura son effet sur son ami Coco (C'était la léte lapremière.
l'écureuil de M. B rbiguior). On conie
aussi qu'un certain berger avait
» THÉSAUUOCUUYSONICOCnRYSIDès. fait un sort avec la corne des pieds
de ses
» Par son ex ellencc le secrétaire, bétes, comme cela se pratique parmi
eux
» PiXCHICni-PiNCHI. pour conserver les troupeaux en santé. Il
» 30 mars 1818. portait ce sort dans sa poche
* P. Sf Dans huit jours tu seras en ma un berger du
:

voisinage parvint à le lui escamoter; et,


puissance; malheur à loi, si lu fais paraître comme il lui en voulait depuis longtemps, il
ton ouvrage » 1
mille sort en poudre et l'enterra dans une
BEUENGEU, hcrétifjue du onzième siècle. fourmilière avec une taupe, une grenouille
Guillaume de Malmesbury raconte (1) qu'.î verte et une queue de morue, en disant :
son lit de mort Bérenger reçut la visite de mauclilion, perdition, destruction; et au bout
son ancien ami Fulbert, lequel recula de- de neuf jours il déterra son maléfice et le
vant le lit (lù gisait le malade, disant qu'il sema dans l'endroit où devait paître le trou-
n'en pouvait approcher, parce qu'il voyait peau de son voisin, qui fut détruit.
auprès de lui un horrible et grand démon D'autres bergers, avec trois cailloux pris
Irès-puanl. Les uns disent qu'on chassa ce en différents cimetières et certaines parole?
démon; d'autres assurent qu'il tordit le cou magiques, donnent des dyssenleries, en voient
à l'hérétique mal converti et l'emporla. la gale à leurs ennemis, et font mourir au-
BERGERS On est encore persuadé, dans tant d'animaux qu'ils souhaitent. C'est tou-
beaucoup de villages, que les bergers com- jours l'opinion des gens du village. Quoique
mercent avec le diable, et qu'ils font adroi-
les bergers ne sachent pas lire, on craint si
tement dos maléfices. Il est dangereux, as- fort leur savoir et leur puissance, dans quel-
sure-t-on, de passer près d'eux sans les saluer;
ques hameaux, qu'on a soin de recommander
ils fourvoient loin de sa route le voyageur
aux voyageurs de ne pas les insulter, cl do
qui les ofl'ense, font naître des orages devant
passer auprès d'eux sans leur demander
ses pas et des précipices à ses pieds. On conte
quelle heure il est, quel temps il fera, ou
là-dessus beaucoup d'histoires terribles. Vov. toile autre chose semblable, si l'on ne veul
•'
Dakîs. avoir des nuées, être noyé par des orages,
Un voyageur, passant à cheval à l'entrée courir de grands périls, et se perdre dans des
d'une forêt du Mans, renversa un vieux ber- chemins les plus ouverts.
ger qui croisait sa route, et ne s'arrêta pas
11 est bon de remarquer que, dans tous
pour relever le bonhomme. Le berger, se leurs maléfices, les bergers emploient des
loui-nant vers le voyageur, lui cria qu'i'l se
Pater, des .,4t«, des ncuvaines de chapelet.
youviendrait de lui. L'homme à cheval ne fit
Mais ils ont d'autres oraisons et des prières
pas d'abord allenlion à cette menace ; mais
pour la conservation des troupeaux. V'uy.
tiientôt, rélléchlssant que le berger pouvait
ÏROLPEAUx; et pour l'histoire des bergers ua
lui jelcr un maléfice, et tout au moins
l'éga- Brie, Voy. Hococe.
(1) In Uistoria Anglor. sub Gulliclmo I.
(2) Madame Gabrielle de P"', Hist. dos Faciûme», eic.,

p. 20o.
irfl DIOTIONNAIUE DES SCIENCES OCCULTES. ÎOC

BERITH.duc aux onfors, prand el terrible. but, il fallait que le ùneteur irlandais eût en
Il osl connu sous trois nom';; quelques-uns sa possession une créature humaine, dont il
le nomment Béai, les Juifs Bérilh et les né- ne dût plus rendre compte que devant Dieu.
cromaneiens Bolfri. Il se montre sous les Le point embarrassant était de savoir où
traits d'un jeune soldat habillé de rouge des rencontrer le sujet nécessaire à son auda-
pirds à la léte, monté sur un cheval de cieuse expérience. Berkeley se mit donc en
même couleur, portant la couronne au front ;
campagne pour le trouver ; el, plus d'une fois,
il répond sur le passé, le présent et l'avenir. au moment où il croyait le tenir, son espoir
On le maîtrise par la vertu des anneaux ma- fut trompé, cl il se vit forcé d'aller chercher
giques; mais il ne faut pas oublier qu'il est plus loin la victime qu'il voulait offrir en sa-
souvent menteur. 11 a le (aient de changer crifice à la science. »
tous les métaux en or aussi on le nganle : Enfin, après bien des recherches el bien
quelquefois comme le démon des alchimistes. des tentatives infructueuses, « il a en sa pos-
Il donne des dignités et rend la voix des session une créature abandonnée des hom-
chanteurs claire et déliée. Vingt-six légions mes sur laquelle il croit pouvoir sans
, ,

sont à ses ordres. crime, fonder son impérissable célébrité I

C'était l'idole des Sichemites, et peut-cire Maîire absolu de cet enfant, qui se nom-
est-ce le même que le Béruth de Sanchonia - mait Mac Gralh,le docteur cotnmença l.i
(on que des doctes croient être Pallas ou série d'expériences qui devait faire revivre
,

Diane. drjns l'Europe moderne les grandes races


L"auleur du Solide trésor du Petit Albert, d'hommes de l'antiquité biblique. Berkeley
conte de Bérilh une aventure qui ferait croire avait observé que les plantes les plus élevées
que ce démon n'est plus qu'un follet ou lutin, sonl celles qui croissent là où ii y a le plus
si toutefois c'est le même Bérilh. de chaleur humide; que les arbrisseaux de-
Je me suis trouvé, dit-il, dans un château
« viennent arbres quand ils accomplissent k
où se manifestait un esprit familier, qui de- l'ombre et dans des terrains chauds et maré-
puis six ans avait pris soin de gouverner cageux les phénomènes de
la végétation ; il
l'horloge el d'étriller les chevaux. Je fus cu- savait que croissance est plus développée
la
rieux un malin d'examiner ce manège mon : chez les habitants des pays boisés que parmi
étonnement fut grand de voir courir lélrille les hommes qui vivent dans des contrées ex-
sur la croupe du cheval sans qu'elle parût , posées au vent el au soleil. Fort de ces obser-
conduite par aucune main visible. Le pale- vations, Berkeley relégua son élève dans uu
frenier me dit que pour attirer ce farfadet à lieu où il eut soin d'entretenir une températu-
son service, ii avait une petite poule noire, re humide et chaude, où les rayons de l'astre
qu'il avait saignée dans un grand cliemin du jour ne venaient frapper qu'obliquement;
croisé que du sang do la poule, il avait écrit
;
il le soumit à l'usage abondant de la bière,
sur un morceau de papier : « Bérith fera ma du lait et de l'hydromel. 11 lui pro ligua des
besogne pendant vingt ans, el je le récom- aliments chauds et délayants; il l'obligea à
penserai; » qu'ayant ensuite enterré la poule se nourrir de tout ce ()ui pouvait engraisser,
à un pied de profondeur, le même jour le far- détendre , ramollir les mailles de ses tissus
fadet avait pris soin de l'horloge et des che- organiques; il le sevra de toute société cl il
vaux, et que de temps en temps lui-même éloigna tout ce qui pouvait éveiller l'imagi-
faisait des trouvailles qui lui valaient quel- nation de Mac Gralh,ou donner quelque ac-
que chose.... y> tivité à son esprit; enfin , il le condamna à
L'historien semble croire que ce lutin était la vie animale car, dans sa futile el coupa-
;

nnc mandr;igore. Les cabalisles n'y voient ble vanité, Berkeley ne demandait à la science
autre chose qu'un sylphe. que le pouvoir de former un animal prodi-
BERKELEY. Nous empruntons cet article gieux.
à M. Michel Masson : L'orgueil du grand docteur dut être sa-
« George Berkeley passe, à bon droit, pour tisfait à l'âge de seize ans, Mac Grath avait
:

l'un des plus grands métaphysiciens du 18* déjà sept pieds de hautl Ce fait extraordi-
siècle. L'Irlande s'honore de l'avoir vu naî- naire fui consigné dans toutes les gazettes de
tre : il a laissé de beaux ouvrages ; les l'Europe; les poètes du temps firent des vers
sciences doivent des découvertes utiles.
lui à la louange de Berkeley ; de toutes parts il
Ces laborieux travaux suffiraient pour lui recul le nom d'immortel ; on osa ménie dire
assurer une incontestable célébrité; mais, qu il était le régénérateur de l'espèce hu-
aveuglé par un fol amour de la gloire, Ber- maine, tandis qu'il n'était que le bourreau
keley ne se contenta pas de l'calime de ses d'un enfant 1

cond'mporains, il voulut attacher à son nom En instruisant son élève, en cherchant à


l'admiration de la postérité el, pour l'obte- ;
former son coeur el son esprit, le docteur eût
nir, il conçut l'exlravaganl projet de former doté la société d'un homme de plus; mais
un géant. Ayant lu dans l'Ecriture sainte il ne songeait qu'à forcer le corps de Mac
que le fils d'Enas Og roi de Basan, avait , Gralh à grandir outre mesure, sans soup-
plus de quinze pieds de haut, il s'imagina çonner, l'impitoyable savan(, qu'il allait dou-
qu'au moyen d'un régime alimentaire conve- der au monde le spectacle de l'infirmité hu-
nable, il parviendrait à f;iiro croître artifi- maine la plus hideuse : l'idiotisme.
ciellement un individu ;iu point que celui-ci « A mesure que Mae Grath continuait à
pourrait le disputer en hauteur de taille avec grandir, SCS facultés morales l'abandonnaient
le géant de la Cible. Mais pour arriver à ce de plus en plus il avait culièrcmcul perdu
;
201 BER BER ioi
la mémoire. A
force de se lenir la I6(e cour- hypocondriaque causée par la mauvaise
,

bée , il avait, pour ainsi dire , oublié que nourriture des pauvres diables que l'on pour-
l'homme est né pour regarder le ciel. Ses or- suivaitcommesorciers.Ilraconlequesonpère
ganes étaient si débiles, si disproportionnés, sauva un jour uu paysan nommé Bernard,
qu'il ne pouvait plus se tenir debout; ses que l'on allait condamner à mort pour sor-
yeux étaient sans mouvements et ne voyaient cellerie, en lui changeant sa façon ordinaire
plus ; sa vois grondait dans sa poitrine , de vivre; il lui donna le matin quatre œufs
mais SCS lèvres n'articulaient aucun son. On frais, et autant le soir avec de la viande et
lui parlait et il n'entendait pas ; on lui soule- du vin; le bonhomme perdit son humeur
vait le bras, il le laissait machinalement re- noire, n'eut plus de visions et évita le bû-
tomber; ses doigts, singulièrement allongés, cher.
ne se ployaient plus; ses larges mains ne BERN.\RD (Samuel), voy. Poule noire.
savaient plus se tendre pour prendre ce qu'on BERNARD DE ÏHURINGE, ermite alle-
lui présentait. Insensible à la joie comme à mand qui, vers le milieu du dixième siècle,
la souffrance , il ne sentait ni le bien ni le annonçait la fin du monde. Il appuyait son
mal qu'on pouvait lui faire. Ni les caresses, sentiment sur un passage de l'Apocalypse,
douleur ne le réveillaient de son stupide
ni la qui porte qu'après mille ans l'ancien serpent
engourdissement ; mais il grandissait tou- sera délié. Il prétendait que ce serpent était
jours! l'antrchrist; que par conséquent l'année 9S0
« Berkeley, que l'intérêt de la science, pour étant révolue, la venue de l'anlechrist était
parler plus vrai, que celui de sa vanité avait prochaine. Il disait aussi que quand le jour
rendu tout à fait inhumain, ne tenait aucun (le l'annonciation Je la sninie Vierge se ren-

compte del'affuiblissëmentdesa victime; tou- contrerait avec le vendredi saint, ce serait


jours dominé par la même pensée, il ne son- une preuve cerlaine de la fin du monde;
geait qu'au jour désiré ou, dans l'Europe celte prédiction a eu vainement des occasions
entière, retentirait ce cri : —
Og, le roi de de se vérifier (2).
Basan, est retrouvé; le géant de Berkeley a BERNARD-LE-TRÉVISAN, alchimiste dU
quinze pieds! Pour l'honneur de l'humanité, quinzième que quelques-uns croient
siècle,
Dieu ne permit pas que l'orgueil du savant avoir été sorcier, né à Pudoue, en 1406. Il a
sortît victorieux de cette latte insensée. beaucoup travaillé sur le grand œuvre, et
L'heure de la délivrance sonna pour Mac ses ouvrages inintelligibles sont recherchés
Grath ; l'heure du remords sonna pour le des alchimistes; i's roulent tous sur la pierre
docteur. Sa victime mourut d'épuisement, philosophale (3).
comme on peut mourir après une agonie qui BERNOLD. Voy. Berthold.
a duré plus de quinze ans. BERQUIN (Louis), gentilhomme artésien
« Espérons, pour le repos de l'âme de Ber- conseiller de François S", qui, entraîné par
keley qu'indigné contre lui-même, il eut de mauvaises mœurs, se mit à déclamer con-
horreur du crime où la science, détournée tre les moines et à donner dans le luthéra-^
de son véritable but, avait pu le conduire, nisme. Ses livres furent brûlés, et la protec-
ft qu'en déplorant le sort du malheureux tion du roi le sauva seule d'une abjuration
Mac Grath, ce n'est pas le sujet d'étude que publique; mais on le reprit bientôt. Il se mê-
la mort lui enlevait trop tôt qu'il regrettait lait aux orgies des sorciers ; on le convainquit
en mais bien la créature de Dieu dont il
lui, d'avoir adoré le diable; on produisit conlrè
avait creusé la tombe, à force d'avoir voulu lui de si tristes griefs, que le roi n'osa plus
faire violence à la nature. » le défendre, et il fut brûlé en place de Grève
BEHNA (BeneDetto), sorcier qui, au rap- le 17 avril 1529.
port de Bodin (1) et de quelquesautrcs démo- BERRID. Voy. Purgatoire.
nographes, avoua, à l'âge de quatre-vingts BERSON, docteur en théologie et prédica-
ans, qu'il avait eu des liaisoi\s pendant qua- teur visionnaire de la cour, sous Henri III.
rante années avec un démon qu'il nommait Il s'imaginait être Enoch, et il voulait aller
Hermione ou Hermeline, et qu'il menait par- porter l'Evangile dans le Levant, avec un
tout avec lui sans que personne l'aperçût : prêtre llamand qui se vantait délre Elle.
il s'entretenait fréquemment, dit-on, avec cet Taillepied dit avoir entendu Berson prêcher
esprit qu'on ne voyait pas de manière qu'on
; cette bizarrerie devant le frère du roi. à
le prenait pour un fou (et ce n'était pas au- Château Thierry (k).
tre chose). confessa aussi avoir humé le
11 BERTHE. Voy. RoBERt, roi.
sang de divers petits enfants, et fait plusieurs BERTHIER (Guillaume-François), célèbre
méchancetés exécrables. Pour ces fails atro- jésuite, mort en 1782. Voltaire a publié la
ces il fut brûlé. relation de la maladie, de la mort et de l'ap-
BERNACHE ou BERNACLE, voy. Macreu- parition du jésuite Bcrlhier; mais ce n'est
ses. qu'une assez mauvaise plaisanterie. Le pèro
BERNARD. Cardan pense que la sorcelle- Berthier vivait encore.
rie ne fut souvent qu'une espèce de maladie BERTHOLD. Après la mortaeOharles-le-
D#nionomanie des sorciers, liv. ii, p. 27;). opere cliimico, et respoiisio ad Tbomam de Çononia. Bàle,
(1)
Voyez dans les Léijendes de la sainte Vierge l'en- 1600. —Opuscula cheinica de lapide pliilosoplioruin en

,
(2) ,

faiil de cli'pur de Nnlre-Uame du Puy. français. Anvers 15G7. Beriiardus redivivus, vel opus de
(3) De Plijloso[/liiii lirrmelica, lib. IV. Strasbourg, 1jG7, cliiiiiia, liislorico-doijmalicura, gallico in laliuuni verS'jm;
1C82 ; Nuremberg, 1613. — Opiis liistorleo-dogiiiaiicum Francfort, \0io
fieri cliymeias, cuin J.-F. l'ici libris Iritius de auro. Ursel- (U Psychologie ou Traité de l'apparition deJ espritè»
lis, 1398. I11-8". —
Traclalusde secrelissiino |)liilosoplioruin ch. 5.

DlCTIONX. DES SCIENCES OCCUtTES. I.


«03 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 504

Chauve, un bonrgcois de Reims, nommé forme de bouc noir, donnant à chacun une
Bcrlholci ou BeinolJ, gravement malade, chandplle allumée, avec laquelle ils allaient
ayant reçu les sacremenls, fut quatre jours lui baiser le derrière; que le diable lui oc-
sans prendre aucune nourriture et se sen- troyait à chaque sabbat quarante sous en
tit alors si faible, qu'à peine lui trouvait- monnaie, et des poudres pour faire des ma-
on un peu de palpitation et de respiration. léfices; que quand il le voulait , il appelait le

Vers minuit il appela sa femme et lui dit de


, diable qui venait à lui comme un tourbillon
faire promptemenl venir son confesseur. Le de vent; que la nuit dernière il était venu le
prêtre était encore dans la cour, que Borlhold visiter en sa prison et lui avait dit (]u'il n'a-
dit : « Mettez ici un siège, car le prêtre vait pas moyen de le (irer d'où il était; que
vient. » Le confesseur, étant entré, récita le diable défendait à tous de prier Dieu, d al-
quelques prières, auxquelles Berthold répon- ler à la messe, de faire les Pâques ; et que
dit; puis il tomba dans une longue extase; pour lui, il avait fait mourir plusieurs per-
rt, quand il en sortit, il raconta un voyage sonnes et plusieurs bêles, au moyen des pou-
que son âme venait de faire. dres qu'on lui donnait au sabbat i'-2].
M était allé en purgatoire cotiduit par un
, BERTHOMÉE DE LA BEDOUGUE. Voy.
esprit ; il y avait vu beaucoup de gens, qu'on BONNEVAULT.
faisait geler et bouillir (our à tour. Parmi les BÉRUTH. Voy. Bérith.
prélats se trouvaient Ebbon archevêque de,
BETES. dans les choses prodigieu-
Il y a,
il(i;is; Léopardelle ou Pardule, évêque de ses de ce monde, beaucoup de bêles qui figu-
Laon, et l'évêquc Euée, qui étaient vêtus rent avec distinclion. Les bêtes ont élé long-
il babils déchirés et roussis ils avaient le;
temps des instruments à présages les sor- :

visnge ridé, la figure basanée. Ils l'appelè- ciers et les démons ont emprunté leurs for-
rent: mes ; et souvent on a brûlé des chats et dos
Recommandez à nos amis, direnl-ils, de chiens dans lesquels on croyait reconnaître
prier pour nous. un démon caché ou une sorcière.
Berthold le promit. Revenu à lui , il fit Dans les campagnes, on effraie encore les
faire la commission tomba derechef en ex-
,
enfants avec la menace de la Bêle à sept têtes,
tase, cl, retournant en purgatoire, il trouva dont l'imagination varie en tous lieux la
à la porte Ebbon avec lis autres prélats qui L'opimon de cette bête monstrueuso
laideur.
en sortaient , habillés de blanc, et qui le re- remonte à la Bêle de l'Apocalypse.
mercièrent, il vit ensuite l'âme du roi Char-
li's-le-Chauve étendue dans un bourbier, et
Des personnes accoutumées aux visions
extraordinaires ont vu quelquefois des spec-
tellement décharnée, qu'on pouvait compter
tres de bêles. On sait la petite anecdote do
ses os et ses nerfs.
Priez l'archevêque Hincmar de me soula-
ce malade à qui son médecin disait :

ger dans mes maux , dit le roi.
Amendez-vous, car je viens de voir le diable
à votre porte.— Sous quelle forme? demanda
Volontiers, répondit Berthold.
Il fit encore la commission, et le roi Char- le moribond. —
Sous cille d'un âne. Bon , —
répliqua le malade, vous avez eu peur de
les fut soulagé. De plus , il fit écrire aux
votre ombre.
parents du monarque défunt l'état dé-
plorable où il se trouvait. Des doctes croient encore que les animaux,
Un peu plus loin, Berthold avait vu Jessé, à qui ils n'accordent point d'âme, peuvent
évêque d'Orléans, que quatre démons plon- revenir, et on cite des spectres de ce genre.
geaient allernativemenl dans la poix bouil- Meyer, professeur a l'Université de Halle,
lante et dans l'eau glacée. dans son Essai siu- les apparilions § 17, dit ,

Ami , priez les miens de s'intéresser à moi, que les revenants et les spectres ne sont peut-
avait-il dit à Berthold. être que les âmes des bêles qui, ne pouvant
Le bonhomme se chargea encore de celle aller nidans le ciel ni dans les enfers, restent
prière; et il vit le comte Olhnire qui était icierrantes et diversement conformées. Pour
dans les tourments. Il fit dire à la femme que cette opinion eût quelque fondement, il
d'Othaire, à ses vassaux et à ses amis de faudrait croire, avec les péripatéticiens, que
les bêles ont une âme quelconque, ce qui
faire des prières et des aumônes pour lui.
Après tout cela, Berthold se porta mieux et n'est pas facile.
vécut à nouveau quatorze ans comme le lui , Les pythagoriciens sont allés plus loin; ils
avait promis celui qui l'avait conduit devant ont cru que par la métempsycose les âmes
tous ces personnages (l).-.- passaient successivement du corps d'un
BERTHOMÉ DU UGmN,àHChnmpagnal, homme dans celui d'un animal. Ils respec-
sorcier jugé à Montmorillon, en Poitou, dans taient les brutes, et disaient au loup :

l'année 1599. Il avoua que son père l'avait Bonjour, frère.


mené au sabbat dès sa jeunesse; qu'il avait Le père Bougeant de la compagnie do
,

promis au diable son âme et son corps ; qu'à Jésus ,dans un petit ouvrage plein d'esprit,
la Saint-Jean dernière, il avait vu un grand Ainusp.menl philosophique sur le langage des
\'

sabbat où le diable les faisait danser en rond; bêtes, adopta par plaisanterie un sysièaie
qu'il se mettait au milieu de la danse , eu assez singulier. Il trouve aux bêles trop

(l) Hinotnari archiep. Epist., t. II, p. 806. Leloyer, (2) Discours sonim.tire des sortilèges et véiiéDces liri
Disc, et hisl. des speclres, liv. VI, cli. xm. Dom Caliiiel, des proci^s criminels jugés au siège royal de MouUnoiil'
Trailé sur les apparit.. ch. 46. M. Garinet, Histoire île la Ion, en Poitou, en l'auiiec 1^99, p. 29.
Qiagie eu France, p. S6.
205 ni.v DIE 206
(le sentiment pour n'avoir pas une
d'esprit et BEYREVRA démon indien, chef des âmes
,

âme; mais il prétend qu'elles sont animées qui errent dans l'espace, changées en démons
par des démons qui l'ont pénitence sous celte aériens. On dit qu'il a de grands ongles très-
enveloppe, en attendant le jugement dernier, crochus. Brahma ayant un jour insulté un
époque où ils seront plongés en enfer. Ce dieu supérieur, Beyrevra, chargé de le punir,
système est soutenu de la manière la plus lui coupa une tête avec son ongle. Brahma ,
ingénieuse ce n'était qu'un amusement; on
: humilié, demanda pardon, et le dieu Es-
le prit trop au sérieux. L'auteur fut grave- wara lui promit , pour le consoler, qu'il ne
ment réfuté et obligé de désavouer publique- serait pas moins respecté avec les quatre
ment des opinions qu'il n'avait mises au jour têtes qui lui restaient, qu'il ne l'était aupa-
que comme un délasst'ment. ravant avec cinq.
Cependant, père Gaston Pardies , de la
le RIAULE, berger sorcier. Voy. Hocque.
même de Jésus avait écrit, quel-
société BIBLE DU DLVBLE. C'est sans doute le
que temps auparavant, que les bêles ont une grimoire ou quelqu'autre fatras de ce genre.
certaine âme (1), et on ne lavait pas repris. Mais Delancre dit que le diable fait croire
Mais on pensa, qu'auprès de certains esprits, aux sorciers qu'il a sa Bible, ses cahiers sa-
l'ingénieux amusement du père Bougeant crés, sa théologie et ses professeurs; et un
pouvait faire naître de fausses idées. grand magicien avoua, étant sur la sellette
BEURRE. On croit, dans plusieurs villages, au parlement de Paris, qu'il y avait à Tolède
empêcher le beurre de se faire en récitant soixante-treize maîtres en la faculté de magie,
à rebours le psaume Nulite fieri (2). Bodiu lesquels prenaient pour texte la Bible du
ajoute que, par un effet d'antipathie natu- diable (8).
relle, on obtient le môme résultat en met- BIBLIOMANCIE , divination ou sorte d'é-
tant un peu do sucre dans la crème et il ; preuve employée autrefois pour reconnaître
conte qu'élanlàChelles, en Valois, il vit une les sorciers. Elle consistait à mettre dans un
chambrière qui vouhiil faire fouetter un petit des côlés d'une balance la personne soup-
laquais, parce qu'il l'avait tellement maléfi- çonnée de magie, et dans l'aulre la Bible :

ciée, en récitant à rebours le psaume cité, si la personne pesait moins, elle était inno-
que depuis le matin elle ne pouvait faire sou cente ;si elle pesait plus, elle était jugée
beurre. Le laquais récita alors naturellement coupable; ce qui ne manquait guère d'arri-
le psaume, et le beurre se fit (3). ver, car bien peu d'in-folio pèsent un sor-
Dans Finistère, dit-on , l'on ensorcelle
le cier.
encore le On croit aussi dans ce pays
beurre. On consultait encore la destinée ou le sort
que si l'on offre du beurre à saint Hervé, les m ouvrant la Bible avec une épingle d'or,
bestiaux qui ont fourni la crème n'ont rien rt en tirant présngc du premier mot qui se
à craindre des loups, parce que ce saint étant présentait.
aveugle se faisait guider par un loup (V). BIETKA. Il y avait en 1597, à Wilna en
BEURRE DES SORCIÈRES. Le diable don- Pologne une fille nommée Bietka, qui était
,

nait aux sorcières de Suède, entre autres recherchée par un jeune homme appelé Za-
animaux destinés à les servir, des chats charie. Les parents de Zacharie ne consen-
qu'elles appelaient emporleurs, parce qu'elles tant point à son mariage, il tomba dans la
les envoyaient voler dans le voisinage. Ces mélancolie et s'étrangla. Peu de temps après
emporteurs, qui étaient très-gourmands , sa mort, il apparut à Biclki, lui dit qu'il ve-
profitaient de l'occasion pour se régaler nait s'unir à elle et lui tenir sa promesse do
aussi, et quelquefois ils s'emplissaient si mariage. Elle se laissa persuader le mort ;

fort leventre, qu'ils étaient obligés en che- l'épousa donc, mais sans témoins, (iette sin-
min de rendre gorge. Leur vomissement se gularité ne demeura pas longtemps secrète,
trouve habilucUemcnl dans les jardins pota- on sut bientôt le mariage de Biclka avec un
gers. « Il a une couleur aurore et s'appelle esprit, on accourut de toutes parts pour
\e leurre des sorcières {^). » voir la mariée; et son aventure lui rapporta
BEVERLAND (Adrien) avocat hollandais, ,
beaucoup d'argent, car le revenant se mon-
de Middelbourg, auleur des Recherches phi- trait et rendait des oracles; mais il ne don-
losophiques sur le péché originel (6) , pleines nait ses réponses que du consentement de sa
de grossièretés infâmes. Les protestants mê- femme, qu'il fallait gagner, il faisait aussi
mes ses co-religionnaires, s'en indignèrent
,
beaucoup de tours il connaissait tout 1«
;

et mirent cet homme en prison à Leyde; il présent, et prédisait un peu l'avenir. 't^ :

s'en échappa et mourut fou, à Londres, en Au bout de trois ans, un magicien italien
1712. Sa folie était de se croire constamment ayant laissé échapper depuis ce temps uu
poursuivi par deux cents hoaunes qui avaient esprit qu'il avait longtemps maîtrisé , vint
juré sa mort (7). en Pologne, sur le bruit des merveilles de,

(1) Dans son


Disc, (le la connaissance des bôles. Paris, liorlnHesperidum, typis Adami et Evai, tcri*lil. in-8*,'
1696.
t' é.l., 1678. La Justa dctestalio lihelli sccleralissimi Hadriani
(2) Thiers, Traité des superaliUons, t. I". Il n'y a pas Beverlandi do peccaloorigiuali. In-S". Gorincliemii, 1680,
de lisanme Nolite fieri. Ce n'csl qu'uae (Ji\i:>ion du est une réfntalion de cet écrit déleslable, dOiit on a pti-
psaume 31. hlié en 173^, iii-12 , une iinitaliou mêlée de contes aussi
(3) Démononianic dos sorciers, liv. H, cli. 1". méprisés.
il) Canibry, Voyage dajis le Fioislèrc, l. 1", p. 14 et 13. (7) fjabriel Peignot, Dict. des livres
condamnfesaii .eu,
bi\ Bekker, Le Momie eiirhanlé, liv. IV, cli. 21. (8) Delancre,Iiu-rcdiilitéclmécréancedusorlilége,elc.,
(6) Hadriaui Boverlandi peccaluin originale pliilolo- Irailc 7. Voyeï UniversUc.
gice eluciibratum , a 'l'iieuiidis alumno, EleviUicropoli in
i07 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 208

l'époux de Riclka, dt^clara que le prétendu par JeanRabcl, traduit du lalin de Jean Do-
revenant était le démon qui lui appartenait, rat en vers françnis, Paris, 1380, in-fulio.
le renferma de nouveau dans une bague, et BIRAGIJES (Flaminio ire.), auteur d'une
le remporta en Italie, en assurant qu'il eût facétie inlilulée l'Enfer delà mère Cardine,
:

causé de très-grands maux en Pologne s'il traitant de l'horrible bataille qui fut aux en-
l'y ciit laissé (1). De sorte que la pauvre fers aux noces <ia portier Cerberus et de Car-
Bietka en fut pour trois années de mariage dine, in 8°, Paris, 1585et 1597. C'est unesalire
avec un démon. Le fait est raconté par un qui ne tient, que si on le veut bien, à la dé-
écrivain qui croit fermement à ce prodige, monographie. P. Diilot l'a réimprimée à cent
et qui s'étonne seulement de ce que ce dé- exemplaires en 1793. L'auteur était ne-
mon était assez matériel pour faire tous les Teu du chancelier de France, René de Bi-
jours ses trois rcp;is. Des critiques n'ont vu ragiies.
là qu'une suite de supercheries, à partir de BIRCK (Humbert), notable bourgeois
la prétendue strangulation de l'homme qui d'Oppenheim et maître de pension mort eu ,

filensuite le revenant. novembre 1620. peu de jours avant la Saint-


BIFRONS, démon qui parait arec la figure Martin. Le samedi qui suivit ses obsèques ,

d'un monstre. Lorsqu'il prend forme hu- on ouït certains bruits dans la maison où il
maine, il rend l'homme savant en astrologie, avait demeuré avec sa première femme; car,
cl lui enseigne à connaître les influences des étant devenu veuf, il s'était remarié. Son
planètes ; il excelle dans la géométrie ; il beau-frère soupçonnant que c'était lui qui
connait les vertus des herbes des pierres , revenait, lui dit :

précieuses et des plantes ; il transporte les — Sivous êtes Humbert , frappez trois
cadavres d'un lieu à un autre. On l'a va coups contre le mur.
aussi allumer des flambeaux sur les tom- En effet, on entendit trois coups seule-
beaux des morts. Il a vingt-six légions à ses ment ; d'ordinaire il en frappait plusieurs.
ordres. Il se faisait eulendre aussi à la fontaine où

BIFROST. L'Edda donne ce nom à un pont l'on allait puiser de l'eau, et troublait le voi-
tricolore, qui va de la terré aux cieux , et sinage, se manifestant par des coups redou-
qui n'est que l'arc-en-ciel auquel les Scan-
, blés, un gémissement, un coup de silflel ou
dinaves attribuaient la solidité. Ils disaient un cri lamentable. Cela dura environ six
qu'il est ardent comme un brasier, sans quoi mois.
les démons l'escaladeraient tous les jours. Au bout d'un an, et peu après son anni-
Ce pont sera mis en pièces à la fin du monde, versaire, il se fit entendre de nouveau plus
après que les mauvais génies sortis de l'en- fort qu'auparavant. On lui demanda ce qu'il
fer l'auront traversé à cheval. Voy. Surtlr. souhaitait répondit d'une voix rauque et
il

BIGOIS ou BIGOTIS, sorcière toscane qui, basse : — ;

Faites venir, samedi prochain, le


dil-on avait rédigé un savant livre sur la
,
curé et mes enfants.
connaissance des pronostics donnés par les Le curé étant malade ne put venir que le
éclairs et le tonnerre. Ce savant livre est lundi suivant, accompagné de bon nombre
perdu, et sans doute Bigoïs est la môme que de personnes. On demanda au mort s'il dé-
Bagoé. sirait des messes? il en désira trois ; s'il vou-
BILIS. Les Madécasses désignent sous ce lait qu'on fît des aumônes? il dit Je sou- : —
nom certains démons, qu'ils appellent aussi haite qu'on donne aux pauvres huit me-
anges du septième ordre. sures de grain que ma veuve fasse des ca-
;

BILLARD (Pierre). Né dans le Maine en deaux à tous mes enfants, et qu'on réforme
1653, mort en 172G, auteur d'un volume in- ce qui a été mal distribué dans ma succes-
12, intitulé la Béte à sept têtes, qui a paru ision, —
somme qui montait à vingt florins.
en 1693. Cet ouvrage lourd, dirigé contre les Sur la demande qu'on lui fit, pourquoi il
jésuites, est très-absurde et très-niais. Se- infestait plulôl celte maison qu'une autre,
lon Pierre Billard , la bêle à sept tétos pré- il répondit qu'il était forcé par des conjura-
dite par l'Apocalypse était la société de tions et des malédictions. S'il avait reçu les
Jésus. sacrements de l'Eglise? Je les ai reçus, dit- —
BILLIS, sorciers redoutés en Afrique où , il du curé, votre prédécesseur.
, On lui fit —
ils empêchent le riz de croître et de mûrir. dire avec peine le Pater et r.4t'c, parce qu'il
Les nègres mélancoliques deviennent quel- en était empêché, à ce qu'il assurait, par le
quefois sorciers ou billis le diable s'em- ; mauvais esprit, qui ne lui permettait pas de
fiare d'eux dans leurs accès de tristesse, et dire au curé beaucoup d'autres choses.
eur apprend alors, disent-ils, à faire des Le curé, qui était un prémontré de l'abbnye
maléfices et à connaître les vertus des piau- de Toussaints se rendit à son couvent afin
,

les magiques. de prendre l'avis du supérieur. On lui donna


BINET (Benjamin), auteur du petit volume trois religieux pour l'aider de leurs conseils.
intitulé Traité des dieux et des démons du
: Ils se rendirent à la maison, et dirent à Hum-
iiayanisme, avec di's reniarciues critiques sur bert de frapper la muraille ; il frappa assea
le système de Bekker; Delfl, 1(;96, in-12. doucement. —
Allez chenher une pierre ,
BINET (Claude). On recherche de Claude lui dit-on alors, et frappez plus fort. Ce qu'il
Binel, avocat du seizième siècle, les Oracles fit.

des douze sibylles, extraits d'un livre antique, Quelqu'un dit à l'oreille de son voisin, lo
avec les figures des sibylles portrailes au vif, plus bas possible : Je souhaite qu'il frappe
'.!) Adrieo Regenrobius, Systems liislorico-cliroDologicum ecçlesiarum sclavonicarum. L'ireclit, 1652, p. 93
^>9 BIS BIS 2t0
sept fois , et aussitôt lànic frappa sept Onand de te consoler je ferais mon éludeT
fois. Paile.... —
Je ne le puis, cessons cet entretien.
On lendemain los trois messes que
dit le
— rrouve-nioi ton amour, ne me déguise rien ;
La peine est pins légère alors qu'on la partage :
le revenanl avait dcmaïuiées on se disposa ; Ah! ne me cache pas la tienne davantage.
aussi à faire un pèlerinage qu'il avait spé- -^Tu le veux, apprends donc un horrible secret :

cifié dans le dernier enirelien qu'on avait eu Ton époux chaque soir devient bisclavaret,
avec lui. On promit de faire les aumônes au
— cIpI! qu'as-tu donc lait? —
Je suis exom|it di' rriiue ;
Dn forfait d'un aïeul vois en moi la victime :
premier jour, et, dès que ses dernières vo- Il égorgi-a son frère, et le ciel en courroux
lontés furent exécutées. Humhcrt Birck ne Le jeia pour sa vie au rang des loups-garoux
revint plus (1) — Celte histoire n'est
Et, qui plus est, depuis, les mal s de sa race
Sont une heure par jour soumis ii sa disgrâce;
;

pas autrement expliquée. Et si par un hasard que je ne prévois point.


BIRON. Le maréchal de Biron, que Hen- Vu ennemi cruel dérobait le pourpoint
Que je dépouille et cache en un secret asile.
ri IV Ht décapiter pour trahison, en 1602, Avant que dans les bois chaque soir je m'exile.
croyait aux prédictions. Pendant le cours de Il me faudrait, dit-on, rester bisclavaret.

son procès, il demanda de quel pays était le Tant que de cet habit le sort nie priverait.
bourreau? On lui répondit qu'il était Pari- La Comtesse, à ces mots, [lar un tendre langage,
sien.— Bon, dit-il. —Et il s'appelle Bour- Aux yeux de son époux doux et précieux gage
guignon. —Ah
je suis perdu, s'écria le
1
D'un amour éternel, d'im avenir serein.
Ecarte de son front le voile du chagrin.
maréchal on m'a prédit que si je pouvais
;
11 éprouve en son âme une joie inconnue
;
éviter par derrière le coup d'un Bourgui- Ainsi lorsqu'emportant une orageuse nue.
gnon, je serais roi. Le vent chasse la pluie, aussilôt les forêts
Se parent d'un éclat plus riant et plus frais.
M. Chabot de Bouin a écrit très-agréable- II.
ment cette légende développée dans l'AI- ,
Homme, que je te plains situ livres Ion âme
uianach prophétique de 1846. A l'es^ir d'être aimé sans cesse d'une femme,.
Surtout lorsque son cœur une fois a changé !

BISCAIl (Jeannette) sorcière boiteuse ,


Sous les drapaux français depuis un an rangé,
du Labour, que le diable, en forme de bouc, Arlliur, jeune Breton, d'une origine illustre,
Dans la guerre de Nanle a trouvé quelque luslre.
transportait au sabbat, où, pour le remer-
Il revient chevalier aux champs de ses alenx
;
cier, elle faisait des culbutes et des ca- C'est la que de longs pleurs ont scellé ses adieux
;

brioles (2). Qu'une jeune beauié, lorsqu'il s'éloigna d'elle.


Lui promit par serment de lui rester lidèle.
BISCAYENS, vagabonds de l'espèce des Il accourt, il revoit le paternel séjour
;
Bohémiens, qui disaient la bonne aventure Il apprend que l'objet d'un fanatique amour

dans les villes et dans les villages. De ses engagements n'avait point tenu compte I

Cette amante parjure est l'épouse du Comte !


BISCLAVARET. nom que donnent
C'est le Saisi par les transports d'nn désespoir sans frein.
les Bretons au loup-garou. On le dérive de Sous les habits grossiers d'un obscur pèlerin,
bleiz-garv (loup méchant). Nous emprunte- A voir celle qu'il aime Arthur se détermine
Vers le château du Comte aussitôt s'achemine;
rons aux legrendes françaises da M. Edouard Il vole; au jour mourant il frappe; on l'introduit.
d'Anglemonl, dont on n'a pas oublié le suc- Et dans la grande salle un varlet le conduit :
cès, la légende du bisclavaret, célèbre dans Là, devant des drapeaux, des portraits de famille,
La belle châtelaine, animant une aiguille.
un pays où l'on croit que Dieu punit certains De la laine avec art variant la couleur.
crimes par la transformation du coupable en Sur un tissu de lin fait éclore une fleur,
loup-garou. Et cherchant à cacher le trouble qui l'agite :

— Pèlerin, pour la nuit, vous deijiandez un gite?


Mes pas de l'Armorique ont foulé les rivages; — Ce n'est pas pour cela. Madame, que je vien».
J'ai vu Sf'S.liauls genêts et ses landes sauvages; A'ous souvient-il d'Arthur? — ciel! —
Tu t'en souviens
J'ai vu ses grands marais peuplés de mille oiseaux, Tu le souviens aussi que tu me fis entendre,
Oui se croisaienl d^ins l'air ou fuyaient sous les eaui An jour de mon départ, le serment le plus tendre....
;
J'ai vu ses liabiiants former de lourdes danses, Il était vain 1... Au pied du Christ, à Ploërmel,
Dont mesurait les cadences;
l'aigre liiniou (ô) 'Tu l'avais pourtaiilfait au nom de saint Arniell
Et souvent, sous l'abri d'un gothique manoir, Ai-je donc mérité cette cruelle injure?
Tandis que dans le lait je Irenipils un pain noir. Devais-je donc m'atteudre à le trouver parjure.
Que la crêpe pour moi, sous la main d'une femme. Lorsque, pour t'obtenir d'un pèreamlùiieux,
Naissait eu frémissant au nidien de la flamme, Je cherchais des combats les honneurs périlleux?
Sur l'tscabeau de bois auprès de lâlre assis. Eh bien! J'oubliai tout, si le sort nous rassemble!
J'ai du paire breton entendu les récits; Qu'ensemble nous vivions , que nous mourions enseinbjo !

Et l'un d'eux est surtout resté dans ma mémoire.


Si l'étrange vous plaîi, écoulez cette histoire : —Arthur, pardonne-moi ; l'on a forcé mes vœux ;

Celle qui t'aime encor cède à ce que lu veux.


I.
Non loin du champ témoin d'un combat immortel (f), — Exilons-nous, cherchons quelque plage ignorée.
S'élevait autrefuis un superbe castel ;
Là, près de son épouse aimable, jeune et belle.
—Non, ma faute peut être auiremcnt réparée :

Le comte de Kervan, brûlant d'amour pour elle, Le Comte maintenant erre dans la forêt;

Bienfaisant, adoré de ses vassaux nombreux Viens, viens, que mon mari reste bisclavaret.
Vivait, et de ses jours le cours semblait heureux Et, pleine du dessein que sa bouche lui conte.
;
Mais pourtant (|uel,]uelois la charmante Comtesse Elle court et saisit les vêtements du Comte;
Surprenait sur son Iront des maniues de tristesse, Et sous la forme humaine 11 ne reparut pas.
Surtout quand, sorti seul, il rentrait chaque soir, Sou épouse sema le bruit de son lré|)as.
Kpuisé de fatigue et pressé de s'asseoir. Montra de la douleur l'apparence trompeuse.
Et. comme il rivenait u'une course nocturne, Ordonna les apprêts d'une messe pompeuse.
Son épouse à l'aspect de son air taciturne : Et (il, sur le perron, exposer un cercueil.
— La souffrance so peint sur ton front obscurci ! Entouré de varlets vêtus d'habits de deud.
Oui peut donc, cher époux le chagriner ainsi , '?
Et couvert d'un drap noir semé de blanches larmes,
Et pourquoi vers la nuit chercher la solitude. Oii du Comte gisaient le mautel cl les armes.

(1) Livre des prodiges, édil. de 1821, p. 73. t3) Espèce de cornemuse.
(2) Delaucre , Tableau de l'inconstance des mauvais (1) Le combat des Tienlo.
.inges, etc., liv. Il, dise. 4.
811 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. SI3
Le convoi funéraire, aux Iupuis dés dantheaux, h l'un dos yonx
prunelle double, l'autre
la
Parlil le lendemain po'ir le champ des tombeaux ;
prunelle était marquée de la figure d'un
A ce lugubre aspect tous les cœurs se serrèrent,
Les villageois surtout s'émurent et pleurèrent; clioval (I).
El lorsque le cercueil de la torde glissa BITRU. Voy. Sytby.
El sous des ûoln de terre au tombeau s'enfonça. BLANC D'OEUF (Divination par le]. Voy.
Sur le faite anguleux du mur du cimetière.
Un énorme loup noir dressant sa tôte allière, OOMANCIE.
Aux prières des morts mêla des hurlements. BLANCIIÂRD (Elisabeth), l'une des dé-
Dont l'église trembla jusqu'en ses fondements! moniaques de Loudun. Elle se disait possé-
iir. dée de plusieurs démons Astarolli Belzé-
: ,

Deux jours ont fui non loin du chêne de Mi-voie,


:
bu(h, Pérou et Marou, etc. Voy. Grandieb.
Des limiers pleins de feu courent sur nui' voie,
Et le duc de Bretagne et quelques chevaliers,
BLASPHE.ME. Souvent il est arrivé mal-
Les suiveni à travers les taillis, les l.alliers, fieur aux gens grossiers qui blasphémaient.
Courbés sur leurs chevaux que la sueur sillonne, On en a vu, dans des accès de colère, mou-
Ouo de ses coniJS pressés l'éperon aiguillonne. rir subitement. Elaicnt-ils clouffés par la fu-
Mais quel est l'animal dont 1j puissante odeur
De la meute du prince excite ainsi l'ardeur ? reur? ou frappés d'un coup d'apoplexie? ou
C'est encore un loup noir et grand ! Comme il va vite !
cliâliés par une puissance suprême? ou ,
]l rit en cent détours des limiers qu'il évite; comme 01) l'a dit quelquefois, étranglés par
Et bornant tout a coup son essor vagabond
le diable? Torquemada parle, dans la troi-
Près du coursier ducal se jette d'un seul bond,
Prend un air suppliant, pousse des cris étranges, sième journée de son Hexaméron, d'un blas-
Mais qui rappellent ceux d'un enfant sous les langes '
phémateur qui fut tué un jour par le ton-
Contre lui Us épieux sont tournés sur-le-champ, nerre et l'on reconnut avec stupeur que Li
;
Mais le Duc, attendri par son aspect touchant.
Le fait charger vivant des nœuds d'une courroie, foudre lui avait arraché la langue. Si c'est
Et Nantes le revoit bientôt avec sa proie, un hasard, il est singulier.
Uui, docile à son frein, douce comme nu agneau, Monslrelet conte qu'un bourgeois de Pa-
Semble s'accommoder de sou destin nouveau.
ris, plaidant au palais reniait Dieu, lors-
,
IV.
C'est toujours vainement
qu'une pierre tomba de la voûte, et, sans
queterre
l'enfant de la
Enveloppe un forfait du plus secret rujslère ! blesser personne, mit en fuite les juges, les
Celui dont eu tous lieux l'œil veille incessamment. plaideurs et l'audience. C'est encore uno
Fait luire tôt ou lard le jour du châtiment ! coïncidence bizarre. Au reste, le blasphème
Un an s'est écoule ; sur les rives que l'Erdre a toujours été en horreur.
Baigne, en cherchant la Loire où ses eaux vont se perdre, BLENDIC. On exorcisa à Soissons , en
Dans le pré d'Aniane, un cirque est préparé ;
1582 , cinq énergumèncs. La relation de
Sur les bancs de velours dont il est entouré,
La noblesse bretonne en silence se place; leurs réponses et de leurs convulsions a été
Tandis qu'en bouillonnant d s Bots de populace écrite par Charles Blendic, Artésien.
Garnissent les coteaux, les arbres d'aleutour, BLETTON, hydroscope qui, vers la fin du
El de la cathédrale envahissent la tour.
Au nord on a dressé des arcades fleuries, dernier siècle, renouvela à Paris les prodi-
An sud un riche dais décoré d'armoiries, diges de la baguette divinatoire, apprujuée à
De rouges panonceaux, d'armes, de boucliers. la recherche des sources cl des métaux. Sa
Sous lequel, au milieu de pages, d'écuyers.
gloire s'est promplement évanouie.
Le Duc siège, vêtu d'or, de pourpre ei de soie;
Sur sa toque écarlate, un blanc panache ondoie; BLOEMARDINE. Pendant qu'on bâtissait
On voit, auprès de lui, cet énorme loup noir à Bruxelles le gracieux édifice gothique du
yu'il trouva près des lieux uii vainquit Beaumanoir,
Petit-Sablon, et que les bourgeois se remet-
Qui, devenu depuis animal domestique,
Lï nuit veille en la cour de son palais gothique, taient un peu de la rudedéfaite qu'ils avaieiil
El le jour à la chasse, aux lêies, aux repas, subie en voulant combattre leur duc Jean 11,
'
Comme un Ddèle chien accompagne ses pas. dans les plaines de Vilvorde, l'esprit d'agita-
Mais des clairons bruyants la fanfare guerrière tion continuait à fermenter dans leBrabant et ;

lletentit aussitôt l'on ouvre la barrière


; :
toutes sortes d'idées nouvelles se rcpandaicnl
Sous les arches de Deurs; couvert d'or et d'acier,
Arthur passe monté sur un brillant coursier
comme des épidémies qui troublaient les
létes. Le fanatisme, châlimcnt de l'insubor-
;

Pour saluer le Duc il aliaisse sa lance,


Et leloup aussitôt dans l'arène s'élance. dination déraisonnable, s'emparait des esprits
D'un coup rapide et stir éventre le cheval 1 à tous les vents. élait fo-
et les tournait 11
Arthur surpris combat cet étrange rival ;
Il se sert contre lui de la lance et du glaive,
menté par des bandes d'Albigeois et de Vau-
11 le frappe le lonp tombe, puis se relève.
; dois qui, chassés du midi de la France, s'é-
Saisit son adversaire à la gorge et l'abat;
taient réfugiés en grand nombre dans les
El c'est en vain qu'Arthur contre lui se débat.
Et cherche à repousser son ardente furie ; provinces belges cl y semaient toutes sortes
C'est en vain que la foule et s'épouvante et crie, de doctrines saugrenues.
A l'aspect du danger que le chevalier court, Des associations et des sectes se multipliè-
Que pour le secourir on se hâte, on accourt ;
rent pour réformer la religion et la politi-
Les dents de l'animal déchirent sa cuirasse.
Impriment dans ses flancs une profonde trace ; que. Les Lollards n'étaient pas les moins cu-
Et, srntant s'approcher 1? moment de la mort, rieux. Gauthier LoUard, leur chef, était un
Le chevalier, vaincu par le cri du rcmord. Albigeois progressif, qui enseignait que les
Fait le public aveu de la coupable trame.
Tandis qu'en l'écoulant la Comtesse rend l'àmel démons avaient éié chassés du ciel injuste-
On retrouva bientôt les vêtements soustraits,
ment; qu'ils y seraient rétablis un jour; que
El du Comte à l'instant le loup reiirit les traits. saint Michel, pour lors, et tous les anges fi-
dèles seraient damnés à leur tour, et que
BITHIES, sorcières fameuses chez les Siy- tous ceux de ses auditeurs qui ne suivraient
Ihcs. Pline liil qu'clli s
regard si avaient le pas sa doctrine seraient damnés pareille-
dangereux, quelles i)ouvaieiil tuer ou en- ment. Il suiiprimail les bacremcnls, les priè-
sorceler ceux qu'elles lixuicnl. Elles avaient (M Viine, liv, \11, th. 2.
815 Bl.O BLO SU
res, les bonnes œuvres, condamnait le ma- jetèrent dans ses bras ; les garnements bat-
riage cl la propriété. Père des communistes, tirent des mains.
il av.'iil inventé tout leur syslômo; et on n'a Elle disait que l'homme peut devenir ici-
fuit récemment que le copier. Il s'était fait bas si parfait, qu'il n'a plus besoin de grâce ;
une armée de disciples de tous coux qui n'a- que devenu parfait, il peut faire librement
vaient rien et de tous ceux qui aimaient la tout ce qu'il veut; que les Lois et les pré-
débauche et le désordre. ceptes ne sont établis que pour les pécheurs ;
A côté des Lollards se dressaient les Beg-
, que la pratique des vertus n'est utile qu'aux
gards, divisés en plusieurs sections. Ceux-là âmes imparfaites; que ses disciples ne de-
venaient de l'Allemagne et tiraient leur nom vaient se contraindre en rien au monde, atr
du mot allemand Begghen, qui signifie men- tendu que tout ce qu'ils pouvaient faire
dier. D'abord, sous un masque rigide, ils était bien.
s'étaient présentés en façon de gens qui re- Elle appelait ceux qui la suivaient frères
noncent à tout dans le monde; bientôt ce- et sœurs du Libre-Esprit, flatteuse désignation
pendant ils mendiaient par bandes, du ton que reçurent avec empressement tous les
de ces hommes qui vous attendent au coin d'un Beggards et tous les Lollards, ceux qui affec-
bois, et qui vous disent, un gourdin à la taient les haillons, comme ceux qui recher-
main J'ai besoin de dix francs. Pendant
: chaient les jouissances du luxe.
quelque temps, ils se prétendirent soumis à Ces divagations ne se bornèrent pas au-
la règle de saint François. Ils l'abandonnè- Brabant. Les frères et les sœurs du Libre-Es-
rent bientôt, déclarant qu'ils avaient soif prit se répandirent de tous côtés. En quel-
d'une plus haute perfeclion, imaginant des ques lieux, on les nomma frérots et fratri-
théories bizarres et faisant mille folies. celles ou petits frères, en Italie bizochi, qui
Ces Beggards ne se recrutaient pas d'hom- veut dire besaciers, en France, par altéra-
mes seulement; des multitudes de femmes et tion de leur nom, bigards et picards, dans le
de jeunes filles se joignaient à eux, parlaient Midi, turlupins à cause de leurs facéties. On
en public^ prophétisaient et se subdivisaient se mit aussi à les appeler béguins et bégui-
tous les jours en une foule de petites sectes nes, sans doute à cause de Bloemardine,
qui souvent avaient peine à s'entendre. Alors leur grande prêtresse, qui portait encore
une Bruxelloise perça tout à coup, avec un l'habit de béguinage, quoiqu'elle n'y demeu-
certain lustre, parmi les femmes libres, ses rât plus, et que les honnêtes béguines de
compatriotes. Elle était fille d'un lampiste, Bruxelles répudiassent ses erreurs.
nommé Bloemaerd, et prétendait que son On ferait un livre curieux de tous les ex-
origine lui donnait le droit de distribuer la cès déplorables auxquels se livrèrent ces fa-
lumière. On l'appelîiit Bloemardine (1). natiques, qui croyaient se sanctifier par les
Son père l'avait fait élever au Béguinage, débauches et les emportements. En 1308, ils
fondé à Bruxelles depuis l'an 1250. Plusieurs s'étaient jetés sur les Juifs, avaient pillé
foisles béguines avaient mal auguré de la va- leurs maisons, et voulaient si ardemment les
nité étourdie de leur élève, de son esprit vaga- exterminer, que le duc Jean II avait dû ac-
bond, de son imagination folle et de son hu- corder aux enfants d'Israël le château de
meur indépendante ; plusieurs fois elles Genappe pour refuge. Une multitude en fu-
avaient annoncé que Bloemardine ne ferait reur, où l'on remarquait surtout les frères
jamais une bonne et sage ménagère qu'elle ,
du Libre-Esprit du métier des savetiers et
commettrait des extravagances, et que son ceux du métier des tisserands les avait
,

antipathie pour toute espèce de frein la mè- poursuivis jusque-là, les avait tenus assiégés
nerait de travers. Le lampiste et sa famille et ne s'était dispersée que devant l'armée na-
avaient ri de ces prévisions; ils admiraient tionale, commandée par le duc en personne.
l'esprit singulier de Bloemardine, sans sa- Il y eut d'autres faits audacieux qu'il fal-

voir qu'un esprit mal réglé est un guide de lut réprimer par la violence et par les sup-
l'espèce des feux-follets, qui ne conduisent plices. Mais l'esprit de rébellion changeait
que dans les précipices. de batteries et ne s'éteignait pas. Devant les
Cependant le bon sens public aurait dii prédications de Bloemardine, les mœurs se.
offrir un contrepoids à l'engouement du père perdaient, les ménages étaient troublés, les
Bloemard; car sa fille entrait dans sa vingt- familles désunies; et le parti de cette femme
cinquième année sans avoir trouvé un mari. était devenu si nombreux, que l'-iuloritQ

Ce fut pour lors que, dérivant tout à fait, contre elle se sentait impuissante.
entraînée par sa tête folle et peut-être par le
Comme il y eut en France récemment do
dépit, Bloemardine se mit à la léte des Bag- jeunes existences empoisonnées par le saint-
gardcs et prêcha une vaste morale qui ral- simonisme et le fouriérisme, alors assuré-
lia plusieurs sectes autour d'elle. Elle réu-
ment chez les Brabançons plus d'un cœur
fut froissé dans ces innovations. Nous n'ca
nissait des assemblées d'hommes et de fem-
mes, les présidait hardiment et parlait avec citerons qu'un souvenir. Une jeune fille,
chaleur. Elle enseigna d'abord que le ma- Elisa Moerinkx, allait épouser Bernard Drug-
riage était inutile; puis elle le condamna man. Dans l'aisance de sa famille et dans
comme une intolérable chaîne et comme un l'heureux caractère de celui qu'elle aimait,
elle ne voyait qu'un riant avenir, quand Ber-
obstacle à la perfection. Les mauvais ména-
ges l'approuvèrent; les filles délaissées se nard fut eniraîné par ses amis à une assem-
blée des frères cl des sœurs du Libre-Esprit;
(IJ rrononcci Blouiuardiue. protégé par son auiour, il se crut assez
915 di(:tiomnah\e des sciences occultes. 2(6
fort ; honnélc cliiélicn jusqu'alors, il se crut Dans la semaine qui précédait le inomenf
assez affermi pour assister là en simple cu- fixé pour son mariage, un jour qu'il venait
rieux. Il ignorait qu'on ne brave pas impu- de quitter sa fiancée, il rencontra deux de
nément certains dangers. Dans l'atmosphère ses amis qui lui reprochèrent gaîmenl sa
de la licence, il en respira les premiers en- fuite, qui le raillèrent un peu sur le lien
ivrements ; et comnK> il était aussi faible qu'il allait contracter, cl qui lui lurent des
qu'il se croyait solide, il y prit goût. passages de deux écrits que venait de rédiger
Pour la première fois il dissimula avec sa Bloemardine, l'un s«r/'es/)riirfc/(6erf^,raulre|
fiancée; il lui cacha son apparition parmi les sur l'amour séraphique. Ces lectures paru-
Beggards; il retourna aux assemblées et s'y rent le frapper. Ils lui contèrent alors qu'ils
laissa initier. Il en eut regrctune heurcaprès, se rendaient à une séance curieuse. Un jeune
et il pressa son mariage. prêtre, qui venait d'être ordonné, et qui se
Mitis la jeune fille apprit que Bernard nommait Jean de Uuysbroeck, allait com-
avait été vu dans les réunions des fratriccl- battre dans une discussion publif^ue Bloe-
les. Ardente, indignée, elle lui fit de vifs mardine et ses doctrines. D'autres curieux
reproches. Elle pleura avec colère de ce qui arrivaient à chaque instant et se joignaient
lui paraissait un o[iprobre, et ce n'était pas aux trois amis; ils entraînèrent Bernard,
autre chose. Pourtant, voyant Bernard tou- qui composa avec lui-môme, en se proposant
ché et confus, elle admit ses excuses, dé- d'applaudir le défenseur des mœurs et de la
plora sa faiblesse et finit par se calmer en
, vérité.
ne lui imposant d'autre peine et d'autre Le voilà donc de nouveau parmi les esprits
épreuve qu'un retard de quinze jours pour libres. Jean de Ruysbroeck parla dignement
les noces; peut-être eût-elle dû, au con- et savamment. Mais son langage sérieux et
traire, en avancer le moment. Bernard, vé- grave fut éloufté par les répliques de Bloe-
ritablement revenu de son égarement, se mardine, qui ne s'adressait qu'aux passions,
sentit plus épris que jamais; il se promit et qui n'en réprimait aucune. Le jeune prê-
bien d'éviter désormais ses pernicieux amis, tre fut hué par l'assemblée ; les plus éveillés
d'autant plus que l'on connut, sur ces entre- de la bande firent même contre lui des cli in-
faites, à Bruxelles, une décision du saint- sons burlesques et détestables, que l'on
siége, qui condamnait les frères et les sœurs chanta aussiiôt dans les rues de Bruxelles.
du Libre-Esprit. Bernard ne prit pas sa défense, et il crut s'ac-
Les vraies béguines avalent été fort déso- quitter avec lui-même , en ne le sifflant
lées d'apprendre qu'on les confondît avec les pas.
femmes du parti des Beggards. Elles s'étaient Tiraillé entre le bien et le mal, il sentait
adressées fidèlement au souverain pontife. qu'il devait se retirer, donnant raison dans
Déjà au concile de 'V^ienne, en 1311, les dé- ce qui lui restait de droiture à Jean de Uuys-
sordres de ces hérétiques avaient été frappés broeck, lorsqu'un de ses amis lui dit: Vous —
d'anathèmeparlcpapeClémentV. Jean XXII, allez voirquelque chose de nouveau.
son successeur, venait de déclarer spéciale- En attendant cette nouveauté si vaguement
ment, dans une déerélale, que celle censure annoncée, on se mil à danser Bernard
; ,

ne regardait aucunement les béguines des emporté dans ce tourbillon désordonné s'y ,

Pays-Bas, qui étaient restées pures d'erreurs, abandonna. Après la danse, on but de la
<'t qui ne liraient pas leur origine des Beg- bière forte, et les têtes s'échauffaient, lorsque
gards dissolus , mais du vénérable Latn- la nouveauté parut: c'était un siège en ar-
bergBcygh, prêtre de Liège, fondateur des gent, offert à Bloemardine par ses disciples.
béguinages en 1180. On l'apportait sur un brancard qui s'abaissa
L'ignorance oti ils ont été de cette déeré- devant elle. On fil monter la femme libre
lale a fourvoyé la plupart des historiens, qui sur celle espèce de trône, on Téleva, eu
Ont reproché confusément aux pieuses bé- quelque sorte, sur le pavois, puis ou la pro-
guines des infamies qu'elles ont toujours mena en triomphe par les rues de Bruxelles,
abhorrées. La même pièce aggravait encore en même temps qu'on chansonnaitson pieuv
les condamnations portées contre les sectai- adversaire.
res de Bloemardine. Les disciples marchaient trois à trois, se
Bernard évita donc toute occasion de re- tenant par le bras, chantant et hurlant, pré-
tourner aux assemblées; mais il luttait con- cédés de drapeaux et de tambours. Bernard,
tre la tentation; une fois qu'on a mis le entre ses deuxamis qui ne le quittaient point,
pied dans le mal, il est rare qu'on n'y sente étourdi, à demi-ivre, ne s'aperçut pas qu'il
pas un attrait de retour , qui est comme passait sous les fenêtres d'Elisa. Elle —
une puissance magnéliiiue, contre laquelle le reconnut, recula et ferma la verrière.
ce qui est bon dans le cœur doit résister avec Après avoir traversé Bruxelles, la bande,
force. Il voyait tous les jours Elisa, puisait portant toujours sa reine sur son Irôiie d'ar-
dans son enlrelien de la constance, et s'oc- gent, marcha jusqu'à Vilvorde, où l'on entra
cupait de son mariage. Il se promellail tou- au clair de la lune. Il fallut y coucher. A son
jours qu'une fois uni à celle qu'il aimait, il réveil, Bernard honteux s'échappa et revint
ne songerait plus aux frères libres 11 eût pu à Bruxelles. Après avoir rajusté sa toilette ,
remarquer cependant que plus d'un heureux il courut chez sa future. Elle était absente,

piari était tombé dans le piège, et \l se fai- la maison fermée, et personne ne sut lui dire
sait illusion en cherchant son appui ailleurs où il trouverait Elisa et sa mère.
i\wç dans une vertu solide. Plusieurs jours passèrent ainsi.
217 BLO BOB 218
Pendant re temps-là, le scandale des di- des bas bleus, une barbe rousse, un cha-
sciples de Blocmardine allait en croissant; peau pointu. Il les emportait à travers les

les sectaires faisaient tous les jours des pro- airs à Blokula, aidé d'un nombre suffisant de
grès ils en venaient aux nudités des adami-
; démons pour la plupart travestis en chè-
,

ti's rentraient à grands pas dans l'état sau-


et vres; quelques sorcières, plus hardies, ac-
vage. I.a partie saine de Bruxelles, qui fai- compagnaient le corlégc à cheval sur des
,

sait pourtant la majorité, s'alarma sérieuse- manches à balai. Celles qui menaient des
ment. enfants plantaient une pique dans le der-
Les magistrats, soutenus par les honnêtes rière de leur chèvre; tous les enfants s'y per-
bourgeois, prirent des mesures sévères, chas- chaient à califourchon , à la suite de la
sèrent Bloemardine, et dispersèrent les frères sorcière , et faisaient le voyage sans en-
elles sœursdu Libre-Esprit. Ceux deces inat- combre.
lieureux (jui ne voulurent pas renoncer à Quand ils sont arrivés à Blokula, ajoute la
leurs écarts se retirèrent sur le Rhin, où les relation on leur prépare une fêle; ils se
,

Bcggards se maintinrent pour former d'autres donnent au diable, qu'ils jurent de servir;
hérésies. ils se font une piqûre au doigt et signent do
Ce ne fut qu'un mois après sa promenade leur sang un engagement ou pacte on les ;

do Vilvorde, que Bernard désolé retrouva baptise ensuite au nom du diable, qui leur
lilisa. Elle s'était réfugiée au béguinage. Le donne des raclures de cloches. Ils les jettenl
pauvre jeune homme ne put reconquérir le dans l'eau , en disant ces paroles abomi-
cœur qu'il avait perdu. A tout ce qu'il put nables :

dire pour obtenir son pardon, la jeune (ille — De même que cette raclure ne retour-
resta inflexible et lorsqu'illui rappela qu'une
; nera jamais aux cloches dont elle est venue,
première fois elle lui avait fait grâce, elle ainsi que mon âme ne puisse jamais entrer
se contenta de répondre On revient de la: dans le ciel.
colère, on ne revient pas du mépris. La plus grande séduction que le diable
Bloemardine en vieillissant perdit son lu- emploie est )a bonne chère; et il donne à ces
fluence et tomba dans le décri. Après sa gens un superbe festin, qui se compose d'un
mcri, on fit présent de son fauteuil d'argent potage aux choux el au lard, de bouillie d'a-
à la duchesse de Brabant. Mais comme les voine, de beurre, de lait et de fromage. Après
partisans de la femme libre assuraient que le repas, ils jouent et se battent; et si le dia-
ce siège avait des vertus merveilleuses el ble est de bonne humeur, il les rosse tous
qu'il faisait des miracles, on jugea qu'il fal- avec une perche, «ensuite de quoi il se met à
lait détruire cet aliment de superstitions vai- rire à plein ventre. » D'autres fois il leur
nes on l'envoya à la fonte, et c'est dommage,
; joue do la harpe.
c'était un curieux monument de la folie hu- Les aveux que le tribunal obtint apprirent
maine. que les fruits qui naissaient du commerce
Longtemps après les événements que nous des sorcières avec les démons étaient des
venons de rapporter, vers l'année 1330, sous crapauds ou des serpents.
le règne de Jeanne, un homme courbé par Des sorcières révélèrent encore cette par-i
l'âge et plus encore par le chagrin pleurait ticularité, qu'elles avaient vu quelquefois le
el sanglotait amèrement à l'enterrement , diable malade, et qu'alors il se faisait appli-
d'une béguine. quer des ventouses par les sorciers de la
La défunte si regrettée était Elisa Moe- compagnie.
rinckx, morte fiUe; Thommo désolé était Le diable enfin leur donnait des animaux
Bernard Drugman, qui n'avait jamais pu flé- qui les servaient et faisaient leurs commis-
chir sa rigueur el qui n'avait pas voulu re- sions, à l'un un corbeau, à l'autre un chat,
chercher une autre femme. Singulier mé- — qu'ils appc\idcnlemporteur, parce qu'on l'en-
lange de faiblesse el de force. voyait voler ce qu'on désirait et qu'il s'en
,

BLOKULA. Vers l'année 1670, il y eut en acquittait habilement. Il leur enseignait à


Suède , au village de Mohra dans la pro- , traire le lait par charme, de cette manière ;

vince d'Elfdalen une afl'aire de sorcellerie


, le sorcier plante un couteau dans une mu^
qui fil grand bruit. On y envoya des juges. raille, attache à ce couteau un cordon qu'il
Soixante-dix sorcières furent condamnées à lire comme le pis d'une vache et les besr;

mort une
foule d'autres furent arrêlées, et
; tiaux qu'il désigne dans sa pensée sont traits
quinze enfants se trouvèrent mêlés dans ces aussitôt jusqu'à épuisement. Us employaien(
débats. le môme moyen pour nuire à leurs ennemis,
On disait que les sorcières se rendaient de qui souffraient des douleurs incroyables pen-
nuit dans un carrefour, qu'elles y évoquaient dant tout le temps qu'on lirait le cordon. Ils
le diable à l'entrée d'une caverne, en disant tuaient même ceux qui leur déplaisaient, cq
trois fois : frappant l'air avec un couteau de bois.
— Antesser, viens ! et nous porte à Blo- Sur ces aveux on brûla quelques centaines
kula I de sorciers, sans que pour cela il y en eût
C'était le lieu enchanté et inconnu du vul- moins en Suède (1). —
Voilà des faits; pour
gaire, où se faisait le sabbat. Le démon An- les comprendre, voy. Boucs et Sabbat.
lesser Icurapparaissait sous diverses formes, BOBIN (Nicolas), sorcier jugé à Montmo-
mais le plus souvent en justaucorps gris , rillon, en Poitou, dans l'année 1599. Il fit a
avec des chausses rouges ornées de rubans, peu près la même confession que Bcrthomô
lu Baldiaïar Bekkcrj Le Monde euqbauic, liv. IVj ch, 23, J'après les iclalioas oriaiiiules.
St9 DICTiONNAUlE DES SCIENCES OCCULTES. 22a
du Lignon. Il ctai( allé, comme lui, au sab- juger Bodin. On lui attribue un lirre inti-
bat el s'élait doiii'é au diable, qui lui avait tulé Colloquium heptaplomeron de ahditis
:

fait renier Dieu , le baptême et ses parents. rcrum sublimium arcanis, dialogues en six li-
11conta qu'après l'offramie, le diable se mon- vres, où sept interlocuteurs de diverses re-
traitquelquefois en forme d'homme noir, ligions disputent sur leurs croyances , de
ayant la voix cassée d'un vieillard; que, manière que les chrétiens cèdent souvent
quand il appelait le diable, il venait à lui en l'avantage aux musulmans, aux juifs, aux
homme ou en bouc ;
que lorsqu'il allait au déistes. Aussi l'on a dit que Bodin était à la
salibat y était porté par un vent; qu'il y
, il fois protestant, déiste, sorcier, juif et athée.
rendait compte de l'usage de ses poudres, Pourtant, ces dialogues sont-ils vraiment de
qu'il avait toujours fidèlement employées à lui? On ne les connaît que par des copies
mal faire ; qu'il portait la marque du diable manuscrites ; car ils n'ont jamais été impri-
sur l'épaule; que quand il donnait des mala- més. —
Sa Démonomanie des sorciers parut
dies, il les donnait au nom du diable , el les in-4% à Paris, en 1581; on en a fail des édi-
guérissait au même nom; qu'il en avait fait tions sous le titre de Fléau des démons el des
mourir ainsi, et guéri plusieurs (1)... sorciers (Niort, 161G). Cet ouvrage est divisé
BOCAL , sorcier qui fut arrêté à vingt- en quatre livres ; tout ce qu'ils contiennent
sept ans dans le pays de Labour, sous de curieux est cité dans ce dictionnaire.
Henri IV, comme convaincu d'avoir été vu L'auteur définit le sorcier, celui qui se
au sabbat, vêtu en prêtre, el servant de dia- pousse à quelque chose par des moyens dia-
cre ou desous- diacre les nuils desirois jours boliques. Il démontre que les esprits peu-
qui précédèrent sa première messe dans l'é- vent s'associer et commercer avec les hom-
glise deSibour (car ce malheureux était prê- mes. 11 trace la différence d'humeurs et do
tre) ; et, comme on
lui demandait pourquoi formes qui distingue les bons esprits des
il disait plulôt messe au sabbat qu'à l'é-
la mauvais. Il parle des divinations que les dé-
glise, il répondit que c'était pour s'essayer mons opèrent , des prédictions licites ou il-
et voir s'il ferait bien les cérén>onies. Sur la licites.
déposition de vingt-quatre témoins, qui di- Dans le livre recherche ce que c'est
II il

saient l'avoir vu au sabbat chantant la , que la magie; il voir qu'on peut évoquer
fait
messe , il fut condamné à mort après avoir les malins esprits, faire pacte avec le diable,
été 'légradé. Lorsqu'il allait être exécuté, il être porté en corps au sabbat, avoir, au
était tellement tendu à rendre son âme au moyen des démons , des révélations par ex-
diable, auquel il l'avait promise, que jamais tases , se changer en loup-garou; il termine
il ne sut dire ses prières au confesseur qui par de longs récits qui prouvent que
,

l'en pressait. Les témoins ont déclaré que la les sorciers ont pouvoir d'envoyer les mala-
mère, les sœurs et toute la famille de Bocal dies, stérilités, grêles et leiiipcles, el de tuer
étaient sorciers , et que quand il tenait le les bêles et les hommes.
bassin des offrandes, au sabbat, il avait don- Si le livre 11 traite des maux que peuvent
né l'argent desdites offrandes à sa mère, en faire les sorciers, on voit dans le livre III
récompense, sans doute, de ce qu'elle l'a- qu'il y a manière de les prévenir qu'on :

vait, dès sa naissance, voué au diable, peut obvier aux charmes et aux sorcelleries;
comme font la plupart des autres mères sor- que les magiciens guérissenl les malades
cières (2). frappés par d'autres magiciens. Il indique
BODEAU (Jeanne) , sorcière du pays de les moyens d'empêcher les maléfices.
illicites
Labour qui, au rapport de Pierre Delancre, Rien ne étranger. Il assure que par
lui est ,

conta qu'à l'abominable cérémonie, appelée des tours de leur mélier, les magiciens peu-
la messe dti sabbat on faisait l'élévation , vent oblenir les faveurs des grands el de
avec une hostie noire de forme triangu- , la fortune, les dignités, la beauté et les
laire (3'. honneurs.
BODILIS. Cambry, dans son Voyage au Dans le livre IV il s'occupe de la manière
Finistère, parle de la merveilleuse fontaine de poursuivre les sorciers, de ce qui les fait
de Bodilis, à trois quarts de lieue de Landi- reconnaître, des preuves qui établissent le
visiau. Les habitants croient qu'elle a la crime de sorcellerie, des tortures , comme
propriété d'indiquer si une jeune fille n'a excellent moyen de faire avouer. Un long
pas fait de faute. Il faut dérober à celle chapitre achève l'œuvre, sur les peines que
dont on veut apprécier ainsi la sagesse, méritent les sorciers. II conclut à la mort
lépine qui attache sa collerette en guise cruelle et il dit qu'il y en a tant
; que les ,

d'épingle, el la poser sur la surface de l'eau : juges ne suffiraient pas à les juger ni les
tout va bien si elle surnage ; mais si elle bourreaux à les exécuter. «Aussi, ajoule-t-il,
s'enfonce, c'est qu'il y a blâme. n'advient-il pas que de dix crimes il y en
BODIN (Jea.n), savant jurisconsulte et dé- ait un puni par les juges, et ordinairement
monographe angevin mort de la peste en , on ne voit que des bélîtres condamnés. Ceuii.
l.o9G. L'ouvrage qui fil sa réputation fut sa qui ont des amis ou de l'argent échappenl.»
llépuliliquc, que La Harpe appelle le germe L'auteur consacre ensuite une disserlatioa
de ['Esprit des lois. Sa Démonomanie lui à réfuter Jean Wicrus, sur ce qu'il avait dit
donne ici une place ; mais il est difficile de que les sorciers sont le plus souvent des ma-
(I) Discours soiiim:iire itcs sortilèges cl vénéliccs tirés (i) Delancre. Tableau de l'inconstance des démon», elc.,
di s pri'cès Cl itiiiiiits jiig/'s au siège ro.wil de Uuiilmui illoii, liv. VI, pageiiO.
cil i'oilou, en raunco tyjy, ji. ôO. {7,) lUiil., liv. VI, dise. 3.
851 BOF noG 222
ladcs on des Tous, cl qu'il ne fallait pas les perstitieuses au bœuf gras qu'on promène,
brûler. dans cette ville, au son des flûtes et des tim-

Je lui répondrai, dit Bodin, pour la dé- bales, non pas comme partout le jour du
fense des juges, qu'il appelle bourreaux. carnaval, mais la veille et le jour de la Fête-
L'auleur de la Démonomanie avoue que Dieu. Des savants ont cru voir là une trace
ces horreurs lai font dresser le poil en la du paganisme; d'autres ont prétendu que
télé , et il déclare qu'il faul exterminer les c'était un usage qui remontait au bouc émis-
sorciers et ceux qui en ont pitié , et brûler saire des Juifs. Mais Ruffi, dans son His-
les livres de Wierus (1). toire de Marseille , rapporte un acte du qua-
BODRY. Voy. Revenants. torzième siècle qui découvre l'origine ré(;ll(î
BOEGE, L'un des plus illustres Romains de celte coutume. Les confrères du Saint-
du sixième siècle, auteur des Consolations Sacrement voulant régaler les pauvres ,
,

de la philosophie. Il s'amusail, dans ses mo- achetèrent un bœuf et en avertirent le peu-


ments de loisir, à faire des instruments de ple en le promenant par la ville. Ce festin fit
mathématiques, dont il envoya plusieurs tant de plaisir qu'il se renouvela tous les
pièces au roi Clolairc. Il avait construit des ans depuis il s'y joignit de petites croyan-
;

cadrans pour tous les aspects du soleil, et ces. Les vieilles femmes crurent préserver
des clepsydres qui, quoique sans roues, sans les enfants de maladie en leur faisant baiser
poids et sans ressorts marquaient aussi le , ce bœuf; tout le monde s'empressa d'avoir
cours du soleil , de la lune et des astres au , de sa chair, et on regarde encore aujour-
moyen d'une certaine quantiié d'eau renfer- d'hui comme très-heureuses les maisons à
mée dans une boule d'élain qui tournait la porte desquelles il veut bien, dans sa
sans cesse, eniraînée, dit-on, par sa propre marche, déposer ses excréments.
pesanteur. C'était donc le mouvement per- Parmi les bêtes qui ont parlé, on peut
pétuel. Théodoric avait fait présent d'une de compter les bœufs. Fulgose rapporte qu'un
ces c'cpsydres à Gondebaud, roi des Bour- peu avant la mort de César un bœuf dit à
guignons. Ces peuples s'imaginèrent que son maître qui le pressait de labourer :

quelque divinité, renfermée dans cette ma- Les hommes manqueront aux moissons
chine, lui imprimait le mouvement c'est là : avant que la moisson manque aux hommes.
sans doute l'origine de l'erreur où sont tom- On voit, dans Tile-Live et dans Valère-
bés ceux qui l'ont accusé de magie. Ils en Maxime, que pendant la seconde guerre pu-
donnent pour preuves ses automates car on ; nique un bœuf cria en place publique :

assure qu'il avait fait des taureaux qui mu- Rome, prends garde à toi François do 1 —
gissaient, des oiseaux qui criaient et des Torre-Blanca pense que ces deux bœufs
serpents qui sifflaient. Mais Delrio dit (2) étaient possédés de quelque démon (o).
que ce n'est là que de la magie naturelle. Le Père Engplgrave {Lux evangelica, pag,
BOEHM (Jacob), né en 1573, dans la 286 des Dominicales) cite un autre bœuf qui
Hiule-Lusace. De cordonnier quil était il se a parlé. Voy. Béhémoth.
fit alchimiste homme à extases et chef
, BOGAHA. Arbre-Dieu de l'île de Goylan.
dune
secte qui prit le nom de boehmistes. On conte que cet arbre traversa les airs afin
Il publia, en 1612, un livre de visions et de de se rendre d'un p;iys très-éloigné dans
rêveries, intitulé l'Aurore naissante, que l'on cette île sainte, et qu'il enfonça ses racines
poursuivit. Il expli:|uait le système du monde pour servir d'abri au dieu Bud-
d lus le sol
par la philosophie hermétique, el présentait hou; qu'illecouvritde son ombrage tout le
Dieu comme un alchimiste occupé à tout temps que ce dieu demeura sur la terre.
pro.luire par distillation. Les écrits de cet il- Quatre-vingt-dix-neuf rois ont eu l'honneur
luminé, qui forment plus de cinquante vo- d'être ensevelis auprès du grand arbre-dieu.
lumes inintelligibles, ne sont pas connus en Ses feuilles sont un excellent préservatif
France excepté ce que Saint-Martin en a
, contre tout maléfice et sortilégo. Un nombre
traduit L'Aurore naissante, les Trois prin-
: considérable de huttes l'environnent pour
cipes et la Triple vie. Ce songe-creux était recevoir les pèlerins et les habitants plan-
;

authropomorphite (3) et manichéen il ad- ; tent partout de petits bogahas, sous lesquels
mettait pour deuxième principe du monde la ils placent des images et allument des lam-
colère divine ou le mal qu'il faisait éma- ,
pes. Cet arbre, au reste, ne porte aucun fruit
ner du nez de Dieu. On recherche, parmi et n'a de recommandable que le culte (ju'on
ses livres d'alchimie, son Miroir temporel de lui rend.
l'éternité, ou de la Signature des choses, tra- BOGARMILES. BOGOMILES et BONGO-
duit en français, in-8'; Francfort, 16(39 (4). MILES. de manichéens qui paru-
Sorte
Ses (loclrinus phllO'>o|)lii()ues ont encore des rent à Gonstanlinoplc au douzième siècle. Us
partisans en Allemagne. disaient que ce n'est pas Dieu, mais un mau-
BOEUF. Le bœuf de Moïse est un dis dix vais démon qui avait créé le monde. Ils
animaux que Mahomet place dans son pa- étaient iconoclastes.
radis. BOGUET (Henri), grand juge de la terre
On attache à Marseille quelques idées su- de Saint -Clauiie au comté de Bourgogne,
(I) Joiimis Hodiiii universte n.itiirsp thoalriim, in qtio (i) On peut voir encore .laoobi Bieluni, alias dicti len-
ri rimi OMiniiiin effijclrices oiisu; tl liui« co.ileiiiplauLbr. louici pliilosoplii , clavis praecipnarnin rerum ((u* in reli-
J 1-8". I.ugilsiiii, Uoiissiii, lo'J6. qnis suis scriplis occurrunl pro incipii'.utibiis ad ullOTiorem
1:2) Disiiuisilion. niigic, p. .10. coiisldoralioneni rcvebtioni:. divin» conscripla, l(J2l, uu
(,"! Les alllhroflOlllO^|.hil(^s éliiifiil J'ji liOiùLiqMos ([ni vid. in-i'.
duuiijïcul il Diuu la Ibi'iiiu humuiiic. (:>) Kpil. di-'litlor. sivu de uiiiji-i, Ub. II, cap. S.\.
8i5 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. i3ri,

mort en 1619 , autour d'un livre pitoyable, résie, en ce que les sorciers renient Dieu.
plein d'une crédulité puérile et d'un zôie Aussi on remet quelquefois la peine à l'héré-
outré contre les sorciers. Ce livre, publié au tique repenti; on ne doit jamais pardonner
commencement du dix- septième siècle, est au sorcier...
inlilulé : Discours des Sorciers, avec six 5" On juge qu'il y a sorcellerie, quand la
avis en fait de sorcellerie et une instruction personne accusée faitmétier de deviner, cequi
pour un juge en semblable matière (1). — est l'œuvre du détnon; les blasphèmes et im-
C'est une compilation des procédures aux- précations sont encore des indices. On peul
quelles comme juge, l'auteur a générale-
, poursuivre enfin sur la clameur publique.
ment présidé. On y trouve l'hisloire de G" Les fascinations, au moyen desquelles
Louise Maillât, possédée de cinq démons à les sorciers éblouissent les yeux, faisant pa-
l'âge de tiuit ans; de Françoise Secretain , raître les choses ce qu'elles ne sont pas
sordère, qui avait envoyé lesdils démons ; donnant des monnaies de corne ou du carton,
des sorciers Gros-Jacques et Willermoz, dit pour argent de bon aloi , sont ouvrages da
le Baillu ; de Claude Gaillard de Rolande , diable; et les fascinateurs escamoteurs et ,

Duvernois et de quelques autres. L'auteur autres magiciens doivent être punis de mort.
détaille les abominations qui se font au sab- Le volume de Boguel est terminé par l'in-
bat il dit que les sorciers
; peuvent faire struction pour un juge en fait de sorcellerie.
tomber la giéle ; qu'ils ont une poudre avec Cet autre morceau curieux est connu sous le
laquelle ils empoisonnent qu'ils se grais- ; nom de Code des sorciers. Voy. Code.
sent les jarrets avec un onguent pour s'en- BOHÉMIENS. Il n'y a personne qui n'ait
voler au sabbat qu'une sorcière tue qui
;
entendu parler des Bohémiennes et de ces
elle veut par son souffle seulement qu'elles ;
bandes vagabondes qui sous le nom de Bo-
,

ont mille indices qui les feront reconnaître : hémiens, de Biscaïens et d'Egyptiens ou Gi-
par exemple que la croix de leur chapelet
,
tanes se répandirent au quinzième siècle
,

est cassée qu'elles ne pleurent pas en pré-


, sur l'Europe, dans l'Allemagne surtout, la
sence du juge qu'elles crachent à terre
, Hollande , la Belgique , la France et l'Espa-
quand on les force à renoncer au diable , gne, avec la prétention de posséder l'art do
qu'elles ont des marques sous leur cheve- dire la bonne aventure et d'autres secrets
lure, lesquelles se découvrent, si on les rase; merveilleux. Los Flamands les nommaient
que les sorciers et les magiciens ont tous le heyden, c'est-à-dire païens, parce qu'ils les
talent de se changer en loups ; que sur le regardaient comme des gens sans religion.
simple soupçon mal lavé d'avoir été au sab- On leur donna divers autres sobriquets.
bat , même sans autre maléfice , on doit les Los historiens les ont fait venir sur de si m pies
condamner ;
que tous méritent d'être brûlés conjectures, del'Assyrie, de laCilicie.duCau-
sans sacrement, et que ceux qui ne croient case,do la Nubie, de l'Abyssinie, delaChal-
pas à la sorcellerie sont criminels. dée.Bellon, incertain de leurorigine, soutient
Il faut remarquer qu'en ces choses ce n'é- qu'au moins ils n'étaient pas Egyptiens; car
tait pas le clergé qui était sévère mais les , il en rencontra au Caire, où ils étaient re-
juges liiïques qui se montraient violents et gardés comme étrangers aussi bieu qu'en
féroces. Europe. Il eût donc été plus naturel de croi-
A la suite de ces discours viennent les Six re les Bohémiens eux-mêmes sur leur paro-
avis, dont voici le sommaire : le, et de dire avec eux que c'était une race
1° Les devins doivent être condamnés au de Juifs, mêlés ensuite de chrétiens vaga-
feu , comme les sorciers et les hérétiques et , bonds. Voici ce que nous pensons être la vé-
celui qui a été au sabbat est digne de mort. rité sur ces mystérieux nomades.
11 faut donc arrêter sur la plus légère accu- Vers le milieu du quatorzième siècle, l'Eu-
sation la personne soupçonnée de sorcelle- rope et principalement les Pays-Bas, l'Alle-
rie , quand même l'accusateur se rétracte- magne et la France , étant ravagés par la
rait ; et peut admettre en témoignage
l'on poste, on accusa les Juifs, on ne sait pour-
contre de person-
les sorciers toutes sortes quoi , d'avoir empoisonné les puits et les
nes. On brûlera vif, dit-il, le sorcier opi- fontaines. Celte accusation souleva la fureur
niâtre, et, par grâce on se contentera d'é-
, publique contre eux. Beaucoup de Juifs s'en-
trangler celui qui confesse. fuirent et se jetèrent dans les forêts. Ils se
2" D;m» le crime de sorcellerie, on peut réunirent pour être plus en sûreté et se mé-
condamner sur de simples indices conjec- , nagèrent des souterrains d'une grande éten-
tures et présomptions on n'a pas besoin ; due. On croit que ce sont eux qui ont creu-
pour de tels crimes de preuves très-exactes. sé ces vastes cavernes qui se trouvent encore
3° Le crime de sorcellerie est directement en Allemagne et que les indigènes n'ont ja-
contre Bieu (ce qui est vrai dans ce crime, mais eu intérêt à fouiller.
s'il existe réellement, puisque c'est une né- Cinquante ans après, ces proscrits ou leurs
galion de Dieu et un reniement) aussi il : descendants ayant lieu de croire que ceux
faut le punir sans ménagement ni considé- qui les avaient tant ha'is étaient morts, quel-
ration quelconque... ques-uns se hasardèrent à sortir de leurs
4° Les biens d'un sorcier condamné doi- tanières. Les chrétiens étaient alors occupés
vent être confisqués comme ceux des héré- des guerres religieuses suscitées par l'hérésie
tiques; car sorcellerie est pire encore qu'hc- de Jean Uuss. C'était une diversion favorable.
(I) Un vol. in-8°. Paris, 1603; Lyon, 1002, !G07, 160M, Ii:ircc que la famille do Bogiiot s'cffurça d'en supprimer
1610; Itoueii, 1606. 'foules ces éJitions sont très-rares, les ex(Mnplaire3.
22S Bon «011 22Î
Sur rapport de leurs espions, les Juifs
le (eà à l'incendie. Ils se mirent aussi à dire»
cachés quillèrent leurs cavernes, sans au- la bonne aventure, sur l'inspeclion du visa-
cune ressource, il est vrai, pour se garantir ge, des signes du corps, et principalement
de la misère ; mais pendant leur demi-siècle sur l'examen des lignes de la main et des
de solilude, ils avaient étudié les divinations doigis. Ils annonçaient de si belles choses,,
et particulièrement l'art de dire la bonne a- et leurs devineresses déployaient tant d'à-'
ventare par l'inspection de la main ce qui ;
dresse, que les femmes et les jeunes filles
ne demande ni instrumenl , ni appareil, ni les traitèrent dès lors avec bienveillance.
dépense aucune et ils complèrenl bien que
;
Cependant la fureur contre les Juifs s'é-
la chiromancie leur procurerait quelque ar- tait apaisée ; ils furent admis de nouveau
gent. dans les villages, puis dans les villes. Miis
Ils se choisirent d'abord un capitaine ,
il resta toujours de ces bandes vagabondes
nommé Zundel. Puis comme il décla-
fallait qui continuèrent la vie nomade, découvrant
rer ce qui les amenait en Allemagne, qui ils partout l'avenir, et joignant à celte profes-
étaient , d'où ils venaient , et qu'on pou- sion de nombreuses friponneries plus ma^
vait les questionner aussi sur leur religion ; térielles. Bientôt, quoiiiue la nation juive
pour ne pas se découvrir trop clairement, fût le noyau de ces bandes, il s'y fil un tel
ni pourtant se renier, ils convinrent de dire mélange de divers peuples, qu'il n'y eut pas
que leurs pères habitaient autrefois l'Egyp- plus entre eux de religion dominanle qu'il
te, ce qui est vrai des Juifs ; et que leurs an- n'y avait de patrie. Ils pircoururent les
cêtres avaient été chassés de leur pajs pour Pay-Bas et passèrent en France, où ou les
n'avoir pus voulu recevoir la Vierge Alarie appela Bohémiens, parce qu'ils venaient de la
et son fils Jésus. —
Le peuple comprit ce re- Bohême.
fus, du temps où Joseph emmena le divin En- Pasquier, dans ses Recherches, raconte à
fant en Kgypte pour le soustraireaux recher- peu près ainsi leur apparition mystérieuse
ches d'Hérode; au lieu que les vagabonds sur le sol français et leur arrivée aux por-
juifs l'entendaient de la persécution quils tes de Paris eu 1427; —
Ils étaient au nom-
avaient soufferte cinquante ans auparavant. bre de centyingt; l'un de leurs chefs por-
De là vient le nom d'Egyptiens qu'on leur tait le titre de duc, un autre celui de comte;
donna et sous lequel l'empereur Sigismoud ils avaient dix cavaliers pour escorte. Ils
leur accorda un passe-port. disaient qu'ils venaient de la Basse-Egypte,
Ils s'étaient formé un argot ou un jargon chassés de leur pays parles Sarrasins, qu'ils
déguisé, mdié d'hébreu et de mauvais alle- étaient alléj à Rome confesser leurs péchés
mand, qu'ils prononçaient avec un accent é- au pape, qui leur avait enjoint pour péni-
tranger. Des savants qui ne voyaient pas plus tence d'errer sept ans par le monde , saiis
loin, furent flattés de reconnaître certains coucher sur aucun lit. ( Les gens éclairés
termes de la langue allemande dans un pa- n'ajoutèrent s.ins doute pas foi à ce conte.
tois qu'ils prenaient pour de l'égyptien. Ils dé- — On les logea au village de La Chapelle,
)

naturaient aussi plusieurs appellations ils près Paris et une grande foule alla les voir.

; ;

appelaient un enfant im criard , un manteau Ils avaient les cheveux crépus le teint ,

un preneur de vent, un soulier un marcheur, basané, et portaient aux oreilles des an-
un oiseau un volant. Toutefois, la multitude neaux d'argent. Comme leurs femmesdisaient
de mois hébreux qui est restée dans le lan- la bonne aventure et se livraient à des pra-
gage dos Bohémiens suffirait seule pour tiques superstitieuses et mauvaises, l'évéque
trahir leur origine juive. de Paris les excommunia , défendit qu'on
Ils avaient des mœurs particulières et les allâtconsulteret obtint leur éloignement.
s'étaient fait des lois qu'ils respectaient. Le seizième siècle fut infecté de Bohé-
Chaque bande se choisissait un roi, à qui miens. Les Etalsd'Orléans, en 1560, les con-
tout le monde était tenu d'obéir. Quand par- damnèrent au bannissement sous peine des
mi eux une femme se mariait, elle se bor- galères , s'ils osaient reparaître, Siiufferls
nait, pour toute cérémonie, à briser un pot dans quelques contvées que divisait Ihéré-"
de terre devant l'homme dont elle voulait sie, chassés en d'abiies lieux comme des-
devenir la compagne et elle le respectait
;
cendants deCham, inventeur de la magie,
comme son mari autant d'années que le va- ils ne paraissaient nulle part que comme
se avait produit de morceaux. Au bout de ce une plaie. Ou disait enFlandre qu'ils étaient
temps, les époux étaient libres de se quitter si experts en sorcellerie, que dès qu'cm leur
ou de rompre ensemble un nouveau pot do avait donné une pièce de n)onnaie, toutes
terre. On citerait beaucoup de bizarreries de celles qu'on avait eu poche s'envolaient aus-
ce genre. sitôt et allaient rejoindre la première, opi-
Dès que les nouveaux Egyptiens virent nion populaire qui peut se traduire en dait-
qu'ils n'étaient pas repoussés, ils implorèrent Ires termes et qui veut dire que les Bohé-
la pitié des Allemands. Pour ne pas paraître miens étaient des escrocs. —
Leurs bandes
à charge, ils assuraient que, par une grâce diminuèrentau dix-septième siècle (1). Pour-
particulière du ciel, qui les protégeait eii- tant on en voyait encore quelques rares dé-
eore en les punissant les maisons où ils
,
tachements il y a soixante ans. Sous les nou-
étaient une fois reçus n'étaient plus sujcl- velles lois de poiice des Etats européens, les

(t) Il y avait des Boliômiens dans les Ardeiines, au vagabonds, vit uii Bohémien crépu avec deux femmes ef
Cûinmenceiiicnl du dix-huitième siècle. Une légeuiie po- un eul'anl. Le Uoliéniien l'ajiislaiL de son esi-ingole lui,
;

pulaire coule qu'uu îausciueiicl, allaul à la cliissc de les ajusta le Boliéinien de sou niousnuel. Le JJubéuiiju lui
227 DICTiONNAIRI', DKS SCIE.NCES OCCLLTES. «3
sociétés bohémionnes sont dissoules. Mais il que femme de la famille de défunte bour-
la
y a toujours çà et là des individus qui di- geoise qu'elle voulait faire son héritière
;
sent la bonne aventure, et des imbéciles qui vous êtes celle que je cherche...
vont les consulter. Voy. Chiromancie. A ce récit extravagant, Bélise ne riait que
Voici une anecdote de Bohémienne qui a pour faire l'esprit fort car le désir d'être
,

fait quelque bruit sous Louis XIV^; Dufres- héritière augmentait sa crédulité.
iiy l'a mise au nombre de ses Nouvelles. — Mais reprit-elle, comment savoir si je
,

Plusieurs grands hommes, dit-il, ont ajouté suis parente de la bourgeoise qui vivait il
y a
foi aux diseurs de bonne aventure. Tel capi- cent ans?
taine qui mille périls craindra les
affronte — Kt si j'étais aussi parente? dit l'amie de
présages quune Bohémienne
verra dans sa Bélise.
main ; pardonnez donc cette f.iiblesse à une La Bohémienne n'y trouva point d'appa-
femme ; c'est une riche bourgeoise , que je rence ;ravie pourlant de faire l'épreuve
nommerai Bclisc. La Bohémienne qui l'abu- double, elle demanda à rinslanl deux verres
sa et qui est présentement au Châlelet , a
, de cristal, qu'on alla remplir d'eau claire;
de l'esprit comme un démon, le babil et l'ac- elle les mit sur deux tables éloignées l'une
cent bohémiens et le langage propre à faire de l'autre et dit aux bourgeoises de fermer
,

Cl cire l'incroyable. Sachant que Bélise allait un œil , et de regarder attentivement avec
souvent chez une amie , la Bohémienne la l'autre.
guette un jour, passe comme par hasard au- — Celle qui est parente de la bourgeoise ,

près d'elle la regarde , s'arrête, recule trois


, dit-elle , voir un échantillon du trésor
doit
pas et fait un cri d'élonnement
, : dont elle héritera , cl l'autre rien.

Est-ce que vous me connaissez ? lui dit La Bohémienne avait mis dans chaque
Bélise en s'arrétant aussi. verre une pelile racine ; leur disant que c'é-

Si je vous connais répond la Bohé- ! tait la racine des enchantements qui attirait
mienne dans son jargon oui madame et , , , les génies ; l'une de ces racines était apprê-
je suis sûre que vous serez heureuse de me tée avec une composition chimique qui , dé-
connaître aussi. trempée , devait , par une espèce de fenn mi-

Je vois , lui dit Bélise avec bonté , que talion former des bulles d'air et des petits
,

vous avez envie de g.igner la pièce en me di- brillants de différentes couleurs , avec des
sant la bonne aventure je n'y crois pas; : paillettes dorées. C'en était assez pour faire
mais ne laissez pas de me la dire. voir à une femme prévenue tout ce que son
Bélise la fit entrer chez son amie , et lui imagination lui représentait déjà. Bélise , à
présenta la main la Bohémienne en l'ob- : , la première bulle d'air, s'écria quelle voyait
servant , feignait d'être de plus en plus sur- quantité de perles.
prise et réjouie d'avoir rencontré une per- — Vous en allez voir bien d'autres , dil la
sonne qu'elle cherchait depuis plusieurs an- Bohémienne.
nées ; elle devina , par les règles de son art, Effeclivcment, à mesure que la fermenta-
diverses particularités dont elle s'était fait tion augmentait , Bélise , transportée , ache-
instruire par une femme qui avait servi Bé- vait de perdre l'esprit. Elle sauta au cou de
lise mais ce qu'elle voyait de plus certain ,
: celle qui la faisait si riche ; et , croyant déjà
c'était disait-elle , une fortune prochaine.
, tenir des millions elle lui promit de l'enri-
— Je vois bien des mains à Paris , ajoula-
,

chir ; la Bohémienne lui jura que dans deux


l-elle ,
je n'en vois point comme la \ôlre. jours elle posséderait le trésor.
Peu à peu elle disposa Bélise à donner
, — Mais, ajoula-t-elle , il y a de grandes
avec confiance dans le piège qu'elle lui ten- difficultés à vaincre: le diable, qui est gar-
dait. Après avoir persuadé aux deux bour- dien de tous les trésors enfouis, en doit jiren-
geoises qu'elle avait des liaisons avec les es- dre possession au bout de cent ans ; c'est la
prits et les génies , elle leur conta l'histoire règle. Par bonheur, il n'y a que quatre-
d'une princesse qui était venue mourir à Pa- vingt-dix-huit ans que la princesse a enterré
ris , il y avait cent ans; elle leur dit que le sien. Je crains pourtant qu'il ne nous dis-
cette princesse étrangère avait enterré un pute la date... Encore votre main ajouta-t- ,

trésor dans une cave, et qu'ensuite, vou- elle , je me trompe fort si le même diable ne
lant faire son héritièie une bourgeoise de ce vous a pas déjà Iulinéc.
lemps-là , qu'elle avait prise en iiftVclion, — Justement, dit Bélise ; car, cel clé, à la
elle était morte subitement sans avoir pu campagne , il revenait un esprit dans ma
l'instruire du lieu où était ce trésor caché. chambre il faul être sorcière pour avoir de-
:

C'est ce que je liens de la princesse même, viné cela.


continua la Bohémienne. La Bohémienne savait que la femme de
— Vous devez savoir, ajouta-t-elle , que chambre de Bélise , s'ennuyant, s'était avi-
personnedc l'autre monde ne peut parler aux sée de faire peur à sa maîtresse pour l'obli-
gens de celui-ci que par l'entremise des es- ger de revenir à Paris.
prits ; or, le mien connaît la princesse; et je — Menez-moi chez vous , dit-elle en re-
suis chargée de lui trouver dans Paris quel- gardant le verre ; le tiésor se trouve dans la
tiié. Les deux femmes, liées, furrnl emmenées
les mains çou l'cnronçaul par derrière dans le cou du lansquenet,
avec le ppiit gaiç .n. Comme
les pieds de ce pclil, qui sui- au-dessus de sa cuirasse, le poussa jusqu'il la garde le ca- ;

vait l'Iiomiiie à cIm'VbI, se décliiiaieul sur les cailloux, le valier louilia mort. Les deux fennues et l'eiifiiil, modaiit
lausqueiK'l en eut pitié; il le mit eu croupe derrière lui. sur son cheval, s'enfuireul dans la forêt. Ccii était nrrivé
L'une des deux femmes lui passa adroilemeut lui poi- près de Saint-Huberl.
gnard, qu'elle portail caclié dans son sein, et le petit gar-
iV) BOH BOIl S30
cave de la maison que vous habitez, et je fut poursuivie sur sa plainte , et condamnée
vois qu'il consiste eu deux caisses dont
, pour d'escroquerie et de sorcellerie.
fait
l'une est pleine, de vieux ducats et l'autre de Marthe la bohémienne. C'est une tradi- —
pierreries. tion populaire, traduite de l'anglais de Théo-
Bélise, ravie, emmena chez elle son amie dore Hook.
et la Bohémienne qui l'avertit chemin fai-
,
, Dans le voisinage de Bedford-Square, vi-
sant ,
que pour adoucir le malin esprit,
,
vait le respectable Harding qui tenait un ,

elle faire des conjurations , des fumi-


allait rang honorable, et remplissait une place dans
gations, et qu'il fallait amorcer le diable par Sommerset-House. Cet homme avait une
une petite effusion d'or. fille, appelée Maria, qui était le modèle de la
— En avcz-vous chez vous conlinua-t- , piété filiale mais d'une complcxion extrê-
,

elle ? mement délicate. A l'âge de dix-neuf ans ,


— cinq louis d'or, répondit Bélise.
J'ai Maria fixa les affections d'un jeune homme
— Fort bien répondit l'autre ne veux
, ;
je qui se trouvait allié à sa famille , et qui se
toucher de vous ni or ni argent , avant que nommait Frédéric Longdale ; les parents des
j'en aie rempli vos coffres; vous mettrez deux familles convinrent de ne pas presser
vous-même l'or dans le creuset au fond de , cette union, â cause de la jeunesse des futurs.
la cave et vous le verrez fondre à vos jeux
, M. Harding, se rendant un jour à Sommer-
par un feu infernal qui sortira des entrailles set-House, selon sa coutume, fut accosté par
de la terre en vertu de certaines paroles
, une de ces Bohémiennes qui mendient en
que je prononcerai. Je veux que vous soyez Angleterre. —
N'oubliez pas la pauvre Mar-
témoin de ces merveilles. the, la Bohémienne 1 — dit la bonne femme.
On arriva chez Bélise , où le reste de la M. Harding, qui n'avait pas de monnaie, ré-
fourberie était préparé; les caves en ques- pondit qu'il n'avait rien sur lui, et qu'il était
tion n'étaient séparécsdes caves voisines que pressé. Mais sa réponse ne rebuta pus cette
par un vieux mur où la servante avait fait un femme qui le suivait en réitérant ses lamen-
trou. La Bohémienne, aidée par elle , com- tations. —
N'oubliez pas la pauvre Marthe 1
posa un spectre semblable à celui qui s'était — Irritéde cette persévérance, le père de Ma-
montré à la campagne , et disposa son appa- ria, contre sa coutume, se retourna et pro-
reil. Bélise prit les cinq louis qu'on devait nonça d'un ton de colère , une malédiction
,

fondre au feu infernal. En arrivant à la cave, contre la vagabonde.


elle aperçut, avec effroi le spectre qu'elle ,
— Ah s'écria Marthe, en s'arrélant avec
!

connaissait, et s'évanouit. On la trouva, à fierté , vous me maudissez Ai-je vécu jus- !

son réveil disposée à tout croire.


, qu'aujourd'hui pour m'entendre maudire ?
La Bohémienne emporta les cinq louis. Le Homme méchant et dur, homme faible et
lendemain revint et dit à Bélise, en
elle hautain, regardez-moi !

l'embrassant, que la princesse s'était rendue Elle répéta si vivement cette apostrophe,
chez elle; qu'elle approuvait tout: que quant que M. Harding subjugué , la regarda avec
au diable , il avait voulu , par un faux cal- émotion. 11 vit dans toute sa contenance
cul , escamoter les deux ans qui lui man- l'expression de la fureur. Ses yeux noirs
quaient, mais qu'on s'était accommodé avec lançaient sur lui des éclairs ; ses cheveux
lui,en promettant de lui donner mille écus; noirs tombaient sur ses joues olivâtres ; un
en conséquence , qu'elle les trouvât dans la rire effrayant et un ricanement de mépris
journée. laissaient apercevoir des dents p!us blanches
— Vous les lui donnerez vous-même , dit- que l'ivoire. Il considérait Marthe, partagé
elle; car vous pourriez croire que j'ai moyen entre l'élonnement et le trouble. Uegar- —
de gagner sur cette somme. dez-moi monsieur , dit encore la Bohé- ,

Bélise répondit qu'elle avait toute con- mienne vous et moi devons nous rencon-
;

fiance en elle, et qu'elle la priait de se char- trer encore ; vous me verrez trois fois avant
ger de lui remettre elle-même l'argent. de mourir ; mes visites seront terribles, et la
Cependant la Bohémienne demanda en-
, troisième sera la dernière
core qu'on lui donnât force robes, coiffures , Ces paroles frappèrent vivement le cœur
jupes, draps et serviettes, afin de tapisser la de M. Harding ; voyant quelques passants
cave où la princesse devait se rendre, comme s'approcher, il fouilla dans sa poche, en tira
elle l'avait promis. Les robes devaient ser- de l'argent qu'il voulut donner à Marthe :

vir à vêtir les génies qui l'accompagneraient. — De l'argent à présent répondit la sor- ,

Bélise aida elle-même à porter ses hardcs cière Ne suis-je plus maudite ? 11 est trop
1

dans la cave. tard. La malédiction est à vous maintenant.


La Bohémienne lui recommanda de fermer — Ces paroles prononcées elle s'enveloppa ,

la porte à double tour, de peur que quel- de son vieux manteau et disparut.
qu'un ne vînt troubler la séance. Elle ne M. Harding , de retour chez lui , raconta
pouvait ainsi vien soupÇ(mner,car elle igno- l'aventure à sa femme, qui lui répondit,
rait la communication des caves voisines , comme il devait ratt(!ndre, de sa tendresse et
par où les génies plièrent la toilette. Ainsi ,
de sa raison et après une discussion sur la
;

les-Bohé(niennes eurent toute la nuit pour faiblesse d'esprit qui fait ajouter foi aux dis-
sortir de Paris avec le butin ; et l'Iiérilière , cours de ces malheureuses on alla se cou- ,

en chemise fut se coucher en attendant la


, cher. M. Harding, accablé par de tristes ré-
succession de la princesse. Elle reconnut le flexions, finit par s'endormir. Le lendemain
lendemain qu'elle était dupe. La Bohémienne et les jours suivants il se rendit à son ira-
SSl DICTlONNAinE DES SCIENCES OCCULTES. 232

Vail comme de coiilumo, toujours inquiel et rent à Lausanne ; mais l'absence ne calma
l'espritrempli de Marthe mais honteux de , point leurs regrets, et au bout de deux ans,
l'empire qu'il laissait prendre sur lui à ces ils revinrent à Londres pour assister au ma-

idées superstitieuses. riage de leur fils à qui M. Harding avait


,

Cependant Frédéric s'occupait conlinuellc- fait obtenir sa place. On donna un grand


mont de son aimable Maria, en qui les sym- souper, où toute la famille fut invitée. Après
ptômes de la consomption se développèrent la collation comme on priait la mariée de
,

avec tant de force que les médecins quoi-


, ,
chanter , on entendit un bruit effrayant ,
qu'ils n'en parlassent que comme d'un mal Semblable à celui d'un poids qui aurait roulé
peu sérieux montrèrent par leurs soins
, , , sur toutes les marches de l'escalier la porte :

qu'ils n'étaient pas sans inquiétudes. Trois du salon s'entr'ouvrit conime enfoncée par
,

mois s'étaient écoulés depuis la fatale ren- un coup de vent. M. Harding pâlit, regarda
contre de Marthe, le temps et une distraction sa femme, et dit, en se tournant vers l'as-
constante avaient délivré presque entière- semblée que ce bruit venait de la rue , et
,

ment l'esprit de M. Harding de la terreur que qu'il ne fallait pas s'en troubler mais on vit
;

celteBohémiennelui avait inspirée, lorsqu'un bien qu'il frissonnait et après que tout le
,

jour le jeune Frédéric qui était venu voir ,


monde se fut retiré, Harding soupira, et s'a-
sa fiancée, fut obligé de la quitter prompte- dressant à sa femme il l'engagea à se pré-
,

ment, son carritk l'attendait pour le con- parer à une nouvelle calamité. —
J'ignore,
duire à une vente de chevaux, où son père quel malheur nous menace, dit-il mais il ;

lui avait donné commission d'en examiner est suspendu sur nos têtes ; il y tombera
qu'il avait l'intention d'acheter. M. Harding Cl tte nuit même. —
.Mon ami, dit mistriss
proposa au jeune homme
de l'accompaguer Harding, que voulez-vous dire ?.... Ma —
aux criées de HydePark, puisqu'il n'était pas chère, je l'ai vue pour la troisième fois 1

occupé ce jour-là. Celte proposition fut ac- Qui ? — Marthe la IBohémienne.... Lorsque la
ceptée , et ils partirent ; mais M. Harding , porte s'ouvrit d'une manière surnaturelle ^
qui tenait les rênes reconnut bientôt que
, je la vis Ses yeux effrayants étaient atta-
1

son adresse ne pouvait suppléer à ses forces chés sur moi....


pour maîtriser les coursiers ardents de Fré- Il embrassa tendrement sa femme, et,
déric; il le pria donc de les prendre. Celui-ci, après avoir éprouvé quelques instants lé
par trop de précipitation, laissa échapper les frisson de la fièvre, M. Harding tomba dans
guides; les chevaux ne sentant plus de frein Un sommeil dont il ne réveilla jatnais....^
se cabrèrent cl mirr nt en pièces le fragile
, Histoire qui assurément est un conte.
équipage , après avoir lancé M. Harding BOHINUM , idole des Arméniens , qui
ainsi que Frédéric sur le pavé. était faite d'un métal noir, symbole de la
,Pendant qu'ils entraînaient les débris de la nuit. Son nom vient du mot hébreu boliu,
voiture sur la place qu'ils venaient de quit- désolation, à ce que dit Leloycr. C'est le dé-
ter M. Harding aperçut avec horreur Mar-
, mon du mal.
the la Bohémienne BOHMIUS (Jean). Quelques-uns recher-
Cette horrible vision, qui se rapportait à chent sa Psi/chotoyie ou Traité des esprits,
,

la menace de la sorcière , fit une telle im- publiée en 1032, à Amsterdam (1), livre qui
pression sur lui , que son effroi , joint aux ne manque pas d'hérésies.
douleurs qu'il ressentait , lui fit perdre con- BOHON-HUPAS, arbre poison qui croît
naissance. Cependant les deux infortunés dans l'île de Java, à trente lieues de Batavia.
furent promplemcnt secourus. Le jeune Fré- Los criminels condamnés allaient autrefois
déric fut longtemps dans un état trèsalar- recueillir une gomme qui en découle, et qui
manl : quant à M. Harding, il recouvrait de est un poison si prompt et si violent, que les
jour en jour la santé ; mais son jugement oiseaux qui traversent l'air au-dessus de cet
semblait l'abandonner, l'aspect de sa pauvre arbre , tombent morts ; du moins ces choses
fille presque mourante contribuait encore à ont été contées. Après que leur sentence était
troubler chaque instant de sa vie. Elle de- prononcée, lesdits criminels pouvaient choi-
manda à voir Frédéric, qui alors se trouvait sir, ou de périr de la main du bourreau ou ,

mieux ; on lui donna la certitude qu'elle le de tenter de rapporter une boîte de gomme
verrait dans quelques heures. Au moment de l'hupas.Foerscch rapporte qu'ayant inter-
où l'on s'entretenait de cette entrevue pro- rogé un prêtre malais qui habitait ce lieu sau-
chaine et désirée , comme les rayons du so- vage, cet homme lui dit qu'il avait vu passeron-
leil, qui brillait alors de toute la force, tom- vironsept cents criminels, sur lesqucis il n'en
Lilent sur la malade : —
Mon ami, dit mis- était revenu que vingt-deux (ju'il n'y avait pas
;

Iriss Harding, fermez un peu vous le volet, je plus de cent ans que ce pays était habile par
prie. —
M. Harding se leva et , ouvrant la , un peuple qui se livrait aux iniquités do
Croisée , il poussa un cri d'horreur en s'é- Sodome et de Gomorrlie; que Mahomet ne
crianl —
Elle est là
: —Qui répliqua mis-
1
'?
voulut pas souffrir plus longtemps leurs
Iriss Harding, surprise et effrayée. Elle, — mœurs abominables qu'il engagea Dieu à
;

elle, elle !malheur 111...


<H le les punir; et que Dieu fit sortir de la terre le
Mislriss Harding courut à la fcnCtre et vit, bohon-hupas, qui délruisit les coupables, et
dans ia rue, Marthe la Bohémienne. rendit le pays à jamais inhabitable. Les
Etant relournée vivement au lit de Maria, Malais regardent cet arbre comme l'instru-
elle poussa un gémissement plaintif Maria :
(I) Joaimis Bolunii Psychologia, cuni vcra api.licarione
était morte... Ses parents désolés, se retirè- Joanuis Aiigcli. Iu-24. Âuisl-el., 103^.
233 l'OL BON 25*
ment de la colère du Prophète; et, toulefois, soutint que les visions d'esprits n'étaient au-
la mort qu'il procure passe chez eux pour tre chose que des contes de vieilles, éponvan-
honorable; voilà pourquoi les criminels qui tails depelils enfants. Le parlement ne décida
vont chercher le poison se rcvèlenl en gé-
, rien el renvoya la cause au tribunal de la
néral (le leurs plus beaux habits (1). Tournelle,qui par son arrêt maintint la rési-
BOIS. —
Les anciens avaient une divina- liaiion du bail (3).
tion qui se pratiquait par le moyen de quel- nOLFRI, Voy. Bérith.
ques morciaux de bois. Voy. Xylomancik. BOLINGBROKE, Voy. Glocester.
Ils croyaient les forêts habitées de divinités BOLOMANCIE. C'est la Bélomancie. Voy.
bizarres; et dans les pays superstitieux, on ce mol.
y redoute encore les lutins. Les Kamslcha- BOLOTOO. Ile imaginaire où les naturels
que
dales disent sont pleins d'esprits
les bois des îles de Tonga placent leur paradis. Ils
malicieux. Ces esprits ont des enfants qui croient que les âmes de leurs chefs y devien-
pleurent sans cesse pour attirer les voya- nent des divinités du second ordre. Les ar-
geurs , qu'ils égarent ensuite , et à qui ils bres de Bolotoo sonl chargés, disent-ils, des
ôlenl quelquefois la raison. Enfln, c'est, — meilleurs fruits et toujours couverts des plus
généralement dans les bois que les sorciers belles fleurs, qui renaissent toutes les foi»
font le siibbal. qu'on les cueille. Ce séjour divin est rempli
BOiS DE VIE. —
C'est le nom que les al- d'animaux immortels que l'on ne tue que pour
chimistes donnent à la pierre parfaite du lanourriture des dieux et des élus; mais
grand œuvre, plus clairement appelée baume aussitôt qu'on en tueun, un autre le remplace.
universel ou panacée , qui guérit tous les BONA (Jean), savant et pieux cardinal,
maux, et assure à ceux qui la possèdent une mort en 1674. On recherche de lui un Traité
jeunesse inaltérable. du discernement des esprits, in-12, publié en
Les Juifs nomment bois de vie les deux 1673 et traduit par l'abbé Leroy de Haute-
bâtons qui tiennent la bande roulée sur la- fontaine, 1676. Le chapitre 20 de cet ouvrage
quelle est écrit le livre de leur loi. Ils sont traite avec beaucoup de lumières de ce qu'il
persuadés que l'attouchement de ces bâtons y a de plus difficile dans la matière des vi-
affermit la vue et rend la santé. Ils croient sions et des révélations particulières (k).
aussi qu'il n'y a pas de meilleur moyen de BONASSES Voy. Gullets.
,

faciliter l'accouchement des femmes, que de BONATi (Gui) astrologue , florentin du


leur faire voir ces bois, qu'il ne leur est pas treizième siècle. Il vivait, dit-on, d'une ma-
permis de toucher. nière originale, et possédait l'art de prédire
BOISTUAU ou BOAISTUAU (Pierue), dit l'avenir. Les troupes de Rome, sous le pon-
Launay, Nantais, mort à Pans in 15Gb. Ou tifical de Martin IV assiégeaient Forli
,

recherche de lui deux ouvrages rares el ville de la Romngno, défendue par le comte
curieux 1° Histoires prodigieuses, extraites
: de Montferral. Bonati, qui s'y était retiré,
de divers auteurs, in-»% 1301. Aux quarante voyant la ville prête à faire une sortie, an-
histoires de Buistuau, Tesseranl en ajouta nonça au comte qu'il serait blessé dans la
quinze. Belleforêt, Hoyer et Marionville les mêlée. L'événement justifia la prédiction ;
firent réimprimer avec une nouvelle conti- et le comte de Monlferrat, qui avait porté
nuation, en 1573, six vol. in-16; 2" His- — avec lui ce qu'il fallait pour panser sa bles-
toires tragiques, e\\.ràH.es des œuvres italien- sure, fit depuis le plus grand cas de l'astro-
nes de Bandel, el mises en langue française, logie. Bonati, sur la fin de sa vie, reconnut
1568 et années suivantes, 7 vol. in-16. Il n'y pourtant la vanité de sa science, se fit fran-
a que les six premières histoires du premier ciscain, et mourut pénitent en 1300. Ses ou-
volume qui aient été traduites par Boisluau ; vrages ont été recueillis par Jacques Cautc-
les autres sont de la triiduclion de Bellefo- rus, sous le titre de Liber aslronomicus,in-l*'',
rêt, qui lui était bien inférieur. Voy.
Visions, rare. Augsbourg IWI.
SïMPiTHiE, Apparitions. BONGOMILES. —
Voy. Bogarmiles.
BOJANI (Michel). On peut lire de lui une BONICA, imaginaire de l'Amérique, où
île
Histoire des songes (2), publiée en 1587. Déudatus, médecin spagirique , place une
Nous ne la connaissons que par le titre. fontaine dont les eaux, plus délicieuses que
BOLACRÉ {GiLLEsJ, bonhomme qui habi- le meilleur vin, ont la vertu de rajeunir.
tait une maison d'un faubourg de
Tours, oii BONIFACE VIII, pape, élu le 2i décembre
il prétcnditqu'il revenait
des esprits qui l'em- 129'*. On a conté que, n'étant encore que
péchaient de dormir. C'était au seizième siè- cardinal, il fil percer une muraille qui avoi-
cle. avait loué cette maison ; et comme il
Il sinait le lit du pape Célestin, et lui cria au
s'y faisait un bruit et tintamarre d'esprils moyen d'une sarbacane, qu'il eût à déposer
invisibles, sabbats el lutins, qui ne lui lais- la tiare s'il voulait être sauvé; que le bon
saient aucun repos, il voulut à toute force pape Célestin obéit à cotte voix qu il croyait
faire résilier le bail. La cause fut portée de- venir du ciel, et céda la placi; à Buniface. —
vant le siège présidial à Tours, qui ca-.sa le Mais ce récit n'est qu'une imposlurc entiè-
bail. Le propriétaire en appela au parlement rement supposée par les protestants, qui
do Paris; sou avocat, maître René Chojjin, ont imaginé celle calomnie comme tant d'au-

des Voyages de M. Foersech, Hol!:ui(i;iis, (3) Lelojcr. Disc, dos spectres, liv. vi, cli. 15.
(1) Extrait
liUéralurn étrangère, p. G3. (l) Jo.miies ennlinalis Boiia, De discritlune spiriluiim.
Mélanges de la t. I,

(-2) Micbaelis Uojaiii, Umoria de Somuiis. Iii-S". W il tii-1:;. l'jris, 1G7.?.

leui'berg, 15H7.

DICT10^N. DES SCIENCES OCCLXTE.'i. 1. 8


235 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCl LTES. 23j

dos. La vérité est quo le pape Célcslin dé- aucune douleur, d'où on le jugea bien sor-
posa la liare pour sorciipcr uniquement de cier. Il confessa qu'ayant épousé en pre-
son âme. Le cardinal Cajelan (depuis Boni- mières noces Bcrihomée de la Béilouche,
lace VIII) n'y fut pour rien. qui était sorcière comme ses père et mère,
BONNE AVENTURE. Les diseurs de bonne il l'avait vue faire sécher au four des ser-
aventure cl les magiciens étaient devenus pents et des crapauds pour des maléfices ;
si nombreux à Rome du lomps des premiers qu'elle le mena alors au sabbat, et qu'il y
empereurs, qu'ils y avaient une confrérie el ; vit le diable, ayant des yeux noirs, ardents
le lemiemain du jour où fui tué (laliRu'a, des comme une chandelle. Il dit que le sabbat
magicii ns venus d'Egypte et de Syrie de- se tenait quatre fois l'an la veille de la :

vaient donner sur le théâtre une représen- Saint-Jean-Bapliste, la veille de Noël, le


tation des enfers (1). Pour l'art de dire la mardi-gras el la veille de Pâques. On le con-
bonne aventure, voy. CninoMA.>crE, Carto- vainquit d'avoir fail mourir sept personnes
mancie, Astrologie, Métoposcopiiî, Horos- par sortilège; se voyant condamné, il avoua
copes, Cranologie, et les cent autres ma- qu'il élait sorcier depuis l'âge de seize ans.
nières. — Il y aurait de curieuses études à faire sur

BONNES. On appelle bonnes, dans certai- tous ces procès, si nombreux pendant les
nes provinces, des fées bienveillantes, des troubles de la réforme.
espèces de farfadets femelles sans malice, BONZES. Les bonzes chinois font généra-
qui aiment les enfanls el qui se plaisent à lement profession de prédire l'avenir el
les bercer. On a sur elles peu de détails ; d'exorciser les démons ; ils cherchent an*si
mais c'est d'elles, dil-on, que vient aux ber- la pierre philosophale. Lorsqu'un bonze
ceuses le nom do bonnes d'cnfanls. Habondia promet de faire pleuvoir; si dans l'ispice
est leur reine. de six jours il n'a pas tenu sa promesse, on
BONNET fJEANNE), sorcière de Boissy en lui donne la bastonnade.
P'orcz, brûlée le 13 janvier 1583 pour s'êire Il existe des bonzes au Congo. On croit
vaniée d'avoir eu des liaisons avec le diable. que leurs âmes sont errantes autour d^ s
BONNET BLEU. Voy. Dévouement. lieux qu'ils ont habités. Quand on voit un
BONNET POINTU, ou esprit au bonnet ; tourbillon balayer la plaine cl faire lever la
vny. Hecdeckin. poussière et le sable, les naturels s'écrient
BONNEVAULT. Un sorcier poitevin du que c'est l'esprit des bonzes.
«eizième siècle, nommé Pierre Bonncvaull, BOPHOMET, voy. Tête de Bopuomkt.
fut arrêté parce qu'il allait au sabbat. Il con- BORAK, jument de Mahomet qu'il a mise
fessa que la première fois qu'il y avait élé dans son paradis. Elle avait une fiice hu-
mené par ses parents, il s'était donné au maine, et s'allongeait âchaqtic pas aussi loin
diable lui permettant de prendre ses os
,
que la meilleure vue peut s'étendre.
après sa mort; mais qu'il n'avait pas voulu BORAX, sorte de pierre qui se trouve,
donner son âme. Un jour, venant de Mont- disent les doctes, dans la lêle des crapauds ;
morillon où il avait acheté deux charges on lui attribue divers effets merveilleux
d'avoine qu'il emportait sur deux juments, comme celui d'endormir. Il est rare qu'on la
il entendit des gens d'armes sur le chemin; puisse recueillir, el il n'est pas sûr qu'elle
craignant qu'ils ne lui prissent son avoine, il soit autre chose qu'un os durci.
invoqua le diable qui vint à lui comme un BOHBORITES, voy. Génies.
tourbillon de vent, et le transporta avec ses BORDELON ( Laurent) né à Bourges en ,

deux juments à son logis. Il avoua aussi 16;j3, mort en 1730; écrivain médiocre, qui
qu'il avait fait mourir diverses personnes toutefois savait beaucoup de choses, et s'é-
avec ses poudres; enfin il fut condamné à tait occupé de recherches sur les supersti-
mort. Voy. Tailletroux. tions, les sciences occultes et les erreurs po-
Jean Bonnevault, son frère, fut aussi ac- pulaires. Il est fâcheux qu'il ail écrit si
cusé de sorcellerie et le jour du procès, de-
;
pesamment. On achète encore ses entretiens
-vant l'assemblée, il invoqua le diable qui sur V Astrologie jiidiciiiirc, qui sont curieux.
l'enleva de terre environ quatre ou cinq Le plus connu de ses ouvrages (el il a été
pieds, cl le laissa retomber sur le carreau réimprimé plusieurs fois) est intitulé «His- :

comme un sac de laine sans aucun bruit, toire des imaginations extravagantes de Mon-
quoiqu'il eût aux pieds des entraves. Etant sieur Ou fie, causées par la lecture des li\res
relevé pardeuxarchers, onlui trouva la peau qui traitent de la magie, du grimoire , des
decouleur bleue tirant sur le noir il écumait ; démoniaques , sorciers loups-garoux in-
, ,

et souffrait beaucoup. Interrogé là-dessus, il cubes , succubes , et du sabbat , des fées,


répondit qu'syant prié le diable de le tir( r ogres, esprits, follets, génies, fantômes et
de peine, il «'avait pu l'enlever attendu , autres revenants ; des songes, de la pierre
que, comme il avait prêté sermint à la jus- philosophale , de l'astrologie judiciaire, des
tice, le diable n'avait plus pouvoir sur lui. horoscopes, talismans, jours heureux el
Mathurin Bonnevault, parent des deux malheureux, éclipses, comètes et aimnnachs;
précédents, accusé eomme eux de sorcelle- enfin de toutes les sortes d'apparitions, de
rie, fut visiié par experts. On lui trouva sur divinations, de sortilèges, d'enchantements,
l'épaule droite uiic niarque de la figure cl d'autres superstitieuses pratiques. »
d'une petite rose, dans la(|uellc on planta On voit par ceque nous avons copié
titre,
une longue épingle, sans qu'il en ressentît tout entier, que l'auteur avait pris un cadre
(1) Grailler de Cassngnac, Lilléraiure des esclaves. assez vaste. Dans ses deux volumes in-t2.
237 BOR BOR 23Ï
ornés de figures, il s'est trouvé à l'étroit; portent grand nombre d'histoires qui pas-
pt son travail , qui se modèle un peu sur le saient, dans l'esprit de M. Ouftc. pour in-j
Don Quichotte, n'est recherché que pour les contestables. 11 ne doutait point qu'il n'y eût'
noies , très-nombreuses lesquelles valent
, des familles entières, oii il y a ait toujours
niieux que le texte. quelqu'un qui devenait loup-garou qu'on ;

Nous tiierons pourtant deux fragments de le devenait aussi quelquefois en mangeant


ce livre singulier. les entrailles dun enfant s.icrifié. 1! croyait
encore fermement qu'on pouvait se changer
Monsieur Oufîe, devenu loup-garou.
en chat, en cheval, en arbre, en bauî. e:i
Monsieur Oudc avait une femme, deux fils, vipère, en mouche, en vache ; enfin indiffé-
dont r. îné était abbé et le cadet financier ;
remment en toutes sortes de formes.
deux filles et un frère marié. Madame Ouflc, 11 croyait avec la même certitude qu'il n'é-

espèce d'esprit fort corttrairement aux in-


,
tait pas difficile de faire ce changement sur
clinations ordinaires des personnes de son d'autres ; que l'on pouvait changer , par
sexe, formait un contraste frappant avec son exemple, un marchand de vin en grenouille.
mari, qui adoptait sans restriction les opi- 11 ne trouvait aucune difficulté à ces trans-
nions dune foule de savants sur la magie et mutations parce qu'il avait lu qu'elles
,

la sorcellerie, sur les spectres et les fantô- avaient été exécutées. Il croyait que des
mes, les loups g.iroux, les esprits follets, les roses pouvaient rendre la première forme
fées, les ogics, l'astrologie judiciaire, les di- à ceux qui avaient subi ces transforma-
vinations , les apparitions , etc. L'abbé Dou- tions.
dou , de M. Oufie faisait un mé-
fils aillé ,
Un des jours de carnaval, M. Oufie donna
lange très - mal assorti de science et de à souper à toute sa famille et à quelques-
trcdulité. 11 croyait que tout ce qu'il trou- uns de ses amis. On y mangea abondam-
vait d'extraordinaire dans les livres était ment , on y but de même car il ne laissait
;

vrai, ne se pouvant persuader que l'on fût pas d'aimer la bonne chère et la joie, à con-
d'assez mauvaise foi pour faire imprimer des dition pourtant qu'on ne renverserait point
clios s surprenantes si elles n'étaient pas
,
de salière qu'on ne mettrait point do cou-
,

véritables; tl le peu qu'il avait de doctrine teaux en croix, qu'on ne serait point treize
ne lui servait qn'.à trouver dans son esprit à table. 11 mit ce soir-là tout le monde en
des preuves forcées de possibilité pour tout train pour exciter à boire, il portait conti-
:

ce qu'il voulait absolument croire. Sansugue, nuellement des santés , satisfaisait à celles
le second fils, avait pris le parti de la finance, qu'on lui portait de sorte qu'il prit plus de
;

et ne cherchait que les moyens et les occa- vin que sa tête n'en pouvait porter.
sions de s'enrichir. Quand on lui parlait des Après le repas tous se retirèrent très-con-
diables qui faisaient trouver des richesses, tents les uns des autres. M. Oufie fil de son
l'eau lui en venait si fort à la bouche, qu'il mieux les honneurs du départ de ses hôtes,
ne 1;'S aurait pas renvoyés , malgré les for- al gagna ensuite sa chambre. Sansugue,
mes épouvantables dont on se sert pour les aussitôt qu'il fut rentré chez lui prit un de
,

représenter. pas si crédu'c sur l'ap-


Il n'était ses habits de masque dont il avait grand
,

parition des âmes des défunts, parct; que, nombre, et alla courir le bal avec d'autres
disait-il , ces fantômes de morts ne parais- jeunes gens qui l'attendaient.
sent d'ordinaire que pour faire des demandes Mais à peine .M. Oufie se fut-il retiré, qu'il
aux vivants , ou pour donner des frayeurs lui prit une de ces inquiétudes qui ne per-
qui n'aboutissent qu'à glacer le sang de ceux mettent pas que l'on reste en place , sans
qui les voient. Venons à ses deux filles. qu'on puisse dire pourquoi on se met en
L'aînée nommée Camèle, croyait to;il ce
, mouvement. Après s'être promené quelque
que lui disait sou père quand il lui parlait, temps dans sa chambre il en sort, et cela
,

et ensuite elle n'en croyait rien quand el!e seulement pour en sortir; il monte un es-
s'était entretenue avec sa mère. calier; passant devant l'appartement de S.in-
Uuzine, la cadelle, s'accommodait, comme sugue, qu'il trouve ouvert , il y entre , ou
sa sœur, au goût de sou père et de sa mère; pour savoir s'il y était, ou pour jaser avec
mais ce que celle-ci faisait par simplicité, lui. N'y trouvant personne, mais seulement
celle-là le faisait par artifice c'était une ; les habits de masque que son fils avait ou-
fine mouche, qui jouait, en quelque manière, blié de serrer, il en remarqua un fait exprès
loiilc sa famille. pour se déguiser en ours; il le considéra
Noncrède, frère de M. Oufie, passait dans attentivement. 11 était fait de peaux d'ours
l'esprit de tous ceux qui le connaissaient, avec leur poil, cousues de manière qu'elles
pour un homme plein de sagesse et de pro- donnaient, depuis la tétc jusqu'aux pieds, l<>
bité, mais qui adoptait peut-être trop facile- ressemblance de cet animal à celui qui eik
ment les opinions téméraires des prétendus était couvert. Après l'avoir retourné il lui
,

philosophes. 11 faisait à son frère cl à l'abbé vint dans l'osprii de s'en servir pour l'aire
Doudou, sou neveu, une guerre continuelle une plaisanterie à sa femme. Celle plaisan-
sur leur confiance et leur penchant en ma- terie était de vélir cet habit, et ensuite do
tière d'apparitions et de sortilèges. Après lui aller faire peur. On ne peut croire com-
ayoir dépeint Us caractères venons sur-le- , bien il s'applaudissait à lui-même d'avoir
champ aux .ivenlures. imaginé celle gaillarde supercherie. Mais son
Il y a longtemps qu'on parle des loups- idéeeut un succès différent décelai (ju'il s'en
gnroux : les anciens et les modernes en rap- promettait.
=59 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTKS. 240
donc cet habit l'emporta dans sa
11 prit , douter que quand il hurlait il n'erTrayât Ions
chambre, s'en couvrit, cl puis alla Irès-dou- ceux qui l'entendaient. En effet , il en fit la
cemcnt vers l'appartement de sa femme, pour première expérience sur une sérénade qui
l'occasion et son imagina- bruissait dans la première rue qu'il parcou-
y jouer le rôle que
lion lui avaient fait inventer. Comme il était rut. Quand les musiciens entendirent un des
près de commencer la scène , il entendit du hurlements de M. Oufle, la terreur que leur
bruit, et reconnut que la femme de chambre inspira cette horrible symphonie, à laquelle
de madame Oufle était encore avec elle. Ce ils ne s'attendaient pas, glaça leur sang de

contre-temps le chagrina ; cependant il ne que, demeurant immobiles, ils


telle sorte
quitta point son dessein il retourna sur ses , firent tousen même temps une pause. Ils
pas et rentra chez lui pour y aUendre que
. écoutèrent pour connaître d'où pouvait
cette fille fût partie afin de faire plus sûre-
, venir une voix si extraordinaire ; le loup-
ment son coup ; et pour s'anmser et se garou se mit à hurler encore plus fort, et
désennuyer, après s'être assis devant le feu, s'approcha d'eux, ils le prirent tous pour ce
il prit sur une table le premier livre qui se qu'il pensait être lui-même, et s'enfuirent
trouva sous sa main c'était la Démonoma' : ide toutes leurs forces.
nie de Bodin : il l'ouvre, et tombe par hasard En ce moment quatre jeunes gens, qui de-
sur un endroit qui traitait des loups-garoux. puis peu de temps étaient délivrés de la vie
il passa environ une demi-heure djns cette gênante des collèges, sortant du cabaret, où
lecture et dans celle de quelques autres su- ils avaient vidé plus de bouteilles que Irurs

jets analogues. Enfin, le vin, le feu et la si- petites têtes n'étaient capables d'en porter ,
tuation tranquille où i! était, l'assoupirent et venaient d'imaginer un projet qui leur pa-
le plongèrent insen>iblemcnt dans un som- raissait héro'ique. C'était de se donner de
meil si profond qu'il ne songeait plus à ce
, grands mouvements, pour arracher les cor-
qu'il avait fait, ni à ce qu'il avait résolu de faire. des dis sonnettes pour ôter les marteaux
,

Madame Oufie, qui n'avait aucun soupçon des portes ; ou , «"ils n'en pouvaient venir à
'de ce qu'on machinait contre elle, ne man- bout , de sonner , de heurter de toutes leurs
qua pas, comme on juge bien, de se coucher, forces, de déranger les bornes, de briser les
et de dormir de son côlé aussi trauquillement sièges de pierre de brouiller des serrures ,
,

^uc son mari. et de faire d'autres actions aussi dignes de


La femme de chambre , dont on vient de leur courage et de leur valeur. Quand ils
parler, son logement au-dessus de
avait avaient arraché le marteau d'une porte , ils
l'appartement de M. Oufle comme elle s'é- ; auraient hardiment fait assaut de gloire avec
tait peut-être trop ressentie de la fête à la les généraux d'armée les plus sages et les
seconde table , ou qu'elle ne se souciait pas plus intrépides , tant ils étaient pénétrés de
de respecter le sommeil de son maître ou , leur mérite.
par un hasard tout à fait imprévu , un vase Lesoirdoncquenotreloup-garou faisait des
qu'elle tenait à la main tomba par terre et fil siennes, ces guerriers nocturnes et vineux fai-
si grand bruit, que M. Oufle en fut éveillé en saient aussi des leurs, et comme ils se rendaient
sursaut. Il se lève tout troublé de dessus sa compte les uns aux autres de leurs faits et
chaire ; et comme il se trouvait vis-à-vis la gestes et qu'ils on montraient les marques
,

<;heminée, sur laquelle il y avait une glace, il et les preuves, M. Oufle, que son chemin con-
se vit dans cette glace avec l'habit d'ours dont duisait à eux, se mit à hurler. Nos héros de
il était revêtu. Et ainsi, le vin et le feu qui bouteille, devenus plussagcs, ou plus timides,
lui avaient échauffé la tête, son sommeil in- songent à reculer à mesure que la bête s'ap-
terrompu si subitement , l'habit qu'il se pruehait d'eux et comme elle continuait de
;

voyait sur le corps tout cela joint avec la


, venir à grands pas de leur côté, et que la peur la
leciure qu'il venait de faire , lui causa un tel leur fil paraître avec des dents d'une lon-
bouleversement dans la cervelle, qu'il se crut gueur effroyable, ils prirent le parii de la
être véritablement, non pas un ours, mais un fuite, bien résolus de courir si fort qu'elle ne
loup-garou. Ce bou'everscment était si fort, pourrait pas les atleindre.
qu'il avait entièrement détruit la mémoire de Après avoir parcouru quelques rues, M.
l'endroit OÙ il avait trouvé l'habit ; et de l'u- Oufle s'arrêta, apparemment pour se reposer
sago qu'il avait projeté d'en faire ; il ne lui devant une maison où plusieurs personnes
,

resta que l'idée de sa prétendue transmuta- jouaient gros jeu. Je ne sais par quelle fan-
lion en loup , avec le dessein d'aller courir taisie il s'obslina à hurler plus fort et plussou'
les rues, d'y hurler de son mieux d'y mor- , vent qu'il n'avail encore fait: un coup n'atten-
dre, et de mettre en pratique tout ce qu'il dait presque pas l'autre, tant ses hurlements
avait ou'i dire que les loups-garoux avaient étaient promplemenl répétés. Les joueurs
coutume de faire. Il part donc sans différer, l'entendirent ; ceux qui perdaient parurent
sort dans la rue, et commence à hurler d'une n'y laire pas grande attention ; ceux qui ga-
manière ffroyable.( gnaient furent plus inquiets et plus troublés.
Il est bon de faire remarquer que c'était un Un de» joueurs sort l'épéo à la main , afin de
homme grand , gros robuste bien empoi-
, , chasser le loup-garou ; mais dès qu'il le vil
trailié, et dont la voix était naturellement dans la rue , la frayeur le saisit ; il rentre ,
haute , ferme et tonnante. La poussant pen- ferme la porte avec tous les verroux qu'il
dant la nuit aussi loin qu'elle pouvait aller peut trouver, souhaitant même pour sa sû-
avec 1rs tons effroyables qui accompagnent reté qu'il y en eût encore davantage. ; il se
d'ordinaire les hurlements , on ne doit pas liul quelque temps sur l'escalier pour rap-
VA Bon BOH Ui
peler ses esprits, et ne paraître pas si effrayé. premiers à assurer qu'ils l'avaient vu, traî- f

Heureusement pour lui ,M. OuHe prit parti nant des chaînes d'une grosseur el d'une lon-
ailleurs. On ne tombera point dans une gueur prodigieuses, el si grand que sa tête-
description exacte de toutes les frayeurs qu'il atteignait presque jusqu'aux premiers éta-
(il cette nuit-là en qualité de loup-garou ; on ges ; car, comme dit le proverbe, on n'a ja-
p.isse sous silence les petites aventures pour mais vu de petit loupj on veut toujours per-
s'arrêter seulement à une de plus grande suader que ceux que l'on trouve sont d'une
importance que voici. grandeur démesurée, et cela apparemment
Un homme de considération courant la parte que l'on proportionne son étendue à
poste dans une chaise, étant escorté de deux celle de la crainte que l'on a. D'aulres assu-
cavaliers qui couraient avec lui, trouva dans raient qu'on lui avait cou[)é une patte en se
son passage le loup-garou. Les chev.iux re- défendant contre ses violences ; que, comme
culent si promptement, et se cabrent de telle c'était un sorcier changé en loup, on l'avait
sorte qu'ils renversent les cavaliers par
,
le lendemain trouvé dans son lit, sans main,
terre. L'homme de la chaise voyant la bête ,
et qu'on lui allait faire son procès. M avait
sort avec précipitation le loup se jette tan-
: dévoré la tête d'une fille de dix-huit ans,
tôt sur l'un , tantôt sur l'autre ,
puis sur les prêle à se marier ; son futur, après avoir
chevaux sans leur faire pourtant d'autre
, donné plusieurs coups d'épée au loup était ,

mal que de la peur. Après les avoir houspil- tombé mort de douleur sur la place. Dans utt
lés à son aise (car ils étaient si effrayés que autre quartier, on faisait des lamentations
pas un n'eut le courage de se défendre) il , sur un ecclésiastique qui, étant en chemin
se met à hurler, comme s'il eût voulu chan- pour assister un mourant, avait été obligé de
ter la victoire qu'il venait de remporter. Les s'en retourner chez lui parce que le loup ,

chevaux cependant prennent le mors aux l'avait poursuivi de sorte que le malade
;

dents et s'enfuient avec tant de légèreté ,


était mort sans secours. Selon quelques-
même ceux qui traînaient la chaise, qu'on uns, un courrier avait été arraché de dessus
aurait cru qu'ils sortaient de l'écurie, et qu'il son cheval, el sa valise avec toutes ses let-
y avait plus d'un mois qu'ils n'avaient mar- tres avaient été déchirées par cette furieuse
ché. Les hommes de leur côté ne furent pas bêle. Il y en avait encore qui proteslaient
moins diligents à courir, et M. Oufle à les pour l'avoir ouï dire par des gens très-dignes
suivre. EiiGn ils se jettent lousdans une allée de foi, que le loup-garou était entré dans un
qu'ils trouvèrent ouverte, et ferment la bal, qu'il y avait dansé , et qu'ensuite il s'é-
porte sur eux. Le loup, qui n'avait pu entrer tait jeté sur plusieurs femmes dont il avait
avec eux dans cette allée, hurle plusieurs déchiré le visage. D'aulres niaient qu'on eût
fois de toutes ses forces une infinité de télés
;
blessé le loup-garou prétendant que ces
,

en bonnet et en cornettes de nuit paraissent sortes de sorciers sont invulnérables. On


aux fenêtres, avec des bras avancés dehors, voulait encore qu'il eût couru plusieurs nuits
tenant une chandelle pour voir ce qui cau- de suite. Enfin chaque rue avait son histoire.
sait un aussi grand fracas ; mais toutes ces La vérité est que M. Oufle fut ramassé enfin
têtes se retirent bien vile; et malheureuse- par une patrouille qui le ramena chez lui.
ment une se trouva prise sous un châssis qui
tomba, parte que celui qui l'avait levé ne
Visions et terreurs de M. Oufle.

s'était pas donné le temps de l'arrêter. Cette M. Oufle, l'esprit toujours rempli de dia-
pauvre lête criait épouvantablement, et au- bles el de diableries, s'était imaginé que les
tant que le patient pouvait pousser d'air pour diables le suivaient partout cl lui apparais-
respirer le loup-garuu répondait à cette
; saient sous je ne sais combien de formes dif-
voix plaintive par des hurlements; ce qui férentes.
faisait la plus horrible musique du monde En conséquence, ayantpris dessein de faire
;
on n'avait jamais entendu un pareil duo. Per- faire des tablettes magnifiques, pour y placer
sonne n'osait plus ouvrir sa (enctre et regar- dignement les livres sur la démonomanie dont
der dans la rue, parce qu'entendant les cris la lecture faisait sa principale elsa plus agréa-
de ce voisin affligé, on croyait que c'était la ble occupation, il envoya quérir un menui-
bête qui avait grimpé, et qui le tenait à la sier des plus habiles de sa profession, pour
gorge. Par bonheur, le valet de celle tôle, lui exposer son dessein et le lui faire exécu-
Uonl le cou était à moitié étranglé, étant entré ter. Gel homme vint
le trouver sur-le-champ,
dans la chambre, voit son maître dans telle il d'un gros chien barbet; ce qui
était suivi
d.>ulourcuse situation , lève promptement le n'est pas extraordinaire; la plupart des ar-
châssis et le délivre du supplice que lui avait tisans se font une coutume de nourrir des
causé sa curiosité funeste. chiens pour leur amusement.
Que de bruits se répandirent pendant plu- Le menuisier étant entré dans le cabinet
sieurs jours au sujet de ce loup-garou! que de M. OuHe, celui-ci jetant plutôt la vue sur
le contes on en Otl comme il avait parcouru le chien que sur le maître, parut d'abord
presque toute la ville il avait été entendu
, tout stupéfié et comme immobile. 11 fut long-
par une infmilé de gens, dont la plupart fu- temps sans parler, mais ayant toujours la
rent plus que jamais persuadés qu'il y avait vue allachée sur le chien. L'ouvrier ne sa-
véritablement des loups-garoux. On ne peut vait que penser du silence profond, de l'é-
croire combien on fil de fausses histoires à loniiement et de l'immobilité de celui qui l'a-
cette occasion. Ceux qui n'avaient pas osé vait envoyé chercher avec tant d'empresse-
ouvrir leurs fenêtres pour le voir étaient des ment, qu'il semblait que difficilemeut pou
243 DlCïlONNAMîE DES 8CIKNCES OCCllLTKS. U'é

vail-il arrirer nssoz lot pour sa salisfaclion. comme ils entendent le même bruit qui l'a-
Il lui demanda
enfin co qu'il souhaitait de vait épouvantée, ils ouvrent la porte avec
son service. Point de réponse; on ne parlait une telle violence que les trois couibaltants
que des yeux, encore n'était-ce qu'au chien. en furent eux-mêmes effrayés.
Le menuisier s'impalienlant enfin de voir une M. Oufle leur crie aussitôt, en montrant le
taciturnilé si obstinée : chien, qu'ils se donnassent bien de garde de

Est-ce , lui dit-il, monsieur, que vous l'approcher, parce que c'était un diable.
m'avez fait venir seulement pour regarder L'artisan se tourmente pour leur prouver
mon chien? Vous n'aviez qu'à me le de nan- que ce n'était point un diable, m.iis un chien,
der,je n'aurais pas pris la peine de venir; un chien véritable, un chien fait comme les
jevous l'aurais envoyé avec la liberté de le autres, qu'il l'a élevé fort petit, et qu'il y a
regarder à votre aise, tant que vous auriez plus de trois ans qu'il mange de son pain,
voulu, sans qu'il vous en eût coûté un sans qu'il ait paru qu'il y eût la moindre dia-
sou. blerie dans sa conduite.
M. Oufle, qui n'avait regardé avec tant Le chien n'aboyait plus, il ne disait pas
d'attention ce chien, que parce qu'il lui était un mot, comme s'il eût voulu donner à son
venu dans l'esprit, par le ressouvenir de ses maître tout le temps qui lui était nécessaire,
lectures (1', que ce pauvre animal était un pour détruire l'atroce médisance qu'on faisait
diable, et qu'il se croyait en quelque manière de lui, et pour bien entendre un éloge qu'il
insulté par l'artisan, rompit enfin le silence, croyait mériter. Mais M. Oufle soutenait tou-
en élevant la voix avec fureur, pour lui dire jours, sans en vouloir démordre, que c'était
qu'il était un magicien, qui lui amenait un un vrai diable qui avait pris la forme d'un
démon pour le tourmenter et mettre le dés- chien.
ordre chez lui. Ruzine fit signe au menuisier de se taire,
Jamais surprise ne fut pareille à celle du lui dit tout bas que son père haïssait tant les
menuisier. Comme il ne connaissait pas la chiens, qu'il ne pouvait pas plus les souffrir
foiie de ce pauvre homme, il repoussa ce re- que des démous, et enfin l'engagea à se reti-
proche par un ton de voix qui n'était pas rer sans bruit.
moins élevé que celui dont on venait de se Camèle, qui crut que ce chien était vérita-
servir. blement un diable, parce que son père l'avait
M. Oufle répliqua avec le même emporte- dit, et que Mornand paraissait le croire;, alla
ment, mais cependant n'ôtant point du tout tout effarée trouver sa mère, et l'assurer qu'un
sa vue de dessus le chien, tant il craignait magicien déguisé en menuisier, avait amené
qu'il ne l'attaquât et le mît en pièces. chez son père un diable sous la forme d'un
Lechiendesou côté, qui semblait entendre (bien d'une laideur effroyable, et qui faisait
finesse, et connaître ce qu'on s'imaginait de des cris horribles.
lui, se tenait à côté de son maître, la tête Madame Oufle jugea bien que cette histoire
alerte et élevée, regardait M. Oufle avec au- n'était que l'effet d'une imagination exaltée.
tant d'attention qu'il en était regardé. On au- Elle se la fit conter par Ruzine et Mornand ;
rait dit, à le voir, qu'il était émerveillé de et ils ne manquèrent pas de la confirmer
l'extravagance qu'on faisait paraître à son dans le jugement qu'elle avait fait. On laissa
occasion. M. Oufle en repos, quelque envie qu'on eût
Ces deux hommes cependant s'animaient si de raisonner avec lui pour le tirer de son er-
fort l'un contre l'autre, qu'ils semblaient en- reur ; comme on avait souvint expérimenté
Irerdansuneprochaine disposition de ne s'en qu'on ne gagnait rien sur son esprit, on
pastynir à des paroles, pourmarquerleurres- aima mieux ne lui en point parler. Camèle,
sentimenl. En effet, M. Oufle s'approcha du de son côté, après que sa mère lui eut parlé,
menuisier, et le poussa rudement pour le ne crut plus que ce chien était un diable;
chasser de chez lui. Le barbet se mit à aboyer car la bonne fille croyait et décroyait avec
d'une grande force, témoignant à son maître une égale facilité.
qu'il était prêt à le bien défendre de sorte ; Le menuisier ne manqua pas de raconter
que M. Oufle menaçant avec fureur le me- celte bizarre avenlure; elle devint si publi-
nuisier, le menuisier répondant aux mena- que que presque tout le monde en parlait
ces sur le même ton, et le chien aboyant dans la ville. Pour peu qu'on en vît quelqu'un
sans relâche, il se faisait un vacarme épou- qui eût une mauvaise physionomie, on s'ima-
vantable dans cette chambre. ginait y trouver quelques traits des malins
Camèle qui entendit tous ces différents esprits (car le vulgaire a de la peine à se
cris, vint à la porte pour mieux connaître C3 persuader que les diables n'aient pas des
qui se passait; mais croyant qu'on égorgeait corps visibles et sensibles en différentes ma-
son père, et n'ayant pas assez de hardiesse nières); et cela est si vrai, qu'il y eut bien
pour entrer, elle appelle au secours sa sœur dos femmes qui ne souffraient plus qu'avec
Ruzine et le valet Mornand , parce qu'ils une certaine répugnance des chiens qu'elles
étaient plus à portée que les autres pour avaient tendrement aimés.
l'entendre. Ils montent avec précipitation ; ils Si un chien s'avisait de hurler la nuit, c'é-
la trouvent presque évanouie de frayeur; et tait pour elles un loup-garou, uu démou
(1) Zoroasire , par forme
d'énigme disait que les
,
monde, sn retirent dans la solitude.
cliiens se monlrcnt souvent b
ceux qui se dépouillent de la P.ir le nom de chiens, les démons étaient queViucfois
7iiorlalilé, c'est-à-dire, les dijliles, à
ceux qui sont près (iésignés ; et même en la magie de Zoroasti e, ils scat ap-
de mourir, ou aux gens de bien, (jui abandonnant le pcli'S cliicns terrestres.
2*5 tiOR BOR 24(!

que quelque magicien envoyait courir les blerie s'emparait aussitôt de son esprit; il
rues, pour maltraiter les passants, ou tordie prétendait encore être autorisé en cela par
le cou à ceux qui seraient assez iiiiprudenls des exemples.
pour regarder par la fenêtre. Il y eut plu- Il se lassa enfin de ces prétendues perse,
sieurs personnes qui n'approchiiient du cutions. Ses livres vinrent à son secours,
ichiiMi du menuisier qu'avec crainle, et qui pour le garantir des tourments qu'il crai-
pr( naient autant de précautions eu le voyant gnait du pouvoir et des artifices de ces mau-
que s'ils avaient vu !e diable. vais esprits.
M. Oufle se persuada encore, parce qu'il La première ressource dont il s'avisa est
l'avait lu, que parmi les pourceaux, il y en celle qu'on attribue à la racine baaras, qu'on
avait beaucoup qui étaient de vrais diables, assure avoir la vertu de chasser les mauvais
quand il en voyait un, il frémissait d'hor- esprits. 11 ne la mit pourtant pas en usage,
reur. Pendant tout le temps que durèrent car il lui fut impossible de la trouver. Les
ces imaginations, il ne voulut point manger herboristes, loin de la lui fournir, ne la con-
delà chair de ces animaux, quoique aupa- naissaient point du tout et n'en savaient pas
vanl elle fût fort de son goût. même le nom. C'est peut-être qu'elle n'a
Leur épouvantable figure, disait-il, n'est- point eu d'autre existence que dans les livres
clle pas véritablement diabolique?Leurs cris qui en ont parlé; aussi bien qu'une certaine
sonl-ils moins effroyables que ceux des diables pierre qui se trouve, dit-on, dans le Nil, et
qui tourmentent les damnés dans les enfers? qu'il souhaitait extrêmement avoir pour le
N'avons-nous pas vu souvent dans des spec- même sujet. Quoi (\u'\\ en soit, il s'en consola
tacles les diables armés de vessies de cochon d'autant plus aisément, qu'il avait, disait-il,
tendues et enflées dont ils se servaient pour en lui-même des moyens qui ne lui pou-
battre et pour faire peur? Le plaisir que ces vaient pas manquer pour arriver à ses fins.
animaux prennent à se plonger dans l'or- Le premier, c'était de se servir d'une épée :
dure , n'est-ce pas parce que le diable ses lectures lui ayant appris qu'il n'y a rien
n'aime rien tant que la vileniecl l'impureté? que les diables craignent tant que des épéos
Toute puanteur était pour lui une preuve dég;aîuées et mises en mouvement. Non con-
de la présence de quelque démon; et quand tent de celle qu'il avait, parce que ce n'était
il satisfaisait à ses indispensables nécessilés que ce qu'on appelle un petit couteau, il en
naturelles, il élait dans de continuelles alar- acheta de longues, larges, et de la meilleure
mes, tant il craignait que quelque diable, trempe. De temps en temps il en faisait dans

habitant selon lui du lieu où il était, ne pro- sa maison un exercice qui étonnait singu-
filât de sa silualion pour le tourmenter. lièrement ceux qui le rencontraient dans ce
Aussi n'y restait-il que le moins de temps manège; et afin d'être plus sûr de remporter
qu'il pouvait, et n'y allait-il que quand il ne de si belles victoires, il mettait à sou doigt
lui était plus possible de s'en défendre. un gros diamant avant que d'armer sa m;:iu
En même temps, rien n'égalait la frayeur d'une épée. La raison de cette précaution,
qu'il avait des mouches; il prétendait encore c'est qu'un de ses auteurs l'avait assuré que
que le diable apparaissait souvent sous la les démons trouvent les diamants insuppor-
forme de ces insectes; il ne voulait souffrir tables. 11 ajouta aux épées et au diamant,
aucun fruit sur sa table, de peur qu'il ne les toujours par le conseil de ses livres, plu-
atlirâl. Quelqu'un lui en ayant fait considé- sieurs coqs qu'il fit élever et nourrir dans sa
rer une dans un microscope, quand il vit ses maison, sans dire à personne pourquoi il
cornes, sa trompe, ses yeux de couleur de s'était avisé de faire une telle ménagerie. M:iis
pourpre, ses jambes velues, les pinces de ses sa femme, voyant chez elle tant de coqs inuti-
pieds, enfin tout son corps ensemble, repré- les, s'avisa aussi de son côté, comme une
sentant une figure qui paraissait d'autant bonne ménagère, de leur donner plusieurs
plus hideuse qu'il ne s'était jamais persuadé poules, afin de se dédommager du bruit que
qu'elle fût telle qu'il la voyait, il la trouva faisaient les coqs, par l'utilité qu'elle pour-
• rès-propre pour devenir la demeure d'un rait des poules. Ce mélange, que
tirer
diable. Il avait la même opinion des papil- M. Oulle voulut bien souffrir parce qu'il ne
lons; et malheur à ceux qui se trouvaient à pouvait l'empêcher sans donner par sa ré-
sa portée : il ne les épargnait pas. sistance occasion à quelques troubles dans
Il se défiait encore des enfants que por- sa famille, l'inquiéta pourtant.
taient les gueux, pour exciter les passanis à Afin donc qu'il n'eût point sujet de se re-
leur faire des aumônes. Une histoire rappor- procher d'avoir rien négligé des instructions
tée dans un de ses livres, où l'on veut per- que lui donnait sa bibliothèciue, pour empê-
suader que le diable était un jour sous la cher les démons de le tourmenter et de lui
figure d'un de ces enfants, lui donnait celte apparaître, il mit encore en usage tout ce
défiance. C'est pour la même raison qu'il qu'il put apprendre. Il eut sur lui de l'herbo
était fort circonspect quand il prenait un qu'on appelle armoise; il se servit de celle
valet ou une servante à son service; il en que l'on nomme verveine; il chercha deux
faisait aupara^'ant plusieurs exactes infor- cœurs de vautour, qu'il porta l'un lié avec
mations, afin qu'étant bien instruit de leur un poil de lion, l'autre avec un poil de loup ;

conduite, il ne se mît point en danger do se il fit faire une image qui représentait deux
faire servir par quelque démon. têtes, l'une d'un homme qui regardait en
Si quelqu'un qui ne le connaissait point dedans, cl l'autre d'une femme qui regardait
l'appelait par son nom, un soupçon de dia- en dehors; il se tint le plus gai qu'il put.
-*''
DICTIONNAIRE DES SCILNCES OCCrLTES. :>43

^"n que la méhiucolie ne donnât aucune en- dans une rue, se trouvant au passage d'un
trée aux démons, comme on en menace ceux lioiHuie qui bâilla de toute l'étemluo de sa
qui s'abandonnent à la tristesse; et pour bouche, qui était fort grande. M. Oufle se re-
surcroît, ou plutôt, selon lui, pour consoni- cula plus de trois pas en arrière voyant cet :

iniilion l'I perleclion de remèdes à ses inquié- étrange bâilleur, il crut que c'était un sorcier
tudes, le tonnerre étant tombé dans la cour qui l'allail avaler tout vif. Et, s'il arriv(> que
de sa maison, il se ressouvint d'une opinion les lecteurs se moquent de celte ap[)réhen-
bizarre de certains peuples, et crut avec eux sion ;
qu'ils se moquent donc aussi des au-
que le ciel avait banni pour toujours les teurs qui la lui ont suggérée.
diables de cbez lui. Il se trouva, par la force On sait (et je ne doute pas que le lecteur
de son imagination, délivré de la crainte des ne l'ail quelquefois éprouvé qu'il y a des )

apparitions des mauvais esprits. Les cliicns, gens qui , en parlant éclaboussent souvent
,

les pourceaux, mouches, les papillons,


les de leur salive ceux ((ui les écoutent, s'appro-
les lieux puants, etc., ne furent plus pour lui cliant d'eux le plus près qu'ils peuvent. C'est
sujets de trouble, d'agitations etd'inquié-
lies une impolitesse des plus incommodes et des
tud s. Mais il n'en fut pas pour cela plus plus condamnables; c'est de plus une mal-
tranquille; car de ces terreurs il passa à propreté. M. Oulle évitait autant qu'il pou-
d'autres qui n'étaient pas moins virus. vait ces maussades; mais c'était bien moins
Jamais homme ne fut plus tourmenté que par aversion pour leur importunité que parce
lui de tout ce qui est du ressort des sortiié- qu'il se croyait averti par ses lectures qu'ils
pes et enchanlemcnts. Ses meilleurs amis pouvaient être des sorciers, et sorciers d'au tant
l'inquiétaient; les personnes qu'il n'avait plus dangereux qu'il était à craindre, comme
pas coutume de voir, et qui avaient un exté- il pensait, qu'ils ne fissent mourir leurs au-

rieur extraordinaire ou qui montraient quel- diteurs en leur crachant ainsi au visage.
que difformité étrange, le jetaient dans de si Un homme à larges manches l'étant venu
grandes défiances , qu'il se tenait en garde voir pour une affaire importante et sur la-
avec autant de circonspiction que s'il avait quelle on avait fait depuis plusieurs jours de
eu à soutenir un violent combat contre de grands mouvements, fut obligé "de le quitter
cruels ennemis. Si on le heurtait par hasard, sans avoir pu li; faire discourir sur ce dont
si on lui frappait sur l'épaule, il rendait sur- il s'agissait. M. Oufle eut sans cesse les yeux

le-champ la pareille, sans ménager aucune attachés sur les manches de cet homme, pour
bienséance si on le regardait Gxement , il
; voir s'il n'en sortirait point du feu, et s'il n'y
fuyait avec autant de vitesse que si des dards entendrait point gronder le tonnerre.
avaient dû partir des jeux qui étaient fixés Un chien qui tenait un grand os dans sa
sur lui. Malheur à ceux qui lui faisaient gueule , passait devant sa maison dans lo
quelque grimace; ils risquaient d'être aussi temps qu'il en sortait; il le regarde et le suit,
sévèrement traités que s'ils avaient voulu lui redoublant ses pas de toute sa force, et cou-
arracher la vie. Lui envoyer un présent, rant même quelquefois afin de ne pas le per-
c'était lui donner un sujet d'inquiétude, tant dre de vue. Le chien qui se voyait ainsi
,

il craignait qu'il ne fût accompagné de quel- suivi, se retournait de temps en temps, gron-
que sortilège. d int comme il aurait fait si un autre chien
Ayant appris qu'un sorcier avait maléOcié avait paru vouloir lui arracher sa proie, ou
lu pain qu'un boulang(:r mettait dans son du moins en avoir sa part. M. Oufle s'arrêtait
four, il se mit dans l'esprit que tout le pain quand le chien s'arrêtait; et celui-ci, à cha-
qui n'était pas très-blanc, pouvait avoir été que pas qu'il faisait regardait son specta-
,

sujet au même inconvénient ; car, disaiuil, teur du coin de l'œil, dans la crainte où il
le noir est la couleur fivorite des sorciers : était d'en recevoir quelque supercherie. En-
c'est avec des robes noires que les magiciens fin il entra chez son maître, et notre hoamie,
paraissent; les diables sont toujours repré- après être resté près d'une heure à la porte,
sentés noirs. ne le voyant plus paraître jugea qu'il ap- ,

entendait prononcer par quelqu'un


S'il partenait à quelqu'un de celte maison. Il s'in-
ce mot frappe frappe
: son expériencis lui
, , forma du voisinage et sut que c'était lo
,

disait que dans ce moment quehjue homme chien d'un savant, logé dans une qualrièmo
mourait de mort violente ou qu'il arrivait , chambre sur le derrière qui avait donné,

alors quelque aventure tragique. plusieurs ouvrages au public, et que presque


La flûte était dans son opinion un instru- tous les jours cet animal allait parla ville,
ment véritablement magique. Aussitôt qu'il et revenait d'ordinaire la gueule pleine de
en entendait jouer, on le voyait aussi ému quelque os ou de quelques bribes dont il se
que si l'on avait voulu l'arruclier du lieu où nourrissait. M. Oufle secoua la tête, ne dou-
il était pour le transporter à mille lieues de tant point que le savant ne lût un m.igicien,
là et le faire entièrement disparaître. et (]u'il se servait des os que son chien allait
un homme portait une écharpe il ju-
Si , clieriher, pour lui servir de voiture quand il
geait d'abord que c'était dans le dessein de aurait des voyages à faire sur mer. Non-
s'en servir, au lieu de navire, pour passer seulement .M. Oufle mais encore les démo-
,

les mers. ni>graphes assurenlqu'on ne manque <le rien,


11 no voulut jamais permettre qu'on fît qu'on vient à bout de tout, pourvu qu'on ait
son portraH, de crainte qu'on ne s'en servît un sorcier à sa disposilio!), pourvu qu'on sa-
pour tourmenter et faire mourir l'original. che les pouvoirs de la magie et qu'on c?)
Uien n'égale la frayeur qu'il eut un jour veuille faire usage.
249 BOR «OU sro
Le livre de Lnurciil Bordciun est tcnniné in-12 (1). Ce livre est un recueil de dix let-
pnr une descri|itioii du sabbat. Ou lu trou- tres, dont les deux premières roulent sur
Tcra ici plus complèlo. Voy. Sabbat. les esprits élémentaires. L'abbé de Villars en
BOUDI ou AL-BOKDI, inonl;igiie qui, se- a donné un abrégé dans l'ouvrage intitulé :

lon les Perses, est l'œuf de la terre; disentil» Le Comte de Gabalis.


qu'aille étiiil d'abord Irès-pclite, qu'elle gros- BOS (Fkançoise), Le 30 janvier 1606, le
sit au commencement, produisit le monde et juge de Cueille proeéda contre une femme
s'accrut tellement, qu'elle supporie aujour- de mauvaise vie, que la clameur publique
d'hui le soleil sur sa cime. Ils la pincent au accusait d'avoir un commercis abominable
milieu de notre globe. Us disent encore qu'au avec un démon intube. Elle était miriée et
bas de cette montagne rounnillcnt quantité se nommait Françoise Bos. De plus elle avait
de dives ou mauvais génies; et qu'au-des- séduit plusieurs de ses voisines et les avait
sous est un pont où passent pour
les âiue-i engagées à se souiller avec ce prétendu dé-
aller dans l'autre monde, après qu'elles ont mon, qui avait l'audace de se dire capitaine
rendu compte de ce qu'elles ont fait dans du Siinl-Esprit; mais qui au témoignage ,

celui-ci. desdites voisines, était f.irt puant. Celte dé-


BORGIA (CÉSAii). On lui attribue l'honneur goûtante affaire se termina par la condamna-
d'avoir eu un démon familier. lion de Françoise Bos, qui fut brûlée le 14
BOHRI (Joseph-François), imposteur et juillet 1606. —
On présume, par l'examen
alchimiste du dis-septième siècle, né à Milan des pièces, que le séducteur était un misera-
en 1627. Il débuta par des actions qui l'obli- ble vagabond.
gèreni à chercher refiif;e dans une église BOSC (Jean du), président de li cour des
jouissant du droit d'asile. Il parut depuis aides de Rouen, décapité comme rebelle
changer de conduite puis il se dit inspiré
; en 1562. On a de lui un livre intitulé : Traité
du ciel, et prétendit que Dieu l'avait choisi de ta vertu et des propriétés du nombre sep-
pour reformer les hommes et pour rétablir ténaire.
son règne ici-bas. Il ne devait y avoir, disait- BOTANOMANCIE, divination par le mnyvn
il, qu'une seule religion soumise au pape, à des feuilles ou rameaux de verveine et de
qui il fallait désarmée-, dont lui. Bori'i, serait bruyère, sur les(|uelles les anciens gravaient
le chef, pour exterminer tous les non c.aîjo- les noms et les deniandes du consultant.
liques. Il montrait une épée iiiiraculenso que On devinait encore de cette manière:
saint Michel lui avait donnée; il dirait avoir lorsqu'il y avait eu un grand vent pendant la
vu dans le ciel une palme iuaiineuse <|u'on nuit, on allait voir de bon matin la dispo-ti-
lui reservait.il soutenait que la sainte Vierge lion des feuilles tombées, et des charlatans
était de nature divine, conçue par inspira- prédisaient ou déclaraient là-dessus ce que
lion, égale à son Qls et présente comme lui le peuple voulait savoir.
dans l'eucharistie, que le Saint-Esprit s'était BOTIS, Voy. Otis.
incarné dans elle, que la seconde et la troi- BOTKIS ou BOTRIDE, plante dont les
sième personne de la Trinité sont inférieures feuilles sont velues et découpées et les fleurs
au Père, que la chute de Lucifer entraîna en petites grappes. Les gens à secrets lui
celle d'un grand nombre d'anges qui habi- attribuent des vertus surprenantes, et par-
taient les régions de l'air. Il disait que c'est ticulièrement celle de faire sortir avec faci-
par le ministère de ces anges rebelles que lité les enfants morts du sein de leur mère.
Dieu a créé le monde et animé les brutes, BOUBENHOREN, Voy. Pacte.
mais que les hommes ont une âme divine; BOUC. C'est sous la forme d'un grand bouc
que Dieu nous a faits malgré lui, etc. H finit noir aux yeux éiincelants, que le diable se
par se dire lui-même le Saint-Esprit in- fait adorer au sabbat; il prend fréquemment
carné. cette figure dans ses entrevues avec les sor-
Il fut arrêtéaprès la mort d Innocent X, cières, et le maître des sabbats n'est pas
et. le 3 janvier 1661, condamné comme héré- autrement désigné, dans beaucoup de pro-
tique et comme coupable de plusieurs mé- cédures, que sous le nom de bouc noir ou
faiis. Mais il parvint à fuir dans le nord, et il grand bouc. Le bouc et le manche à balai
Ht dépenser beaucoup d'argent à la reine sont ausisi la montureordinaire des sorcières,
Christine, en lui promettant la pierre philo- qui parlent par la cheminée pour leurs as-
sophale. Il ne lui découvrit cependant pas semblées nocturnes.
ses secrets. Il voulait passer en Turquie, Le bouc, chez les Egyptiens, représentait
lorsqu'il fut arrêté de nouveau dans un pe- le dieu Pan, et plusieurs démonographes
tit village comme conspirateur. Le nonce du disent que Pan est le démon du sabbat. Chea
pape le réclama, et il fut conduit à Kome, où les Grecs on immolait le bouc à Baeclius;
j
'
il mourut en prison le 10 août 1G93. d'autres démonomanes pensent que le dé-
11 est l'auteur d'un livre intitulé: La Clef mon du sabbat est Bacchus. Enfin le bouc
du cabinet du chevalier Burri, où l'on trouve ^'inissairc des Juifs (Âzazel) hantait les forêts
diverses lettres scientifi(jues, chimujues et très- et les lieux déserts consacrés aux démons :
curieuses, ainsi que des instructions potili- voilà encore, dans certaines opinions, les
'
ques, autres choses dijnes de curiosité, et beau- motifs qui ont placé le bouc au sabbal. Voy,
* coup de beaux secrets. Genève, l(i81, petit Sabisat.

(l) La Cliiavedel gabinelto del cavagliere G. F. Borri,


aliro co'ie liogne di curiosita e molli scgretl bcllissimi. C»
col lavor délia qiiiile si veiloiio varie lelteie sdeiiUlice, luijiic (GcièvO, m\.
lUwice. t cunOiiisi.ue, cuu \arie inslruïioui iiolilicUe, ej
2.M DICTIONNAinE DKS SCIENCES OCCILTES. 252
L'auteur des admirabl s secrets d'All)eit de l'ancienne famille, réduite maintenant à
le Grand au chapitre 3 du livre II, que
dit, deux têtes, le vieux chevalier de Scheu-
hi on se frotte le visage de sang de bouc qui renhof et sa fille.
aura bouilli avec du verre et du vinaigre, Rarement les habitants du village voyaient
DU aura incontinent des visions horribles et le vieux chevalier; il vivait dans la retraite
épouvantables. On peut procurer le inéiue la plus profonde. Sa fille, Mathilde, avait dix-
plaisir à des étrangers qu'on voudra trou- huit ans, et on la citait, dans rette contrée,
i)ler. Los vill.igeois disent que le diable se connue par la beauté et la fraîi heur de i-es
montre fréquenunent en forme de bouc, à jeunes filles, comme la plus fraîche et la plus
ceux qui le l'oiil venir avec le grimoire. t"e belle. Elle était encore un ange de bonté. Il
fut sous la figure d'un grand bouc qu'il em- fallait voir avec quels soins, avec quelle al-
porta Guillaume le Roux, roi d'Angleterre. fectueuse piété, elle s'appliquait à adoucir les
Voici une avenlur(! de bouc qui peut tenir derniers jours de son vieux père. Et ce —
ici sa place. Un voyageur, couché dans une nétait pas trop de tout cet amour pour don-
chambre d'aubprgf, avait pour voisin.igc, ner la résignation au vieillard car les dou- ;

sans le savoir, une compagnie de chèvres et leurs et les infirmités de la vieillesse ne trou-
de boucs, dont il n'était séjiaré que par une blaient pas seules la vie du chevalier du
cloison de bois fort mince, ouverte en plu- Siheurenbof.Un autre motif, el un motif plus
sieurs endroits. Il s'était couché sans exa- grave, ne lui laissait poiiil de repos.
miner son gîte et dormait paisiblement, A l'époque où se passe l'événement que
lorsqu'il reçut la visite d'un bouc son voi- nous al Ions raconter, cette partie du Li m bourg
sin :l'animal avait profilé d'une ouverture était singulièrement agitée, non point par une
pour venir le voir. Le bruit de ses sabots guerre, mais par quelque chose de pire, par
éveilla l'étranger, qui le prit d'abord pour unebandede brigandsdont lesouveniralaissè
un voleur. Le bouc s'approcha du lit et mit des traces dans loul le pays. Cette bande éten-
ses deux pieds dessus. Le voyageur, balan- dait le théâtre de ses exploitsdans toutlevasle
çant entre le choix d'une prompte retraite carré compris entre Aix-la-Chapelle, Maës-
ou d'une attaque vigoureuse, prit le parti de tricht, Rurcmonde et Wassemb;'rg. Elle dé-
se saisir du voleur prétendu. Ses pieds, qui borda même souvent jusque dans la Campinc
d'abord se présentent au bord du lit, com- liégeoise. Elle avait à elle tous les villages,
mencent à l'intriguer; son effroi augmente, tous les hameaux, tous les bourgs compris
lorsqu'il touche une face pointue, une lon- dans les quatre angles de ce territoire, el
gue barbe, des cornes... Persuadé que ce ne elle y régnait par la terreur et l'épouvante.
peut être que le diable, il saute de son lit Ceux qui la composaient, habitants de ces
tout troublé. Le jour vint seul le rassurer, bourgs, de ces hameaux, de ces villages, se
en lui faisant connaître son prétendu démon. reconnaissaient entre eux par un mot d'or-
V^oy. Grimoihk. dre et par une petite carie loarquée d'un si-
gne hiéroglyphique. Le jour, ils travaillaient
La chapelle des boucs.
aux champs, ou buvaient dans les tavernes
Ce qui va suivre explique quehiue chose (car l'argent ne leur manquait jamais). La
des mystères de la sorcellerie et surtout du nuit, ils se rassemblaient au signal d'un
sabbat. Nous devons ce récit intéressant à coup de sifflet qui partait du fond d'un hal-
M. André Van Hasselt, qui l'a publié à lier ou qui retentissait dans les solitudes
Bruxelles, dans Y Emancipation. d'une bruyère. Alors l'effroi se répandait de
Nous voici en l'année 1773.Par une chaude toutes parts. Les fermes tremblaient. Les
journée du mois d'août, nous suivons lente- églises étaient dans l'inquiétude. Los châ-
ment l'ancienne route de Maëstricht à Aix- teaux frémissaient d'anxiété. Partout ou se
la-Chapelle; celte voie nonchalante et pares- disait avec terreur et tout bas :

seuse qui se traîne, par de longs détours, à —Malheur voilà les Boucs qui vont ve-
I

travers les villages de M<"ersen et de Hou- nir.


tliem, louche au bourg de Fauquemonl, puis El les bandits allaient, dévalisant les fer-
se dirige par Hecck, Climmen el Gunroot mes, dépouillant les châteaux ,
pillant les
vers Heelen, d'où elle s'avance sur Aix-la- églises, souvent à la lueur de l'incendie, tou-
Chapelle, après avoir traversé Kerkraede et jours les armes à la main el un masque au
llictcr.ck. visage.
Nous venons de sortir de Fauquemonl; Le matin, tous avaient disparu. Chacun
voici à noire gaucheclocher pointu de
le avait repris son travail de la journée, tandis
Heeck avec sa croix. Après avoir dépassé que l'incendie allumé par eux achevait de
Climmen, quittons la grande route cl descen- s'éteindre el que les victimes de leurs vols et
dons dans ce vallon où glisse la rivière de de leurs déprédaiions se désolaient sur les
Geleen, charmante à suivre. Si le lecteur ruines de leurs fortunes.
n'est pas fatigué, il entrera dans un taillis Le grand nombre d'expéditions qui se mul-
et y trouvera les ruines d'un petit manoir, lipliaienl de tous côlés et souvent dans la
près de la croix plantée au bord du sentier même nuit, avaient fail naître parmi le peu-
qui se dirige de Hoeiisbroek à Vaesraedt. ple une singulière croyance. On disait que
— Ces ruines, que l'on ne découvre pas sans les bandits possédaient le pouvoir de se trans-
peine sous les ronces et la mousse qui les porter enuu instant d'un point de la province
couvrent, sont celles du châicau de Schcu- à l'autre, et qu'un pacte, conclu avec l'enfer,
reuhof, manoir habité en 1773 pur les restes meltail ù leurs ordres le démon qui, sous la

I
-253 BOU BOIJ •iH
forme d'un bouc, emporlail sur son dus
les comme se (ût ,)gi de savoir à qui des deux
s'il

à travers les airs. De là le nom de Boucs qui resterait la victoire.


leur fui donné. Cela dura vingt ans tout entiers. Celui qui
L'origine de cellebandedoitélrcatlribuée à voudrait, comaie nous avons eu le cour.ige
quelques déprédations isolées commises avec de le faire, interroger les registres formida-
succès. Miiis plus tard quand le nombre im-
,
bles des différentes justices qui, dans le Liin-
mense des Boucs se fulaccru au point d'inspi- bourg, eurent à s'occuper des procès des
rer des craintes sérieuses à la république des Boucs, serait stupéfait devant le chiffre énor-
Provinces-Unies, on soupçonna des ramilua- me dos malheureux, coupables ou non (car
lioiis si étendues et des plans si étranges, que la justice se trompait quelquefois), qui péri-
l'historien doit douter de la vérité des convi- rent de par la loi dans cet espace de temps.
ctions acquises par plus d'un des juges qui siégè- Dans un rôle du tribunal de Fauquemont
rent pour examiner les brigands dont la jus- seul, nous avons compté cent quatre pen-
lice parvenait à s'emparer. On allait jusqu'à dus et écartelés en deux années, de 117-2 à
dire que Frédéric le Grand, pour avoir les 1774.
coudées franches en Allemagne et occuper Le manoir de Scheurenhof était situé pré-
les Provinces-unies, entretenait lui-même ciséinenlau milieu du foyer de ces briganda-
par des agents secrets ce terrible incendie. ges.— Le vieux chapelain entra dans la salle.
On ajoutait même que l'initiatio:) dos adep- — Nous apportez-vous de mauvaises nou-
tes se faisait d'après un moyeu inventé par velles, mon père? lui demanda vivement le
d'Alemberl. seigneur.
Voici commentées initiations avaient lieu. — Il est difficile d'en espérer de bonnes,

— Dans (luclque chapelle perdue au fond d'un répondit le prêtre. La nuit passée, l'incendie
a éclaté sous les loits de Bingeiraedt.
bois ou d'une bruyère, s'allumait une petite
lampe, au milieu d'une nuit obscure et ora- Ainsi l'orage s'amasse de plus en plus ;
geuse. celte nuit Bmgelraedt, il y a trois jours
Schinveidt , il y a six jours Neueuha-
L'adepte était conduit par ses deux par-
gen.
rains dans ce bois ou dans celle bruyère, et
Et en disant ces mots , le vieillard baissa
la chapelle s'ouvrait. 11 en faisait trois fois le
tristement les yeux vers la terre.
tour à quatre pattes; puis il y entrait à recu-
Le jour était entièrement tombé et l'ob-
lons, après une copieuse libation de liqueur
scurité avait envahi le ciel de toutes parts.
forle. Deux brigands affubSés de vêtements
La jeune fille , au bord de la fenêtre
cabalistiques recevaient son serment et con-
ouvrit tout à coup de grands yeux et jeta un
cluaient avec lui le pacte infernal. Ou le
cri terrible
hissait alors sur un bouc de bois placé sur
:

un pivot. Le récipiendaire assis, on se met-


— Le feu feu 1 le !

Le vieillard bondil sur son siège.


tait à tourner le bouc. Il tournait, il tournait
— Le feu, dis-tu? de quel côté?el
toujours, il ne cessait de tourner.
— Du côlé de Hegen, répondit Mathilde
Le malheureux, déjà cerveau pris par
le avec un profond serrement de cœur.
la boisson, devenait de plus en plus ivre. 11 — Ce n'est rien, dit le vieillard froide-
bondissait sur sa monture, la sueur ruisse- ment.
lait le long de ses tempes, il croyait traverser Ces paroles poignantes firent rouler une
l'air à cheval sur un démon. Quand il avait lai'me sur chacune des joues de la jeune fille.
longtemps tourné ainsi, on le descendait ha- Elle suffoquait à ce tableau sinistre cl à l'i-
rassé, n'en pouvant plus, dans un vertige dée que la peut-être une tête bien chère al-
inexprimable. 11 était Bouc; il était incen- lait tomber sous les haches impitoyables des
diaire, il était voleur, il était bandit, il était Boucs.
assassin. Il appartenait à tous les crimes. Il Le petit château de Hegen, situé à l'est de
était devenu un objet de terreur, un être Scheurenhof, était habité par une famille
exécrable. La soif de l'or avait fait tout qu'une haine héréditaire faisait vivre dans
cela. une inimitié héréditaire aussi avec la famille
Mais, si les Boucs répandaient ainsi l'épou- de Scheurenhof. Le voisinage, le temps, les
vante, la justice ne demeurait pas inactive. mille rapports que doit nécessairement éla-
Ce fut dans le pays de RolJuc que les pre- blir le contact continuel de deux maisons
mières poursuites eurent lieu. Et, ces pour- situées, pour ainsi dire, côte à côte, rien de
suites commencées, on alla bon train. La tout cela n'avait pu dominer celle haine. Au
seigneurie de Fauqucmont, l'ammanie de contraire, elle devenait plus ardente d'année
Montforl, tout le territoire de Juliers, se en année. Mais, si citle division acharnée
couvrirent de roues, de gibets, de bûchers; s'éiait mise entre ces deux châteaux, il y
ileelen lit construire deux potences. La Sei- avait pourtant un lien secret et caché qui K's
gneurie de Schaesberg, Noensbroek, Ubach, réunissait. Mathilde était aimée du Wailer de
Nuth, presque chaque village en firent ériger Hegen.
une au moins. Et plus on rouait, plus on Le vieux châtelain de Scheurenhof ne son-
pendait, plus on écartelail, plus on brûlait, geait guère, il est vrai, à donner le litre de
|)lus aussi les Boucs devenaient redoutables gendre à Walter, comme le maître du ma-
par leur nombre et par leur audace. Ou eût noir de Hegen repoussait de toutes ses forces
(lit ({u'une lu te s'était établie entre le crime l'idée que son filspût donner un jour à Ma-
el la lui, cl que l'un rivalisait avec l'autre, thilde le lilre d'cpuuso. En dépil do la liaiiiu
25=! DlCTlONNAIItE DK8 SCIKN< ES OCCULTES. 2K6

des deux pères, ni le fils ni la fille ne quit- vous avez vos maisons, vos femmes, vos en-
taient cet espoir. El c'était la crainte d'un fants. Si l'on vous savait ici, on brûlerait
dançer pour Walter qui avait fait couler les vos maisons, on dévasterait vos champs,
larmes des yeux de rhérilicre de Scheuren- on ruinerait vos biens on vous réduirait à:
,

hof, au moment où l'inceudie éclata devant la misère. Toi, Martin, demeure. Tu n'as^
elle du rôle du manoir. rien à perdre. Je te nomme dès ce moment,
, ,

—Vous avez do.ic pris vos mesures ? de- mon premier garde-chasse. Tu t'acquitteras
manda le chapelain en se tournant vers le bien de cette charge, car nul mieux que
sire de Srlieurenhof. toi ne connaît les sentiers de mes bois. Vous,
—Mes murailles sont assez fortes encore mes amis, rentrez dans vos demeures.
pour que nous puissions repousser la pre- En disant ces mots, il tendit la main au
mière attaque, répondit celui-ci. bailli et à tous ses compagnons, qui ne se
A peine le chevalier eut-il achevé ces retirèrent qu'à regret.
mots, qu'un serviteur de la maison, Job, A peine furcnl-ils parvenus au bas du sen-
entra tout effaré dans la saile. tier qui conduit à H:)ensbrock. qu'ils enten-

Eh bien! Job, que veut dire celte pâ- dirent un cavalier glisser à côlé d'eux, mais
leur? fit le mailrc du manoir. ils ne parent le distinguer suffisamment pour

Messire, dos hommes du village dési- le reconnaître à cause de l'obscurité de la
rent vous parler. nuit.

Et qui est à leur tôle? — Qui va là? s'écria le bailli.
— Le de Hoensbrork.
bailli — Ami répondit une voix qu'ils ne recon-
!

— Qu'on les laisse entrer. nurent pas davantage.


Quand habitants de Hoensbroek se
les Le cavalier avait déjà gravi la hauteur, el
trouvèrent devant le châ'elain de Scheureu- le bruitde son coursier s'était éleint du côié
hof, le bailli prit la parole : de Scheurenhof.
—Noble seigneur, nous venons vous of- Peu de minutes après, la poignée d'une
rir nos services en ce moment de danger. é|iée frappa vivement à la porte du ma-
Vous avez toujours été pour nous charitable noir.
et bon. Il est juste que nous vous soyons re- — Qui frappe ainsi? demanda Martin, ar-
connaissants. mé d'un de chasse de son maître.
fusil
Le visage du vieillard s'éclaircil à ces pa- — Un ami, qui veut parler au de Solieu- sire
roles; il jeta un regard rapide sur les braves renhof, répondit la voix que les hihilanls
accourus à son secours en les nommant cha- de Hoensbroek avaient déjà interrogée.
cun par leur nom comme d'anciennes con- La porte s'ouvrit, et le cavalier entra.
naissances. Mais ses yeux s'arrêtèrent avec Martin, tenant le canon de son fusil tourné
étonnernent sur une figure cachée à demi vers l'étranger, lui dit :

dans un des coins les plus obscurs de la salle. — Avancez jusque sous cette lanterne et
C'était un vigoureux jeune homme dont le dites ce que vous voulez.
front était bruni par le soleil, dont les bras — Je te l'ai dit, parler à ton maître.
eussent déraciné un arbre du sol et dont les — Qui êtes-vous?
prunelles trahissaient à la fois la ruse et l'au- — Ton maître le saura.
dace. Martin ab lissa son arme. Il avait reconnu
— Eh! Martin, exclama le sire di; Siheu- la figure de l'étranger.
renhof, comment se fait-il que je te rencon- — Ah! c'est vous, messire? murmura-t-il
tre ici parmi mes amis? avec étonnement. Suivez-moi.
— Châtelain de Scheurenhof, répondit Ils se dirigé) eut vers la salle où se tenaient
l'autre sans manifester la moindre surprise, le sire de Scheurenhof, sa fille et le chape-
je n'ai jamais été que l'ennemi du gibier de lain, regardant l'incendie qui diminuait et
votre chaise, parce que je suis d'avis que la Hamme qui devenait de plus en plus
Dieu n'a pas donné de mailre à ce qui vit faible.
dans l'eau, dans l'air et dans les forêts, et — Attendez ici que je vous annonce, fit
qu'il a créé pour le valet aussi bien que Martin à son compagnon.
pour le seigneur, de la forêt, l'oi-
le lièvre A ces mots, il ouvrit la porte de la salle
seau du de la rivière. Vous,
ciel et lejjoisson et dit à haute voix :

messire, ne pensez pas de même, et plus — Messire Walter de Hegen I


d'une fois vous me l'avez montré par votre — Walter! exclama Mathilde avec une
justice, sans cependant que vous ayez jamais émotion indicible.
à mon égard agi avec inhumanité comme vos — De Hegen! s'écria le vieux châtelain
luis vous permettaient de le faire. Or, je vous avec un accent inexprimable.
en suis reconnaissant aussi, et mon bras est Le jeune homme s'avança d'un pas ferme
à voas. vers le vieillard.
Le vieillard contint l'émotion qui agitait — Messire, lui dit-il, je ne suis plus main-
son cœur; et, se tournant vers les au- tenant le fils de votre ennemi. L'incendie
tres : m'a chassé de ma maison el m'a fait orphe-
— Mes amis, je n'ai que deux souhaits à lin sur la terre; mon père est mort; ma
former ; le le salut de ma fille ;
premier, c'est mère est morte; toute ma famille est tombée.
\e second, c'est que le ciel me melte un jour Je n'ai plus de toit et je viens vous demander
à même de récompenser votre loyauté. Vos une place sous le vôtre.
services, je ne puis les accepter, parce que — Jeune homme , l'hospitalité est une
257 nou i;ou iSS
vieille habilude de nin maison ;
qu'elle soit péta Jean-lc-Bancal, tous armés jusqu'aux
la lienne ;
un asile qui dem.iin
je t'y offre dents et prêts à nous tailler une rude be-
n'appartiendra plus à nous-niénics peut- sogne.
être. — Combien ea as-tu compté? reprit ca- le
— Messirc, si mon cœur est mon
fort, pitaine.
épce est forte aussi, répli(iua le jeune homme — Un grand nombre, ménétrier. fit le
avi'C fermelé. L'obscurité ne m'a pas iiermis de les distin-
On «l'ait inviter Walter à prendre plare guer suffisamment. Mais j'ai vu luire leurs
à table pour partager le repas du soir, quand armes à la faible clarté do la lup.e et j'ai en-
Martin reparut et s'avança vers le châlelain tendu leurs (hevaux hennir comme après
on jetant sur Hegen un regard de défiance. une longue course.

Que désires-tu, Martin? demanda le vieil- Le récit du Bincal et les assurances qu'il
lard. ne cessait de donner augmentèrent dans l'es-
— quelque chose à vous confier, mes-
J'ai prit des bandits la conviction que Schcurcn-
sire. hof venait de recevoir une garnison capable
— Parle à haute voix. Cet homme est mon d'une longue défense. —
Le capitaine était
hôte; il peut savoir tout ce qui nous in- le seul qui doutât des paroles du ménétrier.
téresse. — Jean, lui dit-il, tu as vu, tu as entendu,
—Voici donc, reprit Martin. Mon ange seulement tu as oublié de compter combien
gardien m'inspira, sans doute, de m'en aller ils étaient. Tes yeux avinés auront, à coup
au dehors et d'écouter ce qui se passe autour sûr, doublé, triple, décuplé le nombre. lîn
de la maison; car j'ai avisé près de notre tout cas, nous allons aviser à un autre
porle Jean-le-Bancal, le ménétrier; il ne moyen. Quatre hommes se rendront à Scheu»
liante que les tavernes, et à chaque fête ilc renhof pour demander la place. Cinquante
village on est sûr de trouver son violon. Il hommes, toi, Picrrc-le-Diable, avec ta com-
me reconnut ; comme nous nous sommes pagnie, vous les accompagnerez pour les
rencontrés plus souvent dans les cabarets protéger contre toute attaque. Vous ferez
que dans les églises, il me demanda si je vou- halte dans le bois du Calvaire et vous atten-
lais l'aider à espionner le château et à pré- drez le retour de mes députés.
parer les mojen>i de faire tomber Schcuren- Le chef ayant fait choix de ses quatre
hof par surprise aux mains des Boucs. messagers, qu'il munit de ses instructions,
—Ils ne me prendront pas comme un rat Picrre-le-Diable rassembla ses hommes et la
dans une souricière! s'écria le vieillard. La troupe se mit en route vers le château. —
colère m'a rendu les forces que l'tlgc m'avait Parvenus au pont-levis du manoir, ils don-
ôlées. Us sentiront ce que pèse mon bras, si nèrent un coup de sifflet pour s'annoncer.
mon épée Csl bien pointue et si mes cara- Martin passa la gueule de son fusil par une
bines visent juste. Cet homme est-il parti? des meurtrières.

Non, messire! J'ai feint d'entrer dans — Faut-il faire feu? dcmanda-t il à son
SOS projets et je l'ai pris comme un renard m;i!tre. —Et sans attendre la réponse, il lâ-
dans une trappe. cha la détente. La balle siffla à l'oreille d'un
— Qu'on le pende à l'instant même à la des envoyés des Boucs.
tour la plus haute de ma maion 1 — Trahison s'écrièrent les quatre voix
1

— Ne croyez-vous pas, messire, (]u'i! se- toutes ensemble.


rait plus prudent de se borner à le tenir en- — Arrière, s'écria le châtelain en
M.irtin I

formé dans un de nos souterrains, pour ne repoussant garde chasse.


le
pas donner l'éveil à ses compagnons? Nous Puis s'adressanl aux députés :

aurons loujours le temps de lui faire faire — Ce n'est qu'une méprise, compagnons,
des enircchals entre ciel ei terre... leur dit il. On va vous ouvrir la porte, et loi
—Tu as raison, fit le sire de Scheuren- de gentilhomme vous sortirez sains et saufs
1

hof. Dans le cas où nous somtnes, prudence de ma maison.


vaut mieux peut-être que témérité. Or, voiti Aussitôt le pont-levis s'abaissa; la porte
le moyen qui me semble préférable. Martin s'ouvrit. — Les envoyés des Boucs entrè-
fera semblant d'entrer dans les vues de l'es- rent.
pion. Il sortira avec lui du château et le con- — Que voulez-vous ? demanda le châte-
duira secrètement dans le bois du Calvaire, lain.
en lui disant qu'une troupe de gens d'armes — Deux choses, répondit l'un d'eux.
doit venir, celte nuit, à notre secours. Tous — La première?
nos hommes armés et à cheval feront en si- — C'est que vous nous rendiez toutes les
lence un détour à travers le bois et rentre- armes qui se trouvent en vos mains, répli-
ront au manoir en passant près de l'endroit qua le bandit.
où Martin se sera posté avec son compagnon, — La seconde ?
afin de faire croire ainsi aux bandits que ce C'est que vous nous remettiez tout l'argent
secours nous est réellement arrive. qui est gardé en ce château.
Cette ruse s'exécuta aussitôt et elle réus- — Allez dire à ceux qui vous envoient
sit. Avant que minuit eût sonné, un bruit si- qu'ils viennent prendre les armes et l'argent,
nistre circula parmi les brigands. s'ils le peuvent, répondit le seigneur de
— est arrive une troupe de soldats à
Il Scheurcnhof.
Schcurenhuf. La porle se rouvrit et les députés sorti-
— Une troupe nombreuse de cavalicrs.Iré- rent. Le pont-levis relevé derrière eux. Mar-
2:,9 DICTIO.NNAIftE, DES SCIK.NCtS OCCULTES. 2(5fJ

tin se rcinil devant la meurtrière, dans la- leurs fondements. Ce ne fut qu'un instant,
quelle il ropliiça son fusil rechargé. ce ne fut qu'une seconde. Puis tout était re-

Faut-il faire feu. maîlreî tombé dans une obscurité épaisse, et vous

Ce ne sont pas des lièvres, Mirlin. Ces n'eussiez plus entendu que des cris, des gé-
hommes sont sous ma sauve-garde de gen- missements de blessés et de mourants. Une
tillioniine. clameur générale couvrit bientôt ces gémis-
1-e braconnier ne céda qu'à regret à cet sements et ces cris : —
Victoire I victoire 1

ordre et relira son fusil dont le chien était


, Et les bandits se ruèrent par la brèche, en
déjà sur le [loint de faire partir la balle. passant sur quarante cadavres des leurs, que
Maintenant la position du ciiàlelain était l'explosion de la mine, pratiquée sous la
dessinée tout entière. Le danger était pres- porte, avait broyés. Les Boucs s'étaient jetés
sant. Aussi l'on s'occupa de tout disposer dans la cour du châtc >u. Mais plus uu coup
pour une vigoureuse défense. Les domesli- de fusil qui leur répondit, plus un homme
i|urs furent armés de bons fusils et de fléaux qui fût là pour leur tenir tête.
et placés près de la porte, les murailles du —N'avancez pas trop vite compagnons, ,

manoir étant assurées par leur élévation s'écria Pierre-le- Diable, qui avait pris le
contre l'attaque des bandits. Tout cela fait, commandenient de ia troupe. Soyons sur nos
on ouvrit les caveaux et le souterrain qui, gardes avant tout!
conduisant du château au bord du ruisseau Car il craignait ((u'unc au're mine, prati-
de Grieen, offrirait une retraite assurée, si le quée sous le sol où ils marchaient, ne fit un
MiiMioir était enlevé. nouveau carnage parmi les siens.
Deux heures pouvaient s'être écoulées, —
Ne redoutez rien avancez, si vous n'êtes
1

quand abords deSchenrenhof se trouvè-


les des lâches! répondit aussitôt une voix que vous
rent cernes d'une multitude de bandits. Ou eussiez reconnue pour celle de Waller de
n'entendait que des armes qui s'enlrc-cho- Hegen.
qiiaient, que des silflets qui s'interrogeaient — A l'attaque! reprit Pierre-Ie-Diable.
cl se répondaient de toutes parts, que des Et les bandits se rangèrent en un vaste
voix qui se parlaient et des ordres qui cou- cercle autour du jeune homme qui, son épée
raient de rangea rang. Le gros de la troupe à la main , se tenait sur le seuil de l'habita-
avait atteint le pont-levis. tion dont il essayait de défendre l'entrée.
—En avant! s'écria aussitôt le capitaine. Alors recommença un combat terrible.
—Et les bandits s'avancèrent. Les mains vigoureuses de Walter brandis^
Mais, au même instant, une détonation saient sa redoutable épée, qui semblait se
terrible partit de toutes les tncurtrières du multiplier et faire une roue de fer autour de
château, qui était demeuré jusqu'alors dans lui. Cependant le cercle qui l'enveloppait se
le plus profond silence. rétrécissait de plus en plus et le serrait de
Bien visé, Martin, dit le châtelain, en plus près. Un moment arriva où les bandits
voyant chanceler le chef des ass.iillauts triomphèrent de cet homme seul et jetèrent
qu'une balle avait frappé à la poitrine. un hurlement de joie —
11 est pris
: !

—Le bandit tourna sur lui-même et leva On le renversa sur le sol. Dix haches, dix
son épée en l'air ; puis il tomba au milieu sabres étaient levés sur lui, dix canons do
des siens en murmurant d'une voix rauquc : fusils étaient braqués sur sa poitrine.
— En avant 1 —Arrêtez, s'écria le capitaine en écartant
Les brigands hésitèrent un moment et n'o- les brigands. Cet homme ne jcut mourir
sèrent avancer. —
Une deuxième détun.ition comme un brave.
illumina les meurtrièns , et six hommes — Qu'on le pende aux bras du pont-levis!
mordaient la poussière à côté du cadavre do dit Jean-le-Bancal.
leur capitaine. —
Alors le trouble redoubla. — Qu'on le jette dans le Geleen , continua
Mais un cri de vengeance éclata presque aus- un autre.
sitôt parmi la foule exaspérée : — Je sais mieux que cela, reprit Pierre-
— Hourra 1 bourrai le-Diable. Qu'on aille chercher son cheval,
Et ils se ruèrent en avant avee une in- et qu'on m'apporte l'un des câbles qui ont
croyable fureur. C'était une masse compacie servi à monter le pont.
et serrée où portaient toutes les balles (|ui Alors on jeta le prisonnier en travers du
partaient du château comme une grêle de cheval, sur lequel on se mit en devoir de
plomb. Une partie des Boucs, descendus dans l'attacher avec force, après lui avoir noué
le fossé , s'étaient hissés au pont-levis au les bras et les jambes. Puis au moyen des
moyen do Cordes et travaillaient à scier les cordes on se mit à frapper le pauvre animal;
clialnes qui le retenaient. Un moment après et, quand on l'eut frappé longtemps :

le pont s'abaissa avec fracas. La porto cra- —Maintenant qu'on le lâche! s'écria le
quait sur ses gonds, entamée par le tran- capitaine.
chant du fer. Chaque coup grondait sous la Le cheval fut lâché, et il partit comme un
voûte d'entrée et mêlait son bruit sourd au éclair, à travers les buissons, à travers les
bruit des armes à feu et aux blasphèmes qui halliers, courant comme si un ouragan l'em-
tonnaient dans la foule romme un orage. La porlail. Le cheval et le cavalier ayant dis-
porte tomba déracinée et la multitude se pré- piru, on se mit à fouiller dans le château;
«ipita en hurlant sous la voûte ténébreuse. on brisa toutes les portes, on força tous les
Tout à coup une explosion terrible éclata et meubles, en interrogea tous les réduits.
ébraula les murailles du manuir jus(iuc dans —C'est une chose inconcevable, se dirent
56 ROU nou 26'2

los bandits, qua.iiî, après avoir loul foui'lé, s'arréla brusquement et dit à voix basse
ilsn'eurent rien trouve, ni hommes ni ar- — Arrêtez. :

gent. Tous firent halte, parce que tous savaient


— Commf^iit ont-ils pu s'enfuir d'ici ? de- combien était développé dans ce braconnier
manda le clief. cet instinct de bêle fauve qui ll.iire le danger,
— vu J'ai (ourdie de l'est une échelle
à la qui comprend le langage du venl, qui entend
de corde a!t.ii'hce au mur et qui descend jus- au frôlciuenl des feuillages d'un hallier si
que dans le fossé, dit un homme de la troupe. c'est un ami ou un ennemi qui l'a produit.

Ils se sont donc sauvés par là, reprit Après s'être assuré de la direction d'où ve-
Pierre. nait la rumeur qui le frappait, le garde-
— Vers Amsienracdt , ajouta Jean-le- chasse mit son fusil en bandoulière et se
15 incal. disposa à grimper le long de la berge du ra-
— Nous les rejoindrons, continua Pierre- vin. Sans déranger un caillou, sans froisser
le-Diahlc. une plante, sans rompre la branche d'un
F.ttous les bandits prirent la route d'Ams- buisson, il atteignit avec la légèreté d'un chat
lenraedt. la crête de la berge et regarda autour de lui
Après avoir donné le signal de l'explosion en écoutant de toutes ses oreilles, il recon-
qui fit sauter la porte d'entrée, le seigneur nut aussitôt quel éîait ce bruit; car il avisa
de Scheurenhof et 1rs siens s'étaient retirés à quelque dislance la sinistre petite lampe
par le souterrain qui conduisait au bord du qui ne s'allumait qu'au sein des nuits téné-
ruisseau de Geleen. Waiter avait refusé de breuses pour éclairer l'initiation des Boucs.
les suivre, afin de proléger leur retraite. Un cri de terreur se fût échappé de la bouche
Une échelle de corde avait clé attachée à la des fugitifs, s'il leur eût dit: Nous sommes —
tourelle de l'est pour faire supposer que les près de la chapelle des Boucs. Mais il se —
fugitifs s'étaient échappés di' ce côté. Le sire pencha au bord du ravin, et leur Dt signe de
do Scheurenhof et toute sa maison marchaient marcher avec précaution :
dans l'obscur souterrain, éclairés par ta lu- — Avancez à pas de loup, leur dit-il (oui
mière d'une lanterne sourde que Martin por- bas; nous sommes ici dans un etidrolt ph in
tait devant eux. Ptirvenus à l'issue au o;ilieu de péril.
d'un épais fourré, Martin éteignit sa lan- Toute la (roupe desc -ndit le ravin dans le
terne, et tous virent les pâles étoiles au ciel. plus grand silence. Us laissèrent à leur gau-
On entendait de loin la rumeur des Boucs che les toits d'Oasle, et entrèrent après une
qui s'éloignait et s'éteignait dans la nuit demi-heure de marcIie à Fauquemont.
vers le village d'Amslenraed, dans une di- — Grâce au ciel ! nous voici sauvés , s'écria
rection opposée à celle que suivaient les fu- le sire de Scheurenhof.
gitifs. —
Mais à peine le châtelain eut-il Pendant ce temps , Martin s'était glissé à
mis le pied hors du souterrain, qu'il recula, travers les buissons et les hautes herbes jus-
saisi d'effroi, et que Mathilde jeta un cri. il qu'auprès de l'entrée de la chapelle. 11 y vit
s'était fait un grand bruit dans les buissons, accomplir les mystères d'une initiation. De-
comme celui d'un cavalier dont le cheval, vant l'autel se tenait debout ce fameux juif
effrayé par un coup de tonnerre, aurait pris Abraham Nathan, qui joua un rôle si terri-
le mors aux dents. Ce bruit devenait de plus ble dans l'hisloire de la bande. U était vêtu
en plus distinct. C'éiaient des branches qui d'une espèce de chasuble brodée d'or et rece-
se cassaient, des feuillages qui se froissaient, vait le serment d'un pauvre vacher que l'on
des hennissements étouffés. Au môme in- venait de descendre du bouc de bois.
stant quelque chose de lourd vint s'abattre — Tu renies Dieu? lui demandait le juif.
aux pieds de la jeune fiile. — Oui , repondit le paysan d'une voit
— Waiter de Hegen Mathilde. 1 dit avinée.
C'était lui en eflet à demi dé-les chairs — Et la Vierge et les saints?
;

chirées par les cordes qui le nouaient au — Oui la Vierge et les saints.
,

cheval, mais sain et sauf. Une larme de joie — Tu consens à donner ton âme au démon,
roula sur les joues de l'héritière de Scheu- afin qu'il t'accorde en échange les biens de
renhof, et tous se mirent en devoir de défaire la terre l'or, les richesses et le pouvoir de
,

les nœuds (jui étreignaient Waiter. te transporter par ta volonté partout où tu



Comment cela s'est-il fait? demanda le voudras?
vieillard à peine revenu de son élonnement. —Oui.

Je vous dirai cela plus tard, répondit le — Eh bien j'accepte au nom de l'enfer ton
1

jeune homme. Songeons d'abord à nous met- âme à ce prix , dit Nathan. Et maintenant tu
tre en sûreté. Je connais près d'ici le meu- es des nôtres. Voici la carte qui te fera re-
nier d'Hullebroeck. Nous y trouverons des connaître des frères.
chevaux. Nous nous dirigerons vers Geulh , Puis , après lui avoir remis une carie mar-
où nous passerons la Meuse. quée d'un signe hiéroglyphique, le juif lui
Kl, sans se dcmner le temps de reprendre donna l'accolade fraternelle et lui répéta :
haleine, il conduisit la troupe. — A ce soir.
Ils avaient laissé à leur gauche le Tillage — Cela ne sera pas, se dit Martin en lui-
de Hceck, et descendaient un étroit ravin même.
vers h; clocher de Saint-Peter. Us n'y furent Et, passant le canon de son fusil entre les
pas plutôt engagés (jue Martin, (|ui marchait branches d'un buisson, derrière lequel il se
à la tête de la troupe en guise d'éclaireur, tenait caché, il ajusta Nathan qui se penchait
i65 DICTIONNAIHE DES SCIENCES OCCLUES. 2G&
vers son compagnon cl lui dunnnit le baiser curieuT Oorspong, Oorzneke , bettys, etc.
:

(l'inilinlion. Au môiiic inslant la détente par- « Origine, cause, preuve et découverte d'une
lit; une balle fracassa la tèlc du nouvel ini- bande impie et conjurée de voleurs de nuil
tie ol entra dans les chairs du bras droit du et de brigands dans les pays doulre-Meuse
juif. et contrées adjacentes, avec une indication
Un cri pffroyable rclcnlil dans la chapelle : exacte des exécutés et des fugitifs, par S.-P.-
— Trahison I traiiisonl J. SIeinada. a
Le nouveau Bouc roula sur les marches de BOUCHER.— Ambroise Paré raconte, dans
l'auiel, se tordit un instant et rendit le der- son livre des Monstres, chapitre 28, qu'un
nier soupir. Le juif éleva son bras ensan- valet nommé B.)ucher, étant plongé dans des
glanté et dit aux deux compagnons qui lui pensées impures, un démon ou spectre lui
restaient en montrant le mort Frères : — , apparut sous la figure d'une lémine. Il suivit
vengez- moi cl vengez cel homme. le lenlaleur; mais incnniinent son ventre et
Les deux parrains prirent leurs carabines ses cuisses s'enflammèrent, tout son corps
et sortirent de la chapelle, dirigeant leurs s'embrasa, el il en mourut misérablement.
armes vers l'endroit ou ils avaient aperçu le BOUCHEY (MAnccEniTE Ragum) , femme
feu du braconnier. Leurs deux balles paru- d'un maçondelaSi)logn<',\ers la fin du seiziè-
rent à la fois.
me siècle; elle montrait une sorte de n)arion-
— Mil visél mes compères, s'écria Martin,
nette animée, que les gens experts découvri-
qiii av.iilrechargé son fusil double et tenait rent être uniulin. En juin 1()03, le juge ordi-
deux coups cà la portée de ses adversaires. nairede Uomorantin, homme avisé, se mit en
Il lâcli le premier, et l'un des hommes
I
devoirdeprocédcrcontrcla marionnette. Elle
tomba. H lâcha le second, et l'autre tomba confessa que maître Jehan cabaretier de ,
aussi. Il ne restait plus que le juif. Mais Na- Blois, à l'enseigne du Cygne, chez qui elle
than s'enfuit à travers les fourrés du bois et était servante, lui avait fait gouverner trois
disparut dans les dernières ténèbres de la mois cette marionnette ou mandragore, qu'elle
nuit. lui donnait à manger arec frayeur d'abord,
Martin rentra avec l'aube à Fauqucmont. car elle était fort méchante, que quand son
Il instruisit le bailli de ce qui s'était passé.
La justii e se rendit avec une forte escorte à
maître allait aux champs, il lui disait Je : —
vous recommande ma béte, et que personne
la chapelle d'iniiialion et n'y trouva que les
ne s'en approche que vous.
cadavres, qui furent enterrés ignominieuse-
ment par le bourreau sous le gibet ini'àme. Elle conta qu'une certaine fois Jehan étant
Nalnan fut pris quinze jours plus tard, et allé en voyage, elle demeura trois jours sans
pendu le 24 septembre 1772, à Hccck, sur donner à manger à la bêle, si bien qu'à son
retour, elle le frappa vivement au visage....
la bruyère de Gracd.
Malgré la sévérité des juges malgré les Elle avait la forme d'une guenon, que l'on
,
cachait bien, car elle était si hideuse, que
placards nombreux publiés par les nobles
et puissants seigneurs des Provinces-Unies
personne ne l'osait regarder. Sur ces dépo-
sitions, le juge fit mettre la femme Bouchcy
et les mesures prises par les princes évêiiues
de I-iége, les Boucs ne purent être entière- à la question, el plus lard le parlement du
Paris la condamna comme sorcière (1). Il est
ment exlermiiés. Quelques écrivains con-
ti'mporains font remonter cette b.mde à l'an assez probable que la marionnette était sim-
1730. On ne parvint à la dompter ((u'en 1779. plement une vraie guenon.
Elle eut un grand nombre de chefs, parmi BOUILLON DU SABBAT. Pierre Delancre
lestiuels figurent surtout le fameux chirur- assure, dans i'IficréUulité el tnécréance du
gien de K., du pays de Rolduc , le juif Abra- sortilège pldnemenl convaincues, traité di-
ham Nathan, Hcrman L. et Anioine B., sur- xième, que les sorcières , au sabbat, font
nommé lu Mox. Elle possédait même un cha- bouillir des enfants morts et de. la chair de
pelain qui prêchait tous les crimes ; il por- pendu, qu'elles y joignent des poudres en-
tait le nom de Léopuld L. Les chapelles où sorcelées, du enilltl noir, des grenouilles:
les initiations avaient lieu ordinairement qu'elles tirent de tout cela un bouillonqu'elles
étaient celle de Sainte-Rose, près de Siltard boivent, en disant: «J'ai bu dulympanun(2j,
celle de Saint-Léonard, près de Kolduc, et el me voilà professe en sorcellerie. » On
une autre située aux environs d'Urmon, près ajoute qu'après qu'elles ont bu ce bouillon,
de la Meuse. Tijus ces endroits sont encore les sorcières prédisentl'avenir, volent dans les
redoutés aujourd'hui des villageois voisins, airs, et possèdent le pouvoir de faire des sor-
qui trouvent dans l'histoire des Boucs de quoi tilèges.
défrayer amplimenl leurs longues soirées BOULES DE MAROC. 11 existe à Maroc
d'hiver. —
Mathilde de Seheurenhofet Waller une tour surmontée de trois boules d'or, si
de Hegcn se marièrent et obtinrent une nom- artislement fixées au monument, que l'on a
breuse postérité. vainement (enté de les en détacher. Le peu-
Ceux d'entre nos lecteurs qui désirent de ple cioit qu'un esprit garde ces boules et
plus amples détails sur l'histoire delà bande frappe de mort ceux qui essayent de les en-
lies Boucs, peuvent consulter un pclil livre lever (3).
contemporain qui fut publié en 1771), à M.iës- BOULLÉ (Thomas), — vicaire de Picard,
tricht, sans lieu ni date, cl qui porte ce titre sorcier comuie lui , et impliqué da.is l'af-
Arrêts nol.iblis de P. Dclanorc. qui sert qurlqnofois de Ivmpanon ou de 'ambour.
Ce bouiiloa so met dans une ouirc de peau de bouc. (3) H. l'jillel, Hisl. de l'oiupirc de Maroc, p. G9.
iC5 lîOU BOX 260

faire de Madeleine Bavan. On le convainquit tiques , les rabbins, les sorciers ; car il
y
d'avoir noué
et dénoué l'aiguillette, de s'élre avait alors à Amsterdam des sorciers de pro-
mis sur des charbons ardents sans se brûler fession. Ses nombreux ouvrages, qui furent
et d'avoir fait plusieurs abominations. 11 tous imprimés sous ses yeux, en français,
souffrit la question sans rien dire, parce qu'il en flamand et en allemand, combattent tout
avait le sort de laciturnilé , comme l'ob- culte extérieur et toute liturgie, en faveur
serve Boisroger. Cependant, quoiqu'il n'eût d'une perfection mystique inadmissible. Les
rien avoué, parce qu'il avait la marque des plus célèbres de ses écrits sont le trailé du
sorciers et qu'il avait commis des actes in- Nouveau Ciel et du règne de l'Antéchrist, et
fâmes en grand nombre, il fut, après amende son livre de VAveuglement des hommes et de
honorable, brûlé vif, à Rouen sur le Vieux- la lumière née en ténèbres
Marché , le 22 août 1647 (1). BOURY. Voy. Flaque.
BOULLENG (Jacques), astrologue à Bou- BOURRU. Les Parisiens faisaient autrefois
logne-la-Grasse né au diocèse de Dol en Bre-
, beaucoup de contes sur un fantôme imagi-
tagne. Il fit plusieurs traités d'astrologie que naire qu'ils appelaient le moine bourru; il
nous ne connaissons pas; il prédit les trou- parcourait les rues pendant la nuit, tordait
bles de Paris sous Charles VI, ainsi que la le cou à ceux qui mettaient la léle à la fe-
prise de Tours par le Dauphin. Il dressa ausi, nêtre, et se permettait un grand nombre de
dit-on, l'horoscope de Pothon de Saintrailles, tours de passe-passe. Il paraît que c'était une
en quoi on assure qu'il rencontra jusle (3). espèce de lutin. Les bonnes et les nourrices
BOULVÈSE professeur d'hébreu au col-
,
épouvantaient les enfants de la menace du
lège rie Montaigu. Il a écrit l'histoire de la moine bourru. Croque-mitaine lui a suc-
possession de Laon, en 1556; c'est l'aventure cédé.
de Nicole Aubry. C'était un homme excessi- BOURREAU. Le maître des hautes-œuvres
veint'nt crédule. avait jadis diverses prérogatives. On lui at-
BOUNDSCHESCH, livre de V éternité, très- tribuait même, dans plusieurs provinces, le
révéré des anciens Persans. C'est là qu'on privilège de guérir certaines maladies, en
voit qu'Orniusd est l'auteur du bien et du les touchant de la main, lorsqu'il revenait
monde pur, Ârimane l'auteur du mal et du d'une exécution de mort (3). On croit encore,
inonde impur. Un jour qu'Ormusd l'avait dans nos campagnes, que le bourreau est
vaincu, Arimane, pour se venger, tua un un peu sorcier, et il n'est pas rare que des
bœuf qu'Ormusd avait créé du sang de ce : malades superstitieux se fassent traiter par
bœuf naquit le premier homme, sur lequel lui quoiqu'il n'ait plus dégraisse de pendu.
,

Ormusd répandit la force et la fraîcheur d'un BOUSANTHROPIE, maladie d'esprit qui


adolescent de quinze ans , en jetant sur lui frappait certains visionnaires, et leur per-
une goutte d'eau de santé et une goutte d'eau suadait qu'ils étaient changés en bœuf. Mais
de vie. Ce premier homme s'appela Kaid- les bousanthropes sont bien moins com-
Mords ; il vécut mille ans et en régna cinq muns que les loups-garous ou lycanthropes,
cent soixante. Il produisit un arbre, des dans les annales de la superstition. Voy. Lt-
fruits duquel naquit le genre humain. Ari- canthropib.
mane, ou le diable, sous la figure d'un ser- BOUTON DE BACHELIER. Les jeunes
pent, séduisit le premier couple elle cor- paysans anglais prétendaient autrefois savoir
rompit; les premiers hommes déchus se d'avance quels seraient leurs succès auprès
couvrirent alors de vêlements noirs et atten- des jeunes filles qu'ils voulaient rechercher
dirent tristement la résurrection; car ils en mariage, en portant dans leur poche une
avaient introduit le péché dans le monde. plante nommée bouton de bachelier, de l'es-
On voit là une tradition altérée de la Ge- pèce des lychnis, et dont la fleur ressemble à
nèse. un bouton d'habit. Ils jugeaient s'il fallait
BOURIGNON (Antoinette), visionnaire, espérer ou désespérer, selon que ces boutons
née à Lille en 1616, morte en 1680 dans la s'épanouissaient ou non (k).
Frise. Elle était si laide, qu'à sa naissance BO VILLE ou BOVELLES, Bovillus (Char-
on hésita si on ne l'étoufferait pas comme les de), Picard, mort vers 1553. Il veut éta-
un monstre. Elle se consola de l'aversion blir, dans son livre De sensu, cette opinion
qu'elle inspirait par la lecture mal digérée que le monde esl un animal, opinion d'ail-
de livres qui enflammèrent son imagination leurs ancienne, renouvelée plusieurs fois
vive et ardente. Elle eut des visions et dis depuis et assez récemment par Félix Noga-
extases. A vingt ans, comme elle était riche, ret (5). On cite encore de Bovillus ses Let-
il se trouva un homme qui voulut bien l'é- tres (6), sa Vie de Raymond Lulle, son Traité
pouser; mais, au moment d'aller à l'autel, des douze nombres et ses Trois dialogues sur
elle s'enfuit déguisée en garçon. Elle voyait l'immortalité de l'âme, la résurrection et la
partout des démons et des nuigiciens. Elle fin du monde (7).
parcourut la Hollande et fréquenta les héré- BOXHORN (Marc Zuerihs), critique hol-

(t) H.Jules Gariaet, Hisloire de la magie en France, anirnul.


p. U6. (6) Epislolse complurcs super mathemalicum opus qua-
(2) Extrait
manuscrit de la Bibliollièque du roi,
d'iin dripanitum, recueillies avec l>-s traités De duodecini [iu-
ra|i[iorlé à la fin des Keniarquus de Joly sur Bjyle. nieris, de numeris perlei'lis, etc., a la suite du Lil)er du
(3) Xliiers, Trailé des supersl., t. I, p. 445.
intelleclu, de sensu, etc. In-lol., rare. Paris, li. Estienue,
(4) Sniilli, Notes aux Joyeuses commères de Siiaks-
lolO.
peare, acte m. (7) Vita Raymundi eremilae, i la suite du Commenta-
(5) Dans un petit volume iulitulé : La Terre esl un rius in primordiale evangelium Jo:in:iis. Iii-4". Paris,

Dictionnaire pes sciences occultes. I. 9


Î67 niCTIONNAlUE DES SCIENCES OCCl'LTES. 2C8
landais, né à Berg-op- Zoom
en 1C12. On
, réfléchir dans un œuf dor, de coquille
la
recherche de lui un Traité des songes qui ,
duquel il fil le ciel et la terre. Il avait cinq
passe pour un ouvrage rare et curieux (1). têtes; il en perdit une dans une bataille, el se
BRACCESCO (Jean), alchimisle de Brescia, mit ensuite à produire quatorze mondes,
qui florissait au seizième siècle. Il commenta l'un de son cerveau, l'autre de ses yeux , le
l'ouvrage arabe de Geber, dans un fatras troisième de sa bouche, le quatrième de son
aussi obscur que le livre commenté. Le plus oreille gauche , le cinquième de son palais, le
curieux de ses traités est Le bois de vie, où sixième de son cœur, le septième de son
l'on apprend ta médecine au moyen de laquelle estomac, le huitième de son ventre, le neu-
nos premiers pères ont vécu neuf cents ans (2). vième de sa cuisse gauche, le dixième de ses
BUAGADINI (Marc-Antoine), alchimiste genoux, le onzième de son lalon, le douzième
originaire de Venise, décapité dans la B;i- de l'orteil de son pied droit, le treizième de
vière, en 1595, parce qu'il se vantait de faire la plante de son pied gauche et le dernier do
de l'or, qu'il ne tenait que des libéralités d'un l'air qui l'environnait. Les habitants de cha-
démon, comme disent les récils du temps. cun de ces mondes ont des qualités qui les
Son supplice eut lieu à Munich , par l'ordre distinguent, analogues à leur origine; ceux
du duc Guillaume II. On arrêta aussi deux du monde sorli du cerveau de Brahma sont
chiens noirs qui accompagnaient partout sages et savants.
Bragadini, et que l'on reconnut être ses dé- Les brahmines sonl fatalistes; ils disent
mons familiers. On leur flt leur procès ; ils qu'à la naissance de chaque être mortel,
furent tués en place publique à coups d'ar- Brahma écrit tout son horoscope qu'aucun
quebuse. pouvoir n'a plus moyen de changer.
BRAHMANES. Brames et Bramines, sec- Des livres indiens reconnaissent un dieu
tateurs deBrahma dans l'Inde. Us croient que suprême, dont Brahma et Wishnou ne sont
l'âme de Brahma passa successivement dans que plus parfaites créatures. Pondant qu»;
les
quatre-vingt mille corps différents, et s'arrêta ces deuxdivinités secondaires épouvantaient
un peu dans celui d'un éléphant blanc avec le monde par leur combat terrible. Dieu pa-
plus de complaisance ; aussi révèrcnl-ils rut devant eux sous la figure d'une colonnn
l'éléphant blanc. de feu qui n'avait point de fin. Sun aspect les
Ils sont la première des quatre castes du calma tout à coup;et, cessant toute querelle,
peuple qui adore Brahma. Ces philosophes, ils convinrent que celui qui trouverait le
dont on a conté tant de choses, vivaient au- pied ou le sommet de la colonne serait le pre-
trefois en partie dans les bois, où ils consul- mier dieu. Wishnou prit la forme d'un san-
taient les astres et faisaient de la sorcellerie, glier et se mit à creuser; mais, après mille
et en partie dans les villes pour enseigner ans d'efforts, n'ayant pas trouvé le pied delà
la morale aux princes indiens. Quand on colonne, il reconnut le Seigneur. Brahma,
allait les éceuter, dit Strabon, on devait le sous la figure d'un oiseau, parcourut en
faire dans le plus grand silence. Celui qui vain les airs pendant cent mille ans. Il finit
toussait ou crachait était exclus. aussi par se soumettre.
Les brahmanes croient à la métempsycose, On lui donne plusieurs enfants qu'il mit
ne mangent que des fruits ou du lait, et ne au Jour tous d'une façon singulière; par
peuvent toucher un animal sans se rendre im- exemple, Pirrougou sortit de son épaule et
mondes. Ils disent que les bêles sont animées Anghira de son nez. Mais il serait trop long
par les âtnes des anges déchus , système dont de répéter tous les contes absurdes de sa
le père Bougeant a tiré un parti ingénieux. légende.
Il y avait , dans les environs de Gua , une Ajoutons seulement que les brahmines ,
secte de brahmanes qui croyaient qu'il ne toujours astrologues et magiciens, jouissent
fallait pas attendre la mort pour aller dans encore à présent du privilège de ne pouvoir
le ciel. Lorsqu'ils se sentaient bien vieux , êlre mis à mort pour quelque crime que ce
ils ordonnaient à leurs disciples de les en- suit. Un indien qui aurait le malheur de tuer
fermer dans un coffre et d'exposer le coffre un brahmine ne peut expier ce crime que
sur un fleuve voisin qui devait les conduire par douze années de pèlerinage, en deman-
en paradis. Mais le diable était là qui les dant l'aumône et faisant ses repas dans le
gueitail; aussitôt qu'il les voyait embarqués, crâne de sa victime.
il rompait le coffre, empoignait son homme; Les brahmanes de Siam croient que la
et les habilants du pays, retrouvant la boite terre périra par le feu, et que, de sa cendre,
vide, s'écriaient que le vieux brahmane était il en renaîtra une autre qui jouira d'un prin-

allé auprès de Brahma. temps perpétuel.


Ce Brahma , chef des brahmanes ou brah- Le juge Boguet, qui fut dans son temps le
mes, ou brahmines, est, comme on sait, l'une fléau des sorciers, regarde les brahmanes
des trois personnes de la Irinilé indienne. Il comme d'insignes magiciens, qui faisaient le
resta plusieurs siècles, avant de naître, à beau temps el la pluie en ouvrant ou l'er-
1514. —
Dialogi 1res de aninis immorlalilale, de resur- nella quale si dichiarano molli Doliilissimi secreti délia
rectlone, do nmndi excidio et illius iiislauratiuiie. lu 8', oalura. Iii-8°. Venise, lo4i.— Ces deux oiwragcs, lraduiL<
Lyoïi, Gryphius, 15?)2. en latin, se trouvenl dans le recueil de Gratarple. Yen
(1) Maici Zuerii Boxhornii Oralio de somiiiis. LuL'duni alcliemise dociriua, et dans le tome I" de la BibUotliè(|ui«
Il ilav., 1G3U, vol. in-i". diiminue du Manget; ils sqni aussi publiés séparémeid
(2) Leijno délia vila, ncl quale si dicliiara la medicina sous le titre : De Alctieiiiia dialugi duo. In-i", l.ugj ,
Mrla quale i iiosiri priml padri vivevano nove cpiito amil. 13«.
l;on:e, 1512, lu 8*. — La esposiïioao di Celier lilosofo,
2G9 BRI DRO Î70
manl deux tonneaux qu'ils avaient en leur vers l'an 1G50, se rendit fameux par son ta-
puissance, assure, page 337, que
I.eloyer lent dans l'art de faire jouer les marionnet-
les brahmanes, ou brahmines, vendent tou- tes.Après avoir amusé Paris et les provinces,
jours les vents par le moyen du diable; et il ilpassa en Suisse et s'arrêta à Soleure, où il
cite un pilote vénitien qui leur en acheta au donna une représentation en présence d'une
\ seizième siècle. assemblée nombreuse, qui ne se doutait pas
'
BRANDEBOURG. On assure encore, dans de ce qu'elle allait voir, car les Suisses «(i
les viliapes de la Poméranie et de la Marche connaissaient pas les marionnettes. A peine
Electorale, que toutes les fois qu'il doit mou- eurent-ils aperçu Pantalon, le diable, le mé-
rir quelqu'un de la maison de Brandebourg, decin, Polichinelle et leurs bizarres compa-
un dans les airs, sous l'appa-
espril apparaît gnons, qu'ils ouvrirent des yeux effrayés. Do
rence d'une grande statue de marbre blanc. mémoire d'homme, on n'avait point entendu
Mais c'est une femme animée. Elle parcourt parler dans le pays d'êtres aussi petits, aussi
les appartements du château habité par la agiles et aussi babillards que ceux-là. Ils s'i-
personne qui doit mourir, sans qu'on ose maginèrent que ces petits hommes qui par-
arrêter sa marche. 11 y a très-longtemps que laient , dansaient, se battaient et se dispu-
cette apparition a lieu; et l'on conte qu'un taient si bien ne pouvaient être qu'une
page ayant eu l'andace un jour de se placer troupe de lutins aux ordres de Brioché.
devant la grande femme blanche elle le jeta , Cette idée se confirmant par les confiden-
à terre avec tant de violence, qu'il resta mort ces que les spectateurs se faisaient entre eux
sur la place. quelques-uns coururent chez le juge, et lui
BRAS-DE-FER berger sorcier. Voyez
, dénoncèrent le magicien.
HOCQUE. Le juge, épouvanté, ordonna à ses ar-
BREBIS. Voy. Trodpeadx. chers d'arrêter le sorcier, et l'obligea à com-
BRENNUS général gaulois. Après qu'il se
,
paraître devant lui. On garrotta Brioché, ou
fut emparé de Delphes , et qu'il eut profané l'amena devant le magistrat qui voulut voir
le temple d'Apollon , il survint un tremble- les pièces du procès; on apporta le théâtre
ment de terre, accompagné de foudres et elles démons de bois, auxquels on ne tou-
d'éclairs, et d'une pluie de pierres qui tom- chait qu'en frémissant; et Brioché fut con-
bait du mont Parnasse ; ce qui mit ses gens damné à être brûlé avec son attirail. Cette-
en tel désarroi, qu'ils se laissèrent vaincre ;
sentence allait être exécutée, lorsque survint
etBrennus, déjà blessé, se donna la mort. un nommé Dumont , capitaine des gardes
BRIFFAUT, démon peu connu, quoique suisses au service du roi de France curieux :

chef do légion qui s'était logé dans le corps


,
de voir le magicien français , il reconnut 1.;
d'une possédée de Beau vais, au commence- malheureux Brioché qui l'avait tant fait rire
ment du dix-septième siècle. à Paris. Il se rendit en toute hâte chez le
BRIGITTE. Il y a, dans les révélations de juge après avoir fait suspendre d'un jour
:

sainte Brigitte , de terribles peintures de l'arrêt, il lui expliqua l'affaire, lui fit com-
l'enfer. Les ennemis de la religion ont trouvé prendre le mécanisme des marionnettes, et
dans ces écrits un thème à leurs déclama- obtint l'ordre de mettre Brioché en liberté.
tions. Mais ce ne sont pas là des livres ca- Ce dernier revint à Paris, se promettant bien
noniques; l'Eglise n'ordonne pas de les croire, de ne plus songer à faire rire les Suisses
et ils ne s'adressent pas à toute sorte de lec- dans leur pays (1).
teurs. BRIZOMANTIE, divination par l'inspira-
BRINVILLIERS (Marie-Marguerite, mar- tion de Brizo, déesse du sommeil ; c'était l'art
QCisK de), feiume qui. de 1666 à 1672, em- de deviner les choses futures ou cachées
poisonna, ou du moins fut accusée d'avoir par les songes naturels. Voyez Oméirocri-
empoisonné, sans motifs de haine, quelque- TIQUE.
fois même sans intérêt , parents, amis, do- BROCÉLIANDE, forêt enchantée. Voyez
mestiques; elle allait jusque dans les hôpi- Merlin.
taux donner du poison aux malades, il faut BROHON (Jean), médecin de Coutances,
attribuer tous ces crimes à une horrible dé- au seizième siècle. Des amateurs recherchent
mence ou à cette dépravation atroce dont on de lui : 1° Description d'une merveilleuse et
ne voyait autrefois d'autre explication que la prodigieuse comète, avec un traité présagi-
possession du diable. Aussi a-t-ou dit qu'elle que des comètes, in-8', Paris, 15C8. 2* Al- —
s'était vendue à Satan. manach, ou Journal astrologique, avec les
Dès l'âge de sept ans, la Brinvillicrs com- jugements pronostiques pour l'an 1572 ,

mença, dit-on, sa carrière criminelle, et il Rouen, 1571, in-12.


a été permis à des esprits crédules de redou- BROLIG (Corneille), jeune garçon du
ter en elle un affreux démon incarné. Elle fut pays de Labour, que Pierre Delancre inter-
brûlée en 1676. Les empoisonnements con- rogea comme sorcier au commencement du
tinuèrent après sa mort. Voy. Voisin. dix-septième siècle. Il avoua qu'il fut vio-
Dans i'Almanach prophétique de 18i2 lenté pour baiser le derrière du diable. « Je
M. Eugène Barestc à tenté de justifier la mar- ne sais s'il dit cela par modestie, ajoute De-
quise de Brinvilliers, et il n'est pas impossi- lancre; car c'est un fort civil enfant. Mais il
ble qu'on ne l'ait fort noircie. ajouta qu'il soutint au diable qu'il aimerait
BRIOCHÉ (JeanJ, arracheur de dénis, qui. mieux mourirque lui baiser lederrière, si bien

U) LeUres de Saint- André sur la magie, Déiiioiiiana.Uicilounaire d'aneciloies suisses.


S71 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. rtî

qu'ilne le baisa qu'au visage ; et il eut beau- BROWN (Thomas), médecin anglais, mor'
coup de peine à se tirer du sabbat, dont il en 1C82. Il combattit les erreurs dans un sa-
n'approuvait pas les abominations (1). » vant ouvrage (!*) que l'abbé Souchny a tra-
BROSSIER (Marthe), fille d'un tisserand duit en français sous le titre d'Essai sur les
de Romorantin , qui se dit possédée et con- erreurs populaires, ou examen de plusieurs
vulsionnairc en 1569, à l'âge de vingt-deux opinions n çues comme vraies et qui sont
ans. Elle se fit exorciser; les eiïets de la pos- fausses ou douteuses. 2 vol. in-12. Paris,
session devinrent de plus en plus merveil- 1733 et 1742 Ce livre, utile quand il parut,
leux. Elle parcourait les villes; et le diable, l'est encore aujourd'hui, quoique beaucoup
par sa bouche, parlait hébreu, grec, latin, de ces erreurs soient dissipées. Les connais-
anglais, etc. On disait aussi qu'elle décou- sances du docteur Brown sont vastes, ses ju-
vrait les secrets on assure que dans ses ca-
;
gements souvent justes ; quelquefois cepen
brioles, elle s'élevait quelquefois à quatre dant il remplace une erreur par une autre.
pieds de terre. L'Essai sur les erreurs populaires est di-
L'official d'Orléans qui se défiait d'elle, lui visé en sept livres. On recherche dans le
conjugua, dans
dit qu'il allait l'exorciser, el premier la source des erreurs accréditées ;
Despaulère, verbes nexo et texo. Le dé-
les elles doivent naissance è la faiblesse de l'es-
mon aussitôt la renversa à terre, où elle fit prit humain, à la curiosité, à l'amour de
ses contorsions. Charles Miron, évêque d'An- l'homme pour le merveilleux, aux fausses
gers, devant qui elle fut conduite, la fit gar- idées, aux jugements précipités
der dans une maison de confiance. On mit, à Dans le second livre on examine les erreurs
son insu, de l'eau bénite dans sa boisson, qui qui attribuent certaines vertus merveilleuses
n'opéra pas plus d'effet que l'eau ordinaire ; aux minéraux el aux plantes telles sont h s :

on lui en présenta dans un bénitier, qu'elle qualités surnaturelles qu'on donne à l'ai-
crut bénite, et aussitôt elle tomba par terre, mant et le privilège de la rose de Jéricho qui,
se débattit et fit les grimaces accoutumées. dans l'opinion des bonnes gens, fleurit tous
L'évêque, un Virgile à la main, feignit de les ans la veille de Noël.
Touloir l'exorciser, et prononça d'un ton Le troisième livre est consacré aux ani-
grave Arma virumque cano. Les convulsions
: maux et combat les merveilles qu'on débite
.de Marthe ne manquèrent pas de redoubler. sur leur compte et les propriétés que des
Certain alors de l'imposture, Charles Miron charlatans donnent à quelques-unes de leurs
chassa la prétendue possédée de son diocèse, parties ou de leurs sécrétions.
comme on l'avait chassée d'Orléans. Le quatrième livre traite des erreurs rela-
A Paris, les médecins furent d'abord par- tives à l'homme. L'auteur détruit la vertu
lagés sur son état; mais bientôt ils pronon- cordiale accordée au doigt annulaire le ,

cèrent qu'il y avait beaucoup de fraude, peu conte populaire qui fait remonter l'origine de
de maladie, et que le diable n'y était pour saluer dans les éternuments à une épidé-
rien Nihil a dœmone, inulta ficla, a morbo
: mie dans laquelle on mourait en éternuant,
pauca. Le parlement prit connaissance de la puanteur spéciale des Juifs, les pygmées,
l'affaire, et condamna Marthe à s'en relour- les années ciimalériques.
ner à Romorantin, chez ses parents, avec dé- Le cinquième livre est consacré aux er-
fense d'en sortir, sous peine de punition cor- reurs qui nous sont venues par la faute des
porelle. peintres; comme le nombril de nos premiers
Cependant, elle se fit conduire quelque parents, le sacrifice d'Abraham où son fils
temps après devant lévéque de Clermonl Isnac est représenté enfant, tandis qu'il avait
qu'elle espérait tromper mais un arrêt du ; quarante ans.
parlement la mit en fuite. Elle se réfugia L'auteur discute, dans le livre sixième, les
àRome, où elle fut enfermée dans une com- opinions erronées ou hasardées qui ont rap-
munauté là finit sa possession. On peut voir
; port à la cosmographie et à l'histoire. 11
sur cette affaire les lettres du cardinal d'Os- combat les jours heureux ou malheureux,
sat et une brochure intitulée : Discours véri- les idées vulgaires sur la couleur des nègres.
table sur le fait de Marthe Brossier, par le Le septième livre enfin est consacré à l'exa-
médecin Marescot, qui assista aux exorcis- men de certaines traditions reçues, sur la
uies (in-8°, Paris, 1599). mer Morte, la tour de Babel, les* rois de l'E-
BUOUCOLAQUES. Voy. Vampires. piphanie, etc.
BROUETTE DE LA MORT. C'est une opi- Le savant ne se montre pas crédule; ce-
nion généralement reçue parmi les paysans pendant il croyait, comme tout chrétien, aux
de la Basse-Bretagne que, quand ([uilqu'un sorciers et aux démons. Le docteur Hutrhin-
est destiné à rendre bienlôl le dernier sou- son cite de lui un fait à ce sujet dans son Es-
pir, la brouette de la Mort passe dans le voi- sai sur la sorcellerie. En lC6i, deux person-
sinage. Elle est couverte d'un drap blanc, et nes accusées de sorcellerie allaient êire ju-
des spectres la conduisent ; le moribond en- gées à Norwich ; le grand jury consulta
tend même le bruit de sa roue (2). Dans cer- Brown, dont on révérait l'opinion el le sa-
tains cantons, celle brouette est le char de la voir. Brownsigna une attestation dont ou a
Mort, carrick an JS'ankou, et le cri de la frc- conservé l'original, dans lu(iuelle il recon-
£aic annonce son passage (3). naît l'existence des sorciers et l'influence du

(1) Tableau de l'inconslance dus mauvais anges, de, (3) M. KÉmlry, Le Dernier dos Beanm.inoir, ixvi.
cl),
(>. 7S. (i) Pseuiiodoxia epidciiiii a or ciuiiiirics tlic vulgar t r
(2) Voj.ige de SI. Dnibrj dans le Fiuistère, t. I jors, ne. Iii-lol. Londres, ICiG.
i75 BUU BUC 47*

dinble; il y cite mémo des faits analogues à ses mauvaises mœurs. 11 avait consumé beau-
ceux qui faisaient poursuivre les deux accu- coup de temps à l'étude des rêveries herméti-
sés, et qu'il présente comme incontestables. ques; il a même laissé des écrits sur l'alchi-
Ce fut celle opinion qui détermina la con- mie (4), et d'autres ouvrages, dont quelques-
damnation dos prévenus. uns ont partagé son bûcher (a). On s'étonnera
BROWNIE, lutin écossais. Le roi Jacques peut-être de cette rigueur ; mais alors les
regardait Brownie comme un agent de Sa- crimes que l'on poursuivait ainsi et qui trou-
tan; Kirck en fait un bon génie. Aux îles blaient la société inspiraient plus d'horreur
d'Aïkney, on fait encore des libations de lait que n'en inspire aujourd'hui chez nous l'as-
dans la cavité d'une pierre appelée la pierre sassinat.
de Brownie, pour s'assurer de sa protection. BRUNON.
L'empereur Henri III allait en
«
Le peuple de ces îles croit Brownie doux et bateau sur Danube, en son duché de Ba-
le
pacifique; mais si on l'otlense, il ne reparaît vière accompagné de Brunon, évêque de
,

'
plus. Wurtzbourg, et de quelques autres sei-
BRUHESEN (Pierre Van), docteur et as- gneurs. Comme
il passait près du château de

trologue de la Campine, mort à Bruges en (jrein, se trouva en danger imminent de


il

irill. 11 publia dans celte ville, en 1350, son se noyer lui et 1rs siens dans un lieu dange-
Grand et perpétuel almanach, où il indique reux ; cependant il se tira heureusement de
scrupuleusement, d'après les principesdel'as- ce péril. Mais incontinent on aperçut au
Irologie judiciaire , les jours propres à purger, haut d'un rocher un homme noir qui appela
baigner, raser, saigner, couper les cheveux Brunon, lui disant —
Evêque , sache que
:

et appliquer les ventouses. Ce modèle de je suis un diab'e, et qu'en quelque lieu que
l'almanach de Liège fil d'autant plus de ru- tu sois, tu (S à moi. Je ne puis aujourd'hui
meur à Bruges, que le magistral, qui don- te mal faire ; mais tu me verras avant peu.
nait dans l'astrologie, fit très-expresses dé- Brunon, qui était homme de bien, fit le
fenses à quiconque exerçait dans sa ville le signe de la croix, et après qu'il eut conjuré
métier de harberie, de rien entreprendre sur le diable, on ne sut ce qu'il devint. Mais
le menton de ses concitoyens pendant le» bientôt comme l'empereur dînait à Ebers-
jours néfastes. berg, avec sa compagnie, les po'utres et pla-
François Rapaërt, médecin de Bruges, pu- fond d une chambre basse où ils étaient, s'é-
blia contre Bruhesen le Grand et perpétuel croulèrent; l'empereur tomba dans une cuve
almanach, ou fléau des empiriques et des char- où il ne se fit point de mal, et Brunon eut
latans (1). Mais Pierre Haschaerl, chirurgien en sa chute tout le corps tellement brisé qu'il
partisan de l'astrologie, défendit Bruhesen en mourut. —
De ce Brunon ou Bruno nous
dans son Bouclier astrologique contre le fléau avons quehiues commentaires sur les Psau-
des astrologues de François Rapaërt (2), et mes (C). D —
11 n'y a qu'un petit malheur
depuis on a fait des almanachs sur le modèle dans ce conte rapporté par Leloyer, c'est
de Bruhesen, et ils n'ont pas cessé d'avoir un que tout en est faux.
débit immense. BRUTUS. Plutarque rapporte que peu de
BRULEFER. C'est le nom que donnent les temps avant la bataille de Philippes, Brulus
Véritables clavicules de Salomon à un démon étant seul et rêveur dans sa tente, aperçut
ou esprit qu'on invoque quand on veut se un fantôme d'nne taille démesurée, qui se
faire aimer. présenta devant lui en silence, mais avec un
BRUNEHAU'i", reine d'Austrasie, au sixiè- regard menaçant. Brulus lui demanda s'il
me accusée d'une multitude de crimes
siècle, était dieu ou homme, et ce qu'il voulait. Le
et peut-être victime historique de beaucoup spectre lui répondit : —
Je suis ton mauvais
de calomnies. Dans le siècle oii elle vécut, génie, et je t'attends aux champs de Philip-
on ne doit pas s'étonner de trouver au nom- pes. —
Eh bienl nous nous y verrons 1 ré-
bre de ses forfaits la sorcellerie et les malé- pliqua Brulus.
Cies Le fantôme disparut; mais on dit qu'il se
BRUNO , philosophe , né à Noie dans le montra derechef au meurtrier de César , la
royaume de Naplis au milieu du seizième
, nuit qui précéda la bataille de Philippes, où
siècle. Il publia à Londres, en 158'», son li- Brulus se tua de sa main.
vre de l'Expulsion de labéte triomphante (3). BUCAILLE (Marie), jeune Normande de
Ce livre fut supprimé. C'est une critique stu- Valogne, qui au dernier siècle, voulut se
,

pide dans le fond, maligne dans les détails, faire passer pour béate. Mais bientôt ses vi-
(le toutes les religions, et spécialement de la sions et ses extases devinrent suspectes ;
religion chrétienne. elle s'était dite quelquefois assiégée par les
L'auteur ayant voulu revoir sa patrie, fut démons ; elle se faisait accompagner d'un
arrêté à Venise en 1598, transféré à Rome, prétendu moine, qui disparut dès qu'on vou-
condamné et brûlé le IVfévrier de l'an 1600, lut examiner les faits elle se proclama pos-
;

luoins pour ses impiétés flagrantes, que pour sédée. Pour s'assurer de la vérité des pro-
(I) Mai;niim et perpeluiiin almanacli , seu empiricoruin taSi. In-S".
cl iiiedicustrorutn llj;;ellaiii. Ici-12, 1351. ( l) De compendiosa arcliiteclura et complemento arlii
[i) Cijiieus asliolugicus contra flagellum astrologorum ln-16. Paris, 1382, etc.
Liil'ii, etc.
Francisa Kapardi. In-12, 1531. (j) l'arliculièrement La Cena de lu ceneri, descrilï in
(3) Spaccio de la beslia Iriompliaiite, proposto da Giowe, ciruiue dialogi, etc. In-8°. Londres, 1381.
cffetuato dal consugio, revclalo da Mercurio, racilalo lia ((i) Leloyer, Disc, et liist. des sueclres, llv. 111
Sofia, ddilo da Saidiiio, registralo dal Nolino, diviso in ch. XVI.
Ite dialogi, subdivisi ia trc parti. lu l'ariai LoiiJrcs.
«75 DICTIONNAIttE DES SCIKNCES OCCLLIES. S76
iliges qu'elle opérait, on la fit enfermer au nés , auteur de l'hérésie manichéenne.
et
secret. On reconnut que les visions de Ma- C'était, dit PierreDelancre (3), un magicien
rie Bucaille n'étaient que fourberies; qu'elle élève (les Brahmanes, et en plein commerce
n'était certainement' pas en commerce avec avec les démons. Un jour qu'il voulait faire
les anges. Elle fut fouettée et marquée, et je ne sais quel sacrifice magique, le diable
tout fut fini (1). l'enleva de terre et lui tordit le cou (4) di- :

BUCER (ÀIartin), grand partisan de Lu- gne récompense de la peine qu'il avait prise
(Iter, mort a Cambridge en 1351. « Etant aux de rétablir par le manichéisme la puissance
nhois de la mort, assisté de ses amis, le dia- de Si tan 1

ble s'y trouva aussi, l'accueillant avec une BUER démon , de seconde classe, prési-
figure si hideuse, qu'il n'y eut personne qui, dent aux enfers ; il a la forme d'une éloile ou
de frayeur, n'y perdît presque la vie. Icelui d'une roue à cinq branches, et s'avance en
diabk l'emporta rudement, lui creva le ven- roulant sur lui-même. Il enseigne la philoso-
tre et le tua en lui tordant le cou et em- , phie, la logique et les vertus des herbes médi-
porta son âme, qu'il poussa devant lui, aux cinales. Il donne de bons domestiques, rend
enfers (2). » la santé aux malades, et commande cinquante
BUCKINGHAM (George Villiebs, duc de), légions.
f.ivori de Jacques 1", mort à Portsmouth en BUGNOT ( Etienne ) gentilhomme de la
1628, illustre surtout par sa fin tragique. — chambre de Louis XIV, auteur d'un livre
,

On sait qu'il fut assassiné par Felton, offi- rare intitulé : Histoire récente pour servir
cier à qui il avait fait des injustices. Quelque de preuve à la vérité du purgatoire, vérifiée
temps avant sa mort, Guillaume Parker, an- par procès-verbaux dressés en 1663 et 1634,
cien ami de sa famille, aperçut à ses côlés avec un Abrégé de la Vie d'André Bugnot,
en plein midi le fantôme du vieux sir George colonel d'infanterie, et de son apparition
Viliiers, père du duc, qui depuis longtemps après sa mort. In-12 Orléans 1663. Cet , ,

ne vivait plus. Parker prit d'abord cette ap- André Bugnot était d'Etienne. Son
frère
parition pour une illusion de ses sens mais ; apparition et ses révélations n'ont rien d'o-
bientôt il reconnut la voix de son vieil ami, riginal.
qui le priaîl'avertir le duc de Buckingham BUISSON DEPINES. Selon une coutume
(l'être sur ses gaides , et disparut. Parker, assez singulière, quand il y avait un malade
demeuré seul, réfléchit à celle commission, dans une maison, chez les anciens Grecs, on
et, la trouvant difficile, il négligea de s'en allachait à la porte un buisson d'épines pour
acquitter. Le fantôme revint une seconde éloigner les esprits malfaisants.
fois et joignit les menaces aux prières, de BULLET (Jean Baptiste), académicien de
sorte que Parker se décida à lui obéir; mais Besançon, mort en 1773. On recherche ses
il fut traité de fou, et Buckingham dédaigna Dissertations sur la mythologie française et
son avis. sur plusieurs points curieux de histoire de 1

Le spectre reparut une troisième fois, se France. In-12, Paris, 1771.


plaignit de l'endurcissement de son fils, et BUNE, déirion puissant, grand-duc auxen-
tirant un poignard de dessous sa robe :
— feis. Il a la forme d'un dragon avec trois tê-
Allez encore , à Parker ; annoncez à
dit-il tes, dont la troisième seulement est celle d'un
l'ingrat que vous avez vu l'instrument qui homme. Il ne parle que par signes ; il déplace
doit lui donner la mort. les cadavres, hante les cimetières et rassem-
Et de peur qu'il ne rejetât ce nouvel aver- ble les démons sur les sépulcres. Il enrichit
tissement, le fantôme révéla à son ami un des et rend éloquents ceux qui le servent; on
plus intimes secrets du duc. —
Parker re- ajoute qu'il ne les trompe jamais Trente
lournaàla cour. Buckingham, d'abord frappé légions lui obéissent (5).
ile le voir instruit de son secret, reprit bien- Les démons soumis à Bune , et appelés
tôt le ton de la raillerie , et conseilla au Bitnis, sont redoutés des Tartares, qui les
prophète d'aller se guérir de sa démence. disent très-malfaisants. Il faut avoir la con-
Néanmoins, quelques semaines après, le duc science nette pour être à l'abri deleur malice;
de Buckingham fut assassiné. On ne dit pas car leur puissance est grande et leur nombre
si le couteau de Felton était ce même poi- est immense. Cependant les sorciers du p.iys
gnard que Parker avait vu dans la main du Ses apprivoisent, et c'est par le moyen des
fantôme. Bunis (lu'ils se vantent de découvrir l'avenir.
On peut, du reste, expliquer cette vision. BUNGEY (Thomas), moine anglais, ami de
On savait que le duc avait beaucoup d'enne- Roger Bacon avec qui les démonographcs
,

mis, et quelques-uns de ses amis craignant , l'accusent d'avoir travaillé sept ans à la mer-
pour ses jours, pouvaient fort bien se faire veilleuse tête d'airain qui parla, comme on
des hallucinations. sait (6). On ajoute que Thomas était magi-
BUCON , mauvais diable , cité dans les cien, et on en donne pour preuve qu'il publia
Clavicules de Salomon. Il sènae la jalousie un livre de la magie naturelle, de Magia na-
et la haine. turali, aujourd'hui peu connu. Mais Deirio
BUDAS, hérétique qui fut maître de Ma- l'absout de l'accusation de magie (7), et il

lt) Lettres du mérlecin Saint-André sur la magie et sur {i) Sncrate, Ilislor. eccles., lih. I, cap. xxi.
les malétiees, p. 188 et 431.
(3) Wierus, in Pseudonionarcliia daemoa.
(2) Delaiicre, Tableau de l'inconstance des démons, etc., Voyez Baco.i.
(6)
liv. I, dise. 1.
(7i Dis(iuisil. magie, lib. I, cap. i!i, qu. 4.
t3J Discours des spectres, liv. VIII, ch. v.
Ht BUX LTR 178

avoue que son livre ne contient qu'une cer- dans la littérature hébraïque, mort en 1629.
taine dose d'idées superstitieuses. Une autre Les curieux lisent son Abrégé du Talmud, sa
preuvs qu'il n'était pas magicien , mais Bibliothèque ralbinique et sa Synagogue ju-
seulement un pou mathématicien , c'est daïque (5). Cet ouvrage, qui traite des dog-
qu'on l'élut provincial des franciscams en mes et des cérémonies des Juifs, est plein des
A 11 el et erre (1). rêveries des rabbins, à côté desquelles on
BUNlS.Voy.BDNE. trouve des recherches curieuses.
BUPLAGE ou BDPTAGE. « Après la ba- BYLETH, démon fort et terrible, l'un des
tailledonnée entre le roi Antiochus et les rois de l'enfer, selon la Pseudomonarchie de
Romains, un officier nommé Buplage, mort Wicrus. Il se montre assis sur un cheval
dans le combat , où il avait rrçu douze blanc, précédé de trompettes et de musiciens
b'essures mortelles, se leva tout d'un coup de tout genre. L'exorciste qui l'évoque a be-
au milieu de l'armée romaine victorieuse , soin de beaucoup de prudence, car il n'obéit
et cria d'une voix grêle à l'homme qui le qu'avec fureur. Il faut, pour le soumettre,
pillait : avoir à la main un bâton de coudrier; et,
Cesse, soldat romain, de dépouiller ainsi se tournant vers le point qui sépare l'orient
Ceux qui soûl descendus dans l'enfer obscurci... du midi , tracer hors du cercle où l'on s'est
« Il ajouta en vers que la cruauté des Ro- placé un triangle; on lit ensuite la prière qui
mains serait bientôt punie, et qu'un peuple enchaîne les esprits, et Bylelh arrive dans le
sorti de l'Asie viendrait désoler l'Europe; ce triangle avec soumission. S'il ne paraît pas,
qui peut marquer l'irruption des Francs ou c'est quel'exorciste est sans pouvoir, et que
celle des Turcs sur les terres de l'empire. l'enfer méprise sa puissance. On dit aussi
Après cela, bien que mort, il monta sur un que quand on donne à Byleth un verre de vin,
chêne, et prédit qu'il allait être dévoré par un ii faut le poser dans le triangle; il obéit plus

loup; ce qui rut lieu quoiqu'il fût sur un volontiers, et sert bien celui qui le régale.
chêne quand le loup eut avalé le corps, la
:
On doit avoir soin, lorsqu'il paraît , de lui
(été parla encore aux Romains et leur défendit faire un accueil gracieux, de le complimen-
de lui donner la sépulture. «Tout cela paraît ter sur sa bonne mine, de montrer qu'on fait
très-incroyable (2). Ce ne furent pas les peu- cas de lui et des autres rois ses frères : il est
ples d'Asie, mais ceux du nord qui renversè- sensible à tout cela. On ne négligera pas non
rent l'empire romain. plus, tout le temps qu'on passera avec lui,
BURGOT (Pierre), loup-garon brûlé à d'avoir au doigt du milieu de la main gau-
Besancon en 1521 avec Michel Verdun. che un anneau d'argent qu'on lui présentera
BURROUGH (George) ministre de la reli-
,
devant la face. Si ces conditions sont (lilficiles,
gion anglicaneàSalfm,dans la Nouvelle-An- en récompense celui qui soumet Byleth de-
gleterre , pendu comme sorcier en 16'J2. On vient le plus puissant des hommes. —
Il était

l'accusait d'avoir maléficié deux femmes qui autrefois de l'ordre des puissances ; il espère
venaient de mourir. La mauvaise habitude un jour remonter dans le ciel sur le septième

qu'il avait de se vanter sottement qu'il savait trône, ce qui guère croyable. 11 com-
n'est
tout ce qu'on disait de lui en son absence fut mande quatre-vingts légions.
admise comme preuve qu'il communiquait BYRON. Le Vampire, nouvelle traduite de
avec le diable (3). l'anglais de lord Byron, par H. Faber ; in-8%
BURTON (Robert) auteur d'un ouvrage
, Paris , 1819. Celte nouvelle, publiée sous
intitulé: Ànutomie de la mélancolie, par JJé- le nom de lord Byron, n'est pas l'ouvrage
tnocrite le jeune, in-4°, 1624; mort en 1639. de ce poëte, qui l'a désavouée, L'auteur n'a
L'astrologie était de son temps très-respeclée pas suivi les idées populaires sur les vampi-
en Angleterre, sa patrie. Il y croyait et vou- res; il a beaucoup trop relevé le sien. C'est
lait qu'on ne doutât pas de ses horoscopes. un spectre qui voyage dans la Grèce, qui fré-
Ayant prédit publiquement le jour de sa quente les sociétés d'Athènes, qui parcourt
mort, quand l'heure fut venue il se tua pour le monde, qui se marie pour sucer sa femme.
la gloire de l'astrologie et pour ne pas avoir Les vampires de Moravie étaient extrême-
un démenti dans ses pronostics. Cardan et ment redoutés; mais ils avaient moins de
quelques autres personnages habiles dans la puissance. Celui-ci, quoiqu'il ait l'œil gris-
science des astres ont fait, à ce qu'on croit, mort, fait des conquêtes. C'est, dit-on, une
la même chose (4-). historiette populaire de la Grèce moderne
BUSAS, prince infernal. Voy. Pruflas. que lord Byron raconta dans un cercle, el
BUTADIEU démon rousseau, cilé dans
, qu'un jeune médecin écrivit à tort ; car il re-
des procédures du dix -septième siècle. mit à la mode, un instant, des horreurs qu'il
BUXTORF (Jean) Westphalien , savant
, fallait laisser dans l'oubli.

(1) Naudé, Apol. pour les grands personnages, etc., Berlin, 1. 1, p. 51.
p. i^^. (H) Operis talmudicl brevisrecensio et Bibliotheca ral>-
(2) Tr:iitâ dogmatique des apparitions, t. II, p. 155 binica. In-S" , Bàle , 1613. —
Synagoga judaka. lii-8» ,
Lelojrp.r, p. 2o3. Bàle, 1603, eu allemand et en laliu. Uanau, 1604. UMe,
(51 GoJwin, Vie des Nécromanciens. 16il.
il) Curiusii&i de la liiléralure, trad. de l'anglais, par
«79 DlCT10^NAi!lE DES SClEiNCES OCCULTES. aao

c
CAABA. Voy. Kaaba. ques combinées, et fit des miracles avec i'al-
CAACRINOLAAS, nommé aussi Caasst- phabet.
molar el Glassialabolas, grand président aux La grande cabale, ou la cabale dans la
enfers. II se présente sous la forme d'un sens moderne proprement dite est l'art do ,

chien, el il en a la démarche, avec des ailes commercer avec les esprits élémentaires ;

de griffon. Il donne la connaissance des arls elle tire aussi bon


de certains mots
parti
libéraux, et, par un bizarre contraste, il mystérieux. Elle explique les choses les plus
inspire les homicides. On dit qu'il prédit obscures par les nombres par le change-
,

bien l'avenir. Ce démon rend l'homme invi- ment de l'ordre des lettres et par des rap-
sible et commande Irenle-six légions (1). Le ports dont les cabalistes se sont formé des
grand Grimoire le nomme Classyalabolas, et règles.
n'en fait qu'une espèce de sergent qui sort Or, voici quels sont, selon les cabalistes,
quelquefois de monture à Nébiros ou Nabe- les divers esprits élémentaires:
rus. Voy. Cerbère. Les quatre éléments sont habités chacun
CABADÈS. Voy. Zoubdadeter, par des créatures particulières, beaucoup
CABALE ou CABBALE. Pic de la Miran- plus parfaites que l'homme, mais soumises
dole dit que ce mot qui , dans son origine comme lui aux lois de la mort. L'air, cet
hébraïque, signifie tradition, est le nom d'un espace immense qui est entre la terre et les
hérétique qui a écrit contre Jésus-Christ, et cieux , a des hôtes plus nobles que les oi-
dont les sectateurs furent nommés caba- seaux et les moucherons. Ces mers si vastes
listes (2) ont d'autres habitants que les dauphins et
L'ancienne cabale des Juifs est, selon quel- les baleines. La profondeur de la terre n'est
ques-uns une sorte de maçonnerie mysté-
,
pas pour les taupes seulement; et l'élément
rieuse; selon d'autres, ce n'est que l'expli- du feu , plus sublime encore que les trois
cation mystique de la Bible , l'art de trou- autres, n'a pas été l'ait pour demeurer inu-
ver des sens cachés dans la décomposition tile et vide.
des mots (3), et la manière d'opérer des pro- Les salamandres habitent donc la région
diges par la vertu de ces mots prononcés du feu; les sylphes, le vague de l'air; les
d'une certaine façon. Voyez Thémura et gnomes, l'intérieur de la terre et lesondins ;

Théomanci*,. Cette science merveilleuse , si ou nymphes, le fond des eaux. Cfs êtres sont
l'on en croit les rabbins, affranchit ceux qui composés des plus pures parties des éléments
la possèdent des faiblesses de l'humanité, qu'ils habitent. Adam, plus parfait qu'eux
leur procure des biens surnaturels, leur comT tous, était leur roi naturel; mais depuis sa
niunique le don de prophétie, le pouvoir de faute, étant devenu impur et grossier, il
faire des miracles, et lart de transmuer les n'eut plus de proportion avec ces substances,
métaux en or, c'est-à-dire la pierre philoso- il perdit tout l'empire qu'il avait sur elles ,

phale. Elle leur apprend aussi que le monde et en ôta la connaissance à sa postérité.
Eublunaire ne doit durer que sept mille ans, Que l'on se console pourtant on a trouvé ;

et que tout ce qui est supérieur à la lune en 4ans la nature les moyens de ressaisir ce
doit durer quarante-neuf mille. pouvoir perdu. Pour recouvrer la souverai-
Les Juifs conservent la cabale par tradi- neté sur les salamandres, et les avoir à ses
tion orale; ils croient que Dieu l'a donnée à ordres, on attire le feu du soleil, par des mi-
Moïse, au pied du mont Sinaï ; que le roi roirs concaves, dans un globe de verre; il s'y
Salomon, auteur d'une figure mystérieuse forme une poudre solaire qui se purifie elle-
que l'on appelle l'arbre de la cabale des Juifs, même des autres éléments, el qui , avalée,
y a été très-expert et qu'il faisait des ta-
, est souverainement propre à exhaler le feu
lismans mieux que personne. Tostat dit qui est en nous, et à nous faire devenir pour
même que Moïse ne faisait ses miracles ainsi dire de matière ignée. Dès lors, les
,

avec sa verge, que parce que le grand nom habitants de la sphère du leu deviennent nos
de Dieu y était gravé. Valderame remarque inférieurs et ont pour nous toute l'amitié
,

que les apôtres faisaient pareillement des qu'ils ont pour leurs semblables, tout le
miracles avec le nom de Jésus, et les psrtisans respect qu'ils doivent au lieutenant de leur
de Ci système citent plusieurs saints dont le créateur.
nom ressuscita des morts. De même pour commander aux sylphes,
,

La cabale grecque, inventée, dit-on, par aux gnoms^s, aux nymphes, on emplit d'air,
Pythagore et par Platon, renouvelée par les de terre ou d'eau, un globe de verre; on le
Valenliniens, tira sa force des lettres grcc- l-aisse, bien fermé, exposé au soleil pendant

!\) Wiérus, in Pseudomonarcliia daem. bolique, qui eut l'impiété d'écrire beaucoup de choses
2) « Uacritique ignorant voulait faire des alTaires à contre Jésus-Christ même , qui forma une hérésie déles-
Xome au prince Pic de la Miraudole, |iarllculièiement t:ible et dont les sectateurs s'appellent encore cabalistes?»
pour le nom de cabale qu'il trouvait dans les ouvra^'es du (Gabriel Naudé, Apologie pour les grands personnages ac-
ce prince. On demanda à ce critique ce qui l'indignait si cusés de magie. Adrien Baillet, Jugements des savant^
fort dans ce mot de cabale. —Ne savcz-vous pas, répondit Chap. Mil, § -1 des Jugements sur les livres en général.),
le slui ide , que ce Cabale était un scélérat tout ii fuit dia- (5) Voye» Àbtleel.
m CAB CAB S^
un mois. Chacun de ces éléments, ainsi pu- de n'avoir pas voulu suivre ses bons con-
rifié est un aimant qui attire lus esprits qui
,
seils.
lui sont propres. Plusieurs hérétiques des premiers siècles
on prend Ions les jours
Si durant quel- , mêlèrent la cabale juive aux idées du chris-
ques mois, de la drogue élémentaire formée tianisme , et ils admirent entre Dieu et
ainsi qu'on vient de le dire dans le boi'al ou l'homme quatre sortes d'êtres interméiliai-
globe de verre, on voit bientôt dans les airs res, dont on a fait plus tard les salamandres,
la république volante des sylphes, les nym- les sylphes les ondins et les gnomes. Les
,

phes venir en foule au riv.igc, les gnomes , Chaldéens sont sans doute les premiers qui
gardiens des trésors et des mines, étuler leurs aient rêvé ces êtres; ils disaient que les es-
richesses. On ne risque rion d'entrer en com- prits étaient les âmes des morts qui pour , ,

mené avec eux, on les trouvera honnêtes, se montrer aux gensd'ici-bas, allaient pren-
savants, bienfaisants et craignant Dieu. Leur dre un corps solide dans la lune.
âme est morlelle, et ils n'ont pas l'espérance La cabale des Orientaux est encore l'art
de jouir un jour de l'Etre suprême, qu'ils de commercer avec les génies qu'on évoque ,

connaissent et qu'ils adorent. Ils vivent fort par des mots barbares. Au reste, toutes les
longtemps, et ne meurent qu'après plusieurs cabales sont différentes pour les détails ;

siècles. Mais qu'est-ce que le temps auprès de mais elles se ressemblent beaucoup dans le
l'éternité?.... Ils gémissent donc de leur con- fond.
dition. Mais il n'est pas impossible de trou- On conte sur ces matières une multitude
ver du remède à ce mal car, de même que; d'anecdotes. On dit qu'Homère, Virgile, Or-
l'homme , par l'alliance qu'il a contractée phée furent de savants cabalistes.
avec Dieu, a élé fait participant de la divi- Parmi les mots les plus puissants en ca-
gnomes, les nymphes et
nité, les sylphes, les bale, le fameux mot agla est surtout révéré.
les salamandres deviennent participants de
, Pour retrouver les choses perdues, pour ap-
l'immortalité , en contractant alliance avec prendre par révélations les nouvelles des
l'hoiiime. (Nous transcrivons toujours les pays lointains , pour faire paraître les ab-
docteurs cabalistes.) Ainsi, une nymphe ou sents, qu'on se tourne vers l'orient, et qu'on
une sylphide devient immortelle, quand elle prononce à haute voix le grand nom Agla.
est assez heureuse pour se marier à un sage ; Il opère toutes ces merveilles, même lorsqu'il
et un gnome ou un sylphe cesse d'être mor- est invoqué par h s ignorants. Voyez AoLi.
tel, du moment qu'il épouse une fille des On peut puiser sur les rêveries de la ca-
hommes. On conçoit par la que ces êtres se bale des instructions plus étendues dans di-
plaisent avec nous quand nous les appelons. vers ouvrages qui en traitent spécialement,
Les cabalistes assurent que les déesses de mais qui sont peu recommandables 1° Le :

l'antiquité, et ces nymphes qui prenaient comte de Gabalis, ou Entretiens sur les scien-
des époux parmi les mortels et ces démons , ces secrètes , par l'abbé de Villars. La
incubes et succubes des temps barbares, et meilleure édition est de 1742, in-12; 2° Les
ces fées qui, dans le moyen âge, se mon- Génies assistants, suite du Comte de Gabalis,
traient au clair de la lune ne sont que des
, in-12, même année ; 3° Le Gnome irréconci-
sylphes , ou des salamandres , ou des on- liable, suite des Génies assistants; k" Noti-
dins. veaux Entretiens sur les sciences secrètes,
Il y a pourtant des gnomes qui aiment suite nouvelle du Comte de Gabalis, même
mieux mourir que risquer, en devenant im- année ; 5° Lettres cabalistiques, par le marquis
mortels, d'être aussi malheureux que les dé- d'Argcns, La Haye, 1741, 6 volumes in-12. Il
mons. C'est le diable (disent toujours nos faut lire dans cet ouvrage, plein, beaucoup
auteurs) qui leur inspire ces sentiments il ; plus que les précédents, de passages con-
ne néglige rien pour empêcher ces pauvres damnés, les lettres du cabaliste Abukiback.
créatures d'immortaliser leur âme par notre Voy. Gnomes, Ownircs, Salamandres, Syl-
alliance. phes, ZÉDÉCHiAS, etc.
Les cabalistes sont obligés de renoncer à CABIRES, dieux des morts, adorés très-
tout commerce avec l'espèce humaine, s'ils anciennement en Egypte. Bochard pense qu'il
veulent ne pas offenser les sylphes et les faut entendre sous ce nom les trois divinités
nymphes dont ils recherchent l'alliance. Ce- infernales Pluton, Proserpine et Mercure-
:

pendant, comme le nombre des sages caba- D'autres ont regardé les Cabires comme
listes est fort petit, les nymphes et les syl- des magiciens qui se mêlaient d'expier les
phides se montrent quelquefois moins déli- crimes des hommes, et qui furent honorés
cates, et emploient toutes sortes d'artifices après leur mort. On les invoquait dans les
pour les retenir. périls et dans les infortunes. Il y a de gran-
Un jeune seigneur de Bavière était incon- des disputes sur leurs noms, qu'on ne décla-
solable de la mort de sa femme. Une syl- rait qu'aux seuls initiés (Ij. Ce qui est cer-
phide prit la figure de la défunte , et s'alia tain, c'est que les Cabires sont des démons
présenter au jeune homme désolé, disant que qui présidaient autrefois à une sorte de sab-
Dieu l'avait ressuscitée pour le consoler de bat. Ces orgies, qu'on appelait fêtes des Ca-
son extrême affliction. Ils vécurent ensemble bires, ne se célébraient que la nuit l'initié, :

plusieurs années, mais le jeune seigneur après des épreuves effrayantes, était ceint
n'était pas assez homme de bien pour rete- dune ceinture de pourpre, couronné de
nir la sage sylphide; elle disparut un jour, branches d'olivier et placé sur un trône illu-
Vl ne lui laissa que ses jupes et le repen'ir (tj Dclancline. L'Eiifer des pcuiili s :m<;ions cl), xix.
tss DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCl'LTCS. 284
miné, pour représenter du snbbat,
lo m.iîlre CAGLIOSTRO. Tout le monde connaissait
penilanlqu'on exécutait autourdckiides dau- a Palerme, en 1700, un orfèvre nommé Ma-
ou inoins infâmes.
ses hiérn{;lyphiqucs plus rano, descendant des Juifs ou des Maures,
CACODÉMON, mauvais démon. C'est le qui ont laissé tant de vestiges dans le midi
nom que les anciens donnaient aux esprits de l'Europe. On citait son avarice et sa eré-
malfaisants. Mais ils appelaient spécialement dulité superstitieuse. Enrichi par l'usure et
ainsi un monstre effrayant, un spectre hor- la mauvaise foi, il faisait assez souvent des
rible, qui n'était pas assez reconnaissable brèches à sa fortune par des tentatives in-
pour être désigné autrement. sensées qui devaient, au moyen de l'alchi-
Chaque homme avait son bon et son mau- mie ou de la magie, lui donner des millions,
vais démon, eudémon et cacodémon. et avec ces millions le fameux clixir qui em-
Les astrologues appelaient aussi la dou- pêche de mourir.
zième maison du qui est la plus mau-
soleil, En 1760, pourtant, Marano était devenu
vaise de toutes, cacodémon, parce que Sa- moins facile. Il avait cinquante ans; l'expé-
turne y répand ses malignes influences, et rience lui était venue, et il fallait, pour l'at-
qu'on n'en peut tirer que des pronostics re- traper dans quelque piège , un peu plus
doutables. d'h ibileté. Toutefois, depuis quelque temps,
CACTONITE, pierre merveilleuse, qui, se- il prêtait une oreille attentive aux relations
lon quelques-uns, n'est autre chose que la qu'on lui faisait des merveilles opérées par
cornaline. On lui attribue de grandes pro- un jeune Sicilien plein de mystères. Celui-ci
priétés. Les Anciens en élisaient des talis- ne commerçait pas avec les dénions et ne re-
mans qui assuraient la victoire. cheroh;iit pas la pierre philosophale; il s'en-
CACUS , espèce d'ogre de l'antiquité. Il tretenait avec les anges daminait ainsi
: il
était fils de Yulcain et vomissait du feu par les esprits des ténèbres, et de grands secrets
la gueule. Ce monstre, de taille gigantesque, lui étaient révélés. On le nommait Joseph
moitié homme et moitié bouc, m.mgeail les Balsamo. Tous les bourgeois de Palerme, où
passants dans sa caverne, au pied du mont il était né, voyaient en lui le fils très-intelli-

Aventin, et accrochait les têtes à sa porte. gent de parents obscurs; mais quelques jeu-
Il fut étranglé par Hercule. —
C;icus a été nes gens, qui paraissaient mieux instruits,
peint quelquefois avec une tête de bétc sur disaient que sa famille apparente était sup-
un corps d'homme. posée, et qu'il était fils d'une grande prin-
CADAVRE. Selon la loi des Juifs, quicon- cesse d'Asie. Ce jeune homme extraordinaire
que avait touché un cadavre était souillé; il avait dix-sept ans; il parlait peu; sa figure
devait se purifier avant de se présenter au et ses regards exerçaient une sorte de fasci-
tabernacle du Seigneur. Quelques censeurs nation. On ne savait rien de sa vie intérieu-
des lois de Moïse ont jugé que cette ordon- re; seulement, plusieurs l'avaient entendu
nance était superstitieuse. Il nous parait au s'entretenir en hébreu avec les anges. Lui
contraire, dit Bergier, qu'elle était très-sage. seul, disait-on, les voyait; mais ceux qui
C'était une précaution contre la superstition l'épiaient avaient pu tout entendre, à la vé-
des païens , qui interrogeaient les morts rité sans y comprendre autre chose que les
pour apprendre d'eux l'avenir ou les choses sons de plusieurs voix qui leur avaient sem-
cachées abus sévèrement interdit aux Juifs,
: blé très-mélodieuses.
mais qui a régné chez la plupart des na- L'orfèvre, que sans donte on voulait sé-
tions. Voy. Aimant, Cercueil, etc.
duire, rêvait de Joseph Balsamo. C'était là
CADMEE ou CADMIE, qu'on appelle plus enfin l'homme qu'il lui fallait pour réparer
généralement calamine, fossile bitumineux d'un seul coup toutes ses pertes. Il ne man-
qui donne une teinte jaune au cuii^re rouge,
quait aucune occasion de le voir, le considé-
et que certains chimistes emnloicnl pour
rait avec une vénération profonde, mais
faire de l'or.
n'osait lui adresser la parole.
CADIEIIE. Voy. Girard
Bientôt il n'y tint plus il pria l'un des
CADUCEE. C'est avec cette baguette, or- :

née de deux serpents entrelacés, que Mer- admirateurs ou des compères de Joseph, qui
cure conduisait les àmns aux enfers et qu'il se vantait d'être dans ses bonnes grâces, de
le présenter au jeune ami des esprits céles-
les en lirait au besoin.
tes. Celui-ci lui amena Balsamo, qui, malgré
GADULUS, pieux soldat, dont la légende
rapporte qu'il était obsédé par le diable en ses privilèges surnaturels , toujours logé
forni" d'ours (1). Il s'en délivra par la prière. chez ses pauvres parents, n'jivait pas encore
CiECULUS. petit démon né d'une étincelle une salle où il pût recevoir. Il n'en était pas
qui vola de la foigc de Vulcain dans le sein moins fier et superbe il laissa dignement
:

l'orfévrj se mettre à genoux devant lui, le,


de Prenesta. 11 fut élevé parmi les bêtes sau-
vages. On le reconnut à cette particularité, releva ensuite avec une bienveillance très-
qu'il vivait dans le feu comme dans son élé-
grave, et lui demanda ce qu'il voulait.
ment ; ses yeux, qui étaient fort petits, — La nature de vos relations pourrait
étaient seulement un peu endommagés par vous le dire, jeune seigneur, répondit Mara-
la fumée. Les cabalistes font de lui un sala- no. J'ai été trompé par divers imposteurs
mandre. qui m'ont enlevé une partie des biens gagnés
CAF. Voy. Kaf. par mon travail persévérant. Il vou» sérail
facile de réparer ces dégâts
I) Bollaudi Acu ïaiiclorum, 21 jprili^ — Je le p;,is,si vous croyez, dit Joseph
S83 CAG CAG 28fi

— je crois? répliqua l'orfèvre


Si : je crois L'ami des esprits célestes ne releva pas
cl confiance.
j'ai celle exclamation; il reprit silencieusement
— Trouvez-vous donc detnain à cent pas le chemin de la ville; l'orfèvre le suivait
de porle de Palcrme, sur le chemin des
la sans rien dire, mais évidemment en proie, A
deux chapelles de sainte Rosalie, à six lieu- de grandes méditations et à de profonds
res du matin. calculs.
Sans ajouter un mot de plus, Joseph Bal- Ils marchèrent ainsi une demi-heure comme
samo se relira. deux muets. En arrivant à l'endroit de la
Le lendemain, Marano fut scrupuleuse- roule oCi ils s'étaient donné rendez-vous le ,

ment exact dix minutes avant l'heure pre-


: |eune homme s'arrêtanl dit à l'avare :

scrite, comptait ses pas Irèsatlenlivement,


il Nous nous séparerons ici; et vous saurez
l'I au centième avec une précision
s'arrêtait que, sur votre tête, vous ne devez jamais
mathématique. Comme six heures sonnaient dire un mot de ce qui vient de se passer.
aux horloges de la ville, le favori des anges En même temps, il fit un mouvement pour
él.iit devant lui; il salua l'orfèvre en silence s'éloig-ner.
ot le conduisit sans dire un mot à une grotte — Ùu seul instant, jeune seigneur, s'écria
qui se trouvait écartée dans une espèce de Marano d'un ton suppliant; soixante onces
,

solitude, à la distance d'environ truis-quarls d'ori est-ce donc le dernier mol?


«le lieue. — Je le pense, répliqua froidement Joseph ;

Ici, lui dil-il en ouvrant enfin la boti- et il refit le mouvement d'un homme qui s'é-
clu", repose un trésor de grand prix, sous la loigne.
gnrde des esprits infernaux. Deux des anges — Un seul instant, reprit encore l'orfèvre,
<jui viennent à ma voix savent les dompter. qui avait supputé toute la valeur du trésor,
Miiis je ne puis enlever co trésor moi-même, à «luelle heure demain matin?
ni le toucner, ni m'en servir, sans perdre —A six heures, au même lieu.
ma pureté et ma puissance. Etmerveilleux jeune homme quitta di-
le

Et moi? qui en cela n'ai rien à perdre, gnement Marano qui se contenta d'ajouter
,

demanda l'orfèvre. eu gémissant :

— Le trésor peut être à vous, si vous fai- — Je serai prêt.


tes ce qui sera exigé. Il fut aussi exact que
le premier jour, ayant
— Ohl je le ferai, ji'une seigneur; dites rempli toutes les prescriptions indiquées,
seulement. lavé, peigné, muni de ses soixante onces
— Ce n'est pas moi qui puis le dire, ré- d'or, qu'il serrait convulsivement sur sa
pondit Balsamo; mais je prie Uriel de vous poitrine. Joseph Balsamo le joignit , comme
éclairer. la veille, à l'instant où six heures sonnaient.
Eu achevant ces mots, le jeune homme se Us se dirigèrent en silence vers la grolte. Les
mit à genoux; il fit prendre à Marano la anges furent interroges de nouveau ; ils firent
même posture. Aussitôt on entendit dans le exactement les mêmes réponses que le jour
v.igue une voix harmonieuse et claire qui précèdent.
«lisait —
Le trésor contient soixante onces
: L'orfèvre lira son or, qui lui. tenait au
«te perles, soix.iiilc onces de rubis, soixante cœur et aux mains, et dont il lui paraissait
onces de diau>auts,daiis une boite d'or ciselé triste de se dessaisir.
du poids de cent vingt onces. Les démons —N'enlrez-vous pas avec moi dans cette
<|ui le gardent le remettront aux mains de grotte profonde? demanda-t-il.
riiummc que présente notre ami, s'il a cin- —Non, répondit Balsamo; je dois rester
quante ans... ici, jusqu'au moment où les esprits noirs,
— Je depuis huit jours, interrompit
li!s ai dépossédés de leur trésor, viendront se ruer
joyeusement l'orfèvre. sur vos soixante onces.
— a des enfants...
S'il —N'y a-t-il aucun danger?
— J'en deux, vivants.ai — Aucun, si le compte est fidèle.
— porle quelques poils
S'il gri*... L'orfèvre déposa son précieux fardeau à
— J'en possède abuiidammeul dans mes l'entrée de la grotle; il fil quelques pas ,
cheveux et dans ma barbe. puis il revint; le jeune homme était immo-
— n'a pas coupé ses ongles depuis sept
S'il bile en silence; il rentra , revint encore fil ,

jours... plusieurs fois ce même manège, dans une


— Je ne pas coupés depuis quinze.
\cfi ai l'Spèce de lutte inlérieure. Il ne recevait
— S s'est lavé mains
il visage...
les et le aucun encouragement de son guide, «(ui pa-
— Je les laverai. raissait aussi froid que silencieux, surtout
— El dépose à l'entrée de la grotte,
s'il auprès des dupes que ses compères avaient
avant d'y mettre le pied, soixante onces d'or sullisamment travaillés.
pur, pour les gardiens. Enfin le pauvre orfèvre alla jusqu'au fond ;
Un profond silence succéda à ces paroles : et cette fois, lorsqu'il voulut reculer encore,
l'orfèvre , frappé de stupeur , fermait les il en fut empêché. Trois êtres noirs, qu'il
d.'nts et les lèvres. Balsamo s'éiait relevé; eût pris pour des charbonniers , s'il ne se
l'orfèvre écoutait encore à genoux. fût pas attendu à rencontrer des dénions, lui

Vous avez entendu? reprit le jeune barrèrent le chemin avec des grondements
homme. sinistres et se mirent à le faire pirouetter
— Soixante onces d'or! dit M.irano avec dans la grotte. 11 pous.sa des cris, auxquels
«Il immense soupir. personne n'accourul et que les trois gaillardîJ
f87 DICÏIONNAinE DES SCIENCES OCCl'LTES. 'J8S

réprinièrcnl prompleinent en lo rouant de ne voyaient en lui qu'un adroit charlatan.


«oups. Brisé (l'effroi el de douleur, Marano On qu'un hermétique nommé Allotas,
dis.iil
tomba ventre à terre. Il lui fut signifié, en qui avait longtemps voyagé avec lui qu'il ,

lan^ngc intelligible el clair, de rester là sans avait perdu à Malte el dont il parlait comme
niouvemonl, s'il ne voulait pas être assommé. du plus sage des hommes, lui avait appris
Après qnoi il se trouva abandonné à lui- les arts magiques- On parlait encore d'un
uiémc et n'entendit plus aucun bruit. joueur de gobelets avec qui Cagliosli*o avait
Pendant un quart d'heure, il n'osa remuer été Irès-lié; ce joueur de gobelets étaitassisié
ni les mains, ni la léle; il s enhardit enfin , d'un esprit ; et ce! esprit était l'âme d'un juil
se souleva tremblant , rampa , se traSna et cabaliste, qui avait tué son père par nécro-
gagna l'issue de la grotte, étonne de ce qui mancie avant la venue de Notre-Seignenr.
se passait en lui. Les soixante onces d'or, Cagliostro disait intrépidement que tous les
Balsamo, les trois démons supposés , tout prodiges qu'il opérait se faisaient unique-
avait disparu. Le pauvre homme, commen- ment par l'effet d'une protection spéciale du
çant à croire qu'il était la victime d'une ciel; ajoutait que l'Etre-Suprême
il pour ,

nouvelle friponnerie, plus hardie et plus l'encourager , avait daigné lui accorder la
violente que les anciennes , revint pénible- vision béalifiqiie; qu'il venait convertir les
ment à Palerme et alla déposer sa plainte.
, incrédules et relever le catholicisme Avec
Mais on ne retrouva plus Joseph Balsamo, une si haute mission, il disait la bonne aven-
qui évidemment avait quitté le pays. ture donii.'iit l'art de gagner à la loterie,
,

Le 19 septembre 1780, dans une guinguelle expliquait les rêves, el faisait des séances de
extérieure de Strasbourg, au milieu d'un fantasm.'igorie transcendante. Aussi le bon
groupe de modestes buveurs (|ui regardaient abbé Fiard est-il excusable de n'avoir vu
par les fenêtres la foule immense, agitée par dans Caglioslro qu'un démon détaché du
l'attente de quelque événement extraordi- sombre empire; en le jugeant ainsi l'abbé ,

naire , on remarquait une vieille figure Fiard se conformait à l'opinion populaire de


chauve et ridée, qui accusait ses soixante- la majorité.
dix ans el son origine méridionale : c'était — Mais, reprit vivement le cordier , cet
l'orfèvre Marano. Des pertes successives et homme ne peut pas élre le diable, puisqu'il
des delt. s qu'il n'avait pas jugé convenable a des entreliens avec les anges
de payer l'avaient contraint à quilter Pa- — Ah il a aussi des entretiens avec les
!

lerme; et après avoir tenté la fortune à Lon- anges s'écria Marano , frappé de cette cir-
1

dres et à Paris, il était venu s'établir à Stras- constance. Pour lors je dois absolument le
bourg où il était toujours orfèvre. Il venait voir. Quel âge a-t-il?
\oir, comme toule la ville, le personnage — Est-ce qu'un être pareil peut avoir un
prodigieux que l'on attendait. Cet homme, âge? droguiste. On dit qu'il paraît
dit le
qui produisait plus de sensation qu'un grand porter trente-six ans.
monarque, était le comte de Cagliostro. 11 — Oh oh marmotta l'orfèvre si c'était
1 1 ,

venait, par l'Allemagne , de Varsovie où il mon coquin? mon coquin en a trente-sept.


avait amassé de grandes richesses en trans- Comme le vieux Sicilien ruminait ainsi
muant en or de vils métaux. Car il savait le son triste passé , un grand tumulte de voix
secret de la pierre philosophale el possédait vint fixer son attention. L'être surhumain
tous les inappréciables talents des alchimistes. arrivait. Il parut bientôt, entouré d'un nom-
— Nimporie 1 dit un chapelier, je suis bien breux cortège de courriers, de laquais et de
aise d'avoir vécu jusqu'ici, puisque je vais valets de chambre en livrées magnifiques;
Yoir le fameux mortel, si c'est un mortel. lui-même avait l'air d'un prince. A côté de
— On assure, ajouta un droguiste, qu'il lui, dans sa voiture découverte se pavanait ,

est fils de la princesse de ïrébisonde, et Lorenza Féliciani sa femme, qui le secon- ,

qu'il a tout à fait les beaux yeux noirs de sa dait dans tout ce qu'on appelait modérément
mère. ses intrigues. Son luxe expliquait ce que di-
—El qu'il desrend en droite ligne de saient les gens sensés, que Cagliostro n'était
Charles- Martel, dit un écrivain public. autre chose qu'un membre voyageur de la

II date de plus loin, interrompit un cor- maçonnerie templière, constamment opulent
dier, car il a assisté aux noces de Cana. par secours nombreux qu'il recevait des
les
— C'est
donc le juif-errant? dit Marano. dilTérentes loges de l'ordre. Quelques-uns
Mieux que cela. Des gens à qui on peut donnaient au faste qu'il étalait une source
avoir foi prétendent qu'il est né avant le encore moins honorable. Toutefois, il exer-
déluge. çait la maçonnerie élevée; et c'était lui qui

Voilà qui est fort; si c'était le diable?.... avait institué les mystères de ce qu'on appelle
Ces idées, que nous rapportons fidèlement la maçonnerie égyptienne. On dit même qu'il
el qui s'enrichissaient des plus singuliers avait toujours été un charlatan suballerne,
commentaires , étaient alors en effet géné- jusqu'au moment où il avait pu se faire ad-
ralement répandues dans le peuple sur , mettre en Angleterre dans les hauts grades
Ihomnie mystérieux qu'on appelait le comte de la franc-maçonnerie. Il avait compris dès-
de Caglioslro. Les uns le regardaient comme lors tout le parti qu'il pouvait tirer de l'as-
un saint, un inspiré, un faiseur de miracles, sociation; et il avait imaginé ce rite particu-
un être tout à fait extraordinaire el hors de lier, dont il prétendait avoir reçu les élé-
lanature; on n'expliquait pas les cures nom- ments dans les pyramides d'Egypte. Le fait
breuses qui lui étaient atlribuées. Les autres est qu'il avait emprunté au manuscrit d'un
989 CAG CVG 290
nommé Georges Coston le plan de sa ma- Une partie du peuple tomba à genoux;
çonnerie égyptienne , moilic jonglerie et une autre parties'empaca du pauvre orfèvre,
cabale moitié science hermétique et four-
, et le brillant coriége poursuivit sa niarche
berie, arec quelque magnétisme dont il abu- triomphale. De tels faits certainement excu-
sait d'autant plus aisément que l'on ne con- sent l'abbé Fiard d'avoir vu le diable dans cet
naissait pas encore cette puissance. homme.
Son institution avait pour but de conduire Arrivé dans Strabourg en Cagliostro
fête,
lesadeptes qu'il recevait à la perfection, par s'arrêta devant une grande cor-
salle oîi les
la régénération physique et la régéncralion nacs qui le précédaient partout avaient ras-
morale. La première rendait les formes de la semblé un grand nombre de malades. Le fa-
jeunesse et empêchait de vieillir; il la prati- meux empirique y entra et les guérit tous,
quait au moyen de son élixir universel, re- les uns par le simple attouchement, les au-
mède qu'il appliquait à tous les maux. La tres pardes paroles, ceux-ci par le moyen
seconde restituait l'innocence perdue et con- d'un pourboire en argent, ceux-là par son
duisait l'homme à létal d'ange. Elle s'obte- remède universel. Il est vrai que les arran-
nait, non par le repentir et l'humilité, mais geurs de ces cures surprenantes avaient
par aux promesses du grand Cophle
la foi choisi leurs mal.ides et qu'ils n'avaient pas
( grade que s'était donné Caglioslro ),
c'est le admis certains cas sérieux auxquels ils
et en conséquence di- cette foi qui devait élre avaient promis des secours à domicile.
absolue, par des visions et des extases, par « Quant au savoiren médecine de Caglios-
révocation des esprits, par des com(nunica- tro ( dit l'auteur anonyme de sa notice,
tions avec les anges. danslabibliographieuniverselledeMiehaud),
Mais le grand Cophte n'avait de puissance il paraît constant que ce savoir était très-
que par l'intermédiaire d'un jeune garçon borné. Comme tous les partisans des doctri-
ou d'une jeune (ille, qu'il appelait ses pupil- nes hermétiques et paracelsiques, il faisait
les ou ses colombes et qui devaient être de grand usage desarom.ites et de l'or. Nous
l'innocence la plus pure. Après que ces en- avons eul'occasion de goûter sonélixir vital,
fants avaient reçu ce que le grand Cophte ainsi que celui du fameux comie de Siinl-
appelait la consécration, ils prononçaient Germain; ils n'avaient point d'autre base. »
devant une carafe pleine d'eau les paroles Quoi qu'il en soit, Cagliostro sortit de la
qui évoquent les anges. Les anges venaient salle des m.ilades, au milieu des acclama-
dans la carafe; quelquefois on les entendait tions et des trépignements de la foule; il alla
donner leurs réponses; le plus souvent il dans le m.ignitique hôtel qui était
s'installer
fallait que les pupilles lussent ces réponses préparé pour lui, il admit à sa table snmptueust!
qui arrivaient dans la carafe à fleur d'eau l'élitede la société de Strasbourg; et le soir
et qui n'étaient visibles que pour eux (c'était il voulut bien donner une séance de ses co-
du somnambulisme). lombes.
Ce qu'il y a de plus merveilleux dans tout On amena dans le salon de Caglioslro,
ceci c'est que la maçonnerie égyptienne
, éclairé par des procédés oîi ropli(iue et la
éleva tout-à-coup Caglioslro au niveau de fantasmagorie jouaient un grand rôle, plu-
ce qu'il y avait de plus grand en Europe. En sieurs petits garçons et plusieurs petites filles
France surtout, à côléde l'esprit philosophi- de sept à huit ans. Le grand Cophte choisit
que qui niait les saintes merveilles, ces mer- dans chaque sexe la colombe qui lui parut
veilles absurdes furent accueillies avec une montrer le plus d'intelligence; il livra les
admiration qui allait jusqu'au fanatisme. Le deux enfants à sa femme, qui les einms-na
périrait de celui qu'on osait appeler le divin dans une salle voisine où elle les parluma,
Cagliostro fut partout, jusque sur les éven- les vêtit de robes blanches, leur fit boire un
tails, sur les bagues, sur les tabatières. On verre d'élixir elles représenta ensuite prépa-
coula son buste en bronze, on le sculpta en rés à l'initiation.
marbre. Les plus grands personnages de Cagliostro ne s'était absenté qu'un mo-
cette époque de philosophie se Grent admet- ment pour rentrer sous le costume de gr.ind
tre dans ses loges tout le monde voulut
; Cophle. C'était une robe de soie noire, sir
assisleraux séances publiques de ses colom- laquelle se déroulaientdes légendes hiérogly-
bes. phiques brodées en rouge; il avait une coif-
Un grand cri retentit lorsque le comte fure égyptienne avec les bandelettes plissées
de Cagliostro passa devant la guinguetie. et pendantes après avoir encadré la tête; ces
Marano l'avait nconnu et il avait arrêté les bandelettes étaient de toile d'or. Un cercle de
chevaux de sa voiture. pierreries les retenait au fionl. Un cordon
— C'estJoseph Balsamo, disait-il; et l'a- vert éiiieraude, parsemé de scarabées et de
postrophant avec colère, il répétait ces seuls caractères de toutes couleurs en mélaux ci-
mots Mes soixante onces d'or!
: selés, descendait en sautoir sur sa poitrine.
Cagliostro regarda à peine l'orfévre, ne A une ceinture de soie rouge pendait une
montra aucune émotion; mais au sein du large épée de chevalier, avec la poignée en
profond silence que ce singulier incident croix. Il avait une figure si formidablement
avait jelé dans la foule épaisse, on entendit imposante sous cet appareil , que toute
sur-le-champ une voix qui paraissait venir l'assemblée fit silence dans une sorte de ter-
des airs et qui disait : reur.
—Ecartez du chemin cet insensé, que les On avait placé sur une pelile table ronde
esprits infernaux possè'Ient. en éhènc la carafe decrisl.il. Suivant le rite,

L
<9I ItICÏIO.NNAIRE DES SCIENCES OCCllLTES. 29i

on mit derrière les deux enfants, transfor- de tontes les marq-uesde la vénération. Lors-
més en pupilles ou colombes, un paravent on remarqua enfin que l'or-
qu'il fut parti,
pour les abriter. fèvre Maranon'avait pas reparu chez lui; on
Deux valt'ls de chambre, vêtus en esclaves le retrouva dans un fossé où il avait été
égyptiens, comme ils sont représentés dans noyé, le jour de l'arrivée de l'illustre voya-
les sculptures de Tlièbes, fonctionnaient au- geur. On considéra sa triste fin comme un
tour de la l.'ible. Ils amenèrent les deux eii- chdtimi'nt mérité.
faiils devant legraiidCoi)h(c,qui Icurimposa Cagiioslro parcourut de nouveau, dans un
les mains sur la tète, sur les yeux et sur la grand éclat, laFrance, l'Angleterre, l'Italie,
poitrine, en faisant silencieusement des si- la Suisse, faisant partout des cures dites
gnes bizarres, qui pouvaient figurer aussi des merveilleuses, étalant sa fastueuse bienfai-
hiéroglyphes, el que l'ordre appelait des my- sance avec une affectation habile, qui fit
thes ou symboles. dire à la marquise de Créquy cju'il avait de
Aprèscelte première cérémonie (magnéti- l'esprit de plus d'une sorte, opérant des pro-
que), un des valets présenta à Cagiioslro la diges surprenants, s'il faut en croire les re-
petite truelle d'or, sur un coussin de velours lations. Car on a conté qu'il fit paraître de-
blanc. Il frappa du manche d'ivoire de sa vant quelques grands seigneurs de Paris et
truelle sur la table d'ébène et demanda: de Versailles dans des glaces, sous des

,

Que fait en ce moment l'homme qui ce cloches de verre et dans des bocaux, des
malin aux portes de la ville, a insulté le
, spectres animés el se mouvant, des person-
grand Gophte? nes absentes, et différents morts qu'on lu!
Les colombes regardèrent dans la carafe; désignait. On a mémeraiiporlé, comme chose
et apparemnienl qu'elles y virent quelque très-véridique, que dans <les soupers qui
chose; car la petite fille s'écria : — Je l'aper- firent alors grand bruit à Paris, Cagiioslro,
çois qui dort. nouveau Fausl, avait évoqué les plus illus-
On a prétendu que le dessous de la table tres morts, Socrale, Platon, Charlemagne,
était préparé de manière à faire passer sous Pierre Corneille, el môme Volt tire et d'Alem-
la carafe des figures et des caractères. Ce bert. Mais depuis que la fantasmagorie est
qui le ferait croire, c'est que dans les cas devenue à Paris un spectacle public, on a
qui sortaient du cours ordinaire des répon- compris ces illusions.
ses banales, les enfants ne voyaient rien. Il est bon toutefois de lire les éloges qu'on

Mais alors la voix des anges invisibles répon- faisait alors du grand homme. Bordes, dans
dait. ses Lettres sur la Suisse, le qualifie d'homme
Sur l'invilalion de Cagiioslro, qui annonça admirable. « Sa figure, dit-il, annonce l'es-
qu'on pouvait faire lonte question, plusieurs pril, décèle le génie; ses yeux de feu lisent
dames s'émurent. L'une demanda ce que au fond des âmes. Il presque toutes les
sait
faisait sa mère, alors à Paris? La réponse fut langues de l'Europe et de l'Asie son élo-
:

qu'elle était au spectacle entre deux vieil- quence étonne et entraîne, même dans celles
lards. Une autre voulut savoir quel était qu'il parle le moins bien. •
l'âge de son mari; il n'y eut point de répon- Le mar(|uis de Ségur et MM. deMéroménil
se ce qui fitpousserdescris d'enthousiasme,
; et de Vergennes, en 1783, rccoinmandaieiil
car cette dame n'avait point de mari; et l'é- Cagiioslro dans les termes les pins flatteurs.
chec de cette tentativede piège Qt qu'on n'en Cependant lorsqu'il revint à Paris en 1783,
lendit pas d'autres. ses rapports avec les anges ne le préservè-
Une troisième dame déposa un billet ferme. rent pas d'une aventure fort désagréable. Il
Le petit garçon lut aussitôt dans la carafe se trouva très-gravement compromis avec le
ces mots : —
Vous ne l'obtiendrez pas. —On prince dcRohan.dans la malheureuse affaire
ouvrit le billet, qui demandait si le régiment du collier. La comtesse de La Molthe l'accu-
que la dame sollicitait pour son fils lui serait sait d'avoir reçu le collier des mains du
accordé. Cette justesse eleva encore l'admi- prince et de l'avoir dépecé pour grossir le
ration. trésor occulte de sa fortune inouïe. Le grand
Un juge, qui pourtant doutait, envoya se- Cophle fut arrêté le 22 août et mis à la Bastille.
crètement son fils à sa maison, pour savoir Il publia un mémoire où, pour justifier ses

ce que faisait en ce moment sa femme; puis dépenses, il nomme les banquiers qui dans
quand il fut parti, il fit celte question au l lUS les pays de l'Europe, lui fournissent des

grand Cophle. La carafe n'apprit rien, mais fonds. Mais il ne fait connaître ni l'origine,
une voix annonça que la dame jouait aux ni la source de ses richesses.
cartes avec deux voisines. Ce mémoire, très-adroilemenl rédigé, était
Cellevoix mystérieuse, qui n'était produite allribué à unmagislrat cé!èbre;el il augmen-
par aucun organe visible, jeta la terreur tait le poids de celle réflexion que la con-
dans une partie de l'assemblée; et le fils du science et les talents de certains avocats sont
magistral étant venu confirmer l'exactitude choses qui se vendent, puisque, moyennant
de l'oracle, plusieurs dames eflrayées se reli- argent, ils défendent toute cause quelcon-
rèrcnl. que, juste ou injuste, loyale ou déloyale.
On
raconte que d'autres merveilles signa- Comme on avait détaché dans le faclum
lèrcul cette soirée; mais les détails en sont quelques-unes des aventures romanesques
très-vagues. de Cagiioslro, il fut accueilli dans le public
Pendant le peu de temps, que le comte de avec tout l'empressemenl qu'inspirait le per-
Cagiioslro resta à Strasbourg, il fut comblé sonnage.
995 CAG CAG »*
L'arrêt da parlement de Paris, du 31 mai tique , des apparitions qui ont troublé do
1786, déchargea Cagliostro des accusations paisibles consciences.
intentées contre lui, et il fut mis en liberté, Il a renié le catholicisme et s'est levé contre
mais avec ordre de quitter Paris dans les lui en établissant sa maçonnerie égyptienne.
vingt-quatre heures et le royaume dans trois Savez-vous quels mystères impurs et scan-
semaines. Lorsqu'il s'embarqua à Boulogne, daleux se pratiquaient dans ses loges téné-
il était suivi d'un cortège de quatre à cu\t\ breuses ?
mille personnes qui lui demandaient sa béné- En s'excitant par des potions violentes ponr
diction... se donner l'air inspiré, il s'est rendu fréné-
Il passa en Angleterre, oii il séjourna di'nx tique; et pour ce motif seul, il devait êtro
ans, continuant délablir ses loges égyptien- surveillé.
nes et propageant son rite particulier, qu'il Vous l'appelez le comte de Cagliostro. Mais
appelait aussi le rite de Mizraïm. apprenez que ce nom même est une de ses
Elle matin du 7 avril de l'année 1791. à innombrables impostures. Son nom, à Pa-
Rome, au milieu d'une afduence avide de lerme où il est né, est Joseph Balsamo. A
curieux, le tribunal du saint-office jugeait iin Venise, il s'appelait le marquis de Pellegrinl.
homme important. Cet homme avait un nom Il s'est nommé encore Tischio ,Belmonté ,
européen, diversement estimé, ange pour les Harat, Melissa, Fénix; il a été docleur, co-
uns, démon pour les autres, bienfaiteur de lonel, gentilhomme, danseur, sans parler de
l'humanité et divin philosophe devant les lirofessions moins honorables. Il a volé avec
tètes légères, charlatan saugrenu et redou- une grande adresse des sommes énormes; à
table imposteur devant les personnes gra- peine adolescent , il a escroqué d'un seul
ves. Cet homme était le comte de Cagliostro. CDup soixante onces d'or à un orfèvre de Pa-
De Londres il était encore retourné en lerme, pauvre idiot que les séides du conilc
Suisse; puis il était venu en Savoie, puis à de Cagliostro ont noyé à Strasbourg. Il serait
Gènes, à Varsovie, à Trente d'où il s'était triste et de mauvais exemple de publier toute
fait chasser; puis à Rome où il avait eu l'au- la vie de cet homme.
dace d'ouvrir des loges et de faire des récep- — Mais, reprit encore Maltéo, dans sa lettre
tions pour sa n>açonncrie égyptienne. On au peuple français, datée de Londres le 20
l'avait arrêté avec sa femme, le 27 décembre juin 1786, Cagliostro prédit que la Bastille
1789, et transféré au château Saint-Ange. serait démolie et deviendrait un lieu de pro-
Quoique accusé de franc-maçonnerie, denia- menade. Comment expliquer cela?
gie, d'apostasie, d'hérésie et même de fréné- — D'une manière bien naturelle. Cette dé-
sie, un avait mis plus de seize mois à in- molition était déjà dans les projets de
struire sa cause, que les renseignements re- Lous XIV; et en 1786, la Bastille tombait en
cueillis chargeaient de toutes sortes de cri- ruines. Croyez bien que Joseph Balsamo,
mes. avec tous ses noms et tous ses titres, n'est
— Mais, disait le jeune Matteo Ferrante à qu'un imposteur dangereux et un fripon.
Paolo Rambaldi, son oncle dans la cour du L'oncle et le neveu entrèrent alors dans la
saint-office, il est étonnant que l'inquisilion, salleoù se plaidait la cause de Ihomme fa-
qui est ici un tribunal si doux, poursuive meux. Les faits de sa vie, en se déroulant,
criminellement ce gentilhomme. Qu'a-t-il ne présentaient que des vices et des crimes.
donc fait? Tant de rapports s'accordent aie Les juges, après avoir tout pesé, condam-
peindre comme un élre vénérable, dont la nèrent Cagliostro à la peine de mort.
conduite est exemplaire! On l'a vu guérir les Mais à Rome on donne aux condamnés le
malades, soulager les pauvres, répandre les temps du repentir. Le pape Pie VI commua
consolations et prodiguer les bienfaits, dans la peine de Cagliostro en une prison perpé-
le seul but de soulager l'huinanilé. tuelle; on mit sa femme dans une maison de
— Ce que vous dites là mon enfant
, pénitence; on l'enferma lui dans le château
répliqua Paolo, n'est que de l'exagéralion, Saint- Ange.
à propos d'un Irôs-adroil charlatanisme. Cet On lui laissait une liberté de mouvement
étalage de bienfaisance cachait tous les vices. assez étendue ; mais on reconnut bientôt qu'il
Que direz-vous, si l'on vous établit que l'ar- ne fallait pas oublier un des motifs de son
gent qu'il distribuait ainsi était de l'argint mandat d'arrêt, la frénésie; car on le surprit
volé? 11 est facile de la sorte d'être charitable. un jour occupé à étrangler un bon prêtre,
Que direz-vous, si l'on vous fait voir qu'il qu'il avait demandé sous prétexte de se con-
empoisonnait par ses remèdes empiriques fesser, et sous les habits duquel il méditait
ceux qu'en apparence il soulageait un mo- son évasion. On arriva assez tôt pour empé-^
ment? Que direz-vous, lorsqu'on vous aura cher la consommation de ce nouveau forfait;
montré que cet homme est le plus dangereux et, depuis, l'ami des anges fut surveillé avec
des escrocs? grand soin.
Vous vous étonnez de le voir accusé de Quand les Français entrèrent à Rome
magie : mais c'est lui-même qui s'est donné en 1797, quelques officiers se rappelèrent
pour magicien, dominateur des esprits in- Cagliostro, qu'ils avaient vu à Paris. Ls vou-
fernaux. lurent le visiter dans sa prison. Mais alors il
Il s'est dit en correspondance avec lis y avait deux ans que l'homme prodigieux,
anges, faisant lui-même les demandes et les ne pouvant plus nuire à personne, s'était
réponses; car il est VENTRILOQUE. étranglé lui-même.
Il a feint, par fantasmagorie et jeux d'op- Ou met sur le compte de Cagliostro une
l-«8 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 296

détestable brochure qui apprend aux vieilles » — donc à eux qu'il faut se confier?..
C'est
remnîcs l'arl de prévoir les numéros gagnants » —
Silence, M. le marquis; ne distrayons
jcs loteries , par l'interprétaiion de leurs pas noire pensée par des idées accessoires;
jéves. Avant la suppression de la loterie en n'oublions pas que c'est au devant des morts
France, on vendait tous les ans un nombre que nous allons...
inouï d'exemplaires de ce fatras dont voici » Je me tus; pendant quelque temps, je

le liire : Le Vrai C uglio sir o, ou le Régulateur reconnus les rues par où nous passions mais ;

des aclionnnires de la loterie , augmenté de bientôt les lumières disparurent peu à peu;
nouvelles cabales faites par Cagliostro ; volume bientôt les roues de la voiture ne retentirent
in-8% orné du portrait de Cagliostro, au bas plus sur le pavé; nos lanternes s'éteignirent,
duquel on lit ces treize syllabes, que l'éditeur et l'obscurité fut complète. Me penchant à la
a probablement prises pour un vers majes- portière, je cherchais, à travers la glace, à
tueux et qui ne sont qu'un noble vers défl- distinguer où nous étions; mais pas la plus
guré et souillé dans son application : petite lueur ne tombait des étoiles; je ne
voyais, je ne reconnaissais rien. Cependant,
Pour savoir ce qu'il est, il faudrait être lul-môme.
j'ai toujours cru que c'était à la plaine des
Nous avons emprunté à un journal le pas- Sablons qu'il m'avait conduit.
sage suivant; c'est un des mille traits attri- » Au bout d'une heure et demie d'une
bués à Cagliostro. Nous n'en citons pas course très-rapide, la voiture s'arrêta.
l'écrivain, qui n'a pas signé — , » me
« C'est ici dit Cagliostro, et, —
tempête.
comme prononçait ce mot, la portière s'ou-
il
Cagliostro et la
vrit d'elle-même, le marchepied se baissa
« Au
milieu des premiers symptômes de sans que personne y mil la main ; je descen-
la révolution, on parlait autant, à Paris, de dis le premier, non sans émotion.
Cagliostro, de Mesmer, de Swedenborg el du « L'espace, autant que je pouvais le dis-
comte de Saint-Germain, que de l'assemblée tinguer, était vaste, el, dans tout ce vide noir
des notables qui venait d'avoir lieu , et de que j'avais devant moi, il me sembla qu'un
l'assemblée des états-généraux qu'on allait seul bâtiment s'élevait... El nous y touchions.
bientôt avoir. « Pendant que nous étions en voiture, j'a-
» Les philosophes de l'école de Voltaire vais entendu quelques rafales de vent; quand
et de Rousseau étaient fort répandus dans la j'eus mis pied à terre, je sentis qu'il en fai-
société; chaque grand seigneur en avait un sait beaucoup, et je m'enveloppai dans mon
chez lui, qu'il nourrissait et hébergeait. Dans manteau.
toutes les familles les Cabanis, les d'Holbach, — « Vous aurez moins froid ici , » me dit
les Hi'lvélius, les Raynal, les Diderot, étaient mon guide.
devenus intimes. Les aventuriers el les im- » Et comme il parlait, une porte s'ouvrit
posteurs avaient beau jeu. Aussi Cagliostro sans bruit.
faisait- il fureur; tout le monde se le dispu- » Alors je vis autre chose que le noir de la
tait. Le marquis de Choiseul-Beaupré, menin nuit. L'intérieur de la maison ou de la bara-
de M. le dauphin , l'ayant rencontré chez que, de la grange ou de la chapelle où Ca-
madame la duchesse de Grammont, et l'ayant gliostro me commandait d'entrer, était fai-
entendu assurer qu'il avait le pouvoir d'évo- blement éclairé par une lumière qui me sem-
quer les morts, il avait pris le magicien à part, blait à une grande distance du seuil; celte
et lui avait dit à l'oreille qu'il désirait voir lumière bleuâtre et vacillante était à une
sa femme, qui venait de mourir à vingt ans. certaine hauteur du sol. Par instant, el com-
> —
Vous la verrez , avait répondu Ca- me par bouffées, sa lueur, se ravivant, lais-
gliostro; séquestrez-vous du monde, restez sait voir un autel mortuaire, entouré de plu-
chez vous, jeûnez et priez , et, dans trois sieurs cercueils, el tout à coup ces objets lu-
nuits, j'irai vous prendre à votre hôtel. gubres disparaissaient dans les ombres.
» Je lui donnai mon adresse , dit M. de » J'avais fait une vingtaine de pas en avan-
Choiseul , dont le récit a été recueilli dans çant du côlé de la lumière, quand un coup
une lettre du comte de Motteville; et ef- — de vent , plus bruyant que tous ceux qui
fectivement, la troisième nuit, Cagliostro avaient soufflé depuis une heure, ébranla ré-
vint vers les onze heures. difice où nous nous trouvions.
» Il dut me trouver pâle et faible car, sans ;
— « Cette tourmente va passer, » dilCaglio-
ajouter beaucoup de foi à ce qu'on m'avait slro.
raconté de lui j'avais cependant obéi à son
,
» II se trompait, clic ne fît que redoubler
ordonnance; depuis trois jours, je n'étais pas de furie. Bientôt le tonnerre se mêla à la tem-
sorti de chez moi, j'avais jeûné el prié de mon pête. Jamais de ma vie je n'avais entendu
mieux, Quand je le vis entrer dans mon salon, d'ouragan rugir de la sorte. En ce moment
je sonnai pour faire avancer ma voilure; j'acquis la cerlilude que le bâtiment, qui nous
mais il me dit : abritait encore, n'était pas de pierres, mais
» — M.
marquis , c'est inutile , la
le simplement construit en planches il cra-
;

niioniic est à voire porte, et si vous le pcr- quait de toutes parts, et le vent, passant
niellez, c'est elle qui nous conduira où nous dans les jointures de ces murs de sapin, sou-
devons aller. levait les tentures noires qui drapaient l'in-
» — Est-ce loin? demandai-je. térieur.
» — Je ne sais, mes chevaux s'arrêteront » Cagliostro, voyant que la lampe allait
où ils (îcivcnf «'arrêter. s'éteindre, venait d'allumer une torche; à sa
ftiv CAl CAL 398

ftaiiimc agilée et rougcâlrc, je distingnal lû's filles, Aciima et Lébuda, voulut unir Gain
télt'S (le morl et des ossemenls croisés, tran- avec Lébuda, et Aciima avec Abcl. Or, Ca'in
chant en blanc sur les draperies funèbres. élait épris d'Aclima. Adam, pour mettre ses
Tous ces emblèmes, loules ces figures du sé- fils d'accord leur proposa un sacrifice ; et
,

pulcre , soulevées , abaissées par le vent , comme on le sait l'offrande de C'iïn fut re-
,

avaient quelque chose d'effrayant on eût : jctée. Il ne voulut pourtant pas céder Aciima;
ditune autre danse macabre. il résolut, pour l'avoir plus sûrement, de tuer


« Nous ferions mieux de remettre à un son frère Abel ; mais il ne savait comment s'y
autre jour la vision, » dis-je à l'homme qui prendre. Le diable, qui l'épiait, se chargea
m'avait promis d'intervertir pour moi l'ordre de lui donner une leçon. Il prit un oiseau
de la nature. qu'il posa sur une pierre, et avec une autre
— « Non, dit-il, je vais conjurer l'orage ;
pierre il lui écrasa la léle. Caïn, bien instruit
il cessera bientôt. » alors, épia le moment oij Abel dormait, el lui
» Il n'avait pas achevé ces paroles, que laissa tomber une grosse pierre sur le front.
l'ouragan, plus furieux, plus rugissant, plus A la suite de ce crime, disent les mêmes doc-
terrible que jamais, enfonça toute une des teurs, il se trouva dans un autre embarras;
parties latérales et la légère charpente de la
; il ne savait que faire du corps. Il l'enveloppa

couverture, n'étant plus soutenue que d'un dans une peau de bête, el l'emporta sur ses
côté, s'écroula sur l'autel mortuaire et sur épaules pendant quarante jours. L'infection
les cercueils qui l'environnaient. A cet in- l'obligea à la fin de déposer son fardeau, qu'il
stant, Caglioslro, effrayé, s'écria : enterra; après quoi, il mena une vie errante
— Sauvons-nous. »
« et vagabonde, jusqu'à ce qu'il fût tué par un
» Et je fis bien de suivre ce conseil ; car, de ses petits-fils, qui, ayant la vue courte, le
à peine étais-je sorti, que tout le frêle édifice prit pour une bête fauve...
fut renversé. II y a eu , dans le deuxième siècle , une
» Cagliostro, honteux de n'avoir pu faire secte d'hommes effroyables qui glorifiaient le
cesser la tourmente , s'étant élancé avant crime et qu'on a appelés caïnites. Ces misé-
moi , hors du sanctuaire de ses évocations rables avaient une grande vénération pour
avait dit à son cocher : « Vous conduirez — Gain, pour les horribles habitants de Sodome,
la personne que vous avez amenée ici avec pour Judas et pour d'autres scélérats. Ils
moi, où elle vous le dira; » puis il avait dis- avaient un évangile de Judas, et mettaient la
paru. Je le cherchais, quand le cocher m'ap- perfection à coaimetlre sans honte les actions
prit l'ordre qu'il venait de recevoir. Alors, je les plus infâmes.
montai en voiture, et à deux heures du ma- Les mêmes hérétiques avaient aussi, on ne
tin, j étais de retour chez moi... sait comment, ni dans quel but, un livre
» Je dormis peu dès qu'il fit jour, j'ordon-
; apocryphe de l'Ascension de sainl Paul, con-
nai mettre mes chevaux à la voilure et
(le , tenant tout le voyage de saint Paul dans le
de prendre le chemin de la plaine des Sa- ciel, avec le détail de ce qu'il y avait vu...
blons. Quand j'y arrivai, on commençait à CAINAN. On attribue à Caïnan, fils d'Ar-
voir un peu; ce fut en vain que je cherchai phaxad, la conservation d'un traité d'Astro-
des débris de la baraque funèbre ; après nomie, qu'il trouva gravé sur deux colonnes
avoir parcouru la plaine dans tous les sens, par les enfants de Seth, ouvrage antédiluvien
j'ai acquis la certitude que ce n'était pas là qu'il transcrivit. On prétend aussi que Gaï-
qu'elle avait élé construite. J'allai aux envi- nan découvrit encore d'autres ouvrages écrits
rons de Grenelle et, là encore, je ne trouvai par les géants, lesquels ouvrages ne sont pas
rien. venus jusqu'à nous (1).
» Je racontai tout cela à un adepte ardent GAIÙMARATH ou KAID-MORDS. Le pre-
de Cagliostro; ce crédule disciple de l'aven- mier homme selon les Persans. Voy. Bouikds-
turier me dit : CHESCH.
— bien dommage que l'ouragan ait
« C'est GALA (Charles), Galabrois qui écrivait au
snuiné celte nuit-là; sans la tourmente, no- dix-septième siècle. On recherche son Mé-
tre maître à tous vous aurait fait voir que la moire sur l'apparition des croix prodigieu-
mort lui obéit. » ses (2), imprimé à Naples en IGGl.
» Quelques semaines après cette mystifica- CALAMITÉS. On a souvent attribué aux
tion, Cagliostro élait chez la duchesse de démons ou à malice des sorciers les cala-
la
Gramniont, quand on y annonça le marquis mités publiques. Pierre Delancre dit que Icsj
de Ciioiseul. A ce nom, il disparut comme si calamités des bonnes âmes sont les joies et
un autre ouragan l'emportait. » les festoiemcnts des démons pipeurs (3). •

CAGOrS, individus des Pyrénées qui y sont CALAYA. Le troisième des cinq paradis
des sortes de parias. Les autres habitants les indiens. Là réside Isora ou Eswara, toujours
évitent comme gens maudits. Ce sont, dit-on, à cheval sur un bœuf. Les moris fidèles le
des restes de la race des Goihs, appelés Cd- servent; les uns le rafraîchissant avec des
Gotlis, en abréviation de canes Gotiti, chiens éventails, d'autres portant devant lui la chan-
de Goths. delle pour l'éclairer la nuit. Il en est qui lui
GAIN. Les musulmans et les rabbins dirent présentent des crachoirs d'argent quand il
qu'Eve ayant deux fils, Caïn et Abel, et deux veut expectorer.
(I) Syncclli Chronn|;r;iplii:p, p. 80. Tjl)leau de riiiconsiance des mauvais anges, elc,
|2) Mi'niorie liisinriclm ili'll'a|i|iarllione (ielle croci | ro- liv. l>.
iJ.
di^iose dj (jrlo Cala. lii-i°. lii Njpoli, tOGl.

•Dictions des sciences occiltk:. 1. iO


?09 DICTIONNAIRL OES SCIENCKS OCCULTES. -00

CALCEUAND ROCIIEZ. Pondant que Hu- vants les plus laborieux cl les plus utiles du
gues de Moncadc était vice-roi de Sicile pour dernier siècle, mort en 1757, dans son ab-
le roi Ferdinand d'Aragon, un gentilhomme b.iye de Senoncs. Voltaire même mit ces qua-
espagnol, nommé Calccrand-Rochcz, eut une tre vers au bas de son portrait :

vision. Sa maison était située près du port de


Palerme. Une nuit qu'il ne dormait pas, il Des oracles sacrés que Dieu daigna nous rendre
Son travail assidu perça l'ohscurilé;
crut entendre des hommes qui cheminaient Il (il plus, il les crul avec siiupliciié,
et faisaient grand bruit dans sa hasse-cour; El l'ut, par ses vertus, digne de les entendre.
ilse leva, ouvrit la fenêtre, et vit, à la clarté
du crépuscule, des soldats et des gens de pied Nous le citons ici pour sa Dissertation sur les
en bon ordre, suivis de piqu-eurs; après eux, apparitions des anges, des démons et des es-
venaient des gens de cheval divisés en esca- prits, et sur les revenants et vampires de Hon-
drons, se dirigeant vers la maison du vice- grie, de Bohême, de Moravie et de Silésie, in-i2,
roi. Le lendemain, Cnlccrand conta le tout à Paris, 1746. La meilleure édition est de 1751;
RIoncade, qui n'en tint compte ; cependant, Paris 2 vol. in-12. Ce livre est fait avec
,

peu après , le roi Ferdinand mourut, et ceux bonne foi ; l'auteur est peut-être trop crédule,
de Palerme se révoltèrent. Cette sédition, il admet facilement les vampires. Il est vrai

dont la vision susdite donnait clair présage, qu'il rapporte ce qui est contraire à ses idées
ne fut apaisée que par les soins de Charles avec autant de candeur que ce qui leur est
d'Autriche (Charles-Quint) (t). favorable. Voy. Vampires.
CALCHAS , fameux devin de l'antiquité, CALUNDRONIUS, pierre magique dont on
qui prédit aux Grecs que le siège de Troie ne désigne ni la couleur ni la forme, mais
durerait dix ans , et qui exigea le sacrifice qui a la vertu d'éloigner les esprits malins,
dlphigénie. Apollon lui avait donné la con- de résister aux enchantements de donnera ,

naissancedu passé, du présent cl de l'avenir. celui qui la porte l'avantage sur ses ennemis,
Il serait curieux de savoir s'il aurait prédit et de chasser l'humeur noire.
aussi la prise de la Bastille. Sa destinée était CALVIN (Jean), l'un des chefs de la ré-
de mourir lorsqu'il aurait trouvé un devin forme prétendue , né à Noyon en 1509. Ce ,

plus sorcier que lui. Il mourut en effet de dé- fanatique , qui se vantait comme les autres ,

pit, pour n'avoir pas su deviner les énigmes prolestants d'apporter aux hommes la li-
,

de Mopsus. berté d'examen , et qui fit brûler Michel Ser-


CALEGUEJERS.I.es plus redoutables d'en- vet , son ami, parce qu'il différait d'opinion
tre les génies chez les indiens. Us sont de avec lui, n'était pas seulement hérétique, on
taille gigantesque , et habitent ordinaire- l'accuse encore d'avoir été magicien. « Il fai-
ment le patala ou l'enfer. sait des prodiges à l'aide du diable qui, quel-
CALENDRIER. L'ancien calendrier des quefois ne le servait pas bien car un jour il :

païens se rattachait au culte des astres; et voulut donner à croire qu'il ressuscitait un
presque toujours il était rédigé par des as- homme qui n'était pas mort et, après qu'il ;

trologues. eut fait ses conjurations sur le compère, lors-


Ce serait peut-être ici l'occasion de parler qu'il lui ordonna de se lever, celui-ci n'en fit
du Calendrier des bergers de VAlmanncli du
, rien, et on trouva qu'icelui compère était
bon laboureur, liu Messager boiteux deBdleen mort tout de bon , pour avoir voulu jouer
Suisse, et de cent autres recueils où l'on voit cette mauvaise comédie (3). » Quelques-uns
exactement marqués les jours où il fuit bon ajoutent que Calvin fut étranglé par le dia-
rogner ses ongles et prendre médecine; mais b.e il ne l'aurait pas volé.
;

ces détails mèneraient trop loin. Voy. Alma- En son jeune âge Calvin avait joué la co-
,

MACH. médie et fait des tours d'escamotage.


CALI, reine des démons et sultane de l'en- CAMBIONS. Enfants des démons. Delancre
fer indien. On
représente tout à fait noire,
la et Bodin pensent que les démons incubes
avec un collier de crânes d'or. On lui offrait peuvent s'unir aux démons succubes, et qu'il
autrefois des victimes humaines. naît de leur commerce dts enfants hideux
CALICE DU SABBAT. On voit, dans Pierre qu'on nomme comblons, lesquels sont beau-
Delancre , que lorsque les prêtres sorciers coup plus pesants que les autres, ava-
disent la messe au sabbat, ils se servent d'une lent tout sans être plus gras, et tariraient
hostie et d'un calice noirs, et qu'à l'élévation trois nourrices qu'ils n'en profiteraient pas
ils disent ces mots Corbeau noir i corbeau
: mieux [h). Luiher, qui élait très-superstitieux,
noir! invoquant le diable. dit dans ses Colloques que ces enfants-là ne
CALIGULA. On prétend qu'il fut empoi- vivent que sept ans ; il raconte qu'il en vit
sonné ou assassiné par sa femme. Suétone un qui criait dès qu'on le touchait et qui ,

dit qu'il apparut plusieurs fois après sa mort, ne riait que quand il arrivait dans la maison
et que sa maison fut infestée de monstres et quelque chose de sinistre.
dje spectres , jusqu'à ce ((u'on lui eût rendu Muïole rapporte qu'un mendiant galicien
les honneurs funèbres (2). excitait la pilié publique avec un cambion ;
CALMET (DoM Augustin), bénédictin de la qu'un jour un cavalier, voyant ce gueux très-
congrégation de Suiut-Vanues , l'un des sa- embarrassé pour passer un fleuve, prii par ,

compassion , le petit enfant sur son cheval,


(1) I.plnyer, Disc, cl hist. des spectres, p. 272.
(2) Delaiidine , Kiiler des peuples anciens , cb. ii (5) Bognet, Discours des sorciers, ch. xvm.
p. 3lt!. Dulancre, L'iiicouiianco desdûmous, elc., liv. VI, [i) Delancre, Talileau de riiiioastauce des démons,
p. iGl. (iv. III, la lin Ujtiiir, Dcuionomauic, liv. Il, cli. vu.
il
SOI CAM CAN 502
mais lourd que le cheval
qu'il était si pliait mais de peu de jugement, né dans un bourg
sous le poids. Peu de temps après , le men- de la Calabre en 15C8. Tout jeune, il rencon-
diant, étanl pris, avoua que c'était un petit de tra, dit-on un rabbin qui l'initia dans les
,
démon qu'il portait ainsi, et que cet alîreux secrets de l'alchimie, et qui lui apprit tou-
marmot, depuis qu'il le traînait avec lui, sciences en quinze jours , au moven
tes les
avait toujours agi de telle sorte que personne de l'Art Notoire.
ne lui refusait l'aumône (1). Avec ces connaissances, Campanella, en-
CAMÉLÉON. Démocrite , au rapport de tré dans l'ordre des dominicains, se mit
à
Pline, avait fait un livre spécial sur les su- combattre la doctrine d'Arislote , alors en
perstitions auxquelles le caméléon a donne grande faveur. Ceux qu'il attaqua l'accusè-
lieu. Un
plaideur était sûr de gagner son pro- rent de magie ; et il fut obligé de s'enfuir de
cès, portait avec lui la langue d'un ca-
s'il Naples. On s'empara de ses cahiers ; l'inqui-
méléon arrachée à l'animal pendant qu'il sition y trouvant des choses répréhensibles.
vivait. condamna l'auteur à la retraite dans un cou-
On faisait tonner et pleuvoir en brûlant vent: notez que c'était l'inquisition d'Etal et
la léle et le gosier d'un caméléon sur un feu que la vraie cause qui lui fît imposer le si-
de bois de chêne, ou bien en rôtissant son lence dans une sorte de séquestration , fut
foie sur une tuile rouge. Boguel n'a pas man- une juste critique qu'il avait faite, dans son
qué de remarquer celte merveille , dans le Traité de la monarchie espagnole, des torts
chapitre 23 de ses Discours des sorciers. graves de cette nation, dominée alors par
L'œil droit d'un caméléon vivant, arraché un immense orgueil. Il sortit de sa retraite
et mis dans du lait de chèvre, formait un ca- par ordre du pape, en 1620, et vint à Paris,
taplasme qui faisait tomber les taies des yeux. où il mourut chez les jacobinsde la rue saint
Sa queue arrêtait le cours des rivières. On se Honoré, le 21 mai 1639.
guérissait de toute frayeur en portant sur On a dit qu'il avait prédit l'époque de sa
soi sa mâchoire, etc. mort.
Des curieux assurent encore que cette es- Nous ne citerons de ses ouvrages que ses
pèce de lézard ne se nourrit que de vent. quatre livres Du sens des choses et de la ma-
Àlais il est constant qu'il mange des insoctcs; gie (7), et ses six livres ^'astrologie (8); l'au-
et comment aurait-il un estomac et tous les teur, qui faisait cas de cette science, s'effor-
organes de la digestion , s'il n'avait pas be- ce d'accorder les idées astrologiques avec la
soin de digérer? Comment encore, s'il ne doctrine de saint Thomas.
mange pas , produit-il des excréments, dont CAMPETTI, hydroscope, qui renouvela, à
les anciens faisaient un remède magique pour la fin du dernier
siècle, les merveilles de la
nuire à leurs ennemis? baguette divinatoire. 11 était né dans le Ty-
La couleur du caméléon paraît varier con- rol. Mais il a fait moins de bruit que Jacques
tinuellement , selon la rélluxiim des rayons Aymar. Au lieu de baguette pour découvrir
du soleil et la position où l'animal se trouve les sources, les trésors cachés et les traces de
par rapport à ceux qui le regardent : c'est vol ou de meurtre, il se servait d'un petit
ce qui l'a fait comparer à l'homme de cour. pendule formé d'un morceau de pyrite, ou
— Delancre dit d'un autre côté que le ca -
,
,
de quelque autre susbstance métallique sus-
méléon est l'emblème des sorciers, et qu'on pendue à un fil qu'il tenait à la main. Ses
en trouve toujours dans les lieux oiî s'est épreuves n'ont pas eu de suites.
tenu le sabbat. CAMUZ (Philippe), romancier espagnol
du seizième siècle. On lui attribue la Vie de
CAMÉRARIUS (Joachim), savant allemand
Rubert-le-Diable (9), qui fait maintenant par-
du seizième siècle. On recherche son traité
tie de la Bibliothèque Bleue.
De la nature et des affections des démons
et son Commentaire sur les divinations (3).
(2)
CANATE , montagne d'Espagne fameu.'^e ,

dans les anciennes chroniques ; il y avait au


Nous indiquerons aussi de Barihélemi Ca-
pied une caverne où les mauvais génies fai-
merario, Bénéventin, mort en l'ÔQï, un livre
saient leur résidence, et les chevaliers qui
sur le feu du purgatoire (4) ; les Centuries de
s'en approchaient étaient sûrs d'être enchan>
Jean-Rodolphe Camérarius, médecin alle-
tés s'il ne leur arrivait pas pis.
mand du dix-septième siècle, «ur /m /joroscopes
et l'astrologie (o), et le fatras du même auteur CANCER OU L'ECREVISSE, l'un des si-
sur merveilleux de la nature (6).
les secrets gncs du zodiaque. Voy. Horoscope.
Ënnn,Elie Camérarius, autre rêveur de CANG-HY, dieu des cieux inférieurs, cluz
Tubingue a écrit en faveur de la magie et
, les Chinois. Il a pouvoir de vie et de mort.
des apparitions, des livres que nous ne con- Trois esprits subalternes sont ses minislre.s:
naissons pas. Tankwam,qui pré.side à l'air, dispense la
CAMPANliLLA (Thomas), homme d'esprit, pluie ; Tsuikwam, qui gouverne la miT el
(1) Boguct, Discours des sorciers, rli. xiv. L'édition ln-8° de Tubingue, 1685, est augmentée et con-
(2) De naliira et aflecUoiiibus daemouiim libri duo. Liu- tient XX centuries.
siœ, 1576 In-8°.
(7) De sensu rerum et magia libri IV, etc. Id-4". Franc-
(3) Commentarius de gcneribus divinalionum, ac griBCis
fort, 1620.
lalinisqiie cariim vocabiilis. I.ipsiae, 1576. Iii-8°.
(4) De purgalorio igné. Itornse, 13"i7. (8) Aslrologlcorum libri VI. In-i". Lyon, 1629. L'édition
(3) Horarum ii^italium cenUiriae II pro cerlitudine as- du Francfort, 1630, est plus recliorcliée, parce qu'elle
Irologiae. In-4°. Francfoit, 1607 el 1610. conUeul nn sopllèiiclivrciutiliilé: De falo siilerali vitando.
(6) Sylloge memorahilinin mediciiia; et mirabilinm iia- (0) La Vida de Uuberto el Diablo, etc. In-folio. Sivillc,
lurae arcanorum ceutiiiiae Xll. In-Il ,Sira.s!;ourg, IGit. iC23.
5<'5 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. r.oi

leseaux, envoie les veiils cl les orages ; repoussait. Ayant rcconiiu que celle fcninn"
Tcikwam, qui préside à la terre , surveille était sanguine, Capperon conclut qu'il
fort
l'agriculUire et se mêle des
batailles. une saignée, avec la précau-
fallait lui faire
CANICULE, constellation qui doit son nom tion de lui en cacher le motif; ce qui ayant
à l'étoile Syrius ou le chien, et qui doiriine éié exécuté. L'apparition s'évanouit.
dans le temps des grandes chaleurs. Les Ro- Tous les traits qu'il rapporte, et tous ses
mains persuadés de la malignité de ses in-
,
raisonnements, prouvent que les vapeurs ou
un chien
fluences, lui sacrifiaient tous les ans l'imagination troublée sont la cause de la
roux. Une opinion populaire exclut
vieille plupart des visions. Il admet les visions rap-
les remèdes pondant cette saison, et remet à portées dans les livres saints; mais il re-
la nature la guérison de toutes les maladies. pousse les autres assez généralement. Il
C'est aussi une croyance encore répandue, parle encore d'une autre femme à qui un es-
mais dénuée de fondement, qu'il est dange- prit venait tirer toutes les nuits la couver-
reux de se baigner dans la canicule. ture. Il lui donna de
en lui disant d'en
l'eau,
CANIDIA, magicienne dont parle Horace; asperger son lit et ajoutant que cette eau,
,

elle enchantait et envoûtait avec des figures pirticulièrement bénite contre les revenants,
de cire, et par ses conjurations magiiiucs
,
la délivrerait de sa vision. Ce n'était que do
forçait la lune à descendre du ciel. l'eau ordinaire; mais l'imagination de la
GANTERMK nom que donnaient les an-
, vieille femme se rassura parce petit strata-
ciens à certains enchantements et malé- gème, qu'elle ne soupr.onnait pas, et elle ne
fices vil plus rien.
GANTWEL (Anuré-Samuel-Michel), mort CAPRICORNE. L'un des signes du zodia-
iiililiothécairc des Invalides le 9 juillet 1802. que. Voy. Horoscopes.
Il est auteur d'un sot rom.in intitulé : le Clid- CAPUCIN. Ce sont les protoslants qui ont
leau d'Albert ou le Squelclle ambulant, 1709, mis à la mode ce stupide axiome supersti-
2 vol. in-18. tieux, que la rencontre d'un capucin était un
CAOUS. Les Orientaux donnent ce nom à mauvais présage. Un jour que l'abbé de Voi-
des génies malfaisants qui habitent les ca- senon était allé à la chasse sur un terrain
vernes du Caucase. très giboyeux, il aperçut un capucin. Dès ce
CAPNOMANCIE, divination par la fumée. moment il ne tira plus un coup juste, et
Li s anciens en faisaient souvent usage on : comme on se moquait de lui Vraiment, : —
brûlait de la verveine et d'autres plantes sa- messieurs, dit-il, vous en parlez fort à votre
crées on observait la fumée de ce feu, les
: aise; vous n'avez pas rencontré un capu-
figures et la direction qu'elle prenait, pour cin (1).
en tirer des présages. CAQUEUX ou CACOUX. Les cordicrs
On distinguait deux sortes de capnoman- nommés caqueux ou cacoux, en Rretagne,
cie : l'une qui se pratiquait en jetant sur des sont relégués dans certains cantons du pays
charbons ardents des grains de jasmin ou de comme des espèces de parias ou les cvile; ;

pavot, et en observant la fumée qui en sor- ils inspirent môme de l'horreur, parce (jui's
tait ; l'autre, qui était la plus usitée, se pra- font des cordes autrefois instruments de
,

tiquait par la méthode que nous avons in- mort et d'esclavage. Us ne s'alliaient jadis
diquée. Elle consistait aussi à examiner la «lu'entre eux et l'entrée des églises-leur
,

fumée des sacrifices. Quand cette fumée était était interdite. Ce préjugé commence à .'e
légère et pou épaisse, c'était bon augure. Oii dissiper; cependant ils passent encoie pour
respirait même cette fumée; et l'on pensait sorciers. Ils profilent de ce renom ; ils ven-
qu'elle donnait des inspirations. dent des talismans qui rendent invulnéra-
CAPPAUTAS, grosse pierre brute qui, ble, des sachets à l'aide desquels on est in-
dans les croyances populaires, guérissait vincible à la Julie; ils prédisent l'avenir;
de la frénésie ceux qui allaient s'y asseoir ;
on croit aussi qu'ils jettent de mauvais
elle se trouvait à trois stades do Gythcum eu vents.
Lncnnie. On les disait, au quinzième sièc'.e, juifs
GAPPEUON. doyen de Sainl-Mjixant. 11 d'origine, et séparés par la lèpre du reste des
publia, dans le Mercure de 1726, une lettre hommes. Le duc de Bretagne, François II,
sur les fausses apparitions, que Lenglet-Du- leur avait enjoint de porter une marque de
fresnoy a réimprimée dans son recueil. Il drap rouge sur un endroit apparent de leur
montre peu de crédulité et combat les faus- robe. On assure que le vendredi saint tous
ses apparitions avec des raisons assez bon- les caqueux versent du sang par le nombril.
nes. Il conte qu'un jour il fut consulic sur Néanmoins on ne fuit plus devant les cor-
une femme qui disait voir chaque jour, à diers ; mais on ne s'allie pas encore aisé-
midi, un esprit en figure d'Iijomme, velu de ment avec leurs familles (2). N'est-ce pas ici
gris, avec des boulons jaunes, lequel la mal- la même origine que celle des cagolhs? Voy.
tiailail fort, lui donnant même de grands ce mot.
soufflets ; ce qui paraissait d'autant plus cer- CARABIA ou DECARABIA. Démon peu
tain qu'une voisine prolestait qu'ayant mis connu, quoiqu'il jouisse d'un grand pouvoir
sa main contre la joue de cette femme dans au soiniirc empire. Il est roi d'une partie de
le temps qu'elle se (lisait maltrailéc, elle l'enfer, et comte d'une autre province con-
avait scnîi quchjuc chose d'invi->ible qui la sidérable. Il se présente sous l.i figure d'une
(1* M. Salguc», Des erreurs ut des préjugés, elc, l. I, (2) Oiinliiv, Voy.iye iJaiis lo FiiiislèrL-, l. !11, p liij;
p. iiOU. l I. (W.
SOS cm CAR 506
éloilc à cinq rayons. Il conn.iîl les vcrlus des Il dans le livre 8 de la Variété des
dit,
planlcs et des pierres précieuses; il domine choses , qu'il tombait en extase quand il vou-
sur les oiseaux, qu'il rend familiers. Trente lait, et qu'alors son âme voyageait hors do
légions sont à ses ordres (1). son corps, qui demeurait impassible etcomnie
CARACALLA. L'empereur Caracalla ve- inanimé. —
Il prétendait avoir deux âmes,

nait d'être lue par un soldat. Au moment où l'une qui le portait au bien et à la science,
l'on n'en savait encore rien à Rome, on vil l'autre qui l'entraînait au mal et à labrulis •

un diable en forme humaine qui menait un sèment.


âne, tantôt au Capilole, tantôt au palais de il assure que, dans sa jeunesse, il voyait

l'Empereur, en disant tout haut qu'il cher- clair au milieu des ténèbres; que l'âge affai-
chait un maître. On lui demanda s'il cher- blit en lui cette faculté que cependant quoi-
:

chait Caracalla il répondit que celui-là était


;
que vieux, il voyait encore en s'éveillant au
mort, sur quoi il fut pris pour être envoyé à milieu de la nuit, mais moins parfaitement
l'Empereur, et il dit ces mots «Je m'en vais :
que dans son âge tendre. 11 avait cela de
donc, pu squ'il le faut, non à l'empereur que coirimun, disait-il, avec l'empereur Tibère ;
vous pensez, mais à un autre » et là-dessus il aurait pu dire aussi avec les hiboux.
;

on le conduisit de Rome à Capoue, où il dis- Il donnait dans l'alchimie, et on reconnaît

parut, sans qu'on ait jamais su ce qu'il de- dans ses ouvrages, qu'il croyait à la cabale
vint (2). et qu'il faiuail grand cas des secrets cabalis-
CARACTÈRES. La plupart des talismans tiques. Il dit quelque part que, la nuit du lî
doivent leurs vertus à des caractères sacrés au 14 août 1491, sept démons ou esprits élé-
que les anciens regardaient comme de sûrs mentaires de haute stature apparurent à Fa-
préservatifs. Le fameux anneau de Salomon, zio Cardan, son père ( presque aussi fou que
qui soumit les génies à la volonté de ce roi lui ), ayant l'air de gens de quarante ans,

magicien, devait toute sa force à des carac- vêtus de soie, avec des capes à la grecque,
tères cabalistiques. Origène condamnait chez des chaussures rouges et des pourpoints cra-
quelques-uns des premiers chrétiens l'usage moisis; qu'ils se dirent hommes aériens, as-
de certaines plaques de cuivre ou d'élain surant qu'ils naissaient et mouraient; qu'il*
chargées de caractères, qu'il appelle des res- vivaient trois cents ans; qu'ils approchaient
tes de l'idolâtrie. VEnchiridion du pape beaucoup plus de la nature divine que les
Léon III, le Dragon Rouge, les Clavicules de habilanls de la terre mais qu'il y avait néan-
;

Salomon, indiquent dans tous leurs secrets moins entre eux et Dieu une distance infinie.
magiques des caractères incompréhensibles, Ces hommes aériens étaient sans doute des
tracés dans des triangles ou dans des cer- sylphes.
cles, commodes moyens puissants et certains Il se vantait d'avoir, comme Socratc, un
pour l'évocation des esprits. démon familier, qu'il plaçait entre les sub-
stances humaines et la nature divine, et qui
Souvent aussi des sorciers se sont servis
se communiquait à lui par les songes. Ce dé-
de papiers sur lesquels ils avaient écrit avec
mon était encore un esprit élémentaire car,, ;

du sang des caractères indéchiffrables et ;


dans le dialogue intitulé Telim, et dans li^
ces pièces, produites dans les procédures,
traité De W AU que son dé-
libris propriis ,
ont été admises en preuve de maléfices jetés.
mon familier de la nature de Mercure
tient
Nous avons dit quel était le pouvoirdes mots et de celle de Saturne. On sent bien qu'il s'a-
agla, abracadabra, etc. Voy. Talismans.
git ici des planètes. 11 avoue ensuite qu'il
CARDAN (JÉRÔME ). Médecin, aslrolo!,'ue doit tous ses talents, sa vaste érudition et
rt visionnaire, né à Pavie en 1301, mort à ses plus heureuses idées à son démon. Tous
Rome en 1S7(). Il nous a laissé une histo re ses panégyristes, en faisant son éloge, ont
de sa vie, où il avoue sans pudeur tout ce fait la part de sou démon familier, ce qu'il est
qui peut tourner à sa honte. 11 se créa beau- bon de nm
n quer pour l'honneur des esprits.
coup d'ennemis par ses mœurs; du reste, ce Cardan assurait aussi que son père avait été
fut un des hommes habiles de son temps. Il servi trente ans par un esprit familier.
filfaire des pas aux matliématiques, et il pa- Comme ses connaissances en astrologie
raît qu'il était savant médecin; mais il avait étaient grandes , il prédit à Edouard VI, roi
une imagination presque toujours délirante, d'Angleterre, plus de cinquante ans de rè-
cl on l'a souvent excusé en disant qu'il était gne, d'après les règles de l'art. Mais par mal-
fou. heur Edouard VI mourut à seize ans.
Il rapporte, dans le livre De vita propria, Ces mêmes règles lui avaient fait voir clai-
que, quand la nature ne lui faisait pas sen- rement qu'il ne vivrait que quarante-cinq
tir quelque douleur, il s'en procurait lui- ans. Il régla sa fortune en conséquence; ce
même en se mordant les lèvres, ou en se ti- qui l'incommoda fort le reste de sa vie. Quand
raillant les doigts jusqu'à ce qu'il en pleu- il dut avouer s'être trompé dans ses calculs,
rât, parce que s'il lui arrivait d'être sans il reQt son thème, et trouva qu'au moins il
douleur, il ressentait des saillies et dos im- ne passerait pas la soixante-quinzième an-
pétuosités si violentes, qu'elles lui étaient née. La nature s'obstina encore à démentir
plus insupportables que la douleur même. l'astrologie. Alors, pour soutenir sa réputa-
D'ailleurs, il aimait lo mil physique à cause tion, et ne pas supporter davantage la honte
du pliàsir qu'il éprouvait ensuite quand ce d'un démenti (car il pensait que l'art est in-
mal cessait. faillible cl que lui seul avait pu se troni.pcr),
(1) Wicrus, iu rsuudomonarcliia dsem. (-2) Leloyer, Hist. et dise, des spectres, llv. 111, th. xvi.
607 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 503

on assure que Cardan se laissa mourir Je calier de la chaire et lui annonça qu'il irait
taitn. le voir dans trois jours. D'autres disent que
a De tous les événements annoncés par les l'homme noir se tint devant lui le regardant
astrologues, jo n'en trouve qu'un seul qui d'un œil Oxe, à quelques pas de la chaire el
soit réellement arrivé tel qu'il avait été parmi les auditeurs. Ouoi qu'il en soit, Car-
prévu, dit un écrivain du d>'rnier siècle (1), loslad se troubla; il dépêcha son prêclie, et,
c'est la mort de Cardan, qu'il avait lui-même au sortir de la chaire, il demanda si l'on con-
prédite et Dxée à un jour marqué. Ce grand naissait l'homme noir qui en ce moment sor-
jour arriva Cardan se portait bien; mais il tait du temple. Mais personne que lui ne
:

fallait mourir ou avouer l'insuffisance et la l'avait vu. —


Cependant le même fantôme
vanité de son art; il ne balança pas ; et, se noir était allé à la maison de Carlostad el
sacriGant à la gloire des astres, il se tua lui- avait dit au plus jeune de ses Gis :

même ; il n'avait pas expliqué s'il périrait —Souviens-loi d'avertir ton père que je
par une maladie ou par un suicide. » reviendrai dans trois jours, et qu'il se tienne
Il faut rappeler, parmi les extravagances prêt...
astrologiques de Cardan qu'il avait dressé
,
Quandl'archidiadre rentra chez lui, son
l'horoscope de Notre-Seigncur Jésus-Christ, raconta celle aulre circonstance. Car-
(Ils lui

qu'il publia en Italie et en France. Il trou- lostad épouvanté se mit au lit, et trois jours
vait, dans la conjonction de Mars avec la après, le 25 décembre 1541, qui était la fête
Lune au signe de la Balance, le genre de de Noël, le diable, dit-on, lui tordit le cou.
mort de l'Homme-Dicu; et il voyait le ma- L'événement eut lieu dans la ville de Bàlc (5j.
liométisme dans la rencontre de Saturne CAIIMENTES, déesses tulélaires des en-
avec le Sagittaire, à l'époque de la naissance fants chez les anciens. Elles ont été rempla-
du Sauveur. placées par nos fées ; elles présiiiaicnt à la
En somme, Jérôme Cardan fut un homme naissance, chantaient l'horoscope du nou-
saperstilieux, qui avait plus d'imagination veau-né, lui faisaient un don, comme les fées
que de jugement. Ce qui est bizarre, c'est en Bretagne, el recevaient de petits présents
que, croyant à tout, il croyait mal aux seu- de la part des mères. Elles ne se montraient
les merveilles vraies, celles que l'Eglise ad- pas cependant on leur servait à dîner dans
;

met. On le poursuivit à la fois comme magi- une chambre isolée pendant les couches.
cien et comme impie... On donnait aussi, chez les Romains, le nom
Delancre dit qu'il avait été bien instruit en de carmentes (ou charmeuses) aux devineres-
la magie par son père, lequel avait eu trente ses célèbres; et l'une des plus fameuses pro-
ans un démon enfermé dans une cassette, et phétesses de l'Arcadie s'est nommée Carmen-
discourait avec ce démon sur toutes ses af- tie. On l'a mise dans le ci-devanl Olympe.
faires (2).
CARNAVAL. Voy. Mascarades.
On trouve donc des choses bizarres dans
CARNOET. Voy. Trou du château.
presque tous ses ouvrages, qui ont été re- CARNUS, devin d'Acarnanie, qui, ayant
cueillis en dix volumes in-folio, principale-
prédit de grands malheurs sous le lègnede
ment dans le livre de la Variété des choses, Codrus, fut tué à coups de flèches comme
de la Subtilité des démons, etc., et dans son
magicien. Apollon envoya la peste pour ven-
Traité des Songes (3). Foyez Métoposcopie.
ger sa mort.
CARENUS (Alexandre), auteur d'un Trai/^ CARON. —
La fable du batelier des enfers
de» songes (4-) publié à Padoue en 1575.
vint, dil-on, de Memphis, en Grèce. Fils de
CARLOSTAD (André Bodenstein de), — l'Erèbe et de la Nuit, il traversait le Cocyto
archidiacre de Svitlemberg, d'abord parti- el l'Achéron dans une barque étroite. Vieux
san, ensuite ennemi de Luther, mais toujours et avare, il n'y recevait que les ombres de
dissident comme lui. Il nia la présence réelle ceux qui avaient reçu sépulture el qui lui
la
de Noire-Seigneur Jésus-Christ dans l'eucha- payaient le passage. Nul mortel pendant sa
ristie, après avoir gagé avec Luther, le verre vie ne pouvait y entrer, à moins qu'un ra-
à la main, qu'il soutiendrait cette erreur. H meau d'or consacré à Proserpine ne lui servît
abolit la confession auriculaire, le précepte de sauf-conduit; et le pieux Enée eut besoin
du jeûne et l'abstinence des viandes. Il fut que la sibylle lui en fil présent lorsqu'il vou-
le premier prêtre qui se maria publique- lut pénétrer dans le royaume de Plulon. Long-
ment en Allemagne; il permit aux moines de temps avant le passage de ce prince, le no-
sortir de leurs monastères et do renoncer à cher infernal avait été exilé pendant un an
leurs vœux; il Gl de mauvais ouvrages, au- dans un lieu obscur du Tartare, pour avoir
jourd'hui méprisés de toutes les sectes, et reçu dans son baleau Hercule, qui ne s'était
voici ce qui lui arriva, selon le récit de Mos- pas muni du rameau.
Irovius : Mahomet, dans le Koran, chap. 28, a con-
Le jour que Carloslad prononça son der- fondu Caron avec Coré, que la terre englou-
nier prêche, un grand homme noir, à la Ggure tit lorsqu'il outrageait Moïse. L'Arabe Mu-
triste et décomposée, monta derrière lui l'es- tardi, dans son ouvrage sur l'Egyple, fait de

(1) Essai sur los superslilions, par M. L. G. In-11 Celte anecdote se trouve encore dans les écrits ilc
(5)
(i\ L'incrédulité el micréance, elc, Irailé 1", p. 13, Lullier, et dans un livre du dernier siècle, inliliilé : l-;i
cic. Baliylone démasquée, ou Entretiens de deux dames hol-
(3) Ilieronymus Carilanus , De Somniis. Bâie, 1583. laudaises sur la religion callioliiiue romaine, etc., p. 226;
éditioa de Pépie, rue St-Jacqucs, à Paris, 1727.
^4) Alex. Carcnus, DcSouiniis, in i". Palavii, 1575.
50'» CAR CAR 5»0

Caron un oncle du Icgislaleur des Hébreux, l'en empêchât. Mais enfin, le fils du roi étant
et, comme soutint toujours son parii avec
il
mort, soit que Caron le prît simplement pour
zèle, ce dernier, dit-il, lui apprit ralchimie le fils de quelque seigneur, soit que les ri-

et le secret du grand œuvre, avec lequel il chesses qu'il avait acquises enflassent son
amassa des sommes immenses. auilace, il arrêta le prince comme les autres,
Hérodote nous a indiqué l'opinion la plus prétendit avoir son droit; et, se moquant de
sûre : Caron fut d'abord un simple prêtre de toutes les raisons qu'on lui put alléguer, il
Vulcain, mais qui sut usurper en Egypte le jura que le fils du roi ne passerait pas le lac
s'il ne payait pas.
souverain pouvoir. Parvenu au faîte de la
» Les officiers qui accompagnaient le corps
grandeur, il voulut rendre son nom immor-
tel par un ouvrage qui pût attester, dans tous
mort, persuadés que le fils du roi devait être
les siècles, l'étendue de sa magniGcence. Le
exempt de toutes sortes d'impôts, et d'ailleurs
irrités par l'impudence d'un homme qu'ils
tribut qu'il imposa sur les inhumations lui
fournit des trésors qui facilitèrent sou des- traitaient de valet subalterne, coururent por-
sein. C'est à lui que l'on doit ce labyrinthe ter leurs plaintes au Pharaon. Ils lui repré-
égyptien, qui fut d'abord le palais qu'il se sentèrent que, depuis qu'il faisait lever un
plut à habiter, et qui passa ensuite, dans l'o- tribut sur les morts, quoiqu'il semblât que
pinion vulgaire, pour faire partie des en- leurs corps, n'étant plus de ce monde, ne
fers (1). devaient pas causer la misère de ceux qui y
restaient, cependant aucun Egyptien n'avait
Histoire populaire de Caron, tirée du second refusé de payer; et qu'en cela, comme en
voyage de Paul Lucas. toute autre chose, ils s'étaient toujours fait
« Le Kern, autrefois Achérusia, en
lac de un plaisir de contribuer à la gloire et aux
Egypte, dans les temps reculés,
était, dit-on, richesses de leur roi; mais que, dans l'occa-
beaucoup plus grand qu'il n'est aujourd'hui. sion présente, ils seraient coupables de se
Alors les Pharaons avaient près de là une taire, et qu'il n'était pas supportable qu'un
grande ville où ils faisaient lenr résidence. officier qui portail l'insolence jusqu'à refuser
Une femme de cette ville, se promenant un le passage au fils du souverain, et à maltrai-
jour sur les bords du lac, y vit une vache qui ter les premiers officiers de la couronne, de-
venait de mettre bas son veau. Cette femme meurât impuni.
n'avait point d'enfants la réflexion qu'elle
: » Le Pharaon, qui n'avait rien compris
fit sur la stérilité dont elle était affligée, pen- dans le discours de ses officiers, parce qu'il
dant que tant de brutes faisaient tous les n'avait jamais entendu parler de Caron, fut
jours des petits, l'entraîna dans une espèce fort surpris lorsqu'on lui expliqua quel était
de fureur; elle éclata en injures contre la cet homme et de quelle nature était l'impôt
vache, qui ne s'en inquiéta point, et contre exigé. Il s'écria qu'il n'avait jamais donné
les dieux, à qui elle reprochait de ne savoir de pareils ordres, et il envoya aussitôt un
pas discerner la juste valeur des choses. Aus- détachement de ses gardes pour arrêter l'iu-
sitôt elle entendit une voix forte comme un solenl qui osait usurper les droits de son roi.
tonnerre, qui semblait partir des nuages; » Caron, qui ne se piquait pas de timidité,
cette voix lui annonçait qu'elle aurait un se présenta effrontément. Le Pharaon lui
fils, qu'il s'appellerait Caron, et qu'il devien- demanda qui lui avait donné la permission
drait même Pharaon d'Egypte. de piller ainsi le public. H répondit d'un ton
» A ce prodige, l'imprudente femme ren- ferme que ce qui était permis aux grands
tra en elle-mêuie, moitié désespérée d'avoir seigneurs ne pouvait être un crime pour lui.
outragé les dieux, moitié consolée par l'es- » Le roi allait ordonner qu'on l'enipalûl;
poir de voir un jour ses vœux exaucés. Au mais Caron, sans se troubler, lui dit :
bout de neuf mois, elle mit au monde un (ils — « Ecoutez-moi, sire, il ne faut pas Irai^
qu'elle nomma Caron. 11 croissait à vue d'œii, ter si lestement les choses. Ce n'est pas pour
mais la malice de son esprit surpassait inQ- moi que j'ai tiré ce tribut de vos sujets, c'est
niment la force de son corps. pour vous, dont on ne prend pas assez les
» Dès qu'il fut grand, ses mauvaises incli- intérêts. Qu'ai-je besoin de ces richesses, moi
nations le portèrent aux crimes les plus af- qui sais me rendre heureux à si peu de frais?
freux. Voyant qu'on ne fait rien dans ce et peut-on dire que c'est pour en jouir dans
monde sans argent, il s'avisa de camper sur les délices, lorsqu'on me voit tous les jours
les bords du lac, à l'endroit où l'on passait exposé aux insultes de ceux qui mènent les
les morts pour les ensevelir dans les grottes convois funèbres? Vous allez, sire, approu-
destinées aux momies. Là, pour chaque mort ver ma conduite : je me suis persuade que,
qui traversait, il exigeait, bon gré malgré, puisque vos intendants vous volaient, il fal-
une somme assez considérable ; et, afin qu'on lait du moins que quelque sujet fidèle remU
ne lui fît point de résistance, il publiait qu'il dans vos coffres ce qu'ils en étaient. J'ai
était chargé par le roi de lever cet impôt. A voulu être ce fidèle sujet; je vous ai acquis
mesure qu'il gagna de l'argent, il prit avec déjà de grandes richesses, et j'espère vous
lui d'autres biigands pour le soutenir dans en donner encore de plus grandes; »
la collecte de la taxe qu'il avait imaginée (2). » Le roi envoya aussitôt au lieu où Carou
11 tu ce uiélier plusieurs années, sans qu'un déposait le produit de l'impôt qu'il levait sur

M)
Dtilandine, Enfers des peuples anciens, cli. ix. liilion, on proposa d'établir un im(.ftt sur les corcncils.
une laxe sur les eiiterrcmeuls, cninine il y
(î) C'élail L'julcur de celte motion peusail (pi'au moins let imiiOl uc
en ï à Taris ilc si cuoriucs. —Dans notre dernière rcvo- l'erjii pas crier ceux (jui usoraieul de l'objet taxé.
DlCTIONNAlRli DES SCllLNCliS OCCULTES. S12
su
les morts; on y trouva de grosses sommes, CARTAGRA, région du purgatoire. Voy.
qu'il fil mettre dans ses colTres, et au lieu de Gamygyn.
faire mourir cet homme, il en fit son pre- CARTES, voy. Cartomancie.
mier ministre, lui donna un palais somp- CARTICEYA, divinité indienne qui com-
tueux, et le confirma dans son emploi, dont mande armées des génies et des anges
les ;

il fil la première dignité de l'Etat. Ce fui alors il a six faces, une multitude d'yeux et un

que l'impôt s'exigea par ordre du roi. Caron grand nombre de bras armés de massues, do
gagna des sommes énormes, cl devint en- sabres et de flèches. Il se prélasse à cheval
suite si puissant , qu'il fil assassiner le roi et sur un paon.
se mil la couronne sur la lêle. Ainsi la pro- CARTOMANCIE, divination par les car-
phétie qui avait consolé sa mère fut accom- tes, plus connue sous le nom d'art de tirer
plie. »
les cartes.
Cette histoire n'est qu'une tradition popu- caries ont été inventées
On dit que les
laire rapporlée à Paul Lucas par des Egyp- de Charles VI; mais
pour amuser la folie
tiens, sur les bords du lac do Kern mais ces
;
Allielle qui écrivit sous le nom d'EUeilla ,
,
sortes de traditions servent quelquefois à dé- nous assure que la cartomancie, qui est l'art
brouiller les faits obscurs de la vieille his- de tirer les cartes, est bien plus ancienne. Il
toire; cl l'on pourrait douter si c'est de ce
fiil remonter celte divination au jeu des bâ-
que nous venons d'extraire que les poêles tons d'Alpha (nom d'un Grec fameux exilé
ont tiré la fable de Caron, le batelier des en- en Espagne, dit-il). Il ajoute qu'on a depuis
fers, ou si c'est des poêles que les Egyptiens
perfectionné celte science merveilleuse. On
lieuncnl leur conte populaire. s'est servi de tablettes peintes; et quand Jac-
CARPENTIEIl (RicnAun) , bénédictin an- quemin Gringoneur offrit les caries au roi
glais du dix-septième siècle. On recherche de Charles le Bien-Aimé, il n'avait eu que la
lui 1° la Ruine de l'Antéchrist, in-S", 1C48
: ; peine de transporter sur des cartons ce qui
2' Preuves que l'astrologie est innocente, utile était connu des plus habiles devins sur des
et précise, in-i", Londres, 1653. Il a publié planchettes. Il est fâcheux que celte asser-
une autre singularité intitulée la Loi par-
, tion ne soit appuyée d'aucune preuve.
faite de Dieu, sermon qui n'est pas sermon, Cependant les cartes à jouer sont plus an-
qui a été prêché et n'a pus été prêché, 1632. ciennes que Charles VI. Boissonade a re-
CARPOCRATIENS, hérésiarques du ii* siè- marqué que le petit Jehan de Saintré ne fut
cle ,qui reconnaissaient pour chefCarpo- honoré de la faveur de Charles V que parce
crate professeur de magie, selon l'expres- qu'il ne jouait ni aux cartes ni aux dés. Il
,

sion de saint Irénée. ils contaient que les fallait bien aussi qu'elles fussent connues en

anges venaient de Dieu par une suite de Espagne lorsque Alphonse XI les prohiba
générations infinies, que lesdits anges s'é- en 1332, dans les statuts de l'ordre de la
taient avisés un jour de créer le monde et Bande.
Quoi qu'il en soit, les cartes, d'abord tolé-
les âmes, lesquelles n'étaient unies à des
corps que parce qu'elles avaient oublié Dieu. rées ,furent ensuite condamnées; et c'est
Carpocrate prétendait que tout ce que nous une opinion encore subsistante dans l'esprit
apprenons n'est que réminiscence. Il regar- de quelques personnes crédules que qui lient
dait les anges comme nous les démons il les ;
les cartes tient le diable. C'est souvent vrai

disait ennemis de l'homme, et croyait leur au figuré. « Ceux qui font des tours de cartes
plaire en se iivrant à toutes ses passions et sont sorciers le plus souvent, » dit Boguet.
aux plaisirs les plus honteux. Sjs disciples Il cite un comte italien qui vous mellail en

cultivaient la magie, faisaient des enchante- main un dix de pique, et vous trouviez que
ments cl avaient des secrets merveilleux. Ils c'était un roi de cœur (1). Que penserait-il

marquaient leurs sectateurs à l'oreille et des prestidigitateurs actuels?


Il n'est pas besoin de dire qu'on a trouvé
commettaient beaucoup d'abominations. Celle
secte ne subsista pas longtemps. tout dans les cartes, histoire, sabéisme, sor-
cellerie. 11 y a même eu des doctes qui ont
CARRA (Jean-Louis), aventurier du der- vu toute l'alchimie dans les figures ; el cer-
nier siècle, qui se fit girondin et fui guillo-
tains cabalisles ont prétendu y reconnaître
,

tiné en 1793. 11 a laissé, entre autres ou-


les esprits des quatre éléments. Les carreaux
vrages un Examen physique du magnétisme
,
sont les salamandres , les cœurs sont les
animal, in -8", 1783. sylphes, les trèfles les ondins, et les piques
CARREFOURS, lieux où quatre chemins les gnomes.
aboutissent. C'est aux carrefours que les sor- de tirer les caries.
Arrivons à l'art
ciers se réunissent ordinairement pour faire
On se sert presque toujours ,
pour la car-
lo sabbat. On montre encore, dans plusieurs
tomancie, d'un jeu de piciuet de trente-deux
provinces , quelques-uns de ces carrefours
cartes. Les cœurs et les trèfles sont générale-
redoutés , au milieu desquels étaient placés
ment bons el heureux les carreaux el les
;

des polcaux que les sorciers ou les démons


piques généralement mauvais et malheu-
,
entouraient de lanternes pendant la fêle noc-
reux. Les figures en cœur et en carreau an-
turne. On fait remarquer aussi sur le sol un
noncent des personnes blondes ou châtain-
large rond oîi les dénions dansaient; et l'on
blondes ; les ligures en pique ou en trcflu
préiend que l'herbe ne peut y cruîlrc.
annoncent des personnes brunes ou châ-
C'est aussi dans un carrefour (]u'ou tue la
poule noire pour évoquer le diable. (U Discours Jcs sorcier;, ch. un.
513 CAR C.\R 511
tain-brunes. Voici ce que signiQe chaque Quatre dames de suit(!, grands caquets;
carte : trois dames de suite, tromperies; deux da-
Les huit cœurs. — Le
roi de cœur est un mes de suite, amitié.
homme honorable cherche à vous faire
(;ui Quatre valets de suite , maladie conta-
(lu bien; s'il est renversé, il sera arrêté dans gieuse; trois valets de suite, paresse ; deux
SCS loyale.'! intentions. La dame de cœur est valets de suite, dispute.
une femmt honnête et généreuse de qui vous Quatre as de suite une mort trois as de
, ;

pouvez allendre des services; si elle est ren- suite, libertinage; deux as de suite, inimitié.
versée, c'est le présage d'un relard dans vos Quatre dix de suite, événements désa-
espérances. Le valet de cœur est un brave gréables ; trois dix de suite , changement
jeune homme, souvent un militaire, qui doit d'état; deux dix de suite perte. ,

entrer dans voire famille et cherche à vous Quatre neuf de suite, bonnes actions; trois
être utile il en sera empêché s'il est ren-
; neuf de suite imprudence ; deux neuf de
,

versé. I^'as de cœur annonce une nouvelle suite, argent.


agréable; il représente un festin ou un re|)as Quatre huit de suite, revers ; trois huit de
d'amis quand il se trouve entouré de figures. suite, mariage; deux huit de suite, désagré-
Le dix de cœur est une surprise qui fera ments.
grande joie; le neuf promet une réconcilia- Quatre sept de suite, intrigues; trois sept
lion, il resserre les liens entre les personnes de suite, divertissements ; deux sept de suite,
qu'on veut brouiller. Le huit promet de la petites nouvelles.
satisfaction de la part des enfants. Le sept Il y a plusieurs manières de tirer les car-
annonce un bon mariage. tes. La plus sûre méthode est de les tirer par
Les huit carreaux. —
Le roi de carreau est sept, comme il suit :

un homme assez important qui pense à vous Après avoir mêlé le jeu, on le fait couper
nuire, et qui vous nuira s'il est renversé. La de la main gauche par la personne pour qui
(lame est une méchante femme qui dit du mal on opère; on compte les cartes de sept en
de vous et qui vous fera du mal si elle est sept, mettant de côté la septième de chaque
renversée. paquet. On répèle l'opération jusqu'à ce
Le valet de carreau est un militaire ou un qu'on ait produit doUze cartes. Vous élendoz
messager qui vous apporte des nouvelles ces douze cartes sur la table les unes à côté
désagréables; et s'il est renversé, des nou- des autres, selon l'ordre dans lequel elles sont
velles fâcheuses. L'as de carreau annonce venues ; ensuite vous cherchez ce qu'elles si-
une lettre ; le dix de carreau, un voyage né- gnifient, d'après la valeur et la position de
cessaire et imprévu le neuf, un retard d'ar-
; chaque carte, ainsi qu'on l'a expliqué.
gi'ut le huit, des démarches qui surpren-
; Mais avant de tirer les caries, il ne faut pas
dront de la part d'un jeune homme le sept, ; oublier de voir si la personne pour laquelle
un gain de loterie ; s'il se trouve avec l'as de on les tire est sortie du jeu. On prend ordi-
carreau, assez bonnes nouvelles. nairement le roi de cœur pour un homme
Les huit piques. —
Le roi représente un blond marié; le roi de trèfle pour un homme
commissaire, un juge, un homme de robe brun marié la dame de cœur pour une dame
;

éivcc qui on aura des disgrâces; s'il est ren- ou une demoiselle blonde; la dame de trèfle
versé , perte d'un procès. La dame est une pour une dame ou une demoiselle brune ; le
veuve qui cherche à vous tromper si elle : valet de cœur pour un jeune homme blond ;
est renversée elle vous trompera. Le valet le valet de trèfle pour un jeune homme brun.

,

est un jeune homme qui vous causera des Si la carte qui représente la personne pour
désagréments; s'il est renversé, présage de qui on opère ne se trouve pas dans les douze
trahison. L'as, grande tristesse; le dix, em- cartes que le hasard vient d'amener, on la
prisonnement ; le neuf, retard dans les af- cherche dans le reste du jeu , et on la place
faires ; le huit, mauvaise nouvelle ; s'il est simplement à la fin des douze cartes sorties.
suivi du sept de carreau, pleurs et discordes. Si, au contraire, elle s'y trouve, on fait tirer
Le sept querelles et tourments
,
à moins , à la personne pour qui on travaille (ou l'on
qu'il ne soit accompagné de cœurs. tire soi-même si c'est pour soi que l'on con-
Les huit trèfles. —
Le roi est un homme sulte) une treizième carte à jeu couvert. On
juste, qui vous rendra service; s'il est ren- la place pareillement à la fin des douze cartes
versé, ses inlentions honnêtes éprouveront étalées ,
parce qu'il est reconnu qu'il faut
du retard. La dame est une femme qui vous treize cartes.
aime; une femme jalouse si elle esl ren-
, Alors, on explique sommairement l'en-
versée. Le valet promet un mariage, qui ne semble du jeu. Ensuite, en partant de la
se fera pas sans embarras préliminaires, s'il carte qui représente la personne pour qui
est renversé. L'as, gain, profit, argent à re- on interroge le sort, on compte sept et on
cevoir ; le dix , succès ; s'il est suivi du neuf s'arrête ; on interprète la valeur inlrinsèquo
de carreau, retard d'argent; perte s'il se et relative de la carte sur laquelle on fait
trouve à côté du neuf de pique. Le neuf, station on compte sept de nouveau, et de
;

réussite le huit, espérances fondées ; le sept,


; nouveau on explique, parcourant ainsi tout
faiblesse; et s'il est suivi d'un neuf, hé- le ji'u à plusieurs reprises jusqu'à ce qu'on
ritage. revienne précisément à la carte de laquelle
Quatre rois de suite, honneurs; trois rois on est parti. On doit déjà avoir vu bien des
de suite, succès dans le commerce; deux choses. 11 reste cependant une opération im-
rois de suite , bons conseils. porlanle.
s:5 DICTIONNAIRE DES SCIENCKS OCCULTES. 316

On relève les treize cartes, on les môle ,


Mais c'en est assez sur la cartomancie.
on fait à nouveau couper delà main gauche. Nous n'avr)ns voulu rien laisser ignorer du
Après quoi on dispose les cartes à couvert fondement de celle science aux dames qui
sur six paquets, 1° pour la personne ; 2° pour consultent leurs cartes etquidoulcntde Dieu.
la maison ou son intérieur ;3° pour ce qu'elle Cependant nous les prierons d'observer que
attend 4" pour ce qu'elle n'attend pas -jS" pour
;
ce grand mojen de lever le rideau qui nous
sa surprise; G°pour sa consolation ou sa cathe l'avenir s'est trouvé quelquefois en
pensée. —
Les six premières cartes ainsi défaut. Une des plus fameuses tireuses de
rangées sur la table, il en reste sept dans la cartes fil le jeu pour un jeune homme sans
main. On fuit un second tour, mais on no barbe qui s'était déguisé en fille. Elle lui pro-
met une carte que sur chacun des cinq pre- mit un époux riche et bien fait, trois gar-
miers paquets. Au troisième tour, on pose çons, une fille, des couches laborieuses mais
les deux dernières cartes sur les numéros 1 sans danger. —
Une dame qui commençait à
et 2. On découvre ensuite successivement hésiter dans sa confiance aux cartes se lit un
chaque paquet, et on l'explique en commen- jour une réussite pour savoir si elle avait
çant par le premier, qui a trois cartes ainsi déjeuné. Elle était encore à table devant les
que le deuxième, et finissant par le dernier plats vides; elle avait l'estomac bien garni ;
qui n'en a qu'une. toutefois les cartes lui apprirent qu'elle était
Voilà tout entier l'art de tirer les cartes ; à jeun, car la réussile ne put avoir lieu.
les méthodes varient, ainsi que la valeur CASAUBON (MÉDÉR.ic),fils d'Isaac Casau-
des caries, auxquelles on donne dans les li- bon, né à Genève en lo9i). On a de lui un
vres spéciaux des sens très-divers et très-ar- Traité de l'Enthousiasme , publié en 1655 ;
bitraires ; mais les résultats ne varient pas. in-8\ Cet ouvrage est dirigé contre ceux qui
attribuent l'enthousiasme à une inspiration
Nous terminerons en indiquant la manière
de faire ce qu'on appelle la réussite. Pre- — du ciel ou à une inspiration du démon. On
lui doit aussi un Traité de la crédulité et de
nez également un jeu de piquet de trente-
l'incrédulitédana les choses spirituelles, in-8%
deux cartes. Faites huit paquets à couvert
de quatre cartes chacun, et les rangez sur la Londres, 1670. 11 y établit la réalité des es-
prits, des merveilles surnaturelles et des sor-
table; retournez la première carte de cha-
ciers (1). Nous citerons aussi sa Véritable et
que paquet; prenez les cartes de la mémo
fidèle relation de ce qui s'est passé entre Jean
valeur deux par deux , comme deux dix ,
deux rois, deux as, etc., en retournant tou- Dée et certains esprits, 1639, in-fol.
jours à découvert sur chaque paquet la carte —
CASl. C'est le nomd'uoe pagode fameuse
sur les bords du G.inge. Les Indiens recher-
qui suit celle que vous enlevez. Pour que la
réussile soit assurée, il faut que vous retiriez
chent le privilège d'y mourir; carEswara no
de la sorte toutes les cartes du jeu, deux par manque pas de venirsouffler dansleuroreillo
deux, jusqu'aux dernières. Ou fait ces — droite an dernier instant pour les purifier :
aussi ont-ils grand soin du mourir couchés
réussites pour savoir si un projet ou une af-
sur le côté gauche.
faire aura du succès, ou si une chose dont
on doute a eu lieu. CASMANN (Othos), savant Allemand
du seizième siècle, auteur d'un livre sur les
nom d'Etleilla , a publié
Alliette, sous le
anges, intitulé Angélographie (2). Il a laissé
:

un long sur cette matière. Citons en-


traité
un autre ouvrage, que quelques personnes
core V Oracle par fait, o\x nouvelle manière de recherchent, sur les mystères de la nature (3).
tirer les cartes, au moyen de laquelle cha-
cun peut faire son horoscope, ln-12, Paris , CASSANDRE. —
Fille de Priara, à qui
Apollon accorda le don de prophétie pour la
1802. Ce petit livre, de 92 pages, est dédié au
beau sexe par Albert d'Alby. L'éditeur est séduire ; mais quand elle eut le don , elle ne .

voulut pas répondre à la tendresse du dieu ,|


M. de Valembert, qui f.iit observer que 10-
et le dieu discrédita ses pronostics. Aussi ,|
racle parfait devait paraître en 1788; que la
censure l'arrêta, et qu'on n'a pu qu'en 1S02 quoique grande magicienne et sorcière
en gratifier le public. La méthode de ce livre comme dit Delancre(4), elle ne put pas em-
est embrouillée ; l'auteur veut qu'on emploie
pêcher la ruine de Troie, ni se garantir elle-
vingt cartes disposées en cinq tas, de cette même des violences d'Ajax.
manière: un au milieu, un au-dessus, un CASSIUS DE PARME. —
Antoine venait de
au-dessous, et un de chaque côté; ce qui perdre la bataille d'Aclium; Cassius de Par-
l'ait une croix. Les cartes d'en haut signitieiit me , qui avait suivi son parti , se retira dans
ce qui doit arriver bientôt, les cartes de Athènes: là, au milieu de la nuit, pendant
droite ce qui arrivera dans un temps plus que son esprit s'abandonnait aux inquiétu-
éloigné; les cartes d'en bas sont pour le pas- des, il vit paraître devant lui un homme noir
sé; les caries de gauclie pour les obstacles ; qui lui parla avec agitation. Cassius lui de-
les cartes du milieu pour le présent. On ex- manda qui il était. — Je suis ton démon (5),
plique ensuite d'après les principes. — répondit le fantôme. Ce mauvais démon
(1) Cet ouvrage est connu aussi sous le litre de Traité (4) Tableau de l'iDConstance des mauvais anges, etc.,
des esprits , des sorciers et des opérations surnaturelles, liv I, dise. 3.
vn anglais. Londres, 167:2. In-8°. (3) foriginal portii cacodaimon, mauvais démon. Chei
(2) Angclograpbia , 2 vol. iu-8°. Francfon , lo97 et les Grecs Uaiinoii, simiilement, signlliail un qéiiie, mie
1603. homie inieliitjeiice , comme le démon de Socrate cl linéi-
(ô) Nucicus niTsieriorum natura: cuuclcatus , iCOj. ques autres.
Il -a».
r.i7 CAS CAS 51»
étail la peur. A celte parole, G.issius s'ef- » Quand avaient fait jouer leurs char-
ils
fraya et appela ses esclaves; mais le démon mes en quelques lieux par leurs arts perni-
disparut sans se laisser voir à d'autres yeux. cieux . ils se faisaient porter par les diables
Persuadé qu'il révail, Cassius se recouclia dans les nuées de ville en ville et quelque-
, ,

et chercha à se rendormir aussitôt qu'il fut


; fois faisaient cent lieues le jour Mais comme
seul, le démon reparut avec les mômes cir- la justice divine ne veut pas longuement
constances. Le Romain n'eut pas plus de for- souffrir les malfaiteurs. Dieu permit qu'un
ce que d'abord il se ût apporter des lumiè-
; curé, nommé messire Benoît la Fave, pas-
res, passa le reste de la nuit au milieu de ses sant près de Dôle, rencontrât ces Espagnols
esclaves, et n'osa plus rester seul. Il fut tué avec leur servante, lesquels se mirent en
peu de jours après par l'ordre du vainqueur compagnie avec lui, et lui demandèrent où
d'Actium (1). il allait. Après leur avoir déclaré et conté
GASSO ou ALOUETTE. — On assure que une partie de son ennui pour la longueur du
celui qui portera sur soi les pieds de cet oi- chemin, un de ces Espagnols, nommé Diego
seau ne sera jamais persécuté ; au contrai- Gastalin , lui dil — Ne vous déconfortez
:

re, il aura toujours l'avantage sur ses enne- nullement, il est près de midi mais je veux
;

mis. Si on enveloppe l'œil droit de l'alouette que nous allions aujourd'hui coucher à Bor-
dans un morceau de la peau d'un loup deaux.
,
l'homme qui le portera sera doux, agréable » Le curé ne répliqua rien, croyant qu'il
et plaisant et si on le met dans du vin on
; , le disait par risée, vu qu'il y avait près de
se fera chérir de la personne qui le boira (2). cent lieues. Néanmoins, après s'être assis
CASSOTIDE.— Fontaine de Delphes, dont tous ensemble, ils se mirent à sommeiller.
la vertu prophétique inspirait des femmes Au réveil du curé, il se trouve aux portes de
qui y rendaient des oracles. Bordeaux avec ces Espagnols. Un conseiller
CASTAIGNE (Gabriel de), aumônier de — de Bordeaux fut averti de celte merveille; il
Louis XIII, cordelier et alchimiste. On lui voulut savoir comment cela s'était passé il :

doit l'or potable qui guérit de tous maux


,
dénonce les troisEspagnols et la femme. On
in-8% rare, Paris, 1611; le Paradis terrestre, fouille leurs bagages, où se trouvent plu-
où l'on trouve la guérison de toute maladie, sieurs livres , caractères , billets , cires , cou-
in-S", Paris , 1615; « le Grand miracle de na- teaux, parchemins et autres denrées servant
« ture métallique, que, en imitant icelle sans à la magie. Ils sont examinés; ils confessent
« sophistiqueries , tous les métaux impar- le tout, disant, entre autres choses , avoir
« fails se rendront en or fin, et les maladies fait, par leurs œuvres périr les fruits de la
,

« incurables se guériront » in-S", Paris , terre aux endroits qu'il leur plaisait , a-
1615. voir fait mourir plusieurs personnes et bes-
GASTALIE. —
Fontaine d'Antioche , au tiaux , et qu'ils étaient résolus de Diire plu-
faubourg de Daphné ; ses eaux étaient pro- sieurs maux du côté de Bordeaux. La cour
phétiques , et il y avait auprès un oracle cé- leur fit leur procès extraordinaire, qui leur
lèbre qui prédit l'empire à Adrien. Quand cet fut prononcé le 1" mars 1610, et condamna
oracle fut accompli, Adrien fit boucher la Diego Gastalin , Francisco Ferdillo.Vincen-
fontaine avec de grosses pierres, de peur tio Torrados et Galalina Fioscla à être pris
qu'un autre n'y allât chercher la même fa- et menés par l'exécuteur de la haute justice
veur qu'il avait obtenue. en la place du marché au porcs, et être con-
CASTALIN (Diego). —
« Discours prodi- duits sur un bûcher, pour là, être brûlés tout
gieux et épouvantable deiTO\sEiiiagno\s et ano vifs, et leurs corps être mis en cendres,'
Espagnole, magiciens et sorciers, qui se fai- avec leurs livres, caractères, couteaux,
saient porter par les diables de ville en ville, parchemins, billets et autres choses propres
avec leurs déclarations d'avoir fait mourir servant à la magie.
plusieurs personnes et bétail par leurs sor- » L'Espagnole qui les servait, nommée
tilèges, et aussi d'avoir fait plusieurs dégâts Galalina Fiosela, confessa une infinité de
aux biens de la terre. Ensemble, l'arrêt pro- méchancetés par elle exercées, entre autres
noncé contre eux par la cour de parlement que par ses sortilèges, elle avait infecté ,
de Bordeaux, in-8° (rare). Paris, 1626.» avec certains poisons, plusieurs fontaines ,
« Trois Espagnols accompagnés d'une
,
puits et ruisseaux, et aussi qu'elle avait fait
femme espagnole aussi sorcière et magicien- mourir plusieurs bétails, et fait, par ses
ne , se sont promenés par l'Italie Piémont ,
charmes tomber pierres et grêles sur les
,

Provence, Franche-Gomlé, Flandre, et ont, biens et fruits de la lerrc.


par plusieurs fois , traversé la France, et, » Voilà qui doit servir d'exemple à plu-
lout aussitôt qu'ils avaient reçu quelque dé- sieurs personnes qui s'étudient à la magie ;
plaisir de quelques-uns, en quelques vil- d'autres, sitôt qu'ils ont perdu quelque cho-
les, ils ne manquaiint.par le moyen de leurs se, s'en vont au devin et sorcier, et ne con-
pernicieux charmes, de faire sécher les blés sidèrent pas qu'allant vers eux, ils vont vers
et les vignes; et pour le regard du bétail, il le diable, prince des ténèbres. »
languissait quelques trois semaines, puis GASTELLINI (Luc), frère prêcheur du dix-
demeurait mort, tellement qu'une partie du seplièine siècle. On rencontre des prodiges
Piémont a senti ce que c'était que leurs mau- infernaux dans son Traité des miracles (3).
dites façons de faire. GASTOll. G'est une opinion très-ancienne
(1) Valère-Maxime, cl d'autres ancions. de Miraculis. Uome, IG20.
(3) Tractatus
(2, Aduiiiablfs secrcU d'Albert le Grand.
3-20
sn DICTIONNAIRE DES SCIENCLS OCCUi-TES.
mutile les jours pour l'exhorter à faire ce qu'il lui
ri très commune que le castor se
pour se dérober à la poursuite des chas- avait ordonné. Enfin , un matin avant le
seurs. On la trouve dans les hiéroglyphes jour, comme il était en prière, il aperçut C.i-
des Egyptiens, dans les fables d'Esope, dans talde vêtu de l'habit épiscopal, lequel lui dit
Pline, dans Aristote, dans Elicn mais cette ;
avec une contenance sévère Tu n'as pas
: —
opinion n'en est pas moins une erreur au- tenu compte de chercher le livre que je t'a-
jourd'hui recOMUue (1^. vais enseigné et de l'envoyer au roi Ferdi-
CASTOR et POLLUX
fils de Jupiter et de
,
nand ; sois assuré, celte fois pour toutes, qa-.
des dieux marins; et, dans si tu n'exécutes ce que je t'ai commandé, il
Léda.On en fit

l'antiquité, les matelots appelaient feux de t'en adviendra mal.


Castor et Pollux ce que nos marins appel- Le jouvenceau , intimidé de ces menaces,
lent feux Saint-Elme. publia sa vision ; le peuple ému s'assembla
Les histoires grecques et romaines sont pour l'accompagner au lieu marqué. On y ar-
remplies d'apparitions de Castor et PoUux. riva, on creusa la terre; on trouva un petit
Pendant que Paul-Emile faisait la guerre en coffre de plomb, si bien clos et cimenté que
Macédoine, Publius Valinius, revenant à l'air n'y pouvait pénétrer, et au fond du cof-

Kome.vit subitement devant lui deux jeunes fre se vit le livre où toutes les misères qui

{,'ens beaux et bien faits montés sur des ,


devaient arriver au royaume de Naples, au
chevaux blancs, qui lui annoncèrent que le roi Ferdinand et à ses enfants, étaient décri-
roi Persée avait été fait prisonnier la veille. tes en formes de prophétie, lesquelles ont eu

Vatinius se hâta de porter au sénat cette lieu; car Ferdinand fut tué au premier con-
flit; son fils Alphonse, à peine maître du
nouvelle; mais les sénateurs, croyant déro-
ger à la majesté de leur caractère en s'arrô- trône, fut mis en déroute par ses ennemis,
tant à des puérilités, firent mettre cet homme et mourut en exil. Ferdinand, le puîné, périt
on prison. Cependant, après qu'on eut re- misérablement à la Heur de son âge, acca-
connu par les lettres du consul que le roi blé de guerres, et Frédéric, petit-fils du dé-
de Macédoine avait été effectivement pris ce funt Ferdinand, vit brûler, saccager cl rui-
jour-là, on tira Vatinius de sa prison; on le ner son pays (i).

gratifia de plusieurs arpents de terre, et le GATALONOS ou BABAILANAS. prêtresses


sénat reconnut que Castor et Pollux étaient des Indiens des îles Philippines. Elles lisent
les protecteurs de la république. Pausanias dans l'avenir et prédisent ce qui doit arri-
explique cette apparition : « C'étaient, dit-il, Ter. Quand elles ont annoncé le bien ou le
des jeunes gens revêtus du costume desTyn- mal à ceux qui les consultent, elles font le
darides, et apostés pour frapper les esprits sacrifice d'un cochon qu'elles tuent d'un coup
-
crédules. » —
On sait que Castor et Pollux do lance et qu'elles offrent en dansant aux
sont devenus la constellation des Gémeaux. mauvais génies et aux âmes des ancêtres,
CASTRO (Alphonse de) célèbre prédica- ,
lesquelles, dans l'opinion des Indiens, fixent
teur né au Pérou, et l'un des plus savants leurs demeures sous de grands arbres.
théologiens du seizième siècle, auteur dun CA-TANANCÉE, plante que les femmes de
livre contre les magiciens (2). Thessalie employaient dans leurs philtres.
GATABOLlQUliS. « Ceux qui ont lu les On en trouve la description dans Diosco-
anciens savent que les démons cataboliques ridc
8ont de» démons qui emportent les hommes, GATARAMONACHIA, anathème que ful-
les tuent, brisent et fracassent, ayant cette
minent les papas grecs. Dans quelques îles
puissance sur eux. De ces démons cataboli- de la Morée, on dit que cet anathème donne
ques, Fuigence raconte qu'un certain Gun-- une fièvre lente dont on meurt en six se-
pcstcr avait écrit un livre particulier qui maines.
CATEL.\N Laurent pharmacien de
nous servirait bien si nous l'avions, pour ( ) ,

apprendre au juste comment ces diables Montpellier au dix-septième siècle. Il a lais^ié


trait lient leurs suppôts, les magiciens et les une Histoire delà nature, chasse, vertus,
gorciers (3). » propriétés et usarjes de la Licorne , Montpel-
lier, in-8% 1(524., et un Rare et curieux Dis-
CAÏALDE,évêque de Tarente ausixièno
cours de la plante appelée Mandragore, Paris,
siècle. Milleans après sa mort on raconte ,
in-12, 1639.
qu'il se montra une nuit, en vision, à un
CATHAllIN (Ambroise), dominicain dj
jeune Tarcntin du seizième sièele, ot le Florence, mort à Home en 1553, auteur d'une
chargea de creuser en un lieu qu'il lui dési- réfutation des prophéties de Savonarole (5),
gna, où il avait caché et enterré un livre et d'un Traité de la mort et de la résurrec-
écrit de sa main pendant qu'il était au
tion.
monde, disant qu'incontinent qu'il aurait
lui
CATHERINE. Voy. Revenants.
recouvré ce livre, il ne manquât point de le CATdERlNK ( sainte ). Voy. Incombus-
faire tenir à Ferdinand, roi d Aragon et do
tibles.
Napics, qui régnait alors. Le jeune homme
n'ajouta point foi d'abord à cette vision, CATHERINE DE MÉDICIS, célèbre reine

quoique CalalJe lui apparût presque tous de France, singulièrement maltraitée dans

(5) Discorso comra la dotlrina


« le profelie di Girolaino
(1) Biown, Des Erreurs populaires, liv.III,ch. iv.
ac lualelicU, eoruuiiiuo puiiilionc. Savouaroia, da Amlirosio Ca ariiio poliio. ln-8". Venise,
(2) l>e Sorlilegis
1518. Tliouias Neri coinbailil cel ouvrage! dans un livre
iih
Lyi'ii, I5G8.
lilulé ; AïKjloyia di 'l'oiuiiso Neri iu difesa délia doUniia
(7>\ I. ("loyer, Hist. cl dise, des spectres, liv. VU, eu. iv. ,

di Uii'oluiiio ^javouarolu. l.i-8\ t'Ioieuco


Itidi.
(Aj liis.oirgs piodigiCuseb de Uuisluaiix, loin. I. ,
5-21 CAT CAU 3ÎS
riiistiiirc, où réforme n'a p.ns
l'esprit tic la De Re Rustica, enseigne, parmi divers re-
il

iiionagé les princes calholiqucs ; née à Flo- mèdes, la manière de remettre les membres
rence en 1319, morte en 1589. Elle croyait démis, et donne même les paroles enchan-
iion-sruloment à l'astrologie judiciaire, mais tées dont il faul se servir.
encore à la magie. Elle portait, dit-on sur , CATOI'TROMANCIE divination par !<, ,

i'csiomnc une peau de vélin, d'aulres disent moyen d'un miroir. On trouve encore, dans
d'un enfant égorgé, semée de figures, de let- beaucoup de villagrs, des devins qui em-
tres cl de caraclcrcs de diffcrenles couleurs. ploient celle divinalion, autrefois fort répan-
Klle était persuadée que celte peau avait la due. Quand on a fait une perte, essuyé un
vcriu de la garantir de toute entreprise con- vol, ou reçu quelques coups clandestins dont
tre sa personne. on veut connaître l'auteur, on va trouver le
Klle fil faire la colonne de l'hôtel de Sois- sorcier ou devin, qui introduit le consultant
sons (1) dans le fût de laquelle il y avait un
, dans une chambre à demi éclairée. On n'y
escalier à vis pour monter à la sphère ar- peut entrer qu'avec un bandeau sur les
millairc qui est au haut. Elle allait y con- yeux. Le devin fait les évocations, et le dia-
sulter les astres avec ses astrologues, dont ble montre dans un miroir le passé, le pré-
elle s'entoura jusqu'à sa mort. sent et le futur. Malgré le bandeau, les cré-
Celle princesse que l'on a fort noircie, eut dules villageois, dans de telles occasions, ont
beaucoup d'ennemis, surtout les proteslanis, la tôle tellement montée qu'ils ne manquent
qui n'ont reculé devant aucune calomnie. Ils pas de voir quelque chose.
la représentent comme ayant élé Irès-verséc On se servait autrefois, pour cette di-
dans l'art d'évoquer les esprits; ils ajoutent vination, d'un miroir que l'on présentait,
()ue sur la peau d'enfant qu'elle portail au non devant, mais derrière la tête d'un en-
cou, étaient représentées plusieurs divinités fant à qui l'on avait bandé les yeux...
païennes. Etant tombée gravement malade, Pausanias parle d'un autre effet de la ca-
elle remit, disent-ils, à M. de Mesmes , une toplromancie. « Il y avait à Patras, dil-il,
boite hermétiquement fermée, en lui faisant devant le temple de Cérès, une fontaine sé-
promettre de ne jamais l'ouvrir et de la lui parée du Icmple par une muraille; là, on
rendre si elle revenait à la vie. Longtemps consultait un oracle,non po»r tous les év^
après, les enfants du dépositaire ayant ou- ncments, mais seulement pour les maladies.
vert la boîte, dans l'espoir dy trouver des Le malade descendait dans la fontaine un
pierreries ou un trésor, n'y découvrirent miroir suspendu à un fil, en sorte qu'il ne
qu'une médaille de forme antique, large et touchât la surface de l'eau que par sa base.
ovale, où Catherine de Médicis était repré- Après avoir prié la déesse et brûlé des
sentée à genoux, adorant les Furies et leur parfums, il se regardait dans ce miroir, et,
j)iésenlant une offrande. Ce conte absurde selon qu'il se trouvait le visage hâve et dé-
•loniic la mesure de vingt autres. Catherine figuré ou gras et vermeil, il en concluait
de Mcilicis survécut à M. de Mesmes et elle , trèscerlaincment que la maladie était mor-
n'aurait pas manqué de retirer la cassette. telle ou qu'il en réchapperait. »
Elle avait allaclié à sa personne plusieurs CATTANI (François), cvêque de Fiésoles,
asirologues, parmi lesquels il ne faut pas mort en 1595, auteur dun livre sur les su-
oublier l'illustre Luc Gauric. Ils lui prédirent perstitions de la magie (2).
que Saint-Germain la verrait mourir. Dès CAUCHP-MAR. Ou appelle ainsi un em-
lors elle ne voulut plus demeurer à Saint- barras dans une oppression et
la poitrine,
Germain-en-Laye cl n'alla plus à l'église de une difficulté de respirer qui surviennent
Saint-Gcrmain-d'Auxerre, Mais Nicolas de pendant le sommeil, causent des rêves fati--
Saint-Germain, évêqucde Nazarclh, l'ayant gants, et ne cessent que quand on se ré-
assistée à l'heure de sa mori, on regarda la veille.
prédiction comme accomplie. On ne savait pas trop, au quinzième siècle,
CAÏHO (Angelo), sav.int habile dans ce que c'était que le cauchemar, qu'on ap-
l'astrologie qui prédit à Charles-le-Témé-
,
pelait aussi alors c/iattc/te-pou/e^On en fit un
raire sa mort funeste. Le duc de Bourgogne monstre ; c'était un moyen prompt de résou-
n'en tint compte, et perdit tout, comme on dre la diîficulté. Les uns imaginaient dans
sait. M.ilheureusement rien ne prouve que cet accident une sorcière ou un spectre qui
la prédiction ait été faite en temps utile. pressait le ventre des gens endormis leur ,

Louis XI estimait tant Angelo Calho, à dérobait la parole et la respiration, et les


cause de sa science, qu'il lui donna l'arche- empêchait de crier et de s'évcilier pour de-
vêché de Vienne en Daupbiné. mandi-r du secours les autres, un démon qui
;

CATILLUS. Voy. Gilbert. étouffait les gens. Les méilccins n'y voyaient
CATOBLEBAS, serpent qui donne la mort guère plus clair. On ne savait d'autre rcniètle
à ceux regarde, si on en veut bien
qu'il pour se garantir du cauchemar, que de sus-
croire Pline. Mais la nature lui a fait la tête pendre une pierre creuse dans Iceuriede sa
fort basse, de manière qu'il lui est difficile de maison; et Dehio, embarrassé, crut décider
tjxer quelqu'un. On iijoule que cet animal la question en disant que Cauchemar éla\l un
h.'ibite près de la fontaine Nigris, en Ethio- suppôt de Belzébulh; il l'appelle ailleurs in-
pie que l'on prétend être la source du Nil.
,
ctibits morbiis.
CATON LE CENSEUR. Dans son livre, Dans les guerres de la république fran-
(l) Ci>îlc colonne existe encore à Taris; elle est adossée |-2) Sopra ta siiuerslilionc dell' arle magica. Floiencc.
à 1j Iliille au blé. mi.

%.
3-23 niCTlONNAlRE DES SCIENCES OCCILTES. 3«l

çaise en Iialio, ou caseriia dans une église contre eux doctrine du purgatoire (3),
la
abandonnée un régimcnl français. Les CAYM , démon
de classe supérieure',
paysans avaient averli les soldais que la nuit grand président aux enfers; il se montre
on se senlail presque suffoqué dans ce lieu- habiluellement sous la figure d'un merle.
là, el que l'on voyait passer un gros chien Lorsqu'il paraît en forme humaine, il répond
sur sa poitrine; les soldats en riaient. Ils se du milieu d'un brasier ardent il porte à la ;

couchèrent après mille plaisanteries. Minuit main un sabre effilé. C'est, dit-on le plus ,

arrive, tous se sentent oppressés, ne respi- habile sophiste de l'enfer el il peut, par ;

rent plus et votent chacun sur son estomac l'astuce de ses arguments , désespérer le lo-
un chien noir, qui disparut enfin, et leur gicien le plus aguerri. C'est avec lui que
laissa reprendre leurs sens. Ils rapportèrent Luther eut cotte fameuse dispute dont il nous
le fait à leurs officiers, qui vinrent y con- a conservé les circonstances. Caym donne
cher eux-mêmes la nuit suivante, el furent l'intelligence du chant des oiseaux , du mu-
tourmentés du même fantôme. —
Comment gissement des bœufs , de l'aboiement des
expliquer ce fait? chiens el du bruit des ondes. Il connaît l'a-
« Mangez peu , tenez le ventre libre ne , venir. Ce démon, qui fut autrefois de l'ordre
couchez point sur le dos , et votre cauche- des anges, commande à présent trente légions
mar vous quittera sans grimoire , » dit M. aux enfers (4).
Salgues (1). Il est certain que dansles pays où CAYOL, propriétaire à Marseille, morl
l'on ne soupe plus, on amoinsdccauchemars. au commencement de ce siècle. Un de ses
Bodin conte (2j qu'au pays de Valois en ,
fermiers lui apporta un jour douze cents
Picardie , il y avait de son temps une sorte francs il les
; reçut et promit la quittance
de sorciers el de sorcières qu'on appelait pour lendemain, parce qu'il était alors oc-
le
cauchemares qu'on ne pouvait chasser qu'à
,
cupé. Le paysan ne revint qu'au bout de
force de prières. quelques jours. M. Cayol ven.iit subitement
GAUCHON (Piebre), évêque de Beauvais de mourir d'apoplexie. Son fils avait pris
au quinzième siècle. 11 poursuivit Jeanne possession de ses biens ; il refuse de croire
d'Arccommesorcière, et la fil brûler à llouen. au fait que le paysan raconte, et réclame les
11 mourut subitement en lil*3. Le pape Ca- douze ccnis francs en justice. Le paysan fut
lixte IV excommunia après sa mort ce prélat condamné à payer une seconde fois. Mais la
déshonoré, dont le corps fut déterré et jeté à nuit qui suivit cette sentence, M. C;iyol ap-
la voirie. parut à son fils bien éveillé et lui reprocha
CAUSATHAN, démon ou mauvais gé- sa conduite —
J'ai été payé , ajouta-l-il ;
:
,

nie que Porphyre se vantait d'avoir cliassé regarde derrière le miroir qui est sur la che-
d'un bain public. minée de ma chambre , tu y trouveras mon
CAUSIMOMANCIE , divination par le reçu.
feu, employée chez les anciens mages. C'é- Le jeune homme se lève tremblant, met la
tait un heureux présage quand les objets main sur la quittance de son père et se hâte
combustibles jetés dans le feu venaient à n'y de payer les frais qu'il avait faits au pauvre
pas briîler. fermier, en reconnaissant ses torts (5).
CAYET Pierrk-Victok-Palma ) ,
( savant CAZOTTE Jacques) , né à Dijon en 1720,
écrivain tourangeau du seizième siècle. Ou- guillotiné en 1793, auteur du poëme d'Oli-
tre la Chronologie novennaire el la Chronolo- vier, où beaucoup d'épisodes roulent sur les
gie seplennaire , il a laissé VHistoire prodi- merveilles magiques. Le succès qu'obtint
gieuse et lamentable du docteur Faust grand ,
cette production singulière le décida à faire
magicien, traduite de l'allemand en français, paraître le Diable amoureux. Comme il y a
Paris, 1603, in-12 ; et l'Histoire véritable dans cet ouvrage des conjurations et autres
comment l'âme de l'empereur Trajan a été dé- propos de grimoire, un étranger alla un
livrée des tourments de l'enfer par les prières jour le prier de lui apprendre à conjurer lo
de saint Grégoire le Grand traduite du lalin
, diable, science que Cazotle ne possédait pas.
d'Alphonse Chacon. in-8°, rare Paris, 1007.
; Ce qui lui obtient encore place dans ce re-
Voy. Faust et Trajan. cueil , c'est sa prophétie rapportée par La
Cayet rechercha toute sa vie la pierre phi- Harpe, où l'on a cru longtemps qu'il avait
losophale, qu'il n'eut pas le talent de trou- pronostiqué la révolution dans la plupart de
ver ; on débita aussi qu'il était magicien , ses détails. Mais on n'avait imprimé, dit-on,
mais on peut voir qu'il ne pensait guère à qu'un fragment de celte pièce. On a pensé
se mêler de magie , dans l'épîlre dédicaloire plus lard la découvrir plus entière, el quel-
qu'il a mise en tête de l'histoire de Faust. ques-uns disent à présent que celle prophé-
Les huguenots , dont il avait abandonné le tie a été supposée. Cependant, on a publié en
parti, l'accusèrent d'avoir fait pacte avec le l'an VI, à Paris, une correspondance mystique
diable, pour qu'il lui apprît les langues ; de Cazolte, saisie par le tribunal révolution-
c'était alors une grande injure ; Cayet s'en naire, et où brille un certain esprit prophé-
vengea vivement dans un livre où il défendit tique inexplicable.

(1) M. Salgues, Des Erreurs el des préjugés, t, I, setés et cavillations inepics du prétendu tnlnislre Hi)-
p. 332. moulin. Paris, 1603. I11-8". Dumoulin venail de publier
(2) Démonomanie des sorciers, liv. II, ch. vu. les Eaux de Silué, pour éteindre li^ feu du purgaloiri^
(3) La fournaise arrionlc el le four liu réverbère pour coi. Ire les misons d'uu cofilclier ponuijais. In-8', lb03.
évaporer les prélendues eaux de Siloé, el pour corrobo- (tj Wierus, in I'seuili)nioiiarchia (ia?iu.
rer le purijaioire couire les bcrcsies. calomuics, fau:>- (o) Iiirenialiaiia, p. 2i6.
5'^5 en CEN 526
CÉBUS ou CEPHUS monslro adoré dos
, porter an malade une ceinture de fougère
Égyptiens. C'était une espèce de satyre, ou cueillie la veille de la Saint-Jean, à midi
, et
singe qui avait, selon Pline, les pieds et les tressée de manière à former le caractère ma-
mains semblables à ceux de l'homme. Dio- gique HVTY. Le synode tenu à Bordeaux, en
(lore lui donne une lêle de lion le corps , 16;)0 a condamné ce remèd* , et la raison
,
,
d'une panthère, et la taille d'une chèvre. On d'accord avec l'Eglise le condamne tous les ,

tijoule que Pompée en fit venir un à Rome, jours.


el qu'on n'en a jamais vu que cette fois-là. CELSE , philosophe éclectique du deu-
CECCOD'ASCbH (FniNçois Stabim, dit], xième siècle, ennemi des chréliens. En
professeur d'astrologie , né dans la mar- avouant les miracles de Jésus Christ il di- ,

che d'Ancônc au treizième siècle. Il se mê- sait qu'ils avaient été opérés par la magje,
lait aussi de magie cl d'hérésie. On dit, ce et que les chrétiens étaient des magiciens. Il
qui n'est pas certain, qu'il fut brûlé en 1327, a été réfuté par Origène.
avec son livre d'astrologie, qui est, à ce qu'on CELSIUS (André), Suédois mort en 17W;
croit le commentaire sur la sphère de Sa-
, auteur d'une Lettre sur les comètes, publiée
crobosco (1). à Upsal l'année de sa mort.
11 disait qu'il se formait dans les cicuxdes CENCHROBOLES, nation imaginaire dont
esprits malins qu'on obligeait, par le moyen parle Lucien. Il dit que les Cenchroboles
des constellations , à faire des choses mer- allaient au combat montés sur de grands oi-
veilleuses. 11 assurait que l'influence dos as- seaux couverts d'herbes vivaces au lieu de
,

tres était absolue, et reconnaissait le fata- plumes.


lisme. Selon sa doctrine, Notre-Seigneur Jé- CENDRES. —On
soutenait , dans le dix-
sus-Christ n'avait été pauvre et n'avait souf- septième siècle, entre autres erreurs, qu'il
y
fert une mort ignominieuse que parce qu'il avait des semences de reproduction dans les
était né sous une constellation qui causait cadavres dans les cendres des animaux et
,

iiécessairemcnl cet effet... ; au contraire, même des plantes brûlées ; qu'une grenouille,
l'antcchrist sera riche etpuissant, parce qu'il par exemple, en se pourrissant , engendrait
naîtra sous une constellation favorable. des grenouilles, et que les cendres de roses
« Une preuve que Cecco était fou disent , avaient produit d'autres roses. Voy. Palin-
Naudé el Dcirio c'est, 1° qu'il interprète le
, GÉNÉSIE.
livre de Sacrobosco dans le sens des astrolo- Le Grand Albert dit que les cendres de
gues, nécromanciens cl cliiroscopistes 2° ; bois astringent resserrent, el qu'on se relâ-
qu'il cite grand nombre d'auteurs falsifiés ,
che avec des cendres de bois contraire.» Et,
comme lès ombres des idées de Saloinon ,
ajoulc-t-il, Dioscoride assure que la lessivede
le Livre desesprits dHipparc bus, les Aspects cendres de sarments, bue avec du sel, est un
des étoiles, d'Hippocrate etc. » , remède souverain contre la suffocation de
On demandait un jour à Cecco ce que c'é- poitrine. Quant à moi, ajoute-l-il, j'ai guéri
lairque la lune ; il répondit « Cesl une : plusieurs personnes de la peste , en leur fai-
terre comme la nôtre ut terra terra est. »
,
sant boire une quantité d'eau où j'avais lait
On a beaucoup disputé sur cet astrologue, amortir de la cendre chaude , cl leur ordon-
connu aussi sous le nom de Cectts Ascutan, nant de suer après l'avoir bue (3). »
et plus généralement sous celui de Chicus CENETHUS, second roi d'Ecosse. Désirant
jEsculanus. Delrio ne voit en lui qu'un venger la mort de son père, tué par les Pie-
homme superstitieux, qui avait la tête mal tés, il exhortait les seigneurs du pays à re-
timbrée. Naudé, ainsi que nous l'avons noté, prendre les armes ; mais, parce qu'ils avaient
le regarde comme un fou savant. Quelques été malheureux aux précédentes batailles,
auteurs, qui le mettent au nombre des né- les seigneurs hésitaient. Cénéthus, sous pré-
cromanciens, lui prêtent un esprit familier, texte de les entretenir des affaires du pays
nommé Floron, de l'ordre des chérubins, le- manda les plus braves chefs à un conseil. Il
quel Floron l'aidait dans ses travaux et lui les fit loger dans son château, où il avait ca-
donnait de bons conseils, ce qui ne l'cmpé- ché dans un lieu secret quelques soldais ac-
cha pas de faire des livres ridicules. coulrés de vêtements horribles, faits de gran-
CÉCILE. —
Vers le milieu du seizième des peaux de loups marins, qui sont Irès-
siècle, une femme, nommée Cécile se mon- ,
fréquenls dans le pays à cause de la mer. Us
trait en spectacle à Lisbonne elle posséiiait ; avaient à la main gauche des bâtons de ce
l'aride si bien varier sa voix, qu'elle la fai- vieux bois qui luit la nuit, et dans la droite
sait partir tanlôl de son coude, tantôt de son des cornes de bœufs percées par le bout. Us
pied, tantôt de son ventre. lîlle liait conver- se tinrent reclus jusqu'à ce que les seigneurs
sation avec un être invisible , qu'elle nom- fussent ensevelis dans leur premier sommeil :
mail Pierre-Jean , et qui répondait à toutes alors ils commencèrent à se montrer avec
ses questions. Cette femme ventriloque fut leurs bois qui éclairaient , el firent résonner
réputée sorcière et bannie dans l'île Saint- leurs cornes de bœufs, disant qu'ils étaient
Thomas (2). envoyés pour leur annoncer la guerre contre
CEINTUIUÏSMAGIQUKS.— Plusieurs livres les Pietés : — Leur victoire , ajoutaient-ils,
de secrets vous apprendront qu'on guérit tou- était écrite dans le ciel. Ces fantômes jouè-
tes sortes de maladies intérieures en faisant rent bien leur rôle , et s'évadèrent sans être

(1) Cummeiiiarii ia s|iliseram Joannls de Sacrohoscn. (3) Les admirables secrets d' Albert le Grand, liv. III,
lu- loi. Kàlc, USo. cil. I.

(2, M. Sal{;ucs, Ues Erreurs, elc, 1. I/, p. 2^7,

I
.-Î3
DICTIONNAIUF. DES SCIENCES OCCULTES.
3Î7
vinronl trouver queur de la tribu de Juila, racine de Dn-
découverts. Les chefs émus « vid. J'ouvrirai le livre et ses sept si-
ils con.m.m quèronl
leur v,-
le ro^. amiuel « gnes... y
assaillirent si v.vemcn les P.c-
sion- et ils Il est fâcheux que l'auteur
de ces belles
pas seulement en
U-squ-ils ne les délirent oraisons ne soit pas connu, ou pourrait lui
bataille, mais qu'ils en exterminèrent la
faire des compliments.

"cEPHALONOMANClE. Voy. KÉPiiAi.oNO- On récite après la prière quelque formu'c


de conjuration, et les esprits paraissent.
Voy.
On y re- Conjuration.
CERÀM, l'une des îles Moluques.
une mon- Le Grand Grimoire ajoute qu en entrant
marque sur la côte méridionale, dans ce cercle il faut n'avoir sur soi aucun
mauvais gé-
tagneoù résident , dit-on . les métal impur , mais seulement de lor ou
de
Amboine. qui
nies Les navigateurs de lîle d l'argent, pour jeter la pièce à l'esprit. On
ne p;;ssenl jîuere
sont tous irès-superslilicus. plie celte pièce dans un papier blanc,
sur le-
sans faire une ol-
en vue de celle montagne quel on n'a rien écrit; on l'envoie à l'esprit
mauvais génies qu «'s C'"P«-
frande à ces
pour lempécher de nuire; et, pendant qu il
,

des empdles. Le
chent ainsi de leur susciter se baisse pour la ramasser devant le
cercle,
iour, ils déposent des
Heurs el une petite soumet.
on prononce la conjuration qui le
ijiècè de monnaie dans une coque de coco; mêmes
Ihuile avec des pe- Le Dragon rouge, recommanda les
Il nuit ils Y metlenl de
laissent ttotter précautions.
lues mèchel allumées el ils ,

Il nous reste à parler des cercles


que les
celte coque au gré des vagues.
sorciers font au sabbat pour leurs danses.
CERAUNOSCOPIE. Divination qui se pra- On en montre encore dans les campagnes ;
tiquait, chez les anciens,
par l'observation
et par 1 examen on du sabbat ou cercle des
les appelle cercle
de la foudre et des éclairs, fées, parce qu'on croyait que les féi^^s
tra-
phénomènes de l'air.
des çaient de ces cercles magiques dans leur»
CEUBEUE. Cerberus ou Nabcrus est chez danses au clair de la lune. Ils ont quelque-
nous un démon. Wierus le met au no.nbre
fois douze ou quinze toises de diamètre,
et
'"fernal. Il est fort
des marquis de l'empire contiennent un gazon pelé à la ronde de la
se montre sous la forme d un
et puissant; il
néanmoins il largeur d'un pied, avec un gazon vert au
corbeau; sa voix est rauque :

milieu. Quelquefois aussi tout le milieu


est
enseigne
donne l'éloquence et l'amabililé
i ;

aride et desséché, et la bordure tapissée


Dix-neuf légions lui obeis-
les beaux-arts.
d'un gazon vert. Jessorp et Walker, dans les
Cerbère des Transactions philosophiques attribuent ce ,

"on que ce n'est plus là le


voit
chien a trois tètes phénomène au tonnerre ils en donnent :

anciens, ce redoutable
appelé aussi pour raison que c'est le plus souvent après
portier incorruptible des enfers,
têtes centiceps bellua a des orages qu'on aperçoit ces cercles.
fa bête aux cent
, ,

serpents dont ses D'autres savants ont prétendu que les'Cer-


cause de la multitude de cles magiques étaient l'ouvrage des
fourmis,
trois chevelures étaient
ornées. Hésiode lui
tôles de chien; mais on parce qu'on trouve souvent ces insectes qui
donne cinquante
lui en recon- y travaillent en foule.
s'accorde généralement à ne regarde encore aujourd'hui dans les
Ses dents étaient noires et On ,

naître que trois.


les places arides
causait une campagnes peu éclairées ,

tranchantes , et sa morsure rond du sabba!.. Dans la Lorraine,


comme le
les traces que forment sur le gazon les tour-
^'oTcroU^que la fable de Cerbère remonte billons des vents cl les sillons de la
foudre
garder les tom-
aux Egyptiens, qui faisaient passent toujours pour les vestiges de la danse
beaux par des dogues. des fées, el les paysans ne s'en approchent
C'ea principalement ici du
dcmon Cerbe-
En lo8l), il tit qu'avec terreur (21.
rus qu'il a fallu nous occuper. CERCUEIL. L'épreuve ou jugement de
d'alliance avec une Picarde nommée
pacte
Dieu par le cercueil a élé longtemps en
Marie Martin. Voy. Martin. usage. Lorsqu'un assassin, malgré les
in-
CEUCLES MAGIQUES. On ne peut guère
formations , restait inconnu, on dépouillait
sans s êire
évoquer les démons avec sûreté entièrement le corps de la victime on menait ;

garantisse de leur et tous ceux qui


placé dans un cercle qui ce corps sur un cercueil ,

premier mouvement meur-


atteinte, parce que leur étaient soupçonnes davoir eu part au
serait d'empoigner, si l'on n'y
tre étaient obligés de le toucher. Si on re- l

«"f'')' «'''f»
Voici ce qu'on à propos dans le fatras in-
lit
marquait un mouvement, un changement
pape Honorius
Grimoire du dans les yeux, dans la bouche ou dans toute
:
titulé
Les
:

cercles se doivent faire avec du char-


autre partie du mort, si la plaie saignait,

du bois ( e
bon, de l'eau bénite aspergée, ou celui qui touchait le cadavre dans ce
mouve-
ils seront faits de la
la croix bénite... Quand ment extraordinaire élait regardé et pour-
l'Evangile écri- Cœur-de-
sorte, et quelques paroles de suivi comme coupable. Richard
sur on jettera de père,
Lion s'éiait révolté contre Henri II son
sol,
tes autour du cercle, le

l'eau bénite en di-^ant une


prière supersti- On rapporte qu'après la
à qui il succéda.
.lUclqutfs mois :
tieuse dont nous devons citer mort de Henri II . Richard sétant rendu a
— « Alpha , Oméga , tly, Elohé, Zebahol,
qui est vam-
Fontevraull, où le l'eu roi avait ordonné sa
• Elion , Saday. Voilà le lion livre I" le la Vierij
(2) M;i.lame Disc Yciarl, NoUsau
Histoires [irodiaieuscs, 1. 1. i'Xniuiac.
li\ Boisluaui,
329 CER cin ''9
sépulture, à l'approclio du fils rebelle, le guc vie à cerfains animaux, et principale-
corps du malheureux père jeta du sang par ment aux cerfs, est fort ancienne. Hésiode
la bouche cl par le nez, et que ce sang jaillit dit que la vie de Ihomme finit à
quatre-vingt-
sur le nouveau souverain. On cite plusieurs seize ans que celle de la corneille est neuf
:

exemples semblables, dont la terrible morale fois plus longue, et que la vie du
cerf est
n'était pas trop forte dans les temps bar- quatre fois plus longue que celle de la cor-
bares. neille. Suivant ce calcul, la vie du cerf est de
Voici un petit fait qui s'est passé en trois mille quatre cent cinquante-six ans.
Ecosse :
Pline rapporte que cent ans après la mort
Un nommé John Makintos, avait
fermier, d'Alexandre on prit dans les forets plusieurs
eu quelques conteslalions avec sa sœur cerfs auxquels ce prince avait attaché lui-
Fanny Mac-Allan. Peu de jours après il même des colliers. On trouva, en 1037, dans
mourut subitement. Les magistrats se ren- la forêt de Senlis, un cerf avec un collier
dirent chez lui, et remarquèrent qu'il avait portant ces mots Cœsar hoc me donavil,
:

sur le visage une large blessure, de laquelle « C'est César qui me l'a donné; » mais
aucune goutte de sang ne s'échappait. Les quei
César? Ces circonstances ont fortifié toute-
voisins de John accoururent en foule pour fois le conte d'Hésiode. Les cerfs ne
vivent
déplorer sa perte; mais, quoique la maison pourtant que trente-cinq à quarante ans. Ce
de sa sœur fût proche de la sienne, elle n'y que l'on a débité de leur longue vie, ajoute
entra pas, et parut peu affectée de cet événe- Buffon, n'est appuyé sur aucun fondement;
ment. Cela suffit pour exciter parmi les mi- ce n'est qu'un préjugé populaire, dont Aris-
nistres et 1rs baillis , le soupçon qu'elle n'y tote lui-même a relevé l'absurdité. Le col-
était peut-être pas étrangère. En consé- lierdu cerf de la forêt de Senlis ne peut pré-
quence, ils lui ordonnèrent de se rendre près senter une énigme qu'aux personnes qui
du défunt et de placer la main sur son cada- ignorent que tous les empereurs d'Allemagne
vre. Elle y consentit; mais avant de le faire, ont été désignés par le nom de César.
elle s'écria d'une voix solennelle Je sou-: Une autre tradition touchant le cerf, c'est
haite humblement que le Dieu puissant qui que la partie destinée à la génération lui
a ordonné au soleil d'éclairer l'univers, fasse tombe chaque année. Après avoir ainsi ob-
jaillir de cette plaie un rayon de lumière dont servé ce qui a lieu par rapport à son bois,
le reflet désignera le coupable. Dès que ces on s'est persuadé que la'même chose arrivait
paroles furent achevées , elle s'approcha à la partie en question. L'expérience et la
,
posa légèrement un de ses doigts sur la bles- raison détruisent également une opinion si
sure, cl le sang coula immédiatement. Les absurde (1).
magistrats crurent y voir une révélation du CERINTHE hérétique du temps des apô-
,
ciel , et la malheureuse Fanny fut exécutée tres. Ilque Dieu avait créé des génies
disait
le jour même. chargés de gouverner le monde; qu'un do
On voit dans la vie de Charles-le-Bon, par ces génies avait fait tons les miracles de
Gualbert {Collect. des Bollandistes, 2 mars), l'histoire des Juifs; que les enfants de ces
que les meurtriers en Flandre, au douzième esprits étaient devenus des démons, et que
siècle, après avoir tué leur victime, man- le Fils de Dieu n'était descendu sur la terre,
geaient et buvaient sur le cadavre, dans la que pour ruiner le pouvoir des mauvais an-
persuasion qu'ils paralysaient par celle céré- ges. Il avait écrit des révélations qu'il pré-
monie toute poursuite contre eux à l'occa- tendait lui avoir été faites par un an^e de
sion du meurtre. Les assassins de Charles- bien, avec qui il se vantait de couvers<°r fa-
le-Bon avaient pris cette précaution; ce qui milièrement. « Mais cet ange, comme dit Le-
ne les empêcha pas d'être tous mis au sup- loyer, était un vrai démon, et pas autre
plice. chose. »
CERDON, hérétique du deuxième siècle, CERNE, mot vieilli. C'était autrefois le
chef des cerdoniens. Il enseignait que le nom qu'on donnait au cercle que les magi-
monde avait été créé par le démon , et ad- ciens traçaient avec leur baguette pour évo-
•metijiit deux principes égaux en puissance. quer les démons.
CÉKÈS. « Qu'étaient-ce que les mystères CEROMANCIE ou CIROMANCIE. Divina-
de Cérès à Eleusis sinon les symboles de la
, tion par le moyen de qu'on faisait
la cire,
sorcellerie, de la magie et du sabbal? A ces fondre et qu'on versait goutte à goutte dans
orgies, on dansait au son du clairon, comme un vase d'eau, pour en lirer, selon les figures
au sabbat des sorcières, et il s'y passait des que formaient ces gouttes, des présages heu-
choses abominables, qu'il était défendu aux reux ou malheureux. Les Turcs cherchaient
profès de révéler (1). » surtout à découvrir ainsi les crimes et les
On voit, dans Pausanias, que les Arcadiens larcins. Us faisaient fondre un morceau de
représentaient Cérès avec un corps de femme cire à petit feu, en marmottant quelques pa-
et une tête de cheval. roles; puis ils ôtaient celle cire fondue de
On a donné le nom de Cérès à une planète dessus le brasier et y trouvaient des figures
découverte par Piazzi en 1801. Celte planète qui indiquaient le voleur, sa maison et sa
n'a encore aucune influence sur les horosco- retraite.
pes. Voy. Astrologie. Dans l'Alsace, au seizième siècle, et peut-
CERF. L'opinion qui donne une Irès-lon- être encore aujourd'hui, lorsque quelqu'un
{\\ T.eloyor, Disc, cl bist. des spectres, p. 689, 768.
'^^\^« '^''^ Erreurs el des i-réjujjés, l. II.
{3J Browii, Essais sur les erreurs, elc, t. 1", liv. III,
n T^"'^!'.?*'
p. Ho. Buffoii, Hisl. liai., clc.

DlCTIONN. DES SCIENCES OCCULTES. 1, il


5i5
DlCTlONNAinK DES SCILNCES OCCL'LTES.
«1
bonnes femmes veulent fantôme saisit la trompette de l'un d'eux,
malade et que les
est
a envoyé sa maladie, elles sonne la charge, passe le fleuve; el César
découvrir qui lui
d'un poids égal s'écrie, sans délibérer davantage Allons : —
prennent autant de cierges présages des dieux et Tinjusticede nos
d'êtres ou de person- où les
nu'elles soupçonnent
et celui dont le cierge ennemis nous appellent. —
L'armée le sui-
nes ; elles les allument, vit avec ardeur.
premier consumé passe dans leur es-
est le Lorsqu'il débarqua en Afrique pour faire
pour l'auleur (1).
prit
merveille avec la cer- la guerre à Juba, il tomba à terre. Les Ro-
CERVELLE. On fait
mains se troublèrent de ce présage; mais
certaines bêles. L'auteur des Admi-
velle de
César rassura les esprits en embrassîint le
rables secrets d- Albert le Grand
diî.au liv III,
sol et en s'écrianl, comme si sa chute
eût été
fait sortir les dents
uuc la cervelle de lièvre
frotte les gen- volontaire —
Afrique, lu es à moi, car je
:

aux enfants, lorsqu'on leur en te liens dans mes bras.


cives. Il ajoute que les
personnes qui ont
de leurs On a vanté l'étonnante force de ses re-
neur des revenants se guérissent
mangent souven gards; on a dit que, des côtes des Gaules, il
terreurs paniques, si elles
La cervelle de chat voyait ce qui se passait dans l'Ile des Prê-
de la cervelle de lièvre.
frotte les dehors du tons. Roger Baron qui ne doute pas de ce
,

ou de challc, si on s'en
n'examinait ainsi
deux jours les in- fait, dit que Jules César
Bosier, guérit en moins de
après tout ce qui se faisait dans les camps et dans
flammalions qui s'y font sentir, mais d'Angleterre qu'au moyen de
les villes
une crise de fièvre violente. ,
miroirs destinés à cet usage.
mangeaient a grands
Les premiers hommes ne On assure que plusieurs astrologues pré-
respect pour a
rervelle d'aucun animal, par César sa mort funeste ; que sa
à
comme le siège de la dirent
tête, qu'ils regardaient lui conseilla de se défier
femme Calpurnie
vie et du sentiment. „„ ,„ ,
des ides de mars; que le devin Artémidore
CESURE ou CESARIUS (Pierre), moine
On lui doit un re- lâcha également de l'effrayer par de sinistres
de Citeaux, mort en 12W. présages lorsqu'il se rendait au sénat, où il
cueil de miracles où les
démons figurent
recueil, on ne sait trop devait être assassiné; toutes choses contées
très-souvent (2). Ce
à l'index en Espagne. 11 après l'événement.
pourquoi, a été mis On ajoute qu'une comète parut à l'instant
cité plusieurs fois dans ce dictionnaire.
e<t
de sa mort. On dit encore qu'un spectre
CESAIRE (St). Voy. Mirabilis lip.er. poursuivit Brulus,son meurtrier, à la ba-
CESALPIN (AsDRfe), médecin du seizième taille de Philippes ; que, dans la même
jour-
siècle, né à Are^zo en
Toscane, auteur de
Démons, ou on explique née. Cassius crut voir au fort de la mêlée
Recherches sur les
César accourir à lui à toute bride, avec un
1

passage d'Hippocrate, relatif aux


causes
le
certaines maladies (3). Ce regard foudroyant, et qu'effrayé de cette vi-
surnaturelles de
prière de 1 archevêque sion terrible, il se perça de son épée.
traité, composé à la
ou les religieuses Quoi qu'il en soit, Jules César fut mis au
de Pise, parut au moment rang des dieux par ordre d'Auguste, qui
de cette ville étaient obsédées
d'un couvent prétendit que 'V^énus avait em.porté son am«
demandait a tous
du démon. L'archevêque au ciel. On le représentait dans ses temples
savants les contorsions de ces pauvres
avec une étoile sur la têle, à cause de la co-
les si
avaient une cause naturelle ou
surna-
filles
particulièrement consulte, mète qui parut au moment de sa mort.
turelle. Césalpin, CESAR , charlatan qui vivait à Pans
que nous citons. Il corn-
répondit par le livre nécro-
immense multitude sous Henri IV, et qui était astrologue,
Picnce par exposer une mancien chiromancien, physicien, devin,
de faits attribués aux
démons et a la magie, ,

bonne
avoue qu il y faiseur de tours magiques. Il disait la
ensuite il discute ces faits ; il aventure par l'Inspection des lignes de la
ne peuvent guère
a des démons mais
qu'ils
main. Il guérissait en prononçant des paro es
,

.ommuniquer matériellement avec l homme; arrachait les


soumettant à la croyance de et par des attouchements. 11
il termine en se vendait assez cher de pe-
possession des reli- dents sans douleur,
VEslise. 11 déclare que la noir, comme talis-
surnaturelle; que les se- tits joncs d'or émaillés de
gieuses de Pise est
sont insufùsanls et mans qui avaient des propriétés naerveilleu-
cours de la médecine y ,
Il escamotait
au pouvoir des exor- scs contre toutes les maladies.
bon de recourir
qu'il est admirablement et faisait voir le diable avec
cistes.
do ses cornes. ut
CESAR (Caios Jxjlics). On a racontésur-
, .i .

Quant à cette dernière opération, il semble


et homme fameux quelques merveilles qu'il voulait punir les curieux d'y avoir
cru ;

rossés
car en revenaient toujours si bien
ils
avec
^Tétone rapporte que César étant par de Belzébulh, que le magicien
les sujets
son armée sur les bords du
Rubicon que ses avouer qui!
lui même était obligé de leur
hésitaient à traverser , il
apparut de chercher a les con -
soldats
qui était fort imprudent
inconnu de taille extraordinjiire
un ,
1131 rc
général. Les
'

s'avança en sitnant vers le Le bruit courut à Paris, en 1611, que en- l

accourent pour le voir; aussitôt le un autre sorcier de ses


soldats chanteur César el

(1) Delancre ,
IncrédulUé et mécréance du sortilège Cologne, 1599.111-8°. Douai, 1601.
Iii-fol
iuvesligaiio t'oripalelica , in qua
exrl.u»-
pletiemenl convaincu^, traiié S-Hî'.'™'.''^- '^-memoraln-
'
„„„,,,„• (3) D^lnum
Hi lllusTiiim
liisloriariim
miraculorura et
lur locus HiiiiK)craiis si quid
diùuum m morbis lial)ealur.

NurVmberg, 1481. ln-4°. Florence, 1380.


dmlsl^clo'.'lui» luw" fia., 1603.
535 CHA CHA 33<
amis avaient élé étranglés par le diable. On fectionnèrent. ils étaient aussi habiles ma-
publia même, dans un petit imprimé, les dé- giciens.
tails de celle aventure infernale. Ce qu'il y a
CHAM , troisième fils de Noé, inventeur
de certain, c'est que César cessa tout à coup ou conservateur de la magie noire. Il per-
de se montrer. Il n'était cependant point fectionna les divinations et les sciences su-
mort ; il n'avait même pas quitté Paris. Mais perstitieuses. Gecco d'AscoIi dit, dans le
il était devenu invisible comme quelques
,
chapitre k de son Commentaire sur la Sphère
autres que l'Étal se charge de loger (1). de Sacrobosco , avoir vu un livre do magie
CëSARA. Les Irlandais croient remon- composé par Cham, et contenant les élémentt
ter à Césara pelile-fîlle de Noé
,
disent-ils, ,
et la pratique de la nécromancie. 11 enseigna
qui se réfugiadans leur île, où pargrâcc spé- celte science redoutable à son fils Misr.iïm,
ciale, elle fut à l'abri des eaux du déluge.
qui, pour les merveilles qu'il faisait, fut ap-
CltSONlE ,femme de Caligula. Suétone pelé Zoroastre, et composa , sur cet art dia-
conte que, pour s'assurer le cœur de son au- bolique, cent mille vers, selon Suidas, eltrois
guste époux , elle lui fil boire un phillrc qui cent mille, selon d'uulres.
acheva de lui faire perdre l'esprit. On pré- Les monstruosités de Cham lui attirèrent,
tend qu'il y avait dans ce philtre de l'hippo- dit-on, un châtiment terrible ; il fut emporté
mane qui est un morceau de chair qu'on
,

trouve quelquefois, dit-on, au front du pou-


par le diable à la vue de ses disciples. —
Bérose prétend que Cham est le même que
lain nouve.'iu-né. Voy. Hippomane.
Zoroastre. Annius de Vilerbe, dans ses notes
CEURAWATS , sectaires indiens, qui ont au texte supposé de cet écrivain pense que ,
si grande peur de détruire des animaux, Cham pourrait bien être le type du Pan dis
qu'ils se couvrent la bouche d'un linge pour
anciens pa'iens (3). Kircher dit que c'esl leur
ne pas avaler d'insccles. Ils admettent un bon Saturne et leur Osiris. D'autres prétendent
et un mauvais principe , et croient à des que c'est lui qui fut adoré sous le nom de
transmigrations perpétuelles dans différents Jupiter-Ammon. Ils le confondent avec Cha-
corps d'hommes ou de bêles.
mos.
CEYLAN. —
Les habitants croient que On dit encore que Cham a inventé l'alchi-
celte île fut le lieu qu'Adam et Eve habitè-
mie , et qu'il avait laissé une prophétie dont
rent, après avoir élé chassés du jardin de
l'hérétique Isidore se servait pour faire des
délices.
prosélytes. Nous ne la connaissons pas autre-
CHACON (Alphonse) en latin Ciaconius,
,
ment que par un passage de Sand qui dit ,
dominicain espagnol du seizième siècle que Cham, dans cette prophétie , annonçait
auteur du traité traduit par Cayet Comment :
l'immortalité de l'âme (4).
l'âme de Trajan fut délivrée de l'enfer (2).
CHAGRAN , tonnerre de Wishnou. Les CHAMANS ,
prêtres sorciers des Ya-
Indiens le représentent sous la figure d'un coiits. Voy. Mang-Taar.
cercle qui vomit du feu de tous côtés, comme CHAMBRliS INFESTEES. — Voy. Cuat,
nos soleils d'arlifice. Desiioulières , Dbspilliers , Atuénagure,
CHAINE DU DIABLE. — C'est une tradi-
Ayola, Château,

etc.

tion parmi les vieilles femmesdela Suisse que CHAMEAU. Les musulmans ont pour
saint Bernard tient le diable enchaîné dans cet animal une espèce de vénération ; ils
quelqu'une des montagnes qui environnent croient que c'esl un péché de le trop charger
l'abbaye de Clairvaux. Sur cette tradition est ou de le faire travailler plus qu'un cheval.
fondée la coutume des maréchaux du pays La raison de ce respect qu'ils ont pour le
de frapper tous les lundis, avant de se met- chameau, qu'il est surtout commun
c'est
tre en besogne , trois coups de marteau sur dans sacrés de l'Arabie, et que c'est
les lieux
l'enclume pour resserrer la chaîne du diable, lui qui porte leKoran, quand on va en pèle-
afin qu'il ne puisse s'éi happer. rinage à La Mecque.
CHAIS ( Pierre ), ministre protestant, né Les conducteurs de ces animaux, après les
à Genève en 1701. Dans son livre intitulé le avoir fait boire dans un bassin, prennent
Sens Huerai de l'Ecriture sainte, etc., traduit l'écume qui découle de leur bouche et s'en
de l'anglais, de Slackhouse, 3 volumes in-8', frottent dévotement la barbe, on disant: a G
1738, il a mis une curieuse dissertation, dont père pèlerin ô père pèlerin! » Ils croient
I

il est l'auteur, sur les démoniaques. que cette cérémonie les préserve de niéchef
CHALCEDOINE. — On conte qu'après que dans leur voyage. —
les Perses eurent ruiné Chalcédoine sur le , On voit dans les Admirables Secrets d'Al~
Bosphore, Constantin le Grand voulut la re- hert le Grand, livre II, chap. 3, qu-î «si le
bâtir, parce qu'il en aimait le séjour. Mais sang du chameau est mis dans la peau d'un
des aigles vinrent, qui, avec leurs serres, taureau, pendanlqueles étoiles brillent, la fu-
enlevèrent les pierres des mains des ouvriers. mée qui en sortira fera qu'on croira voir un
Ce prodige se répéta tant de fois, qu'il fallut géantdont la tête semblera toucherleciel,Her -
renoncer à reconstruire la ville, si bien que mes assure l'avoir éprouvé lui-même. Si quel -
l'empereur alla bâtir Constanlinople.... qu'un mange dece sang, il deviendra bieniôl
CHALDEENS. —
On prétend qu'ils trou- fou; et si l'on allume une lampe qui aura
vèrent l'astrologie ou du moins qu'ils laper-
(3) Comment, ad Berosi lib. III. WlerJS , da Praesliglis,
(1) Charlaians célèbres, t. I, p. 202.
ditque Pan est le prince des démons incubes.
(2) Tracliilus de liberaiione anima Trajani iniperïloris
(4) Ctiristop. Sandii lib.. de Origine anim», p.
99.
a l'œiiisinferni, etc. Rome, lo70. Rcggio, 1583
M5 nCTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. S.'fl

été frottée même


sang, on s'imaginera
de ce Dieu de déclarer si l'on peut faire quelque
que tous ceux qui seront présents auront chose pour les mettre en lieu de repos il ne ;

des têtes de chameau, pourvu cependant qu'il faudra jamais manquer d'exécuter ce qu'ils
n'y ait point d'autre lampe qui éclaire la auront demandé (2)... —
clianibre. » Voy. Jean-Baptiste. Les chandelles servent à plus d'un usage.
CHA.MMADAl, le même t\{\'As>no(Iée. On voit dans tous les démonogrnphes que
CIIAMOS, démon de la flatterie, membre les sorcières , au sabbat, vont baiser le der-
du conseil infernal. Les Ammonites et les rière du diable avec une chandelle noire à la
Moabiles adoraient le .'oleil, sous le nom de main. Boguet dit qu'elles allument ces chan-
Chamos , Kamosch ou Kemosch ; et Milton delles à un flambeau qui est sur la léte de
l'appelle l'oftsccne terreur des enfants deMuab. bouc du diable; entre ses deux cornes, et
D'autres le confondent avec Jupiter-Ammon. q u'clles s'éteignent ets'évanouissent dès qu'on
Vossius a cru que c'était le Comus des Gn es les lui a offertes (3). —
et des Romains, qui était le dieu des jeux, N'oublions pas que trois chandelles ou
des danses et des bals. trois bougies sur une table sont de mauvais
Ceux qui dérivent ce mot de l'hébreu Ka- augure; et que quand de petits charbons se
mos prétendent qu'il signifie le dieu caché, détachent de lu lumière d'une chandelle, ils
c'est-à-dire Pluton, dont la demeure est aux annoncent, selon quel(]ues-uns , une vi-
enfers. site (4); mais, selon le sentiment plus géné-
CHAMOUILLARD, noueur d'aiguillette ral, une nouvelle, agréable s'ils augmentent
qui fut cond.imné, par arrêt du parlement de la lumière, fâcheuse s'ils t'affaiblissent.
Paris, en 1597, à être pendu et brûlé, pour CHANT DU COQ. Il dissipe le sabbat. Voy.
avoir maléficié une demoiselle de la Barrière. Coq.
Voy. Ligatures. CHAOMANCIE, art de prédire les choses
CHAMP DU RIRE. — Annibal , lorsqu'il futures par le moyen
des observations qu'on
de Rome, se relira, dil-on, de
faisait le siège fait sur Cette divination est euiployéo
l'air.

devant cette ville épouvanté de vaincs ter-


,
par quelques alchimistes qui ne nous en ont
reurs et de fantômes qui troublèrent ses es- pas donné le secret.
prits. Les Romains, lui voyant lever le siège, CHAPEAU VENTEUX, voy. Eric.
poussèrent de tels cris de joie et firent de si CHAPELET. On a remarqué pertinemment
grands éclats de rire que le lieu d'où il dé-
,
que tous les chapelets de sorcières avaient
camp.i s'appela le Champ du Rire. une croix cassée ou endommagée c'était :

CHAMPIER (Symphorien), Lyonnais du môme un indice de sorcellerie qu'une croix


quinzième siècle, qui a publié en 1303 la Nef de chapelet qui n'était pas entière.
des Daines vertueuses, en quaire livres mêlés CHAPELLE DU DAMNÉ. Raymond Dio-
de prose de vers, dont le troisième contient
et cres, chanoine de Notre-Dame de Paris, mou-
les prophéties des sibylles. On l'a soupçonné rut en répulalion de sainteté vers Tan 1084.
à tort d'être l'auteur du traité des Trois Im- Son corps ayant été porté dans le chœur de
posteurs; mais il a laissé un petit livre inti- la cathédrale, il leva la tête hors du cercueil

tulé: De TripHci disciplina, in-8% Lyon, 1308. à ces graves paroles de l'office des morts :

On lui doit aussi des Dialogues sur la néces- — Réponds-moi; quelles sont tes iniquités?
sité de poursuivre les magiciens (1). Responde mihi quantas habes iniquitates ? etc.,
et qu'il dit Juste judicio Dei accusatus sum.
CHAMPIGNON.— LesHollandaisappellent :

(J'aiétécilédevant lejusle jugement de Dieu.)


le champignon pain du diable l duivels-
Les assistants effrayés suspendirent le ser'>
brood).
vice et le remirent au lendemain. En atten-
CHANDELLE. —Cardan prétend que, pour dant, le corps du chanoine resta déposé dans
savoir si un trésor est enfoui dans un souter- une chapelle de Notre-Dame, la même qu'où
rain où l'on creuse pour cela il faut avoir ,
appelle depuis la Chapelle du Damné.
une grosse chandelle, faite de suif humain, Le lenclemain, on recommença l'office;
enclavée dans un morceau de coudrier, en lorsqu'on fut au même verset, le mort parla
forme de croissant, de manière à Oçurer avec de nouveau, et dit —
Justo Dei judicio ju-
:

les deux branches une fourche a trois ra- dicalus sum. (J'ai été jugé au juste jugement
meaux. Si la chandelle, étant allumée dans le de Dieu.)
lieu soulcrrain, y fait beaucoup de bruit en On remit encore l'office au jour suivant;
pétillant avec éclat, c'est une marque qu'il y et au même verset, le mort s'écria Justo : —
a un trésor. Plus on approchera du trésor, Dei judicio condemnalus sum. (J'ai été con-
plus la chandelle pétillera enfin elle s'étein-
;
damné au juste jugement de Dieu.)
dra quand elle en sera tout à fait voisine. Là-dessus, dit la chronique, on jeta le
Ainsi il faut avoir d'autres chandelles dans corps à la voirie; et ce miracle effrayant fut
des lanternes afin de ne pas demeurer sans
,
cause, selon quelques-uns, de la retraite de
lumière. Quand on a des raisons solides pour saint Bruno, qui s'y trouvait présent.
croire que ce sont les esprits des hommes
Quoique celle anecdote soit contestée, elle
défunts qui gardent les trésors, il est bon de
est consacrée par des monumiïnts. La pein-
tenir des cierges bénits au lieu de chandelles
ture s'en est emparée, et Le Sueur en a tiré
communes; et on les conjure de la part de parti dans sa belle galerie de saint Bruno.

(I) Dlalojfus in magirarum arlium deslructioDem. In-4*.


CHAPUIS (Gabriel), né à Amboise en 15i6.
Ljoii, Bjls.iriii, San» date (vers 1507). (3) Discours des Sorciers, lU. xxii,
(î} Le Sollile iréior Uu Telil Albert. (4) arown, liv. V, cli. xxm.
337 CHA CHA S58
Nous citerons de ses ouvrages celui qui porte grues s'élevèrent si haut qu'on ne les vit
ce litre : les Mondes célestes, terrestres et in- plus.
fernaux, etc., tiré des Mondes de Doni. in-S", Pendant que tous les assistants demeu-
Lyon, 1583. C'est un ouvrage satirique. raient ébahis d'un tel prodige, il vint un
CHAR DE LA MORT, voy. Brouette. homme qui leur demanda la cause de leur
CHARADRIUS, oiseau immonde que nous stupeur. Et quand il la sut : —
Soyez en paix,
ne connaissons pas; les rabbins disent qu'il leur dit-il, votre sorcier n'est pas perdu; jh
est merveilleux, et que son regard guérit la viens de le voir à l'autre bout de la ville,
jaunisse. Il faut, pour cela, que le malade et qui descendait à son auberge avec tout sou
l'oiseau se regardent fixement ; car si l'oiseau monde.
détournait la vue, le malade mourrait aus- Un philosophe, qui cite ce fait comme un
sitôt. tour de magie, el qui n'admet pas qu'on
CHARBON D'IMPURETÉ, l'un des démons puisse en douter, termine parcolteréQexion:
de la possession de Loudun. Voy. Gbandier. — Il faut convenir que le diable fait pour se»

CHARLATANS. On attribuait souvent au- amis des facéties bien extraordinaires.


trefoisaux sorciers ou au diable ce qui n'é- Voici ce qu'on lit dans le Voyage deSchou-
taitque l'ouvrage des cliarlalans. Si nous ten aux Indes orientales :
pensions comme au seizième siècle, tous nos « 11 y avait au Bengale un charlatan qui,
escamoteurs seraient sorciers. en faisant plusieurs tours de souplesse, prit
Tout ce que nous voyons n'est rien pour- une canne longue de vingt pieds, au bout do
tant en fait de tours de passe-passe et les ; laquelle était une petite planche large do
hautes sciences dégénèrent. M. Comte, à trois ou quatre pouces; il mit cette canne à
Paris, escamote à peine des oiseaux. On vit sa ceinture, après quoi une fille de vingt-
sous l'Empire un habile opérateur, qui se deux ans lui vint sauter légèrement par der-
faisait appeler le grand enchanteur Caliin- rière sur les épaules, et, grimpant au haut
Caha, annoncer dans un programme imprimé de la canne, sassit dessus, les jambes croi-
qu'il escamoterait sa femme et la changerait sées et les bras étendus. Après cela, l'homme,
en dindon; il est vrai qu'il n'y put réussir, ayant les deux bras balancés, commença à
et que les spectateurs dirent unanimement marchera grands pas, portant toujours cette
que lui-même était le dindon. Ne l'étaient- fille sur le bout de la canne, tendant le ven-
ils pas un peu plus, eux qui avaient donné tre pour s'appuyer, et regardant sans cesse
leur argent? Wierus, dans son deuxième li- en haut pour tenir la machine en é(iuilibre.
vre des Prestiges, nous raconte que de son La fille descendit adroitement, remonta de-
temps, au seizième siècle, un savant magi- rechef et se pencha le ventre sur le bâton,
cien s'escamota lui-môme, avec des circoa- en frappant des mains et des pieds les uns
slances merveilleuses. Voici le fait. contre les autres. Le charlatan ayant mis
Ce magicien, ou si vous l'aimez mieux, alors le bâlon sur sa télé, sans le tenir ni dt^s
cet escamoteur adroit gagnait sa vie à Mag- mains ni des bras, cette même fille et une
debourg, en faisant des tours de son métier, autre petite Moresque de quinze ans moulè-
dos fascinations et des prestiges, sur une es- rent dessus l'une après l'autre; l'homme les
trade élevée au milieu de la place publique. porta ainsi autour de la place, en courant et
Or, un jour qu'il montrait pour quelque se pencbant, sans qu'il leur arrivât le moin-
monnaie un petit cheval, à qui il faisait exé- dre mal. Ces deux mêmes filles marchèrent
cuter, p.ir la force de sa magie, des choses sur la corde la tête en bas, et firent une mul-
vraiment miraculeuses, comme de deviner la titude d'autres tours de force très-merveil-
pensée, de désigner dans la foule le mari le leux. Mais, quoique plusieurs d'entre nous
plus doux, la femme la moins parleuse, la crussent que tous ces tours de souplesse
personne la plus belle, la plus riche, la plus fussent faits par art diabolique, il me semble
meuleuse, la plus spirituelle de la société; qu'ils pouvaient se faire naturellement; car
après avoir fini son jeu, le prestidigitateur ces filles, qui étaient très- adroites, subtiles,
s'écria qu'il gagnait trop peu d'argent avec et dont les membres étaient grandement agi-
les hommes d'ici-bas, et qu'il allait monter les, faisaient tout cela à force de s'y être ac-
à lune. Ceci se faisait, comme d'ordinaire,
la coutumées el exercées. »
par une belle soirée, à la clarté de quelques Il y a eu des charlatans de toutes les espè-
chandelles. ces en 1728, du temps de Law, le plus fa-
:

Le magicien ayant donc jeté son fouet en meux des charlatans, un autre, nommé Vil-
l'air, le fouet coimnença de s'élever. Le petit lars, confia à quelques amis que son oncle,
cheval ayant saisi avec ses dents l'extrémité qui avait vécu près de cent ans, et qui n'était
du fouet s'enleva pareillement. L'»Michanteur mort que par accident, lui avait laissé le siî-
ne voulant pas abandonner son bidet, le prit crel d'une eau qui pouvait aisément prolon-
par la queue et fut emporté de même. La ger la vie jusqu'à cent cinquante années,
femme do C( t habile homme empoigna à son pourvu qu'on fût sobre. Lorsqu'il voyait
tour les jambes île son mari, qu'elle suivit; passer un enterrement, il levait les épaules
la servant!' s'accroch.i aux pieds de sa mal- do pitié. « Si le défunt, disail-il, avait bu
tresse; le valel, qui faisait les parades, se de mon eau, il ne sérail pas où il est. » Ses
pendit aux jupons de la servante;
el bientôt amis, auxquels il en donna généreusement,
Je fouet, lo petit cheval,
sorcier, sa fomino,
le el qui observèrent un p: u le régime prescri!.
la cuisinière, le paillasse, tous les éléments s'en trouvèrent bien et le prônèrent; alors il
de la troupe arrangés coiuinc une bande de vendit la bouteille six francs; le débit en fut
539 DICTIONNAIIIE DES SCltNCES OCCULTES 3M
prodigieux. C'élail de l'eau de Seine <ivec un se séparer. L'archevêque Turpiii, ayant ap-
peu do iiilre. Ceux qui en prirent et qui s'as- pris la durée de cette effroyable passion,
Ireigiiireiil au régime, surtout s'ils étaient alla un jour, pendant l'absence du prince,
nés avec un bon leiupérainent, recouvrèrent dans la chambre où était le cadavre, afin de
en peu de jours une santé parfaite. Il disait voir s'il n'y trouverait pas quelque sort ou
aux autres : —
C'est votre faute si vous n'ê- maléfice qui fût la cause de ce dérèglement.
tes pas entièrement guéris. On sut enfin — Ilvisita exactement le corps mort, et trouva
que l'eau de Villars n'était que de l'eau de en effet, sous la langue, un anneau, qu'il
rivière; on n'en voulut plus et on alla à emporta. Le même jour Charlemagne, étant
d'autres charlatans. Mais celui-là avait fait rentré dans son palais, fut fort étonné d'y
sa forlune. Voy. Ane, Chèvbe, Alexandre trouver une carcasse si puante; et, se réveil-
DE PaPRL4Gi)NIE, CIC. lant comme d'un profond sommeil, il la fit
CHAULES-MARTEL. Saint Euchcr, évêque ensevelir promptement.
d'Orléans, eut une vision, dans laquelle il se Mais la passion qu'il avait eue pour le ca-
crul transporté par un ange dans le purga- davre, il l'eut alors pour l'archevêque Tur-
toire. Là, il lui sembla qu'il voyait Charles- pin, qui portait l'anneau : il le suivait par-
Martel, qui expiait les pillages qu'il avait tout, et ne pouvait le quitter. Le prélat, ef-
faits et ceux qu il avait soufferts. frayé de cette nouvelle folie, et craignant
A on ajoute ce conte que le
cette vision, que l'anneau ne tombal en des mains qui en
tombeau de Charles-5lartel fut ouvert, et pussent abuser, le jeta dans un lac afin que
qu'on y trouva un serpent, lequel n'était personne n'en pût faire usage à l'avenir. Dès
qu'un démon. Et là-dessus les philosophes, lors Charlemagne devint amoureux du lac,
s'en prenant au clergé, l'ont accusé de frau- ne voulut plus s'en éloigner, y bâtit auprès
des. Mais le tombeau de Charles-Martel n'a un palais et un monastère, et y fonda la ville
été ouvert à Saint-Denis que par les profa- d'Aix-la-Chapelle, où il voulut être enseveli.
nateurs de 1793. On sent que tout ce récit n'est qu'un conte,
CHAHLEMAGNE. On lit dans la légende mais il est foil répandu. Voy. Vétin, etc.
de Berthe au grand pied, que Pépin le Bref CHARLES LE CHAUVE, deuxième du nom
voulant épouser Bi'rthe, fille du comte de de Charles parmi des Francs. Il eut
les rois
Laon, qu'il ne connaissait pas, ceux qui la la vision suivante, dont on prétend qu'il a
lui amenaient lui substituèrent une autre écrit lui-même le détail. —
La nuit d'un di-
femme que Pépin épousa. Ils avaient chargé manche, au retour des matines, comme il
des assassins de tuer la princesse dans la fo- allait se reposer, une voix terrible vint frap-
rêt des Ardenncs. Ayant ému leur pitié, elle per ses oreilles. —
Charles, lui dit celte voix,
en obtint la vie, à condition de se laisser ton esprit va sortir de ton corps; tu viendras
passer pour morte. Elle se réfugia chez un et verras les jugements de Dieu, qui le ser-
meunier, où elle vécut plusieurs années. viront ou de préservatif ou de présage. Ton
Un jour Pépin, égaré à la chasse, vint esprit, néanmoins, te sera rendu quelque
chez ce meunier son astrologue lui annonça
;
temps apiès.
qu'il se trouvait là une fille destinée à quel- A l'instant il fut ravi ; celui qui l'enleva
que chose de grand. Berthe fut reconnue, ré- était d'une blancheur éclatante. 11 lui mit
tablie dans ses droits; elle devint mère de dans la main un peloton de fil qui jetait une
Charlemagne. —
La légende ajoute que la lumière extraordinaire : —
Prends ce fil, lui
première épouse de Pépin avait donné le jour dit-il, et l'attache fortement au pouce de la
à un fils, lequel, par la suile, élu pape sous main droite, par ce moyen je te conduirai
le nom de Léon III, couronna Charlemagne dans les labyrinthes infernaux, séjour de
empereur d Occident (1). peines et de souffrances.
Il serait long de rapporter ici tous les pro- Aussitôt, le guide marcha devant lui avec
diges que l'on raconte de Charlemagne. Son vitesse, en dévidant le peloton de fil lumi-
règne est l'époque chérie de nos romans che- neux. 11 le conduisit dans des vallées pro-
valeresques. On voit toujours auprès de lui fondes, remplies de feux et pleines de puits
•lesenciianleurs, des géants, des fées. a a enllammés , où l'on voyait bouillir de la poix,
niéuie dit qu'il ne porta la guerre en Espagne du soufre, du plomb, du bitume.
que parce que saint Jacques lui apparut « Je remarquai, dit le monarque, des pré-

pour l'avertir qu'il retirât son corps des lats et des chefs qui avaient servi mon père
mains des Sarrasins. et mes aïeux. Quoique tremblant, je ne lais-
Ses guerres de Saxe ne sont pas moins fé- sai pas de les interroger, pour apprendre
condes en merveilles, et les circonstances de d'eux quelle était la cause de leurs tourments.
sa vie privée sont rapportées également d'une Ils me répondirent : —
Nous avons été les
manière extraordinaire parles chroniqueurs. officiers de votre père et de vos aïeux ; et,
On dit qu'en sa vieillesse il devint si éper- au lieu de les porter eux et leurs peuples a
dûment épris d'une Allemande, ((u'il en né- la paix et à l'union, nous avons semé parmi
gligea non-seulement les affaires de son eux la discorde et le tiouble c'est pourquoi
:

royaume, mais même soin de sa propre


le nous sommes dans ces souterrains. C'est ici
personne. Cette femme étant morte, sa pas- que viendront ceux qui vous environnent it
sion ne s'éteignit pas, de sorte qu'il continua qui nous imitent dans le mal. »
d'aimer son cadavre, dont il ne voulait pas Pendant que, tout tremblant, le roi coa-
(1) Voyfz, dans IfS li^^endes des commandoinenis de aussl, dans les légendes de l'Hisloire de France , ta iKjis-
Dieu , la légende de la terne Berlhe m( yrand pieU. \o)i:i taitce (le Cliurlcmagne.
Si( CHA CIIA 34-:

sidérait ces choses, il vit fondre sur lui d'af- Lolhaire, assi? sur une topaze d'une gran-
freux démons, lesquels, avec des crochets de deur extraordinaire et couronné d'un riche
fer enflammé, voulaient se saisir de son pe- diadème son fils, Louis, était dans un éclat
;

loton de fil et le lui enlever des mains ; mais aussi brillant. A peine m'eul-il aperçu que,
l'exlrêtne lumière qu'il jetait les empêchait d'une voix fort douce, il m'appela et me parla
de le happer- Ces mêmes démons cherchèrent en ces termes : —
Charles, qui êtes mon troi-
à saisir le roi et à le précipiter dans les puits sième successeur dans l'empire romain , ap-
de soufre ; son conducteur le débarrassa des prochez. Je sais que vous êtes venu voir les
embûches qu'on lui tendait, et le mena sur lieux de supplices et de peines où votre père
de hautes montagnes d'où sortaient des tor- et mon frère gémissent encore pour quelque
rents de feus qui faisaient fondre et bouillir temps. Mais, parla miséricorde de Dieu, ils
toutes sortes de métaux. seront bientôt délivrés de leurs souffrances,
« Là, dit le roi, je trouvai les âmes de plu- comme nous-mêmes en avons été retirés, à
sieurs seigneurs qui avaient servi mon père la prière de saint Pierre, de saint Denis et de
et mes frères les uns y étaient plongés
: saint Rémi, que Dieu a établis les patrons
i'usqu'au menton, et d'autres à mi- corps. des rois cl du peuple français. Sachez aussi
!s s'écrièrent, en s'adressant à moi :
— que vous ne tarderez pas à être détrôné ;
Hélas Charles, vous voyez comme nous
! après quoi vous vivrez peu.
sommes punis pour avoir malicieusement « Et Louis, se tournant vers moi L'em- : —
semé le trouble et la division entre votre pire romain, dit-il, que vous avez possédé,
père, vos frères et vous... doit passer incessamment entre les mains de
« Je ne pouvais, dit le monarque ( qui a Louis, fils de ma fille. —
A l'instant j'aper-
tout l'air de faiie là une brochure poli- çus ce jeune enfant. —
Remettez-lui l'aulo-
tique dans l'esprit de son époque), je ne
, rité souveraine, continua Louis, et donnez-
pouvais m'empêcherde gémir de leurs peines. lui-en les marques en lui confiant ce peloton
« Je vis venir à moi des dragons dont la que vous tenez.
gueule enflammée cherchait à m'engloutir; « Sur-le-champ je le détachai de mes
mon guide me fortifia par le fil du peloton doigts pour le lui remettre. Parla lise trouva
lumineux dont il m'entoura, et cette clarté revêtu de l'empire, et tout le peloton passa
offusqua si bien les dangereux animaux qu'ils dans sa main. A peine en fut-il mailre, qu'il
ne purent m'atteindre. devint brillant de lumière mon esprit rentra
;

« Nous descendîmes dans une vallée dont en même temps dans mon corps. Ainsi, —
un côié était obscur et ténébreux, quoique tout le monde doit savoir que, quoi qu'on
rempli de fournaises ardentes. Je trouvai le fasse, il possédera l'empire romain que Dieu
côté opposé très-éclairé et fort agréable. Je lui a destiné et quand je serai passé à une
;

m'attachai particulièrement à examiner le autre vie, c'est ce qu'exécutera le Seigneur,


côté obscur j'y vis des rois de ma race tour-
: dont la puissance s'étend dans tous les siècles
mentés par d'étranges supplices. Le cœur sur les vivants et les morts (1). »
serré d'ennui et de tristesse, je croyais à tout Nous le répétons : brochure politique.
moment me voir précipité moi-même dans CHARLES VI, —
roi de France. Ce prince,
ces gouffres par de noirs géants. La frayeur chez qui on avait déjà remarqué une raison
ne m'abandonna pas. affaiblie, allant faire la guerre en Bretagne,
« De l'autre côté du vallon je remarquai lut saisi en chemin d'une frayeur qui acheva
deux fontaines, dont l'une était d'une eau de lui déranger entièrement le cerveau. Il vit
très-chaude, et l'autre plus douce et plus sortir d'un buisson, dans la forêt du Mans,
tempérée. Je vis deux tonneaux remplis l'un un inconnu d'une figure hideuse, vêtu d'une
et l'autre de ces eaux ; dans l'un je reconnus robe blanche, ayant la tête et les piei's nus,
mon père, Louis-le-Débonnaire, qui y était qui saisit la bride de son cheval, et lui cria
plongé jusqu'aux cuisses. 11 me rassura et d'une voix rauque : —
Roi, ne chevauche
me dit : — Mon Dis Charles , ne craignez pas plus avant ; retourne, tu es trahi I Le —
rien, je saisque votre esprit retournera dans raonaniue, hors de lui-même, lira son épée
votre corps Dieu a permis que vous vins-
; et ôla la vie aux quatre premières personnes
siez ici pour voir les peines que mes péchés qu'il rencontra, en criant En avant sur
: —
ont méritées. Si, par des prières et des au- les traîtres 1

mônes, vous me secourez, vous, mes fidèles Son épée s'étant rompue et ses forces épui-
évéques et tout l'ordre ecclésiastique, je ne sées, on le plaça sur un chariot et on le ra^
tarderai guère à être délivré de ce tonneau. mena au Mans.
Regardez à votre gauche, ajouta mon père. Le fantôme de la forêt est encore aujour-
« A l'instant je tournai la tête ;
je vis deux d'hui un problème difficile à résoudre. Etait-
grands tonneaux d'eau bouillante.— Voilà ce ce un insensé qui se trouvait là par hasard ;
qui vous est destiné, conlinua-t-il, si vous ne Etait-ce un émissaire du duc de Bretagne
vous corrigez et ne faites pénitence. Mon — contre lequel Charles marchait? Tous les
guide me dit alors —
Suivez-moi dans la
: raisonnements du temps aboutissaient au
partie qui est à droite de ce vallon, où se merveilleux ou au sortilège. Quoi qu'il en
trouve toute la gloire du paradis. soit, le roi devint tout à fait fou. Un médecin
« Je ne marchai pas longtemps sans voir de Laon, Guillaume de Harsely, fut app;'lé
au milieu des plus illustres rois mon oncle au château de Creil, et, après six mois de

(IJ Viiio Caroli Caivi de tocls pœiiarum el felitilale juslorum. Mun'jscrii>l3 liibl. reg., c' iUl, p. 188,
5i5 DlCTIUNNAiriE DES SCIENCES OCCULTES. IM
joins et de ménagemiuls, la santé du Roi se là de soi des sorciers ou
était d'avoir près
trouva rétablie. —
Mais, en 1393, son élal des charlatans, comme depuis les grands
ilevint désespéré, à la suite d'une autre itn- curent des fous, des nains et des guenons (1).
nruilence. La Reine, à l'occasion du mariage —
CH.VRLES IX, roi de France. Croirait-on
J'une de ses fcmincs, donnait un bal masqué. qu'un des médecins astrologues de Charles
Le Roi y vint déguisé en sauvage, conù;:isaiit IX. lui ayant assuré qu'il vivrait autant de
;ivec lui de jeunes soigneurs dans le même jours qu'il pourrait tourner de fois sur son
lostume, attachés par une clinîne de fer. talon dans l'espace d'une heure, il se livrait
Leur vêtement était fait d'une toile enduite tous les matins à cet exercice solennel pen-
•le poix-résine, sur laquelle on avait appliqué dant cet intervalle de temps, et que les prin-
des éloupes. Le duc d'Orléans , voulant con- cipaux officiers de l'Etat , les généraux, le
natlre les masques, approcha un flambeau : chancelier, les vieux juges pirouettaient tout
la flamme se communiqua avec rapidité, les sur un seul pied pour imiter le prince et lui
cinq seigneurs furent brûlés ; mais un cri faire leur cour (2]

1

"étant fait entendre, Sauvez le Roi — . On assure qu'après le massacre politique


Ch;irles dut la vie à la présence d'esprit de de la Saint-Barlhélemi, et par suite aussi de
duchesse de Berri, qui le couvrit de son l'effroi que lui causaient les conspirateurs,
manteau et arrêta la flamme. Charles IX vit des corbeaux sanglants, eut
L'étatduRoi empira decelte frayeurets'ag- des visions effroyables, et reçut par d'affreux
srrava de jour en jour ; le duc d'Orléans fut
tourments le présage de sa mort prématurée.
soupçonné de l'avoir ensorcelé. Jordan de On ajoute qu'il mourut au moyen d'images
Wejer, de Divin., cap. 43, écrit que ce duc, de cire faites à sa ressemblance, et maudi-
voulant exterminer la race royale, conQ.i ses tes par art magique, que ses ennemis, les
armes et son anneau à un apostat, pour les sorciers protestants, faisaient fondre tous les
consacrer au diable et les enchanter par des jours par les cérémonies de l'envoûtement,
et qui éleignaient la vie du roi à mc!<ure
prestiges ; qu'une matrone évoqua le démon
qu'elles se consumaient (3).
dans la tour de Montjoie , près de Lagny ;
qu'ensuite le duc se servit des armes ensor- En ces temps-là, quand quelqu'un mou-
celées pour ôter la raison au roi Charles, rait de consomption ou de chagrin, on pu-
bliait que les sorciers l'avaient envoûté. Les
non frère, si subtilement, qu'on ne s'en aper-
çut pas d'abord.
médecins rendaient les sorciers responsa-
bles des malades qu'ils ne guérissaient pas ;
Le premier enchantement, selon colle ver-
sion, se fît près de Beauvais il fut si violent
;
— à moins qu'il n'y ait, dans ce crédit uni-
versel des sorciers, un mystère qui n'est pas
que les ongles et les cheveux en tombèrent encore expliqué.
au Roi. Le second, qui eut lieu dans le Maine, CHARLES II, duc de Lorraine. Voy. Sab-
fut plus fort encore personne ne pouvait
;
bat.
assurer si leRoi vivait ou non. Aussitôt qu'il
— CHARLES-LE-TÉMÉRAIRE, duc de Bour-
revint à lui :Je vous supplie, dit-il, en-
gogne. Il disparut après la bataille de Nancy;
levez-moi cette épée, qui me perce le corps
par le pouvoir de mon frère d'Orléans. — et, parmi les chroniciueurs, il en est qui di-
sent qu'il l'ut emporté par le diable comme ,
C'est toujours Mejer qui parle. Le médecin
Rodrigue; d'autres croient qu'il se réfugia
qui avait guéri le Roi n'existait plus on Gt ;
en une solitude et su fit ermite. Celte tradi-
venir du fond de la Guienne un charlatan
tion a fait le sujet du roman de M. d'Arliu-
qui se disait sorcier, et qui s'était vanté de
court, intitulé te Solitaire.
guérir le Roi d'une seule parole; il apportait
avec lui un grimoire qu'il appellait Simago- CHARLES II, roi d'Angleterre. Quoique
rad, par le moyen duquel il était maître de la fort instruit,Charles II eîait, comme son
nature. Les courtisans lui demandèrent de père, plein de confiance dans l'astrologie
qui il tenait ce livre il répondit effronté- judiciaire. Il recherchait aussi la pierre phi-
;

ment que « Dieu, pour consoler Adam de la losophale. Voy. Alchimie.


mort d'Abel, le lui avait donné, et que ce li- CHARMES, enchantement, sortilège, cer-
vre, par succession, et lit venu jusqu'à lui. » tain arrangement de paroles, en vers ou en
Il traita le Roi pendant six mois et ne fit prose, dont on se sert pour produire dés ef-
qu'irriter la maladie. —
Dans ses intervalles fetsmerveilleux.
lucides, le malheureux prince commandait Quelquefois les cnarmeurs ont été des em-
qu'on enlevât tous les instruments dont il poisonneurs.
pourrait frapper. —
J'aime mieux mourir, a Dans tous les temps, dit un écrivain an-
disait-il, que de faire du mal. Il se cro- — glais, le crime d'empoisonnement a été un
yait de bonne foi en-forcelé. Deux moines iléau pour la société; au^si les législateurs
empiriques, à qui on eut l'imprudence de ont-ils cherché à le frapper des plus rudes
l'abandonner, lui donnèrent des breuvages châtiments. Dès les pretniers siècles de Rome,
désagréables , lui firent des scarifications on trouve déjà en vigueur des lois fortement
magiques ; puis ils lurent pendus, comme répressives de ce crime; mais deux cents
ils s'y éiaient obligés en cas que l-i santé du ans avant l'ère chrétienne, les mœurs étaient
Hoi ne fût point rétablie au bout de six mois lellenienl relâchées et l'empoisonnemenl
,

de traitement. Au reste, la mode du ce temps- si généralement répandu à Rome, qu'au rap-

Ci) M. GariiiPl, Hisloirc do la magie eu Frame, p. 87. Dcrlin, l. I, p. 2i!t.


C2j Curiosités ae 1) liUcialuri;, Uwduil de raiiglab par (5) Utliio, Disquisit. mag., lib. 111, cap. I, quœst. î.
3 45 CHA CIIA -M
porl de Tite-Livc, cenl cinquante dames ro- Ci)?uè arr.iihéc k la brune.
maines furent poursuivies et condamnées Peau de grenouille de marais
Ecaille d'im dragon biz.irre,
pour avoir employé le poison. Nez de Turc, lèvre de Tartare,
Néanmoins , l'art de l'empoisonnement Doigt d'un enfant mort en naissant.
avait tant de progrès en Italie, qu'il s'é-
fait Qu'on étouffa tout vagissant I

Remplissez la chaudière ardente


tablit à Rome une société de jeunes femmes
Fraise de tigre, pattes, yeux.
mariées, dans le but de l'exploiter. Elles Et faites, ingrédients hideux,
avaient pour présidente Hiéronime Sparra, La bouillie épaisse et gluante (1).
diseuse de bonne aventure; elles aidaient de Mais il y a des charmes moins affienK.
leurs mystères les héritiers impatients, et les Une femme, de je ne
sais quelle contrée,
femmes mariées qui voulaient se débarras- ayant grand mal aux yeux, s'en alla à une
ser de leurs maris. école publique et demanda à un écolier quel-
Elles furent cependant toutes arrêtées, et ques mots magiques qui pussent charmer
toutes elles confessèrent leur crime, à l'ex- son mal el le guérir, lui promettant récom-
ception de Sparra qui fut pendue avec trois pense.
autres, tandis que, pour le reste, le fouet ou L'écolier lui donna un
enveloppé billet
le bannissement parut un châtiment suffi- dans un chiffon et lui défendit
de l'ouvrir.
sant Elle le porta et guérit. Une des voisines
Eu France, la Brinvilliers. la Voisin et la ayant eu la même maladie porta le billet et
Vigoreux, ne turent pas moins célèbres par guérit pareillement. Ce double incident ex-
leurs crimes et par le supplice qui y mit un cita leur curiosité, elles développent le chif-
terme et si les annales de la justice anglaise
;
fon et lisent : « Que le diable t'écarquille les
n'offrent pas des noms aussi infâmes, on deux yeux et te les bouche avec de la
trouve cependant partout la preuve que le boue... »
crime de l'empoisonnement n'y était pas Delrio cite an sorcier qui, en allumant
moins fréquent qu'en France et en Ita- une certaine lampe charmée, excitait toutes
lie. les personnes qui étaient dans la chambre,
La manière dont le père d'HamIet fut em- quelque graves el réservées qu'elles fus-
poisonné, bien que rapportée par un reve- sent, à danser devant lui. « Ces sortes de
nant, jette quelque lumière sur un des mo- charmes, dit-il, s'opèrent ordinairement par
des d'empoisonnement qui étaient alors usi- des paroles qui font agir le diable.»
tés, et la scène des sorcières, dans la tragé- Toute l'antiquité a remarqué que les sor-
die de Macbeth, caractérise aussi parfaite- ciers charmaient les serpents, qui quelque-
ment cette époque superstitieuse et barbare. fois tuent le charmeur. Un sorcier de Salz-
Il ne sera peut-être pas sans intérêt de la bourg, devant tout le peuple, fil assembler
reproduire ici. en une fosse tous les serpents d'une lieue à
la ronde, el là, les fit tous mourir, hormis le
PREMIÈRE SORCIÈRE.
Tournons en rond anlour du cliaudron qui bouillounc, dernier qui était grand, lequeî sautant fu-
Jelons y le poison d'immondes inteslins... rieusement contre le sorcier, le tua.
Crapaud, qui, dormant sous la pierre, « En quoi il appert que ce n'est pas le mot
As durant trente jours éctiaulfé tes venins, hipokindo, comme dit Paracelse, ni autres
Bous le premier dans la chaudière.
CUCECR.
mots semblables, ni certaines paroles du
Redoublons de travail et de soin, psaume 91, qui font seules ces prodiges car ;
Lp myslère nous environne, comment les serpents eussent-ils ouï la
Nous n'avons que l'enfer pour lénioin ;
voix d'un homme d'une lieue à la ronde, si
Feu brûle ! et chaudière, bouilltnin; !
le diable ne s'en fût mêlé (2)?»
SECOHDE £ORC!ÈRE.
Nicétas indique à ce propos un charme
OËil des lézards dans l'eau pourri,
Filet d'un seriienl aiiuatique, qui s'opère sans le secours des paroles « On :

Poil infect de chauve-souris, tue uu serpent, une vipère et tout animal


Bouillez dans le chaudron magique ! portant aiguillon, dit-il, en crachant dessus
Aile lugubre des hiboux.
Aiguillon fourchu de vipère.
avant déjeuner.... » Figuier prétend qu'il a
Pour que l'enchanternenl s'opère ttié diverses fois des serpents de cette ma-
Djus la niarmile niClcz-vousl nière, mouillant de sa salive un bâton ou
Ain>i qu'une infernale soupe une pierre, et en donnant un coup sur la tête
Ijouillez dans cette immense coupe
lit Ibrmez un charme falal
du serpent
De tous les éléments du mal !
On cite un grand nombre d'autres charmes
CUOCDR. dont les effets sont moins vrais qu'étonnants.
Le mystère nous environne, Dans quelques villages du Finistère, on em-
Nous u avons que l'enfer pour lémuin; ploie celui-ci : on place secrètement sur l'au-
Redoublons de travail et de soin tel quatre pièces de six liards, qu'on pulvé-
;
Feu, brûle! el chaudière, liouillo .ne '

rise après la messe; el cette poussière, ava-


TRO SIÈUE SOROIÈHE.
lée dans un verre de vin, de cidre ou d'eau-
Dent de loup et langue de chien
Mon)ie impure desurcirre,
' de-vie, rend invulnérable à la course et à la
Foie ou de juif ou de p,.îen, lutte (3). Ces charmes se font au reste à l'insu
Gueule de requin sanguniaire. du cure ; car l'Eglise a toujours sévèrement
Fiel de bouc, branche de cviirès,
interdit ces superstitions.
Coupée aux éclipses de lune ;
Le grand Grimoire donne un moyen de
(1 ) Traduction de niad. Louise Collet. charmer les armes à leu et d'en rendre l'el-
lîj Bodin, Déiuouomajiie, eic. liv. H, ih.ip. u.
(ô) Canibry, Voyage dans le Fiuisière, t. 111, p. 105.
S»7 Dir.TIONNAlKE DES SCIENCES OCCl LTES. 48
infaillible; il fiiul dire en Ips chargeant :
fi'l
le soleil le signe da bélier
entre dans « Ar- :

« Dieu yail part, el li- diable la sorlf » et, ;


quebuse, canon ou autre armi> à
pistolet ,

lorsqu'on met en joup.il faut dire imi croisant feu, je te commande que tu ne puisses tirer
la jambe gauche sur ta droite: tradas... Non de par l'homme, etc. »
Mathon. Amen, etc. On guérit un cheval encloué en mettant
La plupart des charmes se font aussi par trois fois les pouces en croix sur son pied,
drs paroles dites ou tracées dans ce sons; en prononçant le nom du dernier assassin
charme vient du mol latin carmen, qui signi- mis à morl, en récitant trois fois certaines
fia non-seulement des Vit» cl de la poésie, prières (3j...
mais une formule de paroles délerniiuécs Ily a une infinité d'autres charmes.
dont on ne doit point s'écarter. On nommait On distingue le charme de l'enchantement,
carmina les lois, les formules des juriscon- en ce que celui-ci se faisait par des chants.
sultes, les déclarations de guerre, les clau- Souvent on les a confondus. Toy. Coktre-
«es d'un traité, les évocations des dieux (I). ChaRMES, ENCnAlSTEMENTS, MiLÉFICES, TA-
Ïile-Live appelle lex horrendi carminis la LISMANS, Pariiles, Philactères, Ligatures,
loi qui condamnait à mort Horace meurtrier Chasse, Philtres, elc.
de sa sœur. CHAHTII'R (Alain), poëte du commence-
Quand les Turcs ont perdu un esclave qui snent du quinzième siècle. Ou lui attribue
s'est enfui, ils écrivent une conjuration sur on traité sur la Nature du feu de l'Enfer, que
un papier qu'ils attachent à la porte de la que nous ne sommes pas curieux de connaî-
hutte ou de la cellule de cet esclave, et il est tre.
forcé de revenir au plus vite devant une CHARTUMINS, sorciers chaldéens , qui
main invisible qui le poursuit à grands coups étaient en grand crédit du temps du prophète
de bâton (2. Daniel.
Pline dit que, de son temps, par le moyen CHASDINS, astrologues de la Chaldée. Ils
de certains charmes, on éteignait les incen- tiraient l'horoscope, expliquaient les songes
dies, on arrêtait le sang des plaies, on re- et les oracles, et prédisaient l'avenir par di-
mettait les membres disloqués, on guérissait vers moyens.
la goutte, on empêchait un char de ver- CHASSANION (Jean de), écrivain protes-
ser, etc. —
Tous les anciens croyaient ferme- tant du seizième siècle. On lui doit le livre
ment aux charmes, dont la formule consis- « Des grands et redoutables jugements et pu-
tait ordinairement en certains vers grecs ou nitions de Dieu advenus au monde, princi-
latins. palement sur les grands, à cause de leurs
Bodin rapporte, au chap. 5 du liv. 3 de la méfaits. » In-8*, Morges, 1581. Dans cet ou-
Démonomanie, qu'en Allemagne les sorcières vrage liés -partial, il se fait de grands mira-
tarissent par charmes le lait des vaches, cl cles en faveur des protestants; ce qui est
qu'on s'en venge par un contre-charme qui prodigieux. Chassanion a écrit aussi un vo-
est tel lume sur les géants {'*).

On met
:

bouillir dans un pot du lait de la CHASSE. — Secrets merveilleux pour la


vache tarie, en récitant certaines paroles chasse.
(Bodin ne les indique pas] et frappant sur le Mêlez le sucre de jusquiame avec le sang
[ et avec un bâton. En même temps
diable le et la peau d'un jeune lièvre; celte comiio-
irappe la sorcière d'autant de coups, jus- silion attirera lous les lièvres des envi-
qu'à ce qu'elle ait ôté le charme. rons.
On dit encore que si, le lendc-main du jour Pendez le gui de chêne avec une aili! d'hi-
où l'on est mis en prison, on avale à jinn rondelle à un arbre ; lous les oiseaux s'y
une croûte de pain sur laquelle on aura rassembleront de deux lieues et demie.
écrit : Senozam, Gozoza, Gober, Dom, el On dit aussi qu'un crâne d'homme, caché
qu'on dorme ensuite sur le côté droit , ou dans un colombier y attire tous les pigeons
sortira avant trois jours. d'alentour.
On arrête les voitures en mettant au milieu Faites tremper une graine, celle que vous
du chemin un bâton sur lequel soient écrits voudrez, dans la lie de vin, puis jelez-la aux
ces mots : Jérusalem, omnipotens, etc., con- oiseaux ; ceux qui en lâteronl s'enivreront,
vertis-toi, arrête-toi là. 11 faut ensuite tra- et se laisserontprendre ù la main.
verser le chemin par où U'on voit arriver les Et Albert ajoute
le Petit :

chevaux. B Ayez un hibou que vous attacherez à un


On donne à un pistolet la portée de cen' arbre: allumez toi-t près un gros nambcau,
pas, en enveloppant la balle dans un papiei- faites du bruit avec un tambour; tous les oi-
où l'on a inscrit le nom des trois rois. On seaux viendront en foule pour faire la guerre
aura soin, en ajustant, de retirer son haleine, au hibou et on en tuera autant qu'on voudra
el de dire « Je te conjure d'aller droit où je
: avec du menu plomb. »
veux tirer. » Pour la chasse de Saint-Hubert, voyez Ve-
Un soldat peut se garantir derattcinle d.s neur. Voyez aussi Artuus, AI. de Laïo-
Prmes à fi'U avec un morceau de peau de RÉT, etc.
loup ou de bouc, sur lequel on écrira, quand Les chasseurs des monts Ourals sont su-
(!) ll'rtrier, Dictionnaire au mol CImnne.
lli6ol(ifrii|ue, Ci) De Gigantiliiis eoruinque rcliqniis at(|us ils i]nse

P) Lelojer, Hist. et dise, des sncclros , liv. lY, anlo aniios alimiol noslra itlale in G;illia roi/crli -^iiut.
cb. ixi. lii-S«. B41i', Votti.
(5; lliitrs, Trailé des stiperiiilion».
5)» CIIA CIIÂ 550

perslitieuT, comme tous les chasseurs. Ainsi liesMariannes attribuent le pouvoir de tour-
un chasseur de ces sauvages contrées ne menter ceux qui tombent dans ses mains.
cherchera tout le jour les écureuils qu'au L'enfer est pour eux la maison de Chassi.
haut des sapins roufres, si le premier qu'il a CHASTENET (Léonarde), vieille femme
tué le malin s'ost trouvé sur un arbre de cette de quatre-vingts ans, mendiante en Poitou ,

espèce; et il est fcrniement convaincu qu'il vers 1391 , et sorcière. Confrontée avec Ma-
en chercherait en vain ailleurs. Il ne porle thurin Bonni'vault, qui soutenait l'avoir vue
ses regards, pendant toute la journéis que au sabbat, elle confessa qu'elle y était allée
sur les arbres de la nature de celui qui lui a avec son mari; que le diable, qui s'y mon-
offert son premier gibier. trait en forme de bouc , était une bote fort
En 1832, on vit à Francfort, aux premiers puante. Elle nia qu'elle eût fait aucun malé-
jours du printemps, un ch;.sseur surnaturel fice. Cependant elle fut convaincue, par dix-
qui est supposé habiter les ruines du vieux neuf témoins , d'avoir fait mourir cinq la-
château gothique de Rodenslein. Il traversa boureurs et plusieurs bestiaux. Qu.ind elle
les airs dans la nuit, avec grand fracas de se vil condamnée, pour ces crimes reconnus,
meules, de cors de chasse, do roulements de elle confessa qu'elle avait fait pacte avec le
voitures , ce qui infailliblement annonce diable, lui avait donné de ses cheveux, et
la guerre selon le préjugé du peuple. promis de faire tout le mal qu'elle pourrait;
CHASSEN (Nicolas), petit sorcier de Fra- elle ajouta que la nuit, dans sa prison, le
neker, au dix-septième siècle; il se distingua diable était venu à elle, en forme de chit,
dès l'âge de seize ans. Ce jeune homme « auquel , ayant dit qu'elle voudrait être
,

Hollandais et calviniste, étant à l'école, fai- morte, icelui diable lui avait présenté deux
sait des grimaces étranges, roulait les yeux morceaux de cire, lui disant qu'elle en man-
cl se contournait tout le corps; il montrait à geât, et qu'elle mourrait; ce qu'elle n'avait
ses camarades des cerises mûres au milieu voulu faire. Elle avait ces morceaux de cire;
de l'hiver; puis, quand il les leur avait offer- on les visita , et on ne put juger de quelle
tes , il les retirait vivement et les man- matière ils étaient composés. Cette sorcière
geait. fut donc condamnée, et ces morceaux de cire

Dans le prêche, où les écoliers avaient une brûlés avec elle (2). »
place à part, il faisait sortir de l'argent du CHASTETÉ. Les livres de secrets mer-
banc où il était assis. Il assurait qu'il opérait veilleux , qui ne respectent rien , indiquent
tous ces tours par le moyen d'un esprit ma- des potions qui, selon eux , ont pour effet
lin qu'il appelait Sérug. —
Ballhazar Bekker de révéler la chasteté, mais qui, selon l'ex-
dit, dans le Monde enchanté (Ij, qu'élant allé périence, ne révèlent rien du tout.
à cette école, il vil, sur le plancher, un cer- CHAT. Le chat tient sa place dans l'his-
cle fait de craie, dans lequel on avait tracé toire de la superstition. Un soldat romain
des signes dont l'un ressemblait à la tête ayant tué, par mégarde, un chat en Egypte,
d'un coq; quelques chiffres étaient au milieu. toute la ville se souleva ; ce fut en vain que
Il remarqua aussi une ligne courbe comme le roi intercéda pour lui il ne put le sau-
,

la poignée d'un moulin à bras; tout cela ver de la fureur du peuple. Observons que
était à demi effacé. les rois d'Egypte avaient rassemblé, dan»
Les écoliers avaient vu Chassen faire ces Alexandrie, une bibliothèque immense, et
caractères magiques. Lorsqu'on lui demanda qu'elle était publique les Egyptiens culti-
:

ce qu'ils signiliaient, il se lut d'abord; il dit vaient les sciences , et n'en adoraient pas
ensuite qu'il les avait faits pour jouer. On moins les chats (3j.
voulut savoir comment il avait des cerises et Mahomet avait beaucoup d'égards pour
de l'argent; il répondit que l'esprit les lui son chat. L'animal s'était un jour couché sur
donnait. la manche pendante de la veste du prophète,
— Qui est cet esprit? et semblait y méditer si profondément, que
— BeelzébiUh, répondit-il. Mahomet, pressé de se rendre à la prière,
Il ajouta que le diable lui apparaissait sous et n'osant le son cxlase
tirer de coupa , ,

forme humaine quand il avait envie de lui dil-on, la manche de A son retour,
sa veste.
f.iire du hii'U, d'autres Tiis s lUs forme de il trouva son chat qui revenait de son assou-

bouc OU de veau; qu'il avait toujours un pissement, et qui, s'apercevant de rallention


pii'd conlrefail; etc. de son maître, se leva pour lui l'aire la révé-
Mais, dit Bekker, ou finit par reconnaître rence, et plia le dos en arc. Mahomet com-
que tout cela n'était qu'un jeu que Chassen prit ce que cela signifiait il assura au chat,
;

avait essayé pour se rendre considérable qui faisait le gros dos, une place dans son
parmi les enfints de son âge; on s'étonne paradis. Ensuite, passant trois fois la main
seulement qu'il ait pu le soutenir devant sur l'animal, il lui imprima, par cet attou-
tant i\e personnes d'esprit pendant plus d'une chement la vertu de ne jamais tomber que
,

année. sur ses pattes. Ce conte n'est pas ridicule


CHASSI , démon auquel les habitants des chez les Turcs (4J.

(t) Tome IV, p. loi. une rente viagère. Il existe au Caire , lonl près de Bd-el
(2j Discours soiimiaircdes sortlléj^es et vôiiéfices, tirûs Naz:i (porte de la Vicioire) an liôpllat de ces animaux ; oji
des procès criminels jugés au siège royal de iMoiiliiiorilIciii, ) recueille les clials malades et sans asile; les Icriftlres

eu Poitou, en l'année 1399, p. 19. sont souvent cncond)i ées U'Iioninn's et de feuinies iiui leur
Sainle-Foix, Essais sur Paris, t. Il, p. ôOO.
(,')) dontiLiil à manger à travers les barreaux.
(il 'Quelquefois ils bissent ii leur cUat pat tcslaïueut
,

851 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCL'LTES. asi


Voici une anccdole où le chat joue un teur, tournait autour de lui des yeax aussi
mauvais rôle il est vrai que c'est un chat
; flamboyants que 1« feu lui-même, et en
sauvage. même temps on entendit par-dessus les rires
Un aide-de-camp du maréchal de Luxem- de la multitude la voix d'une vieille femme
bourg vint log<'rdans une auberge, dont la qui criait de tontes ses forces :

réputation n'était pas rassurante. Le diable, « Le voilà Martial, mon chat Martial,
disail-on. arrivait toutes les nuits dans une Martial! Martial 1 »
certaine chambre, tordait le cou à ceux qui « La vieille avaitreconnuson chat. L'animal
osaient y coucher, et les laissait étrangiéj reconnut aussi la voix de sa maîtresse; car.
dans leur li!. au moment où il était près de disparaître
Un grand nombre de voyageurs remplis- dans les tourbillons de flammes, il se lança
sant lauberge quand l'aide-de-camp y en- d'un bond prodigieux et tomba au delà du
tra, on lui dit qu'il n'y avait malheureusement cercle de feu qui entourait l'arbre. Les ser-
de vide que la chambre fréquentée par le gents qui veillaient autour pour l'attiser ,
diable, où personne ne voulait prendre gîle. voulurent frapper le chat; mais il s'enfuit
— Oh bien moi, répondit-il, je ne serai
! , du côté de sa maîtresse au milieu des rires
pas fâché de lier connaissance avec lui ;
de la cour et du peuple, ravis de voir cet
qu'on fasse mon lit dans la chambre en ques- animal sauvé par son intrépidité. »
tion, je me charge du reste. On lit dans la Démonomanie de Bodin (2)
Vers minuit, l'orficier vit descendre le dia- que des sorciers de Vernon auxquels on fit
,

ble par la cheminée sous la Ggure d'une , le procès en 1566, fréquentaient et s'assem-
bêle furieuse, contre laquelle il fallut se dé- blaient ordinairement dans un vieux châ-
fendre. 11 y eut un combat acharné, à coups teau sous la forme d'un nombre infini de
de sabre de la part du militaire, à coups de chais. Quatre hommes, qui avaient résolu
griffes et de dents de la part de la bêle cette ; d'y coucher, se trouvèrent assaillis par celte
lutte dura une heure. Mais h- diable Cuit par multitude de chats l'un de ces hommes y fut
;

rester sur la place l'aide-de-camp appela


; tué, les autres blessés; néanmoins ils bles-
du monde on reconnut un énorme chat
: sèrent aussi plusieurs chattes, qui se trou-
sauvage qui , selon le rapport do l'hôte,
, vèrent après en forme de femmes, mais bien
avait déjà étranglé quinze personnes (1). réellement mutilées...
11 y avait jadis à Paris, un usage peu gra- Ou sait que les chais assistent au sabbat,
cieux et dont on n'a jamais bien expliqué qu'ils y dansent avec les sorcières, et que
l'origine. On brûlait une ou deux douzaines lesdites sorcières, aussi bien que le diable
de chats dans le feu de la Saint-Jean. Ce feu leur maîlre, prennent volontiers la figure de
de joie s'allumait autour d'un mât élevé sur cela ni mal. On lit dans Boguet qu'un laboureur
la place de Grève. Les clials, retenus dans près de Strasbourg fut assailli par Irois gros
des paniers, étaient lâches lorsque le feu cha's, et qu'en se défendant il les blessa sé-
flamboyait tout autour d'eux. Ils n'avaient rieusement. Une heure après, le juge fit de-
de retraite que le mât. au haut duquel ils mander le laboureur et le mit en prison
grimpaient en Irisle désespoir, pour être pour avoir maltraité trois dames de la ville.
élouffés par la fumée, ou retomber dans les Le laboureur étonné assura qu'il n'avait
flammes. M. Frédéric Soulié mentionne celle mallraiié que des chats, et en donna les preu-
coutume dans un de ses récits : ves les plus évidentes il avait gardé de la
:

« Cependant, le roi Charles IX était ar- peau. On le relâcha, parce qu'on vit que le
rivé. On lui avait remis une torche de cire diable était coupable en CL-lle affaire.
blanche de doux livres, garnie de d( ux poi- On ne finirait pas si on rappelait tout ce
gnées de velours rouge. Sa Majesté s'était que les démonomanes ont rêvé sur les chats.
approchée de l'arbre de la Saint-Jean, en Boguet dit encore que la chatte, étant frottée
avait allumé les premiers fagots, puis était d'uue herbe appelée népeta, conçoit sur-le-
remontée à l'Hôlel-de-Ville. Peu à peu le champ, cette herbe suppléant au défaut du
feu gagna les bourrées - cotlerels et les mâle (3). Les sorciers se servent aussi de la
tonneaux vides accumulés à une grande cervelle des chais pour donner la mort; car
hauteur autour de l'arbre; et alors, tandis c'est un poison, selon Bodin et quelques-au-
que Michel Noiret, trompette-juré du roi, tres (4).
et six compagnons trompettes sonnaient des Les matelots américains croient que si
fanfares on vit un spectacle réjouissant.
, d'un navire on jette un chat vivant dans la
Les chats, amarrés et retenus jusque-là au mer, on ne manque jamais d'exciter une fu-
pied de l'arbre, se prirent à s'élancer de tou- rieuse tempêle. Voy. Blokula Beurre des ,

tes façons; les uns grimpant jusqu'au plus SORCIÈRES, MÉTAMORPHOSES, CiC.
haut de l'arbre pour retomber dans la four- CHATEAU DU DIABLE. Plusieurs vieux
naise allumée au pied; d'aulres s'y précipi- manoirs portent ce nom dans des traditions
tant de rage et s'y débattant avec des hurle- et des contes populaires.
ments quidominaicnl le bruil des Irompetles. Le château de Ronquerolles.
Tout à coup, du milieu des flammes, on vit les Mémoires du Diable, livre dont
Dans
s'élancer un maîlro chat qui gravit jusqu'à nous ne pouvons, malgré le talent de l'auteur,
la plus One pointe du mât, et qui, de celte hau- recommander la lecture, M. Frédéric Soulié
(1) Gabrielle (11-, P"", Uist. des faiilômes et dos dé- (n) Disœurs dessofciRrs,ch. xtv, p. 81.
nions, etc., p. iOj. (l) Uodin, Déiuoiiomaiiie lies sorciers, liv. III, cli. ii,

(2) Chap. IV, hv 11 |). 2o7, II. 3iti.


,,

S53 CHA CIIA S!H


déhute par une scène eldcs détails qui récla- habitants de Ronquerolles le lendemain de la
inenl leur place dans ce livre. Nous croyons mort du baron Hugues-François de Luizzi
devoir les transcrite en partie. père du baron Armand-François de Luizzi
« Le 1" janvier 18..., le baron François- et le malin du 1" janvier is!.., sans qu'on
Armand de Luizzi était assis au coin de son pûtdirequi l'avait percée et arrangée coinuie
leu, dans son château de Ronquerolles. Quoi- elle l'était.
que je n'aie pas vu ce château depuis plus de « Ce qu'il y a de plus singulier, c'estque la
vingt ans, je me le rappelle parfaitement. tradition racontait que toutes les autres croi-
Contre lordinaire des châteaux féodaux, il sées s'étaient ouvertes de la même façon et
était situé au fond d'une vallée il consistait
; dans une circonstance pareille, c'est-à-dire
alors en quatre tours liées ensemble par sans qu'on eût vu exécuter les moindres tra-
quatre corps de bâtiment, les tours et les vaux, et toujours le lendemain delà mort de
bâtiments surmontés de toits aigus en ar- chaque propriétaire successif du château. Un
doise, chose rare dans les Pyrénées. fait certain, c'est que chacune de ces croi-
«Ainsi, quand on apercevait ce château sées était celle d'une chambre à coucher qui
du haut des collines qui l'entouraient, il pa- avait été fermée pour ne plus se rouvrir, du
rais'^ait plutôt une habitation du seizième ou moment que celui qui eût dû l'occuper toute
du dix-septième siècle qu'une forteresse de sa vie avait cessé d'exister.
l'an 1327, époque à laquelle il avait été bâti. « Probablement si Ronquerolles avait été
« Aujourd'hui que nous savons que de tous constamment habité par ses propriétaires,
les matériaux durables le fer est celui qui tout cet étrange mystère eût grandement
dure le moins, je me garderai bien de dire agité la population mais depuis plus do
;

que Ronquerolles semblait être bâti de fer, doux siècles, chaque nouvel héritier des
tant l'action des siècles l'avait respecté; Luizzi n'avait paru que durant vingt-quatre
mais ce que je dois afGrmer, c'est que létal heures dans ce château, et l'avait quitté
dcconser>ation de ce vaste bâtiment était pour n'y plus revenir. Il en avait élé ainsi
véritablement très-remarquable. On eût dit pour le baron Hugues-François de Luizzi
;
que c'était quelque caprice d'un riche ama- et son fils François -Armand de Luizzi ,
teur du gothique qui avait élevé la veille ces arrivé le 1" 18..., avait annoncé son départ
murs, intacts, dont pas une pierre n'était pour le lendemain.
dégradée, (|ui avait dessiné ces arabesques « Le concierge n'avait appris l'arrivée do
fl. uries dont pas une ligne n'était rompue , son maître qu'en le voyant entrer dans le
dont aucun détail n'était mutilé. Cependant, château; l'élonnemenl de ce brave homme
de mémoire d'homme on n'avait vu personne s'était changé en terreur, lorsque, voulant
travailler à l'entretien ou à la réparation de faire préparer un appartement au nouveau
ce château. venu, il vit celui-ci se diriger vers le corri-
« Il avait pourtant subi plusieurs change- dor où étaient situées les chambres mysté-
ments depuis le jour de sa construction, et rieuses dont nous avons parlé, et ouvrir avec
le plus singulier est celui qu'on remarquait une clef qu'il tira de sa poche une porte que
lorsqu'on approchait de Ronquerolles du cô:é le concierge ne connaissait pas encore, et
du midi. Aucune des six fenêtres qui occu- qui s'était percée sur le corridor intérieur
paient la façade de ce côté n'était semblable comme la croisée s'était ouverte sur la fa-
aux autres. La première à gauche était une çade. La même variété se remarquait pour
fenêtre en ogive, portant une croix de pierre les portes comme pour les croisées. Chacune
à arêtes tranchées qui la partageaient en était d'un style différent, et la dernière était
quatre comparliments garnis de vitraux à en bois de palissandre incrusté de cuivre. Le
demeure. Celle qui suivait était pareille à la mur continuait après les portes dans le cor-
première, à l'exception des vitraux, qu'on ridor, comme il continuait à l'extérieur après
avait remplacés par un vitrage blanc à lo- les croisées sur la façade. Entre ces deux
sanges de plomb porté dans des cadres de fer murs nus et impénétrables, il se trouvait
mobiles. La troisième avait perdu son ogive probablement d'autres chambres. Mais des-
et sa croix de pierre. L'ogive semblait avoir tinées sans doute aux héritiers futurs des
été fermée par des briques, et une épaisse Luizzi, elles demeuraient, comme l'avenir
menuiserie, où se mouvaient ce que nous auquel elles appartenaient, inaccessibles cl
avons appelé depuis des croisées à guillotine, fermées. Celles que nous pourrions appeler
tenait la place du vitrage à cadres de fer. les chambres du passé étaient de même clo-
La quatrième, ornée de deux croisées, l'une ses et inconnues, mais elles avaient cepen-
intérieure, l'autre extérieure, toutes deux à dant gardé les ouvertures par lesquelles on
espagnoleltos et à petites vitres, était en ou-
y pouvait pénétrer; la nouvelle chambre, la
tre défendue par un contrevent peint en chambre du présent si vous voulez, était
rouge. La cinquième n'avait qu'une croisée seule ouverte; et durant toute la jouruée
à grands carreaux, plus ua^ persienne peinte du 1" janvier; tous ceux qui le voulurent
en vert. Enfin, la sixième était ornée d'une y
pénétrèrent librement.
vaste glace sans tain, derrière laquelle on « Ce corridor, qui en vérité nous parait
voyait un store peint des plus vives cou- un peu sentir l'allégorie, ne parut sentir à
leurs. Cette dernière fenêtre était en outre Armand de Luizzi que l'humidité et le froid ;
fermée par des contrevents rembourrés. et il ordonna qu'on allumât un grand feu
« Le mur uni continuait après ces fenêtres, dans la cheminée en marbre blanc de sa
d'Jut lu dernière avait paru aux regards des
nouvelle chambre. Il y resta toute la journéo

DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. r,5(!

pour régler les co.np'cs de la propriélé de qui était près du feu. Le diable, car c'iHait
Roiiqucrollps ; pu ce qui concernail le châ- lui-même, se pencha négligemment en ar-
teau, ils ne fun-iil pas longs. Ronquorolles rière et dirigea vers le feu l'index et le pouce
ne rapportait rien el ne coûlail rien. Mais Ar- de sa main blanche et effilée; ces deux doigts
mand de Luizzi possédait aux environs quel- s'allongèrent indéfiniment comme une paire
ques fermes dont les baux étaient expirés et de pincettes et prirent un charbon dans le
qu'il voulait renouveler... feu. Le diable, car c'était le diable en per-
« La journée enlicre se passa à discuter sonne, y alluma un cigare qu'il prit sur la
et à arrêter les bases des nouveaux contrats, table. A peine en eut-il aspiré une bouffée,
et ce ne fut que le soir venu qu'Armand de qu'il rejeta le cigare avec dégoût, et dit à
Luzzisetrouvaseul.il était assis au coin do son Armand de Luizzi —
Est-ce que vous n'a-
:

feu; une table sur laquelle brûlait une seule vez pas de tabac de contrebande?
bougie était près de lui. Pendant qu'il restait « Armand ne répondit pas.
plongé dans ses rcdcxions, la pendule sonna — « En ce cas, acceptez du mien, reprit le
successivement minuit, minuit et demi, une diable.
heure. Luizzi se leva et se mil à se promener « Et il delà poche de sa robe de cham-
tira
avecagitation. Armand était un homme d'une bre un porte-cigares d'un goût exquis.
pelil

taille élevée; l'allure naturelle de son corps Il prit deux cigarettes en alluma une au
,

dénotait la force, et l'expression habituelle de charbon qu'il tenait toujours et le présenta


•es traits annonç.iil la résolution. Cepen- à Luizzi. Celui-ci le repoussa du geste, et le
dant il tremblait, et son agitation augmentait diable lui dit d'un ton fort naturel : Ah vous 1

à mesure que l'aiguille approchait de deux faites le dédaigneux, mon cher, tant pis.
heures. Quelquefois il s'arrêtait pour écou- « Puis il se mit à fumer, sans cracher, le
ter si un bruit extérieur ne se faisait pas en- corps penché en arrière et en sifflotant de
tendre; mais rien no troublait le silence so- temps en temps un air de contredanse, qu'il
lennel dont il était entouré. Enfin Armand
, accompagnait d'un petit mouvement de tête
entendit ce petit choc produit par l'éctiappe- tout à fait impertinent....
ment de la pendule et qui préiède l'heure « Armand demeurait toujours immobile
qui va sonner. Une pâleur subite et profonde devant ce diable étrange. Enfin il rompit le
se répandit sur son visage: il demeura un silence; et s'armant de ceUe voix vibrante et
moment immobile et ferma les yeux comme saccadée qui constitue la mélopée du drame
un homme qui va se trouver mal. A ce mo- moderne, il dit :

ment le premier coup de deux heures ré- — « Fils de l'enfer, je appelé.... t'ai
sonna dans le silence. Ce bruit sembla réveil- — « D'abord, mon cher, dit le diable en
ler Armand de son affaiblissemint; et avant l'interrompant, je ne sais pas pourquoi vous
que le second coup ne fût sonné, il avait me tutoyez. C'est de fort mauvais goût. C'est
saisi une petite clochette d'argent posée sur une habitude qu'ont prise entre eux ceux
sa table et lavait violemment agitée en di- que vous appelez les artistes. Faux semblant
sant ce seul mot: d'amitié, qui ne les empêche pas de s'envier,
« — Vi( ns. deseha'ir et de se mépriser. C'est uneformede
« Tout le monde peut avoir une clochette langage que vos romanciers et vos drama-
d'argent; tout le monde peut l'agiter à deux turges ont affectée à l'expression des passions
heures précisesdu matin elen disantcemol: poussées à leur plus haut degré, et dont les
Viens 1 —
Mais très-probablemenl il n'arrivera gens bien nés ne se servent jamais. Vous qui
personne, ce qui arriva à Armand de Luizzi. La n'êtes ni homme de lettres ni artiste, je vous
clochette qu'il avait secouée ne rendit qu'un serai fort obligé de me parler comme au pre-
son faible et ne frappa qu'un coup unique qui mier venu; ce qui sera beaucoup plus con-
vibra trisleuicnlet sans éclat. Lorscju'il pro- venable. Je vous ferai observer aussi qu'en
nonça le mot —
vieiisl —
Armand y mil tout m'appelant fils de l'enfer, vous dites une de
l'effôrl d'un homme qui crie pourétre entendu ces bêtises qui ont cours dans toutes les lan-
deloin.et cependant sa voix poussée avec vi- gues connues. Je ne suis pas plus le fiis de
gueur de sa poitrine, ne put arriver à ce ton l'enfer que vous n'êtes le fils de voire cham-
résolu et impératif qu'il avait voulu lui donner; bre parce que vous l'habitez.
il sembla que ce fût une timide supplication « Tu es pourtant celui que j'ai appelé, ré-
qui s'échappait de sa bouche; et lui-même pondit Armand en affectant une grande puis-
s'étonnait de cet étrange résultat, lorsqu'il sance dramatique.
aperçut à la place qu'il venait de quitter un « Le diable regarda Armand de travers et
éire, qui pouvait élre un homir)e, car il en répondit avec une supériorité mar()uée :
avait l'air assuré; qui pouvait être une — « Vous êtes un faquin. Est-ce que vous
femme, car il en avait le visage et les mem- croyez parler à votre groom ?
bres délicats; et qui était assurément le — « Je parle à celui qui est mon esclave,
diable, car il n'était entré par nulle part et s'écria Luizzi en posant la main sur la clo-
avait simplement paru. chette qui était devant lui.
« Son costume consistait en une robe de «— Comme il vous plaira, monsieur le
chambre à manches plates, qui ne disait rien baron, reprit le diable. Mais, par ma foi, vous
du sexe de l'individu qui la portait. éles bien un véritable jeune homme de notre
« Armand de Luizzi observa en silence ce époque, ridicule et butor. Puisque vous élos
singulier personnage, tandis qu'il se casait si sûr de vous faire obéir, vous pourriez bi:n
coiiMiiodémeut dans le fauteuil à la Voltaire me parler avec politesse, cela vous coûterail
,

Zl't CHA CIIA 5W


manières là sont bonnes
pi'u. D'ailleurs, ces à être poli, je me suis soumis à dire insolente,
pour les manants parvenus qui, parce qu'ils et me voilà comme sans doute vous me dési-
se vautrent dans le fond de leur calèche, s'i- rez. M'sieur n'a-l-il rien à m'ordonner?
maginent qu'ils ont l'air d'y être habitués. « — Oui, vraiment. Mais
j'ai aussi un con-

Vous éies de vieille ramillc; vous portez un seil à tedemander.


assez beau nom, vous avez très-bon air, et vous « —
M'sieur permettra que je lui dise que
pourriez vous passer de ridicules pour vous consulter son domestique c'est faire de la
fuire remarquer. comédie du XVll' siècle.

« Le diable fait de la morale c'est 1 « —
Où as-tu appris ça?
étrange... « —
Dans les feuilletons des grands jour-
Ce dialogue avait eu lieu entre ce per-
« naux.
sonnage surnaturel et Armand de Luizzi « —
Tu les as donc lus? Eh bien qu'en !

sans que l'un ou l'autre eût changé de place. penses-tu?


« Jusqu'à ce moment Luizzi avait parlé « — Pourquoi voulez-vous que je pense
plutôt pour ne point paraître interdit que quelque chose de gens qui ne pensent pas?
pour dire ce qu'il voulait. 11 s'était remis peu « Luizzi s'arrêta encore, s'apertevant qu'il
à peu de son trouble et de l'étonnement que n'arrivait pas plus à son but avec ce nou-
lui avaient c;iusé la figure et les manières de veau personnage qu'avec le précédent. 11
son interlocuteur; et il résolut d'aborder un saisit sa sonnette; mais avant de l'agiter, il

autre sujet de conversation, sans doute plus dit au diable ;


important pour lui. « —
Quoique tu sois le même esprit sous
« donc un second fauteuil, s'assit de
Il prit une forme différente, il me déplaît de traiter
l'autre côté de la cheminée, et examina le avec toi du sujet dont nous devons parler,
diable de plus près. Il acheva son inspectiim tant que lu garderas cet aspect. En peux-tu
en silence, et, persuadé qu'une lutte d'esprit changer?
ne lui réussirait pas avec cet être inexplica- «— Je suis aux ordres de m'sieur.
ble, il prit sa clochette d'argent et la fit son- « — Peux-tu reprendre la forme que tu
ner encore une fois. —
A ce corumamlcment, avais tout à l'heure?
car c'en était un, le diable se leva et se tint « — A une condition c'est que vous me:

debout devant Armand de Luizzi dans l'atti- donnerez une des pièces de monnaie qui sont
tude d'un domestique qui attend les ordres dans cette bourse.
de son maître. Ce mouvement qui n'avait ,
« Armand regarda sur la table et vit une
duré qu'un dixième de seconde avait ap- , bourse qu'il n'avait pas encore aperçue. Il
porté un changement complet dans la phy- l'ouvrit, et en lira une pièce. Elle était d'un
sionomie et le costume du diable. L'être fan- métal inestimable, et portait pour toute ins-
tastique de tout à l'heure avait disparu, et cription UN MOIS DE LA VIE DU BARON FRAN-
:

Armand vit à sa place un rustre en livrée ÇOIS-ARMAND DE LUIZZI. Armand comprit sur-
avec des mains de bœuf dans des gants de le-champ le mystère de cette espèce de paie-
colon blanc, une trogne avinée sur un gilet ment, «t remit la pièce dans la bourse, qui
rouge, des pieds p'als dans sis gros souliers, lui parut très-lourde, ce qui le fil sourire.
et point de moilets dans ses guêtres. « — Je ne paie pas un ci priée si cher.
« —
Voilà, ra'sieur, dit le nouveau paru. « — Vous êtes devenu avare?
« —
Qui es-lu? s'ccria Armand, blessé de « — Comment cela?
cet air de bassesse insolente et brûle, carac- « — C'est que vous avez jeté beaucoup de
tère universel du domestique français. cette monnaie pour obtenir moins que voui

« Je ne suis pas le valet du diable, je ne demandez.
I'en fais pas plus qu'on ne m'en dit mais je « —
Je ne me le rappelle pas.

;

is ce qu'on me dit.
.. « m'était permis de vous faire votre
S'il
« —
Et que viens-tu faire ici? compte, vous verriez qu'il n'y a pas un mois
« —
J'ailcnds les ordres de m'sieur. de votre vie que vous ayez donné pour quel-
« —
Ne sais-tu pas pourquoi je l'ai appelé? que chose de raisonnable.
« — Non, m'sieur. — Gela se peut mais du moins vécu.
« ; j'ai
« — Tu mens? — C'est selon sens que vous attachez
« le
« — Oui, m'sieur. au mot vivre.
« — Comment nommes-tuT
te « — y en a donc plusieurs
Il ?
« — Comme voudra m'sieur. — Deux très-différents. Vivre, pour beau-
«
« — N'as-tu pas un nom de baptême? coup de gens, c'est donner
sa vie à toute»
• Le diable ne bougea pas; mais tout le les exigences qui
entourent. Celui qui vit
les
château se mit à rire depuis la girouette jus- ainsi se nomme, tant qu'il est jeune, un bon
qu'à la cave. Armand eut peur, et pour ne fin/an<; quand il devient mûr, on l'appelle
pas le laisser voir, il se mit en colère. C'est un brave homme, et on le quai fie de bon
un moyen aussi connu que celui de chanter. homme quand il est vieux. Ces trois noms ont
« —
Enfin, réponds, n'as-tu pas un nom? un synonyme connnun c'est le mol dupe. :

« —
J'en ai tant qu'il vous plaira. J'ai servi « —
Et tu penses que c'est en dupe que
sous toute espèce de nom... j'ai vécu?
« —
Tu es donc mon domestique? « — Je crois que m'sieur le pense comme
« —
11 a bien fallu. J'ai essayé de venir moi, car il n'est venu dans ce château que
vers vous à un autre titre; vous m'avez parlé pour changer de façon de vivre, cl prendre
comme à un latiuais. Ne pouvant vous forcer ianlrc.
,

?5t.-
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCLLTES. SGO

« — Et celle-là, peux-tn me la définir T flétripar la douleur, altéré par la haine, dé-


— Comme sujet du marché
c'est le que gradé par la débauche, il gardait encore
nous allons faire ensomble... tant que son visage reslait immobile, nne
« —
Eiiseniblel... Non, reprit Armand en trace endormie de son origine céleste; mais
interrompant le diable, je ne veux pas traiter dès qu'il pariait, l'action de ses traits déno-
avec toi ; cela me répugnerait trop. Ton as- tait une existence où avaient passé toutes
pect me déplaît souverainement. les mauvaises passions. Cependant, de toutes
« —
Cétail pourtant une chance en votre les expressions repoussantes qui se mon-
faveur on accorde peu à ceux qui déplai-
: traient sur son visage, celle dundégoiît pro-
sent beaucoup. Un roi qui traite avec un fond dominait les autres.
ambassadeur qui lui plalt lui fait toujours Au lieu d'attendre qu'Armand l'interro-
quel(]ue concession dangereuse... Pour ne geât, il lui adressa
parole le premier.
la
pas être trompé, il ne faut faire d'affaire « —
Me voici pour accomplir le marché
qu'avec les gens déplaisants. En ce cas, le que j'ai fait avec ta famille et par lequel je
dégoût sert de raison. dois donnera chacun des barons de Luizzi,
« —
^t il m'en servira pour le chasser , deRonqueroUes, ce qu'il me demandera; tu
dit Armand en faisant sonner la cloche ma- connais les conditions de ce marché, je sup-
gique qui lui soumettait le diable. pose ?
« Comme avait disparu l'être androgyne « —
Oui, répondit Armand en échange de
;

qui s'était montré d'abord, de même disparut, ce don, chacun de nous t'appartient, à moins
non pas le diable, mais cette seconde appa- qu'il ne puisse prouver qu'il a été heureux
rence du diable en livrée et Armand vit à sa
; durant dix années de sa vie.
place un assez beau jeune homme. Celui-ci <t —
Et chacun de tes ancêtres , reprit
était de celte espèce d'hommes qui changent Satan , m'a demandé ce qu'il croyait le
de nom à tous les quarts de siècle, et que, bonheur, afin de m'échappera l'heure de sa
dans le nôtre, on appelle fashionables. Tendu mort.
comme un arc entre ses bretelles et les sous- « —
Et tous se sont trompés, n'est-ce pas î
pieds de son pantalon blanc, il avait posé « —
Tous. Ils m'ont demandé de l'argent,
ses pieds en boites vernies et éperonnécs sur de la gloire, de la science, du pouvoir, elle
le chambranle de la cheminée et se tenait , pouvoir, la science, la gloire, l'argent, les
assis sur le dos dans le fauteuil d'Arm md. ont tous rendus malheureux.
Du reste, ganté avec exactitude la man- , « —
C'est donc un marché tout àton avan-
chette retroussée sur le revers de son frac tage, et que je devrais refuser de conclure?
à boutons brillants, le lorgnon dans l'œil et « —
Tu le peux.
la canne à pomme d'or à la main, il avait « —
N'ya-t-il donc aucune chose à deman-
tout à fait l'air d'un camarade en visite chez der, qui puisse rendre heureux?
le baron Armand de Luizzi. « —
Il y en aune.
« Celte illusion alla si loin, qu'Armand le « —Ce n'est pas à loi de mêla révéler, je
regarda comme quelqu'un de connaissance. la sais; mais ne peux-tu pas aie dire si je la
« Il me semble vous avoir rencontré quel- connais?
que part? « —
Tu la connais; elle s'est mêlée à tou-
« — Jamais Je n'y vais pas.
1 tes les actions de la vie, quelquefois en toi,
a — Je »ous ai vu au bois à cheval. le plus souvent chez les autres, et je puis
* — Jamais Je fais courir.
1 l'affirmer qu'il n'y a pas besoin de mon aida
« —
Alors c'était en calèche? (lour quela plupart des hommes la possèdent.
« —
Jamaisl Je conduis. « —
Esl-ceuiie qualité morale? est-ce une
« — Ahl pardieul j'en suis sûr, j'ai joué chose matérielle?
avec vous chei M""'... « —
Tu m'en demandes trop. As-tu fait
« — Jamaisl je parie. Ion choix? Parle vite ; j'ai hâte d'eu finir.
« — Vous valsiez toujours avec elle. « —
Tu n'étais pas si pressé tout à l'heure.
a — Jamaisl je galope. « —
C'est ijue tout à l'heure j'étais sous
a — Vous ne faites pas la cour?
lui nne de ces mille formes qui me déguisent à
« — Jamaisl J'y vais je ne la pas.
;
fais moi-même, et me rendent le présent suppor-
«Luizzi se seniit pris de l'envie de donner table. Quand j'emprisonne mon être sous les
à ce monsieur des coups de cravache poor traits d'une créature humaine, vicieuse oli
lui ôler un peu de sottise. Cependant la ré- ;néprisable, je me trouve à la hauteur du
Hcxion -venant à son aide, il commença à siècle que je mène, et je ne souffre pas du
comprendre que s'il se laissait aller à discu- misérable rôle auquel je suis réduit. La va-
ter avec le diable, en vertu de toutes les for- nité se satisfait de grands mots, mais l'or-
mes qu'il plairait à celui-ci de se donner, il gueil veut de grandes choses, et tu sais qu'il
n'arriverait jamais au but de cet entrelien. fut la cause de ma chule; mais jamais il ne
Armand prit donc la résolution d'en finiravec fut soumis à une si rude épreuve. Après
celui-ci aussi bien qu'avec un autre, et il s'é- avoir lutté avec Dieu, après avoir mené tant
cria en faisant encore tinter sa cluchette : dévastes esprits, susciléde si fortes passions,
— « Satan écoute-moi et obéis.
, fait éclater de si grandes catastrophes, je
« Ce mot à peine prononcé que l'être
était , suis honteux d'en être réduit aux basses
surnaturel qu'Armand avait appelé se montra inirigucset auxso:tespiétcn(ious de l'époque
dans sa sinistre splendeur. C'était bien l'ange actuelle, et je .me ciiclie à moi-même ce ([ue
iléthu que la poésie a rêvé. Type de beauté j'ai été, pour oublier, autant que je puis, ce
3J1 nu niA Sfî

mis (Icvt'iin. Ci'Ue forme q;!0


!ii m'ns leau du diable. Dos monstres, des damné-,
(le parcoiiséqucnt oriieuse
prendre m'i'sl des démons à longucqueueformaient,disaii-
ot insuppor(,il)le. HilU'-toi donc, cl dis-moi on, en bas-reliefs et en peintures, les déco-
ce que lu veux. rations intérieures de ce manoir. Depuis hi(>ii
« —
Je ne le s;iis pas encore, el j'.ai complé des années, nul ne l'avait visiié. On ajoutait
sur loi pour m'aider dans mon ctioix., que le 13 de chaque mois, l'enfer venait v
« — Je que c'était impossible.
l'ai dil faire ses orgies; on citait vingt personnes
« — Tu peux cependanl faire pour moi ce qui autrefois s'élanl réfugiées là parmcgard<'
que lu as fait pour mes ancêtres; tu peux fiie n'en étaient jamais sorties. L'opinion com-
nionlrertinu les passions des antres ho:ii- mune assurait qu'elle avaient eu lecou lordu.
nics, leurs espérances, leurs joies, leurs dou- On racontait des choses effrayantes. î

leurs, le secret de leur existence afln que , Cependant un jeune si-igneur, méprisant
je puisse tirer de cet enseignement une lu- les leçons de l'expérience, rc^olut d'aller
mièie qui me gruide. au château du diable el d'y passer la nuit. Il
< —
Je puis faire tout cela; mais lu dois décida deux de ses domestiques, qu'il savait
savoir que les ancêtres se sont engagés à intrépides, à l'accompagner; il se fit suivre
ni'apparipnir avant que j'aie commencé mon encore prudemment ri un so cier ou char-
récit. Vois ci't acte; j'ai laissé en l)lanc le mcui-, qui passait pour un homme très-habile
nom de la cliose que lu me demanderas: dans l( s circonstances di? maléfice. S'il faut
signe-le; et puis après m'avoir entendu, tu en croire les récits, le 13 octobre de l'aiiiiée
écriras loi-même ce que tu désires être, ou 1022. il se rendit bien armé, avec ses trois
ce (|ue lu désires avoir. compagnons, dans l'enceinte redoutée du
" —
Armand signa et reprit : château du diable. Le silence de la mort ré-
« —
Maintenant je l'écoute. Parle. gnait <lans les cours et dans les galeries.
« —
Pas ainsi. La solenuilé que m'i>npo- ALiis à II porte de la première salie, une
serait à moi-même celle l'orme primitive fa- vieilli' se présenta, branlant la tête et leur
liguerail la fri\ole attention. Ecoute mé!é : défendant d'une voit c isvéed'allerpiusavant.
à la vie liumaini>, j'y prends plus de part que Le charmeur fil une conjuration qui ne nous
les hommes ne pensent. Je te coulerai mon a pas été conservée; la vieille s'éloigna en
liistoire, ou plutôt je le conterai la leur. groiidint; néanmoins elle escamota les deux
« —
Je serai curieux de la connaître. valets, qu'elle emmena à la cave, où elle les
« —
Garde ce sentimenl; car du moment retint et que le sorcier jura de faire rendre.
que lu m'auras demandé une confidence, il Un ours qui gard iit la seconde porte s'enfuit
faudra l'entendre ju^(^u'au bout. Opendant devant une allumelle que lui présenta le sa-
lu pourras refuser de leiilendre en me don- vant. L'ours ne l'ut pas plulôi dehors que le
nant une des pièces du monnaie de celte jeune seigneur vit tomber, du milieu du pla-
bourse. fond, des gouUes de sang qui se succédaient
« —
J'accepte, si toutefois ce n'est pas une trois par irois, de seconde en sccomle, avec
condiiioii pour moi de demeurer dans une ré- des géaiisscmints. La terreur qui le saisi!
sidence lixe. devint au comiile, lorsqu'il aperçut dans un
« —
Va où tu voudras; je serai toujours coin du salon, couché sur un lit, un squeietie
au rendez-vous partout où tu m'appelleras. chargé de cliaîiies, dont le cœur, par un pro-
Mais songe que ce n'est qu'ici que tu peux d ge inouï', battait au milieu des ossements
me revoir sous ma véritable forme. Tu m'ap- desséchés. S>'S yeux, qui seuls vivaient en-
pelleras avec cette sonnette à toute heure, core, roui lient avec une lueur horrible dans
en tout lieu, sur (|uel<iue place que ce soii... leurs orbites décharnés. Le sorcier, craignant
Trois heures sonnèrent, el le diable dispa- une faiblesse de la p'irt du jeune homme, fit
rut. un charme à la hâle; le sa'on changea d as-
Armand deLuizzi se retrouva seul. La bourse pect le repaire d viiilun magnifique a|ipir-
:

(;ui contenait ses jours était sur sa lible. temenl; un souper dé i' al parut loul servi
Il eut envie de l'ouvrir pour les compter, sur une table somptueuse; le jeuni> seigneur
mais il ne put y parvenir, et il se couciri el son mentor se mirent à table.
après l'avoirsoigneusement placée sous son Comme ils louchaient au dessert, un grand
clievet... mouvement cxiéri-ur auieni subit 'meut la
Nous le répétons, il est fScheux que les nuil, mais u:ic nuit orné de tonnerres et
'

histoires racontées par le dlal)le soient géné- d'écUiirs.avecun bruit t -1, q"ue jamais le fr.;-
ralemenl de nature à ne pouvoir cire lues cas d'une ai ti;lerie comiilète n'égala le va-
d'un lecleur chrétien; cir, dans ce c.idre, carme qui s lit alors dans le château du
l'auteur, dont on ne saurait nier le grand diable. La table disparu'; la salle semii!a
mérite, eût pu faire un très-bon livre. eiiflaminée; le plaTind s'cntr'ouvril; il en
Nous d )nnerons, dans un autre genre, un tomba une légion de figuri's bizarres qui for-
conte fantastique où se retrouvent plusieurs mèrent dans 's griiesiiues. Des démons
di^s
éléments de la poésie salanique ou infernale. ailés, des déuious ardents, des dé nous cor-
Le château du Diable. nus, dessorciers à cheval sur des boucs, dos
S'il fini en croire des récils populaires, sorcières à calil'ourchou sur des inanciies à
on montrait encore en lli'iO, dans le granl- balai, arrivaient par le mémo chemin el d m-
duclié de Luxembourg, tout auprès d'Aioii, de toutes 1;miis forci'S. au>sii(k <[;i'ils
sai.'iil
les ruines d'un ancien château féodal, d.puis avaient mis pied à terre.
long-temps inhabile, el qu'on appelait le ciià • Le charmeur, ai moyen d'une fis inalion,
riCTIO>\. UIC' SCIENCES OCCILTS-.S. 1. 12
5(i: DICTIONNAIRE DKS SCIENCES OCCl'LTES r>c,(

remlu invisible, ainsi que son jeune


sV'lait le château du diable s'écroula; et c'est â
compagnon. Unevieillesorcièrc parut, costu- peine aujourd'huisi l'on reconnaît la place...
mée comme on les voitdctns les esquisses de CHAT-HUANT, Voy. Hibou, Chouette,
Téniers;eUeportail un enfantqu'elle fit rôtir Chassf, Chevesche, etc.
pour le banqutt. Alors il tomba d'en haut Chauche-poulet. Voy. Cauchemab.
une vaste cruche noire, devant laquelle cha- ClUUDlEKi:. C'est ordinairement dans
cun se prosterna; le diable on sortit, et les une chaudière de fer que, de temps immé-
danses recommencèrent. morial, les sorcières composent leurs malé-
Au moment où les réjouissances se sus- fices, qu'elles font bouillir surun feu de ver-
pendirent pour radoration de Satan, le jeune veine et d'autres plantes magi(|ues.
seigneur remarqua que le diable, qui était CHAUDRON (Madeleine Micuelle), Ge-
en formede bouc, avait au derrièreun visage nevoise, accusée d'être sorcière en 1652. O^i
humain, que les sorcières allaient baiser. Il dit qu'ayant rencontré le diable en sortant
fut frappé d'horreur, et ne se put retenir de de la ville réformée, il reçut son hommage,
faire un signe de crois. Tout s'envola. elimprima sur sa lèvre supérieure son seing

Vous m'avez fait bien mal dit le sor- , ou marque. Ce petit seing rend la peau in-
cier de Naiiiur. Mais allons nous coucher.... sensible, comme l'affirment les démonogra-
En disant cela, il se jeta sur le lit du spec- phes. — Le diable ordonna àMichelle Chau-
tre et y attira le jeune homme. dron d'ensorceler deux filles; elle obéit; les
Le squelette se debout sur-le-champ,
le» a parents l'accusèrent de diablerie, les filles
éclairant la salle di feu de ses jeu\.— Mal- interrogées attestèrent qu'elles étaient pos-
heur, dit-il d'une voix sourde, à qui trouble sédées. On appela ceux qui passaient pour
le repos dos morts! médecins; ils eherrhèrent surMichelle Chau-
Et comme ilallongcait lesos de ses mains, dron le sceau du diable, que le procès-ver-
le sorcier l'arrêta: bal appt-'We \es marques salimiques; ils y en-
— Je t'ordonne, de nous dire qui
dit-il, foncèrent une aiguille. Michclle fil connaître
tu es, ce que tu veux, d'où tu viens? par ses cris que les marques satani(|uts ne
— Pourquoi me forcez-vous, sque- dit le rendent point insensible. —
Les juges, ne
lette, à rompre un silence que je garde de- voyant pas de preuve complète, lui firent
puis cent ans ? Je me nomme Lrnderborn. donner la question. Celte malheureuse, cé-
Celui qui possédait ce château me prit à son dant à la violence des tourments, confessa
service dans ses jeunes années 11 n'était pas tout ce qu'on voulut. Elle fut brûlée, après
marié. Un soir qu'il se baignait au elair de avoir été pendue et étranglée.
la lune, il aperçut à quelques pas au-dessous CHAUDRON-DU-DlABLli, gouffre qui se
de lui une jeune danie qui se notait. Voler à trouve au sommet du pic de Ténériffe. Les
sn\ secours, la saisir, la sauver, tout cela Espagnols ont donné le noai de Chaudrou-
ni! fut qu'un inouveincnl. La jeune dame lui du-Diable à ce gouffre à cause du l»ruit que
plut, il l'épousa. Elle lui donna un fils; mais l'on entend lorsqu'on y jette une pierre; elle
à peine fut-il au monde, qu'elle disparut y rclentit comme un vaisseau creux de cui-
aveclni. Les sages du temps, consultés là- vre contre lequel on frapperait avec un mar-
dessus, répondirent <|ue mon maître , eu teau d'une prodigieuse grosseur. Les natu-
croyant épouserune femme, avait épousé un rels de l'île sont persuadés que c'est l'enfer,
ilémon succube. Celle nouvelle le frappa si et que les âmes des méchants y font leur sé-
Yiven)cnt , que, renonçant au monde , il jour (1).
passait sa vie à la chasse.
Un jour que j'étais avec dans la forêt
lui
CHAUVE -SOURIS. Les Caraïbes regar-
dent chauves-souris comme de bons an-
les
voisine, il m'aperçut derrière un arbre
ges qui veillent à la sûreté des maisons
touffu, ise prit pour un loup et me tua. Je
durant la nuil; les tuer, chez eux, est un
ne sais pas où j'allai; mais je me tmu-
sacrilège chez nous, c'est un des animaux
Tai après ma mort face à face avec nia maî-
:

qui figurent au sabbat.


tresse.
— Lenderborn, dit-elle, mon mari
me CHAVIGNY (Jean-Aimé de), astrologue,
Retourne atichàleaii,
tn'est infidèle, je le sais. disciple de Nostradamus, mourut en 160i
je t'en donne le pouvoir, mais à condition Il a composé: la Première face du Jnnus
qu'il mourra de ta main. ^ français, contenant les troubles de France de-
J'obéis; et depuis vous voyez l'existence puis 1534 jusqn'en 1589; Fin de la viaisun
que je mène sur la terre. J'ai étranglé tous vulésienne, exttrdle et coUigée des centuries et
ceux qui soKl venus ici. Pour ma délivrance, commentaires de Micliel Nostra<l(innts ( eu
il faut qu'va'.3 main innocente sacrifie une laiiii et en français), Lyon, 1594, in-8°; et
poule noiro 'minuit sur le seuil du château. nouvelle édition, augmentée, sous le litre de

Si lu vcax, dit le sorcier, nous rendre Commentaires sur les centuries et prunostica-
les deux valets que la vieille ncius a ôlés, lions de Nostradamus, Paris, in-S", rare; les
demain à minuit, je te rends libre. Pléiades, divisées en sept livres, prises des an-
Ce que le charmeur demandait fut fait à ciennes prophéties, et conférées avec les ara -
l'instant. Les quatre compagnons sortirent des de Nostradamus, Lyon, 1003; la plus
du château. Le lendemain, à minuit, une ample édition est de 1000. C'est un recueil
jeune fille, conduite par le magicien, immo- de prédictions, dans lesquelles l'auteur pro«
une poule noire. Après la formule caba-
lait (I) La Ilarpc, Alirégé de l'Ilisloirc générale de» voja-
listique (pi'il prononça, il se (il grand bruit, grs.l.l.
«65 ai F. CIIE ^^60

met à Henri IV l'empire de l'unirers. Voy. Rubicon,vouaàcefleuveun grand nombre de


NOSTRADAMUS. chevaux, qu'il abandonna dans les pâturages
CHAX ou SCOX, démon. Voy. Scox. des environs.
CHEKE, professeur de grec à Cambridge, Une tradition superstitieuse portait qu'une
morl en 1S57. Il a écrit un livre (1) qu'il espèce de chevaux, qu'on nommait arzels, ci
adressa au roi Henri VIII, et qu'il plaçaà la qui ont une marque blanche au pied de der-
tète de sa traduction latine du Trailéde Plu- du côté droit, était malheureuse et fu-
rière
tarquerfc la Superstition. 11 avait des con- neste dans les combats.
naissances en astrologie, et croyait ferme- Anciennement on croyait aussi que les
ment à l'inlluenee des astres , quoiqu'ils lui chevaux n'avaient pas de fiel; mais c'est une
proiiiisseiil du bonheur tout juste dans les erreur aujourd'hui presque généralement
ui'C^isions où il éliilt lo plus malheureux. rc' onnue. Voy. Drapk;, Bavard, Troupeau.
CHEMKN.S, génies ou esprits que les Ca- etc.
raïbes supposent chargés de veiller sur les CHEVALIER IMPÉRIAL, Voy. Espagmet.
hommes. Ils leur offrent les premiers fruits, CHEVALIER DE L'ENFER. Ce sont des
et pb'iceul ces offrandes dans un coin de leur démons plus puissants que ceux qui n'ont
Imite, sur une table faite de n.itles, où ils aucun litre, mais moins puissants que les
prclcndcnt que les génies se rassemblent comtes, les marquis et les ducs. On peut les
pour boire et manger; ils en donnenl pour évoquer depuis le lever de l'aurore jusqu'aw
preuve le mouvement des vases et le bruit lever du soleil, et depuis le coucher du soleil
qu'ils se persuadent que font ces divinités en jusqu'à la nuit (3).
soupant. CHEVALlIill (Guillaume), genliliiomme
CHEMISE DE NÉCESSITÉ. Les sorcières béarnais, auteur d'un recueil de quatrains
allem;in<les porlaiml autrefois une chemise moraux, intitule tt Décès ou Fin du monde,
;

fiiile d'une façon dclestable, et chargée de divisé m trois visions, in-8°, 15*^4.
croix mêlées à des caractères diaboliques, CHEVANES )
capucin, plus
( Jac<}Ues ,

par vertu de laquelle elles se croyaient ga-


la connu sous nom
de Jacques d'Autitti, du
le
ranties de tous maux (2j. On l'appelait la lieu de sa naissance, mort à Dijon en 1078.
chemise de nécessité. On a de lui VIncrédulilé savante et la crédu-
Les habitants du Finistère conservent en- lité ignorante, au sujet des magiciens et des
core quelques idées superstitieuses sur les sorciers. Lyon, 1671, in-4*. Ce recueil, plein
chemises des jeunes enfants. Ils croient que d'extravagances curieuses, dont nous rap-
si elles enfoncent dans l'eiiu de certaines portons en leur lieu b s p.issages remarqua-
fontaines, l'enfant meurt dans l'année ; il vit bles, estune réponse à l'apologie de Naudé
longtemps, au contraire, si ce vêtement. sur- pour tous les grands personnages soupçon-
nage. nés de magie. Heureusement pour l'aul'eur,
CHEUIOURT, ange terrible, chargé de pu- dit l'abbé Papillon, l'irascible Naudé était
nir le crime et de poursuivre les criminels, mort depuis long-iemps quand ce livre pa-
se'oii la doctrine des guèbres. rut.
CHE5NAYE DES BOIS (François-Alexan- CHEVESCHE espèce de chouette, que
,

»re-Al'bert delà), capucin, mort en 1784. Torquemada un oiseau nocturne fort


définit
On a de lui, V Astrologue dans le puits, 1740, bruyant, lequel tâche d'entrer où sont le«
in-12; et Lettres critiques, avec des songes enfants; et, quand il y est, il leur suce le
moraux, sur les songes [ihilosophiques de sang du corps et le boit.
l'auteur des Lettres juives (le marquis d'Ar- Les démonographes ont donné le nom de
gens), in-12, 1745. chevesche aux sorcières, parce que, sembla-
CHETEB oniCHEUER,
Cl Voy. Debkr. bles à cet oiseau, elles sucent le sang de ceux
CHEVAL. Cet animal était, chi z les an- qu'elles peuvent saisir, et principalement
ciens, un instrument à présages pour la des petits enfants (4). C'est sans doute là l'i-
guerre. Les Snèves, qui habitait nt la (jer- dée mère des vampires. Les sorcières qui
manie, nourrissaient à frais communs, dans sut ent le sang ont aussi quelque analogie
des bois sacrés, des chevaux dont ils tiraient avec les gholes des Arabes. Voy. Lamies.
des augures. Le grand-prélrc et le chef de CHEVEUX. « Prenez des cheveux d'une
la nation étaient les seuls qui pouvaient les femme dans ses jours de maladie; nittiez-les
toucher : ils les attachaient aux chariots sous une terre engraissée de fumier, au com-
sacrés, et observaient avec attention leurs mencement du printemps, et, l()rs(|u'ils se-
hennissements et leurs frémissements. Il n'y ront échauffés par la chaleur du soleil , il
avait pas de présages auxquels les préIres et s'en formera des serpents (5)... »
les principaux de la nation ajouianscnt |)lus Quelques conteurs assurent que Its mau-
de foi. vais anges étaient amoureux des cheveux des
On
voit encore que chez certains peuples femmes, et que les démons incubes s'alta-
on se rendait les divinités favorables en pré- (hent de préférence aux femmts qui ont de
cipitant des chevaux dans les fleuves. Quel- beaux cheveux.
quefois on se contentait de les laisser vivre Les sorcières donnent i!c leurs cheveux au
en liberté dans lesprairies voisines, après les diable, comme arrhes ilu contrat qu'elles font
avoir dévoués. JulesCésar, avantde passer le avec lui; le démon les coupe très-menu, puis
(I) De Su|>erslilioiie, ail rcj,'ein )Ieiiricuiii.
( l) Tnrqiioniada, II(!x:iti,ûron, iroisièmc journée,
(i) Itoiiiii, Uéiiioiiomaiiie, liv. I, cli..! Secrets d'Allicrl le Grand,
(fi) p. i7.
(il Wieriis, in l'scudoiLonjreli. ilaui., ;i(i (iiifrn.
SOT DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCl LT£S. .-f8

les mêle avec cerlainos poudres : il les remet tuer, parce qu'on croyait que Pan, la granule
Hiix sorciers, (iiii s'en servent pour faire divinilé de cette ville, s'était ca( lie sous la
tomber la grêle; d'où vient qu'on trouve or- figure d'une chèvre; aussi le représeiilait-ou
dinairement dans la grélc de petits poils, avec une face de chèvre, et un lui iuuiiolait
qui n'ont pns une nuire origine.... On fait des brebis.
encore, avec ci'S mômes clicvcux, divers Souvent des démons ou des sorciers ont
maléfices (1). pris laforme de chèvre. Claude Chappuis de
On croit en Bretagne qu'en soufflant des Saint-Amour, qui suivit l'ambassadeur de
cheveux en l'iiir on les nictamorpliose en Henri III près la sublime Porte, conte qu'il
animaux; les petits garçons de Plougasi'.ou, vil sur une place publique de Constanti-
qui font des échanges entre eux, coniirm nt nopledes bateleurs qui faisaieel faire à des
la cession en souffliinl au vent un cheveu, chèvres plusieurs tours d'agilité et de passe-
parce que ce cheveu était autrefois remblèuie passe tout à fait admirables; après (juoi,
de la [)ropri6té. Des cheveux, d^ins les temps leur mettant une ccuelle à la bouche, ils leur
modernes, ont mémo été trouvés sous des commandaient d'aller demander, pour leur
sceaux ils tenaient lieu de signatures (2).
: entretien, tantôt au plus beau ou au plus
Enfin il y a des personnes superstitieuses laid, tantôt au plus riche ou au plus vieux
qui croient qu'il f.iul observer les temps de la compagnie ce qu'elles fais lient dcxln-
:

pour se couper cheveux et se rogner les


les ment, entre quatre à cinq mille personnes,
ongles. —
Autrefois on vénérait le toupet, et avec une façon telle, qu'il semblait qu'elles
par lequel les Romains juraient, et qu'on of- Youlusseiit parler. Or, qui ne voit clairement
frait aux dieux. 11 parait qu'ils étaient sen- que ces chèvres étaient hommes ou femmes
sibles à CCS présents, puisque, quand Béré- ainsi transmués, ou démons déguisés (3)?
nice eut offert sa chevelure, ils en firent une Voy. BoL'c.
constellation. CHIBADOS, secte de sorciers qui font mer-
Chez les Francs, c'était une politesse de veille au royaume d'Angola.
donner un de ses cheveux et les familles, CHICOTA, oiseau des lies Tonga, quia
royales avaient seules le privilège de les lais- l'habitude de descendre du haut des airs en
ser pousser dans tout leur développement. poussant de grands cris. Les naturels sont
En Hollande beaucoup de gens croient
, persuadés qu'il a le don de prédire l'avenir.
qu'en vendant leurs cheveux à un perru- Quand il s'abaisse près d'un passant , ou
quier, ils auront par sympaihie les maux de croit que c'est pour lui annoncer quelque
lélc de ceux qui les porteront. Une dame malheur.
âgée, il y a peu de temps, se faisait couper à CHICUS ^SCULANUS, voy. Cecco d'As-
La Haye de beaux cheveux blancs d'argent, COLI.
très-abondants et très-longs. Le tondeur lui CHIEN. Les chiens étaient ordinairement
en offrit 20 florins (i2 l'r. ). Elle aima mieux les compagnons fidèles des magiciens. C'é-
les brûler. — J'aurais, dit-elle, toutes les tait le diable qui les suivait sous cette forme,
douleurs que mes cheveux couvriraient. pour donner moins à soupçonner, Mais on le
CHEVILLKMENT, sorte de maléfice em- reconnaissait malgré ses déguisements. Léon
ployé par les sorciers et surtout par les ber- de Chypre écril que le diable sorlit un jour
gers. Il empêche d'uriner. Le nom de ce ma- d'un possédé, sous la figure d'un chien no'r.
léfice lui vient de ce que pour le faire on se — C'est surtout couleur noire qui dénote
la
sert d'une cheville de bois ou de fer qu'on le diable sous une peau de cliien.
plante dans la muraille, en faisant maintes De bonnes gens se noient assez fréquem-
tonjuratien-s. ment à Quimper. Les vieilles et les enfants
« J'ai connu une pereonne, dit Wecker, assurent que c'est le diable, en forme de gros
qui mourut du chevillemenl est vrai: il chien noir, qui précipite les passants dans
qu'elle avait la pierre. » El le diable, qui la rivière (4).
parfois aime à se divertir, chevilla un jour Il y a beaucoupdesuperstilionsqui tiennent

la seringue dun apothicaire en fourrant sa au chien dans le Finisère, où les idées drui-
queue dans le piston. Voy. Noals. diques ne sont pas toutes éteintes. On croit
Pour empocher l'effet de ce charme, il faut encore, dans lecinton sauvage de Saint-Ilo-
cracher sur son soulier du pied droit avant nal , que l'âme des scélérats passe dans le
que de s'en chausser. Ce qui approche do ce corps d'un chien noir.
qu'on lit dans Tibulle, que les anciens cra- Les anciens m :ges croyaient aussi que les
chaient dans leur sein par trois fois pour se démons se montraient en forme de chiens ;

désensorceler ou empêcher le sortilège. On et Plutarque, dans la vie de Cimon, raconte


voit dans un livre, intitulé l'Urotopégnie ou qu'un mauvais génie, travesti en chien noir,
ehevillcmcnt, que les tonneaux, les fers, les vint annoncer à Cimon qu'il mourrait bien-
fours, les lessives, les moulins à vent et tôt.
ceux qui sont sur les ruisseaux et rivières, Un charlatan, du temps de Jusiinien, avait
peuvent être pareillement liés et maléficiés. un chien si habile, que, quand toutes les
Voy. l.lGATUriES. personnes d'une assemblée avaient mis à
CHÈVllES. Ces animaux étaient fort révé- terre leurs anneaux, il les rendait sans su
rés à Mendès en Egypte. Il était défendu d'en tromper, l'un après l'autre, à ([ui ils appar-
|1) Bomicl, Discours des sorciers, cli, 23, p. l.SG. (5) Dc'IJiicre, Inc rédulil(5 et méirtance du sortilégi! ptei-
(i) M. C;miU}-, Noy^igedaus le Fiiiblùro, t. 1'». ii. 174 neiiiciii toiivaiiicnes, Uaité 0, p. 318.
'
'
ei 193.
(4) Caniliry, Voyii^-e dans le Fiiiislère, l. III, p. 22.
,

îr.':9 cm cm 37«

tenaient. Ce chien di<liiigu,iil aussi dans la uns parmi eux professent le culte du soleil j
fouie, lorsque son m.iîlie le lui ordonnait, les autres celui du chien (4).
les riches et les pauvres, les gens honnêtes On a toutefois honoré quelques individus
et les fripons : « Ce (jui fait voir, dit Lcloyer, de celte race tel est le dogue espagnol Bé-
:

qu'il y avait là (ie la magie, et que ce chien recillo, qui dévorait les Indiens à Saint-Do-
était un démon (1). » mingue, et qui avait, par jour, la paye do
Dclancre conte qu'en 1S30 le démon, par trois soldats...
le moyen d'un miroir, déc()uvrit, à un pas- Il y aurait encore bien des choses à dira

teur de Niircniberg, des trésors cachés dans sur les chiens. En Bretagne surtout, les hur-
une caverne près d'", la ville, et enfermés lements d'un chien égaré annoncent la mort.
dansdes vases de cristal. Le pasteur prit avec Il faut que le chien de la mort soit noir; el

lui un doses amis pour lui servir de compa- s'il aboie tristement à tuinuit, c'est une mort

gnon ; ils se mirent à fouiller et découvrirent inévitable qu'il annonce à quelqu'un de la


une es|)CC(' de coffre, auprès duquel élait famille pour la personne qui l'entend.
couché un énorme chien noir. Le pasteur Wiérus dit qu'on chasse à jamais les dé-
s'avança avec empressement pour se saisir mons, en frollant les murs de la chambre
du trésor; mais à peine fut-il entré dans la qu'ils infestent avec le fiel ou le sang d'un
caverne (lu'elie s'enfonça sous ses pieds et chien noir (5). 'Voy. Agrippa, Bragaoi.mi ,
l'engloulil (2). Dormants, etc.
Noiez que c'est un conle et que personne La petite chienne blanche, conte populaire.
n'a vu ce grand chien. Mais on peui juger On remarquait , dit-on , au dix-septième
par ces traits quelle idée avaient des chiens siècle , dans la forêt de Bondi deux vieux ,

les peuples mal civilisés. chênes que l'on disait enchantés. Dans la
Chez les anciens, on appelait les furies les creux de l'un de ces chênes on voyait tou-
chiennes de l'enfer; on sacrifiait des chiens jours une petite chienne d'une éblouissante
noirs aux divinités infernales. Chez nos blancheur. Elle paraissait endormie , et no
pères on pendait entre deux chiens les plus s'éveillait que lorsqu'un passant s'approchait;
grands criminels. mais elle élait si agile, que personne ne pou-
Quelques peuples pensaient pourtant au- vait la saisir. Si on voulait la surprendre ,
trement; on a même honoré le chien d'une elle s'éloignait de quelques pas, et, dès qu'on
manière distinguée. Elien parle d'un pays s'éloignait, revenait à sa place avec opiniâ-
d'Iilhiopie dont les habitants avaient pour treté. Les pierres et les balles la frappaient
roi un chien; ils prenaient ses caresses et sans la blesser; enfin, on croyait dans le pays
ses aboiements pour des marques de sa bien- que c'était un démon ou
l'un des chiens du
,

veillaace ou de sa colère. grand veneur ou du ,Arlhus ou encore


roi ,

Les guèbres ont une grande vénération la chienne favorite de saint Hubert, ou enfin
pour les chiens. On lit dans Tavernicr que , le chien de Monlargis, qui, présent à l'assas-
lorsqu'un guèbre est à l'agonie, les parents sinat de son maître dans la forci de Bondi
prennent un chien dont ils appliquent la révéla le meurtrier et vengea l'homicide au
gueule sur la bouche du mourant, afin qu'il quatorzième siècle. On disait aussi que des
reçoive son âme avec son dernier soupir. sorciers faisaient assurément le sabbat sous
Le chien leur sert encore à faire connaître les deux chênes.
si le défunt est parmi les élus. Avant d'ense- Un jeune garçon de dix à douze ans dont ,

velir le corps, on le pose à terre on amène : les parents habitaient la lisière de la forêt ,

un chien qui n'ait pas connu le mort, et , au faisait ordinairement de petits fagots à quel-
moyen d'un morceau de pain, on l'attire le que distance de là. Un soir qu'il ne revint
plus près du corps qu'il est possible. Plus pas, son père, ayant pris sa lanterne el sou
le chien en approche, plus le défunt est heu- fusil, s'en alla avec son fils aine battre le bois.
reux. S'il vient jusqu'à monter sur lui et à La nuit élait sombre. Malgré la lanterne, le»
lui arracher de la bouche un morceau do deux bûciierons se heurtaient à chaque ins-
pain qu'on y a mis, c'est une marque assu- tant conire les arbres, s'embarrassaient dans
rée que le défunt est dans le paradis des les ronces revenaient sur leurs pas et s'é-
,

guèbres. Mais l'éloignement du chien est un garaient sans cesse. —


Voilà qui est sin-<
préjugé qui fait désespérer du bonheur du gulier, dit enfin le père; il ne faut qu'une
mort. heure pour traverser le bois et nous mar- ,

Il y a aussi des gens qui tiennent à hon- chons depuis deux sans avoir trouvé les chê-
neur de descendre d'un chien. Les royaumes nes; il faut que nous les ayons passés.
de Pégu et de Siam reconnaissent un chien En ce moment, un tourbillon ébranlait la
pour chef de leur race. A Pégu et à Siam on forêt. Ils levèrent les yeux, et virent, à vingt
a donc grand respect pour les chieqs, si pas , les deux chênes. Us marchèrent dan«
maltraités ailleurs (H). cette direction; mais à mesure qu'ils avan-
La population du Liban , qui s'élève à cent, il semble que les chênes s'éloignent :

quaire cent mille âmes est composée de la forêt parait ne plus finir; on entend du
trois races, les Ansariés les , Druscs el Us toutes parts des sifQements, comme si le bois
Maronites. Les Ansariés sont idolâtres. Les était rempli de serpents ils sentent rouler à
;

(l)Leloyer, Hist. ot dise, des spectres, liv. 1'», ch. 8. première journée.
(2) Madame Gabijclle de P ... Histoire des faiilômes, U) Voyages du duc de Bagcse.
p. 27. ("jj Un l'iacit. dxm., lilj. v. cap. M.
(3) llexaiiiéroii dcTorcineiiiadj, traJuil p.ir G. Chai^puis,
1

57 DîCTION.N.MIlE DKS SCIKNCES OCCULTES. S71


leurs pieds des corps inconnus ; des grilTes sur le témoignage de Gonirand , frère de
enlouront leurs jambes et les elTIciircnl; une Chilpéric, cette vision merveilleuse. Gontrand
odeur intcrlt- les environne ; ils oroienl vit l'âme de son frère Chilpéric liée et char-
sentir des éircs inipiilpables errer autour gée de chaînes, (lui lui fut présentée par trois
d'eus.... évêques.L'unétaitTétricus, l'autre Agricola,
Le hûclieron. exténué de fatigue, conseille le troisième Nicétius de Lyon. Agricola et
à son nis de s'asseoir un instant ; mais son Nicélius, plus humains que l'autre, disaient:
nis n'y est pla^». Il voit à quelques pas, dans — Nous vous prions de le détacher, et, après
les buissons, la lumière vacillante de la lan- l'avoir puni de permettre qu'il s'en aille.
,

lernc; il remarque le bas des jambes de son L'évéque Tétricus répondit avec amertume
(ils, qui l'appelle; il ne reconnaît pas la voix. —
de cœur: Il ne sera pas ainsi ; mais il sera
U se lève; alors la lanterne disparaît; il ne châtié à cause de ses crimes. Enfin , dit —
!<ait plus où il se trouve ; une sueur Troide Gontrand le résultat fut de précipiter celle
,

ilécoule de tous ses membres; un air glacé pauvre âme dans une chaudière bouillante
l'rappe son visage comme si deux grandes
, que j'aperçus de loin. Je ne pus retenir mes
ailes s'agitaient au-dessus de lui. Il s'appuie larmes lorsque je vis le misérable état de
,

contre un arbre laisse tomber son fusil, re-


, Chilpéric , jeté dans la chaudière , où tout à
commande son âme à Dieu , et tire de son coup il narut fondu et dissous (2).
sein un crucifix ; il se jette à genoux et perd CHIMÈRE, monstre imaginaire, né en Ly-
connaissance. cie.que les poêles disent avoir été vaincu par
Le soleil était levé lorsqu'il se réveilla; il Bellérophon; il avail la tête et l'estomac d'un
vil son fusil brisé et macéré , comme si ou lion, le ventre d'une chèvre el la (|ueue d'un
l'eût mâché avec
dents; les arbres étaient
les dragon. Sa gueule béante vomissait des H mi-
teints de sang; les feuilles noircies; l'herbe mes. Les démonographes disent que c élait
desséchée; le sol couvert de lambeaux; le un démon.
bûcheron reconnut les débris des vêlements CHIMIE. On la confondait autrefois avec
de ses deux fils qui ne reparurent pas. Il
, l'alchimie.La chimie, selon les Persans, est
rentra chez lui épouvanté. On visita ces lieux une science superstitieuse qui tire ce qu'il y
redoutables. On y vérifia toutes les traces du a de plus subtil dans les corps terreàîres pour
sabbat; on y revit la chienne blanche insai- s'en servir aux usages magiques. Ils font Ca-
sissable. Oii purifia la pla<:e; on abattit les ron (le Coré du Pentaleuque) inventeur de
deux chênes à la place desquels on planta
, cette noire science qu'il apprit, disent-ils, de
deux croix, qui se voyaient encore il y a peu Mo'ise.
lie temps et, depuis, celle partie de la forêt
; Louis de Fonteneltcs, dans l'épilre dédica-
cessa d'éire infestée par les démons (1 . toire de son Hippocrnte dépaysé , dit que
CHIFFLIÎT (Jean), chanoine dcTournay, « d'aucuns prétendent que la chimie, qui est
uéàBesançon vers 1611. Il a publié: Joaniiis « un art diabolique a été inventé par ,

Macarii Abraxas , sei» Apislopistus, quœ est « Cham. »


nntiquaria de gcmmis basilidianis disi/uisilio, CHION philosophe d'Héraclée disciple
, ,

commenlaiiis itiust. , Anvers , 1657 , in-4°. de Platon. Il fut averti en songe de tuer
Cette dissertation traite des pierres gravées Cléarque , tyran d'Héraclée , qui était son
portant le nom cabalistique Abraxas, par le- ami. Il lui sembla voir une femme qui lui
i|uel Basilide, hérétique du deuxième siècle, mit devant les yeux la bonne renommée qu'il
ilésignail le Dieu créateur et conservateur, acquerrait par le meurtre du tyran ; et ,

lille est rurieuse,et le commentaire que Chlf- poussé par cetlevision, il letua. Mais ce qui
llet y a joint est estimé. prouve que c'élailune vision diabolique, c'est
CHIJA ou CHAJA (Abraham Ben), rabbin queCléarque, tyran lolérable, ayant été tué,
espagnol du onzième siècle, il a écrit, en hé- fut remplacé par Satyre son frère bien , ,

breu , le Volume du Révélateur , où il traite plus cruel que lui , et que ri "n ne pouvait
de l'époque où viendra le Messie, et de celle adoucir.
où se fera la résurrection générale. Pc de la CHIORGAUR. Voy. Gauric.
Mirandole cite cet ouvrage dans sou traité CHIRIDIRELLÈS démon qui secourt les ,

contre les astrologues. voyageurs dans leurs besoins, qui leur en- el
CHILDÉRIG i". Voy. Basile et Cristal- seigne leur chemin lorsqu'ils sont égarés.
LOMANCIE. Ou dit qu'il se montre à ceux qui linvo-
CHILDÉRIG III, fils de Chilpéric II, etder- qiicnl sous la forme d'un passant à cheval.
,

nier des rois de la première race. Il publia, CHlRO.MANCIE.artde dire la bonne aven-
en 742 , un édit contre les sorciers, où il or- ture par l'inspection des lignes de la main.
ilonneque chaque évêque,aidé du magistral Celte science, que les Bohémiens ont rendue
défenseur des églises, mette tons ses soins à célèbre, est, dit-on, très-aneienne. Nous eu
empêcher le peuple de son diocèse de tomber exposons les principes à l'article Main.
dans les superstitions païennes. Il défend les CHODAR démon , que les nécromanciens
sacrifices aux mânes, les sortilèges, les phil- nomment aussi Bélial ; il a l'Orient pour
tres, les augures, les enchantements, les di- district, et commande aux démons des pres-
vinations, etc. tiges.
CHILPÉRIC I", roide France, fils de Clo- CHOQUET (Louis) , auteur d'un mystère
laire I". Saint Grégoire de Tours rapporte ,
tièi-rarc, intitulé L'Apocalypse de saint Jean
:

(t) Infernaliana, p. 153. tjIcl-Dufiesnoy, Recueil de (lisberlauons sur les sppari-


(9) Greg. Turou., Ilist. Franc, lib. \11I, cap. 3.— Leu- liuus, |i. 72 do lu prébce.
,

J75 Cl 10 CIC r4
Zébédée où sont comprises les visions el
, avait causé... C'est un système qui n'est pas
révélations qu'icelui saint Jean eut en l'île plus bétequecelui des philosophes modernes.
de P.'ilmos; in-fol., Paris, lo4>l. CHOUX. Une croyance qui n'est pas ex.trô-
CHORROPIQUE (Mabie) sorcière borde- , memenl rare, c'est qu'on ne doit pas manger
laise du temps de Henri iV qui confessa ,
de choux le jour de saint Etienne, parce qu'il
s'èlre donnée au di.ible par le moyen d'un s'étail caché dans un carré de choux pour
nommé Augcrot d'Armore, qui la niona dans éviter le martyre (2).... Conte très-slupide et
une lande uù elle trouva un grand seigneur superstition irès-absurde.
velu de noir, dont la Ogure était voilée. 11 CHRISOLYTES , hérétiques du sixième
était entouréd'une infiniié clegcns richement siècle, qui disaient que Nolre-Seigncur avait
habillés. Marie Chorropique ayant prononcé laissé son corps el son âme aux enfers , el
le nom
de Jésus tout disparut incontinent.
, qu.'il n'était remonté aux cieux qu'avec sa
Son guide ne vint la reprendre que trois divinité....
heures après , la tança d'avoir prononcé le CHRISTOPHE. Autrefois, d'après une opi-
nom do Notrc-Seigneur el la conduisit au , nion exprimée parce vers:
sabbat, près d'un moulin , où elle retrouva
ClirislO|ihoriim videas, poslea tulus pas,
le mén)e seigneur noir avec un nommé ,

Menjoin, qui portait un pot de terre où il y on croyait que celui qui avait vu quelque
avait de grosses araignées enflées d'une image de saint Christophe le matin était en
drogue blanche, et deux crapauds qu'on tua sûreté toute la journée.
à coups de gaule et qu'on cliargea Marie
, CHRISTOVAL DE LA GARRAUE. Voy.
d'écorchor. Marissane.
Ensuite , Augerot
araignées dans pila ces CHRYSOLITHE pierre précieue qu'Al-
,

un mortier avec crapauds. Ils jetèrent


les bert le Grand regarde comme un préservatif
celte composition sur quelques pâiur.igcs contre la folie. Elle a encore, dil-il, la vertu
pour faire mourir les bestiaux. Après quoi de meltrele repentir dansle cœurde l'homme
ils s'en allèrent au bourg d'Irauris , où ils qui a fait des fautes....
prirent sans bruit un enfant au berceau. CHRYSOMALLON nom du , fameux bélier
Augerot et Menjoin l'étranglèrent elle mi- qui portait la toison d'or. On dit qu'il volait
rent entre son père et sa mère qui dormnient. dans les airs qu'il nageait en perfection ,
,

afin que le père crût quç sa femme l'avait qu'il courait avec la légèreté d'un cerf, et
étouffé, et que la mère à son tour accu-ât <iue Neptune , dont il était fils , l'avait
son niari. lis en empoisonnèrent d'.iulri'S. couvert de soie d'or au lieu de laine. 11
A toutes ces exécutions, Marie Chorropique avait aussi l'usage de la parole el don- ,

attendait les deux bandits à la porte des mai- nait de bons avis. H esl le premier signe du
sons. Que penser de ces récils? zodiaque.
Elle dit encore que, dans un autre sabbat, nom
CHRYSOPÉE, œuvre d'or. C'est le grec
plk" vil deux sorcières qui apporlèrenl le
que alchimistes donns'ul à la pierre plii-
les
coeur d'un enfant dont la mère s'était fail losophale ou à l'art de transmuer tous les
,
avorter, el qu'elles le gardèrent pour en faire métaux en or pur.
un sacrifice au diable. Cette horrible sor-
cière fut brûlée le 2 octobre 1576 (1).
CHRYSOPOLE, démon. Voy. Olive.
CHOUETTIi;, espèce de hibou de la gros- GHRYSOPRASE, pierre précieuse à laquelle
seur d'un pigeon, qui ne paraît qu'au point la propriété de for-
la superstition attachait
du jour ou à l'approche de la nuit. Chez les vue, de réjouir l'esprit el de rendre
tifier la

Athéniens et les Siciliens cet oiseau était ,


Ihommc libéral et joyeux.
d'un bon augure; partout ailleurs, la ren- CICÉRON ( Marcos Tullius ). Leloyer dit
contre d'une chouette était d'un mauvais qu'un spectre apparut à la nourrice de Cicé-
prcsag''. Gi'lte superstition vit encore dans ron c'était un démon de ceux qu'on appelle
:

plusieurs p lys. Voy. Chevesche , Chat-haant. génies fumiliers. Il lui prédit qu'elle allaitait
CHOUN.divinité adorée chez les Péruviens, un enfant qui , un jour à venir , ferait grand
qui racontaient ainsi son histoire : bien à l'État. « Mais d'où tenait-il tout cela,
Il vint des parties septentrionales du monde me dira-t-on ? Je répondrai : C'est la cou-
un homme qui avait un corps sans os el tume du diable de bégayer dans les choses
sans muscles, et qui s'appelait Clioun; il futures. » Cicéron devint en effet ce qu'on
abaissait les montagnes, comblait les vallées, sait (3j.
et se frayait un chemin dans les lieux iii.ic- C'est lui qui disait qu'il ne concevait
cessiblcs. Ce Choun créa les premiers habi- pas que deux augures pussent se regarder
tants du Pérou; il leur apprit à se nourrir sans rire.
des herbes et des fruits s;iuvages. Mais un Il a combattu les idées superstitieuses dans
jour, offensé par quelques Péruviens, il con- plusieurs de ses ouvrages , surtout dans les-
vertit en Siibles arides une partie de la terre, trois livres de la Nature des dieux dans les ,

auparavant Irès-ferlile partout; il arrêta la Tuseulanes , et dans les deux liv -«s de la
pluie, dessécha les plantes; el ensuite, ému Divination.
de compassion il ouvrit les fontaines et fit
, Régnier Desmarais en tête de sa trailnc- ,

couler les rivières, pour réparer le mal qu'il lion de l'ouvrage de Cicéron, de Divinulione,

(1) Delaiicpe. Tablfnu de l'iucoiislaiicc des démous, etc., (5) Lcloyor, Hist. cl dise, des spectres, liv. Il, cli. 5;
l<.
107. liv. III, du 17.
(;;) Tliiers Trailâ des superslilions, l. t.
S75 DICTIUNNAHŒ DES SCIENCliS OCCULTES. 576

a donné de ce liailé un sommaire que nous et par ces mots : « Les ciiMix sont les œu-
transcrivons ici: vres de les doigts, » qui sont au nombre de
« Chez les Romains , dit-il la divination,
dix(l).
(c'est-à-dire le ptesscnlimenl cl la préiliclion Les rabbins prétendent que le ciel tourne
de l'avenir ) était inincipalement Coniiée sur sans cesse, et qu'il y a au bout du monde un
\» fonction de ceux qu'on appelait Arujipiccs, lieu où le ciel touche la terre. On lit dans le
qui consistait dans l'inspection des entrailles Talmud que le rabbin Bar-Chana s'étant ,

des victimes et dans l'interprétation des pro- arrêté en cet endroit pour se reposer, mit
diges et des foudres, et sur la fonction des son chapeau sur une des fenêtres du ciel, et
Auijuies, qui prônaient les auspices par l'ob- que, l'ayant voulu reprendre un moment
servation du vol des oiseaux par celle de après , il ne le retrouva plus les cieux ,
,

leur chant, et de Irur manière de manger. A l'ayant emporté dans leur course de sorte :

CCS deux sortes de divinations qui tenaient ,


qu'il fallut qu'il attendît la révolution des
en même temps à la religion et au gouver- mondes pour le r.itlraper.

nement de la république , il faut ajouter les CIEKGKS.On allume deux cierges à Scaer,
livres de la sibylle Erithrée, auxquels le en Bretagne, au moment du mariage; on en
sénat avait quelquefois recours les réponses ;
place un devant le mari, l'anlre devant la
des oracles; les prédictions des personnes femme : la moins brillante indi-
lumière la
qu'on croyait éprises de fureur divine; les que celui des deux qui doit mourir le pre-
visions dans les songes; les présages tirés de mier. L'eau et le feu, comme chez les an-
certaines choses dites au hasard; ceux des ciens, jouent un grand rôle chez les Bretons.
astrologues et les sorts qu'on appelait les
; ,
Du côté de Guingamp, et ailleurs, quand on
sorts de Préneste. ne peut découvrir le corps d'un noyé, on
» C'est de toutes ces différentes divinations met un cierge allumé sur un pain qu'on
qu'il s'agit dans les deux livres de Cicéron. abandonne au cours de l'eau on trouve, :

IJans le premier, il introduit son frère qui , ,


dit-on, le cadavre dans l'endroit où le pain
étant stoïcien les soutient toutes avec cha-
,
s'arrête (2).
leur et s'appuie pour cet effet sur l'autorité GIGOGNE. On croit que les cigognes pré-
des anciens philosophes, sur divers exemples servent des incendies les maisons où elles se
de l'antiquité, sur la pratique universelle de retirent. Cette erreur n'est plus très-ré(ian-
toutes les nations sur les arguments par
;
due. On a dit aussi que les cigognes ne s'é-
lesquels les stoïciens, grands partisans de la tablissaient que dans les Etats libres; mais
divination , prétendaient la prouver. Dans le les Egyptiens, qui eurent toujours des rois,
second livre, Cicéron réfute toui ce que son leur rendaient un culte; et c'était un crime
fière avait avancé dans le premier: d'abord capital en Thessalie, qui était monarchi(iui>,
il commence par démontrer la vanité l'inu- , de tuer une cigogne, parce que le p lys est
lilité et même l'Impossibilité de toute divi- plein de serpents, et que les cigognes les dé-
nation en général ensuite examinant chaque
; truisent. Elles sont enfin très-communes en
sorte de divination en particulier, il découvre Turquie, en Egypte et en Perse, où l'on ne
l'origine , la nature et les abus de chacune. songe guère aux idées républicaines.
Voilà en gros quel est le sujet des deux livres CILANO ( Georges-Chrétien -Maternus
de la Divination. » Voy. Divination. de). Hongrois du dix-huitième sièc'e, qui a
Valère-Maxime conte que Cicéron ayant , écritun livre del'Origine el de la Célébration
été proscrit par les triumvirs , se retira dans des saturnales chez les Romains (3), et (sous
sa maison de Formies , où les satellites des le nom d'Antoine Signatelli) des Recherches
tyrans ne tardèrent pas à le poursuivre. Dans sur les géants (4).
ces moments de trouble, il vit un corbeau C1MERIÈ3, grand et puissant démon, mar-
arracher l'aiguille d'un cadran : c'était lui quis de l'empire infernal. Il commande aux
annoncer qui; sa carrière é'.ait finie. Le cor- parties africaines. Il enseigne la grammaire,
beau s'approcha ensuite de lui, conmie pour la logique rhétorique; il découvre les
et la
lui faire sentir qu'il allait bientôt être sa trésors et révèle les choses cachées; il rend
proie et le prit par le bas de sa robe qu'il
, ,
l'homme léger à la course, el donne aux
ne cessa de tirer que quand un esclave vint bourgeois la tournure fringante des militai-
dire à l'orateur romain que des soldats arri- res. Le marquis Cimeriès, capitaine de vingt
vaient pour lui donner la mort. Les corbeaux légions, est toujours à cheval sur un grand
d'aujourd'hui sont plus sauvages. palefroi noir (5).
CIEL. Un tel article ne peut entrer dans ce CIMETIÈKE. Il n'était pas permi j en Espa-
dictionnaire qu'à propos de quelques foies gne, au quatrième siècle, d'allumer des cier-
«•ro> in('es. Les musulmans admettent m uf ges en plein jour duis les cimetières, de ;jewr
eicux; il y eut, parmi les chrétiens, des d'inquiéter les esprits. On croyait que les
hérétiques qui en annonçaient trois cent âmes des lré[)asses fréquentaient les cime-
soixante-cinq, avec des anges spétialement tières où leurs corps étaienl enterrés (6); et
maîtres de chaque ciel. Voy. Basilide. le clergé eut quelque peine à détruire cotle
IJodin assure qu'il y a dix cieux, qui sont opinion.
marqués nar los dix courtine» du tabernacle On croit encore aujourd'hui, dans les cam-
(1) Préfacé lie la Déiiioiinmanio des sorciers, (l) De CiyauUbus nova disquisilio liistoii-ica cl cillica,
(i) Voyaye tlii Caiiibry iluiis le KinisICre, l. III, p. lof). 17o6.
(.',.1 Di'Saiurnalium origiue cl ccl biaiiili liiu umiU Ue- ("i) Wierus, iii RseiiJomoriarcliia dsin.
*
aiauui, 17a3. [ti; Duiu Caliiicl,Iiailésur Icsapi-aiitious, cit., tli. u
577 tlP CiV 578

pagne<, que les âmes du purgatoire rc>u>n- lui seulement que c'était une marquo
dit
lU'iit dans les cimetières; on dit même (jue qu'il régnerait dans Home; mais il n'y vou-
hs démons aiment à s'y montrer, et que c'est lut plus entrer. Celle modération est plus
pour les écarter qu'on y plante des croix. merveillj'U^e que les cornes
On conte des anecdotes effrayantes. Peu de CIRCE, fameuse magicienne qui changea
villageois traverseraient le cimetière à mi- les comp.igiKin.s d'Ulysse en jiourceaux. Elle
nuit ils ont toujours l'histoire de l'un d'en-
:
savait composer des potions magiques et des
tre eux qui a été rossé par une âme (ou plu- enchantements par lesquels, au moyen du
tôt par un mauvais plaisant) qui lui a re- diable, elle troublait l'air, excitait les grêles
proché de troubler sa pénitence. Voy. Appa- et lestempêtes, et donnait aux hommes des
ritions. malailies de corps et d'esprit. S.sinl Jean
Henri Estienne et les ennemis du catholi- Chrysoslome regarde la rriélamorphose des
cisme ont forgé aussi des aventures facclieu- compagnons d'Ulysse comme une vive allé-
ses, où ils attribuent de petites fraudes aux gorie.
gens d'église pour maintenir cette croy.ince; ClItCONCELLIONS, fanatiques du qua-
mais ces historiettes sont des invtnliuus ca- trième siècle, de la secte des donalisles. ils
lomnieuses. parurent en Afriijue. Armés d'abord de bâ-
On a vu quelquefois, dans les grandes t'ons qu'ils appelaient bâtons d'Israël ils ,

chaleurs, des exhalaisons enflaminccs sortir commeltaienl tous les brigandages sous pré-
des cimetièies; on sait aujourd'hui qu'elles texte de lélablir l'égalité. Us prirent bientôt
ont une ciuso naturelle. des armes plus offensives pour tuer les ca-
CIMMÉUIENS, peuples qui habitaient au- tholiques. On les appelait aussi scotopètos.
tour des Palus-Méotides, et dont les Cimbres Ils faisaientgrand cas du diable et l'hono-
Beaucoup de savants
étdientJes descendants. raient en se coupant la gorge, en se noyant,
ont placé dans ce pays l'antre par le(|uel on en se jetant, eux et leurs femmes, dans les
allait aux enfers. Leloyer dit que les Cimmé- précipices. A la suite de Frédéric Barh;'-
riens étaient de grands sorciers, et qu'Ulysse rousse, au treizième siècle, on vit reparaître
ne les alla trouver que pour interroger, par des circoncellions qui damnaient les catho-
leu'' moyen, les esprits de l'enfer. liques. Ces violents secluires, à l'une et l'au-
CIMON, général athénien, (ils de Miltiade. tre époque, ne durèrenl pas longtemps.
Ayant vu en songe une chienne irritée qui CIRE. C'est avec de la cire que les sorciè-
aboyait contre qui lui disait d'une voix
lui et res composaient les petites figures magiques
humaine : — « me feras plaisir, à
Viens; lu qu'elles faisaient fondre lorsqu'elles vou-
moi et à mes petits, » —
il alla consulter un laient envoûter cl faire périr ceux qu'elles
devin nommé Aslyphile, qui interpréta sa avaient pour ennemis. On décapita à Paris,
vision de cette manière ; —
« Le chien est eu lo7i un gentilhomme chez qui l'on
,

ennemi de celui contre lequel il aboie; or, trouva une petite image de cire ayant la
on ne pourrait faire à son ennemi u plus i place du cœur percée d'un poignard. Voy.
grand plaisir que de mourir; et ce mélange En\outement.
de la voix humaine avec l'aboi dénote un CiRUliLO (Pierue), savant nragonais du
Mède qui vous tuera. » quinzième siècle, à qui l'on doit un livre
Les Grecs étaient en guerre avec les Per- (i'aslrologie (1), où il défend les astrologues
ses et les Mèdcs il y avait donc chance.
: el leur science contre les raisonnumcnts do
Malheureusement pour le devin, le songe ne Pic de la Mirandoie.
s'accomplit pas, et Cimon ne mourut que de CITATION, formule cmployci? pour appe-
maladie. ler les esprits el les forcer à paraître. V. y.
CINCINNATULUS ou CINCINNATUS {le Evocation.
petit frisé), esprit (|ui, au rapport de Uhodi- CiTU,
fête au Pérou, dans laquelle tous
ginus, parlait par la bouche d'une femme les habitants se frottaient d'une pâle où ils
nommée Jocaba, — laquelle était ventri- avaient mêlé un peu de sang tiré de l'entre-
loque. deux des sourcils de leurs enfants. Us pen-
CINQ. Les Grecs modernes se demandent saient par là se préserver pour tout le mois
excuse en prononçant le nombre cinq, qui de tout malaise. Les prêtre» idolâtres fai-
est du plus mauvais augure, parce qu'il ex- saient ensuilc dos conjurations afin d'éloi-
prime un nombre indéfini, réprouvé par les gner les maladies, et les Péruviens croyaient
cabalisles. que toutes les lièvres étaient chassées dès
ClOiNES. Voy. Kiones. lors à cinq ou six lieues de leurs habita- >

ClPl'US VENKLIUS, chef d'une partie de lions.


rilalie, qui, pour avoir assisté à un combat CIVILE (François de), gentilhomme nor-
de taureaux et avoir eu toute la nuit l'ima- mand, né en lo3 i, dont la vie fut remplie de
ginalion occupée de cornes, se trouv.i un catastrophes, pour la plupart imaginées par
front cornu le lendeuuiin. jj'autrcs disent les écrivains prulestants, qui ont si souvent
(lue ce prince, entrant victorieux à Rome, fabriqué des romans cl des historiettes, dans
s'aperçut en se penchant au-dessus des eaux le but de faire lire leurs écrits. Comme ou
du Tibre, car il n'av;iit pas de miroir, qu'il classe cette vie prodigieuse dans les impos-
lui était poussé des cornes. 11 consulta les tures historiques, nous en donnerons un po-
devins pour savoir ce que lui prés;igeiiit une lit précis.
circonstance si extraordinaire. Ou pouvait
(l) Apoteliisiiiiila iisirologi.iî Imiuaiiae , lioo esl de muta-
expliquer ce prodige de pluscurs f^içons; on UoiiibiS icanioiuui. Atcal.1, lo21.
riC.TIONNAlUE DES SCIENIES OCCULTES. 3S0
579
Civile ^lanl niorle bliée par Misson, qui aurait dû yvoir le pen-
La mère de François de
dant des aventures de M. de Crac.
rnccinte, pendant l'absence de son mnri,
avail élé enterrée sans qu'on songeât à
tirer CLAIRON (Claire-Josèphe-Leyris de La-
l'enfant par l'opéralion césarienne. Un peu
TUDE. connue sous le nom d'Hippolyte), tra-
gédienne française, morte en 180'{. Dans ses
après l'enterrement, le mari arrive; il ap-
prend avec surprise la mort de sa femmo,
Mémoires, publiés en 1790, elle raionle l'his-
toire d'un revenant qu'elle croit èlic l'âme
fl le peu d'attention qu'on a eu pour le
fruit
qu'elle portait; il la fait exhumer; on lui de M. de S...., fils d'un négociant de Breta-
ouvre les entrailles, doù l'on tira François gne, dont elle avait rejeté les vœux, à ause c

de Civile encore vivant. de son humeur haineuse et mélancolinue,


quoiqu'elle lui eût accordii si>ii amilié. Celle
Cet homme, entré ainsi dans la vie, se
trouvant en 1302, capitaine de cent hommes passion malheureuse avail conduit le jeune
de pied, dans la ville de Rouen, que Char- insensé au tombeau. Il avait souhaité de la
voir dans ses derniers moments ; mais on
les IX assiége.iil, reçut dans la joue une
avait dissuadé mademoiselle Clairon de faire
halle qui lui traversa le cou et il tomba du
;

cette démarche et il s'était écrié avec dés-


haut du rempart dans le fossé. Des pion- ;

niers, le croyant morl. le mirent dans une


espoir : —
Elle n'y gagnera rien , je la pour-
suivrai autant après ma mort que je l'ai
fosse, avec un autre corps qu'ils jetèrent sur
poursuivie pendant ma vie l...
lui, et ils les couvrirent d'un peu de terre. 11
resta ainsi lnutc la journée. Son valet vint
Depuis lors, mademoiselle Clairon enten-
dit, vers les onze heures du soir, pentlant
le soir chercher son corps pour lui donner
plusieurs mois, un cri aigu; ses gens, ses
une sépulture plus honorable. Il le déterra
et ne le reconnut pas, tant il était défiguré. amis, ses voisins, la police mèine, enlendi-
Cependant, un diamant qu'il avait au doigt rent ce bruit, toujours a la même heure.
ayant frappé les yeux de ce domestique, il toujours partant sous ses fenêlies, (!t ne pa-
sut par là qu'il avait retrouvé son maître, et raissant sortir que du vague de l'air.
enleva le corps. Ces cris cessèrent quebjue temps. Mais ils
Après l'avoir lavé, il l'embrassa en pleu- furent remplacés, toujours à onze heures du
soir, par un coup de fusil tiré dans ses fenê-
rant; il crut sentir encore quelque chaleur;
de tres, sans qu'il en résultât aucun dommage.
il porta bien vite le corps aux chirurgiens

l'armée qui, le regardant comme mort, ne La rue fut remplie d'espions, et ce bruit
voulurent pas en prendre soin. Civile fut ainsi fut entendu, frappant toujours à 1 même 1

cinq jours et cinq nuits abandonné, sans par- heure, dans le même carreau de vitre, sans
ler ni donner aucun signe de mouvement, que jamais personne ail pu voir de quel en-
mais toujours ardent de fièvre. Un médecin droit il parlait. A ces explosions succéda un
consentit alors enfin, à lui faire prendre un claquement de mains, puis des sons mélo-
peu de bouillon; le lendemain, le malade dieux. Enfin, tout cessa après un peu plus
enlr'ouvril les yeux. Mais sur ces entrefai- de deux ans et demi (1).
tes, la ville ayant été prise d'assaut, le bruit
Voilà ce que «lisent les mémoires publiés
qui se fit lui ôta de nouveau toute connais- par mademoiselle Raucourl. Ce qui n'empê-
sance. Dans le pillage, on le jeta par la fenê- che pas que celait n'est qu'une mystification,
tre; il tomba sur un fumier, où il resta trois qui eût fait un peu plus de bruit à Paris si
jours en chemise, sans être secouru de per- c'eût été autre chose.
sonne. CLARUS. Saint Augustin rapporte qu'un
Enfin un de ses parents vint le voir, et fut jeune homme de condition, nommé Glarus,
très-élonné de le trouver encore vivant. Ci- s'élant donné à Dieu dans un monastère
vile demanda à boire par signes; on lui
d'Hippone, se persuada qu'il avail commerce
couvent.
donna de la bière, qu'il avala trôs-avide- avec les anges. 11 en parla dans le
meni; on l'emporta dans un château où il Comme les frères refusaient de le croire, il
prédit que la nuit suivante Dieu lui enver-
fut soigné, et au bout de six semaines, il se
trouva bien portant. rait une robe blanche avec laquelle il paraî-

fut proscrit comme protestant snus trait au milieu d'eux. En effet, vers minuit,
Il ,

le monastère fut ébranlé, la cellule du jeune


Henri III, et se réfugia en Angleterre, où la
reine Elisabeth lui fit conter son histoire; ne homme parut brillante de lumière; one/-
tendit le bruit de plusieurs personnes qui
sachant pas peut-être qu'il y a des Gascons
ailleurs qu'aux bords de la Garonne, elle allaient, venaient et parlaient entre elles,
Clarus sortit de sa
donna son portrait au conteur. Le règne de sans qu'on pût les voir.
Henri le Grand lui permit de rentrer en cellule et montra aux frères la tunique dont
il était vêtu c'était une étoffe d'une blan-
France. DAubigné dit qu'il l'a vu souvent :

Nor- cheur admirable et d'une finesse si extraor-


« aux assemblées nationales, député de
mandie, à lâgc do soixante-six ans, et qu'il dinaire, qu'on n'avait jamais rien vu ùcsem-
signait toujours François de Civile, trois
;
blable. Ou passa le reste de la nuit à chan-
fois mort, trois fois enterré, et trois fois, par ter des psaumes en actions de grâces; en-
la grâce de Dieu, ressuscité. » Il était octogé- suite on voulut conduire le jeune homme à
naire, lorsqu'il mourut d'une fluxion du saint Augustin; mais il s'y opposa, disant
poitrine. que les anges le l«i avaient défendu. Cepen-
Nous avons tiré la plupart de ces détails dant on ne l'écouta point; et, comme
on l'y
de l'histoire du capitaine François de Civile, (1) Mémoires d'Hippolyte riairon , élil ili' Biilssuii.

extraite de ses mémoires ruanuscrits, cl pu- p. Ili7.


581 CLE CLE 58t
conduisait malgré sa résistance, la tunique Samien son nom; apprenant qu'il s'ap-
et,
disparut aux yeux des assistants; ce qui fit pelait Hégésisirate, mot qui signifie conduc-
juger que le tout n'était qu'une illusion de teur d'armée, il répondit -.j'accepte l'augure
l'esprit d(' ténèbres d'Hégésistrale.
CLASSYALABOLaS, Voy. Caacrinolaas. Ce qu'il y avait de commode en tout ceci,
CLAUDE, prieur de Laval, fil imprimer à c'est qu'on était libre d'accepter ou de refu-
\i fin du seizième siècle un livre intitulé : ser le mol à présage. S'il était saisi par ce-
Dialogues de la Lycanthropie. lui qui l'entenilail et qu'il frappât son ima-
CLÀUDER (Gabriel), savant saxon, mort gination, il avait toute son influence ; mais si
en 1691, membre de l'académie des Curieux l'auditeur le laissait tomber, on n'y faisait
de la Nature. Il a laissé, dans les Mémoires pas une prompte attention, l'augure était
de cette société, divers opuscules singuliers, sans force.
tels sont :«loRemède diabolique du délire, » CLEF D'OR. On a publié, sous le litre de
"il a les Vingt cinq ans de séjour d'un démon la Clef d'or, plusieurs petits volumes slupi-
sur la terre (1). » des qui enseignent les moyens infaillibles de
Son neveu, Frédéric-Guillaume Clauder, a l'aire fortune avec la loterie, et qui, quand la
donné, dans les Éphémérides de la même liiterie existait, ne faisaient que des dupes.
académie, un traité sur les nains (2). [m Clef d'or on le Véritable trésor de la for-
CLAUNECK démon qui a puissance sur
, tune, qui se réimprimait ilc temps en temps
les biejjs, sur les richesses il fait;trouver à Lille, cliezCastiaux, n'est pas autre chose
des trésors à celui qu'il sert en vertu d'un que la découverte des nombres sympathi-
pacte. Il est aimé de Lucifer, qui le laisse ques, (|ue l'auteur se vante d'avoir trouvés,
maître de prodiguer l'argent. Il rend com- ce (lui lui a valu trois cent mille francs en
plaisance pour complaisance à qui l'ap- deux ans el demi. Il est mal de mentir aussi
pelle (3). impunément pour engager pauvres gens les
CLAUZETTE. Sur la de 1681, une fille
fin à se ruiner dans les Or, les cinq
loteries.
insensée, Marie Clauzelte, se mit à courir les nombres sympMthiques ne manquent pas de
champs aux environs de Toulouse, en se ré- sortir, dit-il effrontément, dans les cinq tira-
clamant du nom de Hubert, qu'elle disait ges qui suivent la sortie du numéro indica-
être le maître de tous les diables. On la crut teur. Il faut donc les suivre pendant cimj ti-
possédée, et tout le monde voulut la voir. rages seulement pour faire fortune. Par
Quatre jeunes filles, qui assistèrent aux pre- exemple, les nombres sympathiques de k
miers exorcismes, se crurent possédées pa- sont 30, 40, 50, 70, 76. Ces cinq numéros
reillement. Le vicaire-général de Toulouse, sortiront dans les cinq tirages qui suivront
voulant éprouver si la possession était vraie, la sortie de k, non pas tous à la fois peut-
fit employer d'abord des exorcismes feints ; être,mais au moins deux ou trois ensemble.
et l'eau commune, la lecture d'un livre pro- Du
reste les nombres sympathiques sont
fane, le ministère d'un laïque habillé en prê- imaginaires, et chacun les dispose à son gré.
tre, agitèrent aussi violemment les préten- CLEIDOMANCIE ou CLEIDONOMANCIE,
dues possédées, qui n'étaient pas prévenues, divination parle moyen d'une clef. Ou voit
que si un prêtre eût lu le rituel avec des as- dans Deirio el Delancre qu'on employait cette
persions d'eau bénite. Les médecins décla- divination pour découvrir l'auteur d'un vol
rèrent que le diable n'était pour rien dans ou d'un meurtre. On lorlillait autour d'une
celle affaire. Les possédées vomissaient des clef un billet contenant le nom de celui qu'oit
épingles crochues mais un remarqua qu'elles
; soupçonnait; puisonatlachaitcetteclef à une
les cachaient dans leur bouche pour les re- Bible, qu'une fille vierge soutenait de ses
jeter devant les spectateurs. Le parlement mains. Le devin marmottait ensuite tout bas
de Toulouse proclama la fraude et dissipa le nom des personnes soupçonnées; et on
celte ridicule affaire. voyait le papier tourner et se mouvoir sen-
CLAVICULES DE SALOMON , Voy. Sa- siblement.
LOMON. On devine encore d'une autre manière par
CLAY (Jean), littérateur allemand, mort la cleidumiiiicie. On attache élroilemenl une
en 1392. (Jn retherche son Alkiimislicd, petit clef sur 1,1 première page d'un livre on ferme ;

poëme en vers allemands contre la folie des le livre avec une corde, de façon que l'an-
alchimistes et faiseurs d'or. neau de la clef soit dehors; la personne qui
CLÉDONISMANCIE , divination Urée de a quelque secret à découvrir par ce moyen,
certaines paroles qui, entendues ou pronon- pose ledoigt dans l'anneau de la clef, en pro-
cées en diverses rencontres, étaient regar- nonçant tout bas le nom qu'elle soupçonne.
dées comme bons ou mauvais présages. Celte S'il est innocent, la clef reste immobile s'il ;

divination était surtout en usage à Smyrne ; est coupable, elle tourne avec une telle vio-
il y avait un temple où c'était ainsi qu'on lence, qu'elle rompt la corde cjui attache le
rendait les oracles. Un nom seul offrait quel- livre (4-).
quefois l'augure d'un bon succès. Léoty- Les Cosaques
et les Russes emploient sou-
chide, pressé par un Samien d'entreprendre vent celle divination; mais ils meltent la clef
la guerre contre les Perses, demanda à ce en travers cl non à plal, de manière que la

(1) Do
Diabotico dclirii remedio. — De Diabolo per (3) Obedi:is illi, cl obediol. Clavicules de Salomon,
viiçinliquiiique aii^-s fréquentante cum inulicre, aulld p. II.
Tcneficii opéra. ( t) Delancre , Incrédulilé el mécréante du sorliléya
(3) De uaiiorum gcucralioue. l'Iciiiemeut convaincue, Uaiié 'ô.
sss DlCriONNAmE Di: s SCIENCKS OCCULTAS. S84

compression lui fail Hiiic le qtiarl de loiir. vue de tout le monde, sur son navire aérien.
maison ou « Qu'a-l-il faitaux iloeleurs qui les ol)lij;e
Us croient savoir par là si la ils

leur famille se porte bien


riche, si à l'ériger en démon'? » dit l'abbé de Vil-
Boiil est
lars (3j. C'esten mémoire de celle origine
en leur absence, si leur p<^re vil encore, etc.
divination merveilleuse, diversement ex])liiiiice. qu'on
Ils font usage surtout de celte
pour découvrir les trésors. On les a vus plu- avait fondé an pays de Clèves, Tordre des
sieurs fois en France recourir à cet oracle de chevaliers du Ogne (V
sur lEvangile de saint Jean durant Cl.lM ATERIOÙE, Voy. A:^ske.
la clef ,

l'invasion de 18I4. CLlSTilKRET. démon (lui fail paraîire la


CLÉONICE. Fausanias, p;éiiéral lacédcmo- nuit au milieu du jour, el le jour au milieu
nien, ayant tué à B.\ sauce une vertueuse de la nuil, quand c'est son caprice, si vous
jeune fille, nommée Cléoiiice. qui lui avait en croyez U'S Clavicules de Salomon.
résisté, vécut dans un eftroi continuel et CLOCHES. Les anciens connaissaient lei
ne cessa de voir, jusqu'à sa mort, le specire cloches, dont on attribue l'invention aux
de celte jeune fille à ses côiés. —
Si l'on con- Egyptiens. Elles étaient en usage à Alhôncs
naissait ce qui a précédé Us visions, on en et chez les Romains.
trouverait souvent la source dans les re- Les musulmans n'ont point de cloch-s dans
mords. leurs min.irets; ils croient que le sondes
CLÉOPATRE. C'est, dil-on , une erreur cloches effraierait les âmes des bienheureux
que l'opinion où nous sommes, que Ciéopâtrc dans le paradis.
se fit mourir avec deux aspics. Pliitarque dit, Les cloches ne furent généralement em-
dans la vie deMarc-Anloine, que personne ployées, dans les églises chrétiennes, que
n'a jamais su comment elle élait morte. Quel- vers le septième siècle. On voit dans Alctiin,
,

ques-uns assurent qu'elle prit un poison que la cérémonie du liaplèiue qui les con-
qu'elle avait coutume de porter dans ses sacre avait lieu déjà du temps de Cbarle-
cheveux. On ne trouva point d'aspic dans le magnc.
lieu où elle élait morte; on dit seulement C'esi, dit-on, parce qu'elles sont baptisées,
qu'on lui remarqua au bras droit deux pi- que les cloches sont odieuses à Salan. Oa
qûres imperceptibles; c'est là-dessus qu'Au- assure que quand le diable porte ses suppôts
guste hasarda l'idée qui est devenue popu- au sabbat, il est forcé de les laisser tomber,
laire sur le genre de sa mort. Il est probable s'il entend le sondes cloches. Torqueinada

quelle se piqua avec une aiguille empoi- raconte dans son //^j;am^;on, qu'une femme
.

sonnée (1). revenant du sabbat, portée dans les airs par


CLÉROMANCIE, art de dire la bonne aven- l'esprit malin cnleiulit la cloche qui sonnait
,

ture par le sort jeté, c'est-à-dire avec des VAiigelus. Aussitôt le diable l'ayant lâchée,
dés , des osselets des fèves noires ou blan-
,
elle tomba dans une haie d'épines, au bord
ches. On les agitait dans un vase, et après d'une rivière. Elle aperçut un jeune homme
avoir prié les dieux on les renversait sur une à qui elle domanda secours, et qui à force ,

table et l'on prédisait l'avenir d'après la dis- de prières, se décida à la reconduire en sa


position des objets. 11 y avait à Dura, en maison. 11 la pressa tellement de lui .avouer
Achaïe , un orale d'H<'rejle qui se Tcndiit les circonstances de son aventure, qu'elle la
sur un tablier avec des dés. Le pèlerin, après lui apprit elle lui fit ensuite de petits pré-
;

avoir prié, jetait, quatre dés, dont le prêtre sents, pour l'engager à ne rien dire mais la :

d'Hercule considérait les points, et il en lirait chose no mamiua pourtant pas de se ré-
la conjecture de ce qui devait arriver. Il fal- pandre.
lait que ces dés fussent fails d'os de bêles On croit, dans quelques contrées, que c'est
sacrifiées (2). le diable qui excite les tempêtes , et que, par
Le plus suuvent on écrivait sur les osse- ainsi, les cloches conjurent les orages. Les
letsou sur de petites tablettes qu'on mêlait paysans sonnent donc les cloches dès qu'ils
dans une urne ; ensuite on faisait lirer un entendent le tonnerre, ce qui maintenanl est
lot par le premier jeune garçon qui se ren- reconnu pour une imprudence. Citons à ce
contrait; et si l'inscription qui sortait avait sujet un fait consigné dans les Mémoires de
du rapport avec ce qu'on voulait savoir, l'Académie des sciences « En 1718, le 15 août,
:

c'était une prophétie certaine. un vaste orage s'étendit surit Basse-Rre-


Celte divination élait commune en Egypte lagne; le tonnerre tomba sur vingt-qu.atre
et chez les Romains; et l'on trouvait fré- églises situées entre Landernau el Saint-
quemment des cléromanciens dans les rues Pol-de-Léon ; c'était précisément celles où
et sur les places publiques, comme on trouve l'on sonnait pour écarter la foudre ; celles

dans nos fèies des cartomanciens. Voy. As- l'on ne sonna pas furent épargnées. » M. S li-

tkàgalomancie. gues pense cependant que le son des cIcm lies


CLÈVES. On dit que le diable est chef de n'attire pas le tonnerre parce que leur mou-
,

celle noble maison et père des comtes de vement a peu d'intensité; mais le bruit seul
Cicves. Les cabalistes prétendent que ce fut agile l'air avec violence, et le son du tam-
un sylphe qui vint à Clèves par les airs sur , bour sur un lieu élevé ferait peut-être lo
un navire merveilleux traîné par des cygnes, môme effet d'attirer la foudre. '*.-

et qui repartit un jour, eu plein midi, à la On a cru encore, dans certains pays, qu'on

(tl Voyez Brnwn, Des Erreurs populaires, liv.V, cti. 12. (t) Voyez, dans les Légendes descomimndemetils de D.eu
(2) Dolaiicic;, l'Iiicrédulilé cliiiéoréaiice, elc ; ir.iUé 5. le elievaUcr du Cygne.
(3J L'al)LȎ tic \ illars, dans le CoiiiU- Je Galiulls.
,

RS CIX) con .>8C

Si' iiu'llailà r<ibri deloutn allcinlcdcs orn^ps Les Roniaiuspour chasser la peste
,

en porlaiil sur soi un niorcoMu d,» la corde fichaient un clou d nis une pierre qui était
ati/itliéo à la cîocîic au iiKimeiU de soi) l)a|>- au côlé droit du temple de Jupiter; ils en
lêii.c. faisaient autant contre les charmes et sorti-
Il nous rcslc àdin- un mot de la Cloche du lèges, et pour apaiser les discordes qui sur-
Diable. Dusaulx, visitant les Pyrénées à pied, venaient entre les citoyens.
son guide, qui élail un IVaiic montagnard, II y en a pareillement qui se voulant ,

le conduisit dans un niaiécage coinnie poiir prévaloir contre leurs ennemis, plantent uu
lui montrer (|ueli]tie clr>se de curieux. Il clou dans un arbre. Or, quelle force peut
prétendit qu'une cloche avait jadis é!6 en- avoir ce clou ainsi planté (1)?
foncée dans cet endroit; que «-eut ans après, CLOVIS, fils de Chilpéricl'"-. Il ne restait
le diable à qui apparlenai;'nt alors tous les à Chilpérie que ce fils de sa première femme;
métaux souterrains, s'était emparé de celte le jeune homme fut assez indiscret pour
cloche, et qu'un pâtre depuis peu de temps s'expliquer sans ménagement sur Frédé-
l'avait entendu s.onner pendant la nuit de gonde, qu'il regardait comme son ennemie.
Noël dans l'intérfeur de la montagne. Elle résolut de se débarrasser de lui. Clovis

Fort bien, dit Uusaulx ; ce qu'on a pris aimait une jeune fille de bass(! extraction;
pour le son d'une cloche ne viendrait-il pas un émissaire de Frédégonde vint dire au roi
plutôt des eaux souterraines qui s'engouf- que c'était la fille d'une magicienne; que
frent dans quelque cavité? Clovis av.ill employé les artifices de cetîc
— Oh
que non, répliqua le guide.
1 femme pour se défaire de ses deux frères
Il y a des cloches célèbres. On respecte (empoisonnés, à ce qu'on croit), et qu'il tra-
beaucoup dans les Pyrénées, la cloche de la mait la mort de la reine. La vieille femme ,
vallée; on lui donne toutes sortes d'origines mise à la question lut forcée d'avouer
,

merveilleuses : la plus commune, c'est qu'el'c qu'elle élail sorcière. Clovis, convaincu, su
a été fondue par les auges. On l'entend, vil dépouillé de ses riches vêtements et con-
ou peut-être on croit l'entendre quelquefois : duit dans une prison où des assassins le
,

mais on ne sait pas où elle est siisfcndue. poignardèrent si les historiens disent vrai;
,

C'est cette cloche qui doit, à ce que disent les et on fit accroire au monarque qu'il s'était
montagnards, réveiller leurs patriarches en- tué lui-même. La rnagicienne, dont la fille ve-
dormis dans les creux des rochers, et appe- nait aussid'êtremise àmorl,fulépouvanlcedo
ler les hommes au dernier jugement. ses aveux, qu'elle rétracta ; mais on se hàla
Lorsque Ferdinand le Catholique fut atta- do lui imposer sili-nce en la conduisant au
qué de la maladie dont il mourut, la fameuse bûcher. C'est du moins ainsi que racontent
cloche de la Villela (qui a dix brasses de lour) les choses, des chroniqueurs peu favorables,
sonna, dit-on, d'ellc-niénie; ce qui arrive il est vrai, à Frédégonde (2).
quand l'Espagne est menacée de quelqutî COBALKS, génies malins et trompeurs de
malheur. On publia aussi tôt (|u'el!e annonçait la suite de Bacchus, dont ils étaient à la fois
la mort du roi, qui mourut effectivement peu les gardes et les bouffons.
après. Selon Leloyer, les cobales, connus des
GLOFYE oiseau d'Africinc, noir et gros
, Grecs, étaient des démons doux et paisibles,
comme uu étourneau. C'est pour les nègves nomiTiés par (|uel(iues-uns bonhomels ou
un oiseau de présage. 11 prédit les bons évé- petits bonshommes des montagnes , parce
nements, lorsqu'on chantant il s'élève dans qu'ils se montrent en vieux nains de bas>«
les airs; il en pronosliciue de mauvais s'il stature ils sont velus court
; demi-nus, , l.'i

s'abaisse. Pour annoncer à quelqu'un une manche retroussée sur l'épaule , et portent
mort funeste, ils lui disent que le Clofyc a un tablier de cuir sur les reins.
chanté sur lui. « Cette sorte de démons est prcsealement
CLOTHO. L'une des troisParquesella plus assez plaisante, cartauiôtvous les verrez rire,
jeune. C'est elle qui file les destinées ;on lui tantôt se gaudir, tantôt sauter de joie, et
donne une quenouille d'une hauteur prodi- faire mille tours de siuge ils contreferont;

gieuse. La pluparides mjthologuesla placent et imiteront les singes et feront tant et


,

avec ses sœurs à la porte du repaire de Plu- plus les embesognés, combien qu'ils ne fas-
Ion. Lucien la met dans la bar()ue à Caron ; sent rien du tout. A cette heure, vous les
mais Plularcjuc dit (lu'ello est dans la lune, verrez bêcher dans les veines d'or ou d'ar-
dont elle dirige les luouveuicnls. gent, amasser ce ([u'ils auront bêché, et le
CLOU. 11 y a, sur les clous, quelques pe- mettre en des corbeilles et autre^ vaisseaux
tites superstitions dont on fera son profit. pour cet effet préparcs, tourner la corde et
Les Grecs modernes sont persuadés qu'en la poulie afin d'avertir ceux d'en haut de
fichant le clou d'un cercueil à la j)orte d'une tirer le mêlai, cl fort rarement voil-on qu'ils
maison infestée, on en écarte à jamais les offensent les ouvriers, s'ils ne sont grande-
revenants et les i'antônies. ment provoques de brocards injures et ri- ,

Bogui't parle d'une sorcière qui pour un ,


sées dont ils sont impatients. Alors ils jetle-
cheval blessé, disait certains mots en lorme roul premièrement de la terre et des petils
d'oraison, et plantait en terre uu clou qu'elle cailloux aux yeux des pionniers, et quelque-
lie retirait jamais. fois les blesseront (3). »

Discours des sorcifrs, cli. W.


(I) lîogucl, (ôj l.elojer, Hisl. et Disc, des spectres, fie, p. 315;
(2\ Sur le roi Clovis 1",
\ovez ses Icjjeiiilrs, dans les posl Wioruni, Uo pra-sl., lib. I, cup. xxii.
Uijeinits de CULioiix de t'rwicc.
,

fSJ OICTIONNAIRF, OKS S( .lENCrS OCCULTES. 58S

Los Allemands appollont ces mômes dé- sorcière s'avisa de traire une truie et en
mons familiers Kobold. Voy. ce mot. porta le lait au Juif, qui le but. Ce lait com-
COBOU; (îénies ou démons révérés par mençant à opérer, le Juif s'aperçut qu'il
los anciens Sarmales. Ils croyaient que ces grognait et devina la ruse de la sorcière,
esprits habitaient les parties les plus se- qui voulait sans doute lui faire subir la mé-
crètes des maisons , et mémo les l'entes du tamorphose des compagnons d'Ulysse. Il jeta
bois. On leur offrait les mets les plus déli- le reste du lait sans le boire, et incontinent
cats. Lorsqu'ils avaient l'inlenlioii de se fixer tous les cochons du voisinage moururent (1).
dans une habitation, ils en prévenaient ainsi ...Voy. Baume universel.
le père de famille la nuit ils assemblaient
: COCLÈS(Barthélémy), chiromancien du
des las de copeaux et répandaient de la Qente seizième siècle. Il avait aussi des connais-
de divers anitnaux dans les vases de lait ; sances en astrologie el en physiognomonie. Il
gracieuses manières de s'annoncer. Si le len- prédit à Luc Gauric, célèbre astrologue du
demain le maître de la maison laissait ces même temps, qu'il subirait injustement une
copeaux en un tas et faisait boire à sa fa-
, peine douloureuse et infamante ; et Luc
mille le lait ainsi souillé, alors les coboiis se tîauric fut en effet condamné au supplice de
rendaient visibles cl habitaient désormais l'estrapade, par Jean Benlivoglio, tyran de
avec lui ; mais s'il dispersait les copeaux et Bologne, dont il avait pronostiqué l'expul-
jetait le lait, ils allaient chercher un autre sion prochaine.
glle. Codés prophétisa qu'il serait lui-même
Les coboiis, sont encore, ainsi queles gobe- assassiné, et périrait d'un coup sur la tête.
lins et les cobales le kobold des Allc-
, Son horoscope s'accomplit ponctuellement
manils. car Hermès de Benlivoglio , fils du tyran,
COCGONAS. Voy. Alexanore de Paphla- ayant appris qu'il se mêlait aussi de prédire
GOME. sa chute , le fit assassiner par un brigand
COCHON. Est-il vrai , comme le croit le nommé Caponi, le 24 septembre 1304. (ij.
peuple, que de tous les animaux le cochon On assure même que connaissant le sort
,

soit celui dont l'organisation ail le plus de qui le menaçait, il portait depuis quelque
ressemblance avec celle de l'homme ? Sur ce temps une calotte de fer, et qu'il ne sortait
point, dit M. Salgues , on ne saurait mieux qu'armé d'une épée à deux mains. On dit
faire que de s'en rapporter à Cuvier. Or, encore que celui qui devait l'assassiner étant
voi.i ce que lui ont révélé ses recherches. venu le consulter peu auparavant il lui ,

L'estocnac de l'homme et celui du eochon prédit qu'avant vingt-quatre heures il se


n'ont aucune ressemblanie : dans l'homme, rendrait coupable d'un meurtre. Il est plus
ce viscère a la forme d'une cornemuse ; dans que probable que ces prophéties n'ont été
le cochon, il globuleux ; dans l'homme,
est faites qu'après coup.
le foie est divisé en trois lobes ; dans le co- Codés a écrit sur la physiognomonie et la
chon , il est divisé en quatre dans homme, : 1 chiromancie , mais son livre a subi des mo-
la rate est courte et ramassée ; dans le co- difications. L'édiiion originale est Pliy- :

chon, elle est longue et plate dans l'homme, ; siognoinoniœ ac chiromanciœ Anaslasis sive ,

le canal intestinal égale sept à huit fois la compendiumex pluribus e( pêne infiaitis auc-
longueur du corps ; dans le cochon, il égale toribus, cum approbalione Akxandri Achil-
()uinze à dix-huit fois la même longueur. Uni; Bologne, 1504, in-fol. La préface est
Son cœur présente des différences notables d'Achillini.
avec celui de l'homme ; et j'ajouterai, pour COCOTO, démon succube, adoré aux In-
la satisfaction des savants et des beaux-es- des oi'ciilentaies, et mentionné par Bodin (3J.
prits que le volume de son cerveau est
,
COCYTE, l'un des fleuves de l'enfer des
aussi beauc<»up moins considérable , ce qui anciens. Il entourait le Tarlare, et n était
prouve que ses facultés intellectuelles sont formé que des larmes des méchants.
inférieures à celles de nos académiciens. CODE DES SORCIEUS. Voy. Sorciers.
Il y aurait bien des choses à dire sur le CODUONCHI (Baptiste), médecin d'imola,
cochon. Le diable s'est quelquefois montré au seizième siècle. 11 a laissé un traite des
.sous sa figure. On coule, à Naples, qu'autre- années climatériques, de la manière d'en évi-
fois Il apparaissait souvent avec cette forme ter le danger et des moyens d'allonger sa
,

dans le lieu même où l'église de Sainte- Ma- vie (4).


rie-Majeure a depuis été bâtie, ce qui ré- CORLICOLES. secte juive qui adoiait les
jouissait peu les Napolitains. Dès que l'église astres et les anges gardiens des aslres.
fut commencée, la singulière apparition ne COKUR. Des modernes ont
raisonneurs
se montra plus. C'est en mémoire de cet critiqué ce qui dans VEcclésiaste,
est dit
événement que l'é^êque Pomponius fit faire que le cœur du sage est au rôle droit, et ce-
le pourceau de brome qui est encore sur le lui de l'insensé au côié gauche. Mais il faut
portail de cette église. entendre celle maxime comme le mot de Jo-
Camérarius raconte que, dans une ville nas, à propos de ceux des Ninivites qui ne
d'Allemagne, un Juif miiladu étant venu chez savaient pas faire la différence de leur main
une vieille, et lui ayant demandé du lait de droite et de leur main gauche c'ist-à-dire
,

femme, qu'il croyait propre à le guérir, la du bien et du mal. Que le cœur de l'homme
(1) CaniPrariiis, De nal. el affecl. d;einon., in proœiriio. (i) De annis climatericis, nec iioii de ralione viuindi
(2) M. Salgues, l)<s lirrciirs el des préjugés. eoruiii pcricula, ileiiii)uu de iiiuuist vilain produceiidi coiu-
(3) Déliionomaiiie, liv. Il, di. vu. iiienlariu». In-8°. Bologne. 1620.
58!) COL COL 590
soil situéau côlé gauche delà poilriiio, c'est qu'elle nommait Lizabet, fut appréhendée el
un sontiment qui, à la rigueur, peut être mise en prison, sur de Nicolas Millière,
l'avis
réfuté par l'inspection scmUî, dit le docluur chirurgien. Elle confessa qu'étant détenue à
lîrowM ; car ii est évident i]ue la b.isc cl le BetoncourI, le diable s'était apparu à elle en
Cfiilre du cœur sont cxacleuiciit pl.icés au forme d'homme noir et l'isvait sollicilée à s
milieu. jeier par une fenêtre, ou bien à se pendre
;
La pointe à la vérité incline du côlé gaii- une autre voix l'en avait dissuadée. Con-
f lie ; mais on dit de l'aiguille d'un c;idran vaincue d'être sorcière, mais aussi d'avoir
qu'elle est siluée au contre, (iuoi(|ue la commis beaucoup de turpitudes celte femme
pointe s'étende vers la circonférence du fut brù ée à Dôle en 1593 5j et c'est ainsi ;

cadran. que se terminent ordiniiiremcnt les histoi-


Nous rappellerons que quelques hommes res racontées par Boguet.
ont eu le cœur velu. Voy. Aristomène. COLËY (Henry), astrologue anglais,
COIFFE. On s'est formé dilTérentes idées mort en 1690. On a de lui, la Clef des élé-
sur menibr.ine appelée tioiffe, qui couvre
la
ments de l'astroloçjie, Londres, 1675, in-S"
quel<iuefi)is la tète des cnlants lorsqu'ils C'est un traité complet de celle science fan-
sortent du sein de leur mère. Les personnes tastique. On y trouve l'art de dresser toutes
superstitieuses la conservent avec soin, com- sortes de tliômcs d'horoscopes avec des ,

me un moyen de bonheur, et on dit d'un exemples de n.ilivilés calculées.


homme heureux qu'il est né coiffé. On a COLLANGES ( Gabriel de ) mathéma- ,

même avancé que celte coiffe étend ses effets ticien né en Auvergne en 1524. Il n'employa
favorables jusque sur ceux qui la portent ses connaissances qu'à ia recherche des se-
avec eux. Spartien parle de celle super- crets de la cabale et des nombres. Il e^t tra-
stition dans la vie d'Antonin. Il dit que les ducteur (le la Polygraphic et universelle Ecri-
sages-femmes vendaient ordinairement ces ture cabalistique de Trithèine, Paris, 1561,
coiffes naturelles à des jurisconsultes cré- in-4°. On cite plusieurs ouvrages de lui, dont
dules, qui en attendaient d'heureux résul- aucun n'a é é imprimé, non plus que sa ver-
tats pour leurs afl'aires. Ils étaient persuadés sion de la Philosophie occulte d' Agrippa. Il a
que ce talisman leur ferait gagner toutes les laissé manuscrit un Traité de l'heur et mal-
causes (1). On se les disputait cher nous au heur du mariage.
seizième siècle. COLLEHITES ,
pierre que l'on assure
être propre à chasser les démons et à pré-
Dans quelques provinces, on croyait que
venir les charmes (6), mais on aurait dii la
une vocation à la vie mo-
la coiffe révélait
désigner.
nastique (2). Les sages-femmes prédisaient
aussi, chez nos pères, le sort de l'enfant qui COLMAN ( Jea> ) astrologue , né à ,

apportait la coiffe sur la léle. Voy. Amnio- Orléans le roi Ciiarles VII en faisait grand
;

MINCIE. cas. Louis XI, dit-on, lui donna des pen-


Avant (lue l'empereur Macrin montât sur sions, parce qu'il lui apprit à supputer des
le liôiic. Sa femme lui donna un fils qui na- almanachs. On dit que Colloman étudiait si
quit coiffé. On prédit qu'il s'élèverait au rang assidûment le cours de la lune, qu'à force
suprême, et on le surnomma Diademalm. d'application il en devint lépreux (7)...
Mais quand Macrin lut lue, il arriva de Dia- COLLYRE.— On voit, dans la Lycanlhro-
demalus qu'il fut pro.-cril et tué comme son pie de Nynauld, qu'un sorcier composait un
père. certain collyre, avec le fiel d'un homme, les
COIRIERES (Claude), sorcière du sei- yeux d'un chat noir el quelques autres cho
zième siècle. Pendant qu'elle était détenue en ses que l'écrivain ne nomme pas ; « lequel
prison, elle donna une certaine graisse à collyre appliqué aux yeux faisait voir el
un nommé François Gaillard pareillement apparaître en l'air ou ailleurs les ombres des
,

prisonnier, lequel s'en étant frollé les mains, démons. »


fut enlevé de sa prison par l'assistance du COLOKYNTHO-PIRATES pirates nains
.

diable, qui toutefois le laissa reprendre fabuleux, qui, dans l'histoire véritable de
(3).
COLARBASSE Lucien, naviguaient sur de grandes citrouil-
hérélique valenlinien
,
,

qui prêchait la cabale et l'astrologie comme h s ou coloquintes, longues de six coudées


sciences religi( uses. Il était disciple de Va- l Irois mètres ). Lorsqu'( lies étaient sèches,
ils les creusaient ; les grains leur servaient
lentin. Il disait que la génération et la vie
des hommes dépendaient des sept planètes, de pierres dans les combats, et les feuilles
et que toute la pcrfecllon et la plénitude de de voiles, qu'ils atlauhaienl à un mât de
la vérité était dans l'alphabet grec, puis- roseau.
que Jésus -Christ élail nommé Alpha et COLOMBES.— Il y avait dans le temple de
Oméga (k). Jupiler, à Dodone, deux colombes que l'on
gardait soigneusement ; elles répondaient
COLAS (Antioe), sorcière du seizième (lune voix humaine lorsqu'elles étaient con-
siècle, qui, faisant commerce avec le diable, sultées. Mais ou lit dans Pausanias que c'é-
(t) Browi), (1rs Erreurs popul, I. Il, p. 8S.
(6) Delancre.Tableaudt' l'Liconslaiice îles (Jémous.olo.
{i) Sal^iii's, t>cs ErroiirsPl des préjiir;(''s. liv IV, p. 297.
BogucI, liiscoiirsiii^s sorciers, cli. 5i, p. 3i7. (7) Ancien manuscrit «le ta Bil)Iiot!iè(p]C royale. Vo}'"
+) Bcrgier, Dirl. itu'olog. /oly, Remarques sur Bayte, à la lin.
ï) ItuKU'jl Discours «les sorciers-, eh. 15, p. 32j.
iô)
,

-91 OiCTIONNAIRE DES SCIENCES OCCl'LTES. 392


l.iipiit (1rs f( mines prêtresses qu'on appelait Tous peuples regardent également les
les
folDuihcs doiloiileniics. comètes comme un mauvais présage; cepiMi-
Les Perses, persuadés qtie le soleil avait en daiit, si le présage est funeste pour les uns ,
horreur les coloinbes blanches, les regar- il est heureux pour les autres puisqu'en ,

daient comme des oiseaux de mauvais au- accablant ceux-ci d'une grande défai'o il
gure, et n'en souffraient point dans leur donne à c<'ux-là une grande victoire.
piys. Cardan expliijue ainsi les causes de in- i

COLMA cliâteau fort sur le Danube


, ,
Huence des comètes sur l'économie du globe.
nui, selon la tradilinn, est sorli de lerre tout « Elles rendent l'air plus subtil et moins
coiistruil, pnr une puissance niagiqui-.coinme dense, dil-il, en l'échaulTant plus qu'à l'or-
f'-ulrefoisdans la Mjlbolo};ie grectpic, Pégase dinaire les personni'S qui vivent au sein de
:

soiis le pied di' Minerve. Des savants disent la mollesse, qui ne donnent aucun exercice à
qu'en réalité il a été bâii en une nuit par la leur corps, qui se nourrissent trop délicate-
puissante armée sarmale du roi Dencaos. ment, qui sont d'une santé faible, d'un âge
COLONNE nu DIABLE. —
On conserve à avancé et d un sommeil pt u tranquille, souf-
Prague trois pierres d'une colonne que le frent dans un air moins animé, et meurent
diable appoita de Uoine pour écraser un pré- souvent par excès de faiblesse. Cela arrive
Ire avic lequel il avait fait pacte, et le tuer plutôt aux princes qu'à d'autres, à cause du
penilant qu'il disait la messe. Mais saint genre de vie qu'ils mènent; el il suffit que la
Pierre, s'il faut en croire la léiiende popu- superstition ou l'ignorance aient attaché aux
laire, étant survenu, jeta trois fois de suite coinè'es un pouvoir funeste , pour qu'on
le diable et sa colonne dans la mer, et cetSe remarque, quand elles paraissent, des acci-
diversion donna ati prêtre le temps de se re- dents qui eussent été fort naturels en tout
pentir. Le diable en fut si désolé, qu'il rom- autre temps. —
On ne devrait [)as non plus
pit la colonne et se sauva (1). s'étonner de voir à leur suite la sécheresse et
COMBADAXUS, dormante des
divinité la peste, puisqu'elles dessèchent l'air, et ne
Japonais. C'était nn bonze dont ils racontent lui laissent pas la force d'empêcher les exha-
Tanecdote suivante. A huit ans, il fil cons- laisons pestiférées. Enfin les comètes produi-
truire un temple magnifique; et, prétendant sent les séililions et les guerres en échauffant
être las de la vie, il annonça qu'il voulait se le cœur de l'homme et en changeant les hu-
retirer dans uu'' caverne et y dormir dix meurs en bile noire. »
mille ans en conséquence, il y entra; l'is-
: On a dit de Cardan qu'il avait deux âmes
sue fut scellée surle-cbamp les Japonais: l'une qui disait des choses raisonnables,
le croient encore vivant. l'autre qui ne savait que déraisonner. Après
COMEDIENS. « 11 serait bon, comme dit avoir parlé comme on vient de voir, l'astro-
fioguet, de chasser nos comédiens et nos jon- logue retombe dans ses visions. Quand une
gleurs, attendu qu'ils sont pour la plupart comète paraît auprès de Saturne, dit-il, elle
sorciers et magiciens, n'ayant d'autre but piésage la peste, la mort des souverains
que de vider nos bourses et de nous débau- pontifes et les révolutions dans les gouver-
cher. » Boguet n'est pas tout à fait dans son nements ; auprès de Mars, les guerres ; au-
tort. près du soleil, de grandes calamités surtout
le globe ; auprès de la lune, des inonda-
COMENIUS ( Jean-Amos ), philologue du tions et quelquefois des sécheresses auprès ;
dix-septième siècle. Il a laissé la Lumière
de Vénus, la mort des princes et des nobles;
dans les ténèbres. Hollande, 16^7, in-4% idem
auprès de Mercure, divers malheurs en fort
augmentée de nouveaux rayons. 1665, 2 vol.
grand nombre.
in-4', fig. C'est une traduction latine des pré-
Wiston a fait de grands calculs algébri-
tendues prophé'ies et visions de Kotter, de
ques pour démontrer que les eaux extraor-
Dabricius et de Christine Ponialowska, habi-
dinaires du déluge furent amenées par une
les gens que nous ne connaissons point.
comète, et que quand Dieu décidera la fin
COMÈTES. —
On a toujours vu dans les du monde , ce sera une comète qui le brû-
comètes lessignes avant-courenrs des plus lera....
tristes calamités. Une comète parut quand COMIERS (Claude) docteur en théolo-
,
Xerxès vint en Europe avec dix-huit cent gie, mort en 1C93. Il est auteur d'un Traité
mille honnnes ( nous ne les avons pas comp- des prophéties, vaticinations, prédictions el
tés ) ; el'e prédisait la défaite de Salamine. prognosticutions. 11 a écrit aussi sur la ba-
Il en parut une avant la guerre du Pélo,)o- guette divinatoire et sur les sibylles.
nèse ; nue, avant la défaite des Athéniens en COMPITALES fêtes des dieux Lares ou
,

Sicib' ; une, avant la victoire que les Tlié- lutins du foyer, chez ie-;anciens Romains. Ou
Itaius remportèrent sur les Laréilémoniens ; leur sacrifiait dans l'origine des enfants, aux-
une, quand Phili|ipe vain()uit les Athéniens; quels Briitus substitua des têtes de pavois.
une, avant la prise de Cirihage parScipion; COMTES DE L'ENFER démons d'un ,
une, avant la guerre tivile de César et de ordre supérieur dans la hiérarchie infernale,
Pompée; une, à la mort de César; une, â la et qui commandeul de nombreuses légions.
prise de Jérusalem par Tilus une, avant 'a ;
On les évoque à toute heure du jour, pourvu
dispersion de l'empire romain par les Gotlis; que ce soit dans un lieu sauv.ige, (jnc les
une, avant l'invasion de Maiininet, etc.; une hommes n'aient pas coutume de fréquea-
enfin, avant la chute de Napoléon.
ter (2).
(I) Voynge du docteur Patin. (1) Wienis, iii Pscu'ioiho!iJrclii;i ilairn
.

-95 CON TON 591

CONCLAMATION, cérémonie romnino, ilu nom du grand Dieu vivani, de m'apparaîtro


temps (lu paganisme. Klle consislail à appe- en telle forme (on l'indique) sinon, saint ;

ler à grands cris l'individu rjui venait de Michel archange, invisible, te lounroiera
mourir, aGn d'arrèlir 1 aine ftigilivc ei de dans le plus profond des enfers; viens donc,
,ui indiquer son ciicmin, ou de la réveiller (on nomme l'esiirit', viens, viens, viens, pour
si elle était encore trop allachéc au cor[)S. faire ma volonté. »
CONDÉ. On lit dans une lettre de ma- Conjuralioîi d'un livre magique,
dame de Sévigné au président de Monceau Je vous conjure et ordonne, esprits, tous
a
que, trois semaines avant la mort du grand
et autant que vous éles, de recevoir ce livre
Condé, pendant qu'on l'allendait à Fonlai-
en bonne part, afin que toutes fois que nous
neblcau, M. de Vernillon, l'un de ses gen-
lirons ledit livre, ou qu'on le lira étant ap-
tilshommes, revenant de la chasse^ sur les
prouvé et reconnu être en forme et en va-
trois heures, et aporoehant du château de
leur, vous ayez à paraître en belle forme
Cliantiliy (séjour ordiu:»ire du prince), \'n, à
humaine, lorsqu'on vous appellera, selon que
une fenêtre de son cabinet, un faiilôme re-
le lecteur le jugera, dans toutes circon-
vé'iu d'une armure, qui semblait garder un
stances. Je vous conjure de venir aussitôt la
homme enseveli ; il descendit de (heval, et
conjuration faite, afin d'exécuter, sans re-
s'approcha, le voyant toujours; son valet vit
tardement, tout ce qui est écrit et menlionné
la môme chose et l'en avertit. Ils demandè-
en son lieu dans ce dit livre : vous ohéirez.
rent la clef du cabinet au concierge; mais
vous servirez, enseignerez, donnerez, feri z
ils en tiouvèrent les fenêtres fermées, et un
tout ce qui est en votre puissance, en utilité
silence qui n'avait pas été troublé depuis six
de ceux qui vous ordonneront, le tout sans
mois. On conta cela au prince, qui en fut un
peu frappé, qui s'en moqua cependant ou
illusion. —
El si par hasard quelqu'un des
esprits appelés parmi vous ne pouvait venir
parut s'en moquer; mais tout le monde sut
cette histoire et trembla pour ce prince, qui
ou paraître lorsqu'il serait requis, il sera
semaines tenu d'en envoyer d'autres, revêtus de son
mourut trois aprô'^
ctiires qui parurent
pouvoir, qui jureront solennellement d'exé-
CONDOR.MANTS, si
cuter tout ce que le lecteur pourra deman-
en Allemagne au treizième et au seizième
der; en vous conjurant tous, par les Irès-
siècle, et qui durent leur nom à l'usage qu'ils
saints noms du tout- puissant Dieu vi-
avaient de coucher tous ensemble, sous pré-
vant, etc
texte de charité. On dit que les premiers
adoraient une image de Lucifer et qu'ils en Conjuration des démons.
tiraient des oracles. venez tous, esprits. Par la vertu
« Alerte,
CONFERENTES, dieux des anciens, dont et le pouvoir de votre roi, et par les sept cou-
parle Arnobe, et qui étaient, dit Lelojer, ronnes et chaînes do vos rois, tous esprits
des démons incubes. des enfers sont obligés d'apparaître à moi
CONFUCIUS. On sait que ce philnsonhe deva it ce cercle, quand je les appellerai.
est révéré comme un dieu à la Chine. Ou lui Venez tous à mes ordres, pour faire tout ce
offre surtout en sacrifice de la soie, dont les ((ui est à voire pouvoir, étant recommandés ;
restes sont distribués aux jeunes filles, dans venez donc de l'orient, rnidi, occident et sep-
la persuasion où l'on est que, tant qu'elles tentrion ; je vous conjure et ordonne, par la
conservent ces précieuses amulettes, elles vertu et |)uissance de celui qui est Dieu, etc.
sont à l'abri de Ions (lang(!rs.
CONJUKATlilUUS, magiciens qui s'attri- Conjurations pour chaque jour de la semaine.
buent le pouvoir de conjurer les démons et Pour le lundi, à Lucifer. Celte expérieneo
les tempêtes. se fait souvent depuis onze heures jusqu'à
CONJURATION, exorcisme, paroles et cé- douze, et depuis trois heures jusqu'à quatre.
rémonies par lesquelles on chasse les dé- 11 faudra du charbon, de la craie bénite,
mons. Dans l'Eglise romaine, pour faire sor- pour faire le cercle, autour dti(|uel on écrira:
tir le démon du corps des possédés, on em- « Je le défends, Lucifer, par le nom (pie tu
ploie certaines formules ou exorcismes, des crains, d'entrer dans ce cercle. » Ensuite on
aspersions d'eau bénite, des prières et des récite la formule suivante —
«Je te con-
:

cérémonies instituées à ce dessein (i). Les — jure, Lucifer, par les noms ineffables On.
personnes superstitieuses et criminelles qui Alpha, Ya,lley, Soi, Messias, Ingndum, etc.
s'occupent de magie abusent du mot, et que tu aies à faire, sans me nuire (on dési-
nom.ment conjuration leurs sortilèges im- gne sa demande).
pies. Dans ce sens, la conjuration est un Pour le mardi, à Nambroth. Celte expé-
composé de paroles souvent sacrilèges et de rience se fait la nuit, depuis neuf heures
cérémonies détestables ou absurdcis. ailoptées jusqu'à dix; on doit donner à Nambroth la
[)ar lessorciers pour évoquer les démons. première pierre que l'on trouve, pour étri'
Ou commence par se placer dans le cercle reçu de lui en dignité et honneur. On procé-
magique (Voy. ceecle); puis on récilc les dera de la façon du lundi on fera un cercle
;

foruiulcs. Voici (juclquc idée de res procé- autour dii(]uel on écrira «Ohéis-moi, Nam-
:

dés.Nous les empruntons aux Grimoires. broth, obéis-moi, par le nom que tu crains. »
Conjuration universelle pour les esprits. On récite, à la suite, celte formule Je : — ><

« Moi (on se nomme), je te conjure, esprit te conjure, Nambroih, et te commande! par


(on nomme l'esprit qu'on veut évo(iuer), au tous les noms par lesquels lu peux être con»
(I) Bcriçier, Diclii(iin;iire lli.'olog. Irainl et lié, de faire telle chose. »
Diction?), drs sciejjcks occcltes. I. 13
39t. LICTIONNAIRK DES SCIENCES CCCL'LTES. S96
Pour II" à Aslaroili. CcUo expé-
iiii'ic r«'tii, CONJUUKUHS DE TEMPÊTF.S. Les ma-
rience se l'ail lu nuit, deiiuis dix heures jus- rins superstitieux donnent ce nom à cer-
qu'à onze; on le conjure pour avoir les tains ôlres, marins comme eux, mais en
bonnes grâces du roi el des autres. On écrira commerce avec le diable, de qui ils obtien-
dans le cercle « Viens, Aslarolh viens, As-
: ; nent le pouvoir de commander aux vents.
tarolh; viens, Astarolh » ensuite on réci- ; Ce pouvoir réside dans un anneau de fer
tera cette formule —
« Je te conjure, Asta-
: qu'ils portent au petit doigt de la main
roth, méchanl esprit, par les paroles et droite, et les soumet à certaines conditions,
vertus de Dieu, elc. » comme de faire des voyages qui ne dépassent
Pour le ji'udi, à Acham. Celte expérience pas lin mois lunaire, de n'être jamais à terre
se fait la nuit, de trois heures à (jualre ; il plus de trois jours. Si ces conditions n'ont
paraît en forme de roi. 11 faut lui donner un pas été observées, on n'apaise l'esprit maître
morceau de pain lorsqu'on vcul qu'il parte. de l'anneau qu'en luttant avec lui, cetjui est
On écrira autour du cercle « Par le Dieu : périlleux , ou en jetant un homme à la mer.
saint—, Nasim, 7, 7, H. M. A.; » ensuite ou CONSTANTIN. Tout le monde sait que,
récitera la Ibrmule <iui suil « Je le con- : — frappe de l'apparition d'une croix miracu-
jure, Acham; je le commande par tous les leuse, et de l'avis qui lui était donné qu'il
royaumes de Dieu, agis, je t'adjure, etc. » vaincrait par ce signe, Constantin le Grand
Pour le vendredi, à Béchet. Celte expé- se convertit et mil la croix sur ses étendards.
rience se fait la nuit, de onze heures à douz<'; Jusqu'au seizième siècle, aucun écrivain
il lui faut donner une noix. On écrira dans n'avait attaqué la vision de Constantin tous ;

le cercle « Viens, Béchet; viens, Béchet;


: les monuments contemporains attestent ce
viens, Béchet ; » et ensuite on dira cette con- miracle. Mais les protestants, voyant qu'il
juration : —
« Je te conjure, Béchet, et te con- pouvait servir à autoriser le culte de la
trains de venir à moi je te conjure de re- ; croix, ont entrepris d'en faire une ruse mi-
chef, de faire au plus tôt ce que je veux, qui litaire Les philosophes du dernier siècle
est, etc. » n'onlpas manqué de copier leurs déraison-
Pour le samedi, à Nabam. Cittc expérience —
nements. J.-B. Duvoisin, évêque de Nantes,
se fait de nuit, de onze heures à douze, et el l'abbé de TEslocq, docteurs en Sorbonne,
silôl qu'il parait il lui faut donner du pain ont publié des dissertations sur la vision do
brûlé, et lui demander ce qui lui fait plai- Consiantin.
sir : on écrira dans son cercle « N'entre :

pas, Nabam; n'entre pas, Nabam; n'enln^ Dissertation historique sur la vision de Con"
pas, Nabam ; » et puis ou récitera la conju- slanlin. [Par le Père Du Moulinet, biblio~
raiion suivante •

» Je te conjure Nabam, au ihécaire de sainte Geneviève (1).
nom de Satan, au nom de Béelzcbulh, au
nom d'Astarolh cl au nom de tous les es- La recherche des médailles cl leur expli-
prits, elc. » cation ne sont pas une curiosité vaine et
Pour dimanche, à Aquiel. Celle expé-
le inutile. On y trouve de grands secours pour
rience se de minuit à une heure;
fait la nuit, les lettres, pour les coutumes el les usages

il demandera un poil de votre tête il lui ;


des anciens, et particulièrement pour l'His-
faut donner un poil de renard il le prendra. ;
toire. Les lumières que le cardinal Baroiiius
On écrira dans le cercle « Viens, Aquiel; :
en ont reçues en plu-
el les autres historiens
viens, Aquiel ; viens, Aquiel. » En.suite on sieurs occasions, ne donnent pas lieu d'en
récitera la conjuration suivante « Je te : — douter. Nous en avons une nouvelle preuve
conjure, Aquiel, par tous les noms écrits dans la confirmation que le Père du Mouli-

dans ce livre, que sans délai tu sois ici tout net tire de ces sortes de monuments pour
prêt à m'obéir, etc. » l'apparition que l'empereur Consiantin eut
Conjuration très- forte, pour tous les jours de la Croix de Noire-Seigneur avant de don-
et à toute heure du jour et de la nuit, pour ner le combat contre Maxence.
les trésors cachés tant par les hommes que « L'Histoire nous fournit trois témoigna-

par les esprits. ges si authentiques de celle vision, qu'il y a


« Je vous commande, démons qui résidez sujet de s'étonner qu'un auteur qui a écrit
en ces lieux, ou en quelque partie du monde depuis quatre ans (2) sur les médailles, ail
que vous soyez, et quelque puissance qui eu la témérité d'avancer que ce n'était qu'une
vous ait été donnée de Dieu el des saints illusion.
anges sur ce lieu uiénie, je vous envoie au « Eusèbe nous assure qu'il en avait appris
plus profond des abiines infernaux. Ainsi, l'histoirede la bouche môme de Constantin.
allez tous, maudits esprits et damnés, au S. Aricmius qui avait porté les armes sous
leu éternel qui vous est préjiaré et à tous vos cet empereur en sa jeunesse, se souvenait
compagnons. Si vous mêles rebelles el déso- encore très-bien sur le déclin do son âge, du
liéissan's, je vous contrains et commande cette apparition, dont il avait été ipectaluiii'
par toutes les puissances de vos supérieurs avec toute l'armée. Lactance, précepteur du
•tenions, de venir, obéir et répondre positi- fils de Constantin, en fait mention dans son

vement à ce que je vous ordonnerai au nom traité de la Mort des Persécuteurs. Ces trois
de J.-C, elc. » Voy. Pierre d'Atone, etc.
Nous n'avuns f.iil t]uindi(iuer ces slupidi- (l| Journal des Savants, année tC8t, n» 11.
(2) Cl' ne peut être (iiie Jacipies Olselins qui piililia en
lés inconcevables. Les coiumentaires so'.il
11177, à Aiiis:er(J:iiii soii Tliesduiut seli'Ctoruin Nmmsnuh-
'uutilcs. Vov. K\ocAiioNs. Uiin âitt.quurum, iii-i".
807 CON CO.N à»!i

témoins (1) qui dcposrnt de ce (i<i'i!s onl vu, étaient aussi gardés e'. préservés par sa vertu
ft de ce qu'ils onl ouï dans le Irnips m<^me, divine. Car Eusèbe dit qu'il a ou'i raconter à
ne sonl-ils pns plus croyables que les centu- cet e.-npereur, qu'un jour celui qui la portait
rialours de M/igdebourg, qtii conlestciit ce sur son épaule à la tête de l'armée, enten-
miracle si authentique, pour déroger à l'hon- dant les cris des ennemis qui venaient avec
neur que l'on doit à la croix de Jé«us-Christ fureur, en fut si étonné qu'irdoniia le laba-
et à la véiiéralion <|ue les infidèles mdme lui rum à un de ses camarades pour prendre la
ont toujours rendue? fuite, mais qu'il n'alla pas loin ayant été
« Les chrétiens reconnaissant que c'est de percé d'une flèche. Au contraire, celui qui
la croix qu'ils ont tiré la vie, l'ont toujours avait pris cet étendard, et qui le portait élevé
regardée comme la source de leur bonheur; devant lui ne reçut aucun mal, quoi(iue les
ils lui ont rendu leur culte et leurs adora- ennemis tirassent sur lui de tous côtés, et
tions, et ont élevé partout ce trophée de leur que le bâton qu'il tenait fui tout coiiverl de
salut dès le conime.ncement même de l'E- flèches, qui y élaienl demeurées atlacliées.
glise. On a trouvé en effet depuis un siècle On voit même une médaille de Constantin, qui
en la ville de Meliapour aux Indes, les ves- a pour revers le labarum orné du monograiri-
tiges d'une église, dressée à ce qu'on tient me du Christ, gardé par deux soldats, avec
par l'apôtre saint Thomas, où il y avait des ces mois pour légende : Gloria exercilus.
croix. Tertullien remarque que les chrétiens Les enfants de Constanliu ayant re<-oiiiui
avaient mis en plusieurs endroits la figure les effets el la vertude ce signe u.iracnleiix,
de ce signe salutaire; et Constantin le plaça s'en servirent à l'exemple de leur père dans
sur la porte de son palais, tout enrichi d'or les occasions. Témoin la médaille de Con-
et de pierreries; mais il lui rendit encore stantin le Jeune, qui a pour revers le labarum
des honneurs plus particuliers; il le fit pas- qu'il lient en main avec ces mots: Hocsigno
ser, comme dit saint Augustin, a loco sup-^ Victor eris.
pliciorum ad frontem imperatorum, depuis « Telle est la vérité de la vision que Con-
qu'il eut vu ce signe miraculeux qui lui pro- stantin eut de la sainte croix; et comme elle
mettait la victoire contre Maxence. est appuyécî sur des témoignages si authen-
« Voici comme le tout se passa au rapport tiques el des preuves aussi solides et aussi
d'Eusèbe qui l'avait appris, comme nous l'a- anciennes que le fait même, il y a sujet de
vons dit, de la bouche même de cet empe- s'étonner qu'on veuille aujourd'hui révo-
reur. Il leur avait donc dit, comme le rap- quer en doute cet insigne miracle, qui a été
porte cet historien, que la veille du jour qu'il vu en plein jour par tant de personnes, el
devait donner le combat, savoir le 26 octo- par une armée des plus nombreuses.
bre de l'an 312, il vit clairement au ciel, un « Ce qui est constant dans toute celte hi-
peu après midi, le signe de la croix tout bril- stoire est l'apparition en elle-même. Quel-
lant de lumière, avec cette inscription: Tu ques circonstances (|ui varient dans les au-
seras victorieux par la vertu de ce signe (2) ; teurs, montrent qu'ils ne se sont pas copiés
ce qui le surprit fort, aussi bien que toute servilement, et prouvent du moins que le
son armée, qui vit comme lui ce phénomène fond en était certain, ce qui suffit pour la
miraculeux. La nuit suivante Jésus-Christ vérité de l'apparition. »
s'apparut à lui durant son sommeil, avec ce Combien de remarciues ne pourrait-on
signe céleste il lui enjoignit de le faire gra-
; pas ajouter à celte dissertation du P. du
ver sur les boucliers de ses soldats , et Con- Moulinet? ajoute Lenglel Dufresnoy, dans
stantin le porta depuis sur son casque, comme son Traitédes Visions. On peut voir ce qu'ont
on le voit dans plusieurs médailles de cet dit de celle-ci le savant Père Pagi sur Baro-
empereur. nius, et Tillemonl dans son Histoire si exacte
« Le même Eusèbe fait aussi la peinture des Empereurs. Ces témoignages, rendus à la
du labarum ou étendard que Constantin fit vérité par de tels écrivains, doivent l'empor-
faire en cette manière. C'était un grand bâ- ter sur les doutes des critiques, à qui rien
ton en forme de pique, qui en avait un autre ne plaît, que ce qui part de leur incrédule
plus petit en travers, lequel composait une imagination. Volontiers pour se distinguer
croix, et d'oii pendait une bannière carrée du commun, ils adoptent des fables qui peu-
d'une élofTe de pourpre fort précieuse, enri- vent préjudicier à quelque doctrine généra-
chie de broderie d'or, éclatante de pierre- lement avouée; mais ils se gardent bien de
ries; au-dessus de cette bannière, il y avait croire des points d'histoire, appuyés sur les
une couronne d'or, qui portait le mono- preuves communément reçues dans la dis-
gramme de Jésus-Ciirist. cussion des faits historiques.
« Constantin se servit de cette mystérieuse CONSTANTIN COPRONYME , empereur
enseigne qu'on appelait /a&«rum, non seule- iconoclasie de Constanlinople. Il était, dit-
ment dans la guerre qu'il cul contre Maxen- on, magicien. Il conjurait habilement les
ce, mais encore contre ses autres ennemis, démons, dit Leloyer; il évoquait les morts,
et il en ressentit toujours des effets merveil- et faisait des sacrifices détestables el invoca-
leux. Il destina cinquante des plus braves tions du diable. Il mourut d'un l'eu qui le
officiers de son armée pour la porter tour à saisit par tout le corps, et dont la violence
tour, et pour la garder ceux qui lu portaient
: élail telle, qu'il ne faisait que crier (3).

(1) Ou pontajouter à ces Irnis témoins Socrale, Soto- (5) Hoc signe vinces.
Dipiies, Pliilostorgp
, tous trois lilstorieus de l'Eglise, (3) l.eloyer, Hisl. des spcclres et des apparitions dos
îaiiitOiégoIrcdt'Saziaiizcqui en a [lareilleiiient parlé, etc. eipnls, liv. IV. cil. vi, p. ZOÎ.
'99 DlCTIONNAtUE DES SCIENCES OCCtLTES ^00

CONSTELLATIONS. 11 y en a douze, qui voix étouffée, et débiter toiiles les extrava-


yonl les douze du zodiaque, et que
siiïiies gnncesdoiit leur folle iiiinginalioiiest remplie-
les îisirologucs appellent les douze maisons Tout le monde a entendu parler des con-
du soleil, savoir; le bélier, le laureau, les vulsions et des merveilles absurdes qui
pcnieaux, lécrevisse, le lion, la vierge, la euri'nl lieu, dans ia capitale de la Fr.inec,
balance, le scorpion, le sagillaire, le capri- sur le tombeau du diacre l'âris. homme in-

corne, le verseau et les poissons. On les dé- connu pendant sa vie, et trop célèbre après
signe Irès-bien dans ces deux vers lechni- sa mort (2). La frénésie fanatique alla si
ques, que loul le monde connaît :
loin, que le gouvernement fut obligé, en
1732, de fermer le cimetière Sainl-iMcdard,
Snnl arios, taurus, gemini, cancpr, Ico, virgo, où Paris était enterré." Sur quoi un plaisant
Libiaque, scorijius.arciU'npiis.capcr, ampliora, pisces. fit ces deux vers :

On bonne aventure par le moyen de


dit la De par le roi, défense à tJieu,
ces constellations. Voy. Houoscopes et As- D'opérer miracle en ce lieu.
trologie.
Dès lors les convulsionnaires tinrent leurs
CONTUE-CHARMES. charmes qu'on em-
séances dans des lieux particuliers, et se
ploie pour détruire l'effet d'autres cbarmes.
donnèrent en spectacle cerlains jours du
Quand les charmeurs opèrent sur des ani- mois. On accourait pour les voir, et leur ré-
maux ensorcelés, ils l'ont des jets de sel pré- putation surpassa bientôt celle des bohé-
parés dans une écuclle avec du sang tiré miens ; puis elle tomba, tuée par l'excès et
d'un des animaux maléGciés. Ensuite ils ré-
le ridicule.
citent pendant neuf jours certaines formules.
COi'EKNIC, astronome célèbre, mort en
Voy. Gratianne, Amulettes, Sort, Malé- 15't3. On dit communément que son système
fices, Ligatures, etc.
fut condamné par la cour de Rome ce qui :

CONVULSIONS. Au neuvième siècle, des


est faux et controuvé. 11 vivait à Rome d'un
personnes suspectes déposèrent dans une bon canonical, et y professait librement Ga-
église de Dijon des reliques qu'elles avaient, stronomie. Mais voyez à ce sujet larlicle Ga-
disaient-elles, apportées de Rome, et qui lilée.
étaient d'un saint dont elles avaient oublié COQ. Le coq pouvoir de met-
a, dit-on, le
le nom. L'évêque Théobald refusa de rece- tre en fuite puissances infernales; et
les
voir ces reliques sur une allégation aussi comme on a remarqué que le démon, qu'on
vague. Néanmoins, elles faisaient dus prodi- appelle le lion d'eafer, disparaît dès qu'il
ges. Ces prodiges étaient des convulsions voit ou entend le coq, on a répandu aussi
dans ceux qui venaient les révérer. L'oppo- cette opinion que le chant ou la vue du coq
sition de l'évêque Ot bientôt de ces convoi- épouvante et fait fuir le lion. C'est du moins
tions une épidémie; les femmes surtout s'em- le sentiment de Pierre Delancre.
pressaient de leur donner de la vogue. Théo- Mais il faut répondre à ces savants, dit
«
bald consulta Amolon, archevêque de Lyon, M. Salgues (3), que nous avons des lions
dont il était suffragant. « Proscrivez, lui ré- dans nos ménageries; qu'on leur a présenté
pondit l'évêque, ces fictions infernales, C( s des coqs; que ces coqs ont chanté et qu'au ,

hideuses merveilles, qui ne peuvent être que lieu d'en avoir peur, les lions n'ont témoigné
des prestiges ou des impostures. Vit-on ja- que le désir de croquer l'oiseau chanteur;
mais, aux tombeaux des martyrs, ces funes- que toutes les fois qu'on a mis un coq dans
tes prodiges qui , loin de guérir les malades,
la cage d'un lion, loin que le coq ait tué le
font souffrir les corps et troublent les es-
lion, c'est au contraire le lion qui a mangé
prits?... »
le coq. »
manie fanatique se re-
Cetle espèce de Onsait que tout disparaît au sabbat aus-
nouvela quelquefois; elle fil grand bruit au sitôt que le coq chante. On cite plusieurs
commencement du dix-huitième siècle; et exemples d'assemblées de démons et de sor-
on prit encore pour des miracles les convul- cières que le premier chant du coq a mises
sions, les contorsions et les grimaces d'une
en déroule; on dit irêoie que ce son, qui est
foule d'insensés. Les gens mélancoliques et
pour nous, par une sorte de miracle perpé-
atrabilaires ont beaucoup de dispositions à
tuel, une horloge vivante, force les démons,
tes jongleries. Si dans le temps surtout où
dans les airs, à laisser tomber ce qu'ils por-
leur esprit est dérangé, ils s'appliquent A c'est à peu près la vertu qu'on attribue
tent :

lever fortement, ils finissent toujours par


au son des cloches. Pour empêcher le coq de
tomber en extase, et se persuadent qu'ils chanter pendant leurs assemblées nocturnes,
peuvent ainsi prophétiser. Cetle maladie se les sorciers, instruits par le diable, ont soin
communique aux ';sprils faibles, et le corps de lui frotter la tête et le front d'huile d'o-
s'en ressent. De là vient, ajoute Rrueys (Ij,
live, ou de lui mettre au cou un collier de
que, dans le fort de leurs accès, les convul-
sarment.
sionnaires se jettent par terre, où ils demeu-
Beaucoup d'idées superslitieuses se ratta-
rent quelquefois assoupis. D'autres fois, ils symbole du courage el
chent à cet oiseau ,
sagitenl extraordinairenient; et c'est en ces
différents états qu'on les entend parler d'une chesse du Maine :

Un dikroUeur à la royale.
(I,Préfacpde PHisloire du FanatisniP. Bu l:ilon gmiclie esiropié,
(i) Carré de Monlgeron a recueilli ces merveilles en Oliliiit, pour grâce spéciale.
iriiis f-ros Yoliinios iii-4°, avec ligurc"!. Voici un de ces D'être lioitpux île l'aulro pié.
minicles raj'porlû dans unp cIi;jii50ii île inaJ.ime la Uu- {'>) Vus Erreurs cl d'-s préj'igc^, eic, pr<f^ce.
40 f COR COR 4»J

de la vigilance, vieil emblème des Françiiis. dans les idées superstitieuses , annonce des
On dil qu'un jour Vitellius rendant la jus- malheurs et quelquefois la mort. Il a pour-
lice à Vienne en Dauphiné un coq vint se ,
tant des qualités merveilleuses. Le livre des
percher sur son épaule; ses devins décidè- Admirables secrets d'Albert le Grand dit que
rent aussitôt que l'empereur tomberait sûre- si l'on fait cuire ses œufs, et qu'ensuite orj

ment sous un Gaulois et , en effet, il fut ;


les remette dans le nid où on les aura pris,
vaincu par un Gaulois de Toulouse. aussitôt le corbeau s'en ira dans une île où
On devinait les choses futures parle moyen Alogricus, autrement appelé AIruy, a été en-
du coq (Voy. Alectryomancie). seveli et il en apportera une pierre avec
,

On dit aussi qu'il se forme dans l'estomac laquelle, touchant ses œufs, il les fera reve-
des coqs une pierre qu'on nomme pierre alec- nir diins leur premier étal « ce qui est tout
;

loriennc, du nom grec de l'animal. Les an- à fait surprenant. » Cette pierre se nomme
ciens accordaient à cette pierre la propriété pierre indienne, parce qu'elle se trouve or-
de donner le courage et la force c'est à sa : dinairement aux Indes.
vertu qu'ils allribuaicnt la force prodigieuse On a deviné, par le chant du corbeau, si
de Milon de Crotone. On lui supposait enco- son croassement peut s'appeler chant. M. Bo-
re le don d'enricliir, et quelques-uns la re- ry de Saint-Vincent trouve (jue c'est un lan-
gardaient comme un philtre qui modérait la gage. On l'interprète en Islande pour la con-
soif. naissance des affaires d'Etat. Le peuple le re-
On pensait encore autrefois qu'il y avait garde comme instruit de tout ce qui se passe
dans coq des vertus propres à la sorcelle-
le au loin, et annonçant aussi très-bien l'avenir.
rie. On disait qu'avant d'exécuter ses malé- Il prévoit surtout les morts qui doivent frap-

fices, Léonora Galigaï ne mangeait que des per une famille, et vient se percher sur le
crêtes de coq et des rognons de bélier qu'elle toit de la maison, d'où il part pour faire le
avait fait charmer. Ou voit, dans les accusa- tour du cimetière, avec un cri continu et des
tions portées contre elle, qu'elle sacriQail des inflexions de voix. Les Islandais disent qu'un
coqs aux démons (1). de leurs savants, (|ui avait le don d'entendre
Certains Juifs, la veille du chipur ou jour l'idiome du corbeau était , parce moyen,
,

du pardon, chargent de leurs péchés un coq instruit des choses les plus cachées.
blanc qu'ils étranglent ensuite , qu'ils font Hésiode avance que la corneille vit huit
rôtir, que personne ne veut manger, et dont cent soixante-quatre ans, tandis que l'hom-
ils exposent les entrailles sur le toit de leur me ne doit vivre que quatre-vingt-seize ans,
maison. et il assure que le corbeau vit trois fois plus
On sacrifiait, dans certaines localités su- que la corneille ce qui fait deux mille cinq
:

perstitieuses , un coq à saint Christophe , cent (juatre-vingl-douze ans.


pour en obtenir des guérisons. On croit, dans la Bretagne, ([uedelix cor-
On croyait enfin que les coqs pondaient beaux président à chaque maison, et qu'ils
des œufs, et que, ces œufs étant maudits 11 , annoncent la vie et la mort. Les habitants du
en sortait un serpent ou un bas'.lic. « Cette Finistère assurent encore que l'on voit, sur
superstition fut très-répandut; on Suisse; et, un rocher éloigné du rivage, les âmes de leur
dans une petite clironi(iue de BâiL' , Gross roi Gralon et de sa fille Dahut, qui leur ap-
raconte sérieusement qu'au mois d'août li7'i. paraissent sous la forme de deux corbeaux ;

un coq de celte ville ayant été accusé et


, elles disparaissent à l'œil de ceux (jui s'en
convaincu de ce crime, fut condamné à mort. approchenl (3). Voy. Odin, Cicéron Augu- ,

Le bourgeois le biûla publicjuemcut avec sou res, etc.


œuf, dans un endroit nommé Kablenberg, à
la vue d'une grande multitude de person- Légende du jugement des corbeaux.
nes (2). » Voy. Basilic, Mariage, etc. Au haut du chemin de Saint-Jacques, qu'on
CORAIL. Quelques auteurs ont écrit que nomme aujourd'hui à Bruxelles la rue de la
le corail a la vertu d'arrêter le sang et d'é- Madeleine il y avait jadis un cabaret de
,

carter les mauvais génies. Marsile Ficin pré- grande renommée. On l'appelait le caban t
tend que le corail éloigne les terreurs pani- de la Haute-Pinte. On croit qu'il llorissait
ques et préserve de la foudre et de la gréie. déjà au dixième siècle. Quand l'empereur
Liceti endonne celte raison, que le corail Othon II habitait cette ville alors peu éten-
exhale une vapeur chaude qui, s élevant en due, on voyait dans son voisinage une mai-
l'air, dissipe tout ce qui peut causer la grêle son de plaisance où l'on se rendait par un
ou le tonnerre. chemin qui est à présent la rue de l'Empe-
Brown, dans ses Essais sur les erreurs po- reur; et déjà l'on ajoute que l'estaminet de
pulaires, Ml qu'il est lanlé de croire que l'u- la Uaule-Pinte était prospère.
sage de mettre des colliers de corail aa cou Vers l'an 9o0 il n'y avait pas encore d&
,
des enfants dans l'espérance de leur faire
,
puissance organisée dans ce pays; proba-
sortir les dcnls, a une origine superstitieuse,
blement, ce fut Hi'uri 1" qui commença la
et que l'on se servait autrefois du corail
série des ducs de Bi abant, (luoique des ama«
comme d'une amulette ou préservatif contre leurs fassent remonter ce litre jusqu'à Pépin
les sortilèges.
de Landen, cl d'autres môme jusqu'à Salvius-
CORBEAU, oiseau de mauvais augure, qui, Brabo, qui, investi par César du pouvoir su»
(I) M. GariiK'l, llisloirp de la m;igie en France, p. 100. (5) Omibry, voyage dans le FinislèrB, t. II, p. 2Si-.
{i) OicUoiiuaiie d'jiiCL'Oulns suisses, p. Ui.
,

iO-> DiCI lONNAUlE UES SCIENCES OCCULTES. 404

nrêiiie sur ces contrées, donna son nom à bonne bière en tout ce pays; que déjà on en
a principale [)rovince de Belgique. C'était
la employait l'écume à la levure du pain. Alors
Conrad le Roux, qui, duc de la France lllié- pareillement, il y avait de grands vignobles
naneeu 9a0, devait passer pour suzerain de à Etterbeek et à Saint-Josse-len-Noode.
Itruxclles. C«'tle ville, née dans l'île de Sainl- Mais revenons à notre simple histoire
(:éry, s'avançait à peine juscîu'à la Graude- Nous remettrons donc en avant ce fait, qu'er.
IMatc actut'llê, qui était un élan;; ses envi- 950, deux Bruxellois de la banlieue ou de
rons app.irlenaient à sept puissants sei- Vexlra muros, habitant l'un la seigneurie de
gneurs. Possesseurs du sol et souverains des Kantersteen, l'autre les domaines de sir
iiabilants ils n'y
, purent cepend.inl aussi Steenwegs , prétendirent tous deux avoir
«•oinplétcment qu'en Allemagne établir la trouvé le secret du faro. LeseigneurHugues,
hiérarchie féodale. qui était grand buveur, et pour qui, dans la
Le premier de ces seigneurs était Huygs , suite , on fit le lembeek , avait promis une
seigneur de la Kantcrsteen, dont le nom n'a récompense encourageante à celui de ses
pas encore péri dans Bruxelles; son château voisins qui perfectionnerait la bière Cette
s'élevait au coin de la rue des Sols, vis-à-vis prime était l'exemption à perpétuité de tout
le cabaret; l'avenue large et spacieuse qui impôt. Maître Géry Knaps , maître de l'esta-
conduisait à ce manoir en a gardé le nom. minet de la Haute-Pinte, fut, à ce qu'on croit,
Après lui venait ser Leeuws, ou sire Lion, le véritable inventeur. Mais Jean Munters
seigneur de Maxitnilianstecn, de qui vient le qui tenait cabaret dans la rue de IaKanter-.
nom de la rue Maximilienne, et non de l'em- steen, se présenta comme l'ayant imaginée
pereur allemand, comme quelques-uns l'ont aussi. Il avait pour enseigne ; La bouteille
cru. On a dit aussi que ser Leruws ayant un de Brabant. Sir Hugues qui se faisait vieux,
lion pour insigne, avait donné à son pays le fit comparaître les parties en sa présence et

Lion Belgique; c'est une autre erreur. Vous dégusta longuement et gravement leurs li-
pouv<z lire dans la chronologie de Thomas quides. La comparaison qu'il en voulut ana-
Biaise, que le pi ux Hililegard (]ui vivait à
,
lyser dura trois jours plusieurs brocs y
;

la cour de Sunnon, l'un des rois francs, pré- passèrent. Les deux cabaretiers ayant eu
décesseurs doMérovée, prédit que les aigles également bon succès, sir Hugues ne sut rien
romaines seraient un jour terrassées par le décider et confessa en conscience qu'ils
Lion Franco -Belge; et en effet, depuis l'éta- avaient tous deux parfaitement travaillé.
blissement des Francs dans la Campine en Ne voulant pourtant récompenser qu'un
t:80, on vous soutiendra que les fiaules du seul industriel, il déclara qu'il fallait , pour
Nord ont toujours eu le lion à leur bannière. connaître qui avait inventé le premier,
Les cinq autres seigneurs, beaucoup moins s'en rapporter à une épreuve, par le juge-
importants, étaient Steenwegs, seigneur de ment de Dieu. On sait que ce jugement se
Valkenbourg ; Caudenberg, seigneur de rendait par le sort ou par le combat. Les ca-
Zouthujs, ou, selon d'autres, Zouthuys, sei- baretiers sont peu guerroyeurs la pinte et
:

gneur de Caudcnberg Uoelofs ou Uodolphe,


;
la bouteille ne se soucièrent pas de se heur-
seigneur de Hoysteen; Sweerts seigneur de, ter. On chercha l'autre moyen.
l'aëhuys ; et Hotlenbeek , seigneur de Plat- 11 y avait encore dans le pays une vieille
t sticn. Son château était à la rue de la coutume qui venait des Druides, et qu'on
Pierre Plate (plallesteen) qui a conservé son employait (luelquefois. Dans les querelles
nom. Plusieurs autres ruesportent encore en embrouillées, où les plaideurs ne voulaient
ilamand les noms de ces seigneurs. se battre ni à l'épée ni au bâton, deux cor-
Or , en celte même année 950 les hommes , beaux devenaient arbitre du procès. Les
moins inventifsquenoas ne le sommes deve- parties mettaient sur une planche deux gâ-
nus, trouvèrent pourtant (car ils trouvaient teaux de farine, détrempée avec de l'huile,
quelquefois) le secret de fabriquer celte bièic dos œufs et un peu de vieux vin ils por-
;

exquise que, depuis le seizième siècle, on ap- taient ces deux gâteaux au bord du lac,
pelle faro, et qui est demeurée sans contre- d'ixelles, après quoi on lâchait deux cor-
dit l'une des premières bièriîs du monde. On beaux qui mangeaient un des gâteaux en
a dit à tort qu'elle n'avait été inventée qu'au entier etéparpillaicnt l'autre. La partie dont
treizième siècle, puisqu'on en buvait à la le gâteau n'élaitqu'éparpillégagnaitsa cau-e.
cour de Jean 1". On a avancé qu'elle se Il est facile de l'aire de l'esprit. Saint-Fuix

nommait faro, d'un vieux mot français qui a dit que cette ordalie était un emblème par
s'écrit faraud aujourd'hui et qui veut dire
, lequel les Druides ont prophétisé la façon
élégant et riche, parce que cette bière, per- dont on rendrait un jour la justice chez nous.
fectionnée au treizième siècle, n'était desti- « Les corbeaux sont voraces ,ajoute-l-il ;
née qu'aux gens aisés ; mais elle fiit nommée leur plumage est noir, et la partie qui gagne
faro par les espagnols venus à la suite de est presque toujours aussi ruinée que celle
tlharles-Quint, parce qu'au premier aspect qui perd. »
i!s 1.1 prirent pour du vin de Faro en Portu- Quoiqu'il en soit , Jean Munters qui était
gal, dont el'c a la couleur dorée. fin , ayant mis du vin d'Kiterbeck dans son
(j'est aussi des Esp.ignols quVst venu le gâteau, les deux corbeaux mangèrent celui
mol estaminet, cstaminetlo dans leur langue, de Géry Knaps et ne firent qu'éparpiller le
roulant dire réunion ou petite assemblée. gâicau de la grosse Bouteille. Munters eut
Dans tous les cas César et Tacite nous
, donc l'excniflion dont il nejouit(iuc jusqu'à
apprennent que de leur temps, on faisait de l'avciiemcnt de Jean 1", duc de B:abanl d^ ,
»os con cori rfl

maison de Louv<Tiii, qui aiiimil la pieler-


la d'Etat un arrêt qui condamnait huit corde-
Mais Icslamiiul do la Bi)uteille de
inaii. liers d'Orléans à faire amende honorable,
iBrabant, dans la Kantersieen a loujours ,
pour avoir supposé de fausses apparitions
!ou depuis le corbeau pour emblème. 11 n'en (i;m).
(reste plus que l'enseigne; le cabaret s'est Une preuve que celte faute était indivi-
) iransporlé ailleurs. duelle, c'est qu'elle fut cnndimnce par l'au-
'
COKBIÎAU NOIR. Voy. Cauce du sabbat. torité ecclésiastique, tt(iue les huit condam-
COUDE DE PENDU. Les gens crédules pré- nés, dont deux seulement étaient coupables,
lenda'enl autrefois qu'avec de la corde de le gardien custode, furent bannis sans
et le
pendu on échappait à tous les dangers et que p Tsonne n'appelât ni ne réclamât.
((u'on était heureux au jeu. Ou n'avait qu'à CORÉ, compagnon de Dathan cl d'Abiron.
se serrer les tempes avec une corde de pendu Les mahoinéîans, qui le confondent avec le
pour se guérir de la migraine. On portail un batelier Caron, le font cousin-germain do
morceau de cette corde dans sa poche pour .Md'isf,qui, le voyant pauvre , lui enseigna
SI- garantir du mal de dents. EnQn, on se sert l'alchimie, par le moyeu de laciuelle il acquit
de cette expression proverbiale, avoir de la de si grandes richesses qu'il lui fallait qua-
corde de pendu, pour indi(iuer un bonheur rante chameaux pour porter son or et sou ar-
constant, et les Anglais du menu peuple cou- gent. Il y en a qui prétendent même que
rent encore après la corde de pendu (1). plusieurs chameaux étaient chargés seule-
COUDELIERS DOllLÉANS.On a fait grand ment des clefs de ses coffres-forts.
bruil de l'affaire descordeliers d'Orléans, qui ayant ordonné aux Israélites de payer
Mo'i'se
eut lieu sousFrançois 1". Les proleslauls s'en ladîme de tous leurs biens (nous suivons
emparèrent; et d'un tort qui est assez mal toujours les auteurs musulmans), Coré refusa
établi, on fit un crime, aux moines. C'était d'obéir, se souleva môme contre son bienfai-
peut-être faire leur éloge que de s'étonner teur jusqu'à répandre sur lui des calomnies
qu'ils ne fussent pas tous des anges. Voici qui allaient lui faire perdre son autorité
l'histoire. parmi le peuple, si Mo'ise ne s'en fût plaint à
Le seigneur de Saint-Mesniin, prévôt d'Or- Dieu, qui lui permit de punir l'ingrat ; alors
léans, qui donnait dans les erreurs de Luther, .Mo'ise lui donna sa malédiction, et ordonna
devint veuf. Sa femme élaitcomme lui luthé- à la terre de l'engloutir, ce qui s'exécuta.
rienne en sccrcl. Il la flt enterrer sans (lam- CORNEILLE. Le chant de la rorneill; était
beaux et sans cérémonies. Elle n'avait pas regardé des anciens comme un très-inauvais
reçu les derniers sacrements. Le gardien et présage puurceluiqui commençait une entre-
le custode des cordeliers d'Orléans, indignés |)rise : ils l'invoquaient cependant avant le
de ce scandale, firent cacher, dit-on, un de mariage, parce qu'ils croy.iient que les cor-
leurs novices dans les voûtes de l'église, avec neilles, après la mort de l'un ou de l'autre
des instructions. Aux matines, ce novice fit (•ouple, observaient une sorte de veuvage.
du bruit sur les voûtes. L'exorciste, qui pou- Voy. Corbeau, Auguhes, etc.
vait bien n'être pas dans le secret, prit lo ri- Les sorcières ont eu quelquefois des cor-
tuel, et croyant que c'était un esprit, lui de- neilles à leur service, comme on le voit par
manda qui il était? la légende qui suit, et qui, conservée par
Point de réponse. Vincent de Guillerin {Specl. Iiist. lib. 20), a
,

— S'il était niuef? inspiré plus d'une ballade sauvage, en .Angle-


Il frappa trois coups. terre et en Ecosse.
On n'alla pas plus loin ce jour-là. Le len- La Corneille de Barkleij.
demain et le surlendemain ; le même incideul
èe répéta. Une vieille Anglaise, de la pciile ville do
Fantôme ou esprit, dit alors l'exorcisîe, Barkiey, exerçait en secret, au onzième siècle,
cs-tu l'âiiie d'un tel? la magie et la sorcellerie avec grande habi-
Point de réponse. leté. Un jour , pendant qu'elle dînait, une
— D'un tel. corneille ([u'elle avait auprès d'elle et dont
Point de réponse. personnene soupç:)nnail l'emploi, lui croassa
On nomma successivement plusieurs per- je ne sais quoi de plus clair qu'à l'ordinaire.
sonnes enterrées dans l'église. Au noin do Elle pâlit, poussa de profonds soupirs et s'é-
Louise de Mareau , femme de François de cria : —
J'apprendrai aujourd'hui de grands
Saint-Mesmin, prévôt d'Orléans, l'esprit malheurs.
frappa trois coups. A peine
achevait-elle ces mots, qu'on vint
Es-lu dans les flammes ? lui iinnonccr que son fils aîné et toute la fa-
Trois coups. mille de ce (ils étaient morts de mort subite.

Es-lu damnée pour avoir partagé les Pénétrée de douleur, elle as.scmbia ses autres
erreurs de Luther? enfants , parmi lesquels était un l-on moine
Trois grands coups. el une sainte religieuse elle leur dit en gé-
;

Les assistants étaient dans l'effroi. On se missant:


disposait à signifier au seigneur de Saint- Jusqu'à ce jour, je me suis livrée, mes en-
Mesmin denlever de l'église sa luthérienne fants,aux arts magiques.Vous frémissez; mais
;
mais il ne se déconcerta pas. Il courut à le passé n'est plus en mon pouvoir. Je n'ai
Paris et obtint des commissaires du conseil d'espoir que dans vos prières. Je sais que les
démons --ont à la veille de me posséder pour
M) Salguns, Des Erreurs cl des préjugés, i. I, p. [53. me punir de mes crimes. Je vous prie^comma
407 DICIION.NAIUE Di:S SCIENCLS OCCILTES. 403

voire mère, do soulager les toiirnicnls quo CORNET D'OLDENHOURG, Voy. Olden-
j'endure déjà. Sans vous, ma perle me paraît BOt'llG.
assurée, car je vais mourir dans un inslanl. CORRESPONDANCE avec l'enfer. Voy.
Renfermez mon corps, enveloppé d'une peau BiCIlBIGUIRR.
de cerf, dans une bière de pierre recouverte CORSNED, sorte d'épreuve chez les Anglo-
de plomb qui; vous lierez par (rois tours de Saxons, qui consistait à faire manger à l'ac-
chaîne. Si, pendant trois nuits, je reste Iran- iMisé à jeun une once de pain ou de fromage
<|uille, vous m'ensevelirez la quatrième, quoi- consacré, avec beaucoup de cérémonies. Si
que je craigne que la terre ne veuille point re- l'accusé était coupable, cette nourriture de-
cevoir mon corps. Pendant cinquante nuits, vait l'étouffer en s'arrêtant dans le gosier;
chanlci des psaumes pour moi, et que pen- mais si elle passait aisément, l'accusé était
dant cinquante jours on dise des messes. déclaré innocent.
Ses enfants troublés exécutèrent ses ordres; CORYBANTIASME, espèce de frénésie.
in. lis ce fut sans succès. La corneille, qui sans Ceux qui en étaient attaqués s'imaginaient
douten'élaitqu'undémon, avait disparu. Les voir des fanlômes devant leurs yeux, et en-
deux premières nuits tandis que les clercs , tendaient continuellement des siïflements. Ils
chantaient des psaumes , les démons enlevè- ouvraient les yeux lorsqu'ils dormaient. Ce
rent, comme si elles eussent été de paille, les délire sanguin a souvent été jugé possession
portes du caveau et emportèrent les deux du diable par lis démouomanes.
premières chaînes qui enveloppaient la caisse: COSINGAS, prince des Cerrhéniens peu- ,

la nuit suivante, vers le chant du coq, tout ples de Thrace, et prêtre de Junon. Il s'avisa
le monastère sembla ébranlé par les démons d'un singulier expédient pour réduire ses su-
qui entouraient l'éilifice. L'un d'entre eux, le jets rebelles. ordonna d'attacher plusieurs
Il

plus terrible, parut avec une taille cobissale, longues échelles les unes aux autres, et fil
et réclama la bière. Il appela la morte par courir le bruil ((u'il allait monter au ciel, vers
son nom; il lui ordonna de sortir. Je ne le Junon, pour lui demander raison de la déso-
puis, répondit le cadavre, je suis liée. béissance de son peuple. Alors les Thraces,

Tu vas être déliée , répondit Satan; et supersiitieux el grossiers, se soumirent à Co-
aussitôt il brisa comme une ficelle la troi- singas, et s'engagèrent par serment à lui rester
sième chaîne de qui restait autour de la
fer fidèles.
bière; il découvrit d'un coup de pied le cou- COSQUINOMANGIE,sorlededivinatiouqui
vercle, et prenant la morte par la main, il se pratique au moyen d'un crible, d'un sas,
l'entraîna en présence de tous les assistants. ou d'un tamis. On mettait un crible surd(s
Un cheval noir se trouvait là, hennissant fiè- tenailles, qu'on prenait avec deux doigts; en-
rement, couvert dune selle garnie partout suite on nommait les personnes soupçonnées
de crochets de fer; on y plaça la malheureuse de larcin ou de quelque crime secret, et on
et tout disparut; on entendit seulement dans jugeait coupable celle au nonade qui le crible
le lointain les derniers cris de la sorcière. lournait ou tremblait, comme si celui qui te-
CORNÉLIUS, prêtre païen de Padoue, nait les tenailles, ne pouvait pas remuer le
dont parle Aulu-Gelle. Il avait des extases, et crible à sa volonté 1
son âme voyageait hors de son corps ; le jour Au lieu du crible, on met aussi (car ces
de la bataille de Pharsale, il dit en présence divinations se pratiquent encore) un tamis
de plusieurs assistants, qu'il voyait une forte sur un pivot, pour connaître l'auteur d'un
bataille , désignant les vainqueurs et les vol ; ou iioiiimc de même l 'S personnes soup-
fuyards et, à la fin, il s'écria tout à coup que
; çonnées, et le lamis fourneau nom du voleur.
César avait vaincu (1). C'est ce qu'en appiille, dans les campagnes,
CORNES. Tous les habitants du ténébreux tourner le 5os. Cette superstition est surtout
empire portent des cornes; c'est une parlie Irès-répandue dans la Bretagne (3j. Voy.
essentielle de l'uniforme infernal. Cbible.
On a vu des entants avec des cornes, et COTE. Dieu prit une côle d'Adam, pour en
Harlholin cite un religieux du faire noire mère Eve. Mais il ne faut p<is
monastère de
Saiiii-Jusiin, qui en avait deux à la léle. Le
croire pour cela, comme f.iit le vulgaire, que
maréchal de Lavardiu amena au roi un hom- dans les desci ndants d'.Vdain l(;s hoiiiuies ont
me sauvage qui portail des cornes. On mon- une côle de moins que les femmes.
trait à Paris, en 1C99 un Français, nommé
, COU. Ou regardait chez les anciens com-
Trouillon,(lont le Iront élailarmé'd'unecorue me uu augure favorable une palpitation
de bélier (2). Voyez Cippcs. dans la parlie gauche du cou, el comme lu
Dans le royaume de Naples cl dans d'au- ncsle celle qui avait lieu dans la partie
trescoiilrées, les tomes passent pour un pré- droite.
servatif contre It s sortilèges. On a dans les
COUCHES. On prétendait, en certains pays,
maisons des cornes ornées et dans la rue ou ; faire accoucher aisémeiil les femmes en liant
dans les conversations, lorsqu'on sou|içoiine leur ceinture à la cloche de l'église, et en soii-
un sorcier, on lui lait discrèiemcnl des cornes iiaiil trois coups. Ailleurs, la femme en cou-
avec les doigts pour paralyser scn intentions ches meltail la culotte de son mari. Voy.
magiques. Ou pend au coii des enfants, com- AÉTITE.
me oinemeul, une paire de petites cornes. COUCOU. On croit eu Bretagne, qu'en
(1) Lcloyer, Histoire des spectres, ou Xumr. Ji's (s| nis. (2) M SMigiH'.s, Di^sICrreiir.seldi'siiréjiigés. I. Ht, p. ii>i
II». IV, tli. jiv, p. ijG.
tôj .M. CaiiiUry, Vny,i;ji' daus le Fiuialèio, t. tll, [' ii
iO'» cou cou 4ta

complanl le clianl du coucou, on y trouve Ministères. Adrameleck, grand chancelier,


l'aDiionce de l'année précise où l'on doil se grand'croix de l'ordre de la Mouche.
marier (l). Silchantclroisfois.onse mariera Astaroth grand trésorier. .

dans trois ans, etc. Nergal, chef de la police secrète.


On croit aussi, dans la plupart des provin- Baal, général en chef des armées infer-
ces, que si on a de l'argent avec soi la pre- nales grand'croix de l'ordre de la Mouclio.
,

mière l'ois qu'on entend le chant du coucou, Léviathan grand amiral , chevalier de la
,

01) en aura toute l'année. —


Le coucou de Mouche.
Belkis, dontnous ne savonsguère quelenom, Ambassadeurs. Belphégor, ambassadeur en
est un des dix animaux que Mahomet place France.
dans son paradis. Mammon ambassadeur en Angleterre.
,

COUCOULAMPONS. anges du deuxième Bélial, ambassadeur en Turquie.


ordre, qui, quoique matériels, selon les ha- Rimmon, ambassadeur en Russie.
bitants de Madagascar, sont invisibles et ne Tliamuz , ambassadeur en Espagne,
se découvreiilqu'àceuxqu'ils honorent d'une Hutgin, ambassadeur en Italie.
protection spéciale. 11 y en a dis deux sexes; Martinet , ambassadeur en Suisse.
ils conlraclent le mariage cnlre eux, et sont Justice. Lucifer, grand-justicier.
sujets à la mort; mais leur vie est bien plus Alastor, exécuteur des hautes-œuvres.
longue que celle des hommes, cl leur santé Maison des princes. Verdelet, maître des
n'est jamais troublée par les maladies. Leur cérémonies.
corps est à l'épreuve du poison et de tous les Succor-Benoth ,
chef des eunuques.
accidents. Chamos, grand-chambellan, chevalier de
COUDRIER. Les branches de cet arbre ont la Mouche.
ser> à quel(jues divinations. Voy. Baguette
i Melchom , trésorier-payeur.

D|l INâTOIHE. Nisroch , chef de la cuisine.


COULEUUS. Pline le naturaliste nous ap- Béhemoth, grand échanson.
prend que les anciens liraient des augures et Dagon grand panetier.
,

desprésag 'S de la couleur des rayons du so- Mullin, premier valet.de chambre.
leil, de la lune, des planètes, del'.ilr, etc. Le Menus-plaisirs. Kobal directeur des spec- ,

noir est le signe du deuil, dit Rabelais, parce tacles.


que c'est la couleur des ténèbres, qui sont Asmolée, surintendant des maisons de jeu.
tristes, et l'opposé du blanc, qui est la cou- Nybbas, grand-paradisle.
leur de la lucnière cl de la joie. Antéchrist escamoteur el nécromancien.
,

COUPE (divination par la), très-usitée Boguel l'appelle le singe de Dieu.


en Egypte dès le temps de Joseph, employée On voit que les démonomanes se montrent
encore! aujourd'hui. Voy. Hydromancie. assez gracieux envers les habitanis du noir
COUPS. En 1582, dit Pierre Delancre (2), séjour. Dieu veuille qu'après tant de rêveries
il arriva qu'à Conslanlinople, à Rome et à ils n'aient pas mérité d'aller en leur société !

Paris, certains démons et mauvais esprits M. Berbiguier a


écrit en 1821, après avoir
frappaient des coups aux portes des maisons ; Iranscrit cette liste des princes de la cour
cl c'était un indice de la morl d'autanl de infernale :

personnes qu'il y avait de coups. « Celle cour a aussi ses représentants sur
COUR INFERNALE. Wierus et d'autres la terre : Moreau , magicien et sorcier à
démonomanes, versés dans l'iiilime connais- Paris , représentant de Belzébuth. Piuil —
sance des enfers, ont découvert qu'il y avait père, médecin à la Salpêtrière, rep'-ésenlaiit
là des princes, des nobles, des olliciers, etc. de Satan. —
B innet , employé à Versailles ,
Ils ont même compté le nombre des démons, reprc>eiitant d'Eurynome. Bouge, associé —
et distingué leurs emplois leurs dignités el
, de Nicolas, représentant de Plutoii. Ni- —
leur puissance. colas, médecin à Avignon , représcntaiit de
Suivant ce qu'ils ont écrit, S ilau n'est plus Moloch. — Baptiste Prieur, de Moulins , re-
trop le souverain de l'enfer; He zébulh règne présentant de Pan. Prieur aîné, son frère, —
•i sa place. Voici l'état aciuel du gouver- marchand droguiste représentant de Liliih. ,

nement infernal. — Etienne Prieur, de Moulins, représentant


Princes et granch dignitaires. Belzébuth , de Léonard. —
Papon-Lominy , cousin des
chef suprême de l'empire infernal, fondateur Prieur, représentant de Baalberilh. Jean- —
de l'ordre de la Mouche. neton Lavalette, laMansolte el la Vandeval,
Satan, chef du parti de l'opposition. représentant de i'archidiablesse Proserpine,
Eurynome, prince de la mort, grand'croix qui a voulu mettre trois diablesses à mes
de l'ordre delà Mouche. trousses elc. (3) » Voy. Berbiguier.
,

Moloch , prince du pays des larmes , COURILS , petits démons malins, corrom-f
grand'croix de l'ordre. pus et danseurs, dont M. Cambry a trouvé ta
Pluton prince du feu.
, croyance établie sur les côtes du Finistère.
Léonard grand-maître des Sabbats, che-
, On les rencontre au clair de la lune, sautant
valier de la Mouche. autour des pierres consacrées ou des monu-
Baalberilh maître des alliances.
, ments druidiques. S'ils vous saisissent par la
Proserpine archidiablesse , souveraine , main il faut suivre leurs niouvenients ils
, ;

princesse des esprits malins. vous laissent exténués sur la place «luaud ils
(I) M Caiiiliry, Voyage clans lo Ftnisièrp, t. I, p. 173. p. 57.
{,2} Iiicrédulué Kl iiiéciéancc du surli é;{i', elc, iraita 7, (")) Les FarMels, elc , t. I, \k i et 3.
,

ill DICTIONNAIRE DES SCIENCKS OCCULTES. in


1,1quittent. Aussi les Bretons, dans la nuil, êlre ensuite brûlés et les cendres jetée» au
évitent avec soin les lieux habités par celte vent; les deux domestiques, à avoir la main
espèce de démons. droite coupée et , après être pendus et
ajoute que les Courils perdirent une
On étranglés ,
,

leurs corps aussi brûlés (2).


,


gr.indc partie de leur puissance à l'arrivée Cet événement eut lieu vers la fin du sei-
des apôires du catholicisme dans le pays. zième siècle.
Vov. SViLis. COURTISANES. Les chrétiens sont bien
COURONNE NUPTIALE. Chez les habi- étonnés de voir des courtisanes servir de
tants de l'Eiitlebuch, en Suisse, le jour des prétresses dans les Indes. Ces filles juste- .

noces, après le danses, une


festin et les ment déshonorées chez nous , sont privilé-
femme velue de jaune demande à la jeune giées là depuis l'aventure de l'une d'elles. De-
épousée sa couronne virginale, qu'elle briile vendiren, dieu du pays, alla trouver un jour
en cérémonie. Le pétillement du feu est celte courtisane, sous la figure dun homme,
dit-on , de mauvais augure pour les nou- et lui promit une haute récompense si elle
veaux mariés (1). était fidèle; pour l'éprouver le dieu fit le
i
COURROIE DE SOULIER. C'était un mau- mort. La courtisane le croyant véritable-
,

vais présage ciiez les Romains


de rompre ,
ment mort, se résolut à mourir aussi dans
la courroie de son soulier en sortant de chez les flammes qui allaient consumer le cada-
soi. Celui qui avait ce malheur croyait ne vre, malgré les représentations qu'on lui
pouvoir terminer une affaire commencée, faisait de ce qu'elle n'était pas mariée. Elle
et ajournait celles qu'il s'était proposé d'en- allait se mettre sur le bûcher déjà ennamiiié,
treprendre. lorsque Devendiren se réveilla, avoua si
COURÏINIÈRE. Un gentilhomme breton, supercherie, prll la courtisane pour sa femme
nommé M. de La Courtinière, ayant reçu un et l'emmena dans son paradis
jour dans son château plusieurs seigneurs CRACA, magicienne qui au rapport de ,

ses voisins, les traita bien pendant quelques Saxon-le-Grammairien , changeait les vian-
jours. Aorès leur départ , il se plaignit à sa des en pierres ou autres objets aussitôt ,

femme de ce qu'elle ne leur avait pas fait qu'elle les voyait posées sur une table.
assez bon visage; et, quoiqu'il fît sans doute CRACHAT. Lorsque les sorciers renon-
ces remontrances avec des paroles honnêtes, cent au diable, ils crachent trois fois à
cette femme , d'une humeur hautaine ne ,
terre. Ils assurent que le diable n'a [ilus
répondit mol, mais résolut intérieurement alors aucun pouvoir sur eux. Ils crach;!nl
de se venger. encore lorsqu'ils guérissent des écrouelles
M. de La Courtinière s'étant couché et et font de leur salive un remède.
dormant profondément, la dame, après avoir Les anciens avai<nt l'habitude de cracher
corrompu deux de ses domestiques , leur fit trois fois dans leur sein pour se préserver
égorger son mari, dont ils portèrent le corps de tous charmes et fascinations.
dans un cellier. Ils y firent une fosse, l'en- Cracher sur soi mauvais présage. Voy.
:

terrèrent; et ils placèrent sur la fosse un Chevillement.


tonneau plein de chair de porc salée. CRACHAT DE LA LUNE. Les alchimistes
La dame , le lendemain, annonça que son appellent ainsi la matière de la pierre plillu-
mari était allé faire un voyage. Peu après , sophale avant sa préparation. C'est une
elle dit qu'il avait été tué dans un bols, en espèce d'^au congelée, sans odeur et sans
porta le deuil, montra du chagrin et fit faire saveur, de couleur verte , qui sort de terre
des services dans les paroisses voisines. pendant la nuil ou après un orage. Sa sub-
Mais ce crime ne resta pourtant pas im- stance aiiueuse est lrès-vol;itlle cl s'évapore
puni le frère du défunt, qui venait consoler
: à la moindre chaleur, à travers une peau
sa belle-sœur et veiller à ses affaires , se extrêmement mince qui la contient. Elle no
protneiianl un jour dans le jardin du châ- se dissoul, ni dans le vinaigre, ni dans l'eau,
teau et contemplant un parterre de fleurs
,
ni dans l'esprit de vin mais si on la ren-
;

en songeant à son frère, fut pris d'un saigne- ferme dans un vase bien scellé, elle s'y dis-
ment de nez qui l'étonna n'ayant jamais ,
sout d'elle-même en une eau puante. Les
éprouvé cet accidenl. Au même instant il lui philosophes hermétiques la recueillent avant
sembla voir l'ombre de M. de La Courtinière, le lever du soleil, avec du verre ou du bois,
qui lui faisait signe de le suivre. Il suivit le et en tirent une espèce de poudre blanche
spectre jusqu'au cellier, où il le vit dispa- semblable à l'amidon, qui produit ensuite ou
raître. ne produit pas la pierre pliilosophale.
Ce prodige lui ayant donné des soupçons ,
CRAMPE. Les morses ont sur les babines,
il en parla à la veuve, qui se montra épou- comme au-dessous, plusieurs soies creuses.
vantée. Les soupçons du frère se fortifiant Il n'y a point de matelot qui ne se fasse une
de ce Iroiihle, il fit creuser dans le lieu où il bague de ces soles , dans l'opinion qu'elles
iivail vu (ilsparaîlrc le fanlôme. On décuu- garantissent de la crampe (3).
>rit le cadavre qui fut levé et reconnu par
, CRANOLOGIE. Voy. Phrénologie.
le juge de Quii,i,jer-Corentin. Les coupaliles, CRAPAUD. Les crapauds tiennent une
arréiés, furent cniidamiiés, la veuve ( Marie pl;ice dans la sorcellerie. Les sorcières les
de Sornin ) à avoir la tcli- tranchée et tous
, almeiil et les clioicnt. Elles ont toujours
les membres de son corps dispersés pour
,

tiiMisdp l.cngliU-Diifresiioy; «I Leioyer, liv. III, cli. iv.


(1) Dlctioiiiiairo d'aiieeildles suisses, an mol fions.
(j) U. Leliruii, »hrc£t: il.'S Voyages au t'éle-Nord, eb.l.
Clf) Ariéiduparlonieiililc UicUijrie, t. Il des UissciU-
4)5 eu A CRI 4U
soin (l'en avoir quelques-uns, qu'elles hiibi- chenl pour leurs maléfices. Plusieurs écri-
luenl à les servir, el qu'elles accoutrent de vains assurent que c'est un objet très-rare,
livrées di; velours vcri. et si rare, que quelques-uns nient l'existence
Pierre Delancre dit que les grandes sor- de cette pierre. Cependant Thomas Bro\rn
cières sont ordinairement assistées de quel- ne croit pas le fait impossible, puisque, dit-il,
que démon, qui est toujours sur leur épaule tous 11 s jours on trouve des substances pier-
gauche, en l'orme de crapaud, ayant deux reuses dans la léte des morues des carpes, ,

p(litcs cornes en tête; il ne peut être vu des gros limaçons sans coquilles. Il en est
que de ceux qui sont ou qui ont été sorciers. qui pensent que ces crapaudines sont des
Le diable baptise ces crapauds au sabbat. (oncrélions minérales que les crapauds re-
Jeannette Abadie et d'autres lemnx'S
, ont , jettent après les avoir avalées, pour nuire à
révèle qu'elles avaient vu de ces crapauds l'homme (i). Mais ce ne sont là encore que
habillés de velours rouge et <]ue!(iues-uns , des contes ridicules.
d- velours noir; ils portaient une sonnette CRA POULET, Voy. Zozo.
au cou et une autre aux jambes de derrière. CRATÉIS, déesse des sorciers el des en-
Au mois de septembre IGIO, un homme se chanteurs, mère de la fameuse Scylla.
promenant dans la campagne, près de Bazas, CRESCENCE, cardinal, légat du Saint-
\il un chien qui se tourmentait devant un Siège au concile de Trente, qui mourut pai-
liou; ayinl fait creuser, il trouva deux siblement en 1532. Jean de Chassanion, hu-
grands pots renversés l'un sur l'autre liés , guenot, n'aimant pas ce prince de l'Eglise ,

ensemble leur ouverture el enveloppés de


<à parce qu'il s'était élevé contre les protes-
loilo le chien ne se calmant pas
; on ouvrit , tants, a écrit que le diable, en forme de chien
les pots, ijui se trouvèrent pleins de son au , noir, était venu le voir à son dernier moment
d dans duquel reposait un gros crapaud velu et l'avait étranglé (3), ce qui n'est pas vrai.
lie lalTelas vert (1). C'était à coup sûr une sor- Mais Voy. Carlostad et Luther.
cière gui l'avait mis là pour quelque malénce. CRESPET
(Pïerue), religieux célesiin ,

Nous rions de ces choses à présent; mais mort en 15%, auteur d'un traité contre la
c'étaient choses sérieuses au seizième siècle, magie intitulé ,Deux livres de la haine de
:

et choses dont l'esprit ne nous est pas bien Satan et des malins esprits contre l'homme, etc.
expliqué. Paris, 1590, in-8°. Cet ouvrage est rare et
l^e peuple est persuadé, dit M. Salgues (2), curieux.
que le crapaud a la faculté de faire évanouir CRIBLE. Parler au crible est un ancien
ceux qu'il regarde fixement , et cette asser- proverbe qui signifi.iit faire danser un lamis
tion est accréditée par un certain abbé Rous- par le moyen de paroles mystérieuses. Théo-
seau, qui a publié, dans le cours du dernier crite nommait les gens qui avaient ce pou-
siècle, quelques observations d'histoire na- voir crible-sorciers ou sorciers du crible.
turelle; il prétend que la vue seule du cra- Je me suis trouvé, dit Bodin (6), il ya vingt
paud provoiiue des spasmes, des convul- ans, dans une maison à Paris , oii un jeune
sions, la mort même. Il rapporte qu'un gros houune fil mouvoir un lamis sans y toucher,
crapaud, qu'il tenait renfermé sous un bocal; par la vertu de certaines paroles françaises,
l'ayant regardé fixement, il se sentit aussitôt et cela devant une société; et la preuve* dit-il,
saisi de palpitations, d angoiises, de mouve- que c'était par le pouvoir de l'esprit malin,
ments contulsifs , et qu'il serait mort infail- cesl qu'en l'absence de ce jeune homme on
liblement si l'on n'éiaitvenuàson secours essaya vainement d'opérer en prononçant les
Klien, Dioscoride, Nicandre, jEiius, Gesner, mêmes paroles. Voy. GosQui50M.4NcrE.
ont encore éciit que l'haleine du crapaud GRlERlIiNS, faniôines des naufragés, que
était (norlelle, et qu'elle infectait les lieux les habitants de l'île de Sein, en Bretagne,
où il respire. On a cité l'exemple de deux croient entendre demander la sépulture, à
amants qui, ayant pris de la sauge sur la- travers ce bruit sourd qui précède les orages.
quelle un crapaud s'était promené, mouru- Les anciens Bretons disaient « Fermons les :

rent aussitôt. Mais ce sont là des contes ,


portes, on entend les criériens; le tourbillon
démentis, comme tant d'autres, par les ex- les suit. »
j)fcrienccs. CRISTALLCMANCIE, divination par le
Sur les bords de l'Orénoque s ms doute ,
moyen du cristal. On lirait des présages des
pour consoler le crapaud de nos mépris ,
miroirs et des vases de cristal, dans lesquels
i!e> indiens lui rendaient les honneurs d'un ledémon faisait, dit-on , sa demeure. Le roi
culte ils gardaient soigneusement les cra-
;
Childeric cherchait l'avenir dans les prismes
pauds sous des vases, pour en obtenir de la d'un petit globe de cristal. Voy. ChieiIï.
pluie ou du beau temps, selon leurs besoins ; Les devins actuels prédisent eticore parle
et ils étaient tellement persuadés qu'il dé- miroir. L'anecdote suivante fera connaître
pendait de ces animaux de l'accorder, qu'on leur méthode. —
Un pauvre laboureu-r des
les fouettait chaque fois que la prière n'était environs de Sézannc, à qui on avait volé sit
pas exaucée (3). cents francs, alla consulter le devin ; c'était
GRAPAUDINE, pierre qui se trouve dans en 1807. Le devin lui fit donner douze francs,
la tête des crapauds les sorcières la recher-
;
de, l'Amérique méridionale, t. I.
(t) DiOanore/rableaude l'inconstance des démons, ele. (tj lliomas Brown, Essai sur les erreurs populaires,
liv. II. (lise. 4, p. 153. t. I, liv. m, cil. xiii, p. 01:2.
(i) [)e< l>ri"irs eldcs pr(;iii);é«, etc., l. I. p. 42,". (3) Des (jrands el redoutables jiigempnts de Dieu, p. 6(>
(oj l'i)i;s, Vo>;iyo à la iiariie oiluiilali' do la icrrc ferme (tj) Démonunuiiie des sorciers, liv. 11, p. \"y\j.
,

115 DlCTIO^^AmE des SCIENCES OCCULTES. 410

lui mil trois mniiclioirs plies sur les yeux ,


perstitîon jusqu'à se réjouir de voir leurs
un blanc, un noir il un bleu, lui dit de re- enfants enlevés par les crocodiles. Mais ces
garder .ilors dans un grand miroir où il fai- animaux étaient en horreur dans le reste de
ti.iil venir le diable el tous ceux qu'il voulait
l'Egypte. I

évoi|uer. —
Que vojez-vous? lui demaudu- Ceux qui les adoraient disaient que, pen-
l-il. —
Ri.'n répondit le paysan.
,
dant les sept jours consacrés aux fêtes de la
Là-dessus le sorcier parla fort et long- naissance d'Apis, ils oubliaient leur férocité
temps il recommanda au bonhomme de
;
naturelle, et ne faisaient aucun mal; mai:>
songer à celui qu'il soupçonnait capable de que le huitième jour, après midi , ils rede-
l'avoir volé , de se représenter les choses et venaient furieux.
les personnes. Le paysan se monta la tète, CROIX. Ce saint nom qui est la terreur
et, à travers les trois mouchoirs qui lui ser- i!c l'enfer, ne devrait pas non plus figurer ici.

raient les yeux , il crut voir passer dans le ALiis la superstition ()ui abuse de tout, ne l'a
miroir un homme
qui avait un sarrau bleu, pas respecté. 11 y a des croix dans toutes les
un chapeau à grands bords et des sabots. Un formules des grimoires ; et aucun sorcier ne
moment après il crut le reconnaître, et il s'(-st jamais vanté de commander au moindre

s'écria qu'il voyait son voleur, dc>uon sans ce signe.


—Eh bien! dit le devin, vous prendrez un Les croix que les sorcières portent au cou
cœur de bœuf, cl soixante clous à laites, que et à leurs chapelets el celles qui se trou-
,

vous planlo.ez en croix dans ledit cœur ; vous vent aux lieux où se fait le sabbat, ne sont
h? ferez bouillir dans un pot neuf, avec uu jamais entières, comme on le voit par celles
crapaud et une feuille d'oseille trois jours : que l'on trouve dans les cimetières iiift^slés
après, le voleur, sil n'est pas mort, viendra de sorciers , el dans les lieux où les sabbats
vous apporter voire argent, ou bien il sera se tiennent. La raison en est , disent les dé-
ensorcelé. monomanes que le diable ne peut appro-
,

Le paysan fit tout ce qui lui était recom- cher d'une croix intacte.
mandé. Mais son argent ne revint pas ; d'où CROIX (Epreuves de la), Voy. Epreuves.
il conclut que sou voleur pouvait bien être CROIX (Madeleine de La), religieuse de
ensorcelé.... Curdoiie, qui mena mauvaise vie au seizième
CRITOMANCIE divination qui se prati-
, siècle, se disant sorcière el se vantant d'avoir
quait par le moyen des viandes et lies gâ- pour l'atuilicr un déjuon. François de Torre-
teaux. On considérait la pâte des gâteaux Rlanca raconte qu'elle avait à volonté des
qu'on offrait en sacrifice et la larine d'orge ,
roses en hiver, du la neige dans le mois
qu'on répandait sur les victinies , pour eu d'août, et qu'elle passait à travers les murs,
tirer des présages. qui s'ouvraient devant elle. Elle fut arrêtée
CROCODILES. Les Egyptiens modernes par l'inquisition ; mais ayant tout confessé,
assurent que jadis les crocodiles étaient des elle fut admise à pénitence (2) ; car les inqui-
animaux doux ; el ils racontent de la ma- siteurs d'oui jamais eu la férocilé que leur
nière suivante l'origine de leur férocité. Hu- prêtent certains livres.
nieth, gouverneur d'Egypte sous Gisar Al- CROMERUACH , idole principale des Ir-
Wutacil, calife de B.gdad, ayant fait mellre landais, avant l'arrivée de suint Patrice eu
eu pièces la statue de plomb d'un grand leur pays. L'a{)proche du saint la fit tomber,
crocodile (figure lalismanique) que l'on avait (lisent les légendes tandis que les divinités
,

trouvée en creusant les fondements d'un inférieures s'enfoncèrent dans la terre jus-
ancien temple de païens, à l'heure même du )|u'au menton. Suivant certains récils , en
celle exécution les crocodiles sortirent du mémoire de ce prodige, ou voit encore leurs
Nil, el ne cessèrent, depuis ce temps, de nuire lêles à fleur de terre dans une plaine, qui no
par leur voracité (1). Voy. Talismans. se trouve plus.
Pline et Plularque témoignent que les CROMNIOM.VNCIE, divination par les oi-
Egyptiens connaissent, par l'endroit où les gnons. Ceux qui la pratiquaient uiettaicnt,
crocodiles pondent leurs œufs jusqu'où ira ,
la veille de Noël, des oignons sur un autel.
le débordeu)eiit du Nil. Mais il serait difficile, Us écrivaient sur les oignons le nom des per-
dit Thomas Brown, de comprendre comment sonnes dont on voulait avoir nouvelle. L'oi-
ces animaux ont pu deviner un elTet qui gnon qui germait le |)lus vite annonçait que
dans ses circonstances , dépend de causes la personne dont il portail le nom jouissait
extrêmemenl éloignées c'est-à-dire de la , d'une bonne santé.
mesure des pluies i*ans l'Elhiopie. Cette divination est encore en usage dans
Les habitants de Thèbes el du lac Mœris plusieurs cantons de l'Allemagne, parmi les
rendaient un culte particulier aux croco- jeunes filles, qui cherchent à savoir ainsi qui
diles. Ils leur mettaient aux oreilles des ellesauront pour époux (3).
pierres précieuses et des ornements d'or, et CROQUE -MITAINE, espèce d'ogre dont on
les nourrissaient de viandes consaciées. épouvante à Paris les petits enfants indociles.
Après h'ur morl ils les embaumaient et les
, Aujourd'hui que ses dents sont tombées, il
dé|)osaient en des urnes que l'on portait dans se contente de le-, mettre au cachot el de leur
Je laltyrintlK; qui servait de sépulture aux donner le fouet, malgré les lumières du siècle.
rois. Les Ombiies poussaient méuie la su- Voy. Babau.
'.I)l.eiover, Ilist. et ilibc. des siiec.lres, cLc, liv. IV, et li6.
th. XX!, [).'il7. (5) Uolaucre, Iiicrédiilité et mécrijaiicc, etc., traite v*
(i) f'ruiiçnis de Tunc-Iil.una, I^iit. dolicl., elc, [i. lio 11. ibl.
tI7 ClIR CYR 418

CRUSEMBOURG Guy de ( ) ,
alchimiste. encore sur le sol africain non plus comme ,

Voy. PlEHRE PHILOSOPHALE. valet mais avec la qualité de commandant


,

CUBOMANGIE divinalion par le moyen


, en chef, et qu'il y mourrait. Cette prédiction
des dés. Auguste et Tibère avaient grande s'accomplit entièrement; Curtius fut ques-
confiance en celle manière de consulter le teur, puis préleur; il eut les privilèges du
sorl. Les Grecs s'en servaient aussi. C'est à conulat , et fut envoyé comme gouverneur
peu près la même chose que l'astragalo- en Afrique mais en débarquant il se sentit
:

mancie. Voy. ce mot. frappé d'une maladie dont il mourut (l).ll est
CUIVRE. Thcocrile assure que le cuivre très-probable que ce conte a été fait après
pur a naturellemi'nt la vertu de chasser les coup. Pour un autre Curtius, Voy. Dévoue-
spectres et fantômes c'est pourquoi les La- ; ment.
codémoniens frappaient sur un chaudron CYLINDRES, sortes d'amulettes irculaires (

toutes les fois qu'un de leurs rois venait à que les Perses et les Egyptiens portaient au
mourir. cou, et qui étaient ornées de figures et d'hié-
CULTE. Les démons recevaient un culte roglyphes.
par tout l'univers avant le christianisme.
, CYMBALE c'est le nom que les sorciers
,

Jupiter et les autres dieux n'étaient vérila- donnent au chaudron dans lequel ils man-
hlement que des démons mais lediablea reçu ; gent leur soupe au lard parmi les fêtes du
un culte plus spécial de gens qui savaient sabbat.
bien qu'ils s'adressaient à lui et non à un CYNANTHROPIE, espèce de frénésie dont
(lieu. Ainsi, les sorciers au sabbat adorent le ceux qui en sont attaqués se persuadent
diable par son nom. Le culte qu'ils lui ren- changés en chiens. C'est , comme
qu'ils sont
dent consiste principalement à lui baiser le labousanlhropie une nuance de l'état de
,

derrière, à genoux, ayec une chandelle noire loup-garou. Voy. Lycanthropie.


à la main. CYNOBALANES , nation imaginaire , que
Certains peuples de l'Afrique ne rendent Lucien représente avec des museaux de
aucun culte à Dieu qu'ils croient bon
,
et , chien montés sur des glands ailés.
, et
font des sacrifices au diable pour la raison CYNOCÉPHALE singe que les Egyptiens
.

contraire. nourrissaient dans leurs temples pour con-


CUNÉGONDE femmo de Henri H empe-
, , naître le temps de la conjonction du soleil et
reur d'Allemagne. Elle fut accusée d'adultère de la lune. On était persuadé que, dans cette
par des calomniateurs, et se purgea de l'ac- circonstance, l'animal devenu aveugle, re- ,

cusation en marchant pieds nus, sans acci- fusait toute nourriture. Son image placée ,

dent , sur des socs de charrue rougis au feu. sur les clepsy<lres était purement hiérogly-
,

Voy. Epreuves. phique. On prétendait qu'à chaque heure du


CUPAL Voy. CuPâi. jour le cynocéphale criait très-exactement.

CuRDEs. Voy. Kurdes. CYPRIEN. Avant de se convertir au chri-
CUREAU DE LA CHAMBRE , habile mé- stianisme, saint Cyprien s'occupait de magie.
decin, mort en 1GG9. On a de lui un discours On voit, dans la Légende dorée, qu'il évo-
sur les principes de la chiromancie et de la quait les démons, et que ce furent les épreu-
méloposcopie. Paris, li'33, in-8".0n l'a aussi ves qu'il fit de leur impuissance contre le
imprimé sous le litre de l'Art de connaître simple signe de la croix qui l'amenèrent à la
leshommes. foi.
CURMA. Du temps de saint Augustin un , CYRANO DE BERGERAC, écrivain remar-
paysan environs d'Hippone
des nommé , quable du dix-septième siècle. On trouve ,
Gurma , mourut un malin et demeura deux dans sesOEuvres, deux lettres sur les sorciers.
du trois jours sans sentiment. Comme on al- Nous n'avons pas besoin d'indiquer ses his-
il rouvrit les yeux et demanda
lait l'enterrer, toires des empires du soleil et delà lune. 11 a
ce qui se passait chez un autre paysan du fait aussi un voyage aux enfers c'est une ;

voisinage qui , comme lui , se nommait petite plaisanterie :

Curma : on lui répondit que ce dernier venait « me suis trouvé cette nuit aux enfers,
Je
de mourir à l'instant où lui-môme était res- dit-il mais ces enfers-là m'ont paru bien dif-
;

suscité. —
Cela ne me surprend pas, dit-il ; on férents des nôtres. J'y vis les gens fort socia-
s'étaittrompé sur les noms; on vient de me bles ; c'est pourquoi je me mêlai à leur com-
dire que ce n'était pas Gurma le jardinier , pagnie. Ou était occupé alors à changer de
mais Curma le maréchal, qui devait mourir. maison tous les morts qui s'étaient plaints
— 11 raconta en même temps qu'il avait d'être mal assuciés; l'un d'eux , remarquant
entrevu les enfers et il mena depuis meil-
; que j'étais étranger me prit par la main et ,

leure vie. me conduisit à la salle des jugements. Nous


CURSON. Voy. Pursax. nous plaçâmes tout proche de la chaire du
CURTIUS fils d'un gladiateur romain. On
, juge poiir bien entendre les querelles de
,

dit qu'un spectre lui annonça ainsi sa mort : toutes les parties.
Il avait accompagné en Afrique un lieutenant « D'abord j'aperçus Pythagore qui , Irès-
du gouverneur de ce pays conquis. H vit un ennuyé d'une compagnie de comédiejis re- ,

jour, dans une galerie, le spectre d'une présentait que leurs caquets continuels le
fe:nnie de haute stature , qui lui dit qu'elle détournaient de ses hautes spéculations. Le
était l'Afrique, et qu'elle venait lui annoncer juge lui dit que, l'estimanl homme de grande
le bonheur. Elle L'assura <\a"\\aurait de
(1) Leloyer, Histoire dos sproircs ou apparitions Ji'S
f-rands honneurs à Rome: qu'il reviindrait «Sjiils. Ilv. 111, di. XVI, p. '2(j&.
ito DlCTlONNAlltE DES SCIENCES OCCULTK.S. ITC

mémoire puisque après quinzo cents ans il


,
pieds, au milieu d'un désert ou je ne rencon-
s'était souvenu d'avoir été au siéjîe dcTroie, trai aucun sentier. Cependant je résolus de
lin l'avait îïppareillé avec des personnages pénélrer et do reconnaître les lieux. Mais
qui n'en sont pas dépourvus. On entendit j'avais beau pousser contre l'air, mes efforts
lontifois ses raisons et on le fil inarciicr
, ne nie faisaient trouver partout que l'iuipos-
«nilieurs. sibililé de passer outre.
« Arislote, Pline, jElian, et beaucoup d'au- « A la fin , harassé, je tombai sur mes
fort
tres naliiraiisles. furent mis avec les Maures, genoux ; et ce qui m'élonna , ce fut d'avoir
parce qu'ils ont connu les bêtes ; le médi'cin passé en un moment de midi à minuit. Je
IJioscoride , avec les Lorrains , parce qu'il voyais les étoiles luire au ciel avec un feu
connaissait parfaitement les simples. Esope bleuettant ; la lune était en son plein , mais
et Apulée ne firent qu'un ménage à cause , beaucoup plus pâle qu'à l'onlinaire ; clic
de la conformité de leurs prodiges car E-ope ; s'éclipsa trois fois , et trois fois dépassa son
d'un âne a fait un liumnie en le faisant par- cercle. Les vents étaient paralysés les fon- ,

ler, et Apulée d'un homme a fait un âne en taines étaient muettes; tous les aninianx
le faisant braire. n'avaient de mouvement que ce qu'il leur en
* Caliguia voulut élre mis dans un appar- faut pour trembler; l'horreur d'un silence
tement plus magiiiliiiue (]ue celui de Darius, effroyable régnait partout et partout la na- ,

conune ayant couru des aventures plus glo- ture semblait attendre quelqu.- grande aven-
rieuses car dit-il moi , Caligtila j'ai l'ait
; , , . ture.
mon cheval consul, et Darius a clé fait empe- « Je mêlais ma frayeur à celle dont la face
reur par le sien. Dédale eut pour confrères de l'horizon paraissait agitée, lorsqu'au clair
les sergents , les huissiers , les procureurs , de la lune , je vis sortir d'une caverne un
personnes qui comme lui volaient pour se grand et vénérable vieillard , vêtu de blanc ,
sauver. Thésée suivit quelques tisserands , le visage basané, les sourcils touffus et rele-
se promettant de leur apprendre à conduire vés, l'œil effrayant, la barbe renversée par-
le fil. Néron choisit Erostrate, ce fameux dessus les épaules. Il avait sur la tête un
insensé qui brûla le temple de Diane, aimant chapeau de verveine et sur le dos une cein-
,

comme lui à se chaufTer de gros bois. Achille ture de fougère de mai Iressée. A l'endroit du
prit la main d'Eurydice :— Àlarchons, lui dit- cœur était attachée sur sa robe une chauve-
il, marchons ;ausst bien ne saurait-on mieux, souris à domi-morle et autour du cou un
,

nous assortir, puisque nous avons tous deux carcan chargé de sept différentes pierres
l'âme au talon. précieuses , dont chacune portait le cara-
« il ne fut jamais possible de séparer les ctère de la planète qui la dominait.
Furies des épiciers tant elles avaient peur
, « Ainsi mystérieusement habillé , portant
de manquerde flambeaux. Les tireurs d'armes à la main gauche un vase triangulaire plein
furent logés avec les cordonniers „ d'autant de rosée, et à la droite une baguette de sureau
que la perfection du métier consiste à bien en sève dont l'un des bouts était ferré d'un
,

faire une butte; les bourreaux , avec les mé- mélange de tous les métaux, il baisa le pied
decins , parce qu'ils sont payés pour tuer; de sa grotte, se déchaussa, prononça en grom-
Echo , avec nos auteurs modernes , qui ne melant quelques paroles obscures , et s'ap-
disent, comme elle, que ce que Us aulrcs procha à reculons d'un gros chêne, à quatre
ont dit Orphée, avec les chanteurs du Pont-
; pas duquel il creusa trois cercles l'un dans
Neuf, parce qu'ils avaient su attirer les bêtes. l'autre. La nature obéissant aux ordres du
,

« On en mit quelques-uns à part entre , nécromancien, prenait elle-même en frémis-


lesquels fut Alidas, le seul homme qui se soit sant les figures qu'il voulait y tracer. Il y
plaint d'avoir été trop riche; Phocion qui , grava les noms des esprits qui présidaient au
donna de l'argent pour mourir et Pygma- ; siècle à l'année à la saison , au mois , au
, ,

lion , pareillement , n'eut point de co^ipa- jour et à l'heure. Ceci fait , il posa son vase
gnnii à cause qu'il n'y a jamais eu que lui
, au milieu des cercles , le découvrit mit un ,

qui ait épousé une femme muette.... » bout de sa baguette entre ses dents se ,

Dans les lettres de Bergerac sur les Sor- coucha la face tournée vers l'orient et ,

ciers, on trouve ce curieux morceau : s'endormit.


« Vers le milieu de son sommeil , je vis
Un grand sorcier.
tomber dans le vase cinq grains de fougère.
m'est arrivé une aventure si étrange ,
« Il 11 les prit quand il fut éveillé en mit deux ,

que veux vous la raconter. Vous saurez


je dans ses oreilles un dans sa bouche
, ; il re-
qu'hier, faligué de l'attention que j'avais plongea l'autre dans l'eau , et jeta le cin-
mise à lire un livre de prodiges, je sortis à la quième hors des cercles. A peine fut-il parti
promenade , pour dissiper les ridicules ima- de sa main , que je le vis environné de plus
ginations dont j'avais l'esprit rempli. Je d'un million d'animaux de mauvais augure.
m'enfonçai dans un petit bois obscur , où je Il toucha de sa baguette un chat-huant un ,

marchai environ un quart d'heure. J'aperçus renard et une taupe qui entrèrent dans les
,

alors un manche à balai , qui vint se mettre cercles en jetant un cri formidable. 11 leur
entre mes jambes, et sur lequel je me trouvai fendit l'estomac avec un couteau d'airain ,

à califourchon. Aussitôt je me sentis volant leur ôta le cœur , qu'il enveloppa dans trois
par le vague des airs. feuilles de laurier et qu'il avala il fit ensuite ;

« Je ne sais quelle roule je fis sur celle de longues fumigations. 11 trempa un gant de
monture: mais ic me trouvai arrêté sur ims parchemin vierge dans un bassin plein de
,

494 DAB DAB 4?î

ri)s<''e df sann; , mit ce panl à sa


et main forces. Si tu as considéré trois fioles que m'a
(Ifoile et après quatre ou cinq htirlcmonls
, présentées le roi des Salamandres la pre- ,

horribles, il ferma les yeux et commença les mière en est [)leine , la seconde contient de
évoealions. la poudre de projection , et la troisième de
« 11 ne remuait presque pas les lèvres ; l'huile de talc. —
Au reste , tu m'es obligé ,
jVnteiuiis néanmoins dans sa gorge un bruit puisque, entre tous les mortels, je l'ai choisi
semblable à celui «le plusieurs voix entremê- pour assister à des mystères que je ne célè-
lées. Il fut enlevé de terre à la hauteur d'un bre qu'une fois en vingt ans. —
C'est par
demi-pied, et de fois à autre il atlachait mes charmes que sont envoyées quand il ,

allenlivement la vue sur l'ong'.c de l'index me i)laît , les stérilités et les abondances, .le
de sa main gauche; il avait le visage en- suscite les guerres en les allumant entre les
flammé et se tourmentait fort. génies qui gouvernent les rois. J'enseigne
« Après plusieurs contorsions effroyables, aux bergers la patenôtre du loup. J'apprends
il tomba en gémissant sur ses genoux; mais aux devins la façon de tourner le sas. Je fais
aussitôt qu'il eut articulé trois paroles d'une courir les feux follets. J'excite les fées A
certaine oraison , devenu plus fort qu'un danser au clair de la lune. Je pousse les
homme, il soutint sans vaciller les violentes joueurs à chercher le trèfle à quatre feuilles
secousses d'un vent épouvantable qui souf- sous les gibets. J'envoie à minuit les esj)rits
flait contre lui. Ce vent semblait lâcher de le hors du cimetière, demander à leurs héri-
faire sortir des trois cercles. Les trois ronds tiers l'accomplissement des vœux qu'ils o:it
tournèrent ensuite autour de lui. Ce prodige faits à la mort. Je fais brûler aux voleurs
fut suivi d'une grêle rouge comme du sang, des chandelles de graisse de pendu, pour en-
et cette grêle fit place à un torrent de feu , dormir leurs hôtes pendant qu'ils exécutent
accompagné de coups de tonnerre. — Une lu- leur vol.Je donne la pistole volante, qui vient
mière éclatante dissipa enfin ces tristes mé- ressauter dans la pochette quand on l'a em-
téores. Tout au milieu parut un jeune hom- ployée. Je fais présent aux laquais de ces
me , la jambe droite sur un aigle, la gauche bagues qui font aller et revenir d'Orléans à
sur un lynx , qui donna au magicien trois Paris en un jour. Je fais tout renverser dans
fioles de je ne sais quelle liqueur. Le magi- une maison par les esprits follets , qui cul-
cien lui présenta trois cheveux, l'un pris au butent les bouteilles , les verres les pl;its ,

devant de sa tête, les deux autres aux tem- quoique rien ne se casse et qu'on ne voie
pes; il fut frappé sur l'épauled'un petit bâton personne. Je montre aux vieilles à guérir la
que tenait le fantôme; et puis tout disparut. fièvre avec des paroles. Je réveille les villa-
a Alors le jour revint. J'allais me remettre geois la veille de la Saint-Jean, pour cueillir
en chemin pour regagner mon village; mais son herbe à jeun et sans parier. J'enseigne
le sorcier, m'ayant envisagé, s'approcha du aux sorciers à devenir loups-garous. Je tords
lieu où j'étais. Quoiqu'il parût clieminer à le cou à ceux qui , lisant dans un grimoire,
pas lents, il fut plus tôt à moi que je ne l'a- sans le savoir, me font venir et ne me don-
perçus bouger. 11 étendit sur ma main une nent rien. Je m'en retourne paisiblement
main si froide , que la mienne en demeura d'avec ceux qui me donnent une savate, un
longtemps engourdie. Il n'ouvrit ni les yeux, cheveu ou une paille. J'enseigne aux nécro-
ni la bouche; et dans ''.e profond silence il manciens à se défaire de leurs ennemis , en
me conduisit à travers des masures, sous les moulant une image de cire, et la piquant ou
ruines d'un vieux château inhabité , ou les la jetant au feu, pour faire sentir à l'original
siècles travaillaient depuis mille ans à mettre ce qu'ils font souffrir à la copie. Je montre
les chambres dans les caves. Aussitôt que aux bergers à nouer l'aiguillette. Je fais sen-
nous fûmes entrés: tir les coups aux sorciers, pourvu qu'on les
— « Vante-loi , me dit-il en se tournant balte avec un bâton de sureau. Enfin je ,

vers moi , d'avoir contemplé face à face le suis le diable Vauvert, le Juif errant, et le
sorcier Agrippa, dont l'âme est par métemp- grand veneur de la forêt de Fontaine-
sycose celle qui animait autrefois le savant bleau.... »
Zoroaslre , prince des Bactriens. —
Depuis « Après ces paroles, le magicien disparut,
près d'un siècle que je disparus d'entre les les couleurs des objets s'éloignèrent... ; je
hommes , je me conserve ici , par le moyen me trouvai sur mon lit, encore tremblant de
ie l'or potable , dans une sanlé qu'aucune peur. Je m'aperçus que toute celte longue
maladie n'a interrompue. De vingt ans en vision n'élail qu'un rêve: que je m'étais en-
vingt ans , je prends une prise de cette mé- dormi en lisant mon livre de noirs prodiges,
decine universelle , qui me rajeunit et qui et qu'un songe m'avait fait voir tout ce qu'on
reittitue ù mon corps ce qu'il a perdu de ses vient de lire. »

D
DABMDA. Les naturels de Panama ont il tonne on qu'il fait des éc'airs,c'estDabaïda
une idole de ce nom, qui était née de race qui e!!t fâchée ; alors on brûle des esclaves
mortelle, et qu'on déifia après sa mort. Quand en son honneur.
423 niCTION.NAIRK DKS SClENCKS OCCULTES m
DACTYLOMANCIE, divination qui se pra- que s'clanl rendus maîtres de
les Philistins
tiquait au moyen do bagues ou anneaux fon- l'arche du Seigneur, et l'ayant placée dans
dus sous l'aspect de certaines constellations, leur temple d'Azot, à côté de l'idole de Da-
et auxquels étaient attachés des charmes et gon, on trouva le lendemain cette idole mu-
des caractères magiques (V'oy. Alectrtoman- tilée, et sa tète avec ses deux mains sur le
cie). C'est, dit-on, avec un de ces anneaux seuil de la porte. « C'est pour cela, dit l'au-
que Gygès se rcndiiit. invisible, en tournant teur sacré, que les sacrificateurs de Dagon
le rhalun dans sa main. et tous ceux qui entrent dans son temple ne
Clément d'Alexandrie parle de deux an- marchent point sur le seuil de la porte. »
neaux que possédaient les tyrans de la Plio- DAHUT, Vqj. Is.
ciile, et qui les avertissaient par un son du DAMNETUS, ou DAMACHUS, loup-girou
temps propre à certaines affaires; ce qui ne de ranti(]uité. Ou conte (ju'ayaut mangé le
les empêcha pas de tomber dans les grilTesdu ventre d'un petit enfant sacrifié à Jupiter Ly-
démon, lequel leur tendait un piège par ses cien en Arcadie, il lut cliaiigé en loup. Ma's
artifices (Ij. Voy. Anneaux. il reprit sa première forme au bout de dix
DADJAL,nomde l'Anlechrist chez lesChal- ans. Il rcipporta même depuis le prix de la
déens; il signifie dans leur langue le men- lutte aux jeux olympiques (3).
teur et l'imposteur par exiellence. DANIEL, l'un des quatre grands prophè-
UAtiOBEKT 1". roi de France, mort en tes. On lui attribue un traité apocryphe de
638, à l'âge de trente-sept ans. Une vieille lé- l'Art des suntjcs. Les Orientaux le regardent
gende élablit qu'après (ju'il fut mort un bon aussi coiiiiiic l'inventeur de la géomancie.
ermite , nommé Jean, qui s'élait retiré dans DAMS, sorcier du dernier siècle. Le ven-
une petite lie voisine des côtes de la Sicile, dredi, 1" mai 1T05, à cinq heures du soir,
vit en songe, sur la mer, l'âme du roi Dago- Denis Milanges de la itichardière , fils d'un
bert enchaînée dans une barque, et des diables avocat au parlement de Paris, fut attaqué,
qui la maltraitaient en la conduisant vers la à dix-huit ans, de léthargies et de démejici»
Sicile, où ils devaient la précipiter dans les si singulières, que les médecins ne surent
gouffres de l'Etna. On croyait autrefois que qu'en dire. On lui donna de l'émélique ,
le cralère de ce volcan était une des entrées et ses paren s l'emmenèrent à leur maison
de l'enfer; et il n'est pas encore vérifié que de Noisy-le-Grand, où son mal devint plus
ce soit une erreur. L'âme appelait à son se- fort; si bien qu'on déclara qu'il était ensor-
cours saint Denis, saint Maurice et saint Mar- celé.
tin , que le roi, en son vivant, avait fort ho- On lui demanda s'il n'avait pas en de dé-
norés. Les trois saints descendirent, revêtus mêlés avec quelque berger; il coula (|ue lo
d'habits lumineux, assis sur un nuage bril- 18 avril précèdent, comme il traversait à
lant. Ils se jetèrent sur les malins esprits , cheval le village de Noisy, son chi'val s'était
leur enlevèrent la pauvre âme , et l'empor- arrêté court dans la rue de Feret, vis-à-vis
tèrent au ciel (2). la l'hapelle, sans qu'il pût le faire avancer ;
Uti monument curieux, le tombeau de Da- qu'il avait vu sur ces entrefaites un berger
gobert, sculpté vers le temps de saint Louis, qu'il ne connaissait pas, lequel lui avait
retrace ces circonstances merveilleuses. La dit: —
Monsieur, retournez chez vous, car
principale façade est divisée en trois bandes. votre cheval n'avancera point.
Dans
la première on voit quatre diai)les Cet homme ([ui lui avait paru âgé d'une
,

(deux ont des oreilles d'âne) qui emmènent cinquantaine d'années, était de haute taille,
l'âme du roi dans une barque; la seconde de mauvaise physionomie, ayant la barbe et
représente saint Denis, saint Maurice et saint les cheveux noirs, la houletle à la main et ,

Martin, accompagnés de deux anges, avec deux chiens noirs à courtes oreilles auprès
le bénitier et le goupillon; ils chassent les de lui.
démons. Sur la troisième bande, on voit Le jeune Milanges se moqua du propos du
l'âu/e qui s'enlève ; et une main généreuse b; rger. Cependant il ne put faire avancer
sort d'un nuage pour l'accueillir. son cheval et il fut obligé de le ramener
Les farceurs ont glosé sur celle poésie du par la bride à la maison, où il tomba ma-
moyen âge sur cette légende, et sur le mo-
, lade. Etait-ce l'effet de l'impatience et de la
nument, qui est toujours dans l'église de colère? ou le sorcier lui avait-il jeté un sort?
Saint-Denis. Mais quel mal y a-t-il donc M. de la Richardière le père fit mille choses
dans ces récits, que l'Eglise n'a jamais im- en vain pour la guérison de son fils. Comme
posés, et qui sont toutefois des fleurs? Ce un jour ce jeune homme rentrait seul dans
qu'il y a de mal, c'est que ces fleurs tom- sa chambre, il y trouva son vieux berger,
bent quelquefois devant des pourceaux. assis dans un fauteuil, avec sa houlette et
DAGON, démon de second ordre, boulan- ses deux chiens noirs. Cette vision l'épou-
ger et grand panetier de la cour infernaîe. vanta ; ilappela du monde; mais personne
Les Philistins l'adoraient sous la forme d'un que lui ne voyait le sorcier. Il soutint tou-
monstre réunissant le buste de l'homme à la tefois qu'il le voyait très-bien;il ajouta mê-
queue de poisson. Ils lui attribuaient l'in- me que ce berger s'appelait Danis, quoiqu'il
vention de l'agriculture, qu'on a attribuée à ignorât qui pouvait lui avoir révélé son nom.
tant d'autres. Il continua de le voir tout seul. Sur les six
On voit, dans le premier livre des Rois ,
(2) Ticsla D:ignl).'rli ri'gis. Pic.
M) Oi'l.iiicrp, Iiinfiliiliiu pl,Mrcié;inrcs tlu sorljlége (ô| L)el:in(TP, tulik^aii du l'incuDsiance des démons, etc.,
[ Itfineiia'iit couvaiiici;oj, lijilé 5, p. 2til.
liï. l\ , dis'. 5, 11. i(j'.
,

125 DW DAN ii'i

heures du soir , il lomba à terre en disant gazon au clair de la lune. Voy. Fées.
que le berger était sur lui et lécrasait; el, en DANSE DES GEANTS. — Merlin voulant ,

présence de tous les assistants qui ne ,


faire une galanterie de courtisan , fit venir,
voyaient rien, il tira de sa poihe un couteau dit-on, d'Irlande en Angleterre, des rochers
pointu, dont il donna cinq ou six coups dans qui prirent des figures de géants , et s'en al-
le visage du malheureux par qui il se croyait lèrent, en dansant, former un trophée pour
assailli (1). le roi Ambrosius. C'est ce qu'on appelle la
Enfin, au bout de huit semaines de souf- danse des géants. Des écrivains soutenaient,
frances, il alla àSaint-Maur, avec confiance il n'y a pas longtemps, que ces rochers dan-

qu'il guérirait ce jour-là. Il se trouva mal saient encore à l'avéncment des rois d'An-
trois fois; mais, après la messe, il lui sembla gleterre.
qu'il voyait saint Maur debout, en habit de DANSE DES MORTS. -L'origine des dan-
bénédictin, et le berger à sa gauche, le vi- ses des morts , dont on
de tant de fit le sujet
sage ensanglanté de cinq coups de couleau , peintures , date du moyen âge ; elles ont été
sa houletti^ à la main et ses deux chiens à longtemps en vogue. D'abord on voyait fré-
ses côtés. Il s'écria qu'il était guéri, et il le quemment ,
pendant le temps du carnaval
fut en effet dès ce moment. des masques qui représentaient la mort ; ils
Quelques jours après, chassant dans les avaient le privilège de danser avec tous ceux
environs de Noisy, il vit effectivement son qu'ils rencontraient en les prenant par la
berger dans une vigne. Cet aspect lui fit hor- main et l'effroi des personnes qu'ils for-
,

reur; il donna au sorcier un coup de crosse çaient de danser avec eux amusait le public.
de fusil sur la lêle : —
Ahl monsieur, vous Bientôt ces masques eurent l'idée d'aller
me tuezl s'écria le berger en fuyant; mais le dans les cimetières exécuter leur danse en
lendemain il vint trouver M. de l'a Uichar- l'honneur des trépassés. Ces danses devin-
dière, se jeta à ses genoux, lui avoua qu'il rent ainsi un effrayant exercice de dévotion;
s'appelait Danis, qu'il était sorcier depuis elles étaient accompagnées de sentences lu-
vingt ans, qu'il lui avait en effet donnéle sort gubres, et l'on ne sait pourquoi alors elles
dont ilavailéléaffligé.quece sort devait durer prirent le nom de danses macabres. On fil des
un an; qu'il n'en avait été guéri au bout de images de ces danses qui furent révérées par
huit semaines qu'à la faveur des neuvaines le peuple.
qu'on avait faites; que le maléfice était re- Les danses macabres se multiplièrent à
tombé sur lui Danis, et qu'il se recomman- l'infini au quinzième et au seizième siècle:
,

dait à sa miséricorde. Puis, comme les ar- les artistes les plus habiles furent employés
chers le poursuivaient , le berger tua ses à les peindre dans les vestibules des cou-
chiens, jeta sa houlette, changea d'habits, se vents et sur les murs des cimetières.
réfugia à Turcy, fit pénitence et mourut au La danse des morts de Bâle fut d'abord
bout de quelques jours... exécutée dans cette ville en 1435 par l'ordre
Le père Lebrun , qui rapporte (2) longue- du concile qui y était rassemblé. Ce qui l'a
ment celte aventure, pense qu'il peut bien y rendue célèbre , c'esl qu'elle fut ensuite re-
avoir là sortilège. Il se peut aussi plus , faite par Holbein.
vraisemblablement, qu'il n'y eût qu'hallu- « L'idée de cette danse est juste et vraie ,
cination. disait, il y a quelque temps , M. Saint-
DANSE DES ESPRITS.— Olaiis Magnus, au Marc-Girardin. Ce monde-ci est un grand
troisième livre de son Histoire des peuples bal où la mort donne le branle. Ou danse
septentrionaux, écrit qu'un voyait encore de plus ou moins de contredanses avec plus ,

son temps en beaucoup de ces pays-là , des


, ou moins de joie ; mais celte danse enfin ,
esprits el fantômes dansant et sautant, c'est toujours la mort qui la mène et ces :

principalement de nuit, au son de toutes sor- danseurs de tous rangs et de tous étals ,

tes d'instruments de musique. Cette danse que sont-ils 7 Des mourants à plus ou moins
est appelée par les gens du pays choreu
, : long terme.
«/«arum (danse des elfes). Saxon-le-Grammai- «Je connais deux danses des morts, pour-
rien fait mention de ces danses fantastiques suit le même écrivain l'une à Dresde dans : ,

dans son Histoire de Danemarck. Pompo- le cimetière au delà de l'Elbe; l'autre en


nius Mêla, dans sa description de l'Ethiopie, Auvergne dans l'admirable église de la
,

dit qu'on a vu quelquefois , au delà du mont Chaise-Dieu. Cette dernière est une fresque
Atlas , des flambeaux el entendu des flûtes
, que l'humidité ronge chaque jour. Dans ces
et clotheltes , el , que le jour venu , on n'y deux danses des morts la mort est eu tête ,

trouvait plus rien (3). On ajoutait que les d'un chœur d'hommes d'âges et d'états di-
fanlômes faisaient danser ceux qu'ils ren- vers il y a le roi et le mendiant, le vieillard
:

conlraienl sur leur chemin, lesquels ne man- et le jeune homme, el la mort les entrainn
quaient pas de se tenir pour avertis qu'ils tous après elle. Ces deux danses des morts
inuurraieni bientôt. Ou ne rencontre plus expriment l'idée populaire de la manière la
guère de ces choses-là. Voy. Follets Cou- , plus simple. Le génie d'Holbein a fécondé
RiLs, WiLis.elc. cette idée dans sa fameuse Danse des Morts
DANSE DES FÉES.— Ou prétendait, chez (lu cloitre des Dominicains à Bâle, c'était :

nos pères que les fées liabilaient les forets


, un(! fresque, el elle a péri comme périssent
désertes , et qu'elles venaient danser sur le peu à peu les fresques. Il eu rcsle au Musée
(1) Voycï HnllHcinalioiis. p. 281.
(2) Hisioiif (les iiialiques supprslilieuses, tom. I (3) Tjillepled, Psychologie, p. 175.
,

DlCTlONK. DBS SCIENCES OCCULTKS. 1. 14


427 DICTIONNAIHE DES SCIENCES OCCULTES. 428
<](>Râle quelques débris et des miniatures letlc et broie les couleurs; dans le jardin,
coloriées. La dnnse d'Holbein n'est pas ,
où, vêtue en jardinier, l'arrosoir à la main,
comme celles de Dresde et de la Chaise- elle mène le maître voir si ses tulipes sont
Dieu , une chaîne continue de danseurs me- écloses dans la boutique, où, en garçon
;

nés par la Mort ; chaque danseur a sa mort marchand, assise sur des ballots d'étoffe, elle
costumée d'une façon difTérente , selon l'état a l'air engageant et appelle les pratiques;
du mourant. De celte manière, la danse dans le corps-de garde, où, le tambour en
d'Holbein est une suite d'épisodes réunis main, elle bat le rappel; dans le carrefour,
dans le même cadre. Il y a quarante et une où, en faiseur de tours, elle rassemble les
scènes dans le drame d'Holbein , et , dans badauds; au barreau, où, vêtue en avocat,
les quarante et une scènes , une variété in- elle prend des conclusions le seul avocat
:

finie. Dans aucun de ces tableaux vous ne (dit la légende en mauvais vers allemands
trouverez la même pose, la même attitude, la placés au bas de chaque tableau) qui aille
même expression Holbein a compris que
: vite et qui gagne toutes ses causes; dans
les hommes ne se ressemblent pas plus dans l'antichambre du ministre, où, en solliciteur,
leur mort que dans leur vie, et que, comme l'air humble et le dos courbé, elle présente
nous vivons tous à notre manière , nous une pétition qui sera écoutée; dans le com-
avons tous aussi noire manière de mourir. bat, enfin, où elle court en lête des batail-
Holbein costume le laiil et vilain sque-
« lons ; et, pour se faire suivre, elle s'est noué
lette sous lequel nous nous figurons la mort, le drapeau autour du cou... »
et il le costume de la façon du monde la DANSE DU SABBAT. Pierre Delancre as-
plus bouffonne , exprimant , par les attri- sure que les danses du sabbat rendent les
buts qu'il lui donne , le caraclère et les ha- hommes furieux et font avorter les femmes.
bitudes du personnage qu'il veut représen- Le diable, dit-on, apprenait différentes sor-
ter. Chacun de ces tableaux est un chef- tes de danses aux sorciers de Genève. Ces
d'œuvre d'invention. —
Il est incroyable danses étaient fort rudes, puisqu'il se servait
avec quel art il donne l'expression de la de verges et de bâtons, comme ceux qui font
vie et du sentiment à ces squelettes hideux, danser les animaux. Il y avait dans ce pays
à ces figures décharnées. Toutes ses morts une jeune femme à qui le diable avait donné
vivent, pensent , respirent; toutes ont le une baguette de fer qui avait la vertu de
5 este la physionomie, j'allais presque dire
,
faire danser les personnes qu'elle touchait.
es regards et les couleurs de la vie. Elle se moquait des juges durant son procès,
« Holbein avait ajouté à l'idée populaire et leur protestait qu'ils ne pourraient la
de la Danse des Morts : le peintre inconnu faire mourir; mais elle déchanta (1).
du pont de Lucerne a ajouté aussi à la Danse Les démons (2) dansent avec les sorcières,
d'Holbein. Ce ne sont pas des peintures de en forme de bouc ou de tout autre animal.
prix que les peintures du pont de Lucerne; On danse généralement en rond au sab-
mais elles ont un mérite d'invention fort bat, dos à dos, rarement seul ou à deux. Il y
remarquable. Le peintre a représenté, dans a trois branles le premier se nomme le
:

les triangles que forment les poutres qui branle à la bohémienne; le second s'exécute
soutiennent Iç toit du pont, les scènes ordi- comme celui de nos artisans dans les cam-
naires de la vie, et comment la mort les in- pagnes, c'est-à-dire en sautant toujours, le
terrompt brusquement. dos tourné; dans le troisième branle, on se
« Dans Holbein, la mort prend le costume place tous en long, se tenant par les mains
et les attributs de tous les états, montrant et avec certaine cadence, à peu près comme
par là que nous sommes tous soumis à sa dans ce qu'on appelle aujourd'hui le galop.
nécessité. Au pont de Lucerne, la mort vit On exécute ces d.inses au son d'un petit
avec nous. Faisons-nous une partie de cam- tambourin, d'une flûte, d'un violon ou d'un
pagne, elle s'iiabille en cocher, fait claquer autre instrument que l'on frappe avec un bâ-
son fouet; les enfants rient et pétillent la : ton. C'est la seule musique du sabbat. Cepen-
mère seule se plaint que la voiture va trop dant des sorciers ont assuré qu'il n'y avait
vite. Que voulez-vous? C'est la mort qui pas de concerts au monde mieux exécutés...
t-onduil; elle a hâ(e d'arriver. Allez-vous au DANSE DU SOLEIL. C'est une croyance
bal, voici la mort qui entre en coiffeur, le encore répandue dans beaucoup de villages
peigne à la main. Hâtez-vous, dit la jeune que le soleil danse le jour de Pâques. Mais
tille, hâtez-vous 1 je ne veux point arriver Celte gracieuse tradition populaire n'est que
trop tard. —
Je ferai vite! —
Elle fait vite; de la poésie, comme les trois soleils qui se
car à peine a-t-elle louché du bout de son lèvent sur l'horizon le matin de la Trinité.
doigt décharné le front de la danseuse, que DANSES ÉPIDÉMIQUES. Au quatorzième
ce front de dix-sept ans se dessèche aussi siècle, il y eut une secte de danseurs qui
bien que les fleurs qui devaient le parer. parcoururent le Luxembourg, le pays de
a Le pont de Lucerne nous montre la mort Liège, leHainaut et les provinces Rhénanes,
à nos côtés et partout : à table, où elle a la dansant avec fureur et se prétendant favori-
ïervielle autour du cou, le verre à la main, sés pendant leurs danses devisions merveil-
et porte des santés; dans l'atelier du peintre, leuses. On croit qu'ils étaient possédés, puis-
où, en garçon barbouilleur, elle tient la pa- qu'on ne les guérit que par les exorcismes (3).

(t) DeljucrcTalilpau de l'iiiconslance des démons.elc, (3) Voyei Uétiélrier li'F.chtermcIt, dans
le Us Légendes
liv. Ill.diii. i, |). 201. des cniniiiaiideaienls de Dieu.
l?i Boiliu. DciuuiiotQunle, lir. 1, cb. it.
n.w DEC 4:^0
tî9
DAPHNÉPHAGES, devins qui, avant de reux; mais il changeait de nom pour se met-
répondre aux questions qu'on leur faisait, tre àcouvert des poursuites. On croyait qu'il
mangeaient des feuilles de laurier, parce avait intelligence avec les oiseaux; car il
parlait avec eux en différentes langues, et
que cet arbre étant consacré à Apollon, ils se
croynient de la sorte inspirés de ce dieu. ces oiseaux, disait-on, lui portaient parfois
DÂPHNOMANCIE, divination par le lau- de la proie pour ses aliments. A Bâle, il so
fit appeler Jean Bruch, se disant neveu de
rier. On en jetait une branche dans
le feu :

si elle pétillait en brûlant,


c'était un heureux Dieu, qu'il appelait son oncle, ajoutant tou-
présage; mais si elle brûlait sans faire de tefois qu'il était né en Hollande. Il voulut
aussi se faire passer pour le prophète Daniel,
bruit, le pronostic était fâcheux.
que Dieu envoyait en ce monde afin de réta-
DARDS MAGIQUES. Les Lapons, qui pas- blir le royaume d'Israël et le tabernacle de
saient autrefois pour de grands sorciers et
Jacob.
qui le sont à présent bien peu, lançaient,
11ensorcelait les esprits, dit Delancre, tan-
dit-on, des dards de plomb, longs d'un doigl,
dis que
les autres sorciers ensorcelaient les
contre leurs ennemis absents, et croyaient
corps. Au bout de treize ans qu'il séjourna à
leur envoyer, avec ces dards enchantés, des
Bâle, il mourut, ayant abusé tellement le
maladies et des douleurs violentes. Voy.
peuple, qu'on lui fil de magnifiques obsèques
Ttre. ^ et qu'il fut enterré en l'église de Saint-Léo-
DAROUDJI. C'est le nom que les Persans
mau- nard. Ses disciples furent étonnés de sa
donnent à la troisième classe de leurs
mort; car ils le croyaient immortel : il avait
vais génies.
prédit qu'il ressusciterait trois jours après
DAUGIS, auteur peu connu d'un livre con-
son trépas. Comme on vil que cette pro-
tre les sorciers, intitulé -.Traité sur la magie, phétie, au bout de trois ans, ne s'accom-
le sortilège, les possessions, obsessions et ma- plissait point, on le reconnut pour impos-
léfices, où l'on en démontre la
vérité et la
teur. On le tira de son cercueil et on le porta
réalité ; avec une méthode sûre et facile sur un échafaud, où il fut brûlé avec les li-
pour les discerner, et les règlements contre vres qu'il avait composés, le 26 août 1559 (2).
les devins, sorciers, magiciens, etc. Paris, DAVID-JONES. Les matelots anglais ap-
in-12, 1732. pellent de ce nom le mauvais génie qui pré-
DAUPHIN. On ne sait pas trop sur quoi side à tous les esprits malfaisants de la mer.
est fondée celte vieille croyance populaire, Il est dans tous les ouragans; on l'a vu quel-

que le dauphin est l'ami de l'homme. Les quefois d'une taille gigantesque, montrant
anciens le connaissaient si imparfaitement, trois rangs de dents aiguës dans sa bouche
qu'on l'a presque toujours représenté avec énorme, ouvrant de grands yeux effrayants
le dos courbé en arc, tandis qu'il a le dos et de larges narines, d'où sortaient des Ham-
plat comme les autres poissons; à moins que mes bleues.
nous nedonnionslt'nomdedauphinà un pois- DEBER. Des théologiens hébreux disent
son qui ne serait pas celui des anciens. 11 y que Deber signifie le démon qui offense la
a des races perdues. nuit; et Cheteb ou Chereb, celui qui offense
On trouve dans Élien dans d'autres na-
et en plein midi.
turalistes, des enfants qui se promènent en DRCARABIA. Voy. Carabu.
mer, à cheval sur des dauphins apprivoisés; DÉCIUS (Publics). Pendant la guerre des
ce sont de ces merveilles qui ne sont plus Romains contre les Latins, les consuls Pu-
faites pour nous. blius Décius et Manlius Torquatus, campés
On sait que le dauphin est le symbole de près du Vésuve, eurent tous deux le même
la rapidité et c'est dans un sens emblémati-
: songe dans la même nuit ils virent en dor-:

que, pour rappeler qu'il faut se hâter avec mant un homme d'une figure haute, qui leur
prudence, qu'on a peint le dauphin entortillé dit que l'une des deux armées devait descen-
à une ancre; car il est faux que par affi'Clion dre chez les ombres, et que celle-là serait
pour l'homme il la conduise au fond de la victorieuse dont le général se dévouerait
mer, comme le contaient nos pères (i). aux puissances de la mort.
DAVID. Selon les Orientaux, ce prophète- Le lendemain, les consuls, s'étant raconté
roi se faisait obéir des poissons, des oiseaux leur songe, firent un sacrifice pour s'assurer
et des pierres; ils ajoutent que le fer qu'il encore de la volonté des dieux; et les en-
tenaitdans ses mains s'amollissait, et que les trailles des victimes confirmèrent ce qu'ils
larmes qu'il versa pendant les quarante avaient vu. Ils convinrent donc entre eux
jours qu'il pleura son péché faisaient naître que le premier qui verrait plier ses batail-
les plantes. Adam, disent les musulmans, lons s'immolerait au salut de la patrie.
avait donné soixante ans de la durée de sa Quand le combat fui engagé , Dècius, qui
vie pour prolonger ceile de David, dont il
vit fléchir l'aile qu'il commandait, se dévoua,
prévoyait le règne glorieux. et avec lui toute l'armée ennemie, aux dieux
DAVID-GEORGE, vitrier de Gand, qui, en infernaux, et se précipita dans les rangs des
1525, se mil à courir les Pays-Bas, en disant Latins, où il reçut la mort en assurant à
qu'il était le Messie envoyé sur la lerre pour Rome une victoire éclatante (3).
remplir le ciel, qui avait beaucoup trop de Si ce double songe des consuls et les pré-
vide. On le signala comme un fou dange- Deluncrc,Tableau de rinconsUnce des damons, eic.,
(2)
liv. V, p. 557.
(IjBrowii, des Erreurs popul., liv. V, ch. ii. (3J Tile-Uve el Valère-Maiime.
f.l DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. at
sages dos yictimes publiés dans les dcus mécréance des juges en fait de sorcellerie.
années n'étaient qu'un coup de politique, le Le tout est suivi d'un recueil à'Arréts no-
dévouement de Décius était un arte de pa- tables contre les sorciers.
liiotisniebirn grand, mémechcz les Romains. 2° Tableau de l'inconstance des mauvais
DECREMPS, escamoteur du dernier siècle, anges et démons, où il est amplement traité
qui publia un Traité de la magie blanche. de la sorcellerie et des sorciers; livre très-
DEDSCHAIL, le diable cbcz plusieurs tri- curieux et très-utile, avec un discours con-
bus arabes. tenant la procédure faite par les inquisiteurs
DEIPHOBE, sibjlle de Cumes. Voy. Sibyl- d'Espagne et de Navarre à cinquante-trois
les. magiciens, apostats juifs et sorciers, en la
,

DEJECTIONS. — Le médecin deHaën, dans ville de Logrogne en Caslillc, le 9 novembre


ledernier chapitre de son Traité de la magie, 1610; en laquelle on voit combien l'exercice
ditque si l'on voit sortir de quelques parties de la justice en France est plus juridique-
que ce soit du corps humain sans lésion , ment traité et avec de plus belles formes
considérable des choses qui naturellement
,
qu'en tous autres empires, royaumes, répu-
ne puissent y entrer, comme des couteaux, bliques et Etats, par P. Delancre, conseiller
des morceaux de verre, du fer, de la poix, du roi au Parlement de Bordeaux; Paris,
des touffes de crin, des os, des insectes, de Nicolas Buon, 1612, in-i" d'environ 800
grosses épingles tordues, des charbons, etc., pages (1), très-recherché, surtout lorsqu'il
on doit attribuer tout cela au démon et à la est accompagné de l'estampe qui représente
magie. Voy. Excréments. les cérémonies du sabbat.
DELANCRE (Pierre) . démonographe re- Cet ouvrage est divisé en six livres; le
nommé, né à Bordeaux dans le seizième siè- premier contient trois discours sur l'incon-
cle. Il fut chargé d'instruire le procès de stance des démons, le grand nombre des sor-
quantité de vauriens accusés de sortilèges. ciers et le penchant des femmes du pays de
Son esprit crédule en demeura convaincu de Labour pour la sorcellerie. Le second livre
toutes les extravagances du sabbat et des traite du sabbat, en cinq discours. Le troi-
sorciers. Il mourut à Paris, vers 1630. On a sième roule sur la même matière et sur les
de lui deux ouvrages recherchés sur ces pactes des sorciers avec le diable, pareille-
matières : ment en cinq discours. Le quatrième livre,
1° r Incrédulité et mécréance du sortilège qui contient quatre discours, est consacré
pleinement convaincues, où il est amplement aux loups-garous; le livre cinquième, en
et curieusement traité de la vérité ou illusion trois discours, aux superstitions et appari-
du sortilège, de la fascination, de l'attouche- tions ; et le sixième, aux prêtres sorciers, eu
ment, du scopéiisme, de la divination, de la cinq discours.
ligature ou liaison magique, des apparitions Tout ce que ces ouvrages présentent de
et d'une infmité d'autres rares et nouveaux curieux tient sa place dans ce Dictionnaire.
sujets, par P. Delancre, conseiller du roi en DELANGLE (Locis), médecin espagnol
son conseil d'Etat. Paris, Nicolas Buon, 1612, et grand astrologue. On raconte qu'il prédit
in-4° de près de 900 pages, assez rare, dédié au roi de France Charles VII la journée de
au roi Louis XIII ; divisé en dix traités. Foimigny, en 1450; il prédit aussi , selon
Dans le premier traité, l'auteur prouve que quelques auteurs, l'emprisonnement du petit
tout ce qu'on dit des sorciers est véritable. prince de Piémont, ainsi que la peste de Lyon
Le second , intitulé De la fascination dé- , l'année suivante. On l'accusa de superstition,
montre que les sorcières ne fascinent, en quoiqu'il ne se dit qu'astrologue. Le roi le
ensorcelant qu'au moyen du ,
diable. Par le retint à quatre cents livres de pension, et
troisième traité , consacré à Y attouchement, l'envoya pratiquer sa science à Lyon. Il fit
on voit ce que peuvent faire les sorciers par plusieurs livres , et traduisit, d'espagnol en
le toucher, bien plus puissant que le regard. latin, les Nativités, de Jean de Séville. On
Le traité quatrième, ou il s'agitdu scopéiisme, ajoute qu'il prévit le jour de sa mort. 11 fit
nous apprend que, par cette science secrète, faire , dit-on , quinze jours d'avance , son
un maléficie les gens en jetant simplement service, que l'on continua jusqu'à l'heure
les pierres charmées dans leur jardin. Le marquée, où en effet il mourut (2).
magnétisme explique aujourd'hui la plupart DELRIO (Martin-Antoine), né à Anvers
de ces prodiges. Le traité suivant détaille en 1351, savant jésuite, auteur d'un livre
toutes les divinations. Au sixième traité, on intitulé Recherches magiques (3)
: en six li-
,

s'instruit de tout ce qui tient aux ligatures. vres, où il est traité soigneusement des arts
Le septième roule sur les apparitions. L'au- curieux et des vaines superstitions; in-i",
leur, qui ne doute jamais de rien, en rap- Louvain, 1599, souvent réimprimé. Ce livre
porte beaucoup. Il tombe , dans le huitième célèbre, qui eut dans son temps beaucoup
traité, sur les juifs, les apostats et les athées. de vogue, a été abrégé et traduit en français
Dans le neuvième, il s'élève contre les héré- par André Duchesne, Paris, in-i" et in-8°,
tiques , dont l'apparition dans tous les temps 2 vol., 1611, très-recherché. L'auteur se
n produit en effet des fanatismes plus ou montre généralement un peu crédule, mais
inoins absurdes ou abominables. 11 se récrie, plus éclairé que la plupart des écrivains de
dans le dernier traité, contre l'incrédulité et son siècle. Son ouvrage est divisé en six li-
(I) Il y a une [iréface de Jean (l'Espagnot. (3) Disqiilsliionuin maglcariim lihri scx, eir., auctor«
(3) Aiidnn iiiaiiuiicriule la Itilillullièqiic du roi,rappor- Martine Uilrl'i, etc.
ié i lii ttii deii Heniarques de Joly sur B^yle.
r>5 DEM DEM iV.

vres; le premier Iraite de la magie en géné- DEMONOGRAPHIE , histoire et descrip-


ral, naturelle et artîGcielle, et des prestiges ; tion de ce qui regarde les démons. On appelle
le second, de la magie infernale; le troisième, démonographes les auteurs qui écrivent sur
des maléfices; le quatrième, des divinations ce sujet, comme ûelancre, Leloyer, Wié-
ol prédictions; le cinquième, des devoirs du rus etc.
juge et de la manière de procéder en fait de DEMONOLATRIE, culte des démons. On a
sorcellerie; le sixième, des devoirs du con- publié à Lyon, vers 1819, un volume in-12,
fesseur et des remèdes permis ou prohibés intitulé : Superstitions et Démonoldtrie de»
contre la sorcellerie. En général, ces disqui- philosophes. Ce livre a le tort d'être trivial
sitions magiques sont un recueil de faits quelquefois, mais il contient de bonnes choses
bizarres, niêiés de raisonnements et de cita- et de tristes vérités.
tions savantes. DEMONOLOGIE, discours et traité sur
DELUGE. Voy. Is. les démons , pour la démonologie du roi Jac-
DEMOCRITE ,
célèbre , qui
philo.sophe ques. Voy. ce nom. Voy. aussi Wiltkh
florissait en Grèce environ trois cents ans Scott.
après la fondation de Rome. Les écrivains du DEMONOMANCIE , divination par le
Quinzième et du seizième siècle l'ont accusé moyen des démons. Celte divination a lieu
e magie; quelques-uns lui ont même attri- par les oracles qu'ils rendent ou par les ré-
bué un traité d'alchimie. Psellus prétend ponses qu'ils font à ceux qui les évoquent.
qu'il ne s'était crevé les yeux qu'après avoir DEMONOMANIE , manie de ceux qui
soufflé tout son bien à la recherche de la croient à tout ce qu'on raconte sur les dé-
pierre philosophale. mons et les sorciers, comme Bodin, Leloyer,
La cécité de Démocrite a embarrassé bien Delancre, etc. L'ouvrage de Bodin porte le
des personnes. TertuUien dit qu'il se priva titre de Démonomanie des sorciers ; mais là
de la vue parce qu'elle était pour lui une ce mot signifie diablerie. Voy. Bodin.
occasion de mauvaises convoitises. Piutarque DÉMONS. Ce que nous savons d'exact sur
pense que c'était pour philosopher plus à les démons se borne à ceque nous en enseigne
son aise, et c'est le sentiment le plus répandu, l'Église : que ce sont des anges tombés, qui,
quoiqu'il soit aussi dénué de fondement que privés de la vue de Dieu depuis leur révolte,
les autres. ne respirent plus que le mal et ne cherchent
Démocrite ne fut point aveugle, si l'on en qu'à nuire. Ils ont commencé leur règne
croit Hippocrate, qui raconte qu'appelé par sinistre parla séduction de nos premiers pè-
les Abdérilains pour guérir la folie prétendue res ; ils continuent de lutter contre les anges
de ce philosophe, il le trouva occupé à la fidèles qui nous protègent, et ils triomphent
lecture de certains livres et à la dissection de nous quand nous ne leur résistons pas
de quelques animaux; ce qu'il n'eût point avec courage, oubliant de nous appuyer sur
fait s'il eût été aveugle. la grâce de Dieu.
De jeunes Âbdéritains , sachant que Dé- Nous ne pouvons faire ici un traité dog-
mocrite s'était enfermé dans un sépulcre matique sur les démons. Nous devons nous
écarlé de la ville pour philosopher, s'habil- borner à rapporter les opinions bizarres et
lèrent un jour en diables arec de longues singulières auxquelles ces êtres maudits ont
robes noires, et portant des masques hideux ; donné de l'intérêt.
puis l'allèrent trouver, et se mirent à danser Les anciens admettaient trois sortes de dé-
aulour de lui ; Démocrite n'en parut point mons, les bons, les mauvais et les neutres.
effrayé, il ne leva pas même les yeux de Mais ils appelaient démon tout esprit. NoUs
dessus son livre et continua d'écrire (1). entendons par démon un ange de ténèbres,
Il riait de tout, nous dit-on , mais son rire un esprit mauvais.
était moral, et il voyait autrement que les Presque toutes les traditions font remon-
hommes dont il se moquait. Croyons donc , démons plus loin que la
ter l'existence des
avec Scaliger, qu'il était aveugle morale- création du monde matériel. La chute des
ment, quod aliorummore oculis non uteretur. anges a eu lieu en effet, selon la croyance
On a dit qu'il entendait le chant des oi- commune, avant que Dieu ne fit le monde
seaux, et qu'il s'était procuré cette faculté visible.Parmi les rf'veurs juifs, Aben-Esra
merveilleuse en mangeant un serpent en- prétend qu'on doit fixer cette chute au second
gendré du sang mélangé de certains oisillons ; jour de la création. Menasse Ben-Israël, qui
mais que n'a-t-on pas dit On a dit aussi qu'il
! suit la même opinion, ajoute qu'après avoir
commerçait avec le diable, parce qu'il vivait créé l'enfer et les démons. Dieu les plaça
solitaire. dans les nuages et leur donna le soin de
DEMON BARRU. Voy. Barbu. tourmenter les méchants (2). L'homme n'é-
DEMONIAQUES. Voy. Possédés. tait pas créé le second jour il n'y avait donc
;

DEMONOCRATIE, gouvernement des dé- pas encore de méchants à punir. Les démons
mons influence immédiate des esprits mal-
, d'ailleurs ne sont pas sortis noirs de la main
faisants , religion de quelques peuplades du Créateur ils ne sont que des anges do
;

américaines, africaines, asiatiques, sibérien- lumière devenus anges de ténèbres par leur
nes, kamtschadales , etc., qui révèrent le crime.
diable avant tout , comme par exemple les Origène et quelques philosophes soutien-
Kurdes. nent que les bons et les mauvais esprits sont
(I) Lployer, Ilisloire des »;>ectres ou apparition des cs- (2) D« Husurrectloae niortvioruin, lib. III, cap. vi.
pnls. 80.
liï. r, ch. IX, p.
-

t3S DICTIONNAIRE DKS SCIENCES OCCULTES. 456

beaucoup plus vieux que noire monde qu'il ; inspirations viennent d'eux seuls. Honte et
n'est pas probable que Dieu se soit avisé tout malheur à qui les écoule!
d'un coup, il y a seulement sis ou sept mille Selon Michel Psellus, les démons se divi-
ans (1), de tout créer pour la première fois ; sent en six grandes sections. Les premiers
que les anges et les démons étaient restés sont les démons du feu, qui en habitent les
immoricis après la ruine des mondes qui régionséloignées ; lessccondssont lesdémons
ont précédé nôtre, etc.
le de l'air, qui volent autour de nous, et ont le
Manès, ceux qu'il a copiés et ceux qui ont pouvoir d'exciter les orages; les troisièmes
adopté son système, Tont le diable éternel et sont les démons delà terre, qui se mêlent
le regardent comme le principe du mal, ain- avec les hommes et s'occupent de les tenter;
si que Dieu est le principe du bien. Il a été les quiitrièmes sont les démons des eaux,
suftisamment réfuté. Nous devons donc nous qui habitent la mer et les rivières, pour y
«•n tenir, sur les démons, au sentiment de élever des tempêtes et causer des naufrages;
l'Eglise universelle. les cinquièmes sont les démons souterrains,
Dieu avait créé les chœurs des anges. Tou- qui préparent les tremblements de terre,
te cette milice céleste était pure et non portée soufflent les volcans, font écrouler les puits
au mal. Quelques-uns se laissèrent aller à et tourmentent les mineurs ; les sixièmes
l'orgueil osèrent se croire aussi grands
; ils sont les démons ténébreux, ainsi nommés
que leur Créateur, et entraînèrent dans leur parce qu'ils vivent loin du soleil et ne se
crime une partie de l'armée des anges. Satan, montrent pas sur la terre.
le premier des Séraphins et le plus grand de On ne sait trop où Michel Psellus a trouvé
tous les êtres créés (2), s'était mis à la tète ces belles choses; mais c'est dans ce systè-
des rebelles. Il jouissait dans le ciel d'une me queles cabalistes ont imaginé les sala-
gloire inaltérable et ne reconnaissait d'autre mandres, qu'ils placent dans les régions du
maître que l'Éternel. Une folle ambition cau- feu ; les sylphes qui remplissent l'air: les on-
sa sa perte; il voulut régner sur la moitié du dins, ou nymphes, qui vivent dans l'eau, et
ciel, et siéger sur un trône aussi élevé que les gnomes, qui sont logés dans l'intérieur
celui du Créateur. L'archange Michel et les de la terre.
anges restésdans le devoir lui livrèrent com- Des doctes ont prétendu que les démons
bat. Satan fut vaincu et précipité dans l'a multiplient entre eux comme les hommes;
btme avec tous ceux de son parti (3). ainsi, leur nombre doit s'accroître, surtout
Dieu exila donc les anges déchus loin du si l'on considère la durée de leur vie, que
ciel, dans un lieu que nous nommons l'enfer quelques savants ont bien voulu supputer ;
ou raMme. car il en est qui ne les font pas immortels.
Quelques opinions placent l'enfer au cen- Hésiode leur donne une vie de six cent qua-
tre enflammé de notre globe. Plusieurs rab- tre-vingt mille quatre cents ans. Plularque,
bins disent que les démons habitent l'air, qui ne conçoit pas bien qu'on ait pu faire
qu'ils remplissent. Saint Prosper les place l'expérience d'une .«i longue vie, la réduit à
dans les brouillards. Swinden a voulu dé- neuf mille sept cent vingt ans...
Diontrerqu'ils logeaient dans le soleil; d'au- Il y aurait encore bien des choses à dire
tres les ont relégués dans la lune. Bornons- sur les démons et sur les diverses opinions
nous à savoir qu'ils sont dans les lieux infé- qu'on s'est faites d'eux. On trouvera géné-
rieurs, bien loin du soleil et de nous, comme ralement ces choses, à leurs articles, dans
dit Milton, et que Dieu leur permet toutefois ce Dictionnaire.
de tenter les hommes qui sont sur la terre, et Les Moluquois s'imaginent que les démons
de les éprouver. s'introduisent dans leurs maisons par l'ou-
Tout chrétien connaît la dure et incontes- verture du toit, et apportent un air infect
table histoire du péché originel, réparé, dans qui donne la petite-vérole. Pour prévenir ce
ses effets éternels, par la divine rédemption. malheur, ils placent àl'endroitoù passent ces
On sait aussi que, depuis la venue du Messie, démons certaines petites statues de bois pour
lepouvoir des démons, resserré dans de plus les épouvanter, comme nous hissons des
borne à un rôle vil et té-
étroites limites, se hommes de paille sur nos cerisiers pour
nébreux, qui a produit quelques tristes récils écarter les oiseaux. Lorsque ces insulaires
mêlés souvent de mensonge. sortent le soir ou la nuit , temps allrislé
On n'a aucune donnée du nombre des dé- par les excursions des esprits malfaisants ,
mons. Wiérus toutefois, comme s'il les avait ils portent toujours sur eux comme sauve-
comptés, dit qu'ils se divisent en six mille six garde un oignon ou une gousse d'ail ,
cent soixante-six légions, composés chacune un couteau, quelques morceaux de bois; et
de six mille six cent soixante-six anges lé- quand les mères mettent leurs enfants au
nébreux; il en élève ainsi le nombre à qua- lit, elles ne manquent pas de mettre l'un ou

rante-cinq millions, ou à peu près, et leur l'autre de ces préservatifs sous leur tête.
donne soixante-douze princes, ducs, marquis, Les Chingulais, pour empêcher que leurs
prélats ou comtes. —
Mai» il y en a bien da- fruits ne soient volés, annoncent qu'ils les
vantage, et ils ont leur large part dans le ont donnés aux démons, dès lurs, personne
mal qui se fait ici-bas, puisque les mauvaises n'use plus y toucher.

(t) La version drs Septanle donne au monde quinze ou (i) Quique creaturse praefulsil ia ordine primus... Al<i
di\-liuil cenis ans de plus que nous. Les Grecs uio<1eriies Avili pueui., lib. H.
oui suivi ce calcul, ei le 1'. Pezron l'a uu peu réveillé (3) Apocalypse, ili. v, vers. 7 el 9.
ii;in!> VAnliqutlé Riltablie.
,

437 DEM OEM 43S


Les Siamois ne connaissent point d'autres prudent, un curieux, un sceptique peut-être,
démons que les âmes des méchants qui, sor- voulut braver la défense et entr'ouvrir la
tant des enfers oîi elles étaient détenues, er- gouffre. Mais il en sortit des tourbillons do
rent un certain temps dans ce monde et font flamme qui le dévorèrent et rentrèrent en-
aux hommes tout le mal qu'elles peuvent. suite d'elles-mêmes dans le trou où la volonté
De ce nombre sont encore les criminels toujours vivante du saint les tenait enchaî-
exécutés, les enfants mort-nés, les femmes nées... »
mortes en couches et ceux qui ont été tués « Voilà bien le démon de l'incendie ; voilà
en duel. Voy. Diablb. bien, comme le fait remarquer M. Guizot,
dans préface de Flodoard qu'il a traduit,
la
Le démon de l'incendie.
une aussi belle que la ba-
bataille épique,
« Un
jour, dit Flodoard (historien, né à taille d'Achille contre le Xante Le fleuve :

Epernay en 89i, et qui a écrit l'histoire de est un demi-dieu, l'incendie est un démon.
l'église de Reims), un jour, saint Rémi, ar- C'est aussi beau que dans Homère (1). »
chevêque de Reims, était absorbé en prières C'est que les légendaires, en dépit du mé-
dans une église de sa ville chérie. 11 remer- pris que les écrivains froids des derniers
ciait Dieu d'avoir pu soustraire aux ruses siècles s'efforçaient de leur témoigner
du démon les plus belles âmes de son dio- étaient des poètes et des croyants ; ils repré-
cèse, lorsqu'on vint lui annoncer que toute sentaient souvent par l'allégorie les der-
la ville était en feu. Alors la brebis devint nières luttes du paganisme grossier contre
lion, la colère monta au visage du saint, qui le christianisme naissant; ils révéraient l'es-
frappa du pied les dalles de l'église avec une pèce humaine ; ils se refusaient à croire que
énergie terrible et s'écria Satan, je te re-
: des âmes sorties de la main de Dieu pussent
connais ; je n'en ai donc pas encore Gni avec concevoir de mauvaises actions ; ils attri-
ta méchanceté ! buaient à Satan tout le mal et tous les
On montre encore aujourd'hui, encas-
« crimes.
trée dans les pierres du portail occidental DEMONS BLANCS. Voy. Femmes blan-
de Saint-Remi de Reims, la pierre où sont ches.
très-yisiblement empreintes les traces du DEMONS FAMILIERS, démons qui s'ap-
pied irrité de saint Rémi. privoisent et se plaisent à vivre avec les
( Le saint s'arma de sa crosse et de sa hommes qu'ils aiment assez à obliger.
chape, comme un guerrier de son épée et Voy. BÉRiTH.
de sa cuirasse, et vola à la rencontre do Un historien suisse rapporle qu'un baron
l'ennemi. A peine eut-il fait quelques pas de Regensberg s'était retiré dans une tour de
qu'il aperçut des gerbes de flammes qui dé- son château de Bâle pour s'y adonner avec
voraient, avec une furie que rien n'arrêlait, plus de soin à l'étude de l'Ecriture sainte et
les maisons de bois dont la ville était bâtie et aux belles-lettres. Le peuple était d'autant
les toits de chaume dont ces maisons étaient plus surpris du choix de cette retraite, que
couvertes. A la vue du saint, l'incendie sem- la tour était habitée par un démon. Jusqu'a-
bla pâlir et diminuer. Rémi, qui connaissait lors le démon n'en avait permis l'entrée à
l'ennemi auquel il avait à faire, Qt un signe personne; mais le baron était au-destus
de croix, et l'incendie recula. d'une telle crainte. Au milieu de ses travaux,
« A mesure que le saint avançait en fai- le démon lui apparaissait, dit-on, en habit
sant des signes de croix, l'incendie lâchait séculier, s'asseyait à ses côtés, lui faisait des
prise et fuyait, comme fasciné devant la questions sur ses recherches, et s'entrete-
puissance de l'évêque; on aurait dit un être nait avec lui de divers objets, sans jamais
intelligent et qui comprenait sa faiblesse. lui faire aucun mal. L'historien crédule
Quelquefois il se roidissait; il reprenait cou- ajoute que, si le baron eût voulu exploiter
rage; il cherchait à cerner le saint dans une méthodiquement ce démon, il en eût tiré
enveloppe de fou, à l'aveugler, à le réduire beaucoup d'éclaircissements utiles (2). Voy.
en cendres. Mais toujours un redoutable Esprits, Lutins, Farfadets, Kobold, etc.
signe de croix parait les attaques et arrêtait DEMONS DE MIDL On parlait beaucoup
les ruses. chez les anciens de certains démons qui se
« Forcé de reculer ainsi, de lâcher succes- montraient particulièrement vers midi à ceux
sivement toutes les maisons qu'il avait en- avec lesquels ils avaient contracté familia-
tamées, l'incendie vint s'abattre aux pieds rité. Voy. Agateion. Ces démons visitent
de l'évêque, comme un animal dompté; il ceux à qui ils s'attachent, en forme d'hom-
se laissa prendre et conduire, à la volonté du mes ou de bêtes, ou en se laissant enclore
saint, hors de la ville, dans les fossés qui en un caractère, chiffre, fiole, ou bien en un
fortifient encore Reims. Là, Rémi ouvrit une anneau vide et creux au dedans. « Ils sont
porte, qui donnait dans un souterrain; il
y connus, ajoute Leloyer, des magiciens qui
lirécipita les flammes, comme on jette dans s'en servent, et, à mon grand regret, je suis
un gouffre un malfaiteur, et fil murer la contraint de dire que l'usage n'en est que
porte. trop commun (3) » Voy. Emposb. .

Sous peine d'anathème, sous peine de la


« DENIS ANJORAND, docteur de Paris, mé-
ruine du corps et de la mort de l'âme, il dé- decin et astrologue au quatorzième siècle. Ce
fendit d'ouvrir à jamais cette porte. Un im- fut lui qui prédit la venue du prince de Gal-

(1) M. Didi'on, Uisloire du diable. (3) liisluire des spcclres, liv. lU, cli. iv, p. 198.
(2) Uicliouuairc U'aiiccdotes suisses, p. 82.
4".9 DICTIONNAIRE DKS SCIENCES OCCliLTES. 4:0

li's, et qui conngara d'avance par astrolo- Plus de moitié des habitants de ce village
la
gie la prise du roi Jean à Poitiers. Mais on manquent de dents C»).
n'en tint pas compte. Néanmoins, ;iprès que On voit dans les Admirables secrets d'Aï-
la chose fut advenue, il fut grandement es- bert-le-Grand qu'on calme le mal de dents en
timé à la cour fl). demandant l'aumône en l'honneur de saint
DENIS-LE-CHARTREDX, écrivain pieux Laurent. C'est une superstition.
du quinzième sit^cle, né dans le pays de Liège. Les racines d'asperges sont, dit-on, un très-
Nous ne cilerons que son ouvrage Des Qua- bon spécifique séchées et appliquées sur les
:

tre dernières fins de l'homme, où il traite du dents malades, elles les arrachent sans dou-
purgatoire el de l'enfer. Vny. Enfer. leur. Nous ne l'avons pas éprouvé.
DENIS DE VINCENNES, médecin de la DÉRODON (David), dialecticien du dix-
Faculté de Montpellier et grand astrologue. septième siècle. On conte qu'un professeur,
Appelé au service du duc Louis d'Anjou, il pressé par un argumenlateur inconnu, lui
fut fort expert en ses jugements particuliers, dit sur le point de se rendre « Tu es le dia-
:

entre lesquels il en fit un audit duc, qui était ble, ou lu es Dérodon. » Ce savant a laissé
gouverneurdu petit roi Charles VI, au moyen un Discours contre l'astrologie judiciaire,
duquel il trouva le trésor du roi Charles V, qui in-8°, 1663.
était seulement à la connaissanced'un nommé DERSAIL, sorcier du pays de Labour, qui
Errart de Serreuze, homme vertueux, discret portait le bassin au sabbat, vers l'an 1610.
et sage. 11 y avait dans ce trésor, que Denis Plusieurs sorcières ont avoué l'y avoir vu
de Vincennes découvrit par son art, dix-huit recevant les offrandes, à la messe du sab-
millions d'or. Aucuns (attendu que ce roi bat; elles ont assuré de plus qu'il employait
avait toujours eu la guerre) disent que Jean cet argent pour les affaires des sorciers et
deMeung, auteur du roman de la Rose, lui pour les siennes (5).
avait amassé ce trésor par la vertu de la DESBORi)ES, valet de chambre du duc de
pierre philosophale (2). Lorraine Charles IV. Ce valet fut accusé, en
DENTS. Il y a aussi quelques histoires 1628, d'avoir avancé la mort de la princesse
merveilleuses sur les dents; el d'abord on Christine, mère du duc, et causé diverses
a vu des enfants naître avec des dents; maladies que les médecins attribuaient à des
Louis XIV en avait deux lorsqu'il vint au maléfices. Charles IV avait conçu de violents
monde. Pyrrhus, roi des Epirotes, avait au soupçons contre Desbordes, depuis une partie
lieu de dents un os continu en haut de la de chasse où il avait servi un grand dliier au
mâchoireet un pareil en bas. Il yavait même duc, sans autres préparatifs qu'une petite
en Perse une race d'hommes qui apportaient boite à trois étages, dans laquelle se trouvait
ces os-là en naissant (3). un repas exquis. Celait peut-être un auto-
La république des Gorgones devait être clave. Dans une autre occasion , il s'était
bien laide, comme dit M. Salgues, s'il est permis de ranimer trois pendus (car il fai-
vrai que ces femmes n'avaient pour elles sait toujours tout par trois) qui, depuis trois
toutes qu'un œil et qu'une dent, qu'elles se jours, étaient attachés à trois gibets; et il
prêtaient l'une à l'autre. leur avait ordonné de rendre hommage au
En 1591, le bruit courut en Silésie que, les duc, après quoi il les avait renvoyés à leurs
dents étant tombées à un enfant de sept ans, potences. On vérifia encore qu'il avait or-
il lui en était venu une d'or. On prétendait donné aux personnages d'une tapisserie de
qu'elle était en partie naturelle et en partie s'en détacher et de venir danser dans le salon...
merveilleuse, et qu'elle avait été envoyée du Charles IV, effrayé de ces prodiges, voulut
ciel à cet enfant pour consoler les chrétiens qu'on informât contre Desbordes. On lui fit
affligés par les Turcs, quoiqu'il n'y eût pas son procès el il fut condamné au feu (6) ;
grand rapport entre cette dent et les Turcs, mais soyez assuré qu'il y avait à la charge
el qu'on ne voie pas quelle consolation les de cet homme, autre chose que des tours do
chrétiens en pouvaient tirer. Cette nouvelle gibecière et des tours de passe-passe.
occupa plusieurs savants; elle éleva plus DESCARTES (René), l'un des hommes les
d'une dispute entre les grands hommes du plus célèbres du dix-septième siècle. Il fut
temps, jusqu'à ce qu'un orfèvre ayant exa- persécuté en Hollande lorsqu'il publia pour
miné la dent, il se trouva que c'était une la première fois ses opinions. Voët {Voetiusj,
dent ordinaire à laquelle on avait appliqué qui jouissait de beaucoup de crédit à Utrecht,
une feuille d'or avec beaucoup d'adresse : l'accusa d'athéisme; il conçut même le des-
mais on commença par disputer et faire des sein de provoquer sa condamnation, sans lui
livres, puis on consulta l'orfèvre. permettre de se défendre, el, avec la man-
Nous ajouterons que dans le village de suétude protestante, de le faire brûler à
Senlices il y a une fontaine publique dont on Utrecht sur un bûcher très-élevé, dont la
dit que l'eau fait tomber les dents, sans flu- flamme serait aperçue do toutes les Provin-
xion et sans douleur. D'abord elles branlent ces-Unies (7)...., pays assez plat pour une
dans la bouche comme le battant d'une clo- telle tentative.
che, ensuite elles tombent naturellement. DÉSERTS. C'est surtout dans les lienxdé-
(1) Ancien manuscrit de la BiblioUièque du roi, cité par (b) Delancre, Tableau de l'inconstance des démons,etc.,
Jol.f, Remarques sur Bajle. etc., p. 90.
(2) Torqueniada, Hpxaniéron, p. 29. (6) M. Saignes, des Erreurs et des préjugés, et M. Ju-
(3) Sainl-Foix, Essais, 1. 1. les Garinet, Histoire de la magie en France, p. 204.
(i) Manuscrit de la.Blbli()thèque, cité par Joly dans ses (7) Curiosiiés de littérature, trsd. de l'anglais, parBer
Remarques sur Bayle. lin, t. I, p. 53.
Ul DES DtS {SI
serts et abandonnés que sorciers font
les bras était si fortement tenu qu'il en conserva
leur sabbat et les démons leurs orjçies. C'est une douleur.
dans de tels lieux que le diable se montre à Il voyait continuellement le fantôme, un
ceux qu'il veut acheter ou servir. C'est là peu plus grand que de son vivant, à demi
aussi qu'on a peur et qu'on voit des fantô- nu, ))ortantenlortillé dans ses cheveux blonds
mes. Voy. Carrefours. un écriteau où il ne pouvait lire que le mot
DESFONTAINES. En 169o , un certain in Il avait le même son de voix il ne pa-
;

M. Bézuel (qui depuis fut curé de Valogne), raissait ni gai ni triste, mais dans une tran-
étant alors écolier de quinze ans, fit la con- quillité parfaite. Il pria son ami survivant,
naissance des enfantsd'un procureur nommé quand son frère serait revenu, de le charger
d'Abaquène, écoliers comme lui. L'atné était de dire certaines choses à son père et à sa
de son âge; le cadet, un peu plus jeune s'ap- mère ; il lui demanda de réciter pour lui les
pelait Desfontaines; c'était celui des deux sept psaumes qu'il avait eus en pénitence le
frères que Bézuel aimait davantage. Se pro- dimanche précédent, et qu'il n'avait pas en-
menant tous deux en 1696, ils s'entretenaient core récités; ensuite il s'éloigna en disant :
d'une lecture qu'ils avaient faite de l'hiisloire Jusqu'au revoir, qui était le terme ordinaire
de deux amis, lesquels s'étaient promis que dont il se servait quand il quittait ses ca-
celui qui mourrait le premier viendrait dire marades.
des nouvelles de son état au survivant. Le Celte apparition se renouvela plusieurs
mort revint, disait-on, et conta à son ami fois. Quelques-uns l'expliqueront par les
des choses surprenantes. pressentiments, la sympathie, etc. L'abbé
Le jeune Desfontaines proposa à Bézuel de Bézuel en raconta les détails dans un diner,
se faire mutuellement une pareille promesse. en 17; 8, devant l'abbé de Saint-Pierre, qui
Bézuel ne le voulut pas d'abord; mais quel- en fait une longue mention dans le tome IV
ques mois après il y consentit, au moment de ses OEuvres politiques.
où son ami allait partir pour Gaen. Desfon- DESFORGES (Pierre Jean BaptisteChou-
laincs tira de sa poche deux petits papiers dard), né à Paris en llkG, auteur plus que
qu'il tenait tout prêts , l'un signé de son frivole. Dans les Mille et un souvenirs ou
sang, où il promettait, en cas de mort, de Veillées conjugales, livre immoral qu'on lui
venir voir Bézuel ; l'autre où la même pro- attribue, il raconte plusieurs histoires de
messe était écrite, fut signée par Bézuel. Des- spectres qui ont été reproduites par divers
fontaines partit ensuite avec son frère, elles recueils.
deux amis entretinrent correspondance. DESHOULIÈRES. Madame Deshoulières
Il y avait six semaines que Bézuel n'avait
étant allée passer quelques mois dans une
reçu de lettres, lorsque, le 31 juillet 1697, se terre, à quatre lieues de Paris, on lui permit
trouvant dans une prairie, à deux heures de choisir la plus belle chambre du château;
après midi, il se sentit tout d'un coup étourdi mais on lui en interdisait une qu'un revenant
et pris d'une faiblesse, laquelle néanmoins visitait toutes les nuits. Depuis longtemps
se dissipa; le lendemain, à pareille heure, il madame Deshoulières désirait voir des reve-
éprouva le même symptôme; le surlende- nants; malgré les représentations qu'on
et,

main, il vit pendant son affaiblissement son lui fit, elle se logea précisément dans la

ami Desfontaines qui lui faisait signe de ve- chambre infestée. La nuit venue, elle se mit
I nir à lui Comme il était assis, il se recula
sur son siège. Les assistants remarquèrent
au lit, prit un livre selon sa coutume; et, sa
lecture finie, elle éteignit sa lumière et s'en-
te mouvement. dormit. Elle fut bientôt éveillée par un bruit
qui se fit à la porte, laquelle se fermait mal ;
Desfontaines n'avançant pas , Bézuel se
leva enfin pour aller à sa rencontre ; le spec-
on l'ouvrit, quelqu'un entra, qui marchait
tre s'approcha alors, le prit par le bras gau-
assez fort. Elle parla d'un ton très-décidé,
che et le conduisit à trente pas de là dans un car elle n'avait pas peur. On ne lui répondit
point. L'esprit fit tomber un vieux paravent
lieu écarté.
et tira les rideaux avec bruit. Elle harangua
Je vous ai promis, lui dit-il, que si je mou-
encore l'âme, qui s'avançant toujours lente-
rais avant vous, je viendrais vous le dire :
ment et sans mot dire, passa dans la 'ruelle
je me suis noyé avant-hier dans la rivière,
du lit, renversa le guéridon et s'appuya sur
à Caen, vers cette heure-ci. J'étais à la pro-
la couverture.
menade; il faisait si chaud, qu'il nous prit
envie de nous baigner. Il me vint une fai-
Ce fut là que madame Deshoulières fit pa-
blesse dans l'eau, et je coulai. L'ablié de
raître toute sa fermeté. —
Ah I dit-elle, je
saurai qui vous êtes 1.... Alors, étendant ses
Ménil-Jean mon camarade, plongea je sai-
,
;
sis son pied, mais soit qu'il crût que ce fût
deux mains vers l'endroit où elle entendait
le spectre, elle saisit deux oreilles velues
un saumon, soit qu'il voulût promptement ,

qu'elle eut la constance de tenir jusqu'au


remonter sur l'eau, il secoua si rudement le
matin.
jarret, qu'il me donna un grand coup dans la
Aussitôt qu'il fut jour, les gens du château
poitrine, et me jeta au fond delà rivière qui
vinrent voir si elle n'était pas morte. Il se
est là très-profonde.
trouva que le prétendu revenant était un gros
Desfontaincs raconta ensuite à son ami
chien, qui trouvait plus commode de cou-
beaucoup d'autres choses.
cher dans cette chambre déserte que dans la
Bézuel voulut l'embrasser, mais alors il basse-cour.
ne trouva qu'une ombre. Cependant, son
DESPILLIEUS. Le comte Despilliers le
HZ DlCTIONNAinF, DKS SCIENCES OCCULTES. l'.i

père, qui mourut avec le grade de maréchal- bruit qu'elle avait fait tomba subitement.
de-cain|) de l'empereur Ch.irles VI, n'étiiit DEUIL. Les premiers poètes disnient que
encore que ca()ilaliie de cuirassiers, lors- les âmes après la mort allaient dans le som-
«que, se Irouvaiil en quartier d'hiver en bre empire c'est peut-être conformément à
:

Flandre, un de ses cavaliers vint un jour le ces idées, dit Saint-Foix, qu'ils crurent que
prier du le changer de logcinenl, disaul que le noir était lacouleur du deuil.
toutes les nuits il revenait dans sa chambre Les Chinois et les Siamois choisissent le
un esprit qui ne le laissait pas dormir. blanc, croyant aue les morts deviennent des
Despilliers se moqua de sa simplicité, et le génies bienfaisants.
renvoya. Mais le militaire revint au bout de En Turquie, on porte le deuil en bleu ou
quelques jours, et répéta la même prière; il en violet en gris, chez les Ethiopiens; on
;

fut encore nioi]ué. EuTin il revint une troi- le portait en gris de souris au Pérou, quand
sième fois, et assura à >oii capitaine qu'il se- les Espagnols y entrèrent.
rait obligé de déserter si on ne le changeait Le blanc, chez les Japonais, est la marque
pas de logis. D>'spilliers, qui connaissait cet du deuil, et le noir est celle de la joie. En
nomme pour bon soldat, lui dit en jurant: Castille, les vêtements de deuil étaient au-
— Je veux aller cette nuit coucher avec toi, trefois de serge blanche.
et voir ce qui en est. Les Perses s'habillaient de brun, et se ra-
Sur les dix heures du soir, le capitaine saient avec toute leur famille et tous leurs
se rend au logis de son cavalier; ayant mis animaux. Dans la Lycie, les hommes por-
SCS pistolets a^més sur la table; il se couche taient des habits de femme pendant tout le
tout véta. son épée à côlc de lui. temps du deuil.
Vers minuit il entend quelqu'un qui entre Chez nous, Anne de Bretagne, femme de
dans la chambre, qui, en un instant, met le Louis Xll, changea en noir le deuil, qui jus-
lit sens dessus dessous, et enferme le capi- que-là avait été porté en blanc à la cour.
taine et le soldat sous le matelas et la pail- A Argos, on s'habillait de blanc et on fai-
lasse. sait de grands festins. A Délos, on se cou-
Après s'être dégagé de son mieux, le comte pait les cheveux, qu'on mettait sur la sépul-
Despiiliers, qui était cepend;int très-hrave, ture du mort. Les Egyptiens se meurtris-
s'en retourna tout confus et fit déloger le ca- saient la poitrine et se couvraient le visage
valier. de bouc. Us portaient des vêtements jaunes
Il raconta depuis son aventure, pensant ou feuille-morte.
bien qu'il avait eu affaire avec quelque dé- Chez les Romains, les femmes étaient obli-
mon. Néanmoins il se trouva, dit-on, que le gées de pleurer la mort de leurs maris, et
lutin n'était qu'un grand singe. les enfants celle de leur père ,
pendant une
DESRUES, empoisonneur, rompu et brûlé année entière. Les maris ne pouvaient pleu-
à Paris, en 1777, à l'âge de trente-deux ans. rer leurs femmes; et les pères n'avaient
11 avait été exécuté depuis quinze jours, droit de pleurer leurs enfants que s'ils
lorsque tout à coup le bruit se répandit qu'il avaient au moins trois ans.
revenait toutes les nuits sur la place de Le grand deuil des Juifs dure un an; il a
Grève. lieu à la mort des parents.
On voyait un homme en robe de chambre, Les enf.ints ne s'habillent pas de noir;
tenant un crucifix à la main, se promenant mais ils sont obligés de porter toute l'année
lentement autour de l'espace (ju'avaient oc- les h tbits qu'ils avaient à la mort de leur
cupé son écbafaud et son bûcher, et s'écriant père, sans qu'il leur soit permis d'en chan-
d'une voix lugubre :
—Je viens chercher ma ger, quelque déchirés qu'ils soient. Ils jeû-
chair et mes os. nent tous les ans à pareil jour. Le deuil
Quel({uos nuits se passèrent ainsi, sans moyen dure un mois il a lieu à la mort des
;

que personne osât s'approcher d'assez près enfants, des oncles et des tantes.
pour savoir quel pouvait être l'auteur de Ils n'osent, pendant ce temps, ni se laver,
«;etle farce un peu sombre. ni se parfumer, ni se raser la barbe, ni même
Plusieurs soldats de patrouille et de garde se couper les ongles; ils ne mangent point
-en avaient été épouvantés. Mais enfin la ter- en famille.
reur cessa; un intrépide eut le courage de Le petit deuil dure une semaine : il a lieu
s'avancer sur la place; il empoigna le spec- à la mort du mari ou de la femme.
tre et le conduisit au corps-de-garde, où En rentrant des funérailles, l'époux en
l'on reconnut que ce revenant était le frère deuil se lave les mains, déchausse ses sou-
de Desrues, riche aubergiste de Senlis, qui liers, et s'assied à terre, se tenant toujours
était devenu fou de désespoir. en cette posture, et ne faisant que gémir et
DESTINÉE. Voy. Fatalisme. pleurer, sans travailler à quoi que ce soit
DESVItiNES, parisienne qui avait, au com- jusqu'au septième jour. Ces usages n'ont lieu
mencement du dix-septième siècle, des atta- que cht z les juifs pur sang.
-«lues de nerfs dont elle voulut tirer parti Les Chinois en deuil s'habillent de grosse
pour se faire une ressource. Les uns la di- toile blanche, et pleurent pendant trois mois.
-saient sorcière ou possédée, les autres la Le magistral n'exerce pas ses fonctions; lu
croyaient prophélesse. Le père Lebrun, qui plaideur suspend ses procès. Les jeunes
|)arle d'elle dans son Histoire des Supersti~ gens vivent dans la retraite, et ne peuvent
4ion$, reconnut comme les médecins qu'il y se marier qu'après trois années.
avait dans son fait une grande fourberie. Le Le deuil des Caraïbes consiste à se coupée
us DEV DKV UO
lescheveux cl à jeûner rigoureusement jus- avec vôtre; mais il ne cédera point à mes
le
qu'à ce que le corps du dcfunl qu'ils pleurent conjurations, si vous ne consentez à certai-
soit pourri; après quoi ils font la débauclif, nes conditions absolument nécessaires.
pour chasser toute tristesse de leur esprit. Les dames demandèrent arec empresse-
Chez certains peuples de l'Amérique, le mint quelles étaient ces conditions Les : —
leuil était conforme à l'âge du mort. voici, poursuivit la vieille; il s'agit de dé-
On était inconsolable à la mort des en- pouiller les vêtements qui vous couvrent, el
fants, et on ne pleurait presque pas les vieil- de déposer un instant ces ouvrages de luxe,
lards. Le deuil des enfants, outre sa durée, qui prouvent combien le genre humain s'est
était commun, et ils étaient regrettés de tout perverti. Adam était nu quand il conversait
le canton où ils étaient nés. avec les esprits.
Le jour de leur mort, on n'osait point ap- Les deux dames hésitent ; elles sont d'abord
procher des parents, qui faisaient un bruit tentées de se retirer; mais elles s'encoura-
effroyable dans leur niaison, se livraient à gent, el la curiosité l'emporte. Les robes et
des accès de fureur, hurlaient comme des les bijoux sont déposés dans une chambre,
désespérés, s'arrachaient les cheveux, se et chacune des curieuses passe dans un cabi-
mordaient, s'égratignaient toul le corps. Le net séparé. Elles y restèrent deux heures
lendemain, ils se renversaient sur un lit dans une impatience difficile à exprimer.
qu'ils trempaient de leurs larmes. Enfin, ne voyant point paraître l'espril, elles
Le troisième jour, ils commençaient les commencent à croire qu'elles ont été trom-
gémisscmenis qui duraient toute l'année , pées. La frayeur les poussent
saisit, elles
pendant laquelle le père et la mère ne se la- des cris ; leur» gens, les voisins accourent,
vaient jamais. Le reste de la ville, pour com- el on les lire de leur prison. La prétendue
patir à leur affliction, pleurait trois fois le sorcière, après les avoir eufermées, avait dé-
jour, jusqu'à ce qu'on eût porté le corps à ménagé avec leurs hardes el les siennes (l*).
la sépulture (1). Voy. Funérailles. Un plat d'argent ayant été dérobé dans la
DEUMUS ou DEUMO , divinité des habi- maison d'un grand seigneur, celui qui avait
tants de Calicnt, au Malabar. Cette divinité, la charge de la vaisselle s'en alla avec un de
qui n'est qu'un diable adoré sous le nom de ses compagnons trouver une vieille qui ga-
Deumus, a une couronne, quatre cornes à la gnait sa vie à deviner. Croyant déjà avoir
tête et quatre dents crochues à la bouche, découvert le voleur et recouvré le plat, ils
qui est fort grande ; elle a le nez pointu et arrivèrent de bon malin à la maison de la
crochu, les pieds en pattes de coq, et lient devineresse, qui, remarquant en ouvrant sa
entre ses griffes une âme qu'elle semble porte qu'on l'avait salie de boue el d'ordure,
prête à dévorer (2). s'écria toul en colère —
Si je connaissais le
:

DEVAUX, sorcier du seizième siècle, à gredin qui a mis ceci à ma porte pendant la
qui l'un trouva une marque sur le dos, de la au nez.
nuit, je lui rejeterais tout
forme d'un chien noir. Lorsqu'on lui enfon- Celui quila venait consulter regardant son
çait une épingle dedans, il n'en éprouvait compagnon —
Pourquoi, lui dit-il, allons-,
:

aucune douleur; mais lorsqu'on se disposait nous perdre de l'argent ? cette vieille nous
à y planter l'aiguille, il se plaignait beau- pourra-l-elle dire qui nous a volés, quand
coup, quoiqu'il ne vil pas celui qui portait ellenesait pas les choses qui la louchent (5j?»
les doigts au-dessus de la marque (3). Un passage des Confessions de saint Au-
DEVINS, gens qui devinent et prédisent gustin {Liv. IV, cliup. 2) nous donne une
les choses futures. Dans un siècleaussi éclairé idée de ce que faisaient les devins de son
que le nôtre prétend l'être, il est encore des temps.
personnes qui croient aux devins; souvent (( J'ai un souvenir bien distinct, dit-il,
même ces personnes si crédules ont reçu une quoiqu'il y ait longtemps que la chusi; suit
éducation qui devrait les élever au-dessus arrivée , qu'ayant eu dessein de disputer un
des préjugés vulgaires. prix de poésie, qui se donnait publiquement
Deux dames d'un rang distingué entendi- a celui qui avait le mieux réussi, un certain
rent parler d'une devineresse pour qui l'ave- homme qui faisait le métier de devin voulut
nir n'était point caché; elles résolurent de la traiter avec moi pour me faire remporter le
consulter, el se rendirent chez elle en allant prix. Saisi d'horreur pour les sacrifices abo-
au spectacle, c'est-à-dire dans toute leur pa- minables que les gens de cette profession
rure. Les bijoux qu'elles étalaient frappè- offraient aux démons, je le renvoyai au plus
rent la sorcière : — Mesdames, leur dit-elle, loin, et lui fis dire que, quand la couronne
si vous voulez lire dans l'avenir, il faut vous dont il s'agissait ne se devrait jamais flétrir,
armer décourage. Apprenez que nous avons quand même ce serait une couronne d'or, je
tous, dans ce monde, un esprit qui nous ac- ne consentirais jamais que pour me la pro-
compagne sans cesse, mais qui ne se ccmiuu- curer il en coûtât la vie à une mouche. »
nique qu'autant qu'il y est forcé par une Aujourd'hui, chez nous, dans beaucoup du
puissance supérieure. H ne tient qu'à moi départements encore, les jeunes villageois
de vous procurer un entretien particulier que le recrutement militaire menace dans la
M) Muret, des Cérémonies funèbres, elc. (4) Madame Gabrielle de P'", Démoniana, p. 24. C'eal
(2) Leloycr, Histoire di s spectres ou apparitions des es- peul-êlre l'hisloire coulée p:ir Dufi esiiy cl qu'on peut
prils, liv. m,(Il IV, |i. 2o7. voir au mot Bohémien.
(3) Delancre.'i'abk'aii u.' l'iiiconslance des démons, df.. (.')) Bardai, oaus l'.4rg nis.
liv. III, p. ma.
iir DICTIONNAIUE Di:S SCIENCES OCCULTES. 41»

plus sainle des libertés, voni trouvor les de- fait injure. Le soldat, de son côlé, taxa l'hô-
vins pour obtenir un heureux numéro au tesse d'infidélité ; ce que l'hôte ayant en-
timide. tendu, il jela le pauvre homme hors de sa
Voyez Cat"Ptr"m\sîcie, Cristimomancie, maison lequel tira son épée et en donna de
,

Cartomancie Main Divination PnÉnic-


, , ,
la pointe contre la porte. L'hôte commença
TiONs, etc. à crier au larron, disant qu'il voulait forcer
DEVOUEMKNT mouvement de . ceux qui sa maison, ce qui fut cause que le soldat fut
se dévouent, ou sort de ceux qu'on dévoue. mis en prison et son procès fait par le magis-
Les histoires grecque et romaine fournissent trat, qui le voulut condamner à mort.
beaucoup de traits de dévouement. Nous ne Le jour étant venu que la sentence devait
rappellerons pas ici le dévouement de Décius être prononcée et exécutée, le diable entra
(Voyez ce nom), ni celui de Codrus, ni tant en la prison, et annonça au prisonnier qu'il
d'autres. Il y avait aussi des villes où l'on était condamné à mourir ; toutefois, que s'il
donnait des malédictions à un homme pour se voulait donner à lui, il lui promettait qu'il
lui faire porter tous les maux publics que le n'aurait aucun mal. Le prisonnier répondit
peuple avait mérités. qu'il aimerait mieux mourir innocent que
Valère-Maxime rapporte l'exemple d'un d'être délivré par ce moyen. Le diable dere-
chevalier romain, nommé Curtius, qui vou- chef lui ayant représenté le danger où il était,
lut attirer sur lui-même tous les malheurs et voyant qu'il perdait sa peine , lui promit
dont Home était menacée. La terre s'était de l'aider gratis, disant qu'il ferait tant qu'il
épouvanlablement enir'ouverte au milieu du le vengerait de ses ennemis. Il lui conseilla,
marché ; on crut qu'elle ne reprendrait son lorsqu'il serait appelé au jugement, de re-
premier état que lorsqu'on verrait quelque montrer son innocence, en déclarant le tort
action de dévouement extraordinaire. Le qui lui était fait et que, pour cette cause, il
;

jeune chevalier monte à cheval , fait le tour priait le juge de lui bailler pour avocat celui
de la ville à toute bride et se jette dans le
,
qu'il verrait là présent avec un bonnet bleu :
précipice que l'ouverture de la terre avait c'est à savoir, lui , démon, qui l'assislerait.
produit, et qu'on vil se refermer ensuite Le prisonnier accepta celle offre. Etant donc
presque en un moment. au jugement, après qu'il eut entendu l'accu-
On lit dans Servius, sur Virgile, qu'à Mar- sation qui lui était faite, il ne faillit point à
seille avant le christianisme, dès qu'on
,
demander l'avocat qui s'était présenté à lui :
apercevait quelque commencement de peste, ce qui lui fut accordé. Alors ce fin docteur
on nourrissait un pauvre homme des meil- ès-lois commença à plaider et à défendre sub-
leurs aliments ; on le faisait promener par tilement sa partie, disant qu'elle était faus-
toute la ville en le chargeant hautement de sement accusée, et par conséquent mal jugée;
malédictions, et on le chassait ensuite afin que l'hôte lui retenait son argent et l'avait
que la peste et tous les maux sortissent avec forcé ; et il conta comme le tout s'était passé.
lui (1). Qui plus est, il déclara le lieu où l'argent
Les Juifs dévouaient un bouc pour la ré- avait été mis. L'hôte, étonné, ne s'en défen-
mission de leurs péi'hés. Voy. âzazel. d;iil pas moins fort et ferme, el niait impu-

Voici des traits plus modefn(;s Un inqui- :


demment en st donnant au diable; c'éiail là ce
siteur, en Lorraine , ayant visité un village qu'attendait le gentil docteur au bonnet bleu,
devenu presque désert par une mortalité, qui, ne demandant pas plus, laissa la cause,
apprit qu'on attribuait ce fléau à une femme empoigna l'hôle, l'emporta hors du parquet,
ensevelie, qui avalait peu à peu le drap et i'éleva si haut en l'air, que jamais depuis
mortuaire dont elle était enveloppée. On lui on n'a pu savoir ce qu'il est devenu.
dit encore que le fléau de la mortalité cesse- Ainsi le soldat fut délivré de peine, et mis
rait lorsque la morte, qui avait dévoué le hors de procès par un moyen étrange, au
village, aurait avalé tout son drap. L'inqui- grand étonnement de tous les assistants.
siteur, ayant assemblé le conseil, fit creuser On cite beaucoup d'histoires de ce genre ,
la tombe. On trouva que le suaire était déjà entre autres , l'aventure d'une riche demoi-
avalé et digéré. A ce spectacle, un archer selle d'Anvers, coquette et orgueilleuse, qui
tira son sabre, coupa la tête au cadavre, la vivait au temps où le duc d'Alençon domi-
jeta hors delà tombe, et la peste cessa. Après nait pour quelques jours en Brabant. Irritée
une enquête exacte , on découvrit que celle de certains contretemps, survenus à sa loi-
femme avait été adonnée à la magie et aux lelte, dont elle s'occupait fort, elle se mit en
sortilèges {2). Au reste , cette anecdote con- fureur et se donna au diable dans son em-
vient au vampirisme. portement. Elle tomba étranglée.
On lit ce qui suit dans les Grands et redou- Nous allons donner une légende qui ex-
tables jugements de Dieu, de Chassanion : « plique ce fait dans un autre sens.
Un
soldat qui passait par l'Allemagne , se sen- La jolie fille d^ Anvers.
tant malade, demeura dans une hôtellerie, I.
et donna son argent à garder à son hôtesse L'union d'Utrecht avait déclaré Philippe
;
quelques jours après qu'il fut guéri, il le re- II déchu de toute souveraineté dans les Pays-
demanda à celle femme, laquelle avait déjà Bas. Mais la nationalité belge sommeillait en'
délibéré avec son mari de le retenir : elle le core car d'imprudents traités avaientappelé
;

lui nia donc et l'accusa comme au pouvoir le duc d'Alençon , quatrième fils
s'il lui eût
(1) Lcl)rufi, Hisloiio lies supcrslilions, cliap, iv. Sprongcr, Malicus inaluOc.,pirl.
l. I, (2) I, quaesl. 15. Voyij
p. 413.
aussi EmoiUement.
,

U9 DEV DKV 4SA


deCalherinedc Mcdicis, frère du roi de Fran- lui en savoir gré. Après quoi , ils rolournè-
co Henri III, de triste mémoire. François de rent à Londres.
Valois duc d'Alençon débnrqua donc le 10
, , Celle nouvelle désenchanta quelques-uns
février 1582, à Flessingue. Il venait de Lon- des partisans du duc d'Alençon. Il avait beau
dres, où son mariage avec Elisabeth parais- s'appeler par la grâce de Dieu, duc de Lo-
,

sait d'autant plus assuré qu'on avait dressé thier de Brabant , de Limbourg et de Guel-
,

les articles du contrat , cl que la reine d'An- dre ,comte de Flandre marquis du Saint-,

gleterre lui avait mis au doigt son anneau , Empire,seigneur de Malines.etc... On savait
en présence de toute sa cour. Quoique Elisa- qu'il lui fallait conquérir la plupart des pays
beth eiit alors quarante-huit ans et le duc
, dont il prenait les titres; et il avait pour ad-
d'Alençon vingt-cinq, cette alliance était si versaire Alexandre, prince de Parme, fil»
brillante pour leur nouveau souverain, que de la gouvernante Marguerite, que les Belges
lesBrabançons et lesFIamands n'en voyaient avaient aimée. Le prince de Parme , alors fort
pas le côté ridicule. jeune , avait fait en 15C0 un séjour de quel-
François de Valois était assez laid. Il avait ques mois à Anvers oii il s'était montré si
,

le nez gros et enflé, un peu aquilin, rappro- aimable qu'on ne l'avait point oublié. Il y
,

ché de la bouche, le menton court et pointu, avait donc deux factions.


les joues faneés et boufûes les yeux rouges
, L'un des plus chauds partisans du duc d'A-
et presque toujours à moitié fermés, les che- lençon, était un très-riche négociant d'An vers,
veux, châtains ard(;nts, les moustaches fau- qui se nommait André Vynck et qui habitait
ves et clair-semées. Une pareille têle, enca- une sorte de palais sur la place de Meir.
drée dans une fraise énorme à gros tuyaux , Malgré les sommes considérables que lui
avait-elle pu plaire à la reine d'Angleierre , avait prêtées la reine Elisabeih, le nouveau
qui, de son côié, était rousse et laide aussi, duc se trouvant sans argent, en attendant les
mais se jugeait une beauté? 11 s'habillaitavcc subsides que lui fournirent les Etats , André
élégance. Son caractère humoriste et in- Vynck lui avança deux cent mille florins ,
quiet aurait pu se révéler dans son teint dont il se trouva sans doute dédommagé par
bilieux, s'il n'avait pas mis du rouge et des les fêtes brillantes qu'il donna, et que le duc
mouches. d'Alençon voulut bien honorer de sa pré-
Ce prince sans éloffe fil son entrée à An- sence.
vers le19 février, accompagné de plusieurs André Vynck avait , pour unique héritière
gentilshommes anglais et d'une suite nom- de son immense fortune, une fille d'une
breuse de jeunes seigneurs français, qui gou- beauté si éblouissante , qu'on ne l'appelait
vernaient son esprit et qui n'avaient de re- pas autrement que la jolie fille d'Anvers.
marquable que leur étourdorie. Il alla se lo- Elle se nommait Sabine, ayant eu la comtesse
ger à l'abbaye de Saint-Michel, oii il fut re- d'Egmond pour marraine , en 1564. On ne
connu et proclamé duc de Brabant et mar- saurait faire le portrait de celte jeune fille ;
grave du saint Empire. Des fêtes publiques mais ce que les récits en disent la porte aux
animèrent Anvers pendant plusieurs jours nues. Elle avait été élevée avec un cousin ,
à l'occasion de cet événement. Cependant Paul Leenaer, né à Anvers en 1561, qui n'a-
beaucoup de bourgeois tout en préférant la
,
vait jamais connu son père et qui était or-
France a l'Espagne, avaient espéré mieux. phelin depuis trois ans. Ce jeune homme , à
Ils regardaient le duc d'Alençon comme une qui sa mère jusqu'à sa mort n'avait cessé de
espèce d'aventurier qui venait exploiter le recommander l'affection et l'attachement au
pays. On parlait avec surprise du prince prince de Parme , ne partageait pas les opi-
d'Orange qui lui avait remis le chapeau et
,
nions d'André Vynck; et depuis l'avénemcnt
le manteau ducal, et qui le premier l'avait du duc d'Alençon le vieux négociant , ex-
,

salué duc de Biabant. On avait remarqué clusif comme on l'est si impitoyablement en


encore que le nouveau souverain avait politique , ne recevait plus Paul dans sa
paru peu gracieux en jurant de maintenir maison.
les privilèges acquis. H avait près de lui un autre adversaire ,
Parmi les officiers français qui accompa- qu'il ne pouvait pas traiter si cruellement
gnaient le duc d'Alençon , on avait observé mais qu'il s'eiïorçaitde soumettre ; c'était Sa-
surtout le sieur de Rochepot , courtisan de bine. Èlleavait adopté les sentimentsde Paul,
haute taille, fat de quarante ans, dont la llyavait mémcuncopinionrépanduelout bas
figure effrontée contrastait singulièrement dans le public, que la jolie fille d'Anvers n'au-
avec les bonnes faces anversoises, et qui s'é- rait jamais d'au treépoux que son jeune cousin;
tait raillé des prérogatives du peuple, de fa- quoique le fier André Vynck , plein de la
çon à inspirer d'avance de l'ombrage. morgue hautaine que donne l'aristocratie
Le 1" mars , on annonça d'une manière d'argent fût loin de soupçonner que sa fille
,

presque officielle le mariage du nouveau duc pût s'allier à un homme sans fortune ; d'au-
avec la reine d'Angleterre. Toutes les clo- tant plus que Sabine se montrait à tous les
ches sonnèrent à cette occa-ion. Mais peu de yeux superbe altière excessivement co-
, ,

jours après, l'amiral Howard et le lord Ley- quette et fière, qualités que son père admi-
cesler déclarèrent au duc de Brabant que rait avec orgueil.
leur souveraine voulait rester libre; qu'elle Or, le 18 mars de ladite année 1582, pen-
n'avait fait mine de consentir à l'épouser que dant que la cour fêtait le jour natal du duc
pour lui procurer une souveraineté indépen- d'Alençon, le prince d'Orange sortant de ta-
«lante; qu'il y était parvenu , et qu'il devait ble à son hôtel, un jeune Espagnol , nommé
4M DICTIONNAIRE DES SCIhNCES OCCl'LTES. 451

litrreguy , lui tira un coup de pistolet dnns qui par la vanité et trop grande curiosité do
la lêle. Laballo entra sous l'oreille gauche, ses habits et collets à fraise, goudronnés à
traversa palais sous les dents supérieures
le la nouvelle mode, fut étranglée du diable en
et sortit par la joue droite. L'assassin fui tué 1582, traduit de la langue lîamande en fran-
sur la place par les gens du prince , qui se çais avec une remontrance aux dames el
,

guérit assez vile et continua d'être l'un des filles. »Nous n'avons pu nous procurer cet
plus assidus courtisans du duc d'Alençon. ouvrage en flamand.
Mais au premier bruit de ce crime, la partie Il parait donc que Sabine Vynck alla au

du peuple qui aimaille prince d'Orange, at- bal offert par le duc d'Alençon. Elle y frappa
tribuanl l'attentai aux Français , courut en toute la cour. Elle s'aperçut aussi de l'empire
armes investir l'abbaye de Si-Michel, avec l'in- qu'elle exerçait; ne p')uvant espérer d'atten-
tention d'y mellreleleu etdemassacrerlenou- drir »on père, elle obtint de Hochepot lui-
veau duc et sa suite. Fort heureusement, Ândié même un peu de temps pour se préparer au
Vynck, se trouvant chez le prince d'Orange, mariage.
fouilla l'assassin trouva sur lui des lettres
,
Plusieurs fêtes se donnèrent en son hon-
qui prouvaient qu'il était Espagnol , et qu'il neur. Le vingt-septième jourde mai de l'année
n'availtenléle forfait que parce que Philippe 1582 , le contrat de Sabine el de Rochepot
11 avait promis qualre-vingl mille ducats devait enfin se signer. « Cette jeune el belle
pour ce meurtre. 11 courut éclairer la foule, au possible el tant aimable fille (dit la rela-
dont la colère changea d'objet , et qui se re- tion imprimée, qui du reste la traite fort m.il),
tira vomissant des imprécations contre l'Es- fière et orgueilleuse de son opulence, com-
).Mgne. II parait , au reste, que François de plaisait par sa rare beauté el ses habits
^'
/alois avait eu peur; car le lendemain, il somptueux à une infinité de seigneurs, qui
alla avec sa cour chez André Vynck pour le tous lui faisaient la cour. Pour le festin qui
remercier. lui fut donné ce jour-là, voulant paraître en
Le sieur de Rochepot, que les pompeux bonnes grâces par-dessus toutes les dames
éloges qu'on faisait de la beauté de Sabine cl filles, elle résolut de se parer de ses plus
avaient déjà rendu pensif, sollicita l'honneur riches vêlements , de friser sa chevelure et
de la saluer; il en fut si ébloui qu'abaissant de l'orner d'épingles d'argent , comme fai-
sa fierté devant le riche négociant , il profita saient les Italiennes ; et attendu que les Fla-
de l'occasion pour la demander en mariage. mandes surtout aiment le beau linge, elle fit
Le sieur de Hochepot était un gentilhomme faire qualreou cinq collets ou fraises en toile
distingué pur sa position et sa naissance; le fine , dont l'aune coûtait neuf écus. Elle
duc, qui l'aimait, pour favoriser cette union, manda une empeseuse, la priant de lui en
promit de lui donner le gouvernement d'An- préparer deux magnifiquement et lui pro- ,

vers; et, bien différent delà plupart des mettant pour la peine vingt-quatre sous de
pères , dans ce pays où toute espèce de ty- Brabant.
rannie est un phénomène, André Vynck, « L'empeseuse, au mieux qu'il lui fut pos-
sans consulter Sabine, répondit qu'une telle sible, arrangea lesdits collets. Mais ils ne se
alli.ince l'honorait et qu'il y donnait les trouvèrent pas au gré de ladite fille coquette,
mains. La jolie fille, consternée, se retira quiàrinstanlenvoyaquériruneautrefemme,
pour pleurer dans sa chambre. Le duc d'A- à qui elle promit un écu, si elle accommodait
lençon, avant de quitter André Vynck, l'in- bien ses fraises. Celle-ci ne réussit pas mieux ;
vita avec Sabine à un grand bal qu'il voulait el la jeune fille, dépitée, jeta tout par terre,
donner, pour annoncer ce mariage. jurant el disant qu'elle aimerait mieux se
Une heure après , une lettre mouillée de donner au diable que d'aller à la cour, parée
larmes fut apportée mystérieusement par la de si mauvaise sorte.
nourrice de la jolie fille d'Anvers à Paul Lee- « La pauvre et forcenée fille n'eut pas plu-
naer qui habitait une petite maison du Mar- tôt achevé ce propos, que le diable, qui était
ché-aux-Gants. aux aguels , ayant pris la figure d'un secret
IL amoureux qu'elle avait , se présenta devant
elle, portant à son cou une fraise dressée en
Nous éprouvons ici quelque embarras. Les
perfection. Ah! mon ami, lui dit-elle, que
documents qui nous ont guidés jusqu'à pré-
vous avez une belle fraise voulez-vous me
1
sent deviennent incomplets ,.pour la conti-
la donner, à moi qui suis toute à vous?
nuation de l'histoire impartiale de la jolie
L'esprit malin l'ôle aussitôt de son cou , la
fille d'Anvers.
met joyeusement à celui de la jolie fille, puis
Nous avons dit qu'il y avait dans cette l'embrassant, lui lord misérablement le cou,
villedeux factions. Les partisans du prince et la laisse morte et désanimée sur le plan-
de Parme étaient ennemis acharnés d'André cher de sa chambre. »
Vynck, qui s'était attaché au duc d'Alençon ; Quand son père vint la chercher pour la
et nous tenons d'eux les seuls matériaux de conduire à la cour, il la trouva gisante, roido
celte seconde partie. On doit donc s'attendre morte , el si défigurée, si tordue, si affreuse,
à y rencontrer de l'animosilé. Ces matériaux qu'il ne l'eût jamais reconnue, si sa nourrice,
sont des fragments manuscrits, appuyés d'un avec un monde de sanglots, ne lui eût conté
petit volume imprimé à Paris , avec permis- l'horrible aventure, dont le récit lui fil dresser
sion, chez Benoît Chaudet, et intitulé : «Dis- les cheveux sur la tête. Après qu'il se fut la-
cours oiiraculoux , inouï et épouvantable mente avec angoisse, André Vynck fit ense-
,
advenu à Anvers, d'une jeune fille fiamande. velir sa fille; ou la mil dans un cercueil, cl
*;;5 DEV DEV IKi

on dit auxToisins que lapnuvre Sabine était troubles des Pays-Bas, commandait à Anvers.
morte subitement d'une apoplexie. Les assiégés et les assiégeants se surveil-
Le seigneur de Rorhepot se consola de laient s;ins relâche dans les guerres d'alor»
:

cette perte ; ce qui a croire qu'il aimait


fait les surprises offraient de vastes ressources.
encore mieux, dans la jolie fille d'Anvers, ses Le prince de Parme avait surtout établi dans
grandes richesses que sa rare heaulé. son camp une austère discipline.
On ne voyait presque plus Paul Lenaer. Or, une nuit qu'un des officiers de ce
Deux mois après cet événement , il entra un prince faisait la ronde, il trouva dans les
jour dans l'église de Saint-J.icques, où cer- postes avancés une sentinelle endormie. On
tain ministre huguenot faisait le prêche; car sait que ce délit, dans les codes militaires,
en ces temps mauvais les catholiques n'a-
, est un crime qui mérite la mort; car il peut
vaient pas le dessus à Anvers. Ledit ministre, perdre une armée. Le lendemain m.itin, un
qui est, à ce qu'on croit, l'auteur de la rela- conseil de guerre condamna l'infortuné à
tion imprimée, se dressant contre l'orgueil et mourir. C'était Paul Leenaer, qui, toujours
les parures miMidaines , racontait la cruelle partisan du prince de Parme, s'était rangé
mort de Sabine , ajoutant sur sa sépulture sous ses drapeaux. Mais se considérant
d'horribles détails. Il Giiit par celte pieuse comme volontaire, souvent il s'absentait du
exhortation : « Par cet exemple véritable el camp durant le jour; on ignorait absolument
tout nouvellement advenu, vous devez, mes- le but de ses courses il était présent lors-
:

dames, prendre garde à vous , el croire que qu'il fallait se battre il faisait la nuit son
;

le ciel vous avertit de corriger vos vices el service. Cette fois, fatigué sans doute, il
modérer vos habits effrénés el voluptueux , avait, sans le savoir, succombé au sommeil.
si vous voulez finir par une mort honorable.» Pouvait-il vaincre la nature? et les lois qui
A
ce discours, Paul Leenaer se mit à rire tuent pour cela ont-elles été faites par des
tout bas , d'une façon si singulière, que le hommes?
bedeau voulut l'arrêter à cause du scandale. Quoi qu'il en soit ,
l'exemple cl la disci-
Mais un gantier qui le reconnut se prit à pline demandaient son sang. On le vil pleu-
dire : Laissez-le sortir en paix. C'était le fu- rer, presque demander grâce, hésiter sur un
tur époux de Sabine ; el la perte de la jolie aveu qu'il ne fit pas. On s'en étonna, car il
ûlle l'a rendu insensé. était brave. Il supplia qu'on lui permit d'é-
IIL crire une lettre d'adieu, qu'il remit à l'un de
Le 16 janvier 1583 , le duc d'Alençon, mé- ses camarades ; après quoi il marcha à la
content du peu d'autorité qu'il avait en Bel- mort conduit par six vieux arquebusiers,
,

gique, résolut de s'emparer militairement des que commandait un archer du prévôt mili-
villes pour les gouverner ensuite, comme on taire. Son régiment, suivant l'ordre, l'accom-
faisait alors en France, sous le régime du pagna sans armes au terrain choisi pour
bon plaisir. Quoique fatigué par les fêles, il l'exécution, et forma un carrésur trois faces.
s'était personnellement chargé d'An vers. Mais Les tambours battirent un ban ; un officier
ce projet n'alla pas comme il l'avait espéré. rappela aux soldats, d'une voix haute et
Ses troupes , repoussées avec perle , furent grave, qu'il était défendu, sous peine de
obligées d'évacuer Anvers; le sieur de Ro- mort , de crier Grâce Paul se mit à genoux
I

chepot.qui avait pris beaucoup de peine pour devant un prêtre, pendant qu'un soldat disait
tendre un piège aux bourgeois, fut tué; le à ses voisins Allongez-vous un peu par là,
:

duc d'Alençon s'enfuit , l'esprit affaibli le , vous autres, et ne laissez pas voira ce pauvre
corps malade, el s'en alla mourir à Château- garçon ces figures d'infirmiers qui viennent
Thierry. Le prince d'Orange, d'un autre côté, déjà chercher son corps pour l'enterrer.
avait été tué par Balthazar Gérard. La posi- Quand le prêtre eut entendu la confession
tion s'était donc bien simplifiée. du jeune condamné, sa figure se décomposa.
André Vynck qui , malgré sa dureté de On battit un second ban; le greffier lut
cœur, ne s'était pas consolé encore de la à Paul sa sentence; il en passa la moitié
mort de sa fille, était furieux contre le duc pour abréger son agonie. Le prêtre n'eiilen-
d'Alençon. Le petit souverain était parti sans (lait rien; il paraissait hors des choses de ce
lui rendre ses deux cent mille florins. Le monde Leenaer demanda , d'un ton altéré,
vieux négociant sentait ses opinions, singu- à commander lui-même le feu. On lui ac-
lièrement miiigées , se rapprocher tous les corda cette faveur : il ne savait pas que cet
jours du prince de Parme, qui, dans l'été de affreux exercice se commandait en signes ,
1584, reconnu de la plupart des provinces bel- et que par humanité on exécutait toujours
ges, vint commencer ce fameux siège d'An- un temps d'avance. Il dit adieu à ses amis
vers, l'un des plus mémorables de l'histoire. el fit face aux mousquets.

Alexandre, prince de Parme, était fils d'Oc- Mais au moment où les soldats appuyaient
tave Farnèse el de Marguerite d'Autriche , leur arme sur l'épaule lorsqu'il n'y avait
,

fille de Charles-Quint. Cette circonstance, plus pour Paul Leenaer qu'une seconde de
jointe à beaucoup de qualités éminontes, lui distance entre la vie et la mort , le prêtre
.ivait ramené de nombreux amis. Cependant sortant tout à coup d'une sorte de rêve hor-
il avait aussi des opposants ; il lui fallut pour rible se jeta avec un grand cri au-devant
,

entrer dans Anvers poursuivre un siège qui du corps de Paul. Il avait aperçu, accourant
dura plus d'un an. échevelée, la jeune femme dont il venait de
Marnix de Sainte-Aldegonde , celui qui ,
lui parler dans sa confession. Elle parutans-
comme on disait, avait ouvert la scène aux silôt , criant Grâce Toutes les armes loin-
1
,

iHS DICHONN.MRE DES SCIENCES OCCULTES 4S6

hèrcnl à Icrre. C'était Sabine, la jolie fille n'a jamaispu retrouver les traces; tantôt les
d'Anvers , qui s'était échappée par strata- crimes épouvantables de monstres à formes
gème à la recherche du sieur de Rochepol, humaines, qui ont porté le ravage et la mort
et que Paul avait épousée en secret. jusi|uedans le village même. Quelquefois le
Le vieux André Vjnik pleura de joie en narrateur rustique raéle des images riantes
retrouvant sa fille , dont il approuva le à ces sombres tableaux; c'est ainsi qu'il se
mariage; et à la capitulation d'Anvers, qui plall à conter comment une femme d'une
eut lieu le 17 août 1585, il fêta son gendre majestueuse beauté s'est élevée un jour du
par des fêles plus joyeuses que celles du fond du Saut de l'Ermite, et a calmé la tem-
duc d'Aiençon ; car personne n'y souffrait. pête qui avait déjà détruit la moitié deVilIe-
DL\BLË. C'est le nom général que nous ei»-Selve. Mais parmi ces récils, l'origine du
donnons à toute espèce de démous. Il vient Saut de l' Ermite e&t celui qu'il reproduit avec
d'un mot grec qui désigne Satan , précipiié le plus d'amour. Le voici dans toute sa sim-
du ciel. Mais on dit le diable lorsqu on parle plicité.
d'un esprit malin, sans le distinguer particu- Vers la fin du neuvième siècle, vivait dans
lièrement. On dit le diable pour nommer spé- les bois de Germanie un vénérable ermite ,
cialement l'ennemi des hommes. qui avait nom Fulgunde. Ce saint homme
On a fait mille contes sur le diable. Nous passait sa vie à prier Dieu et à parcourir les
en citerons un. hameaux voisins. A dix lieues à la ronde il
Un chartreux étant en prières dans sa
, était connu et chéri de tous. Aux riches il ,

chambre, sent tout à coup une faim non ac- recommandait les pauvres aux malades, il
;

coutumée, et aussitôt il voit entrer une fem- apportait quelques secours à tous il don- ; ,

me, laquelle n'était qu'un diable. Elle s'ap- nait des consolations. Le bon ermite ne de-
proche de la cheminée , allume le feu et , mandait rien pour lui-même et cependant ,

trouvant des pois qu'on avait donnés au re- une idée fixe le préoccupait il avait nu dé-
;

ligieux pour son dîner, les fricasse les met , sir, un désir aussi saint qu'il était ardent:
dans l'écuelle et disparaît. Le chartreux con- ilvoulait élever une chapelle en l'honneur
tinue ses prières , puis il demande au supé- de la sainte Vierge, c'était le seul vœu de sa
rieur s'il peut manger les pois que le diable vie; il se mêlait à tous ses rêves, à tous ses
il préparés. Celui-ci répond qu'il ne faut jeter travaux, à toutes ses prières.
aucune chose Cl éée de Dieu, pourvu qu'on la Un soir que Fulgunde s'était endormi ,

reçoive avec action de grâces. Le religieux bercé parcetledouce pensée, unjeune homme
mangea les pois et assura qu'il n'avait ja-
, luiapparut; il était vêlud'une robe blanche, et
mais rien mangé qui lût mieux préparé (1). avaitcevisageëclatantet radieux qui n'appar-
Nous pourrions former des volumes sur —
tientqu'aux anges. Bon ermite, lui dit-il, le
les traditions populaires dont le diable est FilsdeDieua entendu vos prières; ce que vous
l'objet. Nous choisissons trois légendes, dans désirez s'accomplira comme vous le voulez.
le recueil piquant que M. le comte Amédée Prenez cette image de sa sainte Mère; par
de Beauforla consacré au midi de la France. elle vous opérerez des prodiges. Souvenez-
Le Saut de l'Ermite. vous seulement des paroles du Fils de Dieu:
A quelques lieues de Louvois , près d'un Veillez et priez.
poétique hameau nommé Ville-en-Selve , il Fulgunde , éveillé par cette vision, trouva
existait encore, il y a plusieurs années, une seulement auprès de son chevet une petite
sombre excavation , qui avait été autrefois image de la Vierge. Il la prit, la plaça dans le
une carrière, et qui portait le nom singulier lieu le plus apparent de son oratoire; puis
de Saut de l'Ermite. Les habitants des envi- il se jeta à genoux. Avec quelle effusion
rons racofilent des choses étranges et mer- il remercia la Vierge sainte! comme il était

veilleuses au sujet de ce précipice. Il est vrai heureux et reconnaissant Tout à coup une
!

que sa position a dû singulièrement prêter idée soudaine traversa son esprit: Je punirai
aux récits fantastiques des couleurs du lé- Satan, pensa-t-il, c'est lui gui édifiera la
gendes. Le Saut de l'Ermite est situé au mi- chapelle de la Vierge.
lieu d une forêt séculaire, loin de toute habi- Aussitôt Fulgunde prit l'image mystérieu-
tation ; d'épaisses broussailles en défendent se, et ordonna à Satan de paraître.
l'entrée, et des cavités profondes semées tout Au même, instant la terre s'ouvrit , et le
alentour rendent son accès dangereux à ceux diable parut. Quoiqu'il n'eût pas l'air tout à
que les bruits populaires n'en éloignent pas. fait humble et soumis, il ressemblait plutôt à
Pendant les troubles delà terreur, une bande un serviteur indiscipliné qu'à un ange déchu.
de brigands avait choisi cet abîme pour re- Pourtant , à le considérer attentivement, on
paire, ce qui n'a pas médiocrement contribué pouvait apercevoir en lui quelque chose
à augmenter sa mauvaise réputation. Aussi, d'étrange et en même temps de terrible. Or
quand les rudes labeurs de la journée sont çà , maître Satan , lui dit l'ermite , ia bonne
terminés , le gouffre fatal fournit toujours à Vierge m'a permis de lui édifier une chapelle,
la veillée quelques-uns de ces mystérieux ré- j'ai pensé à toi pour la lui bâtir.
cits qui resserrent autour de l'âtre à demi On peut imaginer quelle horrible grimace
éteint le cercle effrayé des jeunes filles de fit le monstre à cet ordre Lui , Satan bâtir ,

Ville-en-Selve. Tantôt ce sont les terribles une chapelle à la Mère de son juge , sortir
aventures d'une jeune princesse enlevée à de son repos pour voir abaisser son orgueil
ton père en passant dans la forêt, et dont on à uneœuvre d'esclave; c'était trop. Il essaya
<1) Le carUiniil Jacques de Vilry. d(3 fuir, l'image de la Vierge le retint comme
457 MA m\ 458

nne chaîne brûlante. Depuis longlcmps,rer- avait l'air triste et affligé.— Pauvre ermite,
niite avait choisi le lieu où il désirait que sa lui dit-il vous avez été vaincu par Satan ;
,

cliapellefûl élevée; c'était une riante colline, vous êtes son esclave. Vous n'avez pas su
couronnée au sommet d'un bouquet d'arbres veiller et prier jusqu'à la fin.
touffus, et qui dominait les villages voisins. La figure horrible du diable remplaça pres-
Arrivé là avec Satan, Fulgunde lui ordonna que aussitôt celle de l'ange auprès de Ful-
de creuser les fondements. Quand ce travail —
gunde. Marche, marche, lui disait-il, lu as
fulterminé,rermite se rendit dans un vallon, creusé un précipice tu y tomberas.
,

dont le sol pierreux lui paraissait propre à Et ce disant il le poussa dans un vallon
,

fournir les matériaux dont il avait besoin. Il qui avait servi de carrière , et l'y précipita.
avait pris avec lui l'image sainte; il n'ont Le pauvre ermite ne mourut pas de sa chute:
qu'à la tourner vers la lerre , et aussitôt le le bon ange le soutint sur ses ailes ; il inter-
vallon s'cntr'ouvrit et les pierres en sorti-
, céda même si ardemment pour lui auprès de
rent avec un grand fracas. On raconte que la Vierge , qu'au bout de deux ans d'expia-
le démon ne mil que trois jours à les trans- tion, Fulgunde fut rendu à son cher ermita-
porter sur la colline et à les tailler. Il est ge. La miséricorde de la sainte Vierge ne se
vraique l'ermite ne lui laissaitpas un instant borna pas au pardon ; elle fil redevenir Satan
d;; relâche; chaque fois que Satan voulait se esclave, et cette fois l'ermite sut se montrer
reposer, Fulgunde tournait vers lui l'image si vigilant qu'avant la nuit la chapelle était
miraculeuse, et le démon se remettait aussi- construite cl le diable replongé dans l'enfer.
tôt au travail en faisant d'horribles contor-
Le Pas de Souci.
sions. C'était merveille de voir avec quelle
habileléil maniait la pierrecl lui donnait une En remontant les rives pittoresques du Tarn,
forme élégante et pleine de vie; sous ses on arrive à un bassin d'un aspect si sauvage,
griffes elle se découpait en rosaces brodées qu'on le dirait bouleversé par une main sur-
comme une fine dentelle elle s'élançait en
, naturelle etmalfaisante. Figurez- vous une es-
clochetons aériens en longues colonnettes
, pèce de cirque fermé presqu'cutièremenl par
semblables à des tuyaux dorgucs elle se , des rochers inaccessibles. Aucune trace de
sculptait en bas-reliefs, en figurines de toute culture, aucune végétation n'adoucissent aux
espèce. Jamais ouvrier n'avait mis la main à un yeux leur âpre nudité; le lierre et le buisson
chef-d'œuvre aussi accompli. A chaque nou- ne croissent pas même dans leurs fissures.
velle pierre qui enrichissait sa chère cha- Seulement, quelques lichens verdâlres, des
pelle, Fulgunde souriait de bonheur et de arbustes rares et rabougris, rampent au pied
joie, il en aurait presque moins ha'ï Satan , de ces masses désolées; et pourtant il y a
si cela eût été possible. quelque chose de riche et d'énergique dans
Cependant la nuit du quatrième jour ap- ces pics aigus et dépouillés, dans ces roches
prochait, et l'ermite n'avait pas pris un ins- tantôt à pans larges et lourds, tantôt décou-
tant de repus. Malgré lui, le sommeil fermait pées en dentelures délicates, comme par la
ses paupières: il avait beau redoubler d'ef- fantaisie d'un artiste. Le soleil fait éclater
forts ,il ne pouvait plus surveiller le diable les chaudes teintes dont elles sont colorées.
avec autant d'attention. Disons-le, à la honte Ici des aiguilles d'un ton ardent et rou-
,

de la faiblesse humaine . Fulgunde s'en- geâtre s'enlèvent en lumière sur le fond


dormit. sombre et béant de cavités profondes; là,
A cette vue, un sourire épouvantable con- une immense pierre, coupée comme une mu-
tracta le visage de Satan. Le sommeil du raille, offre les teintes grises d'une ruine ;
maître lui rendait sa liberté; il ne pouvait en plus loin, et par de larges ouvertures, d'au-
profiler que pour la vengeance. Ce n'était tres rochers, disposés en perspective, pas-
))lus cet esclave soumis qui obéissait au sent d'un bleu foncé au bleu le plus transpa-
moindre signe, c'était l'ange du mal déchaîné, rent. Tous ces jeux de l'ombre et de la lu-
joignant à son indomptable orgueil la rage mière à travers ces formes bizarres animent
d'avoir été asservi. Il se trouvait alors sur le celte nature si âpre, et peuvent fournir à l.t
faite du clocher, dont il achevait d'effiler palette du peintre les plus piquantes opposi-
l'aiguille percée à jour; il glissa doucement tions.
le long de la pente extérieure, comme un en- L'enceinte que forment ces masses abruptes
fant qui se laisse aller sur le penchant d'une est parfaitement en harmonie avec leur as-
verte colline; en passant, il jetait un regard pect sauvage; tout y indique un effrayant
moqueur et une insulte à chaque statuette cataclysme les rochers y sont entassés dans
:

de saint qu'il avait sculptée; on dit même le plus étrange désordre, et c'est à peine si
<iu'il porta l'audace jusqu'à promener sa le voyageur peut se frayer un passage à Ira-
queue sur le visage de ces saintes images. vers leurs débris.
Arrivé au bas du clocher, il poussa un rire Jadis deux immenses pyramides se dres-
épouvantable, ei renversa d'un coup de pied saient dans ce lieu aune hauteur prodigieuse:
la merveilleuse chapelle. l'une se nomme le roc d'Aiguille, et son nom
Le fracas de la chute éveilla le pauvre er- indique sa forme celui-là seul est resté de-
;

mite. Pour juger de sa désolation figurez- , bout. L'autre s'appelle le roc de Lourdes ; de
vous la douleur d'un homme qui voit échouer celui-ci il ne reste plus que la base, il s'est
au port le vaisseau qu'il avait chargé de ses écroulé dans la vallée. C'est à travers les dé-
biens. Fulgunde était consterné. Au même bris de ce géant terrassé que le Tarn a dû
instant le messager de la Vierge parut; il •
se frayer un passage arrêté à chaiiue pas
;

Dictions, des sciences occultes. I, 15


«se DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 400

p.ir mille obstacles, tantôt serré entre deux une mule, s'interpellaient violemment, et des
couches, ils'élance avec fracas de leur ex- menaces ils allaient bientôt en venir aux
trémité, tantôt faible et inaperçu, il sest coups. Le saint homme fut obligé d'interve-
creusé sans bruit un étroit canal. Ce n'est nir, et comme il ne put apaiser leur colère,
j>lus une seule rivière, mais une multitude de il se mit à genoux, priant Dieu de les éclai-
sources , dont le murmure trouble seul le rer.
silence de la vallée. —
Mort Dicul dit l'un des paysans , mes-
Le bassin désolé que nous venons de dé- sire ermite, mieux vaudrait prier le ciel do
crire a reçu des babilanls des montagnes nous bâtir ici un pont.
voisines le nom de Pas de Souci. L'imagina- —
Mon fils, dit le saint. Dieu est tout-pqis-
tion naïve et pittoresque du moyen âge n'a sanl ; mais il ne faut pas le tenter.
pas manqué de s'exercer sur un lieu qui Puis à force d'instances, il apaisa la que-
prétait si bien à la légende ; aussi, quelle relle. Mais depuis lors, il passait les jours
(lue 8t>il la cause que la science pourrait at- de marché à pleurer et à jeûner, s'offrant
tribuer au cataclysme dont celle vallée a clé en expiation pour tous les péchés qui so
le ihéâlre, voici celle que lui a assignée la cominettaient à ce fatal passage de la Junte.
pieuse crédulité des anciens temps. Dieu tenait son serviteur en trop grande
A peu de distance du Pas de Souci, il existe estime pour ne pas prendre en cousidcratinn
un village dont la siluation pittoresque est ses prières et ses vœux ardents. Un soir ,

parfaitement en harmonie avec le sileqni Guillaume était en prières; un ange lui ap-
l'environne ; seulement, le paysage est plus parut. Il portait une blanche tunique; son
varié que dans le bassin de Souci, et abonde front était ceint de la célisle auréole, son
en oppositions charmantes. Ici , la môme visage respirait la doureur et la bonté. —
nature sauvage et grandiose; là, sur les Dieu a ouï ta prière, dit-il au saint ; il en a
bords de la Junte, une verdure émailléc de été touché. Mais Guillaume, qu'est-ce quo
,

fleurs, des eaux limpides et murmurantes , la foi qui n'agit point? A l'œuvre donc; Dieu
puis, derrière, un rideau de peupliers. Au- t'aidera.
dessus de rochers moussus, s'élève le village n'en fallut pas davantage pour enflam-
11

de Sainte-Enimie et le clocher pointu de sa mer le zèle du saint. Il se rend aussitôt à


petite église. La civilisation n'y a point en- l'église, el après une homélie sublime dune
core passé; plaise à Dieu qu'elle en oublie les éloquente simplicité, il entraîne les hal)itants
rustiques habitants 1 de Sainte-Enimie sur les bords de la Junte
C'est dans ce village que vivait, au hui- pour y consiruire un pont. Le secours de Dieu-
tième sièele, un saint homme, nommé Guil- fui visible. En peu de jours, le pont s'éleva
laume. Un jour on l'avait vu arriver , seul
,
comme par enchantement. Les habitants bé-
et grave, un bâton blanc à la main, velu d'un nissaienl Guillaume, qui s'humiliait en ren-
simple habit de bure. D'où venait-il? On \'i- voyant toutes les louanges à Dieu.
giiorail. Avait-il un autre nom? Personne Mais ce succès merveilleux ne faisait pas
ne put jamais le savoir. Mais, certainement, le compte de mons Satan il se voyait enlever
;

il avait été habitué à porter d'autres habits ainsi désormais toutes les âmes qui se dam-
(|ue ceux qui le couvraient ; dans son air naient au passage de la Junte. Il eut l'audace
noble et fier , el qu'il cherchait à rendre de s'adresser à Dieu pour se plaindre de ce-
humble et modeste, on lisait l'habitude du lui qu'il regardait comme son ennemi, Guil-
con>mandement. Il choisit sa demeure dans laume; il lui renouvela le même discours
l'excavation profonde d'un rocher, et sa vie qu'il lui avait tenu autrefois au sujet du saint
fut bientôt admirée comme le modèle d'une homme Job (1). —
Ce n'est pas gratuitement
grande perfection. Le village de Sainle-Eni- que Guillaume craint votre droite, lui dit-il;
inie ne tarda pas à rescutir dhi ureux elTets n'avez-vous pas béni l'œuvre de ses mains?
du voisinage du saint homme ; il se connais- Le Seigneur lui répondit : —
Va, détruis
sait mcrveilleusenicnl en simples, et sa le pont de Guillaume; je t'en abandonne
haute sagesse le faisait consulter dans les jusqu'à la dernière pierre.
affaires les plus difficiles. Il fut bientôt vé- Satan ne perdil pas de temps, il se rendit
néré comme l'ange du village; chaque jour sur les bords de la Junte, et d'un souffle il
quelque nouveau bienfait, quelque prodige ronversa le pont. La ruine en fut si romplèto
inouï, que l'un racontait à la veillée, ve- qu'il était impossible que les matériaux qui
Baienl augmenter sa réputation. avaient servi à l'édifier fussent employés une
Le village de Sainte-Enimie était alors le seconde fois.
centre qu'avaient choisi les populations voi- Guillaume ne fut pas découragé un instant ;
sines pour les ventes et les marches. Ces il adressa une fervente prière au ciel,el les

réunions ressemblaient assez à nos foires. ouvriers se remirent à l'œuvre. Mais au mo-
Ces jours-là, le seul endroit guéable de la ment où le pont allait être fini, le saint se
Junte qui conduisait à Sainte-Enimie se trou- douta bien que Satan allait renouveler ses
vait encombre, et alors des rixes sanglantes, infernales manœuvres ; il passa donc la nuit
des blasphèmes el des jurements éclataient en prières elen oraisons dans son ermitage.
à chaque instant. Un de ces jours que le bon Vains efforts le malin le pont était renver-
1

Guillaume passait toul auprès de ce lieu ai- sé.


mé de Satan, il fut grandement surpris den- Cette fois la terreur était à son comblu
t«Mnlre comment le nom de Dieu était pcu^ ( I On
retrouve coiistammenl le souvenir de l'Ëcriture
)

respecté. Deux paysans, monte» chacun sur' mêlé .m« uadiiions [.oi'ulaires.
(Cl DIA DIA iOi

dans la contrée, el Guillaume ne put réunir ment, comme celui-ci se plaignit à Dieu, lo
les ouvriors pour rocommenccr encori; les bassin où coulait le Tarn lui fut laissé ru
conslruclious. — A (ju^>i bon disairnt-ils ,
, propriété. On l'entend souvent la nuit pous-
fatiguer nos bras? Satan est plus fort que ser des gémissements lamentables sous les
nous. rochers qui le tiennent captif.
L'ermite usa d'un dernier moyen; il se Guillauute mourut longtemps après eu
rendit à l'église cl prôi ha une belle homélie odeur de sainteté, laissant la contrée parfai-
sur 11 s rujes de l'esprit malin, sur la con- tement rassurée. S'il lui était donné de repa-
fiance en Dieu el sur la nécessité de la per- raître dans ce monde, peut-être trouverait-il
sévérance; les habitants se laisseront lou- que Lourdes a lâché sa proie.
cher; un troisième [)ont vint bientôt rempla-
Saint Guillem du Désert,
cer les deux premiers.
Celle fois le saint voulut défendre son A quelques lieues de Monlpellier, entre
ORUvre. Dès qu'il fut nuil, il se rendit sur les Aniano et Lodève, on trouve une vallée
bords de la Junte, se cacha derrière un ro- riante qui forme une sorte d'oasis au milieu
cher, d'où il pouvait voir ce qui allait se d'un pays âpre et sauvage. De hautes monta-
passer, et aliendil en redoublant d'oraisons. gnes couvertes de planles aromatiques l'en-
Il élail à peine minuit, lorsqu'il vit se tourent de toutes pnrls, et la dérobent aux
dresser une grande figure à quelques pas du yeux du voyageur. La vigne et l'olivier crois-
pont. Ce personnage, à mine suspecte, regar- sei»l dans la jilaine, et rendent le paysage
da de tous les côlés, poussa un sauvage éclat aussi riche que varié. A la seule extrémité
de rire el s'avança vers le pont. 11 était im- accessible, couk' l'Hérault, qui, resserré en-
possible de ne pas reconnaître Satan à cet air tre deux rochers, s'élance avec fracas d'une
insolent de réprouvé. D'ailleurs , malgré assez grande hauteur. Ses eaux, dans leur
l'obscurité profonde, Guillaume aperçut le course rapide, font jaillir une écume bleuâ-
pied fourchu de l'esprit de ténèbres. Il n'hé- tre qui reçoit du soleil l'éclat d'une poussière
sita pas un instant et marcha droit à lui. Sa- transparente et dorée; plus bas, devenues
tan, étourdi des nombreux signes de croix calmes et limpides, elles réfléchissent l'azur
dont il était assailli, ne vit de salut que dans des cieux el les leintes plus sombres des ro-
la fuile; mais celte victoire ne parut point chers. Un pont jeté d'un bord à l'autre sur
assez décisive au saint : il voulut lerrasser deux énormes masses calcaires taillées à pic
Satan el le forcer de renoncer à son infernal joint le désert à la fertile plaine d'Aniane
;
projet. Il se mit donc à le poursuivre sans se on l'appelle le pont de Saint-Jean de Fos, Lo
laisser intimider ni par les obstacles, ni par lieu que nous décrivons se nommait autre-
l'obscurilé profonde de la nuil. Il élait guidé fois Gcllone; il porte aujourd'hui le nom de
dans sa course par une foi ardente cl par un Saint Guillem du Désert.
certain rayonnement qui s'échappait du front A l'entrée de cette vallée, et comme pour
de l'ange maudit. Celle course dura long- faire contraste avec la culture qui atteste
temps. Pcul-étic l'espace d'une nuil humaine partout la main de Ihomme, s'élève une an-
ne lui suffit-il pas. Quoi qu'il en soit, ils ar- tique abbaye à moitié ruinée , el au-dessus
rivèrent, l'homme de Dieu et Satan, dans les de cette abbaye, un château féodal dont il
lieux où le Tarn s'étendait en large el pro- reste encore moins de vestiges. Le monastère
fond bassin au pied des rocs de Lourdes et a eu pour fondateur le duc Guillaume. On
ù'Aiguille. Parvenu au bord de l'eau, Satan ignore par qui fut bâti le château il nous
;

se retourne ; se voyant serré de près par son parait à peu près contemporain de l'abbaye.
adversaire, il n'hésite pas et s'élance dans le Voici deux légendes que la tradition a con-
Tarn, ni plus ni moins que si l'eau eût été servées jusqu'à nous sur les lieux que nous
son élément naturel. A peine y est-il plongé venons de décrire.
qu'elle s'élève en gros bouillons et sort de Guillaume, duc de Toulouse, et parent de
son lit. Mais déjà Satan a alleint l'autre Charlemagne , célébré par les poêles du
bord; déjà il a posé une main sur la base du moyen âge sous le nom du Marquis-au-Court
roc de Lourdes. C'en est fait, il va échapper. Nez, pacifia l'Aquitaine, et la défendit contre
Guillaume ne perd pas courage, il se jette à les Sarrazins d'Espagne. Après d'aussi glo-
genoux et implore le ciel. Au même instant rieux travaux, il aurait pu goûter en paix
un craquement affreux se fait entendre. Le les charmes du repos; mais son esprit était
roc de Lourdes, ébranlé jusque dans ses fon- trop actif pour se complaire en une molle oi-
dements, se balance un instant sur sa base, siveté; il voulut, à la gloire d'un conquérant,
et, s'écroulant avec fracas, couvre de ses joindre celle d'un pieux fondateur d'abbaye.
débris le lit du Tarn et la vallée tout entière. La solitude de Gellone lui ayant para favo-
Salan était pris. rable à son projet, il résolut de s'y fixer.
Cependanl le roc d'Aiguille, qui était resté Au neuvième siècle, Gellone était un dé-
debout, craignit un instant qu»; son frère ne sert aride, couvert de buis, de chênes et de
lût point assez fort pour contenir l'esprit in- sapins ; les ronces y étendaient partout uno
fernal. — Frère, s'écria-t-il, est-il besoin que luxuriante végétation, et il n'avait pour lia-
je descende? bilanl qu'un géant à forme humaine, dont
— Ehinon, répondit l'autre, je le tiens bien. les meurtres el les déprédations répandaient
Celle vicloire préserva non-seulement le au loin la terreur. Un poëme du moyen âge
pont de Guillaume, mais encore le village de le dépeint ainsi : « A travers le pays, se dé-
Saiulc-EDiuaie des maléfices de Satan. Seule- mène un géaul horrible à voir, égalcmeul
l'es DICTlONNAinE DES SCIENCES OCCULTES rai

femmes quand sit


et les enfîinls son monasièrc et le cbâieau du Verdus
rruel pour les :

il les surprend, il les étrangle ;


quand la laim en devint une des dépendances.
le presse, il les manjïe... Il rôde à travers ro- Cependant l'esprit du mal n'avait pas en-
chers et monlapnes, et toute la conlrée est tièrement disparu avec le géant. Guillaume,
tremblante d'effroi. Le païen a quatorze qui allait souvent visiter son ami saint Benoit
pieds de stature ; sa lélc est monstrueuse; au couvent d'Aniane, voulut construire un
ses yeux sont grands et ouverts. Jl a déjà tué pont sur l'Hérault au lieu ordinaire de sa tra-
dans le jour quatre hommes qui n'ont pas eu versée mais là encore il trouva le génie
;

le temps de se confesser, et un abbé avec sept malfaisant, qui tenta de s'y opposer. Le di;i-
de ses moines. 11 est armé d'une massue si blc veillait dans les ténèbres, et renversait la
bien ferrée, qu'un homme, quelle que fût sa nuit ce que l'homme de Dieu avait édifié à
force, ne la soulèverait point sans se rompre grand'peine pendant le jour. Celui-ci ne se
les nerfs. » décourageait pas : il espérait à force de con-
Le duc Guillaume, qui, pour être moine, stance faire lâcher prise à Satan. H n'en fut
n'avait point oublié qu'il clail gouverneur rien la nuit venue, des sifflements se fai-
:

d'Aquitaine, fil sommer le monstre par deux saient entendre, et toutàcoupun grand bruit
hérauts d'armes de venir lui faire hommage annonçait que l'œuvre de la journée avait
de son château. Le géant répondit par des disparu dans le gouffre. Guillaume se lassa
bravades. Le duc emporté par son courage de celte lutte sans fin il appela le diable en
:

lui offrit alors le combat mais le félon lui fil


; conférence, el fit un pacte avec lui. Il en ob-
répondre qu'il l'attendail dans son castel, et tint qu'il pourrait construire son pont, à con-
qu'il ne ferait pas un pas vers lui. Le duc vil dition que le premier passager lui appartien-
le piège, et ne s'y laissa pas prendre ne drait. Le saint, plus rusé que Satan, fit con-
:

pouvant employer la force, il eut recours à nailre le marché à tous ses amis pour les en
la ruse. préserver; puis lâcha un chat qui le pre-
il

Un jour qu'il rôdait autour du Verdus mier traversa pont, et dont Satan fut bien
le
(c'était le nom du château du géant), il vil forcé de se conlenter. —
Depuis ce temps, dans
venir à lui une jeune fille qui portait un vase ce pays, les chats appartiennent au diable ,
sous le bras, et allait puiser de l'eau dans la el le poul à saint Guilleni. —
Voyez Ponts.
rivière A qui apparlenez-vous? lui dit le Voici, dansun genre analogue une légende
Duc. que M. Henry Berlhoud a donnée dans le pre-
— Beau sire chevalier, répliqua la jeune mier volume du Musée des familles.
fille, je suis au service de monseigneur le
géant.
La Chaire Grise.
Une pensée soudiiine traversa l'esprit de Le château d'Esnes, dit M. Henri Berlhoud,
Guillaume. —Maudit soit le géant, s'écria- est une de ces vieilles habilalions féodales
t-il,carsa soif le perdrai... que l'on rencontre si fréquemment dans la
Et s'adressant à la servante : — Vous allez Flandre. Au rebours de la plupart des aulres
changer d'habits avecmoi,ct,cefaisanl, vous forteresses, on a bâti celle-là au fond d'une
me rendrez un servicedont vous serez large- vallée que des hauteurs dominent de loules
ment récompensée. parts; et ses murailles de pierres blanches

Mais, beau sire, mon maître me tuera. énormes, loin d'être noircies par le temps, se

Il sera mort avant de pouvoir le tenter.
détachent éblouissantes sur la verdure som-
La jeune fille n'osa pas résister; elle se re- bre d'un bois immense.
lira derrière un quartier de roche. Guillaume On ne connaît pas l'époque précise où fut
lui passa une à une les pièces de son armure, construit le château d'Esnes, el son archi-
cl en reçut en échange ses grossiers vêle- tecture, pleine de bizarrerie et d'un caractère
ments dont il s'affubla. Cela fait, il attendit particulier, ne donne aucune lumière à cet
que la nuit fût venue puis il prit le vase sous
; égard.
son bras, el à la faveur de son déguisement, A l'extrémité septentrionale du châleaa.cl
il s'introduisit dans le château.
par une exception dont il est difficile de se
Mais à ce moment, son projet faillit échouer rendre compte, s'élève une petite tourelle
par une circonstancequ'il n'avait pu prévoir. construite en grès; ses formes élégantes et
Une maudite pie le reconnut, et aussitôt elle légères présentent avec le reste du manoir
se mit à crier : —
Gare, Guilleml Gare un contraste singulier. Ses ogives, à triples
Guilleml... colonnclles, sont unies entre elles par une
Le géant, qui ne se doutait pas que le dan- têled'uneexpression bouffonne, et, sur les pa-
ger fût si proche, courut à une des fenêtres rois, des figurines d'un travail exquis joi-
pour observer les dehors du château. Au gnent leurs mains dans l'attitude de la prière.
môme instant, Guillaume saisit le monstre L'œil, blessé par la blancheur uniforme do
par les pieds, elle précipita sur les rochers, tous qui l'entourent, se repose avec
les objets
où il se brisa. —
Quant à la pie, le saint vou- charme sur celle délicieuse petite construc-
lut aussi la punir. Il prononça contre elle un tion qui rappelle par sa forme ce que l'on
anathème qu'il étendit à toutes les [tics de nomme, en architeclure militaire, un nid
la contrée. Les vieillards du pays assurent d'hirondelle, mais qui ne peut servir en au-
que depuis lors elles ne peuvent jamais y vi- cune façon à la défense du manoir. Les ha-
vre [dus de trois jours. bitants du pays désignent cet objet sous le
Délivré de son ennemi, Guillaume construi- nom de caiere grise (chaire grise) ; sans doute
«IS DIÂ DIV 46(t

à cuise (le la couleur des grès avec les;juels place sans doute à quelque usine . comme
on l'a construite. les joyeuses légendes se sont effacées pour
Les Flamands aiment trop le merveilleux un temps devant les Irlsles systèmes des
pour ne point expliqner par l'intervention philosophes.
(lu diable l'origine de la Chaire grise ; et voici Or, voici l'aventure !
la tradition répandue à cet égard. — Lorsque Une vieille femme de Mons, qui avait mené
saint Vaast, l'apôtre de la Flandre, vint prê- une vie dissipée, mais (|ui tous les jours s'é-
cher le chrislianisme dans ce p^iys alors bar- tait recommandée à saint Ghislain, se trou-
bare, ses niiracb's, plus encore que ses pré- vjiit sur son lit de mort.

dications, convertissaient les sauvages Ner- Au moment où elle allait rendre l'âme, le
viens. Satan poussa des cris de douleur en diable arriva à son chevet cl se posta à sa
vovanl ceux qu1l regardait n;iguère comme gauche. Prcsqu'aussilôt saint Ghislain parut
une proie certaine courir au-d(!vanl du saint de l'autre côté. Le diable le regarda de tra-
évéque, et recevoir de lui le b.iptéme el la vers le saint ne baissa pas les yeux il était
: :

foi. Il résolut, pour maintenir sa puissance accoutumé à affronter l'ennemi. Après avoir
chancelante, d'opposer miracle à miracle; liiussé un peu avec un certain embarras, le
pour cela, il fit tomber le feu d ciel sur le i diable dit :

château d'Esnes, dont il ne resta bientôt plus —J'imagine que vous ne venez pas en-
pierre sur pierre. core m'enlever celle-là?
Le baron d'Esnes, propriétaire de ce ma- —Au contraire, répondit Ghislain.
noir, était un nouveau converti; il courut se —C'est ce que nous verrons. Vous n'avez
jeler aux pieds de saint Vaast, en le suppliant pas de droits.
de reconstruire son château par un miracle. —Pas de droits! s'écria le saint; celle
Le saint répondit au nouveau chrétien par femme a été à moi toute sa vie.
une remontrance paternelle, et lui prêcha la — A vous! hurla le diable avec un éclat
résignation aux d(^crels de la volonté divine. de rire vous n'êtes pas difficile. Je vous ci-
;

Comme le baron d'Esnes s'en revenait triste terai cent chrétiens qu'elle a scandalisés. Je
el désappointe, le diable lui apparut. Il s'of- ne compterais pas tous les péchés qu'elle a
frit de reconstruire en une nuit le château faits. Il y a longtemps que nous la choyons
brûlé, si le baron voulait abjurer sa religion comme notre gibier.
nouvelle. Le baro:i accepta le parti, et, le — 11 est possible qu'elle ait péché souvent,
lendemain, à la grande surprise de tout le dit le saint , mais elle s'est longuement re-
pays, le château d'Esnes, reconstruit d'une pentie ; elle s'est confessée; elle meurl pé-
façon nouvelle, apparut au lieu des ruines nitente. Je ne suis pas venu pour l'aban-
fumantes el des (iébris qui la veille couvraient donner et je l'emmène.
la lerre. — Une merveille si graade ébranla Le saint parlait d'un ton si assuré, que le
beaucoup les témoins du refus qu'avait fait diable commença
â concevoir des alarmes.
saint Vaast d'en opérer une semblable. L'a- Cependant il reprit du cœur el il se mit à dé-
pôtre, pour détruire cette mauvaise impres- tailler avec tant de soin toutes les fautes de
sion, se rendit au château d'Esnes; et, comme la pauvre pécheresse, que le saint craignit
on lui en refusa l'entrée, il s'adossa contre à son tour.
les fortifications, pour parler à la foule ac- Pendant qu'ils disputaient, la pauvre
courue de toutes parts. Tandis que le saint femme mourut.
faisait une exhortation à ces chrétiens chan- —Voilà qui est au mieux, dit le diable
celants, un rayon brûlant de soleil vint tom- en se frottant les ergots ; elle vient de passer ;
ber sur sa tête chauve soudain, des anges
: et elle a oublié de se purger d'un péché mor-
descendirent et construisirent autour de lui tel. A moi donc 1

la Chaire grise. A ce miracle, dont plus de Et allongea la griffe.


il

quatre mille personnes furent témoins, dit la —


Un instant, dit doucement Ghislain.
tradition, les blasphèmes se changèrent en Quel péché mortel s'il vous plaît?
prières ; et tous ceux qui n'avait point encore Et il étendit la main pour proléger l'âme.
reçu le baptême le reçurent aussitôtdes mains —
Mais a-l-elle dit qu'il y a trente ans,
de saint Vaast. Le baron d'Esnes ne put ré- un certain dimanche, le premier du carême,
sister lui-même à une telle preuve de la puis- elle mantiua la messe pour aller à une fête '?

sance de Dieu el le diable, confus el chassé,


;
—Vous avez bonne mémoire, répondit le
s'en retourna aux enfers. saint avec un sourire triste. Mais vous êtes
mal informé. La pauvre femme s'est con-
La vieille femme de Mans, fessée de cette faute grave et l'a réparée.
I.o dinble en aura sur Irs iloigls...
La dispute recommença vive et animée. Le
MïSTÈUE DE Li PATIENCE DE JoB.
diable enfin proposa un moyen d'en finir.
Qu'il nous soit permis de rapporter du bon —Voici trois dés, dit-il, nous réclamons
saint Ghislain, vénéré en Hainaut, une lé- tous deux l'âme de cette femme ; jouons à
gende qui frise le petit conte. Un fabliau qui l'aura.
a demi perdu, a rendu célèbre ce trait, à la —Je le veux bien ; à vous les honneurs.
fois merveilleux et naïf. On le voyait encore, Le diable parut flatté de celle politesse. Il
il n'y a pas beaucoup d'années, représenté salua le saint, remua les dés et les jeta.
d'une manière piquante, dans un tableau du — Trois six! s'écria-t-il. Elle est à moi.
quinzième siècle, que possédait l'ahbnye de — Un instant, dit Ghislain.
tsaiiil-Clhislaiu. Pauvre abbaye! clic a, fait Mais le diable derechef se frollail les griffes..
,

467 DlCTIONiNAinE DES SCIENCES OCCULTES. «es

— Vous ne ferez du moins pas mieux, di- le champ de Saint-Gilles. Quand ce sera fait,
sait-il. tu reviendras à la fête.
— Qui sait ? Marguerite ne répliqua rien. Mais poar la
Le bon saint agita les dés, Ips lança : il se première fois l'idée du travail l'ainigea. Elle
fit quelque chose comme un petit prodige : ôla tristement sa cornette à pointe de fine
trois sept sortirent du cornet, et Ghislaiu toile, son jupon de drap rouge, mit une roite
emporta l'âme de la défunte. de grosse loile et des sabois, pauvre fille 1

elle prit sa fourche et partit. En arrivant au


Comment le diable fut attrapé.
champ, adieu la fêle Elle calcula rapidement
1

nous faut reculer à une époque assri


11 l'ouvrage qu'elle avait à faire, et reconnut
ancienne c'était au moins ver» le n^gne de
;
qu'il nepouvaitétre achevé qu'à lanuit noire.
Henri IH. Si tous êtes allé jamais sur la Son cœur se serra. Elle n'en commença pas
route de Sainl-Gloud qui n'était pas alors
,
moins en soupirant sa triste et pénible be-
la somptueuse résidence roy;ile que nous sogne.
admirons aujourd hui, vous aurez remarqué il y avait une heure qu'elle se hâtait, sans

à mi-chemin un groupe de maisons qu'on poivoirse consoler; elle apercevait aveccha-


appelle, je ne sais pourquoi , le Point du grin, sur la route, les boimes gens de Paris
jour , sans doute de quelque enseigne de qui se rendaient joyeusemeutà la fête, et gé-
cabaret; plusloin, à droite, est Boulogne-sur- missait (le penser qu'elle n'y paraîtrait pa^,
Seine. lorsqu'elle vit venir à elle un petit homme
Or, au temps d'autrefois il y avait au Poiiit qui semblait vouloir lui parler. Il était fait
du jour un vieil homme de noble race, mais un peu do travers et marchait en se balan-
un de ces gentilshommes avancés qui ne çant. Ses pieds étaient enfermés dans des
dédaignaient pas de faire cux-mômes valoir bottes noires. 11 avait un haut de chausses
leurs terres. Les terres de culture étaient plus écarlate, un pourpoint gris taillé a la bour-
rares alors que maintenant; le pays était geoise avec les basques continues, un cha-
presque couvert de bois. peron à deux cornes de môme couleur. Si
Le vieil homme se nommait Egidius ce chaperon eût été jaune , il eût ressemblé
Cressère, bon viveur, allant aux fêles ,
de loin à celui des fous de la Bazoche. A
buvant au cabaret, familier avec les simples mesure que le petit homme s'approchait,
gens, traitant bien ses serviteurs, mais Marguerite le considérait avec plus d'étoo-
exigeant un grand travail , car il travaillait nement. C'était une figure qu'elle n'avait
beaucoup lui-même , et disait que la terre jamais vue, une tête énorme, un visage pâle
gardait rancune quand on la négligeait. Il comme les murailles, sur lequel dominait
avait en sa maison une jeune et robuste ser- un long nez qui tournait évidemment sa
vante qu'on appelait Gritte, abréviation
,
pointe à gauche. Les mains de l'homme ùtaieiit
de Marguerite ; elle avait vingt ans. Elevée cachées dans de grands gantelets noirs. Il
dans le manoir elle plaisait à tous ; on la
,
s'arrêta devant la jeune fille, et faisant un sou-
vantait commo une fille laborieuse , qui rire qui avait quelque chose de singulier.
jamais n'avait reculé devant le travail. —Eh mais, ma fille, dit-il, vous voiià
1

Mais vint le jour de la fête de Sainl-Cloud, bien occupée, pour un dimanche?


déjà courue alors. C était un beau jour, lon- — C'est vrai, messire: mais ily adispense
guement attendu. Les ménétriers du village de vêpres, aux travaux des champs.
avaient graissé la roue de leurs vielles ils ;

11 y a sans doute aussi disjM-nse de la
s'étaient renforcés de jout'urs de rebec et de fête qui va être animée si et si gaie ?
tambourin , venus de Paris ; ils avaient —Oh pardon, messire.
I Mais je ne suis
deux flûtes, une cornemuse et un corde pas ma maîtresse. Il faut que je fasse tout
chasse on annonçait gramles joies et la
; ; le champ.
bonne Gritte se promettait de l'agrément — Vous n'aurez pas fini au coucher du
depuis quatre heures jusqu'à huit, car pour soleil. Si vous vouliez faire un marché ave<;
un tel jour on retardait jusque-là le couvre- moi, j'ai là dans le bois des camarades nous ;

feu, que nous appelons aujourd'hui la clo- vous aiderions tous; et dans un instant vous
che de retraite. pourriez retourner au Point du jour.
Malheureusement , au retour de la messe —Eh quel marché, messire, voulez-vous
1

Egidius qui n'oubliait rien , se rappela que qu'une pauvre fille fasse avec vous?
la veille il avait mené , avec ses garçons, 11 y avait de l'inquiétude dans la parole de
plusieurs charrettes de fumier , sur le che- Marguerite, et un sourire sardonique sur
min des Bons-Hommes , dans un champ qu'il les lèvres pâles du petit honnie.
voulait labourer le lendemain pour y semer —Le marché ne vous gênera guère, re-
du seigle. Il fallait disperser avec soin tous prit-il ; je demande seulement que vous me
les tas d'engrais qui répandus ainsi et cou-
, donniez demain malin la première botte que
vrant toute la surface du champ , devaient vous lierez à votre réveil.
l'échauffer et le rendre fertile. Gelait la —Oh si ce n'est que cela, je vous le pro-
1

besogne de Marguerite la pauvre fille son- ; mets de bon cœur.


geait aux moyens qui pourraient encore Elle n'eut pas plutôt dit ce mot que le petit
rehausser sa toilette pour la fctc, quand son homme siffla; aussitôt une troupe de nains
maître l'appela. bizarres sortit du bois voisin. Il s'en trouvait

Allons , Gritte dil-il tu prendras ta
, , un pour chaque tas de fumier. Ils se mi-
fourche et tu iras répandre le fumier dans rent rapideuiint à l'ouvrage ; et de leurs
ACO DIA niA 470

pieds et de leurs mains ils opérèrent si vi- —Ma fille, dit- il à Marguerite en l'appe-
vement, qu'en peu de minutes tout le fumier lant denouveau, le diable est fin : c'est àlui
fut répandu, avec symétrie. Après (|uoi ils se que nous avons à faire.
retirèrent; autant en fit le petit honrime, qui La servante pâlit.
dilà Marguerite, en la quittant brusquement : — Allons trouver curé de Boulogne, re-
le
—Vous voyez qu'uu peu d'aide fait grand prit Egidius ; lui nous tirer de là.
seul peut
bien 1 Le vieil homme et la jeune fille se rendi-
La jeune servante resta un moment con- rent, sans perdre un instant, au presbytère ;

sternée de ce qui venait de se pnsser sous ses Marguerite expliqua la chose au bon curé.
yeux? Etait-ce un homme, était-ce un esprit —Vous avez été bien avisés de me venir
qui l'avait obligée si merveilieusemenl? Elle trouver, dit-il; car vous étiez en péril. Mais
se ressouvint de tous les contes dont on l'eii- rassurez-vous. QuoiqueSatan soit bien rusé,
Ireionail aux lonj^ues veillées du manoir, il trouve encore assez souvent plus rusé que

lorsqu'on file le chanvre et la laine dans les lui. Il vous a fait promettre la première
soirées d'Iiiver. Souvent on
lui avait dit qu'il botte que vous lieriez demain matin à votre
y avait des lutins, des farfadets, et d'autres lever; ayez soin, aussitôt que vous serez
bons démons qui se plaisaient à rendre d u- éveillée, de vous rendre à la grange, d'y lier
tiles services aux gens en peine. Elle avait une botte de paille et de la jeter à l'homme
refusé de le croire ; elle ne pouvait plus en qui viendra. Mais évilcz sur toutes choses de
douter, àmoins que, cependant, lepetit hom- serrer le cordon de volrejupe, ou votre bon-
me et ses camarades ne fussent une com- net ou vos jarretières car alors vous seriez;

pagnie de farceurs, comme il y en avait quel- vous-même qui lui appartient


la butte
quefois dans le Paris d'alors, (i«i jouaient des Allez, mon enlant, vous eu serez quitte pour
moralités (comédies du temps), qui disaiciît un moment de frayeur.
la bonne aventure, escamotaient et chan- Marguerite et son maître remercièrent le
taient, faisaient souvent de bons tours et par- curé et s'en retournèrentau manoir. La jeune
fois se plaisaient à étonner gracieusement fille ne songeait plus à la fêle ; elle passa
par quelque subite obligeance. la soirée en prières et la nuit sans ilormir.

Quoiqu'il en soit, dit-elle, ce bonhomme Dès que le jour parut, elle se leva, sans lier
s'est contenté de peu; et je puis tranquille- son jupon, ni rien qui touchât à son corps,
ment me réjouir ma pleine soirée. et se rendit à la grange, oii elle vit entrer
Elle s'en retourna sans pouvoir bannir
, en silence, un instant après elle, celui qui
pourtant les Ilots de piînsées qui venaient l'as- la veille lui avait rendu un si dangereux sei-
saillir ; —
Pour(]uoi le petithomme lui avait- viec.
il demandé première botte qu'elle lierait
la Il n'avait changé ni de forme, ni decos-
le lendemain? et qu'en voulait-il faire? Puis tume.Mais son teint paraissait plus pâle en-
elle se répondait à elle-même C'est sûre- : — core ; ses yeux étincelaienl ; ses lèvres trem-
ment une plaisanterie. blaient d'inquiétude. Dans un mouvement
En rentrant au manoir, elle n'y trouva plus qu'il fit, son chaperon s'abattit par derrière;
personne. Tout le monde était parti pour la la servante alors remarqua deux petites cor-
fête, à l'exception d'un vieux serviteur, qui nes parmi sescheveux crépus. EUefrissonna,
ne pouvait plus marcher, et qui gardait le lo- lia en tremblant une botte de paille, et la
gis avec deux chiens solides. Elle se hâia de jeta au monstre, qui la saisit en grinçant des
remettre sa coiffe et sa jupe des dimanches, donts. Il hurla, bondit sur lui-même, sortit
ses bas jaunes et ses souliers. Elle arriva au par un trou qu'il fit au toit de la grange ;
moment où les réjouissances commençaient. et Marguerite alla s'habiller.
Depuis deux bonnes heures, Marguerite On dit que le champ où les démons avaient
n'était plus qu'au plaisir; il semblait niéiue travaillé produisitabondamment ; car le tra-
qu'elle eùl complètement oublié son aven- vail est toujours lécoud,de quelque main
ture du champ, quand son maître crut la re- qu'il vienne.
connaître. Il se frolia les yeux, s'approcha, On ajoute que le trou de la grange, qui à
et vil qu'il ne s'était pas trompé. Un air sé- présent n'existe plus, ne put jamais se ré-
vère contracta sur le champ tous les traits parer.
de sa figure. 11 appela la jeune Qile, qui vint On dit encore que le diab'e, embarrassé de
aussitôt. sa botte de paille, vint pour la vendre à
— Eh bien! Gritle, dit-il d'une voix aus- Paris. Il espérait qu'ayant passé parses grif-
tère, et l'ouvrage ? fes, sa bolic de paille ferait mourir les va-
— est Il messire Egidius.
fait, r.hes qui la mangeraient et pousserait les
— Fait! tu aurais en unehenre ce qu'un
fait fermiers à quelque blasphème. Mais il avait
homme ferait à peine en une demi-journée! si mauvaise mine que jusciu'au soir, il ne

— faut vous dire tout, messire,


S'il eu j'ai trouva personne qui voulût l'acheter. Il la
un peu d'assistance.... broya de colère et en jeta les débris dans
Et la servante conta ce qui lui était arrivé. les égoûts de la capitale qui depuis lori
Le gentilhomme surpris ne répliqua pas puent toujours. Voy. Grange du diablb.
un mot; mais croyant que Gritte le trom- Voici d'autres hiiUoires qui font voir ((u'on
pait et qu'elle avait laissé sa besogne à moi- a pris souvent pour le diable des gens qui
tié laite, il courut à son champ, fit une ex- n'étaient pas de l'autre monde.
clamation de grand étonnemcnt et s'en re- Un marchand breton s'embarqua pour io
vint émerveillé. comuierce des Indes, et laissa à sa l'emœc le
471 DICTIONNAmE DES SCIENCES OCCULTES. 72
soin de sa mnison. Cette remme étnit sage; A la vue de ce personnage, le vieux mar-
le mari ne craignit pas de proloiigor le cours chand eut le frisson. Le diable s'approcha
de son voyage et d'être absent plusieurs an- et lui dit Il faut que tu me donnes sur
:

nées. Or, un jour de carnaval, ladame voulant l'heure douze cents dollars, si tu ne veux
s'égayer un peu donna à ses parents et à ses pas que je l'emporte en enter.
amis un petit bal qui devait être suivi d'une Holas i répondit le négociant, je n'ai pas
collation. Lorsqu'on se mil au jeu, un mas- ce ((uc vous demandez...
que babillé en procureur, ayantdcs sacs de Tu mens, interrompit brusquement le dia-
procès à la main, entra et proposa à la dame ble; je sais que lu viens de les recevoir à
déjouer quelques pistoles avec elle elle ac-
; l'instant.
cepta le défi et gagna le masque présenta
: Dites que je devais les recevoir; mais on
encore plusieurs pièces d'or, qu'il perdit ne m'en a pu donner que six cents. Si vous
sans dire mot. Quelques personnes ayant voulez me laisser jusqu'à di-main, je promets
voulu jouer contre lui perdirent; il ne se de vous compter la somme...
laissait g.'igner que lorsque la dame jouait. Eh bien! ajouta le diable, après un mo-
On fit d'injurieux soupçons sur la cause mi'Ulde réflexion, j'y consens; mais que de-
qui l'engageait à perdre. —
Je suis le dieu des main, à dix heures du soir, je trouve ici les
richesses, dit alors le masque, en sortant de douze ci'Uts dollars, ou je l'entraine sans
ses poches plusieurs bourses pleines de louis. miséricorde. Surtout que pi-rsonnc, si tu liens
Je joue tout cela , madame , contre tout ce à la vie, ne soit instruit de notre entrevue.
que vous avez gagné. Après avoir dit ces mois, le diable sortit
La dame trembla à cette proposition et re- par la porte.
fusa le défi en femme prudente. Le masque Le lendemain malin, le négociant, qui était
lui oiïril cetor sans le jouer; mais elle ne de bonne pâle, comme on voit, alla trouver
voulut pas l'accepter. Cette aventure com- un vieil ami, et le pria de lui prêter six cents
mençait à devenir extraordinaire. Une dame dollars. Son ami lui demanda s'il en était
âgée, qui se trouvait présente, vint à s'ima- bien pressé"?Oh 1 oui, très-pressé; il me les
giner que ce masque pouvait bien être le faut avant la nuit. Il y va de ma parole et
diable. Celte idée se communiqua dans l'as- peut-être d'auire chose.
semblée, et comme on disait à demi-voix ce Mais n'a vez-vous pas reçu hier une somnne?
qu'on pensait, le masque qui l'entendit se J'en ai disposé.
mil à parler plusieurs langues, pour les con- Cependant je ne vous connais aucune af-
firmer dans celle opinion; puis il s'écria faire qui nécessite absolument de l'argent.
tout à coup qu'il était venu de l'autre monde Je vous dis qu'il y va de ma vie...
pour venir prendre une dame qui s'était Le vieil ami, étonné, demande l'éclaircis-
donnée à lui, et qu'il ne quitterait point la sement d'un pareil mystère. On lui répond
place qu'il ne se lût emparé d'elle, quelque que le secret ne peut se trahir. Considé- —
obstacle qu'on voulût y apporter... rez, dit-il au négociant effaré, que personne
Tous les yeux se fixèrent sur la maîtresse ne nous écoute; dites-moi votre alTaire jo :

du logis. Les gens crédules étaient saisis de vous prêterai les six cents dollars.
frayeur, les autres à demi épouy.intés; la Sachez donc que le diable est venu me
dame de la maison se mit à rire. Enfin le voir; qu'il faut que je lui donne douze cents
faux diable leva son mas(|ue, et se fit recon- dollars ce soir, et que je n'en ai que six
naître pour le mari. Sa femme jeta un cri de cents.
joie en le reconnaissant. J'apporte avec moi L'ami ne répliqua plus; il savait l'imagi-
l'opulence, dit-il. Puis se tournant vers les naiion de ce pauvre ami lac ile à effrayer. 11
joueurs Vous êtes des dupes, ajoula-l-il;
: tira de son coffre la soinn)e(]u'oa lui deman-
apprenez à jouer. dait, et la prêta de bonne grâce ; mais à huit
Il leur rendit leur argent, et la fête devint heures du soir, il se rendit chez le vieux
plus vive et plus complète. marchand.
Un vieux négociant des Etals-Unis, retiré Je viens vous faire société, lui dit-il, et
du commerce, vivait paisiblement de quel- attendre avec vous le diable, que je ne serai
ques rentes acquises par le travail II sortit pas fâché de voir.
un soir pour toucher douze cents dollars qui
Le négociant répondit que c'était impossi-
lui étaient dus. Son débiteur , n'ayant pas
ble, ou qu'ils s'exposeraient à être emportés
davantage pour le moment, ne lui paya que
tous les deux. Après des débals, il permit
la moitié delà somme. En rentrant chez lui,
que son ami attendit l'cvénemenl dans un
il se mit à compter ce qu'il venait de rece-
voir. Mais pcndantqu'il s'occupait de ce soin,
cabinet voisin.
il entend quelque bruit, lève les yeux, et A dix heures précises, nn bruit se fait en-
voit descendre de sa chominéedans sa cham- tendre dans la cheminée le diat)le parait,
:

bre le diable en personne. 11 était en cos- dans son costume de la veille. Le vieillard se
tume tout son corps couvert de poils rudes
.•
mil en tremblant, à compter les ccus. En
et noirs, avait six pieds de haut. De grandes même temps, l'homme du cabinet entra. Es-
cornes surmontaient son front, accompagnées tu bien le diable? dil-il à celui qui dc.nan-
d'oreilles pendantes; il avait des pieds four- dail de l'argent...
chus, des griffes au lieu de mains, une queue, Puis, voyant (ju'il ne sepressail pas de ré-
un museau comme on n'en voit point, cl des pondre, et que son ami frissonnait, grelollait
yeux cuuimc on n'en voit guère. cttrcmblollail, il tira de sa poche deuv longs
475 DIA DIA f,T\

pistolets, et, les présenlanl à la gorge du dia- main et un licou do l'autre. Le


texte disait :
ble, il ajouta : inmiilotnedici specie ; pav l'introduction d'une
— Je veux savoir si lu es à l'cprcuve du virgule qui décompose le mot in rnulo, me-
:

feu... dicispecie, un copiste! fit du diable ainsi dé-


Le diable recula , et chercha à gagner la guisé un docteur monté sur sa mule, comme
porte. cheminaient les docteurs en médecine avant
— Fais-toi connaître bien vite, ou tu es l'invention des carrosses: et un tableau di*
mort... cet épisode ayant été exécuté d'après ce texte
Le démon se hâta de se démasquer et de corrompu, Satan a été souvent représenté
iTKîttre bas son costume infernal. On trouva, avec la robe doctorale et les instruments de
sous ce déguisement, un voisin du bon mar- la profession en croupe sur sa monture.
chand, qui faisait quelquefois des dupes ot Une autre fois, on dénonça à saint Benoît
qu'on n'avait pas encore soupçonné. 11 fut la conduite légère d'un jeune frère, apparte-
jugé comme escroc, et le négociant apprit nant à l'un des douze monastères affiliés à la
par là que le diable n'est pas le seul qui soit règle du réformateur. Ce moine ne voulait ou
disposé à nous nuire. ne pouvait prieravec assiiluité; à peine s'é-
Nous nous représentons souvent le diable tait-il mis à genoux, qu'il se levait et allait
comme un monstre noir les nègres lui attri-
: se promener. Saint Benoît ordonna qu'on le
buent la couleur blanche. Au Japon, les par- lui amenât au mont Cassin; et là, lorsque le
tisans de la secte de Sintos sont persuades moine, selon son habitude, interrompit ses
que le diable n'est que le renard. En Afrique devoirs et sortit de la chapelle, le saint vit un
le diable est généralement rospcdé. Les nè- petit diable noir qui le tirait de toutes ses
gres de la Côte-d'Or n'oublient jamais, avant forces par le pan de sa robe.
de prendre leurs repas, de jeter à terre un Parmi les innombrables éfiisodes de l'his-
morceau de pain qui est destiné pour le mau- toire du diable dans les Vies des Saints, quel-
vais génie. Dans le canton d'Auté, ils se le ques-uns sont plus comiques, quelques au-
représentent comme un géant d'une prodi- tres plus pittoresques. Saint Antoine vit Sa-
gieuse grosseur, dont la moitié du corps est tan dresser sa tête de géant au-dessus des
pourrie, et qui cause infailliblement la mort nuages, et étendre ses larges mains pour in-
par son attouchement; ils n'oublient rien de tercepter les âmes des morts qui prenaient
ce qui peut détourner la colère de ce mons- leur vol VOIS le ciel. Parfois le diable est un
tre. Us exposent de tous côtés des mets pour véritable singe, et sa malice ne s'exerce qu'en
lui. espiègleries. C'est ainsi que, pendant des an-
Presque tous les habitants pratiquent une nées, il se tint aux aguets pour troubler la
cérémonie bizarre et extravagante, par la- piété de sainte Gudule. Toutes ses ruses
quelle ils prétendent chasser le diable de avaient été vaines, lorsqo'enfin il se résolut
leurs villages huit jours avant cette céré-
: à un dernier effort. C'était la coutume de
monie, on s'y prépare par des danses et des cette noble et chaste vierge de se leyer au
festins; il esl permis d'insulter impunément chant du coq et d'aller prier à l'église, pré-
les personnes même les plus distinguées. Le cédée de sa servante portant une lanterne.
jour de la cérémonie arrivé, !c peup'e com- Que fit le père de toute malice? il éteignit la
mence dès le matin, à pousser des cris hor- lanterne en soufi1:int dessus. La sainte eut
ribles; les habitants courent de tous côtés recours à Dieu, et, à sa prière, la mèche se
comme des furieux, jetant devant eux des ralluma, miracle de la foi qui suffit pour ren-
pierres et tout ce qu'ils trouvent sous leurs voyer le malin honteux et confus.
mains les femmes furètent dans tous les
; U n'est pas sans exemple que le diable se
coins de la maison, et récurent toute ht vais- laisse tromper par les plus simples artifices,
selle, de peur que le diable ne se soit fourré et une équivoque suffit souvent pour le ren-
dans une marmite ou dans quehiue autre dre dupe dans ses marchés avec les sorciers :

ustensile. La cérémonie se termine quand on comme lorsque Nostradamus obtint son se-
a bien cherché et qu'on s'est bien fatigué; cours à condition qu'il lui appartiendrait tout
alors on est persuadé que le diable est loin. entier après sa mort, soit qu'il lût enterré
Les habitants des îles Philippines se van- dans une église, soit qu'il fût enterré dehors.
tent d'avoir des entreliens avec le diable. Us Mais Nostradamus ayant ordonné par testa-
racontent que quelques-uns d'entre eux, ment que son cercueil fût déposé dans la mu-
ay a nt hasardé de parler seuls a vrclui, a valent raille de la sacristie, son corps y repose en-
été tués par ce génie malfaisant : aussi se core, et il n'est ni dans l'église, ni dehors.
rassemblent-ils en grand nombre lorsqu'ils Le vieil Heywood a rédigé en vers une no-
veulent conféreravec le diable. menclaturecurieuse de tous les petits démons
Les insulaires des Maldives mettent tout de la superstition populaire : il y comprend
en usage lorsqu'ils sont malades pour se les farfadets, les follets, les alfs ou elfs, les
rendre le diable favorable. Us lui sacrifient Robin Goodfellows, et ces lutins que Shak-
des coqs et des poules. speare a donnés pour sujets à Oberon et à
Le diable nous est singulièrement dépeint Titania. On a prouvé que le roi ou la reine
par le pape saint Grégoire, dans sa Vie de de féerie n'est autre que Satan lui-même,
saint Benoît. Un jour que le saint allait dire n'importe son déguisement. C'était donc un
ses prières à l'oratoire de Saint-Jean, sur le démon que ce Puck qui eut longtemps son
mont Cassin, il rencontra le diable sous la domicile chez les dominicains de Scliwcriu
forme d'un vélcrindire, avec une fio'c d'une dans le Meckicmbourg. Malgré les tours
475 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. i76
qu'il jouait aux étranf^ers qui venaient visi- matelots; on a crié tout d'un roiip Voilà h :

lor le monastère. Pue soumis aux moines,


k, diable, il faut l'avoir. Aussitôt tout s'est ré-
élait pour eux un bon serviteur. Sous la veillé, tout a pris les armes. On ne voyait
forme d'un singe, il tournait la broche, tirait que piques, harpons et mousquets; j'ai couru
le vin, balayait la cuisine. Cependant, mal- moi-même pour voir le diable, et j'ai vu un
gré tous ces service», le religieux à qui nous grand poisson qui ressemble à une raie ,
(levons la Yeridica relatio de dœmonio Puck hors (ju'il a deux cornes comme un taureau,
ne reconnaît en lui qu'un esprit malin. Le lia fait quelques caracoles, toujours accom-
l'iick de Si-liwerin recevait [lour ses gages pagné d'un poisson blanc qui, de temps en
deux pois d'ét;iin et une veste bariolée de temps, va à la petite guerre, et vient se re-
grelots en guise de boutons. mettre sous le diable. Entre ses deux cornes,
Le moine Rush de la légende fruéiloise, et il porte un petit poisson grts,<|u'on appelle

Bronzel de l'abbnye de Montmiijor, près


, le pilote du diable, parce qu'il le conduit, et
d'Arles, sont encore Puck sous d'aulres no«n«. le pique quand il voit du poisson et alors le ;

On le reirouvc en Angleterre sous la forme diable part comme un trait. Je vous conte
de Robin GoodfcUow ou de Robin Hood (Ro- tout ce que je viens de voir (ii). »
bin des bois), le fameux banilil de la forél de
Sherwood ayant reçu ce surnom à cause de

DIAMANT. La superstition lui attribuait
des vertus merveilleuses contre le poison, la
sa ressemblance avec ce diable populaire. peste, les terreurs pani.^ues, les insomnies,
Enfin Robin Hood est aussi le Red Cap d'E- les prestiges et les enchantements. 11 calmait
cosse, et le diable saxon Hudcken, ainsi ap- la colère et cnlreteiiiiit l'union entre les
pelé de l'boodiwen , ou petit chaperon rouge
époux, ce qui lui avait fait donner le nom de
qu'il porte en Suède lorsqu'il y apparaît sous
pierre de réconciliation. 11 avait en outre
la foruM; du Nisse ou Kissegodrcng. Puck, — cette propriété talismanique de rendre in-
en Suède, se nomme Nissegodrcng (ou Nisse vincible celui qui le portail, pourvu que sous
le bon enfantl, et vit en bonne intelligence
la planète de Mars, la figure de <!e dieu, ou
avec Tomtegoobe, ou le Vieux du Grenier, celle d'Hercule surmontant l'hydre y fût
qui est un diable de la même classe. On
,

gravée. On a clé jusqu'à prétemlre que les


trouve Nissegodreng et Tonit(>gobbe dans diamantsen engendraient d'aulres ;el Ruérus
presque toutes les fermes, complaisants et parle sérieusement d'une princesse de Lu-
dociles si ou les traite avec douceur, mais
xembourg qui en avait d'héréditaires, qui en
irascibles et capricieux malheur à qui les
:
produisaient d'aulres en certains temps (3).
offense 1

Dans le royaume voisin, en Danemark, les


— Enfin les savants du seizième siècle cro-
yaient qu'on pouvait amollir le diamant avec
Pucks ont un rare talent conmie musiciens. du sang de bouc (4).
Il existe une certaine danse appelée la gigue

du roi des Elfs, bien connue des mcnéiricrs DIAMBILICHE, nom du diable dans l'île
de campagne, et qu'aucun deux n'oserait de Madagascar. Il y est plus révéré que les
exécuter. L'air seul produit le môme effet dieux mêmes les [>rctres lui offrent les pré-
:

que le cor d'Oberon : à peine la première mices de tous les sacrifices.


note se fait-elle entendre, vieux et jeunes DIDIER, imposteur bordelais du sixième
sont forcés de sauter en mesure; les tables, siècîe, qui parut vers ce temps-là dans la
les chaises et les tabourets de la maison com- ville de Tours. Il se vantail de communiquer
mencent à se briser, et le musicien impru- avec saint Pierre et saint Paul il assurait ;

dent ne peut rompre le charme qu'en jouant même qu'il était plus puissant que saint
la même danse à rebours sans déplacer une Martin, et se disait égal aux apôlns. Ayant
seule note, ou bien en laissant approcher un su gagner le peuple, on lui amenait de t.ius
des danseurs involontaires assez adroit pour côtés des malades à guérir; et voici, par
passer derrière lui et couper toutes les cor- exemple, comment il traitait les paralytiques.
des du violon par-dessus son épaule. Il ordonnait qu'on étendît le inaladu à
Les noms des esprits de cette classe sont terre, puis il lui faisait tirer les membres si
très-significatifs de Gob le vieillard, devenu
: fort que quelquefois il en mourait ; s'il gué-
un nom du diable, les Normands semblent rissait, c'était un miracle.
avoir Gobelin(\). Voyez ce mol. Voyez
fait Didier n'était pourtant qu'un magicien et
aussi Faust, Drame, Pactes, etc. un sorcier, comme dit Pierre Delancre; car
On a publié à Amsterdam une Histoire du si quelqu'un disait du mal de lui en secret, il
diable, 2 vol. in-12, qui est une espèce de le lui reprochait lorsqu'il le voyait; ce qu'il
mauvais roman, où les aventures du diable ne pouvait savoir que par le moyen du dé-
sont plus que médiocrement accommodées à mon qui lui allait révéler tout ce qui se pas-
la fantaisie de l'auteur. M. Frédéric Soulié sait. Pour mieux tromper le public, il avait
a prodigué, dans les Mémoires du Diable, un capuchon et une robe de poil de chèvre.
beaucoup de talent à l'aire un livre, qui au- Hélait sobre devant le monde; mais lors-
rait pu être fort singulier et fort piquant, si qu'il se retrouvait en son particulier, il man-
l'auteur avait respecté les mœurs. Voy. Dé- geait tellement qu'un homme n'aurait pu
mons. supporter la viande qu'il avalait. Enfin ses
DIABLE DE MER. — « Grand bruit parmi fourberies ayant clé découvertes, il fut ar-
(1) Essai sur les U'odllious populaires, publié dans le (5) IncréJulilé el mccréance du sorlilégo, etc., traité .",

Qitmleiiy rcvicw. p. .^7.


(2) L'jubé lie riiuis}-, RehliOQ de l'ambassade (.'c Siam. (tj Erasme, Discours sur rcii.'aiit Jcsus.
,

477 DIO nio i-n

rété et cha'sé de lîi Tille de Tours ; et on tu auras tué un sanglier. «Dioclélien, étonné,
n'enlemlil plus parler de lui. sentit l'anibition s'éveiller dans son âme , el
DIDRON , savant archéologue qui a pu- chercha sérieusement à presser l'accomplis-
blié récemment une curieuse JJisloire du sement de cette prédiction , qui nous a été
diable. conservée par Vopiscus. Il se livra partiru-
Dl DYME. — Voyez Possédées de flanuhk. lièrement à la chasse du sanglier. CepenJant
DIÉMaTS. — Petites images chargées do il vit plusieurs princes arriver au trône sans

caractères que les guerriers de l'île de Java qu'on songeât à l'y élever; el il disait sans
portent comme des talisman*, et ave les- cesse: « Je tue bien les sangliers; mais les
quelles ils se croient invuliiérahles persua- : auttes en ont le profit. » Il avait é'é consul,
sion qni ajoute à leur intrépidilé. el il occupait
des fonctions importantes.
DIGBY, fou et imposteur, connu sous le Quand Numérien eut été tué par son beau-
nom du Docteur Sympathique. 11 avait le se- père, Arrius Aper, toutes les espérances de
cret d'une poudre sympathique avec l.iquelle Diodétien se rév<'ilièrent : l'armée le porta
il guérissait les malades sans les voir, et don- au trône. Le premier usage qu'il fit de son
nait la fièvre aux arbres. C^tle poudre com- pouvoir fut de tuer lui-même, de sonéiiée.le
posée de rognures d'ongles, d'urine ou de che- perfide Aper , dont le nom est celui du san-
veux du malade, et placéedansun arbre, com- glier, en s'écriant qu'il venait enfin de tuer
muniquait, (ii<ail-il, la maladie à rarbre(l). le sanglier fatal. —
On sait que Dioclétien fut
DINDAKTE (Marie>, jeune sorcière de ensuite un des plus grands persécuteurs de
dix-sept ans, qui confessa avoir été souvent l'Eglise.
au sabbat. Quand elle se trouvait seule et DIOGRES. Voy. Chapelle du damné.
que voisines étaient déjà parties ou ab-
les DIODORE DE CATANE , sorcier et magi-
sentes, le diable lui donnait un onguent dont cien dont le peuple de Catane garda long-
,

elle se frottait, et sur-le-champ elle se trans- temps le souvenir. C'était le plus grand ma-
portiiit par les airs. Elle voyageait ainsi la gicien de son temps il fascinait tellement le»
;

nuit du27 septembre 1609 ; on l'aperçut et on personnes qu'elles se persuadaient être chan-
la prit le lendemain. Elle confessa aussi gées en bêtes: il faisait voir en un instant ,

avoir mené des enfants au sabbat, lesquels aux curieux, ce qui se passait dans les pays
se trouvèrent mar()ués de la marque du dia- les plus éloignés. Comme on l'eût arrêté en
b!e (2). Voy. Sabbat. qualité de magicien, il voulut se faire passer
DINDONS. —
On a dit long-temps que les pour faiseur de miracles. Il se fit donc trans-
dindons nous ont été apportés des Indes par porter , par 1(' diable, de Catane à Conslanli-
les pères jésuites ; c'est pourtant une erreur. nople , el de Constantinople à Catane en un
Les poules d'Inde furent apportées en Grèce seul jour, ce qui lui acquit tout d'un coup,
l'andu monde 355'J, comme le prouvent les parmi le peuple, une grande réputation; mais
marbres d'Arundel, et elles se naturalisèrent ayant été pris malgré son habileté et sa
,

en Béotie. Aristote a même décrit V Histoire puissance, on le jeta en un four ardent où il


physique et morale des dindons; les Grecs les fut brûlé (4;.
appelaient mélé.igriJes, parce qu'ils avaient
DION DE SYRACUSE. Etant une nuit cou-
été introduits dans leur pays par le roi Mé-
ché sur son lit éveillé et pensif, il entendit
,
léagre. Ils étaient fréquents chez les Romains ;
un grand bruit et se leva pour voir ce qui
mais leur race, par la suite, devint plus rare
pouvait le produire. Il aperçut au bout d'une
en Europe, et on les monlr;iit comme des
galerie une femme de haute taille hideuse ,
héles curieuses au commencement du sei-
comme les Furies qui balayait sa maison.
,
zième siècle. Les premiers qu'on vit en France
11 fit appeler aussitôt ses amis et les pria de
y furent apportés par JacqucsCa;ur,en li59. passer la nuit aufirès de lui. Mais le spectre
Améric Vespucene les fit connaître que cin- ne reparut plus. QucKjues jours après le fils
quante-quatre ans après. Ou en attribua en-
de Dion se précipita d'une fenêtre et se tua.
suite l'importation aux jésuites, parce qu'ils
Sa famille fut détruite en peu de temps et ,
en envoyèrent beaucoup en Europe (3).
« par manière dédire, ajoute Leloyer, balayée
DINSCOPS sorcière et sibylle du pays de
,
et exterminée de Syracuse, comme la Furie ,
Clèves, dont parle Bodin en son quatrième
qui n'était qu'un diable, avait semblé l'en
livre. Elle ensorce'ait et maléficiait tous ceux
avertir par le balai. »
vers qui elle étendait la main. On la brûla;
et quand sa main sorcière et endiablée fut DIONYSIO DAL BORGO, astrologue ilalie»
bien cuite, tous ceux qu'elle avait frappés de qui professait la théologie à l'université de
quelque mal revinrent en santé. Paris au treizième siècle. Villanicon te (iivreX)
DIOGLÉTIEN. N'étant encore que dans les qu'il prédit juste la mort de Castruccio, tyran
grades inférieurs de l'armée , il réglait un de Pistoie.
jours ses comptes avec une cabaretière de DlOPirE, bateleur, né à Locrcs, qni, après
Tongres , dans la Gaule Belgique. Comme avoir parcouru la Grèce se présenta sur le ,

cette femme, qui était druidesse , lui repro- théâtre de Thèbes pour y faire des tours. Il
chait d'être avare: « Je serai plus généreux, avait sur le corps deux peaux de bouc, l'une
lui dit-il en riant , quand je serai empereur. remplie de vin, et l'autrede lait, par le moyen
— Tu le seras , répliqua la druidesse , quand desquelles il fuisaitsortirde ces deux liqueurs
(1) Cliarlalaas réièbres, fie M. Gouriet, t. l, p 2G3. (3) M. Salguos, des Erreurs el des préjugés, l. III, p. ?«7.
m DclaïK're, Tableau de l'iiiconsWiice U;s diSmons, etc ,
(i) Leloyer, Histoire des spectres et apiiarillons des
liv. IV.p. 117. cspril);, liv. 111, ch. vui, p. 516.
— , ,

7i» DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. im


par sa bourho, si bien (ju'on l'a mis au rang de fureur. Ce qui est indubitable c'est qu'il
,

ile< sorciers (1 n'y a aucune nation dans le monde ni si ,

DISCOURS. Discours des esprits follets, yt»- polie et si savante , ni si barbare et' si peu
blié dans le Mercure (jalunt de 16H0. Dis- — cultivée, qui ne croie qu'il y a des signes de
cours épouvantable d'une étrauje apparition l'avenir, et des gens qui le connaisscn' et qui
de démons en la maison d'i(n gentilhomme , en le prédisent.
Silésie, ii(-8", Lyon, par Jean (îaze.iu, 1600, « Pour remonter jusqu'à la source de cette
brochure (le 7 pages. Discours sur la vanité opinion, comme les Assyriens qui habitent de
des songes, et sur l'opinion de ceux qui croient vastes plaines, d'où ils découvrent le ciel de
que ce sont des pressentiment s. Voy.Si'TfGV.s, etc. toutes parts , ont les premiers observé le
DISPUTES. L'abominable Henri VllI avait cours des astres, ils ont été aussi les premiers
une telle passion pour l'arguinfiilalion, qu'il <|ni ont appris à la postérité les effets qu'ils
ne dédaigna pas d'argninenleravec un pauvre ont cru leur devoir attribuer. Et les (ihal-
argumeiilaU'ur nommé Lambert. Une assem- déens , ainsi nommés , non à cause de leur
blée extraordinaire avait clé convoquée à profi'ssion , mais à cause de la Chaldéc, pro-
Wesminsler pour juger des coups. Le roi vince de l'Assyrie, passent pour avoir élé lis
voyant qu'il avait affaire à forlo partie, et ne premiers de tous les Assyriens qui , en ob-
voulant pas avoir le dernier donna Lam-, <à servant continuellement le cours des astres ,
bert le choix d'être de son avis ou d'être aient fait de leurs observations une science
pendu. C'est ainsi qu'un dey d'Alger, faisant par laquelle ils prétendent pouvoir prédire à
un cent de piquet avec son vizir lui disait , : chacun ce qui lui doit arriver, et quelle des-
« Joue cœur, ou je l'étrangle. » Lambert ne tinée lui est préparée dès sa naissance.
joua pas cœur; il fut étranglé. « On tient que les Egyptiens ont eu la mé'
DIVES. Les Persans nomment ainsi les me science, et qu'ils l'onl acquise par uni;
mauvais génies; ils en admettent de mâles et longuesuile de siècles presque innombrables.
de femelles et disent qu'avant la création
, Les provinces de Cilicie, de Pisidic et do
d'Adam, Dieu créa les Dites ou génies mâles, Pam|)hylie, oiî j'ai commandé comme pro-
et leur confia le gouvernement du monde consul, prétendent que par le vol et par le
pendant sept mille ans; après quoi, les Péris chant des oiseaux, ou a des signes indubita-
ou génies femelles leur sucédèrent et pri- , bles de l'avenir.
rent possession de l'univers pourdeux autres « D'ailleursquelle colonie la Grèce a-t-elle
mille ans , sous l'empire de Gian-ben-Gian , jamais envoyée en Eolie, en lonie, en Asie,
leur souverain; mais ces créatures étant en Sicile, ou en Italie, sans s'être adressée
tombées en disgrâce pour leur désobéissance, auparavant ou à l'oracle d'Apollon Pjthien,
Dieu envoya contre eux Éblis qui , étant , ou à celui de Dodone, ou à celui de Jupiter-
d'une plus noble nature , et formé de l'élé- Ammon? et quelle guerre a-l-clle jamr.is
ment du feu, avait é'é élevé parmi les anges. entreprise, sans avoir consulté les dieux ?
Éblis, chargé des ordres divins, descendit du On ne s'en est pas même tenu à un seul
ciel , et fit la guerre contre les Dives et les genre de divination et jiour ne rien dire des^
:

Péris , qui se réunirent pour se défendre ; autres peuples, combien le nôtre n'eu a-l-ii
Éblis les défit et prit possession de ce globe , point mis en usage ?
lequel n'était encore habité que par des gé- « Premièrement, c'est une tradition con-
nies. Éblis ne fut pas plus sage que ses pré- stante parmi nous, que Romulus, le père et
décesseurs ; Dieu pour abattre son orgueil
, , le fondateur de Rome, non-seulement ne la
fit l'homme et ordonna à tous les anges de
, fonda qu'après avoir pris les auspices ;

lui rendre hommage. Sur le refus d'Êblis mais qu'il était un Irès-cxeellcnt augure lui-
Dieu le dépouilla de sa souveraineté et le même. Les autres rois après lui se servirent
maudit. Ce ne sont là, comme on voit que ,
d'augures; et quand les rois eurent été chas-
des altérations de l'Ecriture sainte. sés, on ne fit rien à Rome, dans la suite, par
DIVINATION. Nous trouvons dans Cicéron autorité publique, ni en paix ni en guerre,
{de Uivinatione, lib. I] ce que nous devons sans l'inlerveiition des auspices. Et comme
penser de la divination chez les anciens. Nous on crul que l'arl des aruspiccs pourrait
reproduisons ce court exposé, en nousservanl être d'une grande utilité, tant pour faire
de la traduciion de Uegnier-Dcsmarais. réussir les choses sur lesquelles on aurait à
« C'est une opinion aussi ancienne que les consulter les dieux, que pour interpréter les
siècles les plus reculés, et qui n'est pas prodiges, et pour en délourner l'effet, tout ce
moins reçue du peuple romain que des autres (|ue lesElruriens enseignaient là-dessus, fut
nations , qu'il y a une divination parmi les aussi mis en pratique, afin qu'il n'y eût au-
hommes, c'est-à-dire un pressentiment et une cune sorte de divination qui parût avoir été
connaissance des choses futures. Et si cela négligée.
est, il faut avouer que la nature humaine « De plus, parce que l'esprit peut de lui-
jouit par là d'un grand et noble avantage qui même, par un mouvement libre, et sans luo
l'approche fort de la nature divine. C'est la raison ni la science y aient part, être agi-
pourquoi, lorsijue du mol de divinité nous té de deux manières, ou en songe, ou par
avons formé celui de divination, nous avons une espèce de fureur divine la pensée qu'on
;

en cela bien mieux rencontré que les Grecs, eut que les vers de la Sibylle étaient remplis
qui n'ont exprimé la même prérogative que de celle sorte de divination, porta le sénat à
))ar un mot qui, selon Platon, dérive de celui choisir dans toute la ville dix personnes,
(I) Leloyer, Hist. Ues spectres, etc., liv. l, [>. C3. pour eu être les interprètes; et souvent il a
I8t DIV DOJ 4S'i

eu égard à d'aulres prédictions faites par des soit, c'est toujours un grand avantage pour
devins en fureur, lelles que furent celles de l'académie, d'avoir pour elle le jugement et
Cornélius Cullcolus, qu'on crut devoir écou- le témoignage d'un si excellent philosophe.
ter dans le temps de la guerre Octavienne. Cependant puisque nous cherchons quel-
«
ii n'a pas même négligéles songes, lorsqu'ils le opinion nous devons avoir de la divina-
lui ont paru avoir quelque relation au bien tion que c'est un sujet sur lequel Garnéade
;

de la république; et de notre temps, sur le a écrit avec beaucoup de force el de péné-


rapport d'un songe qu'avait fait une certaine tration contre les stoïciens; et qu'il ne faut
Cécilie, fille d'un homme des îles Baléares (1), acquiescer imprudemment, ni à quelque
les consuls Lucius Julius, et Publius llu- chose de faux, ni à ce qu'on ne connaît pas
lilius furent charriés de refaire le teinpie assez; je crois que nous ne pouvons mieux
de J'inoii consei'vatrice. Mais selon mon faire (jue d'examiner, avec soin, les raisons
sentiment les anciens dans tout ce qu'ils ont qu'on allègue de part et d'autre, pour ou
fait en cela, se sont plutôt fondés sur l'évé- contre la divination car si l'iraprudence et
;

nement des choses que sur aucune raison l'erreur sont honteuses en toutes sortes de
véritable. jugements; elles le sont encore principa-
« Quant aux philosophes, on a recueilli lement, quand il s'agit déjuger jusqu'à quel
d'eus divers arguments par lesquels ils ont es- point on doit déférer aux auspices, et à tout
sayé de prou ver qu'il y avait effectivement une ce(iui regarde la religion, de peur de tomber
divination. Mais Xcnophane deColophon, un ou dans l'impiété, en n'en faisant pas assez
des plus anciens d'entre eux niaitabsolument d'état, ou dans la superstition, en se laissant
q u'il pu y en a voir aucune, quoiqu'il nelaissâl
I alliT à une mauvaise crédulité. »
pas d'admettre des dieux. Tous les autres, DIVINATIONS. — ily en a de plus de cent
hormis Epicure, qui n'a fait que bégayer en sortes. Voy. Alectryomancie
Alphitoman- ,

parlant de la nature des dieux, ont iidniis CIE, ASTRAGALOMANCIE, ASTUOLOGIE BoTA- ,

une divination; les uns d'une façon, les au- NOMANCIE, CaUTDMANCIE, CaTOPTROMANCIE ,
tres d'uneautre. Car Socrate et ses sectateurs, Chiromancie Cristallomancir, Cranologik,
,

Zenon, el tous ceux de son école, avec l'an- Daphnomancie, Gastromancie, Hïdhoman-
cienne académie, et les peripatéliciens, ont ciiî, Lampauomancie, Métop.iscopie, Mimi-
été là-dessus de l'opinion des anciens philo- que Nécromancie, Onomancie, Ornitho-
,

sophes, à laquelle Pylhagore, qui prétendait mancie, Physiognomonie, Pyromancie, IIab-


même passer pour augure , avait donné DDMANciE, TnÉoMANCiE, dc, etc., elc.
avant cela une grande autorilé. Démocrilc DOGDO, ou DODO, el encore DODU.—
s'est aussi déclaré en plusieurs endroits pour Voy. Zoroastbb.
le pressentiment des choses futures : mais DOIGT. —
Dans le royaume de Macassar ,
Dicéarque péripatéticien, n'a reconnu que si un malade est à l'agonie, le prêtre idolâ-
deux sortes de divination; l'une parles son- tre lui prend la main el lui frotte doucement
ges, l'autre par la fureur de l'esprit : après le doigt du milieu, i/fin de favoriser par cette
lui Cralippe, avec qui j'ai eu une liaison friction un chemin à l'âme, qui sort toujours,
Irès-familièrc, et que je liens égal aux pé- selon eux, par le bout du doigt.
ripaléticiens les plus fameux, a rejeté aussi Les Turcs mangent habituellement le riz
tonte autre divination que les deux que avec les doigts; ils n'emploient pour cela que
Dicéîirque admettait. le pouce, l'index et le médius ils sunl per-
;

« Comme toutefois les sto'jeicns


reçoi- I( s suadés que le diable mange avec les deux
vent presque toutes, parce que Zenon a autres doigts.
jeté dans ses écrits je ne sais quelles semen- Dans certaines contrées de la Grèce mo-
ces de celte doctrine, que Cléanthe dans la derne, on se croit ensorcelé, quand on voit
suite a plus étendue , Cralippe, homme d'un quelqu'un étendre la main en présentant les
esprit ardent el vif, est venu depuis qui a cinq doigts.
traité en deux livres loute cette matière, ou- DOIGT ANNULAIRE. — C'est une opinion
tre un livre qu'il a composé des oracles el reçue que le quatrième doigt de la main
on autre des songes. Diogène le Babylonien, gauche a une vertu cordiale , que celte
son disciple, a fait aussi un livre de la divi- vertu vienl d'un vaisseau, d'une artère ou
nation : Aniipater ensuite en a fait deux; et d'une veine qui lui est communiquée par le
notre ami Possidonius en a fait cin(i. cœur, et, par cette raison, qu'il mérite prc-
« M. lis Pana3lius maître de Possidonius. et férablement aux autres doigts de porter l'an-
disciple d'Antipater, a élé là-d ssus d'un neau, Levinus Lemnius assure que ce vais-
sentiment bien différent du leur, el de celui seau singulier est une artère, el non pas une
lie tous les stoïciens; quoique pourtant il veine, ainsi que le prétemlenl les anciens. Il
n'ait pas osé nier positivement qu'il y eût ajoute (pie les anneaux (jui sont portés à ce
une divination, el qu'il so soit contenté de doigt influent sur le cœur. Dans les éva-
dire qu'il en doutait. Or ce qu'un stoïcien nouissements il avait coulume de frotter ce
comme lui. s'est permis en cela, au grand doigt, pour tout médicament. Il dit encore
regret des stoïciens, les stoïciens ne le pcr- que la goutte l'attaque rarement, mais tou-
metli ont-ils pas à un académicien; surtout jours plus lard que les autres doigts, et que
puis()u'iis sont IfS seuls à qui il paraisse ijue la fin est bien proche quand il vient à se
la même chose que Pariîelius met en dnuie, nouer.
ioit plus claire que le jour? Quoi qu'il en DOJARTZABAL, jeune sorcière de quinze
(1) Aujourd'liiU .Mojnriiuo cl Miiiur<iiie, à seize ans qui confessa , vers ICOi) , avoir
,

483 DlCTIONNAinE DES SCIENCES OCCtîLTES. 484

Clé menée au par une antre sorciôrc,


sal)bat DOREE CATHERiTtE ) sorcière du dix-
f ,

laquelle était détenue en prison (1) ce que ; septième siècle, qui fut brûlée vive pour
celle-ci niait, disant qu'claiit altachce à de avoir tué son entant par ordre du diable;
grosses chaînes de fer et surveillée elle ne , elle jet/lit des poudres et guérissait les en-
(xiuvail être sortie de son cachot ; et que, si sorcelés en leur mettant un pigeon sur l'es-
rlle en était sortie, elle n'y serait pas rentrée. lomac.
La jeune personne expliqua toutefois que, B.irbe Dorée, autre sorcière, était parente
comme elle était couciiée près de sa mère, de Catherine.
celle sorcière l'était venue chercher sous la DORMANTS. —
L'histoire des sept Dor-
forme d'un chat...., pour la transporter au mants est encore plus faniense chez les Ara-
sablial, et que, malgré leurs fors, les sorciè- bes que chez les chrétiens. Mahomet l'a in-
res peuvent aller à ces assemblées, bien que sérée dans son Koran, et les Turcs l'ont em-
le diable n'ait pas moyon
de les délivrer dos bellie.
mains de assura encore que
Ja justice. Elle Sous l'empire de Décius, l'an de notre ère
le diable , qui la faisait enlever ainsi d'au- 250 il y eut une grande persécution contre
,

près de sa u)ère, mettait en sa place une les chrétiens. Sept jeunes gens, attachés au
figure qui lui ressemblait. Celle prétendue service de remi)ereur , ne voulant pas désa-
sorcière, qui n'exerçaitprobablement qu'une vouer leur croyance et craignant les suppli-
petite vengeance, si elle n'élait pas en proie ces se réfugièrent dans une caverne située
,

à quelque Illusion, ne fut pas châtiée. à quelque dislance d'Ephèse. Par une grâce
liOAIFRONT (Guérinde), fils de Guil- p;irliculière , ils y dormirent d'un sommeil
laume de Bellême, seigneur di; Domfiout ; profond pendant deux cents ans. Les Maho-
ayant tratlrcusemenl fail couper la léte à métans assurent que, durant ce sommeil, ils
son ennemi endormi chez lui, il fut, dit-on, eurent des révélations surprenantes, et qu'ils
étouffé par le diable (2). apprirent en songe tout ce que pourraient
DO.\llNGII?fA-MALETANA, sorcière qui, savoir des hommes
qui auraient employé un
dans une joute qu'elle Dt avec une autre pareil esp-ice de temps à étudier assidûment.
sorcière, sauta sans se blesser du haut de , Leur chien, ou du moins celui d'un d'en-
la montagne de la Rhunc, qui borne les trois tre eux, les avait suivis dans leur retraite ;

royaumes de France , d'Espagne et de Na- il mit à profit, aussi bien qu'eux, le temps

varre, et gagna prix (3).


le de son sommeil. Il devint le chien le plus
DOMITIEN. — Un
jour qu'il donnai! ua instruit du monde.
festin aux sénateurs de Rome, à l'occasion Sous le règne de Théodose le Jeune, l'an
de son triomphe sur les Daces, Douiilien, de Noire-Seigneur 450, les sept Dormants se
qui avait de singuliers caprices, les fil entrer réveillèrent et entrèrent dans la ville d'E-
dans une salle qu'il avait fail tendre en noir, phèse, croyant n'avoir fait qu'un bon somme ;
et qui élaitéclairéc par des lampes sépulcrales. mais ils trouvèrent tout bien changé. H y
Chaque convive se trouva placé vis-à-vis d'un avait longtemps que les persécutions contre
cercueil sur lequel il vil son nom écrit....
, le christianisme étaient finies des empe- ;

Une troupe d'enfants barbouiliés de noir re- reurs chrétiens occupaient les deux (rôncs
présentaient une danse des ombres inferna- impériaux d'Orlenl et d'Occident. Les ques-
les. La danse finie, ils se dispersèrent, cha- tions des frères et l'étonnement qu'ils témoi-
cun auprès du convive qu'il devait servir. gnèrent aux réponses qu'on leur fil surpri-
Les mets furent 1rs mêmes que ceux que rent tout le monde. Ils cnnlèrent naïve«iient
l'on offrait aux morts dans les cérémonies leur histoire. Le peo|ile, frappé d'admiration,
funèbres. Un morne silence régnait dans les conduisit à l'évoque, celui-ci au pa-
celle assemblée. Domitien pariait seul il ne ; triarche et le patriarche à l'empereur. Ses
racontait que des histoires Siinglantes et sept Dormants révélèrent les choses du
n'entretenait les sénateurs que de mort. Les monde tes plus singulières, et en prédirent
convives sortirent enfin de la salle du festin, qui ne l'étaient pas moins. Ils annoncèrent
et furent accompagnés chacun à leur mai- , cnire autres, l'avènement de Mahomet, l'c-
son par des honnnes vêtus de noir, armés et . tablissement et les succès de sa religion,
silencieux. —
A peine respiraient-ils , que comme devant avoir lieu deux cents ans
l'empereur les fit redemander ; mais c'était après leur réveil.
pour leur donner vaisselle qu'on avait
la Quand ils eurent satisfait la curiosité de
servie devant eux , et à chacun celui de ces l'empereur, ils se retirèrent de nouveau
petits esclaves qui les avaient servis. C'était dans leur caverne et y moururent tout de
Lieu là un plaisir de tyran. bon on montre encore celle grotte auprès
:

DOPPET ( François-Amédée ), — membre d'Ephèse.


du conseil des Cinq-Cents, auteur d'un Trailé Quant à leur chien Kratim ou Kalmir, il
théorique et pratique du magnétisme animal ; acheva sa carrière et vécut autant qu'un
Turin 1784, un voL in-S" d'une Oraison
, ; chien peut vivre , en ne comptant pour rien
funèbre de Mesmer avec son testament ; Ge-
, les deux cents ans qu'il avait dormi en corn-
nève, 178o, in-8° d'une Médecine occulte ou
; pagnie de ses maîtres. C'était un animal dont
Traité de la magie naturelle et médicinale les connaissances surpassaient celles de tous
1786, in-V°. les philosophes les savants et les beaux-
,

(1) Delancre,TableauderincoosUnce des démons, etc., Doml'roiit.


liv. Il, p. 101. (3) Deiancre, Tableau de l'iiiconslance des démons, cit.,
Cij Mémuirts de Tliébsiul de Cbampassais sur la ville de liv. III, p. :210.
,

483 DRA DRA iK6


esprits de son siècle ; aussi s'empressait-on dragon en comparaison de celui qu'on dé-
(le le fêler et de le régaler ; et les niusul- couvrit dans rinde, et qui, suivant Ma\in>e
iiiiins le placent dans le paradis de Mahomet, de Tyr, occupait cinq arpents de terrain.
I ntre l'âne de Balaam et celui qui portait Les Chinois rendent une espèce de culte
Notre-Seigneur le jour des Hameaux. aux dragons. On en voit sur leur* vêle-
Cette liisloriette a tout l'air d'une contre- ments dans leurs livres , dans leurs ta-
,

partie de la fable d'Epimcnides de Crète, qui, bleaux. Ils le regardent comme le principe
s étant endormi sur le midi dans une caverue de leur bonheur ; ils s'imaginent qu'il dis-
en cherchant une de ses brebis égarée, ne se pose des saisons et fait à son gré tomber la
réveilla que quatre-vingt-sept ans après , et pluie et gronder le tonnerre. Ils sont persua-
se remit à chercher ses brebis comme s'il dés que tous les biens de la terre ont été con-
n'eûtdormi qu'on peu de temps. fiés à sa garde et qu'il fait son séjour oïdi-
,

Uelrio parle d'un paysan qui dormit un naire sur les montagnes élevées.
automne et un hiver sans se réveiller (1). Le dr<igon était aussi très-importanl chez
DODRDANS. — Voy. Revenants. nos aïeux ; et tous nos coules de dragons
DOURLET (Simone). — Voy. Possédées de doivent remonter à une haute antiquité.
Flandre. Voici la chronique du dragon de Niort (3).
DOUZE, — c'est un nombre heureux. Les Un soldat avait été condamné à mort pour
apôtres étaient douze, dit Césaire d'Hester- crime de désertion il apprit qu'à Niort, sa
;

bach , parce que le nombre douze est com- patrie, un énorme dragon faisait depuis trois
posé de quatre fois trois, ou de trois fois mois des ravages, et qu'on promctiail bonne
quatre. Ils ont été élus douze, ajoulc-l-il, récompense à celui qui pourrait en délivrer
pour annoncer aux quatre coins du monde la contrée. Il se présente; on l'admet à com-
la foi de la sainte Trinité. Les douze apôlres, baltrc le monstre et on lui promet sa grâce
,

dit-il encore sont les douze signes du Zo-


, s'il parvient à le détruire. Couvert d'un mas-
diaque, les douze mois de l'année, les douze que de verre et armé de toutes pièces, l'in-
heures du jour, les douze étoiles de la cou- trépide soldat va à l'antre obscur où se tient
ronne de l'épouse. L<'S douze apôtres sont en- le monstre ailé , qu'il trouve endormi. Ré-
core les douze Ois de Jacob, les douze fon- veillépar une première blessure il se lève , ,

taines du désert les douze pierres du Jour-


, prend son essor et vole contre l'agresseur.
dain, les douze bœufs de la mer d'airain, les Tous spectateurs se retirent , lui seul
les
douze fondements de la Jérusalem céleste. reste et de pied ferme. Le dragon
l'attend
DUAC. — Voy. Oghe*!. tombe sur lui et le terrasse de son poids ;
DRACOMTES ou DUACONTIA. Pierre — mais au moment qu'il ouvre la gueule pour
fabuleuse que Pline et qitelqui'S naturalistes le dévorer, le soldat saisit l'instant de lui en-
anciens ont placée dans la léte du dragon ;
foncer son poignard dans la gorge. Le mons-
pour se la procurer, il fallait l'endormir tre tombe à ses pieds. Le brave soldat allait
avant de lui couper la tête. recueillir les fruits de sa victoire lorsque, ,

DRAGON. —
Les dragons ont fait beau- poussé par une fatale curiosité , il ôta son
coup de bruil et , parce que nous n'en voyons
; mastjiie pour considérer à son aise le redou-
plus, les sceptiques les ont niés:mais Cuvier table ennemi dont il venait de triompher.
et les géologues modernes ont reconnu que Déjà il en avait fait le four, quand le mons-
les dragons avaient existé. C'est seulement tre , blessé mortellement, et nageant dans
une race perdue. C'étaient des sortes de ser- son snng, recueille des forces qui paraissaient
pents ailés. Pbilostrate dit que, pour deve- épuisées , s'élance subitement au cou de son
nir sorciers et devins , les Arabes man- vainqueur, communique un venin
I geaient le cœur ou le foie d'un dragon vo-
lant. phe. —
et lui
malfaisantqu'il périt au milieu de son triom-
On voyait encore il y a peu de ,
si

On montre auprès de Beyrouth le lieu


, , temps , dans le cimetière de l'hôpital do
où saint Georges tua un monstrueux dragon; Niort , un ancien tombeau d'un homme tué
il y avait sur ces lieux consacrés par le , par le venin du serpent. Est-ce aussi une al-
courage de saint Georges une église qui ne , légorie ?
subsiste plus (2). A Mons, on vous contera l'histoire du dra-
Il est fait mention de plusieurs dragons gon qui dévastait lu Hainant [k) , lorsqu'il
dans les légcndts il est possible que quel-
; fut tué par le vaillant Gilles de Chin . en
ques-unes soieni des allégories et que par , ,
11.32. Et que dircz-vous du dragon de Rho-
le dragon il faille entendre le démon que des , qui n'est certainement pas un conte?

, ,

les saints ont vaincu. Le diable en effet , Voy. Trou du château de Carnoet.
porte souvent le nom d'ancien dragon, et DRAGON ROUGE. Le Dragon rouge, ou —
quelquefois il a pris la forme de cet animal l'art de commander les esprits célestes, aé-
merveilleux c'est ainsi qu'il se montra à
: riens terrestres, infernaux, avec le vrai
,

sainte Marguerite. secret de faire parler les morts , de gagner


On dit que le dragon dont parle Possido-, toutes les fois qu'on met aux loteries, de dé-
nius, couvrait un arpent de terre et qu'il , rouvrir les trésors cachés, etc. , etc. , in- 18,
avnlait , comme une pilule, un cavalier tout 1521.
armé; mais ce n'était encore qu'un petit On a réimprime très-fréquemment cefalra»
^1) Daus les Di>qtiisition3 magiques. ji) Voyez celle légende dans les douze cotivivet du clia-
^ti Voyage de Moncoiiis, de Tliévenol pl du P. Goujon. vuiiie de Tuws.
3) Voyage dans le Fiuislère, l. III, p. 112
il!
,

187 niCTlO.NNAlRE DHS SCIENCES OCCL'LTES. 4S?l

absurde. Nous en donnons ici quelques ex- Opérations pour forcer les esprits à paraître.
traits pris dans l'éililion qui çorle le nom
, «Armez- vous d'intrépidité de prudence
,

di' Gauile , imprimeur-libraire a Nisme (sic)


,

de sagesse el de vertu pour pouvoir enlre-


1823. Ou la vend à Paris sur les étalages pu- preiulre ce grand el immense ouvrage, dans
blics au grand scandale de ceux qui pen-
,
lequel j'ai passé soixante-sept ans , travail-
saient que nous étions dans le progrès lant jour el nuit ; il faut donc faire exacte-
On textuellement en tétc de ce livre , ce
lit ment ce qui est indiqué ci-après.
prélude c'esl le nom que le compilateur
; « Vous passert z un quart de lune entier
donne à sa préface :
sans fréquenter aucune compagnie.
« L'homme qui gémit sous le poids acca- Vous commencerez votre ()uart de lune ,

blant des préjugés de la présomption aura , en promettant au grand Adonay, qui est le
peine à se persuader qu'il m'ait été possible chef de tous les esprits, de ne faire que deux
de renfermer dans un si petit Ili'cueil l'es- repas par jour, ou toutes les vingt-quatre
sonee do plus de vingt vo'umes , qui , par heures iludil quart de lune , lesqui-ls vous
leurs dits , redits et ambiguïtés , rend;ii<nt prendriz à midi el à minuit ou , si vous ai- ,

l'accès des opérations pliilosophiques pres- mez mieux, à sept heures du malin et à sept
que impraticable. Mais que l'incrédule et le heures du soir, en faisant la prière (super-
prévenu se donnent la peine de suivre pas à stilieuse), ci-après avant que de prendre
,

pas la roule que je leur trace et ils verront , vos repas pendant tout ledit quartier (1
,
:

la vérité bannir de leur esprit la crainte que « Je l'iiii(ilorc grand el puissant Adonay,
,

peut avoir occasionnée un tas d'essais sans maître de tons les esprits , je t'implore ô ,

fruits , ét.int faits hors de saison , ou sur Elciïin. Je l'implore ô Jehovam. grand
,

indices imparfaits. Adonay je te donne mon âme, mon cœur,


1

« C'esl encore en vain qu'on croit qu'il mes entrailles mes mains mes pieds mes
, , ,

n'est pas possible de faire de semblables opé- soupirs el mon être ô grand Adonay, dai- :

rations sans engjiger sa conscience ; il ne gne m'clre favorable. Ainsi soil-il. Amen.
faut, pour être convaincu du contraire, que « Prenez ensuite votre repas et ne vous ,

jeter un clin d'oeil sur la vie de saint Cy- déshabillez ni ne dormez que le moins qu'il
prien. vous sera possible, pendant tout ledit quar-
« J'ose me flatter que les savants attaches tier de lune , pensant conlinuellemcnl à vo-
aux mystères de la science divine , surnom- tre ouvrage ; le lendemain de la première
mée occulte , regarderont ce livre comme le nuit dudil quart de lune , vous irez chez un
plus précieux trésor de l'univers... droguiste pour acheter une pierre sanguine
«Ce livre est si rare, si recherché dans nos dite ématille (2) , que vous porterez conti-
contrées, que pour sa rareté on le peut ap- nuellement avec vous crainte d'accident ,

peler, d'après les rabbins : le véritable attendu que dès lors l'esprit que vous avez
Gband Œuvre , et c'est eux qui nous ont en vue de forcer el de contraindre , fait tout
laissé ce précieux original que tant de char- ce qu'il peut pour vous dégoûter par la
latans ont voulu contrefaire inutilement , crainte , pour faire échouer votre entre-
pour attraper de l'argent des simples. On a prise, croyant par celle voie se dégager des
copié celui ci d'après les véritables écrits de iilels que vous commencez à lui tendre ; il

Salomon, que l'on a trouvés, par un pur ef- ne faut être qu'un ou trois , y compris le
fet du hasard , ce grand roi ayant passé tous Kurcist, qui esl celui qui doit parler à l'es-
les jours de sa viç dans les recherches les prit , tenant en main la verge foudroyante ;
plus pénibles et dans les secrets les plus ob- vous aurez soin de choisir pour l'endroit du
scurs el les plus inespérés : mais enfin il a l'action un lieu solitaire el écarté, alin que
réussi dans toutes ses entreprises , et il est le Karcist ne soit pas interrompu après ;

venu à bout de pénétrer jusqu'à la demeure quoi vous ai hélerez un jeune chevreau
la plus reculée des esprits , qu'il a tous fixés vierge ; vous le décorerez le troisième jour ,

et forcés de lui obéir, par la puissance de son delà lune, d'une guirlande de verveine, que
Talisman ou Clavicule. Quel autre homme vous attacherez à son cou avec un ruban ,

que ce puissant génie aurait eu la hardiesse vert vous le transporierez à l'endroit mar-
;

de mettre au jour les foudroyantes paroles qué pour l'apparition ; cl là, le bras droit nu
dont Dieu se servit pour consterner et faire jusqu'à l'épaule, armé dune l.ime de pur
obéir les esprits rebelles , à sa première vo- acier, le feu étant allun:é avec du bo s bJanr,
lonté; ayant pénétré jusqu'aux voûtes céles- vous direz les paroles suivantes avec fer-
tes pour approfondir les secrets el les puis- meté :

santes paroles d'un Dieu terrible el respec- « Je l'offre celle victime 6 grand Eloïm , ,

table , il a , ce grand roi , pris l'essence de Ariel et Jehovam, et cela à l'honneur, gloire el
ces secrets , et nous a découvert les influen- puissance de ton être supérieur à tous les es-
ces des astres, la constellation des planètes prits ; daigne le prendre pour agréable.
el la manière de faire paraître toutes sortes Amen.
d'esprits, en récitant les grandes appellations « Ensuite vous égorgerez le chevreau et
que vous trouverez ci-après, de mèirie que la lui ôterez la peau , et mettrez le reste sur
vérilable composition delà Verge foudroyante, le feu , pour y élre réduit en cendres que
elles effets qui font trembler les espriis.» vous ramasserez, et les jetterez du côl6 du
(l) On nous pardonnera de donnrrces absurdités cou- (2) Ou éiiiatite.
paUcs el plus léputiilucs qu'on no croit.
4^0 DRA DU A 490

soleil lovant,en disant les paroles suivantes : même sans s'épouvanter, quelque bruit qu'il
C'est pour l'honneur, gloire et puissance de entende plaçant les deux chandeliers et les
,

Ion nom ô grand Kloïni , Aritl et Jcho- , deux couronnes de verveine à la droite et à
vain que je répands le sang do. celle vic-
1 la gauche du triangle intérieur cela fait, :

time daigne recevoir ces cendres pour


;
vous allumerez vos deux cierges et aurez ua
agréables. vase neuf devant vous , c'est-à-dire devant
« Pendant que la victime brûle, vous pou- le Karcist, rempli de charbon de bois de
vez vous réjouir, ayant soin de conserver la saule, que l'on aura fait brûler le même jour;
peau de chevreau vierge , pour former le le Karcist l'allumera y jetant une partie de
,

rond ou cercle cabalistique , dans lequel vous l'esprit de vin et une partie du can)phre que
vous mettrez le jour de la grande entre- vous avez, réservant le reste pour entretenir
prise. un feu continuel pendant la durée de la
« La veille de la grande entreprise, vous chose ; tout ce (|ui est marqué ci dessus étant
irez chercher une baguette ou verge de noi- fait, vous prononcerez les paroles suivantes:
setier sauvage, qui n'ait jamais porié, l;idite « Je le présente, ô grand Ariel, ces char-
baguette devant faire fourche en haut; sa bons comme sortant du plus léger bois. Je
longueur doit élre de dix-neuf pouces it l'olTre au giand et puissant Eloïm, Ariel et
demi après que vous l'aurez trouvée, vous
;
Jehovam , de toute mon âme et de tout mon
ne la loucherez que des yeux, attendant jus- cœur; daigne le prendre pour agréable.
qu'au lendemain, jour de l'ac'.ion, que vous Amen.
irez la couper positivement au lever du so- a Vous ferez aussi attention de n'avoir sur
leil vous la dépouillerez de ses feuilles et
: vous aucun métal impur, sinon de l'or ou de
petites branche-^, elle en a, avec la mémo
si l'argent, pour offrir la pièce à l'esprit, la
lame d'acier qui a ser»i à égorger la victime, ployanl dans un papier que vous lui jette-
qui sera encore teinte de son sang, attendu rez afin qu'il ne vous fasse aucun mal,
,

que vous devi'z faire attention de ne point quand il se présentera devant le cercle. Pen-
essuyer ladite lame. Vous direz : dant qu'il ramassera la pièce, vous commen-
« Je te recomm;indi', ô grand Eloïm, Ariel cerez prière suivante, en vous armant de
la
et Jehovam, de m'êlre f^ivorable et de donner courage, de force et de prudence; faites at-
à celte baguelle que je coupe, la force et la tention qu'il n'y ait que le Karcist qui parle,
vertu de (elle du grand Josué ; jo te recom- les autres doivent garder le silence
, quand
mande aiis>i de renfermer dans celle baguette même l'esprit les interrogerait et les mena-
touie la for(e de Samson et les foudres du cerait.
grand Zarialnatmik, qui vengera les injures «grand Dieu vivant en une seule et I

des hommes. Amen. mémo personne, le Père, le Fils et le Saint-


« Après avoir prononcé ces terribles pa- Esprit, je vous adore avec le plus profond
roles, ayant toujours la vue du côté du soleil respect, et me soumets sous votre sainle et
levant vous achèverez de couper votre ba-
,
digne garde avec la plus vive confiance je :

guette, et remporterez chez un serrurier crois, avec la plus sincère foi, que vous éies
{)Our faire ferrer les deux branches fourchues mon créateur, mon bienfaiteur, mon soutien
avec la lame d'acier qui a servi à égorger la et mon maître, et vous déclare n'avoir
je
victime vous prendrez ensuite une (lierre
; d'autres volonlés que celle de vous apparte-
d'aimant que vous ferez chauffer pour ai- nir pendant toute l'éternité. Ainsi soit-il.
manter les deux pointes de voire baguette;
« O grand Dieu vivant ! qui avez créé
puis, vous vous réjouirez, étant sûr que vous
l'homme, qui avez formé toute chose pour
possédez le plus grand trésor de lumière le ;
ses besoins, et qui avez dit Tout sera sou- :
soir, vous prendrez voire baguette, votre
mis à l'homme soyez-moi favorable et ne
,
peau de chevreau, votre pierre ématille.deux ,

permettez p is que des esprits rebelles pos-


couronnes de verveine, deux chandeliers et
sèdent des trésors qui ont été formés pour
deux cierges de cire vierge, faits par une
nos besoins temporels. Donnez-moi la puis-
fille vierge. Vous prendrez aussi un batte-feu
sance d'en disposer par les puissantes et ter-
neuf, deux pierres neuves avec de l'amadou
ribles paroles de la clavicule. Adon.iy, Eloïm,
pour allumer voire feu une demi-boulcille
,
Ariel, Jehovam, Tagla, Mathon soyez-moi
<l'esprit de vin, du camphre, quatre clous
,

favorables. Amen.
(jui aient servi à la bière d'un enf.int mort ;
« Vous aurez soin d'entretenir votre
vous vous transjiorlerez à l'endroit où doit feu
se faire le grand œuvre, et ferez ce qui suit :
avec l'esprit de vin et lo cam,/hre ; et vous
« Vous commencerez par former un cercle reprendrez :

avec la peau du chevreau, que vous cloue- « Empereur Lucifer, prince et maître des
rez avec les (juatre clous; vous prendrez esprits rebelles, je te prie de quitter ta de-
votre pierre ématille et tracerez un triangle meurodaiis quelque pariiedu monde qu'eUe
au deilansdu cercle, en commençant du côté puisse être, pour venir e parler je te com-
ci
;

(lu levant ; vous tracerez aussi avec la pierre mande et conjure de la part du grand Dieu
éinalille le grand A, le petit e, le petit a, de vivant, de venir sans faire aucune mainaise
même que le saint nom de Jésus au milieu de odeur, pour me répondre à haute et inlelli-
deux croix (f JHSf ), afin que les esprits gible voix, article par article, sur ce que je le
ne vous puissent rien par derrière après ; demanderai, sans quoi tu y seras conlraint
quoi le Karcist fera rentrer ses confrères par la puissance du grand Adonay, Eioïiii,
dans le triangle à leur place, y entrera lui- Ariel, Jehovam, Tagla, Mathuu et de tous ks
DlUTIONXAlKE DES SCIENCES OCCULTES. 1 16
491 DICTIONNAIHK DES SCIENCES OCCULTES. in
autres esprits supérieurs qui fy conlraiu- cordes ce (]ueje vais te demander, jo le tour-
dronl malgré toi. menterai éternellement.
« Venite. Venite « L'esprit dira :

« Submiritillor LUCIFUGE, ou lu vns élro « Ne me tourmente plus; dis-moi au plus


tourmenté étcrnellenipnl par la ^raiido force
tâtce que lu me demandes.
de celle bnguelle foudroyanle. In subito.
« Je te demande, reprendrez-vous, que lu
« Je te commande et conjure, eniperenr
me viennes parler deux fois tous les jours de
Lucifer, de la part du grand Dieu vivant, et
la semaine, pendant la nuit, à moi ou à
par la puissance d'Kmmanue!, son (ils uni-
ceux qui auront mon présent livre, <iue tu
que, ton inaîlre et le mien, je t'ordonne de
approuveras et signeras, le laissant la vo-
quitter ta demeure dans quelque partie du
lonté de choisir les heures qui le convien-
monde qu'elle soit, jurant que je ne te donne dront, si lu n approuves pas celles ({ui sont
qu'un quart d'heure de repos, si lu ne viens
marquées par moi.
me parler au plus tôt à hiutc et intelligible
Toix; ou si tu ne peux venir toi-même, m'en- « De plus, je le commande
de me livrer le
voyer ton messager Aslarol en signe hu- trésor le plus près promeltani pour
d'ici , te

main, sans bruit et mauvaise odeur, sans récompense la première pièce d'or ou d'ar-
quoi je te vais frapper, loi et toute ta race, gent que je toucherai lous les premiers jours
do la redoutable baguette foudroyante jus- de chaque mois voilà ce que je te demande.
:

qu'au fond des abîmes, et ce, par la puis- « L'esprit répondra :

sance de ces grandes paroles d la clavicule : •

« Je ne puis l'accorder ce que tu me de-


Par Adonaïf, Eluim, Ariel, Jehovam, Tagla, mandes sous ces conditions ni sous aucune
Mnlhon, Almousin, Arios, Pythoiui, Magots, autre, si lu ne te donnes à moi dans cin-
Silpliœ, Cabost, Sulamandrœ, Giiomus, Ter- <{uaiile ans, pour faire de ton corps et de ton
ra, Cœlis, Godens, Aqun. In subito. âme ce qu'il me plaira.
« Avant que de lire la troisième appella-
« Vous remettrez ici le bout de la baguelle
tion, si l'esprit ne comparaît pas, vous frap-
foudroyante au feu et relirez la grande
perez tous les esprits en niellant les deux ,

appellation de la clavicule, jusqu'à ce que


botils fourchus de voire baguelle dans le feu,
l'esprit se soumellc à vos désirs, ce qu'il fera
et dans ce moment ne vous épouvanlez pas
des hurlements effroyables que vous enlen-
en disant : —
Ne me frappe pas davantage,
je le promets de faire toul ce que lu voudras,
drez, car tous les esprits paratironl; alors,
pendant le bruit que vous entendrez, vous
deux heures de nuit de chaque jour de la se-
direz la troisième appellation.
maine.
« Je t'ordonne, cher Lucifer (1), delà part « Je m'engage aussi à te livrer le trésor
du grand Dieu vivant, de son cher fils et du que tu me deuiandrs, pourvu que tu gardis
Saint-Esprit, et par la puissance du grand le secret, que lu sois charitable envers les
Adonay, Eloïm, Aricl et Jehovam, de com- pauvres, et que tu me donnes une pièce d'or
paratlrc dans la minute, ou de m'envoyer ou d'argent tous les premiers jours de cha-
ton messager Aslarot, l'obligeant de quitter quemois:si luy manques, tu seras à moi pour
ta demeure, dans quelque parlie du monde toujours. » Voy. Pactes.
qu'elle soit, te déclarant que si tu ne parais —
DRAMES. Le théâtre n'a pas négligé les
pas dans ce moment , je vais le frapper de- merveilleuses ressources <]ue lui offraient les
rechef, toi et toute ta rare, avec la baguelle démons, les follets, les revenants, la magie
foudroyante du grand Adonay, Eloïm, Ariel et les sciences occultes. De nos jours ou a fait
et Jclioram. les 5e/)/ châteaux du Diable, les J'iUules du
« Si l'esprit ne paraît pas jusqu'ici, mettez Viable, la Pari du Diable; on a même mis en
encore les deux bouts de voire baguelle au vaudeville les mémoires du Diable, de M. Sou-
feu, cl lisez les puissantes paroles ci-après lié. L'Esprit Follet de Collé; le spectre de

de grande clavicule de Salomon.


la Sémiramis, celui d'Hamlcl, les sorcières de
« Je te conjure, ô esprit de paraître dans
1 Macbelh; la Sylphide, le inagicien du Pied'
la minute, par la force du grand Adonay, de-Mouton, et une foule d'autres données
par Eloïm, par Ariel, par Jehovam, par Agla, sont prises, comme Robin des bois, le Chas-
Tagla, Maillon, Oarios, Almouzin, Arios, seur rouge, Trïlbij , le Vampire, les Wit-
Mcmbrol. Varios, Pitliona, Migots, Silpha;, lis, clc etc., du vaste répertoire de prodi-
Cabost, Salamandrœ, ïabots, Guomus, Tcr- ges qui alimenlonl ce dictionnaire.
las, Cœlis, Godens, Gingua, Janua, Elitua- L'un des drames les plus célèbres en ce
uius, Zarialnatinik. genre est connu eu Esp.igiie sous le litre du
« Après avoir répété deux fois ces grandes Diable prédicateur. On ignore le poêle qui a
ri puissantes paroles, vous éles sûr que l'es- jirodiiil ce singulier ouvrage, mais il l'a
prit p.iraîtra, disant : puisé, comme tjOîilie a puisé Fuusl, dans les
« Me que me demandes-tu? pour-
voici, lég<ndi'S populaires. N'oy. Faust. Nous de-
quoi Iroubles-tu mon repos? Ne me frai)pe vons donner une rapide analyse du Diable
plus de Colle terrible baguelle. prédicateur, dans un livre où le diable, li
« Vous répliquerez :
magie cl les sciences occnlies dévelop|)Ciil
« Si tu eusses piru quand je t'ai appelé, je toutes leurs phases. Nous empruiitei>ons no-
ne l'aurais point frajipé; <l si lu ne m'ac- tre résumé aux curieuses éludesqueM. Louis
de Vicilcastcl a publiées sur le Ihcàlre es-
(1) Nous iransaivous loujourg GJiileinenl.
pagnol.
-103 DHA on A 494
Le Diable prédicateur. des exceptions. Pour moi, je reste dans cette
ville de Lucques, où je travaille, par mes ar-
L'aclion ilu dr.nme intitule le Diable prédi- tifices, à eiupêclier ces moines de conserver
cateur, se passe à Lucqucs. uiicouTcnl qu'ilsyonl fondé. Je m'elTorce d'en-
« Le prinrede l'iibîme, Lucifer, monté sur gager les habitauis à changer en mauvais trai-
un <lragon cTlic, fait en ce moment un voyage tements et en injures les aumônes qu'ils leur
autour du monde pour s'assurer par lui- accordaient. Pars donc pour l'Espagne. Ces
même de l'étendue de sapuissance. Il ap- malheureux ont beau implorer la protection
pelle Asniodée, à qui a laissé en son ab-
il divine je ferai si bien que ce nouveau vais-
:

sence le gouvernemeni de l'empire infernal; se.iu de l'Eglise échouera contre les écueil»
il lui raconte ce qu il a vu et les projets nou- impies et les cœurs rebelles. Se voyant refu-
veaux que lui ont suggérés ses observations. ser le strict nécessaire, ils auront peine à se
Parmi les ordres religieux qui, par leurs dcfendrcdesentraînements de la faiblesse hu-
prières, désarment la colère du Ciel, il en est maine. Leur confiance sera pour le moins
un qui a surtout frappé l'attention de Luci- ébranlée, et le navire qui les |)orle, s'il ne so
fer, et dont il ne parle qu'avec un doulou- perd pas tout à fait, sera au moins maltrailé
reux emportement, parce qu'il y voit le prin- par la tempête; il s'égarera dans les bas-
ci[)al obstacle au succès de ses efforts : c'est fo ids, s'il ne se brise complètement. »
loidre des Franciscains. Le poëte place ici « Asmodée, obéissant aux ordres de son
dans la bouche du démon un résumé des lé- souverain, s'éloigne à l'instant. Depuis ce
gendes et des traditions qui ont popularisé moment, il n'est plus question de lui ni do
dans la Péninsule la mémoire de saint Fran- sa mission. Toute l'action du drame se con-
çois, et fait un magnifique éloge du zèle et centre dans l'attaque que Lucifer lui-même
de la piélé des religieux franciscains. 11 voit dirige contre les religieux de Lucques. Le
en eux ses pins redoutables ennemis. Son or- plan qu'il vient d'annoncer s'exécute de point
gueil s'en irrite autant que son ambition : en point. Les bourgeois, cédant aux sugges-
— il ne faut pas le dissimuler, Asmodée, dit- tions secrètes du démon, deviennent sourds
il à son confident; si je ne me hâte d'y pour- aux prières des malheureux religieux ; les
voir, il n'y aura bientôt plus un seul lieu où aumônes cessent complètement. Un certain
ces mendiants déguenillés n'aient arboré la Ludovic, le plus riche, mais aussi le plus im-
b.mnicre de celui (]ui, par son héroïque hu- pie des habitants de Lucques, se distinguo
a niérilé d'être appelé le grand lieute-
iiiililc, surtout par la brutalité de ses refus. Vaine-
nant du Christ, et d'occuper la place que m'a ment le père g.irdien s'efforce de ranimer
fnit perdre jadis ma téméraire présoniplion. p.ir ses exhortations la ferveur des fidèles.
Voici l'entreprise où je t'appelle; certes, elle Son insistance ne fait qu'irriter des esprits
n'est pas aisée. La règle que suivent ces prévenus. Poursuivi, menacé, il se voit forcé
hommes, c'est, tu ne l'ignores pas, la vie de rentrer dans son couvent, dont les portes,
apostolique. Celte règle n'a pas été établie se refermant à l'instant sur lui, peuvent à
par une simple inspiration d'en haut; c'est peine le soustraire, lui et ses moines, aux
Dieu lui-même qui, de sa propre bouche, l'a outrages de la foule. Le gouverneur lui-
dictée à François, et lorS(]ue François, ému même, s'associant à la haine populaire, es-
de pitié pour ses successeurs, lui demanda saye d'abord d'engager les religieux à quitter
où des êtres soumis aux faiblesses humaines une ville où on ne veut plus les supporter,
puiseraient la force nécessaire pour observer et bientôt il prétend les y obliger. Privés de
les vingt-cinq préceptes dont elle se com- toutes ressources, épuisés par la faim qui les
pose, préceptes si rigoureux (|u'aucun ne presse, le courage des religieux faiblit. Déjà
peut être enfreint sans péché mortel Ne : on parle de vendre les vases sacrés, d'aller
l'en inquiète pas, lui répondit le Seigneur; je chercher ailleurs une terre plus hospitalière.'
me (Jiarge de susciter ceux qui les garde- Le père gardien, dont la pieuse et noble fer-
ront. —
Mais il n'a pas dit que tous sans ex- meté a jusqu'à ce moment résisté aux ins-
ception y seraient fidèles; s'il l'eût dit, tous tances de ses frères, commence à chanceler.
nos efforts seraient vains. Pars donc pour Lucifer triomphe. Il se croit au moment
l'Espagne, dirige-toi sur Tolède, qui en est au- d'atteindre le but qu'il s'était proposé, mais
jourd'hui la principale cité; jettes-y les ger- sa joie est de courle durée. Tout à coup une
mes de l'impiété parmi les hommes d'une clarté éclatante vient l'éblouir. L'IùifantJé-
condition moyenne et dans le corps des mar- sus lui apparaît, le visage couvert d'un
chands, auxquels ces moines doivent prin- voile. Auprès de lui est saint Michel, qui
cipalement les aumônes qui les font vivre ; ajioslroplie ainsi l'ange déchu.
empêche que la dévotion ne prenne racine Saint Michel. —
Serpent infernal, j'humi-
dans leurs cœurs, car les Espagnols tiennent lierai ton orgueil.
fortement aux impressions qu'ils ont une fois Llcifeu. —
Michel 1

reçues. Quant aux riches, ne l'in(]uièle pas Sai.nt Michel. —


Comment, connaissant la
d'eux, leurs désirs immodérés agiront plus promesse que le Créaieura faite à François,
clficacement sur leur âme que toutes tes in- as-tu pu croire que tes fourberies enlève-
sinuations. Eussent-ils sous les yeux des mil- raient à ces religieux leurs u.oyens d'exis-
liers de pauvres, ils n'y feront aucune atten- lenre?
tion. Comme ils n'ont jamais vu de près le Lucifer. —
Nul ne sait mieux que moi que
besoin, ils ne le comprennent pas je parle
: l'immense parole de Dieu ne peut man(|uer
du plus grand nombre; on trouve partout d'élre accomplie, mais la confiance qu'un

1
m DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 490

place en elle peut faillir, et déjà il est Lion grand lieulenant du Christ doivent-ils abaii
sûr que, si ce srnlimeul n'esl pas tout à fait donner ainsi lâchement la place qu'il leur a
détruit dioz ces moines, il est au moins fort confiée? 11 n'y a pas encore deux jours que
ébranlé. Il n'est pas indispensable, pour que l'ennemi vous tient assiégés, et déjà votre
je triomphe, qti'ils soient privés de ce qui force, votre espérance, se sont évanouies l

leur est nécessaire il suffit que j'aie décidé


; Ceux qui devaient résister comme des rocs
le peuple ci le leur refuser. aux adaques de l'iinpiéié, en qui la moindre
Saint MicuEL. —Eh bien 1 lu déferas toi- hésitation serait déjà cnupahle, reculentainsi
inême Ion ouvrage. P.ur punir ta faute , tu à la simple menace du danger Sachant que 1

l'S chargé d'amener Ludovic à se repentir, à Dieu a promis à notre père que le néces-
se soumettre à la loi sainte. saire ne manquerait jamais à ses enfants ,
Lucifer. —
Moi 1 lutter contre moi-inéme, ils ont pu se rendre coupables au point de
malheureux que je suis 1 douter de l'accomplissemcnl d'une promesse
Saint Michel. —
Ce n'esl pas tout il faut ; divine [Apart.) Esl-il bien possible que ce
I

encore que tu construises un auire couvent soit moi qui parle ainsi Je me sens tout !

où en dépit de toi, François comptera d'au- brûlant de colère. (Haut.) Croyez qu'alors
tres disciples. même quedans l'univers entier les êtres rai-
LuciFEB. —
Comment ? sonnables fermeraient sans exception leur
Saint Michel. —
Ne réplique pas. Il faut cœur à la pitié, les anges vous apporteraient
que tu fasses ce que ferait François. Entre lau unt requi vousa éiépromise;le démon
dans son couvent. Reproche à ses moines lui-même s'en chargerait au besoin.
d'avoir pu penser un instant à l'abandonner. Le frère Antolin. Il —
parle avec tant
C'est à toi qu'il appartient désormais d'assu- de chaleur, que la flamme sort par ses yeux.
rer leur subsist'uice, et en outre de leur Le père gardien. —
Mon père je vois ,

fournir des moyens de secourir un certain bien que vous êtes un envoyé de Dieu; je le
nombre de pauvres, comme le prescrit la reconnais à l'empire que vos paroles exer-
règle que Dieu leur a dictée. Va donc, et jus- cent sur nous. Je sens que maintenant j'ex-
()u'à ce que lu reçoives de nouveaux ordres, pirerais de faim mille fois plutôt que d'aban-
exécute scrupuleusement ceux que je viens donner la maison de mon père saint Fran-
de le donner. Tu apprendras ainsi à ne plus çois.
l'attaquer à François dans ses moines. Le frère Pierre. — Il n'est pas un de ses
« Lucifer reste accablé. Son désespoir vrais enfants qui ne soit prêt à donner sa
s'exhale en plaintes douloureuses contre la vie pour Dieu.
partialiié du Très-Haut, qui, non content Le frère Nicolas. — Et ils se repentent
d'avoir donné aux hommes tant de moyens tous, mon pu un seul instant
père, d'avoir
de résister à ses attaques, le force ainsi à se pensera tourner le dos au danger.
combattre lui-même. Ccpendani il faut obéir. Lucifer, à part. —
Ainsi donc, la peur na-
Revélu d'un froc de franciscain, il se pré- turelle à laquelle ils ont un moment cédé
sente à l'improvisle au milieu des religieux, devient peureux une occasion de s'acijuérir
qui déjà se préparent à quitter leur retraite de nouveaux titres à la faveur du ciel l Ceux
cl à s'éloigner. » que Dieu protège rentrent bien vite dans la
Lucifer. — Deo gratias , mes frères. bonne voie... [Haut.) M 'S frères, apaisez par
(A part.) Quel supplice 1 des sacrifices le juste méeonlentemenl du
Le père gardien. —
Dieu me soit en aide 1 Créateur qui vous porte tant de tendresse.
,

Quiétes-vous, mon père? Gomment étes-vous Pour moi, je nie charge de pourvoir à votre
entré ici ? subsistance je serai voire aumônier.
Frère Nicolas. —
Il n'a pu entrer par la Le frère Antolin.
;


Vous espérez trou-
porte, je l'avais fermée. ver des aumônes dans celte ville? Vous me
Lucifer. —Aucune porte n'est fermée faites rire.
pour la puissance divine. C'est elle qui, sans Lucifer. —
Vous serez bientôt détrompé.
que je pusse m'y refuser, m'a amené ici d'un Père gardien, ne craignez rien ; faites ouvrir
pays tellement éloigné, que lu soleil lui- ces portes.
même ignore son existence ou dédaigne de Le père gardien. — C'est un ange, il faut

le visiler. lui obéir... Miiis le ciel m'éclaire. Dieu me


Le père gardien. — Votre nom ? soit en aide... Cachons ce prodige à mes re-
Lucifer. — Je m'appelle frère Obéissant ligieux.
forcé. On me nommail jadis Chérubin. Lucifer. —
Allez tous au chœur, et cessez
Le frère Antolin [le gracioso). — C'est de craindre. Tant que je vous assisterai , le
sans doute un Basque. bercail de Franc )is sera à l'abri des atta-
Le père gardien. —
Mon père, dites-nous ques des loups.
ce qui vous amène. Vos paroles, le prodige Le père gardien. —
Oui, puisque Dieu a
de votre entrée dans ce couvent, malgré la ch.ingé le poison eu contre-poison.
clôture des portes , nous remplissent do « Lucifer se met à l'œuvre, et loul a bien-
trouble et d'inquiélule. Je crains quelque tôt changé de face. Les aumônes arrivent de
piège de notre grand ennemi. toules parts au couvent, les moyens ordinai-
Lucifer. — Ne craignez rien. C'est par res ne suffisent plus pour les y transporter.
l'ordre de Dieu que je viens, c'est lui qui Du surplus des produits de la charité publi-
m'a chargé de vous reprocher voire peu de que, un autre monastère s'éève avec rapi-
fui. Les soldats enrôlés sous lu banuicre du dité. Le prétendu moine se multiplie. On le
t97 DR\ Bïlk 41)3

voit partout à la fois pnrfonrant la ville


,
Le père gardien. — Je n'en ai jamais
pour stimuler la générosité des fiilèles, diri- douté ; mais il n'est pas moins vrai qu'avec
geaiilla construction du nouvel édifice, pres- toute sa puissance , avec toute sa science,
sant les ouvriers, faisant preuve en tous celui qui me parle n'a pu atteindre l'objet de
lieux d'une activité , d'une adresse d'une , ses vreux les plus ardents.
force miraculeuse. Les religieux, frappés de Lucifer. — Non ? Eh bien mon père, !

ces qualités extraordinaires auxquelles se pourquoi pensez-vousdonc(iueDieumepunil?


mêle dans l'inconnu quelque chose d'étrange Le père gardien. —
Pour votre inten-
et de mystérieux , se de.nanderit qui il tion.
peut être. L'un croit voir en lui un être Lucifer. — Père gardien vous êtes un
,

étranger à l'humanité; l'autre, à son (on bon religieux mais votre intelligence est
,

unecertaineâpreté deiangage,
(J'aulorilé et à faible. Lorsque je suis venu vous trouver,
le prend pour prophète Elle. Le père gar-
le vous et vos moines, n'étiez- vous pas résolus
dien, qu une révélation divine a instruit de à abandonner lâehement le couvent ? En ce
la véi ilé conseille à ses fières de ne pas
,
qui vous concerne, j'avais donc atteint mou
chercher à pénétrer les secrets du ciel, et de but , pui.-que le Créateur ne s'est interposé
se contenler d'obéir aux ordres de celui en que lorsqu'il vous a vus vaincus. Rendez-
qui ils ne peuvent méconnaitie ua envoyé lui donc grâce de sa miraculeuse interven-
de Dieu. tion ; mais croyez que si vous aviez eu plus
« Le rôle du père gardien est d'unegrande de courage mon châtiment serait moindre.
,

heaulé. Lasimplicilé, l'abnégation du moins Le père gardien. —


cresl en toute justice
se réunissent en lui à la fermeté calme et que vous m'avez humilié.
prudcnie sans laquelle il n'est pas possible Lucifer. — Je suis condamné à faire ce
de diriger utilement d'autres hommes. 11 y que lerail François, s'il vivait encore. Jugex
a eiilre lui et Lucifer une scène remar- s'ilétait possible de m'iniposer une uiorlifi-
quable. » calion plus douloureuse , sans compter l'i-
Le pèke gardien. — Père Obéissant gnominie d'être contraint à me couvrir de sa
'

le ,

convint que vous construisez est-il bien bure.


avancé ? Le père gardien. —
Jamais vous n'avea
LuciFRR. —
Il est achevé. été plus honoré depuis que vous êtes tombé
Le PKnEGABuiEN. —
Entièrement ? du ciel.
LcciFER. —
Il ne reste plus qu'à le blan- Lucifer. —L'orgueil vous aveugle et vous
chir. fait perdre la mémoire. Oubliez-vous donc
Le père gardien. —
La rapidité de celte votre origine ? ignorez-vous que vous êtes
construction me surprend, je l'avoue. sorti de la boue et de la poussière?
Lucifer. —Il y a pourtant cinq mois qu'on Le père gardien. —
Je ne l'oublie pas:
en a posé la première pierre et ces cinq , je sais que Dieu formé le premier homme
a
mois m'onl paru cent années. Je n'y ai con- de ses propres mains, avec un peu de terre ;
tiiluié que par roa présence assidue aux mais la création de l'ange lui a coûté moins
Irav.iux, en cherehiinl l'argent nécessaire et encore, puisque d'une seule parole ...
en traçant le plan de l'édifice ; mais, si le Lucifer. —
Laissons cela; de telles ma-
Créateur me l'eût permis, j'eusse l'ail en cinq tières ne peuvent être traitées entre aous :
jours et en moins peut-être plus que cent vous les ignorez, et il ne m'est pas permis
hommes n'ont fait en cinq mois. de vous répondre. Quand voulez-vous quo
Le père gardien, à part. —
Il vaut mieux nous commencions la fondation nouvelle ?
ne pas paraître comprendre. [Haut.) Je vous Le père gardien. —
Sur-le-champ, si vous
crois ; mais Dieu ne fait pas de miracles le trouvez bon.
sans nécessité. Lucifer. — C'est ce que je désire. Quels
Lucifer. —
Ce miracle, je l'aurais fait à sont ceux des frères ((ui y travailleront ?
moi seul je suis assez puissant pour cela ,
;
Le PÈRE gardien. —
Je ne puis les dési-
si Dieu ne m'en eût eaipcché. gner; c'est à vous qu'il app.irlienl de les
Le père gardien. —
Je sais qui vous êies. choisir et d'eu fixer le nombre. Mon devoir
Vous n'avez pas besoin de me le faire enten- est seulement d'exécuter tout ce que vous
dre. aurez ordonné.
Lucifer. —
Je ne l'ignore pas. Lucifer.. —
Quelle liypocrile humilité 1
Le père gardien. —
El je sais aussi que Mais le lemps viendra hieiiiôt où on le verra
voire puissance n'égale pas celle de mon ère passer d'un extiême à l'autre.
s.iini François.
|

Le père gardien. —Dieu permettra que


Lucifer.* —
Père gardien, la faveur dont vus artifices nous fournissent de nouvelles
votre père jouit auprès du roi du ciel fait occasions de mériter sa grâce.
iDiite sa force, cl, sous ce rapport, elle est Lucifer. — Si Dieu y intervient, cela sera
grande je l'avoue
,
mais ce n'est pas une
;
facile sans doute. Autrement je sais par ex-
l'ui>sance vériiable que celle qui a besoin de périence comment vous coinballez.
recourir à la prière. —
Le père gardien. J'avoue que je nesuis
Le père gardien. —
Quelle est donc la que poussière.
puissanee qui ne procède pas de Dieu ? Lucifer. —Allez, allez faire paître vos
Lucifer. —
N'argumentons pas soyez , brebis. Je les vois qui atlendenl leur pas-
iitiinble ; auprès de moi, le piuj savant eu leur. Prenez garde qu'il ne s'en égare quel-
sait bien peu. qu'une ;, elle pourrait :e perdre.
499 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 500

Le père gardien. —Ce soin ser;iilsiiprr(ln le nom de la Vierge. Lucifer, qui avait ordre
lie ma part.vous de les garder s'il
C'est ci diî la sauver, mais qui n'a pu y parvenir, est

survient danger, puisque Dii'u ne


(iiiclqiie auprès d'elle ; il reconnaît bienlôt iiu'un
vous a envoyé parmi nous que pour 6lre le prodige va s'opérer. — Klle est morte, et ce-
chien de garde de son Iroupi'au. (Il sort.) pendanl, dit-il, son âme n'est ni montée au
LuciFEii. — Il le tant bien, hélas puis- ciel, ni descendue dans l'enfer, et elle n'est
qu'il nepermis de iiiortire aucune de
ni'esl
1

pas non |)lus entrée dans le purgatoire. —


ces hrebis. ,M;iis un jour viendra où, le ber- Toiil à coup, au son d'une musique céiesie,
ger el 11. oi i.ous nous verrons dune autre
, la Vierge apparaît au milieu d'un cliœdr
iaçon. d'angi's; elle s'a|)proclie d'Oclavie et la lou-
« Il y a, ce me
semble, quelque chose d'6- che de ses mains. Le seul Lucifer a aperçu la
niinouiinenl dramaliquc dans cet étrange reini' des rieux , invisible pour les yrux
dialogue, vu le ciel et l'enfer, forcés, pour morlels. A l'aspect de fa plus puissante en-
ainsi dire, d'exister un momentàcôlé l'un de nemie, de celle qui a brisé son empire, de
l'autre, (le su-ipei.dre leurs hostilités de , douloureux souvenirs s'agitent en lui ; il
concourir au même but , se dédommagent sent plus vivement les angoisses du dési'S-
d'une aussi pénible contrainte par un assaut poir éternel, et pourtant, subjugue par une
d'ironie aiiiere .si profondément empreint de puissance surnaturelle, il se prosterne, il
leur insuriiionlable antipathie. C'est une gémit de ne pouvoir s'associer au culte que
très-belle iiiée, imp;trfaitemont esquissée, il l'univers rend à la mère de Dieu; il célèbre
est vrai, par l'auteur espagnol, que de mon- comme involontairement ses |)erfectioiis in-
trer la simplicité d'une âme ferme , pure et finies, sa puissanci! illimitée, les récompenses
religieuse, liiliant contre toutes les ressour- qu'elle accorde à ceux qui lui ont voué une
ces du génie infernal, et le déconcertant dévotion particulière. Ses transports, le trem-
niénie <iuel(|ui'fois par la seule force de la blement (jui l'agite, le feu qui sort de ses
vertu cl de la vérité. Ce qui, dans le texte , yeux, les paroles entrecoupées qui s'échap-
ajoute encore à l'effet de celte scène mais , pent de sa bouche, étonnent d épouvantent
ce que nous n'avons pu transporter dans la un moine présent à cette scène, mais pour
traduction, c'est que les deux interlocuteur* (lui l'apparition céleste est restée non ave-
ne se parlent qu'à la troisième personne. nue. Le miracle est enfin accompli; la Vierge
<]elte forme autorisée par legénicdela langue s'éloigne, et Octavi(ï ressuscite.
espagnole, donne à leur entretien une teinte « Irrité, mais nun persuadé par ce mira-
vague et mystérieuse parfaiteineul appro- cle, Ludovic persiste dans son impiété. Vai-
priée au sujet. nement Lucifer tente un dernier effort pour
• Cependant Lucifer, en raffermissant le le convertir ; vainemi ni il lui annonce la
courage des religieux, en leur élevant un mort (|ui le menace, la damnation qui doit la
nouveau couvent, en réchauffant la ferveur suivreel qu'une aumône faite à saint François
du peuple di; Lucqiies, n'a accompli qu'une peut détourner. Ludovic , averti qu'il n'a
partie de sa lâche. Nous avons vu (jue saint plus qu'un moment pour se repentir, brave
Michel lui a aussi prescrit de travailler à encore la puissance divine. Au signal enfin
convertir le mauvais riche Ludovic. Mais ici donné par saint Michel, Lucifer s'empare de
tous ses efforts échouent contre l'avarice de sa proie, et Ludovic disparaît au milieu des
cet homme pervers, contre son impiélé, et flammes. Le démon croit avoir accompli
surtout contre la haine particulière qu'il toute sa mission déjà il vient rejeter le froc
;

porte à l'ordre de saint François. L'élo- qui pèse tant à son orgueil; mais. saint Mi-
quence du démon réussit bien à le troubler, chel lui déclare qu'il lui reste encore à faire
à l'erfraycr, à le remplir d'une sorle de res- restituer aux pauvres tout ce ([ue leur a dé-
pect dont il ne sait comment se rendre robé 11! scélérat qui vienl de périr. Pour exé-
compte; mais rien ne peut le déterminer à se cuter ce nouvel ordre, Lucifer appelle Asta-
ilépartir de la moindre parcelle de son im- rolh, un de ses lieutenants. Ce dernier prend
tiiensc fortune. la figure de Ludovic, fait convoquer tous
« Ludovic vit'nt de se marier. Sa jeune ceux qui ont à se plaindre de ses spoliations,
femme Octavie, douce, charmante, pieuse, et leur partage ses richesses. Lorsque cette
forme avec lui le coiitiaste le plus parfait. œuvre de réparation est terminée, Lucifer,
Avant d'épouser Ludovic, elle avait donné dépouillant enfin le costume rnonacal, ra-
son cœur à un homme plus digne d'elle- conte en peu de mots au peuple, accouru de
Forcée de renoncer à lui, elle se consacre toutes parts sur le bruit de la prétendue
désormais tout entière à l'indigne époux que conversion de Ludovic, les étranges événe-
ses parents l'ont forcée d'accepter; elle ne ments qui viennent de se passer. — Demain,
se permet ni un regret, ni un souvenir. dit-il, le père gardien, qui a tout vu, à qui
Néanmoins, la jalousie de Ludovic ne larde Uieu a tout révélé, vous donnera, d ais un
pas à s'éveiller, et dans son emportement il sermon, des explications plus complètes, lit
se résout à donner la mort a la m;ilheureuse maintenant, François, la trêve est expirée
Uclavie. Avertie, par plusieurs indices, du entre tes enfants el moi. Je redeviens ion
ïNurt qu'il lui prépare, elle se refuse à fuir : plus grand ennemi. Veille sur eux : puis-
elle croirai! se rendre coupable. Le scélérat qu'il ne m'est pas permis de les priver de
l'attire dans un lieu écarté où il espère pou- leur subsistance , c'est en atta(|uant leur
voir cacher son crime; il la frappe d'un vertu (jue je satisferai ma haine.
tuu]j de poignard, elle tombe en iuvo<iuanl « Ainsi se termine le Diable prédicateur. »
501 DUT] DUE .102

DHAPE. On donne à Aigiirs-M-r'cs le nom Drusus troublé tourna bride, fil sonner la
do Lou Drapé un
diev.il falmlrux, qiti osl
à retraite el mournl au bord du Hhin.
la li'iTcnr des cnfanis, qui ics rclionl un [>eu On vit en même temps deux chevaliers in-
sons l'aile rie leurs parents, e( réprime la né- connus qui faisaient caracoler leurs chcvanx
çligenre des mères. On assoie que (juand autour des tranchées du camp romain, et on
Lou Drapé vient à passer, il ramasse snr son Ciilendit aux environs des plaintes e| dos gé-
dos, l'un après l'aulre, (oiis les cnf;;iils éga- missemeiits de femmes (•'(); ce qui n'est —
rés; el que sa croupe, d'abord de laille ordi- pas merveille dans une déroute.
naire, s'allonge au besoin jus(iuà contenir DKYDEN (Jean), célèbre poêle anglais,
cinquante et cent enfanis, qu'il emporte on mort en 1707. On rapporle qu'il tirait aux
lie sait où. dés, le jour de la naissanc de ses enfants,
DIUFF, nom donné à la pierre de Butdrr, pour deviner s'il aurait un garçon ou une
à laquelle on attribuait la propriélc d'attirer fille; el sa prédiction relative au sexe de son
le venin; elle était, dil-on ,
composée de fils Charles se réalisa (5), ce qui n'est pas
mousse formée sur des de mort, de sel
têtes fort étonnant. Voy. Asthagalomancie.
niaiin, de vitriol euivreux empâté avec de la DUALISME. Il y a des tremblements de
colle (le poisson. On a poussé le merveilleux terre, des tempêtes, des ouragans, des débor-
jusqu'à prétendre (ju'il suffisait de toucher dements de rivières, des maladies pestilen-
cette pi( rrc du bout de la langue pour être tielles, des bêtes venimeuses, des animaux
guéri des maladies les plus redoutables. Vau- féroces des honnnes naliirellemenl mé-
,

Helmont en fait de grands éloges. chants, perfides et cruels. Or, un être bien-
DHOLLUS. Les drolles sont des démons ou fai>ant, disaient les dualistes, ne peut être
lutins (jui, dans certains pays du nord, pren- l'auteur du mal. Donc il y a deux êtres, deux
nent soin de panser les chevaux, font tout ce principes, l'un bon, l'autre mauvais, égale-
quon leur commandi> cl avertissent des dan- ment puissants, roéternels, cl qui ne cessent
gers. Voy. Farfadets, Bérith, Kobold, etc. point de se combattre.
DUUl DES, prêtres des Gaulois. Ils ensei- Dieu a donné à l'hommcle libre arbitre :
gnaient la sagesse et la morale aux princi- c'est à lui de choisir enire le bien et le mal;
paux personnages de la nation. Ils disaient il n'en aurait pas le moyen,
si le bien seul
que les âmes circulaient éternellement de ce existait. L'homme sans
passions el obligé
monde-ci dans l'autre; c'est-à-dire que ce de faire le bien sans pouvoir fiire le mal, se-
qu'on appelle la mort est Tentrée dans l'au- rait vertueux sans mérite. Dans un monde
lre monde, et ce qu'cm appelle la vie eu est sans dangers et sans besDins, l'honime vi-
la sortie pour re\enir dans ce monde-ci (1). vrait sans plaisirs. La vertu ne brille que
Les druides d'Autun aitribuaieni une par le contraste d,i vice; les hommes, mor-
grande vertu à l'œuf de serpent ; ils avaient tels depuis leur chute, sont dans ce monde
pour armoiries dans leurs bannières, d"azur comme dans un lieu d'épreuves on ne ré- :

<à la couchée de serpents d'argent, surmontée compense point une machine qui ne va bien
d'un gui de chêne garni de ses glands de si- que parce qu'elle est montée de manière à
nople. Le chef des druides avail une clef ne pouvoir aller autrement.
pour sytnbole (2). Si l'on rélléchit bien snr le dualisme, dit
Dans la Sena , aujourd'hui
petite î'e de Sainl-Foix, je crois ([u'on le trouvera encore
Sein, vis-à-vis la eôe de Quimper, il y avait plus absurde que lidolâtrie.
un collège de druidesses, que les Gaulois ap- Los Lapons disent que Dieu, avant de pro-
pellent Senes (prophétesses). Elles étaient au duire la terre, se consulta avec l'esprit ma-
nombre de neuf, gardaient une perpétuelle lin, afin de déterminer comment il arrange-
virginité, rendaient des oracle^ cl avaient le rait chaciue chose. Dieu se proposa donc du
pouvoir de retenir les vents el d'exciter les remplir les arbres do moelle, les lacs de lait,
tempêtes; elles pouvaient aussi prendre la et de charger les pl.intcs el les arbri s de Ions
forme de toute espèce d'animaux, guérir les les' plus beaux fruit*. Par malheur, un plan
maladies les plus invétérées et prédire l'a- si convenable à l'homme dé|.lut à l'esprit
venir. malin, (lui fit toutes sortes rie niches; et il
Il y avait d'autres druidesses qui se ma- en résulia que Dieu n'établit pas les choses
riaient; mais elles ne sortaient qu'une fois aussi bien ([u'il l'aurait voulu...
dans l'année, cl ne [lassaient qu'un seul jour Un certain Ptolomée soutenait que le
avec leurs maris (3). Voyez aussi Dioclétien, granil Être avait deux femmes; que, par ja-
Veli.éoa, ('te. lousie, ell(>s se contrariaient sans cesse, et
DRUSUS. Chargé par l'empereur Auguste que le mal, tant dans le moral que dans le
du commamlement de l'armée romaine qui pbysi(|uo, venait uniciuemeut de leur mésin-
faisaitla guerre en Allemagne, Diusiis se telligence, l'une se plaisant à gâter, A chan-
préparait à passer l'Elbe, après avuir déjà ger on à détruire tout ce que faisait l'autre...
remporté plusieurs victoires lorsqu'une , Voy. TRAniTioNs.
femme majestueuse apparut et lui dit
lui DUENDIi. « Le Duenrle, lulin espagnol,

:

Où cours-tu si vile, Drusus? Ne seras-tu correspond au Goholifi normand et au Tom-


jamais las de vaincre? Apprends que tes tegobbe suédois. Duendo, selon Cobaruvias,
jours louchent à leur terme... est une contraction de diteno de casa, maître

(1) Diodnrofie Sicile. (i) Dii>ii Cas«iiis.


(2) Sailli Koiï, lissais, rtc , I. II (5j Bciliii, OiiiusUûs de la litléraUiro, t. I, p. 2ti.
(3) Sai:il l'oix, Lssuis sur l'jiis, l III, p. J8*.
503 DICTIONNAIRK DES SCIENl.ES OCCULTES. 60 J

il(> maison. Ci" rfiaMc csiia^'nol fui île tout


la pulation. Le démonologue cité par Reginald
ti-nips filé pour la furililé d; ses inélaiiior- Scott nous apprend « qu'ils sont très-jaloux
piiiiscs. » de leurs trésors cachés; qu'ils en veulent
DUFÎIUIAKS. « Los diables nains ou ()u<t- beauioup à ceux qui les découvrent , et
gars Scamliiiavio sont de la ni^'ine fa-
(le la chen lient à lu r ou là blesser ceux qui vien-
mille q.uc les elfs de la nuit. Les Norwégiens nent les leur enlever, hantant d'ailleurs avec
nllribucnl la foriiic régulière et le poli <l('s persévérance les caves où l'argent est dé-
pierres cristallisées aux travaux des petits posé. » Un nommé Peters, du comté de De-
tiabitanls de la iiionlagnc, dont l'écho n'est vonshire, ayant trouvé le secret de deviner
autre chose que leur voix. Cette prrsonuifi- les lieux où les gnbclins couvaient des tré-
cation poétique adonné naissance à uu mè- sois, fut brûlé rt réduit en cendres par les
tre parlirulier en Islande, appelé le gal.lra- dém ins irrités... Quant aux mineurs, ils ne
tng, ou le lai diabolique, dans lequel le der- peuvent trop se défier de ces esprits malveil-
nier vers de la première slance termine lants qui leur tendent toutes sortes de pièges
toutes les autres. Et lorsciue, dans une saga pour les détruire tantôt ils inondent leurs
:

d'Islande, le poëlc introduit un esprit ou un travaux, tantôt ils les étouffent par des va-
fantôme qui chante, c'est loujours avec le peurs pestilentielles, parfois ils leur appa-
(jaidralay. Dans une autre variélé du gaUlra- raissent sous des formes effrayantes. Tel
Uig, c'est le premier vers qui est répété de était Vnnnnberge, animal terrible, qui fut si
stance en slance. On retrouve ce système funeste aux ouvriers employés dans la p'us
métrique dans quelques-unes des incanta- riche mine d'argent de l'Allemagne, ajipelée
lious superstiiicuse-i des Anglo-Saxons. Ce Corona Rusacea.
rhylhme a un son monotone, mais solennel, « L'annaberge se montrait sous la forme
qui, sans le sci'ours de la Iraililion mytholo- d'un bouc avec des cornes d'or, et se préci-
gique, l'a fait employer par Its poêles, de- pitait sur les mineurs avec iinpéluosilé, ou
puis Virgili' jusqu'à Pope. Le Dante se sert sous forme d'un cheval, qui jetait la 11 iin-
la
du galdraliKj pour l'inscription placée sur me par ses naseaux. » Ce terrible
et la peste
les portes di' l'en for. annabergc pouvait bien n'être qu'un esprit
« On a dit que 1rs véritables protolypes très-connu aujourd'hui des chimistes sous
(les duergnrs sont les liabitanis de la vieille le nom de gpz hydrogène ou feu grisou. La
Finlande. N.ms commençons à douter de lampe de sûreté d'Humphrey-Davy auiait
cette origine. Il est certain que les Finlan- été un talisman précieux aux mineurs de la
dais se vantèrent longtemps de leur com- Couronne de roses; et James Walt, en leur
merce intime avec le diable jusqu'à ce que prêtant une de ses machines à vapeur, les
ce commerce fût Irailé de contrehande. On aurait certainement bien défendus contre les
n'a pas cessé de les redouter comme sor- inondaiions suscitées par les kob>dds (1). »
ciers ; mais, malgré leur talent eu magie et DUFAY (CuARLEs-Ji RiiME DE Cisteunay) ,

eu métallurgie, on doit les distinguer, des chimiste, quoique homme de guerre. Il s'oc-
liahiles ouvriers qui fabriquèrent le marteau cupait du grand œuvre; et il ilepensa beau-
(le Thor, les tresses d'or de Siva et !a bague coup d'argent à la recherche de la pierre
d'Odin, toutes choses fameuses dans la bi- philosophale. Il mourut en 1723.
zarre cosmogonie des Asi. Si nous voulions DUFFUS, roi d'Ecosse. Pendant une mala-
interpréter ces mystères selon la sagesse die de ce prince, on arrêta plusieurs sorciers
liicroglyphique des rose-croix, uous dirions de son royaume, qui rôtissaient, auprès d'un
que les duergars étaient des personnifica- petit feu, une image faite à la resseinblanee
tions de l'cléiiient mét.illique ou des gaz qui du iloi, sortilège qui, selon leurs confessions,
en sont les véhicules dans les entrailles de causait le mal du monarque. En elïel, après
la terre, fécondant les veines de la mine et leur arrestation, la santé de Uulïus se ré-
se mêlant à la circulation de la vie élcciri- tablit (2).
que et magnétique du macrocosme. Du reste, DULOT, magicien. Yoy. Marigny.
ce sont des êtres allégoriques pour
trop DUMONS (Antoine), sorcier du dix-sep-
qu'on les confonde avec les magie iens finlan- lièii.e siècle, accusé de fournir dos chandel-
dais dispersés sur la surface dos régions les .111 s ibbal pour l'adoration du diable.
septentrionales. Leur cachel d'antiquité pri- DUPLEIX (Scipion), conseiller d Etat et
mitive parait d'autant plus marqué, selon historiographe de France, mort en IGUl.
nous, qu'on les retrouve dans les vieilles ira- Parmi ses ouvrages très-remarquables on ,

ditions des Teutons, consacrées par les Ni- peut voir la Cause de la veille et du sommeil,
bdungs et le Livre des JJérus. Or, les Nibe- des soTKjes de la vie et de la mort. Paris, 1615,
lungs et le Livre des Héros nous vionnenl de in-12; Lyon, 1020, in-8°.
pays où Jamais le Finlandais errant ne dressa DURANDAL, épée merveilleuse de Char-
t>a (ente. lemagno. Celait, selon les romans de che-
« Les pays de
mines ont défendu Irès-long- valerie, un ouvrage dos fées.
lemps leur mythologie populaire contre les DURER (Aldert) peintre illustre, né à
,

lumières de la saine philosophie et de la re- Nuremberg en 1171, mort en 1328, avec la


ligion. On peut citer, par exemple, le cumté gloire assez rare d'avoir laissé beaucoup du
de Cornouaillis; et le Harzwald di' Hanovre,
reste de l'ancienne forêt d'Hercynie, est en- (1) Qiiarlcrly revieuw. Essai sur les tradili iis ii(]|.u-
lairf's.
core une terre enchantée. Les gobelins des des S|icclrcs, etc., Ijv. IV,
(2) i.ctoyir. Histoire et dise,
mines ont loujours eu uue très-niauvaisu ré- cb sv, p. 5l)9.
605 EAT EAT eoG

chefs (l'œuvre où son pinceau, son crayon el se colore de feu de (lamme ; des nuages
et
ion burin n'onl jamais offensé en rien la re- bleus forment le fond sur lequel se dessinent
ligion, ni les mœurs. On raconte de lui une les figures imposantes des quatre évangélis-
vision que nous rapporlcrons ici : tes. Oh! voilà, voilà, dit-il, les traits que j'ai
« Albert, pieux artiste, rêvait quelque
le en vain cherché qui échappaient
à retracer,
nouveau chef-d'œuvre; il voulait se surpas- à mon nrtdébillll (;roil entendre les sons
ser lui-même, niais le génie de riiomme a rav ssants de l'harmunie des sphères ; il se
ses limiles que jamais il ne peut franchir voit entouré d'anges el de célestes esprits.
sans se perdre dans les abîuK s du tiionde in- Un d'eux lui présente sa toile abandonnée,
teilecluel. Pendaiil une belle nuit dclé, Al- l'aiiire ses pinceaux. Albert les saisit, tra-
bert avait commenté et recomnieiicé l'es- vaille avec une ardeur surhumaine, bientôt
quisse des quiire évangé!i>tes. Il voulait l'esquisse est terminée. Il ne sera pas diffi-
retracer les traits des hommes inspirés qui c le au grand artiste d'achever dignement
furent trouvés dgnes de devenir les histo- son œuvre.
riens de l'Honinie-Dieu. « Enfin la vision disparaît; il se retrouvait
« Mais rien de ce que sa njain produisait dans sa chambre solitaire, rafraîchie par 1 air
ne rendait à son gré les traits qui se pei- vif el pur de l'aurore. Il fixe ses regards sur
gnaient dans son âme. Comme nous parlons son travail; il prévoit que sei quatre évan-
dans la musi(]uc une langue inconnue, dont gélisles seront ce qu'il a voulu qu'ils fus-
nous ne comiirenons pas le sens, et dont sent ,un chef-d'œuvre. Un pressentiment
nous ressentons néanmoins fortement les lui dit qu'il a travaillé pour la poslérité, pour
elî;'ts, de môme nous possédons en nous un les siècles futurs. Il termine par des actions
savoir que nous ne saurions rendre par des de grâces la séance qu'il avait commencée
mois ; nous portons dans notre âme des par une prière d'invocation 1

images que nos mains souvent ne peuvent « Durer croyait et voyait. Voilà pourquoi
tra'iluire malérieHtment. Las, épuisé par ce il sol créer drs chefs-d'œuvre d'un(! si pure
combat entre ses forces intellectuelles et ses spiritualité. B'aucoup de ceux qui voulurent
forces matérielles, Albert jette son pinceau, marcher sur ses trae.es échouèrent s.iuvenl,
ouvre la fenêtre et cherche à reiroinprr son ncn parce que le lalenl leur manquait, mais
âme dans la contemplation de la nature. parce qu'ils n'avaient point sa foi na'i've et
C'était à Nurenberg. inébranlable. Le ciel et ses merveilles res-
« La nuit était superbe, la lune éclairait tèrent cachés pour eux, derrière les sombres
de sa mafjique lumière les églis(S de Sainl- nuages du monde matériel (1). »
Sébald el de Saint Laurent, ainsi que d'au- DSIGOFK, partie de l'enfer japonais, où les
tres grandes œuvres d'architecture qui se méchants sont lourmentés. suivant le nom-
présentaient aux yeux de l'artislc. Des mil- bre ou la qualité de leurs crimes. Leurs sup-
liers d'étoiles brillaient à la voûte céleste plices ne durent qu'un certain temps, au
an-dessus de celle ville silencieuse el de ses bout duquel leurs âmes sont renvoyées dans
rues désertes. Dieu, s'écria Albi rt, a permis le monde pour animer les corps des ani-
,

à des hommi'S de transformer ici des débris maux impurs dont les vices s'accordent avec
de rochers en bâtiments magnifiques, pleins ceux dont ces âmes s'étaient souillées. De là
d'harmonie dans leur ensemble et dans toutes elles passent successivement dans les corps
leurs parties, élevant majeslueusemenl leurs des animaux plus nobles, jusqu'à.ce qu'elles
lonrs vers le ciel, cl il ne me permellrail pas rentrent dans les corps humains où elles ,

à moi de rendre sur la toile et en son hon- peuvent mériter ou démériter sur nouveaux
neur les portraits de ses sainls envoyés, por- frais.
traits que cependant je porte en mon âme 1 DYSEIIS, déesses des anciens Celtes, que
Albert se sent profondément ému, rappro- l'on supposait employées à conduire les
ché de la Divinité; ses mains se rejoignent âmes des héros au palais d'Odin où ces ,

pour prier, son âme adore. âmes buvaient de la bière dans des coupes
« El en ce moment l'église de S.iinl-Sébaid faites des crânes de leurs ennemis.

E
EATUAS, dieux subalternes des Olaïliens, seaux, que le héron et le inartin-pô-
tels
enfants deleur divinltésiiprême, Taroalaihé- chcur. Otaïtiens cl les insulaires, leurs
L(!s
loomoo, et du rocher Lepapa- Les ICaluas, voisins, honorent ces oiseaux d'une atlenlion
dit-on, engendrèrent le premier homme. pirliculière; ils ne les tuent point et ne leur
Ces dieux sont des deux sexes: les hom- font aucun m;il; mais ils ne leur rendent
mes adorent les dieux mâles, et les femmes pourtant aucune espèce de culte, et parais-
lesdieux femelles. Ils ont des temples où les sent n'avoir à leur égard que des idées su-
personnes d'un sexe différent ne sont pas perstitieuses, relatives à la bonne ou mau-
admises, quoiqu'ils en aient aussi d'autres vaise fortune, telles que peuple parmi
le
où les hommes et les femmes peuvent en- nous en a sur le rouge-gorge et sur l'hiron-
trer. delle.
Le nom d'Eatua est aussi donné à des oi- (I) Nouvelle revue de Bruxcllei, Février I8ii.
507 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. SUS

Les Olalflions rroioul que le grand Eatua pendu plus ou moins profondément. Ensuite
Iiii-mémc rsl soumis imi ccriains cas aux !;é- on enveloppait la main du patient avec \u\
iiios inférieurs à qui il a donné l'exisleuce, linge sur lequel le juge et la partie adverse
<iuiis le dévorent souvent, mais qu'il a tou- apposaient leurs sceaux. Au bout de trois
jours le pouvoir de se rcrréer. jours on les levait; s'il ne paraissait point
KAU. Presque tous les anciens peuples de marques de brûlure, l'accusé était ren-
ont fait une divinité de cet élément, qui, sui- voyé absous.
vai't certains philos 'piies, était ic principe EAU D'ANGE. Pour faire de bonne eau
de toute chose. Les Guébres ie respectent ; d'ange, ayez un grand alambic, dans lequel
un (le leurs livres sacrés leur défend d'em- vous mettez les drogues suivantes benjoin., :

p'oyer l'eau la nuit et de jamais emplir tout quatre onces; slyrax, deux onces; saailal
à fait un vase d'eau pour la faire bouillir, citrin, une once; rlous de girofle, deux
de peur d'en renverser quelques gouttes. drachmes; deux ou trois morceaux d'iris de
Les cabalistes peuplent l'eau d'Oudins. Florence la moitié d'une écorce de cilron ;
;

Voy. ce mot. deux noix muscades; cannelle, demi-once;


EAU AMÈRE (Epreuve de l'). Elle avait deux pintes de bonne eau de roche; chopine
lieu ainsi chez les anciens Juifs lorsqu'un :
d'eau de fleurs d'orange; chopine d'eau de
homme soupçonnait sa femme en mal, il de- mélilol vous mettez le tout dans un alambic
;

mandait qu'elle se purgeai selon la loi. Le bien scellé, et vous distillez au bain-marie;
juge envoyait les parties à Jérusalem, au celte dislillation sera une eau d'ange ex-
grand consistoire, composé de soixante vieil- quise (5), ainsi nommée parce que la ncelte
lards. La femme était exhortée à bien regar- en fut enseignée par un ange... Elle guérit
der sa conscience, avant de se soutnetlre au beaucoup de maladies, disent ses piôneurs.
hasard de boire les eaux amères. Si elle per- EAU FROIDE (Epreuve de l'). Elle élail
sislail à dire qu'elle était nette de péché, on fort en usage au neuvième siècle, et s'éieii-
la menait à la porte du Saint des S.ints, el dait non-seulement aux sorciers et aux hé-
on la promenait afin de la faliguer et de lui rétiques, mais encore à tout accusé dont le
laisser le loisir de songer en elle-même. On crime n'était pas évident. Le coupable, ou
lui donnait alors un vêlement noir. Un prêtre
prétendu tel, était jeté, la main droite liée au
était chargé d'écrire son nom et toutes les
pied g.iuche, dans un bassin ou dans une
paroles qu'elle avait dites ;puis, se faisantap- grande cuve pleine d'eau, sur laquelle ou
liorleruu pot de terre, il versait dedans, avec priait pour qu'elle ne pût supporter un cri-
une coquille, la valeur d'un grand verre minel de façon que celui qui enfonçait
:

d'eau ; il prenait de la poudre du tabernacle, élail déclaré innocent.


avec du jus d'herbes amères, raclait le nom EAU LUSTRALE. Eau commune dans la-
écrit sur le parchemin, et le donnait à boire quelle, chez les peuples païens, on éteigniit
à la femme, qui, si elle était coupable, aus- un tison ardent tiré du f.iyer des sacrifices.
sitôt blêmissait; les yeux lui tournaient, et avaitun mort dans une maison, on
Quand il y
elle ne tardait pas à mourir (1); mais il ne
meltaitàla porte un grand vase rempli d'eau
lui arrivait rien si elle était innocente.
lustrale, apportée de qucbjue autre maison
EAU BENITE. C'est une coutume très-an- où il n'y avait point de mort. Tous ceux qui
cienne dans l'Eglise, et de tradition apostoli- venaient à la maison en deuil s'aspergeaient
que (2), de bénir, par des prières, des exor- de celle eau en sortant. —
Les druides em-
cismes et des cérémonies, de l'eau dont on p'oyaient l'eau lustrale à chasser les malé-
fait des aspersions sur les fiilèles et sur les fices.
choses qui sont à leur us.igc. P.ir cette bé- EBERARD, archevêque de Trêves, mort
nédiction, l'Eglise demande à Dieu de puri- en 10o7. Ayant menacé les Juifs de les chas-
fier du péché ceux qui s'en serviront, d'é- ser du sa ville, si dans un certain temps qu'il
carter d'eux les embûches de l'ennemi du leur accorda pour se faire instruire, ils
salut el les fléaux de ce monde {-i). Dans les n'embrassaient pas le christ innismc, ces mi-
constitutions apostoliques, l'eau bénite est sérables, qui se disaient réduits .iu désespoir,
appelée un moyen d'expier le péché et de subornèrent un sorcier ([ui, i»our de l'argent,
Illettré en fuite le démon. leur baptisa du nom de l'évêquc une iuiaj;e
On se sert aussi au sabbat d'une eau bé- de cire, à laquelle ils atlachèrenl des mè-
nite particulière. Le sorcier qui fait les fonc- ches et des bougies; ils les allumèrent le sa-
tions sacrilèges (qu'on appelle la messe du medi saint, comme le prélat allait doiiner le
sabbat) est chargé d'en asperger les assis- baptême. Pendant qu'il était occupé à celte
tanis (4.J. sainte fonction, la statue étant à moitié con-
EAU BOUILLANTE (Epreuve de l'). On sumée, Ebérard se sen'.il extrêmement mal;
l'employait autrefois pour découvrir la vé- on le conduisit dans la sacristie, où (dit lu
rité dans les tortures qu'on appelait témé- chronique) il expira bientôt après (G).

rairement jugements de Dieu. L'accusé plon- EBLIS, nom que les mahomélans donnent
geait la main dans un vase plein d'eau au diable. Us disent qu'au moment de la nais-
bouillante, pour y prendre un anneau sus- sance de leur prophète, le trône d'Eb.is fut

(1) Leloyer, Hist. des spectres el des appariiioiis des Di-bncre, Tableau de l'incoiisiance des dimoiis, etc.
IV, cil. XXI, p. i-08.
e.'ii"'il8, liv.
liv. VI, dise. 5, p. i.')?.
(!i) «l'rrcis du Petit Albert, p. 162.
(2) l^e H. Lebrun, E\|ili(alioii des cércm,, l. I, p 7l).
(CJ Uisluiru des ai-chc\ô.iucs de. Trêves, cli. tïu.
(5) BiTgitT, Dict tliéi)liig.
(«i Uuguut, Discours des sorciers, cti. xxii, p. lit. el
609 ECU i:CL 510

précipité au fond de l'enfer, cl (juc les idoles L'écho : Cours.


des ^cnlils fiirenl renversées. L'amant: La contrite, instruite de les ri-
EIJUOIN. On lit ceci dins Jacques de Vora- gui'urs,iie s<'ra plus assez insensée pour dire
[;ine (legenda 1 li) : —
Une pelite troupe de de toi un mol d'éiog S.
pieux cénobites regagnait de nuit le nionas- L'écho : Déloge.
lère. Ils arrivèrent au bord d'un grand fleuve, Les anci( ns Ecossais croyaient que l'érho
et s'arrélèrenl sur le gazon pour se reposer était un esprit (jui se plaisait à répéter les
un instant. Bientôt ils entendirent plusieurs sons. Voy. Lavisaki.
rameurs qui dcsrendaient le II "uve avec une ECLAIUS. Ou rendait nutri'fois une espère
grande inipétnosilé. L'un (ie< moines leur de- de culte aux éclair-, en faisant du bruit avec
manda qui ils étaient « Nous sommes des : la bouche; et les llomains honoraient, sons
démons, répomlirenl les raoïeurs. et nous It; noin d." Papysma, une divinité champétie,

emportons aux enfers l'âme d'Iîhr'iïn, maire pour qu'elle en préservât les biens de la
du palais, qui lyrannis.i la Fran.-e et qui terre. Les Grecs de l'O.ienl les redoutent
abandonna U; monasière do Sànt-Gall pour beaucoup.
rentrer dans le momie. » ECLIPSES. C'était une opinion générale,
EliRON, démon honoré à Totirnny, du chez les païens, (jue les éclipses de lune pro-
temps de C'ovis. 11 csl cité parmi les démons cédaient de la vertu magique de certaines
dans le roman de Godefruid de lioxùllon, paroles, par lesquelles on arrachait la lune
vieux pocme dont l'auleur était du Hainant. du ciel, et on l'attirait vers la terre pour la
ECHO. Presque tous les physiciens ont at- contraindre de jeter l'écume sur les hi-rbe.»,
tribué la form.ition de l'écho à une répercus- qui devenaient, par là, plus propres aux sor-
sion de son, s>'ml)lable à crlle qu'éprouve la tilèges des enchanteurs. Pour délivrer la
lumière quand elle tomiie sur un corps poli. lune de son tourment et pour éluder la force
L'écho est donc pro luit par le moyen d'un du charme, on empêchait qu'elle n'en enten-
ou de plusieurs obsîacles qui interceptent le dît les paroles en faisant un bruit horrible.
son et le font rebrousser en arrière. Une éclipse annonçait ordinairement de
11 y a des échos simples et drs échos com- grands malheurs, et on voit souvent, dans
posés. Dans les premiers, on entend une l'antiquité, des armées refuser de se battre à
simple répétition du son dans les autres, on , cause d'une éclipse.
l'entend une, deux, trois, (juatre fois et da- Au Pérou, quand le soleil s'éclipsait, ceux
vantage. 11 en est ()ui répètent plusieurs mots du pays disaient iju'il était fâché contre eux,
de suite les uns a|)iès les autres; ce phéno- et se croyaient menacés d'un grand malheur.
mène a lieu toutes les fois qu'on se trouve à Ils avaient encore plus de crainte dans
une distance de l'écho, telle qu'on ait le l'éclipsé de lune. Ils la croyaient malade
temps de prononcer plusieurs mots avant lorsqu'elle paraissait noire; ils comptaient
que du premier soit parvenue à
la répétition qu'elle mourrait infailliblement si elle ache-
l'oreille. Dans grande avenue du château
la vait de s'obscurcir; qu'alors elle tomberait
de Villebertain, à deux lieues de Troyes, on du ciel, qu'ils périrai(M>t tous, et que la Gn
entend un écho qui répète deui fois un vers du monde arriverait. Ils en avaient une telle
de douze syllabes. frayeur, qu'aussitôt qu'elle commiMiçait à
Quelques échos ont acquis une sorte de s'éclipser, ils faisaient un bruit tei-rible avec
célébrilé. On cite celui de la vigne Simonetta, des trompettes, des cornets et des tambours;
«lui répétait quarante fois le même un)!. A ils fou et talent des chiens pour les faire aboyer,
SVoodstock, en Angleterre, il y en avait un dans l'espoir que la lune, qui avait de l'af-
qui répétait le même son jusqu'à cin()uante fection pour ces animaux, aurait pitié do
fois. A (luelques lieues de Glascow, en Ecosse, leurs cris l s'éveillerait de l'assoupisscmenl
(

il se trouve un écho encore plus singulier. que sa maladie lui causait. En mcm:? temps,
Un homme joue un air de trompette de huit à les hommes, les femmes et les enfants la
dix notes; l'echo les répète fidèleaient, mais suppliaient, les larmiss aux yeux cl avec de
une tierce plus bas, cl cela jusqu'à trois fois, grands cris, <le ne point se laisser mourir, de
interrompues i)ar un petit silenc;'. peur que sa mort ne fût cause de leur perle
Il y eut des gens assez simples pour cher- universelle. Tout ce bruit ne cessait que
cher des oracles dans échos. Les écrivains
les quand la lune, reparaissant, ramenait le
d('S derni'rs siècles nous ont conserve ((ucl- calme dans les esprits épouvantés.
ques dialogui s de mauvais goût sur ce sujet. Les Talapoins prétendent que quand la
Un am.inl : Dis-moi, cruel amour, mou lune s'éclipse, c'est un dragon qui la dévore;
bonhi'ur est-il évanoui? et que quanil elle reparaît, c'est le dragon
L'écho: Oui. qui rend son dîner.
L'amant: Tu ne parles pas ainsi, quand tu Dans les vieilles myihologiesgermaniques»
séduis nos cœurs, et que les promesses les deux loups poursuivaient sans cesse le soleil
entraînent dans de funestes engagements. et la lune les éclipses étaient des luttes con-
;

L'écho : Je mens. tre ces monstres.


Lamanl: f.ir pitié, ne ris pas de ma peine. Les lùiropéens, crédules aussi, regardaient
Réponds -moi, me resle-l-il quel(|ue espoir autrefois les écli|)ses comme drs signes fâ-
ou non? cheux une éclipse d;' soliiil, qui eut lieu lo
;

L'echo Non.
: 13 août IGGi, fut annoncée comme l'avant,
L'amant: Eh bien! c'en csl fait, tu veux coureur d'un déluge semblable à celui qui
iiiu mort, j'y cours. était arrivé du temps de Noé, ou plutôt d'un
g,) DirTlONNAinE DES SCIF.NTF.S OCCULTES 51?

(lélnsc d.> foi), qui divail amener la On du Ions les mouvements du corps il n'en
De ,

lÉidude. C<'ltc prédiction épouv.nita li'lleineiit est point d'aussi variés que ceux de la main
1(S ni.issi's, qu'un curé de cimip.ijîne (c'est 'et des doigts, et de tous les mouvements de la

un petit conte que nous rapportons), ne main et des doigts, les plus diversifiés sont
pouvant >unire à confesser tous ses parois- ceux que nous faisons en écrivant. Le moindre
siens, qui craignaient de mourir dans celte mot jeté sur le papier, combien de points ,

circonstance, et sachant ijue tout ce qu'il combien de courbes ne renferme-t-il pas!...


pourrait leur dire de raisonnable à cet égard Il estévidentencore, poursuit Lavaler, (|ue
ne prévaudrait pas contre les prédictions chaque tableau, que chaque figure détachée
filciieuses, fut contraint de leur annoncer au et, aux yeux de l'observateur et du connais-
prôue qu'ils ne se pressassent pus tant, et seur, ciiaque trait, conservent el rappellent
que l'éelipse avait été remise à quinzaine(l). l'idée du peintre. —
Que cent peintres, que
Dans les Indes, on est persu;idé, quand le tous les écoliers d'un mômemaiire dessinent
soleil ou la lune s'éclipse, qu'un certain la même figure, que toutes ces copies res-
démon aux griffes noires les élenii sur l'as- semblent à l'original de la manière la plus
tre dont il veut se saisir; pendant ce temps, frappante, elles n'en auront pas moins, cha-
on voit les rivières couvertes de lêtes d'In- cune, un caractère particulier, une teinte et
diens qui croient soulager l'astre menacé en une touche qui les feront distinguer.
se tenant dans l'eau jusqu'au cou. Si l'oneslobligéd'admeltre une expression
Les Lapons sont convaincus aussi que les caractéristique pourles ouvrages de peinture,
éclipses de lune sont l'ouvrage des démons. pourquoi voudr.iit-on (|u'ellc disparût enliè-
Les Chinois prétendaient, avant l'arrivée reinenl d.ins les dessins el dans les figures
des missionnaires jésuites, qui les éclairè- que nous traçons sur le pipier? Chacun de
rent, <|ucles éclipses étaient occasionnées nous a son écriture propre, individuelle et
par un mauvais génie, lequel cachait le soleil Inimitable, ou qui du moins ne saurait être
de sa main droite et la lune de sa main gau- contrefaite que très-difficilement et très-im-
che. parfaitement. Les exceptions sont en trop
Cependant celle opinion n'était pas géné- petit nombre pour détruire la règle.
rale, puisque quelques-uns d'entre eux di- Celte diversité incontestable des écritures
saient qu'ilyavaitaumilieudusoleil un grand ne serait-elle point fondée sur la différence
(rou, et que, quand la lune se rencontrait vis- réelle du caractère moral?
à-vis, elle devait naturellement être privée de On objectera que le même homme, qui
lumière. pourtant, n'a qu'un seul el même caractère,
Dieu disent
, les Persans, lient le soleil peut diversifier son écriture. Mais cet honmie,
enfermé d.ins un tuyau qui s'ouvre et se ferma malgré son égalité de caractère, agit ou du
au bout par un volet. Ce bel œil du monde moins parait agir souvent de mille manières
éc'aire l'univers et l'échauffé par ce trou; et différentes. De même qu'un esprit doux se
quand Dieu veut punir les hommes parla pri- livre quelquefois à des emportements, de
vation de lumière, il envoie l'ange Gabriel
la même aussi la plus belle main se permet, dans
fermer le volet, ce qui produit les éclipses. l'occasion, une écriture négligée; mais alors
Mais Dieu est si bon, qu'il n'est jamais fâché encore celle-ci aura un caraclère tout à fait
longtemps. Les Mandingues, nègres maho- différent dugriffonnaged'un homme qui écrit
niétansde l'intérieur de l'Afrique, altribuenl toujours mal. On reconnaîtra la belle main
les éclipses de lune à un chai gig;inles(iue du premier jusque dans sa plus mauvaise
qui met sa patte entre la lune et la terre; et, écriture, tandisque l'écriture la plus soignée
pendant tout le temps que dure l'éclipsé, ils du second se ressentira toujours de son bar-
ne cessent lie chanter et de danser eu l'hon- bouillage.
neur de Mahomet .
Celte diversilé de l'écriture d'une seule el
LesMexicains, effrayés, jeûnaient pendant
même personne ne faitque confirmer la liièse;
les éclipses. Les femmes se mallrailaient, et
il résulte de là que la disposition d'espril oîi
les filles se tiraient du sang des bras. Ils s'i-
nous nous trouvons influe sur notre écriture.
maginaient que la lune avait été blessée par
Avec la même encre, avec la môme plume
le s<deil pour quelque querelle de ménage. ,

et sur le même papier, l'homme façonnera


ECHEGORES, pères des géants, suivant un
tout autrement son écriture quand il traite
livre apocryphe d'Enoch. Les anges qu'il
une aff.iire désagréable, ou quand il s'enlre-
nomme ainsi s'assemblèrent sur le mont Hé- ticiit curdialemeut avec son ami.
mon du temps du palriarche Jared, et s'en-
gagèrent par des anallièmes à ne se point Chaque
nation, chaque pays, chaque ville
sépirer qu'ils n'eussent enlevé les filles des a son écriture particulièro, tout comme ils
lioinmes. ont une physionomie el une forme qui leur
EC]UT\]l{E. Art (le juger les hommes par s int propres (2). Tous ceux qui ont un com-

leur écriture, d'après Lavater. Tous bs — nierc(; de lettres un peu étendu pourront
mouvements d.- notre corps reçoivent leurs vérifier la justesse de cette remarque. L'ob-
inoilificalioDS du tempérament et du carac- servateur intelligent ira plus loin, et il jugera
tère. Le mouvement du sage n'csl pas celui déjà du caractère de son correspondant sur
de l'idiot, leporl et ladémarche dilTèrenlsen- la seule adresse (j'entends l'écriture de l'a-
siblement du ci)léri(]ue au flegmatique, du
(2) Quand Lavater écrivait, on n'avait pas encore inlro-
sanguin au mélancolique. dnil l'écriture mécanique, dite écriture anglaise ou aiuéri-
(1) l.rjjall.. Calciul. véiibbl", {). 46. caiiiu.
E\7. ECR EDR r,\i

rfre.Mff, cnr le slyle fournit dos indices plux Les anciens rois d'Angleterre, suivant cer-
positifs encore), à peu près comme le titre d'un tains auteurs, avaient ce pouvoir fl), mais
livre nous f;iit connatlre souvent la tournure d'une autre source. Quand Jacques II fut re-
d'esprit de l'auteur. conduit de Rochesterà White-Hall, on pro-
Une belle éeriliiresuppose nécessairement posa de lui laisser faire quelque acte de
nue certaine justesse d'esprit, et en particu- royauté, comme de toucher les écrouelles. 11
lier l'amour de l'ordre. Pour écrire avec une ne se présenta personne.
belle main, il faut avoir du moins une veine On attribua aussi aux rois de France le
d'énergie, d'indusirie.de précision et de goût, don d'enlever les écrouelles par l'iiMpositic n
ch ique effet supposant une cause qui lui est des mains, accompagnée du signe de la croix.
analogue. Mais ces gens, dont l'écriture est Louis XIII, en 1C;J9, toucha, à Fontaine-
si belku't si élégante, la peindraient peut-éire bleau, douze cenis scrofuleux, el les mé-
encore mieux si leur esprit était plus cultivé moires du temps attestent que plusieurs fu-
et plus orné. rent guéris. On fait remonter celle préroga-
Oudistingue, dans l'écriture, la substance tive jusqu'à Glovis. Voy. Lancinet, Cha-
et le corps des lettres, leur forme et leur ar- cuiT, etc.
rondissement, leur hauteur et leur longueur, ECUREUILS. —
Les Siriancs, peuplades de
leur position, leur liaison, l'intervalle qui
la Russie d'Europe, ont pour la chasse de
les sépare, l'intervalle qui est entre les li-
l'écureuil une superstitieuse idée qu'on ne
gnes, la netteté de l'écriture, sa légèreté ou
peut déraciner. Ils ne cherchent, dans toute
sa pesanteur. Si tout cela se trouve dans une
la journée, les écureuils qu'au haut des sapins
parfaite harmonie, il n'est nullement diflicile
rouges, si le premier lue le malin s'est trouvé
de découvrir quelque chose d'assez précis
sur un arbre de cette espèce; et ils sont fer-
dans le caractère fondamental de l'écrivain.
mement convaincus qu'ils en hercheraienl <

Une écriture de travers annonce un ca- en vain ailleurs. Si c'est au contraire sur un
ractère faux, dissimulé, inégal. Il y a la plu- sapin sylvestris qu'ils ont aperçu leur pre-
part du temps une analogie admirable entre mier écureuil, ils ne porteront leurs regards
le langage, la dém;irche et l'écriture. que sur celle s rie d'arbres pendant tout le
Des lettres inégales, m;il jointes, mal sépa- jour de chasse.
rées, mal alignées, el jetées en quelque soVte EDELINE(GuiLL4,uME),docteuren théologie
séparément sur le papier, annoncent un na- du quinzièmesiècle, prieur deSaiut-Germain-
turel flegmatique, lent, peu ami de l'ordre et
en-Laye. Il fut exposé el admonesté publi-
de la propreté. quement à Evreux, pour s'être donné au
Uneécriture plus liée, plus suivie, plus diable afin de satisfaire ses passions mon-
énergique et plus ferme annonce plus dévie, daines. Il avoua (|u'il s'était transporté au
plus de chaleur, plus de goût. 11 y a des écri- sabbat sur un balai (2); que, de sa bonne vo-
tures qui dénotent la lenteur d un homme lonté, il avait faii hommage à l'ennemi, qui
lourd et d'un esprit pesant. était sous la forme d'un nioulon ;
qu'il lui
Une écriture bien formée, bien arrondie, avait alors baisé brutalement sous la queue
priimct de l'ordre, de la précision et du goût. son derrière, en signede révérence et d'hom-
Une écriture extraordinairemenl soignée an- mage (3). Le jour du jugement élant arrivé,
nonce plus de précision et plus de fermeté, il l'ut conduit en place publique,
ayant une
mais peui-étre moins d'esprit. mitre de papier sur la léle ; l'inquisiteur
Une écriture lâche dans quelques-unes de l'engagea à se repentir, et lui la sentence
ses parties, serrée dans quelque-, autres, puis qui le condamnail à la prison, au pain el à
longue, puis étroite, puis soignée, puis né- l'eau. « Lors ledit maître Guillaume coin-
gligée, laisse entrevoir un caractère léger, mença à gémir cl à condouloir de son mé-
incertain et flottant. fait, ciianl merci à Dieu, à l'cvéque el à jus-

Une écriture lancée, des lettres jetées, pour tice (k). »


ainsi dire, d'un seul trait, et qui annoncent EDRIS, nom que les musulmans donneijt à
la vivacité de l'écrivain, désignent uu esprit Enoch ou Héiioch, sur lequel ils ont forgé
ardent, du feu et des caprices. diverses traditions. Dans les guerres conti-
! Une écriture un peu penchée sur la droite, nuelles que se faisaient les enfants de Seth
et bien coulante, annonce de l'activité et de et de Ca'i'n, Hénoch, disent-ils, fut le premier
la pénétration.— Une écriture bien liée, cou- qui introduisit la coutume de faire des es-
lante et presque perpendiculaire, promet de claves il avait reçu du ciel, avec le don de
;

la finesse et du goût. Une écriture originale science et de sagesse, trente volumes rem-
et hasardée d'une certaine façon, sans mé- plis des connaissances les plus abstraites;
thode, mais belle et agréable, porte l'em- lui-même en composa beaucoup d'autres,
preinte du génie, etc. aussi peu coimus que les premiers. Dieu ,

Il est d'observer combien, avec


inutile l'envoya aux Caïnites pour lesramener dans
quelques remarques judicieuses, ce sysième la bonne voie. Mais ceux-ci ayanl refusé de
est plein de témérités et d'exagérations. Voy.
(1) Polyiioro Virgile.
PhY.-'IOGNOMONIE. (-2) tvloclus sco[);mi sumere, el inler femora equitis
ECUOUELLES. — Delancre dit que ceux iiisuir (lonere, quo volebal brevi tnornculo, etc. Ougui»»

qui naissent Icgilimenieiit septièmes mâles, (V,)'Monslrrlel, AlniiiCharlier, à Vannée li?53.


de
sans mélanges de filles, ont le don inné de Gaiiiul, Histoire \»
(4) Moiislrolfl , cilé lar M.
niatiie en FiauCi-, [i. 11)7.
t;uérir les écroucKes en les louchant.
RIS DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 51G

l'ôcoiilpr, leur fit la guerre, el réduisit


il démon de la renverser. L'esprit malin ohéis-
leurs ri leurs ciif mis en esclavage.
femmes sail;ce signe était la preuve qu'il avait (juitié
LesOiicnlaiis lui allrihueiil l'invention de son gtic.
la coulure et de 1 ecrilurc, <le l'astronomie, ÉLÉAZAR DE GAUNIZA, auteur hébreu,
de rarilhiT)éliquo, et encore plus particuliè- (]ui a laissé divers ouvrages dont plusieurs
reuient de la génmancie. On dit de plus qu'il ont élé impiimés, el d'autres sont restés nia-
lut la cause iiinocenlc do l'idolâtrie. Un de iiuscriis. On dislingue de lui un Traite de
ses amis, affligé de son enlèvement, forma de l'âme, cilé par Pic de La Mirando'e dans son
lui, par l'instigalion du démon, une repré- livre conirc les Astrologues, et un Commen-
senlallon si vivement exprimée, qu'il s'entre- taire cnlinlislique sur le Pentateiiqne.
tenait des jours entii-rs avec elle, et lui ren- ÉLÉMENTS. Les éléments sont peuplés do
dait des honunages particuliers qui peu à , substances spirituelles, selon les cabalisles.
peu dégénérèrent en superstition. Voy. HÉ- Le feu est la demeure des salamandres l'air, ;

NOCH. colle des sylphes; es eaux, celle des ondiiis


liFFUONTÉS hérétiques qui parurent on nymplies, el la terre celle des gnomes.
dans la
,

«lu seizième siècle.


première moitié — Selon les démonomanes, les éléments sont
Ils niaient le S.iintEspril, pratiquaieni di- abondamment peuplés de démons et d'es-
verses superstitions, rejetaient le baptême prits. Et il est certain du moins (|ue les puis-
el le remplaçaient par une cérémoiwe qui sances (te l'air ne le laissent pas vide.
consistait à se racler le front avec un clou ÉLÉPHANT. On a dit des choses merveil-
jus(|u'à eiïiision de sang, puis à le panser leuses de l'éléphant. On lit encore dans de
avec de l'huile. C'est cette marque qui leur vieux livres qu'il n'a pas de jointures, et
restait au front qui leur a fait donner leur que, parcelle raison, il est obligé de dormir
nom d'effrontés. debout, appuyé contre un arbre ou contre un
ÉGÉKIE, nymphe qui seconda Numa Pom- mur; que s'il tombe, il ne peut se relever.
pilius son projet de civiliser les Ro-
dans Cette erreur a été accréditée par Diodore de
mains. Les dérnonomancs en ont lait un dé- Sitile, par Strabon et par d'autres écrivains.
n)on succube, et les cabalisles un esprit élé- Pline conte aussi que l'éléphant prend la
mentaire, une ondinc selon les uns, une sala- fuite lorsqu'il entend un cochon et, enellVl,
:

mandre selon les autres, qui la disent Gllc de on a vu en 17C9, qu'un cochon ayint été in-
Ve-t:i. Voy. ZonoASTRE el Numa. Iroduit dans la ménagerie de 'Versailles, son
ÉGIPANS, démons que les païens disaient grognement causa une agitation si vio'enle
habiter les bois et les montagnes, et i)u'ils à un éléphant qui s'y trouvait, qu'il eût
représentaient co:nmc de petits hommes ve- rompu ses barreaux si l'on n'eût retiré
,

lus, avec des cornes el des pieds de chèvre. aussitôt l'animal immonde.
Les anciens parlent de certains monstres de iElien assure qu'on a vu un éléphant qui
Libye, auxquels un donnai! le même nom ; avait écrit des sentences entières avec sa
ils avaient un museau de chèvre avec une trompe, et même qui avaii parlé. Christophe
queue de poisson c'est ainsi qu'on repré-: Acosia assure la même chose (;j).
sente le capricorne. Ou trouve celte même Dion Cassius prê'e à cet animal des senli-
figure dans plusieurs monuments égyptiens menls religieux. Le matin, dit-il, il salue le
et romains. soleil de sa trompe; le soir il s'agenouille;
ÉGITHE, sorte d'cpervicr boiteux dont , et, quand la nouvelle lune paraît sur l'hori-
«ne idée bizarre avait répandu l'opinion chez zon, il rassemble des fleurs pour lui en com-
les anciens, que sa rencontre était du plus poser un bouquet.
heureux présage pour les nouveaux mariés. On sait que les éléph;ints ont beaucoup de
ÉLAIS, une des (illesd'Annius, laquelle, en goût pour la musique; Arrien rapporte qu'il
qualité de sorcière, changeait en huile tout y en a eu un «lui faisait danser ses camara-
ce «lu'elle louchait. des au son des cymbales. On vil à Rome des
ÉLASTICITÉ. Il y a des pierres élastiques éléiïhints danser la pyrrhiijuc, el exécuter
et des grès flexibles. Une poutre en marbre, di'ssauts péi illeiix sur la corde. ..Enfin, avant
qui fait l'étonnement des curieux à la cathé- les fêles données par Germanicus douze ,

drale de Lincoln, est élasti(|ue (1). De telles éléphants en costume dramatique exéculè-
raretés ont passé autrefois pour œuvres de renl un ballet en action. On leur servit eii-
féerie. suile une collation ils prirent place avec
;

ÉLÉAZAU, magicien, juif de nation, qui décence sur des lits qui leur avaient été pré-
cittachait au nez des possédés un anneau où parés. Les éléphants mâles étaient revêtus
était enchâssée une racine dont Salomon se de la loge; les femelles, de la tunique. Ils se
servait, el que l'on présume être la squille(2). comportèrent avec toute l'urbanilé de convi-
A peine le démon l'avait-il flairée, qu'il je- ves bien élevés, choisirent les mels avec dis-
tait lepossédé par terre et l'abandonnait. Le cernement, et ne se firent pas moins remar-
magicien récitait ensuite des paroles que Sa- quer par leur sobnélô que par leur poli-
lomon avait laissées par écrit; et, au nom de tesse (i).
ce prince, il défendait au dcmoT\ île revenir Au Biiigale l'éléphant blanc a les honneurs
dans le même corps après ()uoi il remplis- ; de la divinité; ne mange jamais que dans
il

sait une cruche d'eau, el commandait audit de la vaisselle de vermeil. Lorsqu'on le con-

(1) Montlily MaRaziiip, oct. 1823, p. 221. Hv. III, ch. I, p. 211.
(ï) Uodin, DciiioiioiiP.nni(!, etc., liv. 1, cli. m, p. 88. (i) iM. Saljjuos, ats Erreurs, etc., l. 111, p. 196.
(.ï) llicjiiias Itruwii, lissais sur les erreurs jio('uUiros,

517 ElE ELF ns


(luità la promcn.ide, dix personnes de dis- foule la remplissait. Sous un vaste dais, des
tinction portent un dais sur sa Icte. Sa mar- officiers richement vêtus allendinent le mo-
che est une espèce de triomphe, et tous les narque, qui a bientôt paru avec tous ses
instruments du pays l'aicotrpagnent. ministres et ses esclaves : on agitait devant
Les mêmes cérémonies s'observent lors- lui un vaste éventail de plume. L'éléphant —
qu'on le mène boire. Au sortir de la rivière, sacré, arrivé la veille, avait passé la nuit
un seigneur de la cour lui lave les pieds dans sous une tente magnifii|uc dont j'apercevais
un bassin d'argent. les banderolles. Peu après, les gongs, les
Voici, sur l'élcpiiant blanc, des détails tambours, lescymbales retentirent avec leurs
plus étendus : — Un Européen, établi à Cal- sons aigres et [jerçants. J'étais assez commo-
cutta depuis deux ans, écrivait dernièrement dément placé. Un cortège de talapoins com-
au Sémaphore de une lettre dont le
iMarseille mença à défiler; ces prêtres avaient l'air
passage suivant rappelle une des |)lus étran- grave et s'avançaient lentement. Une triple
ges superstitions des peuples de l'Inde : rangée de soldats entourait le nobli; animal,
« Je veux vous envoyer le récit que vient qui avait un air maladif t marchait difficile-
<

de me faire M. Smilhson, voyageur anglais, ment. —


On cria à mes côlés Voilà celui : —
arrivé tout récemment de Juthia, capitale du qui l'a pris.
royaume deSiam. M. Stnithson m'a beaucoup Je regardai et vis un petit homme borgne
j-

amusé aux dépens de ces Siamois qui conti- et bossu, qui tenait un des nombreux rubans
nuent toujours à adorer leurs é'épfianls dorés passés au cou de l'éléphant ; cet homme
blancs. Depuis plusieurs mois, la tristesse était mon domesti(iue, Tungug-Poura.
était à la cour et parmi tous les habitants de « Le voilà donc gendre du roi.
Julhia un seul éléphant blanc avait survéc u
: « 11 vint me voir un jour en palanquin et
à une espèce de contagion qui s'était gliss-éc me parut fort content de sa nouvelle position.
dans les écuries sacrées. Le roi fil publier à — L'éléphant blanc, (jui a fait sa fortune, se
sonde trompe qu'il donnerait dix esclaves, présenta à lui à cin(|uanic journées de mar-
autant d'arpents de terre qu'un éléphant che de Juthia, dansuu maraisoùil était cou-
pourrait en parcourir dans un jour, et une ché, abattu par une fièvre à laquelle les ani-
de ses filles en mariage à l'heureux Siamois maux de cette espèce sont sujets; car leur
(|ui trouverait un autre éléphant blanc. — couleur blanche est, cofnme on sait, le résul-
Jl. Smilhson avait pris à son service, pour tat d'une maladie. Tungug-Poura s'approch i

lui faire quel()i!cs commissions dans la ville, de l'éléphant, le nettoya, versa de l'eau sur
un pauvre hère borgne, bossu, tout exténué les plaies et les boutons du dos, et prodigua
de misère, qui s'appelle Tuiigug-Poura. Ce lelleaient ses soins et ses caresses à l'intelli-
Tungug-Poura avait touché le cœur compa- gente bête, que celle-ci lécha Tungug de sa
tissant du voyageur anglais, ((ui l'avait lait trompe, et se mit à le suivre avec la docilité
laver, habiller, et le nourrissait dans sa cui- d'un petit chien. Tungug est ainsi parvenu,
sine. Tungug, malgré sa chétive et titupidc favorisé d'abord par un hasard presque ines-
apparence, nourrissait une vaste ambition péré, à s'emparer d'un éléphant blanc. Le
dans sa chemise de toile, son unique vête- pauvre bossu a maintenant des esclaves, et
ment ; il entendit la proclamation de rem|)e- possède; la princesse dont le nom signifie en
reur de Siam, et vint, d'un air r( cueilli se langue siamoise les yeux de la nuit. »
présenter à M. Smithson, qui rit beaucoup ELFES, génies Scandinaves. On croit, aux
en l'entendant lui déclarer (ju'il allait cher- bords de la Baltique, qu'il y a un roi des El-
cher un éléphant blanc, et qu'il était décidé fes, qui règne à la fois sur l'île de Stern, sur
à mourir, s'il ne trouvait pas l'animal sacic. celle de Mœ
et sur celle de Rugen. Il a un
«Tungug-Poura ne faisait pas sur M. Smilh- char attelé de (juatre étalons noirs. U s'en Vc'i
son l'effet d'un chasseur bien habile les élé-
: d'une île à l'autre en traversant les airs;
phants blancs se trouvent en très-petit nom- alors on dislingue très-bien le hennissement
bre dans des retraites d'eaux et de bois d'un de ses chevaux et la mer est toute noire.
,

accès difficile. Mais rien ne put changer la Ce une grandearmée à ses ordres; ses
roi a
résolution de Tungug, qui, serrant avec re- soldats nesont autre choseque les grands chê-
connaissance une petite somme d'argent dont nes qui parsèment l'île. Le jour, ils sont con-
son maître le gratifia, partit avec un arc, des damnés à vivre sous une écorce d'arbre; mais
flèches et une mauvaise paire de pistolets. la nuit, ils reprennent leur casque cl leur
M. Smilhson, que je vais laisser parler, me épée, et se promènent fièrement au clair de la
disait donc l'autre soir : lune. Dans les temps de guerre, le roi les as-
« Cinq mois après, je me réveillai au bruit semble autour de lui. On les voit errer au-
de tous les tambours de l'armée du Roi; un dessus de la côte, et alors malheur à celui
tintamarre affreux remplissait la ville. Je qui tenterait d'envahir le pays (1)! Voy. Er-
m'iiabille et descends dans la rue, oii des CELDOUNE.
hommes, des femmes, des enfants couraient La tradition des bons et des
mauvais anges
en poussant des cris de joie. Je m'informai de dans les fictions de l'Edda. Snorro
est sensible
la cause de tous ces bruits on me répondit
; Stcrlason nous apprend que les elfs de la lu-
que l'éléphant blanc arrivait. mière, dont Ben Johnson a fait les esprits
« Curieux d'assister à la réception de ce blancs de ses Mastiues, séjournent dans \lf-
grand et haut personnage, je me rendis à la Heim (demeure des Elfs ], le palais du ciel,
porte de la ville, que précède une pUn e im- tandis que les swarl elfs , elfs do la nuit, ha-
mense entourée d'arbres et de canaux ; la (I) M. Marinier, Traditions de ta Balli(;ue.
CI9 DICTJONNAIRR DES SCIKNCES OCCULTES. 520

bitent les r nlrjiillrs de la terre. Lespremiers les-Quint pour général de celte armée navale
ne seront pas siiji is à la moit; car les (lam- qu'il envoya en Barbarie. Le Ijonhocnme était
ines (le Siirtiir ne les consumeront pas, et âgé de cent trente-deux ans, à ce qu'il as-
leur (leniicre ilemcure sera Vid-BIiin, le plus sura à ce général, lequel était allé loger chi z
haut ciel lies bienheureux; mais les sienrl lui, et, le voyant it'un si grand âge, séiaii in-
elfs sont mortels cl sujets h loules les mala- formé de sa manière de vivre et de celle de
dies, quels que soient d'ailleurs leurs attri- plusieurs de ses voisins, qui élaient presque
buts. tous âgés connue lui (2).
Les Islandais modernes consiilèrent aussi 0.1 conte qu'un charlatan apporta un jour
le peuple elfio;iime formant une monarcliie; à rcmpcrenr de la Chine Li-con-pan, un
ou du moins ils le font gouverner par un vjcr- élixir merveilleux, el l'exhorta à le boire, en
roi absolu qui, tous les ans, se rend en Nor- lui promettant (jue ce breuvage le rendrait
wége avec une dcputalion de pueks (lulin-), imiiiortci. Un ministre, qui était présent,
pour y renouveler son serment d'hommage- ayant tenlé inutilement de désabuser le sou-
lige au souverain seigneur, (jui réside dans verain, prit la coupe et but la liqueur. Li-
la mère-palric. Il est évident (jue les Islan- con-pan, irrilé de celle hardiesse, condamna
dais croient que les clfs sont, comme eux, à mort le mandarin, qui lui dit d'un air Iran-
une colonie transplantée dans l'ile (1). Voy. quille —Si ce breuvagedonnerimmortalilé,
:

Danses des esprits. vous ferez de vains efforts pour me faire mou-
ELIE. — Les Orientaux en font un puis- rir; et s'il ne la donne pas, auricz-vous l'in-
sant magicien. Voyez Alexandre le Grand. justice de me faire mourir pour un si frivole
ELIGOR, le môme qu'Abigor. Voy. Abi- larcin?
GOR. Ce discours calma l'empereur, qui loua la
ELINAS, roi d'Albanie. Voy. Mélusine. sagesse et la prudence de son minisire (3).
ELIXIR DE VIK. L'élixir de vie n'est au- ELOGE DE L'LNFER, ouvrage critique,
tre chose, selon le Trévisan,que la réduction historique et moral; nouvelle édition, La
de la pierre philosophale en eau mcrcuridle; Haye, 173!), 2 vol. in- 12, Gg. C'est un li-—
on l'appelle aussi or polable. Il guérit toutes vre satirique très-pesamment écrit, dans un
sortes de maladies et prolonge la vie bien au esprit trè>-médiocre.
delà des bornes ordinaires, h'élixir parfait ELOSSITE, pierre ((ui a la vertu de guérir
au rouije change le cuivre, le plomb, le fer les maux de léle. On ne sait pas trop où cLe
et tous les métaux en or plus pur que celui se trouve.
des mines, h'élixir parfait au blanc, (^l'on ap- ELXAI ou ELCESAI, chef des elcésaïles,
p( lie encore /j«t/e(ie <a/c, change tous les mé- hérétique du deuxième siècle, qui faisait du
taux en argent très- fin. Sainl-Espril une femme, et ()ui proposait une
Voici recette d'un autre élixir de vie. liturgie dont les prières élaienl des jure-
la
Pour cet élixir, prenez huit livres de
faire
menis ab-urdcs.
suc mercuriel : deux livres de suc de bourra- E.MAGUINQUILLIERS, race de géants, ser-
che, tiges et feuilles, douze livres de miel de viteurs d lainen, dieu de la mort chez les In-
diens. Ils sont charges de tourmenter les mé-
Narbonne ou autre, le meilleur du pays;
mettez le tout à bouillir ensemble un bouillon chants dans les enlers.
pour l'écumer; passez-le par la chausse à EMBAHKER, Voy. Ligatures.
iiypocras, et clarifiez-la. Mêliez à part infu- E.MBUNGALA, prêtre idolâtre du Congo. 11
ser, pendant vingt-quatre heures, quatre on-
passe chez les noirs de ces contrées pour un
ces de racine de gentiane coupée par tranches
si grand sorcier, qu'il peut d'un coup de sif-
dans trois chopines de vin blanc, sur des c n- flet fairevenir devant lui qui bon lui semble,
s'en servir comme d'un esclave, el le vendre
dres chaudes, agitant de temps en temps ;
vous passerez ce vin dans un linge sans l'ex- même s'il le juge à propos.
primer; niellez cette colature dans lesdits EMI'-RaUDE. La superstition a longtemps
atlribué à cette pierre des vertus miraculeu-
sucs avec miel, faisant bouillir doucement
le
ses, telles entre autres que celé d'empêcher
le loul et cuire en consistance de sirop ; vous
le ferez rafraîchir dans une terrine vernissée,
les symplôincs du mal caduc, el de se briser

ensuite le déposerez dans des bouteilles que lors(iue la crise eA trop vioiente pour qu'elle
puisse la vaincre.
vous conserverez en un lieu tempéré, pour
vous en servir, en en prenaiit tous les malins La poudre de franche émeraude arrêtait,
disait-on, la dyssenlerie et guérissait la mor-
une cuillerée. Ce sirop prolonge la vie, réta-
blit la santé contre toutes sortes de mala-
sure des animaux venimeux.
dies, même la goutte, dissipe la chaleur des Les peuples de la vallée de Manta, au Pé-
entrailles; et quand il ne resterait dans le
rou, adoraient une émeraude grosse lomme
corps qu'un petit morceau de poumon et que un œuf d'autruche, el lui offraient d'autres
le reste serait gâté, il mainlicndrail le bon et
émeraudes.
réiablirait le mauvais; il guérit les douleurs EMMA, de Richard il, duc de Norman-
fille
d'estomac, la sciatique, les vertiges, 1 mi- 1
die. Celleprincesse épousa Elheired, roi
graine, el généralement les douleurs inter- d'Angleterre, et en eut deux fils, dont l'un
nes. régna après la mort de son père; c'est saint
Edouard. Ce prince écoutait avec déférence
Ce secret a été donné par un pauvre paysan
les pieux avis de sa mère ; mais un ambitieux,
de Galabre à celui qui fut nommé par (>har-
(î) Admirables spcrels du Pelil Albcrl,p. 163.
(I) Tradflions populaires, dans le Qmiteiti) eviciiw. de sociéié, l. 111.
(5) lîibliollièqiie
S'il £MP ENC 5ii

que sous d'assez laides cou-


l'hisloire peint trait à celte heure-là, on mourrait à l'instant
leurs, Godwin, comte de Kent, qui était son même.
ministre, et qui voyait avec peine son auto- ENARQUE. Il revint de l'autre monde (on
rité partagée avec Emma, chercha à perdre d'une syncope ) après avoir passé plusieurs
cette princesse il l'accusa de diffcrenls cri-
; jours en enfer, el raconta à Plularque lui-
mes, et il eut l'adresse de faire appuyer son même tout ce qui concernait Pluton, Minos,
accusation par plusieurs seigneurs, mécon- Eaque, les Parques, etc. (2).
tents comme lui du pouvoir d'Emma. Le roi ENCENS.» En la région Sachalile, qui
dépouilla sa mère de toutes ses richesses. n'est autre que le royaume de Tarlas, l'en-
La princesse eut recours à AIwin, évéqiie cens qui s'y recueillait se mettait à grands
de Winihester, son parent. Le comte de monceaux en certaine place, non loin du
Kent, voulant écarter un protecteur aussi port, où les marchands abordaient. Cet en-
puissant, et nereculant pas devant les moyens cens n'était gardé de personne, parce que
les plus infâmes, accusa la princesse d'un le lieu était assez gardé des démt)ns ; et ceux
commerce coupable avec ce prélat celle : qui abordaient près de la place n'eussent osé,
odieuse accusation, appuyée impudemiDcnt en cachette ni ouvertement, prendre un seul
par les ennemis de la princesse et du saint grain d'encens el le melire en leur navire
évéque, fit impression sur l'esprit d'Edouard; sans la licence et permission expresse du
il eut la faiblesse de mettre sa mère en juge- prince autrement leurs navires élaienl rete-
;

ment; elle fut condamnée à se purger par nus par la puissance secrète des démons,
l'épreuve du feu. gardiensde l'encens, et ne pouvaient se mou-
La coutume de ce temps-là en Angleterre, voir ni partir du port (3). »
voulait que l'accusé passât nu-pieds sur neuf ENCHANTEMENTS. On entend par en-
coutres de charrue rougis au feu; cl la con- chantement d'opérer des prodiges par
l'art
damnation portail qu'Emma ferait sur ces des paroles chantées ; mais on a beaucoup
coutres neuf pas pourelle-méme et cinq pour étendu le sens de ce mol.
l'évéque de Winchester. Elle employa en
prières la nuit qui précéda celle périlleuse
On voyait, au rapport de Léon l'Africain,
tout au haut des principales tours de la cita-
épreuve; puis raffermie, elle marcha sur les
delle de Maroc, trois pommes d'or d'un prix
neuf coulrcs, au milieu de deux évoques, ha-
inestimable, si bien gardées par enchante-
billée comme une simple bourgeoise et les
ment, que les rois de Fez n'y ont jamais pu
jambes nues jusqu'aux genoux. Le feu ne lui
loucher, quelques efforts qu'ils aient faits.
fit aucun mal; de sorte que son innocence
Ces pommes d'or ne sont plus.
fut reconnue.
EMODÈS, Marc Paul conte que des Tarlares ayant
l'un des démons qui possédaient
pris huit insulaires de Zipangu, avec qui ils
Madeleine de La Palud.
étaient en guerre, se disposaient à les déca-
EMOLE, génie que les basilidiens invo- piter; mais ils n'en purent venir à bout,
quaient dans leurs cérémonies magiques. parce que ces insulaires portaient au bras
EMPUSE , démon de midi. Aristophane, droit, entre cuir et chair, une petite pierre
dans sa comédie des Grenouilles, le représente enchantée qui les rendait insensibles au
comuïe un speclre horrible, qui prend diver- tranchant du cimeterre de sorte qu'il fallut
:

ses formes, de chien, de femn»;', de bœuf, de les assommer pour les faire mourir. Voy.
vipère, qui a le regard atroce, un pied d'âne Paroles magiques. Charmes, Fascination,
et un pied d'airain, une flamme autour de la Tour enchantée, etc.
têle, et qui ne cherche qu'à faire du mal. On entend souvent par enthanlcmenl
Les paysans grecs et russes ont conservé quelque chose de merveilleux. Les arts ont
des idées populaires attachées à ce monstre; aussi produit des enchantements, mais natu-
ils tremblenlau temps des foins et des mois- rels, et regardés comme œuvre de magie
sons à la seule pensée de l'Empuso, qui, dil- par C( ux-là seuls ([ui allribuenl à la magie
on, rompt bras et jambes aux faucheurs et tout ce qui est extraordinaire. M. Van —
aux moissonneurs, s'ils no se jeltcnt la face Estin, dit Decromps, dans sa Magie blanche
en terre lorsqu'ils l'aperçoivent. On ditmême dévoilée, nous fit voir son cabinet de machi-
en Russie que l'Empuse et les démons de nes. Nous entrâmes dans une salle biesi
midi, ({ui sont soumis à cet horrible fantôme, éclairée par de grandes fenêtres pratiquées
parcourent quelquefois les rues à midi, en dans le dôme.
habits de veuve, et rompent les bras à ceux — Vous voyez, nous dit-il, tout ce que j'ai
qui osent les regarder en face. pu rassembler de piquant el de curieux en
Le moyen de conjurer l'Empuse el de s'en mécaniques.
fiiire obéir chez les anciens, c'était de lui Cependant nous n'apercevions de tous cô-
dire des injures. Chacun a ses goûts. tés que des tapisseries, sur lesquelles étaient
Vascode Gama, cil5 par Leloyer (1), rap- représentées des machines utiles, telles que
porte qu'il y a dans la ville de Calicot un des horloges, des pompes, des pressoirs, des
lemple consacre à des démons qui sont des moulins à vent, dos vis d'Archimède, etc.
espèces d'Empuses. Personne n'ose entrer — Toutes ci's pièces ont apparummcnt
dans ces temples, surtout le mercredi, qu'a- beaucoup de valeur, dit en riant M. Hill;
près que le midi est passé; car si on y en- elles peuvent récréer un instant la vue; mais

(1) Histoiredes spectrrs, etc., liv. III, ch. xiv. (3) Leloyer, Disc, et liist. des speclros, p. iI3.
(î) M. Saignes, des Erreurs el des préjugés, 1. 1, p. 313.

DiCTlOXN. DES SCIE.NCES OCCULTES, l. <


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n
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s« DICTIONNAIRE DF.S SCIKNCES OCCULTES. 58i


il ne produiront jamais de
par.-itl qu'i'l'cs guerres dont le comlc do Namur
fut le théâ-
grands effelspar leurs mouvonioiils. tre durant le moyen
âge. C'était un (ief qui
M. Van Estin répondit par un coup de sif- relevait de l'église de Liège, à laquelle Phi-
(lel. Aussilôl les quatre tapisseries se lèvent lippe le Noble l'avait donné.
et disparaissent la salle s'agrandit, et nos
;
« En 1237, la garde en fut confiée, par
yeux éblouis voient ce que riiidustric hu- l'empereur Baudouin, comlc de Namur, à des
maine a inventé de plus étonnant. D'un côlé. châtelains héréditaires, dignité dont furent
dos serpents qui raiiipi'nt, des fleurs qui s'é- d'abord revêtus les seigneurs de la maison
panouissent, des oiseaux qui chantent; de de Gomigny, et ()ui, dans la suite, passa do
l'autre, des rygncs qui nagent, des canards celte maison dans celles d'Evre et d'Oullre-
qui mangent et qui digôrcnl des orgues
,
mont. Ce monument est remarquable par les
jouant d"elles-mème-i, et dos automates qui ruines imposantes qu'il étale sur le coin du
touchent du clavecin. rocher où il est situé, et peut-être plus en-
M. Van Estin donna un second coup da core par les singulières légendes qu'on en
sifflet, et tous les ini>uveinoiits furent sus-
raconte dans le pays. Les habitants de Mai-
pendus. zeret et de Thon rivalisent de Icgend 's étran-
Un instant après, nous vîmes un canard ges sur celte vieille forteresse. Voici une de
nageant et barbottant dans un vase, au mi- ces traditions.
lieu duquel était un arbre. Plusieurs ser-
pents rampaient autour du tronc et allaient
« C'est l'histoire de la Dame enchuntée.
successivement se cacher dans les feuillages. « Vis-à-vis de Sanson, sur la rive gauche
Dans une cage voisine étaient deux serins de la Meuse et sur la hauteur au pied de la-
qui chantaient en s'accompagnaut, un hom- quelle est situé le village de Namèche, croît
me qui jouait de la flûte, un autre (|ui dan- un arbre connu sous le nom d'arbre de
sait, un petit chasseur et un sauleur chinois, Sainte- Anne. Il est très- vieux; mais il n'est
tous artiflciels et obéissant au commande- que le descendant d'une longue génération,
ment. Voy. Mécanique, Brioché, etc. qui reinonle peut-être aussi haut que le
Nos pères, qui croyaient si vivement aux château de Clodion le Chevelu. Cet arbre est
fées, mêlaient à toute histoire dos enchante- le rendez-vous des fées, au milieu de la nuit
ments. Les traditions populaires en regor- de la Saint-Jean , du Vendredi-Saint et de
geaient; tous les romans de chevalerie, tou- saint Sylvestre. Les fées n'ont pas le pouvoir
tes les chroni(]ues du moyen âge en étaient d'y toucher, parce que sainte Anne l'a pris
riches. Nous n'aurions que l'embarras du sous sa protection spéciale; mais elles dan-
choix pour en allonger démesurément cet sent à l'entour, en chantant leurs refrains
article. Nous nous bornons à reproduire ici incompréhensibles et en chevauchant sur
une légende encore vive dans les souvenirs leursmanches à balais à demi roussis au feu.
d'un peuple voisin, et qui a l'avantage, pour Cependant celte puissante proledion ne put
le plus grand nombre de nos lecteurs, de leur empêcher, sous le règne du comte de Namur
être peu connue. Henri l'Aveugle, que dans cet arbre ne fût
exilée l'âme d'une dame, appelée par les
Légende de ta Dame enchantée. manants cl par les nobles la Dame bleue, et
"Nous devons celle tradition populaire à la qu'un sorcier, par d'étranges maléfices, avait
plume gracieuse de M. A. Van Hassell. changée en rossignol. Cet oiseau , perché
« Quand, au sortir de Namur, on suit le l'hiver et l'été sur les branches de l'arbre de
cours de la Meuse, qu'on laisse à sa droite le Sainte-Anne, chantait toujours les chants les
village de Live, et à sa gauche celui de Biez plus tristes; sa voix sonore retentissait sou-
qu'on dépasse les trois îles qui verdoient au vent jusqu'à la rive droite du fleuve, el les
milieu du fleuve, un peu au-dessus de Bru- bateliers qui montaient ou qui descendaient
maigne, et que le long du Moinil on se dirige la Meuse ne manquaient jamais de fiire un
tout droit vers le clocher de Vaux, on trouve signe de croix quand ils l'enlendaienl, en se
entre Thon et Maizcvet un rocher escarpé, disant tout bas :

sur lequel rampent quelques ruines infor- n — C'est la Dame bleue qui chante.
mes, oiî croissent en été de jolies touffes de « Comment ce nom de dame bleue avait été
clocliettes hieues, et ou glissent au soleil de donné à ce rossignol magique? d'où celte
petits lézards tachetés (|ui s'enfuient au bruit femme enchantée était venue ? personne
de vos pas. Ce rocher, d'un aciès difficile, n'eût pu le dire. Seulement on savait qu'une
regarde le village de Namèche, bâti sur une demoiselle vêtue d'une robe bleue était arri-
pointe de terre autour de laquelle la Meuse vée au château noir de Sanson, conduite par
tourne en cet endroit. Ces ruines sont les !e jeune châtelain qui l'avait amenée d'outre-
restes d'un château fort dont l'origine re- mer. Là, il s'était épris pour elle, et avait
monte bien loin dans le moyen âge, et <I()mI résolu de vivre caché dans la calme solitude
on attribue la fondaiion à Clodiou le Che- des remparts de son manoir. Il avait laisse
velu; son nom est le château de Sinson. là le tombeau du Sauveur el la défense de la
l'hilippe le Noble, comte de Namur, (it répa- Ville Siiiile, et ses compagnons d'armes, cl
rer en 1208 les murailles de cette forteresse, toutes ces idées de gloire religieuse qui cn-
dont Waleram de Limbourg se rendit m;iiirc fl.imniaient les chivaliers à cette époque
en 1216, et qui fut démolie sous le règne de d'Iiéro'isme el de croyance. Il s'en revint au
Cliarles 11, roi d'Espagne, après avoir sur- rivage natal avec celle femme, qui n'avait
vécu à la fureur de toutes ces forinidjbles promis d'être à lui que lorsqu'ils seraient
SJ3 KNC ENC 5:g

rnlîcs dans le château paternel. Us y arrivè- « Longtemps rhâlc'ain fut inconsolable.


le
rent par une belle journée de mai. En vain les chevaliers lui parlaient de guerre
« Les remparts de Sanson étaient bariolés et de batailles : rien ne put le distraire du
de pennons élincclants; la porte était ou' souvenir de la Dame bleue, jusqu'à ce qu'on
verte toute large; la herse, avec ses dents de lui eût dit que la voix du rossignol enchanté
fer. était levée, et le ponl-levis était baissé se faisait entendre dans l'arbre de Sainte-
pour livrer passage à une magiiififiue caval- Anne. Depuis ce jour, il sortait tous les ma-
cade qui allait entrer dans la demeure du lins et no rentrait que le soir, quand la lune
jeune chevalier. 11 marchait en léle du cor- était depuis longtemps lovée. 11 passait des
tège, souriant à la belle étrangère, assise heures entières à l'ombre de l'arbre d.^
sur un palefroi blanc couvert d'une housse Sainte-Anne, à écouter le chant de l'oiseau.
bleue; elle portait une robe de velours de Souvent, la nuit, il quittait brusquement son
même couleur. Après eux venait une longue lit pour aller l'écouter encore.

suite de cavaliers et de dames, dont aucune « Un soir, une vieille bohémienne s'appro-
n't^ait aussi ttelle que l'étrangère qui allait cha de lui, tandis qu'il était encore là couché
devenir l'épouse du châtelain do Sanson. sur la mousse et les yeux fixés sur l'arbre.
Lors(|u'ils furent tous parvenus dans la « — Seigneur, dit-elle, Dieu gard
lui !

grande salie, le chevalier prit par la main la vous plaît-il savoir l'avenir, seigneur?
belle étrangère et lui dit : «— L'avenir, vieille sorcière? N'est-ce pas
« — Montons dans grande tour.
la pour moi une vie désolée, puisque j'ai perdu
« Et ils montèrent dans la grande tour, ce que j'aime?
d'où la vue s'étendait sur tout le château, « — Ne désespérez pas, beau seigneur;
sur les remparts crénelés, sur le cours de la l'avenir est une vie d'or pour vous.
Meuse, colorée, en ce moment, de bleu com- « — Arrière,fille de Satan sinon je te fais
1

me le ciel, comme la robe de l'étrangère. brûler vive dr.ns une chaudière, comme on
« —Maintenant, dit le châtelain à la dame, fait des faux monnayeurs.
tout cela est à vous; maintenant aussi, je « — Vous n'aurez garde, beau seigneur;
vous rappelle une parole sacrée, une parole car je vous rendrai la femme que vous avez
donnée en présence du tombeau du Christ. perdue par les maléfices d'un magicien. Re-
Le chapelain est là-bas, prêt à bénir notre venez ici après-demain à minuit, au nn'licu
amour au nom du ciel et à écrire nos noms de la nuit de la Saint-Jean, et vous reverrez
sur le livre saint, d'où Dieu seul peut les la Dame bleue.
effacer. « — Femme, si cela est possible, je te fais
« Et l'étrangère le regarda, mais avec une riche.
tristesse innnie. « — Eh bien! seigneur, après-demain à
« Il vit une larme poindre dans ses yeux et minuit...
rouler sur ses joues, qui devinrent pâles. « El à peine cul-e'le dit ces mots qu'elle
« Sans plus ajouter une parole, il prit l'é- disparut.
trangère par la main et l'entraîna vers la « Le chevalier ne dormit pas la nuit sui-
chapelle, où l'autel était paré et prêt à rece- vante.
voir leurs serments. Les cierges étaient al- « La deuxième nuit, à onze heures et de-
lumés; le prêtre, vêtu d'un surplis de den- mie, il descendit le sentier escarpé du rocher
telle, était sur les marches de lautel. A ses de Sanson. Au pied du sentier, il trouva ta
pieds s'agenouillèrent la dame et le cheva- bohémienne.
lier. Il les bénit au nom de Dieu et imposa « —
Je vous attends, seigneur.
sur eux ses mains tremblantes. Mais au mo- « — Allons, répondit le chevalier.
ment où le châtelain voulut passer l'anneau o Et ils passèrent la Meuse au clair de la
d'or au doigt de sa bien-aimée, il sentit tout lune.
à coup celte main se rappetisser, et il vit « Quand ils furent parvenus au village de
{chose plus merveilleuse encore!) la robe Namèche :

bleue de la dame devenir grise, son corps « — Par ici, c'est le chemin le plus court,
devenir toujours plus petit, toujours plus pe- dit la vieille.
tit, ses doigts s'aiguiser en forme de pattes « Ils prirent par le cimetière.
d'oiseau, et deux ailes grises pousser à ses « Mais à peine se trouvèrent-ils au cime-
épaules. Ce fut l'affaire d'une minute. En un tière, que des voix étranges se firent enten-
clin-d'œil, la dame était changée en oiseau, dre; des hommes armés sortirent de derrière
changée en rossignol. Elle ouvrit ses ailes les croix et de l'enfoncement du portail de
et se mit <à voler d'abord autour des cierges, l'église, et s'élancèrent vers le châtelain.
jiuis contre les vitraux de la chapelle, qu'elle
<'Ssaya vainement de traverser, jusqu'à ce
« — Ce sont des voleurs, pcnsa-t-il.
qu'elle eût trouvé une issue par une vitre « II lira sa grand- épée do guerre, dont h;
(|u'un orage avait brisée. Alors elle s'assit tranchant avait l'ail lomb( r plus d'une têtf>
sur la pointe d'un toit et se mit à chanter un de mécréant.
chant si triste, qu'on n'en avait jamais en- « Mais les assaillants étaient si nombreux,
tendu do pareil. Le chevalier eut beau se qu'il y avait une forêt de dagues autour de
désespérer et rappeler la dame, le chant lui. Cependant il combattait vaillamment :

continuait toujours et devenait toujours plus plus d'un mordit la poussière sous les coups
triste et plus triste. Enfin le rossignol prit sa terribles de l'épée qu'il brandissait comm<»
Volée et disparut. uue fau!x. Il allait succomber pourtant. Une
m DlC IlOiN.NAlKJ!, btS SCIKNCES OCCL'LTKS. S-28

idée singulière lui passa par la télo; il s'c- du sorcier, j'ai vu tous les jours mon ami et
cria : lui ai chanté chaque fois les douleurs dont
« —
A moi les niorls I mon âme est remplie. Il a souffert do me
« Tous les lorabcauK s'ouvrirent, et de voir souffrir ainsi. Mais maintenant l'heure
fli.-que loinl)cau sorlit un mort enveloppé de ma délivrance est venue, si celui que
dans tin linceul et les yeux flirnboyants, j'aime veut verser trois fois de l'eau bénite
pour pré'.er secours au noble guerrier. sur mes ailes, en ae disant chaque fois :
a Les brigands , cpouv.uUés à celte cf- « Je t'aime. »
frnyaiile ai)parition, s'enfuirent aussi vite « Quand l'oiseau eut ainsi parlé, la vieille
ijue la terreur pouvait le leur pcrnu-ltre. fil signe au chevalier, qui tendit son doigt à

f Le chevalier avait reçu plus d'une bles- l'oiseau. Et l'oiseau ouvrit ses ailes; d'un
sure. vol léger il descendit de la branche où il
« — Vous s.iignrz, dit la vieille. était et vint se percher sur le gant du châte-
« — Ce n'est rien, dit le châtelain. lain.
« — Tenez, messire, mettez cette herbe sur « Il s'en alla avec l'oiseau et regagna son
vos blessures. château au clair de la lune. Quand il y fut
« Elle cueillit, dans un coin du cimetière, arrivé, la vieille bohémienne n'était plus là.
une herbe qu'elle posa sur les blessures le : « entra dans la chapelle et versa sur les
Il

sang s'élancha et lès blessures se fermèrent ailes du rossignol de l'eau bénite, en disant :

aussitôt. « —Je t'aime.


« — Chevalier, vous êtes brave et ce ; « L'oiseau frissonna et hérissa ses plumes

combat ne fut qu'une épreuve que ma puis- grises.


sance vous a suscitée. « l'our la deuxième fois, le chevalier le
« Alors ils gravirent ensemble la hauteur, mouille d'eau bénite , en disant : Je —
et ils parvinrent à l'arbre de Sainte-Anne. 11 t'aime.
était minuit. « L'oiseau jeta un cri , comme si une
Le rossignol chantait; mais son chant
a barre de fer rouge l'eût touché 1

n'avait plus cet accent de tristesse que le « Quand l'eau bénite le toucha pour la
châtelain de Sanson y avait remarqué jus- troisième fois il commença à reprendie
,

([u'à cette heure. forme humaine; et le châtelain dit :

« 11 un accent d'espérance.
y avait conmie « — Je t'aime.
« La vieille commença à tracer un cercle « En ce moment la dame reparut devant
autour de l'arbre, sur la mousse humide de lui avec sa robe de velours bleu, b;lle de
rosée. toute sa beauté et ses longs cheveux flot-
« — Venez ici, messire, dit-elle. tants. Une larme roula dans ses yeux :

« Tous deux se placèrent dans le cercle. « —Maintenant, je suis à vous pour tou-
« Et la vieille, avec sa voix creuse, parla jours, dit-elle, et aucune puissance humaine
ainsi : ne nous séparera. Maintenant je suis à vous
« — Veus-tu descendre de cet arbre, ô pour toujours, et que le prêtre reçoive, au
rossignol magique? Je te mcllrai des plumes nom de Dieu, mes serments et les vôtres.
d'or à tes ailes et te passerai un collier de « Ils furent bénis au nom du ciel; el leurs
perles à ton col. noms furent écrits sur le livre saint, d'où
« Le rossignol répondit : Dieu seul peut les effacer.
« —
Que m'importent des plurnes d'or à « De
ces époux si heureux di'scendit une
mes ailes? Que m'importe un collier de per- lignée de vaillants chevaliers qui firent bril-
lesà mon col? Je suis dans le monde un oi- ler leur courage dans plus d'une bataille et
seau sauvage; personne ne doit savoir qui je leur nom dans plus d'une guerre. »
suis. ENCHIRIIMON. Voy. Léon III.
« La vieille reprit : ÉNEUGU.MÈNE. On appelle éncrguroènes
« — Si un oiseau sauvage dins le
tu es ceux qui sont possédés du démon.
monde, et que personne ne doive savoir qui ENFANTS. Croirait-on que des savants en
lu es, laisse au moins cet homme te prendre démence et des médecins sans clientèle ont
en pitié; car tu dois souffrir de soif et de recherché les moyens de s'assurer du sexe
•faim. d'un enfant qui n'était pas né, et qu'on a
« De nouveau
rossignol répondit
le : fait, autour de ce thème absurde, des livres
« —
Je ne souffic ni de soif, ni de faim, niais qui trouvent de niais lecteurs? Voy.
mais d'une douleur secrète (jui ronge mon
vœur; car là-bas, sur le rocher escarpé, là- ENFANTS DU DIABLE. Voy. Cambions.
bas, dans le vieux casiel, habite un chevalier ENFERS, lieux inférieurs où les méchants
que je ne puis oublier voilà pourquoi je : subissent après leur mort le châtiment dû à
souffre et pourquoi mon chant est si triste leurs crimes. Nier qu'il y ait des peines et di s
Je l'ai aimé sur la terre étrangère ; j'ai quitté récompenses après le trépas, c'est nier l'exi-
pour le suivre la demeure de nia mère ché- stence de Dieu, puisqu'il ne peut être que
tic. Un magicien jaloux m'a changée en ros- nécessairement juste. Mais les tableaux quii
signol et m'a exilée sur cet arbre. Je serai certains poc;es et d'autres écrivains nous ont
ainsi, à moins que mon ami ne vienne me fails des enfers, ont été souvent les fruits de
délivrer et ne verse trois fois de l'eau bénite l'imagination. On doit croire ce que l'Église
sur mes ailes, en médisant : «Je t'aime.» De- enseigne, sans s'égarer dans des détails que
puis que je gémis sous l'infernale puissance Dieu n'a pas jugé à propos de révéler.
:m INF E^F 530

Les nnricns, la plupart des modernrs, et meute de chiens féroces, qui, sans cesse ou-
surloul 1rs cabalisles, placent les enfers au vrant leur large gueule de Cerbère, frappent
centre de la terre. Le docteur Swinden, dans perpétuellement les airs des plus odieux hur-
ses Rpcherclies sur le feu de l'enfer, prétend lements. Ce monstre est le Péché, fille sans
qi:e l'enfer est dans
le soleil, parce que le so- mère, sortie du cerveau de Satan il tient les;

leil est le feu perpétuel. Quelques-uns ont clefs de l'enfer. L'autre figure (si l'on peut
ajouté que les damnes entretiennent ce feu appeler ainsi un spectre informe, un fanlôino
dans une activité continuelle, et que les ta- dépourvu de substance et de membres dis-
ches qui paraissent dans le disque du soleil, tincts), noire comme la nuit, féroce comme
après les grandes catastrophes, ne sont pro- les Furies, terrible comme l'enfer, agile un
duites que par l'encombrement... dard redoutable; et ce qui semble être sa
Dans Milton (c'esl du moins de la poésie), tête porte l'apparence d'une couronne royale.
l'abîme où fut précipité Satan est éloigné du Ce monstre est la Mort, fille de Satan et du
ciel trois Ibis autant que le centre du monde Péché.
l'est de l'extrémité du pôle ; c'est-à-dire, Nous suivons toujours Milton, ce grand
selon les calculs des astronomes, à 990,000, 00() poëte. Après que le premier homme fut de-
de lieues (1). —
L'enfer de Milton est un venu coupable, la Mort et le Péché conslrui-
globe énorme, entouré d'une triple voûte de sirent un solide et large chemin sur l'abîme.
Icux dévorants; il est placé dans le sein de Le gouffre enflammé reçut patiemment un
l'antique chaos et de la nuit informe. On y pont, dont l'élonnante longueur s'étendit du
voit cinq fleuves le Slyx, soune exécrable
: bord des enfers au point le plus reculé de ce
consacrée à la Haine; l'Achéron, fleuve noir monde fragile. C'est à l'aide de cette facile
et profond qu'habite la Douleur; le Cocyte, communication que les espritspervers pas-
ainsi nommé des sanglots perçants qui re- sent et repassent sur la terre pour corrom-
tentissent sur ses funèbres rivages; le fou- pre ou punir les hommes.
gueux Plilégéton, dont les (lois précipités en Mais si le séjour des réprouvés est un sé-
torrents de feu portent la rage dans les jour hideux, ses hôtes ne le sont pas moins.
cœurs et le tranquille Lélhé, qui roule dans
; Citons à présent le Tasse. Quand d'un son
un lit tortueux ses eaux silencieuses. rauque et lugubre l'infernale trompette ap-
Au delà de ce fleuve s'étend une zone dé- pelle les habitants des ombres éternelles, le
serte obscure et glacée
, perpétuellement , Tarlare s'ébranle dans ses gouffres noirs et
battue des tempêtes et d'un déluge de grêle profonds l'air ténébreux répond par de
;

énorme, qui, loin de se fondre en tombant, longs gémissements. Soudain les puissances
s'élève en monceaux, semblable aux ruines de l'abîme accourent à pas précipités : (luels
d'une antique pyramide. Tout autour sont spectres étranges, horribles, épouvantables!
des gouffres horribles, des abîmes de neige La terreur et la mort habitent dans leurs
et de glace. Le froid y produit les effets du yeux ; quelques-uns, avec une figure hu-
feu, et l'air gelé brûle et déchire. C'est là maine, ont des pieds de bêtes farouches;
qu'à certains temps fixés, tous les réprou- leurs cheveux sont entrelacés de serpents ;
vés sont traînés par les Furies aux ailes leur croupe immense et fourchue se recourbe
de Harpies. Us ressentent tour à tour les en replis torlueux. —
On voit d'inmiondes
tourments des deux extrémités dans la tem- Harpies, des Centaures, des Sphinx, des Gor-
pérature, tourments que leur succession ra- gones, des Scylles qui aboient et dévorent;
pide rend encore plus affreux. Arrachés de des Hydres, dfes Pythons, des Chimères qui
leur lit de feu dévorant, ils sont plongés dans vomissent des torrents de flamme et de fu-
des monceaux de glaces ; immobiles, presque mée ; des Polyphèmes, des Géryons, mille
éteints, ils languissent, ils frissonnent et sont monstres plus bizarres que jamais n'en rêva
de nouveau rejelés au milieu du brasier in- l'imagination, mêlés et confondus ensemble.
fernal. Us vont et reviennent ainsi de l'un à Ils se placent les uns à la gauche, les autres
l'autre supplice; cl pour le combler, ils fran- à la droite de leur sombre monarque. Assis
chissent à chaque fois le Léthé. Us s'effor- au milieu d'eux, il tient d'une main un scep-
cent, en le traversant, d'atteindre l'onde en- tre rude et pesant; son front superbe, armé
chanteresse ; ils n'en désireraient qu'une de cornes, surpasse en hauteur le roc le plus
seule goutte elle suffirait pour leur faire
: élevé, recueil le plus sourcilleux Calpé, :

perdre, dans un doux oubli, le sentiment de l'immense Atlas lui-môme, ne seraient au-
tous leurs maux. Hélas! Méduse, aux re- près de lui que de simples collines (2). —
gards terribles, à la têle hérissée de ser- Une horrible majesté, empreinte sur son fa-
pents, s'oppose à leurs efforts; et semblable rouche aspect, accroît la terreur et redouble
à celle que poursuivait si vainement Tantale, son orgueil ; son regard, tel qu'une funesto
l'eau fugitive se dérobe aux lèvres qui l'as- comète, brille du feu des poisons dont ses
pirent... yeux sont abreuvés; une barbe longue,
A la porte de l'enfer, sont deux figures ef- épaisse, hideuse, enveloppe son menton et
froyables : l'une, qui représente une femme descend sur sa poitrine velue; sa bouche,
jusqu'à la ceinture , finit en une énorme dégouttante d'un sang impur, s'ouvre comnio
queue de serpent recourbée, à longs replis un vaste abîme de cette bouche empestéo
:

écailleux, et armée à l'estrémiléd'un aiguil- s'exhalent un souffle empoisonné et des


lon mortel. Autour de ses reins est une tourbillons de flamme et de fumée. Ainsi
(1) Le poêle de Satan dura noiif jours
dil qiio In rtiiiln : seconde.
d'oti il siiivrall que SaUn aurait fail 1,-200 lieUcs par {i) Milion duiiue à Satan quarante mille pieds de liaut.
531 DICTIONNAIRE DES SCIE.NCES OCClLTr.S 532

l'Etna, tic embrasés, vomit avec un


ses flancs répondit îe démon celui que je
Non ,

bruit aiïreux de noirs lorrenls de soufre et de porte est un de mes amis ; je lui ai juré que
bitume. Au son de sa voix terrible, l'ablrnc je ne lui causerais aucun mal ; et je lui ai
Ircmble, Cerbère se tait épouvanté, l'Hydre promis que vous auriez la bonté de lui faire
est niucltc, le Cocyle s'arrête immobile (i). voir l'âme du landgrave, son ancien maître,
Voici quelques voyages aux enfers, em- afin qu'à son retour dans le monde il publie
pruntés aux clironiquenrs du moyen âge, et partout votre puissance. Le grand diable ou-
qui sont moins agréables que les tableaux vrit alors son puits, et sonna du cornet (3)
des poètes, mais qui ont pourtant aussi leur avec tant de vigueur et de force, que la
charme de naïveté. foudre et les tremblements de terre ne se-
Le landgiavc de Thuringe venait de mou- raient qu'une musique fort douce en com-
rir. Il laissait après lui deux fils à peu près paraison. En même temps le puits vomit des
du même âge, Louis et Hermann. Louis, qui torrents de soufre enflammé et au bout , ,

était l'aîné et le plus religieux (puisqu'il est d'une heure l'âme du landgrave qui re-
, ,

mort dans la première croisade), publia cet montait du goullreau milieu des tourbillons
édit après les funérailles de son père : étincelants montra sa léte au-dessus du
,

« Si quelqu'un peut m'apporter des nou- Irou et dit au clerc :



,

velles certaines de l'état où. se trouve main- Tu vois devant toi ce malheureux
tenant l'âme de mon père, je lui donnerai prince qui fut ton maître et qui voudrait ,

une bonne ferme... » maintenant n'avoir jamais régné...


Un pauvre soldat, ayant entendu parler de Le clerc répondit: —Votre fils est curieux
cette promesse, alla trouver son frère, qui de savoir ce que vous faites ici, et s'il peut
passait pour un clerc distingué, et qui avait vous aider en quelque chose.
exercé pendant quelque temps la nécroman- — Tu sais où j'en suis , reprit l'âme du
cie; il chercha à le séduire par l'espoir de la landgrave, je n'ai guère d'espérance cepen- ;

ferme qu'ils partageraient amicalement. dant , si mes fils veulent restituer certaines
— J'ai quelquefois évoqué le diable , ré- possessions que je le vais nommer et qui ,

pondit le clerc, et j'en ai tiré ce que j'ai vou- m'appartenaient injustement , ils me soula-
lu ; mais le métier de nécromancien est trop geront.
dangereux, et il y a longtemps que j'y ai re- Le clerc répondit: Seigneur, vos fils ne —
noncé. me croiront pas.
Cependant l'idée de devenir riche sur- — Je vais te dire un secret, répliqua le
monta les scrupules du clerc : il appela le landgrave , qui n'est connu que de moi el do
diable, qui parut aussitôt, et demanda ce mes fils.
qu'on lui voulait. En même temps il nomma les possessions
— Je suis honteux de t'avoir abandonné qu'il fallait donna le secret
restituer, et il

depuis tant de temps , répondit Gnement le qui devait prouver la véracité du clerc.
nécromancien ; mais je reviens à toi. Indi- Après cela l'âme du landgrave rentra
,

que-moi , je te prie , où est l'âme du land- tristement dans le gouffre ; le puits se refer-
grave mon ancien maître ?
,
ma, el le nécromancien revint dans la 'l'hu-
— Si tu veux venir avecmoi, dit le diable, riiige , monté sur son démon. Mais à son ,

je te la montrerai. retour de l'enfer, il était si défait el si pâle ,

— bien répondit
J'irais clerc
, le ; mais je qu'on avait peine à le reconnaître. Il raconta
crains trop de n'en pas revenir. aux princes ce qu'il avait vu et entendu ; el
— Je jure par Très-Haut
te le , et par ses cependant ils ne voulurent point consentira
décrets formidables , dit le démon, que si tu restituer les possessions que leur père les
le Des à moi , je te conduirai sans méchef priait de rendre. Seulement le landgrave
auprès du landgrave , et que je te ramène- Louis dit au clerc: —
Je reconnais que lii as
rai ici (2). vu mon père, el que tu ne me trompes point;
Le nécromancien, rassuré par un serment aussi le vais-jc donner la récompense que
aussi solennelmonta sur les épaules du dé-
, j'ai promise.
mon qui prit son vol et le conduisit à l'en-
, — Gardez
votre ferme répondit le clerc , ;

trée de l'enfer. Le clerc eut le courage de pour moi je ne dois plus songer qu'à mon
considérer à la porte ce qui s'y passait, mais salut.
il n'eut pas la force d'y entrer. H n'aperçut

qu'un pays horrible et des damnés tour- ,


Et ilmoine de Citeaux (4)
se fil

mentés de mille manières. Il remarqua sur- On voit que le légendaire ne désigne pas
tout un grand diable , d'un aspect effroya- bien si les lieux que son héros a cru visiter
ble , assis sur l'ouverture d'un puits, qui sont le purgatoire ou l'enfer. Citons encore
était fermé d'un large couvercle, et ce spec- un bon religieux anglais dont le voyagea été
tacle le fit trembler. Cependant le grand dia- écrit par Pierre-le-Vénérable abbé de Clu- ,

ble cria au démon qui portait le clerc : ny, el par Denys-le-Chartreux (5). Ce voya-

Que portcs-lu là sur les épaules? viens geur parle à la première personne :

ici que je le décharge. a J'avais saint Nicolas pour conducteur,

Et PhtegclODlcac requierunl murmura ripse. (4) Césarius, moine d'Heisterliacli, de l'ordre


deCileaux,
(IJ
CtAUDlEN. Miracles illustres, liv. I, cli. xxxiv.
Dionysii Carlliu-
(î) Jaro libi pcr Altisslmum, et |icr Iremeiidum cjus (5) Pétri Venerabilis, demiracul., el
jiidicium quia, si liiJei ineje le coiimiiseris, etc. siani De quatuor novissiiiils, art. 47.
,
Disons pourUnI —
(3) Buccinavil lam valiUe. que ce passage du bieolieureux DeBis-leCliartruux puratt

5-5 LNF E.NP Soi


dit-il;il me fil parcourir un chemiii plal jus- honneurs de la sépulture; cl lorsqu'Ulysse
qu'à un espace imiiiense horrible peuplé
, ,
évoqua les morts, ceux qui apparurent no
(le défunts qu'on lourmcnlait de mille ma- sortirent que de l'Erèbe. L'autre enfer était
nières affreuses. On me dit que ces gens-là l'enfer des méchants :là chaque crime était
n'étnionl pas damnés, que leur supplice fi- puni; les remords dévoraient leurs victimes;
nirait avec le temps, et que je voyais le pur- et là se faisaient entendre les cris aigus de la
gatoire. Je ne m'attendais pas à le trouver douleur. Le Tartare proprement dit venait
si rude tous ces malheureux pleuraient à
; après l'enfer: c'était la prison des dieux. En-
chaudes larmes et poussaient de grands gé- vironné d'un triple mur d'airain, il soutenait
missements. Depuis que j'ai vu toutes ces les vastes fondements de la terre et des
choses, je sais bien que si j'avais quelque mers. Les Champs-Elysées, séjour heureux
parent dans le purgatoire , je souffrirais des ombres vertueuses, formaient la qua-
mille morts pour l'en tirer. trième division des enfers il fallait traverser
;

Un peu j'aperçus une vallée où


plus loin ,
l'Erèbe pour y parvenir.
roulait un épouvantable fleuve de feu , qui Chez les Juifs modernes, les justes seront
s'élevait en tourbillons à une hauteur énor- heureux, les méchants seront tourmentés
me. Au bord de ce fleuve il faisait un froid en enfer, et ceux qui sont dans un état mi-
si glacial qu'il est impossible de s'en faire toyen, tant Juifs que gentils, descendront
une idée. Saint Nicolas m'j conduisit, et me dans un abîme avec leurs corps, et ils pleu-
fit remarquer les patients qui s'y trouvaient, reront pendant douze mois, en montant et en
en me disant que c'était encore le purga- descendant d'unlieumoins pénible à un lieu
toire. plus rigoureux. Après ce terme, leurs cor|)s
seront consumés, leurs âmes brûlées, et le
En
pénétrant plus avant, nous arrivâmes
C'était un champ aride couvert d'é-
vent les dispersera sous les pieds des justes.
en enfer.
paisses ténèbres , coupé de ruisseaux de Les rabbins ajoutent que, le premier jour de
l'an, Dieu fait un examen du nombre et de
soufre bouillant; on ne pouvait y faire un
l'état des âmes qui sont en enfer.
pas sans marcher sur des insectes hideux,
difformes, extrêmement gros et jetant du L'enfer des Romains était divisé en sept
feu parles narines. Us étaient là pour le sup-
provinces différentes la première renfermait
:

les enfants morts-nés, comme ne devant


plice des pécheurs, qu'ils tourmentaient de
être ni récompensés ni punis; la seconde
concert avec les démons. Ceux-ci, avec des
était destinée aux innocents condamnés à
crochets, happaient les âmes punies et les je-
taient dans des chaudières, oii ces âmes se
mort; la troisième logeait les suicides; dans
la quatrième erraient les parjures; la cin-
fondaient parmi des matières liquides ; après
cela on leur rendait leur forme pour de nou-
quième province était habitée par les héros
velles tortures. —
Ces tortures se faisaient dont la gloire avait été souillée par la
cruauté ; la sixième était le Tartare ou lieu
en bon ordre cl chacun était tourmenté se-
lon ses crimes. » des tourments, et la septième les Champs-
Elysées, comme chez les Grecs.
Il voit ensuite des prélats, des chevaliers,
L'enfer des Musulmans a sept portes, et
des dames, des religieux, des princes. Mais chacune a son supplice particulier. Cet en-
toutes ces relations se ressemblent un peu.
fer est rempli de torrents de feu et de soufre,
Voy. VÉTiN, Bertuold, Charles-le Chauve,
où les damnés chargés de chaînesdesoixanle-
Kngelbrecht, etc.
dix coudées sont plongés et replongés con-
Il serait très-long de rapporter les senti- tinuellement par de mauvais anges. A cha-
ments des différents peuples sur l'enfer. cune des sept portes, il y a une garde de
Les Bruscs disent que tout ce qu'on man- dix-neuf démons, toujours prêts à exercer
gera dans les enfers aura un goût de fiel et leur barbarie envers les damnés et surtout
d'amertume, et que les damnés porteront envers les infidèles, qui seront à jamais dans
sur la tête, en signe d'une éternelle répro- ces prisons souterraines, où les serpents, les
bation, un bonnet de poil de cochon d'un grenouilles et lescorneilles aggravent encore
pied et demi de long. les tourments de ces malheureux. Les Maho-
Les Grecs représentaient l'enfer comme un métans n'y demeureront au plus que sept
lieu vaste et obscur, partagé en plusieurs mille ans ; au bout de ce temps, le prophète
régions, l'une affreuse,oii l'on voyait des lacs obtiendra leur délivrance. On ne donne aux
dont l'eau infecte et bourbeuse exhalait des damnés de cel enfer que des fruits amers,
vapeursmorlelles, un fleuve de feu, des tours ressemblant à des tê'.cs de diables ; leur
de fer et d'airain, des fournaises ardentes, boisson se puise dans des sources d'eaux
des monstres et des furies acharnés à tour- soufrées et brûlantes, qui leur procureront
menter lesscélérats; l'autre riante, paisible, des tranchées douloureuses.
destinée aux sages et aux héros. Le lieu le Quelques Japonais prétendent que la peine
plus voisin de la terre était l'Erèbe; on y des méchants est de passer dans le corps d'un
rencontrait le palais de la Nuit, celui du renard, qui est leur enfer.
Sommeil et des Songes. C'était le séjour de Les Guèbrcs disent que les méchants sont
Cerbère, des Furies et de la mort ; c'est là les victimes d'un feu dévorant qui les brûle
qu'erraient pendant cent ans les ombres in- sans les consumer. Un des tourments de leur
fortunées dont le corps n'avait pas reçu les enfer est l'odeur infecte qu'exhalent les
interpolé, cl que lo» crjtiqnet peuient qull n'est pas âmes scélérates; les unes habitent d'affreux
de lui. cachots où elles sont étouffées par uue l'u«

I
f,5"i DICTIONNAIUE DES SCIKNCES OCCULTES. 530

mée épaisse et dévorées pnr les morsures Cyrano. Souvent aussi il sent l'hérésie à
d'un nombre prodigieux d'insectes et de rep- pleine gorge.
tiles venimeux; les autres sont plongées Dans le Songe d'Enfer de Houdan, le poëte
jusqu'au cou dans les flots noirs et glacés arrive à la ville de Convoitise, il y voit En-
d'un fictive; celles-ci sont environnées de vie, Avarice, Rapine. Plus loin il s'arrôlc à
diables furieux qui les déchirent à coups de la demeure de Filouterie, qui lui demande
dents; celles-là sont suspendues par les des nouvelles de reriains Parisiens nommés
pieds, et dans cet étal on les perce dans tous là par leur nom. Il passe à Ville-Taverne,
les endroits du corps avec un poignard. où il trouve Ivresse avec son fils, né en An-
On croit, dans l'île Formose, que les hom- gleterre. On voit (|ne ce sont des allégories.
mes après leur mort, passent sur un pont
,
Mais il parvient à la porle dos enfers, gardée
étroit de bambous, sous lequel il y a une par Meurtre, Désespoir et Morl-Subite. Le
fosse profonde pkine d'ordures. Le pont s'é- roi d'Enfer tient table ouverte; et on lui sert
croule sous les pas de ceux qui ont mal de chair d'usurier.
la
vécu, cl ils sont précipités dans celte horrible Rulebeuf fit la contre-partie en quelque
fosse. sorte de ce fabliau, sous le litre du Chemin
de paradis. Par une route étroite et raboteuse,
Les Musulmans ont aussi, au-dessus de
il arrive à la ville de Pénitence, où il trouve
leur enfer, un pont qui est fait en lame de
Piété, qui veut bien le guider pour le garan-
rasoir. Toutes les âmes doivent passer sur ce
tir des différents ennemis qu'il doit rencon-
tranchant; et il n'y a que les âmes justes qui
trer en voyage. Le premier est Orgueil, dont
le traversent sans tomber dans le gouffre.
le palais, magnifique par devant, tombe eu
Les Gafres admettent treize enfers et vingl- ruines par derrière. 11 dédaigne tout le monde,
sept paradis, où chacun trouve la place qu'il quoique souvent son insolence lui ait attiré
a mérité d'occuper suivant ses bonnes ou
,
de cruelles humiliations. Ses courtisans sont
mauvaises actions. Les sauvages du Missis- vêtus de soie écarlale et portent en tout
sipi croient que les coupables iront dans un
temps sur la tête un riche chapeau. Il les
pays malheureux, où il n'y a point de chasse. fixe auprès de lui en leur promettant des di-
Les Virginiens placent l'enfer à l'Occident, gnités et des honneurs.
et précisément à l'un des bouts du monde.
— Les Floridiens sont persuadés que les
Plus loin est Colère, le visage rouge, les
yeux enflammés, grinçant des dents, et dans
âmes criminelles sont transportées au milieu sa rage se déchirant et se frappant elle-
des montagnes du nord; qu'elles restent ex-
même.
posées à la voracité des ours et à la rigueur
Au détour d'un vallon il voit Avarice. Elle
des neiges et des frimas.
a de vastes prisons dans lesquelles elle tient
Les Kalmouks ont un enfer pour les bêtes renfermés ses sujets, maigres et pâles, assis
de somme; et celles qui ne s'acquittent pas sur des monceaux d'or qu'attire un aimant
bien de leurs devoirs ici-bas sont^ condam- particulier, dont sa maison est couverte. Chez
nées, selon eux, à porter sans relâche dans elle tout est fermé à double serrure, et l'on
l'autre monde les fardeaux les plus pesants. n'y entre que par une seule porte, dont elle
L'enfer du Dante est célèbre. La forme de tient toujours la clef.
cet enfer ressemble à un entonnoir ou à un Tout au fond de la vallée s'est retirée En-
cône renversé. L'espace qui se trouve depuis vie qui, selon Ovide, dit l'auteur, lient eu
la porte de l'enfer jusqu'au fleuve Achéron main des serpents dont elle suce le venin.
se divise en deux parties : dans la première Toujours cachée dans l'ombre, elle n'en
sont les âmes de ceux qui vécurent sans sort que pour venir secrètement épier ses
honneur; ils sont tourmentés par des frelons voisins. Si alors elle entend des gémissements
qui leur piquent le visage : ces damnés cou- et voit couler des larmes, elle est dans la
rent après une bannière qui tourne sans joie; mais s'ils rient ou s'ils chantent, elle
cesse autour d'un cercle. Dans la seconde se pleure et se retire.
trouvent les enfants morts sans baptême; ces Près d'elle est le séjour de Paresse. Du
ombres poussent des gémissements conti- lit où elle est couchée, elle entend le bruit

nuels. Il y a des cercles concentriques autour des cloches qui l'appellent à l'église; elle
de l'enfer. Le second cercle renferme les maudit sonneur et voudrait ne jamais se
le
luxurieux; ils sont sans cesse agités, trans- lever que pour se mettre à table.
portés ça et là sur des tourbillons de vent. Gourmandise quoique malade encore
,

Le troisième est rempli par les gourmands d'une indigestion qu'elle a eue la veille, ne
étendus dans la fange et continuellement ex- songecependant qu'à retourner à la taverne.
posés à un déluge épouvantable de pluie, de Plus loin enfin est un manoir où l'on n'en-
neige et de grêle. Le quatrième contient les tre qu'avec honte où l'on reste caché dans
,

prodigues et les avares; ils sont condamnés les ténèbres, cl d'où l'on ne sort que mécon-
à rouler éternellement les unscon^ les au- tent. Le portier rebute ceux qui s'y présen-
tres des poids énormes. Les autres cercles sont tent les mains vides; il ouvre à ceux-là
partagés aussi bien. seuls qui apportent. La maîtresse les ac-
Les trouvères du moyen âge se sont exer- cueille, mais c'est Us y sont
pour les voler.
cés fréquemment sur l'enfer. Les fabliaux venus à cheval, ils s'en retournent à pied.
«(ui s'en occupent sont nombreux. Mais sou- Aussi très-rarement y reviennenl-ils deux
vent le poêle ne fait qu'une critique de ce fois ou, si leur faiblesse les y entraîne,
: ils
monde sous le inasq^ie de l'autre. Voy. savent que c'est se préparer un repenlir.
5-7 ENF ENF 5:8

Ru(ebeuf avoir traversé hourcuse-


.iprès — Volontiers, Sire ; au moins
je serai sûr
iiienl le quartier des vices, arrive enfin dans dorénavant de n'avoir pas froid. Notre —
celui des verlus. Il voit Libéralité qui est homme aussitôt se rendit à son poste, et, pen-
mourante ; Franchise dont la maison est dant quelque temps, il s'acquitta exactement
presque déserte, etc. Enfin il parvient chez de sa commission.
Confession, où il voulait aller; et c'est là ce Mais un jour que Lucifer avait convoqué
qu'il appelle la voie de paradis (1). tous ses suppôts pour aller faire avec eun sur
Un autre fabliau plus célèbre est celui du la terre une battue générale, avant de sortir
Jongleur qui alla en enfer, ou de saint Pierre il appela le chauffeur. —
Je vais partir, lui
et du Jongleur. —
On en pardonnera le dit-il, et je laisse ici sous ta garde tous mes
ton. prisonniers mais songe que tu m'en répon-
;

ASens jadis vivait un ménétrier qui , pour dras sur les yeux de ta tête, et que si, à mon
un trésor, n'eût pas voulu avoir querelle retour, il en manquait un seul... —
Sire, par-
avec un enfant, mais homme sans conduite tez en paix, je réponds d'eux ; vous trouve-
et dérangé s'il en fut jamais. Il passait sa rez les choses en ordre quand vous revien-
vie au jeu ou à la taverne. Gagnait-il quel- drez, et vous apprendrez à connaître ma fi-
que argent? vile il le portait là. N'avait il délité. — Encore une fois prends bien garde,
rien? il y laissait son violon en gage. Aussi, il y va de tout pour toi , et je te fais manger

toujours sans It- sou, il vous eût fuitcompas- tout vif. — Ces précautions prises, l'armée
sion. Malgré cela, gai, content, la tête en infernale partit.
tout temps couronnée d'un chapel de bran- C'était là le moment qu'attendait le bon
ches verles, il chantait sans cesse et n'eût saint Pierre. Du haut du ciel il avait entendu
demandé à Dieu (|u'unc seule chose, de met- ce discours, et se tenait aux aguets pour en
tre toute la semaine en dimanches. profiter. Dès que les démons furent dehors,
Il mourut enfin. Un jeune diable, novice il se déguisa, prit une longue barbe noire,
encore, qui depuis un mois cherchait et cou- descendit en cirfer, et s'accostant du méné-
rail partout pour escamoter quelque â(ne, trier : — Ami, dit-il, veux-tu faire une partie
sans avoir jusque-là, malgré toutes ses pei- nous deux? Voilà des dés, et de bon argent
nes, pu réussir, s'étant trouvé là par hasard à gagner. —
En même temps il lui montra
quand noire violoniieur trépjissa, il le prit une longue bourse toute remplie d'esterlins.
sur son dos et tout joyeux l'emporta en — Sire, répondit l'autre, c'est bien inutile-
enfer. ment que vous venez ici me tenter; il ne me
C'était l'heure précisément où les démons reste rien au monde que celte chemise dé-
revenaient de leur chasse. Lucifer s'était as- chirée que vous me voyez. —
Eh bien si tu 1

sis sur son trône pour les voir arriver; et à n'as point d'argent, mets en place quelques
mesure qu'ils entraient, chacun d'eux venait âmes, je veux bien me contenter de cette
jeter à ses pieds ce que dans le jour il avait monnaie, et lu ne dois point craindre ici d'en
pu prendre; celui-ci un huissier, celui-là un manquer de sitôt. —
Tudieu je n'ai garde ;
I

voleur, les uns des champions morts en je sais trop ce que mon maître m'a promis
champ clos, les autres des marchands, tous en partant. Trouvez-moi quelque autre ex-
gens surpris au moment qu'ils s'y attendaient pédient, car pour celui-ci je suis votre ser-
le moins. Le noir monarque arrêtait un in- viteur. — Comment veux-tu qu'il le sache?
stant ses captifs pour les examiner, et d'un Sur une telle multitude, que sera-ce, dis-moi,

I signal aussitôt il les faisait jeter dans sa


Ihaudière. Quand l'heure fut passée, il or-
que cinq ou six âmes de plus ou de moins ?
Regarde, voilà de belles pièces toutes neuves.
donna de fermer les portes et demanda si 11 ne tient qu'à loi d'en faire passer quelques

tout le monde était rentré : —


Oui, répondit unes dans la poche. Profile de l'occasion,
quelqu'un, excepté un idiot, qui est sorti tandis que me voilà, car une fois sorti je no ,

depuis un mois, et qu'il ne faut pas encore reviens plus.... allons je mels vingt sous au
attendre aujourd'hui probablement, parce jeu, amène ([uelque âme.
([u'il aura honte de rentrer à vide. Le malheureux dévorait des yeux les dés.
Le railleur achevait à peine de parler, Il les prenait en main, les quittait, puis les

quand arriva le jeune diable, chargé de son reprenait de nouveau. 11 n'y put tenir, et
ménétrier déguenillé qu'il présenta humble- conjcnlit à jouer quelques coups mais une
;

ment à son souverain. —


Approche, dit Lu- âme seulement à la fois, de peur de s'expo-
ciferau chanteur; qui es-tu? voleur? espion? ser à trop perdre. —Tope pour une, répond
soldat? —
Non Sire, j'étais ménétrier, et
,
l'apôtre, mets au jeu. —
L'un va donc cher-
vous voyez en moi (iuel(|u'un qui possède cher quelques patients, l'autre étale ses cs-
toute la sciencu (lu'un ho;ninu sur la terre lerlins; ils s'asseoient au bord du fourneau
peut avoir. Malgré cela j'ai eu là-haut bien et commencent. Mais le saint jouait à coup
de la misère; mais enfin, puisque vous vou- sûr; aussi gagna-t-il constamment. Le chan-
lez vous charger de mon logement, je chan- teur, pour rattraper ce qu'il perdait, eul beau
terai, si cela vous amuse. —
Oui, des chan- doubler, tripler mises, il jjerdit toujours.
les
sons! C'est bien là la musique qu'il me faut Ne concevant rien à un malheur si con-
ici 1Ecoute; lu vois celte chaudière, et te stant, il se fâcha, et déclara qu'il ne paierait
voici tout nu je te charge de la faire chauf-
:
point. Puis il proposa de recommencer la
fer; et surtout qu'il y ait toujours bon feu. partie, si l'on voulait tenir la première pour
(t) Legrand d'Aiissy. Nous lui empruntons le fabliau
nulle, offiaut alors de donner à choisir dans
suivant la chaudière tout ce qu'on voudrait. A celle

i
1

m DICTIONNAIUE DES SCIENCES OCCULTES 5i0

partie, il ne fut pas plus heureux qu'à la duisit en paradis. Quand Engelbrccht eut
première. se piqua, joua cent âmes, mille
11 goûlé du séjour divin, un ange lui
les délices
âmes à la fois, changea de dés, changea de ordonna de retourner sur la terre pour an-
place, <l n'en perdit pas moins à tous les noncer ce qu'il avait vu , entendu et senti,
coups. Enfin, didc^ei-poir il se leva et quitta avec la charge d'exhorter les hommes à la
le jfu, maudissant sa mauvaise fortune qui pénitence. Engelbreeht, rc venu à la vie, ra-
le suivait jusqu'en enfer. Pii rre alors s'ap- conta sa vi>ion. Dans un de ses ouvrages,
proiha delà chaudière pour y (hoisir et en (car il a fait des ouvrages, quoiqu'il ne sûi
tirer cciix qu'il avait gagnés. Chacun d'eux pas lire), il dit que tous les assistants, pen-
implorait sa pitié afin délie l'un des heu- dant son récit, sentirent la puanteurhorribic
reux. C'éiaienl dis cris à ne pas s'entendre. de l'enfer, et que lui-même, en sortant de
Le iiiénélner furieux y accourut, et résolut son lit, en étailencore infecté;niaispersonne,
de s'acquitter ou de tout perdre. En homme excepté lui, ne put jouir des parfums suaves
qui ne veut plus rien ménager il proposa de de la demeure des bienheureux. 11 annonça
jouer ce qui lui restait. L'apôtre ne deman- dès lors qu'il avait élé mort et qu'il était res-
dait pas mieux. Ce va-toul si important se suscité, et il fonda sur ce prodige la dignité
décida iur le lieu même et je n'ai pas besoin
;
de sa mission.
de vous dire quelles lurent pendant ce temps Il eut encore d'autres visions; il entendit
les transes des patients qui en étaient les té- pendant quarante nuits une musique céhsie
moins. Leur sort heureusement se trouvait si harmonieuse, qu'il ne put s'empêcher d'y

enire bonnes mains. Saint Pierre gagna en- joindre sa voix. Les ministres protestants
core, et partit avec eux tous pour le para- crurent reconnafire en lui quelque chose de
dis. surnaturel. Mais dès qu'il leur eut reproché
Quelques heures après rentra Lucifer. leur avarice, ils déclarèrent que tout n'était
Mais quelle douleur quand il vit ses
fui sa que l'œuvre du démon Parcourant la Basse-
brasiers éteints, sa chaudière vide et pas ,
Saxe, il prêchait, disait-il, comme il en avait
une seule âme de tous ces milliards qu il reçu l'ordre d'en haut. Un jour qu'il racon-
avait laissés Il appela le chauffeur Scé- — tait ses extases, il dit qu'il avait vu les âmes
!

lérat, qu'as-lu fait de mes priMinniers?


:

— des bienheureux voltiger autour de lui, sous


Ah sire, je me jette à vos genoux, ayez pi-
! la forme d'étincelles, et que, voulant su mê-
tié de moi, je vais tout vous dire. El i. con- — ler à leur danse, il avait pris le soleil dune
ta son aventure, avouant qu'il néiait pas main et la lune de l'autre.
p!us heureux en enfer qu'il ne l'avait élé Ces absurdités no rempêchèreiil pas de
sur la terre. Qiel est le butor qui nous a faire des prosélytes parmi les réformes. Il a
amené le joueur? dit le prince irrité; qu'on laissé divers volumes :
1° VérJubie Vue et
lui donne les étrivières. Aussitôt on saisit le hislutre du ciel, Amsterdam, 1G90, in-4° :
petit diablotin qui avait fait un si mauvais c'est le récit de son excursion en enfer et ea
présent, et on l'étrilla si verlcmcnlqu'il pro- p.iradis ; 2° Mandat et ordre diviti et céleste
mit bien de ne jamais se charger de méné- délivrés par la chancellerie céleste, Brème ,
trier. —
Chassez d'ici ce marchand de mu- 1G25, in-4°; cet écrit manque dans le recueil
sique, ajouta le ruonarciue ; on peut les rece- intitulé: OEuvr es. Visions et Révélations de
voir dans leparadis,uù l'un aime la joie; moi Jean Engelbreeht, Amsterdam, 1080, in-iit".
je neveux plus jamais entendre parler d'eux. ENIGME. On lit dans de vieilles histoires
Le chanteur n'en demanda pas davantage. de Naples que, sous le règne de Robert Guls-
Il se sauva piomplemeul, et vint en paradis card, on trouva une statue qui avait eu la
où saint Pierre le reculai le Ol entrer avec tête dorée, et sur laquelle était écrit : Aux
les autres. calendes de mai, quand le soleil se lèvera, j'au-
ENGASrUlMlSME , art des Ycntriloques. rai la (été toute d'or. Robert chercha long-
On l'attribuait auirefois à la magie. temps à deviner le sens de cette énigme;
ENGASTIUMYTHES ou ENGASTRIMAN- mais ni lui ni les savants do son royaume n :

DRES, devins qui faisaient entendre leurs purent la résoudre. Un prisonnier de guerrj
réponses dans leur ventre. Voy. Ventrilo- sarrazin promit de l'interpréter, si on lui ac
fiUES, CÉCILE, etc. cordait la liberté sans rançon. Il avertit dum;
ENGELBUECHT (Jeanj, visionnaire alle- le prince d'observer aux premiers jours de
mand, mort en 16it2. Il était protestant et mai l'ombre de la tête de la statue, au lever
dun naturel ^i mélancolique, qu'il tenta sou- du soleil, et de faire bêcher la terre à len-
vent de s'ôter la vie. Un soir, vers minuit, droil où tomberait cette ombre. Robert sui-
Il lui Sembla que son corps était transporté vit ce conseil et trouva de grands trésors, qui
au milieu des airs avec la rapidité d'une flè- lui servirent tians ses guerres d'Italie. H ré-j
che. Après un voyage très-court, il arriva à compensa Ein, non-seulement en lui
Sarrazin,
le
la porte de l'enfer, uù régnait une obscurité accordant la liberté,!, mais encore en lui dou-[
profonde, et d'où s'exhalait une puanteur à mmes d'argent. Voy. Ro-
liant (le bonnes sommes
laquelle il n'y a rien à cuniparer sur la terre. DERIK.
11 entendit les cris et les gémissements des il y a beaucoup d'énigmes dans les divi-
damnés. Une légion de diables voulut l'en- nations. On peut voir le traité des énigmes
tratner dans l'abime il se débarrassa de leurs
; du père Meneslrier, de la compagnie de Jé-
griffes, pria, et tout cet horrible spectacle sus, intitulé ta Philosophie des images éni-
.

s'évanouit. Le Saint-Esprit lui apparut, dit-il, gmatiques, où il est traité des énigmes,
sous la forme d'un buwuie blanc et le con- hiéroglyphiques, oracles, prophéties, sorts ,
-

tw ENS ENT 5«
divinations, loteiii'S, talismans, son<;os, cen- porté chez vécut deux jours encore;
lui, il

turies de Noslradanius, et de la baguette. mais son état était désespéré et il expira après
Lyon, 169!i.. in-12. soixante heures des plus cruelles souffran-
ENLEVEMENT. Nous ne parions ici que ces. » — Dans d'autres Icmps ou dansd'.iu-
de ceux qui ont élé enlevés par le diable. tres pays, o\ eût vu là un cnsorceUcmcnt.
Une Allemande avait conlraclé l'habitude Voy. toutefois Sortilèges, Paroles, Ber-
de jurer et de dire des mots de corps-de- gers, etc., etc.
garde. Elle fut bientôt prise pour modèle par ENTERRÉS-VIVANTS. — Indépendam-
quelques femmes de son pays, cl il fallut un ment de ce qu'elles ont d'effroyable pour
exemple qui arrêiàt le désordre. Un jour ceux qui en sont victimes, les morts appa-
qu'elle prononçail avec énergie ces paroles, rentes ont donné lieu à plus d'une terreur.
qui sont tristes surtout dans la bouche d'une Les soupirs entendus dans un cimetière ont
femme Que le diable tn'emporle!... le diable
: passé pour la voix d'un revenant, quand ce
arriva tout équipé et l'emporta (1). n'ciait que le sanglot d'angoisse d'un infor-
On lit en beaucoup de livres qu'un certain tuné enterré vivant. —
Ces choses tiennent
comte de Mâcon, homme violent et impie, trop à la mort, pour (|ne nous ne nous y ar-
exerçait une espèce de tyrannie contre les rêîions pas un peu. Mais, au lieu de donner
ecclésiastiques et contre ce qui leur appar- des histoires de morts-viv mts, nous croyons
tenait, sans se mettre en peine de cacher ni plus utile de rapporter ici la curieuse thèse
de colorer ses violences. Un jour qu'il était du docteur Vinslow sur cette matière. Le
assis dans son palais, bien accompagné, on lecteur sera bien aise de trouver en son en-
y vit entrer un inconnu à cheval, qui s'a- tier cette petite pièce rare et intéressante.
vança jusqu'auprès du comte, et lui dit; — L'auteur l'a intitulée : Terrible supplice et
Suivcz-inoi, j'ai à vous parler. cruel désespoir des personnes enterrées vi-
Le comte suit l'étranger, entrainé par un vantes. —Rien de si certain que la morl,
pouvoir surnaturel. Lorsqu'il arrive à la puisqu'elle est inévitable; rien de si incer-
porte, il trouve un cheval préparé, le monte, tain, puisque des personnes réputées mor-
et il est transporté dans les airs, criant d'une tes et qu'on avait ensevelies, sont sorties de
voix terrible, à ceux qui étaient présents : leur cercueil, et même de leur tombeau.
— A moi au secours 1... On le perdit de vue,
I Combien de gens y sont morts, pour avoir
et on ne put douter que le diable ne l'eût élé enterrés avec trop de précipitation 1 sort
emporté. bien plus affreux, sans doute, que celui di-s
Dans même ville, il y eut un bailli qui
la misérables livrés aux derniers supplices. Il
fut aussi enlevé par le diable à l'heure de y a des exemples de personnes qui ont donné
son diner, et porté trois fois autour de Md- des marques certaines de vie, à l'instant où
con, à la vue de tous les habitants, qui assu- l'anatomiste imprudent, portant sur elles un
rent ne l'avoir pas vu revenir (2). Voy. fer meurtrier, se couvrait de honte, et exci-
Agrippa, Simon, Gabrielle d'Estrèes, Lu- tait l'indignaiion de toute une famille (3).
ther. DÉVOUEMENT, clc. Direz - vous que tout cela est fabuleux?
ENOi:H. Voy. HÉNOCii. Croyez-vous qu'il soit faux que Scot se soit
ENSORCELLEMENT. Bien des gens se rongé les bras dans son tombeau, et que
sont crus ensorcelés, qui n'étaient que le l'empereur Zenon en ait fait autant, après
jouet de quelque hallucination. On lisait ce plusieurs gémissements que ses gardes ont
fait dans le Journal des Débats du 5 mars entendus. Je le veux bien; mais rejetterez
1841. —
« 11 y a trois jours, M. Jacques Co- vous le témoignage irréprochable de gens,
quelin, demeurant rue du Marché Saint-Jean, dont la probité reconnue égale les lumières et le
n- 21, à Paris, logé au troisième étage, ren- discernemenl?Ecoutez l'illustre Lancisi, pre-
trait chez lui vers onze heures du soir, la mier médecin du pape Clément XI. « Ce n'est
lôte échauffée par le vin. Arrivé sur le palier pas, dit-il, pardesimplesoui-dire, que j'ai su
du deuxième étage, il se croit dans son do- que plusieurs personnes que l'on allait enter-
micile; il se déshabille tranquillement, jette rer, ont donné des signes qu'elles étaient vi-
une à une ses bardes par une large fenêtre vantes; vu, il y a environ vingt ans, un
j'ai
donnant sur la cour et que dans son ivresse gentilhomme qui vit encore, à qui le senti-
il prend pour son alcôve ; puis il se fait un ment et le mouvement sont revenus dans
bonnet de nuitavecsa cravate, et n'ayant plus l'église, pendant le service qu'on chantait à
que sa chemise sur le corps, il se lance lui- côté de son corps; ce qui fut moins un su-
même par la fenêtre, croyant sejeter sur son jet d'admiration que de frayeur pour les as-
lit.. Ce ne futquelelendemain.verssixhcures sistants. »
du matin, que les autres habitants de la Le P.Zacchias, très-habile médecin deRome,
maison s'aperçurent de ce malheureux évé- rapporte qu'un jeune homme pestiféré tomba
nement. Le corps de l'infortuné Coquelin en syncope, et fut porté dans cet étal parmi
était étendu sans mouvement sur les dnlles les morts; ceux qui se disposaient à l'enter-
de la cour. Pourtant cet homme, âgé seule- rer, ayant découvert en lui quelques signes
ment de vingt-sept ans, et doué d'une grande de vie, le reportèrent à l'hôpital. Deux jours
force physique, n'était pas mort, quoique après, étant de nouveau tombé en syncope,
son corps fût horriblement mutilé. Trans- on le crut bien morl cette seconda fois. On le
(1) Wierus do Prxsl. disiii., lib. II; liodin, Dé;noiio- tables jugements de Dieu advenus an monde, p. 116.
maiiie, liv. Itl, cil. 1. (3) L'abbé Prévost , que l'on croyait mort, liil tué ainsi
(2} Jcaa (Je Ùiassanion, Ijuguenol, Des grands cl redou- par celui qui voulait l'ouvrir.
K13 DICTIONNAIRE DliS SCIENCES OCCULTKS. r**

mit avec pour dire enlerré. 11


les c.iilavros Réol, en présence de son père et de [ilusicurs
donna encore des marques de vie. Les se- personnes, tirer du tombeau un religieux de
cours qu'on lui ailminislra curent tout le l'ordre de Saint-François, qui était enterré
succès imagin.iblo. Ce jeune hoinmc est en- defiuis trois ou quatre jours. Il était encore
core vivant. Il y en a bien d"autres qui, vivant; mais il mourut un instant après son
pend.'int cette malaiiie contagieuse, ont é'.é exhum ilion, faite sur l'avis d'un de ses amis,
mis dans le tombeau sous de fausses appa- qui manda qu'il était sujet à des attaques do
rences nous en sommes certains. »
: catalepsie. La justice dressa un procès-verbal
Philippe Peu, (rès-liabile accoucheur, fait de ce fait.
avec une franchise qu'on ne peut assez Madame Landry, veuve du graveur de ce
louer, l'aveu d'une faute quil a commise. nom, rapporte que son père a été tenu pour
Appelé pour faire roi)ération césarienne à mort pendant plusieurs heures sur une
une femme que l'on croyait morte dans l'in- paillasse, et qu'il est revenu par le moyen
stant, il tâta la région du cœur et n'y aper- de l'eau salée qu'on lui fit coukr dans la
çut aucun mouvement; le miroir approché bouche, par le conseil d'une de ses amies,
de la bouche ne fut point terni. Sur ces in- qui soutint avec obstination qu'il n'était pas
dices, lui-même la crut morte. A peine eut- mort.
il commencé l'opération, qu'il s'aperçut d'un Tous ces faits suffisent pour convaincre de
tremblement dans tout le corps di; ce!te ce que dit Lancisi. « Qui ne sait qu'en temps
femme. Elle grinça des dénis et remua les de peste tout se fait en désordre, et que l'on
lèvres. Cet accident causa une telle frayeur ne donne pas l'attention nécessaire pour dis-
à ce chirurgien, qu'il se promit bien de ne tinguer ceux qui sont réellement niorls, de
plus entreprendre une telle opéralion dans la ceux qui ne le sont qu'en apparence ? jt
suile, sans avoir des preuves bien cerlaines N'est-il pas permis de penser que cela se
de mort.
la passe de même parmi nous, dans les temps
On
assure que pareil malheur est arrivé, il où règne quelque maladie épidémiquo ? Pou-
n'y a pas longtemps, à un homme de la pre- vons-nous en douter lorsque nous voyons
mière distinction, que l'on voulait ouvrir dans les hôpitaux, dans les faubourgs et ail-
avant l'expiration des vingt-quatre heures, leurs, les enterrements si fréquents, et qui
depuis qu'il était réputé mort. On sait qu'un semblent dcmaiider vengeance de la mort
événement aussi funeste réduisit aux der- violente qu'ils causent? Combien de gens à
nières extrémités le fameux Vesale, le plus moitié morts, et même vivants, sont, surtout
grand anatomisic de son siècle. après les batailles, les victimes de l'usage
Ces exemples ne sufQscnt-ils pas? Faut-il terrible où l'on est de précipiter les enterre-
des témoins connus, et à qui l'on puisse ments !

s'informer de la vérité des faits? Le révérend Celse nouâ apprend que Démocrite, qui
père Lccler, ci -devant procureur de la mai- était, titre, un homme de grande ré-
à juste
son des pensionnaires au collège de Louis- putation, avait penié que les signes de la
le-Grand, dont la probité est notoire, vous mort n'étaient pas suffisamment certains.
dira que la sœur de la première femme de L'apoplexie, la syncope, la vraie suffoca-
son père, ayant été enterrée dans le cime- tion, telle que celle des gens (lu'on a étran-
tière public d'Orléans, avec une bague au glés ou étouffés, des noyés, de ceux qui ont
doigt, un domestique, attiré par l'appât du été enfermés dans des lieux trop étroits, ou
gain, décou\ rit le cercueil la nuit suivante, exposés à des vapeurs nuisibles ; la fausse
et que ne pouvant parvenir à ôter la bague, suffocation des femmes hystériques, des hy-
il se disposait à couper le doigt. La douleur pocondriaques, de ceux qui sont saisis de
fit jeter un grand cri à celle femme; ce qui violentes passions de l'âme ; tous ces cas,
effraya et mit en fuite le voleur. Elle se dé- et plusieurs autres de la même nature, peu-
barrassa des linges qui l'enveloppaient, et vent induire en erreur sur les signes de la
revint à sa maison. Elle n'est morte (|uc dix mort; et ce n'est pas tant par l'imperfcctijun
ans après, ayant survécu à son mari, dont de la médecine, que par l'ignorance ou la
elle eut un enfant depuis cet accident. négligence de ceux (|ui l'exercent, ou par le
M. Mareschal, prêtre très-digne de foi, peu d'allentio!), quehiuefuis même par la
chapelain de Notre-Dame à Paris, et prieur méchanceté de ceux (jui ont soin des malades.
de Saint-Jean de la Motte, au Mans, dit que, La couleur vermeille du visage, la chaleur du
vers l'année 1714, passant dans la rue Jean- corps, la llexibiliié des mecnbres, ne sout
Robert, il vit sur le pas d'une porte une que des marques incertaines (|ue l'on soit en
femme enveloppée d'une grosse :ouverture vie. De même la pâleur du visage, 1(> froid
de laine, assise dans un fauteuil, à côté d'un du corps, la raideurdes extrémités, l'aboli-
cercueil, dans lequel elle avait élé apportée tion des mouveuienis et des sens externes,
jusque-là, et d'où l'on venait de la tirer à sont des signes qui ne prouvent pas certai-
l'instant. II cerlifie aussi avoir vu, en 1722 nement que l'on soit mort. Le pouls et la
ou 1723, des gens qui criaient aux porteurs respiration sont des signes indubitables de
de morts, qui s'avançaient vers la rue de la vie, car elle ne peut subsister sans ces
Champ -Fleury, que celui qu'ils venaient fonctions; mais ne croyez pas qu'elle soiti
chercher, était sorti do la bière, et qu'il n'é- entièrement éteinte ,lorsque vous ne les
tait pas mort. apercevrez point. Examinez les choses avec
M. Bernard, chirurgien de Paris, assure soin; en faisant fléchir le poignet, on Irouve
qu'étant Jeune, il a vu dans la paroisse de souvent le pouls, que l'on n'avait point senti
•HS E.NT INT .St'i

quand poignol ctail droit ou renversé. Par


le tion ,
présentent dune main sûre la llainmo
ce mouvement on relâche l'artère, cl le d'une bougie à la bouche et aux narines. Si
sang qui n'est poussé que faiblement peut y la flamme vacille sans qu'on puisse attri-
,

parvenir. Quelquefois aussi on sent l'arlère, buer ce tremblement à quelque autre cause,
entre le pouls cl le premier os du métacarpe, ils jugent que la vie n'est point entièrement
idrsqu'on ne la trouve point au poignet. Il éteinte. Us pensent le contraire, si la flamme
f.iut la tâter légèrement; par une compres- n'est agitée en aucun sens. D'autres font la
sion trop forte, vous en empêcheriez la même expérience avec un fil très-délié de
pulsation. Le battement des petites artères laine cardée, ou de colon. Il n'y a personne
de rexlréinilé de vos doigts, peut aussi vous qui ne puisse se convaincre de l'insuffisance
faire croire que le pouls bat, quoique la de cette épreuve, en modérant sa respiration.
personne soit réellement morte soyez éga-
: Ces signes ne sont donc rien moins que cer-
lement en garde contre ces illusions. tains. Nous en disons autant de l'épreuve
Tout n'est pas désespéré, lorsiju'on ne avec le miroir ; puisqu'il s'exhale de la bou-
sent point le pouls où on le trouve ordinai- che eldcs narines d'un cadavre encore chaud,
cmcnt. On peut tâter l'artère temporale et des vapeurs capables de ternir la glace.
les carotides. Celles-ci sont considérables et Selon quelques-uns, on peut juger qu'une
reçoivent le sang du cœur en ligne droite. personne n'est pas morte j si l'on aperçoit
Leur situation profonde exige que pour les
,
du mouvement dans l'eau dont on aura ,

découvrir, on appuie les doigts avec assez de rempli un verre posé Sur l'avance xiphoïde,
force, à côlé du bord postérieur du muscle le sujet étant couché sur le dos. Il serait je ,

sternomastoïdien. On peut encore tâter le pense, plus convenable qu'on fît celte expé-
pouls avec succès aus artères crurales, vers rience en niellant le sujet sur le côlé, de
,

la région des aines. 11 faut aussi faire des façon que lexlrémité du cartilage de l'avant
reclierches à la région du cœur; mais pour dernière côte fut la partie la plus élevée et ,

les faire utilement, il faut que le corps soit sur laquelle on placerait le verre plein d'eau:
sur le côlé. Quand le corps est sur le dos, le il y serait mieux que sur le cartilage xi-
cœur s'approche de l'épine, et s'éloigne des phoïde pour apercevoir le plus léger mouve-
rôles au point qu'il ne frappe que très-fai- ment qui se ferait dans la poitrine. Mais de
blement, ou même point du tout, contre plus, ne sait-on pas que, pour entretenir la
elles c'est ce que chacun peut éprouver sur
; respiration dans le cas dont il s'agit, il suffit
Ini-uiême. Le cœur bat ordinairement du que le diaphragme ait du mouvement et ,

côlé gauche; mais ses battements sont à que ce mouvement peut être assez doux pour
droite, dans ceux dont les viscères sont n'en causer aucun aux côtes ainsi le repos ;

transposés, singularité qui a peut-être été de la liqueur n'est pas une preuve que les
plus d'une fois une source d'erreur dans le fonctions vitales soient abolies et mérne l'a- ;

traitement des maladies du foie, de la rate, gitation de celte liqueur ne prouve pas
de l'intestin colon et du cœcum. Il faut donc qu'elles subsistent , car la fermentation des
avoir égard à la possibilité de celte transpo- humeurs pourrait exciter ce mouvement
sition dans l'examen que nous indiquons. dans un mort.
Cependant le mouvement du cœur et des Quels reproches n'aurait-on pas à se faire,
arièrcs peut échapper à toutes ces recher- si l'on abandonnait un sujet sur lequel ces
ches si Ion n'avait recours à d'autres si-
;
moyens auraient été éprouvés sans succès I

gnes, on jugerait mort( s des personnes qui On doit en tenter d'autres, qui sont efficaces
sont vivantes. L'examen de la resjjiralion ne pour rappclerd'nne mort apparente à la vie.
fournit pas, dans ci'S circonstances des
, Il faut irriter l'intérieur du nez avec des

preuves plus certaines d'une mort douteuse. sternutatoires, des sels et des liqueurs péné-
Ses mouvements peuvent être absolument trantes de la moutarde, du jus d'oignon,
,

imperceptibles. Lorsque les vibrations du d'ail ,de raifort sauvage avec les barbes ,

cœur et de l'aorte sont languissantes, la d'une plume ou le bout d'un pinceau. Il faut
vertu élastique des bronches et des vésicules frotter fréquemment et assez fortenienl les
du poumon, aidée par de légers fiémisse- gencives avec les mômes drogues; piquer les
nients du cœur et de l'artère pulmonaire, organes du tact avec des orties ; irriter les
surfit alors [lour la respiration, (|ui continue intestins avec des lavements de la fumée ,

de se faire, (luoique insensiblement. Les re- qu'on y introduira agiter les membres par
;

cherches qu'on a faites inutilement sur les de fortes extensions et flexions faire beau- ,

organes de la circulation du sang, ne dis- coup de bruit et crier aux oreilles. Il ne


,

pensent pas de celles (ju'on doit faire sur les faut pas s'imaginer que la pirsonne n'entend
organes de la respiration, du sentiment et point , parce qu'elle aura paru ne pas en-
(lu mouvement. En les négligeant, on se tendre car de môme que le cœur est appelé
:

rendrait coupable de la mort de ctmx que le premier vivant , on peut dire que des or-
l'on aurait privés de secours, d'après un ju- ganes sensitifs, celui de l'ouïe, est le dernier
gement porté sur des apparences trompeu- qui perde son action. On a là-dessus le té-
ses. moignage de ceux qui, privés de l'usage de
DiTércnts auteurs ont proposé différentes tous les autres sens ont entendu très-di-,

épreuves , pour distinguer ceux qui sont vé- stinctement et rapporté ensuite tout ce qui
,

rilableuienl morts de ceux dont la mort


, avait été dit pendant leur léthargie. Un théo-
est douteuse. Les uns pour découvrir s'il y
,
logienavaittoujours enseignéqu'on ne devait
a encore (luelques mouvements de respira- point donner l'absolution à un agonisant qui

I
-
,

Bt7 PlCTIONNAmE DES SCIENCES OCCULTES. 618

ne témoignait, p.T aucun signe extérieur, à l'Académie royale dos sciences. Un soldat
qu'il eût la faculié d'onleudre ; il changea de ne sentait point la chaleur d'un fer rouge ,
sentiment , p.irce que, privé lui-même de quoi(|u'il eût conservé la puissance motrice
tout inouvcmenl dans une faiblesse consi- des parties , qui étaient d'evenurs insensi-
dérable il avait entendu tout ce qui avait
, bles.
été dit à côté do lui. Que résultcra-l-il , me direz vous, de tout
De toutes les parties de la médecine, la ce que vous proposez? à quoi bon pi(|uer.
chirurgie, comme Celse l'a remarqué il y a inciser et brûler ainsi les corps? A quoi bon?
longtemps les cfTets sont les
, est cille dont le voici l'exemple des autres m'épouvante,
:

plus certains c'est donc à elle qu'il faudra


; moi surtout qui, au jugement même de mé-
enQn avoir recours pour tâcher de trouver decins , ai été réiiulé mort et enseveli deux
des signes de la vie ou de la mort. Les épreu- fois l'une dans n)on enfance , et l'autre
,

ves chirurgicales les plus convenables dans étant adolescent. « Au surplus le comtnun
ce cas. sont des piqûres, des incisions, ou des hommes, comme l'a remarqué Zarchias,
des brûlures. Par ces moyens on a quilque- ne doit pas se moquer do î'habileté des méde-
fois réussi à rappeler à la vie des personnes cins qui feraient des expériences sur ceux qu(;
sur lesquelles les autres épreuves avaient été l'on croirait morts, ou qui le seraient véri-
entièrement inutiles. Lirritation cl la divul- tablement, pour tâcher de découvrir si la
sion que les épreuves chirurgicales causent vie subsiste encore, ou si elle est entière-
aux haupes nerveuses, dont l'organe du tact ment éteinte.» Nous pouvons citer ici ce que
est formé, produisent une sensation doulou- Lancisi rapporte d'après Quinlilien. « D'où
reuse des plus vives ; la communication au croyez-vous que soit venue la coutume de
siège de l'âme s'en fait avec une vitesse éton- différer les enterrements? Pourquoi trou-
nante d'une manière qu'on n'a pu ex-
, et blons-nous les pompes funèbres, par nos
pli(|uer jusqu'ici. C'estpar celle raison que pleurs, nos gémissements et nos cris, si ce
les piqûres dans les mains ou à la plante des n'est parce qu'on a vu souvent des gens
pieds, les scarifications sur les épaules et qu'on croyait morts revenir à la vie contre
les bras , etc. ont servi quelquefois à dé-
, toute espérance?»C'est pourquoi, continue;
couvrir que les apparences delà mortétaient ce savant homme , on ne peut trop louer la
trompeuses. C'est aussi par cette raison , ,
sagesse de la loi, qui défend d'ensevelir pré-
qu'une femme a été tirée d'une attaque d'a- cipitamment les inorîs, et surtout ceux dont
poplexie en lui faisant entrer profondé-
, la mort a été subite. Il prie ensuite les mé-
ment une longue aiguille sous l'ongle d'un decins, de même que les personnes pieuses,
des doigts du pied ; moyen dont le siiccèi , dont l'état est d'exhorter les mourants, de
ne justifie pas la témérité. Les incisions faire usage des moyens proposés. Il exhorte
peuvent produire le même effet enfin la : , surtout les méilecins à chercher de nouveaux
cautérisation est regardée comme un moyen moyens, par lesquels on puisse soustraire
Irès-i'ffîeace. des victimes à la mort, ou du moins gagner
Lancisi dont le témoignage est si respec-
, asnez de temps pour que ceux que l'on
table, rapporte que des gens du peuple, que pourra réchapper puissent au moins se re-
les remèdes les plus violents n'avaient pu connaître et faire les actes de religion né-
réveiller d'un assoupissement apoplectique, cessairi'S. Kiol.m, un des flambeaux de l'E-
ont été sur le champ rappelés à la vie par cole de Médecine de Paris, a donné des mar-
des fers rouges qu'on appiocha de la plante ques à peu près pareilles de sa charité, en
de leurs pieds. Quelques autres conseillent parlant des corps des jiisliciés, qu'on des-
de mettre des fers rouges sur le sommet de tine aux dissections analoiiiiques: «Il ne faut
la tète. On peut exciter avec succès , sur les y procéder, dit-il, tant ijue le corps est chau'l,
mains les bras ou autres parties du corps
, , et n'y a pas longtemps qui> l'exécution
s'il

une sensation douloureuse avec l'eau bouil- soit faite; la religion et Ihumanilé exigent
lante ,la cire ordinaire ou la cire d'Espa- que l'on donne à ces malheureux tons les
gne brûlante ou avec une mèche allumée.
, secours convenabU's pour les rappeler à la
Les frictions violentes opèrent à peu près de vie , afin qu'ils puissent faire pénitence de
la même manière. On lit dans les ouvrages , leurs crimes. » Mais comme il n'y a (surtout
de l'Académie des Curieux de la Nature: dans les cas dont nous parlons), aucun signe
« Qu'un médecin s'étanl aperçu qu'un hotn- certain de la mort, que les taches livides du
« me ,
qu'on croyait mort , avait encore les sujet, et l'odeur cadavéreuse qui s'en exhale,
« membres flexibles quoiqu'on ne sentît , odeur bien différente de toutes celles qui
« point de pouls , que l'immobilité du coton émanent des excréments ou de certains ul
« déposât contre l'existence de la respira- cères, etc., le plus sûr sera de garder dans
« tion , et que les lavements les plus acres le lit, pendant deux ou trois jours, celui que
fussent sans effet, il fit frotter fortement la l'on croira mort, avec ses draps, ses cou-
plante des pieds de cet homme avec une vertures , et ses oreillers , romine s'il était
étoffe de crin, pénétrée d'une saumure vivant. On le laissera ainsi jusqu'à ce qu'il
très-forte, et par ce moyen, il Iq rappela
,
soit froid et devenu raidc. Le sentiment du
à la vie. » célèbre Terilli, mélicin de Venise, mérite-
Quelque que ces épreuves parais-
utiles rait d'êtregravé en lettres d'or : a (iomme il
sent, elles peuvent néanmoins être fautives. est très-certain , par tout ce qui a été dit
Entre plusieurs exemp'es qui le prouvent, il que les fonctions vitales peuvent être dimi--
suffit de citer une observation cotnmuniquéo uuées au point que le corps paraisse tout à
S19 ENT ENT 5à0
fait scmbl;ib!o à celui d'un mort , il est à morceaux quand on y louche, et que l'on
propos de dilTérer les enterrements assez de emporte facilement en essuyant la cornée ;
temps, pour que la vie puisse se manifester; ce qui donne lieu do dire en différents pays
la charité et la religion ne perniellcnt pas que les yeux sont crevés, ou que le larmier
qu'on s'expose, faute de celte précaution , à est rompu.
enterrer des personnes qui ne sont point VII. Un seul cadavre mort d'une maladie
réelleiiienl mortes. Selon tous les auteurs ,
maligne, peut causer dans les églises une
il faut attendre trois jours naturels, ou soi- infection très-dangereuse à plusieurs, à qui
xante et douze heures (i). Si pendant ce la mén<! maladie se peut communiquer fa-
temps on n'aperçoit aucun signe de vie, et cilement, si l'on n'a soin de bien sceller
qu'au contraire les corps exhalent une odeur la tombe , sous laquelle on les aura in-
fétide, c'est une preuve infaillible de la mort, humés.
et l'on peut les enterrer sans scrupule. » Nous compléterons ce qu'on vient de lire
Zacchias est aussi de cet avis « Un com- : par un Mémoire présenté, en 1839, au Con-
mencement de putréfaction est le seul signe seil central de Salubrité publique, à Bru-
certain de la mort. » Il ne faut donc pas être xelles par MM. de Losen, Bigol et Vander-
,

surpris si quelques personnes, dans la crainte slraelen ?


d'être enterrées vivantes, ont ordonné par S'il est une question qui
se rattache inti-
leur testament qu'on ne les enterrât qu'au mement à l'hygiène publique , et qui inté-
bout de quarante-huit heures, et après qu'on resse la société tout entière, c'est sans con-
aurait fait sur elles les épreuves chirurgi- tredit celle des dangers des inhumations pré-
cales qui peuvent servir à constater leur cipitées, lîn effet,arracher un grand nombre
mort, 'iout le monde sait que madame de de victimes à la mort, n'est-ce point, d'une
Gorbeville a prescrit ces précautions dans part ,contribuer à la conservation de l'es-
son testament ; ce qui fut exécuté ; et je dé- pèce humaine, en la préservant du plus ter-
sire bien fort qu'on ail les mêmes atten- rible des malbt-urs, celui d'être enterré vi-
tions pour moi lorsque je serai dans le même vant, et de l'autre, rassurer l'humanilé contre
cas. les erreurs déplorables que peut entraîner une
Donc les épreuves chirurgicales ne don- mort apparente, garantir l'honneur et le re-
nent pas des signes plus certains d'une mort pos des familles, et fournir à la justice les
douteuse que les autres épreuves. moyens de connaîîre des crimes qui reste-
raient impunis ou ignorés.
Epreuves contre unemorl apparente ,
pour
Les apparences de la mort ont été quel-
prévenir les enterrements précipités.
quefois si grandes , que la vérité n'a pu
I. Ne point retirer de son lit le malade que éclairer les yeux de médecins instruits ;
l'on présume être mort , et l'y laisser avec tnais plus souvent l'ignorance, la précipi-
les mêmes draps , couvertures et oreillers tation et la cupidité placèrent dans le tom-
qu'il avait dans le cours de sa maladie. beau des malades qui n'avaient point perdu
II. un tujau ou chalumeau
Souffler avec tous leurs droits à la vie. Winslow , Bru-
de dans les poumons ; pincer le nez et
l'air hier, Louis, etc., ont démontré l'incerliiude
les lèvres contre le tuyau, afin que cet air des sign(S de la mort , et on ne saurait trop
ne revienne point par les lèvres et par les accorder d'éloges au zèle qui inspira leurs
narines. éloquentes réclamations. Aujourd'hui il n'est
III. L'application d'un vésicaloire ou plus de médecin qui ne soil convaincu que
d'une pierre à cautère : si ce remède ex- les signes qui semblent être le cachet de la
cite des vessies, c'est un signe certainde vie; mort, n'en sont point une preuve évidente ,

car il n'agit point sur des parties mortes. et que leur ensemble même no peutijue la
IV. La flexibilité des membres est un des faire présumer sans l'établir d'une manière
principaux signes qu'une personne n'est pas absolue ; enfin que la putréfaction en est la
morte, quoiqu'elle ne donne aucun signe de seule preuve indubitable , parce que les nou-
vie, à moins que la raideur des membres ne velles réactions chimiques qui s'opèrent
soit causée par une affection convulsive ; ce alors dans le corps, démontrent qu'il a cessé
([(l'on connaîtra facilement , parce que le d'être sous l'influence du principe de la vie.
membre convulsif retourne avec violence Rien n'est donc plus difficile que de s'assu-
vers le lieu où il était; on observe tout le rer de la mort réelle. Et puisque des exem-
contraire dans les cadavres ; dès qu'on a ples ont prouvé et prouvent encore tous les
forcé l'articulation, le membre est indifférent jours que la précipitation des inhumations
à telle ou telle situation, et il suit les règles a causé de grandes catastrophes, l'humanité
des corps inanimés. n'ordonne-l-elle pas de prendre, pour l'évi-
V. Tant que le globe do l'œil conserve sa ter, toutes les précautions suggérées par la
fermeté naturelle, on ne peut pas prononcer prudence humaine ?
que la personne est morte, quelles «jue soient La plupart des peuples ont tellement senti
les autres marques qui déterminent à le l'importance de s'assurer de la niorl réelle
penser. d'un individu, qu'ils ont pris des mesures
VI. La cornée transparente des morls est pour éviter les inhumations précipitées. Le
ordinairemenl couverte d'une toile glai- législateur des Hébreux , Moïse, à qui Ion
reuse très-fine, qui se fend en plusieurs doit plusieurs admirables préceptes d'hy-
(t) C'est ce qui se fait on Allemagne, cm Uullanilc A giène , prescrivait de garder les morts pen-
Paris, on alleiid a j'ciuc viiiijl-quaire licures.... dant trois jours. Hérodote affirme qu'il était
%n\ DICTIONNAlUE bES SCIENCES OCCULTES 552

défendu aux Egjplicns d'enlerrer leurs morls En France, l'article 77 du code civil exige
avaut le quatrième jour du décès. Les an- qu'aucune inhumation ne soit faite sans une
ciens Perses n'inhumaient aucun cadavre autorisation de l'officier de l'état civil , qui
sans que son odeur putride n'eût attiré les ne pourra la délivrer qu'après s'être trans-
oiseaux de proie. Lycurgue avait fixé à onze porté auprès de la personne décédée , pour
jours la durée des lamentations funéraires ,
s'assurer du décès, et que vingt-quaCre heures
et le corps du décédé ne pouvait élre inhumé après le décès.
avant celte cpocjue. A Athènes les corps , Les mesures administratives concernant
après avoir été lavés et parfumés, étaient ex- les inhumations sont les mêmes pour la Bel-
posés, la tète découverte, dans le vesti- gique. 11 est aisé de démontrer leur insuffi-
bule des maisons , et ne recevaient les sance. Nous avons vu que les peuples anciens
honneurs funèbres qu'après le troisième conservaient les cadavres pendant plusieurs
jour. Dans plusieurs autres villes de la Grèce, jours, et cependant, malgré tous les soins
on attendait le sixième et même le septième. qu'ils prenaient pour s'assurer que la perte
Les llomuins conservaient leurs morts pen- de la vie était réelle, Pline parle de plusieurs
dant sept Jours, confiés à la garde de per- morts en apparence ressuscites sur le bû-
sonnes chargées de les ap|ieler plusieurs fois cher. A plus forte raison le terme de
et à grands cris par leurs noms cet usage
: vingt-quatre, ou même do quarante-huit
se nommait la conclamtUion. Avant de dépo- heures, est-il insuftisant, surtout dans les
ser le corps sur h' bûcher, on l'appelait une morts subites. H est encore souvent abrégé
dernière fois, on lui coupait un doigt, et s'il par la précipitation des ensevclisseuients el
ne donnait aucun signe d'existence, il était de la mise dans la bière (à couvercle cloué),
jugé privé de la vie pour jiimais. par les auîopsies cl les embaumements éga-
Avant Léopold 1", on avait l'habitude, en lement précipités, enfin par les fausses dé-
Toscane, d'inhumer 1rs morts dans les vingt- clarations de décès.
quatre heures. Ce sage souverain prorogea En effet, à peine quelqu'un ost-il en élat
le délai à quaranlc-huit, et il prescrivit que, de mort, que parents, amis , tout le monde,
dans le cas où des circonstances particuliè- l'abandonne; une main mercenaire s'em-
res se présenleraieiil, on ne pourrait enter- presse de l'ensevelir; il devient pour tout ce
rer les corps avant qu'ils ne manifestassent qui l'entoure un objet d'horreur dont on a
des signes indubitables de mort réelle. 11 fit hâte de se débarrasser; aussi, ne manquc-
à cet effet établir des gardiens pour veiller t-on presque jamais , dans les déclarations
les décédés cl pour faire appeler au besoin de décès, d'anticiper de cinq, six, et iiiémc de
les hommes de l'art charges de donner les dix heures, l'heure de la mort, afin de pou-
secours nécessaires. Afin que toutes ces voir inhumer plus vite, sans s'inquiéter si
mesures fussent religieusement observées, l'on va confier à la terre un corps en état
ce prince préposa à Florence et dans toutes de morl apparente, ou un cadavre ; de telles
les communes du grand duché un magistral déclarations sont réprcliciisibles , souvent
à la surveillance exclusive des sépultures. même elles sont criminelles.
Il ordonna en outre que, sans une permission Encore si le médecin voyait son malade
écrite de ce magistrat, on ne pourrait pro- lorsqu'il a cessé d'exister Mais non ; l'hoin-
1

céder à aucune inhumation, et il commina me de l'art qui craint pour la vie de son
des peines très-sévères pour les cas de con- client , a soin de prendre des informations
travention. chez les voisins, el, selon leur réponse, il
Les Anglais n'enterrent les personnes qua- entre ou s'éloigne. S'il n'a pas prévu l'événe-
lifiées qu'au bout de trois jours, et les autres ment, pour l'ordinaire on le fait avertir que
dans le délai de vingt-quatre à trente-six ses visites ne sont plus nécessaires, que le
heures mais dans l'un et l'autre cas ce
: , malade a succonibé. Eh qui a prononcé
1

n'est qu'après que les experts ont certifié qu'il est morl? Des parents désespérés par
que la mort n'a été produite ni par le fer ni une fausse apparence, ou des héritiers qui
par le poison. cachent leur satisfaction sous les dehors
En Portugal , la loi exige vingt-quatre d'une feinte douleur , ou enfin dos gardes-
heures entre le décès et la sépulture, qui malades, souvent fort ignorantes.
néanmoins a lieu par fois cinq ou sis. heures En Belgique, M. le ministre de l'intérieur,
après la mort. frappé delà gravité des inhninations préci-
L'Espagne est le pays où l'on garde le pitées, a adressé, en juillet 1838, à tous les
moins les morls pour peu que vous dormiez
: gouverneurs du pays , une circulaire pour
trop longtemps, dit M. Langle, on vous uiet s'assurer si dans les différenles provincs,
,

en terre. l'officier de l'état civil se transportait auprès


En Allemagne, avanl l'impératrice Maric- de la personne déeédée; cette circulaire por-
ThérCse, le temps entre la mort et l'inhuma- tait aussi que diins le cas où l'article 77 ne
.

tion était arbitraire elle remédia à cet état


; serait pas exécuté, MM. les gouverneurs
de choses en ordonnant que dans ses états étaient priés de rechercher quelles seraient
on n'cnierrerait désormais que quaranle- les mesures qu'il serait préférable d'adopter
liuil heures après le décès. Aujourd hui les pour remédiera cet abus, et de les lui signa-
Allemands soumettent leurs morls à une ler. Or voici ( si nos renseignements sont
mile d'épreuves qui rendent toute surprise exacts, et nous avons tout lieu de le croire),
impossible, et ne les ensevelissent qu'après Ips résultats qu'a obtenus M. le ministre :

plusieurs jours. A Anvers l'olficierdo l'étal civil n'exécute


f5S ENT ENT Ki
pas l'article 77 ; le collège communal oonsi- morceau de camphre, entre avec les plus
il

ilère celte disposition comme insuffisante; il grandes précautions dans la chambre du dé-
exige que la mort soit attestée par un mé- funt, et à peine l'a-t-il entrevu, qu'il le dé-
decin. clare bien et dûment mort. Supposons main-
A Malines, un agent de police se trans- tenant qu'il parvienne à vaincre cette répu-
porte auprès du décédé, pour vérifler la gnance ordinaire qu'a l'homme pour ud
mort cadavre , pense-t-on qu'il aille examiner
A Turnhout, la loi ne s'exécute pas, ainsi scrupuleusement toutes les parties? et quand
que dans toutes les autres communes de la bien même il se dévouerait a ce point, croit-
province. on que son regard scrutateur puisse saisir
A Bruielles, à Louvain , à Nivelles , un les causes d'une mort violente, ouïes signes
commissaire de délégué pour
l'état civil est caractéristiques de la mort réelle, signes
constater les décès. Dans quelques communes qui échappent quelquefois à l'investigation
le secrétaire de la régence, ou le garde-cham- des médecins? 'fout homme de bonne foi ré-
pêlre est chargé de la même fonction dans ; pondra sans hésiter non. Nous ne crai- :

tout le reste de la province la loi n'est pas gnons donc pas de dire que ces visites uni-
exéculée. quement faites par des honmies étrangers à
l'ourla Flandre Orientale, M. le gouver- l'art médical , sont illusoires. Nous irons
neur a fait une singulière réponse. Depuis plus loin, nous dirons même que cette dis-
l'existence des dispositions de l'article 77, position est funeste à la société, carelle con-
dit-il aucune réclamation , aucune plainte
, sacre en principe que toute mort apparente
lie s'est élevée dans celte province, signalant est une mort réelle. De là aucune tentative,
quelque abus ou quelque infraction à leur aucune expérience pour rappeler à la vie
jioiicluelle exécution. Est-ce parce que les tant de malheureux qui ne sont réellement
morts ne réclament ni ne se plaignent? Nous pas morts. En effet, l'expérience ne démon-
serions tentés de le croire. tre-t-elle pas que beaucoup d'élats nerveux
M. le gouverneur du Hainaut y met beau- ou apoplectiques se trouvent dissipés par
coup plus de franchise ; il avoue que dans des secours convenablement administrés, et
aucune ville ni commune de sa province la qui, abandonnés à eux-mêmes, auraient
loi n'est exécutée (1). amené la mort réelle ?
Depuis quelque temps, à Liège et à Vcr- Bruhier, dans son Traité sur l'incertitude
viers, des médecins vérificateurs des décès des signes de la mort, publié en 1740, a ras-
ont été institués par le conseil communal ; semblé 181 cas de méprises, parmi lesquels
dans tout le reste de la province la loi ne figurent 52 individus enterrés vivants, k ou-
reçoit aucune exécution. verts avant leur mort, 53 personnes reve-
Dans les villes de la Flandre Occidentale, nues spontanément à la vie après avoir élé
c'est un agent de police qui s'assure des dé- enfermées dans un cercueil, et 72 autres ré-
cès. M. le gouverneur garde le silence sur putées mortes sans l'être.
toutes les autres communes. Tout en admettant qu'un grand nombre de
Dans le Luxembourg, la loi n'est exécutée ces faits ne présentent pas toute la garantie
nulle part. désirable , il n'eu reste pas moins démontre
Il en est demême dans la province de Na- que des erreurs nombreuses ont élé commi-
mur. ses. D'ailleurs, Bruhier n'est pas le seul au-
Dans le Limbourg l'article 77 n'est ob-
, teur qui ail rapporté des fails de ce genre :
servé que dans très-peu de communes. Zacchias Lancisi, Philippe Peu, Guillaume
,

Ainsi donc, presque partout la loi est ou Fabri , Pechlin , Kirchmann, Kornmann ,

inexéculéc ou violée; car une délégation, Winslow,Falcouel, Rigodeaux,elc., ont cité


soit à un agent de police, soit à un garde- des exemples analogues. On sait que sous
champêtre, ou même à un médecin, est une Charles IX, François Civile gentilhomme ,

violation de l'article 77 puis<]u'il y est dit


,
normand se qualifiait dans ses actes de
,

textuellement que l'officier de l'état civil de- trois fois mort, trois fois enterré, et trois
vra s'assurer en personne des décès. Ou la lois ressuscité par la grâce de Dieu.
loi est bonne ou elle est mauvaise dans ce ; Nous pourrions uu grand nombre
citer ici
dernier cas, faut la modifier.
il decas de résurrections en quelquesorte mira-
Nous venons de voir que l'article 77 n'é- culeuses ; nous nous contenterons do rappor-
tait exécuté nulle part; mais fût-il observé ter l'un des plus récents etdes plus digutis do
partout, il serait encore illusoire. Voyons remarque, que nous empruntons au Journal
en effet de quelle utililc peut être l'officier (les sciences physiques, chimiques, aria
de ou son délégué, pour consta-
l'état civil, agricoles et industriels de France (cahier de
ter les décès. D'abord le plus souvent il se mai 1838).
dispense de celle pénible corvée ; en second Philippe Marbois cultivateur à Cvsoin,
,

lieu, si quelquefois il prend cette peine, ce village à quel(|ues lieues de Lille âgé de ,

n'est qu'avec un sentiment de dégoût ou 58 ans, d'un caradère bon, d'une patience
même d'horreur pour un cadavre. Aussi que rare, à la suite d'une vive altercation avec
fail-il? Muni d'un flacon de vinaigre ou d'un sa femme et ses enfants, fut atteint tout à

(l| Dffpuis deux mois seulenipnl la ville de Tournay, k iitédecins inspecteurs pour s'assurer de la mort réelle.
l'instar de Paria et de la plupart des grandes villes de Mais outre !a visite de ces médecins , il faudrait I'atte:>l3-
Fr^ince oji l'irisiiOis^iiee de la constalatiuu des décès par tioii signée du méduciii qui a soigné le malade.
rollicicr de l'étal civil a élé bien sentie, a institué des

DlCTIONlf. DES SCIENCBS OCCULTES. 1. 18


KtA riCTION.NAinE DES SCIF.NCES OCCULTES. rss
coup (l'une attaque de catalepsie. On le mit connu assassiné. Si femme, son fils, sa fillo
mort. En conséquence trois jours après (le et un domestique ont été condamnés coitiine
16 janvier 183S), jour où le froid fut exces- les auteurs du crime.
sif, Philippe Marbois fut inhumé à Irès-neu Dans le numéro du 19 avril, Julien Rous-
de profondeur, à cause de la difficulté qu'on seau fermier dans le dép irtement de la
,

éprouvait pourcrcuser la terre. Le 2'! janvier, Loire-Inférieure, a été reconnu pour avoir
le temps étant au dégel l'exhuniatioii fut en-
, empoisonné sa (lualrième femme, et l'inslru-
treprise pour procéder à une nouvelle inhuma- clion a en partie démontré qu'il s'était dé-
lioiidu cadavre. Quel fut l'étonneinent du fos- barrassé violemment des trois autres.
soyeur d'entendre un soupir étouP^ partir du Dans le numéro du 2'i- juin, la femme He-
cercueil on ouvre la bière, on eu sort Mar-
I drix,(lu départeiiicntde l'Aube, aété condam-
bois, on le transporte dans une maison voi- née pour avoir empoisonné son mari le poi- ;

sine où, à l'aide des secours qui lui sont son a r*^ signalé dans l'estomac de la vic-
prodigués par un homme de l'art, Il ne lar- time exhumée.
de pas à être rappelé à la vie. Dans le numéro du 13 septembre, Philippe
Nous lisons dans les Notices de Froriep Gros, tonnelier à Béziers, a empoisonné suc-
(année 1829, n° 522) que, d'après une nou- cessivement ses deux femmes et son enfant.
velle mesure adoptée à New-loi k, on ne Après avoir exhumé les cadavres des trois
peut procéder à aucune inhumation avant victimes, on a reconnu chez toutes de l'ar-
d'avoir exposé le cercueil pendant huit senic • le criminel s'est lue en prison.
jours, avec une ouverture pratiquée dans Dans le numéro du 19 septembre, Michel
la région de la tête, et des cordons qui des Mentes a été condamné pour avoir assassiné
pieds et des mains vont aboutir à une son- sa femme ce dont on s'est convaincu après
,

netle. Sur 1200 indiDidu.? exposés de la sorte, avoirexhumé le cadavre.


il y en eut 6 en état de mort apparente. Dans le numéro du 22 du même mois, Marie
Ainsi ce sur des millions ou des
n'est pas Lamoure, veuve Malaurent, du déparlement
milliers de morts, mais t)ien sur 2'!Q seule- de la Corrèze a éié condamnée pour avoir
,

ment quun individu aurait été enterré vi- empoisonné son enfant de k ans. De l'arsenic
vant. En vérité cette proportion d'un demi a été trouvé dans l'estomac du cadavre ex-
pour cent a de quoi effrayer, si elle est la humé.
même partout. Si nous en voulions faire par Dans le numéro du 4 octobre, madame N.,
hasard l'application à Druxclles, nous trou- de Paris, a empoisonné successivement son
verions que depuis 182i jusqu'en 1837 il est mari et deux enfants.
mort 51,^05 personnes; or.ilyenaurait donc Dans le numéro du 7 du même mois, M. Sa-
eu 259 d'enterrées vivantes, et qu.ind bien vin, médecin à Pouilly, a été arrêté comme
même nous réduirions ce nombre de moilié, ayant empoisonné sa femme avec de l'opium.
le résultat n'en serait pas moins effrayant et Depuis, Sivin s'est suicidé en prison.
digne d'appeler toute notre sollicitude. Dans le numéro du 31 du même mois. Le-
Le danger d'ensevelir un vivant n'est pas eocq du département de l'Orne, a été con-
,

la seule considération qui doit faire pro- damné pour avoir assassiné sa tante. Le
f-crire lesinhumations précipitées, et engager cadavre exhumé n'a laissé aucun doute à cet
à vérifier scrupuleusement le genre de mort. égard.
^l en est d'autres dont l'importance en ma- Dans le numéro do 7 décembre , Mariette
nière criminelle et dans l'ordre moral est fort Tollon, veuve Froquais du département dis,

grande, puisqu'elles facilitent au crime les l'Isère est accusée d'avoir empoisonné son
,

moyens de se soustraire aux regards des premier mari et la première femme de son
hommes, et de braver ainsi les lois. second. Après avoir exhumé les victimes, on
En lisant les journaux français, et surtout a trouvé de l'arsenic dans l'estomac de l'une
la Gazette des Tribunaux, on est vraiment des deux.
«iffrayé d'y rencontrer si souvent des crimes Dans le numéro du 8 du même mois , un
qui d'abord ensevelis sous terre, n'ont dû
, enfant de cinq ans de l'arrondissement de
,

leur découverte, et par suite leur punition , Fougères, a succombé sous les mauvais trai-
qu'à des soupçons qui ont forcé l'aulorilé tements de son tuteur l'exhumation du ca-
:

judiciaire à exhumer les cadavres des vic- davre en lambeaux ne laisse aucun doute à
times. Il est à regretter que l'admini'^tration cet égard.
de la justice, dans les comptes-rendus qu'elle Dans le numéro du 23 du n;ême mois,
publie, ne donne pas la statistique d(!s ex- M. Camus, riche propriétaire du département
humations judiciaires. Peut-être qu'effrayé de Loir-et-Cher, est mort à Orléans, et quel-
par cet épouvantable résultat, le gouverne- ques soupçonsonidonné lieu à l'exhumation;
ment aurait déjà depuis longtemps pris les les viscères, soigneusement recueillis ont ,

mesures les plus mmutieuses pour la coii- été envoyés à Paris pour être soumis à des
,

stalalion drs décès. Pour vous convaincre analyses chimi(iues.


de ce que nous avançons, nous avons pris au Il y a quelques jours la gazelt» contenait
,

hasard qiielquiis numéros do la Gazelle des encore le récit d'un triple empnisonnemeiit
TribnnaiiT deiS.'îS, et voici ce que nous y commis snccessiveni''iit sur ses trois femmes
avons trouvé: par un habitant de Beaupréau, département
Dans le numéro du 11 janvier, un nommé de Maine-et-Loire. Après avoir été exhumés,
Delunel, meunier dans le département de la l'examen des cadavres de deux des viclimes
.Ucurlhc, après avoir été exhumé a été re- , a prouve l'emploi manifeste de r.irsciiic
557 ENT TNT 65S
lînfln, aujoiirdMnii 19 février 1839, nous tous ces meurtres détournés que commellent
lisons djins lu g;iEclle du 17 de rc mois, qu'à des héritiers avides ou des enfants dénaturés,
Sainl-Genis, arrondissement de Libourne, en ne donnant pas à des vieillards faibles ou
Vexhumalion du cadavre de la femme Bouri- infirmes les aliments nécessaires à leur con-
caut vient d'avoir lieu, et que de graves pré- servation , ou en les privant des secours de
somptions accusent son mari d'ôlre l'auleur la médecine et des remèdes (|ui pourraient
du crime qui a causé la mort de celle femme. leur conserver la vie?
Nous avons trouvé dans un autre journal Ne croyez pas que nous cherchions ici à
que Joseph Clémot , habitant de la commune rendre plus hideux , pour effrayer vos ima-
de Neuvy (Maine et Loire), a empoisonné ginations , un tableau déjà si horrible par
successivement avec de l'arsenic trois femmes lui-même, non; nous ne vous avons entre-
et un enfani; la première, Anne Bounlicr, tenus que de choses qui se passent tous les
on 1828, la seconde, Geneviève Brillonet, en jours au milieu de nous. En faisant ressortir
1837, et Marie Bondu, le 23 septembre 1838. des faits qui passent inaperçus , nous n'a-
Le môme journal rapporte qu'à Xain- vons eu en vue (lu'une seule chose, de vous
trailles arrondissement de Nancy Jeanne
, , signaler les vices de la législation actuelle
Gaseaux, femme Sourisseau, a empoisonné, concernant les inhumations, et de vous prier
le 2 octobre 1838, son mari avec de i'arsenic de vous joindre à nous pour engager lo gou-
qui a élé retrouvé dans l'estomac du cadavre vernement et les différentes autorités com-
exhumé. Les débals de la cour d'assises ont munales à adopler des mesuies qui puissent
en partie démontré qu'elle avait empoisonné remédier à tous ces vices et combler les la-
de la même manière son second et son pre- cunes de la législation.
mier mari. Les moyens qui nous paraissent les plus
Si nous avions eu à notre disposition la propres à remplir ce but, consistent, selon
collection complète de la Gazette des Tribu- nous, l-dans des améliorations à apporter à
naux de 1838, et le temps de la compulser, la législation sur la manière de vériûer et de
npus ne doutons pas ({ue nous n'eussions pu constater les décès, et 2° dans l'établissement
signaler au moins cinquante à soixante cri- de dépôts ou maisons mortuaires à l'instar
mes de la nature de ceux que nous venons de celles qui existent dans plusieurs villes
de vous relater; or, en admettant que la ga- d'Allemagne.
zette ne consigne que le quart des exhuma- Los maisons dont il s'agit, placées dans
tions qui ont lieu dans toute la France, ce les cimetières , sont destinées à recevoir les
qui n'est certes pas exagéré, il en résulterait morts qui, après y avoir élé convenablement
donc à peu près par an 200 exhumations par déposés, y sont observés jusqu'à l'apparition
suite de suspicion de crime souvent justifié, des signes non équivoques de la putréfaction.
n'est-ce pas là un chiffre effrayant? Et si 11
J a déjà longtemps qu'en Allemagne, le
maintenant nous réfléchissons à la quantité célèbre Hufeland avait parlé avec chaleur
de crimes qui restent enfouis et impuni? et contre l'insouciance, la superstition et la lé-
on n'en saurait doluor, puisque, comme nous gèreté avec laquelle on traiie les morts, et
l'avons vu, un grand nombre de coupables, c'est à son mérite et à ses sollicitations qu'en
avant d'être découverts , en étaient à leur 1791 , on dut, à Weimar, l'établissement de
deuxième,troisième et quatrième crime; n'en la première maison mortuaire. Le grand-duc
devons-nous pas conclure avec douleur que Charles-Auguste et sa famille s'élant inté-
les plus grands coupables ne sont pas tou- ressés à cette institution , une souscription
jours au bagne qu'il n'y a que les plus ef-
, fut ouverte, et les amis de l'humanité virent
frontés et les plus maladroits, mais que les avec plaisir toutes les classes de la société
plus profonds scélérats vivent la plupart du saisir cette idée avec empressement; aussi,
temps à nos côlés et quelquefois sous notre en peu de temps tous les moyens furent
,

propre toit. réunis pour établir une maison qui répondit


£n lisant les débats criminels, nous avons tout à fait au but qu'un s'était proposé. A
vu d'autres genres de crime, qui doivent l'occasion du nouveau cimetière de 'NVeimar,
échapper souvent à la justice en raison de la on a construit en 1824 une nouvelle maison
manière vicieuse avec laquelle on constate mortuaire qui est encore plus parfaite que
les décès nous voulons parler de ces séques-
; l'ancienne, sur la porte de laquelle est placée
trations pires qu'un assassinat, telles que les l'inscription suivante ; Vitœ dubiœ asylum.
époux Wieland et plusieurs autres parents C'est également à Hufeland qu'on doit la
dénaturés nous ont fourni des exemples dans fondation d'une maison mortuaire à Berlin.
ces derniers temps. Qui aurait révélé le genre Elle a élé construite en 1797 par la société
de mort de ces malheureux, s'ils étaient des Amis, et se distinguo par sa construc-
morts quelques jours avant la découverte du tion ; elle contient deux salles, une pour les
crime de séquestration? Qui peut nous dé- hommes et l'autre pour les femmes.
voiler les manœuvres coupables employées A l'exemple de 'Weimar et do Berlin, et à
pour produire l'avortement et qui amènent l'instigalion du professeur Ackermann, on a
en mémo temps la mort de la mère? Qui peut fondé à Mayence, en 1803, une maison mor-
nous signaler la mort de tant de jeunes en- tuaire à laquelle on a donné depuis quelques
fants assassinés par leurs parents même lé- années plus d'extension.
gitimes ou qu'on laisse périr volontairement La maison mortuaire de Munich est con-
par un assassinat plus lent, mais nou moins struite sur un plan plus étendu et se distingue
révoltant. Qui pourra nous taire connaître tant en raison de la magnificence de l'archi-
va niCTIONNAlRi: DES SCIENCES OCCLLTES. B!0

lecture qu'à cniise ae l'arriiiipemont conve- Ah que vous me


! faites mal I on sVmpressfi
iiablp (le l'intcriciir. Elle a été bâiie on 1818 de lui donner tous les secours île l'arl. Celte
sur le nouveau cimetière; elle contient deux femme a eu depuis vingt-six enfants.
Mlles spacieuses, l'une est destinée aux ri- ENTHOUSIASTES. On a donné ce nom à
ches, l'autre aux pauvres. Du centre de la certains sectaires qui, étant agités du démon,
maison s"étend à chaque côté une colonnade se crov.'iient inspirés.
(te 9i colonnes d'ordre corinihien ; au mur ENVOUTliMKNT. Les sorciers font, dit-on,
extérieur, on a ménagé des niches pour y la figure en cire de leurs ennemis, la pi-
mettre les bustes des hoiumos qui se sont quenl, tourmentent, la fondent devant le
la
distingués par leurs vertus et leurs connais- feu, afin que
les originaux vivants el ani-
sances. més ressentent les mêmes douleurs. C'est ce
On procéda à Bamberg à la construction que l'on appelle envoûter, du nom de la
d'une maison mortuaire, en 1821; à Wurz- figure, vols ou vousl ; voyez ce mot. Voy.
bourg et à Augsbourg se trouvent égalomeiit aussi Dl'ffus, Charles IX, Glocesteh, etc.
de pareils élablisscments. Le plus nouveau EON DE LETOILE. Dans le douzième
a été élevé dans le cimetière à Francfort- siècle, un
certain Eon de l'Etoile, gentil-
sur-le-Mein; il peut servir de modèle à tous homme breton, abusf.nl de la manière dont
les autres. Naguère les journaux ont annoncé on prononçait ces paroles Per eum tjui ven-:

que , convaincu de l'importance el de la né- turus est ( on prononçait per Eon ) , préten-
cessité de ces salutaires institutions, le roi dit qu'il était le Fils de Dieu qui doit venir
de Prusse allait eu créer plusieurs dans ses juger les vivants el les morts, se donna pour
Etals. tel, eut des adhérents qu'on appela Eoniens,
Avant de terminer cet aperçu historique, et qui se mirent, comme Ions les novateurs,
nous ne devons pas passer sous silence une à piller les églises el les monastères.
institution de ce genre créée en Belgique, en ÉONS. Selon les gnosliques, les Kons sont
1825. C'est le caveau ou dépôt mortuaire que les êtres vivants et intelligents que noijs ap-
la ville de Verviers doit a la générosité de pelons des esprits. Les Grecs les nominaieut
madame Simonis de Sanzeilles. démons ; ce mol a le même sens. Ces Bons
Voici quelques autres faits. prétendus étaient ou des allribuls de Dieu
En 1827, dans la séance du 10 avril de personnifiés, ou des mots hébreux liiés de
l'Académie royale de médecine de Paris ,
l'Ecriture, ou des mots barbares forgés à
M. Chantourellelut une note sur les dangers discrétion. Ainsi de Pléroma la divinité, sor-
des inhumations précipitées. Celte lecture taient Sophia\a sagesse, Nous l'intelligence,
amena unediscussion dans laquelle M. Dis- Sigélc silence, Logos le verbe, Achamoih la
genettes dit tenir de M. Thouret, qui avait prudence, etc. L'un de ces Eoiis avait formé
présidé à la destruction du cimetière et du le monde, l'autre avait gouverné les Juifs et
charnier des Innocents, que beaucoup de fabriqué leur loi, un troisième était venu
squelettes avaient été trouvés dans dis parmi les hommes, sous le nom de Fils
positions annonçant que les individus s'é- de Dieu ou de Jésus-Christ. Il n'en coûtait
laicnt mus après leur inhumation. M. Thou- lien pour les multiplier; les uns étaient
ret en avait été si frappé, qu'il en fit la mâles el les autres femelles, el de leur ma-
matière d'une disjiosition testamentaire re- riage il était sorti une nombreuse famille.
lative à son enterrement. Les Eons étaient issus de Dieu par émana-
Meruac rapporte que la femme de M. Du- tion el par nécessité de nature. Les inven-
hamel, avocat célèbre au parlement de Paris, teurs de ces rêveries disaient encore que
regardée comme morte pendant vingt-quatre l'homme a deux âmes, l'une sensilive qu'il a
heures, fut placée sur une table pour être reçue des Kous, et l'autre inlelligonleel rai-
ensevelie. Son mari s'y oppose fortement , sonnable que Dieu lui a donnée pour répa-
ne la croyant pas morte. Pour s'en convain- rer les bévues des Eons maladroits (II.
cre, sachant qu'elle aimait beaucoup le son EI'AULK Dli MOUTON. Giraud, cité par
de la vielle et les chansons que chantent les M. Gaulri I, dans son Mémoire su«" la part
vielleurs, il en fait monter un. Au son de que les Flamands prirent à l.i conquête de
l'instrument el de la voix, la défunte reprend l'Angleterre par les Normands, dit que les
)e mouvement et la parole. Elle a survécu Flamands qui vinrent en Angleterre connais-
quarante ans à sa mort apparente. saient l'avenir et le passé par l'inspection de
M. Rousseau, de Rouen, avait épousé une l'épaule droite d'un mouton, dépouillée de
femme de quatorze ans, qu'il laissa en par- la viande, non rôtie, mais cuite à l'eau: « Par
faite santé pour faire un petit voyage à quatre un art admirable et vraiment prophétique,
lieues de la ville. Le troisième juur de son ajoute le même écrivain , ils savent les cho-
voyage, on vient lui annoncer que s'il ne ses qui, dans le moment même, se passent
part promptement il trouvera sa femme en- loin d'eux ; ils annoncent avec la plus grande
terrée. En arrivant chez lui , il la voit certitude, d'après certains signes, la guerre
exposée sur la porte, elle clergé prêt à l'em- et la paix, les massacres et les incendies, la
porter. Tout entier à son désespoir il fait maladie el la mort du roi. C'est à tel point
porter la bière dans sa chambre, la fait dé- qu'ils prévirent, un au auparavant, le bou-
clouer, place la défunte dans son lit, lui fait leversement de l'Etal apiès la mort de
faire viiigi-cinq scariGcalions par un chirur- Henri L', vendirent tous leurs biens el
gien, à la vingt-sixième plusdouloureuscsans échappèrent à leur ruine eu quittant le
Joute que les auUcs, la défunte s'écria :
— (1) Bergicr Dicl. lliêolog., su mot Giiostiqucs.
SOI EIR EUC tAn

royaume avec leurs richesses. » Pourtant — d'une voix unanime, d'après ce principe ,

on voit dans les historiens du temps que ce qu'un chien enr.-igé mord tout ce qu'il ren-
fait avancé par Giraud n'est pas exact, et contre. S'il lelche, au contraire, de s'écliap-
qu'il arriva au contraire à ces Flamands pcr et de fuir à toutes jambes, l'espérance
beaucoup de choses qu'ils n'avaient pas de salut esl pcidue sans ressource on sait :

prévues. de reste qu'un cliii'n enragé court avec force


EPH1.\LTES ou HYPHIALTES,ÉPHÉLÈS, et tout droit devant lui sans se délourner.
nom que donnaient les Eoliens à une sorte La sorcière soupçonnée élait plongée dans
de démons incubes (1). l'eau, les mains et les pieds fortement liés
EPICUKE. « Qui pourrait ne pas déplorer ensemble. Surnageail-ellc, on l'enlevait aus-
le sort d Epirure, qui a le malheur de passer sitôt pour la pi'écipiler dans un bûcher ,
pour avoir attaché le souverain bien aux comme convaincue d'être criminelle, puis-
plaisirs des sens, et dont à cette occasion on que l'eau des épreuves la rejetait de son sein.
a flétri la mémoire? Si l'on fait réflexion En'bnçait-elle, son innocence était dès lors
qu'il a vécu soixante-dix ans, qu'il a com- irréprochable; mais cette justification lui
posé plus d'ouvrages qu'auc;in des autres coûtait la vie (4).
philosophes, qu'il se contentait de pain et Il y avait bien d'autres épreuves. Celle de

d'eau, et que quand il voulait dîner avec la croix consistait généralement, pour les
Jupiter, il n'y faisait ajouter qu'un peu de deux adversaires, à demeurer les bras éten-
froma<:e, on reviendra bientôt de cette fausse dus devant une croix, celui qui y tenait le
prévention. Que l'on consulte Diogène l.aër- plus longtemps gagnait sa cause.
ce, on trouvera dans ses écrits la vie d'Epi- Mais le plus souvent les épreuves judi-
cure, ses lettres, son testament, et l'on se ciairrs se faisaient autrefois par l'eau on le
convaincra que les faits que l'on avance feu. Voy. Eac bouillante, CERCUEfL, Fer
contre lui sont calomnieux. Ce qui a donné cuAiD, Ordalie, etc.
lieu à celte erreur, c'est que l'on a mal pris EUCELDOUNE. Les avcnlures merveil-
sa doctrine ; en effet, il ne faisait pas consis- leuses de Thomas d'Erceldoune sont l'une
ter la félicité dans les i)Iaisirs du corps, mais des plus vieilles légendes de fées que l'on
dans ceux de l'âme, et dans la tranquillité connaisse. Thomas d'Erceldoune dans le ,

que selon lui on ne peut obtenir que de la Landerdale, surnommé le Rimeur parce .

sagesse et de la vertu (2). » qu'il avait composé un roman poétique sur


Voilà ce que disent quelques critiques, "Tristrem et Yseult, roman curieux cornmo
comlialliis par d'autres. l'échantillon de vers anglais le plus ancien
EPiLEPSlE. Les rois d'Angleterre ne gué- qu'on sache exister, florissait sous le règne
rissaient pas seulement les écrouelles; ils d'Alexandre 111 d'Ecosse. Ainsi que d'autres
bénissaient encore des anneaux qui préser- hommes de talent à cette épo(jue, Thomas fut
vaient de la crampe et du mal caduc. Cette soupçonné de magie. On disait aussi qu'il
cérémonie se faisait le vendredi saint. Le avait le don de prophétiser; ou va voir pour-
roi, pour communiquer aux anneaux leur quoi.
vertu salutaire, les frottait entre ses mains. Un jour qu'il était couché sur la colline
Ces anneaux qui étaient d'or ou d'argent , appelée Huniley, dans les montagnes d'Eil-
étaient envoyés dans toute l'Europe, comme don, qui dominent le monastère de Meirose,
des préservatifs infaiîlibles; il en est fait men- il vit une femme merveillensemenl belle son ;

tion dans différents monuments anciens [3). équipement élait celui d'une amazone ou
11 y a d'autres moyens na'i'fs de traiter l'e- d'une divinité des bois son coursier é'ait de
;

pilepsie, qui n'obligent pas à passer la mer. la plus grande beauté à sa crinière étaient
,

On croyait en guérir chez nos a'ieux, en suspendues trente-neuf sonnettes d'argent


attachant au bras du malade un clou tiré que le vent faisait retentir; la se le élait d'os
d'un crucifix. La même cure s'opérait en lui royal, c'est-à-dire d'ivoire, ornée d'orl'évre-
mettant sur la poitrine ou dans la poche les rie ; tout correspondait à la magnificence de
noms des trois rois mages, Gaspard, Bal- cetéquipement. La chasseresse avait un arc
thuzar, Melcliior. Cette recette est indiquée eu main et des flèches à sa ceinture. Elle con-
dans des livres anciens ; duisait trois lévriers en laisse, et trois bas-
sets la suivaient de près. Elle rejeta l'hom-
G.ispar ferl myrriiam, llius Melcliior, Ilalibasar auruoi.
Haec tria qui secum porlabil iiomiiia leguui,
mage féodal que Thomas voulut lui n mire,
Solvilur a morbo, Chrisli ijielate, cadiico. en disant qu'elle n'y avait aucun droit. Tho-
mas, épcrdument épris, lui proposa alors de
EPREUVES. L'épreuve gothique qui ser- l'épouser. La dame lui répondit qu'il no
vait à reconnaîlre les sorciers a beaucoup pouvait être son époux sans devenir son es-
de rapport avec la manière judicieuse que
clave; et comme il acceplail, l'exlérieurde la
le peuple emploie pour s'assurer si un chien
belle inconnue se changea aussitôt en celui
est enragé ou ne l'est pas. La foule se ras-
de la plus hideuse sorcière tout un côté de
:

semble et tourmente, autant que possible , son visage était flétri et comme attaqué de
lechien qu'on accuse de rage. Si l'animal paralysie; son leint, naguère si brillant, étail
dévoué se défend cl mord, il est condamné, maintenant de la couleur brune du plomb.
(t) Leioyer, Hist. des spectres ou ap. des esprils, liv. Il,
(ï) Lebrun, Hist. des pratiques supersUlieuses, t. II,
th. V, p. 197.
p. UIS.
(î) Urown,Essaissurles erreurs, etc., liv. VII, th. xxvii.
\i; UulUsmilh, Essai sur les mœurs.
-

J(>3 DICTIONNMflK DES SCIKNCES OCCULTES. 5b'<

Tout alTrcusc qu'elle ét.iil, la passion de VOUS attirera S( s regards; c'est pourquoi le-
Thomas l'avait mis sous sa puissance, et vons-nous et partons.
quand elie lui ordonna de prcmlre congé du Cette terrible nouvelle réconcilia Thoma»
soleil et di's feuilles qui pouss nt sur les ar- avec l'idée de son déjjart hors delà leire de»
bres, il se sentit contraint de lui obéir. Ils fées; la reine ne fut pas longue à le replacer
pénétrèrent dans une caverne où il voyagea sur la colline il'Huntley, où chantaient les
trois jours au milieu de l'obscurité, tantôt oiseaux. Elle lui fit ses adieux; et, pour lui
entendant le mugissement d'une mer loin- assurer une réputation, le gratifia de la lan-
taine, tantôt marchant à travers des ruis- gue qui ne peut mentir.
seaux de sang qui coupaient la route souter- Thomas, dès lors, tontes les fois que la
raine. Enfin il revit la lumière du jour, et conversation roulait sur l'avenir, acquit une
arriva dans un beau verger. Epuisé, faute réputation de prophète, car il ne pouvait
de nourriture, il avance la main vers les rien dire ((ui ne dût infailliblement arriver;
fruits magnifiques qui pendent lic toute part et s'il eût été législateur au lieu d'être poëte,
autour de lui; mais sa conductrice lui dé- nous avions ici l'histoire de Numa et d'Egérie.,
fend d'y loucher, lui apprenant que ce sont Thomas demeura plusieurs années dans sa
les pommes fatales qui untuccasionné la chute tour près d'Erccldoune, et il jouissait tran-
de l'homme. 11 s'aperçoit aussi que sa con- quillement de la réputation que lui avaient
ductrice n'était pas plutôt entrée dans ce faite ses préiliclions, dont plusieurs sont en-
mystérieux jardin, n'en avait pas plutôt res- core aujourd'hui retenues par les gens dp la
piré l'.iir magique, ([u'elle avait repris sa campagne. Un jour qu'il traitait tiaus sa mai-
beauté, son riche équipage et toute sa splen- son le comte de March, un cti d'étonnement
deur; qu'elle était aussi belle, et même plus s'éleva dans le village, à l'apparition d'un
belle, que lorsqu'il lavait rue pour la pre- cerf et d'une biche qui sortirent de hi forêt,
mière fois sur la montagne. Elle se met alors et, contrairement à leur nature timide, conti-
à lui expliquer la nature du pays. nuèrent tranquillement leur chemin eu su
« Ce chemin à droite, dit-elle, mène les dirigeant vers la demeure de Thomas, f^e
esprits dos justes au paradis; cet autre à prophèie quitta aussitôt la table; voyant dans
gauche, si bien battu, conduit les âmes pé- ce prodige un avertissement de son destin,
cheresses au lieu de leur éternel châtiment; il reconduisit le cerf et la biche d.ins la forêi,

la troisième route, par le noir souterrain, et depuis, quoiqu'il ail été revu accidentel
aboutit à un séjour de souffrances plus dou- li'meul par des individus auxquels il roulait
ces, d'où les prières peuvent retirer les pé- bien se montrer, il a rompu toute liiiisou
cheurs. Mais voyez-vous encore une qua- avec l'espèce humaine...
trième voie qui serpente dans la plaine On a suppo-é île temps en temps (]ue Tho-
autour de ce château ? C'est la route d'Ellland, mas d'Ercelilouue, durant sa retraite, s'oc-
(le pays des Elis) dont je suis la reine; c'est cupait à lever des troupes pour descendre
aussi celle que nous alli>ns sui(rc mainte- dans les plaines, à quelque instant critii|uc
nant. Quand nous entrerons dans ce hâteau, ( pour le sort de sou pays. On a souvent ré-
observez le plus strict silence, ne répondez pété l'histoire d'un audacieux jockey, lequel
à aucune des questions qui vous seront vendit un cheval cà un vieillard très-vénéra-
adressées; j'expliquerai votre mutisme en ble d'extérieur, qui lui indiqua dans les mon-
disant que je vous ai retiré le don de la pa- tagnes d'Eildon Luckcu-Hare, comme l'en-
role eu vous arrachant au monde de^ hu- droit où, à minuit sonnant, il recevrait son
mains. » prix. Le marchand y alla, son argent lui fut
Après ces instructions, ils se dirigèrent payé en pièces antiques, et l'acheteur l'invita
vers le château. En entrant dans la cuisine, à visiter sa résidence. Il suivit avec étoune-
ils se trouvèrent au milieu d'une scène qui ment plusieurs longues rangées de stalles,
n'eût pas été mal placée dans la demeure dans cliacune des(iuelles un cheval se tenait
d'un grand seigneur ou d'un prince. Trente immobile, tandis qu'un soldat armé de toutes
cerfs étaient étendus sur la lourde table, et pièces était couché, aussi sans mouvciiUMit,
de nombreux cuisiniers travaillaient à les aux pieds de chaque noble animal. « Tous
découper et à les apprêler. Ils passèrent en- ces hommes, dit le sorcier à voix basse, s'é-
suite dans le salon royal ; des chevaliers et veilleront à la bataille de SherilVmoor. »
des dames, dansant par trois, oecupaienl le A
l'extrémité étaient suspendus une épée
milieu. Thomas, oubliant ses fatigues, prit et un cor (jne le prophète montra au jockey
part aux amusements. Après un espace de comme renfermant les moyens de rompre le
temps qui lui sembla fort court, la reine le charme. Le jockey prit le cor et essaya d'en
tenant à l'écart lui ordonna de se préparer à donner. Les chevaux tressaillirent aussitôt
retourner dans son pays. dans leurs slall<'s; les soldais se levèrent et
— Maintenant , ajoula-l-ellc , combien firent retentir leurs armes, et le mortel épou-
croyez-roHs être resté de temps ici? vanté laissa échapper le cor de ses mains.
— Assurciiienl, b;lie dame, répyndit Tho- Une voix forte prononça ces mots ; « .Malheur
mas, pas plus de sept jours. au lâche (|ui ne saisit pas le glaive avant
— V'ous êtes dans l'erreur, répondit-elle; d'enller le cor. »Un tourbillon de vent chassa
vous y êtes demeuré sept ans, et il est bien le marchand de chevaux de la caverne, dont
temps que vous en sortiez. Sacliez, Thomas, il ni' put jamais reirouver l'entrée (1)
que diable de renier viendra demain de-
le EllKBE, lleuve d(!S enfers ou : le prcud
luaudsr suu tribut , cl un iiumine comme llj Wa'.mr SloU, Vé-iioiwicgic.

565 Eim ESC sob


Hussi pour une partie de l'enfer ii pour l'en- poil de sanglier. Le peuple croit fermement,
fer même. 11 y avait chez les païens un sa- dans certaines pro\inces, que la louve en-
cerdoce particulier pour les âmes qui étaient f.inte, avec ses louveteaux, un petit chien
d;ins l'Erèhe. qu'elle dévore aussitôt qu'il voit le jour.
EUGENNA , devin d'Elrurie dans l'anli- Voyez la plupart des articles de ce Diction-
quilc. naire.
ERIC AU CHAPEAU VENTEDX. On iitdans ERUS ou Er,
de Zoroastre. Platon as-
fils
Hector de Boëce que le roi de Suède, Eric son tombeau douze jours
.sure qu'il sortit (le
ou Henri , surnommé le Chapeau venteux, après avoir été brûlé sur un bûcher, et (ju'il
faisait changer les vents, en tournant son coiita beaucoii[) do choses sur le sort des
bonnet ou chapeau sur sa téti', pour mon- bons et des méchants dans l'autre monde.
trer au démon, avec qui il avait fait pacte, ESCALIBOR, épée merveilleuse du roi Ar-
de quel côté il les voulait; et le démon élail thiis. Voy. Arthus.
si exact à donner le vent que demandait le ESCAMOTAGE. On l'a pris quelquefois
signal du bonnet, qu'on aurait pu, en toute pour la sorcellerie; le diable, dit Leloyer^
sûreté, prendre le couvre-chef royal pour une s'en est souvent mêlé. Deirio (liv. 2, quesl.
girouelle. 2) rapporte qu'on (lunil du dernier supplice,
ERICHTHO, sorcière, qui, dans la guerre à Trêves, une sorcière très-connue qui fai-
entre César et Pompée, évoqua un mort, le- sait venir le lait de toutes les vaches du voi-
quel prédit toutes les circonstances de la ba- sinage en un vase placé dans le mur. Spren-
taille de Pharsale (1). gcr assure pareillement que certaines sor-
EKOCONOPES, peuples imaginaires que cières se postent la nuit dans un coin de leur
Lucien représente comme d'habiles archers, maison, tenant un vase devant elles ; ((u'elles
moulés sur des moucherons-monstres. plantent un couteau ou tout autre instru-
EIIOCOIIDACÈS, autre peuple imaginaire ment dans le mur qu'elles tendent la main
;

que le même auteur représente combattant pour traire, en invoquant le diable, qui tra-
avec des raves en guise de flèches. vaille avec elles à traire telle ou telle vache
EROMANTIE, une des six espèces de divi- qui paraît la plus grasse et la mieux fournie
nations pratiquées chei les Perses par le do lait que le démon s'empresse de pres.ser
;

moyen de l'air, lis s'enveloppaient la tête les mamelles de la vache, et de porter le lait
d'une serviette, exposaient à l'air un vase dans l'endroit où se trouve la sorcière qui
rempli d'eau, et proféraient à voix basse l'ob- l'escamote ainsi. Voy. Fascination, Charmes,
jet de liurs vœux. Si l'eau venait à bouillon- Agrippa, Faust, etc.
ner, c'était un pronostic heureux. Dans escamoteurs ont en-
les villages, les
EROTYLOS, pierre fabuleuse dont Démo- core le nom
de sorciers. Voici toutefois d'un
crile et Pline après lui vantent la propriété escamoteur un joli petit trait qu'on a rapporté
pour la divination. dans \a Chronique de Courlray,iia 25 avril
ERREURS POPULAIRES. LorsqueleDante 18'i3.
publia son Enfer, la simplicité do son siècle « Dans unedcsbaraquessurlaGrand'Place.
le reçut comme une véritable narration de hier, pendant (lu'un escamoteur exécutait
sa descente dans les sombres manoirs. A ses tours, il vit un des assistants dérober
l'époque où l'Utopie de Thomas Morus parut fort adroitement le mouchoir de son voisin
pour lapremière fois, elle occasionna une et s'en écarter aussitôt eu allant se placer
plaisante méprise. Ce roman poétique donne d'un autre côté. 11 trouva là une occasion
le modèle d'une république imaginaire, dans superbe de se donner du relief. Monsieur,
une lie qui est supposée avoir été nouvelle- dit l'escamoteur titulaire à la victime du
ment découverte en Amérique. Comme c'élait larcin, prêtez-moi, s'il vous plaît, votre fou-
le sièi;le, dit Oranger, BudcEus et d'autres lard, je vais faire un tour des plus surpre-
écrivains prirent le conte pour une histoire nants. Celui-ci s'empressa de mettre la main
véritable, et regardèrent comme une chose dans la poche, et tout ébahi s'écria qu'il
importante qu'on envoyât des missionnaires était volé, en dirigeant ses regards accusa-
dans cette île. teurs sur ceux qui l'entouraient. Volet —
Ce ne fut que longtemps après la publica- s'écria l'opérateur tout étonné; eh bienl tant
tion des Voyages de Culliver, par Swift, mieux, mon tour en sera plus beau. De —
qu'un grand nombre de ses lecteurs demeura quelle couleur est votre foulard? Rouge et
convaincu <iu'ils étaient fabuleux (2). jaune.— Bon, soyez trancjuille, s'il est encore
Les erreurs populaires sont en si grand dans la salle, il vous reviendra. Et faisant —
nonibre, qu'elles ne tiendraient pas toutes tourner sa baguette sur le bout de ses doigts,
dans ce livre. Nous ne parlerons pas des er- il en arrêta le mouvement dans la direction
reurs physicjues ou des erieurs d'ignorance : de l'escamoteur de contrebande , et lui dit:
nous ne nous élèverons ici que contre les — Le foulard est dans ta poche, rends-le.
erreurs enfantées par les savants. Ainsi Car- Cette apostrophe consterna le voleur qui ce-
dan eut des partisans lorsqu'il débita que, pendant se remit aussitôt, affecta une grande
dans le Nouveau-Monde, les gouttes d'eau se surprise, et passa le mouchoir à son pro-
changen*. en petites grenouilles vertes. Cé- priétaire, aux acclamations des spectateurs
drénusaécrit très-merveileuscmentquo tous saisis d'admiration. La police fut avertie, lo
les rois francs de la pren)ière race naissaient filou mis en prison, et l'art du devin, prôné
avec l'épine du dos couverte et hérissée d'un par toutes les bouches, ne cessa d'attirer un«
(1) Wierus, Je Prxslig. dann., lil). II, cap. ix. (2J Berlin, Curiosilos Je la Ullératurcï, l. 1, p. 301.
8fî7 IMCTJONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. KCS

foale eonsiilérable à sa baraque pendant rompre nues et les transporter où ils


les
toute la journée.» veulent, avec de grands tourbillons; enlever
ESCHYLK, — tragique prcc, à qui on avait l'eau de la mer, en former la grêle et tout ce
prédit qu'il mourrail de la chute d'une mai- que bon leur semble.»
son; ce qui fil qu'il s'alla loger en pleine Il y a, dans l'intérieur de l'Amérique sep-

campagne; mais le conte ajoute qu'un aigle, tentrionale , des peuplades sauY.'it;es qui
qui portail une tortue dans ses serres, la croient que lorsqu'un homme est enterré ,
laissa tomber sur la lôte chauve du poëte, sans qu'on place auprès de lui tout co qui lui
pensant que ce fût an rocher; et la prédiction a appartenu , son esprit revient sous forme
s'accomplit. biiinaine, et se niontro sur les arbres les
ESDRAS. — Pour les écrits apocryphes plus près de sa maison, armé d'un fusil; ou
qu'on lui attribue , voy. Pic de la Mira?»- ajoute qu'il ne peut jouir du repos qu'après
DOLE. que les objets qu'il réclame ont été déposés
ESPAGNET (.lEA:tD'),— philosophe hermé- dans sa tombe.
tique, qui a deux traités intitulés: l'un
fait Les Siamois admettent une multitude d'es-
Enchiridion de la physique rétablie; l'autre. prits répandus dans l'air, dont la puissaneo
Secret de la philosophie hermétiqxte (1 ) ; encore est fort grande, et qui sont très-malfaisants.
lui conleste-l-on ce dernier que l'on attribue Ils tracent certaines paroles magiques sur
à un inconnu qui se faisait appeler le Che- des feuilles de papier, pour se prémunir con-
valier Impérial (2). tre leur malice. Lorsqu'ils préparent une
Le Secret de ta philosophie renfi-rme la médecine, ils garnissent le bord du vase d'un
pratique du grand œuvre, et VEnchiridion grand nombre de ces papiers, de peur que
la théorie physique sur laquelle repose la les esprits n'emportent la vertu des remèdes.
transmutabilité des métaux. Les autres cabalistes ont prétendu que
D'Espagnrt est encore auteur de la préface les esprits étaient des créatures mati^rielles,
qui précède le Traité de l'inconstance des dé- composées de la substance la plus pure des
mons de Pierre Delancre. On lit dans cette éléments; que plus celle matière étiiil sub-
préface que les sorcières ont coutume de vo- tile, plus ils avaient de pouvoir et d'action.

ler les petits enfants pour les consacrer au Ces auteurs en distinguent de deux sortes,
démon. de supérieurs et d'inférieurs: les supérieurs
ESPAGNOL (Jeau l'), —docteur en théo- sont ou célestes ou aériens; les inférieurs
logie, grand-prieur de Saint-Rerai de Reims, sont ou aquatiques ou terrestres.
auteur d'un livre intitulé Histoire notable : Ceux qui ont cru que ces esprits étaient
delà conversion des Anglais, etc.,in-8°. Douai, des créatures matérielles, les ont assujettis à
161i. La vingtième annotation, qui commen- la mort comme les hommes. Cardan dit que
re à la page 50G et va jusqu'à la 300", est un les esprits qui apparurent à S(m père lui fi-
traité sur les apparitions des esprits, où, rent connaître qu'ils naissaient et qu'ils
avec des choses passables et médiocres, on mouraient comme nous ; mais que leur
trouve de bonnes observations (3). vie était plus longue et plus heureuse q'ie
ESPRITS. —
Les anciens ont cru que les la nôtre.
esprits, qu'ils appelaient démons ou génies, Voici de petits traits d'esprits.
étaient des demi-dieux. Chaque nation, dit Guillaume de Paris écrit que l'an 1447, il
.\pulée , même chaque famille et chaque y avait un esprit à Poitiers, dans la paroisse
lioniiiie, a son esprit qui le guide et qui veille de Saint-Paul, lequel rompait vitres et ver-
sur sa conduite. Tous les peuples avaient rières, et frappait à coups de pierres sans
du respect pour eux, et les Ruuiuins les ré- blesser personne (5).
véraient. Ils n'assiégeaient les villes et n'en- Césaire raconte que la Glle d'un prévAt
treprenaientleurs guerres qu'après que leurs de Cologne était si tourmentée d'un esprit
prêtres avaient invoqué le génie du p.iys. malin, qu'elle en devint frénétique. Le père
Caligula même fit punir publi(|uement quel- fut averti de faire aller sa fille au delà du
ques-uns de ceux qui les avaient maudits/»). Rhin cl de la changer de lieu ; ce qu'il fit.
Des philosophes se sont imaginé que ces L'esprit fut obligé d'abandonner la fille, mais
esprits n'étaient que les âmes des morts qui, il battit tant le père qu'il en mourut trois
étant une fois séparées de leurs corps, er- jours après (6).
raient incessamment sur la terre. Ce senti- Nous rapporterons d'autres histoires d'es-
ment leur paraissait d'autant plus vraisem- prits. « Au commencement du règne de
blable, qu'ils se vantaient de voir des spectres Charles IV, dit le Bel, lespril d'un bourgeois,
auprès des tombeaux, dans les cimetières, mort depuis quelques années, parut sur la
dans les lieux où l'on avait tué quelques place publique d'Arles en Provence; il rap-
personnes. portait des choses merveilleuses de l'autre
«Les esprits, dit'VN'^ocker, sont les seigneurs monde. Le prieur des Jacobins d'Arles, hom-
Ue l'air; ils peuvent exciter les tmipètes, me de bien, pensa «juc Ci't esprit pouvait bien
(I) Eiichiriiiion pbjsica resliluta;. Arcauum pljilosophiae Ii)-I6.
henneiicst. {'i) Lenglel-Pufrpsnoy, Catalogue des auteurs qui ont
T2) Ce clievallcr, Irès-révéré des alchimistes, est mcn- Écrit sur les apparitions.
lionne souvent dans la Tiompelte française , petit volume (4) Discours sur les esprits follets, Mercure Galant,
l'onlcnaul une Prophétie de Bomùarl sur la naissance de 16«0.
Liniii XI y. On a, du Cliovaljer Iiripérial, le Miroir des ta, Kiidin, DémoDom.inie des sorciers, liv. III, p. S''^
Alfliiinistes , avec iiislruclimis aux danios poiii' dorénavant ifi) Id ibi4
,

ttte oellos sans ilus astr de leurs dmds vcuimeux, IÇCi.


589 i:sp ESP 570

élre un démnn déguisé. Il se rendit sur l.i fit aucun mal à personne,
el ne rendit qua
place; soudain rtsprit découvrit qui il él;iil, (lebons offices, contre l'ordinaire de ceux
^cl pria qu'on le tirât du purgatoire. Ayant de son espèce. Voy. Hecdeki:^.
ainsi parlé, il disparut; c(, coiniiie on pria Sur la fin de l'année 17iG , on entendit
pour son àine, il ne fut oncques vu depuis{l).» comme des soupirs qui partaient d'un coin
Eu 1750, un oKicier du prince de Conti, (le l'imprimerie du sieur Lahard, l'un des
étant couché dans le cliâleau do l'Ile-Adain, conseillers de la viile de Constance. Les
sentit tout à coup enlever sa couverlure. Il garçons de l'imprimerie n'en firent que
la relire; on renouvelle le manège, tant qu'à rire d'abord. Mais dans les premiers jours
la fin l'olûcier ennuyé jure d'exlermiuer le de janvier on disiingua plus de bruit
,

mauvais plaisant, met l'épée à la main, cher- qu'auparavant. On frappait rudement con-
che dans tous les coins et ne trouve rien. tre la muraille, vers le même coin oîi l'on
Etonné, mais hrave, il veut, avant de conter avait d'abord entendu des soupirs ; on
son aventure, éprouver encore le lendemain eu vint jusqu'à donner des soufllels aux
si l'imporlun reviendra. Il s'cnfermeavecSDin, imprimeurs et à jeter leurs chipe.iux par
se couche, écoule longtemps et finit par s'en- terre. L'esprit eoiilinua son manège pen-
dormir. Alors on lui joue le même tour que dant plusieurs jours, donnant des souffiels
la veille. Il s'élance du lit, renouvelle ses aux uns, jetant des pierres aux autres ; eu
menaces, cl perd son temps en recherches. sorie que les compositeurs furent obligés
La crainte s'empare de lui; il appelle un frot- d'abandonner ce coin de l'imprimerie. Il se
leur, qu'il prie de coucher dans sa chambre, se fil alors beaucoup d'autres tours, dans
sans lui dire pour quel motif. Mais l'esprit lesquels les expériences de la physicjue amu-
qui avait fait son tour, ne parall plus. sante enlrèrenlprobablemenl pour beaucoup;
La nuit suivante, il se fait aiconip?gner el enfin cette farce cessa sans explication.
du frolleur, à qui il raconte ce qui lui est Voy, Revenants, Apparitions, DnoLLEs,elc.
arrivé, et ils se couchent tous deux. Le f.in- Voici l'histoire d'un esprit (jui fui ciiè en
tôme vient bientôt, éteint la chandelle qu'ils justice. —
En 1761, un feroiicr de Southams,
avaient laissée allumée, les découvre el s'en- dins le comté de Warwick (Angleterre), fut
fuit. Comme ils avaient entrevu cependant assassiné en revcnanlchez lui: le lendemain,
un monstre diiïorme, hideux et gambadanl, un voisin vint trouver la femme de ce fer-
le frotteur s'écria que c'était le diable, cl mier demanda si son mari était rentré;
et lui
courut chercher de l'eau bénite. Mais au mo- el!e répondit que non, et qu'elle eu était
ment qu'il levait le goupillon pour asperger dans de grandes inquiétudes.
la chambre, l'esprit le lui enlève et dispa- —Vos inquiétudes, répliqua cet homme,
raît.... ne peuvent égaler les miennes ; car, comme
Les deux champions poussent des cris; on j'étais couché cette nuit sans élre encore
,

accourt; on passe la nuit en alarmes, et le endormi, votre mari m'est apparu, couvert
matin on aperçoit sur le toit de la maison un de blessures, el m'a dit qu'il avait clé assas-
gros singe qui, armé du goupillon, le plon- siné par son ami John Dick, el que son ca-
geait dans l'eau de la gouttière el en arro- davre avait été jeté dans une marnière.
sait les passants. La fermière, alarmée, fil des perquisitions.
En 1210, un bourgeois d'Epinal, nommé On découvrit dans la marnière le corps blessé
Hugues, fut visité par un esprit qui faisait aux endroits que le voisin avait désignés.
des choses merveilleuses, el qui parlait sans C 'lui i)ue le revenant avait accusé fui saisi
se montrer. On lui demanda son nom et de el mis entre les mains des juges, comme vio-
quel lieu il venait ? Il répondit qu'il était l'es- lemment soupçonné du meurtre. Sou procès
pril il'un jeune homme de Clérenline, village fut instruit à Warwick; les jurés l'auraient
à sept lirues d Epinal, et que sa femme vi- condamné aussi témérairement que le juge
vait encore. de paix l'avait arrêté , si lord Raymond , lu
Un jour, Hugues ayant ordonné à son va- principal juge, n'avait suspendu l'arrél.
lel de seller son cheval et de lui donner à —
Messieurs, dit-il aux jurés, je crois que
manger, le valet différa de faire ce qu'on vous donnez plus de poids au témoignage
lui commandait; l'esprit fit son ouvrage, au d'un revenant (ju'il n'en mérite. Quelque cas
grand étonncmcnl de tout le monde. qu'on ftis>e île ces sortes d'histoires, nous
Un autre jour, Hagucs, voulant se faire n'avons aucun droit de suivre nos inclina-
saigner, dit à sa fille de préparer des bande- li ms particulières surce point. Nous formons

lettes. L'esprit alla prendre une chemise neu- un tribunal de justice, et nous devons nous
ve dans une autre chambre, la déchira par régler sur la loi ; or je ne connais aucune loi
bandes, et vint la présenter au maître, en existante qui admette le témoignage d'un re-
lui disant de choisir les meilleures. venant; et quand il y en aurait une qui l'ad-
Unautre jour, la servante du logis ayant mettrait, le revenant ne parall pas pour faire
étendu du linge dans le jardin pour le lairc sa déposition. Huissiers, ajouta-l-il, appelez
sécher, l'esprit le porta au grenier elle plia le revenant.
plus proprement que n'aurait pu faire la plus l'huissier fit par trois fois, sans que
Ce que
iiahilo blanchisseuse. le revenant parût.
Cequi est remarquable, c'est que, pendant —
Messieurs, continua lord Raymond,
six mois qu'il fréquenta celle maison, il n'y le prisonnier qui est à la barre est , suivant
le téiuoignage de gens irréprocliabies, d'une
(1) Leloyor, Uist. dos spectres cl apparitions des es-
Urr'.s. réputation sans tuchc; et il n'a puiul paru,
, ,

niCTIONAIIih i»i:S ^CIKNCI.S OCCULTES 5-2


57t

dans le cours des inform;ilions, qu'il y ail eu passé au futur, coiimie fait le temps. Elle est
aucune espèce de querolle eulre lui el le un présent continuel. Voilà pourquoi, com-
mort. Je crois absoiunx ni innoccnl , et,
le iire le remarquent les théologiens. Dieu dit

comme n'y a nulle preuve coulre lui. ni


il en parlant de lui-mé ne tïgo sum qui suin.
:

directe ni indirecle, il doit être renvoyé. Mai» L'élernilé n'appartient qu'à Dieu ; elle ne
par plusieurs circonstances qui n»'onl frappé peut être communiquée à aucune créature ;

dans le procès je soupçonne forlenienl la


,
pu sque ce qui est créé a un commence-
personne qui a vu le revenant d'élre le meur- ment.
trier ; au(|(iel cas il n'est pas dil'ficile de con- .Mais pourtant on dit l'éternité, pour dési-
cevoir qu'il ait pu désij^ner la place, les bles- gner la vie future des intelligences créées ,
sures, la maruière et le reste sans aucun , vie qui n'aura point de fin. Dans ce sens , il
secours surnaturel; en conséquence de ces y aura dans le ciel l'éternité debonheur pour
soupçons, je me crois en droit de le faire ar- les justes, el dans l'enfer l'éternité de peines
rêter, jusqu'à ce que l'on fasse de plus amples pour les réprouvés. C'est un dogme que le»
informations. cerveaux impies ont combattu mais qu'ils ,

Gel homme fui effectivement arrêté; on Gt n'ont pu ébranler; el saint Thomas d'Aquiu
des perquisitions dans sa maison ; on trouva en a démontré la nécessité équitable.
les |)reuves de son crime, ((u'il avoua lui-
Légende de rEternité.
même à la fin, et il fut exécuté aux assises
suivantes. V. Génies. Kleudde, Démdn*, etc. Nous transcrivons ici celle belle et singu-
ESPRITS ÉLÉMEMAIKES. Les cabaiistes lière légi nde, qui a élé publiée en Franco
peuplent les éléments, cumuie ou l'a dit (1) depuis peu.
d'esprits divers. Les Salamandres habitent le Avant que Luther fût venu prêcher sa dés-
feu; les Sylphes, l'air; les Gnomes, la terre; astreuse réforme, on voyait des monastères
l'eau est le séjour des Ondins ou Nymphes. au pench ml de toutes les collines de l'Alle-
Voy. ces mots. magne. C'étaient de grands édifices à l'as-
ESPRITS FAMILIERS. Scaligcr , Cecco pect paisible, avec un clocher frêle qui s'é-
d'Ascoli , Cardan el plusieurs autres vision- levait du milieu des bois et autour duquel
naires ont eu , comme Socrate , des espriU volligeaie.nt des palombes. Là vivaient des
familiers. Budin dit avoir connu un hummu hommes qui n'occupaient leur esprit (lue
qui était toujours accompagné d'un esprit des cliD^e* du ciel.
familier, lequel lui donnait un petit coup sur A Oimulz, il en était un que l'on citait
,

loreille gauche quand il faisait l)ien, et le ti- dans la contrée pour sa piété cl son instruc-
rait par l'oreille droite quand il faisait mal. tion. Celait un homme simple, comme tous
Cet homme était averti de la même laçon si ceux qui savent beaucoup, car la science est
ce qu'il voulait manger était bon ou mau- semblable à la mer; plus on s'y avance, plus
vais, s'il se trouvait avec un honnête homme l'horizon devient large, el plus on se seul
ou ;ivec un coquin, etc. C'était très-avanta- petit. Frère Alfus, après avoir ridé son front
geux. el blanchi ses cheveux dans la recherche de
ESPRITS FOLLETS. Voy. Feux follets. démonstrations inutiles, avait appelé à sou
ESSÉNIENS, secle célèbre parmi les Juifs. secours la foi des petits enfants: puis, con-
Les Ësséniens avaient des superstitions par- fiant sa vie à la prière, comme à une ancre
ticulières. Leurs devins prétendaient connaî- de miséricorde, il l'avait laissée se balancer
tre l'avenir par l'élude des livres saints, faite doucement au roulis des pures amours et def
avec certaines préparations. Ils y trouvaient célestes espérances.
même la médecine el toutes les sciences, par Cependant de mauvaises rafales agitaient
des combinaisons cabalistiques. encore par instants le saint navire. Par in-
ESTERELLIi. Voy. Fées. slanls les tentations de l'intelligence reve-
El'ANG DE LA VIE. Au sortir du pont OU naient, el la raison interrogeait la foi avec
se fait la séparation des élus el des réprouvés, orgueil. Alors frère Alfus devenait triste ; de
les docteurs persans font descendre les bien- grands nuages voilaient pour lui le soleil in-
heureux dans cet étang, dont les eaux sont téi leur ; son cœur avait froid. Errant dans les
blanches et douces conmie le miel. Pour la campagnes, il s'asseyait sur la mousse des
conunodilé des âmes, il y a tout le long de rochers, s'arrêtait sous l'écume des torrents
l'étang des cruches en forme d'éloiles, tou- marchait parmi les murmures de la forêt ;
jours pleines de celle eau : les fidèles en boi- mais il interrogeait vainement la nature. A
ront avant d'entrer dans le paradis, parce toutes ses demandes, les montagnes, les 11 )ls
<jue c'est l'eau de la vie éternelle , el que si et les fleuvesne répondaient qu un seul mot •
I un et) boit seulement une goutte, un n'a plus Dieu I

rien à désirer. Frère Alfus était sorli victorieux de beau-


ÉTERNITÉ. Boèce définit l'éternilé: l'en- coup de ces crises chaque fois il s'élail af-
;

tière, parfaite et complète possession d'une fermi dans ses croyances car la lenlalion est
;

manière d'exister, sans commencement, sans la gymnasli(iue de conscience, (juand elle


la
fin,sans aucune succession. Le latin est plus ne la bri^c point, elle la fortifie. Mais depuis
rapide : Jnlerminahilis viicc lola simui et per- quelque temps, une inquiétude plus poi-
fecta possessio. gnante s'était emparée du frère. Il avait re-
L'éternité n'a point de parties qui se suc- mar<|ué souvent que tout ce qui est beau
cèdent; elle ne va point par lu présent du peid son charme par le long usage, que l'œil
(tj Voyeï l'arlklo Cabule. se faiiguc du plus merveilleux p.iysage, l'o-
573 EIE KTR r.ii

de lii plus douce voix, el il s'était de-


ri'ill'' lagnes elles-môincs ne se montraient plus »
inaiiilé cominoiU nous pourrions trouver ,
riiorizan que comme des nuages; tout à coup
inènic dans les deux un aliment de joie
, le moine s'arrêta; il était à l'entrée d'une
élernelle! Quedevii ndraillamoliililé de noire grande forêt qui se déroulait <à perte de vue,
ilnie, au milieu de nia;,'nific('n('es sans terme? comme un océan de verdure; mille rumeurs
L'éternité !.. quel mot pour une créature, charmantes bourdonnaient à l'eutour, et une
qui ne connaît d'autre loi que celle de la di- brise odorante soupirait dans les feuilles.
versité cl du chauffcmenl! O mon Dieu plus 1 Après avoir plongé son reg ird élonné dans
de passé ni d'avenir, plus de souvenirs ni la molle obscurité des bois, Alfus y entra en
d'espérances L'éleriiilé l'élcrnilc 1... O mot
1 1 hésitant, et comme s'il eût craint de faire
qui fais pleurer sur la terie ([ue pcux-lu , quelque chose de défendu. Mais à mesure
donc signifier dans le ciel? qu'il marchait, la forêt devenait plus grande;
Ainsi pensait frère AUus, et ses incertitu- il trouvait des arbres chargés de fleurs, qui
des étaient grandes. Un matin, il sortit du exhalaient un parfum inconnu. Ce parfum
monastère avant le lever des frères ei des- n'avait rien d'enivrant comme ceux de la ter-
cendit dans la vallée. La campagne encore . re ; on eût dit une sorle d'émanation morale
toute moite de rosée, s'épanouissait aux pre- qui embaumait l'âme c'était quelque chose
:

miers rayons de l'aube. Aifus suivait lenle- de fortifiant et de délicieux à la fois, comme
meut les sentiers oml)re;ix de la collitie ; les la vue dune bonne action, ou comme l'ap-
oiseaux, qui venaient de s'éveiller, couraient proche d'un homme dévoué que l'on aime.
dans les aubépines, secouant sur sa tête Bientôt Alfus entenilit une harmonie qui
chauve une pluie de rosée ; et queli]ues pa- remplissait la forêt ; il avança encore , cl il
pillons encore à deuii endormis voltigeaient aperçut (le loin une clairière tout éblouis-
nonclialanmienl au soleil pour sécher leurs sante d'une lumière merveilleuse. Ce qui le
ailes. Alfus s'arrêta à regarder la campagne frajjpa surtout d'étonnement, c'est (jue le par-
qui s'étendait sous ses yeux ; il se rappela fum, la mélodie et la lumière ne semblaient
combien elle lui avait semblé belle la pre- former qu'une même chose : lout se com-
mière fois qu'il l'avait vue, et avec quelle muniquait à lui par une seule perception ,

ivresse il avait pensé à y linirses jours. C'est commes'ileût cessé d'avoirdes sensdisliucls,
que pour lui, pauvre enfant des villes , aCf et comme s'il ne lui lut resté qu'une âme.
coutume aux ruelles sombres < t aux tristes Cependant il était arrivé prôsde la clairière
murailles des citadelles, ces lleurs, ces ar- et s'était as-is pour mieux jouir de ces u)er-
bres, cet air, étaient nouveautés enivrantes veilles, quand tout à coup une voix se fait
Aussi la douce année qu'avait été l'année do entendre; mais une voix telle que, ni le bruit
son noviciat! Que de longues courses dans des rames sur le lac, ni la brise riant dans
les vallées (Jue de découvertes charmantesl
1 les saules, ni le souffle d'un enfant qui dort,
Oiseaux chantant parmi les glaïeuls, clai- n'auraient pu donner une idée de sa douceur.
rières habitées par le rossignol églantines , Ce que l'eau, la terre et le ciel ont de mur-
roses, fraisiers des bois, ohl (|uel bonheur de mures eiicliantcurs, ceque les langues elles
vous trouver une première fois ((uelle joie 1 musi(|ues humaines ont de séductions sem-
de marcher par des sentiers inconnus (juc blait s'être fondu dans cette voix. Ce n'était
voilent les ramées, de rencontrer à chaque point un chant, et cependant on eût dit d s
pas une source où l'on n'a point encore bu, lluls de mélodie; ce n'était point un langage,
une mousse que l'on n'a point encore foulée. el cependant la voix parlait 1 Science , poé-
Mais, hélas! ces plaisirs eux-mêmes du- sie, sagesse, tout était en elle. Pareille à un
rent peu; bientôt vous avez parcouru toutes souffle céleste, elle enlevait l'âme el la faisait
les routes de la forêt, vous avez enieiidu tous onduler dans je ne sais quelle région ignorée.
ses oiseaux, vous avez cueilli de toutes ses En l'écoutant, on savait on sentait tout;
tout,
fleurs, el alors, adieu aux beautés de la cam- el comme le monde de pensée qu'elle em-
la
pagne, à ses harmonies riiabitude qui des-
: brassait en entier est infini dans ses secrets,
cend comme un voile cuire vous el la créa- la voix toujours unique était pourtant tou-
tion vous rend aveugle et souid. jours variée; l'on eûl pu l'entendre pendant
Hélas! frère Alfus eu él.iit là; semblable à des siècles sans la trouver moins nouvelle.
tes hommes qui, après avoir abusé des li- Plus Alfus l'écoutait, plus il sentait grandir
queurs les plus enivrantes, n'en sentent plus sa joie intérieure. Il semblait qu'il y décou-
la puissance, il regardait avec indifférence le vrait à chaque instant quelques mystères
spectacle naguère si ravissant à ses yeux. inelTables ; c'était comme un horizon des Al-
Quelles beautés célestes pourraient donc oc- pes à l'heure où les brouillards se lèvent et
cuper éternellement celte âme, que les œu- •dévoilent tour à tour les lacs, les vais cl les
vres de Dieu sur la terre n'avaient pu char- glaciers.
mer (|u'un instant? Mais enfin la lumière (jui illuminait la foret
Tout en se proposant à lui-même celte s'obscurcit , un long murmure retentit sous
question, Aifus s'était enfoncé dans la vallée. les arbres el la voix se tut. Alfus demeura
La léte penchée sur sa poitrine et les bras quelque temps immobile, comme s'il fût sorti
pendants , il allait toujours sans rien voir, d'un sommeil enchanté. 11 regarda d'abord
franchissant les ruisseaux, les bois, les col- autour de lui avec stupeur, puis voulul se le-
lines. iJé à le clocher du monastère avait di<- ver pour reprendre sa route; mais ses pieds
j)aru Olmutz s'était enfoncé dans les brumes
; élaienlengourdis, scsmembres avaient perdu
avec ses cgi ses et ses fortifications; les mun- leur agilité. Il parcourut avec peine !e seii-
f75 nifTIONNAIIŒ DKS SCIENCGS OCCULTES. 57(>

lier par lequel il était venu cl so trouva on perdre au loin derrière les bois,
le vit se
biotilôl hors (in bois. puis on l'attendil vainement, on ne sut ja-
Alors il chiTclia le chemin du monastère ; mais ce que frère Alfus était devenu. De-
Ayant cru rcconnnîlrc, il hâta le pas, car
le puis ce temps , il s'est écoulé un siècle
1,'î nuit allnit venir mais sa surprise aug-
; entier.
mrnlail à mesure qu'il avançait davantage : A ces mots, Alfus jeta nn ijrand cri car il ,

on eût (lit (|ue tout avait clé changé dans la avait tout compris. Il se laissa tomber à ge-
camp.'ignc depuis sa sortie du couvent. Là noux sur la terre, et joignant les mains avec
où il avait vu les arbres naissants, s'élevaient ferveur : — mon Dieu dit-il , vous avez
,

inainlenant des chênes séculaires. Il chercha voulu me prouver combien j'élais insensé
sur la rivière un petit pont de bois tapissé de en comparant les joies de la terre à celles du
ronces, qu'il avait coutume de traverser il : ciel. Un siècle s'(^st écoulé pour moi comme
nexislait plus, et à sa place s'élançait une un seul jour à entendre votre voix ; je com-
solide arche de pierre. En passant piès d'un prends maintenant le paradis et ses joies
élang, des femmes, qui faisaient sécher leurs éternelles ; soyez béni , 6 mon Dieu et par-
1

toiles sur les sureaux fleuris, s'inlerroinpi- donnez à voire indigne serviteur.
retit pour le voir et se dirent entre elles :
— Après avoir parlé ainsi, frère Alfus étendit
A'^oici un vieillard qui porte la robe des moi- les bras, embrassa la terre et mourut.
nes d'Olmulz ; nous connaissons tous les frè- L'histoire du moine Alfus fait partie d'un
re», et cependant nous n'avons jamais vu des ouvrages de Schubert, l'un des écrivains
celui-là. les plus populaires de l'Allemagne. Elle est
—Ces femmes sont folles, se dit Alfus, et dans le livre De l'ancien et du nouveau ; son
ilpassa outre. titre est l'Oiseau du Paradis. Nous avons
Cependant il commenç.iit à s'inquiéter, donné ici la belle traduction de M. Emile
lorsque le clocher du couvenlse montra ilans So ives're.
les feuilles. Il pressa le pas , gravit le pet t ETERNUMENT. —
On vous salue quand
sentier, tourna la prairie et s'élança vers le vous éternuez, pour vous marquer, dit Aris-
seuil. Mais, ô surprisel la porte n'était plus tote, qu'on honore votre cerveau, le siège du
à sa place accoutumée 1 Alfus leva les yeux bon sens et de l'esprit. Celte politesse s'étend
et demeura immobile de stupeur. Le monas- jusque chez les peuples que nous traitons
tère d'Olmulz avait changé d'aspect; l'en- de barbares. Quand l'empereur du Monomo-
ceinte était plus grande , les édifices plus tapa étcrnuait , ses sujets en étaient avertis
nombreux; un platane qu'il avait planté lui- par un signal convenu, et il se faisait des
itiéme près de la chapelle quelques jours au- acclamations générales dans tous ses états.
paravant, couvrait maintenant l'usile saint Le père Famien Strada prétend que, pour
de son large feuillage. trouver l'origine de ces salutations, il faut
Le moine , hors de lui , se dirigea vers la remonter jusqu'à Prométhée ; que cet illustre
nouvelle entrée et sonna doucemenl. Ce contrefacteur de Jupiter, ayant dérobé un
n'était plus la même cloche argentine dont il rayon solaire dans une petite boîte pour ani-
connaissait le sou. Un jeune frère gardien mer sa statue, le lui insinua dans les narines
»int ouvrir. comme une prise de tabac, ce qui la fit éler-
— Que s'est-il donc passé? demanda Alfus. nuer aussi;àt.
Antoine n'esl-il plus le portier du couvent? Les rabbins soutiennent que c'est à Adam
— Je ne connais point Antoine , répondit qu'il faut faire honneur du premier élcrnu -
le frère. ment. Dans l'origine dcj ti-mps, c'était, dit-
Alfus porta les mains à son front avec on , un mauvais pronostic et le présage de
épouvante. —
Suis-je devenu fou ? dit-il ; la mort. Cet état continua jusqu'à Jacob ,
n'est-ce point ici le monastère d'Olmulz, qui, ne voulant pas mourir pour cause aussi
d'où je suis parti ce matin? légère, pria Dieu de clianger cel onlre do
Le jeune moine le regarda. Voilà cinq — choses ; et c'est de là qu'est venu, selon ces
années que je suis portier, répondit-il, et je docteurs , l'usage de faire des souhaits heu-
ne vous connais pas. reux quand on élernue.
Alfus promena autour de lui des yeux On a trouvé une raison plus probable de
égarés ; plusieurs moines parcouraient les cette politesse ; c'est (|ue , sous le pontificat
clolires ; il les appela, mais nul ne répondit de saint Grégoire le Grand, il y eut en Italie
aux noms qu'il prononçait il courut à eux ; une sorte do peste qui se nianii^estait par des
pour regarder leurs visages, il n'eu con- éternuments; tous les pestiférés éternuaient;
naissait aucun. on se recommanda à Dieu, cl c'est de là
— Y a-l-il ici quelque grand miracle de qu'est venue ropini:)n popu'jiire que la cou-
l>ieu ? s'éoria-t-il ; au nom du ciel , mes tume de se saluer tire son origine d'une ma-
frères, regardez-moi. Aucun do vous ne m'a- ladie épidéraique qui emportait ceux dont la
l-il déjà vu ? N'y a-t-il personne qui con- membrane pituitaire était slimulée trop vi-
naisse le frèro Alfus ? vement.
Tous regardèrent avec étonnement
le Engénéral, l'éternument chez les anciens
— Alfus1 dit enfin le plus vieux, oui il
y , était pris tantôt en bonne, tantôt en mau-
eut autrefois à Olmulz un moine de ce nom, vaise part , suivant les teuips les lieux et
,

je l'ai entendu dire à mes anciens. C'était un les circonstances. Un bon éternument était
homme savant et rêveur qui aimait la so- c<-lui qui arrivait depuis inrdi jus(|u'à n)inuit,
litude- Un jour il descendit dans la vallée ;
cl quand la lune clait-dans les signes du
m ETR EVO 578

taureau du lion , de la balance, du capri-


,
qui einbouchera la trompette pour annoncer
corne et des poissons ; mais s'il venait de le jour du jugement.
minuit à midi, si la lune était dnns le signe ETRENNES. Dans les temps reculés, chez
de la vierge, du verseau, de l'écrevisse du , nos pères loin de se rien donner mutuelle-
,

scorpion, si vous sortiez du lit ou de la table, ment dans les familles le premier jour de
c'était alors le cas de se recommander à l'an, on n'osait même rien prêter à son voi-
Dieu (1). sin. Mais chacun mettait à sa porte des tables
L'élernument , quand on l'entendait à sa chargées de viandes pour les passants. On y
droite , était regardé chez les Grecs ot les plaçait aussi des présents superstitieux pour
Uoaiaiiis, comme un heureux présage. Les les esprits. Peut-être était-ce un reste de ce
Grecs, en parlant d'une belle personne di- ,
culte que les Romains rendaient, le premier
saient que les amours avaient élernué à sa jour de l'année, aux divinités qui préï^idaient
iiaissmce. aux petits cadeaux d'amis. Quoi qu'il en soit,
Lors(iue le roi de Sennaar élernuait , ses l'Eglise fut obligée, sous Cbarlemagne, d'in-
coiiriisans lui lournaieiit le dos, en se don- lerdlie les présents superstitieux que nos
nant de la main une claque sur lu fesse ai.cètres déposaient sur leurs tables. Les ca-
droite. nons donnent à ces présents le nom d'é~
trennes (lu diable.
ETHNOPHRONES, hérétiques du septième
siècle, qui joignaient au christianisme les
ETTEILLA, On a publié sous ce nom dé-
guisé, qui est l'anagramme (l'Alliette , plu-
superstitions païennes, l'astrologie, les au-
sieurs traités de carlomancie.
gures, les expiations , les jours heureux et
malheureux, les divinations diverses. EUBIUS, auteur d'un livre intitulé Appn- :

KTIENNE. Un homme, qui s'appelait Etien- rilions d'Apollonius ou Démonstralion des


,

ne , avait la mauvaise habitude de parler à apparitions d'aujourd'hui. In-4.°, Amsterdam,


1735. (En latin.)
ses gens comme s'il eût parlé au diable ;
ayant toujours le diable à la bouche. Un EUCHARISTIE. «L'épreuve par l'Eucha-
jour, qu'il revenait de voyage, il appela son en recevant la communion.
ristie se faisait

valet en ces termes : —


Viens çà, bon diable, Ainsi Loihaire ,
en recevant la
roi de Lorraine
communion de la
,

main du
jura ,

lire-moi mes chausses.


A peine eut-il prononcé ces paroles , pape Adrien II, qu'il avait renvoyé Valdrade,
qu'une griffe invisiiile délia ses caleçons, sa concubine; ce qui était faux. Gomme Lo-
fil tomber ses jarretières et descendit ses ihaire mourut un mois après, en 868, sa
chausses jusqu'aux talons. Etienne, effrayé,
mort fut attribuée à ce parjure sacrilège.
s'écria: —
Retire-toi, Salan, ce n'est pas Celle épreuve fut supprimée par le pape
Alexandre II (4). »
toi, mais bien mon domestique que j'appeilr.
Lediahle se relira sans se montrer, et maî- EUMÈCES, caillou fabuleux, ainsi nom-
tre Etienne n'invoqua plus ce nom (2). mé de sa forme oblongue, que l'on disait se
et

Pour un autre Etienne, voy. Guioo. trouver dans la Biiclriaiie; on lui attribuait
la vertu d'apprendre à une personne endor-
ETNA. Le christianisme chassa de l'Etna mie ce qui s'était passé pendanlson sommeil,
et des îles de Lipari Vulcain , les Cyclopes
si elleavait dormi avec cettepierre posée sur
et les Géants. Mais les démons se mirent à
sa tète.
leur place et quand on institua la fêle des
;
EURYNOME, démon supérieur, prince de
morts afin d'enlever au purgatoire et de
,
la mort, selon quelques démonomanes. Il a
rendre au paradis une foule d'âmes souf- de grandes el longues dents, un corps ef-
frantes on entendit , comme le raconte nn
,
froyable, tout reni|ili de plaies, et pour vêle-
saint ermite, des bruits affreux dans l'Etna
ment une pe.iu de renard. Les païens le
et (les dctimatitins étourdissantes dans les
connaissaient. Pausaniasdil qu'il se repaît de
îles voisines. C'était Salan et toute sa cour ,
charognes el de corps morls. Il avait, d lus
Silan et tout son peuple de démons qui le temple de Delphes, une statue qui le re-
hurlaient de désespoir et redemandaient
présentait avec un teint noir, montrant ses
à grands cris les âmes que la nouvelle fui grandes dents comme un loup affamé cl
venait de leur ravir (3j. assis sur une peau de vautour.
ETOILES. Mahomi'l dit que les étoiles sta- EVANGILE DE SAINT JEAN. On croit
bles et les étoiles qui filent sont les senti- dans les campagnes que celui qui porte sur
nelles du ciel ; elles empêchent les diables soi l'évangile de saint Jean, Inprincipio eral
d'en approcher et de connaître les socreU de verbuin, écrit sur du parchemin vierge, ot
Dieu. renfermé dans un tuyau Je pi unie d'oie, le pre-
Les llomains voyaient des divinités dans mier dimanche de l'année, une heure avant
les étoiles. le lever du soleil , sera invulnérable et se
Les Etéens observaient, un certain jour de garantira de quantité de maux (5). Voj.
l'année, le lever de l'étoile Sirius si elle : (iLÉiDOMANCIE.
paraissait obscure, ils croyaient qu'elle an-
EVE. Les Musulmans cl les Talmudistes lui
nonçait la peste.
donnent, comme à notre premier père, une
ETKAPHILL, l'un desanges des musul- taille d'une lieue. Voy. Adam, Sàhael. etc.
mans. Il se tient toujours debout c'est lui : ÉVOCATIONS. Celui qui veut évoquer le
II) M. Saleues, Des erreurs et dt-s prùjusés, l. I. (ô) M. Didron, Histoire du dialile.
p. 391. Borgier. Dieiioiiiiairft tliéoIogii|ue.
\i)
(ï) Gregnrii M.igni dialoj., lil). III, cap. x\. (a) 'lliiers, Traité des suiierslilioiis, l. I.
879 nl(;TION^AlI!^: di;s fcii n f.s ocr.uLTKS. S80

dinblo lui dnil le chien, d'un


sacrifice (riiii sacrifice de la messe. le diacre ayant crié (oui
cli.il oud'iinc [)oiili',à(ondilio[i que ces trois haut à l'ordinaire Que les caléthuinéiies
:

aniniiiiix soioiil sa |)r(>])riclé. Il jure ensuite et ceux qui ne communient [las se retireni,
fi.léliléil ohcissancc éli'rnelles, et reçoit une on vit lout à coup
tombeau s'ouvrir dele
in<-iri|iic, au movcn dti laquelle il jouit d'une lui même, el le corps du martyr se retirer
|iui>saiu'e absolue sur trois esprits infer- dans le vestibule de l'ésïlise. Après la messe
naux, l'un (11' la (erre, l'autre de la mer, le il rentra de lui-même dans son sépulcre. Un

Iroisièinc de l'air (I). pieux vieillard ayant prié pendant trois


On se flailedc faire venir le diable en lisant jours, apprit par révélation que ce religieux
certaines for.'nules du grimoire. Voy . Con- avait encouru l'excommunicaliDii pour avoir
jurations. désobéi à son supérieur, el qu'il demeurerait
Deux chevaliers de Malle avaient un es- lié jus(ju'à ce que ce même supérieur lui eût
clave qui s(^ vanlait de posséder le serrci d'é- donné l'absolution. On alla donc au désert;
voquer les dénions et de les obliger à décou- on en amena le supérieur, qui fit ouvrir le
\rir les choses cachées. On le conduisit dans cercueil da martyr et lui donna l'absolution,
un vieux château, où l'on soupçonnait des après quoi il demeura en paix dans son tom-
trésors enfouis. L'esclave descendit dans un beau (i).
souterrain, 3t ses évocations: un rocher C'est là un fait merveilleux, que nous no
.s'ouvrit, el il en sortit un coffre. Il tenta plu- prétendons pas donner comme incnteslable.
sieurs fois de s'en emparer mais il n'en put ; Dans le second concile di; Limoges, tenu
venir .1 bout, parce que le cofl're rentrait dans en 1031, l'évêque de Caliors raconta une
le rocher dès qu'il s'en approchait. Il vint aventure qui lui était particulière, et qu'il
dire aux chevaliers ce qui lui arrivait, et de- présenia comme toute récente :

manda un peu de vin pour reprendre des « Un chevalier de notre diocèse, dit ce
foi ces. On lui en ilonna. Quelque lemiis après, prélat, ayant été tué dans l'excommunica-
coninie ilne revenait point , on alla voir ce tion, je ne voulus pas céder aux prières de
qu'il faisait; on le trouva étendu mort, ses amis, qui me suppliaient vivement de lui
ayant sur toute sa chair des coups de canif donner l'absolution je voulais en faire un
:

représentant une croix. Les chevaliers por- exemple, afin ciue les autres fussent touchés
tèrent son corps au bord de la mer, cl l'y de crainte; il fut enterré par quelques gen-
précipi'.èront avec une pierre au lou ('2). tilshommes, sans cérémonies ecclésiastiques
Pour l'évocation des â;iies, voy. Nécroman- et sans l'assistance des prêtres, dans une
cie. église dédiée à saint Pierre.
EXARL, dixième des premiers anjres. II
le n Le lendemain malin, on trouva son corps
apprit aux hommes, selon le livre d'Enoch, hors de terre el jeté nu loin de son tombeau,
l'art de fabriquer les armes et les machines qui était demeuré entier, et sans aucune
«le guerre, les ouvrages d'or et d'argent (|ui marque qui prouvât qu'on y eût touché. Les
])laisent aux femmes, et l'usage des pierres gentilshommes qui l'avaient enlerré n'y trou-
précieuses, ainsi que le fard. vèrent que les linges où il avait été enve-
EXCOMMUNICATION. loppé; ils l'enterrèrent une seconde fois, et
Il y a eu quelque-
fois des abus, de la part des hommes, dans couvrirent la fosse d'une énorme quantité de
l'usage des excommunications; et on est terre et de pierres.
parti de là pour crier contre ces excommuni- « Le lendemain, ils trouvèrent de nouveau

cations, qui ont rendu cependant desi grands le corps hors du tombeau, sans qu'il parût

Services à la société dans des siècles barbares. qu'on y eût travaillé La même chose arriva
Mais on ne trouverait pas facilement, dans jusqu'à cinq fois. Enfin ils enterrèrent l'ex-
toute l'histoire, un excommunié frappe ré- communié comme ils purent, loin du cime-
gulièrement parle Sainl-Siége, qui ait pro- tière, dans une terre profane; ce qui rem-
spéré jusqu'au bout. Napoléon mémo peut plit les seigneurs voisins d'une si grande

fournir un exemple récent (3j. terreur, qu'ils vinrent tous demander la


On lit dans les Menées des Grecs, au 15 oc- paix (S). »
tobre, qu'un religieux du désert de Scété, Jean Bromton raconte dans sa chronique
ayant été excommunié par son supérieur que saint Augustin, apôtre de l'Angleterre,
pour quelque tiésobéissance, sortit du dé- ayant devant tout le peuple, avant de
dit
sert et vi:il à Alexandrie, où il fut arrêté par commencer la messe: « Que nul excommu-
le sniivprnenr (Jp la ville, dépouillé du nié n'assiste au saint sacrifice! » un vil sor-
saint babil, puis vivemonl sollicité de sacri- tir aussitôt de l'église un mort qui était en-
fier aux faux dieux. Le solitaire résista gé- terré depuis longues années. Après la messe,
néreusement; il fut tourmenté en diverses saint Augustin, précédé de la croix, alla de-
manières, jusqu'à ce qu'enfin on lui tranchât mander à ce mort pourquoi il était sorti.
la télc; on jeta son corps hors de la ville. Le défunt répondit qu'il était mort dans
Les chrétiens l'enlevèrent la nuit, et l'ayant l'excommunication. Le saint pria cet excom-
enveloppe de linceuls, renlerrèrentdaiis l'é- munié de lui dire où était enterré le prêtre
glise comme martyr. Mais pendant le saint qui avait porté contre lui la sentence. On s'y

(!)Dansiif Forllauis. la finde l'abominable empereur Henri IV. Lispi dans l<
i] D. Ijlmel 01 Giiydt-Dolainarre, proleslanl Voigt l'iilsluire du sainl pape liiéj(uire V[|.
(5J Vove7., (J:ins commaiidemfints de
les lé^i'iiili^s ries (ij 1). (lalmel, Dissertaliun sur lesrevviiaiiis, p. ôiU
Diiu, la lé^eiiili' du chanoine de Liège, el dans in Chroni- (o) 0)iicil., t. IX, p 'Mi.
eue dt Gudefiuid de Bouiltoti le cliap. livni uii se iruuvu
5?» EXO EXT 5H2

trnnsporln. Aiigtislin conjura le prôtrn de se enlenilu ces choses, voulut bien en donner
leviT il le fit; à la dcinaiide du saint évêqup,
:
l'absolution à sou moine; après quoi il or-
il donna l'absolution à l'exeommuiiié, et les donna au diable de quiiter la possé<lée.
deux morts retournèrent dans leurs tom- — Où voulez-vQus que demanda j'aille? le
beaux. déino!!.
Les critiques vont ici se récrier et nous — Je vais ouvrir ma bouche, répondit l'abbé,
adresser quelque froide plaisanterie nous ; tu entreras dedans, peux. si tu
les avertissons que nous ne rapportons cette — y trop ch.iud, répliqua diable
Il fait le ;

légende que comme une tradition popiilaire; vous avez communié.


qu'il peut nous convenir d'y ajouter loi, mais — bien! mets-toi
Eli l'abbé qui était
ici; et
<iue pourtant nous ne la garantissons pas. gai tendait son pouce.
Ia'S Grecs schismatiques croient que les — Merci, vos doigts sont sanctifiés.
corps excommuniés ne pourrissent pas en — Eu ce cas, va où tu voudras, mais pars.
t( rre, mais qu'ils s'y conservent noirs et — Pas si vite, répli(]ua le diable; j'ai per-
puants. mission de rester ici deux ans encore
Bii Angleterre, le drs doctors
tribunal L'abbé dit alors au diable Montre-loi : —
cominons excommunie encore; et, (>n 1837, il à nos veux dans ta forme naturelle.
a frappé de cette peine un marchand de pain — Vous le voulez?
d epices, nommé Studberry, pour avoir dit — Oui.
une parole injurieuse à un autre paroissien, — Voyez.
dans une sacristie anglicane. Voy. Inteudit. En môme temps la possédée commença de
EXCREMENTS. Ou sait que le dalaï lama, grandir de grossir d'une manière effroya-
el
chef de la religion des 'farlares indépen- ble. En ''eux minutis, elle était déjà haute
dants, est regardé comme un dieu. Si'S ex- comnie une tour de trois cents pieds; ses
créments sont conservés comme des choses yeux devinrent ardents coinnie des four-
sacrées. Après qu'on les a fait sécher et ré- naises et ses traits épouvantables. Les deux
duits en pouilre, on les renferme dans des moines tombèreiil évanouis; l'abbé, qui seul
boîtos d'or enrichies de pierreries, ei on les avait conservé du courage, adjura le diable
envoie aux plus grands princes. Son urine de rendre à la possédée la laMIe et la forme
est un élixir propre à guérir toute espèce de qu'elle avait d'abord. —
Il obéit encore et dit
maladie. à Guillaume : —
Vous faites bien d'être pur ;
Dans le royaume de Boutan, on fait sécher car nul homme ne peut, sans mourir, me
également les plus grossières déjections du voir Ici que je suis, s'il est souillé.
roi, et après les avoir renfermées dans de EXIMATION. — Les anciens Arabes cou-
petites boîtes,on les vend dans les marchés paient l'oreille à quelque animal et le lâ-
pour saupoudrer les viandes. Voy. Déjec- iliaient au travers des champs en expiation
tions, Fientes, Tanchelm, etc. de leurs péchés. —
Un Juif, dit Saint-Foix,
EXOIIGISME, conjuration, prière à Dieu s'arme d'un couteau, prend un coq, le tourne
et commandement l'ait au démon de sortir du trois fois autour de sa tête, et lui coupe la
corps des personnes possédées. Souvent il gorge en lui disant : —
Je te charge de mes
est seulement destiné à les préserver du dan- pé(hés; ils sont à présent à toi : tu vas à la
ger. mort, et uioi je suis rentré dans le chemin do
On regarde quelquefois exorcisme et con- la vie éternelle....
iuralion comme synonymes; cependant la EXTASES. — L'extase (considérée comme
conjuration n'est que la formule par Liquelle crise matérielle) estun ravissement d'eSjiril,
on commande au démon des'éloiguer; l'exor- une suspension des .••ens causée par une forte
cisme est la cérémonie entière (1). contemplation de quelque objet extraordi-
Les gens qui s'occupent de magie ont aussi naire et surnaturel. Les mélancoliques peu-
leurs exorcismes pour évoquer el renvoyer. vent avoir des extases. Saint Augustin l'ait
Voy. Conjurations. mention d'un prêtre qui paraissait mort à
Voici une légende bizarre sur un exor- volonté, et qui resta uiort, très-involontaire-
cisme on lit dans Césaire d'Hesterbach (2),
: ment sans doute, dans une de ses expériences.
que Guillaume, abbé de Sainte-Agathe, au S'il Gt le mort, il le fitbien. Ce prêtre se nom-
diocèse de Liège, étant allé à Cologne avec mait Prétextai ; il ne sentait rien de ce qu'on
deux de ses moines, fut obligé de tenir tête lui faisait souffrirpendant sou extase.
à une possédée. Il lit à l'esprit malin des Les démonomanes appellent l'extase un
questions auxquelles celui-ci répondit comme transport en esprit seulement, parce qu'ils re-
il lui plut. Le diable faisant autant de men- connaissent le transport en chair et en os,
songes que de réponses, l'ablié s'en aperçut par l'aide et assistance du diable. Une sor-
et le conjura de dire la vérité; il obéit. H cière se frotta de graise, puis tomba pâmée
apprit au bon abbé comment so portaient sans aucun sentiment: et trois heures après
plusieurs défunts dont il voulait savoir des elle retourna en son corps, disant nouvelles
nouvelles. Undes frères qui l'accompagnaient de plusieurs pays qu'elle ne connaissait
voulut lier conversation avec le diable. — point, les^quelles nouvelles furent par la suite
Tais-toi, lui dit l'esprit malin, tu as volé hier avérées (3).
douze sous à ton abbé; ces douze sous sont Cardan dit avoirconnuun homme d'église,
maintenant dans ta ceinture L'abbé ayant — qui tombait sans vie et sans haliine loules
(I) Borgior, Diclioim. ila (iiêologio. Sbollcn, De D.:il)oI., liv. VII.
(i) O'sjiii Ucislerljacli Mùacul., liv. V, cli x\ix et (3J LS^xliii, (jjiis jj Dciiioiiomaiiie
,

S8S nrTfOMV.MrtK DES SCIENCES OCCULTES. 5,<!4

lesfoisqu'il Icvoulnit.Ccl état durait ordinai- ciieval avait porté de trûspcsantos charges,
il

rement quelques iicurcs ; on le UxirmeiiUiit, quoique son corps n'eût pas quitté le lit; et
011 le fr^ippail, on lui brûlait les chairs, sans l'on regarda comme une extase, produite par
qu'il éprouvât aucune douleur. Mais il en- sortilège, ce qui n'était qu'un cauihemar
tendait confuscmi'nt.et comme à une distance causé p.ir une indigestion.
très-éloipnée, le hruil qu'on faisait aatour de l.e magnétisme produit des extases.
lui. Cardan assure encore qu'il tombait lui- UZ^f'HlEL. —
Les musulmans disent qufl
iiiénic en exiase à sa volonté; qu'il enten- les ussi-ments desséchés que ranima le pro-
dait alors les voix sans y rien comprendre, phète Ezéchicl étaient les restes de la ville de
et qu'il ne sentait aucunement ]<-s douleurs. Davardan.que la peste avait détruite et qu'il
Le père de Prestantias, après avoir nian(;é releva par une simple prière.
un fromage maléficic. crut au'étanl devenu

F
F.VAL, nom qnc les habitants de Saint- vent de l'allégemi-nt lorsqu'on jette ces pa-
Jean-d'Acre donnent à un recueil d'observa- piers sur l'eau, on en voit les bord» du lac
tions astrologi(|ues, qu'ils consultent dans couverts. —
H est aisé de reconnaitie dans
beaucoup d'occasions. ces usages des traditions altérées de l'Eglise.
FABEU (Albert-Othon), médecin de Ham- FALCONET (Noël) , médecin , mort en
bourg au dix-septième siècle il a écrit quel- ; iT.:k. Nous ne citerons de ses ouvrages que
ques rêveries sur l'or potable. ses Lettres et remarques sur l'or prétendu
FASKltr (Abraham); de simple soldat, il potable: elles sont assez curieuses.
devint maréchal de France, et s'illustra sous FANATISME. L'Eglise l'a toujours con-
Louis XIV. C'était alors si extraordinaire, damné, comn>e elle condamne tous es excès.
qu'on l'accusa de devoir ses succès à un Les actes de fanatisme des conquérants du
commerce avec le diable. Nouveau Monde étaient commis par des scé-
FABUE (PiKHRE Jean), médecin de Mont- lérats, contre lesquels le clergé s'élevait de
pellier, qui fil faire des pas à la chimie au toutes ses forces. On peut le voir dans la vie
commencement du dix-septième siècle. Il
y et dans les écrits de Barthélemi de Las Casas.
mêlait un peu d'alchimie, il a écrit sur cette Les écrivains philosophes ont souvent ap-
inalicre et sur la médecine spagyrique. S m pelé fanatisme ce qui ne l'était pas. Ils se
plus curieux ouvrage est VAlchimute chré- sont trompés ou ils ont trompé lorsque, par
tien (AlchiiiiUta chiisiianus),iH 8° ; Toulouse, exemple, ils ont aitribué le massacre politi-
16.2. que de la S lint-Barthélemi à la religion, (|ui
Il a publié i\uss\ y Ifercules piochj/micus y fut étrangère; lorsqu'ils ont défendu les
Toulouse 1C3'*, in 8°, livre où il soutient que fanatiques des Covennes, etc.
les travaux d'Hercule ne sont que des eni- 11 y a eu très-souvent du fanatisme outré

lilèmcs qui couvrent les secrets de la philo- dans les hérésies et même dans la sorcel-
sophie Hermétique. lerie.
FABUICIUS (Jean-Ai.bert1, bibliographe Sous le règne de Louis XII, un écolier de
allemand , né à Lcipsick en 1668. Il y a des l'université de Paris, persuadé que la reli-
choses curi( uses sur les superstitions et les gion d'Homère était la bonne, arracha la
contes populaires de l'Orient dans son recueil sainte hostie des mains d'un prêtre qui la
des livres apocryphes que l'Eglise a repous- consacrait, et la foula aux pieds. Voilà du
sés de VAncien et du Nouveau Testament (1). fanatisme.
FAIKFAX (Edouard), poëte anglais du Les Juifs en ont fourni de nombreux exem-
seizième siècle, au eur d'un livre intitulé /a ples, et un très-grand fanatisme distingue
JJémonologie où il parle de la sorcellerie
, beaucoup de philosophes modernes.
avec assez de crédulité. «Il y a un fanatisme politique, un fanatisme
FAIUFOI.KS, espèce de farfadets qui se littéraire, un fanatisme guerrier, un fana-
inonlrenl en Ecosse, et qui sont à peu près tisme philosophique (2). »
nos fées. On a nommé d'abord fanatiques les pré-
FAKONË, lac du Japon, où les habitants tendus devins qui rendaient leurs oracles
placent une espèce de limbes habités par dans les temples, fana. Aujourd'hui on en-
tous les enfants morts avant l'âge de sept tend par fanatisme tout zèle aveugle.
ans'. Ils sont persuadés que les âmes de ces FANNIUS (Caius), historien qui mourut de
enfants souffrent quelques supplices dans ce peur en composant un ouvrage contre Né-
lieu-là, et qu'elles y sont tourmentées jus- ron. H en avait terminé trois livres, et il
qu'à ce qu'elles soient rachetées par les commençait le quatrième, lorsque Néron,
passants. Les bonzes vendent des papiers dont il avait l'imagination remplie, lui ap-
sur lesquels sont écrits les noms de Dieu. parut en songe, et, après avoir parcouru les
Comme ils assurent que les enfants épruu- trois premiers livres de son ouvrage, se re-

(t) CixJcx pseuc!e|ii^r3|ilius vpicris Testameiili, cotlcc- Cmlex apociyplius uovi Teslaïuculi, etc. Hambourg, 1719.
tusliiiioiiiis(|ue ceiisuris el animadversiu-
luii, rastii,'iitu«
, Iii 8°.
•itHui iiluïiruttui. lu-B». UaiiiLiourt; el Luip!>i(Ji, 1713.— {i) Berfiier, Dici. ibéol.
R8S FAN FAQ r,%
(ira sans toiichor au quatrième qui élail en de son délabrement ; mais elle lui dit quelle
train. Ce rêve frappa Fannius; il crut y voir s'en contenterait, pourvu qu'on lui fit un
que son ouvrage ne serait pas achevé, vl il bon lit et un bon feu.
mourut en effet peu après. Après qu'on eut fait rc qu'elle désirait, elle
FANTASMAGOUIANA, litre d'un rcrucii soupa légèrement, et s'étanl bien réchauffée,
d(' contes populaires où les apparitions et les elle se mitau lit. Elle conmiençait.i s'rndorniir.
spectres jouent les preniiers rôles. Ces con- lorsqu'un bruit de chaînes et des sons lugu-
tes prolixes sont, pour la plupart, traduits de bres la réveillèrent en sursaut. Le bruit ap-
l'allemand, 2 vol. in-12; Paris, 1812. proche, la porte s'ouvre, elle voit, à la clarté
FANTASMAGORIE .spectacle d'optique, do son feu, entrer un fantôme couvert de
du genre des lanternes magiques perfeclion- lambeaux blanchâtres; sa figure pâle et mai-
néis, et qui, aux yeux des ignorants, peut gic, sa barbe longue et touffue, les chaînes
paraître de la sorcellerie. qu'il portait autour du corps, tout annonçait
FANTOMES, oSjTits ou revenants de mau- un habitant d'un autre monde. Le fantôme
vais augure, qui effrayaient fort nos pères ,
s'approche du feu, se couche auprès tout de son
quoiqu'ils sussent bien qu'on n'a aucune- long, se tourne de tous côtés en gémissanl,
ment peur des fantômes si l'on tient dans sa puis, à un léger mouvement qu'il entend
main de l'ortie avec du millefeuille (1). près du lit, il se relève promptement et s'en
Les Juifs prétendent que le fantôme qui approche. Quelle amazone eût bravé un tel
apparaît ne peut reconnaître la personne adversaire? Quoique notre voyageuse n(!
qu'il doit effrayer si elle a un voile sur le manquât pas de courage, elle n'osa l'attendre,
visage; mais quand celte personne est cou- se glissadans la ruelle do lit, et, avec une agi-
pable, ils prétendent, au rapport deBuxtorf, lité dont la frayeur rend capables les moins
(lue le masque tombe, afinquel'ombre puisse légères, elle se sauve en chemise à toutes
la voir et la poursuivre. jambes, enfile de longs et obscurs corridors,
On a vu souvent des fantômes venir an- toujours poursuivie par le terrible fantôme,
noncer la mort; un spectre se présenta pour dont elle entend iefrollementdeschaîncscon-
cela aux noces du roi d'Ecosse Alexandre 111, tre la muraille. Elle aperçoit enfin une faible
qui mourut peu après. clarté, et, reconnaissantia portedu concierge,
Camerarius rapporte que, de son temps, elle y frappe et tombe évanouie sur le seuil.
on voyait quelquefois dans les églises des il vient ouvrir, la fait transporter sur son lit
fantômes sans tête, vêtus en moines et en et lui prodigue tous les secours qui sont en
religieuses, assis dans les stalles des vrais son pouvoir. Elle raconta ce qui lui était ar-
moines el des sœurs qui devaient bientôt rivé.
mourir. —
Hélas s'écria le concierge, notre fou
1

Un chevalier espagnol avait osé concevoir aura brisé sa chaîne et se sera échappé!
une passion criminelle pour une religieuse. Ce foU était un parent du maître du châ-
Une nuit, qu'il traversait l'église du couvent teau, qu'on gardait depuis pl-isieurs années.
dont il s'était procuré la clef, il vit des cierges Il avait effectivement profilé de l'absence de
allumés et des prêtres, qui lui étaient incon- ses gardiens, qui étaient à la noce, pour dé-
nus, occupés à célébrer l'office des morts au- tacher ses chaînes, et le hasard avait con-
tour d'un tombeau. Il s'approcha de l'un deux duit ses pas à la chîimbre de la voyageusi',
et demanda pour qui on faisait le service. qui en fut quitte pour une grande peur (3).
«Pour vous, » lui dit le prêtre. Tous les autres Voy. AppiRiTioNS, Visioxs, Hallucinations,
lui firent la même réponse; il sortit effrayé, Esprits, Revenants, Spectres, Deshouliè-
monta à cheval, s'en retourna à sa maison, nEs, etc., etc.
et deux chiens l'étranglèrent à sa porte (2). FANTOME VOLANT. On croit, dans la
Une dame voyageant seule dansune chaise Basse-Breiagnc, entendre dans les airs, lors-
de poste fut surprise par la nuit près d'un qu'il fait un orage, un fan'ôiue vol.int «ju'on
village où l'essieu de sa voiture s'était brisé. accuse de déraciner les arbres et de renver-
On était en automne, l'air était froid et plu- ser les chaumières. Voy. Voltigeur hollan-
vieux; il n'y avait point d'auberge dans le dais.
village; on lui château. Comme
indiqua le FAPISIA , herbe fameuse chez les Portu-
elle en connaissait le maître, elle n'hésita gais, qui l'employaient comme un excellent
pas à s'y rendre. Le concierge alla la rece- spécifique pour chasser I s démons (i).
voir, et lui dit qu'il y avait au château dans FAQUIR oc FAKIR. Il y a dans l'Inde des
ce moment beaucoup de monde qui était ve- fakirs qui sont d'habiles et puissants jon-
nu célébrer une noce, et qu'il allait informer gleurs. On lit ce qui suit dans l'ouvrage de
le seigneur de son arrivée. La fatigue, le M. Osborne , intitulé : la Cour el le Camp
desordre de sa toilette et le désir de conti- de Rundjet-Sing :
nuer son voyage engagèrent la voyageuse à « A la cour de ce prince indien, la mission
prier le concierge de ne point déranger son anglaise eut l'occasion de voir un personna-
maître. Elle lui demanda seulement une ge appelé le Fakir, homme enterré et ressus-
chambre. Toutes étaient occupées, à l'excep- cité, dont les prouesses avaient fait du bruit
tion d'une seule, dans un coin écarlédu dans les provinces de Punjab.
château, qu'il n'osait lui proposer à cause « Ce Fakir est en grande vénération parmi

(1) Les Admirables secrets d'Albert le Grand. (i) DeUincre, Tableau de riiicoiistaiicedesdéinoiis, elt.,
(2) Toiquenia<la, Ilexaméroii. liv. IV, p. 297.
(.")j Specinjiij, p. 79.

DiCriONN. DES SCIE.iJCES OCCULTES, l. lU


5i7 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. S:S3

les à cause de la lacullé qu'il a de


Siiiks, mettre aux conditions britanniques. Runjet-
s'enlirrer toutvivanl pciulanlun temps don- Sing se fâch i.
né. Nous avions ouï raconter de lui tant « —
Je vois bien , dit le Fakir au capitaine
d'histoires, que notre curiosité était excitée. Osbnrne, que ^ous voulez me perdre, el qur-
Voilà plusieurs années qu'il fait le métier je ne sortirai pas vivant de mou tombeau.
de se laisser enferrer. Le capitaine Wade « Le capitaine, ne désirant pas du tout
nie dit avoir été témoin d'une de ses résur- avoir à se reprorher la mort du pauvre char-
rections, après un enterrement de quelques latan, renonça à l'épreuve. » V. Jamambuxks.
mois. La cérémonie préliminaire avait eu FARFADKÏS, esprits ou Intins ou démous
lieu on présence de Rtindjel-Sing, du géné- familiers, que les personnes simples croient
ral Ventura et des principaux sirdars. voir ou entendre la nuit. Quelques-uns se
« Les préparatifs avaient duré plusieurs montrent sous des figures d'animaux, le plus
jours, on avait arrangé un caveau tout ex- grand noinhre restent invisibles. Ils rendent
près. Le Fakir termina ses dispositions B:ia- généralement de bons offices.
les en présence du souverain; il se boucha Des voyageurs crédules ont prétendu que
avec de la cire les oreilles, le nez et tous les les Indes élaient pleines de ces esprits bons

autres orifices par lesquels l'air aurait pu ou mauvais, et qu'ils avaient un commerce
entrer dans son corps. Il n'excepta que la habituel avec les hommes du pays.
bouche. Cela fait, il fut déshabillé cl mis dans Voici l'histoire d'un farfadet :
un sàcdi! toile, après qu'il se fut retourné la En
l'année 1221, vers le temps des ven-
langue pour fermer le passage de la gorge, danges, le frère cuisinier d'un monastère de
et qu'il se fut posé dans une espèce de lé- Cîteaux chargea deux serviteurs de garder
thargie; le sac fut fermé et cacheté du sceau les vignes pendant la nuit. Un soir, l'un de
de lluniljet-Sing et déposé dans une boîte de ces deux hommes, ayant grande envie de dor-
.sapin, qui, fermée et scellée également, fut mir, appela le diable à haute voix et promit
ilescrndue dans le caveau. Par-dessus on ré- de le bien payer s'il voulait garder la vigne à
pandit et on foula de la terre, on sema de sa place. Il achevait à peine ces mois, qu'un
l'orge et on plaça des sentinelles. farfadet parut.

« II parait que le maha-rnjah, très-sre-



Me voici prêt, dit-il à celui qui l'avait
demandé. Que me donneras-tu si je remplis
plique sur cette mort, envoya deux fois des
ta charge?
gens pour fouiller la terre, ouvrir le caveau et
visiter le cercueil. On trouva cha(|ue lois le
— Je
te donnerai un panier de raisin, ré-
pondit le serviteur, à condition que lu veille-
Fiikir dans la même position et avec tous les
ras jusqu'au malin.
signes d'une suspension de vie.
Le farfadet accepta l'offre; et le domesti-
« Au bout de dix mois, terme fixé, le capi- que rentra à la maison pour s'y reposer. Le
taine Wade accompagna le maha-rajah pour frère cuisinier, qui était encore debout, lui
assister à l'exhumation : il examina attenti- demanda pourquoi il avait quitté la vigne?
vement par lui-même l'intérieur de la tombe ; —
Mon compagnon la garde, répondil-il ,
il ouvrir les serrures, briser les sceaux et
vit et il gardera bien.
la
porter l.i botte ou cercueil au grand air. —Va, va, reprit le cuisinier, qui n'en sa-
Quand on en lira le Fakir, les doigts posés vait pas davantage, ton compagnon peut
sur son artère et sur son cœur ne purent avoir besoin de loi.
percevoir aucune pulsatjon. La première Le valet n'osa répliquer et sortit; mais il
(hose qui fut faite pour le rappeler à la vie, se garda bien de paraître dans la vigne. Il
el la chose ne se fil pas sans peine, fut de appela l'autre valet, lui conta le procédé dont
ramener la langue à sa place naturelle. Le il s'était avise; et tous deux, se reposant sur
capitaine Wade remarqua que l'occiput était la bonne garde du lutin, entrèrent dans une
brûlant, mais le reste du corps très-frais et petite grotte qui était auprès de là, et s'y en-
tiès-sain. On l'arrosa d'eau chaude, —
el au dormirent. Les choses se passèrent aussi bien
bout de deux heures le ressuscité était aussi qu'on pouvait l'espérer; le farfadet fut fidèle
bien que dix mois auparavant. à son poste jusqu'au malin, cl on lui donna
prétend faire dans son caveau les rêves
« Il le panier de raisin promis. —
Ainsi finit le
les plus délicieux aussi redoulc-l-il d'être
: conie (1). Voy. BerbIguier, Bérith, Esprits,
réveillé de sa léthargie. Ses ongles et ses che- Feux follets, Hecdekin, Orthon, etc.
veux cessent de croître : sa seule crainte est FAKMEll ( Hugues ) , théologien angli-
d'être entamé par des vers ou des insectes; can, mort en 1787. On a de lui un Essai sur
c'est pour s'en préserver qu'il fait suspendre lesdémoniaques du Nouveau Testament, 1775,
au centre du caveau la boîte où il repose. oii cherche à prouver, assez gauchement,
il

« Ce Fakir eut lu maladroite funlaisie de que les maladies attribuées à des possessions
fiiire l'épreuve de sa mort el de sa résurre- du déiiion sont l'effet de causes naturelles, et
ction d<vanl la mission anglaise, lorsqu'elle non l'elTet de l'action de quelque malin es-
arriva à Lahore. Mais les Anglais, avec une prit.
cruelle ménaiicc, proposèrent de lui imposer FASCINATION, espèce de charme qui fail
quelques précautions de plus ils montrèrent
: qu'on ne voit pas choses telles qu'elles
les
«les cadenas à eux appartenant, el parlèrent sont. Un Bohémien sorcier, cité par B^iguel,
de mettre au tombeau des factionnaires euro- changeait des bottes de foin en pourceaux,
péens. Le Fakir fil d'abord de la diplomatie; cl les vendait comme tels, en avertissant lou-
il ic U'oubla, cl finalement refusa de se sou- (l) Cîesarius Ueisterbadiceiisis miracul.,
ill. lib. V.
5S9 KAT lAl 6J0
lefois de ne laver ce bétail dans
l'aolicli^ur de plus fortuit que de périr par le fer, de se
aucune eau. Un acquéreur de la denrée du noyer, d'être malade?;.. L'homme vertueux,
Bohémien, n'ayant pas suivi ce conseil, vit, qui parvient par de grands efforts à vaincre
au lieu de pourceaux, des bottes de foin na- ses passions, n'a donc plus besoin de s'étu-
ger sur l'eau où il voulait décrasser ses dier à bien faire, puisqu'il ne peut être vi-
Détes. cieux?... C'est un peu la doctrine de Calvin.
Delrio conte qu'un certain magicien, au FAUNES, dieux rustiques inconnus aux
moyen d'un certain arc et d'une certaine Grecs. On les distingue des satyres et syl-
corde tendue à cet arc, lirait une certaine vains, quoiqu'ils aienl aussi des cornes de
flèche, fuite d'un certain bois, et faisait tout chèvre ou de bouc, et la (igure d'un bouc de-
d'un coup paraître devant lui un fleuve aussi puis la ceinture jusqu'en bas. Miis ils ont
large que le jet de cette flèche. les traits moins hideux, une figure plus gaie
lit d'autres rapportent qu'un sorcier juif, que celle des s.ilyres, et moins de brutalité.
par fascination, dévorait des hommes et des D'anciens Pères les regardent comme des dé-
charrete'es de foin, coupait des têtes, et dé- mons incubes (2); et voici l'histoire qu'en
membrait des personnes vivantes, puis re- donnent les docteurs juifs :

mctlait tout en fort bon état. « Dieu avait déjà créé les âmes des faunes
Dans la guerre du duc Vladislas contre et des satyres, lorsqu'il fut interrompu par
Grémozislas, duc de Bohême, une vieille sor- le jour du sabbat, en sorle qu'il ne put les
cière dit à son beau-fils, qui suivait le parti unir à des corps, et qu'ils n stèreut ainsi de
de Vladislaî, que son maître mourrait dans purs esprits et des créatures imparfaites.
la bataille avec la plus grande partie de sou Aussi, ajoutent-ils, ces esprits craignent le
armée, et que, pour lui, il pouvait se sauver jour du sabbat, et se cachent dans les ténè-
du carnage en faisant ce qu'elle lui conseil- bres jusqu'à ce qu'il soit passé; ils prennent
lerait; c'est-à-dire, qu'il luât le premier qu'il quelquefois des corps pour épouvanter les
rencontrerait dans la mêlée; qu'il lui coupât hommes. Mais ils sont sujets à la mort. Ce-
les deux oreilles, et les mit dans sa poche; pendant ils peuvent approcher si près des in-
puis qu'il fît, avec la pointe de son épée, une telligences célestes, qu'ils leurdérobent quel-
croix sur la terre enire les pieds de devanl quefois la connaissance de certains événe-
de Sun cheval, et qu'après avoir baisé celle ments futurs, ce qui leur a fiit produire des
croix il se hâtât de fuir. prophéties, au grand étonnemeut des ama-
Le jeune homme, ayant accompli toutes ces teurs. »
choses singulières, revint sain et sauf de la
bataille oij périrent Vladislas et le plus grand
FAUST (Jean), fameux magicien allemand,
nombre de ses troupes. Mais en rentrant dans né àWeimar au commencement du seizième
la maison de sa marâ're, ce jeune guerrier
siècle. Un génie plein d'audace, une curio-
sité indomptable, un immense désir de sa-
trouva sa femme, qu'il chérissait unique-
voir, telles étaient ses qualités prononcées.
ment, percée d'un coup d'épée, expirante et
Il apprit la médecine, la jurisprudence, la
sans oreilles...
Les femmes maures s'imaginent qu'il y a théologie; il approfondit la science des astro-
des sorciers qui fascinent par leur seul re-
logues; quand il eut épuisé les connaissances
gard, et tuent les enfants. Celte idée leur est naturelles, il se jeta dans la magie du moins :

commune avec les anciens Romains, qui ho- toutes ses histoires le disent. —
On le con-
fond souvent avec Faust, l'associé de Guttem-
noraient le dieu Fascinus, à qui l'on attri-
buait le pouvoir de garantir les enfants des berg dans l'invention de l'imprimerie; on
fascinations et maléfices. Voy. OEil, Char- sait que quand premiers livres imprimés
les
parurent, on magie! on soutint
cria à la
mes, Enchantements, Faust, Prestiges, etc.
qu'ils étaient l'ouvrage du diable ; et sans la
FATALISME, doctrine de ceux qui recon-
naissent une destinée inévitable. protection de Louis XI et de la Sorbonnc,
Si quelqu'un rencontre un voleur, les fata-
l'imprimerie, en naissant, était étouffée à
listes disent que c'était sa destinée d'être tué
Paris.
par un voleur. Ainsi celle fatalité a assujetti Quot en soit, voici les principaux
qu'il
le voyageur au fer du voleur, et a donné long- traits légende de Faust.
de la
temps auparavant au voleur l'intention et la Curieux de se lier avec les êtres d'un
force, afin qu'il eût, au temps marqué, la vo- monde supérieur, il découvrit la terrible for-
lonté et le pouvoir de tuer celui-ci. mule qui évoque les démons. H s'abstint d'a-
Et si quelqu'un est écrasé par la chute d'un bord d'en faire usage; mais un jour, se pro-
bâliment, le mur est tombé parce que cet menant dans la campagne avec son ami
homme élait destiné à être enseveli sous les Wagner, il aperçut un barbet noir qui for-
ruini'S de sa maison Dites plulôl qu'il a mait des cercles rapides en courant autour
éié accablé sous les ruines, parce que le mur de lui. Une trace ardente brillait à la suite
est tombé (1). du chien. Faust étonné s'arrête; les cercles

serait la liberté des hommes, s'il leur que formait l'animal étrange devenaient tou-
était impossible d'éviter une fatalité aveugle, jours plus petits; il s'approche bientôt de
une destinée inévitable? Faust et le flatte... Le savant s'en retourne
Est-il rien de plus libre que de se marier, pensif, et le barbet le suit.
de suivre tel ou tel genre de vie? Est-il rien Faust ne se retrouva seul que pour su li-
M) Bardai, dans l'Argcnis.
U) iJolaucri', Tableau de l'iucoustaacc dcscljiuuos, etc., p.
631
DlCTlOiNNAmE DES SCIENCES OCCULTES. 5n
Le chien , son nou- jour, au village de Roscnihal , une jeune fille
vrcr à de noires idées
veau compagnon inlerrompait par des
, les ingénue que Widman représente comme
,

hurlements. Fausl le regarde, s'étonne de le surpassant en grâces toutes les beautés de lu


terre, et qu'il appelle Marguerite. 11 en de-
voir grandir, s'aperçoil qu'il a reçu un
dé-
vint épris ; mais elle était vertueuse. Méphis-
mon, saisit son livre magique, se place dans
un certle, prononce la formule, et ordonne tophelès, pour le détourner de cette passion
qu'il redoutait, le mena à la cour. Chnrles-
à l'esprit de se faire connaître.
Le chien s'agite, une fumée l'environne, Quint sachant ses talents magiques , le pria
,

cl, à sa place , il voit un démon sous le cos- de lui faire voir Alexandre le Grand. Faust
tume d'un jeune seigneur, vêtu avec élé- obligea aussitôt le fameux roi de Macédoine
gance. C'était le démon Méphistophelès, le à paraître. Il vint sous la figure d'un peiil
second des archanges déchus, et, après Sa- homme trapu, haut en couleur, avec une
tan, le plus redoutable chef des légions in- espèce de barbe rousse, le regard perçant et
fernales... la contenance fière. Il fit à l'empereur une
Les divers légendaires rapportent cet évé- révérence, et lui adressa même quehiues
nement avec des variantes. Widman dit qu'é- mots, dans une langue que Gharlcs-Quiiit
tant décidé à évoquer un démon, Faust alla n'entendait point. D'ailleurs il lui était dé-
dans l'épaisse forêt de Mangeall , près de fendu de parler. Tout ce qu'il put faire fut de
Witlemberg ; là, il fil à terre un cercle ma- le bien considérer, ainsi que César et quel-

gique, il se plaça au milieu et prononça la ,


ques autres que Faust ranima un instant
Formule de conjuration avec tant de rapidité, pour lui.
qu'il se fil autour de lui un bruit eflroyable. L'enchanteur opéra mille merveilles sem-
Toute la nature parut s'ébranler. Les arbres blables. A en croire ses historiens, il usait
pliaient jusqu'à terre , de grands coups de sans discrétion de son pouvoir surnalunl.
tonnerre interrompaient les soivs lointains Un jour, se renconlrant à table dans un ca-
d'une musique solennelle, à laquelle se mê- baret, avec douze ou quinze buveurs qui
laient des cris, des gémissements, des clique- avaient entendu parler de ses prestiges, ils
tis dépécs : de violents éclairs déchiraient le le supplièrent de leur en faire voir quelque

voile noir qui cachait le ciel. Une masse en- chose. Faust perça la table avec un foret, et
flammée parut, se dessina peu à peu, cl en fit sortir les vins les plus délicats. Un des
forma un spectre qui s'approchant du cercle
, convives n'ayant pas mis la coupe assez vi-
sans parler, se promena alentour, d'une vement sous le jet, la liqueur prit feu en
marche inégale, pendant un quart d'heure. tombant à terre, et ce prodige effraya quel-
L'esprit revêtit enûn la figure et le costume ques-uns des assistants. Le docteur sut dis-
d'un moine gris, et entra en conversation siper leur trouble. Ces gens, qui avaient la
avec Faust. têle échauffée , lui demandèrent alors una-
Le docteur signa de son sang , sur un par- nimement qu'il leur fît voir une vigne char-
chemin vierge, avec une plume de fer que gée de raisins mûrs.
lui présenta le démon, un pacte par lequel Ils pensaient que, comme on était en dé-

Méphistophelès s'obligeait à le servir vingt- cembre, il ne pourrait produire un tel pro-


quatre ans, après lesquels Fausl appartien- dige. Faust leur annonça qu'à l'instant, sans
drait à l'enfer. sortir de table, ils allaient voir une vigne
Widman, dans son Histoire de Faust, rap- telle qu'ils la souhaitaient ; mais à condition
porte les conditions de ce pacte, dont on as- que tous ils resteraient à leurs places , et
sure qu'on trouva le double parmi les papiers attendraient pour couper les grappes de
,

du docteur. Il était écrit sur parchemin, eu raisin ,


commandât, les assurant'
qu'il le leur
caractères d'un rouge foncé, ei portait : que quiconque désobéirait, courait risque
1° Que l'esprit viendrait toujours au com- de la vie. Tous ayant prorais d'obéir, le m;.-
niandemcnl de Fau»t,lui apparaîtrait sous gicien fascina si bien les yeux de ces gens,
une figure sensible, et prendrait celle qu'il qui étaient ivres, qu'il leur sembla voir une
lui serait ordonné de revêtir ; très-belle vigne, chargée d'autant de longues
2° Que l'esprit ferait tout ce que Fausl lui grappes de raisin qu'ils étaient de convives.
commanderait ;
Celle vue les ravit; ils prirent leurs couteaux,
3° Qu'il serait exact et soumis comme un et se mirent en devoir de couper les grappes,
serviteur ;
au premier signal de Faust. Il se donna le
k' Qu'il arriverait à quelque heure qu'on plaisir de les tenir quelque temps dans celle
l'appelât ; posture puis tout à coup il fit disparaître
,
, ,

5° Qu'à la maison, il ne serait vu ni re- la vigne et les raisins et chacun de ces bu-
;

connu que de lui. veurs, pensant avoir en main sa grappe pour


De son côté, Faust s'abandonnait au dia- la couper, se trouva tenant d'une main le
ble, sans réserve d'aucun droit à la ré- nez de son voisin , et de l'autre le couteau
dcmplion, ni de recours futur à la iiii>cri- levé , di! sorte que , s'ils eussent coupé les
corde divine.. grappes, sans attendre l'ordre de Faust, ils
Le démon lui donna pour arrhes de ce ,
se seraient coupé le nez les uns aux autres.
Iraiié, un coffre plein d'or. Dès lors, Faust On a dit que Faust avait, comme Agrippa,
fut maître du monde, qu'il parcourut avec l'adresse do payer ses créanciers en monnaie
éclat. Il partout, lorsqu'il ne voyageait
allait de corne ou de bois qui paraissait bonne
,

pas à travers les airs dans de riches c jui-


, au moment où elle soit;iit de sa bourse, et
jiages , accompagné de son démon. 11 vit uu reprenait, au bout de quelques jours, sa

S93 F.Vl) FAU r;ni

véritable forme. Mais le diable lui donnait On


trouve, dans les légendes populaires ,
assez d'argent pour qu'il n'eût pas besoin plusieurs personnages qui font pendant avec
d'user de ces fraudes. Faust, en ce point du moins qu'ils se lient
Wecker dit qu'il n'aimait pas le bruit, et avec le diable au moyen d'un pacte. L'une
«jue souvent il faisait taire, par la force de des plus originales, parmi ces traditions, est
sa magie, les gens qui le fatiguaient, « té- celle du maréchal de Tamine , le Faust du
moin ce certain jour qu'il lia la bouche à une pays wallon. Nous la rapporterons ici.
demi-douzaine de paysans ivres , pour les
La léjende du Maréchal de Tamine.
empocher de babiller et de piailler comme ils
faisaient. » Dans ce beau village de Tamine ,
que
Il n'avait pas renoncé à son projet chéri baigne Sambre, à quatre lieues de Namur,
la
d'épouser Marguerite mais le démon^ l'en
; vivait, il y a un peu plus de trois siècles,
détournait d'autant plus, comme dit Wid- peut-être au temps de la jeunesse de Charles-
nian, qu'appartenant à l'enfer par son pacte, Quint, —
un maréchal-ferrant renommé pour
il n'avait plus le droit de disposer de lui ni sa bonne humeur. Son atelier fiorissait; il
de former un nouveau lien. Méphistophelès dormait sans soucis et menait joyeuse vie,
l'éloignait donc sans cesse. lorsqu'un jour, en revenant d'une fête voi-
Faust allait au sabbat; il poursuivait le sine, il trouva sa maison brûlée.
cours de sa destinée infernale. Lorsque le Aiiieu dès lors l'aisance et la galle.
temps du pacte fut accompli il frissonna à
,
,
Mais commentcelle maison avait-elle été la
la pensée du sort qui lui était maintenant proie des flammes? Les uns dirent que c'é-
réservé. 11 voulut s'enfuir dans une église ou tait un pur accident; ceux-ci un effet de
dans tout autre lieu saint, pour implorer la quelque négligence; ceux-là un coup de
miséricorde divine. Méphistophelès l'en em- malveillance sans doute; les autres, plus
pêcha; il le conduisit tremblant sur la plus pénétrants , soutinrent que le diable seul
haute montagne de la Saxe. Faust voulut se avait fait le mal. C'était ajoutaient-ils, une
recommander à Dieu. —
Désespère et meurs, épreuve olîerle à la patience du maréchal de
lui dit le démon, tu es maintenant à nous. Tamine, qui avait ainsi l'occasion de se mon-
A ces mots, l'esprit des ténèbres apparut trer le Job delà contrée.
aux yeux de Faust sous la forme d'un géant Le Wallon, qui n'avait pas la vertu du
haut comme le firmament; ses yeux enflam- sageChaldéen, aima mieux, dans sa gros-
més lançaient la foudre , sa bouche vomissait sièreté matérielle, être le Faust du pays,
du feu, ses pieds d'airain ébranlaient la terre. moins savant et moins grave que l'Allemand,
11 saisit sa victime avec un éclat de rire qui mais plus malin pourtant et plus habile.
retentit comme le tonnerre , déchira son — Si le diable veut de moi, dit-il, nous
corps en lambeaux, et précipita son âme dans allons voir.
les enfers. Selon l'usage populaire, qui déjà était bien
Apprenez par là, frères, que tout n'est pas connu de tout mauvais drôle, ayant quelque
en mauvaise compagnie.
gaiii teinte des sciences de sorcellerie, le maré-
Nous avons dit que la découverte de l'im- chal de Tamine s'en alla seul, le soir ,
piimerie fit poursuivre Faust comme sor- hors de son village, s'arrêta dans un car-
cier on assurait que l'encre rouge de ses
: refour où venaient aboutir quatre che-
Bibles était du sang; il est vrai qu'elle a un mins; et là, ayant tracé un cercle avec un
éclat particulier, et qu'on a pu croire au bâton de coudrier, il se planta au milieu,
moins, dans un siècle d'ignorance, que le se- puis au son des heures sinistres de minuit,
cret en avait été donné par le diable. il immola une poule noire, avec les cérémo-

On dit encore qu'il débitait en Allemagne nies voulues. G était le moyen d'obliger la
des almanachs qui dictés par Méphistophe-
, diable à paraître.
lès, prédisaient toujours juste, et avaient, Le diable accourut. Il trouva un homme
par conséquent, plus de succès encore que qui avait la bourse vide, les dents longues,
Matthieu Laensberg, qui se trompe quelque- l'esprit inquiet, et qui se montrait disposé
fois. Mais on ne retrouve aucun de ces al- à traiter, dit la légende, ruais qui ne voulait
manachs. pas faire un marché de dupe.
La vie de Faust et de Christophe Wagner, Après des pourparlers qui durent être cu-
son valet, sorcier comme lui, a été écrite par rieux, le Wallon vendit son âme, moyen-
Wiilman, Francfort, 1387, in 8', traduite en nant trois stipulations spéciales :
plusieurs langues, et en français par Victor 1° Qu'il pourrait, pendant le bail qu'il fai-
Palma Cayet, Paris, 1603, in-12. Adelung sait avec retenir à son gré, sur un
le diable,
lui a consacré un grand article dans son
grand poirier qui s'élevait devant sa maison,
Histoire des folies humaines. Tous les démo- tout imprudent qui se serailavisé d'y monter.
nographes ont parlé de lui Goethe a mis ses
2° Que sa bourse de cuir, une fois fermée,
:

aventures en un drame bizarre ou chronique


dialoguée. MM. Desaur et de Saint-Geniôs
ne s'ouvrirait plus sans sa permission.
ont publié, en 1825, les Aventures de Faust 3° Que son tablier de cuir aurait désormais
et sa descente auj; enfers roman en trois celte vertu que jamais aucune puissance na
,

volumes in-12, où l'on ne trouve pas tout pourrait l'en détacher, s'il parvenait à s'y
le merveilleux des légendes allemandes. asseoir.
M. Marinier a donné aussi une curieuse lé- Le diable accorda tout; il maison
rebâtit la
{4cnde de Fau>t. et consentit, selon tes clauses du marché, à
Vj5 0ICTIONNA115E DES SCIENCES OCCULTES.

ne réclamer l'âme du Wallon qu'au bout de Au bout de cet autre terme, le maréchal
dix ans. de Tamine, sentant qu'il vieillissait, n'at-
Le maréchal de Tamine se reprit donc à tendit pas que lediabie à (|ui il s'était vendu
mener plus joyeuse vie encore (jiie p.ir le vînt le chercher. Il alla lui-même frapper à
passé, jonlssant du présent et s'occupant la porte de l'enfer. Son diable s'y trouvait de
très-peu de l'avenir. Les dix ans s'écoulèrent garde; mais dès qu'il le vit, craignant de
ainsi. nouvelles malices, il lui ferma la porte au nez.
Le diable vint alors sommer son homme Repoussé delasorle, le Wallon, quidécidé-
d'exécuter le contrat. ment s'ennuyait ici-bas, s'en alla cherchtir
— Je suis prêt dit l'autre; et quoique la ailleurs. Nous suivons toujours la légende
journée ne soit pas finie, je ne vous deman- populaire. En rôdant, il parvint à l'entrée du
derai qu'une légère faveur, celle de manger paradis. Saint-Pierre le reconnut pour un
encore une fois du fruit de mon poirier. iiomme en commerce avec le diable et lui
Le diable se montra charmé des disposi- refusa le passage.
tions du maréchal il se prêta de bonne grâ-
; Le maréchal de Tamine ne se rebutait pas
ce à sa fantaisie et grimpa sur l'arbre; ce d'un premier refus. Il demanda, de l'air le
qui n'était pas difficile. plus humble, qu'on lui permit seulement de
Mais il fallait en descendre. Nul ne le pouTait rejjarder un peu, par la porte cntr'ouverte
sans la permission du maître : c'était, comme le bonheur des élus. Siint-Pierre, qui est
on l'a vu, un des avantages du contrat. Le bon, se laissa gagner, mais le rusé Wallon,
diable, cloué sur le poirier, n'obtint sa liberté jetant dans le paradis son tablier de cuir, se
que moyennant un sursis de dix ans. coucha dessus, et ronnepull'en arracher (1).
Le temps passa, dans cette nouvelle pério- Sur quoi, les uns vous affirmeront que,
de, aussi rapide que la première fois, en- malgré les murmures, il obtint, en récom-
traîné par les plaisirs et l'insouciance. pensede son stratagème, une petite place par-
Lediabie revint.sur lesoir du dernier jour. mi les bienheureux. Maisles traditions mieux
— Je suis prêt, dit encore le Wallon. informées portent que le tablier fut jeté de-
— Marchons donc, répliqua le diable, d'un hors avec ce qu'il portait, rien d'impur ne
ton sérieux, il s'était bien promis, cette fois, pouvant entrer dans le ciel.
de ne plus être victime de sa complaisance. L'idée de l'arbre a été employée dans un
Mais il ne savait pas à qui il avait affaire. sens plus neuf. Elle fait le fond de la char-
Le maréchal de Tamine avait calculé une mante légende que voici, et qui a été donnée
ressource nouvelle; il prit l'ange déchu par par M. Léopold de Monvert, dans le journal
son faible, l'amour-propre. l'Univers.
—On raconte, dit-il d'un air bonhomme, Le bonhomme Misère.
que vous êtes très-puissant; et vous m'en
avez donné quelques marques; c'est ce qui Quelques années après la venue du Mes-
me rend joyeux de partir avec vous. Mais on sie, on voyait sur le haut de la montagne
me disait tout à l'heure une merveille que Saint-Jean d'Alfrelz un village isolé, assez
je n'ai pas j.'U croire. Est-il donc vrai que vous peuplé, pauvre, quoique l'on y compiât
ayez le pouvoir de prendre la taille qui vous quelques richards fort avares, un cure fort
plaît? que vous puissiez à l'instant paraître débonnaire et un cabaretier dont les profils
un géant énorme, et aussitôt après devenir étaient considérables et le vin mauvais le :

le nain le plus exigu'? vin 1 chose rare en ce temps-là, les vignes



C'est très-vrai, dit le diable avec impor- du bas Languedoc n'élanl p.is encore plan-
tance; et tu vas le voir. tées. trouvait aussi à S tint-Jean de fraî-
On
Pour prouver ce qu'il avançait, il se gran- ches, de jolies paysannes fort coquettes ,
dit tellement en quelques secondes, qu'il pa- trois ou quatre dévoles, de méchantes lan-
raissait avoir trois cents pieds. gues, des coquins qui passaient pour hon-
—C'est prodigieux dit le Wallon, c'est
I nêtes gens... A une certaine distance s'éle-
.«iuperbe; et je le répèle, je suis ravi. Vous vait, abritée du nord, une étroite cabane bâ-
grand que notre clocher. Ah c'est
êtes plus 1 tie en pierre sèche, couverte en chaume, en-
beau de s'élever si haut. Mais il doit élre tourée de quelques toises de jardin où se
bien plus difficile de se faire petit, iuipercep- faisait remarquer un fort beau poirier.
tiblo, grand comme le pouce, petit à se loger Là vivait, dans le plus grand désiniéressc-
là-dedans. ment des biens de ce monde, c'est-à-dire
Endisant ces mots, il tenait sa bourse dans une heureuse tranquillité, le bonhomme
cntr'ouverte. Misère. Poser quelques pierres sur la mu-
Il n'avait pas achevé, que le diable, étourdi raille qui défendait son petit terrain de la
par la vanité, se ramassait dans la forme la visite des loups, rafistoler la porle, la lucarne
plus mignonne et se plongeait tout entier ou l'intérieur de sa demeure, donner parfois
dansla bourse. Le maréchal de Tamine en un coup de bêche au jardin, et de temps à
serra les cordons. Tenant de nouveau son autre prendre son bâton pour aller faire sa
créancier, il rentra dans sa forge, mit sa tournée des châteaux, suivi de Farou, chien
bourse sur l'enclume et travailla à l'aplatir maigre, peu doux, mais très-intelligent, tel-
à grands coups de marteau. les eiaienl les vicissitudes de son existence.
Le diable hurlait. Pour sa délivrance, il Quand Misère avait rempli ses besaces et
accorda un nouveau sursis de div ans, et (l) C'est k peu près ce que les
raliliins racoiiteat île

s'en alla de m.iuvaise hutiieur. Josué Ueu-Lévi. Yojeï Jo=ué.


597 FAU FAO S98
son nnnoiro île léprutncs secs, de pain bien mais m'a indiqué la cabane lu m'as ou-
il :

cuit et de laine à filer; quand il avait ra- vert, et je t'en remercie, car j'ai froid et tu
inasse aulour de la cabane quantité de as du feu.
branches mortes ; quand il avait bouché Farou léchait en gémissant les pieds écor-
avec soin dans son réduit 1rs trous et les chés de l'étranger. Misère, étonné, s'écria

:

fentes, il attendait avec patience les rigueurs Je crois que vous avez charmé mon
de la rode saison. L'hiver venn, son occupa- chien si méchant pour lout le monde ; mais
,

tion était de fller sa laine, assez bon métier n'importe, vous devez avoir faim, et voici ce
en ces temps heureux où l'on ne voyait pas que j'ai à vous donner.
de filiilurc dans les vallons du pays. Sachant Le vieillard lira de larmoire les trois mor-
ainsi s'industrier. Misère ne mourait pas de ceaux de pain, qu'il offrit à son malheureux
faim pour le froid, il était habitué, depuis
: convive; et quand celui-ci les eut dévorés ,

longues années, à l'endurer; d'ailleurs on Misère, étendant sa paillasse, l'y fil coucher,
lui avait donné une vieille paillasse et une enveloppé de la vieille couverture.
couverture bonne encore, quoique un peu Le chien s'allongea aux pieds du nouvel
trouée. hôte, et le maître de la cabane s'endormit
Certaine année, l'hiver, fort rigoureux, se sur l'escabeau, près des cendres chaudes.
prolongea plus longtemps que de coutume; Un moment avant l'aurore, les deux vieil-
Misère se trouvait à la fin de ses provisions : lards s'éveillèrent, ella premièrechoseque fit
cela le tracassait peu; tant qu'il lui restait Misère fut d'aller examinerle ciel pour savoir
quelque chose, il n'en mangeait pas moins s'il luiserait possible de se mettre en quête.
sa croûte et sa bouillie tranquillement et A peine sur lesenil, la douce tiédeur d'une
d'aussi bon appétit que le roi. Cependant le matinée de printemps vint le charmer; sa
mauvais temps continua, et Misère, un beau surprise était grande, ne comprenant rien à
soir, n'avait plus que deux morceaux de un si subit et si extraordinaire changement.
pain illes divisa, pour les multiplier, en
: — Nous aurons nn beau jour, lui dit en
quatre parties, en prit un et dit en souriant : sortant l'étranger ; je pense que tu sauras le
Uans trois jours nous verrons. Possédant Hiettre à profil; pour moi, je dois te quitter;
encore du bois, il fil bon feu et se mit à filer, adieu 1 Mais, reprit-il sur un ton plus grave,
tout en chantant, d'une voix tremblante, les lu m'as cédé la couche, lu m'as donné ton
louanges du Seigneur. dernier morceau de pain sans même savoir
Tout à coup Ion frappe à la porle. N'é- si tu pourrais te procurer quelque chose au-
tant pas habitué à recevoir des visites, Mi- jourd'hui, que te faut- il pour cela? demande
sère ne se souciait pas d'ouvrir à pareille ce que tu voudras, je puis tout t'accorder;
heure; mais pensant au froid que devait tu as agi selon mes commandements, et lu
éprouver l'étranger, il se leva, et voyant le recevras la récompense : Je suis — Jé- —
rliien faire des bonds de joie à la porte, sus-Christ I
flairer, gratter dessous, donner mille signes A ce nom. Misère se signa, et tombant à
du plus grand empressement il n'hésita genoux, au Sauveur
dit :


,

plus, certain que ce ne pouvait être un en- Je ne m'élonne plus, bon Dieu des ca- 1

nemi, puisque Farou avait si grande envie resse» de Farou... quant à ce que je vou-
;

de le recevoir. Dès qu'il eut ouvert, un drais...Seigneur, je n'ai besoin de rien; je


homme entra précipitamment, tout dégue- me trouve heureux comme je suis.
nillé, bleu de froid, l'air mourant de faim, et — Es-tu bien sûr de ne rien désirer?
lui demandant d'une voix douce : songes-y. Misère.
— N'es-lu pas Misère ? — Au fait. Seigneur Jésus, j'ai là un poi-
— C'est moi-même, répondit vieillard. le rier qui porle beaucoup de poires et fort
— On m'a que lu me donnerais l'hos-
dit bonnes, mais les enfants' du village me les
je viens avec confiance.
pitalité, et viennent voler; je voudrais que quiconque
— Vous avez bien car ne sera pas
fait, il montera dorénavant sur cet arbre ne puisse
ditque Misère ail laissé périr par sa faute plus en descendre sans ma permission. Le
une créature du bon Dieu. Sauveur sourit, jeta sur Misère un regard
— Qu'il bénisse donc, répondit l'in-
le paternel, lui donna le pouvoir qu'il deman-
connu, puisque tu l'aimes dans ses enfants. dait, sa bénédiction, et disparut.
A ces paroles, Misère se sentit tressaillir; Misère fil alors sa prière avec beaucoup
quelque chose comme un charme puissant de dévotion, prit joyeusement ses besaces,
pénétra tout son corps; il lui st'mblait re- cl, suivi de Farou, s'en fut quêter dans les
naître à la vigueur, à la jeunesse. cliâlellenics d'alentour.
— Avant de venir à ta cabane, continua Tout le monde se trouvait de bonne hu-
l'étranger, je suis allé d'abord chez le caba- meur ce jour-là, et le mendiant rencontra
retier; il ma
répondu qu'il ne logeait pas de sur sa roule la plupart des seigneurs (jui
voleurs et de décamper sur-le-cliamp. J'ai
, chevauchaient. Dans la vallée, et lout cou-
fr/ippé à toutes les maisons; on y dormait, vert de ses armes, l'un accompagné de vas-
on ne roulait pas se déranger, ou bien on saux, criait d'une voix rude Misère I : —
ne se souciait pas de recevoir un inconnu : passe au caslel, dis que tu m'as rencontré el
l'un m'a dit d'aller au diable, l'autre d'aller qu'on le donne N'oublie pas un Paiera mou
1

chez le voisin: le voisin a protesté n'avoir intention.


pas la [ilus petite place; le pain, le vin lui Plus loin, sur l'élroile plaine dominant la
(y,i tiquaient, il croyait même l'eau gelée ; hauteur, une jeune cl jolie châtelaine arrir
5!)9 DlCnONNAinE DES SCIENCES OCCl LTES. coo

vait au galop, suivie île ses pages et de son quelques instants qu'il m'csl ordonné, d'en
énoux; elle arrêle le fringant coursier, et, haut, de l'accorder.
d une vois caressante Misère, mon pau-
: — — Puisque vous ne voulez rien écouter, il
re vieux, il y a longtemps que je ne t'ai vu 1 faut bien en prendre son parti, et, au fait,
tu te portes toujours bien? Demande à Ma- peut-être dites-vous la vérité, répliqua Mi-
rianne, la gouvernante, ce que tu voudras; sère avec une feinte résignation; rendez-
prie pour moi surtout! Et, vive et joyeuse, moi donc, s'il vous plaît, le service de m'al-
sans crainte, elle lançait son cheval dans ler quérir trois poires sur le poirier qui est
le chemin étroit au bord des précipices... là, afln que, pendant les moments accordés,
Misère était rempli de bonheur, des larmes je les mange en les offrant au Père, au Fils
de reconnaissance et d'amour se mêlaient à et au Saint-Esprit, comme un témoignage
ses rires remerciant avec effusion Jésus~
: de ma gratitude pour tout ce qui m'a él6
Christ de son beau jour, il rentra à la ca- donné de joie et de contentement sur la
bane, courbé sous le poids dos aumônes terre.
dont il ne portail encore qu'une moitié. Par respect pour la très-sainte Trinité, la
De longues années s'écoulèrent sans que Mort voulut bien se prêter au désir de celui
le pauvre vieillard reçût d'autres visites : qui allait devenir sa proie; elle monta sur
mais chaque jour quelque petit polisson res- le poirier et cueillit les trois poires ; mais,
tait immobile sur l'arbre enchanté. au moment de descendre, hernicq, elle se
Un soir d'été, pendant qu'avec délices il trouva prise comme un oiseau à la glu.
prenait les derniers rayons du soleil, car Mi- H faisait beau la Toir ainsi enchaînée, la
sère aima toujours beaucoup le soleil, du main droite étendue portant les trois fruits,
milieu de la campagne silencieuse une voix le bras gauche replié autour du poirier ma-
lugubre retentit tout à coup. gique, les deux jambes pendantes comme
— Misère Misère ! I deux longs fuseaux, son hideux visage se
Il en trembla de tous ses vieux membres décomposant, et le rusé Misère lui faisant
sur le petit banc de pierre dont était orné le des langues et des pans de nez à n'en pas fi-
devant de sa porte. Mais quel n'est pas son nir; il riait, riait, riait tant qu'il pouvait,
effroi, quand, tournant la léle, il aperçoit à certain qu'il n'en mourrait pas.
ses côtés la Mort, la Mort elle-même Peu à I La Mort employa tour à tour les menaces
peu cependant l'épouvante décroît, Misère et les snpplications, rien ne fit; elle eut re-
revient à lui, son œil reprend bientôt une cours à la philosophie; maisàses arguments.
certaine vivacité, son air do quiétude repa- Misère répondait: Ah bail Ah bail tu me
raît, et il répond avec calme à la Mort : plais infiniment sur ce fruitier, je l'y trouve
— Que me vouhz-vous? bien genlillc, et t'y yeux laisser passer au
— que je veux? ne me reconnais-tu
G<! moins un n>ois. D'après ce que j'ai entendu
pas? suis jeMort Je viens
la prendre
I te I dire, tu as tué beaucoup trop de monde de-
— Comment, déjà? puis quelque temps; tu dois êlre fatiguée,
— Tu dois m'en savoir gré traînant de- ma chère repose-toi donc ; l'immobilité ,
-.

;
c'est le repos.
puis tant d'années une si misérable existen-
ce, fatigant les hommes de les haillons rt-
— Tu ne te rendras point coupablû de rctlo
cruauté 1 s'écria la Mort. Tu crois peul-êtro
poussanls.de tes sollicitations importunes,
que tout le monde me déteste? Oh 1 détrompe-
la vie doit te peser; viens donc Viens, lu
que ne peux-tu entendre, comme
1
toi je les
ne fus ni menteur, ni ivrogne, ni libertin, ni ;

entends, pensées, les désirs, les cris, les


les
avare; lu aimas Dieu et Ion prochain; que
prières, les invocations qui, de toutes parts,
craindre de l'autre monde? Tu es vieux et
cassé, que regretter de celui-ci? Laisse-moi
me conjurent et m'appellent? De co côté, des
t'oniporter, ma main le sera douce: ami, la
âmes choisies qui convoitent les trésors cé-
lestes ailleurs, ceux que brûle la soif de la
;
mort, c'est le repos.
vengeance, ceux que tourmente une ambition

Je n'ai garde de vous contredire; mais, jalouse, que dévore un amour impur; par-
entre nous, les hommes se mettent peu en tout des cœurs ardents qui m'aiment, me
peine de moi; vous êtes mille fois trop bonne prient, me désirent , toute laide et horrible
de vous en inquiéter certes, je suis sensi-
:
que je suis, comme la jeune amante la plus
ble à votre amitié cependant, s'il vous était
I
aimable, la plus belle des fiancées. Ils sont
égal de me laisser encore quelque temps ici- là, suppliant avec larmes, avec fureur; il
bas, je vous le dis avec franchise, vous me suffirait d'un geste pour m'entourer dans
paraîtriez beaucoup plus aimable : le far- l'ombre de leur cortège passionné! —Dé-
deau de la vie est lourd, je n'en disconviens livre-moi, j'ai à remplir dans ce monde uno
pas; mais, par suite de la longue habitude, haute fonction Si je le quittais, le mensonge,
1

j'aime à le porter. le vice s'en empareraient; la terre devien-


— Se peut-il que les hommes soient si bi- drait l'enfer, et il n'y aurait pas de ciel poul-
zarres, que précisément ceux qui de-
et ies hommes! Laisse, laisse donc sf liberté
vraient, à bon droit, me craindre, m'invo- à la Mort. Ne faut-il pas que je conduise les
quent avec ferveur, tandis que d'autres, à bienheureux élus au pied du troue de l'E-
qui je ne saurais apporter que des consola- ternel? Ne faut-il pas purger la terre des mé-
tions, me repoussent? J'aurai pourtant pi- chants et livrcrau démon ceux qui l'ont servi?
tié de Misère plus que Misère lui-même :

Puisque tu es si désirée, si néccssaiie,
préparo-toi donc à me suivre, et prolitc des je veux bien consentir A te laisser aller,.
ÏOI FEE FEE Sl)2

mais à une condition :(u no viemlrag me Dans certaines contrées de l'Ecosse, on dit
prendre que sur madennanile ou sur un ordre que les fées sont chargées de conduire au
du S;uiveur. ciel les âmes des enfants nouveau-nés , et
— Tu as tortde m'imposer une semblable qu'elles aident ceux qui les invoquent à
condition; mieux te vaudrait partir mainte- rompre les maléfices de Satan.
nant; au ciel tu seras heureux. — PossibleI On voit dans tous les contes et dans les
possible! jo serai toujours à temps de l'appe- vieux romans de chevalerie, où les fées jouent
ler. Pour le moment, je trouve qu'il fait bon un si grand rôle, que, quoique immortelles,
sur la terre. Jure donc, si tu veux quitter ce elles étaient assujetties à une loi qui les for-
bel arbre, jure sur le saint Evangile de n'ap- çait à prendre tous les ans, pendant quelques
procher de ma personne que lorsque je t'au- jours, la forme d'un animal, et les exposait,
rai appelée très-distinctement et par trois sous cette métamorphose, à tous les hasards,
fois de suite, ou que lors(|ue Notre-Seignour même à la mort, qu'elles ne pouvaient re-
Jésus-Christ lui-même t'en aura signilié le cevoir que violente.
comniandemeat exprès. On les distinguait en bonnes et méchantes
Impatiente, la Mort jura ce serment Mi-
; fées; on était persuadé que leur amitié ou
sère, alors, lui donna la permission de des- leur haine décidait du bonheur ou du malheur
cendre du poirier enchanté; d'un bond elle des familles.
disparut par-dessus les montagnes. A la naissance de leurs enfants , les Bre-
Le Sauveur n'a jusqu'à présent donné à la tons avaient grand soin de dresser, dans une
Mort aucun ordre nouveau, et il n'est pas chambre écartée , une table abondamment
encore arrivé au vieux mendiant de l'appeler servie, avec trois couverts, afin d'engager
trois fois de suite; voilà pourquoi Misère esl les mères, ou fées, à leur être favorables, à
toujours sur la terre. les honorer de leur visite, et à douer le nou-
FECHNER (Jean), auteur d'un traité latin veau-né de quelques qualités heureuses. Ils
sur la pneumatique, ou doctrine des esprits avaient pour ces êtres mystérieux le mémo
selon les plus célèbres philosophes de son respect que les premiers Romains pour les
temps. Breslan, in-12, 1G98. cnrmenles, déesses tutélaires des enfants, qui
FÉCONDITÉ. De graves écrivain» afGr- présidaient à leur naissance, chantaient leur
menl que le vent produit des poulains et des horoscope et recevaient des parents un culte.
perdrix. Varron dit qu'en certaines saisons On trouve des fées chez tous les anciens
le vent rend fécondes les juments et les poules peuples du Nord, et c'était une opinion par-
de Lusitanie. A'^irgilc, Pline, Golumelle, ont tout adoptée que la grêle et les tempêtes ne
adopté ce conte, et le mettent au nombre des gâtaient pas les fruits dans les lieux qu'elles
faits constamment vrais, quoiqu'on n'en habitaient. Elles venaient le soir, au clair do
puisse dire la raison. la lune, danser dans les prairies écartées.
On a soutenu autrefois beaucoup d'imper- Elles se transportaient aussi vite que la pen-
tinences de ce genre, qui aujourd'hui sont sée partout oiî elles souhaitaient, à cheval
reconnues des erreurs. On a publié un arrêt sur un griffon, ou sur un chat d'Espagne, ou
donné en 1537 par le parlement de Grenoble, sur un nuage.
qui aurait reconnu la fécondité d'une femme On assurait même que, par un autre ca-
produite par la seule puissance de l'imagi- price de leur destin, les fées étaient aveugles
nation. Cet arrêt supposé n'est qu'une assez chez elles, et avaient cent yeux dehors.
mauvaisi- plaisanterie. Frey remarque qu'il y avait entre les fées,
FÉCOR. Voy. Anarazel. comme parmi les hommes, inégalité de moyens
FÉES. Si les hisloires des génies sont an- et de puissance. Dans les romans de cheva-
ciennes dans rOrient, la Bretagne a peut-être lerie et dans les contes, on voit souvent une
Je droit de réclamer les fées et les ogres. Nos bonne fée vaincue par une méchante, qui a
fées ou fades {fatidicœ) sont assurément les plus de pouvoir.
druidcsses de nos pères. Chez les Bretons, de Les cabalistcs ont aussi adopté l'existence
temps immémorial, et dans tout le reste des des fées, mais ils prétendent qu'elles sont des
Gaules pendant la première race des rois
,
sylphides, ou esprits de l'air. On vit , sous
francs, on croyait généralement que les drui- Charlemagne et sous Louis-le-Débonnaire,
dcsses pénétraient les secrets de la nature, une multitude de ces esprits, que les légen-
et disparaissaient du monde visible. Elles daires appelèrent des démons, les cabalistes
ressemblaient en puissance aux magiciennes des sylphes, et nos chroniqueurs des fées.
des Orientaux. On en a fait des fées. On di- Corneille de Kempen assure que, du temps
sait qu'elles habitaient au fond des puits, au de Lothaire, il y avait en Frise quantité de
bord des torrents, dans des cavernes som- fées qui séjournaient dans les grottes, au-
bres. tour des montagnes, et qui ne sortaient qu'au
Elles avaient le pouvoir de donner aux clair de la lune. Olaiis Magnus dit qu'on en
hommes des formes d'animaux, et faisaient voyait beaucoup en Suède de son temps.
quelquefois dans les forêls les mêmes fonc- « Elles ont pour demeure, ajoute-t-il, des
tions que les nymphes du paganisme. antres obscurs, dans le plus profond des fo-
Elles avaient une reine qui les convoquait rêts; elles se montrent quelquefois, parlent
tous les ans en assemblée générale, pour pu- à ceux qui les consultent, et s'évanouissent
nir celles qui avaient abusé de leur puis- subitement. »
sance et récompenser celles qui avaient fait On voit, dans Froissard. ^u'il y avait éga- ^
du bien. Icnment une multi'.udc de fées dans l'île do'
ens DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 60k
Céphalonic; qn*ellos prolégenieni le pays Le comte d'Angeweiller , marié avec la
contre loulm6chef,<'t qu'elles s'enlrotcnaifiit coiiiless" (le Kiiispcin , allait habituellement
ftiniilièrcmi'iil avec les femmes d(; l'ile. à la chasse. Quand il revenait lard ou qu'il
Les femmes blanches de rAllemnpnc sonl voulait partir de grand malin sans réveiller
encore des fées ; mais celles-là étajenl pres- sa femme, il couchait dans une petite cham-
que toujours (l,in{;ereuses. bre , au-dessus de la porte d'entrée de son
Leloyer conte que les Rrossais avaient des château. On avait niis là pour lui une cou-
fées, ou fiiirs , ou fiirfolks, qui venaient la chette de bois bien travaillée selon le
,

nuit dans les prairies. Ces fées paraissent temps.


élre les striges, ou magiciennes, dont parle Or un lundi, en montant à sa chambre,
Ausone. Hector de Boëee, dans ses Annales sur le portail, il y trouva une fée endormie.
d'Ecosse, dit que trois de ces fées propliéti- Il ne la troubla point; et durant quinze ans
sèrent à Ban((uo. chef des Sluarls, li gran- elle revint là tous les lundis, jus(]u'à un cer-
deur future de sa maison. Sliakspeare, dans tain jour que la comtesse, étant entrée dans
son Macbeth, en a fait trois sorcières. celle chambre , y vit le couvre-chef de la
Il reste beaucoup de monuments de la fée el le dérangea. La fée se voyant décou-
croyance aux foes telles sont les grolles du
: verte, dit au comte qu'elle ne reviendrait
Ciiahlais, qu'on appelle les grottes des fées. p'us, cl lui donna un gobelet , une cuiller cl
On n'y aborde qu'avec peine. Chacune des une bague, lui recommandant de partager
trois grolles a, dans le fond, un bassin dont ces trois dons à trois filles qu'il avait.
l'eau passe pour avoir des vertus miracu- — Ces gages, dit-elle, porteront le bon-
leuses. L'eau qui disiil'e dans la grotte supé- lieur dans les maisons où ils entreront tant
rieure, à tr.ivcrs le rocher, a formé, dans la qu'on les y gardera ; et tout malheur arri-
voûte, la figure d'une poule qui couve ses vera à qui dérobera un de ces objets pré-
poussins. A côté du bassin, on voit un rouet, cieux.
ou tour à filer, avec la quenouille. « Les Après ces mots, la fée s'en alla, el le comte
femmes des environs, dit un écrivain du der- d'Augeweiller ne la revit jamais plus. 11 ma-
nier siècle, prétendent avoir vu autrefois, ria ses trois filles avec trois seigneurs des
dans l'enfoncement, une fi-mme pétrifiée au- maisons de Croy de Salm et de Bassom-
,

dessus du rouet. Aussi on n'osait guère ap- pierre. et leur donna à chacune «ne terre
procher de ces grolles; mais depuis que Li et un gage de la fée. Croy eut le gobelet et la
figure de la femme a disparu, on est devenu lerre d'Angeweiller Salm eut la bague el la
;

moins timide, k terre de Fcnestrange , et Bassompierre eut


Auprès de Ganges, en Languedoc, on mon- la cuiller avec la lerre d'Answeilier. Trois
tre une autre grolle des fées, ou grotte des abbayes étaient dépositaires de ces gages
demoiselle* ,dont on l'ait des conies merveil- quand les enfants étaient mineurs Nivelles ;

leux. On voit à Merlingcn en Suisse, tine


,
pour Croy, Ucmenecour pour Salm, Epinal
citerne noire qu'on appelle le puits de la fée. pour Bassompierre; et en effet ces trois mai-
Non loin de Bord-Sainl-Georges, à deux îieues sons prospérèrent longtemps.
•le Chambon, on respecte encore les débris Quant à l'autre prédiction de la fée, rela-
d'un vieux puits qu'on appelle aussi le puits tivement au vol de ces objets, on en recon-
des fées, ou fades, el sept bassins qu'on a nut la vérité dans la maison de M. de Pange,
nommes les creux des fides. (>n voit près de seigneur lorrain, qui déroba au prince do
là, sur la roche de Beaune, deux empreintes Salm la bague qu'il avait au doigt, un jour
de pied humain l'une est celle du pied de
: qu'il le trouva assoupi pour avoir trop bu.
saint Martial, l'autre appartient, suivant la Ce M. de Pange avait quarante mille écus
tradition, à la reine des fées, qui, dans un de revenu ; il avait de belles terres il était ,

moment de fureur, frappa si forlement le ro- surintendant des finances du duc de Lor-.
cher de son pied droit, qu'elle en laissa la raine. Cependant à son retour d'Espagne,
marque. On ajoute que, mécontente des ha- où il ne réussit à rien, quoiqu'il y eût fait
bitants du canton, elle larit les sources mi- pendant longtemps bien de la dépense (il
nérales qui remplissaient les creux des fées, était ambassadeur chargé d'obtenir une fille
el les Ht couler à Evaux. où elles sonl encore. du roi Philippe II pour son maître), il trouva
On voyait, près de Domremy, l'arbre des tout son bien dissipe; il mourut de regret ,,
Fées: Jeanne d'Arc fut même accusée d'a- el ses trois filles qu'il avait mariées furent
voir eu des relations avec les fées qui ve- abandonnées de leurs maris.
naient danser sous cet arbre. On ne saurait dire de quelle matière sont
On remarque dans la petite île de Concou- ces dons de la fée. Ils sont grossiers. On ra-
rie, à une lieue de Saintes une haute butle
,
conte que Diane de Dampmarlin, marquise
de terre, qu'on appelle le Mont des Fées. d'Havre, de la maison de Croy, ayant laissé
La Bretagne est pleine de vestiges sembla- tomber le gobelet en le montrant, il se cassa
bles plusieurs fontaines y sont encore con-
; en plusieurs pièces. lîHe les ramassa, les
sacrées à des fées lesquelles métamorpho-
,
remit dans l'étui en disant :
sent en or, en diamant, la main des indis- Si je ne puis l'avoir entier, je l'aurai au
crets qui souillent l'eau de leurs sources. moins par morceaux el le lendemain, en ;

Tallemant des Réaux rapporte celte mer- ouvrant l'étui, elle trouva le gobelet aussi
veilleuse histoire de fée , qui se raltaehe à entier que devant... —
Voilà, ajoute Talle-
l'origine des maisons de Croy, de Salni et de mant, une belle petite fable.
Bassonipierrc ; On lit, dans la légende de saint Armcn-
605 FEE FEK 606
laire, écrite en l'an 1300, quolquns détails sorte qu'il souhaitait à tout le monde , et ses
sur qui vivait auprès (Vune
la fée Esterelle, vœux prospéraient si rarement que pres- ,

fontiiine oii les Provençaux lui apportaient que toujours on se moquait de lui.
(les offrandes. Elle donnait des breuvages Or, un jour qu'il passait à Beauraing , il
enchantés aux femmes. Le moiiaslère de s'arrôla devant deux jolies maisonnettes bâ-
Notre-Dame de l'Esterel était bâti sur le lieu ties sur une hauteur, au sud de cette petite
qu'avait habité cette fée. ville. Les deux maisonnettes étaient habitées
Méliisine était encore une fée ; il y avait pur trois bonnes commères , toutes trois
dans son destin cette particularité, qu'elle veuves, et dont les deux moins charitables
était obligée tous les samedis de prendre la demeuraient ensemble. La nuit venue , il
forme d'un serpent dans la partie inférieure heurta à la porte où logeaient ces deux
dp son corps. femmes, qui étaient la commère Yolande et
l.a fée qui épousa le seigneur d'Argouges, la commère Babet. Ce fut la commère Babet
an commencement du quinzième siècle, \'a- qui vint ; le vieux Biron la pria de lui don-
vait, dit-on, averti de ne jamais parler de la ner à coucher pour la nuit. Elle, qui était
niorl devant elle ; mais un jour qu'elle s'é- avare, s'excusa sur sa commère, disant
tait fait longtemps attendre son mari, im-
, qu'elle était chiche et grondeuse, et lui con-
patienté lui dit qu'elle serait bonne à aller
, seillant d'aller demander l'IiKspilalilé à la
ciicrchcr la mort. .\ussilôt la fée disparut en voisine Symphcriane. Le bonhomme y alla,
l.iissant les traces de ses mains sur Ic's murs, futreçu honnêtement et bien traité par Sym-
cnnlre lesquels elle frappa plusieurs fois de pboriane, qui pourtant n'était pas riche non
•iépit. C'est depuis ce temps que la noble mai- plus.
son d'Argouges porte dans ses armes trois Après avoir passé la nuit dans un bon lit:
mains posées en p.il et une fée pour ci-
, — Ma bonne dame ,
lendemain ma-
dit-il le
mier. tin je vous remercie du bien que vous m'a-
,

L'époux de Mélusine la vil également dis- vez fait excusez-moi si vous n'en avez pas
;

paraîlrc pour n'avoir pu vaincre la curiosité meilleur paiement.


de la regarder à travers la porte dans sa mé- — Je vous ai reçu , dit-elle, pour l'amour
t<:niorpliose du samedi. de Dieu , et quand vous n'aurez pas d'autre
La reine des fées est Titania épouse du , asile, vous serez encore le bien venu.
roi Obéron qui a inspiré à Wieland un
,
— Aussi reprit le vieillard, je vous fais
,

poëme célèbre en Allemagne. Voyez Eucel- de bon cœur un souhait, que la première
DdUNE. chose que vous ferez aujourd'hui soit si
bonne , que vous ne puissiez de tout le jour
Les trois commères de Beauraing , tradition
faire autre chose.
du temps des fées.
Ayant parlé de la sorte, il partit; et la
Tout passe et comme dit Biaise Pascal,
; commère Symphoriane, ne donnant guère
c'est une mort continuelle que ce change- d'attention au souhait de son hôte , prit un
ment de tous les instants, qui fait que les peu de linge qu'elle avait blanchi la veille
jours se suivent sans jamais se ressembler. et se mit à le plier ; mais tant plia, tant f)lia,
Les rois abso'.us sont déjà loin ; les hochets que plus elle pliait, plus il y avait à plier ;
de nos pères sont remplacés par d'autres et plia tellement jusqu'au soir, qu'il y avait
jouets; les sorciers font place aux charla- autour d'elle d(! grands monceaux de linge ,
tans; les magiciens sont remplacés par les lesquels emplissaient sa maison.
magnétiseurs les fées mêmes, dont le pou-
;
Sa servante alla conter ce prodige aux
voir en général fut si gracieux, ne se mon- voisines. Lesdeux commères chiches accou-
trent plus depuis plusieurs siècles. Il paraît rurent et furent bien affligées de voir la
que, dès le douzième, elles étaient déjà en grande fortune qui leur avait échappé et qui
commencement de décadence. étaitsurvenue à Symphoriane. La commère
Pendant que le pays de Namur obéissait à Yolande en fit reproche assez aigrement à la
Henri l'aveugle et à sa noble épouse, Lau- commère Babet, comme elles s'en letour-
retle d'Alsace on vit s'éteindre en cette pro-
,
naient en leur maison.
vince la race des fies, dont
avancée en âge, laissait un flis, seul reste
la dernière, très-
— J'ai cru bien faire , dit l'autre ; mais
voici Biron qui revient de ce côté. Vous pou-
de celle mystérieuse famille , mais âgé
de quatre-vingts ans, tout cassé et presque
vez tout réparer, ma commère ; allez au-de-
vant de lui.
sans puissance car les fées, lorsqu'elles se
;

mariaient, léguaient leurs baguettes à leurs La commère Yolande ne se le fit pas dire
filles et n'accordaient aux garçons que peu deux fuis. Elle courut à la rencontre do
,

lie chose. Biron. —


Ah mon père, lui dit-elle, que je
1

Le fils de la fée du pays de Namur était suis aise de vous rencontrer. Ma commère
'Jonc un vieux bonhomme qui s'appelait Bi- ISihet ne me connaît guèie. Quand elle
ron. C'est un nom comme un autre. Il n'a- m'eut dit hier qu'elle ne vous avait pas hé-
vait p'is d'argent et vivait de charités qu'il bergé, je pensai en mourir de peine. Je vous
nccrochait à droite et à gauche, et qui! prie de ne point prendre en mauvaise part
payait comme
pouvait, en faisant des sou-
il ce qu'elle a fait, et de nous accorder Ja
haits , lesquels ne s'accomplissaient jamais faveur de venir ce soir loger chez nous.
qu'à regard des veuves de bonne vie; mais Le bonhomme s'y rendit avec joie fui ,

liii-uiôme ignorait celle particuiarilé , de comblé de soins et d'égards, et mis dans un


niCTIONNAlUE DES SCIENCES OCCl'LTES. MS
€07
bon lit, après un souper aussi recherché que core des profits lors même qu'elle est faite
purent le faire los (l^ux veuves. par intérêt ou à conire-cœur.
Le lendemain matin il fil la même petite , FELGENHAVEll (Pacl) , visionnaire alle-
excuse qu'il avait exposée à Symphoriane , mand du seizième siècle. 11 se vantait d'avoir
disant qu'il était marri de ne pouvoir payer reçu de Dieu la connaissance du présent, du
l'hospitalité des deux commères. passé et de l'avenir; il prêchait un esprit
— Eh ! mon bon ami dit Babct, nous ne
, astral, soumis aux régénérés (ses disciples),
l'avons pas fait par intérêt. lequel esprit astral soumis aux régénérés ,
,


Nous l'avons tait pour l'amour de Dieu, est celui qui a donné, disait-il, aux prophè-
ajouta Yolande. tes et aux apôtres le pouvoir d'opérer des

Grand merci donc répliqua le vieil- 1 prodiges et de chasser les dénions. Ayant été
lard et je souhaite bien sincèrement que la
;
mis en prison à cause de quelque scandale
première besogne que vous ferez ce m.itin, qu'il avait causé , il composa un livre où il
se continue tant que vous ne fassiez autre
,
prouvait la divinité de sa mission par ses
chose de tout le jour. souffrances. 11 y raconte une révélation dont
Les deux commères entendirent ce vœu le Seigneur, à ce qu'il disait, l'avait favorisé.
avec joie, et désirèrent que le souhaiteur fût Ses principaux ouvrages sont :

déjà loin, pour se mettre à l'ouvrage. 1* Chronologie ou efficacité des années du


"""" '!'"•'
Aussitôt qu'il fut parti elles dirent à leur monde, sans désignation du lieu d'impres-
servante : sion, 1620, in-4". Il prétend y démontrer que
— Allons, Bribrine, va prendre notre linge le monde est de 2 !5 ans plus vieux qu'on ne
el l'apporle, que nous le puissions plier. En le croit que Jésus-Christ est né l'an 4235 de
;

pliant à deux jusqu'au soir, nous en aurons la création; et il trouve de grands mystères
le double de la voisine Symphoriane. dans ce nombre, parce que le double septé-
Pendant que Bribrine allait au grenier cher- naire y est contenu (1). Or, le monde ne
cher le peu de linge des commères, Yolande pouvant pas subsister plus de six mille ans,
dit : —Afin que nous puissions, sans en être il n'avait plus, en 1020, à compter (jue sur

aucunement détournées, plier tout le jour, une durée de iko ans. Le jugement dernier
je vais tirer de la bière et faire des tartines. était très-proche, et Dieu lui en avait révélé
— Et Babet, je me sens comme un
moi, dit l'époque, qui était 1765.
petit besoin... Jene veux pas être dérangée. 2° Miroir des temps, dans lequel, indépen-
Les deux commères sortirent donc, très- damment des admonitions adressées à tout le
affairées. monde, on expose aux yeux ce qui a été el ce
Bribrine cependant avait apporté le linge qui est parmi totts les Etats écrit par la
,

dans son tablier; mais elle attendit vaine- grâce de Dieu et par l'inspiration du Saint-
ment la commère Babet et la commère Yo- Esprit... 1620, in-4'.
lande, ses deux maîiresses, qui étalent, com- 3° Postillon ou Nouveau calendrier etpro-
me il fut prouvé là, deux veuves de bonne gnosticon astrologico-propheticum présenté ,

vie, malgré leur avarice; car le souhait que à tout l'univers el à toutes les créatures, 1G56,
le bonhomme avait souhailc s'accomplit sur in-12 (en allemand). Felgenhaver, en résu-
elles. joyeuse Yolande ayant com-
Mais la mé, nous paraît avoir été un rival de Mat-
mencé par un coup de sa bière pour se
boire thieu Laensberg.
conforter, ne fit que boire jusqu'à la nuit, et FEMMES. Il y eut une doctrine adoptée
vida le tonneau qui était plein; tandis que la par quelques hérétiques ,
que les femmes
prévoyante Babet s'étant accroupie en son étaient des brutes, mw/ieres non esse homines.
jardin pour une de ces détestables petites né- Un concile de Mâcon foudroya cette extrava-
cessités qui sont pourtant infirmité commune gance.
et obligation universelle de nature, elle ne Nous ne rapporterons pas ici toutes les
se put relever qu'au coucher du soleil, res- mille el une erreurs qu'on a débitées contre
tituant en quelque sorte, par un très-singu- les femmes. Ddancre el Bodin assurent qu'el-
lier phénomène, tout ce que buvait sa com- les sont bien plus aptes que les hommes à la
mère Yolande et au delà. sorcellerie el que c'est une terrible chose
,

Cette merveilleuse aventure, dont nous ne qu'une femme qui s'entend avec le diable.
vous présentons les dernieis détails qu'avec D'anciens philosophes disent aussi que la
un humble embarras, produisit un petit ruis- présence dos femmes en certains jours fait
seau qui a conservé sa source à Beauraing, tourner le lait, ternit les miroirs dessèche ,

et qui coule toujours dans le pays, s'appclant les campagnes engendre des serpents
, el ,

le Biron, à cause du bonhomme-fée à qui on rend les chiens enragés. Les philosophes sont
le doit. bien niais.
Bel exemple et clair miroir, qui vous
prouve que l'hospitalité, si bien récompensée
FEMMES BLANCHES. Quelques-uns don-
quand elle est cordiale, amène pourtant en-
nent le nom de femmes blanches aux sylphi-
des, aux nymphes cl à des fées qui se mon-
(1) C'csl de la cjl)alc comme; en fail l'almanacli proplié- traient en Allemagne. D'autres entendent par
tinue si célèbre de M, liug. Barosie; 4,235 se composeiil
de i ciiiiTrcs qu'un addilioiiiie : 4 Mais 4,130 dounenl le même résultai, aussi liien qu'une
% fouli'd'auiri'S coiMhiuaisoiisdeijiiairc cliillres, par cxcmpli!,
S 3,245, 2,153, clc, a moins qu'on ne veuille premlro le
5 premier el le iroisième cliiflVe qui font 7, comme le seeiind
avec le qualrif'me; ce qui ne fait que diminuer le niuiibre
14 uu Jeux fois 7. des cuiulimat'iuns.
,

€00 FEM FER CIO

là cpriains fantômes qui causent plus de peur inconvenants tant contre Dieu que contre
,

que de mal. son service elle se montre bonne envers les


;

Il y a une sorte de spectres peu dangereux, pauvres, ot se tourmente fort quand on ne les
dit Delrio, qui apparaissent en femmes tou- aide pas à sa fantaisie. Elle en donna des
tes blanches, dans les bois et les prairies ;
marques lorsqu'après que les Suédois euren
quelquefois môme on les voit dans les écu- pris le château, ils oublièrent de donner aux
ries, tenant des chandelles de cire allumées, pauvres le repas de bouillie qu'elle a institué
dont elles laissent tomber des gouttes sur le de son vivant. Elle fil un si grand charivari,
toupet et le crin des chevaux, qu'elles pei- que les soldats qui y faisaient la garde no
gnent et qu'elles tressent ensuite fort propre- savaient oii se cacher. Les généraux mêmes
ment ; ci'S femmes blanches, ajouie le même ne furent pas exempts de ses importunités ,
auteur, sont aussi nommées sibylles et fées. jusqu'à ce qu'enfin un d'eux rappelât aux
En Bretagne, dos femmes blanches, qu'on autres qu'il fallait faire de la bouillie et la
appelle lavandières ou chanteuses de nuit, la- distribuer aux pauvres ; ce qui ayant été ac-
vent leur linge en chantant au clair de la
, compli tout fut tranquille. » Voy. Fées.
,

lune, dans les fontaines écartées elles ré-


;
FER CHAUJJ (Epreuve du). Celui qui vou-
clament l'aide des passants pour tordre leur lait se justifier d'une accusation, ou prouver
linge, et cassent le bras à qui les aide de mau- la vérité d'un fait contesté, et que l'on con-
vaise grâce. damnait pour cela à l'épreuve du fer chaud,
Erasme parle d'une femme blanche célèbre était obligé de porter, à neuf ou douze pas,
en Allemagne, et dont voici le conte « La :
— une barre de fer rouge pesant environ trois
chose qui est presque la plus remarquable livres. Cette épreuve se faisait aussi en met-
dans notre Allemagne , dit-il est la femme
,
tant la main dans un gantelet de fer sortant
blanche, qui se fait voir quand la mort est de la fournaise, ou en marchant sur du fer
prête à frapper à la porte de quelque prince, rougi. Voy. Emma. ^

et nun-seulernent en Allemagne, mais aussi Un mari de Didymotèque, soupçonnant la


en Bohême. En effet, ce spectre s'est montré fidélité de sa femme, lui proposa d'avouer
à la mort de la plupart des grands de Neu- son crime ou de prouver son innocence par
haus et de Rosemberg, et il se montre encore l'attouchement d'un fer chaud. Si elleavouait,
aujourd'hui. Guillaume Slavata chancelier, elle était morte ; si elle tentait l'épreuve, elle
de ce royaume déclare que cette femme ne
, craignait dêlre brûlée. Elle eut recours â
peut être retirée du purgatoire tant que l'évêque de Didymotèque, prélat recomman-
le château de Neuhaus sera debout. Elle y dable elle lui avoua sa faute en pleurant et
;

apparaît, non-seulement quand quelqu'un promit de la réparer. L'évêque , assuré de


doit mourir, mais aussi quand il se doit faire son repentir, el sachant que le repentir vrai
un mariage, ou qu'il doit naître un enfant; restitue l'innocence , lui dit qu'elle pouvait
avec cette différence que quand elle apparaît sans crainte se soumettre à l'épreuve. Elle
avec des vêtements noirs, c'estsigne de mort; prit un fer rougi au feu , fil trois fois le tour
el, au contraire, un témoignage de joie quand d'une chaise, l'ayant toujours à la main ; et
on la voit tout en blanc. Gerlanius témoigne le mari fut pleinement rassuré. Ce trait eut
aussi avoir ouï dire au baron d'Ungenaden, lieu sous Jean Cantacuzène.
ambassadeur de l'empereur à la Porte que ,
Sur la côte du Malabar, l'épreuve du fer
cette femme blanche apparaît toujours en chaud était aussi en usage. On couvrait la
habit noir, lorsqu'elle prédit en Bohême la main du criminel d'une «feuille de bananier,
mort de quelqu'un de la famille de Rosem- el l'on y appliquait un fer rouge après quoi ;

berg. Le seigneur Guillaume de Rosemberg le surintendant des blanchisseurs du roi en-


s'élaiil allié aux quatre maisons souveraines veloppait la main del'accuséavecuneserviette
de Brunswick, de Brandebourg , de Bade et trempée dans de l'eau de riz il la liait avec ;

de Pernslein, l'une après l'autre, et ayant fait des cordons ; puis le roi appliquait lui-même
pour cela de grands frais, surtout aux noces son cachet sur le nœud. Trois jours après on
do la princesse de Brandebourg, la femme déliait la main, et on déclarait le prévenu in-
blanche s'est rendue familière à ces quatre nocent, s'il ne restait aucune marqué de bi û-
maisons el à quelques autres qui lui sont lui e mais s'il en était autrement , il était
;

alliées. envoyé au supplice.


«A l'égard de ses manières d'agir, elle passe Au reste, l'épreuve du fer chaud est fort
quelquefois très-vite de chambre en cham- ancienne car il en est question dans l'Elec-
;

bre, ayant à sa ceinture un grand trousseau tre de Sophocle.


de ciels, dont elle ouvre et ferme les portes FERDINAND IV (dit TAjourné) roi de ,

aussi bien de jour que de nuit. S'il arrive Castille et de Léon, né en 1285. Ayant con-
qu equelqu'un la salue, pourvu qu'on la laisse damné à mort doux frères que l'on accusait
faire, elle prend un ton de voix de femme d'avoir assassiné un seigneur casiillan au
veuve, une gravité de personne noble et ,
sortir du palais, il voulut que la sentence fût
après avoir fait une honnête révérence de la exécutée, quoique les accusés protestassent
léle, elle s'en va. Elle n'adresse jamais de de leur innocence, et quoiqu'il n'y eût au-
mauvaises paroles à personne au contraire,
;
cune preuve solide contre eux. Alors, disent
elle regarde tout le monde avec inodestie el les historiens de ce temps les deux frères,

avrc pudeur. 11 est vrai que souvent elle s'est ajournèrent Ferdinand à comparaître dans
fâi.bce, et que môme elle a jeté des pierres à trente jours au tribunal du juge des rois el, :

ceux à qui elle a entendu tenir des <liscours précisément trente jours après, le roi s'élaut
611 DICTIONNAIRE DES SCIKNCES OCCULTES. eu
relire, après 'c tllncr, pour dormir, fui trouvé difTcrenildans un combat où les deux litur-
niorl (lins snii lii. Voy. Ajul-unement. gies seraient représentées par deux cham-
FERNAND (Antoise) ,
jéMiile e-p;igno!, pions mais ensuite on jugea qu'il était plus
;

auleurd'u» coinmeulaire assez curieux sur convenable de jeter au feu les deux liturgies
les visions el rcvélaiions de VAncien Testa- et de retenir celle que le feu ne consumerait
ment, publié en '617 (1). pas ; ce prodige fut opéré, dit- on, en f.iveur
FERRAGUS gcani dont parle la chroni-
,
de la liturgie mozarabique (2). Voy. Ver
que de l'arclievêqueTurpin. H avait douze CHAUD.
pieds de haut, et la peau si dure, qu'aucune FEU DE LA SAINT-JEAN. — En 16.3i, à
lance ou épée ne la pouvait percer. Il fut Quimper, en Bretagne, habitants aiet-
les
vaim u par l'un des preux de Charleinagne. taienl encore des sièges auprès des feux de
FEKRIER (Augek), médecin et astrologue, joie de la Saint-Jean, pour que leurs parents
auteur d'un livre peu connu, intitulé Juye- : morts pussent en jouir à leur aise.
menls d'astronomie sur les nativités, ou ho- On réserve, en Bretagne, un tison du feu
roscopes, in-16, qu'il dédia à la reine Cathe- de la Saint-Jean pour se préserver du ton-
rine de Mi'dicis. —
Auger Ferrier a laissé nerre. Les jeunes filles, pour être sûres de se
encore un petit traité latin, De somniis im- , marier dans l'année, sont obligées de danser
primé à Lyon en 15W, avec le traité d'Hip- autour de neuf feux de joie dans cette
pocraïc ^ur les insomnies. même nuit : ce qui n'est pas difficile, car ces
FÉTICHES, divinités des nègres de Guinée. feux sont tellement multipliés dans la cam-
Ces divinités varient ce sont des animaux
: pagne, qu'elle par.ril illuminée.
desséchés, des branches d'arbres, des arbres On conserve ailleurs la même opinion
mêmes, des montagnes, ou toute autre chose. qu'il faut garder des tisons du feude
Saint-la
lis en ont de petits qu'ils portent au cou ou Jean comme d'excellents préservatifs qui, de
au bras, tels que des coquillages. Ils hono- plus, portent bonheur.
rent un arbre qu'ils appellent Varbre des fé- .\ Paris, autrefois , on jetait deux douzai-

tiches ; ils placent au pied une table couverte nes de petits chats (emblèmes du diable sans
(le vins de palmier, de riz et de millet.— Cet doute) dans le feu de la Saint-Jean (3),
arbre est un oracle que l'on consulte dans parce qu'on était persuade que les sorciers
les occasions importantes ; il ne manque ja- faisaient leur grand sabbat Celte nuil-là.
mais (le faire connaître sa réponse par l'or- On disait aussi que la nuit de la Saint-
gane (l'un chien noir, qui est le diable, selon Jean était la plus propre aux maléfices, et
nos démonographes. —
Un énorme rocher qu'il fallait recueillir alors le trèfle à quatre
nommé Tabra, qui s'avance dans la mer en feuilles, et toutes lus autres herbes dont on
forme de presqu'île, est le grand fétiche du avait besoin pour les sortilèges.
cap Corse. On lui rend des honneurs parti- FEU GREGEOIS.— ZJa terrible feu grégeois
culiers, comme au plus puissant des féti- el de la manière de le composer. « Ce feu est si
ches. —Au Congo, personne ne boit sans faire violent, qu'il brûle tout ce qu'il louche, sans
une oblation à son principal fétiche, qui est pouvoir être éteint, si ce n'est avec de l'u-
souvent une défense d'éléphant. rine, de fort vinaigre ou du sable. On le
FEU. Plusieurs nations ont adoré cet élé- compose avec du soufre vif, du tartre , de la
ment. En Perse, on faisait des enclos fermés sarcocole, de la picole, du sel commun re-
de murailles et sans toit, où l'on entretenait cuit, du pentréole el de l'huile commune ;

du feu. Les grands ^ jetaient des essences et on fait bien bouillir le tout, jus(|u'à ce qu'un
des parfums. morceau de toile qu'on aura jeté dedans soit
Quand un roi de Perse était à l'agonie , on consumé on le remue avec une spatule de
;

éteignait le feu dans les villes principales du fer. 11 ne faut pas s'exposer à faire cette
royaume, pour ne le rallumer qu'au couron- composition d<ins une chambre, mais dans
nement de son successeur. une cour parce que si le feu prenait, on se-
;

Certains Tarlares n'abordent jamais les rait très-embarrassé de l'éteindre (4). »


étrangers qu'ils n'aient passé entre deux Ce n'est sans doute pas là le feu grégeois
feux pour se purifier ; ils ont bien soin de d'Archimèdc.
boire la face tournée vers le midi, en l'hon- FEU SAINT-ELME ou FEU SAINT GER-
.

neur du feu. MAIN ou FEU SAINT-ANSELME. — Le


,

Les Jagous, peuple de Sibérie, croient qu'il prince de Radzivill, dans son Voyage de Jé-
existe dans le feu un être qui dispense le bien rusalem, parle d'un feu qui parut plusieurs
et le mal ; ils lui offrent des sacriflces perpé- fois au haut du grand mât du vaisseau sur
tuels. lequel il était monté ; il le nonnn;iil fu
Ou sait que, selon les cabalisles, le feu est Saint-Germain, d'autres, /"eu Sai/U-JF/me, el
l'élément Salamandres. Voy. ce mot.
(les feu Saint-Anselme. Les païens attribuaient ce
Parmi les épreuves superstitieuses qu'on prodige à Castor et Pollux, parce que quel-
appelait jugements de Dieu, l'épreuve du feu quefois il paraît double. Les physiciens di-
ne doit pas être oubliée. Lorsqu'il fallut dé- sent que ce n'est qu'une exhalaison enflam-
cider en Espagne si l'on y conserverait la li- mée. Mais les anciens croyaient y voir quel-
turgie mozarabique, ou si l'on suivrait le rit que chose de surnaturel et de divin (5).
romain, on résolut d'abord de terminer le FEUX FOLLETS.— On appelle feux folleîs,
(î) Anlonii Fernandii , elc. Commentarii in visiona (3) Voyei farliclc Cliat.
vcleris TesUmeiili. Lu^d., 1617. (4) Auinirablia secrets du Pelil Alberi, p. 88.
(i\ Beruier, Dict. llieolog. (5) DumCaluiet, UisscrUt. :>ur les aiipïrilioos, p. 83.

i
,

')I3 t'i-;v FID 614


ou esprits follets, ces oxIiaIai>oiis cnllammécs y avait en Egypte, aux bords du Nil,
I!

que la terre, écii.iuffee par les arduurs de de petites pierres faites comme des fèves,
l'été, laisse échapper de son sein, priiicipaie- lesquelles mettaient en fuite les dénions.
meiil dans les longues nuils de l'Avenl ; et, N'etaient-ce pas des fèves pétriOées ? Festus
cuinme ces flanimes roulent iialurellcinerit prétend que la fleur de la fève a quelque,
vers les lieux, bas et les marécages , les chose de lugubre , et que le fruit ressemble
paysans, qui les prennent pour de malins exactement aux portes de l'enfer....
esprits, s'imaginent qu'ils conduisent au pré- Dans l'Incrédulité et mécréance du sorti-
cipice le voyageur égaré que leur éclat lège pleinement convaincue, page 2G3, Delan-
éblouit, et qui prend pour guide leur trom- cre dilqu'en promenant une fève noire, avec
peuse lumière. les mains nettes, par une maison infestée, et
Oiaiis Magnus dit que les voyageurs et les la jetant ensuite derrière le dos en faisant
bergers de son temps rencontraient des es- du bruit avec un pot de cuivre, et priant neuf
prits follets qui brûlaient tellement Ttiidroit fois les fantômes de fuir, on les force de vi-
où ils passaient, qu'on n'y voyait plus croî- der le terrain.
tre ni herbes ni verdure (1). Les jeunes filles de Venise pratiquaient,
Un jeune homme, revenant de Milan pen- avec des fèves noires, une divinatiim qui
dant une nuit fort noire, l'ut surpris en che- n'est pas encore passée de mode. Quand on
min par un orage bientôt il crut apercevoir
; veut savoir de plusieurs cœurs quel sera le
dans le lointain une lumière et eniendre plu- plus fidèle, on prend des lèves noires, on
sieurs VOIX à sa gauche ; peu après il distin- leur donne à chacune le nom d'un des jeunes
gua un char enllammé qui accourait à lui gens par qui on est recherchée, on les jette
conduit par des bouviers dont les cris répé- ensuite sur le carreau la fève qui se fixe
:

tés laissaient entendre ces mots Prends : en tombant , annonce l'amant certain cel- ;

garde à loi ! Le jeune homme épouvanté les qui s'écartent avec bruit sont des amants
pressa son cheval ; mais plus il courait, plus volages.
le char le serrait de près. Enfin, après une FIARD, auteur des Lettres philosophiques
lieuie de course, il arriva, en se recomman- sur magie in-S"
la de la France trompée
, ;

dant à Dieu de toutes ses forces, à la porte par les magiciens et démonoldtres du dix-hui-
d'une église où tout s'engloutit. Cette vision, tième siècle, in-S" ; de la Superstition et dé~
ajoute Cardan, était le présage d'une grande monolâlrie des philosophes, in-12, ouvrages
peste (jui ne tarda pas à se faire kcnlir, ac- publics il y a quaranli; ans.
compagnée de plusieurs autres fléaux. Rien de plus crédule, disent les critiques,
Cardan était enfant lorsqu'on lui raconta que ce bon abbé , qui voit dans Cagliosiro ,
cette histoire, de sorte qu'il peut aisément Mesmer, Sainl-Germ.iin, ces charlatans do ,

l'avoir dénaturée. Le jeune homme qui eut vrais sorciers. Il met dans la même liste
la vi>ion n'avait que vingt ans ; il était seul, Rob-rtson, Olivier et tous les escamoteurs.
il avait éprouvé une grande frayeur. Quant Jl prétend aussi que Voltaire était un démon ;
à la peste qui suivit, elle était occasionnée, et qui sait ?
aussi bien que l'exhalaison , par une année FICINO (Mausile), philosophe florentin,
de chaleurs extraordinaires. né en 1433. Un jour qu'il disputait avec Mi-

FEVES. Pylhagore défendait à ses élèves chel Mercati, son disciple, sur l'immortalité
de manger des fèves, légunie pour lequel il de l'âme, comme ils ne s'entendaient pas, ils
avait une vénération particulière, parcequ'el- convinrent que le premier qui partirait du
les servaient à ses opérations magiques et monde en viendrait donner des nouvelles à
qu'il savait bien qu'elles étaient animées. l'autre. Peu après ils se séparèrent.
On dit qu'il les faisait bouillir ;
qu'il les Un soir que Michel Mercati, bien éveillé ,
exposait ensuite quelques nuits à la lune, s'occupait de ses études, il entendit le bruit
jusqu'à ce qu'elles vinssent à se convertir en d'un cheval qui venait en grande hâte à sa
sang, dont il se servait pour écrire sur un porte, et en même temps la voix deMarsile
miroir convexe ce que bon lui semblait. Ficino qui Michel, rien n'est plus
lui criait :

Alors, opposant ces lettres à la face de la vrai que ce qu'onde l'autre yie.
dit
lune quand elle était pleine il faisait voir à ,
Michel Mercati ouvrit la fenêtre, et vit son
ses amis éloignés, dans le disque de cet astre, maître Ficino , monté sur un cheval blanc,
tout ce qu'il avait écrit sur son miroir qui s'éloignait au galop.
Pythagore avait puisé ses idées sur les fè- Jl lui cria de s'arrêter ; mais Marsile Fi-
ves chez les Egyptiens, qui ne touchaient pas cino continua sa course jusqu'à ce qu'on no
a ce légume, s'ifuaginant qu'elles servaient de le vît plus.
refuge à certaines âmes, comme les oignons Le jeune homme, stupéfait, envoya aussitôt
de ce peuple servaient de logement à cer- chez Ficino, et apprit qu'il venait d'expirer.
tains dieux. On conte qu'il aima mieux se Marsile Ficino a publié sur l'astrologie ,

laisser tuer par ceux qui le poursuivaient sur l'alchimie, sur les apparitions et sur les
que de se sauver à travers un champ de fè- songes, divers ouvrages devenus rares.
ves. C'est du moins une légende borgne FIDELITE. —
On lit dans les Admirables
très-répandue. secrets d'Albert le Grand, qu'en mettant un
Quoi qu'il en soit on offrait chez les an-
,
diamant sur la tête d'une femme qui dort, ou
cieusdes fèvesnoiresauxdivinités infernales. connaît si elle est fidèle ou infidèle ; parce
que, si elle est infidèle, elle s'éveille en sur-
Il) Dom Calmet, Dissertation sur les apparitions, il 109.
saut et de mauvaise humeur ; si, au cou-
CIO
DlCT10NN\mE, DES SCIKNCES OCCULTES
(;i5
tant du beurre frais, cl on la lui donne à
Rracienx.
traire cllecsindèlc,cllcaanrévril avaler. »
dit qu'on peut être
bien . > , i
î c Pelit Albert Fiente de chèvre. « La fienle de chèvre a la
sûr de la fidélité d'une
femme, quand on lui de tu-
vcrlu de faire suppurer toutes sortes
a fàil manger la
moelle de l'épine du dos d un
I
meurs. Galien guérissait fort souvent ces tu-
'" auteur d'un
anversois meurs et les duretés des genoux, mêlant celte
FŒN ( Thomas )
,

prodigieux do
,
fienle avccde la farine d'orge et de
l'oxycrat,
sur les eiïcls
livre curieux et l'appliquant en forme de
cataplasme sur la
imagimtionis Lon-
r imaginai ion, Veviribus dureté; elle est admirable pour les oreillons,
dres, 16a7. mêlée avec du beurre frais et de la lie d'huile
de plit- mais
FIENTES.— Des vertus et propriétés de noix. Ce secret semblera ridicule ;
sienrs sortes de fientes. « Comme l'bomme es
il est véritable, car on a
guéri plus de vingt
ont
la plus noble créature, ses excréments personnes de la jaunisse, leur faisant boire
pour guérir jeun,
aussi une propriété particulière tous les matins, pendant huit jours, à
et Galien en du vin
Dlusieurs maladies. Diosconde cinq petites crottes de chèvre dans
font cas cl
de gosier ou
assurent qu'ils
esquinancies.
enlèvent les maux


blanc... »
ùela fiente de brebis. « Il
...
ne faut jamais
«Voici la manière de les préparer.
On ^don-
rv
prendre celte fiente par la bouche comme
homme de bon l'appliquer
rera à manger à un jeune celle des autres animaux, mais
jours
tempérament des lupins pendant trois extérieurement sur le mal ellealfs uiêines
:

il y aura du
levain
et du pain bien cuit, où propriétésquc la fienle de chèvre. Elle guérit
et du sel ; on lui fera
boire du vin clairet, et toutes sortes de verrues , de furoncles durs
rendra après du vinai-
on gardera les excréments qu'il cl de clous, si on la détrempe avec
On les mêlera avec
trois jours de ce régime. gre, et qu'on l'applique sur la douleur.»
boire et aya- -
autant de miel, et on les fera De la fiente des pigeons ramiers et des pi
lercommederopiat.oubien.silemaladenest néons domestiques. « Pour les douleurs de
on '«s appli- des pigeons ramiers
pas ragoûté d'un tel condiment, i'os ischion, la fienle
cataplasme remède es
fluera comme un
le :
ou domestiques est admirable, étant inê'.éo
infaillible. » Nous ne dirons
pas s il est
avec de la graine de cresson d'eau : et
lorsqu'on veut faire mûrir une tumeur ou
^^Dela%nte on enferme un
de chien. « Si
une fluxion, on peut user d'un cataplasme
pendant trois
chien cl qu'on ne lui donne dans lequel entre une once de cette fiente,
on ramassera sa
iours que des os à ronger, deux drachmes de graine de moutarde et de
en poudre, est
fiente, qui, séchée et
réduite cresson, une once d'huile distillée de vieilles
remède contre la dyssenlerie. personnes ont
un admirable tuiles. Il est sûr que plusieurs
« On prendra des cailloux
de rivière qu on été guéries par cette fiente, mêlée avec
de
jellera dans un
fera chauffer; ensuite on les l'huile de noyaux de pêches. »
plein d'urine, dans lequel on met- Galien dit que la fiente d'oie est inutile, a
vaisseau
chien réduite en
tra un peu de celte fiente de cause de son âcreté; mais on est certain
malade
noudre on en donnera à boire au
: qu'elle guérit aussi de la jaunisse, lorsqu'on
pendant trois jours, qu'on en
deux fois la journée, la détrempe dans du vin blanc et
donne... Celte
sans qu'il sache ce qu'on lui boit pendant neuf jours. »
fiente est aussi un des
meilleurs dessiccatifs « Dioscoride dit que la fiente de poule
ne
pour les vieux ulcères malins et invété- peut être efficace que pour guérir do la brû-
lure, lorsqu'elle est mêlée avec de
»
l'huile
rés -,
Comme on sait que que,
De la fiente de loup. « rosat, mais Galien et Egiiielle assurent
les os avec la jointe avccde l'oxymel, cette fienle apaise la
cet animal dévore souvent
os que 1 on suffocation et soulage ceux qui ontmaiigc dos
chair de sa proie, on prendra les
parmi sa fiente, parce que, pilés champignons, car elle fait vomir tout ce qui
trouvera
dans du vin, c est un spé- embarrasse le cœur. Un médecin du Içmps
bien menus, bus
cifique contre la colique. » de Galien guérissait la colique avec celle
De la fiente de ba-ufet de vache.
« La fiente
fienle, détrempée d'hypocras, fait de
miel et
et nouvelle,
de bœuf et de vache, récente de vin. » . •

vigne ou do
,

« La fienle de souris, mêlée avec du


dans des feuilles de miel,
enveloppée
dans les cendres, guérit les
fait revenir le poil , lorsqu'il
est tombe,
chou, et chauffée
infiammations causées par les plaies.
La pourvu qu'on en frotte l'endroit avec celle
même fiente apaise la sciatique.Si on la môle
elle a la propriété de
mixtion... »
Pour conserver la beauté, voici
... un se-
avec du vinaigre , «
glandes scrofuleuses et c'est une
faire suppurer les cret très-important au beau sexe :

écrouellcs. Galien dit qu'un médecin


de My- manière de faire le fard. On prendra do la
sie guérissait toutes sortes
dhydropisies en fiente de petits lézards, du tartre de
vin
meliant sur l'enHure de la fiente chaude de blanc, de la raclure de corne de cerf, du co-
vache. Celte fiente aussi appliquée sur la pi- rail blanc et de la farine de riz,
autant de
qûre des mouches à miel, frelons et autres, l'un que de l'autre; on broiera le tout
dans
en enlève aussitôt la douleur. » un mortier, bien menu, on le fera tremper
Fiente de porc. « Cette fiente guérit les cra- ensuite dans de l'eau dislillce d'une sembla-
chements de sang. On la fricasse avec au- ble quantité d'amandes, de limaces
de vigne
bouillon blanc,
tant de crachats de sang du malade, y ajou- ou de jardin, et de (leurs de

(I) Le Solide trésor Uu Pclil Albert, p. 24.


après cela on y mêlera autant de miel blai'c,
PI 7 Fir. FIN 6iS
cl l'on broiera cnrore le loul iMisemble. Celle Cœsarius d'Heislerbach ajoute à ce signa-
C')mposilion doit êlre conservée dans un vase lement qu'en prenant la forme humaine, le
d'argent ou de verre, cl l'on s'en servira diable n'a ni dos ni <lerrière, de sorle qu'il
l)0iir se frotter le visage et les mains (1)... » se garde de montrer ses talons ( MiracuL,
Voilà, convenez -en, une singulière phar- lib. 3).
macopée. Les Européens représentent ordinal-
FIÈVRE. Quelques personnes croient en- rernent le diable avec un teint noir et
core se guérir de la fièvre en buvant de l'eau brûlé; les nègres au contraire soutiennent
hénile la veille de Pâques ou la veille de la que le diable a la peau blanche. Un officier
Pcnlecôle. En Flandre, on croyait autrefois français se trouvant au dix-septième siècle
que ceux qui sont nés un vendredi ont reçu dans le royaume d'Ardra, en Afrique, alla
f.iire une visite au chef des prêtres du pays.
de Dieu le pouvoir de guérir la fièvre (2).
Il aperçut dans la chimbre du pontife une
FIGURES DU DIABLE. Le diable change
grande poupée blanche,et demanda ce qu'elle
souvent de formes, selon le témoignage de
représentait. Ou lui répondit que c'était le
quantité de sorcières. Marie d'Aguère con-
diable.
fessa qu'il sortait en forme de bouc d'une
cruche placée au milieu du sabbat. Fran-
— Vous vous trompez , dit bonnement le
Français, le diable est noir.
çoise Secrétain déclara qu'il avait la forme
d'un grand cadavre. D'autres sorcières ont
—C'est vous qui êtes dans l'erreur, répli-
qua vieux prêtre; vous ne pouvez pas sa-
le
dit qu'il se faisait voir sous les (rails d'un
voir aussi bien que moi quelle est la couleur
tronc d'arbre, sans bras et sans pieds, assis
du diable -.je le vois tous tes jours, qI le vous
dans une chaire, ayant cependant quelque
assure qu'il est blanc comme vous (5). Voy.
forme de visage humain. Mais plus généra-
Sabbat, Démons, etc.
lement c'est un bouc ayant deux cornes par
devant et deux pur derrière. Lorsqu'il n'a FIL DE LA VIERGE. Les bonnes gens
(]ue trois cornes, on voit une espèce de lu- croient que ces flocons blancs cotonneux,
mière dans celle du milieu , laquelle sert à qui nagent dans l'atmosphère et descendent
allumer les bougies du sabbat. Il a aussi une du ciel, sont des présents que la Sainte
manière de bonnit ou chapeau au-dessus des Vierge nous fail.et que c'est de sa quenouille
cornes. céleste qu'elle les détache. Ils annoncent le
On a prétendu que le diable se présente beau temps.
souvent sous l'accoutrement d'un homme Le physicien Lamarck prétend que ce ne
qui ne veut pas se laisser voir clairement, et sont pas des toiles d'araignées ni d'autres
qui a le visage rouge comme du feu (3). D'au- insectes mais des filaments alnio-
fileurs,
tres disent qu'il a deux visages à la léte, sphériquos qui se remarquent dans les jours
comme Janus. qui n'ont pas offert de brouillard. Selon le
Delancre rapporte que dans les procédures résultat des observations de ce savant , les
de la Tournelle, on l'a représenté en grand fils de la Vierge ne sont qu'un résidu des

lévrier noir, et parfois comme un bœuf d'ai- brouillards dissipés, et en quelque sorle ré-
rain couché à terre. 11 prend encore la forme duits et condensés par l'action des rayons
d'un dragon. solaires, « de sorte qu'il ne nous faudrait
Quelquefois c'est nn gueux qui porte les qu'une certaine suite de beaux soleils et de
livrées de la misère, dit Leioyer. D'autres fois brouillards secs pour approvisionner nos
il abuse de la figure des prophètes; et, du manufactures et nous fournir un coton tout
temps de Théodose , il prit celle de Moïse filé, beaucoup plus beau que celui que nous

pour noyer les Juifs de Candie, qui comp- tirons du Levant (6). »
taient, selon ses promesses, traverser la mer FIN DU MONDE. Hérodote a prédit que
à pied sec (k). le monde durerait 10,800 ans; Dion, qu'il
Le commentateur de Thomas Valsingham durerait 13,98'i- ans; Orphée 120,000; Cas-
rapporte que le diable sortit du corps d'un sander, 1,800,000. Il serait peut-être mieux
diacre schismatique sous la figure d'un âne, de croire à ces gens-là , dont les prédictions
et qu'un ivrogne du comlé de Warwick fut ne sont pas encore démenties, qu'à une foule
longtemps poursuivi par un esprit malin dé- dj prophètes , maintenant réputés sols dans
guisé en grenouille. Leioyer cite quelque les annales astrologiques. Tel fut Aristar-
part un démon qui se montra à Laun sous que, qui prédisait la débâcle générale du
la figure d'une mouche ordinaire. genre humain en l'an du monde 3184.; Daré-
Ces figures diverses que prennent les dé- lès en l'an 5552; Arnauld de Villeneuve, en
mons, pour se faire voir aux hommes, sont l'an de Noire-Seigneur 1395; Jean Uillen,
multipliées à l'infini. Quand ils apparaissent allemand, en 1651. L'Anglais Wislon ex- ,

avec un corps d'homme, on les reconnaît à plicaleur de l'Apocalypse, qu'il voulait éclair-
leurs pieds de bouc ou de canard, à leurs cir par la géométrie et l'algèbre, avait con-
griffes et à leurs cornes, qu'ils peuvent bien clu après bien des supputations, que le juge-
cacher en partie , mais qu'ils ne déposent ment dernier aurait lieu en 1715, ou au plus
jamais entièrement. tard en 1716. On nous a donné depuis bien
(I) Secrets d'Albert le Grand, p. 167. (l) Socraie, Hist. eccl., Ilv. VII, cli. xwni.
(2)Uelancre, Iiicrédulilé et mécréance du sortilège (3) Anecdotes africaines de la côte des Esclaves, p. 57.
[ileiiiemenl convaincue, p. 1o7. (6) M. Sdlgue». Des Erreurs et des préjugés, l. 111,
(3) Delancre, Tableau iJe l'inconstance des démons, etc.. p. 184.
lit. 11, p. 70.

DlCTIOISNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. L 20


,

819 DICTIONNAIRE DES SCIKNCKS OCCI.'LTES. C20


liaulres fr.iycurs. L«> 18 juillet 1816 dcv/iil FLAMBEAUX. Trois n.tmlieaux allumés
<*lre ledernier jour. M. de Krudcmr l'avait dans la même chambre sont un présage de
remis à 1819, M. de Libenslcin à 182;{,M.dc mort. Ayez donc soin d'en avoir deux ou
Sallmard-MoMlforl à 18'3G, et d'autres pro- quatre.
nhèles, sans i)lus de succès, au 6 janvier FLAMEL (Nicolas), célèbre alchimiste do
I8'i0. quatorzième siècle. On ne connaît ni la date
Attendons mais si nous sommes sages,
: ni le lieu de sa naissance; car il n'est pas
lenoiis-nous prêts. certain qu'il soit né à Paris ou à Poiiloise. Il
Non loin d'Avignonel, village qui est au- lut écrivain public au charnier des Inno-
près de VilU'franchc en Langue<loc, est un cents, libraire juré, poëte, peintre, mathé-
petit mortlicule situé au milieu d'une des maticien, architecte; enfin, de pauvre qu'il
plus fcrliles plaines de l'Europe ; au haut de ctaii, il devint riche; el on attribua ses suc-
ce nionlicule sont placées les pierres de Nau- cès au bonheur qu'il eut de trouver la pierre
rodse; c'est-à-dire deux énormes blocs de philosophale.
granit qui doivent avoir été transportés là Une nuit, dit-on, pendant son sonimci!, un
du temps des druides. Or, il faut que vous ange lui apparut, tenant un livre assez re-
sachiez (tous les gens du p.iys vous ]<• diroiil) marquable couvert de cuivre bien ou-
,

que quand ces deux pierres viendront à se vragé, les feuilles d'écorce déliée, gravées
baiser, ce sera le signal de la fin du monde. d'une très-grande industrie, cl écrites avec
Les vieilles gens disent que, depuis un siè- une pointe de fer. Une inscription en grosses
cle, elles se sont tellement rapprochées lettres dorées contenait une dédicace faite à
qu'un gros homme a tout au plus le passage la ijenl des Juifs, par Abraham le Juif, prince,
libre, tandis qu'il y a cent ans un homme à prêtre, astrologue et philosophe.
cheval y passait sans difficullé... Voyez Ber- — Flamcl, dit l'ange, vois ce livre auquel
nard DB Thuringe, Felgenuaver , ECLIP- tu ne comprends rien pour bien d'autres
:

SlilS o'c* que loi, il resterait inintelligible;


mais tu y
FJNNES. On lit dans Albert Kraniz (1) verras un jour ce que tout autre n'y pourrait
(|ue les Finnes ou Finlandais sont sorciers ,
voir.
qu'ils ont le pouvoir de connaître l'avenir et A ces mots, Flamel tend les mains pour
les choses cachées qu'ils toiiibent en extase,
;
saisir ce présent précieux; mais l'ange et le
que dans cet état ils font de longs voyages livre disparaissent, et il voit des Qols d'or
sans que leur corps se déplace, et qu'à leur rouler sur leur trace.
réveil ils racontent ce qu'ils ont vu, appor- Nicolas se réveilla; et le songe tarda si
tant, en témoignage de la vérité, une bague, longtemps à s'accomplir, que son imagina-
un bijou, que leur âme a pris en voyageant tion s'était beaucoup refroidie, lorsqu'un
dans les pays éloignés. jour, dans un livre qu'il venait d'acheter m
Delancre dit que ces sorciers du Nord ven- bouquinant , il reconnut l'inscription du
dent les vents, dans des outres, aux navi- même livre qu'il avait vu en songe, la même
gateurs, les(|ucls se dirigent alors comme ils couverture, la même dédicace, et le mémo
veulent. Mais un jour, un maladroit, qui ne nom d'auteur.
savait ce que conlenaient ces outre s les ayant Ce livre avait pour objet la transmutation
crevées, il en sortit une si furieuse tempête métallique, el les feuillets étaient au nombre
que le vaisseau y périt. de 21, qui font la mystérieuse combinaison
OI<iiLs Magnus rapporte que certains de cabalistique de trois fois sept. Nicolas se mit
ces magiciens vendaient aux navigateurs trois à étudier ; et ne pouvant comprendre les figu-
nœuds magiques, serrés avec une courroie. res, il fil un vœu, disent les conteurs her-
En dénouant le premier de ces nœuds, on niéliques, pour posséder l'interprétation d'i-
avait des vents doux et favorables; le second celles, qu'il n'oblinl pourtant que d'un
en élevait de plus véhéments; le troisième rabbin. Le pèlerinage à Sainl-Jacques, qui
excitait les plus furieux ouragans. était son voeu, eut lieu aussitôt; Flamel en
FINSKGALDEN, espèce de magie en usage revint tout à fait illuminé.
chez les Islandais; elle a été apportée en Is- Voici, selon les mêmes conteurs, la prière
lande par un magicien du pays, qui avait fait qu'il avait faite pour obtenir l'intelligence :
à ce dessein un voyage en Laponie. Elle — « Dieu tout-puissant, éternel, père de la
consiste à mailrisor un esprit, ({ui suit le lumière, de qui viennent tous les biens et
sorcier sous la forme d'un ver ou d'une tous les dons parfaits, j'implore votre misé-
uiouchi', et lui fait faire des merveilles. ricorde infinie; Liissez-moi connaître votre
FIORAVANTI (Léonard), médecin, chi- éternelle sagesse; c'est elle qui environne
rurgien et alchimiste du seizième siècle. On votre trône, qui a créé et fait, qui conduit
renuirque parmi ses ouvrages, qui sont nom- et conserve tout. Daignez me l'envoyer du
breux, le Ùésumé des secrets qui rerjaident la ciel, votre sanctuaire, et du trône de votre
médecive, ta chirurgie et l'alchimie (2). Ve- gloire, afin qu'elle soit el qu'elle travaille en
nise, 1571, in-8, 1666; Turin, loSO. moi; car c'est elle qui est la maîtresse de
FIORINA. Voy. Flori.ne. tous les arts célestes et occultes, (jui possède
FLAGA, fée malfaisante des Scandinaves. la science et l'intelligence de toutes chose».
Ouelques-uns disent que ce n'était qu'une Faites qu'elle m'accompagne dans toutes
magicienne, fjui avait un aigle pour monture. mes œuvres; (jue par son esprit j'aie la véri«

(IJ I-eloycr, llist. des spectres el a])[iariUoas des es- (-2; roiupendio Jci secreli, elc.
piiu, iiv. IV, i>. 4i>U.
fi?l FLA FLA r.22

table iiilelligonre; que jt> procèJc infailli- lequel n'a point paru. On
a donné enfin la
hlemenl dans l'art noble auquel je me suis musique chimique, opuscule très-rare, cl
consacré, dans la recherche de la miracu- d'autres fatras (lu'on ne recherche plus.
leuse pierre des sajres que vous avez cachée Au résumé, Flamel était un homme labo-
au monde, mais que vous avez coutume au rieux, qui sut acquérir de la fortune en tra-
moins de découvrir à vos élus; que ce grand vaillant avec les juifs, et romme il en fit mys-
œuvre que j'ai à faire ici-bas, je le com- tère, on l'attribua à des moyens merveilleux.
mence, je le poursuive cl ji^ raclièvc hrureu- L'abbé de Villars métamorphose Flamel,
semenl; que, contenl, j'en joui se à tou- dans le Comte de Gabnlis , en un chirurgien
jours. Je vous le demanile par Jésus-Christ, qui commerçait avec les esprits élémentaires.
la pierre céleste, angulaire, miraculeuse et On a déhilé sur lui mille contes singuliers ;
fondée de toute éleriiilé, qui commande et et de nos jours un chercheur de dupes, ou
règne avec vous (1), » etc. peut-être un plaisant, répandit en mai 1818,
Cette prière eut tout son effet, puisque Fla- dans les cafés de Paris, une espèce d'avertis-
mel convertit d'abord du mercure en argent, sement où il déclarait qu'il était le fameux
et bientôt du cuivre eu or. Il ne se vil pas Nicolas Flamel, qui rechercliait la i)ierrep!ii-
plus tôt en possession de la pierre philoso- losophale au coin de la rue Marivaux, à Pa-
pliale, qu'il voulut que dos monuments pu- ris, il y a plus de quatre cents ans; qu'il avait
blics allcstassent sa piété et sa prospérité. Il voyagé dans tous les pays du monde, et qu'il
n'oublia pas aussi de faire mettre partout ses prolongeait sa carrière depuis quatre siècles
statues et son image, sculptées, accompa- par le moyen de Vélixir de vie, qu'il avait le
gnées d'un éiusson où une main tenait une bonheur de posséder. Quatre siècles de re-
écritoire en forme d'armnirie. Il fil graver de cherches l'avaient rendu, disait-il, très-sa-
plus le portrait de sa femme, Pernelle, qui vant, et le plus savant des alchimistes. Il
l'accompagna dans ses travaux alcl)imii|ucs. faisait de l'or à volonté. Les curieux pou-
Flame! fut enterré dans l'église de Saint- vaient se présenter chez lui, rue de Giéry,
Jacqucs-la-Bouchcrie, à Paris. Après sa mort, n° 22, et y prendre une inscrijjlion qui coû-
plusieurs personnes se sont imaginé que tait trois cent mille francs, moyennant quoi
toutes ces peintures et sculptures allégori- ils seraient initiés aux secrets du maître, et

ques élaient autant de symboles cabalisîi- se feraient sans peine un million huit cent
ques qui renfermaient un sens qu'on pouvait mille francs de rente.
mettre à profil. Sa maison vieille rue de ,
Nous sommes heureux de pouvoir citer ici
Marivaux, n° IC, passa dans leur imagination, sur Nicolas Flamel les curieuses recherchi s
pour un lieu oii l'on devait trouver des tré- de M. Auguste Vallcl, de l'école des Charles.
sors enfouis un ami du défunt s'engagea,
: Elles résument une foule de livres cl d'essai»
dans cet espoir, à la restaurer gratis ; il brisa publiés sur ce sujet.
tout et ne trouva rien. « Parmi les arcades qui composaient jadis
D'autres ont prétendu que Flamel n'était les Charniers des Innocents, on vn remarquait
pas mort, et qu'il avait encore mille ans à deux, (|ui se recommandaient plus particu-
vivre il pourrait n)éme vivre plus, en vertu
: lièrement à ia curiosité. Sur la première se
du baume universel qu'il avait découvert. voyait une peinture représentant un homme
Quoi qu'il en soit, le voyageur Paul Lucas dans l'attitude d'un spectateur, portai>t un
affirme , dans une de ses relations, avoir phylactère dont la légende témoignait de
parlé à un derviche ou moine turc, qui avait son admiration. La seconde offrait un tym-
rencontré Nicolas Flamel et sa femme s'em- pan ogive décoré de sculptures et servait dj
barquant pour les Indes. monument turaulaire.
On ne s'est pas contenté de faire de Flamel Sauvai (2) nous apprend que
« de son ,

un adepte, on en a fait aussi un auteur. En temps, les alchimistes visitaient ces deux
1561, cent quarante-trois ans après sa mort, arcades, et se mettaient l'esprit à la torture
Jacques Gohorry publia, in-18, sous le ti- pour découvrir le sens mystérieux des figures
tre de Transformation métallique, trois traités qu'on y avait peintes et sculptées.
en rhythme français la Fontaine des amou-
: C'est qu'elles avaient été construites par
reux des sciences ; les Remontrances de nature Nicolas Flamel.
à l'alchimiste errant avec la réponse par
, ,
« Ce Flamel, dit Sauvai, est en telle véné-
Jean de Meung, et le Sommaire philosophique « ration parmi eux qu'ils ne l'estiment pas
attribué à Nicolas Flamel. « moins que Guillaume de Paris (3) et veu- ,

On met aussi sur son compte le Dénr dé- « lent qu'en 1382 (4), il souffla de sorte que
siré, ou Trésor de philosophie, autrement le « son creuset valut bien le sien. Aussi , ne
Livre des six paroles , qui se trouve avec le « sont-ils pas paresseux de visiter souvent
Traité du soufre, du cosmopolite, et l'œuvre « tous les lieux qu'il a bâtis. Us se distillent
royale de Charles VI, Paris, 1618, 1629. in S'. pour quintcssencier des vers gotlii-
« l'esprit

On le fait encore auteur du grand Eclair- « queseldes figures, les unes en ronde bosse,
cissement de la pierre philosopliale pour la « les autres égratignées , comme on dit, sur
transmutation de tous métaux, in-8°, Paris, « les pierres , tant de la maison du coin de la
1628. L'éditeur promettait la Joie parfaite de « rue Marivaux, que des deux hôpitaux qu'il
moi, Nicolas Flamel, et de Pernelle, ma femme,
(5) Célèbre évoque de Paris, qui passait pouralchimiste,
(1) llydroticus soptiiciis seu aquarium sapient. BIbl. et dout ta statue est, dit-on, ci'lle qui se vdil au irume.iu
cliim. (le Maiiget. l. II, p. b37. du portail droit de Notre-Dauie de l'aris.
(2) Mon en 1670. (i) Le texte porte 1332, mais éviJeioiniinl par i;rr( ur.
623 DICTIONNAIRE DKS SCIKNCF.S OCfUI.TES. liai

De là, et commenter les figures. Il expose que.toul


« a fait faire à la rue Ao Monltnorfiicy.
vont à Saintc-Geneviève-des-Ardents, en exerçant sa fonction d'écrivain, à Paris,
« ils
Sainl-Côme, a en face la chapelle de Saint-Jacques-la-llou-
- à l'hôpital Sainl-Gervais , à
cherie n'a pas laissé d'onlendre au long
Saint-Martin, à Saint-Jacques-de-la-Boii-
il
,
..

les livres des philosophes, et d'apprendre eu


chérie, où l'on voit des portes qu'il a
fait
..

iceux leurs tant occultes secrels: « Donc moi,


1 construire, et où presque à loulcs, cl en-
Nicolas Flamel, dit-il, ainsi qu'après le décès
« core ailleurs sereniarquenldcs croix qu ils
de mes parents je gagnais ma vie en notre
« tiennent pour mystérieuses. ,

prés Art de l'Ecriture, faisant des inventaires,


« Quatre gros chenets de fer dressés
de la dressant des comptes, et arrélani les dépenses
. le portail Sainl-Gcrvais et à la rue
des tuteurs et mineurs, il me tomba entre les
u Ferronnerie, sont encore de lui, à ce qu'ils
mains, pour la somme de deux florins , un
.. prétendent sans savoir pourquoi , ni ce
livre doré fort vieux el beaucoup large; il
ils en disent autant des
,
« qu'ils signifient ;
n'était point en papier ou parchemin comme
. demi-reliefs, des figures de ronde-bosse et
des sont les autres, mais était fait de déliées écoi-
<.
de quelques peintures des charniers
ces, comme il me semble, de tendres arbris-
'ISaints-Innocents, et que môme il les a ex-
le livre des figures hiéroghj-
seaux (2), sa couverlure était de cuivre bien
. pliqués dans
que ce délié , toute gravée de lettres ou figures
« figues... Cependant il est certain
étranges. Quant à moi, je crois qu'elles |)ou-
« livre est la traduction d'une pièce latine
vaient bien être des caractères Grecs ou d'au-
a qu'on n'a jamais vue. »
tre semblable langue ancienne. Je ne les sa vais
« Lo livre dont parle Sauvai est un ou-
pas lire, et je sais qu'elles n'étaient lettres
vrage assez rare aujourd'hui et recherché
latines ou gauloises car nous y entendons un
des bibliophiles. Il s'agit d'un petit in-4." de
;

peu... Au premier des feuillets, il y avait écrit


98 pages , dont la première est enlièremenl
en lettres grosses capitales dorées. Abhaham
occupée par le titre suivant :

naturelle, LE JUIF, PRINCE, PRÊTRE, LÉVITE, ASTROLOGUii.


c Trois traités de la philosophie
et PHILOSOPHE, A LAGENT DES JUIFS, PAR LIRE
non encore imprimés.— Savoir,— le secret li-
DE Dieu dispersée aux gaules, salut, etc. »
vre du très-ancien philosophe Artephius,
mé- « Ce livre élail rempli de figures peintes
traitant de l'art occulte et transmutation
Plus.- Les figures hié- en diverses couleurs et dont Flamel ne pou-
tallique, lat.-français.
vait découvrir le sens mystérieux. Au der-
roglyphicques de Nicolas Flamel, ainsi qu il
qu'il a bâ- nier revers du cinquième feuillet, il y avait,
les a mises en la quatrième arche
Paris, en- poursuit-il, un roi avec un grand coutelas,
tie au cimetière des Innocents à
qui faisait tuer en sa présence par des sol-
trant par la grande porte de la rue Sainl-De-
dats grande mullilude de petits enfants,
nis, et prenant la main droite ; avec
l'expli-
les mères desquels pleuraient aux pieds des
cation d'icelles, par iceluy Flamel. Ensemble
impitoyables gendarmes. Le sang des petits
-Le vrai livre du docte Synesius, abbé grec, entants élail puis après recueilli par d'autres
lire de la bibliothèque de l'Empereur ,
sur
Arnauld, soldats , el mis dans un grand vaisseau,
le même sujet, le tout traduit par P.
dans lequel le soleil el la lune du ciel se ve-
sieur de la Chevallerie poitevin.— A Paris,
naient baigner. Et parce que cette histoire
(hez la veuve Guillemot et S. Thiboust,
rt'présentaii la plupart de celle des Inno-
au palais, en la galerie des prisonniers.
c nts , occis par Hérode, et qu'en ce livre -ci
MDCXII (1).
livre contient un j'ai appris la plus part de l'Art, ça a été une
« La première partie de ce
latin et français en des causes que j'ai mis en leur cimetière ces
traité d'alchimie, texte
qui renferme une recette pour le symboles hiéroglyfiques do celle secrète
regard ,
science. »
grand œuvre. La seconde est précédée d'une
planche composée de plusieurs pièces gra-
Enchanté de posséder ce livre Flamel
« ,

l'éiudiailavec ardeur. Mais tout en compre-


vées sur bois et formant une arcade ogive,
représentant celle que Nicolas Flamel fil éle-
nant qu'il donnait la marche pour procéder
ver aux charniers des Innocents.— Le sujet
au Grand OEuvre, il ne pouvait lever le voile
énigmaliquedonl l'auteur, suivantl'usage des
principal montre lePère éternel, tenant d'une
philosophes hermétiques, avait gazé ses su-
main le globe surmonté d'une croix et levant
blimes prescriptions. En vain communiqua-
l'autre pour bénir. A sa droite Nicolas Fla-
t-il le sujet de ses peines à sa femme Pelre-
mel, les mains jointes, est aux pieds de saint
ndle, « qu'il aimait autant que lui-même el
Paul qui intercède pour lui. Pernelle , sa
dans même altitude, laquelle il avait épousée depuis peu. » Per-
femme, à gauche et la
prenait plaisir à
nelle ainsi que son mari
parait également protégée par son patron, , ,

contempler les ornements dont le livre élail


saint Pierre. Au-dessous sont représentés di-
exicrieurement et intérieurement embelli ;
vers sujets, parmi lesquels on remarque un
« mais, dil-il, elle y entendait aussi peu que
Jugementdernier,el,dansla partie inférieure
Dans moi. » Enfin il fit peindre dans son logis quel-
i)u tympan, le Massacre des Innocents.
chacune ques-unes de ces figures, el les montra à
les angles de l'ogive sont des anges;
plusieurs grands clercs leur disant que ce
de ces figures est, en général, accompagnée
,

livie contenait une recette pour trouver le


de banderoLcs sur lesquelles se lisent des
Magistère. « Mais dit-il encore , la plupart
,
inscriptions.
d'iceux se moquèrent de moi et de la béuile
«L'auteur entre en matière; Nicolas Fla-
mel est censé raconter lui-même son histoire (2) C'est ainsi qu'au moyen Sge on diicrivail les ina:iu-
sfTils sur pa^yruï.
(,1) Sauvai écrivait en lOji.
,

«55 FLA
FLA («25
pierre, » excepté toulofois un
nommé maîlrc femme, se livra aux œuvres de charité
Anseaulme, licencié en médecine, qui li.i II
interpréta de la manière la plus
combla de bienfaits les pauvres
répara les ,
salisfaisanlc églises et les cimetières, fonda des
les premières figures
peintes au commence- hôpitaux
etc. « Bâtissant donc, continue
ment de cet ouvrage. le récit, ces
églises cimetières, et hôpitaux,
« Celte première conquête ne Gt je me réso-
que l'en- lus de faire peindre en la
lljimmeret fut cause « que. quatrième arche
durant le Ion- flu cimetière des Innocents
espace de vingt et un ans, il fit mille les plus vraies ,
brouille- et essentielles marques de
ries.» Ne possédant qu'à l'Art, sous néan-
moitié le critérium do moins dos voiles et couvertures
ces préceptes catinlisliques, il hiéro-^Ufi-
était toujours à qiies.a l'imitation du livre doré
recommencer. Enfin , « ayant perdu espé- du juif Ibra-
lam, pouvant représonterdeux
» ranci- de jamais comprendre ces figures choses, selon
il , la capacité et savoir des
» !il vœu a Dieu et à monsieur saint Jacques contemplants, pre-
mièrement les mystères de noire résurrec-
» de Uallice pour demander
l'interprétalion tiDU future et indubitable, au
» d leelles a quelque sacerdoi jour du juge-
juif.en quelque ment et avènement du bon Jésus
» synagogue d'Espagne. » (auquel
Prrnanl le bour- plaise nous faire miséricorde),
don, muni d'un extrait de son histoire qui
livre Nicolas, convient bien à un cimetière , et puis
tiamelsemiten route pour le pèlerinage après
de encore , pouvant signifier â ceux qui
bainl-Jacques de Compostelle. Il sont
accomplit entendus en la philosophie naturelle,
son vœu avec grande dévotion, foutes
et passant par les principales et nécessaires
Léon pour revenir en France il opérations du
,
fit la con-
,
Alagislere. Ces figures hiérogiyfiques
naissance d'un « médecin ser-
, juif de nation et viront comme de deux chemins
lors chrétien
, demeurant audit
pour mener
Léon, lequel a la vie céleste; le premier sens plus
etai fort savant en ouvert
maître Ganches. »
sciences sublimes,appelé ^ enseignant les saints mystères de notre
lut, l'autre enseignant à
sa-
« Le docteur fut ravi d'entendre tout homme, pour
parlerde ce peu entendu qu'il soit en la pierre , la voie
livre merveilleux qu'ilcroyaità
jamais perdu. linéaire de l'œuvre,
Aussitôt que Flamel lui eut laquelle étant parfaite
communiqué son par quelqu'un change de mauvais en
le
extrait, le docteur lui donna ,
l'explication des t)(m, lui ôte la racine de tout
premières figures. Il fut décidé qu'ils péché (qui est
revien- 1 avance) le faisant libéral, doux
draient en compagnie, et ils pieux
s'embarquèrent religieux, et craignant Dieu,
,

pour la Franco. Le juif déjà avait quelque mau-


expliqué vais qu'il fût auparavant.
la plupart de mes
figures , où jusque même Car dorénavant il
aux points il trouvait de grands demeure toujours ravi de la grande grâce
et
mystères ; miséricorde qu'il a obtenue de Dieu. »
quand arrivant àOrléans.cedocte
juif tomba « Après ce long préliminaire
malade et mourut le septième jour. l'auteur
Du mieux prend une à une les diverses figures
,

que le pus dit Flamel, je le fis qui


enterrer en composent le dessin général mis en tête de
^église de Samte-Croix à Orléans.où
il repose son traité; puis les analysant
successive-
ment et en détail, il en montre le
double
« Nicolas Flamel revint àParis ri sens
opérations chimiques; il ne
reprit ses commun ou théologigue, et hiéroglyfique ou
tarda pas , à
aide des instructions
contenues dans son « Nous ne suivrons pas cette énumération
livre, a composer la
sublime pierre. « J'ac- dans laquelle il renchérit sur maître
coniplis aisément le Magistère Canches
sachant la préparation des
, dit-il; aussi lui-même qui, jusque même aux points
prem ers agents, trouvait de grands mystères. Dans
H suivant a la lettre mon livre, je n'eusse pu
cette dis-
sertation alambiquée, il n'est pas
laillir encore que
je l'eusse voulu. Donc la jusqu'à
ecritoire de Flamel qui ne puisse,
première fois que je fis la projection,
ce fut
1
comme
dit bauval, se quintessencier
sur du mercure, dont j'en en interpréta-
convertis une de- tions. Ainsi, cette ecritoire
mi-livre ou environ, en pur doit être prise
argent, meilleur pour « un matras de verre plein des coufec-
que celui de la minière, comme
j'ai essayé et
tait essayer par
lons de l'art, comme
de l'écume de la mer
plusieurs fois. Ce fut le 17 Kouge
<le janvier
et de
graisse du vent mercurial que
la
, un lundi environ à midi , en ma tu VOIS, du le traité, peint
maison, présente Perrenclle seule, en forme d'écri-
l'an mil loire. » El l'armoire (dans
trois cent quatre-vingt-deux. laquelle est con-
Et puis après tenue cette ecritoire; qui se trouve
suivant toujours de mot à répétée
mot mon livre, je trots fois en signe de la IripHcité
a "s avec la pierre rouge, de l'œuvre
sur semblable accompli par Flamel
qualité de mercure, en , doit elle-même être
présence encore de considérée comme le Vaisseau
Perrenelle seule, en la môme philosophi-
maison, le 23 que, le Triple vaisseau, l'Athanor
d avril suivant, sur les crible, le
cinq heures du soir- ^umer,
je transmuai véritablement le Bain Marie, la Fournaise, la
en quasi autant Sphère, le Lyon verd, la Prison, le Sépulcre,
de pur or, meilleur
très-certainement que la PIttole, etc., etc., où doit s'enfanter lo
1
or commun, plus doux et plus ployable » grand œuvre
« Pour remercier Dieu de la grâce qu'il
(1) 1

ui avait faite « Vient ensuite le troisième livre qui con-


en luiaccordant le don de la
transmutation
tient un troisième et dernier traité do la
, Flamel de concert avec sa pierre philosophale.
P'" "'"''"''' '^'^ (lireque celle interpréu-
tinn l.
twn M,r„
et chacun h'
des mois qui la composeul quelque al.sur-
liasqu Ils paraissent, ne soul |.as, , d éludes liérméuques. »
imrinJéqucment, dé- rfeie de M. Aug. Vallet.
,

6ï8
(^^,
DICTIONNAIRE DES SClKNCfcS OCCULTE'^.
anonyme, sous le titre de Transformation
longlenips
« Nous n-aurions pas arrêté si
métallique, altribué au môme Gohorry. (.e
ex-
sur ce livre, s'il ne conlena.l
l
le lecteur traités, savoir
recueil conti.-nt trois petits
:

près complète de la légende de sctence, par


peu
pnsilion à
donné heu Jn Fontaine des amoureux de —
Nicolas Flnmel. et s'il n'avait Jean de la Fontaine, de Yalennennes ;
les

touchant celle lég.tid à des controverses


• .
Nutureà r Alchimiste errant
Remontrnncesde
nous saura poul-ôlre gré d avoir
ré- par Jean de
,,u'on avec la Réponse de l'Alchimiste,
sumées ici.
iijeunn-— Sommaire philosophique de
et le
fabuleuse que nous tentons
« L'hisloire En tête de cet ouvrage se
Nicolas Flarnel.
nous a été transmise par deux trois traites.
d'éclaircir,
tradition écrite. lit une préface relative A ces
voies la tradition orale cl la qui concerne
:
Dans la partie de cette préface
Examinons d'abord la première. Nicolas Flamel , l'auteur fait •'»'"»•«"
et que ^f.»,
« Le livre qu'on vient d'analyser, parle des figures
talents alchimiques, et
nous reprendrons comme monument
de a les arches
symboliques que l'on voyait sur
tradition écrite, en roniienl a
peu près la
au temps du cimetière qu'il avait fondées.
substance. On rapportait donc qu « Roch auteur breton, qui vivait
le Baillif,
NicolasBlamel, dans un Iraite sur
du roi Charles VI, un certain à la fin du seizième siècle,
d un livre
obscur écrivain, devint possesseur diverses matières, et entre
autres sur les
découvrit les- se-
inYSléricux dans lequel il
alchimique et médicale, qui, de son
qu'ayantie pouvoir sciences
crets du grand œuvre, et confondues parle éga-
maître temps, se trouvaient
de l'or, il se trouva bientôt le il rappelle la
,1e faire
écus, avec les- lement do Nicolas Flamel, dont
,ruue fortune de 1,500,000 el les construc-
ton- science féconde, les richesses
quels il construisit qu.ilorze hôpilaux, tions remarquables (2).
lunocenis, les por- I7U^„l
da les deux charniers des Nicolas Flamel
de sainte Les ouvrages attribués a
«
tails de Saint-Jacques-la-Boucherie, mentionnés dans le tome II de la
sont encore
Geneviève-des-Ardents,cic., etc.; sans S'ilomon et
des Bibliothèque des Philosophes de
compter les réparations innombrables Mangin dans Mangel (l), dans le Muséum
églises, qu a<da de (3),
des écri-
iieux saints, hôpilaux, if
hermeticum de IBi-î, dans 'erecuei
considérables
ses richesses, ni les aumônes vains alchimistes de l'abbe Lcngletdu Fres-
qu'il ré|)and lit pirmi les pauvres.
On disait presque tous les cata-
inef- noy ; en un mot, dans
également qu'il avait déposé la science logues de livres hermétiqms.
si fortune, dans
fiTble dont il était un adepte Pierre Arnauld, seigneur de la
a En 1612,
plusieurs ouvrages entre lesquels on
citait le hiéro-
ou Chevalerie, publia le Livre des figures
Sommaire philosophique, le Désir désiré qlqphiques, dont nous avons donne analyse, l

six Paroles, le Livre des Lavures par le genlil-


te Livre des
Science d Alqumie ouvrage évidemment compose
et la Vraie Pratique de la homme poitevin, mais contenant loutefois
on allait
oa les Lavtires de Flarnel. Enfin, un exposé de la tradition donl Flamel était
dire que non content d'avoir fait ser-
jusqu'à
l'avait encore "
vir le magistère à s'enrichir, il LeVnédecin Borel, dans un article
plein
d *- «
employé comme breuvage sous 1 espèce d'inexactitude, et surtout empreint dune
longue vie, et qu'un beau jour il d un siècle,
lixir de crédulité puérile, qui le recule
Pernelle,
avait disparu pour aller rejoindre Borel, dis-je, au mot ^nsemmt de son dic-
cimetière des
censée morte et enterrée au tionnaire (b), répèle sans
intelligence tout
Innocents, mais qui, réellement, n avait
laii
lui sur la science
ou ce qu'on avait débité jusqu'à
que partir pour des contrées lointaines de Fiamel. sur sesrichesses, son livre, ses
jours sans
tous deux étaient allés couler les talents, ses construclions, ses
ouvrages, etc.
cesse renaissants de leur vie
immortelle. Flamel et a son im-
« Quant au départ de
- « Mais la tradition orale ne contribua pas plus précieux ni de plus
Rose- morUlité. rien de
seule à perpétuer le souvenir de noire matière, que ce
encore enregistrée étendu n'a été dit sur celle
Croix. Son histoire fut Lucas, dans sa
qui en est rapporté par Paul
dans un grand nombre de livres. Le
trouvions
premier
sur relation dédiée au roi Louis de so MV
que nous pourra se
voyage en Asie Mineure («)• Ou
ouvrage imprimé
cette matière est de la seconde
moitié du sei- ^''^//^'l 1"«
fonrJr une idée par le court
zième En 1572. Jacques Gohorry, dit
siècle.
nous allons en faire. Le
voyageur raconle
le Solitaire, publia un petit traité, en vers, dervis Jes U^becs
périlleuse qu'à Bournous-Bachi le
intitulé: Le Livre de la Fontaine etques'entretenanl tous
opuscule, il men- vinl lui r.ndre visite,
parler
(1). Dans les notes de cil vinrenta
deux de diverses malières, ils
lionne la peinture cl les sculptures de Nicolas Le dervis
hiéro- delà philosophie et de l'alchim.e.
Flarnel, eu leur allribuaut un sens choses de la même force
?ui dit entre autres
glyphique. possédaient le
paru un recueil
.,
que les vrais philosophes
« Eu lc61, il avait déjà
"'""'" "'
Salomon; augmen.éo par J, «-..^-Hi
^''•'='"

de lu Foiunine Vérillense : ^uircmenl


iiitilnlâ
(1) Livre
le Songe du Verger, avec coii.iueulaire
de I. <j. 1 t.->.''C-
,|Ucs-Ooli<>iTï, l'aiiiieu).A l'aiis, \M Jean
Biiello.libfuire,
ad Miemium permemiuin ilieum iis. - Oeno^,e, Z vol.
lidelphe, méJe-
'""(ii) Le DémoiUiion J« Uocb le naillif ,
"'"(IJ'rrdsor des Hecl.erches el ^';^^""
^j^^'f^
as Flamol)
iu-i'.--\\.ia M«. passage :... » Lequel (Mco
.le pauvre ewrivaUi qu'il
esloii et ayaiil iiouvo ei. un vieil
usprouva, fui l un Uis. lu Mucédoine el /ifrii/iic. - l'aris ,
l/U- ^ >ol. '" "•
livre «ne reiejjle inelallique qu il 9SU IU,V !•
p.
s, elc, etc. »
l^lus ridies <ie Sun It-mi
par IjUU.
(3J BétmhèQM des i'IùlOivplia clumiqucs,
CÎ9 FLA F\A f.ôO

moyen de prolonger jusqu'à mille ans lo homme qui joignait à une érudition brillante,
terme de leur cxisicnce, cl de la préserver un esprit presque toujours droit et judicieux,
rie toutes les maladies... « Enfin, poursuit l'abbé Vilain, entreprit d'examiner l'histoire
Lucas, je lui parlai de l'illustre Flamel, et je de Nicolas Flamel, et de dissiper l'auréole
lui dis que, malgré la pierre philosophale, il nuageuse dont l'amour du merveilleux avait
était mort dans toutes les formes. A ce nom entouré sa mémoire. Il publia sur cette ma-
il se mit à rire de ma simplicité. Gomme j'a- tière deux volumes{2), dans lesquels il prend
vais presque commencé à le croire sur le l'une après l'autre, toutes les assertions hy-
reste, j'étais extréinemeut étonné de le voir perboliques émises sur le compte de Flamel,
douter de ce que j'avançais. S'élant aperçu et il les réfute avec les trésors d'une vaste
de ma surprise, il me demanda sur le même érudition, avec les traits acérés d'une logiiiuo
ton si j' étais assez bon pour croire que Fla- qui sont parfois dignes d'une cause plus
mel fût mort. « Non, non, me dit-il, vous importante. Il résulte de l'examen critique
» vous trompez Flamel est vivant; ni lui,
, auquel l'abbé Vilain soumet la légende de
» ni sa femme ne savent encore ce que c'est Nicolas Flamel, que ce dernier était simple-
» que la mort. Il n'y a pas trois ans que je ment un bon bourgeois, qui grâces à son ,

» lésai laissés l'un et l'autre aux Indes, et économie et à son activité dans son métier
» c'est un de mes plus fidèles amis. » Il al- d'écrivain, auquel il se livra lui el sa femme
lait même me marquer le temps qu'ils avaient avec assiduité, avaitacquis une forluneaisée,
fait connaissance; mais il se retint et me dit mais qui n'avait rien d'exorbitant ni dans
qu'il voulaitm'apprendre son histoire que son chiffre ni dans son origine; il résulte
sans doute on ne savait pas en mon pays. » également que ces deux époux, s'abandon-
«Alors Lucas débite un roman à peu près nant à un goût de bâtisse analogue à celui
calqué, pour la marche générale, sur le récit qui anime encore aux jours de notre dix-
de Pierre Arnauld, mais évidemment modifié neuvième siècle les bourgeois de Paris, firent
et augmenté de ce qu'il avait lu ou entendu exécuter plusieurs constructions partui les-
dire d'après La Croix du Maine (1). Dans quelles on remarque le portail de quelques
cette histoire figurent également, et l'acqui- églises, deux charniers au cimetière des In-
sition du livre hermétique, qui, selon le nar- nocents et une maison hospitalière rue de
rateur provenait d'un juif Irès-savant, assas- Montmorency. Quand à ses prétendus traités
siné par un autre juif, et dont Flamel aurait sur l'alchimie, l'inexorable abbé les biffe im-
hérité, et le voyage en Espagne qu'il raconte pitoyablement jusqu'au dernier, et prononce
avec de nouvelles variantes. Il termine en cette sentence (l'anéantissement avec une sé-
disant que, pour se soustraire à l'envie et vérité qui, toutefois , ne proie point à ré-
aux persécutions, Pernelle d'intelligence , plique.
avec son mari, fit enterrer à sa place un «Cependant l'abbé Vilain, quel que soit le
morceau de bois habillé, et se rendit en mérite incontestable de son œuvre, ne laisse
Suisse pour y attendre son mari, qui, après point, son livre une fois clos, l'esprit de son
avoir fait son testament ht également ense- lecteur dans une satisfaction pleine et com-
velir à sa place une bûche et vint rejoindre plète ; préoccupé de montrer ce qu'il y avait
sa femme. «Depuis ce temps-là, coulinue le de faux et d'exagéré dans la chronique her-
dervis ils ont mené l'un et l'autre une vie
, métique de Nicolas Flamel il a négligé de
,

philosophique, et ils .sont tantôt dans un pays faire voir ce qu'il y avait d'originairement
et tantôt dans un autre.... Voilà la véri- — vrai dans cette môme chronique, et comment
table histoire de Flamel et non pas ce que , ce noyau de vérité s'était, chemin faisant,
vous en croyez, ni ce qu'on en pense folle- grossi et enveloppé d'un entourage d'erreurs,
ment à Paris, où peu de gens ont connais- comme une pierre qui roule dans un sentier
sance de la vraie sagesse. » de neige. Ainsi, par exemple sans prendre ,

« Ce récit, ajoute Paul Lucas, me parut et de conclusions formelles sur le fait et sans
il est en effet fort singulier. J'en fus d'autant même l'élucider bien clairement, il admet la
plus surpris, qu'il m'élait fait par un Turc possession du fameux livre d'Abraham le
que je croyais n'avoir jamais mis lo pied en juif, par Nicolas Flamel. Or ce fait prouve-
France. Au reste je ne lo rapporte qu'en his- rait, s'il était irrévocablement constaté, non
torien, et je passe même plusieurs choses pas que Flamel trouva une recette pour faire
encore moins croyables, qu'il me raconta de l'or, mais qu'il cherchait cette recelte cl
cependant d'un ton affirmalif. Je me conten- que partant , il s'adonnail effectivement à
,

terai de remarquer que l'on a ordinairement l'alchimie (3) point qu'il était fort curieux
,

une idée trop liasse de la s(;ience des Turcs, d'éclaircir.


et (|ue celui dont je parle est un homme d'uu «Il existe à la bibliothèque du Roi un petit
génie supérieur.» livre manuscrit ('•'), grossièrement relié, ap-
«Enfin vers lo déclin du siècle dernier, un partenant selon toute apparence à la fin du
(I) Voypz la Notice Inographique consacrée à rianu'l Mais, dit mademoiselle de Liissan, dans son histoire de
dans la IliblioUièque da la Croix du Maiiie et Uiivcpdier. Cliarles Vt (u VI, p. .560). C'est une preuve certaine qu'il
(i) Essai sur une histoire de Saim-Jacques-la-Bouche- ue contenait âne de vaines idées: car qu'eussent-ils pu
rie; par L... V... Pajis, 17.t8, in 12. —Histoire crilique emporter de plus précieux ?t — Rien dn si seiisô que ce
l'e {ficûtas Flamel el de Pernel , sa Itinine : uar le même. mot, ajoute l'ablié Vilain. El jamais les Juifs, dépouillés de
l'aris, in-12, 1782. leurs liions et chassés, n'auraient néglij;é la ressource la
(3) Voici le passagt' de Paobé Vilain, auquel nous faisons plus prochaine el la plus abondante clans leur misère. —
a'.lu^iiMi. I Les .luils, dil-il, cliassés de l'ari», llisl. crili(|ue, etc., in-12. 1782; p. 22.
y avaient
liisai le HiajjiiiHiiuc livre iloiU on a lu la tlcs'jrii'Uon. (IJ l'ouiis de Saiiil-Gtrmain-des-l'riis n» 19C0.
DICTIO.NNAIKE DES SCIENCES OCCLLTES. 65t
651

«iiialorzièinc siècle et traitant des


opérations FLAQUE (Louis-Elgèink), — sorcier jugé
Ce pelil livre que nous avons à Amiens en 1825. On l'accusa d'escroque-
alchimiques.
commence par ces ries à l'aide d'opérations magiques el caba-
.ill.ntivemenl parcouru,
listiques , de complicité avecBoury, teintu-
mots:
rier, logé rue des Hautes-Cornes , au dit
,

« Cy commence la vraie pratique de la noble


Amiens, et encore avec François Russe, la-
science d'alkimie.
« Le désir désiré et le prix que nul
ne peut boureur de Conli. —
Au mois de mars 1825,
prUer, de tous les philosophes composé, et des la cour royale d'Amiens confirma un juge-
livres des anciens pris et tiré, etc.
ment par lequel il appert que les trois indi-
« 11 enseigne la manière de parvenir au
vidus susnommés ont, par des manœuvres
frauduleuses persuadé à des particuliers
grand œuvre, à l'aide d'opéra'ions succes- ,

l'existence d'un pouvoir mystérieux surna-


sives nommées dans ce traité Lavures et qui
turel sur quoi, et pour en user, l'un de ces
sont au nombre tle six. ;

« Au dernier feuillet du manuscrit se lit


crédules particuliers remit à Boury la somme
de cent quatre-vingt-douze francs Boury
celte indication écrite de la môme main que
;

présenta le consultant à un individu déguisé


le reste du texte:
« Le présent livre est et appartient a Nico-
en démon, dans le bois de Naours. Le démou
Flamel, de la paroisse Saint- Jacques-de- promit au particulier huit cent mille francs,
las
la-Boucherie, lequel il a écrit et relié de propre qui n'arrivèrent jamais. Boury, Flaque et
main. Uusse n'en gardèrent pas moins les cent
« Concluons :1° Si Flamel avait transcrit quatre-vingt-douze francs; mais le bailleur
pour son propre usage un livre d'al- les poursuivit. Boury fut condamné à quinze
et relié
chimie, c'ét;iitdouc qu'il s'occupait effective- mois de prison, Flaque et Russe à une an-
née, à l'amende de cinquante francs, et au
ment de cette science; 2' Si l'on rapproche
des premières lignes formant le titre de ce
remboursement des frais, etc.
Voici ce qu'on apprit dans les débats.
petit livre, les désignalions des ouvrages
qui
sont attribués à Nicoliis Flamel comme étant Boury exerçait l'étal de chirurgien dans la
de sa composition, et que l'exagération tra-
commune de Mirvaux; n'étant pas toujours
ditionnelle n'avait cessé de multiplier, l'on
heureux dans ses cures, il persuadait a ses
reconnaîtra comme nous, que tous ces noms,
malades que l'on avait jeté un sort sur
savoir : le Sommaire philosophique , le Désir eux ; il leur conseillait de chercher un devin
plus savant que lui; cependant il se faisait
désiré ou le Livre des six paroles, la Vraie
p.iyer et se relirait. Ces escroqueries n'é-
pratique de la science d'alquimie ou les La-
taient que le prélude de facéties plus gra-
rures de Flamel, se trouvent tous plus ou
ves.
moins textuellement compris dans le tiire
réel que nous venons de rapporter. N'est-il En 1820, le charron Louis Pâque .ayant
donc pa» évident que toute cette bibliogra- besoin d'argent, se rendit à Amiens, là il en
phie apocryphe a pour origine ce seul et
emprunta à un menuisier. Boury, qui sut la
même petit livre, qui fut sinon composé, du chose, dit qu'il procurerait de l'argent à
meilleur compte, moyennant quelques avan-
moins ^crtt et possédé par Nicolas Flamel?
résumons en parallèle la ces. Le charron alla le trouver; Boury lui
« Maintenant ,
,

chronique pure et la chronique amplifiée du déclara que le meilleur moyen d'avoir des
héros qui nous occupe. Flamel était un — fonds était de se vendre au diable et ;

écrivain qui gagna sa fortune dans l'exercice


voyant que Pâque ne reculait pas à une telle
proposition, il lui demanda deux cents francs
de son métier et qui probablement, en dé-
,

pensa quelque partie à transcrire, à étudier, pour assembler le conseil infernal; Louis
d'alchimie; Pâ(|uc les donna.
et à mettre en œuvre des livres
— Et ses contemporains amis du merveil- ,
Boury s'arrangea de façon à loucher ainsi
leux, se plurent à imputera l'alchimie, en
pour frais préliminaires, sept à huit mille
les exagérant, les richesses qu'il tenait de francs.
son travail. — Le hasard
ou une circons- ,
Enfin il fut convenu qu'en donnant encore
quatre louis Pâque obtiendrait cent mille
tance quelconque fil vraisemblablenient tom-
,

francs; malheureusement il s'était fort dé-


ber entre ses mains un livre d'alchimie
réputé précieux; —
Et la rumeur tradition- pouillé il n'en put d mner que deux. Il par-
;

tit néanmoins avec Boury, Flaque, le chef


nelle répéta que dans ce livre il avait puisé
le secret du grand œuvre, source hypothé-
sorcier, el un sieur de Noyencourt, pour le
tique et censée de sa fortune réelle. Il fit — bois de Saint-Gervais. Boury lira d'une de
bâtir quelques édifices dont lui-même indi- ses poches un papier écrit qu'il fit tenir aux
qua la décoration et dirigea la construction; assistants, chacun par un coin. Il était rai-
— Et le bruit se répandit qu'il avait sous des nuit. Flaque fil aussitôt trois conjurations,
signes mystérieux , et par de somptueux le diable ne parut pas.
monuments retracé les emblèmes de l'art
,
Noyencourt el Boury dirent alors que le
qui l'avait enrichi, etc., etc. diable était occupé ce jour-là ; on prit un au-
« De ce petit travail il résulte encore une tre rendez-vous au bois de Naours.
vérité. C'est qu'en général, là où vous voyez Pâque à cet autre rendez-vous mena sa
pauvre Mais Boury lui
une légende, quelque erronée quelque am- ,
fille avec lui ;
fille!

plifiée qu'elle soit, vous pouvez être sûr, eu avait dit qu'il fallait que sou premier-né
îillant au fond des choses , que vous y trou- assistât à l'opération.
verez une histoire. » Flaque cl Boury api>clèrenl le diable en
655 n,\ Fl.O 654

lalin. Li; diable enfin p.irut. Il nvail une n-- rents peuples touchant les revenants et les
(lingote rougeâtre bleuâtre, un chapeau g.i- spectres, raconte toutefois le fait suivant :
lonné. Il portait un siibre. Sa taille était « Flaxbinder, plus connu sous le nom do

d'environ cinq pieds six pouces. Le nom de Johannes de Curiis, passa les années de sa
ce démon était Robert; et celui du valet qui jeunesse dans l'inteuipérance et la débauche.
l'accompagnait, Saday. Un soir, tandis qu'il se plongeait dans l'i-
Boury dit au diable Voici un homme : — vresse des plus sales plaisirs, sa mère vit un
que je te présente; il désire avoir quatre spectre qui ressemblait si fort, par la figure
cent mille francs pour quatre louis, peux- el la contenance, à son fils, qu'elle le prit
tu les lui donner? pour lui-môine. Ce spectre était assis près
Le diable répondit Il les aura. : — d'un bureau couvert de livres, et paraissait
Pâque lui présenta l'argent; et le diable profondément occupé à méditer et à lire tour
lui fit faire le tour du bois en quarante-cinq à tour. Persuadée qu'elle voyait son fils, et
minutes, avec Boury et Flaque, avant ds! agréablement surprise, elle se livrait à la
bailler le» 40î), 000 francs. L'un des sorciers joie que lui donnait ce changement inat-
perdit même un de ses souliers dans la tendu , lorsqu'elle entendit dans la rue la
course. Pâque, à un détour, aperçut une voix de ce même Flaxbinticr, qui lui semblait
table et des chandelles dessus; il poussa un élre dans la chambre. Elle fut horriblement
cri :
effrayée. On le serait à moins. Cependant,
Tais-toi, lui dit Flaque, ton cri a tout ayant observé que celui qui jouait le rôle de
perdu; manquée.
l'affaire est son fils ne parlait pas, qu'il avait l'air som-
Le stupide charron s'enfuit à travers le bre, hagard et taciturne, elle conclut que ce
bois; puis reprenant courage il revint de- devait être un spectre ; et, celte conséquence
vant le diable, qui lui dit Scélérat, tu as : — redoublant sa terreur, elle se hâta de faire
traversé le bois au li(;u d'en faire le tour. ouvrir la perle au véritable Flaxbinder. Il
Uetire-toi sans te retourner, ou je te tords le entre, il approche; le spectre ne se dérange
cou.... pas. Flaxbinder périfié a ce spectacle, forme,
Mais ce n'était pas fini. Une autre opéra- en tremblant, la résolution de s'éloigner du
(iou eut encore lieu dans le même bois; vice, de renoncer à ses désordres, d'étudier
quand Pâque celte fois demanda l'argent, le enfin el d'imiler le fantôrn.». A peine a-t-il
diable lui dit : — Adresse-loi au bureau. conçu ce louable dessein que le spectre sou-
C'était un
buisson.... rit d'une manière un peu farourhe, comme
Comme il n'y avait rien dans ce buisson, font les savants, ferme les livres et s'en-
le démon promit que la somme se trouverait vole...»
le lendemain d;ins la cave même du charron ;
FLÈCHES. Voici une divination qui se
Pàque s'y rendit le lendemain
sa , avec pratique chez les Turcs par le moyen des flè-
femme et celle du bonhomme qui avait ches. S'ils doivent aller à la guerre, entre-
donné les cent quatre-vingt-douze francs prendre un voyage, ou acheter queli]ue mar-
pour la première affaire. Mais néant encore ;
chandise, ils prennent quatre flèches qu'ils
et pour surcroît, Boury, qu'ils prenaient dressent en pointe l'une contre l'autre, et
à partie, les menaça de se plaindre au qu'ils font tenir par deux personnes, c'est-
procureur du roi.... Pâque reconnut qu'il à-dire par quatre mains; puis ils mettent sur
était trompé, et se retira avec son argent un coussin une épée nue devant eux, et lisent
perdu.... un certain chapitre du Koran. Alors les flèclu s
Nous sommes cependant dans le dix neu- se battent durant quelque temps, et enfin les
vième siècle, et nous avons les lumières du unes montent sur les autres. Si, par exemple,
dix huitièmel... les victorieuses ont été nommées chrétiennes
FLAUUOS, grand-général aux enfers. Il (car dans les divinations relatives à la guerre
se voir sons la figure d'un terrible
fait ils appellent deux de ces flèches les Turcs, et

léopard. Lorsqu'il prend la forme humaine, donnent aux deux autres le nom de leur en-
il porte un visage affreux, avec des yeux nemi), c'est signe que les chrétiens vain-
enflammés. Il cuiinail le passé, le présent et cront; si autrement, c'est une marque du
l'avenir, soulève tous les démons ou espriis contraire (3)... Voy. Bélom*scie.
contre ses ennemis les exorcistes, et com- FLINS. Les anciens Vandales adoraient
mande vingt légions (I). sous ce nom une grosse pierre, qui représen-
FLAVIA-VKNIÎIUA-BESSA, femme qui fit tait la Mort couverte d'un long drap, lenanl
bâtir une chapelle en l'honneur des anciens un bâton à la main , et une peau de lion sur
monaniues de l'enfer, Plulon et Proserpine, les épaules. Ces peuples croyaient que cette
par suite d'un avertissement (ju'elle avait divinité, lorsi]u'elle était de bonne humeur,
eu en songe (2). pouvait les ressusciter après leur trépas.
FLAVIN , auteur d'un ouvrage intitulé FLORENT DE VILLIERS. Voy. Villiers.
l'Etat des âmes trépassées , in-8° , Paris ,
FLORINE, Fiorina et Florinde, noms d'un
1579. démon familier qui, au rapport de Pic de La
FLAXBINDKR. Le professeur Hanov, bi- Mirandole, fréquenta longtemps un sorcier
bliolliécuire à Danizitk, après avoir com- nommé Piiiet.
battu les appurilions el les erreurs des diffe- FLORON démon , familier de Cecco d'As-

Wiurus, de Pra-siig. ilsin., p. 929. (3) Lebrun Hist. des (irali(iucii supcrslilieu«es, l. Il,
(1) ,

|2) Lelovei', lliit. «les si>cclros ou apiiarltioiis, I. IV, p AOj.


p. 459.
055 niCTIONNMRE DES SCIENCES OCCULTES. C3«

esl de l'ordre dis chérubins damnés.


coll. 11 ainsi toutes les influences qu'on en peut ap-
FLOTILDE. Ce personnnge csl inconnu ; préhender. Les voisins qui prennent cette
mais ses VUiovs onl éié conservées. On les précaution contre le danger, ne manquent
trouve dans Recueil de Duchcsne (1).
le pas chaque jour de visiter plusieurs fois le
FLOTS. Cambry parle d'un genre de divi- magot chargé de veiller à leur défense. Ils
nation assez curieux, qui se pratique dans brûlent de l'encens devant lui, ou plutôt de-
les environs de Plougasnou des devins in- : vant l'esprit qui le gouverne, et qu'ils croient
terprètent les mouvements de la mer, les sans cesse occupé de ce soin.
Ilots mourants sur la plage, et prédisent l'a- FONG ONHANG, oiseau fabuleux auquel
venir d'après cette inspection (2). les Chinois attribuent à peu près les mêmes
FO ou FOÉ, l'un des principaux dieux des propriétés qu'au phénix. Les femmes se pa-
Chinois. 11 naquit dans les Indes, environ rent d'une figure de cet oiseau, qu'elles por-
mille ans avant notre ère. Sa mère, étant en- tent en or, en argent ou en cuivre, suivant
ceinte de lui, songea qu'elle avalait un élé- leurs richesses et leurs qualités.
phant blanc, conte qui peut-être a donné lieu FONTAINES. On prétend encore dans la
aux honneurs que les rois indiens rendent Bretagne que
fontaines bouillonnent
les
aux éléphants de cette couleur. Il finit ses quand Je prêtre chante la préface le jour do
jours à soixante-dix-neuf ans. Les bonzes la Sainte-Trinité (^). Voy. Htdromancie.
assurent qu'il est né huit mille fois, et qu'il Il y avait au cliâteau de Goucy, en Picar-

a passé successivement dans le corps d'un die, une fontaine appelée Fontaine de lamorl,
grand nombre d'animaux, avant de s'élever parce qu'elle se tarissait lorsqu'un seigneur
à la divinité. Aussi est-il représenté dans les de la maison de Coucy devait mourir.
pagodes sous la forme d'un dragon, d'un élé- FONTENETTES (Charles), auteur d'une
phant, d'un singe, etc. Ses sectateurs l'ado- Dissertation sur une fille de Grenoble, qui de-
rent comme le législateur du genre humain. puis quatre ans ne boit ni ne mange, 1737,
FOCALOR, général aux enfers. 11 se mon- in-i", prodige qu'on attribuait au diable, et
tre sous les traits d'un homme ayant des ailes dont Fontenettes explique les causes moins
de griffon. Sous cette forme il tue les bour- ténébreuses.
geois et les jette dans les flots. Il commande FORAY ou MORAX. Voy. Morax.
à la mer, aux vents, et renverse les vais- FOIICAS, FORRAS ou FURGAS, chevalier,
seaux de guerre. 11 espère rentrer au ciel grand président des enfers; il apparaît sous
dans mille ans; mais il se trompe. Il com- la forme d'un homme vigoureux, avec une
mande à trente légions, cl obéit en rechi- longue barbe et des cheveux blancs; il est
gnant à l'exorciste (3). moulé sur un grand cheval et lient un dard
FOI. Un ministre suisse de la scclc des aigu. Il connaît les vertus des herbes et des
dissidents méthodistes, persuadé que tout est pierres précieuses; il enseigne la logique,
possible à la foi et à l'esprit de Dieu deux , l'esthétique, la chiromancie, la pyromancie
grâces qu'il se flattait vanileusemrnt de pos- et la rhétorique. 11 rend l'homme invisible,
séder, se vanla en 1832 qu'il marchrrait sur ingénieux et beau parleur. 11 fait retrouver
le lac de Constance. Le résultat de cette les choses perdues; il découvre les trésors,
épreuve insensée a élé ce qu'on pouvait pré- et il a sous ses ordres vingt-neuf légions de
voir, sans que cette étrange confiance ait pu démons (6).
s'ébranler dans le cœur de celui qui s'y li- FORCE. Milon de Grotone n'eut pas seul
vrait. Il en tira la conséquence que sa foi une forceprodigieuse. Louis de Boufflers,
était trop faible, que son cœur n'avait pas surnommé ie Fort, au quatorzième siècle,
assez ressenti l'efficacité de l'esprit de Dieu ;
possédait une force et une agilité extraordi-
et il se remit à l'année suivante pour naires, s'il fauteTi croire les récils du temps.
recommencer sa tentative. Cette seconde Q.iand il avait croisé ses deux pieds, il était
épreuve faite en 1833 s'est terminée comme impossible de le faire avancer ou reculer
la première. Le ministre a pris un bain (4). d'un pas. Il brisait sans peine un fer à che-
FOLLET, Voy. Feox Follets, Lutins, val; et lorsqu'il saisissait un taureau par la
Farfadets, o(c. queue, il l'entraînait où il voulait. 11 enlevait
FONG CHWI, Opération mystérieuse qui un cheval et l'emportait sur ses épaules. On
se pratique dans la Chine, dans la disposi- l'a vu souvent, armé de toutes pièces, sauter
tion des édifices, et surtout des tombeaux. à cheval sans s'appuyer et sans mettre le
Si quelqu'un bâtit par hasard dans une posi- pied dans l'étrier. Sa vitesse à la course n'é-
tion contraire à ses voisins, et qu'un coin tait pas moins remarquable, puisqu'il dé-
de sa maison soit opposé au côté de celle p.issait le cheval d'Espagne le plus léger,
d'an autre, c'est assez pour faire croire que dans un espace de deux cents pas.
tout est perdu. Il en résulte des haines qui Un certain Barsabas, (jui servait au com-
durent aussi longtemps ([ue l'édifice. Le re- mencement du dix-huitième siècle dans les
mède consiste à placer dans une chambre armées françaises, emporta un jour, devant
un dragon ou quelque autre monstre de Louis XIV, un cheval chargé de son cavalier. Il
terre cuite, qui jette un regard terrible sur alla trouver une autre fois un maréchal fer-
le coin de U fatale maison et qui repousse , rant; il lui donna un fer de cheval à forger. Ce-
(1) Flolildae visioiies, iu toin. II Scrijit. Hist. franc, (t) Le libre Examen, journal nroloslant. .lanvier ISÔi.
And. Duiiiesiie, 183(5. (o) Oinibry, Voyayedans le t'inislèro, t. Il, p. I"i.
{t) Voyage dans le t'inislcre, t. I, p l'jy. (0) Wierus, d l'raciUg., p. 921.
, (3) Wierus, t)c i)ra;sligiis lixnii., [i. 'J26.
(;37
Fon lOU c;8
hii-ii s'claiit un pou éloigné, Barsahas prit douces choses dans leur langage de parfums.
iVncluine et la cacha sous son manteau. Le Mais quand le souriant avril arrivait, quand
maréchal se retourne bientôt pour battre le les premières hirondelles, attirées par un
fer; il est tout étonné de ne plus trouver son tiède rayon du soleil, venaient à légers coups
enclume, et bien plus surpris encore de voir de becs frapper sur les vitres de la serre,
cet officier la rcmcllre s.ins difficullé à sa comme pour inviter les fleurs à en sortir, ils
place. Un G
iscon, que Barsabas avait offensé en sortaient avec toute leur famille de roses,
dans une coiripagnie, lui proposa un duel: de nias et toutes ces milles richesses variées
— Très-voloniiers , répondit Barsabas; lou- du printemps, ils revenaient vivre au grand
chez là. — H prit la main du Gascon , et la soleil.
lui serra si fort que lous les doigts en furent Ainsi deux années s'étaient écoulées. Rien
écrasés. 11 le mit ainsi hors délai de se bat- encore n'avait troublé cette vie charmante.
tre. Pas un nuage n'était venu obscurcir l'azur
Le maréchal de Saxe était de môme cali- de leur beau ciel. Un matin de printemps,
bre.— Dans les anciens jours on regardait Maurice le j rdinier dit à sa femme :

comme favorisés par le diable les gens doués


,


Ma bonne Thérèse, il faut que je m'ab-
d'une force extraordinaire. sente un jour tout entier. Il faut que je passe
FOUETS Les foréls sombres sont des un jour à Argenteau, là-bas où les fleurs du
lieux où, comme dit Ltloyer (1 , les diables )
comte m'appellent. Demain, avant midi, je
se mêlent avec les sorciers. Ces diables y serai de retour. Aie soin, jusque-là, de notre
font leurs orgies commodément sous la feuil- serre, car les nuits sont froides encore. Que
lée, et il n'y a pas de lieux où ils se rendent le l'eu ne scleigne pas. Adiçii, à demain !

plus volontiers visibles. — Ademain! répondit la jeune femme, triste


FORGE. —
La forge de Yivegnis , légende comme si Maurice allait s'absenter pour un
liégeoise (2). long voyage. Elle sentit son cœur se serrer
Quand, après avoir laissé derrière soi les quand elle eut entendu la porte du jardin se
deux tours lourdes et écrasées de Saint-Bar- refermer; elle pressa sur sa poitrine son (ils
thélémy, on prend par la rue au Potay et en lui disant, a l'enfant qui ne comprenait
qu'on sort de la ville de Liège parla porte pas encore :
de Vivegnis, on trouve à peu près au milieu —Nous prierons pour ton père.
du faubourg adroite, une petite porte basse Le jour se passa: puis, le soir venu, elle
peinte en vert et surmontée d'une enseigne mit son fils dans son berceau et l'endormit
de fleuriste. Cette porte s'ouvre dans un jar- doucement en lui chantant sa plus bello
din assez spacieux où croissent, en toute chanson de nourrice. Mais cette chanson fut
saison, soit en pleine lerre, soit dans une d'une singulière tristesse ce soir-là. L'enfant
vaste serre impénétrable au froid, les (leurs dormait profondément, et la mère, assise à
les plus riches et les plus variées. A côté de côié de lui, le regardait, respirant à peine,
cette serre s'élève une modeste habitation et s'enivrait de celle délicieuse contempla-
occupée de père en (ils par une dynastie de tion. Thérèse s'était oubliée ainsi à côté <lo
fleuristes renommés dans
tout ce faubourg l'enfant; minuit était prêt à sonner quand
où cependant les fleuristes abondent; une elle se leva tout à coup pour s'assurer que
profonde solitude règne dans ce jardin les ; le feu n'était pas éteint dans la serre. Elle vit
abeilles et les i)apillons des environs y font, que morte, que la cendre était
la bouilli! était
durant la saison tout entière, une ample froide, que les loyaux étaient glacés comme
moisson de miel et de parfums. Rien n'y le foyer lui-même. Les fleurs avaient froid.
trouble leurs folâtres ébats, ni le roulement Elles grelottaient et se cachaient; Thérèse
des lourds chariots qui ébranlent presque en eut pitié.
sans relâche le pavé de la rue, ni le relen- Mais elle ent beau remuer l'âtre de la cui-
tisseincnt continuel des marteaux qui frap- sine, pas une braise à rallumer le foyer de
pent sur l'enclume d'une forge, située en face la serre.
de la porte. Là un silence presque claustral, —Les pauvres fleurs 1 se disait-elle, lors-
tandis qu'un bruit perpétuel gronde au de- qu'elle avisa tout à coup, par la fenêtre, une
hors. vive clarié dans la forge d'en face.
Dans cette solitude, dans ce silence, vivait, Minuit sonnait en ce moment, et tout y pa-
il y a quarante ans, le ménage le plus heu- raissait déjà en pleine besogne; le vaste
reux de la terre; plus d'une fois vous avez soufflet animait la flamme du fourneau. Les
rêvé le bonheur qui régnait dans cet enclos. compagnons, groupés autour de l'enclume,
Vous eussiez envié le couple (ortuné qui vi- frap|)aient à grands coups de marteau sur le
vait là loin du monde, s'épanouissant parmi fer rouge dont les étincelles jaillissaient au-
les fleurs, lui né dans cette maison, elle tour d'eux comme des gouttes de lumière.
rieuse enfant née dans le joyeux village de Ele s'en alla donc à la forge.
Jupille. L'hiver, ils restaient là cachés à tous — Maître Thomas, me permettriez-vous,
les yeux comme les roses de leur serre; cha- dit-elle, de prendre quelques charbons à vo-
que jour seulement, vers le soir, la porte tre fourneau pour rallumer le feu de notre
s ouvrait à demi pour livrer passage à de serre qui vient de s'éteindre?
frais boucjuets qui s'en allaient dans le mon- Une figure qui n'était pas celle de maître
de, messagers embaumés qui disaient de si Thomasïe forgeron, luifil unsigneafûrmatif.
(1) Lcloycr, llist. des spedresoii apparilions, rhap. i, ("J Emprunlée à M. A. Vaii-Hasscll.
p 5il.
6S9 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. ew
Thérèse prit donc trois ou quatre char- lumait plus tous les matins, faute de travail;
bons ardents, et courut à la serre. Mais elle le vent et la pluie y exerçaient à loisir leurs
y l'ut à peine arriïée, que les charbons ravages. Comme la misère menaçait le maî-
étaient déjà éteints. Elle eut beau souffl -r, tre, la ruine menaçait la forge.
elle ne put parvenirà les rallumer. Ils claiLui Un soir, maître Thomas était tristement
froids. assis à sa porte, rêvant à son malheur et
Elle retourna une seconde fois à la forge. cherrhant un moyen d'en sortir.
— M.iltre, vos charbons se sont éleinls — Si vous me vendiez votre forge, maître
avant que je ne fusse entrée dans la serre; Thomas? lui dit Maurice qui depuis long-
nie permellez-vous d'en prendre d'autres ? temps convoitait la propriété de cette m;Éi-
La même figure lui répondit par ie même son noire et détraquée, et du triste verger
signe de léle. qui s'étendait derrière.
Elle prit de nouveau quelques charbons. — La charité, s'il vous plaft, monsieur,
Mais ils étaient éteints et froids comme les interrompit en ce moment un vieux mendiant
autres, avant qu'elle n'eût franchi le seuil du qui s'arrêta devant les interloeuleurs.
jardin. 11 avait entendu Maurice proposer au for-
Pour la troisième fois elle voulut retour- geron l'achat de la forge.
ner à forge, lorsqu'au moment de mettre
la — J'y penserai, voisin, répondit ma!tr(r
le pied dans l'ouvroir, elle fut prise soudain Thomas au fleuriste avec un accent plein de
d'une grande épouvante. Elle s'aperçut d'une tristesse. Demain je vous dirai ma réponse.
chose qu'elle n'avait pas remarquée d'abord, Une nuit ce n'est pas trop pour se décider à
c'est que les marteaux qui forgeaient à sortir d'une maison où l'on est né, où l'on a
grands coups le fer rougi ne produisaient pas grandi, où l'on a été heureux et à laquelle la
le moindre bruit sur l'enclume et retom- misère vous attache par un lien plus puis-
baient sur le métal pétillant comme des mar- sant encore.
teaux de ouate sur une barre de coton. — La charité, s'il vous plaît, monsieur,
Les forgerons s'arrêtèrent aussi et se tour- interrompit de nouveau le mendiant.
nèrent vers la jeune femme avec des regards — Donc, à demain, voisin, répliqua Mau-
aus^i flamboyants que la braise de leur four- rice.
neau. L'un d'eux lui cria d'une voix creuse Le forgeron rentra dans sa maison, ver-
comme si elle sortait d'un souterrain : rouilla la porte, et s'en alla trouver le repos
— Que je ne le revoie plus ici, car ce se- qu'il ne goûtait plus aussi bien depuis que lu
rait pour ton malheur. travail était devenu plus rare.
Thérèse fut tellement effrayée, qu'un cri Maurice traversa lentement la rue, suivi
qu'elle voulut jeter s'éteignit sur ses lèvres. par le mendiant, qui le prit par le bras :

Au même instant elle reconnut que les for- — V^ous voulez acheter cette forge? dit-il
gerons n'étaient pas des vivants, mais des à Maurice, eh bien ce n'est pas trop de tout
!

morts qui faisaient là leur Iravailnocturnecl ce que vous avez au monde pour payer cette
mystérieux. Elle vit qu'ils tenaient les mar- bicoque, ce palais d'or. Vendez tout ce que
teaux dans leurs mains osseuses et déchar- vous avez, et achetez la forge; pour ce con-
nées, elle vit les linceuls qui enveloppaient seil, je ne vous demande que la vingtième
ces corps de squelettes flotter d'une façon partie du trésor que vous y trouverez, et je
étrange, et ces figures funèbres éclairées serai plus riche encore qu'un empereur.
comme des formes infernales et les orbites — Un trésor dans la forge ? Tu rêves, je
creux de leurs téies où il n'y avait pas d'yeux, pense, répondit
lui le flauriste.
— elle s'enfuit comme un éclair, et tomba à — Ce n'est pas un rêve, reprit l'autre. Un
côté du berceau de son enfant. trésor à payer un empire, et vingt diamants
Combien de temps elle resta ainsi, elle l'i- comme celui du Grand-Mogol. Vous n'êtes
gnora toujours. Elle revint à elle, dans les pas lettré. M lis je sais moi que les livres
bras de M;iurice, qui, rentré le matin, ne parlent de l'ecrin de Charlemagne enfoui en-
put comprendre comment sa femme était là tre Liège et Herstall, dans un palais de Pé-
couchée sur les dalles. 11 l'avait crue morte pin, son aïeul. Ce palais, tombé en ruines,
au premier instant. Lentement elle reprit on bâtit une église à la même place, une
connaissance; et ses yeux, lorsqu'elle les église dont je ne me rappelle pas bien le nom.
rouvrit, se dirigèrent d'abord du côté de la — Sans doute de Sainte-Foi.
l'église
forge, qui était fermée, où rien n'annonçait — Cela se vous avez vu cette
peut. Si
qu'on eût déjà travaillé. Cependant sur le église, vous avez dû remarquer, sur une
plancher, autour d'elle, gisaient des scories dalle incrustée dans le mur, au fond du
et des charbons éteints. chœur, trois têtes taillées dans la pierre, et
Alors Théfèse lui raconta l'histoire de sous ces têtes, un fer à cheval, des ciseaux
cette nuit. de tailleur et un cornet de berger.
— Ce sont de folles imaginations, un rêve — C'est vrai, j'ai vu tout cela, mais per-
sans doute, répondit Maurice. Toute la jour- sonne n'a pu m'expliquer le sens caché de ce
née pourtant ils y pensèrent. Mais le lende- singulier emblème.
main tout était oublié. — Je vous l'expliquerai, moi. Ces trois
Deux années s'étaient écouléesdepuiscetle (êtes signifient un maréchal-ferrant, un
inexplicable vision, et le forgeron voyait, de tailleur et un berger. Ils se réunirent, voilà
jour en jour, la misère gagner plus de ter- bien longtemps déjà, pour déterrer le trésor.
rain dans sa demeure. Sun fourneau ne s'al- Par une nuit obscure, ils s'en allèrent creu-
«H FOP FOS Uî
»er au milieu du ciinedôrc el Irouvèrent l'é- Aussitôt la forge s'illumina d'une grande
crin impérial, dont ils firent trois parts. Le clarté; le fourneau s'alluma, et quatre sque-
berger employa la sienne à s'acheter de ri- lettes se rangèrent autour de l'enclume, avec
rhes métairies, des foréis, des campagnes, des de lourds marteaux à la main. Le chef de
châteaux. Le tailleur dissipa sa richesse en ces forgerons demanda à ses compagnons :

folies orj;ies. Le marécli.il-rerrant enterra la — Que ferons-nous de cet homme qui a


sienne dans sa forge, sous reiiciume, vécut voulu déterrer le trésor?
comme devant sous les semblants de la pau- — Nous le jetterons dans le fourneau, dit
vreté, et mourut sans avoir touché à un le premier.
diamant, sans avoir vendu un joyau, sans — Nous lui brûlerons, avec un fer chaud,
avoir échangé une pièce d'or. On dit que un signe sur le front, dit le deuxième.
toutes les nuits il revient veiller à la garde — Nous lui mettrons la main dans un éfau
de sa richesse. Mais n'importe, le trésor est ardent, dit le troisième.
à vous, si vous achetez la forge. — Non, reprit le maître, nous lui marlel-
Les paroles du mendiant émurent le fleu- lerons la tête.
riste. Toute la nuit, il vit devant ses yeux la Six mains formidables s'emparèrent de
d.illc où étaient sculptées ces trois têtes, et Maurice et placèrent sa tête sur l'enclume.
l'écrin presque fabuleux. Et à propos du Un cri déchirant s'échappa de sa bouche ;

mystérieux gardien du trésor déposé dans la m.iis ce cri fut étouffé presque aussitôt par
forge, il se rappela l'étrange apparition qui un terrible coup de marteau.
s'était révélée àThérèse lorsque, pour ral- Le lendemain on trouva là forge déserte,
lumer le foyer éteint de la serre, la jeune quelques charbons mal éteints dans le four-
femme avait élé demander quelques charbons neau, el le corps de Maurice d<mt la tête
ardents à maître Thomas. 11 trouva je ne sais écrasée reposait sur l'enclume, autour de la-
quelle liaison intime entre l'histoire de l'é- quelle la terre était fraîchement remuée. On
crin impérial et la vision nocturne de Thé- assura que le malheureux avait élé victime
rèse. d'un guet-apens des chauffeurs qui ré-
Le lendemain il s'en fut trouver le forgeron. gnaient à cette époque aux environs de
— Eh bien, maître Thomas, votre résolu- Liège.
tion est-elle prise? FORNEUS, marquis infernal, semblable à
— C'est une chose bien triste de quitter la un monstre marin. Il inlruit l'homme dans
maison où l'on est né. les plus hautes affaires, fait du bien à ses
— Quatre mille francs pour votre forge. airiis et du mal à ses ennemis il a sous son

— La maison où l'on a grandi. pouvoir vingt-neuf légions de trônes et d'an-


;

— Six mille francs pour votre forge. ges (1).


— Voisin quilteriez-vous la maison ou
, FORRAS. Vov. Forças.
vous avez été heureux? FORTES EPAULES. Le peuple de Dijon
— Huit mille francs pour votre forge. croit à l'existence d'une espèce de lutin de
— Huit mille francs, Maurice? Est-ce pour ce nom, qui porte des fardeaux et ()ui rap-
rire que vous dites cela? pelle le Forle-échine de madame d'Aulnoy,
— Non, maître Thomas. Ce prix je vous dans le conle du Chevalier Fortuné.
l'offre sérieusement. FOSITE. Saint Wiliibrord, au septième
— Tope donc, la forge est à vous. siècle, apôtre des Frisons, jeté par une
L'argent compté et la maison vidée le
fut tempête dans une petite île des côtes de la
même jour. Maurice attendit avec impatience Frise, l'île d'Aniejand, appelée alors Fosite-
le retour de la nuit pour se mettre en qu6;e land(2), vit avec douleur que ces pauvres
du trésor. peuples adoraient là le démon Fosiie, qui
Onze heures du soir étaient sonnées Mau- ; donnait son nom au p;iys. Il y recevait un
rice alluma une petite lanterne et descendit culte étendu. On regardait comme impie et
dans le jardin. Thérèse vit briller la lumière sacrilège quiconque aurait osé tuer les ani-
derrière les vitres de la serre, la regarda maux qui y vivaient, manger quelque chose
deux minutes, puis se mit au lit et ne tarda de ce qu'elle produisait, el parler en puisant
pas à s'endormir profondément. Maurice de l'eau à une fontaine qui y était. Le saint
croyant, après une demi-heure écoulée, sa voulut détromper ces peuples aveuglés d'une
femme plongée dans le sommeil, cacha la lu- superstition si grossière. Il fit tuer quelques
mière de sa lanterne, ouvrit la porte du jar- animaux que lui et ses compagnons mangè-
din, traversa la rue à pas fiirtifs, et s'enfer- rent; etbaptisa trois enfants dans la fon-
il

ma dans la forge, armé d'une bêche et d'un taine, en prononçant à haute »oix les paro-
levier. Il se mit aussitôt à l'œuvre; mais les prescrites par l'Eglise. Les insulaires
l'enclume tenait si bien, qu'on l'eût dite pro- s'attendaient à voiries saints punis de mort;
fondément enracinée dans la terre. Malgré mais ils durent reconnaître que leur dieu
les efforts inouis du fleuriste, elle ne bou- Fosite ne pouvait rien contre eux. Le roi
geait pas. La sueur lui coulait à grosses Frison Radbod, furieux de l'audace des mis-
gouttes du front et des tempes. Toutes ses sionnaires, ordonna de tirer au sort trois
peines n'aboutissaient à rien. jours de suite et trois fois chaque jour, dé-
Alors il se dit :

Si je creusais autour de clarant qu'il ferait périr celui sur qui le sorl
l'enclume? tomberait. Il tomba sur un compagnon du
lît il se mil à creuser avec sa bêche.
(t) Wierus, de PresUgiis.
Minuit sonnait en ce moment. (-2) LaiiU, d:ins l'idioiut; uôerlandals, vr ul dire pni/».
,

(43 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.

saint qui fut saciiflé à la


siipersiilion ol FOUGÈRE. —
Personne n'ignore les mau-
martyr do la vérité. Mais il ne tomba vaises et diaboliques façons dont on se sert
mourut
jamais sur saint Wiliibrord.
pour cueillir la fougère. Le 23 juin, veille de
FOSSILES. —
Ce qu'on a découvert des la S.iint-Jean Baptiste, après un jeûne de.
premier feuillet de la gcolo- quarante jours plusieurs sorciers conduits ,
fossiles, dans ce ,

n'avons encore tourné qu'à par Satan, recueillent pendant celle nuit la
irie.que nous
demi est venu démolir toutes les tours de graine de celte herbe, qui n'a ni tige, ni
fleur, ni semence, et qui renaît de la même
,

Babel quo dressaient les philosophes du


dernier siècle. El Cuvicr, qui n'est pas allé racine; qui plus est le malin se joue de ces
,

loin, a déjà fait voir, aux pauvres télés étroi-


misérables sorciersen lenrapparaissant cette
tes, qui n'ont pas place pour loger un pou nuil-là, au milieu des tempêtes, sous quel-
de foi, que Moïse ne pouviiit pas élre atta- que forme ntonstrueuse pour les épouvan- ,

qué. _
Attendons. El , en attendant, citons ter davantage. Us croient s'en défendre par
les cercles el caractères
une découverte récente : leurs exorcismes ,

qu'ils font sur la terre autour d'eux ensuite


La Gazette de Cassel publiait (mai 1841)
,

ils mettent une nappe neuve de fin lin ou de


une letirede Bombay, dans l'Elat de Missouri
chanvre sous la fougère, qu'ils croienl voir
(Amérique du Nord), en date du 16 février
fleurir en une heure, pour en recevoir la
même année, qui rendait compte d'une dé- Ils la plient dans un taffetas ou dans
graine.
couverte très-intéressante faite tout fraîche-
ment par M. Eugène Koch, naturaliste Wur- du parchemin vierge, et la gardent soigneu-
temburgeois, domicilié à Saint-Louis, capi- sement pour deviner les songes el faire pa-
Le démon, par ses malia>s
raître les esprits.
tale du même Etat.
et mcnteries,lcur persuade que cette semen-
«M. Koch dit celte lettre, se trouvant
,
ce n'est pas seulement propre à deviner, et
dernièrement dans la petite ville d'Occola ,
que si on met de l'or ou de l'argent dans la
située près du fleuve d'Osagc, apprit qu'une bourse où l'on doit garder la semence fou-
Iraililion fort ancienne et répandue parmi
gère, le nombre en sera doublé le jour sui-
toutes les tribus indigènes de cette contrée, vant. Si lévénement n'a pas lieu les magi- ,

porte qu'il y avait existé une race d'animaux ciens vous accuseront de mauvaise foi, ou ils
gigantesques et terribles, qui faisait les plus diront que vous avez commis quelque crime,
grands ravages ; que ces animaux avaient tant nous nous laissons aller à ces abomi-
fini par se faire entre eux une guerre achar- nables impostures de Satan (1).
née, où ils avaient tous péri; et qu'ensuite FOULQUES. Au temps de la guerre des
ils avaient été enterrés par le Grand-Esprit
Albigeois vivait un méchant comte Foul-
,

dans le voisinage du ruisseau appelé actuel- ques lequel avait la coutume déteslable de
,

lement Aschty. M. Kock fit exécuter des fouil- jurer cl maugréer. Un jour qu'étant à che
les à cet endroit ; et, à la profondeur d'envi-
val, il blasphémait furieusement, il fut jeté
ron vingt pieds, il trouva en effet deux à bas de sa monture, el ne se releva point.
squelettes, dont un est entièrement complet, On pense qu'il avait été assommé par le dia-
cl l'autre l'est à peu de chose près, d'un ani-
ble, son grand ami.
mal dune laille gigantesque et tout à fait FOURBERIES. Voy. Sobciers, Sabbat, etc.
inconnu jusqu'à présent. Ces squelettes ont
seize à dix-sept pieds de hauteur sur trente-
— Voy. aussi Cagliostro el les autres im-
posteurs.
quatre pieds de longueur, et huit pieds de FOURMIS. Les ïhessaliens honoraient ces
largeur. Les tibias ont quatre pie<ls de hau- dont ils croyaient tirer leur ori-
animaux ,

teur. La mâchoire supérieure a quinze pou-


gine. Les Grecs étaient si sotlemenl vains,
ces de saillie sur la mâchoire inférieure ;
(lu'ils aimaient mieux descendre des fourmis
elle est armée de deux défenses recourbées.
de la forêt d'Egine, que de reconnaître qu'ils
Lalôte,y comprises les deux dents, pèse onze étaient des colonies de peuples étrangers.
cents livres. M. Koch a donné aux animaux — La fourmi était un attribut de Cérès ; elle
auxquels ces ossements ont appartenu le fournissait matière aux observations des au-
nom de Missourium, et il a envoyé ceux-ci à gures.
Saint-Louis, où il possède un riche musée
FOUS. On sait le respect superstitieux que
d'histoire naturelle. Il se propose d'en pu-
les Musulmans ont pour les fous. Nous
blier une description détaillée. •
citerons un passage du Voyage curieux de
On voudrait, il est vrai, des fossiles de M. Drummonil-Hay dans la Barbarie occi- ,

géants, mais les enfants insensés n'ont pas dentale (Western Birbary, London, 18ii ).
tout ce qu'ils souhaitent.
Maigre l'ignorante brutalité d s popula-
FOUDRE. —
Lcmpereur Auguste gardait tions assez peu civilisées de Tanger, un Eu-
soigneusement une peau de veau marin pour ropéen ne court pas autant de dangers qu'il
se mettre à l'abri de la foudre. — l'ibère por- serait permis de le croire, lorsqu'il se ha-
tait dans la même
vue une couronne de lau- sarde dans ces régions inhospit;ilières ; mais
rier. —
Quand la foudre était partie de l'o- il faut qu'il soit muni de lellres des autorités

rient, et que n'ayant fait qu'effleurer quel- du lieu , il faut qu'il soit accompagné d'un
qu'un, elle retournait du même côté, c'était soldat qui répond de lui sur sa tête. La police
le signe d'un bonheur parfait. —Les Grecs s'administre rigoureusement et promptement
modernes chassent les chiens et les chats dans le Maroc dans chaque ville, dans
:

quand il tonne, parce que leur présence est (t) Dclancip . Talileau itc riiiconsUiKi; des déni., i-lc,
censée attirer la foudre sur les maisons. p. 15t,
6JS FOU Fon /•|6

chaque bourg, un con-


foiiclioiinaire public des cris terribles, l'iisant tourner un long
daniue sans plaidoiries, sans phrases et
, bâton et entouré de femmes qui biisaient
sans appel un délinquant à la bastonnade ;
, avec respect sa main ou sa robe. Nous étions
l'on n'attend point, pour exécuter la sen- près d'un rocher, nous nous réfugions en
tence, qu'elle ait été rendue, et cette méthode toute hâte dans une cavité qu'il nrms offre
rapide, énergique, impose un frein salutaire et qui était tournée vers la mer. Nous res-
aux penchants désordonnés de la plèlie. tons quelque temps muets et immobiles dans
11 est toutefois un péril contre Iciiuel la l'espoir que la patience de ce maudit insensé
protection des gens en place devient insuffi- se sera lassée. Je le crois parti, j'avance
la
sante. Les fous sont nombreux dans le Ma- tête et je vois juste vis-à-vis de mon
œil le
roc ils sont l'objet d'une vénération univer-
; fusil qui avait suivi notre direction
et qui
selle, ils sont parfois redoutables et féroces; nous attendait au passage. Une heure après,
c"estaux étrangers surtout qu'ils en veulent. je regarde encore; Sœdy-Fayeb était aussi
Les Mores prétendent que Dieu a retenu au patient queson fusil; ni l'un ni l'auire n'avait
ciel la raison des aliénés tandis (lue leur
, bougé.
corps est sur la terre. Dès qu'un imbécile « Pour comble de désagrément, la marée
parle on recueille avec soin les absurdités
, montait; les Ilots lançaient leur écume dans
qu'il débite, comme étant paroles dictées par l'asile sans issue où nous étions emprison-
une inspiration surnaturelle. Un de ces saints nés; si nous attendions encore, nous étions
personnages tomba à coups de iiâlon sur le certains d'avoir bientôt vingt-cinq pieds d'eau
consul de France, il y a une vingtaine d'an- par-dessus la tête; il n'y avait pas à hésiter;
nées, et il s'en fallut de fort peu que b' consul il fallait braver la fusillade
; j'enjoins à ma
ne fût complètement assommé. 11 porta sœur de me laisser partir le premier: je m'é-
plainte à l'Empereur, il demanda que le cou- lance, le coup part, la balle siffle derrière
pable lui fût livré : pareil outrage au droit ma tête; ma sœur s'élance aussitôt après
des gens ne di'vait pas rester impuni. La ré- moi; nous courons à toutes jambes, tandis
ponse du monarque fut adroite promesse de : que le fusil se recharge avec colère et trouve
châtier exemplairement l'agresseur, si l'of- le temps de jeter à notre poursuite un plomb
fensé l'exigeait; sermon sur le pardon des qui ne manque encore son but que de fort
injures et sur l'obligation imposée à tout peu de chose. Nous louchons enfin à la porte
chrétien de pratiquer la miséricorde et de de la ville; nous nous y précipitons, pâles,
rendre le bien pour le mal ; développement hors d'haleine. Ma sœur fut mal ide du sai-
de la maxime du coran « H est trois sortes
:
sissement qu'elle avait éprouvé. La chose
de personnes dont les actions ne peuvent s'était passé sous les yeux de bon nombre
s'imputer à crime, l'iusinsé, l'homme qui d'habitants qui, du haut des murs, avaient
dort et le petit enfant. » assisté avec quelque intérêt à ce spectacle
;
Le consul ne put s'empêcher de paraître ils se seraient bien gardes de troubler, le
louché d'une exhorialiou aussi adroitement moins du monde, le respectable aliéné dans
calculée ; il lui fallait taire grâce, et l'aliéné ses meurtrières méditations, et si nous avions
put impunément rôder en liberté, au grand reçu un coup funeste, c'aurait été pour nous
désespoir des Juifs, qu'il se plaisait surtout beaucoup d'honneur et matière à félicita-
à abreuver de mauvais traitements, et qui tions. »
se seraient exposés aux plus cruels sup-
Légende de la franc-maçonnerie.
plices, s'ils s'étaient permis le plus léger
simulacre de résistance ou l'ombre d'une l. — Jacquemiu initié premières notions de
aiix la

plainte. On ne saurait imaginera quel point maçonnerie.


les enfants d'Israël sont vexés, humiliés, Au mois de mars de l'année 1814, pendant
tyrannisés dans les états du .Maroc. Regardés que repoussaient Napoléon de pro-
les alliés
comme les esclaves des esclaves, ils ne peu- vince en province, il y avait à Paris , dajis
vent sortir sans s'exposer à des volées d'in- un modeste hôiel garni du quai des Orfèvres,
jures, très-fréquemment accompagnées des un jeune homme qui était né dans un village
indices les plus frappants de l'animadversion du Tournaisis et se nommait Jacquemin
,

populaire. Les petits enfants et les vieilles Claes.


femmes se plaisent surtout à les tourmenter: Il faisait sa rhétorique à Tournai lors ,

outrages et coups, l'Hébreu doit tout endu- de l'invasion de son pays. Plus intrépide dans
rer avec un air de résignation parfaite... les luttes où il s'agissait de vaincre par la
M. Drumtnond se trouva un jour, grâce version ou par le thème, que (Uins les com-
au zèle haineux d'un de ces fous dont nous bats d'alors où l'on hasardait autre chose
venons de parler dans une situation éminem- que de l'encre, il avait (ilé prudemment de-
ment critique. Laissons-le parler. vant les approches des gens de guerre. Avec
« Ma sœur et moi, no us étions sortis île la vil- une petite somme d'argent que lui avait
le; nous nous promenions paisiblement
fort donnée sa famille, forlilié des bons et sages
sur la plage; soudain, à soixante pas de moi, avis dii ses maîtres il était parti
, se pro-
,

j'aperçois un long fusil appuyésur un petit mur posant d'attendre doucement la paix , et do
et se dirigeant sur moi ; dans le fond, près de ce profiter en même temps de son séjour dans
fusil unetéte que je reconnus pour celle do Suj- la capitale, pour s'instruire en toutes sortes
dy-Fayeb, pour celle d'un fou ([uo j'entendais de bonnes choses. Il emportait quelques let-
à chaque heure, <iue j'évitais dix foisparjour, tres de recommandation qui lui furent inu-
car il courait sans cesse les rues, poussant tiics ; car, soit qu'ils fussent réellement ab-
,,

017 MCIlOiNNAlUE DES SCIENCES OCCULTES. G48

scnts, soil qu'ils se sonciasseni peu de s'em- dos maçons des imbéciles comme dit la
barrasser de lui il ne put jamais trouver
, chanson.
chez eux les personnages à qui il était Jacquemin, comprenant le mot au positif,
adressé. Il vivait donc solitaire, dans sa pe- s'étonna de voir des gens de bâtiment se par-
tite chambre meublée allant travailler au\
, ler en signes , et venir au cabaret , en si
Idblioihctiups, fréquentant les cours du col- bonne tenue.
lège de France, se prcservanl assez heureu- — Ce sont à coup sûr les chefs entrepre-
scinenl de la contagion morale qui dominait neurs, dit-il en lui-même; ou bien c'est qoe
à Paris, et se coiilenlant , pour distraction ,
les maçons parisiens s'habillent en quittant
du mouvement de la grande ville et de la va- leur ouvrage; car tous ceux que j'ai vus .lu
riété des habitués qui venaient dlncr dans la Liiuvrc sont velus de toile et souillés de plâ-
salle commune de son hôlel. tre ils sont mém(! fort sales.
;

Jacquemin C.laes avait déjà dix -huit ans. Dans son pays on ne supprimait pas en-
,

On en ce temps-là, de la marche
s'elTrajait , core aux maçons leur épilhète ; on disait les
des années. C'est que aussi le pauvre garçon francs-maçons ; et les bonnes gens voyaient,
était dévolu à la conscription prochaine, et d.ins les hommes affiliés à cet ordre mysté-
il faisait, comme tous les jeunes gens, comme rieux, d 'S êtres sinistres en plein commerce
toutes les mères, comme toutes les familles avec le diable. Ses professeurs lui avaient
alors, des vœux ardents, mais bien secrets, bien dit que les francs-maçons n'étaient ni
pour la chute de cet horrible régime impé- si malins, ni si habiles qu'on le croyait 'lans

rial, dont nous ne Toyons plus aujourd'hui les villages, et que leurs prestiges n'ét.iienl
que le prisme. que des farces plus ou moins ridicules. Tou-
L'empire tomba mars et le lende-
le 31 , tefois ils avaient laissé, attachée à ce nom ,
main , poisson d'avril peu
la restauration ,
une prévention nuageuse qui jusque-là lui
agréable à quelques gens en place fut ac- , avait fait redouter le contact des francs-
cueillie partout, il faut l'avouer, avec assez maçons.
de joie. Jacquemin Claes respira plus libre- Dans une petite explication qu'il sollicita
ment. Il rontinua de vivre sans fracas, dans le lendemain, il apprit que les maçons, dont
son petit hôtel qui était en même temps res- son hôtel paraissait être une des étapes ,

taurant et cabaret. Il y venait des gens de étaient non pas des ouvriers de bâtiment
toutes sortes. Il vit là l'ouvrier de Parts, l'é- mais de vrais francs- maçons. 11 ressentit à
migré , le grognard, le soldat congédié, le celte nouvelle un certain frisson qui le trou-
bourgeois du la garde nationale, l'étudiant, bla moins cependant qu'il n'eût fait avant
,

tous pélc-méle avec les Russes, les Prus- son séjour à Paris. Il se hasarda à demander
siens, les Anglais et les uniformes blancs de si les francs-maçons n'étaient donc pas de
l'Autriche. mauvais drôles?
il y vil aussi beaucoup d'agents de police, —
Des imbéciles répondit encore l'hô-
,

que le voisinngede la rue de Jérusalem ame- Icsse.


nait làpour dîner, lîn recu<'illant quelques — De mauvais drôles ! reprit l'hôte en
bribes des entretiens de ces hommes chargés ériatant du rire ; mais j'en suis, mon jeune
de la sûreté publique, il se forma beaucoup monsieur; mais mou voisin le marchand de ,

dans l'appréciation des dangers que l'on doit tabac, le libraire à gauche, le sellier de la
éviter à Paris. Il était curieux et faisait des rue Sainte-Anne les deux orfèvres que vous
,

questions, sans que sa curiosité fût impor- voyi z devant leur porte , tout le monde eu
tune ni déplacée; car sa naïveté et sa jeu- est. Si les femmes sont un peu contre nous ,
nesse intéressaient à lui; et il tombait pres- c'est à cause du serment qui nous oblige à
que toujours sur cette classe de Parisiens garder des secrets qu'elles voudraient sa-
parleurs, qui aiment, comme ils disent, à voir.
dégrossir un provincial. Mais sous le rapport Alors la maçonnerie était fort répandue
des principes, Jacquemin se déforma un peu; à Paris surtout mais dans les grades insi-
,

il ne remarquiiil pas assez qu'il était géné- gnifiants. Napoléon , arrivant au pouvoir à
ralement en mauvaise société. Les propos la suite d'une révolution qui avait fait ger-
inconsidérés, les plaisanteries inconvenan- mer aussi toutes les idées factieuses avait ,

tes, les chansons hasardées, ne le choquaient bien prévu qu'il pourrait avoir contre lui
pas auta-iit qu'il aurait dû l'être ; il se refroi- les sociétés secrètes , s'il ne s'en emparait
dissait dans l'accomplissement du ses devoirs pas ; et il s'était empressé de réorganiser la
de chrétien , (k)nt il avait toujours chéri au- franc-maçonnerie, sous la haute direction de
paravant l'observation indispensable. Pour- l'Orienlde Paris. Il y avait établi pour grand-
tant il ne se perdait pas encore, parce qu'en mattre un de ses frères , puis à son défaut le
lui le fonds était bon. prince Cambacérès ex-deuxième consul ,
,

Il venait surtout dans le petit hôtel beau- archi-chancelier de l'Empire. Tous ses of-
coup de gens qui se saluaient d'un air go- ficiers tous ses agents , tous ses fonction-
,

guenard, avec des signes géométriques et des naires devaient se faire affilier aux loges
gestes singuliers. Après ()u'il eut plusieurs qui devenaient ainsi un auxiliaire de sa po-
Ibis observé celte bizarrerie , il demanda à lice. Mais des trente-deux degrés qui com-
madame Gersant, son hôtesse, ce que pou- posent la hiérarchie obscure des francs-
vaient être ces messieurs qui se disaient bun- maçons, il était difficile aux bourgeois de
jour,en s'envoyanl des triangles. s'élever plus haut que le troisième, qui con-
— Ohl répondit-elle simplement, ce sont fère la matlrisc. Ceux des habitants de Paris
, ,, , .
..

6«(> FRA FRA 6S0

chez qui la religion n'était plus qu'un sou- tif dans sa petite chambre , envahi par un
\enir, n'étaient pas satisfaits de porter l'ho- certain désir de se faire recevoir maçon,
norable uniforme de la garde nationale, s'ils combattant ses précédentes antipathies /lar
ne pouvaient encore de temps en temps se la persuasion où il entrait que les francs-

décorer du tablier brodé et passer en sautoir maçons n'étaient que de bons réjouis inof-
fensifs et calomniés.
le cordon bleu du maître, qui leur donnait
l'agrément de jouer au dignitaire. Ils y te- Dans sa perplexité, il redescendit ; et trou-
naient ils tenaient également aux dîners et
; vant seule la bonne hôtesse, il entama une
aux petites féies de l'ordre et pour donner
; conversation qu'il ramena asser adroitement
quelque satisfaction aux femmes de Paris et assez vite sur la maçonnerie. Il lui de-
qui sont très-opposées aux plaisirs dont elles manda bientôt pourquoi l'autre jour elle
sont exclues ils avaient multiplié les loges
, avait traité les francs-maçons d'imbéciles ,
d'adoption, oiî les femmes étaient admises à comme dit la chanson.
des conditions spéciales. Mais on avait soin — Oh 1 c'est que vous ne connaissez pas ,
de ne s'occuper en loges ni de la politique, répondit-elle , la grande chanson des ma-
ni des affaires de l'Etat, ni des événements çons. Eh bien je vais vous la dire. Ce qu'elle
I

publics, ni de l'empereur, ni des ministres, fit aussitôt, selon l'usage des Parisiennes, qui
ni des gens en place ni de rien qui fût sé-
,
ne se font pas prier pour chanter :
rieux. A cela près on pouvait faire des pa-
,

rades en secret, pourvu que la police sût CBASSON lUÇONIlIQUE.


fidèlement de qui la loge était composée , et iiR : litoiis, cliantons, aimons, buvons, de S^qur,
de quoi elle s'amusait.
A ma de fer-blanc,
truelle
M. Gersant vanta à Jacquemin pour l'al-
,
Saclii'Z ma dignité suprême.
lécher, les vertus des francs-maçons, leur Je suis oblus; el cependant
fraternité, leur égalité, leur union, leur Odc- J'ai le triangle pour emblème.
Lorsque j'étais petit garçou.
lilé à toute espèce d'engagement.
On me trailail comme un vrai Gille.
— Tous les ans continua- t-il , noire loge
,
A présent q\ie je suis maçon,
bis.
est admise au Grand-Orient de Paris ; et Tan Ai-je eucor l'air d'un imijécile't
passé, par exemple, moi qui vous parle, j'ai J'aime à produire de l'effet ;
reçu l'accolade fraternelle du grand-maître, J'aime à me décorer, pour cause :
J'ai le grnou gros et mal lail,

qui est son altesse sérénissime monseigneur Le tablier couvre la chose.
le prince Cambacérès , archi-chancelier de Mon dos à droite est un peu rond ;
l'Empire. C'est qu'en loge nous ne sommes Le cordon là se montre utile.
plus que des frères, ni plus ni moins.
A présent que je suis maçon,
bis
— Oh mais , c'est très-avantageux , ré-
1
Ai-je encor l'air d'un imbécile ?
Quand j'ai mon équerre en sautoir,
pondit Jacquemin séduit i et si vous aviez
,
El que ma ceinture me sangle,
besoin de recourir à son altesse sérénissime Chacun prend plaisir b me voir
monseigneur le prince Cambacérès Avec ma règle et mon triangle.
— C'est clair. Cependant il n'en faut pas
Vous qui m'appeliez cornichon,
Dans mes simples habits de ville,
abuser. Ainsi, moi, après qu'il m'euienibrassé A présent que je suis maçon, .

en m'appelant son frère , je me liasardai à Ai-je encor l'air d'un imbécile ?


lui demander par écrit, dans les formes ma- Fringant conune un chapeau chinois,
Lors(|ueje me pavane en loge,
çonniques , une petite faveur qui dépendait
Je suis lier jusqu'au bout des doigts,
de lui ; il ne me répondit point. Et comme Etant très-sensil)le à l'éloge.
je m'en étonnais , M. Lassource , un de mes Qu'on me traite de polisson ;
amis que vous voyez souvent à cette table Ma ré|)OKse devient facile :

A préseut que je suis maçon,


du fond, me fit observer que j'avais été Ai-je eucor l'air d'un imbécile ?
bis:
trop hardi, que si je m'étais présenté chez
Ma femme dit <)ue le compas,
son altesse, elle m'eût certainement fait jeter Le poinl'parlait el la truelle
à la porte , malgré l'accolade , attendu qu'on Sont {je le répète tout tas)
n'est frère qu'en loge. Ce sont des choses D'une stupidité cruelle.
Le tablier n'est qu'un torchon,
qu'il est bcn de savoir.
Si je veux en croire sa bile.
Peu de jours après cet entretien Jacque-
,
Cependant je suis frauc-maçon : .

min Claes, remontant à sa chambre , fut ar- Ai-je donc l'air d'un imbécile?
rêté dans l'escalier par de grands éclats de A au sein de mes amis.
table,
joie , qui partaient d'une salle du premier On m'a souvent blâmé de prendre
Des tons c)ui ne sont pas peimis.
étage, il entendait l'hôte parler de truelles , J'étais un porc, à les entendre.
de poudre, de barils, d'étoiles allumées; une Je suis pcut-èlre un peu glouton ;
autre voix proposait une santé au grand ar- Mais quoiqu'à l'ivresse facile,
chitecte de l'univers ; puis on discutait sur A préseut que je suis maçon , .

Ai-je eucor l'air d'un imbécile ?


une planche mal faite, et on interpellait les
A ceux qui marchent de travers
frères surveillants. Tout ce qui se disait s'ex- Jo puis ma donner en exemple;
primait dans un argot où Jacquemin ne com- Sur mon tablier aux bords verts
prit autre chose, sinon que c'était un dîner J'ai les deux colonnes du temple.
Je vais, ferme sur mon arçon
Je francs-maçons.
Appuyé de leur double pile.
Les allégresses bruyantes ont pour la jeu- A présent que je suis maçon u
nesse quelque chose d'engageant ; le pauvre Ai-je encor l'air d'uu imbécile?
garçon eût voulu être de ce tumulte, qui lui On me croyait un sot. Parbleu
paraissait de la galté. Il s'assit tout médila- Ce u'est plus qu'une calomnie ,

DicTiosN. DES Sciences Occultes. I. 21


,

C51 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES.


Puisqit'au l)Oiil «le mou cordon bleu voyage vous vous trouviez sansargent, vous
Brille l'éioilc du génie. allez en loge,vous vous faites tuiler (recon-
C'est pour les sots une leçon.
nailre au moyen de signes)
,
vous dites le ,
J'aurai du moins ouvert la lile.
A présent que je suis maçon [jj^
mot de passe; el vous avez là des frères qui
Al-je eucor l'air d'un imbécile? vous garnissent le gousset. Si vous avez une
Ainsi parlait un homme
, vain querelle, entre maçons le duel est interdit;
De son équerre et de sa règle. aussitôt que vous signalez le fait , votre
— Frère, lui dit un écrivain
adversaire est obligé de mettre bas les ar-
Qui passait |)0ur un vieil espiègle.
Ton tablier et ton cordon mes.
Ne t'ont pas rendu plus liabile;
Et ceux qui t'ont fait franc-maçon, v[^
— Mais, s'il en est ainsi, c'est superbe, dit

T'ont fait doublemcul imbécile.


Jacquemin ; et volontiers je me ferais ma-
çon si c'était possible.
Celle chanson n'élait pas faite pour fixer — Ainsi nous dirons que vous êtes louve-
/es esprits flotlanls du Tournaisien. Mais teau, mon jeune monsieur; cl personne n'en
lout en la chantant, il paraît que l'hôtesse doutera.
avait fait ses réflexions ; car elle s'empressa La seconde condition exigée dans les as-
d'njouter que l'auleur était un homme qu'on pirants est de la conduite, de la fidélilé aux
n'avait pas voulu recevoir à la loge. engagements. Cela ne nous embarrassera
Quoique je me permette d'en rire , dit- pas ; je serai voire parrain, et je répondrai
elle encore , c'est bon à connaître pour un de vous.
jeune homme ; c'est curieux, à ce qu'on dil ; En troisième lieu , il faut du courage ; les
et dans les choses de la vie cela peut se trou- épreuves d'admission ne sont pas des jeux.
ver très-utile. Mais pourtant si on vous reçoit comme lou-
La bonne dame s'était rappelée que cha- veteau vous ne subirez que les épreuves
,

que admission amenait un repas, et que les morales c'est plus facile.
:

festins de la loge de son mari se faisaient Enfin, la dernière condition, qui certaine-
f>Kp7 clic* ment n'est pas la moins importante, c'est le
Jacquemin coucher, bercé par les
s'alla chapitre de l'argenl. On
ne peut pas être reçu
chants des frères, qui poussèrent leur orgie par d'honnêtes gens que l'on dérange de leurs
jusqu'au delà de minuit. affaires, sans les régaler un peu. 11 faut d'ail-
Le lendemain malin, noire jeune homme leurs que vous soyez initié aux usages des
s'ouvrit à son hôte sur les pensées qui l'agi- festins maçonniques ; et il est juste que vous
taient. M. Gersant l'accueillit avec em|)resse- en payiez les frais.
menl, comme un digne cabaretier qu'il élail. Jacquemin Claes , à celle parlie du dis-
On arrivait au milieu de juin ; l'époque des cours, élail devenu plus sérieux. Il avait de
fêles maçonniques approchait. l'ordre. Il sentit que le festin, avec des gail-
— Mon jeune monsieur, dit-il, vous pou- lards comme son hôte, ferait une brèche à sa
vez certainement connaître la lumière, si petite réserve.
vous remplissez quaire points, dont le pre- — Je suis mal en fends pour le moment,
mier est l'âge. dit-il; je dois attendreque mes parents m'aient
Et quel âge faul-il avoir î demanda fait un envoi, et remettre ma réception à un
Jacquemin. autre temps.
— Vingt un ans. et Mais le était un ardent
marchand de vin
— Alors dois attendre n'en pas
je ; je ai faiseur de prosélytes.ne se déconcerta que II

encore dix-neuf. modérément. Après s'être échauffé sur la


— Nous passerons là-dessus répliqua , pensée d'amener un nouveau fière à la loge
Ihôle; je vous présenterai comme louve- des Amis réunis , qui élail assez mal com-
teau. posée, et sur l'espoir de présenter dans Jac-
— Qu'esl-ce que c'est qu'un louveteau? quemin, qui avait fait ses éludes, un orateur,
— Ahl ahl comme qui dirait un pelit
c'est spécialité dont on manquait alors, il lui sem-
loup, un de maçon. (Le cabaretier estro-
fils bla dur de ne pas avoir les petits agréments
piait le mot vrai Louflon , qu'on applique qu'il s'était promis.
aux fils de maçons, el qui veut dire en eflel, — Ecoutez,dit-il, en se frappant le front
dans une vieille langue du nord , quelque oià venait d'apercevoir une idée, je connais
il

chose comme enfant de la balle. ) Un louve- un juif, qui demande aussi à voir la lumière.
teau, poursuivit-il, a le privilège, entre au- S'il peut payer un dîner convenable, je vous
tres passe-droits , d'être reçu à dix-huit ans, ferai recevoir le même jour ; et comme lou-
et môme à quatorze dans certaines loges. veteau, vous serez exempt de frais.
Votre père, mon jeune monsieur, est-il ma- Au moment où M. Gersant achevait ces
çon? mots , le juif lui-même entra.
— Ah 1 grand Dicul il s'en garderait bien. — C'est vous, Gédéon, dil l'hôle connais- ;

C'est un honnête fermier d'auprès de Tour- sez-vous l'acacia ?


nay. Les francs-maçons pour lui ne sont que — Lequel? demanda le juif.
des excommuniés el des sorciers. — Ahl l'innoccntl ahl le profane, s'écria
— Ahl ahl ah! s'écria l'hôte; nous sommes le marchand de vin en riant aux éclats. Al-
,

de trop bonsdiablcs nous-mêmes, pour avoir lonsl nous vous donnerons un âge, selon vos
rien à l'aire avec le mauvais. Les francs- dispositions :trois ans, cinq ani, sept ans....
maçons, mon jeune monsieur sont des frè- , — Ohl celle bêlisel
x&s. Si vous ùles franc-maçon el qu'en , - Mon fils , car vous n'êtes pas encore
,

653 FRA FRV 634


Irès-gravementl'hôlc, ce n'es! point
frèro,(li( genre. Prenez ce poëme mon jeune ami,

une bêtise ; on a sept ans et plus ; et si vous vous le lirez ; vous verrez jusqu'où nous re-
ricanez, nous ne vous donnerons que trois montons. Demain j'aurai l'honneur de vous
ans et quelque chose I exposer le reste car vous n'avez ici que les ;

Alors encore l'entretien fut rompu par premières origines.


l'arrivée d'un maçon qui entra tout boule- Il donna à Jacquemin un vieux petit vo-
versé. C'était le voisin Cavard sellier en , lume in-12 et il ajouta Du reste, c'est
; : —
chambre, qui avait un duel. L'hôlc, compre- de la naïve poésie. Vous en serez charmé.
nant qu'on venait l'appeler pour être témoin, Là-dessus, il se jeta dans la litlcralure .

emmena vivement son voisin à l'écart, afin cita trois strophes de l'ode à la Fortune,
que les néophytes qu'il travaillait ne com- beugla une tirade de Mérope , hurla quatre
prissent pas que, malgré leurs serments, les passages d'Héraclius , s'appuya de Mar-
frères se hallaient en duel. Le sellier en moiitel de Laharpe , d'Armand Gouffé
, de ,

chambre avait cherché querelle à Delon le , J.-J. Rousseau de Désaugiers de Planard


, ,

bouL-her. Il accusait Delon d'avoir fait la et de Lacépède, et se retira après avoir parlé
cour à sa femme, nonobstant la fidélité pro- une heure tout seul, émerveillant M. Ger-
mise en loge à toute espèce d'engagement ; sant, étourdissant Jacquemin.
et de scandaleuses récriminations avaient —
Un homme très-prodigieux l'hôto , dit
lieu de part et d'autre, en dépit des mœurs après qu'il fut parti.
maçonniques. — Que demanda Jacquemin.
fait-il?
On lendemain matin; car celui
se battit le — est à préfecture.
Il la
qui eût refusé le duel eût été accusé de se — De police?
retrancher par lâcheté derrière son titre de — De police répondit franc-maçon , le ,

maçon. avec une affirmation hésitative. Mais, soyez


Mais à
la première égratignure qui déchira tranquille, continua-t-il en se raffermissant,
le pantalon de nankin du boucher, M. Ger- il est employé dans les bureaux.
sant, qui avait intérêt à fournir un déjeuner — El est de votre loge
il ?
d'amis, fit un signe qui arrêta le combat; et — Certainement c'est un ; homme trcs-
les duellistes, ramenés par leurs témoins, se fnstruit ,
qui parle comme vous voyez , sans
réconcilièrent à table. compter qu'il fait des chansons fort spiri-
II. —
Oq fait Jacquemin un cours d'histoire de la
il
tuelles-
franc-inaçoiinerie. Jacquemin avant de se coucher, lut le
,

Deux jours après le duel du frère Delon et poëme, qui lui sembla long et dont nous ,

du Cavard, le frère Gersant vint s'as-


frère sommes obligés de donner ici une rapide
seoir auprès de Jacquemin, qui achevait de analyse. Ce poëme était intitulé Noblesse :

diner. Tous les habitués étaient partis ; il ne des francs-maçons f ou Institution de leur so-
restaitque M. Lassource, dans son coin. ciété avant déluge universel et son rétablis-
le
— Mon jeunemonsieur, ditl'hôle, avant sement après le déluge; sans nom d'auteur.
d'entrer dans l'ordre, il est bon d'en savoir C'est un volume in-12 que l'on rencontre
l'historique; et voici notre ami, qui est sa- encore il a des sommaires aussi utiles
;

vant et qui veut bien vous en faire le récit. qu'ingénieux sur les marges ; et il a été im-
M. Lassource était un gros homme à la primé à Francfort-sur-le-Meini chez Jean-
figure ouverte, qui aimait à se communi- Auguste Raspe, en 1756.
quer, mais qui ne se remuait pourtant qu'a- Ce poëme commence tout à fait comme ua
près avoir été annoncé d'une manière con- vrai poëme :

venable. Il avait salué à l'épithète de savant ; Des discrets francs-maçons je chante la noblesse
il se leva dès que le frère Gersant eut fini de
L'action s'ouvre en Arménie. Avant île
parler, et vint s'asseoir de l'autre côléde Jac- mourir, Noé, qui voit ses nombreux enfants
quemin, attiré sans doute p;ir les manières prêts à se disperser, veut leur donner un
de l'hôte, qui tenait d'une main trois petits lien, en rétablissant l'ordre des francs-ma-
verres, et de l'autre un Hacon d'une certaine çons (1).
liqueur qu'il appelait du cent-sept-ans. Il fai-
Un jour le patriarche à la fois les rasseml>Ie.
sait cette liqueur avec les restes de toutes les Après le sacrilice ils mangent tous ensemble.
bouteilles di- cognac, d'aniselte de cassis, , Avant que de mourir quelle joie , !

de curaçao et de kirsch que l'on vidait chez Au milieu du festin il leur tient ce discours:
Pourriez-vous, cbers entants, mettre en oubli les jours
lui ; et personne ne disputait au cent-sept- Où d'un Dieu protecteur la bonté souveraine
ans un nom que personne ne comprenait. Daigna vous arracher aux dents de la baleine.
Il versa trois petits verres. Jacquemin Vous sauva du déluge et de l'abime d'e:ui
Par qui le monde impur prit un être nouveau ?
ayant salué M. Lassource , celui-ci toussa
élégamment et dit : Il ajoute à ces vers mélodieux qu'il faut se
— Mon jeune ami comme l'a exprimé le
, séparer; h quoi Sera répond qu'on va s'y pré-
chef, il est utile cl péremploire de connaître parer ; et alors
la chose. Il y a des gens qui deviennent
A l'opulent, mais triste et tranquille festin
francs-maçons et ne se doutent de rien. Ce La nuit bien avancée et Noé mettcot Hn
n'est pas cela. V^ous me paraissez être doué
d'une éducation de collège. Vous avez fait (1) On remarquera l'usage que les francs-maçons font
de l'histoire sainte pour e.vpliquer leur oritçine.II est cu-
certainement vos humanités. Jo veux donc
rieux de voir que les savants de l'ordre ne dédaigueiil pas,
vous développer agréablement tout ce qui pour satisfaire des prétentions orgueilleuses, de recourir
nous concerne ; et je procède dans le bon à ces mêmes livres sacrés que leurs frères les i>hilusupli i»
, ,

CS5 DICTIONNAIRr. DES SCI^NCLS OCCULTES. C5f.

M.iis toul le monde est convoque pour un ou un bureau de palissandre à incrustations.


sacrifice qui doit avoir lieu le Icndcuiain au 11se sauve du bureau par une aposlroj he au
point du jour. Noé tombe en extase au mo- , cordon :

ment de rétablir la franc-maçonnerie l'ave- ; Noble cordon! henrcur qui s'en voit revêUil
nir des frères lui apparaît ; il fait chois de C'rsl un signe certain d'une haute vertu !

(lordon, (jui produira mille fois plus de gloire


ceux qu'il veut initier, il leur annonce qu'il
Oue toul autre cordon renommé dans l'Cisloire!
va perpétuer un ordre dont il est le seul reste.
Cet ordre , leur dil-il , fut fondé par Tubal- Et pour lors Noé installe Sem en qualité ile
cain, le même qui avait entrepris , dans ses grand-maître des francs-maçons en Asie; il
soucis nouveaux,
nommi" Gham grand-uiatlre pour l'Afrique ;

il proclame Japhel grand-maître en Europe,


De perfectionner tous les arts libérais :
S'adonnant h la forge, aux plus durs exercices, le tout rehaussé de longs discours en vers ,
Sur une ardenlo enclume il Irouvail des délices. aussi pompeux que ceux qu'on a lus. Seule-
Tubalcain vu secondé par trois hom-
s'était ment avant de parler à Japliet il y met un
, ,

mes anté-diluviens Jabel qui méditait, :


peu plus de façons.
,

dessinait dressait des tentes et faisait le


,
Ici le patriarche , ayant repris haleine
D'un prophéliipie écarl, qu'd répiime avec peine,
commerce de fourrure; Jubal , père de la S'abandonne au transport. 11 bégaie; il se lait;
musique: L'allenlion redouble aux mouvements qu'd fait.
Des instrumenis îi venl , dans son nouveau travail
Aussi il prédit à frère Japhet toutes sortes
L'ingéuleux Jubal iuviMile le détail.
de succès maçonniques; et il donne aux ini-
Il imai^ina même l'orgue, du premier coup.
tiés l'accolade obligée.
Le troisième personnage est un anonyme qui En quittant ce séjour, ajoule le grand-miillre.
dota l'humanité de la poterie , ou , si vous Mille iroup -aux chcrisà votre ondire vont paiiro.
l'aimez mieux , de l'art de faire des pots : N'oublii'Zdoncj:imais celle infaillible loi,
Qu'un roi bon franc-maçon n'en est que meilleur roi.
El de cet art nouveau les fruits universels
Descendent jns(iu'à nous et sur tous les mortels. Voilà qui est d'un à-propns très-ingénieux
Après que Noé a raconté que Tubalcain et et parfait pour les rois. Enfin Noé recom-
ses trois amis établirent, pour se reconnaître, mande aux frères le langage des signes, qui
les signes et les mots de passe, il ajoule que leur sera nécessaire dit-il à la confusion
, ,

l'ordre des maçons s'esl perpétué un certain des langues ( il prévoit la tour de Babel ) il ;

temps, mais, que tombé en oubli, il n'avait annonce Lycurgue, qui sera un franc-maçon
plus que lui pour adepic au déluge qu'il l'a ;
distingué, et fera de sa république une vaste
sauvé dans l'arche, et qu'il le reconstitue. H loge ; il prophétise le grand éclat de l'ordre
en explique les règlements :
sous le règne de Salomon il salue de loin le ;

De nus lois la plus sainte et la plus nécessaire frère Charlemagne; les maçons anglais du
Sera de les celer k l'aveugle vulgaire, dix-huitième siècle; François 1'', empereur
dit-il ; ne donne pas d'autres prescrip-
et il
d'Allemagne et protecteur de la maçonnerie;
tions. C'estpeu de chose. Tous les assistants Frédéric II grand-maîlre de Prusse et de
,

brûlent de connaître les grandeurs qu'il leur Brandebourg, et tous les maçons futurs, sué-
promet : dois, danois, polonais, russes français, bel- ,

ges, hollandais, etc. 11 nomme Frère Jébus ,


Sur le fameux détail des mystères sacrés
Tous veulent sur-le-cliamp être plus éclairés. son pclit-fi's, archiviste et secrétaire général
Le grand-inatlre attendri récite un lurmulaire de l'ordre; après quoi le poëme finit, comme
Terrible et de tout temps ignoré du vulgaire. toul ce qui se fait dans la maçonnerie sym-
La vertueuse troupe, en élevant les mains,
Le répète ; et dès lors au reste des bumaius
bolique par un nouveau repas , qui dure
,

Elle est supérieure en est séparée;


; elle toute la nuit.
Elle n'est désormais qu'une troupe sacrée. En rendant ce volume le lendemain à M.
Elle entre au temple, où luit la S'iblime clarté. Lassource,Jacquemin témoigna qu'il en avait
Dos profanes sentiers ce temple est écarté.
Uue d'objets variés la main qui le leur ouvre tiré peu de lumières précises.
Aux frères éblouis subitement découvre! —Je le sais, dit le frère j'avoue même que :

Le poëte ne décrit rien de ces objets variés, dans quelques détails c'est un peu hasardé.
qui auraient eu de l'intérêt pour l'histoire de !\Iais le fond est historique , et la forme est

l'art ancien et comme il est embarrassé du littéraire. J'ai voulu vous le faire lire , mon
;

costume , il fait descendre des cieux l'ange jeune ami, pour vous prouver, comme j'avais
des maçons apportant un coffre où Noé
,
l'honneur de vous le dire hier, que nous da-
trouve des tabliers, des grands-cordons, des tons d assez loin.
étoiles des compas , des truelles , des —
Je crois bien; avant le déluge!
équerres.
,

—A présent , je pourrai vous conter le


reste.
Sur un bureau prochain il fait en peu de temps
Des merveilleux bijoux trois monceaux éclaianls.
Vous saurez donc que ceux mêmes qui nous
l'uis il un discours à ceux qui sont au temple
lient
;
contestent l'honorable antiquité dont nous
Il met son Liblicr; chacun suit son exemple; parlons, reconnaissent au moins, pour fon-
El des ricbes colliers qui sont sur le bureau.
Pour eu vêtir Noé, l'ange rend le plus beau. dateur do la maçonnerie symbolique, Hiraiii
|

Le poëte tient à son bureau, mais il ne dit


ou Adon-Uiram que l'historien Josèplie
,

pas si c'était un bureau d'acajou à cylindre


appelle Adoram
architecte du temps de S,i-
,

lomon. On a raconté son histoire avec quel-


ont aiuqués avec Uni d'acharnement. Du reste, (jnes variantes. Des savants ont écrit qu'il
ce poème
r<-|«sc sur des fictions ridicules, bien qu'il ait
été composé s'agissait là de Hiran , roi de Tyr (pii fit,

osiiï le but de gluriOer la maçonnerie


symbolique Mliancc avec Salomon , et lui fut d'un grand
,

657 FRA FUA fôS

secours pour la construction du (emple de par porte de l'occident, après qu'il eut fait
la
Jérusalem. Mais nous avons nos archives; le sa ronde, voulut sortir par la porte du midi.
vénérable Hirani était un artiste éminemment Le compagnon qui l'altendaitlui demanda le
distingué, fi!s d'un Tyrien et d'une fenmie de mol de mallre , en levant sur lui le marteau
la trit)u de Nephlhali. II est nommé dans le qu'il tenait à la main. Hiram lui dit que le
quatrième livre des Rois. mot de maître ne s'obtenait pas de celle ma-
Salomon le fit donc venir pour diriger les nière. Aussitôt le compagnon lui porta sur la
travaux du temple. Il voulut montrer incon- tête un coup de marteau.
tinent son habileté; il construisit devant le Ce coup n'ayant pas été assez violent pour
portique deux merveilleases colonnes de le renverser , le grand-maltre s'enfuit vers
«uivre, qui avaient chacune vingt-sept pieds la porte du nord, où il trouva le second com-
de haut et six pieds de diamètre; il donna pagnon, qui lui en fit autant. Quoique fort
à l'une le nom de Jakin à l'autre le nom de , blessé, il tenta de sortir alors par la porte de
Jiooz. On payait les apprentis autour de la l'orient; le troisième compagnon, après lui
première, et les compagnons autour de la avoir fait la même demande que les deux
seconde. premiers, acheva de l'assommer.
Or, Âdon-Hiram avait sous ses ordres un Les trois meurtriers s'étant rapprochés
, .

nombre immense d'ouvriers soixante-dix ; cachèrent le corps sanglant, et quand la nuit


mille apprentis , quatre-vingt mille compa- fut devenue sombre, ils le transportèrent sur
gnons et trois mille trois cents maîtres.
, une montagne voisine où ils l'enterrèrent.
Ayant la direction de tout le personnel et Afin de reconnaître l'endroit, ils plantèrent
ne pouvant connaître chaque individu par une branche d'acacia sur la fosse. D'où est
son nom HIram pour ne pas être exposé à
, ,
venue la question maçonnique: Connaissez-
payer l'apprenti comme le compagnon et le vous l'acacia?
compagnon comme le maître convint avec — A quoi petit juif n'a pas su répondre.
le
— Ni vous non plus, sans doute car n'y
,

les maîtres, de mots secrets, de signes et d'at- ; il

touchements qui devaient servir à les dis- a qu'une seule formule de réponse, qui n'est
tinguer de leurs subalternes. Il donna pa- donnée qu'aux maîtres, et qui est L'acacia :

reillement aux compagnons des signes de m'est conmi.


reconnaissance qui n'étaient pas sus des Mais je vous livre le secret des loges. Il
apprentis et aux apprentis des mots et des
, est vrai que vous allez être des nôtres. Re-
signes qui les discernaient (ks profanes, prenons.
étrangers au bâtiment. Salomon ayant été sept jours sans voir
Tout cela se fit d ;ns un ordre si admirable, Âdon-Hiram ordonna à neuf maîtres de lo
,

mon jeune ami que Salomon en fut charmé


, chercher.
et qu'il voulut être affilié lui-même à la con- Les neuf maîtres obéirent. A la suite de
frérie des travailleurs. Dans son poëme inti- longues et vaines perquisitions, trois d'entre
tulé Essai sur la franc-maçonnerie, en trois
: eux , qui se trouvaient un peu fatigués ,
chants dédié à son altesse sérénissime mon-
, s'élant assis près de l'endroit où le grand
seigneur le prince Gambacérès, archi-chan- artiste avait été enterré, l'un des trois arra-
celier du ci-devant empire, le frère Pillon du cha machinalement la brantlie d'acacia. Il
Chemin a tiré bon parti de celte glorieuse reconnut que la terre en ce lieu-là avait été
circonstance. Le frère Pillon du Chemin est remuée depuis peu ; il fouilla avec sa truelle
membre de la loge du Centre des Amis. 11 et découvrit le corps d Hiram. Il appela aus-
s'écrie : sitôt les autres maîtres, qui examinèrent les
Vous peindrai-je, au milieu de ce peuple de frères, plaies et soupçonnèrent les compagnons
Le vénérable Hiramdonnaulà Salomon d'avoir conuuis le crime. Dans la pensée que
L'auguste caractère et l'habit d i maçon?
peut-être ils avaient tiré du défunt le mol de
Et ce lilsde David, In plus grand d> s monarques,
Fier d'en porter sur lui les lionorables marques. maître , qui était Jehovah ils le changèrent
,

Et de sa vanité déchirant le bandeau sur-le-champ en un autre , lequel signifiait


Eclairant ses sujets placés sous le niveau? le corps corrompu, et ils allèrent rendre
C'est très-maçonnique et fort délicat. Le compte à Salomon de l'avenlure.
poëme a été imprimé à Paris en 1807. Mais Ce prince touché douloureusement
, fit ,

le frère Pillon du Chemin ne nous donne au- transporter le corps dans le tempife où les ,

cunement , ni dans son texte , ni dans ses honneurs funèbres lui furent rendus avec la
notes , les détails dramatiques de l'histoire plus grande pompe. Tous les maîtres à cette
dHiram , que je dois vous achever. triste cérémonie portaient des tabliers et
,

Trois compagnons , peu satisfails de leur des gants de peau blanche pour exprimer ,

f)aie formèrent le dessein d'exiger d'Hiram


, qu'aucun d'eux n'avait souillé ses mains dans
e mol de passe des maîtres. Ils cherchèrent le sang du chef. Et quand vous serez admis ,

l'occasion de le renconircr seul résolus à , comme je l'espère, mon


jeune ami, à l'hono-
obtenir ce qu'ils voudraient , de gré ou de rable dignité de maître vous verrez que le
,

force. souvenir de la mort d'Hiram est toujours


Vous me direz : C'étaient de mauvais frères. présent à l'ordre. Les maîtres en loge ne
Il y en a. marchent qu'en zigzag pour signifier leurs
Un soir, ils attendirent Hiram dans le tem- recherches; ils font le geste de l'horreur à
ple, et se cachèrent, l'un à la porte du nord, cause du meurtre; ils ont la tête couverte
l'autre à la porte du midi , et le troisième à pour marquer le deuil.
la porte de l'orienl. lliram étant entré seul Ici, M. Lassourcc s'arrêta, probablement
DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCLLTES. 660
ne sachant guère autre chose, et bornant son des hommes religieux , qui commençaient
cours d'histoire à la légende d'Hiram, laquel- leurs travaux et les terminaient chaque jour
le n'est bonne qu'à expliquer aux apprentis, par la prière en commun, qui campaient au-
aus compagnons et aux maîtres, l'origine tour de l'église qu'ils construisaient et pas-
merveilleuse de ces trois premiers grades de saient joyeusement leurs soirées à chanter de
la maçonnerie. pieux cantiques.
Les adeptes, qui prétendent que la maçon- Plusieurs princes, sur le continent aussi,
nerie s'est conservée sans interruption jusqu'à se firent un honneur de protéger les maçons
nous, y rattachent tous les mystères et tou- et de s'affiliera leurs confréries. Jacques I",
tes les initiations de l'antiquité païenne, ainsi couronné en 1424, fut grand-maîlre des lo-
que toutes les associations secrètes du moyen ges ou assemblées des constructeurs de l'E-
âge et des temps modernes les templiers ;
: cosse. Les maçons de Saint-Pierre de Rome,
les philosophes herméiiques ; les universités sous Léon X, avaient des franchises pareil-
secrètes où se formaient les Agrippa, les lement et des privilèges qui leur donnaient
Nostrudiimus et tous ceux que l'opinion pu- aussi le nom de francs-maçons. Inigo-Jones,
blique appelait devins ou magiciens les : élève de Palladio, regardé par les Anglais
réunions infâmes de ceux qui dans le Midi se comme leur Vilruve, fut grand-maître des
faisaient passer pour loups-garous; les <ifG- francs - maçons d'Angleterre. Christophe
liations qui jouaient le sabbat dans les cam- Wren, grand surveillant, à la mort d Inigo-
pagnes; ce qui explique la raison que le Joues, est celui qui fit rétablir toutes les
peuple avait de traiter les francs-maçons de églises de Londres, après le terrible incendie
sorciers, commeil faitencore.Maisle nom de de spécialement la grande église de
ICtjG, et
maçonnerie symbolique et de francs-maçons Sriint-Paul, qui après Saint-Pierro de Ro-
,

resta concentré en Angleterre jusqu'en 1721; me, passe pour la plus vaste église du monde.
ce fut alors qu'il se répandit au dehors, et Il avait tenu en 1663 une loge ou assemblée
voici comment les maçons anglais expliquent générale, ct fut grand-maîlre en 1685.
l'origine de l'ordre (1) : Après lui l'association s'écarta de son point
Lorsque Carausius, ce vaillant enfant de de vue, qui était l'art. Lord Montagne, ayant
la Gaule Belgique, qui battit tant de fois les été élu grand-maîlre en 1721, résolut, avec
Romains sur terre et sur mer, au troisième quelques amis, de construire, non plus des
siècle, eut conquis la Grande-Bretagne et édifices matériels, mais des systèmes philo-
s'y fut fait proclamer empereur, voulant, sophiques. IlQt imprimer en 1723, dans l'es-
comme quelques-uns des autres successeurs prit de son projet, les constitutions de l'ordre,
d'Auguste, doter ses nouveaux états de beaux et s'occupa d'élcndre l'affiliation au dehors
édifices, il se déclaraprolecteur des arts
le comme un vaste réseau.
utiles, à la têtedesquels il mit lart de cons- En 1725, lord Derwent-Walers établit une
truire. Il donna à sou ami Albanus la direc- loge à Paris, d'autres se formèrent rapide-
tion particulière des ouvriers maçons, leur ment ailleurs. Des bruits étranges accueilli-
accorda des franchises spéciales, des signes rent ces réunions mystérieuses, que l'on vit
de reconnaissance, et Itur permit de s'as- se propager riipidcraent et ténébreusement
sembler en son nom. Ces hommes recevaient en Allemagne, en Italie, en Hollande, en Po-
deux schellings par semaine, et chaque jour logne, en Russie, en Turquie même. Il devint
trois sous pour leur dîner. Oa les appelait bientôt évident que leur but principal était
les frères-maçons. d'arrêter le catholicisme, et que leur esprit
Ces prétendus règlements furent établis en n'étailautre choseque le protestantisme par-
l'année 287. venu à l'état d'indifférence et ligué avec
Dans les troubles qui suivirent la mort de le déisme. Le pape Clément XII, en 1735,
Carausius, arrivée en 293, la société ma- condamna la maçonnerie symbolique, ce qui
çonniques'obscurcitunpeu. Athelstan, pelit- décida les francs-maçons allemands à pren-
lils d'Alfred le Grand, la rétablit en 924, mit dre le nom de Mopses. Ce mot signifie dogue;
son frère Edwin à la tête des maçons, leur et sous cet emblème ils se piquaient de vi-
accorda des franchises, une juridiction et le gilance et de fidélilé. D'autres donnèrent à
droit d'avoir des assemblées. La première leur association le nom imposant d'Ordre
grande loge s'ouvrit à Yorck en 926. de la liberté, dont ils prétendirent que Moïse
Robert, roi d'Ecosse en 1314., Edouard III, était le fondateur; ils portaient à la bouton-
roi d'Angleterre eu 1327, donnèrent de meil- nière une petite plaque de métal figurant les
leures formes aux règlements des francs- tables de la loi. Mais ce n'était pas le nom seu-
maçons. Le roi Henri VI se Gt admettre dans lement, c'était la chose que le saint-siége
la maçonnerie. Mais alors il interdisait.
y avait partout
des francs-maçons, comme il y .ivaitJes francs- En 1737, leChâtelet de Paris jugea com-
archers, des Irancs-laupins, des francs-bour- me le souverain pontife et lança des ordon-
geois. On encourageait par des fr;incliises nances qui défendaient la maçonnerie sym-
et des privilèges les arts utiles; et c'est à ct s bolique.
mesures que nous devons les cathédrales et Louis XV se montra irrité contre ceux
les nombreux édifices religieux des treizième, des seigneurs de sa cour qui entrèrent dans
quatorzième etquinzième siècles. Ces francs- un ordre mystérieux dont on ne pouvait
maçons, positif» et non symboliques, étaient appuyer les intentions d'aucun bon motif.
(t) Tbe constitutions ofllie ancicnl aiid honouralilo IVa- Le duc d'Antin n'en accepta pas moins le ti-
teniil} of free and acceflcd ujasous Ediiiyu du 1707. tre de grand-maîlre en France; il fut reiu-
,

«K.» FRA FflA sm


placé en 1743 par le prince de Clermont, et l'éloge du célibat. La loiledc dos Françaises
ensuite par d'auires personnes dont nous lui parait ridicule; et tant qu'elle a l'espoir
parlerons tout à l'heure. de plaire, elle tire ses modes de France. A
En 1793, la franc-maçonnerie fut suppri- soixante-huit ans, il y avait déjà onze ans
mée en France, avec le carnaval elle ne re-
; qu'elle n'avait osé se regarder dans un mi-
vint qu'à sa suite , six ou sept ans plus roir; et lorsqu'on venait lui rendre visite,
tard. elle recevait en domino et en masque.»
Jacquemin Claes ignorait toutes ces cho- Cette femme donna à lord Montagne un
ses et beaucoupd'auti-esencore. On lui disait Gis, fameux aussi par la bizarrerie de ses aven-
qu'une loge est le temple de l'amitié, à tures. Perdu à cinq ans, on le retrouva par-
la porte duquel veille le silence. Il se dis- mi les ramoneurs; et ce fut afin de perpétuer
posait à y entrer, comme nous verrons la joie causée par son retour, que ses parents
bientôt. fondèrent une rente pour queles ramoneurs
in. — Digression historique. de Londres eussent tous les ans un bon dî-
L'histoire de la franc-maçonnerie symbo- ner dans les jardins de l'hôtel Montague. Ce
lique, quoiqu'elle ne date que de cent vingt diner se fait encore le 1" mai; chaque con-
ans, est à peu près impossible à faire. On vive reçoit, outre le petit repas, un scheliing
en aperçoit quelques sommets obscurs , et la singulière permission d'emporter sou
comme ces chaînes de montagnes que la mer couvert, qui n'est pas d'argent. Rentré chez,
n'interrompt pas mais qu'elle recouvre.
, ses parents, le jeune Edouard Wortiey Mon-
Nous empruntons celle comparaison au pe- tague fut mis à l'école de Westminster. Au
tit essai de M. Edmond Leclerc sur la franc- bout de quelques années, il s'échappa encore.
maçonnerie. Ajoutons avec lui qu'il faut, en On le retrouva vendant du poisson sur le
al tendant mieux, se borner à signaler quelques port de Blacitwall. Il se laissa reconduire à
faits, queles vénérables ontlaissésurprendre. regret dans sa famille, s'enfuit de nouveau
L'auleur allemand d'Herman d'ffnno, malgré (il avait alors dix ans), s'engagea comme
ses recherches, n'a recueilli pareillement sur mousse, sesauva du navireà Oporto, se mit
les Francs-juges que des documents conti- au service d'un vigneron. Reconduit dere-
nuellement brisés ; et il n'a pu nous montrer chef, il commit d'autres extravagances qui
que la superficie de cet autre ordre mysté- ne peuvent tenir place dans ces notes, fil
rieux, qui du moins ne s'est pas élevé contre tous les métiers, professalouteslcsreligions,
l'Eglise. parcourut tous les pays du monde, et mou-
Nous chercherons seulement à présenter rut sous le turban à Venise, étranglé par
ici quelques notes sur les personnages é;ni- un os de perdrix (1).
nents queles francs-maçons, au dernier siè- Le père de ce fou, l'époux de lady Mon-
cle, ont reconnus pourleurs chefs. Des prin- tague, seul chez lui, car en même temps que
ces y furent admis. C'était une habileté pro- sou fils disparaissait, sa femme faisait de
pre à donnerde la splendeur à la secte. Mais petites absences de vingt-deux ans, imagina
en général, grands-maîtres pour l'honneur pour se désennuyer les formules de l'ordre
(si l'honneur a jamais pu être là), ils étaient maçonnique qu'il institua en 1721, et que
,

menés par des mains invisibles. ses dîners consolidèrent.


L'empereur François l"dutà soninitialion Tel est le chef des francs-maçons mysté-
de grandes fautes et de grands revers; Fré- rieux. Il avait succédé au poste de Christophe
déric II s'en moqua, comme il se moquait Wren , grand -mallre des francs -maçons
de tout; les autres potentats n'y trouvèrent réels, de la manière usitée en Angleterre oii
rien de ce qu'on leur avait promis. l'aristocratie envahit tout, où l'on voit lord
I Lord Montagne, le fondateur de la maçon- Wellington occuper le poste honorable de
nerie symbolique, était un fou, qui pour quoique vieux savant , sous le titre de chan-
surcroit n'avait que folies autour de lui. Sa celier de l'université de Cambridge.
femme était cette illustre aventurière qui A l'ombre de sa dignité, lord Montague ,

visita le harem du sultan Achmel, publia des pou disposé à construire des édifices, bâiis-
lettres prétentieuses, et nous rapporta par sait, ainsi qu'on l'a dit, des systèmes. Son
hasard l'inoculation. Dominée par l'orgueil plan de philosophie n'était pas très-spiritua-
étrangère à toute sensibilité, on ne la vit jamais liste ; il ne se proposait que la glorification
contciile d'elle-même, ni de sa position. M. du matérialisme, en plaçant toutes les reli-
Fiévée a retracé d'elle ce portrait exact: gions à la même table sous le niveau. Sa fra-
« A seize ans, dit-il, elle regrette do n'être ternité se jurait le verre à la main.
pas homme à trente, elle demande déjà dix
; H n'avait d'abord institué que (rois degrés,
années de moins; mère de famille, elle fait qui sont toujours la base de l'ordre les as- :

(t) Un
autre descendant de lady Montagne, que le loujours croissante vers la chute, en présence de plusieurs
prnice l'uckler-Muskau confond avec le ramoneur, a fait centaines de spectateurs. Ce que tout le monde avait prévu
d'antres extravagances et de longs voyages aussi, ii la suite arriva. Le bateau, ayant heurté contre des pointes de ro-
desquels, « étaul arrivé à Shaflhouse en 1790, ce lord eut cher , chavira; les deux hommes ne reparurent qu'une
la malheureuse idée de vouloir descendre la chute du Uhin seule fois sur la surface de l'eau. Le bruit as.sourdissant
dans un bateau. Ou fit tout au monde pour le retenir; mais des flots étouCfa leurs cris , qu'on n'entendait qu'iiidiilinn -
il n'écoula rien. Il se rendit au bord du fleuve; et après tement par intervalles. Ils disparurent bientOt tout àfait,
avoir envoyé en avant , comme essai , un bateau vide qui et l'on ne put retrouver leurs corps.
arriva au bas de la chute sans maleuconlre, il s'embarqua Par une coïncidence extraordinaire, le jour même de
dans un second avec son ami, M. Barnett, qui ne s'en sou- leur mort, le cliitteau héréditaire de la famille Montague,
ciait guère. dans le comté Oc Susscx, fui toialemeut consumé par tes
Ils ïoguèrenl d'abord lentement, puis avuc une raiiidilé flammes. »
,

6C3 WCTlONNAmE DES SCIENCES OCCULTES. OiU


piranls ou apprends, sur lesquels on prenait térielles que Montagne et ses amis
lord
des informations ; les novices ou compa- avaient inventées, et dont la mèche n'est pas
gnons , que l'on soumettait à des épreuves; découverte encore.
les convives ou maîtres, qui étaient initiés Dans l'opulence du choix, on ne reçut d'a-
aux plans et aux secrets. Tout cela se per- bord à Paris que les grands seigneurs.
fectionna ensuite. A la vue de cet ordre, dont tous les mem-
Si lord Monlague était une tête timbrée , bres étaient liés par des serments terribles,
un fou moitié turc , moitié bœuf, et le reste dont les secrets ne pouvaient être trahis ini.-
.•inglais, comme on a dit , lord Derwent- — punément , dont les affidés s'entendaient au
Walers, qui vient après lui, n'était du moins loin par des mots de convention et des signes
qu'un homme faible ; et les malheurs de aussi incompréhensibles pour les étrangers
«es jeunes années excusent cette faiblesse. que le langage des télégraphes, des ambi-
Son père,- dévoué à la cause du préten- tieux sentirent qu'il y avait dans la franc-
dant, fut fait prisonnier à Preslon , con- maçonnerie un levier puissant. La loge de
damné à mort par George I", exécuté le Paris, sous prétexte de simples festins, s'or-
6 mars 1716, sur l'esplanade de la Tour de ganisa ténébreusemcnt ; bientôt Derwent-
Londres. * Le comte de Derwenl-Waters Waters lui-même ne fut plus initié à tous
dit Sinollet, était un homme doué des plus les secrets et reconnut qu'on ne s'occupe-
,

belles qualités. Sa funeste destinée tira des rait pas là de sa cause. On aitira le duc d'An-
larmes, de tous les spectateurs, et fut très- tin, qui se fit recevoir. C'était un person-
préjudiciable au pays où il vivait; il était nage éminent, que deux petites anecdotes
catholique , et il faisait subsister par ses feront connaître.
bienfaits une foule de malheureux. » En al- On citait le duc d'Anlin comme un des plus
lant à la mort, il fit monter son fils sur l'écha- habiles courtisans de Louis XIV. Le monar-
faud; il lui dit: —
Sois couvert de monsang et que , un soir, alla coucher à Petit-Bourg ;
apprends à mourir pour ton roi. Le shérif — il y criti(iua une allée d'arbres qui cachait

lui ayant demandé s'il voulait faire un dis- la vue de la rivière, et fut surpris de ne plus
cours, il répondit qu'il n'était pas venu là la voir le lendemain matin. Le duc d'Antin
pour haranguer, mais pour mourir, et qu'il l'avait fait disparaître pendant la nuit ; et il
se bornait à protester hautement de son at- dit au roi, qui témoignait son étonnomenl :

tachement à la religion catholique et à la Les arbres n'y sont plus , parce que Voire
cause de Jacques 111. Après quoi il tendit la Majesté les a condamnés.
léle au bourreau. 11 était intendant des bâtiments de la cou-
L'enfant, qui n'avait que quinze ans, fut ronne.
emporté évanoui de l'échafaud. Il conserva Il fit plus à Fontainebleau. Sachant qu'an
de cette scène un abattement et une timi- certain petit bois déplaisait à Louis XIV, il
dité qui le fit tomber dans plus d'un piège. en fit scier tous les arbres, et posta derrière
Six ans après, ses amis, sachant qu'il ne des hommes prêts au premier signal à tirer
songeait dans son cœur qu'à la cause pour la- les cordes qui devaient les abattre. Le roi,
quelle son père lui avait recommandé de allant se promener de ce côté-là, suivi de
mourir, lui persuadèrent qu'il trouverait toute sa cour, ne manqua pas de répéter
dans l'ordre mystérieux fondé par lord Mon- que le bois ne lui plaisait point. —
11 dispa-
tague, les moyens de relever les espérances raîtra, dit le duc d'Anlin, aussitôt que Votre
des Sluarts. On le présenta à lord Montagne. Majesté l'aura ordonné.
Du certain intérêt s'attachait à ce jeune — Vraiment, repondit Louis XIV, le plus
homme. C'était un prosélyte important, dans tôt sera le mieux.
une opinion qu'il était bon de mettre aussi Au même instant part un coup de sifflet,
sous le niveau. On le rcçnt sans effaroucher et la furet tombe comme par cnchautumeut.
sa conscience ; d'ailleurs, rien alors n'inter- C'est alors que la duchesse de Bourgogne
disait encore franc-maçonnerie aux ca-
la s'écria émerveillée : —
Ah mesdames si
1 ,

tholiques. Le ,
qui ne fait rien
saint-siége le roi avait demandé nos têtes M. d'Antin
,

légèrement, ne connaissait pas encore le but les eût fait tomber de même.
des maçons. Dès qu'il se vit initié, Derwcnt- Le grand courtisan avait conservé, au-
Waters passa en France, où il savait que près de Louis XV, l'art particulier non de
les Stuarts avaient des amis. La bizarre in- dire, mais de faire des choses flatteuses. Eh
stitution de lord Montagne commençait à bien chose surprenante Louis XV, à qui
I !

faire grand bruit à Paris. Le jeune Anglais lafranc-maçonnerie donnait de l'ombrage,


n'enl pas de peine à former une loge qui, échoua , contre toute attente , dans la de-
dans le principe, se réunit rue dos Boucheries- mande qu'il fit au duc d'Anlin de ue plu;
Saint-lloûoré , et comme de juste chtz un frcriuenter la loge.
traiteur. 11 était lié; sans doute déjà on lui avait
On ne
parla bientôt plus que de cette as- inculqué cette règle des initiations égyp-
semblée secrète , où l'on n'admettait que tiennes, qu'une fois engagé dans les sentiers
quelques élus, où l'on employait un langage de l'ordre , il n'est plus permis de se retour-
obscur, où l'on se faisait reconnaître par des ner.
signes singuliers, où l'on pratiquait, disait- Le duc d'Antin avait soixante ans. On le
on, de terribles cérémonies. Car l'ordre à , fit grand-maître de France.
sa naissance, exigeait un grand déploiement On ne voit plus du tout, dans les premières
de courage physique, dans des épreuves ma- lignes, loid Derwcnt-Waters, qui voyageait
CG5 FRA FR\ ccc
sans doute, agent désormais exploité ; il fon- choix tomba sur un maître de danse, nommé
dait un temple dans l'Artois des loges s'ou- ;
Lacorne, ()ui sans doute avait donné des ga-
vraient partout, avec une activité incroya- ges à l'ordre.
ble. Il y en eut rapidement dans tous les Etats Celui-ci converti! la loge en salle de bals
de l'Europe. pour les initiés ,fit sauler les frères el ,
,

Mais quoique leurs menées fussent bien voulant amener les dames à ses fêles, in-
çecrètes, ils ne purent dissimulerentièrement venta les loges d'adoption. La duchesse de
leur but. Par la bulle in Eminenti , lancée Bourbon fut la première grand'-maîtresse de
le 23 avril 1738, le pape ("élément XII con- ces loges de femmes, où l'on eut de petits
damna la franc-maçonnerie. La bulle Pro- signes, de petits mois d'argot, de petites
vidas, de BenoîlXIV (18 mars 1731), confirma truelles, de petits tabliers, de petits maillets;
cet anathèinc. Ces mesures produisirent quel- mais où l'on ne sut de l'ordre que les enfan-
que elTet. En France, toutefois , les maçons tillages et les petits mystères sans consé-
qui conservaient quelques dehors religieux quence.
se relranchèrent derrière le gallicanisme, et Pendant que ces joyeusctés se faisaient à
plusieurs allèrent leur train. Paris, le prétendant Charles-Edouard Stuart,
Le duc d'Anlin étant mort en 1736, la se figurant que la loge d'Arras lui avait
grande-maîtrise fut donnée à un prince du rendu des services, ou qu'elle pouvait lui en
sang, le comte de Clormont. rendre, donna à cette loge le diplôme hono-
Louis de Bourbon-Condé, comte de C!er- rifique et splendide de Chapitre primordial,
mont, n'avait guère que trente ans ; c'était sous le nom de Loge d'Ecosse-Jacobile ; il
une de ces têtes qui ont besoin de mouve- confia la direction de cette loge à deux avo-
ment et de nouveautés. 11 avait élé tonsuré cats d'Arras, M. Lagneau el M. Robespierre,
pour les ordres il obtint des dispenses et
;
oncle de la terrible célébrité de 1793. Ceux-
tnira dans la carrière militaire. Voyant là se hâtèrent de constituer la maçonnerie
qu'il y produisait peu de bruit il voulut se , dans les Pays-Bas.
faire recevoir membre de l'Académie fran- On sait les tristes aventures de Charles-
çaise. Ce fut tout un bouleversement dont il Edouard Stuart, à qui sa loged'Ecosse-Jacobi le
lriom()hn. Devenu académicien il fut acca- ,
ne rendit pas le moindre service, et que peut-
blé dépigrammes, parmi lesquelles nous ne être elle perdit, en faisantrépandreàLondres,
citerons que celle-ci : sous prélexle de lui gagner des partisans,
Trentp-neuf unis à zéro. le bruit injurieux qu'il avait abjuré la reli-
Si j'enleiids bien mon numéro, gion catholique; ce qui était faux.
N'ont jamais pu faire quarant ; La grande loge de Paris, que l'on commen-
D'oùji' conclus, troup" savanle,
Qu'ayant k vos côiés admis
çait à appeler le Grand-Orient, préparait dès
Clerniont, cotte mass posante. lors,au milieu des bals et des fêtes, un hardi
Ce din;ne cousin de Louis, coup d'Etat. Hehétius, Voltaire, Diderot, d'Ar-
La place est encore vacante. gens, Holbach, Boulanger, Dalembert, tous
Cette épigramme du poëto Roy, de qui
est les philosophes et encyclopédistes , s'étaient
elle causa la mort ;gens du comte de
les affiliés à la maçonnerie; et l'esprit de celte
Cleruiont le bâlonnèrenl tellement , qu'il institution n'était plus douteux pour per-
expira peu de jours après... sonne. Les jésuile<, devant qui les bulles des
Le prince pourtant supporta d'autres cru- souverains ponlifes étaient choses sérieuses,,
dités. Lorsqu'il baltait en retraite après la se croyaient tenus par leur devoir à combat-
j^ournée de Crevelt, il demanda, en entrant tre un ordre si dangereux pour l'Eglise. Ils
a Nuyiz, s'il avait paru des fuyards. Une en découvraient si précisément les inien-
bonne femme lui répondit Monseigneur, : — liuns et la marche, ils en démasquaient si
vous êtes le premier. nettement les iniquités, que le Grand-Orient
Voilà l'homme de poids que les maçons de s'en troubla, prévoyant une lutte où l'une
France mirent à leur tête en 1743. des deux armées devait tomber.
Disons pourtant que le comte de Clermont, Le parti fut bientôt pris, et 1rs batteries
qui avait aussi de bonnes qualités, qui pleura dressées. Les maçons se renforcèrent d'une
ses fautes et ses égarements, qui termina sa grande troupe d'avocats, gens très-propres
vie dans les bonnes œuvres et dans d'immen- en France à la guerre d'intrigue. On accusa
ses aumônes, ne voulut rester qu'un an les jésuites de domination, que ceux-ci pou-
grand-maîlre des francs-maçons. 11 lut rem- vaient reprocher à l'ordre ; les plans de bou-
placé par le banquier Baure, qui prit la leversements qui mûrissaient dans la loge
chose sur une autre lace et en fit une affaire leur furent rondement attribués. On mit en
d'argent. cause les petites difficultés ridicules que l'on
Ce fut Baure qui imagina (ous les grades est convenu d'appeler libertés de l'église gal-
honorifiques, chevaliers du Soleil, chevaliers licane : on attira dans l'ordre les philoso-
Kadosth, chevaliers d'Asie, frères du poi- phes du parlement, le corps de la chicane
gnard, templiers frères du royal secret ,
, qui n'a jamais aimé l'esprit conciliant de
Roses-Croix, etc. Il vendit ces dignités aux l'Eglise romaine, et enfin les jansénistes, que
amateurs, trafiqua de tout et s'enrichit au les bulles des papes irritaient toujours.
moyen de la fraternité. La campagne fui si habilement conduite,
Les gros bonnets de l'ordrel'arrêlèrentdans que les jésuites furent supprimés; elle Grand-
celte voifi; en 17'i6 ils le remplacèrent dans Orient triompha.
sa qualité de subslitul du grand- muîlrc; leur Les francs-maçons, dans leur gloire, élureul
G67 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. €C8

pour gmnd-maîlre un autre prince du sang, rapprocher, la chose finalemont fut arrêtée à
le duc de Chartres, qui, plus lard, devenu soixante francs; pour laquelle somme le
duc d'Orléans, en dépit des arreslalions, des frère Gersant promit un souper digne de
menaces, de la crainte du poignard et des l'ordre, avec une nappe blanche.
terreurs de toute espèce, se leva en pleine On avait annoncé au juif douze convives.
Convention, et renia publiquement lu franc- On eut soin de ne convoquer que les sept
niaçonneric. frères de rigueur; car il faut au moins sept
Un rejîard de Robespierre, son collègue à membres pour composer une loge ; et commo
l'assemblée, sou frère à la loge, lui fil com- iln'est pas permis d'être à table en nombre
prendre ce qui l'attendait. Le prince était pair, on compta fort bien que les sept mem-
perdu. 11 alla le C novembre 1793 à l'ccha- bres, le juif et le louveteau, feraient neuf.
faud. Sa mort expia les égarements qu'on Les sept frères maçons qui devaient for-
lui reproche, car elle fut toute chrétienne. mer la logo, étaient l'hôte M. Gersant, à qui
Maximilien Robespierre avait hérité, de sa taille et sa physionomie prononcée, quoi-
son oncle d'Arras, le secret et le pouvoir qu'il fût bon hoiiimo, donnaient dans toutes
dans l'ordre maçonnique. Ce ne fut que les cérémonies d'admission le rôle du frère
quand cet homa)e, qui dirigeait tout par dos terrible ; M. Lassourco, que ses habitudes
ressorts incompris, tomba lui-même, que ia littéraires plaçaient au siège de vénérable ou
franc-maçonnerie ferma ses temples. président; M. Savoie, le marchand d'épon-
Voilà, sur l'ordre mystérieux dont nous gés, et M. Cavard, le sellier en chambro ,
nous occupons, des aperçus et des faits rapi- que l'on ne manquait pas de nommer frères
dement indiqués à vos méditations. Les gou- surveillants , parce qu'ils n'avaient pas d'au-
vernements, fussent-ils despotiiiues connue tre indemnité M. Félix, le peintre en bâti-
;

celui de Napoléon, ne peuvent pas maîtriser ments, qui était charge de la décoration de
une institution qui échappe à tout. On ne la loge M. Delon, le boucher, et M. Hulin ,
;

peu' lui opposer que la religion. le fruitier, ou, pour parler plus à la pari-
Et si vous repoussez la religion vous ,
sienne, le mari de la fruitière ; ils fournis-
serez comme cette peuplade de l'Orient qui, saient dans les repas ce qui était do leur
dans une sorte d'illuminisme, trouvant sa ressort.
vue insuffisante, se creva les yeux et fut La soirée pour la double réception fut
dévorée par les chacals. mise au 15 juin. Il n'y avait plus que trois
En fait de religion, n'oubliez pas, lecteurs, jours ; on s'occupa des préparatifs ; et tous
qui que vous soyez, qu'il n'y en a qu'une. Si les soirs, l'un ou l'autre des frères travail-
vous penchez pour les néo-chrétiens, per- laità l'éducalion de Jacqucmin, que Thôle
mettez-moi de les comparer à ces gens qui avait présenté comme louveteau. Quant
vous disent: —
Il y a assez longtemps qu'on à Gédéon, qui payait , il devait subir les
fait du pain avec le grain, faisons- eu avec épreuves.
la paille. — Mon jeune ami , dit M. Lassource au
Si vous n'avez pas trop de honte des philo- Tourn;iisien, nous vivons au milieu d'allégo-
sophes, rappelez-vous le mot de Napoléon, en ries sublimes, et voici l'explication que le
quittant un philosophe illustre de son épo- vénérable liiram en donna lui-même aux
que : —
En vérité, il faut avec ces gens-là frères initiés à ses grands mystères.
avoir les mains dans ses poches. Le compas et Véquerre avertissent le maçon
Ajoutons une parole illustre sur les francs- que toutes ses actions doivent êlre réglées;
maçons; c'est aussi de l'histoire. Lorsque la le niveau, qu'il doit régner entre tous les
France repoussa les jésuites, le grand Fré- frères une parfaite égalité, cimentée par la
déric,dans son langage de philosophe, se truelle.
mit à dire: —
Les Français renvoient les Les colonnes d'airain, dont l'une signifie :

renards mais ils gardent les loups, et ils


;
i7 donnera la fermeté, et l'autre en lui se :

en seront dévorés. iroMt)e/a/'orce, annoncent que le grand archi-


Le vénérable Frédéric II, grand-maître tecte de l'univers est le principe de la force
des Jrancs-maçons de Prusse et de Brande- et de la persévérance maçonniques. Josèphe,
bourg, savait bien de quels loups il parlait. au premier livre de ses Antiquités judaïques,
parle de doux colonnes fameuses, l'une de
IV. — Comnaenl Jaciiucmiii devient franc-maçon.
briques et l'autre de pierres, sur lesquelles
C'est quelque chose d'extraordinaire que les enfants de Selh avaient gravé los scien-
l'approche du jour où l'on doit être reçu en ces humaines en caraclères hiéroglyphiques,
loge : c'est ridicule, quand la loge est sans afin qu'elles ne périssent point au déluge,
portée, comme la loge des Amis réunis; c'est qui avait été prédit par Adam. 11 ajoute que
triste, quand celte loge, comme il arrive ces deux colonnes, quo n'endommagèrent
assez souvent, est un foyer de sombres p eaux, subsistèrent longtemps après
is les
projets. Noé est probable, mon jeune ami, qu'Hi-
; il

Pour fixer le jour de la réception de Jac- ram, en élevant ces deux colonnes d'airain,
quemin,il fallait stipuler avec le juif Gédéon, voulut conserver ainsi le souvenir du mo-
qui, fidèle à sa nature, marchanda son ad- nument antédiluvien, dont les mystères et
mission comme toute autre chose. On lui de- les hiéroglyphes lui étaient parfaitement
manda, pour le dîner, deux cents francs; il connus,
en offrit vingt-cinq; et comme il éiait le plus La perpendiculaire, dont l'usage est sou-
tenace dans les cllurls que l'ou lit pour se vent rappelé, indique que tout vient d'en
, ,,

6'J9 FRA FRA 670

haut. Le pavé mozàique, qui se voit dans les vait pas bien déterminer, el qui semblait lui
loges rigoureuses, est l'emblème de l'union dire qu'il s'embarquait dans une sotte af-
qui règne, comme on sait, entre tous les faire. Mais la curiosité l'entraînait. On l'en-
maçons. Le dais d'or et d'azur, qui surmonte tretenait de tout ce qui pouvait l'exciter : on
le siège du vénérable, signiGe par l'or la lui parlait des trente-deux grades de la ma-
richesse, et par l'azur la sagesse. çonnerie, chevaliers, templiers, frères du
L'étoile flamboyante, conlinua-t-il , est poignard, roses-croix; on lui disait que ces
l'cmblèine du génie qui élève aux grandes titres n'étaient qu'honorifiques, et qu'il n'y
choses. avait de grades réels que les trois premiers,
— C'est aussi, ajouta le sellier, la signifi- qui devaient lui être conférés tout d'un
cation du grand architecte de l'univers. coup. Ceux qui lui parlaient ne savaient rien
— Et le Delta, poursuivit l'hôte, voilà qui encore des projets qui grondaient dans les
est sublime; ça signifie tout. hautes loges ils lui dirent le peu qu'ils sa-
;

On vous parlera encore de la pierre angu- vaient des loges du rite écossais, des loges
laire, symbole que vous connaîtrez plus d'adoption, des loges d'élite, où l'on faisait
tard. un choix épuré des frères mêmes; cl dans
Ce pathos, que l'orateur empruntait sans ces causeries, le jour de la réception arriva.
rien dire au frère Pillon du Chemin, ne pa- Le quinze juin, à sept heures du soir, tous
raissait pas à Jacquemin très-orlhodose. les membres convoqués arrivèrent à l'hôtel
Mais on ne lui laissa pas le temps d'entrer du quai des Orfèvres. Jacquemin avait mis
trop avant dans ses réflexions. Ces leçons se son habit noir et sa culotle courte, qui alors
donnaient autour dune table chargée de pe- était de grande mode. Gédéon était éclatant,
tits verres; le boucher avait pris un morceau chamarré de chaînes d'or et de bijoux, à la
de papier, et, avec une vraie plume d'au- manière des juifs. On n'attendait pour partir
berge, il avait écrit une demi-page, où l'on que M. Lassource, qui fit dire tout inopiné-
ne voyait que des signes, comme il suit : ment qu'il était indisposé et qu'on devait tra-
Au G.-. 0.-. de P.-., le G.-. A.-, de TU.-, a vailler sans lui.
mis le N.'. sur les F.-, de l'O.*., sur les M.', La femme de M. Lassource n'aimait pas
de la L.*. comme sur le V.*. et sur tous les non plus que son mari allât en loge; cela lui
F.-. M.-.. La F.-. M.', dans son T.*., sous l'E.-. semblait ténébreux, et elle ne manquait pas
F.", qui est l'œil de J.\ unit tout avec la ï.-.. de lui jouer des tours lorsqu'elle le voyait
Ainsi vivons d'E.-., et que le G.', nous règle tirer de la commode son tablier de maçon et
à la G.-, du G.-. A.-, de l'U.-.. le mettre à l'air dans le projet de s'en parer
— Lisez cela, jeune homme, dit-il, en le soir. Ce jour-là, elle avait mis de la rhu-
poussant ce papier sous les yeux de Jacque- barbe dans une omelette aux fines herbes
min. Voilà une langue qui devient la vôtre; que M. Lassource avait mangée pour son
et quand désormais vous écrirez à des frères, déjeuner. 11 en était devenu si relâché et si
c'est ainsi que vous devez marquer vos fade, qu'il devait garder la chambre.
mots, à moins de continuer à passer pour Les frères se fussent trouvés dans un
un profane. grand embarras, si l'hôle n'eût songé aussi-
Jacquemin avait déjà parcouru quelques tôt au voisin Guenaud,le marchand de tabac,
livres de maçonnerie; cependant, le même chez qui il courut, et qui fut prêt en cinq
signe étant employé pour diverses expres- minutes, dès qu'il apprit qu'il y avait un
sions, il ne se retrouvait pas bien. souper.
—Voilà, fieu, reprit le boucher en lisant : On partit donc courageusement pour la
'
— « Au grand Orient de Paris, le grand rue Saint-Merry.
architecte de l'univers a mis le niveau sur Comme la troupe maçonnique enfilait cette
les frères de l'ordre, sur les maîtres de la rue avec une grande vigueur de jarrets, le
loge comme
sur le vénérable et sur tous les hasard, qui est souvent original et quelque-
francs-maçons. La franc-maçonnerie, dans fois plaisant, voulut qu'un gamin de Paris
son temple, sous l'éloile flamboyante qui est croi.-ât les frères en clianlant une joyeuse
l'œil de Jéhovah, unit tout avec la truelle. chanson, dont ils aitrappèrent ce couplet :
Ainsi, vivons d'cquerrc, et que le compas
Cadel Rousselle a nn cochon ,
nous règle, à la gloire du grand architecte Cadet Itoassbllc a un cochon
de l'univers. » Oue l'on a riçu lianc-iiiaçou
On ignore si Jacquemin eut la pensée que O'ie l'on a ri çu franc-iiiavoii;
Il fjït caca sur la Iruelte.
ce devait être encore là un sublime morceau yue diles-vous d,^ Cadet Roussello?
pillé à quehiue gros bonnet de l'ordre. Mais AU ah! ah oui vraiment,
! !

le boucher l'avait appelé fieu, et ce fut ce qui Cadet llousselie est bou enfant.
le frappa; car c'était un mot du patois de
son pays.
— Polisson! cria, de ses solides poumons,
M. Cavard en s'arrêtant. Mais gamin avait

Vous m'avez appelé fieu, dit-il à Delon. passé, et poursuivait
le


Fieu l certainement, reprit celui-ci, c'est
il

Cadpt Roussplle a un cheval,


:

que je suis de Lille, et de la rue des Chals- Cadot Rousselle a un cheval


liossus encore. Ainsi, nous sommes voisins ;
yu'est ollicier municipal
et c'est pour cela que je vous protège; el yu'est oflicicr municipal,
Kt qui ne va plus à la s. Ile...
vous serez mailre.
Jacquemin parut très-ttatté. Il y avait ce- Un fiacre (lui arrivait avec fracas empocha
pendant en lui quL'l([iie cliose qu'il ne pou- d'cnicndre le reste.
671 DICriONNAlUE DES SCIENCES OCCL'LTES 67*
— No voyez vous pas, dit M. Gersant, pour connais ici personne, j'aurais dû écrire à
calmer le sellier, que c'est une chanson du mes maîtres ou à des personnes vraiment
temps de l.i Terreur? éclairées.
— Il est fâcheux, ajouta le peintre en bâii- Cependant il était là, devant la télé de
menis, que M. Lassource ne soit pas des nô- mort, qui n'est jamais chose réjouissante. La
tres. C'est celui-là qui à table sait de belles peur, l'embarras, la fausse honle, la curio-
chansons 1 sité le ballottaient. N'osant pas ôter la tête de
Cependant on était arrivé au n° 22, où se mort, il tira doucement le papier, écrivit h
trouvait la loge des Arnis réunis. On entra. la bâle quelques lignes , puis frappa trois
Jacquemiii était un peu honteux. Après coups, ainsi qu'on le lui avait prescrit.
qu'on eut monlé trois étages, on s'arrêta de- Le frère surveillant rentra aussitôt :

vant une porte sur laquelle le frère Félix


avait peint ces mots en lettres rouges :
— Vous êtes déjà prêt, dit-il; à la bonne
heure. J'aime cela.
Lauge des Francs-Maçons. Il mit à Jacquemin un bandeau sur les
Les amis réunis. veux, le prit par la main et le conduisit, avec
Félix s'approcha de Jacquemin, qu'il sa- le papier qu'il appelait son testament, à la
vait être un jeune homme ayant fait ses élu- porte du temple, où il frappa trois fois trois
des, et lui montrant l'inscription : Je suis— coups.
en discussion, lui dit-il, avec le frère Las- — Qui frappe là? demanda une voix de
source , à propos de mon orthographe. 11 l'inlérieur.
prétend qu'il faut au premier mol , une
,
— Un frère,
apostrophe après l'L. — Que demandez-vous?
Ces paroles furent pour le Tournaisien un — Je demande à présenter au temple un
coup de foudre. Il était évident que M. Las- candidat, (ils de maçon.
source se moquait de la maçonnerie. Dans celle circonstance solennelle , le
La porte cependant s'était ouverte. mensonge, quoiqu'il fût convenu, fil battre
— Vous causerez à table, iiilerrompit lo le cœur de Jacquemin, qui pourtant se bor-
marchand d'épongés, en poussant Jacquemin nait à le tolérer.
dans l'antichambre de la loge. — Quel est le nom du louveteau? reprit la
Il y avait à droite et à gauche de celle anti- voix.
chambre, des cabinets, cl au fond, une porte — Jacquemin Claes, jusqu'à ce qu'il lui
qui ouvrait dans le temple, ou du moins soit permis de s'appeler le frère Jacquemin.
dans la pièce qu'on nommait ainsi. Les frères — Que désire-t-il?
Savoie et Gavard, en qualité de frères sur- — Voir la lumière.
veillants, s'emparèrent des deux néophytes — A-t-il son testament?
fait
et les conduisirent aux cabinets de réflexion. — Je l'apporte.
Jacquemin, sous la garde du frère Savoie, — Qu'il soit introduit; a il ici un parrain.
entra dans le cabinet de droite, qui était bar- Tout cela n'était pas très-régulier de l'or-
bouillé ou tendu de noii jusqu'au plafond. me. Néanmoins la porte s'ouvrit, et Jacque-
Une seule chandelle brûlait sur une petite min entra, mais sans rien voir; car il avait
table. Devant celle chandelle on avait pré- sur les yeux une serviette épaisse
paré une feuille de papier, une plume et de Après qu'il eul fait trois pas dans la loge,
l'encre; et sur celte feuille, en guise de serre- il sentit que la main du frère surveillant ie
papier, une télé de mort. lâchait et qu'il était abandonné à lui-même.
Le marchand d'épongés dépouilla Jacque- La feuille de papier qu'on appelait son testa-
min de ses bijoux, de son argent, de tout ce ment fut remise au frère Félix, qui la lut à
qu'il avait sur lui de métallique; puis il lui haute voix. Elle contenait ce qui suit :

dit: « Je suis sous la garde de Dieu. Que sa


— Ce que je fais là est pour marquer l'ab- main me dirige si je m'égare, qu'elle me
:

négation que tout franc-maçon doit faire des fasse rentrer dans la voie. »
richesses et des vanilés de ce monde. A pré- Cette lecture fut suivie d'un moment de si-
sent, vous allez rester seul un moment, pour lence, que le frère Gersant rompit en disant :
faire vos réflexions avant les engagements — C'est fort bien ; ce n'est pas le slyle ma-
qu'il s'agit de contracter. Vous allez voir la çonnique aussi le candidat n'est-il pas en-
:

lumière; considérez que c'est une vie nou- core initié. Je suis son répondant, corps pour
velle pour vous. En sortant des ténèbres où corps; et je demande que, comme louveteau,
végètent les profanes, nos statuts veulent il soit exempté des épreuves matérielles et
que vous fassiez votre testament on entend: physiques.
par là l'expression de vos plus intimes sen- — C'est accordé, répondit le vénérable.
timents. Qu'il subisse donc la question morale. Com-
Tout ce discours du frère était une formule mencez, frère Félix.
apprise; et la môme chose fut dite avec les — Jeune candidat, dit le peintre en bâti-
mêmes accompagnements à Gédéon le juif, ments en se tournant du côlé de Jacquemin,
dans le cabinet de gauche. qui avait toujours les yeux bandés, que fe-
1 Jacquemin, laissé seul, ne se trouva pas à riez-vous si vous étiez au haut d'une échelle
son aise. —
Qu'est-ce que tout cela? dit-il; et qu'on menaçât de vous en précipiter, à
c'est stupide ou c'est mal. J'aurais dû recher- moins de renier la franc-maçonnerie ?
cher quelque bon conseil; et puisque je ne — Je me dépêcherais de dosi cadre, ré-
C73 FRA FRA 674

pondit Jacquemin, et je me moquerais de la en lui-même Jacquemin singulièrement pré-


menace. occupé. 11 avait cru que c'était plus curieux.
— C'est flnement répondu, s'écria le par- Il se consola en se promettant (juclque agré-
rain. A vous, frère Guenaud. ment à voir les épreuves du juif.
— Que feriez-vous, jeune candidat, dit ce- Cependant tous les frères s'étaient assis au
lui-ci, si l'on voulait vous faire dîner gras moment où son parrain lui avait ôtéle ban-
un vendredi, à moins de révéler les secrets deau ; ils voulaient le frapper par un impo-
de l'ordre, qui vont vous être confiés ? sant spectacle; ils quittèrent bientôt leurs
— Je ne dînerais pas du tout, répondit sièges, aussi bien que le vénérable, et firent
Jacquemin. cercle autour de lui, pour l'initier.
— Voilà qui vous la coupe, dit le parrain; Ce fut son hôte, le frère terrible, qui avait
vous faites des questions insidieuses à ce déposé son formidable ministère pour être
jeune homme, que vous effarouchez A vous,
. son parrain, qui fut chargé aussi de lui ou-
vénérable, la troisième question. vrir le trésor des secrets. Il lui apprit d'a-
— Je ne ferai pas une simple question, dit le bord la marche en loge des apprentis et des
boucher. Le candidat est chrétien catholique. compagnons, qui consiste à n'avancer que
C'est une religion intolérante. Je propose du pied droit, en traînant le pied gauche et
donc que lejeune homme abjure devant nous, le frappant à chaque pas, par le travers,
s'il veut être admis; ou bien qu'on le rejette contre le talon de l'autre; puis la marche des
dans les ténèbres. maîtres, car on lui conférait à la fois les
— Si ce qu'on dit là est sérieux, répondit trois grades. Son parrain marcha en maître
Jacquemin, on aurait dû m'en prévenir... devant lui , avançant le pied droit sur la
— Supérieurement parlé, interrompit le droite et frappant le talon du flanc du pied
parrain ; nous avons du caractère. C'est ce gauche, avançant ensuite le pied gauche sur
qu'il taut dans notre ordre. —Puis, se re- la gauche, et frappant pareillement le talon
tournant vers l'auteur de la proposition, il du flanc du pied droit; puis repartant de ce
lui dit à voix basse : —Nous ferons sou édu- pied droit, et toujours de môme en zigzags
cation. à angles parfaits.
S'adressant à Jacquemin, il ajouta: Vous A l'enseignement de la marche succéda
avez glorieusement subi les épreuves. Sortez l'enseignement des attouchements. Il lui ap-
des ténèbres. prit que reconnaître un maçon par l'attou-
En disant ces mots, le frère Gersant en- chement, cela s'appelle le tuilcr. Il lui fit
leva le bandeau qui couvrait les yeax. du l'attouchement de l'apprenti, qui se pratique
néophyte ; et Jacquemin vit la lumière. en se prenant mutuellement la main droite,
11 se trouvait au milieu dune grande pièce plaçant le pouce sur l'os de la racine du doigt
longue, barbouillée d'une couleur qui pou- du milieu de la main que l'un serre, et pous-
vait avoir la prétention d'être bleue. Le pla- sant cet os trois fois, les deux premières ra-
fond se trouvait peint en azur, avec des pidement, la troisième avec un peu plus do
éioiles, une lune et un soleil en découpures lenteur.
de papier doré. Dans le haut de la salle Il exécuta les autres attouchements, qui
étaient deux colonnes, et entre les deux co- varient peu, indiqua les signes triangulaires
lonnes le siège du vénérable, surmonté d'un et le signal du niveau que l'on fait devant sa
dais en papier azur et en papier doré. Au- figure pour saluer il dit les mots sacrés,
;

dessus du dais l'étoile flamboyante <;n clin- depuis le Jakin et le Tubalcain des apprentis
quant; au milieu de l'étoile, qui avait trois jusqu'au Sisboleth des maîtres, et ajouta quo
pieds de diamètre, un delta, et au milieu du les mots de passe variaient selon les saisons,
delta un G, première lettre du nom de Dieu donnés qu'ils sont par le Grand-Orient.
(God) en anglais. On lui dit beaucoup d'autres choses : que,
Au-dessous du vénérable, des sièges ados- par exemple, en langage maçonnique un
sés aux murs à droite et à gauche. Les frères, apprenti avait trois ans et plus, un compa-
décorés de leurs tabliers et de leurs cordons, gnon cinq ans et plus, un maître sept ans et
étaient tous assis, ayant aux mains des gants plus, et qu'il fallait, dans les questions re-
qu'ils croyaient blancs. Tous tenaient l'épée latives à ce point, répondre conformément
nue à la main gauche ; il y avait devant cha- à la règle, qui ne varie pas avec les années,
que siège un petit bureau, sur lequel repo- un maître n'ayant jamais que son âge de
saient la truelle et le maillot. Ils se servaient maître, et un apprenti que son âged'apprenli.
(le ce dernier instrument en frappant trois On lui fit noter qu'à la demande Connaissez-
:

coups, pour approuver, pour applaudir, ou vous la lumière ? qui se fait à tous les frères,
pour demander la parole. et à la demande: Connaissez-vous l'acacia?
A quelques pas devant le vénérable, s'é- qui ne s'adresse qu'aux maîtres, on devait
levait un petit autel triangulaire, sur lequel répondre textuellement et invariablement :

on avait mis quelques fleurs dans un vase La lumièrem'est connue; l'acacia m'est connu.
de verre bleu. On lui expliqua que le rôle du frère terrible
Tout ce que nous venons de décrire occu- était de faire peur aux candidats et de les
pait la partie gauche du temple, qui avait un maltraiter pour éprouver leur courage. Ou
aspect assez misérable. La partie droite avait lui dit encore que ce qu'on appelait loges
l'air d'un magasin, étiint remplie et obstruée d'adoption étaient des tenues de fêtes où les
d'ohjpts singuliers en usage dans lesépreuves. femmes étaient admises au temple, avec la
— Voilà donc ce que c'est au'une loge, dit tablier et le cordon eu sautoir, et le litre de
(7S DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCL'LTES. CT6

sœurs, mais pour des bals ou des guoulclons qu'il eut fait vingt-rinq échelons, ce qui de-
seulement; el que dans ces occasions il y vait lui faire croire qu'il était à une certaine
avait (les mots de passe de circonstance et hauteur, on lui commanda dese précipiter.
des signes de convention particuliers, qui Apparemment avait confiance ou qu'il
qu'il
ne couipromeltaient rien des secrets fonda- était prévenu ; car il sauta sans hésiter.
mentaux. Toutefois il parut surpris, ayant pris un cer-
Ce cours, dont les détails, si nous les al- tain élan, de tomber seulement de la hauteur
longions, pourraient sembler fastidieux, du- d'un tabouret.
ra tout un quart d'heure. On lui présenta alors une planche hérissée
Cependant Gédéon avait déjà frappé trois de clous, en lui ordonnant de se laisser tom-
fois. Le fière surveillant qui l'avait mis, au ber dessus. Après qu'il l'eut bien talée, il se
cabinet des rcllcxions alla le prendre enfin. laissa choir; mais on avait substitué à la
Tout le monde rentra dans le silence. planche un matelas.
On heurta trois fois trois coups à la porte, On lui dit ensuite que, pour arriver au
comme on avait fait pour Jacquemin; seule- temple, il fallait faire un périlleux voyage
ment, au lieu de répondre que celui qui de- souterrain. On le fil tourner quatre fois au-
mandait à étreadmis étaitunfils de maçon, on tour d'une longue- table, sur laquelle des frè-
répondit que c'était un profane. Le frère Gcr- res, armés d'cpéos de théâtre, faisaient un
Siint reprit son personnage de frère terrible cliquetis épouvantable ; le frère terrible hur-
et demanda si le postulant s'était préparé à la à ses oreilles, simulant les cris des bétes
supporter courageusement les épreuves. Sur féroces avec une effroyable vigueur; on cor-
la réponse affirmative du frère surveillant, na dans des instruments sinistres on agita ;

qui consentait à être parrain, on introduisit de grandes crécelles; c'était un vacarme in-
Gédéon, pâle, défait, les yeux bandes selon fernal. On brûla autour du visage de Gédéon
l'usage. des étoupes imprégnées d'esprit de vin; le
Son testament, qui occupait toute une page, petit juif suait à grosses gouttes. Mais il allait
eût pu se résumer en ce peu de mots, qu'il son chemin.
léguait la direction de sa conduite aux frè- A la fin on lui dit qu'il était an bout du
res. On en fut assez content. souterrain et qu'il fallait descendre dans, un
Pendant qu'on lisait, Jacquemin continuait précipice. Le juif, pensant probablement que
son examen de la loge. Il vit alors que le quoique en loge il était sous la protection des
temple était éclairé par un lustre en bois, cinq codes, se laissa faire. On l'attacha sur
chargé de sept chandelles allumées. 11 re- une bascule, que l'on fit tourner avec vitesse.
marquait partout la consécration du nombre Quand on arrêta la roue, il était temps.
impair, et surtout des nombres trois, sept et Le candidat se soutenait à peine. On lui ôta
neuf. son bandeau et on le fit asseoir, en lui dé-
Il jeta aussi les yeux sur £es nouveaux clarant qu'il était reçu ; le courage qu'il avait
frères. Le marchand de tabac avait un tablier montré le dispensait des épreuves morales,
tout gâté, et un cordon privé de son étoile. qui d'ailleurs pour les frères présents étaient
Il lui en fit l'observation. plus embarrassantes que les épreuves phy-
— Vous savez ce qu'on dit, répliqua ingé- siques.
nument le frère Guenaud, que les cordon- La joie le remit bien vile.
niers sont toujours les plus mal chaussés. Aussitôt qu'on le vit ranimé, on lui de-
C'est que je vends des attributs ; et j'espère manda de faire le serment, circonstance que,
bien que vous nie donnerez votre pratique. dans la préoccupation des frères, on avait
C'est un de nos frères, qui va demain à la oubliée pour Jacquemin. Celui-ci s'en ré-
loge du Pélican, qui est venu changer son jouit vivement, lorsqu'il en entendit la for-
tablier et son cordon contre des neufs. Ce mule. Gédéon prit cette formule qu'on lui
que c'est que d'avoir des enfants 1 son petit présentait, et la prononça, la main droite po-
garçon avait pendu un polichinelle au bout sée sur l'autel triangulaire :

du cordon, à la place de l'étoile qu'il a éga- « Je jure sur les statuts généraux de l'or-
rée, et sa Glle avait collé des mâts de cocagne, » dre et sur le glaive, symiiole de l'honneur,
des soldats et des canards sur le tablier, .l'ai » de garder inviolablement tous les secrets
mis cela pour aujourd'hui, ne voulant pas en » qui me seront confiés. Je promets d'aimer
compromellp-' de neufs. » mes frères et de les secourir selon mes fa-
En riant de tout cela, le frère Guenaud al- » cultes. Je consens, si je deviens parjure, à
luma un cigare. Le frère Félix vint lui faire » avoir la gorge coupée, le cœur et les en-
observer que ce n'était pas permis et qu'il » trailles arrachés, le corps brûlé et réduit
gâtait le temple. » en cendres, mes cendres jetées au vent ; et'
—Ce n'est pas le Pérou que ton temple, » que ma mémoire soit en exécration à tous
répondit le frère en éteignant son cigare. » les francs-maçons. Que le grand architecte
11 marmotta pour se consoler qu'il fume- » de l'univers me soit en aide » I

rait en sortant, et qu'il revaudrait l'affront Le bandeau n'eût dû tomber de ses yeux
an peintre. qu'après ce serment, dont nous donnons le
On commençait alors les épreuves, qui texte officiel, mais on avait craint que Gédéon
attirèrent l'attention de Jacquemin. ne se trouvât mal.
On fit monter le juif sur une échelle qui, On lui dit alors qu'il devait se féliciter de
à chaque échelon qu'il montait, descendait n'avoir pas subi de plus vio'entes épreuves;
dans un trou de la valeur d'un échelon. Après on [iromit de lui en conter de curieuses a
, —

67Î FR\ FRA fi78

t.iblc; on loi .tpprit tout ce qu'on avait appris on venait de leur emplir les oreilles, les frè-
à Jjicqucmin. Après cela, on ferma la loge ; et res montèrent sans s'arrêter, à la salle du
la bande, enrichie de deux nouveaux frères, premier étage, où le feslin se dressiiil. La
s'en alla souper. table fut garnie en un clin d'œil. Les étoiles,
Dans le chemin, ils se trouvèrent, par un qu'on appelle dans le langage humain des
jeu du hasard, escortés par une bande d'ou- chandelles, étaient au nombre de neuf, ran-
vriers ivres, dont l'un chantait à gorge dé- gées trois par trois et en triangles, selon le
ployée la chanson suivante. Tous les efforts devoir. Le vénérable, conservant sa dignité
dos frères ne purent obliger cet insolent au toute la soirée, prit le siège du milieu et
silence. cria : —
Frères, a l'ouvrage Ce qui veut 1 —
LA TRUELLE. dire : —
Messieurs, à table 1

AiH du ménage de garçon : Tout le monde le comprit Les frères an-


Je loge au quatrième éUige. ciens tracèrent en l'air devant leur nez des
Je suis un avocat sans cause triangles plus ou moins corrects; Jacquemin
Ouoiqu'à l'aBûl comme un requin. fll le signe de la crois el dit son Benedicite.
Sur nioii couiple le bonri^eois k'osp;
On m'ose irailer de coquin.
— Le frère Louveteau fait des triangles
La ni6ciisance est bien cruelle. quadrangulaires , dit le juif en se penchant
Mais quelque jour on se laira. vers l'hôte.
Je suis maçon; j'ai ma truelle
Le Ti sie ira comme il pourra.
— Faites vos triangles comme vous l'en-
tendez, répondit le frère Gersant ; vous n'êtes
On nie fait des re;)roches graves,
pas frère surveillant.
A moi qui suis fort et puissant,
De n'être point parmi nos braves — Cette planche est mal travaillée, dit le
Et d'avoir pris un remplaçuit. frère Savoie en changeant la disposition do
Mais le courage on moi chancelle;
Jamais il ne s'afleruiira.
quelques plats. —
Il critiquait la manière
dont la table était servie.
Je suis maçon; j'ai ma truelle ;
Le reste ira comme il pourra. — A vous la truelle, vénérable, interrom-
J'ai fait souvent pleurer ma mère; pit le frère Hullin, qui dévorait des yeux uu
Tout petit je battais mes sœurs; morceau de veau aux petits pois.
J'ai cent fols chagriné mon ère | ; Le vénérable prit la truelle, c'est-à-dire la
J'ai désolé mes professeurs.
A l'élude j'étais rebelle, grande cuiller, et servit le potage.
Mais âpre aux jeux, el cœleia. A ce mot de truelle ainsi appliqué, Jacque-
Je suis maçon; j'ai ma truelle; min pensa malgré lui au cochon de Cadet
Le reste ira couime il pourra. Rousselle; ce qui fit qu'il ne mangea que la
Je vivais mal avec ma femme ;
moitié de sa soupe.
planté là mes deux enfants.
J'ai
Mes voisins m'appelli'Ut iufàine, Avant d'attaquer les plats de viande, le
Avccd'aulres mots éiouffanls. vénérable ordonna que l'on chargeât les
Au diable leur trisle crécelle! barils; ce que vous autres, bons et honnêti s
Nargue de tout ce qu'on «lira I

ma trudle; lecteurs, vous appelleriez emplir les verres.


Je suis maçon; j'ai
Le reste ira comin^ il pourra. 11 se leva ensuite, en proposant un toast aux

Pour moi la chicane est une onibre deux frères initiés.


Qui m'a toujours accompagné. Ce toast obligé fut accueilli par des trian-
Aussi j'eus des procès sans nombre; gles horizontaux, que tracèrent les barils
Mais je n'eu ai jamais gagné.
Je n'ai plus rien dans l'escarcelle;
dans l'espace, avant de se choquer. Après
Et quand mon crédit s'éteindra ,
cela, chacun joua des dents.
Je suis maçon j'ai ma truelle ;
; Dès que la conversation se ranima, elle ne
Le reste ira coiume il pourra. roula, comme de juste, que sur l'admission
Mon crédit se meurt assez vite :
qui était la cause du repas. On refélicita les
Mes plus beaux jours sont terminés.
On dirait que chacun m'évite nouveaux frères; on leur fit valoir l'agré-
i On me ferme la porte au ue7.
;

ment qu'ils auraient désormais dans leurs


3e vais a ma loge fidèle. voyages de pouvoir se dire en mettant le pii d
Li)du moins ou me recevra.
Je suis maçon j'ai ma truelle;
dans une ville —
J'ai ici des frères.
:

Le reste ira
;

comme il pourra. — Il ne faut plus aux jeunes initiés, pour


des tours de passe-passe;
J'ai fait être en règle, que deux petites dépenses, dit
Dans plus d'un j'eus un vrai bonheur; le marchand de tabac; la première est l'ac-
Et pour un traitqui les surpasse, quisition du tablier, du cordon bleu et dos
On dit que j'ai perdu l'honneur.
Mais de cette autre bagatelle autres attributs pour cela je me recom-
;

Le souvenir s'amortira. mande aux frères de notre loge, je fais des


Je suis maçon j'ai ma truelle ;
; remises qu'ils n'auront pas ailleurs.
Le reste ira comme il pourra. —
Nous nous entendrons, dit le juif.
Maçon, sans que rien te déroute,
Vr., moque-toi d's préjugés.

J'achèterai certainement chez vous, dit
Mais que la mort t'altrappe en roiili!, Jacquemin. Il ajouta tout bas Quand j'a- :

'l'es comptes sont mal arrangés. chèterai; —


car sa conscience éprouvait
Satan te lient par la lic( lie. quelque trouble.
Si tu dis, quand il le prendra
« Je suis maçon ; j'ai ma iruelK', »
:

— —
La seconde dépense aura lieu, reprit
Le reste ira comme il pourra. Hullin,quand les frères se présenteront au
Grand-Orient pour avoir leur diplôme.
V. — Souper maçonnique. — Mais, demanda Gédéon surpris, est-ce
En
arrivant à l'hôtel du quai des Orfèvres, qu'on a besoin d'un diplôme écrit? On ne
désagréablement préoccupé des couplets dont m'avait pas dit cela. Les mots et les signes
,

&h DICTIONNAIliE DES SCIF.NCKS OCCULTES. C84

«luî viennent de nous êlre appris ne suffisenl- — Oh frime il était fier le gigot pour
! la I

ils pas? te ravir le nez, dit encore l'ivrogne, dont le


— suffisent pour la loge, dit le véné-
Ils murmure fut couvert par le refrain :

rable. est indispensable que vous les sa-


Il A table 1 ctiers amis! en dignes francs-uiaçons,
cliipz pour prouver au Grand-Orient, à ((ui Buvon'!, mangeons !

Et qu'un vin pur anime nos chansons!


nous vous présenterons, que vous êtes ini-
tiés. Mais sans un diplôme du Grand-Orient, Quel est ce grand plat dY-orevisses,
avec lequel on vous donnera en môme temps lie crêtes et de cliampignons ?

les mots de passe, vous ne pouvez entrer ni — Où ça des écrevisses? où ça des cliam-
pénétrer dans aucune loge étrangère. pignons? interrompit derechef le frère Gue-
— Et quelle est , demanda Gédéon, le naud, à qui son voisin mit la main sur la
montant de cette dépense? bouche, pour ne pas déranger le chanteur,
— Le diplôme est très-llalteur , répondit qui allait toujours :

Félix, je vous ferai voir le mien; c'est uu l'ourqui choucroute aux saucisses
la

parchemin avec gravures allégoriques. Kt la friture de goujons? (bis.)


Et cela coule ? — Ohl la friture I les tas de menteurs,

Les colonnes et tous les attributs y grommela ivre en dépit des efforts
le frère
éclatent. de son voisin. C'est le vénérable qui l'aura
— Mais le prix? péchée, la friture.
— Ohl prix varie, l'hôte, de cent à
le dit M<iis le peintre en bâtiments continuait
trois cents francs. sans s'ébranler :

— Bon répliquale
1 on peut s'arranger.
juif, Maçons, pour nous! Kl le Champagne,
— Mais on ne peut pas avoir cela d'occa- Le clos-vougeot, le chamberlin
sion, ajouta malicieusement le frère Cavard; — C'est ça 1 hurla Guenaud en frappant la
t'est personnel. table; donnez-en, versez-en; chargez les

Quant à vous, mon jeune frère, inter- barils I

rompit le vénérable en changeant la conver- Et pendant que le frère Savoie gour-


ici,
sation et s'adressanl à Jacquemin, à la pre- manduit rudement l'interrupteur, le frère
mière assemblée, nous vous ferons orateur Félix se vil obligé de reprendre :

de la loge. Maçons, pour nous! Et le Champagne,



Je suis trop timide, répondit Jacquemin. Le clos-vongeot, le chamberlin,

Bahl vous nous connaissez tous; vous Viennent rehausser le festin
Cédons au transport qui nous gagne.
!

parlerez de devoirs et de morale, de fidélité A table chers amis! eu di}{nes francs-maçons.


I

et de bienfaisance. Vous y mettrez de la sen- Buvons, mangeons!


sibilité; cela fait toujours bien. Vous pour- Et qu'un vin pur anime nos chansons !

riez écrire vos discours. Est-ce que pour la Maçons, en gourmets pleins d'adresse,
solennité de ce jour vous n'avez pas fait une Sachons diriger nos travaux.
Lniionsun peu contre l'ivrossc;
petite chanson?
— Une chanson, répliqua le Tournaisien, Mangeons sans presser les morceaux. (biO
— H n'y a plus rien,
fnais je ne sais pas faire de chansons. vieux blagueur I gro-
— Eh bienl c'est cela que vous voulez,
si
gna le marchand de tabac, sans eaipéther
chanson de marcher :
la
dit le peintreen bâtiments, je vais, moi, vous
chanter la chanson de M. Lassource, vu qu'il Mais dehors les bouteilles vides!
Mais loin de nous le plat désert!
n'est pas là pour la chanter lui-ntème. Et le El sur l'agréable dessert
frère chanta à plein gosier, après qu'on eut Xoinbons en colouucs avides.
fermé les fenêtres, à cause de l'air patrio- — Oui, tu tomberas sur ton Prussien, avec
tique que la Restauration n'aimait guère. les colonnes, dit encore le frère Guenaud.
PLAHCUE DE TABLE. Heureusement le chorus couvrit cette nou-
Sur fuir de la MarseiUaise. velle incongruité :

^ Allons, enfanls de la truellu, A table ! en dignes francs-maçons,


chers amis !

Voici le monienl du dtiier. Buvons, mangeons 1

Si la faim nous semble cruelle Et qu'uu viu pur anime nos chansons 1

Nos dents voul pouvoir s'en donner, (bis.)


Voyez-vous la lourie imprévue Fi donc de ces bourgeoi.» austères,
Craignant toujours de s'aublier I

Mais on n'avait pas remarqué jusqu'alors Ah! s'ils connaissaient nos mystères,
que Guenaud, qui buvail sans relâ-
le frère Ils prciiJraienl tous le tablier', (bis.)
che, s'était enivré eu silence, et qu'un trôs-
Çrand scandale se préparait. Ce frère se mit
— Pour des festins pareils, il y a presse
intercala l'obstiné contradicteur.
a l'aire sa partie dans la chanson
— Je n'ai pas vu la
:

tourte, dit-il en inter-


— Cet homme a le vin mauvais, dii le vé-
nérable.
rompant
On lui cria
le chanteur.
unanimement le chut solennel.

ChutI crièrent les autres frères, en ré-
pétant le bis :
Le frère Félix poursuivit :

Les poulets à la Marengo Us prendraient tous le lahlier.


Aux maçons la vive allégre;>«e
— Les
poulets à la quoi?... demanda pa- Le bou(piet de ce jus divin ,

reillement Guenaud, pendant que Félix im- El les ragriûts et le bon vin!
perturbable achevait son couplet : Aux maçons la table et l'ivresse t

Us viennent, Qanqués du gigot, — Jecrois qu'il nous insulte ce loriot-là,


Auus ravir lu u\.ï et la vue. dit le frère Guenaud.
681 FR.\ FRA
Après quoi il se mêla au chœur d'une voix pas qu'on administre comme faut. iNolre
creuse : loge est sale et décorée sans goût.
A boire, chers amis! en dignes francs-maçons, — Sans goût, releva le peintre; donnez de
Buvons mangeons
, ! l'argent, et vous aurez du goût. Tiens on tm> 1

Et qu'un vin pur anime nos cliansons !


passe cinq francs par réception pour l'entre-
Amour sacré de la cuisine, tien de la loge, et on veut du luxel Vous éle.s
Conduis, soutiens nos appétits. trop sur votre gueule. Tout l'argent qui
—En voilà une bonne en voilà une salée rentre, vous le n>aiigez.
On le dit qu'il n'y
I

a plus rien, glapit le ma-


1

— Tu n'en laisses pas ta part aux chiens,


loi, riposta le frère Delon en Ciilère.
leucoiitreux frère ivre.
Le peintre en bâtiments suivit son che- — Cela n'empêche pas, cria Savoie, que le
min avec onclion :
souper que nous avons fait ne vaut pas ce
qu'il coûte. J'ai encore faim.
Que les rôtis aient bonne mine !

Qac tout soit digne des rôtis! (bis.) L'hôle poussa un pain de quatre livres de-
Fais que ce banquet déleclable vant le plaignant, mit la main sur son cœur
Jusqu'au bout soit un vrai festin!
pour se contenir, agita la tôle pour secouer
Que le soleil, demain malin,
Nous retrouve encor tous à table. sa douleur; puis il frappa trois fois la table
du manche de son couteau,
—Quand il n'y a plus rien dessus, on peut — Je demande parole, la dit-il
bien êlre dessous , marmotta le frère Gue-
naud; et il coula sous la table en effet, et se
— Vous l'avez, répondit vénérable et il
le ;

promena sur les convives un regard qui im-


mit à ronfler comme une cloche au bruit du posa silence.
refrain: — Frères, reprit l'hôte, expliquons-nous.
A table, chers amis! en dignes francs-maçons, Comptez les bouteilles. On en a bu quarante.
tiuvons, mangeons! J'en ai fait monter quarante-cinq. C'est cinq
El qu'un vin pur anime nos chansons!
bouteilles par travailleur; du vin à douze;
—Le frère Gucnaud est sujet à ces incon- je ne le fais pas. Cinq bouteilles à douze font
venances, dit l'hôte à Jacquomin. Aussi nous trois francs. De cinq francs que nous allouons
ne l'avions pas engagé. Il n'est venu que par tête dans nos dîners de corps, ôtez trois ,

grâce à l'indisposition du frère Lassource. reste deux; deux francs, mes frères pour
,
Mais n'en concevez pas mauvaise opinion de le potage, Ja viande, les légumes, le poisson,
nos assemblées. Si nous n'étions pas comme le rôti, les ragoûts, le beurre, le sel, le poi-
ce soir en petit comité, en famille, pour ainsi vre, la moutarde, le pain, les chandelles et
dire, on l'eût mis dehors. Exceptélui,tousles le dessert; jugez.
autres frères ont bon genre et se respectent. Tous les frères, à ne discours, furent at-
Malheureusement pendant que le frère, tendris.Des excuses furent faites; la paix se
Gersaut faisait ainsi l'apologie de sa loge, le remontra; l'hôte, pour la cimenter, alla
vin, qu'il n'avait pas ménagé (on n'avait bu prendre une bouteille de cent sept ans; et à
que du vin ordinaire), lui préparait de cruels minuit, Jacquemin , qui n'avait travaillé
démentis. Le boucher et le mari de la frui- qu'avec une extrême modération dans l'ex-
tière se tenaient calmes; mais les frères Savoie ploilalion des bouteilles, put s'aller coucher,
et Cavard, à qui la chanson avait fait venir seul entre tous, de sang-froid et méditant
l'eau à la bouche en évoquant toutes sortes sur tout ce qu'il venait de voir el d'entendre.
de bonnes choses dont ils avaient été prives,
Les scènes qui avaient été jouées devant
commencèrent à se plaindre de la mesqui-
lui eldans lesquelles il avait eu son person-
nerie du dîner.
—C'est lui qui ordonne la chose, dit le
nage, se représentèrent dans ses rêves agités,
comme une fantasmagorie absurde. Il s'é-
frère Cavard, en désignant l'hôte, et c'est lui
veilla le lendemain très-fatigué; il descendit
qui empoche l'argent; voilà l'injustice.
—Le mal vient de là, ajouta le frcreSavoic,
bientôt pour déjeuner,
L'hôle lui fit de nouvelles excuses, d'un
que tous les dîners se font chez lui.
—Voulez-vous, dit le boucher en venant à
air tout penaud.

l'aide du frère Gersant, qu'on les fasse chez —-J'aurai soin, ajouta-t-il, que la pro-
le selliei'? chaine loge soit mieux composée et j'espère ;

— Ou chez le marchand d'épongés? ajouta que nous aurons le plaisir de travailler de


le frère Hullin. nouveau à la Saint-Jean. Je me suis rappelé
— Vous me faites de peine, l'hôle la dit un singulier oubli qu'on a fait hier; cela ne
avec componclion dès (lu'il se vil appuyé; s'est peut-être jamais vu; et je désire que
,

vous êtes des ingrats; je suis seul de la loge personne ne l'ait remarqué. Dans la préci-
restauraut-lraileur, faut-il porter notreargeul pitation qui nous dominait, on n'a pas pensé
à des profanes? Faut-il vous exposer chez à vous demander le serment. Vous n'êtes
des gens qui vous verront, quand vous vous ainsi frère qu'à demi car vous n'êtes pas
,

oubliez, comme le marchand de tabac, sous lié à nous. C'est comme un mariage dont une

la table? Qu'est-ce qu'on dira de l'onlre? des parties n'aurait pas donné son consente-
—L'ordre ne va déjà pas si birn, reprit ment. Heureusement que nous sommes gens
Cavard; vous n'avez pas besoin de nous re- de revue. Nous réparerons cela à la tenue
garder avec votre mine de frère terrible; on prochaine.
ne fait pas d'épreuves ici. Mais si on se jette Plus heureusement pour Jacquemin, il fui
dans le chapitre des reproches, je ne trouve dispensé de répondre, par l'arrivée d'un
DiCTioss. DES Sciences occultes, l 2i
•68S DICTIONNAIRE DES SClhNCES OCCULTES. cni
lelire que la servante du marchand tie labac que lapaix était faite entre les alliés, et que
iippurtait. le pays était tranquille. Jacquemin saisit
— Qu'est-ce que peut avoir cet animal-là l'occasion sans hésiter; il paya son compte,
pour m'écrirc? dit le marchand de vin, en fit sa malle, et monta le jour môme, à quatre

tournant la lettre entre ses doigts. Il se dé- heures dans la diligence de Lille , avant le
,

cida à l'ouvrir. retour de son hôte.


Mais comme le Irère Guenaud écrivait fort Il prit à Lille la voiture de Tournav et ar-

mal et que le frère Gcrsant ne lisait pas trôs- riva sans accident à son village , déjà remis
liicH, Jacquemin fut prié de lire cette mis- et calmé par la certitude que là enfin il ver-
vive, dont voici le contenu ;
rait véritablement la lumière.

Paris, le 16 juin 1814. Après les premiers embrasscments et les


mille questions qui accompagnent le retour
«Monsieur Gersant, d'un enfant dans sa famille à la suite de ,

«Ayant été insulté hier avec ma figure , quatre ou cinq mois d'absence, Jacquemin
tachée de vin, que le fière Ciivard ou auire conta à son père comment il était devenu
avait marché sur ma cravate cl sur la poi- franc-maçon. Aux détails qu'il donna, son
trine de ma ciicmise, et môme que des petits père trouva que les gens des villes, qui s'oc-
poisauiardctaient collés au dos de mon iiatiit, cupent sérieusement de stupidités si grandes,
ma femme a dit que cela n'avait pas de bon devaient cacher là-dessous quelque but se-
sens ni de sens commun, et que ça no pou- cret; et il conseilla à son fils d'aller con-
vait pas continuer, et que nous n'éliunstous sulter son curé, qui était un savant homme.
que des hôtes, des serins, des vrais jocrisses. Quand le bon curé eut tout appris , il tint
Attendu que les petites loges comme nous ce langage à Jacquemin Claes :

passent pour des pas-grand'clioses, cl les — La franc-maçonnerie s'est élevée au


grandes, des conspirateurs, vu que tous les dernier siècle dans des projets anti -chré-
.

amis du tyran s'en mettent que sa majesté ; tiens; et dès qu'on eut vu sa marche, les
Xouis le Désiré ne veut plus <le francs-ma- papes Clément XII et Benoît XIV la condam-
çons, qui sont les agents de l'ogre de Corse nèrent (1).
et ceux qui trament pour réintégrer l'usur- Indépendamment de l'infaillibilité du saint-
pateur et la république. Avec çà que la police siége, qui est un dogme pour nous, n'admet-
a l'œil dessus; et que nous ne faisons que tez-vous pas quele pape et ses cardinaux ont
des bêtises, dont un enfant rougirait de les aussi, humainement parlant, quelque impor-
faire, comme dit ma femme. Si bien que je tance et que les avis qui viennent de là va-
;

ne tiens plus l'article.» lent bien les jugements isolés de notre intel-
— Tant mieux, interrompit IhAle. Il ne ligence?
nous vendait que du rebut, qu'il achetait aux Nous devons nous soumettre à l'aulorilé;
ventes du mont-de-piélé. et dans le cas dont il s'agit nous pouvons ,

« Et je donne ma retraite et démission de la méiiic marcher droit en ne nous soumettant


loge, abdiquant mon titre et dignité de franc* qu'à la raison. Quand bien même la franc-
maçon. Et si on veut me tuer et me couper maçonnerie ne serait pas instituée dans le
en morceaux pour les jeter au vent, comme but secret de démolir ce qui vient de Dieu,
franc-maçon réfractaire, j'ai l'autorité qui pour édifiera sa place ce qui vient de l'or-
me protège. Et je me mo.|uo de vous. El gueil humain (et vous savez qui (>sl le père
.quanta la franc-maçonnerie et tout le bata- de l'orgueil 1), n'est-il pas vrai que l'ordre
clan, je fais comme le cochon de Cadet Rous- maçonnique, dans la gros-ièreté où vous l'a-
selle. vez connu, est au moins une occasion de pé-
«Etant en cette qualité, monsieur, votre ché? Car il ouvre la porte aux mascarades, à
voisin très-obligé, U. Guenaud.»' la vanité, aux excès de la table, à l'ivrogne-
Après la lecture de cette lettre , l'hôte la rie, aux querelles, à l'oubli de Dieu ou ne :

prit avec consternation, la regarda, la re- saurait être à la fois franc-maçon et catholi-
tourna, s'assura de son mieux que tout ce que. C'e.st à vous de choisir.
<|u'il venait d'entendre y était bien; puis il — Je resterai catholique, répondit Jac-
marmotta en soupirant : quemin Claes, et que Dieu me soit en aide 1
— J'avais toujours bien dit qu'il n'y avait
YI. —Le iiiyslÈre du chevalier Prussien.
-pas de fond à faire sur cet hoinine-là. Mais
il se taira et ne nous trahira pas. U sait ce Le curé, qui avait à souper un de: ses pa-
qui lui en reviendrait. rents, retint Jacquemin qu'il aimait. Lor.s-
Le frère Gersant sortit avec la lettre, que qu'on fut à table, il lui dit:
sans doute il allait communiquer aux autres — Je vais, mon
enfant, vous raconter une
(rèrcs cl Jacquemin retomba dans tine per-
; piquante aventure de maçonnerie. Elle vous
plexité pire que toutes celles qu'il avait instruira ; le principal personnage est le
éprouvées avant son admission. Il en fut grand Frédéric:
tiré agréablement, deux heures après, par Le jeudi 15 mars 1753, Frédéric il soupait
une lettre de son père , qui lui envoyait un en petit comité à Postdam , avec Voltaire ,
peu d'argent et l'engageait à revenir, attendu qui était alors en disgrâce et qui demandait

(t) Les francs-maçons onl été condamnés par ClémeiU 13 septembre 1821;— tes francs-maçnns tous ordres d
XII, bulle In eminentt, le 23 avril 17.58;— par Benoit XIV. secrets condamnés par te pape Léon XII, bulle du 1.5 n'ars
ImiIIk Pravidas , le 18 mars nsi. Les carbonarl ont élé 1825. Les évêquesdc Uetgique n'ont émis leur circulaire
CBuUamnés par Pie VU, bulle Kcclesiam a Jetu Chriilo, contre les francs- maçons qu'en déceniLire 1837.
G85 FRA FRA 6S6

à s'en aller; avec Mauperluis, qui se réjouis- encore chevaliers prussiens. Depuis trois
sait (le la disgrâce de Vollaire, avec le mar- cents ans , mes ancêtres sont les protecteurs
quis d'Argens qui, un peu revenu de ses ex- de ce grade....
travagances, ne cherchait plus qu'à vivre en —Est-ce que c'est vrai? demanda naïve-
paix. Tous ces illustres convives, à l'exem- ment d'Argens.
ple du roi , dont l'appétit était formidable, —Vous ne voyez pas, répliqua Maupertuis,
avaient mangé copieusement et bu en ama- que Sa Majesté s'amuse, comme M. de Vol-
teurs la conversation avait prodigué ses taire quand il écrit l'histoire?
;

épigrammes sur tout ch qui avait un nom ,


— C'est aussi vrai, dit Frédéric ,
que ce
sur tout ce qui était respectable elle tomba
;
qu'on vous a dil dans les loges adoniramiles.
enfin sur la franc-maçonnerie. Les chevaliers prussiens étaient célèbres déjà
— Épuisons un peu cette matière flam- dans la mythologie sous le nom de Titans ;

boyante, dit Frédéric; les francs-maçons se ils voulurent escalader le ciel. Nous qui con-
propagent; i! y en a partout; il s'en glisse naissons le grand architecte del'univers, nous
jusque dans mes États. Ces sociétés secrètes laissons les Titans dans les fables; nous ne
nous joueront quelque tour, si nous ne leur remontons comme je l'ai dil, qu'à la tour
,

donnons un croc-en-jambe. Vous , messieurs de Babel. Nous célébrerons notre grande te-
les philosophes, vous ne devez pas approuver nue dans la nuit de la pleine lune de mars,
des mystères qui se font dans l'ombre, quand anniversaire de la confusion des langues et
vous répandez si généreusement la lumière. de la dispersion des ouvriers rebelles. Et
— La franc-maçonnerie, dit Vollaire, n'est comme c'est là un châtiment de l'orgueil, ce
qu'un amas de stupidités imaginées il y a qui est toujours de bon exemple, les cheva-
trente ans par un Anglnis ivrogne, propagées liers prussiens ne s'assembleront que dans
par des fous. Si vous redoutez ces platitudes, un lieu retiré et n'auront en loge d'autre lu-
faites-les jouer sur le théâtre. C'est le conseil mière que la lune.
qu'un donnait au lieutenant de police à pro- — Ce sera fort commode en campagne, dit
pos des convulsions de Saint-Médard. d'Argens.
— Cependant, interrompitMaupertuis, vous — Et si le roi, ajouta Vollaire, permet à ses
vous êtes fait recevoir. officiers de connaître la lumière— de la lune,
— Vous aussi , répliqua Voltaire; on dit — ils le feront à peu de frais.
mêmequevouscherchezenloge lesmoyensde — Ainsi, messieurs, reprit le roi, nous de-
faire volrepuilsqui descendra aux antipodes. Tons arranger cela entre nous. Comme il
— Allons messieurs, dit d'Argens, en re-
, est bon de savoir ce qui se fera en loge , le
marquant lapâleur subite de Maupertuis et grand mailre général de l'ordre sera a per-
se hâtant d'intervenir ne querellons point.
, pétuité le roi de Prusse.
Moi aussi je suis maçon, et j'avoue qu'en ap- — A perpétuité veut dire, interrompit Mau-
parence c'est un peu enfant, mais... pertuis, tant que durera le grade des cheva-
— Mais, poursuivit te roi, ces enfantillages liers prussiens.
joués par des hommes me paraissent sus- —Si c'est fort stupide, dit d'Argens, il en
pects. Si j'avais été à la place de ce gros sera d'eux comme des sorciers, qui durent
bœuf de comte de Clermont , qu'on a fait toujours.
grand niaîtro en France, j'en saurais plus que —
Le roi reprit: Le grand maître général
lui. Il paraît qu'ils sont excommuniés c'est ; de l'ordre s'appellera en loge grand comman-
une preuve messieurs que la chose n'est
, ,
deur; le premier surveillant, grand inspec-
pas si innocente. Eh bienl ils se font remon- teur; le second surveillant, grand introduc-
ter au temple de Salomon ; je veux faire daus teur; le secrétaire, grand chancelier; le tré-
mon royaume un ordre qui aura des litres sorier, grand trésorier.
plus anciens. —Vous leur donnerez bien de la grandeurl
— Au delà du temple de Salomon s'écria 1 ditd'Argens en riant.
d'Argens, je ne vois rien en fait de maçonne- — Ce sont des grandeurs qui ne coûtent
rie, sinon les pyramides. rien à Sa Majesté, riposta Vollaire.
— J'ai mieux que cela répondit Frédéric.
, — L'orateur,
poursuivit Frédéric, s'appel-
Je veux que les maçons prussiens n'aientrien lera d'éloquence. C'est un titre
chevalier
à envier; ils remonteront à la tour de Babel. que nous vous eussions conféré avec joie,
— Bien trouvé, dit Mauperluis. .Mais c'est monsieur de Voltaire; mais vous éles résolu
une entreprise de rébellion que celte tour. à nous quitter.
— N'importe, cria Voltaire, le roi arrangera — Sire , répondit le philosophe , donnez
cela comme vous arrangez vos étoiles, qui cette dignité à Mauperluis. Au clair de la lune
ont la forme d'une meule de moulin. il sera plus pathétique qu'à l'Académie.

— Soyons d'accord interrompit encore


,
— Ainsi donc , repril encore le roi , nous
d'Argens; nous aiderons Sa Majesté. Les descendons de Plialeg, grand architecte de la
choses maçotiniques me plaisent à moi , à tour de Babel , qui s'éleva plusieurs siècles
cause des festins. avant le lemple de Salomon. Nous établis-
Eh bienl mon cher d'Argens, je vous ferai sons celle origine, avec les statuts du grade,
faire une collation qui aura du moins le mé- qui seront déposés dans nos archives royales;
rite de la singularité. Voici mes bases mes- et il sera expressément défendu aux cheva-
sieurs, continua Frédéric, nos frères s'appel- liers prussiens de recevoir aucun candidat
leront Noachiles ou enfants de Noé; ils s'ap- qui ne pourrait pas prouver qu'il est au
pelleront même palriarches ; ils s'appelleront moins mailre et qu'il a rempli des foitcliouii
, ,

«87 DICTIONNAIKE DES SCIENCES OCCULTES. css


«rofficier une logo complèle
liignit.iire diins boutonnière de la veste. Ayant lié leurs ta-
«'l régulière. De la sorlc sans que nous al-
, bliers de peau jaune, mis leurs gants jaune»,
lions à personne, les maçons <]ui so Irouvenl el tenant d'une main l'inévitable truelle, de
«léjàdans nos clals seronl obliges de venir à l'autre le maillet, les frères entrèrent dans le
nous. Si c'est votre bon phiisir, messieurs ,
Icniple, que la lune éclairait par trois gran-
nous allons , ce soir même ,établir ce que des fenêtres, et qui était régulièrement com-
vous appelcï le rituel , fixer les cérémonies, pose de deux appartements. Le firmament
arrêter les signes cl les mois de reconnais- était badigeonné au plafond de la première
sance, déterminer le costume et les insignes. pièce, destinée aux travaux. Il y avait dans
Demain nous nommerons les dignitaires un coin une grotte factice et sur l'un de.s ,

avec de simples frères en nombre sufGsanl côtés de la grotte un cercueil vide.


pour composer une loge. Nous ferons prépa- Le roi, en t|ualitc de grand commandeur,
rer le temple; et lundi prochain 19 mars , , se plaça à l'oppo.sé de la lune, qui éclairait
jour de la pleine lune nous tiendrons loge
, ,
en plein son visage. Les fières s'approcliè-
avec un aplomb suffisant pour nous montrer rcnl de lui, pour être à portée d'enlendro .ses
constitués. Nous ferons la veille une répéti- ordres, n'ayant point de places fixes pour ,

tion générale. faire voir qu'ils étaient tous égaux. Le grand



Mais , observa d'Argens , rien ne sera commandeur ayant frappé trois coups, et le
prêt ; nous n'avons que trois jours. grand inspecteur ayant répondu par un coui)
—Comme nous ne pouvons pas rr culer de maillet frappé sur le poninicau de son
la pleine lune de mars , dit le roi , il faudra épée car les chevaliers prussiens n'avaieiil
,

bien que nous soyons prêts. Je me charge ni table ni bureau le grand commandeur ,

du temple. Les costumes seront des vestes dit: — A l'ordre, mes frères!
d'ouvriers. De vrais maçons n'ont pas de Aussitôt tons les maçons furent debout
,

robes. élevant les bras les doigts étendus vers la


,


El quel sera le degré du grade? demanda lune.
Mauperluis. Alors le grand commandeur, procédant à
—Le vingt-et-unième, répondit le roi. l'instruction qui doit se faire à chaque te-
—Mais c'est superbe , s'écria d'Argens ,
,

nue, lorsqu'il n'y a pas de planche détermi-


ils n'ont encore que onze degrés à Paris ; née , s'adressa à l'un des frères. C'était,
et on n'en compte que huit dans le rit écos- sous sa veste, un grave général prussien ; il
sais (1). lui demanda; —
qui êtes-vous?
— Les grades intermédiaires se feront, dit Le frère répondit selon la formule: Ditc- —
le roi. Travaillons. moi qui vous êtes el je vous dirai qui ju ,

Les quatre philosophes , occupés par l'ac- suis.


tivité de leur chef, se couchèrent fort tard. —Connaissez-vous les enfants de Noéî re-
Le lendemain et les jours suivants, leur uni- prit le grand commandeur.
que affaire fut de suivre le bizarre projet du — J'en connais trois.
roi; et le lundi 19 mars , assuré par une ré- -Qui sont-ils?
pétition Irès-éludice que tout irait bien, le —S. dit le général.
roi s'en alla au lever de l'astre de la nuit,
, — C. poursuivit roi. le
suivi de quatorze courtisans inaugurés ma- — J. continua l'autre.
çons du grade de chevalier prussien, à l'o- — Que signifient ces lettres?
rangerie du palais,donl il avait pris une par- — Ce sont les initiales du mot sacré (Sent,
lie, exposée en plein auclair de la lune, pour Gham, Japhet).
en faire son temple. — Donnez-moi laltouchement.
Nous rapporterons les détails de cette te- — Le voici. Et comme le grand comman-
nue, où le marquis d'Argens devait jouer le deur présentait les deux premiers doigts de
rôle de récipiendaire. la main droite étendus, l'autre les prit avec
le pouce elles deuxdoigts suivants, les pressa
Les quinze maçons entrèrent dans une
trois fois en disant: Scm, Cliam; à quoi le
salle où ils déposèrent leurs habits et leurs
armes on insignes pour endosser des ves- roi répliqua: Japhet; puis il reprit: — Faites-
tes d'ouvriers qu'on avait faites à la hâte.
moi le signe.
Tous ceignirent l'épée antique et se passè- —J'y satisfais répondit le frère. Il éleva
,

rent au cou le cordon ou ruban, en soie les mains ouvertes, les potices formant 16-
noire unie, auquel pendait le bijou; ce bijou querre avec l'index , mit les pouces contre
est un triangle équilatér.il dont la bande in- ses oreilles et fil trois génuflexions du genou
férieure est traversée par une flèche, la pointe gauche.
en bas. Il estenor lorsqu'on le porte au bout —C'est le s<gne général, dit Frédéric, Fai-
du cordon, et en argent lorsqu'il se met à la tes le signe d'enlrée ou signe de passe.
(1) l'our donner une idée de tous ces degrés, qui vien- — royale hache on prince du Liban, — chef du tabernacle,
«cnl après les titres d'apprenli , compatînon el mallre , — prince dn tabernacle,— chevalier de l'Orient ou de l'é-
iiuus cileriiiis ici les qualités honoriliques d'u» maçon à qui pée — prince de Jérusalem, — souverain prince rose-
,

«n vieiil de décerner récemmeiil le litre insigne de su- croix,- chevalier dn pélican, — chevalit;r du serpent d'ai-
blime prince royal. Il fst— maître des loges symboliques, rain, — prince de Mercy, — souverain commandeur du tem-
— mattre secret,—maître parlaii,— maître anglais,—maître ple — chevalier du
, ,— chevalier Kadosch — grand
soleil ,

irlandais ,— maître en Israël,— maUrc éludes neuf,— illu- inquisiteur souverain, — patriarche croisades, — prince
ries
elre des quinze,— sublime che\alier élu ,— grand-matlre souverain du royal secret,— grand écossais de André .saint
architecte .—templier et précepteur d'Asie ,— sublime- d'Ecosse, etc., etc., etc. — El ces gens- se moquent oes là
éci«»isou giandiionlite,— iioacLiic ou chevalier prussien. titres!
R88 rnv FR\ f,90

Le clicv.ilior frappa trois coups ègnuxavoc un candidat maître maçon demande la fa-
son inaillel sur le manche de sa Irueile; puis veur de participer à nos travaux.
il avança les Irois premiers doigts allongés — En répondez-vous? dit Frédéric.
de la main droite eu disant: Noé. Le grand — Comme de moi-môme.
commandeur empoigna ces trois doigts en — lntroduiscz-le;et qu'il entre en maître,
répondant: Noé, Noé. Et il continua:— dites- après avoir donné les signes et mots tie
moi le mot de passe. passe de son grade.
— riialeg. On fit avancer le marquis d'Argens, dans
— Connaissez-vous grand architecte le ses habits de ville, sans épée , portant le ta-
de tour de Babel?
la blier de maçon du troisième degré et les
— Phaleg est son nom. gants blancs.
— Qui vous a appris son histoire ? — Chevaliers, dit le grand commandeur,
— Lechevalierd'éloquence des chevaliers celui qui vous est présenté est un maître
iioachites. maçon, descendant d'Adoniram.qui demande
— En quelle loge? à être reçu chevalier prussien. Y consentez-
— Dans une loge que la lune éclairait vous?
— N'aviez-vous pas d'autre lumière? Tous les chevaliers ensemble tirèrent leurs
-^ Non. cpécs en dirigèrent la poinle vers le réci-
,

— Cet édifice de la tour de Babel était-il piendaire et lui demandèrent s'il persistait
louable ? dans ses serments. Après qu'il eut répondu:
— Non, la perfection en était impossible. J'y persiste, tout le monde rengaina, et le roi
— Pourquoi ? dit au marquis d'Argens :

— Parce que l'orgueil en était le fonde- — Mon frère, le désir de parvenir à esca-
ment. laderle ciel nous en fait chercher les moyens.

Est-ce pour imiter les enfants de Noé Promettez-vous de nous seconder et de tra-
que vous en gardez la mémoire? vailler avec nous ?

Non, c'est pour avoir leurs fautes de- — Je le promets.
vnnt yeux.
les — Frère grand introducteur, mettez -le à
— Où repose le corps de Phaleg ? l'ouvrage et dirigez-le.
— Dans un tombeau. Aussitôt on donna au candidat une truelle;
— A-t-il été réprouvé ? et tous les frères , Voltaire et Maupertuis
— Non ; la pierre d'agate dit que Dieu comme les autres, se mirent avec lui à faire
a eu pitié de lui, parce qu'il est devenu semblant de maçonner manœuvre fictive,

humble. qu'ils exécutaient avec une gravité inexpli-


— Comment avez-vous
été reçu ? cable.
— Par
trois génuflexions , après avoir Ils maçonnaient ainsi dans le vague ,
sans
baisé le pommeau de l'épée du grand com- trop de fatigue, depuis trois minutes, quand
mandeur. dans la seconde pièce on entendit un bruit
— Pourquoi vous faire des génu-
a-t-il fait qui imitait le fracas du tonnerre. Toutes les
flexions ? Iruelles tombèrent à la fois des mains des
— Pour me rappeler que dois élre je chevaliers, qui aussitôt se remirent à l'ordre,
humble. faisant des cornes à la lune.
— Pourquoi les chevaliers prussiens por- — Frère grand introducteur, cria le roi,
tent-ils un triangle? prenez cet orgueilleux (il désignait le mar-
— En mémoire du temple de Phaleg. quis d'Argens ) dont l'ostentation nourrit un
— Pourquoi flèche renversée?
la projet qui ne lend à rien moins tiu'à défier
— En mémoire de ce qui arriva à tour la le grand architecte de l'univers. Conduisez-
de Babel, le au nord, qu'il y pleure sa faute ; qu'il tr;i-
— Les ouvriers travaiilcnt-ils jour et verse, pour y parvenir, les déserts les plus
nuit? affreux.
— Oui, jour à la clarté du
le la nuit soleil, Le grand introducteur fil donc faire à d'Ar-
à la faveur des rayons de la lune. gens le tour de la loge, ce qui passa pour
Pendant cette dernière question, le grand les plus affreux déserts ; il le conduisit à la
introducteur était sorti. Aussitôt que le grotte factice, le fit asseoir dans le cercueil,
frère interrogé eut terminé sa réponse, le lui servit une cruche d'eau dont il lui fit
çrand introducteur frappa trois coups lents boire un coup, et une assiette de caroltt s
a [a porte. crues qu'il lui fil manger.
Le grand inspecteur répondit par un seul — C'est là sans doute, dit d'Argens , le
coup violent, en disant Qui étes-vous ? :
friand festin que Sa Majesté m'avait promis.
— Un
chevalier qui demande l'entrée, ré-
La surprise est frugale.
Pendant que le marquis d'Argens croquait
pondit la voix du dehors.
son assiette de carottes, sexécutant assez
Le grand inspecteur ouvrit la porte, reçut mal, tous les frères passèrent dans le second
lus attouchements, signes et mots de passe appartement.
du grand introducteur le fil entrer seul,,

quoiqu'il eût un compagnon avec lui cl re-


— Frère grand inspecteur, dit alors le roi,
qu'est devenu Phaleg ?
ferma la porte. —
Le frère répondit: Ilestdans les déserts,

Grand commandeur, dit alors en s'a- cherchant par sa pénitence à apaiser la co-
dressant au roi le frère grand introducteur, lère du ciel.
C9i MCTIONNAmE DKS SCIENCES OCCULTES. en
— Palriarcli. s, mes frères, reprit le prand ne jamais révéler les secrets des noarhites
commandeur, allons à sa recherche. Espé- ou clKMaliers prussiens, à aucun frère d'un
rons que le grand archilecte de l'univers lui grade inférieur, ni à aucun profane, et à me
aura accordé son pardon. soumellrc aux statuts cl règlements du
Sur CCS paroles, le grand commandeur, grade, appelant sur moi là vengeance si j'y
suivi de tous les chevaliers, fil le lourde la manque; ce dont me préserve le grand ar-
seconde pièce, qui n'avait aucune décora- chiti'cte de l'univers 1 »
tion, revint dans la première, en fil le tour Dès que ce sertiient fut achevé, le grand
également, sans avoir l'air de rien remar- commandeur fil passer la truelle sur la têlc
quer à celle promenade silencieuse. du récipiendaire et lui dit :

Mais dans un second tour qui se fil avec — En


vcrlu des pouvoirs dont je suis re-
la même gravilé, le grand commandeur pa- vêtu, et au nom du sublime conseil des che-
rut apercevoir la groUe ; il y cnlra; il fil des valiers prussiens , je vous reçois chevalier
gestes d'élonncmenl en découvrant le cer- noachile.
cueil. Il le montra aux frères avec des Sur quoi il lui donna le baiser de paix,
signes d'inlelligcnce et lous se tnircnl à ;
lui communiqua, avec dignité el précision,
l'ordre. les signes, attouchements et mots de passe,
En baissant les yeux, le grand comman- el reprit :

deur aperçut à terre un bijou de chevalier — Promettez-vous, de maître maçon, foi


prussien il le ramassa, tandis que le grand de garder sccrels que je vous
les confiés ai ?
;

inspecteur eu ramassait un autre. — Je promets. le


Frédéric chercha dès lors plus soigneuse- — Vous soumettez-vous aux obliga- trois
ment il vil dans le cercueil le candidat qui,
; tions que je vais énoncer : De ne janjais
1*
après avoir mangé ses carottes, s'était éten- révélera aucun des enfants d'Adam les mys-
du tout de son long ; il le fit lever, en lui tères de notre ordre, à moins ()ue vous ne
disant : les connaissiez pour maçons ; 2' d'êlre offi-
— Mon
frère, mettez votre confiance dans cieux el compatissant pour tous les cheva-
la bonté du grand architecte de l'univers. liers de notre grade; 3° de ne souffrir ja-
Fiez-vous à lui; il vous conduira par des mais, même au péril de votre rie qu'aucun ,

voies sûres au but où vous aspirez. homme porte le bijou de chevalier prussien,
Le grand commandeur et lous les frères à moins qu'il ne se fasse reconnaître de vous
retournèrent ensuite dans la seconde pièce, comme tel?
dont ils fermèrent la porte. — Je le jure et je m'engage sous serment
Le grand introducteur était resté seul avec à ces conditions.
le candidat; il le prit par la main et alla Alors le grand inspecteur el le grand in-
frapper trois coups auxquels trois coups , troducteur ôièrent à d'Argens son liabil, et
pareils répondirent. lui mirent la veste, qui, avec sa haute taille,
— Voyez qui frappe, dil le grand comman- lui donnait un air très-singulier. On le fit
deur. asseoir, cl le chevalier déîoquenco , qui
— C'est, répondit le frère introducteur, était en effet Mauperluis, fit le discours his-
un enfant de Noé ,
parfait maçon, qui, après toritiue.
avoir pénitence, demande la faveurd'ôtre
fait «Les enfants deNoc, dit-il, nonobstant l'arc-
admis parmi les patriarches noachites. cn-ciel qui était le signe de réconciliation
,


Donnez-lui l'entrée dil le grand com- , que le Seigneur avait donné aux hommes,
mandeur. Consenl-il à se dépouiller, dès ce pour les assurer qu'il ne se vengerait plus
moment cl pour toujours, de toute ostenta- d'eux par un déluge universel , résolurent
tion et de tout orgueil ? toutefois de construire une tour assez élevée
— Je promets répondit d'Argcns in-
le , pour se mettre à l'abri d'un désastre nou-
troduit. veau. Ils choisirent pour cela une plaine
— Que demandez-vous reprit Frédéric. ? nommée Sennaar, dans l'Asie. Dix ans après
— La faveur d'être admis parmi vous. qu'ils eurent assis les fondements de cet édi-
— Y consentez-vous, mes frères? fice, cl comme ils étaient déjà à une grande
Tous les patriarches tirèrent de nouveau hauteur, le Seigneur, dit l'Ecriture, jeta les
leurs épées, et les abaissèrent vers le candi- yeux sur la terre el vil l'orgueil des hom-
dat, en signe de consentement. mes. Pour les punir, il mil la confusion
— Faites approcher le candidat de l'autel, dans leurs langues; c'est pourquoi on ap-
dil le roi. pela celle tour Babel qui veut dire confu-
,

Le frère introducteur au candidat fil faire sion.


trois génullexions du genou gauche et le « Quelque temps après , Nemrod ,
qui a
conduisit à l'autel triangulaire. été lepremier à établir des distinclions par-
— Mon frère, dit le grand commandeur, mi les hommes, fonda, dans le même lieu,
commencez par un acte d'humilité. une ville qui pour cela fut appelée Babylone,
Il lui présenta le pommeau de son épée, c'est-à-dire enreinte de confusion.
que d'Argens baisa trois fois. Puis s'élanl mis « Ce fut dans la nuit de la pleine lune do
à genoux, les mains étendues sur l'autel, il mars que le Seigneur opéra la merveille de
prêta le serment en ces termes : la confusion des langues. C'est en mémoire
« Moi Jean-Baptiste de Boyer , marquis de cet événement que les noachites font tous
d'Argcns, je promets et jure, sous les peines les ans leur grande assemblée dans la pleine
portées dans mes précédentes obligaCions, de lune de mars, et leurs assemblées d'instruc-
C93 FBA FRA cgi'

lien (uu5 les inuis , le soir de l;i pleine lune, Il frappa trois coups; les deux surveillants
atlcndu qu'ils ne peuvent avoir d'autre lu- répétèrent :

mière en loge. —Le chapitre est fermé.


« Les ouvriers de la tour de Babel ne s'en- Tous les chevaliers prussiens, se mettant
tendant plus, furent obligés de se séparer. à l'ordre, gémirent trois fois d'une voix lu-
Chacun prit son parti; il le fallait bien. gubre : Phaieg I

Pliaieg, qui avait donné l'idée et le plan du El comme neuf heures du soir, toute
il était
bâtiment, et qui en avait dirige les travaux, la société alla souper, après avoir déposé In
était le plus coupable. H se condamna à une veste et les insignes de patriarches.
pénitence rigoureuse. Il se retira jusqu'au — Avouez, dit tout bas d'Argens à Vol-
nord de l'Allemagne , dans des déserts où il taire, auprès de qui il cbeminail, regagnant
ne trouva , pour toute nourriture que des ,
le palais, avouez que c'est encore plus bêle
racines ou des fruits sauvages.» que le reste.
— Voilà pourquoi, pensa d'Argens, on — N'importe, répondit l'autre, ks che-
fait manger au récipiendaire des carottes; valiers prussiens n'en seront pas moins
mais on pourriiit encore le traiter plus mal. fiers.
« Phaieg vint, reprit le chevaliir d'élo- — Mais nous nous prêtons à ces plates fo-
quence, dans cette partie de la Germanie lies ; puis nous combattons les cérémonies
et
qu'on nomme aujourd'hui la Prusse. 11 con- religieuses, qui sont si augustes et si impo-
struisit quelques cabanes pour se mettre lui santes.
elles siens à l'abri des injures du temps il ;
—Ah je vous vois venir, poltron 1 s'écria
I

éleva aussi un tninpie en forme de triangle, Voltaire en s'arrétanl; vous nous quitterez,
et il s'y enferma personiiell('mont,poursolli- je l'avais prévu ; vous vous convertirez...
citer le pardon de son péché. —Mais ce ne sera peut-être pas ce que je
« Or en l'an 533 en faisant des fouil-
, , ferai de plus mal, répliqua froidement d'Ar-
les non loin d'ici , on déterra un édifice gens.
triangulaire, dans lequel se trouvait une —Et Maupcrluis, ce rêveur, nous tou-rnera
table de marbre blanc. Toute celte histoire aussi casaque ; j'en suis sûr. Eh bien quand !

était écrite sur celle table en caractères hé- si peu de têles ont la force de nous suivre
braïques. A côté se trouvait un tombeau de jusqu'au bout, il nous faut d'autres appuis.
pierre de grès, et une agate chargée de Avec ses stupidités, la maçonnerie au moins
l'inscription suivante: nous soutiendra.
« I(i reposent les cendres du grand archi- —Mais, reprit d'Argens étonné, après un
tecte de la tour de Babel le Seigneur eut
; mominl de silence; vous êtes donc Satan?
pilié de lui, parce qu'il était devenu humble.» —Sous certains rapports, répondit Vol-
— Du moins on ne dira pas, interrompit taire en riant, je ne dis pas non.
Frédéric, en se penchant d'un air goguenard
VU. — Le Comédien Franc-Maçon.
vers son voisin, que nous enseignons une
1" CITOYEN. Prends garde, citoyen Meloa,
morale de vanité.
tu trahis les secrets.
« Tous ces monuments, poursuivit l'cra- 2' CITOYEN. C'est grand'choso que les se-
leiir, sont conservés chez Sa Majesté le roi do crets!
Prusse. L'épitaphe n'exprime pas le nom du 3' CITOYEN Des saloperiesdesccrelscoimno
ceux-là, citoyen Râteau, j'en ai plein le dos.
grand architecte de la tour de Babel; mais D'ailleurs la traiic-m.içonnerie est encore
la table de marbre le mentionne formelle- une invention des aristocrates et des avo-
ment ; et elle nous apprend que Pliaieg était cats , avec leurs cordons et dorures, à trois
pointes. C'est encore plus bêle tiue le car-
filsd'Hébrr, fils d'Arpaxad, flis de Sem, fils
naval , pour des Français qni ont reconquis
aîné de Noé.» leurs droits de l'homme el„consenli à l'exis-
Le discours historique étant Qni, le grand tence de l Être suprême. Çà ne peut servir
commandeur fit donner une épéeau récipien- qu'il des conspirateurs.
daire et lui alt.-icha le bijou de l'ordre en ar- Aneries révolulionnmres.
gent à la troisième boutonnière de la veste. Voici autre chose.
Puis il ajouta : Le comédien Morel,bien connu à Marseille
— Quittez, mon frère, les ornements de où il joua quarante ans la comédie classique,
maitre ; cl portez comme nous l'humble ta- faisait, sous la république et sous l'empire, la
blier decompagnon. joie des enfants de celle ville, parce qu'il por-
D'Argens ôla ses gants et son tablier blanc tait des bas rouges et qu'il se promenait dans
cl prit les gants cl le tablier de peau j;iuno les rues avec ses habits de théâtre. A la scène
«lu'on lui offiail. iljouait souvent les charges ; hors de la scène
— C'e<t, en effet, moins salissant, répon- ilconservait de la gravité. On le regardait
dit-il, en admirant comme le roi avait tout au reste comme un assez bon homme. Il dî-
prévu. nait habituellement chez un petit traiteur
— Quelle heure esl-il, frère grand inspec- voisin du théâtre. Par convention formelle,
teur? demanda alors Frédéric, en frappant quoiqu'il mangeât toujours seul, on ne man-
un coup. quait jamais de lui mettre doux couverts, l'un
Le grand inspecteur répondit 11 est : — pour lui, l'autre pour le grand Archilecte da
l'heure du repentir; le soleil est levé. l'univers.
— Puisque le soleil est levé, répliqua le Avant de s'asseoir à table, il saluait sou
erand commandeur, frères, le chapitre est convive invisible ; il lui servait le potage,
fermé. après quoi il se servait; quand il avait ab-
695 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES C'Jli

sorbe son assielle, il prtMiail doucement celle temple, fit faire les costumes; et au bout de

du gmnd arrhitecle de l'univers, et l'avalait trois mois la loge s'installa. Il lui avait fallu
très-digncmenl. 11 servait au grand archi- tout ce temps pour les préparatifs spéciaux,
tecte le premier verre de vin, se versait le et pour refaire l'instruction d s nouveaux
second, lui portait une sanlé, vl dînait, par- frères, à qui la curiosité donnait une forte
tageant exactement toules ses portions en dose de patience.
deux, ne se servant jamais que le dernier, Sans doute qu'ils s'étaient attendus à plus
mais mangeant toujours la part de son con- de merveilles qu'on ne leur en donna ; car ii
vive à la suite de la sienne ;;iu bout du diner, y en eut qui regrettèrent leur temps perdu et
sa bouteille vide, il [irenait modestement le leurs dépenses et des dépits éclatèrent comme
;

vin Verseau grand architecte de l'univers, le on le verra. Mais nous devons procéder avec
buvait et s'en allait. ordre.
Qu'il fût seul ou entouré d'autres dîneurs, La loge s'ouvrit un vendredi du mois de
Morel ne se gênait point ; il divertissait sou- septembre. C'était une vaste salle tendue de
vent les étrangers, qui le voyaient faire toutes bleu parsemé détoiles d'or. Morel, le trois-fois-
sortes d'ofTres obligeantes et polies à une as- puissant, vêtu d'une robe de satin blanc, por-
siette devant laquelle on n'apercevait jamais tant sur le front un bandeau de velours bleu
personne. où étaient brodées en or douze étoiles, ayant
A ceux qui demandaient si cet homme n'é- un sceptre à la main, s'assit sur un trône
tait pas fou, le traiteur répondait : bleu, surmonté d'un dais de môme couleur.
— Non, est franc-ninçon.
il Au-dessus de sa tète pendait un transparent,
Il était arrivé à Morel, en 1799, à l'époque où l'on avait peint le delta. Ce transparent,
où l'on s'occupait do réorganiser en France éclairé par une énorme lampe à trois becs,
lamaçonnerie, une aventure assez fâcheuse était la seule lumière du temple, le rituel
pour l'ordre. Ce pauvre homme voyait dans n'en permettant pas d'autres, 'fous les frères
la suppression des francs-m.içons, qui avait étaient vêtus de robes blanches; ils portaient
eu lieu sous la Terreur, le plus grand délit tous le même banJeau que le trois-fois-puis-
de la révolulion. Il ne parlait qu'en pâlissant sant, mais lui seul avait le sceptre. Tous
de l'audace d'un écrivain qui avait irailuii avaient aussi le cordon, placé de l'épaule
les loges sur la scène dans la comédie des droite à la hanche gauche; c'était un largo
Francs-Maçons. Il soupirait après le réta- ruban cramoisi, liséré de blanc, sur lequel
blissement de la société, où il avait occupé étaient brodés les m;)ts Alpha par devant.
un grade très-émincnt ; car il était grand Oméga par derrière, séparés par douze étoiles
pontife ou sublime maçon écossais, dix-neu- d'or. Au bout du cordon pendait ce que les
vième degré de la hiérarchie niaçonnique. maçons appellent le bijou; c'était un carré
Il regrettait amèrement les jours où il avait long doré, portant d'un côté la première
figuré en loge, voyant fièrement au-dessous lettre de l'alphabet grec et de l'autre côté la
de lui dix-huit grades. dernière.
Au<si, dès que le vent de la réorganisation Il n'y avait, selon le règlement de cette
souffla, il se mit en mouvement pour recons- loge, qu'un surveillant, as^is à l'ouest, à l'op-
(iiuer son existence de dignitaire. Mais après posé du trois-fois-puissant. Il tenait à la
les longs bouleversements qui venaient d'a- main une étoile d'or au bout d'une baguette.
voir lieu, si les simples maçons de sept ans On voyait dans la loge une peinture qu'on
et plus a\a'\enl déjà grande peine à se re- appelle le tableau. C'était la représentation
trouver , les chevaliers hors d'âge étaient d'une ville carrée qui semblait descendre du
bien plus empêchés. Comment rassembler ciel sur des nuages et se disposer à écraser
une loge degrands ponlifes à Marseille? Deux un serpent à trois têtes. Le serpent se trou-
mois de recherches ne lui avaient déterré que vait façonné en carton. La ville carrée avait
quatre membres; il en fallait douze pour douze portes, trois sur chaque face on re-
:

composer une loge de perfection. On lui joua marquait au centre un arbre qui portait
un tour indigne. douze sortes de fruits. En avant du tableau
Des farceurs, qui savaient son embarras, était une montagne haute de six pieds, cons-
et dont quelques-uns avaient été maçons du truite en planches recouvertes de toile peinte
troisième degré, mais se moquaient alors de coinn.c au théâtre.
l'institution, le trouver solennelle-
vinrent Après que les frères eurent admiré la di-
ment avec effronterie, qu'avant
et lui dirent, gnité de leur temple, le trois fois-puissant
quatre-vingt-treize ils avaient eu la digniié frappa douze coups avec son sceptre, et tout
de grands-pontifes ils s'appuyèrent de quel-
; le mondes'étant assis, il dit :
ques secrets que l'un d'eux avait accrochés — Fidèles et
vrais frères (c'est ainsi qu'on
dans la grande débâcle ils lui demandèrent
; parle aux maçons grands pontifes), quelle
le rétablissement d'une loge dont ils lui of- heure est-il?
frirent la présidence. On répondit :

Très-fliUlé de cette démarche, de l'honneur — Il est l'heure prescrite.


qn'on lui faisait, et du bonheur de s'appeler —Fidèles et vrais frères, reprit Morel,
le trois- fois-puissant, qui est le titre officiel tout est Alpha, Oméga et Emmanuel. Tra-
du président des loges de grands pontifes, vaillons.
Morel accepta; et conmie il possédait le livre Sur quoi, le frère surveillant frappa douze
des formules, que les francs-maçons appellent coups à son tour avec son étoile et dit :

leur rituel, il se mit à l'œuvre, fit préparer le —Fidèles et vrais frères, la loge des grands
6J7 FUA Fn\ 60*?

pontife» csl ouverte. Faites Tapplaudisse- céleste, et combien de portes aura son en-
uieiit. ceinte ?
Chacun des assistants cria trois fois : — Al- — Chacune des quatre faces aura trois
léluia 1 portes comme au tableau ; l'étendue totale
Pour comprendre ce mélange de choses de la ville sera tle douze mille stades. Les
sacrées à des choses aiisurdes, il faut assis- douze portes indiquent qu'on s'y rendra de
ter à toute la séance. Morel y déploya toute toutes les parties du monde.
sa science et tout son savoir-faire. — Comment y parviendra-t-on?
11 avait pensé que le meilleur moyeu de — En suivant des routes étroites et diffi-
remettre tous les assistants sur la voie des ciles et en combattant les ennemis qui en
bonnes doctrines, était de repasser toutes les défendent l'entrée.
instructions, en interrogeant le frère qu'il — Pourquoi portez-vous ce bandeau ?
savait le plus solide. C eiait un vieil arma- — Parce qu'dn ne peut, sans ce bandeau,
teur, qu'il interpella ainsi, avec la gravité être admis dans les sublimes l'ogcs écossai-
convenable : ses, et qu'il faudra le porter pour être admis
— Qui étes-vous? dans la Jérusalem céleste, ainsi que saint Jean
— Grand pontife, ou sublime écossais, à s'en est expliqué.
qui rien n'est inconnu. — Que signifient les douze étoiles que
— Où avez-vous été reçu ? porte votre bandeau ?
— Eu un lieu qui n'a besoin, pour être — Elles représentent les douze anges qui
éclairé, ni du de la lune.
soleil ni gariletit les douze portes de la Jérusalem
— Expliquez-vous là-dessus. céleste.
—De même que la loge de sublime écos- — Quefaut-il entendre par couleurbleue?
la
sais n'emprunte point de lumière extérieure — La douceur, qui doit être partage desle
pour être éclairée, de même le Gdèle et vrai fidèles et vrais frères.
frère n'a besoin ni de richesse ni de naissance — Quel âge avez-vous ?
pour être admis en loge. Mais il doit faire — Je ne compte plus.
preuve de son attachement à la maçonnerie, — Comment vous nommez-vous?
de son dévouement pour ses frères. — Fidèle et vrai frère.
— Que représente le tableau de la loge? Après cette réponse, il y eut un moment de
Une carrée avec trois portei à cha-
ville silence. Le trois-fois-puissant reprit bientôt :
que face. Au milic^u est un arbre qui porte — Ce que vous venez d'entendre est um^
douze espèces de fruits. La ville sur des nua- instruction. Pour achever de rappeler aux
ges est suspendue au-dessus d'une autre usages les frères dont tant d'années dexil
ville détruite d'où sort un serpent à trois ont affaibli la mémoire, je vous ai ménagé
têtes. aussi une réception.
— Expliquez-vous là-dessus. Frère préparateur, continua Morel en s'a-
La carrée représente la nouvelle ma-
ville dressant à l'un des assistants, allez prendre
çonnerie, du titre de Sublime-Ecossais; elle l'aspirant qui est du grade des rose-croix.
vient remplacer l'ancienne, qui est détruite, Vous, frère expert, dit-il à un autre grand
et elle écrasera le serpent à trois télés qui pontife, recunillez-vous.
est enchaîné. Le frère préparateur entra dans une cham-
— Comment la maçonnerie ancienne cst- bre voisine, où était l'aspirant, vêtu de la
elle tombée en ruines, puisque ses liens sont chasuble de rose-croix. Il l'amena à la porte
indissolubles ? du temple et frappa onze coups. Tous les
—Cela fut ainsi décrété de tous temps ;
frères étaient attentifs et reconnaissants de
nous l'apprenons par saint Jean, que nous la bonne idée de Morel.
reconnaissons pour le premier maçon qui — On a frappé en chevalier rose-croix, dit
tint une loge de perfection. le frère expert qui avait compté les onze
— Où saint Jean dit-il cela ? coups.
—D.ins la Révélation ou Apocalypse ,
— Voyez qui frappe ainsi, dit le trois-fois-
lorsqu'il parle de Babylone et de la Jérusa- puissant, et demandez ce qu'on veut.
lem céleste.
— Frère préparateur , dit alors le frère
experl ,
pourquoi frappez-vous ainsi? qui
( Dans tous ces détails, remarquez qu'on est celui qui vous accompagne, et que cher-
se borne à transcrire scrupuleusement un che-l-il ?
procès-verbal et des pièces authentiques. ) — Je frappe, répondit le frère préparateur,
— Que signifie, continua Morcl, l'arbre pour présenter au trois-fois-puissant un che-
qui est au milieu de la ville et qui porte douze valier rose-croix, qui désire, pour acquérir
espèces de fruits?— C'est l'arbre de vie placé de nouvejles vertus, être admis au grade do
là pour faire comprendre que c'est dans la sublime écossais.
loge sublime écossaise, parmi les grands — S'il en est ainsi, qu'il soit introduit pour
pontifes, fidèles et vrais frères, qu'on trouve être soumis aux épreuves.
les douceurs de la vie ici-bas. Les douze On lit entrer alors le récipiendaire, chargé
espèces de fruits signifient que nous devons de sa chasuble de rose-croix, taule bariolée
nous rassembler tous les mois en tenue pour de hiéroglyphes. Le trois-fois-puissanl l'in-
nous faire part de nos mutuelles lumières et terrogea aussitôt :
nous soutenir contre nos ennemis. — D'où venez-vous, mon frère?

Quelle étendue doit avoir la Jérusalem — De la Judée. >
C99 DICTIONNArUE DLS SCltNCES OCCULTES. 7(>0

— Par quelle ayez-vous passé


ville ? de son mieux au moyen d'un sifflet que lo
— Par N;izarotli. trois-fois-puissanl dirigeait avec une corde
— Qui vous a conduit? attachée à son pied ; il agita ses trois létes
— Raphaël, de carton. Le récipiendaire présenta son
— quelle (ribu éles-vous î
Dt! bijou de rose-croix ; incontinent le monstre
— De celle Jiida.
tic devint immobile; et le frère préparateur,
— Qu'avcz-voiis appris dans vos voyages? reparaissant, fit marcher le nouveau frère
— A croire, à espérer, à aimer. sur le serpent.
— Mon frère, ne croyez pas aux perfides —Vous avez atteint la perfection, s'écria
insinuations des flatteurs; n'espérez pas dans Morel ; vous avez dompté votre ennemi, dont
ce monde un bonheur parfait; n'aimez pas vomissent trois venins. Pros-
les trois têtes
les objets frivoles. Mais aimez nos cérémo- ternez- vous devant TEernel, qui vient de
nies, délestez les traîtres et rompez avec eux. vous accorder la victoire.
Le promettez-vous ? F.,c récipiendaire fil trois génuflexions; et le
— Je promets et je le jure.
le trois-fois-puissanl reprit encore :

Vous avez manifesté le désir de parvenir — Mon frère, vous voyez sous vos yeux le
à la Jérusalem céleste. Une seule route y plan (le la Jérusalem céleste que vous dési-
conduit. Un guide éclairé vous serait utile; rez habiter. Un jour vous y serez admis.
mais ce serait nuire à votre mérite. Ne devez Remarquez sa vaste étendue; elle est ouverte
qu'à vous seul la gloire du succès; et choi- à tous les peuples de la terre. L'arbre qui
sissez le chemin qui vous séduira. est au centre porte autant (respèces de fruits
Aussitôt la voix du frère préparateur, qui que l'enceinte a d'ouverlures, pour mar-
avait disparu derrière un rideau, se fit en- quer que chacun y trouvera la nourriture
tendre avec solennité , elle prononça ces qui lui convient. Approchez, mon frère et ,

mois : venez prendre l'engagement du grade subli-


— Qu'il gravisse la montagne, s'il veut me qui va vous être conféré.
parvenir à son but. Nous avons négligé de dire qu'il y avait
Pour arriver au sommet de la montagne de devant le président, comme dans toutes les
planches, qui était haute de six pieds, il y loges, un autel triangulaire sur une estrade
avait deux chemins, un chemin fleuri et un de trois marches. Le frère admis fut conduit
chemin raboleux. Il fallait, pour la leçon , à l'autel par le frère préparateur, qui lui
qu'il prît le chemin Oeiiri ce qu'il ne man-
; fit mettre le genou droit sur la troisième
qua pas de faire. Quand il l'eut parcouru en marche et la main droite sur le chapitre XXI
cinq ou six pas, il fut contraint de s'arrêter, de l'Apocalypse. Tous les frères s'éiaient ap-
la monlagne étant coupée à pic eu face du prochés. Le trois-fois-puissanl posa sa main
trois-fois-puissant. gauche sur la main étendue du récipien-
— Que ne continuez-vous votre roule, mon daire ; et de la droite qui tenait le glaive, il
frère? lui dit Murel. forma avec les glaives élevés de tous les
—Je ne puis aller plus loin. membres présents, une sorte de berceau au-
—Le trois-fois-puissanl frappa trois coups dessus de la léte du frère à genoux. C'est le
cl s'écria : berceau que les maçons appellent la voûte
—Fidèle surveillant, volez au secours de d'acier.
ce présomptueux, qui a pris laroute fleurie, Dans cet appareil, le nouveau frère pro-
et montrez-lui comment on parvient à la nonça ce serment :

perfection. — « Moi, Pierre Scœvola d'H de ma ,

Le frère appelé monta aussitôt par le sen- libre volonté, en présence du grand archi-
tier difficile qui était opposé au premier, prit tecte de l'univers et des fidèles et vrais frères
le récipiendaire par les deux mains, le fit ici rassemblés, je jure sur ce livre sacré, sous
descendre à reculons et le reconduisit à sa toutes les peines portées par mes précédentes
place. obligations, de garder religieusement le se-
— Frère Imprudent, reprit Morel , vous cret des sublimes écossais , tant envers les
avez choisi, pour arriver à la Jérusalem cé- maçons des grades inférieurs qu'envers les
leste, une route facile et jonchée de fleurs. profanes.
La perfection ne peut s'acquérir ainsi. Vous « Je promets de ne consulter dans mes liai'
marchiez vers un précipice affreux votre ; sons d'amitié ni la naissance, ni le rang, de
perte était infaillible, si une main généreuse n'estimer les hommes qu'en raison de leur
n'était venue à voire secours. Ce guide pré- attachement à la maçonnerie, qui est la pra-
cieux vous a fait franchir des routes escar- tique des vertus civiles et morales, de prolé-
pées cl vous a garanti des dangers qui vous ger, accueillir et rechercher les vrais maçons,
entouriiienl. Mais ne croyez pas avoir sur- enfin de me montrer digne d'habiter un jour
mtnté toutes les dilficullés ; un ennemi puis- la Jérusalem céleste. Amen. »
sant s'oppose à votre passage. Plusieurs Tous les assistants dirent trois fois Amen. :

avant vous ont succombé sous ses coups. Puis le trois-fois-puissanl, couvrant seul le
Regardez ; il est sous vos yeux et vous at- récipiendaire de son glaive, le constitua grand
tend pour vousdévorer. Pour arriver jusqu'à pontife en disant ;
moi, opposez-lui le bijou que vous portez. —Je reçois votre serment , cl convaincu
Alors le serpent à trois lèlcs, qui était une que vous ie tiendrez, je vous reconnais et
machine prêtée par le théâtre se mil à , vous proclame sublime écossais de la Jéru-
remuer la queue assez lourdement il siffla ; salem célesic.
70! FIIA FRA 70J

Après CCS mois, digne Morel, posant son


le coMune un procès-verbal, sèchement et sans
glaive sur la léle du nouveau frère, frappa commentaire, vous laissant le soin d'appré-
douze coups de son sceptre sur le dit glaive ; cier les doctrines de ces pontifes.
puis il mit bas les armes, embrassa le frère Quant à Morel, il devint à moitié fou de
reçu, lui fit ôler la chasuble de rose-croix, son aventure. Comme preuve de cette asser-
lui fit revêtir une robe blanche avec les or- tion, on raconte que depuis, lorsqu'il était
nements du grade, puis lui donna les signes, sifflé,il donnait en rentrant chez lui son sou-

mois et attoucbemenis, les(]uels consistent, per à son chien et mangeait lui le souper du
savoir le signe d'ordre, à élever perpendi-
: barbet. Quand il était mécontent de la ma-
culairement le bras droit vers le ciel, que l'on nière dont il avait joué les pères ganaches,
semble montrer avec le pouce et l'index, les car on l'avait fait passer à ces rôles (terme
trois autres doigts étant plies, mais non fer- de comédien), il faisait coucher son chien sur
més le signe de reconnaissance, à tenir le
; son lit et se couchait dessous comme indi-
bras droit horizonlalement , les doigts de- gne. On assure même ([u'il y eut souvent,
meurant comme au signe d'ordre ; l'attou- entre ces deux amis, dos débals de politesse,
chement, à se mettre réciproquement (lefrère et que le chien, dans ces circonstances, vou-
qui tuile et le frère qui est luiléj la main lait à toule force coucher aussi sous le lit, à
droite sur le fronl, en disant, le second :Al- côlé de son maître.
léluia; le premier Louez le Seigneur, qui
:
On parla un jour de remercier Morel du
sont les mots sacrés; puis le second Umn)a- :
théâtre , parce qu'il était très-vieux. Mais
nuel; le premier Dieu vous assiste; les deux
: après plus de quarante ans de services, il
ensemble Amen, qui sont les mois de passe.
:
avait tellement habitué le public à le voir,
Après avoir ajouté que la léponse à l'âge que la majorité des abonnés demanda qu'il
demandé est pour les grands pontifes ou su- fût maintenu dans la troupe. Le directeur du
blimes écossais, je ne compte plus, le trois- théâtre, pour faire sa cour aux jeunes gens,
fois-puissant retourna à son trône, tous les annonça donc à Morel ((ue non-seulement on
frères à leurs sièges; on fit asseoir le nou- le conservait, mais qu'au lieu de deux mille
veau venu ; et le trois-fois-puissant ayant cent francs qu'il avait eus jusqu'alors pour
frappé trois coups demanda : appointements , on lui donnerait cent louis.
— Quelle heure est-il ? Le pauvre homme, habitué comme une
Le frère expert répondit : machine à ses deux mille cent francs, ne vit
— L'heure est accomplie. qu'un dérangement dans l'offre qu'on lui fai-
— Alpha Oméga, reprit Morel
et , réjouis- sait ; répondit qu'il désirait qu'on le gardât
il

sons-nous, mes frères. 11 frappa douze coups, sans rien changera son traitement qu'il s'é- ;

le trère surveillant les répéta et dit en se le- tait habitué à le distribuer de manière à s'y
vant : reconnaître qu'à son âge il ne pouvait plus
— Fiitèles et vrais frères , la loge des
;

se rompre la tête à faire de nouveaux calculs,


grands pontifes est fermée. et qu'il demandait à rester dans le cercle de
Sur quoi, la loge alla dîner , travail des ses vingt et un cents francs : c'était sa ma-
mâchoires qui est la conséquence obligée de nière de s'exprimer. Comme on ne put lui
toute réunion maçonnique. faire comprendre qu'au delà de celle somme
Morel était triomphant et superbe; ce qui il trouvait encore trois cenis francs dans les
ne l'empêcha pas, sous un costume moins cent louis proposés, on lui laissa ses vingt et
imposant, de jouer Grispin, le soir même, un cents francs, qu'il toucha jusqu'à sa mort,
dans le Légataire universel. arrivée au commencement de la restaura-
Mais au bout d'un mois il paya sa joie par tion et cette puissance intellectuelle de la
;

une grande douleur. Quatre des plaisants franc-maçonnerie conlinuade porter tous les
qu'il avait admis dans sa loge avec un peu jours ses toasts et d'offrir ses politesses en
de légèreté, n'étaient pas même maçons. L'un dînant, —
au grand architecte de l'univers.
d'eux était libraire. Dans l'espoir de retrou-
ver ainsi les fra»s qu'ils avaient faits pour VtlI.— JacquemiQ au Graoïi-Orient.

être initiés, ils publièrent une brochure qui CVstdu Grand-Orienl h merveille incomprise,
se vendit rapidoment, et qui révélait tous les Où vous allez marcher de surprise eu surprise.
secrets qu'on av;iit fait passer devant leurs P. Leblanc, Les Synéoles nuiçonniques.
yeux. Celle brochure était intitulée Une :

séance à la loge des grands pontifes sous la ,


Jacquemin Glaes, sur l'honnête avis dj son
présidence du père Morel, trois-fois-puissant, curé,abandonna donc sa dignité de maîlre ,

sublime écossais et artiste dramatique ; tout renonçant à cette pompe de Satan, qui esta
cela en toutes lettres. la lois plus périlleusequ'on ne pense et plus
Le Grand-Orient de Paris, qui se réorga- slupide encore qu'elle n'en a l'air. Mais vous
nisait, envoya l'ordre à tous les maçons de allez voir comment un piège attire un autre
supprimer cette brochure; il interdit au pau- piège, et comme il n'est pas bon d'avoir
vre Morel lijule présidence de loge; il défen- connu la mauvaise compagnie.
dit pour dix ans à Marseille toute tenue de Jacquemin, revenu chez son père , se mil
loge des grands pontifes. On fit comprendre à faire du commerce. Pour l'apprendre au-
au libraire qu'il ne fallait pas jouer avec la trement qu'à ses dépens, il se plaça dans une
maçonnerie, de sorte qu'il n'osa pas réim- maison honorable de Tournay. Par son exac-
primer sa brochure épuisée; elle est devenue titude et sa bonne conduite, il gagna pronip-
fort rare; nous avons suivi celte relation Icmcnt la confiance de son chef, ou si ce mol
703 DlCTlOiNNAIRE DES SClEiSCES OCCULTES. 704

ne vous va pas, de son patron. Il fut chnrgc rement il est même arrivé quelque chose de
bientôt de voyages importants, intéressé dans singulier à ce sujet.
la maison , investi de pouvoirs; et il méri- Un paysan des environs de Tournay, cœur
t.iil rtslitiie qu'on faisait de lui, car il avait perverti comme il y en a malheureusement
,

de la probité et son ardeur était tempérée


; quelques-uns en tout pays, se trouvant pressé
par une timidité rassurante. d'un besoin d'argent un mauvais plaisant ,

En 1822, il avait gngné une petite somme s'avisa de lui dire qu'en se faisant recevoir
nsseï ronde, soigneusement économisée par franc-maçon, il deviendrait tout d'un coup
sa mère; il se décida à se marier. Il devait riche. Mais, ajouta-t-il, vous risquerez votre
faire à l'automne le voyage de Paris, pour de âme. l.e paysan savait bien que les francs-
nombreux recouvrements, mêlés de quelques maçons passaient pour être en commerce
achats; il comptait rapporter du là ses plus avec le diable; il songea sans doute qu'il
élégants présents de noces. s'occuperait de son âme un peu plus tard ;

Il partit, l'esprit tranquille, le cœur en car il se résolut à tenter le chemin de fortune


paix, comme un honnête garçon qu'il était. qui lui était présenté.
il arriva sans accident fit,rapidement ses Il vint à Tournay se promena sans rien ,

affaires; et il n'avait plus que deux jours à dire devant le bâtiment ou les maçons tien-
demeurer dans la grande ville, lorsqu'en pas- nent leur loge l'examina d'un œil d'envie
, ;

sant sur le quai des Orfèvres, il se rappela puis il entra dans un petit cabaret voisin, ei
tout à coup le séjour qu'il y avait fait et sa tout en buvant sa pinte de bière, il demanda
réception à la loge des Amis réunis. Il lui au cabarctier ce qu'on faisait dans ce bâti-
vint, je ne sais comment, la capricieuse idée ment.
de savoir ce qu'étaient devenus ses anciens — On y fait de la franc-maçonnerie ré- ,

frères il se dirigea vers le petit hôtel qu'il


; pondit l'autre, qui était aussi un goguenard,
avait habile; mais il reconnut à l'enseigne et il faut qu'il s'y passe de terribles choses ;

qu'il avait changé de maître. Au même in- car toutes les fois qu'ils tiennent loge , s'ils
stant, il aperçut dans sa boutique le mar- entrent trente, ils ne sortent que vingt-neuf.
chand de tabac, et il entra. Tout en achetant —Comment cela? demanda le paysan in-
de mauvais cigares , il demanda à M. Gue- trigué.
naud s'il ne le reconnaissait pas? — C'est, répondit
le cabaretier en baissant
— Mais attendez donc, répondit M. Gue- mystérieusement la voix, qu'on lue un hom-
naud, en rejetant sa tête en arrière, je crois me à chaque assemblée. Tenez, comptez, les
qu'il me semble en effet que je pourrais bien voici qui entrent.
vous avoir vu!... Tout juste, continua-l-il, Le paysan compta vingt-quatre personnes;
en se remettant, c'est à vous que je dois le et la porte s'étant refermée,
il n'ajouta pas un
bonheur d'avoir été si vertement houspillé mot. tomba dans une profonde méditation.
Il
par ma femme, qui m'a fait planter là les Au bout d'un quart-d'heure, il demanda
bêtises des francs-maçons. Est-ce que vous une autre pinte, et reprit Restent-ils : —
en êtes encore ? longtemps là?
— Non certainement, répliqua Jacquemin. 11 désignait la loge.
J'ai donné ma démission le même jour que — Ce n'est pas grande assemblée aujour-
vous. d'hui, répondit le cabaretier, fier de l'effet
— Touchez là, dit le marchand, vous êtes qu'il avait produit sur son homme, ils reste-
un homme. C'était en vérité trop absurde. ront une heure.
Es!-Cf qu'il y a des francs-maçons dans votre Le villageois , décidé à attendre , retomba
pays ? Quoique je ne sache pas de quel pays de nouveau dans silence. le
vous êtes, vous devez être d'un pays quel- Dès que maçons
sortirent, il les compta
les
conque. d'un œil ardent, et la porte s'étant refermée
— Je suis de Tournay. 11 y a en effet des sur vingt-troisième, parce que le surveil-
le
francs-maçons chez nous, qui font les mêmes lant restait pour remettre les choses en or-
singeries qu'ici. On les dit inoffensifs. Cepen- dre : —
Ils en ont vraim^t tué un , dit-il.
dant n'est-ce pas quelque chose de louche Mais quel profil onl-ils à cela?
qu'ils soient toujours en lutte avec le clergé? —Oh 1 c'est une épreuve ; celui qui la fait
— C'est plus que louche, c'est obscur. Et reçoit, dit-on,une bonne somme.
puis, que dites-vous de la sorte de défiance Le paysan paya ses deux pintes et s'en
qu'ils inspirent aux villageois? de la mau- alla. Comme s'informa dans une
il était fin, il
vaise renommée qu'ils ont chez les simples autre maison de la demeure de l'un des prin-
gens? Généralement il n'y a point de fumée cipaux maçons ; et il alla le trouver lout ron-
sans feu. Je suis allé récemment dans le pays dement.
de nria femme, qui est Gonessc-au-bon-beur- — Je voudrais être reçu, monsieur, lui
re; j'étais allé auparavant dans mon propre dit-il; j'ai besoin d'argent; je suis prêt à
pays, qui est Longjumeau j'ai vu que par- tuut. On conte que vous tuez un homme à
;
tout les paysans regardent encore les francs- chaque séance je ne recule pas pour cela
; ,
maçons comme des sorciers. Pour moi qui si cela me profite.
ne le suis pas, je ne me suis point vanté d'a- Le maçon un peu surpris d'une pareille
voir élé de la clique. Je pense qu'il n'est ja-
,

ouverture, voulut en réjouir ses frères. —


mais agréable d'être vu de travers. Nous avons assemblée sanu'di dit-il au pay-

,

On a tout à fait les mêmes opinions dans san venez me voir au coucher du soleil. Je
;

nos contrées reprit Jacquemin et derniè-


, ; vous dirai si vous pouvez être reçu ; mais
705 FRA FRA 70C
aujourd'hui écrivez là-dessus votre nom cl les phases qui ajoutent à la joie que j'é-
voire vill.igc. prouve de n'être plus porte-tablier. Depuis
Il préscnla en même temps une léle de
lui 1815, la politique s'est jetée parmi les frères;
lellre cliargée des hiéroglyphes de la maçon- plusieurs loges sont devenues des loyers de
nerie. Le villageois ne savait pas écrire, mais conspiration; de sociétés secrètes permises,
il dicta son nom et avoua sa demeure. quelques-unes se sont faites sociétés secrètes
Les maçons consentirent à s'amuser du prohibées. Il en est même qui se sont trans-
personnage, qui vint exactement le samedi, formées en ventes.
à l'heure prescrite, fut conduit en loge, in- — Qu'est-ce que vous entendez par là? de-
troduit 1rs yeux bandés, et placé ensuite au manda Jacquemin.
milieu du Uniple, où il fui surpris de ne voir — Les ventes sont les loges des carbonari,
que des bourgeois et des chandelles. Il s'at- attendu qu'une loge de carbonari s'appelle
tendait un peu à voir le diable. On lui de- une vente, une venin; c'est un mot étranger.
manda s'il voulait être reçu maçon il répon- ; Là, c'est bien pis. On ne s'assemble que pour
dit que oui s'il voulait vendre son âme
;
il , conspirer; et je sais beaucoup de maçons qui
répondit qu'il la vendrait pour dix ans s'il ; n'étaient, comme dit la chanson que des ,

voulait luer un homme, il répondit que cela imbéciles , et qui se sont laissé entraîner
dépendait du prix. dans le carbonarisme, où ce ne sera pas leur
Alors on lui demanda quelle somme il faute s'ils ne deviennent pas criminels, puis-
voulait. —
11 me faut six mille francs, ré- qu'ils doivent à leurs chefs l'obéissance ab-
pondit-il. solue et passive.

Nous ne nous arrangerons pas dit un , — Mais, reprit Jacijuemin élonné , me di-
maçon, car nous ne payons que trois mille riez-vous des nouvelles di' vos anciens con-
francs par homme. frères, de ceux qui vous ont aidé à me rece-
Pendant que ces mots se disaient, pour voir?
achever d'exciter le villageois, un frère ap- — Difficilement. Tous se sont dispersés: je
portait et remuait des corbeilles d'écus. crois que tous ont fait de mauvaises affaires.

Je tuerai donc deux hommes, dit le néo- L'argent qu'on sème dans les loges ne pro-
phyte, car je veux six mille francs. duit rien de bon.
Les maçons commencèrent à trouver l'a- 11 n'y a qu'une chose que je regrette ,

mateur un peu féroce. Ls le firent boire et monsieur , reprit Guenaud , après un petit
l'enivrèrent, à quoi il se prêta de son mieux. silence , c'est de n'avoir pas été admis une ,

Puis on le mit dans une voiture sous pré- , fois du moins, dans les cérémonies du Grand-
texte d'épreuves on le reconduisit à sa mai-
; Orient.
son. Le lenilemain matin on prévint Its au- — N'est-ce pas la chef-loge de la franc-
torités, qui firent savoir à l'ambitieux pay- maçonnerie?
san qu'il était désormais surveillé. Il n'en — — Si vous voulez. Toutefois on ne s'y
,

est rien arrivé de plus. Mais vous avouerez occupe que de la distribution des grades et
qu'il n'est pas très-doux d'être d'une société insignes , de l'organisation des choses, de l;i
qui donne lieu à des opinions comme celles fixation des mots d'ordre solennels, de la con-
de ce malheureux enragé. fection des diplômes, et on ydonne continuel-

Mais eiuore, monsieur, si vous n'êtes lement de fort belles fêles.
venu en loge que le jour où nous vous avons —
Mais , reprit le Tournaisien , l'Eglise ,
reçu, vous ne savez que peu de chose. Il faut qui repoussela franc-maçonnerie, en excepte-
connaître les doctrines. Voici par exemple, lelle le Grand-Orient?
eu opposition aux commandements de Dieu, — C'est probable, dit le marchand do
les commandements de quelques loges : tabac, puisqu'on y voit des personnages de la
Adore ce que lu voudras ;
cour.
Cesl Ion affaire entièrement. De singulières idées se heurtèrent dans la
Serraentsde maçon tu iieudras; lêle de Jacquemin, qui ne sentit pas l'absui-
Mais des autres tais librement. dité des raisonnements du marchand du
Tous les dimanetios tu feras tabac, et qui ne tarda pasà sorliren songeant
Ce qui le plaira scutemenl.
au Grand-Orient.
Le Grand-Orient serviras, Il n'avait p.is remarqué que pendant l'éloge
^ Si lu veux vivre sûrement.
Dispute et meurtre empêclieras
du Grand-Orient par l'ancien frère Guenaud,
Entre maçons iidèlemeul. un homme était entré dans la boutique pour
Dans les amours évil-ras
allumer son cigare. Cet homme, convenable-
Tout scandale publiquement. ment vêtu le suivit jusqu'au Pont-Neuf et
,

'

Aux frères nul ton ne feras l'accosta alors, en lui disant aussi :

Et ne leur nuiras nutlemoiit. —


Vous ne me reconnaissez pas ?
Jamais rien ne révéleras
D;; nos secrets imprudemment.

Mais, mais, mais, répondit Jacquemin ,
absolument comme le marchand de tabac, il
Amour d'auirui ne troubleras
Eu logo principalement. me semble que je vous ai vu autrefois.
;

Le bien des frères n'i nvipras, — En loge frère vous ne remettez pas
, ;

Kaisanl tout délicatement Félix, alors peintre, et aujourd'hui spécula-


Et je vois avec plaisir, poursuivit le mar- teur? Je suis bien charmé de vous revoir ;
chand de tabac, que cette poésie-là ne vous vous me rappelez tout un heureux temps et ;

plaîl guère. Du reste, il est arrivé de nouvel- vous nrceptcrez un petit verre.
•rc7 DICTION.NAIUE DES SCIENCES OCCULTKS. 708

— Je suis Irès-pressé dit Jacqueiuin.- je , autre issue; il déposa son habit sa montre, ,

n'ai plus que deux jours à resl<r ici. sa bourse, qui contenait deux mille francs en
— Cinq minules ne vous rclarileront pas. or. Son portefeuille où il avait ses recou-
,

On élail devant le café Daupliine; le spé- vrements en papier, montant à une quaran-
culateur avait l'air si décent, que Jacqucmin taine de mille francs était dans une poche
,

céda. intérieure de son gilet il l'y laissa; d'ail- ;

— Comme vous êtes pressé, reprit Félix ,


leurs, il ne conlonail d'autres métaux qu'un
après avoir demandé un demi-bol de punch, crayon. 11 endossa la robe; et il fut introduit
qu'il paya de suilc très-délicalemcnl , je ne dans un second salon, fort propre aussi. Félix
veux pas vous retenir. Mais je me fais une lui demanda la permission de le laisser un
fêle de vous procurer à la volée le plaisir que moment seul pour l'annoncer; puis il ouvrit
désirait tant le marchand de tabac. une petite porte el dispirut.
— Quel plaisir? demanda Jacquemin. Alors seulement Jacquemin put se recueil-
— Le plaisir de voir Grand-Orient où le , lir; alors seulement, se retrouvant seul avec
je suis introducteur.
officier lui-même il put se demander s'il ne faisait
,

— Mais vous ignorez que je ne suis plus pas des cxlravagances? s'il avait besoin de
maçon. voir le Grand-Orient? s'il n'avait pas été
— Qu'importe ne vous offre qu'un spe-
1 je bien faible? s'il devait se fier à Félix? s'il
ctacle. ne s'agit là ni d'épreuves
11 ni de , ne s'exposait pas à mille périls ? Il put son-
serment vous n'aurez rien à dire ; vous vous
;
ger tout à son aise , car un quart d'heure se
bornerez à voir. Il se trouve «ju'en ce mo- passa sans que le silence où on le laissait fût
ment il y a solennité. Du moins vous aurez interrompu. 11 prit enfin une résolution :

joui du plus piquant spectacle et de la pompe — Il que je fasse mal dit- il


est possible , ;

la plus bizarre qu'on puisse voir à Paris. je dois oser me montrer ce que je suis et re-
Vidons nos verres nous sommes à deux pas
; ;
fuser de mettre le pied dans ce qu'ils appel-
c'est l'affaire d'un quart-d'heure. Garçon ,
lent le temple.
une voiture! 11 tourna donc la clef du premier salon
Jacquemin , comme nous
l'avons dit déjà , pour reprendre ce qu'il y avait déposé,
était timide et taible; il éiait de plus un peu remettre son habil cl partir; mais la porte se
curieux. Des senlimenls divers se déballaient trouvait fermée.
dans son esprit. Félix ne lui laissa pas le Il se dirigea vers celle que Félix avait
temps de se reconnaître. Les gens qui, à prise pour aller au temple; elle élail fermée
Paris surtout, n'ont pas la décision prompte, aussi.
les gens qui ne savent pas dire non , doivent La pièce n'avait pas d'autre issue. Une
s'attendre à être menés. Jacquemin fut en- seule fenêtre donnait sur une cour déserte.
levé, mis en fiacre et conduit plus loin qu'il — Serais-je pris par des filous , sedemanda-
ne devait penser, car la course dura dix mi- t-il,ou par des maçons qui veulent me punir
nules , pendant lesquelles son ancien frère d'avoir abandonné l'ordre?
acheva d'enflammer sa curiosité et de gagner Il ressentit une petite terreur inquiète ; et
sa confiance. voyant le cordon d'une sonnette , il le lira.
On s'arrêta enfin devant une maison de Des pas bientôt sefirententendre ; quelqu'un
bonne apparence ; on monta au premier vint, qui tourna la clef dans tous les sens cl
étage; on entra dans un petit salon bien ne put ouvrir la porte.
meublé. —
Réjouissez-vous dit Félix , nous , — Est-ce vous qui avez sonné? dit une
voici à la porte du grand temple. Vous n'au- voix.
rez à remplir qu'une seulecérémonie, qui est — Oui, moi ouvrez.
c'est ;

de rigueur; c'est de revêtir une rube comme — Mais ne puis; vous êtes enfermé.
je le
la mienne. — Je suis enfermé en dehors.
L'introducteur tira d'une armoire deux — C'est vrai voix
, qui était celle
dit la ,

robes d'avocal; il avait sonné, deux domes- d'un concierge. Il tira un pelil verrou qu'on
tiques en grande livrée entrèrent. Félix ôia avait poussé sans bruit , et il entra. Surpris
son habit, sa montre, sa bourse qu'il remit , de voir un avocat à l'air effaré, seul dans le

— —
au valet de chambre venu pour lui et que , salon: Qui êtes-vous? lui demanda-l-il.
celui-ci plaça soigneusement dnns l'armoire. Je suis Jacquemin.
Maison même temps, voyant que Jacquemin —Je ne connais pas Jacquemin. Comment
endossait sa robe par-dessus son habit de vous trouvez-vous ici ?
ville il lui dit en riant
,
avec une bonhomie , —J'y suis venu avec M. Félix.
qui ne permit pas la défiance: —Je ne connais pas M.Félix.
—Mais vous ne pouvez pas entrer ainsi. — C'est l'officier introducteur.
Les maréchaux et les princes qui viennent — Quel introducteur?
d'être introduits ne sont pas plus exempts — L'introducteur du Grand-Orienl. Ne
que nous du la formalité exigée. Il f.iut ôtcr sommes-nous pas au Grand-Orient?
ici
seulement votre habit et vous dépoukli'r de — Ni à l'Orient, ni à l'Occident; vous éles
tout métal. Si vous avez des clefs, une mon- dans un hôtel garni.
tre, quelque argent, niellez tout cela avec ma — Mais qui occupe cet apparlcmenl ?
défroque; c'est l'usage. — Trois messieurs, qui n'y sont que d'hier.
Jacquemin n'usa ni hésiter , ni reculer. II — Enfin, dit Jacquemin, je suis fait ; el je-
Ht coiiune ceux qui se montrcnl bravos lors- tant sa robe , il ouvrit l'armoire de la pre-
iju'il ne leur est plus possible de trouver une mière pièce :
7«9 FRA FRA 710
— J'ai laissé là,dil-il, mon habit, ma mon- sa gauche il louche les statuts de l'ordre, et,
tre et ma bourse. dans cette attitude, on lui fait prêter le ser-
Il pâlit en reconnaissant que l'armoire ment suivant :

diait vide. « Je jure par tout ce que j'ai de plus sacré,


— Il me
semblait bien, dit le portier, com- par les statuts du grade auxquels je m'en-
prenant enfin, que ces messieurs étaient trois gage, de m'y conformer en tout temps et en
voleurs. Vous devez rester monsieur, pour ,
tous lieux, et, au péril de ma vie, de garder
ma décharge. Marie, cria-t-il par la fenêtre, avec une fidélité à toute épreuve les secrets
va chercher le commissaire. qui me seront confiés par cet illustre con-
Le pauvre Jacquemin, en manche de che- seil. Je jure de coi pcrer à la destruction des
mise , aida le concierge à visiter l'apparle- traîtres et des persécuteurs de la franc-ma-
ment, qui consistait en quatre pièces ils cu- ;
çonnerie, de les écraser par tous les moyens
rent bientôt reconnu que les locataires qui seront en mon pouvoir. Je jure haine
avaient tout dévalisé de leur mieux. Dans sa éternelle à la servitude, aux oppresseurs de
détresse , le Tournaisien remercia Dieu du l'humanité et de la saine philosophie; de re-
bonheur qu'il avait eu de sauver son porte- connaîlrccoinmele fléau du malheureuxet du
feuille, dont la perle eût été sa ruine entière. monde les rois et les fanaliciues religieux, et
Il fut obligé de conter au commissaire toute de les avoir toujours en horreur. Je jure do
son histoire. Le magistrat vit bien (ju'il ne jamais me faireconuuîlre comme chevalier
n'avait devant lui qu'une honnête victime il ;
de l'Asie qu'à celui qui |)ossède ce grade; Jo
la fit reconduire en fiacre à son hôtel ; car jure de prêcher pi^rloul où je me tiouverui
il ne pouvait même lui laisser la robe d'avo- les droits de l'homme, et de ne suivre d'autre
cat , qui devait être jointe comme pièce au religion que celle que la nature a gravée
procès-verbal. dans nos cœurs; je m'engage à la répandre
Quand Jacquemin , de retour à Tournay , sur les deux hémisphères. Je jure de ne ja-
dit sou malheur au bon curédont il ne s'était mais admettre à ce grade aucun individu
peut-être pas souvenu assez tôt: C'est une — couronné ou régnant, aucun ecclésiastique,
seconde leçon que vous eussiez pu éviter , ni aucUH homme qui ne soit m.içoii et initié
lui répondit le vieillard. Mais remerciez Dieu régulièrement dans le grade de kadosch, et
de n'y avoir perdu que votre argent. qui n'ait toutes les qualités requises par les
Dans l'histoire que »'ous venez de parcou- statuts du grade des chevaliers de l'Asie. Jo
rir, vous avez vu, du moins, le côté grotesque jure obéissance sans restriction au chef de
de la franc-maçonnerie; et vous avez pu en ce conseil ou à celui qui le représentera. Je
juger les aspects coupables. jure de ne reconnaître aucun mortel supé-
Nouscroyons devoir rapporter encore deux rieur à moi, et de travailler de toutes mes
pièces intéressantes. forces à éiablir la liberté et l'égalité para.i

F.-. M.-.
les hommes, de ne voir dans les hommes
que les enfants dune même famille dont
InilialioD au grade de clievalif r de l'Asie.
Dieu seul est le souverain. Que toutes les
«On
prépare, dans une maison de campa- épées tournées contre moi s'enfoncent dans
gne écartée, un caveau lugubre et une mon cœur, si jamais j'avais le malheur do
chambre tendue de noir. Les fières qui re- m'écarter de mes engagements, pris de ma
çoivent le nouveau venu sont au nombre de pleine et libre volonté. Ainsi soit il.»
cinq. Aussitôt qu'il arrive, on l'enferme a Dès que le candidat a prononcé ces pa-
dans une chambre de réflexion, décorée lu- roles, on le délivre de ses liens, on lui ar-
gubrement et où se trouvent plusieurs em- rache son bandeau et on lui ordonne d exa-
blèmes relatifs aux droits de l'homme et aux miner tout ce qui l'entoure. Tous les frères
crimes commis par la tyrannie et par le fa- se jettent de nouveau sur lui: on lui ouvre
nati.sme. Des questions lui sont proposées une veine et on lui fait écrire de son sang ce
par écrit sur ces objets, et on attend ses ré- même serment au grand livre de l'architec-
ponses pour voir s'il est digne de l'honneur ture et de la correspondance secrète. Après
auquel il aspire. Les réponses étant satis- cela, le grand maîlre lui dit: Toi que le ciel
faisantes, on lui bande les yeux, ou lui lie envoie sur la terre pour amener le bonheur
les mains on lui met la corde au cou il est
, ; parn)i les hommes, ton courage et ta 1er-
nu-léte, et il a pour tout vêlement une robe mêlé méritent notre estime ; nous te créons à
blanche teinte de sang; tous les frères sont perpétuité chevalier de l'Asie. Sois discret et
en deuil. Une musique funèbre se fait enten- n'oublie jamais les engagements que tu as
dre. Le récipiendaire subit différentes épreu- contractés parmi nous. »
ves physiques, et les frères le repoussent « Ces cérémonies sont suivies de réjouis-
tour à tour avec le plus grand mépris. Fina- sances. On complimente le nouveau cheva-
lement, il est introduit dans le caveau, lier, ou lui jette des fleurs, on s'embrasse, on
éclairé seulement par la flamme bleuâtre danse au bruit d'une musique gaie et légère.
d'un vase rempli d'esprit de vin. Là se trou- L'initié reprend ses habits et met par-dessus
vent un squelette, différents ossements et une robe noire, en mémoire de la mort de
un cadavre couvert d'un drap mortuaire. De Jacques Molai. Alors commencent les tra-
nouvelles questions sont adressées au ciin- vaux dans une chambre où tout respire le
didat; et tous les frères lui mettent le glaive deuil.Le grand maître siège sur un trône
sur le cœur, prêts à le percer. On saisit sa couvert d'une étoffe noire. Devant lui, sur la
main droite, et on la pose sur le tada\rc; de table également couverte d'un tapis noir,
,,

711 DlCTlONNAiUE DES SCIENCES OCCULTES. "12

sonl deux épées en croix. Au milieu de l,i nieuse et fort simple. Tous les frères étei-
chambre est un tombeau, éclairé par trois gnent successivement leurs étoiles c'est-à- ,

vases d'esprit de vin allumé. Alors a lieu une dire leurs chandelles, et le vénérable soulfle
sorte de catéchisiue ou d'iiistruclion par de- la sienne le dernier. Tout est dit alors; la
mandes el par réponses. loge est morte.
« Entre autres qucslions du grand maître, « Immédiatement après commencent les
on remarque celle-ci A quelle époque
: — travaux du Grand Orient, les cérémonies de
sommes-nous? —
Rép. A la régénération du la résurrection, de la vie. Les coumiissaires
inonde. installateurs vont d'abord tuiler cli;icun des
« A la clôture, le grand maître prononce membres présents, c'est-à-dire les p.issenten
les mots suivants « Mes frères, retirons-
: revue, examinant sévèrement s'ils sonl vrai-
nous; allons éclairer les hommes el exter- ment maçons, et si les frères dépulés et visi-
miner les serpents qui régissent l'ignorance teurs ont le mot d'ordre annuel. Cela fait,
humaine. et tout ayant été trouvé en règle, le premier
« La décoration du chevalier de l'Asie est des trois commissaires, qui a le titre de pré-
un large sautoir noir, liséré de blanc, au mi- sident, fait donner lecture des pouvoirs qui
lieu du()uel sont brodées les lettres initiales leur sont accordés par le Grand-Orient et
de Jacques Molai, entourées de six larmes. des lettres de constitutions. Ces lettres por-
Au bas du sautoir est le bijou; c'est un poi- tent expressément que le Grand-Orient agit
gnard traversant un creur. La parole du sous la protection spéciale de sa majesté
grade est jMelchisedech; le mot de passe Sy- Léopoldl", roi des Belges. Elles confèrent à
nedrion, mot grec qui signifie conseil, as- la nouvelle loge le pouvoir dy se livrer aux
semblée. Le signe consiste à tirer la main travaux de l'art royal. Ensuite le président
droite en arrière, comme si on voulait en- ayant reçu de chaque frère séparément la
foncer un poignard dans le vonlre de quel- |)romcsse de fidélité et d'obéissance au
qu'un. L'attouchement se fait en mettant Grand-Orient, procède aux cérémonies do
d'abord la main sur le cœur, en se donnant l'installation et de la résurrection. Cela se
ensuite mutuellement un fort coup dans la fait ainsi :

main droite, en disant « Sauvons le genre


: « Le président
se procure du feu en battant
humain opprimé. » le briquet, allume une étoile vierge, c'est-à-
{Journal liistorique et Uuéraire à Liège. Janvier 1841.) dire une chandelle neuve; celle-ci commu-
nique la Qamnie à deux autres étoiles vier-
Installation à Bruxelles de la loge maçonnique te Travail.
ges. Puis il annonce, le plus sérieusement et
« Le 17 août 184.0, à deux heures de rele- le plus gravement qu'il lui est possible, que
vée, les frères de la loge le Travail, qui la loge est installée. Ces paroles se répètent
étaient en instance pour se faire agréger au trois fois; eton y répond par trois applau-
Grand-Orient de Bruxelles, se réunirent au dissements. Le président ouvre alors la
Parc, dans le local proyisoire du Waux- porte du temple, et s'écrie « Loin d'ici, :

Hall, sous le maillet du très-illustre frère de profanes ce lieu est consacré au grand ar-
1

Wargny, vénérable. Oua''a'»'e frères , dont chitecte de l'univers. » Il referme le temple;


trente-huit maçons et deux apprentis, répon- encore trois applaudissements. Tous les
dirent à l'appel. Deux frères étaient absents frères se donnent la niiiin et forment la
pour affaires profanes indispensables. Aus- chaîne; président leur communique le
le
sitôt furent introduits les frères visiteurs et mot annuel , on rouvre le temple, et tous l >s
les dépulations de différentes loges, ainsi frères y entrent. Puis le président prononce
que les trois commissaires installateurs un discours.
chargés par le Grand-Orient de constituer la « Le très-illuslre frère Defrenne, chargé
nouvelle luge et de lui dDnner ses pouvoirs. de présider, parla longuement. Vu sou âge,
Ces trois commissaires étaient les très-illus- sa qualité et sa longue expérience, il prit la
Ires frères Defrenne, Wouters et Leroy. liberté de donner quelques leçons aux novi-
L'assemblée se composait en tout de quatre- ces, et c'est à eux surtout qu'il s'adressa. Il leur
vingt et une personnes. Deux loges do
Bruxelles n'avaient pas accepté l'invitation
recommande, entre autres vertus, une discré-
tion rigoureuse et un courage à toute épreu-
I
«le la nouvelle, et n'y étaient pus représen- ve. « La discrétion, dit-il, parce que la du-
tées. Les deux grands maîtres du rit écossais, rée de notre existence maçonnique dépend
les illustres frères Walter et Slevens, n'a- de la conservation rigoureuse de nos secrets ;
vaient pu venir, à cause de quelques affaires et le courage, pour se moquer du diable et d,:
profanes. (Juant au sérénissime grand maî- l'enfer... Combien n'en a-t-on pas vu, ajoule-
tre de l'ordre, le frère de Slass.irt, il était t-il tristement, abjurer au lit de la mort, par
en ambassade à Turin et son représentant; crainte des tourments de l'enfer, le litre de
l'illustre frère Verbaegen, était à Paris. A maçon, plus eificace, d'après moi dovanl le
cela près, la réunion était belle, gaie et con- trône des miséricordes, que des prières sa-
tente. lariées? » 11 fuit observer que le courage
« La loge le Travail existait provisoire- est indispensable à tout initié , et que
ment depuis neuf mois. Pour être reconnue c'est pour voir s'ils ont du courage (juttu
et installée par le Grand-Orient, il f.illait soumet les candidats à diverses épreu-
qu'elle commençât par fermer son temple et ves physiques; qu'on leur bande les yeux,
ses travaux, par mourir en quelque sorte. qu'on les tire, qu'on les houspille, qu'on
Cette cdrémonic a lieu d'une manière ingé- les introduit dans de« caveaux faiblemcul
Tt5 FR\ FRA 1*\

mauvais anges, 1.^35, in-8°, etc. N'était


éclairés par quelque lupur salanique, qu'on les il

présente tout à coup à leurs regards éton- pas le père du précédent ?

nés des CJidavres, des squelettes, qu'on se FRANZOTIUS, auteur d'un ouvrage in-
jette sur eux le poignard à la main, ((u'on titulé : divination des anges, in-4*,
De la
les tourmente enfin par toutes sortes de fan- Francfort ou Venise, 1632.
tasmagories et de di.ihleries, le tout pour FRAYEUR. Piron racontait souvent
s'assurer qu'ils sont hommes à se rire plus qu'il avait environ dix ans , lorsqu'un soir
tard du diable en personne.... d'hiver, soupant en famille chez son père, on
Après le discours où l'on dit encore que
« entendit des cris affreux qui partaient de
la maçonnerie ne s'occupe pas de politique, chez un tonnelier voisin ; on alla voir ce
tout en s'occiipant chaudement de l'inslrnc- que c'était. Un petit garçon, transi de peur,
lion publique, des élections, des moyens conduisit les curieux dans la chambre d'où
d'entraver l'action du clergé, les trois illus- venaient les cris, qui redoublèrent bientôt.
tres commissaires installateurs vont s'as- Ah ! messieurs, dit le tonnelier tremblant,
seoir, et les travaux du Grand-Orient sont couché en travers sur son lit , daignez au
fermés. La nouvelle loge est constituée; plus tôt faire appeler un chirurgien, car je
c'est elle qui entreen fonctions. Le vénéra- sens que je n'ai pas longtemps à vivre.
ble se lève, remercie les commissaires, les Le père de Piron , après avoir chargé un
députés du Gran'l-Orient et des diverses lo- domestique de remplir les intentions du pré-
ges étrangères, les frères visiteurs , et ac- tendu malade, s'étant approché de lui, et
corde la parole au frère orateur. Celui-ci l'ayant interrogé sur la cause de sa mata- -

prononce un discours où il considère la die :

franc-maçonnerie comme une œuvre de pro- Vous voyez, mon cher voisin, répondit le
pagande et de haute moralisalion. Le dis- tonnelier, l'homme le plus misérable! Ah !

cours est suivi d'une prière à l'Kternel, avec maudite femme on m'avait bien dit que te»
I

accompagnement de piano. La maçonnerie y liaisons avec la plus détestable sorcière di;


célèbre son triomphe sur Rome et sur l'E- la Bourgogne, ne tarderaient guère à ni'élrc
glise catholique. fatales....

« Cependant ilen dépit de la


est tard, et, Ces propos faisant soupçonner que la
joie et des plus douces émotions, on s'aper-
télé de cet homme était dérangée, on atten-
çoit finalement qu'on a faim. Les frères maî-
dit que le chirurgien fût arrivé.
tres des cérémonies viennent annoncer que
Monsieur, s'écria le tonnelier, lorsqu'il la
vit entrer, j'implore votre secours, je suis un
le dîner est servi. L'assemblée ne se le fait
pas dire deux fois, elle se rend, en défilant homme mort !

sur deux colonnes, dans la salle du banquel,


Sachons d'abord lui dit le chirurgien, de ,

quoi il s'agit.
où la table est dressée en forme de fer à
cheval. La réunion se trouve accrue. Le Ah faut-il que je sois fi)rcé, en vous di-
1

tracé, aulremenl dit procès-verbal, ne comp- sant d'où partent mes douleurs, de déshono-
tait que quatre-vingt-un frères dans la salle rer ma femme môme répondit le pauvre !

d'installation; il en compte cent autour des homme. Mais elle le mérite et dans mon , ,

plats et des bouteilles. Musique, appétit, état, je n'ai plus rien à ménager. Apprenez
chansons, toasts, santés, etc. » donc qu'en rentrant chez moi ce soir, après
{Jturnal historique et littéraire. Mars 1811.) avoir passé deux heures au plus chez le
marchand de vin du coin, ma femme, qui
FRANK (Christian), visionnaire qui me croit toujours ivre, m'ayant trop poussé
mourut en 1590 il changea souvent de reli- à bout, je me suis vu forcé, pour pouvoir me
;

gion ce qui le fit surnommer Girouette. 11


,
coucher en paix d'être un peu rude à son ,
croyait la religion japonaise meilleure que égard sur quoi, après m'avoir menacé de
;

les autres parce qu'il avait lu que ses mi-


, sa vengeance, elle s'est sauvée du logis ; je
nistres avaient des extases. me suis déshabillé pour gagner mon lit ;
FRANK Sébastien ) autre visionnaire mais au moment d'y monter... Dieu la mé-
( , 1

du seizième siècle, sur la vie duquel on a chante créature une main, pour ne pas diro I

peu de données positives, quoiqu'il ait dans une barre de fer, plus brûlante qu'un tison,
son temps excité l'attention du public. Il est tombée sur ma fesse droite, et la douleur
donna en 1531 un traité de VArbre de la que j'en ai ressentie, jointe à la peur qui m'a
science du bien et du mal, dont Adam a mangé saisi, m'a fait manquer le cœur au point que
la mort, et dont encore aujourd'hui tous les je ne crois pas y survivre Mais vous en !

hommes la mangent. Le péché d'Adam n'est riez, je crois ? eh bien messieurs, voyez si 1

selon lui qu'une allégorie, et l'arbre que la toute autre main que celle de Lucifer menu-
personne, la volonté, la science, la vie d'A- pût jamais appliquer une pareille claque 1

dam. Frank mourut en 15^5. Au premier aspect de la plaie, de sa noir-


On a encore de lui une traduction alle- ceur et des griffes qui semblaient y être im-
mande de V Eloge de la folie, par Erasme le primées, la plupart des assistants furent sai-
:

Traité de la vanité des science^, et i' Eloge de sis, et le petit Piron voulut se sauver. Mais
l'âne, traduit d'Agrippa, en allemand Para- ; on rassura le malade sur les idées qu'il avait
doxaou deux cent quatre-vingts discours mi- conçues, tant contre sa femme que contre la
raculeux, UrésûeVÊcrilure sainte, Ulm,1533, prétendue sorcière le chirurgien lui appli- ;

in-8 Témoignage de l'Ecriture sur les bons et


. qua les remèdes convenables on le laissa un :

DiCTI )NN. DES SCIESCES OCCCLrES. l. 23


ri5 DICTIONNAIUF. DES SCIENCRS OCCULTES. 7JC

ppu dans son cffioi, ce qui le corrigea Icgô- et qu'il reconquérir la terre sainte
ira
remenl de son ivrognerie. Jusqu'au jour fixé par le destin, le grand
Ce remède avait clé miployé par la femme empereur s'est retiré dans le ctiâleau de
(au moyen d'un parent ea-
qu'elle avail fait Kilifh.iusen, au milieu de la forêt d'Hercynie ;
elierdans la maison), pour corriger l'inlem- c'est là qu'il vil à peu près de la vie des ha-
iiéranre du toniielii-r. bitants de la caverne de Monlésinos, telle que
FRÉDÉRIC - RAUBEROUSSE. Nous ne Cervantes nous l'a décrite. Il dort sur son
voulons pas juger ici cet empereur. Nous trAne sa barbe rousse a poussé à travers la
;

nous bornons à rapporter sa légende ; nous table de marbre sur laquelle s'appuie son
la prenons dans les curieuses recherches bras droit, ou selon une autre version , ses
,

(;ue la Quarterly review a publiées sur les tra- poils touffus ont enveloppé la pierre comme
ditions populaires. l'acanlhe enveloppa un chapiteau de co-
Dans les siècles de la chevalerie, une im- lonne.
mortalité romanesque fut souvent décernée On Danemark une variante de
trouve en
aux hommes supérieurs, par la reconnais- la même fiction,
arrangée d'après la localité,
sanee ou l'admiralion populaire. Ceux qui où il est dit que Holger Dansvre, dont les
avaient vu leur chef ou leur roi dans sa romans français ont faitOgierle Danois, est
gloire, après une bataille où sa bravoure le endormi sous les voûtes sépulcrales du châ-
dislingu.iit encore plus que sa couronne, ne teau de Cronenbourg. Quelqu'un avait pro-
pouvaient se faire à l'idée de le voir mourir mis à un paysan une forte somme s'il osait
comme le dernier de ses soldats. Le rêve d'un descendre dans le caveau et y rendre visite
serviteur fidèle et la fiction d'un poêle, d'ac- au héros assoupi. Le paysan se laissa tenter ;
cord avec la pompe des funérailles, avec au bruit de s;'S pas, Ogier, à demi renversé,
l'intérêt d'une famille , avec la créduliié du lui demanda la main ; le paysan présenta à
peuple, tout concourait à prolonger au delà Ogier une barre de fer. Ogier la saisit et y
de la tombe rinduence du héros. Peu à peu laissa l'empreinte de ses doigts. —
C'est bien I

les honneurs rendus à sa cendre devenaient ajouta-t-il, croyant avoir pressé le poignet
le culte d'un demi-dieu qui ne pouvait être de l'étranger et éprouvé sa force. C'est bien,
sujet à la mort. Achille reçut des Grecs cette il y a encore des hommes en Danemark.

apothéose. De même les Bretons attendirent Cela dit, Ogier letomba dans son som-
longtemps le réveil d'Arthus assoupi à Ava- meil.
lon et, presque de nos jours, les Portugais
; Frédéric-Barberousse aime la musique et
se flattaient de l'espoir que le roi Sébastien il Il y a quelques années
l'écoute volontiers.
reviendrait réclainer son royaume usurpé. qu'une troupe de musiciens ambulants crut
C'est ainsi que les trois fondateurs de la faire une bonne œuvre en donnant une séré-
confédération helvétique dorment dans une nade au vieil empereur. Se plaçant donc sur
caverne près du lac de Lucernc. Les berger* son rocher lumulairc, ils se mirent à exécu-
les appellent les trois Tell, et disent qu'ils ter un air de chasse, au moment où l'horloge
reposent là, revêtus de leur costume anti- de l'église de Tilleda sonnait minuit.
que ; si l'heure du danger de la Suisse son- A la seconde aubade on vit des lumières
,

nait, on les verrait debout, toujours prêts à autour du rocher, étincelant à travers les
combattre encore pour reconquérir sa li- feuilles du taillis et illuminant les troncs gi-
berté. gantesques des chênes. Bientôt après, la fille
Frédéric-Barberousse a obtenu la môme de l'empereur s'avança gracieusement vers
illustration. Lorsqu'il mourutdansla Pouillc, les musiciens elle leur fit signe de la suivre
; ;

dernier souverain de la dynastie de Souabe , la roche s'ouvrit, et les artistes entrèrent


l'Allemagne se montra si incrédule à sa dans la caverne en continuant leur concert.
mort, que cinq imposteurs, qui prirent suc- On les reçut à merveille dans la chambre
cessivement SDH nom, virent accourir autour impériale où ils jouèrent jusqu'au malin.
,

de le!;r bannière tous ceux qui avaient ap- Frédéric leur adressa un sourire plein de
plaudi au règne de Rodolphe de Hapsbourg. douceur, et sa fille leur offrit à chacun un(>
Les faux Frédéric furent successivement dé- branche verle. Le cadeau était un peu trop
masqués et punis cependant le peuple s'ob-
; champêtre pour des artistes modernes qui,

sliiiait à croire que Frédéric vivait, et réjté- n'avaient peut-être pas entendu dire que li's
tait qu'il avait prudemment abdiqué la cou- vainqueurs des jeux olympiques ne rece-
ronne impériale. C'est un sage, disait-on ;
vaient d'autre récompense qu'une couronne
il dans Us astres il voyage dans les
sait lire : de laurier. Mais, tout en trouvant qu'oi
pays lointains avec ses astrologues et ses payait mal la bonne musique chez le défunt
tiilèles compagnons, pour évilerles malheurs nionarque, leur respect pour sa sépulcrale
qui l'auraient accablé s'il fût reslé sur le majesté les empêcha de refuser. Ils s'en allè-
tiône ; <|uand les ten)ps seront favorables , rent sans murmurer, et quand ils se virent
nous le verrons reparaître plus fi rt et plus de nouveau en plein air, tous, à l'exception
redoutable qtie jamais. d'un seul jetèrent dédaiu;iieusement les ra-
,

On citait à^ l'appui de celle supposition des meaux qui leur avaieut été si gracieusement
(irophétics obscures, qui annonçaient que donnés par la fille de l'empereur. Le musi-
Frédéric était destiné à réunir l'Orient à cien qui conserva son rameau ne l'emportait
l'Occident ces prophéties prétendent que les
; ciiez lui que comme un souvenir de celle
Turcs et les païens seront défaits par lui aventuré. Mais, lorsqu'il fut près de sa mai-
dans une bataille sanglante, près de Coloi,M!e, son, il lui sembla que la branche deveuail
m FRE FRI 71»

plus lourde dans sa main : il regarde, et que rimO'ge s'échappe de l'enclume et saute
voitchaque feuille briller d'un éclat métalli- sur le plancher de l'alelier. Aucun effort ne
que Chaque feuille élait changée en un put l'en arracher; mais l'orfèvre, devinant
ducal d'or. Ses conipagnons, ayant appris sa la nature de l'influence attractive, creusa
bonne fortune, coururent aux rochers où ils sous la statue et découvrit un vase rempli
avaient jeté Ifurs rameaux Hélas il 1 d'or qui avait été caché là par quelque an-
était trop lard ils ne les trouvèrent plus, et
;
cien propriétaire de la maison. Il est facile
s'en revinrent honteux de leur dédain pour de deviner le bonheur de l'arlisle Me : —
la munificence impériale. voici donc maître de tous les trésors de la
L'empereur Frédéric , ayec ses branches terre, s'écria-l-il mais hâlons-nous avant
;

aux feuilles d'or, n'est, selon quelques uns, que le cabaliste ne vienne réclamer sa statue.
que le démon gardien d'un de ces trésors du Résolu de s'approprier le talisman l'or- ,

moyen âge dont la recherche devenait un fèvre l'emporte et s'embarque sur un navire
métier pour certains charlatans de celle qui mettait justement à la voile. Le vent
époque prototypes du Dousterswivel de
,
élait favorable, et en peu de temps on fut en
l'illustre romancier d'Eiosse. Ces adeptes pleine mer. Tout à coup, le navire ayant
faisaient surtout des merveilles dans les pays passé sur un abîme ou quelque riche irésor
de mines, où ils ont encore des successeurs. avait été perdu par l'effet d'un naufrage, le
Chacun d'eux avait sa manière d'opérer : talism.in obéit à son irrésistible influence ,
c'était d'abord le théurgiste qui priait et ji û- et se précipita de lui-même dans les vagues,
nait jusqu'à ce que l'inspiration lui vint. A au grand désappointement de l'orfèvre.
côté de lui venait le magicien de la nature. Ce n'e>t pas la seule légende qui porte
Le seul talisman d^nt il armait sa main était avec elle sa moralité. L'avarice humaine
une bagutl e de coudrier, qui lui révélait, nous y est représeniée courant après l'or et
par une sorte d'attraction magnétique, tan- le demandant à l'enfer comme au ciel son :

tôt les sources d'eau vive (I), tantôt les mé- vœu est-il exaucé, c'est au prix d'une malé-
taux ensevelis sous les couches épaisses de diction qui en corrompt la jouissance mais ;

la terre. « Illusions s'écriait l'élève de Cor-


! plus souvent la destinée la tour.nente, comme
nélius Agrippa ; toute la science est dans ce Tantale, par une continuelle déception..
livre du grand philosophe heureux qui sait
:
FIllBOURG. M. Lucien Brun a publié
y lire pour apprendre à charmer le miroir celte curieuse légende des deux Fribourg.
dont la glace miraculeuse vous montre, sous Wilfrid de Thanenburg, un des riches gen-
les climats les plus lointains , les personnes tilshommes de Fribourg en Brisgaw fêlait ,

que la mer et les déserts séparent de vous. ses accordailles avec la noble héritière de
Venez, vous qui osez y fixer les yeux : ce Rosenberg. Les vins du Rhin , des meilleurs
miroir magique a été enterré trois jours sous crus coulaient largement dans des coupes
;in gibet où pendait ui^voleur ; et j'ai ouvert
,

souvent vidées. —
Le vieux bourgmestre
les tombeaux pour présenter son cristal à la Conrad de Blumenlhal céda doucement à
fiice d'un mort, qui s'est agité convulsive- une impulsion communicative et ne man- ,

ment ! » qua pas, après des révélations que l'hisloiro


Si vous alliez consulter le cabaliste espa- n'a pas conservées, d'épancher <iuelque dose
gnol ou italien il vous recevait paré de son
,
de mauvaise humeur contre rarclievôque
costume, qui n'existe plus que dans les mas- Adhémar, qui lui rognait ses privilèges.
carades de notre carnaval une ceinture:
Les convives se récrièrent sur ce couragu
particulière lui ceignait les reins ; vous ne inconnu dont ils firent du teste , tous les
, ,

compreniez rien à ses telesmes et à ses pen- honneurs au tokay, et chacun de rappe'er
lacles. Il s'aidait aussi des idoles constellées, au bourgmestre les prétentions dt; l'arche-
dont l'anecdote suivante vous révélera la vêque, suivies d'autant de soumissions du
merveilleuse action. digne magistrat.
Un cabalisle savait que , s'il pouvait se — Par saint Conrad, Mosseigneurs ! s'écria-
procurer un certain métal, qui élait peut- t-il aiguillonné, ne saurai-je donc pas meltru
être le platine, et profiler de l'aspect favo- un frein à ses empiélemenls ?
rable des planètes pour en f.iire la figure — Eh mais nous avons tout lieu de
1 , le
d'un homme avec des ailes, celle figure lui croire! un de ses voisins.
lui dit
découvrirait tous les trésors cachés. Après — Eh bien je veux Satan nous em-
! ((ue
bi«n des recherches , il est assez heureux porte, et avec nous la moiiié di\ noire bonne
|)0ur trouver le talisman , et il le confie à un ville, si hier déjà je ne lui ai fait senlir com-
ouvrier qui , peu à peu le convertit en la
,
bien son arrogance me déplaît , et si dé-
forme astrale, ne travaillant avec ses outils niai n....
(juo les jours que lui indique le maître, qui
ce moment un édal de rire moqueur,
En
consultait avec soin pour cela les tables al-
lachOte de quelques vases et d'un riche ba-
lonsines. Or, il arriva que l'ouvrier, étant
hut interrompirent le bourgmestre
,
:
laissé seul avec la statue presque achevée,
eut la bonne inspiration de lui donner la — Qui
ose rire ? s'éeria-t-il exaspéré,
dernière main dans un niomenl où toutes les (luoiqu'un peu inquiet du mensonge qu'il
constellations étaient d'accord pour la douer venait de faire (lui veut que je lui prouve
;

de ses propriétés magiques. Kn effet, à peine ce que j'avance ?


:ivait-elle reçu le dernier coup de marteau, —
C'est toi qui fais loul ce bruit dit Wil- I

II) Vojei BtCCbTTEDlVlKATOBB. frid à ui<»vieux serviteur clTiayc.


719 DICTIONNAIRE DKS SCIENCF.S OCCULTES. TM
— Non monseigneur, mais quand on a
,
prendre possession de l'endroit , trouvèrent
parlé du diable, senti.... j'ai original d'être les fondateurs de cette cité
— Le brûlé, je parie, s'érria Wilfrid en qui tombait des nues, et laissèrent les con-
riant ; eh bien! donne-nous du vin, el laisse vives et la colonie reconnaître leurs do-
le diable en p;iix , s'il peut y rester. maines.
Cette saillie détourna l'attention ; el les Et cependant vous lirez partout qu'en l'an
ronvives eurent bientôt oublié la colère de i 178 Berthold Vde Zœhringen érigea en ville

lilumenlhal et le court incident qui en était Fribourg, dans l'OKchtland sans que dis ,

résulté ; ils s'amusèrent beaucoup toutefois ouvrages, du reste fort estimables, vous di-
de la figure bouleversée du vieil échanson, sent un mot du fondateur. — Ce que c'est
(|ui affirma très-positivement qu'il avait vu que l'histoire 1

fdir les foréis et failli se heurter à la lune, FRISSON DES CHEVEUX. On disait ati-
qui n'était pas à hauteur d'homme. Irefois dans certaines provinces que le fris-
Or voici ce qui se passait. son des cheveux annonçait la présence ou le
Le bourgmestre avait été pris au mot par passage d'un démon.
Satan lui-même , qui faisait voyager, pour FRONT. Divination par les rides du front
son instruction, un jeune diable. Voy. MÉTOPoscopiE.
— Mon fils , lui avait-il dit ,
quand tu FROTHON. On lit dans Albert Krantz que
sauras qu'il y a chez un jeune fou un projet Frolhon, roi de Danemark, fut tué par une
de fêle invite-loi sans crainte
,
le diable , sorcière transformée en vache. Ce roi croyait
n'est jamais déplacé dans une orgie, au con- à la magie, et entretenait à sa cour une in-
traire. signe sorcière qui prenait à son gré la forme
Et ils s'en étaient allés chez Wilfrid de des animaux. Elle avait un fils aussi mé-
ïhanenburg. — On a su ce qui précéda el chant qu'elle , avec qui elle déroba les tré-
suivit les paroles du bourgmestre. Satan fil sors du roi , et se relira ensuite. Frothon
un signe à son élève et l'un de droite , et
, s'étant aperçu du larcin et ayant appris que
l'autre de gauche, prirent joyeusement la
ils la sorcière et son fils s'étaient absentés, ne
moitié de Fribourg la plus éloignée de la douta plus qu'ils n'en fussent coupables. Il
cathédrale, ets'cnfuirenl comme des larrons. résolut d'aller dans la maison de la vieille.
C'étaient leur joie et ce brusque mouvement La sorcière, voyant entrer le roi chez elle,
qui avaient interrompu le bourgmestre. eut recours aussitôt à son art , se changea
Les deux démons ne savaient trop que en vache el son fils en bœuf. Le roi s'étant
fiiire de ce riche butin ; ils avaient enlevé baissé pour contempler la vache plus à son
Fribourg en vrais voleurs qui prennent par aise, pensant bien que c'était la sorcière ,

goût, par instinct, sans songer que la porte la vache se rua avec impétuosité sur lui, et
lie l'enfer, quelque vaste qu'elle fût, el quoi- lui donna un si grand coup dans les flancs
que donnant passage à des consciences d'une qu'elle le tua sur-le-cUamp (l).
largeur remarquable ouvrait inutilement
, FRUIT DÉFENDU. Voy. Tabac , Pommb
ses deux battants devant une demi-ville d'Adam, Adam, etc.
d'une dimension presque égale et d'une na- FRUITIER. Celui qui fait le fromage el le
ture beaucoup moins élastique et compres- beurre dans le Jura est le docteur du canton.
sible. Ils suivaient donc leur route aérienne On l'appelle le fruitier; il est sorcier, comme
sans but arrêté et en devisant de choses et de juste. La richesse publique est dans ses
d'autres. Ils remontèrent ainsi le Rhin jus- mains il peut à volonté faire avorter les
;

qu'à Bâle, non sans admirer les riches plai- fromages, et en accuser les éléments. Son au-
nes de l'Alsace; puis, prenant un peu à torité suffit pour ouvrir ou fermer en ce pays
droite, ils s'avancèrent dans la Suisse. les sources du Pactole; on sent quelle consi-
Satan discourait toujours. Il est tout à — dération ce pouvoir doit lui donner, et quels
coup interrompu par unébranlement subit du ménagements on a pour lui Si vous ajoutez I

fardeau que son jeune compagnon avait à cela qu'il est nourri dans l'abondance, el
cessé de soutenir. A la vue du gouffre au- qu'une moitié du jour il n'a rien à faire qu'à
dessus duquel il planait tout entouré de, songer aux moyens d'accaparer encore plus
rochers à pic et de noires forêts suspendues de confiance; qu'il voit tour à tour, en parti-
sur l'abîme au fond duquel grondait un tor- culier, les personnes de chaque maison, qui
rent écumanl , Satan comprit que l'autre uennenl faire le beurre à la fruiterie: -ju'il
avait été soudainement effrayé de l'aspect passe avec elles une matinée tout entière ;
sauvage de cotte nature inculte , el que ce qu'il peut les faire jaser sans peine, et par
mouvement d'horreur avait causé sa chute. e les apprendre, sans même qu'elles s'en dou-
Il se précipita tête baissée avec lui Fribourg ; tent, les plus intimes si crets de leurs familles
les suivait. —
La malheureuse ville ne fut ou de leurs voisins ; si vous pe^ez bien toutes
cependant pas gravement endommagée. Elle ces circonstances, vous ne serez point étonné
se posa un peu rudement sur le flanc du d'apprendre qu'il est presque toujours sor-
ravin et roula de-ci de-là au fond de l'en- cier, au moins devin; qu'il est consulté quand
tonnoir. C< tte ville est miiiulenant fribourg on a perdu quelque chose, qu'il prédit l'ave-
en Suisse, où vous voyez (chose parfaite- nir, qu'il- jouit enfin, dans le canton, d'un
ment inexplicable sans légenile) des maisdiis crédit très-grand, et que c'est l'homme qu'on
superposées et des rues courant sur les toits. appréhende le plus d'offenser (2).
Satan el son compagnon voyant la ville , FUMÉE. Dans toutes les communes du Fi
(1) Letoyer, llisl. et Disc, des spectres, etc., p. 142. (2) Leqiiiiiio, Voyage dans le Jura, t II, p. 3(iC.

I
,

7-21 FVl FL'Z ni


on voit à chaque pas. dit Ciimbry,
iiistère, deux sauTages. C'est pour cela, sans doute,
et
(lesusages cinlérieurs à la religion calholi- qu'il aimait beaucoup la mythologie barbare
que. Quand un individu va resscr d'ôlre, on des Scandinaves il l'a prouvé par plusieurs
:

consulte la fuméi>. S'é'ève-l-plle avec facilité, tableaux, la Dcscenle d'Odin au Nnstrund


le mourant doit habiter la demeure des bien- Lock, dieu des jours noirs, dévorant des vic-
heureux. Kst-clie épaisse, il doit descendre times humaines, etc. Fusely avait tant de pré-
ilans les antres du désespoir, dans les caver- dilection pour son Thor combattant le ser-
nes de l'enfer. pent, qu'il le présenta à l'académie royale,
C'est une espèce de proverbe en Angle- comme son tableau d'admission. Il était em-
terre que la fumée s'adresse toujours à la barrassé quand il avait à peindre la beauté
plus belle personne. El quoique cette opi- tranquille ou les grâces paisibles. Dans les
nion ne semble avoir aucun fondement dans sujets chrétiens, il introduit toujours Satan
la nature, elle est pourtant fort ancienne. ou Lucifer. Son goût pour les sujets ef-
Victorin et Casaubon en ont fait la remarque frayants était si connu do ses confrères,
à l'occasion d'un personnage d'Athénée, où qu'ils l'avaient surnommé le peintre ordinaire
un parasite se dépeint ainsi : —
Je suis tou- du diable. Il en riait lui-même en causant
jours le premier arrivé aux bonnes tables, avec eux. —
C'est vrai , disait-il, le diable a
doù quelques-uns se sont avisés de m'appe- souvent posé pour moi.
1er soupe, il n'y a point de porte que je n'ou- Un jour qu'il dînait chez le libraire John-
vre comme un bélier; semblable à un fouet, son, un des convives lui dit : M. Fuzely, —
je m'attache à tout, et, comme la fumée, je j'ai acheté un de vos tableaux.
me lie toujours à la plus belle (1). — Quel en est le sujet ?
On dit en Champagne que la fumée du — Ma je n'en sais rien.
foi,
foyer, quar.d elle s'échappe, s'adresse aux — Vous êtes un homme étrange, d'achetef
plus gourmands. un tableau sans connaître ce représente. qu'il
FUMÉE (Martin), sieur de Génillé il a ;
— Je acheté sur votre réputation cela
l'ai ;

publié, comme traduit d'Athénagore, un ro- m'a suffi; mais je ne sais quel diable de sujet
man dont il est lauleur, intitulé Du vrai et : c'est.
parfait amour. Tout insipide qu'est ce roman. — C'est cela, c'est sans doute le diable, ré-
Fumée trouva le moyen de le faire recher- pliqua Fuzely, je l'ai peint si souvent.
cher dos adeptes, par diverses allusions, et Ace propos, quelqu'un de la compagnie se
surtout par un passage curieux où, sous le mit à dire pour changer la conversation qui
voile de l'allégorie, il peint la confection du s'échauffait : —
Fuzely, il y a un membre du
grand oeuvre. Ce passage , devenu célèbre votre académie qui a une singulière figure;
chez les enfants de l'art, se trouve à la page il est aussi original que vous dans le choix

345, de l'édition de 1(512, moins rare que la de ses sujets.


première, ainsi que dans V Harmonie mysli' — C'est vrai, répliqua le professeur; il ne
que (le David Laigneau, Paris, 1636, in-8°. peint que des voleurs et des assassins, et
FUMIGATIONS. Quelques doctes pensent quand il manque de modèle, il se regarde
que les bonnes odeurs chassent les démons, dans la glace.
(jens qui puent et qui ne peuvent aimer, A mort de 'Willon, Fuzely devint le chef
la
comme a (lit une grande sainte. de l'académie royale. Son talent, son origi-
Les exorcistes emploient diverses fumiga- nalité même lui attirèrent un grand nombre
tions pour chasser les démons; les magiciens d'élèves. La salle des leçons était ordinaire-
les appellent également par des fumigations ment pleine. Il était caustique et dur dans ses
de fougère et de verveine; mais ce ne sont propos, au demeurant le meilleur des hom-
que des cérémonies accessoires. mes, fou de la folie des artistes, c'est-à-dire,
FUNÉRAILLES. Voy. Deuil, Mort. qu'il y avait toujours dans ses extravagances
FURCAS(lemêinequeForcf(«).Voy.cenom. un grand fonds de raison.
FUIIFUR, comte aux enfers. Il se fait voir Un élève lui montrait un dessin qu'il ve-
sous la forme d'un cerf avec une queue en- nait (l'achever, en lui disant avec complai-
(lammée; il ne dit que des mensonges, à sance —
Voyez, je l'ai fini sans employer
:

moins qu'il ne soit enfermé dans un triangle. un seul morceau de pain. Tant pis pour —
11 prend souvent la figure d'un ange, parle votre dessin, répliqua Fuzely; achetez un
d'une voix rauque, et eulrelienl l'union en- pain de deux sous, et effacez-le tout entier.
tre les maris et les femmes. Il fait tomber la Où il n'y a point de fautes, il n'y a point de
foudre, luire les éclairs et gronder le ton- talent.
nerre dans les lieux où il en reçoit l'ordre. — Que un autre jour à
voyez-vous? dit-il
11 répond sur les choses abstraites. Vingt-six un élève qui, son papier di>vant lui et son
légions sont sous ses ordres (2>. crayon à la main, regardait d'un air fixe.
FURIES, divinités infernales chez les an- — Rien, monsieur, répondille jeune homme.
ciens, ministres de la vengeance des dieux, — Rien?reprit maitre eh bien, vous ne
le ;

et chargées d'exécuter les sentences des ju- ferez jamais que des croûtes. Pour être ha-
ges de l'enfer. bile artiste, il faut voir quelque chose Le
FUZELY (Henri), célèbre artiste anglais. type idéal de votre dessin doit vous apparaî-
Il ressemblait un peu à nos peintres de l'école tre distinctement. Quant à moi, j'ai devant
romantique : il affectionnait les sujets hi- les yeux la représentation de tout ce que jo
'I) TUomas BrowD, Essais sur les erreurs, etc.cli. xxii.
peins : et plût au ciel qu'il me fût donné (le

p. 80. . (2) Wierus, In rscuJomonarcliia dœm.


m MCTIONNAIRE DliS SCIENCES OCCULTES. m
reproduire sur la toile ce que m'offre mon chel-Ange, et en le voyant, vous seriez tom
imagination Âlil si j'avais pu rendre le dia-
1 morts de peur et d'admiration (1).
ble coiiitne je l'ui vu, j'aurais surpassé Mi-

GAAP (autrement dit Tap). Voj. Tap.


G GAETH, dieu des morts chez les Kamts-
GABINIUS ou GABIENUS. ï);uu la guerre chadales. Voy. Lézards.
de Sicile, entre Oclave et Sexius Pompée, un GAFFAUEL (Jacques), hébraïsanl eî
des gens d'Oelave, nou)mc Gabinms, ayant oriiMitaliste, né en Provence eu 1601, mort
été fait priîionnier, eut la tôle coupée. Un en 1G8I. Ses principaux ouvrages sont :

loup emporta celte téle; ou l'arraeha an Mystères secrets de la cabale divine, défen-
loup, et sur le soir on entendil ladite léte dus contre les paradoxes des sophistes, Paris,
qui se plaignait et demandait a parler à 1625, in-V.
quelqu'un. Curiosités inouïes sur la sculpture lalisma-
On s'assembla autour; alors la bouche de nique des Persans, l'horoscope des patriar-
celte lêle dit aux assistants qu'elle était re- ches et la Lecture des Etoiles. Paris, 1629,
venue des enfers pour révéler à Pompée des in-8°.
choses importantes. Pompée envoya aussitôt Index de 19 cahiers cabalistiques dont s'est
un de ses eutcnanls, à qui !e mort décrira
I servi Jean Pic de La Mirandole, Paris, 1651,
(juo ledit Pompée serait vainqueur. La tète in -8-.
chanta ensuite dans un poëme les malheurs Histoire universelle du monde souterrain,
qui menaçaient Home après quoi elle se lut,
; contenant la description des plus beaux an-
à ce que disent Pline et Valère Maxime. tres et des plus rares grottes, caves, voûtes,
Si ce trait a quelque fondement, c'était sans cavernes et spélonques de la terre. Le prospec-
doute une fourberie exécutée au moyen d'un tus de ce dernier ouvrage fui imprimé à Pa-
ventriloque, et imaginée pour relever le cou- ris, 1606, in-folio de 8 feuillets il esl très-
:

rage des troupes. Mais elle n'eut point de rare. Quant au livre, il ne parut pas à cause
succès Sexius Pompée, vaincu et sans res-
: de la mort de l'auteur. On dit que c'était un
source, s'enfuit en Asie, où il fui tué par les monument de folie el d'érudition. 11 voyait
gens de Marc-Anloine. des grottes jusque dans l'humme , dont le
GABKAR. Les Orientaux croient à une corps présente mille cavités; il parcourait les
villu fabuleuse appelée Gabkar, qu'ils disent cavernes de l'enfer, du purgatoire cl dis
située dans les déserts liabités par les génies. limbes, etc.
GABRIEL (Gilles), a écrit au dix-sepiiè- GAILAN. Les Arabes appellent ainsi une
me siècle un essai de la morale chrétienne espèce de démon des forêts, qui tue les hom-
coiiiparée à la morale du diable: Spcci iina mes et les animaux.
morulis chrisliuiiœ et muralis diabulica: in GAILLARD, Voy. Coirières.
praxi. Bruxelles, 1673, in-12. GAIUS, aveugle guéri par un prodige, du
GABRIELLE. Dans le Vexin français, le temps d'Antonin. Esculape l'avertit, dans un
bourgeois qui a quatre filles et veut avoir un songe, de venir devant son autel, de s'y pro-
garçon, nomme la dernière Gabrielle; char- sterner, de passer ensuite de la droit à la
me qu'il croit de nature à lui amener infail- gauche, de poser ses cinq doigts sur l'autel,
liblement un fils. de lever la main, et de la mettre sur ses
GABRIELLE DESTRÉES, maltresse de yeux. Il obéit, et recouvra la vue pq pré-
Henri IV, morte en 1599. Elle cherchait â sence du peuple, qui applaudit avec trans-
épouser le Roi, et se trouvait logée dans la port.
maison de Zamet, riche financier de ce temps. C'était une singerie qu'on faisait pour ba-
Comme elle se promenait dans les jardins, lancer lesmiracles réels du christianisme.
elle futfrappée dune apoplexie foudioyante. GALACHIDE ou GARACHIDE, pierre noi-
On porta chez sa tante, madame du Sour-
la râtre, à lafjuelle des auteurs ont attribué
dis. Elle eut une mauvaise nuit; le lendi- plusieurs vertus merveilleuses, celle entre
main elle éprouva des convulsions qui la autres de garantir celui qui la tenait, des
firent devenir toute noire: sa bouche se con- mouches et autres insectes. Pour en faire
tourna, et elle expira horriblement défigu- épreuve, on frottait un homme de miel pen-
rée. On parla diversement de sa mort; plu- dant l'été, et on lui faisait porter celte pierre
sieurs en chargèrent le diable; on publia dans la main droite: ()uaiid celle é(>reuve
qu'il l'avait étranglée; cl au fait il en était réussissait, on reconnaissait que la pierre
bien capable. était véritable. On |.iéteiidait aussi qu'en la
GABRIKLLE de P., auteur de Vllisloire portant dans sa bouche, un découvrait les
(lesFantômes et des Démons qui se sont mun- secrets d»!S autres.
îtes parmi les hommes, in-12, 1819, et du GALANTA, sorcière du seizième siècle.
Dérnuniana, ou Anecdotes sur les appari- Elle donna nu jour une pomme à goûter à
tions de démons, de lutins et do spectres, la fille du suisse de l'église du Saint-Espril à
in-18, 1820. Rayonne, qui désirait avoir trois paniers de
(l)Ntitic« publiée dans plusieuis joiiruaux el sjguéc ces pommes. Celle tille n'eut pas (ilutôl mor-
S. G* du la pomme, qu'elle tomba du haul-mal;
72". G AL GAL 72«

il Ifi du maléfice
force fut fcUo, qu'elle en fut miré et comblé d'honneurs par les cardinaux
lourmenlée toute sa Aussitôt qu'elle
vie. et les grands seigneurs auxquels il montra
voyait la accès lui prenaient
sorcière, les ses découvertes. Lorstiu'il y retourna, en
Irès-violeiriiiient « ce qui a été conOrnié de-
: 1(115, le cardinal Dilinonle lui traça le cer-
vant nos yeux, » comme dit Delancre. De cle savant d;ins lequel il devait se renfermer.
nos jours, on n'allribuerait peut-éire pas Mais son ardeur et sa vanité l'emportèrent.
cela au sortilège; mais alors on poursuivit « Il exigeait, dit Guichardin, que le Pape et
la sorcière. le sainl-office déclarassent le système de Co-
GALIEN. Le plus grand médecin des temps pernic fondé sur la Bible, » 11 écrivit à ce
passés après Hippocrate. On lui attribue un sujet mémoires sur mémoires. Paul V, fati-
Traité des enchantements, et les médecins gué de ses instances, accorda que cette con-
empiriques ont souvent abusé de son nom. troverse fût jugée dans une congrégation.
(jALltîAI (Léonoua) épouse du maréchal
,
Malgré tout l'emportenient qu'y mil Galilée,
d'Ancre Coiicino Concini, tué par Vitry, capi- il ne fut point inléressé dans le décret rendu

taine des gardes en 1617. On la crut sorcière ;


par la congrégation, qui déclara seulement
et en elTet, elle s'occu|)ait de sciences occul- que le système de Copernic ne paraissait pas
tes et de charmes. On publia que par ses malé- s'accorder avec les expressions de la Bible.
tices elle avait ensorcelé la reine surtout ; Avant son départ, il eut une audience
lorsqu'on cul trouvé chez elle trois volumes très-gracieuse du Pape; et Bellarmin se
pleins de caractères magiques, cinq rouleaux borna, sans lui interdire aucune hypothèse
de velours destinés à donu'nrr les esprits astronomique, à lui inlcrdire ses préteatiuus
des grands, des amulettes qu'elle se niellait théologiques.
au cou, des agnus que l'on prit pour des ta- Quinze ans après, en 1632, sous le ponti-
lismans, car elle mêlait les choses saintes fical d'Urbain VIII, Galilée imprima ses cé-
aux abomin itions magiques, et une letlre lèbres dialogues Belle due massime système
que Léonora avait ordonné d écrire à une del mondo, avec une permission cl une ap-
sorcière nommée Isabelle. Il fut établi au probation supposées. Personne ne réclama.
procès que le maréchal et sa ftmnie se ser- il fil reparaîire ses mémoires écrits eu 1016,
vaient, pour envoûter, d'images de cire qu'ils où il s'efforçait d'ériger la rotation du globe
gardaient dans de petits cercueils; qu'ils sur son axe en question de dogme. Ses bra-
consultaient des magiciens, des astrologues vades le firent citer à Rome. Il y arriva le
cl des sorciers; qu'ils en avaient fait venir 3 février 1633. Il ne fut point logé à l'inqui-
de Nancy pour sacrifier des coqs aux dé- sition, mais au palais de l'envoyé de Tos-
mons, et que dans ces cérémonies Galigaï cane.
ne mangeait que des crêtes de co(i et des ro- Un mois après, il fut mis, —
non dans les
gnons de bélier qu'elle faisait charmer au- prisons de l'inquisition, —
conmie laiit de
paravant. Elle fut encore convaincue de s'ê- menteurs l'ont écrit, mais dans l'apparle-
tre fait exorciser par un cerlain Mathieu de menl du fiscal. Au bout de dix-huit mois,
Monlanay, charlatan sorcier. Sur ses pro- s'étant rétracté, c'est-à-dire ayant renoncé
pres aveux, dit-on, elle eut la télé tranchée, à sa conciliation de Copernic el de la sainte
cl fui brûlée en 1617. Cependant le prési- Bible, seule question qui fût en cause, il
dent Courlin lui demandant par quel charme s'en retourna dans sa pairie.
elle avait ensorcelé la Reine, elle répondit Voici ce qu'il écrivait en 1633, au P. Ré-
fièrement ; « Mon sortilège a été le pou»oir ccnéri, son disciple: —
« Le Pape me croyait
que les âmes fort* s ont sur les âmes faibles. » digne de son estime. Je fus logé dans le déli-
GALILÉE. Les prolestants, copiés par les cieux palais de la Trinité-du-MonL Quand
jansénistes, ont beaucoup déclamé contre la j'arrivai au saint-office, deux pères domini-
prétendue persécution qu'essuya Galilée, à cains m'invitèrent irès-honnêlement à faire
cause de ses découvertes astronomiques. On a mon apologie. J'ai été obligé de rélracler
fait fracas de ce qu'on appelle sa condam- mon opinion en bon catholique. Pour mo
nation au tribunal de l'inquisition romaine. punir, on m'a défendu les dialogues, et con-
Mais il est prouvé, il est constant, il est avé- gédié après cinq mois de séjour à Rome.
ré, il est élalili, depuis longtemps déjà, qu'on Comme la peste régnait à Florence, on m'a
en impose effrontément dans ces récils infi- assuré pour demeure le palais de mon nieil-
dèles ce qui n'empêche pas les écrivailieurs
: leurami, monseigneur Piccolomini, archevê-
de les répeler toujours. que de Sienne; j'y ai joui d'une pleine Iran-
Galilée ne fut pas censuré comme astro- quillilé. Aujourd'hui je suis à ma campagne
nome, mais cortuiie mauvais théologien. Il d'Art être, où je respire un air pur auprès de
voulait expliquer la Bible. —
Ses découver- ma chère pairie (1). a
tes, à l'appui du système de Copernic, ne lui Néanmoins les philosophes rebelles con-
eussent pas fait plus d'ennemis qu'à cet au- linueront à faire de Galilée une victime de la
tre savant. Ce fut son eiilêlement à vouloir superstilion et du fanatisme. On citera le
concilier, à sa manière, la Bible et Coper- coule de Galilée en prison , écrivant sur la
nic, qui le fit rechercher par l'inquisition. muraille , autour d'un cercle , e puer se
En même temps que lui vivaient à Uome un muove : pourtant elle tourne
et Comme si
1

grand nombre d'hommes célèbres, et le sainl- jamais on lui eût interdit d'avancer cela. On
sjége n'était pas entouré d'ignorants. Eu consacrera cette malice absurde par la pein-
1011, pendant son premier voyage dans la ture et la gravure ; el on citera avec em-
capitale du monde chrétien, Galilée fut ad- (l) Bcrgier, Dict. de théologie, au mol Soekcbs.
727 DICTIONNAIRE DliS SCIKNCES OCCL'LTES. IW,

phase la même Tausscté mnlrcillantc illustrée de Brunswick se mellent à califourchon sur


par les beaux vers de Louis Racine, dans le la même monture ; et tous les autres osse-
))Uome do la relitjion : ments qui se trouvent dans la campagne, se
L» terre cepenilatil, à sa marche fldèle, pulvérisent à l'approche de l'un de ces ca-
Emiorte G^ililée cl m)ii juge avec elle. valiers nocturnes. L'art de préparer leur
Tant il est difficile de déraciner une erreur équipage consiste daiis une courroie d'une
|iassi()iinéo! espèce de cuir qu'ils appellent Gandreid-
Dans tout cela, nous ne jugeons pas le Jaum, sur laquelle ils impriment leurs runes
fyslènie de Galilée, sur lequel il u'esl pus im- ou caractères magiques (3).
possible que le drrnier mol ne soit pas dit. GANGA-GRAMMA, démon femelle que
On Tienl de retrouver les manuscrits de les Indiens craignent beaucoup, et par con-
Galilée, que l'on avait dit brûlés pur l'inqui- séqu(>nt auquel ils rendent de grands hon-
sition. Que ne pi'Ut-on retrouver , à l'usage neurs. Il a une seule tète et quatre bras ; il
des ennemis de l'Ejçlise. la bonne foi 1 tienl dans la main gauche une petite jatte ,
GAM.\HÉ ou CAMxMEU, espèce de talis- et dans la droite une fourchette a trois poin-
man qui consiste dans des images ou des ca- tes.
ractères naturellement gravés sur certiiines On le mène en procession sur un char
pierres, auxquels la superstition a fait attri- avec beaucoup de pompe ; quelquefois il se
buer de grandes vertus , parce qu'elle les trouve des fanatiques (lui se font écraser par
croit produits par l'influence des esprits. Gaf- dévotion sous ses roues. Les boucs sont les
f.irel dit qu'Albert le Grand avait une de ces victimes ordinaires qu'on lui immole.
pierres, sur laquelle était un serp(!nl qui Dans les maladies ou dans quelque autre
possédait cette admirable vertu d'attirer les danger, il se trouve des Indiens qui font vœu,
i.utrcs serpents lorsqu'on la plaçait dans le s'ils en réchappent, de pratiquer en l'hon-
lieu oii ils venaient. D'autres pierres, ajou- neur de Ganga-Gramma la cérémonie sui-
•e-l-il, guérissent les morsures et chassent les vante. On leur enfonce dans la peau du dos
venins. George Agricola rapporte qu'on voit des crochets, par le moyen desquels on les
des Gamahés de la forme de quelques parties élève en l'air ; là ils font quelques tours
'lu corps, ou de quelques plantes , et qui ont d'adresse, comme des entrechats, en pré-
des vertus merveilleuses ; ainsi celles qui re- sence des spectateurs. Il se trouve des fem-
présentent du sang arrêtent les pertes, etc. mes simples et crédules, à qui l'on persuade
GAMOULIS , esprits qui , selun les habi- que cette cérémonie est agréable à Ganga-
tants du Kamischalka, produisent les éclairs Gramma et qu'elle ne cause aucune dou-
,

en se lançant dans leurs querelles les lisons leur. Lorsqu'elles la sentent, il n'est plus
à demi consumés qui ont chauQ'é leurs hut- temps de s'en dédire, elles sont déjà en l'air,
tes. Lorsqu'il tombe de la pluie, ce sont les et les cris des assistants étoulTenl leurs plain-
Gamoulis qui rejettent le superflu de la bois- tes.
son. Une autre
sorte de pénitence, toujours en
GAMYGYN, grand marquis des enfers. l'honneurdu même démon,
consiste a se lais-
C'est un puissant démon. On le voit sous la ser passer une ficelle dans la chair, et à dan-
forme d'un petit cheval. Mais dès qu'il prend ser pendant que d'autres personnes tirent
«elle d'un homme, il a une voix rauqtie et cette Ocelle.
discourt sur les arts libéraux. Il l'ait paraître La nuit qui suit sa fétc, on lui sacrifie un
aussi devant rexorcisic les âmes qui ont buffle dont on recueille le sang dans un vase;
péri dans la mer, et celles qui souffrent dans on le place devant l'idole, et l'on assure que
eelte partie du purgatoire qui est appelée le lendemain il se trouve vide. Des auteurs
Carlagra ( c'est-à-dire, affliction des âmes ). dirent qu'autrefois , au lieu d'un buffle , on
Il répond clairement à toutes les questions immolait une victime humaine.
qu'on lui fait ; il reste auprès de l'exurcisle GANGUY( Simone), dite la Pelite-Mère,
jusqu'à ce qu'il ait exécuté tout ce qu'on lui sorcière, amie de Madeleine Buvan. 11 ne pa-
ordonne ; cependant là-bas , trente légions rait pas qu'elle ail été brûlée.
lui sont soumises (1). GANNA, devineresse germaine; elle avait
GANDILLON ( Pierre ) , sorcier de la succédé à Velléda ; elle fit un voyage à Rome,
Franche-Comté, qui fut brûlé vers 1610, où elle reçut de grands honneurs de Domi-
pour a voir couru la nuit en forme de lièv rc (2). tien (4).
GANDREID, sorte de magie en usage GANTIÈRE, sorcière. En 1382, le parle-
chez les Islandais, laquelle magie donne la fa- ment de Paris confirma la sentence de mort
culté de voyager dans les airs ; elle est, du bailli de la Ferlé contre la femme Gan-
<'il-on, d'invention nouvelle, quoique le nom tière. Elle avouait que la Lofarde l'avait
en soit connu depuis des temps reculés. Mais transportée au sabbat ; que le diable l'avait
o.n attribuait autrefois les cavalcades aérien- marquée (|u'il était vêtu d'un habit jaune
; ;

nes au diable et à de certains esprits. Les qu'il lui avait donné huit sous pour payer sa
Islandais prétendent aujourd'hui que ce sont taille ; mais que, de retour dans son logis ,

des sorcières montées sur des côtes de che- elle ne trouvés dans son
les avait plus mou-
val et des tibias, en guise démanche à balais, choir.
qui se promènent p.ir les airs. GARDE DES TROUPEAUX, Voy. Trou-
Les sorcières de Basse-Saxe et du duché peaux.
(t) Wierus, (le Praesi. &.vm., p. 926. (5) Voyage en Islande, traduit du danois, etc., IfUi.
{i) M. GaririLt, HUloiro de la magie eu France, \i. 166, (i) Tatile, Annales, 'ôH.
729 GAI» r,\l{ 730
GARDEMAIN. Voyez Gi.oce^ter. les entendait de dix verser des
lieues, et
GARGANTUA. « Histoire merveilleuse larmes si abondantes qu'elles auraient fait
de Gargiiiitua, duns laquelle on verra son tourner six gros moulins.
origine surprenante, sa naissance, ses prodi- Ce couple allait à la chasse pour dissiper
gieux faits pendant ses voyages, et ses ac- ses chagrins. Mais la femme de Grand-Gosier
tions éclatantes au service tlu roi Arllius, devint mère; elle donna le jour à un gros
dans toutes les victoires qu'il a remportées garç<m qu'ils élevèrent et qu'ils aimèrent
sur ses ennemis. » beaucoup. Ils lui firent un tambour de douze
Il y avait du temps du roi Arthus, un phi- peaux de bœufs, des baguettes de deux arbres
losophe, le plus habile du monde en nécro- de médiocre gran leur. On l'exerçait à jeter
mancie, appelé Merlin, lequel faisait des de petites pierres de la grosseur d'un homme.
merveilles. Il avait sauvé le roi et toute la Le terme prescrit par Merlin étant arrivé,
noblesse de la cour d'une maladie coiila- Grand-Gosier et Galemelle se disposèrent
gieuse. Il avait imaginé de faire un navire au voyage pour la cour du roi Arthus. La
qui voguait sur la terre ferme ai ec autant de jument était haule comme un mât de navire ;
f.icililé et de vitesse que ceux qu'on voit sur uarganlua, monté dessus tenait une perche
,

la mer. Mais un de ses plus grands services à la main, en guise de cravache; ses parents
fut de découvrir au roi, par son art une , avaient deux rochers sur leur léte , pour
guerre qui le menaçait. Arihus, pour en dé- montrer leur forceau prince. Ils traversèrent
tourner l'orage, donna à Merlin tous ses ainsi l'Allemagne et la Lorraine. Parvenus en
pouvoirs. Ce dernier se fit transporter sur la Champagne, qui était alors pays de forêts, il
plus haute montagne de l'Orient ; il avait se trouva que des mouches, ayant piqué la
avec lui une grande fiole pleine du sang de jument , la firent caracoler avec une telle
Lancelot du Lac, avec les rognures des on- violence, qu'elle renversait de sa queue les
gles de Genièvre , la femme du roi Artlius. plus gros arbres, de manière qu'il n'en resta
ktant arrivé à cette montagne, il fit une en- pas un debout dans toute celte contrée. Gar-
clume d'acier, de la grosseur d'une tour ; il gantua cherchant à arrêter sa jument , se
,

avait trois marteaux qui, par la puissance de mil uu fétu au coin de l'œil, c'était un grand
son art frappèrent d'eux-mêmes sur cette
, sapin, et une accroche au petit doigt du pied,
enclume avec tant de force, que l'on eût dit qui pesait plus de deux cents livres. Contraint
que c'était le tonnerre qui tombait du ciel. de s'arrêter pour doruiir, on dit que la vaste
Il se fit ensuite apporter un os de baleine, et plaine où il se reposa fut abaissée de soixante
l'ayant arrosé du sang de la fiole, il le mit sur coudées par la pesanteur de son corps. Les
l'enclume où il le réduisit en cendres ; de
, brebis de celle plaine couraient sur lui, il en
cette poudre fut formé le père de Gargan- fut éveillé, crut que c'étaient des insectes, les
tua mil sous ies ongles, et en écrasa ainsi près
Voilà ce que dit le vieux conte populaire, de deux cents. Le berger qui courait après
fidèlement conserve par la bibliothèque le loup qu'il accusait de les avoir mangées ,
bleue, que Rabelais a'a pas toujours suivie, tomba dans la bouihe de Gargantua; mais
mais qui lui a fourni son canevas. s'étanl logé dans une de ses dents creuses, il
Merlin de nouveau une semblable opé-
fit y demeura jusqu'à ce que le géant se lût
ration avec les ongles de la reine , desquels rendormi; car il dormait toujours la bouche
naquit la mère de Gargantua. ouverte; le berger profila du premier moment
Après avoir achevé ce grand ouvrage, pour sortir.
l'enchanteur vil devant lui deux géants sur Gargantua, à son réveil, continua sa route
lesquels il jeta un sort qui les endormit pen- avec ses parents, qui moururent d'une fièvre
dant neul jours ; dans l'espace duquel temps violente occasionnée par les grandes chaleurs.
il forma sur son enclume une jument assez Gargantua au désespoir, donnait de la tête
,

forte pour porter ces deux créatures colos- coulre les montagnes, dont il sortit trente
sales ; après quoi il rompit son enchante- tonneaux de sang. Quand sa tristesse fut cal-
ment. mée, il voulut visiter Paris, où il jeta la ter-
— Que fais-tu là, Galemelle ? dit l'homme reur et l'admiration. Il alla s'asseoir sur les
à la femme. Elle répondit : — Je t'attends, grosses tours de l'église de Noire-Dame, les
Grand-Gosier. jambes lui pendaient de là, depuis la rivière
Merlin rit beaucoup, et voulut d'abord de Seine jusqu'à la place Mauberl. Ensuite
qu'ils gardassent tous deux ces noms qu'ils il fit sonner les deux grosses cloches, ce qui

venaient de se donner. Il leur prédit qu'ils attira une grande foule qui fut bien surprise
'luraient un fils qui serait invincible et «rc- de lui voir mettre ces cloches dans ses po-
ilouté de ses ennemis ; qu'il était destiné à ches, pour les attacher au cou de sa jument
èire l'appui du trône d'Arilius, qu'il fallaii le comme des grelots. Mais il les remit à leur
bien traiter , et qu'à l'âge de sept ans on de- place, sur le présent que lui firent les Pari-
vait le mener à la cour du prince qui avait siens, do> trois cents bœufs, trois cents mou-
sa résidence dans la Grande-Bretagne. Ils tons , trois cents tonneaux de vin et trois
,

répondirentqu'ils ignoraient où était ce pays. cents fournées de pain pour son diner.
Mais Merlin leur signifia qu'ils n'avaient Merlin s'étanl présenté alors à Gargantua,
(|u'à tourner la tète de leur jument du côté lui conseilla d'achever son voyage, et le con-
«lel'Occident, et se laisser conduire par elle. duisit à la cour du roi Arthus. Le roi l'ayant
Après laquelle explication il disparut ; co reçu favorablement, lui fil faire une massue
qui leur fil pousser des cris si violents, qu'on de soixante toises de long, dont le bout était
DICTIONNMIîK DES SCIENCES OCCULTES. 751

trois fois de grosseur d'un lonncau. Arlhns


la ilouvrit une bouche fendue dequatorze bras-
lui dit que ses ennemis, les Gollis elles Ma- sées. Ceux-ci tirèrent leurs flèches contre
pols , étaient de terribles gens, armés (le lui Gargantua les prit avec la main, les en-
;

pierres de tiiilie, et lui montra un prisonnier. ferma au fond de ses chausses, et s'en re-
Mais Garganiua, loin d'être épouvanté le , tourna vers ses gens qui latlendaient au
ji'la si haut dans les airs, par le collet, qu'on bord de la mer.
leperditde vue,etque quelques heures après Le nombre des prisonniers montait à huit
on le vit tomber les bras et les jambes rom- cent neuf, et un qui était mort d'un vent
pus. qu'avait l'ait Gargantua dans ses chausses,
La massue achevée, on conduisit Gargan- car il est à remar(|uer qu'il soufflait si fort,
tua à l'ennemi ; il Dl un ravage affreux, sem- qu'avec ce souffle il renversait trois charret-
blable à un loup parmi des brebis. Après sa tes de foin, et faisait tourner plusieurs mou-
victoire il revint à la cour , où il fut loué et lins. Cela ne paraîtra pas étonnant lorsqu'on
choyé. Le roi fil préparer une magnifique saura qu'un de ses crachats noyait six hom-
collation. Ou servit pour entrée et pour ré- mes.
veiller son appétit les jambons de quatre Le roi d'Irlande, effrayé, fit demander une
cents pourceaux, sans compter les andouilles trêve de quinze jours , promettant de livrer
et les boudins. La soupe fut faite dans cin- deux vaisseaux de harengs frais, deux cents
quante grandes chaudières. Il y avait cm ore caques de sardines salées, avec de la mou-
quatre cents pains de cinquante livres cha- tarde à proportion. Le géant s'en accommoda,
cun. Il mangea plus de doux cents bœufs, et et il consomma ces vivres dans un déjeuner.
tout le temps du dîner il y avait quatre hom- Gargantua étant couché après cela à une
mes forts et robustes, qui, à chaque morceau dcnii-lieuc de la ville, les magistrats conclu-
qu'il mangeait, lui jetaient une pelle de mou- rent, dans un conseil, qu'on irait l'attaquer
tarde dans la gorge. Son dessert fut une tonne de nuit , et qu'on le tuerait. Quand on fut
de pommes cuites. Il but à son dîner sis ton- arrivé au lieu oii il dormait , du côté de la
nes de cidre et autant de bière. Au reste, sa tête , car des pieds à la tête il y avait cent
fourchette et son couteau pesaient trois cints soixante-trois toises cinq pieds quatre pou-
livres chacun. ces, ils pensaient descendre dans une vallée
Le roi le fit ensuite habiller: huit cent et tombèrent au nombre de deux cent dix-
deux aunes un tiers de toile furent employées sept dans sa bouchequ'il tenait ouverte selon
pour sa chemise; cent cinq aunes un quart son usage. Gargantua, les ayant avalés , se
de satin moitié cramoisi et moitié jaune ,
trouva si altéré à son réveil, qu'il mit à sec
pour son pourpoint, avec trente-deux aunes la rivière où il alla boire. Il engloutit mêiiio
et demi-quart d'. franges pour la bordure; en buvant un bateau chargé de poudre à ca-
deux cents aunes et irois quarts d'écarlate non ,
pour le secours de la ville. Il s'en
pour des chausses; trente-cinq aunes et un trouva un peu incommodé; c'est pourquoi
quart de taffetas, moitié noir et moitié gris, il se mit à siffler le signal convenu pour ,

pour des jarretières. Pour les galons du li- faire venir ses gens. 11 envoya avertir le roi
vrée, neuf cent trois aunes et uu demi-quarl, Arthus de sa posilion. Merlin se transporta
rouge et jaune; pour la bordure, soixante- dans un nuage avec quatre médecins, qui
dix aunes deux pouces de velours cramoisi ;
descendirent dans son gosier ,et de là dans
pour son manteau, quatre cents aunes et uu le corps, pour découvrir la source du mal.
quart de drap de Hollande; quatre cent cin- Après la visite, les médecins ordonnèrent à
quante aunes défrise pour une robe de cham- Gargantua de tourner le derrière du côté de
bre; deux mille cinq cents peaux de renards la ville: celle disposition ayant été exécutée,
pour la fourrure de celte robe; cinquante- on lui fil ouvrir la bouche, où on jela une
cinq peaux de vache pour les souliers, dont charretée d'aliumelles qui prirent feu dans
,

les semelles employèrent les cuirs de qua- son corps au moyen d'une torche qu'un
rante bœufs ; pour un bonnet à la dragonne, des médecins y avait glissée. Gargantua
deux cents quintaux de laine de Ségovie ; ferma la bouche en même temps alors un ;

la houppe pesait plus de trois cents livres. entendit un effroyable tonnerre et du feu
;

Il avait à un de ses doigts un cachet d'or qui sortit de son derrière, la ville et ses fau-
qui pesait trois cents marcs et dix onces, bourgs furent saccagés: le roi d'Irlande s'a-
avec un rubis du poids de trois cents livres ; vança enfin avec toulcs ses forces, consistant
sa gibecière avait absorbé trois cents peaux en 900,000 hommes armés, qui lurent mis en
de maroquin. déroute: le roi et ses barons furent prison-
Gargantua, ainsi équipé, so disposa à com- niers, placés dans une dent creuse et pré- ,

battre les Irlandais et les Hollandais, t|ui ve- sentés à la cour, au retour de l'armée victo-
naient de se soulever contre Arllius. Merlin rieuse. Le fils de Grand-Gosier purgea en-
fit une nuée sur laquelle le géant avec sa suite le pays d'un géant qui avail pris le
massue passa la mer. Il marcha vers la ville parti des Golhs ennemis d'Arthus
, il l'en-
;

ennemie; voyant un liorame armé et à che- ferma dans sa gibecière.


val, il les mit tous deux dans sa gibecière. Telle est la véridique histoire d'un des
Arrivé à la ville, tout le peuple se sauva à la héros les plus célèbres. On ne s'accorde pas
vue de ce monstre; cl on sonna le tocsin. Le trop sur le genre de sa mort; mais si on con-
roi d'Irlande, qui se trouvait dans la ville ,
teste quelques-uns de ses hauts faits, à cause
sortit avec cin<| cents hommes pour attaquer du prodigieux (|ui les entoure, tout K- monde
Gargantua. Mais quand celui-ci les vit venir, sait qu'uu moins il su signala daus les envi'
733 GAR G AT 731

rons (l'Aigues-Mortes; car on montre près de (]u'un autre jour étant en forme de lou]»
celle ville une vieille tour qu'on appelle la (travestissement horrible qu'il prenait sans
lourde Gargantua. La nuil on aperçoit du doute pour sa chasse), il avait également «

loin celte tour (lui se dessine dans l'ombre lue et dévoré un jeune garçon , à une lieue
comme un géant; on croit môme distinguer de Dôle, entre Grédisans el Monolée; qu'en
une tôte monstrueuse el les bonnes gens du
; sa forme d'homme et non de loup il avait
voisinage sont persuadés que si on entrait pris un autre jeune garçon de l'âge de douze
après le coucber du soleil dans la tour de à treize ans, et qu'il l'avait emporté dans le
Gargantua, un grand bras de vingt-cinq bois pour l'étrangler.... (2). »
mètres descendrait d'en baut et saisirait GARNIZA, Voy. Eléazar.
les téméraires pour les étouffer. GAROSMANCIE, Voy. GasTromancie.
GARGOUILLE. « Que vous dire de la GARUDA, oiseau fabuleux qu'on reprc'r-
gargouille de Rouen? Il est certain que, tous sente souvent avec la tôle d'un beau jeuno
les ans, le cli.ipilre niélropolilain do celle honmie, un collier blanc et le corps d'un
ville présentait au parlement, le jour de l'As- aigle. 11 sert de monture à Wishnou, comme
cension, un criminel qui obtenait sa grâce, l'aigle servait de véhicule à Jupiter. Les In-
en l'honneur de saint Romain el de la gar- diens racontent qu'il naquit d'un œuf <]uesa
gouille. La tradition portail qu'à l'époijiie mère Ûiti avait pondu et qu'elle couva cinq
{)à Romain occupait le siège épiscop.il
saint ans.
de Rouen un dragon embusqué à quelque
, , GASTROCNÉMIE pays imaginaire dont
,

dislance de la ville, s elançail sur les passanis parle Lucien, où les enfants étaient portés
et les dévorait. C'est ce dragon qu'on appelle dans le gras de la jambe; ils en étaient ex-
la gargouille. Saint Romain, accompagné traits au moyen d'une incision.
d'un criminel condamné à mort, alla attaquer GASrRO?.lANClE ou GAROSMANCIE, di-
le monstre jus(iue dans sa caverne; il l'en- vination qui se pratiquait en plaçant entre
chaîna et le conduisit sur la place publique, plusieurs bougies allumées, des vases de
où il fui brûlé , à la grande satisfaction des verre ronds cl pleins d'eau claire après avoir ;

diocésains (1). » invoqué et interrogé les démons à voix basse,


On a contesté cette légende en niant les on regarder attentivement la super-
faisait
dragons, dont les géologues actuels recon- ficiede ces vases par un jeune garçon ou
naissent pourtant que l'existence a été réelle. par une jeune femme; puis ou lisait la ré-
Il se peut toutefois que ce dragon soit ici ponse dans des images tracées par la réfrac-
une allégorie. Des historiens rapportent que, tion de la lumière dans les verres. Cagliostro
(lu temps de saint Romain, la ville de Rouen employait celte divination. Une autre espèce
fut mena<'ée d'une inondation; que ce sainl de Gastroniancie se pratiquait par le devin
prélat eut le bonheur do l'arrêter par ses qui répondait sans remuer les lèvres, en sorte
soins et par ses prières. Voilà l'explication qu'on croyait entendre une voix aérienne.
toute simple du miracle de la gargouille. Ce Le nom de cette divination signifie divina-
mol, dans notre vieille langue, signifie irrup- tion par le ventre; aussi, pour l'exercer, il
tion bouillonnement de l'eau. t)es savants
, faut être venlriloque, ou possédé, ou sorcier.
auront rendu lemot /(î/rfraparceluidedragon. Dans le dernier cas, on allume des flambeaux
GARIBAUT (Jeanne), sorcière, Voy. Gre- autour de quelques verres d'eau limpide,
nier, el i'iElIRE Labdurant. puis on agile l'eau en invoquant un esprit
GARINKT (Jules), auteur de Vllistoire de qui ne tarde pas à répondre d'une voix grêle
la magie eu France, Paris 1818 , in-S". On, dans le ventre du sorcier en fonction.
trouve à la tête de cet ouvrage curieux une Les charlatans trouvant, dans les moin-
description du sabbat, une dissertation sur dres choses, des moyens sûrs d'en imposer
les démons, un discours sur les superstitions au peuple el de réussir dans leurs fourberies,
qui se rallachent à la magie chez les anciens la ventriloquie doit être pourcux d'un grand
el chez les modernes. Beaucouf) de faits in- avantage.
léressanls mériteraient à ce livre une nou- Un marchand de Lyon, étant un jour à la
velle édition ; mais l'auteur, fort jeune lors- campagne avec son valet, entendit une voix
qu'il le publia, lui a donné une leinte philo- qui lui ordonnait, de la partdu ciel, de donner
sophique et peu morale que son esprit élevé une partie de ses biens aux pauvres, et de
el ses vastes éludes doivent lui faire désap- récompenser son serviteur, il obéit, et re-
prouver aujourd'hui. Une nouvelle édition garda comme miraculeuses les paroles qui
serait donc épurée. sortaient du ventre de son domestique. Ou
G.\RN1KR (Gilles), loup-garou, con- savait si peu autrefois ce que c'était qu'un
damné à Uô!e sous Louis XIII, comme ayanl venlriloque, que les plus grands personnages
dévoré plusieurs enfants. On le brûla vif, et atlribuaient toujours ce talent à la présence
son corps réiluil en cendres fut dispersé au des démons, l'holius, patriarche de Cons-
vent. lantinople, dit, dans une de ses lettres «On :

« Uenn Camus, con-


docteur en droit el a entendu le malin esprit parlerdans le ventre
seiller du roi, exposa que Gilles Garnicr d'une personne, et il mérile bien d'avoir l'or-
avait pris dans une vigne une jeune fille de dure pour logis. »
dix ans, l'avait liu e el occise, l'avait traînée GATEAU DES ROIS. La part des absents,
La Serre, et(iue, non content
jus()u'i!U bois de quand on partage le gâteau des rois, se gardo
d'en manger, il en avait ajjporlé à sa temnu' ; précieusement; dans certaines maisons su-
(t) W. Saignes, Des Erreurs, l. 111, p. 570. (2) SI Jules Gariiiol. Ui-sl. île I;i tnaKie en France, p. 129
7^5 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 736

perstitieusps, elle de la santé


iii(li(](ie l'état mais il ne parait pas que cet ouvrage suit de
lie ces personnes absentes par sa bonne,
Pomponius, il serait plutôt de Luc.
conscrr.itiun une maladie, par des taches
; Le traité astrologique (2) de Luc Gauric
ou des ruptures. est un livre assez curieux. Pour prouver la
GATEAU TRIANGULAIRE DE SAINT- vérité de l'astrologie, il dresse l'horoscope de
LOUP. Les pi'r>onnes superstitieuses font ce tous les personnages illustres, dont il a [lu
(iâicau le 29 juillet , avant le lever du soleil ; découvrir l'heure de la naissance; ildémontre
il est composé de pure farine de froment, de que tout ce qui leur est arrivé se trouvait
seigle et d'orge, pétrie avec trois œufs et trois prédit dans leur horoscope, comme si ou —
cuillerées de sel, en forme triangulaire. On n'y trouvait pas tout ce qu'on vent 1

ledonne, p.ir aumône, au premier pauvre GAUTHIER (Jean), alchimiste. Charles IX,
qu'on rencontre, pour rompre les maléfices. trompé par ses promesses, lui fil donner,
GAUFRIDI (Louis-Jean-Baptiste), curé de pour faire de l'or, cent vingt mille livres, et
Marseille qui infidèle à ses devoirs, tomba
,
l'adepte se mil à l'ouvrage. Mais après avoir
dans le désordre et se fit passer pour sorcier travaillé huit jours, il se s.iuva avec l'argent
vers la fin du seizième siècle. du monarque : on courut à sa poursuite, ou
On raconte que le diable lui apparut un l'attrapa et il fut pen iu.
jour, pendant qu'il lisait un livre de magie; GAUTHIER, conspirateur écossais, Voy.
ils entrèrent en conversation et firent con- AValteb.
naissance. Le prêtre se livra au diable par GAUTHIER DE BRUGES. On conte que
un pacte en règle, à condition qu'il lui don- ce cordelier, nommé évéque par le pape Ni-
nerait le pouvoir de suborner et de séduire, colas 111, et déposé par Clément V, appela à
en soufflant au visage. Le diable y consentit Dieu de cette déposition et demanda (|u'cii
d'autant plus volontiers, qu'il trouvait dans l'inhumant on lui mit son acte d'appel à la
ce marché un double avantage. main. Quelque temps après sa mort, le pape
L'apostat s'éprit de la fille d'un gentil- Clément V étant venu à Poitiers, et se trou-
homme, Madeleine de La Palud , dont l'his- vant logé au couvent des Cordeliers, désira
toire est devenue célèbre. Mais bientôt la visit(!r les restes de celui qu'il avait déposé;
demoiselle eiïrayée se relira dans un couvent on ajoute qu'il se fit ouvrir le tombeau, et
d'Ursulines. Gaufridi furieux y envoya, di- qu'il fut elTrayé en voyant Gauthier de Bru-
sent les relations du temps, une légion de ges agitant son acte d'appel d'une main des-
diables; la sorcellerie du prêtre fut prouvée. séchée (3). Conte imaginé par les ennemis
Un arrêt du parlement de Provence le con- du pape.
damna au feu, en avril 1611. GAZARDIEL, ange qui, selon le Talmud,
GAURIG, génie ou lutin que la supersti- préside à l'Orient, afin d'avoir soin que le
tion des villageois bas-bretons croit voir soleil se lève, et de l'éveiller s'il ne se le-
danser autour des amas de pierres, ou mo- vait pas.
numents druidiques, désignés dans la langue GAZE (Théodore de), propriétaire d'une
«les anciens insulaires par le mot cliiorgaur, ferme dans la Campanie, au seizième siècle;
que l'on a traduits par ceux-ci c/torea gi^ : il la faisait cultiver par un fermier. Comme
(janlnm, ou danse des géants, mais qu'il se- ce bonhomme travaillait un jour dans un
rait peut-être plus exact d'entendre chorea champ, il découvrit un vase rond où étaient
Gauricorum, danse des Gaurics. enfermées les cendres d'un mort. Aussitôt il
GAUllIC (Luc), astrologue napolitain, né lui apparut un spectre qui lui commanda do
en 1W6, qui selon Mézeray et le président
, remettre en terre le même vase avec ce qu'il
de ïhou , annonça positivement que le roi contenait, sinon qu'il ferait mourir son fils
Henri H serait tué dans un duel et mourrait aîné. Le fermier ne tint compte de ces me-
d'une blessure à l'œil; ce qui fut vrai. Mais naces , et, peu de jours après, son fils aîné
ne prédit-il pas après coup? fut trouvé mort dans son lit.
Catherine de Médecis avait en Luc Gauric Quelque temps plus tard, le même spectre
la confiance la plus entière. Benlivoglio ,
lui apparut, lui réitérant le même comman-
seigneur de Bologne le condamna à cin(|
, dement, et le menaça de faire mourir son
tours d'estrapade, pour avoir eu la hardiesse second fils. Le laboureur avertit de tout ceci
de lui prédire qu'il serait chassé de ses Etals ; Théodore de Gaze, qui vint lui-même à sa
ce qui n'était pas difficile à prévoir, vu la métairie , et fit remettre le tout à sa place :

dispositicn des esprits qui détestaient ce sei- sachant bien, dit Leioycr, qu'il fait mauvais
gneur. Gauric mourut en 1358. jouer avec les morts
On a de lui une Description de la sphère GAZIEL, démon chargé de la garde des
céleste, publiée dans ses OEuvres, Bâie, 1575, trésors souterrains qu'il transporte d'un
,

3. vol. in-fol. On y trouve aussi un Eloge de lieu à un autre pour les soustraire aux hom-
l'astrologie. mes. C'est lui qui ébranle les fondements
On attribue à son frère Pomponius Gauric des maisons et fait soulfler des vents accom-
un livre dans lequel un traite de la physio- pagnés de llanunes. Quelquefois il forme des
ynomonie de l'astrologie naturelle, etc. (1);
, danses qui disparaissent tout à coup ; il ins-

(1) Poin|ionii Gaurici N'ea|)oliiaiii Iraclalus de symmc- ctatiis astrologicus, in quo agitur de priEtcrilis mulloni n
triis, liucameuli'i d
iilsyMiogiiomonia, cjiis<iue sprciebiis, huniiiium acciileiililius [lerproprias eoruin geiiiluras, M
l'tc, Argeiilor., 1630, avec, la Chiruiiiaiicic de Jean ab lii- uuiiiieni exaiiiiiialis.VenPiiis. lui", 1552.
il»giiie. (5) M. ili' Maicti.Hiny, 'Irislan \c vdv.igeiir, "u la FrailCI
(2) Lucse Gaurici geoiihouciiiis e|jstopi civUalcusis Ua- au iiualwïièiuu siècle, l. l",cliai(. 4, p. t)3.
,

757 (.KL GEN 73?

un graml bruil de elo» lies


pire la terreur par f/iisailmourir dans leur sein les enfants
cl (le ranime les cadavres, mais
clocheltes; il qu'elles portaient, un peu avant qu'ils lus-
pour un moment. Voy. Anarazel, son com- sent à terme 3). On voit que c'était l'épou-
pagnon. vantail du sixième siècle.
GEANTS. Les géants de la fable avaient GELOSGOPIK. Espèce de divination qui se
le regard farouche et effrayant, de longs che- tire du rire. On prétend acquérir ainsi la
veux, une grande barbe, des jambes et des connaissance du caractère d'une personne,
pieds de serpent, et quelques-uns cent bras et de ses penchants bons ou mauvais. Un
et cinquante têtes. rire franc n'annonce certainement pas une
Homère représente les A'oïdes, géants re- âme fausse, et on peut se défier quelquefois
marquables, comme étant d'une taille si pro- d'un rire forcé. Voy. Puysiognomonie.
digieuse, qu'à l'âge de neuf ans ils avaient GEMATRIE. C'est une des divisions delà
neuf coudées de grosseur, trente-six de hau- cabale, chez les juifs. Elle consiste à prendre
teur, et croissaient chaque année dune cou- les lettres d'un mol hébreu pour des chiffres
dée de circonférence et d'un mètre de haut. ou nombres arithmétiques et à expliquer ,

Les talmudistes assurent qu'il y avait des chaque mot par la valeur arithmétique des
géants dans l'arche. Comme ils y tenaienl lettres qui le composent. Selon d'autres
beaucoup de place, on fut obligé, disent-ils, c'est une interprélation qui se fait par la
de faire sortirle rhinocéros, qui suivit l'arche transposition des lettres.
à la nage. GEMMA (Cornélius) , savant professeur
Aux noces de Charles le Bcl.roi de France, de Louvain auteur d'un livre intitulé Des
, :

on vit une femme de Zclande d'une taille ex- caractères divins et des choses admirables (k),
traordinaire, auprès de qui les hommes les publié à Anvers, chez Christophe Planlin,
plus hauts paraissaient des enfants ; elle était archilypographe du roi; 1575, in-12.
si forte, qu'elle enlevait de chique main deux GENERATION, Voy. Enfants.
tonneaux de bière, et portail aisément huit GENGUES, devins japonais qui font pro-
hommes sur une poutre (1). fession de découvrir les choses cachées et de
Il est certain qu'il y a eu, de tout temps, retrouver les choses perdues. Ils habitent des
des hommes d'une taille et d'une force au- huttes perchées sur le sommet des monta-
dessus de l'ordinaire. On trouva au Mexique gnes, et sont tous extrêmement laids. Il leur
des os d'hommes trois fois aussi grands que est permis de se marier, mais seulement avec
nous, et, dit-on, dans l'île de Crèle un cada- des femmes de leur caste el di^ leur secte.
vre de quarante cinq pieds Hector de Un voyageur prétend que le signe caracté-
Boëcc dit avoir vu les restes d'un homme qui ristique de ces devins est une corne qui leur
avait quatorze pieds. pousse sur la têle. 11 ajoute qu'ils sont tous
Pour la force nous citerons Milon de Cro- vendus au diable qui leur so illle leurs ora-
lone, tant de fois vainqueur aux jeux olympi- cles ; quand leur bail est fini, le diable leur
ques; ce Suédois qui, sans armes, tua dix sol- ordonne de l'atlendre sur une certaine roch;'.
dats armés; ce Milanais qui portail un che- A midi, ou plus souvent vers le soir, il passe
val chargé de blé; ce Barsabas qui,dutcinp< au milieu de l'assemblée; sa présence cause
de Louis XiV , enlevait un cavalier avec son une vive émotion. Une force irrésistible en-
équipage et sa monture; ces géants et ces iralne alors ces malheureux, (|ul sont préci-
hercules qu'on montre tous les jours au pu- pités à sa suite et ne reparaissent plus.
blic. Mais la différence qu'il y a entre eux et GENIANE, pierre fabuleuse à laquelle on
le reste des hommes est petite, si on com- attribuait la vertu de chagriner les ennemis
pare leur taille réelle à la taille prodigieuse de ceux qui la portaient. On pouvait de très-
que les traditions donnent auxanciensgéanls. loin, en frottant sa pierre, vexer de touto
Voyez (ÎARGANTUA. façon les amis dont on avait à se plaindre,
GEBEU, roi des Indes, et grand magicien, el se venger sans se compromettre. Les doc-
auquel on attribue un traité absurde, Du rap- tes n'indi(iuenl pas où se trouve celte pierre
port des sept planètes aux sept noms de Dieu, curieuse.
et quelques autres opuscules inconnus (2). GENIES. La tradition des anges, parvenue
GEDl, pierre merveilleuse qui, d.ins l'opi- altérée chez les païens, en a fiiit des génies.
nion des Gèles, avait la vertu, lorsqu'on la Chacun av;iil son génie. Un m igicien d'E-
trempait dans l'eau, de changer l'air et d'ex- gypte avertit Marc-Antoine que son génie
citer des venis et des pluies orageuses. On était vaincu par celui d'Oclave; et Antoine
ne connaît plus la forme de colle pierre. intimidé se relira vers Cléopâlre (5). Néron,
GELLOou GILO, c'était une fille qui avait dans^/'i.'anntcu«, dit en piirlant ae sa mère:
la manie d'enlever des petits enfants. On dit Mon génie étouné tremble di'vaut le sien.
niôin€ que parfois elle les mangeait, et qu'elle
Les borboriies, hérétiques des premiers
eniporla un jour le petit empereur Maurice ;
siècles de l'Eglise, enseignaient que Dieu ne
mais qu'elle ne put lui faire aucun mal, par-
peut être l'auteur du mal ; que, pour gou-
ce (ju'il avait sur lui des amulettes. Sun fan-
verner le cours du soleil, des étoiles et des
tôme errait dans l'île de Lesbos, où, comme
planètes, il aciéé une multitude innombrable
(Ile était jalouse de toutes les mères, elle
(i) De naturae divinis cliaracterismis; seu raris el a<i-
(1) Jonsthoiii lliauni;ilogra|jliia.
pour lous les gwnds personnages miraudis speclaculis, causis, indiciis, prO|iri('lalibusrerun»
(2) N:milé, Atioloj,'ie
14, p. 500. in parllbus singulis uuiversi libri 2, aucture Curuelio Gein<
soupçonnés de magie, clmp.
Dclrio, Disiiuibilioiis niagiiiues; Wierus.dt Prsest., ma. etc.
(3)
(3) l'Iutarque, Vie de Marc-Antoine.
719 DICTIUNNAIUR W.S, SCIENCES OCCUi.TES. 710

(legénies, qui oui olc, qui soûl et seront est honoré par des sacrilices solennels. —
toujours bons et bicnfaisnnis; qu'il créa Voy. Fkks. Anges, Espuits, etc.
riiomme indilTcreniincnt avec tous les au- GÉNIUADK, médecin malérialiste, ami de
tres animaux, que l'homme n'avait que
et saint Augustin et très-connu à Carlhage pour
«les pâlies comme chiens; que la paix et
les sa grande capaiité. Il doutait qu'il y eûl un
la concorde régnèreni sur la terr(! pendant autre monde que celui-ci. Mais une nuit il
plusieurs siècles, et qu'il ne s'y couitneltait vil en songe un jeune homme qui lui dit :

aucun désordre; que malheureusement uu Suivez moi.-- Il le suivit et se trouva dans
génie prit l'espèce humaine eu affection, lui une ville où il entendit une mélodie admi-
donna des mains, et que voilà l'origine et l'é- rable.
poque du mal. — Une autre fois il vit le môme jeune
L'homme alors se procura des forces arti- homme qui lui dit — Me connaissez-vous?
:

ficielles, se fabrii)ua des armes, attaqua les Fort bien, lui répondil-il. — Et d'où me con-
autres animaux, fil des ouvrages surprenants; naissez-vous? — Géniradeiui raconta ce (ju'il
et l'adresse de ses mains le rendit orgueil- lui avait fait voir dans la ville où il l'avait
leux ; l'orgueil lui inspira le désir de la pro- conduit. Le jeune homme ajouta : — Est-ce
priété , et la vanité de posséder certaines en songe ou éveillé (jue vous avez vu tout
choses à l'exclusion des autres; les querel- cela? —
C'est en songe, répondit le médecin.
les et les guerres commencèrent; la victoire Le jeune homme dit —
Où <'St à présent votre
:

fil des tyrans et des esclaves, des riches et —


corps? Dans mon lit. —
Savez-vous bien que
des pauvres. vous ne voyez rien à présent des yeux du
Ilest vrai, ajoutent les borboriles, que si corps? —
Je le sais. —
Quels sont donc les
l'homme n'avail jamais eu que des pattes, il yeux par lesquels vous (ne voyez?
n'aurait point bâti des villes, nides palais, ni Comme le médecin hésilait et ne savait
des vaisseaux; qu'il n'aurait pas couru les quoi répondre, le jeune ho.nme lui dit encore
mers; qu'il n'aurait pas intenté l'écriture, ni — De môme que vous me voyez et m'entendez,
:

composé des livres; et qu'ainsi les connais- à présent que vos yeux sont fermés et vos
sances de sonesprit ne seseraientpoint éten- sens engourdis; ainsi après vo'.re mort vous
dues. Mais aussi il n'aurait éprouvé que les vivrez, vous verrez, vous cnlendrez, mais
maux physiques et corporels, qui ne sont pas des yeux de l'esprit. Ne doutez donc plus.
comparables à ceux dune âme agitée par Génirade conclut que si l'âme pouvait
l'ambition, l'orgueil, l'avarice, par les in- voyager ainsi dans le sommeil, elle n'était
quiétudes et les soins qu'on se donne pour donc pas liée à la matière; et il se convertit.
élever une famille, et par la crainte de l'op- GENNADIl]S,patriarchedeConstaniinople.
probre, du déshonneur, de la misère et des Allant à son église , il rencontra un spectre
châlioienls. hideux. Il reconnut que c'était le diable, le
Aristote observe que l'hommen'est pas su- conjura et entendit une voix ((ui lui dit : —
périeur aux animaux parce qu'il a une main ; Je t'avertis, Gcnnadius, que durant ta vie je
mais qu'il a une main parce qu'il est supé- ne pourrai nuire à l'église grecque; mais
rieur aux animaux. après ta mort je la ruinerai.
Les Arabes ne croient pas qu'Adam ait Le patriarche se mit à genoux, pria pour
clé le premier être raisonnable qui ait habité son église, et mourut peu après (Ij. Ceci se
la terre, mais seub ment le père de tous les passait tandis que Mahomet II faisait la con-
hommes actuellement existants. Ils pensent quôte de lempire.
que la terre était peuplée, avant la création GEOFFROl DIDEN. Au treizième siècle le
d'Adam, par dos étre« d'une espèce supé- seigneur HumJierl, fils de Guicbard de Bélioc,
rieure à la nôtre; que C 's la composition de dans le diocèse de Mâcon, ayant déclaré la
ces êtres, créés de Dieu comme nous, il en- guerre à d'autres seigneurs de son voisinage,
trait plus de feu divin et moins de limon. Geoffroi d'Iden reçut dans la niêlée une bles-
Ces êtres, qui ont habile la terre pendant plu- sure dont il mourut sur-le-champ. Environ
sieursmilliersde siècles, sont les génies, qui deux mois après, Geoffroi apparut à Milon
ensuite furent renvoyés dans um; région d'Anta, et le pria de dire àHuuibcrt de Bélioc,
particulière, mais d'où il n'est pas impossible au service duquel il avait perdu la vie, qu'il
de les évoquer et de les voir paraître encore était dans les tourments pour l'avoir aide
(jnelquefois, parla force des paroles magi- d ius une guerre injuste, et pour n'avoir pas
ques et des tali.-mans. expié avant sa mort ses péchés par la péni-
lly a deux sortes de génies, ajoutent-ils, tence qu'il It- priait d'avoir coni()assii>u de
;

les péris, ou génies bienfaisants, et les dives, lui cl de son propre père Guicbard, qui lui
ou génies malfaisants. Gian-ben-gian,du nom .'ivait laissé de grands biens dont il abusait,
de qui ils furent appelés ginnes ou génies, et dont une grande partie était mal acquise ;

estle premier Corinne le plus fameux de leurs qu'à la vérité, Guicbard, père de Humbert,
rois. Le Ginnistan est un pays de délices et avait embrassé la vie religieuse à Cluny,
de merveilles, où ils ont été relégués p.ir mais qu'il n'avait eu le temps ni de satisfaire
Taymural, l'un des plus anciens rois de entièrement à la justice de Dieu, ni de répa-
Perse. rer ses torts envers le prochain ; qu'il le con-
Ce sont encore là des vestiges altérés de jurait donc de faire offrir pour son père et
l'ancienne tradition. pour lui, le saint sacrifice de la messe, do
Les Chinois ont des génies qui président
(t) Lelovfir, Ilisl. dos spccires ol npiarilioiis des e*
aux eaux, aux montagnes ; et chacun d'eux prils, p. 270.
7H GF.H GER 74Î

faire des aumônes cl demplojcr les prières accompagné de tambours et de danses jus-
des gens de bien pour leur procurera l'un et qu'au point du jour; les images sont jetées
à l'autre une prompte délivrance dus peines alors sur les grands chemins, où elles reçoi-
qu'ils endur.iient. Il ajouta : —
Dites-lui que vent les coups et épuisent la colère des dé-
s'il ne vous écoute pas, je serai contraint mons malintentionnés.
daller-moi-méme lui annoncer ce que je GER.MANICUS, général romain qui fui em-
viens de vous prescrire. poisonné par Planciiie. Ou ne dît pas si ce fut
Milon d'Anla s'acquitta de sa commission ;
p^r des parfums ou par un poison plus direct,
Ilumbtrt en fut clTrayé, mais il n'en devint ou par des maléfices; mais ce (luicst certain,
dit Tacite, c'est que l'on trouva dans sa de-
pas meilleur. Toutefois, craif^nant que Giui-
chard, son père, ou Geoffroi d'iden, ne vins- meure des ossements et des cendres de morts
sent l'inquiéter, il n'osait demeurer seul, arrachés aux tombeaux, et le nom de Ger-
surtout pendant la nuit; il voulait toujours manicus écrit sur une lame de plomb qu'on
avoir auprès de lui quelqu'un de ses gens. avait dévouée à l'enfer (1).
Un malin donc qu'il était tout éveillé dans GEIISON (Jean CuAnLiER de), chancelier,
son lit, il vit paraître en sa présence G. of- pieux et savant, de l'université de Paris, mort
froi, armé comme un jour de bataille, qui lui en l't29, auteur de rfixamen des esprits (2),
montrait la blessure mortelle qu'il avait re- où l'on trouve des règles pour discerner les
çue, et qui paraissait encore toute fraîche. faus'^cs ré\élalions des véritables, et de l'yls-
Il lui Gt de vifs reproches de sou peu de
pitié trolOjie ré formée, qui eut un grand succès.
envers lui et envers son propre père, qui gé- Nous ne parlons pas ici de ses ouvrages de
missait dans les tourments. —
Prends garde, piété.
ajoula-t-il, que Dieu ne te Iraile dans sa ri- GERT(BERTnoMiNE de), sorcière delà ville
gueur, et ne le relire la miséricorde que lu de Préchac en Gascogne, qui confessa vers
nous refuses, el surtout garde- loi bien 1G08 que lors(iu'une so.xiôre revenant du
d'exécuter la résolution que lu as prise d'al- sabbat était tuée dans le chemin, le diable
ler à la guerre avec le comte Amédée ; si tu avait l'habitude de prendre sa figure, el de la
les biens.
j vas, lu y perdras la vie el faire reparaître et mourir dans son logis pour
Humbert se disposait à répondre au fan- la tenir en bonne réputation. Mais si celui
tôme, lorsque l'écuyer Richard de Marsay, qui l'a tuée a quelque bougieou chandelle de
ciinseiller de Humbert, arriva venant de la cire sur lui, el qu'il en fasse une croix sur
messe; aussilôt le mort di^parut. Dès ce mo- la morte, le diable ne peut, malgré toute sa
ment Humbert travailla sérieusement à sou- puissance, la tirer de là, et par conséquent
lager son père et Geoffroi, et il fit le voyage
de Jérusalem pour expier ses péchés. Ce — est forcé de l'y laisser (.3).

fiit est rapporté par Pierre le Vénérable.


GERVAIS, archevêque de Reims, morl en
1067, dont on conte cette aventure. Un che-
GÉOMANCIE ou GÉOMANCE, divination
valier normand qui le connaissait voulant,
parla terre. Elle consiste à jeler une poignée pour le besoin de son âme, aller à Rome vi-
de poussière ou de lerre au hasard, sur une siter les tombeaux des saints apôtres, passa
table, pour juger des événements futurs, pur par Reims, où il demanda à l'archevêque sa
les lignes et les figures qui en résultent c'est :
bénédiction, puis il reprit son chemin, dont
à peu près la même chose que le marc de café. il s'était écarlé. 11 arriva à Rome, et fit ses
Voy. Marc de café. oraisons.
Selon d'autres, la géomancie se pratique, 11 voulut ensuite aller au monlSainl-Ange.
tantôt en traçant par lerre des lignes et des Dans son chemin, il rencontra un ermite qui
cercles, sur lesquels on croit pouvoir deviner lui demanda s'il connaissait Gervais, arche-
ce qu'on a envie d'apprendre ; taiilôt en fai- vêque de Reims à quoi le voyageur répon-
;

sant au hasard, par terre ou sur le papier, dit qu'il le connaissait.


plusieurs poinis sans garder aucun ordre; — Gervais est mort, reprit l'ermite.
Ks figures que le hasard forme alors fondent Le Normand demeura stupéfait ; il pria
un jugement sur l'avenir; tantôt enfin en l'inconnu de lui dire comment il savait celle
observant les fentes et les crevasses qui se nouvelle.
font naturellement à la surface de la lerre,
L'ermite lui répondit, qu'ayant passé la
d'où sortent, dit-on, des exhalaisons oro- nuit en prière dans sa cellule, il avait en-
pliéliques, comme de l'antre de Delphes.
tendu le bruit d'une foule de gens qui mar-
GKRBERT. Voy. Sylvestre II. chaient le long de sou corridor en faisant
GÉKÉAHS. Les habitants de Ceylan croient beaucoup de bruit; qu'il avait ouvert sa le-
les planètes par des esprits (\ai
occupées nêtre, et demandé où ils que l'un
allaieiU;
sont de leur soit. Ils leur allri^
les arbitres d'eux lui avait répondu Nous sommes les
:

buenl le pouvoir do rendre leurs f.ivoris heu- anges de Satan ; nous venons de Reims. Nous
reux en dé])it des dénions. Ils Corment autant emportions l'âme de Gervais ; mais à cause
d'images d'argile appelées Géréahs, qu'ils de ses bonnes œuvres, on vient de nous l'en-
supposent d'espriis mal disposés; ils leur lever, ce qui nous fâche rudement.
donnent des figures monstrueuses et les ho- Le pèlerin remarqua le lemps el le jour OÙ
uorenl eu mangeant cl buvant; le festin est il avait appris toutcela,el de relourà Reims,

(Il Lelover, Hisl. des spectres et apparitions dos es- (5) Del.iiicre, Tableau de l'iiicoiislaiicc des démolis, etc.,
pril«i, p. 37(). p. 48.1.
(2) De proljatione spiritiuim, etc.
,

T43 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 744

iltiuuva que l'arclicvéqucGervais était mort sans peine, que celle qui l'avait frappé était
à même heure (I).
la filled'un sage qui n'avait point d'or à lui
GEYSERIC, démoniaque golh, dont l'âme donner, mais qui l'avait élevée dans toutes
fut emportée par le diable en enfor, après que les sciences sublimes ces nouvelles ache-
:

son corps eut crt-vé, comme ceux de Bucer vèrent de l'enll.immer. —


Dès lors, le mariage
et d'Arius pondant qu'il était au lit (2). projeté par son père devint impossible. Il
GHILCUL ou GILGUL. Ch<z les Juifs mo- alla trouver le vieillard et lui dit :

dernes, c'est la métempsycose ou transmi- — Mon père, vous sa^ezque jus(iu'ici je


gration des âmes en d'autres corps, doctrine n'ai su que vous obéir aujourd'hui je viens
:

reçue dans quelques-unes de leurs sectes. vous supplier de m'accorder une épouse de
GHIRAHDELLI (Corneille) franciscain, ,
mon choix.
né à Bologne vers la (in du seizième siècle. H exposa sa répugnance pour la femme
Il étudia l'astrologie et la méloposcopie on ; qu'on lui proposait, et son amour pour l'in-
connaît de lui des discours aslrologi(iucs, des —
connue. Le vieillard fit quelques objections,
nlmanachs comme celui de Mathieu La>ns- mais, voyfinl que son fils était entraîné par
berg, enfin, la Ccpluilonie pbysiononiique, ce que les musulmans regardent comme une
ayec cent léles dessinées, et des jugements fatalité irrésistible, il ne mit plus d'obstacle
sur chaque figure, lesquels jugements sont à son désir il alla trouver le vieux
: sage et
renfermés en un sonnet rehaussé d'un disti- lui demanda sa fille.
que; in-4.*, 1630. Le mariage se fit, dit le conte.
GHOLES. La croyance aux vampires, aux Au bout de trois mois Abdul s'étant é-
,

gholes, aux lamies, qui sont à peu près le veillé une certaine nuit, s'aperçut que sa
même genre de spectres est répandue de , jeune épouse avait quitté la couche nup-
teuips inimémori.'il chez les Arabes, chez les tiale. Il crut d'abord qu'un accident imprévu
Perses, dans la Grèce moderne et dans tout ou une indisposition subite avait causé cette
l'Orient. Les Mille et une Nuits, et plusieurs absence: il résolut toutefois d'attendre; mais
autres contes arabes, roulent sur cette ma- Nadila ( c'était la jeune femme ) ne revint
tière, etmaintenant encore, cette terrible qu'une heure avant le jour. Abdul remar-
superstition porte l'épouvante dans plusieurs quant qu'elle rentrait avec l'air effaré et la
contrées de la Grèce moderne et de l'Arabie. démarche mystérieuse, Ot semblant de dor-
Les Gholes sont du sexe féminin. On en mir, et ne témoigna rien de ses inquiétudes,
cite des histoires qui remontent jusqu'au ré>olu de s'éclaircir un pou plus tard.
dixième siècle et même jusi|u'au règne d'Ha- Nadila ne lui parla point de son absence
roun al Raschild. Elles mangent la chair et nocturne; la nuit suivante, el e s'échappa
boivent le sang comme les loups-garous de nouveau, croyant Abdul endormi, et sor-
plutôt que comme les vampires, car elles tiî selon sa coutume. —
.Abdul se bâta de s'Iia*
n'ont pas toujours besoin d'être mortes pour biller, il la suivit de loin par de longs dé-
se livrera leurs festins funèbres. tours.
Dans un faubourg de Bagdad vivait, dit-on, Il la vit entrer enfin dans un cimetière; il

au commencement du quinzièmi; siècle, un y entra pareillement.


vieux marchtind qui avait amassé une for- Nadila s'enfonça sous un grand tom-
tune considérable et qui n'avait pour héritier beau éclairé de trois lampes.— Quelle fut
de ses biens, qu'un fils qu'il aimait tendre- la surprise d'Abdul, lorsqu'il vil sa jeune et
ment. Il avait résolu de le marier à la fille belle épouse, qu'il chérissait si tendrement,
d'un de ses confrères, marchand comme lui, entourée de plusieurs gholes, qui se réunis-
et avec qui il avait lié un commerce d'amitié saient là toutes les nuits pour leurs festins
dans ses fréquents voyages.— Cette Jeune fille effroyables !
était riche, maislaide; et Abdul (c'est le nom Il avait remarqué, depuis son mariage, que

du jeune homme), à qui on montra son por- sa femme ne mangeait rien le soir; mais il
trait, demanda du temps pour se décider à n'avait tiré de cette observation aucune con-
ce mariage. séquence fâcheuse.
Un soir qu'il se promenait seul, à la clarté Il vit bientôt une de ces gholes apportant
de la lune, dans les campagnes voisines de un cadavre encore frais, autour duquel tou-
Bagdad , il entendit une voix fraiche qui tes les autres se rangèrent. L'idée lui vint de
chantait quelque versets du Koran en s'ac- se montrer, de dissiper ces hideuses sorciè-
compagnant d'une guitare. H traversa le res ; mais il n'eût pas été le plus fort: il se
bosquet qui lui cachait lu chanteuse , et se décida à dévorer son indignation. Le cada- —
trou\a au pied d'une maisonnette où il vit vre fut coupé en pièces, et les gholes le man-
sur un balcon ombragé d'herbes traînantes, gèrent en chantant des chansons infernales.

une belle jeune femme. Il n'osa se faire re- Ensuite, elles enterrèrent les os, el se sépa-
marquer que par des signes de respect; la rèrent après s'être embrassées.
fenêtre s'clant refermée, il regagna la maison Abdul, qui ne voulait pas être vu, se hât i

paternelle, sans savoir si seulement il avait de regagner son lit, où il feignit de dormir
été TU. Jusqu'au matin. De toute la journée , il ne
Le Icndemam matin , après la prière du témoigna rien de ce qu'il avait vu; mais, la
lever du soleil, ilrovint dans les mêmes lieux, nuit venue, il eng.igea sa jeune épouse à
fit d'ardentes recherches, et découvrit , non prendre sa part d'une légère collation. Na-
(1) Manuseril de la bibtiotlièiiup royale, rapiioné par (2) Dclaiicre, TaMeau de l'iiicougtsnce dus déinoiis, eic.
Lt;iiiilul-Du.''re!>iioy, Disscrlalious, 1. 1". p. 6.
.
74- cm G!R riC

selon sa coutume; il insi-ita


dila s'oxci'.sa bon présage lorsque la flamme ne les repous-
longtemps cl s'écria enfin avec colère: Vous sait pas; car ils pensaient apaiser par lu les
aimez mieux aller souper avec les giioles! dieux de l'enfer, dont ils croyaient que cette
Nadila ne répondit ricit, pâlit, trembla de ouverture était l'entrée (1).
fureur, et alla en silence se mettre au lit av( c GILBERT, démon dont parle 01a ns Ma-
son épouT. gnus. Use montrait chez les Ostrogolhs, et il
Au milieu de la nuit lorsqu'elle le crut
, avait enchaîné d;ms une caverne le savant
plongé dans un profond sommeil, elle lui dit Catillus, nécromancien suédois qui l'avait
d'une voix sombre Tiens, expie ta curio-
: insulté (2).
sité. GILO, voy. Gello.
En mémo temps mil à genoux sur
elle se GIMl ou GIMIN génies que les musul-
,

sa poitrine, le saisit à la gorge, lui ouvrit une mans croient d'une nature mitoyenne entre
veine, et se disposa à boire son sang. Tout l'ange et l'homme. Ce sont nos esprits fol-
cela fut l'ouvrage d'un instant. Le jeune lets.
homme qui ne dormait point, s'échappa avec GINGUÉRERS, cinquième tribu des géants
violence des bras de la furie , et la frappa ou dénies malfaisants, chez les Orientaux.
d'un coup de poignard qui la laissa mourante GINNES génies femelles chez les Persans,
,

à ses côtés. Aussitôt il appela du secours, on qui les disent maudites par Salonion, et for-
pansa la plaie qu'il avait à la gorge et le , mées d'un feu liquide et bouillonnant, avant
lendemain, on porta en terre la jeune ghole. la création de l'iiomme.
Trois jours après, au milieu de la nuit, elle GINNISTAN. pays imaginaire, où les gé-
apparut à son époux, se jeta sur lui, et vou- nies soumis à Salomon font leur résidence,
lut l'éloufferde nouveau. Le poignard d'Ab- opinions populaires des Persans.
selon les
dul fut inutile dans ses mains il ne trouva;
Voy. GÉNIES.
de salut que dans une prompte fuite— 11 fit
ouvrir le tombeau de Nadila qu'on trouva GINNUNGAGAP, nom de l'abîme , partie
comme vivante, et qui semblait respirer dans de l'enfer, chez Scandinaves.
les

son cercueil. On alla à la maison du sage qui GIOERNINCA-VËDUR. Les Islandais ap-
pellent de ce nom le pouvoir magique d'exci-
Fassait pour le père de cette malheureuse.
terdes orages et des tempêtes, et de faire périr
1 avoua que sa fille, mariée deux ans aupa-
des barques et des bâtiments en mer. "Cette
ravant à un officier du Calife, avait été tuée
idée superstitieuse appartient autant à la ma-
par son mari; mais qu'elle avait retrouvé la
gie moderne qu'à l'ancienne. Les ustensiles
vie dans son sépulcre, qu'elle était revenue
chez son père; en un mol, que c'était une que les initiés emploient sont très-simples :

femme vampire. On exhuma le corps; on le par exemple, une bajoue de tête de poisson,
brûla sur un bûcher de bois de senteur; on sur laquelle ils pcignenlou graventdifférenis
caractères magiques, entre antres la léle du
jeta ses cendres dans le Tigre, et le pauvre
dieu Thor, de qui ils ont eniprunlé cette es-
époux fut délivré.
On
sent bien que celte histoire n'est qu'un
pèce de magie. Le grand art consiste h n'em-
ployer qu'un ou deux caractères, el tout leur
pur conte ; n)ais il peut donner une idée di<s
secret est que les mots Thor, ha fol ou ha fut
croyances des Arabes.
puissent être lus devant eux ou en leur ab-
On voit dans certains contes orientaux une
sence sans être compris de ceux qui ne sont
espèce de vampire qui ne peut conserver son
odieuse vie qu'en avalant de temps en temps pas admis à la connaissance de ces mystères.
le cœur d'un jeune homme On pourrait citer
GiOURTASCH, pierre mystérieuse que les
une foule de traits de môme sorte dans les Turcs orientaux croient avoir reçue de main
contes traduits de l'arabe ces contes prou-
:
en main de leurs ancêtres , en remontant
vent que les horribles idées du vampirisme jusqu'à Japhet, fils de Noé, et qu'ils préten-
sont anciennes en Arabie. dent avoir la vertu de leur procurer de la
pluie, quand ils en ont besoin.
GHOOLÉE-BEENBAN, vampire, ou lamie, GIRARD, (Jean-Baptiste) jésuite né à ,
ou ghole. Les Afghans croient que chaque Dôle en 1680. Les ennemis de la société de
solitude, chaque désert de leur pays, estha-
Jésus n'ont négligé aucun effort pour le pré-
hité par un démon, qu'ils appellent le Ghoo-
senter comme un homme de scandale. Ils
lée-lîeenban,ou le spectre de la solitude. Ils
l'ont accusé d'avoir séduit une fille nommée
désignent souvent la férocité d'une tribu en
Catherine Cadière ; et sur ce thème , ils ont
disant qu'elle est sauvage comme le démon bâti tous les plus hideux romans. Cette fille,
ijudésert.
folle ou malade , sembla possédée dans les
GlALL,
fleuve des enfers Scandinaves on ; idées du temps, ou le fui peut-être, el on dut
le passe sur un pont appelé Giallur. l'enfermer aux Ursulines de Brest. Sur quel-
GIAN-BEN-GIAN, voij. Génies. ques divagations qu'elle débita, un procès
GIBEL, montagne volcanique, an sommet fut intenté par le parlement d'Aix. Mais tou-
de laquelle se trouve un cratère d'oii l'on en- tes choses examiné"S et pesées, il fallut so
tend, lorsqu'on prête l'oreille, des gémisse- borner à rendre C^ilherino Cadière à sa fa-
ments et un bouillonnement effroyable. Les mille. On ne put pas même trouver moyen
Grecs jetaient, dans ce soupirail , des vases d'impliquer le père Girard dans celte affaire,
d'or et d'argcnl, et regardaient comme un commecoupable, (juoiqu'on eût ameuté trois
(1) Loloyer, Histoire des spectres on apparitions des (2) Wierus, de Praest., p. i6(f
esprits, p. 50.
UlCTlONN. DES SCIIÎNCES OCCULTE.S. I. 2&
747 DiniONNAinE OKS SCIENCES OCCULTKS. 74H

parirs violents contre lui, les jansénistes, le rano-Bergerac sur Agri|)pa présente l'idée
parlement et philosophes.
les Ce qui na — qu'on avait des sorciers en France sous
pas empêché les écrivains anti-reli«ieux de Louis XIII, le passage que Swift leur a con-
faire revivre sur son compte des calomnies sacré an siècle suivant ne mérite pas moins
'condamnées. d'être mis sous les jeux du lecteur. On le
GIRTANNER, docteur de Gottingue, qui trouve aux chapitres vu et viii du troisième
a annoncé que dans le dix-neuvième siècle Voyage de Gulliver.
tout le monde aurait le secnl de la trans- « Glnbbdubdrib, si j'interprète exactement
mutation des métaux; que chaque chimiste le mol, signifie l'île des sorciers ou des ma-
saurait faire de l'or; que les instruments de giciens. Elle a trois fois l'étendue de l'Ile
cuisine seraient dor et d'argent; ce qui de Wiglit; elle est très-fertile. Cette lie est
contribuera beaucoup, dit-il, à prolonger la sous la puissance d'un chef d'une tribu
vie, qui se trouve aujourd'hui compromise toute composée de sorciers, qui ne s'allienl
par les oxyiles de cuivre, de plomb et de qu'entre eux, et dont le prince est toujours
fer que nous avalons avec notre nourri- le plus ancien de la tribu.
ture (1). Les bons cliimistes actuels parta- « Ce prince ou gouverneur a un palais

gent cet avis. magnifique cl un parc d'environ trois mille


GITANOS, mol espagnol , qui veut dire acres, entouré d'un mur de pierres de taille
Egyptiens. Voy. Bohémiens. haut tie vingt pieds. Ce parc renferme d'au-
GIWON, esprit japonais. Les habitants tres petits enclos pour les bestiaux, le blé
croient qu'il veille parliculièrement à la et les jardins. —
Le gouverneur et sa famille
conservation de leur vie, et qu'il peut les sont servis par des domesti(|ues d'une espèce
préserver de tout accident fâcheux, comtne assez extraordinaire. Par la connaissance
des chutes, des mauvaises rencontres, des qu'il a de la nécromancie, il possède le pou-
maladies, et surtout de la petite vérole. voir d'évoquer les morts et lie les obliger à
Aussi ont-ils coutume de placer sur la porte le servir [)eudant vingt-quatre heures ja- ,

de leurs maisons l'image de Giwon. mais plus longtemps; et il ne peut évoquer


GRANVILLE , curé anglican d'Abbey- le même esprit qu'à trois mois d'intervalle,
Church à Balh, mort en 1680. On lui attri- à moins que ce ne soit pour quelque grande
bue un traité des Visions et apparitions, in-S", occasion.
Londres, 170'i); mais il est cerlaiiieim nt au- « Lorsque nous abordâmes à l'fle, il était
teur d'un ouvrage intitulé Considérations : environ onze heures du matin. Un de mes
philosophiques louchant Vexistence des sor- deux compagnons alla trouver le gouver-
ciers et la sorcellerie, 1666, in-i". neur, et lui dit qu'un étranger souhaitait
GLAPHYRA, épouse d'Alexandre, fils de avoir l'honneur de saluer son altesse. Ce
cet effroyable Hérode, qu'on a appelé Hé- compliment fut bien leçu. Nous entrâmes
rode le Grand. Celte princesse ayant perdu tous trois dans ta cour du palais, et nous
Alexandre, se maria avec Archélaiis, son passâmes au milieu d'une haie de gardes
beau-frère, et niourut la nuit même de ses arn)és et habillés d'une manière très-an-
noces, l'imagination troublée par la vision cienne, et dont la physionomie avait quel-
de son premier époux , qui semblait lui que chose qui me causait une horreur indi-
reprocher ses secondes noces avec son cible. Nous traversâuies les appartements ,

frère (2). et rencontrâmes une foule de domestiques


GLASIALABOLAS, Voy. Caacrinoliis. de la même sorte, avant de parvenir jusqu'à
GLOCESTER. Sous Henri VI, les ennemis la chambre du gouverneur.
de la duchesse de Glocester voulant la per- «Après que nous eûmes fait trois révé-
dre, l'accusèrent d'être sorcière. On préten- rences profondes, il nous fit asseoir sur du
dit qu'elle avait eu des entreliens secrets petits tabourets au pied de son Irône. Il m'a-
avec Roger Bolingbrocke. soupçonné de né- dressa différentes questions au sujet de mes
cromancie, et Marie Gardemain, réputéesor- voyages; et, pour marquer qu'il voulait en
cièrc. On
déclara que ces trois personnes agir avec moi sans cérémonie, il fit signe
réunies avaient, à l'aide de cérémonies dia- avec le doigt à tous ses gens de se retirer ;
boliques, placé sur un feu lent une effigie et en un instant, ce qui ni'étonna beaucoup,
du roi, faite en cire, dans l'idée que les forces ils disparurent comme les visions d'un rêve.

de ce prince s'épuiseraient à mesure que la a J'eus de la peine à me rassurer. Mais le


cire fondrait, et qu'à sa totale dissolution, la gouverneur m'ayani dit que je n'avais rien à
vie de Henri VI serait terminée. Une telle craindre, et voyant mes deux compagnons
accusation devait s'accréditer sans peine parfaitement tranquilles, parce qu'ils claieul
ilans ce siècle crédule; plus elle s'éloignait faits à ce spectacle, je commençai à prendre
(In bon sens, plus elle semblait digne de foi. courage, et racontai à son altesse les diffé-
Tous trois furent déclarés coupables, et ni rentes aventures de mes voyages, non sans
le rang ni l'innocence ne purent les sauver. un peu d'hésitation, ni sans regarder plus
La duchesse fut condamnée à un emprison- d'une fois derrière moi la place où j'avais vu
nement perpétuel, RogciBolingbrocke pendu, les fantômes disparaître.
et Marie Gardemain brûlée dans Smitfield (3). « J'eus l'honneur de dîner avec le gouver-
GLUBBDUBDRIB. Si le fragment de Cy- neur, qui nous fil servir par une nouvelle
(t) l'iiilosopliie magique, VI, p. S8/5, cilée dans Ips
t. esprits, cliap. 9.,î , p. i!i6.
C.uriosiiés ite p. 202.
la lilltiralnro, I. I", (3) tiolcIsiiitUi, Uisloire il'Aii^rCtoi M.
(2) Lelo^cr, llisL. Jes spectres cl des apparitions des
7«9 GIU CI.U "M
troupe de spertrcs. Je remarquai que ma mées. Mais il me serait impossible d'expri-
frayeur élail moins grandi' à celle seconde mer la satisfaction que j'éprouvai, de ma-
apparition. Nous fûmes à labli! jusqu'au nière à la faire partager à ceux qui liront
coucher du soleil. .le priai son ailessc de ces pages.
permettre que je ne couchasse pas dans son « Désirant voiries anciens les plus renom-
palais, comme il avait la honte de m'y enga^ més pour l'esprit et la science, je voulus
ger; et mes deux amis et moi nous allâmes leur consacrer an jour. Je demandai que
chercher un lit dans la ville voisine, capitale l'on fît apparaître Homère et Aristote à la
de la petite lie. tête de leurs commentateurs; mais ceux-ci
Le lendemain matin
« nous revînmes
, étaient tellement nombreux, qu'il yen eut
rendre nos devoirs au gouverneur, comme plusieurs centaines qui furent obligés d'at-
il avait bien voulu nous le recommander ;
tendre dans les antichambres et dans les
cl nous passantes de cette manière une di- cours du palais. Au premier coup d'oeil ,
je
znine de jours dans celte î'e, demeurant la reconnus ces deux grands hommes, et les
plus grande pirlie de la journée avec le distinguai non-seulement de la fouie, mais
gouverneur, et la nuit à noire auberge. Je aussi l'on de l'aulre. Homère élait le plus
parvins à me familiariser tellement avec les grand et avait meilleure mine qu'Aristote. Il
esprits, que je n'en eus plus peur du tout, se tenait très-droit pour son âge, et ses yeux
ou du moins, s'il m'en restait encore un peu, étaient les plus vifs, les plus perçants que
elle cédait à ma curiosité. j'eusse jamais vus. Aristote se courbait beau-
Son altesse me dit un jour de lui nom-
« coup et il se servait d'une canne. Son visage
mer tels morts qu'il me plairait, qu'il me était maigre, ses cheveux rares et lisses, sa
les ferait venir et les obligerait de répondre voix creuse. Je m'aperçus bientôt qu'ils
à toutes les questions que je leur voudrais étaient l'un et l'autre parfaitement étrangers
faire, à condition toutefois que je ne les in- au reste de la compagnie, et n'en avaient
terrogerais que sur ce qui s'était passé de pas entendu parler auparavant.
leur temps, et que je pourrais être bien as- « Un spectre, que je ne uonmierai point,
suré qu'ils me diraient toujours vrai; car le me dit à l'oroiile que ces commentateurs se
mensonge est un
talent inutile dans l'autre tenaient toujours le plus loin qu'ils pou-
monde. — J'acceptai avec de Irès-humbles vaient de leurs auteurs dans le monde sou-
actions de grâces l'offre de son altesse. terrain, parce qu'ils étaient honteux d'avoir
« Nous étions dans une pièce d'où l'on si indignement représenté à la postérité les
avait une très-belle vue sur le parc; cl, pensées de ces grands écrivains.
comme mon premier souhait fut de voir des « Je priai le gouverneur d'évoquer Des-
scènes pompeuses et magnillques, je deman- cartes et Gassendi , et j'engageai ceux-ci à
dai à voir Alexandre le Grand à la tète de expliquer leurssyslèmes à Aristote. Ce grand
son armée, tel qu'il était à la bataille d'Ar- philosophe reconnut ses erreurs dans la
belles. Aussitôt, sur un signe du gouver- physique, lesiiuelles provenaieut de ce qu'il
neur, le prince grec parut sur un vaste avait raisonné d'après des conjectures ,
champ au dessous de la fenêtre où nous comme tous les hommes doivent le faire; el
étions. il nous flt remarquer que Gassendi et les
« Alexandre fut invilé à monter dans la tourbillons de Descaries avaient été à leur
chambre. J'eus beaucoup de peine à enten- tour rejetés. Il prédit le même sort à l'at-
dre son grec, n'étant pas moi-même très- traction, que les savants de nus jours sou-
versé dans cette langue. Il m'assura, sur son tiennent avec tant d'ardeur. Il disait que
honneur, qu'il n'avait pas été empoisonné, tout système nouveau sur les choses natu-
mais qu'il était mort d'une flèvre causée par relles n'était qu'une mode nouvelle et devait
un excès de boisson. varier à chaque siècle, et que ceux qui pré-
M Je vis ensuite Annibal passant les Al- tendaient les appuyer sur des démonstra-
pes; et il me dit qu'il n'avait pas une seule tions mathématiques , auraient de même
goutte de vinaigre dans son camp. une vogue momentanée et tomberaient en-
« Je. vis César et Pompée à la tète de leurs suite dans l'oubli.
troupes prêtes à se charger. Je vis le pre- « Je passai cinq jours à converser avec d'au-
mier dans son grand triomphe. Je voulus tres savants hoiiuncs de l'antiquité. Je vis la
voir le sénat ro^nain dans une grande salle, plupart des empereurs romains. Le gouver-
avec une assemblée législative moderne ran- neur eut la complaisance d'évoquer le» cuisi-
gée de l'autre cô!é. Le sénat me sembla une niers d'Héliogabale pour apprêter notre dî-
réunion de héros et de demi-dieux ; l'autre ner;maisilsne purenlnous montrertouieleur
assemblée m'avait l'air d'un tas de porte- habileté, faute de matériaux. Un ilote d'A-
ballcs, de Clous, de voleurs de grand chemin gésilas nous fit un plat de biouct noir lacc-
et de matamores. démonien, et nous ne pvimes avaler la se-
Je fatiguerais le lecteur si je citais le
« conde cuillerée de ce mets....
grand nombre do personnages illustres qui « Mes découvertes sur l'histoire moderne
fut évoqué pour satisfaire au désir insatia- furent mortifiantes. Je reconnus que des
ble que j'avais de voir toutes les périodes de historiens ont transformé des guerriers im-
l'antiquité, mises sous mes yeux. Je les ré- béciles et lâches en grands capitaines, des
jouis principalement par la contemplation insensés et de petits génies en grands politi-
des destructeurs, des tyrans, des usurpa- ques, des flatteurs et des courtisans en gens
teurs el des libérateurs des nations oppri- de bien, des alhéts en hommes pleins de rc-
751 DlCTIO.NNAmE DES SCiENCKS OCCL'LIES. in'i

ligion, d'iiiMmc» débouchés en gens chastes, GOAP, roi des démons de


midi. On peut
et des délateurs de profession en hommes révoquer de heures du matin à midi, et
trois
vrais et sincères. Un général d'armée m'a- de neuf heures du soir à minuit (2).
voua qu'il avait une fois remporté une vic- GOBBINO, Voy. Imagination.
toire par sa poltronnerie et son imprudence ; GOHIÎLINS, espèce de lutins domestiques
et un amiral me dit qu'il avait battu malgré qui se retirent dans les endroits cachés de la
lui une flotte ennemie, lorsqu'il avait envie maison, sous des tas de bois. On les nourrit
de laisser battre la sienne. des mets les plus délicats, parce qu'ils ap-
« Comme chacun des personnages qu'on j>ortent à leurs maîtres du blé volé dans les
évoquait paraissait tel qu'il avait été dans greniers d'autrui.
le monde, je vis avec douleur combien le On dit que la manufacture des Gobelins
à
genre humain avait dégénéré... » Paris doit son nom
à quelijucs follets qui,
GNOMES, esprits élémentaires amis de dans l'origine, venaient travailler avec les
l'homme, composés des plus subtiles parties ouvriers et leur apprendre à faire de beaux
de la terre, dont ils habitent les entrailles, tapis. C'est d'eux, ajoute-l-on, qu'on lient le
selon les cabalistcs. — La terre, disent-ils, secret des riches couleurs.
est presque jusqu'au centre remplie de gno- On appelait Gobelin ce démon d'Evreux
mes, gens de petite stature, gardiens des que saint Taurin expulsa, mais qui, ayant
trésors, des mines et des pierreries. Ils ai- montré un respect p;srliculier au saint exor-
ment les hommes, sont ingénieux et faciles ciste, obtint la permission de ne pas retour-
à gouverner. Ils fournissent aux cabalistes ner en enfer, et continua de hanter la ville
tout l'argent qui leur est nécess lire, et ne sous diverses formes à condition qu'il se
,

demandent guère, pourprix de leurs services, contenterait de jouer des tours innocents
que la gloire d'être commandés. Les gnomi- aux bons chrétiens de l'Eure.
des, leurs femmes sont petites, mais agréa- Le Gobelin d'Evreux semble s'être ennuyé
bles et vêtues d'une
,
manière fort cu- de ses espiègleries depuis (juo'ques années,
rieuse (1). et il a rompu son ban pour aller tourmenter
Les gnomes vivent et meurent à peu près les habitants de Caen. L'un de ces derniers
comme les hommes; ils ont des villes et se hivers, les bourgeois de la bonne ville do
rassemblent en sociétés. Les cabalistes pré- Guillaume le Bâtard furent souvent effrayes
tendent que ces bruits qu'on entendait, aii de ses apparitions. Il séiait affublé d'une
rapport d'Aristole, dans certaines lies, où armure blanche, et se grandissait jusqu'à
pourtant on ne voyait personne, n'étaient pouvoir regarder à travers les fenél^res des
autre chose que les réjouissiinccs et les létcs étages les plus élevés. Un vieux général ren-
de noces de quelque gnome. Ils ont une âme contra ce diable importun dans un impasse
mortelle; mais ils peuvent se procurer lim- et le défia, mais Gobelin lui répondit Ce : —
mortalilé en contractant des alliances avec n'est pas de toi que j'ai reçu ma mission, ce
Jes hommes. Voy. Cabale, Pygmées, Nains, n'est pas à toi que je dois en rendre com|>te.
GOBELINS, KOBOLD, CtC. Le général ayant insisté, six diables blancs
GNOSTIQUES, hérétiques qui admettaient de la même taille sortirent tout à coup de
une foule de génies producteurs de tout dans terre, et le général jugea prudent do J)a(tre
le monde. Leur nom signifie illuminés; ils en retraite devant le nombre. Le journal du
l'avaient pris parce qu'ils se croyaient plus département rendit justice à son courage :

éclairés que les autres hommes. Ils parurent mais le général n'eut pas moins besoin de
au premier et au second siècle, principale- se faire saigner par le docteur Vastel. Voy.
ment dans l'Orient. Ils honoraient, parmi LoTiNs, Follets. Kobold, etc.
les génies , ceux qu'ils croyaient avoir GOBES. On appelle gobes, dans la campa-
rendu au genre humain les bons offices les gne, des boules sphériques que l'on trouve
plus importants. Ils disaient que le génie quelquefois dans l'estomac des animaux ru-
qui avait appris aux hommes à manger le minants, et qui sont formées de poils avalés
fruit de l'arbre de la science du bien et du spontanément, mêlés de fourrages et agglu-
mal avait fait pour nous quelque chose de tinés par les sucs gastriqU'S. On jcrsuaderait
très-signalé.... Us l'honoraient sous la figure difficilement à la plupart des gens de la
qu'il avait prise, et tenaient un serpent en- campagne, que ces boules ne sont pas l'effet
fermé dans une cage lorsqu'ils célébraient
: d'un sort (3).
leurs mystères, ils ouvraient la cage et appe- GODESLAS. Lorsqu'on prêcha la première
laient le serpent, qui montait sur une table croisade dans le diocèse di; Lii'f^c une ,

où étaient les pains, et s'entortillait alentour. bulle permettant aux vieiilaids et aux infir-
C'est ce qu'ils appelaient leur eucharistie... mes de s'exempter du voyage de Terre-Sainte
Les giiostiques auxi]uels se rattachaient
,
moyennant une certaine contribution un ,

les basiiidiens , les ophites, les simoniens, meunier , nonuné Godeslas qui était en,

les carpocratiens, etc., tentèrent contre le même temps riche, vieux et usurier, s'arran-
catholicisme de grands efforts. Leur serpent, gea de manière qu'il ne donna que cinq
non plus que les autres, n'y put faice qu'u- marcs d'argent pour avoir la liberté de rester
ser ses dents. Voy. Tète de Bopuomet ,
à son moulin. Ses voisins rapportèrent à celui
ËuNs, etc. qui levait l'impôt que le meunier Godeslas
(1) i\j a apparence que ces contes de gnomes doivent (2) Wiprus, In Pseudonionarchiadxinon.
leur oiiiîiiie aux relations de quelques anciens voyageurs {Z) Sali{ues, des lirreurs et des préjugés, i. II. p. U.
en Lapunie.
GON 7.^*

pouv.iit donner quarante mnrcs sans se gê- on a attribué, dans les différents âge», une
ner, et sans ilitninucr l'Iiérilage de ses en- puissance surnaturelle.
fants; mais il soulinl le contraire, el per- GOETHE, auteur du drame de Fa««f. Voy.
suadas! bien le dispensateur, qu'on le laissa Faust.
tranquille. Son imposture, dit la légende, fut GOÉTIE, art d'évoquer les esprits malfai-
punie. sanls, pendant la nuit obscure, dans des ci-
Un soir que, dans le cabaret, il avait raillé vernes souterraines à la proximilé des tom-
les pèlerins qui faisaient le saint voyage, beaux et des ossements des morts, avec sa-
leur disant : —
Il faut convenir que vous crifice de victimes noires, herbes magiques,
êtes fous d'aller traverser les mers el risquer lamentations gémissements et offrande dt;
,

votre vie, tandis que, pour cinq marcs d'ar- jeunes enfants dans les entrailles desquels on
gent, je reste dans ma maison, et que j'aurai cherchait l'avenir. Voy. Théurgie.
autantde mérite que vous ; il advint ce qui — GOGUIS, démons de forme humaine qui
suit : accompagnent les pèlerins du Japon dans
De retour en son logis, le meunier s'étant leurs voyages, les font entrer dans une ba-
couché entendit tourner la moule de son
, lance el les contraignent de dire leurs pé-
moulin, el toute la machine se mettre en chés. Si les pèlerins taisent une de leurs
mouvement d'elle-même, avec le bruit accou- f;iutes dans cet examen, les diables font pen-
lunié. appela
garçon, et lui dit d'aller
Il le cher la balance de sorte qu'ils ne peuvent
voir qui faisait tourner le moulin. Celui-ci éviter de tomber dans un précipice où ils se
y
alla, mais il fut si effrayé, qu'il rentra sans rompent tous les membres (2).
Irop savoir ce qu'il avait vu. Ce qui se — GOHORRY (Jacques), écrivain alchimiste.
passe dans voire moulin m'a tellement épou- Voy. Fl.AMEL.
vanté, répondil-il, que, quand on m'assora- GOITKES. Le» Arabes prétendent guérir
nurait, je n'y retournerais point. cette infirmité avec des amulettes. Le docteur
— Fût-ce le diable, s'écria le meunier, j'i- Abernelhy, que l'on consultait sur la manière
rai et je le verrai. de dissiper un goitre, répandit :« Je crois
Il saute donc à bas du lit; il met ses chaus- que le meilleur topique serait de siffler... »
ses, il ouvre la porte de son moulin, il entre GOMORY, fort et puissant duc des enfers;
et voit deux grands chevaux noirs gardés par il apparaît sous la forme dune femme, une

un nègre, qui lui dit Monte ce cheval, il : — couronne ducale sur la tête, et monté sur un
estpréparé pour loi. chameau; il répond sur le présent, le passé
Le meunier, tremblant, cherchait à s'es- el l'avenir; il fait découvrir les trésors ca-
qui>er; le diable lui cria d'une voix terrible: chés;il commande à vingt-six légions (3).
— Plus de relard ôte ta robe, el suis-moi...
I GONDERIC, roi des Vandales, qui fut, à
Or, Godeslas portait une petite croix atta- l'exemple de Geyseric et de Bucer, éventré
chée à sa robe; il ne réfléchit point que ce par le diable, et dont l'âme, selon les chro-
signe le garantissait; il ûl ce qu'on lui com- niqueurs, fut conduite en enfer (4).
mandait, et grimpa sur le cheval noir, ou GONIN. Les Français d'autrefois don-
pluiôi sur le démon qu'on lui disait de monter. naient le nom
de maître-gonin à leurs petits
Le diable se jela sur l'autre cheval, et ces sorciers, charmeurs, escamoteurs et faiseurs
quatre personnages s'éloignèrent, allant aux de tours de passe-passe (5).
enfers. Là on fit voir au meunier une chaise CONTRAN. Helinand conte qu'un soldat
enflammée, où l'on ne pouvait attendre ni nommé Gontran, de la suile de Henry, ar-
tranquillité, ni repos, et on lui dit Tu : — chevêque de Reims, s'étant endormi en pleine
vas retourner dans ta maison, lu mourras campagne, après le dîner, ci>mme il dormait
dans Irois jours, et lu reviendras ici pour y la bouche ouverte, ceux qui l'accompa-
passer l'éternité tout entière sur cette chaise gnaient, etqui étaientéveillés, virentsorlirdo
brûlante. sa bouche une bêle blanche semblable à une
petite belette, qui s'en alla droit à un ruis-
A ces paroles, le diable reconduisit, Go-
seau assez près do là. Un homme d'armes la
deslas à son moulin. Sa femme, qui trouvait
voyant monter et descendre le bord du ruis-
son absence longue, se leva enfin, el fui
seau pour trouver un passage, lira son ép'ée
éionnée de le voir étendu sur le carieau,
et en fit un petit pont sur lequel elle passa el
mourant de peur. Comme il parlait de l'enfer,
courut plus loin....
du diable, de la mort, d'une chaise ardente,
on envoya chircher un prêtre pour le rassu-
Peu après, on la vit revenir, et le même
rer. —
Je n'ai pas besoin de me confesser,
homme d'armes lui fit de nouveau un pont de
son épée. La bêle passa une seconde fois el
dit-il au prêtre, mon sort est fixé. Ma chaise
est prêle, ma mort arrive dans trois jours;
sen retourna à la bouche du dormeur, où
ina peine est inévitable. lit ce malheu- — elle rentra....
Il se réveilla alors el comme on lui de-
;reux mourut sans vouloir se reconnaître (1). ;

mandait s'il n'avait point rêvé pendant son


GODWIN, — écrivain anglais qui a pu- sommeil, il répondit qu'il se trouvait fatigué
blié la Vie des Nécromanciens , ou histoire et pesant, ayant fait une longue course <!
des personnages les plus célèbres auxquels passé deux fois sur un pont de fer.
(1) Osarii Heisterbach. de Conlriiione, lib. 2 Mirac.' Wierus. In Psi'ud.omon. daeinonum.
où. 7. Detancre 'i'abl. de rincoiii>tanco des démons,
, «ic.
12) (.('loyer, Hist. des spectre» OU apiar. des esprits,
cil. 11 p. 536. [S) Bodin, DéiDOUomunitf,
,
p. 1<8.
niCTlONNAlKE DES SCIENCES OCCILTRS. 7Ô6

Mais ce qui est p'us merveilleux, c'est (ju'il grain qui brûle annonce disette et rherlé dans
alla par le chemin qii'arail suivi la belette; le mois qu'il désigne; et si Ions les grains
qu'il bêcha au pied d'une petite colline et disparaissent, c'est le si-;ne assuré d'une an-
qu'il déterra un trésor que son âme avait vu née de misères. Triste divinalinnl
en songe. GKAISSK DKSSOKCIERS. On assure que la
Le diahle, dit Wierus, se sert souvent de ces diable se sert de graisse humaine pour ses
machinations pourtromperleshommesetleur maléfices. Les sorcières se frotlent de cette
fdire croire que l'âme, quoique invisible, est graisse pour aller au sabbat par la chemi-
corporelle et meurt avec le corps; car beau- née; mais celles de France croient qu'en se
«ioup de gens ont cru que cette bête blanche mettant un balai entre les jambes, elles sont
était l'âme de ce soldat, tandis que c'était une transportées sans graisse ni onguents. Celles
imposture du diable.... d'Italie ont toujours un bouc à la porte pour
GOO, épreuve par le moyen de pilules de les transfiorler.
papier que les jammabos, fakirs du Japon, GRALO.V. Voy. Is.
font avaler aux personnes soupçonnées d'un GKANUIER UubiiN). L'histoire d'Urbain
(
Yol ou de quelque autre délit. Ce papier est Grandier est encore une de ces tristes intri-
rempli de caractères magiques et de repré- gues dont nous n'avions pas eu jns(|u'i(i la
sentations d'oiseaux noirs; le Jammabos y clef. La relation des possessions où il fut itn-
met ordinairement son cachet. Le peuple est pliqué a été entreprise par plusieurs écii-
persuadé que si celui qui prend cette pilule vains, presque tous ignorants ou malinlen-
est coupable, il ne peut la digérer et souffre lionnés, surtout le calviniste Saint-Aubin,
cruellement jusqu'à ce qu'il confesse son cri- dont V Histoire des diables de Loudun -d trompé
me. Voy. Khcmano-Goo. beaucoup de monde. Heureusement aujour-
GORSON, l'un dos principaux démons, roi d'hui nous avons d'autres guides. On a pu-
de l'Occident; il est visible le matin à neuf blié en 1839, du bon et pieux père Surin, un
heures (1). livre jusque-là resté inédit (3), et qui, laissé
GOUFFRES, on en
a souvent fait des ob- par un témoin irréprochable, nous permettra
Sur une montagne voisine de
jets d'effroi. d'être plus véridique.
Villefranche on trouve trois gouffres ou
,
Un couvent d'UrsuIines avait été élabli à
étangs considérables, qui sont toujours le Loudun en 1(J2G. Sept ans après, il y éclata de
théâtre des orages; les habitants du pays sinistressymptômes. Il y avait en de grands
croient que le diable est au fond, et qu'il ne procès entre d(^ux chanoines de la collégiale
faut qu'y jeter une pierre pour qu'il s'élève de Sainte-Croix de Loudun. L'un était M. Mi-
aussitôt sur ces étangs une tempête. gnon, homme sage et vertueux, el l'autre Ur-
GOUL, espèce de larves ou sorcières-vam- bain Gratidier, homme lettré, spirituel, caus-
pires qui répondentauxcmpuses des anciens. tique et plus dissipé que ne comportait sa
C'est la même chose que ghole. condition, comme disent les écrits du temps.
GOULEHO, génie de la mort chez les habi- Il se répandait dans le monde, n'affectait pas
tants des iles des Amis. Il gouverne une sorte des mœurs fort rigoureuses, et faisait sous le
de royaume sombre où se rendent les âmes. voile de l'anonyme des chansons et des pam-
GRAA, sorte d'immortelle (plante) que les phlets; ce qui convient assez p 'U à un prê-
Islandais employaient autrefois à la magie, et tre. On lui attribue la brochure politique
qui servait aussi à écarter les sorciers. intitulée la Cordonnière de Loudun, petit écrit
GRAINS BENITS. On se sert encore dans dirigé contre Richelieu.
les campagnes (et celte coutume est désap- Mignon, généralement reconnu pour un
prouvée par l'Eglise comme
superstitieuse ) homme de bien, fut choisi par les religieuses
de certains grains bénits qui ont la propriété pour de leurs consciences. Gran-
la direction
de délivrer les possédés par l'attouchement, dier, qui eût voulu avoir accès auprès de ces
d'éleiudre les incendies et les embrasements, dames, échoua dans tous ses efforts : aucune
de garantir du tonnerre, d'apaiser les tem- ne voulut même le voir. La haine qu'il por-
pêtes, de guérir la pesie, la flèvre, la para- tait à Mignon et le dépit qu'il conçut dès-
lysie, de délivrer des scrupules, des inquié- lors contre les Ursulines l'entrainôieut dans
tudes d'esprit, des tentations contre la fui, du une manœuvre dont on ne le croyait pas ca-
désespoir, des magiciens et dts sorciers (2). pable. Le procès qui survint l'on convain-
GRAINS DE BLE, divination du jour de quit, bien qu'il n'ait jamais avoué que son
Noël. Dans plusieurs provinces du Noid, on fait fût une œuvre de nsagie noire.
fait, le jour de Noël, une cérémonie qui ne Citons ici une réllexion de l'éditeur du li-
«toit pas manquer d'apprendre au juste com- vre que nous suivons (4) « Le principal mo-
:

bien on aura de peine à vivre dans le courant tif qui faisait nier la possession de Loudun,
de l'année. Les paysans surtout pratiquent était l'irupossibilité ou l'ubsurdilé prétendue
cette divination. On se rassemble auprès d'un des phénomènes allégués on preuve. Cette im-
grand feu, on fait rougir une plaque de fer possibilité ou cetteabsurdité peut-elle être lé-
ronde, et, lorsqu'elle est brûlante, on y place gitimement opposée, maintenant que les plus
douze grains de blé sur douze points mar- incrédules reconnaissent, ou du moins n'o-
(|ués à la craie, auxquels on a donné les sent pas contester la réalité de tant d'auires
noms des douze mois de l'année. Chaque phénomènes analogues, tout aussi extruor-
(1) Wierus, l'seudom. d;Ern.. p. 931. l'enfcr. Avignon, Scsnin allié, 1859. I vol. in-12.
(i) Lebrun, Hisl. des siiiiuratiiioiis, l. t", p. 397. (4) iriuniplicde l'Amour divin, etc. Avis de l'&liuur
Î3) ïriuiiijilie dtt l'AïQOur divin ïur it.:> puisbuucct da (I. XI.
757 GRA CRA 7,M!

(liiiaii'cs, tout aussi biziirres, lout aussi pro- cer qu'il était condamné au feu; ce qui fut
digieux, ijui, dil-on, se produisent chaque exécuté sur le grand marché de Loudun.
jour par le moyen du luagnélisme? » Une bande de coibeaux, dont quelques-
Donc, pour Irunchor le mot, Urbain Gran- uns ont fait une troupe de pigeons, volti-
dier résolut, non pas de magnétiser les Ursu- geait autour du bûcher. Il paraît qu'il mourut
lines (le mot n'existait pas encore), mais de m:il.
les ensorceler, de leur donner des diables, de Après sa mort, la possession n'étant pas vain-
les rendre possédées, de les livrer à des con- cue, les exorcismes continuèrent. Lcsdémons
vulsions, et d'amener surtout cet effet qu'el- qii'il fallait chasser sont nommés :Asmodée,
les devinssent éprises de lui, quoiqu'elles ne Lévialhan, Béhémoth, Elimi, Grésil, Aman,
le connussent pas. Il exécuta son dessein de Basas, Astaroth, Zabulon, etc. Le père Lac-
cette sorte une branche de rosier chargée
: tance mourut de fatigue; il fut remplacé par
de plusieurs roses charmées ( les magnéti- le père Dupin; et enfin le roi chargea des jé-
seurs comprendront parfaitement ce fait) fut suites de dompter cette hydre. Un très-saint
jetée dans le couvent. Toutes celles qui les homme et très-instruit, le père Surin, qui
llairèrenl furent saisies d'esprits malins, et prêchait avec grands succès à Maronnes, fut
livrées à un ensorcellement qui les faisait sou- délégué à cette opération difficile. C'était un
pirer après Urbain Grandier, qu'elles n'a- homme frêle et maladif, mais d'une grande
vaient jamais vu, —Dieu permettant ainsi piété. Il finit par obtenir une victoire com-
cette plaie et cette perturbation de leurs sens, plôie. Toutefois il ne sortit pas de cette lutle
pour des raisons que nous n'avons ni le sans en porter de rudes cicatrices; car pen-
droit ni le besoin d'approfondir. Elles étaient dant longues années, par la permission de
comme en démence, se retiraient dans les Dieu, dont les secrets ne nous sont pas tous
lieux écartés, appelaient Grandier; el lors- connus, le père Surin vécut obsédé et souffrit
que, soit par une hallucination, soit par un des peines qui ont fait de sa vie un martyre.
acte de Satan, la figure imaginaire ou réelle Voy. son livre que nous avons indiqué.
de Grandier paraissait devant elles subite- GllANGE DU DIABLE. On voit encore, à
ment, elles le fuyaient avec horreur; car le la ferme d'Hamclghem , qui appartient à
cœur de ces pauvres filles restait pur; leurs M. d'Hoogsvorth , et qui est tenue par
sens étaient seuls assiégés. M. Sierckx , frère de rarclievôquo de Ma-
Aucune d'elles ne consentit jamais aux lines, ferme dépendante de la commune d'Os-
suggestions qui les éprouvaient. selt, entre Meysse et Ophem, à une bonne
Klignon, assisté d'un sage curé, exorcisa la lieue de Vilvorde , à trois lieues de Bruxelles ;
prieure, qui était en proie à d'étranges cri- en allant par Laeken , on voit , dis-je , dans
ses, el dont le corps parfois restait élevé de cette ferme une grange , qui passe pour la
terre par une puissance occulte. La chose fit plus vaste du pays , mais qui en est assuré-
bientôt tant de bruit, qu'on dut la déférer ment la plus remarquable , el qu'on appelle
aux magistrats ordinaires. Le roi même, in- la Grange du Diable [DayveVs dak).
struit de ce qui se passait ordonna à Martin
, Voici l'histoire de celle grange , qui n'est
de Laubardemont, intendant de la justice appuyée au reste que sur des récits populaires.
dans la province, de prendre la conduite du Il est vrai que ces récits ont élé peu contestés,
procès. et que la tradition orale, qui a conservé l'ori-
Cet homme, trop noirci, mit dans l'instruc- gine et le nom de la Grange du Diable , est
tion la lenteur et la modération la plus loua- une croyance à peu près universelle dans la
ble. Il assembla pour juger un cas si grave contrée.
quatorze juges de divers présidiaux voisins, 11 y a longtemps que cette grange est de-

Poitiers, Angers, Tours, Orléans, Chinon, bout ; ceux qui l'ont vu construire ne sont
La Flèche, etc. Un bon religieux récollet, le plus de ce monde. 11 no nous a pas élé pos-
père Lactance, exorcisait les possédées en sible de découvrir l'époque précise où elle
présence de l'évèque de Poitiers et d'un fut bâtie. Alors la ferme d'Hamelgbem était
grand concours d'hommes éclairés, pendant occupée par un homme laborieux et actif,
«lue les juges recueillaient les dépositions à qui se nommait Jean Moulens. Il vivait heu-
la charge de Grandier. Ou trouva sur son reux , du produit de sa forme qu'il cultivait
,

corps, chose singulière les marques dont les


I avec ses frères dont il était l'appui. Il avait
sorciers ne manquaient jamais d'être tatoués. épousé une jeune femme qu'il aimait, et qui
11 fui démontré qu'il était l'auteur de la pos- pour la seconde fois était enceinte; les mois-
session des pauvres sœurs; et quand même sons étaient venues riches et abondantes ;
il n'eût pas été sorcier, l'enquête eût prouvé rarement il s'était présenté une année aussi
du moins sa mauvaise vie el ses mauvaises belle; les récoltes étaient splendides ; la si-
mœurs. On saisit dans ses papiers un livre tuation de Jean était prospère , et son
scandaleux qu'il écrivait contre le célibat sort digne d'envie , lorsque par une cruelle
des prêtres. Mais on n'y trouva pas, comme nuit du mois d'août , le tonnerre tomba sur
l'ont dit de mauvais plaisants, l'original du sa grange, et la réduisit en cendres, sans lais-
pacte qu'il avait pu faire avec le diable; et ser un débris de chevron.
les pièce» qu'on a publiées dans ce genre ont G était le moment où l'on allait rentrer les
élé fabriquées après coup. grains; de belles moissons, fruits heureux
Grandier fredonnait dans sa prison une d'une année de travaux, d'un ciel indulgeni,
chanson du temps L'heureux séjour de Par-
: d'une saison magnifique, étaient amoncelées
Ihtnice et d'Alidor, lorsqu'on vint lui annon- dans les champs dépouillés. Et tout à coup il
;59 DICTIONNAIRE DES SCIKNCES OCCULTES. 7ro

l'iir nirinqaai! un abri. Jean Meulcns ,


qoi habiles. activité comme celle
Jan)ais une
s'était courbé heureux et opulent se , levait qu'on lui offrait ne lui avait semblé possible.
nvp»; la cruflie perspective d"uiie ruine rom- — L't quel prix mcltez-vous à ce service ?

plèle ; car toute sa fortune était là , expo>éc demanda-t-il ; car je dois aller selon mes
aux pluies et à i'orage ; il n'était riche que de forcrs.
ses récoltes. Il n'avait pas d'argi-nl pour re- — Un (irix assez modeste, répondit l'étran-
faire une construction assez vaste. Kl quand ger. Je suis un original , et j'ai mes idées.
mémo tût tenu une bourse bien garnie , il
il V^ous me donnerez votre second fils ,
qui va
n'avait plus le temps d>! faire bâtir. Le mois bientôt naître.
de septembre approciiailà grands pas , ame- — Vous donner mon fils dites-vous , et 1

nant la saison des pluies. Jenn ne savait à qu'en voulez-vous faire?


qui recourir, à quel saint se vouer, ni quelle — il sera sous n)os orilres j'en prendrai ,

résolution prendre. soin. Que pouvez-vous craindre en le con- ,

Trois jours après l'incendie de sa grange, fiant à un seigneur puissant qui vous enrichit?
n'ayant pu jusque-là que se désoler , sans — l'ardon, interrompit le fermier. Où peu-
aviser un parti , Jean se promenait seul , à vent être vos domaines ?
rentrée de la nuit , sur un chemin croisé , à — Nous y serions en moins d'une heure, si
quelque distance de sa maison , rêvant Iris- nous allions un peu vile.
Icmcnt à la situation embarrassante où il se Le fermier garda de nouveau le silence.
irouvail , lorsqu'il vit venir à lui un homme Puis il dit:— Je ne puis donner mon enfant.
de moyenne taille, vêtu de velours giis de — Rélléihissez répli^iua froidement l'in-
,

fer, avec un chapeau à cornes galonné d'ar- connu et revenez ici dans trois jours.
;

{;rnl, les pieds courts , difformes , emboîiés Jean rentra chez lui, excessive ment préoc-
(laiis de légères bottines, les mains couvertes cupé. Il ne dit rien à sa femme rien a per- ,

de gants noirs, et marchant si lestement que, sonne ; mais il ne dormil pas de loule la nuit.
dans l'ombre du crépuscule, il paraissait glis- Il se creusa la tête à chercher qui pouvait
ser sur le chemin de traverse. être cet homme extraordinaire. Klail-ce un
Il s'approcha de Jean , le salua avec poli- prince? un riche négociant? un sorcier? uu
tesse et lui demanda le chemin de Meysse. démon ? Il repoussa ces dernières supposi-
— Nous n'en sommes pas loin dit le fer-
, tions , i-'our s'attacher à l'idée qu'il avait
mier en sortant de sa rêverie ; je vais vous y aff;îire à quelque seigneur capricieux. H se
conduire. sentait de trop tendres entrailles de père pour
L'inconnu remercia vivement il fit à son
; livrer cependant ainsi son fils au hasard il ;

guide diverses questions qui témoignaient de se promitdene pas retourner au rendez-vous.


i'inlérêt pour lui. Jean répondait assez vague- Mais le second jour un grand orage vint ,

ment. Il y avait quelque chose qui le glaçait encore. Des torrents de pluie fondirent sur
dans l'extrême pâleur de l'étranger , et dans la terre. Les récolles qui restaient sans abri en
SCS regards fixes et ardents. Il semblait pour- souffrirent cruellement. Jean pleura de dou-
tant s'apercevoir si bien des inquiétudes du leur ; et songeant que sa femme et son fils
fermier que s'arrêtant tout à coup au pied
,
premier-né allaient bientôt languir dans la
d'un vieux noyer séculaire, en s'appuyanl sur misère , il vit avec moins d'effroi le sacrifice
sa canne pesante ,il lui demanda d'une manière de son second enfant; il pensa que peut-être
formelle, le sujet des soucis qui paraissaient l'étranger, qui l'achetait si cher, voulait faire
le dévorer. Jean, subjugué en quelque sorte, son bonheur, sa fortune; qu'il avait tort de
n'hésita plus. Il conta à l'inconnu toute sa le repousser; et il arriva au rendez-vous le
peine. premier.
—N'est-ce que cela ? dit lentement l'homme Ses réflexions étaient amères. 11 était pres-
velu de gris. Il fallait le dire plus tôt. Je suis que nuit sombre , lorsqu'il entendit un léger
ri( he et puissant je puis vous tirer du pas
;
bruit ; du vieux noyer s'agitèrent
les feuilles
fâcheux où vous êtes. brusquement, comme s'il eût fait un vent de

Oh soyez béni , si vous le
1 faites , répIi' tempête quoique l'air fût tout à fait calme
, ;

qua à ces paroles consolantes, je


le feruiier, et aussitôt Jean vit venir à lui l'homme au
ne l'oublierai de ma vie; et Dieu vous verra. chapeau galonné d'argent.
L'inconnu tressaillit; il baissa les yeux, — Je n'ai qu'un instant à vousdonner, dil-
garda un moment le silence. Puis reprenant il, je retourne à Vilvorde.Que décidez-vous ?
la parole, comme s'il eût fait un effort : Je — — Je ne suis pas encore maîlre de mou
puis fournir aux frais de la construction de élonncment dit le fermier. Vous pourriez
,

votre grange, dit-il, et vous la faire même si rebâtir ma grange et la faire la plus vaste
,
belle qu'elle sera la plus grande du pays.
,
du BrabanI, et l'avoir finie dans la nuit?
—J'aurais besoin qu'elle fûtgrandeen effet,
répliqua Jean; mais le temps presse. Com- — Avant le premier chant du coq, je le
ment avoir fini assez tôt? répète. Si la grange n'est pas parfaite et si ,


J'ai des ouvriers en nombre suffisant. jfe uian(|ue à quelqu'une de mes conventions,

je n'exigerai pas l'exécution des vôires.


S'il le faut, elle sera terminée demain malin,
avant le lever de l'aurore , avant le premier —Et mes blés , que les pluies viennent de
chant du ruq. gâter vous pourriez les faire étendre
, , les
Le fermier recula de surprise. Il se de- sécher, les rentrer?
manda en lui-même qui pouvait être cet
homme? Il avait ouï parler d'entrepreneurs
— Tout se fera en même temps. De plus ,

voici une bourse qui renferme eu or 1001) flo-


, ,

761 GRA GRA 7C'2

iMis. Snffira-t-elle à payer les dégâU de ses yeux, et mille petitescirconstances inouïes
l'orage d'hier? ne lui permirent bientôt plus d'en douter.
—Oh certainement , dit le fermier avec
1 Fréinissanl à cette pensée , désespéré de
des palpitations. l'horreur d'avoir vendu son fils il ouvrit ,

—Acceptez donc et Gnissons-en hors de lui la porte de sa maison , où sa



Mais, mon Olsl encore qu'en voulez-vous femme l'attendait pour souper.
faire? Il décomposés, qu'elle lui
avait les traits si
—Ce que de ceux qui vivent sous
je fais demanda pourquoi ne montrait pas plus
il

mes ordres et (jui vont construire pour vous. de courage car elle attribuait encore sa dou-
;

11 se nt un silemu nouveau; après quoi leur aux fléaux dont il était victime. 11 ne
Jean Meulens reprit: répondit rien, sinoa qu'il était malade et
— Quand faudra-t-ll vous le remettre? qu'il ne pouvait rien prendre. La pauvre
— Je viendrai vous le demander. jeune femme l'imita elle pleura des peines
;

—Je.... je consens, dit enfin Jean, avec un de son mari et après une demi-heure de
,

long soupir. silence pénible , l'époux et la femme se mi-


— Signez ceci ; et tout sera fait , répliqua rent au lit.
l'homme en sortant de sa poche une petite
, Le fermier ressentait des angoisses qui
feuille de parchemin dont l'extrême blan-
, l'étouffaient; en songeant à son fils qui n'était
cheur faisait ressortir l'écriture dans l'obs-
, pas né et qui devait être la proie du démon, il
curité qui commençait à devenir profonde. s'arrachait les cheveuxetfrappaitsa poitrine
— Il n'y a là que ce que nous avons dit? pleine de sanglots. Sa douleur était si éner-
demanda Meulens d'une voix tremblante. gique, que sa femme ne pouvant en soutenir
— Pas autre chose... Le fermier lut cepen- plus longtemps le spectacle, lui dit:
dant ;les caractères étaient rouges et brll- —
Jean , il y a quelque chose que tu me
I nls. Eu même temps l'inconnu présentait caches. Tout n'est-il plus commun entre
une petite plume de fer. nous?
—Mais nous n'avons pas d'encre , dit Jean Le fermier hésita à répondre. Mais enfin ,

Meulens. il conta tout à sa femme, la rencontre d-


— C'est vrai. Nous y suppléerons. l'inconnu, le pacte signé et la grange qui
,

Aussitôt, par un mouvement si vif qu'on eut s'élevait. La fermière tressaillit d'horreur.
pu à grainrpeine le remarquer, l'inconnu, de Elle se leva et fil lever son mari. Minuit ve-
la poinie de sa plume de fer , piqua la main nait de sonner dans les paroisses voisines.
pauihe du fermier sous le doigt annulaire ; En mettant le pied dans leur cour, Jean et
un peu de sang en jaillit. Il le recueillit dans sa femme virenlavec terreurleur vaste grange
le bec de la plume: et le fermier signa d'une achevée , les grains rangés et cent ouvriers ,

main tremblante. agiles occupés à couvrir le toit de chaume


Dès (lu'il eut fini , l'étranger serra le par- avec une vitesse effrayante. Sans perdre un
cheiDin et disparut, comme s'il se fût envolé. instant, la jeune femme, heureusement ins-
Le fermier se croyait le jouet d'un prestige. pirée, courut à la portedu poulailler et frappa
II redevint convaincu que son aventure était dans ses mains. Il ne restait plus au haut du
réelle, en sentant sous sa main la bourse de toit qu'un troud'une aune à fermer. La botte
mille florins. Il retourna à sa maison, moi- de chaume qui devait le clore s'élançait
tié craignant, moitié espérant, et sentant portée par un agent actif, quand aussitôt le
dans son cœur ce trouble inexprimable que ci)i( chanta....
doit éprouver un homme qui , sans savoir Toute la bande infernale disparut en hur-
pourquoi, u'est pas content de lui. lant....
il était nuit nuire lorsqu'il rentra dans la Le jour vint ;la grange était complètement
cour de sa ferme. Il la trouva déjà remplie terminée, sauf le trou de deux pieds de dia-
d'une foule de petits êtres minces et fluets ,
,
mètre ; et le diable avait perdu.
mais singulièremeut agiles, qui portaient des On a essayé vainement juscju'à ce jour de
poutres , des briques , du chaume du mor- , fermer l'ouverture , laissée au haut de cette
tier, des planches. Ils travaillaient avec une grange. Tout ce qu'on y met le jour disparaît
ardeur incroyable, et dans un silence si pro- la nuit. Mais cette imperfection n'a rien
digieux, qu'on les voyait scier, fendre, frap- d'incommode , si ce qu'où ajoute est bien
per, sans entendre le moindre bruit. Le exact que la grêle , la neige et la pluie s'y
,

ciment des bri(]ues se séchait aussitôt qu'il arrêtent , comme si la grange était close par
était posé. Ou apercevait leurs travaux , qui une glace, et que rien ne pût passera travers.
montaient à vue d'œil , à la lumière que je- Il n'y a presque pas de province où l'on
laienlleurs visages, d'uùsemblaient jaillir des ne montre dans quelque ferme écartée une
lueurs de l'eu. grange mal famée , qu'on appelle la Grange
Jean Meulens s'épouvanta. Il crut remar- du diable. Parsuited'un pacteavec unpaysau
quer de petitescornes surle fronldesouvriers dans l'embarras c'est toujours le diable qui
,

lestes qui travaillaient à sa grange. Il lui l'a bâtie en une nuit, et partout le chant du
sembla (fu'iis avaient des griffes au lieu de coq l'a fait fuir , avant qu'il n'eût gagné sou
mains, et qu'ils voltigeaient plutôt qu'ils ne pari; car il y a un trou qui n'est pas cou-
montaient à l'échelle. vert ou quelque autre chose qui manque à
,

— Aurais-]*' fait pacte avecle démon ? dit- toutes ces granges.


il en lui-même, le cœur navré. Voici une autre version de la même lé-
Lu rapidité de la besogne ({ui se laisait sous gende (et nous pourrions eu citer un gruml.
76j DICTIONNAIRE DF.S SCIKNCES OCCULTES. 7r>i

«oinhre ) ; nous cmprunlons celle-ci aux tain, car il n'ignorait pas que lout le niomta
lirovietmdrs d'un antiquaire dans l'ancien le délestait. H était donc dans une grande
duché de Brahant, par M. Eugène Gens. perplexité, et ne savait plus où donner de la
« Il y a à Bicrljecck, et dans tous les villa- léle.
ges enviroiinaiil<, dans un rayon Irès-étendu, « Un soir qu'il s'en revenait seul vers le
une loculion qui dit , (|uand un travail s'est vill.ige.plus sombre encore que de coutume, il
exécuté avec une grande rapidité « Us ont : repassait tristement dans sa tête toutes les
iravaillé cunime lus diables à la Grange- causes di> son chagrin, et lout à coup il se
Bleue. » Or, c'est à Bierbeeckque s'est passée tordit les poings avec rage frappa la terre ,

riiisloire ((ui a donné lieu à ce proverbe. Le avec violence et laissa échapper un épouvan-
conte fantastique de la Grange-Bleue est po- table blasphème. Alors il entendit un éclat
pulaire dans tout le Brabant; il a bercé l'en- de rirequi retentit derrière lui; il se retourna,
fance de tous nos campagnards, et la terreur et il vit un étranger qui avait de fort beaux
que me causait son récit est demeurée avec habits. Celui-ci l'aborda en riant et lui dit :

la complainte de Malborough, parmi les plus — Camarade, parait que tu as du cha-


« il

vives impressions de mes premières années. grin cl que ta patience n'est pas longue.
Celte tradition se reproduit, avec de légères — Elle
u peu, répondit Walter avec
l'est si
variantes dans beaucoup de pays mais un
, ; colère, que je n'ai jamais souffert qu'on se
fait remarqualile, c'est que la Grange-Bleue moquât de moi. — El déjà serrait son bâton il

de Bierbeeck est célèbre en Allemagne ; les en signe de menace mais quand il eut ren- ;

paysans de Bierbeeck furent Irèsélonncs, contré les yeux de l'étranger, son bàlon lui
lors de l'invasion des alliés, en 1814, de voir tomba des mains. Il continua d'un ton brus-
accourir par bandes chez eux , des soldais
, que —
Passez votre chc.uiu; si j'ai du cha-
:

autrichiens et prussiens qui venaient rendre grin, cela ne regarde que moi seul.
visite à leurGiange-Bleue.Uest probable que « —
Allons, allons camarad.', tu n'as pas ,

ce furent les Autrichiens qui emportèrent plus de raison qu'un poulain qu'on veut fer-
cette tradition dans leur pays, quand ils éva- rer. Calme-toi et conte-moi plutôt tes em-
cuèrent la Belgique. Le génie mystique de barras ; nous aviserons ensemble au moyen
l'Ailemagiie s'en est emparé, comme d'une d'y remédier.
rêverie d'Hoffmann ou de Jean -Paul. La « —
Ce serait inutile mon malheur est ;

voici (elle qu'elle charma plus d'une fois les lelque personne ne pourrait y remédier, et
veillées de noire enfance ; vous pas plus que moi.
La Grange-Bleue.
— Voilà première
« qu'on me
la fois dit
cela. Jepeux tout.
y avait une fois un paysan, (rès-richc
« Il « — Tuut dit Walter en riant à son
?
ei très-avare , qui s'appelait Walter. Il avait tour.
un caractère dur et bourru (lui le faisait dé- — Tout, reprit gravement l'étranger.
«
lester de tous ses voisins ; jamais il n'avait — Eh bien vous pouvez tout, voyons
« 1 si
donné une aumône aux pauvres : quand ils sivous sauverez mon grain 1

s'adressaient à lui, il ne les accueillait qu'a- « —


Pour sauver ton grain, il ne le faut
vec des blaspiièmes, et les chassait avec du- qu'une grange, et je puis l'en faire une.
reté. Quand on lui disait que cela lui porte- « Oui— mais il m'en faudrait une pour
,

rail malheur , qu'il pourrait bien un jour demain.


trouver sa ferme en flammes, et qu'à chaque « — Tu l'auras.
jurement qu'il faisait , le diable était là qui « — Pour demain malin?
guettait son âme, il ne faisait que rire de « — Pour demain malin, mais à une con-
ces propos, et quant au diable , disait-il, il dition : ilme faut ton âme.
s'en moquait. Il fallut bien cependant qu'il « — Mon âme s'écria Walter
! qui ne riait
reconnût la vérité de ces sages discours : plus, mais (jui donc êtes-vous ?
sou avarice faillit occasionner sa perle, si la « —
Satan.
sainte Vierge n'avait eu pitié de sa femme « Et alors Walter le regarda avec terreur,
et de ses enfants. et il vil que les yeux de l'étranger luisaient
« Il arriva qu'une année ses champs fu- dans l'ombre comme deux charbons ardents,
rent couverts d'une moisson si abondante . et qu'au lieu de pieds, il avait de grandes
que le temps de la réi olle étant arrivé, il griffes d'oisi au. Un moment son avarice fut
ne sut où placer tout son grain. Déjà s;i balancée parla peur, mais ce fuU'avarice qui
maison, ses greniers et sa grange étaient l'emporta.
encombrés, et une bonne partie restait en- « Èh bien dit-il, après un moment de si-
1

core dans la campagne. Cependant la sai- lence, j'accepte ton marché, Satan 1 mais il
son des pluies allait approcher, et il fal- fautque ma grange soii faite demain, avant
lait bien prendre une résolution. Laisser lepremier chant du coq ; alors je te livrerai
pourrir son grain dans les champs était chose mon âme. Dis-moi ce qu'il faut faire pour
impossible donner son superflu aux pau-
; conclure notre pacte.
vres était un acte au-dessus de ses forces, et « —
Revenez ici ce soir, à l'endroit où ces
bâlir une nouvelle grange répugnait à son deux chemins se croisent tracez un cercle ;

avarice ; et d'ailleurs, avant qu'elle n'eût été dont le centre se trouve au milieu des deux
faite, les pluies auraient détruit son blé ; al- chemins; faites trois fois le tour du cercle à
ler demandera un vois'in de pouvoir leplacer reculons, en récitant le /'ai«r à rebours; lu z
chez lui, c'eût été s'exposer à un relus cer- une poule noire, et répétez à haute voix les
,

7!!5 (;RA GRA me


torirtos et [es conditions de noire marché. arrondis. Vers le haut est une ourerture, et
« A l'instant mémo l'élranger dispnrul
, les paysans affirment gravement (ju'il est
et une odeur de fumée se répandit dans les iuipossible de la fermer; que chaque fois
environs. qu'on l'a essayé, ils ont trouvé détruit le
« Walter fil ce que Sal;m lui avait ordonné; lendemain l'ouvrage de la veille. J'ai vu la
il retourna au carrofour, Iraça un cercle, le grange et l'ouverture, mais je n'ai pas es-
parcourut trois fois à reculons et récita le sayé de vérifier celte dernière assertion.
Pater à rebours. Il tua une poule noire, et « Un qui paraît certain, c'est que cette
fait
répéta les termes du marché. grange élevée dans l'espace d'une nuit.
fut
« Mais la nuit venue , Walter ne pouvait JavDue que je serais fort embarrassé d'assi-
dormir: le fatal marché lui revenait sans gner à celte étrange construction une origine
cesse à la mémoire. Encore quelques heures, plus raisonnable que celle que la tradition
p( nsait il, et il allait être damné sans rémis- lui assigne.
sion; plus de joie, plus de repos pour lui sa ; « Mais pourquoi cette grange s'appelle-t-
pauvre âme était perdue Et pour(iuoi? pour I eilo a la Grange-Bleue? C'est ce que per-
yi

quelques misérables gerbes de bléIQiie fera- sonne n'a pu médire. »


t-il désormais de sa richesse? pourra-t-il en GKANSON.Paul Diacre (tfàt. Longob.) fait
{'ouir encore quand il aura toujonrs devant ce conte Deux seigneurs lombards, nom-
:

ni Satan prêt à saisir sa proie? Et il se re- mée Aldon et Granson, ayant déplu à Cuni-
tournait dans son lit, ne pouvant demeurer bert, roi de Lombardie, ce prince résolut de
un instant dans la même position, et il gé- les faire mourir. Il s'entretenait de ce projet
missait douloureusement. Sa femme qui avec son favori, lorsqu'une grosse mouche
s'aporçul de son agitation, lui demanda ce vint se planter surson front et le piqua vive-
qu'il avait, et pour()uoi il soupirait ainsi. Il ment; Cuniberl chassa l'insecte, qui revint à
conta alors à sa femme lont ce qui était ar- la charge, et qui l'importuna jusqu'à le met-
livé. En entendant ce récit, elle fit un grand Iredansune grande colère. Le favori, voyant
signe de croix, et elle dit à son mari : son maître irrité, ferma la fenêtre pour em-
« —
Comment, Walter, tu as vendu ton pêcher l'ennemi de sortir, et se mit à pour-
âme pour avoir une grange 1 suivre la mouche, pendant que le roi tira

« Oui, femme; au preniier chant du coq son poignard pour la tuer. Après avoir sué
ma grange sera faiie, mais je serai damné! bien longtemps, Cuniberl joignit l'insecte
— Malheureux
« 1 dil-elle, je vais prier fugitif, le frappa; mais il ne lui coupa ((u'une
pour loi. patte , et la mouche disparut. Au même —
Alors elle récita une courte prière, et la
« instant Aldon etGranson, ijui étaient ensem-
sainte Vierge ( comme elle l'a avoué ) lui ble, virent apparaître devant eux une es-
inspira un projet qui lui donna l'espoir de pèce d'hon)mequi semblait épuisé de fatigue
sauver l'âme de son mari. Elle s'habilla et et qui avait une jambe de bois. Cet homme
descendit dans la cour, tenant d'une main les avertit du projet du roi Cuniberl, leur
une lanterne et de l'autre un tablier. Elle vit conseilla de fuir, et s'évanouit tout aussitôt.
de loin dans le jardin la grange (jui s'éle- Les deux seigneurs rendirent grâces à l'es-
vait, et les ouvriers infernaux qui travail- pril de ce qu'il faisait pour eux; après quoi
laient avec une ardeur ineroyable, dans un ils s'éloignèrent comme l'exigeaient les cir-
silence de mort. Elle marcha droit au pou- constances.
lailler, tenant sa lanterne derrière le tablier, GRATAROLE ( Guillaume ), médecin du
cl, comme elle l'avait prévu, le coq, trompé seizième siècle, mort en 15G8. Il esl auteur
par celte lumière qu'il prit pour celle de d'un ouvrage inlilulé: Observations des di/fé-
l'aurore, se mit à chanter. Aussitôt on en- renies parties du corps de Hiomme pour juger
tendit un
bruit épouvantable; tout le jardin de ses facultés morales (1). Bâie, 1554, in-8".
parut en feu ; les démons descendirent pré- Il a composé aussi sur l'Antéchrist un ou-
cipitamment de la grange en se renversant vrage que nous ne connaissons pas; enfin
les uns les autres et en poussant des cla- des traités sur l'alchimie et sur l'art de faire
meurs de rage, parce qu'ils n'avaient pu des almanachs.
achever la grange avant le premier chant du GRATIANNE (Jeannette), habitante de
coq. La terre s'enlr'ouvrit et les démons s'y Sibour ou Siboro, au commencement du dix-
engloutirent. septième siècle accusée de sorcellerie à l'âge
;

« Ainsi fut sauvée l'âme de Walter. de seize ans, elle déposa qu'elle avait été
« Sa grange était sur le point d'élre ache- menée au sabbat ; qu'un jour le diable lui
vée ; il ne restait plus qu'une ouverture avait arraché un bijou de cuivre qu'elle por-
près du toit et personne n'a jamais pu bou- tail au cou ce bijou avait la forme d'un poing
;

cher celte ouvcriure. Si vous allez à Bier- serré, le pouce passé entre les doigts, ce que
bceck, vous la verrez vous-même. les femmes du pays regardaient comme un
« Telle est l'histoire de la Grange-Bleue. préservatif contre toute fascination et sorti-
« La Grange-Bleue existe encore à Bier- lège. Aussi le diable ne le put emporter, mais
beeck; elle est située près d'une ferme sur le laissa près de la porte. Elle assura aussi
le chemin d'Opvelp. C'est une conslruclion (m'en revenant un jour du sabbat, elle avait
fort surprenanle. La charpente est formée vu le diable en forme d'homme noir, avec
d'arbres entiers, employés avec leurs bran- six cornes sur la tète, une queue au der-
ches et leurs racines; tous les angles, même (I) De pnelictione inoium nalniaruimiue homiumn l'a-

ceux de la jonction du toit et dos murs, sont cili ut i!iS|ieclioiicpai'Uum curpuris.


707 DlCTIONNAinE DES SCIENCES OCCULTES. 70.1

rière, deux visnges, qu'nyanl été pré-


etc.; (prêtre du sabbat), qui portait une peau do
sentée à lui elle en avait reçu uiir grosse
, loup ('») , et qui lui avait appris le métier.
poignée d'or; qu'il l'avait fait renoncer à On ne que devint ce jeune homme.
sait ce
son Créateur, à la siinle V'icrgc, à tous les Voy. Poirier et Pierre Labourait.
saints et à tous ses parents (I). .. • GRENOUILLE. On n'ignore pas cet admi-
qui trompa Pom- rable secret des pay>ans, que la grenouille
GRATIDIA, deTineresse
rapporte lloraco car lui di'Sbuissons, coupéi; et mise sur les reins,
pée , conitno le :

faittellement uriner, que l-'s hydropiques en


ayant demandé l'issue delà guerre? de Pliar-
elle l'assura serait victorieux sont guéris Voy. Messie des JniFs,
sale, qu'il ;

néanmoins il fut vaincu (3).


Tremblement de terre, etc.

GRATOULET , insigne sorcier qui appre- Mais y a sur les grenouilles d'autres cu-
il

riosités. Nous allons exposer ici les singu-


nait le secret d'enibarrcr ou non«r l'aiguil-
lières excentricités qu'ellcjs ont inspirées à
lelte , et qui s'était vendu à Bdzebuth. Il
des philosophes allemands (5).
donna des leçons de sorcellerie à Pierre Au-
petit, condaniné en 1598.
On sait qu'en général ces philosophes (jiii
repoussent la révélation ne repoussent ja-
GREATRAKES (Valentin), empirique qui mais aucune rêverie.
fitdu bruit en Angleterre dans le dix-sep- « Lavater a calculé d'instinct, disent-ils,
tième siècle; il était né en Irlande en 1G28. lorsqu'il a fait voir combien peu de tran-
On ignore la date de sa mort. Il remplit de sitions deviennent nécessaires pour con-
brillants emplois, mais il avait ta tète déran-
duire un profil de grenouille au profil ma-
gée. En 1(162, il lui sembla entendre une gnifique de l'Apollon du Belvédère qui est,
voix lui dire qu'il avait le don de guérir dit-on, le beau idéal. Vingt-quatre géné-
les écrouelles; il voulut en user et se crut
rations qui se perfectionneraient avec per-
môme appelé à traiter toutes les maladies: sévérance arriveraient en effet du type cra-
ce qui lui attira une grande célébrité. Ce- paud au type Apollon; et l'on voit tous les
pendant une sentence de la cour de l'évê- jours, à l'appui de cette ass-îriion, des vil-
que de Li'^more lui défendit de guérir. lages oîi l'espèce est laide, s'embellir pro-
Sa méthode consistait à appliepipr les gressivement, dès qu'il arrive quelques
mains sur la partie malade elâ faire de légè- circonstances favorables qui pressentie ré-
res frictions de haut en bas; élait-ce du sultat.
magnétisiiie? Il touchait néme les possédés, « est Lavater eût
vrai cjuc l'étude de
Il
qui tombaient d-ins des convulsions aussitôt pu se sur un chien ou sur un c.i-
faire
qu'ils le voyaient ou l'enlendiient parler. nard, aussi bien que sur une grenouille;
Plusieurs écrivains se moquèrent de lui. mais suivons nos philosophes.
Saint- Évreniont écrivit contre lacoutiance « Ainsi en y réfliichissant pour peu que ,
qu'on lui accordait. Mais Greatrakes a eu vous soyez disposé à admettre la nouvelle
des défenseurs, et Deleuze, dans son //j'stoî're doctrine d'un grand savant de l'Allemagne,
du magnétisme animal, l'a présenté sous un vous pourrez bien supposer avec lui que
jour qui fait voir que c'était en effet un ma- le monde autrefois était couvert par les
gnétiseur. eaux; qu'il n'avait que des habitants aqua-
GRÉGOIRE VII (saint), l'un des plus tiques, et qu'après qu'il se fut un peu séché,
grands papes, sauva l'Europe au onzième les premiers hôtes de l'élément solide fu-
siècle. Comme il fit de grandes choses pour rent des grenouilles. Il raisonne très-cu-
l'unité, il eut des ennemis dans tous les hé- rieusement là-!essus;et les suppositions sont
rétiques, et en dernier lieu dans les prole- un champ vaste et commode.
stants, qui l'accusèrent de magie et même <(Ainsi, il ne faut plus que nous soyons
de commerce avec le diable. Leurs menson- surpris de voir tant de nos frères ressem-
ge-> furent stupidement répétés par les catho- bler à des crapauds. La figure s'est un pou
liques. Ce saint pape vient d'être bien vengé; arrondie: mais nous avons encore les bras
car l'histoire qui lui rend justice enfin est et les jambes de notre origine; nous nageons
écrite par un protestant (Voigt). comme la grenouille ; nous avons pris pour
GRELE. Chez les Romains, lorsqu'une l'agilité un juste milieu entre la grenouille
nuée paraissait disposée à se résoudre en et le crapaud ; nous avons fait «les idiomes;
grêle, on immolait des agneaux ; ou par inventé l'imprimerie et les voilures à vapeur;
quelque incision à un doigt on en faisait mais nous avons perdu Ihabitudo de la vie
sortir du sang, dont la vapeur , montant aa;phibie. Voilà du moins ce que dit le docte
jusqu'à la nuée, l'écirtait ou la dissipait en- allemand.
tièrement ce que Sénèque réfute comme
: « Un autre savant, Christian-Emmanuel
une folie (3). Hoppius, nous assignait, au dernier siècle,
GRENIER (Je4k), loup-garou qui flo- une origine différente. Dans une dissertation
rissait vers l'an IGOO.Accusé d'avoir mangé que co savant lui à l'Académie d Upsal, le
des enfants, par Jeanne Garibaul et par 6 septembre 17i;6, Académie où présidait
d'autres, quoiqu'il eût à peine quinze ans, alors Charles Linné , Hoppius démontra que
il avoua (|u'il était fils d'un prêtre noir nous descendions du singe.... Notre devoir
(1) Delanctf, Tabl. de l'iiicoiistance dosdéinuns, elc,
liv. IV, p. 152. (o) Le niorceaii qui siiil rsl détactié d'un préambule du
(2j Idem, ilwl., liv. ii. p. 53. nouveau diciionnairi! des alhée» eldes iiliiiosoi)hes,pul)liB
(T \ Lebrun, l. I", p. olii. par l'auteur de cel ouvrage.
(4\ M. Jule:> Gikriuet, tli&loire de la magie en France,
7';9 CRR :;re 770
d'iuiparlialilé, ilans la reclierche des belles riierbe et du foin qu'il choisissait à l'odorat ;
choses, nous oblige à faire connaître les au lieu de parler, il bêlait, comme les petits
idées profondes du pri\seur Hoppius. Egyptiens que Psamméticus avait fait nourrir
n 11 appelle anlhropoinorpbes, de deu» mots par des chèvres. On ne l'apprivoisa qne diffi-
grecs qui veulent dire fi jure d'homme , les cilement et fort tard. Tulp dit l'avoir vu, à
singes qui nous ressemblent, c'est-à-dire, se- seize ans, à Amsterdam.
lon lui, les singes sans queue. De lous les « Nous citerions une foule d'histoires sem-
élres qui existent sur la terre, dit-il, aucun blables. Tout le monde a lu , dans Racine
genre ne se rapproche plus de l'Iioinine que de la jeune fille sauvage, trou-
fils, le récit
celui des singes. Leur face, leurs mains, leurs vée en 1731 , à Ghâlons-sur-Marne ; elle
pieds, leurs bras, leurs jambes, leur poitrine, avait dix ans elle grimpait aux arbres,
:

leur intérieur, ont une grande similitude sautait de branches en branchis, comme un
avec les nôtres. Leurs mœurs, les tours cl écureuil se nourrissait de fruits , de gre-
,

les espiègleries qu'ils inventent, surtout leur nouilles et de poissons qu'elle attrapait on :

penchant à l'imitation, tout concourt aies put la civiliser un peu , et elle apprit lo
présenter si semblables à nous, qu'il serait français.
dilîicile en certain cas d'établir la différence « On a tiré grand parti de cette dernière
entre l'homme et le singe... circonstance, poursuivent nos savants. On a
«Quelques personnes ne seront pas de mon soutenu qu'un singe n'aurait jamais pu par-
avis, poursuit le savant. Si ces hommes diffi- ler :cela n'est pas démontré complètement...
ciles veulent comparer les jeunes élégants de Linné dit avoir connu un chien qui parlait.
l'Europe aux Hotlentots qui habitent le cap Assurément ce chien en progrès n'aurait pas
de Bonne-Espérance, s'ils mettent une belle fait des discours de tribune et n'aurait pas
,

dan)edela courauprès d'une hideusesauvage, pu jouer la comédie. Il ne devinait pas do


ils trouveront dans ces deux espèces plus de charades et ne faisait pas de calembourgs ;
différence qu'entre l'homme et le singe pris mais il demandait du café, du chocolat du ,

généralement. Une poire des bois, âcreetpier- pain.... (c'est-à-dire, qu'il faisait entendre
rouse, ce fruit horrible qui vous étrangle, quelques sons qu'on voulait bien inter-
ressemble-t-il à la succulente poire de Si (ji-r- préter ).

main, à la poire sucrée de Messire-Jean? C'est « Des renseignements que des doctes ont
pourtant le même arbre. pris là-dessus, avec assez de peine, leur ont
« Venons en aide au savant profond, puis- fait connaître que ce chien -parleur, qu'ils
qu'on dit que les Allemands le sont. On a n'ont pas entendu , avait la bouche petite ;
trouvé en Hongrie, il y a peu d'onnées, une et c'est là, disent- ils, tout le secret. Cousez
jeune Glle élevée par une ourse. Nous en es- la bouche trop grande d'un chien , et soyez
périons des nouvelles qui ont manqué. M;iis sûr qu'il parlera ; fendez la bouche d'un
nn semblable cas eut lieu en 16G1, dans une homme, jusqu'aux oreilles, et vous verrez s'il
forêt de laLilhuanie, et Valmont-de-Bomare peut faire autre chose qu'aboyer. Les singes
(article homme sauvage) dit qu'on ne put ja- ont. comme les chiens, la bouche faite de
mais apprivoiser le féroce petit Lithuanien manière à perdre les sons et à n'exhaler que
pris parmi les ours. Beaucoup de faits pareils des cris....
prouvent que l'homme dans l'état brut
, ,
« On voit que les savants de la Germanie
est quelque chose comme le singe de mau- vont un peu devant eux. Us ne songent pas
vaise espèce (nous continuons à ne pas rai- que, chez les hommes, les sourds-muets
sonner denous-méme). Philippe Camérarius parlent sans le secours de la bouche.
raconte qu'en 1551 on trouva dans la Hesse,
, « Revenons à nos petits sauvages. Il est
parmi les loups, un petit garçon que les loups constant que tous ceux qu'on trouva étaient
avaient élevé. Ils le nourrissaient, dit-il, des velus, qu'ils marchaient à quatre pattes,
meilleurs morceaux de leur proie ils l'a- ; qu'ils se servaient également bien des pieds
vaient naturellement laissé marchera quatre et des mains, pour courir ; qu'ils grimpaictit
pattes; il courait avec eux, les suivait au trot aux arbres avec une agilité singulière ; qu'ils
et faisait les sauts les plus légers il se cou-
: étaient stupéfaits d'étonnement , à l'aspect
chait dans un Irou avec ses camarades les des hommes et qu'il était difficile de les dis-
,

loups. On le prit, on le mena à la cour du tinguer des singes. On voit qu'ici nous ne
landgrave de Hess •; mais il préféra toujours raisonnons avec nos doctes que matière et
la manière de vivre des loups à celle des physique. Des naturalistes ont voulu trou-
hommes. On ne put pas l'accoutu'oerà mar- ver des différences en disant que dans les
,

cher sur deux pieds, et on ne le forçait à se singes, les mains et les pieds se ressem-
tenir debout, <tu'cn lui liantdcs morceaux de blaient, et ils ont appelé des singes quadru-
bois autour du corps..,. manes ; mais il en était à peu près ainsi des
« Le même Camérarius parle d'un autre enfants trouvés dans les bois. L'd peu près
enfant, trouvé à Bamberg parmi des bœufs
. est naïf.
sauvages, à la fin du seizième siècle il ne ;
« Et de même qu'il y a dans l'espèce hu-
marchait qu'a quatre pattes. Dans cette alti- maine plusieurs degrés, depuis l'homme de
tude, il se battait à coups de dents avec les cour jusqu'au Hotlenlot, comme nous avons
plus grands cliiens, et les mettait en fuite. dit, il y a dans les singes plusieurs classes
Nicolas Tulp cite un autre enfant , élevé par dont les dernières sont plus éloignées de nous
lies brebis sauvages et trouvé dans une con-
,
ressembler. Nous ne voulons pas encore com-
tiec déserte de l'Islande. Il mangeait de parer les hommes au singe à grande queue ;
Î7< WCTIONNAIRF. DF.S SCIENCES OCCULTES. 77-i

mais sans queue n'i)nt qu'un pas


les singes choses sucrées contribua sans doute à abré-
a fairepour être des hommes sauvages ri , ger sa vie. Il ne vécut à Paris qu'un été, et
les hommes sauvages ont de grands échelons mourut l'hiver suivant à Londres.
à mouler pour devenir fa^hionables. Seule- « Léguât cite une guenon qu'il connut et
ment il est singulier que les singes sans qui, lorsqu'elle avait mal à la tête, se la ser-
<|ueue ne fasseiU point le seul pas qu'ils ont rait d'un mouchoir et s'allait coucher
dan.s
à faire pour être des liomines. son lit, qu'elle faisait elle-même...
« On jugera par des détails de la ressem- « On citerait des volumes de ces anecdotes
tdancc physique qui se trouve entre le singe exagérées. Il n'y avait pas longtoinps qu'on

et riiomme. Le singe a les épaules parlagées voyait dans les rues de Paris un singe de
par des elavictiles les mains divisées en
, deux pieds et demi, connu sous le nom du
•loigts armés d'ongles arrondis il marche ; Jean-Bonhomme. Il balayait les pavés, bros-
IVéqueminent sur ses seuls pieds de derrière; sait les habits, cirait les bottes, sollicitait une
il prend sa nourriture avec les mains el la , pièce de monnaie , envoyait un baiser pour
porte à sa bouche. Il est coinn»e nous, Car-, re iiercîment, saluait en iôtant sa toque, pré-
nivore, hardi , voleur, effronlé, rancunier, sentait son passeport quand on lui deinan-
méchant comparaison flatteuse dans le fond
: <lait ses papiers, et le remettait soigneuse-
et dans la forme. ment dans sa poche, car il élait habillé. Ce
« A rencontre des autres bêles, les singes singe a même fait, par ses gentillesses, la joie
connaissent et chérissenl leurs cnfanis , de plusieurs bals. Ou n'a pas pensé en Franco
•luand leurs enfants n'ont plus besoin d'eux que ce fût un homme. Les penseurs alle-
(l'exceplion est fausse). mands se fussent extasiés.
« Nicol.is Tulp décrit une guenon de la « Il est surprenant, disent-ils, qu'on ne se
elasse dite des satyres, qui fut amenée en soit pas plus occupé d'étudier ce ()iii fait l'ob-
Hollande à la On dii seizième siècle : elle jet de cet article. Ce n'est qu'aux Indes qu'on
avait près de cinq pieds de haut ; elle pre- peut observer les troglodytes ; il serait facile
nait un vase à boire d'une main , soulevait à un roi à qui tant d'hommes cherc lient à
le couver(;le de l'autre, et s'essuyait la bou- plaire, de possédei" quelques familles de celte
rbe, après avoir bu. En s'allant coucher, elle espèce de singes, el d'ordonner là-dessus des
posait sa tête sur l'oreiller, s'enveloppait élucubraîio-is ; mais on les a faites, el on a
d'une couverture, et dormait tranquille, trouvé qu'il fallait renvoyer les philosophes
comme une femme bien élevée... de Germanie aux Javanais, les<iuels disent
« Une autre famille de singes, les troglo- que les singes pourraient parler, mais qu'ils
dytes, ue nous ressemblent pas moins. Dans ne le veulent pas, de peur d'être obligés à
plusieurs contrées des Indes orientales, on travailler...
s'en sert comme
de demi-domesliques (1). « Nous avons cilé Hoppius, qui a de très-
Kopping dit en avoir vu un qui suivait larges épaules. C'est au lecteur à se faire sur
comme un laquais un capitaine de vaisseau ; lui une opinion. Nous n'avons ajouté à la
il levait les pieds très-haut en marchant ,
doctrine du savant que des aiienlutes.
parce que. venant des montagnes, il n'avait « Nous pourrions être bien plus longs si
pas l'habitude de marcher sur un pavé plat. nous voulions suivre complélemeiU et dans
Uumphius raconte qu'il a possédé huit ans tous leurs détails les raisonnements de Hop-
lin de ces singes mais les observations qu'il
; pius. Millin s'était proposé de lui répondre.
avait écrites sur ces animaux sont perdues. Persuadé que l'élève de Linné avait une ma-
« Buffon parle d'un orang-outang qui se nière de voir très-arriérée, Millin comptait à
tenait gravement sur ses deux pieds et vivait son tour prouver que l'honmie perfectionné
à Paris. Je l'ai vu. dit-il, s'asseoir à table, ne ressemble pas le moins du monde au singe.
déployer sa serviette, s'en essuyer les lèvres, o Mais voici que M. Schneitz, un autre Al-
se servir de la cuiller et de la fourchette lemand, adoptant le système qui nous fait
pour porter les mets à sa bouche, verser lui- descendre des grenouilles, épouse en mémo
même sa boisson dans un verre, le choquer temps l'opinion de Hoppius. Seulement, à
lorsqu'il y élait invité , aller prendre une l'exemple du conciliateur dans la querelle
lasse et une soucoupe, l'apporter sur la ta- des deux frères, de CoUin d'Harlcville :
ble, y mettre du sucre, y verser du thé,
Allons chez le uolaire en passant par le mail,
le laisser refroidir pour le boire, et tout cela
sans autre instigation que les signes et la « M. Schneitz nous fait descendre de la gre-
parole de son maître, et souvent de lui-même, nouille en passant par le singe, qui est, dit-il,
j'ai vu cet animal présenter sa main poui- le crapaud un peu avancé, comme nous som-
reconduire les gens qui venaient le visiter, mes, nous autres, des singes très-aniéliorés.
se promener gravement avec eux el comme « Les pauvres savants, en rejetant la révé-
de compagnie il no faisait de mal à per-
: lation, n'uni pas vu qu'ils ne pouvaient que
sonne s'approchait même avec circonspec-
; déraisonner. La parole les arrêtera toujours.
lioa, et se présentait comme pour demander Dans les premières années du dix-neuvième
des caresses. Il aimait prodigieusement les siècle, M. de Bonuld émit sur le langage une
bonbons ; tout le monde lui en donnait , et théorie qui posait admirablement la question
comme il avait une toux fréquente et la poi- en faveur de la tradition chrétienne.
trine attaquée, cette grande quantité de « Celle question du langage avait été, dit
{l)l.ps Kangourous fom ic iiiôine office k la NouveUe- M. Camille Baxlon, un grand embarras pour
ZOlaudo. k's pivilosophcs matérialistes du dix-huilième
773 cm CRI 77-.I

siècle qui, bien que Irès-ciiffércnts de Descar- dans lescroyances de la société, en donnant
tes, rcleviiienl de lui ce[UMi(iant en ce qu'ils à ce mol son acception la plus étendue. « Ap-
prenaienl pour point de départ de tous leurs pelons vérité, dit-il, ce à quoi l'esprit de la
systèmes la facuKé qu'a l'individu de trouver généralité adhère partout et loiijours. » Ce
la vérité |)ar lui-même et sans secours exlé- n'émit là que poser la conséquence immé-
Dans leurs tentatives pour prouver
rieur,(l). diate el nécessaire du système de M. de Bo-
que l'homiue était né du liuion de la terre ,
nald mais celui qui la posait agit avec une
;

comme en naissent encore aujourd'hui les bien plus grande audace que ne l'avaient
plus vils des reptiles et des insectes, (lu'il fait ses devanciers. M. de Bonald avait res-
avait passé par un état d'animalité absolue, pecté Descaries; l'abbé de Lamennais le sai-
el de cet état s'était élevé par de lents degrés sit corps à corps et engagea avec lui une
jusqu'à son état présent, ils ne purent réus- lulte dont il ne se reposa que quand il crut
sir à expliquer conunent il avait inventé le l'avoir terrassé. M. de Bonald avait reconnu
langage; ce fut conune une impasse où tous dans l'individu, en la paralysant, il est vrai, la
leurs efforts ne purent leur faire découvrir faculté innée de penser. L'abbé de Lamennais
une issue. nia, pour l'individu, la réalité de la sensa-
« M. de Bonald, les reprenant par ce côlé tion, du sentiment, de la pensée, ou ce qui
faible, posa comme un point inconlestable revient au même, !a possibilité de se convain-
l'impossibilité de l'invention du langage, et cre de cette réalité (2). «Vous avoiieiez que le
comme conséquence nécessaire la révélation singe et la grenouille sont un peu loin de
de la parole. .Mais ce ne fut pas tout. Après tout rpla.
avoir ainsi retnis aux mains de Dieu et à GUIFFON. Brown assure qu'il y a des
celles de la société, héritière des traditions giilToiis, c'esl-à-dire, des animaux mixtes,
que Dieu a déposées dans son sein, cette qui par devant ressemblent à l'aigle et par
belle faculté du langage parlé, qui dislingue derrière au lion, avec des oreilles droites ,
extérieurement l'homme de la brute, et qui quatre pieds et une large (lueuc.
est, on le savait déjà, l'élément le plus in- GRIGRI. Démon familier que l'on voit chez
dispensable du progrès, M. de Bonald lui les Américains, et surtout dans les foréls du
donna encore une valeur bien supérieure. Canada el de la Guinée.
li l'identiQa complètement avec la pensée. GRILLANDUS (Paul), Casiillan auteur ,

Crlle-ci, selon lui, sommeillerait éternelle- d'un traité des Maléfices [De malcficiis), pu-
ment, si elle n'était éveillée par la parole ex- bliéàLyon en 1535, d'un traité des Sortilèges,
térieure; el une fois éveillée, ce n'est encore des Lamies, de la Torture, etc., Lyon, 1536,
<iu'à l'aide de celle parole apprise qu'elle et de quelques autres ouvrages de ce genre.
peut se produire, même dans l'iionime inté- 11 conte quelque part qu'un avocat ayant été
rieur, qui u'a d'idées qu'à condition de se noué ar un puissant maléfice, que nul art
I

parler à lui-même. On connaît la phrase de de médecine ne pouvait secourir, eut recours


M. de Bonald « L'homme pense sa parole
: à un magicien qui lui fit prendre, avant du
avant de parlir sa pensée. » Ainsi par celte dormir, une certaine potion, et lui dit de ne
théorie l'homme se trouva dépendant, non- s'effrayer de rien. A onze heures et demie de
seulement pour l'expression de la pensée, la nuit survint un violent orage accompagné
mais pour la pensée même, de la société. d'éclairs ; l'avocat crut d'abord que la mai-
Sans son secours il resterait toujours dans son lui tombait sur le dos ; il entendit bientôt
un état de torpeur, d'immobilité ; il serait de grands cris, des géuiissements, et vit dans
enfin conune s'il n'était p^is. M. de Bo- sa chambre une multitude de personnes qui
nald ne niait pourtant pas les idées innées. se iiaeurtrissaient à coups de poing et à coups
« Notre enlcndemenl, dit-il dans un des plus de pied , et se déchiraient avec les ongles et
beaux passages de son livre , est un lieu les dents il reconnut une
; certaine fiume
obscur où nous n'apercevons aucune idée, d'un village voisin, qui avait la réputation
pas même celle de notre intelligence, jusqu'à de sorcière, et qu'il soupçonnail de lui avoir
ce que la parole, pénétrant par les sens de donné son mal ; elle se plaignait plus que
l'ou'ie et de la vue, porte la lumière dans les tous et s'était elle-même déchiré la face et
ténèbres, cl appelle pour ainsi dire chaque arraché les cheveux. Ce mystère dura jus-
idée qui répond, comme les étoiles dans Job : qu'à minuit, après quoi lu maître sorcier
Me voilà I » entra ; tout disparut il déclara au malade
;

« Mais sur ses traces apparut bientôt un qu'il était guéri ce qui fut vrai (3).
:

autre esprit doué d'une faculté d'expression GRILLON. Dans beaucoup de villages et
supérieure , d'une dialectique encore plus surtout en Anglelerre, on regarde les gril-
pressante, d'une originalité de pensée égale lons qui animent le foyer à la campagne et
peut-être, l'abbé de Lamennais. Celui-ci fit qui chantent si joyeusement la nuit, comme
yjUssui sur l'indifférence, pour prouver que la de piUils esprits faiiiilicis d'une nature bien-
règle de la certitude est dans le sens commun, vcillanle, qui empruulent leur forme exiguii
c'esl-à-dirc, dans les croyances universelles, pour échapper aux malices humaines. Beau-

(t) It y a deux siècles que Réué Descartes, incitant de rieures i> celle de Dieu. Descartes arrivait ainsi à la
côlé toutes les (loctriues de l'école , toute autorité toute
, possession de toute certitude et de toute vérité.
iraililiuu, tout eiiselgiieiiieut exléi ii'up, toute notion reçue (Note de M. liaxton.)
(lu lU'Ijois, posa en principe quecliuque Individu trouvait, (2) M. Camille Ba\ton, des nouvelles publications reli-
dans la conscience de de
sa facutié b
peiiscp, puissance gieuses. Ilevue de Paris, décembre 1840.
de conclure à la réalité de son existence, pni< dp celle-ci (3) Diliuero lab. de l'inconslancé des démons, etc.,
,

aux exiblences extérieures, puis des e>.istonces exté- p. 556.


,

n% DICTlONNAlUE DES SCIRNT.ES (KXULTES. 776

coup <lc villngcois se figurent que leur pré- On trouve dans le même livre lieauroup
senre porte l)oiiheiir dans In famille, et qu'on de bêtises de ce genre, que nous rapportons
ne les lue pas impunément. Aussi, en géné- en leur lieu.
ral, ne voil-on point d'un bon œil le pied Grimorium verum, vel probatissimœ Snlo-
brutal qui les écrase. monis cUiviculœ rabbini Hebrnici, in quibus
« Toute la tribu des grillons se compose lum naturalia, tum svpernaturalia secretn, H-
de puissants esprits, bien <|ue cela soit ignoré cet abdilissima, inpromptu apparent, modo
des gens qui ont affiiire à eux ; et il n'est oprrator pcrnecessaria et contenta facial;
pas dans le monde invisible de voix plus sciât tamen oportet dœmonum potentia dum-
gentilles et plus sincères, à qui on puisse se taxat peragantur : traduit de l'hébreu, par
fier davantage ou dont les conseils soient Plaingière, avec un recueil de secrets cu-
plus dévoués et plus sûrs que les voix qu'em- rieux. A. Memphis, chez Alibeck l'Egyptien,
pruntent ces e>iprits deTâlreet du foyer pour 1517, in-16 {sic omnia), et sur le revers du
s'adresser à l'i^spècc humaine (1). » litre Les véritables clavicules de Satomon, à
:

GUIMAI.DI. Sous règne de Louis le


le Memphis, chez Aliberk l'Egyptien, 1517.
Débonnaire, il y eut dans toute l'Europe une Le grand Grimoire avec la grande clavicule
maladie épitlémiquc qui s'élendit sur les trou- de Salomon, et la magie noire ou les forces
peaux. Le bruit se répandit dans le peuple infernales du grand Agrippa, pour déiou-
que Grimaldi duc de Bénévent , ennemi de
, vrir les trésors cachés et se faire obéir h
Charlemagtie, avait occasionné ce dégât en tous les esprits; suivis de tous les arts magi-
faisant répandre de tous côtés une poudre ques, in-18, sans date ni nom de lieu.
meurtrière par ses affidés. On arrêta un grand Ces deux grimoires conlienneni, comme,
nombre de malheureux, soupçonnés de ce l'autre, des secrets que nous donnons ici aux
crime; la crainte et la toriure leur firent divers articles qu'ils concernent.
confesser qu'ils avaient en effet répandu Voici une anecdote sur le grimoire Un: —
celte poudre qui faisait mourir les troupeaux. petit seigneur de village venait d'emprunter
Saint Agobard archevêque de Lyon prit
,
,
à son berger le livre du grimoire, avec lequel
leur défense et démontra que nulle poudre celui-ci se vantait de forcer le diable à pa-
n'avait la vertu d'infecter l'air ; et qu'en sup- raître. Le seigneur, curieux de voir le dia-
posant même que tous les habitants de Béné- ble, se relira dans sa chambre et se mit à
vent, hommes, femmes, jeunes gens, vieil- lire les paroles qui obligent l'esprit de ténè-
lards et enfants, se fussent dispersés dans bres à se montrer. Au moment où il pronon-
toute l'Europe, chacun suivi de trois chariots çait, avec agitation, ces syllabes niaises qu'il
do celte poudre, ils n'auraient jamais pu cau- croyait puissantes, la porte, qui était mal
ser le mal qu'on leur attribuait (2). fermée, s'ouvre brusquement le diable pa-
:

GRIMOIRE. —
Tout le monde sait qu'on rait, armé de ses longues cornes et tout cou-
fait venir le diable en lisant le Grimoire ; vert de poils noirs... Le curieux seigneur
mais il faut avoir soin dès qu'il parait , de ,
perd connaissance et tombe mourant de peur
lui jeter quelque chose à la télé une sava- ,
sur le carreau, en faisant le signe de la
te une souris un chiffon ; autrement on
, ,
croix.
risque d'avoir le cou tordu. Il resta longtemps sans que personne vint
Leterrible petit volume , connu sons le e relever. Enfin il rouvrit les yeux et se re-
nom de (rrimotr*-, autrefois tenu secret, était trouva avec surprise dans sa chambre. Il
brûlé très-justement dès qu'il était saisi. visita les meubles pour voir s'il n'y avait
Nous donnerons ici quelques noies sur les rien de dégradé un grand miroir qui était
:

Irois Grimoires les plus connus. sur une chaise se trouvait brisé; c'élail l'œu-
Grémoire (sic) du pape Honorius, avec un vre du diable. Malheureusement pour la
recueil det plus rares secrets ; sous la rubri- beau'é du conte, on vint dire un instant
que de Rome, 1670, in-16, orné de figures et après à ce pauvre seigneur que son bouc
de cercles. Les cinquante premières pages s'était échappé, etqu'on l'avait repris devant
ne contiennent que des conjurations. Voy. la porte de cette même pièce où il avait si
Conjurations et Evocation';. bien représenté le diable. Il avait vu dans le
Dans Recueil des plus rares secrets, on
le miroir un bouc semblable à lui et avait
trouve celui qui force trois demoiselles à ve- brisé la glace en voulant combattre son om-
nir danser le soir dans une chambre. Il faut bre (k).
que tout soit lavé dans cette chambre; qu'on GRISGRIS, nom de certains fétiches chez les
n'^ remarque rien d'accroché ni de pendu ,
Maures d'Afriijue, qui les regardent comne
qu'on mette sur la table une nappe blanche, des puissances subalternes. Ce sont de pe-
trois pains de froment , trois sièges , trois tits billets sur lesquels sont tracées des figu-
verres d'eau on récite ensuite une certaine
;
res magiques ou des pages du Koran en ca-
formule de conjuration (3;, et les trois per- ractères arabes ces billets sont vendus assi-z
;

sonnes qu'on veut voir viennent, se mettent cher, et les habilanls les croient des préser-
à table et dansent , mais au coup de minuit vatifs assurés contre tous les maux. Chaque
tout disparaît. grisgris a sa forme et sa propriété. Voy. Goo.
GRISOU. Le feu Grisou est un gaz qui
(1) M. Cil.Dyckens, le Grillon du foyer, conte de Noël.
(2) M. Salgues, des Erreurs et des préjugés, l. I, fréon... Je ne niants pas; je suis maître du parchemin,
p. 298. par la louange, prince de la montagne, fais taire mes
(5) Voici le» jiarolcs dp ceUe conjuration t Bcstici- : ennemis et donne-raoi ce que lu sais. »
ruiii! cousolation, viens à moi. Venu créon , créoo (ij Misluire des raiitôines et dusdéinous, \>. 2U.
777 GUA GL'I 77'J

s'enflamme sponlanétnent ou par occasion Xcr.ic, qui est chez eux le principe du bien.
dans les mines de houille, cl qui produit sou- GUECUBA, esprit du mal chez les Arau-
venl de grands désastres. Beaucoup de — caii'^. Voy. ToQui.
mineurs regardant le grisou comme un lutin GUELDRE. On trouve ce récit dans les his-
de méchante espèce. toriens hollandais « Un monstre affreux
:

GROENJETTli:. 11 y a sur les côtes de , d'une grandeur prodigieuse ravageait la cam-


la Baltique, comme dans la plupart des con- pagne, dévorant les bestiaux et les hommes
trées montagneuses de l'Europe, des chas- môme il empoisonnait le pays de son souf-
;

seurs défunts, condamnés pour leurs méfaits fle empesté. Deux braves gens , Wichard et

à courir éteriuliemcnt à travers les marais et Lupold, entreprirent de délivrer la contrée


hs taillis. Les habitants du Sternsklint enten- d'un fléau si terrible, et y réussirent. Le mon»
dent souvent le soir les aboiements des chiens stre, en mourant, jeta plusieurs fois un sou-
de Grœnjotte; ils le voient passer dans la pir qui semblait exprimer le mot y helre. Les
vallée, le chasseur réprouvé, la pique à la deux vainqueurs voulurent qu'en mémoire
main; et ils déposent devant leur porte un de leur triomphe, la ville qu'ils bâtirent prît
peu d'avoine pour son cheval, afin que dans le nom de Ghelre, dont nous avons fait Guel-
ses courses il ne foule pas aux pieds leurs dre. »
moissons (1). Voy. Veneur. GUI DE CHÊNE, plante parasite qui s'atta-
GROSSESSE. On a cru longtemps à Paris che au chêne, et qui était regardée comme
qu'une femme enceinte qui se regarde dans sacrée chez les druides. Au moisde décembre,
un miroir, croit voir le diable: fable autori- qu'on appelait le mois sacré, ils allaient la
sée par la peur qu'eut de son ombre une cueillir en grande cérémonie. Les devins
femme grosse, dans le temps qu'elle sy mi- marchaient les premiers en chantant, puis
rait, et persuadée par son accoucheur qui lui le héraut venait, suivi de trois druides por-
dit qu'il était toujours dangereux de se re- tant les choses nécessaires pour le sacrifice.
garder enceinte. Enfin paraissait le chef des druides, accom-
On assure aussi qu'une femme grosse qui pagné de tout le peuple il montait sur le
;

regarde un cadavre, aura un enfant pâle et chêne, coupait le gui avec une faucille d'or,
livide (2). le plongeait dans l'eau lustrale et criait « Au :

Dans certains cantons du Brésil, aucun gui de l'an neuf ( ou du nouvel an ). » On


mari ne tue d'animal pendant la grossesse croyait que l'eau charmée ainsi par le gui de
de sa femme, dans l'opinion que le fruit chêne était très-efficace contre le sortilège
(lu'elle porte s'en ressentirait. Voy. Iuaqi- et guérissait de plusieurs maladies. Voyez
NATION. GUTHEÏL.
On ignore encore le motif pour lequel cer- Dans plusieurs provinces, on est persuadé
taines églises particulières refusèrent long- que si on pend le gui de chêne à un arbre
temps la sépulture aux femmes qui mou- avec une aile d'hirondelle, tous les oiseaux
raient enceintes c'était sans doute pour en-
; s'y rassembleront de deux lieues et demie.
gager les femmes à redoubler de soins envers GUIDO. Un seigneur, nommé Guido, blessé
leurs enfants. Un concile tenu à Rouen à mort dans un combat, apparut autrefois
en 1074, a ordonné que la sépulture en terre tout armé à un prêtre nommé Etienne, quel-
sainte ne fût nulle part refusée aux femmes que temps après son décès, et le pria de dire
enceintes ou mortes pendant l'accouche- à son frère Anselme de rendre un boeuf que
ment. lui Guido avait pris à un paysan, et de répa-
GROSSE-TÊTE (Robert), évéque de Lin- rer le dommage qu'il avait fait à un village
coln, auquel Gouvérus donne une androïde qui ne lui appartenait pas, ajoutant qu'il
comme celle d'Albert le Grand. avait oublié de déclarer ces deux péchés
GUACHARO. Dans la montagne de Tumé- dans sa dernière confession, et qu'il en était
réquiri, située à quelque distance de Cuma- tourmenté. —
Pour assurance de ce que je
na, se trouve la caverne de Guacharo, fa- vous dis, continua-t-il, quand vous serez
meuse parmi les Indiens. Elle est immense et retourné à votre logis, vous trouverez qu'on
sert d'habitation à des milliers d'oiseaux vous a volé l'argent que vous destiniez à
nocturnes dont la graisse donne l'huile de faire le pèlerinage de Saint-Jacques.
guacharo. 11 en sort une assez grande ri- Etienne, de retour, trouva en effet son coffre
vière; on entend dans l'intérieur le cri lugu- forcé et son argent enlevé mais il ne put
;

bre de ces oiseaux, cri que les Indiens attri- s'acquitter de sa commission, parce qu'An-
buent aux âmes, qu'ils croient forcées d'en- selme était absent.
Irer dans cette caverne, pour passer dans Peu de jours après, le même Guido lui ap-
l'autre monde. Ce séjour ténébreux, disent- parut de nouveau et lui reprocha sa négli-
ils, leur arrache les gémissements plaintifs gence. Etienne s'excusa comme il put, et il
qu'on entend au dehors. Les Indiens du gou- alla trouver Ansehne, qui lui répondit dure-
vernement de Cumana, non convertis à la foi, ment qu'il n'était pas obligé de faire pénitence
ont encore du respect pour cette opinion. pour les péchés de son frère.
Parmi ces peuples, jusqu'à deux cents lieues Le mort apparut une troisième fois au
de la caverne, descendre au Guacharo est syn- prêtre, et fui témoigna son déplaisir du peu
onyme de mourir. de compassion que son frère avait de lui ;
GUAYOTTA, mauvais génie que les habi- puis il le pria de le secourir lui-même dans
tants de l'Ile Ténériffe opposent à Achguaya- cette extrémité. Etienne restitua le prix du
'
(I) Marinier, Trad. de la Baltique. (2) Brown, Essai sur les erreurs popul., p.
DlCTlONN. DES SCIENCES OCCULTES I. 25
779 DlCTlo^^.\mE des scie.nces occi.ltes. tho

l>(i'iif, (lit ilrs prières, fit ilesnutnônes.rccoiii- Irait de part en pari... Le comte, troublé de
inanda l'âinf aux gens do hini de sa connais- ce spectacle, cria pourUiiil au bouc île s'ar-
rôler, et lui demanda qui il était, qui il por-
sance cl Guido ne reparul plus (1).
;

GUILLAUME , domestique de Mynhecr tail, où il allait? Le bouc répondit : « Je suis —


Clalz, cenlilhomiiip du duché dw Jiilrers, au le diable ; j'emporte Guillaume le Roux, cl

<|iiinzieine siècle. Ce Guillaume fut possédé je vais le préseuter au tribunal de Dieu, où il


du diable, cl demanda pour exorciste un pas- sera condamné pour sa tyrannie; cl il vien-
teur hérétique, nommé Barlhoiomée Paiicii, dra avec nous (4).»
homme qui se faisait payer pour chasser le GUILLAUME DE PARIS. Il est cilé par
diable, et qui, dans relie circouslanco, fut lesdémonographes pour avoir fait des statues
penaud. parlantes, à l'exemple de Roger Bacon, cho^e
Comme le démoniaque pâlissait, que son qui ne peut élrc faite que par les opérations
gosier enQail, el qu'on craignait qu'il ne fût diaboliques (5).
suffoqué entièrement, l'épouse du seigneur GUINEFOKT. Tout le monde conn.itt lo
Clalz, dame pieuse, ainsi que toute sa famille, f.ibliauintéressantdu chien et du serpent (6).
se mita réciter la prière de Judith. Guillaume Il est fondé sur une anecdote qui a produit

alors se prit à vomir, entre autres débris, la de graves superstitions. Legrand d'Aussy.qui
ceinture d'un bouvier, des pierres, des pelo- a publié ces détails, les doit au père Etienne
tons de 01, du sel,des aiguilles, des lambeaux Bourbon, dominicain, mort en 1262 (Traité
de l'habit d'un enfant, des plumes de paon que des différentes matières de sermons, divisées se-
huit jours auparavant il avait arrachées de la lon les sept dons du Saint-Esprit, avec tes
queue du paon même. causes, effets, raisons et exemples pour édifier.
On lui demanda la cause de son mal. Il (Scriptores ordiuis praedicalorum, touie 1",
répondit que, passant sur un chemin, il ayait page 193).
rencontré une femme inconnue qui lui avail Le P. Bourbon raconte que, préchant cl
soufflé au visage, et que tout son mal datait confessant dans le diocèse de Lyon, plusieurs
de ce moment. Cependant, lorsqu'il fut réta- femmes vinrent à lui s'accuser d'avoir porté
bli, il nia le fait, et ajouta que le démon l'a- leurs enfants à saint Guinefort. Curieux du
vait forcé à faire cet aveu, et que toutes ces connaître quel était ce saint dont le culte de-
matières n'étaient pas dans son corps; mais venait un objet de confession, il fit des infor-
qu'à mesure qu'il vomissait, le démon chan- mations, examina el découvrit que celait un
geait ce qui sortait de sa bouche (2).... chien. Voici, selon lui, comment arriva l'é-
GUILLAUME DE CARPENTRAS, astrolo- vénement.
gue qui fit pour le roi René de Sicile, et pour «Ce chien appartenait au seigneur de Vil-
le duc de Milan, des sphères astrologiques sur lar. Un jour que ce gentilhomme était sorti
lesquelles on tirait les horoscopes. Il en lit avec sa femme, la nourrice qui allaitait leur
une pour le roi Charles VIII, qui lui coûta fils ayant quitté un instant son nourrisson, un

douze cents écus celle sphère contenait plu-


;
serpent entre dans la chambre pour le dévo-
sieurs utilités, et était fabriquée de telle ma- rer. Le chien l'attaque el le lue. La nour-
nière que tous les mourements des planètes, rice, à son retour croit l'enfant étranglé. A
à toutes heures de jour et de nuit, s'y pou- ses cris, le père cl la mère accourent ; el ce-
vaient trouver ; il l'a depuis rédigée par écrit lui-ci, sans rien examiner, tue son chien.
en tables astrologiques (3). Mais bientôt, convaincu de son injustice, il
GUILLAUME LE ROUX, fils de Guillaorac ensevelit par reconnaissance l'animal dans
le Conquérant, et lyran de l'Angleterre dans un puits, qui était devant la porte du clià-
le onzième siècle. C'était un prince abomi- leau : il le couvre de pierres ; el, pour éter-
nable, sans foi, sans mœurs, blasphémateur niser sa mciiioire, il fait planter un arbre
el cruel. Il fit beaucoup de mal à l'Eglise en auprès de ce monument.
Angleterre; il chassa l'archevêque de Can- «Peu de temps après, le château ayant élé
torbéry, et ne voulut point que ce siège fût détruitde fond en comble, lelieu devint désert;
rempli de son vivant, afin de profiler des re- mais les paysans des enviions, instruits de l'a-
venus qui y étaient attachés. Il laissa les venture el de la mort malheureuse du chien,
prêtres dans la misère et condamna les l'honorèrent comme martyr, sous le nom de
moines à la dernière pauvreté. Il entreprit saint Guinefort; et, séduits par le diable, ils
des guerres injustes el se fil généralement vinrent à son tombeau l'invoquer dans leurs
délester. infortunes cl leurs iiifirmiiés.
Un jour qu'il était à la chasse (en l'année « Les femmes surtout y apportaient leurs
1100, dans la quaranlc-quatrième de son âge enfants quand ils étaient malades. Elles s'y
et la treizième de son règne), il fui tué d'une faisaient conduire par une vieille sorcière
Hèche lancée par une main invisible. Pendant qui habitaità une lieue de là, elqui était ha-
•ju'il rendait le dernier soupir, le comte de bile l'art d'évoquer les démons. D'a-
dans
("ornouailles, qui s'était un peu écarté de la bord mère et la sorcière offraient à Gui-
la
(basse, vit un grand bouc noir cl velu, qui nefort du sel ou quelque autre don et toutes ;

v<mportait un homme défiguré et percé d'un deux enfonçaient des aiguilles dans les ar-
(I) Pierre le Vénérable, Livre des Miracles. Historia major, t. II.
{i) Wierus, de Pracsl., lib. III, cap. vi. (b)Naude, A|>ol. pour les grands personnages accusés
(?)) Exlruit d'un ancien maniiscrh , elle ï la fio dos de magie, ch. xvii, p. 493.
n'iiiarqL<!s de Joly sur Hayle. (p) Voyez tes Fabliaux du moijen Age, recueillis p.ir
(i) MaUljeiTjnii'li Prsèmia virluluro.— Matlhieu PJiris. J. Loyseaii; niiez l'erisse, ISi", ji. i(i.
781 CLI GLY 782
lires du après avoir dépouillé ren-
lien. Puis, populaire. En l7l4, les Mémoires de Trévoux
iant et posé ses drapeaux sur les buissons ayant rendu compte du livre, ils citèrent
voisins, elles se le jetaient l'une à l'autre, en riiistoire de Ganelon e( depuis, le P. Feijoo,
;

le faisant passer entre deux arbres. Pendant bénédictin espagnol, l'a rapportée dans sua
ce temps, elles invoquaient les démons et Théâtre critique des erreurs communes (1).
surtout les faunes de la forêt Rimile, qu'elles GULLEÏS ou BONASSES, démons qui ser-
conjuraient de prendre cet enfant malade vent les hommes dans la Norwége, et qui se
qui leur appartenait, et de leur renire lo louent pour peu de chose. Ils pansent les
leur, qui naguère était sain et bien portant. chevaux, les étrillent, les frottent, les bri-
L'enfant, après cet exercice meurtrier, élait dent, les sellent, dressent leurs crins et leurs
posé nu au pied d'un arbre, sur la paille de queues, comme le meilleur palefrenier : ils
son berceau. Les deux femmes alors allu- font même les plus viles fonctions de la mai-
maient deux cierges, gros comme le pouce, son. V^oy. BÉaiTH, Hecdekiiv, etc.
qu'elles posaient, à sa tête et à ses pieds, sur GURME, chien redoutable, espèce de Cer-
une des branches de l'arbre. Puis elles se bère de l'enfer des Celtes. Pendant l'existence
reliraient, ne s'arrêtant et ne cessant de du monde, ce chien est attaché à l'entrée
marcher que quand elles ne pouvaient plus le d'une caverne; mais au dernier jour il doit
voir ni entendre ses cris. Lorsque les cierges être lâché, attaquer le dieu Tyr ou Thor, et
étaient consumés, elles se rapprochaient. le tuer.
Mais souvent il arrivait qu'en toinbani, les GUSOYN, grand-duc aux enfers. Il appa-
cierges mettaient le feu à la paille, et l'enfant raît sous la forme d'un chameau. Il répond
alors se trouvait brûlé. J'ai même ouï dire à sur le présent, le passé, l'avenir, et décou-
une mère, continue bon dominicain, que,
le vre les choses cachées. Il augmente les di-
tandis qu'elles se retiraient en invoquant les gnités et affermit les honneurs. Il commande
faunes, un loup sorti de la forêt, était accouru a quarante-cinq légions (2).
et aurait infailliblement dévoré son fils, si GUSÏAPH. Voy. ZOROASTRK
elle n'était venue au secours. GUTHEYL ou GUTHYL, nom sous lequel
«Enfin, quand les femmes, à leur retour, les Germains vénéraient le gui
de chêne. Ils
retrouvaient l'enfant vivant, elles le portaient lui attribuaient des vertus merveilleuses
à un ruisseau voisin, nommé Chalarone, et parliculièrementconlrel'épilepsie, etlecueil-
là elles le plongeaient dans l'eau neuf fuis de 1 lient avec les mêmes cérémonies que les
suite. Peu d'enfants étaient capables de rési- Gaulois.
bler à tant d'épreuves meurtrières, et ordi- Dans certains endroits de la Haute-Alle-
nairement ils périssaient à l'endroit même, mngne, cette superstition s'est conservée, et
ou peu d'heures après. les habitants sont encore aujourd'hui dans
«Je me suis rendu sur le lieu, poursuit le l'usage de courir de maison en maison et de
père Bourbon ; j'y ai assemblé le peuple, et ville en ville, en criant « Gutheyl
: Gutheyl 1 !

j'ai prêché contre celte supersiition. Par mon Des Septentrionaux s'imaginaient qu'un
ordre, on a détruit le bois, on a exhumé le homme, muni de gui de chêne, non-seule-
mort, on a brûlé ses os, et le seigneur a ment ne pouvait être blessé, mais était sûr
rendu une ordonnance qui défendait de ve- de blesser tous ceux contre lesquels il lançait
nir là pour pareil motif, sous peine d'une une flèche. C'est à cause de ces vertus ma-
confiscation générale de tous les biens. » giques, attribuées au gui de chêne, qu'on
Il y a un autre récit, assez semblable à ce l'appelle en Alsace Marentakein, c'est-à-dire
qu'on vient de lire; seulement l'aventure a arbrisseau des spectres.
lieu en Auvergne, sous le règne de Louis GUYMOND DE LA TOUCHE. Le règne de
le Débonnaire ; le chien périt d;ins le combat Voltaire, en 1737, brillait de toute sa fausse
avec le serpent. Ce chien s'appelait Ganelon. splendeur. Des souverains philosophes ou
Son mallre, par reconnaissance, lui fait éle- indiffirents l'encourageaient, sans prévoir,
ver un tombeau près d'une fontaine. Deux dans leurs vues bornées, ce qui sortirait de
ou trois siècles ayant aboli la mémoire de ces doctrines. La société, tombée dans un
l'événement, et la fontaine s'étant trouvée grand relâchement de mœurs, applaudissait
médicinale, les guérisons qu'opérèrent ses une philosophie qui mettait les consciences
eaux furent attribuées à la vertu du tombeau, à l'aise. Une morale facile, vague, arbitraire,
et l'on y bâtit, sous l'invocation de saint Ga- toujours pliée aux passions humaines, rem-
nelon, une sorte de chapelle que longtemps plaçait les grands enseignements de la reli-
le concours des peuples rendit célèbre. Entin gion. Ou n'allait plus guère au sermon ; mais
il y avait des prêches au théâtre. Voltaire
un évêque, après bien des recherches, dé-
couvre dans les archives du château l'anec- avait mis à la mode les tirades philosophiques
dote du chien, et il abolit la superstition. sur la scène; et dans toutes les tragédies si
Celle dernière histoire se trouve citée dans froides de ce temps-là, on était sûr de ren-
un ouvrage imprimé en 1713, sur la vénéra- contrer, parmi les personnages, un prédicant
tion rendue aux reliques des saints selon l'es- qui débitait des axiomes à tort et à travers.
prit de l'Eglise, et purgée de toute superstition 'Tous les jeunes poêles fourvoyés avaient soin

cbien en reconnaissance de ce bienfait , et le flt manger


Le Journal de Pnris, 26 octolire 1786, donne l'his-
(1)
par ses amis, prélendunl qu'un pareil animal ue devait
toiri'd'un interprèle grec à Consiaiilirio(ilc, dont la maison
pas être, à sa mort, la proie des vers.
élait devenue la proie di'S flammes, el dont le fils fut sauvé
de l'incendie par un cliien qui l'emporta dans sa gueule. (2) Wicrus, in Pstudoiaunarcliia da;m.

Cet homme , dit l'aulcur elle par le jourualisle , tuii syii


783 niCTIONNAIRE DES SCIENCES OCCLLTES. 78*

de moraliser ainsi, quelquefois de la manière ferme dans ses convictions philosophiques,


la plus grotesque. niant sans réserve tout ce qu'il ne compre-
On représenta en 1757, le î^juin, une Ira- nait pas, prétendant tout expliquer par la
gédie intitulée Jphigénieen Tauride, imita-
: seule puissance delà raison humaine, et se
lion des anciens. Ceux qui connaissent la promettant bien de mourir enveloppé dans
lilléralure dramatique, savent que dans celte sa philosophie, —
manteau un peu troué.
pièce, Iphigéiiie, devenue vieillf, rompue au Mais hélas ainsi raisonnait l'anglais John-
I

métier de bourrelle, comme prétresse de Dia- son, qui avait peur des revenants.
ne, immolait de sa main, dans d'horribles sa- Dans ces slo'iques dispositions , le II fé-
crifices, tous les étrangers que la mer jetait vrier 1760, tout préoccupé d'une Iriigéilie do
sur son affreux rivage, lïh bien! l'auteur lui Régulus, dont il venait déterminer le plan,
faisait faire à celle femme un discours moral, Guymond s'en alla rendre ses devoirs à une
le couperet sanglant au poing. El quel était très-grande dame qui l'accueillait à ses soi-
le thème de ce hors-d'œuvre si singulière- rées. Au lieu d'arriver dans une société nom-
ment placé? l'éloge de la loi naturelle, qu'elle breuse, comme il s'y était attendu , il ne
violait tous les jours. C'est, disait-elle, trouva que la princesse, laquelle, en com-
pagnie de deux de ses amies, se disposait à
C'est la première loi, c'est la seule peut-être...
C'esl lu seule du moins qui se Tasse coiiuiiiire,
se rendre incognito chez une sorcière. Tel-
Oui soil de tous les temps, qui soit de tous les licuXj les étaient les mœurs d'alors; on n'avait pas
El qui règle à la fois les hommes et les dieux... de religion, elonconsuilait les devineresses.
et malgré la critique de Gilbert, qui s'écriait Desfemmesqui repoussaient le catéchisme,

indigné :
ouvraient les livres qui expliquent les son-
ges. Qu'on se rappelle, un peu plus tard, les
La muse de Sophocle, en robe doctorale. succès de Caglioslro et, sous l'Empire, l'im-
;
Sur des tréteaux sangluuts irolisse la morale...
pératrice Joséphine se faisant tirer les cartes
malgré la spirituelle parodie do Favart et Voi- par mademoiselle Lenormand.
senon (les Rêveries renouvelées des Grecs), La sagesse philosophique de Guymond se
qui est une si bonne critique, malgré le sens révolta d'abord. Malgré son respect pour la
commun, public d'alors applaudissait; et
le grande dame, il osa dire : —
Quoi votre es- 1

de nos jours , car il n'y a pas longtemps prit élevé, madame , peut-il croire aux sor-
qu'on jouait encore celte pièce, ceux qui vont cières?
au théâtre ont vu de tels vers accueillis dans — C'esl fort curieux, répondit la princesse;
une telle bouche et dans une telle situation. et puis nous ne vous mettons point dans nus
L'auteur de cette tragédie était Guymond secrets pour subir votre critique.
de la Touche, poëte de 38 ans, né à Châ- — Mais vous n'ignorez pas, madame, qu'un
leauroux en 1719. Comme il n'a fait que celte vain charlatanisme est toute la science de
pièce, et que le jour de la représentation un ces femmes.
avocat au parlement de Paris, nommé Yau- — Que vous importe? les philosophes sont
bertrand. Ht vendre tout imprimée une tra- des charlatans aussi.
gédie de lui, intitulée. pareillement Jphigénie — Mais nous sommes sous le règne de la
en lauride, laquelle n'a pa< été jouée, on a raison, dans le siècle des lumières.
voulu cunlester à Guymond l'invention de sa — Noire sorcière travaille la nuit; et pour
fable. Mais il n'y avait invention pour per- vous punir de vos observations , vous allez
sonne, puisque c'était, comme nous l'avons venir avec nous.
dit, une imitation. Les sorties philosophi- — Ce sera toujours un grand honneur
ques seules étaient nouvelles et sont bien pour moi. Mais au moins , madame, me sera-
de Guymond de la Touche. Cet homme qui, t-il permis de rire des choses que je ver-
d'abord plein d'un zèle ardent et peut-être rai?
mal réglé, était entré dans une maison reli- — Tant qu'il vous plaira, vous si pouvez.
gieuse, voulant se faire missionnaire , avait — Je suis donc à vos ordres.
ensuite rencontré dans le mondo des philo- Il partit avec les dames, et se promit, en
sophes dont il avait trouvé la condition plus y réfléchissant plus mûrement, une soirée
douce; et il s'était laissé entraîner dans leur amusante. Toutefois , il ne pouvait se tenir
tourbillon. Il leur avait donné un de ces ga- en lui-même d'avoir orgueilleusement pitié
ges qu'ils demandent souvent à ceux de qui delà princesse à l'esprit faible.
ils s'emparent ; il avait publié une mauvaise On arriva chez la sorcière. Celait une devi-
épîire intitulée fes Soupirs dw c/ot/re. ou le neresse de haute société. Les salons, mysté-
Triomphe du fanatisme, fruit d'une colère rieusement décorés, avaient quelque chose
aveugle et injuste, dit un biographe. Lié avec de solennel et d'imposant. La tenture était
les incrédules, il y avait quinze ans qu'il une étoffe brune, sur laquelle on avait brodé
s'était rayé lui-même de la liste des chré- en gris des chauves-souris des scarabées
,

tiens. Il n'avait plus de joug, disait-il, que et des hiéroglyphes. Une seule lampe, dont
la loi naturelle, qui n'est ni un joug ni un la clarté était fort vive éclairait la salle
,

frein , puisqu'elle permet tout, qu'elle se d'audience. Celte lampe reposait sur une table
plie à tout, et qu'elle est la licence. Il vivait carrée, couverte d'un tapis de serge noire (lui
donc en esprit fort, ne croyant à rien , mé- traînait jusqu'à terre. Tout auprès était as-
prisant les préjugés, raillant la foi , se mo- sise, sur un trépied de fer, la sorcière en vo-
quant de la foule, au-dessus, disait-il, de la gue. Elle était velue d'une roi)e pourpre ,
tu, erslition, des faiblesses et de l'erreur, avec son capuchon, bordée de baiidos blan.
785 GUY r,u\ 78fl

ches et semée d'cloiles ; àvs banilclelles égyp- ner.'sse , ne savait s'il devait la recevoir au
tiennes encadmicnt son visage sérieux et ré- sérieux ou s'il devait en rire. Elle reprit sur
gulier. Celle femme avait cinquante ans; le même ton théâtral :

elle était forte et puissante, relevée encore — Curieux étranger qui rouler pcnéirer
,

par une haute taille et par un grand air de des mystères fermés pour vous, et <iui ne
dignité. voyez pas ce qui vous touche, je vais vous
Les ricanements de Guyinond de la Touche apprendre un avenir que vous no veniez pas
expirèrent un peu sur ses lèvres, à ce spec- chercher ici....
tacle qu'il n'avait pas prévu. Venu pour L;i cloche était redevenue transparente le ;

railler, il ne sentait plus dans son esprit nuage s'était évanoui. A la place des deux
qu'une curiosité vivement excitée. Se repro- billets qu'elle couvrait, et qu'on avait mis là
chant cette sorte de concession, il détourna pJiés en carré, se trouvaient deux autres bil-
les yeux de la sorcière , cherchant à sourire lets plies en triangle. C'étaient les réponses
au moins des assistants , qui étaient nom- demandées.
breux. Celait une séance de celle maçonne- La jeune fille, qui devait les prendre, resta
rie égyptienne que des Juifs vagabonds immobile, respeclant l'action de la sorcière.
avaient depuis peu importée à Paris. Mais Celle-ci fixait sur Guymond un œil ardent;
tous les spectateurs étaient imuiobiles et et tous les regards s'étaient arrêtés sur lui.
gardaient le plus profond silence. — Vous portez au front, poursuivit-elle,
Une manière de Cophte entra, sans dire un signe qui ne me trompera point. Vous ne
nn mol, velu d'une longue robe blanche, le reviendrez pas deux, fois devant le trépied
front ceint dune banderole d'argent. Il opé- de fer...
rait avec la devineresse. Ce personnage ne Le poëte fit un mouvcmenl.
s'annonça qu'en traçant dans l'air un alpha —
Apprenez dit-elle , enfin ,
que vous
avec une baguettenoire.il amenaitunejeune mourrez dans trois jours.
Qlle vêtue de noir et couronnée de fougère, Un cri étouffé sortit de la poitrine de Guy-
de trèfle et de verveine, laquelle s'arrêta de- mond. A ce cri, la cloche bondit sur la table
vant la table. Un des assistants déposa un et se brisaen retombant. Ce fait acheva do
papier, qui sans doute contenait une ques- l'épouvanter; et cet homme, qui ne croyait
tion ; la princesse, que le poëte dramatique à rien, qui niait tout, qui voulnit tout com-
accompagnait, en déposa un autre. Aucun prendre, s'affaissa sur lui-même et chercha
bruit,aucun mot ne rompait le silence. un siège où il tomba.
Le Cophte qui procédait avec une ex-
, Le Cophte, reparaissant subitement alors,
trême gravité, se mil à enfoncer des épingles pour rappeler aux autres assistants la né-
dans le cou de la jeune fîlle , dont le visage cessité du silence, avait tracé en l'air un lo-
n'exprimait pas la moindre sensibililé. Parmi sange avec sa baguette. Tous les habitués
les spectateurs les uns témoignaient une
, savaient qu'un mot, un cri prononcé par un
terreur muette, les autres une singulière vé- profane pendant les expériences, détruisait
nération ; la princesse et ses amies demeu- les charmes.
raient calmes. La jeune fille remit au Cophte les deux
Cuymond cherchait une figure qui du billets; celui-ci les rendit à leur adresse. La
moins échangeai avec lui un regard; mais demande de la princesse était :

personne n'élail disirait du spectacle ex- —Qu'est devenu un ami bien cher que
traordinaire de la jeune fille piijuéc. j'ai perdu?
Quand les épingles qu'on lui enfonçait dans La réponse se fornaulait ainsi :

le cou eurent formé un triangle enfermé dans — Il vous attend, plein de tendresse, dans
an cercle , elle prit sur une console (jui était voire salon.
derrière la sorcière une cloche de verre par- Une grandejoie se manifesta sur le visage
faitement transparent, et la posa sur les deux de haute dame. Sans attendre autre chose,
la
papiiTs plies qui étaient déposés devant la elle glissa dans la main de la jeune fille aux
lampe. Tout le monde redoubla d'atteniion. épingles une riche récompense , fit un signe
Le Cophte se retira pendant qu'on admirait au poëte, qui se leva chancelant, et sortit
le phénomène des deux billets agites d'un avec ses deux amies. Guymond était touibé
léger mouYcment. Guymond frappé s'appro- dans une si profonde rêverie et dans un si
cha davantage. Il voulait chercher des res- sombre abaltcmenl, qu'il fut impossible aux
sorts à cette nwigie qu'il voyait. trois dames de le ramener à d'autres idées,
La sorcière alors ouvrit enfin la bouche et et qu'il se tint comme un malade dans un
prononça sourd(!ment mais distinctement,
, coin de la voiture.
ces paroles en s'adressant au poëte : En vain la princesse fil un appel à sa
— Vous êtes bien empressé à vous éclair- philosophie, à son esprit fort ; il était la
cir de ce qu'on fait ici I preuve encore vivante de la faiblesse des
Guymond releva la tête. Personne ne dé- sophistes.
tourna les yeux de la cloche de verre qu'ua La dame avait hâte de revoir son cher
nujige gris On voyait à travers
remplissait. Lauzun. Dès qu'elle rentra dans son salon,
les deux billets danser. Le nuage s'épaissit; sa femme de chambre le lui remil entre les
un moment on ne vit plus rien. La lumière bras. C'était un joli épagneul anglais, qui
de la lampe devint plus rouge et plus c in- s'était perdu cl qui, disail-on à sa louange,
centrée. él'iit revenu seul, depuis un quart d'heure.
Le poëte, surpris de l'insolence de ladcvi- Col incident acheva de confondre le philo-
787 DlCTIONNAmE DE« SCIENCES OCCULTES. 788

sDphe fil ses révérences et se retira chez


; il qui n'avait qu'une ligne de longueur et qui
mit au lit. La révolution que la der-
lui. Il se était tellement fine avec une très-grosse tète,
nière parole de la sorcière avait opérée dans qu'elle entrait dans la peau sans y causer au-
son cerveau lui donna une fièvre telle qui! cun dégât.
le troisième jour en effet, —
14 février 1760, Enfin on sut que les nouvelles données sur
— Guymond de la Touche mourut de terreur. le tendre ami à quatre pattes delà princesse
— Nous ignorons dans quels sentiments il n'avaient rien non plus de surprenant; c'é-
rendit l'esprit. Mais s'il y avait une porte au tait le Cophte lui-même qui l'avait volé, sa-
cerveau des incrédules, on y verrait ainsi de chant bien ce qu'il faisait, et qui l'avait fait
surprenantes pusillanimités. reporter à l'heure convenable. On découvrit
Vous
seriez mal satisfaits, si nnus vous bien d'autres choses; et il s'agissait de faire
laissions dans le doute sur les merveilles le procès à cette petite bande d'imposteurs.
auxquelles nous vous avons fait assister, Mais comme les grandes dames, qui ne sont
quand nous en avons la clef et l'explication. jamais les dernières à fréquenter les galetas
Quinze jours après la visite dont nous ve- où se fabriquent des singeries mystérieuses,
nons de voir les conséquences, le lieutenant craignaient de se voir compromises, on ob-
de police découvrit l'antre de la sibylle, qui tint du lieutenant de police qu'il se conten-
exerçait sans permission une profession pro- tât de chasser de Paris la sorcière et ses
Inhée. Ou l'arrêta, avec le Cophte, la jeune aides , qui allèrent ailleurs faire d'autres
lille aux piqûres et un petit nain très-futé dupes.
qui 1rs servait. C'était une famille de Bohé- On eût pu éclairer Guymond de la Tou-
miens d'Alsace, qui gagnait beaucoup d'ar- che et le faire rougir de sa petitesse d'esprit.
gent. On reconnut que la table au tapis noir Mais il n'était plus temps.
était adroitement percée au milieu ; que le GYMNOSOPHISTES , philosophes ainsi
nain se tenait dessous pendant les séances ; nommés parce qu'ils allaient nus ou sans
qu'il introduisait par un tube une fumiga- habits. Chez lesdémonomaoes, les gymnusn-
tion dans la cloche, au moyen de laquelle il phisles sont des magiciens qui obligeaient
établissait l'obscurité; qu'il enlevait alors la Jcs arbres à s'incliner et à parler aux gens
bonde parfaitement ajustée, retirait les bil- comme des créatures raisonnables. Thespe-
lets et les passait, au moyen d'une coulisse, sion , l'un de ces sages , ayant commandé à
dans le réduit voisin où le Cophte faisait les un arbre de saluer Apollonius, il s'inclina,
courtes réponses. Quand ces réponses étaient et rabaissant le sommet de sa tête et ses
,

remises sous la cloche, le nain replaçait la branches les plus hautes, il lui fit des com-
bonde et par une petite machine aspirante pliments d'une voix distincte, mais féminine,
relirait la fumée. II produisait par les mé- ce qui surpasse la magie naturelle (1).
iiies agents des commotions et d'autres pro- GYUOMANCIE, sorte de divination qui
diges. Ces opérations se faisaient avec une se pratiquait en marchant en rond, ou en
grande habileté. tournant autour d'un cercle, sur la circon-
On apprit aussi le secret des épingles. lérence duquel étaient tracées des lettres. A
Elles étaient disposées sur une large pelote. force de tourner on s'étourdissait jusqu'à se
Le Cophte, n'ayant l'air d'en prendre qu'une, laisser tomber, et de l'assemblage des carac-
les prenait deux par deux , une très-grande tères qui se rencontraient aux divers endroits
que assistants voyaient fort bien , une
les où l'on avait fait des chutes, on tirait des
très-petite que l'on ne voyait pas. Il laissait présages pour l'avenir. Voy. Alectrïomas-
couler la grande dans sa manche, disposée CIE
pour la recevoir, et n'enfonçait que la petite,

H
HAAGENTI, grand-président aux enfers. duc; il se montre à cheval sur une vipère,
Il parait sous la figure d'un taureau avec avec trois têtes l'une de serpent, l'autre
,

des ailes di> griffon. Lorsqu'il se montre por- dhomme, la troisième de chat. Il tient à la
tant face humaine, il rend l'homme habile main une torche allumée. Il commande
à toutes choses ; il enseigne en perfeclion vingt-six légions. Quelques-uns disent que
J'art de transmuer tous les métaux en or, c'est le même quellaum; ce qui nous paraît
<l de faire d'excellent vin avec de l'eau douteux.
claire. Il commande trente-trois légions. HACELDAMA ou HAKELDAMA, qui si-
HABONDIA , reine des fées , dos femmes gnifie héritage ou portion de sang. Ce mot est
blanches, des bonnes, des sorcières, des lar- devenu commun à toutes les langues du
ves, des furies et des harpies, comme l'assure christianisme, depuis le récit sacré qui nous
Pierre Delancre en son livre de l'Inconstance apprend qu'après que Judas se fut pendu,
des démons. les prêtres juifs achetèrent, des trente pièces
HABOllYM, démon des incendies , appelé d'argent qu'ils lui avaient données pour tra-
aussi Aym. Il porte auv enfers le titre de hir Nolre-Scigncur, un champ qui fut des-
<l) Delancrp, Iticrédulil'- et iiiécréaiicc du sorlilégc tiné à la sépulture des étrangers, et qui
l'ieiiitiiuem convaincue, [t. 33. porla le nom dHaccldaaia. On montre encore
7'JO
'm H.u; Il.VI,

ce champ aux étrangers. Il est prtil et cou- faible est la marque d'un tempérament usé
vert d'une voûte, sous laquelle on prétend et d'un esprit faible.

(lue les corps qu'on y dépose sont consumés HALLUCINATION. Walter Scott, dans sa
dans l'espace de trois ou quatre heures. démonologie, voit la plupart des apparitions
HAKELBEllG. « L'origine du nom de Wo-
comme di véritables hallucinations. Il a rai-
son en général. Mais il ne faut pas faire de
lien ou Oiiin se révèle par la racine étymolo-
cette explication un système, à la manière
gique de l'anglo-saxon Woodin, (pii signifie
des esprits qui veulent tout comprendre, dans
le féroce ou le furieux. Aussi l'appeilc-t-on
un monde (jù nous sommes environnés de
dans le Nord le chasseur féroce, et en Allema-
tant de choses que nous ne comprenons
gne Groden's heer ou Wnden's heer. Woden,
pas.
dans le duché de Brunswirk, se retrouve une hallucination épidémiquc que
C'est
s )us le nom du chasseur Jlnkelberg. Hakel-
l'exemple qu'il cile de l'Eco^ssais Patrick
bcrg, seigneur de Rodcnstein, était un che-
Walker, si, en eflet, il n'y avait là que les
valier pervers qui renonça à sa part des joies
du par.idis pourvu qu'il lui fût permis de
phénomènes d'une aurore boréale. « En—
,
l'année loSS, aux mois de juin et de juillet,
chasser toute sa vie en ce monde : le diable
dit l'honnête Walker, plusieurs personnages
lui promit qu'il chasserait jusqu'au jour du
encore vivants peuvent attester que, près le
jugement dernier. On montre son tombeau
bac de Crosford, à deux milles au-dessous
dans la forôt d'Usslar : c'est une énorme
de Lanark, et particulièrement aux Mains,
pierre brute, un de ces vieux monuments
sur la rivière de la Clyde, une grande foule
appelés vulgairement pierres druidiques ;
de curieux se rassembla plusieurs fois après
nouvelle circonstance qui servirait encore à
midi pour voir une pluie de bonnets, de
confirmer l'alliance des traditions populai-
chapeaux, de fusils et d'épées; les arbres et
res avec l'ancienne religion du pays. Selon
le terrain en étaient couverts; des compa-
les paysans, cette pierre est gardée par les
gnies d'hommes armés marchaient en l'air
chiens de l'enfer, qui y restent sans cesse
le long de la rivière, se ruaient les unes con-
accroupis. En l'an 1558, Hans Kirchof eut le pour faire
tre les autres, et disparaissaient
malheur de la rencontrer par hasard ; car bandes aériennes. Je suis
place à d'autres
il faut dire que personne ne la trouve en se
allé là trois fois consécutivement dans l'a-
rendant exprès dans la forêt avec l'intention
près-midi, et j'ai observé que les deux tiers
de la chercher. Hans raconte qu'à son ex-
des témoins avaient vu, et que l'autre tiers
trême surprise, il ne vit pas les chiens, quoi-
n'avait rien vu.
qu'il avoue que ses cheveux se dressèn'nt
« Quoique je n'eusse rien vu moi-même,
sur sa léle lorsqu'il aperçut le mystérieux
ceux qui voyaient avaient une telle frayeur
mausolée de ce chasseur félon.
et un tel tiemblcment, que ceux qui ne
« Le
silence règne autour de la pierre de la voyaient pas s'en apercevaient bien. Un gen-
forêt d'Usslar;mais l'esprit agité du cheva- tilhomme, tout près de moi, disait Ces
: —
lier Hakelberg, ou du démon qui a pris ce damnés sorciers ont une seconde vue; car le
nom, est aujourd'hui tout-puissant dans le diable m'emporte si je vois quelque chose!
voisinage d'Oden-Wald, ou forêt d'Odin, au — Et sur le champ il s'opéra un changement
milieu des ruines du manoir de Rodenstein. dans sa physionomie. Il voyait...
Son apparition est un pronostic de guerre. « Plus effrayé que les autres, il s'écria :
C'est à minuit qu'il sort de la tour gardée — Vous tous qui ne voyez rien, ne dites rien ;
par son armée : les trompettes sonnent, les car je vous assure que c'est un fait visible
tambours battent; on distingue les paroles pour tous ceux qui ne sont pas aveugles. —
de commandement adressées par le chef à Ceux qui voyaient ces choses-là pouvaient
ses soldats fantastiques ; et, si le vent souf- décrire les espèces de batterie des fusils, leur
fle, on entend le frôlement drs bannières; longueur et leur largeur, et la poignée des
mais, dès que la paix doit se conclure, Ro- épées, les ganses des bonnets, etc.»
denstein retourne aux ruines de son château, Ce phénomène singulier, auquel la multi-
sans bruit, ou à pas mesurés, et aux sons tude croit, bien que seulement les deux tiers
d'une musique harmonieuse. eussent vu, peut se comparer, ajoute Walter
Rodcnstein peut être évoqué, si on veut
» Scott, à l'action de ce plaisant qui, se posant
lui parler. Il y aquelques années, un garde d lus l'attitude de l'étonnemenl , les yeux
forestier passait près de la tour à minuit ; fixés sur le lion de bronze bien connu qui
il venait d'une orgie et avait une dose plus orne la façade de l'hôtel de Northumberland
qu'ordinaire d'intrépidité : Rodenstein, ziche dans le Strand (à Londres), attira l'attention
fteraus! s'écria-t-il ; Rodenstein parut avec de ceux qui le regardaient en disant : Par —
son armée hélas! telle fut la violence du
: le ciel, il remue 1... il remue de nouveau 1

i!)ocdans l'air, que le garde tomba par ti^rre et réussit ainsi, en peu de minutes, à faire
comme si un coup de vent l'avait frappé: obstruer la rue par une foule immense ; les
il se releva plein d'iffroi et n'osa plus répé- uns s'imaginanl avoir effectivement aperçu
ter : Rodenstein, ziche herausl (1) » le lion do Percy remuer la queue; les autres
atlendant pour admirer la même merveille.
HALEINE. Une haleine forte et violente
est la marque d'un grand esprit, dit un sa- De véritables hallucinations sont enfan-
tées par une funeste maladie, que diverses
vant, et au contraire, ajoule-t-il, une haleine
causes peuvent faire naître. La source la
(Ij Traililious pojjulaircs. Quartcriy Uovicw. plus fréquente est produite par les habitudes
,

791 DICTIOiNNAmE DES SCIENCES OCCULTE?. 792


d'iiilempérancc de ceux qui, à la suile d'ex- que. La porte de la chambre, même
lorsque
cès de boissons contractent ce (jue lo
, j'ai eu la faiblesse de la verrouiller, ce qui
peuple nomme les diables bleus , sorte de m'est arrivé souvent, s'ouvre tout à coup :

spleen ou désorganisation mentale. Les une vieille sorcière, semblable à celles qui
joyeuses illusions que dans les commence-
, hantaient les bruyères de Forrès, entre d'un
ments, enfanle l'ivresse, s'évanouissent avec air menaçant, s'approche, se jette sur moi ,

le temps, et dégénèrent en impression d'ef- mais si brusquement , que je ne puis l'évi-


Iroi. Le fait qui va suivre fut raconté à l'au- ter, et alors me donne un violent coup de sa
teur par un ami du patient. béquille ; je tombe de ma chaise sans con-
Un jeune homme riche qui avait mené
,
naissance , et je reste ainsi plus ou moins
nne vie de nature à compromettre à la fois longtemps. Je suis tous les jours sous la
.va santé et sa fortune, se vit obligé de con- puissance de cette apparition...
sulter un médecin. Une des choses dont il se Le docteur demanda au malade s'il avait ja-
plaignait le plus, était la présence habituelle mais invité quelqu'un à être avec lui témoin
d'une suite de fantômes habillés de vert, d'une semblable visite. Il répondit que non.
exécutant dans sa chambre une danse bi- Son mal était si particulier, on devait si na-
zarre, dont il était forcé de supporter la vue, turellement l'imputer à un dérangement
quoique bien convaincu que tout le corps de mental, qu'il lui a»ail toujours répugné d'en
ballet n'existait que dans son cerveau. Le — parler à qui que ce fût. —
Si vous le per-
médecin lui prescrivit un régime ; il lui re- mettez, dit le docteur, je dînerai avec vous
commanda de se retirer à la campagne d'y , aujourd'hui têteàléte, et nous verrons si
observer une diète calmante, de se lever de votre méchante vieille viendra troubler notre
bonne heure, de faire un exercice modéré, société.
d'éviter une trop grande fatigue. Le malade Le malade accepta avec gratitude. Ils dî-
se conforma à cette prescriplioa et se réta- nèrent, et le docteur, qui supposait l'exis-
blit. tence de quelque maladie nerveuse, em-
Un autre exemple d'hallucinations est ce- ploya le charme de sa brillante conversa-
lui de M. Nicolaï, célèbre libraire de Berlin. tion à captiver l'attention de son hôte, pour
Cet homme ne se bornait pas à vendre des l'empêcher de penser à l'heure fatale qu'il
livres , c'était encore un littérateur ; il eut avait coutume d'attendre avec terreur. Il
le courage moral d'exposer à la Société phi- réussit d'abord. Six heures arrivèrent sans
losophique de Berlin le récit de ses souf- qu'on y fît attention. Mais à peine quelques
frances, et d'avouer qu'il était sujet à une minutes étaient-elles écoulées , que le mo-
suile d'illusions fantastiques. Les circon- nomane s'écria d'une voix troublée: Voici —
stances de ce fait peuvent être exposées Irès- la sorcière 1 —
et, se renversant sur sa chaise,
lirièvemenl, comme elles l'ont été au public, il perdit connaissance.

attestées par les docteurs Ferriar, Hibbert Le médecin lui tira un peu de sang et se ,

ri autres qui ont écrit sur la démonologie. convainquit que cet accident périodique
Nicol;;ï fait remonter sa maladie à une série dont se plaignait le malade, était une ten-
de désagréments qui lui arrivèrent au coni- dance à l'apoplexie. Le fantôme à la bé-
mencrment dç 1791. L'affaissement d'esprit quille était simplement une sorte de combi-
occasionné par ces événements , fut encore n.iison analogue à celle dont la fantaisie pro-
aggravé par ce fait, qu'il négligea l'usage de duit le dérangement appelé éphialte ou ,

saignées périodiques auxquelles il était accou- cauchemar, ou toute autre impression exté-
tumé un tel état de santé créa en lui la
; rieure exercée sur nos organes pendant le
disposition à voir des groupes de fantômes sommeil.
qui se mouvaient et agissaient devant lui et , Un autre exemple encore me fut cité dit ,

quelquefois même lui parlaient. Ces fantô- Waller Scott par le médecin qui avait été
,

mes n'offraient rien de désagréable à son dans le cas de l'observer. Le malade était un
imagination , soit par leur forme, soit par honorable magistrat, lequel avait conservé
leurs actions; et le visionnaire possédait entière sa réputation d'intégrité, d'assiduité
trop de force d'âme pour être saisi, à leur et de bon sens. —
Au moment des visites du
présence, d'un sentiment autre que celui de médecin, il en était réduit à garder la cham-
la curiosité, convaincu qu'il était, pendant bre, quelquefois le lit ; cependant de temps ,

toute la durée de l'accès, que ce singulier à autre, appliqué aux affaires, de manière
effet n'était que la conséquence de sa mau- que rien n'indiquait à un observateur su-
vaise santé, et ne devait sous aucun autre perficiel moindre altération dans ses fa-
la
rapport être considéré comme sujet de cultés morales aucun symptôme ne faisait
;

frayeur. Au bout d'un certain temps les , craindre une maladie aiguë ou alarmante ;

fantômes parurent moins distincts dans leurs mais la faiblesse du pouls, l'absence de l'ap-
formes, prirent des couleurs moins vives, pétit, le constant affaiblissement des esprits,
s'affaiblirent aux yeux du malade, etflnirent semblaient prendre leur origine dans une
par disparaître entièrement. cause cachée que le malade était résolu à
Un malade du docteur Gregory d'Edim- taire. Le sens obscur des paroles de cet in-
bourg, l'ayant fait appeler, lui raconta, dans fortuné, la brièveté et la contrainte de ses
les termt'S suivants, ses singulières souf- réponses aux questions du médecin îc dé- ,

frances : —
J'ai l'habitude, dit-il, de dîner à terminèrent à une sorte d'enquête. Il eut re-
cinq heures et lorsque six heures précises
; cours à la famille personne ne devinait la
:

ar<iveut, je suis sujet à une visite fantasti- cause du mal*


703 HAL HAL 7!»l

L'état des affaires du patient élait pro- zarrerie ne produisit pas beaucoup d'effet
spère ; aucune perte n'avait pu lui occasion- sur moi ; cependant elle m'alarma, à cause
ner un chagrin aucundésappointemenidans
; de l'influence qu'elle pouvait avoir sur mes
ses affections ne pouvait se supposer à son facultés.
âge ; aucune idée de remords ne s'alliait à Après quelques mois, n'aperçus plus lo
je
son caractère. fantôme de Ihuissier. Il remplacé par un
fut
Le médecin eut donc recours avec le mo- autre , horrible à la vue, puisque ce n'est
nomane à une explication ; il lui parla de la autre chose que l'image de la mort elh;-
folie qu'ily avait à se vouer à une mort triste même, un squelette. Seul ou en comp.ignie,
et lente plutôt que de dévoiler la douleur
,
la présence de ce fantôme ne m'abandonne
qui le minait. 11 insista sur l'atteinte qu'il jamais. En vain je me suis répété cent fois
portait à sa réputation, en laissant soupçon- que ce n'est qu'une image équivoque et l'ef-
ner que son at)attement pût provenir d'une fet d'un dérangement dans l'organe de ma
cause scandaleuse, peut-être même trop dés- vue; lorsque je me vois, en idée à la vérité,
honorante pour être pénétrée; il lui fit voir le compagnon d'un tel fantôme rien n'a de ,

qu'ainsi il léguerait à sa famille un nom pouvoir contre un pareil malheur, et je sens


suspect et terni. Le malade frappé exprima que je dois mourir victime d'une affection
le désir de s'expliquer franchement avec le aussi mélancolique, bien que je ne croie
docteur, el , la porte de la chambre fermée , pas à la réalité du spectre qui est devant mes
il entreprit sa confession en ces termes : yeux.
—V^ous ne pouvez comprendre la nature Le médecin affligé fil au malade, alors au
de mes souffrances, et voire zèle ni votre lit,plusieurs questions. Ce squelette, dit-il,
habileté ne peuvent m'apporter de soulage- semble donc toujours là ?
ment. La situation où je me trouve n'est —Mon malheureux destin est de le voir
pourtant pas nouvelle, puisqu'on la retrouve toujours.
dans le célèbre roman de Lesage. Vous vous —Je comprends; il est, à l'instant même,
souvenez sans doute de la maladie dont il y présent à votre imagination?
est dit que mourut le duc d'Olivarès : l'idée —Il est présent à l'instant même.
qu'il était visité par une apparition, à l'exis- —El dans quelle partie de voire chambre
tence de laquelle il n'ajoutait aucunement ic voyez-vous?
foi ; en mourut néanmoins, vaincu
mais il — Au pied de mon lit ; lorsque les rideaux
et terrassé par son imagination. Je suis — sont entr'ouverts , il se place enlre eux, et
d ins la même position; la vision acharnée remplit l'espace vide.
qui me poursuit est si pénible et si odieuse, — Aurez-vous assez de courage pour vous
que ma raison ne suffît pas à combattre mon lever et pour vous placer à l'endroit qui
cerveau affecté bref, je suis victime d'une
: vous semble occupé, afin de vous convain-
m;il;idie imaginaire. cre de la déception ?
Le médecin écoutait avec anxiété. Le pauvre homme soupira et secoua la

Mes visions, reprit le malade, ont com- tête d'une manière négative.
mencé il y a deux ou trois ans. Je me trou- —Eh bien dit le docteur, nous ferons
I

vais de temps en temps troublé par la pré- l'expérience une autre fois.
s<'nce d'un gros chat qui entrait et sortait Alors il quitta sa chnise aux côtés du lit;
sans que je pusse dire comment, jusqu'à et se plaçant entre les deux rideaux entr'ou-
ce qu'enfin la vérité me fût démontrée, verts, indiqués comme la place occupée par
et que je me visse forcé à ne plus le re- le fantôme, il demanda si le spectre était en-
garder comme un animal domestiiiue, mais core visible.
bien comme un jeu qui n'avait d'existence
,
— Non entièrement, dit le malade, parce
qui' dans mes organes visuels en désordre, ou que votre personne est enlre lui et moi;
dans mon imagination déréglée. Jusque-là, mais j'aperçois sa tête par - dessus vos
je n'avais nullement pour cet animal l'aver- épaules.
sion absolue de ce brnve chef écossais, qu'on Le docteur tressaillit un moment, malgré
a vu passer par les différentes couleurs de sa philosophie , à une réponse qui affirmait
son plniil lorsque par hasard un chat se
,
d'une manière si précise que le spectre le
trouvait dans un appartement avec lui. Au touchait de si près. Il recourut à d'autres
contr;iire, je suis aini des chats, et je sup- moyens d'investigation , mais sans succès.
portais avec triinquillilé la présence de mon Le malade tomba dans un marasme encore
visiteur imaginaire, lorsqu'un spectre d'une plus profond il en mourut, et son
;
histoire
grande importance lui succéda. Ce n'était laissa un douloureux exemple du pouvoir
autre chusc que l'apparition d'un huissier de que le moral a sur le physique, lors même
la cour. que les terreurs fantastiques ne parviennent
Ce personnage avec la bourse et l'épée,
,
pas à absorber l'intelligence de la personne
une veste brodée et le chapeau sons le bras, qu'elles tourmentent.
se glissait à mes côtés, el, chez moi ou chi'z Rapportons encore, comme fait attribué à
les autres, montait l'escalier devant moi, l'hallucination, la célèbre apparition de Mau-
comme pour m'annoncer dans un salon, puis perluis à un de ses confrères, professeur de
se mêlait à la société, quoiqu'il fût évident Berlin. Elle est décrite dans les Actes de la
(pie personne ne remarquât sa présence, et Société royale de B^irlin, et se trouve rap-
que seul je fusse sensible aux cliiméri(iucs portée par M. Thiébaut dans ses Souvenirs
honneurs qu'il me voulait rendre. Cttlc bi- de Frédéric le Grand. Il est essentiel de
795 DlCTIONNAllŒ DES SCIENCES OCCULTES. '96

prévenir que M. Gledilcli, à qui elle est arri- Les autres sens trompent aussi, mais sur-
Aée, émit un bolanislt; distingué, professeur tout dans le sommeil ou dans la folie.
lie philosophie naturelle, et regardé comme
La vision du suicide.
un homme d'un caractère sérieux, simple et
traiiquille. Ceci est un conte fantastique extrait do
Peu de temps après la mort de M.iuper- Nicolas Nikleby, de M. Charles Dickens.
luis, M. Gleditch, obligé de traverser la salle Le baron von Koeldwethout de Grogzwiij;
dans laquelle l'académie tenait ses séances, (Allemagne) était au désespoir : sa fenune
ayant quelques arrangements à faire dans le venait de lui donner son treizième enfant, et
rabinel d'histoire naturelle, qui était de son à chaque nouveau né elle était plus gron-
ressort , aperçut, en entrant dans la salle, deuse. Ue plus, il venait de reconnaître que
l'ombre de M. de Maupertuis, debout et fixe ses coffres étaient vides. Le baron ne chas-
dans le premier angle à main gauche, et ses sait plus, ne riait plus —
Je ne sais que
:

yeux braqués sur lui. faire, dit-il, j'ai envie de me tuer.


Il était trois heures de l'après-midi. Le C'était une brillante idée!
professeur de philosophie en savait trop sur Le baron prit dans une armoire un vii'ux
sa physique pour supposer que son prési- couteau de chasse, et l'ayant repassé sur sa
dent, mort à Bâle dans la famille de Ber- botte, il fit mine de l'approcher de sa gorge.
nouilli, serait revenu à Berlin en personne. — Hem dit-il, s'arrêlant tout court, il n'est
!

Il ne regarda la chose que comme une illu- peut-être pas assez affilé.
sion provenant d'un dérangement de ses or- Le baron le repassa de nouveau; et il fai-
g.ines. Il continua de s'occuper de ses affai- sait une seconde tentative, quand il fut in-
res, sans s'arrêter plus longtemps à cet objet. terrompu par les clameurs bruyantes des
Mais il raconta cette vision à ses confrères, jeunes barons et des petites baronnes; car
les assurant qu'il avait vu une figure aussi leur chambre était dans une tour voisine ,
bien formée et aussi parfaite que M. de Mau- dont les fenêtres étaient garnies de barres-
pertuis lui-même aurait pu la présenter. de fer, pour les empêcher de tomber dans le
Après avoir montré par ces récits les illu- fossé. — O délices du célibat 1 s'écria-t-il en
sions que la vue peut causer, Walter Scott soupirant, si j'avais été garçon j'aurais pu ,

s'occupe des déceptions que produit quel- me tuer cinquante fois sans être dérangé.
qucfoisl'organederouïe. Le docteur Johnson Holàl mettez un flacon de vin et la plus
conserva, dit-il, une impression profonde de grande de mes pipes dans la petite chambre
ce que, un jour qu'il ouvrait les portes de voûtée, derrière la salle d'armes.
son coHé^çe , il entendit la voix de sa mère, Un valet, qui s'appelait Jean, exécuta l'or-
à plusieurs milles de distance, l'appeler par dre du baron dans l'espace d'une demi-heure
son nom ; et il paraît surpris de ce qu'au- ou à peu près ; et le sire de Grogzwig, infor-
cun événement de quelque importance n'ait mé que tout était prêt, passadans la chambre
suivi cet avertissement.
voûtée, dont les boiseries sombres élince-
laientà la lueur des bûches amoncelées dans
Le fait que voici fera connaître encore par le foyer.
quels incidents futiles l'oreille humaine peut La bouteille et la pipe étaient prêtes, et,
être abusée. Walter Scott lui-même mar-
somme toute, la pièce avait un air conforta-
chait dans un lieu solitaire et sauvage, avec ble.
un jeune homme frappé de surdité, lorsqu'il — Laisse la lampe, le baron. dit
entendit ce qu'il crut être les aboiements
d'une meute, répétés par intervalles. C'était
— Vous faut-il encore autre chose, mon-
seigneur? demanda valet.le
dans la saison de l'été: ce qui, après une
courte réflexion, persuada l'illustre écrivain
— Va-t'en.
Jean obéit et le baron ferma la porte.
que ce ne pouvait être le bruit d'une chasse.
Cependant ses oreilles lui reproduisaient — Je vais fumer une dernière pipe dit-il, ,

continuellement les mêmes sons. Il rappela et tout sera fini.


ses chiens, dont deux ou trois le suivaient ; Mettant de côté le couteau de chasse eu
ils s'approchèrent parfaitement tranquilles, attendant qu'il en eût besoin, et se versant
et ne paraissant évidemment point frappés un grand verre de vin, le sire de Grogzwig
des sons qui attiraient l'attention de leur s'étendit sur son fauteuil, allongea les jam-
maître, au point qu'il ne put s'empêcher de bes sur les chenets et se mit à fumer.
<'ire à son compagnon J'éprouve en ce mo-
:
Le baron eût été certainement romantique,
ment un double chagrin de votre infirmité, si leromantisme eût été inventé à celte épo-
car elle vous empêche d'entendre le cri du que; mais il était doublement disposé à la
chasseur sauvage. rêverie, par sa qualité d'Allemand et de fu-
Comme ce jeune homme faisait usage d'un meur. Rien n'est plus favorable que la pipe
(Omet acoustique, il l'ajusta pendant que aux hallucinations. La monotonie du mou-
je lui parlais , poursuit
le narrateur ; et vement d'aspiration et d'expiration jette l'es-
dans ce mouvement, je vis la cause du phé- prit et les sensdans une espèce de somno-
nomène. Ces aboiements n'existant pas, c'é- lence. Les vapeurs narcotiques du tabac
tait simplement le sifflement de l'air dans surexcitent et exaltent l'imagination. Il sem-
l'instrument dont se servait le jeune homme, ble que du foyer de la pipe s'échappe une
mais qui pour la première fois produisait
,
,
inullilude d'êtres aériens qui flottent et tour-
tel effet à mon oreille. biliouncnl avec la luniée, se cherchent cl se

707 Il AL IIAL 798


saisissent au milieu du nuago azuré, et mon- — Mais oui, je le suis ; par ces temps de
liiil au ciel en dansant. misère et d'ennui, j'ai beaucoup à faire en
Le baron songea à une foule de choses, à Angleterre et en France oùje vais de ce pas,
ses peines présenles, à ses jours de célibat et tout mon temps est pris.
et aux genlilshomines verl-poinme, depuis — Buvez-vous dit le baron touchant la
? ,

longtemps dispersés dans le pays, sans qu'on bouteille avec la lô(e de sa pipe.
sût ce qu'ils étaient devenus , à l'exceplion — Neuf sur dix et largement, reprit le
fois
di! deux qui avaient eu le malheur d'élre dé- génie d'un ton sec.
capités, el de quatre autres qui s'élaient (ués — Jamais avec modération?
à force de boire. Son esprit errait au milieu — Jamais, répliqua génie en frissonnant,
le
des ours et des sangliers, lorsque, en vidant cela engendre la gaieté.
son verre jusqu'au fond, il leva les yeux et Le baron examina encore son nouvel hôlc
crut s'apercevoir qu'il n'était pas seul. qu'il regardait comme un visiteur extraordi-
A travers l'atmosphère brumeuse dont il nairement fantasque, et lui demanda enfin
s'était entouré, le baron distingua un élre s'il prenait une part active â tous les simples
hideux et ridé, avec des yeux creux et san- arrangements du genre de ceux dont il s'a-
{iianls, une figure cadavéreuse et d'une lon- gissait en ce moment. —Non, répondit évasi-
gueur démesurée, ombragée de boucles épar- vement le génie; mais je suis toujours pré-
.ses de cheveux noirs. Ce personnage fan- sent.
tastique était assis de l'autre côté du feu, et, — Pourvoirsi va bien? je suppose.
l'affaire
plus le baron le regarda plus il demeura
,
— Précisément, répondit génie en jouant le
convaincu de la réalité de sa présence. L'ap- avec son pieu dont il examinait le fer. Ne
parition était affublée d'une espèce de tuni- perdez pas une minute, je vous prie , car jo
que de couleur bleuâtre, qui parut au baron suis mandé par un jeune homme afÛigé de
tiiicorée d'os en croix. En guise de cuissards, trop de loisir el de trop d'argent.
ses jambes étaient encaissées dans des plan- —
Se tuer parce qu'on a trop d'argent!
ches de cercueil, et sur son épaule gauche, s'écria le baron, en se laissant aller à une
était jeté un manteau court et poudreux, qui violente envie de rire. Ah ah ah voilà qui ! I 1

semblait fabriqué d'un morceau de linceul. est bon 1


Elle ne faisait aucune attention au baron, C'était la première fois que le baron riait
mais contemplait fixement le feu. depuis longtemps.
—Ohé s'écria le baron, frappant du pied
I —
Dites donc, reprit le génie d'un ton sup-
pour attirer les regards de l'innonnu. pliant et d'un air d anxiété, ne recommencez
—Ohé répéta celui-ci , levant Us yeux
! piis, s'il vous plait.
vers le baron, mais sans bouger. — Pourquoi?
—Qu'est-ce? dit le baron sans s'effrayer do — Vos rires me font mal. Soupirez tant
cette voix creuse et de ces yeux mornes, je que vous voudrez, je m'en trouverai bien.
dois vous adresser une question. Comment Le baron soupira machinalement, et le gé-
étes-vous entré ici? nie, reprenant son courage, lui tendit le
—Par la porte. couteau de chasse avec la plus séduisante po-
— Qui étes-vous ? litesse.
— Un homme. — Ah ce n'est pas une mauvaise idée, dit
I

—Je ne crois
le pas. le baron, sentant la froide pointe de l'acier,
— Comme vous voudrez. se tuer parce qu'on a trop d'argent 1
L'intrus regarda quelque temps le hardi —
Bah dit l'apparition avec pétulance,
!

baron deGrogzwig, familièrement:


et lui dit est-ce une meilleure idée de se tuer parce

Il n'y a pas moyen de vous tromper, à qu'on n'en a pas assez?
ce que je vois. Je ne suis pas un homme. Je ne sais si le génie s'était compromis par

Qui éles-vous donc? mégarde en prononçant ces mots , ou s'il

Un génie. croyait la résolution du baron assez bien ar-
—Vous n'en avez pas l'air, repartit dédai- rêtée pour n'avoir pas besoin de faire atten-
gneusement le baron. tion à ce qu'il disait ; je sais seulement que

Je suis le génie du désespoir et du sui- le sire de Grogzwig s'arrêta tout à coup, ou-
cide, dit l'apparition ; vous me connaissez à vrit de grands yeux, et parut envisager l'af-
présent. faire sous un jour complètement nouveau.
A ces mots, l'apparition se tourna vers le Mais, en effet, dit-il, rien n'est encore dés-
baron, comme si elle se fût préparée à agir espéré.
et ce qu'il y eut de remarquable, ce fut de la
;
— Vos coffres sont vides, s'écria le génie.
yoir mettre de côté son manteau , exhiber — On peut les remplir.
un pieu ferré qui lui traversait le milieu du — Votre femme gronde.
corps, l'arracher brusquement et le poser — On fera taire.
la
sur la table aussi tranquillement que si c'eût — Vous avez treize en^ints.
éié une canne de voyage. —ils ne peuvent tous mal tourner.
—Maintenant, dit le génie, jetant un coup Le génie s'irritaitévidemmentdes opinions
d'œil sur le couteau de chasse, éLes-vous avancées par le baron mais il affecta d'en
;

pi et ? rire, el le pria de lui faire savoir quand il


— Pas encore, il faut que j'achève ma pipe. aurait fini de plaisanter. —
Mais je ne plai-
— Dépéchez-vous. sante pas, au contraire, reprit le baron.
-Vous semblez pressé. — lih bien 1 j'ensuis charmé, dit le génie..
7W DICTIONNAIUE DES SCIENCES OCCULTES 800

parce que, je l'avoae fram hemcnl toute ,


par cette fourberie il nourrissait des oiseaux
:

plaisanterie est mortelle pour iiiui. Allons , à qui il apprenait à dire : Hiinnon est un
quidez ce monde de misères. dieu. Puis il leur donnait la liberté.
— J'hésite, dit le baron, jouant avec le HAQUIN. Les anciennes histoires Scandi-
couteau de chasse; ce monde ne vaut pas naves font mention d'un vieux roi de Suède,
grand'chose, mais.... nommé Haquin, qui commença à régner au
—Dépêchez -vous s'écria le génie en grin-
I troisième siècle, et ne mourut qu'au cin-
çant des dents. quième, âgé de deux cent dix ans, dont cent
— Laissez-moi, dit le baron je cesserai ;
quatre-vingt-dix de règne. Il avait déjà cent
de broyer du noir, je prendrai gaîiiient les ans, lorsque ses sujets s'étant révoltés con-
choses, je respirerai le frais, j'iraià la tre lui, il consulta l'oracle d'Odin qu'on ré-
chasse aux ours, et, si l'on me contrarie, vérait auprès d'IJpsal. Il lui fut répondu que
j'enverrai promener les gens. s'ilvoulait sacrifier le seul fils qui lui res-
A ces mots, le baron tomba en arrière tait, il vivrait et régnerait encore soixante

dans son fauteuil, et partit d'un éclat de ans. Il y consentit, et ses dieux lui tinrent
rire si désordonné, que la chambre en re- parole. Bien plus, sa vigueur se ranima à
tentit. l'âge de cent cinquante ans; il eut un fils et
Le génie recula de deux pas, regarda le successivement cinq aiitn s, depuis cent cin-
baron avec une expression de terreur, reprit
son pieu ferré, se lenlonça violemment au
travers du corps, poussa un hurlement d'ef-
quante ans jusqu'à cent soixante.
Se voyant près d'arriver à son terme, il
lâcha encore de le prolonger; et les oracles
I
froi et disparut. lui répondirent que s'il sacrifiiil l'aîné de
Le sire de Grogzwig, comme le bûcheron ses enfants, ilrégnerait encore dix ans; il le
de la fable, ne revit plus le génie de mort. fit. Le second lui valut dix autres années de

Conformant ses actions à ses paroles, il vé- règne, et ainsi de suite jusqu'au cin(iuièine
cut longtemps après sans beaucoup de for- Enfin il ne lui restait plus que celui-là; il
tune, mais heureux, laissant une nombreuse était d'une caducité extrême, mais il vivait
famille exercée sous ses yeux à la chasse toujours ; lorsqu'ayant voulu sacrifier ce
aux ours. dernier rejeton de sa race, le peuple, lassé
Bonnes gens, si de semblables motifs vous du monarque et de sa barbarie, le chassa du
rendent jamais hypocondres et mélancoli- trône; il mourut, et son fils lui succéda.
ques, je vous conseille d'examiner les deux Delancre dit que ce monarque était grand
faces de la question, en appliquant à la meil- sorcier, et qu'il combattait ses ennemis i\
leure un verre grossissant. Voy. Visions. l'aide des éléments. Par exemple, il leur en-
HALPHAS, grand comte des enfers. Il pa- voyait de la pluie ou de la grêle.
raît sous la forme d'une cigogne, avec une HARIDI, serpent honoré à Akhmin ville ,

voix bruyante. Il bâtit des villes, ordonne les de la Haute-Egypte. Il y a quelques siècles
guerres et commande vingt-six légions (1). qu'un derviche, nommé Haridi, y mourut;
C'est peut-être le même que Malphas. on lui éleva un tombeau, surmonté d'une
HA LTIAS. Les Lapons donnent ce nom aux coupole, au pied de la montagne ; les peu|)les
vapeurs qui s'élèvent des lacs, et qu'ils pren- vinrent lui adresser des prières. Un autre
nent pour les esprits auxquels est commise la derviche profita de la crédulité des bonin s
garde des montagnes. gens, et leur dit que Dieu avait fait passer l'es-
HAMELN. Voy. Magiciens. prit du défunt dans le corps d'un serpent. Il
HAMLET, prince de Danemark, à qui ap- en avait apprivoisé un de ceux qui sont
parut le spectre de son père, pour demander communs dans la'fhébaïdcetqui no font point
une vengeance dont il se chargea. Shak- de mal; ce reptile obéissait à sa voix. Le
speare a illustré celle sombre histoire. On derviche mit à l'apparition de son serpent
montre toujours sur une colline voisine tout l'appareil du charlatanisme, éblouit le
d'Elseneur la tombe dHamIct que des vulgaire, et prétendit guérir toutes les mala-
,
croyances peureuses entourent et protè- dies. Quelques succès lui donnèrent la vo-
gent. gue. Ses successeurs n'eurent pas de peine
HANDEL , célèbre musicien saxon. Se à soutenir une imposture lucrative; ils en-
trouvant en 1700 à Venise, dans le temps du chérirent en donnant à leur serpi^nl l'immor-
carnaval.iljouade la harpe dans une masca- talité, et poussèrent l'impudence jusqu'à en
rade. Il n'avait alors que seize ans, mais son faire un essai public; le serpent fut coupé en
nom dans la musique était déjà très-connu. morceaux en présence de l'émir, et déposé
Dominique Scarlati, habile musicien d'alors sous un vase pendant deux heures. A l'in-
sur cet instrument, l'entendit et s'écria Il stant où le vase fut levé, les serviteurs du
:
n y a que le Saxon Handel, ou le diable, derviche eurent sans doute l'adresse d'en
qui
puisse jouer ainsi.... substituer un semblable ; on cria au prodige,
et l'immortel Haridi acquit un nouveau de-
HANNETON. Il y a, dans la Cafrerie, une
sorte de hanneton qui porte bonheur quand gré de considération.
Il entre dans
Paul Lucas raconte que, voulant s'assurer
une hutte. On lui sacrifie des
brebis. S'il se pose sur un des choses merveilleuses que l'on racontait
nègre, le nègre en de cet animal, il fit pour le voir le voyage
devient tout lier.
HANNON, d'Akhmin; qu'il s'adressa à Assan-Bey, le-
général carthaginois, distingué
quel fit venir le derviche avec le serpent ou
(Ij Wicrus ia l'seudomoaarchia daein. lunge, car tel est le uom qu'on lui donnait;
801 HAR HAR 8(12

et que ce derviche de son sein, en sa pré-


tir.i stcnce de démons lutélaires; et les Islandais
sence, l'animal merveilleux. C'était, ajoule- leur avaient voué une reconnaissance par-
l-il, une couleuvre de médiocre grosseur, et ticulière pour avoir fait avorter les noirs
qui paraissait fort douce. desseins du roi Harold-Germson. Ce roi de
HAllO. Le diable a souvent fait parler de Norwège dit la Saga, désirant connaître la
,

lui en Espagne comme partout; citons la lé- situation intérieure de l'île, qu'il avait l'in-
gende relative à l'origine démoniaque de la tention de punir, chargea un habile troldman
noble famille de Haro. ou magicien do s'y rendre, sous laforme qu'il
Don Diego Lopez, soigneur de Biscaye, voudrait prendre.
était à l'affût du sanglier, lorsqu'il entendit Pour mieux se déguiser, le troldman se
les accords d'une délicieuse voix de femme. changea en baleine et nagea jusqu'à l'île ;

Il regarde et il aperçoit la chanteuse debout mais les rochers et les montagnes étaient
sur un rocher. 11 en devint épris et lui proposa couverts de ladwailiirs ou génies propices qui
de l'épouser. faisaient bonne garde.
J'accepte votre main, répondit-elle, beau Sans en avoir peur, l'espion d'HaroId nagea
chevalier, car ma naissance est noble; mais vers le golfe de Vapna, et essaya de débar-
à une condition: jurez-moi que vous ne pro- quer; mais un énorme dragon déroula les
noncerez jamais devant moi un nom sacré. longs anneaux de sa queue sur les rochers,
Le chevalier jura ; et, quand le mariage
le et, suivi d'une armée innombrable de ser-
fut consommé, il s'aperçut que sa fiancée pents, descendit dans le détroit , arrosant la
avait un pied de chèvre. Heureusement c'é- baleine d'une trombe de venin.
tait son seul défaut. Personne n'est parfait. La baleine ne put leur résister, et nagea
Par une convention tacite, le pied de chèvre à l'ouest vers la baie d'Ove; mais là elle
ne fut bientôt qu'un pied de biche, ce qui était trouva un immense oiseau qui étendit ses
plus poétique. Don Diego n'en eut pas moins ailes comme un rideau sur le rivage, et l'ar-
d'attachement pour sa femme , qui devint mée des esprits s'abattit à ses côtés sous la
mère de deux enfants, une fille et un fils même forme.
nommé Inigucz Guerra. Le troldman voulut alors pénétrer par Bri-
Or, un jour qu'ils étaient à table, le sei- daford,ausud.Un taureau vint à sa rencontre
gneur de Biscaye jeta un os à ses chiens : un et se précipita dans les Ilots, escorté d'un
mâtin et un épagneul se prirent de querelle ; troupeau qui mugit autour de son chef d'une
l'épagneul saisit le mâtin à la gorge et l'é- manière épouvantable.
trangla : « Sainte vierge Marie ! s'écria don Cette nouvelle rencontre ne découragea
Diego; qui a jamais vu chose pareille?» pas l'ennemi qui se dirigea vers Urekars-
,

La dame au pied de biche saisit aussitôt kinda; mais là, un géant se présenta, un
les mains de ses enfants. Diego retint le gar- géant dont la tête dépassait le sommet de la
çon, mais la mère s'échappa à travers les airs plus haute montagne, un géant armé d'une
avec la fille... massue de fer , et accompagné d'une troupe
la suite , don Diego
Par Lopez envahit les de géants de la même taille.
terres des Maures : il fut malheureux dans Cette tradition est remarquable , parce
un combat prisonnier; les vainqueurs
et fait qu'elle nous fait voir que les Scandinaves
lui lièrent les mains et l'emmenèrent à To- classaient leurs esprits élémentaires d'après
lède. IniguczGuerra était triste de la captivité la doclrinecabalisliquedeParacelse.La terre
de son père. Quelqu'un lui dit alors :— Pour- envoie ses génies sous la forme de géants;
quoi n'iriez-vous pas invoquer la fée qui les sylphes apparaissent en oiseaux le tau-
;

vous a donné le jour? elle seule peut vous reau est le type de l'eau; le dragon procède
indiquer un moyen de délivrer don Diego. de la sphère du feu.
Iniguez monta à cheval, se rendit à la Le mont Hécla fait partie en quelque
,

montiigne; la fée était sur le rocher. Elle sorte, de la mythologie des SkaMes. Les
reconnut son fils: —
Viens à moi, lui dit-elle; hommes du Nord furent convertis peu de
je sais ce qui t'amène et je te promets aide et teujps après qu'ils eurent fait connaissance
protection. Laisse là ton cheval, il ne te serait avec ses terreurs; et, lorsqu'ils devinrent
d'aucun service. Je veux le remplacer par un chrétiens ils en firent la bouche de l'enfer.
,

autre qui en quelques heures te portera à L'Hécla ne pouvait manquer surtout d'être
Tolède; mais tu ne lui mettras pas de bride; le refuge des esprits du feu , que la tradition
lu ne le feras pas ferrer; tu ne lui donneras avait probablement connus en Scandinavie
ni nourriture ni eau. La fée Pied-de-Biche et à Asgard. Leur grand ennemi était Luri-
appela Pardalo; c'était le nom de ce coursier dan. On lit dans le livré de Vanagastus, le
extraordinaire. Norwégien, que Luridan l'esprit de l'air,
,

Iniguez s'élança sur sa croupe, et ramena « voyage par ordre du magicien en Laponie,
bientôt son père. en JPinlande, en Skrikfinlande et jusqu'à la
La fée Pied-de-Biche était si bien un démon, merGlaciale. —
C'est sa natured'être toujours
que la conclusion de la légende, en mention- en opposition avec le feu et de faire une
nant ses autres apparitions en Biscaye, nous guerre continuelle aux esprits du mont Hé-
dit qu'elle se montre sous les traits qui ca- cla. Dans celle guerre à mort, les deux pailis
ractérisent le diable (1). se déchirent l'un l'aulre, heurtant leurs ba-
H AUOLD. Gomme tous les anciens peuples, taillons à travers les aiis. Luridan cherclic
les Scandinaves croyaient volontiers à l'cxi- à livrer le combat au-dessus de l'Océan où
(1) TraJilioos populaires. Quarlcrly Ileview. les blessés du l'armée contraire tombent sans
P(I3 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES SOI
ressource; ma!» si l'nclion a lieu sur la virons de Compiègne, au commencement du
montagne, l'avantage esl souvent aux esprits seizième siècle. Dans son procès, elle racon-
dufeu,e( l'on entend de grandes lamentations ta que sa mère l'avait présentée au diable
en Islamte, en Russie, en Norwéjçe (1), etc. » dès l'âge de douze ans ; que c'était un grant'
HARPE. Chez les Calédoniens, lorsqu un nègre velu de noir; qu'il arrivait quand elle
guerrier célèbre était exposé à un grand pé- le voulait, botté, éperonné et rcinl d'une
ril, les harpes rendaient d'elles-mêmes un épée; qu'elle seule le voyait, ainsi que son
son lugubre et prophétique ; souvent les om- cheva!, qu'il laissait à la porte.
bres des aïeux du guerrier en pinçaient les La mère de Jeanne avait é'é brûlée comme
cordes. Les bardes alors commençaient un sorcière. Elle, qui du reste avait commis
chant de mort, sans lequel aucun guerrier d'autres crimes, fut également brûlée, à l'âge
n'était adtnis dans le palais de nuages, et de cinquante ans, le dernier jour d'avril de
dont l'elTet était si salutaire que les laiitômes l'année 1578 (3). Voy. Sorciers.
retournaient dans leur demeure pour y re- HAIIVIS. C'est le nom qu'on donne aux
cevoir avec cmpressemenl et revêtir de ses sorciers de l'Egypte moderne.
armes fantastiques le héros décédé. « De tout temps, dit M. Théodore Pavie,
HARPPE. Thomas Bartholin, qui écrivait l'Egypte a eu des sorciers. Les devins (|ui
au dix-septième siècle, raconte, après une luttèrent contre Moïse firent tant de prodiges,
ancienne magicienne nommée Landela, dont qu'il fallut au législateur des Hébreux la
l'ouvrage n'a jamais été imprimé, un trait puissance invincible dont Jéhov.ih l'av.iit
qui doit être du treizième siècle ou du qua- doué, pour triompher de ses ennemis. La ca-
torzième. balistique, la m;igie, les sciences occultes,
Unhommedu nord, qui se nommait Harppe, importées par les Arabes en Espagne, puis
étant à l'article de la mort, ordonna à sa dans toute l'Europe, où déjà elles avaient
femme de le faire enterrer tout debout devant paru sous d'autres formes à la suite des bar-
la porte de sa cuisine, afin qu'il ne perdit p is bares venus d'Orient par le Nord, n'étaient
tout à fait l'odeur des ragoûts qui lui étaient que des tentatives pour retrouver ces pou-
chers, et qu'il pût voir à son aise ce qui se voirs surnaturels, premier apan;ige de l'hom-
passerait dans sa maison. me, alors qu'il commandait aux choses de
La veuve exécuta docilement et fidèlement la création en les appelant du nom que la
ce que son mari lut avait commandé. voix de l'Elernel leur avait imposé.
Quelques semaines après la mort de « Désormais, soit que les lumières de la
Harppe, on le vit souvent apparaître, sous vérité, plus répandues, rendent moins fa-
la forme d'un fantôme hideux, qui tuait les ciles les expériences des sorciers dégénérés,
ouvriers et molestait tellement les voisins, soit que l'honime en avançant dans les siècles
que personne n'osait plus demeurer dans le perde peu à peu ce reste d'empire sur la ma-
village. Un paysan, nommé OlausPa, fut as- tière, qu'il cherche aujourd'hui à dompter
sez hardi pour attaquer ce vampire, car c'en par l'analyse des lois auxquelles elle obéit,
était un ; il lui porta un grand coup de lance, toujours est-il que la magie est une science
et laissa la lance dans la plaie. I^c spectre perdue ou considérée comme telle.
disparut. « L'Egypte cependant prétend en avoir
Le lendemain, Olaus fit ouvrir le tombeau conservé la tradition ; et les devins du Caire
du mort; il trouva sa lance dans le corps de jouissent encore, sur les bords du Nil, d'une
Harppe, au même endroit où il avait frappé réputation colossale. 11 ne s'agit pas pour eux
le fantôme. Le cadavre n'était pascorrom[)u; précisémenlde jeter des sorts, de prédire des
on le tira de terre; on le brûla, on jeta ses malheurs; ils n'ont pas la seconde vue du Ty-
cendres à la mer, et on fut délivré de ses fu- rol ou do l'Ecosse; leur science consiste à
nestes apparitions (2). évoquer, dans le creux delà main d'un en-
« Le corps de Harppe, dit ici Dom Calmct fml pris au hasard, telle personne éloignée
(si l'on admet la vérité de ce fait), était donc dont le nom est prononcé dans l'assemb.ée,
réellement sorti de terre lorsqu'il apparais- et de la faire dépeindre par ce même enfant,
sait. Ce corps devait être palpable et vulné- sans qu'il l'ait jamais vue, sous des traits
rable, puisqu'on trouva la lance dans la impossibles à méconnaître.
plaie. Comment sortit-il de son tombeau, et « Le plus célèbre des harvis a eu l'honneur
comment y rentra-t-il? C'est la dilficuUé ; de travailler devant plusieurs voyageurs eu-
car qu'un ait trouvé la lance et la bles- ropéens, dont les écrits ont été lus avec avi-
sure sur son corps, cela ne doit pas sur- dité, et il a généralement assez bien réussi
prendre, puisqu'on assure que les sorciers, pour que sa gloire n'ait eu rien à souffrir do
qui se métamorphosent en chiens, en loups- ces rencontres périlleuses. Voir cet homme,
garous, en chats, etc., portent dans leurs assister à une séance de magie, juger par
corps humains les blessures qu'ils ont reçues mes propres yeux de l'état de la sorcellerie
aux mêmes parties des corps dont ils se sont en Orient, trois choses qui me tentaient vio-
revêtus, et dans lesquels ils apparaissent. » lemment l'occasion s'en présenta.
:

Le plus croyable sur cette histoire peu avé- « au Caire, dans une des hôtelleries
C'était
rée est probablement que c'est un conte. de celte capitale de l'Egyple. A la suile do
Voy. Vampires. quelques discussions qui s'étaient élevées
HARVILLIEKS (Jeanne), sorcière des en- entre nous au sujet du grand harvi, il fui
1 )Tradilions populaires. Quartely Uevicw. cap 2.
2t liarlhuliui, de Causa coulemplui luortU, etc., lib II, (3J Hùtoirc de la maille co Fraoce, d. 133.
7

»m IIAR riAH «Oi>

unaiiimcmciil résolu do le faire ajipeîor. La « — On dirait que ce négrillon a vu quel-


lable ilail presque toute composée (l'Anglais. quefois les portraits de Lawrence, dit le
«Vers la fin du dîner, le sorcier arriv.i. maître de l'esclave à son voisin il a deviné ;

Il entre, fait un léger signe de tôle, et va juste, et pourtant jamais rien de semblable
s'asseoir au coin du divan, dans le fond du ne s'est présenté à ses yeux.
salon. Bientôt, après avoir acceplé le calé « — Et puis, reprit l'enfant après quelques
<'t la pipe, comme chose due ? son impor- S( condes, car il parlait lentement et par mots

tance, il se recueille, toutenparcourantl'as- entrecoupés, cette belle dame a Crois jambes!


semblée d'un regard scrutaleur. Le devin est « L'effort que fit le harvi pour ne pas ané-
né à Alger; sa physionomie n'a rien do gra- antir le négrillon d'un coup de poing se tra-
cieux, son œil est perçant et peu ouvert; sa hit par un sourire forcé. Il lui répéta avec
barbe grisonnante laisse voir une bouche pe- une douceur contrainte, une grâce pleine do
tite, à lèvres minces et serrées; ses trails, rage —
Slioicf la' ib! regarde bien
: I

plus fins que ceux d'un Egyptien, n'ont pas « L'enfant tremblait; toutefois il affirma
non plus le calme impassible et sauvage du que le personnage évoqué dans le creux de
Bédouin il est grand, fier, dédaigneux, et
;
sa main avait trois jambes.
se pose en homme supérieur. « Aucun de nous ne put se rendre compte
« Tandis que nous achevions de fumer, ce- de l'illusion mais on fit retirer le petit nègre,
;

lui-ci son chibouk, celui-là son narguilé, le qui fut remplacé par un autre en tout sem-
liarvi, immobile dans son coin, cherchait à blable. Durant celle interruption, le sorcier
lire sur nos visages le degré de croyance que avait marmotté bon nombre de phrases ma-
nous étions disposés à lui accorder; puis tout giques etbrûlé force papiers. L'assemblée fu-
à coup il tira de sa poche un calam (sorte de mait, le café circulait sans cesse: l'anima^
plume) et de l'encre, demanda un réchaud, tion allait croissant. On convint d'évoquer
l'I se mit à écrire ligne à ligne, sur un long celte fois sir F. S.... , facile à reconnaître,
morceau de papier,demystérieuses sentences. puisqu'il a perdu un bras. Le nouveau né-
Dès qu'il eut jeté dans le feu quelques-unes grillon prit la place du premier, abaissa de
de ces lignes, déchirées successivement, le même sa léte sur la goutte d'encre, et l'on
charme commençant à opérer, un enfant fut fit silence.

introduit. C'était un Nubien de sept à huit « —


Sir F. S.... ! dit une voix dans l'assem-
ans, esclave au service de l'un de nos con- blée, et l'enfant répéta, syllabe par syllabe,
vives, récemment arrivé de son pays, noir ce nom tout à fait barbare pour lui. Ainsi
comme l'encre du harvi, et alTublé du plus que son prédécesseur, il déclara voir des
ample costume turc. Le sorcier prit la main chevaux, des chameaux, des bannières et des
de l'enfant, y laissa tomber une goutte du li- troupes de musiciens c'est le prélude ordi-
:

quide magique, retendit avec sa plume de naire, le chaos qui se débrouille avant que
roseau, et abaissant la tète du patient sur la lumière magique de la goutte d'encre
ses doigts, de manière à ce qu'il ne pût rien éclaire le personnage demandé.
voir, il le plaça dans un coin de l'apparte- « —
Le harvi ne comprend ni le français,
nienl, près de lui. le dos tourné à l'assemblée. ni l'anglais, ni l'italien ; mais, habitué à lire
« Lady K...1 s'écria le plus impétueux des dans Us regards du public, il devina qu'on
spectateurs. —
Et l'enfant, après avoir hésité lui proposait un sujet marqué par quelque
quelques instants, prit la parole d'une voix signe particulier. Jadis on lui avait demandé
faible. —
Que vois-tu? lui demanda son maî- de faire paraître Nelson, à qui, comme cha-
tre, tandis que le harvi, de plus en plus sé- cun il manquait un bras
sait, et une jambe,
rieux, marmottait des vers magiques, tout et avait rencontré iu.>te, grâce à la célé-
il

en brûlant ses papiers , dont il tira une brité du héros. Cetie fuis, il eut vent de quel-
grande poignée de dessous sa robe. que tour de ce genre ; aussi, après bien des
« —
Je vois, répondit le petit Nubien; je réponses confuses, l'enfant s'écria :
vois des bannières, des mosquées, des clie- « —
Je vois un mor.sieurl c'est un chré-
vaux, des cavaliers, des musitiens, des cha- tien, il n'a pas de turban; son habit est
meaux... vert... Je ne vois qu'un bras

I

« Toutes choses qui n'ont rien à faire « A ces mots, nous échangeâmes un sou-
avec lady K... me dit tout bas un esprit fort. rire, comme des gens qui s'avouent vaincus :
« — ,

Shoufta' ib! Shoufta' ihl regarde bien I il fallait croire à la magie... Mais mon voisin

criait le spectateur qui voulait évoquer lady l'esprit fort, après avoir fait bouillonner
K... l'eau de son narguilé avec un bruit effroya-
« L'enfant se taisait, balbutiait ; puis il dé- ble, regarda le harvi. Je remarquai que
clara qu'il voyait une personne. notre pensée avait été mal interpréiée par le
* —
Est-ce une dame, un monsieur? devin, et qu'il chancelait dans son affirma-
n — Une damel tion, supposant que nous avions ri de pitié.
« — Le
harvi s'aperçut à nos regards qu'il Il dem'uida donc à l'enfant :

avait déjà converti à moitié les plus incré- « —


Tu ne vois qu'un bras? Et l'autre
dules. « L'enfant ne répondit pas, et il se fit un
« — Et comment est cette dame? grand silince. On entendit les petits papiers
« — Elle est
belle, reprit l'enfant, bien vê- s'enfl immer plus vivement sur le réchaud.
tue et bien blanche; elle a un bou(|uet à la « — L'autre bras, reprit le négrillon... jo
main; elle est près d'un balcon, et regarde le vois ce monsieur le met devant son dos,
:

un beau jardin. et il tient un gant de cette mainl... u


«M DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCl'LTES. SOS


Ainsi le harvi qui opéra devnnl M. Th. Pa- puis il déroula trois petits cornets de papier
vie ne fut pas heureux ounefulpasadroil (I). qui contenaient différents ingrédients, qu'il
M. Léon de Laborde avait clé plus favorisé; jeta en proportion calculée sur le feu. Il l'en-
car voici un fragment curieux qu'il a publié gagea de nouveau à chercher dans l'encre le
en 1833 dans la Revue des deux Mondes, et nflL't de ses yeux, à regarder bien attentive-
qu'on retrouve dans ses CommenCaires géo- ment, et à l'avertir dès qu'il verrait paraître
graphiques sur la Genèse. un soldat turc balayant une place.
« L Orient, cet antique pays, ce vieux ber- « L'enfant baissa la tête; les parfums pé-
ceau de tous les arts et de toutes les sciences, tillèrent au milieu des charbons: et le magi-
fut aussi et de tout temps le domaine du sa- cien, d'abord à voix basse, puis l'éli^vant da-
voir occulte et des secrets puissants qui frap- vantage, prononça une kyrielle de nîots dont
pent l'imagination des peuples. à peine quelques-uns arrivèrent distincte-
« J'étais établi au Caire depuis plusieurs
mois (1827), quand je fus averti un matin

ment à nos oreilles. Le silence était pro-
fond; l'enfant avait les yeux fixés sur sa
par lord Prudhoe qu'un Algérien (2), sorcier main ; la fumée s'éleva en larges Hocons, ré-
de son métier, devait venir chez lui pour lui pandant une odeur forte et aromatique. Ach-
montrer un tour de magie qu'on disait ex- meJ, impassible, semblait vouloir stimuler
traordinaire. Bien que j'eusse alors peu de de sa voix, qui de douce devenait saccadée,
confiance dans la magie orientale, j'acceptai une apparition trop tardive, quand tout à
l'invitation c'était d'ailleurs une occasion
;
coup, jetant sa tête en arrière, poussant des
de me trouver en compagnie fort agréable. cris et pleurant amèrement, l'enfiinl nous dit,
Lord Prudhoe me reçut avec sa bonté ordi- à travers les sanglots qui le suffoquaient,
naire et celle humeur enjouée qu'il avait su qu'il ne voulait plus regarder, qu'il avait vu
conserver au milieu de ses connaissances si une figure afl'reuse; il semblait terrifié. L'Al-
variées et de ses recherches assidues dans gérien n'en parut point étonné, il dit simple-
les contrées les plus difficiles à parcourir. ment : —
Cet enfant a eu peur, laissez-le;
I Un homme grand beau, portant turban
et en le forçant, on pourrait lui frapper trop
vert el benisch de même couleur, entra c'é- :
vivement l'imagination.
tait l'Algérien. 11 laissa ses souliers sur le
bout du tapis, alla s'asseoir sur un divan et
On amena un petit arab&au service de la
maison qui n'avait jamais vu ni rencontré
et
nous salua tous, à tour de rôle,de la formule
le magicien peu intimidé de tout ce qui ve-
en usage en Egypte. Il avait une physionomie ;

nait de se passer, il se prêta gaiement aux


douceetaffable, unregard vif, perçant, jedlrai
préparatifs el fixa bientôt ses regards dans
même accablant, cl qu'il semblait éviter de le creux de sa main, sur le reflet de sa fi-
fixer, dirigeant ses yeux à droite et à gauche
gure, qu'on apercevait même de côté, vacil-
plutôt que sur la personne à laquelle il par-
lait; du reste, n'ayant rien de ces airs étran-
lant dans l'encre. — Les parfums recommen-
cèrent à s'élancer en fumée épaisse et les
ges qui dénotent des talents surnaturels cl ,

formules parlées en un chant monolime, se


le métier de magicien. Habillé comme les
renforçant et diminuant par intervalles,
écrivains ou les hommes de loi, il parlait
semblaient devoir soutenir son attention
fort simplement de toutes choses et même de
:

Le voilà, s'écria-t-il, et nous remarquâmes


sa science, sans emphase ni mystère, surtout
l'émotion soudaine avec laquelle il porta ses
de ses expériences, qu'il faisaitainsi en public
regards sur le centre des signes magiques.
et qui semblaient à ses yeux plutôt un jeu, à
côté de ses autres secrets qu'il ne faisait — Gomment habillé est-il ?

qu'indiquer dans la conversation. On lui ap- — a une veste rouge brodée d'argent, un
Il

porta la pipe el le café, et pendant qu'il par- turban et des pistolets à sa ceinture.
lait, on fit venir deux enfants sur lesquels il —Que fait-il?
devait opérer. — 11 balaie une place devant une grande
« Le spectacle alors commença. Toute la lente riche et belle ; elle est rayée de rouge
société se rangea en cercle autour de l'Algé- et de vert avec des boules d'or en haut.
rien, qui fit asseoir un des enfants près de —
Regarde qui vient à présent?
lui, lui prit la main et sembla le regarder —C'est le sultan suivi de tout son monde.
attentivement. Cet enfant, fils d'un Euro- Oh! que c'est beau !...
péen, était âgé de onze ans et parlait facile- «El l'enfant regardait à droileetà gauche,
ment l'arabe. Achmed, voyant sou inquiétude comme dans verres d'une optique dont on
les
au munieiil où il tirait de son écritoire sa cherche à étendre l'espace.
plume de jonc, lui dit —
N'aie pas peur,
: — Comment est son cheval?
enfant, je vais l'écrire quelques mots dans la — Blanc,avec des plumes sur la tôle.
main, tu y regarderas el voilà tout. —Elle sultan?
L'enfant se remit de sa frayeur, et l'Algé- —Il a une barbe.noire, un benisch vert.
rien lui traça dans la main un carré, entre- Ensuite l'Algérien nous dit Maintenant, :

mêlé bizarrement de lettres et de chiffres, messieurs, nommez la peisonne que vous


versa au milieu une encre épaisse et lui dit désirez faire paraître; ayez soin seulement
de chercher le rollet de son visage. L'enfant de bien articulcrles noms, afin qu'il ne puisse
répondit qu'il le voyait. Le magicien demanda pas y avoir d'erreur.
un réchaud qui fut apporté sur-le-champ; « Nous nous regardâmes tous et comme ,

(1) L'extrait qu'on vient de lire de H. Titéodore l'avie (2) Ce n'était pas celui qui- vil plus lard M. Pavie.
a TU le juur en 1839.
809 IIAR IIAR 8<0

toujours dans ce momoot personne ne re- n'avaient point une direction fixe, son front
trouva un nom dans sa mcmoire. était couvert de sueur; tout son être semblait
« — Shakspeare, dil enfin le major Félix, violemment attaqué. Cependant il se remit
conipaprudu (le voyage d<! lord Priidhoe. peu à peu, devint gai, content de ce qu'il
« —
Ord(^nncz au soldat d'amener Shaks- avait vu ; il se plaisait à le raconter, à en
|ienre, dit l'AlRérien. rappeler toutes les circonstances, et y ajou-
« —
Amène Sliakspearel cria l'enfant d'une tai! des détails comme à un événement qui
voix de maître. se serait réellement passé sous ses yeux.
« —
Le voilà » ajoula-t il après le temps
! « Mon éioniicment avait surpassé mon
nécessaire pour écouler quel(jues-unes des attente; mais j'y joignais une appréhension
formules in in tell igi blés du sorcier. Notre élon- plus grande encore je craignais une niysti-
:

nenienl serait difllcile à décrire, aussi bien fnalion et je résolus d'examiner par moi-
que la fixité de notre attenlioa aux réponses même ce qui, dans ces apparitions en appa-
de l'enfant. rence si réelles et certainement si faciles à
« — Cotnment est-il ? obtenir, appartenait au métier de charlatan,
« — porte un benisch
11 noir; il est tout et te qui pouvait résulter d'une inllucnce
liubillé de noir, il a une barbe. wiar/w^/i(/(je quelconque. Je me retirai dans le
« —
lisl-ce lui? nous demanda le magicien fond de la chambre et j'appelai Bcllier, mon
d'un air fort naturel, vous pouvez d'ailleurs drogman.Je lui dis deprendie à part Achmed
vous informer de sou pays, de son âge. et de lui demander si pour une somme d'ar-
« — Eh bien où 1 est-il né?dis-jo. gent, qu'il fixerait, il voulait me dévoiler
« — Dans un pays tout entouré d'eau. son secret; à la condition, bien entendu, que
« Celte réponse nous étonna encore da- je m'engagerais à le tenir caché de son vi-
vantage. vant. —
Le spectacle terminé, Achmed, tout
« — Faites
venir Cradock ajouta lord , en fumant, s'était nùs à causer avec quel-
Prudhoe, avec cette impatience d'un homme ques-uns des spectateurs encore surpris,

qui craint de se fier trop facilement à une de son talent; puis après il partit. J'étais à
supercherie. peine seul av<'C Bellier, que je m'informai
— Le Caouas (soldat turc) l'amena. de la réponse qu'il avait obtenue. Aclimed lui
« — Comment est-il habillé? avait dit qu'il consentait à m'apprendre sou
« — a un habit
Il rouge, sur sa tête un secret.
grand tarbousch noir, et quelles drôles de « Le lendemain nous arrivâmes à la gran-
boites je n'en ai jamais vu de pareilles
! : de mosquée El-Ahzar, près de laquelle de-
elles sont noires et lui viennent par-dessus meurait Achmed l'Algérien. Le magicien
les jambes. nous reçut poliment et avec une gaîlé affa-
« Toutes ces réponses dont on retrouvait ble ; un enfant jouait près de lui c'était son :

la vérité sous un embarras naturel d'expres- fils. Peu d'instants apiès, un petit noir dune
sions qu'il aurait é!é impossible de feindre, bizarre tournure nous apporta les pipes.
étaient d'autant plus extraordinaires qu'elles « La conversation s'engagea. Achmed nous
indiquaient d'une manière évidente que l'en- apprit qu'il tenait sa science de deux cheicks
fant avait sous les yeux des choses entière- célèbres de son pays, et ajouta qu'il ne nous
ment neuves pour lui. Ainsi, Shakpeare avait montré que bien peu de ce qu'il pou-
avait le pclil manteau noir de l'époque, qu'on vait faire.
appelait benisch, et tout le costume de cou- « — endormirquelqu'un sur-
Je puis, dit-il,
leur noir qui ne pouvait se rapporter qu'à le-champ, le faire tomber, rouler, entrer en
un Européen, puis(]ue le noir ne se porte rage, et au milieu de ses accès le forcer de
pas en Orient, et en y ajoutant une barbe répondre à nies demandes et de me dévoiler
que les Européens ne portent pas avec le tous les secrets. Quand je veux aussi, je fais
costume franc, c'était une nouveauté aux asseoir la personne sur un tabouret isolé,
yeux de l'enfant. Le lieu de sa naissance, et, tournant autour avec des gestes particu-
expliqué par un pays tout entouré d'eau, est liers, je l'endors inmiédiatement ; mais elle
à lui seul surprenant. Quant à l'apparition reste les yeux ouverts, parle et gesticule
de M. Cradock, qui était alors en mission di- comme dans l'état de veille.
plomali(|ue près du pacha, elle est encore « Nous réglâmes nos conditions ; il de-
plus singulière; car le grand tarbousch noir, manda quarante piastres d'E<pagne et le ser-
(jui est le chapeau militaire à trois cornes, ment sur le Koran de ne révéler ce secret à
et ces bottes noires qui se portent par-des- personne. La somme fut réduite à trente
sus la culotte, él.'iientdes choses ([ue l'enfant piastres; et le serment fait ou plutôt chanle,
avouait n'avoir jamais vues auparavant; et il lit monter son petit garçon cl prépara,
pourtatil elles lui apparaissaient. pendant que nous fumions, tous les ingré-
« Nous fîmes encore apparaître plusieurs dients nécessaires à son opération. Après
personnes; et chaque réponse, au milieu de avoir coupé dans un grand rouleau un petit
son irrégiilaiilé, nous laissait toujours une morceau de papier, il traça dessus les signes
profonde impression. Enfin le magicien nous à dessiner dans la main et les lettres qui y
avertit que l'enfant se fatiguait; il lui releva ont rapport; puis, après un moment d'hésita-
la léle, en lui appliiiuant ses pouces sur les tion, il me le donna.
yeux et en prononçant des paroles mysté- « J'écrivis la prière que voici sous sa dic-
rieuses; puis il le laissa. tée : « Anzilou-Aiouh.i-el-Djenni-Aioiiha-el-
« L'enfint était eomme ivre ses yeux : Djeuiioun-Anzilou-Betakki-Matalalioutou"
DlCTIiNS DES SC1E>CES OCCULTES. I. 26
élt nicTioNNAinh: des sciencks occulter. Sl-Î

lioii-AIcikoum-Tariiki . Anzilou, Taritki.» les roues de la loîerie, dans l'oidre des car-
— Los liois parfums sont : « Takoh Mabaclii, tes, dans la chute des dés daeis un tour de
— Aiiib;ir-Iiuli. — Kousonibra-Djaou. » roulette ne soupirent qu'après le hasard.
,
,

• L'Algérien opéra sur son enfant devant Qu'est-ce donc (pie le hasarci? Un événciiient
moi Go petit garçon en avait une telle liabi- fortuit amené par l'occasion ou par des cau-
tiide qno les apparitions se succédaient sans ses qu'on n'a p.is su prévoir, heureux pour
difficulté. Il nous raconta des cboses fort ex- les uns, malhe'jreux pour les antres. Un —
traordinaires, et dans lesquelles on remar- Allemand sautant en la ville d'Agcn sur le
quait une originalité qui ôlait toute crainte gravier, l'an 1597, au saut de l'Allemand,
de super( horie. mourut tout roiile au troisième saut. Admi-
« J'opérai le lendemain devant Achmed rez le hasard, la bizarrerie et la rencontre'
avec beaucoup de succès, et avec toute lé- du nom, du saut et du sauteur, dit gravement
molion que peut donner le pouvoir élrangc Delancrc Un Allemand saute au saut de l'Ai
:

qu'il venait de me communiquer. A Alexan- Icmand, et la mort, au troisième saut, lui fait
drie je fis de nouvelles expériences, pensant faire le saut de la mort... On voit qu'au sei-
bien qu'à celle distance je ne pourrais avoir zième siècle même, on trouvait aussi des ha-
de doute sur l'absence d'intelligence entre le sards merveilleux dans des jeux de mots.
magicien et les enfants que j'employais, et, HATTON II , surnommé Bonose, usurpa-
pour en être encore plus sûr, je les allai cher- teur du siège archiépiscopal de Mayence, qui
cher dans les quartiers L's plus recules ou vécut en 107i. 11 avait refusé de nourrir les
sur les roules, au moment où ils arrivaient pauvres dans un temps de famine, et avait
de la campagne. J'obtins des révélations sur- uiëme fait brûler une grange pleine de gens
prenantes , qui toutes avaient un caractère qui lui demandaient du pain : il péril misé-
d'originalilé encore plus extraordinaire que rablement. On rapporte que cet intrus, étant
l'eût élé celui d'une vérité abstraite. Une (bis tombé malade dans une tour qui est située
entre autres, je fis apparaître lord Prudhoe, en une petite île sur les bords du Uliin, y
qui était au C.iire, et l'enfant, dans la des- avait été visité de tant de rats, (ju'il fuT im-
cription de son costume, se mit à dire : — possible de les chasser. Il Si- fit transpoiier
Tiens, c'est fort drôle, il a un sabre d'argent. ailleurs, dans l'espoir d'eu être délivré, miiis
« Or, lord Prudhoe était le seul peut-être les rats s'étant multipliés passèrent à la ,

en Egypte qui portât un sabre avec un four- nage, le joignirent et le dévorèrent.


reau de ce métal. Poppiel II, roi de Pologne, souillé d cri- •

« De retour au Caire, je sus qu'on parlait mes, fut pareillement dévoré par les rats.
déjà de ma science, et un matin, à mon grand IIAUSSY (jMarie de), sorcière du seizième
éionnement, les domestiques de M. Msarra, siècle, qu'une autre sorcière déclara dans sa
drogman du consulat de France, vinrent chi z confession avoir vue danser au sabbat avec
moi pour me prier de leur faire retrouver un un sorcier de la paroisse de Faks, lequel ado-
manteau qui avait été volé à l'un d'eux. Je rait le diable (1).
ne commençai cette opération cju'avec une HÉCATE, diablesse qui préside aux rues
certaine crainte. J'étais aussi inquiet des ré- et aux carrefours. Elle est chargée, aux en-
ponses de l'enfant que les Arabes qui atten- fers, de la police des chemins et de la voie
daient le recouvrement de leur bien. Pour publique. Elle a lr.)is visages : le droil de
comble de malheur, le caouas ne voulait pas cheva^, le gauche de chien, le mitoyen de
paraître , malgré force parfums que je pré- femme. Delrio dit : « Sa présence fait trem-
cipitais dans le feu, el les violentes aspira- bler la terre, éclater les feux, et aboyer les
tions de mes invocations aux génies les plus chiens. »
favorables ; enfin il arriva, et après les pré- Hécate, chez les anciens, élail aussi la tri-
liminaires nécessaires, nous évoquâmes le ple Hécalc : Diane; sur la terre, Proserpine
voleur. Il parut. aux enfers, la Lune dans le ciel. Ce sont, au
« 11 fallait voir les léles tendues, les bou- dire des astronomes , les trois phases de la
ches ouvertes, les yeux fixes de mes specta- lune.
teurs, attendant la réponse de l'oracle, qui HÉCLA. Les Islandais prétendaient autre-
en effet nous donna une description de sa fi- fois que l'enfer éait dans leur île, et le pla-
gure, de son turban, de sa barbe : C'est — çaient dans le gouffre du mont Hécla. Ils
Ibrahim, oui, c'est lui, bien sûr ! s'écria- — croyaient aussi que le bruit produit par les
l-on de tous côtés ; et je vis que je n'avais glaces, quand elles se choquent el s'amon-
plus qu'à appuyer mes pouces sur les yeux cellent sur leurs rivages, vient des cris des
de mon patient ; car ils m'avaient tous quille da unes tourmentés par un froid excessif, el
pour courir après Ibrahim. Je souhaite qu'il qu'il y a des âmes condamnées à geler élcr-
ait élécoupabic; car j'ai entendu vaguement nellcment, comme il y en a ({ui brûlent dans
parler de quelques coups de bâton qu'il re- des feux élernels.
çut à celle occasion. » Cardan dit que cette montagne est célèbre
HASAUD. Le hasard, que les anciens ap- par l'apparition des spectres et des esprits,
pelaient la Fortune, a toujours eu un culte il pense av( c Leloyer (2j que c'est dans celle
étendu, quoiqu'il ne soit rien par lui-même. montagne d'Hécla (]ue les âmes des sarciers
Les joueurs, les guerriers, les coureurs d'a- foul punies après leur iiiorl. V*>y. Hauoi.d.
ventures, ceux qui cherchent la fortune dans HECDEKLN. En l'année liaO, un démon
(l) bulancrc, 'J'abic.iu Uu l'iiicoiislaiicc des démons, p. (i) llisloiie des s;icclrcs, p. bl'X
Ui.
IM5 Il KL II FX 814

que les S.ixnns appelaient Ilecilckiii. ou îlo- répand au loin la peste et laisse tomber tous
«Icken, c'est-à-dire Vespiit au bonnet, à c.iuse les fléaux de ses terribles mains en voya-
(lu bonnet dont il était coiffé, vint passiT geant, la nnil, cheval à trois pied; de
sur le
«luelqtK's mois dans la ville (rilildesheiin, en l'enfer (Helhesl). et les loups de la
lléia
Basse-S.ixe. L'évèque d'Hihlesheiiu eu éiail guerre ont longlem[)s exercé leur empire eu
aussi le souverain. Kn raison de ces di'ux Normandie. Cependant, lorsque les liommti
titres, le démon crut devoir s'atlaclii'r à sa dit Nord de Hastings devinrent les Normands
maison. Il se posta donc dans le palais e! s'y de Rollon, ils semblent avoir perdu le souve-
(il bientôt connaître avautageusemeni, soit nir do leurs vieilles superstitions aussi rapi-
en se montrant avec eomplaisance à ceux (]iii dement que celui de leur langue maternelle.
avaient besoin do lui, suit en disparaissant D'Héla naquit Hellequin, nom dans lequel
avec prudence lorsqu'il devenait importun, il c-ît facile de reconnaître Hcla-Kïon, la race

soit en faisant des cboscs remarquables et d'Héla déguisée sous l'orlhographe romaine.
difflciles. —
Il donnait de bons conseils dans Ce fut le fils d'Héla que Uichard sans Peur,
les affaires diplomatiques, portait de leau à la fils de Robert le Diable, duc da Normandie,
cuisine et servait les cui^iniers.La cliosc s'est rencontra chassant dans la forêt. Le roman
passée dans le douzièinc s ècle les mœurs : raconte qu'Hellequin était un cavalier qui
étaient alors plus simples qn'aujourd'bui. avait dépensé toute sa fortune dans les guer-
Il fréquentait donc la cuisine et le salon res de Charles Martel contre les Sarrasins
;

et les marmitons, le voyant de jour en jour païens. La guerre finie, Hellequin et ses fils,
plus familier, se divertissaient en sa compa- n'ayant plus de quoi soutinir leur rang, s(!
gnie. —Mais un soir, un d'eux se porta r.on- jetèrent dans de mauvaises voies. Devenus de
tre lui auxinjures , quelques-uns disent vrais bandits, ils n'épargnaient rien; leurs
même aux voies de fait. Le démon en cidère victimes ileinandèrent vengeance au ciel, et
s'alla plaindre au maître d'hôtel, de qui il ne leurs cri-> furent entendus. HcUeiiuin tomba
reçut aucune sali -fac' ion ; alors il crut pou- maladj et mourut; ses péchés l'avaient mis
voir si; vengor. 11 étouffa le marmiton, en en danger de damnation éternelle heureu- :

assomma quelques autres, rossa le maître sement ses mérites, comme champion de la
d'iiôlel, et sortit de la maison pour n'y i)lus foi contre les païens, lui servirent. Son bon
reparaître (1). ange plaida pour lui, et obtint qu'en expia-
HÉKODIADE. On dit en Catalogne que la tion de ses derniers crimes, la famille d'Hel-
danseuse homicide d'Hérode, l'inlâme Héro- lequin errerait après sa mort, gémissante et
diado, ayant longtemps couru le inonde, malheureuse, tantôt dans une forêt, tantôt
se noya dans le Ségré, fleuve qui passe à Lc- dans une autre, n'ayant d'autres distractions
riila, et cause de temps en temps des dévas- que la chasse au sanglier, mais souvent
tations. Les bonnes femmes ajoutent qu'Hé- poursuivie elle-môine par une meule d'enfer;
rode y est enseveli avec elle. punition (|ui durera jusqu'au jugement der-
D'autres traditions noient Hérodiade dans nier.
un lac glacé sur lequel elle dansait; ce qu'elle HÉLÈNE, reine des Adiabénites
, dont le
n'avait cessé de taire depuis son affreuse lo iibeau se voyait à Jérusalem, non sans ar-
aventure. La glace se creva sous ses pieds, tifice, car on ne pouvait l'ouvrir cl le fermer
et, se refermant pendant qu'elle s'enfonçait,
qu'à certain jour de l'année. Si on l'essayait
lui trancha la tête. Ce lac est en Suisse et ,
dans un autre temps, tout était rompu (k).
cette tête danse toujours. Mais peu de gens
la peuvent voir.
HÉLÉNÉION, plante que Pline fait naîiro
des larmes d'Hélène auprès du chêne où elle
HÉHUGASTE, sylphide qui se familiari-
fut pendue, et (]ui avait la vertu d'embellir
sait avec l'empereur Auguste. Les cabalistos
les femmes et de rendre gais ceux qui eu
disent qu'Ovide fut relégué à Tomes pour
niellaient dans leur vin.
avoir surpris Auguste en Icle à tête avec elle;
que la sylphide fut si piiiuée de ce que ce HELGAFELL, montagne et canton d'Is-
prince n'avait pas donné d'assez bous ordres lanile, qui a joui longtemiis d'une grande ré-
I pour qu'on ne la vît point, qu'elle l'aban- putation dans l'esprit des Islandais. Lorsque
lioniia pour toujours ^ri). des parlics plaidaient sur des objets dou-
HÉXACONTALITHÔS. Pierre qui en ren- teux, et qu'elles ne pouvaient s'accorder,
ferme soixante autres diverses, que les Tro- elles s'en allaient à Helgafell pour y prendre
glodytes offraient au diabledans leurs sorcel- conseil; on s'imaginait que tout ce (]ui s'y
leries (3).
décidait devait avoir une pleine réussite.
HÉLA, reine des trépassés chez les an- Certaines familles avaient aussi la persua-
ciens Germains. Son gosier toujours ouvert sion qu'après leur mort elles devaient reve-
ne se remplissait jamais. Elle avait le même nir habiter ce canton. La montagne passait
nom ()ue l'enl'er. Vt)y. Angerbudk. pour un lieu saint. Personne n'osait la re-
La mythologie Scandinave donne le pou- garder qu'il ne se fût lavé le visage et les
voir de la mon à lîéla, (jui gouverne les neuf mains.
mondes de Nilleheiin. Ce nom signifie mys- IIELIAS. « .\pparilion admirable cl pro-
tère, sccrel, abîme. Selon la croyaiue popu- digieuse arrivée à JeanHélias, le premier
laire des paysans de l'aniique Cimbrie, Héla jour de l'an 1623, au faubourg Saint-Germain
Trillièine, Clironiquiî irUirsauge. p. 18.
2) Letlrcs cjl>ali!>liiiuc's, l. 1", p. Ul.
il) (i) Leloycr , Hist. des spectres et apparitions des es-
5J DebiKTi', 'l'ublcau Je l'iii'.ouslance des démons, etc., prits, p. al.
Rir, DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCdULTKS SIS
fi Paris. » —
C'csl un gentilhomme qui HELLEQUIN. -
Voy. Héla.
ion le (1) : HENOCH. Los rabbins croient qu'Hénoch,
Liant allé le dimanche, premier jour de transporté au ciel, fut reçu au nombre des
l'année 1()2.'{, sur les qualre heures après anges, et que c'est lui qui est connu sous la
midi, à Noire-Dame, pour parler à M. le nom de Métralon et de Michel, l'un des pre-
crand-pénilencier sur la conversion de Jean miers princes du ciel, lequel lient registre des
Hélias, mon laquais, ayant décidé d'une heure mérites et des péchés des Israélites. l!s ajou-
pour le faire instruire, parco qu'il quittait tent qu'il eut Dieu el Adam pour miiîtres.
son hérésie pour embrasser la vraie religion, S.tint Jude, dans son Epîire, parlant de
je m'en fus passer le reste du jour chez M. de plusieurs chrétiens mal convertis dit : ,

Sainle-Foy, docteur en Sorbonne, et me re- « Cestd'eux qu'Hénoch, qui a été le septième


tirai sur les six heures. Lorsque je rentrai, depuis Adam, a prophétisé en ces termes :

j'api>t!lai mon laquais avant de monter dans Voilà le Seigneur qui va venir avec la mul-
ma ciiambre; il ne me répondit point. Je de- titude de ses saints pour exercer son juge-
mand li s'il n'était pas à l'écurie; on ne m'en ment sur tous les hommes, et pour convain-
sut rien dire. Je montai, éclairé d'une ser- cre tous les impies. » Ces paroles de Saint
vante, je trouvai les deux portes fermées, les Jude ont donné lieu de forger, dans lo
clefs sur les serrures. En entrant dans la pre- deuxième siècle, un prétendu Livre d'Hé-
mière chambre , j'appelai encore mon la- noclt, rempli de visions et de fables touchant
quais, qui ne ré|)ondil point ; je le trouvai à la chute des anges (.2). Voy. Edris.
demi couché auprès du feu, la tête appuyée HENRI in. Fils de Catherine de Médicis; il
contre la muraille, les yeux et la bouche ou- était infatué des superstitions de sa mère. Ses
verts; je crus qu'il avaitdu vin dans la tête; contemporains le représentent comme sor-
et le poussant du pied, je lui dis Levez-vous, :
cier. Dans un des pamphlets qu'on répandit
ivrogne 1
contre lui, on lui reproche d'avoir tenu au
Lui, tournant les yeux sur moi Mon- : — Louvre des écoles de magie el d'avoir reçu, en
sieur, me dit-il, je suis perdu je suis mort; ; présent, des n»agiciens un esprit familier,
,

le diable tout à l'heure voulait m'emporter. nommé Terragon, du nombre des soixante
Il poursuivit qu étant entré dans la chambre, esprits nourris en l'école de Soliman. Celte
ayant fermé les portes sur lui et allumé le accusation de sorcellerie est, dit-on, ce qui
IV-ii, il s'assit auprès, lira son chapelet de sa mil le poignard dans les mains de Jacques
poche et vit tomber de la cheminée un gros Clément. Les ennemis de ce mauvais prince
charbon ardent entre les chene's. Aussitôt avaient lenlé auparavant de le faire mourir
(Ml lui dit : — Eh bien, vous voulez donc me en piquant ses images en cire, ce qui s'appt;-
quitter? lait envoûter.
Croyant d'abord que c'était moi qui par-
lais, il répondit Pardonnez-moi, mou-
: — Voici l'extrait d'un pamphlet intitulé : Les
sorcelleries de Henri de Valois, et les abla-
sieur, qui vous a dit cela?
— Je l'ai bien vu, dit le diable vous êtes ;
tions qu'il faisait au diable dans le bois de
Yincennes ( Didier-Millot, 158!) ), pamphlet
allé tantôt à l'église. Pourquoi voulez-vous
qui parut quelques mois avant l'assassinat
me quitter? je suis bon maître ; tenez, voilà de Henri IH.
de l'argent prenez-en tant qu'il vous plaira.
:

— Je n'en veux point, répondit Hélias. « Henri de Valois, d'Epernon, et les autres

Le diable, voyant qu'il refusait son argent, mignons, faisaient quasi publiquement pro-
voulut lui faire donner son chapelet. fession de sorcellerie, étant cumntune à la
Donnez-moi ces grains que vous avez dans cour entre iceux et plusieurs personnes dé-
la main, dit-il, ou bien jetez-les au feu. voyées de la sainte religion catholique; on
Mon laquais répondit Dieu ne com- : — a trouvé chez d'Epernon un coffre plein de
mande point cela je ne veux pas vous obéir. pajjiers de sorcellerie, auxquels il y avait
;

Alors le diable se montra à lui; et voyant divers mois hébreux, clialdaïques, lalins, et
qu'il était tout noir, Hélias lui dit Vous :
plusieurs caractères inconnus, des rondeaux
n'êtes pas mon maître; car il porte nue 0.1 cernes, desquels alentour il y avait di-
fraise blanche et du clinquant à ses habits. verses figures et écritures, même des miroirs,
Au même instant, il fit le signe de la croix onguents ou drogues, avec des verges blan-
et le diable incontinent disparut. ches, lesquelles semblaient être de coudrier,
HELIOGABALE,empireurdeUomc;il s'oc- que l'on a incontinenl brûlés pour l'horreur I
cupait de nécromancie, quoiqu'il méprisât qu'on en avait.
toute religion. Bodin assure qu'il allait au sab- « On a encore trouvé dernièrement au bois
bat et qu'il y adorait le diable. de Vincennes deux satyres d'argent, de la
IIELIOTUOPE. On donnait ce nom à une hauteur de quatre pieds, lis élaienl au-devant
pierre précieuse, verte et tachetée ou veinée d'une croix d'or, au milieu de laquelle on
de ronge, à laquelle les anciens ont attribué avait enchâssé du bois de la vraie croix de
un grand nombrede vertus fabuleuses, comme Noire-Seigneur Jésus-Christ. Les politiques
de rendre invisibles ceux qui la portaient. disent que c'étaient des chandeliers. Ce qui
L'héliotrope, plante qui suit, dit-on, le fail croire le contraire, c'eU que, dans ces
cours du soleil, a été aussi l'objet de plusieurs vases, il n'y avait point d'aiguille qui passât
contes populaires. pour y mettre un cierge ou une petite chan-
(I) fii'i-ueil de Disscrlations de Lenalel-Durresiiov, t. (i) Itergior, DutioniKilid lliéotogiiiuc.
li. p. laa.
»n IIEN IIKN 818

Ces monslres di.iboliqucs ont été vus


(Itilli!. ïlcivide Bourbon, il y a quator.7(! Irtires.
par messieurs de la ville. HICN'RI LE LION. Nous einpruulons sa
« Outre ces deux diahles. on a trouve une légende à Miisa-us, dont les contes populaires
peau d'enfant, I;i<]nol!e avait clé corroyée, et sont riches du tant de traditions merveilleu-
Bur ieelle y avait aussi plusieurs mots de ses.
sorcellerie et divers caractères » Pendant que la croisade de Fréiléric Bir-
Le fait est que les Valois s'occupaient de btTousse occupait le monde chrétien, il y eut
sciences occultes. Voy. ïerragon. grand bruit d ins toute l'Allemagne de l'a-
On fit l'anagranime du noui de Henri III. venture merveilkuse arrivée au duc Henri
— Henri île Valois, où l'on trouve Vilain Hé- de Rrunswick. —
Il s'était embarqué pour
rode. la Terre-Sainte. Une tempête le jeta sur la
HENRI ni, empereur d'Allemagne. Etant côte d'.vlrique. Echappé seul du uaufraa:e,
oncoie très-jeune, Henri HI obtint d'un clerc il trouva un asile dans l'antre d'un lion. L'a-

une petite canule d'argent avec laquelle les nimal, couché à terre, lui témoigna tant de
enfants s'amusent à jeter de l'eau. Pour l'en- douceur qu'il osa s'en approcher; il recon-
gager à lui faire ce modique présent, il avait nut que celte humeur hospitalière du redou-
promis à ce clerc que, dès qu'il serait uKinté table animal provenait de l'extrême douleur
sur le trône, il ne nian(]ucrait pas de le faire qu'il ressentait à la patte gauche de derrière;
évéquc. C'était à une éporjue où le Saint- il s'y était enfoncé une grosse épine, et la
Siège ne cessait de travailler à éteindre la douleur le faisait souffrira un tel point qu'il
Simonie, fréquente surtout en Allemagne. ne pouvait se lever et qu'il avait complète-
Henri devint empereur en 1139; il se souvint ment perdu l'appéiit. La première connais-
de sa parole et l'exécuta. Mais il ne tarda sance faite et la confiance réciproque établie,
guère à tomber dans une fâcheuse maladie; le duc remplit auprès du roi des animaux
il fut trois jours à l'extrémité sans aucun les fonctions de chirurgien; il lui arracha
sentiment. IJn faillie mouvement du pouls fit l'épine et lui pansa le pied (1).
juger seulement qu'il y avait encore quelque Le lion guérit. Recoîinaissant du service
hiour d'espérance de le ramener à la vie. Le que lui avait rendu son hôte, il le nourrit
prince recouvra en effet la santé. Aussitôt il abondamment de sa chasse, et le combla de
lit appeler ce prélat, qu'il avait fait si préci- touies les caresses qu'un chien a coutume de
pitamment évêque, et, de l'avis de son con- faire à sou maître.
seil, il le déposa. Afin de justifier un juge- C'était fort bien. Mais le duc no tarda pas
ment aussi bizarre, il assura que, pendant à se lasser de l'ordinaire du lion qui , av( c
,

les trois jours de sa léthargie, les dénmns se toute sa bonne volonté, ne lui servait pas la
servaient de cette même canule d'argent, qui venaison aussi bien apprêtée (jue le faisait
avait été le prix de l'évèché, pour lui souiller sou cuisinier. H désirait ardemment de re-
un feu si violent que notre feu élémentaire tourner dans sa résidence ; la maladie du
ne saurait lui être comparé. pays le tourmentait nuit et jour; mais il ne
Ce fait singulier est rapporté par Guillaume voyait aucun moyen de pouvoir jamais re-
de Malmesbury, historien du douzième siècle. gagner ses états.
HENRI IV, roi d'Angleterre, il poursuivit Le tentateur s'approcha alors du duc, que
les sorciers, mais il encouragea d'autres la tristesse accablait. 11 avait pris la forme
philosophes. Au rapport d'Evelyn, dans ses d'un petit homme noir. Henri d'abord crut
Niimismala, Henri IV fut réduit à un tel de- voir un orang-outang; mais c'était bien
gré de bcso:n par ses folles dépenses, qu'il Satan en personne qui lui rendait visite. —
chercha à remplir ses coffres avec les secours Duc Henri , lui dit-il , pourquoi te lamentes-»
de l'alchimie. L'enregistrement de ce singu- tu? Si tu veux prendre confiance en moi, je
lier projet contient les protestations les plus mettrai fin à les peines je te ramènerai près
,

solennelles et les plus sérieuses de l'existence de ton épouse. Aujourd'hui même, lu sou-
et des vertus de la pierre philosophale, avec peras à Brunswick, où l'on prépare ce soir
des eucouragemenls à ceux qui s'occuperont un grand festin ; car la duchesse, qui te croi*
do sa recherche, et leur affranchissement de mort , donne sa main à un nouvel époux.
toute espèce de contrariétés de la part des Celte nouvelle fut un coup de foudre pour
statuts et prohibitions antérieures. le duc : la fureur étincelait dans ses yeux,
On avait prédit à ce roi Henri IV qu'il son cœur était en proie au désespoir. H au-
mourrait à Jérusalem. Il se garda bien d'y rait pu songer que, depuis trois ans qu'on
aller. Mais il tomba malade subitement dans avait annoncé sou naufrage et sa mort, il
l'abbayo de Westminster et y mourut dans était bien permis à la duchesse de se croire
une chambre appelée Jérusalem.... veuve. H ne s'arrêta qu'à l'idée qu'il était
HENRI IV, roi de France. On fit une re- outragé.
cherche assez curieuse sur le nombre qua- — Si le ciel m'abandonne, pensa-t-il, je
torze relativement à Henri IV. Il naquit qua- prendrai conseil de l'onfer.
torze siècles, quatorze décades, et quatorze Il était daus une de ces situations dont le
ans après l'ère chrétienne. Il vint au moiule diable sait profiter. Sans perdre le tetnps eti
le li décembre et mourut le 14 mai. Il a vécu délibérations, il chaussa ses éperons, cei-
quatre fuis (juatorze ans, quatorze semaines, gnit son épée, cl s'écria : —En
roule, ca-
quatorze jours. Enfin , dans sou nom de marade.
••
(1) C'est ainsi (|iie oonimpiiç.i l';ivenuire d'Androclès , lion.
1J\ l»uiivj, comme li; duc de Itiuuswiijk, un a:iii daus suii
,

8I'.I MCTIONNAIRE OES SCIF.NCF.S OCCULTES. 8i0


A rinslaiil répliqua le démon mais
, ;
HEPATOSCOPIK ou HIEUOSCOPIK, divi-
(onvnions dos frais do Iransport. qui avait lieu j.ar l'inspection du foie
!i.ilioii


Demande co que lu voudras, dil le duc, d s victimes dans les sacrifices chez les Ro- ,

j(> le le donnerai , sur ma i)arole. mains.



lUi bienl il laul que Ion ânic ni'appar- ()uelques sorciers modernes cherchaient
lienne dans l'autre monde. aus'i l'avenir dans les cnirailles des ani-
. —
Soil répondil le duc, datninc par la
, maux. Ces animaux étaient ordinairement
lo'ère; cl il loucha la muin du petil homme ou un chat ou une taupe, ou un lézard, ou
,

noir. uiw chauve-souris, ou un crapaud, ou une


Le marché se trouva donc conclu entre les poule noire. Voy. Aruspices.
parties intéressées. Satan prit la forme d'un HÊ1\AH)E. Voy. Heiuiaphrodites.
griffon, saisit dans une de ses serres le duc HliKBAUlLLA. Autrefois, il y avait à la
Henri, dans l'autre, le fidèle lion, cl les place du lac de Grand-Lieu en Brclagne un ,

transporta, des rôles de la Libye, dans la vallon délici 'ux el fertile, qu'ombrageait la
ville (le Brunswick, où il les déposa sur la forêt de Vcrlave ou Vertou. Ce fut là que se
place du marché, au moment où le guet ve- réfugièrent les plus riches citoyens de Nan-
nait de crier Ihcure de minuit. Puis il dis- tes el qu'ils sauvèrent leurs trésors de la
,

parut. rapacité des légions de César. Ils y bâtirent


Le palais ducal et la ville entière étaient une cité qu'on nomma Herbaditla, à cause
illuminés; toutes les rues fourmillaient d'ha- delà beauté des prairies qui l'environnaient.
hitanls qui se livraient à une bruyante Le commerce centupla leurs richesses ; mais
{juîlé , et couraient au château , pour y voir en même temps le luxe charria jusqu'au
la fiancée , et pour cire spectateurs de la sein do leurs murs les vices des Romains. Ils
tlansu des flambeaux, qui devait terminer les provoquèrent le courroux du ciel. Un jour
fêles du jour. que saint Martin de Vertou, fitigué de ses
Le voyageur aérien, ne ressentant pas la courses apostoliques, se reposait prèi dUi'r-
moindre fatigue, se glissa à travers la fou'c, badilla à l'ombre d'un cliêne, une voix lui
,

sous le portail du palais , et accompagne de , cria Fidèle confesseur de la foi, éloigne toi
:

son lion tîdcle, il fit retentir ses éperons d'or de la cité pécheresse.
sur l'escalier, entra dans la salle du festin, Sailli Maili» s'éloigne , cl soudain jail-
tira son épée, et s'écria A moi ceux qui : — lissent, avec un bruit .ilTreux , des eaux jus-
sont fidèles au duc Henri! mort et malédic- qu'alors inaperçues, cl qui faisaient irrup-
tion aux traîtres. tion dune caverne profonde. Le vallon où
En môme temps, le lion rugit , secouant s'élevait la R.ibylone des Bretons fut tout à
sa crinière cl agitant sa queue. On croyait coup submergé. A la surface do celte onde
entendre les éclats du tonnerre. Les trom- sépulcrale vinrent aboutir par milliers des
pettes et les trombones se lurent; mais les bulles d'air, derniers soupirs de ceux qui
voûies antiques retentirent du fracas des expiraient dans l'abîme.
armes , et les murs du rhâ eau en trcm- Pour perpétuer le souvenir du châtiment
l)lèrcnt. — Le
fiancé aux boucb'S d'or et la Dieu permet que l'on entende encore au fond
troupe bigarrée de ses courtisans tombèrent de cel ;rt)îme les cloches d(! la ville engloutie,
sous l'épée de Henri. Ceux (jui échappaient el que l'orage y vive fumiliôremont. Auprès
au glaive étaient déchirés par le lion. est une île au milieu de laquelle s'élève une
Après que le pauvre fi.incé, ses chevaliers pierre en forme d'obélisque. Cette pierre
cl ses valets curent mordu la poussière, et ferme l'entrée du gouflro qui a vomi les eaux
que le duc se fut montré le maître de la mai- du lac, el ce goulïre est la prison d'un géant
son d'une manière aussi énergi(|ue que jadis formidable qui pousse dhorribles rugisse-
Ulysse avec les prélendants de Pénélope, il ments.
prit place à table, à côté de son épouse. A quatre lieues de cel endroit, vers l'est
Klle comniençail à peine à se remettre de la on trouve une grande pierre qu'on appelle la
frayeur mortelle que lui avaient causée ces vieille de saint Martin; car il est bon de sa-
n)assacrcs. voir que celle pierre, qui
pour bonne raison
Tout en mangeant avec grand appétit des garde figure humaine, une femme fut jadis
mets que son cuisinier avait apprêtés pour \érilable, laquelle, s'êlant reiournée malgré
d'autres convives, et en régalanl son com- la défense en sortant de la ville dHerbadilla,
pagnon de ragoûts qui ne paraissaient pas fut Iransfornice en statue (1) Yo\i.\s.
non plus lui déplaire H(Miri jetait les yeux
, HLRBE MAUDITE. L.s paysans nor-
do temps en temps sur sa femme, qu'il voyait mands croient qu'il existe une (leur qu'on
baignée de larmes. Ces pleurs pouvaient appelle Vlierbe maudite: celui t]ui marche
s'expliquer de deux manières ; mais en , dessus ne cesse de tourner dans un même cer-
homme qui sait vivre, le duc leur donna cle, et il s'imagine qu'il continue son chemin
l'interprclation la plus favorable. Il adressa sans avancer d'un pas au-delà du lieu où
;i la dame, d'un ton affectueux, quelques riierbe magique l'a enchaîné.
reproches sur sa précipitation à former de HEUBli QUI EGARIi. H y a, dil-on aussi,
nouveaux nœuds, et il repril ses vieilles ha- dans le l'érigord, une certaine herbe qu'on
bilndes. ne peut fouler sans s'égarer ensuite de ma-
Henri le Lion, surnommé ainsi à cause de nière à ne plus retrouver son chemin. Cette
son aventure, disparut, ajoule-'.-on, en ll'JS, M. Maitliaiigy, Trislan le vnyagciir, lui». i,i),
(1) i\>'

emporté pir le petit homme noir. llj


821 IIEU liES S2??

hoihe qui ircsl pas coniiiic, so Irouv.iil abon- sorte que vulgaire ne p')uvanl comprendre
le
dainiueiil aux environs (lu château de Lusi- le mystère de ces choses, se persuadait qu'il
fçnaii, bâli par Mélusine; ceux qui uiarcliaieiit était fou. B Le vulgaire n'avait peut-être pas
<le>!>us erraient dans de longs circuits, s'el- tort.
lorçaient en vain de s'éloigaer, et se reïrou- HEiîMÈS. On vous dira qu'il a laissé
vaient dans l'enceinte redoutée jusqu'à ce beaucoup de livres merveilleux qu'il a écrit ;

qu'un guide préservé de l'enchantement les sur les iléuums et sur l'astrolo^jie. C'est lui
remît dans la bonno voie qui a décidé (jue, comoii! il y a sept trous a
HKHBE ME COQ. Les habitants de Pa- la tête, il y aussi sept planètes (lui présiileiil
nama vantent beaucoup une herbe qu'ils ap- à ces trous, savoir -.Saturne et Jupiter aux
pellent herbe de coq, et dont ils prétendent deux oreilles, Mars et Vénus aux deux nari-
«lue l'application est capable de guérir sur- nes, le soleil et la lune aux deux yeux, et
le-champ un poulet àqui l'on aurait coupé la Mercure à la bouche.
tête, en respectant une seule vertèbre du HEBMIALITES, ou Hermiens, disciples
cou. Des voyag(!urs sollicitèrent en vain d"uu hérétique du deuxième siècle, nommé
ceu X qui faisaient ce récit de leur montrer l'her- Hermas ils honoraient l'Univers-Uicu, di-
;

be ils ne purent l'obtenir, quoiqu'on leur


; sant à la fois que ce monde est Dieu et que
assurât qu'elle était commune d'où l'on : ce monde est l'enfer.
d )it conclure que ce n'est qu'un conte popu- HEHMIONE, votj. Hermeline.
laire (1). HEHMOTIME. On sait que Cardan elunc
HÉllKNBKKG (Jean-Christophe), auteur foule d'autres se vantaient de faire voyager
de J'emées philosophiques cl chrétiennes sur leur âme sans que le corps fût de la partie.
les Vampires, 173.5. Voij. Yampibes. L'âme d'Hermolime de Clazomène s'absentait
HEKMAl'HUODlïES. Longtemps avant de son corps lorsqu'il le voulait, parcourait
Antoinette Bourignon, qui soutint cette sin- des pays éloignés, et racontait à son retour
gulière thèse au dix-septième siècle, il s'était des choses surprenantes. Apparemment que
élevé, sous le pontificat d'Innocent 111, une Hermotime eut des ennemis. Un jour que son
secte de novateurs qui enseignait qu'Adam âme était allée en course, et que son corps
était à sa naissance homme et femme tout à était comme de coutume semblable à un ca-
la fois. davre, ses ennemis le brûlèrent et ôtèrent
Pline assure qu'il existait en Afrique , au ainsi à l'âme le moyen de rentrer dans son
delà du désert de Zara, un peuple d'andro- étuL
gynes. Mais, dans d'autres versions, Hermotime
Les lois romaines mettaient les herma- est un vampire. Voy. Huet.
phrodites au nombre des monstres, et les HÉRON, ermite qui, après avoir passé
condamnaient à mort. plus de cinquante ans dans les déserts de la
TiteLiveet Eutrope rapportcntqu'il naquit ïhébaïde, se laissa persuader par le diable,
auprès de Rome, sous le consulat de Clau- sous la figure d'un ange, de se jeter dans un
dius Néron, un enfant pourvu de deux sexes; puits, attendu (jue, comme il était en bonne
que le sénat, effrayé de ce prodige, décréta grâce avec Dieu, il ne se ferait point de mal.
qu'il fallait le noyer. On enferma l'enfant il ajouta foi, ditLeloyer, aux paroles du dia-
dans un coflVe on l'embarqua sur un bâti-
; ble, et, se précipitant d'un lieu élevé, dans la
ment et on le jeta en pleine mer. persuasion que les anges le soutiendraient ,
Leioyer parle longuement d'une femme de il tomba dans le puits, d'où on le retira dis-

Macédoine, nommée Héraïde, qui se maria loqué il mourut trois jours après (2).
;

comme femme, et devint homme ensuite dans HERVILLIEUS (Jeanne J.


C'est la même
une absence de son mari. C'était dans les , que Jeanne Harvilliers.
vieilles opinions, un hermaphrodite. Mais on HÈSE (Jean de), voyageur du quinzième
ne voit plus d'hermaphrodites aujourd'hui. siècle, qui a écrit de singulières choses. M.
Les hermaphrodites, dans les contes plus de Heitfenberg a consacré à ses récits un
anciens, avaient les deux sexes, deux têtes article curieux, dansle/îecuei/enci/ciop^d/yMe
quatre bras et quatre pieds. Les dieux, dit Belije. Nous en rapporterons quelques pas-
Platon, avaient d'abord formé l'homme avec sages. Jean de Hèse débute à peu près en ces
deux corps et les deux sexes. Ces hommes termes :

doubles étaient d'une forces! extraordinaire « L'an du seigneur l'i 89, moi, Jean de Hèse,
qu'ils résolurentde faire la guerre aux dieux. du diocèse d'Utrecht, j'ai été à Jérusalem au
Jupiter irrité les partagea pour les atîaiblir, mois de mai, visitant les lieux saints. Et, dans
cl Apollon seconda le père des dieux dans la mer Bouge, j'ai vu des poissons volant
l'exécution de ses volontés. Voy. Polycrite. aussi loin qu'une batiste aurait pu les lancer.
HEllMELINE, démo» familier qui s'ap- Ces poissons-là sont rouges, longs de plus
pelait aussi Hermione
Hermelinde, et qui
et de deux pieds ; ils ont la tête ronde comme
iVéquenta quarante ans Benedetto Berna ,
des chats, avec un bec comme l'aigle; des-
dont François Pic de la MIrandole rapporle quels poissons moi, Jean de Hèse susdit, j'ai
lui-même l'histoire. « Cet homme, dit-il, bu- mangé Et attendu ((ue ces poissons sont
vait, mangeait, parlait avec son démon, qui gros, il faut les faire bouillir pendant long-
l'accompagnait partout sans qu'on le vit; de temps.
(I ) La Harpe, Abrégé de l'Hlst. générale des Voyages, lom. I", p. 159, el Hodin, Dérnonomjiiie des sorcier», p.
L XVI, p. 106 de redit. ii.-12. -m.
<ij Leiiijlct-Durrfsiioy , Dis,îerlalio!is sur lus ap[iaril.,
,

S2.-. DICTlON.NAinE DFS SCIENCLS OfXUl.TR?. 824

De la ville dHiTinopolh, il y a liuil jours


« fut de descendre le navire d'environ vingt
ili» Kinrchc jusqu'à la villo appt-léo Ainr.i ,
coudéi'8, parceque la mer était plus basse...
iiui est assise sur !a mer Rouge que l'on y « Après un mois de navigation, et vingt-
travirse ; cl en sept jours on arrive à pied quatre jours de marche, ils arrivèrent A
iiu nionl Sina'i, où le corps de sainic Callie- Edesse, où le prêtre Jean fait sa résidence.
line est conserve dans un couvent de cha- Celte ville est la capitale de tout l'empire et
noines réguliers, vivant fort dévotement et plus grande que vingt-quatre villes comme
ne mangeant qu'une fois dans la journée. Cologne... Au milieu est le palais du prêtre
Ces chanoines sont au nombre de treize; et J(;an, lequel a environ deux milles d'Alle-
tians leur église, il y a treize lampes arden- magne en longueur. 11 est soutenu par neuf
tes, qu'on ne peut éteindre et qui brûlent cents colonnes ; à celles du milieu sont
et
toujours, quoique sans aliments. Mais lors- adossés quatre géaitts de pierres précieuses
qu'un des clianoines vient à mourir, une des dorées, qui semblent soutenir le palais sur
lampes cesse de briller, jusqu'à ce (lu'il soit leur front incliné
remplacé ; cl alors elle se rallume d'elle- « Les merveilles se multiplient ; on n'a que
même.... le choix des prodiges. Tels sont une horloge,
«DumoniSinîiï, onarrivcen quatrejoursau qui rend un son effrayant lorsqu'il s'intro-
fampd'Helym, duqucUesanimaux venimeux duit dans le palais quelqu'un de suspect;
ne peuventapprocher.Dansievoisinageest la une table de pierres précieuses et dorée, aussi
rivière Maralh, dont les eaux ayant clé frap- légère que si elle était de bois, et qui para-
pées par la baguette de Muïsiïdevinrcnldou- lyse les effets des mets empoisonnés que l'on
tes, de très-anièrcs qu'elles étaient. Et au- pourrait poser dessus; une cloche «jue fit
jourd'hui, tous les malins, après le lever du foudre saint Thomas et dont le son guérit
soleil, vient une licorne (unicornus ) qui les possédés; des appartements tournant
exprime dans l'eau le poison (juc sa corne comme une roue; une chapelle où le prêtre
contient; ce que j'ai vu moi-même... Jean, qui est (hrélien, entend la messe, et
« Après trois mois de navigation dans la qui suit tous les mouvements du ciel un mi- ;

mer Océane, nous arrivâmes en Ethiopie roir orné de trois pierres précieuses, dont
diie l'Inde intérieure, où prêt hasaint Barlhé- l'une fortifie la vue, l'autre rend plus exquise
Jemi. Là habitent les nègres. Plus loin on la sensibilité, et la troisième augmente l'ex-
pénètre parmi lesPygmées, qui n'ont qu'une périence; miroir que quatre docteurs choisis
coudée de haut; ils sont difformes, n'ont adhoc regardent sans cesse, pour savoir tout
point de maisons, cl habitent dans les grot- ce qui se passe dans le monde. Ces raretés
tes, cavernes et couches marines, et l'on ra- et beaucoup d'autres sont répandues dans
conte dans ce lieu que les Pyginées combat- sept palais différents, aussi riches que celui
tent souvent contre les cigognes qui tuent quel- du soleil décrit par Ovide.
quefois leurs enfants. Ces nains vivent au « El remarquez bien que de Hèse a été
plus douze ans... dans ces lieux en personne. Il visite ensuite
« Passant de la mer d'Ethiopie dans la mer une île où Gog et Wagog étaient enfermés ,
de Jécor (marc yccoreujn) , et dans la merde disait-on, entre deux montagnes. Les insu-
sable, on parvient au bout de quatre jours laires étaient singulièrement conformés, car
dans le pays de Monocules ( qui n'ont qu'un ils avaient deux visages sur une seule tête,
œil). La mer de Jccor a la propriété d'attirer l'un devant et l'autre derrière.
les vaisseaux dans ses abîmes, à cause de « Après cet itinéraire vient une lettre du
leur ferrure, et parce que son fond est pavé prêtre Jean à son ami Emmanuel, gouver-
d'aimant qui attire le fer. De l'autre côlé est neur de Uome. Il lui fait un détail de sa
la merde sable. Et c'est un sable qui coule p;iissance, et se met à conter de nouvelles
conmie l'eau, et qui a son flux et son reflux. merveilles : une pierre qui guérit tous les
Les Monocules, qui y entrent à pied, y pren- malades pourvu qu'ils soient chrétiens; des
nent des pois-ons... vers qui ne vivent que dans 1,; feu ; une table
« Les susdits Monocules sont gros, forts, toujours couverte pour trente mille person-
anthropophages; ils ont au milieu du froni un nes, sans compter les survenants, etc..
tfiil unique, élincelant comme une escarbou- « Ce livre est terminé par un pelit trailô
clc, et ne vaquent à leurs affaires que la sur la vie et les mœurs du prêtre Jean et par
nuit. » trois chapitres sur les curiosités de l'Inde.
Ici M. de Ueiffenberg cesse de traduire J'ignore, dit M. de ll<-iffenberg, si ces fables
pour résumer. Ce voyage, écrit en latin a
( , ont été recueillies par de Hèse; du moins
été publié en li99, imprimé à Deventer.) l'auteur ne se met plus en scène; il ne dit
« Do là notre véridique voyageur vient à plus « J'ai vu ; j'ai été là. » Le phénix, des
:

Andrinople, ville où il y a plus de cinq cents poissons de forme humaine, des hommes à
ponts de pierre. Après huit semaines de cap- tête de chiens, des satyres des peuples,

tivitéchez le roi Brandican, de Hèse et ses exempts de vieillesse et de décrépilude sont


coniftagnons s'embarquèrentde nouveau en ; mis sous la garantie de Pline le naturaliste.
dix jours ils furent en vue d'une montagne C'est peut-être là que notre voyageur les
de pierre, très-haute, sortant de la mer, et aura prises , on plutôt dans qnelqui's-unes
percée d'un trou de trois milles de longueur, de ces compilations du moyen âge où l'an-
à travers lequel il leur fallut passer. Ce trou tiquité était ridiculement travestie, et dont
Hait si noir qu'ils curent conlinuellement l'auteur de la chronique Margarilique, Julien
besoin de chandelle. Au sortir du trou, force Hossetier,d'Ath, extrayait encore, vers Îo08,
,

Fsr. IIIS HiP 82»

les contes puérils dont il a f.irci son ou- pèse (jue deux gros. Une femme
n'avait qui
vra pf- » qu'un enfant, ils la figuraient par une lionne,
HEURE. Voy. Minuit. Ann:os ou démons parce que cet animal ne fait qu'un petit (du
des Voy. I'ierre d'Apone.
lieiirns. moins ils le croyaient de la sorte), lis figu-
HIBOU, oiseau de mauvais augure. On le raient l'avortement par un cheval qui donne
regarde mlgniremenl roninie le messager de un coup de pied à un loup, parce que, di-
la mort; et les personnes superslilietises, (jui saient-ils , une cavale avorte si elle marche
perdent quelque parent ou queliiiie ami, se sur les traces d'un loup (•!), etc. M. Cbam-
ressouviennent toujours d'avoir entendu le poUion donne d'antres explications.
cri du hibou. Si présence, selon Pline, pré- HIEROMNENON, pierre que les anciens
sage la stérilité. Son œuf, mangé en ome- employaient dans leurs divinations, mais
lette, guérit un ivrogne de l'ivrognerie. dont ils ne nous ont laissé aucune descrip-
Cet oiseau est mystérieux, parce qu'il re- tion.
cherche la solitude, qu'il liante les clo- HIEROSCOPIE. Voy. Hépatoscopie.
chers, les tours et les cimetières. Oa redoute HIPORINDO, mot qui, prononcé d'une
son cri, parce qu'on ne l'entend que dans les certaine façon, charme les serpents et les
ténèbres; et, si on l'a vu quelquefois sur la empêche de nuire. Paracelse en parle.
maison d'un mourant, il y était peut-être at- HIPPARCHUS. On lui attribue un ouvrage
tiré par l'odeur cr.d ivéœuse, ou par le si- intitulé : le Livre des Esprits.
lence qui régnait dans cette maison. HIPPOCRATE, père de la médecine. Les
Un philosophe arabe, se promenant dans légendes du moyen âge font de lui un grand
la campagne avec un de ses disciples, enten- magicien, et lui prêtent des aventures dans
dit une voix détestable qui chantait un air le genre de celles <iu'elles attribuent à Vir-
plus détestable encore. —
Les gens super- gile. On met sous si>n nom un Traité des
îilitieux, dit-il, prétendent que le chant du songes, dont on recherche les éditions accom»
hibou annonce la mort d'un homme; si cela pagiiées des commentaires de Jules -César
était vrai, léchant de cet homme annonce- Scaliger; in-8', Gnesne, IGIO; et un autre
rait la mort d'un hibou. livre intitulé les Aspects des étoiles.
Cependant hibou est regardé comme
si le
Légende d'Uippocrate.
un mauvais présage chez les gens de la cam-
p:igne, (juand on le voit perché sur le haut Du temps que César-Auguste était empe-
d'une maison, il est aussi regardé comme reur deKome,son neveu Gains, qu'il aimait
d'un bon augure quand il vient se réfugier par-dessus toutes chosïs et qui devait héri-
dans un colombier. Les anciens Francs con- ter de l'empire, tomba malade. Les médecins
damnaient à une forle amende quiconque ne purent le guérir. Il y avait trois jours et
tuait ou volait le hibou qui s'était réfugié trois nuits qu'il ne parlait plus; toute la
dans le colombier du sou voisin (1). cour était dans une grande tristesse. Sur ces
Ou ne peut passer sous silence les vertus entrefaites , Hippocrate entra dans Rome ,

surprenmtes de cet oiseau. Si l'on met son qu'il fut surpris de trouver en deuil. Il avait
cœur avec son pied droit sur une personne beau interroger passants, personne ne
les
endormie, elle dira aiissitùt ce qu'elle aura lui parlait. H monta au
palais de l'empereur,
fait et répondra aux demandes qu'on lui pour savoir la cause de cette douleur publi-
adressera de plus, si oa met les mêmes par-
; que. Il se fraya passage jusqu'à la chambre
ties de cet oiseau sous les aisselles, les chiens où le malade était couché, comprit alors la
ne pourront aboyer après la personne qui douleur publique, mit la main sur le cœur
les portera; et enfin, si on pend le foie à un de Gatus, et dit à César-Auguste Quelle fa- :

arbre tous les oiseaux se rassembleront


, veur m'accordercz-vous, si je rends la vie à
dessus (2). ce malade? L'empereur promit tout; et le
HIERARCHIE. Agrippa disait qu'il y avait savant médecin, prenant dans son aumônièro
autant de mauvais anges que de bons, qu'il une herbe et un breuvage, en composa uno
y en avait neuf hiérarchies de bons et neuf potion qu'il fit avaler au malade, en lui ou-
de mauvais. Wierus, son disciple, a fait l'in- vrant doucement la bouche. L'enfant ouvrit
ventaire de la monarchie de Satan, avec les les yeux aussitôt, dit quelques paroles. Eu
noms et surnoms de soixa:ite-douze princes moins de trente jours, Hippocrate le remit
et de plusieurs millions de diables, nombres eu bonne santé.
fantastiques, qui ne son! app;iyés sur d'au- Auguste combla de biens l'habile docteur
tres raisons que sur la révélation de Satan et fit élever deux piliers, sur lesquels il mit
même. Voy. Coun infernale. la statue d'Hippocrale et celle de Gatus. 11
HIEROGLYPHES. Les Egyptiens avaient admit le savant à sa table et lui donna place
beaucoup d'idées suiierslitieuses, s'il faut les dans son amitié.
juger par leurs hiéroglyphes. Ils expriment PcMi de temps après, des habitants du pays
le sexe féininin par un vautour, dit un an- de Galles vinrent s'établir à Rome. Il y avait
cien, parce que tous les vautours sont fe- parmi eux une dame d'une grande beauté.
melles, etquele vent seul féconde Icursœufs ; Un jour que de la fenêtre du palais die re-
ils représentaient le cœur par deux drachmes gardait la s\atne d'Hippocrale, comme on lui
parce que le cœur d'un enfant d'un an nu vantait le philosophe : —
Tout philosophe
(1) M.Salgues, Dos erreurs et des préjuges, elc.,1. 1", (3) Bfown , fessai sur les erreurs populaires, loin. II,

p. 439. p.ba
(2) Des aJmirablcs Secrets d'Albert le Grand, r- lOT.
827 DICTIONNAIUE DES SCIENCES OCCEETLS 8i»
qu'il est, (!it-cl!c, jo "jagc qu'en un jour je le nins. Iriitce de cet obstacle, la princesse dé-
pour le plus grand fou du monde.
ferai tenir roba coupe et la jela dans la mer.
la
Le savant niédeein, ajaut appris ce pro- pocrate s'aperçut dune de ses mauvais
lli

pos, voulut coiiiiaîtiC !a belle tjalluise. A sa desseins au-si refii-il, au plus vile, une au-
:

vue, il en devint si épris, ((u'il loiuba malade', ti'c coupe moins mais qui avait la même
belle,
l/enipereur, inquiel, cn\oya toute sa l'our vertu. C'pend^iut oubliait d'aller chercher
il

auprès de lui; la Galloise y vint, reçut les Jésus de Nazareth , et pour ses passions ,
aveux du philosophe, s'y montra sensible, cl comme lanl d'autres, il so perdait.
Hippocrate recouvra la santé. Sur ces entrefaites, le roi Anioine tint une
Mais la belle dame, qu'il croyait épouser, cour plénière, à laciuelle Hippocrate s'em-
était une malicieuse. Comme Hippoerale la piessa de se rendre avec la princesse sa
pressait : —
Venez c .tte nuit sous ma l'enê- iemnie. Un soir, après souper, le roi, le phi-
tre, lui dit-elle; je descendrai une corbeille losophe et la méchante femme étaient à une
altachée à une coriic, et avec l'aide de ma fenêtre qui donnait sur la coui' du château.
servante, je vous monterai dans la tour, où Ils virent dans cette cour une jeune truie qui
je vous ferai savoir mes comlilions. mangeait un grand ver. Hippocrate s'écria :
Le savant fut exact au milieu de la nuit
: —Celui qui m^ïngerail la tète de cet ani-
il se plaça dans la corbeille que la Galloise mal périrait sur-le-champ, nul remède iiC
et sa servanle élevèrent au sommet de la pourrait sauver. bi
tour, beaucoup plus haut que leur fenêtre; — Nul remèiie? demanda la princesse.
,

puis, attachant la corde à un croc, elles Las- —


Nul remède, répéta le philosophe, ex-
sèrent le nuilheureux Hippocrate suspendu cepté s'il buvait Leau dans laquelle cette télé
au milieu des airs. aurait été cuite.
Or, cette corbeille était à Rome une espèce —
Cela est bien étrange, ajouta la femme;
de pilori où l'on exposait les malfaiieurs. puis elle parut s'occuper de tout autre sujet.
Quand il fut jour et que l'on vil là Hippo- '
Mais, aussitôt qu'elle fut libre, elle alla
crate, tout le monde chercha quel pouvait trouver le cuisinier du palais et lui ordonna
être son crime. L'empereur était à la cliasse, de servir à Hippocrate la tête de cette truie,
d'où il ne revint que le soir et ainsi la cor-
: qu'elle désigna, et elle recommanda de jeter
beille ne fut descendue qu'à la nuit. l'eau qui aurait servi à faire cuire l'animal.
Le savant, dont le cœur n'éiait pas guéri, Le cuisinier exécuta ponctuellement les or-
ne voulut pas faire connaître l'auteur de son dres qu'il avait reçus; et à peine le philoso-
(riste accident, de peur d'exposer celle qu'il phe eut-il mangé une partie de la télé de la
aimait à la colère do l'empereur et sa pas- truie, que, devinant la trahison de sa femme,
sion à la risée des courtisans. La Galloise il s'écria :

lui fit donc d'autres mauvais tours; si bien — Hélas 1 je suis mort
que, pour se venger alors, il la rendit éprise, s'empressa d'aller aux cuisines deman-
Il

au rtioyen d'un phillre d'un vieux nain


, der l'eau dans laquelle avait été cuite la tète
bossu ei contrefait, avec lequel on fut bien de l'animal venimeux; on lui indiqua le fu-
surpris de la voir se marier. mier sur leijuel cette eau avait été jetée. 11
Quelque temps après, un chevalier vint à s'y coucha, mais inutilement le poison était :

Rome annoncer à César - Auguste qu'un plus fort et le brûlait peu à peu.
homme de Nazareth, appelé Jésus, guérissait La princesse qui l'avait trahi ne put jouir
tous les malades, ressuscitait les morts et de sa mort car malgré les prières de s<m
;

faisait d'autres merveilles. Hippocrate aussi- mari, qui lui pardonnait et demandait grâce
tôt quitta Rome, en disant qu'il allait cher- pour elle, le roi Antoine la fit exiioser sur
cher Jésus et apprendre de lui ce qu'il ne un rocher du rivage. Elle y resta trois jouis
savait pas. et y mourut.
En cheminant, guérissant parlout les ma- Hippocrate cherchait à force de soins à
lades, mais ne ressuscitant pas les morts, il prolonger son existence; mais la vie le qui!
arriva chez Antoine, roi de Perse, dont il tait d'heur en heure. 11 fit creuser sa tombe
rendit le flis à la santé. Anioine, pour récom- sous un rocher; et avant de mourir, il fit une
pense, lui fit épouser la fille du roi de Syrie. chose qui étonna beaucoup tous ceux qui la
Pour recevoir dignement la belle prin- virent il prit un panier de jonc et le rem-
:

cesse , le philosophe, qui était magicien, plit d'herbes; puis il jela dessus beaucoup
comme vous voyez, fit construire un palais u'eau, qu'il fit sortir par un seul jet, sans
magnifique, où éclataient l'or, l'argent et les "aisser une goutte s'éeha|)per d'un autre
l

pierreries; son art, d'ailleurs, l'avait rendu côté. On eût dit qu'elle coulait d'un tonneau
puis'aiTunent riche. U consiruisil aussi un bien fermé. On lui demanda pourquoi il agis-
lit qui guérissait de toutes maladies ceux sait ainsi.
qu'il y faisait coucher. — Je pour vous montrer
le fais, dit-il,
Cependant princesse ne l'aimait point,
la combien une grande chose que la mort
c'est
parce qu'il n'était pas de race royale. Hippo- d'un homme, quand elle est résolue. Auiune
crate s'en aperçut, et il se fil une coupe d'or, médecine ne [icut l'empêcher; car, si je de-
à laquelle il fixa des pierres précieuses qui vais guérir, je pourrais arrêter la dyssenteiie
neutralisaient l'effet des poisons. Plusieurs (jui me travaille, comme j'ai ôlé de ce panier
fois la méchante femme essaya <le l'empoi- l'eau (|ui s'y trouvait.
sonner, mais inutilement le charme de la
: .\près avoir ainsi parlé, le fils d'Esculape
coupe était supérieur à la [)uissance dei vo- ne l;irda pas à mourir; il expira le quin-
no iiip IIIIl iiSO

ïîèine jour do soptciTibi-o tiuiiizc unnéi'S, ménage si peu la délicatesse de son lecteur,
av.int la mort de Notio-S :^iiciir... a donné aussi d'Hippocrate l'aienture de la
Nous avons em;iruu!o celle iiolice à un corbeille, <]ui du reste est copiée de la légende
extrait plus étendu que M. Leroux do Lincy de V^irgile.
a publié. Ce savant y ajoute un tVaguiciil du HlPl'OGUIFFE, animal fabuleux, composé
louian dos Sept sages de Rome, ou Hippo- du cheval et du grilîon, (|ue l'Arioste et
craie joue un rô'e peu glorieux : les autres romanciers donnent qiiekiuefois
Hippocrale, dit l'une des liisloires de ce pour monture aux héros des romans de che-
îi\re, fut le plus savant médecin de la terre. vaiei'ie.
De toiile sn i'auiille, il ne lui resta qu'un ne- HH'POMANE, excroissance charnue que
veu, auquel il se garda bien de découvrir la les poulains apportent à la tête en naissant,
science qu'il possédait. Malgré tout, le jeune et que la mère muige aussitôt.
houjMie étudia en silence, et devint aussi Les anciens donnaient le nom û'hippo-
liabilc que son oncle, qui, ayant reconnu son mane à certains philtres, p.irce (|u'on prétend
talent, n'en parut nullcmenl contrarié. II ar- qu'il y entrait de celle excioissauce.
riva que le (ils du roi de Hongrie tomba ma- Jlippomane est aussi le nom d'une herbe
lade. Hippocrate fut mandé aussitôt; mais qui fait entrer les elle vaux en fureur lorsqu'ils
d'importantes affaires rempêchaient d'entro- la broutent (1). —
On raconte qu'une cavale
piendre un aussi long voy.ige. Il répondit de bronze placée auprès du temple de Ju-
,

au roi que ne pouvant obéir à ses ordres, il piter olympien, hennir les chevaux
faisait
lui enverrait un sien neveu. Ce dernier se comme si elle eût été
vivante, vertu qui lui
rendit à la cour de Hongrie. était communiquée par l'hippomane <iu'on
Le roi et la reine présentèrent le malade avait n»êlée avec le cuivre en la foiulanl.
au jeune médecin, qui regarda l'entant, re- "Voy. Philtues.
garda le père, regarda la mère, puis demanda HlPPOiMANCIE divination des Celtes. Ils
,

à voir leurs urines : on 1rs lui montra. Après formaient leurs pronostics sur le hennis-
avoir longtemps réfléchi, le jeune médecin sement et le Irémoussemenl de certains che-
dit : —Donnez à manger à cet enfant de la vaux blancs, nourris aux dépens du public
chair de bœuf. On ol.éit à la prescription, et dins des forcis consacrées, où ils n'avaient
le fils du roi de Hongrie guérit aussitôt. Le d'autre couvert que les arbres. On les faisait
jeune médecin, richement payé par le roi, marcher immédiatement après le char sacré. •

retourna près de .'^on oncle. Hippocrate lui Le prêtre et le roi ou chef du canton obser-
demanda As-tu guéri l'enf.mt?
: vaient tous leurs mouvements, et en tiraient
— Oui, sire. des augures auxquels ils donnaient une ferme
— Que lui as-tu donné? confiance, persuadés que ces animaux étaient
— Chair de bœuf. confidents du secret des ditïux tandis qu'ils
— Tu es bien savant, dit Hippocrale; — n'étaient eux-mêmes que leurs ministres.
,

et de ce moment il roula dans son esprit des Les Saxons tiraient aussi des pronostics
pensées de mort et de trahison à l'égard de d'un cheval sacré, nourri dans le temple de
son neveu. leurs dieux, et qu'ils en faisaient sortir avant
11 l'appela un jour cl l'emmena avec lui de déclarer la guerre à leurs ennemis. Quand
dans un jardin. Je vois une belle herbe, dit le cheval avançait d'abord le pied droit, l'au-
le jeune homme; et il s'empressa de la cueil- gure était favorable; sinon, le présage était
lir et de la présenter à son oncle. mauvais, et ils renonçaient à leur entreprise.
— C'est vrai, répliqua Hippocrale, mais je HIPPOMYRMEGES, peuple imaginaire ,

crois en sentir une autre meilleure. placé par Lucien dans le globe du soleil. C'é-
Le neveu s'agenouilla pour la cueillir; taient des hommes montés sur des fourmis
aussitôt Hippocrate lira un couteau qu'il ailées, (jui couvraient deux arpents de leur
avait caché sous sa robe, s'approcha du ombre, et qui combattaient de leurs cornes.
jeune homme, le frappa et le tua. Il fit plus : HlPPOmOES, peuple fabuleux qui avait
rentré chez lui, il prit tous les livres (jui
des pieds de cheval, et que les anciens géo-
étaient en sa possession et les brûla.
graphes placent au nord de l'Europe.
Hippocrate, dit le même livre, sentant ci'j'il
allait bientôt mourir, se fit apporter une HIIllGOYEN, sorcier du commencement
tonne remplie d'eau pure qu'il fit percer en
,
du dix-septième siècle, que l'on a vu danser
divers endroits, et qu'il boucha hermétique- au sabbat avec le diable, qu'il ador.iit (-2)
ment. Puis, ayant sèche l'eau de la tonne HIRONDELLES. Plular(iue cite l'histoire
avec une poudre, il appela si;s amis: Voici — d'un nommé IJessiis qui avait tué son père
une tonne, leur dit-il, que j'ai remplie d'eau et dont on ignorait le crime. Etant un jour
claire; or, débouchez-la. près d'aller à un souper, il prit une perche
Les amis d'Hippocrate tirèrent les che- avec laquelle il abattit un nid d'hirondelles.
villes; mais l'eau ne coula pas J'ai pu ; — Ceux qui le virent en furent indignés, et lui
ctancher toute l'eau de cette tonne, reprit le demandèrent pourquoi il mallraitait ainsi
médecin; mais je ne puis arrêter celle qui ces pauvres oiseaux. Il leur répondit qu'il y
coule de mon corps c'est pi)ur(iuoi je vais
: avait assez longtemps qu'elles lui criaient
mourir. Et il ne se Irompail pas; il ne larda qu'il avait luéson père. Toutes stupéfaites do
jias à rendre le dernier soupir. celle réponse, ces personnes la rapportèrent
Lcgrand d'Aussy, dans ses l';ibliaux, où il au juge, qui ordonna de prendre Dessus cl
(IJ Manuel lexjiiuc de l'jLibé l'icvost (J) D. riiiCuUiUuce dti UéiiiUiii, eU'., p. tU.
R3I DlCTIONNAmE DhS SCIENf.KS OCCULTES. 8-i

do le mrltic à la loilure. Il avoua son crime Depuis semaines, .\ntoino, tour-


(|uclqiU'.'=

cl fut peiuiu (1). menté de ce (ju'on appelle la maladie du


Brown, dans son Fsuni sur /es erreurs po- pays, m'avait confié le désir ardent qu'il
pHl'iirrx, dit que l'on craint de tuer les lii- éprouvait d'aller passer quelques jours dans
roniiellcs qtioiqu'oilcs soient incommodes, sa famille. Il n'osait pas eu demander la per-
parce (pi'on est persuadé qu'il en rcsullerait mission à mon père; je m'en chargeai, sur la
quelque malheur. Elien nous appretul que promesse qu'il me fit de revenir bien vile,
les hirondelles élaient consacrées aux dieux el je n'eus pas de peine à obtenir la grâce
Pénales, cl que par celle raison on s'abs- désirée. Antoine était absent depuis une ving-
leuail de les tuer. On les honorait, dit-il, taine de jours et je commençais à m'impa-
commeles hérauts du printemps; el,àUhodrs, tienler un peu de ne pas le voir revenir. Il
on avait une espèce de chant pour célébrer n'avait pas même écrit, et je me sentais fâché
le retour (l;s hirond.dli's. contre lui.
mSTOIRK. Il y a , dans la bibliographie A quel(]ues nuils de là à peine élai<-je ,

infernale, beaucoup d'histoires prodigieuses endormi, que je crus entendre du bruit. J'é-
publiées sans nom d'auteur. Nous n'eu cite- coulai el n'entendis qu'un murmure confus.
rons que quelques-unes : Puis je crus sentir quelque chose de pesant
Histoire d'une apparition, avec des ré- qui s'appuyait sur mon estomac. Cela res-
flexions qui prouvent la difficulté de savoir semblai! à un coude plié, avec lequel on me
la vérité sur le retour des esprits, iu-8 ; pressait très- fort.,.. Je me mets à crier, ou
Paris, chez Saugrin, 1722, brochure de 24. plutôt je veux crier :

pages. — Oui Pst là?


ilisloire prodigieuse nouvellement arrivée — C'est moi, me répond très-distinctement
à Paris , d'une jeune fille agitée d'un esprit une voix basse qui semblait s'approcher de
fantastique, in-8". mon oreille; c'est le pauvre Antoine qui vient
Ilisloire du diable, in-t2, Amsterdam, vous dire adieu, et border votre lit pour la
1729, 2 vol.; et Rouen, 1730, 2 vol. dernière fois!
Histoire miraculeuse advenue en La Ro- Et au même instant je me sens soulevé de
chelle, ville de Maurienne en Savoie, d'une tous les côtés de mon lit, comme si effi'ctive-
jeune fille ayant été enterrée dans un jardin menl on le bordait et je vois très-distincte-
,

en temps de peste , l'espace de (juinze ans, ment, avec son chapeau rabattu, son gi!et
par lequel son esprit est venu rechercher ses rouge et sa veste grise, Antoine dont le vi-
os par plusieurs évidents signes miraculeux ; sage s'approchait du mien. Cela fait, il s'ar-
in-8°. Lyon. rêta devant moi les bras croisés, fixa un
Histoire remarquable d'une femme décédée instant sur mes yeux ses yeux pleins de lar-
depuis cinq ans, laquelle est revenue trouver mes, et s'évaiiouit comme la fumée d'une
son mari, et parler à lui au faubourg Sainl- lampe qui s'éteint.
Marcel, Paris, 1G18, etc. Voy. Appauitions. Tout trempé d'une sueur froide je tirai ,

mes rideaux d'une main tremblante et glacée.


nistoires à faire peur.
La lune pénétrait dans ma chambre; sa lueur
Les lecteurs qui aiment les violentes émo- mate donnait aux objets sur lesquels elle
tions recherchent beaucoup les histoires; el portait, une clarté fixe et immobile qui avait
on en a fait plusieurs recueils. Voici deux quelque chose d'effrayant. Je referme mes
histoires à faire peur, racontées par Des forges, rideaux; mais tout à coup j'entends, assez
l'auteur du Sourd ou l'Aiiberge pleine, el en- près de notre corps de logis, de ces géiuisi-e-
cadrées dans un des jolis récits que M.Henri mcnts plaintifs qui souvent retentissent la
Berihoud a semés si abondamment sur la nuit dans les bois, et que je ne savais point
presse périodique : alors cire les cris de certains oiseaux noc-
Kncorc enfanl, dit le lugubre narrateur, turnes. Cela mit le comble à mou effroi; la
j'habitais avec mon père une niriison de terreur enchaîna mes facullés; je n'osais ni
campagne dans les environs de Paris, el il respirer, ni rester dans mon lit, ni en sortir,
se trouvait dans celle maison de campagne ni fjire le moindre mouvement, et je demeu-
un bon gros réjoui Champenois nommé , raiquelques heures ainsi, douloureusement
Antoine. Il avait dix-huit ans à l'époque que suspendu entre rexislence el le néant.
je cile. Ce garçon était exlrémemenl robuste Ce n'est pas sans raison que je raconte les
pour sou âge. On l'employait aux commis- événements fantastiques de celle unit, une
sions et aux transports de provisions de Paris des plus pénibles de ma vie c'était la nuit :

à la campagne el de la campagne à Paris. Il du 9 au 10 septembre, el du vendredi au sa-


Iravaill.iit au jardin, avait soin du cheval et medi, l'an 1760; il était à peu près une heure
de la basse-cour enfin, c'était un trésor pour
; et demie du matin , lorsqu'il me sembla
l'uliiilé; ajoutez à cela qu'il étaildoux, com- (ju'Anloine venait me rendre le dernier ser-
plaisant toujours de la meilleure humeur
, vice que je viens de décrire. Je voudrais bien
(lu monde; nous nous aimions, dans toute ia savoir u)ainlenant quel sera le génie supé-
force du terme comme deux frèri'S. Le bon
, rieur qui m'expliquera ce qui va suivre.
jeune homme se serait vraiment uiis au feu Tout plein de ma noclurnc frayeur, je ne
pour moi, el malgré mon cxlrêine familiarité nian(inai pas, aux premiers rayons du jour,
avec lui jamais il n'oublia que j'étais le fi!s
,
de fuir le théâtre des scènes qui m'avaient
de son mailre. tant épouvanté , et d'aller courant conter
(I) t'ailli'picJ, Apii.ii'ilioiis des esprits, p. iO. non pas mon rcve, mais ma vision, à ceux
f'3 nis IllS 8ôi
qui, par c(at, se levaient dans la maison avec I' l'squ'i! en fut distrait par des cris
redou-
le soleil, tels que le jardinier et sa femme. blés Au secours^ à moi ! au secours, on
:

Ces bonnes gens, comme on sait, qui nour- m'assassine ! 1! tiip son épée el et court de
rissent une foule de petits préjugés super- toute sa force vers l'endro d'où les iris
t

stitieux, parce qu'on les en a nourris, ne semblenlpartir. Il arrive et voit un infortuné


manquèrent pas de me dire que c'èt.iit mau- que trois scélérats poignardaient,(amix ci
vais signe; el moi de les croire, et moi de prennent tuiteà la vuedePierret. Le jeune
la
pleurer par anticipation mon pauvre \ntoine. iioiiinie (lue cet atlreux spectacle avait mis
Ma mère s'éveille. Je vais tout triste l'em- hors de lui, se |)récipiie sur leurs traces, el,
brasser à son chevet. Elle m'interroge; je tenant son é| ée comme on tient un poignard,
réponds, je raconte, et je fonds eu larmes il en atteint un des voleurs et le renverse
volontaires. On me console, on cherche t nioil à ses pieds. Sans ralentir sa course, il
me désabuser. La douleur d'un enfant de arrive au second assassin et le punii de même;
quatorze ans ne saurait être longue; et dans il était près du troisième, lorsque la maré-

1,1 maliuée même, un autre événement la chaussée, accourue enlin aux tris de la mal-
dissipa. heureuse victime des trois bamliis, jirrive au
Le dimanche suivant dix jours après ma
, grand galop. Le sréiérat, poursuivi p.ir Pier-
vision, mou reçut une lettre de Cham-
p.ère ret, se retourne alors vers la maréchaussée,
pagne. 11 l'ouvrit el la lut devant moi à voix et supplie les cavaliers de le pren.lre sons
basse. leur protection contre la fureur de ce jeune
— Oh ! voilA qui est parliculier.
dit-il , homme, qui venait déjà, disait-il, d'assassiner
— Qu'est-ce donc? ma mère. dit trois de ses camarades. On se saisit de ions
«DeChaumont, en Bassigny, le 14 les deux Pierrel, sans dire un mot, rend son
:

septembre 1760. épée sanglante, se laisse mettre les menottes,


«Mes chers monsieur et dame, et suit paisiblement la cavalcade, qui s'arrête
«Je vous écris ces lignes pour vous an- auprès de celui qu'il avail secouru. La
noncer que noire pauvre Antoine est mort quantitédesangque cet homme avail perdu
d'une fluxion de poitrine, la nuit du 9 au 10 absnlument ôté toute connaissance.
lui avait
de ce mois entre une et deux heures du
, Ou venir des brancards, el les vivants,
fit

malin, en se recommandant à votre ban sou- ainsi que


les morts, furent tous, on conduits
venir et à vos prières.» ou portés dans la prison. Pierrel el le misé-
Un frisson mortel me saisit, je pensai tom- rable furent placés dans la chambre de l'as-
bera la renverse; ma mère me soutint dans sassiné, que les chirurgiens avaient avoué
Si;s bras. n'être qu'évanoui.
«Le pauvregarçon n'avait qu'un regret Pierrel, interrogé, avait na'ivement raconté
en mourant; c'éiail de ne plus vous voir, les faits comme ils s'étaient passés; il avail
mes chers monsieur et dame, et surtout, dit son nom, el avail demandé qu'on donnât
bien pardon, excuse , monsieur voire petit avis à sa famille de sa malheureuse affaire,
bonhomme, auquel il n'a décessé de penser ce qui lui avait été accordé sur-le-champ.
jusqu'à son dernier soupir.» Cependant le blessé, percé ou pour mieux
Mon cœur alors se gonOa de telle façon , dire criblé de coups de couteau , ne donn.iit
qu'infailliblement j'aurais étoulTé sans un encore aucun signe de vie. De lui seul on
cri terrible qui m'échappa et avec lequel
, pouvait attendre quelque lumière sur cet
sortirent mes sanglots et mes larmes, ce qui événement; et s'il périssait sans avoir donné
me soulagea el me sauva. Je laisse aux plus aucun éclaircissement que devenait son li-
,

savants le soin d'expliquer ce fait; je me bérateur, toujours effrontément accusé par


contente de l'attester.... l'exécrable assassin? La figure douce el hon-
Quand il eut fait son récit, le conteur porta nête de Pierrel, son maintien assuré, son air
les yeux autour de lui , et vil avec satisfac- distingué, ses discours sages et sensés, son
tion l'impression vive qu'il avail produite calme sa résignation héroïque à son sort
, ,

sur son auditoire. Les femmes siirtoul étaient tout cela avait beau parler en sa faveur, et
pâles et agitées. Il reprit sans leur laisser le intéressera lui tous ceux qui l'environnaient,
temps de respirer. il n'en était pas moins dans un péril ef-
— Quelque extraordinaire que soit cette frayant, si le blessé mourait sans pouvoir
aventure, il en est une encore non moins parler.
étrange et dont j'ai été pour ainsi dire éga- Enfin le ciel, qui le réservait à d'autres
lement le lémoiii. Je l'ai apprise l'année qui destinées sans doute, le ciel permit qu'un
suivit l'apparition d'Antoine. J'étais au col- profond soupir de la victime annonçât son
lège el nous avions depuis quelque temps retour à la vie. Les gens de l'art aidèrenl
p;irmi nos camarades un fort aimable garçon celle lueur d'espérance à se changer en cer-
il'une très-bonne fami:le deVersaillcs, nommé titu<lc: tous les secours, tous les soins furent
Pierret. Sorti de pension el maî'.re d'une prodigués. Le malade commença à rouvrir
grande fortune, son premier soin fut de venir les yeux f.iiblement; ensuite il en reli'ouva
à Paris pour y acheter un cheval do main; pins complètement l'usage el jiarvinl à pou-
il aimait beaucoup cet exercice. N'ayant pu voir les tourner sur l s objets qui l'enviion-
faire affaire, il quitta le marché, el s'enfonça nairnt et (jn'on avait entourés d'une lumière
s-eul dans les sentiers écartés et déserts qui suiïisante. Tous les assistants attendaient,
se trouvent derrière. I! était , selon sa cou- sans oser respirer, le premier geste, le pre-
lumc plongé dans une profonde rêverie, mier mouvement, le pren)iur mol de l'iufar-
83S niCTIOiNNAlRE DKS SCIENCES OCCl.LTES. 836
luné D';ibord ii promène des regards éga- connaissance, et ne se souvenait plus de rien
ies et incerlaiiis aulour de lui. Peu à peu jusqu'à son retour à la vie. »
sa vue se ralTermil, le premier objet qu'il Une déposition aussi claire cl aussi précise
disl'iifïue est son assassin aux pie<ls de son ne laissait plus aucun nuage sur linnocenc:'
lil. Il l'ait un gesled'liorreur, jette un cri d'ef- de Pierrel, et l'environnait même de tout l'é-
froi, referme les yeux pour un inslant.
et clat attaché au courage: le jeune homme fut
Ou redouble les secours, on parvient à le déchargé de l'accusation, les procès-verbaux
ressusciter encore, on lui parle doucement; filent de sa belle action la mention la plus
on le console; ou l'exhorte au courag'; on honorable, el il revint en triomphe avec sa
l'assure qu'il est sauvé; en un mol, ou par- mère au sein de sa f;imille. Ce ne furent que
vient à lui rendre du calme et quelques for- fêles el réjouissances à Versailles pendant
ces. 11 recommence à faire la revue de tout quelques jours parmi ses parents et leurs
ce qui l'entourait; el, remontrant cuGn des nombreuses connaissances.
yeux le jeune Pierrel, assis au chevet de son Au milieu de cet enthousiasme universel
lit, il s'écrie Ahl le voilà! c'est lui! et en
: et do tous ces transports d'allégresse, lui
même temps il le serre dans ses bras autant seul conservait un fond de mélaneolie dont
que ses forces peuvent le lui permettre. Un rien ne pouvait le tirer, et que la tendresse
témoignage aussi authentique, aussi irrécu- de sa mère combattait en vain. Un jour
sable, devait, ce me semble, sulfire pour qu'elle le pressait plus vivement que de cou-
attester l'innocence de notre ami et lui faire tume de lui ouvrir son cœur el de lui confier
rendre sur-le-champ la liberlé; mais ce n'est la peine secrète dont il semblait dévoré, il
pas ainsi que marche la justice, qui ne veut lui dit en l'embrassant avec tendresse :

rien faire avec précipitation, et ne lâche ce — O ma bonne mère pardonne à ton


1

qu'elle tient que quand il ne lui est plus pos- pauvre fils dont la lêle faible nourrit des
sible de le retenir. idées noires que rien ne peut dissiper el qui
Sur ces entrefaites, la mère de Pierret était reviennent sans cesse agiter son âme. Je ne
accourue sans délai au secours de son fi's. sais si elles sont la suite de la funeste aven-
Bien informée; du fait, munie d'une grande ture à laquelle je viens d'échapper; mais j'ai
quantité de lettres de recommandation, elle le pressentiment que celte année ne se
sollicite et obtient que le blessé soit transporté passera pas sans qu'il m'arrive quelque
chez elle à sa uiaison de Paris, et que son fils chose de fatal.
ne (luille pas sa chambre qui sera soigneu- Sa mère employa tout ce que la tendresse
sement gardée. ella raison ont de plus efficace pour dé'ruire
De jour en jour le malade reprenait ses celle chimère, si funeste à son repos el à
forces, et la connaissance avec elles. Quand celui (le son fils. Elle ne put y parvenir. Elle
les chirurgiens eurent déclaré qu'il élait en fut réduite à compter les jours de cette dan-
étal de parler, il se fil une assemblée nom- gereuse année, à ne pas quitter son fils d'un
breuse de juges, el de tous les intéressés à instant, ni d'un pas; à 1 entourer jour et nuit
l'affaire dans la chambre de l'assassiné. Le de tous les soins de la surveillance mater-
meurtrier, resté vivant, lu! amené chargé de nelle, et en un mot, à jouer le rôle de ces
fers, les cadavres de ses complices avec leurs mères dont les enfants, dans les coules d. s
mêmes habils furent apportés aussi on avait ; fées, se trouvent menacés d'un grand dan-
eu soin de les mellre à l'abri de la corrup- ger jus(|u'à une certaine épo(iuo. L'année fa-
tion par des moyens connus. Quand tout fui tale arrivait enfin à son dernier terme; la
dans l'état convenable, le blessé, se soulevant tendre mère avail rassemblé toute la famille
sur son coude, prit la parole el déposa : pour célébrer un si grand jour, quoiqu'elle
«Que leljour,àtelle hcuredumalin, ilavait el sou fils fussent seuls dans la confidence
rencontré au marché aux cli<'vaux ces trois do ces craintes malheureuses. Quand le dî-
hommes avec lesquels il était lié d'inlérèls de ner fut fini, comme il faisait un temps su-
commcrce;qu'ils lui avaient vu faire de très- perbe, et qu'on pouvait disposer encore de
bonnes affaires, et recevoir beaucoup d'or el quelques heures, on proposa de mettre les
beaucoupdebilletsau porteur, qu'ils l'av-iienl chevaux aux voitures el d'aller faire un tour
invité à dîner; que lui, ne se doutant de rien, à la chasse dans le parc jusqu'à la nuit. La
el ne se méfiant pas d'eux av.iil accepié (lu'ils
, : proposition csl accueillie ; hommes et fem-
avaient essayé de le faire boire, mais qu'il mes partent lous, cl laissent le jeune Pierret
n'avait pas soupçonné leur dessein; qu'après peu ami de ces plaisirs bruyants, dans la
le dîner, où en effet il avait un peu passé les compagnie de sa mère.
bornes, ils l'avaient invité à faire un lourde — bien
lit) lui disait la vieille dame, la
!

promenade, cl l'avaient conduit à l'endroit voilà enfin révolue cette terrible année quo
écarté où on avait dû le trouver; que là ils lu craignais tant, cl que lu m'as tant fait
s'étaient jelés sur lui armés de couteaux, ciainlre! lille sera finie, cl. e l'est...
l'avaient dépouillé de son or, de son argent, — Bientôt, mais pas encore, répondit-il
de ses billets; qu'il leur avait demandé au séricusemcnl.
moins la vie, que les seélérals pour réponse Ma<lame Pierrel se mit à lire ethaussa le»
l'avaient criblé do coups de couteau ; que ses épaules. Cependant, peu à peu lejour lom
cris redoublés avaient adiré ce jeune homme biit. cl compagnie, dont le
la rendez-vous
cjui l'avail délivré cl doiu les traits s'étaient maison, se rassemblait in>ensiblc-
était à la
sur-le-champ gravés dans sa mémoire d'une ment. Us arrivaient les uns après les autres,
manière iuilT\.iblc;<iu'ensuile il avail perdu cl se trouvèrent bieulôl en nombre asscï
,

h?)'' iror:
HOC 855
considômblo pour essayer des jeux de so- Hftcquc moins coupable que les autres, et
,
eU't?. Oïl proposa la main chaude : aussitôt
.
qui n'avait été condamné qu'aux galères
arccptée que proposée. On cominence, on était à la chaîne dans les prisons de la
frappe lour à tour Tour-
1res peu occupé du jdi
;
ne!le. On gagna un autre forçat
et n'y trouvant de plaisir que celui que nommé
sa Bealrix, qui était attache avec lui. Ce der-
complaisance pouvait faireaux autres, l'icr- iiier,à qui le seigneur de l'acy
rel, hienlôl la tcle cachée sur les frenoux do
avait fait tenir
lie largent, fit un jour tant
sa mère, se Irompiit à (ous les coups et ne
boire Hoc(|(ic
quil l'eiMvraeten et état ie mil sur le ch
i

•levinait jaunis. Il y avait une appuence i-


pitre du sort de Pacy. Il lira de lui
le secret
qu'il ne quitterait pas la place de la soirée qu'il n'y avait qu'un berger nommé
lorsqu'un de ses beaux-frères, arrivé de la
,
Bras-de-
Fer, qui demeurait près de Sens, qui
chasse avec son fusil à la main, s'appruclio pûl le-
ver le sort par ses conjurations.
du jeune homme chatouille dans le
et le Béatrix, profitant de ce commencement
creux de la main avec de
bout du fusil.... Le
le coiifiilence, engagea le vieux berger à
coup éclate aussitôt, par je ne sais quelle écrire
à son fils une lettre par laquelle il lui man-
fatahlé, et brise les reins du malheureux
dait d'aller trouver Bras-de-Fer pour le
Pierret, sur le seiii de sa mère plus malheu- ,
prier do lever ce sort, et lui défendait surtout
reuse encore. Je n'entreprendrai pas de vous de dire à Bras-de-Fer qu'il lût condamné
décrire cette scène d'horreur à laquelle j'as- et
emprisonné , ni que c'était lui, Hocque qui
sistai. Je ne dirai pas non plus que les ,
der- avait posé le sorl.
niers mots de l'infortuné furent celle
excla- Celte lettre
mation murmurée avec douceur écrite, Hocque s'endormit.
— Eh bien! ma mèie !
:
Mais à son
dissipées,
réveil, les fumées du vin étant
Et et réfiéchissant sur ce qu'il avait
il retomba mourant à ses pieds.
HOCQUE. Après fait, poussa des cris et des hurlements
il
l'édit de 16S2 pour la pu-
nilion des maléfices, la race des sorciers épouvantables, se plaigaantque Béatrix l'a-
ma!- vait trompé, et (ju'il serait cause de sa mort,
laisants diminua sensiblement en France.
lise jeta en même temps sur lui, et voulut
Mais il restait encore, dans la
Brie, aux en-
virons de Paris, une cabale de bergers qui l'étrangler, ce qui excita les autres forçats
faisaient mourir les bestiaux, attentaient à
contre Béatrix, en sorte qu'il fallut que le
la
vie des hommes, commettaient plusieurs commandant de la Tournelle vînt avec ses t
an- gardes pour apaiser ce désordre et tirer
Ires crimes, et s'étaient rendus
formidables à Béatrix de leurs mains.
,

la protiiice. h
y en eut enfin d'arrêtés; le
juge de Pacy instruisit le procès; et par les Cependant la lettre fut envoyée au sei-
preuves, il parut évident que tous ces maux gneur, qui la fit remettre à son adresse.
étaient couimis par ntaléfices et sortilèges. Bras-de-Fer vint à Pacy, entra dans les écu-
Les sorts et les poisons dont ces bandits ries, et,après avoir fait des figures et des
se servaient pour faire mourir les bestiaux i iiprécalions, il trouva effectivement le sort
consistaient dans une composition (ju'ils qui avait été jeté sur les chevaux et les va-
avouèrent au procès, et qui est rapportée ches; il le leva et le jeta au feu, en présence
dans les factums,mais remplie de sacrilèges, du fermier et de ses domestiques. Mais à
d'impiétés, d'abominations et d'horreurs! en l'instant parut chagrin, témoigna du regret
il

niêmc temps que de poisons. Ils mettaient de ce qu'il venait de faire, et dit que le dia-
celle composition dans un pot de ble lui avait révélé que c'était Hocque, soa
terre, et
l'enterraient, ou sous le seuil de la porte ami, qui avait posé le sort en cet endroit, et
des
elables aux bestiaux, ou dans le chemin qu'il était mort à six lieues de Pacy, au mo-
par
ou ils passaient et tant que ce sort demeu-
;
.ment que ce sort venait d'être levé...
rait en ce lieu, ou que celui qui par les observations qui furent
fin eft'el,
l'avait posé
était en vie, la mortalité
ne cessait point; faites au lîhâteau de la Tournelle, il y a
c'est ainsi qu'ils s'en expliquèrent dans preuve qu'au même jour et à la même heure
leurs
interrogatoires. que Bras-de-Fer avait commencé à lever le
Une circonslaiice singulière de leur procès sort, Hocque, qui était un homme des
plus
fit croire qu'il y avait un vrai pacte entre forts et des plus robustes, était mort en
un
eux et le diable, pour commettre tous ces instant dans des convulsions étranges, et su
maléfices. Ils avouèrent qu'ils avaient jeté tourmentant comme un possédé, sans vou-
les sorts sur les bestiaux du fermier de la loir entendre parler de Dieu ni de
confes-
terre de Pacy, près de Brie-Comle-Robert sion
pour venger l'un d'eux que ce fermier avait
Bras-de-Fer avait été presse de lever an-si
chassé et mis hors de son service. Ils firent
le sort jeté sur les moutons, mais il dit qu'il
le récit exact de leur
composition mais ja- , n'en ferait rien, parce qu'il venait d'appren-
mais aucun d'eux ne voulut découvrir le lieu
dre que ce sort avait été posé par les enfants
,ou ils avaient enterré ie sorl,et on ne
savait, de Hocque et qu'il ne voulait pas les faire
après de semUables aveux, d'où pouvait ve- ,

mourir comme leur père. Sur ce refus, le


nir leur rélicence sur ce dernier fait.
Le fermier cul recours aux juges du lieu. Bras-
li'ge les pressa de s'en expliquer;
ils dirent de-Fer, les deux fils et la fille de Hocque
que s ils découvraient ce lieu, et qu'on levât
furent arrêtés avec deux autres bergers,
le sort, celui qui l'avait
posé mourrait à l'in- leurs complices, iio:iwnés Jardin cl le Petit-
stant.
Pierre; li'ur procès instruit, Bras-de-Fer,
L'un de leurs complices, nommé Etienne Jardinet le Petit Pierre furent condamnés
, , ,

R5.) DiCriONNAIliF. DES SCIENCES OCCUI/IKS. 8iO

les trois enfants LK RAHOK.


à dire pentins et brûlt-s, et
Quel feu dans ma poitrine! Ah quels déchircmenis
de Hocque bannis pour neuf .ins (I)...
! I

On lit! peut suppiirler de si^nblables louriiienls!


Oïl lira ici avec plaisir la légonde suivante Ah! je me iiieuis! l'enfer!.. . Sauve-moi; je le livre...,

de M. EdouarU d'Angleiiioul : LE BCRCER.


Monseigneur, hâlez-vous: jurez-le sur ce livre.
LE UliliGEIl DE LA BRIE.— 1230. Et le baron, en proie â son égarement
Sur le livre magique n laii l'.iirreiix serment'
<

Aux temps peu reculés delà sorcillcrie Et le berger dans l'air agite sa houssine
Ali! (|irilstH:iienl |>\iissuiilH les licrgers de la llrie! Dont signe infernal liiitemenl se dessine
le
Il iiMuil polnl piiideiilirall'iiiier leur courroux! En s'éeriant: « Alpha, 11. Un, JaKIérichell »
'i'aulôlou l.'S voyait, cliuiinés eu luiips-yaroux, LE BARON.
Rôder dans les liaïueaux, y ctiorclier aveuture, Je me sons bien.
Enlever les eufaiils, eu taire leur pâture; LE BERCER.
Taiiiôt de Ools de «réle ils fiap|iaieul les uioissous Tenez voire serment
Ou dans les las de blé seinaieuldes ehaïaiiçoiis. LE BARON.
Avaienl-llsa franchir un inuiieuse intervalle, Lequel?
Le iiiauclie d'un balai leur servait de cavale; LE BERGER.
Leur rej,'ard rendait pâle un visage vermeil; Livrez-moi votre enfant, car je ne puis attendre. "^
Avec un œil de pie ils ôtaieul le sommeil LE BARON.
l'our répandre l'effroi, pour troubler les esprits, Tu me perces le cœur, je ne saurais l'entendre,
Leur fallait-il un spectre, une chauve-souris l'reuds cet or, fuis, mets II a ces cruels débats.
i

Leur baguette aussiiôt les faisait apparaître; LE BERGER.


Voulaient-ils mettre obstacle au sc^rmon d'un saint prilre; L'enfant de monseigneur !
D'un pécheur repentant arrêter les aveux. UN varlet eiilrmil.
Ils jetaient sous leurs pieds des crins ou des cheveux. Le voyez-vous Ih-bas?
Mais s'ils élaient connus par de noirs malùtices Sur la blanche iiimenl sa nourrice l'emiiorle;
Ils rendaient quelquetois aussi de bons offices; Elle a, m'a-i-elle dit, écouté de la porte;
Souvent avec une herbe, un signe, quelques mois. Courez; si vous voulez les atteindre, il est temps!
Mieux que tout l'art d'un mire, ils guérissaient les maux. Et roulant des regards de colère éclatants.
En ces champs oii, parmi les glay.iils et les auin^s, Le berger aussilôi avec des cris de rage :

La Marne vers Lagny roule ses ondes jaunes, « Devais-je retirer ce fruit de mon ouvrage?
Atteint d'un mal sans nom ei qui semblait mortel Belzébulh de ses droits ne peut être frustré !
Un baron languissait au sein de son castel. Il faut que quelqu'un meure, et c'est moi qui mourrai

Soudain la renommée apporie b son oreille Déjà des doigts de plomb pèsent sur ma pau|)iéi e ;
Le bruit d'une science a nulle autre pareille; Ah! femme de malheur! » Et, Iroid comme la pierre,
Aussitôt par son ordre un varlel va chercher 11 s'enluilde la salle ; il veut franchir le pas.
Celui qui la possède, au fond de son rocher. Et tombe consumé d'un Icu qu'on ne voit pas.
Il accourt au manoir; il entre; la rosée
Luit sur ses longs sourcils, sur sa barbe frisée. HODEKKN. Voy. Hecdekin. Voy. aussi
El sur ses cheveux roux au hasard ondoyanis .1 DiABLG.
Ses yeux sont tour °a tour ternes ou flamboyants :
Il porte sur son front et verveine etsélage (i)
HOFFMANN. Célèbre auteur allemand dis
Sur son dos une peau d'un noirâtre pelage ; contes fantastiques, où le surnaturel oceupo,
Un sarreau de lin gris couvre ses reins pressés d'une manière irès-originale, la plus grande
De rameaux de fougère en ceinture tressés ;
place.
Il tient de la main droite une baguette blanche :

Un coflret de fer-blanc, qui sonne sur sa hanche, HOLDA. La holda était, chez 1rs anciens
Contient l'herbe qui tue et l'herbe qui guérit, Gaulois, une espèce de sabbat nocturne, où
Un livre en traits de sang par Lucifer écrit.
(les sorciers faisaient leurs orgies avec des
Autour de son cou brille un carcan planétaire ;
Et ses pieds, tout fangeux, sont empreints d'une terre , démons Iransformés en danseuses.Voy. Bes-
yii'on ne peut rencontrer ailleurs qu'en un grand bois, SOZIA.
D'où partent nuit et jour des cris et des abois ; parle encore en Allemagne de holda,
On
On est mort , si l'on ose en passer les barrières !
LE BARON. la bonne pieuse (sorte de fée qui remplace,
Approche. N'es-tu pas le berger des carrières? dans les opinions populaires , une divinité
LE BERCER. antique). Elle visite sans être vue la maison
Oui. Que demaudez-vous de moi f
LE BARON. du laboureur, elle charge de laine les fu-
De me guérir. seaux des ménagères diligentes et répand ,

LE BERGER. l'abondance autour d'elle (3).


Vous êtes en effet en dang. r de mourir. •
LE BARON. HOLGEK-DANSVRE , ou Ogier le Danois.
Ton art u'aurail-il point de n ssources? Voy. Frédéuic.
LE BERCER.
J'y pense. HOLLANDAIS ERRANT. C'est un vaisseau
LE BARON. fanlaslique qui apparaît, dit-on. dans les para-
Sauve-mol ; tout cet or sera ta récompense ges du cap de Bonne-Espérance. Ce vaisseau
LE BERGKR.
Oui, je puis vous sauver, mais si vous conseillez
dcploielouîes ses voiles lorsque aucun navire
A remettre en mes mains.... n'oserait en risquer une seule. On est par-
LE BARON. tagé d'opinions sur la cause de ce prodige;
Eh! quoi donc?
d'après la version la plus répandue, celait,
LE BERGER.
Ecoutez: dans l'origine, un navire richement chargé
Vous avez, monseigneur, un enfant en bas-âge. à bord duquel se commit un horrible forfait.
Eh bien! coiiune l'enfer ne veut aucun dommage, La pesle s'y déclara et les coupables errè-,
11 faudrait (ine le son que l'on vous a jeté
Sur cet être innocent fût par moi Iransporté.
rent vainement de port en port, offrant leur
LE uàhon. riche cargaison pour prix tl'uii asile. On les
Que me proposes-tu ? relne-toi. repoussait partout, (le peur de la contagion.
LE BERCER
Je reste.
Les matelols disent que la Providence, pour
Vous sentez, je le vois, s'accroître un mal funeste perpétuer le souveuir de ce châtiment, per-

(t) Le commissaire Delainarre, Traité de la |k>Îicp. usage.


fi) Le sé(agc est une
lanic dont se paraient autrefois
|
(.')) M. Ozanam , De l'établissement du Christianisme eu
K'b Jruidesses et doiil les sorciers oui fuit depuis le même Aileuiaiiiic.
,

84t IIOM llOM 6(»

met que Hollandais erranC apparaisse en-


le il arrive des illusions nocturnes , c'est parce
rore dans ces mors où la calaslrophe cul qu'il n'y a proprement que lui qui se cou-
lieu. Celle apparition est considérée comme che sur le dos , c'est-à-dire de manière que
Un mauvais augure par les navigateurs (l). l'épine et la cuisse fassent une ligne droite,
Le Hollandais errant sujet de beaucoup , el que l'une et l'autre, avec les bras, soient
de traditions s'appelle aussi le Voltigeur
, parallèles à Ihoiizon. Or les animaux ne
hollandais. Voyt'Z Ce mot. peuvent pas se coUcher ainsi ; quoique leur
HOLLERE. M.igicien danois qui s'était ac- épine soit parallèle à l'horizon, leurs épau-
quis au treizième siècle, la réputation
,
les sont détournées et forment deux angles.
d'un homme à miracles, el qui n'était qu'un Lisez Xénophon, Hérodote, Plularque et
sorcier adroit. Pour passer la mer, il se ser- autres historiens, vous verrez qu'il existe
vait d'un os gigantesque marqué de quel- des contrées fabuleuses oii les hommes ont
ques charmes et Caractères magiques. Sur une léle de dogue ou de bichon, des pays où
ce singulier esquif il traversait l'océan com- ils n'ont qu'un œil, d'autres où ils n'ont qu'un

me s'il eùl été aidé de voiles el poussé par pied, sur lequel is sautent, de sorte que
les vents. Il fut mallrailé par les autres sor- quandils veulcntcourir,ils sont obligés de se
ciers, ses envieux, qui l'obligèrent à quitter mettre deux et de se tenir par le bras; d'au*
le pays (2). très enfin où ils n'ont point de tête, etc. (4),
HOLZHAUSER (Barthélémy), visionnaire Voyez HÈsE.
allemand, né en 16.3. Le diable apparut à sa HOMME NOIR. L'homme ttoir qui promet
naissance, sous la forme d'un laid chien noir; aux pauvres de les faire riches s'ils veulent
le nouveau-né s'écria qu'il ne le craignait se donner à lui n'est autre que le diable.
, —
point, cl le diable décampa. On ce qui suit dans la légende dorée :
lit —
En étudiant le latin, il fut attaqué de la Un chevalier qui jouissait d'une grande for-
peste qui régnait à Cologne. Comme il était tune, el qui la dépensait en libéralités, de*
sur son sentit quelqu'un lui donner un
lit, il vintbientôt si pauvre, qu'il manquait du né-
souffle). se tourna, nevit personnei mais le
Il cessaire. Comme il n'avait pas le courage de
souftlel l'avait guéri; il retourna en classe. recourir à ses amis , et que ses amis ne pa-
Il alla faire sa philosophie à Ingolsladt, raissaient pas disposés à se souvenir de lui,
eut des visions sans nombre, fut vexe par les il tomba dans une grande tristesse , qui rc"
démons, pourchassé par des spectres. Il dé- doubla encore à l'approche de son jour natal»
livra des possédés, prophétisa et publia ses où il avait coutume de faire le magnifique.
visions. Occupé de ses chagrins, il s'égara dans une
Et d'abord il mit au jour son Voyage aux solitude ; il y vit bientôt paraître devant lui
enfers. —
Il fit paraître ensuite un recueil un homme vêtu de noir, d'une taille haute,
de diverses petites visions peu remarquables, monté sur un cheval superbe. Ce cavalier
et son Explication de l'Apocalypse dont il , qu'il ne connaissait pas lui demanda la cause
trouva toutes les prédictions entrain de s'ac- de sa douleur. Après qu'il l'eut apprise, il
complir. Il mourut en 1658. ajouta : —
Si vous voulez me rendre hom-
Ses visions sont très-bizarres. Il vit un jour mage, je vous donnerai plus de richesses
sept animaux un crapiiud qui chantait
: que vous n'en avez perdu.
comme un perroquet; un chameau qui por- —Cette proposition n'avait rien d'extra-
tait des reliques; un être qui tenait du che- ordinaire dans un temps où la féodalité était
val hennissant et du chien aboyant ; un en usage. Le chevalier promit à l'élraiiger de
grand serpent plein de fiel, qui avalait des faire ce qu'il exigerait, s'il pouvait lui ren-
âmes; un pourceau énorme qui se vautrait dre sa fortune. —
Eh bien I reprit le diable
dans la fange et qui allait du travers; un (car c'était lui), retournez à votre maison,
sanglier qui exécrait, et enfin une septième vous trouverez dans tel endroit de grandes
béte, morte et sans nom. sommes d'or et une quantité de pierres pré-
Barthélémy vit ensuite une monarchie cieuses. Quant à l'hommage que j'attends de
deux sièges et un archange qui se prome- vous, c'est que vous ameniez voire femme
nait entre plusieurs fauteuils; il vit un roi à ici dans un an.
cheval sur le Danul>c , puis plusieurs petits —Le chevalier s'engagea, regagna sa mai'
vers qui allaient en manger un grand , lors- son, trouva les trésors indiqués, et reprit son
qu'un chat vint qui chassa tous les petits habitude de largesses qui lui ramena ses
vers et délivra le grand (3)... bons amis.
Nous ne pouvons rien prononcer sur ces —A de l'année, il songea à tenir sa
la fin
visions. promesse. H
appela sa femme. —
Vous allez
' HOMMES. Il pariJi qu'il n'y a que l'homme monter à cheval et venir avec moi, lui dit^il,
à qui nature ait donné une figure droilc
la car nous avons un petit voyage à faire.
cl la faculté de contempler les cicux. Seul C'était une dame pieuse, qui avait grando
parmi les animaux il a l'épine du dos et l'os dévotion à la sainte Vierge. Elle Ht sa prière,
(ie la cuisse en ligne droite. C'est un fait, dit et suivit son mari sans demander où il la
Aiistote , que si l'homme est le seul à qui conduisait.
' WallerScolt, de Hokeby, chanta*.
M.illiilde verierabilis servi Dei Bartholom»! Holihau!>er, etc., dlgn»
(!)
(2) JuKemeiils d»; de Clias^aanoii, p. lli.
Uii'ii, a;vi noslri meinoria ad ejiis Biograihiam appendix, Baiii*
(5) BioRiapliia vcn'iutjilis servi Dri liai thuloiuspi Hol- bergie, 1793, fa-8».
xbiiiiser, elc , li;iiiil)erg;»!, 1781, iii-S". Acccdual ejiisdein (i) M. Saignes, des Erreurs el des préjugés , t. I" ;
iii AjKicalyifti.ii euiii'iii'.ir.acii pl.iiie adniiiubllus. — Visioiies p. 10.

DlCTlOX.X. DES SCIKSCSS OCCULTES. I. 27


843 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. m
— Aprc^s avoir marché plus d'une heure, eus, dont quelques-uns paraissaient d'or et
los deux ^'pous reiicoiitrèrcnl une église. La nouvellement frappés. Dans la même bourse
dame voulant y entrer, descendit de cheval; il y avait une poudre que le specire Oisail
son mari l'atlendil à la porte. A peine ful- Irôs-sublile. 11 lui donna ensuite des conseils
elle entrée dans l'église qu'elle s'endormit en abominables, el l'exhorta à renoncer à l'u-
commençant à prier; la sainte Vierge ayant sage (le l'eau bénite et à l'adoration de Ihos-
pris sa figure, rejoignit le chevalier et partit tie. Le jeune homme eut horreur de ces pro-
avec lui auiendez-vous. positions; il fit le signe de la croix sur son

— Lorsqu'ils arrivèrent au lieu désigné, cœur, en même temps il se sentit jeté si


et
le prince des démons y parut avec fracas. rudement contre terre, qu'il y demeura une
Mais dès qu'il aperçut la dame que le cheva- demi-heure. S'étant relevé, il retourna hc z (

lier lui amenait, il commença à trembler de ses parents, fil pénitence et changea de con-
tous srs membres, el ne trouva plus de force duile. Les pièces qui paraissaient d'or el
pour s'avancer au-devant d'elle. Homme — nouvellement frappées, ayant été mises au
perOde, s'écria-t-il, est-ce ainsi que tu devais feu, ne se trouvèrent être que du cuivre. »
reconnaître mes bienfaits? Je t'avais prié de Ainsi, lionnes gens, défiez-vous de l'homme
m'amener la femme, el tu viens ici avec la noir. Voy. Argent. Foy. aussi Hugues.
mère de Dieu, qui va me renvoyer aux en- —
HOMME ROUGE, démon des tempéles.
fers!.... « La nuit, dans les affreux déserls des côles
Le chevalier, stupéfait, ne savait quelle de la Bretagne, près Saint Paul-de-Léon (2),
contenance garder ; la sainte Vierge dit au des fantômes hurlants parcourent le rivage.
diable: — Méchant esprit, oserais-tu bien L'homme rouge en fureur commande aux
faire du mal à une femme que je protège? éléments et prét;ipite dans les ondes le voya-
Rentre dans l'abime et souviens-toi de ne
, geur qui trouble ses secrets et la solitude
jamais chercher à nuire à ceux qui mettent qu'il aime. »
en moi leur confiance... On dans le peuple qu'un petit hommt
croit
Le diable se retira. Le chevalier éperdu rouge mystérieux apparut à Napoléon pour
se jeta à genoux devant Notre-Dame, qui, lui annoncer ses revers.
après lui avoir reproché son égarement indi- HONGROIS, Voy. Ogres.
gne , le reconduisit à l'église où sa femme HONOltIUS, Voy. Grimoire.
dormait encore. Les deux époux rentrèrent HOKEY, nom que les nègres de la côte
chez eux; ils se dépouillèrent des richesses occidentale d'Afrique donnent au diable, qui
qu'ils tenaient du diable; mais ils n'en fu- n'est sans doute qu'un nègre aposié par les
rent pas plus pauvres, parce qu'ils recon- marabouts. Les cérémonies de la circonci-
nurent que les biens matériels ne sont pas les sion ne manquent jamais d'être accompa-
vraies richesses (1). gnées dos mugissements du Horey. Ce bruit
Le père Abram rapporte l'anecdote sni- ressemble au son le plus bas de la voix hu-
rante, dans son histoire manuscrite de l'u- maine, il se fail entendre à peu de dislance,
niversité de Pont-à-Mousson : et cause une frayeur extrême aux jeunes
« Un jeune garçon de bonne famille, mais {^ens. Dès qu'il commence, les nègres prépa-
peu fourni d'argent, se mil à servir dans rent des aliments pour le diable, et les lui
l'armée parmi les valets. De là ses parents portent sous un arbre. Tout ce qu'on lui
l'envoyèrent aux écoles ; mais ne s'accom- présente est dévoré, dil-on, sur-le-champ,
moilanl pas de l'assujettissement que deman- sans qu'il en reste un os. Si la provision ne
dent les éludes , il résolut de retourner lui suifit pas, il trouve le moyen d'enlever
à son premier genre de vie. Eu chemin il quelque jeune homme non encore circoncis.
rencontra un homme vêtu d'un habit de soie Les nègres prétendent (ju'il garde sa proie
noire, au resle de mauvaise mine, qui lui dans son ventre, et que plusieurs jeunes gens
demanda où il allait, et pourquoi il avait y ont passé jusqu'àdix ou douze jours. Après
l'air si triste? —
Je suis, ajoula-t-il, en état sa délivrance, la victime qui a été avalée de-
de vous mettre à votre aise si vous voulez
, meure muette autant de jours qu'elle en a
vous donner à moi. passé dans !e ventre du diable
Le jeune homme, croyant qu'il parlait de Les nègres parlent avec effroi de cet es-
l'engager à son service, lui demanda un mo- prit malin ; cl l'on ne peut qu'être surpris
ment pour y penser. Mais, commençant à se (le la confiance avec la(iuelle ils assurent
défier (les magnifiques promesses que l'étran- avoir été non-seulement enlevés, mais avalés
ger lui faisait, il le convidér.i de plus près, et par ce monstre.
ayant remarqué qu'il avait le pied gauche HOROSCOPES. Un maréchal ferrant de
fendu comme celui d un bœuf, il fut saisi de Beauvais avait fait tirer l'horoscope de son
frayeur, fit le signe de la croix et invoqua fils. L'astrologue, après avoir examiné les
le nom de Jésus. Aussitôt le spectre s'éva- divers aspects des astres, découvrit que Pen-
nouit. fant élail menacé de mourir à quinze ans
« Trois jours après, la même figure lui ap- d'un coup de tonnerre. Il désigna en même
parut de nouveau, el lui demanda s'il avait temps le mois, le jour el l'heure où l'événe-
pris sa résolution? le jeune homme répondit mcnl devait avoir lieu ; mais il ajouta qu'une
qu'il n'avait pas besoin de maître. L'homme cage de fer sauverait le jeune homme.
loir jfila à ses pieds une bourse pleine d'é- Quand le temps arriva, le père chercha
(t) Voyez cette légende curieuse plus développée dans Sire de Champ-Fleury
U»iégeint(s de la tauue Vierge, oi» elle esl inlimlée: le (2) Caiiibry, Vojagc dans le Finistère, 1. 1
\

,

P45 HOR IIOR 9\C


rommenl laca^c de fer pourrait éviter à son Ils aiment les plaisirs
, réussissent dans le
(ils une mort prématurée; il pensa que lo
si commerce principalement sur les mers et
, ,

sens de l'oracle était probablement d'enfer- feront de grands voyages. Ils ont en partage,
mer ce jour-là son enfant dans une cage de la beauté, des manières aisées , des talents
fer bien fermée. Il se mit à travailler à la pour la parole cependant ils manquent à
;

construction de celte cage sans en parier à leurs promesses, et ont plus de bonheur que
persoime. Le moment arriva. Une nuée pa- de soin. Ils auront de grands héritages.
raissait se former dans le ciel, et jusiifiait Ils seront veufs de leur première femme,
jusqu'alors le dire de l'astrologue. Il appelle et n'auront pas beaucoup d'enfants. Qu'ils se
donc son fils et lui annoixce que son étoile le défient des incendies et du l'eau chaude.
condamnait à être tué du tonnerre, un peu La femme qui naît sous celte constellation
avant midi, s'il n'avait heureusement trouvé sera aimable, gaie, agréable, enjouée, assez
le moyen de le soustraire à sa mauvaise pla- heureuse. Elle aimera les fleurs : elle aura
nète; il le pria d'entrer dans la cage de fer. de bonnes manières ; la douce persuasion
Le fils, un peu plus instruit que son père, coulera de ses lèvres. Elle sera cepenjîanl
pensa que, loin de le garantir du tonnerre, susceptible et querelleuse. —
Elle se mariera
cette cage ne servirait au contraire qu'à l'at- à dix-sept ou à vingt-trois ans. Qu'elle se
tirer; il s'obstina à rester dans sa chambre, défie du feu et de l'eau chaude.
où il se mit à réciter l'Evangile de saint 2° Le Scorpion. ( C'est Orion
, que Diane
Jean. Cependant les nuages s'amoncellent, le changea en cet animal, et qu'on a mis au
temps se couvre, le tonnerre gronde, l'éclair nombre des constellations. 11 donne la malice
brille, la foudre tombe sur la cage de fer et et la fourberie.) Le Scorpion domine dans le
la réduit en poudre. Le maréchal surpris ciel du 22 octobre au 21 novembre.
bénit pour la première fois le ciel d'avoir Ceux qui naissent sous celte constellation
rendu son fils désobéissant, et vit toutefois seront hardis, effrontés, flatieurs, fourbes et
l'oracle accompli. Du moins tel est le conte. cachant la méchanceté sous une aimable ap-
Voy. Astrologie. parence. On les entendra dire une chose
.Horoscopes tout faits, ou moyen de con- tandis qu'ils en penseront une autre. Ils se-
naître sa destinée par les constellations de ront généralement secrets et dissimulés.
la naissance. Leur naturel emporté les rendra inconstants.
Nous empruntons ces plaisanteries, qui Ils jugeront mal des autres, conserveront
ont été si sérieuses pour nos pères, et que rancune, parleront beaucoup, et auront des
l'Eglise a toujours combattues , aux divers accès de mélancolie. Ils n'aimeront à rira
livres sur la matière, traitée par Jacques de qu'aux dépens d'aulrui , auront quelques
Hagen et par cent autres, du ton le plus amis, et l'emporteront sur leurs ennemis.
grave. Ils seront sujets aux coliques, et peuvent
Les auteurs qui ont écrit sur les horosco- s'attendre à de grands héritages.
pes ont établi plusieurs systèmes semblables La femme qui nall sous celle constellation
à celui-ci pour la forme, et tout différents sera adroite et trompeuse. Elle se conduira
pour les choses. Les personnes qui se trou- moins bien avec son premier mari qu'avec
vent ici nées avec le plus heureux naturel, son second. Elle aura les paroles plus douces
seront ailleurs des êtres abominables. Les que le cœur. Elle sera enjouée, gaie, aimant
astrologues ont fondé leurs oracles sur le à rire, mais aussi aux dépens des autres.
caprice de leur imagination, et chacun d'eux Elle fera des inconséquences, parlera beau-
nous a donné les passions qui se sont ren- coup, pensera mal de tout le monde. Eile de-
contrées sous sa plume an moment qu'il viendra mélancolique avec l'âge. — Elle
écrivait. Qui croira aux présages de sa con- aura un cautère aux épaules à la suite d'une
stellation, devra croire aussi à tous les pro- maladie d'humeurs.
nostics de l'almanach journalier, et avec plus 3" Le Sagittaire. (C'est Chiron le Centaure,
de raison encore, puisque les astres ont sur qui apprit à Achille à tirer de l'arc, et qui
la température une influence qu'ils n'ont pas fut mis au nombre des constellations. Il
tant sur nous. Enfin, si la divination qu'on donne l'amour de la chasse et des voyages.)
va lire était fondée, il n'y aurait dans les Le Sagittaire domine dans le ciel, du 22 no-
hommes et dans les femmes que douze sor- vembre au 21 décembre.
tes de naturels, dès lors que tous ceux (]ui L'homme qui naît sous celle constellalion
naissent sous le même signe ont les mêmes aimera les voyages et s'enrichira sur les
passions et doivent subir les mêmes acci- mers. Il sera d'un tcmjiérament robuste,
dents ; et tout le monde sait si dans les mil- aura de l'agilité et se montrera d'un esprit
lions de mortels qui habitent la surface du attentif. Il se fera des amis dont il dépensera
globe, il s'en trouve souvent deux dont les l'argent. Il aura un goût déterminé pour l'é-
destinées et les caractères se ressemblent. quilation, la chasse, les courses, les jeux de
1" La Balance. (C'est la balance de Thémis force et d'adresse, et les combats. Il sera
(ju'on a mise au nombre des constellations. juste, secret, fidèle, laborieux, sociable, et
Elle donne les procès.) La Balance domine aura autant d'amour-propre que d'esprit.
dans le ciel depuis le 22 septembre jusqu'au La femme qui naît sous cette constellation
21 octobre. sera d'un esprit inquiet et remuant; elle ai-
Les hommes qui naissent dans cet espace mera le travail. Son âme s'ouvrira aisémenl
de tcmjis, naissent sous le signe de la Ba- à la pitié; elle aura du goût pour les voya«
lance. —lis sont ordinairement querelleurs. gcs, et ne pourra rester longtemps daus lo
847 niCTIONNAllŒ DES SCIENCES OCCL'LTES. 8»8

même pays. Elle scr.i présonipliieuseel douce médiocrement sensible, et fuira le monde
ilo quelques qualités lanl de l'esprit que du Sa santé, faible jusqu'à vingt-huit ans, de-
cœur. —Elle se mariera à dix-neuf ou à viendra alors plus robuste. Elle aura cepen-
viiigl-qualre ans. Elle sera bonne mère. dant de temps en temps des coliques.
i' Le Capricorne. (C'est la chèvre Anial- 7» Le Bélier. ( C'est le bélier qui portait la
lliéc qui allaita Jupiter, et qui fut mise au toison d'or, et qui fut mis au nombre des
nombre des constellations. Elle donne l'é- constellations. Il donne les emportements. )
lourderie. )Le C :pricorne domine dans le Le bélier domine dans le ciel du 23 mars au
ciel du 22 décembre au 21 janvier. 21 pvril.
Celui qui nait sous cette constcllalion sera Ceux (|ui naissent sous cette constellation
d'un naturel irascible, léger, soupçonneux, sont irascibles, prompts, vifs, éloquents,
ami des procès el des querelles; il aimera le studieux, violents, menteurs, enclins à l'in-
travail, mais il hantera de mauvaises socié- constance. Ils tiennent rarement leur parole
tés. Ses excès !e rendront malade. Rien n'est el oublient leurs promesses. Ils courront de»
plus inconstant que cet homme, s'il est né dangers avec les chevaux. Ils aimeront la
d.ins la nuit. I sera enjoué, arlif el fora pérhe et la chasse.
quelquifois du bien. Son étoile le rendra La femme qui naît sous celte constellation
heureux sur mer. Il parlera modérément, sera jolie, vive et curieuse. Elle aimera les
aura la lôte petite et les jeux enfoncés. nouvelles, aura un grand penchant pour le
Il deviendra riche et avare dans les der- mensonge, et ne sera pas ennemie de la
nières années de sa vie. Les bains, dans ses bonne chère. Elle aura des colères, sera mé-
maladies, pourront lui rendre la santé. disante dans sa vieillesse et jugera sévère-
La femme qui naît sous celte constellation ment les femmes. Elle se mariera de bonne
sera vive, légère, et cependant tellement ti- heure et aura beaucoup d'enfants.
mide dans ses jeunes années, qu'un rien 8* Le Taureau. (C'est le taureau dont Ju-
pourra la faire rougir. Mais son caractère piter prit la foriiie pour enlever Europe, et
deviendra plus ferme et plus hardi dans l'âge qui fut mis au nombre des constellations. Il
|)lus avancé. Elle se montrera jalouse, tout donne la hardiesse el la force. ) Le Taureau
en voulant cacher sa jalousie. Elle parlera domine dans le ciel du 22 avril au 21 mai.
beaucoup, et fera des inconséquences. Elle L'homme qui naît sous cette constellation
aimera à voyager. Elle ne sera pas d'une est audacieux; il aura des ennemis qu'il
grande beauté. saura mettre hors délat de lui nuire. Le
5° Le Verseau. (C'est Ganymède, fils de bonheur ne lui sera pas étranger. Il voyagera
Tros, que Jupiter enleva pour verser le nec- dans des pays lointains. Sa vie sera longue
tar aux dieux, et qu'on a mis au nombre des et peu sujette aux maladies.
constellations. Il donne la galle.) Le Ver- La fenmie qui nall sous celte constellation
seau domine daus le ciel du 22 janvier au 21 est douée de force el d'énergie. Elle aura du
février. courage; mais elle sera violente et empor-
L'homme qui naît sous cette constellation tée. Néanmoins elle saura se plier à son de-
sera aimable, spiriluel, ami de la joie, cu- voir et obéir à son mari. On trouvera dans
rieux, sujet à la fièvre, facile aux projets, cette femme un fonds de raison et de bon
pauvre dans la première partie de sa vie, ri- sens. Elle parlera pourtant un peu trop. Elle
che ensuite, mais modérément. H sera ba- sera plusieurs fois veuve et aura quelques
vard cl léger, quoique discret. Il fera des enfants, à qui elle laissera des richesses.
maladies, courra des dangers. Il aimera la 9" Les Gémeaux. (Les Gémeaux sont Cas-
gloire; il vivra longtemps. Il aura peu d'en- tor et Pollux qu'on a mis au nombre des
fants. constellations. Ils donnent l'amilié. ) Les
La femme qui
naît sous cette constellation Gémeaux dominent dans le ciel du 22 mai au
sera constante, généreuse, sincère et libé- 21 juin.
rale Elle aura des chagrins, sera en bulle Celui qui naît sous celte constellation
aux adversités, el fera de longs voyages. Elle aura un bon cœur, une belle figure, de l'es-
sera fidèle, sage el enjouée. prit, de la prudence et de la générosité. Il
C° Les Poissons. { Les dauphins qui ame- sera présomptueux, aimera les courses cl
nèrent Amphilrite à Neptune furent mis au les voyages, et ne cherchera pas beaucoup à
nombre des constellations. Ils donnent la augmenter sa fortune cependant il ne s'ap-
;

douceur.) Les Poissons dominent dans le pauvrira point. Il sera rusé, gai, enjoué; il
ciel du 22 février au 22 mars. aura des dispositions pour les arts.
Celui qui naît sous ••elle constellation sera La femme qui naît sous cette constellation
officieux, gai, aimant à jouer, d'un bon na- est aimante et belle. Elle aura le cœur doux
turel, heureux hors de sa maison. Il ne sera et simple. Elle négligera peut-être un peu
pas riche dans sa jeunesse. Devenu plus trop ses affaires. Les beaux-arts, principale-
aisé, il prendra peu de soin de sa fortune, et ment le dessin et la inusii]ue, auront beau-
ne profitera pas des leçons de l'expérience. coup de ciiarmes pour elle.
Des paroles indiscrètes lui allireront quel- 10° L'Ecretissc. C'est le cancre ou l'écre-
(

ques désagréments. 11 sera présomptueux. vissc qui |)iqua Hercule tandis qu'il tuait
La femme qui naît sous celle constellation l'hydre du marais de Lerne, et qui fui mise
sera belle. Elle éprouvera des ennuis et des au nombre des constellations. Elle donne les
I)eincs dans sa jeunesse. Elle aimera à faire désagréments.) L'Ecrevisse domine dans le
<Sa bien. Elle sera sensée, discrète, économe. ciel du 22 juin au 21 juillet.
,

8;9 IIOT flOT 830


Les hommes qui naissent sous celle con- époque où vint à Bruxelles , que par ses
il

slellalion sonl sensuels. Ils auront des pro- dissipations et ses folies. Un immense besoin
cès et des querelles, dont ils sorlironl sou- d'activité le portait aux voyages. Fils d'un
vent à leur avantage; ils éprouveront de riche marchand , qui lui avait laissé de la
grands périls sur mer. Cet horoscope donne fortune, il avait visité rilalio, jouant parlou'
ordinairement un penchant à la gournian- gros jeu , et préparant déjà , du fruil de ses
ilise ; quelquefois aussi de la prudence, de observations et de ses sensations propres, sa
l'esprit, une certaine dose de modestie. comé'lie du Joueur. Revenani par mer en
La femme qui na!l sous cette constellation France, avec une dame dont il faisait grande
est assez belle, active, emportée, mais facile estime, il fut pris par des corsaires algériens
à apaiser. Elle ne deviendra jamais très- emmené à Conslantinople où une circon- ,

grasse; clic aimera à rendre service, sera stance le vexa beaucoup, c'est que la dame,
timide et un peu trompeuse. dont il faisait tant de cas, fut vendue cinq
11° Le Lion. (C'est le lion de la forêt de cents francs moins que lui. Esclave avec elle
Némée, qu'Hercule parvint à étouffer, et qui chez le même patron, il sut adoucir les ri-
fut mis au nombre des constellations. 11 gueurs de la captivité par les talents qu'il
d<mne le courage.) Le Lion domine dans le possédait dans l'art culinaire. Enfin une
ciel du 22 juillet au 21 août. somme de douze mille francs, que lui en-
Celui qui naît sous celte constellation est voya sa famille, lui rendit la liberté, ainsi
hrave, hardi, magnanime, Qer, éloquent et (lu'à la dame , sa compagne ,
qu'il voulait
orgueilleux. Il aime la raillerie. Il sera sou- épouser en arrivant en France, quand le mari
vent entouré de dangers; ses enfants feront de celte dame, qu'on croyait mort, reparut
sd consolation et son bunhcur. 11 s'abandon- tout à coup, pour lui inspirer la comédie du
nera à sa colère et s'en repenlira toujours. Retour imprévu.
Les honneurs et les dignités viendront le Reprenant alors ses voyages, il se dirigea
trouver; mais auparavant il les aura cher- vers les Pays-Bas , et arriva à Bruxelles ,

chés longlcmps.il aura de gros niollets. le 12 mai 1681.


La femme qui naît sous celte constellation Il visitait les monuments les édifices pu- ,

sera vive, colère et hardie. Elle gardera ran- blics, les objets curieux. Il alla voir Sainle-
cune. Elle parlera beaucoup, et ses paroles Gudule , l'église du Sablon , Notre-Dame do
seront souvent ainères. Au reste, elle sera la Chapelle, le palais de l'ancienne rour, qui
belle; elle aura la tête grosse. —
Qu'elle se fut brûlé cinquante ans plus tard ; il s'arrêta
tienne on garde contre l'eau bouillante et le devant le Manneken-Pis; mais la plus grande
fiu. Elle sera sujette aux coliques d'estomac. j)art de son admiration fut donnée à l'hôtel,
Elle aura peu d'enfants. de ville de Bruxelles , ce chef-d'œuvre lom-
12" La Vierge. (C'est Aslrée qu'on a mise bard-gothique, d'une architecture que riea
au nombre dts constellations. Elle donne la ne semble pouvoir reproduire aujourd'hui.
pudeur.) La Vierge domine dans le ciel du
Rpgnard s'était présenté avec des lettres
22 août au 21 septembre.
de re( ommandaiion chez maître Simon de
L'homme qui nall sous cette constellation
Fierlant, chancelier de Brabant, chez maître
est bien fait, sincère, généreux, spirituel,
Jean Locquet président au grand conseil,
,
aimant les honneurs. Il sera volé. 11 ne saura
et chez messire Mathias de Crumpippen ,
garder le secret des autres ni le sien. Il aura
conseiller du prince de Parme, gouverneur
de l'orgueil, sera décent dans son maintien,
des Pays-Bas pour Charles 11. Ces trois gra-
dans son langage , et fera du bien à ses
ves personnages faisaient au poêle voyageur
amis. Il sera compatissant aux maux des
les honneurs de Bruxelles.
autres. Il aimera la propreté cl la toilette.
La femme qui naît sous cette constellation Pendant qu'il considérait les quatre-vingts
sera chaste, honnête, timide, prévoyante et lucarnes du toit de l'hôlel-de-ville, les qua-
spirituelle. Elle aimera à faire cl à dire du rante fenêtres de la façade, séparées par des
bien. Elle rendra service toutes les fois niches qui attendent encore leurs hommes
qu'elle le pourra ; mais elle sera un peu iras- illustres, les deux lions du perron qui gar-
cible. Cependant sa colère ne sera ni dange- dent l'écusson du sénat et du peuple bruxel-
reuse ni de longue durée.... lois, les six tourelles hexagones qui déco-

Ou peut espérer que le lecteur ne s'arrê- rent l'édifice, Jean Locquet lui demanda s'il
tera à celte ridicule prescience, que pour se n'était pas étonné de la pompeuse tour de
divertir un instant. Saint-Michel haute de trois cent soixante-
,

HORTILOPITS (Jeanne), sorcière du pays quatre pieds, percée à jour dans toute son
de Labour, arrêtée comme telle en 1603, dès clévalion avec tant de hardiesse cl de grâce,
l'âge de 14- ans, et châtiée pour avoir été au surmontée de la statue dorée de saint Michel,
sabbat. irouelte gigantesque de dix-sept pieds, jetée
HOTELS DE VILLE. Plusieurs hôtels de lans les airs, sur une pierre-plate de douze
ville, plusieurs cathédrales et beaucoup d'au- pieds de diamètre au désespoir de tous les
,

tres monuments qui surprennent (sans par-


architectes à venir?
ler de divers poats), passent pour avoir été — C'est admirable , dit Regnard ; et l'hôlel
faits avec l'aide du diable. Nous donnerons de de Bruxelles esl le plus beau monu-
ville
ici la légende de l'hôlel de ville de Bruxelles. ment de ce genre que j'aie vu jamais. Pour-
Regnard , le poêle comique , n'était connu quoi faut-il que sa prodigieuse tour soit
dans le monde à l'âge de trente-quatre ans placée de travers ?
85! DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 85S

— Oh ! c'esl toute une histoire , dit Simon où vous voyez une vieille horloge placée là
de Ficrlant. en \'M, jusqu'à la grande tour de Saint-Mi-
— Cela lient à l'aventure de l'architecte , chel inclusivement. Si vous en ôliez celte
l'escalier des lions ferait tout juste Je
ajouta Jean Locquet. Celle belle place où tour,
nous sommes était autrefois un étang. Lors- milieu de celle façade qui a. comme vous
,

qu'on 1380 on l'eut desséché et comblé par voyez, onze cintres au rez-de-chaussée et dix
des remblais successils, on décida que cet fenêtres en ligne au premier étage. L'autre
endroit , comme point central serait la ,
partie qui est a droite, ayant six arcadesseu-»
t'irande-Place. Elle était précédemment au îement surmontées de huit fenêtres, n'est
Marché-aux-Herbes. On ne commença l'hô- plus de lui. Jean de Ruysbroeck commençait
Icl de Ville qu'en liO ). On amenait les ma- à la rue de l'Etoile et s'arrêtait à sa bonne
tériaux par une rue qui est ici près cl qui ,
tour.
depuis s'est toujours appelée la rue des Pier- Néanmoins , comme
il voulait élever son
res , parce que durant quarante ans elle en monument rendre durable, il s'aperçut
et le

fut constamment obstruée. Un bâtiment bientôt que la ville ne lui donnait pas assez
comme celui-ci en absorbe 1 de fonds, et reconnut qu'il ne viendrait jamais

Par monseigneur de Parme s'ecria ! à bout de son œuvre. Il ne se découragea
pourtant point il avait coutume de dire (ce
Mnthias de Crumpippen, vous n'arrivez pas :

à l'aventure de l'archilecte. qui est un propos blâmable) qu'il se donne-



N'était-ce pas un Italien, demanda Jean rail au diable , plutôt que de laisser l'édifice

Locqiiei ? inachevé.
- L'architecte de ceci , riposta vivement
Simon de Fierlant Pour un président au
1

grand conseil, vous êtes merveilleux Ou- 1


Un jour qu'il manquait tout à fait d'argent,
el ()u'il ne savait plus que devenir, il vil en-
trer dans sa maison un frère Sachet, qui des-
I
bliez-vous que ce grand homme était Jean cendait la rue de la Madelaine...
de Ruysbrot ck, noire compatriote? Lorsqu'il
— Qu'est-ce qu'un frère Sachet , demaiid i
voulut placer sa tour, où l'on devait, selon le poëte?

le vœu du bon duc Henri I", élever l effigie


— C'étaient dit le président Locquet , do
,

du saint archange qui est le patron de notre bons petits religieux auxquels on avait donné
la maison des Templiers, après leur suppres-
ville, un religieux proposa de s'en rapporter
On jeta une plume au sion, maison située rue de la Madeleine, au-
au saint lui-même.
vent elle s'arrêta à l'endroit où vous ad- près de la chapelle, et qui s'appelaient Sa-
;

mirez l'élégant obélisque. chets, parce que leur habit avait la forme
—Je voudrais savoir si c'est à la chan- d'un sac.
cellerie que vous avez pris cela, interrompit — Mais celui-là, reprit vivement Crumpip-
Jean Locquet. Il n'en fut pas ainsi ; mais pen, était un faux frère sachet ; il est même
Jean de Ruysbroeck, étant allé consulter une constant que ce n'était pas autre chose qu'un
sainte femme, qui vivait en recluse près de
démon véritable, mon cher monsieur. 11 dit
Saint-Nicolas , paroisse de l'hôtel de ville , à Jean : — Vous avez faute d'argent, et moi
j'ai besoin d'un serviteur dévoué. Si vous
elle lui dit de fouiller ses fondations et de
> oulez être à moi , signez ce contrat sur par-
poser sa tour, comme centre parfait de la
villfr, à l'endroit où il trouverait , vers une chemin rouge, et voici de l'or.
profondeur de 27 pieds, deux petits lions de Le prétendu frère portait sous sa vaste robe
pierres , emblèmes de Bruxelles et du Bra- une valise plus grosse que lui, une valise
bant. Vous pouvez les voir dans la rue de que dix hommes n'eussent pas soulevée. Jean
vil tout de suite à qui il avait affaire ; il leva
l'Ami, où ils jettent de l'eau sur des coquilles.
On les déterra à 27 pieds 6 pouces du sol, à la main pour se munir d'un signe de croix ,

l'endroit où vous contemplez la magnifique car il était encore bon chrétien, et n'avait
tour. tenu le propos malavisé que j'ai dit, que dans
— Mille pardons ,
messieurs , dit alors un de ces moments de légèreté malheureuse-
Crumpippen, en saisissant brusquement la ment fréquents chez les artistes. Mais il ne
fait pas bon jouer avec le diable; on y est
parole. Mais vous déOgurcz complèlement
les faits. Par Marie-Louisn dOrléans, notre
souvent pris. Le malin qui était là , avec sa
digne reine 1 C'est , comme l'a dit maître lourde sacoche , arrêta la main qui l'allait
Simon de Fierlant , toute une grande his- éconduire, et demandant à l'architecte s'il
était fou, il le railla si ingénieusement et lou-
toire. Je puis heureu>ement la conter à no-
ire jeune ami , car je descends par ma mère cha si bien dans son cœur les cordes de l'a-
dç Jeun do Uuysbrueck. mour-propre et de la vanité, que le pauvre
—Je vous entendrai avec plaisir, dit lleg- Jean succomba à la tentation et tomba dans
nard, tout enfoncé dans la contemplation du le piège.
chef-d'œuvre qu'il avait devant les yeux.
— Le marché va , dit-il brusquement , si

—Or donc, reprit Malhias.vous saurez vous me donnez le moyen de faire l'autre aile
que Jean de Ruysbroeck, jeune architecte ctde compléter mon édiflce, de manière que
qui avait visité le monde, fut chargé en liOO la tour suit au milieu.
défaire le plan de l'hôtel de ville de Bruxel- —Non pas, répliqua le Sachet; puisque lu
les et d'en diriger les travaux. Ayez mainte- me reconnais, tu dois savoir que nous ne
nant l'extrême bonté de diviser l'édifice en pouvons rien faire de régulier. Mais tu élè-
deux parties; la première comprend la fa- veras Il tour bien haut dans les airs, et toa
<;adc qui est devant uous , depuis la tourelle nom vivra.
hbZ tmi HOU f'i
Los yeux du faux moine brillaient sur son travers ,
que dans la relation de son Voyage
visage pâle, comme deux charbons ardents en Flandre , il se borne à dire que « l'hôtel
sur un monceau de cendns. de ville de Bruxelles fut fait par un Italien,
Jean de Ruysbroeck signa le pacte ; el tout qui se pendit de dépit d'avoir manqué à met-
alla si bien qu'en 1V20, pendant qu'on n'a- tre la tour au milieu, comme son épitaphe le
vait plus à élever que la tour, à laquelle il fait connaîire... » Cette épitaphe n'existe pas.
voulait donner cinq cents pieds, il Ct faire HOUILLE. Le charbon de terre qui se
les fondations de la seconde partie de l'hôlcl trouve dans le Hainaut et dans le pays do
de ville malgré les formelles défenses du
, Liège, et que l'on y brûle communément,
Sachet. Mais il ne trouva qu'un sol maréca- porte le nom de houille, à cause d un certain
geux el (les fondrières qui se remplissaient maréchal nommé
Priidhomme-le-Houilleux ,

d'eau toutes les nuits. Il fit pourtant com- qui , dit-on, en


la première découverte au
fit

mencer la base, qu'on assit sur des sablières onzième siècle; el des doctes assurent (ju'un
enveloppées de cuirs de bœufs, mais qu'on ne fanlôine, sous la figure d'un vieillard habillé
put pousser plus loin que ce que vous voyez : de blanc, ou d'un ange, lui montra la pre-
car un gouffre se trouvait au bout, à l'en- mière mineel disparut.
droit où vous avez maintenant une rue. D'autres contes populaires font intervenir
Le démon, craignant qu'il ne parvînt à le un gnome ou un gobelin dans la découverte
combler, quoique le terme du pacte ne fût de la houille, ({ui eut lieu au douzième siè-
pas échu, s'empara de Jean de Ruysbroeck, cle, selon les uns, au onzième, selon d'autres,
etleremplitd'undésespoir de vanitési violent, mais qui est beaucoup plus ancienne.
que le pauvre architecte se pendit à sa porte.
Sa maison était là dans la rue de l'Etoile , La Légende du houilleur.
,

qui devrait s'appeler rue de l'Eiole. Mais on Il y avait cinquante-cinq ans que le pieux
dénature tout, ainsi que vous allez en juger. Ansfride, dernier comte de Huy, avait donné
Cn bon frère Bogard vint à passer; il était ses domaines à l'évêque de Liège, lorsque le
religieux du tiers ordre de Saint -Fran- pauvre Tiel, son petit-fils el son dernier
çois et venait dire la sainte messe aux ou- descendant, parvint à sa vingt-deuxième
vriers. Il aperçut l'architecte, le détacha, lui année, vers la fin de l'été de l'année lO'iO.
mil son étole' autour du cou cl l'exorcisa , Il se fêta tout seul d'un petit esturgeon,
voyant bien que le diable l'avait envahi. Jean qu'il avait péché dans ta Meuse. Le bravo
revint à la vie el se mil à hurler, mais le di- garçon , se trouvant sans fortune, habitait
gne moine ne se rebuta point ; d'autres saints solitairement, dans le village de Plenevaux,
religieux étaient accourus. Le diable, »olido- une petite cabane où il ne possédait qu'un arc,
nienl assiégé, délogea eiifin et s'alla préci- une cognée, une pioche et quelques instru-
uiter dans le gouffre dont nous parlions. ments de pèche. Il gagnait sa vie au métier de
L'architecle délivré tomba à genoux plein de maréchal ferrant, qu'un vieux forgeron du
repentance ; il alla finir ses jours au couvent village avait eu la compassion de lui appren-
des Bogards; et son fils continua ses travaux. dre. 11 était si sage el si doux, que tout lo
On fouilla le gouffre où le démon s'était monde l'aimait et qu'on ne l'appelait pas au-
jeté ; on en retira une immense léte dorée , trement que Tiel le Prud'homme. Les vieil-
qu'on apporta sur la place, et qui fit faire lards l'estimaient pour sa bonne conduite :
bien des contes ; d'autant plus que le lende- toutes les jeunes fillesdu village, des hameaux
main elle avait perdu sa doiure et n'était voisins el de tout le Condros l'eussent vo-
plus qu'un bronze Irès-compacî. On cn fit la lontiers pris pour mari, malgré sa pauvreté
grande effigie du diable, qui est là haut, aux Mai>Tiel ne se pressait pas de donner son
pieds de larchange. cœur.
Le nouvel architecte, pour laisser à son Un beau soir du il de septembre 10'i^2,
père toute sa gloire, ne poussa pas les tra- qu'il revenait de faire ses dévolions à Se-
vaux plus loin sur l'aile droite, qu'il acheva raing devant la sainte châsse de l'abhaye
,

ainsi irrégulière et difl'ércnte dans plusieurs du Val-Saint-Lambert, il s'égara parmi le<


détails de la première construction, il perça bois de Plenevaux cl de Brion, La nuit éiail
sur le gouffre qu'on parvint ^ remplir, une belle; il chercha longtemps son chemin avec
rue qui s'appelle encore rue de la Téle-dOr. patience; il éprouva enfin une singulière
Jean de Uiiysbroeik étnil mort en liiO; émotion de joie, cn apercevant une lumière
l'hôtel de ville fut achevé tel que vous le
, assez vive à l'endroit qu'on nomme aujour-
voyez, avec sa tour, en 14V2 en 14i5 le ; , d'hui le Champ deBoiur. 11 s'en approcha el ;

jour de l'Ascension, on plaça au sommet de peu à peu il découvrit que cette lumière, qui
la flèche la statue dorée de saint Michel ter- s'élevail par une petite cheminée comnie
rassant lediable, en bronze vert antique, sur une gerbe de flamme, au-dessus de la cime
une base de pierre, de trente-six pieds de des vieux chênes, partait d'une cabane
circonférence, taillée à l'endroit qu'on nom- isolée, laquelle paraissait construite à peine
me rue de la Pierre-Plate. En liiS on érigea di'puis quelques jours. Il n'y trouva point
danslbôtel une chapelle, où l'on dilencorela de porte mais
la vaste baie (|ui servait de
;

messe tous les jours, pour le repos de l'âme fenêtre el qui descendait fort bas n'étant
de Jean de Ruysbroeck. Et voilà l'histoire. fermée ni par vitrail, ni par rideaux, il put
Begnard, qui fut lui-môme le type de son voir tout à son aise ce qui se passait dans
Joueur, se peignit sans doute aussi dans le l'intérieur.
Distrait : car il entendit ce récit lellcmcnt de L'ameublement n'était pas considérable.
ÇS5 DICTIONNAIRE DES SCItNCES OCCl'LTES. 8ÔC

il consistait en deux tabourets noirs, une suivants. Jamais il ne put reroir la chau-
prtile table d'ardoise, et deux lils de feuil- mière, et personne ne sut lui en apprendre
1 igo. La lumière, que Tiol avait aperçue, aucune nouvelle; car lui seul, sans doute,
était produite par un grand feu, qui flambait l'avait vue.
et pétillait joyeusement dans le foyer, niais De vieilles femmes et de pauvres bûche-
dont jeune prud'homme ne put reconnaî-
le rons lui dirent pourtant que parfois , en tra-
tre l'aliment, car il n'y avait dans l'âtre, bois, versant les bois de Brion, ils avaient entendu
paille, ni rameaux. (Tétait une masse de feu des chants sauvages, aperçu des lueurs, el
de nature iiiCDiinue, qui lançait une vive cru voir des follets ; mais qu'ils n'avaient eu
lumière, et jetait jusqu'au dehors une cha- garde de s'en approcher , parce que le bruit
leur suave et confortante, courait que des lutins et des démons faisaient
Les reflets de ce feu surn.iturel (alors on leur sabbat dans les bruyères de ces bois.
ne conn.'iissait pas l'usage du charbon de Tiel ne se rebuta point el continua ses re--
terre) éclairaient assez pour laisser voir par- cherches.
faitement les deux seuls habitants de la ca- Cependant les seigneurs du pays se fai-
bane; c'étaient un vieillard et sa fille. Le saient alors de ces guerres de destruction, si
vieillard n'avait pas quatre pieds de haut; fréquentes au moyen âge. En lft't4, presque
ses jambes étaient contournées; sa tête pro- tous les villages qui n'étaient pas fortifiés
fondément enfoncée dans ses solides épaules; furent détruits, el beaucoup de forêts brû-
ses yeux étincelants ; sa figure exlréme- lées. La désolation était grande sur les bords
nienl grave. Ses cheveux épais devenaient de la Meuse. Un hiver s'avançait, que l'on
gris. 11 était velud'un hoquelon rouge ba- présumait devoir être rigoureux les bonnes ;

riolé de bandes noires. Tiel le vit tout entier, gens se voyaient forcées d'aller chercher le
d'un seul coup d'œil ; et cet aspect lui bois, alors seul moyen de chauffage, jusqu'à
inspira un tel sentiment d'embarras ou de la forêt des Ardennes. Tiel le Prud'homnie
crainte, (ju'il n'osait avancer, lorsque ses ne méritait plus guère ce surnom; car il pa-
regards distinguèrent la ji-une fille. raissait vivre isolé au milieu de ses voisins,
Klle paraissait avoir dix-huit ans. Un ins- ne rêvant qu'à sa vision, et oubliant tout le
tant Tiel se crut en présence d'un ange. Il reste. Néanmoins^ le 17 septembre lOii, jour
n'avait d'abord remarqué qu'une jolie main, de la fête du saint prélat de Maestrichi, il se
blanche comme la neige, sortant d'une robe souvint que c'était à pareil jour, en revenant
de soie noire. Bientôt elle se tourna vers la d'honorer la châsse miraculeuse de saint
baie, elTiel le Prud'homme perd, t le repos, en Lambert, qu'il avait fait son heureuse ren-
contemplant une jeune tète, éblouissante de contre. Il partit donc pour Seraing , s'age-
fraîcheur, une longue chevelure noire relo- nouilla humblement devant l'autel de l'ab-
vée en nattes par derrière, une peau comme baye, el pria avec tendresse jusqu'à la nuit.
l'albâtre, des yeux grands et doux, un sou- Il s'en revint, comme la première fois, pre-
rire capable de réveiller le monde éteint. nant son chemin à l'aventure, dans la direc-'
Oui, le cœur de Tiel s'ébranla avec vio- lion des bois de Brion et de Plenevaux, qui
lence; un grand amour se saisit de lui. Mais avaient été brûlés. Ceux qui ont ressenti les
la sorte de gène que lui inspirait le vieillard, angoissesd'un grand sentiment que d'épaisses
le tumulte de ses idées, et peut-être la pen- ténèbres environnent, comprendront seuls
sée de sa misère, pensée qui rend si timide, l'immense battement de cœur qui l'assail-
ne lui laissèrent pas la force d'entrer dans la lit, traversant celle campagne
lorçqu'en
cabane. de cendres, aperçut, de l'autre côté d'une
il

Le nain cl sa fille ne parlaient point, Tiel masse sombre qui était devant lui, une
le Prud'homme était depuis longtemps con- lueur vive, qui s'allongeait sur le Champ de
ire un arbre dans l'extase, quarnJ le vieillard Boeur. Cette masse était la cabane. Il la
!*;t levant, prit par le bras la jeune fille, qui tourna en prenant le large, dans un trem-r
ie dt'passait de la tôle, et s'avança vers la blemenl extrême. Dès qu'il fut en face de la
baie éonune pour sortir. baie, il revit le même feu que la première
Tiel, effrayé, s'enfonça rapidement dans un fois, le même vieillard un peu plus gris, la
taillis. Pour tout au monde, par une de ces même jeune fille un peu plus radieuse. Il sç
inexplicables faiblesses de l'espril bumain ,
mil à genoux, leva les mains au ciel, et ren-
il n'eût voulu éîre vu en ce moment. dit grâces à saint Lambert.
Après avoir couru quelques minutes, il se Après qu'il eut prié, il se leva; il s'ache-
retourna, n'entendant et ne voyant plus rien; minait, décidé à franchir la baie de la cabane,
il écoula un moment; il hésita el ne distin-
; à se jeter aux genoux du vieillard, à obtenir
guant, dans le silencç qui l'entourait, que les la main de sa fille. Il n'étail plus qu'à quel-
palpitations de son cœur, qi^i lui semblait ques pas, lorsqu'il entendit le nain commen-
prêt il s'échapper de sa poitrine, il se ha- cer une chanson, tout en remuant la braise
sarda à revenir sur ses pas mais il s'égara
; pétillante avec un crochet de fer; la jeune
de nouveau, et il eut beau marcher jus- iille, dont la voix seule l'eût ravi, accompa-
qu'au jour, il ne put retrouver ni la ca^bane, gnait les accents bizarres de son père; ils
ui sa lumière, ni ses hôtes. chantaient eu vieux langage wallon, ces cou-
H revint à Plenevauxharassé de fatigue
, plets, que nous avons cru devoir traduire ;
et gonfléd'un sentiment qui devait désormais LE CHANT DES HOUILLELRS.
Je dominer. Le soir venu, à demi reposé, il fortune,
Avec ardeur vous cUercbez la
rçlourua dans ie bois. 11 y alla tous les jours DUiïil U terre, aux iiiaiianls Uu l>u&>>p.
ES7 HOO HOU S53

Mai» chercUei mieux, car son poids m'importune ; C'est possible, reprit le vieillard; car je
Clierchei loiijours, car elle est dans mon sein. vois que Florine vous aimera.
Pour vous je me dépouille
De mes feux les plus cUers;
La jeune fille rougit de nouveau , comme
Tirez, lirez la liouillo : pour ne pas démentir son père. Le pauvre
KécbauOuz l'univers. garçon eut besoin de toutes ses forces pour
La terre seule est mère de largesse, ne pas extravaguer de joie.
Disait la houille, en prenant sou essor
Venez à moi, car je suis la richesse,
;
— Mais qui êlos-vous, dit le nain?
Et mon teint noir cachn un vaste li ésor. —Je suis le petit-fils du comte Ansfride. On
Que le pic se dérouille, m'appelle Tiel le Prud'homme.
Fraijpez, lancez vos fers;
Tirez, tirez la houille :
— Celait un noble et digne seigneur que
Ranimez l'univers. le comte Ansfride. Mais ma fille aura de moi
Triomphez donc, peuples de la vallée, une riche dot. El n'csl-il pas vrai Florine,
,

Hnuillenrs constants, votre travail est bon, que lorsqu'il sera voIrc époux, il faudra qu'il
Dit la fortune, au grand jour étalée,
s'appelle Tiel le Houilleur ?
En se montrant sur la fosse au cliarbon
Hou'lleur, fouille et refouille; Florine répondit par un signe de tête. Tiel
U,l répète ces vers : ne s'était pas attendu à un tel accueil. Mais
Tirons, lirons la houille;
ces mots a Ma fille aura une riche dot » vin-
;
Eclairons l'univers.
rent le troubler. Le nain s'en aperçut.
Dès que les chanls eurent cessé, et qiie la — Ce nom de Tiel le Houilleur vous déplai-
cabane fui retombée dans le silence, Tiel le rait-il, mon fils, dit le vieillard?
Prud'homme, qui n'avait rien compris à la Alors, comme nous l'avons dit, la houille
chanson, s'élança vers la baie. Mais il s'ar- n'était pas connue. Tiel ne comprenait cas ce
rêta encore au moment de la franchir :
nom, qui lui devenait cher s'il plaisait à Flo-
— Seigneur et noble demoiselle, dit-il d'une rine. 11 expliqua donc la cause de son em-
voix émue, m'accordercî-vQ'as de m'arrétcr barras, qui était sa pauvreté. Le vieillard
un instant à voire foyer? lui dit:
La jeune fille sourit et rougit, avec la plus — L'homme est fait de chair et d'os; totis
gracieuse expression de bienveillance. Klle naissent également pauvres ; et aueun n'a
indiqua du doigt au pauvre Tiel un troisième dans lui-même la mine d'or. Mais la fortune
siège qu'il n'avait pas aperçu, pendant que est là (il frappa la terre du pied), dans le seiu
le nain lui disait doucement : de leur mère commune. Il faut la conquérir.
— Soyez le bien venu, si vous nous aimez. Voici l'immense trésor qui sera votre pré-
Tiel sentit son cœur se relever à ces pa- sent de noces, ajouta-t-il, en remuant av( c
roles. son crochet un gros morceau de houille, que
— Si je vous aimel dit-il... Tiel n'avait pas remarqué dans un coin de
La jeune reposait sur lui un regard si
fille la cheminée, et dont il était loin de soupçon-
bon, qu'il s'affermit ; il osa se lancer tout ner les propriétés .

d'un coup; et se jetant à genoux entre le Tiel ouvrait de grands yeux, sans oser faire
nain et sa fille : de questions. Le vieillard reprit :
— Si je vous aimel reprit-il. 11 y a deux — Ceci, mon fils, vous enrichira, vous,
ans que j'eus le bonheur de vous voir, ici vos enfants et les enfants de \os enfants, vos
même. Depuis deux ans je ne vis que de mon parents, vos amis et vos concitoyens; c'est
souvenir. Je suis venu ici pour y mourir, si une fortune inépuisable ,
qui doublera un
je ne puis obtenir la main de l'ange, dont jour la prospérité de ces contrées ; elle ré-
sans doute vous êtes le père. pandra ses bienfaits sur le resta du monde.
Le cœur du jeune homme bondit ; car, en Quand la civilisation aura détruit les forêts,
finissant ces mots, il ne vit pas le front de la dans les cruels hivers, on demandera à la
jeune fille se rembrunir. Le nain le releva terre la houille bienfaisante.
en disant : —M is qu'est-ce que ce trésor? demanda
Prud homme.

Asseyez-vous. Ce que vous demandez
en tremblant Tiel
— C'est
le
feu ei la lumière, dit le nain. En
le
est possible...
même temps il brisa le morceau de houille
Peut ôtie faut-il ici nous arrêter un in- qui était devant lui ; il en jeta une partie dans
stant; car vous devez éprouver de la sur- la flamme qui devint plus pétillante et
plus
prise. En effet, les mœurs que nous essayons vive. Tiel comprit que la houille pouvait
de décrire ne sont pas h.ibituelles. On pro- remplacer le bois, et qu'elle avait bien plus
cède avec moins d'abandon parmi les hom- de chaleur.
mes. Mais la naïveté du nain et de sa fillo, Après cela, le nain mit l'autre morceau
leur empressement à accueillir Tiel, ont fait enflammé dans un alambic il l'arrosa d'un
;

soupçonner aux savants que ce mystérieux peu d'eau, qui rendit son arileur plus aciive;
personnage était de l'espè e aujourd'hui peu il le distilla il en tira une sorte de bilum»
;

connue, que les anciens appelaient Gnomes, babylonien, un cock ou charbon qui pouvait
ou habitants de l'intérieur de la terre, et brûler longtemps encore, et dans un tube il
gardiens de ses mines, pi-tits êtres qui te- recueillit un léger gaz auquel il mit le feu.
naient à grand honneur d'être recherchés Une lumière immense éclaira la cabane. Tiei
par les hommes. se croyait dans nii pays de prestiges.
Quoi qu'il en soit, Tiel baisa avec transport — Cette lumière, dit le nain, viendra plus
!a main du vieillard après quoi il saisit celle
;
lard. Ne vous occupez maintenant que de
^e la jeune fille, tirer la houille et de remplacer le bois ijui
WCTIONNAIBE DES 8CKNCES OCCULTES. £60
manque. Je vais voas conduire à la mine. que ces deux fléaux horribles éparj^nent tou-
Le nain, portant à la main le tube euflam- jours désormais les braves bouilleurs 1

nié, se mil en marche. Tiel, au comble du HOUMANl, génie femelle qui gouverne la
bonheur, donna le bras à la belle Floriiie, cl région des astres chez les (orientaux. Voy.
le suivit. Arrivés au bord de la Meuse, le Scn*DA-ScHIVAOUN.
vieillard siflla; une barque dcscendil, con- HoURIS, vierges merveilleuses du para-
duite p;ir six hommes trapus, hauts de qua- dis de Mahomet elles naîtront des pépins
;

tre pieds, qui ramèrent eu siUnce et dépo- de toutes les oranges servies aux fidèles
sèriiil no^ trois personnages dans un endroit croyants dans ce séjour fabuleux. Il y eu
que le nain leur indi(iiiait. La lutnière et le aura de blanches, de j;iuncs, de vertes et de
vieillard marchaient devant. Tiel suivait tou- routes. Leur crachat sera nécessairement
jours avec Florine. Quand le nain s'arrêta, parfumé.
Tiel s'aperçut que les six petits hommes du HUBNER (Etienne), revenant de Bohême.
bateau, dont il n'avait point entendu les pas, Plusieurs auteurs ont dit qu'il parut, (|uelqne
étaient avec eux. La terre en cet endroit temps après sa mort, dans sa ville, et quii
était couverte de quelques grès tachetés de embrassa môme de ses amis qu'il rencon-
noir. Les six hommes de quatre pieds se mi- tra (1).
rent à piocher avec une vitesse surhumaine; HUET (Pierre-Daniel), célèbre évéque d'A-
la terre s'ouvrait, et on les y voyait descen- vranches, mort en 1721. —
On trouve ce qui
dre, comme des masses pesantes qui s'enfon- suit dans le Huetiana, ou Pensées diverses
ceraient dans la neige. Bientôt ils découvri- de M. Huet, évoque d'Avranches (2), tou-
rent la houille. chant les bruucolaques et les tympanites des
—Voici, dit le nain, ce que je vous ai lies de l'Archipel.
promis. Amenez ici demain des hommes et ,
« C'est une chose assez étrange que ce
devenez heureux. Vous n'aurez à redouter qu'on rapporte des broucolaques des l'es de
dans l'exploitation de la houille que deux l'Archipel. On dit que ceux qui, après une
sortes d'ennemis formidables. D'abord la Me- méchante vie, sont morts dans le péché, pa-
haigne, le Hoyoux, la Meuse et plusieurs raissent en divers lieux avec la même figure
autres fluenis qui, sans doute irrités de tous qu'ils portaient pendant leur vie; qu'ils font
voir au-dessous de leur lit, chercheront à s'in- souvent du désordre parmi les vivants, frap-
filtrer dans vos galeries, à détruire vos mines, pant les uns, t(iant les autres; rendant quel-
à étouffer vos ouvriers. Prévoyez ces affreux quefois des services utiles, et donnant tou-
désastres. Craignez ensuite le Grisou, démon jours beaucoup d'effroi. Ils croient que ces
mauvais, rapide comme l'éclair, irritable et corps sont abandonnés à la puissance du
funeste, que l'on dit gardien de certains mé- démon qui les conserve, les anime et s'en
Jaux et qui, dès qu'il croit qu'on en appro- sert pour la vexation des hommes. Le Père
che, vomit la flamme dans les gaz, produit Richard, jésuite employé aux missions de
,

d'épouvantables détonations , ébranle les ces îles, il y a environ cinquante ans, donna
conduits souterrains et tue les mineurs. Veil- au public une relation de l'ite de Sant-Erini
lez à ce que la lumière qui éclairera vos tra- ou de Sainle-lrène, qui était la J'hera des
vaux ne soit pas en contact avec le gaz in- anciens, dont la fameuse Cyrène fut une co-
flammatoire. Adieu ; que le Très-Haut vous lonie. Il a fait un grand chapitre de l'histoire
protège Et vous , ma fille , maintenant que
1 des broucolaques. H dit que, lorsque le peu-
vous avez un époux, embrassez votre père et ple est infesté de ces apparitions, on va dé-
me faites vos adi( ux. terrer le corps, qu'on trouve entier et sans
La jolie fille du nain se mit alors à pleu- corruption, qu'on le brûle, ou qu'on le met
rer. Tiel la consolait encore, lorsqu'il s'a- en pièces, principalement le (3j cœur après ;

perçut que tout avait disparu autour de lui. quoi les apparitions cessentel le corps se cor-
Le nain et ses compagnons étaient partis. rompt. Le mol de Broucolaques vient du Grec
Tiel emmena à sa chaumière la fille du moderne Bourcos qui signifie delà bouc,el de
mystérieux vieillard, qu'il ne revit plus. Il Laucos qui signifie /bsse,c/oague,parcequ'on
épousa Florine le lendemain, à l'abbaye du trouve ordinairement comme on l'assure,,

Val-Saint-Lambert et le même jour il mit


;
les tombeaux où l'on a mis ces corps, pleins
des ouvriers à la fosse. Il devint bientôt ri- de boue.
che. Il établit des usines et de hauts-four- « Je n'examine point si les faits que l'un
ueaux. H laissa des enfants dans la splendeur. rapporte sont véritables, ou si c'est une er-
Le commerce de la houille devint si con- reur populaire; mais il est certain qu'ils
sidérable, qu'au quatorzième siècle les bouil- sont rapportés par tant d'auteurs habiles et
leurs formaient une très-grande partie de la dignes de foi, et par tant de témoins oculai-
puissante armée liégeoise. res, qu'on ne doit pas prendre parti sans
Il serait inutile d'énumérer tout ce qu'on beaucoup d'attention. Il est certain aussi que

doit aujourd'hui à celte grande et précieuse cette opinion, vraie ou fausse, est fort an-
découverte. Tiel le Uouilleur fut avec Florine cienne, et les auteurs en sont pleins. Lors-
le plus heureux, et avec sa dot le plus opu- qu'on avait tué quelqu'un frauduleusement
lent des hommes de son siècle. Son bonheur et par surprise , les anciens habitants
le préserva, tant qu'il vécut, d s inondations croyaient ôler au mort le moyen de s'en ven-
et du feu grisou. Fasse lu bon saint Lambert ger en lui coupant les pieds, les mains, le
(1) Lennli'i-Dulrosnoj-, Diss«itJl , Km I.
(3) Relation de l'Ile Saotcrini, j>ar le P. RicSiard, e. tS
(2) In 12, iVis. 172i.
sei tlUG HUL 862
nez Gela s'appelait Acroteria-
et les oreilles. Quoique ce capitaine eût été assez dérangé
zein. Ils pendaient tout cela au cou des dé- dans sa vie, il fit le signe de la croix. Aussi-
funts, ou ils le plaçaient sous leurs aisselles, tôt cette bande de diables se dissipa en fu-
d'où s'est formé le mot Mascalizein qui signi- mée (3).
fie la même chose. On en lit un témoignage HUILE BOUILLANTE. Les habilanls de
exprès dans k-s Scholies grecques (1) de So- Ceyian et des
côtes de Malabar emploient
phocle. C'est ainsi que fut traité par Ménéias l'huile bouillante comme épreuve. Les pre-
Déiphobe, mari d'Hélène, et re fut en cet état miers ne s'en servent que dans les affaires
Hu'il fut vu d'Enée dans les enfers. de grande importance, comme lorsqu'ils ont
Atijue liic Priamidem laniaUmi corpore loto
des procès pour leurs terres, et qu'il n'y a
Doij lioljum vidil, laceruui ciuieliler ora, point de témoins.
Ora, niaiiusqui; aiiibas, po|iulaiaque leinpora raptis On se servait autrefois en Europe de l'é-
Auribus, et truncas iuhoiiesto vuluere iiares.
preuve par l'huile bouillante pour les causes
« Les anciens ont traité de fable l'histoire obscures. L'accusé mettait le poing dans la
d'Hermolimc de Clazoïnènes, dont on dit que chaudière; s'il le retirait sans brûlure, il
l'âme sortait souvent de son corps pour était acquillé.
voyager d;ins les régions éloignées et s'in- ,
HUILE DE BADME. L'huile de baume,
struire de ce qui s'y passait et de ce qui s'y extraite du marc de l'eau céleste, dissipera
préparait ; qu'à son retour il instruisait ses la surdité, si on en met. dans les oreilles trois
compagnons de l'avenir. Mais qu'enfin ses goutlesde tempsen temps, en bouchant lesdi-
ennemis ayant obtenu de sa femme la liberté tes oreillesavec ducoton imbibé de cebaume.
de brûler son corps, l'âme, à son retour, se H guérit toute sorte de gale et de teigne les
trouvant privée de sa retraite ordinaire, s'é- plus invétérées, aposlèmes, plaies, cicatrice»,
tait retirée pour ne plus revenir. ulcères vieux et nouveaux, de morsures ve-
« Suétone écrit qu'après la mort violente nimeuses de serpents, de scorpions, etc.. fis-
de Caligula, son corps n'ayant été brûlé qu'à tules, crampes et érysipèles, palpitations de
moitié et enterré fort superficiellement , la cœur et des autres membres, le tout par fo-
maison où on l'avait tué et les jardins où il mentation et emplâtre. Crollius en fait tant
était mis en (erre, furent inquiétés de spec- d'eslime, qu'il le nomme parexcellenceAui/e
tres toutes les nuits, jusqu'à ce que celte mère de baume [k).
maison fût brûlée, et que les sœurs du dé- HUILE DE TALC. Le talc est la pierre phi-
funt eussent rendu plus régulièrement à son losoph;ile fixée au blanc. Les anciens ont
corps les derniers devoirs. Servius (2) mar- beaucoup parlé de l'huile de talc, à laquelle
que expressément que les âmes des morts ilsattribuaient tant de vertus, que presque
(dans l'opinion des anciens) ne trouvaient le tous les alchimistes ont mis ei\ œuvre tout
lieu de leur repos qu'après que le corps leur savoir pour la composer. Ils onl calciné,
était eniicremenl consumé. Les Grecs au- purifié.subliméle talc, et n'en ont jamais pu
jourd'iiui sont encore persuadés que les corps exîraire cette huile précieuse.
des excommuniés ne se corrompent point, Quelques-uns entendent, sous ce nom, l'é-
mais s'enllent comme un tambour et en ex- lixir des philosophes hermétiques.
pritncnt le bruit quand on les frappe ou HU-JUM-SIN, célèbre alchimiste rhinois
qu'on les roule sur le pavé. C'est ce qui les qui trouva, dit-on, la pierre philoso|ih;ile.
fait appeler toitpi ou tympanites. » Ayant tué un horrible dragon qui ravageait
HUGON, espèce de faniôme malfaisant, à le pays, Hu-Jum-Sin attacha ce moi.stre à
l'existence duquel le peuple de Tours croit une colonne qui se voit encore aujourd'hui,
très-fermement. Il servait d'cpouvantail aux et s'éleva ensuite dans le ciel. Les Chinois,
petits enfants, pour qui il était une manière par reconnaissance, lui érigèrent un temple
de Croquemitaine. C'est de lui, dit-on, que dans l'endroit même uù il avait tué le dragon.
les réformés sont appelés huguenots, à cause HULIN, petit marchand de bois d'Orléans;
du mal qu'ils faisaient et de l'effroi que semait étant ensorcelé à mort, il envoya chercher
leur passage au seizième siècle, qu'ils ont un sorcier qui se vantail d'mlever toutes les
ensanghinté et couvert de débris. maladies. Le sorcier répondit qu'il ne pou-
HUGUES , bourgeois d'Epinal. Voy. Es- vait le guérir, s'il ne donnait la maladie à son
prits. fils qui était encore à la mamelle. Le père y
HUGUES LE GRAND, chef des Français, consentit. La nourrice, ayant entendu cela,
père de Hugues Capet. Gualbert Radulphe s'enfuit avec l'enfanl pendant que le sorcier
rapporte qu'il était guetté par le diable à touchait le père pour lui ôter le mal. Quand
l'hi ure de la mort. Une grande troupedhom- il eut fait, il demanda où était l'enfant. Ne
mes noirs se présentant à lui, le plus appa- le trouvant pas, il commença à s'écrier : —
rent lui dit Me connais-tu ?
: Je suis mort, où est l'enfant? Puis il s'en —
— Non, répondit Hugues; qui peux-tu être? alla très-piteux mais il n'eut pas plutôt mis
:

— Je suis, dit l'homme noir, le puissant les pieds hors la porte, que le diable le tua
des puissanis, le riche des riches; si lu veux soudain. 11 devint aussi noir que si on l'eût
croire en moi, jo te ferai vivre. noirci de propos délibéré; car la maladie
était restée sur lui (5).
U) Vide Eleclr. v. UH; Meursiiim in Lycophronem.rag.
509, Slauliùuin iii -lEsclill. Cœpli. v. 437.
(1) Le Pclil Albert, p. 112.
(ï| In/KiKid., liv. IV, vers. -418. (S) Budiii , Uéiiiuiiuiiiaïur- , p. 330. C'est le trait d4
(3) Leioyer , Histoire des spcclres ou apparitions des berger da Brio. Vo>ei les vers cilés il la tiu de l'arUlltf
«sprils, liv. III, p. 273. HocQue.
8«S DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 8(5}

HUMMA.dicu souverain dos Cafrrs, qui fait voulut se donner des licences mais le démon ;

loinbcrlapluie,sourner ii's vonls,et(|uidoiine l'en (tmpccha. Enfin le mari revint ; Hutgin


lu froid el le chuud. Ils ne croienl pas qu'on courut au-devant de lui et lui dit :
soit obligé de lui remlre hommage, parce — Tu fais bien de revenir, car je commence
que, disent-ils, il les brûle d(M:h'ik-uret de sé- à me lasser de la commission que tu m'as
flicrcsse sans garder la moindre proportion. donné(>. Je l'ai remplie avec toutes les peines
HUNKK1(>. Avant la persécution d'Huné- du uionde; et je le prie de ne plus t'absen-
ric, Gis de Genscric, roi des Vandales, qui ter, parce que j'aimerais mieux garder lous
fut si violcnlf contre les catholiques d'Afri- les pourceaux de la Saxe que la femme (4J.
que, plusieurs signes annoncèrent, dit-on, On voit que ce démon ne ressemble guère
cel orage. On aperçut sur le mont Ziqiien un aux .'lulres.
homme de haule stature, qui criait à droite HVEllGELMEll, fontaine infernale. Voy.
el à gauche : « Sorli-z, aussi
sortez. » On vil NirLUEIM.
à Carlh.ige, dans l'église de Suint-Fausle, une HYACINTHE, pierre précieuse que l'on
grande troupe d'iilhiopiens qui chassaient les peiidiii au cou pour se défendre de la peste.
sain!s comme le berger chasse ses brebis. Il Ue plus, elle fortiûail le cœur, garantissait de
n'y eut guère de prrséculion d'hérétiques con- la foudre, et augmentait les richesses et les
tre les catholiques plus foric que celle-là (1). honneurs.
HUNS. Les antiens historiens donnent à HYDKAOTH , magicien célébré par le
les peuples l'origine la plus monstrueuse. Tasse; il était père du soudan de Damas, et
Jornandès raconte (2) que IMiilimor, roi des oncle d'Armide, ({u'il instruisit dans les arts
(iolhs, entrant dans les lerres gétiques, n'y magiciues (o).
tmuva que des soriières d'une laideur al- HYUKO.MANCIE ou HYDROSCOPIE, art
freuse; qu'il les repoussa |i)in de son armée; de prédire l'avenir par le moyen de l'eau;
qu'elles errèrent seules dans les déserts, où on en attribue l'invention aux Perses. Les
des démons s'unirent avec elles. C'est de ce doctes en distinguent plusieurs espèces :

commerce infernal qu^ naquirent les Huns, 1° Lorsqu'à la suite des invocations el au-
si souvent appelés tes enfaiitn du diable. Ils tres cérémonies magiques , on voyait écrits
étaient d'une difformité horrible. Les histo- sur l'eau les noms des personnes ou des cho-
riens disent qu'à leurs yeux louches et sau- ses qu'on désirait connaître; et ces noms
vages, à leur figure torse, à leur barbe de se trouvaient écrits à rebours;
bouc, on ne pouvait s'empêcher de les re- 2° Oa se servait d'un vase plein d'eau et
connaître pour enfants de démons. Besoldus d'un anneau suspendu à un fil, avec lequel
prétend, après Servin, que le no^u de Huns on frappait un certain nombre de fois les
vient d'un mol tudesque.ou celtique, ou bar- côtés du vase;
bare, qui signifie puissants par la inajie, 3° On jetait successivement el à de courts
grands magiciens. Ue 11 jiinaire dit, dans son intervalles, trois petites pierres dans une eau
// ivoire rfeFmnce, que les Huns, venant faire tranquille el donnante ; el des cercles qu'en
1.1 guerre à Chereberl,ou Gariherl, furent at- formait la surface, ainsi que de leur intersec-
taqués près de la rivière dlilbe parSigebert, tion, on lirait des présages;
roi de Melz, et que les Francs furent obliges ^° On examinait attentivement les divers
de combattre contre les Huns et contre les mouvemenls el l'agilalion des Ilots de la mer.
spectres dont ces barbaris avaient rempli Les Siciliens et les Eubéiiis étaient fort
l'air, par un effet de la magie; ce qui rendit adonnés à ci Ite superstition;
leur victoire plus distinguée. Voy. Ogres. 5° On lirait des présages de la couleur de
HUPPE, oiseau commun, nommé par les l'eau eldes figures qu'on croyait y voir. C'est
Chaltlcens B()ri,el par les (Irecs Isan. Celui ainsi, selon Varron, qu'on apprit à Rome
qui le regarde devient gros; si on porte les quelle sérail l'issue de la guerre contre Mi-
yeux lie la h ppe sur i'eslomac, on se récon- thridale. Certaines rivières ou fontaines pas-
ciliera avec lous ses eiuicaiis. Enûii, c'est de saient chez les anciens pour être plus pro-
peur d'être trompé par quelque marchand, pres que d'autres à ces opérations ;

qu'un homme de p.écaution a sa tête dans 6° C'était encore par une espèce d'hydro-
une bourse (3; niaiicle que les anciens Germains éclaircis-
HUTGIN, démon qui trouve du plaisir à saient leurs soupçons sur la fidélité des fem-
obliger les hommes, se plaisant eu leur so- mes ils jetaient dans le Rhin, sur un bou-
:

ciété, répondant à leurs questions, et leur clier, les enfants dont elles venaient d'ac-
rendant service quand il le peut, selon les coucher; s'ils surnageaieni, ils les tenaient
traditions de la Saxe. Voici une des nom- pour légitimes, el pour bâtards s'ils allaient
breuses complaisances qu'on lui attribue : au fond (6);
— Un Saxon partant pour un voyage, et se 7° On remplissait d'eau une coupe ou une
trouvant fort inquiet sur la conduite de sa tasse, et, après avoir prononcé dessus cer-
femme, dit à Hutgin : — Compagnon, je le taines paroles, on examinait si l'eau bouil-
recommande ma femme ; aie soin de la gar- lonnait et se répandait par-dessus les bords;
der jusqu'à mon retour. 8° On mettait de l'eau dans un bassin de
La femme, aussitôt que son mari fut parti, verre ou de cristal ; puisun y jetait une goutte

(I) Ltloyer, Hist. des speclres, p. 272 (5) Dehncre, Tableau de Pinconslauce desdéiiioi.s,elc.,
li) De rébus Kotliicis. liv. 1, p. 37.
(S) Secrets il'Alhert le Gniml, p. 111. (6) Voyez , d.uis les l<''sfndfts de l'iiisloire de Fraucç,
(i) Wierus, De l'ijcsluiis (Ju.iu , eic. une fumiUe gauloiic avant César.
8f5 ICII rno Ki
d'huile, et l'on s'imaginait voir Jans cette HYMERA. — Une femme de Syracuse,
eau, comme dans un miroir, ce dont on dé- nommée Hyméra. eut un songe, pendant le-
sirait d être instruit; quel elle crut monter au ciel , conduite par
9* Les femmes des Germains pratiquaient un jeune hommequ'elle ne connaissait point.
une- neuvième sorte d'Iiydromancie, en exa- Après qu'elle eut vu tous les dieux et ad-
minnnt.pour y deviner l'avenir, les tours et miré les beautés de leur séjour, vile aperçut,
détours, et le bruit que faisaient les eaux des atlacliéavec dos chaînes de fer, sous le trône
fleuves dans les gouffres ou tourbillons qu'ils de Jupiter, un homme robuste, d'un teint
formaient ;
roux, le visa;;e tacheté de lentilles. Elle de-
10" EiiGn.on peut rapporter à l'hydroman-
manda à son guide quel était cet homme
ainsi enchaîné? Il lui fut répondu que c'é-
cie une snperstition qui a longtemps été en
tait le mauvais destin de l'Italie et de la Sicile,
usage en Italie. Lorsqu'on soupçonnait des
et que. lorsqu'il serait délivré de ses fers, il
personnes d'un vol, on écrivait leurs noms
causerait de grands maux. Hyméra s'éveilla
surautantde petits cailloux qu'on jetait dans
là-dessus, et le lendemain elle divulgua son
l'eau. Le nom du voleur ne s'eftuçaiX pas. ''oy.
rêve.
OoMANCIE, Cagliostro, etc.
Quelque temps après, quand Denys le Ty-
HYENE. Les Egyptiens croyaient que la ran se fut emparé du trône de la Sicile, Hy-
liyènc changeait de sexe chaque année. méra le vit entrera Syracuse, que
et s'écria
On donnait le nom
de pierres de la hyène à c'était l'homme qu'elleremarqué si
avait
des pierres qui , au rapport de Pline, se bien enchaîné dans le ciel. Le tyran ayant
(rouventdans le corps de la hyène, lesquelles, appris cette singulière circonstance, fit mou-
placées sous la langue, attribuaient à celui rir la songeuse (1).
ijui les portait le don de prédire l'avenir. HYPHIALTES. — Voyez Ephultes.

I
lALYSIENS, peuple dont parle Ovide, et une fable. Ces deux animaux n'ont jamais
dontles regards avaient la vertu magique de rien à démêler ensemble, ajoute-il , puis-
gâter tout cequ'ils fixaient. Jupiter les chan- qu'ils n'habitent pas les mêmes parages. On
gea en rochers et les exposa aux fureurs ne voit pasdecrocodilesdansla basse Egypte ;
des ilois. on ne voit pas non plus d'ichneumons dan»
lA.MEN, dieu de la mort chez les Indien». la haute (2).
IBIS, oiseau d'Egypte, qui ressemble à 'a ICHTHYOMANCIE, divination très-an-
cigogne. Quand il met sa tête et son cou cienne qui se pratique par l'inspection d( s
sous ses ailes , dit Elien , sa figure est à peu entrailles des poissons. Polydamas, pendant
près celle du cœur humain. la guerre de Troie, et Tirésias s'en sont
Oii dit que cet oiseau a introduit l'usage servis.
des lavements, honneur qui est réclamé aussi On dit que les poissons de la fontaine d'A-
par les cigognes. Les Egyptiens autrefois pollon à Miré, étaient prophètes et Apulée ,

lui rendaient les honneurs divins , et il y fut aussi accusé de s'en être servi (3).
avait peine de mort pour ceux qui tuaient IDA. On voit dans la légende de la bien-
un ibis,même par mégarde. De nos jours, heureuse Ida de Louvain quelques pâles ap-
les Egyptiens regardent encore comme sa- paritions du diable , qui cherche à la trou-
crilège celui qui tue l'ibis blanc, dont la pré- bler et qui n'y parvient pas. {Bollandistes ,
sence bénit, disent-ils, les travaux champê- 13 avril.)
tres , et qu'ils révèrent comme un symbole IDIOT. En Ecosse , les gens du peuple ne
d'innocence. voient pas comme un malheurun enfant idiot
I6LIS le même qu'Eblis. Voyez ce mot.
, dans une famille. Ils voient là, au contraire,
Voyez aussi Alexandre le Grand. un signe de bénédiction. Celte opinion est
ICHNEUMON.ratdu Nil, auquel les Egyp- partagée par plusieurs peuples de l'Orient.
tiens rendaient un culte particulier; il avait Nous nous bornons à la mentionner sans la
ses prêtres et ses au tels. Buffon dit qu'il vit dans juger.
l'état de domesticité, et qu'il sert comme les IDOLES. L'idole est une image, une figure,
chats à prendre les souris. 11 est plus fort une représentation d'un être imaginaire oa
tjue le chat, s'accommode de tout, chasse aux réel. Le culte d'adoration rendu à quelque
ciseaux aux quadrupèdes, aux serpents et
,
idole s'appelle idolâtrie.
iiux lézards. Si les idoles ont fait chez les pa'ïens des
Pline conte qu'il guerre au croco-
fait la choses qu'on pouvait appeler prodiges ces ,

dile, qu'il l'épie pendant son sommeil, et que, prodiges n'ont eu lieu que par le pouvoir des
si ce vaste reptile était assez imprudent pour démons ou par le charlatanisme.
dormir la gueule ouverte, l'ichneumon s'in- Saint Grégoire le thaumaturge, fe rendant
troduirait dans son estomac et lui rongerait à Néocésarée, fut surpris par la nuit et par
les entrailles. M. Denon assure que c'est une pluie violente qui l'obligea d'entrer dans

t) Valère-Maxime. (3) Delancre, Incrédulité et mécréanco, etc., p. 267.


i) M. Salgues, Dus Erreurs, etc., t. III, (i. 561.
B67 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 8C8

un temple d'idoles , fameux dans le pays à qui établissaient ainsi des stations sur leur
cause des oracles qui s'y rendaient. 11 invo- roule (1).
qua le nom de Jésus-Christ, fit le signe de la ILLUÂIINÉS, sorte de francs-maçons d'Al-
croix pour purifier le temple, el passa une lemagne , qui croient avoir la seconde vue
partie de la nuit à chanter les louanges de el qui prophétisent. On connaît peu leur
Uien, suivant son habitude. Après qu'il fut doctrine, qui est vague et libre; mais ils ont
parti, le prêtre des idoles vint au temple, se eu des prédécesseurs. En 1575, Jean de Vil-
disposant à faire les cérémonies de son culte. lalpando el une carmélite, nommée Cathe-
Les démons, dit-on, lui apparurent aussiiôt, rine de Jésus, établirent une secte d'illumi-
cl lui diront qu'ils ne pouvaient plus habi- nés, que l'inquisition de Cordoue dispersa.
ter ce lieu, depuis qu'un saint évdque y avait Pierre Guérin les ramena en France en
séjourné. 11 promit bien des sacrifices pour 1634-. lis prétendaieni que Dieu avait révélé
les engager à tenir ferme sur leurs autels; à l'un d'entre eux, le lière Antoine Bocquet,
mais la puissance de Satan s'était éclipsée une pratique de vie et de foi suréininenle ,
•levant Grégoire. Le prêtre, furieux, pour- au moyen de laquelle on devenait tellement
suivit lévéque de Néocésarée, et le menaça saint, qu'on ne faisait plus qu'un av(cDieu,
de le faire punir juridiquement s'il ne répa- el qu'alors on pouvait sans péché se livrer
rait le mal qu'il venait de c.iuser. Grégoire, à toutes SOS passions, ils se nattaient d'en re-
qui l'écoolait sans s'émouvoir, lui répondit ; montrer aux apôtres , à tous les saints et à
— Avec l'aide de Dieu, qui chasse les dé- toute l'Eglise. Louis XIII dissipa cette secte
mons , ils pourront revenir s'il le permet. de fous. Voy. Bloemardinb.
Il prit alors un papier sur lequel il écri- IMAGES DE CIRE. Voy. Envoûtement.
vit : —
Grégoire à Satan. Rentre. IMAGINATION. Les rêves, les songes, les
Le sacrificateur étonné porta ce billet dans chimères, les terreurs paniques, les supersti-
son temple fit ses sacrifices, et les démons
,
tions, les préjugés, les prodiges, les châteaux
y revinrent. Kéfiéchissant alors à la puis- en Espagne, le bonheur, la gloire et tous ces
sance de Grégoire , il retourna vers lui à la contes d'esprits et de revenants, de sorciers
hâte, se fit instruire dans la religion chré- et de diables, sont ordinairement les enfan-
tienne, et convaincu par un nouveau mira- tements ,de l'imagination. Son domaine est
cle du saint thaumaturge, il devint son dis- immense, son empire est despotique; une
ciple. grande force d'esprit peut seule en réprimer
Porphyre avoue que les démons s'enfer- les écarts. Un Athénien, ayant rêvé qu'il
maient dans les idoles pour recevoir le culte était devenu fou, en eut l'imagination lillo-
des gentils. « Parmi les idoles, dit-il il y a ,
ment frappée, qu'à son réveil il fit des foiies
dos es[)ri!s impurs, trompeurs el malfaisants, comme il croyait devoir en faire, el perdit en
qui veulent passer pour des dieux et se faire eflet la raison.
adorer par les hommes; il faut les apaiser, On connaît l'origine de la fièvre de Saint-
de peur qu'ils ne nous nuisent. Les uns, gais Vallier. A cette occasion Pasquier parle de
et enjoués, se laissent gagner par des spec- la mort d'un bouffon du marquis de Ferrare,
tacles et des jeux l'humeur sombre des au-
;
nommé Gonelle, qui, ayant entendu dire
tres veut l'odeur de la graisse ei se repait qu'une grande peur guérissait de la fièvre,
des sacrifices sanglants. » voulut guérir de la fièvre quarte le prince son
maître, qui en était tourmenté. Pour cet effet,
IFURIN, enfer des Gaulois. C'était une ré-
passant avec lui sur un pont assez étroit, il le
gion sombre el terrible, inaccessible aux
poussa el le fil tomber dans l'eau au péril de
rayons du soleil , infectée d'insectes veni-
meux , de reptiles, de lions rugissants il de
sa vie On repêcha le souverain, et il fui
guéri. Mais, jugeant que l'indiscrélion de
loups carnassiers.
Gonelle méritait quelque punition, il le con-
Les grands criminels élaicnt enchaînés
di>mna à avoir la léle coupée, bien résolu
dans des cavernes encore plus horribles,
cependant de ne pas le faire mourir. Le jour
plongés dans un étang plein de couleuvres
de l'exécution, il lui fil bander les yeux, et
et brûlés par les poisons qui distlllaienl sans
ordonna qu'au lieu d'un coup de sabre on ne
cesse de la voiite. Les gens inutiles ceux ,
lui donnât qu'un petit coup de serviette
qui n'avaient fait ni bien ni mal , résidaient
mouillée; l'ordre fut exécuté et Gonelle délié
au milieu des vapeurs épaisses et pénélran-
aussitôt après ; mais le malheureux bouffon
les, élevées au-dessus de ces hideuses pri-
étaii mort de peur. Est ce vrai? Ce Pastjuier
sons. Le plus grand supplice était un froid
a fait tant de contes 1
liès-rigoureux.
Hci|uet parle d'un homme qui, s'étant cou-<
IGNORANCE. Ceux qui enseignèrent que elle avec les cheveux noirs, se leva le matin
l'Océan était salé de peur qu'il ne se corrom- avecles cheveux blancs, parcequ'il avaii rêvé
pit, el que les marées étalent faites pour con- qu'il était condamné à un supplice cruel et
duire nos vaisseaux dans les ports, ne sa- infamant. Dans le Uiclionnuire de police de
vaient sûrement pas que la Méditerranée a Des Essarts, on trouve histoire d'une jeune
I

(les ports et point de reflux. Voy. Erreurs , fille à qui une sorcière prédit qu'elle serait
Merveilles, Prodiges, etc., etc., etc. pendue; ce qui produisit un lel efTet sur
ILKS.ll y a, dans la Baltique, des lies rap- son esprit, qu'elle mourut suffoquée la nuit
prochées que les pécheurs croient avoir été suivante.
filles pardesenchanleurs, qui voulaient s'en Athénée raconte que quelques jeunes gens
u.lerplus facilemeut d'un lieu à Uii autre, cl (I) Mjrmipf, Tradiiioii de la mer Baltique.
8C9 IMA IMA 87«

d'Agrigcnte étant ivres, dans nne chambre de la plus grande opulence. Un médecin le gué-
cabaret, se crurent sur une galère, au milieu rit, et il regretta sa folie.

(!e la mer en furie, et jetèrent par les fenêtres On a vu, en Angleterre, un homme qui
tous les meubles de la maison, pour soulager voulait absolumentquerienne l'aflligeât dans
le bâtime:it. ce monde. En vain on lui annonçait un évé-
Il un fou qui se croyait
y avait à Athènes, nement fâcheux; il s'obstinait à le nier. Sa
maître de tous les navires qui entraient dans femme étant morte, il n'en voulut rien croire.
le Pirée, et donnait ses ordres en consé- Il faisait mettre â table le couvert de la dé-

quence. Horace parle d'un aulre fou, qui funte, et s'entretenait avec elle,commesi elle
croyait toujours assister à un spectacle, et eût été présente ; il en agissait de même lors-
qui, suivi d'une troupe de comédiens imagi- que son fils était absent. Près de sa dernière
naires, portait un théâtre dans sa têlc, où heure, il soutint qu'il n'était pas malade, et
ilétait tout à la fois et l'acteur et le specta- mourui avant d'en avoir eu le démenti.
teur. Voici une autre anecdote Un maçon, sous:

On voit, dans les maniaques, des choses l'empire d'une monomanie qui pouvait dé-
aussi singulières ; tel s'imagine élre un moi- générer en folie absolue, croyait avoir avalé
neau, un vase de terre, un serpent ; tel autre une couleuvre ; il disait la sentir remuer dans
se croit un dieu, un orateur, un Hercule. Et
son ventre. M. Jules Cloquet, chirurgien de
parmi les gens qu'on dit sensés, en esi-il l'hôpital Saint-Louis, à qui il fut amené,
beaucoup qui maîtrisent leur imagination, pensa que le meilleur peut-être le seul
,

et se montrent exempts de faiblesses et d'er-


moyen pour guérir ce monomane, était de
reurs? se prêter à sa folie. Il offrit en conséquence
d'extraire la couleuvre par une opération chi-
Plusieurs personnesmordues pardes chiens
rurgicale. Le maçon y consent; une incision
ont été très-malades parce que, les suppo- longue, mais superficielle, est faite à la ré-
sant atteints de la rage, elles se croyaient
gion de l'estomac, des linges , des compres-
menacées ou déjà affectées du même mal. La ses, des bandages rougis par le sang sont
Société royale des sciences de Montpellier appliqués. La tête d'une couleavre dont on
rapporte, dans un mémoire publié en 1730,
s'était précautionné est passée avec adresse
que deux frères ayant été mordus par un entre les bandes et la plaie. «Nous fa tenon»
chien enragé, l'un d'eux partit pour la Hol- enfin s'écrie l'adroit chirurgien; la voici. »
,

lande, d'où il ne revint qu'au bout de dix ans. En même temps, le patient arrache son ban-
Ayant appris, à son retour, que son frère, deau; il veut voir le reptile qu'il a nourri
depuis longtemps, était mort hydrophobe, il dans son sein. Quelque temps après une
se sentit malade et mourut lui-même enragé nouvelle mélancolie s'empare de lui; il gé-
par la craiiite de l'être.
mit , il soupire; le médecin est rappelé t
Voici un fait qui n'est pas moins extraordi- «Monsieur, lui dit-il avec anxiété, si elle
naire un jardinier rêva qu'un grand chien
: avait fait des petits?— Impossible c'est un I

noir l'avait mordu. H nepouvait montrer au- mâle. »


cune trace de morsure ; sa femme, qui s'était On attribue ordinairement à l'imagination
levée au premier cri, lui as ura que toutes des femmes la production des fœtus mon-
li's portes étaient bien fermées et qu'aucun strueux. M. Salgues a voulu prouver que
chien n'avait pu entrer. Ce fut en vain ; l'i- l'imagination n'y avait aucune part, en citant
dée du gros chien noir restait toujours pré- quelques animaux qui ont produit des mon-
sente à son imagination; il croyait le voir stres, et par d'autres preuves insuffisantes.
sans cesse il en perdit le sommeil et
: l'ap- Plessir.an , dans sa Médecine puerpérale ;
pétit, devint triste, rêveur, languissant. Sa Harting, dans une thèse; Demangeon, dans
femme, qui, raisonnable au commencement, SCS Considérations physiologiques sur le pou-
avait fait tous ses efforts pour le calmer et le voir de l'imagination maternelle dans la gros-
guérir de son illusion, finit par s'imaginer sesse, soutiennent l'opinion générale. Les
(lue, puisqu'elle n'avait pas réussi, il y avait femmes enceintes défigurent leurs enfants,
quelque chose de réel dans l'idée de son mari, quoique déjà formés, lorsque leur imagina-
et qu'ayant été couchée à côté de lui, il était tion est violemment frappée. Malebranche
fort possible qu'elle eût été aussi mordue. parle d'une femme qui, ayant assisté à l'exé-
Otte disposition d'esprit développa chez elle cution d'un malheureux condamné à la roue,
les mêmes symptômes que chez son mari, en fut si affectée, qu'elle mit au monde ui»
abattement, lassitude, frayeur, insomnie. Le enfant dont les bras, les cuisses et les jambe»
médecin, voyant échouer toutes les ressour- étaient rompus à l'endroit où la barre de
ces ordinaires de son art contre celte nia- l'exécuteur avait frappé le condamné. Le
iidie de l'imagination, leur conseilla d'aller peintre Jean-Baptiste Rossi fut surnommé
en pèlerinage à Saint-Hubert. Dès ce moment Gobbinoparcequ'ilétaitagréablcment(/o66o,
J.'s deux malades furent plus lrani)uilles ils :
c'est-à-dire bossu.Sa mère était enceinte de
allèrent à Saint-Hubert, y subirent le traite- lui lorsque son père sculptait le gobbo, bé-
ment usité, et revinrent guéris (1). nitier devenu célèbre, et qui a fait le pendant
Un homme pauvre et malheureux s'était du pasquino, autre bénitier de Gabriel Ca-
lelleinent frappé l'imagination de l'idée des gliari.
richesses, qu'il avait fini par se croire dans Une femme enceinte jouait ans cartes. En
(I) Celle anecdote ne doil infirmer en rieii la juste ré- (comme il est fadlft-anx curieux de s'en convaincre) qu'w»'
putaliui. du iièlcrinago de Sainl-Hiiberl^où il est avéré cuu malade a'esl aUé sans trouver la guéri^un.
«71 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCLLTES. 8*3

relevant son jeu, elle voit que, pour faire un était tellement pleine, qu au temps de mettre
grand coup, il lui manque l'as dépique. La bas son Iruil.clle creva, et qu'il sortit d'elle
(li-rnièrcrarte qui lui rontro était effcclive- une mule qui mourut incontinent, ayant
menl celle qu'elle attendait. Une joie immo- comme sa mère le ventre si gros et si enflé,
dérée s'empare de son esprit.se communique, que le maître voulut voir ce qui était dedans.
comme un choc électrique, à toute son exi- On l'ouvrit et on y trouva une autre mule
stence; et l'enfant qu'elle mit au monde porta de laquelle elle était pleine....
dans la prunelle de l'œil la forme d'un as de Autre anecdote. Un duc de Mantoue avait
pique, sans que l'organe de la vue fût d'ail- dans ses écuries une cavale pleine qui mit
leurs offensé par cette conformation extraor- bas un mulet. Il envoya aussitôt aux plus
dinaire. célèbres astrologues d'Italie l'heure de la
Le Irait suivant est encore plus étonnant,
« naissance de celte bête, les priant de lui
dit Lavatcr. Un de mes amis m'en a garanti faire l'horoscope d'un bâtard né dans son
l'anlhentirilé. Une dame de condition du palais sous les conditions qu'il indiquait. Il
Rhinihal voulut assister, dans sa grossesse, prit bien soin qu'ils ne sussent pas (|ue c'é-
nu supplice d'un criminel qui avait été con- t;iit d'un mulet qu'il voulait parler. Les de-

damné à avoir la télé tranchée et la main vins firent de leur niieux pour fiatier le
droite coupée. Lu coup qui abattit la main prince, ne doutant pas que ce bâtard ne fût
effraya tellement la femme enceinte qu'elle ,
du prince. l,es uns dirent qu'il serait général
détourna la lêlc avec un mouvement d'hor- d'armée ; les autres en firent mieux encore,
reur, et se retira sans attendre la fin de l'exé- et tous le comblèrent de dignités. Mais —
cution. Elle accoucha d'une fille qui n'eut rentrons dans les accouchements prodi-
qu'une main et qui vivait encore lorsque
, gieux.
mon ami me fit part de cette anecdote l'autre ; On publia au seizième siècle qu'une femme
main sortit séparément , après l'enfante- ensorcelée venait d'enfanter plusieurs gre-
ment. » nouilles. De telles nouveautés étaient reçues
y a du reste, sur les accouchements pro-
Il alors sans opposition. Au commencement
dig'eux, lilen des contes. «J'ai lu, dans un du dix-huitième sièile, les gazettes d'Angle-
recueil de faits merveilleux, dit M. Salgues terre annoncèrent, d'après le certificat du
[Des erreurs et des préjugés répandus dans la chirurgien accoucheur, appuyé de l'analo-
société), qu'en 1778, un chai, né à Stap en miste du roi, qu'une paysanne venait d ac-
Normandie, devint épris d'une poule du voi- coucher de beaucoup de lapins; et le public
sinage et qu'il lui fit une cour assidue. La le crut , jusqu'au moment où l'analumistc
frrmière ayant mis sous les ailes de la poule avoua qu'il s'était prêté à une mystifica-
des œufs de cane qu'elle voulait faire couver, tion.
le chat s'associa à ses travaux maternels. 11 On fit courir en 1471, qu'une
le bruit
,

détourna une partie des œufs et les couva si femme, à mis bas un chien; un
l'avie, avait
tendrement, qu'au boutde vingt cinq jours il cita la Suissesse qui, en 1278, avait donné le
en sorti! de petits êtres am| hibies, partici- jour à un lion, et la femme que Pline dit
pant de la cane et du chat tandis que ceux, avoir été mère d'un éléphant. — On voit
de la poule étaient des canard'< ordinaires. dans d'autres conteurs anciens qu'une autre
Le docteur Vimond atteste (|u'il a vu, connu, Suissesse se délivra d'un lièvre; une Thu-
tenu le père et la mère de cette singulière ringienne, d'un crapaud; que d'autres fem-
eux-mêmes. Mais on dit
fannlle, et les petits mes mirent bas des poulets (1).
au docteur Vimond « A vieZ-vous la vue bien
: Ambroise Paré cite, sur ou'i'-dire, un jeune
nette quand vous avez examiné vor, canards cochon napolitain qui portait une tête
amphibies? vous avez trouvé l'animal vêtu d'homme sur son corps de cochon.
d'un poil noirâtre, touffu et soyeux; mais ne Boguet assure, dans ses Discours des exé-
savez-vous pas que c'est le premier duvet crables sorciers, qu'une femme maléficiée
des canards? Croyez-vous que l'incubation mit au jour à la fois en 1531 une této
, ,

d'un chat puisse dén.ilurer le getme ren- d'homme, un serpent à deux pieds et un pe-
ferné dans l'œuf? Alors pourquoi l'incuba- tit pourceau. B^yle parte d'une femme qui
tion de la poule aurail-elle été moins efficace passa pour être accouchée d'un chat noir;
et n'aurait-elle pas produit des êtres moitié le chat fut brûlé comme produit d'un dé-
poules et moitié canaids?» mon (2).
Ou rit aujourd'hui de ces contes, on n'ose- Le même Torquemada que nousavons cité,
rait plus écrire ce que publiaient les jour- énuiiicre beaucoup d'accouchements extra-
naux de Paris, il y a soixante ans , qu'une ordinaires : une femme qui mit au monde
chienne du faubourg Saint-Honoré venait de sept enfants à la fois, à Médina del Carapo ;
mellre au jour quatre chats et trois chiens. une autre femme de Salamanque qui en eut
— Eli( n , dans le vii ux temps, a pu parler neuf d'une seule couche; puis une Italienne
d'une truie qui mit bas un cochon ayant une qui donna le jour à soixante dix enfants
lê!e d'éléphant, et dune brebis qui mil bas d'une même portée. Et com;iie on pourr.iit
un lion. Nous le rangerons à côté de Tor- être surpris du nombre , il rappelle ce que
quemr.da qui rapporte, dans la sixième
, conte Albert le Gr;inil qu'une Allemande
,

journée de son lixainéron, qu'en un lieu enfanta, d'une seule couche, cent eint|Ui'iute
d'Espagne, qu'il ne nomme pas, une jument enfants, grands comme le doigt, très-biei(
(t) Baylo, Uépulilitiiie des leures, 1681, l III, p. 472, Bayle, Rénubliiiuc Ucs lettres , \GS6, tom. Itl, ii»fi,
f2)
cilé M. Saigiu s.
i<ai' 1014.
873 ni A IMM 8-i
formés tous enveloppés dans une pellicule
et se hâta de l'en retirer, mais
eut les oreilles
il
On ne dit pas ce que devint celle petite fa- endommagées. Ce qui rendait le cas encore
mille. Mais avouez qu'il n"y a que l'Allema- plus singulier, c'est que la seconde tête élail
gne pour CCS choses-là. —
Une Hollandaise renversée , le front en bas et le menton en
pourtant fil plus encore. V^iy. Marguerite. haut. Lorsque l'enfant eut atteint l'âge de
« Ces faits soûl difficiles à croire à qui ne les six mois , les deux têtes se rouvrirent d'une
a pas vus, » dit Torque.nada; et il parle de quantité à peu près égale de cheveux noirs.
visu, d'un enfant né eu Italie avec une liarlu' On remarqua que la tête supérieure ne s'ac-
de bouc; comment a-l-il reconnu que celle cordait pas avec l'inférieure; qu'elle fermait
barbe était précisémeni une barbe de bouc? les yeux quand l'autre les ouvrait, et s'éveil-
— Volaterranus se préoccupe d'un enfant lait quand la tête principale était endormie;
qui naquit homme jusqu'à la ceinture, 't elle avait allernalivement des mouvements
chien dans la partie infôrieure du corps. Un indépendants et des rnouvemenls sympathi-
autre enfant monstrueux vint au monde ques. Le rire de la bonne tête s'épanouissait
kous le règne de Constance, avec deux bi)U- sur la tête d'en haul;niais la douleurde celle
ches, quatre yeux, deux petites oreilles et de dernière ne passait pas à l'autre , de sorte
la barbe. qu'on pouvait la pincer sans occasionner la
Un savantprofesseur de Louvain, Corné- moindre sensaion à la tête d'en bas. Cet en-
lius Gemma écrivant à une époque où l'on
, fanl mourut d'un accident à sa quatrième
admettait beaucoup de choses , rapporte année.
qu'en 154-5 une dame de noble lignée mil au Ce que nous venons de rapporter n'est
monde, dans la Belgique, un garçon qui peiit-étro pas impossible. Mais remarquez
avait, au dire des experts, la tête d'un dé- que ces merveilles viennent toujours de très-
mon avec une trompe d'éléphant au lieu do loin. Cependant nous avons vu de nos jours
nez, des patles d'oie au lieu de mains, dos Uilta-Christina cette jeune fllle à deux tê-
,

yeux de chat au milieu du ventre, une tête tes , ou plutôt ces deux jeunes filles accou-
de chien à chaque genou , doux visages de plées. Nous avons vu aussi les jumeaux Sia-
singe sur l'estomac et une queue de scorpion mois, deux hommes qu'une partie du ventre
longue d'une demi-aune de Brabant (trente- rendait inséparables et semblait réunir en un
cinq centimètres). Ce petit monstre ne vécut seul être. Pour le reste le plus sûr est do
,

que quatre heures , et poussa des cris en rejeter en ces matières ce qui n'est pas cer-
mourant par les deux gueules de chien qu'il tifié par de suffisants témoignages.
avait aux genoux (1). Dans ce genre de faits , on attribuait au-
Nous pourrions multiplier ces contes ridi- trefois au diable tout ce qui sortait du cours
cules, fondes sur quelques phénomènes na- ordinaire de la nature.
turels que l'imagination des femmes encein- Il est certain qu'on exagère ordinairement
tes a produits. Arréions-nous nu moment ces phénomènes. On a vu des fœtus mon-
aux faits prodigieux plus réels. Tels sont les strueux, à qui on donnait gratuitement la
enfants né* sans tête, ou plutôt dont la tête forme dun mouton, et qui élaienl aussi bien
n'est pas distincte des épaules. Un de ces en- un chien un cochon un lièvre etc., puis-
, , ,

fautsvintau monde au villagedeSchmechten, qu'ils n'avaient aucune figure distincte. On


près de Paderborn. le IG mai loi^o ; il avait prend souvent pour une cerise, ou pour une
la bouche à l'épaule gauche et une seule fraise ou pour un boulon de rose , ce q li
,

oreille à l'épaule droite. Mais en compensa- n'est qu'un seing .plus large et plus coloré
lion de ces enfants san;i tête, une Normande qu'ils ne le sont ordinairement. Voy.
accoucha, le 20 juillet lG8'*,d'un enfant mâle Frayeurs, Hallucinations, etc.
dont la télé semblait doube. Il avait quatre IME géant. Voy. Nains.
,

yeux, deux nez crochus, deux bouches, deux IMMORTALITE. Ménandre , disciple de
langues et seulement deux oreilles. L'inté- Simon le .Magicien se vantait de donner un
,
rieur renfermait deux cerveaux deux cer- ,
baptême qui rendait immortel. On fut bien
velets et trois cœurs les autres viscères
; vile détrompé.
étaient simples. Ce garçon vécut une heure ; Les Chinois sent persuadés qu'il y a quel-
et peul-étre eût-il vécu plus longtemps, si
(lue part une eau (jui empêche de mourir ;
la sage-femme qui en avait peur ne l'ciil
et ils cherchent toujours ce breuvage d'im-
laissé tomber. mortalité , qui n'est pas trouvé encore.
Le phénomène des êtres bicéphales est Les Strulldbruggs, ou immorlel> de Gulli-
moins rare que celui des acéphales. On pré- ver, sont fort malheureux do leur ininiorla-
senta en 1779, à l'Académie des sciences de lité. La même pensée se retrouve dans celte
Paris un lézard à deux télés qui se servait
,

égahîment bien d toutes les deux. Li; Jour-


, légende des bords de la Baltique A Fal- : —
ster, y avait autrefois une f.iiinie fort ri-

il
nal de médecine du mois de février 1808 don- che qui n'avait point d'enfants. Elle voulut
ne des détails curieux sur un enfanl né avec faire un pieux usage de sa tortune , et elle
deux têtes , mais placées l'une au-dessus de bâiil uneéglise.L'édificeachevé, elle le trouva
l'autre , de sorte que la pre.nière en portail si bien, qu'elle se crut en droit de demander
une seconde; cet enfant elail né au Bengale. à Dieu une récompense. Elle le pria donc de
A son entrée dans le nioiide il elîraya telle-
, la laisservivrcau-si longtempsquesonéglise
ment sage-l'emme (juc
la , croyant tenir le subsisierail.Son vœu lut exaucé. La moit pas-
diable dans les mains, elle le jetaau Icu. On sa devant sa porte sans entrer; la mort frappa
(1) CoriU'Iii CniiiiiwR «rosmocrliics, lib. I, cap. 8. autour d'elle voisins, pareiils,amis. élue lui
DlCTrONS. DES SCIENCES OCCULTES. L 28
,

s:5 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 87C


montra passculemenl te bout de safatix.Elle Chassanion. huguenot, en ses Grands juge-
vécut au milieu de toutes les guerres, de mcnls de Dieu: «Quant à ceux qui sont
toutes les pestes , de tous les (léaux qui tra- adonsiés à maugréer, et qui, comme des
versèrent le pays. Elle vécut si longtcinps , gueules d'enfer, à (ont propos dépilent Dieu
qu'elle ne trouva plus un ami avec qui elle par d'horribles exécrations, et sont si force-
pût s'entretenir. Elle parlait toujours d'une nés que de le renier pour se donner au dia-
époque si anricnne , que personne ne la ble, ils mérilent bien d'être abandonnés de
comprenait. Elle avait bien demandé une vie Dieu et d'être livrés entre les mains de Sa-
perpétuelle mais elle avait oublié de de-
; tan pour aller avec lui en perdition; ce qui
mander aussi la jeunesse; le riel ne lui don- est advenu visiblement à certains malheu-
na que juste ce qu'elle voulait avoir, et la reux de notre temps, (jui onl éié emportés
pauvre femme vieillit elle perdit ses forces,
; par le diable, auquel ils s'étaient donnés.
puis la vue, etrouïe et la parole. Alors elle « Il y a quelque temps qu'en Allemagne
se fit enfermer dans une caisse de chêne et un homme de mauvaise vie était si mal em-
porter dans l'église. Chaque année à Noël , bouché, que jamais il ne parlait sans nom-
elle recouvre pendant une heure, l'usage
,
mer les diables. Si en cheminant il lui adve-
de ses sens; et chaque année, à cette heuie- nait de faire quelque faux pas ou de se heur-
là , le prêtre s'approche d'elle pour prendre ter aussitôt il avait les diables dans sa
,

ses ordres. La malheureuse se lève à demi gueule. De quoi, combien que plusieurs fois
dans son cercueil et s'écrie: , Mon église — il eûl été repris par ses voisins, et admonesté

subsisle-t-elle encore? de se châtier d'un si méchant et détestable


— Oui répond le prêtre.
, vice, toutefois ce fut en vain. Continuant
— Hélas dit-elle. Et elle s'affaisse en
1 dans cette mauvaise et damnable coutume,
poussant un profond soupir, et le coffre de il advint un jour qu'en passant sur un pont
chêne se referme sur elle (1). il trébucha et, étant tombé du haut en bas,

IMPAIR. Une crédulité superstitieuse a at- proféra ces paroles : —


Lève toi par tous les
tribué dans tous les temps
,
bien des pré- , cent diables.
rogatives au nombre impair (2). Le nombre « Soudain, voici celui qu'il avait tant de
pair passait chez les Romains , pour mau-
, fois appelé qui le vint étrangler , et l'em-
vais parce que ce nombre , pouvant élre di-
,
porta.
visé également , est le symbole de la morta- « L'an mil cinq cent cinquante et un, près
lité et de la destruction c'est pourquoi Nu-
; Mégalopole, joignant Voilsladl, il advint en-
ma, corrigeant l'année de Romulus y ajou- ,
core, durant les fêles de la Pentecôte, ainsi
ta un jour, afin de rendre impair le nombre que le peuple s'amusait à boire, qu'une fem-
de ceux qu'elle contenait. C'est en nombre me, qui était de la campagne, nommait or-
impair que les livres magiques prescrivent dinairement le diable parmi ses jurements :

leurs opérations les plus mystérieuses. L'al- lequel, à celle heure, en la présence d'un
chimiste d'Espagnet, dans sa Description du chacun, l'enleva par la porte de la n)aison,
Jardin des Sages, place à l'entrée une fontai- et l'emporta en l'air. Ceux qui étaient pré-
ne qui a sept sources. Il faut , dit-il , y faire sents sortirent incontinent, tout étonnés,
boire le dragon par le nombre magique de pour voir où celte femme élail ainsi tram»-
trois fois sept , et l'on doit y chercher trois porlée : laquelle ils virent, hors du village,
sortes de Heurs , qu'il faut y trouver néees- pendue quelque temps en l'air bien haut,
sairoment pour réussir au grand œuvre. Le dont elle tomba en bas, et la trouvèrent à
crédit du nombre impair s'est étab'i jusque peu prés morte au milieu d'un champ.
dans la médecine: l'année cliniatérique est , « Environ ce temps-là. il y eut un grand

dans la vie humaine , une année impaire. jureur en une ville de Savoie, homme fort
IMPOSTURES. On lit dans Leloyer qu'un vicieux et qui donnait beaucoup de peine
moyen d'une sarbacane, enga-
valet, par le aux gens de bien, qui, pfiur le devoir de leur
gea une veuve d'Angers à l'épouser, en le charge, s'employèrent à le reprendre et l'ad-
lui conseillant de la part de son mari défunt. miineslèrenl bien souvent, afin qu'il s'amm-
Plus d'un imposteur a employé ce strata- dâl à quoi il ne voulut oncijucs entendre.
:

gème. Or, advint que, la pesie étant en la ville, il


Un roi d'Ecosse, voyant que ses troupes en fut frappé et se relira en un sien jardin,
ne voulaient point combattre contre les Pie- avec sa feuime et qi;el(|ues parents Là, les
tés, suborna des gens habillés d'écaillés bril- ministri'Sde l'Eglise ne cessèrent de l'exhor-
lantes, ayant en main des bâtons de bois lui- ter à repenlance, lui remontrant ses fautes
sant, qui les excitèrent à combattre, comme et péchés pour le réduire au bon chemin. Mais
s'ils avaient été des anges, ce qui eul le suc- tant s'en fallut qu'il fût touché par tant de
cès qu'il souh iilait (3). bonnes et saintes remontrances, qu'au con-
Nous aurions un gros volume à faire, si traire il ne fil que s'endurcir davantage m
nous voulions citer ici toutes les impos- ses péchés. Avançant donc son malheur, ua
tures de l'histoire. On y pourrait joindre jour, comme ce méchant reniait Dieu et se
maints stratagèmes et ruses de guerre. Voy. donnait au diable et l'appelait tant qu'il pou-
ApPABITIONS, rA^T')MES BuDÉMlENS, JeT- ,
vait, voilà le diable ((ui le ravit soudaine-
ZEB, etc. ment et l'emporta en l'air; sa femme et sa
IMPRKCA'riONS. Ce qui va suivre est de parente le virent passer par-dessus leuis
(1) Marinier, Traditions de la Baltique. (5) Hector de B..ëco.
Ci) Hwnero Veus iin'^nre gmtlet.
8T7 INC INC 87K
lêles. Etant ainsi transporté, son bonnol lui Soracte , marchaient sur des charbons ar-
tomba (le dessus la tôle, et fut trouvé auprès dents; on cita Varron qui affirme que ces
,

du Rhône. Le magistrat, averti de cela, vint prêtres avaient le secret d'une composition
surieliou, et s'informa du fait, prenant al- qui le^ rendait pour quelques inslants inac-
testalinn de ces deux femmes de ce qu'elles cessibles à l'action du (eu.
avaient vu. Le P. Regnault, qui a faitqnelques recher-
« Voilà des événements terribles, épouvan- ches pour découvrir les secrets de ces procé-
tables, pour donner crainte et frayeur à tels dés, en a publié un dans ses Entretiens sur
ou semblables jureurs et renieurs de Dieu, la physique expérimentale.
desquels le monde n'est que trop rempli au- Ceux qui font métier, dit-il, de manier le
jourd'hui. Refrénez donc, misérables que fi'U et d'en tenir bouche, emploient quel-
à la
vous êtes, vos langues infernales; départez- quefois un mélange égal d'esprit de soufre,
vous de toutes méchantes paroles et exé- de sel ammoniac, d'es eiice de romarin et de
crations, et vous accoutumez à louer et glo- suc d'oignon. L'oignon est, en effei, regardé,
rifier Dieu tant de bouche que de fait » (1). par les gens de la c;impagne,co:nme un pré-
Quand les femmes grecques entendent des servatif contre la brûlure.
imprécations, comme il s'en fait dans les Dans le temps où le P. Regnault s'occupait
chaudes colères de leur pays, elles se hâtent de ces recherches, un chimiste anglais, nom-
de mouiller leurs seins avec leur salive, de mé Richanison , remplissait toute l'Europe
peur qu'une partie de ces malédictions ne du bruit de ses expériences merveilleuses. Il
tombent sur elles (2). Voy. Jurements. mâchait des charbons ardents sans se brûler;
INCENDIE. En UOl , un professeur de il faisait fondre du soufre, le pl;içait tout
Brunswick annonça qu'il vendait de la poudre animé sur sa main , et le reportait sur sa
aux incendies comme un apothicaire vend
, langue, où il achevait de se consumer; il
de la poudre aux vers; il ne s'agissait, pour mettait aussi sur sa langue des charbons em-
sauver un édifice, que de le saupoudrer de brasés, y faisait cuire un morceau de viande
quelques pincées de cette poudre deux onces ;
ou une huître, et souffrait sjjus sourciller,,

suffisaient par pieil carré : et comme la livre qu'on excitât le feu avec un suufdet il tenaii ;

ne coûtait que sept à huit sous, et qu'un un fer rouge dans ses mains sans qu'il y ,

homme n'a que quatorze pieds de superficie, restât aucune trace de brûlure prenait ce ,

on pouvait, pour 17 sous ou six deniers fer dans ses dents, et le lançait au loin avec
(vieux style), se rendre incombustible. Quel- une force étonnante; il avalait do la poix et
ques gens crédules achetèrent la poudre du du verre fondus, du soufre et de la cire mê-
docteur. Les gens raisonnables crurent qu'il lés ensemble et tout ardents, de sorte que la
voulait attraper le public , et se moquèrent flamme sortait do sa bouche comme d'une
de lui (3). fournaise. Jamais dans toutes ces épreu-
,

INCOMBUSTIBLES. Il y avaitjadis en Es- ves , il ne dunnaii le moindre sigiie de dou-


pagne des hommes d'une trempe supérieure leur.
qu'on appelait Suludadores Santiguado- ,
Depuis Richardson
le chioiisie plusieurs ,

res, Ensalmadores. Ils avaient non-seule- hoinines ont essayé comme


lui de manier le
ment la vertu de guérir toutes les maladies feu impunément. Eu 1774, on vit â la forge
avec leur salive mais ils maniaient le feu
,
de Laune un homme qui marchait sans se
impunément ils pouvaient avaler de l'huile
;
brûler, surdos barres de fer ardentes, tenait
bouillante, marcher sur les charbons ardents, sursa maindes charbons, et les soufflait avec
se promener à l'aise au milieu des bûchers sa bouche; sa peau était épaisse et enduite
enfiamniés. Ils se disaient parents de sainte d'une sueur grasse, onctueu'ie, mais il n'em-
Catherine, et montraient sur leur chair l'em- ployait aucun spécifiiiue. Tant d'exemples
preinte d'une roue , signe manifeste de leur prouvent qu'il n'est pas nécessaire d'êir.'
glorieuse oiigine. parent de sainte Catherine pour braver les
Il existe aujourd'hui en France, en Alle- effets du feu. Mais il fallait que quelqu'un
magne et dans presque toute l'Europe des ,
[irîl la peine de prouver, par des expérien-

hommes qui ont les mêmes privilèges, et qui ces décisives, qu'on pi'oi aisément opérer
pourtant évitent avec soin l'examen des sa- tous les prodiges dont l'Espagnol incombus-
vants et des docteurs. Léonard Vair conte tible a grossi sa réputation ce physicien ;

qu'un de ces hommes incombustibles ayant s'est trouvé à Naples.


été sérieusement enfermé dans un four très- M. Semenlini, premier professeur de chi-
chaud, on le trouva calciné quand on rouvrit mie à l'université de celte vile, a publié à ce
le four. Il y a quelques années qu'on vit à sujet des recherches qui ne laissent rien à
Paris un Espagnol marcher pieds nus sur désirer. Ses ()remières tentatives no furent
des barres de fer rougies an feu , promener pas heureuses ; mais il ne se découragea
des laines ardentes sur ses bras et sur sa point, il conçut que ses chairs ne pouvaient
langue, se laver les mains avec du plomb acquérir subitement les mêmes faculiés que
fondu, etc.; on publia ces merveilles. Dans celles du fameux Lionctti,qui était alors in-
un autre temps, l'Espagiiol eût passé pour combustible qu'il était nécessaire de répé-
;

un homme (jui avait des relations avec le ter longtemps les mêmes tentatives , et que ,

démon; alors, on se contenta de ciicr Virgile, [lour obtenir les résultats qull cherchait , il
qui (lit que les prêtres d'.Apollon, au mont fallait beaucoup do constance. A force de
(I ) Ch iss.inlon, Ji;!?pmcnls de D'cii, p. in'J.» \'^) H. Saignes, des Errmirs el dus préjuges , t. III, p.
(ii lljC l'jilaiie. Souvenirs du Levain. 215.
i-9 Dir.TIONN AmE DES SCIF.NCES OCCULTES.
corps des mettaient delà poussière et de l'huile dclampe,
soins, il rcusMi. 11 se fil sur le
sulfureuses, et les répéta si sou- prétendant que, si elles étaient coupables, ce
frictions
impuné- breuvage leur feraitsouffrir des douleurs in-
vent, qu'enfin il put y promener
supportables espèce d'épreuve connue sous
ment une lame de fer roniîc 11 essaya de
:

le nom de calice du soupçon.


produire le même effet a\ec une dissolution
d'alun, l'nne des substances les plus propres
INFLUENCE DESASTRES. Le Taureau
en- domiiiesur le cou; les (léme aux sur les épau-
à repousser l'action du feu le succès fui :

les; l'Ecrevisse sur les bras cl sur les mains;


core plus complet.
le Lion sur la poitrine, le cœur elle dia-
Mais quand M. Semcntini avait lave la
phragme; la Vierge sur l'estomac, les intes-
partie incoinbustiblc, il perdait aussitôt tous
périssablii tins, les côtes et lesmuscles; la Balance sur
ses avantages, et devenait aussi
les reins; leScorpionsur les parties secrètes;
que le commun des mortels. 11 fallut donc
le Sagittaire sur le nez et les excréuients; le
tenter de nouvelles expériences.
Capricorne sur les genoux; le Verseau sur
Le hasard servit à souhait M. Semenlini.
les cuis^es; le Poisson sur les pieds.
Eu cherchant jusqu'à quel point l'énergie du
Voilà en peu de mots ce qui regarde les
spécifique qu'il avait employé pouvait se con-
mor- douze signes du Zodiaque touchant les diffé-
server, il passa sur la partie Iroltée un
rentes parties du corps, il est donc très-dan-
ceau de savon dur. et l'essnya avec un linge:
ensuite une lame de fer. Quel fut gereux d'offenser qneliiue membre, lorsque
il y porta
la lune est dans le signe qui le domiiie, parce
son étonnemenl dy voir qne sa peau
avait
non-seulement conservé sa première insensi- que la lune en augmente l'humidiié, comme
mais qu'elle en avait acquis une bien on le verra si on expose de la chair frai lie i

bilité,
heureux, pendant la nuit aux rayons de la lune il s'y
plus grande encore Quand on est
:
1

entreprenant M. Sementini tenta engendrera des vers, et surtout dans la pleine


on devient :

d'éprouver sur lune (.3). Voy. Astrologie.


sur sa langue ce qu'il vcnnil
INIS-FAIL, nom dune pierre fameuse at-
son bras, et sa langue répondit parfaitement
l'épreuve sans tachée encore aujourd'hui sous le siège où
à son attente; elle soutint
fer étincelant n'y laissa pas l'on couronnait dans l'église de Westmins-
murmurer un ,
;

la moindre empreinte de
brûlure. Voila — ter, les rois de la Grande-Bretagne. Celte

prodiges de l'inrombustibilile ré- pierre du destin, que dans la légende hé-


donc les
actes naturels et vulgaires (i). roïque de ces peuples les anciens Ecossais
duits à des
avaient apportée d'Irlande, au quatrièuie siè-
Voy. Ffv. .
cle, devait les faire régner partout où elle
,

INCREDULES. On a remarque , par de


serait placée au milieu d'tux.
tristesexpériences, que les incrédules, qui
aux f.i- INQUISITION. Ce fut vers l'an 1200 que le
nient les faits de la religion, croient
aux cartes, pape Innocent III établit le tribunal de l'in-
bles superstitieuses, aux songes,
quisition pour procéder contre les Albigeois,
aux présages, aux plus vains pronost es héréiiques perfides, qui bouleversaient la so-
— comme pour montrer que l'esprit fort est
ciété. Déjà, en 118'k le concile de Vérone
surtout un esprit faible.
avait ordonné aux évoques de Lombardie de
INCUBES, démons qui séduisaient les fem-
des Ko- rechercher les hérétiques rebelles, et de li-
mes. Serviiis Tullins, qui fut roi
de Vul- vrer au magistral civil ceux qui seraient
mains, était le fils d'une esclave et
d'anciens auteurs; d'un salaman- opiniâtres. Le comte de Toulouse adopta ce
cain, selon
tribunal en l-i29; Grégoire IX, en 1233, le
dre, selon les cabalistcs d'un démon incube, ;

confia aux dominicains. Les écrivains qui ont


selon les démonographes.
dit que saint Dominique fut le premier inqui-
INCUBO, génie gardien des trésors de la
l'ancienne Rome siteur général, ont dit là chose qui n'est pas.
terre. Le petit peuple de
hs en- Saint Dominique ne fut jamais inquisiteur;
croyait que les trésors cachés dans
gardés par des il était mort en 1221. Le premier inquisiteur
trailles de la terre étaient
qui avaient de général fut le pieux légat Pierre de Castcl-
esprits nommés Incubones,
d'aboi d se sai- nau, que les Albig( oi^ a-sassinèrent.
petits chapeaux dont il fallait
on devenait leur Le pape Inuocenl IV étendit l'inquisition
sir. Si on avait ce bonheur,
dans toute l'Italie , à l'exception de Naples.
maître, et on les contraignait à déclarer
et à
esprits L'iispagne y fut soumise de 1480 à U84
découvrir où étaient ces trésors. Ces
,

sous le règne de Ferdinand et d'Isabelle; le


sont nos gnomes et nos lutins.
Portugal l'établit en 1557. L'inquisition parut
INFERNAUX. On nomma ainsi, dans le sei-
Gallus depuis dans les pays où ces puissances do-
zième siècle, les partisans de Nicolas
soutenaient que, ruiiièrent mais elle ne s'est exercée dans
et de Jacques Smidelen.qui
;

de aucun royaume que du consentement et le


pendant les trois jours de la sépulture
son âme, descendue dans le plus souvent à la demande des souverains (4).
Notre-Seigneur,
Elle a été repoussée en France et en Bel-
lieu où les damnés souffrent, y avait été
gique.
tourmenlé avec ces malheureux (-2).

nombre
hommes de cer- « Si l'on excepte un très-petit
INFIDELITE. Quand les
d'Egypte sc^upçonnaient d'hommes Joseph de Maislre
instruits , dit ,
taines peuplades
leur faisaient il ne vous arrivera guère de parler de I in-
leurs femmes d'inQdelile, ils

soufrée dans laciuellc ils quisition sans rcnconlrer dans chaque tête
avaler de l'eau ,

t8C (5) Admirables secrets d'All)erl le Grand, p. 18.


M. Saignes, des Krrmirs et ilcs |>iéjiigô"î, l. II, p.
(1)
( i) Bergier, Dicl. llié'>log.
Cl MlIV. ,

(2j Bergier. Dicl. Uieulog.


,

«81 INQ I.XQ 882


Irois erreurs capilales ,
plaiilées el comme noncer peine de mort. Mais peu nous im-
la
rivées dans les esprils, au poinl qu'elles porte il nous suffit de savoir , ce qui est
;

cèdent à peine aux démonstrations les plus incontestable, qu'il ne put acquérir ce droit
évidentes. qu'en devenant royal el que tout jugement
,

« On croit que l'inquisition est un tribu- de mort demeure, par sa nature, étrangi'r au
nal purement ecclésiastique cela est faux.
: sacerdoce.
On que les ecclésiastiques qui siéjçent
croit « La teneur des jugements établit ensuite
dans ce tribunal condamnent certains accusés que les confiscations étaient faites au profit
à la peine de mort cela est f.iux. On croit
: de la chambre royale et du fisc de Sa Mu-
qu'ils les condamnent pour de simples opi- jeslc.
nions : cela est faux. « Ainsi, encore un coup, ce tribunal était
Le tribunal espagnol de linquisition
« purement royal, malgré la fiction ecclésias-
était purement royal. C'était le roi qui dési- tique ; et toutes les belles phrases sur l'avi-
gnait l'inquisiteur général, et celui-ci nom- dité sacerdotale tombent à terre (3). Ainsi
mait à son tour les inquisiteurs particuliers, l'inquisition religieuse n'était, dans le fond,
avec l'agrément du roi. Le règlement consti- comme dit Garnier, qu'une inquisition poli-
tutifde ce tribunal fut publié en Tannée liSi tique (i). Le rapport des cortcs de 1812 appuie
par le cardinal ïorquémada, de concert avec ce jugement.
le roi (1).
« Philippe II, le plus absurde des princes,
« Doux, tolérant, charitable consolateur , dit ce rapport , fut le véritable fondateur de
dans tous les pays du monde, par quelle l'inquisition. Ce fut sa politique raffinée qui
magie gouvernement ecclésiastique sévi-
le la porta à ce point de hauteur où elle était
rait-il en Espagne
au milieu d'une nation , montée. Les rois ont toujours repoussé les
éminemment nobleetgcnéreuse? Dans l'exa- avis qui leur étaient adressés contre ce tri-
men de toutes les questions possibles , il bunal , parce qu'ils sont , dans tous les cas
n'y a rien de si essentiel que d'éviter la con- maîtres absolus de nommer , de suspendre
fusion des idées. Séparons donc et distin- ou de renvoyer les inquisiteurs , et qu'ils
guons bien exactement, lorsque nous rai- n'ont d'ailleurs , rien à craindre de l'in-
,

sonnons sur l'iuquisilion, la part du gouver- quisition , ({ui n'est terrible que pour leurs
nement de celle de l'Eglise. Tout ce que le sujets.... »
tribunal montre de sévère et d'effrayant , el Ainsi tombent ces contes bleus de rois
la peine de mort surtout , appartient au d'Espagne qui s'apitoyaient sur des con-
gouvernement ; c'est son affaire ; c'est à lui, damnés sans pouvoir leur faire grâce, quand
et c'est à lui seul qu'il faut en demander il est démonlré que c'étaient ces rois eux-
compte. Toute la clémence, au contraire, mêmes qui condamnaient.
qui joue un si grand rôle dans le tribunal On a dit que depuis trois siècles l'hisloire
de l'inquisition, est l'action de l'Eglise, qui étaitune vaste conspiration contre le catho-
ne se mêle de supplices que pour les suppri- licisme.Ou ferait un volume effrayant du
mer ou les adoucir. Ce caractère indélébile catalogue des mensonges qui ont été prodi-
n'a jamais varié. Aujourd'hui, ce n'est plus gués dans ce cens par les historiens. La
une erreur , c'est un crime de soutenir , plupart viennent de la rélorme ; mais les
d'imaginer seulement que des prêtres puis- écrivains catholiques les copient tous les
sent prononcer des jugements de mort. jours sans réflexion. C'est la réforme qui la
« 11 y a dans l'histoire de Fnince un grand première a écrit l'histoire de l'iuquisilion ;
fait qui n'est pas assez observe , c'est celui on a trouvé commode de transcrire son
des templiers ; ces infortunés, coupables ou odieux roman, qui épargnait des recher-
non (ce n'est point de quoi il s'agit ici), de- ches. Vous tiouverez donc partout des faits
mandèrent expressément d'être jugés parle inventés <jui se présentent avec une effron-
tribunal de l'inquisition ; car ils savaient terie incroyable. Nous en citerons deux ou
ui(n, disent les historiens que s'ils obte- , trois.
n.iienl de tels juges ils ne pouvaient plus , « Si l'on en croit quelques historiens,
être condamnés à mort.... Philippe m, roi d'Espagne, obligé d'assister
Le tribunal de l'inquisition était composé
« à un aulo-da-fê (c'est le nom qu'on donne
d'un chef nommé grand inquisiteur, qui aux exécutions (les inquisileurs), fiémit, et
était toujours archevêque ou cvêque de ne put lelenir ses larmes en voyant une
;
huit conseillers ecclésiastiques dont six , ji-une Juive et une jeune Maure de quinze à
étaient toujours séculiers, et do deux régu- seize ans qu'on livrait aux flammes, et qui
liers, dont l'un était toujours dominicain, en n'étaient coupables que d'avoir été élevées
vertu d'un privilège accordé par le roi Phi- dans la religion de leurs pères t d'y croire. (

lippe 111. «(-2)


C( s historiens ajouteulque l'inquisition fiiuii
Ainsi les dominicains ne dirigeaient donc crime à ce prince d'une compassion si natu-
pas l'inquisition puisque l'un d'eux seule-
, relle; que le grand inquisiteur osa lui dire
ment en faisait partie par privilège. qu pour l'expier il lallail qu'il lui en coulât
'

« On ne voit pas bien précisément, dit en- (lu sang que Philippe III se laissa saignci',
;
core Joseph de Maistre à quelle épocjue le , et (|ue le sang qu'on lui tira fut brûle par la
tribunal de l'inquisition commença à pro- main du bourreau
( Voyez lerapportodicii'l eu venu cluciuel l'iiiquisiliuii
t) sur l'inquisiiion espagnole,
lia sii|i|'nméc par les corièa do 181i.
tôj Id , ibid.
Ci) Josoi)ti de Muibtre, Luiues a un gemilliommc ruise Hiil. du l^rançois I«', ll.cliap.î.
Uj l.
DICT.ONNAIRK DliS SUtiNCES OCCLUES. 881

•"est Sainl-Foiï qu' riipporle ce lissiid'ab- sit chez une femme, qu'il disait beaucoup
«urdes faussetés, dans ses I''s.snis sur Paris, plus habile que lui dans les opérations de la
sans songer qu'aucun historien n'est là pour sorcellerie. Cette femme nie conseilla de me
;ip))uyer ces faits; qu'ils ont été im.ijjinés rendre, trois nuits de suite, sur la colline des
quatre-ringls ans après la mort de Philippe Vistillns de saint Fr.'nçois et d'appeler à
,

III;
que l'Iiiiippe 111 était maître de faire grands cris Lucifer, sous le nom d'anye de
«race et de condamner; que l'inquisition ne lumière, en reniant Dieu et la religion chré-
brûlait pas les Juifs et les Maures, coupa- tienne, et en lui offrant mon âme. Je fis tout
hles seulement d'avoir été élevés dans la re- ce que celte femme m'avait conseillé, mais
ligion de leurs pères et d'y croire qu'elle se
;
je ne vis rien alors elle me dit de quitter le
:

contentait de les bannir pour raisons poli- rosaire, le scapulaire et les autres signes de
tiques, etc. chrétien que j'avais coutume de porter sur
que le cardinal ïor-
Vous lirez ailleurs moi, el d(! renoncer franchement et de toute
quémada, qui remplit dix-huilans les fonc- mon âine à la foi de Dieu pour embrasser
,

tions de grand inquisiieur, condamnait dix le parti de Lucifer, en déclarant que je re-

mille victimes par iin,ce qui ferait cenlqua- connaissais sa divinité el sa puissance pour
ire-vingt mille victimes. Mais vous verrez supérieures à celles de Dieu même ; cl après
ponriaiil ensuite qu'il mourut ayant faii m'élre assuré que j'étais véritablement dans
<!;iiis sa vie six mille poursuites, ce qui n'est ces dispositions, de répéter, pendant trois
|tascenlqualre-viugtmille;que le pape lui fil autres nuits, ce que j'avais fait la première
trois fois des représentations pour arrêter s« fois.

^évc^.té; vous trouverez dans Ijs jugements J'exécutai poncluellcmenl ce que cette
;iss(2 peu de condamnations à mort. Les 1 mine venait de me prescrire; cependant
autos-(ia-fé ne se faisaient que tous les deux l'anije de lumière ne m'apparut pi)inl. La

•ns; les condamnés à mort attendaient Ion vieille me recommanda de prendre de mon
guemenl leur exécution, parce qu'on espé- sang, et de m'en servir pour écrire sur du
lait toujours leur conversion ; et vous re- papier (lue j'engageais mon âme à Lucifer,
t;rctlerez de rencontrer si rarement la vérité comme à son maîlie el à son souverain ; de
d.ius les livres. porter cet écrit au lieu où j'avais fait mes
Un gros ouvrage qui vient de p.iraitre (le invocations, el, pendant que je le tiendrais à
Dictionnaire universel de la Géographie et la main, de répéter mes anciennes paroles: je

de l'Histoire) porte à cinq m


liions le nombre fis tout ce qui m'avail été recommandé, mais

des personnes que l'inqnisilion a fait périr toujours sans résultat.


en Espagne C'est, de plus de quatre mil- « Me rappelant alors tout ce qui venait de

lions et neuf cent mille, une erreur, —pour se passer, je raisonnai ainsi S'il j avait des
:

ne pas dire plus. diables, el s'il était vrai qu'ils désirassent de


Rapportons mainlenanl quelque procé- s'emparer des âmes humaines, il sérail im-
dure de rinquisition. Le fait qui va suivie possible de leur ea ofl'iir une plus belle oc-
est tiré de riiistoire de l'inquisition d'Espa- casion que celle-ci, puisque j'ai vérilable-
gne, faite à Paris sur les matériaux fournis inenl désiré de leur donner la mienne. 11
par I). LIorcnle, matériaux qu'on n'a pas n'est donc pas vrai qu'il y ait des démons ;

toujours eiii() oyés comme LIorentc l'eût le sorcier el la sorcière n'ont donc fait aueun

voulu; car on a fait de son livre un pam- pacte avec le «iiablc, el ils ne peuvent être
[ihlet. que des fourbes et des charlatans l'un et
« L'inquisition faisait naturellement la l'autre. »
guerre aux francs-maçons et aux sorciers. Telles étaient en substance les raisons qui
A la fin du dernier siècle, nn artisan fut ar- avaient fait apostasier l'artisan Jean Pérez.
réléaunomdu saint-office pour avoir dit 11 les exposa, en confessant sincèremcal son

dans quelques' entretiens avait ni


qu'il n'y péché. On entreprit de lui prouver que tout
diables, ni aucune autre espèce d'esprits in- ce qui s'était pas-é ne prouvait lien contre
fernaux capables de se rendre maîtres des i'exisleiicv! des déimiis, mais fais,;it voir

âmes humaines. Il avoua, dans la première seulement que le diable avait manqué de se
audience, tout ce qui lui était imputé, ajouta rendre à l'appel, Dieu le lui défendant quel-
qu'il en était alors persuadé pour les raisons quefois, pour récompenser le coupable de
(juil exposa, et déclara qu'il était prêt à dé- (|uelques bonnes œuvres qu'il a pu faire
tester de bonne foi son erreur, à en recevoir avant de tomber dans l'apostasie. 11 se sou-
l'absolution, et à faire la pénitence qui lui mil, reçut l'absolution el fut condamné à
^erail imposée. une année de prison, à se confesser el à
«J'avais >u(dit-il en se justifiant)un si grand communier aux fêles do Noël, de Pâques et
nombre de malheurs, dans ma personne, mii de la Pentecôte, pendant le reste de ses
famille, mesbiens et mes affaires, que j'en per- jours, ^0!ls la conduite d'uu prêtre qui lui
dis patience, et que, dans nn moment de dé- serait donné pour directeur spiriluel ; à ré-
sespoir, j'appelai le diable à mon secours je : citer une partie du rosaire el à faire tous les
lui offris en retour ma personne et mon âme. jours des actes de foi, d'espérance, de cha-
Jle renouvelai plusieurs fois mon invocation rité, de contrition, elc. Tel fut son châti-
dans l'espace dci)ue!ques jours, mais inutile- ment.
ment, cnrlcdiable ne vint point. Jeni'adressai Voici maintenant l'histoire d'un antre
a un pauvre homme qui passait pour sorcier ;
épouvautalilc ;uilo-d,i-fé, exlraitedu Voyage
je lui lis nai t de ma situation. 11 uie condui- la.l en Espagne pendaul les années 178t) el
-

»ts INV LNV 8S6


1787, par Joseph Fownsend , recteur de grenouille. Ou
bien, disent ces infâmes pe-
Pewsey :
tits livres de secrets stupides, volez un chat
« Un mendiant, nommé If^nazio ïlodriguez, noir, achetez un pot neuf, un miroir, un
fut mis en jugement au tribunal de l'inquisi- briquet, une pierre d'agale, du charbon cl
lion pour avoir distrihué des philtres amou- de l'amadou, observant d'aller prendre do
reux, dont les ingrédients étaient tels que l'eau au coupde minuil àunefonlaine; après
l'honnêteté ne permet pas de les désiqner. Kri quoi allumez votre feu, mettez le chat dans
administrant le ridicule remède (il paraît le pot, et tenez-le couvert de la main gau-
que le prédiranl anglais n'est pas sévère), che sans jamais bouger ni regarder derrière
iipronoiiçail quelques paroles de nécroman- vous, quelque bruit que vous enlendiez; ef
cie. Il fut bien constaté que la poudre avait après l'avoir fait bouillir vingt-quatre heu-
élé administrée à des personnes de tout res, toujours sans bouger, sans regarder
rang. Rodrigucz fut condamné à être con- derrière vous, sans boire ni manger, mettez-
duit dans les rues de Midiid, monté sur un le dans un plat neuf, prenez la viande et la
âne, et à être fouellé. On lui imposa de plus jetez par-dessus l'épaule gauche, en disant
quelques pratiquas de religion et l'esil de la ces paroles Accipe quod libi do et niliil am-
:
capitale pour cinq ans. La lecture de la sen- /j/(us; puis mettez les os l'un après l'autre
tence futsouveni interrompue par de grands sous les dents, du côté gauche, eu vous re-
éclats di! rire, auxquels se joignait le men- gardant dans le miroir; et si l'os que vous
diant lui-même. Le coupable fut, en effel, tenez n'est pas le bon, je'ez-Ie successive-
promené par les rues, mais non fouetté; et ment, en di.-ant les mêmes paroles jusqu'à
pendant la route, on lui offrait du vin et des ce que vous l'ayez trouvé; sitôt que vous ne
biscuits pour se rafraîchir.... » vous verrez plus dans le miroir, retirez-
Nous pourrions rasst mbler
beaucoup de vous à reculons. La possession de cet os vous
traits pareils,qui peindraient l'inquisition rendra invisible toutes les fois que vous le
tout autrement queue la montrent des livres
prendrez entre les dents.
infiniment trop menîeurs. Voy. Tribunal On peut encore, pour se rendre invisible,
SECRET. faire celte opération que l'on commence un
INSENSIBILITE. On prétendait que le mercredi, avant le soleil levé. On se munit
diable rendait les sorciers insensibles à la de sept fèves noires; puis on prend une tête
question on ti rture. Miis ce fait ne s'est ja- de mort on met une fève dans la bouche,
;
mais VII, ou du moins avec certitude. deux dans les narines, deux dans les yeux
INTEIIDIT, censure de l'Eglise qui sus et deux dans les oreilles on fait ensuite sur ;
pend les ccciésiastiqnes de leurs fonctions, celle tête la figure d'un triangle, puis on
et qui prive le peuple de l'usage des sacre- l'enterre la face vers le ciel on l'arrose ;
ments, du scrvi< 6 divin et de la sépulture pu pendant neuf jours avec d'excellente eau-iie-
terre sainte. L'objet de l'interdit n'était, dans vie, de bon matin avant le soleil levé. Au
,
son origine, que de punir ceux qui avaient huitième jour, vous y trouverez un esprit ou
causé quelque S( andale public, et de les ra-
mener au devoir en les obligeant à deman-
démon qui vous demandera Que fais- : —
tu là ?
der la levée de l'interdit. Vous lui répondrez J'arrose ma plante.
: —
Ordinairement l'interdit arrêtait les dérè- 11^ vous dira:— Donne-moi cette bouteille,
glements des monastères, empêchait les hé- je l'arroserai moi-même.
résies de s'étendre, mettait un frein aux ex- Vous lui répondrez que vous ne le vou-
cès des seigneurs lyranniques, des criminels lez pas. Il vous la demandera encore vous ;
puissants, des perturbateurs de la paix pu- la refuserez jusqu'à ce qu'il t'ude la
lui
blique. Ainsi, après le massacre des vêpres main, où vous verrez une figure semblable à
siciliennes, le pape Martin IV mit en inter- celle que vous avez faite sur la tête ; vous
dit la Sicile elles Etals de Pierre d'Aragon.
devez être assuré dès lorsque c'est l'esprit
Grégoire Vil, qui fil grand usage de l'inter- véritable de la tête.
dit, sauva plus d'une lois par cette mesure la
N'ayant plus de surprise à craindre, vous
cause de l'humanité, qui sans lui périssait lui donnerez votre fiole il arrosera lui- ,
de toutes parts. même, et vous vous en irez.
L'interdit doit être prononcé dans les mê- Le lendemain qui est le neuvième jour,
,
mes formes que l'excommunication, parécrit, vous y retournerez vous y trouverez vos ;
nommément, avec l'expression de la cause et fèves mûres, vous les prendrez, vous en met-
après trois monitions. La peine de ceux qui trez une dans votre bouche, puis vous regar-
violent l'inlerdit est de tomber dans l'excom- derez dans un niiroir si vous ne vous y :

munication. voyez pas, elle sera bonne. Vous en ferez de


INVISIBILITE. Pour être invisible, il ne même de toutes les autres ; celles qui ne
faut que mettre devant soi le contraire de la vaudront rien doivent être enterrées au lieu
lumière; un mur, par exemple (1). ouest la tête. —
Pour cette expérience, ayez
Mais le Petit Albert et les Clavicules de toutes les choses bien préparées avec dili-
Salomon nous découvrent des secrets plus gence et avec toutes les solennités retjuiscs...
rares et plus importants pour l'invisibilité. Il y a encore de malheureux niais qui
On se rend invisible, par exemple, eu portant croient à ces procédés. Voy. Anneau.
>ous son bras droit le cœur d'une chauve- INVOCATIONS. Agrippa dit (jue, pour in-
iouris, celui d'une pouicnoirc ou celui d'une
voquer le diable cl l'obliger à paraître, ou
(l) Lk (tuiiile du Gabulii.
887 DICTIONNAIIIK DES SCIiNCbS OCCULTKS. 888
fiii serl (les piirolcs mngiqaes Dieu mies, : saint roi, qui ne peut .s'en dégager ; une voix
jc.'yuetbenedo efet douvema cnileinaiisl Mais terrible se fait entendre si tu:
— Prince,
PiiTrc Lcloyer dit (jUPCcux qui ont des rous- veux sauver, renvoie le diable qui le suit
te
seurs au »isago no. peuvent faire venir les en croupe.
(louions, qiioi(|u'ils lis invoiinenl. V^oy.Evo- La belle Dahnt perdit la vie, elle se noya
cations Conjurations.
et près du lieu qu'on nomme Poul-Dahut. La
10. Celle femme que Junun changea on tempéle cessa, l'air devint calme, le ciel se-
génisse esl traitée de sorcière dans les démo- rein ; mais depuis ce moment le vasle bassin
nographes. Delancre assure (1) que c'élait sur lequel s'élcndail une partie de la ville
une niagici une (|ui se faisait voir tantôt sous d'Is fut couvert d'eau. C'est maintenant l<i
les traits d'une femme, tantôt sous ceux d'une baie de Douarnenez (3).
vache avec ses cornes. ISAACAHUM.l'undes adjoinisdeLevialhan
Il'ÈS ou AYPKKOS, prince et comte de da'>^s lapossession de Loudun.
l'enfer; il apparaît sous la forme d'un ange, tSLAND.\IS. Les Islandais sont si experts
quelquefois sous celle d'un lion, avec la Icle dans l'art magique, dit un voyageur du der-
et l'.'S pâlies d'une oie et une queue de liè- nier siècle, qu'ils font voir aux é^angers ce
vre, ce qui est un peu court; il connaît le qui se passe dans leurs maisons, même leurs
passé et l'avenir, donne du génie et de l'au- pères , mères, parents et amis, vivants ou
dace aux hommes, el commande trente-six morts (i).
légions (-2). ISLE EN JOURDAIN (Mainfroy de l), ha-
IRLANDE. Parmi beaucoup d'opinions bile devin qui découvrit par l'astrologie l'hor-
poétiques ou bizarres, les Irlandais croient rible conduite de deux chevaliers Philippe ,

qu'ui:e personne qui doit mourir nalurelle- clGauthierd'Aunoy, lesquels étaient amants,
nienl ou par accident, se montre la nuit à l'un de Marguerite de Navarre femme de ,

quelqu'un, ou plutôt son image dans un , Louis le Iluliii, et l'autre de Blanche, femme
lirap mortuaire. Celle apparition a lieu dans de Charles le Dél on prouva encore qu'ils
;

les trois jours qui précèdent la mort an- envoûtaient les maris de ces deux dames.
noncée. C'étaient les deux frères de Pliilip|»e-lo.
IS Ville bretonne, gouvernée par le roi Long. Le roi Philippe en fit justice les deux :

Gralon loule espèce de luxe et de débau-


; chevaliers furent écorchés vifs et pendus, et
che régnait dans celle opulente cité. Les les deux dames périrent en prison (5).
plus saints personnages y prêchaient en vain ISPAREÏTA, idole principale des habitants
les mœurs el la réforme. La princesse Dahul, de la côte du Malabar. Antérieurement à
lllle du roi, oubliant la pudeur et la modéra- toute création, Isparetta se changea en un
tion naturelle à son sexe, y donnait loxem- œuf d'où sortirent le ciel et la terre et tout ce
ple de tout genre de dépravation. L'heure de qu'ils contiennent. On le représente avec
la vengeance approchait le calme qui pré- : trois yeux et huit mains, une sonnette pendue
cède les plus horribles tempêtes, les chants, au cou, une demi-lutie el des serpents sur le
la musique le vin, loule espèce despectacles front.
cl de débauchesenivraient endormaient les , ISUAFIL, ou ASRAFIL. Voy. Asrafil.
habitants endurcis de la grande vilie. Le roi ITHYPHALLE, nom d'une espèce il'amu-
(iralun seul n'était pas insensible à la voix leltes que l'on pendait au cou des enfants et
du ciel ; un jour le prophète Guénolé pro- des vcsliles; on lui attribuait de grandes
nonça d'une voix sombre ces mots di'vant vertus. Pline dit que c'élait un préservatif
le roi Gralon : pour les empereurs mêmes, qu'il protégeait
— le désordre est au comble, le
Prince, contre les effets de l'envie.
bras de l'Eternel se lève, la mer se gonfle, la IWAN-BASILOWITZ. Voy. Jran.
cité d'Is va disparaîire partons. : IWANGIS, sorciers des îles Moluques, qui
Gialon moule aussitôt à cheval el s'éloigne font aussi métier d'empoisonneurs. On
le
à toute bride; sa fille Dahut le suit en crou- prétend qu'ils déterrent les corps morlset s'en
pe La main de l'Eternel s'abaisse; les nourrissent, ce qui oblige les Moluquois à
plus hautes tours de la ville sont englouties, naonterla garde auprès des sépultures, jus-
ii;« Ilots pressent eu grondant le coursier du qu'à ce que les cadavres soient pviurris.

J
JARAMIAU, mol puissant de la cabale élé- sphère du feu, nous ne saurions oublier le
mentaire, lequel, prononcé par un sage ca- follet appelé vulgairement on Angleterre
baliste, res'.ituc les membres tronqués. Jackwitli tbe l nlern, Jack à la lanterne, que
JACOB. Voy. Eternoment. Millon nomme aussi le moine des marais ((>).
JACOBINS DE BEllNE. Voy. Jetzer. Selon la cli(i)nic)ue de l'abbaye de Corweg,
JACK. Parmi les démons inférii uis de la ce moine eu séduisit un autre, frère Séba^-
(I) Tableau de l'imoiislance di'S déliions, [t. -48. (3) Manuscrit de la Bibliollièque , cilé par Joly dans ses
(2; VVierus, in l'srinloii.oiiarcliiadaein. Reimniues sur Baille.
(5) M. Caiiibiy, V'oyjgc dans la l'inislère , lum, H, v:\-'.
(i>) Lu loiiiaiicior américaiii a fuit uu volume iur JacKi
est. tj laaieruc.
U) Nouv. vojnse vers le sijrteat., 1708. cliaii. 66
; —

8S9 JAD JVM 8Vl)

lien, qui, revenant pièchcr la fête de saiul


(!(• P>ii is, il y a quel(|ues années ; mais cette'
Jean, se l.li^sa conduire à travers (champs pierre prodigieuse a perdu sa réjiutatiou, et
par la fatale lanterne jusqu'au boni d'un pré- ^es grandes vertus sont mises au rang des
cipice où il périt. C'était en l'année 1034- frbles.
nous ne saurions vérifier le fait. JAKISES, esprits malins répandusdans l'air
Li's paysans allemands regardent cedialilc chez les Japonais. On célèbre des fêtes pour
de feu comme très-irritable pourtant ils ont;
obtenir leurs bonnes grâces.
quelquefois la malice de lui chanter un cou- JAMAMBUKES, ou JA.MMABOS, espèce de
plet qui le met en fureur. Il n'y a pas— f uiatique japonais, du genre des fak.rs, qui
trente ans qu'une fille du village de Lor>ch errent d.ius les campagnes et prétendent con-
eut l'imprudence de chanter ce refrain, au verser familièremi'nt avec le diable. Quand
moment où le follet dansait sur une prairie ils vont aux enterrements , ils enlèvent,
marécageuse aussitôt il poursuivit la chan-
: (lit-on, le corps sans qu'on s'en aperçoive,
teuse ; celle-ci se mil à courir de toute la vi- et ressuseitent les morts. Après s'être meur-
tesse de ses jambes; elle se croyait déjà sai- tris de coups de bâton pendant trois mois, ils
vée en apercevant sa maison, mais à peine entrent en nombre dins une barcjue, s'avan-
franchissait-elle le seuil qua Jack à la lan- cent en pleine mer, font un trou à la barque
terne le franchit aussi, et frappa si violem- et se noient en l'honneur de leurs dieux.
ment de ses ailes tous ceux qui étaient pré- Cette sorte de fakirs fait sa profession, à ce
sents qu'ils en furent éblouis. Quant â la qu'on assure entre les mains du diable
,

pauvre fille, elle en perdit la vue; elle ne même, qui se montre à eux sous une forme
ciianti plus que sur le banc de sa porte, lors- terrible. Ils découvrent les objets perdus ou
qu'on lui assurait que le ciel était pur. Telle dérobés pour cela, ils font asseoir un petit
;

est du moins la légende. garçon à terre, les deux pieds croisés; en-
Il ne faut pns être un Irès-fort chimiste suite ils conjurent le diable d'entrer dans le
pour deviner la nature de ce démon électri- corps du jeune homme, qui écume , tourne
que mais on peut le classer avec les démons
;
les yeux, et fait des contorsions effrayantes.
du feu (\u\ dénoncent les trésors cachés par Le jamambuxe, après l'avoir laissé se débat-
les llammes livides (ju'ils font exhaler de la tre, lui recommande de s'arrêter et de dire
terre, et avec ceux qui parcourent les cime- où est ce qu'on cherche ; le jeune homme
tières par un temps d'orage. Maintes fois, obéit :il prononce d'une voix enrouée le nom
autour des sources sulfureuses où les petites du voleur, le lieu où il a mis l'objet volé, le
maîtresses vont chaque année réconforter temps où il l'a pris, et la manière dont on
leurs poitrines délicates, le montagnard des peut le faire rendre. Voy. Goo.
Pyrénées voit volligerdesgobelins de la même JAMBLIQUE, philosophe platonicien du
famille : ils agitent leurs aigrettes bleuâtres quatrième siècle, né en Syrie sous le règne
pendant mémo entendre de lé-
la nuit, et font de Constantin le Grand. Il fut disciple d'Ana-
gères détonations. tole el de Porphyre. Il admettait l'existence
Le plus terrible de ces démons est celui d'une classe de démons ou e^prits d'un ordre
qui fond son essence vivante dans les li- inférieur, méilialeurs entre Dieu et les hom-
(jueurs fermentées, qui s'introduit sous cette mes. Il s'occupait des divinations, et on a
l'orme liijuide dans les veines d'un buveur, vu, à l'article Aleclryomancie, que c'est lui
ft y allume à la longue un incendie qui le ((ui prédit par cette divination l'avéncment
dévore, en fournissant aux médecins un au trône de ïhéodose. On ignore où, quand
exemple de plus de ce qu'ils appellent scien- et comment il mourut; mais Bodin -assure
tifi<)uement une combustion spontanée (1). qu'il s'empoisonna lui-même pour éviter
JACQUES I". Le roi d'Angleterre Jacques le supplice que Valens réservait aux magi-
premier que Henri IV appelait si plaisam-
,
ciens.
ment maître Jacques ne se .contentait pas
, Oii conte qu'étant un jour dans la ville
de faire brûler les sorciers il a produit en-
: deGadare en Syrie, pour faire voir sa science
core, sous le litre de JJémonoloyie, un gi'os magique, il fit sor ir en présence du peuple
volume pour prouver que les sorciers entre- deux génies ou démons d'une fontaine; il
tiennent un commerce exécrable avec le dia- les nommait Amour et Contre-Amour (2);
ble. Ou trouve dans ce livre toutes les idées l'Amour avait les cheveux dorés, tressés et
de son temps, dont quelques-unes sont assez flottants épaules ; ils paraissaient
sur les
étroites. éclatants comme
rayons du soleil; l'au-
les
JADE. Pierre à laquelle les Indiens attri- tre était moins brillant ; ce qui attira lad-
buaient, entre autres propriétés merveilleu- miration de toute la populace.
ses, celles de soulager les douleurs de reins, Leloyer dit (3) encore que c'est Jamblique
quand on l'y appliquait, etde faire écouler le et Maximus qui ont perdu,Julien l'Apostat.
sable de la vessie. Ils la regardaient aussi 0.1 recherche de Jamblique le traité des
comme un remède souverain contre l'épi- Mystères des Egyptiens, des Chaldéens et de»
1,'psie, et s'étaient persuadé que portée en ,
Assyriens [k). Il s'y montre crédule pour
amulette, elle était un préservatif contre les toutes les rêveries des astrologues.
morsures des bêtes venimeuses. Ces prélen- JANNÈSet MAMBBÈS, sorciers égyptiens
dues propriétés lui avaient donné la vogue à les plus anciens que les saints livres nous

(1) Tradilions populaires. Qimrterly Review. p. 511


li) tiros el Ariléros. (i) Jambiiclius, Diî mysterlis .Egyplinnpii.Chaldaeoriini,
13) Hiil. des siiKCif Ci ou apparitions des esprits, liv. !v. AssjriOTum , avec d'imlres cpuscutos. In-IB, l(i07.
891 DICriO.MNAlIiE DES sci(:nci;s oocl'ltes.
«!<]
fassent connaître par L-ur après Chain. nom La plupart de ces idées superstitieuses sub-
Ils faisaient apparaîlre des grenouilles, des sisti'iU encore.
serpents; ils changaient IVau du Nil en sang, JEAN (EVANGIIF DE saint). Voy. «IBLIO-
et lâchaient il'anéantir par lenrs prestiges la MANCIK.
vérité des miracles que Dieu faisait par l'or- JEAN, magicien
sectateur d'Apollonius
gane de M(ris<' (1). de Tyane. ourait de ville en ville, faisant
Il c

JAMMA LOCON, enfer indien d'où, après le métier de charlatan, et portait


une chaîne
un certain temps de peines et de souffran- de fer au cou. Après avoir séjourné quelque
ces, les âmes reviennent en ce monde pour temps à Lyon, il acquit une si grande célé-
y animer le premier corps où elles peuvent brité par ses cures merveilleuses, que
le sou-
entrer. verain du pays l'admit en sa présence.
Jean
JARREïIÈHR. Secret de la jarretière pour
donna à ce prince une superbe épée enchaii-
voijageurs. V<ius cueillerez de Ihcrbe que lée; elle s'entourait m€rveilleusement,
les dans
le combat, de cent quatre-vingts
on appelle armoise, dans le temps que U>
1 couteaux
f.iil son entrée au premier signe
lires. Il lui donna aussi un bouclier
soleil du C;i- porlaitt
pricorne; vous la laisserez un peu sécher à un miroir, qu'il disait avoir la vertu de -
d
l'ombre, et en ferez des jarretières avec la vulguer les plus grands secrets. Ces arme,
peau d'un jeune lièvre, c'est-à-dire qu'ayant disparurent un jour ou furent volées; sur
coupé la peau du lièvre en courroie de la lar- quoi Delancre conclut (i) que si les rois d.-
geur de deux pouces, vous en ferez un re- France dressaient, coinnve les ducs d'Italie,
doublé dans lequel vous coudrez ladite herbe, des arsenaux de vieilleries (ce qu'ils font
à
et les porterez aux jambes. Il n'y a point présent) , on y trouverait de ces armes en-
de
chevalqui puissesnivn- bmglemps un homme chantées et fabriquées par quelque magicien
de pied qui est muni de ces jarretières. ou sorcier.
Ou bien vous pn-ndrez un morceau d cuir •
JEAN, patriarche schismatiqne de Con-
de la peau d'un jeune loup, dont vous ferez slaiitinople. Zonaras conte que l'empereur
deux jarretières, sur lesquelles vous écrirez grec Théophile, se voyant obligé de mettre
à
avec votre sang les paroles suivantes Abii- la raison une province révoltée sous
:
la con-
malilli cados; vou,< serez étunné de la vitesse duite de trois capitaines, consulta le patriar-
avec laquelle vous cheminerez, et int muni che Jean, habile enchanteur. Celui-ci fil faire
de ces jarretières à vosjnmbes. De peur que trois gros mjirleaux d'airain, les mit
entre
les inains de trois hommes robustes,
les caractères écrits ne s'eflacent, il sera
bon et con-
de doubler la jarretière d'un padoue de fil iluisit ces hommes an milieu du
cirque, de-
blanc du côté de l'écriiur •.
vant une statue de bronze à trois (êtes. Ils
« Il y a encore une manière de faire la
abattirent deux de ces télés avec leurs mar-
larretièrc, que j'ai lue d.ins un vieux ma- teaux, et firent pencher le cou à la troisième
nuscrit en lettres gothiques. En voici la re- sans l'abattre. Peu après, une bataille se
celte. Vous aurez les ch'veux d'un larron donna entre Théophile et les rebelles deux :

lendu, desquels vous ferez des tresses dont des capitaines furent tués, le troisième fut
vous formerez des jarretières que vous cou- blessé et mis hors de combat, et tout rentra
drez entre deux to les de telle couleur qu'il dans l'ordre.
vous plaira vous les attacherez aux jambes
;
JEAN XXII, pape, mort en 133'», après un
de derrière d'un jeune poulain pontifical de dix-huit ans. On lui allribue
puis vous
laisserez échapper le poulain, le ferez courir
;
les Taxes de la chambre apostolique, tradu -
à perle d'haleine, et vous vous servirez avec tes en français sous le litre de Taxes des
plaisir de ces jarretières » parties casuelles de la boutique du pape. Ce
(2).
On prétendait autrefois que les magiciens texle, presque partout, est une supposition
pouvaient donner une jarretière enchantée, d'un protestant faussaire. On donne encore
avec laquelle on faisait beaucoup de chemin à Jean XXII VElixir des philosophes ou Art
en peu de temps. C'est là peut-être l'origine tranimulatoire des métaux, livre qu'il n'a
des botles de sept lieues. pas fait. Ce livre a été traduit du latin en
Irançais in-12, Lyon, 1557.
;
JAUNISSE. Les Hongrie croyaient rois de On enfin que Jean XXII ou Jean XXI
dit
avoir le privilège de guérir la jaunisse
par s'occupait d'astrologie et s'amusait à suppu-
I attouchement
(3). ter les changements de temps. On a fait là-
JAYET d'ISLANDE. Les anciens Islandais dessus de petits contes assez dépourvus de
attribuaient des vertus surnaturelles à ce sel.
jayet, qu'ils regardaient comme un JEAN ou IWAN BASILOWITZ, grand-dnc
ambre
noir. Sa principale qualité était de dcMoscovie, au quatorzième siècle, tyran
préserver
de tout sortilège celui qui en portait sur soi. cruel. A l'article de la mort, il tomba, dit-on,
En second lieu,
croyaient un anlidole
ils le dans des pâmoisons terribles, et son âme
«jonire le poison. Sa troisième fil de pénibles voyages. Dans le
propriété était premier, il
de chasier les espiiis et les fantômes, fut tourmenté en un lieu obscur, pour avoir
lors-
qu on en brûlait dans une maison la tenu au cachot des prisonniers innocents
qua- ;
;
trième, de préserverde maladies dans la seconde excursion, il fut encore plus
épidémiques
les appartements qui en étaient
parfumés. tourmenté pour avoir accablé le peuple
'*^ "'*^- ''''* '^PPC'rus ou apparil. des esprit!, (ô)S.i)jTues, Dcsrrrenrs el des préjugés, t. I, p. 272
II ^''^'IIV'
(l) tableau de riatoiiblaucc dus cléiiious, clc, lu v.
Uj iciruts Un l'clil AIUciI, p. 90. p. 345.
f^n JK.\ JF.A 804
ci"impô(s; et son successeur Tliéodorc «nt gnaler la libératrice des Français. A l'âge de
soin de l'en décharger en partit'. Iwiin inou- seize ans, le cœur de Jeanne s'exalta. Vers
riil à son troisième voyage; son corps jeta l'heure de midi, elle vit un jour (était-ce eu
nne puanteur si infecte qu'on ne pouvait imagination ou en réalité?) dans le jardin Ak'
l'approcher; ce qui fit penser que son âme son père, l'archinge Mi( bel, l'ange Gabriel,
avait été emportée par le diable; d'autant sainte Catherine et sainte Marguerite , re-
plus ()ue son cadavre avait disparu, <]uand splendissants de lumière. Ces saints, depuis,
vint le jour fixé pour l'enlerremcnt (1). la guidèrent dans ses actions. Les voix (car
JEAN-BAPTISTE. I! y a des paysans qui elle s'exprimait ainsi) lui ordonnèrent d'aller
noient, on ne sait sur quelle autorité, que en aide au roi de France, el de faire lever
saint Jean-Biptistecstné dans un chameau... le siège d'Otiéaiis. Malgré les avis contrai-
JEAN dARllAS, écrivain français du qua- res," elle obéit aux voix et se renilil d'aboid
torzième siècle, qui compila ie roman de à Vaucouleurs. Jean de Meiz, frappé de ce
jyjélusine. Voy. ce mot. qu'elle lui dit, se chargea de la présenter
JEAN d'ESTAMPES. D'anciennes chroni- au roi.
ques rapportent que Jean d'Estampes, l'un arrivèrent tous deux, le 2i février 1429,
Ils
des gardes de Cliarlcmagne, mourut en 11.'Ï9, à Chinon, où Charles tenait sa petite cour.
après avoir vécu 3'ltj ans; mais d'autres di- Jeanne s'agenouilla devant lui.
sei>t quiil ne >écut que 250 ans malheureu- : —Je ne suis pas le roi, lui dit-Il pour
sement son secret de lofigévité n'est connu l'éprouver; le voici, ajouta-l-il en lui mon-
de personne (2). trant un des seigneurs de sa suite.
JEAN DE MEUNG, astrologuequicomposa —Gentil prince, répliqua la jeune vierge,
le roman de Rose, où il monire bien son
la c'est vous et non un autre. Je suis envoyée,
savoir, quoiqu'il ne fût âgé que de dix-neuf de la part de Dieu , pour prêter secours à
ans lorsqu'il le fit. li est aus^i l'auteur d'un vous et à votre royaumt;; el vous mande le
livre intitulé Traité sur la direclion des na-
: Koi lies cieux par moi que vous serez sauvé,
tivités et révolutions des ans; il traduisit le <'t couronné en la ville de Reims, et serez
livre des Merveilles d jrlnnde. lieutenant du Roi des cieux, qui est le vrai
On prétend que c'est lui qui a prédit les roi de France.
hauts laits d'armes du connétable de France Charies surpris lira Jeanne à l'écart; et.
Bertrand du Guesclin (3). après un court entretien, il déclara qu'elle
JEAN DE MILAN, astrologue du quinzième lui avait dit des choses si secrètes, que nul
siècle, qui prédit à Vélasquez, gouverneur ne pouvait les savoir que Dieu el lui ce qui :

d'Hispaniola ou Saint-Domingue, rheureuse attira sur-le-champ à la mjstérieuse jeune


issue de la guirre du Pérou, entreprise par fille la confiance de la cour. Cependant un
Fernand Gortcz. doute restait à éclaircir, c'était de savoir si
JEAN DE SICILE, habile astrologue et pure: ce (jui fut reconnu; si elle
elle était
théologien qui prédit le couronnement de du ciel ou de l'enfer ce qui
était inspirée :

l'empereur Sigisinoiid. C'est encore lui qui sembla devoir être interprété en faveur du
annonça à Boucicaull ce (jui lui devait ad- ciel.
venir, el qui l'avertit de la trahison (|iie fi- Après consultations , on lui
plusieurs
rent aux Français le marquis de Monlferral donna des chevaux des hommes; on l'arma
el
et le comte Francisque, trahison qu'il évita d'une épée que, sur sa révélation, on trouva
en fuyant ('i). enterrée d^ins lEglise de Sainte-Calherine
JEANNE liARC, dite la Pmelle d'Orléans, de Fierbois. Elle se rendit aussitôt sous les
née en Champagne, à Douirémi près de Vau- murs d'Orléans, et combattit dès le premier
couleurs sur la lisière de la Lorraine en , jour avec un courage qui éclipsa celui des
IVIO. Jamais la France ne fui acablée do plus grands capitaines. Elle chassa les An-
calamités aussi grand<'s que durant le demi- glais d'Orléans, fil ensuite selon l'ordre
,

siècle qui précéda l'année mémorable où l'on qu'elle avait reçu, sacrer son roi à Reims,
vit le courage abattu de ses guerriers piès lui rendit Troyês, Châlons, Auxerre, et la
de subir coinplélement le joug de l'éiran- plus grande partie de son royaume. Après
ger, se ranimer à l-a voix d'une jeune fille quoi, elle voulut se n tirer, disant foruielle-
lie dix-huit ans. menl que sa mission était accomplie.
Charles VII était sur le point de céder Chi Mais elle avait donné trop de preuves desa
noH, sa dernière plac à l'ennemi, lors(|ue
,
vaillance, et l'armée avait trop de confiance
Jeanne d'Arc parut vers la fin île février IVi i. eu elle, pour qu'on voulût sitôt lui accorder
Ce n'était qu'une simple paysanne. Son père sa liberté. Ce fut la cause de ses malheurs :
>e nomuiall Jacques d'Arc sa mère, Isabelle
;
elle les prévit, les annonça en pleurant ;el
Komée. Dès sa plus tendre enfance el.e avait bientôt, s'élanl jetée dans Compiègne pour
montré une timidité sans exemple el fuyait délendre celle place contre le duc de Bourgo-
b^ plaisir pour se livrer tout entière à Dieu; gne, elle fut prise par un genlilhommc pi-
mais en même temps elle s'exerçait, dit-on, canl qui la vendit à Jean de Luxembourg,
à manier les chevaux, et l'on remarquait lequel ta revenditaux Anglais.
liéjà en elle l'ardeur m.irtialc qui devait si- Pour .>e venger de ce qu'elle les avait trop

(l)Lelojer, Uisl. des spectres el clts apparilioiis des lieiiuiii[>tes sur Buyte.
f.sp'ils, liv. IV, p. 301. (i) Mjiiusonl (le la BililiolUèque du roi; ou-ail du livre
(2) l..-all, Cal.iul. vérilab., p. liO. (le Juiy.

(jj .Maiiuscril de ia Bits!Jot!jcqtic ilii roi . cilé dans k's


,

893 DICTlONNAtKi: DES SCIENCKS OCCULTES, 80ti

sauvent vaincus, ceux-ci l'accusèrenl d'avoir ne plus porter les armes à l'avenir. II fallait
employé les sorlilégt'S et la magie à ses triom- mourir ou signer cet écrit. Elle signa. Mais
phes. On la trailuisil devant un tribunal cor- on avait substitué une cédule, par laquelle
rompu, qui la déclara fanatique et sorcière. elle se reconnaissaii dissolue, hérétique, sé-
C<î procès serait ridicule s'il n'était atroce. ditieuse, invocatrice des démons et sorcière.
Ce qu'il y a de plus horrible, c'est que Tin- Cette supercherie servit de base au jugement.
terai monarque qui lui devait sa couronne Elle fut condamnée à passer le reste de ses
l'abandonna; il crut n'avoir plus besoin jours dans une prison perpétuelle, au pain
d'elle. de douleur et à l'eau d'angoisse.
Le procès se poursuivit avec activité; à la Les juges, après l'arrêl, furent poursuivis
treizième séance, on voulut lui faire com- à coups de pierres par le peuple qui aimait
prendre la différence qui existait entre l'é- Jeanne; en même temps, les Anglais vou-
plise triomphante et l'église militante. On lui laient les exterminer, l(!s accusant de n'avoir
demanda ce qu'elle en pensait. Je me sou- — reçu l'argent du roi d'Angleterre que pour le
mets au jugement du Sainl-Siége, répondit- tromper.
elle. —Ne vous embarrassez pas, dit l'un d'eux ;
On lui demanaadès son enfance, les
si, nous la rattraperons bien.
saints qui lui apparaissaient parlaient an- Jeanne avait promis de ne plus porter
glais ou français? s'ils avaient des boucles d'habits d'homme elle avait repris ceux de
;

d'oreilles? des bagues? etc. Vous m'en — son sexe. La nuit, les gardes de sa prison
avez pris une, dit-elle pour toute réponse, enlevèrent ses vêtements, et y substituèrent
rendez-la moi. des habits d'homme. Lorsque le jour vint
— Les saints sont-ils nus ou habillés? elle demanda qu'on la déferrât c'est-à-dire
,

— Pensez vous que Dieu n'ait pas de quoi qu'on relâchât la chaîne qui l'attachait par
les vêtir? le milieu du corps. Puis, voyant des habits
Comme on insistait sur la chevelure de d'homme, elle supplia qu'on lui rendit ses
saint Miche!, elle dit : — Pourquoi la lui au- vêlements du jour préeéilent on les lui re-
:

rait-on coupée? fusa ; elle resta couchée jusqu'à midi. Alors


— Avez-vous vu des fées? elle fut forcée de s'habiller avec les seuls vê-
— Je n'en point vu, ai entendu par-
j'en ai tements qu'elle eût à sa disposition. Des té-
ler; mais je n'y ajoute aucune f li. moins aposlés entrèrent pour constater sa
— Avez-vous une mandragore? qu'en avez désobéissance; les juges accoururent. Incon-
vous fait? tinent elle fut condamnée comme relapse, hé-
— Je n'en point eu; je ne sais ce que
ai rétique, sordère, exconnnuniée, rejitée du
c'est. On dit que c'est unecliose dangereuse sein de l'Eglise.
et criminelle. On lui lut sa sentence de mort qu'elle en- ,

Quelquefois plusieurs juges l'interro- tendit avec constance. Elle demanda qu'il lui
geaient à la fois. —
Beaux pères, disait-elle, fût permis de s'approcher de l'eueha'istie ;

l'un après l'autre, s'ii vous plaît. ce qui lui fut accordé. Massieu, curé de Saini-
Durant l'inslruclion, Ligny-Luxembourg Claude de Ilouen , qui avait la charge de la
vint la voir, accompagné de Warwick et de conduire devant ses juges, lui permettait de
StralTort : —
Je sais bien, leur dit-elle, que faire sa prière devant la chapelle. Celle in-
ces Anglais me feront mourir, croyant qu'a- dulgence lui attira de sanglants reprorhes.
près ma moit ils gagneront le royaume de Jeanne alla au supplice le 3;) mai, sous
France. Mais, seraient-ils cent mille, avec l'escorte de cent vingt hommes On l'avait
ce qu'ils sont à présent, ils n'auront pas ce revêtue d'un habit de femme; sa tête était
royaume. chargée d'une mitre en carton, sur laquelle
Fatiguée de mauvais traitements elle , étaient écrits ces mots Hérétique relapse,
: ,

l-)inbadangireusement malade. Bedfort ,


apostate, idolâtre. Deux pères dominicains
Wincester, Warwick chargèrent deux méde- la soutenaient ; elle s'écriait sur la route :

cins d'en avoir soin, et leur enjoignirent de Ahl Rouen Rouen , seras-tu ma dernière
,

prendre bien garde qu'elle ne mourût de sa demeure?


mort naturelle, le roi d'Angleterre l'avait On avait élevé deux échafauds sur la place
trop cher achetée pour être privé de la joie du Vieux-Marché. Les juges attendaient leur
de la faire brûler. victime chargée de fers. Son visage était
Le 2k mai, on la conduisit à la place du baigné de pleurs on la fit monter sur le bû-
:

cimetière de l'abbaye de Rouen. Guillaume cher, qui était fort élevé, pour que le peuple
Erard déclama contre le roi de France et entier pût la voir.
contre les Français; puis, s'adressant à la Lorsqu'elle sentit que la flamme appro-
Pucelle : —
C'est à toi, Jeanne, que je parle, chait, elle avertit les deux religieux de se
f t te dis que ton roi est hérétique et schisma- retirer. Tant qu'elle conserva un reste de
ti(|ue. vie , au milieu des gémissements que lui ar-
L'exécuteur attendait la victime à l'exlré- r.ichait la douleur, on l'entendit prononcer
inilé de la place, avec une charrette, pour la le nomde Jésus, en baisant une croix de bois
conduire au bûcher. Mais tout cet effrayant qu'elle tenait de ses mains enc haînées. Un
appareil n'avait pour but que de lui arra- dernier soupir, loiigueiju;nt prolongé, avertit
cher des aveux. On lui lut une formule par qu'elle \enait dexpirer.
lai)uclle elle promettait de ne jamais monter Alors le cardinal de Wincester Ht rassem-
à cheval, de laisser croître ses cheveux, de bler SCS ccudrcs, cl ordonna quelles lussent
«)7 iER JET . 808
jetées dans la Soine. Son cœur, dil-on , fut' JÉRUSALEM. Avant la destruction de
respecté par les flammes : on le trouva sain Jérusalem par Titus, fils de Vespasien, on
et entier distingua dit-on une éclipse de lune qui
, ,

En du bûcher, se trouvait un tableau


face se répéta douze nuiis de suite. Un soir ,

portant une inscriplion qui qualifiait Jeanne vers le coucher du soleil, on aperçul dans
de mcuideresse invocatrice dos démons,
, l'air dos chariots de guerre, des cavaliers,
apostate et mal créante de la foi de Jésus- des cohortes do gens armés, qui, mêlés aux
ChrisUl). nuages, couvraient toute la ville et l'envi-
Louis XI fil réhabiliter la mémoire de ronnaient de leurs bataillons. Pondant lo
Jeanne d'Arc. Doux do ses juges furent brû- siège, et peu de jours avant la ruine de la
lés vifs, deux autres exhumés, pour expier ville, on vit lout à coup paraître un hoinnie
aussi dans los fiamnies leur jugement inique. absolument inconnu, qui se mit à parcourir
Mais le procès de la l'unoUe n'en sera pas les rues et les places publiques, crianl sans
moins à jamais un sujet d'opprobre pour les cosse « Malheur à loi, Jérusalem ! » On le
:

Anglais et aussi pour ie roi Charles VII. fit battre de verges ; on le déchira de coup-i,

JEANNE DIBISSON, sorcière, arrêtée à pour lui faire dire d'oîi il sortait ; mais sans
l'âge de vingl-neuf ans. On lavait vue plu- pousser une seule plainte, sans répondre un
sieurs fois danser au sabbat; elle disait que seul mot, s ins donner le moindre témoi-
ceux qui y vont trouvent le temps si court gnage de souffrance, il criait toujours et sans
,

qu'ils n'en peuvent sortir sans regret. Il ue relâch' : « Malheur à loi, Jérusalem » En- 1

paraît pas qu'elle ait été brûlée fin, un jour qu'il se trouvait sur le remp.irt,
(2).
il s'écria • « Malheur à moi-même » et un
JEANNE DU HARD sorcière , saisie à
,
instant après, il fut écrasé par une pierre que
1

l'âge de cinquante-six ans. On la trouve im-


lançaient les assiégeants (5).
pliquée dans l'aff.iire de Marie Chorropique,
pour lui avoir touché le bras, lequel devint JÉSABEL, reine des Israélites, qui fut
comme mort. Nous ne dirons pas si elle fut mangée par des chiens après avoir été préci-
brûlée (3). I-iiée du haut d'une four, et aue Bodinraet
JEANNE (mère). Une vieille fille véni- an nombre des sorcières.
tienne, connue sous le nom de mère Jeanne, JETZER. Celle affiire des jacobins de
infatua tellement Gnilhiunie Poslel de ses rê- Berne a fait un grand bruit; et les ennemis
veries, qu'il soutint, dans un livre écrit à de la religion l'ont travestie avec une insi-
son sujet, que la rédemption des femmes gne mauvaise foi. Voici toute l'histoire :

n'avait pas encore été achevée, et que celle Les dominicains ou jacobins ne s'accor-
V^énitienne devait accomplir le grand ou- ilaient pas entièrement avec los cordeliers
vrage. C'était la mère (]ue cherchent aujour- sur le fait auguste de l'immaculée concep-
d'hui les saints-simonioiis. tion de la Irès-sainle Vierge. Les domini-
JEANNE SOUTHCOTE. Voy. Socthcote. cains ne l'adiiietLiienl pas alisolumenl. Or ,
JÉCHIEL, rabbin et cubalisto. Voy. Lampe au commencement du seizième siècle, il y
MERVEILLEUSE. avait, au couvent des dominicains de Berne,
JEHOVAH. Ce nom auguste est employé alors fort relâché, quatre mauvais moines ,

souvent chez les cabalisles juif>i. Oii le trouve qui imaginèrent une affreuse jonglerie, pour
dans les odieuses et absurdes conjurations faire croire que la sainte Vierge se pronon-
de la magie noire. çait contre les cordeliers, qui défendaient
JENNES , célèbre enchanteur de l'E- une de ses plus belles prérogatives. Ils
gypte, un de ceux que Moïse confondit par avaient parmi eux un jeune moine, simple
ses miracles (4). et crédule, nommé Jelzer; ils lui firent ap-
JENOUNES. Quelques Arabes nomment paraître pendant la nuit des âu)os du purga-
ainsi une sorte de génies intermédiaires en- toire, et lui persuadèrent qu'il les délivrerait
tre les anges et les diables ils fré(]uenien( : en restant couché en croix dans une cha-
les bosquets et les fontaines, cachés sous la pelle, pondant le letiips qu'on célébrerait la
forme de divers reptiles, exposés à être fou- sainte messe. On lui fil voir ensuite sainte
lés sous les pieds des passants. La plupart Barbe, à laquelle il avait beaucoup de dévo-
des maladies sont le résultat de leurs ven- tion, et qui lui annonça qu'il était destiné à
geances. Lorsqu'un Arabe est indisposé, il de grandes choses. Par une nouvelle impos-
s'imagine avoir outragé un de ces agents in- ture sacrilège, le sous-prieur, qui était un
visibles ; il a aussitôt recours à une magi- des quatre moines criminels, fil le personnage
cienne qui se rend à queli]ue source voisine, de la sainte Vierge, s'approch.i la nuit de
y brûle de l'encens, et sacrifio un coq ou une Joizor et lui donna trois goutlos de sang ,

poule, un bélier ou une brebis, suivant le disant que c'étaient trois liirinos que Jésus-
sexe, la qualité du malade, ou la nature de Chrisl avaient rép;induos sur Jérusalem. Ces
la maladie. trois larmes signifiaient que la sainte Vierge
JEROME (saint). On a eu le front de était restée trois heures dans le péché origi-
lui attribuer des livres de nécromancie, et nel.... Celte explication était rehaussée di;
particulièrement VArl notoire. Voy. ce mot. diatribes conlre les cordeliers. Jetzer , qui

(1) Voyez dans les légeuJcs Je t'iiisloire de France les hv. Il, p. 107.
loces d'Àrton. (4) Sidiit Paul. II Tim. cliap. 5 v. 8.
,

(i) Delaiicre, Tableau de l'i:iconstaiice des démons, etc., (5) Voyez .losèphe Hisl. de la (guerre de Judée,
, llos-
liv. Il, p. 127. suol, Discours sur l'.hisl. uiiiveisclle,2* pari., chap. 8.
Çt) Dclancre, Tableau deliiicoiistauce des démons, etc.,
im DICTIUNNAIIIE DES SCIKNCES OCCULTES. OÛC
était (1« bonne foi et qui avnil l'âme droite , pendant six mois, el allant à U chasse du re-
s'iiiquiélail de la passion qui perçait dans venant do Cock-Lane; rejetant les généalo-
cette affairt' , et «e troublait surtout de rccon- gies et les poèmes cellinues, et se (lé> laranl
nallre la voix du sous-prit-ur dans la voix de prêt à ajouter foi à la seconde vue des mon-
la sainte Vii'ige. Pour le raffermir, on l'cn- tagnards d'Ecosse. En religion, plusieurs de
dornii' avec un breuvage et on voulut le SiS opinions étaient plus (jue libérales, et eu
stigmatiser; puis, comme il ne répondait même temps il vivait sous la tyrannie de
pas à l'espoir qu'on avait mis en lui, ou certaines pratiques superstitieuses (2j. Voy.
chercha, dit-on, à l'empoisonnor, et on l'en- Hallucination.
ferma ; mais il trouva moyen de s'échapper;" JOLI BOIS. Voy. Verdelet
il s'enluit à Rome, où il révéla toute l'intri- JONGLEURS. « Eaisint route de Bombay a
gue. Le Saint-Siège fil poursuivre les moines Pounah (en 183?t). dit M. Tliéodore Pavie (3 ,
scélérats et les fit livrer au bras séiuiir. je m'arrêtai à Karli, (loiir visiter le temple
Les quatre dominicains coupables turent souterrain creusé dans li colline qui fait
brûlés le 31 mars loOi), à la porte <le B rue. face au village; et, pendant la chaleur du
Mais le malhenrde ces grandes prof ination-', jour, je me
reposais sous l'ombrage des co-
c'est que les ennemis de l'Eglise oublient la cotiers, beaux en ce lien, quand je vis s'a-
si
réparation ou la taisent, et n'en gardent que vancer, au bruit d'i islruments discordants,
le scandale. i;ne bande d'Hindous. L'un d'eux len;iit dans
JEUDI. Les sorciers font ce jour-là un chique main une cobra-rapelln, la plus ter-
de leurs plus abominables sabbats, s'il faut rible espèce de serpents dont l'Inde puisse se
eu croire les démonomanvs. vanter, el eu outre il portait en sautoir un
JEU. Prenez une anguille morte par énorme boa.
faute d'eau prenez le Qel d'un taureau qui
;
« Arrivé près de moi, lejonjetir jeta ses
aura été tué par la fureur des chiens ; met- serpents à terre, les fil courir, irrita les co-
tez-le dans la peau de cette anguille, joignez- bras, qui déroulaient leurs anneaux d'une
y un drachme de sang de vautour ; liez la manière effrayante, embrassa son boa puis ;

peau d'anguille par les deux bouts avec de il se prit à les faire danser tous les trois au

la corde de pendu, et cachez cela dans du son d'un flageolei singulier, qui se touchait
fumier chaud l'espace de quinze jours ; puis comme une vielle, bien qu'il fût formé d'une
vous le ferez sécher dans un four chauffé calebasse. Pe.id.ml ce temps, ses acolytes
avec de la fougère cueillie la veille de la avaient disposé tout leur éialdissement sur
Saint-Jean; puis vous en ferez un bracelet , la poussière; le tambourin rassemblait les
sur lequel vous écrirez avec une plume de enfants du village, el bientôt se forma un
corbeau ei de votre propre sang ces quatre cercle considérable de spectaieurs de dix ans
lettres HV'l'V, et, portant ce bracelet autour et au-dessous les plus petits nus, les autres
:

de votre bras, vous ferez fortune dans tous portant une ceinture, et tous accroupis, dans
les jeux Voy. Roitelet.
(1). l'atlenlc des grandes choses qui se prépa-
JOAGHLM, abbé de Flore, en Galahrc, raient.
passa pour prophète pendant sa vie, et laissa « Ce jongleur avait toute la volubilité
des livres de prédictions qui ont été condam- d'expressions d'un saltimbaiiifue européen.
nés en 1215, par le concile de Latran. O lui i 11 s'exprimait très-clairement, fn bon hin-

attribue aussi l'ouvrage intitulé l'Epnngile : douslani, bien qu'il se trouvât en pays mah-
éternel. ralle; mais le public semblait n'y rien per-
JOB. Des alchimistes disint que Job, après dre, tant ses gestes el ses gambades étaient
son alUiction, connut le secret de la pierre inintelligibles.
philosophale, et devint si puissant, qu'il « D'abord il posa par terre une marion-
pleuvait chez lui du sel d'or idée analogu,;
: nette, soldai portant le sabre et l'arc. A l'en-
à celle des Arabes, ([ui tiennent que la neigi^ tendre, c'était un sipald, un grand chasseur,
et les pluies qui tombaient chez lui étaient un tueur de lions, de tigres, de gazelles...
précieuses. Bientôt, à son commandement, la marion-
Isidore place dans l'idumée la fontaine de nelle lança une flèche el renversa le bul dis-
Job, claire trois mois de l'année, trouble trois posé devant elle, non pas une fois, mais à
mois, verte trois mois, et rouge trois autn s plusieurs reprises, à la satisfaction évidente
mois. C'est peut-être celte fontaine que, se- de jeune assemblée.
la
lon les musulmans, l'ange Gabriel flt sortir « Ge
n'était là qu'un préambule, les baga-
en frappant du pied, el dont il lava Job et le telles de la porte! Le jongleur prit une poi-
guérit. gnée de blé noir [djouari], la mil dans un
JOCABA. Voy. Cincinnatclus. manteau; puis, quand on cul bien secoué le
JOHNSON (Samuel). Johnson, incrédu'e manteau, bien vanné le grain, il se Irou a
pour tout ce qui n'éiait qu'extraordinaire, changé en un beau riz blanc, pur, prêt s
adoptait avec plus de conliance tout ce qui faire un kirry.
sentait le miracle, traitant de fable, par « Je n'y avais rien compris, et je commen-
exemple, un phénomène de nature, et
la çais à rentrer dans mes habitudes d(' crédii-
écoulant volontiers le récit d'un songe; dou- lité , lorsque l'escaïuoleur ambulant étala
tant du tremblement de terre de Lisbonne une seconde marionnette, longue de six pou-
(l) AJmiralJes socrcis du Pt-lit All)ert, p. 23. (5) Los liarvis el les jongleurs, écrit daté de Puunali ,
{i) i. Macauijj, Suiiiucl JuU:u>aii el !>es coiiluin|ui- chez les Maliraiies , le iô itécenibre 1839 , publié i>;ii là
Hivue (les (teux-niui'Uet
9>)\ J'iN JON 909
res au pius cl de la grosseur du pi.igiiel. Ensuite il tira de son sac une paire do
«
Cette informe poupée épouv.int.i gvnndomeni panloufles de bois plus larges que la plinte
la partie la plus n.iive du public; mais quelle de ses pieds. Après bien des discours et des
ne fut pas la surprise générale, quand de ce charges, ii finil par faire adhérer à ses ta-
morceau de bois, cadié sous un mouclioir. lons nus ers semelles Irès-polies, et fit pins
sorlirenl successivement jusqu'à quatre gros de gambades avec de telles ehau^sures que
pigeonsl Ils devaient y être contenus d'a- n'en pourraient faire à l'Opéra de jolis petits
vance, à moins de sortilège... Quant à moi, pieds chaussés d'élégants escarpins. Tantôt ii
j'aurais eu peine à y introduire ([uatrc moi- s'élevait en l'air; tu;.tôt il frappait la
pan-
neaux. loafle sur la terre, de manière à la faire tom-
« Noire jongleur accompagniil ses tours ber, mais jamais elle ne glissait. Ce fut en-
de montras (prières magiques), et traçait des core là une chose inexplicable pour moi car
;
cercles avic sa baguette. Mais il avail sur il n'avait appliqué à ses pieds
aucune sub-
SCS confrères d'Euroiic un avantage, ou plu- stance collante, et il pouvait à volonté lâcher
tôt une supériorile bien marquée; car il opé- ces pantoufles unies comme la glace.
rait sur le sol,
sans lable ni gobelets, et com- « Enfin la séance se termina par une ex-
plètement nu, sauf le turban et la ceinture, périence plus surprenante encore, que, par
<iue les Hin<lous ne ((uittent jamais donc, : cette raison sans doute, notre magicien gar-
pas de manches, pas de gi4)rcière. Son cabi- dait pour la dernière. L'un des joueurs de
net consislait en quelques mauvais paniers tambourins, grand garçon d'une belle taille,
de bamb<tu, destinés à porter les .'•erpenis, se laissa attacher les 'pieds, lier les mains
qu'il escamolait aussi et faisait paraître il derrière le cou, et enfermer dans un filet à
disparaître avec une telle adresse, (jue le poissons bien serré par une douzaine de
plus fin n'y ût rien compris. Ainsi, d'un
<
nœuds. Dans cet état, après l'avoir promené
mouchoir déroulé, secoué et mis au vent autour du cercle des spectateurs, on le con-
comme un pavillon, je le vis faire sortir une duisit près d'un panier de deux pieds de haut
de ses cobras, laissée dans un panier près de sur quatorze ponces de large.
moi, à une très-grande distance du lieu où ii « —
Voulez-vous que je le jette dans l'é-
se trouvait; en sorte que, voyant 1é; nid de tang? demanda le chef de bande. C'est un
l'animal entièrement vide, je soupçonnai vaurien; le voilà bien lié; l'occasion est
qu'il s'était frayé un chemin sous lerrê. bonne j'ai envie de m'en défaire
:
1

« Ce qui donnait à celte représentation un « Et l'auditoire crédule se tournait déjà du


caractère pittoresque et animé, c'étaient les côté de cette pièce d'eau, ombragée d'arbres
physionomies enfantines de ces petits grou- magnifiques et creusée au bas de la pagode
pes si franchement effrayés et si francliemenl pour les ablutions et les besoins du village.
réjouis; puis ici une jeune fille, revenalit de « —
Non, dit en s'interrompant le jongleur,
puiser de l'eau au pied de la pagode, s'arrê- après une minute de réflexion; je vais l'esca-
tait, la cruche sur la têle, et, après avoir moter, l'envoyer... où vous voudrez: à Pou-
prélé un instant d'allention au spectacle, re- nah, à Delhi, à Ahmed Nagar, à Bénarèsl
prenait sa roule vers le village; là un vieux « Et sur-Ie-cliamp il enleva le patient, tou-
Mabratte, le bouclier sur l'épaule, la lance jours incarcéré d.;ns son filet, et le plaça au
au poing, se levait sur létrier, et bientôt re- fond du panier, en rabattant le couvercle sur
tombait dédaigneusement sur sa selle; plus sa léle; il j'en fallait de plus de trois pieds
loin, de jeunes enfants attardés accouraient que les bords se joignissent. On jeta un
si vite, que quelques-uns lombaieut en che- uianteau sur le tout.
min. L'aîné plaçait le plus jeutii; sur sa han- « Insensiblement le volu.'re diminua, s'af-
che, à la manière des Hindous, et, pliant faissa; on vit voler en l'air le filet et les cor-
sous le faix, traînait par la main le reste de des qui attachaient le jeune Hindou; puis le
la famille. panier se ferma de lui-même, et une voix
« C'était une scène de nature, sans i- m qui semblait sortir des nues cria Adieu :

nière ni affectation; et en vérité je ne sais « —


Il est parti pour Ahmed-Nagar, il est
I

rien de si gracieux (jue ces figures plus ou envolé Oar-Gayal Our-Gatja! répéta le jon-
:

moins brunes penchées en avant, ces têtes gleur avec transport; ii ne saurait tenir dans
étranges chargées de pendants d'oreilles et Ufi aussi petit espace (et ci la paraissait phy-
d'anneaux passés dans le nez, appuyées sur siquement iuijiossiblej. Je vais donc attacher
deux petites mains couvertes de bracelets, le panier prendre congé de l'assemblée.
et
ces genoux plies sous le menton et ces pieds « Le paquet fut ficelé; il ne restait plus
ornés de (jougouroux sonores car lel est le; qu'à le mettre sur le dos du buffle destiné à
vêtement des habitants de l'Inde, jusqu'à ce porter les bagages de la troupe.
que l'âge leur apprenne à purter quelque « —
Un insiant! reprit subitement le jon-
chose de plus que des ornemenis. gleur; si pourtant il était dans le panier! Qui
« Cependant les tours de magie conti- sait?
nuaient sans interruption. Le jongleur tenait Et là-dessus, tirant un hmg sabre, il tra-
«
à la main une cruche aussi impossible à vi- versa le panier presque par le milieu... Le
der que le tonneau des Uanaïdes l'était à s.mg couli en abondance... l'anxiété était à
remplir : il versait l'eau à terre, la jet.iit son comble... lorsque tout à coup le couver-
dans son oreille et la rendait par la bouche, cle se lève de nouveau, et d'un bond le grand
s'administrait des douches sur la lète, et tou- garçon saule hors de sa niche, frais et dispos,
jours le vase était plein jusqu'au bord. s.ins la moindre cgralignuiel
903 niCTlONNAinE HES SCIRNCES OCCULTES. 9"4

< Ce tour psi simple, Irès-simpir, dira-I- Voy. Messie ues Juifs, et à la suite de l'ar-
on ; mais se débarrasser des cordes el dufilcl, ticle Faust, la légende du maréchal de Ta-
se cacher dans un si petit espace, y rester inine.
un qnarl d'heure sans broncher, de telle
el JUDAS ISCARIOTE. Après sa trahison in-
façon ((ue le sabre ne puisse rencontrer fâme, il fut possédé du diable et se pemlil à
(|uel()ue membre à entamer, ce sont là des un sureau. Les Flam.inds appellent encore
pi'odiges de dextérité, d(' souplesse el de pa- les excroissances parasites de l'écorce du su-
tience que l'on ne peut concevoir, surtout reau sueur de Judas.
quand on les a vus. Dans le Mystère di- [a Passion, recueilli par
« Après ce nec plus uHrn de la science, les Jean Michel et joue'» à Aiigers en l'iSG, on
jongleurs firent leurs paquets el se mirent trouve réunies les traditions les plus célèl)r<s
en marche vers Nipapour, 1 ur patrie. Je les relatives à Judas. Su' vaut les légendaires, l'af-
vis se perdre dans la l'oule de bœufs chTirsés freux Judas avait éjxiusé sa mère et tué son
que des troupes de mahralles, tril)us ambu- père. Au moment du ^-rand sacrifice qui ra-
lantes traînant avec eux armes et bagages, chète le genre humain sur le Calvaire, les
femmes el enfants, conduisent dans l'in- auteurs des Mystères de la Passion nous mon-
térieur. trent Jiid.is, saisi de rage el de désespoir, er-
« La foule se dispersa peu à peu. Le snb il rant autour du gibet où étaient expo-és bs
déclinait derrière les montagnes, le peuple cadavres des sup|iliciés, dans un lieu souillé
.se rendait à l'étang pour les ablutions, et le d'immondices et de décombres. Il entend de
gros oiseau pêcheur, hôte de ces eaux trati- loin les cris de la muliitude autour du Christ
quilles, était si sérieux à la pointe de la pa- qu'il a livré. En proie à des tortures ef-
gode, qu'on l'eût pris pour le dieu de ce tem- froyables, courant çà et là comme un insen-
ple idolâtre. sé,il invoque l'enfer. Le démon, sous une
« Pour moi, jeremontai sur mon petit forme hideuse, sort aussitôt de l'ablmc.
cheval, el, tout en trottant au milieu des LE DÉMON.
nuages d'une poussière dorée par les di-r- Mùcliaiil, que vciix-ui qu'on le fasse?

niers feux du jour, je ne pus ra'empêcher de A quel pori veux lu alioidei ?


JCDAS.
reconnaître que ces jongleurs errants bat- .'ene s:iis; je n\iy œil en face.
taient complètement non-seulement les har- Oui daijine les deux regarder.
vis du Caire, mais encore les plus fameux Qui es-lu î
LE DÉM >n.
escamoteurs de l'Europe, et que, si la maaie Sans plus domaudcr,
n'est pas morte, c'est dans l'Inde qu'il faut «e suis pour venger lou offense.
la chercher. » JtJU.lS.

JOURS. Les magiciens et sorciers ne peu- D'oU viens-tu?


LE DÉM N.
vent rien deviner le vendredi ni le dimanche. Je viens de l'enfer.
Quelques-uns disent même que diable ne
le Jl'DAS
fait pas ordinairement ses orgies et ses as- Ton nom?
LE UKMO!«.
seuiblées ces jdurs-là; m;iis ce sentiment
Mon nom? Désespérance.
n est pas général. Jl'DAS.
Si on rogne ses ongles les jours de la se- Approche cl me donne allégeance.
maine qui ont un r, comme le niardi, lu LEUÉMIIN.
Oui; mais 11 nous faut abréger...
mercredi el le vendredi, il viendra des envies
aux doigts. Il n'est pas facile d'en donner la Celinfernaldialogue continue. Judas hésite
raison. encore. Il voudrait invoquer Dieu, Jésus el
Suivant une autre croyance, en ne cou- la Vierge Marie. Mais la présence de son im-

pant ses ongles que le vendredi, on n'a jamais pitoyable compagnon l'arrête. Le démon le
mal aux dents. presse d'en finir; il lui présente alternative-
On a fait des tables des jours heureux et ment une dague, une corde à nœu;l coulant,
malheureux pour chaque mois. Mais comme et ne lui laisse que le choix de la mort. Un
elles varient toutes, le jour heureux de l'une arbre peu élevé croît près d'<'ux dans les fentes
étant malheureux dans l'autre, nous laissons d'un rocher. Désespérance le montre à Judas,
aux amateurs le soin de dresser ces tables à le pousse, l'aide à y monter. Une légion de dé-

leur gré pour leur usage. mons apparaît alors sur la scène. Us forment
JOSUE BEN-LEVl, rabbin si rusé et si
au pied de l'arbre une ronde effroyable. Dé-
sage, qu'il trompa le ciel el l'enfer toul en- sormais le traître leur appartient ; du haut de
semble. Comme il était près de (répasser, il ce nouveau gibet, il hurle son exécrable
gagna si bien le diable, qu'il lui fil promettre testament.
(le le porter jusqu'à l'entrée du paradis, lui Moi Judas, jadis traître apdlre
disant qu'il ne voulait que voir le lieu de l'ha- Me donne à vous coinine le vftlre,
El ne veux point requérir grâce,
bilalion divine, et qu'il sortirait du monde Ni que Dieu vrai pardon nie fasse.
plus content. I^e diable, ne voulant p<is lui Mais renonce Dien el les anges.
refuser celte saiislaclion, le porta jusqu'au Et saint Michel et les archanges;
Je renie la Vierge .Marie,
guichet du paradis; mais Josué s'en voyant si
Et Jésus et .sa compagnie...
près se jeta dedans avec vitesse, l.ii>sant le Item reconiiriaude mon ànie
diable derrière, ei jura par le Dieu vivanl A Lucifer ord el iulàme,
qu'il n'en sortirait point. Dieu, disent les r.ili- El veux que mon corps soit ravi
lui enfer au plus pré» de 'ni...
biiis,fit conseienee que le rabbin se parjurât,
Uref, me donne Sine, corps el liieri.
et cousentit qu ii demeurât avec les jusUs. S-ins i«ûiais eu excepter rien,
, ,

JIII J'JI 900


905
En dépit de Dieu qui me Ut, Ce n'est pourtant qu'une allégorie ingé-
A tous les diables. nieuse, qui représente toute la nation juive,
LUCIFER.
suOlt.
errante et dispersée depuis l'analhème tombé
Il
'

Tu renonces à tout pardon. sur elle. Leur race ne se perd point, quoique
confondue avec les nations diverses, et leurs
Le dernier crime est consommé. Judas a
richesses sont à peu près les mêmes dans tous
devancé la justice de Dieu mais son âme im-
;
les temps aussi bien que leurs forces. La re-
monde s'arrête sur ses lèvres, chaudes encore
ligion qu'ils professent les a jusqu'ici distin-
du baiser du Sauveur. Lucifer s'étonne de
gués des autres hommes, et en fera toujours
cette circonstance :
un peuple isolé au milieu du monde.
Que diable est l'àme devenue? JUIFS. Indépendamment de ce coup de
n'est donc pas mort ?
Il
foudre qui marque partout les Juifi et les fait
Si est, si est, répondent les démons. Et une partout reconnaître; il y a sur eux plusieurs
O'ieur infecte s'exhale du cadavre du ré- signes de l'abandon oii les a jetés la malé-
prouvé. Ses entrailles se répandent sur le sol ; diction de Dieu. Tant qu'ils ont été le peuple
l'âme s'échappe avec elles; fidèle, ils ont conservé intact le dépôt des
Car par sa bouche orde et maligne saintes Ecritures. Depuis leur crime, les en-
Oui liaisa son niaistre tant digne seignements de Moïse sont étouffés chez eux
Elle ne peut, ni doit passer. par les incroyables absurdités du Talmud, et
le sens n'est plus avec eux.
Avant que les diables emportent l'âme,
La Terre-Sainte, qui était le plus ferlilo
elle dit :
et le plus beau pays du monde, maudite
Ali maudite ftme malheurée,
I avec la nalion qu'elle portait, est devenue si
Enragée et désespérée I... horrible, qu'elle ne nourrit plus ses rares;
Le ver de dur et vit' reinord.
Sans fin nie poingt et mord habitants.
Et je reste obstinée; Partout en exécration, les Juifs, qui avaient
Mais en mon dolent tort massacré et torturé les chrétiens toutes le-
Je ne quiers réconfort,
fois qu'ils avaient été les plus forts, se sont
Puisque je suis damnée....
vus en tous lieux hiiïs et mal tolérés. On vou.s
JUGEMENT DE DIEU. Voy. Epreuvks. dira que souvent on les poursuivit pour des
JUIF ERRANT. On voit dans la légende du crimes imaginaires ; mais on ne prête qu'au.x
Juil errant que ce personnage était cordon- riches,et leur histoire est sérieusement pleine
nier de sa profession et qu'il se nommait de crimes irop rée s. On les chassa violem-
Ahassvérus; mais la complainte l'appelle Isaac ment de l'Espagne, qu'ils voulaient dominer;
Laquedcm. A l'âge de dix ans, il avait enten- mais sans les mesures viol 'nies des rois chré-
du dire que trois rois cherchaient le nouveau tiens la Péninsule serait aujourd'hui la proie
roi d'Israël ; il les suivit et visita avec eux la des Juifs et des Maures.
sainte étable de Bethléem. 11 allait souvent Quelquefois, sans doute, on mit peu d'hu-
entendre Notre- Seigneur. Lorsque Judas eut manité dans les poursuites exercées contre
vendu son maître, Ahassvérus abandonna eux; mais on ne les bannissait pas sans leur
aussi celui qu'on trahissait. donner trois mois pour s'expalrier, et ils
Comme on conduisait Jésus au Calvaire s'obstinaient à demeurer dans les pays où
chargé de l'instrument de sa mort, le bon leurs têtes étaient proscrites.
Sauveur voulut se reposer un instant devant Parmi les moyens que l'on employait
la boutique du cordonnier, qui, craignant <ie pour les découvrir il en est un singulier que
se compromettre, lui dit —
.Allez plus loin,
: rapporte Tostat dans son livre des Démons ;
je ne veux pas qu'un criminel se repose à ma c'élait une tête d'airain, une androïde, qui,
porte. en Espagne, dit-il, révélait les Juifs ca-
Jésus regarda et lui répondit
le Je vais, : — chés
et reposerai mais vous marcherez et vous ne
; Us faisaient l'usure et dépouillaient large-
reposerez pas; vous marcherez tant que le ment les chrétiens dans les contrées où ils
monde durera; et au jugement derniur vous étaient soufferts puis, quand ils avaient îout
;

me verrez assis à la droite de mon Père. ravi, les princes qui avaient besoin d'argent
Le cordonnier prit aussitôt un bâton à la les faisaient regorger avec violence. JJans
main et se mit à marcher sans pouvoir s'ar- de tels cas, ils essuyèrent surtout de grandes
rêter nulle part. Depuis dix-huit siècles il a vexations chez les Anglais. Le roi Jean fit un
parcouru toutes les contrées du globe, sous jour emprisonner les riches Juifs de son
le nom du Juif errant. Il a aflVonlé les royaume pour les forcer à lui donner de l'ar-
combats, les naufrages, les incendies. Il gent ; un d'eux, à qui on arracha sept dents
u cherché partout la mort et no l'a pas l'une après l'autre, en l'engageant de la sorte
trouvée. à contribuer, paya mille marcs d'argent à
Il a toujours cinq sous dans sa bourse. la huitième. Henri III tira d'Aaroii, Juif d'York,
Personne nepeutso vanter del'avoir vu; mais quatorze mille marcs d'argent, et dix mille
nos grands-pères nous disent que leurs grands- pour la reine. Il vendit les autres Juifs de
pères l'ont connu, et qu'il a paru, il y a plus son pays à son frère llicliard pour le terme
de cent ans, dans certaines villes. Les aïeux d'une année, afin que ce comte évmtrâl ceux
de nos grands-pères en disaient autant, et les qu'il avaitdéjàccorchés, comme dit Matthieti
bonnes gens croient à l'existence personnelle Paris
'lu Juif errant. En général, lorsqu'on tolérait les Juifs, ou
DiCTIONN. DES SCIENCES OCCULTES. I. 29
,

907 niCTIONNAlRE DES SCIENCES OCCULTES. 908


les distinguait des autros habitants pur des tolérées dans les Etats des Turcs et des Per-
marques infamantes, l'hilippc III les obligea s.'ins. Des Juifs, à Conslantinople, s'avisèrent

en France à porter une corne sur la tcle il : de dire, en conversation, qu'ils seraient les
leur était défendu de se baigner dans laSeine ;
seuls qui entreraient dans le paradis. Oà —
et, quand on les pendait, c'était cuire deux serons-nous donc, nous autres? leur deman-
chiens. dèrent quelques Turcs avec qui ils s'entre-
Le jour de la fête de Pâques, c'était un vieil tenaient. —
Les Juifs , n'osant pas leur dire
usage à Toulouse de donner un soufflet à un ouvertement qu'ils en seraient exclus, leur
Juif de la ville. On raconte qu'Aymeric, vi- répondirent qu'ils seraient dans les cours.
comte de Rocliechouurt, accompagné de Hu- Le grand vizir, informé de cette dispute, en-
gues son chapelain, se trouvant à Toulouse voya chercher les chefs de la synagogue, et
le dimanche de Pâques, les chanoines char- leur dit que, puisqu'ils plaçaient les musul-
gèrent Hugues de cette cérémonie ; que le mans dans les cours du paradis , il était
chapelain donna un coup si violent au Juif, juste qu'ils leur fournissent des tentes, afin
qu'il lui fit sauter la cei voile; que ce malheu- qu'ils ne fussent pas éternellement exposés
reux tomba mort. Mais il paraît que ce conte aux injures de l'air. On prétend que c'est
est faux. Les Juifs de Toulouse enlevèrent depuis ce temps-là que les Juifs, outre h" tri-
leur mort de la cathédrale, et l'inhumèrent but ordinaire, payent une somme considéra-
dans le cimetière de leur synagogue sans ble pour les tentes du grand-seigneur et de
(jserse plaindre, ajoute Dulaure(l), qui était toute sa maison, quand il va à l'armée (3).
un menteur. Le vrai de ce fait, et nous som- Nous ne réveillerons pas ici les accusations
mes loin de que le soufflet
l'excuser, c'est portées contre les Juifs à propos de l'assas-
renversa Voy. Bohémiens.
le Juif. sinat commis à Damas, le 5 février 184-0,
« Avant de quitter Jaffa, je vous parlerai contre le père Thomas et son domestique.
d'une couluiiie que vous ignorez peut-être et Ceux qui ont lu les pièces officielles de co
qui est établie chez les Grecs de cette ville. triste procès savent ce qu'ils doivent en pen-
Chaque soir, pendant le carême, les petits ser. Mais nous extrairons du savant Journr;/
enfants des familles grecques vont à la porte historique et littéraire de Liège (janvier 18V1)
des maisons chrétiennes, et demandent avec un passage relatif à la doctrine des Juifs sur
des cris monotones, qu'on prendrait pour le meurtre :

une complainte, du bois ou des paras (liards) Le célèbre rabbin Maimonide mort en 1205,

,

pour acheter du bois. Donnez, donnez, écrivait à l'époque où


furent le pins
les Juifs
disent-ils; et l'an prochain vos enfants seront accusés de meurtres sur les chrétiens. Un
mariés; et leurs jours seront heureux; et de ses principaux ouvrages est le Jad Cha-
vous jouirez longtemps de leur bonheur. zakah ou la Main forte , qui est un abrégé
« Le bois que sollicitent ces enfants est substantiel du Talmud. Voici ce qu'il dit:
destiné à brûler les Juifs. C'est le soir du « Il est ordonné de tuer les héréti-
nous
jeudi saint des Grecs qu'on allume les feux ; ques {minim), c'est-à-dire ceux des Israélites
chaque troupe allume le sien. On f;i-
pctile qui se livrent à l'idolâtrie, ou celui qui pècho
hrique un hommede paille avec le costume pour irriter le Seigneur, et les épicuriens
juif, et la victime en effigie est ainsi conduite c'est-à-dire ceux des Israélites qui n'ajou-
devant le feu, au milieu des clameurs et des tent pas foi à la loi et à la prophétie. Si
huées. Les enfants délibèrent gravement sur quelqu'un a la puissance de les tuer publi-
le genre de supplice auquel il faut condam- quement par le duel, qu'il les tue de cette
ner l'Israélite; les uns disent : Crucifions-le, manière. S'il ne peut faire ainsi, qu'il lâcho
il a crucifié Jésus-Christ; les autres Cou- : de les circonvenir par fraude jusqu'à ce qu'il
pons-lui la barbe et les bras, puis la tète ; leur ait donné la mort. Mais de quelle ma-
d'autres enfin Fendons-le, déchirons-lui
: nière? Je réponds : S'il voit l'un d'eux tombé
les entrailles, car il a tué notre Dieu. Le chef au fond d'un puits dans lequel une échelle
de la troupe, prenant alors la parole :
— avait été placée auparavant, qu'il la retire et
Qu'est-il besoin, dit-il, de recourir à tous dise : Je suis obligé de faire descendre du
ces supplices? Il y a là un feu tout allumé ; toit mon fils qui est en danger; quand je
brûlons le Juif. l'aurai sauvé, je vous remettrai l'échelle. Et
« Et le Juif est jeté dans les flammes. — ainsi des autres circonstances. »
Feu , feu, s'écrient les enfants, ne l'épargne Ce passage n'est qu'une paraphrase du
pas, dévore-le; il a souffleté Jcsus-tîhrist ; texte talmudique de V Avoda-Sara, clmp. 2,
il lui a cloué les pieds et les mains. Les — qui prescrit les mêmes manœuvres pour faire
enfants énumèrent ainsi toutes les souffran- périr les hérétiques. Il ajoute un autre expé-
ces que les Juifs firent endurer au Sauveur. dient, celui de fermer le puits au moyen d'une
« Quand la victime est consumée, on jetlc pierre, et de dire qu'on l'a couvert de crainte
au vent ses cendres avec des imprécations ; que le bétail n'y tombât. L'objet de ces ho-
et puis chacun se relire, satisfait d'avoir puni micides est moins déterminé dans le Talmud
le bourreau du Christ. —^ De semblables cou- que dans le passage de Maimonides il laisse ;

tumes portent avec elles leur caractère, et plus de latitude aux coups mcurtriiTs. Ton»
n'ont pas besoin d'être accompagnées de ré- les minim sont désignés au fer assassin et il ;

flexions (2). » est notoire que les chrétiens sont appelés de


Les diverses religions sont plus ou moins ce nom. Le Talmud appelle les Evangiles le
M) Dulaurc, Principaux Lieux de France, lom. II, |iage (2) Micliaud cl Poujoulat, Correspondance de l'Orient.
{ô) Sainl-Foix, lissais, l. II.
,

9U9 JUI JUP 910


livre des miniin. Maimonides compln parmi Vous le ferez donc bien moins lorsifu'ils ap-
les héréliques {minim) ceux qui prétendent pelleront votre droite, droite, et votre gau-
que Dieu a pris un corps et qui adorent, che, gauche. »
outre le Seigneur, un médiateur entre lui et JULIEN L'APOSTAT, né en 331, empereur
nous, c'est-à-dire les chrétiens. romain, mort en 363. Variable dans sa phi-
La haine des Juifs contre les chrétiens est losophie, inconstant dans sa manière de pen-
ancienne. Sans remonter au premier siècle ser, après avoir été chrétien, il retomba dan»
tout plein d'exemples sanglants, Chosroès, le paganisme. Les ennemis seuls de l'Eglise
roi de Perse, Ol, en 6!3, une irruption sur la ont trouvé, dans quelques qualités apparen-
Palestine il comptait sur les Juifs pour se
;
tes, des prétextes pour faire son éloge. Ce sage
défaire des chrétiens. Il prit Jérusalem, et fit consultait Apollon et s-icrifiait aux dieux de
une multitude de prisonniers chrétiens qu'il pierre, quoiquil connût la vérité. Les démo-
abandonna aux Juifs. Ceux-ci les massacrè- nomanes l'ont mis au nombre des magiciens;
rent, dit-on, au nombre de quatre-vingt-dix et il est vrai qu'il croyait fermement à la
mille. L'empressement des Juifs fut tel que , magie, qu'il attribuait a cette puissance les
chacun consacrait une partie de son patri- miracles de Notre-Scigneur, dont il n'était
moine à l'achat des prisonniers chrétiens , pas assez stupide pour nier l'évidence; et il
qu'il massacrait aussitôt. Basnage, dans son expliquait de ta môme manière les prodiges
Histoire des Juifs, raconte ces massacres sans que Dieu accordait alors encore à la foi
élever le moindre doute sur leur authen- ferme des chrétiens. Enfin avec Maxinius et
ticité. Jainblique il évoquait les esprits et recher-
Des Juifs convertis onti avoué plusieurs chait l'avenir parla nécromancie.
foisque chez eux on massacrait des enfants Ilavaitdes visions :AmmienMarccllin rap-
volés ou achetés sous prétexte qu'en les
, porte que peu avant sa mort, comme il écri-
tuant on empêchait toute une race idolâtre vait dans sa tente, à l'imitation de Jules Cé-
de naître. On peut aller loin avec ce prin- sar, il vit paraître devant lui le génie du
cipe. Home avec un vis.ge blême.
Leurs rabbins disent que le précepte du Il fut tué par un Irait que personne ne vit

Décalogue Non occides, vous ne tuerez


: venir, à l'âge de trente-deux ans. Ennemi
point, n'oblige qu'à l'égard des Israélites. acharné de Jésus-GhrisI, il recueillit, dit-on,
Lévi ben Gersom, dans son commentaire sur en tombant un peu de son sang dans sa main
le Pentateuque , dit « Les paroles Vous ne
: et le lança vers le ciel, en disant Tu as: —
tuerez point signiQenl vous ne tuerez point
: vaincu, Galiléen!
parmi les Israélites ; car il nous est permis Après sa mort, on trouva, dans le palais
de tuer le» animaux; il nous est aussi or- qu'il habitait, des charniers et des cercueils
donné de tuer une partie des nations, comme pleins de têtes et de corps morts. En la ville
Amaleth et les autres nations à qui il nous de Carres de Mésopotamie, dans un temple
est commandé de ne pas laisser la vie. Il est d'idoles,on trouva une femme morte pen-
donc clair que le commandement défend due par les cheveux, les bras étendus, le
seulement de tuer les Israélites. » ventre ouvert et vide. On prétend que Julien
Maimonides dit aussi qu'on viole ce com- l'avait immolée pour apaiser les dieux in-
mandement lorsqu'on tue un Israélite, lais- fernaux auxquels il s'était voué, et pour
sant assez entendre qu'on ne le viole pas en apprendre par l'inspection du foie de cette
tuant un chrélien ou un gentil. « Un Israé- femme le résultat de la guerre qu'il faisait
lite qui a tué un étranger habitant parmi alors contre les Perses.
nous, dit-il ailleurs, ne peut d'aucune ma- La mort de l'Apostat fut signifiée, dit-on,
nière être condamné à mort. » Dans le Bava dans plusieurs lieux à la fois, et au même
mezia, il est encore dit que les Juifs sont des moment qu'elle advint. Un de ses domesti-
hommes et que les autres peuples du monde ques, qui allait le trouver en Perse, ayant
sont des brutes. Les rabbins enseignent que été surpris par la nuit, et obligé de s'arrêter
les autres peuples du monde n'ont pas d'âme dans une église faute d'auberge, vit en songe
humaine; et ils les traitent, surtout les chré- des apôtres et des prophètes assemblés qui
tiens, de porcs, de bœufs, de chiens, d'ânes déploraient les calamités de l'Eglise sous un
et de sangliers. Dès lors le précepte Vous ne : prince aussi impie que Julien ;et on d'entre
tuerez point, n'obligeant pas envers les ani- eux s'étant levé assura les autres qu'il al-
maux, n'oblige pas envers les chrétiens. lait y porter remède. La nuit suivante, ce
Ces doctrines ne sont ni celles de Moïse, valet, ayant vu dans son sommeil la même
ni celles des aulrcs livres saints. Ce sont les assemblée, vit venir l'homme de la veille qui
doctrines des lulmudistes, rabbins ou scri- annonça la mort de Julien.
bes. Mais Buxtorf assure {in Synayoya Ju- Le philosophe Didyme d'Alexandrie vit
daica) que cet axiome est vulgaire : Mon fils, aussi en songe des hommes montés sur des
faites plus attention aux paroles des scribes chevaux blancs, et courant dans les airs en
(ou rabbins) qu'à celles de la loi. Salomoa disant : —
Annoncez à Didyme qu'à cette
larchi, un des plus fameux docteurs juifs, heure Julien l'Apostat est tué.
écrit dans ses commentaires sur le Deuléro- JUNG, auteur allemand, vivant encore sans
nome « Vous ne vous écarterez pas des pa-
: doute il a écrit sur les esprits un ouvrage
:

roles des rabbins, quand même ils vous intitulé Tliéorie de Geister-Kunder, Nurem-
:

diraient que votre maindroite est votre main berg, 1808, in-8°.
gauche, ou que votre gauche est votre droite. JUPITER AMMON. Les Egyptiens portaicul
,

9tl niCTIONNAlIlE DES SCIENCES OCCULTES. 912


(.ur le lORtir, comme un puissanl prcservalif, pauvre dame. Cis contes vous font rire
;
une amulelle ou pliilaclèrc qui clail une ,
puissent-ils vous corriger (3) 1

lame sur laquelle ils écrivaient le nom de Un avocat gascon avait recours aux gran-
Jupilcr Ammon. Ce nom élait si grand dans des figures, pour émouvoir ses juges. Il plai-
leur esprit, cl mémo chez les llomains, qu'on dait au quinzième siècle, dans ces temps où
en croyait l'invocation suffisante pour obte- les jugements de Dieu étaient encore en usa-
nir toutes sortes de biens. ge. Un jour qu'il défendait la cause d'un
On sait que Jupiter Ammon avait des cor- Manceau cité en justice pour une somme
nos de bélier. Sa statue , adorée à Thèbes , d'argent dont il niait la dette, comme il n'y
dans la haute Egypte, était un automate qui avait aucun témoin pour éclaircir l'aiïaire',
taisait des signes de (été. les juges déclarèrent qu'on aurait recours à
JUUEMKNT. « C'est une chose honteuse une épreuve judiciaire. L'avocat de la pariie
dit un bon légendaire, que d'entendre si sou- adverse, connaissant l'humeur peu belli-
vent répéter le nom du diable sans nécessité. queuse du Gascon, demanda que les avocat»
Un père en colère dit à ses enfants Venez : — subissent l'épreuve, aussi bien que leurs
ici, mauvais diables Un autre s'écrie I Te : — clients le Gascon n'y consentit qu'à condi-
;

voilà, bon diable Celui-ci qui a froid, vous


!
tion que l'épreuve fût à son choix. —
La chose
l'apprend en disant —
Diable! le temps est
:
,

se passait au Mans.
rude. Celui-là,(pii soupire après la table, dit Le jour venu, l'avocat gascon ayant lon-
qu'ila une faim de diable. Un autre, qui s'im- guement rélléclii sur les moyens qu'il avait
patiente , souhaite que le diable l'emporte. à prendre pour ne courir aucun péril, s'a-
Un savant de société, quand il a proposé une vauç:i devant les juges, cl demanda qu'avant
énigme s'écrie braven)ent
, Je me donne : — de recourir à une plus violente ordalie , on
au diable si vous devinez cela. Une chose pa- lui permît d'abord d'essayer celle-ci, c'est-
rait-cUe embrouillée, on vous avertit que le à-dire qu'il se donnait hautement et ferme-
diable s'en môle. Une
bagatelle est-elle per- ment au diable, lui et sa partie, s'ils avaient
due, on tous les diables. Un
dit qu'elle est à louché l'argent dont ils niaient la dette. Les
homme laborieux prend-il quelque sommeil, juges, étonnés de l'audace du Gascon, se per-
un plaisant vient vous dire que le diable le suadèrent là-dessus qu'il était nécessaire-
berce. — Ce qu'il y a de pis , c'est que des ment fort de son innocence cl se disposaient
gens emploient le nom du diable en bonne à l'absoudre ; mais auparavant ils ordon-
part ; ainsi on vous dira d'une chose médio- nèrent à l'avocat de la partie adverse de
cre : — Ce n'est pas le diable. Un homme prononcer le même dévouement que venait
lait-il plus qu'on ne demande , on dit qu'il de faire l'avocat gascon.
travaille comme le valet du diable. Que l'on — Il n'en est pas besoin, s'écria aussil6t

voie passer un grenadier de cinq pieds dix du fond de la salle une voix rauque.
pouces , on s'écrie : —
Quel grand diable ! En même temps on vil paraître un monstre
D'un qui vous étonne par son esprit, par son noir, hideux, ayant des cornes au front, des
adresse ou par ses talents, vous dites :— Quel ailes du chauve-souris aux épaules, et avan-
diable d'homme! On dit encore :— Une force çant les griffes sur l'avocat gascon Le
de diable, un esprit de diable, un courage de champion, tremblant, se hâta de révoquer sa
diable ; un homme franc est un bon diable ; parole, en suppliant les juges et les assis-
un homme qu'on plaint, un pauvre diable; tants de le tirer des griffes de l'ange de ténè-
un homme divertissant a de l'esprit en dia- bres.
ble, etc., et une foule de mots semblables. Ce — Je ne céderai, répondit le diable , que
sont de grandes aberrations. » quand le crime sera révélé...
Un père en colère dit un jour à son Gis :— Disant ces mots , il s'avança encore sur le
Va-t'en au diable Le fils étant sorti peu
! plaideur manceau et sur l'avocat gascon. Les
après, rencontra le diable, qui l'emmena; et deux menteurs, interdits, se hâtèrent d'avouer,
on ne le revit plus (l). l'un, qu'il devait la somme qu'un lui deman-
Un autre homme, irrité contre sa fille qui dait ; l'autre, qu'il soutenait sciemment une
mangeait trop avidement une écuelle de lait, mauvaise cause. Alors le diable se retira ,
eut l'imprudence de lui dire : Puisses-tu — mais on sut par la suite que le second avo-
avaler le diable dans ton ventre! La jeune cat, sachant combien leGasconélaitpeureux,
fille sentit aussitôt la présence du démon, et avait été instruit de son idée ; qu'il avait en
elle fut possédée plusieurs mois (2). conséquence affublé son domestique d'un ha-
Un mari de mauvaise humeur donna sa bit noir bizarrement taillé , et l'avait équipé
femme au diable ; au même instant, comme d'ailes et de cornes, pour découvrir la vérité
s'il fût sorti de la bouche de l'époux, le dé- par ce ministère.
mon entra par l'oreille dans le corps de celte

K
KAABÂ. Ce lieu célèbre à La Mecque, dans l'cnccintc du temple , est, dit-on, la

(1) Cssarii Ileisterb. miractf.., \îa. 5, cap. !& (3) Kjusdein, cap. 3, Ibid.
(2) EJusUim, cap. 2, ilnd.

H5 KAll KAL 9t«


maison (l'Abraham, bâtie par lui scion les , nie du mal ou de la maladie quand eniro
il

croyances musulmanes. Le seuil est un bloc en vous et quand il en sort, car il parait que
de pierre qui a été, disent les Arabes, la sta- ces génies se promènent souvent; et il l'at-
tue de Saturne, autrefois élevée sur la Kaaba trape comme au vol , ou bien il le saisit en
môme, et renversée parun prodige, ainsi que vous frottant le bras , et il l'enferme à son
toutes les autres idoles du lieu , au moment tour dans une feuille , où il peut le dé-
de la naissance de Mahomet. truire (1). »
La Kaaba est un petit édifice d'une quin- KAIDMORDS , nom du premier homme
zaine de pieds. Les>musulnians l'appellent qui sortit de la jambe de devant d'un tau-
la maison carrée et la maison de Dieu; dans reau, selon la doctrine des mages il fut tué ;

le Koran elle est désignée comme le lieu le par les Dives; mais il ressuscitera le jour du
plus saint de la terre aussi les bons musul-
: jugement. On invoque son âme chez les Guè-
mans se tournent-ils toujours dans leurs bres. Voy. Boundschescu.
j-rières vers la Kaaba; et il faut être peu dé- KAIOMERS, le premier
roi de l'antique
vot pour n'en pas faire au moins une fois en dynastie des Pichadiens il était, suivant les
;

sa vie le pèlerinage. On y révère la fameuse historiens persans, le pelit-fils de Noé. C'est


pierre noire qui servait d'échafaud à Abra- lui qui vainquit les Dives ou mauvais génies
ham lorsqu'il maçonnait la maison carrée. à la puissance desquels le pays était sou-
On conte qu'elle se haussait et se baissait mis.
«l'elle-méme, selon les désirs du patriarche. KAKOS, (icjnon invoqué dans les litanies
Elle lui avait été apportée par l'ange Ga- du sabbat.
briel et on ajoute que celte pierre, se voyant
; KALMOUCKS. Les Kalmoucks rendent
abandonnée après qu'on n'eut plus besoin hommage deux êtres puissants au génie
à :

d'elle, se mit à pleurer; Abraham la consola du bien et au génie du mal, sacrifiant sur le
en lui promettant qu'elle serait extrêine- sommet des mon'agnes, sur les bords des ri-
menl vénérée des musulmans; et il la plaça vières, ou dans linlérieur des cabanes, à l'un
en effet près de la porte, où elle est baisée comme à l'autre , mais le plus souvent à la
par tous les pèlerins divinité mallaisante , parce qu'i's jugent né-
RABOTERMANNEKENS, petilslulins fla- cessaire de la fléchir et d'en apaiser le cour-
mands qui font des niches aux finîmes de la roux.
campagne, surtout en ce qui touche le lai- Le soleil, ou comme ils l'appellent, l'œil
tage et le beurre. de Dieu, est pour eux l'objet d'un culte par-
KACHER, vieux magicien qui, dans ticulier. Quelque dégénérée que soit ci'tto
l'histoire fabuleuse des anciens rois de Ka- fausse religion on voit cependant le rap-
,

chemire, transforma le lac qui occupait ce port qui existe entre elle et lune des plus
beau pays en un vallon délicieux , et donna anciennes, celle des disciples de Zoroastre,
aux eaux une issue miraculeuse en coupant qui avait étendu son iniluencc nun-seulc-
une montagne nommée Barabouié. raent sur llnde et la Perse, mais encore sur
KAF montagne prodigieuse qui en-
, les peuples nomades des steppes mongoles ;
toure l'horizon de tous côtés, à ce que disent cl nous voyons encore de nos jours des tri-
les musulmans. La terre se trouve au milieu bus, telles que les Calmoucks, qui en ont
(lecette montagne, ajoutent-ils comme le ,
conservé le souvenir pendant une suite do
doigtau milieu de l'anneau. Elle a pour fon- siècles.
dement la pierre Sakhrat , dont le moindre Aujourd'hui, comme au moyen âge , les
fragment opère les plus grands miracles. Kalmoucks ont des schamanes qui, abusant
C'est celte pierre, faite d'une seule émeraude, de leur crédulité, leur persuadent qu'ils pos-
qui excite les tremblements de terre, en s'a- sèdent un empire magique sur une foule de
gilant selon que Dieu le lui ordonne. génies invisibles dont ils se disent accompa-
Pour arriver à la montagne de Kaf, il faut gnés et qui leur révèlent l'avenir et les cho-
traverser de vastes régions ténébreuses, ce ses secrètes. Gomme au moyen âge, le mort
qu'on ne peut faire que sous la conduite et même le malade leur inspirent une hor-
d'un être supérieur. C'est, dit-on, la demeure reur qu'ils n'ont garde de cacher. Après
des génies. Il est souvent parlé de celle mon- avoir placé près de lui tout ce dont il peut
tagne dans les contes orientaux. Voy. Sakh- avoir besoin à leur avis, ils s'éloignent du
rat. malade, fût-ce leur père ; la couche du mou-
KAHA , maléfice employé aux îles Mar- rant, s'il est riche, est gardée tout au plus
quises. Les habitants attribuent au .Kaha la par un schamane; la famille se coniciiic
plupart de leurs maladies. Voici comment il d'envoyer de temps en temps demander de
se pratique « Quelque sorcier aura attrapé
: ses nouvelles.
de votre salive, et puis il vous a lié du ter- Cette indifférence inhumaine ne les empê-
rible Kaha ou malcHce du pays, en envelop- che pas de rendre après la mort tous les hon-
pant cette salive dans un morceau de feuille neurs possibles à celui qu'ils viennent de
d'arbre et la conservant en sa puissance. 11 perdre. Le défunt , vêtu de ses plus beaux
tient là votre âme et votre vie enchaînées. habits ,est quelquefois enterré au fond des
A ce mal voici le remède : ceux qui ont eu bois, avec son arc et ses flèches, sa pipe, sa
le pouvoir de vous jeter le charme ont aussi selle et son fouet. D'autres suspendent leurs
le pouvoir de vous l'ôlcr, moyennant quel- morts dans des couvertures de feutre au
«lue présent. Le sorcier vient donc se cou- Marquises;
(1) I.curcs du P. îlathias Gracia sur les lies
cher près de vous; il voit ou il entend le gé- Icllre 6-.
M5 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTKS. 91S

haut des arbres les plus élevés; d'aulres en- river à tout moment. —
Ce qui était d'une
fin en brûlent les restes mortels sur un bû- morale médiocre.
cher pour garder leurs cendres. Dans ce cas Kantius fut obligé de quitter la société de
le cheval favori du défunt est brûlé avec bonne heure pour veiller aux préparatifs
,

lui. d'un voyage. Arrivé chez lui, il alla à l'écu-


Ce sont encore les mœurs dont parlent les rie, examina son cheval qui lui sembla ,

chroniques cl les voyageurs du moyen âge. avoir perdu le fer de l'un des pieds de der-
En général cette peuplade offre jusqu'à pré- rière il voulut lui prendre la jambe pour
;

sent l'image fidèle de ce qu'étaient les Mon- voir le sabot, et reçut une violente ruade
gols à une époque malheureusement trop dans l'estomac. Il s'écria sur-Ic-champ -- :

glorieuse pour celte nalion, lorsque, conduits C'est fail de moi.


par Tchinguis-Khan, ils portèrent de victoire On le porta au lit; bientôt sa situation fut
en victoire la terreur cl la désolation jus- désespérée. Pendant son agonie, il fut en
()u'au centre de l'Europe, jusque dans les proie à une grande tourmente d'esprit il ré-

;

plaines riantes de la Silcsie. pétait souvent Mes péchés sont tels, que
:

KALPA-ÏAROU, arbre fabuleux sur le- le Tout-Puissant ne me les pardonnera ja-


quel les Indiens d'autrefois cueillaient tout mais I —
Cet aveu était si étrangement con-
ce qu'ils pouvaient désirer. traire à l'opinion qu'on avait de lui, q\ie les
KAMLAT opération magique en usage
, assistants ne savaient comment s'en rendre
chez les Tarlares de Sibérie, et qui consiste compte. On en vint à soupçonner qu'il s'é-
à évoquer le diable au moyen d'un tambour tait vendu au prince des ténèbres, et co
magique ayant la forme d'un tamis ou plu- soupçon subit ne laissait pas d'être appuyé
tôt d'un tambour de basque. Le sorcier qui sur quelques faits auxquels on n'avait pas
fait le kamlal marmotte quelques mots tar- encore songé, entre autres sur ceux-ci qu'il .

lares, court de côté et d'autre, s'assied, se avait acquis ses immenses richesses avec une
relève , fait d'épouvantables grimaces et soudaineté inconcevable , et qu'il possédait
d'horribles contorsions, roulant les yeux, \es dans son logis un chat noir d'une grosseur
fermant, et gesticulant comme un insensé. extraordinaire.
Au bout d'un quart d'heure, il fait croire L'heure de la mort de Kantius fut signa-
que, par ses conjurations, il évoque le dia- lée par un orage qui ne cessa qu'après ses
ble, qui vient toujours du côté de l'occident funérailles. Aussitôt que le cadavre se trou-
en forme d'ours, pour lui révéler ce qu'il doit va déposé dans la fosse, li-s éléments rentrè-
répondre; il entendre qu'il est quelque-
fait rent dans le calme, comme si la terre eût
fois maltraitécruellement par le démon, et é!é délivrée de la présence de quelque dé-
tourmenté jusque dans le sommeil. Pour en mon.
convaincre ses auditeurs, il feint de s'éveil- Bientôt le bruit courut qu'un spectre se
ler en sursaut en criant comme un possédé. promenait dans les appartements du défunt.
KAMOSGHet KEMOSCH.— Voy. Cuamos. Le garde de nuildu quartier avait, disail-il,
KANTIUS LE SILÉSIEN. L'histoire de entendu un étrange tumulte dans la maison
Jean Kanlius, racontée au docteur More par de Kantius ; il lui avait semblé qu'on jetait
un médecin de la Silésie, est un des exem- çà et là sur le parquet les glaces et les meu-
ples les plus frappants de celte croyance aux bles, en riant aux éclals d'un rire aigu et sa-
vampires, qui a régné en souveraine sur cer- tanique. Des grilles de fer, qui chaque soir
tains esprits an dernier siècle. —
On dit que étaient fermées aux verrous , se trouvaient
Kanlius, sortant du tombeau , apparut dans ouvertes le lendemain sans que personne
la ville qui l'a vu naître; mais ce qui est po- eût passé par là. —
Ce bouleversement sur-
sitif, c'est que de nombreuses rumeurs , re- naturel s'étendit même aux écuries de l'éche-
latives à ce même fait, jetèrent une agitation vin défunt tous les matins les chevaux
:

violente cl une terreur profonde parmi ses étaient couverts d'écume comme s'ils eus-,

concitoyens et dans toute l'étendue de la Si- sent fail une excursion dans de lointaines
lésie. contrées ; et cependant, à entendre les trépi-
Jean Kanlius était un des échevins de la gnements extraordinaires donl toute la nuit
ville de Pesth; sa réputation de probité et ils ébranlaient le sol, on pouvait être assuré

son jugement droit lui avaient acquis une qu'ils n'avaient -pas quitté l'écurie. Les
grande considération. Un jour le maire l'en- chiens ne cessaient d'aboyer et de hurler de
voya chercher pour l'aider à terminer une la manière la plus pitoyable. Les habitants
affiiirequi venait de s'élever entre des voi- de Pesth ne pouvaient fermer l'œil de la
turiers et un négociant pannonien. L'affaire nuit.
arrangée, le maire invita Kantius, et l'invi- Une vieille domestique, qui prétait une
tation fut acceptée. Or le repns était excel- grande attention à tout ce qui se passait,
lent, et cette circonstance n'était pas d'un jura avoir ouï quelqu'un monter et descen-
médiocre intérêt pour Kanlius , qui savait dre les escaliers à cheval, et parcourir les
jouir en connaisseur des plaisirs de la table; appartements au galop. L'acquéreur de la
aussi était-il de très-bonne humeur. maison de Kantius, épouvanté de tout ce va-
Cependant sa gaieté paraissait ce soir-là carme, se promenail un jour dans les envi-
plus folle que réelle; tout en sablant un rons de la ville; il vit distinctement sur la
grand verre de vieux vin du Rhin il pro- , terre couverte de neige l'empreinte de pas
no.nça ces mots : — Plongeons-nous dans les qui n'appartenaient à aucune créature hu-
joies de ce monde, car un malheur peut ar- maine, a aucun animal terrestre.
917 K\N KAT 9!8
L'inquiétude devint inexprimable , lors- quête en règle. Le tribunal condamna Jean
qu'on acquit la certitude, par le témoignage Kantius, échevin de Pesth, à être brûlé com-
de personnes dignes de foi, que Kantius se me vampire.
promenait à cheval non-seulement dans la Mais l'exécution rencontra un obstacle
cour de son ancienne maison, mais encore étonnant. On ne put tirer le corps de la fosse,
dans les rues de la ville, dans les vallées et tant il était pesant.

sur les collines des environs courant avec , Enfin les citoyens de Pesth, bien inspirés,
la rapidité de l'éclair, comme si quelque cherchèrent et découvrirent le cheval dont la
chasseur infernal eût été à sa poursuite. ruade avait tué Kantius; ce cheval parvint à
Un Juif prétendit que Kantius avait engagé grand'peine à amener hors de terre les res-
une lutte avec lui et lui avait fait souffrir une tes de son ancien maître. Mais lorsqu'il s'a-
torture inouïe. Un charretier déclara qu'en git d'anéantir ces restes, une autre difficulté
approchant de Pesth il avait rencontré Kan- se présenta. On mil le corps sur un bûcher
tius, qui lui avait vomi à la figure de lon- allumé, et il ne se consuma pas On fut
gues flammes bleues et rouges. obligé de le couper en morceaux que l'on ré-
Mais voici qui est plus surprenant. Tous duisit parliellement en cendres, et depuis
les soirs, lorsque le pasteur se mettait au lit, lors l'échevin Jean Kantius cessa de faire des
Kantius venait le rouler dans les draps en apparitions dans sa ville natale (1).
avant et en arrière, jusqu'à ce que l'unifor- KARCIST, nom qu'on donne, dans le Dra-
mité du mouvement et la fatigue le fîïseiit gon rouge, à l'adepte ou sorcier qui parle avec
.succomber au sommeil. U se glissait auprès les esprits.
de lui sous la forme d'un nain à travers les
fentes de la cloison.
KAIIRA-KALF, le plus haut degré de la
Il arriva encore que les lèvres d'un enfant
magie en Islande. Dans les temps modernes,
lorsqu'on pratiquait le karra-kalf, le diable
furent tellement col'écs ensemble, qu'on ne
paraissait sous la forme d'un veau nouvelle-
put les séparer c'était l'œuvre de Kantius.
:

A certaines heures de la soirée, la lumière ment né et non encore nettoyé par sa mère.
Celui qui désirait d'être initié parmi les ma-
des flambeaux devenait tout à coup blanche
giciens était obligé de nettoyer le veau avec
et triste c'était le signe infaillible de la vi-
:

.«ite de Kantius. —
Des vases qui contenaient
sa langue; par ce moyen, il parvenait à la
connaissance des plus grands mystères.
du lait la veille furent trouvés le lendemain
vides ou remplis de sang. L'eau des fontai- KATAKHANÈS. C'est le nom que les ha-
nes devint insalubre et corrompue des vieil- ;
bitants de lî'.e de Candie donnent à leurs
lards furent étranglés dans leurs lits sans vampires. En aucune contrée du Levant la
que l'on parvînt à découvrir les auteurs de croyance aux vampires ou katakhanès n'est
«es crimes répétés. Tous ces événements ir- aussi générale que dans cette île, où l'on
réguliers, et bien d'autres encore qu'il serait croit aussi aux démons des montagnes, de
trop long d'énumérer, ne devaient-ils pas l'air et des eaux. Voici un récit fait il n'y

être attribués à Kantius? a pas longtemps à un voyageur anglais ,


Qu'il nous sulfise, pour dernier trait, de M. Pashiey, qui le rapporte comme il lui q
dire qu'à la funèbre clarté de la lune appa- été raconté. Nous l'empruntons à la iîecwe
raissait, à la lucarne d'une yieille tour, une britannique (mars 1837) :

tête aux yeux élincelants, qui tout à coup «Un jour le village de Kalikrati, dans lo
prenait la forme d'un manche à balai ou district de Sfakia, fut visité par un katakha-
d'une chauve-souris. Celte tête était celle de nès; les habitants s'efforcèrent de découvrir
Kantius, el ne pouvait être celle d'un autre. qui il était et d'où il venait. Ce katakJianès
Enfin la frajeur et le désespoir des habi- tuait non-seulemenl les enfants, mais encore
tants de Pesth furent poussés au dernier les adultes, el il étendait ses ravages jusqu'aux
point. Les voyageurs évitaient la ville ; le villages des environs. Il avait éié enterré
commerce s'anéantissait les citoyens fini-
: dans l'église de Saint-Georges à Kalikrati, et
rent par chercher un remède à cet état de une arche avait été construite au-dessus do
choses; il fut résolu en conseil de commune sa tombe. Un berger, gardant ses moutons
<iue l'on commencerait par s'assurer si lé- el ses chèvres auprès de l'église , fut surpris
chevin était bien mort. —
En conséquence par une averse, et vint se réfugier sous cette
les plus courageux des habitants se mirent arche. Après a voir ôté ses armes pour prendre
en route pour le cimetière, où ils ouvrirent du repos, il les posa en croix à côté de la
plusieurs fosses avec précaution. Ils remar- pierre qui lui tenait lieu d'oreiller. La nuit—
quèrent, non sans surprise que les voisins,
vint. Le katakhanès sentant alors le besoin
,

de Kantius, qui avaient été enterrés avant ou de sortir pour faire du mal aux hommes, dit
après lui, éiaient tous réduits en poussière, au berger:
tandis que sa peau à lui était tendue el ver- Compère, lève-toi de là, car j'ai des affaires
meille. On lui mil un bâton dans la main, il qui m'obligent de sortir.
le saisit fortement, ouvrit les yeux cl les re- Le berger ne répondit ni la première fois,
ferma aussitôt. On lui piqua une veine de la ni la seconde, ni la troisième; il supposa qua
jambe, et le sang coula en abondance. Ce- le mort inhumé danscelte tombe était le ka-
pendant il y avait six mois qu'il avait été mis takhanès auteur de tous les meurtres commis
en terre. Le maire fit sur son compte une en- dans la contrée. En conséquence, la qua-
(1) Nous avons recueilli ceUe histoire dans nn feuilleton mcsurc de citer l'auteur.
de la presse périodique, ^ous regrettons de n'être pas en
919 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. •HO

trième fois qu'il lui adressa la parole, le ber- sent que cet esprit enlève les enfants, les
ger répondit : cache dans les creux des arbres et les
y
Je ne me lèverai point de là, compère, car nourrit (1).
je crains que tu ne vailles pas grand'chose, KELBY , esprit qu'une superstition écos-

et lu pourrais me faire du mal; mais s'il faut saise suppose habiter les rivières sous diffé-
que je me lève, jure par ton linceul que tu rentes formes, mais plus fréquemment sous
ne me toucheras pas; alors je me lèverai. celle du cheval. Il est regardé comme mal-
Le katakhanès ne prononça pas d'abord faisant et porte quclquelois une torche. On
les paroles qu'on lui demandait; mais le attribue aussi à ses regards un pouvoir de
berger persistant à ne point se lever, il finit fascination.
par faire le serment exigé. Sur cela le berger KELEN et NYSROCK, démons que les dé-
se leva et ôla ses armes du tombeau; le ka- monographes font présider aux débauches,
takhanès sorlit aussitôt; après avoir salué le aux danses, aux orgies.
berger, il lui dit : RENNE pierre fabuleuse qui se forme
.

— Compère, ne faut pas que tu t'en ailles ;


i! dans d'un cerf, et à laquelle on attribue
l'œil
reste assis là; j'ai des affaires dont il est né- des vertus contre les venins.
cessaire que je m'occupe ; mais je reviendrai KEPHALONOMANCIE , divination qui se
dans une heure, et je te dirai quelque chose. pratiquait en faisant diverses cérémonies sur
Le berger donc attendit le katakhanès s'en
; la tête cuite d'un âne. Elle était familière aux
alla à environ dix milles île là, où vivaient Germains. Les Lombards y substituèrent une
deux jeunes époux nouvellement mariés; il têlede chèvre.
les égorgea tous deux. A son retour, le berger Delrio soupçonne que ce genre de divina-
s'aperçut que les mains du vampire étaient tion, en usage chez les Juifs infidèles, donna
souillées de sang et qu'il rapportait un foie
, lieu à l'imputation qui leur fut faite d'adorer
dans lequel il soufflait, comme l'ont les bou- un âne. Les anciens la pratiquaient en met-
chers, pour le faire paraître plus grand. tant sur des charbons allumés la tête d'un
Asseyons-nous, compère, lui dit le kata- âne, en récitant des prières superstitieuses,
khanès, et mangeons le Ibie que j'apporte. en prononçant les noms de ceux qu'on soup-
Mais le berger fit semblant de manger; il çonnait d'un crime, et en observant le mo-
n'avalait que le pain et laissait tomber les ment où les mâchoires se rapprochaient avec
morceaux de foie sur ses genoux. un léger craquement. Le nom prononcé en
Or, quand le moment de se séparer fut cet instant désignait le coupable.
venu, le katakhanès dit au berger: Le diable arrivait aussi quelquefois sans se
Compère, ce que lu as vu, il ne faut point montrer pour répondre aux questions qu'on
eu parler; car, si tu le fais, mes vingt ongles avait à lui faire.
se fixeront dans ta figure et dans celles de KHUMANO-GOO, sorte d'épreuve en usage
tes enfants. au Japon. On appelle goo un petit papier
Malgré cela le berger ne perdit point de
, rempli de caractères magiques, de figures de
temps; il alla sur-le-champ tout déclarera corbeau et d'autres oiseaux noirs. On pré-
des prêtres et à d'autres personnes; et on se tend que ce papier est un préservatif assuré
renaît au tombeau, dans lequel on trouva le contre la puissance des esprits malins; et les
corps du katakhanès précisément dans l'état Japonais ont soin d'en acheter pour les ex-
où il était quand on l'avait enterré tout le : poser à l'entrée de leurs maisons. M;iis parmi
monde fut conTainca que c'était lui qui était ces goos, ceux qui ont la plus grande vertu
cause des maux qui pesaient sur le pays. On viennent d'un certain endroit nommé Khu-
rassembla une grande quantité de bois que mano; ce qui fait qu'on les appelleKhumano-
l'on jeta dans la tombe, et on brûla le cada- goos.
vre. Le berger n'était pas présent; mais, Lorsque quelqu'un est accusé d'un crime
quand le katakhanès fut à moitié consumé, et qu'il n'y apas de preuves suffisantes pour
il arriva pour voir la fin de la cérémonie, et le condamner, on le force à boire une cer-
alors le vampire lança un crachat c'était : taine quantité d'eau dans laquelle on met un
une goutte de sang qui tomba sur le pied du morceau de khumano-goo. Si l'accusé est
berger; ce pied se dessécha comme s'il eût innocent, cette boisson ne produit sur lui
étéconsumé par le f.!U. aucun effet; mais s'il est coupable , il se
Quand on vit cela, on
avec soin
fouilla sent attaqué de coliques qui le forcent à
dans les cendres; on y trouva encore l'ongle avouer. Quelquefois on fait avaler le Goo.
du petit doigt du katakhanès; on le réduisit Voy. ce mot.
en poussière. KIJOUN, nom d'une idole que les Israélites
Telle est la terrible histoire du vampire honorèrent dans qui paraît avoir
le désert, et
de Kalikatri. C'est sans doute au goût qu'on été le soleil. Le prophète Amos en parle au
suppose à ces êtres malfaisants pour le l'oie thap. V.
humain qu'il faut attribuer celte exclamation KIONES idoles communes en Grèce, qui
,

que Tavernier attribue à une feiiinie can- ne consistaient qu'en pierres oblongues en
diote: —J'aimerais mieux manger le foie de forme de colonnes, d'où vient leur nom.
mon enfant Voy. Vampires.
! KIIIGHIS. Les Kirghis voisins des Kal-
,

KATMIH -Voy. D.>RM\?(TS,àli fin. moucks,>ionld'une taille jnédiocriî, ont presque


K.WBORA, esprit d.s forêts, à l'existence tous les jambes cagneuses, présentant une
dutiuel croiea' encore les Américains; ils d'- physionomie assez agréable lorsqu'ils sont
(IJ Voyage au Brésil, par le père Neuwied, t. H, c. 12 jeunes ils ne portent alors que la moustache,

Ô-'t KLE KLE 922
mais en vieillissant ils laissent croître leur il se plaît au milieu des ruines couvertes d«
barbeàpartirde la pointe du menton, et l'em- mousse; il fuit les saints lieux où reposent
bonpoint effrayant qu'ils atteignent, par suite des chrétiens , l'aspect d'une croix l'éblouit
d'une constante oisiveté, leur donne un as- et le torture; il ne boit qu'une eau verle
pect hideux. croupissant au fond d'un étang desséché : le
Les Kirghis sont mahométans; ils ont un pain n'approche jamais de ses lèvres.
crand prêtre appeIé.4c/«0Mn, qui réside près du Kleudde évite la foule; la lumière du grand
khan; ignorants et superstitieux, ils croient jour lui brûle les yeux; il n'apparaît qu'aux
aux sortilèges et possèdent cinq classes de heures où le hibou gémit dans la tour aban-
magiciens les uns font leurs prédictions avec
:
donnée; une caverne souterraine est sa de-
dos livres d'autres so servent de romopiate
,
meure; ses pieds n'ont jamais souillé le seuil
d'une brebis, dépouillée avec un couteau, d'une habitation humaine : le mystère et
car elle serait sans vertu si quelqu'un y avait l'horreur entourent son existence maudite.
porté les dents; une troisième classe , pour Vagues comme les atomes de l'air, ses formes
lire dans l'avenir, sacrifie un cheval, un échappent aux doigts et ne laissent aux
mouton ou un bouc sans défaut; la quatrième mains de l'imprudent qui essayerait de les
enfin consulte Ja flamme qui s'élève du étreindre qu'une ligne noire et douloureuse
beurre ou de la graisse jetée dans le feu. comme une brûlure.
Enfin il y a des sorcières qui ensorcèlent les Son rire est semblable à celui des damnés ;
esclaves, persuadent aux maîtres que si l'es- son cri, rauque et indéfinissable, fait tres-
clave ensorcelé venait à déserter, il s'égare- saillir jusqu'au fond des entrailles; Kleudde
rait indubitablement dans sa fuite et retom- a du sangde démon dans les veines. Malheur
berait dans les mains de son maître; que s'il à qui, le soir, dans sa route, rencontre
s'échappait, il rentrerait au moins dans l'es- Kleudde, le lutin noir!
clavage du même peuple. Dans certains villages du Brabant la nom
seul de Kleudde exerce sur l'esprit de»
Pallas rapporte, d'après le récit même qu'il
en a entendu faire par les Kirghis , un fait paysans un empire si redoutable, qu'il serait
assez ingénieusement inventé : impossible de les faire sortir de leur maison
à une heure avancée de la nuit pour les en-
Un parti de Kirghis se mit un jour en cam- voyer dans un champ, un bois, une prairie
pagne avec un des <Ievins de la seconde classe où la croyance populaire place ce lutin. Le»
pour attaquer lesKalmoucks ceux-ci avaient ;
cnfanîs en ont une grande peur; on les me-
également un devin qui employant toute sa
,
nace de la présence de Kleudde lorsqu'ils
science, avertit ses compatriotes de l'arrivée font mal. La frayeur des jeunes filles n'est
des Kirghis , et les engagea à s'éloigner à
pas moins enracinée pour cette espèce de
mesure que ceux-ci avançaient. Le devin loup-garou; plus d'une le soir arrive essouf-
kirghis, voyant que son frère le Kalmouck flée au foyer paternel raconter en tremblant
allait faire échouer l'entreprise, employa la
qu'elle a aperçu Kleudde agitant ses chaînes
ruse; il dit aux Kirghis de seller leurs che- dans l'ombre.*
vaux à reculons et de monter dessus. Le Au dire des campagnards , ce lutin est un
Kalmouck, ainsi induit en erreur, vit sur son véritable protée, prenant les formes les plus
os que les Kirghis rétrogradaient; il conseilla diverses, les plus bizarres. Tantôt c'est un
donc à son parti de revenir sur ses pas. Les arbre d'abord très-petit , ensuite s'allon-
Kirghis joignirent par ce moyen les Kal- geant peu à peu à une hauteur prodigieuse;
moucks et les firent prisonniers (1). puis, se mouvant tout à coup, il s'élève de
KLEUDDE (2). Kleuddc, tout barbare, tout terre et disparaît dans les nuages. Le seul
cacophonique quedoit vous paraître ce nom, mal que Kleudde fasse réellement sous cette
est un lutin, et un lutin national, un lutin forme, c'est de déraciner et de renverser le»
vivant des brouillards de la Flandre et du autres arbres qu'il rencontre sur son passage
Brabant, un lutin belge en un mot. Si vous — Tantôt il se revêt de la peau d'un chien*
avez quelque feu dans l'imagination, sans noir; il marche sur ses pattes de derrière ^
doute qu'à ce seul nom de lutin vous vous agite une chaîne qu'il porte au cou et saul&
formez déjà toute une cour fantastique, idéale, à l'improvisle sur les épaules de celui qu'il
surnaturelle, composée de gnomes aux yeux voit la nuit dans un sentier isolé , l'étreint^
malins, de sylphes aux ailes d'azur, aux le jettepar terre et s'enfuit.
cheveux d'or, de salamandres aux pieds de Souvent Kleudde est un cheval maigre et
feu. — Poètes, jeunes filles, enfants, Kleudde, efflanqué; alors il devient l'épou vantail de»
avec son enveloppe sombre, avec son nom garçons d'écurie. On sait que c'est l'usage
aussi affreux que son être; Kleudde doit d'un dans les grandes fermes de mettre pendant
seul mot tuer l'échafaudage de vos songes. la nuit les chevaux en pâture dans les prai-
Kleudde est un lutin malfaisant, qui a les re- ries; les domestiques rapportent avec une
gards du basilic et la bouche du vampire, bonne foi rustique qu'il leur arrive parfois,
l'agilité du follet et la kideur du griffon. lorsqu'ils croient monter sur une de leurs
Kleudde aime les nuits froides et brumeu- juments, d'en fourcher Kleudde, qui aussitôt se
ses, les prairies désertes et arides, les champs met à courir de toutes ses forces, jusqu'à ce
incultes et blanchis par des os de morts, les que, arrivé près d'un étang ou d'un ruisseau,
arbres frappés de la foudre, l'if et le cyprès ;
il se cabre et
y précipite son cavalier ensuite, :

11)
la Russie pittoresque. unis, quil'a donnée, il j a queliues années, dans leJoUT'
2) Cette notice est du M. le baroD Jutes de SaiiU-Ge- naldci Flandres.
«S3 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES m
pondant que la victime se débat dans l'eau , croupissante dont l'odeur soulevait le cœur.
il se couche un instant à plat ventre, pousse L'âme damnée de la sorcière était passée
un éclat de rire et disparaît au moment où le dans le corps de cet homme noir, ou, pour
cavalier sort de son bain. mieux dire, dans le corps de ce diable, qui
Selon les circonstances, Klcudde se ciiange depuis, n'ayant plus aucun repos, parcourt
«n chai , en crapaud en chauve-souris en
, , les campagnes et les plaines cherchant à
tout autre animal. Les paysans prétendent nuire à tout ce qu'il rencontre...
pouvoir rrconnaîtreson approche à deux pe- KOBAL, démon perfidequimordenrianf, di-
tites flammes bleues qui vacillent et s'avan- recteur général des farces de l'enfer, qui doi-
cent en sautillant mais toujours en ligne
,
vent être peu joyeuses; patron des comédiens.
•droite; ces petites llanimes sont les prunel- KOBOLD esprit de la classe des lutins.
,

les de ses deux yeux. Le seul moyen alors « C'est un petit nain étrange, de forme rabou-
«l'éviter Kleudde, c'est de s'enfuir en zigzag, grie , avec des habits bariolés, un bonnet
«omme ferait celui que poursuit un scrpenl. rouge sur la tête. Honoré par les valets, les
H y a de cela trois mois, je logeais par servantes et les cuisinières de l'Allemagne,
iiasard dans une ferme à Ternalh, aux envi- il leur rend de bons offices ; il étrille leurs
rons de Bruxelles. C'était le soir je me trou- ;
chevaux , il lave la maison tient la cuisine
,

vais en compagnie avec tout le personnel de en bon ordre et veilleà tout. Qu'on ne s'avise
la ferme, réuni autour d'un large foyer d'hi- pas de le négliger. Si c'est une cuisinière,
ver. En société de ces bons et simples pay- rien ne lui réussit; elle se brûle dans l'eau
sans, c'était pour moi une nouveauté d'au- bouillante; elle brise la vaisselle elle ren- ;

tant plus piquante que je comptais mettre la verse ou gâte les sauces; et quand le maître
soirée à proflt pour recueillir quelques ren- du logis la gronde, elle entend le Kobold
seignements sur Kleudde. J'amenai la cause- rire aux éclats derrière elle. Sil a reçu quel-
rie sur ce sujet, sur les lutins, sur les kabo- que insulte, la scène devient plus tragique,
terinannekens et autres follets dont le nom il verse dans les plats du poison ou du sang

m'échappe. de vipère ; quelquefois uiôme il tord le cou


— Monsieur, savez - vous l'origine de à l'imprudent valet qui l'a harcelé (!).'> il —
Kleudde? me dit un vieux domestique. est de la famille des Cabales et des Coboli;
— Non, lui répondis-je, ravi de son inter- peut-être leur tige. —
Voy. ces mots.
pellation. KORAN. Voy. Maohidath.
—C'est affreux à entendre, continua le vieil- KOUGHAS, démons ou esprits malfaisants',
lard. Voici comme on le raconte dans notre redoutés des Aléotes , insulaires voisins du
endroit, lly a bien cent ans, on voyait au bout Kamtschalka. Ils attribuent leur état d'asser-
du bois qui borde la partie nord du village vissement et leur détresse à la supériorité
une petite et chélive maison habitée par une des koughas russes sur les leurs ; ils s'ima-
femme si décrépite, si hideuse, qu'on songea ginent aussi que les étrangers , qui parais-^
plus d'une fois à s'emparer d'elle atin de la sent curieux de voir leurs cérémonies,
brûler comme sorcière ; car tout le monde n'ont d'autre intention que d'insulter à leurs
disait qu'elle avait des rapports avec le diable koughas, et de les engager à retirer leur pro-
et que sa baraque servait de lieu de réunion tection aux gens du pays.
pour le sabbat. Un soir qu'un orage, tel qu'on KRATIM ou KAÏMIR. C'est le nom qu'on
n'en avait entendu de mémoire d'homme, donne au chien des septDormants. Voy. Dor-
ébranlait toutes les habitations, le feu du ciel mants.
tomba sur la masure suspecte et la consuma KUHLMANN (Qcirinus), l'un des vision-
ainsi que la vieille femme, dont on aperçut naires du dix-seplièi»e siècle, né à Breslau
le lendemain le corps noirci gisant dans les en 1651. Il était doué d'un esprit vif, étant
cendres. Pendant (rois jours personne n'osa tombé malade à lâge de huit uns , il éprouva
approcher du lieu de l'incendie; mais enGn un dérangetnent dans ses organes, et crut
comme le propriétaire du bois voulait utili- avoir des visions. Une fois il s'imagina voir
ser cette portion de son terrain, il prit avec le diable, escorté d'une foule de démons su-
lui quelques-uns de ses plus courageux do- balternes ; un autre jour il se persuada que
mestiques munis de longs crochets pour re- Dieu lui avait apparu : dès ce moment il ne
tirer la sorcière des décombres. Les valets cessa de voir à côté de lui une auréole écla-
déforme se mirent en tremblant à l'ouvrage; tante de lumière. 11 parcourut le Nord es-
à peine eurent-ils touché la sorcière de leurs corté d'une très-mauvaise réputation, il es-
crocs , qu'ils entendirent un grand bruit et croquaitde l'argent à.ceux qui lui montraient
reçurent dans tous les membres une violente quelque confiance pour l'employer, disait-
,

commotion ; ils virent un petit homme noir il, à l'avancement du royaume de Dieu.

sortir du corps de la vieille, grandir tout à Il fut chassé de Hollande au commence-

coup et s'échapper des ruines, en crian t ;/irZeuc/- ment de l'année 1675 , et voulut se lier avec
de, Kleudde , Kleudde l 'Sons les domestiques Antoinette Bourguignon, qui rejeta ses avan-
pcrdirentconnaissance,et lorsqu'ils revinrent ces. H fut arrêté en Russie pour des prédic-
a eux, ils n'aperçurent plus ricnsurle théâtre tions séditieuses, et brûlé à Moscou le 3 oc-
de l'incendie qu'un étang rempli d'une eau tobre 1689. Il a publié à Lubeck un Traité
de la sagesse infuse d'Adam et de Salomon (2j;
(1) extrait d'un article signé XX. dansl'Jmi delareli-
çion. 11» du i9 octobre 1814. nli mirabilis. In-S";Lcyde, 1674. On n'a qu'un volume de
(2) Dp
Sapienlla iuftisa Adamca Salomoneaquo.— Arca- cet ouvrage, qui devait en avoir Irois et contenir cenl raille
i-nm uiicrocosinicum; Paris, 1681.— rrodromusquinqueii- inventions curieuses, etc.
,

oas LAC LAC 92B

on une quarantaine d'opuscules qui


]ui duit KURDES habitants de Asie qui adorent
n'ont d'autre mérite que leur rareté. le diable.
KUPAY, nom qui chez les Péruviens dé- KUTUKTUS. Les Tartares Kalkas croient
signait le diable. Quand ils prononçaient ce que leur souverain pontife le kuluklus est
, ,

nom, ils crachaient par terre en signe d'exé- immortel; et, dans le dernier siècle, leurs
cration. On l'écrit aussi Gupai, etc'est encore fakirs firent déterrer et jeter à la voirie le
le nom que les Floridiens donnent au sou- corps d'un savant qui dans ses écrits avait
verain de l'enfer. paru en douter.

L
LABADIE (Jean ), fanatique du dix-sep- de Bourges, qu'il y avait de son temps dans
tième siècle, né en 1610 à Bourg sur la Dor- le Berry un lac de mauvaise renommée, qn'on
dogne. Il se crut un nouveau Jean-Baptiste, appelait le lac des Démons. Voy. Pilate, Heb-
envoyé pour annoncer la seconde venue du BADILLA, Is, etc.
Messie, et s'imagina qu'il avait des révéla- LACAILLE (Denyse de). En 1612 la ville
tions. 1! assurait que Jésus-Christ lui avait de Beauvais fut le théâtre d'un exorcisme sur
déclaré qu'il l'envoyait sur la terre comme lequel on n'a écrit que des facéties sans au-
son prophète. Il poussa bientôt la suffisance torilé. La possédée était une vieille, nommée
jusqu'à se dire revêtu de la divinité et parti- Denyse de Lacaille. Nous donnons de cette
cipant du nom et de la substance de Noire- affaire la pièce suivante en résumé; nous la
Seigneur. Mais il joignit à l'ambition d'un croyons supposée par quelque farceur.
sectaire le goût des plaisirs; il f;iisait servir Extrait de la sentence donnée contre les dé-
à SCS odieux projets le masque de la religion, mons qui sont sortis du corps de Denyse de
et il ne fut nu'un détestable hypocrite. 11 Lacaille.
mourut en 1674. Nous, étant dûment informés que plu-
«

Voici quelques-unes de ses productions :


sieurs démons et malins esprits vexaient et
tourmentaient une certaine femme, nommée
Le IJérauld du grand roi Jésus, Amsterdam,
1667,in-12. Le Véritable Exorcisme, ou l'uni-
Denyse de Lacaille, de la Landelle, nous
avons donné à Laurent Lepot toute puis-
que moyen de chasser le diable du monde chré-
tien. —
Le Chant royal du roi Jésus-Christ.
sance de conjurer lesdils malins esprits. Le-
dit Lepot, ayant pris la charge, a fait plu-
Ces ouvrages sont condamnés.
sieurs exorcismes et conjurations, desquels
LABOUR, pays de Gascogne dont ha-
les
plusieurs démons sont sortis, comme le pro-
bitants s'adonnaient au commerce entre-
et
cès-verbal le démontre. Voyant que, de jour
prenaient de longs voyages, où ils croyaient en jour, plusieurs diables se présentaient;
que le diable les protégeait. Pendant que les comme il est certain qu'un cerlain démon,
hommes étaient absents, Delancre dit que nommé Lissi, a dit posséder ladite Denyse,
les femmes devenaient d'habiles sorcières. nous commandons, voulons, mandons, or-
Henri IV envoya en 1G09 ledit Pierre Delan- donnons audit Lissi de descendre aux en-
cre, conseiller au parlement de Bordeaux, fers, sortir hors du corps de ladite Denyse,
pour purger le pays de ces sorciers, qui, sans jamais y rentrer; et, pour obvier à la
instruits de son arrivée , s'enfuirent en Es- revenue des autres démons, nous comman-
pagne. 11 en fit toutefois brûler quelques- dons, voulons, mandons et ordonnons que Bel-
uns. zébuth, Satan, Motelu et Briffault.les quatre
LABOURANT. Voy. Pierre Labourant. chefs, etaussi les quatre légions qui sont sous
LAC. Grégoire de Tours rapporte que leur puissance, et tous les autres, tant ceux
dans le Gévaudan il y avait une montagne qui sont de l'air, de l'eau, du feu, de la terre
appelée Héianie, au pied de laquelle était un et autres lieux, qui ont encore quelque puis-
grand lac; à certaines époques de l'année sance de ladite Denyse de Lacaille, compa-
les villageois s'y rendaient de toutes parts raissent maintenant et sans délai, qu'ils aient
pour y faire des festins, offrir des sacrifices, à parler les uns après les autres, à dire leurs
et jeter dans le lac, pendant trois jours, une noms de façon qu'on les puisse entendre,
infinité d'offrandes de toute espèce. Quand ce pour les faire mettre par écrit.
temps était expiré, selon la tradition que rap- « Et à défaut de comparoir, nous les met-
porte Grégoire de Tours, un orage mêlé d'é- tons et les jetons en la puissance de l'enfer,
clairs et de tonnerre s'élevait; il était suivi pour être tourmentés davantage que de cou-
d'un déluge d'eau et de pierres. Ces scènes tume et faute de nous obéir, après les avoir
;

durèrent jusqu'à la fin du quatrième siècle. appelés par trois fois, commandons, vou-
Cent ans avant l'ère chrétienne il y avait lons, mandons que chacun d'eux reçoive les
aussi à Toulouse un lac célèbre, consacré au peines imposées ci-dessus , défendant au
dieu du jour et dans lequel les Tectosages
, même Lissi, et à Ions ceux qui auraient pos-
jetaient en offrandes de l'or et de l'argent en sédé le corps de ladite Denyse de Lacaille,
profusion, tant en lingots et monnayé que d'entrer jamais dans aucun corps, tant de
mis en œuvre et façonné. créatures raisonnables que d'autres
On lit dans la Vie de saint Sulpice, évoque «Suivant quoi ledit Lissi, malin esprit,
857 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES, 928
prêt à sortir, a signé ces présentes. Belzé- un sifflement de serpent. Quelle que soit leur
bulh paraissani, Lissi s'est retiré au bras demeure, il est certain, ajoute Leloyer, qu'il
droit; lequel Belzébulh a signé; pareillement en existe, « puisque cette croyance était en
Reizébulh s'élant retiré, Salan apparut, et a vigueur chez les anciens.... » Le philosophe
signé pour sa légion, se retirant au bras gau Ménippo fut épris d'une lamie. Elle l'attirait
che; Motelu, paraissant, a signé pour toute à elle; heureusement qu'il fut averti de s'en
la sienne , s'ét.int retiré à l'oreille droite; défier, sans quoi il eût été dévoré.
incontinent Bjriffaultest comparu, et a signé Semblables aux sorcières, dit encore Le-
ces présentes. —Signé Lissi; Belzébutu; loyer (2), ces démons sont très-friands du
Satan; Motelu; Briffault. sang des petits enfants.
« Le signe et la marque de ces cinq dé- Tous les démonomanes ne sont pas d'ac-
mons sont apposés à l'original du procès- cord sur la forme des lamies: Torquemada,
verbal. dans son Hexaméron, dit qu'elles ont une
« Benuvais.le 12 décembre 1612. » figure de femme et dos pieds de cheval qu'on ;

LACHANOPÏERES, animaux imaginaires les nomme aussi chevesches, à cause du cri


que Lucien place dans le globe de la lune. et de la friandise de ces oiseaux pour la chair
C'étaient degrands oiseaux couverts d'herbes fraîche. Ce sont des espèces de sirènes selon
au lieu de plumes. les uns d'autres les comparent aux gholcs
;

LACHUS, génie céleste, dont les Basili- de l'Arabie.


diens gravaient le nom sur leurs pierres d'ai- On a dit bien des bizarreries sur ces fem-
mant magique; ce talisman préservait des mes singulières. Quelques-uns prétendent
enchantements. qu'ellesne voient qu'àtravers une lunette (3).
L.\CI (Jean), auteur d'un ouvrage intitnlé Wierus parle beaucoup de ces monstres
Averlissements prophétiques, publié en 1708, dans le troisième livre de son ouvrage sur
un vol. in-8"; il parut différents ouvrages de les Prestiges. Il a même consacré aux lamies
cette sorte à l'occasion des prétendus pro- un traité particulier {'*).
phètes des Cévennes. LAMOTTE LE VAYER (François), littéra-
LAENSBERGH (Mathieu), Liégeois célèbre teur, né à Paris en 1588, et mort en 1672.
qui passe parmi le peuple pour le plus grand C'était, selon Naudé , le Plutarque de la
mathématicien, astrologue et prophète des France, ressemblant aux anciens par ses opi-
temps modernes. Ses prédictions trouvent en- nions et ses mœurs. Il a laissé des Opuscules
core, dans les campagnes, de bonnes gens sur le Sommeil et les Songes, in-8'", Pa-
qui se feraient scrupule d'en douter, et qui, ris, 1643.
quand son almanach prédit de la pluie pour LAMPADOMANCIE , divination dans la-
un jour de beau temps, se contentent de dire : quelle on observait la forme, la couleur et
« il pleut ailleurs. » Le premier almanach de les divers mouvements de la lumière d'une
Mathieu Laensbergh a paru en 1636. lampe, afln d'en tirer des présages pour l'a-
LAFIN ( Jacques ), sorcier qui fut accusé venir.
d'envoûlement; on dit même qu'on trouva LAMPE MERVEILLEUSE. Il y avait à Pa-
sur lui des images de cire qu'il faisait par- ris, du temps de saint Louis, un rabbin fa-
ler(i). meux, nommé Jéchiel, grand faiseur de pro-
LAICA. Nom de fées chez les Péruviens. diges, et si habile à fasciner les yeux par les
Les laicas étaient ordinairement bienfaisan- illusions de la magie ou de la physique, que
tes, au lieu que la plupart des autres magi- les Juifs le regardaient comme un de leurs
ciennes mettaient leur plaisir à faire du uial. saints, et les Parisiens comme un sorcier.
LAMIA, reine de Libye, qui fendait le ven- La nuit, quand tout le monde était couché,
tre des femmes grosses pour dévorer leurs il travaillait à la clarté d'une lampe mer-
fruits. Elle a donné son nom aux lamics. veilleuse, qui répandait dans sa chambre une
LAMIES, démons mauvais, qu'on trouve lumière aussi pure que celle du jour. Il n'y
dans les déserts sous des Ggures de femmes, mettait point d'huile; elle éclairait conti-
ayant des têtes de dragon au bout des pieds. nuellement, sans jamais s'éteindre, et sans
Elles hantent aussi les cimetières y déter- ,
avoir besoin d'aucun aliment.
rent les cadavres, les mangent, et ne laissent On disait que le diable entretenait cette
des morts que les ossements. lampe et venait passer la nuit avec Jéchiel.
A la suite d'une longue guerre, on aperçut Aussi tous les passants heurtaient à sa porte
dans la Syrie, pendant plusieurs nuits, des pour l'interrompre. Quand des seigneurs ou
troupes de lamies qui dévoraient les cada- d'honnêtes gens frappaient la lampe jetait ,

vres des soldats inhumes à fleur de terre. On une lueur éclatante, et le rabbin allait ou-
s'avisa de leur donner la chasse, et quelques vrir ; mais toutes les fois que des importuns
jeunes gens en tuèrent plusieurs à coups faisaient du bruit pour le troubler dans son
«l'arquebuse; il se trouva le lendemain que travail, la lampe pâlissait; le rabbin, averti,
ces lamies n'étaient plus que des loups et donnait un coup de marteau sur un grand
Ucs hyènes. clou flché au milieu de la chambre aussitôt ;

11 se rencontre des lamies, très-agiles à la la terre s'enlr'ouvrait et engloutissait les


course, dans l'ancienne Libye; leur voix est mauvais plaisants (o).
(1) M. Garinel, Hist. de la magie en France, p. 175. cli.ip. 8.
(2)Hi.sl. des 8i)eclres, ou Apparit. des esprils, liv. U\, (V) j: Wieri de Lamiis liber. In-4"; Baie, 1S77.
p. 199. (s) Sauvai, Aiitinuilés de Taris, etc.
(3)Naud£, Apol. pour les grands persoaaai^es, etc.,
,

929 LAN LAN 930


Les miracles de la lampe inextinguible un jour, comme roiClovis sommeillait, il
le
étoiinaienl tout Paris. Saint Louis, en ayant lui fut avis qu'il touchait doucement le cou
entendu parier, fit venir Jéchiel , afin de la à Lancinet et qu'au môme instant ledit Lan-
,

voir; il fut content, disent les Juifs, de la cinet se trouva guéri sans que même il parût
science étonnante de ce rabliin. aucune cicatrice.
LAMPES PEUPETUELLES. En ouvrant Le roi, s'étantlevé plus joyeux qu'à l'or-
quelques anciens tombeaux , tels que celui dinaire , lout aussitôt qu'il fit jour, manda
de la fille de Cicéron, on trouva des lampes Lancinet et essaya de le guérir en le tou-
qui répandirent un pou de lumière pendant chant , ce qui fut fait et toujours depuis
;

quelques moments et même pendant quel-


, celte vertu et faculté a été comme hérédi-
ques heures; d'où l'on a prétendu que ces taire aux rois de France , et s'est trausmiso
lampes avaient toujours brûlé dans les tom- à leur postérité (2).
beaux. Voilà, sans contredit, un prodige mais :

Mais comment le prouver? dit le père Le- on représentera que personne ne se nom-
brun ; on n'a vu paraître des lueurs qu'a- mait Lancinet du temps de Clovis ; que ni
près que les sépulcres ontété ouverts et qu'on Glovis, ni Glotaire, ni le roi Dagobert, ni au-
leur a donné de l'air. Or il n'est pas surpre- cun des Mérovingiens ne se vantèrent de
nant que dans les urnes qu'on a prises pour guérir les humeurs froides;que ce secret
des lampes il y eût une matière qui , étant fut également inconnu aux Garlovingiens ,
exposée à l'air, devînt lumineuse comme les et qu'il faut descendre aux Gapétiens pour
pliosphores. On sait qu'il s'excite quelque- on trouver l'origine (3).
fois des flammes dans les caves, dans les ci- LANDELA, magicienne. Voy. Harpe.
metières et dans tous les endroits ou il y a LANGEAG, ministre de France, qui em-
beaucoup de sel et de saipêlre. L'eau de la ployait beaucoup d'espions, et qui fut sou-
mer, l'urine et certains bois produisent de vent accusé de communiquer avec le dia-
la lumière et même des flammes , et l'on ne ble (4).
doute pas que cet efl'et ne vienne des sels LANGUE. On lit dans Diodore de Sicile
qui sont en abondance dans ces sortes de que anciens peuples de la Taprobanc
les
corps. avaient une langue double, fendue jusqu'à la
Mais d'ailleurs Ferrari a montré claire- racine, ce qui animait singulièrement leur
ment, dans une savante dissertation, que ce conversation et leur facilitait le plaisir
qu'on débitait sur ces lampes éternelles n'é- de parler à deux personnes en même
tait appuyé que sur des contes et des his- temps (5).
toires fabuleuses. Mahometvil dans son paradis des anges
LAMPON, devin d'Athènes. On apporta un bien plus merveilleux; car ils avaient cha-
jour à Périclès, de sa maison de campagne cun soixante-dix mille télés, à chaque télé
un bélier qui n'avait qu'une corne très-forte soixante-dix mille bouches, et dans chaque
au milieu du front ; sur quoi Lampon pro- bouche soixante-dix mille langues qui par-
nostiqua ( ce que tout le monde prévoyait ) laient chacune soixante-dix mille idiomes
que la puissance , jusqu'alors partagée en différents.
deux factions, celle de Thucydide et celle de LANGUE PRIMITIVE. On a cru autrefois
Périclès se réunirait dans la personne dj
, que on abandonnait les enfants à l'ins-
si
celui chez qui ce prodige était arrivé. truction de la nature ils apprendraient
LAMPROIES, poisson à qui on a donné d'eux-mêmes la langue primitive c'est-à- ,

neuf yeux ; mais on a reconnu que c'était dire celle que parlait Adam, que l'on croit
une erreur populaire, fondée sur ce que les être l'hébreu. Mais malheureusement l'expé-
lamproies ont sur le côté de la tête des cavi- rience a prouvé que cette assertion n'était
tés , qui n'ont aucune communication avec qu'une erreur populaire (6). Les enfants éle-
le cerveau (1). vés par des chèvres parlent l'idiome des boucs,
et il est impossible d'établir que le langage
LANCINET. Les rois de France ont de
n'a pas été révélé.
temps immémorial revendiqué l'honneur de
guérir les écrouelles. Le premier qui fut LANGUET, curé de Saint-Sulpice, qui avait
guéri fut un chevalier nommé Lancinet. un talent tout particulier pour l'expulsion de
Voici comment le fait est conté : certains esprits malins. Quand on lui ame-
Il était un chevalier nommé Lancinet, de nait une de ces prétendues possédées que les
l'avisduquel le roi Glovis se servait ordi- convulsionnaires ont produites, et qui ont
nairement lorsqu'il était question de faire la donné malière à tant de scandales, il accou-
guerre à ses ennemis. Etant affligé de cette rait avec un grand bénitier plein d'eau com-
maladie des écrouelles , et s'élant voulu ser- mune, qu'il lui versait sur la léle, en disant :

vir de la recette dont parle Cornélius Celsus, — Je t'adjure de te rendre tout à l'heure à
qui dit que
les écrouelles se guérissent si l'on la S;ilpètrièrc,sans quoi je t'y ferai conduire
mange un serpent, l'ayant essayée par deux à l'instant. —
La possédée ne reparaissait
fois, et ce remède ne lui ayant point réussi plus.

(l)Brown, Des Erreurs popul. , lom. I", liv. Ht, (i) Berlin, Curiosités de la littérature, 1. 1", p. St.
,iag. ôi9. (5) M. Salgues, Des Erreurs et des préjugés, tom. 111,

(2) Delaacre, Traité de ratloucheoient, p. lfJ9; Forca- p. 119.


lel, De Imper, et pliilosop. gall. (6) TliomasBrown, Essais sur les erreors, t. II, ch. 23,

(3) M. Salgues, Des Erreurs et des préjugés, etc., tom. p. 95'.


I", p. 273.
931 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 932

LANTHILA , nom que les habitants des pour faire perdre la vie ou la santé à leurs
Moluques donnent à un être supérieur qui ennemis.
commande à tous les Nclos ou génies malfai- Parmi ces peuples, certains magiciens ont
sants. une espèce de gibecière de cuir, dans laquelle
LAPALUD. Voy. Palud., ils tiennent des mouches magiques ou des
LAPONS. Les Lapons se distinguent un démons, qu'ils lâchent de temps en temps
peu des autres peuples la hauteur des plus
: contre leurs ennemis, ou contre le bétail, ou
grands n'excède pas un mètre et demi; ils simplement pour exciter des tempêtes et faire
ont la tête grosse, le visage plat, le nez écrasé, lever des vents orageux Enfln ils ont une
les yeux petits, la bouche large, une barbe sorte de dard qu'ils jettent en l'air, et qui,
épaisse qui leur pend sur l'eslomac. Leur dans leur opinion, cause la mort à tout ce
habit d'hiver est une peau de renne, taillée qu'il rencontre. Ils se servent encore, pour
comme un sac, descendant sur les genoux, ce même effet, d'une pelote nommée tyre,
et rehaussée sur les hanches avec une cein- de grosseur d'une noix, fort légère, pres-
la
ture ornéede plaques d'argent; cequi adonné que ronde, qu'ils envoient contre leurs en-
lieuà plusieurs histori^i^dcdire qu'il y avait nemis pour les faire périr; si par malheur
des hommes vers le Nwfl velus comme des cette pelote rencontre en chemin quelque
bêles, et qui ne se servaient point d'autres autre personne ou quelque animal , elle ne
habits que ceux que la nature leur avait manque pas de leur causer la mort (1). Voy.
donnés. FlNNES.
On dit qu'il y a chez eux une école de ma- LARES. Les lares étaient, chez les anciens,
gie où lés pères envoient leurs enfants, per- des démons ou des génies gardiens du foyer.
suadés que la magie leur est nécessaire pour Cicéron, traduisant le Timée de Platon, ap-
éviter les embûches de leurs ennemis, qui pelle lares ce que Platon nomme démons.
sont eux-mêmes grands magiciens. Ils Festus les appelle dieux ou démons infé-
font passer les démons familiers dont ils rieurs, gardiens des toits et des maisons.
se servent en héritage à leurs enfants, afin Apulée dit que les lares n'étaient autre chose
qu'ils les emploient a surmonter les démons que les âmes de ceux qui avaient bien vécu
des autres familles qui leur sont contraires. et bien rempli leur carrière. Au contraire
Ils se servent souvent du tambour pour les ceux qui avaient mal vécu erraient vaga-
opérations de leur magie. Quand ils ont en- bonds' et épouvantaient les hommes.
vie d'apprendre cequi sepasseenpays étran- Selon Servius le culte des dieux lares est
,

ger, un d'entre eux bat ce tambour, meKant venu de ce qu'on avait coutume autrefois
dessus, à l'endroit où l'image du soleil est d'enterrer les corps dans les maisons, ce qui
dessinée, des anneaux de laiton attachés en- donna occasion au peuple créJule de s'ima-
semble par une chaîne de même métal. Il giner que leurs âmes y demeuraient aussi,
frappe sur ce tambour avec un marteau four- comme des génies secourables et propices,
chu, fait d'un os, de telle sorte, que ces an- et de les honorer en cette qualité.
ueaux se remuent. Le curieux chante en On peut ajouter que la coutume s'étant in-
même temps d'une voix distincte une chan- troduite plus tard d'inhumer les morts sur
son que les Lapons nomment jonk;tous ceux les grands chemins, ce pouvait bien être de
qui sont présents, hommes et femmes, y ajou- là qu'on prit occasion de les regarder comme
tent chacun son couplet, exprimant de temps les dieux des chemins. C'était le sentimenl
en temps le nom du lieu dont ils désirent sa- des platoniciens, qui des âmes des bons fai-
voir quelque chose. Le Lapon qui frappe le saient les lares, et des lémures des âmes des
tambour le met ensuite sur sa tête d'une méchants. On plaçait leurs statues dans un
certaine façon, et tombe aussitôt par terre, oratoire que l'on avait soin de tenir propre-
immobile, sans donner aucune marque de ment. Cependant quelquefois on perdait le
vie ; les assistants continuent de chanter respect à leur égard, comme à la mort de
jusqu'à ce qu'il soit revenu à lui, car si quelques personnes chères; on les accusait
on cesse de chanter, l'homme meurt, disent- do n'avoir pas bien veillé à leur conserva-
ils, ce qui lui arrive également si quelqu'un tion, et de s'être laissé surprendre par les
essaye de l'éveiller en le touchant de la main esprits malfaisants. Caligula fit jeter les siens
ou du pied. On éloigne même de lui les mou- par la fenêtre, parce que , disait-il, il était
ches et les autres animaux qui pourraient le mécontent de leurs services.
faire revenir. Quand les jeunes garçons étaient devenus
Quand il reprend ses sens de lui-même, il assez grands pour quitter les bulles qu'on
répond aux questions qu'on lui fait sur le ne portait que dans la première jeu-
lieu où il a été envoyé. Quelquefois il ne se nesse, ils les pendaient au cou des dieux
réveille qu'au bout de vingt-quatre heures, lares. Les esclaves y pendaient aussi leurs
selon que le chemin qu'il lui a fallu parcou- chaînes, lorsqu'ils recevaient la liberté. Voy.
rira élélongoucourt;el, pour ne laisser au- Larves
cun doute sur la vérité de ce qu'il raconte, LAIIMES. Les femmes accusées de sorcel-
il se vante d'avoir rapporté du pays où il lerie étaient regardéescomme véritablement
a
été la marque qu'on lui a demandée, comme sorcières voulaient pleurer et
lorqu'elies
un couteau, un anneau, un soulier ou quel- qu'elles ne le pouvaient. Une sorcière dont
que autre chose. parle Boguet dans son premier avis ne put
Les Lapons se servent aussi du même tam- jeter aucune larme, bien qu'elle se fût plu-
bour pour savoir la cause d'une maladie, ou (IJ Dom Calmet, Sur les Yaoïpires
9K3 LAV LAZ OZi
sieurs fois efforcée devant son juge : « Car il Il alors qu'il était sur le bord d'ua
vit
a clé reconnu par expérience que les sor- gouffre où l'eau se jetait en tournoyant.
ciers ne jellenl point de larmes : ce qui a Epouvanté du danger que ce gouffre lui pré-
donné occasion à Sprangeri Grillandel Bodin sentait, il s'écrie encore une fois : Faut-il —
de dire que l'une des plus fortes présomp- que je passe ici ?
tions que l'on puisse élever contre le sorcier La voix lui répondit : — Passe ici.
est qu'il ne larmoie point (1). » II n'osa s'y hasarder, et, prenant l'écho
LARIUVEY (Pieure), ancien poëte drama- pour le diable , il crut qu'il voulait le faire
tique du seizième siècle, né à Troyes en 1590. périr et retourna sur ses pas '.3).
Il s'est fait connaître par un Almanach avec LAZARE, —
tzar des Serviens dans leurs
grandes prédictions, le tout diligemment cal- temps héroïques. On lit sur ce prince, dans
culé, qu'il publia de 1618 à 1647. Il précéda les chants populaires des Serviens ces bar- (

ainsi Ma thieuLaensbcrgh.il ne mangeait point bares qui seront opprimés tant qu'ils outra-
de poisson, parce que, selon son horoscope, geront les femmes, tant qu'ils diront grossiè-
il devait mourir étranglé par une arête, pré- rement qu'elles ont les cheveux longs et le
diction qui ne fut pas accomplie. jugement court, tant qu'ils les écarteront de
Lesalmanachs qui continuent de porter leurs conseils el les traiteront en esclaves,) on
son nom sont encore très-estimés dans le lit sur lui de singulières légendes.

midi de la France, comme ceux de Mathieu Leur grand cycle poétique, c'est l'ère fa-
Laensbergh dans le nord. tale de la de Kos-
conquête, c'est la bataille
LARVES , âmes des méchants que l'on sowo . où
Lazare , trahi par son
périt le roi
dit errer çà et là pour épouvanter les vi- gendre Wuk et par ses douze mille guerriers.
vants on les confond souvent avec les lému-
; A celte bataille, le poêle, c'est-à-dire, le peu-
res, mais les larves ont quelque chose de plus ple ( car le poêle qui l'a chantée ne fait que
effrayant. poser une tradition) le peuple fait assister
Lorsque Caligula fut assassiné, on dit que et mourir, par un touchant anachronisme,
son palais devint inhabitable, à cause des les héros serviens qui naiiuirent plus tard,
larves qui l'occupaient, jusqu'à ce qu'on lui comme s'il manquait à leur gloire d'avoir
eût décerné une pompe funèbre. Voy. Fan- sanctifié de leur présence et de leur mort cette
tomes, Spectres, etc. mémorable défaite des Serviens que n'eût pu
LAUNOY (Jean), célèbre docteur de Sor- détourner tout le courage des temps passés,
bonne, né le 21 décembre 1603 à Valdéric, rassemblé dans ce moment triste et solennel
diocèse de Coutances.il a laissé une disserta- de leur histoire. Dans un premier récit du
tion pédantesque sur la vision de saint Simon poëte intitulé les Apprêts religieux , le saint
Stock, qu'il n'a pas su comprendre, étant un prophète Elic vient annoncer au tzar la vo-
peu janséniste un vol. in-S"; Paris 1653
; , lonté de Dieu , et l'avertir qu'il est temps de
et 1663. choisir entre le royaume du ciel et celui de la
LAURIER, arbre qu'Apulée met au rang terre.
des plantes qui préservent les hommes des « Lazare mande le patriarche de Servie et
esprits malins. On croyait aussi chez les an- les douze grands archevêques, pour qu'ils
ciens qu'il garantissait de la foudre. donnentia sainte communion à ses braves, et
LAUTHU, magicien tunquinois qui pré- , que purifiés ils se préparent à la mort »
tendait avoir été porté soixanle-dix ans dans « Comme il mène la bataille, le vaillant
le sein de sa mère. Ses disciples le regardaient Lazare avec lui périt l'armée entière des
I et
comme le créateur de toutes choses. Sa mo- Serviens ; soixante dix-sept mille vaillants
rale est très-relâchée; c'est celle que suit le guerriers maintenant tous pleins d'honneur
I

peuple, tandis que la cour suit celle de Cou- et de sainteté, ils sont admis auprès du Tout-
fucius. Puissant » 1

LAVATER (Louis), théologien protestant, Voilà le christianisme dans sa mâle austé-


né à Kibourg en 1527, auteur d'un traité sur rité et le paradis chrétien dans son plus
,

les spectres, les lémures(2), (ilc.yZurich, 1370, beau contraste avec les joies sauvages du ,

in-12, plusieurs fois réimprimé. Walhalla et le paradis de Mahomet.


LAVATER (Jean-Gaspard) , né à Zurich Dans un second récit au moment où les ,

en 1741, mort en 1801, auteur célèbre de l'Art troupes défilent en bon ordre pour aller
de juger les hommes par la physionomie. mourir aux champs de Kossowo la tzarine ,

Voy. Physiognomonie. Mililza demande à son noble époux qu'au


LAVISARI. Cardan écrit qu'un Italien moins un de ses frères, un des neuf lugowilz,
nommé Lavisari, conseiller et secrétaired'un reste avec elle dans la forteresse de Krusch-
prince, se trouvant une nuit seul dans un watz. C'est bien le moment de tenircompagnio
sentier, le long d'une rivière, et ne sachant aux femmes Ils refusent tous de se désho-
I

où était le gué pourla passer, poussa un cri, norer. Golabun , le serviteur, reçoit l'ordre
dans l'espoir d'être entendu des environs. do rester près de Mililza, et des larmes ruis-
Son cri ayant été répété parune voix de l'au- sellent sur ses joues. Dès que l'aube du ma-
tre côté de l'eau, il se persuada que quelqu'un deux corbeaux messagers, comme
lin parait,
lui répondait, et demanda :
— Dois-je passer dans les chants populaires de la Grèce mo-
ici f derne arrivent auprès de la tzarine qui se
— Ici.
,

La vois lui répondit:


fragoribus el prsesagilionibus qiiae obituni lioiiiinum cl»-

( i i Boguet, Premier avis, n° GO, p. 26. des, miitaiionesiiue iuiperipruiu praecfduiit. elc.
(2j De speclris lemuribus el magnis alque
,
insoliiis (S) Lenglel-Dutresnoy, Disseri-, 1. 1, p. ICU,
«55 DICT10N.NA.lHli: DES SCIENCES OCCULTES. 9^,6

trouble puis le guerrier Milulinc, couvert parlaient en hérétiques ; qu'elles n'aimaient


de dix-sept blessures et portant sa main pas le son des cloches ; qu'elles aboyaient
gauche dans sa droite , vient conter à Mi- comme des chiennes ; que l'aboiement de
lilza comment l'illustre tzar, son époux, est l'une d'elles ressemblait à celui d'un dogue;
tombé, comment est tombé le vieux lug, son que leur servante Anne Néel, quoique forte-
père comment sont tombés les neuf lugo-
,
ment liée, s'était dégagée pour se jeter dans
witz (1) et comment est tombé Milosch le
, le puits ce qu'elle ne put exécuter, parce
:

Wiiiwode. qu'une personne la suivait ; mais que, pour


« Que Dieu bénisse Milosch et tous les échapper à cette poursuite, elle s'élança con-
siens Son nom vivra dans les cœurs ser-
1 tre une porte fermée et p.issa au travers, etc.
viens , dans les chants des femmes, dans les — Le bruit s'étant répandu que les demoi-
récits des vieillards. » selles de Lcauparlie étaient possédées, un
Et comme le refrain lugubre de la chanson, curé nommé Heurtin, faible ou intrigant,
la malédiction tombe, avec le son monotone s'empara de l'affaire, causa du scandale, fit
de la gusla (2), sur l'infâme Wuk. Dans le des extravagances. Mais M. de Luynes, évé-
troisième récit, une jeune fille d'Amsel, le di- que de Bayeux, le fit renfermer dans un sé-
manche au matin, pnrcourt à pas lents le minaire et les demoiselles , ayant été pla-
;

champ de carnage, le Waterloo de la Servie, cées dans des communautés religieuses , so


lave avec de l'eau fraîche le visage des bles- trouvèrent immédiatement paisibles.
sés et leur verse dans la bouche quelques
,
LEBUUN (Charles), célèbre peintre, né
gouttes de vin. Sous cette main charitable, à Paris en 1619 , mort en 1690. On lui doit
Paul Orlowilz , le jeune porte-étendard des un Traité sur la physionomie humaine compa-
princes de Servie, reprend assez de force pour rée avec celle des animaux, 1 vol. in-folio.
dire à la jeune fille d'Amsel où est tombé son LEBRUN (Piekre), oratorien né à Bri- ,

fiancé , entre le waiwode Milosch et le kos- gnolles en 1661 , mort en 1729. On a de lui :
santschilz Iwan :
1* Lettres qui découvrent l'illusion des philo-

« Chère sœur, jeune vierge d'Amsel, vois-îu sophes sur la baguette, et qui détruisent leurs
là-bas cet amas de lances de bataille ? Là où systèmes, 1693, in-12 ; 2° Histoire critique des
elles sont plus hautes et plus pressées , là •pratiques superstitieuses qui ont séduit les
ruisselait a grands flots le sang des héros. peuples et embarrassé les savants, 1702, 3
Les coursiers en avaient jusqu'aux étriers vol. in-12, avec un supplément, 1737, in-12.
et aux sangles. Mais les héros en avaient Nous avons occasion de le citer souvent.
jusqu'à la ceinture ; c'est là que tous trois LÉCANOMANCIE. divination par le moyen
sont tombés , les braves l Pour toi, retourne de l'eau. On écrivait des paroles magiques
à ta blanche demeure, et ne souille pas ta robe sur des lames de cuivre, qu'on mettait dans
dans le sang. » un vase plein d'eau, et une vierge qui regar-
On n'avait pu retrouver sur la sanglante dait dans celte eau y voyait ce qu'on voulait
plaine la lête de Lazare. Un jeune Turc, savoir, ou ce qu'elle voulait y voir.
né d'une Servienne, l'avait jetée dans une Ou bien on remplissait d'eau un vase d'ar-
source d'eau vivej elle y resta quarante ans, gent pendant un beau clair de lune ; en-
et elle brillait comme la lune sur l'eau. Ti- suite on réfléchissait la lumière d'une chan-
rée de là enfin et jetée sur le gazon, elle va delle dans le vase avec la lame d'un couteau,
rejoindre son corps qui fut déposé par les
, et l'on y voyait ce qu'on cherchait à connaî-
douze grands archevêques dans le beau mo- tre.
nastère do llawanitza en Macédoine, « fondé lécanomancieque chez
C'est encore par la
par Lazare de son propre argent, sans qu'il lesanciens on mettait dans un bassin plein
en coûtât un para ou une larme à son pau- d'eau des pierres précieuses et des lames d'or
vre peuple (3). » gravées de certains caractères,
et d'argent
LAZARK (Denys), prince de Servie, qui vi- ,

dont on faisait offrande aux démons. Après


vait eu l'année de l'hégire 788. 11 est auteur
les avoir conjurés par certaines paroles, on
«l'un ouvrage intitulé les Songes , publié en
leur proposait la question à laquelle on dési-
1686, 1 vol. in-8°. 11 prétend avoir eu des vi- rait une réponse. Alors il sortait du fond de
fiions nocturnes dans les royaumes de Sté-
l'eau une voix basse , semblable à un siffle-
phan, de Mélisch et de Prague. ment de serpent, qui donnait la solution dé-
LEAUPARTIE , seigneur normand d'un sirée. Glycas rapporte que Nectanébus, roi
esprit épais, qui fit paraître en 1735 un mé- d'Egypte, connut par ce moyen qu'il serait dé-
moire pour établir la possession et l'obses- trôné ; et Delrio ajoute que de son temps
sion de ses enfants et de quelques autres
cette divination était encore en vogue partui
filles qui avaient copié les exlravagances de
les Turcs.
ces jeunes demoiselles. —
11 envoya à la Sor-
Elle éiait anciennement familière aux
bonnc et à la faculté de médecine de Paris des
observations pour savoir si l'état des possé- Cbaldéens, aux Assyriens et aux Egyptiens.
V'igenère dit qu'on jetait aussi du plomb
dées pouvait s'expliquer naturellement. Il
exposa que les possédées entendaient le la- fondu tout bouillant dans un bassin plein
d'eau ; et par les figures qui s'en formaient
Un ; qu'elles étaient malicieuses ; qu'elles
on avait la réponse à ce qu'on deman-
de lug.
(1) lugowilz, enfants dait (4).
Guilare i une seule corde.
(2)
(3) Exlraiis des comptes fendus pw la presse périodique (i) Delancre , Incrédulité cl mécréance du soriilÈge
«ur les léiieudes de la Servie. p'.eiuemoDt convaincues, p. 3GS.
957 LEG LEG 03S

LKCHIES , démons des bois, espèces de de Devon, dont il mesura le lonbeau, faisait
ratyreschez les Russes, qui leur donnent un des enjambées de cinq aunes. Lecat décou-
corps humain, depuis la partie supérieure vrit en 1754, dans un cimetière de Bordeaux,
jusqu'à la ceinture, avec des cornes, des dos os de géants qui avaient plus de neuf
oreilles, une barbe de chèvre; et, d(^ la cein- pieds; et il est constant qu'on a trouvé en
ture en bas, des formes de bouc. Quand ils Si( ile des squelettes d'hommes qui ont eu
marchent dans les champs, ils se rapetis- douze coudées c'est la mesure que donnent
;

sent au niveau des herbages; mais lorsqu'ils au géant Ferragus les chroniques de Char-
courent dans les forêts, ils égalent en hau- lernagne.
teur les arbres les plus élevés. Leurs cris Nous ne prétendons pas croire qu'il y ait
sont effroyables. Ils errent sans cesse autour eu, depuis le déluge, des géants beaucoup
des promeneurs, empruntent une voix qui plus hauts que ceux-là. Nous ne pensons pas
leur est connue, et les égarent vers leurs ca- avec les musulmans que notre premier perç-
vernes, où ils prennent plaisir à les chatouil- ait porté une lieue de hauteur; nous serions
ler jusqu'à la mort. trop dégénérés. Nous trouvons de l'exagéra-
LECOQ, sorcier qui fut exécuté à 8au- tion dans le peuple de Douai qui donne à
mur, au xvi' siècle, pour avoir composé des Gayanl, l'un de ses aïeux, un (aille de vingt
vénéGces et poisons exécrables contre les en- mètres; mais nous admettons les géants; et
fants. Le bruit courait dans ce temps-là que, nos pères étaient plus grands que nous.
lui et d'autres sorciers ayant jeté leurs sorts Dans les cavalcades de fêtes que les pro-
diaboliques sur les lits de plume il devait s'y , vinces du Nord ont toujours aimées, on voit
engendrer certains serpents qui piqueraient partout des géants. A Douai, c'est donc lo
<'l tueraient les bonnes gens endormis; si brave Gayant, avec sa famille colossale; à
bien qu'on n'osait plus se coucher. On at- Lille, c'était Lyderick et sa femme, fonda-
trapa Lecoq, et on le brûla, après quoi on teurs de celte ville, hauts de soixante pieds.
alla dormir (1) ce que vous pouvez faire
:
A Bruges, à Anvers, à Liège, à .Matines , à
aussi. Mons, à Bruxelles, on promène aussi des
LEDOUX ( Mademoiselle ) , tireuse de géants populaires. Charles-Quint trouvait du
cartes, dont on fit le proies à Paris le juil- H grandiose dans ces usages qu'il favorisait;
let 1818. Elle fut condamnée à deux ans d'em- comme lui, la plupart des souverains les
prisonnement et à douze francs d'amende, encouragèrent.
pour avoir prescrit à une jeune demoiselle Mais abordons notre chronique, qui s'ap-
d'aller la nuit en pèlerinage au Calvaire du puie sur un géant, et qui nous reporte à des
Alont-\ alérien , près Paris , et d'y porter jours un peu éloignés.
quatre queues de morue enveloppées dans Il y avait, en 860, auprès de Bruxelles,
quatre moiceaux d'un drap coupé en quatre, une sorte de petit château bâti en bois , si-
ciliu de détacher, par ce moyen cabalistique, tué à l'endroit même que l'on gravit encore
le cœur d'un jeune homme riche, de neuf par les ruelles escarpées, qui se nomment
veuves et demoiselles qui le poursuivaient toujours la Montagne-du-GéanI ; il occu-
en mariage (2J. pait les lieux où le dernier siècle a encore
LÉGENLES. Nous avons rapporté plu- vu la Steenpoort, et s'étendait de la rue des
sieurs légendes qui tiennent aux sciences Alexiens à l'allée des Ïrois-Perdrix, tout en
occultes et aux croyances merveilleuses. haut de la voie rapide dite rue de l'Escalier.
Nous pourrions ici en réunir un grand nom- Ce petit château était occupé par un géant
bre qui sont sur plusieurs points à la fois de dont le vrai nom n'a pas été conservé, mais
tes croyances. Nous nous contenterons de que l'on appelait l'Omméganck, d'un mol du
celles qui suivent. pays qui voulait dire alors prolecteur des
chemins, et qui signifie aujourd'hui quelque
La Monlatjne-du-Géant. chose comme procession par les rues. Les
Si c'est possible, c'est fait; >i c'est impossible ce! j se fera.
langues ont aussi leurs changements. Il n'a-
Le duc de OccKiaGHiM. vait que neuf pieds de haut.
11 est fâcheux que les hommes ne sachent Son manoir, bâti sur une colline plus éle-
garder aucune mesure dans leurs opinions vée de quatre-vingts pieds que le sol envi-
et leurs croyances. Autrefois on croyait tout; ronnant, était alors inabordable; la monta-
maintenant on ne croit plus rien. Personne gne était de tous côtés abrupte, taillée à pic;
chez nos pères ne doutait des géants, que le géant n'y remontait qu'à l'aide d'un rude
vous regardez à tort aujourd'hui comme une escalier tourné vers la rue à laquelle il a
chimère. 11 y a eu des géants, et même de donné son nom. Il s'y plaisait néanmoins. 11
Irès-grands géants. y élait respecté. On
conte qu'il était bizarre,
Madeleine de Niquezza, pauvre Espagnole sauvage, ne parlant point, brusque en ses
de Carlhagène, prise par les Chiquitos, tomba manières, mais ne faisant mal à personne,
successivement des mains de divers peupla- comme c'est l'ordinaire des gens forts et bra-
des sauvages dans une tribu de géants qui ves. Il n'employait sa puissance et sa bonne
avaient neuf pieds de haut. Le doute s'est armure qu'à redresser les torts dans le pays,
emparé de cette aventure; cependant l'em- pourchassant les voleurs, détendant les mar-
pereur Maximiii avait huit pieds. Guillaume chands et purgeant la contrée des briganiis
ïloMalmesbury dilqu'Odorwpa, fils du comte vagabonds qui infestaient les routes.
(1) Njnaiild, Discours de la Lycaulhrople, p. b. (2) M. J. Gariiiet, Hist. Je la Magie en France, p. 2&t.

UuiTi.MSiiRE DES SCIENCES OCCULIES. L 30


539 DICTlONNAïaE DES SCIENCES OCCULTES. 040

Or, en géant n'avait plus de femme mais ,


re un chemin qui de Bruxelles dont la li-
, ,

il avait une fille qui lui ressemblait peu, mite était alors vers la Grande-Place , con-
car elle était petite, gracieuse, ravissante. duisit à la montagne du géant. Les maîtres
Il la tenait enfermée pendant toutes ses ex- mineurs lui répondirent qu'il fallait plus d'u-
cursions, et jamais elle n'était descendue ne année pour de si vastes travaux.
dans la vallée de Rollcbcck (aujourd'hui Hans n'ajouta rien , et se mit à soupirer.
comblée). Comme il errait, pensif et désolé, dans les
Un vaillant chevalier, qui s'était couvert sombres galeries il vit un petit homme à
,

de gloire en repoussant les Normands, était cheveux blancs, haut de quatre pieds, qui le
revenu depuis peu dans le pays. Il avait regardait d'un œil fixe et ardent :

trente ans. Il suctédait à son père qui avait — Vous dans la douleur dit-il ; si
éles ,

occupé de nombreux ouvriers dans ses mines vous le voulez, je vous tirerai de peine.
de cuivre de la forêt de Soigne. On le nom- —
Oh je ferai tout au monde dit le che-
! ,

mait Hans de Huysleen. valier. Mais qui étes-vous ?


Un jour que le géant, sorti pour ses cour- —Vos gens, dit le petit homme, m'appel-
5>s, avait laissé seule au manoir sa (ille lent le lutin Mais moi et les miens , quels
.

Hélène, la jeune beauté mit la tête à une que nous soyons, nous habitons ces demeu-
petite fenêtre qui donnait sur Bruxelles alors res souterraines que vos fouilles viennent
naissante. Le chevalier de Huysteen passait troubler. Si vous me jurez de fermer cette
en ce moment au pied de la montagne; il mine et de nous y laisser, sire de Huysleen,
aperçut la charmante fille un éclair n'est
; nous ferons celte nuit le chemin ; nous bâti-
pas plus rapide que le trait violent qui se rons la porte de pierre et demain au point ; ,

jeta dans son cœur. Hors d'état de l'arracher, du jour, vous serez l'époux d'Hélène.
il monta l'escalier du géant; mais au mo- Pour ne pas nuire à votre fortune pour- ,

ment où il entrait dans le château, lOinmé- suivit le nain, je vous indiquerai ailleurs une
ganck parut. Sa fille courut au-devant de autre mine plus abondante et je vous don- ,

lui, le front beau de rougeur; après quoi nerai le secret d'étamer le cuivre.
elle salua l'étranger. Le géant fronça le Le chevalier promit tout, bondissant d'al-
sourcil : légresse.
— Qui rendu assez téméraire pour
l'a Pendant ce temps-là, le géant, voyant venir
mettre les pieds dans ce manoir? dit-il. . la nuit, s'entretenait avec sa fille. Il riait do
— Seigneur, répondit Huysleen, escusez- toutes ses forces , aux dépens du sire de
moi. J'ai vu votre fille , et l'admiration m'a- Huysteen. Mais Hélène soupirait.
menait à ses genoux. Vers minuit , il se fit une grande tempête.
Hélène tremblait. Les vents ébranlaient le manoir; les arbres

Qui es-tu ? dit le géant. voisins se rompaient en criant; des tonner-
Son ton brusque et mécontent fit frémir res lointains faisaient entendre sans relâche
la demoiselle. leurgrondement formidable. Hélène eutpeur;
— Je suis Hans de Huysteen, répondit le le géant ouvrit la fenêtre :

jeune homme. Lolhaire m'a fait chevalier. — C'est sans doute le démon de la
, dit-il ,

— Tu n'es pas indigne de nous, reprit le chasse qui sort de la forêt.


géant, avec un sourire qui annonçait quel- Mais la nuit était si noire qu'il ne vil rien ;
que chose de bizarre. Mais j'ai fait un vœu : seulement il entendait le bruit des marteaux,
lu ne seras l'époux de ma fille, que si tu le cliquetis des pioches , le roulement des
peux, demain, à la première heure du jour, brouettes et les voix confuses des travail-
venir ici la chercher à cheval, à travers un leurs. C'était un vacarme sourd et un im-
portique de pierres pour la conduire à
, mense bourdonnement, comme si cent mille
l'église de Saint-Géry. hommes actifs, pressés, haletants, eussent
Là-dessus le géant rentra, ferma sa porte, été rassemblés là.
et laissa le paurre jeune homme sur le pla- Il poussa un nouvel éclat de rire: Huys- —
teau de la petite montagne. Un regard teen est fou , s'écria-t-il ; il a entrepris le
()u'Hélène ne lui avait pu refuser en s'é- chemin.
loignant lui mettait au cœur un bon cou- H referma la fenêtre , car le vent venait
rage. Mais lorsqu'ens'approchantde l'escalier d'éteindre la lampe. Hélène ne put prendre
il vit ce qu'on lui avait prescrit, quand il aucun repos. Aux premiers rayons de l'au-
y songea ,
quand
il réfléchit qu'on lui don- rore, elle courut à la verrière. Quelle fut sa
nait la nuitseulement pour une entreprise surprise et sa joie, en voyant devant le ma-
immense; quand il eut mesuré les quatre- noir une magnifique porte de pierres [Sleen-
vingts pieds d'escarpement sur lesquels il jK)orl]\ elle poussa un cri si retentissant que
fallait faire une route, et l'impossibilité de le géant accourut.
monter des pierres pour bâlir là un portique, moment, le chevalier Hans de Huys-
lin ce
il vit bien que le géant l'avait raillé. £t tout leen parut à cheval sous le portique , con-
le monde savait qu'il ne revenait j.imais sur duisant à la main un élégant palefroi pour
une parole dite. Hélène. Tout ce que le géant avait demandé
Cependant le cœur touché voit rarement était fait.
un obstacle insurmontable. Hans courut à Il embrassa le chevalier qui , ce jour là
ses mines où travaillaient six cents ou-
, même, heureux époux d'Hélénc, tint fidèle-
vriers, il appela leurs chefs et leur demanda ment parole au petit homme à cheveux
a'ils ne pourraient pas en une nuit construi- blancs. 11 devint puissamment riche. Cent ans
.

ÎMl LEG LEG 942


plus tard, un de sps di'scondjinls. sire Ro- — C'est impossible; s'il dort, mille bras ne
(luiplie de Huystcen qui fui chef des deux
, peuvent le tirer de sa place.
grandes t'amillcs palriciennos deHuysleen et — Fuyez avec moi 1

(le Siecnhuys, él<iblilpuur la première fois, en — Ne voyez-vous pas que je suis enchaî-
l'honneur du commerce, la procession de née (son pied était attaché aux parois de la
rOmméganck, que Jean I , duc de Brabant, roche)? Chaque fois qu'il va dormir, il me
remit en vogue au Ireiz ème siècle. relient ainsi sous son odieux joug.
Les légendes, dans le Nord et dans le Midi, — Je vous délivrerai, belle inconnue, dûl-
il m'en coûter la vie.
à l'Est et à l'Ouest, conlii nnent tant de tradi-
tions piquantes, que l'on pourrait en ciler Un regard de reconnaissance exprime les
ici un grand nombre. Nous donnerons d'abord senlimenls de Beriha. —
Si vous y êtes dé-
quelques-unes de celles que Schreiber et ses terminé, dil-elle, allez au burg de mon père.
amis ont publiées à Heidelberg, il y a une Le châtelain vous donnera lelikten maillés
trentaine d'années. On a publié celles de de fer que mon père a rapporté en trophée
Grinini et de Musœus, qu'il faudrait toutes de la Palestine. Il est tissu d'un art merveil-
reproduire, mais souvent elles sont trop leux; nous y prendrons le monstre qui me
longues. persécute.
f.e burg d'Eppstein Us convinrent encore d'autres mesures.
Eppo courut au burg de Bremlhiil, et en rap-
On trouve dans les montagnes du Taunus porta lendemain, au lieu du ren-
le filet le
quatre charmants vallons que le printemps dez-vous indique par Beriha. Il n'avait pas
orne annuellement de ses plus belles fleurs, attendu l'espace d'une heure dans le bosquet
de ses plantes les plus salutaires ; sur ces que Beriha lui cria de l'entrée de la caverne:
vallons domine tristement une roche escarpée — Dieu nous envoie le moment favorable, le
où fut leburg (forteresse) solitaire A'Epps- voilà vers la montagne qui se fait un chalu-
lein. Eppo l'a bâti dans un temps dont il ne meau; vile le filet, et ne bougez que je ne
reste plus de traces. Un jour il s'y était égaré vous appelle.
à la chasse; car alors toute la contrée était Le chevalier passe à travers la grille qui
sauvage et n'inspirait que de l'horreur. Eppo enfermait Beriha le filet souple; il se prête
fatigué se couche négligemment au pied du à toutes sortes de formes. Beriha grimpe
rocher sur un lapis de verdure arrosé d'une promptemenlsur la haute roche, etrélendsur
source qui sort de la fente de cette masse la place où le monstre a coutume de prendre
informe. II s'endorl, se réveille, et reposé il son repos. Elle a soin de le couvrir de mousse,
se relève pour chercher son chemin, lorsqu'il elle le jonche encore des fleurs champêtres
entend la voix mélodieuse d'une femme; l'air qui y croissent abondamment.
elles paroles étaient mélancoliques et parais- Midi approche; le géant à demi endormi
saient sortir du sein des rochers. Le cheva- s'avance vers le lit parfume et croit voir là
lier se met en marche à travers les ronces les douces attentions de sa captive. La joie
et les buissons, et se fraye un sentier vers qu'il en a lui fait oublier de l'attacher comme
le lieu d'où part la voix qui l'a charmé. Il se d'ordinaire; il chancelle et tombe endormi
trouve enfin à l'entrée d'une grotte où est sur la couche traîtreusement apprêtée.
assise une demoiselle d'une éblouissante A peine est-il endormi, que Beriha accourt
beauté. La roinanct' plaintive était achevée; replier sur lui tous les pans du filet; elle ap-
des larmes anières inondaient son visagi- pelle Eppo, qui n'arrive qu'après beaucoup
qu'elle essuyait avec les boucles des longs de fatigues, car le vrai chemin passait par
cheveux châtains qui flottaient sur son cou. la grotte fermée; il lui faut se faire voie à
Elle voit le chevalier, et implore son secours travers les ronces et les épines; enfin il ar-
d'une voix faible cl tremblante. rive.
Eppo lui liemande qui elle est et ce qui l'a Beriha le prie de la ramener au burg de
conduite dans ce désert. son père dans le Bremlhal.
Je ne puis vous en dire qu'un mol, dil-elle, Volontiers, dit Eppo, mais vous n'y seriez
car bienlôl l'heure qui retient mon lyran pas en sûreté contre le monstre, qui enfin
lians un sommeil léthargique est écoulée. Je parviendra à briser son filet. Qui pourrait
suis Beriha, née au Uremihal, burg qui est lui résister ? Qu'il meure Beriha craint
1

là-bas. Le gémi qui domine dans ces con- tout. Mais Eppo la conduit au pied de la
trées, a tué mon père et mes frères et me re- montagne, la prie de l'attendre, sans se li-
tient prisonnière dans ces lieux où il me vrer aux inquiétudes, remonte et s'efforce en
veut contraindre à l'épouser. Heureusement vain de précipiter le monstre dans l'ablmc,
dès que je me mels à pritn- à haute voix, il sur le penchant duquel il était couché. Ses
perd ses forces et il est hors d'état de me efforts étaient sans succès. L'affreux co-
liire aucun mal. Tous les jours à midi il esl losse immobile ouvre les yeux et se voyant
,

surpris d'un sommeil dont aucune jiuissance dans les lacets, hurle des cris effroyables
humaine ne peut le tirer. C'est à ce moment dont tous les vallons relenlissenl. Comme il
<iu'il repose sur celle pointe de roi:her. fait un mouvement pour tâcher de rompre
Eppo tire son sabre; —
Je vais, dil-il, en- les mailles, Eppo en profile, et le lance
voyer ce monstre dans les abîmes infernaux. avec tant de vigueur vers les bords du ro-
— Ahl reprit Bertlia, nul fer n'a de |)0U- cher, que le poids du monstre l'entraîne en
vuir sur lui. roulant jusqu'au fond du vallon. Tous ses
—ie vais le précipiter du rocher. membres sont brisés et suspendus aux poin-
,
,

045 DTICIONNAIUE DLS SCIE^CF.S OCCL'LTEg. 9i4

les des rochers; longtemps il lullc contre la lait de sa mère qu'ils avaient perdue, et
morl, qui enfin délivre la terre de son pou- dont le souvenir était toujours si cher au
voir lyrannique. Les oiseaux de proie se chevalier. M.iis ni larmes ni paroles n.3
précipitent en foule sur ses membres paipi- purent fiéchir le vieux guerrier; il men.ïÇd
lanls, et mêlent les cris funèbres de leur Gisèle de maudire les cendres de sa mère,
voracité à ses accents de mort. si elle n'obéissait pas. Le cœur de la jeunn

Eppo conduisit la captive au burg de ses fille se brisa, ses sens se lroublèr»-nt ; elle

pères. Après quelques semaines elle est son se lève, ouvre la porte de la salle bâtie sur
épouse. Il bâtit le château d'Eppstein , et le Uhin ; la tempête mugit dans l'enceinte
suspend à ses chaînes les mains du géant du vallon ; la malédiction de son père la
comme un éternel souvenir. trouble comme un spectre. Voulant s'en dé-
livrer, dans un transport de démence, elle
Le chevalier Brœmser de Pudesheim. se précipite.
Comme saint Bernard prêchait la croisade On trouva le lendemain le corps de Gi-
à Spire, Jean Brœmser de Uudesheim prit la sèle rejeté par le Uhin, près de la tour
croix avec beaucoup d'autres gentilshommes d'Halton; et, disent encore les bateliers alle-
et alla en Palestine. Là il fit de grands traits mands ,souvent le nautonnier voit dans le
de valeur; son nom y fut fut honoré des Fran- calme de la soirée son ombre planer sur les
çais et redouté des Sarrasins. vieux murs du burg il entend des accents
;

Il y avait dans un vallon sauvage el pier- plaintifs se mêler aux sifflements des vents.
reux un dragon, qui s'était rendu redoutable Le vieux Brœmser, inconsolable fil vœu ,

à toute l'armée chrétienne; il égorgeait les alors de bâtir une église pour le repos de
bonnes gens qu'on envoyait pour faire du l'âme de sa fille, car il espérait qu'avant
bois et de l'eau ; de sorte que personne ne d'expirer elle avait pu se repentir el mériter
voulait plus se rendre dans le voisinage de le pardon d'un crime commis dans un acres
«;e monstre. Brœmser met son casque, prend de folie; mais il oublia bientôt cet autre
l'écu et l'épée, se rend au repaire du dragon vœu.
et le tue, comme il rampait hors de sa ca- Un soir à minuit il fut éveillé par un songe
verne. horrible ; le dragon qu'il avait lue autrefois
Le brave chevalier fut assailli dans ce en Palestine lui apparut ouvrant la gueule
moment par des infidèles qui étaient en et menaçant de le dévorer ; mais tout à coup
embuscade et qui le firent prisonnier. Il il vint une figure pâle et jeune , qu'il recon-

languit longtemps dans les fers. Se voyant naît pour sa Gisèle. A son aspect le monstre
sans aucune espérance d'êlre racheté, il fit s'éloigna , el au moment même les chaînes
vœu que, s'il revenait au beau Rhin, il con- qu'il avait portées en Palestine tombèrent du
sacrerait au ciel Gisèle, sa fiile unique, et mur avec fracas, et le réveillèrent tremblant
lui donnerait le voile. Bientôt après la ville de frayeur. Le malin du même jour, un valet
où Brœmser était prisonnier fut prise par ses arriva de la campagne avec une image de la
compatriotes. Libre alors, il échangea ses sainte Vierge un bœuf l'avait déterrée en
:

armes contre le bourdon du


el la calebasse labourant, et l'image avait fait entendre, di-
pèlerin il parcourut la France, aborda en
; sait-on, un cri d'appel. Aussitôt Brœmser
Allemagne, et parvint à Rudesheim sans prit ses mesures pour l'accomplissement de
éprouver aucun accident. Les larmes cou- son vœu. Il fil bâtir à l'endroit où l'image
lèrent de ses yeux en entrant dans le burg; avait été trouvée une église et un couvent
sa fille venait au-devant de lui, avec les ser- qu'on nomme encore NothgoU (secours de
viteurs de la maison, et il ne pouvait expri- Dieu). On montre dans cette église les chaî-
mer que par des regards levés au ciel ce qui nes de Brœmser et la langue du dragon qu'il
se passait dans son âme. La belle Gisèle avait vaincu. Son burg, que possède aujour-
avait, pendant les trois années qu'avait d'hui le comte de Metlernich , garde en-
duré son absence , acquis la force de la core des monuments de celle vieille époque.
jeunesse; la joie de son retour l'embellissait La grande salle d'honneur est ornée des ta-
encore. bleaux de famille des Brœmser, hommes et
Lorsiiue le vieux Brœmser lui parla de son femmes peints sur une seule pièce de bois
,

vœu, Gisèle, comme frappée du coup de la avec les noms, l'année , les armoiries et
mort, pâlit, el tous ses traits s'altérèrent. quelques rimes. Dans la chapelle on voit les
Sans nouvelles de son père, elle av;iil depuis cornes du bœuf qui a déterré la sainte image.
quelques mois promis sa main à un jeune La chambre à coucher csl décorée de toutes
chevalier du voisinage, parfaitement digne sortes de figur. s, et le lit, qui est très-am-
de son choix. En revoyant son père , elle ple, a des sculptures peintes qui retracent des
avait espéré le voir approuver par lui. Elle sujets de l'Ancien Testament, et qui font al-
se jeta à ses pieds, embrassa ses genoux, et lusion à la foi conjugale. Près du lit se trou-
Il s arrosa de ses larmes ; elle lui représenta vent divers meubles, chaises, marchepieds,
qu'elle voulait bien renoi'.cer à ce inari.ige , etc., tous fort simples el sans apprêt, mais
mais qu'elle le priait de ne pas la repousser fiits pour une longue durée, comme l'était
de la maison où elle était née, promenant encore alors la vie des hommes.
qu'elle se ferait un devoir bien doux de soi-
L'échelle du diable.
gner sa vieillesse et d'adoucir ses infinnilcs.
Elle lui rappelait le temps où il la portait On Lorch sur les confins du Rhiiu
voit à ,

encore enfant, dans ses bras elle lui par-


; gau, quelques débris d'un vieux burg. Ce
945 LIOG LtG 9l'î

fut la demeure de Sibo de Lorch, forte épéo. Garlinde avait été enlevée, et son père com-
d'une humeur bizarre et peu sociable. Ou monçait à perdre toute espérance de la revoit
frappa à sa porte pendant une nuit fort ura- de près, lorsqueRulhelm, jeune et brave che-
geuse. C'était un petit vieux bonhomme qui valier, revint de Hongrie, où il avait acquis
demandait l'hospitalité. Le chevalier refusa beaucoup de gloire en combattant contre les
brutalement de recevoir l'étranger sans ap- infidèles. Son burg n'était qu'à une demi-
parence. — Tu me le payeras, rumine dans lieue de Lorch. Dès qu'il apprit le malheu-
sà barbe le petit bonhomme, et il se retire. reux sort de Garlinde, sa grande âme conçut
Le sire de Sibo oublie bientôt celte insi- le dessein de la délivrer. Il vint donc trouver
gnifiante visite; mais le lendemain, lors- le père désolé, et lui fit part de son projet.
qu'on sonne le dîner, sa fille, dont les beaus Sibo lui présente la main. —
Je suis riche,
traits commençaient à se développer, sou dit-il, je n'ai que
cette enfant; si tu peux me
unique enfant, qui n'a que douze ans, a dis- la rendre, elle est à toi.
l)aru. Il la fait chercher partout; lui-même Aussilôt Ruthelm va sonder les alentours
se fatigue en inutiles perquisitions. 11 ren- du rocher; il examine s'il y a moyen d'y
contre enfin un jeune pâtre qui lui raconte parvenir, mais ce n'était qu'un mur uni
qu'il a vu le malin une petite fille cueillant comme une planche et qui ne présentait au-
dos fleurs là-bas an pied de la montagne es- cun accès. Pensif et consterné, il se tient là
carpée de l'inaccessible Kedrich que tout à
;
debout jusqu'à l'entrée de la nuit; déjà il
coup étaient venus de petits hommes bien reprenait le chemin de son burg, lorsqu'un
vieux, qui avaient pris la jeune fille par les petit nain l'aborde et lui dit :

bras et l'avaient emportée en grimpant en — N'est-ce pas, beau sire, que vous avez
haut de la montagne aussi facilement qu'un aussi ouï parler de la belle Garlinde qui est
autre aurait couru dans les prés. Ah — 1 là-haut sur cette roche ? C'est ma pupille si ;

mon Dieu ajoula-t-il, faisant un signe de


1 vous la voulez pour épouse, je vous l'accor-
croix , ce sont sûrement les terribles lutins derai.
qui tiennent leur sabbat là-haut sur le Ke- — Tôpe! chevalier en
dit le tendant la
lui
drich, et qu'il est si aisé de fâcher. Le che- main.
valier regarde avec effroi la montagne; il — Je ne suis qu'un nain à vos yeux, reprit
lève les yeux jusqu'en haut, et voit effecti- le petit bonhomme, mais je tiens parole de
vement sa fille Garlinde, qui, tout au faîte, géant. La belle enfant est à vous, si le che-
semblait lui tendre les bras. min qui conduit à elle ne vous paraît pas
11 rassemble aussitôt ses gens, espérant en trop difficile. Mais vraiment, le prix vaut le
trouver un qui saura grimper à la cime, travail; car , foi de nain pas une fille du
1

mais inutilement. 11 leur fait apporter des Rhingau ne la vaudrait pour la beauté, pour
outils pour pratiquer un chemin. Ils s'em- l'esprit, la gentillesse et la retenue.
pressent d'y travailler; mais à peine se sont- Le petit vieillard sourit et disparaît dans le
ils mis à l'œuvre qu'une énorme roche roule bois. Cela donna bien à Ruthelm sujet de
du haut en bas, les force de prendre la fuite, penser qu'il se moquait de lui. Il jette encore
et une grosse voix se fait entendre C'est : — les yeux sur le rucher, murmurant à demi-
ainsi que se venge
refus d'hospitalité.
le voix : —
Ah I si l'on avait des ailes pour planer
Le sire de Sibo se mord les lèvres, mais il jusqu'à la cimel
ne renonce pas à l'espoir de tirer sa fille des — On peut y parvenir sans ailes, dit une
mains de ces esprits malfaisants. Il fait des voix.
vœux; il répand à pleines mains des aumô- Le chevalier stupéfait regarde autour de
nes, donne aux pauvres, aux couvents, et lui, et voit une petite vieille qui lui frappe
ne sait plus que faire encore. Les jours, familièrement sur l'épaule.
cependant, les semaines, les mois s'écoulent ; — C'est mon frère qui vient de vous parler,
sa seule consolation est de savoir que
sa fille j'ai entendu tout ce qu'il vous a dit. Le père
vit encore ; car le matin et le soir, ses pre- de Garlinde l'a offensé, mais il en est bien
miers et ses derniers regards sont fixés sur puni depuis quatre ans, et la pauvre fille n'y
le Kedrich , et toujours il la voit ; elle est là ,
peut rien. C'est une belle et bonne petite en-
regardant au fond du vallon. fant douce et compatissante, qui ne serait
,

Dans le fait, les Iulins n'épargnent rien de pas capable de refuser le couvert. Je l'aime
ce qui peut conserver sa fraîcheur et sa santé. comme ma fille, et je ne souhaiterais rien

Un petit pavillon tapissé de coquilles, de cris- tant que de savoir un bon chevalier qui en
taux , de pierres brillantes, lui sert de de- ferait son épouse. Mon frère vous a donné
meure. Elle a des robes, des colliers de co- sa parole et nous ne manquons jamais à
,

rail et toutes sortes de joyaux. Des chants nos promesses. Prenez cette clochette, des-
mélodieux , des contes agréables, une table cendez au Wisperthal. Vous trouverez là
abondamment pourvue de laitage et de fruits, l'entrée d'une mine ombragée d'un hélre et
rien n'est négligé pour rendre doux les jours d'un sapin qui croissent du même tronc. En-
de sa captivité. Une sorte de vieille petite trez-y sans crainte et sonnez trois fois la
,

fée surtout prend à lâche de lui plaire, et lui clochette. Mon frère le jeune y demeure, et
dit souvent à l'oreille —
Courage, ma fille,
: vient dès qu'il entend ce signal. Vous lui di-
nous vous marierons avec un des nôtres. Je rez, pour vous faire connaître, que c'est moi
vous prépare un bon trousseau une reine ;
qui vous envoie. Priez-le de vous faire une
n'en donne pas tant à sa fille. échelle aussi haute que le Kedrich, et vous
H y avait déjà quatre ans que la pauvre pourrez parvenir au sommet sans danger.
8i7 DICTIO.NN.MItE DES SCIENCES OCCULTES. Ô48

Uulhelm siiiiit ponctuellement co conseil . L'échelle merveilleuse subsista longtemps


courut au Wisperihal trouva la mine aban-
, au rocher impénétrable. Les voisins la re-
donnée cl donna trois coups de sonnette. Au gardaient comme l'ouvrage d'un esprit mal-
troisième parut du fdnd de la mine un petit faisant. l''est ce qui fait qu'ils ont donné lo
nain vieux cl grison, une lampe de mineur nom d'échelle du diable au rocher de Ke-
à la main ; il demanda à Uulhelm ce qu'il drich.
voulait. Le chevalier lui exposa le sujet de
Le Wisperthal
sa visite; il fut bien accueilli et reçut l'ordre
de se trouver le lendemain matin au point Il y a derrière Lorch un vallon sauvage et

du jour au pied du Kedrich le nain en même : solitaire où ne se rencontrent que quelques


temps tire un sifflet du fond de sa gibecière, pauvres chaumières : longtemps ce n'était
silde trois fois ;et voilà que toute la vallée qu'un désert; car si quelquefois les voisin»
fourmilla de gnomes armés de cognées de , venaient à y pénétrer, ils y éprouvaient des
scies, de marteaux. Le chevalier entend en- angoisses et se trouvaient tellement harcelés
core dans l'éloignement le fracas des arbres par des lutins qu'ils s'enfuyaient au plus
renversés, le bruit de» haches qui taillent vite. On dit môme que plusieurs y firent
cl éqoarrissent, le choc des marteaux qui ras- une malheureuse fin.
semblent les pièces et enfoncent les chevilles; Dans un siècle qui est déjà loin de nous,
son cœur palpile d'espérance et de joie. Dès trois jeunes garçons de Nuremberg faisaient
qu'il entend le chant du coq, il se rend au en partie de plaisir un voyage du Rhin leurs ;

Kedrich ; il y trouve l'échelli! posée et bien pères étaient de riches marchands. Arrivés à
affermie. Il frémil aux premiers échelons ; Lorch, ils entendirent parler de la vallée
mais il prend courage à mesure qu'il avance. merveilleuse ils se déterminèrent à en tenter
:

Enfin il est à la cime, au moment où l'aurore la visite. Ils franchireni en moins d'une demi-
commence à d«rer les montagnes; Garlinde heure un chemin qui y conduisait. Couvert
est là couchée sur un lit de mousse que l'é- de ronces et d'épines , ce chemin avait à
glantine épineuse environne et que parfu- peine des traces. Ils virent bientôt devant
ment les fl( urs les plus éclatantes de la mon- eux une énorme masse de roche qui avait
tagne. Elle était profondément assoupie. Elle presque la figure d'un château; de grandes
se réveille et voit le chevalier : —
Je suis ouvertures, semblables de loin aux croisées
venu , lui dit-il , pour vous recoadaire à votre gothiques d'un vieux dôme, achevaient l'illu-
père. sion. A l'une de ces prétendues fenêtres pa-
Garlinde verse des larmes de joie. Et alors rurent en un groupe trois télés de femmes.
parait le vieux nain ((ui l'avait enlevée, et Des bsl! bsll bien prononcés partirent de là,
derrière lui la bonne vieille qui a voulu lui comme un signe d'appel. — Oh oh dirent
I 1

servir de mère. Le nain fronce un peu le les jeunes gens, ce manoir n'est pas si ef-
sourcil à la vue du chevalier; mais il voit l'é- frayant qu'on nous l'avait annoncé. Ces da-
thelle; il devine tout, rit aux éclats et dit ; mes s'ennuient sans doute, allons leur de-
— Ce sont sûrement ces vieux cœurs amol- mander l'hospitalité. Ils aperçoivent une
lis qui ont tout comploté. Prends celle que porte étroite. Ils entrent et ne craignent pas
lu cherches, et sois plus hospitalier que de traverser une longue allée qui les conduit
son père; mais il faut que de nouveaux |/é- à un vaste et grand vestibule. Tout à coup
riis payent sa rançon. Va-t'en par où lu es ils se trouvent enveloppés de ténèbres si
venu; et pour la jeune fille nous saurons épaisses, qu'ils ne voient plus leur main
bien te la renvoyer par un chemin plus com- quoiqu'ils l'approchent de leurs yeux. A
mode. force de tâtonner, l'un d'eux rencontre une
Uulhelm ne se le fait pas dire deux fois, il porte qu'il s'empresse d'ouvrir. La lumière
descend vaillamment sa périlleuse échelle, de mille bougies les éblouit ; c'était l'entré'
pendant que le vieillard et sa sœur condui- d'une magnifique salle dont les parois étaient
sent Garlinde par un souterrain jusqu'au couvertes de glaces depuis le plafond jusqu'à
pied du roc où est ménagée une secrète sor- terre. Chaque trumeau n'était séparé de l'au-
tie; en quittant sa protégée la vieille lui remit tre que par des girandoles qui portaient
une cassette de pierreries et lui dit Prends, : d'innombrables flambeaux. — Soyez les bien-
mon enfiinl, voilà la dot que je t'ai amassée. venus, s'écrient les trois jeunes filles. Mais
— Garlinde la remercia, les larmes aux elles ne son.1 plus trois seulement; elles se
yeux. mulliplient en un clind'œil; elles circulent
Uulhelm, trouvant la jeune fille au pied du par centaines, répétées dans les gliccs lim-
roc, la mena au burg. Qui pourrait décrire pides, et rient aux éclats de leur étoune-
la joie et les transports de son heureux père meut.
en la revoyant? Corrigé par celle longue Enfin s'ouvre une porte à glaces placée
épreuve, son cœur s'ouvrit au plaisir d'o- dans une niche. 11 en sort un grand vieillard
bliger ses semblables; depuis ce temps, tout vêtu do noir, la barbe plus blanche que la
étranger qui se présentait à Lorch y était neige. — Soyez les bienvenus, dit-il vous ;

reçu et bien traité pendant huit jours. venez sans doute épouser mes trois filles? Je
Uuthelm main de Garlinde et
obtint la ne marchanderai pas avec vous, car je no
vécut longti mps avecdans un bonheur
elle suis pas avare; je leur donne à chacune
non inieriompu; à chaque enfant que le ciel mille livres pesant d or
leur donnait, la bonne vieille apporta un Et taules les filles de rire avec plus de
présent au nouvcauné. briHt; et nos trois compaguoua de ne savoir

'M LEG LEG 9'.0

t]uc penser de tout cela. Eh bien que — I sifs de l'énorme voûte sont d'une horrible nu-
chacun de vous choisisse celle qui lui con- dité. Troistablesétaient couvertes, richement
vient pour épouse, dit d'une voix de tonnerre fournies de vins et de mets de toute espèce.
le vieillard impérieux. Trois vieilles tout édontées viennent an-
Les trois voyageurs s'avancent en trem- devant d'eux. —
Ah voici nos chers amanis.
!

blant; chacun d'eux présente la main à la criaillaient-elles toutes


ensemble. Et les voilà
Hgure qui lui plaît et ne touche que l'informe ànasillonner,à gazouiller, à marmotter entre
superficie d'une glace inanimée. leurs dents; et l'étourneau de les accompa-
Le vieillard se prit à rire, comme toutes les gner de son énigme, le corbeau de son vau-
nymphes ; sa voix faisait trembler la salle. deville, la pie de son conte de grand'nière.
J'oubliais une condition, dit-il, avant de pou- C'était une jaserie.une piaillerie, un gazouil-
voir être mes gendres, il faut que vous le lement, un bavardage tels que personne ne
méritiez. Mes filles ont perdu leurs oiseaux s'entendait. Les oiseaux croassaient, jasaient,
favoris c'est un étourneau, un corbeau, une
: volaient d'épaule à épaule, et ne faisaient pas
pic. Ils sont sûrement là-bas dans le bois et la partie la moins bruyante de ce linlamarre
très-faciles à reconnaître. L'étourneau pro- infernal. Car les trois vieilles étaient trois
pose des énigmes , le corbeau croasse sa sorcières. Nos trois coureurs d'aventures
chanson, la pie jase l'histoire de sa grand'- n'avaient plus ni faim ni soif.
mère, aussitôt qu'on les fait parler. Allez , Cependant il leur fallut décemmrntprendre
braves prétendants, et nous rapportez ces un doigt de vin le vene vidé, ils tombèrent
;

bons amis cmplumés, qui sont dociles et se dans un sommeil léthargique.


laissent facilement saisir. Lorsqu'ils se réveillèrent le soleil élait en
Les trois compagnons s'empressent d'o- son midi. Ils se trouvèrent couchés dans d'é-
béir aux ordres du vieillard. Ils s'avancent paisses broussailles, au pied d'une roche sil-
dans le bois et trouvent en effet les trois lonnée par les ouragans, les jambes si pe-
oiseaux perchés sur les branches d'un chêne santes qu'ils eurent peine à gagner un terrain
à demi desséché. découvert. Honteux, épuisés, ils reprennent
—Etourneau, dit l'un d'eux, propose-moi le chemin du vallon; mais de nouveau le
Ion énigme. maudit bst bst se fait entendre de tous les
! !

L'étourneau vole sur son épaule et lui dit : côtés de la cime touffue de tous les arbres ;

et il leur semblait voir percer à travers


Quelle chose imprimée en Ion ignohie face
^e peut pourtant se voir dans la meilleure glace? toutes les branches la tête d'une des vieilles
guenons. Les trois oiseaux perchés sur un
— Corbeau corbeau la petite chanson
I ! I
vieil orme à du bois escortèrent
la lisière ,

dit le second jeune homme ; et le corbeau de le retour de celte glorieuse caravane. L'éiour-
l'hanter d'un ton enroué :
neau disait son énigme, le corbeau croas-
.Sur un cheval du pays de Cocagne sait sa chanson, la pie récitait son conte de
Trois jeunes grns visitent la campagne. grand'mère.
Force ortolans volent de toute part, Un des compagnons plus éveillé que les
Bien potelés et rôtis avec art.
M:iis aucun d'eux des trois Nurembergpois
autres, et dont le grand air avait ranimé le
Ne peut franchir les gosiers trop étroits. courage, demanda à un paysan que le hasard
Mourant de faim, les trois gaillards s'en vont amenait: —
L'ami, que penses-tu que veuil-
Ea leurs pays, et peu contents ils sont. lent dire sérieusement ces maudits oiseaux ?
Ils se disaient Ce pays que l'on vante
:

Méiile mal le renom qu'on lui chante;


— Je vous le dirai, mais ne vous fâchez pas,
Ils sont trop gros ses friands ortolans. dit le villageois.L'énigme signifiai un pied
Ou nos gosiers ne sont pas a.sseï grands. de nez qu'on a reçu et dont personne ne
s'aperçoit. Le corbeau vous avertit de pren-
Le corbeau n'a pas plutôt fini sa chan- dre les oiseaux à la main au lieu de les at-
son ingénieuse, qu'il s'élance de l'arbre et
tendre la bouche béante, et la pie fait un
vient se percher sur l'épaule du second com-
conte tel que vos arrière-neveux en feront
pagnon.
peut-être un de vous.
, — Margot margot! raconte-moi l'histoire
I
Ce qu'on vient de lire est, comme on voit,
de ta graiid'mère, dit le troisième. La pie >c
un de ces contes de village que les Allemands
rengorge et se met à conter :
ailmircnt beaucoup.
« Ma grand'mère était luie pie qui pondait des œufs d'oii
[sortaient des pies,
Le Drachenfels.
Lllsi ellen'était pas morte, elle serailencore en vie. .»
Le Drachenfels est un des sept monts ses ;

En parlant sans s'arrêter bat ries , elle ruines dominent avec le plus de hardiesse
aileselvasejucher sur l'épaule du troisième. sur les i;ontrées du Rhin qui l'avoisinent.
Quelle joie pour nos jeunes marchands Dans les vieux temps, dit une antienne tra-
d'avoir mis si heureusement fin à leur ten- dition, la caverne qu'on y voit servait de re-
tative! IIb courent à toutes jambes au châ- traite à un monstrueux dragon, auquel les
teau-rocher qu'ils atteignent encore avant habitantsdu voisinage rendaient les honneurs
la fin de la nuit. divins et offraient des viclimes humaines. On
Mais, ô surprise ce n'était plus ce salon
1 choisissait à cet effet les prisonniers dont la
magnifique tapissé de glaces, resplendissant guerre avait forgé les chaînes; c'était, au dire
de lumière; ce n'étaient plus ces enchanteres- des habitants, le culte leplus cher à l'horrible
ses qui devaient couronner leur périlleuse divinité.
aventure. Lis vieux mursgris,les piliers mas- Un jour il se trouva 5iarmi les captifs une
951 d;ctionnaiiie des sciences occultes. g.";2

jeune des meilleures maisons du pays


fille ;
Icn.iit sacour dans la contrée, voulut la voir.
elle avni( été élevée dans le christianisme ; Prétextant une course à Wesel, il monte
elle était d'une si rare beauté que deux dos dans un balelet et se fait descendre jusqu'au
i;hefs se la dispulèrcnt. Les anciens les mi- lieu où se montrait londine, car c'en était
rent d'afcord en décidant qu'ils ne l'épouse- une sans doute. Il y arriva au coucher du
raient ni l'un ni l'autre, mais qu'elle serait soleil, et l'étoile du berger ilépassait l'ho-
offerte au dragon, puisque sa beauté devenait rizon lorsqu'il se trouva au Lurley.
une pomme de discorde. — La voyez-vous, la maudite magiriennc?
Velue de blanc, couronnée de fleurs, la dirent enramant les bateliers la voilà. :

belle captive fut conduite à la cime do la Le jeune comte l'aperçoit effectivement,


montagne où gisait le monstre, et liée à un assise sur le revers de la roche; les boucles
arbre auprès duquel était une pierre qui de ses cheveux plus éclatants que l'or,
tenait lieu d'aulcl. Un nombreux peuple étaient retenues par une couronne de fleurs.
s'étaitrassemblé à peu de distance pour être 11 entend ses mélodieux accents ; il n'est plus
témoin de l'affreux spectacle. Tous les cœurs maître de lui-même; il force les matelots à
sensibles à la pitié plaignaient le sort de la s'approcher du rivage, et veut franchir l'es-
malheureuse jeune fille. Elle cependant, calme pace pour courir à la nymphe. Mais son
et résignée, fixait ses pieux regards vers le pied mal assuré glisse, et il disparait dans
ciel. les flots écumants qui l'enveloppent de toutes
Le soleil lançait ses premiers rayons der- parts.
rière lessommets des montagnes et ces ; La nouvelle de l'événement funeste ne
avant-coureurs d'un beau jour traversaient larde pas à se répandre ,elli^ arrive aux
l'obscure entrée de la caverne. Bientôt, les oreilles du malheureux père. La douleur et
ailes déployées, le monstre rampe hors de la colère déchirent son cœur; il ordonne
son repaire ; il redouble l'active lourdeur aussilôi qu'on s'empare de la sorcière et
de ses replis tortueux dès qu'il s'approche qu'on la lui livre morte ou vive.
davantage du lieu où il a coutume d'assouvir Le plus hardi de ses capitaines est chargé
sa Toracilé. La jeune fille n'est pas émue; de la dangereuse expédition il ne demande
;

elle lire de son sein le crucifix, l'uniqucobjel que la permission de précipiter dans les flots
de sa confiance; elle l'oppose à son effroya- la magicienne, aussitôt qu il l'aura saisie; il
ble ennemi. Le dragon recule avec épou- craint que dans le trajet elle n'emploie la
vante; et, poussant d'horribles sifflements, il ruse ou la magie pour briser ses fers et se
se précipite dans l'abîme profond des bois mettre en liberté. Le comte permet tout. A
voisins jamais depuis, dit la tradition, per-
;
l'entrée de la nuit, la roche est environnée
sonne ne le revit. d'un nombreux corps de cavaliers qui for-
Le peuple, stupéfait de cette miraculeuse ment un demi-cerle jusqu'à la rive du fleuve.
délivrance, s'empresse de rompre les liens Trois des plus courageux accompagnent le
de la jeune chrétienne; la foule voit avec capitaine au sommet du Lurey. L'ondine
étonnement le petit crucifix qui a produit malfaisante est à cime, ses mains se jouent
la
cette grande merveille. La captive alors les avec une ceinture decoraux ; elle voitarriver

instruit de sa sainte croyance et du pouvoir les ravisseurs et leur demande ce qu'ils


de celui qu'elle adore. cherchent.
Ils se prosternent à ses pieds, la supplient — C'est loi, magicienne empestée; viens
de retourner chez les siens, et de leur en- faire le saut périlleux dans les larges bords
voyer un prêtre qui les instruise et les bap- du Rhin.
tise au nom de ce Dieu tout-puissant. Ainsi — Eh bien que le capilaine vienne lui-
!

le Drachenfels fut le berceau de la foi dans même à moi, dit la jeune fille en souriant.
ces cantons, et une chapelle fut érigée dans En disant ces mots, elle jette sa ceinture
le lieu où la pierre avait servi d'autel. dans le fleuve et chante d'un ton formidable :
« Entends ma voix, père d«'S eaux lance tes
:

La vierge de Lurley.
coursiers rapides; qu'ils emmènent ta fille
Dans vieux temps il apparaissait quel-
les d.ms les grottes profondes....» .
quefois sur le Lurley, au déclin du jour et Sa voix est étouffée aussitôt par les mu-
au clair de la lune, une jeune fille qui chan- gissements d'un violent ouragan. Le Rhin
tait d'une voix si agréable que tous ceux qui bouillonne ; des flots écumants couvrent la
l'entendaient en étaient ravis. Plus d'un ba- plaine et les hauteurs de leur blanche écume.
telier, en descendant le Rhin, allait se briser Deux vagues qui ont la forme dun beau
contre les écueils, ou se perdre dans le couple de chevaux blancs s'élèvent à la
,

gouffre, parce que, tout absorbé dans l'admi- cime du rocher et entraînent dans l'abime
ration de ces sons divins, il devenait inca- des eaux la nymphe qui disparait à jamais.
pable de mouvenienl et négligeait la con- A cet aspect, le capitaine reconnaît que la
duite de son navire. Personne n'avait encore magicienne est vraiment une de ces puis-
vu la nymphe de près, sinon quelques jeunes santes ondines sur lesquelles aucun homme
pêcheurs qu'elle favorisait et à qui elle mon- n'a de puissance.
trait, aux rapides instants du crépuscule, le Depuis ce temps , l'ondinp de Lurley ne
lieu où ils devaient jeter leurs filets. Ils fai- s'est plus montrée ; mais elle continue de
saient bonne capture lorsqu'ils suivaient son fréquenter la montagne et de se jouer des
Us avaient tant vanté partout l'in-
conseil. bateliers dont elle s'amuse à contrefaire la
connue, que le fils d'un comte palatin, «jui voix, absolument cuuunc un écho.
9K5 LEG LF.G 954
Le Mummelsce. priant le paysan d'attendre qu'il revint, ou
au moins qu'il lui fît un signal. Au bout di;
Sur une hanle montagne de la Forél-Noire, deux heures le villageois vil le bâton du
,

non loin de Bade, il y a un lac dont on ne petit homme surnager , avec deux poignées
trouve pas le fond. Si l'on noue dans un linfçe de pièces d'or, au-dessus du lac et venir à ,
des pois, de petites pierres ou d'autres cho- lui. Il comprit que c'était là le signal pro-
ses pareilles en nombre impair, et qu'on mis, prit les pièces d'or et s'en alla.
suspende ce linge au-dessus du lac ce qui , Un duc de Wurtemberg fit construire un
est impair devient pair, et ce qu'on met pair radeau pour aller sur le lac et en sonder la
devient impair. Telle est la croyance du lieu. profondeur. Ayant jeté la sonde à neuf pelo-
Si l'on jette dans ce lac une pierre ou deux, tons de fil sans trouver le fimd, il remarqua
le ciel se trouble il se fait un
; orage avec que le radeau, quoiqu'il fût de bois, com-
des gréions et un grand vent de tempête. mençait à s'enfoncer; il se hâta de renoncer
Un jour que des pâtres gardaient leurs à son entreprise lâcha sa sonde el ne pensa
,

troupeaux autour du lac il


, en sortit un plusqu'àsc sauver. On montre encore au bord
taureau brun qui vint se mêler aux trou- du Mummelsee quelques débris de ce radeau.
peaux. Un pelit homme inconnu parut pf'U
après (sortait-il aussi du lac? on l'ignore; L'origine du monastère de Frauenalb.
mais personne ne l'avait jamais vu). Il vou- Le comte d'Erchingen habitait son château
lut remmener son taureau; et comme l'ani- de Magenheim ou Monheim dans le Zabern-
mal refusa de le suivre, il le laissa, le maudit, gau, canton voisin de ceux de Craich et du
cl retournant au lac , il y disparut. C'est là Nècre. Il reçut un jour la visite de Frédéric,
un des contes du Mummelsee. On ne dit rien duc de Souabe, d'Albert de Suinnern, de
de p'us de ce taureau; mais il y a bien d'au- Bertold d'Eberstein et d'auires seigneurs
tres récits. qui venaient se divertir avec lui. La forêt de
Cn paysan passa un jour sur le lac alors Stromberg,pleinedegibier, n'est pas éloignée
glacé ; menait ses bœufs qui conduisaient
il du château. Il y paraissait de temps en temps
quelques troncs d'arbres. Il n'y courut au- un grand cerf, que ni le comte ni ses gens
cun danger mais son petit chien qui sui-
:
, n'avaient jamais pu forcer. Le comte était à
vait son lourd chariot vit la glace se rompre table avec ses convives, lorsqu'un serviteur
sous ses pattes, et se noya. vint annoncer que le cerf venait de paraître.
Un chasseur, passant près du lac en hiver, Toute la compagnie fut ravie, el tous les
aperçut un homme des bois qui, assis sur la seigneurs avec leurs gens accoururent pour
glace du lac , s'amusait à jouer tout seul prendre le cerf mort ou vif. Albert de Suin-
avec une grande sacoche de pièces d'orélin- mern poussait son cheval plus que les autres
celantes. Le chasseur avide coucha le bon dans la direction qu'on lui désignait comme
homme en joue pour le tuer et avoir son ar- celle que sa proie avait suivie. En avant de
gent. L'homme des bois plongea aussitôt tout le monde il aperçut
, tout à coup le
avec sa sacoche ; puis il releva la têlc sur grand cerf il était tel qu'il n'en avait de
:

le lac et cria au chasseur que s'il l'en avait sa vie vu un pareil. Il redouble son galop,
prié, il aurait eu bientôt fait de le rendre le poursuit longtemps, el tout à coup le perd
riche , mais qu'il resterait pauvre , lui et de vue sans pouvoir deviner ses erres. Au
toute sa postérité. même instant parait devant lui nn homme
Un jour un petit homme vint d 'mander à qui portail une figure effrayante. Albert
coucher dans la ferme d'un paysan, voisine frémit à son aspect, quoiqu'il fût bien le
du Mummelsee. Le paysan n'ayant pas do lit moins peureux des chevaliers. Il fil le signe
lui offrit un banc de bois et une jonchéi* de de la croix. Sans se troubler de ce signe,
paille dans la grange. Mais le petit homme l'homme l'aborde et lui dit Ne craignez
:

voulait coucher dans la fosse au chanvre. point mais suivez-moi. Je suis envoyé pour
,

— Comme lu voudras, répondit le paysan ;


vous faire voir des choses surprenantes. —
si cela le fait plaisir, tu pourras même cou- Marche donc , dit Albert sans peur. Et
cher dans le réservoir ou dans l'auge de la l'homme alla devant lui jusqu'au sortir
fontaine. Voyant que le paysan y consentait, de la forêt; le chevalier se vil alors dans
le petit homme alla se coucher dans les joncs une prairie émaillée de fleurs; devant lui
bourbeux où était le chanvre et s'y enfonça s'élevait un château magnifique qu'il n'avait
comme dans un lit de bon foin pour s'y ré- vu de sa vie. Il suivit son guide jusqu'à la
chauffer. Le lendemain il se leva avec des porte d'honneur. Plusieurs domestiques ve-
habits tout secs. Comme h; paysan marquait naient au-devanl d'eux, et aucun ne disait
sa surprise, le petit homme lui dit qu'il se mol; mais ils prirent en silence ta bride du
pouvait bien qu'aucun de ses pareils ne re- cheval. Le guide laid dil à Albert de ne pis
vînt coucher dans la ferme avant des cen- s'étonner de la taciturnité de ces gens, de ne
taines d'années. Il lui confia alors qu'il était pas leur parler, mais de le suivre el de faire
un homme des eaux ; qu'il allait chercher sa ce qu'il lui dirait. Ils furent introduits dans
femme dans le Mummelsee , cl il le pria de une grande salle oii siégeait un grand sei-
l'accompagner. Il lui raconta en chemin gneur au milieu de ses courtisans. Tous se
bien des merveilles, comment déjà il avait levèrent à la vue d'Albert, le saluèrent, se
cherché sa femme dans plusieurs lacs , et rassirent, el se mirent à boire et à manger
comment tout était fait dans ces demeures-là Albert avait l'épée à la main el ne voulait
Arrivé au Mumuicisec il s'y plongea , pas la remctlre dans le fourreau. Il consi-
,

nsn DICTIONNAIRE Drs SCIENCES OCCULTES. S5Î

dérait avec admiralion les vases d'argent pas. Le soir du qu.ilrièmo jour, comme il
précieusement travaillés, et contemplait le était là , livré à des pensées inquiètes, seul
mouvement du festin qui se dévorait, mais appuyé contre un chêne il entendit subite- ,

toujours en silence. ment une voix mélodieuse qui chantait et


Après qu'il fut resté là longtemps sans qui semblait venir du fond de l'eau. Il s'ap-
que les convives parussent s'inquiéter da- proche doucement regarde partout avec une ,

vantajçp de lui, son puide lui fit signe de impatiente curiosité, ne peut rien découvrir,
se retirer. Albert salua la conpagnie qui lui et bientôt la voix cesse de se faire entendre.
rendit le salut; il suivit l'homme affreux jus- Il s'en retournait à son chêne, avec l'espoir

qu'à cour d'honneur, où les domestiques


la «tue peut-être la voix reprendrait ses chants.
muets, qui gardaient son cheval, lui tinrent Tout à coup il voit l'inconnue, assise sur la
les éperons. Ils rentrèrent sans ouvrir la pierre qu'il venait de quitter elle paraissait ;

bouche, dès qu'il eut piqué. d'une humeur enjouée. A chaque question
L'homme étrange qui avait conduit Albert qu'il lui adressait elle ne faisait , tout en ,

le ramena par le même chemin à la forêt de riant que des réponses évasives, qui l'em-
,

Stromberg, et lui confia alors le mol de ce barrassaient. Il en obtint cependant un ren-


mystère (]ui excitait si vivement sa curio- dez-vous pour le lendemain, au même
sité. —
Le seigneur que vous avez vu à ta- endroit. Le chevalier s'y trouva de bonne
ble, dit-il, est votre oncle Frédéric, qui a heure. L'inconnue sortit du taillis, si gra-
vaillamment combattu les infidèles. Mais cieuse, que le chevalior crut voir une fée :

comn)e il opprimait ses vassaux , et que les boucles de ses beaux cheveux blonds pa-
nous, ses serviteurs, nous l'aidions servile- raissaient humides une tresse de bleuets ;

ment dans ses exactions, nous souffrons avec éclatants , mêlés de roses, entourait sa tête.
lui une juste peine jusqu'à ce qu'il plaise à Ebloui , il lui prit la main, et lui avoua la
Dieu de nous accorder pardon. Je vous fais passion qu'elle avait fait naître en son cœur.
connaître ces choses, afin que vous ne souil- Je ne suis pas une enfant des hommes ,

liez pas votre cœur généreux des mêmes eaux m'ont donné naissance.
lui dit-elle; les
vices. Rejoignez vos amis mais regardez
:
Je suis une nymphe, une ondine, une fée
encore un peu en arrière, et voyez l'état d( s eaux ou tout ce que vous voudrez bien
,

vrai du château que vous venez de visiter. m'appeler. Nous n'accordons notre cœur
En disant ces mots, le fantôme s'évanouit. qu'avec notre main. Pensez y , sire cheva-
Albert se retourne, et ne voit que des lour- lier. Si vous me donnez votre foi, votre fidé-
billou'i de flammes, à la place qu'il avait vue lité doit être pure comme cette eau limpide,
occupée par un château splendide; il y en- et ferme conmie l'acier de votre épée. Une
tend de longs gémissements qui paraissent seule inconstance causerait votre mort et à
sortir du sein de l'embrasement. Saisi d'ef- moi des regrets éternels; car et nos affec-
froi, il galoppe jusqu'à Monheim ; mais il ne tions et nos douleurs n'ont point de terme.
fut reconnu qu'avec peine par le duc Fré- Le chevalier confirma par serment ce qu'il
déric, son oncle, tant sa barbe et ses che- avait déjà dit , qu'il lui était impossible de
veux avaient blanchi. Il raconta son aven- vivre sans elle et que jamais il ne pourrait
,

ture, et demanda au comte d'Erchingen la l'offenser sans mourir. L'ondine lui donne
permission de bâtir une église à la place où alors un anneau précieux. Il lui parle de la
il avait vu l'apparitiou. Il y consentit, et charmante situation de son burg, lui dépeint
Ijirîold d'EbersIein qui était présent
,
fit ,
le bonheur qu'elle aura à y vivre dans la
aussilôt vœu de fonder un couvent de femmes paix; il fixe avec elle le lendemain pour la
dans la vallée, qui s'appelait la vallée de conduire à l'autel.
l'Alb. Telle fut l'origine du monastère de
Frauenalb.
Le lendemain matin, au point du jour, le
chevalier, entrant dans la salle d'honneur de
La légende de messire Pierre de Stau/Jenberg. son manoir que l'on s'était hâté de parer, vit
Pierre d'Irminger, qui hitliitait son burg sur la table trois corbeilles artistement tres-
de Stauffeu dans i'Ortenau, et se nommait sées. L'une était pleine d'or, l'autre pleine
messiie de Stauffeu , revenait un jour de la d'argent, et la troisième pleine de pierreries
chasse, au coucher du soleil, lorsque, arrivé de toutes valeurs c'était la dot de l'épouse.
:

au de Nussbach, il se trouva accablé


vill.ige Elle parut bientôt elle-même suivie de nom-
de soif et épuisé de fatigues, il descendit à breuses compagnes , inconnues comme elle
une source qui était sur le chemin, ombra- dans la contrée. Avant la célébration du ma-
gée de beaux chênes. Il y trouva une jeune riage, elle voulut encore parler au chevalier.
iille assise elle avait l'air noble et royal
:
;
Elle le pria de songer une dernière fois à ce
elle lui rendit modestement son salut, en le qu'il allait faire; elle lui rappela ce qu'elle
nommant par son nonr. Le chevalier, stu- lui avait déjà dit ,
que si jamais il devenait
péfait, demande à l'inconnue qui elle est et inconstant, il serait perdu : qu'il auraitalors
d'où elle vient. Je demeure près d'ici ré- , un signe de sa mort prochaine; qu'il serait
pondit-elle; je vous ai vu plusieurs fois à jamais séparé d'elle, son et, ajou- épouse;
venir avec vos chasseurs à cette fontaine ; la-t-elle vous ne verrez plus rien de toute
,

c'est ce qui m'a fait connaître votre nom. ma personne que ce pied droit que voilà.
Slauffen , encore sans engagement fut , Le chevalier renouvela ses serments sans
émerveillé; son cœur se préoccupa, et les hésiter, et le mariage se fit. Ce jour et les
jours suivants, à la même heure, il revint suivants , et beaucoup d'autres, s'écoulèrent
a la source .igrcstc mais l'inconnue n'y était
; dans les plaisirs et la scréuilé. La jeune
.

P57 LKG LEG om


épouse était une
(leur qui se développait tou- Mais le chevalier avait disparu; et jamais on
jours avec de nouvelles grâces. L'année n'é- ne put retrouver son corps. —Ce qui fait
(;iit pas encore révolue lorsqu'elle donna un bien voir que les ondines et antres esprits
filsau chevalier. élémentaires sont des démons et rien plus.
Mais i)ieniôt après une guerre terrible oui
lieu vers les frontières du pays des Francs.
La grotte de Sainle-Odille près de Fribourg.
Pierre était bravent ilaiinait lagloire. L'am- Odille était fille d'Altich , duc d'Alsace. Ello
bition l'entraîna. La mystérieuse comtesse avait été élevée au couvent de Mayenfeld et
ne crut pas convenable de s'opposer aux no- s'était promis dans son cœur de prendre le
bles désirs de son époux; elle le laissa par- voile. Un jour qu'elle vint du couvent à la
tir, mais en le conjurant de n'oublier ni sa cour du duc son père, tous les jeunes sei-
feiime ni le gage cliéri de leur lendrcsgn. gneurs furent épris de ses grâces. Un prince
Pierre passa le lUiin à la tête d'une troupe allemand demanda sa main. Le duc approu- ,

d'élite , combattre sons les enseignes


et alla vant cette riche alliance, ordonna à sa fille
lie Charles Mai tel duc des Francs. Dès la
, de considérer le prince comme son époux,
pr mière aff lire il montra sa valeur, sa force et de se préparer à le suivre à l'autel. Mais
et son intelligence. Le duc le remarqua, et Odille pensait à son vœu; ne sachant d'autre
dans une forte mêlée ce fut au chevalier
,
moyen que la fuite pour être libre de le rem-
Pierre qu'il fut redevable de la vie. Ce fut plir, elle se dépouilla de ses précieux vête-
aussi la bravoure du chevalier qui décida la ments, prit des ha bits pauvres et gagna le Rhin.
victoire. Le duc plein de reconnaissance,
,
Une nacelle la passa heureusement à l'autre
crut ne pas trop faire en lui proposant la rivage. Sa fuite fut bientôt découverte. Le
plus jeune de ses filles; c'était aussi la p'u< duc envoya partout ses gens à sa recherche.
belle. Pierre en fut frappé.el se montra sensi- Ilmonta lui-même à cheval cl prit par hasard
b!p à l'honneur d'une alliance aussi ilustre; le même chemin que la jeune princesse avait
maisiln'était pas assez vjl pour dissimuler son suivi. Le batelier qui l'avait passée la dépei-
m.iriagc : il raconta naïvement loul ce qui gnit bien, qu'il ne laissa point de doute ; le
si

lui était arrivé. Le duc l'entendit en secouant père traversa le fleuve avec toute sa suite.

la tête, dit que l'esprit malin s'en mêlait, que Odille était déjà arrivée à mi-côte de la
le chevalier n'était pas tenu de garder parole montagne qui domine le Rhin : fatiguée d'une
à des fantômes, et que pour le bien de son route à laquelle elle était si peu accoutumée,
âme il désirerait le voir dégagé d'une si dan- elle s'était assise sur une roche; les yeux
gereuse liaison. On consulta des hommes levé.s au ciel el les mains jointes, elle priait.
habiles, qui assurèrent que le chapelain qui Tout à coup elle entend du bruit; elle voit
avait uni Pierre à la fée des eaux s'était une troupe de cavaliers; elle reconnaît les
trouvé abusé par une puissance occulte , et couleurs de son père. Elle se lève et s'enfonro
que dès qu'il aurait reçu d'un saint prêtre la dans les épais buissons pour s'y cacher. La
bénédiction de l'Eglise, cette illusion magique crainte, d'abord, lui donnait des ailes; mais
s'évanouirait. L'infidèle Pierre n'eut pas de bientôt elle perdit ses forces, el tomba tout
peine à se laisser persuader et l'on fit les ,
épuisée derrière une roche qui la dérobait
fiançailles. La noce fut remise à la quinzaine. aux yeux de ceux qui la cherchaient. OdilLs
La veille du jour fixé, il arriva un des gens tremblante étend les mains vers le ciel, implo-
de Stauffenberg apportant au chevalier la
,
rant sa délivrance; la roche s'ouvre subite-
nouvelle que son enfant et sa femme avaient ment ; Odille s'y jette, et la pierre se referme.
disparu du burg. Pierre s'informa des cir- Au même instant, le trot des chevaux
constances, et il apprit que c'avait é'é juste- frappe la roche. Odille entend la voix de sou
ment à l'instant des fiançailles. Ce rapport père (|ui l'appelle par son nom. —
Mon père,
le confirma dans le soupçon de magie qu'on répond-elle. —
Allich, surpris de reconnafire
lui avait inspiré. 11 alla donc, le cœur assez la parole de sa fille ré.sunnant à travers la
dégagé, célébrer son nouveau mariage. roche sans ouverture , crie de nouveau :

Comme on était gaîmentà table, le cheva- — Odille! — frémil en entendant une se-
el
lier, alors en joyeuse humeur, jeta par ha- conde voix
fois la sa percer
rie rocher.
fille le

sard les yeux devant lui, sur le mur de la — Vous persécutez celui qui me protège, dil
salle. Il y vil paraître, comme sortant de la la princesse. Je ne puis être l'épouse il'uu
muraille, un joli pe'.il pied de femme. 11 se homme.
frolte les yeux, mais reconnaît clairement Allich comprend la généreuse résolution
et longtemps ce funeste signe. Saisi de trou- de sa fille timide. 11 révère dans ce qui se
ble, il boit coup sur coup pour dissiper de passe la main de Dieu; il jure de respecter
noirs pressentiments; il y réussit en quelque le vœu de la pieuse Odille, el de lui bâtir un

sorte. Le soir on renlie au château. Il fallait couvent à Hohenbourg.


traverser un petit pont; Pierre, (jui se défi lit, La roche se rouvre alors. F^a jeune fille
aima mieux faire passer son cheval à gué. reparaît. Elle semble rayoniiaïUe d'une lu-
A peine ciait-il au milieu de l'eau qu'elle mière céleste en lombanl dans h s bras de
s'agite, écume et bouillonne, comme s'il y son père.
eût eu une tempête; les Ilots se soulèvent; La roche de sainte Odille est restée ou-
le cheval s'effraye, se cabre, renverse le verte jusqu'à ce jour. Dans la grotte qui
chevalier et gagne le rivage. La tempête à l'avait cachée jaillil une source, qui rend la
l'instant se calme ; les eaux reprennent lumière aux yeux malades. Los pèlerins y
leur limpidité et leur paisible cours vont eu grand nombre.
•M DICTIONNAIRE DES SCICNCES OCCULTES. 9C0
Légende du Vieux Chasseur. burg, afin que jamais créature humaine n'y
pût pénétrer, et que le nom de sa race fût à
On dans une conlrée tauvn^e
voit enrorn jamais effacé de la mémoire des hommes. Et
cl déscrtpdu Schwarzw;ild (rhamp noir) les c'est ce qui arriva, et ce qui fait que personne
ruines d'un burg dont le n«»m même est igno- ne sait plus le nom de ce burg.
ré. Mais on en raconte l'histoire suivante :

Le dirnier seigneur qui l'habita élail un La cloche de Wunnenstein.


comte fort riche qui passait sa vie à la chasse. L'appel aux nobles guerres de la terre
Il ménageait tellement son gibier que les sainte pour la délivrance du saint sépulcre
terres de ses vassaux en étaient dévastées, et avait retenti dans toutes les contrées de l'Al-
que ces pauvres gens mouraient de faim. lemagne. Maint chevalier aux cheveux gris
Une veille de fé!e qu'il chassait à son ordi- reprenait son armure et voulait donner de
naire, il s'égara dans la forêt sans pouvoir nouvelles preuves de valeur dans les com-
retrouver son chemin. En vain espère-l-il bats sacrés qui allaient se livrer en l'honneur
reconnaître un sentier les bois, à mesure
: de la croix.
(|u'il marche, deviennent plus épais et plus Le chevalier de Slein aperçut de son don-
sombres. Bientôt il n'a plus qu'à grande jon de Wunnenstein un convoi de chevaliers
peine la force de se retirer des buissons et el d'écuyers, qui remontaient la vallée du
des ronces qui couvrent la terre. Enfin, à Nècre. Il leur envoie demander le sujet de
minuii, il parvient à une clairière qu'il n'a leur marche; il apprend que tous n'avaient
jamais vue au milieu des bois où il se sent qu'un but, le but gravé dans les cœurs de
étranger. 11 se jitle par terre pour reprendre tous les vrais fidèles, celui de venger l'igno-
haleine. Il entend remuer alors dans les feuil- minie où se trouvait le sépulcre du Sau-
lages; il prend son javelot pour se défendre, veur.
mais ses chiens se niellent à gémir d'un ton A CCS mots, il selle son cheval, et va se
douloureux. Le bruit croissant, il est pris de joindre aux héroïques pèlerins qui se ren-
peur; il rentre dans les buissons épais. Tout dent à la terre sainte. Ce ne fut qu'après
inirépide qu'il était, le comte se sent trembler un long et pénible voyage, qu'avec ses com-
en voyant apparaître un homme de haute pagnons il aborde en Palestine. Chacun se
taille, l'arc en main et le cor à la ceinture, prosterne spontanément; toutes les bouches
accourani, hors d'haleine el haletant, du fond des hommes de cœur supplient humblement
du bois. Derrière lui venait avec ardeur une el avec larmes le Toui-Puissant de daigner
grande troupe de squelettes, tous montés sur couronner l'œuvre difficile qu'ils entrepren-
de vieux cerfs seize cors. nent pour sa gloire. Ce ne fut qu'au mois de
L'homme cherchait à leur échapper, mais mai de l'an 1099, après bien des combats et
de quelque côté qu'il tournât sa course, il bien des peines.qu'ilsaperçurentdansle loin-
était assailli par ses redoutables poursui- tain les créneauxde la sainlecilé. Ils pressent
vants. Le comte, éperdu, fit le signe de la leur marche ; un cri général remplit les airs ;
croix et se mit à invoquer le nom du Sau- des torrents de larmes de joie inondent tous
veur. Tous les fantômes montés sur les cerfs les visages. Mais il leur restait à fournir de
disparurent aussitôt. L'homme traqué s'ap- grands coups de lance avant de joruir de la
procha alors du chasseur égaré Que ma: — conquête tant désirée. Maint valeureux che-
rencontrete profite, lui dit-il ;jesuis un deles valier, et surtout le pieux sire di' Slein, mal-
ancêtres. Comme toi j'ai aimé passionnément gré toute l'ardeur avec laquelle il se prépare
le brutal plaisir de la chasse; comme toi j'ai au combat, ne manque pas de faire le vœu
tyrannisé mes vassaux. J'ai fait enchaîner solennel de bâtir une église dans le burg
sur des cerfs plus de cent de ces malheureux qu'il a hérité de ses ancêtres, si Dieu lui fait
que j'appelais braconniers; je les ai fait pour- la faveur de couronner ses fatigues par le
suivre par mes chiens jusqu'à ce qu'ils tom- succès et de le ramener à sa terre, où il
bassent quelque part, et que le malheureux remerciera tous les jours l'auteur de tout
qu'ils portaient rendît l'âme au milieu des bien.
tortures. C'est en punition de cette longue Enfin commencèrent les combats décisifs
barbarie que j'erre maintenant dans mes autour des murs de Jérusalem, et ce fut une
forêts; el chaque nuit la troupe de ceux que horrible effusion de sang. Quand l'étendai'd
j'ai fait périr me poursuit et me fait subir de la croix fut arboré sur les créneaux, le
mille fois ce que je leur ai fait endurer. Ren- glaive du vainqueur immola tout ce qui avait
trez dans votre manoir el que mon exemple vie parmi les Sarrasins. Ce ne fut qu'après
soit votre leçon. que l'effervescence des premiers moments do
 ces mots le malheureux disparut. Le la victoire fut un peu calmée, que les croisés
comte, saisi d'effroi, ne pouvait plus se mou- et notre chevalier avec eux pens^èrenl à pu-
voir. Ses gens le trouvèrent le lendemain, rifier leurs épées souillées du sang infidèle.
mais si défiguré qu'ils ne le reconnaissaient Puis, la tête découverte et les pieds nus, ils
pas. voulaient le ramener au burg; il leur
Ils s'approchèrent du saint sépulcre; et celte
déclara la résolution qu'il avait prise de bâ- ville où venaient de se faire entendre les
lir une cellule en cet endroit, el de se retirer cris du désespoir el les hurlements du mas-
dans la plus prnch(! caverne jusqu'à ce qu'elle sacre retentit de ferventes prières et du
fût achevée. Il distribua ses meubles aux pieux canti(fucs.
pauvres, fil murer toutes les avenues du Quelques mois encore s'écoulèrent avani
,

961 LEG LEG 9ÇI


que le chevalier de Slein fût de retour belle, et pourtant redouté de tous ses
il était
dans sa patrie mais pourtiint il rentra un
; voisins. C'est qu'il n'aimait que la guerre et
jour dans Wunnenslein, le burg de ses pè- la chasse, et que, disail-on, son cœur n'avait
res , son premier soin fut d'élever le saint
et pas battu encore d'un sentiment tendre.
édifice dont il avait fait vœu. [/église dédiée Il vint à un tournoi où le comte palatin
à saint Michel fut bientôt célèbre par les avait invité tous les barons du voisinage. Sa
miracles qui s'y opéraient. Le puiss.inl ar- fière jeunesse et sa figure brillante fixèrent
change protégeait la contrée contre les ra- tous les yeux sur lui; dans les joules il dé-
vages du tonnerre. La foudre épargnait les monta tous ses adversaires comme il l'a-
cauipagnes voisines au son de la cloche d'une vait fait en mille autres occasions; et il reçut
grandeur démesurée suspendue dans la tour le prix du tournoi des belles mains de Ma-
de son église. rie, fille (lu comte de Hochberg.
Souvent, pendant un temps calme, ses sons Rodenstein comblé de gloire fut frappé
, ,

harmonieux se faisaient entendre aux habi- en même temps des grâces de l'aimable per-
tants d'Heilbronn mais leur bénédiction
,
sonne (jui l'avait couronné publi(|uement.
ne s'étendait pas sur tous les nobles de Né avec des passions impétueuses, il n'était
Wunnenslein, qui souvent offensaient le pas de caractère à cacher sa passion. Il la
ciel. Aussi les bonnes gens d'Heilbronn cher- déclara à la jeune comtesse. Bien lait et re-
chèrent-ils tous les moyens de se rendre maî- nommé, il se vit accueilli. Il épousa Marie ,
tres de la cloche. Mais toutes leurs démarches et la conduisit en triomphe à son burg, à
furent inutiles, jusqu'à ce qu'enGn les cha- Rodenstein. Ce fut une joie générale dans la
noinesses d'Obristenfeld, auxquelles l'église contrée que de voir le chevalier au cœur île
,

et la commune appartinrent pendant un cer- fer subjugué enfin. Les premiers mois de
tain temps, la cédèrent à ceux d'Heilbronn son mariage furent pleins de bonheur. Marie
pour une grosse somme d'argent paraissait avoir adouci l'humeur sauvage et
Tous les villages qui environnaient Wun- turbulente de son époux on ne le voyait :

nenslein furent plongés dans la tristesse , plus rêver sans cesse à la chasse et à la
quand ils n'entendirent plus le son de leur guerre ; mais ses passions bouillantes re-
cloche protectrice, pendant que les habitants prirent bientôt le dessus une querelle avec ;

d'Heilbronn l'introduisaient en triomphe un baron voisin , par qui il se croyait of-


dans leur ville. Ils la reçurent avec la plus fensé lui fit reprendre les armes, et il se
,

grande solennité, la firent bénir derechef et prépara à l'attaque.


la placèrent dans leur grande église. Le sénat Sa jeune épouse pria pleura, se désola , ,

et la bourgeoisie s'étaient rassemblés pour mais en vain. Le chevalier emporté lui


entendre les premiers sons qu'elle rendrait imposa le plus strict silence, alléguant qu'il
parmi eux, mais inutilement : elle resta s'agissait là de son honneur. Il part donc
muette. En vain les exorcistes prononcèrent- armé et M.irie, éperdue, s'étanl couchée,
,

ils les formules les plus puissantes, la clo- pour le retenir, à travers la porte du burg ,
che persista dans son silence. Confus et re- en l'assurant qu'un pressentiment l'avait
pentants , les bourgeois, saisis de crainte, avertie qu'il ne reverrait pas le seuil de sa
ramenèrent eux-mêmes la cloche dans son porte, il la saisit, furieux, la repoussa bru-
sanctuaire favori. Des troupes nombreuses talement , monta à cheval, et s'éloigna. La
de campagnards, comblés de joie, l'allendi- pauvre épouse cependant, tombée évanouie,
renl aux limites de Wunnenstein, et la reçu- accoucha avant terme, d'un enfant mort
,

rent comme s'ils avaient retrouvé la plus et succomba elle même, suivant son premier-
tendre des mères. Pour ne point perdre de né au cercueil.
temps, un laboureur qui revenait des champs Rodenstein ne savait pas cette double
la prit sur son chariot; et comme si le ciel perte. Il se met en embuscade dans les épais
eût voulu mettre le comble à la joie commu- taillis du burg de Schnellert, son ennemi,

ne, il permit que deux bœufs franchissent à burg infesté d'esprits qui, la nuit, faisaient
pas précipités la montagne escarpée, con- des rondes infernales, avec grand fracas.
duisant une masse que douze des meilleurs Là couché sur la mousse, Rodenstein passe
,

chevauxd'Heilbronn n'avaient pu faireavan- sans sommeil une nuit redoutable. Tout à


cer d'un pas. coup il voit venir de Rodenstein au-devant
Dès que la cloche fut replacée sur son des esprits de Schnellert un fantôme noir, ,

beffroi, elle reprit ses sons puissants le peu-*


;
qui tient un enfant dans ses bras. Jusqu'a-
pie se prosterna en chantant des cantiques lors inaccessible à la peur, il sent ses che-
d'actions de giâces. Et depuis ce temps la veux se dresser sur sa tête ; car il reconnaît
cloche de Wunnenslein n'a jamais cessé sa femme dans fantôme. Elle est à l'instant
le

d'annoncer harmonieusement aux campa- devant lui, avec les pâleurs de la mort ; mais
il reconnaît bien ses traits. Elle se redresse
gnes l'abondance des bénédictions que le
pieux chevalier avait rapportées de son pè- avec lenteur, et prononce ces mots, d'une
lerinage. voix sépulcrale: —
Ma tendresse n'a pu qu'ex-
citer votre fureur. Vous avez oublié ces
Le chevalier de Rodenstein. droits sacrés qui me rend lient respectable
T.e burg de Rodenstein dans l'Odenwald à vos yeux! Avec la mère, vous avez con-
était occupé, à l'une des plus rudes époques duit au tombeau notre enfant, doux espoir
du droit féodal, par le vaillant chevalier qui d'un bon père. Vous serez puni, et vous
iiortait son nom. Sa figure était gracieuse et n'aurez point de repos, même api es voti'e
963 DICTIONNAIRE DES ?CIENCES OCCULTES. 9r,4

mort. Jusqu'à la Gn des temps, vous errerez fiile déguisée; prenez confiance en moi, mes

de inonlagne en montagne, et votre spectre enfants: dites-moi où demeurent vos parents


sera, dans ces villages, l'annonce de laguerre et ce que vous voulez faire à Windeck.
et de la désolation. » Les jeunes pèlerins se mirent à pleurer ;
Elle dit, et disparaît, et bientôt le sort du Talné répondit : —
il est vrai que je suis une

chevalier est accompli. Il est blesse à mort fiile; on m'appelle Emma d'Erstein, et l'en-

dans le premier choc de l'ennemi qu'il guet- fant qui m'accompagne est mon frère. Le
tait. On le porte mourant chez le ciiâtelain grand doyen de Strasbourg, notre oncle, a
de Schnellert il expire.
;
eu pour nous les soins «l'un père; il languit
Il fut, il est vrai, inhumé en terre sainte, là-haut dans le» fers; nous venons implo-
mais la prédictionde Marie s'accomplit en rer sa délivrance auprès du seigneur du châ-
lui son esprit errant est condamné à précé- teau.
:

der les fléaux cruels; et jusqu'à nos jours, — Apportez-vous doue une rançon? dit la
'lès que la guerre doit se lever, l'esijrit de bonne vieille,

Rodenslein, qui semble avoir l'oilorat du —Hélas répondit Emma en tirant une
1

sang, sis mois avant les hostilités sort de , croix de diamants de sa poitrine, voilà tout
.son tombeau de Schnellert, à la tête d'une ce que je possèile, mais nous prierons tant
troupe guerrière et nombreuse, que les cris ce seigneur, qu'il nous prendra pour otages,
des soldats, le bruit des chariots le galop , jusqu'à ce que mon oncle ail pu fournir sa
des chevaux ardents, le son des tambours et rançon.
des fifres, des cors et des fouets accompagnent — Eh bienl dit la vieille, en caressant les
toujours ; ce tumulte mystérieux remplit cheveux bouclés de la jeune fille, c'est moi
toute la contrée, fait frissonner le cultiva- (lui payerai rançon. 'Tenez, mes enfants ,
la
teur qui rentre chez lui à la hâte, llodens- ( eux de Strasbourg se préparent au siège du
lein, dit-on, traversant les vallées et les fo- château; j'ai vu cette nuit deux espions qui
rêts, se rend à son burg où il veille à la se tenaient cachés dans l'épaisseur du bois,
garde de ses trésors enfouis, et séjourne là ils avaient soigneusement observé les issues
jusqu'à ce que les prières des peuples aient du château el bien reconnu le côté faible,
ramené la paix. Six mois avant les traités, il au bois Ass s ipins, devant la croix sépul-
rentre avec le même vacarme dans son re- crale. Allez vile au manoir; dites à sire Re-
pos du Schnellert, naud, le jeune chevalier de Windeck, qu'il y
On montre dans le hameau d'Oberkries- fisse creuser un fossé profond dès aujour-
hach une grange par laquelle le chasseur d'hui; car je crains que l'ennemi ne vienne
sauvage, comme l'appellent les gens du ie surprendre à la chute du jour.
pays, passe toujours quand il se rend à Ro- —
Mais le chevalier nous rendra-t-il notre
denstein. oncle? dirent les enfanis.
La Fosse à la poule.

Je vais aussi vousdonner de quoi payer
la rançon.
Au temps où grand doyen de Strasbourg
le
Elle fit claquer ses doigts; et aussitôt ses
était étroitement resserrédans le château de poules blanches accoururent de toutes
Windeck, une cabane couverte de mousse au parts. Elle en prit une et la donna à Enmia :

Wolfshag était habitée par une bonne vieille — Porlez-la, dit- elle, au chevalier Renaud
que les voisins appelaient la petite femme des de Windeck, afin qu'il relâche le grand
bois. Elle avait une profonde connaissance doyen, sire d'Oxenstein.
des choses cachées, ainsi que de la vertu des Les enfanis, très-surpris , la regardaient
piaules et des racines. Les bêtes féroces de avec de grands yeux.
la forêt, loin de lui faire aucun mal, parais- — Faites ce que je vous dis, conlinua-
saient au contraire obéir à sa voix. Sdu I -elle ; vous lui recommanderez qu'au coucher
unique avoir consistait en quelques poules du soleil soin d^e poser la poule à 1.1
il ait
blanches d'une taille peu commune, qui al- croix, où les ennemis ont médité l'ailaque;
laient à la picorée dans les tailiis.
'"'i j'y réfléchis, il n'a pas assez de gens au
Unjourqu'ellectait assise dwvant sa huile, cliâl<au pour creuser si vite un fossé large el
elle vit s'avancer deux jeunes garçons d'une
profond.
beauté remarquable.,Ils étaient égarés et ve- A ces mots la bonne femme se mit à grat-
naient lui demander le chemin du burg; elle ter la poule, en chantanl à voix basse el peu
les accueillit avec bienveillance, les fit re-
«nlelligible :

poser dans sa cabane, leur offrit de son pain


«Ides fruits. Le plus jeune, qui n'avait que M'eiitenjs-tultipti, poule blancheUe?

treize ans, mangeait de bon appétit; l'autre, Ce soir, au ni de la cliouetle,


Que le fossé soit prolongé
qui pouvait en avoir dix-huit, tenait négli- Jusiju'au frr que rien n'a rnngé.
gemment sa pomme à la main et laissai! Gratte et creuse de loug en large,
échapper quelques larmes, que cependant il Jusqu'au cliaruier. Moi ((ui l'en cliarge.
Je le sais capable du fait,
cherchait a cacher. Il alla mêmtî se laver les El qu'à uiiuuii tout soil p^irfait.
yeux à la fontaine fraîche el limpide qui cou-
lait de la roche voisine ce rafraîchissement
: Emma prit la poule, non sans frémir un
rendit à son visage tout l'incarnat de la jeu- peu mais la bonne vieille était si caressanle,
;

nesse. La femme des bois prit plaisir à le si engageante, qu'enfin elle lui inspira de la
voir et lui dit : —
Vous n'êtes pas un garçon, confiance. Le petit frère n'avait pas peur; il
mon enfant; vous élcs assurément une jeune se réjouissait au contraire de voir le spos-
%s LEO LEG &66
(;iile si merveilleux d'une poule creusant le cœur du Le doyen ne consenlil
chevalier.
an large fusse. à leur union qu'après un traité avantageux
Apeine furent-ils à mi-chemin de la mon- qui rétablit la concorde entre les familles;
tagne, qu'ils rencontrèrent le jeune cheva- lui-même leur donna la bénédiction nupliale,
lier. C'était un guerrier d'un port noble. tt libre désormais il demeura pourtant avec
Quoique d'abord la jeune demoiselle fût in- eux pour jouir de leur bonheur. Le nom—
quiète de la gravité de ses manières, le Ion de la Fosse à (a poule s'est perpétué jusqu'à
de douceur aveclequel il lui parla l'eut bien- nos jours.
tôt rassurée.
Hohenrechberg.
11 leur demanda qui ils étaient, ce qu'ils

venaient faire dans son burg. A unelieuedeSchwœbich-Gemund, villedu


Emma répondit : —
Noble seigneur, vous Wurtemberg, et à une lieue de Hohenstaulen.
relenez prisonnier le grand doyen de Stras- berceau des illustres empereurs de la maison
bourg. C'est notre oncle. Il nous tient lieu de Souabe, est le célèbre burgde Hohenrech-
•le père, car nous sommes orphelins. C'est berg, qui a donné naissance au comte de
pourquoi nous venons vous supplier de lui Rechberg et à ceux de Rothen-Lœwen. C'est
rendre la liberté; et vous nous retiendrez en lin des sites les plus élevés des A'pes de
otages. Souabe, isolé des hauteurs de l'Albach, au-
Le chevalier ne put dissimuler son émo- (luel il ne tient que par ses racines et par un
lion. Il considérait avec attention l'un et rideau d'une lieue qui le met en liaison avec
l'antre enfant, et sans qu"il y pensâtses yeux llohenstaufcn. Il a 2167 pieds d'élévation au-
se fixèrent spontanément sur la poule blanche dessus du nivea de la mer.
1

que tenait Emma. Celle-ci était là toute con- Ce vieux buig. dont les possesseurs sont
fuse, et elle ne put lui expliquer qu'avec des connus dans l'histoire dès le temps de Char-
paroles entrecoupées ce à quoi il pourrait lemagne, domine donc une des plus belles
s'en servir. contrées de la Souabe. Mais ce qui lait sur-
Le chevalier prétait une oreille attentive : tout sa réputation, c'est la petite chapelle,
il pensait, il réfléchissait, il lâchait de péné- où demeura autrefois un ermite qui apporta
trer jusqu'au fond le secret de la poule, de là une miraculeuse image de la viurge Marie,
lire les pensées les plus intimes d'Emma, but révéré de grands pèlerinages. D'autres
lient les discours étaient sans liaison. Son traditions s'y rattachent entre autres celle
:

frère enfin crut devoir s'en mêler. —


Emma, du Klopferlé et celle de l'e-prit du Siauf.
interrompit-il, ce n'est pas ainsi qu'a dit la Le Klopferlé est un grand mystère. On
bonne vieille. entend frapper comme du heurtoir lorsque
Â
ces mots Emma
devint brûlante comme la mort va choisir une proie dans la fauiille
si le feu lui eût monté au visage. Mes — de Rechberg. Ce bruit inconnu commence
beaux enfants, dit Windeck, c'est Dieu qui aussitôt que le malade ne dunne plus d'espé-
vous a conduits ici, jouissez-y de toute ma rance de guérison, et dure jusqu'à sa mort.
protection. Entrez dans mon burg, dont vous Il a lieu non-seulement dans le burg, mais
sortirez quand il vous plaira; venez et faites encore dans toutes les maisons des Rechberg,
à votre oncle la plus agréable surprise. même dans celles qu'ils ont aliénées. Et voici
Le chevalier les laisse dans les bras du comme on raconte l'origine de ce heurlement.
doyen et se hâte de faire les préparatifs de la Ulrich de Rechberg, celui qui a établi le
plus vigoureuse défense. Il n'ignorait pasque fidéi-commis de la famille, eut un grand chien,
le côté de la sapinière était le moins bien â tellement dressé que lorsqu'il faisait quelque
couvert d'une attaque, et depuis quelques absence, il s'en servait comme d'un courrier,
jours il employait ses gens à y faire un fusse, lui attachant au cou une bourse de cuir (jui
mais c'était un travail de longue haleine au- contenait ses lettres à sa femme, restée dans
quel ils n auraient pu suffire. Aussi savait- le burg. On voyait autrefois ce chien intelli-
il bon gré de sa mission imprévue à la vieille gent, peint, dans ses fonctions de messager,
des bois, en qui il avait confiance. Dès que sur un vieux lambris du château de Weis-
parut l'étoile du berger, il alla porter la senstein. il arriva qu'Ulrich, étant en voyage
poule à la croix drs morts où son aïeul en 1496, fut longtemps sans envoyer de let-
avait succombé vaillamment dans un com- tres à sa femme , Anne de Venningen. Elle
bat et où reposaient ses cendres. Il y revint eut de vives inquiétudes, et tous les jours
à minuit sonnant, et quelle fui sa surprise d'y elle allait prier pieusement à la chapelle. Un
trouver un profond et large fossé, garni de jour qu'elle répandait ainsi ses larmes devant
son parapet, et d'apercevoir à la lueur des le Seigneur, elle entendit frapper à la porte
étoiles l'épée resplendissanic qu'on avait de l'humble sanctuaire. Elle se fà' ha de cette
ensevelie avec le liéros 1 La poule blanc^he importunilé , croyant que c'é ait le fait d'un
avait disparu. domestique, et tous savaient qu'elle n'aimait
Avant l'aurore on vit s'avancer les cou- pas à être interrompue dans ses pieux exer-
rageuses bandes de la garnison de Stras- cices. Le bruit ne cessant pas, elle se leva do
bourg. Elles montaient hardiment à l'as- son prie-dieu , et dit celte parole répréhen-
saut, mais le fossé leur opposa un obstacle sible : —Puisses-tu à jamais frapper ainsi!
insurmontable. Le merveilleux travail de la — Elle ouvrit en même tenij s la porte pour
poule avait déconcerté leurs projets; elles réprimandrr le domestique. Quel fut son ef-
furent repoussées avec une grande perle. froi de n'y trouver que le chien, revenu sans
Cependant Emma availfait impression sur lettre, et s'approchanl tristement pour la
,

?g7 niCTIONNAinE DES SCIENCES OCCULTES. 9(m

CTresscr ! — recul pou après la fatale


Elle On voit sur ses rives Icnoruie Kraken
nouvelle de mort du comte et depuis ce
la ,
soulever la masse de son corps, ei couvrir,
temps on entend ainsi frapper dans le burg en se vautrant, un espace immense 'à est
;

chaque fois que la mort enlève un Rechberg. aussi le serpent de mer, replié sur lui-mëiiit!
Le fait est rapporté ainsi depuis plus de trois dans l'intervalle de ses apparitions, si mal à
ceHlsans; il est enregistré dans les papiers propos contestées ; là enfln le pelage bleu
de la famille, et cunOrmé par les ofriciers du trouve un port, jette son ancre, déroule sa
château. voile vaporeuse, et se repose un moment de
Un autre rérit des gens du pays explique la sa course éternelle.
tradition du Stauf, Staufengeisl ; en voici le Là sont conservés les trésors engloutis par
résumé fidèle. L'esprit du Siauf est une lu- la mer des lingots d'or
, , des caisses de per-
mière qui, aux temps d'orage, paraît poindr* les, de riches ballots d'étoffes orientales on;

du Staufen dans la direction opposée au y voit scintiller le diamant et briller escar-


I

Rechberg. On la voit après le repos de la


, boucle ; là mouillent dans des baies profon-
cloche qui sonne VAngelus du soir, sur le des des vaisseaux enchaînés par un charme,
château dHohonstaufen; elle a tout l'aspect et depuis longtemps oubliés.
de '.a bouche d'un four embrasé. Tout à coup On raconte de cette île bien d'autres mer-
l'esprit (les bonnes gens du pays lui donnent veilles; ce que nous en avons dit répandra
ce nom) s'élève et s'avance au-dessus du au moins quelque lumière sur la légende
rideau qui sépare les deux châteaux, tantôt qui va suivre :
planant lentement , tantôt sautillant sur la Au commencement du xv siècle, lorsque
cime des sapins; puis , laissant à gauche le le prince Henri de Portugal, de digne mé-
Rechberg, il se porte jusqu'au Herge, reprend moire, poursuivait le cours de ses explora-
ensuite son chemin vers le Staufen où il , tions le long de la côte occidentale d'Afrique,
cesse d'être visible à VAngelus du matin. et que le monde entier retentissait des récits
Ce phénomène ne paraît pas tous les jours, de continents tout semés d'ur et d'iies ré-
mais de temps à autre, surtout en automne. cimment découvertes, ilarri va à Lisbonne un
Le nom d'esprit que lui donnent les habi- vieux pilote égaré, que des tempêtes avaient
tants indique qu'ils y trouvent quelque chose poussé hors de toute voie, et qui, fort éloigné
de surnaturel. C'est au reste un esprit bien- dans les mers, avait trouvé une île inconnue,
faisant, qui ne fait de mal à personne. h.ibilée par des chrétiens et couronnée de
Passons à d'autres légendes. Celle qui suit nobles villes.
est empruntée au Bencley's Miscellany. Les habitants, qui n'avaient jamais eu la
moindre visite d'un vaisseau européen, s'é-
Vile de Saint-Brandan
taient, disait-il, rassemblés autour de lui, et
« y a ici-bas p!us de choses que n'en a
Il ils lui avaient dit être les descendants de

rêvé notre philosophie » comme dit Ham-


, quelques chrétiens qui s'étaient enfuis d'Es-
let. Parmi ces choses inconnues il faut placer pagne à l'époque de la conquête de ce pays
1 île de Saint-Brandan, la merveille et le par les Maures. Ils avaient demandé des
mystère des mers. Tout le monde connaît les nouvelles de leur patrie, et s'étaient fort af-
Canaries, les îles Fortunées des anciens, fligés en apprenant que le royaume de Gre-
fragment, dit-on, et débris de cette immense nade appartenait encore à leurs ennemis. l's
Atlantide englouliepar l'Océan, comme nous avaient voulu mener le vieux marin à leur
le voyons dans Platon. Ceux qui ont lu église, pour le bien convaincre de leur foi;
l'histoire de ces îles se rappelleront les ré- mais il avait cru devoir retourner immédia-
cits prodigieux d'une autre plus belle encore, tement à son bord. lien avait été puni :une
dont on aperçoit de temps en temps , de tempête furieuse s'était élevée, l'avait fait
leurs rivages, les ioiigs promontoires bru- chasser sur son ancre , l'avait jeté au larg" ,
meux et les pics dorés par les feux du soleil. et il n'avait plus vu l'île inconnue.
Que de navigateurs sont partis des Canaries Cet étrange récit causa une grande sur-
à la découverte de cette île Mais à mesure
1 prise. Les hommes instruits se rappelaient
qu'ils avançaient, les montagnes et les pro- en eQi-t qu'ils avaient lu, dans une ancienne
montoires s'évanouissaient peu à peu , et chronique, qu'à l'époque du viii* siècle, «.l'i
enfln rien ne frappait plus les regards des la croix sainte fut, en Espagne, renversée
navigateurs, si ce n'est le ciel d'azur au-des- par le croissant, et les églises chrétiennes
sus de leurs têtes, et le bleu sombre des Ilots transformées en mosquées sept évêques, à
,

sous leurs pieds. Aussi les anciens géogra- la téie de pieux exilés , s'élaient enfuis de la
phes ont-ils appelé cette terre fantastique Péninsule , et mis en mer à la recherche de
l'Inaccessible ; les modernes ont révoqué en quelque île de l'Océan, où ils pourraient fon-
doute son existence, et l'ont traitée d'illu- der sept villes chrétiennes.
sion, comme les Fana tnorgana du détroit de Le sort de ces pieux aventuriers élait
Messine, le Cap fugitif et la ferre desNuages. ignoré depuis. Le récit du vieux loup de
Pourtant son existence a été très grave- nier ressuscita ce souvenir. On en conclut
ment attestée par les poètes, race doues ()ue rtle, ainsi découverte par le hasard,
d'une espèce de seconde vue, pour qui c'est était certainement la retraite des évéi|ues er-
l'île où fleurissait jadis et où fleurit encore rants et de leur fidèle troupeau. L'île des
sans doute le jardin des Hespérides, avec les Sept -Villes excita alors autant d'intérêt
fruits d'or ; c'est là aussi que s'épanouissait parmi les chrétiens qu'en souleva la fameuse
le jardin enchanté d'Armiile. cité de Tombouctou parmi les touristes mo-
,

m LRG LEG 970


riernes. Mais personne ne pril la chose à qu'il s'éleva une violente lempête qui les sé-
cœur aulant que don FernantI de Ulmo para. Fernand, sur le seul navire qui lui
jeune cavalier portugais, d'un esprit ardent restait, fut plusieurs jours et plusieurs nuits
et romanosiue L'ilo des Sept-Villes devint le jouet des cléments; un soir enfin la
l'unique objet de ses pensées pendant le jour lempête se calma, les nuages se dissipèrent
et de SCS révts pendant la nuit. Elle balança comme si un rideau placé dov;:nl le ciel s'é-
même sa passion pour une riche Lisbon- tait écarté tout à coup; le soleil couchant
naise à laquelle il clail fiancé. Il s'enflamma brilla sur une belle île monlueuse. Les ma-
tellement, qu'il résolut de faire une expédi- telots, se frottant les yeux, contemplaient,
tion à la recherche de cette ville sain'.e. Ce sans savoir encore si ce n'était pas une hal-
ne pouvait pas élre une excursion bien lon- lucination, celte terre si soutlaincmcnt sortie
gue, puisque, sur les calculs du pilote, l'îlo des ténèbres profondes. Mais elle était là,
en question devait être dans 1rs parages des avec ses ravissants points de vue, ses villa-
Canaries; à cette époque où le nouveau ges, ses tours et ses clochers; et la mer
monde n'était pas encore découvert, les Ca- calmée roulait ses flots paisibles jusqne sur
naries étaient la limite des navigateurs sur le rivage. A une lieue environ l'œil distin-
l'Océan. Fernand réclama pour son projet la guait fort bien, baignée par une rivière,
protection royale; comme il était aimé, il une superbe ville, avec des tours et des mu-
obtint du roi don Juan II une commission railles élevées, un fort qui la prolégeail.
qui l'instituait adelantado ou gouverneur Fernand jeta l'ancre à l'embouchure de la
militaire des pays qu'il pourrait découvrir, rivière, qui paraissait former un port spa-
à la seule condition que tous les frais do cieux. Bientôt on vit s'avancer une embar-
son entreprise seraient à sa charge, et qu'il cation d'apparat; elle était ornée de dorures
abandonnerait à la couronne un dixième de fort riches, quoique bizarres. Une bannière
ses bénéfices. qui portait l'emblème sacré de la croix flot-
Don Fernand se mit à l'œuvre, vendit ses tait au vent. Celte chaloupe, montée par
terres et en convertit le produit en navires , seize rameurs qui marquaient avec Icuri
en canons, en munitions et en vivres. Beau- avirons la cadence d'un vieux chant espa-
coup de chercheurs d'aventures s'engagèrent gnol, était commandée par un cavalier vêtu
dans sa troupe. d'un pourpoint très-riche , de forme an-
Un honime désapprouvait le projet
seul : cienne et coiffé d'un vaste sombrero, qu'une
,

c'était don Ramire Alvarez, le père de Séra- plume légère décorail.


Gna, la Guneée de don Fernand, vieillard Lorsque le canot cul abordé la caravelle,
positif. Il ne croyait pas à l'île des Sept- le cavalier monta à bord. Il était grand; il
Villes; il voyait avec colère son gendre futur portail une longue figure espagnole avec
vendre de bonnes terres pour des châteaux une gravité Gère; ses moustaches frisées se
en l'air, et il l'avait baptisé du sobriquet relevaient jusqu'aux oreilles; sa barbe éiait
d'Adelantadu du pays des niais. régulière et partagée en deux ses gantelets ,

L'engagement de Fernand avec Sérafina le lui montaient jusqu'aux coudes, et il lais-


jeta quelque temps dans un embarras ex- sait traîner derrière lui une lame de Tolède
trême. Il était Irès-altaché à la jeune dame ;
dont l'énorme poignée élail faite en cor-
mais il était plus épris encore de son projet. beille. Il salua Fernand par son nom et lui
Comment concilier ces deux passions? Une souhaita sa bienvenue avec l'antique cour-
facile combinaison se présentait épouser : toisie castillane. Etonné de s'entendre ap-
Sérafina avant son départ. Il proposa cet ar- peler par son nom dans un pays étranger,
rangement à doo Ramire; mais alors le Fernand demanda en quelles régions il était
vieux cavalier laissa éclater la tempête de arrivé.
sa mauvaise humeur, et reprocha à Fernand — Dans l'Ile des S:'pt-Villes.
ce qu'il appelait sa sotte crédulité; Fernand La tempête l'avait ainsi poussé vers la
était trop jeune [lour écouter paisiblement terre même qu'il cherchait. Son autre cara-
un tel langage. Une querelle s'ensuivit; don velle, dont la tempête l'avait séparé , était
Ramire le traita de fou, et lui interdit sa entrée dans un port voisin, et avait annoncé
maison jusqu'à ce qu'il eût prouvé son re- l'expédition qui venait réunir ce pays à la
tour à des idées plus raisonnables. Le jeune grandj unité chrétienne. L'Ile entière célé-
homme sortit plus obstiné que jamais dans brait cet événement par des réjouissances;
sa résolution. et on n'attendait que sa présence pour jurer
Les apprêts de l'expédition se terminèrent. fidélité à la couronne de Portugal cl le sa-
Deux élégantes caravelles étaient à l'ancre luer adelantado des Sept-Villes.
dans le Tage, prêtes à mettre à la voile dès Un grand festin devait avoir lieu le soir
l'aurore. Le jeune homme écrivit à Sérafina: même au palais de l'alcade ou gouverneur,
c Quelques mois, et je reviens Iriomptiant. qui avait envoyé son grand chambellan dans
Votre père rougira alors de son incrédulité, sa chaloupe d'honneur pour conduire l'ada-
et m'appellera le bienvenu chez lui, lors- lantado à la cérémonie.
que de sa porte, riche
je franchirai le seuil Fernand se crut bercé par un rêve. Il
comme un puissant monarque cl adalantado fixa un œil scrutateur sur le grand cham-
des Sept-Villes. » Et au point du jour les ca- bellan qui, son message accompli
,
restait ,

ravelles gagnèrent la mer. Elles gouvernè- debout, dans une grande dignité. Le jeum;
rent vers les Canaries. homme, voyant bien que ce qui se passait
A peine avaient-elles atteint ces parages. ne pouvait être une fiction, revélil ses jilus
Dictionnaire des Sciences occultes. L 31
,

97» DICTlONNAlUt: DES SCIENCES OCCILTES. 87J

beaux voulait mettre son canot à la


babils. Il pleine de douceur. Le jeune homme, à qui
nier et débarquer avec ses bomnies ; mais ou la brusque et complète réalisation de ses
lui dit que la cbaloupe avait été disposée espérances avait presque tourné la télé, et
pour lui qu'après;
ou le ramènerait à
la fête qui avait plusieurs fuis vidé la coupe que
sou navire et que jour suivant il ferait,
le des pages attentifs lui présentaient à chaque
dans l'appareil convenable, son entrée au instant, n'était pas arrivé à la moitié du
port. Il se jeta donc dans l'embarcation. Le banquet, que, très-épris, il sollicita l'hon-
grand chambellan s'assit sur un coussin en neur de sa main. La demoiselle baissa la léto
face de lui, et les rameurs se penchèrent sur d'une manière quisignifiaitun consenlemeni,
leurs avirons. et Fernand allait la demander à son pèro
La nuit vint avant qu'ils entrassent dans sans se ressouvenir de Sérafina, lorsque le
la rivière. Ils doublèrent le promontoire dé- chambellan vint lui annoncer que
la cha-
fcMidu par une tour ; et les sentinelles criè- loupe l'attendait pour conduire à sa cara-
le

rent Qui va là ?
:
velle. Don Fernand prit congé de la noble

L'adclantado des Sept-Villes. compagnie dans toutes les règles du cérémo-

Il est le bienvenu. Passez. nial, dit an tendre adieu jusqu'au lendemain
En entrant dans le port, ils ramèrent le à la fille de l'alcade, et fut reconduit à son
long d'une galère d'un modèle fort ancien. vaisseau. Rentré dans sa chambre, et pris
Des soldats armés d'arbalèies étaient en fac- d'une sorte de vertige causé par tout ce qu'il
tion sur le pont. avait vu, il se jeta sur son lit, et tomba bien
—Qui va là ? dcmanda-t-on de nouveau. vile dans un sommeil fiévreux, agité de

L'adclantado des Sept-^ illes. rêves vagues et sans suite. Combien dura ce

11 est le bienvenu. Passez. sommeilfil ne lesut jamais. En se réveillant,
Ils abordèrent à un escalier de pierre con- il se trouva dans une cabine inconnue, en-

duisant, entre deux tours massives, à une touré de personnes qu'il n'avait vues de sa
porte où ils frappèrent. Une sentinelle cria : vie. Dormait-il encore? il se frotta les yeux.
Qui est là? En réponse à ses questions, on lui apprit
— L'adalantado des Sept-Villes. qu'il était sur un navire portugais faisant
La porte tourna sur ses gonds. voile pour Lisbonne, et qu'il avait été re-
Us entrèrent entre deux rangs de guer- cueilli sans connaissance sur un débris de
riers, cuirassés de fer battu, portant des ar- navire flottant à la merci des vagues au mi-
balètes, des haches d'armes, et des masses. lieu de l'Océan.
Us firent le salut militaire en silence. La ville Fernand fut fort étonné; il se rappe-
était illuminée, mais sombre; on voyait dans lait parfaitement tout ce qui lui était arrivé
les rues des feux de jnic autour desquels so dans l'î.e des Sept-Villes cl ce qu'il y avait
groupaient des costumes qui rappelaient le vu. On prit ses discours pour des divaga-
carnaval; les dames très-parées, que l'on tions; et, dans leur sollicitude, les gens du
apercevait aux balcons tendus de vieilles navire lui administrèrent des remèdes si vio-
tapisseries , ressemblaient plutôt à des fi- lents, qu'il se crut obligé degarderle silence
gures bénites qu'à des femmes en toilette. Le vaisseau entra dans le Tage, et jeta l'an-
Tout portail l'empreinte des anciens temps cre devant Lisbonne. Fernand, s'élançant
ou plutôt c'était le monde espagnol rétro- sur le rivage, courut au manoir de ses an-
gradé de plusieurs siècles. On avait surtout cêtres. A sa grande stupéfaction, il le trouva
conservé dans l'île des Sept-Villes la vieille habité par des étrangers; et lorsqu'il demanda
graviié castillane quoiqu'on célébrât des
:
des nouvelles de sa famille, personne ne put
réjouissances publiques et que Fernand lui en donner.
fût l'objetde leurs félicitations , partout où demeure de don
Il se dirigea alors vers la
ilse montrait, au lieu d'arclamations, ce
Ramire, car sa passion pour Sérafina s'était
n'étaient que révérences officielles et som-
ranimée. H s'approcha du balcon sous lequel
breros silencieusement agités dans les airs. donné tant de sérénades. Sérafina
il lui avait
En arrivant au palais de l'alcade, on ré- elle-même au balcon. 11 poussa un cri
était
péta la formalité ordinaire : de ravissement en tendant les bras vers elle.
— Qui est là? Elle lui lança un regard d'indignation, se re-
— L'adclantado des Sept- Villes.
tira et ferma la fenêtre. La porte était ou-
Il bienvenu. Passez.
est le
verte. Il franchit rapidement l'escalier, et eu
On entra dans un salon magnifique, illu- entrant dans la chambre il se jeta à ses pieds ;
miné aux flambeaux. L'alcade et les digni- elle recula avec eflroi. Un jeune cavalier
taires delà ville attendaient leur hôte illus-
qui était présent s'avança :

tre; ils le reçurent avec l'étiquette officielle


remarquée partout.
— M'expliquerez-vous, monsieur, ce que
Le banquet se composait de mets incon- vous venez faire ici? dit-il.

nus, de friandises oubliées ; un paon fut — De quel droit, demanda Fernand, me


servi dans sou plumage, sur un plat d'or, au faites-vous cette question ?
haut bout de la table. —
Du droit d'un fiancé.
La fille de l'alcade était assise à côté de Fernand tressaillit et pâlit. — -Sérafina !

Fernand. Sa toilette à la vérité avait pu être Sérafina s'écria-t-il avec l'accent du déses-
1

(le mode huit ou neuf cents ans auparavant ; poir, est-ce là la foi que vous m'aviez pro-
mais elle avait de beaux yeux noirs, une mise? —
Sérafina Que voulez-vous dire?
1

charmante figure andalouse et une voix , Cette jeune dame «'appelle Maria.
CT> LEG LEG 974
— N'cst-clle pas Sér;ifina Alvarez? el ne tion à la recherche de lile ; mais il n'avait
vois-je pas là son portrait? plus aucunes ressources, el personne ne vou-
— Sainte Viergp, s'écria la jeune fille , il lait ajouter foi à ses récits, que l'on regar-
parle de ma bisaïeule 1 dait comme les rêves d'un naufragé.
Le malheureux Fernand se trouvait dans s'embarqua pour les Canaries parce
Il ,

lin embarras nouveau s'il s'en rapportait au


: qu'elles étaient dans la latitude de son an-
témoignage de ses yeux, il voyait devant lui cienne principauté, et que les habitants ai-
Sérafina; s'il en croyail ses oreilles, ce n'é- maient assez à courirles aventures. Il trouva
taient que SCS traits héréditaires perpé- ,
là de dociles auditeurs; les vieux pilotes et
tués dans la personne de sa petilc-fiile. Sa les vieux marins étaient là des chercheurs
cervelle commença à s'embrouiller. 11 sortit d'Iles, et croyaient à toutes les merveilles des
lirusquemcnl il courut au bureau du minis-
; mers. Tous regardèrent ce qui lui était arrivé
tère (le la marine, et fit un rapport sur son comme une circonstance ordinaire et se
expédition et sur l'île des Sepl-Villes. Per- dirent en branlant la tétc « Il a été à l'île do
:

sonne n'avait entendu parler de rien de sem- Saiut-Brandan. »


l)lablc. Il déclara qu'il avait formé cette en- Ils lui parlèrent alors de cette énigme di^
treprise après avoir reçu une commission l'Océan, de ses apparitions fréquentes et des
officielle qui le constituait adelantado. Ces nombreuses expéditions parties vainement à
paroles attirèrent l'attention d'un vieil em- sa recherche. Us le menèrent à un promon-
ployé à cheveux blancs, dont la mémoire toire d'où l'on avait le plus souvent aperçu
n'était qu'un catalogue de faits officiels et de l'Ile mystérieuse.
documents. Après avoir regardé quelque Fernand ne doutait plus que ce ne fût là
temps le navigateur du haut de son tabouret, le port où une influence surnaturelle avait
il se mit la plume derrière l'oreille et des- agi sur luipour resserrer dans l'espace d'une
cendit. Il su souvenait d'avoir entendu son nuit l'événement d'un siècle. Il ne réussit
prédécesseur parler d'une expédition sembla- pas à engager les insulaires dans une nou-
ble à celle dont il était question. Mais clic velle tentative de découverte ; ils avaient
était partie sous le règne de Juan II, mort de- renoncé tous à l'île in.iccessible. Fernand
puis plus de cent ans. Pour éclaircir la chose, néanmoins ne se décourngeait pas. Assis au
il fit d'activrs recherches dans les archives, promontoire de Palnia, il y restait de longues
il y trouva l'indication d'un contrat entre la journées, s'attendant toujours à voir poiiulro
ccuronne et un certain Fernand de Ulmo les magiques montagnes de Saint-Brandan;
pour la découverte de l'île des Sept-Viiles puis il s'en revenait désappointé, mais il
ainsi que d'une commission qui lui avait été retournait à son poste le lenileniain. Ses che-
donnée coumie adelantado du pays qu'il pou- veux y blanchirent; cl un jour on l'y trouva
vait découvrir. mort.
— Eh bien 1 s'écriaFernand triomphant, AUTRES LÉGENDES.
vous avez sous les yeux la preuve de ce que
Fernand de Ulmo nommé y aurait une foule do légendes bizarres
Il
j'ai dit.Je suis ce
à rassembler dans les mylhologies anciennes.
dans pièce, j'ai découvert l'Ile d» s Sepl-
C( lie
Voici par exemple la fable que les Egyptiens
Villes, el j'ai droit d'en être adelantado.
racontaient au sujet de Ilhéa, la fille du Ciel
Le récit de don Fernand avait la meilleure
et de la Terre, pour expliquer les change-
autorité historiques le témoignage des do-
ments qu'ils avaient dû fiire à leur année,
cuments. Mais comment un homme à la
qui n'avail d'abord que 3C0 jours.
fleur de la jeunesse parlait-il d'événements
qui dataient de plus d'un siècle? On le re- Rhéa étant devenue grosso de Saturne, lo

garda comme un fou. Soleil, irrilé chargea de malédiclions et


, la

Le vieux commis haussa les épaules et se jura qu'elle n'accoucherait dans aucun des
gratta le menton, remonta sur son tabouret douze mois de l'année. Elle fil part de son
et se remit à copier. Ainsi abandonné, Fer- embarras à Mercure, qui entreprit de la ga-
nand s'élança hors du bureau la léte égarée. rantir des fureurs du Soleil. La souplesse
Dans son trouble il se dirigea de nouveau d'esprit qui le caractérisait lui fournit pour
y parvenir un expédient. Un
jour qu'il jouait
vers la demeure d'Alvarez; mais elle lui fut
fermée. Pour le convaincre que Sérafina aux dés avec la Lune, il lui proposa de jouer
éiait vraiment morte, on le conduisit à sa la soixante-douzième partie de chaque jour
tombe, qui portait l'empreinte du temps ; de l'année. Il gagna, et, profitant de son
caries mains du cavalier son époux avaient gain, il en composa cinq jours qu'il ajouta
perdu leurs doigts, et la figure de la belle aux douze mois. Ce fut pendant ces cinq
Sérafina n'avait plus de nez. Il fit réparer jours que Ilhéa accoucha ; elle mit au monde
par un habile statuaire le nez de Sérafina, et Isis, Osiris, Orus, Typhon et Nephihé. Ainsi

dit adieu à ce monument. l'année égyptienne, qui n'était d'abord que


Il ne pouvait plus douter désormais qu'il de trois cent soixante jours , reçut les cinq
n'eût franchi un siècle pendant la nuit qu'il jours conplémenlaires qui lui manquaient.
avait passée dans l'île des Sepl-Villes. Il se C'est aussi une légende que l'histoire de
trouvait aussi étranger au milieu de sa pa- Cadmus et de son dragon. Cadmus, fils d'Agé-
trie que s'il n'y eût jamais été. Il souhaita uor el de Téléphassa, avant d'offrir un sa-
(le se retrouver dans ces vieilles salles où il
envoya ses compagnons pui-
crifice à Pallas,

avait reçu un accueil si courtois; elil aurait ser de l'eau dans un bois consacré à Mars;
bien voulu entreprendre une autre cxpédi - mais un dragon, fils de ce dieu et de Vénus.
9T5 DICTIONNAIRE DES Sr.IENCE6 0CCULTK5. S76

Jes Cadnius vengea leur mori en


(icvoia. que les Européens ont nommé l'arbre Dieu,
tuant monstre, et en sema les dents, par
le en raison du culte qu'ils lui ont vu rendre.
le conseil de Minerve. Il en sortit dix hom- Le bogaha le plus renommé se trouve à An-
mes tout armés, qui rassaillironl d'abord, narodgburro, ville ruinée dans la partie sep-
mais tournèrent bienlôl leur fureur contre tentrionale des Etals du roi de Candy, dont
eux-môiiies et s'enlre-luèrent à l'exception
, les sujets ont seuls la faculté de s'approcher
de cinq qui lui aidèrent à bâtir la ville que
,
de ce sanrtuaire. Selon la tradition reçue, le
l'oracle de Delphes avait ordouné de cons- bogaha traversa les airs pour se lendre à
truire. Ceyian de quelque pays éloigné, et enfonça
En voici une autre : lui-même ses racines en terre à la place qu'il
Anius, roi de Déios, et grand prêtre d'Apol- occupe actuellement. Il fit ce voyage pour
lon, eut de Dorippe trois filles, qui avaient servir d'abri au dieu Bouddha, qui se reposa
reçu de Bacchus le don de changer tout ce à son ombre tout le temps qu'il demeura sur
qu'elles touchaient, l'une en vin , l'aulrc en la lerre. Quatre vingt-dix-neuf rois, qui,
blé, et la troisième en huile. La première se par les temples et les images qu'ils ont dédiés
nommait OEuo ; la deuxièmi' Spermo et la ; à Bouddha, ont niérilé que leur âme fût reçue
troisième Elaïs. Agamemnon, allant au siège dans le séjour do la lélicité ont été enterrés
,

de Troie voulut les contraindre de l'y sui-


,
sous l'arbre sacré. Transformés en bons gé-
vre, comptant qu'avec leur secours il pour- nies, ils sont charges de veiller à la sûreté
rait se passer de pro\isions. Mais Bacchus, des adorateurs de ce dieu, et surtout de les
qu'elles implorèrent, les changea en colom- préserver du joug des Européens.
bes. Cambadaxus était un bonze dont les Japo-
11 y en aurait mille. nais racontent l'anecdote suivante A huit :

Laodaniie, fille d'Acastc, éponsa Protésilas. ans, il fit construire un temple magnifique ,
Son mari ayant clé tué par Hector, Laodamie et, se prétendant las delà vie, il annonça
fit faire une slalue qui lui ressemblait un
: qu'il voulait se retirer dans une caverne, et
vaUt l'ayant vue devant cette slalue, alla y dormir dix mille millions d'années. En
dire à Acaste que sa fille était avec un conséquence il entra dans une caverne dont
homme; il y courut. Ayant trouvé la statue, l'issue fut scellée sur-le-champ. Les Japonais
il la fit brûler pour ôter à sa fil^e ce trisle le croient encore vivant, et l'invoquent
souvenir. Mais Léodamie, s'é:ant approchée comme un dieu. C'est bien plus hardi quo
du bûcher, s'y jeta et y périt. C'est là ce qui nos sept dormants.
a fait dire aux poëtes que les dieux avaient Voici comme le Shaslah indien trace l'o-
rendu la vie à Protésilas pour trois heures rigine de la métempsycose ou de la transmi-
seulement, et que se voyant obligé de rentrer gration des âmes. Les debtahs ou anges
dans le royaume de Plutun, il avait persuadé rebelles ayant encouru la disgrâce de l'E-
à sa femme de le suivre. ternel, l'univers fut créé pour leur servir de
On voit en Provence, entre Arles et Mar- séjour. Le dieu forma des corps qui devaient
seille, une tiès-grande plaine couverte de leur tenir lieu de prison et de demeure , as-
pierres dégale grosseur dont chacune peut sujettit ces corps au changement, à la déca-
remplir la main. C'est aujourd'hui la Crau , dence, à la mort, et soumit les debtahs cou-
petit pays de Provence, à l'embouchure du pables à quatre-vingt-neuf transmigrations.
Rhône. Voici la fable que les anciens ont ima- Les quatre-vingt-sept premières transmigra-
ginée pour expliquer comment cette plaine tions devaient être leur cbâlimenl ; à la
avait pris un tel aspect. Albion et Bergion , quaire-vingt-huitième ils devaient animer
géants , enfants de Neptune , eurent l'audace le corps d'une vache, et enfin à la quatre-
d'attaquer HiTcule, et voulurent l'empêcher vingt-neuvième celui de l'homme ; et celle
de passer le Rhâne. Ce héros ayant épuisé dernière épreuve devait être la plus forte da
ses flèches contre eux, Jupiter les accabla toutes.
(l'une giéle de pierres, et le champ où les Laulhu était un magicien tunquinois qui
pierres tombèrent fut appelé campus lapi- prétendait avoir été formé et porté soixante et
deus. dix ans dans le sein de sa mère ses disciples
;

Mais laissons les vieilles fables. Le sujet le regardaient comme le créateur de loules
d'Ilamzah, dans l'Orieul, a donné lieu aux choses; c'est celle religion que suit le peu-
pins curieux récits. ple , tandis que la cour suit celle de Cou-
Hamzah, prophète d'Harem, divinité des lulzée.
Druses, est, disent-ils, descendu sept fois Mais le philosophe Tao Kium, auquel les
sur la terre. Dans l'âge d'Adam, il a paru Chinois ont décerné les honneurs divins, est
tous le nom dcChatnil; dans l'âge de Noé, encore plus surprenant. Porté quatre-vingt-
sous celui de Pyth;igore; dans l'âge d^Abra- dix ans dans les flancs de sa n>ère, il s'ou-
hau), sous celui du David; dans l'âge de vrit un passage par le côlé gauche, et causa
Moïse sous celui de Chaïl
, ;dans l'âge de la mort de celle qui l'avait conçu k Tao ou
: ,

Notre-Seigneur.sous celui de Messie ou d Hé- la raison et plutôt le raisonnement, disent-


liTisar; dans l'âge de Mahomet sous celui de
, ils, produisit un, un produisit deux, deux
Selman et de Farsi; et dans l'âge de Sa'id , produisirent trois, et trois ont produit toutes
sous celui de Saiih. Les livres des Druses choses... » Voyez la plupart des récits de ce
l'appellent le plus grand de tous les pro- dictionnaire.
phètes, et la cause des causes. , LEGENDUE ( Gilbert- Charles ) mar-
.

Le boRaha est un arbre de l'Ile de Ccylan, quis de Saint-Aubin-sur- Loire, né à Pans en


^n LEG LEG S78
1C88, mort en I7V6.0na de lui un Traité de esprits, les visions, les apparitions, les son-
l'opinion, oît Mémoires pour servir à l'his- ges et les sortilèges ; 1732, 4 vol. in-i2.
toire de l'esprit humain Paris , 17;{3 G vol. , , Nous avons puisé constamment dans ces
in-12 ouvrage dont M. Salgues a tiré très-
: ouvrages.
grand parti pour son livre Des erreurs et des Nous donnerons une idée de ses compila-
préjiu/és répandus dans la société. tions, en empruntant à son Traité hislorique
LÉGIONS. Il y a aux enfers six mille six et dogmatique sur les apparitions et les vi-
cent soixante-six légions de démons. Chaque sions un assez curieux morceau qui termine
légion de l'enfer se compose de six mille six le tome second. C'est la reproduction, avec
cent soixante-six diables , ce qui porto le observations critiques d'im opuscule inti-
,

nombre de tous ces démons à quarante-qua- tulé :£e retour rfesmor/s, ou Traité qui prouve,
tre millions quatre cent trente-cinq mille par plusieurs histoires aulhcnliiiues que ,

cinq cent cinquante-six, à la télé desquels les âmes des trépassés reviennent quelque-
se trouvent soixante-douze chefs selon le , fois par la permis'iion de Dieu. Sur Fimoriiné
calcul de Wierus.Mais d'autres doctes mieux à Toulouse en 1694-.
informés élèvent bien plus haut le nombre
des démons.
LE RETOUR DES MORTS.
LELEU (Auudstin), contrôleur des droits Première apparition. Driihelme. {Beda lib, v
du duc de Chaulnes sur la chaîne de Piqui- Hist. Gentis Anglor. cap. 13.)
gny, qui demeurait à Amiens, rue de l'Aven- Entre les choses extraordinaires qui sont
ture cl dont la maison fut infestée de dé-
, arrivées en Angleterre, l'une des plus mémo-
mons pendant quatorze ans. Après s'être rables est l'aventure d'un nommé Drithelme,
plaint , il avait obtenu qu'où fit la bénédic- dont le vénérable Bède nous a laissé l'histoire.
tion des maisons infestées ; ce qui força les Il rapporte comme un fait dont il était très-
la
diables à détaler (1). bien informé, et qui arriva de son temps avec
LEMIA, sorcière d'Athènes, qui fut pu- l'élonnemenl de tout le monde ; il le raconte
nie du dernier supplice au rapport de Dé- , ainsi dans le cinquième livre de l'Histoire
mosthène pour avoir enchanté charmé et
, , d'.\nglelerre.
fait périr le bétail; car dans cette république De notre temps, dit-il il y eut en Angle-
,

on avait établi une chambre de justice desti- terre un miracle des plus mémorables, et qui
née à poursuivre les sorciers (2). sans doute est pareil à ceux qui se faisaient
LEMNIUS ou LEMMENS (Lievin), né en anciennement car pour la résurrection
;

toOSà Ziriczée en Zélande, médecin et théo- de l'âme de plusieurs personnes mortes par
logien publia un livre sur ce qu'il y a de
,
le péché, l'on a vu ressusciter un homme mort
vrai et de faux en astrologie, et un autre sur de la vie du corps. Cet homme rendu à la vie
les nierveilles occultes de la nature (3). raconta plusieurs choses très-considérables,
LÉMURES,génies malfaisants ou âmes cl j'ai cru eu devoir citer quelques-unes en
des morts damnés qui (selon les croyances cet endroit.
superstitieuses ) reviennent tourmenter les un homme dans le pays de Nor-
Il y avait
vivants et dans la classe desquels il faut
, thumberland qui vivait fort saintement avec
mettre les vampires. On prétend que le nom toute sa famille ; il fut atteint d'une maladie
de Lérnure est une corruption de Rémure, qui augmenta toujours de plus en plus et lu
qui vient à son tour du nom de Rémus , lue mit si bas, qu'il mourut vers l'entrée de la
par Romulus, fondateur de Rome; car après nuit. Mais sur le point du jour ressuscitant
sa mort les esprits malfaisants serépaiidinnt et se levant tout à coup, il remplit de frayeur
dans Rome ('*). Yoy. Lâres, Larves, Spec- l'esprit de ceux qui, avec beaucoup de lar-
tres , Vampires . etc. mes ,
avaient veillé auprès de son corps , si
LENGLEÏ-DDFRESNOY (Nicolas), né à bien qu'ils s'enfuirent tous , à la réserve de
Beauvais en 167'* et mort en 1753. On lui , femme, qui, l'aimant beaucoup, resla seule,
doit, 1° une Histoire de la philosophie her- quoique tout eJfrayée. Le défunt pour la
nie tique, accompagnée d'un catalogue raisonné rassurer lui dit : —
Ne craignez rien, je suis
des écrivains de celte science, avec le véritable vraiment ressuscité , et l'on m'a permis dj
philalète, revu sur les originaux, 1742, 3 vol. vivreencore une fois parmi les honnnes, non
in-12; pas néanmoins ainsi que j'avais accoutumé,
2' Va Traité historique et dogmatique sur mais d'une bien différente manière.
les apparitions visions et révélations parti-
,
Ayant dit ce peu de paroles, il se relira sou-
culières avec des observations sur les dis-
, dain dans une petite chapelle qu'il avait à sa
sertations du R. P. Dom Galmet sur les ap- métairie, où sans cesse il s'occupait à la
parilions et les revenants , 1751 , 2. vol. prière et peu de temps après il divisa tout
;

în-12 ; ce qu'il avait de bien en trois parties, dont


3° Un Recueil de dissertations anciennes ot il donna l'une à sa l'autre à ses en-
femme,
nouvelles sur les apparitions les visions et ,
fants, et la troisième distribua aussitôt
il la
les songes, avec une préface historique et un aux pauvres. Ainsi délivré de l'embarras et
catalogue des auteurs qui ont écrit sur les des inquiétudes du siècle, il s'en vint au mo-

(1) Lenglet-Dufresnoy, Dissertations sur les apparil., benda fides; Anvers, 15SI, iii-8'.— Di! occullls nilurae mi-
(,. m, 213. p. raculis llbri 11; Anvers, 1539, miaUéimprimé clicz l'iaii
(2) M. Garinet, Hist. de la magie tn Franco, p. 14. lin en qualre livres; Anvers, 1361.
(.5) iJuAsirologi.i liber unus, in (|uo obiler iii(licaliiri|uid (i) Lcliivcr, Hisl. des spectres ou appar. des osprii»,
Ula vcii, quiil ficli fabiiiue lialjeal, cl iiualciius irli sil li»- cU. 5.
979 DICT ONNAIUE DES SCIENCES OCCULTES L?0

nastère de Maiiros , où il se fit raspr , et se posséder un jour les biens éternels. 11 ma-
logea dans une petite cellule que l'abbé lui tait son corps par des jeûnes continuels, quoi-

marqua, et où il passa le reste de ses jours qu'il fût déjà cassé de vieillesse : enfin par
dans un si grand regret de ses offenses pas- ses paroles et par ses exemples, il contribua
sées, qu'il était aisé de juger par la vie qu'il beaucoup au salut de plusieurs personnes.
monail, plus que par ses paroles, qu'assuré- Observation.
ment il avait vu d'étranges choses capables Ce raconté avec tant d'assurance par
fait,
de réveiller nos désirs , ou d'exciter nos le vénérable Bède, caractérise sa crédulité.
crainles. Peut-on regarder comme une résurrection
Il racontait donc ainsi ce qu'il avait vu. — la syncope d'un homme qui s'évanouit le

Mon conducteur, disait-il , était merveilleu- soir, et qui le matin revient à lui ? N'est-ce
sementéclatanl enson visage et en ses babils. pas donner dans l'excès que dn qualifier ce
Nous arrivâmes d'abord dans une vallée éga- réveil du nom de résurrection? Eh que ra- 1

lement large et profonde , et d'une longueur conte cet homme? II ne fait que rapporter ce
presque infinie; le côté gauche était horrible qu'une pieuse imagination lui a conservé des
à voir ,à cause des Danimes dévorantes qui récits journaliers du purgatoire. Que l'on
en sortaient, et le droit ne l'était pas moins examine toutes les peintures que ces préten-
parla grêle dont il était inccssammcnl ballu, dus revenants ou ressuscites font du purga-
par des neiges conlinuellcs, et un vent froid toire, on n'en verra pas deux qui se ressem-
et piquant qui y règne toujours l'un et l'au-
: blent; parce qu'elles sont, non les portraits
tre de cesdeux lieux était tout rempli d'âmes, delà chose, mais de l'imagination de ceux
emportées comme par un lourbillon, qui se qui en font le récit. Or les imaginations ne;
lançaient tantôt dans l'un et tantôt dans l'au- sont pas moins variées que les physionomies.
tre; car ne pouvant d'une part souffrir l'ar- Cependant le purgatoire est toujours le
deur et la violence des flammes qui les dé- même pour toutes les âmes que la justice
voraient elles se jetaient au milieu de ces
, divine y envoie. Pourquoi donc le peindre si
froids cuisants; et de l'autre n'y trouvant pas différemment? Il ne saurait l'être que d'une
le soulagement qu'elles en avaient espéré, seule manière. .Je n'en veux pas davantuge
elles s'élançaient dans des feux qui ne s'étein- pour réfuter une historiette si mal appuyée.
dront jamais. D'ailleurs la conduite de ce prétendu ressus-
Voyant une multitude incroyable d'es- cité n'est pas conforme à son devoir. Dieu
prits tourmentés sans relâche, je n'hésitai l'avait appelé à l'état de mariage, et l'y avait
pas à croire que c'était là cet enfer , dont fait prospérer; il devait eu suivant la loi, et
j'avais ouï dire des choses si effroyables. Mais non pas son imagination, rester dans le
mon guide, qui s'aperçut assez de ma pensée, monde pour y sanctifier sa femme et ses en-
me dit aussitôt : — Non, ce n'est pas l'eufer, fants, et il aurait agi conformément à sa
cl savez-vous bien ce que c'est que vous avez première vocation. Satisfaire aux devoirs
vu ? — Non vraiment, dis-je. —
Eh bien 1 généraux est la voie de la sanctification,
répliqua-l-il, celte vallée, que vous avez vue sans s'aller précipiter dans des abîmes d'ima-
si terrible par les flammes dévorantes qui en ginations scrupuleuses, qui ne sont pas de
sortent et par le froid si rude qu'on y sent, l'ordre de Dieu.
est justement le lieu où sont punis ceux qui
Deuxième apparition. Adelhard religieux
,
ont toujours différé la confession de leurs
de Fulde. Joannes Trithemius in Yitn
péchés et l'amendement de leur vie, et qui
(

B. Rabani Mauri,archiepiscopi Moguntini,


enfin à l'heure de la mort ont eu recours au
lib. 11, cap. 3.)
sarrement de pénitence ; ces gens-là, parce
qu'ils se sont confessés de leurs péchés, du L'histoire de Raban Maur, premièrement
moins à l'instant de leur mort, seront reçus abbé de Fulde et ensuite archevêque de
,

dans le ciel au jour du jugement ; il est vrai Mayence, raconte que ce saint prélat avait
que, par des prières, des jeûnes et des aumô- beaucoup de charité pour les pauvres en ;

nes , et surtout par le sacrifice auguste de sorte que la bonté avec laquelle il tâchait
l'autel, les personnes qui vivent encore dans de les secourir, et même de prévenir leurs
le monde peuvent leur abréger ce temps. nécessités, lui avait acquis à juste litre la
Le vénérable Bède ajoute que, comme ce qualité de père et protecteur des miséra-
saint homme ne cess.iitde se tourmenter par bles. 11 est vrai que ses largesses passèrent
de grandes austérités , que souvent il priait dans l'esprit de quelques-uns de ses reli-
Dieu et chantait ses louanges plongé dans gieux pour prodigalité, et qu'il s'en trouva
des fleuves tout glacés, ses confrères, surpris d'assez avaricieux pour plaindre ce qu'on
d'une si étrange conduite, lui dirent : —
C'est donnait aux membres de Jésus-Christ. On
merveille, frère Driihelme, que vous puissiez remarque que ceux-ci n'étaient pas les stu-
endurer la rigueur de ce froid il ne répon-
; dieux, mais ceux qui avaient soin du tem-
dait autre chose sinon : —Le froid que j'ai porel. Le chef de cette troupe fut un certain
vu est encore plus grand ; et comme on lui Adelhard, cellérier et économe du monastère;
répétait souvent :C'est merveille que vous mais Dieu fit de sa personne un exemple
ayez entrepris de mener une vie si austère, formidable, qui apprit aux autres à ne pas
il ne disait autre chose sinon : J'ai vu de regretter le pain qu'on donne aux pauvres.
plus grandes austérités cl il persista jusqu'à
; Le saint abbé avait fait une ordonnance
la mort dai'.s la pratique de ces pénibles qui n'était pas moins avantageuse pour les
ïxercices , cl dans un Irès-ardent désir de religieux décédés que pour ks indigents :
S8l L G LEG gsa

elle portait qu'après la morl de chaque re- s'épouvanta point de cette apparition ; mais,
ligieux on donnât, l'espace de trente^ jours, rempli de confiance en Dieu, il interrogea ce
sa portion tout entière aux pauvres. Il arriva frère sur son étal, et si les pénitences et les
que, plusieurs de ces religieux étant morts en oraisons qu'on avait faites pour lui l'avaient
même temps, l'abbé, qui connaissait l'humeur soulagé. Mon père, répond le mort, vos bon-
trop ménagère de son cellérier, commanda nes œuvres sont aussi agréables à Notre-
Irès-exprrsséuient, en présence des autres, Seigneur qu'utiles aux âmes du purgatoire
d'accomplir ce qu'il avait ordonné. Adelhard Hé plût à Dieu que mon avarice n'en eût
!

l'assura qu'il n'y manquerait pas; cepen- point retardé l'effet pour moi Mais vous sau-
1

dant son avarice prévalut sur l'obéissance; rez, mon père, que j'endure des tourments
de sorte qu'il retrancha plus de la moitié des inexplicables et que Dieu par un juste ju-
,
,

aumônes et enfin il n'en donna plus du


,
gement, me fera souffrir jusqu'à l'entière dé-
tout. livrance de tous nos frères, dont mon ava-
Un étant occupé fort tard à son of-
soir, rice a relardé le bonheur, en sorte que le
fice, et la étant retirée, comme
communauté mérite des aumônes qu'on fait pour moi leur
il passait devant le chapitre pour aller au est appliqué je vous demande donc la grâce
:

dortoir, il aperçut, à la faveur de la lumière de les redoubler puisque c'est l'unique


,

qu'il portait, quantité de religieux assis aux moyen de me tirer de ces brasiers ardents,
deux côtés du chapitre; ce qui le surprit où je suis tourmenté plus qu'on ne peut ja-
d'autant plus, que c'était pendant la nuit. mais se l'imaginer. Le bon père lui promit
Regardant d'un peu plus près, il reconnut tout ce qu'il désirait, et l'exécuta avec une
que c'étaient tous ceux dont il avait retenu fidélité nonpareille. Trente jours depuis
les aumônes. Alors saisi de crainte, il aurait cette apparition, le même se présenta une
bien voulu prendre la fuite; mais sa frayeur seconde fois à son abbé mais dans un état
;

grande qu'il demeura immobile sans


était si bien différent car il témoignait sur son vi-
;

pouvoir avancer un pas. Dans ce moment, sage autant de joie et de gloire qu'il avait au-
toutes ces ombres s'approchant de lui, le paravant fait paraître de douleur et do
renversèrent par terre, et l'ayant dépouil'é : tristesse. Il l'assura de sa béatitude et lui
— Voici, lui dirent-elles, le commencement rendit grâci'S de lui en avoir procuré l'avan-
des peines préparées à voire cruauté: dans cement par ses charitables soins. Il n'est pis
trois jours, vous serez des nôtres, et vous besoin d'expliquer combien cette renconlre
apprendrez par une funeste expérience qu'il opéra de fruit dans ce monastère ni si l'on ,

n'y a point do miséricorde pour ceux qui la donnait libéralement l'aumône aux pauvres.
refusent au prochain. Ils lui donnèrent en- Chaque religieux se retranchait tous les
suite la discipline jusqu'au sang, et le lais- jours une partie de sa nourriture pour ce su-
sèrent évanoui sur la place, oii il demeura jet, et leur saint abbé avait plus de peine
jusqu'à minuit, que les religieux s'étant as- à modérer leur ferveur en ce point qu'à
semblés pour matines, le trouvèrent en ce l'exciter.
pitoyable état. Il fut porté à l'infirmerie, Observation.
où, par les soins des religieux étant revenu Cette seconde apparition n'est pas moins
à soi, il leur exposa ce qui lui était arrivé, singulière que la première. Trilhème, quoi-
et l'arrêt irrévocable de la morl qu'il devait que habile, vivait dans un temps où ces sortes
subir dans trois jours. de merveilles étaient à la mode. Et quand la
Toute la communauté fut fort touchée de rapporte-t-il ? Près de 700 ans après Raban
l'infortune du cellérier, mais surtout le très- Maur, abbé de Fulde. Raban .Maur vivait au
saint abbé. 11 essaya de fortiGer ce malade milieu du neuvième siècle, et Trithème sur
et de le disposer à une sérieuse pénitence, la fin du quinzième. Or, sur un fait de cetio
l'assurant que Dieu lui serait propice, quoi- nature, je croirais difficilement Raban lui-
qu'il le châtiât, et qu'il importait peu qu'il même. Voici la raison que j'ai de rejeter
ne fit point de miséricorde en cette vie au cette apparition. Il est certain que ceux que
corps, pourvu qu'il ne la refusât pas éter- l'on suppose en purgatoire sont morts dans
nellement à l'âme. Enfin, ayant reçu les der- la grâce de Dieu et ave la charité dans lo
niers sacrements, il décéda avec des marques cœur, ainsi, avec la douceur et la modéra
d'une véritable contrition. lion qui convient au vrai chrétien. Il Icui
Le saint père Raban ne termina pas ses reste seulement quelque temps de pénitence
inquiétudes à sa mort ; au contraire, comme à accomplir. Au lieu qu'on nous représente
il jugeait bien que ses peines étaient extrê- dans les moines de cette apparition des fu-
mes dans le purgatoire, il offrit beaucoup rieux qui se jettent sur ce pauvre cellérier
plus de sacrifices et d'aumônes pour son sou- et qui le réduisent à la mort. 11 avait fait
lagement qu'il n'avait fait pour les autres qui mal à la vérité ; mais ce n'est point par des
l'avaient précédé. Il ordonna des jeûnes et coups mortels que les âmes prédestinées cor-
des oraisons plus longues et plus fréquentes, rigent ou doivent corriger les défauts d'au-
et n'oublia rien de ce qui pouvait fléchir la trui. C'est par de sages et utiles instructions.
justice de Dieu en sa faveur. Ce seul manque de charité me fait voir qu9
Trente jours après son décès le vénéra- , celte apparition est fausse : le cellérier so
ble abbé étant en oraison pour lui après ma- sera sans doute livré à quelque excès ; cela
tines , le défunt lui apparut triste défiguré , ,
arrivait quelquefois chez les moines alle-
portant même jusque sur son habit les si- mands de ces anciens temps. Pour couvrir
gnes de son touruicnl. Le saint hominc ne sa turpitude, il aura feint cette apparition :
r.'S3 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. $*|
o'j quelque moine méconlenl de
pciil-ôtre Obsertatton.
son aura imaginé ce conte. C'étnil
celléiior <]etle historiette conduirait à l'impéniff ncc,
le caractère du temps. Voulail-on prouver en nous représentant un prêtre qui néglige
une vérité de morale, ou établir une règle ses devoirs, sans que l'on aperçoive qu'il en
de conduite, on apportait, quand on le pou- ait fait une pénitence commencée. Il se con-
vait, les témoignages de l'Ecriture et des Pè- tente de la faire faire à saint Rambert. C'é-
res, que l'on accompagnait de faits histori- tait pourtant la moindre chose que le crédule
iiues si l'on ne
; trouvait pas de traits auteur nous dit quelques mots de la conver-
d'histoire propres à prouver ce qu'on vou- sion d'Arnould. Oa le suppose, je le veux
lait, on inventait ou l'on copiait une liisto- croire; mais ce ne sont point là des choses
rietle, qui pouvait s'y rapporter. C'est ce qui seulement à supposer. Il faul,pour l'instruc-
nous en a produit un si grand nombre. Mais tion et l'édification des lecteurs, en donner
dans de si graves questions, nous voulons sinon le détail, du moins le principe et l'idée
du vrai, et du yrai solidement appuyé. générale.
Autre peinture du purgatoire c'est ici une
:

Troisième apparition. Arnould, prêtre. {Ex piWson de feu. Apparemment que celui qui a
actis sancti Ramberti, archiepiscopi Ham- écrit cette apparition était un homme sombre,
burgensis, apud Henschenium, cap. 3.) à qui l'imagination représentai! des prisons.
Enfin, Arnould devait-il faire connaître à
L'auteur de la Vie de saint Rambert, arche- d'autres qu'à saint Rambert, son bienfaiteur,
vêque de Hambourg, rapporte qu'un prêtre, l'état de félicité où il avait été élevé par la
nommé Arnould, étant dérédé depuis déjà pénitence du saint? N'était-ce pas lui qu'il
longtemps, apparut à saint Rambert, lors- devait remercier en personne, puisque c'était
qu'il était encore sous la discipline de saint
à lui qu'il s'était personnellement adresse
Anschaire, son prédécesseur. Dans cette ap- pour faire en son lieu et place une pénitence
parition, Rambert interrogea Arnould sur
volontaire?
l'état de son âme en l'autre vie il répondit
;

en soupirant : Pendant que j'étais au Quatrième apparition. Saint Odilon, abbé de


monde, j'ai vécu dans une grande négligence ClHny.{B. Peints Damianus, in Vita sancli
de mon salut, et sans application à ce que Odilonis, cap. 10 et 11).
Diru demandait de moi dansl'élat sacerdotal ;
Nous lisons dans la Vie de saint Odilon,
au lieu d'aspirer à la sainteté et de pratiquer
abbé deCluny, qui a été écrite par le B. Pierre
les bonnes œuvres qui en sont le chemin,
,
Damien, cardinal de l'Eglise romaine, per-
j'ai passé ma vie diins l'oisiveté et souvent
sonnage très-grave et digne de foi, qu'un re-
dans le désordre, jusqu'à rompre l'abstinence
ligieux français venant du voyage de Jérusa-
aux jours défendus : c'est ce qui m'a empé-
lem, fut jeté par une tempéle dans une île
rhé de voir Dieu et ce qui me retient
,
proche de la Sicile, où il fit rencontre d'un
dans une prison de feu , où j'expie avec des
ermite, qui passait là ses jours dans une aus-
tourments inexplicables mes fautes passées.
tère pénitence au-dessous d'une caverne. Ce
Si vous voulez ajouta-t-il
, entreprendre
,
solitaire le reçut fort charitablement dans sa
un jeûne de quaranle jours pour moi, ne
cellule, en attendant que la mer fût calme et
mangeant que du pain et du sel, et ne buvant
les vents propres à la navigation; et ayant
cjue de l'eau je crois que Dieu me fera misé-
,
appris qu'il était Français de nation, il lui de-
ricorde et me délivrera du purgatoire.
manda s'il connaissait l'abbé Odilon et le
Le saint lui promit d'accomplir sa prière ; monastère de Cluny. Le religieux français lui
et en ayant conféré avec saint Anschaire , ayant dit qu'il connaissiiit l'un et l'autre, il
son maître, il commença ce rigoureux ca- ajouta que proche de sa retraite il y avait
rême, pendant lequel il fut tourmenté d'un un certain lieu où, dit-il, j';ii vu souvent des
mal de dents si violent, qu'il ne pouvait flammes effroyables et des feux qui semblent
pas seulement manger son pain, ce (jui ren- être capables de dévorer tout ce pays; sor-
dait sa pénitence encore plus longue et plus tant des abîmes de la (erre, ils élèvent avec
difficile de sorte qu'il était contraint de le
:
eux un million d'âmes tout ardentes , qui
tremper dans l'eau pour pouvoir prendre sa endurent des tourments insupportables, et
nourriture. purgent leurs péchés dans cet embrasement
Son jeûne expiré, le prêtre apparut à une avec des cris lamentables, parmi lesquels j'ai
sainte femme, paralytique depuis plusieurs encore entendu les hurlements horribles des
i'r.,)é<'s, laciuelle endurait son mal avec tant démons exécuteurs de la divine justice je les
:

d'égalité d'esprit, qu'il ne l'empêchait pas de ai vus sous des figures affreuses; transpor-
se faire porter tous les jours à l'église pour tés de rage, ils se plaignent de ce que plu-
participer aux saints sacrements et entendre sieurs de ces âmes leur sont ravies avant le
la parole de Dieu. Elle apprit dans cette vi- Icmps, et sont conduites au ciel en triomphe
siiinquela pénitence de saint Rambert avait par les prières, sacrifices et pénitences de
délivré l'âme de ce prêtre du purgatoire, et tous les fidèles, et spécialement par les con-
(|i! il la priait de l'en remercier de sa part, tinuelles mortifications, les sacrifices et les
/tjoutant qu'il était du nombre dos justes dont prières de l'abbé de Cluny et de ses religieux,
fiarte le Sage, qui portent le l'eu et la lumière qui s'emploient à celte œuvre de charité avec
parlout où ils se rencontrent, et qu'il avan- beaucoup de zèle et de ferveur.
çait tous les jours notablement dans les voies Cela dil, il conjura le religieux, au nom
de la grâce. de Dieu, d'aller trouver Odilon de sa pari.
983 LEG LEG 98()

.-iiissitôl qu'il serait de retour en France, de de sa part, do ne rien épargner pour avancer
lui rapporler fidèlement toul ce qu'il venail sa béalilude qu'il attendait ce dernier té-
;

de dire, ei de le supplier, au nom de


lui moignage de son amitié, et que sa recon-
toutes les âmes du purgatoire, de redoubler naissance en serait éternelle.
sa ferveur à les secourir, puisque ses prières Je ne prétends pas expliquer de quelle
et ses bonnes œuvres leur étaient si efficaces, manière notre saint s'employa pour procurer
ce qui paraissait visiblement par la rage de la délivrance du pape. On le peut bien pen-
l'enfer contre eux. ser, mais non pas écrire. Je dis seulement
Le religieux s'acquitta fidèlement d'une qu'il ne se donna pas un moment de repos,
commission si importante; et, après avoir ex- et qu'essayant d'animer ses religieux du mê-
pliqué à saint Odilon son aventure, ce saint me zèle dont il brûliiil, c'était à qui s'impo-
tâcha aulant qu'il put do soulager encore da- serait à soi-même de plus sévères pénitences.
vantage les âmes souffrantes. Il n'eut pas Bientôt après. Dieu délivra le pape du pur-
grande peine à se laisser persuader une chose gatoire, et alors il en vint remercier son li-
à laquelle ilavait déjà une vive inclination. bérateur. Un des religieux le vil entrer dans
Ainsi, depuis celle rencontre, son zèle parut le chapitre, suivi d'une grande multitude de
encore plus ardent, afin que l'embrasement de personnes vêtues de blanc qui portaient,
sa charilé éteignîtcelui du purgatoire; cardes dans la joie imprimée sur leurs fronts, les
ce jour-là il fit un décret qu'il envoya par marques assurées de leur béatitude. Le prin-
toutes les maisons dépendantes de Gluny, et cipal de cette heureuse troupe fit une incli-
dans lequel 11 ordonne que tous les ans on nation profonde à l'abbé, le remerciant de»
ferait la commémoration des fidèles trépas- grâces qu'il avait reçues par son moyen. Lo
sés, commençant leur olfice après les vêpres religieux s'élanl informé de son nom par un
du jour de la fêle de tous les saints; qu'en de la compagnie, il apprit que c'était l'âme du
ce même jour le doyen et le celléricr du mo- pape Benoliquesaint Odilon avait délivrée du
nastère donneraient l'aumône générale à purgatoire, et qu'il était venu exprès pour lui
tous les pauvres, de pain et de vin, selon la en témoigner sa reconnaissance, et l'avertir
pratique du jeudi saint, et que l'aumônier qu'il entrait dans la gloire. On peut connaî-
aurait soin de distribuer les restes des frères, tre par cet exemple combien les prières, les
sans rien réserver pour le lendemain; que aumônes et le saint sacrifice de la messe sont
les préIres offriraient le saint sacrifice de la utiles à ces âmes qui payent au milieu des
messe à leur intention, et qu'on donnerait à feux allumés la peine due à leurs péchés.
mangera douze pauvres. Observation.
Il promet à ceux qui voudront imiter sa Pierre Damien, bon chrétien, et même sage
charité de participer aux bonnes œuvres et vertueux ecclésiastique, était très-crédule,
faites par tous les religieux de la congréga- mais il vivait dans un siècle où l'on aimait les
tion de Cluny, et conclut en exhortant ses choses merveilleuses. Il nous en donne ici
di.sciples d'avoir un soin particulier do sou- deux preuves celle de l'ermite des environs
:

lager par leurs prières et par leurs péuiten- de la Sicile esl for^née sur les flammes du mont
cis les enfants deS.iint-Bcnolt, puisqu'on est Etna, que les païens aussi bien que le bon
plus obligé aux domestiques qu'aux étran- ermite regardaient comme une des bouches
gers. Il recommande aussi l'empereur Henri, de l'enfer; et le bruit des flammes de ce vol-
insigne bienfaiteur de l'ordre, et marque can, qui varie souvent de diverses manières,
quelques prières qu'on doit dire à sou in- lui représentait les plaintes de tant de per-
tention. sonnes dans la peine et dans les souffrances.
Voyons, dans un exemple très- illustre, C'est encore une autre peinture du purga-
l'cfîet des prières de ce saint. toire. Mais qui avait dit à ce bon erniile
Le pape Benoit VIII étant décédé, saint que c'étaient les diables qui châtiaient les
Odilon, qui lui avait des obligations infinies, âmes détenues dans ce lieu d'attente et de
ressentit vivement sa perle, et ne manqua souffranc;'s? N'est ce p;is une imagination?
pas de lui rendre devant Dieu toul le secours L'apparition du pape Benoit VllI n'est pas
que la nécessité de ce pape mort et son zèle mieux imaginée, puisque la fôte des Trépas-
lui inspirèrent. Il offrit quantité de sacrifices, sés, que l'on en regarde cojnme une suite,
veilla et pria pour lui; il fit des aumônes fut fondée en 998, ainsi 2G ans avant la mort
extraordinaires, et intéressa ses enfants dans de Benoît Vlll, qui mourut seulement en
le soulagement du pontife universel de l'E- 1024, et qui fut pape l'an 1012, ainsi i\ ans
glise. Benoît connut, par la permission de après l'établissement de cotte fête.
Dieu, au milieu de ses peines (car il était Cinquième apparition. Pierre d'Engeberl.
en purgatoire), les pénitences et les orai- [fetr. Cluniac. lib. Il de MiFaculis,cap.2S.]
sons que saint Odilon faisait pour en ac-
courcir la durée. Il apparut ensuite à trois Pierre de Cluny, surnommé le Vénérable,
personnes différentes , desquelles le nom fil!regardé de son temps comme l'oracle d»;
est supprimé, excepté celui de Jean, évêque Il France ; c'était un homme qui procédait
de Porto. II leur déclara la violence de ses en toutes choses avec considération, sans
tourments, dont il espérait néanmoins être avancer rien de frivole ni de léger. Voilà
délivré par les prières de l'abbé Odilon, se- pourquoi je me servirai volontiers de son
lon les promesses que Dieu lui en avait faites: autorité. Il raconte qu'en une bourgade
il les conjura instamment d'envoyer en dili- d'Iilspagne nommée y avait un
Estella il

gence à Cluny, pour prier le saint honuuc personnage de condition app.lé Pierre d'En-
PR7 DICTIOXNAIUE DES SCIENCES OCCULTES. 93a

geberl, qui élail fort pslimé d.iiis le mniidc un lieu où l'on n'a pas coutume du se sanc-
pour ses belles qualités et ses grandes riches- tifier (k guerre) ; la liberté, le mauvais
la
ses. Néanmoins, l'esprit de Dieu lui ayant exemple, jeunesse et la témérité, tout
la
fiiii reconnallrc la vanité de toutes les choses conspire à perdre l'âme d'un soldat qui n'a
humaines, dans un âge mûr,
lorsqu'il était point de conduite. J'ai fait des excès à la
il se rendit dans un monastère de l'ordre de guerre dernière, volant et pillant jusqu'aux
Cluny, pour y passer le reste de ses jours l)icns des églises, pour lesquels je suis à
plus saintement, comme on dit que le meil- présent grièvement tourmenté : niais mon
leur encens vient des vieux arbres. Il par- bon maître, si vous m'avez aimé pendant ma
lait assez souvent avec ses frères d'une vi- vie, comme vous appartenant, ne m'oubliez
sion qui lui était arrivée étant encore point après la mort. Je ne vous demande
dans le monde, et qui n'avait pas peu servi rien de vos grandes richesses, mais seule-
h sa conversion. Ce bruit vint aux oreilles ment vos prières et quelques aumônes en
du vénérable Pierre, qui était son général, ma considération, qui aideront beaucoup à
et qui pour les affaires d.- son ordre, s'était soulagermes peines. Ma maîtressemedoilen-
alors transporté en l^spagne: voilà pourquoi, core environ huit francs du reste d'un compte
comme il ne permettait jamais qu'on avançât qu'elle fil avec moi; qu'elle emploie cel;i,
des discours de choses extraordinaires, s'ils non pour le corps, qui n'en a aucun besoin,
n'étaient ien vérifiés, il prit la peine d'aller
1
mais au soulagement de mon âme, qui at-
jusqu'en un petit monastère de Navarre où tend cela de votre charité.
était Engeberl, et l'interrogea en présence Je ne sais comment je me trouvais encou-
des évéques dOloron et d'Osma, le conjurant ragé par ce discours; mais j'avais plus de
en vertu de la sainte obéissance, toute puis- désir de m'entretenir que je n'avais do crainte
sante dans l'état monastique, de dire exac- de cette apparition. Je lui demandai s'il ne
tement la vérité touchant celte vision qu'il savait point de nouvelles d'un de mes com-
avait eue étant encore dans la vie séculière. patriotes nommé Pierre Dejaca, qui ét:iit
Il parla ainsi Bu temps qu'Alphonse le
:
mort depuis peu de temps. A quoi il fil ré-
Jeune, héritier du grand Alphonse, faisait la ponse que je n'avais que faire de m'en met-
guerre en Castille contre quelques factieux, Ire en peine et qu'il était déjà au nombre des
qui s'étaient soustraits à son obéissance il ,
bienheureux, vu les grandes aumônes qu'il
porta un édit qui obligeait chaque maison de avait faites en la famine dernière, et qui lui
son royaume de lui fournir un homme de avaient acquis le ciel. De là j'entrai en une
cuerre. Pour obéir à ce commandement , autre question, curieux de savoir ce qui était
j'envoyai à l'armée un de mes douiesliqucs, arrivé à un certain juge que je connaissais
qui se nommait Sanche. Depuis, la paix fort bien, et qui était passé depuis peu en
étant faite et les troupes congédiées, il re- l'autre vie. Il me réplique là-dessus :

vint dans ma maison où, après avoir séjourné — Mon maître, ne parlez point de ce mi-
quelque temps, il fut atteint d'une maladie sérable, car l'enfer le possède pour les cor-
qui l'emporta en peu de jours. Nous lui ren- ruptions de la justice qu'il a exercées par de
dîmes les devoirs qu'on a coutume de rendre damnables pratiques, ayant l'honneur et l'â-
aux morts ; et quatre mois étaient déjà pas- me vénale au préjudice de sa conscience.
sés, que nous n'avions appris aucune nou- Ma curiosité monta plus haut et je m'en-
Telle de l'état de son âme, quand voici quis de ce qu'était devenue l'âme du roi
qu'une nuit d'hiver, étant dans mon lit bien Alphonse le Grand. Alors j'entendis une au-
éveillé, j'aperçois un homme qui, remuant tre voix qui venait d'une fenêtre derrière ma
les cendres de mon
foyer, découvrit les brai- tête, qui dit assez intelligiblement Ce : —
ses ardentes, à la lueur desquelles je le vis. n'est pas à Sanche que vous devez demander
Quoique je me sentisse un peu surpris à la cela, d'autant qu'il ne peut rien savoir en-
vue de ce spectre, Dieu me donna cependant core de l'état de ce prince; mais jeu puis
la hardiesse de lui demander qui il était, cl à avoir plus d'expérience que lui, étant mort
quel dessein il venait découvrir mon feu. 11 depuis cinq ans, et mêlant trouvé à une
me répond d'une voix assez basse: Mon maî-— rencontre qui m'a donné quelque éclaircis-
tre, ne craignez point, je suis Sanche, votre sement là-dessus.
pauvre serviteur. Je m'en vais en Gastille, Je fus surpris d'entendre inopinément cette
; et me tournant, je vis à la
avec bonne compagnie de soldats pour voix clarté de la
expier mes péchés au lieu même où je les ai lune, qui donnait dans ma chambre, un hom-
commis. me appuyé sur ma fenêtre; je le suppliai de
Je lui réplique d'une voix assurée ; Si le — me dire où était donc le roi Alphonse. Sur
commandement de Dieu vous appelle là, à quoi il repartit qu'il savait bien qu'au sortir
quel propos êtes -vous venu ici ? — Mon de la vie il avait été fort tourmenié, et que
maître, dil-il, ne le trouvez pas mauvais; les prières des bons religieux lui avaient bien
cela ne se fait point sans la permission di- servi; mais qu'il ne pouvait p;is dire à pré-
vine. Je suis dans un état qui n'est point dé- sent en quel élat il était. Et après qu'il eut
sespéré, et où vous pouvez me secourir, si dit cela, il se tourna vers Sanche, qui s'était
vous avez encore quelque bonté pour moi. assis auprès du feu, cl lui dit : —
Allons, il
Sur cela, je m'informe quelle était sa né- est temps de partir. A quoi Sanche, sans
cessité, et quel secours il prétendait de moi. lui rien répondre, se leva promplemcnl et
ous savez répondit-il, mon maître , que
,
redoubla ses plaintes d'une voix pitoyable,
peu avant ma mort tous m'aviez cnvojé en disant : —
Mon uidilic, je vous en supplie
!}h9 Li:c LEG 990
pour la dernière fois, souvenez vous de moi, raftdeloin; elle était composée d'hommes
el que ma malin sse exécute la requête que tous vêtus de blanc, qui s'avançaient à grands
je vous ai faite. pas vers eux sur des chevaux blancs, avec
Le lendemain, Engebert apprit à sa femme des armes blanches et des drapeaux tout
ce que cet esprit lui avait dit, et se mit en blancs ; ce que les sentinelles coururent dirp
devoir de satisfaire promptenient et rharita- au prince.
biemcnt à tout ce qu'il avait demandé. 11 ne sait que penser el que faire à celte
OOserialion. étrange nouvelle; il craint el espère tout en-
Nous avons mainlenant affaire à Pierre le semble; il lient conseil, et de l'avis de ses
Vénérable, abbé de Cluny, homme liès-dis- gens, il dépêche quatre hommes vers cette
tingué dans l'Eglise, tant par sa haute nais- armée pour demander s'ils viennent comme
sance que par ses talents dans le gouverne- ennemis ou comme amis. A la demande des
ment. Cet illustre abbé était de la maison do ambassadeurs, les chefs de l'armée répon-
Montboissicr.dont il subsisteencorpplusieurs dent : —Nous sommes de la maison du Roi
branches avec dignité; mais s'il primait dan< des rois, et nous venons offrir notre service
le gouvernomenl d'un ordre célèbre et fort à votre maître contre son ennemi.
étendu, il vivait dans le douzième siècle, siè- Eusèbe n'eut pas sitôt appris une si favo*
cle éclairé pour la doctrine, mais où l'on se rable réponse, qu'il marche en assurance
laissait aisément séd.uire sur des faits réputés contre Ostorge, dont l'armée était trois fois
iiiiraculoux. Examinons celui de Pierre Eii- plus grosse que la sienne; mais son armée
l^cbert. cependant ne laissait pas de paraître égale à
Sanche, qui paraît si bien instruit sur quel- l'autre, parce que l'armée blanche, qui lui
ques âmes ou bienheureuses ou damnéis, servait d'avant-garde ou de troupes avan-
ne l'est nullement sur ce qui regarde celle cées, paraissait de (luaranle mille hommes.
du roi Alphonse. Cependant ce dernier fait Ostorge se trouva fort effrayé; ces cava-
était de plus grande importance que les au- liers blancs l'épouvantaient terriblement par
tres. Mais Pierre de Cluny devait savoir que leurs postures et leurs menaces. 11 demande
les âmes séparées du totps sont autant d'ê- la paix, il s'offre à donner toute satisfacliou
tres indépendants les uns des autres, qui ne à Eusèbe. La paix se conclut, il rend et paye
savent que ce que la Divinité leur découvre; au double tout ce qu'il avait pris, et se sou-
elle ne le fait môme qu'en ce qui leur est met avec tous ses Etats au duc de Sardiigne.
nécessaire de ne pas ignorer; et de quelle Alors l'armée blanche voulant contenter
utilité était à Sanche de savoir la damnation la curiosité d'Eusèbe, qui demandait à ces
du juge dont il est ici question? troupes qui elles étaient, on lui répondit :

Nous sommes les âmes de ces défunts que
Sixième apparition. Eusèie, duc de Sar-
par vos bienfaits et par vos aumônes vous
daigne. {Roa, Pinelli, et alii.)
avez mises dans le repos éternel. Travaillez
Quelques auteurs célèbres rapportent que incessamment à ce que toutes les autres, que
deux ducs se faisaient la guerre avec des vous rachèterez de leurs peines reposent en
succès fort différents; l'un était Eusèbe, duc paix avec nous, afin que tant de bons amis
de Sardaigne; l'autre Ostorge, duc de Silésie, que vous aurez délivrés vous gagnent la fa-
Eusèbe avait une dévotion incomparable an veur du grand Juge et l'obligent à vous fairo
secours des âmes des défunts il faisait offrir
: miséricorde. Et cela dit, ils parurent tous
pour elles tous les jours des sacrifices, il don- s'en aller dans le chemin par où ils étaient
nait d'ampb s aumônes, et ne man(|uait point venus. ,

à faire payer la dime de tous ses biens pour Nous savons que colle histoire a été avé-
leur soulagement. rée dans les deux provinces, el sur la rela-
Il fut jusqu'à cet excès de piété, qu'il voua tion d'un saint abbé de grande autorité, qui,,
à Dieu la plus grosse et la plus riche de ses dans la guerre de ces deux princes, fut pri-
villes pour la délivrance de ces âmes, n'en sonnier, pendant qu'il visitait quelques ab-
voulant rien tirer pour son usage, et desti- bayes qui étaient sur les confins de leurs ter-
nant tout le revenu qu'il en recevait à pro- res. Et vraiment si cet abbé ou celui qui le
curer les moyens de les aider. Il y nourris- fait auteur df cette aventure, eût voulu men-
sait et entretenait une grande multitude de tir ou faire un conte, il est croyable qu'il
pauvres à ce dessein il y faisait dire tous les
; n'eût pas pris autant de témoins de son men-
jours dans toutes les églises un grand nom- songe qu'il y avait de soldats dans lis doux
bre de messes, de sorte que celle vr.lle se armées, et d'habitants dans la Silésie et dans
nommait communément la ville de Dieu. la Sardaigne. Car une chose si merveilleuse
Ostorge, son ennemi, s'attachant à cette n'a pu arriver sans que ces provinces en
ville, la prit et s'en rendit maître ; de quoi eussent la connaissance.
Eusèbe eut un si sensible déplaisir, qu'il Observation.
protestait qu'il lui eût été plus supportable Voici une historiette qu'il ne sera pas dif-
d'avoir perdu la moitié de ses Etats que cette ficile de détruire : la géographie seule en va

seule ville de Dieu. montrer la fausseté. On y fait paraître


Il amasse des troupes, il se met en cam- comme voisins un duc de Sardaigne et un
pagne contre le victorieux; son armée campe, duc de Silésie ; et entre les deux il y a non-
,

it ceux qui faisaient la garde du camp re- seulement un peu plus de trois cents lieues
gardaient de tous côtés pour découvrir co (le dislance; mais outre l'éloigncmcnl , on y

qui se pasîail. Alors u.ie aruice leur appa- trouve encore de terribles barrièrcSj savoir :
9Si DÎCTIUNNAIRE DES SCIENCES OCCL'LTKS. 995

toute la Buiiéme l'Autriche , les Alpes ,


dans son corps et on ne saurait assez ad-
;

l'Apennin , l'Italie et une partie de la mer mirer l'extrême vitesse avec laquelle ces es-
Méititerranée, cl l'on appelle cela des princes prits bienheureux exécutèrent cet ordre; car
voisins et limitrophes! El puis, oiî l'auteur comme on prononçait pour la première fois
a-l-il pris un Eusèbe , duc de Sardaigno et , VAguus Dei de la messe qu'on offrait pour
un Oslorgp, duc de Silésle? La Sardaigne moi, je fus présentée dev;int le trône de
a passé des Sarrasins aux Génois, puis fut Dieu, et quand on le dit pour la troisième
gouvernée par des juges el enfin elle eut , fois, mou âme se trouva réunie à mon corps.
des rois mais dans tout cela point de duc.
;
C'est ainsi que les choses se sont passées
A moins que les écrivains qui ont traduit dans ma mort et dans ma résurrection. Je
Sardaigne, aient mal traduit, et qu'il s'agisse suis donc revenue pour l'amendement des
d'une autre contrée. hommes ainsi je f ous conjure de n'être pas
;

surpris des choses que vous verrez en moi,


Septième npparilinn. Sainte Christine. [Thom. quoiqu'on n'ait jamais rien vu de pareil dans
C'inlaprilanus in Vita sanctœ Christinœ.] le monde.
Sainte Christine qui a mérité le surnom C'est ainsi
qu'elle parla. L'auteur de sa
,

d'Admirable, pour la vie tout à fait mer- Vie ajoute que pour lors elle commença à
veilleuse qu'elle mena en faveur des âmes exécuter les choses pour lesquelles Dieu l'a-
du purgatoire, raconte d'elle-même qu'étant vait renvoyée. On la voyait tout d'un coup
morte son âme fut aussitôt portée , par le se lancer dans des fournaises ardentes et ;

ministère des anges, en un lieu obscur, hor- quoiqu'elle fût horriblement tourmentée au
rible et rempli d'âmes. Or les lounnents ,
milieu de ces brasiers, ce qui paraissait par
dit-elle, qu'on faisait endurer à ces pauvres les cris pitoyables qu'elle jetait, néanmoins
âmes me parurent si effroyables que je ne ,
étant sortie de là, ne paraissait sur son
il

pense pas qu'on en puisse jamais donner corps aucune marque de brûlure. Ensuite
une juste idée. Je vis dans ce lieu les âuies elle se plongeait dans les eaux toutes glacées
de plusieurs personnes que j'avais connues de la Meuse, et y demeurait l'espace de six
durant leur vie. Etant donc touchée d'une jours et quelquefois davantage.
ettréme compassion à l'égard de ces pauvres Un peu plus bas il ajoute que, priant au
infortunées, je demandai quel était ce lieu , milieu des eaux, elle en était entraînée jus-
dans la pensée que ce ne pouvait être que que dans les moulins où étant froissée
, ,

l'enfer. Mais mes conducteurs me dirent par les roues, elle en sortait sans qu'il en
d'abord que c'était le lieu du purgatoire, où parût rien sur sa personne. Elle se levait
les pécheurs qui à la vérité se sont repentis
,
quelquefois à minuit, et parcourant toutes
durant leur vie de leurs offenses, mais qui les rues de la ville de Sainl-Trond elle aga- ,

n'ont pas encore satisfait à la justice de Dieu çait les chiens, qui la déchiraient avec leurs
par des peines proportionnées à l'énormilé dents comme une bêle féroce quelquefois ;

de leurs crimes , achèvent d'espier leurs elle courait parmi les épines et les ronces,
fautes. De là ils me conduisirent dans l'en- et en était tellement percée, qu'il n'y avait
fer, où je vis encore quelques personnes que point de partie en tout son corps qui n'en fût
j'avais connues autrefois. Ensuite je fus por- ensanglantée. Cependant après avoir ré-
tée dans le pareidis , devant le trône de la pandu bien du s.ing, on ne voyait eu elle
divine majesté, où, me voyant bien accueillie nulle apparence de blessure.
du Seigneur, j'en conçus une incroyable joie,
Obsei'vatioti.
dans créance où j'étais que je demeurerais
la
éternellement avec lui en ce lieu de délices. 'Voilà des choses merveilleuses. N'y voit-on
Mais Dieu, qui voyait les désirs de mou prs l'effet d'une léthargie de vingt-quatro
cœur , me dit aussitôt : — Il est vrai , ma heures ou environ? Il s'en trouve encore de
chère que vous serez un jour éternelle-
fille ,
plus longues , et la sainte dont on peint ici ,^

ment avec moi mais avant cela je veux


; ,
l'imagination , frappée des peintures
était
vous donner le choix de deux choses bien que l'on fait et des discours que l'on tient et
différentes ou de demeurer ici avec moi
, que l'on a raison de tenir sur les peines des
durant toute l'éteruilé, ou de vous en re- âmes du purgatoire, et encore plus sur
tourner en terre, pour y endurer de grandes celles des damnés elle en est attendrie. C<'la
:

peines en un corps mortel, et par ce moyen était de sa charité mais après avoir été pro-
;

délivrer ces pauvres âmes, dont vous re- menée en songe dans ces endroits de tris-
grettiez si fort le malheur et pour qui , tesse et de peines on lui fait apercevoir
,

vous aviez tant de compassion; en mênic cnlin ce lieu de délices et de repos où doi-
temps aussi par les exemples de votre vie
,
vent aspirer tous les chrétiens, et où elle
pénitci\le vous porterez les pécheurs à
, aspirait elle-même. Revenue de sa léthargie,
abandonner leurs crimes et à se convertir elle raconte tout ce qu'elle a imaginé, ou
sincèrement à moi ensuiti; vous revien-
; plutôt tous les tableaux que lui a présentés
drez, après avoir accru vos mérites jusqu'à son imagination. Elle les raconte vraisem-
l'infini. blablement comme des songes et l'enthou- ,

A cette proposition, je ne balançai pas un siasme de ses auditeurs va si loin que l'on ,

moment et dis d'abord que je voulais bien


, réalise en histoire tout ce qu'elle a pieu-
reprendre mon corps. Le Seigneur, après sement imaginé dans le sommeil. Il en eA
m'avoir félicilce de m'êlre si promplement beaucoup d'autres de la même espèce Je
offerte , commanda qu'on tiiuU m(>n âaie ne crois pas non plus tous les touroK nU
,

903 LEfi LEG 994


que l'on prétend qu'elle s'imposa volontai- Observation.
rement. Je serai moins long sur ce récit que sur
les précédents. Celui qui l'a imaginé ne con-
Huiliême apparition. Frère Pèlerin d'Osma.
naissait pas l'efficacité du saint sacrifice de
{Pelriis Montrai, et alii in Vita S. Nicolai
la messe. 11 représente saint Nicolas de To-
de Tokntino.)
lenlino, qui refuse d'en être le ministre ac-
Pondant que saint Nicolas de Tolcntino tuel, parce qu'il veut faire quelque acte par-
demeurait au monaslèredeValmanant, étant ticulier de pénitence , pour retirer une âme
un samedi bien avant dans la nuit couché du purgatoire. Mais en est-il un plus efficace
sur son grabat il ouït une voix qui semblait
, que celui de la prière, qui se fait à la vue
être arrachée des plus profondes entrailles et en vertu de Jésus crucifié ;prière même
de quelque personne réduite à l'extrémité, qui est soutenue des vœux ardents de toute
qui so plaignait amèremeni , et disait : — Pè- une pieuse communauté? Elle n'assiste aux
re Nicolas, ayez pitié de moi; grand servi- divins offices que pour y offrir conjointe-
teur de Dieu, écoulez-moi. Le saint, qui ne ment avec le prêtre les prières des fidèles ,
reconnaissait pas la voix, voulut savoir qui pour la gloire de Dieu et pour les besoins
rappelait. —
Je suis dit cette même voix,
, de toute l'Eglise , dont les âmes du purga-
l'âme de frère Pèlerin d'Osma, qui expie toire font une des plus nobles parties. C'est
dans les flammes du purgatoire les lâchetés même la seule manière de bien et réelle-
que j'ai commises en l'observance de mes ment assister à ce redoutable sacrifice, que
règles: je vous conjure, par l'amour que de s'unir au célébrant qui prie et avant et
,

vous portez à Dieu et la sainte amilic que après la consécration ,


pour les fidèles qui
vous m'avez autrefois témoignée, d'ottrir sont dccédés dans la foi et dans la chariié ,
vos sacrifices à Notre-Seigneur, afin qu'il afin que Dieu abrège le temps de leur péni-
plaise à sa bonté de me retirer de ces brasiers tence. Jésus-Christ e-t mort pour le salut do
et de me conduire en un lieu de rafraîchisse- tous les hommes nés et à naître il nous a
;

ment. ordonné de renouveler continuellement son


Sailli Nicolas, qui devait cette semaine-là môme sacrifice, et do le faire dans les mômes
dire chaque jour la messe conventuelle vues. Ce serait donc s'écarter, (juo do subs-
voulant s'en excuser, —Eh! mon père, ré- tituer des pénitences pariicuières et arbi-
pliqua cette âme, ne m'abandonnez point en traires à ce sacrifice, si nécessaire aux âm^s
la nécessité, et ne fermez pas à une pauvre de tous les fidèles, et qui n'a été institué que
âme qui n'espère du soulagement que par pour leur bien spirituel et pour leur pro-
,

la vertu de vos suffrages, les entrailles de curer les secours dont ils ont besoin.
voire charité, que vous tenez toujours ou- À la suite de ce traité, l'auteur donne une
Terles à tous ceux qui implorent votre se- curieuse pièce que voici :

cours; et afin que vous voyiez combien ma Lettre de M. Mollinger, premier secrétaire
requête est juste et civile, prenez la peine du sérénissime électeur palatin à M-
,

de venir avec moi vous verrez un spectacle


; Schœpfflin,de l'académie royale des inscrip-
qui sans doute arrachera les larmes de vos tions et belles-lettres, historiographe du roi,
yeux el la pitié de votre cœur. professeur d'histoire et de belles-lettres à
Le saint suivit cette âme, et vint à une Strasbourg.
vallée siiuée à l'aulre côté du désert, où il Les bontés infinies que vons m'avez tou-
découvrit un grand nombre d'âmes toutes jours prodiguées depuis que j'ai le bonheur
couvertes de flammes, et lesquelles, d'aussi d'être connu de vous , Monsieur, me font
loin qu'elles 1 eurent aperçu, se prirent à espérer que vous daignerez recevoir les
crier à haute voix —
Père Nicolas, père
: vœux que je fais pour vous au sujet du re-
Nicolas, ayez pilié de nous, puisque c'est en nouvellement de l'année. A'ous devez assez
vous seulque gît l'espoir de notre délivrance connaître la source d'où ils partent, pour
A ce piteux spectacle, le cœur du saint être convaincu. Monsieur, que personne au
se trouva touché d'un si intime ressenti- monde n'en forme ni de plus ardents, ni de
ment, qu'il passa le reste de la nuit fondant plus sincères que moi.
en larmes, el priant Notrc-Seigiieur pour le A l'exemple des anciens, qui avaient cou-
suulagement de ces pauvres âmes. Le jour tume d'entretenir leur amitié par de pelils
venu, du consentement de son supérieur, il présents, j'ose prendre la liberté, Monsieur,
commit son office à un autre, pour octroyer de vous joindre ici un échantillon du petit
à ces âmes ce qu'elles lui avaient demanoé; trésor, que je tiens sans doute de la main de
il redoubla la rigueur de ses exercices reli- la Proviiience ou du hasard , suivant les
gieux, jeûnant, pleurant, priant, et surtout dogmes des esprits forts de notre siècle.
offrant avec une extraordinaire ferveur le Heureux si vous vouliez bien lui accorder
!

saint sacrifice de la messe; si bien qu'au bout une place dans votre cabinet.
de huit jours l'âme de frère Pèlerin lui appa- Comme nous avons la permission de creu-
raissant derechef, le vint renuircicr do la ser aussi longtemps que nous le jugerons à
part de toutes les autres, de la grâce que propos, et que suivant les apparences , il y
Dieu leur avait faite par l'oblalion de ses a encore bien des choses cachées par ici,
sacrifices, les ayant retirées du purgatoire je compte que nous n'en resterons pas là ,
et logées dans le ciel pour jouir dans ce
,
cl que ce n'est que le commencement d'une
bienheureux séjour d'un repos â jamais espèce do fortune. L'histoire de ce trésor
durable. s'est passée forl uniment. Il y a plus d'un
,

995 DICTIONNAIRE DES SeiCNCES OCCULTES. 935


nn que M. Cavallari ,
premier musicien de exploiter les passions plus ou moins cachées,
mon sérénissime maître, el Vénitien de na- ont toujours prospéré lorsqu'on les a lais-
tion, avait envie de faire creuser à Uolhen- sées faire. Mademoiselle Lcnormaïul, qui est
kirchon à une demi-lieue d'ici, qui était au- morte depuis peu, est une preuve de celte vé-
trefois une abbaye ou couvent fort renommé, rité peu flatteuse pour les lumières du siècle.
et qui fut ruiné du tem[js de la réformation. Ceux qui ne connaissent la sibylle pari-
I/occasion lui en fut fournie par une appa- sienne que par les réclames des journaux,
rition que la femme du ensier dudit Ko- les canards et les poufs qui se sont propagés
lienkirchen avait eue plus d'une fois en plein sur son compte, les mystérieux prospectus
midi, et surtout le 7 mai pendant deux ans
, qu'elle a publiés en forme de mémoires, ne
consécutifs. Elle jure et veut prêter serment seront peut-être pas f.;ehés d'avoir sur cette
d'avoir vu un prêtre vénérable en habits fenmic une notice plus complète. Elle a mis
pontificaux , brodés en or, qui jeta devant au jour des souvenirs prophéli(iucs et des
lui un grand las de pierres. Et quoiqu'elle mémoires qu'elle n'a pourtant guère vendus
soit luthérienne, par conséquent peu crédule qu'à ceux qui allaient la consulter et d'après
;

sur ces sortes de choses-là, elle croit pour- ces autorités sans garanties on a écrit et
tant, que si elle avait eu la présence d'esprit arrangé sur elle des anecdotes que nous ré-
d'y mettre un mouchoir ou un tablier, toutes duirons à leur juste valeur.
ces pierres seraient devenues de l'argent. Ce qui a fait la célébrité de mademoiselle
Quelle folie 1 M. Cavallari demanda donc la Lenormand, c'est qu'elle tirait les cartes à
permission de creuser. C'est ce qui lui fut rimpératriceJoséphine,comme nous le dirons.
d'autant plus facilement accordé, moyennant Mais on vous contera qu'étant petite elle
le dixième qui en est dû au souverain , fui illuminée et douée de bonne heure de l'art
qu'on le traita de visionnaire, et qu'on re- divinatoire; qu'elle prédit aux bonnes reli-
garda l'affaire des trésors comme une chose gieuses qui lui apprenaient à lire le dépla-
inouïe. Cependant il se moqua du qu'en cement de leur supérieure, et d'autres parti-
dira-l-on el me demanda si je voulais être de cularités merveilleuses ; qu'en 1793 elle
moitié avec lui. Passionné que je suis pour tenait déjà, à vingt-deux ans, un antre de
les antiquités, je n'ai pas hésité un moment sibylle; qu'elle reçut trois hommes (jui vin-
à aciepter cette proposition mais j'ai été
: rent savoir chez elle leur destinée qu'elle ;

bien surpris de irouver, au lieu des urnes prédit à tous trois une mort violonle, avec
avec de la cendre , de petits pots de terre des funérailles éclatantes pour l'un, et pour
remplis d'or. Toutes ces pièces , plus fines les deux autres les insultes de la populace ;
que les ducats, sont pour la plupart du xiv que ces trois hommes étaient Marat, Robes-
et du XV' siècle, à ce que je crois. 11 m'ea est pierre et Saint-'ust; qu'elle osa dire à d'an-
échu pour ma part six cent soixante-six , tres terroristes des choses aussi formidables;
trouvées à trois différentes reprises. II y en que ses imprudences la firent mettre en pri-
a des archevêques de Mayence, de Trêves et son, et que la réaction thermidorienne la
(le Cologne ; des villes d'Oppcnheim , do sauva. Tous ces récits, faits après coup, sont
Bacharac, de Bingen , de Coblence. Il y des contes sans ombre de fondement. Made-
en a aussi de Rupert palatin, de Frédéric, moiselle Lcnormand n'était pas connue eu -
burgrave de Nuremberg, quelques-unes do core sous le Directoire.
Wenceslas , et une de l'empereur Char- C'était en 179tj une grosse fille d'une édu-
les IV, etc. cation très-négligée, d'une fortune assise sur
Je me propose d'en faire une petite des- les brouillards de la mer, qui, voulant un
cription , et je ferai graver en taille-douce mari pour avoir une position quelcoiuiue, lo
une de chaque espèce. Je me regarderais cherchait dans les cartes, comme font à Pa-
comme sacriiége envers le monde savant ris, aujourd'hui encore , tant de jeunes filles
si je ne faisais pas cette petite opération. incomprises.
Oicrai-jc me flatter, Monsieur, que vous A force de remuer le jeu de piquet, délire
voudriez bien m'indiquer l'auteur le plus nuit el jour les livres variés qui expliquent
convenable qui me pourrait servir de guide le jeu de caries, les horoscopes cl les songes,
en cette carrière ? J'auiais déjà pu faire la d'étudier les rêveries publiées par Allietle
vente de plusieurs de ces pièces dont on m'a sous l'anagramme d'Eiieila, concernant la
offert neuf à dix florins. d'Allemagne. Mais je cartomancie et l'art de trouver les choses ca-
ne veux pas m'en défaire séparément. J'en chées dans les tarots, elle éiait parvenue à se
tirerai peut-être davantage. faire un babil qui en imposait.
J'ai l'honneur d'être avec un respect Elle était reçue dans une de ces maisons
iiifini, Monsieur, très-mêlées que fréquentait la veuve Beauhar-
Votre très-humble et très- nais, créole citoyenne, à qui une vieille né-
obéissant serviteur. gresse avait promis aux colonies, comme le
J.-F. MOLLINGER. promettent toutes les vieilles négresses ,
A Kirchheim, ce i" janvier 1747. qu'elle monterait sur un trône. La citoyenne
LENORMAND (Marie-Anne) , née en 1772 Beauharnais venait d'épouser un simple offi-
à Alençon, morte à Paris en 1843, dite la cier , le jeune Bonaparte , dont on ne pré-
sibylle du faubourg Saint-Germain. voyait guère alors la splendeur future; car
C'est toujours une spéculation productive lui-même cherchait du service en Corse.
qut celle qui s'attache aux faiblesses de l'es- Curieuse et crédule , elle se tirait les carte»
prit humain; et les devineresses qui savent elle-même. Elle n'eut pas plulôl appris que
— ,

Q07 L!-N LEN <I9»

inaJcmoiselle Lononnand avait dans cet art Elle le remuait ensuite, et voyait, dans !a
un talent de société de quelque force, qu'elle forme des ondulations, ce qu'on ne soupçon
la pria de lui faire le jeu. La grosse fille, sa- nerait jamais dans un jaune d'œuf.
chant le prix que madame Bonaparte atta- 5° Elle donnait des horoscopes , c'est-à-
chait , tout en riant à son horoscope de la
, dire des thèmes tout faits, suivant les ensei-
négresse, rencontra intrépidement le même gnements des vieux astrologues, qui ont
horoscope dans le jeu de piquet, et protesta trouvé tant de lumières dans les douze signes
fermement que la dame de trèfle porterait la du zodiaque. Ils déclarent que ceux qui
couronne. Bonaparte, qui était le roi de trè- sont nés »ous le Sagittaire (du 22 novembre
fle, ritbeaucoup du pronostic. Mais il avait au 21 décembre) feront des voyages mariti-
sibien pris que la devineresse promit depuis mes, tandis que ceux qui ont vu le jour sous
des royaumes à tout le monde. Si tous ces le Capricorne (du 22 décembre au 21 janvier)
royaumes n'arrivèrent pas, Bonapartedeviut auront de petits yeux , et que les personnes
premier consul; et quand sa femme fut Tim- venues au monde sous le Verseau (du 22 jan-
pcratrice Joséphine, comme elle n'avait cessé vier au 21 février) vivront longtemps. Il y en
de cultiver mademoiselle Lenormand , et a ainsi pour toute l'année.
qu'elle la consultait tous les mois, la sibylle Si votre acte de naiss/incc vous place sous
se trouva à la mode. les Poissons (du 22 février au 21 mars), vous
Elle n'attrapait toujours point de mari, serez présomptueux. Sous le Bélier (du 2i
quoiqu'elle en vît sans cesse dans ses caries. mars au 21 avril ) naissent les gens qui ont
Elle s'en consola de son mieux , en établis- 1 1 migraine. Sous le Taureau (du 22 avril au
sant, à la rue de Tournon (à Paris), un salon 21 mai) on ne se marie qu'à vingt-quatre ans.
où elle disait la bonne aventure, sous le nom Soyez né sous les Gémeaux (du 22 mai au
un peu classique de sibylle du faubourg 21 juin), vous négligerez vos affaires et vous
Saint- Germain. Dix ans d'études l'avaient pourrez bien être artiste. Mais si l'Ecrevisse
préparée et c'était un élat...
; a présidé à votre première heure (du 22 juin
1° Elle tirait les caries. Ce qui consiste à au 21 juillet), vous risquez déirc gourmand ;
extraire, suivant diverses méthodes, d'un jeu et si c'est le Lion (du 22 juillet au 21 août),
de piquet, sept, treize ou dix-sept cartes, qui vous n'aurez pas de mollets.
font le petit, le moyen et le grand jeu, et à Sous la Vierge (du 22 août au 21 septem-
juger leur signiGcalion. bre) on nail discret; mais on aura la chance
Les cœurs sont excellents et les trèfles fort d'être volé dans sa poche. Sous la Balance
bons; les carreaux cl les piques sont dange- (du 22 septembre au 21 octobre) vous au-
reux. )*uis les combinaisons amènent des rez le don de dire la bonne aventure. Sous
nuances. Chaque carte sait ce qu'elle veut le Scorpion enfin (du 22 octobre au 21 no-
dire : un dix de trèfl", est la campagne, un vembre) on sera goguenard, sournois, et
sept de carreau un voyage, un huit de pique on gagnera un ventre ballonné. Voilà.
une querelle, un as de carreau une lettre, Nous ne donnons ici qu'un sommaire.
un as de pique un chagrin; et autres belles Avec toutes ces cordes à son arc made-
,

choses. moiselle Lenormand pouvait conlenier les


Puis encore ,
pour ne pas se borner à la plus difficiles. Elle travaillait pour cinq
première disposition des cartes étalées. on les francs, pour dis francs, pour vingt francs
môle; on les relève deux ou trois fois dans pour quatre cents francs. Moyennant celte
d'autres arrangements, on y voit encore tout somme on avait un horoscope écrit. Beau-
ce qu'on veut. coup de têtes faibles vinrent la con'sulterea
2" Elle faisait les tarots ; c'est le jeu de effet. De grands personnages, grands par
cartes allemand, avec des coupes, des épées, leur position, mais petits du reste, lui de-
des fleurs cldes bâtons, au lieu de nos cœurs, mandèrent leur bonne aventure. Comme
de nos piques, de nos carreaux et de nos trè- elle était très-fine, lorsqu'elle avait à répon-
fles. Mais comme il y a dans ce jeu soixante- dre à des gens de bonne mine qu'elle ne con-
dix-huil cartes, contenant beaucoup de figu- naissait pas, elle les remettait au lendemain,
res, il offre un grimoire qui donne à la devi- les faisait suivre et savait ainsi ce qu'elle
neresse plus de latitude. devait dire.
3° Elle disait la bonne aventure par le Voici deux anecdotes qui feront apprécier
marc de café. Voici le procédé. On verse le lahauteur de son talent. Un banquier qui
marc d'une once de café sur une grande as- en doutait lui mena son fils, âgé de quinze
siette blanche très-plate, percée au milieu ans et habillé en jeune fille. La sibylle y fut
d'un seul petit trou par lequl l'eau s'en va. trompée, comme l'avait été le d.^cieur Gail
On laisse le marc s'assécher un quart d'heure. en pareille occasion , et promit un époux
Il s'est formé alors des figures capricieuses , merveilleux avec toutes sortes de choses qui
qui, à vos yeux, peut-être, ne diraient rien, convenaient au sexe dont le déguiseniMit
fnais qui sont tout un livre pour les person- l'abusait.
nes dressées à lire dans les assiettes sales. Une dame, voulant savoir si les cartes di-
k" Ell<! pronostiquait par le blanc d'œuf, saient la vérité, déjeuna parfaitement; puis,
«ulre recette qu'elle disait tenir de Caglios- désignant sous le nom d'une opération le
Iro. Elle prenait un œuf frais, le cassait, en repas qu'elle venait de faire, elle alla de-
séparait le jaune, laissait tomber ce jaune mander à la sibylle si l'opération dont elle
dans un grand verre d'eau; s'il ne se divisait occupée tout à l'heure avait été me-
s'était
imi dans la chute, c'était signe de succès. née afin; les cartes dirent que non. On
9*9 DiXTlONNAIRE DES SCl!.NCES OCCL'l.rES. 1000

ritei-at!mille faits pareils. Mais le public — Vous qui savez tant de choses , vous
bénin des niais ne les remarquait pas plus no savez pas cela? Cherchez dans vos cartes.
que les prédictions d'une grande fortune aux Au bout de peu de jours, comme on ne
gens qui se ruinaient le mois i-uivant, et voulait donner qu'une leçon à la sorcière, et
d'une longue vie aux infortunés qui se hâ- qu'oi avait besoin d'elle , on la remit en li-
taient de mourir pour lui donner un dé- berté. Mais plus tard, quand vinrent pour
menti. Napoléon les jours de revers, la sibylle ayant
Cependant elle assaisonnait ses consul- caressé quelques espérances des légitimistes,
tations d'accessoires et de précautions qui fut emprisonnée de nouveau, toujours sans
auraient dû la rendre plus heureuse. l'avoir prévu.
Elle avait soin de demander au consultant : Aprèsla chute de l'empereur elle fut vi-,

Quel âge avez-vous? Quelle couleur préfé- sitée par Alexandre el par le duc de Berry,
rez-vous? Quel est la fleur que vous aimez î qui croyaient ramasser dans son entretien
Quel est l'animal que vous ne pouvez souf- quelquiS piquantes anecdotes. Mais ce
frir? Mangez-vous des ognons? et d'autres qu'elle savait de détails conservait peu d'in-
questions bizarres qui lui fournissaienl ma- térêt, lis n'y retournèrent pas. Ces visites
tière à des inductions , et qu'elle faisait d'un toutefois lui firent tirer beaucoup d'argent
air nonchalant, tout en recommandant de des Russes des Prussiens et des Anglais.
,
couper les cartes de la main gauche et de Quand Jo-éphino fut morte et Napoléon à
garder telle ou telle position. Sainte-Hélène, elle se mit à rédiger ses sou-
Si l'on s'étonne de l'espèce de renommée venirs et ses mémoires, où elle débita tout
où s'est vue sous l'empire mademoiselle Le- ce qu'elle voulut. Ell(! écrivit même, ou fit
normand, si l'on est surpris de la voir visi- écrire, une réponse à Huflmann ,
qui s'était
ter par de grandes dames et par des person- moqué d'elle dansJournal des Débals. Et
le
nages notables il
, faut en dire les deux comme dans la suite la police ne pouvait
raisons. La première est dans la petitesse de guère soulTrir une devineresse exerçant pu-
l'esprit humain qui lui amena "Talma, ma-
,
bliquement, elle prit une patente de librairie,
dame de Staël elle-iiiéme, en dépit de sa su- et donna son adresse en mettant sur sa porte:
perbe philosophie, et le peintre David qui Mudemoiselle Lenormcnd libraire. On ne
,

faisait l'incrédule, et qui se battait les flancs trouvait chez elle que ses brochures. Mais ce
pourl'étre.Laseconderaison était une idée de n'était pas pour se meubler l'esprit qu'on y
l'empereur, qui en tirait très grand parti pour allait.
sa police. Tous les mois, et plus souvent au
besoin, l'impératrice Joséphine, qui pouvait
Son astre pâlissait dans le calme de quinze
ans (jui suivit les cent jours. Pour ramener
bien être de concert avec son illustre époux
sur e.le l'intérêt public, elle fit quelques
et jouer un jeu en simulant une grande con-
voyages à l'étranger. On se rappelle son ar-
fiance dans la sibylle, savait d'elle les visites
rivée à Bruxelles , où elle se proposait de
qu'elle avait reçues el les secrets qu'elle avait
tirer l'horoscope du prince d'Orange. Elle
dépistés. C'est ce qui explique la protection
avait fait des progrès ; elle joignait depuis
intéressée que Napoléon donnait à ces jon-
longtemps déjà à ses anciens procédés la
gleries.
chiromancie, ou l'art de lire les desliné-s
Mais en même temps qu'il employait ma-
dans les lignes de la main gauche. Elle pré-
demoiselle Lenurmand à l'éclaircir sur une
tendait savoir que le prince d'Orange avait
foule de détails, il la faisait espionner elle-
dans la main une ligne de fortune qui se
même. Lorsqu'il projeta son divorce avec
développait avec de beaux accroissements ;
Joséphine , ce projet fut longtemps connu
elle se proposait de lui annoncer des c.in-
avant que Napoléon voulût l'annoncer à sa
quêtes.
fenmie. Il était formellement recommandé à
ceux qui approchaient l'impératrice de Pour seconde ressource, elle faisait un peu
ne rien éventer d'une telle intention. Napo- la contrebande; et les douaniers belges, plus
léon ne songeait pas à la sibylle; elle ne fins que son jeu de cartes, ayant saisi, dans
matiqua pas de dévoiler le fait à Joséphine ses belles à double fond, des monlres qu'elle
comme une prophétie. Le lendemain, Fou- fraudait, la sibylle fit dans les Pays-Bas son
ché, qui dirigeait la police, ûl venir made- entrée triomphante en prison. Elle n'avait
moiselle Lenormand. pas compté là-dessus. Elle en sortit pour

Savez-vous, lui dit-il, pourquoi je vous dire la bonne aventure au prince d'Orange,
ai mandée ? qui en effet l'accueillit, dit-on; et elle ne vit
— Pour une consultation,sans doute, ré- pas que la ligne de fortune du prince était
pondit-elle. J'ai apporté grand jeu.
le rompue en un certain point.
Fouché et ïalleyrand l'appelaient quel- Depuis 1830, Mlle Lenormand était pres-
quefois ainsi, sous prétexte de son art, que oubliée, lorsque les journaux ont an-
mais pour la faire parler d'autre chose que noncé sa mort, arrivée le 25 juin 1843.
des cartes. Elle n'avait que soixante-douze ans, quoi-

\ ous n'avez pas regardé dans votre qu'elle eût prophétisé qu'elle en vivrait cent
main, ou vos tarots sont embrouillés reprit
, et un. Elle a laissé une fortune assez ronde.
Fouché car vous êtes arrêtée et de ce pas
, ; On dit qu'avant de mourir elle a reconnu
vous allez en prison. Vous ne l'aviez pas tes vanités stupides et condamnées de son
prévu? charlatanisme dangereux, et qu'elle a ter-
—Mais pourquoi en prison ? demanda-l-clic. miné SU viu dans les scntinien'.s chrétiens. Il
1001 LEO LES 1002
paraît même que cent pauvros fomnics qui vent qu'il n'a pas de pieds quand il prend la
ont suivi son convoi, un cierge à la main, forme d'un tronc d'arbre, el dans d'autres
de l'église Sainl-Jacques-du-Haut-Pas au circonstances extraordinaires.
cimetière du Père-Lachaise, sont des infor- Léonard est taciturne el mélancolique;
tunées à qui elle a laissé de petits legs. mais dans toutes les assemblées de sorciers
Quant à ce qu ont dit les journaux pari- et de diables où il est obligé de figurer, il se
siens qu'on voyait aussi à la suite du cor- montre avantiigcusement et déploie une gra-
billard les élèves de la devineresse, c'est une vité superbe (3j.
plaisanterie; elle n'avait rien à apprendre à
personne, et depuis plusieurs années ne pra-
LÉOPOLD, naturel de l'empereur Ro-
fils
dolphe II. Il embrassa
la magie et éludia les
tiquait plus.
arts du diable, qui lui apparut plus d'une
dans ses derniers temps, une courte
C'était,
fois. Il arriva que son frère Frédéric fut pris
et grosse femme, à l'air commun, qui parlait
en bataille en combattant contre Louis de
du nez, qui débitait ses oracles avec la vo-
Bavière. Léopold, voulant lui envoyer un
lubilité d'une actrice répétant un rôle, et qui
magicien pour le délivrer de la prison de
se coiffait d'un vieux turban sur une per-
Louis sans payer rançon, s'enferma avec ce
ruque blonde, mise du reste comme une
magicien dans une chambre, en conjurant et
femme de chambre.
appelant le diable, qui se présenta à eux sous
Si les Parisiens ont de l'esprit, la vogue de
forme et costume d'un messager de pied,
Mlle Lenoruiand fait voir qu'ils n'en ont pas
ayant ses souliers usés et rompus, le chape-
toujours.
ron en tête; quant au visage, il avait les
LK NORMANT (Martin), astrologue qui yeux chassieux.
fut apprécié par le roi Jean , auquel il pré- Il leur promit, sans que le magicien se dé-
dit la victoire qu'il gagna contre les Fla- rangeât, de tirer Frédéric d'embarras, pour-
mands (1). vu qu'il y consenlît. 11 se transporta de suite
LÉON élu pape en 795. On a eu
III ,
dans la prison, changea d'habit et de forme,
l'effronterie de lui attribuer un recueil de prit celle d'un écolier, avec une nappe au-
platitudes et de choses ridicules , embrouil- tour du cou, et invita Frédéric à entrer dans
lées dans des figures et des mots mystiques la nappe, ce qu'il refusa en faisant le signe
€t inintelligibles, composé par un visionnai- de la croix.
re, plus de trois cents ans après lui , sous le Le diable s'en retourna confus chez Léo-
titre d'Enchiridion Leonis papœ{2). On a pold, qui ne le quitta point pour cela ; car,
.'ijouté qu'il avait envoyé ce livre à Charlc- pendant la maladie à la suite de laquelle il
inagne. mourut, s'étant levé un jour sur son séant,
Voici le titre exact de cet ouvrage En- il commanda à son magicien, qu'il tenait à
:

chiridioti du pape Léon donné comme un


,
gages, d'appeler le diable, lequel se montra
présent précieux au sérénissime empereur sous la forme d'un homme noir et hideux;
Charlemagne récemment purgé de toutes Léopold ne l'eut pas plutôt vu, qu'il dit :
,

ses fautes. Rome, 1G70, in-1-2 long , avec un


— C'est assez, —
et il demanda qu'on le re-
cercle coupé d'un triangle pour vignette , et couchât dans son lit, où il trépassa {^).
à l'entour ces mots en légende Formation :
,
LESAGE. Voy. Luxembours.
réformation, transformation. Après un avis LESCORIÈRE (Marie), vieille sorcière ar-
aux sages cabalisles, le livre commence par rêtée au seizième siècle, à l'âge de quatre-
l'Evangile de saint Jean, que suivent les se- vingt-dix ans. Elle répondit dans son inter-
crets et oraisons pour conjurer le diable. rogatoire qu'elle passait pour sorcière sans
Voy. Conjurations, etc. l'être; qu'elle croyait en Dieu, l'avait prié
LÉONARD, démon du premier ordre, grand journellement, et avait quitte le diable depuis
maître des sabbals, chef des démons subal- longtemps ; qu'il y avait quarante ans qu'elle
ternes, inspecteur général de la sorcellerie, n'avait été au sabbat. Interrogée sur le sab-
tie lamagie noire el des sorciers. On l'ap- bat, elle dit qu'elle avait vu le diable en for-
pelle souvent le Grand Nègre. Il préside au me d'homme et de bouc, qu'elle lui avait cédé
sabbat sous la figure d'un bouc de haute les galons dont elle liait ses cheveux, que le
taille; il a trois tête, deux
cornes sur la diable lui avait donné un écu qu'elle avait
cheveux hérissés, les
oreilles de renard, les mis dans sa bourse; que le diable lui avail
yeux ronds, enflammes el fort ouverts, une surtout recommandé de ne pas prier Dieu, de.
barbe de chèvre el un visage au derrière. nuire aux gens de bien, et lui avait dour.é
Les sorciers l'adorent en lui baisant ce vi- pour cela delà poudre dans une boîte; qu'il
sage inférieur avec une chandelle verte à la était venu la trouver en forme de chat, et
main. que, parce qu'elle avait cessé d'aller au sab-
Quelquefois il ressemble à un lévrier ou à bat, il l'avait meurtrie à coups de picrres;que
un bœuf, ou à un grand oiseau noir, ou à un quand elle appelait le diable, il venait à elle
tronc d'arbre surmontéd'unvisageténébreux. en figure de chien pendant le jour et en fi-
Ses pieds, quand il en porte au sabbat, sont gure de chat pendant la nuit ; qu'une fois elle
toujours des pattes d'oie. Cependant les ex- l'avait prié de faire mourir une voisine, co
perts qui ont vu le diable au sabbat obscr- qu'il avait fait; qu'une autre fois passant par

(1) Manuscril cilé h la lin des rem. de Joly sur Bayle.


oniiiibiis purgaluiii, fie.

(2) Kncliiriiiion Leouis papae screnissiiuo iiiipeialori Ca-


(S)Dclrio, Delaucre, Bodia, elc.
[i. 304
iwiu Magiio iii muuiis pi-eUosuiii dalum, iiuiieniiue uiendis (4) Lcloycr, Hist. dts spectres,

DlCTlO.N.V. DES SCIENCES OCCCLTES. 1. 32


,

fOOÔ DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCLLTES. 1004

un village, le» chiens l'avaient suivie et mor- cueillir avec de certaines précautions, et on
due; que dans l'instant elle avait appelé le ne la trouvait qu'au point du jour, vers lo
diiible, qui les avait tués. Elle dit aussi qu'il commencement du printemps, lorsqu'on cé-
ne se faisait autre chose au sabbat sinon lébrait les mystères d'Héc.itc.
honneur au diable, qui promettait ce qu'on LÉ\ lATHAN, grand amiral del'enfer, se-
lui demandait; qu'on lui faisait offrande le lon les démonomanes. Wierus l'appelle le
baisant au derrière, ayant chacun une chan- grand menteur. Il mêlé de posséder, do
s'est
delle à la main (I). tous temps, les gens qui courent le monde.
LESCOT devin de Parme qui disait in- Il leur apprend à mentir et à en imposer. Il

dilîérenimcnt à tout homme qui en voulait est tenace, ferme à son poste el difflcile à
faire l'essai Pensez ce que vous voudrez,
: « exorciser.
et je devinerai ce que vous pensez, » parce On donne aussi le nom de Léviathan à un
qu'il était servi par un démon (2). poisson immense que les rabbins disentdes-
LESPÈCE, Italien qui fut avalé pendant liné au repas du Messie. Ce poisson est si
le séjour de la flotte françaisi? au port de monstrueux, qu'il en avale d'un coup un
Zante, sous le règne de Louis XII. Il ét;iit autre lequel, pour être moins grand que lui,
dans le brigandin de François de Grammonl. ne laisse pas d'avoir trois lieues de long.
Un jour, après avoir bien bu, il se mil à Toute la masse des eaux est portée sur Lé-
jouer aux dés, et perdit tout son argent. Il viathan. Dieu, au commencement, en créa
maugréa Dieu, les saints, la bienheureuse deux, l'un mâle et l'autre femelle; mais de
Vierge Marie, mère de Dieu, et invoqua le peur qu'ils ne renversassent la terre et qu'ils
diable à son aide. La nuit venue, connue ne remplissent l'univers de leurs semblables.
l'impie commençait à ronfler, un gros et Dieu, disent encore les rabbins, tua la fe-
horrible monstre, aux yeux étincelaiits, ap- melle, et la sala pour le repas du Messie qui
procha du brigandin. Quelques matelots doit venir.
prirent cctle béte pour un monstre marin ,
En hébreu, Léviathan veut dire monstre
cl voulurent l'éloigner; mais elle aborda le des eaux. Il parait que c'est le nom de l.t
navire, et alla droit à l'hérétique, qui fuyait baleine dans le livre de Job, chap. lxi. Sa-
de tous côtés. Dans sa fuite il trébucha muel Bochard croit que c'est aussi le nom
et tomba dans la gueule de cet horrible ser- du crocodile.
pent (3). LEWIS (Mathieu-Grégoire) auteur de ,

LÉTHÉ, fleuve qui arrosait une partie du romans et de pièces de théâtre, né en 1773 et
Tartarc, et allait jusqu'à l'Elysée. Ses ondes mort en 1818. On a de lui le Moine, 1793,
faisaient oublier aux ombres, forcées d'en 3 vol. in-12, production effroyable et dange-
boire, les plaisirs et les peines de la vie reuse, qui fil plus de bruit qu'elle ue mérite;
qu'elles avaient quittée. le Spectre du ckâleau, opéra ou drame en
On surnomuiail le Léthé le fleuve d'Huile, musique, etc.
parce que son cours était paisible, et par la LÉZARDS. Les Kamtschadalcs en ont une
même raison Lucuin l'appelle deus Tacilus, crainte superstitieuse. Ce sont, disent-ils, les
le dieu du silence; car il ne faisait entendre espions de Gaeth (dieu des morts), qui vicii-
aucun murmure. nent leur prédire la fin de leurs jours. Si on
C'était aux bords du Lélhé que les âmes les attrape, on les coupe en petits morceaux
des méchants, après avoir expié leurs crimes pour qu'ils n'aillent rien dire au dieu des
par de longs tourments, venaient perdre lo morts. Si un lézard échappe, l'homme qui
souvenir de leurs maux et puiser une nou- l'a vu tombe dans la tristesse, et meurt quel-
velle vie. Sur ses rives, comme sur celles du quefois de la peur qu'il a de mourir.
Cocyte, on voyait une porte qui communi- Les nègres qui habitent les deux bords du
quait au Tartarc (4). Sénégal ne veulent pas souffrir au contraire
LETTRES sur les diverses apparitions d'un qu'on tue les lézards autour de leurs mai-
bénédictin de Toulouse, in4°, 1G79. Ces ap- sons. Ils sont persuadés que ce sont les âmes
paritions étaient, dit-on, des supercheries de de leurs pères, de leurs mèresctde leurs pro-
quelques novices de la congrégation de Sainl- ches parents, qui viennent faire le folgar,
Maur, qui voulaient tromper leurs supé- c'est-à-dire se réjouir avec eux (5).
rieurs. On les fit sortir de l'ordre. LIBANIUS, magicien né en Asie, qui, pen-
LETTRES INFERNALES, ou Lettres des dant le siège de Ravenne par Constance, eiii-
campagnes infernales, publiées en 1734. Ce ployaitdcs moyens magiques en place d'armes
n'est qu'une satire contre les fermiers géné- pour vaincre ennemis(6).
les
raux. LIBANOMANCIE, divination qui se faisait
LECCE-CAllIN, hérétique du second siècle, par le moyen de l'encens. Voici, selon Dion
auteur apocryphe d'un livre intitulé Voya' : Cassius, les cérémonies que les anciens pra-
(jes des apôtres.y conte des absurdités.
Il tiquaient dans la libanomancie. On prend,
LEUCOPHYLLE, plante fabuleuse qui, se- dit-il, de l'encens, et, après avoir fait des
lon les anciens, croissait dans le Phase, fleuve prières relatives aux choses que l'on deman-
<ls la Colchide. On lui altribuait la vertu de, on jette cet encens dans le feu, afin que
d'cnipéctier les infidclilés; mais il fallait la sa fumée porte les prières jusqu'au ciel. Si

(1) Discours des sorlilégos et vénéfices, lires des procès (j) D"Autoii, Histoire de Louis XII.
CriiiiiiiHls, |). ai- (4) Uelaiidine, l'Enfer des anciens, p. 281.
(5) Al)régé des voyages, par de Laharpe, l.
II, p. 151,
(2) Delaiicici, Incrédnliié otinôcréancede la divination,
sonilégp, ^6) Leloyer, Hisl. cl Disc, desspcclrcs, etc., p.
726.
(lu p. 30i.
i'MK LIE LIG «000
ce qu'on sou4iaitc doit arriver, l'oncens s'al- LIÈVRE (Le Grand). Les Cliipiouyans, peu-
lume sur-le-champ, quand m<*me il serait plade sauvage qui habite l'intérieur de l'A-
tombé hors du feu le feu semble l'aller cher-
; mérique septentrionale, croient que le Grand
cher pour le consumer. Mais si les vœux Lièvre, nom qu'ils donnent à l'Etre suprê-
qu'on a formés ne doivent pas être remplis, me étant porté sur les eaux avec tous les
,

ou l'encens ne tombe pas dans le feu, ou le quadrupèdes qui composaient sa cour, forma
feu s'en éloigne et ne le consume pas. Cet la terre d'un grain de sable tiré de l'Occun,
oracle, ajoute-t-il, prédit tout, excepté ce et tira les hommes des corps des animaux.
qui regarde la mort et le mariage. Mais le Grand Tigre, dieu des eaux, s'op-
LIBERTINS , fanatiques qui s'élevèrent en posa aux desseins du Grand Lièvre. Voilà,
Flandre au milieu du seizième siècle et qui suivant eux, les principes qui se comballcnl
se répandirent en France, oii ils eurent pour perpétuellement.
chef un tailleur picard nommé Quinlin. Ils LIGATURE. On donne ce nom à un malé-
professaient exactement le panlhéismc [des fice spécial, par lequel on liait et on paraly-
philosophes de nos jours, et les rêveurs alle- sait quelque faculté physique de l'homme ou
mands les copient. Ils regardaient le paradis de la femme.
et l'enfer comme des illusions, et se livraient Onappelait chevillrment le sortilège qui
à leurs sens. Le nom qu'ils se donnaient, fermait un conduit et empêchait p;ir exem-
comme affranchis , est devenu une injure. ple les déjections naturelles. On appelait cm -

LICORNE. La corne de licorne préserve barrer l'empêchement magique qui empê-


des sortilèges. Le cardinal Torquemada, dit- chait un mouvement. On appelait plus spé-
on , en avait toujours une sur sa table. Les cialement ligature le maléfice qui affectait
licornes du cap de Bonno-Espérance sont dé- d'impuissance un bras, un pied ou tout au-
crites avec des têtes de cheval, d'autres avec tre membre.
«les léles de cerf. On dit que le puits du palais Le plus fameux de ces sortilèges est celui
de Saint-Marc ne peut être empoisonné, qui est appelé dans tous les livres où il s'a-
parce qu'on y a jeté des cornes de licornes. gitde superstitions, dau'^ le curéThiers,dans
On est d'ailleurs indécis sur ce qui concerne lepère Lebrun eldans lousles autres, \enoue-
ces animaux , dont la race semble perdue. ment de l'aiquiiletCe ou l'aiguillette nouée,
A'oy. CouNEs. désignation honnête d'une chose honteuse.
LIERRE. Nous ne savons pourquoi les C'est au reste le terme populaire.
Flamands appellent le lierre fil du diable Cette matière si délicate, que nous aurions
(Duivels-Naaigaren). voulu pouvoir éviter, tient trop de place dans
LIÈV RE. On raconte des choses merveil- les abominations superstitieuses pour être
leuses du lièvre. Evax et Aaron disent que passée sous silence.
si l'on joint ses pieds avec la lêtedun merle, Les rabbins attribuent à Cham l'invention
ils rendront l'homme qui les portera si du nouemenl de l'aiguillelle. Les Grecs con-
liardi, qu'il ne craindra pas même la mort. naissaient ce maléfice. Platon conseille à ceux
Celui qui se les allachera au bras ira par- qui se marient de prendre garde à ces char-
tout où il voudra, et s'en retournera sans mes ou ligatures qui troublent la paix des
danger. ménages (3). On nouaitaussi l'aiguillette chez
Que si on eu fait manger à un chien, avec les Romains cet usage passa des magiciens
;

le cœur d'une belette, il est sûr qu'il n'obéira du paganisme aux sorciers mcderncs. On
jamais, quand même on le tuerait (1). nouait surtout beaucoup au moyen âge. Plu-
Si des vieillards aperçoivent un lièvre tra- sieurs conciles frappèrent d'anathème les
versant un grand chemin, ils ne manquent noueurs d'aiguillettes ; le cardinal du Perron

guère d'en augurer quelque mal. Ce n'est fit mêaie insérer dans le rituel d'Evreux de<
pourtant, au fond, qu'unemenace des anciens prières contre l'aiguillette nouée; car jamais
augures expriiiiée en ces termes Jnauspi- : ce maléfice ne fut plus fréquent qu'au sei-
câlum dat iter oblatus lepiis. Cette idée n'a- zième siècle.
vait apparemment d'autre fondement, si ce « Le nouement de
l'aiguillette devient si
n'est que nous devons craindre quand un commun, Pierre Delancre, qu'il n'y a
dit
animal timide passe devant nous comme un ; guère d'hommes qui s'osent marier, sinon à
renard, s'il y passe aussi, nous présage quel- la dérobée. On se trouve lié sans savoir par
que imposture. qui, et de tant de façons, que le plus rusé n'y
Ces observations superstitieuses étaient dé- comprend rien. Tantôt le maléfice est pour
fendues aux Juifs , comme on le voit dans l'homme, tantôt pour la femme, ou pour tous
Maimonide, qui les rapporte à l'art de ceux les deux. Il dure un jour un mois , un an. ,

qui abusent des événements pour les con- L'un aime et n'est pasaiiné; les époux se
vertir en signes heureux ou sinistres. mordent s'égratignent et se repoussent ou
, ;

ChezlesGrecs modernes, siun lièvre croise bien le diable interpose entre eux un fan-
le chemin d'une caravane, elle fera halle tôme, etc. »
jusqu'à ce qu'un passant qui ne l'ait pas vu Le démonologue expose tous lescas bizar-
coupe le charme eu traversant la môme res et embarrassants d'une si fâcheuse cir-
route (2). constance.
A l'honneur des lièvres, voyez encore Sa- Mais l'imagination, frappée de la peur du
KIMOUHI. sortilège, faisait le plus souvent tout le niul.

(1) Secrets d'Albert le Grand, p. 108. (3) Platon, Des lois, liv. II.

1%) Brown, Erreurs populaires.


!007 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 1(K)3

On altiibuailauT soniors les accidents qu'on de la porte qui ferme la chambre à cou-
ne comprenail point, sans se donner la peine cher.
d'en chercliii- la véritable cause. L'impuis- Hincmar, archevêque de Reims, conseille
sance n'était donc généralement occasionnée avec raison aux époux qui se croient maléfi-
ijne parla peur du maléfice, qui frappait les ciés du nouementde l'aiguillette, la pratique
esprits et affaiblissait les organes et cet état; des sacrements comme un remède efficace ;
ne cessait que lorsque la sorcière soupçon- d'aulres ordonnaient le jeûne et l'au-
née voulait bien guérir l'imagination du ma- mône.
lade en lui disant qu'elle le restituait. Le Petit Albert conseille contre l'aiguil-
Une nouvelle épousée de Niort, dit Bodin lelle nouée de manger un pivert rôti avecdu
(1), accusa sa voisine de l'avoir liée. Le juge sel bénit ou de respirer la fumée de la dent
,

(il mettre la voisine au cachot. Au bout de d'un mort jetée dans un réchaud.
deux jours, elle commença à s'y ennuyer, et Dans quelques pays on se Halte de dénouer
s'avisa de faire dire aux mariés qu'ils étaient l'aiguillette en mettant deux chemises à l'en-
déliés ; et dès lors ils furent déliés. vers l'une sur l'autre. Ailleurs, on perce un
Les détails de ce désordre sont presque tonneau de vin blanc, dont on fait passer le
toujours si ignobles, qu'on ne peut mettre premier jet par la bague de la mariée. Ou
sous les ycuxd'un lecleurhonnéte cet enclie- bien, pendant neuf jours, avant le soleil levé,
nillement, comme l'appelle Dclancre (2). on écrit sur du parchemin vierge le mot avi-
Les mariages ont rarement lieu en Russie gazirtor. Il n'y a comme on voit, aucune
,

sans quelque frayeur de ce genre. « J'ai vu extravagance qui n'ait été imaginée.
un jeune homme, dit un voyageur (3), sortir Voici, avant do finir, un exemple curieux
comme un furieux de la chambre de sa fem- d'une manière peu usitée de nouer l'aiguil-
me, s'arracher les cheveux et crier qu'il lette « Une sorcière, voulant exciter une
:

était ensorcelé. On eut recours au remède haine mortelle entre deux futurs époux, écri-
employé chez les Russes, qui est de s'adrcs- vit sur deux billets des caractères inconnus^
ses à des magiciennes blanches, lesquelles, et les leur fit porter sur eux. Comme ce
pour un peu d'argent, rompent le charme et charme ne produisait pas assez vite l'effet
dénouent l'aiguillette; ce qui était la cause qu'elle désirait, elle écrivit les mêmes carac-
de l'état où je vis ce jeune homme. » tères sur du fromage qu'elle leur fit manger;
Noiiement de l'aiguilletCe. puis elle prit un poulet noir qu'elle coupa
Nous croyons devoir rapportercomme spé- par le milieu , en offrit une partie au diable,
cimen des bêtises de l'homme la stupide for- et leur donna l'autre, dont ils firent leur sou-
mule suivante, qu'on lit au chapitre premier per. Cela le» anima tellement, qu'ils ne pou-
des Admirables secrets du Petit Albert : vaient plus se regarder l'un l'autre. —
Y a-t-il
« Qu'on prenne la verge d'un loup nouvelle- rien de si ridicule? ajoute Delancre, persuadé
ment tué; qu'on aille à la porte de celui pourtant de la vérilé du fail et peut-on re-
,

qu'on veut lier, et qu'on l'appelle par son pro- connaître en cela quelque chose qui puisse
pre nom. Aussitôt qu'il aura répondu, on forcer deux personnes qui s'entr'aiment à
liera la verge avec un lacet de fil blanc, et le se haïr à morl ? »
pauvre homme sera impuissant aussitôt. » On dit que les sorciers ont coutume d'en-
Ce qui est surprenant, c'est que les gens terrer des têtes et des peaux de serpent
de village croient à de telles formules, qu'ils sous le seuil de la porte des mariés, ou dans
les emploient, et qu'on laisse vendre publi- les coins de leur maison, afin d'y semer la
quement des livres qui les donnent avec de haine et les dissensions. Mais ce ne sont que
scandaleux détails. les marques visibles des conventions qu'ils
On trouve dans Ovide et dans Virgile les ont fuites avec Satan, lequel est le maître et
procédés employés par les noueurs d'ai- l'auteur du maléfice de la haine.
guilleltede leur temps. Ils prenaient une pe- Parfois continue Delancre , le diable no
,

tite figure de cire qu'ils entouraient de ru- va pas si avant, et se contente, au lieu de ta
bans ou de cordons; ils prononçaient sur sa haine, d'apporter seulement de l'oubli, met-
tête des conjurations, en serrant les cordons tant les maris en tel oubli de leurs femmes,
l'un après l'autre; ils lui enfonçaient ensuite, qu'ils en perdent tout à fait la mémoire,
ù la place du foie, des aiguilles ou des clous, comme s'ils ne s'étaient jamais connus. Un
et le charme était achevé. jeune homme d'Etrurie devint si épris d'une
Bodin assure qu'il y a plus de cinquante sorcière , qu'il abandonna sa femme et ses
moyens de nouer l'aiguillelle. Le curé Thiers enfants pour venir demeurer avec elle, et il
rapporte plusieurs de ces sortes de moyens, continua ce triste genre de vie jusqu'à ce que
qui sont encore usités dans les villages. sa femme, avertie du maléfice, l'étant venue
Contre l'aiguillette nouée. trouver, fureta si exactement dans la mai-
On prévient ce maléfice en portant un an- son de la sorcière, qu'elle découvrit sous son
neau dans lequel soit enchâssé l'œil droit lit le sortilège, qui était un crapaud enfermé
d'une belette; ou en mettant du sel dans sa dans un pot , ayant les yeux cousus et bou-
poche, ou des sous marqués dans ses souliers, chés, lequel elle prit, et, lui ayant ouvert les
lorsqu'on sort du lit ou, selon Pline, en frot-
; yeux, elle le fit brûler. Aussitôt l'amour el
tant de graisse de loup le seuil cl les poteaux l'affeclion qu'il avait autrefois pour sa femme

(l)Démonomanie des sorciers, liv. IV, c!i. S. (3) Nouveau voyage vers le Septentrion, 1708. ch. 2.
\i) L'IncréJulité et uiécréance, etc., ir. (i.
fC09 LIM LIT 101!)

et ses finfanis revinrent tout à coup dans la des Secrets d'Albert le Grand, et il indique
inémoiro du jeune homme, qui s'en relourna de suite quelques jocrissades.
chez lui honteux et repentant , et passa Beaucoup de personnes doutent si les li-
dans de bons sentiments le reste de ses maçons ont des yeux. On s'est guéri de co
jours. doute par le secours des microscopes les :

Delancre d'autres exemples bizarres


cite points ronds et noirs de leurs cornos sont
des effeis de ce charme , comme des époux leurs yeux, et il est certain qu'ils en ont
qui se dctes(aient de près et qui se chéris- quaire.
saient de loin. Ce sont de ces choses qui se LIMBES. C'est le mot consacré parmi les
voient aussi de nos jours, sans qu'on pense Ihéologiens pour signifier le lieu où les âmes
à y trouver du maléfice. des saints patriarches étaient (iclonues en
Le P. Lebrun ne semble pas croire aux altendant la venue de Jésus-Christ. On don-
noueurs d'aiguillette; cependant il rapporta ne aussi le nom de Limbes aux lieux où
le trait de l'abbé Giiibert de Nogent, qui ra- vont les âmes des enfants moris sans bap-
conte (1) que son père et sa mère avaient eu tême.
l'aiguillelle nouée pendant sept ans, et qu'a- LIMYRE, fontaine de Lycie qui rendait
près cet intervalle pénible une vieille femme des oracles par le moyen de ses poissons.
rompit le maléûce et leur rendit l'usage du Les consultants leur présentaient à manger;
mariage. si les poissons se jetaient dessus le présage,

Nous le répétons , la peur de ce mal , qui élait favorable ; s'ils le refusaient, surtout
n'a guère pu exister que dans les imagina- s'ils le rejetaient avec leurs queues , c'éiait
lions faibles, était aulrefois très-répandue. un mauvais indice.
Personne aujourd'hui ne s'en plaint dans les LINURGUS, pierre fabuleuse qui se Irou-
villes ; mais on noue encore l'aiguillette vait, dit-on, dans le fleuve Achéloùs. Les an-
dans les villages; bien plus , on se sert en- ciens l'appelaient lapis lineus. On l'enve-
core des procédés que nous rapportons ici, loppait dans un linge, et lorsqu'elle devenait
car la superstition n'est pas progressive. Et blanche, on se promettait bon succès dans
tandis qu'on nous vante à grand bruit l'a- ses projets de mariage.
vancement des lumières, nous vivons à quel- LION. Si on
des courroies de sa peau,
fait
ques lieues de pauvres paysans qui ont leurs celui qui s'en ceindra ne craindra point ses
devins, leurs sorciers, leurs présages, qui ne ennemis ; si on mange de sa chair, ou qu'on
se marient qu'en tremblant, et qui ont la télé boive de son urine pendant trois jours, on
obsédée de terreurs infernales. Voy. Chevil- guérira de la fièvre quarte Si vous por-
LEMENT, GniLLANDUS, LUAQINATIONS , MALÉ- tez les yeux de cet animal sous l'aisselle,
FICES, etC. toutes les bêtes s'enfuiront devant vous en
LILITH. Wierus et plusieurs autres démo- baissant la télé (3).
nomanes font de Lililh le prince ou la prin- Le Lion est un des signcsduzodiaque. Voy.
cesse des démons succubes. — Les démons Horoscopes.
soumis à Lililh portent le même
nom que Le diable s'est montré quelquefois sous la
leur chef, et, comme les Lamies , cherchent forme d'un lion, disenl les démonogrnphes.
à faire périr les nouveau-nés; ce qui fait Un des démons qui possédèrent Elisabeth
que les Juifs, pour les écarter, ont cou- Blanchard est désigné sous le nom du lion
tume d'écrire aux quatre coins de la cham- d'enfer. Voy. Messie des Juifs.
bre d'une femme nouvellement accouchée : LISSI, démon peu connu qui posséda De-
« Adam, Eve, hors d'ici Lililh (2). » nise de La Caille, et signale procès-verbal
LILLY (William), astrologue anglais du d'expulsion.
dix-septième siècle qui se Dt une réputa- LITANIES DU SABBAT. Les mercredis et
tion en publiant l'horoscope de Charles I". vendredis on chantait au sabbat les litanies
11 mourut en 1681. Sa Vie, écrite par lui-mê- suivantes, s'il faut en croire les relations :

me, contient des détails si naïfs et en même Lucifer, Belzébulh, Léviathan, prenez pi-
temps une imposture si palpable , qu'il est tié de nous.
impossible de distinguer ce qu'il croit vrai de Baal, prince des séraphins; Baaibérith,
ce qu'il croit faux. C'est lui qui a fourni la prince des chérubins; Aslarolh, prince des
partie la plus considérable de l'ouvrage in- trônes ; Rosier, prince des dominations Car- ;

titulé Folie des astrologues. Les opinions de reau prince des puissances; Bélias, prince
,

Lilly et sa prétendue science avaient tant de des vertus, Perrier. prince des principautés,
vogue dans son siècle que Gataker fut
,
Olivier, prince des archanges ; Junier, prince
obligé d'écrire contre celle déception popu- des anges; Sarcueil, Fume-Bouche, Pierrc-
laire. de-Fcu, Carniveau, Terrier, Goutellier, Can-
Parmi un grand nombre d'écrits ridicules delier, Béhémoth, Oilette, Belphégor, Saba-
dont le litre indique assez le sujet, nous ci- than, Garandier, Dolers , Pierre-Fort , Axa-
terons de Lilly l' le Jeune Anglais Merlin,
: phat, Prisier, Kakos, Luccsme , priez pour
Londres, 1664; 2° le Messager des étoiles, nous (4).
1645; 3° Recueil de prophéties, 1646. Il remarquer que Satan n'est pas in-
faut
LIMAÇONS. Les limaçons ont de grandes voqué dans ces litanies, non plus qu'une
propriétés pour le corps humain, dit l'auleur foule d'autres.

(1) De Vila sua, lib I, op. 11. (3) Admirables secrets d'All)ert le Grand, p. 109,
(2) D. Calmet, Dissertation >ur les apparit, lom. Il, (4) M. Garincl, Hist. de la magie en France.
e. 74.
ion DiCTlONNAlRE DES SCIENCES OCCULTES. ior2

LITHOMANCIE, divination par les pierres. Il a laissé un grand nombre d'apologues


File se faisait au moyen de plusieurs cail- qui jonissonl d'une grande célébiilc. Le»
loux qu'on poussait l'un contre l'autre, et écrivains de l'Asie réclamenl pour lui la plu-
dont le son plus ou moins clair ou aigu don- part des actions que les Grecs attribuent à
nait à connaître la volonté des dieux. Esope.
On rapporte encore à cette divination la LOLLARD (Gauthier), hérétique qui com-
superstition de ceux qui croient que l'amé- mença en 1315 à semer ses erreurs, qu'il
ihyste a la vertu de faire connaître à ceux avait prises des Albigeois. Il rnsrignait que
ijui la possèdent les événements futurs par les démons avaient été chassés du ciel in-
les sonj;es. justement, qu'ils y seraient un jour rétablis,
On si on arrose l'amc-
disait aussi que, et que saint Michel et les antres anges se-
llijste qu'on l'approche de
avec de l'eau, ei raient alors éternellement damnés, il prê-
l'aimant, elle répondra aux questions qu'on chait des mœurs corrompues. Ses disciples
lui fera, mais d'une voix faible comme celle beaucoup de mal pour lui il fut
firent ;
,

d'un enfant (1)... brûlé à Cologne en 1322.


LITUUS baguette d'augure rrcourbée
,
LONGÉVITÉ. On a vu, surtout dans les
,

dans le bout le plus fort et le plus épais. Le pays du nord, des hommes qui ont prolongé
liluus dont on fil usage à l'élection de Numa, leur vie au delà des termes ordinaires. Cette
second roi de llonie , était conservé dans le longévité ne peut s'attribuer qu'à une cons-
lemple de Mars. On conte qu'il fut trouvé titution robuste, à une vie sobre et active,
entier après l'incendie général de Uome (2). à un air vif et pur. 11 n'y a pas cinquante ans
LIVRES. Presque tous les livres qui con- que Kolzebue rencontra en Sibérie un vieil-
tiennent les secrets merveilleux et les ma- Lird bien portant, marchant et travaillant
nières d'évoquer le diable ont été attribués à encore, dans sa cent trente-deuxième année.
de grands personnages. Abel, Adam, Alexan- Des voyageurs, dans le Nord, trouvèrent au
dre Albert le Grand Daniel, Hippocrate,
, , coin d'un bois un vieillard à barbe grise qui
Galien, Léon ill, Hermès, Platon, saint Tho- pleurait à chaudes larmes. Ils lui demandè-
mas, saint Jérôme, passent, dans l'idée des rent le sujet de sa douleur: te vieillard ré-
imbéciles, pour auteurs de livres magiques. pondit que son père l'avait battu. Les voya-
La plupart de ces livres sont jninlelligi- geurs surpris le reconduisirent à la maison
Itles, et d'autant plus admirés des sots qu ils paternelle, cl intercédèrent pour lui. Après
eu sont moins entendus. Voyez à leurs noms quoi, ils demandèrent au père le motif d(> la
les grands hommes auxquels on attribue les punition qu'il avait infligée à son fils. Il a —
livres magiques. manqué de respect à son grand-père, ré-
LeLivre desprodiges, ouUlsMres et Aven- pondit le vieux bonhomme.
tures mervcilleiists et remarquables de spec- Les chercheurs de merveilles ont ajouté les
tres, revenants, esprits, fantômes, dé- leurs à celles de la nalure. ïorquemada
mons, etc., rapportées par des personnes di- conte qu'en 1531 un vieillard de Trente, âgé
gnes de fui. 1 vol. in-12, ô*" édition , Paris, de cent ans , rajeunit et vécut encore cin-
1821 ; —
compilation sans objet. Voy. Mira- quante ans; clLangius dit que les habitants
bilis Liber. de l'île de Bonica en Amérique peuvent
LIZABEÏ, démon. Voy. Colas. aisément s'empêcher de vieillir, parce qu'il
LOCKI. Chez les Scandinaves, les tremble- y a dans cette île une fontaine qui rajeunit
ments de terre é!aient personnifiés dans un pleinement. Voy. Haquin.
dieu, un dieu mauvais , un démon nommé Lorsque l'empereur Charles-Quinl envoya
Locki. Après avoir répandu le mal dans toute une armée navale en Birbarie, le général
la Scandinavie, comme un semeur une grai- qui commandait cette cxpéililion passa par
ne, Lucki fut à la fin enchaîné sur des roches un village d« la Calabre où presque tous
aiguës. Lorsqu'il se retourne, ainsi qu'un les paysans étaient âgés de cent trente-deux
niuiade, sur son lit de pierres coupantes, la ans, et tous aussi sains et dispos que s'ils
terre tremble lorsqu'il écume et répand sur
; n'en avaient eu que trente. C'éiail, disent les
ses membres sa bave, qui est un poison, relations, un sorcier qui tes rajeunissait.
ses nerfs entrent eu convulsion, et la terre En 1773 mourut, près de Copenhague , un
s'agite (3). matelot nommé Drakenberg, âgé de cent
LOFAKDE , sorcière qui fut accusée , en quarante-six ans la dernière fois qu'il se :

1582 par sa compagne, la femme Gantière, maria il avait cent onze ans, et il en avait
tic l'avoir menée au sabbat, où le diable cent trente quand sa femme mourut. Il de-
lavait marquée, lequel était vêtu d'un hila- vint épris d'une jeune fille de dix-huit ans
ret jaune. qui le refusa ; de dépit, il jura de vivre gar-
LOKMAN, fabuliste célèbre de l'Orient çon désormais, et il tint parole.
qui vivait, dit-on, vers le temps de David, En 1(570, sous Charles H, mourut dans
1 e qui n'est pas certain il fut surnommé le
;
l'Yorkshire Henri Jenkins, né en loOl, sous
iiage. Les Perses disent qu'il trouva le secret Henri VU. H se rappelait à merveille d'avoir
de faire revivre les morts, et qu'il usa de ce été de l'expédition de FlandresousHenri VIll,
sicrel pour lui-même ; ils lui accordent une en 1513. 11 mourut à cent soixante-neuf ans
longévité de trois cents ans ; quelques-uns révolus , après avoir vécu sous huit rois ,
prétendent qu'il en vécut mille. sans compter le règne de Grooîwcll. Son der-
(1) IJrowii, Erreurs populair
ilaires, t. I", p. \m. (3) M. DiUroii, Histoire du diable.
ij|Lel>ruii, Traité des supc
supcnlilions, t. II, p. 591-
te 13 LOIS'
tO.N KM
nier méticf clail celui de pécheur. Agé de coupable en mangeant du fruit de l'arbre de
plus de cent ans, il traversait la rivière à la la science du bien et du mal il en perilil le ;
iiiagp. Sa peiite-fille mourut à Cork à cent rare privilège de l'immortalité l'arbre de ;
Jircize ans. Voy. Arthephius , Dormants , vie lui fut ravi.
Fi.AMEL, Jean dEstampes , Lokman, Zo- Comme Adam pas tant immorlel par
n'était
HOASTRE, etc. sa propre conslitulion que par un secours
EXTRAIT d'un livre INTITULÉ emprunté, afin que la nécessité de l'employer
: Histoire des
lui apprit qu'il en devait l'avantage
personnes qui ont vécu plus d'un siècle, et à la
de celles qui ont rajeuni, avuc le secret dit pure libéralité de son Créateur, sitôt que ce
rajeunissement, tiré d'Arnauid de Ville- secours manqua, il fut trop faible pour se
neuve , par M. de Longeville-Har court soutenir par lui-même l'innocence l'ayant
;

[nous ne connaissons pas cet écrivain). Vol. abandonné, tout concourut à sa desiruction :

sa perte fut arrêtée, l'ange exterminateur le


petit in-12, Paris, 1716.
chassa du paradis terrestre; il perdit son
I.
autorité sur tout ce qui était créé ; les bêtes
Dieu, qui s'était occupé de lui-même du- qu'il avait nommées lui-même le méconnu-
rant l'éternité , résolut de tirer du néant des rent. Sa désobéissance lui avait fait perdre la
créatures capables de le louer. 11 forma sainteté et la justice, dans lesquelles il avait
l'homme à cet effet, et ce vaste univers des- été formé ; son corps fut soumis à la mort
;
tiné pour son apanage fut aussitôt soumis à mais par la bonté de Dieu son âme resta im-
ses lois. L'homme, dès l'instant de sa créa- mortelle.
tion fut doué d'une immortalité qui répon-
, L'homme ne connut sans doute le prix do
d lit à l'avantage d'être sorti de la main de l'imraortiilité qu'après l'avoir perdue et ;

Dieu. Cétait le moyen de posséder pleine- comme la privation excite les désirs, cette
ment les biens dont il était comblé, pourvu perte luidonna l'envie d'en recouvrer au
i|u'il restât fidèle à ses dovoirs. moins quelque chose.
Celle immortalité dépendait de l'innocence La crainte de mourir et le désir de vivre
où notre premier père devait demeurer. furent, depuis celte sensible perle, les pas-
L'arbre de vie, qui était au milieu du para- sions les plus naturelles à l'homme ; il
dis terrestre, la devait conserver ; il avait tremble de finir avant d'avoir à peine com-
la force de réparer les dégâts du temps qui mencé d'être. Il désire de perpétuer ses jour^
use tout. sans en comprendre le peu de durée, et dé-
Dans l'état d'innocence, l'homme ne lais- sespérant d'y réussir par lui-même, on le
sait donc pas d'être composé de parties dont voit appliqué à s'en
dédommager, essayant
les qualités contraires lui (louvaient nuire. au moins d'immortaliser son nom par la
La chaleur naturelle qui le faisait vivre dé- célébrité de ses actions.
vorait son humide radical; en vain usait-il Ainsi les pères
souhaitent des enfants
d'aliments plus nourrissants que les nôtres, pour revivre dans temps futiirs par leur
les
il avait besoin de réparer les désordres que postérité ; les savants écrivent pour tromper
causait ce feu qui le consumait intérieure- l'oubli par la répulation de leurs ouvrages ;
ment; et comme la Providence n'abandonne les princes élèvent des palais et bâtissent des
pas même l'homme criminel, elle avait pré- villes, pour êlre encore célèbres après la
paré pour l'homme innocent l'arbre de vio. mort par leur magnificence et les conqué- ;

Dans celte situation fortunée, où l'homme rants ne désolent runiver.<; que pour s'éta-
n'était occupé qu'à louer Dieu, quelque temps blir une renommée jusque dans le sein mémo
qu'elle eût duré, cet homme toujours jeune de l'horreur et du carnage.
avait en même temps les avantages de la C'est la pensée de ïerluUien lorsqu'il a ,

vieillesse sans en éprouver les disgrâces ; sa traité des désirs que nous ressentons pour
raison possédait les lumières qu'il lui fallait l'immortalité. Il dit que celle passion qui
pour se bien conduire, et il n'avait pas be- nous est resiée pour une durée sans fin,
soin d'affaiblir son corps par l'application à est une preuve certaine de notre origine im-
l'étude, afin de rendre son esprit supérieur : mortelle.
ces deux parties de lui-même , également Les physiciens ajoutent que l'homme ayant
innocentes, ne formaient, à l'envi l'une de été créé pour l'immortalité, il lui en esi resté
de l'autre, aucuns désirs opposés toutes ; un principe qui ne saurait êlre détruit Celle
deux semblaient agir de concert pour la fé- opinion les persuade que le corps humain
litilé de la créature. renferme une source inépuisable d'un baume
L'une des principales merveilles de l'arbre capable de faire recouvrer celle longue vie ;
de vie était donc de préserver homme de la 1 ils disent qu'il est dans le sang, dans le lait,

mort. Il unissait si étroitement l'âuie avec le dans la graisse, dans les us, dans la cer-
corps que le nombre des années ne les eût
,
velle, dans le crâne, dans le fiel.
pu séparer, si l'innocence eûl toujours sou- Beker, fameux médecin soutient que Dieu
,

tenu leur intelligence et prévenu leur divi- ayant mis dans la plupart des bêles une infi-
sion. nité d'excellents antidotes comme dans le
,

Division funeste que causa l'égarement cerf, la vipère, le loup, le lièvre, le renard ,
du premier homme; dès ce moment son et même dans les pierres où nous éprouvons
crime le rendit mortel ses yeux s'ouvrirent
;
des vertus amulétiques telles que le jaspa
,

sur son infortune; sa nudité, jusqu'alors qui arrête le sang, le saphir qui préserve la
innoccnle, lui fit scnlir qu'il élait devenu vue dans la petite vérole, et la pierre néphré-
§01" DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. 10! G
tiquo qui soulage il a plu à sa bonté
les reins, une nourriture solide, dut avoir recours aux
d'en répandre aussi dans le corp9 humain. animaux. Noé en immola sur l'autel qu'il
Klles les surpassent môme aulant que la éleva au vrai Dieu en sortant de l'arche , et
rréalure raisonnable surpasse par sa dignité son sacrifice fut agréable
tous les êtres créés. Alors, par l'ordre du Seigneur, l'homme
L'Iiomme en effet fut destiné pour élre le commença à vivre de la chair des bêtes.
roi de la nature. Son âme, la plus noble par- Nourrissez-vous de tout ce qui a vie el mot«-
tic de lui-même, restée immortelle el l'éga- vcmenl, dit le Seigneur. Peut-être celle sorte
lant aux anges ,communique à son corps d'aliments composés de chair et de sang, fut
cette majesté qui brille encore sur son visage. moins salutaire aux corps accoutumés aux
C'est ce qui fait croire que le corps humain fruits et aux racines. C'est l'avis des physio-
doit avoir mille vertus qui lui sont resléos de logistes. Qui sait si la vie n'en lut pas abré-
ses anciennes prérogatives. Les théologiens gée? La diversité des viandes est dangereuse
conviennent qu'il renferme un principe de à la santé, leurs différents sucs nuisent à
vie, parce qu'il était originairement immor- leur digestion et portent dans les veines un
tel le péché
:
,
qui l'a depuis assujetti à la principe de corruption qui devient aisément
mort, l'a privé de ce premier avantage à l'é- il! levain des maladies aiguës. C'est peut-êlro

gard du corps, sans néanmoins anéantir sa ce qui engagea bien des nations à s'en pri-
nalure, et sans donner atteinte à l'immorta- ver les Perses, les Grecs, les Romains, et
:

lilé de son âme. jusqu'aux Gaulois, nos ancêtres, issus de Ja-


Ce n'est pas que le corps de l'homme eût phet, fils de Noé, en fournissent des exem-
toujours subsisté sur la terre; Dieu ne l'avait ples certains. La plupart des peuples de l'O-
mis dans le jardin de délices que pour le cul- rient ne se servent que de riz; les Ecossais,
tiver et pour le garder. Le premier homme les Islandais et les Irlandais ne vivent pres-
y devait travailler à sa sanctiOcation par sa que que de laitages.
fidélité cl par ses adorations. Alors, confirmé On sait que le paradis terrestre ayant él6
dans son innocence et pénétré du désir de planté d'arbres dont les fruits devaient nour-
posséder son Dieu, une douce extase l'eût rir l'homme pendant qu'il n'avait pas appris
ravi au ciel. Dans ce brillant séjour que no- à vivre pour manger, mais à manger pour
Ire esprit, selon saint Paul, ne saurait com- vivre, ce serait se déclarer contre cette sage
prendre, l'âme, aidée dune faveur surabon- abstinence, dans laquelle on employait seu-
dante , eût glorifié son corps; bonheur dif- lement les fruits de la terre, son lait, son
féré pour nous jusqu'après la résurrection. mielel son huile, que d'en manger sans né-
11 y a là une preuve que cette immortalité cessité les animaux. Les hommes trop car-
n'est pns absolument perdue; les miséricor- nassiers en tirent leur force, disons en même
des divines l'ont seulement suspendue pour temps celte férocité qu'une pareille nourri-
ceux qui seront fidèles. Ainsi la prérogative ture pourrait bien communiquer à ceux qui
d'une durée éternelle n'a été qu'interrompue ont tant d'appétit pour s'en engraisser. Pj-
et non pas éteinte; les sacrements de l'Eglise Ihagore, qui vivait 53'* ans avant Jésus-
(ont chaque jour renaître l'homme à la grâce Christ, défendait aux disciples de son école,
pour le faire véritablement revivre dans à Samos et à Tarente, l'usage de toutes sortes
toute l'éternité. de viandes l'immortalité de l'âme, qu'il en-
:

Mais il faut avouer que l'homme a beau seignait par la métempsycose, fut l'orijinc
désirer aujourd'hui cette immortalité éga- de cette défense; c'est pour la soutenir que
rée, tout fuit et tout passe avec lui; la perte ces vers furent composés :

de son innocence fut le terme de son bon- lieu! quanlumscelus est, in viscère viscera condi,
heur. Le péché originel, qui depuis a infecté Congestoque avidiim piiiguoscere corpore corpus;
Alteriusque aiiiaianlem, aiiim:iDlis vivere lellio.
toute la masse du genre humain, n'est effacé
que par le secours inespéré du baptême. Quel crime d'enfermer des viscères d.ins
La mort toutefois ne fut pas si prompte à d'autres viscères, d'engraisser un corps af-
enlever les premiers hommes qui habitèrent famé en y entassant les morceaux d'un au-
la terre, puiscju'il s'en trouva qui l'habitè- tre corps, et de faire vivre une chose animée,
rent neuf siècles et au delà. au prix d'une autre à qui on a donné la
On peut dire , à la vérité, que la terre, mort!
alors toute nouvelle, se ressentant de la bé-
nédiction de son créateur, était animée par
II. — Durée de la vie des hommes dans le pre-
mier âge du monde, depuis la création jus-
des esprits plus vifs et remplie de sucs bien
qu'au déluge.
plus nourriss.inis qu'après le déluge. Les
principes de sa fécondité étaient encore en- Il que depuis la création du
est certain
tiers, rien n'en avait altéré la bonté ; les monde jusqu'au déluge, qui abîma la nalure,
racines et les fruits, qui faisaient les seuls et que les chronologisles marquent vers
aliments de l'homme, renfermaient toute la l'an 1656 de la création, 2307 ans avant Jésus-
vertu de leur espèce. Christ, et la 600' de Noé, les hommes vivaient
Après le déluge, la terre trop imbibée, ses très-longtemps par rapport à ce qu'ils ont
sels plus détrempés qu'il ne convenait, et vécu depuis.
les plantes ne tirant leur substance que d'un Ou la nature est devenue plus faible, ou
fonds altéré par le trop long séjour des eaux, Dieu avait jugé qu'une longue vie était né-
n'eurent ni d'égales saveurs , ni de sembla- cessaire pour peuper l'univers, et pour trou-
bles (jiialités ; l'homme , n'y trouvant plus ver les sciences et les arts c'est ce qui pour-
:
1017 LON LUN mn
rail avoir é(é cause que les premiers hom- Arphaxat 338, Salé W3, Héber Wi, Phaîc"
mes onl vécu plusieurs siècles. 239, Reu 239, Sarug 230, Nachor 148, ci
Adam, le chef de la race humaine, a vécu ïharé 203.
9.30 ans, Selh 912. Enos 903, Gaïnan 919, Il semble qu'à mesure que le monde vieil-
Walaleel 895, Jared 962, Enoch 36:i. lissait la terre perdait peu à peu de sa
On nous laisse douier si ce patriarche est vigueur.
mort; Dieu, selon quelques auteurs, le ré- Le troisième âge du monde ne donne à
serve pour rassembler les justes lorsqu'ils l'homme que des années toujours plus
seront dispersés par l'Antéchrist. courtes.
Le 2'v verset du chapitre v de la Genèse IV. — Durée de la vie des hommes dans le troi~
porte que ce patriarche ne parut plus, parce sième âje du monde, dejiu's Abraham.
que Dieu l'enleva.
Maihusalrm a vécu. 969 ans. Abraham, le père des croyants, fils do
Tharé, ne vécut que 173 ans;Sara, sa femme,
C'est celui des hommes dont la Providence
127 ;Ismaë!, fils d'Agar, servante de Sara, 137.
a le plus éiendu les jours.
Isaac vécut lSOans,.Iosèplie dit 185; Jacob,
Sur la fin de ce premier âge, Dieu résolut
fils d'Isaao, 1V7; Joseph, fils de Jncob et de la
d'exterminer la race des hommes, devenue
crimiurile et infâme. Alors la vie humaine
belle llachel, 110. H gouvernaiU'EgypIe l'an
1750 avant Jésus-Christ.
fut ahrégée. Dieu se repentit en quelque fa-
Enfin la vie de Job, cet homme d'une pa-
çon d'avoir créé l'homme; son amour ou-
tience admirable, s'étendit jusqu'à 217 ans,
tragé par lingralitude , selon Hugues de
1300 ans avant l'incarnation du \ erbe.
Sainl-^ ictor, ne donna que 120 ans à la créa-
turc, pour sortir de ses crimes, ou se dispo- V. — Des rois et des princes qui ont vécu plus
ser à un déluge universel. d'un siècle.
Ces 120 ans jettent dans l'erreur ceux qui Fohi, fondateur de l'empire de la Chine,
veulent qu'ils aient été marqués pour le 1003 ans environ avant Jésus-Christ, quoi
terme de la vie de tous les hommes en géné- qu'en disent les chronologies fabuleuses do
ral, au lieu de l'avoir été seulement pour la l'empire du Milieu, régna, dit-on, 115 ans..
durée du monde d'alors, à qui ce peu d'an- C'est lui qui prit un dragon dans ses éten-
nées était donné. Noé les employa, par ordre dards.
du Seigneur, à bâtir l'arche qui devait con- Zénung qui établit dans ce pays l'agri-
,

server le genre humain épuré. Des huit per- culture et la médecine, régna HO ans.
sonnes renfermées dans cette arche sont Hoamti régna 110 ans; c'est lui qui pritlo
également sortis tous les hommes, les mo- jaune pour la couleur des empereurs chinois.
narques et les bergers, les riches cl les pau- Yao régna 100 ans, il fut pieux et libéral;
vres. son empire fut affligé sous lui d'un déluge
Noé, le restaurateur de la nature, ainsi partiel qui dura neuf ans, et ruina presque
que l'appellent des interprètes sacrés, avait toute la Chine. Dans toutes ces chroniques
O'JOans lorsque le déluge arriva ; il en vécut incertaines on voit des souvenirs altérés do
depuis 350, preuve certaine que les 120 ans l'Ecriture sainte.
tombaient absolument sur le terme donné à Apaphus le Grand, roi de Thèbes aux cent
la créature pour sortir de ses égarements, et portes, dans la basse Egypte, régna 100 ans,
non pas sur l'homme innocent, ou sur celui l'an 22i8 du monde.
qui n'était pas encore né. En effet nous appre- Phiops, roi de Memphis, dans la basse
nons de la Gi'nèse que plusieurs de cem qui Egypte, régna aussi 100 ans ; il en avait six
vécurent après le déluge onl passé bien plus lorsqu'il monta sur le trône.
de 120 ans sur la terre. Le chapitre suivant Anliochus IV, surnommé Epiphanes, mou-
l'exposera. rut à l'i^9 ans.
Homère vante Nestor, fils de Nélée et de
III. —
Durée de la vie des hommes dans le Chloris, lequel avait (si vous voulez bien le
second âge du monde, depuis le déluge jus- croire) 300 ans au siège de Troie en Phrygie,
qu'à Abraham.
l'an 2810 ans du monde, et 1184 avant Jésus-
Les eaux du déluge, qui puriOèrenl le Christ.
monde l'an 1656 de la création, tombèrent Tarquin le Superbe, dernier roi de Home,
quarante jours et quarante nuits sur la terre; vécut en parfaite santé 90 ans, selon Lu-
elles s'y conservèrent 130 jours, après les- cien.
quels elles commencèrent à diminuer; cl la Agathocle, roi de Sicile, vécut 95 ans,
terre ensuite devint sèche: ces eaux avaient Hicron, roi de Syracuse, 92 ans.
surmonté de quinze coudées les plus hautes .\nthoas, roi de Scythie, 90 ans, et fut ttiô
montagnes, et toute la nature en avait été dans une bataille contre Philippe, père d'A-
bouleversée. La terre parut depuis avoir lexandre.
moins de force dans ses productions il n'est
;
Bardyles, roi des Illyriens, vécut le même
donc pas surprenant que l'homme en ait âge, et mourut de la même manière.
senti l'altération, et que le cours de sa vie Terée, roi des Odrysiens, 92 ans.
en ait été abrégé. Malgré toutefois celte ré- Antigonus. roi de Macédoine, surnommé
volution de l'univers, nous ne laissons pas le Borgne, 81 ans; il mourut dans un com-

de trouver que les jours de l'homme passè- bat contre SéleucuselLysimachus en Phrygie.
nnl encore bien au delà des 120 ans. Ptolomée, fils de L.igus, vécut 80 ans.
Sem.fils aine de Noé, a depuis vécu 600 ans. Altalus, sou successeur, 82.
1019 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. WIO
Ponl, SV.
Mitliiiilnlo, roi de W. — Chefs (les peuples et généraux d'armées

Aii;irales,roi de Cappadoce, 82; Penliccas, qui ont vécu plus d'un siècle.
•lui l'yvait pris dans un coinbal, le fit pendre
à cel âge.
Amrani, père de Moïse et d'Aaron, vécut
Mnemon vécut 9V ans.
Artaxerxès 137 ans.
Synarlhocle, roi des Parlhes, vint au trône Moïse, selon qu'il est rapporté au chapitre
à ^"0 ans, et mourut à 87. xxxi (tu Dentéronome,nc mourut qu°^120an$.
Tigrannes, roi d'Arménie, à qui LucuKus Aaron, fils de Nun, à 110.
fil la guerre, vécut 85 ans.
Joïada, à 130.
Hispasme, roi des Caraciens, vers la mer ïobie, à 102.
Ronge, aussi Soans.ïerée, son successeur, Mardochée, oncle dEslhcr, à 197.
92, et Arlabaze successeur de Terée, com-
,
Lucius Metellus, à 103.
mença son règne à 86. Marcus Perpenna remplit un siècle entier.
Mnascire,roi dcsParthes, parvint àOGars. Valère Maxime nous offre Marcus Vale-
Massinissa, roi de Numidie, à 90 ; il eut rius Corvinus, âgé de 100 ans, pour un
un nis à l'âge du 86 ans, tant su santé était grand consul, un habile républicain, un la-
robiiSte. boureur expérimenté un excellent citoyen;
,

Azandre, qu'Auguste nomma roi du Bos- et ce qui comble tous les éloges, pour le

|)l)ore, combattit à pied et à cheval à 90 ans meilleur père de famille, selon Galon.
;

il se laissa mourir de faim du déplaisir d'a-


Xénophon, le capitaine et l'bislorien do
voir déplu à Auguste. la retraite des dix mille Grecs (qu'il ramen.i

Goése, roi des Ommaniens, dans l'Arabie de Perse en Grèce après la mort du jeune
Heureuse, mourut à 115 ans; tout cela sui- Cyrus, tué par son frère Artaxerxès 400 ans
vant ce que rapporte le même Lucien. avant notre rédemption ), passa l'âge de 9J
Tuisco premier roi des Germains, selon ans, malgré les fatigues de la guerre et l'ap-
,

Tacite, parvint à l'âge de 173 ans. plication à l'étude.


Juvénal dans sa dixième satire parle d'un Pour nous rapprocher de notre temps, Al-
prince nommé Pélius qui a vécu plusieurs bert, ducdeSase, a vécu 102 ans.
siècles. François-Albert, comte deVignacourt, en-
Pline assure qu'un roi d'IIIyrie nommé voyé de France à Vienne en Autriche, y
Daddon avait vécu 509 ans; il ajoute qu'il mourut à 103 ans, le 6 juin 1700, sur la pa-
n'éprouvait aucune des incommodités de la roisse des Ecossais, suivant son extrait fu-
vieillesse, peut-être par ses allentions à les
néraire. Ce seigneur remplissait encore son
prévenir. ministère avec toute la dextérité qu'on pou-
Xénophon est encore plus libéral, donnant vait attendre du génie le plus élevé dans la
800 ans à l'un des rois latins, au père duquel négociation.
il en assure 600.

Cyrus le Grand, roi de Perse, vécut un


VII. — Bes savants qui sont parvenus à de
très-grands âjes.
siècle.
Anacréon rapporte que Cyniras, roi de Epiménide, de l'île de Crète, selon ThéO-
Chypre, qui ruina ses Etats pour s'enrichir, pnmpe, a vécu 157 ans. D'autres disent 299.
a vécu 160 ans, et qu'Arganthonius, roi des Hippocrate, prince des médecins, 104 ans.
Tartasses en Espagne, en a vécu 130. Silius Orbilius, du temps de Cicéron, avait 100
Italiens lui on donne 300. ans.
Gordien l'Africain fut salué empereur Euphranor enseignait ses écoliers à 100
après l'âge de 80 ans, l'an 241 de notre salut. ans.
Bonfinius écrit qu'Attila, qui vivait dans Demonax , sous Adrien , mourut à 100
le cinquième siècle, parvint à 124. ans, et ans.
qu'il mourut d'excès aux fêtes de ses secon- Galion, le médecin célèbre, a vécu dans
des noces. 11 se nommait le Fléau deDieu,à la une parfaite santé 104 ans. Il ne mangeait
différence de Cosroès, roi des Perses, qui se rien qui ne fût cuit, et ne salisfil jamais en-
qualifiait le Salut des hommes. tièrement sa faim, ni sa soif; d'où son ha-
Priniislas, villageois ou paysan qui, ma- leine se conserva toujours très-douce. Il a
rié par le sort à Libussa, fille de Crocus, duc donné un traité de la manière de se con-
de Bohême, vers l'an 620, succéda à ce server en sanlé; et il l'observa si précisé-
duché qu'il gouverna sagement près de 50 ment, qu'il n'eut aucune infirmité dans toute
*
ans, vécut un siècle, et fut le premier roi de sa vie.
ce pays. Eginius a passé jusqu'à 200 ans.
\ Piast, paysan de en Pologne,
la Crusvicie Démocrite mourut d'abstinence mal ré-
ri qui en fut élu prince en 821, après que glée à 104 ans. Interrogé de quelle manière
Poppiel II eut été mangé par les rats avec sa il était parvenu à cet âge avec une bonne
femme et ses enfants, vécut 120 ans; il gou- santé, il répondit que c'était en mangeant
verna ses sujets avec une douceur extrême. du miel, et en se frottant le corps d'huile.
1-a postérité de Piast n'a fini que dans la per- Solon, Thaïes cl Pittacus, trois sages dr
sonne de Casimir II dit le Grand. la Grèce, vécurent chacun 100 ans.
Alphonse I", fils du comte Henri, issu de Zenon, chef des stoïciens, vécut 98 ans.
llobert, roi de France, a vécu 91 ans il en
; Cléanle, son disciple, 99.
régna 46 dans le onzième siècle, on qualité Diogène arriva à l'âge de 88 ans,
d( premier roi de Portugal. Platon, à 81.

ion LO.N LOIS I0i:2

AIhénodorc, précepteur «l'Auguste, à 82. qualriènie satire du premier livre d'Horace,


Nestor, précepteur de Tibère, à 92. était âgé de près d'un siècle, lorsciu'il expira
Ciesibius, historien, mourut en se prome- de douleur en voyant un tonneau rompu ,
nant, à 124 ans. et le vin qui s'en répandait.
Hicronyme, cnpilaine sous Antigonus le Aristarqiie,poëtedeTégée enArcadic,sous
Borgne, mourut à lO't ans. Plolomée Philadelphe, passa l'âge de 100
Timée Tauroémnile, à 93. ans. C'est lui qui disait Je ne puis écrire
:

Aristobule de Macédoine, à90. Il avait com- ce que je voudrais, et je ne veux pas écrire
mencé son Histoire à l'âge de 8Ï ans, comme ee que je pourrais.
il le dit dans sa préface. Pacuvius, neveu d'Ennius, mourut dans
)'olémon, pnëte, cessa de vivre à 97 ans ; ïarenle à près de 100 ans.
et il mourut à force de rire pour avoir vu
, Varron, le plus savant des Romains , et
un âne manger des Ogues qu'on avait servies l'intime de Cicéron, à qui il dédia son livre
sur sa table. de la langue latine, et que l'on dit avoir
Sophocle, poëte tragique d'Athènes, fut composé plus de 500 volumes, vécut aussi
étranglé par un grain de raisin à 130 ans. près d'un siècle.
L'un de ses enfants qui en avait 85, l'ayant Carnéades d'Athènes, que Cicéron et Caton
accusé de démence Sophocle lut devant les
, cstiuinient l'homme du monde le plus élo-
juges des vers qu'il avait composés depuis quent, s'empoisonna à 90 ans, du chagrin
peu, et ensuite leur dit : qu'il eut de la mort d'Antipater. C'est ce
Si je suis Sophocle, je ne suis pas en dé- Carnéades qui élonna si- fort le sénat de
lire ; ou si je snis en délire, je ne suis pas Rome, à qui il parlait comme ambassadeur
Sophocle. (Erasm., 1. Vlll Apopht.) d'Athènes, qu'on le renvoya au plus tôt,
Soi rate l'orateur parvint à 106 ans, et tant son éloquence éblouissait les esprits par
Gorgias Lcontinus à 108. la subtilité de ses raisons.
Asclépiade, médecin de Pruse, était si vi-
Vlll. Prélats et gens d'église, dont les jours
vacc, qu'il serait peut-être encore en vie.
ont été très-longs.
sans une chute qui termina ses jours à 150
ans. était si certain, dit-on, des principes
Il Machabées nous instruit do
L'histoire des
de science par laquelle il prolongeait sa
la la mort de Mathalhias, à 146 ans il soute- ;

vie (quoique appuyée sur les conjectures et nait la religion de ses pères et l'honneur
sur l'expérience) , qu'il consentit à passer de sa patrie ce vieillard intègre refusait de
:

pour un ignorant , s'il était attaqué de la manger des viandes défendues , et même de
plus légère indisposition. C'est lui qui le faire semblant d'en manger.
premier employa le vin consme remède pour Saint Jean l'Evangéliste vécut plus de 100
la santé, au contraire d'Androcide ce der-
: ans.
nier écrivait à Alexandre que le vin était le Saint Siméon, successeur de saint Jacques,
sang de la terre, mais le poison de l'homme deuxième évéque de Jérusalem, fut mis en
lorsqu'il en usait au delà de ses besoins. croix sous Trajan, à 120 ans. La conformité
Ce conquérant en fit la triste épreuve un de sa mort avec celle du Fils de Dieu lui
vingt-deuxième de mai, 303 ans avant notre donna des forces pour la souffrir en jeune
salul. Les astronomes chaldéens lui avaient athlète.
en vain prédit d'éviter Babylone, il y mou- Saint Polycarpe, évêque de Smyrnc, dis-
rut à 33 ans, n'y faisant que manger, boire ciple de saint Jean fut brûlé à 99 ans.
,

et dormir. Sortant un jour d'un festin où il Nircisse, successeur de saint Siméon,


avait excessivement bu (car Alexandre était mourut à 166 ans, sous Septime-Sévère.
un fameux prince, et l'un des plus grands Olaûs Magnus parle d'un évêque d'An-
ivrognes), un médecin l'invita à lui faire gleterre, nommé David, qui mourut âgé de
l'honneur d'entrer chez lui goûter son vin. 170 ans.
Le vainqueur de l'Asie y défia avec une Ojius, évéque de Cordoue, vécut, selon
coupe de vin tenant quatre litres, un certain Ellies Dupin, 101 ans, étant né en 257, et
Prolhéus, grand buveur, quoiqu'il ne fût ni mort en 358. Tillemont prétend qu'il a vécu
Allemand ni Suisse. Cet homme, charmé de lO'i- ans. A 100 ans il tomba dans l'aria-
la préférence que lui donnait Alexandre sur nisme, pour avoir, par faiblesse, souscrit en
toute la compagnie, lui fit à l'instant raison ; 357 la formule arienne de Sirmiura. Mais
et, remplissant aussitôt le même verre, défia saint Athanase,son ami, déclare qu'en mou-
le roi de redoubler. Le monarque voulait rant il protesta contre cet égarement, et
partout vaincre; il but: mais son estomac condamna formellement l'hérésie d'Arius ,
ne pouvant garder le vin dont il le noyait dans laquelle l'empereur Constance l'avait
par une vanité hors de saison , la coupe fa- forcé d'entrer.
tale tomba de ses mains, une violente fièvre Pierre de Natalibus assure que saint Se-
le saisit et l'emporta le douzième jour. Ainsi verin, évêque de Tongres, vécut 175 ans.
le vinl'empoisonna pour en avoir trop pris, Saint Kenigern, dont Bollandus parle au
comme lui avait écrit Androcide. 15 janvier, parvint à 185 ans.
Juvénal, poëte latin du premier siècle, Saint Paul l'Ermite, le premier des hom-
vécut plus de 100 ans ; il en avait 50 lors- mes que l'Esprit de Dieu porta dans une
qu'il composa sa seizième satire contre sainte retraite. Ce chef des anachorètes, qui
Paris, l'un des comédiens de Néron. préféra le silence des rochers et la tranquil-
lité des forêts à la société des hommes ,
uc
Gralinus, autre poëte fameux, selon la
1023 DICTIONNAIRE DES SCII':NCES OCCLLTES. lOîi

cessa de vivre qu'à 113 ans il parvint à cet


:
Etienne Mabillon père du célèbre béné-
,

Âge malgré ses niacéralions et son jeûne dictin, avait passé l'âge de 108 ans lorsqu'il
continuel. Sa reîraite était un désert où de ,
mourut. Il était fils d'un homme qui en avait
l'eau et quelques dattes, avec la nioilic d'un vécu 116. Ils étaient de Pierremont eu
pelit pain que depuis l'âge de 63 ans la l'ro- Champagne.
vidcnce lui envoyait chaque jour, ont suffi Saint Simon Stock vécut 100 ans.
à sustenter sa vie. Mais l'amour de Dieu est
un grand aliment.
IX. — Personnages de diverses conditions qui
ont vécu plus d'un siècle.
Saint Antoine , cet autre solitaire que
l'Egypte aima comme son enfant, l'Afrique et Pierre Mafféi rapporte que dans le Bcn- ,

l'Asie comme leur citoyen ,l'univers cntirr ga!a,un paysan avait vécu 333 ans, s'il n'y a
comme son proicctcur, ce grand serviteur de pas erreur dans les chiffres.
Lieu vécut jusqu'à 103 ans. Guy Donalus remarque qu'en 122.3 il con-
Daniel le prophète parvint à l'âge de lîO nut un certain Richard à qui on donnait plus
ans. de 4C0 ans; il était soldat de profession et ,

Pietro délia Valle écrit au quatrième pouvait avoir porté les armes sous Gharle-
lomc de ses Relalions qu'en 1C2() le Père magne.
Gaspard Dragonetti jésui'e , âgé de près de
,
Jean d'Etampcs , écuyer de Charlemagne,
120 ans, était encore frais et robuste; il avait parvint à un âge semblable à celui de Ri-
toujours ses dents, lisait sans lunettes et fai- chard. Il mourut sous Louis ^ II, dit le Jeune,
sait journellement ses leçons dans l'un des en 1146.
collèges de Rome , avec celte éloquence vive Sousl'empercur Claude H on vérifia qu'un
et persuasive qui ne trouve rien d'impossible citoyen de Bologne, nommé Fullonius, avait
et qui sera toujours l'apanage des enfants de 152 ans.
saint Ignace. Lucius Térenlius, de la même \ ille, prouva
Saint Samson, évoque de Dol, avait vu trois qu'il avait 130 ans sous A espasien.
siècles; il naquit en 493 de Jésus-Christ, Bucchanan en donne 170 à Laurent Hut-
vécut le cinquième siècle entier et mourut
, land.
en 607, le 28 juillet, âgé de 112 ans. Ovide parle de son père , frais et vigou-
Sous Thuatalus, quatrième roi d'Hibcrnie, reux à 90 ans.
qui régnait l'an 540 de notre rédemption, Pline nous entretient avec étonnement de
saint Mochée cessa de vivre, dit-on , à 300 l'heureuse et agréable vieillesse du musicien
ans. Xénophile. A 130 ans il en paraissait avoir
Dom Félibien a laissé des mémoires sur 50, exemple cité comme miraculeux.
son ordre où l'on trouve , pag. 502 , que
, La vieillesse n'était apparemment pas si
Turquétule, cousin germain d'Edouard 1 ', difficile à supporter chez les anciens que chez
dit le Vieux, après avoir été longtemps chan- nous quoique le poëte Euripide , dans son
,

celier d'Angleterre sans être marié , se fit Hercule furieux assure qu'elle est plus
,

moine, et fut nommé abbé du monastère de lourde que tout le mont Athos.
Croyland que les Normands avaient ruiné
,
C'est dans ce sens que saint Grégoire,
vers l'an 820, en sorte qu'à peine cinq reli- évêque de Nazianzc, écrivait qu'il était ac-
gieux y pouvaient subsister. —
Turquétule cablé d'une vieillesse plus pesante que toutes
le fit rebâiir , et dota cette abbaye de six les montagnes de Sicile.
terres qu'il possédait. Avant sa retraite, par Si ces grands hommes eussent connu lo
cri public dans Londres il en avait fait traité que Cicéron on a adressé à Atticus. ils
avertir ses créanciers et tous ceux à qui il eussent changé de sentiments. Caton le Cen-
pouvait avoir fait quelque tort, injustice ou seur y prouve si agréablement à Scipion el à
violence , dans le dessein de les réparer au Lélius que la vieillesse n'affaiblit ni l'esprit
triple. —
11 s'adonna ensuite tout entier à ré- ni le corps, qu'elle n'ôle nullement le goût ni
tablir son couvent, qui devint plus florissant l'usage des agréments de la vie et qu'elle ,

que jadis. Il y fil rcnailre l'ancienne ferveur ; n'est pas plus que la jeunesse menacée d'une
il divisa les moines en trois classes : la pre- mort prochaine, que je ne sais trop si l'âge
mière, composée des jeunes, jusqu'à la vingt- florissant lui est préférable.
quatrième année de profession, portait tout le Lorsque les empereurs Vespasicn etTilus,
poids des offices, du chœur et de la maison ; son fils, dénombrement de l'Italie,
faisaientle
la seconde , jusqu'à la quarantième année, on trouva à Vellejacium, près de Plaisance,
avait beaucoup moins d'obligations publi- 63 hommes âgés chacun de 110 ans quatre ,

ques à remplir; la troisième classe, jusqu'à qui en avaient chacun 120 deux qui en ,

la cinquantième année de profession, com- avaient 125 quatre 130


,
autant qui en ,

prenait uniquement les anciens, nommés comptaient 137, et trois vieillards de 140 ans.
Sympeclœ; ils avaient la liberté de vivre en A Parme, on en trouva trois âgés chacun
tranquillité , sans même qu'on leur parlât de 120 ans, et deux de 130; à Plaisance un ,

jamais d'affaires temporelles. Les cinq moi- de 131 et enfin à Bologne Lucius Téren-
; , ,

nes trouvés dans l'abbaye vécurent tous au tius fils de Marcus


, et à Rimini Marcus
, ,

delà d'un siècle. L'un, nommé Glérambaut, Apponius, qui avaient loO ans chacun.
parvint à l'âge de 148 ans ; Swarlinge arriva "V^incent Coquelin, maître chapelier, mou-
à sa 142' année; Turgar mourut à 113 ans. rut à Paris, sur la paroisse de Saint-Sulpice,
Turquétule leur rendit les devoirs funèbres, vers 1C64, à 112 ans.
et vécut lui -mémo 88 ans. L'Ordinaire de Hollande du 3 avril 1687
tOâS LON LON fOîO
faisait mention d'un homme nommé Galdo ,
haut, un an avant son décès. Il usait d'eau
passant alors par Venise ; il avait son por- de scorsonère pour toute boisson , sans
trait avec lui les maîtres de l'art le recon-
: prendre vin, liqueur, sorbet, café ni tabac;
naissaient pour être du Titien qui vivait , il vivait d'un peu de potage, de gibier rôti,

130 ans auparavant. Gaido pouvait en avoir cl de fruits qu'il prenait avec le pain; il ne
30 lorsqu'on l'avait point le tout revenait à ; mangeait jamais hors de chez lui, pour ne
ICO ans sans ce que Galdo aura pu vivre de- pas interrompre son régime; il était catho-
puis 1G87. lique, homme d'honneur, d'esprit et de mé-
Guillaume Rouillé, dans la troisième par- rite.
tie de sa PréexcellencR de la Gaule, rapporte Le 19 novembre de la môme année 1702
que dans la paroisse d'Aiicines, près d'Alen- mourutau village de Vendeuille on Lorraine
çon en Normandie, il mourut de son temps Mathieu Littard, dit la Ronce, âgé de 113
un homme âgé de srpl-viiigt-dix ou 150 ans. ans; il avait servi dans la dernière guerre
Le même auteur dit encore que Philippe d'Italie, du règne de Henri IV.
Jounnès, père d'un doses beaux-frères, avait Lefèvre de Lezeau, oncle de d'Ormesson,
12i ans lorsqu'il écrivait son livre. entrait au conseil du roi à 100 ans passés.
Alexandre Benoit et Cardan, après Albert La marquise de Luxembourg mourut à
le Grand, remarquent qu'un homme de Sa- 101 ans.
mothrace était frais et vigoureux à plus de Eu 1708 Catherine de la Croix en Lyon-
104 ans. nais mourut à 113 ans.
Jacques II, roi d'Angleterre (à qui la En 1709 Jeanne Carrière, près de Langresj
France, asile ordinaire des piinces , a s-ervi à 116 ans.
de retraite lors de l'invasion de l'Angleterre Augustin Galand, de Savignac en Auver-
en 1688) a eu la bonté de dire à l'auteur de
, gne, à 115 ans.
ceci, en présence de .Monsieur, frère de Louis Le curé de Sassetot, pays de Caux, à 116
le Grand, que, le 9 octobre 1633, Thomas ans, plein de connaissance et de bon sens.
Parte, Anglais, âgé de 152 ans (t quelques Nicolas de Bezanes, à 106 ans.
mois, avait été présenté au roi Charles I", Claude Baranger, près d'Issoudun, à 10*7
père de Jacques il et de feu Charles II, son ans.
Irôre aîné. La femme de Sagonne, notaire à Margauxj
Ce vieillard de la paroisse d'Alberbury,
, dans le Médoc, à 116 ans.
était né l'an 1483; il avait vu dix rois, ses Anne Marna, à Paris, chez madame la pré-
souverains Edouard iV , Edouard V , Ri-
: sidente de Bretonvilliers, à 102 ans.
chard III, Henri VII Henri A III qui com-
, , En 1710 Jean Mensard cessa de vivre à
mença le schisme Edouard \l , Marie qui
, ,
110 ans, avec bon sens et jugement. Il avait
rétablit la religion orthodoxe, Elisabeth^ qui épousé dix femmes; celle qui lui a survécu
la renversa ; Jacques V roi d'Ecosse et pre-
, avait dix-huit ans lorsqu'il l'épousa âgé de
mier d'Angleterre, de la maison des Stuarls; 9J ans.
et Charles I", son fils, à qui on le présentait. Le sieur de Roque, avocat, près d'Ageri,
Parke mourut seize ans après, à Londres, le mourut à 111 ans.
24 novembre 1631, sans douleur, à 169 ans. Michel de GourgueSj seigneur de la Buge,-
L'ouverture de son corps présenta des à 105 ans et 8 mois, dans la ville de Saintes;
viscères fort sains ; les seuls poumons étaient s4x jours avant il avait été à la chasse.
noyés dans le sang; les médecins attribuè- Guillaume Delabal, à la Flèche, à 111 ans.
rent sa mort prompte à l'air grossier de Le sieur Castra, avocat à Bordeaux, à 111
Londres. ans 10 mois et 10 jours.
Presque au même temps la comtesse Jeanne Tiberge, veuve, parois.-e Saint-f
d'AroniJel présenta à la reine épouse de , Germain-l'Auxerrois, à Paris, à 104 ans.
Charles 1'='', une sage-femme âgée de 123 ans, Michel Fortin, de Viinoulier eu Norman-
laquelle deux ans avant exerçait encore sa die, à 116 ans et 4 mois.
profession. Louis Amiot, de Geay, près de Charente en
Dans la province de Northamphton, en Aunis, à 107 ans et 3 mois. Il avait eu
Angleterre, Jean James, sur la fin de juillet sept femmes, et cherchait la huitième; il
1705, cessa de vivre à 122 ans , encore assez avait vu sa cinquième génération.
fort et d'assez bon sens. Jean Guichard,deSainte-Aulaye,à lOSans.
François Secardi Hongo, surnommé Hup- Catherine Peliglau, de Grès près de Beau*
pazzolij mourut à 114 ans 10 mois et 12 vais, mourut fille le 10 octobre 1710, à 113
jours de la gravelle accompagnée d'un
, ans. Elle était née pendant que Henri le Grand
rhume, le 27 janvier 1702, dans la ville de assiégeait Amiens, que les Espagnols avaient
Smyrne, où il était consul pour les Vénitiens ;
surpris avec des noix au mois de mars 1397.
il n'avait jamais été malade, sans doute par Rachel du Bichois cessa de vivre, la môme
la diète qu'il avait toujours observée avec année, dans la ville de la Rochelle à 107
exactitude. Sa vue, son ouïe, sa mémoire et ans 3 mois et 8 jours. Elle avait été vingt-
son agilité, étaient surprenantes; il faisait à deux fois mère. Le cardinal de Richelieu
pied quatre lieues par jour; à 100 ans ses l'avait ramenée de la religion prétendue ré-^
cheveux blancs redevinrent noirs, ainsi que formée au bercail de Jésus-Christ pendant
ses sourcils et sa barbe; et ce qui est de plus le siège de celte ville en 1628. Louis XIIJ,
admirable, toutes ses dents étant tombées, il de glorieuse mémoire, lui avait fait l'hon»
lui en perça deux grosses à la mâchoire d'en ncur de manger deux fois chez elle dan»
à

W27 DICTIONNAIUE DES SCIENCES OCCLLTES. 1028

uue maison Je plaisance qu'elle avait à deux veau à 100 ans, et peu après retombèrent,
lieuesde lu Rochelle et dans laquelle li-s et revinrent encore noirs.
incommodiléi du sicgc l'avaient obligée de Jacques Liiik, archevêque de Tuam en
se retirer, Irlande, et aumônier d'honneur de Charles 11.
La veuve Lenioine, paroisse de S.iitU-Ni- roi d'Espagne, mourut à Paris, le 29 octobre
colas du Chardoniict à Paris ,acheva sa 1713, à 103 ans.
carrière le 15 novembre 1710 à 10(i ans. Dans le cours de cette année 1713 fut cé-
La veuve Faveja, à Carrnan, diocèse de lébré le mariage du nommé Larcher, jardi-
Toulouse, mourut le 3 décembre suivant, à nierdc la paroisse Saint-Hippolyle, faubourg
113 ans. Elle n'avait jamais usé do remèdes. Saint-Marcel, à Paris; il épousait (en juillet),
En 1711 Benoît Chauinont de S.iint-Bon- à l'âge de 103 ans, une femme de 76. Ces
net en Auvergne, mourut à 110 ans 2 éponx faisaient ensemble 179 ans.
mois et 3 jours. On avait vu deux ans auparavant, en 1711,
Henri le Boucher, de la ville de Caen, sei- im mariage non moins suiprenant celui de :

gneur de Verdun, à 115 ans; il n'avait ja- Jeanne Scrimphau, Anglaise', de la paraisse
mais été malade; son père avait vécu 108 de Bow, née le 3 avril loS'i-; elle épousait à
ans, son Gis en avait 73. 127 ans Edouard Korkains, dont nous igno-
La dame Coupper présenta alors à la rons l'âge.
reine d'Angleterre, Anne Stuart, une femme Jean Guillot , de lu ville de Dun-sur-
âgée de 128 ans. Meuse, au diocèse de Reims, finit sa vie le 8
Lucrèce Jovin, du diocèse d'Aulun, passa décembre 1713, à l'âge de 109 ans; il n'avait
à une meilleure vie, le 21 avril 1711, à 108 pas un seul cheveu blanc. Son ami Jean Ju-
ans. Elle avait toujours lu et écrit sans lu- vin, manœuvre deBrieule près deDun, l'avait
nettes. précédé de peu de jours, à 114 ans.
Guillaume Crevin, doyen des avocats de Le 28 décembre 1713 la princesse Ulrique
Pont-l'Evêque en Normandie, mourut le Eléonore, sœur de Charles XU, roi de Suède,
6 mai, à 107 ans. et régente du royaume pendant son absence,
La dame deGouserans,prèsdeTorniac, au ayant assemblé les états , le nommé Dannc-
diocèse de Cahors, mourut dans son château man, député du quatrième ordre, qui est ce-
de Casoul à 111 ans. La veille de son décès lui des paysans y parla avec applaudisse-
,

elle était allée à pied à sa paroisse faire une ments, quoique âgé de plus de 100 ans.
confession générale de sa vie depuis l'âge de Charles Pasquot , major des bourgeois de
cinq ans, avec mémoire et bon sens. Joinville, mourut à 111 ans, en 1714; il avait
Jac(iues Thévenol, laboureur, à Château- peu de jours avant tiré le papeguay avec les
Vilain en Champagne, mourut le 11 sep- chevaliers de l'arquebuse.
tembre, à 114 ans. Le mois précédent il avait Le 29 mars 1714, jeudi saint, la cérémonie
fauché des prés (rois épouses successives
: du l.ivemcnt dus pieds (jue l'empereur Char-
lui avaient donné trente-neuf enfants. les VI et les trois impératrices la régnante
,

Le chevalier Bulslradc à Sainl-Germain- et les deux douairières , firent à Vienne en


en-Layc, près de Paris, décéda le 3 octobre, Autriche, était composée de quarante-huil
105 ans; il laissait dix-sept enl'an'.s, dont personnes faisant ensemble 3693 années.
l'aîné avait 72 ans, et le dernier 14. L'empereur lava les pieds à douze vieil-
En 1712 Angélique Boursaut de Vientais, lards qui comptaient ensemble 976 ans.
fondatrice et supérieure des religieuses de L'impératrice régnante fil la môme céré-
Beaulieu, près de Loches en Tourrainc, passa monie à douze vieilles faisant 833 années.
de cette vallée de misères à la céleste Jéru- L'impératrice mère fil la même chose à
salem, le 13 mars, à âge de 112 ans.
I douze autres femmes composant 910 ans.
François Drouin, de Chautnont en Lyon- '
Et l'impératrice Amélie à douze encore,
nais, mourut le 9 novem))ic, à 103 ans. dont les années revenaient à 970.
Anned'Aleçon, veuve du sieur Manueville, Phlégon, dans son opuscule sur ceux qui
mourut âgée de 106 ans, le 15 du môme mois, ont longtemps vécu y parle d'une quantité
,

à Abbeville. de personnes arrivées à 100, à 120, à 13!)


Alain des Croches, curé de Saint-Pierre-de- et à 130 ans il;ajoute que la sibylle
la-Rivière, au diocèse de Lisicux. passa au Erythrée avait vécu dix âges, faisant 1000
mois de décembre, âgé de 113 ans; il était ans, un âge étant composé de lOO ans. H
curé de sa paroisse depuis 81 ans, et célé- p.irle bien encore d'un Macroseiris qui
brait encore la sainte messe peu de mois avait vécu 3000 ans; mais ce fait n'esl p,is
avant son décès. vérifié.
La daine de la Chassagne mourut la môme Labbé Dupin nous a aussi donné quelque
année, à 108 ans. chose des m icrobies, ou gens qui ont long-
Madelaine le Cas , religieuse de Notre- temps vécu ;il dérive le nom des termes
Dame de Soissons, y décéda le 3 janvier 1713, grecs macros, long, et bios, vie il dit que ce
;

à 107 ans. nom a été donné à certains peuples d'Afri-


La demoiselle Jeanne Boor, au village de que, que Pomponius Mé!a place dans l'île de
Peunnetier, près de ïrémolal en Périgord , Méroé Pline les met dans l'Ethiopie, près des
:

mourut le 12 août de la même année, à 108 peuples anthropophages ou mangeurs d'hon-


ans. A l'âge de 90 ans une fièvre avait fait mes, comme les Lestrigons, dont parlent Ho-
tomber ses cheveux blancs, qui avaient re- mère et Ovide mais les habitants de cei terres
;

poussé U'jirs; lesquels blanchirent de nou- barbares nedonaaient pas letempsàla nature
,
.

fiUD LON LON to:o


(le produire des macrobies le roi du pays ; Julia Modeslina vil l'âge de 120 ans.
l'aisail tuer chnque jour dans son palais de Lors du dénombrement dont nous avons
Monsol (capitale de ses Klats) deux cents parlé sous Vespasien et sous Titus on trouva
criminels ou esclaves, dont on apprêtait la à Rimini une femme nommée Tertulla
chair pour sa table et pour celle de ses cour- âgée de 137 ans, el une autre à Favenlia, qui
tisans. en avait 132.
La femme de charge du vicomte de Mor- Judith celte veuve sainte dont l'Ecriture
,

tain, au diocèse d'Avranches, mourut en juil- a siglorieusement célébré la victoire sur


let 1712, à 102 ;ins. Elle travaillait à faire du Holopherne, général de Nabuchodonosor
linge la veille de son décès et cinq fonimes; l'an du monde 33i8 demeura 105 ans dans
,

qui faisaient ensemble a25 ans la portèrent la maison de Manassès, son mari; elle
avait
en terre. au moins 20 ans à son mariage.
Louis Jouan, laboureur à Berville, pays de
Caux, décéda le 18 septembre ITli, à 108 ans XI. — La tempérance contribueà la longue vie.
cl demi, ayant conduit sa charrue la veille Les anachorètes des déserts n'ont dû
de sa mort. leurs longues années qu'à la tempérance.
Acesmacrobiesqiii ne sont plus on en join- S.iint Siméon Slylite mourut près d'Antioche
dra qui subsisleni aujourdliui {année 1715) ; âgé de plus de 100 ans. On voit dans saint
tels que le sieur de laTonr-Gory, âgé de 108 Jérôme qu'il en avait passé 47 au haut d'une
ans il est filleul du premier président J.iy,
; colonne dans la pratique d'une oraison conti-
décédé en 16V0 (il y a 7G ans). Ce vieillard nuelle el dans des jeûnes extraordinaires.
va presque toutes les semaines, de la rue de Les philosophes païens ont connu l'excel-
Richelieu, oîi il demeure, dîner chez M. Tel- lence et les avantages de la tempérance; elle
Iclier de Souzy, conseiller dKtat ordinaire, contribuait, selon eux à former les grands
,

rue de la Coulure-Sainle-Catherine. génies-, ils estimaient qu'elle était le premier


M. Durand curé de Hombourg-la-Forte-
, effet de l'étude de la sagesse ; ils croyaient
resse , m'a envoyé par M. de la Tour, com- que la justice, la prudence el la force ne
missaire des guerres , un certificat du 30 pouvaient subsister sans la tempérance.
juillet dernier, par lequel il atteste que les Apollonius de Tyanc se conserva, dit-on,
nommés Jean Diedrick et AnneSchel, ses pa- dans une brillante jeunesse , par la tempé-
roissiens, ont chacun 105 ans, et paraissent rance et la sobriété, jusqu'au delà de 130 ans.
par leur bonne santé en devoir vivre bien Démocrile dut aux mômes vertus de se
davantage il ajoute (ju'Anne
: Durand sa , voir à 109 ans dans une santé parfaite.
grand'mère, était décédée depuis peu après , Diogène Laërce rapporle une circonsianco
avoir achevé 108 années. particulière de sa fin; savoir, qu'à la prière
Philippe Herbclot , demeurant à Paris , de sa sœur il se conserva les trois derniers
cloître Saint-Nicolas du Louvre, est un autre jours de sa vie, ne se nourrissant que par
macrobie vivant; sou extrait baptistère, dû- la seule odeur des pains chauds.
ment légalisé, prouve qu'il a 112 ans accom- Polydamas, ce fameux athlète de Thessa-
plis, étant né le 1 " janvier 1602 à Doulevant, lie qui arrèlait un char tiré par des chevau-i
près Juinvillc en Champagne. lancés, et qui étrangla un lion sur le mont
On assure qu'il y a dans lesCcvennes un Olympe; Milon de Crotone, qui portait un
macrobie de liO ans, qui, par son grand b(Euf sur son dos; Théagène, qui courait,
âge, s'est cru exempt de toute imposition ; tenant une statue de bronze de sa bailleur:
on ajoute que les traitants n'ont pas eu l'in- tous ces hommes robustes n'avaient d'aulre
hunianilé de faire persécuter une aussi res- secret que la tempérance pour se conserver
pectable vieiilesrie. dans une force capable de les conduire à la
plus longue vie. Us se préparaient à jouir d( s
X. — Femmes de l'antiquité qui ont beaucoup honneurs d'un misérable triomphe en s'abs-
vécu.
lenant de tous les plaisirs; ils se condain-
Les sibylles, suivant le quatrième livre des naienl au régime le plus austère pour se
Métamorphoses, Técurenl chacune au moins procurer des forces ; ceux qui courent dans
sept siècles nous avons dit que celle d'Ery-
; la lice s'abstienncnl de tout, dit saint Paul.
thrée avait été plus loin. Tertullien ajoutait que ces athlètes, pour
La sibylle de Samos, qui vivait en l'an 3306 redoubler leur vigueur, étaient continents
du monde, n'avait que 50!) ans au temps de et sobres jusqu'à la contrainte, à la vio-
Numa, second roi de Rome. lence el aux tourments; ils no mangeaient
ïerentia, fille de Cicéron, parvint à l'âge que des choses sèches, insipides, dures, et
(le 103 ans. s'imposaient une abstinence qui allait jus-
Claudia, fille d'Offilius après avoir été
,
qu'à la macération.
quinze fois honorée du titre de mère, ne finit Guillaume Postel, de Normandie, fut si tem-
sa carrière qu'à 115 ans. pérant, qu'il porta sa vie au delà de 100
Galeria Copiola Embolaria à 10+ ans. ans on le surnomma l'Abîme de science du
:

Sammulla vécut 110 ans. xv ou du xvr siècle; il possédaitles langues


Luceya, comédienne, jouait encore à 100 si éminemment, qu'il pouvait faire le tour

ans avfc applaudissements. du monde sans interprète. Sa réputation fut


Pausanias dit que Tunagra, femme de Pé- ternie par les absurdités cl les hérésies quil
mandrr , vécut si vieille, (ju'on l'appelait soutint; car il était orgueilleux. C'est lui
grand'mère par excellence. qui avança que les femmes n'avaient pas
,

1031 DICTIONNAIIIE DES SCIENCES OCCULTES. 1(,32

été racliclécs du précieux sang de Jcsus- vine, agréable à Dieu, amie de la nature; il

Cliri^l. l'appelait fille d« la raison, mère do toutes


De Thou fait mention, sou< l'an loGG, les vertus, compagne de la chasteté; il disait
de Louis Cornaro, ayant pltis de 104- ans, qu'elle était gaie sans évaporation, modeste
sain corps et d'esprit, lorsqu'il uiourul à
(le sans contrainte, sage sans artifice, et réglée
Padouc, le '26 avril de cetle année, dans son dans toutes ses entreprises; il la publiait
fauteuil, sans douleur, par la seule défail- l'appui de la vie, la conservatrice de la santé
lance de la nature. Peu de mois auparavant elle plus puissant secours d'une bonne cons-
il avait perdu son épouse, qui n'était guère titution; il lui donnait pour fondement les
moins âi^ée. lois plus saintes; il assurait que son
les
Sa tinipcrance cl sa sobriété étaient usage chassait les intempéries de la réplé-
telles, qu'en vingt-quatre heures il ne pre- tion, la véritable cause de tous nos maux.
nait que douze onces de nourriture solide Il remarquait enfin que le bonheur et le
et quatorze do loule boisson. repos qui suivent la sobriclé nous invitaient
A niesurequeson âge avançait, il diminuait à l'acquérir que sa beauté nous y engageait,
;

insensiblement ce peu d'aliments, jusqu'à ne parce qu'elle nous offrait la durée de notre
prendre à chacun de ses deux repas qu'un être, et conservait notre vie.
jaune dœuf, encore le partageait-il en di'ux En effet cette vertu si rare enseigne au
sur la fin de sa vie, trouvant sa chaleur riche à se servir modestement de son opu-
moins forte, à mesure qu'il avançait vers lence; au pauvre à couler sans murmure les
son terme tant il est vrai que la nature
: temps durs de la nécessité; aux vieillards
est simple; qu'il lui faut peu de choses pour l'art de vivre; aux jeunes celui de jouir do
la soutenir; et (jne la perfection qu'elle donne la vie. Elle épure les sens, fortifie le corps,
à ses ouvrages ne dépend que d'un fonds de illuminel'esprit, redouble la mémoire, éclaire
sagesse, qui, par une même conduite, rem- la raison, embellit l'âme; elle nous dégage
plit une infinité do vues. dâs liens qui nous attachent trop à la terre,
Par une attention aussi sage, il se con- et, nous élevant au-dessus de nous-mêmes,
serva toujours sain et vigoureux; son es- nous rend de nouveaux hommes à mesure
prit n'éprouva aucune diminution ; ses yeux qu'elle nous procure de nouveaux jours de
et ses oreilles restèrent sans altération ; et travail pour mériter la vie nouvelle de l'éter-
te qui semblera hors d'apparence, sa voix nité.
s'entretint si nette, si étendue, si sonore et Lessius, en vue de sa santé, s'imposa une
si belle, qu'il chantait à cent ans avec une aussi sévère abstinence; le succès lui parut
douceur pleine d'harmonie. Il vérifiait les si favorable, qu'il entreprit de montrer qu'à
paroles de l'Ecclésiastique; le Saint-Esprit y l'aide de cette vertu on avait vu, dans tous
a dit , que l'abstinent prolonge ses jours. les temps et dans toutes les conditions
Il faut entendre l'abstinent qui se gouverne nombre de personnes vivre leur siècle; elles
avec prudence, maladies provenant d'une
les n'imitaient pas apparemment l'athlète Bu-
moins dangereuses
diète outrée n'étant pas thus, qu'Hésychius de Milet rapporte, qui
que celles qui sont causées par la réplé- mangeait un bœuf dans un repas.
tion. Ce Buthus était bien éloigné du sentiment
Cornaro, à 83, à 86, 91 et à 98 ans, écrivit de Plutarque, que Trajan fit consul ; ce Béo-
quatre traités sur la sobriété et sur le jeûne tien dans son livre de la conservation do
volontaire qu'il pratiquait depuis l'âge de 36 la santédésapprouve les viandes, parce
ans; on n'y trouve que de la clarté, de la qu'elles causent des crudités qui fournissent
force et du bon sens; tout y suit l'opinion do un.levain assuré aux maladies; opinion que
saint Jérôme, lorsqu'il a dit que le jeûne était Gallicn a confirmée dans son ouvrage sur les
non-seulement une vertu parfaite, mais en- aliments du bon ou du mauvais suc; il y
core la base de toutes les vertus. écrit que l'on jouira d'une santé parfaite
Cet illustre Vénitien disait que la nature tant qu'on aura soin d'éviter les crudités,
se contentait de peu; que ce qui excédait le ajoutant que le grand remède contre tons les
nécessaire n'était qu'une source de maladies maux est la sobriété, la tempérance et la
t]ui nous rendait vieux avant d'avoir eu le tranquillité.
plaisir d'être jeunes; et qu'à peine un siècle Cardan nous assure que le jurisconsulte
donnait des rides et de la caducité aux per- Panygarole, différent de celui qui fut évoque
sonnes sobres; que la chair des animaux d'Âsti, se conserva sans incommodités plus
était inutile à la santé; et qu'un ou deux re- de 90 ans par la sobriété et par un travcil
pas en vingt-quatre heures , de pain , de modéré; il prenait seulement 28 onces de
fruits, d'herbes, do racines, de légumes et de nourriture par jour; 2 onces au delà de Cor-
laitages, avec de l'eau ou très-peu de vin, naro, qui vécut néanmoins davantage, bien
suivant le conseil de l'Ecclésiaslique, suffi- qu'il prît moins d'aliments; il avait lu ces
saient à ceux qui ne comptaient pas leur mots dans l'Epydimion d'Hippocratc Le plus;

ventre au nombre des fausses divinités ; qu'il sûr moyen de préserver la santé est de
avait peine à concevoir que des personnes, manger sans se rassasier et de travailler
abusant de leurs richesses, s'exposassent à avec modération, comme font les pauvres;
mourir de trop manger, pendant qu'une mul- ces gens-là sont moins malades de disette
titude d'infortunés tombaient chaque jour que les riches ne le sont d'abondance.
lians l'affreuse nécessité de mourir de faim, Les solitaires de la Thébaïde dans la basse
il nommait la sobriété une inclinatioa di- Egypte vivaient de 4 et 5 dattes en 24 hcu-

^1
,,

lo: LON I.ON mi


re», bien que les arbres de leurs retraites les d'avril et demai perfectionne tellement la
,

ruurnissent avec profusion. nature par son baume vil.il, qu'elle peut
Ces iiiodèiivs en austérités n'avaient peut- réparer les tempéraments usés, rappeler la
éîre pas étudié suint B.isile il nous apprend
: fécondité , et rendre en quelque manière la
qu'il ne faut pas accabler le corps de ma- jeunesse.
nière qu'on lui ôlc les forces nécessaires à Lucien, déjà cité, dit que les Sères du
rrniplirses devoirs; la Providence veut qu'on Cathaï par la bonté du climat, et parce
,

satisfasse ses justes besoins pour l'entrôlenir qu'ils ne boivent que de l'eau, vivent 300
et le ménager. ans, et les Athotes de Grère 120 ; les Chal-
C'est ce qui obligea l'Eglise, dans le second (iéens lin peu moins: ces derniers mangent
siècle, à condamner les monlanislcs ; ils vou- du pain d'orge Lucien prétend qu'il éciair-
;

laient qu'on observât trois carêmes , avec les cit la vue et rend les sens plus vigoureux.
Xérophagies de la semaine sainte ; c'étaient Antoine Pigafetta, remarque qu'au Brésil,
des jours où l'on jeûnait avec du pain et du dans le territoire de Verzine, on y arrive a
sel, et où l'on ne buvait que de l'eau; on y l'iOans.
ajouta peu après des légumes, des herbes , Louis Barlhema assure que, dans l'Arable
ou quelques fruits; les esséens , au rapport Heureuse, on y vit ordinairement l'âge de
de Philon,se contentaient de joindre de l'Iiys- 120 ans.
sope à leur pain. Onésicrile d'Egine, historien oculaire des
El pour faire voir que le jeûne n'est pas guerres il'Alcxandre vers l'an 400 de Uome,
si nuisible que nous le pensons, même ac- rapporte que, sons la zone torride il y a des
compagné d'une retraite, d'un silence et peuples dans ces mêmes Indes orientales ,*
d'une macération continuelle tels que l'ob-
, qui sont hauts de 5 coudées, faisant 7 pieds
servent les chartreux et les chartreuses, on et demi, lesquels vivent 130 ans sans vieillii'.
trouve par les mémoires de cet ordre qu'en Ctésias raconte que ceux des Pandores
lo24 dom Jean Briselance, profès du Val- qui habitent les vallons vivent 200 ans ils , ;

Dieu au Porche, après 78 ans de profession, ont cela de contraire aux autres hommes ,
y mourut à 101 ans ; que leurs cheveux sont blancs dans leur
Qu'en 1559 dom Je.in-Edmond GlavCl, jeunesse et noirs dans leur vieillesse.
profès de Bonnefoi cnNivarais, y demeura Pomponius Mêla écrit comme Lucien,
90 ans, et ne cessa de vivre qu'à 111 ans; que ceux qui demeurent près le mont Alhos,
Qu'en 1593 dom Corneille , profès de que Xerxès fil couper, pour s'ouvrir un pas*
Sainte-Sophie près Bois-le-Duc, y vécut 96 sage en Grèce du côté de la Mai édoine vi> ,

ans, et ne finit ses jours qu'à 118 ans ; valent deux fois plus que les autres peuples
Que vers 1610 dom Percheron, profès du de la terre.
Mont-Dieu près Sedan, parvint à 105 ans ; Dans les montagnes de Yucatan vers le
Qu'en 1516 domne Mii belle de Mon- Mexique, la vie est très-longue , ainsi que
lorsier, professe de Gannaj près Béthune, y dans celles de l'Arabie , où l'âge centenaire
arriva à 118 ans; est commun il en est ainsi dans celles de la
:

Qu'en 1574 domne de Marsonnas , pro- Laponie et de la Norwégo, où la plus extrême


fesse deSaletle, fondée pour des filles nobles vieillesse porte toujours les cheveux noirs.
vers 1291, par Humbert 1" du nom, prince A l'occident d'Ecosse, dans les lies Hébri-
du Dauphiné et par Anne son épouse
, des, la vie des insulaires est d'une si longue
mouiut à 103 ans, après 85 ans de religion ; durée, qu'on assure que les habitants ont la
Et enfin qu'en 1625 domne Isabelle de cruauté d'y faire mourir ceux qu'ils esti-
Bergues professe de la même chartreuse
,
de ment , après 150 et 200 ans , inutiles au
Gannay, y mourut à 101 ans, dont elle en monde par leur extrême caducité.
avait passé 83 dans les saintes austérités de Les lieux d'une élévation raisonnable , et
sa règle. dans une exposition où l'air est pur, avec
el légère, sont très'salutaires
Xll — Climats où Von parvient à une extrême l'eau
pour
claire
longue vie les situations des mai-
la ;
vieillesse.
sons royales de Saint-Germain de Meudon ,

L'Inde orientale , selon Pline et Solin et de Saint-Cloud , sont si heureuses , qu'à


nourrit des peuples qui vivent 400 ans , parce [eine y voit-on des malades quand les envi-
qu'ils se nourrissent de vipères; ce reptile, rons en sont remplis.
qui sort entier du ventre de sa mère, et non L'abbé de Vertot, de l'académie royale des
Inscriptions a plaisir à l'auteur de
en œuf, comme les autres reptiles, est sou- , fait le

verain pour substituer des esprits dans les ceci, de lui communiquer ses lumières sur
corps affaiblis, ou qui en sont dénués; la vi- l'Allantica du fameux Budbeek.
père effettivemenl est remplie de sels vola- Cet auteur qui professait dans l'univer-
,

tils, qui sont alkalis raréfiants, sudorifiques sité d'Upsal, en Suède, nous apprend que les
et apéritifs c'est l'un des sels les plus salu-
;
descendants de Japhel, troisième fils de Noé,
taires, les plus subtils, et les plus propresà pu- passèrent dans cette contrée septentrionale;
rifier le sang; Charas a écrit de ses propriétés que l'air y est si favorable, que les hommes
spécifiques, et avant lui Francesco Reddi, et y arrivent ordinairement à la plus extrême
Pandolphe Collenuccio ces auteurs remar-
:
vieillesse.
11 assure qu'outre la fécondité qui permet
quent que l'essence de ce reptile, ou 1 once
de son eau prise chaque malin à jeun pen- d'y voir 20 et 30 enfants d'une même mère ,
dant 15 jours , tous les ans , surtout au mois on a connu par les extraits baptislaires cl
CICCL'LTKS. 33
DlCTIONNAIHE DES SCIENCES i-
io:>îi DicTiortiSAmE des SClb;NCF,S OCCULTES. 1036
mortuaires, envoyés à Rudbpck par l'cvéque Ions Philibert second, dit le Reau, comlo
:

d'Arosen, ou de Wesirras, son frère, conte- de Brescia, et [iremier duc de Savoie, mou-
nant seulement les 73 premières années du rut pour avoir bu trop frais, l'an loOi. Il est
xvir siècle, que dans l'étendue de 12 parois- donc certain que les 120 ans de la prétendue
si'S, il s"élait trouvé 232 hommes, dont plu- restriction de nos jours, ne tombaient préci-
sieurs avaient 140 ans, elles autres 90. sément que sur la durée du monde jusqu'au
Que deux particuliers y étaient parvenus, déluge, et non pas également sur la vie de
l'un à 156 ans et l'autre à 160; que ce der- tous leshommes.
nier avait vu la septième génération ; et que
dans ces mêmes paroisses il y avait eu plus
XIV. —
Sentiments de Salomon sur la mort.
de 860 personnes âgées de 70 et de 80 ans La mort est une suite du péché : le Christ
;

qu'il n'était pas surprenant en Suède devoir


a été envoyé pour en être le destructeur et
des gens de 100 ans; et que dans la seule la mort mort même elle doit marcher
d •
la :

gouverneur et l'aïeul mater-


ville d'Upsal, le
devant lui pour justifier cequ'en adil le pro-
nel de Rudbeck approchaient de ce terme,
phète Hahacuc au chapitre troisième de son
lorsqu'ils cessèrent d'y vivre à 98 et à 99
cantique l'auteur de la vie ne se réjouit vé-
:

ans. ritablement pas dans la dcstrucdon de son


ouvrage.
XIII. —
La vie de l'homme n'a jamais été bor- Salomon pour marquer combien la longue
née à 70, 80, ni 120 ans, selon les Ihéolo - vie est précieuse devant Dieu, ajoute que la
giens. vieillesse est la couronne du grand âge; elle
rend les cheveux blancs vénérables, ils don-
Les exemples de tant de personnes qui ont
vécu au-delà de lO'J ans, et qui même ont nent du poids à nos avis, de la confiance à
nos desseins, de l'espoir à nos entreprises et
passé plus de 2 siècles, l'ont voir que le dé-
de préférence à nos actions
la levez-vous, :
cret des 120 ans ne tirait à aucune consé-
quence pour le terme de la vie de tous les Dieu d'Israël, devant ceux qui ont les
dit le

hommes en général , en dépil de toutes les cheveux blancs, et honorez la personne du


vieillard.
disputes et de tous les écrits que celle nia-
lière a iaitnailre en Hollande.
Si nous en croyons les anciens, la mort
était une divinité qu'ils adoraient, comme la
Ce point fatal de nos jours avait autrefois
plus implacable des déesses ils la faisaient
fait dire à saint Thomas d'Âquin, que Dieu
:

fille de la nuit et sœur du sommeil; quel-


ne trouble jamais l'ordre naturel des choses
ques-uns l'estimaient l'une des trois Par-
que lui-même a élabiies, qu'il les veut et
ques on l'honorait à Laeédémone ; les Phé-
de la même manière qu'elles doivent
:
les voit
niciens lui avaient élevé un temp'.e dans l'Ile
être selon la nature qu'il leur a donnée; les
de Gadira, aujourd'hui Cadix; on lui sacri-
choses contingentes , contingemment ; les
fiait un coq; sa robe était semée d'étoiles, cl
choses nécessaires, nécessairement.
ses ailes étaient noires.
Le sixième chapitre de l'Apocalypse ilc-
clare que Dieu a donné pouvoir à la mort de
On la représentait sans yeux, pour ne pas
voir la beauté, les richesses et la gloire, qui
moissonner le genre humain les uns sont
:

eussent pu la fléchir, la corrompre et la sé-


enlevés par le glaive; 1,100,000 âmes périrent
duire ; on la dépeignait sans oreilles, ,ifin
dans Jérusalem assiégée et prise par Tilus,
qu'elle fût sourde aux \œux, aux prières
le 8 septembre de la seconde année de l'em-
et aux soupirs on la fais;iit paraître sans
pire de Vespasien. On dit que Jules César ;

entrailles, pour être insensible à la douleur,


tailla en pièces 1,200,000 Gaulois avant de
subjuguer leur patrie. aux souffrances et à l'affliction ; et l'on ar-
mait ses cruelles mains d'une longue faux,
La mort lue pnr la famine. On pria l'em-
pereur Honorius de permettre d'égorger les avec ces paroles qu'elle prononçait Je n'é- :

vieillards, les femmes pargne personne.


et les enfants, et de
mcllre le prix sur leur chair exposée dans Les chrétiens sont ceux pour qui la dureié
les boucheries de Rome, pour essayer d'ef-
de ce terrible arrêt n'eut j ;mais rien de trop
facer l'opprobre de la faim, comme dit Ezé-
effrayant pénétrés des vérités qui leur ont
:

appris que la vie passe aussi vile qu'une


chiel.
fleur, coule ainsi qu'une ombre, et s'évanouit
Lorsque Bénadab, roi de Syrie, assiégeail
Samarie, rapilale de Joram, roi d'Israël, du comme la fumée; ils savent que la seule
temps d'Klisée, 901 ans avant Jésus-ChrisI, mort les fera jouir de l'immortalité, pour la-
quelle l'homme avait été créé. Quelle diffé-
on y vendait la tête d'un âne 80 sicles, fai-
sant 120 livres de nos monnaies ; et deux rence entre la fin des païi ns qui terminait
tout leur bonheur, et celle des chrétiens qui
femmes convinrent de manger leurs enfants,
et en mangèrent un en effet. Une aussi déso-
commence toute leur félicilél
lante extrémité se fit éprouver au siège de XV. — Du rajeunissement, et s'il est pos-
Jérusalem dont ont vienl de parler. sible.
La mort enfin enlève une multitude do Rajeunir, c'est rentrer dans cette belle
créatures par les maladies et par les bêles qui saison qui nous donne les agrénaenls et les
dévorent ou qui blessent. forces de la jeunesse.
On meurt encore par l'usage immodéré de Il est inutile de traiter ici la question quo
certains aliments, ainsi qu'il arriva à Albert tant de savants ont agitée, pour savoir si
d'Autriche, à Frédéric III, et à Henri Vil, l'art pourrait être porté jusqu'à ce point
empereurs, pour avoir trop mangé de me- d'excellence, de rajeunir un vieillard : on
10S7 LON ION iOSS
sait combien Paracelse s'est vanté que par y a des singes dans le mont Caunase qui
Il
son mercure de vie, il lui était possible de vivent de poivre, dont ils font la récolle pour
métamorphoser une vieille en jeune, aussi les habitants; la chair de ces animaux est
bien que de changrr le fer en or; lui- un médicament souverain pour le lion, qui
même cependant qui promettait aux autres s'en guérit et qui rajeunit lorsqu'il en mange.
les années des sibylles, la longue vie des Le cerf que Thisloire de nos rois marque
ci'rfs, ou tout au moins les 300 ans de avoir élé pris clans les forêts vers Senlls, sous
Nestor, cessa de vivre âgé d'un peu plus de Louis ^I, dit le Gros, mort en 1037, avait
37 ans. éprouvé plusieurs rajeunissements depuis
Regarderons-nous cependant la nature, si Jules César. C't empereur régnait environ
admirable dans ses ouvrages, comme une quarante ans avant la naissance de Jésus-
marâtre, et ne la croirons-nous capable que Christ. Il n'est pas impossible qu'en passant
d éiouffer ses productions presque au mo- à la conquête d'Angleterre, alors dile Albion,
nienl qu'elle les aura mises au jour? Cet il eût fiit donner un collier à cet animal.
instinct qu'elle donne à toutes les créatures Ces mots y furent trouvés, d'un caractère
pour leur conservation lui manquera-t-il ? assez conforme au temps de la république :
et, serait-il possible qu'elle pût refuser <à César m\i fait ce présent. On y voyait, par la
l'homme, pour qui tout a été créé, ce qu'elle supputation des années, que ce cerf avait
accorde aux cerfs fl), aux aigles, et aux vécu près de douze cents ans (si ce n'élait
serpents? On leur voit en effet quitter tous pas un autre César).
les ans les tristes apanages de leur caducité, Ceux r,ui ont écrit sur l'éléphant avancent
pour se revêtir des agréments de la jeunesse qu'il va jusqu'à trois siècles. Le Geyian, le
la plus vive, la plus gracieuse et la plus bril- royaume de Siam (2), où se trouve le fameux
lante. éléphant blanc qu'on y sort dans des vases
Dieux cruels 1 s'écriait TibuUe, qui dé- d'or, et le royaume d'Achem, dans l'île de Su-
pouiller les serpents de leurs vieilles années, matra, produisent les plus renommés. Le roi
qui, arrêtant la fluide rapidité de leurs jours, d'Achem fait rendre à ces animaux des hon-
retarder leur fin, et leur restituez les tendres neurs incroyables; on assure qu'ils ont assez
charmes du plus bel âge, pourquoi nous re- Leur docilité
d'esprit pour y être sensibles.
fuseï-vous la môme faveur? on en amène
à l'inslruelion égale leur génie ;
Sentiment que Rimer a soutenu dans la un nombre devant le trône de diamants du
même idée de Tibulle; il se plaignait avec Mogol, les cinq jours que dure sa fêle, qui
lui que la condition de l'homme fût moins commence à celui de sa naissance ces élé- :

favorable que cil!e de plusieurs animaux : phants, superbement parés, saluent profon-
ils portaient tous deux envie au rajeunisse- dément l'empereur, baissant trois fois leur
ment des serpents. trompe et la relevant sur leur têle, poussant
Effectivement, on ne trouve pas que l'art en même len)ps un grand cri d'allégresse.
soit encore parvenu à ce degré de perfection Passant de l'éléphant au chi val, l'histoire
capable de rajeunir l'homme; mais ce que le nous appr( nd que, dans le commencement
passé n'a point vu, l'avenir le pourrait trou- du neuvième siècle, Raoul, roi de Bourgogne,
ver ce prodige serait d'autant plus à espé-
: qui avait usurpé la couronne de France sur
rer, que la nature l'a opéré plusieurs (ois Charles le Simple, fils de Louis le Bègue, roi
dans nombre de personnes que l'histoire et empereur, reçut l'hommage d'un duc de
rapporte. Gascogne, lequel était monté sur un cheval
il n'y aurait ainsi qu'à observer la ma- âgé de cent ans, qui était encore assez vigou-
nière dont elle fait de si étonnants miracles, reux. Disons en passant que le cheval est le
pour exécuter ensuite avec succès une aussi seul des animaux de la terre donl la perfec-
agréable métamorphose; l'arl, par ce moyen, tion consiste à participer de l'homme, du
parviendrait certainement à ce que l'on a vu lion, du bœuf, du mouton, du mulet, du cerf,
de temps en temps arriver à plusieurs. Le du loup, du renard, du serpent et du lièvre,
premier moyen egt un bon tempérament, prenant trois qualités de chaque :de l'hom-
comme Moïse, dont il est dit que, pendant me la poitrine, la coupe et les crins; du lion
cent vingt ans qu'il vécut, sa vue ne baissa le maintien, la hardiesse, la fureur; du bœuf
point. l'œil, la narine, la jointure; du mouton le
Le cerf, l'aigle, l'épervier et le serpent ra- nez, la douceur, la patience; du mulet la
jeunissent; Aldrovandus traite du renouvel- force, la constance au travail, et le pied du ;

lement de l'aigle. Des oiseaux du ciel, enire cerf la tôle, la jambe, le poil court; du loup
lesquels Pline dit que le corbeau et ie phénix la gorge, le col et l'ouï;'; du renard l'oreille,
vivent chacun six cents ans, ce renouvelle- la queue, le trot; du serpent la mémoire, la
ment a passé aux animaux de la terre; per- vue, le contournenient; et enfin du lièvre ou
sonne ne doute que le cerf ne répare sa ca- du chat la course, le pas et la souplesse.
ilucilé par l'usage des vipères et des serpents. Et pour venir des animaux terrestres aux
Le même Pline assure que, plus de cent ans aquatiques, l'an 1^97, dans un étang de
après Alexandre de Macédoine, on prit des Souabc, près d'Huilprin en Allemagne, on
cerfs aux(|ucls ce prince avait fait mettre des pécha un brochet dune grandeur prodi-
colliers d'or, qui se trouvèrent recouverts de gieuse ; ce poisson portail à l'une de ses
leur peau.
"^72) Relation itu olievallcr de CliaumoDt, ambassadeur do
(I) C'est une opinion que chaque aniiéo le curf rajeunit
en quiiuiil sou bois, l'aiale ses i.luincs. cl le serpenl sa France a Siam, eu 1687.
,
,

^'}^9 DICTIONNAinE DES SCIENCES OCCULTES. lOiO

Dieilles un anneau ilc cuivre; ces caractères tion d'une fontaine qui rétablissait les vieil-
latins s'y lisaient : lards dans leur vigueur.
Je suis te premier poisson mis dans cet Pierre Chicza rapporte de semblables mi-
étang par les tiuiins de Frédéric II, gouver- racles dune fontaine située à Lucaya dans
neur du monde, le 5 octobre 1230. 1 Amérique ; c'est peut-être sur les admi-
Ce brochet paraissait avoir vécu 269 ans, rables vertus de pareilles eaux qu'a paru
sans ce qu'il eût pu vivre s'il n'eût pas été le proverbe d'aller à la fontaine de Jou-

I
éché, et si ce récit est sinrère. vence.
Le crocodile, selon Maruiol, est encore un Le Campus Elysius d'Arejes cite André
animal aquatique qui vit très-Ionglenips. On Bficcius, liv. VI, chnp. 28 de Thermis, qui
en juge par ses forces, un seul s'élanl dé- rapporte que l'Ile d'Euboé, aujourd'hui Né-
fendu contre trente hommes; par sa gran- grepont, dans l'archipel de la Grèce, avait
deur on en avn de trente-trois pieds de lon-
: une fontaine qui changeait la vieillesse en
gueur par sa grosseur, on en a trouvé dans
: jeunesse.
la gueule desquels un homme eût pu se tenir Au nord de Napoli de Romanie dans la ,

debout. On ajoutera (]ue sa chair odorifé- Morée, près des ruines de l'ancienne Nau-
rante parfume les lieux où l'on en fait la plion, voisine d'Argos, on voyait autrefois l.i
dissection ce qui pourrait encore contribuer
: célèbre fontaine nommée Canathus. Pausa-
à sa longue vie. nias dit que la déesse Junon s'y baignait
Des animaux de la terre le rajeunissement tous les ans ; il assure que les eaux de cette
est descendu jusqu'aux reptiles; le serpent source rétablissaient, dans celte épouse de Ju-
qui renouvelle le cerf se renouvelle en quit- piter, ce que le temps, qui use tout, pouvait
tant sa vieille peau : on en peut déduire que, apporter de dommages à sa jeunesse. Ce fut
la nature se rajeunissant dans l'ordre infé- ce qui engagea les femmes du pays à y al-
rieur des productions de Dieu, il n'est pas ler en pèlerinage , supposé que Pausanias
hors d'apparence que le même prodige se ne nous en veuille pas faire accroire.
puisse trouver dans l'ordre supérieur de ces Valescus ïarentaiius parle d'une abbesse
mêmes productions d'où l'homme a été tiré; deMorvédro, autrefois Sagonte, au royaume
car enfin l'homme n'est pas de pire condition de Valence en Espagne; sa décrépitude fut
que les bétes qu'il devait dominer. convertie en brillante jeunesse, ses dents
11 est certain secret du rajeunisse-
que le redevinrent blanches, ses cheveux noirci-
ment serait l'art de trouver au moins la lon- rent et s épaissirent, les rides de son front
gue vie; il faut pourtant convenir qu'elle disparurent; elle fut une seconde fois jeune.
pourrait s'acquérir sans son secours; la na- Ferdinand Caslenade et Mafféi assurent
ture peut donner à un seul homme autant unanimement qu'un noble Indien rajeunit
de jours qu'elle en donne à plusieurs, ainsi trois fois pendant trois cent quarante ans
qu'elle a donné, par exemple, à des géants qu'il vécut.
autant de stature qu'il en eût fallu pour for- Torquemada montre qu'en 1531, à Ta-
mer les corps de trois hommes raisonna- renie, ville du royaume de Naples , un vieil-
bles. lard âgé de cent ans rajeunit ; un reste de

Moïse rapporte que de son temps on voyait mauvais cheveux tomba , et il lui revint une
tête naissante, en sorte qu'il se sentit re-
de fer d'un géant, lequel avait neuf
le lit
nouvelé, et vécut encore cinquante ans.
coudées de longueur, ou treize pieds et demi,
Pierre Martyr cite un autre vieillard, qui
«ur six de largeur; cette taille était bien
pour se procurer une longue vie, se baignait
d.ffércnte de celle de ces pygmées du détroit
de Magellan, ou de ces Lapons de Suède qui
dans une fontaine, dont, ayant bu quelque
temps, il parut jeune et frais se maria , et
n'ont guère de haut que trois pieds et demi. ,

eut des enfants.


De semblables nains eussent pris pour un Le roi de Gambnye , aux Indes orientales,
colosse cette Sccundilla, qui rivait sous Au- prit dans ses troupes un habitant de Ben-
guste. Solin, dans son recueil des choses gala, âgé de trois cent trente- cinq ans , qui
mémorables , remarque qu'elle avait dix avait un fils très-vieux, s'il faut en croire la
pieds de hauteur; et l'Hercule thébain, que physique curieuse de Gaspar Scot.
ses trente-sept travaux ont rendu si célèbre, Lorichius nous apprend qu'un homme
n'avait que sept pieds de taille, scion le même dans une maladie, perdit ses cheveux blancs,
écrivain. sa barbe, et jusqu'à sa vieille peau. Sa sur-
XVL — Des hommes et des femmes que l'on prise fut Irès-agréable quelques mois après,
croit avoir été rajeunies. voyant renaître sa chevelure blonde, et une
légère barbe, avec une peau de la plus
Ovidecontele rajeunissement du vieil Eson, vive fraîcheur.
qui était père de Jason, roi de Thessalie, que Aulu-Gelle dit qu'une femme nomméeVic-
Médée aimait. A sa prière, elle employa sa loria à l'âge de quatre-vingts ans , perdit
,

science à ce rajeunissement. Eson fut enve- seis mauvaises dents avec ses cheveux blancs;
loppé dans une quantité d'aromates cl d'her- dans la suite, les plus belles dents et les plus
bes chaudes arrosées de liqueurs spécifi-
,
beaux cheveux lui revinrent il est à sou-
:

ques; et ce fut par le moyen de leurs sucs haiter que ces auteurs ne nous trompent pas
que Mcdéc lui fit recouvrer sa première jeu- en écrivant des événements si flatteurs.
nesse. Pline a remarqué plusieurs personnes très-
Le quatrième livre d'Hérodote fait men- âgées, à qui les dents étaient revenues: il
lOlt LON LON mi
ajouie que sur leurs (êtes les cheveux blancs ces reptiles dans un tonne;iu à l'effet de leur
avaient aussi cédé la place aux plus beaux couper ausilôt la têle et la queue puis les
cheveux noirs. ayant écorchés, on les trempera dans du vi-
;

Poste! , dont nous avons parlé , étant par- naigre et on les frottera de sel avec uno
,

venu à la plus grande vieillesse, vit ses che- étoffe rude ensuite les ayant mis par mor-
;
veux et sa barbe changer du blanc au noir. ceaux, on les jettera dans une grande marmite
Ces exemples prouvent le rajeunissement avec une demi-livre do fleurs de romarin, de
possible, d'où l'on pourrait espérer de (rès- fenouil, de calamanthe et d'anet, autant des
iongues années pour qui découvrirait la
, unes que des autres , et l'on y ajoutera
rare invention :heureuxcn même temps ceux une demi-livre d'herbes de cumin la mar- ;
quijouiraientavecsagessedes choses de la vie! mite étant aux deux tiers pleine d'eau pure
Les gens, à la vérité, qui tranchent sur on la fera doucement bouillir jusqu'à la cuis-
toutes choses, qui font les génies sublimes son des vipères.
et qui ne trouvent rien sans le contester, Alors on y versera une quantité de fro-
affectent d'être incrédules surdo pareils pro- ment bien nettoyé, et suffisante à la nourri-
diges de la nature ; ils lui disputent son pou- ture des poules pendant les jours arrêtés :

voir et ne veulent pas qu'elle puisse opérer on fera cuire ce blé jusqu'à ce qu'il se soit
des choses si surprenantes. rempli de la qualité de ces reptiles, couvrant
X\ II. —
Méthode d'Arnaud de Villeneuve, la marmite pour y mieux conserver leur»
esprits, et la tenant élevée sur un trépied où
pour opérer le grand œuvre du rajeunisse-
elle agira également à feu doux jusqu'à ce
ment
que tout s'épaississe ; en cas de besuiu ou y
.\rnaud de Villeneuve, médecin en France, pourra remettre de l'eau.
vers la fin du xiii» siècle , avait apparem- La marmite ôlée de dessus le feu, on éten-
ment lu les rajeunissements dont nous venons dra ce blé pour le sécher dans un lieu bien
de parler ; ils lui donnèrent envie d'inventer aéré, crainte de corruption, et quoique chaud
une mélhode pour parvenir à de tels prodi- on en donnera aux poules, leur en faisant de
ges, sans aller dans les pays éloignés, où se petites peloles avec du son que l'on pétrira
sont trouvées les heureuses et f.ivorables fon- dans le bouillon.
taines qui y ont le plus contribué. Pour cet Ces poules ainsi engraissées pendant un ou
effet il a Idissé à ses plus intimes le secret du deux mois, la personne en mangera tous les
grand œuvre qu'il avait imaginé. jours une ; on la fera cuire seule dans une
Il veutqu'on renouvelle cetleosuvre adtni- quantité d'eau nécessaire à faire deux assiet-
rable tous les sept ans sur les corps naturel- tes de potage. On fera ce potage avec un pain
lement sains et bien organisés quant à ceux ;
de farine pure de froment, bien fait et de deux
qui sont trop ou (rop peu resserrés, il ordonne jours au plus.
qu'on les tempère par l'usjige d'une once de A souper, on ne prendra qu'un potage,
moelle de la meilleure casse prise en entrant
,
comme à dîner, avec le reste de la poule, ou
à table une fois par semaine, et trois fols avant deux ou trois œufs frais bouillis dans l'eau, à
de commencer sa méthode; la casse étant fa- l'ordinaire,que l'on mangera avec un peu
vorable suivant ce médecin, contre toutes
, de ce pain, buvant du vin blanc ou du clai-
les humeurs viciées. ret, à cause de leur légèreté.
Dès le premier jour de l'opération on mettra Cette opération est plus salutaire aux mois
sur le cœur, pendant le sommeil, un emplâtre d'avril et de mai, à cause du renouvellement
d'une once de safran oriental d'une dcmi-
, de la nature. Lorsque les jours en seront
jnce de roses rouges, de deux gros de santal achevés, on se baignera trois fois dans une
de pareille couleur, d'un gros de bois d'aloès, semaine, de deux jours l'un, dans une eau
et d'autant de bon ambre ; ces drogues Irès- claire et tiède, où l'on aura mêlé une décoc-
pulvérisées s'incorporeront avec une demi- tion de fleurs de romarin, de sureau, des
livre de cire blanche, et se malaxeront dans deux sthécas, de camomille, de mélilot de ,

une quantité suffisante d'huile rosat. Au ré- roses rouges et de nénuphar, de chacune
veil on lèvera cet emplâtre pour le rouler, une livre; on y joindra des racines de bis-
afin de l'enfermer dans une boite de plomb torte,de brionne, de coulevrée, d'aulnée, de
jusqu'au moment de s'en resservir en entrant patience et d'iris, de chacune une poignée,
au lit. nette et concassée, le tout mis dans un sac
Cetteœuvre consiste en.<:aile à vivre quel- de loilc de lin, et bouilli une ou deux ondes
que temps de poules préparées d'une certaine dans un grand chaudron plein d'eau de
manière; les lempéramenls sanguins pen- rivière.
dant 16 jours, les flegmatiques durant 25, et Le bain se prendra à jeun et jusqu'au cou,
les mélancoliques pendant 30. et l'on s'y assiéra sur le sac de fleurs pour

Par cette raison on aura autant de poules y rester une heure au moins ; ce sac servin
que letempéramenl l'indiquera; on lesmellra seul aux trois bains.
dans un lieu spacieux où l'air soit pur et Sortant de l'eau, on avalera un gros de
l'eau claire, et dans lequel il n'y ait ni her- bonne thérlaque dans six cuillerées de vin
bes ni autres choses à manger pour qu'elles ;
infusé de fleurs de romarin et de cumin, et
ne puissent être nourries que de l'aliment l'on se mettra dans un lit tiède pour y repo-
destiné. ser et dormir.
Cet aliment se fera avec autant de bonnes S'il survenait une sueur, on la soutiendra

vipères qu'il y aura de poules; ou fouettera comme l'effet favorable de ce remède ; et.
1045 DICTIONNAIRE DES SCIKNCES OCCULTES *Ml
après avoir reposé, sué cl dormi, on mangera rayons du soleil el l'eau-de-vie céleste, ou
iiiodcrémenl selon l'appélil. par le jus de cilron.
Pour achever celte opération, causera au La quintessence des perles, si utile à Cer-
moins pendant douze jours de la confection tifier le principe de vie coalre les venins.
qui suit, après s'être baigné. La quintessence de l'ambre gris pour la
Ayei quatre onces de chaux d'or, dissous santé (et non pour les parfums), laquelle
philosophiquement, bois d'aloès, bois des trois augmente notre chaleur sans l'enllammer, et
la fomente sans la résoudre; elle relève les
sanlaux, semences de perles, saphirs hya- ,

forces abattues des vieillards pqr l'esprit


cinthes , énicraules, rubis, topazes, corail
blanc et rouge, baume Irès-pur, rûpure d"i- universel dont elle est remplie.
voirc, des os du cœur du cerf, de chacun un
La quintessence du sucre (dont Isaac,
demi gros ; ambre et musc des meilleurs, six hollandais, nous a laissé la pratique), cl qui
est si favorable à tous les tempéraments il
grains de l'un et autant de l'autre. ;

la prétend souveraine contre l'hydropisie,


Pulvérisez le tout d'une manière impalpa-
la phthisie et la consomption, ainsi que dans,
ble, et l'incorporezavec conserves de citrons,
l'épilepsie cl les accouchements.
de bourrache cl de romarin, de chacune une La quintessence de miel composé de
once; ajoutez j une livre de sucre On pour fleurs et de rosée, laquelle renferme en elle
former ce condiment avec du sucre rosat, un esprit véritablement céleste.
autant qu'il en faudra pour mettre cette con-
La teinture de l'or naturel, réduit par celle
fection dans un vase de porcelaine ou de
opéralion à l'huile véritable ou teinture
fayence que" l'on couvrira bien.
d'or
Hen faut prendre les malins à jeun cl lessoirs De toutes ces essences ou teintures, on
en se couchant environ une demi-cuillerée, compose en.suilc le diaphoron, dont parle
el l'on connaîtra dans peu le prix de celte œu- Barthélémy Korodorfer dans ces termes :

vre rare pour réparer la caducité la plus « Il serait d'expliquer les verlus
difficile
décrépite. du diaphoron contre toutes sortes de maux.
Gel art merveilleux de rétablir la nature , « Si l'on en môle par dose avec notre eau

n'est pas dans le volume in-folio des ouvra- dorée, on aura une très-vigoureuse santé.
ges du célèbre Arnaud de Villeneuve, impri- « U est le baume de la vie, et a fait dci
més à Lyon il à Bâle au quinzième siècle ; miracles.
U est dans un ancien manuscrit latin, tombé « Un roi des gentils en a conservé ses
dans le dix-seplième à M. du Poirier, pre- jours jusqu'à trois cents ans.
mier médecin di' I'h6|iital général de Tours, « Je m'en suis rétabli moi-même, et aussi
l'abbé de Vallemont, au un mien ami, âgé de 89 ans, si bien, que
Sii le prêta à M.
âtcau de la Rourdaisiiôre, en Touraino, le- nous étions comme à vingt ans.
quel l'a communiqué à l'auteur de ce traité. « J'en ai donné à des mourants une demi-^
cuillerée; ils sont revenus et se sont bien
X'III. Dfs choses qui peuvent prolonger portés. »
notre vie.
Le savant M. de Comiers d'Ambrun nous
Ces choses sont des quintessences qui se a donné des règles pour la longue vie; on en
tirent des animaux, des minéraux et des vé- pourrait joindre la pratique aux secrets
géla,ux. dont on vient do parler.
La perfection de ces quintessences con- Règles pour la longue vie.
siste dans leur préparation; elle est si diffé-
rente dans les opérations, que souvent ces Ilfaut qu'une bonne constitution puisse
essences ne semblent pas élrc une même donner lieu à de très-longs jours.
chose tirée du même principe. Que l'humeur radicale el la chaleur natu-
L'essence, par exemple, des vipères con- relle soient d'accord d'où naît le tempéra-
:

serverait la santé bien des années , si elle ment sanguin, le plus favorable de tous.
était vérilablement travaillée selon l'art ; Que dans un corps bien organisé il £%
cette essence est bien plus salutaire que la trouve un esprit sain, gai et sage.
li'oudre des mêmes vipères, qui renferme Que l'on ne mange que pour vivre , et J3-
^oute leur matière terrestre. n)ais jusqu'à être rassasié-
L'essence de myrle préserve de corrup- Qu'on agisse médiocrement, pour tenir le

tion jusqu'aux choses inanimées. corps dans une activité raisonnable.


L'huile balsamique du soufre, laquelle, Que l'on vive chastement, si l'on veuf v^-
au dire de Paracelse, ne laisse corrompre vre longtemps.
aucune chose morte ou vivante; elle fait Que l'on s'abstienne de manger diverses
toujours du bien el jamais de mal, selon viandes el de boire différentes boissons dans,
Fioramenli lorsqu'on a philosophiquement
: un même repas, de crainte que les sucshété
extrait le sel, la teinture el l'huile essen- rogènes ne se nuisent dans l'estomac pai
tielle de ce soufre, on procède ensuite à l'o- leurs qualités contraires.
pération de son huile balsamique. Que l'on brise parfaitement ce que l'on
L'huiledc mars ou devitriol,extraitedeson mange. La mastication une première di-
est
sel et de son huile, rectifiés et cuits ensemble, gestion ; elle se fait par l'humeur acid" qui
produisent l'huile fixe de mars, dont les ver- sort des glandes salivales, proche les dents,
tus ne sont pas connues de tout le monde. oculaires : la mastication, la digestion el la
La vraie teinture de corail, tirée iiar les distribution des aliments font en nous uiig
V 5 LON LON lOiG
espèce de chimie imperceptible, sans laquelle que son usage en boisson ayant été intro-
nous no pourrions subsister. duit en Amériqae, les peuples y oni, ainsi
Que dans les repas on mange alternalivc- que nous, abrégé leur longue vie.
ment les choses humides après les sèches, Si, après le dormir, les forces, qui doivent
les grasses après les maigres les douces
, en é:re rétablies, se trouvent abattues, ou
après les aigres et les froides après les
, aura recours à la sueur, pour soulager la
chaudes, afln que l'une puisse être le cor- pesanteur que causera trop de sue nutritif.
reclifde l'autre. Pour cet effet, on se tiendra immobile sur
Qu'après avoir bu plus qu'on ne doit on les reins, dans des dcaps blancs et chauds,
mange du pain sec et que l'on prenne du jus entre deux lits de plumes n'ayant que le
de citron, pour se délivrer dans le moment visage découvert, et l'on no sortira du lit
du hoquet, que la réplélion engendre aussi qu'une heure après avoir sué.
bien que l'inanition; qu'alors on se garde de On suera trois fois l'année dans l'au- :

boire de l'eau-de-vio ni d'autres liqueurs tomne, dans l'hiver et dans le printemps, el


chaudes elles sont pernicieuses après avoir
:
l'on se fera frotter deux fois par semaine,
bu trop de vin. au moins, avec des linges chauds, pour exci-
Que l'on ne fasse aucun exercice violent, ter la transpiration,
si néci;ssairo à la vie.
mais seulement jusqu'à la rougeur jamais : dégoûté, ou fera diète pendant
Si l'on était
jusqu'à la sueur. vingt-quatre heures et l'on se promènera
Que dans une sueur extraordinaire on ne doucement au grand air, pour ranimer la
se découvre en aucune manière, et que l'on chaleur naturelle, accablée par trop de suc
marche modérément, de crainte de se refroi- nutritif.
dir, buvant un peu de vin pur et non de Ce trop de suc nuîritif, poussant avec vio-
l'eau, si elle n'est tiède, et goutte à goutte, lence le sang au cerveau, y cause une pe-
pour éviter la pleurésie ou quelque rhuma- santeur qui souvent est l'avantcoureur do
tisme. l'apoplexie. Les plus tendres rameaux des
Qu'en sortant du lit on ne s'expose pas à veines se rompent, et ce suc, en s'épanchant,
la fenêtre , non plus qu'au feu quand on presse les nerfs et empôihe la distribution
vient du froid, parce que tout changement des esprits. Fernel prétend qu'ils sont le vé-
trop prompt est dangereux. hicule de la chaleur naturelle; son extinc-
Que dans les nouveaux fruits on en mange tion donne la mort. On remédiera à cet in-
peu, afin que l'estomac s'y puisse accoutu- convénient en ouvrant la veine sans différer,
mer et soit ainsi délivré des fermentations, pour diminuer la cause, et faisant suer dans
d'où proviennent tant de fièvres périlleuses. le lit les veines du cerveau s'amolliront et
:

Que la boisson soit d'un peu de vin l'eau, : s'étendront sans se rompre. Changer de lieu
prise dans le besoin, serait plus salutaire; dans ces instants n'est pas indifférent, sur-
la bonne est limpide, légère, sans odeur ni tout si l'on fait passer le malade dans un air
saveur; elle provocjuc un sommeil doux les ; plus doux et raisonnablement frais.
idées y sont nettes, à la différence des illu- La diète el la sueur sont ainsi une espèce
sions et des rêveries causées par les cha- de médecine universelle, capable de préser-
leurs et les fumées du vin. ver nos corps el de leur acquérir une longue
On doit à Néron l'invention de boire l'eau vie.
épurée après la distillation et rafraîchie par La diète ramène l'appétit; l'appélit, médio-
la glace. Cette liqueur naturelle, puie et crement contenté, augmente les forces; les
simple, dont nos premiers pères ont usé forces contribuent à la santé, et la santé
pendant près de dix-sept cents ans , est donne la vie.
capable de détruire cette pépinière de vers La sueur dégage des mauvaises humeurs
qu'une corruption engendre dans l'esto- et soulage les obstructions, d'où procèdent
mac de ceux qui mangent sans choix et toutes nos maladies.
sans mesure, bien souvent sans goût ni déli- Les plus violentes sont guéries par la
catesse. M. Perrault, de l'académie des Scien- sueur réitérée elle n'est pas même inutile
;

ces, délivra par cet innocent remède une re- contre le tremblement des nerfs. On se guérit
ligieuse tourmentée d'un pareil accident : aussi en buvant pendant trois mois, entre les
tant il est vrai qu'il n'est pas nécessaire d'ê- repas, de l'eau dans laquelle on aura fait in-
tre médecin pour guérir un malade. fuser à froid de la petite sauge verte passée
Le dormir se trouvant une tendre inven- sur le feu, à cause des reptiles qui vont y
tion de la miséricorde divine pour réparer la chercher leur guérison par exemple, une
:

nature épuisée, M. de Comiers veut (comme poignée de cette plante dans deux pintes
disait Apollonius de Tyane à Pliraortes, roi d'eau de rivière bien épurée el froide, où h's
de l'Inde) que l'on ne dorme pas du bout des sels ne se fixent pas et où ils restent vol itils,
paupières, mais bien de la pensée c'est ce
: à la différence de l'eau chaude, où les sels so
qui n'arrive guère à ceux qui usent immo- fixent et se soutiennent.
dérément du vin et des liqueurs oii entre A manière prompte el simple de gué-
celle
l'cau-de-vie, et, qui pis est, de l'esprit-de- rir,M. de Comiers veut que l'on joigne une
vin. Quoique deux ou trois cuillerées d'eau- nourriture de très-facile digestion pour les
de-vie puissent fortifier l'estomac et aider la malades; elle se fail de bonnes viandes cou-
digestion de ceux qui s'oublient jusqu'à trop pées par petits morceaux, avec les os moel-
manger, et qu'elle soit en certaines rencon- leux cassés très-menus, et piles dans uir
tres un topi<!ue excellent, on a remarqué mortier de marbre ces viandes cuites à feu
:
io;7 blCTlONNAlUE DES SCIENCES OCCULTES 1048

lent seront passées dans un linge blanc , et l'ayant filtrée par le papier, versez-la dans
de celle espèce de panade les malades use- un autre matras de verre à col loug, cl
ront pour aliment et buisson , en la rendant mettez par-dessus autant de bon esprit de vin
à It'ur gré plus ou moins liquide. bien rectifié; les deux tiers du matras restant
Ceux qui voudront dans les bouillons faire vides, bouchez-le bien, mettez-le ensuite en
retenir les sels volatils des viandes, qui en digestion à chaleur lente pendant quelques
font la meilleure partie, se serviront de la jours, jusqu'à ce que l'esprit de vin ait tiré
machine de M Papin pour amollir les os ,
: touie la couleur de l'huile en teinture de l'an-
l'utilité en est parfaitement démonlrce dans timoine , de manière que l'huile de nilre res-
l'impression de 1682 faite chez Michallel. tera au fond très-claire et blanche, sur la-
XIX. — De la médecine universelle^ quelle surnagera l'esprit de vin, et séparez-
le par décantation ; Ihuile de nitre servira
La que M. de Comiers a
diète et la sueur,
toujours à d'autres opérations pour tirer l'es-
pensé des remèdes certains, lui ont fait in- sence de l'antimoine autant que l'on voudra.
venter une médecine universelle qui les aidât Mêliez votre esprit de vin dans un alambic
et même les perfectionnât.
de verre , distillez-le doucement jusqu'à ce
Dans vue, son étude nous a dccou-
cette
qu'il n'en reste au fond que la cinquième
Ti rt lateinture aurifjque de l'antimoine , qui
partie qui retiendra la teinture de l'anli-
est le premier être de l'or ; il le prétend si moine, ou bien distillez tout l'esprit de vin,
homogène à nos corps, que si le secret n'en ne laissant au fond que l'essence de l'anti-
est pas infaillible, au moins lui sera-l-on moine.
obligé d'avoir essaye de nous procurer une Vous aurez ainsi en liqueur la médecine
santé capable de nous faire arriver à la plus universelle, qui guérira ou préservera di»
longue vie, après notre immortalité perdue. tout mal.
Composition de la médecine universelle. La dose est de cinq à six gouttes dans da
Prenez sel de nilre raffiné; fondez-le len- vin ou du bouillon, selon l'indisposition.
tement dans un vaisseau de fer étant fondu, ;
Due dose plus ne peut nuire les ma-
forte ;

jetez dessus une légère quantité de charbon ladies se guérissent dans la troisième prise;
de bois doux (comme du saule) bien pilé; ce si le mal se rendait opiniâtre, un redoublera

ce qui l.i dose , et l'on en prendra trois fois par se-p


charbon sç consumera d'abord ,

obligera d'en remettre peu à peu jusqu'à ce ,


maine.
que le sel de nitre , après la détonation, soil Cette médecine guérit les maux inlernoa
fixe, et qu'il ait une couleur un peu verdâtre; cl externes, comme plaies et gangrènes,
c'est ce qui arrive lorsque le charbon ne se l'appliquant dessus en forme de baume; elle
$oulèYC pas comme il faisait auparavant : réconforte laléte et l'estomac, étant un véri-
alors versez votre sel de nitre fondu dans un table or potable; elle opère par l'insensiblo
mortier de marbre bien chaud ; étant re- transpiration, souvent par les sueurs et les
froidi, il restera blanc comme pierre d'albâ-
urines, rarement par ailleurs, et presque
tre cassant comme verre ; pikz-le incon-
, et jamais par le vomissement son effet est na- :

tinent, et étendi-z la poudre sur une assiette turel et sans violence, ce qui fait qu'on en
de fayence, et l'ayant couTcrte contre la peut user à tout âge pour toutes com-r
,

poussière , exposez-la un peu penchée à l'air, plexions, et dans tous les temps.
inaia dans un endroit où le soleil , la pluie ni A celle médecine universelle, nous en join-r
la rosée ne puissent pénétrer; mettez au- drons une pour réparer les forces aballuea,
dessous un vase de tçire, pour recevoir la et guérir toute lassitude.
liqueur huileuse qui en coulera; car l'humi- Pour rappeler les forces.
dilé de l'air résolvant le sel de nitre en quel- Mettez un coq sous une geôle; nourrissez-,
ques jours, on Irouveradeux fois plus pesant le 15 jours de bon froment, et laissez pro-i
d'huile qu'il ny avait de sel, si l'opération mener autour six poules avec un autre coq
se fuit dans mi temps doux, tempéré et hu- très-rjeune: il excitera celui qui sera renfermé,
wide. en sorte qu'il mangera de colère et de ja-
Celte huile étant rectiflée est un très-puis- lousie, ce qui l'enflammera; après les 15
sant dissolvan! pour extraire l'essence de jours tuez le coq ancien distillez-eu le sang,
,

toutes sortes de mixtes. versant trois fois l'eau qui sortira sur les lies;
Ainsi prenez quatre ou cinq parties de prenez celle eau distillée, metlez-y trois
celle huile rectifiée, avec une partie du meil- gouttes d'ambre gris et en avalez une cuil-
,

leur antimoine, que l'on reconnaît par cer- lerée à jeun les malins pendant 15 jours.
taines rousseurs qu'il lire de l'or, près de la Voyez Secbkt.
mine duquel il se forme; l'antimoine étant LOOTA, oiseau qui dans l'opinion de»
,

réduit sur le marbre en poussière très One, habitants des lies des Amis, mange à l'instant
meliez-lc dans un grand matras de verre et , de la mort les âmes des gens du peuple et ,

versez Ihuile de nitre par-dessus il faul que ; qui pour cet effet
,
se promène sur leurs
,

les deux tiers du matras restent vides; bou- tombes (1).


chez si bien le matras, qu'il ne transpire LORAY. Voy. Orat.
point ; meltez-le en digestion à feu doux, ou LOTERIE. La loterie doit son origine à un
à feu de lampe, jusqu'à ce que l'huile, qui Génois. Elle fut établie à Géncs en 17-20, eu
surnage sur l'antimoine, paraisse de couleur France en 1758. Elle est supprimée depuis peu.
d'or ou de rubis ; alors lirez votre huile, et Entre plusieurs moyens imaginés par les
(I) Voyages lie Cook.
1019 LOU LOU 1.150

visionnaires pour gagner à la loterie, le plus prédiction de l'astrologue en étail la cause.


commun étail celui des songes. Un rêve, Il le fit venir devant lui avec le dessein de le

sans que l'un en snclie la raison, indiquait à faire jeter parla fenêtre. Toi qui prétends —
celui qui l'avait fait les numéros qui devaient être né si habile homme, lui dit-il, ap-
sortir au prochain tour de roue. Si l'on voit prends-moi quel sera ton sort?
en songe un aigle, disent les livres qui en- —Le prophète qui se doutait du projet
seignent cette science, il donne 8, 20, 40. Un du prince , lui répondit : Sire, je prévois
ange, 20, 46, 56. Un bouc, 10, 13, 90. Des que je mourrai trois jours avant votre ma-
brigands, 4, Id, 33. Un champignon, 70,80, jesté.
90. 13, 85. Un crapaud. 4,
Un chal-huant, Le roi le crut, et se garda bien de le faire
46. Le diable, 4, 70, 80. Un dindon, 8, 40, mourir. Du moins tel est le conte ; el on
66. Un dragon, 8, 12, 43, CO. Des fanlômes, en a prêté beaucoup à ce roi si bizarre.
1, 22, 52. Une femme, 4, 9, 22. Une fille, 20, LOUIS XIII roi de France, né en 1001 ,
,

35. 58. Une grenouille, 3, 19, 27. La lune, mort en 1641, surnommé le Juste parce qu'il
9, 46, 79, 80. Un moulin, 15, 49, 62. Un ours, était né sous le signe de la Balance mais il ;

21, 50, 63. Un pendu, 17, 71. Des puces, 45, mérita ce surnom. Lorsqu'il épousa linfanle
57, 83. Des rats, 9, 40,56. Un spectre, 31,43, Anned'Autricha, on prouva, dit Sainl-Foix,
74, elc. qu'il y avait entre eux une merveilleuse et
Or, dans cent mille personnes qui met- très-héroïque correspondance. Le nom de
taient à la loterie, il y avait cent mille rêves Loys de Bourbon contient treize lettres. Ce
différenis, et il ne sortait que cinq numéros ; prince avait treize ans quand le mariage fut
de plus, aucun système ne se ressemblait. résolu ; il étail le treizième roi de France du
Si Cagliosiro donnait pour tel rêve les nu- nom du Loys. Anne d'Autriche avail aussi
méros 11, 27, 82, un autre indiquait des nu- treize lettres en son nom son âge était de treize
;

méros tout opposés. ans, el treize infantes du même nom se trou-


vaient dans la maison d'Kspagne. Anne el
Secret pour gagner à la loterie.
Loys étaient de la même taille ; leur con-
Croirait-on que les livres de secrets mer- dition était égale ; il étaient nés la même
veilleux donnent gravement ce procédé ? Il année et le même mois.
faut avant de vous coucher réciter trois fois LOUIS XIV. Voy. Anagrambes.
la formule qui va suivre; après quoi vous la LOUIS DE HONGRIE. Peu de temps avant
mettrez sous votre oreiller écrite sur un , la mort de ce prince, arrivée en 1520, comme
parchemin vierge; et pendant votre som- il enfermé dans la citadelle de Bude-,
dînait,
meil le génie de votre planète vient vous on vit paraître à sa porte un boiteux mal
dire l'heure où vous devez prendre votre vôlu qui demandait avec grande instance à
,

billet, et vous révéler en songe les numéros. parler au roi. Il assurait qu'il avait des
Voici la formule : choses de la dernière importance à lui com-
« Seigneur montrez-moi donc un mort
, muniquer. On le méprisa d'abord, et l'on ne
mangeant de bonnes viandes, un beau pom- daigna pas l'annoncer. Il cria plus haut et
mier ou de l'eau courante, tous bons signes ; protesta qu'il ne pouvait découvrir qu'au roi
et envoyez-moi les anges Uriel, Rubiel ou seul ce dont il était chargé. On alla dire à
Barachiel qui m'instruisent des nombres
,
Louis ce qui se passait. Le prince envoya le
que je dois prendre pour gagner; par celui plus apparent des seigneurs qui étaient au-
qui viendra juger les vivants et les morts et près de lui, et qui feignit d'être le roi il de- :

le siècle par le feu. » manda à cet homme ce qu'il avait à lui


Dites alors trois Pater et trois Ave pour dire. Il répondit —
Je sais que vous n'êles
:

les âmes du purgatoire pas le roi ; mais puisqu'il méprise de m'en-


LOUDUN. Pour la possession de Loudun, lendre, diles-lui qu'il mourra certainement
voyez Grandier. L'histoire des diables de bientôt. Ayant dit cela, il disparut, et le roi

Londun est l'ouvrage d'un calviniste très- mourut en peu après (2).
effet

partial, pour ne pas dire Irès-menteur. LOUISE DE SAVOIE, duchesse d'Angou-


LOUIS 1", surnommé le Débonnaire, fils lôme, mère de François I", morte en 1532.
deCharlemagne, né en 778, mort en 840. Elle avait quelques préjugés superstitieux ,
Les astrologues jouirent, dit-on, d'une grande et redoutait surtout les comètes. Brantôme
faveur à sa cour. raconte que trois jours avant sa mort, ayant
aperçu pendant la nuit une grande clarté
A l'article de la mort , ou raconte qu'au
moment où il rtcevait la dernière bénédic- dans'sa chambre, elle fît tirer son rideau .
tion, il se tourna du côté gauche, roula les et fut frappée de la vue d'une comète. Ahl —
yeux comme une personne fâchée et pro- ,
dit-elle alors, voilà un signe qui ne paraît
féra ces mots allemands . hutz, hutz (dehors, pas pour une personne de basse qualité;
dehorsjl Ce qui fit conclure qu'il s'adres- refermez la fenêtre. C'est une comète qui
sait au diable , dont il redoutait les appro-
m'annonce la mort; il faut donc s'y pré-
ches (1). parer.
LOUIS XI , roi de France , né en 1+23 , Les médecins l'assuraient néanmoins
mort en 1483. Un astrologue ayant prédit la qu'elle n'en était pas là. Si je n'avais vu, —
dit-elle, le signe de ma mort, je le croirais,
mort d'une personne qu'il aimait, et cette
personne étant morte en effet, il crut que la car je ne me sens point si bas.

Leuaclivius, Paiidecta; lnsl. lurcic» cUurica:, p. MT.


{IJ M. Garinel, Hisl. de la magie eu Frauce, fit (i)
I1(M D:CTIO.NNAlRli DliS SCIENCES OCCULTES lO.j-

Celle comète n'est pas la seule qui ait lesmoyens pour reconnaître les bons et les
épouvanté Louise de Savoie. Gomme elle se mauvais el chasser les démons; aussi est
promenait dans le bois de Uomoranlin , la traité des extases et ravissements de ; l'es-
nuit du 28 août i5ik, elle en vil une vers sence, nature et origine des âmes, et de leur
l'occident , et s'écria Les Suisses
: — les 1 état après le décès de leur corps; plus des
Suisses 1 magiciens et sorciers de leur communica- ;

Elle resta persuadée que c'était un aver- tion avec les malins esprits; ensemble des
tissement que le roi serait en grande affaire remèdes pour se préserver des illusions et
contre eux (1]. impostures diaboliques. Paris, chez Nicolas
LOUP. Chez les anciens Germains et chez Buon, 1603, 1 vol. in-4''.
les Scandinaves diable ou le mauvais
, le Ce volume singulier est dédié Deo optimo
principe était représenté par un loup énorme maximo est divisé en huit livres, comme
; il

cl béant. l'annonce qu'on vient de lire. Le pre-


le titre
A Quimper, en Bretagne les habitants , mier contient la définition du spectre, la ré-
niellent dans leurs champs un trépied ou un futation des saducéens, qui nicnl les appari-
couteau fourchu, pour garantir le bétail des tions et les esprits; la réfutation des épi-
loups et aiitres bêtes féroces (2). curiens , qui tiennent les esprits corpo-
Pline dii que si un loup aperçoit un homme rels , etc.
avant qu'il en soit vu, cet homme deviendra Le livre second traite, avec la physique du
enroué et perdra la voix fable qui est restée
;
temps, des illusions de nos sens, des prestiges,
en vigueur dans toute l'Italie. des extases et métamorphoses des sorciers,
En Espagne, on parle souvent de sorciers des philtres.
qui vont faire des courses à cheval sur des Le troisième livre établit les degrés, char-
IcMips, le dos tourné vers la tête de la bête, ges, grades et honneurs des esprits ; les his-
parce qu'ils ne sauraient aller autrement à toires de Philinnion et de Polycrite, el di-
eause tie la rapidité. Ils font cent lieues par verses aventures de spectres et de démons.
heure; car ces loups sont des démons. La Dans suivant, on apprend à quelles
le livre
queue de ces loups est raide comme un bâ- personnes spectres apparaissent; on y
les
ton, et il y a au bout une chandelle qui parle des démoniaques, des pays où les
éclaire la route. spectres el démons se montrent plus volon-
Il n'y a pas un homme à la campagne qui tiers. Le démon de Socrale , les voix pro-
ire vous assure que les moutons devinent à digieuses, les signes merveilleux, les songes
l'odorat la présence du loup ; qu'un troupeau diaboliques ; les voyages de certaines âmes
ne franchira jamais le lieu où l'on aura en- hors de leur corps tiennent place dans ce
lerré quelque portion des entrailles d'un livre.
loup; qu'un violon monté avec des cordes Le cinquième traite d« l'essence de l'âme,
tirées des intestins d'un loup mettrait en de son origine, de sa nature, de son état
fuite tout le bercail. Des hommes instruits et après la mort, des revenants.
sans préjugés ont vérifié toutes ces croyantes Le livre sixième roule tout entier sur l'ap-
et en ont reconnu l'absurdité. Kirker a ré- parition des âmes; on y démontre que les
pété à ce sujet des expériences démonstra- âmes des damnés el des bienheureux ne re-
tives il a même poussé l'épreuve jusqu'à
;
viennent pas mais seulement les âmes qui
;

suspendre un cœur de loup au cou d'un mou- souffrent en purgatoire.


Ion, et le pacifique animal n'en a pas moins Dans le septième livre, on établit que la
hrouté l'herbe (3). Yoy. Oraison du loup, pylhonisse d'Endor fil paraître un démon
ErREUHS PltPCLAlRES, CtC. sous la figure de l'âme de Samuel. Il est traité
LOUP-GAllOC, ou LYCANTHROPE, en ce livre de la magie, de l'évocation des
homme ou femme métamorphosé en loup par démons, des sorciers, etc.
enchantement ou sorcellerie. Voy. Lycan- Le dernier livn; est employé à l'indication
rnnopiE. des exorcismcs, fumigations, prières et autres
LOUVIERS (Possession de). Voy. Picard. moyens anti-diaboliques. L'auteur , qui a
LOYER (Pierre le), sieur de la Brosse, rempli son ouvrage de recherches et de
conseiller du roi au siège présidial d'Angers, science indigérée, combat le sentiment ordi-
et démonographe, né à Huillé dans l'Anjou, naire qu'il faut donner quelque chose au
en 1330, auteur d'un ouvrage intitulé Dis- :
diable pour le renvoyer.
cours el histoires des spectres, visions et ap- « Quant à ce qui est de donner quelque
paritions des esprits, anges, démons et âmes chose au diable, dit-il, l'exorciste ne le peut
se montrant visibles aux hommes; divisé en faire, non pas jusqu'à un cheveu do la tête,
huit livres, desquels, par les visions mer- non pas jusqu'à un brin dherbe d'un pré ;

veilleuses et prodigieuses apparitions ave- car la terre et tout ce qui habile en elle ap-
nues en tous les siècles, tirées el recueillies partient à Dieu. »
des plus célèbres auteurs tant sacrés que LUBIN. C'est le poisson dont le fiel ser-
profanes , est manifestée la certitude des vit au jeune Tobio pour rendre la vue à sou
spectres et visions des esprits, et sont baillées père. On dit (]uil a coiilre l'ophllialmie une
les causes des différentes sortes d'appari- grande puissance, et que son cœur sert ^
lions d'iceux, leurs effets, leurs différences, chasser les démons (4).
(tl M. Weiss, Biograptiie universelle. (l) Lelover, HIsl. des snoclres-ou anparit. des esiiiiis,
ii) Voyage au Finistère, t. llf, p. 33. liv VUl, p. S53.
(3) Saisufs, Des Erreurs el des préjugés , t. 1", p, 9.
<03' IXG LL'L m*
F.UClîSME, démon invoqué dans les lita- funèbre ne se fait entendre que
nuit; ce la
nies du snbbnt. qui respecter des naturels, qui sonl
le fait
LUCIEN, écrivain grec donl on ignore l'é- persuadés qu'il est chargé de leur a|)porler
poque de la yie et de ta mort. On a dit qu'il (les nouvelles des morts. Léry voyageur ,

fut cliangé en âne, ainsi qu'Apulée, par !es français, raconte que, traversant un village,
sorciers de Larissc, qu'il était allé voir pour il en scandalisa les habitants pour avoir ri
essayer si leur art magique était visible; de de l'alteniion avec laquelle ils écoutaient le
sorte qu'il devint sorcier. cri de cet oiseau. —
Tais-toi, lui dil rude-
LUCIFER, nom de l'esprit qui préside à nient un
vieillard , ne nous empêche pas
l'orient, selon l'opinion des magiciens. Lu- d'entendre les nouvelles que nos grands-
cifer était évoqué le lundi, dans un cercle pères nous envoient.
au milieu duquel était son nom. Il se con- l.ULLE (Raymond), l'un des maîtres le
tentait d'une souris pour prix de ses com- plus souvent cités de la philosophie herméti-
plaisances. On le prend souvent pour le roi ()up, et l'un des savants les moins connus
(les enfers. Lucifer coiuinande auxEuropéens du moyen âge. Nous emprunterons ce que
et aux Asiatiques. 11 apparaît sous la forme nous allons eu dire à un travail très- remar-
et la figure du plus bel enfant. Quand il est quable de M. E.-J. Dclécluze.
en colère, il a le visage enflammé, mais ce- «Raymond Lulle , dit-il, fut le dernier
pendant rien de monstrueux. C'est, selon dos grands chimistes du treizième siècle qui
quelques démonographcs, lo grand justicier étudia la science avec bonne foi et désinté-
des enfers.Il est invoqué le premier dans ressement. A compter de 1330 à peu près, les
les litanies (^u sabbat. dupes et les fripons commencèrent à se mê-
LUCIFERIENS, nom donné aux partisans ler de la transmutation des métaux , les uns
de Lucifer, évéque schismalique de Cagliari, dans l'espérance de produire de l'or, les au-
au quatrième siècle. tres pour faire accroire qu'ils posséilaitut le
LUCUM0RIEN8, sujets du czar de Mosco- secret du grand œuvre, et bientôt l'alchimie
vie, qui, à l'instar de la marmotte , depuis devint à la mode dans toutes les classes de
le mois d'octobre jusqu'à la fin du mois d'a- la société. Cependant l'cngouementgénéral
vril suivant, demeurent comme morts, au cessa peu à peu et la chimie, qu'Arnaud de
,

4ire de Leloyer (1). Villeneuve et Raymond Lulle avaient lancée


LUDL.\M , sorcière , fée ou magicienne dans une si bonne voie, ne fit plus de pro-
très-fameuse, dont les habilanls du comté de grès jusqu'au commencement du xvir siècle.
Surrey, en Anglelerre pl.icenl l'habiiation
,
Entre Raymond Lulle et Bernard Palissy,
dans une caverne voisine du ciiâieau de Farn- cette science resla à peu près slationnaire...
ham, connu dans le pays sous le nom du Lu- « Raymond
Lulle naquit à Palma, capitale
dlam's Hole, caverne de la mère Ludlam. La de l'Ile Majorque. Lorsqu'en 1231 le roi d'A-
tradition popul.iire porte que cette sorcière ragon Jean ou Jayme I" assembla les corlèg
n'était point un de ces êtres malfaisants qui et lit connaître à ses vassaux le dessein qu'il
Uennenl une place distinguée dans la démo- avait de chasser les Maures de l'île de Major-
nologie; au contraire, elle faisait du bien à que, un certain Raymond Lulle, père du chit
tous ceux qui imploraient sa protection d'une misle, du docteur illuminé, qui nous occu-s
manière convenable. Les pauvres habitants pe, se présenta pour faire partie de cette
du voisinage, manquant d'ustensiles de cui- expédition, pendant laquelle il se distingua
sine ou d'instruments de labourage, n'avaient en effet par sa bravoure. Après la conquêla
qu'à lui manifester leurs besoins, ils la trou- et l'expulsion des Maures, Jean d'Aragon fit
vaient disposée à leur prêter ce qui leur était la vente des terres. Raymond Lulle en acheta

nécessaire. L'homme qui voulait avoir un de une assez grande quantité et s'y établit. Re-
ces meubles se rendait à la caverne à mi- vêtu d'emplois honorables et lucratifs, il ne
nuit, en faisait trois fois le tour, et disait larda pas à se créer des revenus considéra-i
ensuite —
Bonne mère Ludlam, ayez la
:
blés, ce qui l'engagea à faire venir d'Espa-
bonté de m'envoyer telle chose; je vous gne sa femme, donl la couche avait été jus-
promets de vous la rendre dans deux jours. que-là stérile, et dont il eut un fils en 123â,
Cette prière faite, on se relirait; le lende- « L'éducation de cet enfant se ressentit dq

main, de grand matin, on retournait à la ca- la position où se trouvaient son père et toulu

verne, à l'entrée de laquelle on trouvait la sa famille. Quoique spirituel et fort intelli»


chose demandée. gent, apprit peu de choses, et céda dQ
il

Ceux qui invoquaient la mère Ludlam ne bonne heure à toutes les fantaisies et aux
se montrèrent pas toujours aussi honnêtes désordres que pouvait se permettre impuné-
qu'elle un paysan vint la prier une fois de
:
ment le fils d'un des conquérants de ri:e , à
lui prêler une grande chaudière, et la garda qui des dépenses folles ne coûtaient rien.
plus longtempsq u'il ne l'avait promis.La mère Celte vie oisive et désordonnée inspira des
Ludlam, offensée de ce manque d'exactitude, inquiétudes à son père, qui lui fit contracter
refusa de recevoir sa chaudière lorsqu'on la un mariage brillant dans l'espoir de l'amener
lui rapporta, et depuis ce temps elle se venge à une conduite plus régulière. Le jeune Ray-
en ne se prêtant plus à aucune des demandes mond, qui, en raison des services rendus à
qu'on lui fait (2). Jean d'Aragon par son père , avait été fait
LUGUBRE, oiseau du Brésil, dont le cri sénéchal de l'île et majordome du roi,,épousa
(1) Leiovcr, Hisl. des spectres ou npparil. Je» csprils. (î) M Noël, Uiciionnaire de la F.able.

liv.lV, p. '455.
1055 DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. !()5d

une nob!e et riche héritière, nommée Cathe- neuf années qu'il passa sur la montagne de
rine Labots, dont il eut trois enfants, deux, Randa, il s'était déjà livré à la composition
fils et une Malheureusement les soins
filif. de plusieurs ouvrages importants, puisque
de la famille n'apportèrent aucun chango- après avoir fait un court séjour à Montpel-
rocnt dans la conduite dellaymond Lullc, et lier, il de trente-neuf ans, à Pa-
vint, à l'âge
il n'en passai! pas moins son temps à dissi- ris, où publia différents traités de philo-
il

per une partie de sa fortune en bals, en fê- sophie, de médecine, d'astronomie et d'autres
tes et en banquets. sciences....
« Converti à la suite d'une vision qui le
(
« Raymond Lulle, dans sa cinquante-sep-
frappa dans son sommeil) , il se sépara de tième année, avait atteint un âge où le corps
sa femme et de ses enfants; après avoir dis- et l'esprit de la plupart des hommes devien-
posé d'une partie de ses biens pour l'entre- nent ordinairement paresseux et stériles.
tien de sa famille, il en distribua le reste aux Cependant, grâce à l'énergie de son âme, et,
pauvres, et prit le parti de renoncer au mon- il faut bien le supposer, à la force de son
de. Ce grand événement dans la vie de Ray- tempérament ce ne fut qu'à dater de celle
,

mond Lulle eut lieu en 1267, lorsqu'il avait époque qu'il entra réellement dans la dou-
atteint sa trente-deuxième année. ble carrière de missionnaire et de savant
« Près des maisons élégantes dans lesquel- qu'il parcourut toujours avec tant de cou-
les avait mené jusque-là sa vie dissipée»,
il rage, et souvent avec supériorité.
était la montagne de Ilanda dont il avait
, a Gênes paraît avoir été pour lui le point
conservé la propriété , et au sommet de la- central de ses opérations et de ses voyages.
quelle il se proposait de se retirer; mais, En quittant Tunis, il revint dans cette ville,
avant de se livrer à la retraite et à la péni- d'où, après quelques mois de repos employés
tence, il Qt d'abord un pèlerinage à Saint- à perfectionner sa méthode, il partit pour
Jacques de Compostelle en Galice. A son re- Naples et y enseigna publiquement sa nou-
tour, et lorsqu'il se retira effectivement sur velle introduction aux sciences, autre forme
le mont Randa, vêtu de l'habit des frères mi- de son grand art.
neurs, et abrité seulement par une cabane « Cette époque (1263) fut marquée par un
qu'il avait construite lui-même, toute la ville événement très-important dans la vie scien-
de Majorque, sans en excepter les personnes tifique de Raymond Lulle. A Naples, où il
de sa famille, jugea qu'il était devenu fou , n'était venu que dans l'intention de répan-
et l'ou ne fit bientôt plus guère attenUon à dre ses doctrines, il retrouva un homme fort
son nouveau genre de vie, auquel il se con- célèbre, avec lequel il avait eu déjà des re-
forma rigoureusement pendant neuf ans. lations à Montpellier et à Paris, Arnaud de
« Quoique dans cette retraite il eût de fré- Villeneuve, le plus savant chimiste de ce
quentes visions et qu'une bonne partie de temps. Il s'en fallait bien que Raymond
son temps fût consacrée à des devoirs reli- Lulle fût précisément étranger à l'art de la
gieux et à des actes de pénitence, cependant transmutation des métaux : en lisant les
c'est du fond de cette cellule de Randa que auteurs arabes dans sa solitude de Randa ,

Raymond forma le projet de travailler acti- il avait née ssairement acquis des connais-
vement à la conversion des infidèles, et sur- sances théoriques sur cette matière; mais il
tout des sectateurs de Mahomet; c'est alors lui manquait la pratique, il n'était pas en-
qu'il commença à se livrer aux études gram- core artiste, lorsqu'en se trouvant avec Ar-
maticales et scientifiques qu'il regardait naud de Villeneuve à Naples, il prit goût à
comme indispensables à l'accomplissement cette science, se lia d'amitié avec le savant
de son vaste et hardi projet. En lisant les chimiste, reçut de lui des conseils, et même,
livres des Arabes, les seuls où l'on puisât à ce que l'on dit, le secret de la transmuta-
alors la plupart des connaissances scientifi- tion des métaux et l'art de faire de l'or.
ques sur tous les sujets Raymond Lulle se Quelles que soient l'importance et la réalité
familiarisa avec leur idiome , et acquit une de ces prodigieuses confidences, le résultat
érudition immense qui prépara son esprit à des entretiens scientifiques d'Arnaud de Vil-
s'occuper de toutes les matières, et le dispos,! leneuve avec Raymond Lulle à Naples fut
à embrasser l'ensemble des connaissances que le missioiiuaire devint aussi habile chi-
que l'homme peut acquérir. miste que son maître.
« Après neuf ans de retraite et d'études , « On n'a sans doute pas oublié la distinc-
Raymond Lulle, sentant sa foi religieuse et tion que j'ai établie en commençant entre
ses connaissances scientifiques solidement les alchimistes et les chimistes. Raymond
affermi&s, crut qu'il était temps de se rendre Lulle était de ces derniers, et sans m'enga-
agréable à Dieu et utile au monde en cher- ger ici dans une histoire de la science her-
chant à mettre en pratique tout ce qu'il avait métique, je dois cependant, pour faire con-
appris, tout ce qu'il avait conçu. Son idée naître le rang que notre missionnaire y
dominante, comme celle de tous* les hommes occupe, indiquer les noms et les travaux dos
distingués de cette époque, était de convertir hommes les plus distingués qui font pré-
le& infidèles , de réfuter et de détruire les cédé dans les études chimiques depuis le
principes de l'Alcoran, et de répandre la foi VIII' siècle.
chrétienne en opposant les vérités Ihéologi- « Cette science, déjà connue dans l'anti-
ques, soutenues par la démonstration scien- quité, fut transmise aux Européens par les
tifique, aux erreurs des enfants de Mahomet. Arabes. Le plus ancien chimiste de celte na-
«11 est vraisemblable ijuc, pendant les tion, parmi les véritables savanls^est GeUep>
,

f()-7 I.UL (XL 105'<

iiui 730 de notre ère. Il reslo


vivait vers l'an leurs, comme celle qui anima Roger Racoti
(le lui un assez grand nombre d'ourragcs, et Raymond Lulle, lui faisait voir dans l'é-
dont les plus importants sont 1° Somme île : tude des sciences physiques un moyen d'af-
1.1 perfi'clinn du grand œuvre, Summa pnr- fermir les bases sur lesquelles devait reposer
fectionis magisterii; 2" Livres de la recher- la théologie, et une occasion d'augmenter et
che du grand œuvre, Lihri invesiigalionis de perfectionner les armes intellectuelles
magisterii ; 3" enfin le Testament de Gelier, destinées à combattre et à détruire les er-
philosophe et roi de l'Inde, Testamenttim Ge- reurs de Mahomet.
bri philosophi et Indice régis. Le premier ou- « C'est donc sans étonnement que l'on doit
vrage traite de l'essence, des espèces diver- voir le nom de saint Thomas d'Aquin ad-
ses, de la sublimation et calcinatioa des joint à celui du chimiste Albert le Grand,
minéraux, des préparations qu'on pont leur dont il devint l'élève favori, tors(|u'il lui fut
faire subir et de l'emploi de c;'s corp-; dans confié à Cologne par Jean le Teuloniquc,
les opérations chimiques. Le second donne quatrième général de l'ordre des domini-
une suite de receUes pour obtenir les sels cains. Sous ce maître, Thomas apprit non-
de toutes les substances minérales qui en seulement la théologie , mais parcourut le
oonliennent ou en produisent. Le troisième cercle des sciences, et se garda bien d'omet-
traite encore des sels, mais plus particuliè- tre la chimie.
rement de la calcinalion des métaux (1). « Roger Bacon, le moine anglais, contem-
« Rha/cs médecin, chirurgien et anato-
, porain d'Albert, de Thomas et de Raymond
mislc, arabe de naissance, mort en 922 de Lulle, suivit la môme direction qu'eux, et
noire ère tient encore une place éminente
, au nombre de ses écrits, tous destinés à con-
parmi les chimistes de son pays et de son solider la théologie et à combattre les doc-
temps. II passe pour êlre le premier qui ait trines mahométanes, se trouve un traité de
fait mention de l'eau-de-vie, arak. Son livre chimie, Spéculum alchemiœ (2).
intitulé Préparation du sel ammoniac, est
: « Alain, natif de l'Isle, dans les Pays-Bas,
cité par les savants comme une œuvre très- moine de Clairvaux et évéque d'Auxerre en
remarquable et dans le cours de ses traités
;
1 151, surnommé le docteur universel, à cause

sur la médecine, on peut acquérir la convie- (le la variété de ses connaissances, cultiva

lion que ce célèbre praticien avait fait de également la chimie et s'occupa de la trans-
fréquentes applications de ses connaissances mutation des métaux dans des intentions
chimiques à la pharmacologie. La nature pieuses.
de ses études l'avait également conduit à « Un seul homme en ce temps semble
s'occuper de la transmutation des métaux. s'être écarté du principe exclusivement reli-
» Vient ensuite, mais près de deux siècles gieux qui servit de règle à tous les autres
plus tard, Albert le Grand, issu d'une très- savants. Arnaud de Villeneuve, né en Pro-
noble famille, et né à Lawingcn dans le , vence, mérita pins d'une fois les censures
duché deNeubourg, en Souabe, l'an 1193. de l'Eglise, et risqua même d'être frappé de
Dès l'âge de vingt-deux ans, il était entré ses foudres.
dans l'ordre des dominicains sa piété et sa ; « Le peu de détails que l'on ail sur les
vertu le firent nommer évéque de Ratisbonne relations scientifiques qui s'établirent entre
en 12C0. Cet homme, dont les traditions po- ces deux hommes , se trouvent épars dans
pulaires ont fait jusqu'à nos jours une es- les écrits de Raymond Lulle. Il dit, par exem-
pèce de thaumaturge et de sorcier, fut re- ple, dans celui de ses livres intitulé : Mon
marquable au contraire par la profondeur Codicille: ie crus témérairement qu'il me
tu

de sa science et le calme de sa raison. Con- serait possible de pénétrer cette science (la
formément à la disposition de tous Us es- chimiejsans le secoursde personne, jusqu au
prits élevés de son temps, il s'appliqua aux jour ou Arnaud de Villeneuve, mon maître,
éludes encyclopédiques et ne négligea pas , me la fil connaître en me prodiguant tous les
la transmutation des métaux. Cependant son trésors de son esprit. » Dans le livre des Ex-
principal ouvrage Des minéraux et des
: périences, on trouve encore ce passage « Je :

substances minérales [De Mineralibus et ré- n'ai pu fixer ces huiles, jusqu'à ce que mon
bus mctallicis) fornie un traité dans lequel
,
ami Villeneuve m'eût enseigné à faire celte
le savant expose et discute les opinions des expérience. » Mais le document de ce genre
chimistes de l'antiquité et de l'école arabe le plus curieux est la treizième expérience
avec une précision de critique et un calme du livre intitulé : Expérimenta. On lit eu
scientifique qui ne justifient guère les légen- lèle du chapitre : Expérienct treizième d'Ar-
des absurdes recueillies par ses biographes. naud de Villeneuve, qu'il me fit connailre à
Loin de se donner comme ayant des res- Naples, et le chapitre contient toutes les
sources surnaturelles et pour un inventeur opérations chimiques au moyen desquelles
de secrets Albert le Grand guidé par l'ob-
, ,
on obtient d'abord la pierre philosophale
servation et esclave des expériences qu'il puis de l'or (3)...
avait eu souvent l'occasion de faire dans son Mais revenons au récit de la vie de R.:y-
><

pays si riche en mines , fut au contraire un inond Lulle. Raymond avait obtenu, en 1311,
savant plein de discrétion et de prudence, un deux succès importants. D'abord le papeClé-
philosophe vraiment sage. Sa piété, d'ail- nient V, Philippe le Bel et Jayme II av.iient

dans la Bibliotfteea pag 613.


(1) Ces trois ouvrages se trouvent
cliimica curiota. de Mauget, toni. l",i)ag. 319-564. (3; Voyez Rihliotheca cliimica de Maugel, tom. 1", p.ng.

U) Il se irouvc fiansh ViblioUièqiie deMauget, lom. I'', jjii et suif.


rw DICTIONNAIRE DES SCIENCES OCCULTES. lOCO

établi des écoles pourlangues orientales;


les prince ne voulait en faire usage que pour la
puis rUniversilc de Paris, par un acte au- cause sainte, tandis qu'au contraire Edouard,
thenliqup, adoptait et recommandait l'usage gouverné par des favoris et passant ses ,

de sa méthode cl lie ses doctrines. Aussi l'es- jours dans l'oisiveté et les délices ne pré- ,

poir de ruiner les doctrines de Mahomet ot tendait user de la science du chimiste que
d'y substituer celles du christianisme était- pour faire face à ses profusions. Dans ce
il devenu plus vit que jamais dans son connu de passions si contraires le zèle du ,

cœur. missionnaire et la cupidité du roi, il est dif-


«A partirdecclle époque, son existence dé- ficile de déterminer le(|uel des deux a été le
jà si aventureuse, va ledeveiiir encore davan- plus dupe mais ce que l'histoire rapporte ,
;

tage. Le théologien, le philosophe va nous et ce que Raymond affirme dans son Dernier
apparaître pendant dix-huil-mois (mars 1312 Testament , c'est le succès d'une expérience
— octobre 1313), comme un adepte de la qui tendait à convertir en une seule fois en
science hermétique exclusivement occupé
, or cinquante mille pesants de mercure, de
de chimie et de métallurgie. plomb et d'étain Converti in una vice, in
:

« L'Université de Paris , arbitre suprême aurum, ad L millia pondo argenti-vivi,plumbi


alors par toulel'Europe en matièredcscicnce, et stanni.
avaitaccrusingulièrementla célébrité du doc- Edouard, beaucoup plus curieux de voir
« .

teur illuminé, en approuvant ses doctrines. le résultat des opérations du chimiste que
Tous les souverains désiraient le voir et l'en- préoccupé de l'emploi sacré que le mission-
tretenir. Comme il était encore à Vienne, naire prétendait que l'on en fît, reçut Ray*
où se tenait le concile, il reçut des lettres mond Lulle en le comblant de caresses et
d'Edouard H ou V (1). roi -d'Angleterre, et d'honneurs. Jean Grenier, abbé de West-
de Robert Bruce, roi d'Ecosse, par lesquelles minster, contemporain de Lulle et qui , ,

chacun de ces souverains l'invilail à se ren- comme lui, s'adonnait à l'étude de la chimie,
dre près de lui. R.iymond LuUe, dont 1 idée a laissé dans son Testament des détails sur
fixe était la conquête de la terre sainte et la celte réception ('). « J'introduisis, dit-il, cet
ruine de la loi de Mahomet, se persuada, en homme unique en présence du roi Edouard,
recevant les lettres flatteuses de ces deux qui le reçut d'une inanière aussi honorable
princes, qu'ils voulaient se servir de lui pour que polie. Après être convenus ensemble do
combiner cl entreprendre quelque nouveau ce qui devait être fait , Raymond Lulle se
projet contre les infidèles de la Palestine. montra extrêmement satisfait de ce que là
Malgré ses soixante dix-sept ans, il passa divine Providence l'avait rendu savant dans
donc en Angleterre et se mil à la discrétion un art qui lui permetlail d'enriihir le roi. Il
d'Edouard. La réalité de ce voyage a été con- promit donc, au prince de lui donner toutes
testée par les auteurs Espagnols, qui, en écri- les richesses qu'il désirerait, sous la condi-
vant la vie de Raymond, se sont clToreés de tion seulement que le roi irait en personne
faire croire qu'il ne s'était jamais occupé de faire la guerre aux Turcs, que les trésor* ne
chimie; on ne peut cependant, à ce sujet, seraient employés qu'aux frais qu'occasion-
concevoir aucun doute (2). Outre les lettres nerait celle entreprise et que sans égard
,

du savant sur les opérations du grand œuvre, pour aucun orgueil humain , cet argent ne
adressées au roi Edouard en 1312 (3j, il y a servirait jamais à intenter des querelles aux
un passage d'un de ses livres intitulé Com- princes chrétiens. Mais, ô douleur! ajoute le
pendium Iransmutaliunis anitnœ,où, en par- pieux abbé qui ne fut pas moins dupe que
,

I ni de certaines coquilles qu'il eut occasion son ami Lulle en cette occasion, toutes ces
d'observer, il dit 1 idiinus isla
: omnin dum promesses furent indignement violées. »
ad Angliam transiimus propter inlercessionem « Jean Crcmer donna d'abord une cellule
do)ninire(/is Edoardi illustrissimi. J'ai vu — à Raymond, dans le cloître de l'abbaye de
ces choses lorscjueje passais en Angleterre, Westminster, d'où, dit-on, il ne se retira
d'après la prière que m'en avait faite le très- pas en hôte ingrat; car long-temps après sa
illustre roi Edouard. mort en faisant des réparations à la cellule
,

« Si le fait du voyage est avéré, il faut con- qu'il avait habitée, l'architecte chargé de ce
venir que le peu que l'on sail sur son séjour travail y trouva beaucoup de poudre d'or,
à Londres est enveloppé d'un assez grand dont il lira un grand profit.

mystère. D'après le témoignage de quelques « Mais son royal patron, impatient de voir
écrivains anglais, il paraîtrait que Raymond les résultats de la science de Raymond, lui
Lulle fut employé à faire de l'or et à sur- donna un logement dans la Tour cle Londres.
veiller la fabrication de la monnaie en An- La simplicité d'âme du missionnaire ne lui
gleterre. On dit que toujours préoccupé de
, permit pas d'abord de s'apercevoir de la pré-
l'idée de reconquérir la terre sainte, Ray- caution maligne qui couvrait celte politesse
mond se fil illusion sur les véritables motifs royale , et il se mit à faire de l'or, dont on
qui donnaient à Edouard le déïir de possé- ballit monnaie. Jean Crcmer affirme le fait,
der de grandes richesses. 11 s'imagina que ce et Camden , dans ses Antiquités eccle'siasli-

(1) \oyet, dans Y Art de vérifier les dates, la double ma- de Mauget.
nière de compter les Edouard d'Anctoterre.
(4) Cet ouvrage, Cremeri abhatis Weumoitaiteriensii
fi) Vida y liechos del admirable dolor y marti/r tiamoiit Teslameiitum,se trouve dans hilusavm liermencum, \»-i°
Luit de itatlorca, por et dolor Juan Seguv, canoiiigu de
Mallurca ; eu Mallorca, ano l(i06.
Francfort, 1677 78. —
l^.ainden, dans ses Hloiiwnenls ecclé-
' sittitiqiies, donne aussi des détails sur le séjour de Ray-
(5) Voy. lom. 1", pag. 863 de la Bibliothèque chimique mouU Lullo eu Angleterre.
J((5t LUI. LtJL <4i«9

ques , (iil piénisémonl que les pièces d'or traction, il sortit loul à coup des retraites
nommées nobles à la rose , et. fabriquées au qu'on lui ménageait, et se mit à prêcher pu-
temps opéra-
d'Eiloiiaid, son! le produit des bliquement l'Evangile.
tions chimiques que Raymond Lullc fit dans « Par cet acte de témérité, Raymond Lulle
la Tour de Londres. espéra-t-il entraîner la population de Bougie
« Lorsque cet important travail fut ter- à lui, ou son but en cette occasion ne fut-il,
miné et que Raymond put reprendre le
, contme le disent ses panégyristes , que do
cours de SCS éludes habituelles, il ne tarda terminer sa carrière apostolique en méritant
pas à s'apercevoir que son logement à la la palme du martyre ? C'est ce que Dieu seul
Tour était une prison , et que le roi le rete- peut savoir. Quoi qu'il en soit, aussitôt que
nait pour Malgré ses
satisfaire sa cupidité. la populace le vit et l'entendit prêcher à
soixante-dix-huit ans, il rassembla tout son haute voix la foi chrétienne, elle le chargea
courage, et au moyen d'une barque s'étant d'injures et bientôt de coups. Environné par
échappé par la Tamise il parvint à s'em- ,
une multitude dont le cercle, en s'avançint
barquer sur un bâtiment qui le conduisit à sur lui, se rétrécissait de plus en plus, Ray-
Messine. C'est en celle ville qu'il composa mond Lulle recula pas à pas jusqu'au ri-
sou livre des Expériences [ExperiinenCa), où vage, contenant encore la fureur des musul-
se trouve ce passage , faisant allusion à sa mans par son aspect vénérable, parla fer-
captivité et à la mauvaise foi du prince an- meté de sa parole et surtout par l'insou-
glais : « Nous avons opéré cela pour le roi ciance (ju'il montrait pour le danger. Mais
d'Angleterre, qui feignit de vouloir com- le souverain du pays n'apprit pas sans in-
battre contre les Turcs, et qui combattit en- quiétude avec quel calme héro'iqnc Raymond
suite contre le roi de France. Il me mit en parlait à la populace furieuse. Il anima ceux
prison ; cependant je m'évadai. Gardez-vous des habitants qui étaient restés éirangers à
d'eux, mon flis 1 » celte scène, en leur représentant l'injure que
« ne restait plus à cet homme extraor-
Il l'on faisait de Mahomet, et bientôt
à la loi
dinaire qu'une année à vivre; voici com- tout ce qu'il y avait de pieux musulman.s
ment il l'employa de Messine il revint à : à Bougie se porta sur la plage vers laquelle
Majorque sa patrie, où, ayant pris le seul 11! missionnaire était toujours repoussé. En-

genre de repos qui lui convînt, c'est-à-dire fin, plusieurs pierres jetées à Raymond Lulle
ayant composé plusieurs ouvrages, il forma au même moment le forcèrent de fléchir, et
la résolution d'entreprendre encore un grand il tomba sur la grève, où cependant il fit un

voyage en Afrique, pour prêcher les doctri- dernier effort pour se relever el dire quel-
nes chrétiennes, visiter ceux de ses disciples ques mots. Alors la populace furieuse se jeta
qu'il avait laissés en Palestine et sur le lit- sur lui, l'accabla de coups et le laissa pour
toral de l'Afrique, et enfin pour travailler de morl.
nouveau à la conversion des Turcs. Ce fut La nuit tombait, el son corps resta sur
«
un spectacle bizarre et attendrissant tout à le rivage. Pendant toute la durée de celle
la fois que de voir ce vieillard de soixante- scène terrible, aucun des convertis, ei en-
dix-neuf ans résistant aux prières et aux core moins les chrétiens d'Europe qui se
larmes de ses amis, de ses parents et de ses trouvaient à Bougie, n'avaient osé défendre
compatriotes, qui tous, en le voyant partir Raymond Lulle, ou même intercéder en sa "
sans espérance de retour, se réunissaient faveur. Cependant quelques marchand» gé-
pour le conjurer de mourir aux milieu nois, désirant donner à son corps les hon-
d'eux. Uien ne put ébranler sa volonté ni neurs de la sépulture, vinrent dans une bar-
son courage, et il partit. que, pendant la nuit, pour l'enlever du ri-
« Il ne faut rien moins quo l'attestation di; vage. Comme ils se disposaient à remplir ce
plusieurs écrivains recommandablcs pour pieux devoir ils s'aperçurent que Raymond
ajouter foi à ce que l'on dit de sa dern ère Lulle n spirait encore. Au lieu d'aller pren-
mission apostolique. Il débarqua en Egypte, dre terre pour faire l'inhumation, ils se diri-
alla jusqu'à Jérusalem, puis revint à Tunis. gèrent aussitôt vers leur navire , et mirent
Là, toujours sous le poids d'une cond.imna- a la voile pour Majorque, dans l'intention de
tion à mort, il visita les amis, les disciples reconduire le saint martyr dans sa patrie.
qu'il avait précédemment instruits dans la Mais le reste de vie que conservait Raymond
religion chrétienne, les exhortant à persé- dura peu, et, comme le vaisseau était en vue
vérer dans leur croyance, et leur enseignant de l'île saint el savant homme rendit
, le
par son exemple à braver les fatigues et la l'esprit, le 29 juin 1315, à l'âge de quatre-
mort même , pour la gloire de Dieu et le vingts ans. »
triomphe de la foi chréliinne. Dès qu'il crut Le savant auteur de la belle el curieuse
élrecertain d'avoir affermi le couragedes nou- notice qui nous a fourni ces fragments la
veaux chrétiens de Tunis, il se dirigea vers termine ainsi :
Bougie pour prendre les mêmes soins auprès
« Les chimistes d s xi*, xii* et xui" siècles
des disciples qu'il avait formés. Dans cette
é:aieiit-ils des fous, cl la transmutation des
ville ainsi ((ue dans l'autre, sa tôle était mise
métaux est-elle une opération impossible ?
à prix. Cependant , après s'être conformé
pendant quelques jours aux précautions ne m'appartient pas de traiter une pa-
« Il

d'une pieuse prudence, afin de s'assurer que reillequestion, el je me bornerai à rapporter


les chrétiens de Bougie étaient demeurés à ce sujet les paroles d'un des chimistes les
fermes dans leur foi , purs dans leur ins- plus éclairés de uos jours S'il ne sort de ; —
mi DICTIONNAIUK DES SCIENCES OCCULTES m^
ces rapproclicmonts , dit M. Dumas (1), au- étaient satiriques; peut-élrc plus tard nous
cune preuve (le la possibilité d'opérer dos donnera-l-on quelques détails de mœurs sur
transmulalions dans les corps simples, du les habitants de la lune qu'on vient de dé-
nïoins s'opposenl-ils à ce qu'on repousse couvrir et de décrire.
celle idée comme une absurdité qui serait « Après être entré dans quelques détails
démontrée par l'état actuel de nos connais- sur la topographie de la lune, et avoir dé-
sances. » crit une belle vallée dans lanuelle se trou-
LUMIÈRE MERVEILLKUSE. Prenez — vent des moutons seiublatdes aux nôtres,
quatre onces d'herbe appelée serpentinette, l'auteur arrive à la description des êtres qui
meltez-la dans un pot de terre bouché, puis liabilcnt cet astre. Ils avaient, dit M. Grant,
faites-la digérer au ventre de cheval, c'est-à- taille moyenne quatre pieds de haut ils
, ;

dire dans le fumier chaud, quinze jours ; étaient couverts, excepté à la face, de longs
elle se changera en de petits vers rouges , poils touffus comme des cheveux, mais bril-
desquels vous tirerez une huile selon les lants et couleur de cuivre; ils avaient des
principes de l'art ; de celle huile vous gar- ailes composées d'une membrane très-mince
nirez une lampe, et lorsqu'elle sera allumée qui pendaiei»t derrière leur dos très-coiifor-
dans une chambre, elle provoquera au som- lablemenl, depuis le haut des épaules jus-
meil et endormira si profondément ceux qui qu'au mollet. Leur figure, d'une couleur de
seront dans la dite chambre, que l'on ne chair jaunâtre, était un peu mieux conformée
pourra en éveiller aucun tant que la lampe que celle de l'orang-outang. Us avaient une
brûlera (2). expression plus ouverte, plus intelligente»
LUNE, la plus grande divinité du sabéismc el leurs fronts beaucoup plus larges. Cepen-
après le soleil, l'indare l'appelle l'oeil de la dant la bouche é!ait liès-proéminenle, quoi-
nuit, et Horace la reine du silence. Une par- qu'elle fût un peu cachée par une é|)aisse
lie des Orientaux l'honoraient sous le titre barbe à la mâchoire inférieure el par de»
d'Uranic. C'est l'Isis des Egyptiens, l'Astarlc lèvres beaucoup plus humaine^ tjue celles de
des Phéniciens, la Mylitla des Perses, l'Ali- toutes les espèces de la famille des singes. En
lat des Arabes, la Séléné des Grecs, et la général la symétrie di; leurs corps était in-
Diane, la Vénus, la Junon des Romains. Cé- linimenl supérieure à celle des membres de
sar ne donne point d'autres divinités aux l'orang-outang. Le lieutenant Diummonl
peuples du Nord et aux anciens Germains disait ((ue sans leurs longues ailes ils parai'
que le feu, le soleil el la lune. traientaussi bien sur un terrain de parade que
Le culte de la lune passa dans les Gaules, la plupart de nos anciens conscrits. Les che-
où la lune avait un oracle desservi par des veux étaient d'une couleur plus foncée que le
druidesscs dans l'ile de Sein sur la côte mé- , poil du corps; ils étaient Irès-frisés, mais
ridionale de la Basse-Bretagne. Elle avait uu moins laineux, au moins autant que nous
autel à Arlon {Ara Lunœ). pûmes juger; ils étaient arrangés sur les tem-
Les magiciennes de Thessalie se vantaient pes endeux demi-cercles très-singuliers. Nous
d'avoir un grand commerce avec la lune, et ne pûmes voir les pieds de ces êtres que lors-
de pouvoir, par leurs enchantements, la dé- qu'ils les levaient en marchant ; cependant
livrer du dragon qui voulait la dévorer (lors- nous remarquâmes qu'ils étaient minces au
jqu'elle était éclipsée), ou la faire à leur gré bout cl très-prolubéranls au talon.
'descendre sur la terre. «A mesure que leurs groupes passèrentsur
L'idée que cet astre pouvait être habile a lecanevas, il était évident qu'ils étaient en-
donné lieu à des iictions ingénieuses : telles gagés dans une conversation. Leurs gestes
sont entre autres les voyages de Lucien, de l»arliculièremenl, les actions variées de leurs
Cyrano de Bergerac, et la fable de l'Ariosle, mains et de leurs bras, paraissaient passion-
qui place dans la lune un vaste magasin nés el emphatiques. Nous conclûmes de là
rempli de fioles étiquetées, où le bon sens de que c'étaient des êtres intelligents, quoique
chaquCrindividu est renfermé. peut-être pas d'un ordre aussi élevé (|iic
On a public en 1835, sous le chaperon du d'autres que nous découvrîmes le mois sui-
savant astronome Hcrschell, qui sans doule vant sur le bord de la baie des Arcs-en-citl,
ne soupçonnait pas l'honneur qu'on lui fai- el qui étaient capables de produire des œu-
sait, la plaisanterie que voici : vres d'art.
« Onsait que le célèbre John Hcrschell « La seconde fois que nous les vîmes
fut envoyé en 1834 au cap de Bonne-Espé- nous pûmes les observer bien mieux encore:
rance pour observer le passage de Mercure c'était sur les bords d'un pelit lac ou grande
sur te disque du soleil. Un M. Grant a publié rivière que nous aperçûmes coulant vers la
ses observations et les a enrichies de détails vallée du grand lac el ayant sur ses rives
très-plaisants sur des découvertes qu'il a orientales un joli petit bois. Quelques-uns
faites dans la lune. Malheureusement nous de ces êtres avaient traversé d'un bord à
ne connaissons pas les moyens qu'il a em- l'autre, et y était étendus comme des aigles.
ployés pour obtenir des résultats semblables Nous pûmes alors remarquer que leurs ai-
aux siens et qui détruiraient toutes les no- les avaient une énorme étendue, et étaient
lions d'optique admises jusqu'à ce jour. Nous semblables pour h ur structure à celles de
ne savons quel peut avoir élé son but. Les la chauve - souris elles élaient formées
;

voyages de Gulliver el ceux de Microinégas d'une membrane demi-transparente qui pou-


(l) Leçom sw ta p'tilosophic cUimique, ncuviènic leçon (2; Le Pelil Albert, p. Ibi
pajj. 520.
,

lues H,N LUN 1066


vait se déployer en divisions courbes par le toyons à lune sont dos bosquets d'une es-
la
inojeu de rayons droits liés au dos par des pèce d'arbres qui croissaient autrefois à
tégumpnls dorsaux. Ce qui nous élouna le Taïli; un accident ayant détruit ces arbres,
plus, ce fut de voir que celte membrane les graines furent portées par des pigeons à
continuait depuis les épaules jusqu'aux jam- la lune, où elles ont prospéré (l).
bes, liée au corps, et diminuant graducile- Les mahométans ont une grande vénéra-
menl de largiiir. Ces ailes semblaient en- tion pour la lune; ils la saluent dès qu'elle
tièrement soumises à la volonté de ces êtres, parait, lui présentent leurs bourses ouver-
car nous les vîmes se baigner, et les étendre tes, et la prient d'y faire multiplier les espè-
aussitôt dans toute leur dimension les se- , ces à mesure qu'elle croîtra.
couer en sortant de l'eau, comme font les La lune est la divinité des Nicaborins, ha-
canards, et les refermer en une forme com- bitants de Java. Lorsqu'il arrive une éclipse
pacte. Les observations que nous fîmes sur de lune, les Chinois idolâtres, voisins de la
les habitudes de ces créatures, qui étaient Sibérie, poussent des cris et des hurlements
des deux sexes, nous conduisirent à des ré- horribles, sonnent les cloches, frappent con-
sultats si remarquables, que je préfère les tre du bois ou des chaudrons, et touchent à
voir livrer au public dans l'ouvrage du doc- coups redoublés sur les timbales de la grande
leur Herscliel, où je sais qu'ils sont détaillés pagode. Ils croient que le méchant esprit de
avec une consciencieuse vérité, quelle que l'air Arachula attaque la lune, et que leurs
soit l'incrédulilé avec laquelle on les lira. clameurs doivent l'effrayer.
« Au bout de quelques instants les trois 11 y a des gens qui prétendent que la lune
familles étendirent leurs ailes presque si- est douce d'un appétit extraordinaire; que
multanément et se perdirent dans les som- son eslomac, comme celui de l'autruche, di-
bres confins du canevas avant que nous
, gère des pierres. En voyant un bâtiment
pussions revenir de notre étonnemeni. Nous vermoulu, ils disent que la lune l'a mutilé,
appelâmes scientifiquement ces êtres hom- et qu'elle peut ronger le marbre.
mes-chauves-.souris(t;Mper07to/iomo).Cesont Combien de personnes n'osent couper
sûrement des êlres innocents et heureux. leurs cheveux dans le décours de la lunel
« Nous nommâmes la vallée où ils vivent dit M. Salgues (2). Mais les médecins sont
le Colisée de rubis, à cause des magnifiques convenus enfin que la lune influe sur le corps
montagnes qui l'entourent. La nuit étant humain, comme sur bien d'autres choses (3).
Irès-avancée, nous remîmes à une autre La plupart des peuples ont cru encore que
occasion la suite de nos éludes. » le lever de la lune était un signal mysté-
Ce canard qui venait des Etats-Unis où
, rieux auquel les spectres sortaient de leur»
il s'en fait tant, fut pris au sérieux par plu- tombeaux. Les Orientaux content que les
sieurs journaux. lamies et les gholes déterrent les morts dans
Les Péruviens regardaient la lune comme les cimetières, el font leurs festins au clair
lasœur et la femme du soleil, et comme la de la lune. Dans certains cantons de l'o-
mère de leurs incas; ils l'appelaient mère rient de l'Allemagne, on prétendait que les
universelle de toutes choses, et avaient pour vampires ne commençaient leurs infesta-
elle la plus grande vénération. Cependant lions qu'au lever de la lune el qu'ils étaient
,

ils ne lui avaient point élevé de temple, et obligés de rentrer en terre au chant du co»].
ne lui offraient point de sacrifices. Us pré- L'idée la plus extraordinaire, adoptée dans
tendaient aussi que les marques noires quelques villages, c'est que la lune ranimait
qu'on aperçoit dans la lune avaient été les vampires. Lorsqu'un de ces spectres,
{ailes par un renard qui ayant monté au
, poursuivi dans ses courses nocturnes, élait
ciel, l'avait embrassée si élroitemeni, qu'il frappé d'une balle ou d'un coup de lance, on
lui avait fail ces taches à force de la serrer. pensait qu'il pouvait mourirune seconde fois,
Suivant les Taïliuus, les taches que nous mais qu'exposé aux rayons de la lune il re-
Voyages de Cook.
(1) la pins grande facilité mais alors il ne vaut rien pour les
:

(i)Des Erreurs et des préjugés, etc., 1. 1", p. 210. constructions, el se détériore bientôt. Faites des pieux
(5) Ceux ([Ui oulohservé les pliénoinènes que présente avec des bambous de la grosseur d'un bras; si vous les
le clunal des régions inlerlropicales n'ont pas prêté une avez coupés à la nouvelle lune, ils dureront dix ou douze
asscz grande alleniion à l'induence que la lune y exerce. années ; mais si c'est pendant qu'elle était dans son plein,
.Si l'on s'accorJe à reconuatlre que la pression ou Taltra- ils seront pourris en moins de deux ans.

clion lunaire agil forteuieul sur les marées, ou ne doit Les effets de la lune sur la vie animale sont prouvé*
pas craindre d'allirmer que l' atmosphère est soumise <i une aussi par un grand nombre d'exemples. 3'ai vu en Atrique
action semlilable. Ceiju'il y a de certain, c'est qne, dans des animaux nouveau-nés périr en queliues heures au-
les basses terres des éyions intertropicales un observa-
i
, près de leur mère pour être restés exposés aux rayons da
teur atlciilifde la nature est frappé du pouvoir que la lune la pleine lune. S'ils en sont frappés, les poissons tratche-
exerce sur li s saisons aussi bien que sur le règne animai ment péchés se corrompent, et la viande ne se peut plus
«l sur le végétal. A Démérara, il y a chaque année treize conserver, même au moyen du sel.
priiilenq)s et treize automnes; car il est constaté que la Le marinier qui dort sans précaution la nuit sur le til-
sève des arl)res y monte aux brandies et redescend aux lac, la face tournée vers la lune , est alteinl de nictalopie
raciues treize fois alternativement. ou cécité nocturne, el quelquefois sa tète enfle d'une ma-
Le vallaba, arbre résineux assez commun dans les bois nière prodigiense. Les paroxisuies des fous redoublent
de Démérara, et qui ressemble h l'acajou, fournit un exem- d'une manière effrayante!» la nouvelle et à la pleine lune;
ple irès-curieux eu ce genre. Si ou le coupe la nuit lesfrissons humides delà lièvre intermittente sefont sentir
quelques jours avant la nouvelle lune, .son bois est excel- an lever de cet astre, dont la douce lueur semble il peine,
lent pour les charpentes et toute espèce de con.slruclions, ellleurer la terre. Mais qu'on ne s'y méprenne pas, ses
elfels sont puissant.s, el, parmi les agents qui
lèguent sur
et la dureté en est telle qu'on ne le peut fejidre qu'avec
beaucoup de peine, et encore inégalement. Abattez-le ralniosphèic on peul affirmer qu'elle ne tient pas le der-
pendant la pleirje lune, vous le partagez en une infinité de nier rang. (.Wrtrlin's history of lltc lliinish coloiim.)

planches 3us'*i mines et au.ssi droites qu'il vous plaît avec


DîCTI NNAIKE DES SCIENCE-i OCCULTE*. 1.
3*
10(V7 DICTIONNAIRE DKS SriENCrS OCCULTF.S. I0S8
prenait ses forces ei pouvait sucer de nou- pagnèrcnt le corps en croassant jusqu'à Wit-
veau les vivants. teniberg
LUNDI. En Russie, 1p lundi passe pour un La dispute de Luther avec le dinble a fait
jour malheureux. Parmi le peuple et les per- beaucoup de bruit. Un religieux vint un jour
sonnes supersiilieiises, la répug[nance à en- frapper rudement à sa porte, en detnandant
treprendre ce jour-là quoique chose, surtout à lui parler. Le renégat ouvre; le prétendu
un voyage, est si universelle, que le petit moine regarde »n moment le réformateur ,
nombre de gens qui ne partagent pas s'y
la et lui dit : — découvert dans vos opi-
J'ai
soumet par égard pour l'opinion générale. nions certaines erreurs papistiques sur les-
LURE (Gu)llaume), docleur en théologie, quelles je voudrais conférer avec vous. —
qui fut coiidainiié comme sorcier, à Poitiers, Parlez, répond Luther.
en l<>a3, convaincu par son propre aveu, par L'inconnu proposa d'abord quelques dis-
témoins et pour avoir élé trouvé saisi d'un cussions assez simples, que Luther résolut
pacle fait avec le diable, par lequel il renon- aisément. Mais chaque question nouvelle
çait à Dieu et se donnait à icclui diable (1). était plus difficile que la précédente, et le
LUUIDAN, esprit de l'air en Norwége et en moine supposé exposa bientôt des syllogis-
Lapoiiie. Voy. Hirold. mes très-embarrass;ints. Luther, offensé, lui
LUSIGNAN. On prétend que la maison de dit brusquement: —
Vos questions sont trop
Lusignan descend en ligne directe de Mélu- embrouillées; j'ai pour le moment autre
sine. Voy. Mélusine. chose à faire que de vous répondre.
LUTHER (Martin), le plus fameux nova- Cependant il se levait pour argumenter
leur religieux du xvi* siècle, né en li8i en encore, lorsqu'il remarqua que le religieux
Saxe, mort en 15^6. Il dut son éducation à la avait le pied fendu, et les mains armées de
charité des moines, et entra chez les Augus- griffes. — N'es-tu pas, lui dit-il, celui dont
tins d'Erfnrt. Devenu professeur de théolo- la naissance du Christ a dû briser la tête?
gie, il s'irrita de ne pas être le Judas des in- Et le diable, qui s'atlendait avec son ami
dulgences, c'est-à-dire de n'en pas tenir la à un combat d'esprit et non à un assaut d'in-
bourse; il écrivit contre le pape et prêcha jures, reçut dans la figure l'encrier de Luther,
contre l'Eglise romaine. Devenu épris de qui était de plomb (2) il dut en rire à pleine
:

Cilherine Bore, religieuse, il l'enleva de gorge. On montre encore sur la muraille, à


son couvent avec huit autres «œurs , se "Wittemberg, les éclaboussures de l'encre.
hâta de l'épouser, et publia un écrit où il On trouve ce fait rapporté, avec quelque
comparait ce rapt à celui <)ue Jésus-Christ différence de détails, dans le livre de Luther
fit, le jour de la passion, lorsqu'il arracha lui-même sur la messe privée, sous le litre
les âmes <le la tyrannie de Satan... de Conférence de Luther avec le diable (3). Il
Nous ne pouvons ici faire sa vie, mais sa conteqne, s'étant éveillé unjour, versminuii,
mort nous revient. Ses ennemis ont assuré Satan disputa avec lui, l'éclaira sur les er-
que le diable l'avait étranglé; d'autres qu'il reurs du catholicisme, et l'engagea à se sé-
mourut subitement en allant à la garde- parer du pape. C'est donner à sa secte une
robe, comme Arius, après avoir trop soupe; assez triste origine. L'abbé Cordemoy pense,
que, son tombeau ayant été ouvert le lende- avec beaucoup d'apparence de raison, que
main de son enterrement, on n'y avait pu certains critiques ont tort de prétendre que
trouver son corps, et qu'il en était sorti une cette pièce n'est pas de Luther. Il est constant
odeur df soufre insupportable. George La- — qu'il était très-visionnaire, ce qui doit suffire
pôlrc le dit fils d'un démon et d'une sorcière. aux incrédules et que pour les rroyants il
;

A la mort de Luther, disent les relittions étiiit très en état de voir le diable. Il est
répandues chez ses contemporains , les dé- même possible que la bravade de l'encrier
mons en deuil, habillés en corbeaux, vinrent soitune vauterie.
chercher cet ami de l'enfer. Ils assistèrent LUTINS. Les lutins sont du nombre des
invisiblenient aux funérailles; et Thyrseus démons qui ont plus de malice que de mé-
ajoute qu'ils remportèrent ensuite loin de ce chanceté. Ils se plaisenlàtourmenlerlesgens,
monde, où il ne devait que passer. On conte — et se contentent (le faire pi us de peur que de mal.
encore que le jour de sa mort tous les dé- Cardan parle d'un de ses amis qui, couchant
mons qui se trouvaient en une certaine ville dans une chambre que hantaient les lutins ,
de Brabaut (à Malines) sortirent des corps sentit une main froide et molle comme du co-
qu'ils possédaient et y revinrent le lende- ton passer sur son cou et son visage, et cher-
main; et comme on leur demandait où ils cher à lui ouvrir la bouche. Il se garda bien
avaient passé la journée précédente, ils ré- de bâiller; mais, s'éveillanl en sursaut, il en-
poniirent que, par l'ordre de leur prince, ils tendit de grands éclats do rire sans rien voir
s'étaient rendus à renterremenl de Luther. autour de lui.
Le valet de Luther, qui l'assistait à sa mort, Leloyer raconte que de son temps il y
déclara, ce qui est très-singulier, en confor- avait de mauvais g.irncments qui faisaient
n)ilé de ceci, qu'ayant mis la tête à la fenê- leurs sabbats dans les cimetières pour éta-
tre pour prendre l'air au moment du trépas blir leur réputation et se faire craindre, et
de son maiire, il avait vu plusieurs esprits que, quand ils y étaient parvenus, ils al-
horribles qui dansaient autour delà maison, laient dans les maisons buffeler le bon vin.
et ensuite des corbeaux muigres qui accom- Les lutins s'appelaient ainsi parce qu'ils
(1) Di-l.incre, luconsiance des démons , I. VI, p. 493. (5; Colloquium LiiUiernm inler et diaboluin, al) ipso Lu-
yt] SivliucUlhna. Uo Kxiiiiiiu llwolog, oporiiin. l l". ihero conscriplum . i;i eius librode Mibsa prl ala, cic.
.

ICGO LUX LTC M70


prenaient qnelqnerois plaisir à lutter avec souvent elle-même en savoir. Se por-
allait
les hommes. Il y en avait un à Thermesie tant très-bien, elle s'éveille au milieu de la
i]ui se battait avec tous ceux qui ariivaiont nuil avec une agitation singulière ; elle veut
dans celle ville. Au reste, disent de bons sonner pour demander ce que fait son valet
légendaires, les lutins ne mettent ni dureté de chambre; elle ouvre les rideaux de sou
ni violenci' dans leurs jeux lit; à l'inslanl, l'imagination fortement frap-
LUTSCHIN. Au pied du Lutschin , rocher pée, elle croit apercevoir d ms son apparte-
gigantesque de la Suisse, coule un torrent ment un fantôme couvert d'un linceul blanc;
où s<! noya un fratricide en voulant laver elle croit entei\dre ces paroles Ne vous : —
son poignard ensanglanté. La nuit, à l'heure inquiétez point de moi, je ne suis plus de ce
où le meurtre fut commis, on entend encore monde, et avant la Pentecôte vous viendrez
près du torrent des soupirs et comme le râle me rejoindre.» La fièvre s'empara d'elle; elle
d'un homme qui se meurt. On dit aussi que fut bientôt à toute extrémité. Gequi contribua
l'àiiie du meurtrier rôile dans les environs, le plus à augmenter sa terreur, c'est qu'à l'in-
cherchant un repos qu'elle ne peut trouver. stant même où elle fut frappéede cette vision,
LUTTEUi'iS, démons qui aiment la lutte et l'homme en question venait effectivement
les petits jeux de muins. C'est de leur nom d'expirer. La maréchale a cependant survécu
qu'on a nommé les lutins. à la préiliclion du fantôme i:naginaire, et
LUXEMBOURG (François de Montmoren- cette résurrection fait furieusement de tort
cy), maréchal de France,'né en 1628, mort en aux spectres pour l'avenir (1). »
1695, On l'accusa de s'être donné au diable. LYGANTHROPIE , transformation d'un
Un de ses gens, nommé Bonard, voulant homme en loup. Le lycanlhrope s'appelle
retrouver des pnpiers qui étaient égarés, s'a- communément loup-g.irou.
dressa à un certain Lesage pour les recou- Les loups-garous ont été bien longtemps
vrer. CeLesage était un homme dérangé, qui la terreur des campagnes, parce qu'on savait
se mêlait de sorcellerie et de divinations. Il que les sorciers ne pouvaient se faire loups
lui ordonna d'aller visiter les églisî-s, de ré- que par le secours du diable. Dans les idées
citer des psaumes ; Bonaril se soumit à tout des démonographes, un loup-garou est un
ce qu'on exigeait de lui, et les papiers ne se sorcier que le diable lui-même transmue en
retrouvèrent pas. Une fille, nommée la Dupin, loup, et qu'il oblige à errer dans les campa-
les retenait. Bonard, sous les yeux de Lesage, gnes en poussant d'affreux hurlements.
lit une conjuration au nom du maréchal de L'existencede loups-garous est allestée par
Luxembourg; la Dupin ne rendit rien. Déses- Virgile, Solin, Slrabon, Pomponius Mé'.a ,
péré, Bonard fit signer un pacte au maréchal Diouysius Afer, Varron, et par tous les ju-
qui se donnait au diable. A la suite de ces risconsultes et démonomanes des derniers
menées, la Dupin fut trouvée assassinée. Ou siècles. A peine commençait-on à eu douter
t-n accusa le maréchal. Le pacte fut produit sous Louis XIV.
an procès. Lesage déposa que le maréchal L'empereur Sigismond fit débattre devant
s'était adressé au diable et à lui pour faire lui la question des loups-garous, el il fut
mourir la Dupin. Les assassins de celte fille unanimement résolu que la transformation des
avouèrent qu'ils l'avaient découpée en quar- loups-garous était nnfait positif et constant.
tiers, et jetée dans la rivière par les ordres du Un garnement qui voulait faire des fripon-
maréchal. La cour des pairs devait le juger; neries mellail aisément les gens en fuiie eu
mais Louvois, qui ne l'aimail pas, le fi' en- se faisant passer pour un loup-garou. Il n'a-
fermer d.ins un cachot. On mil de la négli- vait p.is besoin pour cela d'avoir la figure
gcnic à instruire son procès enfin on lui
; d'un loup, puisque les loups-garous de répu-
confronta Lesage elun autre sorcier, nommé tation étaient anêlés comme tels, quoicpio
Davaux, avec lesquels on l'accusa d'avoir fait sous leur figure humiine. On croyait alors
des sortilèges pour faire mourir plus d'une qu'ils portaient le poil de loup-garou entre
personne. — Parmi les imputations horribles cuir et chair.
qui faisaienlla basedu procès, Lesage dit que Peuccr conte qu'en Livonie, sur la fin du
le maréchal avait faitun pacte avec le diable, mois de décembre, il se trouve tous les ans un
pour pouvoir allier un de ses fils avec la fa- bélître (pii va sommer les sorciers de se ren-
mille de Louvois. Le procès dura quatorze dre eu certain lieu ; el s'ils y manquent le
mois, lln'yeutde jugement ni pour ni contre. diable les y mène de force, à coups si rude-
La Voisin, la Vigoureux et Lesage, compro- ment appliqués, que les marques y demeu-
mis dans ces crimes, furent briîlé* à la Grève. rent. Leur chef passe devant , el quelques
Le maréchal de Luxembourg fut élargi , milliers le suivent, traversant une rivière,
passa quelques jours à la campagne, puis re- laquelle passée ils changent leur figure en
vint à la cour, et reprit ses lonclion< de ca- celle d'un loup, se jellenl sur les hommes el
pitaine des gardes.. sur troupeaux, el font mille dommages.
les
LUXEMBOURG (L* maréchale de). Ma- Douze jours après ils relournenl au même
dame la maréchale do Luxembourg avait fleuve el redeviennent hommes.
pour valet do chambre un vieillard qui la On attrapa un jour un loup-garou qui
servait depuis longtemps , cl auquel elle courait dans les rues de Padoue ou lui cou- ;

étail attachée. Ce vieillard tomba tout à coup pa ses pattes de loup, et il reprit au mémo
dangereusement malade. La maréchale était instant la forme d'homme, mais avec les
dans l'inquiétude. Elle ne cessait d'envoyer p.l7 1
Histoire des rcvenantsou préierulai tel», lom.
I,

demander des nouvelles de cet homme ,


et ( t )
— .

«C7l DlCTIONi\AmE DES SCIENCES OCCULTES. 1072

coupés, à ce que dil Fincel. caonie, mais dont il admet inconteslablement la réalité.
liras et les pieds
IJn sieur de B aiivoys de-Clianvincourt, gentilhomme an-
L'an 1588, en un village distant de deux gevin, a fait imprimer en 1399 (Paris, petit in-12) un vo-
lieues d'Apchon, dans les montagnes d'Au- lume intilulé Discours de la lycaulhrojiie, oude lalrausmu-
:

vergne, un gentilhomme, étant sur le soir à lalion des liommes eu loups. —


Claude, prieur de Laval, avait
|)ublié quelques années au|iaravanl un autre livre sur la
sa finétre, aperçut un chasseur de sa con- môme matière, intitulé : Oiologues de la lycautltropie
naissance, et le pria de lui rapporter de sa Us affirment tous qu'il y a certainement des loups-garous.
chasse. Le chasseur promit, et, s'élant avancé Ce qui esl plus singulier, c'est qu'il n'y a peul-ètrp pas
dans la plaine, il vil un gros loup qui venait de vilbge qui n'ait encore ses loups-garous il «si possi- ;

ble que celui dont on va parler soit encore aux galères. Il


à sa rencontre. Il lui lâcha un coup d'arque- se faisait appeler Maréchal, et demeurait en 180i an vil-
buse et le manqua. Le loup se jeta sur lui et lage de Longueville a deux lieues de Méry-sur-Seine. Il
,

l'attaqua vivement. Mais l'autre, en se dé- était bflcheron, faisait des fossés, et s'occupait de divers
métiers qui s'exercent dans la solitude, et sont par consé-
Tcndant, lui ayant coupé la pale droite avec
(pient propres à la sorcellerie. Avec l'aide du diable, il se
son couteau de chasse, le loup estropié s'en- changeait toutes les nuits en loup ou on ours, et faisait de
fuit et ne revint plus. Comme la nuit appro- grnndcs peurs aux bonnes gens. Un jeune paysan s'arma
chait, le chasseur gagna !a maison de son d'un lusll et l'attendit une nuit. Il vit un monstre à quatre
pattes qui venait lourdetneiil à lui. Il le coiiclia enjoué et la
ami, qui lui avait lait bonne
demanda s'il
manqua. Le loup-garou, qui avait aussi un fusil, tira il son
chasse. Il lira de sa gibecière la patte coupée tour sur le paysan et le blessa ii la jambe. Celui-ci, stupé-
au prétendu loup, mais il fut bien étonné de fait de se trouver en face d'un leup qui tirait des coups de
se mit a fuir. A la fin, la justice informée s'empara de
la voir convertie en main de femme, et à
fusil,
riiomnie. 0» ne trouva dans le prétendu sorcier qu'un vau-
l'un des doigts un anneau d'or que le gen- rien coupable de vols et de brigandages qu'il everçaitdans
tilhomme reconnut être celui de son épouse. ses courses nocturnes. On le coudainua aux galères perpé-
Il alla aussitôt la trouver. Elle était auprès tuelles.
Le lecteur fera sans doute ici une réflexion tonte natu-
du feu, cachant son bras droit sous son relle coniiuent se peut-il qu'un loup-garou é|iOUvante
:

tablier. Comme elle refusait de l'en tireV, il une contrée pendant trois ou quatre ans, sans que la
lui montra la main que le chasseur avait rap- justice l'arrête? C'est encore une des misères de nos
pavsans. Comme il y a chez eux beaucoup de méchanu,
portée; cette malheureuse, éperdue, avoua
ils"se craignent entre eux ; ils ont un discernement et une
que c'était elle en effet qu'on avait poursui- expérience qui leur apprennent que la justice n'est pas
vie sous la figure d'un loup-garou; ce qui se toujours juste ; et ils disent : Si nous dénonçons un coupa-
\érifiaencore en confrontant la main avec le ble et qu'il ne soit pas mis hors d'étal de nuire , c'est un
ennemi que nous allons nous faire. Les paysaui
inipl.ncable
brasdontelle faisait partie. Lemari courroucé sont Après dix ans de galères, ils reviennent se
vindicatit's.
livra sa femme à la ju-lice; elle fut brûlée. venger de leurs dénonciateurs. Il faudrait peut-être qu'un
Que penser d'une leMe histoire, racontée roupable qui sort des galères n'eût jias le droit de repa-
raître dans la contrée qui a été le théâtre de ses crimes.
par Boguet comme étant de son temps? Etai -
Koi/. Ct.vanthhopie , BooSASiBROPie, Raollet, Bisclava-
ce une trame d'un mari qui voulait, comme
disent les Wallons, être quitte de sa femme? l'yca'oN, fils de Phoronée, roi d'Arcadie, à laquelle il
donna le nom de Lycaonie. li bâtit sur les montagnes la
ville de Lycosure, la plus ancienne de toute la Grèce, et
Les loups-garous étaient fort Lommuns dans le Poitou ooniiuença ï
y éleva un autel à Ju|>iter Lycaeiis auquel il
;
,

on les v appetail la bête bigouine qui court la fialiiiode. sacrifier des victimes humaines. 11 faisait mourir ,
pour les
Qwnui les Iwniies gens eiileiideiil les liurlempnlsdii loup- manger, tous les étrangers ipii passaient dans ses Etats.
garou, ce qui n'arrive qu'au milieu iJt^ la nuit, ils se gar- Lycaon se prépara a ûier
Jupiter éiaiit allé loger chez lui,
dent du mettre ta lêle à la fenêtre, parce qu'ils auraient la vie à son hôte pendant qu'il serait endormi mais aupa-
tordu. — Ou assure,
;

le cun dans celle province, qu'on ravant il voulut s'assurer si ce n'était pas un dieu , et lui
peut forcer le loup-garou u (piilter sa lornie d'emprunt en fit servir à souper les membres d'un de ses
hôtes d'au- ,

iiiidorniaul uncoupde lourilie euire les deux veux. tres disent d'un esclave. Un feu vengeur, allumé par l'or-
On sait (|ue la ()ii.ililé distinclive des loups giirnus est dre de Ju|iiter, consuma bientôt le palais, et Lytaon fut
un yriiud goût pour la cliair fraîche. Delancre assure qu'ils changé en loup. C'est le plus ancien loup-garou.
étranglent les chiens et les enl'anls; qu'ils les niangi ni de
LYCAS démon de Thémèse, chassé par le champion
l)nn appétit; qu'ils marchent à qnntre pattes; qu'ds hur- ,

lent cnniuic de vrais loups, avec de grandes gueules, des Eutliyniius, et qui fut en grande renommée chez les Grecs.
Il était irès-uoir, avait le visage et tout le corps
hideux,
yeu\ élincelanls et des deuls crochues.
Rodiu racoDle s»ns rougir qu'en 15i2 on vit un malin et lortait une p>;iu de loup pour vêlement (2).
lliO lou|)S-garous sur une place de Constantinople. On — LYCll.NOMANClK, divinaiion oui se faisait par mspec- 1

lion de la fiamnie d'une lampe; il en reste quelques


tra-
trouve dans le roinau de Persilès et Sigismonde , dernier
ces. Lorsqu'une étincelle se détache de la mèche,
elle an-
ouvrage de Cervantes, des iles de loiips garons et des
nonce une nouvelle el la direction de cette nouvelle. Voy.
sorcières qui se changent en louves pour enlever leur
LAMl>ADo,^^A^clE.
IToie, comme on trouve dans Gulliver une Ile de sorciers.
Mais au moins ces livres sont des romans. Delancre |iro- — LYN.X. Les anciens disent des merveilles du lynx. Non-
pose (t) comme un bel exemple ce Irait d'un duc de Rus- seulement ils lui attribuent la faculté de voir à travers le»
nuirs, unis encore la vertu de produire des pierres
pré-
sie. Averti ((u'un sien .sujet se changeait en toutes sortes
de bêle», il l'envoya chircbfr, le fit enchaîner, Pt lui cieuses. Pline raconte sérieusement que les lilets de son
urine se Iransforment en ambre , en rubis et en scarbeu-
cimiinanda de donner une preuve de son art ; ce qu'il lit, se
cles. Mais il aj'jiite que par un sentiment de jalousi», cet
transformant en loup; mais ce duc, avant préparé deux ,

dogues, les lit lancer contre ce misérable, qui aussitôt fut animal avare a soin de nous dérober ces richesses en cou-
mis en pièces —
On amena au médecin Poniponace un vrant de terre ses précieuses évacnalions. Sans cela nous
paysan atteint de lycaatrophie, qui criait si ses voisins de aurions pour rien l'ambre, lesrubisel lesesc.irlKMicles(3).
s'eniuir s'ils ne voulaient pas qu'il les mange&t. Oimme LYSIMACHIE , plante ainsi nommée parce que, posée
sur le joug auquel les bœufs et autres animaux
étaient
ce pauvre homme n'avait rien de la forme d'un loup, les bultre
villageois, persuadés pourtant qu'il l'était, avaient com- attelés, elle avait la vertu de les empêcher de se
Uémétriu» de Phalere
mencé À l'écorcher, pour voir s'il ne portait pas le poil LYSIMAQUE, devin dont parle
sous la pi^au. Pomponace le guérit; ce n'était qu'un hypo- dans .sou livre de Socrale. Il gagnait sa vie à interpréter
condre. —J. deNynauld a publié eu I6I0 un traité complet des songes au moyen de certaines tables astrologiques
11

de la Lycuiitropk, qu'il aiipelle aussi Folle loiwière et ii/- se tenait au|]rès du temple de liacchus (i).

(l) Incnnslance des niauv.iis angos. liv.lV, p. ôOi. {5) M. de Saignes, Des lirreurs, elc. t. Il, p. lO.').

(S) Leloyer, llist. de» spectres, i>. 198. (t) Plularqup, Vie d' Aristide, § L.VVl.

FIN DU PREMIER VOLUME.


Palis. — liiipiiiKCiie .MIG-NK
,

<0C5 U,N LUN 1066


»ait se déployer en divisions courbes par le voyons à la lune sont des bosquets d'une es-
moyen de rayons droits liés au dos par des pèce d'arbres qui croissaient autrefois à
tégumcnls dorsaux. Ce qui nous étonna le ïaïti; un accident ayant détruit ces arbres,
plus, ce fut de voir que celle membrane les graines furent portées par des pigeous à
conlinuait depuis les épaules jusqu'aux jam- la lune, où elles ont prospéré (1).
bes, liée au corps, et diminuant graduelle- Les mahométans ont une grande vénéra-
ment de largeur. Ces ailes semblaient en- tion pour la lune; ils la saluent dès qu'elle
tièrement soumises à la volonté de ces élres, paraît, lui présentent leurs bourses ouver-
car nous les vîmes se baigner, el les étendre tes, et la prient d'y faire multiplier les espè-
aussitôt dans toute leur dimension , les se- ces à mesure qu'elle croîtra.
couer en sortant de l'eau, comme font les La lune est la divinité des Nicaborins, ha-
canards, el les refermer en une forme com- bitants de Java. Lorsqu'il arrive une éclipse
pacte. Les observations que nous fîmes sur de lune, les Chinois idolâtres, voisins de la
les habitudes de ces créatures, qui étaient Sibérie, poussent des cris et des hurlements
des deux sexes, nous conduisirent à des ré- horribles, sonnent les cloches, frappent con-
sultats si remarquables, que je préfère les tre du bois ou des chaudrons, et touchent à
voir livrer au public dans l'ouvrage du doc- coups redoublés sur les timbales de la grande
teur Herscliel, où je sais qu'ils sont détaillés pagode. Ils croient que le méchant esprit de
avec une consciencieuse vérité, quelle que l'air Arachula altaque la lune, et que leurs
soit l'incrédulité avec laquelle on les lira. clameurs doivent l'effrayer.
« Au bout de quelques instants les trois H y a des gens qui prétendent que la lune
familles étendirent leurs ailes presque si- est douée d'un appétit extraordinaire; que
multanémi'iil et se perdirent dans les som- son estomac, comme celui de l'autruche, di-
bres confins du canevas avant que nous
, gère des pierres. En voyant un bâtiment
pussions revenir de notre étonnemcn!. Nous vermoulu, ils disent que la lune l'a mutilé,
appelâmes scientiGquement ces êtres hom- et qu'elle peut ronger le marbre.
incs-chauves-souris(ve.«perii7ïoAomo).Cesont Combien de personnes n'osent couper
sûrement des êtres innocents et heureux. leurs cheveux dans le décours de la lune!
« Nous nommâmes la vallée où ils vivent dil M. Salgues (2). Mais les médecins sont
le Cotisée de rubis, à cause des magnifîques convenus enfin que la lune influe sur le corps
montagnes qui l'entourent. La nuit étant humain, comme sur bien d'aulres choses (3).
très-avancée, nous remîmes à une autre La plupart des peuples ont cru encore que
occasion la suite de nos études. » le lever de la lune était un signal mysté-
Ce canard , qui venait des Etals-Unis où rieux auquel les spectres sortaient de leurs
il s'en fait tant, fut pris au sérieux par plu- tombeaux. Les Orientaux content que les
sieurs journaux. lamies et les gholes déterrent les morts dans
Les Péruviens regardaient la lune comme les cimetières, et font leurs festins au clair
la femme du soleil, et comme la
la soeur et de la lune. Dans certains cantons de l'o-
mère de leurs incas; ils l'appelaient mère rient de l'Allemagne, on prétendait que le»
universelle de toutes choses, el avaient pour vampires ne commençaient leurs infesta-
elle la plus grande vénération. Cependant lions qu'au lever de la lune , et qu'ils étaient
ils ne lui avaient point élevé de temple et , obligés de rentrer en terre au chant du coq.
ne lui offraient point de sacriGces. Ils pré- L'idée la plus extraordinaire, adoptée dans
tendaient aussi que les marques noires quelques villages, c'est que la lune raniuiait
qu'on aperçoit dans la lune avaient été les vampires. Lorsqu'un de ces spectres,
faites par un renard qui , ayant monté au poursuivi dans ses courses nocturnes, était
ciel, l'avait embrassée si étroitement, qu'il frappé d'une balle ou d'un coup de lance, ou
lui avait fait ces taches à force de la serrer. pensait qu'il pouvait mourir une seconde fois
Suivant les Taïtieus, les taches que nous mais qu'exposé aux rayons de la lune il re-
(1) Voyages de Cook. la plus grande facilité : mais alors il ne vaut rien pour les
ii) Des Erreurs et des préjugés, etc., 1. 1", p. 2i0. constructions, el se détériore bientôt. Faites des pieux
(5J
Ceux qui oiiloliservé les pliénouiènes que présente avec des bambous de la grosseur d'un bras; si vous les
le climat des régions interlropicales n'ont pas prêté une avez coupés à la nouvelle lune, ils dureront dix ou douze
asseï grande alteiilion à l'influence que la lune y exerce. années; mais si c'est pendant qu'elle était dans son plein,
-Si l'uu s'accorde i reconnaître que la pression ou l'attra- ils seront pourris en moins de deux ans.
ction lunaire agit rorteuient sur les marées , ou ne doit Les effets de la lune sur la vie animale sont prouvé*
pas craindre d'alliimer que l'atmosphère est soumise à une aussi par un grand nombre d'exemples. 3'ai vu en Afrique
action seuil)lable. Ce (lu'il y a de certain, c'est qne, dans des animaux nouveau-nés périr en quelques heures au-
les basses terres des égious iniertropicales un observa-
i
, prèsde leur mère pour être restés exposés aux rayons du
teur aticnlitde la nature e.>il frappé du pouvoir que la lune la pleine lune. S'ils en sont frappés, les poissons Iralche-
exerce sur li s saisons aussi bien que sur le règne animal ment péchés se corrompeni, el la viande ue se peut plus
el sur le végétal. A Déuiérara, il y a chaque année treize conserver, même au moyeu du sel.
printemps et treize automnes; car il est constaté que la Le marinier qui dort sans précaulion la nuit sur le til-
héve des arbres y monte aux branches et redescend aux lac, la face tournée vers la Inné , est atteint de nictalopie
racines treize fois alternativement. ou cécité nocturne, et quelquefois sa lête enfle d'uue ma-
Le vallaba, arbre résineux assez commun dans les bois nière prodigieuse. Les paroxisn.es des fous redoublent
de Déniérara, et qui ressemble à l'acajou, fournit un exem- d'une manière effrayante à la nouvelle et à la pleine lune ;
ple Uès-curicux en ce genre. Si on le coupe la nuit, les frissons humides delà lièvre inlermilteulesefoni sentir
ipielqiies jours avant la nouvelle lune, sou bois est excel- an lever de cet astre, dont la douce lueur semble à peine
lent pour les charpentes et toute espèce de construcjious, effleurer la terre. Mais qu'on ne s'y méprenne pas, ses
et la dureté en est telle qu'on ne le peut fendre qu'avec effets sont puissants, et, parmi les agents qui régnent sur
beaucoup de peine, et encore inégalement. Abattez-le l'atmosphère on peut affirmer qu'elle ne tient pas le der-
pendant la pleine lune, vous le partagez en une infinilé de nier rang. {Uartiiù liiilonj of tlte Bnuisli coluniei.)
|4anehes aussi m<nc<'S et aussi droites (pi'il vous jilall avec
DiCTI .NNAIKK DES .SCIENCES OCCIITE'^. 1. S*
1067 DICTIONNAinK DES Sf.lËNCF.S OCCULTF.S. 1068
prenait ses forces ei pouvait sucer de nou- pagnèrent le corps en croassant jusqu'à Wit-
veau les vivants. teniberg
LUNDI. En Russie, !•• lundi passe pour un La dispute de Luther avec le diable a fait
jour malheureux. Parmi le peuple et les per- beaucoup de bruit. Un religieux vint un jour
sonnes supersiilietises, la répugnance à en- frapper rudement à sa porte, en demandant
treprendre ce jour-là quelque chose, surtout à lui parler. Le renégat ouvre; le prétendu
un voyage, est si universelle, que le pelit moine regarde nn moment le réformateur ,
nombre de gens qui ne la partagent pas s'y
soumet par égard pour l'opinion générale.
et lui dit : — J'ai
découvert dans vos opi-
nions certaines erreurs papisliques sur les-
LUUE (Guillaume), docteur en théologie, quelles je voudrais conférer avec vous. —
qui fui condamné comme sorcier, à Poilicrs, Parlez, répond Luther.
en Uo3, convaincu par son propre aveu, par L'inconnu proposa d'abord quelques dis-
témoins et pour avoir élé trouvé saisi d'un cussions assez simples, que Luther résolut
pacte fait avec le diable, par lequel il renon- aisément. Mais chaque question nouvelle
çait à Dien et se donnait à ictiui diable (1). était plus diffieile que la précédente, et le
LUItlUAN, esprit de l'air en Norwégc et en moine supposé exposa bientôt des syllogis-
Laponie. Voy. Harold. mes très-embarrassants. Luther, offensé, lui
LUSIGNAN. On prétend que la maison de
Lusignan descend en ligne directe de Mélu-
dit brusquement: —
Vos questions sont trop
embrouillées; j'ai pour le moment autre
sine. Voy. Mélusine. chose à faire que de vous répondre.
LUTHIÎR (Martin), le plus fameux nova- Cependant il se levait pour argumenter
teur religieux du xn' siècle, né en liSi en encore, lorsqu'il remarqua que le religieux
Saxe, mort en 1516. Il dut son éducation à la avait le pied fendu, et les mains armée- de
charité des moines, et entra chez les Augus- griffes. — N'es-tu pas, lui dit-il, celui dont
lins d'Erfnrt. Devenu professeur de théolo- la naissance du Christ a dû briser la tête?
gie, il s'irrita de ne pas être le Judas des in- El le diable, qui s'attendait avec son ami
dulgences, c'est-à-dire de n'en pas tenir la à un combat d'esprit et non à un assaut d'in-
bourse; il écrivit contre le pape et prêcha jures, reçut dans la figure l'encrier d.- Luther,
ciintre l'Eglise romaine. Devenu épris de qui était de plomb (2) il dut en rire à pleine
:

Citherine Bore, religieuse, il l'enleva de gorge. On montre encore sur la muraille, à


son couvent avec huit autres sreurs se , Wittemberg, les éclaboussures de l'encre.
liâla de l'épouver, et publia un écrit où il On trouve ce fait rapporté, avec quelque
romparait ce rapt à celui que Jésus-Christ différence de détails, dans le livre de Luther
fit, le jour de la passion, lorsqu'il arracha lui-même sur la messe privée, sous le titre
les âmes de la tyrannie de Satan... de Conférence de Luther avec le diable (3). Il
Nous ne pouvons ici faire sa vie, mais sa conteqnc, s'étant éveillé unjour, versminuii,
mort nous revient. Ses ennemis ont assuré Satan disputa avec lui, l'éclaira sur les er-
-que le diable l'avait étranglé; d'autres qu'il reurs du catholicisme, et l'engagea à se sé-
«nuurut subitement en allant à la garde- parer du pape. C'est donner à sa secte une
robe, comme Arius, après avoir trop soupe; assez triste origine. L'abbé Cordemoy pense,
que, son tombeau ayant été ouvert le lemle- avec beaucoup d'apparence de raison que ,
maiti de son enterrement, on n'y avait pu certains critiques ont tort de prétendre que
trouver son corps, et qu'il en était sorti une cette pièce n'est pas de Luther. H est constant
odeur de soufre insupportable. —
George La- qu'il était très-visionnaire, ce qui doit suffire
pôlre le dit fils d'un démon et d'une sorcière. aux incrédules; et que pour les rroyants il
A la mort de Luther, disent les relations étiiit très en état de voir le diable. Il est
répandues chez ses contemporains les dé- , même possible que la bravade de l'encrier
mons en deuil, habillés en corbeaux, vinrent soitune vanterie.
chercher cet ami de l'enfer. Ils assistèrent LUTINS. Les lutins sont du nombre des
invisibiement aux funérailles; et Thyrseus démons qui ont plus de malice que de mé-
{jjoute qu'ils l'emportèrent ensuite loin de ce chanceté. Ils se plaisentàtourmenterlesgens,
inonde, où il ne devait que passer. On conte — et se contentent de faire pi us de peur que de mal.
encore que le jour de sa mort tous les dé- Cardan parle d'un de ses amis qui couchant ,

mons qui se trouvaient en une certaine ville dans une chambre que hantaient les lutins ,
de Brabant (à Malines) sortirent des corps sentit une main froide et molle comme du co-
qu'ils possédaient et y revinrent le lende- ton passer sur son cou et son visage, et cher-
main; et comme on leur demandait où ils cher à lui ouvrir la bouche. Il se garda bien
avaient passé la journée précédente, ils ré- de bâiller; mais, s'éveillant en sursaut, il en-
l>oniirent que, par l'ordre de leur prince, ils tendit de grands éclats de rire sans rien voir
s'étaient rendus à l'enterrement de Luther. autour de lui.
Le valetde Luther, qui l'assistait à sa mort, Leioyer raconte que de son temps il y
déclara, ce qui est très-singulier, en confor- avait de mauvais g;irnemenls qui faisaient
mité de ceci, qu'ayant mis la tête à la fenê- leurs sabbats dans les cimetières pour éta-
tre pour prendre l'air au moment du trépas blir leur réputation et se faire craindre, et
de son maître, il avait vu plusieurs esprits que, quand ils y étaient parvenus, ils al-
borribles qui dansaient autour de la maison, laientdans les maisons buffeler le bon vin.
et ensuite des corbeaux maigres qui accom- Les lutins s'appelaient ainsi parce qu'ils
(t) Di-Lincre, Ijiconslance des démons i. VI, p. 493.
, (3) Collociuium I.Hllienim inler et dbboliim, al) ipso l.u-
\i) Mflaiiclilliou. do i:x;imiu Uicolog. opcruiii. l l". Ihero conscriplum , i:i cius lilirode .Mi»s:i ini ala, tic.
ïl'Gtl LUX LTC 1070

prônaient quelquefois plaisir à lutter avec souvent allait elle-même en savoir. Se por-
les hommes. Il y en avait un à Thermesie tant très-bien, elle s'éveille au milieu de la
qui se battait avec tous ceux qui arrivaient nuit at'ec une agitation singulière elle veut ;

dans celle ville. Au reste, disent de bons sonner pour demai>der ce que fait son valet
légendaires, les lutins ne mettent ni durelé de chambre; elle ouvre les rideaux de sou
ni violence dans leurs jeux lit; à l'instant, l'imagination fortement frap-

LUTSCHIN. Au pied du Lutschin , rocher pée, elle croit apercevoir d ins son apparte-
giiçantesquc de la Suisse, coule un torrent ment un fantôme couvert d'un linceul blanc;
où se noya un fralriciile en voulant laver elle croit entendre ces paroles : —
Ne vous
son poignard ensanglanté. La nuit, à l'heure inquiétez [loint de moi, je ne suis plus de ce
où le meurtre fut commis, on entend encore monde, et avant la Pentecôte vous viendrez
près du torrent des soupirs et comme le râle me rejoindre. « La fièvre s'empara d'elle ; elle
d'un homme qui se meurt. On dit aussi que fut bientôt à toute extrémité. Cequi contribua
l'âme du meurtrier rôile dans les environs, le plus à augmenter sa terreur, c'est qu'à l'in-
cherchant un repos qu'elle ne pent trouver. stant même où elle fut frappéede celtevision,
LUTTEURS, démons qui aiment la lutte et l'homme en question venait effectivement
les petits jeux de mains. C'est de leur nom d'expirer. La maréchale a cepenilanl survécu
qu'on a nommé les lutins. à la préliclion du fantôme imaginaire, et
LUXEMBOURG (Fbançois de Montmoren- cette résurrection fait furieusement de tort
cy), fuaréehal de France, né en 1628, mort en aux spectres pour l'avenir (1). »
1695. On l'accusa de s'être donné au diable. LVCANTHROPIE , transformation d'un
Un de ses gens, nommé Bonard, voulant homme en loup. Le lycanthrope s'appelle
retrouver des papiers qui étaient égarés, s'a- communément loup-g;irou.
dressa à un certain Lesage pour les recou- Les loups-garous ont été bien longtemps
vrer. Ce Lesage était un homme dérangé, qui la terreur des campagnes, parce qu'on savait
se mêlait de sorcellerie et de divinations. 11 que les sorciers ne pouvaient se faire loups
lui ordonna d'aller visiter les églises, de ré- que par le secours du diable. Dans les idées
citer des psaumes ; Bonard se soumit à tout des démonographes, un loup-garou est un
ce qu'on exigeait de lui, et les papiers ne se sorcier que le diable lui-même transmue en
retrouvèrent pas. Une fille, nommée la Dupin, loup, et qu'il oblige à errer dans les campa-
les retenait. Bonard, sous les yeux de Lesage, gnes en poussant d'affreux hurlements.
fit une conjuration au nom du maréehal de L'existencede loups-garous est attestée par
Luxembourg; la Dupin ne rendit rien. Déses- Virgile, Solin, Slrat)on, Pomponius Mêla ,
péré, Bonard fit signer un pacie au maréchal Dioiiysius Afer, N arron , et par tous les ju-
qui se donnait au diable. A la suite de ces risconsultes et démonomanes des derniers
menées, la Dupin fut trouvée assassinée. On siècles. A peine commençait-on à en dciuler
en accusa le maréchal. Le pacte fut produit sous Louis XIV.
au procès. Lesage déposa que le maréchal L'empereur Sigismond fit débattre devant

s'était adressé au diable et à lui pour faire lui laquestion des loups-garous, et il fut
mourir la Dupin. Les assassins de cette fille unanimement résilu que la lran^fllrm.l lion de»
avouèrent qu'ils l'avaient découpée en quar- lonps-garons élait un fait positif et constant.
tiers, et jetée dans la rivière par les ordres du Un garnement (lui voulait faire des fripon-
maréchal. La cour des pairs devait le juger; neries mettait aisément les gens en fuiie eu
mais Louvois, qui ne l'aimait pas, le fil en- se faisant passer pour un loup-garou. Il n'a-
fermer dans un cachot. On mit de la négli- vait pas besoin pour cela d'avoir la figure
ginee à instruire son procès enfin on lui
; d'un loup, puisque les loups-garous de répu-
confronta Lesage et un autre sorcier, nommé tation élaienl ariôtés comme tels, quoi(iuo
Davaux. avec lesquels on l'accusa d'avoir fiit sous leur figure hum:iine. On croyait alors
des sortilèges pour faire mourir plus d'une qu'ils portaient le poil de loup-garou entre
personne.— Parmi les imputations horribles cuir et chair.
qui faisaientla basedu procès, Lesage dit que Peucer conte qu'en Livonie, sur la fin du
le maréchal avait faitun paete avec le diable, mois de décembre, il se trouve tous les ans un
pour pouvoir allier un de ses fils avec la fa- bélître qui va sommer les sorciers de se ren-
mille de Louvois. Le procès dura quatorze dre en certain lieu ; et s'ils y manquent le
mois, lln'yeul de jugement ni pour ni contre. diable les y mène de force, à coups si rude-
La Voisin, la Vigoureux et Lesage, compro- ment appliqués, que les marques y demeu-
rent. Leur chef passe devant et quelques
mis dans ces crimes, furent brûlés à la Grève. ,

Le maréchal de Luxembourg fut élargi , milliers le suivent, traversant une rivière,


passa quelques jours à la campagne, puis re- laquelle passée ils chang« ni leur figure en
vint à la cour, et reprit ses fonctions de ca- celle d un loup, se jettent sur les hommes et
pitaine dis gardes., sur les troupeaux, et font mille dommages.
LUXEMBOURG (La maréchale de ). Ma- Douze jours après ils retournent au même
dame la maréchale de Luxembourg avait lleuve el redeviennent hommes.
pour valet de chambre un vieillard qui la On atirapa un jour un loup-garou qui
servait depuis longtemps , et auquel elle courait dans les rues de Padoue on lui cou-;

était attachée. Ce vieillard tomba toutà coup pa ses pattes de loup, et il reprit au mémo
dangereusement malade. La maréchale était instant la forme d'hoiume , mais avec les
dans finquiétude. Elle ne cessait d'envoyer (t)lli3loircilesrcvcfianlsouiirélei.Uostelï,lom.!.p.t7l-
demander des nouvelles de cet homme ,
et

IC7I DlCTIONiSAinE DES SCIENCES OCCCLTES. 1072

bras et les pieds coupés, à ce que dit Fincel. caonie, mais dont il admet incontestablement la réalité.
L'an 1588, en un village distant de deux Un sieur de B auvoys de-C.liauviiicourt, gentilhomme an-
gevin, a fait imprimer en 1599 (Paris, petit in-12) un vo-
lieues d'Âpchon, dans les moiitagi s d'Au- lurrie intitulé Disconrsde lalycanlhropie, oude lalrimsmu-
:

vergne, un gentilhomme, étant sur le soir à laliun des hommes en /orips.—^Claude, prieur de Laval, avait
sa fenêtre, aperçut un chasseur de sa con- publié quelques années auparavant un autre livre sur la

naissance, et le pria de lui rapjfortcr de sa


môme matière, intitulé : Dialogues de la hjcaulliropie.
Ils allirmenl tous qu'il y a certainement des loups garous.
chasse. Le chasseur promit, et, s'élant avancé Ce qui
est plus singulier, c'est qu'il n'y a peiil-élre pas
dans la plaine, il vit un gros loup qui venait de village qui n'ait encore ses loups-garous ; il est possi-
ble que celui dont on va parler soit encore aux galères. Il
à sa rencontre. Il lui lâcha un coup d'arque-
se faisait appeler Maréchal, et demeurait en 1801 au vil-
buse et le manqua. Le loup se jeta sur lui et lage de Loiigueville , à deux lieues de Méry-sur-Seine. il
l'attaqua vivement. Mais l'autre, en se dé- était bûcheron, faisait des fossés, et s'occupait de divers
fendant, lui ayant coupé la pâte droite avec métiers qui s'exercent dans la solitude, et sont par consé-
quent propres à la sorcellerie. Avec l'aide du diable, il se
son couteau de chasse, le loup estropié s'en- changeait toutes les nuits en loup ou en ours, et faisait de
fuit et ne revint plus. Comme la nuit appro- grandes peurs aux bonnes gens. Un jeune paysan s'arma
chait, le chasseur gagna la maison de son d'un liisil et l'attendit une nuit. Il vit un monstre à quatre
ami, qui lui demanda s'il avait fait bonne patles qui venait lourdement k lui. 11 le coucha enjoué et le
manqua. Le loup-garou, qui avait aussi un fu<iil, tira il son
chasse. Il lira de sa gibecière la patte coupée tour sur le paysan et le blessa à la jambe. Celui-ci, stupé-
au prétendu loup, mais il fut bien étonné do fait do se trouver en face d'un loup qui lirait des coups de

la voir convertie en main du femme, et à f'isil, se mit à luir. A la fin, la justice informée s'empara de

riioninie. On ne trouva dans le prétendu sorcier qu'un vau-


l'un des doigts un anneau d'or que le gen-
rien coupable de vols et de brigandages qu'il e>;erçait dans
tilhomme reconnut être celui de son épouse. Ses courses nocturnes. Ou le condamna aux galères perpé-
il alla aussitôt la trouver. Elle était auprès tuelles.
du feu, cachant son bras droit sous son Le lecteur fera sans doute ici une réflexion Imite natu-
relle coin lient se peut-il qu'un loup-garou é|;0uvanle
tablier. Comme elle refusait de l'en tirer, il
:

une contrée pendant trois ou quatre ans, sans que la


montra la main que le chasseur avait rap-
lui justice l'arrête? C'est encore une des misères de nos
poriée; cette malheureuse", éperdue, avoua fiaysans. Comme il y a chez eux beaucoup de méthanUs,
ils se craignent entre eux ; ils ont un discernement et une
que c'était elle en effet qu'on avait poursui-
expérience qui leur apprennent que la justice n'est pas
vie sous la figure d'un loup-garou; ce qui se toujours juste ; et ils disent : Si nous dénonçons uu coupa-
>érifia encore en confronlaul la main avec le ble et qu'il ne soit pas mis hors d'étal de nuire . c'est uu
bras dont elle faisait partie. Le mari courroucé ennemi implacable que nous allons nous faire. Les paysan»
sont vindicatifs. Après dix ans de galères, ils reviennent se
livra sa femme à la ju>lice; elle fut brûlée. venger de leurs dénonciateurs. Il faudrait peut-être qu'un
Que penser d'une telle histoire, racontée coupable qui sort des galères n'eilt pas le droit de repa-
par Boguet comme étant de son temps? Etai - raître dans la contrée qui a été le théâtre de ses crimes.

ce une trame d'un mari (jui voulait, comme Voy. CïNAKTHHOPlK , BOCSAHTUBOPIE , KaOLLET, BiSCLA\ A-
KET, etc.
disent les 'Wallons, être quitte de sa femme? LYCAON, fils de Phoronée, roi d'Arcadie à laquelle il ,

donna le nom de Lycaonie. 11 bâtit sur les montagnes la


ville de Lycosure, la jJus ancienne de toute la Grèce, el
Les luups-garous éiaienl fort communs dans le Poiloii;
on les y appeljiil la bêle biguurne qui court la gahpode. y éleva un autel à Ju|>iter Lycseiis auquel il commença k
,

sacriUer des victimes liumaines. 11 faisait mourir , pour les


(Jn:jiiJ les bonnes gens enlenitenl les hurlements du loup-
garou, ce qui n'arrive qu'au milieu de la nuit , ils se gar-
manger, tous les étrangers qui |iassaient dans ses Etals.
Jup 1er éiaiit allé loger chez lui, Lycaon se prépara a ôier
dent de niittre la lêle à la fenêtre, parce qu'ils auraient
le cou tordu. —
On assure, dans cette province, qu'on
la vie à son liôle pendant qu'il serait endormi mais aupa-
ravant il voulut s'a.ssiirer si ce n'éiait pas un dieu , et lui
;

peut Torcer le loup-gaiou à ((uitter sa l'orme d'emprunt en


fil servir à .souper les membres d'uu de ses hôtes , d'au-
tiiidonnant un coup de tourelle entre les deux jeux.
tres disent d'un esclave. Un feu vengeur, allumé par l'or-
Un sait (pie la qualité distinctive des loups garons est
im grand goût pour la etiair fraîche. Delancre assure (pi'ils dre de Jupiter, consuma bientôt le palais, el Lycaon fut
étranglent les chiens et les enfanls; qu'ils lesmaiigeiade changé en loup. C'est le plus ancien loup-garou.
lion appétit; qu'ils marchent à quatre pattes; qu'ils hur- LYCAS démon , de Thénièse, chassé par le champion
lent connue de vrais loups, avec de grandes gueules, des Euihymius, et qui futen grande renommée chezlesCrecs.
yeii\ étincelanis et des dents crochues. Il était Irès-noir, avait le visa^^e el tout le coips hideux,
Ilodin raconte sans rougir qu'en 1512 on vit un matin el I orlait une peau ih- loup pour vêtement (2).
150 loufis-garous sur une place de Conslanlinople. —
On LYCIlNOMAiNClE, divinaiion qui se faisait par l'inspec-
trouve dans le roman de Pei's>/«5e( SijrJsnioMrye , dernier tion de la flamme d'une lampe; il en reste quelques tra-
ouvrage de Cervantes, des Iles de loui>s garons et des ces. Lorsqu'une étincelle se détache de la mèche, elle an-
sorcières qui se changent en louves pour enlever leur nonce une nouvelle et la direction de celle nouvelle. Voy.
I
roie, comme on trouve dans Gulliver une Ile de sorciers. Lampadomancie.
U^iis au moins ces livres sont des romans.— Delancre pro- LYN.X. Les anciens disent des merveilles du lynx. Non-
pose (t) comme uu bel exemple ce trait d'un duc de Rus- seulement ils lui altribueiit la faculté de voir travers le» il

sie. Averti qu'un sien sujet se changeait en toutes sortes' murs, ni;iis encore la vertu de produire des pierres pré-
de bêles, il l'envoya chercher, le tit enchaîner, ei lui cieuses. Pline raconte sérieusement que les lilots de son
coniniaiida de donner une preuve de son art ; ce qu'il lit, se urine se transforment en ambre , en rubis el en scarbou- >

Iransformanl en loup; mais ce duc, a.yant préparé deux cles. Mais il aj'iiite que par un sentiment de jalousie, cel
,

dogues, les lit lamer contre ce misérable, qui aussitôt fut animal avare a soin de nous dérober ces riches,ses en cou-
Diis eu pièces —
On amena au médecin Pomponace un vrant de terre ses précieuses évacuations. Sans cela nous
paysan atteint de lycantrophie, qui criait a ses voisins de aurions pour rien l'ambre, les rubis et les escarboucles (5).
s'eniuir s'ils ne voulaient pas qu'il les mangeât. Comme I.YSIMACHIE , plante ainsi nommée parce que, [xisûe
ce pauvre homme n'avait rien de la lorine d'un loup, les sur le joug auquel les bœufs et autres animaux étaient
villageois, persuadés pourtant qu'il l'était, avaient com- attelés, elle avait la vertu de les empêcher de .se battre
mencé À l'écorcher, pour voir s'il ne portait pas le poil LYSIMAQUE, devin dont parle Démélrius de Phalère
sous la peau. Pomponace le guérit; ce n'était qu'un hvpo- dans son livre de Sorrale. Il gagnait sa vie à interpréter
coiidre.— J. deNynauld a publié en 1615 un traité complet des songes au moyen de certaines tables astrologiques 11
de la Lycautropie, qu'il aiipelle aussi Pulle louviére et ((/- se teiiail auprès du temple de Uacchus (4).

(1) Inconslauce des mauvais anges. liv.IV, p. 30t. (.'51 M. de Saignes, Di'S Erreurs, eic, l. II, p. 103.
(2) Leioycr, Hisl. de» spectres, p. 198. (i) Pluiarque, Vie d' Aristide, § L.\VI.

FIN DU PREMIER VOLUME.


Taiis. — Iiiipiimeric .MIC.NE

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