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La psychomotricité dans le soutien des interactions

mère-enfant. Exemple des interactions perturbées par la


maladie psychiatrique périnatale maternelle
Marion Bouscary

To cite this version:


Marion Bouscary. La psychomotricité dans le soutien des interactions mère-enfant. Exemple des
interactions perturbées par la maladie psychiatrique périnatale maternelle. Médecine humaine et
pathologie. 2017. �dumas-01562010�

HAL Id: dumas-01562010


https://dumas.ccsd.cnrs.fr/dumas-01562010v1
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UNIVERSITÉ de BORDEAUX
Collège Sciences de la Santé

Institut de Formation en Psychomotricité

Mémoire en vue de l’obtention


du Diplôme d’État de Psychomotricien

La psychomotricité dans le soutien des


interactions Mère-enfant
Exemple des interactions perturbées par la maladie psychiatrique
périnatale maternelle

Bouscary Marion
Née le 15 mars 1995 à Annecy

Directeur de Mémoire : Hugues Esculpavit


Juin 2017
Remerciements

Je souhaite adresser tous mes remerciements aux personnes qui m’ont aidé et
soutenu, et qui ont ainsi contribué à l’élaboration de ce mémoire :

Hugues Esculpavit, mon directeur de mémoire et superviseur de stage pour


la confiance qu’il m’a accordé et ses encouragements.

Frédérique Joncheray, maître de stage et psychomotricienne passionnée, qui


par ses conseils, sa disponibilité, son enthousiasme et son grand étayage m’a accom-
pagné dans ma réflexion et son aboutissement.

Valérie Gosselin, maître de stage, pour m’avoir donné l’occasion de créer mon
atelier et de gagner en autonomie professionnelle.

Toutes mes maîtres de stage et professeurs de ces trois années de forma-


tions, qui m’ont transmis leur savoir et leurs expériences et qui m’ont fait découvrir leur
pratique.

Ma famille et mes amis qui m’ont toujours soutenu quoi qu’il arrive.
Je tiens à remercier tout particulièrement mes parents pour les nombreuses relectures
et leurs encouragements et pour m’avoir toujours fait confiance. Sans vous, je ne se-
rais pas celle que je suis aujourd’hui.
Je remercie également Julien, pour ses relectures et ses conseils avisés et je tiens
aussi à adresser une pensée tout particulière à mes colocataires, à Charlotte et à
Alexandre pour votre présence et votre soutien inconditionnel.

Un grand merci à vous tous.

2
Sommaire

Introduction………………………………………………………………………………….4

Partie 1 : Deux partenaires d’interactions : L’enfant et la Mère………………….6

I. L’enfant………………………………………………………………………6

II. La Mère………………………………………………………………..……14

III. L’interaction Mère-enfant……………………………….…………………25

Partie 2 : Les perturbations des interactions Mère-enfant : Exemple de la mala-


die psychiatrique périnatale………………………………………………………….…37

I. Des interactions Mère-enfant perturbées…………………………...……… 37

II. Les maladies psychiatriques périnatales…………………………………….47

Partie 3 : Le psychomotricien au sein du réseau de psychiatrie périnatale...…56

I. Le réseau de psychiatrie périnatale…………………………..………………56

II. Les rôles du psychomotricien dans le réseau de psychiatrie périnatale…58

III. Étude de cas : Martin et sa maman……………………………………….….71

Conclusion………………………………………………………………………….……….84

Bibliographie………………………………………………………………………...………86

Table des matières………………………………………………………………….…….. 89

Annexes……………………………………………………………………………………. 92

3
Introduction

Durant ces années de formation à l’institut de psychomotricité, si je devais


mentionner une citation qui m’a grandement marqué, ce serait la suivante :

« Un bébé seul n’existe pas ».

Dans cette citation qui à l’origine est : « mais un bébé, cela n’existe pas » (38),
Donald Woods Winnicott fait remarquer que lorsque l’on montre un bébé, on montre
certainement aussi quelqu’un qui s’occupe de lui. Un bébé ne peut pas exister tout
seul, il fait essentiellement partie d’une relation, d’un environnement ; en particulier la
Mère. En effet, dès le départ, l’enfant possède toutes les potentialités pour avoir un
développement harmonieux, mais ces potentialités ont besoin d’un environnement
« suffisamment bon » et adapté aux besoins du bébé pour pouvoir se développer.
Donald Woods Winnicott parle alors de « Mère suffisamment bonne » (39) (ni « trop »
bonne, ni « pas assez ») ; une Mère qui saura donner les soins adéquats pour
permettre aux potentialités de l’enfant de s’exprimer.

Ce concept de « Mère suffisamment bonne » a toujours suscité mon plus grand


intérêt. Je me suis alors posée de nombreuses questions : qu’est-ce qu’une mère
suffisamment bonne ? Peut-on être une mère « pas assez bonne » ou « trop
bonne » ? Si oui, quelles peuvent être les influences pour l’enfant et son
développement ?
C’est quand John Bolwby dit : « La relation mère-enfant est aussi vitale pour le
développement général du bébé que les vitamines ou les protéines pour le
développement physique » (14), que l’on peut se dire que ces questions sont légitimes.
Quel peut être l’impact d’un environnement « pas suffisamment bon », d’une
relation mère-enfant « pas suffisamment bonne » pour un enfant ? Cela peut-il
être préjudiciable à son développement ?
Cela pose donc une autre question primordiale : La relation mère-enfant, et
surtout les interactions entre ces deux partenaires, sont-elles si importantes
pour le développement futur de l’enfant ?

4
C’est avec toutes ces questions en tête que j’ai décidé d’effectuer mon stage
de troisième année de formation en psychomotricité dans un réseau mère-enfant.
Cette structure a comme objectif la prise en charge conjointe de la mère et de l’enfant
se trouvant dans des situations de souffrance psychique périnatale.
La psychiatrie périnatale est une discipline qui étudie les troubles psychiques observés
chez la femme durant la période périnatale et le développement des enfants dans ce
contexte. Il y a donc un double objectif : soigner la mère malade et prévenir le risque
de dysfonctionnement dans la relation mère-enfant.

C’est dans ce contexte que l’on peut se demander si la maladie maternelle peut
être préjudiciable pour l’enfant en construction. La psychopathologie de la mère
peut-elle impacter les interactions précoces mère-nourrisson ? Une maman
possédant une pathologie psychiatrique est-elle donc moins apte à être une
« mère suffisamment bonne » ? Si oui, l’enfant est-il donc susceptible d’avoir de
potentielles problématiques ?

C’est grâce à ce stage et à de nombreuses recherches théoriques que je vais


essayer de répondre à tous ces questionnements dans ce mémoire.
Mon mémoire et son déroulement reposent donc sur deux grandes interrogations :

1) En quoi les interactions précoces mère-enfant sont primordiales pour le futur


développement de l’enfant ?

2) Quel peut être le rôle du psychomotricien auprès d’interactions mère-enfant


perturbées ?

Tout d’abord, je décrirai les deux partenaires de cette interaction mère-enfant


avec leurs particularités, et j’aborderai par la suite les interactions qui se jouent entre
ces deux acteurs et l’importance de l’attachement qui se crée. Dans une deuxième
partie, je développerai les perturbations possibles de ces interactions et l’exemple de
maladies psychiatriques périnatales pouvant les impacter. Et enfin, dans un dernier
temps, j’évoquerai le rôle du psychomotricien et je présenterai une étude de cas afin
de montrer un exemple concret du rôle important qu’il peut avoir auprès d’interactions
mère-enfant perturbées.

5
Partie 1 : Deux partenaires d’interactions :
L’enfant et la Mère

I. L’enfant

Étymologiquement, le terme « enfant » vient du latin «infans » signifiant « celui


qui ne parle pas ».

La Convention Internationale relative aux Droits de l’Enfant de 1989 définit le


terme « enfant » de la façon suivante : « tout être humain âgé de moins de dix-huit
ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est
applicable ». L’enfant est ainsi caractérisé par sa jeunesse et le fait que ce soit un être
en pleine croissance ; un adulte en devenir.

Ces deux définitions sont très intéressantes car cela montre que le terme
« enfant » sous-tend les notions de dépendance et d’incompétence, toutes deux liées
au fait que l’enfant ne puisse pas verbaliser. D’un autre côté, l’enfant est aussi un être
en construction, un futur adulte ; donc avec des compétences qui vont se développer.

Pourtant, nous allons voir que l’enfant est doué de compétences innées dès
sa naissance et même in-utero, lui permettant d’entrer en interaction avec son
environnement.

A) Une nouvelle vision : un nouveau-né compétent

Il y a une quarantaine d’année, l’enfant était considéré comme un simple « tube


digestif », passif, dénué de compétences, de sentiments et de sensations. Autrement
dit, un être réflexe subissant les influences de son environnement, en particulier sa
mère. Cette idée reçue a longtemps prévalu.

6
Ce n’est qu’à partir du 18ème siècle, grâce au progrès des méthodes de
recherches (notamment la vidéo), que les professionnels et les chercheurs de la petite
enfance ont changé leur façon de se représenter le bébé, de l’étudier et même de le
soigner. C’est T.B. Brazelton qui a été l’un des premiers à reconnaître le bébé comme
un être compétent et actif dans la création des liens qu’il tisse avec ses parents. Le
nouveau-né est alors aujourd’hui considéré comme un être doté d’étonnantes facultés
dès sa venue au monde et même in-utéro ; faisant de lui un être relationnel. Comme
le souligne Martine Lamour, on est passé de la théorie de la Mère toute puissance,
organisatrice de l’interaction, à la reconnaissance du bébé, partenaire actif de
l’interaction grâce à ses incroyables compétences. Le bébé est donc devenu un être
compétent, doté de capacités sensorielles, motrices et sociales, lui permettant ainsi
d’entrer en interaction avec son environnement.

Pomerleau et Malcuit (1983) ont défini le terme de « compétence ». Ils évoquent


la notion de compétence de base pour le nouveau-né : « La compétence de base est
entendue comme l’ensemble des comportements (actions et réactions) que le jeune
enfant, en se fondant sur son équipement biologique de départ, est susceptible de
manifester, quand les circonstances, le contexte et les conditions environnementales
s’y prêtent » (19).
Le bébé dispose donc d’un équipement biologique de base à sa naissance ; il
est équipé pour entrer en relation.

Le progrès des méthodes de recherche a ainsi ouvert la voie à un bébé doué


pour la relation. Comme le dit Marie Couvert, dans son livre Les premiers liens : « les
bébés d’hier ne sont plus les bébés d’aujourd’hui » (9). Alors qu’ils étaient décrits
comme des êtres passifs avec seulement des besoins à satisfaire ; on montre
aujourd’hui que le bébé recherche activement les stimuli relationnels.

Nous allons donc voir quelles sont ces compétences que possède le bébé et
comment celles-ci étayent les premières situations interactives. En effet, pour
comprendre l’interaction mère-enfant, il est intéressant de savoir sur quelles capacités
de l’enfant celle-ci peut venir s’appuyer et se fonder.

7
B) Les compétences du nouveau-né
1) Les compétences sensorielles

Les capacités sensorielles du nourrisson sont fonctionnelles dès sa venue au


monde. Le développement des sens chez le bébé suit un ordre chronologique au cours
de la vie intra-utérine : le toucher, l’odorat, le goût, l’ouïe et enfin la vue. Dès la
naissance, certains sens sont plus opérationnels que d’autres et constituent de
puissants agents relationnels.

• Capacités tactiles
Le toucher est la première capacité sensorielle à apparaître in-utero. Le bébé
éprouve ses premières sensations dès le deuxième mois de grossesse. Dans l’utérus,
le bébé est exposé à diverses sensations tactiles : son corps se frottant sur les parois
utérines, le contact avec le liquide amniotique, les caresses faites à travers le ventre
de sa mère...etc. Toutes ses sensations lui apportent contenance et rassemblement.
C’est pour cela que lorsque le bébé naît, il continue à rechercher cette première forme
de communication qui le rassure. Le peau à peau, les caresses, les bercements et
les massages sont donc très importants, le réconfortent et lui procurent un sentiment
de bien-être.

• Capacités olfactives
A 6 jours de vie, le bébé est capable de reconnaître l’odeur de sa mère, ce
qui le rassure et l’apaise et il peut s’orienter activement vers une source imprégnée de
cette odeur. Il est aussi capable de discriminer l’odeur maternelle de l’odeur d’une autre
femme.

• Capacités gustatives
Le bébé possède les mêmes bourgeons gustatifs que nous dès la onzième
semaine de grossesse. A travers le liquide amniotique, il goûte à tout ce que la mère
mange.
A la naissance, par des mimiques de rejet ou de plaisir, il sait parfaitement
distinguer les saveurs sucré, salé, amer et acide avec une nette préférence pour
le sucré (le goût du liquide amniotique étant davantage sucré).

8
• Capacités auditives
Le bébé entend et réagit aux sons durant la grossesse. Que ce soient des bruits
internes (battements cardiaques, respiration, transit intestinal de la mère par exemple)
ou des bruits externes atténués par la paroi utérine et le liquide amniotique ; le fœtus
baigne dans un univers sonore permanent.
Dès sa naissance, le nouveau-né est capable d’orienter sa tête dans la
direction d’un son. Il sait faire la différence entre les sons graves et les sons aigus
mais aussi entre sa langue maternelle et les autres langues. Il reconnaît aussi la
prosodie et l’intonation de la voix : une voix douce et calme l’apaisera tandis qu’une
voix forte le fera sursauter ou même pleurer.

• Capacités visuelles
La vision est le dernier sens à se développer chez le fœtus. A la naissance, la
vision du bébé n’est pas encore tout à fait mature. Il peut voir à une distance
d’environ 20 centimètres, ce qui correspond approximativement à la distance le
séparant du visage de sa mère lors de la tétée. Cependant, il a déjà la capacité de
suivre du regard et a une préférence pour le visage humain. Il est aussi capable
de distinguer des formes et des couleurs et dès le deuxième jour, il sait faire la
différence entre sa mère et une autre femme.

2) Les compétences motrices

Le fœtus commence déjà à faire certains mouvements dans le ventre de sa


mère. En effet, déjà in-utero, le bébé est un être en mouvement. Cependant, ces
mouvements sont réflexes et apparaissent comme peu coordonnés.

La motricité est dépendante de la maturation cérébrale, et notamment de deux


systèmes dont la maturation est différente :
• le système sous cortico-spinal ou système inférieur dont la maturation est
précoce (dès les trois derniers mois de la vie fœtale)
• le système cortico-spinal ou système supérieur dont la maturation est
tardive (sa maturation ne débute qu’à la naissance)

9
Le système inférieur traduit une motricité réflexe, archaïque alors que le
système supérieur révèle une motricité contrôlée. Ce dernier va petit à petit
remplacer le système inférieur en permettant la disparition progressive de la motricité
réflexe et l’installation progressive d’une motricité volontaire de plus en plus précise.

A sa naissance, le bébé exprime donc une motricité réflexe, s’exprimant depuis


sa vie utérine. La présence de ses nombreux réflexes est physiologique au cours des
premiers mois de vie du nourrisson et révèlent un fonctionnement intact du système
inférieur. C’est pour cela que nous les recherchons lors de l’examen du nouveau-né.
Parmi ces réflexes, on peut en citer quelques-uns :

• Le réflexe de préhension ou le grasping reflex : Si on pose notre doigt dans


la paume de la main du bébé, celle-ci se referme.

• Le réflexe de Moro : Lorsqu’un mouvement soudain ou un bruit fort se produit,


le bébé écarte les jambes, les bras et les doigts avant de les ramener serrés
contre son corps dans une dynamique d’ouverture-fermeture de son corps.

• Le réflexe de succion automatique : Si on stimule les lèvres du bébé avec


son doigt, celui-ci tend spontanément la bouche et la langue et se met à téter ;
ce qui déclenche un mouvement de succion.

• Le réflexe de marche automatique : Lorsqu’un bébé est tenu en position


debout, il fait des mouvements de marche.

• Le réflexe de fouissement : Lorsque le bébé est placé sur le ventre de sa mère,


il rampe jusqu’au sein maternel et cherche le mamelon pour téter.

• Le réflexe des points cardinaux : Lorsqu’on stimule tactilement la joue du


bébé, cela entraîne une rotation de la tête vers le côté stimulé et une ouverture
de la bouche pour téter.

10
• Le réflexe tonique asymétrique du cou ou réflexe de l’escrimeur : Lorsque
l’enfant est couché sur le dos et sa tête tournée d’un côté, cela entraîne
l’extension du bras du même côté et la flexion du bras du côté opposé. Ce
réflexe initie les coordinations oculo-manuelles.

Ces différents réflexes sont recherchés dans l’échelle d’évaluation néonatale de T.B.
Brazelton : la NBAS (Neonatal Behavioral Assessment Scale). Cette échelle est un très bon
outil pour permettre aux parents de se rendre compte que leur bébé est compétent et qu’il peut
être un acteur à part entière dans la relation parent/enfant. Lorsque Madame F a vu son bébé
lors de cet examen, elle a dit : « c’est impressionnant, je ne savais pas qu’il pouvait faire tout
ça ! t’es fort mon bébé ! ».

Ses réflexes vont progressivement disparaître entre 2 et 4mois laissant place à


une motricité volontaire.

La motricité volontaire dépend de la maturation du système supérieur et de la


maturation tonique. Lorsqu’il naît, le bébé est en hypotonie au niveau axial et en
hypertonie au niveau périphérique (les membres supérieurs et inférieurs sont en
flexion). Progressivement, le tonus suit des lois de développement et devient sous
contrôle volontaire :

• La loi céphalo-caudale : le contrôle volontaire des muscles se fait du niveau


céphalique au niveau caudale de l’axe. Par exemple, le contrôle tonique du cou
se fera plus tôt que le contrôle tonique du bassin. En effet, le bébé tient sa tête
avant de pouvoir se retourner dos/ventre (ce retournement étant initié par le
bassin).
• La loi proximo-distale : le contrôle volontaire des muscles se fait du niveau
proximal au niveau distal des membres. Par exemple, le contrôle tonique de
l’épaule se fera plus tôt que le contrôle tonique de la main. En effet, le bébé
sera capable de faire un mouvement global du bras avant d’effectuer un
mouvement fin des doigts.

11
Ce contrôle tonique progressif permet petit à petit à l’enfant de pouvoir mobiliser
son corps de manière davantage globale. C’est grâce à cela que l’enfant est capable
de se retourner, de tenir assis, de marcher...etc. On pourrait citer quelques-unes de
ces étapes clefs du développement psychomoteur :
• La tenue de sa tête vers 3 mois
• La préhension volontaire vers 5mois
• Le retournement ventre-dos vers 6mois
• La station assise sans appui vers 7 mois
• La reptation et le 4 pattes vers 9-10mois
• La station débout vers 12-18mois

Le bébé est donc doué de capacités motrices dès sa naissance. Ses


compétences, liées à la maturation cérébrale du nourrisson mais aussi à son
environnement plus ou moins stimulant, vont petit à petit évoluer et se diversifier.

Albert Grenier a même mis en évidence le concept de « motricité libérée ». Si


le corps du bébé de quelques jours est contenu par l’adulte (position assise et soutien
de la nuque), l’enfant est capable de compétences motrices tout à fait remarquables
pour son âge. En effet, l’enfant tenu de cette manière est libéré des contraintes
imposées par la motricité réflexe et par le poids et le maintien de sa tête. On peut ainsi
mettre en exergue les compétences motrices du bébé.

3) Les compétences sociales

Le bébé possède aussi des compétences sociales, c’est-à-dire des


compétences permettant d’échanger avec autrui. Dès tout petit, le bébé communique,
que ce soit de la communication non-verbale ou de la communication verbale. Lorsqu’il
naît, le bébé n’est pas capable de s’exprimer verbalement, mais il exprime ses
ressentis corporellement (tensions ou détente du corps, expressions du visage,
regards...) ou par des pleurs et des cris qui sont vus comme des signes d’appel. C’est
donc un bébé qui appelle à la relation. Ce n’est qu’à partir de deux mois que les
gazouillis arrivent.
De la même façon, dès qu’il naît, le bébé est rapidement capable de montrer
des capacités de communication via l’imitation. Il peut reproduire des expressions
faciales qu’il voit faire par exemple (tirer la langue).

12
Le sourire est aussi un agent communicatif très important. L’entourage du bébé
est énormément réceptif au sourire de l’enfant. Dès les premières heures de sa vie, le
nourrisson est capable de sourire ; c’est un sourire réflexe qui manifeste un bien-être.
Rapidement, entre un et deux mois, le nouveau-né est capable de sourire par imitation
puis intentionnellement : ce sont les sourires adressés.

Le nourrisson possède donc de nombreuses compétences. Néanmoins, celles-


ci font l’objet d’une grande variabilité individuelle et interindividuelle. Leur expression
dépend de nombreuses variables telles que le fonctionnement cérébral,
l’environnement et les stimulations de l’environnement ou l’état de vigilance de
l’enfant.

C) Les états de vigilance

Lorsqu’il naît, le bébé est soumis à divers états de vigilance se caractérisant


par un état tonique et une sensibilité aux signaux extérieurs à l’organisme. La première
description de ces états de vigilance a été donnée par P.H. Wolff ; avant d’être repris
par Prechtl et Brazelton notamment (17). Ces états de vigilance se décomposent en
six :
• état 1 : sommeil profond
• état 2 : sommeil léger
• état 3 : éveil somnolent
• état 4 : éveil alerte
• état 5 : éveil agité
• état 6 : pleurs

C’est durant l’état 4, un état d’éveil calme et attentif, que le bébé est
pleinement disponible pour l’interaction et peut montrer ses meilleures compétences.
Le niveau d’interaction du nouveau-né est donc complètement dépendant de ses états
de vigilance.

13
On a donc vu que le bébé possède des compétences multiples : sensorielles,
motrices et relationnelles. Celles-ci le rendent partenaire actif de l’interaction. Le
nouveau-né n’est pas incompétent comme les idées préconçues le supposaient. Le
bébé a de multiples facultés qui lui permettent de s’imposer comme sujet et acteur de
la rencontre. Cela permet ainsi à son entourage de se sentir reconnu et investi, mais
aussi engagé dans un lien de réciprocité. Les parents se rendent compte que leur
bébé est capable de faire des choses, que c’est un être compétent qui peut bouger,
communiquer, ressentir et interagir avec eux.

Lors de l’allaitement, une maman demande si la vision de son fils, né il y a peu de temps, est
assez mature pour qu’il puisse la voir. On lui répond qu’un nourrisson peut voir à une distance
d’environ 20 centimètres donc qu’il peut voir son visage. Sur un air enjoué, elle nous répond
«Ah ! Donc il voit que je le regarde ? Il voit que je lui souris ? ». Cette connaissance de la
compétence de son enfant permet à cette maman de se sentir investie et lui permet aussi de
reconnaître son fils comme acteur dans la relation.

Comme nous avons pu le voir, l’interaction est réciproque entre le nourrisson et


le parent. Tous deux sont des acteurs à part entière qui influencent cette interaction.
Nous allons donc poursuivre en nous intéressant au parent et plus particulièrement à
la place et au rôle de la Mère.

II. La Mère

Comme l’énonce Donald Woods Winnicott : « un bébé seul n’existe pas ». On


ne peut pas dissocier l’enfant de son environnement ; notamment de sa Mère,
partenaire privilégiée de l’interaction. J’ai décidé de parler par simplification avec le
terme « Mère » avec un grand « M », cependant je parle davantage de la fonction
maternelle, de la fonction du partenaire central de l’interaction. En évoquant le
terme « Mère », je fais donc référence au concept de « Mère Univers » développé par
Joyce McDougall. La « Mère Univers » regroupe toute personne s’occupant du bébé.
En effet, avec l’évolution de notre société, la fonction maternelle à proprement
parler n’est plus portée exclusivement par la femme donnant naissance au nouveau-
né. Le partenaire central de l’interaction, détenant cette fonction maternelle, peut donc
être la mère au sens biologique du terme ou toute autre personne dans l’entourage
proche du bébé : une mère adoptive, le père, la grand-mère, un professionnel...etc.

14
On définit le terme « mère » par « femme qui a mis au monde ou qui a adopté
un ou plusieurs enfants ». Cependant une autre définition est actuellement admise :
« femme qui joue le rôle d’une mère » (définition du Larousse). Néanmoins, je
nuancerais cette définition. Comme le déclare un article de presse en janvier 2011,
« Mère et Père perdent leur sexe » (Le quotidien Libération, 11 janvier 2011) ; la
fonction maternelle pouvant être jouée par un individu de sexe féminin ou de sexe
masculin.

A) La naissance d’une Mère

Le fait d’être Mère se désigne par le terme « maternité » qui s’envisage comme
un état, une position, un fait en lui-même ; on est Mère. Cela renvoie au terme
« parentalité » désignant de façon très large la « fonction de parent » (Larousse,
2000), la « la qualité de parent, de père, de mère » (Le Petit Robert, 2001) : on est
parent.

Cependant, le psychiatre-psychanalyste P.-C. Racamier a mis en avant en 1961


que la parentalité fait référence à une étape de développement psychologique
adulte (15). En d’autres termes, « On ne naît pas parents, on le devient » (Yvon
Gauthier) : c’est le processus de parentalisation.
Selon Lamour et Barraco, c’est « l’ensemble des réaménagements
psychiques et affectifs qui permettent à des adultes de devenir parent, c’est-à-dire
de répondre aux besoins de leur(s) enfant(s) à trois niveaux : le corps (les soins
nourriciers), la vie affective et la vie psychique » (15).

Il s’agit donc de devenir Père ou Mère d’un enfant, non seulement sur le plan
physique, mais aussi psychique. P.-C. Racamier a créé le terme de « maternalité »
pour rendre compte de ce phénomène. Comme le souligne Daniel Stern, « une mère
doit naître psychologiquement, tout autant que son bébé naît physiquement ».

15
Selon Sellenet, il s’agit d’un processus en plusieurs étapes : une première
étape durant l’enfance où le processus se prépare inconsciemment, puis lors de
l’adolescence où il est activé sous l’influence de facteurs physiologiques, et enfin un
dernier temps lors de la naissance de l’enfant où il est actualisé. Dans son livre « La
naissance d’une mère », Daniel Stern a lui aussi décrit les différentes étapes de ce
processus. Pour lui, il y a trois grands stades pour atteindre ce qu’il appelle « le
sentiment d’être mère » (30):

• Un premier stade de préparation : avant la gestation, lors des 9 mois de


gestation, lors de l’accouchement et juste après la naissance de l’enfant où la
mère effectue un travail psychologique nécessaire afin de se préparer à la
maternité et à sa nouvelle identité de Mère. C’est une période durant laquelle
l’imagination de la Mère est occupée à nourrir des espoirs, des rêves, des
fantasmes et des peurs autour de son bébé et d’elle en tant que future mère.
Durant cette période, on peut voir le bébé imaginaire prenant forme dans
l’esprit de la mère ; ce bébé est la base des premiers liens se formant entre la
Mère et le nouveau-né. Comme le dit N. Wiernsberg « toute naissance dans le
réel est précédée d’une naissance dans la tête. L’enfant, bien avant de naître,
porte déjà la trace du désir de ses parents qui se le représentent tel qu’ils
aimeraient qu’il soit. » (33). L’accouchement donne naissance à la mère
physique et au bébé réel, mais pas forcément à la mère psychologique. La
mère psychologique apparaîtra lorsque la mère aura pris conscience de ce que
cela représente de s’occuper de son enfant.

• Un deuxième stade où « la naissance de la Mère » prend définitivement son


essor grâce aux interactions avec le bébé réel. Cette période correspond aux
mois suivant la naissance du bébé ; la Mère prend conscience de la
responsabilité qu’elle a envers lui. La Mère réalise ainsi qu’elle doit assurer
la survie, la croissance et le bien-être de son bébé et qu’elle doit créer un
lien d’attachement avec lui.

• Un troisième et dernier stade dans lequel la Mère intègre sa nouvelle identité


maternelle dans le reste de sa vie. Dans ce stade, la Mère prend en compte
son bébé, qui elle est devenue et qui elle veut devenir.

16
On ne naît donc pas Mère, on le devient. Devenir Mère dans sa tête et dans
son corps est le produit d’un long travail identificatoire développemental
commençant bien avant la grossesse et se poursuivant avec l’arrivée de l’enfant réel.
La maternalité et tous ses réaménagements psychiques permettent à la Mère de se
sentir Mère et d’accéder à la maternité, c’est-à-dire à la nouvelle identité de Mère.

B) La fonction maternelle

Comme l’a très bien dit Daniel Stern, le sentiment d’être Mère prend
définitivement son essor lorsque celle-ci réalise la responsabilité qu’elle a envers lui.
Nous pouvons donc nous demander qu’est-ce que cette responsabilité représente ?
Quel est le rôle d’un Mère face à cette responsabilité ?
Plusieurs auteurs ont théorisé diverses fonctions qu’une Mère « suffisamment
bonne » doit avoir afin que son enfant se développe au mieux.

C’est Donalds Woods Winnicott qui évoque le concept d’une « mère ordinaire
normalement dévouée ». C’est la « mère suffisamment bonne », ni trop bonne, ni
pas assez. De la même façon, pour rejoindre cette notion, dans son livre « La
naissance d’une mère », D. Stern déclare : « il n’existe pas de mères parfaites, ce que
la plupart des mères offrent à leur enfant sera suffisamment bon pour qu’il se
développe normalement. Si vous étiez parfaites, ce serait sans doute mauvais pour
votre enfant ». En effet, pour D.W. Winnicott, il existe un équilibre entre les qualités
nécessaires à une mère suffisamment bonne et une forme de santé naturelle de
l’enfant.

Dans cette partie, je citerai donc quelques fonctions maternelles que les auteurs
ont théorisé en prenant appui majoritairement sur le concept de « Mère suffisamment
bonne ». De nombreux ouvrages font référence aux qualités maternelles, cependant,
j’ai pris le parti pris de ne pas en parler ici et de m’appuyer principalement sur les
notions développées par D.W. Winnicott (37,38,39,40,41).

17
1) Selon D.W.Winnicott

D.W. Winnicott évoque donc diverses qualités nécessaires à une Mère ordinaire
normalement dévouée afin que le développement de son enfant se passe de la
manière la plus harmonieuse possible.

Par exemple, lorsque le bébé vient au monde, il est en situation de dépendance


absolue vis-à-vis de son environnement. Winnicott qualifie cette dépendance absolue
de double car elle est à l’égard du milieu physique et affectif. Comme évoqué
précédemment, par simplification, je parlerai de la Mère pour qualifier
« l’environnement » proche du nourrisson. Cependant cet environnement, cet
entourage de l’enfant peut aussi être un substitut c’est-à-dire la personne qui sera
présente pour s’occuper de lui.
En réponse à cette dépendance absolue, Winnicott met en exergue un état
spécifique de la Mère durant cette période de vulnérabilité de l’enfant : la
préoccupation maternelle primaire. C’est la période particulière de quelques
semaines précédant l’accouchement aux quelques semaines qui le suivent pendant
laquelle l’attention psychique de la Mère est tournée exclusivement sur son bébé qui
vient de naître. Cela serait une sorte d’état de folie ordinaire nécessaire afin que la
mère se mette à la place de son bébé et puisse répondre de manière adaptée à ses
besoins. Winnicott parle de « merveilleuse mère-fusion ». La mère s’identifiant à son
bébé serait ainsi à même de décoder et d’interpréter les signaux de celui-ci avec une
efficacité extrême.

Dans ces ouvrages, Winnicott aborde le fait que les capacités maternelles d’une
Mère ordinaire normalement dévouée ne reposent pas sur une connaissance mais
proviennent plutôt d’une attitude acquise au cours de la grossesse. Il évoque ainsi trois
fonctions maternelles indispensables au bon développement de l’enfant :

• Le holding signifiant « le maintien ». Le holding représente la façon dont est


porté l’enfant tant physiquement que psychiquement. L’enfant est tenu et
contenu par la Mère : la Mère tient son enfant dans ses bras, le rassure, le berce,
le protège ; elle le porte avec son corps et avec sa tête.
Lors de ce portage, elle a un rôle de pare-excitation c’est-à-dire qu’elle protège
son enfant d’un surplus d’excitations qu’il n’est pas en capacité de contrôler.

18
Cette fonction de holding est fondamentale car elle permet l’intégration du Moi
du bébé : le bébé peut se sentir exister et se sentir comme une unité
différenciée de sa Mère. Cette fonction permet donc au bébé d’Être et de faire
l’expérience de soi.

• Le handling se traduisant par « le maniement ». La handling représente la


manière dont l’enfant est traité, manipulé et soigné physiquement par la Mère.
Cela fait référence au maternage, c’est-à-dire aux pratiques de soin du bébé :
le nourrir, le soigner, lui faire la toilette...etc. Ces soins permettent à l’enfant de
se constituer une intériorité et des limites corporelles.

Grâce au holding et au handling, la psyché de l’enfant s’installe progressivement dans


le soma : l’enfant acquiert le sentiment d’habiter son corps.

• L’object-presenting représente « la présentation de l’objet ». La Mère aide son


enfant à découvrir le monde petit à petit. C’est la phase des premières relations
objectales qui permettent à l’enfant de s’approprier et d’utiliser des objets.

Selon Winnicott, une Mère suffisamment bonne doit donc assumer ces trois
fonctions fondamentales, face à un bébé totalement dépendant d’elle durant les cinq
premiers mois de sa vie. Petit à petit, grâce au holding, handling et à l’object presenting,
l’enfant qui était en fusion avec sa Mère commence à se différencier : il ne s’attend
plus à une compréhension et à une satisfaction magique de ses besoins par sa Mère.
C’est durant cette période que Winnicott évoque le fait que le bébé a besoin d’avoir
une « Mère défaillante » sur une courte durée. C’est cela qui va le conduire à se
différencier d’elle car il fera l’expérience d’un défusion, d’une non-omnipotence.
Ensuite, lorsque le bébé se voit différencié de sa Mère vers 6 mois, Winnicott
parle de la phase de dépendance relative : le bébé prend conscience qu’il a besoin
de sa Mère. Ainsi, il devient capable d’établir une relation objectale avec elle et va
dorénavant donner un signal pour appeler sa Mère afin qu’elle satisfasse son besoin.
Le dernier stade représente le stade de l’indépendance dans lequel l’enfant
est en mesure d’affronter le monde par lui-même.

19
Ces trois fonctions maternelles Winnicotiennes sont donc primordiales pour le
nourrisson. Elles lui permettent de se sentir exister dans un premier temps et de se
vivre comme un Etre un, unique et différencié de sa Mère dans un second temps. Cela
lui permettra d’acquérir la capacité à être seul et il pourra ainsi aller explorer le monde.

2) Selon Daniel Stern

Selon D. Stern, il y a deux tâches essentielles à la maternité : la garantie de la


survie du bébé et la garantie de l’amour. Ces deux tâches maternelles
fondamentales vont de pair : l’attachement au bébé poussera la Mère à assurer sa
survie, et inversement ; les soins quotidiens fourniront l’occasion d’interactions qui vont
soutenir le processus d’attachement (30).

En effet, R. Spitz a démontré qu’un enfant recevant les soins de bases avec
peu d’échanges affectifs présentait au bout de quelques semaines à quelques mois
un syndrome grave de repli relationnel suivi d’un arrêt de l’évolution psychomotrice.
C’est ce qu’il a appelé le syndrome d’hospitalisme. Ce syndrome montre bien que
l’acteur principal de l’interaction doit aussi avoir un rôle important concernant « la
garantie l’amour » si l’on reprend le terme de D. Stern.

3) La capacité de Rêverie maternelle selon Wilfred Bion

Selon W. Bion, la Mère joue un rôle essentiel dans le développement de la


pensée du nourrisson. Grâce à sa capacité de rêverie, appelée aussi Fonction alpha,
elle permet la constitution de l’appareil à penser les pensées de son bébé (24,27).

Le bébé est accablé de données sensorielles confuses qu’il ne peut pas


comprendre car son psychisme n’est pas encore assez élaboré pour se les représenter.
Ces données sensorielles confuses, c’est ce que W. Bion nomme les « éléments
Bêta » ou « l’impensant ». Ce sont des impressions sensorielles et des vivances
émotionnelles qui éclatent et éparpillent le bébé car il ne peut pas leur donner du sens.
Il projette alors sur sa Mère ces expériences angoissantes qui le désorganisent.
Le rôle de la Mère est donc ici d’accueillir ce que son bébé vit et de lui donner du sens :
c’est la fonction alpha ou la capacité de rêverie. Cette fonction Alpha transforme
les éléments Bêta en contenu psychique c’est-à-dire en éléments assimilables
psychiquement pour le bébé. La Mère contribue donc à la formation du psychisme
20
chez l’enfant en lui prêtant son propre psychisme, son propre « appareil à penser les
pensées ». C’est grâce à cela qu’ensuite le bébé pourra assumer ces expériences
angoissantes seul, avec sa propre pensée. Par exemple, lorsque le bébé a faim, il vit
cela comme une expérience traumatisante car il ne peut pas y mettre du sens. La Mère
par ses actions et ses paroles (bercements, jeux, chansons, paroles) va venir donner
du sens aux éprouvés corporels de son enfant. Ces éprouvés corporels vont donc
devenir tolérables pour lui et ne vont plus donner lieu à une angoisse débordante.

Cependant, si par sa capacité de rêverie, la Mère ne parvient pas à détoxiquer


les éléments bêta de son bébé, ils seront réintrojectés sous une forme davantage
angoissante que W. Bion évoque par la notion « terreur sans nom ». C’est par exemple
quand la réponse de la Mère à l’angoisse de son bébé n’est pas adaptée : son bébé a
faim, elle va lui changer la couche. C’est pour cela que les notions d’accordage affectif
(D. Stern) ou de fonction miroir (D.W. Winnicott), que je développerai par la suite, sont
très importantes.

En conclusion, je pourrai dire qu’une Mère suffisamment bonne doit posséder


diverses qualités. Ces qualités multiples sont nécessaires au nourrisson afin que son
développement se déroule de manière satisfaisante.
Au début de la vie, le bébé et sa maman sont en fusion, ils ne font qu’un : le
bébé se voit comme indifférencié de sa Mère. De plus, comme le dit D.W Winnicott, le
nourrisson est en totale dépendance vis-à-vis de son entourage. Les qualités
maternelles à ce moment de la vie du nourrisson (préoccupation maternelle primaire,
holding, handling, object presenting, la garantie de la survie, la garantie de l’amour, la
fonction alpha détoxifiante...etc.) lui apportent une certaine sécurité et une certaine
conscience de lui-même comme individu différencié de sa mère. Tout cela lui permet
ainsi d’acquérir la capacité à être seul : on entre dans la phase d’indépendance de
Winnicott.

21
Les grandes fonctions maternelles que je viens de citer vont de pair et sont
complémentaires et sont donc essentielles afin que le développement de l’enfant soit
le plus harmonieux possible.
Comme je l’ai évoqué précédemment, je parle de la Mère comme le partenaire
privilégié de l’interaction avec le nourrisson. Cependant, d’autres acteurs peuvent
prendre part à cette interaction et avoir un rôle primordial : c’est le cas du Père.

C) Et le Père ?

Comme évoqué pour le terme « Mère », je tiens à rappeler que lorsque je parle
avec le terme « Père », je signifie plus certainement la fonction paternelle, pouvant
être portée par un individu de sexe masculin ou féminin et par n’importe quelle
personne dans l’entourage du nourrisson.

L’intérêt porté à la place, au rôle et au statut du Père est beaucoup plus récent
que celui porté aux Mères. L’évolution sociétale a amené le fait que les Pères sont de
plus en plus présents auprès des Mères et des nourrissons, et ce de plus en plus tôt.
On parle de Pères « impliqués » (Le Camus, 1997) ou de « paternité de proximité »
(16). On assiste alors aujourd’hui à un éclatement des fonctions du Père.

Le Père, tout comme la Mère, « devient Père » avec le processus de


parentalisation. C’est le terme paternalité qui rend compte de ce phénomène de
maturation psychique permettant au Père de se saisir de sa nouvelle identité de Père.
Le fait d’être Père se désigne ainsi par le terme « paternité ».
Tout comme pour la Mère, le fait de devenir et de se sentir Père est le fruit d’un long
travail identificatoire développemental prenant naissance bien avant la grossesse avec
le désir d’avoir un enfant. La grande différence qu’il y a avec la Mère est que le Père
ne possède pas de grossesse physique. Cependant, de nombreux auteurs ont mis en
avant le fait que le Père, lors de la grossesse, possède ce que l’on appelle une
« gestation psychique » (Martine Lamour) dans laquelle un enfant naît dans la tête
du Père et s’y développe : c’est l’enfant imaginaire. Durant cette période,
l’imagination du Père est remplie de doutes, d’espoirs, de fantasmes, de peurs autour
de son bébé et de lui en tant que Père.
Lorsque le bébé naît, on parle de préoccupation maternelle primaire pour la
Mère. C’est aussi le cas pour le Père : on parle de préoccupation paternelle primaire
durant laquelle l’attention psychique du Père est tournée exclusivement vers le bébé.
22
Ainsi, nous pouvons voir que le fait de « devenir parent », que ce soit Père ou
Mère, se met en place selon les mêmes procédés : on devient parent lorsqu’on se rend
compte de la responsabilité que l’on a envers son bébé et cela prend définitivement
son essor dans les interactions avec le bébé réel.

Qu’en est-il alors des fonctions parentales ? Fonction maternelle et paternelle


sont-elles distinctes ? Qu’en est-il de la fonction paternelle ?

Le rôle du Père est différent de celui de la Mère. Cependant, il lui est aussi
complémentaire. Je vais citer quelques exemples de fonctions que le Père assure :

• Le Père est garant de la défusion Mère-enfant. Comme dit précédemment,


lorsqu’il naît, le bébé est dépendant de son environnement, il ne peut pas
satisfaire ses besoins seul. En réponse à cela, la Mère entre en état de
préoccupation maternelle primaire ; on parle aussi de fusion Mère-enfant. Le
Père joue le rôle de tiers séparateur. Par sa présence autre, au sens de
« personnage différent de la Mère », il apporte la dimension de l’altérité et de la
différence. Cette triade permet à l’enfant de se différencier de sa Mère et cela
introduit une distance entre la Mère et l’enfant. L’enfant construit ainsi son
identité propre, s’individualise, et peut investir des choses extérieures à sa
relation avec sa Mère. C’est le stade où l’on passe de la dépendance (totale et
relative) à l’indépendance.

• Le Père a un rôle de porteur de la loi en venant contrer, limiter et canaliser les


pulsions de l’enfant. C’est un rôle interdicteur que peut difficilement avoir la
Mère en jouant son rôle maternant.

• Le Père possède aussi un rôle de soutien à la Mère. Le Père peut faire partie
des personnes ressources c’est-à-dire des personnes aidantes : il peut aider
la Mère dans les soins de maternage par exemple.

23
• Jean Le Camus propose la notion de « dialogue phasique » pour désigner le
dialogue entre le Père et l’enfant, par opposition au dialogue tonico-émotionnel
entre la Mère et l’enfant. Ces deux notions différentes évoquent des différences
spécifiques de qualité de présence envers le bébé. Par le terme « phasique »,
Le Camus insiste sur le caractère transitoire, discontinu et davantage
mouvementé des échanges entre le Père et son bébé. Le Père initierait donc
des jeux davantage dynamiques et stimulants que la Mère, ce qui favoriserait
l’exploration du bébé. En contrepartie, avec le dialogue tonico-émotionnel lent
et continu, la Mère favoriserait le développement d’un sentiment de sécurité en
encourageant la proximité en cas de détresse.

Le Père a donc des fonctions distinctes mais complémentaires de celles de la


Mère. Cependant, avec l’évolution sociétale, notamment la redistribution des rôles et
des tâches quotidiennes dans le couple, l’implication de plus en plus précise du Père
dans les soins prodigués au bébé et les « nouvelles familles » (homo-parentalité,
mono-parentalité, co-parentalité...etc.), ces fonctions sont à nuancer. La fonction
paternelle et la fonction maternelle ne seraient que deux variations d’une seule et
même fonction : la fonction parentale. Aujourd’hui il est donc considéré que Mère et
Père n’ont plus de sexe. Ces deux variations de la fonction parentale peuvent être
reprises soit par le sexe féminin, soit par le sexe masculin : le Père pouvant avoir une
fonction maternelle et la Mère une fonction paternelle par exemple. Ces deux fonctions
parentales peuvent aussi être reprises par toute personne dans l’entourage de l’enfant,
cela n’est pas que spécifique aux parents biologiques :
• un couple homoparental peut très bien se partager le rôle maternel et le rôle
paternel
• si les parents ne sont pas aptes à effectuer ces fonctions, la grand-mère peut
posséder cette fonction maternelle par exemple

Un bébé n’est pas seul, on ne peut pas dissocier le bébé de son environnement.
Majoritairement, les parents de l’enfant sont les acteurs principaux interagissant avec
lui. Cependant, l’entourage de l’enfant est plus vaste, d’autres acteurs sont
susceptibles d’entrer en interaction avec lui : les grands-parents, les frères et les
sœurs, les professionnels...etc.

24
On a donc vu que le bébé est dépendant de son environnement dans les
premiers mois de sa vie. Cependant, il est aussi doué de nombreuses compétences
lui permettant d’entrer en interaction avec son entourage. Son entourage proche,
répondant aux besoins physiques et psychiques du bébé, correspond à ses parents le
plus souvent du temps. Tous deux ont des fonctions spécifiques, différenciées et
nécessaires afin que le nourrisson se développe au mieux.
Nous allons maintenant décrire quelles sont ces interactions entre le bébé et la Mère.
J’ai décidé ici de centrer ma réflexion spécifiquement sur la Mère ; partenaire privilégié
de l’interaction, mais il est important d’avoir à l’esprit que ces interactions existent aussi
avec le Père ou toutes autres personnes faisant partie de l’entourage de l’enfant.

III. L’interaction Mère-enfant


A) Définition

Le terme « interaction » est formé du rapprochement du mot « inter » et du mot


« action ». Dans son étymologie même, ce mot désigne donc une action mutuelle de
plusieurs éléments en réciprocité. Selon Edmond Marc et Dominique Picard dans
Le vocabulaire de psychosociologie, l’interaction désigne « une relation
interpersonnelle entre deux individus au moins par laquelle les comportements de ces
individus sont soumis à une influence réciproque, chaque individu modifiant son
comportement en fonction des réactions de l’autre ».

Comme nous l’avons vu dans les parties précédentes, auparavant le bébé était
considéré comme un être passif dénué de capacités. Aujourd’hui, on sait que le bébé
possède de nombreuses compétences le rendant partenaire actif dans la relation. La
Mère émet un message (le touche, lui parle, le regarde, le porte) et le bébé peut
recevoir tout cela et peut émettre des messages en retour. Ses messages du bébé
sont captés par la Mère qui y répond à son tour et ainsi de suite. On parle donc
d’interaction.

Aujourd’hui, la relation entre le bébé et sa Mère est donc envisagée comme un


ensemble de processus bidirectionnels où le bébé n’est pas seulement soumis aux
influences de son environnement (modèle de la Mère toute puissante) mais est aussi
à l’origine de modifications de celui-ci.

25
Pour imager cette dynamique, Escalona a introduit le terme de spirale
transactionnelle ou interactionnelle en 1968 dans lequel l’enchaînement de
processus bidirectionnels est décrit non pas en cercle fermé mais plutôt en spirale. On
considère donc que « parent et nourrisson s’influencent l’un l’autre dans un processus
continu de développement et de changement » (Sameroff, 1975).

Dans ce schéma créé par Lebovici et Mazet, on peut voir que la Mère et le bébé
sont deux partenaires actifs. L’harmonie, la mutualité et la réciprocité de cette
interaction sont donc fonctions de différents facteurs liés à ces deux acteurs. Nous
verrons cela, ainsi que les perturbations de cette réciprocité dans une prochaine partie
concernant les troubles de l’interaction.

A partir de leurs nombreux travaux sur les interactions précoces, Lebovici,


Mazet et Visier ont ainsi défini trois niveaux d’interactions en 1989 : les interactions
comportementales, les interactions affectives et les interactions fantasmatiques (19).

B) Les trois niveaux d’interactions


1) Les interactions comportementales

Les interactions comportementales représentent la manière dont le


comportement de l’enfant et celui de la Mère s’agencent et s’ajustent l’un par rapport
à l’autre. Ce sont l’ensemble des interactions directement observables entre la Mère
et son bébé : on parle « d’interactions réelles ou d’interactions concrètes».
Ces interactions comportementales se situent dans trois principaux registres : corporel,
visuel et vocal.
26
• Les interactions corporelles

Les interactions corporelles sont en lien avec le holding et le handling de D.W.


Winnicott que j’ai décrit précédemment. C’est la façon dont l’enfant est porté
physiquement mais aussi psychiquement par sa Mère avec un portage plus ou moins
contenant et sécure (holding) et la façon dont l’enfant est manipulé et soigné par celle-
ci en lien avec tous les soins de maternage (handling).

Lors de ce holding et handling, la Mère et le bébé sont en contacts corporels et


communiquent ensemble par le biais du tonus. C’est ce que Wallon a développé en
parlant du dialogue tonique (1930). Le dialogue tonique décrit la communication non-
verbale qui s’établit entre le nouveau-né et sa Mère permettant des ajustements
corporels et posturaux interactifs (détente corporelle ou raidissement par exemple).
En 1977, J. de Ajuriaguerra approfondit le terme de Wallon en décrivant le dialogue
tonico-émotionnel qui serait le reflet des états émotionnels des deux partenaires de
l’interaction avec la possibilité d’une transmission de l’état émotionnel de l’un à l’autre
des partenaires. J. de Ajuriaguerra rajoute donc la connotation affective dans ce
dialogue en considérant le lien entre tonus et émotions (4).

Exemple de Mme P et Jules : Lors de l’atelier koala proposé par la psychomotricienne (temps
de détente maman-bébé avec des exercices de respiration et musique de fond où la Mère
installée confortablement prend bébé dans ses bras), Mme P est détendue et son corps ne
montre aucune tension, Jules s’endort alors dans les bras de sa Mère, apaisé et détendu lui
aussi.

Les interactions corporelles concernent donc la façon dont le bébé est tenu,
porté, manipulé, touché et comment le bébé réagit à cela. C’est l’ensemble des
échanges Maman-bébé passant par le corps.

27
• Les interactions visuelles

Les interactions visuelles concernent la durée, la fréquence et la réciprocité des


regards entre la Mère et l’enfant. C’est ce qu’on appelle aussi le regard mutuel qui
représente l’un des modes privilégiés de communication et une modalité interactive
essentielle maman-bébé.
D. W. Winnicott a développé la notion de « fonction miroir » de la Mère : le
nourrisson se voit dans le visage de sa Mère. C’est-à-dire qu’en fonction de ce qu’elle
perçoit chez son bébé, elle tend à lui communiquer ce qu’elle a perçu et compris de
son état affectif. Serge Lebovici insistait sur la réciprocité de ce phénomène ; le bébé
se voit dans le visage de sa mère mais sa mère se voit aussi dans le visage du bébé
en train de le regarder. C’est grâce à cela que le nourrisson perçoit que ses états
affectifs sont reconnus par sa maman, ce qui renforce son sentiment d’existence.
On peut se questionner à propos des regards fuyants, des regards diffus ou
bien des regards attentionnés, des regards somnolents, une absence de regards...etc.
Qu’est-ce que cela renvoie au bébé ou à la Maman si l’un ou l’autre le regarde de cette
façon ?
Lorsqu’on observe des dyades en interactions, on peut très bien constater que
les regards réciproques sont essentiels et constituent de puissants agents relationnels.
Ce regard est souvent perçu par la Mère comme gratifiant et valorisant car le bébé
s’adresse à elle en la regardant.

• Les interactions vocales

Les interactions vocales sont un mode privilégié de communication pour le bébé


et la Maman.
Pour le bébé, les cris et les pleurs lui permettent d’exprimer ses besoins, ses
désirs et ses affects. Ces appels du bébé déclenchent des affects intenses chez la
Maman la poussant à intervenir et à agir pour répondre aux besoins de son enfant et
mettre fin à cet état de détresse et d’agonie dans lequel il est.
Pour décrire ces cris, L. Sander et H. Julia parle d’un « cordon ombilical
acoustique » car c’est ce qui relie la Mère au bébé en suscitant son rapprochement
et sa proximité.

28
En ce qui concerne la Mère, son langage est primordial. Selon Lebovici et
Stoleru, dans Le nourrisson, sa mère et le psychanalyste : « La parole de la mère peut
aider l'enfant à surmonter ses peurs, à comprendre ce qu'il lui arrive, ce qui se passe
autour de lui ». Cela rejoint le concept de la fonction alpha détoxifiante de Bion que j’ai
décrit précédemment.
De la même façon, F. Dolto a insisté sur le fait qu’il est important de parler au bébé
car il comprend, entend et perçoit ce que l’on dit. En clinique, on observe très bien la
différence entre une Maman qui parle souvent à son bébé ou une Maman qui ne parle
pas à son bébé. Le bébé a tendance à davantage babiller lorsque sa Mère lui parle
depuis sa naissance.

Exemple de Mme D et Lucie : Mme D ne parlait quasiment jamais à Lucie qui elle-même ne
vocalisait pas. Lorsqu’elle est entrée au réseau mère-enfant, les soignants ont effectué une
vidéo des interactions qui a permis à Mme D de se rendre compte de cette situation. Lorsqu’on
a revu cette dyade quelques semaines plus tard, Maman parlait davantage à Lucie et nous
avons observé que Lucie vocalisait aussi davantage, ce qui rendait sa maman très fière d’elle.
Aujourd’hui Madame D peut nous dire « ça fait du bien de lui parler, elle me répond en plus,
c’est le fait que je ne lui parlais pas qui la rendait comme ça. »

On observe aussi que les Mères modifient leur façon de parler lorsqu’elles
s’adressent à un bébé en changeant leur voix et en exagérant leur prononciation ; c’est
le « parler bébé ». On constate ainsi que le bébé est davantage sensible à la prosodie
et aux intonations de la voix.

2) Les interactions affectives

Les interactions affectives sont plus difficilement observables ; elles


correspondent à l’influence réciproque de la vie émotionnelle du bébé et de la Mère.
C’est le climat émotionnel ou affectif (plaisant ou déplaisant) des interactions qui se
manifeste sous la forme d’affects : sourires, paroles, comportements de
tendresse...etc.
Ces interactions affectives renvoient au concept d’accordage affectif ou
d’harmonisation affective développé par D. Stern en 1989.

29
Ce concept se définit comme « le partage des mêmes états affectifs et comportements
au même moment, parfois sur un mode transmodal » (Guédeney). On peut le voir par
exemple avec l’expérience du Still face où la Mère apparaît figée devant son bébé et
où on constate une certaine désorganisation de celui-ci. Cela renvoie aux
problématiques des Mères dépressives qui ont un visage dénué d’expressions. Le
nourrisson est donc capable de percevoir des affects éprouvés par sa Mère et peut s’y
identifier en miroir. On peut faire un parallèle avec la fonction miroir de la Mère
développée par D.W. Winnicott.

La Mère, quant à elle, peut reprendre les expressions du bébé en les accentuant
et en y ajoutant des modalités sensorielles (la voix par exemple). On parle d’accordage
unimodal quand la Mère et l’enfant sont dans le même mode de communication et
d’accordage transmodal quand la Mère introduit d’autres modalités sensorielles. C’est
quand une Mère imite un comportement plaisant que fait le bébé (tape le hochet sur
la table) mais en y ajoutant une autre modalité que celle par laquelle le nourrisson
s’exprime, en faisant un son en même temps que le geste par exemple. Il y a donc un
partage des affects ici : la Mère et le bébé partagent des affects positifs. L’accordage
affectif participe au sentiment de compréhension du bébé avec un sentiment d’être
accompagné dans ses émotions. Plus tard, l’accordage affectif va permettre
d’associer une signification à des comportements.

Pour reprendre les mots de Lebovici et Mazet, il est donc important d’avoir une
« suffisante » harmonisation affective. Cependant, parfois, le bébé et sa Mère ne sont
pas accordés. C’est par exemple, quand le bébé gazouille (affect positif) et la Mère va
se mettre à pleurer (affect négatif). Dans cette situation, on peut se demander si le
bébé se sent compris et qu’est-ce que cela peut lui renvoyer ?

Il est important de savoir qu’on ne peut pas dissocier les interactions


comportementales des interactions affectives. L’affect est souvent associé aux
comportements.

30
3) Les interactions fantasmatiques

Les interactions fantasmatiques représentent l’influence réciproque du


déroulement de la vie psychique de la Mère et du bébé dans ses aspects imaginaires
(conscients) et fantasmatiques (inconscients).
Chez la Mère, la présence du bébé réactive la vie imaginaire et fantasmatique.
C’est l’idée du bébé imaginaire qui naît dans le psychisme de la Mère lors de la
grossesse. A la naissance de l’enfant réel, la confrontation entre celui-ci et le bébé
imaginaire est à l’origine d’un deuil pour la Mère. Ce deuil se passe de manière plus
ou moins difficile, c’est ce que nous verrons dans l’étude de cas que je présenterai
ultérieurement.
Selon Lebovici, le bébé est aussi « l’objet d’un mandat familial qui peut
confirmer les vertus ou réparer les drames ».

Mme A a décidé de faire un enfant lorsqu’elle a appris que son père souffrait du cancer. Elle a
évoqué : « je veux faire un enfant avant qu’il meure pour que mon père voit sa petite-fille ou
son petit-fils ».

La vie imaginaire et fantasmatique des parents est très liée à leur enfance, à
leur histoire familiale et personnelle, à leur vie affective et à leurs propres images
parentales.
Pour avoir une idée de ces interactions fantasmatiques, on peut observer ce
que dit la Mère de son enfant en évoquant ce qu’il suscite chez elle ou ce qu’il révèle
de son passé par exemple.

Ces représentations, ces fantasmes et/ou ces imaginaires de la Mère


influencent les interactions comportementales et affectives. On peut dire que les
interactions fantasmatiques donnent sens aux comportements observés de la Mère.

31
Lors d’une séance en psychomotricité, Mme Y nous parle beaucoup de sa propre enfance et
de sa relation avec sa Mère lorsqu’on évoque sa relation avec sa fille, Aurélie. Elle évoquera
que sa mère était souvent absente dans son enfance et qu’elle ne lui a pas donné l’amour
dont elle avait besoin. C’est cette situation selon elle qui lui a permis de savoir qu’elle ne voulait
pas être une Mère comme cela. Elle évoquera ainsi : « c’est pour ça que je suis aussi proche
de ma fille aujourd’hui et que j’essaie de lui donner le maximum de choses »

Le très jeune enfant possède lui aussi une vie fantasmatique. Comme le dit
Lebovivi : « Les soins maternels et leurs vicissitudes sont pourvoyeurs de fantasmes
chez le bébé ».

Ces trois types d’interactions sont intimement liés. On peut difficilement parler
d’interactions comportementales sans y mettre de l’affectif ou sans qu’il y ait une
approche fantasmatique derrière.
Comme on l’a vu précédemment, lorsqu’il naît, le bébé est dépendant d’une
autre personne car il ne peut pas répondre à ses besoins tout seul. De ce fait, la
relation enfant-entourage est vitale pour le bébé. Cependant, depuis quelques années,
on sait que le bébé est doué de compétences : cela le rend acteur dans cette relation.
On parle alors aujourd’hui d’interaction, dans laquelle le bébé et la Mère s’influencent
l’un et l’autre. Cette interaction est donc primordiale pour le bébé, mais aussi pour la
Mère. Le bébé a besoin d’autrui pour satisfaire ses besoins et la Mère a besoin de
cette interaction pour se sentir Mère.
Mais qu’est-ce qu’une interaction « suffisamment bonne » ? Selon Tiffany Field,
l’interaction est harmonieuse si la Mère est capable d’ajuster ses stimulations aux
besoins de l’enfant.
Par exemple, les interactions comportementales sont considérées comme
satisfaisantes si elles répondent à un critère de synchronie, de continuité/stabilité
et de respect des capacités d’attention et de stimulation du bébé (36). Si l’enfant
pleure, est-ce que sa Mère va percevoir ce signal d’appel ? Est-ce qu’elle va avoir une
réponse adaptée ? Est-ce qu’elle va y répondre rapidement (synchronie) ? Est-ce qu’à
chaque fois qu’il va pleurer, elle va essayer d’y répondre de la même façon (stabilité) ?
S’il pleure parce qu’il est fatigué, est-ce qu’elle va réussir à percevoir cela et respecter
ses capacités d’attention en essayant de l’endormir par exemple ou est-ce qu’elle va
le stimuler avec un jeu ?
32
Ces critères sont très importants et vont permettre au bébé de percevoir un
environnement prévisible et fiable sur lequel il peut s’appuyer.
De plus, avec l’accordage affectif maman-bébé, le bébé se sent compris dans ses
désirs et affects et cela lui permet de construire progressivement la notion de causalité,
mais aussi la différenciation de soi.

En effet, de nombreuses recherches consacrées aux interactions mère-bébé


permettent d’établir le lien entre la qualité de la relation et de l’interaction et le
développement de l’enfant. L’observation des interactions précoces est ainsi
essentielle puisqu’elle permet de déceler des perturbations. Ces perturbations peuvent
être des indicateurs de difficultés ou de risques pour le développement harmonieux du
bébé ; c’est ce que nous verrons dans une prochaine partie.

Des interactions harmonieuses permettent aussi la création d’un attachement


sécure de l’enfant à la Mère, ce qui est primordial pour son développement. On va
maintenant aborder furtivement le lien entre interaction précoce Mère-nourrisson et la
mise en place de l’attachement.

C) De l’interaction à l’attachement et de l’attachement à l’interaction

Comme le dit Daniel Stern, les soins quotidiens de la Mère vers l’enfant
fournissent l’occasion d’interactions qui vont soutenir le processus d’attachement. Ce
processus d’attachement va lui-même venir étayer les interactions mère-enfant (30).

C’est John Bowlby qui a mis en place la théorie de l’attachement en 1958 en


voulant comprendre pourquoi la séparation de l’enfant de ceux qui l’élèvent entraîne
une détresse significative chez le bébé. Il a ainsi mis en évidence que l’attachement
est un besoin primaire et inné. Dès sa naissance, le bébé est immature et vulnérable,
il a besoin de protection et de sécurité. Il va alors s’attacher instinctivement au
caregiver, c’est-à-dire à la personne s’occupant de lui (31).

L’attachement représente ainsi le lien émotionnel spécifique que le bébé


développe avec une personne privilégiée et discriminée durant la première année de
sa vie. Il s’agit généralement du parent, notamment de la Mère.
33
Cette personne privilégiée et aussi appelée figure d’attachement. Elle se
constitue lors des 9 premiers mois de vie et représente la personne différenciée et
préférée vers qui l’enfant dirige ses comportements d’attachement.
En effet, J. Bowlby a montré que le bébé possède un équipement
comportemental constitué de « réponses instinctives » qui l’oriente vers cette figure
d’attachement. Il décrit 5 de ces réponses instinctives du bébé qu’il appelle les
comportements d’attachement : sucer, attraper, suivre, pleurer et sourire. En 1969,
dans une autre de ses thèses, il reconnaît qu’il en existe davantage.
Ces réponses instinctives permettent la recherche ou le maintien de la proximité
à la figure d’attachement avec l’idée que celle-ci ôte les facteurs de stress et réponde
aux besoins du bébé. La figure d’attachement représente donc un havre de sécurité,
une source de réconfort et de protection dans un contexte de menace.

La disponibilité de la figure d’attachement à ce moment de menace du bébé,


s’accompagne du développement d’une expérience d’une sécurité de l’attachement.
On parle de la notion de base de sécurité. En contrepartie, s’il y a des complications
face à la disponibilité de la figure d’attachement, le bébé fera l’expérience d’une
insécurité et d’une anxiété.
L’enfant acquiert donc la base de sécurité lorsqu’il a confiance en la disponibilité de sa
figure d’attachement. Cette perception d’une relation sécure fonctionne comme un
ancrage et un support sur lequel l’enfant peut s’appuyer pour aller explorer le monde
en toute confiance. Marie Ainsworth parle d’attachement sécure dans ce cas-là.

Marie Ainsworth distingue plusieurs types d’attachements :


- L’attachement sécure : L’enfant sait que ses signaux de détresse entraînent une
réaction rapide et adaptée du parent. La figure d’attachement constitue donc une base
de sécurité, l’enfant se laisse facilement aller à l’exploration et ne se méfie pas
excessivement de l‘adulte étranger. Lors de la séparation, l’enfant manifeste sa
détresse mais peut facilement être rassuré. Lorsque le parent revient, l’enfant
l’accueille et recherche la proximité pour se rassurer et ensuite pouvoir repartir
explorer le monde.

34
- L’attachement insécure-évitant : Lorsque la figure d’attachement part, l’enfant ne
semble pas être affecté. Lors des retrouvailles, il ne va pas accueillir le parent et ne
manifeste pas de réconfort. Le parent n’est pas investi comme une base de sécurité
car l’enfant ne recherche pas de réconfort ou d’affections auprès de lui. Dans la vie de
tous les jours, c’est un parent qui peut avoir des comportements intrusifs ou de rejets
envers l’enfant. Il ne répond pas aux besoins du bébé ou répond mais de manière
inadaptée avec agressivité par exemple. Le bébé se sent en insécurité et inhibe son
comportement d’attachement.

- L’attachement insécure ambivalent ou hésitant : L’enfant a une véritable


ambivalence des comportements. Il exprime une grande détresse immédiate lorsque
la figure d’attachement s’en va. Lorsqu’elle revient, l’enfant peut exprimer de la colère,
de l’agressivité et de la tension. Cet attachement se met en place lorsque la figure
d’attachement répond de manière inadaptée, incohérente et imprévisible aux
sollicitations de l’enfant. Cet attachement insécure ambivalent ou résistant se
caractérise par une inefficacité à obtenir la sécurité de la part du parent, malgré les
efforts répétés de l’enfant pour la solliciter, ce qui l’empêche d’aller explorer
l’environnement.

- L’attachement désorganisé/désorienté : cet attachement n’est ni un attachement


sécure, ni un attachement insécure. L’enfant présente un comportement étrange
envers sa figure d’attachement. Ces comportements peuvent être opposés, ce qui
donne l’aspect d’une désorganisation. Il peut être évitant, ambivalent, ne pas diriger
ses comportements qui peuvent être indirects ou mal dirigés (ex : venir vers la figure
d’attachement mais en tournant la tête)...etc. La figure d’attachement est une source
d’apaisement mais aussi une source de peur pour l’enfant.

Selon Bowlby et Ainsworth, les réponses du caregiver pendant la première


année de vie sont donc associées à la qualité de la relation d’attachement. Des
réponses adaptées et efficaces aux signaux du bébé permettent la mise en place d’un
attachement sécure.

35
On peut donc voir que la qualité de l’interaction Mère-enfant influence la qualité de
l’attachement. Inversement, on devine qu’un attachement sécure d’un enfant à sa
figure d’attachement primaire permet de mettre en place davantage d’interactions car
les comportements d’attachement du bébé sont dirigés vers le caregiver qui répond à
son besoin d’apaisement. Il y a donc davantage d’interactions comportementales et
affectives.

L’attachement correspond donc à la relation qui émerge au fil du temps grâce


aux interactions du caregiving qu’on pourrait traduire par « prendre soin ». L’enfant sait
alors qu’il peut compter sur sa figure d’attachement pour se rassurer en cas de
détresse. Cette base de sécurité sur laquelle il peut compter lui permet de débuter ses
explorations du monde environnant avec confiance. Néanmoins, si le caregiving n’est
pas satisfaisant et si les interactions ne sont pas adaptées, l’attachement ne sera pas
sécure et cela aura des conséquences sur son exploration. De bonnes interactions
entre l’enfant et le caregiver/la figure d’attachement sont donc primordiales.
Nous allons maintenant nous intéresser aux perturbations des interactions
Mère-enfant.

36
Partie 2 : Les perturbations des interactions Mère-enfant :
Exemple de la maladie psychiatrique périnatale

I. Des interactions Mère-enfant perturbées

On a vu qu’il existait plusieurs types d’interactions Mère-enfant


(comportementales, affectives et fantasmatiques). Ces interactions sont dites
harmonieuses lorsqu’elles sont ajustées aux besoins de l’enfant. Lorsque les réponses
de la Mère ne sont pas ajustées aux besoins de l’enfant, cela peut avoir des
répercussions sur son développement et son bien-être. C’est pour cela qu’il est
important d’étudier les perturbations de ces interactions, qui peuvent être de plusieurs
ordres : soit quantitatives, soit qualitatives.

A) Les aspects quantitatifs des perturbations

Ces perturbations quantitatives se situent soit dans le « trop », soit dans le


« pas assez ». Elles dépendent du niveau de stimulation que la Mère adresse au
bébé, qui est soit dans l’excès, soit dans l’insuffisance. Cela est donc en lien avec
les capacités d’attention du nourrisson c’est-à-dire son seuil de vigilance, et son degré
de réceptivité c’est-à-dire son envie de vouloir être ou non dans l’échange avec sa
Mère. Cependant, tous les nourrissons ont leur propre seuil de tolérance ; de ce fait,
ils réagissent tous différemment à une stimulation donnée.
Il est donc important de prendre en considération l’échange entre ces deux
partenaires. On observera ainsi les comportements de la Mère, mais aussi les
réponses du bébé à ces comportements.

1) L’Excès de stimulation

L’excès de stimulation ou l’hyperstimulation se retrouve quand le Mère ne tient


pas compte des signaux du nourrisson qui expriment qu’il est débordé par les
stimulations. Cela peut être une fermeture des yeux, un détournement de la tête, des
émotions de tensions sur le visage, des pleurs spontanés...etc.
Cet excès de stimulations de la Maman dans un moment où le bébé n’est pas
en mesure de répondre peut être vécu comme une intrusion dans l’espace du bébé.

37
Exemple de Mme R et Lila : C’était l’heure de dormir pour Lila, elle se frottait les yeux sur le
tapis d’éveil. Mme R n’ayant probablement pas vu son état de fatigue, était en train de faire
des chatouilles à Lila qui ne répondait pas à ses sollicitations et qui détournait le visage.

La sur-stimulation peut aussi se retrouver dans des situations où les mamans


vont montrer des attentes excessives qui ne sont pas en lien avec l’âge de
développement de leur bébé. C’est par exemple une maman qui veut que son enfant
marche à 6 mois.

2) Le Manque de stimulation

Le manque de stimulation ou l’hypo-stimulation se retrouve lorsque la Mère


investit et s’occupe peu de son enfant.
Cette hypo-stimulation peut s’observer lors de la dépression maternelle. On
peut retrouver une inhibition de l’intérêt pour le bébé, une absence de plaisir, ainsi
qu’une difficulté à initier le jeu du fait de l’anhédonie de la dépression. Tout cela est
couplé à un sentiment d’incapacité pouvant amener par conséquent une diminution de
ces échanges mère-enfant. Cela peut se remarquer par un appauvrissement des
mimiques du visage, du langage et des gestes de la Mère envers son bébé.
Le bébé recevant peu de stimulations peut avoir des réponses d’inhibition de
l’interaction et peut, de fait moins solliciter sa Mère (détournement du regard, bébé
« passif »…).
On peut voir cela dans l’expérience du still face du Dr Edward Tronick dans
laquelle on demande à la Mère de maintenir un visage impassible sans répondre aux
sollicitations de son bébé. Le bébé tente par tous les moyens de faire réagir sa Mère :
il s’agite, lui souris, pointe du doigt... N’y parvenant pas, il cesse de la solliciter et se
retire de l’interaction.

L’hypo-stimulation peut également émaner d’un bébé ayant de faibles intentions


de communiquer, signifiant peu ses besoins auprès de sa Mère ou ayant peu
d’expressions. On dira de ces bébés qu’ils sont étrangement calmes par exemple.

38
Exemple de Mme D et Lucie : Chaque vendredi, lorsqu’elle arrive à l’hôpital de jour du réseau
Mère-enfant, Madame D pose Lucie sur le tapis d’éveil et se positionne dans un fauteuil assez
éloigné de sa fille. Sur le tapis d’éveil, en position de décubitus dorsal, Lucie ne bouge pas et
n’a pas d’entrain à aller chercher les jouets placés à côté d’elle. Madame D nous dit qu’à la
maison, elle ne joue que très rarement avec Lucie car elle doit aussi s’occuper de ses autres
enfants. De plus, elle ne la met que très peu sur le tapis d’éveil car ses deux fils peuvent être
violents avec Lucie, elle la garde donc souvent dans ses bras. On peut supposer que le peu
de stimulations qu’a Madame D envers Lucie a eu des répercussions sur son « envie d’aller
vers » et son exploration motrice de l’environnement.

B) Les aspects qualitatifs des perturbations


1) Perturbation de la réciprocité

C’est lorsque la Mère décode de la mauvaise façon les signaux envoyés par
son bébé. Cela se traduit alors par une inadéquation des réponses de la Mère par
rapport aux demandes du nourrisson. Cela peut aussi être lorsque la Mère ne
remarque pas les signaux émis par son bébé pour attirer son attention.

A chaque fois que son nourrisson pleurait, Mme S lui donnait la tétée pour le soulager. Le seul
décodage que Mme S faisait des pleurs et des cris de son nourrisson était qu’il avait faim.
Avait-il faim à chaque fois qu’il pleurait ? Est-ce que ces signaux d’appels étaient le signe
d’autre chose : fatigue, gène, besoin de réconfort, douleur, besoin de changer la
couche...etc. ? La perturbation de l’interaction est au niveau de la réciprocité de l’échange si
le bébé pleure parce qu’il est fatigué et que la Mère y répond en lui donnant le sein. Le bébé
se sentira-t-il compris dans ses désirs et besoins ? Comprendra-t-il le lien de causalité ?

Cette perturbation de la réciprocité peut aussi émaner du nourrisson, lorsqu’il


reste insensible aux diverses stimulations de la Mère par exemple ou qu’il se montre
activement opposant à celles-ci.

L’observation de la dynamique interactive entre la Mère et son enfant est donc


primordiale et la réciprocité des échanges entre ces deux partenaires est un élément
riche à prendre en compte. Cette réciprocité se joue au niveau comportemental mais
aussi affectif (on parlera de désaccordage affectif).

39
Greespan et Liebermann décrivent différents comportements en lien avec cette
notion de réciprocité :

 les comportements contingents : Les réponses sont directes et appropriées


aux signaux du partenaire, que ce soit la Mère ou le bébé.
 les comportements non contingents : Les réponses sont dénuées de lien
avec le comportement du partenaire.
 les comportements anti-contingents : Les réponses sont contraires aux
signaux émis par le partenaire.

Dans le cas de la vignette clinique ci-dessus, si le bébé pleure parce qu’il est
fatigué, le comportement de la Mère (lui donner le sein) serait non contingent avec le
comportement de son bébé. Des comportements anti-contingents seraient que la Mère
rigole lorsque son bébé pleure par exemple, ou de le stimuler lorsqu’il est fatigué (ce
qui serait aussi de l’hyperstimulation).

2) Perturbation du déroulement temporel

Il paraît également important d’observer le déroulement temporel de


l’interaction maman-bébé : est-ce qu’il existe une discontinuité (la Mère ne répond
jamais de la même façon) ou des mini-coupures au cours de l’échange (la Mère joue
avec son bébé, rigole et tout d’un coup s’en va)? Y a-t-il des petits retards lors de
l’émission des réponses (le bébé pleure et la maman met quelques minutes à
répondre)?
Le plus important à remarquer c’est si cela cause un problème dans
l’harmonisation et la réciprocité de l’interaction. S’il y a des retards, une discontinuité
ou des coupures et que la maman et le bébé arrivent à harmoniser leur interaction et
à s’ajuster, il n’y a pas de perturbations notables. Cependant, il y a perturbation si cela
arrive souvent et que la maman et le bébé n’arrivent pas à s’ajuster.

40
Les problématiques du déroulement temporel sont ainsi en lien avec les notions
de macro-rythme et de micro-rythme de D. Marcelli :
• Les macro-rythmes concernent les interactions de soins (le change, le repas,
le coucher) qui sont des activités relativement stables et répétitives. Le bébé va
pouvoir repérer ces situations et les anticiper.
• Les micro-rythmes concernent toutes les interactions impliquant des moments
de surprises, d’étonnements, de nouveauté.

Les macro-rythmes sous-tendent les notions de continuité, de stabilité et de


répétition alors que les micro-rythmes ont attrait à la rupture, au changement, à la
nouveauté, à l’évolution. Le but est de trouver un juste milieu entre tout cela.

Il peut donc y avoir plusieurs problématiques liées à ces macro-rythmes et à


ces micro-rythmes :
• une interaction Mère-enfant identique à elle-même dans le déroulement
temporel, ne changeant et n’évoluant pas donc n’ayant pas assez de
nouveauté (de micro-rythmes),
• une interaction avec trop de micro-ruptures et de nouveautés et dans laquelle
le bébé et la Mère ne s’ajustent pas,
• une interaction n’ayant pas assez de rythmes, de continuité et de stabilité. Le
bébé ne peut donc pas s’adapter et anticiper et est toujours en hypervigilance,
• une interaction ayant une alternance de tout ou rien : des périodes
d’hypostimulations alternant avec des périodes d’hyperstimulations.

Ces perturbations du déroulement temporel sont en rapport avec les notions de


fixation et de régression des modalités interactives.

3) La fixation et les régressions des modalités interactives

Ce sont Mazet et Stoleru qui ont développé ces deux termes en démontrant que
l’interaction Mère-enfant est un processus évolutif qui subit une maturation.
L’interaction doit donc être appréhendée en fonction de l’âge et du développement de
l’enfant.

41
Parfois, il peut se révéler qu’une Mère et son enfant sont restés (fixation) ou
sont revenus (régression) à des modalités interactives relatives à un stade de
développement de l’enfant davantage précoce. Inversement, la Mère peut exiger une
autonomisation trop précoce de l’enfant alors que celui-ci ne peut pas y répondre.
Par exemple, on peut retrouver une Mère qui demande à son enfant d’être
propre à un an alors que son contrôle sphinctérien ne le permet pas ; ou une Mère et
son enfant ayant gardé une relation symbiotique à un âge où d’autres modes de
communication devraient être instaurés.

Il y a donc plusieurs types de perturbations des interactions Mère-enfant. Ces


perturbations sont importantes à déceler car cela peut être la cause de signes de
souffrance chez le nourrisson.

C) Les signes de souffrance de l’enfant

Comme le dit Geneviève Bruwier dans son livre A la rencontre des bébés en
souffrance, un maternage adéquat permet au bébé de vivre dans une illusion le
protégeant d’une confrontation brusque avec la réalité. C’est-à-dire qu’on est dans la
situation où les besoins de l’enfant sont tous satisfaits par la Mère. En revanche, si le
maternage n’est pas adéquat, cette illusion s’effrite trop rapidement et la réalité vient
faire effraction dans le psychisme en construction du nourrisson et vient le
désorganiser. C’est-à-dire que si les signaux d’appel que le bébé envoie à sa Mère
n’ont pas une réponse adéquate, cela vient le désorganiser car son psychisme n’est
pas assez mature pour faire face à cet état d’agonie.

Face à cela, le bébé développe des stratégies adaptatives pour tenter de


conserver un sentiment de continuité d’être : il va essayer de trouver en lui les
ressources nécessaires pour répondre à ses besoins. Ces stratégies adaptatives sont
propres à chaque enfant car chacun ne réagit pas de la même façon à une situation
donnée. Chaque enfant a ses propres ressources et donc ses propres stratégies de
« survie ». Par exemple, face à un besoin d’apaisement que sa Mère ne lui procure
pas, l’enfant va trouver en lui des ressources pour s’apaiser, il va par exemple téter sa
langue.

42
Cependant, ces stratégies adaptatives peuvent s’épuiser si le maternage
inadéquat perdure dans le temps et peuvent laisser place à des signes d’appel et de
souffrance chez le bébé (7). Geneviève Bruwier dit qu’ « en utilisant son corps, le
bébé « dit » ce qu’il en est de sa vie pulsionnelle et de la dynamique relationnelle
instaurée avec son entourage »

Comme on l’a dit, chaque bébé est différent. Pour les signes de souffrance, l’un
peut développer des signes plus bruyants tandis qu’un autre adoptera des signes
davantage silencieux. Les signes de souffrance de l’enfant sont donc répertoriés en
symptômes bruyants et en symptômes discrets ou silencieux :

• Les symptômes bruyants : Ils sont appelés « bruyants » car c’est ceux qui
interpellent rapidement l’entourage. Ce sont des signes où le bébé proteste, il
se manifeste, il veut se faire entendre. Il y a par exemple le refus alimentaire,
les régurgitations, l’évitement du regard, les pleurs inconsolables, les troubles
du sommeil et de la régulation des états d’éveil, l’hypotonie ou l’hypertonie,
l’agitation motrice, les troubles digestifs (beaucoup de coliques et de
régurgitations, les anorexies précoces…)...etc.

• Les symptômes discrets : Ils sont appelés « discrets » car ils sont moins
perceptibles par l’entourage et peuvent passer inaperçus. Ce sont des signes
qui témoignent de l’arrêt de toute protestation de la part de l’enfant. C’est par
exemple un enfant se laissant glisser dans la passivité, un enfant calme
n’émettant que peu de vocalises, un bébé dormant beaucoup ou développant
des affections cutanées ou des infections à répétitions...etc.

Pour illustrer cela, nous pouvons nous servir de l’exemple de l’expérience du


Still-face. Lorsque la maman fait un visage impassible, le bébé déploie beaucoup
d’énergie à essayer de la faire réagir. Il lui fait des sourires, tente d’initier le regard,
pleure...etc. Il puise dans ses propres ressources pour attirer sa Mère : ce sont des
stratégies adaptatives précoces. Lorsqu’il voit que sa Mère ne réagit pas au bout d’un
certain temps, il va se retirer de l’interaction et devenir davantage passif : ce sont les
prémices d’un symptôme discret de souffrance.

43
Marie-Paule Durieux, pédopsychiatre et psychanalyste, dans son livre
Développement et troubles de l’enfant, 0-12mois (12) insiste bien sur le fait qu’il faut
s’assurer de la persistance et de la gravité du symptôme. Chaque signe pouvant être
le reflet d’un petit dysfonctionnement passager ou au contraire d’un dysfonctionnement
davantage important. L’observation attentive du bébé et des interactions avec sa Mère
(et les autres partenaires) est donc primordiale afin de déceler les signes du bébé
pouvant être inquiétants.

Chez l’enfant plus grand (à partir de 2ans), les signes de souffrance sont
différents. On trouve les retraits (avec la dépression du bébé, l’autisme et les défenses
autistiques), l’insomnie, les troubles alimentaires et les retards de développement.
Que ce soit les signes chez le nourrisson ou chez l’enfant plus grand, il est
important de signaler qu’un point pédiatrique et neurologique est toujours nécessaire
afin d’éliminer certaines causes somatiques.

Les troubles des interactions maman-bébé peuvent donc être préjudiciables


pour le nourrisson. Celui-ci peut développer des signes de souffrance lorsque les
stratégies adaptatives précoces qu’il met en place pour pallier à ce manque de
réponses positives de la Mère s’épuisent.
Pour quelles raisons ces interactions sont-elles perturbées ? Nous allons
maintenant voir succinctement quelques facteurs de risques de ces troubles
interactionnels.

D) Les facteurs de risques des troubles des interactions

Les interactions Mère-enfant peuvent être perturbées par de nombreuses


raisons. Nous allons donc citer quelques exemples de facteurs de risque pouvant
conduire à des situations de vulnérabilité ou à des situations à risque pouvant faire
émerger un trouble de l’interaction.
On parle de vulnérabilité de la relation parent-enfant, qui se définit comme
la sensibilité particulière de la relation aux facteurs de risques.

44
1) Les facteurs en rapport avec le nourrisson

La prématurité ou l’hospitalisation prolongée du bébé pour des raisons


médicales peuvent être un facteur de risque pour la relation Mère-enfant. On se
retrouve avec des parents en souffrance psychologique, très anxieux et culpabilisés et
un enfant davantage immature avec des compétences limitées (bébé peu actif et peu
sensible aux stimulations avec une régulation de son état de vigilance et de sa capacité
d’entrer en relation plus faible qu’un enfant né à terme).

Les atteintes somatiques de l’enfant (malformations, maladies, handicaps)


sont aussi un facteur de risque des perturbations des interactions. Elles constituent
une entrave aux expériences et aux compétences du nourrisson, mais aussi une
blessure narcissique pour le parent.

2) Les facteurs en rapports avec la Mère

Les troubles psychiatriques chez la Mère (dépression maternelle, psychose


maternelle...) peuvent la rendre moins disponible auprès de son enfant, ne la rendant
pas apte à apporter des réponses adaptées à ses besoins. C’est ce que nous allons
voir dans la prochaine partie où je décrierai certains troubles psychiatriques périnataux
et leurs possibles répercussions sur les interactions maman-bébé.

Les facteurs de risques en rapport avec la Mère peuvent aussi être en lien avec
des difficultés personnelles de la Mère, des carences sanitaires, éducatives et sociales,
une absence d’organisation de la vie quotidienne, une fréquence de situations de crise,
une maladie ou un handicap, une déclaration tardive de grossesse, une grossesse
adolescente, un isolement social, une rupture en cours de grossesse avec le Père,
une toxicomanie, un accouchement prématuré, une situation familiale, sociale et
économique très défavorisée, un refus du Père de reconnaître l’enfant, un décès
antérieur d’un bébé, une fausse-couche ou une interruption médicalisée de
grossesse….etc.

Le couple Mère-bébé va se construire ensemble. La relation Mère-enfant peut


ainsi être impactée si l’un des deux acteurs rencontre des difficultés. C’est ce que
Lebovici et Mazet ont essayé de montrer avec leur schéma de la spirale
45
transactionnelle. L’harmonie, la mutualité et la réciprocité de l’interaction sont
dépendantes de divers éléments liés à la Mère et au bébé, notamment la disponibilité,
l’état psychologique et la personnalité. Si un de ces éléments est problématique chez
un des acteurs, cela peut avoir une influence sur la relation entre les deux acteurs et
sur leur interaction.

Tous les éléments cités ci-dessus, en rapport avec le nourrisson ou en rapport


avec la Mère, constituent donc des facteurs de risques. Pour autant, ce n’est pas parce
que la Mère ou l’enfant possède un de ces facteurs que la relation va être impactée.

Nous allons maintenant nous intéresser plus spécifiquement à un de ces


facteurs de risque : les maladies psychiatriques maternelles. J’ai décidé de centrer ma
réflexion sur les pathologies psychiatriques apparaissant précisément dans la période
périnatale.

46
II. Les maladies psychiatriques périnatales

C’est le grand domaine de la psychiatrie périnatale qui étudie les maladies


psychiatriques périnatales. Tout d’abord, définissons ce qu’est la psychiatrie périnatale.

A) La psychiatrie périnatale

La psychiatrie périnatale est une discipline qui étudie les troubles psychiques
observés chez un adulte durant la période périnatale et le développement des enfants
dans ce contexte (28). Le plus souvent cet adulte est une femme donc la Mère, mais
cela peut aussi très bien être le Père.

Pour les gynécologues-obstétriciens, la période périnatale est la période


comprise entre la 28ème semaine d’aménorrhée et le 8ème jour suivant la naissance
de l’enfant. Cependant, en psychiatrie et en psychologie, cette période et bien plus
longue et s’étend du début de la grossesse jusqu’à la fin de la première année du post-
partum. On peut dire que c’est la période de la gravido-puerpéralité (grossesse,
accouchement, post-partum, allaitement...etc.).

La psychiatrie périnatale permet donc une double approche, elle prend en


compte:

• Les spécificités des troubles mentaux survenant à cette période de la vie. On


est donc dans de la psychopathologie périnatale, c’est-à-dire l’étude
scientifique et clinique des troubles psychiques survenant chez la Mère (ou le
Père) dans la période périnatale.
• Le développement du nourrisson face à un parent présentant une
pathologie mentale. Cela renvoie davantage à tout ce qu’on l’on vient de voir
sur l’approche transactionnelle de l’interaction et les répercussions qu’un
trouble interactionnel peut avoir sur l’enfant (stratégies adaptatives précoces,
signes de souffrance, mise en place d’un attachement insécure...etc.)

Le développement de cette discipline date de l’Antiquité où déjà il avait été


remarqué que les femmes avaient une vulnérabilité particulière aux troubles
psychiques durant la période périnatale.
47
En effet, comme l’explique A.-L. Sutter-Dallay et N. Guédeney : « les études
épidémiologiques montrent que la période périnatale est une période de vulnérabilité
psychique, notamment en ce qui concerne la régulation des émotions et de
l’humeur. Les épisodes dépressifs sont aussi fréquents pendant la grossesse qu’en
post-partum, et les femmes ont plus de risques de présenter une maladie mentale
sévère dans les trois mois qui suivent la naissance d’un enfant qu’à un autre moment
de leur vie : elles ont presque 2 fois plus de risques d’être hospitalisées en milieu
psychiatrique dans l’année qui suit une naissance. » (28)

La grossesse est une véritable épreuve de transformation physique et


psychique pour la femme. Avec le post-partum, ils constituent de grands moments de
remaniements et de fragilités psychiques, ainsi qu’un facteur de stress important. Tous
ces éléments représentent ainsi un facteur de risque de décompensation.

On peut citer quelques-unes de ces pathologies psychiatriques survenant


durant la période de la grossesse et du post-partum (10) :

• La dépression périnatale constituée de la dépression anténatale et de la


dépression du post-partum
• Les troubles anxieux caractérisés : trouble panique, toc et phobies...etc.
• Les psychoses puerpérales
• Le déni de grossesse
• Le blues du post-partum

Pour avoir une idée de ces pathologies et de leurs répercussions, j’ai décidé de
parler rapidement de la dépression du post-partum, du blues du post-partum et des
psychoses puerpérales.

48
B) Quelques exemples de pathologies périnatales
1) La dépression du post-partum

Selon le DSM-IV-TR, La dépression post-natale est un trouble dépressif


majeur qui survient dans le post-partum. Le trouble doit débuter dans les quatre
premières semaines du post-partum et la patiente doit présenter au moins cinq des
symptômes suivants durant au minimum deux semaines :
• Humeur dépressive
• Diminution marquée de l’intérêt ou du plaisir
• Perte ou gain de poids significatifs ou diminution ou augmentation de l’appétit
• Insomnie ou hypersomnie
• Agitation ou ralentissement psychomoteur
• Fatigue ou perte d’énergie
• Sentiment de dévalorisation ou de culpabilité excessive ou inappropriée
• Diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ou indécision
• Pensées de mort ou idées suicidaires récurrentes

Les symptômes doivent représenter un changement par rapport au


fonctionnement antérieur et un des symptômes est obligatoirement soit une humeur
dépressive, soit une perte d’intérêt ou de plaisir.

Dans le DSM-V, la dépression post-natale est un trouble dépressif caractérisé


avec spécification « avec début lors du péripartum».

Sur le plan sémiologique, la dépression du post-partum a une symptomatologie


proche du tableau clinique classique de l’épisode ou du trouble dépressif caractérisé
(ou majeur). Les Mères se plaignent d’une asthénie intense, sont impatientes et
irritables envers le bébé et leur entourage, sont psychiquement et émotionnellement
absente avec des troubles de la concentration importants et ne prennent aucun plaisir
à s’occuper de leur bébé, ce qu’elles vivent avec culpabilité. Elles peuvent avoir des
phobies d’impulsion (peur de faire du mal à leur enfant) et des somatisations diverses
(douleurs abdominales, céphalées). Tout cela les pousse à se décharger des soins sur
l’entourage. Elles peuvent aussi être intrusives ou en retrait par rapport à leur bébé et
sont non adaptées dans la relation avec leur enfant dans la majorité des cas.

49
Parfois, ce sont les plaintes somatiques du bébé qui révèlent la dépression
maternelle (difficultés alimentaires, prise de poids insuffisante, affection
dermatologique, pleurs prolongés...etc.)

Tous ces symptômes altèrent la relation mère-enfant et constituent un risque


non négligeable pour le développement du nourrisson.

2) Le post-partum blues

Le post-partum blues, aussi appelé « blues du troisième jour », « baby blues »


ou « blues de la maternité » est une dysphorie transitoire bénigne. C’est un trouble
qui affecte 15 à 85 % des femmes qui accouchent.
Il apparaît entre le deuxième et le dixième jour suivant l’accouchement et les
symptômes s’estompent généralement en une semaine.

Les signes les plus caractéristiques sont :


• Un accès aux pleurs important. Ces pleurs ne s’accompagnent pas
nécessairement de l’expression d’une tristesse.
• Une humeur dépressive et/ou une exaltation de l’humeur
• Une anxiété, une agressivité et/ ou une irritabilité
• Une humeur labile qui peut être une franche exaltation de l’humeur dans un
tiers des cas ou une dépersonnalisation (dans 5 % des cas).
• Des troubles de la mémoire immédiate, des troubles de l’attention et/ou des
confusions
• Des manifestations psychosomatiques : fatigue, céphalées, lombalgies ou
douleurs abdominales
• Un raccourcissement de la durée de sommeil
• Des rêves d’angoisse

Ces signes sont rarement tous présents. Il arrive même parfois que le baby
blues passe inaperçu.

50
Le blues du post-partum est aujourd’hui principalement considéré comme un
phénomène adaptatif. Dans 90 % des cas, ce trouble se résout en une semaine.
Cependant, pour certaines femmes, les symptômes se prolongent au-delà d’une
semaine et signalent souvent l’évolution vers une dépression post-natale voir parfois
une psychose.

3) Les psychoses puerpérales

La psychose puerpérale est une forme de psychose qui touche environ une
femme sur mille. Elle recouvre un ensemble de manifestations délirantes aiguës
associées à une modification brutale de l’humeur. Cette psychose survient
typiquement dans les quinze premiers jours suivant la naissance de l’enfant mais
peut se manifester tout au long de la première année du post-partum.
Ce trouble psychiatrique constitue un risque grave pour le bébé compte tenu du
risque élevé de suicide et d’infanticide.

Trois tableaux cliniques sont décrits pour la psychose puerpérale :

• La psychose délirante aiguë (20 % des cas) : c’est un tableau clinique


confuso-délirant avec une forte composante thymique. Les signes
caractéristiques sont : une angoisse massive, une agitation psychomotrice, un
syndrome confuso-onirique, des thèmes délirants centrés sur l’enfant,
l’accouchement ou le conjoint, des mécanismes imaginatifs et hallucinatoires,
une fluctuation thymique et de l’agressivité envers l’enfant du fait d’idées
délirantes focalisées sur lui (substitution d’enfants, maladie létale...). Dans ce
trouble, le risque de passage à l’acte auto ou hétéro agressif est élevé.

• La mélancolie délirante puerpérale (45 % des cas) : elle fait souvent suite à
une dépression survenue au cours de la grossesse. Le tableau clinique est
dominé par une thymie dépressive avec un sentiment d’incapacité, d’indignité,
de culpabilité parfois associées à des éléments délirants (conviction d’avoir tué
son bébé, persécutions…)

51
• L’accès maniaque délirant puerpéral (25 % des cas) : Le tableau clinique
associe des éléments délirants mégalomaniaques, mystiques, de mission
divine, des éléments persécutoires et une agitation psychomotrice importante.
Les états mixtes sont fréquents et l’accès maniaque se poursuit souvent par un
accès dépressif.

• Les 10 % restants des cas sont des décompensations d’un trouble psychotique
chronique préexistant

C) Les répercussions sur les interactions : exemple de la dépression


post-natale

Dans cette partie, je vais parler spécifiquement de la dépression du post-partum


en prenant appui sur les recherches et les études concernant les interactions précoces
de Mère déprimées avec leur bébé (13, 32). Ces nombreuses études ont montré que
la présence d’un trouble mental chez la Mère peut avoir des effets délétères sur la
qualité de ces interactions.
En effet, la dépression altère de manière globale le fonctionnement maternel,
que cela soit au niveau physique, comportemental, cognitif, affectif ou encore
fantasmatique. Cela affecte donc les capacités maternelles à plusieurs niveaux,
notamment au niveau de sa disponibilité, de ses initiatives et de ses réponses dans
l’interaction avec son enfant.

De façon générale, du fait de la maladie dépressive, les interactions de la Mère


sont pauvres et peu vivantes. En effet, on peut observer un manque de plaisir, de
motivation et d’intérêts pour l’enfant et l’interaction dans la dépression du post-partum.
De ce fait, la Mère va donc faiblement stimuler son enfant.

De plus, comme le disent Pierre André, Thierry Benavidès et Françoise Giromini


dans leur livre Corps et psychiatrie ; dans la dépression, le sujet est touché dans son
unité somato-psychique ; l’affaiblissement est donc général. Le sujet déprimé donne à
voir un corps déprimé, figé, triste, attristé et attristant. On peut donc penser que la
Mère n’émet que très peu de sourires, de regards dirigés, de vocalises et de gestes
adressés envers son enfant. Elle utilise aussi peu les expressions faciales et les
intonations de sa voix pour parler à son bébé.

52
Les interactions comportementales sont donc pauvres. Sur le niveau quantitatif des
interactions, on serait donc ici plutôt dans un manque de stimulation pour le
nourrisson.

Il a aussi été montré qu’une maman dépressive mettra en moyenne deux fois
plus de temps qu’une Mère non dépressive à répondre à une vocalisation de son
enfant par exemple. De plus, du fait de son aboulie et de son anhédonie, on peut
penser qu’elle ne répondra pas de suite aux sollicitations de son enfant. Il y aurait donc
une perturbation au niveau de la synchronie de l’échange.

La pathologie dépressive maternelle entraîne aussi une non-disponibilité


affective qui affecterait sa capacité à lire et à interpréter les signaux de son enfant
mais aussi à « se mettre à sa place ». Cela l’empêche donc de reconnaître les signaux
et d’y répondre de manière adéquate, ce qui causerait des problématiques au niveau
de la réciprocité et de la dynamique interactive. La Mère pourrait avoir des
comportements non contingents ou anti-contingents envers son enfant.

De plus, au niveau des interactions affectives, les stimulations de la Mère


déprimée envers son enfant seraient à connotations négatives. Cela pose question au
niveau de l’accordage affectif de la Mère et du bébé et donc au niveau de la mutualité
et de la réciprocité de l’interaction.

Pour résumer tout cela, Sophie Gandillot, Jaqueline Wendland, Marion Wolff et
Philippe Moisselin dans leur étude comparative des interactions précoces des Mères
psychotiques et déprimées avec leur bébé ont réalisé un tableau récapitulatif des
interactions Mère-bébé en cas de dépression :

53
Nous pouvons donc voir que plus que la maladie dépressive elle-même, c’est
le retentissement de ce trouble sur l’interaction Mère/enfant qui est délétère. La Mère
est psychiquement et physiquement « ralentie », ce qui se répercute sur les
comportements, stimulations ou réponses qu’elle peut émettre à son bébé. Le bébé
est donc davantage livré à lui-même avec une Mère le stimulant peu, répondant peu
ou mal à ses sollicitations...etc. L’harmonie, la mutualité, la réciprocité, la synchronie,
ou l’accordage de l’interaction peuvent donc être mise à mal.

54
Cependant, cela n’est qu’un exemple. La dépression maternelle peut être un
facteur de risque des troubles des interactions, ce n’est pas pour autant que toutes les
interactions des Mères possédant une dépression seront problématiques. Lorsque
l’interaction est problématique, ce n’est pas non plus pour autant que cela va être
préjudiciable pour l’enfant. C’est pour cela qu’il est important d’observer les
interactions précoces entre une Mère ayant une pathologie psychiatrique et son enfant,
afin de déceler une éventuelle perturbation et de prévenir les éventuels troubles chez
l’enfant.

C’est dans ce contexte que je vais présenter le réseau de psychiatrie périnatale


dans lequel j’effectue mon stage où des Mères présentant des maladies psychiatriques
sont accueillies avec leur enfant dans la période périnatale. Dans un premier temps
je décrierai cette structure, puis dans un deuxième temps, je m’intéresserai au rôle que
peut avoir le psychomotricien dans ce contexte.

55
Partie 3 : Le psychomotricien au sein
du réseau de psychiatrie périnatale

I. Le réseau de psychiatrie périnatale


A) Présentation et objectifs

Le réseau de psychiatrie périnatale est une structure intersectorielle qui ac-


cueille des mères souffrant de pathologies mentales accompagnées de leurs enfants.
Ces troubles psychiques maternels sont déjà présents ou se développent dans la pé-
riode périnatale (maladies psychiatriques périnatales). Cela peut être des troubles bi-
polaires, des troubles dépressifs, des troubles anxieux, le spectre de la schizophrénie
et autres troubles psychotiques, des troubles addictifs...etc.

Ce réseau est fondé sur une approche des troubles psychiques maternels et des
troubles des interactions Mère-enfant pouvant en découler. Il a donc comme objectifs :

 La prise en charge préventive et curative et le suivi des pathologies psy-


chiatriques maternelles de la grossesse et du post-partum

 La prévention des troubles précoces du lien parents-enfants durant la pé-


riode périnatale

B) Fonctionnement

Afin de répondre à ces objectifs, ce réseau est composé :

 d’une unité d’hospitalisation conjointe Mère-enfant à temps plein (aussi


appelée l’unité Mère-enfant) : cette unité permet l’accueil de dyades maman-
bébé mais aussi de femmes enceintes ou de femmes sans leur bébé atteintes
de maladies psychiatriques

 d’un hôpital de jour qui accueille des dyades pour une ou deux journées dans
la semaine

56
Ces deux types d’hospitalisation ont comme objectif le soin de la Mère en pré-
sence de son bébé. La présence du bébé permet l’instauration, le soutien, l’éva-
luation (Annexe 1 et 2) et le soin du lien mère-enfant, celui-ci étant mis à mal par la
maladie psychiatrique maternelle. La mère peut ainsi recevoir des soins adaptés à
sa pathologie psychiatrique (objectif curatif) ainsi qu’un soutien dans sa relation
avec son bébé (objectif préventif).

 d’une activité de psychiatrie de liaison en maternité où une infirmière et une


psychologue échangent avec les sages-femmes à propos des patientes qui leur
semblent vulnérables à la maternité. Cela permet un dépistage et une préven-
tion très précoce des troubles psychiques périnataux.

 d’une activité de consultations ambulatoires afin de mettre en place un projet


de soin pour des dyades, de suivre l’impact de la grossesse sur des troubles
mentaux préexistants, de suivre les traitements de la maladie durant la gros-
sesse ou encore d’avoir un suivi à moyen terme après hospitalisation.

 d’une activité de visite à domicile permettant l’évaluation d’une situation ur-


gente, un suivi post-hospitalisation ou un suivi de patientes ne pouvant pas se
déplacer (grossesse pathologique, suite de couche précoce).

C) L’équipe pluridisciplinaire et la place du psychomotricien

Ce réseau psychiatrique a donc développé un système de soin orienté sur le


dépistage, les soins précoces et la prise en charge des troubles psychiques ma-
ternels conjointement à l’accompagnement de la relation Mère-enfant.

Pour ce faire, ce réseau est composé de différents intervenants : psychiatres,


infirmiers, puéricultrices, psychologues, assistantes sociales et psychomotriciens.
Chaque intervenant apporte un soutien à cette dyade Mère-enfant et ils constituent à
eux tous une approche pluridisciplinaire riche et contenante permettant d’aborder la
problématique et ses risques de façon globale.

57
Le psychomotricien fait partie à part entière de ce réseau. Il intervient sur l’hos-
pitalisation à temps plein et sur l’hospitalisation de jour en proposant des séances
conjointes maman-bébé. Initialement, notre travail est essentiellement centré sur le
suivi développemental des nourrissons avec notamment des évaluations standardi-
sées de leur développement psychomoteur. Cependant, notre travail est aussi axé
autour de la maternité et de l’interaction de la dyade mère-enfant. C’est ce que nous
allons voir de façon plus détaillée en décrivant les rôles du psychomotricien au sein de
ce réseau de psychiatrie périnatale.

II. Les rôles du psychomotricien dans le réseau de psychiatrie périnatale

Comme le dit Catherine Potel quand elle aborde les critères d’indication pour
un suivi en psychomotricité dans son livre « Etre psychomotricien » ; on assiste depuis
une quinzaine d’années à un développement des thérapies psychomotrices mère/en-
fant et parents/enfant. Elle déclare : « celles-ci sont à inclure tant dans le domaine
curatif que dans le domaine préventif. Il va s’agir, là, de soutenir le développement
psychomoteur de l’enfant (nourrisson, bébé) en accompagnant une parentalité en
construction, parfois mise en fragilité en raison d’un handicap de l’enfant ou d’une fra-
gilité identitaire de la mère, du père ou des deux parents ».

Au sein du réseau de psychiatrie périnatale, les mères possèdent une maladie


psychique, ce qui peut impacter sur leur sentiment «d’être Mère » mais aussi sur le
développement harmonieux de l’enfant. En effet, comme on l’a vu avec la dépression
post natale, la maladie psychiatrique maternelle rend la Mère moins apte à être « suf-
fisamment bonne » au niveau de l’interaction qu’elle a avec son enfant.

Cette interaction est primordiale pour la Mère et pour l’enfant. Pour la Mère,
c’est lors des interactions avec le bébé que la maternité prend véritablement son essor.
Pour le bébé, les interactions avec sa Mère sont vitales car il ne peut pas répondre à
ses besoins tout seul. Des interactions harmonieuses avec sa Mère lui permettront
une satisfaction de ses besoins physiques (alimentation, soins…), psychiques (fonc-
tion alpha détoxifiante, apaisement lors des moments de détresse, la maman prête
son psychisme) mais aussi affectifs (accordage affectif, reconnaissance de ses émo-
tions, mise en place d’un attachement sécure).

58
Le bébé se sentira reconnu dans ses besoins et envies et pourra ainsi acquérir un
sentiment de sécurité et une conscience de soi. Il pourra ainsi aller explorer le monde
de manière sécure car il sait qu’il peut s’appuyer sur un environnement prévisible et
fiable. Tout cela est donc essentiel afin que son développement cognitif, psychique,
affectif, social et psychomoteur se déroule le plus harmonieusement possible.

Lorsque la Mère est atteinte d’une pathologie psychiatrique, cela se répercute


sur les interactions Mère-enfant. Ces perturbations interactionnelles peuvent donc in-
fluencer le développement du nourrisson et peuvent aussi avoir un impact sur l’accès
à la maternité.

Selon Catherine Potel, nous avons donc deux rôles majeurs dans les séances Ma-
man-bébé en tant que psychomotricien :

 soutenir le développement psychomoteur du nourrisson

 accompagner la maternalité en construction

Nous allons donc voir plus spécifiquement quels sont les rôles du psychomotricien
et de ces séances Mère-enfant dans le réseau de psychiatrie périnatale. J’aborderais
séparément l’action du psychomotricien auprès de l’enfant, de la Mère et de la dyade.

A) Les rôles du psychomotricien auprès de l’enfant


1) Évaluation du développement de l’enfant

Durant ces temps de séance, nous rencontrons donc l’enfant en présence de


sa maman. Ces temps sont l’occasion d’observer l’enfant au niveau de son activité
spontanée, de sa régulation tonique et émotionnelle, de ses capacités relationnelles,
de sa motricité, de l’utilisation de son corps dans l’espace de la salle...etc. Nous pre-
nons ainsi connaissance de ce que l’enfant est capable de faire.

En effet, dans le décret de compétence du psychomotricien de mai 1988, il est


noté qu’un psychomotricien est habilité à accomplir des bilans psychomoteurs. Pour
un nourrisson, la passation d’un bilan stricto sensu n’est pas praticable. Comme le dit
Catherine Potel, l’observation psychomotrice est donc un très bon outil (20).

59
L’observation psychomotrice prend en compte les éléments objectivables en référence
aux échelles du développement du nourrisson. Il existe plusieurs échelles notamment
l’échelle du développement moteur fonctionnel de Laurence Vaivre-Douret (DF-MOT)
de 0 à 48mois ou l’échelle de développement Brunet-Lézine (BLR) de 0 à 30mois.

Au réseau de psychiatrie périnatale, nous utilisons l’échelle de développement


de Bayley (Bayley scales of infant and toddler development) de 1 à 42 mois. C’est une
échelle développementale américaine qui a été créé par une psychologue, Nancy
Bayley.

Ces différentes échelles servent de grille d’observation du bébé. On observe


notamment les compétences attendues en fonction de son âge de développement et
les réactions du bébé dans ce temps de rencontre. Le psychomotricien constatera
ainsi les items que l’enfant réussit ou ne réussit pas, ce qui donnera par la suite une
note objective de développement montrant si l’enfant est dans la moyenne des enfants
de son âge.

Par exemple, l’échelle de Bayley permet de rendre compte des capacités mo-
trices, cognitives et comportementales de l’enfant.

 Au niveau moteur par exemple, on peut observer si l’enfant se maintient


assis sans support, s’il a une prise palmaire de l’objet, s’il attrape ses
pieds avec ses mains, s’il se retourne du dos sur le ventre...etc.

 Au niveau cognitif, on observe s’il vocalise, s’il explore l’espace, s’il sourit
à l’examinateur, s’il prend conscience de ses mains, s’il passe un objet
d’une main à l’autre, s’il joue...etc.

 Au niveau comportemental, on notera l’état d’éveil du nourrisson durant


la séance, son énergie, son intérêt porté aux objets, son exploration de
l’espace, sa persévérance pour réussir l’action ou sa frustration, son in-
térêt porté à l’examinateur...etc.

60
Ce bilan permet avant tout de mettre en exergue les compétences de l’enfant
et est un axe de travail majeur pour nous psychomotriciens. En effet, la Mère se rend
compte que son enfant peut être un partenaire actif dans l’interaction.

Cela aura donc le plus souvent des effets bénéfiques pour l’interaction car la
Mère sera confortée dans son rôle de Mère (« il va bien donc je ne suis pas une « mau-
vaise Mère » ») et ça lui permet de se rendre compte qu’elle peut lui proposer davan-
tage de choses. Comme Marc Rodriguez le souligne, l’évaluation des compétences
du bébé devant le parent représente véritablement une intervention à potentiel théra-
peutique.

2) Soutien du développement de l’enfant

Grâce à ce temps d’observation, nous pouvons aussi remarquer les éven-


tuelles problématiques développementales du nourrisson et ainsi élaborer un projet
thérapeutique en psychomotricité si besoin est. Par notre connaissance spécifique du
développement psychomoteur, nous sommes en capacité de proposer des mises en
situations et des moments d’éveil afin de favoriser et stimuler le développement de
l’enfant et lui donner envie d’aller vers. On peut ainsi aider et soutenir les capacités
corporelles naissantes du bébé en proposant des activités et des jeux sensori-moteurs
rendant possible l’expérimentation de son corps.

Exemple de Guillaume, 7mois : Lorsqu’il est posé sur le tapis d’éveil, Guillaume se met dans
la position du planeur (Annexe 3). C’est une position que tous les enfants expérimentent
lorsqu’ils peuvent tenir leur tête et se retrouvent sur le ventre. L’enfant se met en extension du
haut au bas du corps en vertical et ouvre ses bras en latéral. Cependant Guillaume a effectué
cette position durant une longue période et cela l’empêchait d’aller explorer l’environnement
de manière satisfaisante. Il était capable de centrer ses mains au niveau de l’axe afin d’attraper
des objets qui l’attiraient mais ses jambes restaient en extension. Le travail en séance de
psychomotricité était donc centré autour de l’appui plantaire. L’objectif était de lui faire ressentir
l’appui de ses pieds sur le sol ou sur un obstacle dur afin qu’il repousse avec ses jambes pour
aller attraper un objet (l’objet était positionné en face de lui afin de lui donner l’envie d’aller
vers). Guillaume arrivait ainsi à fléchir ses jambes, à repousser le sol et à effectuer une
ébauche de reptation. Ce travail en psychomotricité sur les appuis plantaires mais aussi autour
de l’axe corporel et les postures d’enroulement pour contrer l’hyperextension de la position du
planeur (que je ne développerai pas ici) a permis à Guillaume d’expérimenter un autre vécu
corporel. Cela lui a ainsi permis d’investir la reptation afin d’aller explorer son environnement.

61
Tel que l’énonce Marc Rodriguez : « aider un enfant en difficulté ce n’est pas
simplement le rendre plus performant sur le plan neuro-moteur mais c’est lui permettre
« d’habiter son corps » ». Il ajoute que le travail effectué en psychomotricité permet
aux enfants « de se soutenir d’une motricité non pas purement « excitatoire » mais
« messagère » (23).

Dans l’exemple, la position du planeur qu’effectuait Guillaume peut être considérée comme
une motricité excitatoire. Nous pouvons supposer que Guillaume se mettait dans cette position
afin de stimuler ses sensations. La reptation, quant à elle, peut être considérée comme une
motricité messagère: Guillaume rampe pour aller chercher un objet qui l’attire.

3) Lecteur et décodeur du langage du corps du bébé

Selon Suzanne Robert-Ouvray, lorsqu’il vient au monde, le bébé est dans une
globalité psychocorporelle. En effet, il n’est pas en capacité de parler pour exprimer
ce qu’il ressent. La seule façon qu’il a de se faire comprendre est au niveau corporel.
C’est ainsi que Suzanne Robert-Ouvray déclare que le tonus est un « baromètre cor-
porel qui nous renseigne sur notre état affectif ». Ainsi, chez le bébé, une hypertonicité
traduira une tension alors qu’une hypotonicité exprimera une détente. Par exemple,
lorsqu’un bébé reçoit une stimulation trop forte ou ressent un besoin ; il peut se crisper,
pleurer ou crier. Dans ces moments, il a besoin de son environnement pour venir at-
ténuer cette hausse tonique car il n’est pas en capacité de le faire tout seul. Le parent
« suffisamment bon » alerté par les pleurs de son bébé va venir le porter, lui parler, le
bercer, le nourrir...etc. L’enfant vit alors une baisse de sa tonicité et peut aller jusqu’à
de la détente (22).

Il est alors primordial de porter attention à tous les signaux du bébé (tensions,
présence dans la relation, qualité des mouvements...) car chacun d’eux peut apporter
une indication sur son état interne, sur un besoin, un vécu ou une émotion. En tant
que psychomotricien, nous sommes intimement sensibles à la lecture corporelle de
l’enfant. Nous verbalisons ce que l’enfant peut vivre dans ce moment afin de l’aider à
comprendre ce qu’il se passe mais aussi d’aider sa Mère à traduire ses états corporels.

62
Cela rejoint la notion de dialogue tonico-émotionnel de Julian de Ajuriaguerra.
Ce dialogue met en exergue la manière dont les émotions peuvent être transmises
entre deux partenaires : la Mère et l’enfant ici. On parle aussi de dialogue tonico-
prosodico-mimo-émotionnel regroupant le tonus, la prosodie de la voix et la mi-
mique du visage (4). Ainsi, aider la Mère à percevoir le vécu corporel et les états in-
ternes de son enfant permet un meilleur ajustement et une meilleure réciprocité entre
eux, notamment au niveau du dialogue tonico-émotionnel.

Prenons l’exemple d’un enfant qui est sur le tapis d’éveil en train de jouer avec sa Mère. Au
bout d’un certain temps, il va commencer à se fatiguer, va se mettre à pleurer et va se crisper
dès qu’un jouet lui sera proposé. La Mère ne va pas automatiquement percevoir l’état de fa-
tigue de son enfant. Le psychomotricien peut alors mettre des mots sur ce qu’il perçoit corpo-
rellement chez l’enfant et verbaliser ses hypothèses sur ce que cela traduit. Observant cela,
la Mère peut ainsi s’adapter à lui, reconnaître ses émotions (accordage affectif) et peut le
prendre dans ses bras afin de l’apaiser et contrer son état de détresse. C’est ici que rentre en
jeu le dialogue tonico-prosodico-mimo-émotionnel. La Mère pourra prendre une voix douce,
avoir une tension relâchée, une mimique souriante...etc. Cet état émotionnel et corporel dé-
tendu de la Mère pourra ainsi apaiser l’enfant qui vivra une baisse tonique.

De plus, en mettant des mots sur ce que ressent le bébé, le psychomotricien


l’aide à penser et à mettre en sens ce qu’il ressent. C’est la fonction alpha détoxi-
fiante dont j’ai parlé précédemment. Cette fonction est primordiale pour la construction
psychique du bébé. En séance de psychomotricité, j’ai pu observer que la Mère voyant
faire le psychomotricien se sent davantage en confiance pour le faire elle-même.

B) Les rôles du psychomotricien auprès de la Mère


1) Un rôle d’écoute et de renarcissisation

De façon générale, le psychomotricien est souvent très bien investi par les ma-
mans : elles demandent à venir en séances, posent des questions, sollicitent des con-
seils…etc. Cette relation de confiance réciproque les pousse à se confier au cours des
séances. Notre rôle en tant que psychomotricien est d’accepter ces paroles et de leur
donner un retour.

63
Les mamans peuvent évoquer leurs problématiques dans la relation avec leur
bébé, leurs doutes, leurs peurs, leurs inquiétudes, leurs fantasmes ou leurs en-
vies…etc. Souvent les mêmes questions du normal et de l’anormal reviennent : « Est-
ce que c’est normal que mon enfant ne se retourne pas encore ? », « Mon bébé va
bien ? ». Il arrive aussi que beaucoup de mamans comparent leur bébé à leurs frères
et sœurs : « mon ainé était très dynamique, c’est bizarre que Lucie ne soit pas comme
ça ».

Le psychomotricien va alors réassurer les mamans par ses connaissances


théoriques notamment celles concernant le développement du bébé et les différences
inter et intra individuelles qui peuvent exister entre les bébés. En effet, les mamans
n’ont pas toujours à l’esprit que chaque enfant évolue différemment et qu’il est impor-
tant de les laisser aller à leur propre rythme pour ne pas être justement dans l’hypers-
timulation.

Les Mères verbalisent aussi parfois des souvenirs concernant leurs enfances,
leurs vécus relationnels avec leurs propres mères, leurs conflits familiaux…etc. Elles
nous donnent donc des informations sur leur histoire personnelle et sur leurs vies
imaginaires et fantasmatiques. Tout cela influence les comportements que la Mère
va avoir avec son enfant et le vécu de sa relation avec lui et est donc très important à
prendre en compte.

2) La guidance interactive parentale

Un des rôles du psychomotricien en séance est de faire de la guidance mater-


nelle. Le dictionnaire Robert définit la guidance parentale comme une « aide psycho-
logique et psychothérapeutique et des conseils apportés par des spécialistes en vue
d’une meilleure adaptation ». Cette notion de guidance interactive parentale a émergé
en s’appuyant sur les difficultés d’ajustement entre les sollicitations de l’enfant et
les réponses parentales. C’est donc une aide apportée par des professionnels à des
parents en difficulté.

Au sein du réseau de psychiatrie périnatale, le psychomotricien peut donc très


bien avoir ce rôle vis-à-vis des mamans en difficultés interactionnelles aux vues de
leurs pathologies psychiatriques.

64
Le premier axe de ce travail est centré autour de la compréhension des com-
portements de l’enfant. Comme énoncé précédemment, le psychomotricien est un lec-
teur et un décodeur du corps du bébé. Il tente de reconnaître et de poser des mots sur
les comportements, les signaux et les émotions du bébé. Cela est fait dans le but
d’aider la Mère à mieux s’ajuster et à mieux répondre aux sollicitations de son
enfant. Cela peut aussi lui permettre de décoder elle-même les signaux de son enfant.

Exemple de Madame B et Benoit : Madame B a un trouble anxieux et a énormément besoin


de verbaliser ses angoisses et d’être rassurée en retour. Lorsque Benoit pleure, Madame B a
absolument besoin de savoir pourquoi, pour trouver au plus vite une réponse. La majorité du
temps, elle donne une raison et s’en persuade. On peut supposer que cela la rassure dans
son sentiment d’être Mère car elle aurait trouvé la raison et donc la solution pour soulager
Benoit. Sur le tapis d’éveil, Benoit s’est mis à râler, à se crisper un petit peu. Madame B était
persuadée que la raison était que Benoit n’avait pas fait son rôt, elle l’a donc pris dans ses
bras aussitôt. Nous avons donc repris cela avec elle en lui demandant comment elle voyait
que son bébé était dans un mal-être et quelles pouvaient être les autres raisons pour que
Benoit soit dans cet état. Ces verbalisations et quelques petites questions lui ont permis de
dire que son enfant était peut être fatigué finalement ou qu’il était las d’être sur le tapis d’éveil
et qu’il voulait peut être les bras contenants et rassurants de sa maman. En définitive, Benoit
s’est endormi, détendu, dans les bras de sa maman, rassurée d’avoir trouvé une réponse
ajustée aux envies de son bébé.

Le deuxième axe de travail de l’étayage de la parentalité est centré autour de


la valorisation des comportements adaptés de la Mère dans les interactions avec
son bébé.
De plus, en valorisant les compétences du nourrisson, cela permet aussi indi-
rectement de valoriser la Mère qui se sent ainsi confortée dans son rôle de Mère
comme on a pu l’énoncer dans la partie précédente.

La guidance maternelle passe aussi par des conseils de portage, de posi-


tionnement du bébé, des mobilisations…etc.

Par exemple,
65
- Nous pouvons apporter des conseils pour effectuer un portage physique davantage conte-
nant et rassurant pour le bébé avec davantage d’appuis corporels dans les bras de sa Mère.

- Nous pouvons accompagner la maman dans la mobilisation de son enfant. Par exemple,
pour prendre un enfant sur le tapis et le mettre dans ses bras afin qu’il ne vive pas une dis-
continuité corporelle (il avait un appui dorsal sur le sol et tout d’un coup ne l’a plus), on propose
alors à la maman de passer le bébé par une position d’enroulement sur le côté avant de le
retirer du sol.

Le psychomotricien peut également accompagner corporellement la maman


afin de lui proposer un moment de relaxation avec bébé. Ce moment permet un ajus-
tement corporel et un accordage affectif maman-bébé. Tenu dans les bras de sa ma-
man détendue, le bébé s’apaise et s’endort le plus souvent du temps.

L’objectif de la guidance et de l’étayage parental est donc de soutenir la Mère


dans son rôle de Mère et de l’accompagner sur le chemin de la maternité qui peut être
problématique pour une Mère atteinte d’une maladie psychiatrique. Cet étayage passe
beaucoup par de la valorisation, de la réassurance, des conseils et de l’aide à la com-
préhension du bébé.

3) La fonction alpha détoxifiante ou la capacité de contenance du


psychomotricien

C’est Wilfred Bion qui a théorisé cette fonction alpha détoxifiante que j’ai déjà
détaillé dans la partie concernant les rôles de la Mère. Cependant, le soignant peut
également avoir cette fonction vis-à-vis de la Mère, aussi appelée la fonction de con-
tenance.

Comme le souligne Catherine Potel, c’est la capacité du psychomotricien à


« contenir ce qui déborde, ce qui n’est pas organisé, ce qui est en menace d’inexis-
tence ou de déconstruction ». Ce sont des choses que la mère projette à l’extérieur
faute de pouvoir les contenir à l’intérieur. Par exemple, cela peut être une forte émotion
soudaine.

66
Elle ajoute : « cette capacité de contenance fait appel tout autant à notre corps
qu’à notre appareil psychique » (20). Le psychomotricien va en quelque sorte « prê-
ter » son psychisme pour donner à la Mère l’occasion d’intégrer ces éléments
désorganisateurs. Par notre présence apaisante et notre cadre sécurisant, ferme et
solide, nous aidons les Mères à une intériorisation psychique de leurs affects, de leurs
sensations, de leurs éprouvés ou de leurs émotions. C’est-à-dire que l’on apaise et on
protège des débordements et des angoisses comme peut le faire la Mère pour son
bébé.

Si on reprend l’exemple de Madame B et de Benoît vu ci-dessus, nous observons très bien


que Madame B s’est apaisée. Par nos paroles apaisantes et contenantes, l’angoisse de Ma-
dame B est devenue tolérable et n’a pas donné lieu à quelque chose de débordant pouvant la
désorganiser. Le psychomotricien a donc prêté son psychisme afin que Madame B symbolise
et intègre cette angoisse et puisse lui donner du sens.

Nous pouvons aussi effectuer cette fonction alpha détoxifiante envers le bébé
si la Mère n’est pas en capacité de réaliser ce rôle. Du fait des troubles psychiatriques
rencontrés chez les mamans, elles peuvent ne pas être aptes à prêter leurs psy-
chismes pour accueillir ce que le bébé vit et lui donner du sens. Afin de pallier à cela,
nous allons donc remplir ce rôle en tant que psychomotricien. La mère pourra ensuite
se l’approprier et le réaliser en étant seule avec son bébé.

Le psychomotricien peut donc prêter son psychisme à la Mère, mais aussi au


bébé. Il accueille et permet une transformation de ces vécus désorganisateurs en élé-
ments pensables.

C) Les rôles du psychomotricien auprès de la dyade


1) Offrir un espace-temps d’attention conjointe

Les séances de psychomotricité proposent à la Mère et à son enfant de partager


un espace et un temps commun. Cet espace-temps de psychomotricité est proposé à
la maman et à l’enfant afin de favoriser leurs attentions mutuelles. La Mère va diriger
son attention sur son enfant : ses émotions, ses comportements, ses réactions, ses
compétences, son langage corporel…etc. Face à son bébé ayant tel comportement,
la Mère peut à son tour initier un comportement, une sollicitation ou une réponse.

67
Les séances de psychomotricité permettent ainsi la rencontre entre le bébé et
sa maman et leur découverte mutuelle. Le temps proposé en psychomotricité est
donc avant tout un temps d’attention conjointe maman-bébé permettant à ses
deux acteurs de l’interaction de se familiariser et de s’ajuster au mieux dans la
rencontre à l’autre.

Le psychomotricien est alors présent afin d’étayer ces interactions et de soutenir


le début de cette relation. Il peut mettre des mots sur ce qu’il se passe, montrer les
ressources de chacun, pointer les compétences que ce soit de la maman ou du bébé,
donner des conseils…etc. On peut dire que le psychomotricien joue le rôle de tiers
unificateur, en soutenant la mère et l’enfant qui vont pouvoir aller l’un vers l’autre.

Dans cette optique-là, un des rôles fondamentaux du psychomotricien est


d’amener le jeu non seulement dans ses qualités instrumentales (dans le sens où l’en-
fant va faire des progrès dans sa motricité) mais aussi dans ses qualités d’échange
et de communication. En effet, tel que le déclare Monique Perrier-Genas dans son
article Emergence d’un réseau périnatalité/petite enfance et résonances sur une pra-
tique psychomotrice, « Dans ces services où il est question du corps de l’enfant, du
corps de la mère, la pratique psychomotrice met l’accent sur la dimension relationnelle
et affective : au corps fonctionnel et parfois médicalisé répond un corps de relation et
d’émotions ».

2) Le psychomotricien apporte une contenance maternelle

Comme le dit Catherine Potel, la contenance maternelle est l’une des caracté-
ristiques de la contenance thérapeutique psychomotrice. En effet, le psychomotricien
développe une certaine qualité de présence corporelle en travaillant son corps et
ses qualités d’expression lors de ses études. Cette qualité de présence tient compte
de nombreuses choses, notamment de la tonicité, de la posture, de la voix…etc. Ca-
therine Potel énonce ainsi que le psychomotricien a « développé une certaine façon
de recevoir et de faire, qui évoque les premières trames d’une enveloppe rela-
tionnelle primaire ».
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Le psychomotricien réalise les mêmes fonctions que la Mère quand elle « accueille en
elle les éprouvés, les besoins de son nourrisson, les décode, les transforme en éprou-
vés de plaisir et de bonne sensation » (20).

Cela est très important et constitue un rôle fondamental du psychomotricien :


les temps de séances sont orientés sur un partage d’expériences positives. Le but
étant la prise de plaisir dans le jeu et dans l’interaction pour la Mère et pour le bébé.

Finalement, le psychomotricien a une fonction de contenance maternelle en ac-


cueillant ce qu’il peut se passer en séance, en étant présent pour porter psychique-
ment cette dyade maman-bébé, en contenant et en apaisant tout cela afin que cette
dyade vive quelque chose de positif. Cela rejoint la notion de holding décrite par Win-
nicott. Par ses actions et sa présence, le psychomotricien joue aussi un rôle de pare-
excitation en régulant les sollicitations et en les adaptant aux capacités du bébé et de
la Mère.

Ainsi, ces qualités psychomotrices apportent à la dyade une certaine sécurité


et une certaine conscience d’eux-mêmes comme partenaires interagissant ensemble
et pouvant évoluer.

Il ne faut pas oublier que cette contenance psychomotrice passe aussi par le
cadre des séances qui se veut contenant, rassurant et régulier dans sa fréquence.

3) La psychomotricien peut avoir la fonction séparatrice du tiers


paternel

Comme la fonction de la contenance maternelle, le psychomotricien peut avoir


le rôle de tiers séparateur paternel. Il peut s’avérer que la séparation soit difficile entre
les deux partenaires de la dyade, que cela vienne de l’enfant ou la Mère. Le psycho-
motricien, par son altérité, peut les accompagner et les soutenir en introduisant
une certaine distance au sein de la dyade. Cela pourra ainsi permettre la séparation
qui est nécessaire afin que l’enfant s’individualise et investisse des choses extérieures
à la relation.

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Exemple de Madame D et Lucie : Lucie est dans les bras de sa Mère la quasi-totalité du temps.
Par exemple, lorsque Lucie se met à pleurer ou à râler, la réponse de Madame D est automa-
tiquement corporelle en la prenant dans ses bras. Les venues en séance de psychomotricité
de cette dyade ont permis cette séparation corporelle de Lucie et de sa maman et la décou-
verte du tapis d’éveil par Lucie. En effet, en séance de psychomotricité, nous sollicitons Ma-
dame D à poser Lucie sur le tapis afin qu’elle découvre son environnement et les jouets autour
d’elle. Par notre présence « autre », nos conseils et nos sollicitations, cette distance maman-
bébé a pu s’installer et Lucie a pu s’individualiser et investir son environnement sans pour
autant demander la présence de sa Mère.

Pour conclure, nous pouvons dire que le psychomotricien possède de nombreux


rôles lors des séances maman-bébé.

Ces séances sont aujourd’hui appelées thérapies psychomotrices bébé-pa-


rents. C’est Marc Rodriguez qui a évoqué ce terme pour la première fois en décrivant
la double fonction du psychomotricien que nous avons déjà décrite précédemment :
étayer le développement psychomoteur de l’enfant tout en soutenant les parents dans
leur statut de parent (23).

Au sein du réseau de psychiatrie périnatale, cela est d’autant plus important à


effectuer en raison des pathologies maternelles les rendant moins apte à être dispo-
nibles auprès de leur enfant. Par notre posture et nos actions, nous apportons ainsi un
soutien à cette parentalité en construction et à ce nouveau-né vulnérable du fait des
potentielles problématiques interactionnelles. Notre rôle est donc d’apporter un soutien
à cette dyade afin qu’elle évolue vers une interaction et une relation stable et sécure,
indispensable au bon développement de l’enfant et à l’accès à la parentalité.

Il est important d’avoir à l’esprit que notre rôle en tant que psychomotricien est
celui d’un tiers dans la relation. Nous ne prenons pas la place de la Mère, nous l’aidons
et nous lui apportons l’étayage dont elle a besoin. L’objectif est que la Mère se saisisse
des informations que l’on donne en séances, se les approprie et s’en resserve à l’ex-
térieur. Le but étant qu’elle sorte de l’unité mère-enfant et qu’elle sache être une
« mère suffisamment bonne » seule. Comme le dit Marc Rodriguez : « Il ne s’agit pas
de favoriser le fantasme que nous pourrions réussir là où les parents ont échoué mais
de permettre à des parents narcissiquement fragilisés, d’établir des ponts avec leur
bébé dont ils pourront se servir ultérieurement » (23).

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Afin d’illustrer au mieux quelle peut être l’action du psychomotricien auprès
d’une relation Mère-enfant fragilisée par une maladie psychiatrique périnatale, je vais
vous présenter ma rencontre avec Martin et Madame E.

III. Etude de cas : Martin et sa maman

Je rencontre Martin et sa maman, Madame E, au sein de l’unité mère-enfant du


réseau de psychiatrie périnatale dans lequel j’effectue mon stage. Madame E a 31 ans
et son fils à 1mois et 17jours lors de notre première rencontre. Cela fait environ un
mois qu’ils sont reçus, tous les deux, en hospitalisation temps plein dans cette unité.

A) Contexte de l’arrivée dans le service

C’est en novembre 2016 que Madame E arrive aux urgences psychiatriques de


l’hôpital par ses propres moyens. C’est aux urgences psychiatriques qu’un médecin
évalue la situation afin de proposer l’orientation médicale la plus adaptée.

Lors de l’entretien avec le médecin, Madame E dit qu’elle se sent déprimée et


qu’elle se sent incapable de s’occuper de son fils depuis sa naissance 15 jours
auparavant. Elle a eu recours à l’automédication le soir d’avant et le matin même où
elle a pris des anxiolytiques appartenant à sa mère. Elle arrive donc aux urgences très
demandeuse d’aide. Elle se sent en difficulté pour gérer les pleurs de son enfant et
craint de ne pas réussir à s’en occuper. Elle est en pleurs au cours de l’entrevue en
évoquant une baisse de l’humeur sans idées suicidaires. Elle montre également un
état d’épuisement physique accompagné d’une forte fatigue en lien avec une insomnie
ces derniers jours liée à des ruminations anxieuses nocturnes. Elle évoque aussi un
craving au cannabis (envie irrépressible de consommer du cannabis). Le psychiatre
découvre alors que Mme E. consomme régulièrement du cannabis depuis l’âge de
16 ans. Cette conduite addictive a contraint Mme E. à une consommation réduite
mais persistante durant sa grossesse.
Tout l’entretien médical est marqué par une auto-dévalorisation, une méses-
time d’elle-même et une culpabilité.

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Le psychiatre suppose un trouble de l’adaptation suite à un événement de vie
potentiellement stressant ; sa grossesse, son accouchement et la naissance de son
bébé. Le médecin lui prescrit donc un anxiolytique et lui donne les coordonnées du
réseau de psychiatrie périnatale pour avoir une consultation sous-peu si elle le sou-
haite.

Madame E revient aux urgences psychiatriques trois jours après sans avoir été
en mesure de joindre le réseau mère-enfant. Elle évoque des idées suicidaires fluc-
tuantes non scénarisées, des idées obsédantes centrées sur une incapacité à
s’occuper de son enfant, ainsi qu’une anxiété majeure avec des phobies d’impul-
sion (peur de faire quelque chose de mal à son bébé). Le psychiatre diagnostique un
épisode dépressif d’intensité modéré lors du post partum. Madame E est en de-
mande d’une hospitalisation ; elle est donc admise au réseau mère-enfant le jour
même sans son bébé, afin que son état se stabilise. Martin étant resté auprès de son
père, il sera admis dans l’unité quelques temps après.

B) L’arrivée dans l’unité

Madame E arrive donc dans l’unité le jour même. Son état thymique se stabilise
petit à petit rendant possible l’hospitalisation de son enfant avec elle. Dans cette unité,
les enfants sont considérés comme accompagnant de la Mère malade. Ainsi, l’un des
objectifs est de préserver le lien mère-enfant. Nous pouvons nous poser la question
du Père ici : quelle est sa place et son rôle ? L’hospitalisation de Madame E et de
Martin n’isole-t-elle pas le père de la relation triadique père-mère-enfant ?

1) Présentation de Martin

Martin arrive dans l’unité. C’est un petit garçon né le 28 octobre 2016, il a donc
un mois lorsqu’il vient rejoindre sa maman à l’hôpital.

Martin est le premier enfant de Madame E et de son conjoint, qui désiraient tout
deux cette grossesse. La grossesse s’est très bien déroulée et Martin est né à terme
avec un poids de naissance de 2 kg 940.

Lorsqu’il rentre dans l’unité, on observe que Martin est un bébé qui semble être
très tendu avec un tonus de fond plus élevé que la moyenne. Lorsqu’il est posé sur le
dos, il a des mouvements réflexes toniques et brusques et se met facilement en hyper-
extension.

72
De la même façon, lorsqu’on le prend dans nos bras, Martin se met en posture d’hyper-
extension, s’arque-boute et ne se love pas comme font la plupart des enfants. Nous
remarquons aussi qu’il pleure souvent et qu’il est difficilement consolable, que ce soit
dans les bras de sa mère ou avec sa tétine. Par ailleurs, nous constatons que son
besoin de succion est important ; il quitte rarement sa tétine.

Face à ses nombreuses observations, l’équipe soignante en déduit que Martin


souffre d’un syndrome de sevrage en raison de la consommation de cannabis de
sa mère pendant la grossesse. Ce syndrome de sevrage se caractérise par divers
symptômes dépendant du type de drogue et de la quantité utilisée par la mère. Chez
Martin, cela s’observe par divers symptômes dont l’augmentation de son tonus mus-
culaire, un besoin de succion important, une irritabilité, des pleurs importants,
une respiration rapide, des éternuements fréquents, des bâillements répétés,
des troubles du sommeil, des troubles alimentaires et des troubles digestifs.

Dès qu’il arrive dans l’unité, les infirmières utilisent l’échelle de douleur et d’in-
confort du nouveau-né (EDIN, annexe 4) afin d’objectiver les signaux d’inconfort de
Martin. Durant les premières semaines d’hospitalisation, Martin a un score compris
entre 8 et 10 selon les jours (le score maximal traduisant la douleur maximale pouvant
être cotée est de 15). Martin est donc dans un état douloureux intense en raison
de son sevrage.

2) Présentation de la maman

Face à cette situation, Madame E se trouve dépossédée. C’est une des raisons
pour laquelle elle est venue consulter à l’hôpital psychiatrique : elle se sent dans l’im-
possibilité de s’occuper de Martin.

Pour ce qui est de sa présentation générale, Madame E a 31ans et travaille en


crèche avec des enfants en situation de handicap en tant qu’éducatrice spécialisée.
Lorsqu’on l’aperçoit dans l’unité, elle se présente avec un air triste et apathique.

Lorsqu’on l’observe en présence de Martin, nous constatons qu’elle se trouve


en difficulté. Par exemple, elle nous dira que face à l’hypertonicité de Martin et à ses
mouvements brusques, elle a l’impression que son bébé la refuse, le peau à peau est
impossible selon elle.

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De plus, elle se trouve totalement démunie face aux pleurs de Martin et a l’impression
qu’elle ne peut pas réussir à l’apaiser, ce qui est une grosse source d’angoisse pour
elle. Elle redoute même les moments de portage en anticipant les pleurs de Martin et
son incapacité à le calmer. Malgré les explications soignantes sur le fait que Martin
soit difficilement consolable en partie en raison de son syndrome de sevrage, Madame
E reste persuadée qu’elle seule n’arrive pas à le consoler, que son bébé la rejette. Elle
prend en comparaison le personnel soignant en disant que Martin arrive très bien à
être apaisé dans les bras du personnel mais pas dans ses bras. De la même façon,
elle semble totalement démunie pour s’occuper de Martin et verbalise sa difficulté à
être seule en présence de son bébé car elle ne sait pas comment s’y prendre. Elle
passe donc le relais très facilement aux soignants. Cependant, lorsque des soignants
sont présents pour l’étayer, elle se montre pleine de ressources. Nous pouvons nous
questionner par rapport à son métier : Madame E s’occupe d’enfants présentant des
handicaps dans sa profession, pourquoi se trouve-t-elle en difficulté face à Martin? On
observe que les soins de maternage sont très bien entrepris lorsqu’elle est étayée, ils
restent néanmoins dénudés d’affects et exécutés de façon mécanique.

Madame E verbalise le fait qu’elle observe que son enfant est dans un état de
mal-être et qu’elle a du mal à le voir comme ça. Elle dira à ce sujet : « ce n’est pas
comme ça que je l’avais imaginé, ce n’est pas comme ça que je voyais le rôle d’une
mère, pour moi il devait être content de me voir, sourire, être calme, il devrait être
mieux avec moi qu’avec les autres vu que je suis sa maman». On voit ici que Mme E
se représentait l’idée d’un enfant, cette idée faisant rupture avec ce qu’elle observe
réellement avec Martin en raison de son syndrome de sevrage. On peut supposer que
Madame E n’a encore pas fait le deuil de l’enfant imaginaire (l’enfant idéal, parfait,
qu’elle aurait aimé avoir) pour investir pleinement l’enfant réel : Martin.

Madame E verbalise également le fait qu’elle n’arrive pas à établir de lien


avec son bébé et qu’elle ne prend aucun plaisir avec lui. Elle déclare qu’elle doit
s’occuper de lui car c’est sa mère, car c’est son rôle de mère. Ses discours sont teintés
de mésestime d’elle-même et de dévalorisation.

Les moments d’endormissement de Martin sont aussi très compliqués, Martin


ayant du mal à s’apaiser et à lâcher prise, il pleure souvent jusqu’à épuisement. Ses
moments sont vécus très difficilement par la maman qui demande à son mari de venir
le soir pour endormir Martin.

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Au vue de la difficulté de Martin à s’endormir, les parents avec l’accord des soignants
ont mis en place des techniques d’emmaillotage afin d’apaiser et de contenir Martin,
ce qui fonctionne très bien.

Selon les dires de Mme E, son mari et sa mère sont des personnes très
étayantes et ressources pour elle lorsqu’elle ne se sent pas en capacité de s’occuper
de Martin. Par exemple, le Père de Martin vient tous les soirs à l’unité. Lorsque ces
personnes ressources sont présentes, Madame E leur passe complètement le relais
de la même façon qu’elle peut le faire lorsque les soignants sont présents.

C) Projet de soin

Une indication en psychomotricité est alors posée. Les objectifs de la prise en


charge en psychomotricité sont multiples :

 offrir un espace d’attention conjointe maman-bébé afin d’aider à la rencontre


entre Martin et sa maman et orienter les temps de séance sur un partage d’ex-
périences positives, associé à une prise de plaisir dans le jeu et l’interaction
entre Martin et sa maman.

 étayer la relation mère-enfant. Cela peut se faire par diverses actions :

 valoriser, renarcissiser et réassurer Mme E en lui montrant par


exemple qu’elle possède des « compétences maternelles »

 proposer des outils d’interaction que Mme E pourra s’appro-


prier et effectuer en dehors des séances de psychomotricité

 relever les compétences de Martin ; compétences que Madame


E ne voit pas forcément. Cela permettra de montrer à Madame E
que Martin est capable de faire des choses et de rentrer dans l’in-
teraction avec elle

 étayer le portage afin d’en faire un espace contenant, réassurant et apaisant


pour Martin et apporter à Madame E d’autres outils capables d’apaiser Martin
dans son mal-être

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 prévenir les risques de trouble du développement chez Martin en lui apportant
des stimulations que sa mère n’est pas en mesure de lui apporter et surtout
en lui faisant varier ses sensations car Martin est en train de se construire sur
un mode tonique, n’ayant que très peu expérimenté ce que pouvait être le mou,
le rassurant, la détente.

D) Travail en psychomotricité

C’est donc quelques temps après ces diverses observations de l’équipe soi-
gnante que nous voyons Madame E et Martin pour des séances de psychomotricité.
Ces séances se dérouleront à raison d’une fois par semaine.

Durant ce temps de psychomotricité, la psychomotricienne propose un espace


d’attention conjointe maman-bébé dans lequel le bébé est placé au centre de l’atten-
tion sur le tapis d’éveil. La psychomotricienne propose alors des jeux à l’enfant, s’ap-
puie sur ce que peut amener la mère, donne des conseils, verbalise les compétences
de l’enfant, propose des outils d’interaction...etc. Lors de ces séances, ma place était
celle d’une observatrice. De façon générale, Madame E restait passive, davantage
dans une position observatrice aussi et ne proposait pas grand-chose à Martin. Les
séances se déroulaient alors de la manière suivante : la psychomotricienne initiait l’in-
teraction avec Martin et sollicitait Madame E à essayer de faire la même chose qu’elle
(lui proposer un jouet, le mettre sur le gros ballon, initier un massage, lui parler, le
caresser…). Madame E se saisissait très bien de ces propositions, se sentait davan-
tage en confiance avec Martin et était capable d’initier certaines interactions par la
suite.

La première séance de psychomotricité de Madame E et Martin se déroule donc


en décembre 2016, Martin a alors 1mois et 17 jours et cela fait environ deux semaines
qu’il a rejoint sa mère dans l’unité.

Lors de cette première rencontre, nous découvrons une maman au visage pâle
et amimique et au corps atone, interagissant avec son enfant. Comme on l’a vu au
cours de ce mémoire, le sujet déprimé est touché dans son unité somato-psychique et
donne à voir un corps figé. On peut supposer que Martin observe ce corps et ce visage
figé tous les jours.

76
Cela pose la question de la fonction miroir développée par Donald Woods Winnicott
et de l’accordage affectif décrit par Serge Lebovici. On peut se poser la question de
ce que Madame E peut renvoyer à Martin avec son visage amimique. Martin se sent-
il compris lorsqu’il regarde le visage amimique de sa mère ? Les états émotionnels de
la Madame E et de Martin sont-ils partagés ?

Face à cela, nous rencontrons Martin, très hypertonique avec des mouve-
ments involontaires brusques, des postures d’extension et le regard fuyant.
L’hypertonie de Martin est un des symptômes de son syndrome de sevrage. Comme
l’explique Suzanne Robert-Ouvray quand elle énonce que le tonus musculaire est
« baromètre corporel naturel qui nous renseigne sur notre état affectif », une hausse
de la tonicité chez le bébé peut traduire un mal-être (22). Cette hausse de la tonicité
chez Martin peut donc être le signe de son état de manque douloureux dû à son syn-
drome de sevrage.

Lorsque l’enfant exprime son mal-être par l’hypertonie, il a besoin d’autrui pour
venir atténuer cette hausse tonique. Suzanne Robert-Ouvray explique que le bébé ne
peut pas se calmer tout seul avant l’âge de 3 mois sauf en s’écroulant dans le sommeil
épuisé ; ce que fait Martin. Martin a donc besoin d’autrui pour baisser sa tonicité. Par
exemple, en séance, lorsqu’on le prend dans nos bras en position d’enroulement bien
maintenue pour contrer son hypertonicité et ses postures d’extension, ou lorsqu’on le
positionne sur le dos sur une pile de coussins bien molle ou sur un ballon un peu
dégonflé, Martin s’apaise et se détend petit à petit et sa tonicité diminue. On peut donc
voir que Martin a besoin d’un contenant le rassurant, le sécurisant, le mettant en
position d’enroulement. On peut aussi le voir avec l’emmaillotage réalisé par ses
parents qui l’apaise considérablement.

Pour ce qui est de ses postures d’extension, d’après Suzanne Robert-Ouvray,


la « position d’extension est une position de tensions toniques excessives donc de
stress et de malaise psychique » alors que l’enroulement est une position de confort
permettant de soulager des tensions corporelles, de se centrer sur soi et d’être dans
un « état de relâchement musculaire favorable à la disponibilité émotionnelle et à l’in-
tériorisation de bonnes sensations dans la relation » (21). Comme le dit André Bullin-
ger, la position d’extension peut aussi traduire une recherche de contenance. Lorsque
le bébé est dans le ventre de sa mère, il s’exprime par un schéma d’extension, celui-
ci se trouvant contré par la paroi utérine le mettant en schéma d’enroulement.

77
Après la naissance, le schéma d’extension doit retrouver un appui contenant, le bébé
recherchant ainsi un schéma d’enroulement. Martin exprime donc une sorte de signal
de détresse à sa maman : il recherche l’apaisement.

Néanmoins, face à cette hypertonicité de Martin, à ses positions d’extension et


à ses pleurs, on observe que Madame E se sent totalement démunie et se sent dans
l’incapacité de lui apporter ce contenant rassurant et sécurisant dont Martin a tant be-
soin. Elle le porte, mais son portage est instable et reste peu sécure. De plus, Mme E.
montre une anxiété anticipatoire qui se traduit dans son corps par des tensions, ce qui
ne l’autorise pas à calmer sereinement les pleurs de Martin. On peut se questionner
sur le dialogue tonico-émotionnel entre ces deux partenaires. Madame E est an-
goissée, son corps reflète cette angoisse et ce malaise par une tension, qui se trans-
met à Martin, Martin ne pouvant pas être apaisé dans cette situation. Madame E se
sent donc incapable d’apaiser son enfant et cela lui renvoi l’image d’une mauvaise
mère.

Dans cette situation, Martin se sent aussi incompris. Le bébé a besoin de solli-
citer son environnement pour lui venir en aide dans une situation qu’il ne peut pas
gérer tout seul ; c’est le cas du mal-être de Martin. Dans ce cas-là, les signaux de
détresse qu’il envoie à sa maman n’ont pas la bonne réponse car cela ne l’apaise pas.
De ce fait, Martin ressent que son environnement ne lui apporte pas la satisfaction
dont il a besoin et peut mettre en place des stratégies adaptatives précoces afin de
pallier à ce manque de réponses positives. On peut supposer que son énorme besoin
de succion est une stratégie adaptative qu’il a mise en place afin de s’apaiser lui-
même. Néanmoins, dans le cas où les stratégies adaptatives précoces ne suffisent
pas car le maternage inadéquat perdure dans le temps, nous avons vu que l’enfant
peut développer des signes de souffrance. L’hypertonicité de Martin peut donc être
l’expression d’un signe de souffrance bruyant traduisant sa souffrance psychique
relationnelle. Il en est de même pour la fuite du regard ; nous pouvons supposer qu’il
fuit la relation car cela ne lui apporte pas ce qu’il recherche : l’apaisement.

L’hypertonicité de Martin peut donc traduire le mal-être interne qu’il res-


sent en raison de son sevrage au cannabis mais aussi le mal-être d’être incom-
pris par sa maman qui n’est pas en mesure de répondre à son besoin d’apaise-
ment et de réconfort. On peut aussi supposer que ce sentiment d’incompréhension
peut être renforcé par le visage amimique que donne à voir Madame E.

78
En réponse à cette hausse tonique de Martin et à ses postures d’extension, la psy-
chomotricienne propose des outils d’apaisement à Martin au cours des séances:

 bercements de Martin sur un ballon : le ballon un peu dégonflé permet à Martin


de se retrouver enveloppé par celui-ci et maintenu dans une position d’enrou-
lement

 moments de massages ou de caresses mettant en jeu le dialogue tonico-émo-


tionnel. Madame E investit très bien ces moments et se ressert de cet outil à
l’extérieur des séances.

 Mise en position d’enroulement en l’entourant de coussins pour relever sa tête


et son bassin...etc.

La psychomotricienne propose aussi des conseils pour la maman, principalement


des conseils de portage en position d’enroulement afin que celui-ci soit davantage
sécure et contenant.

Un des objectifs de la séance de psychomotricité est aussi de proposer à Martin


un panel plus large de sensations à expérimenter. Selon Suzanne Robert-Ouvray,
le tonus a une importance capitale dans le développement psychique de l’enfant. Il y
a quatre grands niveaux d’organisation de ce développement psychique (22) : le ni-
veau tonique, le niveau sensoriel, le niveau affectif et le niveau représentatif. Par
exemple, un mal être de l’enfant s’exprime par une hypertonité/une tension, se tradui-
sant pour lui par une sensation dure et par un état affectif d’insatisfaction, de déplaisir.
Le bébé se vit donc en présence d’une mauvaise mère au niveau représentatif. Au
contraire, lorsque, par exemple, la mère répond à son mal-être, le bébé est détendu/
hypotonique, il le vit par une sensation corporelle molle et par un état affectif de plaisir,
de satisfaction et se vit donc dans les bras d’une bonne mère. Le travail effectué en
psychomotricité essaie donc d’agir au niveau sensoriel en proposant à Martin des sen-
sations molles, contenantes, enveloppantes comme des coussins ou un ballon dé-
gonflé afin qu’il expérimente ce niveau sensoriel qu’il ne vit que très peu, pour que cela
se répercute sur son niveau tonique (diminution de l’hypertonie), affectif (passage de
l’insatisfaction à la satisfaction) et représentatif (la mauvaise mère sera remplacée par
la bonne mère).

79
Lors de ces divers moments que la psychomotricienne propose à Martin (portage
contenant, massages...), nous observons qu’il s’apaise considérablement, ce que sa
maman n’observe pas forcément. Il est certes encore très tonique au niveau de son
tonus de fond comparé à un enfant de son âge, mais on note une absence de mouve-
ments impulsifs et une baisse tonique parallèlement à une amélioration de son inte-
raction avec sa maman : il la regarde davantage et commence à babiller par exemple,
ce que la psychomotricienne ne manque pas de partager avec Madame E qui montre
des difficultés à le repérer.

Notre deuxième axe de travail en psychomotricité se base donc sur cela ; montrer
à Madame E que Martin est capable de s’apaiser et qu’il est doué de compé-
tences dont celles d’interagir avec elle. En raison de son hypertonicité et de son
état douloureux, nous n’avons pas pu lui faire passer un bilan psychomoteur à propre-
ment parlé mais nous avons tout de même pu faire de nombreuses observations cli-
niques.

Au niveau moteur, Martin possède les réflexes de base tels que le réflexe de gras-
ping ou le réflexe de succion automatique. Au fur et à mesure des séances, on observe
que sa motricité volontaire se développe : il commence à tenir sa tête et à pouvoir la
bouger pour suivre une image qu’il voit ou un son qu’il entend. Au niveau sensoriel, on
constate qu’il est attentif aux bruits autour de lui ou aux personnes, il est également
attentif à l’image de lui et de sa mère dans le miroir. De la même façon, il est très
sensible au toucher qu’on lui porte: lorsque sa mère a des gestes tendres envers lui
ou lui fait un massage, il arrive à s’apaiser au bout d’un certain temps. Martin est éga-
lement réceptif à tout ce qui est enroulement, enveloppement, contenance. Lors des
séances en psychomotricité, ces signaux de détente et d’attention que montre Martin
seront pointés verbalement à la maman afin qu’elle prenne conscience que son bébé
n’est pas qu’un « être hypertonique qui pleure sans arrêt » ; Martin peut faire de nom-
breuses choses et il est possible de l’apaiser.

Petit à petit, au fur et à mesure de son développement et de la diminution de son


syndrome de sevrage, Martin se montre davantage disponible et attentif. Son score de
Lipsitz (Annexe 5) traduisant l’intensité de son syndrome de sevrage diminue avec les
jours. Mi-janvier, Martin ayant environ 3 mois, ce score se côte à 2.

80
Le score total pouvant aller de 0 à 20, des symptômes significatifs donneront un score
supérieur à 4. On découvre alors un bébé moins tonique avec moins de postures d’hy-
per-extension et de mouvements brusques, mais aussi davantage consolable. Il pos-
sède de plus en plus de capacités, notamment interactionnelles : il commence à voca-
liser, à effectuer des sourires adressés mais aussi à imiter. Martin regarde aussi de
plus en plus les personnes, notamment sa mère. Il devient alors un bébé davantage
gratifiant, renarcissisant sa mère et la rendant plus en confiance et capable de
lui proposer des choses.

Pour cela, Madame E s’appuie sur ce qui est proposé à Martin en séance de psy-
chomotricité. Par exemple, cela peut être un jeu de mains : la psychomotricienne agite
ses mains devant Martin, ce qui l’amuse beaucoup. Madame E s’approprie alors ces
jeux effectués en séance et les réutilise en dehors avec Martin.

On observe alors que la relation mère-enfant est en cours d’amélioration: Madame


E a des gestes tendres envers Martin, il y a des échanges de regards, des échanges
vocaux et tactiles, Martin répond aux sourires de maman et émet des babillages.

Sur le plan thymique, au début du mois de janvier 2017, le médecin annonce à


Mme E que son état clinique s’est stabilisé et comme la relation mère-enfant s’améliore
petit à petit, il n’y a plus d’indications pour une hospitalisation à temps plein au réseau
mère-enfant. Il est alors proposé à Madame E de passer à l’Hôpital de jour du réseau,
c’est-à-dire que Madame E et Martin rentreront à leur domicile et viendront à l’hôpital
de jour un ou deux jours par semaine selon l’indication médicale afin de continuer le
suivi psychiatrique maternel et le suivi de l’interaction mère-enfant.

Cependant, Madame E verbalise qu’elle se sent encore en difficulté pour rester


seule en présence de Martin. Les soignants de l’unité mère-enfant la sollicite alors à
sortir à l’extérieur avec son bébé et mettent en place un contrat de prise en charge :
Martin est pris en charge à 100 % par Madame E la journée, et par les soignants la
nuit. Ce contrat est mis en place dans le but d’une autonomisation progressive de
maman dans la prise en charge de son bébé.

Madame E et Martin devaient donc sortir de l’unité fin janvier pour retourner au
domicile familial. Le soir avant la sortie, Madame E effectue une tentative de suicide
en avalant une cinquantaine d’anxiolytique. Elle est donc déplacée dans un autre ser-
vice de psychiatrie adulte seule, sans Martin.

81
Cette tentative de passage à l’acte a permis à Madame E de verbaliser des choses
qu’elle s’interdisait de dire auparavant notamment qu’elle ne veut pas de cet enfant et
qu’elle ne voit pas son avenir en tant que mère. Dans son discours vient la notion
d’incurabilité avec le sentiment qu’elle ne prendra jamais aucun plaisir avec son fils qui
la rejette et qu’elle n’arrive pas à établir de « lien d’amour » avec lui. L’idée de cet
enfant représenté est toujours présente, ainsi que l’idée d’un amour inconditionnel
entre une mère et son enfant. Ce passage à l’acte traduit un « trop » de souffrance de
ne pas être « comme toutes les mamans avec leurs bébés ». Elle évoque le fait qu’elle
considère que ce n’est pas normal qu’une mère ne ressente rien pour son enfant.

Pour conclure, nous pouvons supposer que Madame E n’a pas fait le deuil de son
enfant imaginaire. La grande différence entre l’enfant imaginaire et Martin est source
d’une grande souffrance pour cette maman, d’autant plus que Martin se trouve être
dans un état de mal-être et n’est pas aussi gratifiant qu’elle aurait souhaité. De plus,
Martin est très dépendant de sa mère. Comme Madame E est elle-même une person-
nalité dépendante (dépendance à la drogue, dépendance par rapport à son entourage
et aux professionnels pour s’occuper de Martin), investir son bébé réel et s’en occuper
est donc très compliqué. Comme le dit Daniel Stern, les soins de maternage de la
mère fournissent l’occasion d’interactions qui vont soutenir le processus d’attache-
ment ; celui-ci poussera la mère à assurer la survie de son bébé. Comme on le voyait
avec Martin et sa maman, les interactions étaient pauvres et Mme E investissait peu
Martin. Sa tentative de suicide a donc permis à Madame E d’évoquer le fait qu’elle
n’arrive pas à établir de lien avec son bébé, il en ressort une grande souffrance de sa
part et une grande culpabilité parce qu’ « une mère doit aimer son enfant, c’est comme
ça » selon ses dires.

E) Perspectives en psychomotricité

Madame E est donc hospitalisée dans un autre service de psychiatrie adulte en


raison d’une dépression sévère. C’est dans ce cadre-là qu’un suivi psychothérapique
individuel a été mis en œuvre une fois par semaine.

Martin est donc retourné avec son père dans la maison familiale. On peut se
questionner à propos de la place de ce papa.

82
Durant l’hospitalisation à l’unité mère-enfant, nous n’avons eu aucunes informations
concernant ce papa, hormis le fait qu’il était présent tous les soirs pour l’endormisse-
ment de Martin et que c’est une personne ressource pour Madame E. Sera-t-il en ca-
pacité de reprendre la fonction maternelle de Madame E ? Cela pose une question
très importante aussi : L’unité mère-enfant laisse-t-elle assez de place au papa ? On
met la mère au centre de l’attention car elle a une maladie psychiatrique, mais est-t-
elle en capacité d’être une mère suffisamment bonne ? Serait-il davantage bénéfique
pour l’enfant de rester auprès son père (ou toute autre personne de la famille) pouvant
reprendre ce rôle maternel ? Martin aura-t-il l’apaisement et les interactions néces-
saires afin que son développement soit le plus harmonieux possible ? Qu’en est-il de
cette Maman ne s’attachant pas à son enfant, cela sera-t-il préjudiciable pour le déve-
loppement de Martin ? Cette maman et/ou ce papa lui apporteront-il un environnement
suffisamment bon pour que Martin se développe au mieux ?

Dans la perspective que l’état thymique de Madame E se stabilise, des visites


médiatisées sont organisées à l’hôpital de jour une fois par semaine sous la supervi-
sion de la psychologue. Ces visites médiatisées permettent à Mme E de conserver un
« lien » avec Martin et sont organisées dans l’optique de préparer la future prise en
charge de maman et de bébé dans la structure si cela est possible. La prise en charge
en psychomotricité continuera avec l’objectif de prévenir les troubles de l’interaction
mère-enfant et l’impact de ce que cela peut avoir chez Martin, notamment en essayant
d’offrir à Martin un environnement suffisamment bon afin qu’il puisse aller explorer le
monde de manière sécure.

83
Conclusion

Tout au long de ce mémoire, j’ai tenté de mettre en avant l’importance des


interactions précoces pour le futur développement de l’enfant.

En effet, comme l’évoquent Pomerleau et Malcuit en 1983 : « La compétence


de base [du nourrisson] est entendue comme l’ensemble des comportements que le
jeune enfant, en se fondant sur son équipement biologique de départ, est susceptible
de manifester, quand les circonstances, le contexte et les conditions
environnementales s’y prêtent ». Cette dernière partie de la phrase est très importante
et vient énoncer qu’un enfant a besoin d’un environnement « suffisamment bon »
pour que ses compétences puissent se développer.

Comme nous l’avons explicité à travers cet écrit, le parent, notamment la Mère,
est un acteur principal de l’environnement de l’enfant. C’est pour cela que les
interactions entre ces deux partenaires sont importantes à prendre en compte. Des
interactions dites harmonieuses constituent ainsi un environnement « suffisamment
bon ». Celles-ci permettent à l’enfant de se sentir comblé et reconnu dans ses besoins
et désirs et lui permettent d’acquérir une conscience de soi et un sentiment de sécurité
en établissant un attachement sécure avec sa Mère. Tout cela est donc nécessaire au
bon déroulement de son développement psycho-affectif, cognitif et psychomoteur. Ces
interactions permettent également à la Mère de se sentir reconnue dans son rôle de
Mère et lui permettent ainsi d’investir pleinement son enfant.
De bonnes interactions mère-enfant sont donc essentielles afin que l’enfant se
développe de façon harmonieuse dans la sécurité et dans la stabilité et que la Mère
se sente « Mère ».

Cependant, il est possible que les interactions Mère-enfant ne se déroulent pas


aussi harmonieusement que prévues en raison d’une problématique émanant de la
Mère ou de l’enfant. Dans ce mémoire, j’ai pris l’exemple d’une problématique
maternelle : la pathologie psychiatrique périnatale. Nous avons pu voir que celle-ci
peut influencer la capacité de la Mère à être une « Mère suffisamment bonne », c’est-
à-dire à être une Mère répondant aux besoins de son enfant de manière adaptée. Les
interactions Mère-enfant sont ainsi impactées, ce qui peut être délétère pour le
développement de l’enfant.

84
Par sa connaissance du développement psychomoteur, le psychomotricien peut
alors avoir un aperçu des capacités et des difficultés potentielles de l’enfant et peut
ainsi soutenir son développement. Il peut également étayer la maternalité en
construction en valorisant la Mère et en lui apportant conseils, guidance et
bienveillance.

Face à certaines fragilités maternelles, un accompagnement psychomoteur


peut donc être aidant pour prévenir les risques de complications pour le
développement du bébé. L’étayage des interactions est donc nécessaire et ne peut se
faire qu’en prenant en compte le travail du réseau dans son intégralité. Il ne faut pas
oublier que le travail psychomoteur se fait en complémentarité du travail de l’équipe
soignante pluridisciplinaire (psychiatres, psychologues, assistantes sociales,
puéricultrices, infirmières…etc.). Cela permet ainsi d’offrir un large soutien à cette
dyade et un riche étayage interactionnel.

Durant tout ce mémoire, je me suis donc questionnée sur le concept de la


« Mère suffisamment bonne » de D.W. Winnicott. J’en suis arrivée à la conclusion que
chaque Mère possède en elle la capacité à être cette Mère suffisamment bonne. Pour
ce faire, certaines ont simplement besoin d’un étayage supplémentaire.
Pour conclure, j’aimerais vous rapporter cette phrase d’une Mère en fin de prise
en charge au réseau Mère-enfant : « Quand j’étais au temps plein, je n’avais envie de
rien, je ne voyais pas l’intérêt de jouer avec ma fille, je m’ennuyais, tout était fade, tout
était plat, je me sentais obligée de le faire. Maintenant je me demande comment j’ai
pu penser des choses horribles comme ça, je prends du plaisir avec mes enfants, je
suis beaucoup mieux et je vois qu’ils sont mieux aussi : Eloïse fait beaucoup plus de
sourires, elle joue davantage, elle me parle…etc.».

Le réseau de psychiatrie périnatale permet donc un encadrement de ces


dyades en souffrance psychique périnatale et leur apporte l’aide et la contenance dont
elles ont besoin. Cependant nous pouvons nous questionner sur la place des Pères
dans ce réseau. Selon mon avis, cette place n’est pas encore assez prise en compte
si on prend en considération le fait que le Père peut porter la fonction maternelle.

85
Bibliographie

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compétences du bébé, Presses Universitaires de France, 2013
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peut-il accompagner la parentalité et étayer le développement de l’enfant ?
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(32) Tissot Hervé, Frascarolo France, Despland Jean-Nicolas et Favez Nicolas,
Dépression post-partum maternelle et développement de l’enfant, revue de
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(33) Toussaint Eva, De la naissance du parent au développement de l’enfant, 2014
(34) Vacheron Marie-Noëlle, Maternité et Psychiatrie, Répercussions et prise en
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interactions précoces mère-bébé en situation de jeu : une revue de littérature des
instruments, Devenir 2017/1 (Vol.29), Edition Médecine et Hygiène
(37) W. Winnicott Donald, La préoccupation maternelle primaire, De la pédiatrie à la
psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, 1956
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1996
(39) W. Winnicott Donald, La première année de la vie, De la pédiatrie à la
psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, 1958
(40) W. Winnicott Donald, La capacité d’être seul, De la pédiatrie à la psychanalyse,
Petite Bibliothèque Payot, 1958
(41) W. Winnicott Donald, La théorie de la relation parent-nourrisson, De la pédiatrie
à la psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, 1960

88
Table des matières

Remerciements………………………………………………………………………………2
Sommaire……………………………………………………………………………………..3
Introduction…………………………………………………………………………….……. 4

Partie 1 : Deux partenaires d’interactions : L’enfant et la Mère………………….……..6


I. L’enfant……………………………………………………………………...……6
A) Une nouvelle vision- un nouveau-né compétent…………………….. 6
B) Les compétences du nouveau-né……………………………...………8
1) Les compétences sensorielles……………………………...………8
2) Les compétences motrices……………………………….…………9
3) Les compétences sociales………………………………..……….12
C) Les états de vigilance……………………………………………..……13

II. La Mère……………………………………………………………….…………14
A) La naissance d’une Mère………………………………………………15
B) La fonction maternelle…………………………………………...……..17
1) Selon D.W.Winnicott……………………………………….……….18
2) Selon Daniel Stern………………………………………………….20
3) La capacité de Rêverie maternelle selon Wilfred Bion...……….20
C) Et le Père ?......................................................................................22

III. L’interaction Mère-enfant……………………………………………………25


A) Définition……………………………………………………..………….25
B) Les trois niveaux d’interactions………………………………………..26
1) Les interactions comportementales………………………..……..26
2) Les interactions affectives…………………………………………29
3) Les interactions fantasmatiques……………………….………….31
C) De l’interaction à l’attachement et de l’attachement à
l’interaction………………………………………………………………33

89
Partie 2 : Les perturbations des interactions Mère-enfant : Exemple de la maladie
psychiatrique périnatale ……………………………………………………...……………37
I. Des interactions Mère-enfant perturbées………………………...………37
A) Les aspects quantitatifs des perturbations………………………………37
1) Excès de stimulation…………………………………………...………37
2) Le manque de stimulation……………………….…………………….38
B) Les aspects qualitatifs des perturbations……………………...…………39
1) Perturbation de la réciprocité……………………………….…………39
2) Perturbation du déroulement temporel………………….……………40
3) La fixation et les régressions des modalités interactives…..………41
C) Les signes de souffrance de l’enfant…………………………….……….42
D) Les facteurs de risques des troubles des interactions…………….……44
1) Les facteurs en rapport avec le nourrisson…………….……………45
2) Les facteurs en rapport avec la Mère……………………….………..45

II. Les maladies psychiatriques périnatales…………………………………47


A) La psychiatrie périnatale…………………………………………...………47
B) Quelques exemples de pathologies périnatales………………..……….49
1) La dépression du post-partum……………………………...…………49
2) Le post-partum blues…………………………………………………..50
3) Les psychoses puerpérales……………………………….…………..51
C) Les répercussions sur les interactions : exemple de la dépression post-
natale…………………………………………………………...……………52

Partie 3 : Le psychomotricien au sein du réseau de psychiatrie périnatale….………56


I. Le réseau de psychiatrie périnatale……………………………………… 56
A) Présentation et objectifs………………………………………………..….56
B) Fonctionnement…………………………………………………….………56
C) L’équipe pluridisciplinaire et la place du psychomotricien……..………57

90
II. Les rôles du psychomotricien dans le réseau de psychiatrie périna-
tale………………………………………………………………………….……58
A) Les rôles du psychomotricien auprès de l’enfant……….………………59
1) Evaluation du développement de l’enfant…………………..……….59
2) Soutien du développement de l’enfant…………………..…………..61
3) Lecteur et décodeur du langage du corps du bébé……….………..62
B) Les rôles du psychomotricien auprès de la Mère……………….………63
1) Un rôle d’écoute et de renarcissisation………………………………63
2) La guidance interactive parentale…………………………………….64
3) La fonction alpha détoxifiante ou la capacité de contenance
du psychomotricien……………………………………………….……66
C) Les rôles du psychomotricien auprès de la dyade……………….……..67
1) Offrir un espace-temps d’attention-conjointe………………………..67
2) Le psychomotricien apporte une contenance maternelle………….68
3) Le psychomotricien peut avoir la fonction séparatrice du tiers
paternel……………………………………………………….…………69

III. Etude de cas : Martin et sa maman………………………………..………71


A) Contexte de l’arrivée dans le service……………………………….…….71
B) L’arrivée dans le service………………………………………….………..72
1) Présentation de Martin…………………………………………………72
2) Présentation de la maman…………………………………….………73
C) Projet de soin……………………………………………………….……….75
D) Travail en psychomotricité…………………………………………..…….76
E) Perspectives en psychomotricité………………………………….………82

Conclusion………………………………………………………………………….……….84
Bibliographie…………………………………………………………………...……………86
Table des matières……………………………………………………………...………….89
Annexes……………………………………………………………………………..………92

91
Annexes

Annexe 1 : Fiche d’évaluation des interactions par les infirmières


De 0-2mois

92
De 2-6mois

93
94
Annexe 2 : Évaluation vidéo

95
Annexe 3 : La position du planeur

96
Annexe 4: Échelle de douleur et d’inconfort du nouveau-né (EDIN)

Annexes 5: Score de Lipsitz

97

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