!!La Psychomot Dans Le Soutien Des Inet
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!!La Psychomot Dans Le Soutien Des Inet
Bouscary Marion
Née le 15 mars 1995 à Annecy
Je souhaite adresser tous mes remerciements aux personnes qui m’ont aidé et
soutenu, et qui ont ainsi contribué à l’élaboration de ce mémoire :
Valérie Gosselin, maître de stage, pour m’avoir donné l’occasion de créer mon
atelier et de gagner en autonomie professionnelle.
Ma famille et mes amis qui m’ont toujours soutenu quoi qu’il arrive.
Je tiens à remercier tout particulièrement mes parents pour les nombreuses relectures
et leurs encouragements et pour m’avoir toujours fait confiance. Sans vous, je ne se-
rais pas celle que je suis aujourd’hui.
Je remercie également Julien, pour ses relectures et ses conseils avisés et je tiens
aussi à adresser une pensée tout particulière à mes colocataires, à Charlotte et à
Alexandre pour votre présence et votre soutien inconditionnel.
2
Sommaire
Introduction………………………………………………………………………………….4
I. L’enfant………………………………………………………………………6
II. La Mère………………………………………………………………..……14
Conclusion………………………………………………………………………….……….84
Bibliographie………………………………………………………………………...………86
Annexes……………………………………………………………………………………. 92
3
Introduction
Dans cette citation qui à l’origine est : « mais un bébé, cela n’existe pas » (38),
Donald Woods Winnicott fait remarquer que lorsque l’on montre un bébé, on montre
certainement aussi quelqu’un qui s’occupe de lui. Un bébé ne peut pas exister tout
seul, il fait essentiellement partie d’une relation, d’un environnement ; en particulier la
Mère. En effet, dès le départ, l’enfant possède toutes les potentialités pour avoir un
développement harmonieux, mais ces potentialités ont besoin d’un environnement
« suffisamment bon » et adapté aux besoins du bébé pour pouvoir se développer.
Donald Woods Winnicott parle alors de « Mère suffisamment bonne » (39) (ni « trop »
bonne, ni « pas assez ») ; une Mère qui saura donner les soins adéquats pour
permettre aux potentialités de l’enfant de s’exprimer.
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C’est avec toutes ces questions en tête que j’ai décidé d’effectuer mon stage
de troisième année de formation en psychomotricité dans un réseau mère-enfant.
Cette structure a comme objectif la prise en charge conjointe de la mère et de l’enfant
se trouvant dans des situations de souffrance psychique périnatale.
La psychiatrie périnatale est une discipline qui étudie les troubles psychiques observés
chez la femme durant la période périnatale et le développement des enfants dans ce
contexte. Il y a donc un double objectif : soigner la mère malade et prévenir le risque
de dysfonctionnement dans la relation mère-enfant.
C’est dans ce contexte que l’on peut se demander si la maladie maternelle peut
être préjudiciable pour l’enfant en construction. La psychopathologie de la mère
peut-elle impacter les interactions précoces mère-nourrisson ? Une maman
possédant une pathologie psychiatrique est-elle donc moins apte à être une
« mère suffisamment bonne » ? Si oui, l’enfant est-il donc susceptible d’avoir de
potentielles problématiques ?
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Partie 1 : Deux partenaires d’interactions :
L’enfant et la Mère
I. L’enfant
Ces deux définitions sont très intéressantes car cela montre que le terme
« enfant » sous-tend les notions de dépendance et d’incompétence, toutes deux liées
au fait que l’enfant ne puisse pas verbaliser. D’un autre côté, l’enfant est aussi un être
en construction, un futur adulte ; donc avec des compétences qui vont se développer.
Pourtant, nous allons voir que l’enfant est doué de compétences innées dès
sa naissance et même in-utero, lui permettant d’entrer en interaction avec son
environnement.
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Ce n’est qu’à partir du 18ème siècle, grâce au progrès des méthodes de
recherches (notamment la vidéo), que les professionnels et les chercheurs de la petite
enfance ont changé leur façon de se représenter le bébé, de l’étudier et même de le
soigner. C’est T.B. Brazelton qui a été l’un des premiers à reconnaître le bébé comme
un être compétent et actif dans la création des liens qu’il tisse avec ses parents. Le
nouveau-né est alors aujourd’hui considéré comme un être doté d’étonnantes facultés
dès sa venue au monde et même in-utéro ; faisant de lui un être relationnel. Comme
le souligne Martine Lamour, on est passé de la théorie de la Mère toute puissance,
organisatrice de l’interaction, à la reconnaissance du bébé, partenaire actif de
l’interaction grâce à ses incroyables compétences. Le bébé est donc devenu un être
compétent, doté de capacités sensorielles, motrices et sociales, lui permettant ainsi
d’entrer en interaction avec son environnement.
Nous allons donc voir quelles sont ces compétences que possède le bébé et
comment celles-ci étayent les premières situations interactives. En effet, pour
comprendre l’interaction mère-enfant, il est intéressant de savoir sur quelles capacités
de l’enfant celle-ci peut venir s’appuyer et se fonder.
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B) Les compétences du nouveau-né
1) Les compétences sensorielles
• Capacités tactiles
Le toucher est la première capacité sensorielle à apparaître in-utero. Le bébé
éprouve ses premières sensations dès le deuxième mois de grossesse. Dans l’utérus,
le bébé est exposé à diverses sensations tactiles : son corps se frottant sur les parois
utérines, le contact avec le liquide amniotique, les caresses faites à travers le ventre
de sa mère...etc. Toutes ses sensations lui apportent contenance et rassemblement.
C’est pour cela que lorsque le bébé naît, il continue à rechercher cette première forme
de communication qui le rassure. Le peau à peau, les caresses, les bercements et
les massages sont donc très importants, le réconfortent et lui procurent un sentiment
de bien-être.
• Capacités olfactives
A 6 jours de vie, le bébé est capable de reconnaître l’odeur de sa mère, ce
qui le rassure et l’apaise et il peut s’orienter activement vers une source imprégnée de
cette odeur. Il est aussi capable de discriminer l’odeur maternelle de l’odeur d’une autre
femme.
• Capacités gustatives
Le bébé possède les mêmes bourgeons gustatifs que nous dès la onzième
semaine de grossesse. A travers le liquide amniotique, il goûte à tout ce que la mère
mange.
A la naissance, par des mimiques de rejet ou de plaisir, il sait parfaitement
distinguer les saveurs sucré, salé, amer et acide avec une nette préférence pour
le sucré (le goût du liquide amniotique étant davantage sucré).
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• Capacités auditives
Le bébé entend et réagit aux sons durant la grossesse. Que ce soient des bruits
internes (battements cardiaques, respiration, transit intestinal de la mère par exemple)
ou des bruits externes atténués par la paroi utérine et le liquide amniotique ; le fœtus
baigne dans un univers sonore permanent.
Dès sa naissance, le nouveau-né est capable d’orienter sa tête dans la
direction d’un son. Il sait faire la différence entre les sons graves et les sons aigus
mais aussi entre sa langue maternelle et les autres langues. Il reconnaît aussi la
prosodie et l’intonation de la voix : une voix douce et calme l’apaisera tandis qu’une
voix forte le fera sursauter ou même pleurer.
• Capacités visuelles
La vision est le dernier sens à se développer chez le fœtus. A la naissance, la
vision du bébé n’est pas encore tout à fait mature. Il peut voir à une distance
d’environ 20 centimètres, ce qui correspond approximativement à la distance le
séparant du visage de sa mère lors de la tétée. Cependant, il a déjà la capacité de
suivre du regard et a une préférence pour le visage humain. Il est aussi capable
de distinguer des formes et des couleurs et dès le deuxième jour, il sait faire la
différence entre sa mère et une autre femme.
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Le système inférieur traduit une motricité réflexe, archaïque alors que le
système supérieur révèle une motricité contrôlée. Ce dernier va petit à petit
remplacer le système inférieur en permettant la disparition progressive de la motricité
réflexe et l’installation progressive d’une motricité volontaire de plus en plus précise.
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• Le réflexe tonique asymétrique du cou ou réflexe de l’escrimeur : Lorsque
l’enfant est couché sur le dos et sa tête tournée d’un côté, cela entraîne
l’extension du bras du même côté et la flexion du bras du côté opposé. Ce
réflexe initie les coordinations oculo-manuelles.
Ces différents réflexes sont recherchés dans l’échelle d’évaluation néonatale de T.B.
Brazelton : la NBAS (Neonatal Behavioral Assessment Scale). Cette échelle est un très bon
outil pour permettre aux parents de se rendre compte que leur bébé est compétent et qu’il peut
être un acteur à part entière dans la relation parent/enfant. Lorsque Madame F a vu son bébé
lors de cet examen, elle a dit : « c’est impressionnant, je ne savais pas qu’il pouvait faire tout
ça ! t’es fort mon bébé ! ».
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Ce contrôle tonique progressif permet petit à petit à l’enfant de pouvoir mobiliser
son corps de manière davantage globale. C’est grâce à cela que l’enfant est capable
de se retourner, de tenir assis, de marcher...etc. On pourrait citer quelques-unes de
ces étapes clefs du développement psychomoteur :
• La tenue de sa tête vers 3 mois
• La préhension volontaire vers 5mois
• Le retournement ventre-dos vers 6mois
• La station assise sans appui vers 7 mois
• La reptation et le 4 pattes vers 9-10mois
• La station débout vers 12-18mois
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Le sourire est aussi un agent communicatif très important. L’entourage du bébé
est énormément réceptif au sourire de l’enfant. Dès les premières heures de sa vie, le
nourrisson est capable de sourire ; c’est un sourire réflexe qui manifeste un bien-être.
Rapidement, entre un et deux mois, le nouveau-né est capable de sourire par imitation
puis intentionnellement : ce sont les sourires adressés.
C’est durant l’état 4, un état d’éveil calme et attentif, que le bébé est
pleinement disponible pour l’interaction et peut montrer ses meilleures compétences.
Le niveau d’interaction du nouveau-né est donc complètement dépendant de ses états
de vigilance.
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On a donc vu que le bébé possède des compétences multiples : sensorielles,
motrices et relationnelles. Celles-ci le rendent partenaire actif de l’interaction. Le
nouveau-né n’est pas incompétent comme les idées préconçues le supposaient. Le
bébé a de multiples facultés qui lui permettent de s’imposer comme sujet et acteur de
la rencontre. Cela permet ainsi à son entourage de se sentir reconnu et investi, mais
aussi engagé dans un lien de réciprocité. Les parents se rendent compte que leur
bébé est capable de faire des choses, que c’est un être compétent qui peut bouger,
communiquer, ressentir et interagir avec eux.
Lors de l’allaitement, une maman demande si la vision de son fils, né il y a peu de temps, est
assez mature pour qu’il puisse la voir. On lui répond qu’un nourrisson peut voir à une distance
d’environ 20 centimètres donc qu’il peut voir son visage. Sur un air enjoué, elle nous répond
«Ah ! Donc il voit que je le regarde ? Il voit que je lui souris ? ». Cette connaissance de la
compétence de son enfant permet à cette maman de se sentir investie et lui permet aussi de
reconnaître son fils comme acteur dans la relation.
II. La Mère
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On définit le terme « mère » par « femme qui a mis au monde ou qui a adopté
un ou plusieurs enfants ». Cependant une autre définition est actuellement admise :
« femme qui joue le rôle d’une mère » (définition du Larousse). Néanmoins, je
nuancerais cette définition. Comme le déclare un article de presse en janvier 2011,
« Mère et Père perdent leur sexe » (Le quotidien Libération, 11 janvier 2011) ; la
fonction maternelle pouvant être jouée par un individu de sexe féminin ou de sexe
masculin.
Le fait d’être Mère se désigne par le terme « maternité » qui s’envisage comme
un état, une position, un fait en lui-même ; on est Mère. Cela renvoie au terme
« parentalité » désignant de façon très large la « fonction de parent » (Larousse,
2000), la « la qualité de parent, de père, de mère » (Le Petit Robert, 2001) : on est
parent.
Il s’agit donc de devenir Père ou Mère d’un enfant, non seulement sur le plan
physique, mais aussi psychique. P.-C. Racamier a créé le terme de « maternalité »
pour rendre compte de ce phénomène. Comme le souligne Daniel Stern, « une mère
doit naître psychologiquement, tout autant que son bébé naît physiquement ».
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Selon Sellenet, il s’agit d’un processus en plusieurs étapes : une première
étape durant l’enfance où le processus se prépare inconsciemment, puis lors de
l’adolescence où il est activé sous l’influence de facteurs physiologiques, et enfin un
dernier temps lors de la naissance de l’enfant où il est actualisé. Dans son livre « La
naissance d’une mère », Daniel Stern a lui aussi décrit les différentes étapes de ce
processus. Pour lui, il y a trois grands stades pour atteindre ce qu’il appelle « le
sentiment d’être mère » (30):
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On ne naît donc pas Mère, on le devient. Devenir Mère dans sa tête et dans
son corps est le produit d’un long travail identificatoire développemental
commençant bien avant la grossesse et se poursuivant avec l’arrivée de l’enfant réel.
La maternalité et tous ses réaménagements psychiques permettent à la Mère de se
sentir Mère et d’accéder à la maternité, c’est-à-dire à la nouvelle identité de Mère.
B) La fonction maternelle
Comme l’a très bien dit Daniel Stern, le sentiment d’être Mère prend
définitivement son essor lorsque celle-ci réalise la responsabilité qu’elle a envers lui.
Nous pouvons donc nous demander qu’est-ce que cette responsabilité représente ?
Quel est le rôle d’un Mère face à cette responsabilité ?
Plusieurs auteurs ont théorisé diverses fonctions qu’une Mère « suffisamment
bonne » doit avoir afin que son enfant se développe au mieux.
C’est Donalds Woods Winnicott qui évoque le concept d’une « mère ordinaire
normalement dévouée ». C’est la « mère suffisamment bonne », ni trop bonne, ni
pas assez. De la même façon, pour rejoindre cette notion, dans son livre « La
naissance d’une mère », D. Stern déclare : « il n’existe pas de mères parfaites, ce que
la plupart des mères offrent à leur enfant sera suffisamment bon pour qu’il se
développe normalement. Si vous étiez parfaites, ce serait sans doute mauvais pour
votre enfant ». En effet, pour D.W. Winnicott, il existe un équilibre entre les qualités
nécessaires à une mère suffisamment bonne et une forme de santé naturelle de
l’enfant.
Dans cette partie, je citerai donc quelques fonctions maternelles que les auteurs
ont théorisé en prenant appui majoritairement sur le concept de « Mère suffisamment
bonne ». De nombreux ouvrages font référence aux qualités maternelles, cependant,
j’ai pris le parti pris de ne pas en parler ici et de m’appuyer principalement sur les
notions développées par D.W. Winnicott (37,38,39,40,41).
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1) Selon D.W.Winnicott
D.W. Winnicott évoque donc diverses qualités nécessaires à une Mère ordinaire
normalement dévouée afin que le développement de son enfant se passe de la
manière la plus harmonieuse possible.
Dans ces ouvrages, Winnicott aborde le fait que les capacités maternelles d’une
Mère ordinaire normalement dévouée ne reposent pas sur une connaissance mais
proviennent plutôt d’une attitude acquise au cours de la grossesse. Il évoque ainsi trois
fonctions maternelles indispensables au bon développement de l’enfant :
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Cette fonction de holding est fondamentale car elle permet l’intégration du Moi
du bébé : le bébé peut se sentir exister et se sentir comme une unité
différenciée de sa Mère. Cette fonction permet donc au bébé d’Être et de faire
l’expérience de soi.
Selon Winnicott, une Mère suffisamment bonne doit donc assumer ces trois
fonctions fondamentales, face à un bébé totalement dépendant d’elle durant les cinq
premiers mois de sa vie. Petit à petit, grâce au holding, handling et à l’object presenting,
l’enfant qui était en fusion avec sa Mère commence à se différencier : il ne s’attend
plus à une compréhension et à une satisfaction magique de ses besoins par sa Mère.
C’est durant cette période que Winnicott évoque le fait que le bébé a besoin d’avoir
une « Mère défaillante » sur une courte durée. C’est cela qui va le conduire à se
différencier d’elle car il fera l’expérience d’un défusion, d’une non-omnipotence.
Ensuite, lorsque le bébé se voit différencié de sa Mère vers 6 mois, Winnicott
parle de la phase de dépendance relative : le bébé prend conscience qu’il a besoin
de sa Mère. Ainsi, il devient capable d’établir une relation objectale avec elle et va
dorénavant donner un signal pour appeler sa Mère afin qu’elle satisfasse son besoin.
Le dernier stade représente le stade de l’indépendance dans lequel l’enfant
est en mesure d’affronter le monde par lui-même.
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Ces trois fonctions maternelles Winnicotiennes sont donc primordiales pour le
nourrisson. Elles lui permettent de se sentir exister dans un premier temps et de se
vivre comme un Etre un, unique et différencié de sa Mère dans un second temps. Cela
lui permettra d’acquérir la capacité à être seul et il pourra ainsi aller explorer le monde.
En effet, R. Spitz a démontré qu’un enfant recevant les soins de bases avec
peu d’échanges affectifs présentait au bout de quelques semaines à quelques mois
un syndrome grave de repli relationnel suivi d’un arrêt de l’évolution psychomotrice.
C’est ce qu’il a appelé le syndrome d’hospitalisme. Ce syndrome montre bien que
l’acteur principal de l’interaction doit aussi avoir un rôle important concernant « la
garantie l’amour » si l’on reprend le terme de D. Stern.
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Les grandes fonctions maternelles que je viens de citer vont de pair et sont
complémentaires et sont donc essentielles afin que le développement de l’enfant soit
le plus harmonieux possible.
Comme je l’ai évoqué précédemment, je parle de la Mère comme le partenaire
privilégié de l’interaction avec le nourrisson. Cependant, d’autres acteurs peuvent
prendre part à cette interaction et avoir un rôle primordial : c’est le cas du Père.
C) Et le Père ?
Comme évoqué pour le terme « Mère », je tiens à rappeler que lorsque je parle
avec le terme « Père », je signifie plus certainement la fonction paternelle, pouvant
être portée par un individu de sexe masculin ou féminin et par n’importe quelle
personne dans l’entourage du nourrisson.
L’intérêt porté à la place, au rôle et au statut du Père est beaucoup plus récent
que celui porté aux Mères. L’évolution sociétale a amené le fait que les Pères sont de
plus en plus présents auprès des Mères et des nourrissons, et ce de plus en plus tôt.
On parle de Pères « impliqués » (Le Camus, 1997) ou de « paternité de proximité »
(16). On assiste alors aujourd’hui à un éclatement des fonctions du Père.
Le rôle du Père est différent de celui de la Mère. Cependant, il lui est aussi
complémentaire. Je vais citer quelques exemples de fonctions que le Père assure :
• Le Père possède aussi un rôle de soutien à la Mère. Le Père peut faire partie
des personnes ressources c’est-à-dire des personnes aidantes : il peut aider
la Mère dans les soins de maternage par exemple.
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• Jean Le Camus propose la notion de « dialogue phasique » pour désigner le
dialogue entre le Père et l’enfant, par opposition au dialogue tonico-émotionnel
entre la Mère et l’enfant. Ces deux notions différentes évoquent des différences
spécifiques de qualité de présence envers le bébé. Par le terme « phasique »,
Le Camus insiste sur le caractère transitoire, discontinu et davantage
mouvementé des échanges entre le Père et son bébé. Le Père initierait donc
des jeux davantage dynamiques et stimulants que la Mère, ce qui favoriserait
l’exploration du bébé. En contrepartie, avec le dialogue tonico-émotionnel lent
et continu, la Mère favoriserait le développement d’un sentiment de sécurité en
encourageant la proximité en cas de détresse.
Un bébé n’est pas seul, on ne peut pas dissocier le bébé de son environnement.
Majoritairement, les parents de l’enfant sont les acteurs principaux interagissant avec
lui. Cependant, l’entourage de l’enfant est plus vaste, d’autres acteurs sont
susceptibles d’entrer en interaction avec lui : les grands-parents, les frères et les
sœurs, les professionnels...etc.
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On a donc vu que le bébé est dépendant de son environnement dans les
premiers mois de sa vie. Cependant, il est aussi doué de nombreuses compétences
lui permettant d’entrer en interaction avec son entourage. Son entourage proche,
répondant aux besoins physiques et psychiques du bébé, correspond à ses parents le
plus souvent du temps. Tous deux ont des fonctions spécifiques, différenciées et
nécessaires afin que le nourrisson se développe au mieux.
Nous allons maintenant décrire quelles sont ces interactions entre le bébé et la Mère.
J’ai décidé ici de centrer ma réflexion spécifiquement sur la Mère ; partenaire privilégié
de l’interaction, mais il est important d’avoir à l’esprit que ces interactions existent aussi
avec le Père ou toutes autres personnes faisant partie de l’entourage de l’enfant.
Comme nous l’avons vu dans les parties précédentes, auparavant le bébé était
considéré comme un être passif dénué de capacités. Aujourd’hui, on sait que le bébé
possède de nombreuses compétences le rendant partenaire actif dans la relation. La
Mère émet un message (le touche, lui parle, le regarde, le porte) et le bébé peut
recevoir tout cela et peut émettre des messages en retour. Ses messages du bébé
sont captés par la Mère qui y répond à son tour et ainsi de suite. On parle donc
d’interaction.
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Pour imager cette dynamique, Escalona a introduit le terme de spirale
transactionnelle ou interactionnelle en 1968 dans lequel l’enchaînement de
processus bidirectionnels est décrit non pas en cercle fermé mais plutôt en spirale. On
considère donc que « parent et nourrisson s’influencent l’un l’autre dans un processus
continu de développement et de changement » (Sameroff, 1975).
Dans ce schéma créé par Lebovici et Mazet, on peut voir que la Mère et le bébé
sont deux partenaires actifs. L’harmonie, la mutualité et la réciprocité de cette
interaction sont donc fonctions de différents facteurs liés à ces deux acteurs. Nous
verrons cela, ainsi que les perturbations de cette réciprocité dans une prochaine partie
concernant les troubles de l’interaction.
Exemple de Mme P et Jules : Lors de l’atelier koala proposé par la psychomotricienne (temps
de détente maman-bébé avec des exercices de respiration et musique de fond où la Mère
installée confortablement prend bébé dans ses bras), Mme P est détendue et son corps ne
montre aucune tension, Jules s’endort alors dans les bras de sa Mère, apaisé et détendu lui
aussi.
Les interactions corporelles concernent donc la façon dont le bébé est tenu,
porté, manipulé, touché et comment le bébé réagit à cela. C’est l’ensemble des
échanges Maman-bébé passant par le corps.
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• Les interactions visuelles
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En ce qui concerne la Mère, son langage est primordial. Selon Lebovici et
Stoleru, dans Le nourrisson, sa mère et le psychanalyste : « La parole de la mère peut
aider l'enfant à surmonter ses peurs, à comprendre ce qu'il lui arrive, ce qui se passe
autour de lui ». Cela rejoint le concept de la fonction alpha détoxifiante de Bion que j’ai
décrit précédemment.
De la même façon, F. Dolto a insisté sur le fait qu’il est important de parler au bébé
car il comprend, entend et perçoit ce que l’on dit. En clinique, on observe très bien la
différence entre une Maman qui parle souvent à son bébé ou une Maman qui ne parle
pas à son bébé. Le bébé a tendance à davantage babiller lorsque sa Mère lui parle
depuis sa naissance.
Exemple de Mme D et Lucie : Mme D ne parlait quasiment jamais à Lucie qui elle-même ne
vocalisait pas. Lorsqu’elle est entrée au réseau mère-enfant, les soignants ont effectué une
vidéo des interactions qui a permis à Mme D de se rendre compte de cette situation. Lorsqu’on
a revu cette dyade quelques semaines plus tard, Maman parlait davantage à Lucie et nous
avons observé que Lucie vocalisait aussi davantage, ce qui rendait sa maman très fière d’elle.
Aujourd’hui Madame D peut nous dire « ça fait du bien de lui parler, elle me répond en plus,
c’est le fait que je ne lui parlais pas qui la rendait comme ça. »
On observe aussi que les Mères modifient leur façon de parler lorsqu’elles
s’adressent à un bébé en changeant leur voix et en exagérant leur prononciation ; c’est
le « parler bébé ». On constate ainsi que le bébé est davantage sensible à la prosodie
et aux intonations de la voix.
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Ce concept se définit comme « le partage des mêmes états affectifs et comportements
au même moment, parfois sur un mode transmodal » (Guédeney). On peut le voir par
exemple avec l’expérience du Still face où la Mère apparaît figée devant son bébé et
où on constate une certaine désorganisation de celui-ci. Cela renvoie aux
problématiques des Mères dépressives qui ont un visage dénué d’expressions. Le
nourrisson est donc capable de percevoir des affects éprouvés par sa Mère et peut s’y
identifier en miroir. On peut faire un parallèle avec la fonction miroir de la Mère
développée par D.W. Winnicott.
La Mère, quant à elle, peut reprendre les expressions du bébé en les accentuant
et en y ajoutant des modalités sensorielles (la voix par exemple). On parle d’accordage
unimodal quand la Mère et l’enfant sont dans le même mode de communication et
d’accordage transmodal quand la Mère introduit d’autres modalités sensorielles. C’est
quand une Mère imite un comportement plaisant que fait le bébé (tape le hochet sur
la table) mais en y ajoutant une autre modalité que celle par laquelle le nourrisson
s’exprime, en faisant un son en même temps que le geste par exemple. Il y a donc un
partage des affects ici : la Mère et le bébé partagent des affects positifs. L’accordage
affectif participe au sentiment de compréhension du bébé avec un sentiment d’être
accompagné dans ses émotions. Plus tard, l’accordage affectif va permettre
d’associer une signification à des comportements.
Pour reprendre les mots de Lebovici et Mazet, il est donc important d’avoir une
« suffisante » harmonisation affective. Cependant, parfois, le bébé et sa Mère ne sont
pas accordés. C’est par exemple, quand le bébé gazouille (affect positif) et la Mère va
se mettre à pleurer (affect négatif). Dans cette situation, on peut se demander si le
bébé se sent compris et qu’est-ce que cela peut lui renvoyer ?
30
3) Les interactions fantasmatiques
Mme A a décidé de faire un enfant lorsqu’elle a appris que son père souffrait du cancer. Elle a
évoqué : « je veux faire un enfant avant qu’il meure pour que mon père voit sa petite-fille ou
son petit-fils ».
La vie imaginaire et fantasmatique des parents est très liée à leur enfance, à
leur histoire familiale et personnelle, à leur vie affective et à leurs propres images
parentales.
Pour avoir une idée de ces interactions fantasmatiques, on peut observer ce
que dit la Mère de son enfant en évoquant ce qu’il suscite chez elle ou ce qu’il révèle
de son passé par exemple.
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Lors d’une séance en psychomotricité, Mme Y nous parle beaucoup de sa propre enfance et
de sa relation avec sa Mère lorsqu’on évoque sa relation avec sa fille, Aurélie. Elle évoquera
que sa mère était souvent absente dans son enfance et qu’elle ne lui a pas donné l’amour
dont elle avait besoin. C’est cette situation selon elle qui lui a permis de savoir qu’elle ne voulait
pas être une Mère comme cela. Elle évoquera ainsi : « c’est pour ça que je suis aussi proche
de ma fille aujourd’hui et que j’essaie de lui donner le maximum de choses »
Le très jeune enfant possède lui aussi une vie fantasmatique. Comme le dit
Lebovivi : « Les soins maternels et leurs vicissitudes sont pourvoyeurs de fantasmes
chez le bébé ».
Ces trois types d’interactions sont intimement liés. On peut difficilement parler
d’interactions comportementales sans y mettre de l’affectif ou sans qu’il y ait une
approche fantasmatique derrière.
Comme on l’a vu précédemment, lorsqu’il naît, le bébé est dépendant d’une
autre personne car il ne peut pas répondre à ses besoins tout seul. De ce fait, la
relation enfant-entourage est vitale pour le bébé. Cependant, depuis quelques années,
on sait que le bébé est doué de compétences : cela le rend acteur dans cette relation.
On parle alors aujourd’hui d’interaction, dans laquelle le bébé et la Mère s’influencent
l’un et l’autre. Cette interaction est donc primordiale pour le bébé, mais aussi pour la
Mère. Le bébé a besoin d’autrui pour satisfaire ses besoins et la Mère a besoin de
cette interaction pour se sentir Mère.
Mais qu’est-ce qu’une interaction « suffisamment bonne » ? Selon Tiffany Field,
l’interaction est harmonieuse si la Mère est capable d’ajuster ses stimulations aux
besoins de l’enfant.
Par exemple, les interactions comportementales sont considérées comme
satisfaisantes si elles répondent à un critère de synchronie, de continuité/stabilité
et de respect des capacités d’attention et de stimulation du bébé (36). Si l’enfant
pleure, est-ce que sa Mère va percevoir ce signal d’appel ? Est-ce qu’elle va avoir une
réponse adaptée ? Est-ce qu’elle va y répondre rapidement (synchronie) ? Est-ce qu’à
chaque fois qu’il va pleurer, elle va essayer d’y répondre de la même façon (stabilité) ?
S’il pleure parce qu’il est fatigué, est-ce qu’elle va réussir à percevoir cela et respecter
ses capacités d’attention en essayant de l’endormir par exemple ou est-ce qu’elle va
le stimuler avec un jeu ?
32
Ces critères sont très importants et vont permettre au bébé de percevoir un
environnement prévisible et fiable sur lequel il peut s’appuyer.
De plus, avec l’accordage affectif maman-bébé, le bébé se sent compris dans ses
désirs et affects et cela lui permet de construire progressivement la notion de causalité,
mais aussi la différenciation de soi.
Comme le dit Daniel Stern, les soins quotidiens de la Mère vers l’enfant
fournissent l’occasion d’interactions qui vont soutenir le processus d’attachement. Ce
processus d’attachement va lui-même venir étayer les interactions mère-enfant (30).
34
- L’attachement insécure-évitant : Lorsque la figure d’attachement part, l’enfant ne
semble pas être affecté. Lors des retrouvailles, il ne va pas accueillir le parent et ne
manifeste pas de réconfort. Le parent n’est pas investi comme une base de sécurité
car l’enfant ne recherche pas de réconfort ou d’affections auprès de lui. Dans la vie de
tous les jours, c’est un parent qui peut avoir des comportements intrusifs ou de rejets
envers l’enfant. Il ne répond pas aux besoins du bébé ou répond mais de manière
inadaptée avec agressivité par exemple. Le bébé se sent en insécurité et inhibe son
comportement d’attachement.
35
On peut donc voir que la qualité de l’interaction Mère-enfant influence la qualité de
l’attachement. Inversement, on devine qu’un attachement sécure d’un enfant à sa
figure d’attachement primaire permet de mettre en place davantage d’interactions car
les comportements d’attachement du bébé sont dirigés vers le caregiver qui répond à
son besoin d’apaisement. Il y a donc davantage d’interactions comportementales et
affectives.
36
Partie 2 : Les perturbations des interactions Mère-enfant :
Exemple de la maladie psychiatrique périnatale
1) L’Excès de stimulation
37
Exemple de Mme R et Lila : C’était l’heure de dormir pour Lila, elle se frottait les yeux sur le
tapis d’éveil. Mme R n’ayant probablement pas vu son état de fatigue, était en train de faire
des chatouilles à Lila qui ne répondait pas à ses sollicitations et qui détournait le visage.
2) Le Manque de stimulation
38
Exemple de Mme D et Lucie : Chaque vendredi, lorsqu’elle arrive à l’hôpital de jour du réseau
Mère-enfant, Madame D pose Lucie sur le tapis d’éveil et se positionne dans un fauteuil assez
éloigné de sa fille. Sur le tapis d’éveil, en position de décubitus dorsal, Lucie ne bouge pas et
n’a pas d’entrain à aller chercher les jouets placés à côté d’elle. Madame D nous dit qu’à la
maison, elle ne joue que très rarement avec Lucie car elle doit aussi s’occuper de ses autres
enfants. De plus, elle ne la met que très peu sur le tapis d’éveil car ses deux fils peuvent être
violents avec Lucie, elle la garde donc souvent dans ses bras. On peut supposer que le peu
de stimulations qu’a Madame D envers Lucie a eu des répercussions sur son « envie d’aller
vers » et son exploration motrice de l’environnement.
C’est lorsque la Mère décode de la mauvaise façon les signaux envoyés par
son bébé. Cela se traduit alors par une inadéquation des réponses de la Mère par
rapport aux demandes du nourrisson. Cela peut aussi être lorsque la Mère ne
remarque pas les signaux émis par son bébé pour attirer son attention.
A chaque fois que son nourrisson pleurait, Mme S lui donnait la tétée pour le soulager. Le seul
décodage que Mme S faisait des pleurs et des cris de son nourrisson était qu’il avait faim.
Avait-il faim à chaque fois qu’il pleurait ? Est-ce que ces signaux d’appels étaient le signe
d’autre chose : fatigue, gène, besoin de réconfort, douleur, besoin de changer la
couche...etc. ? La perturbation de l’interaction est au niveau de la réciprocité de l’échange si
le bébé pleure parce qu’il est fatigué et que la Mère y répond en lui donnant le sein. Le bébé
se sentira-t-il compris dans ses désirs et besoins ? Comprendra-t-il le lien de causalité ?
39
Greespan et Liebermann décrivent différents comportements en lien avec cette
notion de réciprocité :
Dans le cas de la vignette clinique ci-dessus, si le bébé pleure parce qu’il est
fatigué, le comportement de la Mère (lui donner le sein) serait non contingent avec le
comportement de son bébé. Des comportements anti-contingents seraient que la Mère
rigole lorsque son bébé pleure par exemple, ou de le stimuler lorsqu’il est fatigué (ce
qui serait aussi de l’hyperstimulation).
40
Les problématiques du déroulement temporel sont ainsi en lien avec les notions
de macro-rythme et de micro-rythme de D. Marcelli :
• Les macro-rythmes concernent les interactions de soins (le change, le repas,
le coucher) qui sont des activités relativement stables et répétitives. Le bébé va
pouvoir repérer ces situations et les anticiper.
• Les micro-rythmes concernent toutes les interactions impliquant des moments
de surprises, d’étonnements, de nouveauté.
Ce sont Mazet et Stoleru qui ont développé ces deux termes en démontrant que
l’interaction Mère-enfant est un processus évolutif qui subit une maturation.
L’interaction doit donc être appréhendée en fonction de l’âge et du développement de
l’enfant.
41
Parfois, il peut se révéler qu’une Mère et son enfant sont restés (fixation) ou
sont revenus (régression) à des modalités interactives relatives à un stade de
développement de l’enfant davantage précoce. Inversement, la Mère peut exiger une
autonomisation trop précoce de l’enfant alors que celui-ci ne peut pas y répondre.
Par exemple, on peut retrouver une Mère qui demande à son enfant d’être
propre à un an alors que son contrôle sphinctérien ne le permet pas ; ou une Mère et
son enfant ayant gardé une relation symbiotique à un âge où d’autres modes de
communication devraient être instaurés.
Comme le dit Geneviève Bruwier dans son livre A la rencontre des bébés en
souffrance, un maternage adéquat permet au bébé de vivre dans une illusion le
protégeant d’une confrontation brusque avec la réalité. C’est-à-dire qu’on est dans la
situation où les besoins de l’enfant sont tous satisfaits par la Mère. En revanche, si le
maternage n’est pas adéquat, cette illusion s’effrite trop rapidement et la réalité vient
faire effraction dans le psychisme en construction du nourrisson et vient le
désorganiser. C’est-à-dire que si les signaux d’appel que le bébé envoie à sa Mère
n’ont pas une réponse adéquate, cela vient le désorganiser car son psychisme n’est
pas assez mature pour faire face à cet état d’agonie.
42
Cependant, ces stratégies adaptatives peuvent s’épuiser si le maternage
inadéquat perdure dans le temps et peuvent laisser place à des signes d’appel et de
souffrance chez le bébé (7). Geneviève Bruwier dit qu’ « en utilisant son corps, le
bébé « dit » ce qu’il en est de sa vie pulsionnelle et de la dynamique relationnelle
instaurée avec son entourage »
Comme on l’a dit, chaque bébé est différent. Pour les signes de souffrance, l’un
peut développer des signes plus bruyants tandis qu’un autre adoptera des signes
davantage silencieux. Les signes de souffrance de l’enfant sont donc répertoriés en
symptômes bruyants et en symptômes discrets ou silencieux :
• Les symptômes bruyants : Ils sont appelés « bruyants » car c’est ceux qui
interpellent rapidement l’entourage. Ce sont des signes où le bébé proteste, il
se manifeste, il veut se faire entendre. Il y a par exemple le refus alimentaire,
les régurgitations, l’évitement du regard, les pleurs inconsolables, les troubles
du sommeil et de la régulation des états d’éveil, l’hypotonie ou l’hypertonie,
l’agitation motrice, les troubles digestifs (beaucoup de coliques et de
régurgitations, les anorexies précoces…)...etc.
• Les symptômes discrets : Ils sont appelés « discrets » car ils sont moins
perceptibles par l’entourage et peuvent passer inaperçus. Ce sont des signes
qui témoignent de l’arrêt de toute protestation de la part de l’enfant. C’est par
exemple un enfant se laissant glisser dans la passivité, un enfant calme
n’émettant que peu de vocalises, un bébé dormant beaucoup ou développant
des affections cutanées ou des infections à répétitions...etc.
43
Marie-Paule Durieux, pédopsychiatre et psychanalyste, dans son livre
Développement et troubles de l’enfant, 0-12mois (12) insiste bien sur le fait qu’il faut
s’assurer de la persistance et de la gravité du symptôme. Chaque signe pouvant être
le reflet d’un petit dysfonctionnement passager ou au contraire d’un dysfonctionnement
davantage important. L’observation attentive du bébé et des interactions avec sa Mère
(et les autres partenaires) est donc primordiale afin de déceler les signes du bébé
pouvant être inquiétants.
Chez l’enfant plus grand (à partir de 2ans), les signes de souffrance sont
différents. On trouve les retraits (avec la dépression du bébé, l’autisme et les défenses
autistiques), l’insomnie, les troubles alimentaires et les retards de développement.
Que ce soit les signes chez le nourrisson ou chez l’enfant plus grand, il est
important de signaler qu’un point pédiatrique et neurologique est toujours nécessaire
afin d’éliminer certaines causes somatiques.
44
1) Les facteurs en rapport avec le nourrisson
Les facteurs de risques en rapport avec la Mère peuvent aussi être en lien avec
des difficultés personnelles de la Mère, des carences sanitaires, éducatives et sociales,
une absence d’organisation de la vie quotidienne, une fréquence de situations de crise,
une maladie ou un handicap, une déclaration tardive de grossesse, une grossesse
adolescente, un isolement social, une rupture en cours de grossesse avec le Père,
une toxicomanie, un accouchement prématuré, une situation familiale, sociale et
économique très défavorisée, un refus du Père de reconnaître l’enfant, un décès
antérieur d’un bébé, une fausse-couche ou une interruption médicalisée de
grossesse….etc.
46
II. Les maladies psychiatriques périnatales
A) La psychiatrie périnatale
La psychiatrie périnatale est une discipline qui étudie les troubles psychiques
observés chez un adulte durant la période périnatale et le développement des enfants
dans ce contexte (28). Le plus souvent cet adulte est une femme donc la Mère, mais
cela peut aussi très bien être le Père.
Pour avoir une idée de ces pathologies et de leurs répercussions, j’ai décidé de
parler rapidement de la dépression du post-partum, du blues du post-partum et des
psychoses puerpérales.
48
B) Quelques exemples de pathologies périnatales
1) La dépression du post-partum
49
Parfois, ce sont les plaintes somatiques du bébé qui révèlent la dépression
maternelle (difficultés alimentaires, prise de poids insuffisante, affection
dermatologique, pleurs prolongés...etc.)
2) Le post-partum blues
Ces signes sont rarement tous présents. Il arrive même parfois que le baby
blues passe inaperçu.
50
Le blues du post-partum est aujourd’hui principalement considéré comme un
phénomène adaptatif. Dans 90 % des cas, ce trouble se résout en une semaine.
Cependant, pour certaines femmes, les symptômes se prolongent au-delà d’une
semaine et signalent souvent l’évolution vers une dépression post-natale voir parfois
une psychose.
La psychose puerpérale est une forme de psychose qui touche environ une
femme sur mille. Elle recouvre un ensemble de manifestations délirantes aiguës
associées à une modification brutale de l’humeur. Cette psychose survient
typiquement dans les quinze premiers jours suivant la naissance de l’enfant mais
peut se manifester tout au long de la première année du post-partum.
Ce trouble psychiatrique constitue un risque grave pour le bébé compte tenu du
risque élevé de suicide et d’infanticide.
• La mélancolie délirante puerpérale (45 % des cas) : elle fait souvent suite à
une dépression survenue au cours de la grossesse. Le tableau clinique est
dominé par une thymie dépressive avec un sentiment d’incapacité, d’indignité,
de culpabilité parfois associées à des éléments délirants (conviction d’avoir tué
son bébé, persécutions…)
51
• L’accès maniaque délirant puerpéral (25 % des cas) : Le tableau clinique
associe des éléments délirants mégalomaniaques, mystiques, de mission
divine, des éléments persécutoires et une agitation psychomotrice importante.
Les états mixtes sont fréquents et l’accès maniaque se poursuit souvent par un
accès dépressif.
• Les 10 % restants des cas sont des décompensations d’un trouble psychotique
chronique préexistant
52
Les interactions comportementales sont donc pauvres. Sur le niveau quantitatif des
interactions, on serait donc ici plutôt dans un manque de stimulation pour le
nourrisson.
Il a aussi été montré qu’une maman dépressive mettra en moyenne deux fois
plus de temps qu’une Mère non dépressive à répondre à une vocalisation de son
enfant par exemple. De plus, du fait de son aboulie et de son anhédonie, on peut
penser qu’elle ne répondra pas de suite aux sollicitations de son enfant. Il y aurait donc
une perturbation au niveau de la synchronie de l’échange.
Pour résumer tout cela, Sophie Gandillot, Jaqueline Wendland, Marion Wolff et
Philippe Moisselin dans leur étude comparative des interactions précoces des Mères
psychotiques et déprimées avec leur bébé ont réalisé un tableau récapitulatif des
interactions Mère-bébé en cas de dépression :
53
Nous pouvons donc voir que plus que la maladie dépressive elle-même, c’est
le retentissement de ce trouble sur l’interaction Mère/enfant qui est délétère. La Mère
est psychiquement et physiquement « ralentie », ce qui se répercute sur les
comportements, stimulations ou réponses qu’elle peut émettre à son bébé. Le bébé
est donc davantage livré à lui-même avec une Mère le stimulant peu, répondant peu
ou mal à ses sollicitations...etc. L’harmonie, la mutualité, la réciprocité, la synchronie,
ou l’accordage de l’interaction peuvent donc être mise à mal.
54
Cependant, cela n’est qu’un exemple. La dépression maternelle peut être un
facteur de risque des troubles des interactions, ce n’est pas pour autant que toutes les
interactions des Mères possédant une dépression seront problématiques. Lorsque
l’interaction est problématique, ce n’est pas non plus pour autant que cela va être
préjudiciable pour l’enfant. C’est pour cela qu’il est important d’observer les
interactions précoces entre une Mère ayant une pathologie psychiatrique et son enfant,
afin de déceler une éventuelle perturbation et de prévenir les éventuels troubles chez
l’enfant.
55
Partie 3 : Le psychomotricien au sein
du réseau de psychiatrie périnatale
Ce réseau est fondé sur une approche des troubles psychiques maternels et des
troubles des interactions Mère-enfant pouvant en découler. Il a donc comme objectifs :
B) Fonctionnement
d’un hôpital de jour qui accueille des dyades pour une ou deux journées dans
la semaine
56
Ces deux types d’hospitalisation ont comme objectif le soin de la Mère en pré-
sence de son bébé. La présence du bébé permet l’instauration, le soutien, l’éva-
luation (Annexe 1 et 2) et le soin du lien mère-enfant, celui-ci étant mis à mal par la
maladie psychiatrique maternelle. La mère peut ainsi recevoir des soins adaptés à
sa pathologie psychiatrique (objectif curatif) ainsi qu’un soutien dans sa relation
avec son bébé (objectif préventif).
57
Le psychomotricien fait partie à part entière de ce réseau. Il intervient sur l’hos-
pitalisation à temps plein et sur l’hospitalisation de jour en proposant des séances
conjointes maman-bébé. Initialement, notre travail est essentiellement centré sur le
suivi développemental des nourrissons avec notamment des évaluations standardi-
sées de leur développement psychomoteur. Cependant, notre travail est aussi axé
autour de la maternité et de l’interaction de la dyade mère-enfant. C’est ce que nous
allons voir de façon plus détaillée en décrivant les rôles du psychomotricien au sein de
ce réseau de psychiatrie périnatale.
Comme le dit Catherine Potel quand elle aborde les critères d’indication pour
un suivi en psychomotricité dans son livre « Etre psychomotricien » ; on assiste depuis
une quinzaine d’années à un développement des thérapies psychomotrices mère/en-
fant et parents/enfant. Elle déclare : « celles-ci sont à inclure tant dans le domaine
curatif que dans le domaine préventif. Il va s’agir, là, de soutenir le développement
psychomoteur de l’enfant (nourrisson, bébé) en accompagnant une parentalité en
construction, parfois mise en fragilité en raison d’un handicap de l’enfant ou d’une fra-
gilité identitaire de la mère, du père ou des deux parents ».
Cette interaction est primordiale pour la Mère et pour l’enfant. Pour la Mère,
c’est lors des interactions avec le bébé que la maternité prend véritablement son essor.
Pour le bébé, les interactions avec sa Mère sont vitales car il ne peut pas répondre à
ses besoins tout seul. Des interactions harmonieuses avec sa Mère lui permettront
une satisfaction de ses besoins physiques (alimentation, soins…), psychiques (fonc-
tion alpha détoxifiante, apaisement lors des moments de détresse, la maman prête
son psychisme) mais aussi affectifs (accordage affectif, reconnaissance de ses émo-
tions, mise en place d’un attachement sécure).
58
Le bébé se sentira reconnu dans ses besoins et envies et pourra ainsi acquérir un
sentiment de sécurité et une conscience de soi. Il pourra ainsi aller explorer le monde
de manière sécure car il sait qu’il peut s’appuyer sur un environnement prévisible et
fiable. Tout cela est donc essentiel afin que son développement cognitif, psychique,
affectif, social et psychomoteur se déroule le plus harmonieusement possible.
Selon Catherine Potel, nous avons donc deux rôles majeurs dans les séances Ma-
man-bébé en tant que psychomotricien :
Nous allons donc voir plus spécifiquement quels sont les rôles du psychomotricien
et de ces séances Mère-enfant dans le réseau de psychiatrie périnatale. J’aborderais
séparément l’action du psychomotricien auprès de l’enfant, de la Mère et de la dyade.
59
L’observation psychomotrice prend en compte les éléments objectivables en référence
aux échelles du développement du nourrisson. Il existe plusieurs échelles notamment
l’échelle du développement moteur fonctionnel de Laurence Vaivre-Douret (DF-MOT)
de 0 à 48mois ou l’échelle de développement Brunet-Lézine (BLR) de 0 à 30mois.
Par exemple, l’échelle de Bayley permet de rendre compte des capacités mo-
trices, cognitives et comportementales de l’enfant.
Au niveau cognitif, on observe s’il vocalise, s’il explore l’espace, s’il sourit
à l’examinateur, s’il prend conscience de ses mains, s’il passe un objet
d’une main à l’autre, s’il joue...etc.
60
Ce bilan permet avant tout de mettre en exergue les compétences de l’enfant
et est un axe de travail majeur pour nous psychomotriciens. En effet, la Mère se rend
compte que son enfant peut être un partenaire actif dans l’interaction.
Cela aura donc le plus souvent des effets bénéfiques pour l’interaction car la
Mère sera confortée dans son rôle de Mère (« il va bien donc je ne suis pas une « mau-
vaise Mère » ») et ça lui permet de se rendre compte qu’elle peut lui proposer davan-
tage de choses. Comme Marc Rodriguez le souligne, l’évaluation des compétences
du bébé devant le parent représente véritablement une intervention à potentiel théra-
peutique.
Exemple de Guillaume, 7mois : Lorsqu’il est posé sur le tapis d’éveil, Guillaume se met dans
la position du planeur (Annexe 3). C’est une position que tous les enfants expérimentent
lorsqu’ils peuvent tenir leur tête et se retrouvent sur le ventre. L’enfant se met en extension du
haut au bas du corps en vertical et ouvre ses bras en latéral. Cependant Guillaume a effectué
cette position durant une longue période et cela l’empêchait d’aller explorer l’environnement
de manière satisfaisante. Il était capable de centrer ses mains au niveau de l’axe afin d’attraper
des objets qui l’attiraient mais ses jambes restaient en extension. Le travail en séance de
psychomotricité était donc centré autour de l’appui plantaire. L’objectif était de lui faire ressentir
l’appui de ses pieds sur le sol ou sur un obstacle dur afin qu’il repousse avec ses jambes pour
aller attraper un objet (l’objet était positionné en face de lui afin de lui donner l’envie d’aller
vers). Guillaume arrivait ainsi à fléchir ses jambes, à repousser le sol et à effectuer une
ébauche de reptation. Ce travail en psychomotricité sur les appuis plantaires mais aussi autour
de l’axe corporel et les postures d’enroulement pour contrer l’hyperextension de la position du
planeur (que je ne développerai pas ici) a permis à Guillaume d’expérimenter un autre vécu
corporel. Cela lui a ainsi permis d’investir la reptation afin d’aller explorer son environnement.
61
Tel que l’énonce Marc Rodriguez : « aider un enfant en difficulté ce n’est pas
simplement le rendre plus performant sur le plan neuro-moteur mais c’est lui permettre
« d’habiter son corps » ». Il ajoute que le travail effectué en psychomotricité permet
aux enfants « de se soutenir d’une motricité non pas purement « excitatoire » mais
« messagère » (23).
Dans l’exemple, la position du planeur qu’effectuait Guillaume peut être considérée comme
une motricité excitatoire. Nous pouvons supposer que Guillaume se mettait dans cette position
afin de stimuler ses sensations. La reptation, quant à elle, peut être considérée comme une
motricité messagère: Guillaume rampe pour aller chercher un objet qui l’attire.
Selon Suzanne Robert-Ouvray, lorsqu’il vient au monde, le bébé est dans une
globalité psychocorporelle. En effet, il n’est pas en capacité de parler pour exprimer
ce qu’il ressent. La seule façon qu’il a de se faire comprendre est au niveau corporel.
C’est ainsi que Suzanne Robert-Ouvray déclare que le tonus est un « baromètre cor-
porel qui nous renseigne sur notre état affectif ». Ainsi, chez le bébé, une hypertonicité
traduira une tension alors qu’une hypotonicité exprimera une détente. Par exemple,
lorsqu’un bébé reçoit une stimulation trop forte ou ressent un besoin ; il peut se crisper,
pleurer ou crier. Dans ces moments, il a besoin de son environnement pour venir at-
ténuer cette hausse tonique car il n’est pas en capacité de le faire tout seul. Le parent
« suffisamment bon » alerté par les pleurs de son bébé va venir le porter, lui parler, le
bercer, le nourrir...etc. L’enfant vit alors une baisse de sa tonicité et peut aller jusqu’à
de la détente (22).
Il est alors primordial de porter attention à tous les signaux du bébé (tensions,
présence dans la relation, qualité des mouvements...) car chacun d’eux peut apporter
une indication sur son état interne, sur un besoin, un vécu ou une émotion. En tant
que psychomotricien, nous sommes intimement sensibles à la lecture corporelle de
l’enfant. Nous verbalisons ce que l’enfant peut vivre dans ce moment afin de l’aider à
comprendre ce qu’il se passe mais aussi d’aider sa Mère à traduire ses états corporels.
62
Cela rejoint la notion de dialogue tonico-émotionnel de Julian de Ajuriaguerra.
Ce dialogue met en exergue la manière dont les émotions peuvent être transmises
entre deux partenaires : la Mère et l’enfant ici. On parle aussi de dialogue tonico-
prosodico-mimo-émotionnel regroupant le tonus, la prosodie de la voix et la mi-
mique du visage (4). Ainsi, aider la Mère à percevoir le vécu corporel et les états in-
ternes de son enfant permet un meilleur ajustement et une meilleure réciprocité entre
eux, notamment au niveau du dialogue tonico-émotionnel.
Prenons l’exemple d’un enfant qui est sur le tapis d’éveil en train de jouer avec sa Mère. Au
bout d’un certain temps, il va commencer à se fatiguer, va se mettre à pleurer et va se crisper
dès qu’un jouet lui sera proposé. La Mère ne va pas automatiquement percevoir l’état de fa-
tigue de son enfant. Le psychomotricien peut alors mettre des mots sur ce qu’il perçoit corpo-
rellement chez l’enfant et verbaliser ses hypothèses sur ce que cela traduit. Observant cela,
la Mère peut ainsi s’adapter à lui, reconnaître ses émotions (accordage affectif) et peut le
prendre dans ses bras afin de l’apaiser et contrer son état de détresse. C’est ici que rentre en
jeu le dialogue tonico-prosodico-mimo-émotionnel. La Mère pourra prendre une voix douce,
avoir une tension relâchée, une mimique souriante...etc. Cet état émotionnel et corporel dé-
tendu de la Mère pourra ainsi apaiser l’enfant qui vivra une baisse tonique.
De façon générale, le psychomotricien est souvent très bien investi par les ma-
mans : elles demandent à venir en séances, posent des questions, sollicitent des con-
seils…etc. Cette relation de confiance réciproque les pousse à se confier au cours des
séances. Notre rôle en tant que psychomotricien est d’accepter ces paroles et de leur
donner un retour.
63
Les mamans peuvent évoquer leurs problématiques dans la relation avec leur
bébé, leurs doutes, leurs peurs, leurs inquiétudes, leurs fantasmes ou leurs en-
vies…etc. Souvent les mêmes questions du normal et de l’anormal reviennent : « Est-
ce que c’est normal que mon enfant ne se retourne pas encore ? », « Mon bébé va
bien ? ». Il arrive aussi que beaucoup de mamans comparent leur bébé à leurs frères
et sœurs : « mon ainé était très dynamique, c’est bizarre que Lucie ne soit pas comme
ça ».
Les Mères verbalisent aussi parfois des souvenirs concernant leurs enfances,
leurs vécus relationnels avec leurs propres mères, leurs conflits familiaux…etc. Elles
nous donnent donc des informations sur leur histoire personnelle et sur leurs vies
imaginaires et fantasmatiques. Tout cela influence les comportements que la Mère
va avoir avec son enfant et le vécu de sa relation avec lui et est donc très important à
prendre en compte.
64
Le premier axe de ce travail est centré autour de la compréhension des com-
portements de l’enfant. Comme énoncé précédemment, le psychomotricien est un lec-
teur et un décodeur du corps du bébé. Il tente de reconnaître et de poser des mots sur
les comportements, les signaux et les émotions du bébé. Cela est fait dans le but
d’aider la Mère à mieux s’ajuster et à mieux répondre aux sollicitations de son
enfant. Cela peut aussi lui permettre de décoder elle-même les signaux de son enfant.
Par exemple,
65
- Nous pouvons apporter des conseils pour effectuer un portage physique davantage conte-
nant et rassurant pour le bébé avec davantage d’appuis corporels dans les bras de sa Mère.
- Nous pouvons accompagner la maman dans la mobilisation de son enfant. Par exemple,
pour prendre un enfant sur le tapis et le mettre dans ses bras afin qu’il ne vive pas une dis-
continuité corporelle (il avait un appui dorsal sur le sol et tout d’un coup ne l’a plus), on propose
alors à la maman de passer le bébé par une position d’enroulement sur le côté avant de le
retirer du sol.
C’est Wilfred Bion qui a théorisé cette fonction alpha détoxifiante que j’ai déjà
détaillé dans la partie concernant les rôles de la Mère. Cependant, le soignant peut
également avoir cette fonction vis-à-vis de la Mère, aussi appelée la fonction de con-
tenance.
66
Elle ajoute : « cette capacité de contenance fait appel tout autant à notre corps
qu’à notre appareil psychique » (20). Le psychomotricien va en quelque sorte « prê-
ter » son psychisme pour donner à la Mère l’occasion d’intégrer ces éléments
désorganisateurs. Par notre présence apaisante et notre cadre sécurisant, ferme et
solide, nous aidons les Mères à une intériorisation psychique de leurs affects, de leurs
sensations, de leurs éprouvés ou de leurs émotions. C’est-à-dire que l’on apaise et on
protège des débordements et des angoisses comme peut le faire la Mère pour son
bébé.
Nous pouvons aussi effectuer cette fonction alpha détoxifiante envers le bébé
si la Mère n’est pas en capacité de réaliser ce rôle. Du fait des troubles psychiatriques
rencontrés chez les mamans, elles peuvent ne pas être aptes à prêter leurs psy-
chismes pour accueillir ce que le bébé vit et lui donner du sens. Afin de pallier à cela,
nous allons donc remplir ce rôle en tant que psychomotricien. La mère pourra ensuite
se l’approprier et le réaliser en étant seule avec son bébé.
67
Les séances de psychomotricité permettent ainsi la rencontre entre le bébé et
sa maman et leur découverte mutuelle. Le temps proposé en psychomotricité est
donc avant tout un temps d’attention conjointe maman-bébé permettant à ses
deux acteurs de l’interaction de se familiariser et de s’ajuster au mieux dans la
rencontre à l’autre.
Comme le dit Catherine Potel, la contenance maternelle est l’une des caracté-
ristiques de la contenance thérapeutique psychomotrice. En effet, le psychomotricien
développe une certaine qualité de présence corporelle en travaillant son corps et
ses qualités d’expression lors de ses études. Cette qualité de présence tient compte
de nombreuses choses, notamment de la tonicité, de la posture, de la voix…etc. Ca-
therine Potel énonce ainsi que le psychomotricien a « développé une certaine façon
de recevoir et de faire, qui évoque les premières trames d’une enveloppe rela-
tionnelle primaire ».
68
Le psychomotricien réalise les mêmes fonctions que la Mère quand elle « accueille en
elle les éprouvés, les besoins de son nourrisson, les décode, les transforme en éprou-
vés de plaisir et de bonne sensation » (20).
Il ne faut pas oublier que cette contenance psychomotrice passe aussi par le
cadre des séances qui se veut contenant, rassurant et régulier dans sa fréquence.
69
Exemple de Madame D et Lucie : Lucie est dans les bras de sa Mère la quasi-totalité du temps.
Par exemple, lorsque Lucie se met à pleurer ou à râler, la réponse de Madame D est automa-
tiquement corporelle en la prenant dans ses bras. Les venues en séance de psychomotricité
de cette dyade ont permis cette séparation corporelle de Lucie et de sa maman et la décou-
verte du tapis d’éveil par Lucie. En effet, en séance de psychomotricité, nous sollicitons Ma-
dame D à poser Lucie sur le tapis afin qu’elle découvre son environnement et les jouets autour
d’elle. Par notre présence « autre », nos conseils et nos sollicitations, cette distance maman-
bébé a pu s’installer et Lucie a pu s’individualiser et investir son environnement sans pour
autant demander la présence de sa Mère.
Il est important d’avoir à l’esprit que notre rôle en tant que psychomotricien est
celui d’un tiers dans la relation. Nous ne prenons pas la place de la Mère, nous l’aidons
et nous lui apportons l’étayage dont elle a besoin. L’objectif est que la Mère se saisisse
des informations que l’on donne en séances, se les approprie et s’en resserve à l’ex-
térieur. Le but étant qu’elle sorte de l’unité mère-enfant et qu’elle sache être une
« mère suffisamment bonne » seule. Comme le dit Marc Rodriguez : « Il ne s’agit pas
de favoriser le fantasme que nous pourrions réussir là où les parents ont échoué mais
de permettre à des parents narcissiquement fragilisés, d’établir des ponts avec leur
bébé dont ils pourront se servir ultérieurement » (23).
70
Afin d’illustrer au mieux quelle peut être l’action du psychomotricien auprès
d’une relation Mère-enfant fragilisée par une maladie psychiatrique périnatale, je vais
vous présenter ma rencontre avec Martin et Madame E.
71
Le psychiatre suppose un trouble de l’adaptation suite à un événement de vie
potentiellement stressant ; sa grossesse, son accouchement et la naissance de son
bébé. Le médecin lui prescrit donc un anxiolytique et lui donne les coordonnées du
réseau de psychiatrie périnatale pour avoir une consultation sous-peu si elle le sou-
haite.
Madame E revient aux urgences psychiatriques trois jours après sans avoir été
en mesure de joindre le réseau mère-enfant. Elle évoque des idées suicidaires fluc-
tuantes non scénarisées, des idées obsédantes centrées sur une incapacité à
s’occuper de son enfant, ainsi qu’une anxiété majeure avec des phobies d’impul-
sion (peur de faire quelque chose de mal à son bébé). Le psychiatre diagnostique un
épisode dépressif d’intensité modéré lors du post partum. Madame E est en de-
mande d’une hospitalisation ; elle est donc admise au réseau mère-enfant le jour
même sans son bébé, afin que son état se stabilise. Martin étant resté auprès de son
père, il sera admis dans l’unité quelques temps après.
Madame E arrive donc dans l’unité le jour même. Son état thymique se stabilise
petit à petit rendant possible l’hospitalisation de son enfant avec elle. Dans cette unité,
les enfants sont considérés comme accompagnant de la Mère malade. Ainsi, l’un des
objectifs est de préserver le lien mère-enfant. Nous pouvons nous poser la question
du Père ici : quelle est sa place et son rôle ? L’hospitalisation de Madame E et de
Martin n’isole-t-elle pas le père de la relation triadique père-mère-enfant ?
1) Présentation de Martin
Martin arrive dans l’unité. C’est un petit garçon né le 28 octobre 2016, il a donc
un mois lorsqu’il vient rejoindre sa maman à l’hôpital.
Martin est le premier enfant de Madame E et de son conjoint, qui désiraient tout
deux cette grossesse. La grossesse s’est très bien déroulée et Martin est né à terme
avec un poids de naissance de 2 kg 940.
Lorsqu’il rentre dans l’unité, on observe que Martin est un bébé qui semble être
très tendu avec un tonus de fond plus élevé que la moyenne. Lorsqu’il est posé sur le
dos, il a des mouvements réflexes toniques et brusques et se met facilement en hyper-
extension.
72
De la même façon, lorsqu’on le prend dans nos bras, Martin se met en posture d’hyper-
extension, s’arque-boute et ne se love pas comme font la plupart des enfants. Nous
remarquons aussi qu’il pleure souvent et qu’il est difficilement consolable, que ce soit
dans les bras de sa mère ou avec sa tétine. Par ailleurs, nous constatons que son
besoin de succion est important ; il quitte rarement sa tétine.
Dès qu’il arrive dans l’unité, les infirmières utilisent l’échelle de douleur et d’in-
confort du nouveau-né (EDIN, annexe 4) afin d’objectiver les signaux d’inconfort de
Martin. Durant les premières semaines d’hospitalisation, Martin a un score compris
entre 8 et 10 selon les jours (le score maximal traduisant la douleur maximale pouvant
être cotée est de 15). Martin est donc dans un état douloureux intense en raison
de son sevrage.
2) Présentation de la maman
Face à cette situation, Madame E se trouve dépossédée. C’est une des raisons
pour laquelle elle est venue consulter à l’hôpital psychiatrique : elle se sent dans l’im-
possibilité de s’occuper de Martin.
73
De plus, elle se trouve totalement démunie face aux pleurs de Martin et a l’impression
qu’elle ne peut pas réussir à l’apaiser, ce qui est une grosse source d’angoisse pour
elle. Elle redoute même les moments de portage en anticipant les pleurs de Martin et
son incapacité à le calmer. Malgré les explications soignantes sur le fait que Martin
soit difficilement consolable en partie en raison de son syndrome de sevrage, Madame
E reste persuadée qu’elle seule n’arrive pas à le consoler, que son bébé la rejette. Elle
prend en comparaison le personnel soignant en disant que Martin arrive très bien à
être apaisé dans les bras du personnel mais pas dans ses bras. De la même façon,
elle semble totalement démunie pour s’occuper de Martin et verbalise sa difficulté à
être seule en présence de son bébé car elle ne sait pas comment s’y prendre. Elle
passe donc le relais très facilement aux soignants. Cependant, lorsque des soignants
sont présents pour l’étayer, elle se montre pleine de ressources. Nous pouvons nous
questionner par rapport à son métier : Madame E s’occupe d’enfants présentant des
handicaps dans sa profession, pourquoi se trouve-t-elle en difficulté face à Martin? On
observe que les soins de maternage sont très bien entrepris lorsqu’elle est étayée, ils
restent néanmoins dénudés d’affects et exécutés de façon mécanique.
Madame E verbalise le fait qu’elle observe que son enfant est dans un état de
mal-être et qu’elle a du mal à le voir comme ça. Elle dira à ce sujet : « ce n’est pas
comme ça que je l’avais imaginé, ce n’est pas comme ça que je voyais le rôle d’une
mère, pour moi il devait être content de me voir, sourire, être calme, il devrait être
mieux avec moi qu’avec les autres vu que je suis sa maman». On voit ici que Mme E
se représentait l’idée d’un enfant, cette idée faisant rupture avec ce qu’elle observe
réellement avec Martin en raison de son syndrome de sevrage. On peut supposer que
Madame E n’a encore pas fait le deuil de l’enfant imaginaire (l’enfant idéal, parfait,
qu’elle aurait aimé avoir) pour investir pleinement l’enfant réel : Martin.
74
Au vue de la difficulté de Martin à s’endormir, les parents avec l’accord des soignants
ont mis en place des techniques d’emmaillotage afin d’apaiser et de contenir Martin,
ce qui fonctionne très bien.
Selon les dires de Mme E, son mari et sa mère sont des personnes très
étayantes et ressources pour elle lorsqu’elle ne se sent pas en capacité de s’occuper
de Martin. Par exemple, le Père de Martin vient tous les soirs à l’unité. Lorsque ces
personnes ressources sont présentes, Madame E leur passe complètement le relais
de la même façon qu’elle peut le faire lorsque les soignants sont présents.
C) Projet de soin
75
prévenir les risques de trouble du développement chez Martin en lui apportant
des stimulations que sa mère n’est pas en mesure de lui apporter et surtout
en lui faisant varier ses sensations car Martin est en train de se construire sur
un mode tonique, n’ayant que très peu expérimenté ce que pouvait être le mou,
le rassurant, la détente.
D) Travail en psychomotricité
C’est donc quelques temps après ces diverses observations de l’équipe soi-
gnante que nous voyons Madame E et Martin pour des séances de psychomotricité.
Ces séances se dérouleront à raison d’une fois par semaine.
Lors de cette première rencontre, nous découvrons une maman au visage pâle
et amimique et au corps atone, interagissant avec son enfant. Comme on l’a vu au
cours de ce mémoire, le sujet déprimé est touché dans son unité somato-psychique et
donne à voir un corps figé. On peut supposer que Martin observe ce corps et ce visage
figé tous les jours.
76
Cela pose la question de la fonction miroir développée par Donald Woods Winnicott
et de l’accordage affectif décrit par Serge Lebovici. On peut se poser la question de
ce que Madame E peut renvoyer à Martin avec son visage amimique. Martin se sent-
il compris lorsqu’il regarde le visage amimique de sa mère ? Les états émotionnels de
la Madame E et de Martin sont-ils partagés ?
Face à cela, nous rencontrons Martin, très hypertonique avec des mouve-
ments involontaires brusques, des postures d’extension et le regard fuyant.
L’hypertonie de Martin est un des symptômes de son syndrome de sevrage. Comme
l’explique Suzanne Robert-Ouvray quand elle énonce que le tonus musculaire est
« baromètre corporel naturel qui nous renseigne sur notre état affectif », une hausse
de la tonicité chez le bébé peut traduire un mal-être (22). Cette hausse de la tonicité
chez Martin peut donc être le signe de son état de manque douloureux dû à son syn-
drome de sevrage.
Lorsque l’enfant exprime son mal-être par l’hypertonie, il a besoin d’autrui pour
venir atténuer cette hausse tonique. Suzanne Robert-Ouvray explique que le bébé ne
peut pas se calmer tout seul avant l’âge de 3 mois sauf en s’écroulant dans le sommeil
épuisé ; ce que fait Martin. Martin a donc besoin d’autrui pour baisser sa tonicité. Par
exemple, en séance, lorsqu’on le prend dans nos bras en position d’enroulement bien
maintenue pour contrer son hypertonicité et ses postures d’extension, ou lorsqu’on le
positionne sur le dos sur une pile de coussins bien molle ou sur un ballon un peu
dégonflé, Martin s’apaise et se détend petit à petit et sa tonicité diminue. On peut donc
voir que Martin a besoin d’un contenant le rassurant, le sécurisant, le mettant en
position d’enroulement. On peut aussi le voir avec l’emmaillotage réalisé par ses
parents qui l’apaise considérablement.
77
Après la naissance, le schéma d’extension doit retrouver un appui contenant, le bébé
recherchant ainsi un schéma d’enroulement. Martin exprime donc une sorte de signal
de détresse à sa maman : il recherche l’apaisement.
Dans cette situation, Martin se sent aussi incompris. Le bébé a besoin de solli-
citer son environnement pour lui venir en aide dans une situation qu’il ne peut pas
gérer tout seul ; c’est le cas du mal-être de Martin. Dans ce cas-là, les signaux de
détresse qu’il envoie à sa maman n’ont pas la bonne réponse car cela ne l’apaise pas.
De ce fait, Martin ressent que son environnement ne lui apporte pas la satisfaction
dont il a besoin et peut mettre en place des stratégies adaptatives précoces afin de
pallier à ce manque de réponses positives. On peut supposer que son énorme besoin
de succion est une stratégie adaptative qu’il a mise en place afin de s’apaiser lui-
même. Néanmoins, dans le cas où les stratégies adaptatives précoces ne suffisent
pas car le maternage inadéquat perdure dans le temps, nous avons vu que l’enfant
peut développer des signes de souffrance. L’hypertonicité de Martin peut donc être
l’expression d’un signe de souffrance bruyant traduisant sa souffrance psychique
relationnelle. Il en est de même pour la fuite du regard ; nous pouvons supposer qu’il
fuit la relation car cela ne lui apporte pas ce qu’il recherche : l’apaisement.
78
En réponse à cette hausse tonique de Martin et à ses postures d’extension, la psy-
chomotricienne propose des outils d’apaisement à Martin au cours des séances:
79
Lors de ces divers moments que la psychomotricienne propose à Martin (portage
contenant, massages...), nous observons qu’il s’apaise considérablement, ce que sa
maman n’observe pas forcément. Il est certes encore très tonique au niveau de son
tonus de fond comparé à un enfant de son âge, mais on note une absence de mouve-
ments impulsifs et une baisse tonique parallèlement à une amélioration de son inte-
raction avec sa maman : il la regarde davantage et commence à babiller par exemple,
ce que la psychomotricienne ne manque pas de partager avec Madame E qui montre
des difficultés à le repérer.
Notre deuxième axe de travail en psychomotricité se base donc sur cela ; montrer
à Madame E que Martin est capable de s’apaiser et qu’il est doué de compé-
tences dont celles d’interagir avec elle. En raison de son hypertonicité et de son
état douloureux, nous n’avons pas pu lui faire passer un bilan psychomoteur à propre-
ment parlé mais nous avons tout de même pu faire de nombreuses observations cli-
niques.
Au niveau moteur, Martin possède les réflexes de base tels que le réflexe de gras-
ping ou le réflexe de succion automatique. Au fur et à mesure des séances, on observe
que sa motricité volontaire se développe : il commence à tenir sa tête et à pouvoir la
bouger pour suivre une image qu’il voit ou un son qu’il entend. Au niveau sensoriel, on
constate qu’il est attentif aux bruits autour de lui ou aux personnes, il est également
attentif à l’image de lui et de sa mère dans le miroir. De la même façon, il est très
sensible au toucher qu’on lui porte: lorsque sa mère a des gestes tendres envers lui
ou lui fait un massage, il arrive à s’apaiser au bout d’un certain temps. Martin est éga-
lement réceptif à tout ce qui est enroulement, enveloppement, contenance. Lors des
séances en psychomotricité, ces signaux de détente et d’attention que montre Martin
seront pointés verbalement à la maman afin qu’elle prenne conscience que son bébé
n’est pas qu’un « être hypertonique qui pleure sans arrêt » ; Martin peut faire de nom-
breuses choses et il est possible de l’apaiser.
80
Le score total pouvant aller de 0 à 20, des symptômes significatifs donneront un score
supérieur à 4. On découvre alors un bébé moins tonique avec moins de postures d’hy-
per-extension et de mouvements brusques, mais aussi davantage consolable. Il pos-
sède de plus en plus de capacités, notamment interactionnelles : il commence à voca-
liser, à effectuer des sourires adressés mais aussi à imiter. Martin regarde aussi de
plus en plus les personnes, notamment sa mère. Il devient alors un bébé davantage
gratifiant, renarcissisant sa mère et la rendant plus en confiance et capable de
lui proposer des choses.
Pour cela, Madame E s’appuie sur ce qui est proposé à Martin en séance de psy-
chomotricité. Par exemple, cela peut être un jeu de mains : la psychomotricienne agite
ses mains devant Martin, ce qui l’amuse beaucoup. Madame E s’approprie alors ces
jeux effectués en séance et les réutilise en dehors avec Martin.
Madame E et Martin devaient donc sortir de l’unité fin janvier pour retourner au
domicile familial. Le soir avant la sortie, Madame E effectue une tentative de suicide
en avalant une cinquantaine d’anxiolytique. Elle est donc déplacée dans un autre ser-
vice de psychiatrie adulte seule, sans Martin.
81
Cette tentative de passage à l’acte a permis à Madame E de verbaliser des choses
qu’elle s’interdisait de dire auparavant notamment qu’elle ne veut pas de cet enfant et
qu’elle ne voit pas son avenir en tant que mère. Dans son discours vient la notion
d’incurabilité avec le sentiment qu’elle ne prendra jamais aucun plaisir avec son fils qui
la rejette et qu’elle n’arrive pas à établir de « lien d’amour » avec lui. L’idée de cet
enfant représenté est toujours présente, ainsi que l’idée d’un amour inconditionnel
entre une mère et son enfant. Ce passage à l’acte traduit un « trop » de souffrance de
ne pas être « comme toutes les mamans avec leurs bébés ». Elle évoque le fait qu’elle
considère que ce n’est pas normal qu’une mère ne ressente rien pour son enfant.
Pour conclure, nous pouvons supposer que Madame E n’a pas fait le deuil de son
enfant imaginaire. La grande différence entre l’enfant imaginaire et Martin est source
d’une grande souffrance pour cette maman, d’autant plus que Martin se trouve être
dans un état de mal-être et n’est pas aussi gratifiant qu’elle aurait souhaité. De plus,
Martin est très dépendant de sa mère. Comme Madame E est elle-même une person-
nalité dépendante (dépendance à la drogue, dépendance par rapport à son entourage
et aux professionnels pour s’occuper de Martin), investir son bébé réel et s’en occuper
est donc très compliqué. Comme le dit Daniel Stern, les soins de maternage de la
mère fournissent l’occasion d’interactions qui vont soutenir le processus d’attache-
ment ; celui-ci poussera la mère à assurer la survie de son bébé. Comme on le voyait
avec Martin et sa maman, les interactions étaient pauvres et Mme E investissait peu
Martin. Sa tentative de suicide a donc permis à Madame E d’évoquer le fait qu’elle
n’arrive pas à établir de lien avec son bébé, il en ressort une grande souffrance de sa
part et une grande culpabilité parce qu’ « une mère doit aimer son enfant, c’est comme
ça » selon ses dires.
E) Perspectives en psychomotricité
Martin est donc retourné avec son père dans la maison familiale. On peut se
questionner à propos de la place de ce papa.
82
Durant l’hospitalisation à l’unité mère-enfant, nous n’avons eu aucunes informations
concernant ce papa, hormis le fait qu’il était présent tous les soirs pour l’endormisse-
ment de Martin et que c’est une personne ressource pour Madame E. Sera-t-il en ca-
pacité de reprendre la fonction maternelle de Madame E ? Cela pose une question
très importante aussi : L’unité mère-enfant laisse-t-elle assez de place au papa ? On
met la mère au centre de l’attention car elle a une maladie psychiatrique, mais est-t-
elle en capacité d’être une mère suffisamment bonne ? Serait-il davantage bénéfique
pour l’enfant de rester auprès son père (ou toute autre personne de la famille) pouvant
reprendre ce rôle maternel ? Martin aura-t-il l’apaisement et les interactions néces-
saires afin que son développement soit le plus harmonieux possible ? Qu’en est-il de
cette Maman ne s’attachant pas à son enfant, cela sera-t-il préjudiciable pour le déve-
loppement de Martin ? Cette maman et/ou ce papa lui apporteront-il un environnement
suffisamment bon pour que Martin se développe au mieux ?
83
Conclusion
Comme nous l’avons explicité à travers cet écrit, le parent, notamment la Mère,
est un acteur principal de l’environnement de l’enfant. C’est pour cela que les
interactions entre ces deux partenaires sont importantes à prendre en compte. Des
interactions dites harmonieuses constituent ainsi un environnement « suffisamment
bon ». Celles-ci permettent à l’enfant de se sentir comblé et reconnu dans ses besoins
et désirs et lui permettent d’acquérir une conscience de soi et un sentiment de sécurité
en établissant un attachement sécure avec sa Mère. Tout cela est donc nécessaire au
bon déroulement de son développement psycho-affectif, cognitif et psychomoteur. Ces
interactions permettent également à la Mère de se sentir reconnue dans son rôle de
Mère et lui permettent ainsi d’investir pleinement son enfant.
De bonnes interactions mère-enfant sont donc essentielles afin que l’enfant se
développe de façon harmonieuse dans la sécurité et dans la stabilité et que la Mère
se sente « Mère ».
84
Par sa connaissance du développement psychomoteur, le psychomotricien peut
alors avoir un aperçu des capacités et des difficultés potentielles de l’enfant et peut
ainsi soutenir son développement. Il peut également étayer la maternalité en
construction en valorisant la Mère et en lui apportant conseils, guidance et
bienveillance.
85
Bibliographie
86
(17) Lebovici Serge et Stoleru Serge, Le nourrisson, la mère et le psychanalyste,
Les interactions précoces, Bayard, 2003
(18) Namêche Kevin, Gathy Cindy, Mikolajczak Gladys et Desseilles Martin,
Troubles psychiques liés à la maternité : troubles puerpéraux, Article sans date
(19) Nelly Thomas, Modalités d’observation et d’évaluation des fonctions
psychomotrices aux différents âges de la vie, Psychomotricité première année,
2003-2004
(20) Potel Catherine, Etre psychomotricien : Un métier du présent, un métier d’avenir,
Edition Broché, 2010
(21) Robert-Ouvray Suzanne, Le holding psychomoteur, 2 juin 2015
(22) Robert-Ouvray Suzanne, L’importance du tonus dans le développement
psychique de l’enfant, 2 juin 2015
(23) Rodriguez Marc, La thérapie psychomotrice bébé-parents, Thérapie
psychomotrice et recherches, n°158, 2009
(24) Site internet : https://paradoxa1856.wordpress.com/2008/03/03/presentation-de-
la-pensee-de-wilfred-bion/ - Présentation de la pensée de Wilfred Bion : la place
de l’autre
(25) Site internet :
http://www.infobebes.com/Bebe/Eveil/Stades-du-developpement/Les-progres-
de-Bebe/L-eveil-des-sens-de-Bebe
(26) Site internet :
http://naitreetgrandir.com/fr/etape/0_12_mois/developpement/
(27) Site internet :
http://psychiatriinfirmiere.free.fr/infirmiere/formation/psychiatrie/enfant/therapie/b
ion.htm - Giffard Dominique, cours de psychiatrie infirmière sur Wilfred Bion
(28) Sutter-Dallay A.-L. Et Guédeney N., Concept de psychiatrie périnatale, histoire,
applications, limites, EMC (Elsevier Masson SAS, Paris),
Psychiatrie/Pédopsychiatrie, 37-200-B-20, 2010
(29) Sutter-Dallay A.-L., Le réseau de psychiatrie périnatale, Juillet 2014
(30) Stern Daniel et Bruschweiler-Stern Nadia, La naissance d’une mère, Edition
Odile Jacob, 1998
(31) Tereno Susana, Soares Isabel, Martins Eva, Sampaio Daniel et Carlson
Ellizabeth, La théorie de l’attachement : son importance dans un contexte
pédiatrique, Devenir, 2007/2 (Vol.19), Edition Médecine et Hygiène
87
(32) Tissot Hervé, Frascarolo France, Despland Jean-Nicolas et Favez Nicolas,
Dépression post-partum maternelle et développement de l’enfant, revue de
littérature et arguments en faveur d’une approche familiale, La psychiatrie de
l’enfant 2011/2 (Vol.54), Edition Presses Universitaires de France
(33) Toussaint Eva, De la naissance du parent au développement de l’enfant, 2014
(34) Vacheron Marie-Noëlle, Maternité et Psychiatrie, Répercussions et prise en
charge, Edition Lavoisier, 2015
(35) Viaux Savelon Sylvie, Recherche clinique en périnatalité, Impact du prénatal
sur la psychopathologie du bébé et de la dyade mère-enfant, Interaction précoces
mère-enfant et psychopathologie, pages 15 à 22, 2011
(36) Wasterlain Anne, Alexandre Mélissa, Gaugue Justine, Observation des
interactions précoces mère-bébé en situation de jeu : une revue de littérature des
instruments, Devenir 2017/1 (Vol.29), Edition Médecine et Hygiène
(37) W. Winnicott Donald, La préoccupation maternelle primaire, De la pédiatrie à la
psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, 1956
(38) W. Winnicott Donald, La mère suffisamment bonne, Petite bibliothèque Payot,
1996
(39) W. Winnicott Donald, La première année de la vie, De la pédiatrie à la
psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, 1958
(40) W. Winnicott Donald, La capacité d’être seul, De la pédiatrie à la psychanalyse,
Petite Bibliothèque Payot, 1958
(41) W. Winnicott Donald, La théorie de la relation parent-nourrisson, De la pédiatrie
à la psychanalyse, Petite Bibliothèque Payot, 1960
88
Table des matières
Remerciements………………………………………………………………………………2
Sommaire……………………………………………………………………………………..3
Introduction…………………………………………………………………………….……. 4
II. La Mère……………………………………………………………….…………14
A) La naissance d’une Mère………………………………………………15
B) La fonction maternelle…………………………………………...……..17
1) Selon D.W.Winnicott……………………………………….……….18
2) Selon Daniel Stern………………………………………………….20
3) La capacité de Rêverie maternelle selon Wilfred Bion...……….20
C) Et le Père ?......................................................................................22
89
Partie 2 : Les perturbations des interactions Mère-enfant : Exemple de la maladie
psychiatrique périnatale ……………………………………………………...……………37
I. Des interactions Mère-enfant perturbées………………………...………37
A) Les aspects quantitatifs des perturbations………………………………37
1) Excès de stimulation…………………………………………...………37
2) Le manque de stimulation……………………….…………………….38
B) Les aspects qualitatifs des perturbations……………………...…………39
1) Perturbation de la réciprocité……………………………….…………39
2) Perturbation du déroulement temporel………………….……………40
3) La fixation et les régressions des modalités interactives…..………41
C) Les signes de souffrance de l’enfant…………………………….……….42
D) Les facteurs de risques des troubles des interactions…………….……44
1) Les facteurs en rapport avec le nourrisson…………….……………45
2) Les facteurs en rapport avec la Mère……………………….………..45
90
II. Les rôles du psychomotricien dans le réseau de psychiatrie périna-
tale………………………………………………………………………….……58
A) Les rôles du psychomotricien auprès de l’enfant……….………………59
1) Evaluation du développement de l’enfant…………………..……….59
2) Soutien du développement de l’enfant…………………..…………..61
3) Lecteur et décodeur du langage du corps du bébé……….………..62
B) Les rôles du psychomotricien auprès de la Mère……………….………63
1) Un rôle d’écoute et de renarcissisation………………………………63
2) La guidance interactive parentale…………………………………….64
3) La fonction alpha détoxifiante ou la capacité de contenance
du psychomotricien……………………………………………….……66
C) Les rôles du psychomotricien auprès de la dyade……………….……..67
1) Offrir un espace-temps d’attention-conjointe………………………..67
2) Le psychomotricien apporte une contenance maternelle………….68
3) Le psychomotricien peut avoir la fonction séparatrice du tiers
paternel……………………………………………………….…………69
Conclusion………………………………………………………………………….……….84
Bibliographie…………………………………………………………………...……………86
Table des matières……………………………………………………………...………….89
Annexes……………………………………………………………………………..………92
91
Annexes
92
De 2-6mois
93
94
Annexe 2 : Évaluation vidéo
95
Annexe 3 : La position du planeur
96
Annexe 4: Échelle de douleur et d’inconfort du nouveau-né (EDIN)
97