Raccourci Socio FINAL

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Chapitre 1 : Les précurseurs (1789-1890)

Introduction

Au 19e, la sociologie s’organise et est l’objet d’une réflexion sur ce qui la constitue. Comte, Tocqueville et
Marx ont influencé les fondateurs de la discipline (Durkheim en France et Weber en Allemagne)
Tocqueville = précurseur de la sociologie en Amérique. Raymond Aron a fait re-découvrir les travaux de
Tocqueville. Le contexte de production scientifique est toujours dépendant d’un contexte social, politique
ou économique.

I. La sociologie, fille des révolutions

On a pu voir à une transformation des moyens de production, l’accès au droit de vote, urbanisation =
bouleversement total dans la société donc la théorie du contrat social ne suffit plus.
Les précurseurs sont des amateurs éclairés, des gens de lettres qui développent des approches descriptives.
Il y a un intérêt de l’état à commander des études sur des groupes sociaux.

*Contrat social : Rousseau établit qu'une organisation sociale « juste » repose sur un pacte garantissant
l'égalité et la liberté entre tous les citoyens.

A) La révolution politique : Tocqueville (1805-1859), le libéralisme, l’individu et les institutions


démocratiques

Tocqueville est issu d’une famille noble, c’est un penseur et un écrivain. Il avait des responsabilités
politiques. Il reçoit une commande en 1831 pour étudier le système pénitentiaire aux États-Unis ce qui
donne son ouvrage « De la démocratie en Amérique » en 1835.
Il mène des enquêtes orales avec des personnes qu’il rencontre sur place. Il va réfléchir comment se
structure la démocratie récente en Amérique pensant que la démocratie suit un mouvement inéluctable.
Toutes les sociétés vont arriver au stade de démocratie

De la Démocratie en Amérique

A] 2 idées : Démocratie inéluctable + Démocratie est « un état social »

La démocratisation va avec processus d’égalisation des conditions de vie = pensée évolutionniste, tout le
monde suit les mêmes étapes de l’évolution selon des lois explicatives.
L’évolutionniste est aussi ethnocentrique. Tocqueville considère que la démocratie est un état social,
s’exprime d’abord par des relations sociales. Avec l’égalisation des conditions de vie, c’est une évolution
majeure, on n’appartient plus à un ordre (clergé, tiers état…). Création de tension pour savoir la démocratie
peut tenir des principes d’égalité et de liberté autrement.

B] Notion d’individualisme ≠ socialisme

Développement individualisme ≠ socialisme ; on classe donc Tocqueville parmi les penseurs libéraux.
Progressivement, les individus se replient sur eux-mêmes pour chercher les meilleures conditions de vie.
Priorité à la liberté individuelle sur l’intérêt collectif

C] Dilemme de la démocratie : « les excès de l’individualisme et la passion pour la liberté »

objectivDilemme de la démocratie « les excès de l’individualisme et la passion pour la liberté »


Tocqueville voit une dérive dans le fait que l’État doit garantir une égalité. On demanderait le renforcement
de l’état qui pourrait devenir despotique (= dans le sens d’une trop grande bienveillance). En faisant appel à
l’état, on renforce son pouvoir au risque de réduire les libertés.
Autre risque dans la passion de l’égalité : développement de l’individualisme. Si on se replie sur soi, de
moins en moins intéressé à ce qui fait société, cela laisse de l’espace à un état despotique.

D] Vision pessimiste de la démocratie : despotisme potentiel

Vision pessimiste de la démocratie, elle est potentiellement en danger. Comment concilier principes
d’égalité et de liberté ? Tocqueville rencontre des notables, des hommes blancs etc ; donc produit de
l’enquête fait en fonction de ceux qui ont répondu.

E] Solution ? Recours aux associations « école de la démocratie »

➡Renforcement des corps intermédiaires = associations, corporations professionnelles « école de


démocratie ». Il voit dans l’engagement civique un espace où se tissent les liens sociaux.
Doctrine de l’intérêt bien entendu = rejoindre une asso pour des raisons diverses mais des intérêts
communs vont se nouer et on devient plus soucieux de la collectivité = créer du lien de solidarité et de
développer une habitude et un goût pour l’intérêt général.
Renforcement des corps intermédiaires → crée du collectif → engagement parti politique
➡Il faudrait aussi favoriser la diffusion de la liberté de la presse, c’est un moyen de contrecarrer les effets
de l’individualisme et inciter les acteurs à ne pas se désintéresser de ce que font les élus.
= fondamental pour éviter le despotisme
➡Favoriser la pratique religieuse pour avoir une autre institution entre l’état et les individus

Actualité des thèses tocquevilliennes

Précurseur dans les réflexions sur les transfo sociales et politiques, il se détache de la pensée abstraite et
pose des questions. Il est aussi le précurseur de l’individualisme méthodologique

* individualisme méthodologique : tout phénomène social doit être compris comme le produit d’actions
individuelles. On se concentre sur l’individu, sur ce qu’il fait.

Il est redécouvert avec Raymond Aron, car ce dernier était opposé aux théories marxistes, donc il est
content de découvrir un penseur libéral.
Cela a beaucoup influencé des travaux politiques et sociologiques actuels
• R. Putnam : Making Democracy Work (1993) sur l’Italie, il affirme que les régions les plus prospères
sont le nord et le centre, c’est là où l’engagement civique est le plus dynamique.
• Bowling Alone (2000) sur les États-Unis. Déclin du capital social lié à l’entrée des femmes sur le
marché du travail, transformations démographiques du baby boom, augmentation immigration,
développement des banlieues résidentielles → moins réfléchir à l’intérêt général et moins côtoyer
les autres personnes

Il va travailler sur la vitalité de la démocratie qu’il évalue à partir de l’engagement civique.


Pour Putnam, le capital social sont les réseaux sociaux, le tissu social = véhicules de relations de confiance,
de réciprocité. Plus on a confiance dans notre concitoyen, plus les performances soc, éco et pol sont
importantes.
La thèse de Putnam a été très répandue et lue mais aussi très critiquée et critiquable.
• N. Mayer (France) : Lien entre engagement civique et engagement parti politique n’est pas
automatique. Ce passage entre les 2 engagements dépend des dispositions sociales (≠ capitaux).
Elle le montre statistiquement.
• N. Eliasoph (E-U) : L’engagement est tellement coûteux que les adhérents font tout pour éviter les
sujets politiques clivants. Elle parle d’évaporation de la politique.
• C. Hamidi (France) Elle dit aussi qu’on parle avec des gens qui nous ressemblent.

Putnam est critiqué pour :


- raisonnement circulaire, il faut des gens de confiance pour la mise en place de réseau et ce sont les
réseaux qui permettent les relations de confiance
- Confusion déclin ≠ mutations engagement associatif, pas de questionnement sur types d’assos
- prouver que l’engagement dans une association provoquerait automatiquement un intérêt pour le bien
commun. La confiance dans les membres de l’association augmente le niveau de confiance généralisée et
dans les institutions.

B) La révolution économique et sociale : Marx (1818-1859)

Époque omnibulée par les classes dangereuses qui sont le prolétariat urbain et les transformations des
familles, des pratiques de consommation, de l’exode rural.
→ Peur de ces changements qui pourraient être dangereux pour l’équilibre de la société et pour les élites
=Pathologie sociale

Différents projets politiques = naissance du socialisme, travaux de Saint-Simon


Il existe plusieurs œuvres de Karl Marx sur les transformations liées au monde du travail. Il développe une
thèse sur la lutte des classes qu’il voit comme le ciment du progrès.
Il réfléchit beaucoup aux croyances qui pourraient faire tenir un système économique et social. Il est
docteur en philosophie et histoire. Il fait partie du Cercle des « hégéliens de gauche. »

Révolution de 1848 : naissance de la 2de république et du suffrage universel masculin. Il rencontre Engels
dans les années 40.

2 apports parmi de nombreux autres

*effet de théorie : savoir, connaissances accèdent à un tel statut de notoriété que des acteurs s’en emparent
pour que la théorie devienne une simple croyance (=marxisme)

1] Pensée sur la stratification sociale liée à une sociologie du travail, économie politique

*stratification sociale : distribution inégale des ressources. Cette inégalité engendre la formation de groupes
de droit (castes, ordres) ou des groupes de faits (classes, strates sociales)

Ce qui intéresse Marx sont la révolution industrielle et capitaliste, il a une vision réaliste des classes sociales
(→ les classes sociales sont inscrites dans la réalité et ont une base concrète, matérielle) ≠ Weber est
nominaliste (→ par l’opération de la pensée que l’on regroupe des individus dans une classe sociale )

*réalisme pour Marx : classes sociales sont déterminées par la place qu’occupent les individus dans les
rapports de production. (vision empirique du monde du travail)

Il pense que la révolution industrielle est particulière dans l’histoire, car il y a un processus de division du
travail inédit = division technique des tâches et division sociale des tâches
➢ La division technique des tâches est marquée par une hiérarchie sociale qui s’opère sur un principe
de division entre propriétaires et non-propriétaires des moyens de production et du capital (on
retrouve cette idée chez Durkheim et Bourdieu)

➢ 2 critères :
• savoir qui est propriétaire des moyens de production : la bourgeoisie industrielle
s’approprie la plus-value du travail; conception antagoniste des classes sociales :
bourgeoisie opposée aux propriétaires, mais restent liés par la division du travail, ils ont
besoin de l’autre = loi de bipolarisation
• conscience de classe , est-ce que l’on se reconnaît comme étant membre d’une classe
sociale ?
— classe en soi : la place que l’on occupe dans les rapports de production
— classe pour soi : idée d’identification, d’intérêt commun avec nos semblables

Cette prise de conscience passe par la lutte des classes et un certain nombre de leader, d’intellectuels à
l’avant-garde de cette lutte des classes. Il pense que la paysannerie française n’ont pas de conscience de
classe et ne défendent pas d’intérêts communs (=classe sociale en gestation)

2] Aliénation, idéologie, et superstructure

La classe sociale dominante a tout intérêt à trouver un système de justification de la division du travail.
Selon Marx, cela empêche la prise de conscience d’être une classe sociale et donc la possibilité de se
révolter.
• Aliénation par le travail :
l’ouvrier est dépossédé du produit de son travail (taylorisme) → participe à la construction que d’une partie
de l’objet contrairement à l’artisan, et se trouve donc détaché du produit fini. La force de travail devient une
marchandise, un « input » dans les systèmes de production = déshumanisation de l’ouvrier.
Les ouvriers sont séparés d’une organisation communautaire, notamment à cause de la concurrence des
ouvriers sur le marché du travail : ils vendent leur force de travail. Cela isole les individus, délite les
sentiments de proximité.
Le travail perd de son sens car uniquement moyen de gagner de l’argent pour acheter des biens.
« Fétichisme de la marchandise » déconnexion entre le temps de travail consacré à un bien et la valeur qu’il
a sur le marché.

• Aliénation morale
- L’État est approprié par la classe bourgeoisie, qui se trouve au service de ses intérêts (garantie de la
propriété privée).
Les citoyens seraient égaux alors que les inégalités demeurent → voile sur les inégalités réelles dans le
monde social et économique. Fonctionnel pour la classe bourgeoise, remplit fonction en maintenant ordre
de répartition inégalitaire des modes de production et des richesses
ex/ dirigeants issus des classes dirigeantes = accession inégale au suffrage dans l’histoire
- Religion : système qui justifie l’exploitation, notamment la souffrance sur terre au nom d’un salut qui
interviendrait après la mort. Cela aide l’installation du système capitaliste. Il faut détruire ce système de
justification, cela passe par la lutte des classes

➢ Ne croit pas en la possibilité de l’ascension sociale


➢ Vision téléologique de l’histoire : ce qui va être la fin d’un processus, ici de l’histoire
➢ Vision mchaessianique du prolétariat : doit être l’acteur providentiel permettant la transformation
des rapports de production

• Dictature du prolétariat/socialisme : phase de planification de leur projet politique par les ouvriers
• Communalisation des moyens de production
• Abolition de l’état, la destruction des systèmes d’aliénation et la mise en place du communisme
moderne

Matérialisme dialectique → comprendre l’histoire en regardant la lutte entre groupes sociaux : la manière
dont ils s’affrontent, dont ils rivalisent

Matérialisme historique → l’histoire se fait par le passage d’un mode de production à un autre, ce qui passe
par la révolution.

Pour conclure :
➢ Sociologie des classes sociales, de la stratification sociale
→ classe en soi et pour soi
→ Pour Max Weber, la stratification sociale ne se résume à l’existence de classes sociales
• ordre économique, place dans le processus de prod et de conso
• ordre politique, on observe des partis politiques
• ordre social avec statut social
La stratification sociale s’étudie bien si on intègre une dimension temporelle : importance de la mobilité
sociale, pas de vision déterminée des classes sociales (contrairement à Marx)
➢ sociologie des croyances, des idéologies

C) La révolution intellectuelle : Comte et le positivisme (1798-1857)

Auguste Comte est un très brillant élève et rencontre Saint-Simon qui va le former aux thèses socialistes.
Il crée le terme de sociologie en 1839 et la définit comme l’étude scientifique de l’organisation des sociétés
humaines dans son cours de philosophie positive.

Il revendique 3 idées principales :


— créer une organisation des phénomènes sociaux qui doit avoir le statut de science et prendre pour
modèle l’essence biologique
— il considère que la connaissance scientifique du monde social doit permettre de le réformer
— s’appuyer sur une méthode (observation) et élaboration de lois
* positivisme : la connaissance doit se détacher des croyances et des spéculations, observer les faits
empiriques, description des régularités

Il développe sur le modèle de la biologie, l’idée de soumettre les faits sociaux à des hypothèses puis de les
invalider ou de les valider.

La loi des 3 états


• théologique ; période du Moyen Âge dominée par les croyances surnaturelles, justification
du système féodal autour de lois naturelles
• métaphysique ; systèmes de justification de pensée du monde sont de + en + abstraits,
élaboration de théories avec principes et débats d’idées
• scientifique ou positif ; 19e siècle (période d’industrialisation et urbanisation), c’est la
recherche scientifique qui prime, on cherche des lois pour comprendre la société.
La sociologie est la dernière science qui vient après le développement des mathématiques, de la physique
chimie. Elle est la plus aboutie, car elle permet l’expérimentation.
Loi qui est progressive, générale et linéaire : l’explication positive recherche des lois, et non plus des causes

La pensée de Comte tend vers scientisme, mystique. Il va créer une église positiviste (=revenir à un ordre
social plus stable), outil au service de la restauration de l’ordre social.
À conserver dans le positivisme : méthode d’enquête plutôt que d’établir des lois générales.
Penseur holiste : penser que la société prime sur les individus, somme des faits individuels

II. Le développement des sciences sociales appliquées et des « enquêtes sociales » sous l’égide de
pouvoirs publics

A) les statistiques sociales et morales

Avec le développement des maths, les pouvoirs publics commencent à commander des études sur des
phénomènes sociaux etc. ex/la délinquance
Création en France du bureau de la statistique générale.
ex/ Lambert Quetelet développe l’idée de l’homme moyen : il réunit toutes les caractéristiques moyennes
d’une société. Création probabilité des phénomènes sociaux pour agir dessus.
B) Les monographies de Le Play (1806-1882)

Développement de monographies qui sont très détaillées ex/ fiche biographique sur la famille
Influencent la sociologie, car elles sont la base de la méthode ethnographique (=passer du temps sur un
périmètre précis et observer les individus sur ce site)

Le Play considère que la meilleure échelle d’observation correspond aux unités de petite taille ; plus on
prend un objet d’observation petit, plus on arrive à comprendre les règles qui structurent les individus.
Karl Popper → sociologie empirique : fondée sur l’observation de faits concrets.
Connu pour ses idées de réformes sociales, de transformation du monde, ses travaux ont été beaucoup lus
par le courant catholicisme social. Il a étudié la famille souche, c’est l’unité qui permet la stabilité de la
société. Il inspire le courant du paternalisme en industrie (= le patron doit se comporter en père de famille)
Il crée la Société d’Éconmie sociale en 1856, et une revue « La réforme sociale » en 1881.

Chapitre 2 – Les fondateurs

➢ Revendication pour une reconnaissance et institutionnalisation de la sociologie et ses travaux


➢ manifestation par la publication d’ouvrages, revues académiques, création de départements
académiques et sociétés savantes
➢ débats théoriques et opposition sur la définition même de la sociologie

I - Un magistère disputé entre la France et l’Allemagne

A) Durkheim (1858-1917) : l’holisme, la sociologie comme science du fait social

1]Une vie consacrée à l’institutionnalisation de la sociologie

Durkheim est un père fondateur, il va passer sa carrière à faire reconnaître la sociologie et à convaincre qu’il
s’agit d’une discipline enseignable. Il est originaire des Vosges, d’une famille de rabbin.
1887 : nommé chargé de cours de pédagogie et de sciences sociales à Bordeaux
1896 : création de l’Année sociologique
1902: professeur à la faculté des lettres de la Sorbonne à la chaire de sciences de l’éducation
Il a fait partie de ceux qui ont crée la ligue des droits de l’homme.
1913 : il crée un cours de sociologie

Ouvrages : De la division du travail social, Les règles de la méthode sociologique, Le suicide

2] Faire de la sociologie une science : lui définir un objet, prôner une méthode

La sociologie est le fait d’étudier les faits sociaux. La sociologie est scientifique, repose sur une méthode. Il
définit 5 critères. La socio doit se séparer de l’histoire, de la psychologie et de la philosophie

Il s’oppose à Tarde qui avait développé (pour expliquer les faits criminels) la loi de l’imitation, montrera que
les criminels sont à la recherche de similitudes (quartiers)
*socialisation : processus d’intériorisation de normes, de règles et de valeurs propres à un individu

*faits sociaux : manières d’agir, de penser. Non seulement ces types de conduite ou de pensée sont
extérieurs à l’individu, mais ils sont doués d’une puissance impérative, et coercitive en vertu de laquelle ils
s’imposent à lui, qu’il le veuille ou non

➔ un fait social est collectif : concerne plusieurs individus, partagé


➔ un fait social est extérieur : il préexiste à l’individu, pendant sa vie et après sa mort, dépasse ce qui
relève seulement de l’individu. Stabilité des normes, lié au processus de socialisation
➔ un fait social est contraignant : le fait social s’impose aux individus, nous sommes d’abord le produit
de valeurs, normes produites par la société (déterminisme)
Il voit dans l’école et la famille la garantie d’une cohésion sociale (=transmettre des manières d’agir…)

Le fait de définir le fait social en sociologie :


→ Un fait social ne peut s’expliquer que par un autre fait social.
→ Perspective d’holisme méthodologique (approche de la façon dont on étudie la société, c’est la société
qui prime sur l’individu, ce n’est pas la somme des individus

5 principes de la méthode sociologique

(1) Définir objectivement et rigoureusement un objet d’étude


Durkheim est critiqué de faire du « chosisme », car il prend de la distance vis-à-vis des idées reçues, des
prénotions. Se donner une définition de travail sur les termes que l’on veut étudier.

(2) Distinguer le normal du pathologique


Le normal : au sens de ce qui est communément partagé, globalement observable dans une société ex/
ouvrage Suicide « il n’y a pas que 3 personnes qui se suicident en France“
Le pathologique : singulier, accidentel. Les crimes ne sont pas pathologiques car il y en a assez pour leur
attribuer le caractère normal.

(3) Constituer des types sociaux


Essayer de constituer des séries, des groupes de phénomènes. On va regarder les suicides chez les hommes,
les femmes, selon telle obédience religieuse ==> réer des sous-catégories

(4) Expliquer les faits sociaux


Sociologique explicative : on explique le social par le social, on cherche à identifier le lien entre deux faits
sociaux. Le raisonnement durkheimien est en termes d’explication et de recherche de causalité.

(5) Administrer la preuve


Ne pas se contenter de dire des choses, fournir la preuve de ce qui fonde l’interprétation, les résultats.
Passe par les outils statistiques.

LE SUICIDE (1897) = 1re enquête sociologique

De la division du travail social (1893) : Durkheim renoue avec 2 préoccupations classiques des précurseurs
de la sociologie. Il se questionne sur le fondement du lien social et ce qui fait la cohésion ou le délitement
des liens sociaux.

Solidarité mécanique Solidarité organique


— sociétés primitives — sociétés industrielles
— faible différenciation des individus, des tâches, — division du travail, différenciation des tâches
division du travail social — droit coopératif ou restitutif qui domine (droit
— similitude, homogénéité des individus civil), on cherche des formes de compensation pour
ex/ place du droit répressif (droit pénal) sanction à les victimes
l’écart à la norme — spécialisation des individus, individualisation
— faible place à l’individu — solidarité sociale MAIS anomie

*anomie : un lien social dont sont absentes les normes sociales régulatrices soit parce qu'il n'y en pas ou
soit parce qu'il y en a de moins en moins donc incertitude et instabilité dans les relations sociales
Résultats
Distinction du suicide comme fait social par rapport au suicide comme acte individuel : le rôle des
statistiques : il travaille sur le taux de suicide

« On se représente le suicide comme une action positive et violente qui implique un certain déploiement de
force musculaire, il peut se faire qu'une attitude purement négative ou une simple abstention aient la
même conséquence. On se tue tout aussi bien en refusant de se nourrir qu'en se détruisant par le fer ou le
feu. [...] le rapport de causalité peut être indirect, le phénomène ne change pas, pour cela, de nature.
[...]On appelle suicide toute mort qui résulte médiatement ou immédiatement d'un acte positif ou négatif,
accompli par la victime elle-même. »

Constat : le taux de suicide varie en fonction de critères sociaux ⇒ Il augmente avec âge et taille des villes et
est plus fort chez hommes que chez femmes et chez célibataires et veufs que chez personnes mariées
*corrélation : 2 courbes avec direction semblable, mais on ne sait pas ce qui joue sur les courbes (descriptif)
*causalité : on cherche la variable qui la cause à l’effet de l’autre

Expliquer le social par le social


→ Théorie de la socialisation : intégration sociale + régulation sociale (lorsqu’il y a écart à la norme)
→ Le suicide résulte du processus de socialisation, du processus par lequel la société forme l’individu

Typologie des suicides


Déficiences du processus de socialisation
Formes du processus
Insuffisance Excès
de socialisation
Suicide égoïste Suicide altruiste
Individu isolé Normes très contraignantes
Intégration sociale
Ex : défaut d’intégration à un groupe Ex : le groupe prime sur l’individu
religieux, ou à une famille (célibat) comme chez le militaire
Suicide anomique Suicide fataliste
Normes trop peu contraignantes, Individu sans avenir
Régulation sociale affaiblissement des liens sociaux Ex : personnes dont l’avenir est muré
Ex : perspectives instables, crise (esclaves, prisonniers)
économique

→ Le suicide égoïste : déficit de rattachement à un groupe. L’égoïsme réfère à une individuation


trop poussée. Durkheim montre qu’il y a plus de suicides chez les protestants en raison de la vision
autonome de l’individu dans la religion protestante.

→ Le suicide altruiste : lorsque l’individu vit au sein d’un groupe dont les normes sont très
contraignantes. L’individu intègre fortement alors les valeurs du groupe (ex : le militaire, valeur d’honneur).

→ Le suicide anomique : affaiblissement des normes sociales sur l’individu. La transformation des
repères, modes de vie et conduites individuelles conduisent à une perte de repères à la disparition des
règles morales ou traditionnelles qui encadraient l’individu. Horizons de possibilité s’ouvrent et ces désirs se
confrontent à la réalité (horizon inatteignable) ⇒ frustration et des taux de suicide importants

→ Le suicide fataliste : régulation sociale excessive qui n’offre aucune échappatoire à la pression du
groupe (ex : situation domestique sans possibilité de divorce)

« Le suicide » reçoit de nombreuses critiques au moment de sa parution :


Maurice Halbwachs (élève de Durkheim) remet en cause les liens de causalité entre les taux observés, il
pense que le suicide est seulement dû au désespoir. Les statistiques récoltées sont imparfaites car certains
groupes sociaux peuvent déguiser les suicides en morts naturelles et il n’a pas travaillé sur les « tentatives
de suicide ». Halbwachs nuance Durkheim en disant que le suicide des protestants n’est pas forcément dû
aux institutions religieuses.
Certains sociologues (Baudelot, Establet) ont cherché à savoir si cette analyse est toujours pertinente
aujourd’hui : résultats très opposés à ceux de Durkheim. Ils constatent que pauvres et ruraux se suicident
plus que riches et urbains. Cependant, en termes d’âge : il s’agit soit de très jeunes, soit de vieux.

- Suicide égoïste - Suicide anomique


Intégration Régulation
+ Suicide altruiste + Suicide fataliste

Critiqué pour déterminisme et réformisme moral (propose trop de conseil à adopter pour éviter l’anomie)

À retenir :
Le fait social
les 5 principes de la méthode sociologique
L’holisme méthodologique

B) Weber (1864-1920) : l’individualisme méthodologique, la sociologie comme compréhension de


l’activité sociale
1] Weber, sociologue revendiqué, auteur d’une œuvre riche dialoguant avec l’histoire et l’économie,
tardivement reconnue en France

On oppose souvent Weber et Durkheim, car points de vue différents. Weber est l’un des 1 ers à s’intéresser à
la sociologie, il s’intéresse d’abord aux individus.

D’un pt de vue de l’école allemande, il existe différents sociologues comme Ferdinand Tönnies (1855-1936)
Georg Simmel (1858-1918) et Max Weber (1864-1920).

On retient Weber pour plusieurs raisons :


• Sa réflexion sur l’épistémologie de la sociologie : il s’intéresse à l’activité sociale.
• Son questionnement est central sur le processus de civilisation « moderne » ⇒ processus de
rationalisation (dans l’espace politique et économique), bureaucratisation et développement du
capitalisme.
• Analyse des mécanismes de domination et pouvoir : comment les régimes politiques tiennent-ils ?

Légitimité La + ancienne et la + fréquente. Basée sur principe d’hérédité, forte patrimonialisation et


traditionnelle sur croyance. Les individus se soumettent à un pouvoir parce qu’ils considèrent que ce
pouvoir relève d’institutions, de traditions ancestrales.
Légitimité Situation de domination fondée sur reconnaissance du caractère exceptionnel d’un individu
charismatique qui à un moment donné incarne pouvoir: se soumet au pouvoir de cette personne.
Légitimité La + «moderne». Processus de rationalisation qu’il étudie avec mise en œuvre d’une
rationnelle- bureaucratie, idée de spécialisation très forte (division du travail, répartition des tâches, dé-
légale patrimonialisation du politique).

→ ces légitimités sont toutes liées à des régimes politiques, pas seulement une réflexion hors-sol.

*bureaucratie : personnel choisi sur leurs compétences et non leur hérédité


Weber se concentre sur l’action sociale et la sociologie compréhensive.
— 1889 : thèse de doctorat sur l’histoire des sociétés commerciales dans les villes médiévales italiennes.
— 1909 : cofondateur de la Société allemande de sociologie
— 1919 : Chaire de sociologie à Munich, un an avant sa mort

Weber défend l’idée que la sociologie doit faire preuve de « neutralité axiologique ».
⇒ posture méthodologique qui vise à ce que le chercheur prenne conscience de ses propres valeurs lors de
son travail scientifique, pour réduire le plus possible les biais causés par ses propres jugements de valeurs.
Les sciences sociales doivent être objectives avec Durkheim.

*neutralité axiologique : l'obligation pour le savant d'effectuer une distinction nette entre l'analyse
empirique des faits et l'énoncé de ses propres préférences normatives

La réception de Weber en France est tardive : certains sociologues vont le présenter comme un anti-Marx
après la 2e GM, il se concentre sur l’action individuelle et non les structures. Raymond Aron fait reconnaître
son œuvre en France, car il la voit comme outil intellectuel pour répondre aux communistes universitaires.

2] Une sociologie qui interprète les motifs individuels d’action sociale

*sociologie : science qui se propose de comprendre par interprétation l'activité sociale et par là d'expliquer
causalement son déroulement et ses effets.
*activité sociale : activité qui se rapporte au comportement d'autrui, par rapport auquel s'oriente son
déroulement

La sociologie porte sur les activités sociales

Weber dit que la distinction entre une action et une action sociale n’est pas évidente. Il est le précurseur de
l’individualisme méthodologique (=tout phénomène social est le produit d’actions individuelles).
• repose sur une interprétation des logiques d’action.
• établit des relations causales à partir d’idéaux types
* idéaux-types : construction théorique qui accentue certains traits de la réalité, pour en faciliter sa
compréhension. C’est donc une abstraction mentale et intellectuelle

Comme Durkheim, il considère que la sociologie doit être une science reconnue, et à part entière. MAIS,
Weber se différencie car pour lui la sociologie ne cherche pas à établir ou ressortir des lois sociologiques
générales. Il critique le « monisme naturaliste »

* monisme naturaliste : toute science devrait être amenée à formuler des lois générales et universelles, si la
sociologie est une science, ne prend pas pour étalon les sciences naturelles et physiques (pas d’héritage
positiviste)

Weber se différencie aussi de Marx et du matérialisme historique : il ne peut pas y avoir une cause unique
expliquant la trajectoire historique.
2 dimensions de l’activité sociale :
— sociale : elle a un sens (sens « subjectif » et « visé ») pour celui qui l’amène.
— rapport à autrui, la réciprocité (il faut attribuer un sens à ce que fait l’autre).

On associe Weber à la sociologie compréhensive et à l’individualisme méthodologique : sa grande idée est


que contrairement à Durkheim qui s’attardait sur la société contraignante, Weber s’attache à saisir les
significations que donnent les individus à leurs actions ou à celles d’un autre acteur (il pose la question du
sens et des représentations prégnantes).

→ La sociologie de Weber établit donc des relations causales à partir d’idéaux-types :


Weber veut éviter le piège du psychologisme (=tendance à faire prévaloir le point de vue de la psychologie
sur une autre science) en construisant des idéaux-types
La notion d’idéal-type doit être provisoire, heuristique (qui sert à la découverte) : ce n’est pas forcément le
résultat auquel on va aboutir. Un idéal-type n’est donc ni un absolu ni un horizon à atteindre.

4 principaux types d’actions sociales


action commandée par coutume comme l’obéissance au père de famille. La présence
Traditionnelle
d’autrui est nécessaire pour avoir une réaction qui produit une action.
Affective Actions motivées par sentiments ou passion. Autrui est une condition indispensable.
comportement réfléchi mais mené par valeurs et convictions religieuses, politiques.
Rationnelle en Ccette subordination volontaire de l’action à des valeurs peut passer pour irrationnelle
valeur en finalité car les conséquences effectives de l’action peuvent devenir indifférentes au
sujet (ex : soldat qui se suicide après une défaite).
Rationnelle en La fin est mûrement réfléchie, idée de réflexion/d’anticipation, rationalisation du
finalité monde

3] Les affinités électives entre calvinisme et « esprit du capitalisme »

Weber cherche comment est né le capitalisme moderne : affinités électives protestantisme/capitalisme.


→Part du constat que capitalisme en Allemagne s’est + développé dans régions protestantes que
catholiques.
→ Weber découpe ensuite le réel : il s’intéresse à une séquence précise de la formation des représentations
et notamment d’une certaine éthique du travail, il ne s’intéresse pas au capitalisme global mais à l’esprit du
capitalisme au 19e siècle ainsi qu’au calvinisme. Ne se concentre que sur les aspects qui ont des effets sur
les activités sociales :
• L’esprit du capitalisme = partie du capitalisme qui consiste en les motivations particulières qui
commandent le rapport de l’entrepreneur au travail et à l’enrichissement. ex/ Benjamin
Franklin (entrepreneur calviniste) mettait l’accent sur l’épargne et la rigueur dans le travail.
• Le calvinisme : un dogme particulier de la religion protestante. Il est hédoniste, il valorise le travail,
rejette la charité. Le calvinisme comprend aussi le dogme de la prédestination (en tant qu’individu
croyant, on cherchera toujours à savoir si on fera partie du peuple élu ou bien damné, cette
incertitude du sort fait que dans la vie quotidienne on sera très obéissant et donc répondre aux
valeurs calvinistes que sont la rigueur et le travail).
Donc, Weber voit une affinité élective entre l’esprit capitaliste et l’éthique calviniste.
Boltanski et Chapello actualisent les thèses weberiennes.
=> Comment le capitalisme survit alors qu’il y a beaucoup de crises et de critiques ?
Ils disent que le capitalisme, dans sa version managériale, a récupéré les critiques sociales de mai 68
(développement open space, responsabilisation des travailleurs…)
=> nouvelles formes du monde de travail = gens connectés, horaires plus flexibles = LA CITE PAR PROJET

*sens subjectif : ce que l’on met de personnel dans une action, la représentation que l’on se fait d’une action
* sens visé : intention, objectif derrière l’action
* rapport à autrui : action sociale à partir du moment où qqn est pris dans l’action
*ethos : ensemble de valeurs propres à un groupe social (ex/ ethos calviniste)
* individualisme méthodologique : à l’échelle des individus, ce qui fait société, agrégation individuelle ≠
holisme méthodologique
*affinités électives : processus par lequel deux formes culturelles (religieuses, intellectuelles, politiques ou
économiques) entrent dans une influence réciproque, choix mutuel, convergence active et renforcement
mutuel.
II – Dépasser l’opposition individus/société : Elias (1897-1990) et la notion de configuration

A) Homo Clausus

→ Norbert Élias (1897-1990) a travaillé dans plusieurs universités, sur une multitude de thèmes (histoire,
sociologie, sport, génie, vieillesse…) Il fait de la philosophie et veut dépasser l’héritage de Descartes.
Son œuvre phare, Über der Probe den Zivilisation (1939) est traduite en 2 volumes :
• La civilisation des mœurs (1973) : comment l’apport des mœurs civilisés impacte les différents
groupes sociaux qui composent la société.
• La dynamique de l’occident (1975) : comment le « double monopole », physique et fiscal,
entraînant le monopole militaire de l’État a permis de créer les sociétés modernes (Weber
parlerait de dé-patrimonialisation).
→des propositions théoriques qui disent que ce n’est pas nécessaire d’opposer individus/ société.
Il fait de la sociologie configurationnelle (configuration + interdépendance)

Il critique l’Homo Clausus (=homme rationnel, fermé sur lui-même) à partir des travaux de Descartes. Il
rejette l’idée que la société est uniquement composée d’individus et qu’elle surplombe les individus (Élias
considère que ce sont les individus qui la composent).

*diachronique : les séquences historiques sont regardées et on compare des temps différents
*synchronique : au moment T
Élias tient à la dimension abstraite de la société (=cadre socio-historique) et aux dimensions individuelles (il
faut considérer le libre-arbitre des individus). Ce qui l’intéresse : regarder les actions individuelles mais ne
pas nier qu’ils agissent dans un cadre historique spécial.

B) Interdépendance et configuration

1) Notion d’interdépendance : chaîne d’interdépendance entre les groupes d’une société et entre les
générations qui font l’histoire.

2) Notion de configuration : formation sociale dont la taille peut-être variable et où les individus sont liés les
uns les autres par un mode spécifique de dépendance réciproque.
Figure toujours changeante que forment les joueurs, configuration forme un ensemble de tensions.
⇒ met en avant autant les stratégies individuelles que les structures sociales. L’individu n’est donc ni
totalement « déterminé », ni « libre » d’agir à sa guise mais marge de manœuvre.

Elias démontre que la société est formée d’individus interdépendants.


Ex/ joueurs de cartes (la configuration varie car règles sont toujours identiques mais les jeux différents)
ex/ match de foot (prise en compte forte de l’engagement individuel mais la création d’un jeu d’équipe est
menée par un intérêt à la fois individuel et commun).
⇒ système de relations d’interdépendance formés par des individualités car joueurs entretiennent des
relations réciproques.

2 plans d’études, notion de configuration est doublement variable:


• diachronique : périodes temporelles différentes (=on s‘intéresse aux actions passées). Acteurs sont
êtres historiques, produits d’un héritage ; résultat de strates successives de l’Histoire de la société
• synchronique : toutes les actions sont présentes au moment t où elles sont en train de se produire.

C) L’exemple de Mozart, le génie n’est pas inné

Ex/ Mozart, sociologie d’un génie => déconstruire le mythe du don et du génie. Père de Mozart lui apprend
les normes sociales de la noblesse (= importante figure de la musique). Durant son adolescence il a du mal à
se conformer aux règles, il est grossier et mal adapté à la vie de cour => volonté de s’émanciper.
Carrière de Mozart est surtout due à un environnement familial → tension entre la société et l’individu.
Le talent doit être rapporté aux conditions sociales de son émergence, il n’est pas dû qu’à l’inné ou le
biologique.

→ Manuel Schotté a travaillé sur la sociologie du génie


ex/ sportifs marocains : pendant période colonisation, les Marocains se spécialisaient dans la course car
qu’ils n’avaient pas le droit aux autres sports. Après la colonisation = emphase sur les coureurs en Afrique
Processus ne vient pas des capacités raciales : Européens désertent la course car système de primes pas
assez attirant donc les Africains voient opportunité de monter dans échelle sociale.
⇒ Travaux sur le talent aussi mené dans monde de l’art et musique.

III – Émergence d’une sociologie empirique aux USA

Institutionnalisation précoce de la sociologie américaine : WG Sumner, réformiste social, enseigne la socio


à l’université de Yale dès 1876, l’American Sociological Society est fondée en 1907.
Pourquoi ce décalage par rapport à la France ?
Université fonctionne de manière décentralisée, moins de lutte mandarinale = création plus rapide et avec
moins de concurrence
➢ Sociologie pragmatique : sociologues revendiquent une finalité sociale à leurs travaux (ils veulent
conseiller les pouvoirs publics, les fondations privées).
➢ Sociologie empirique qui se méfie des idéaux-types. Elle se développe avec l’École de Chicago.

A) Le réformisme américain : premiers jalons de sociologie

1] L’influence du réformisme social et du moralisme protestant

Contexte : post-guerre de Sécession, développement courant moraliste (=il faut observer pour mieux
comprendre et guérir les problèmes sociaux)

* réformisme social : action des pouvoirs publics de réforme de la société pour répondre à des besoins
sociaux, à des objectifs sociaux

→ Small (figure religieuse), Sumner (figure religieuse), Ward (expert du gouvernement) et Giddings
(journaliste) = précurseurs de cette école. Perçus comme des ingénieurs du social qui doivent se mettre au
service du progrès. Selon eux, la Sociologie doit être au service d’une transformation de la société.

• Sumner est le 1er sociologue Américain = contre l’intervention étatique dans l’économie mais pour
développement de la concurrence économique. S’inspire de Spencer sur les lois naturelles au
marché, valeurs protestantes du travail et de la rigueur.
• Albion Small : idéologie proche de celle de Sumner (évolutionniste, positiviste) ; la sociologie doit
passer par des enquêtes de terrain, des questionnaires, création « guide de laboratoire » = bible des
sociologues de Chicago.
→ Grâce à ces 1ers enseignants, départements de sociologie ouvrent sur tout le territoire américain =>
institutionnalisation très forte de la discipline.

2] Une figure oubliée : W.E.B Du Bois

W.E.B. Du Bois est afro-Américain ; doctorat sur la traite négrière, 1er à mener des enquêtes auprès des
afro-américains. 16 monographies
* monographie : études complètes et détaillées sur un sujet précis sur les habitants de couleurs américains.
➢ Philadelphia Negro : 1re étude empirique sur commu afro-américaine « the color line », race est
socialement construite, basée sur questionnaires. Il mène entretiens, très critique des sociologues
de pare-brise. Il va au concret ce qu’il se passe.
Il commente les pratiques discriminatoires noirs africains. Pourquoi les familles ont du mal à se stabiliser, ou
pourquoi femmes plus nombreuses que les hommes ?
Racisme = noirs sont plus robustes donc surexploités dans milieux avec plus d’accidents
⇒ conséquences de la traite atlantique et des nombreuses discriminations qui existent dans l’ordre du
travail ⇒ lié à un taux de mortalité plus fort. Question du « problème noir » lié à la vision des blancs

La race serait socialement construite sur représentation sociale justifiant la domination des blancs sur noirs.
Identité revendiquée par soi + identité assignée => Il objective le racisme structurel aux USA

➢ The souls of Black folk la « double conscience » être noir ET américain, défini par le regard des
autres

≠ B.Washington, sur les moyens d’action pour la disparation du racisme. Washington promeut la stratégie
d’accommodement (patience) ≠ Du Bois pense que noirs doivent se soulever contre domination blanche.
Les sciences sociales permettent transformation de la société ; à cause de position sociale et raciale aux
USA, il est marginalisé dans son domaine universitaire → redécouvert dans les années 1960 au moment de
la revendication des droits des noirs.

B) L’école de Chicago : la ville comme laboratoire

Appellation qui recouvre 3 écoles de Chicago qui sont reliées par une unité thématique, des dynamiques
urbaines et des approches méthodologiques empiriques.
=> encore beaucoup de clivages intellectuels (ignorés par les chercheurs qui veulent en faire aujourd’hui un
seul courant de pensée). L’école regroupe le plus grand nombre de thèses sociologiques dans le pays.

→ L’école se développe dans courant social particulier : vague d’immigration, d’industrialisation, New deal,
développement État Providence…
→ objets d’étude en lien avec transformations socio-urbaines : la marginalité, la déviance, la ségrégation
ethnique, les discriminations, la criminalité…

1] Le socle commun : le recueil de données empiriques avec des méthodes nouvelles et une démarche
inductive attentive aux interprétations des acteurs

La socio est qualitative et empirique (ils pensent qu’on ne peut comprendre les faits sociaux que par leur
observation). Elle passe par 2 démarches :
• démarche inductive : formuler énoncés généraux à partir d’une observation singulière ≠ démarche
hypothético-déductive
• méthodes qualitatives: recherche de terrain, volonté d’assimilation par le terrain ; nouvelles
méthodes (entretiens individuels, les archives personnelles) + méthodes inspirées par
l’anthropologie
Ils étudient des cas particuliers : ghetto juif à Chicago, communautés italiennes à Boston…

Enquêtes de terrain : Nels Anderson, travail sur les Hobos de Chicago.


→ sans domicile fixe et naviguent de lieu de travail en lieu de travail (notamment dans la construction de
routes). C’est un phénomène très courant dans les années 20-30 aux USA.

2] Une attention prêtée aux interactions quotidiennes, les situations sociales et surtout l’interprétation
qu’en donnent (influence de Weber)
Les interactions sociales et surtout le sens qu’en donnent les acteurs sociaux (=leur interprétation) sont un
objet privilégié en sociologie :
• William L. Thomas pense que la sociologie doit se concentrer sur la définition de la situation et
comment les acteurs voient cette situation en question (il faut se focaliser sur les conditions de vie
et comment elles transforment les individus).
• Le théorème de Thomas énoncé par Robert Merton : « si des hommes définissent certaines
situations comme réelles, elles sont réelles dans leurs conséquences ». Merton explique que la
représentation que l’on se fait d’une situation contribue à construire cette situation.

3] « La ville comme laboratoire social » et le développement de l’écologie urbaine (Park, Burgess et


McKenzie)

R. Park donne une métaphore entre l’écologie humaine (=stade de développement des organismes
humains) et l’écologie urbaine (=stade de développement de la ville).

R. Park, Burgess et McKenzie étudient dynamiques sociales dans ville de Chicago car elle fait face à des
changements importants (= terrain idéal pour comprendre la transformation de la communauté américaine,
d’où « laboratoire ») :
• fort accroissement urbain
• En 1900, un habitant sur 2 n’est pas Américain + arrivée de populations noires
• Dév de la ville économiquement du fait de sa géographie : carrefour commercial important
• Transformations architecturales après l’incendie de 1971 : 1ers gratte-ciels et immeubles d’habitation
collective à Chicago

→ Ils établissent un ensemble de règles « l’ordre urbain » (desquels découlent la répartition et la


ségrégation de la population).
Ils considèrent que la ville s’organise autour de 2 principes :
• Concurrence : rivalité entre groupes pour l’occupation de l’espace
• Communication : comment les différents groupes communiquent entre eux.

→ Le modèle de Burgess établit des lectures spatiales et sociales des communautés et des quartiers
d’habitats (=dynamiques de peuplement). La ville américaine serait divisée en 5 aires humaines.

4] Un questionnement sur la « désorganisation sociale » et l’ « assimilation »

→ W.I Thomas et F. Znaniecki : The Polish Peasant in Europe and America (1918).
Ils s’appuient sur correspondances privées, récits de vie, rapports administratifs, coupures de presse
enquêtes de terrains. Ils cherchent à récolter des données sur des Polonais (paysans et immigrés), aux USA
pour contrecarrer théories racistes de l’époque supposant que des gens ne peuvent pas s’adapter à cause
de leur origine raciale, et analyser les conséquences de l’immigration
= interroger les transformations de l’ordre social par l’immigration, sur les conséquences de l’immigration
sur les modes d’organisation sociale ?

→ vision optimiste de l’acculturation ou de l’assimilation : après une phase de « désorganisation sociale »


les immigrés polonais s’engagent dans une phase de « réorganisation sociale ».

— Attitude «processus de conscience individuelle qui détermine activités réelles ou éventuelles de l’individu
dans le monde social » = contrepartie individuelle et subjective des valeurs sociales
— Organisation sociale : ensemble des conventions, attitudes, valeurs collectives qui l’emportent sur les
intérêts individuels.
— Désorganisation sociale : déclin influence des règles sociales et institutions sur les membres du groupe
— Phase de désorganisation sociale s’accompagne d’une réorganisation (période transitoire) :
communautés d’accueil, pratiques culturelles, vie de quartier seraient intermédiaire utile à la découverte du
nouveau milieu de vie = ciment de la formation d’un nouvel individu.
Combinaison structures sociales + penchants personnel. Thomas et Znaniecki insistent sur l’interaction des
facteurs.

Placés dans la même situation, individus réagiront différemment selon leur représentation de la situation.
=> 3 types sociaux (sous l’influence de Weber) immigrés polonais aux EU ; degrés ≠ d’adaptation :
1. Philistin : personnage rigide, conservateur pour lequel l’adaptation n’est pas optimale, car il reste
trop attaché au groupe et normes d’origines.
2. Bohème : intégration plus forte mais le processus reste inachevé
3. Créatif : l’adaptation est la plus réussie.

Processus de désorganisation se poursuivent :


- démoralisation : quand réorganisation sociale pas assez forte, désorganisation devient individuelle, déficit
de construction d’identité (vagabondage, criminalité etc.)
- intégration sociale : assimilation inéluctable sur le long terme

Questionnement identique chez Robert Park


Robert Park a beaucoup travaillé sur la ville comme écologie humaine. Il reprend le travail de Thomas et
Znaniecki et détermine « les cycles de relations entre les races ».

Ces cycles comportent 4 étapes : rivalité, conflit, adaptation et assimilation.

Park critiqué par Frazier et Brown :


• simpliste, culturaliste
• conservateur « laisser-faire » les dynamiques sociales
• optimisme contredit par les nombreuses émeutes, lynchages etc.
• cécité aux dimensions structurelles du racisme : éco + pol institutionnelles

Frazier : plutôt qu’une assimilation des populations Afro-Américaines, il y a l’idée d’une conscience de race
et d’un communautarisme (développement séparé des Noirs)
Brown pense que le conflit se cristallise, il n’est pas provisoire (=vision pessimiste).

→ W. F. Whyte apporte un contre-exemple à Park dans Street Corner Society : il travaille sur la
communauté italienne à Boston et rejette idée de désorganisation sociale => nouvelle organisation sociale.
2 modèles :
— “college boys” : minoritaires, vont vouloir suivre le modèle américain et gravir l’échelle sociale
— “corner boys” : majoritaires, vont rester en dehors du système, vivre d’activités illégales ou à la limite de
la légalité (vente de drogue, rackets), largement influencés par la bande (entité contraignante dont le chef
possède une notoriété importante et la capacité de redistribution).
Ces bandes de jeunes négocient avec la police et les autorités publiques. Whyte démontre qu’il existe toute
une organisation politique mise en œuvre, car les chefs de bandes se présentent comme portes paroles
d’une masse d’électeurs potentiels. Ils vont négocier avec les politiques pour pouvoir obtenir des
emplois. Tous les signes d’une désorganisation soulignent une organisation sociale particulière propre à
cette société qui fonctionne selon ses propres règles.

A RETENIR : énormes enquêtes empiriques, démarche inductive


sociologie de l’immigration, question autour de l’organisation et désorganisation sociale
enquêtes qualitatives
la ville comme laboratoire social « écologie humaine » parallèle entre ville et organismes vivants
sortir de cette vision d’organisation sociale car trop normative (Whyte), définition de la situation

Critiques :
→ notions bricolées, abstraction de théories
→ aveugles en analyse de classes sociales → ils vont plus loin
→ vision normative

C) L’école de Columbia : les « communautés » comme laboratoire

*culturalisme : courant né au sein de l’école de Columbia qui va se concentrer sur les cultures, les
communautés
Ce courant se rapproche de l’anthropologie et de la psychanalyse. Les chercheurs entendent par culture, les
croyances, coutumes, rites, et les modèles de comportements dans une société donnée (courant critiqué).

Nombreuses enquêtes menées : dans les zones rurales ou périurbaines des EU → les époux Lynd travaillent
sur la vie d’une communauté américaine blanche dans une ville moyenne.
Développement de « surveys » + création de centre de recherches (ex/ enquête sur les soldats américains
menée par Stouffer). Ce courant va impulser une entrée monographique de ce que sont les activités
sociales, économiques et culturelles. Son succès va nourrir d’autres enquêtes avec un versant quantitatif.
(=des centres de recherches sur le mode des instituts de sondages).

Paul Lazarsfeld est un chercheur très important de l’école de Columbia, étudie la distribution des votes.

L’école de Columbia se place en opposition avec l’école de Michigan sur l’explication du vote . Il explique que
« on est électoralement comme on est socialement » (ce qui compte c’est le milieu de résidence, la classe
sociale, la religion) ≠ idée d’un citoyen éclairé et intelligent, intéressé par le choix politique et l’idée selon
laquelle les médias sont au centre du choix politique.
Il tente de trouver les indices qui permettent de prévoir le vote des gens ⇒ sociologie pragmatique

Lazarsfeld : typique de cette période où sociologie est une ingénierie sociale qui coopère avec l’État : la
sociologie va devenir dépendante aux financements publics et privés. C’est une sorte d’entrepreneur en
sciences sociales, préoccupé par le maintien des contacts avec ses clients.
L’idée d’ingénierie sociale va permettre l’institutionnalisation rapide de la sociologie aux États-Unis.

Chapitre 1 - Le raisonnement sociologique

I – Les débats épistémologiques sur la nature scientifique de la sociologie

A) Définir ce qu’est une science

La critique selon laquelle la sociologie n’est pas une science (car théories seraient guidées par des passions
ou intérêts) apparaît dès la naissance de la discipline. Constamment attaquée pour savoir si c’est une
science ou pas, elle fait peur, donc il est plus facile de dire qu’elle n’est pas scientifique.

→ Karl Popper (philosophe, professeur maths et physique à Vienne) définit une science sur le critère de
réfutabilité, dans La Logique de la découverte scientifique (1990). L’objectif de ses travaux est de distinguer
la « science » de la « non-science ». Il s’attaque à l’histoire et à la psychologie dont il voit des dérives.

L’historicisme, on ne peut pas trouver de science et notamment dans le marxisme. On ne peut pas effectuer
le test de la réfutation, et la psychanalyse, ce n’est pas une science parce qu’elle trouve une explication en
elle-même. Les faits ne peuvent pas être vérifiés par l’expérience. Ce ne sont pas des sciences, il voit un
danger dans le développement de ces 2 mouvements .

Il définit un raisonnement, une méthode d’enquête.


→ Il utilise plusieurs critères pour justifier cela :
• Toute science provient de la déduction et non de l’induction. L’observation ne permet pas de
produire des lois générales. Il reproche aussi que l’observation peut être biaisée, subjective.

• Si on se fonde juste sur la vérification, on peut à coup sûr trouver un fait qui va vérifier une théorie
fantaisiste. Par conséquent, il promeut la démarche déductive :
— énonciation d’une théorie
— déduction des conséquences
— test empirique : expérience dans la vie réelle pour confirmer ou réfuter la théorie
Montre la réfutabilité ou la falsifiabilité : théorie est scientifique quand elle peut être contestée.

4 étapes qui fondent la science :


• la théorie doit être cohérente.
• (1) la théorie doit être logique.
• La comparaison à d’autres théories.
• (2) Les tests empiriques qui réfutent effectivement la théorie (=notion de falsifiabilité). De plus, les
éléments théoriques doivent être très précis. Il réfute un certain nombre de lois générales qui sont
trop vagues. Cette falsification doit être prouvée par l’expérimentation. Elle implique que les
théories qui ne peuvent pas être mises en défaut par l’expérience ne sont pas véritablement
scientifiques.
Taleb complète la théorie de Popper sur le principe de réfutation scientifique ex/ le cygne noir.
Il restaure l’incertitude dans la science. Il n’y a plus de science vraie. Une thèse est scientifique à partir du
moment où elle est réfutable. À un moment donné, on va trouver un fait qui contredit la théorie initiale :
statut de théorie n’est que provisoire.

Il développe ses propres critères de scientificité : cela pose pb :


— induction
— tests labos problématiques, expériences contrôlées difficile à mettre en œuvre dans monde réel
— reproduction de ces expériences difficiles
— interdit la comparaison entre sociétés, des périodes historiques

Rejet de la psychanalyse et de l’historicisme par Popper :


ex/ le thérapeute nie la justification du patient : raisonnement d’autojustification qui va à l’encontre des
critères de scientificité avec le déni de parole du patient
L’histoire n’est pas une science et même un danger politique car les projets politiques s’en remettent aux
lois de l’histoire théologique, cette interprétation théologique attribue un statut à l’histoire, scientisme
prophétique
*scientisme prophétique : connaissance historique est grille de lecture des phénomènes sociaux.

Pour lui, les sciences naturelles sont un modèle, hiérarchisation entre les sciences :
(1) sciences formelles
(2) sciences naturelles
(3) sciences sociales. Tout est vrai provisoirement, tant que ça n’a pas été réfuté. Est scientifique ce qui
peut être contesté.
La sociologie peut être une science si elle revoit sa construction théorique et conceptuelle et développe les
tests empiriques.

Méthode : Il faut s’appuyer sur des conjectures (hypothèses). Il invite à multiplier les expérimentations de
plus en plus précises, pour que le modèle résistent de mieux en mieux.

Critiques faites à Popper


Thomas Kuhn, différencie la science normale de la science révolutionnaire. Pour lui, la science procède par
renouvellement de paradigmes, par révolutions : une théorie n’est pas abolie quand elle est contredite mais
remplacée :résistance, coexistence

*paradigme : ensemble cohérent d’hypothèses qui constitue un tout et qui offre au scientifique un point de
vue sur les phénomènes qu’il étudie. En général, deux paradigmes sont incompatibles entre eux. Ce concept
renvoie donc, à la fois, à un aspect cognitif et à un aspect social.
ex/ la révolution copernicienne (géocentrisme ≠ héliocentrisme)

Pour lui, Popper n’a pas vu la dimension collective, sociale et politique de la science car il disait qu’il y a
statut de science quand il y a réfutation.

Bruno Latour : sociologie des sciences


*Approche constructiviste : démarche qui tend à mettre l'accent sur les mécanismes par lesquels la réalité
sociale en vient à prendre forme.
La réalité ne préexiste jamais à l'observation et que l'observateur, par sa simple présence, agit sur le
phénomène étudié.
La 2e objection à Popper : acquis historiques : Copernic ne disposait pas de tous les outils de calcul
suffisamment précis pour affirmer avec certitude le positionnement des planètes qui gravitent autour du
soleil, pourtant avancée scientifique considérable

B) La sociologie, une science pas comme les autres

→ Jean Claude Passeron : Le propre des sciences sociales et de la sociologie n’est pas de produire des lois
universelles intemporelles. Pas de vérité absolue, pas de loi.

La sociologie se tient à mis chemin entre 2 pôles:


1. le récit historique : description des faits, raconter ce qui s’est passé
2. le raisonnement expérimental : mettre en relation différentes variables (modèle de Durkheim)

La sociologie doit reconnaître sa filiation avec l’histoire, pour autant elle ne se contente pas de restituer ce
que disent les personnes interrogées. C’est toujours accompagné d’une enquête sociologique.

Les modes de raisonnement des sciences formelles ou naturelles ne sont pas forcément applicables aux
sciences sociales : Kuhn s’inspire des travaux de Kant : les sciences sociales s’inscrivent dans un espace
assertorique (=action d’affirmer). Il n’y a pas de vérités absolues ou des lois universelles intemporelles, ce
n’est pas le but → La sociologie n’a pas pour but de remplir les critères de Popper.

Pour Norbert Élias : à force de chercher la méthode scientifique, on oublie la spécificité de la sociologie qui
est l’épaisseur du social. Cette caractéristique est à la fois empirique et théorique
=> Spécificité de l’objet sociologique
=> Sciences sociales à la fois théoriques et empiriques

II- Principes de vigilance épistémologiques

A)« Le fait scientifique est conquis, construit, constaté » (Bachelard)

D’après Gaston Bachelard : « le fait scientifique est conquis, construit, constaté contre le savoir immédiat et
le sens commun (les prénotions) ». La démarche est scientifique à partir du moment où elle se livre à une
réflexion critique. Tout le monde ne peut pas se revendiquer sociologue.

⇒ Conquis : rupture avec ce qui relève des préjugés, il faut se distancier des idées communes et opérer un
processus de déconstruction.
Durkheim→ prénotions (stéréotypes)
Weber→ la neutralité axiologique : se défaire des jugements de valeurs

⇒ Construit : toute connaissance est une réponse à une question, la question est construite par le
sociologue. Les données sociologiques sont toujours construites car n’existent pas à l’état brut
Cette idée de construction procède par 2 opérations :
1) Il faut définir l’objet : chaque sociologue pourra définir ce qui va être son objet de recherche.
2) Il faut découper et déconstruire le réel : il faut être précis dans les définitions

⇒ Constaté : phase observation, voir si hypothèses se vérifient (démarche hypothético-déductive).


• Ex/ travaux de Rémi Lenoir : comment la question des personnes âgées a-t-elle émergée ?

⇒ Traduction par Bourdieu, Chamboredon (1968) en 3 étapes : rupture, construction, constatation

B) Objectiver l’objectivisation (Bourdieu) : faire la sociologie de la sociologie et du sociologue

Grand apport des travaux de Bourdieu : rappeler qu’en tant que sociologue, on n’est jamais neutre =
représentations qu’on a du monde impactent recherches et déroulement de l’enquête.
Pour faire de la bonne science, il faut se questionner sur la façon dont ont été recueillies les données.
Pour s’en prémunir, le sociologue a besoin de réflexivité et de socio-analyse : il doit s’inclure comme propre
objet de son étude → s’interroger sur son rapport à l’objet, afin d’inclure ses croyances dans l’étude et ainsi
espérer les neutraliser (« neutraliser les biais »).

→ 3 niveaux de questionnements :
• Auto-analyse : Pourquoi j’ai choisi ce sujet ?Quelle est ma distance ou proximité à l’objet ?
• Analyse de sa position scientifique
• Analyse de la situation d’enquête à proprement parler : que produit ma présence sur le terrain
d’enquête ? Comment j’agis et comment ça détermine interactions avec enquêtés ?

De plus, la sociologie s’est construite sur le terrain européen et donc n’est pas totalement objective →
questionner le contexte social/ historique. Elles ne sont pas applicables universellement.

Charles Tilly étudie revendications sociales, avec révoltes autour du prix du blé au 17e siècle. Donc très liées
aux conditions de vie quotidienne. Elles visaient les notables, assez violentes et prenaient place aux
moments de fêtes populaires. Pourtant, avec le temps, revendications ont changé.
→ Il y a 3 critères pour définir un mouvement de revendications sociales aujourd'hui :
• mobilisation collective qui s’adresse à l’État.
• Contestation et opposition entre différents groupes.
• Rapport conflictuel.

III – L’enquête sociologique

Bachelard déclare : « l’esprit scientifique se constitue sur un ensemble d’erreurs rectifiées ».

• 1. Question de départ.
• 2. Exploration
• 3. Problématique : formulée sur des sujets sociaux contemporains. Il faut ensuite tester un certain
nombre d’idées pour arriver à la formulation d’une problématique sociologique.
• 4. Formulation d’hypothèses, choix des méthodes, planification de l’enquête
• 5. Recueil de données (archives/ terrain)
• 6. Analyse-interprétation
• 7. Conclusion
2 objectifs : production données empiriques, connaissances théoriques, conceptuelles ⇒ processus itératif
3 étapes : réflexion théorique/Q de recherche ; enquête/récolte de données ; analyse
La démarche scientifique procède par erreurs, par tâtonnements.

Chapitre 2 : Les méthodes sociologiques

*méthode : procédé d’investigation qui vise à produire des données, quantitatives comme qualitatives.

Démarche d’opérationnalisation (=comment traduire concrètement théories ou concepts ?) passe par des
instruments, des indicateurs.

Méthodes quantitatives Méthodes qualitatives


OBJECTIF = produire données chiffrées, Focalisation sur nombre plus réduit de cas. Produire
mesurables, les plus vérifiables possible. Les données empiriques textuelles, discursives ou
sociologues ont recours aux statistiques. iconographiques.

Mélange de méthodes quantitatives et qualitatives. Selon la question que l’on se pose on peut choisir une
méthode plutôt que l’autre. Dans l’idéal, il ne faut pas hiérarchiser les méthodes.

I. Les méthodes quantitatives

Il existe plusieurs points pour produire des données quantitatives :


(1) Données standardisées (ex/ CSP), même questionnaire à plein de personnes, toutes les réponses
sont traitées de la même manière
(2) Méthodes statistiques pour produire données chiffrées. Il existe aussi données qualitatives
transformées en données chiffrées (ex/ opinions politiques, vote).
(3) Technique privilégiée : le questionnaire.
(4) Plusieurs objectifs : quantifier, classer priorités sociales ; identifier variations ou régularités ;
comparer variations entre groupes ; saisir leurs relations ET expliquer principes de ces variations,
nature de leur lien ; identifier groupes « typiques » ayant pratiques ou caractéristiques homogènes.
(5) Pas de faits bruts, ou données brutes en sociologie ex/ fréquenter 3x par mois le cinéma

A) Faire des statistiques produites par d’autres : les données de registres

*données de registre : données issues d’un enregistrement administratif

ex/ l’état civil ⇒ Données de registre en développement grâce à l’Open Data.


Ex /chiffres du chômage = ne sont souvent pas les mêmes chiffres publiés dans tous les organismes. Leur
exactitude fait débat.
→ 2 institutions les calculent avec 2 méthodes différentes en France : Pôle Emploi et l’Insee.
• Pôle Emploi : recense demandeurs d’emploi inscrits et les offres d’emploi collectées ⇒ DEFM. La
méthode de Pôle Emploi exclut ceux qui ne seraient pas inscrits.
• Insee : PSERE (Population Sans Emploi et à la Recherche d’un Emploi) en appliquant conditions du
BIT, il exclut aussi les formes de travail partiel. Mais méthode + large car Pôle Emploi a un rôle de
recensement administratif et politique alors que BIT cherche des comparaisons entre différents
pays.
2 logiques de mesure critiquées car ne tiendraient pas suffisamment compte destruction d’emplois. L’Insee
et Pôle Emploi n’obtiennent pas les mêmes taux ⇒ q° de la façon dont ces chiffres ont été produits et leurs
enjeux. Chiffres ne sont pas neutres et cela doit être pris en compte.

B) « L’opinion publique n’existe pas » (Bourdieu)

L’IFOP (l’Institution française d’opinion publique) créée en 1938


=> l’opinion publique prend de l’importance + élection du président se fait au suffrage direct
=> début de la bipolarisation de la vie politique française.

Production médiatique de l’opinion publique. Bourdieu critique 3 postulats des instituts de sondage :
• Tout individu a une opinion : tout enquêté possède une opinion sur la question qu’on lui pose, de
plus certains sont plus incités à donner leur avis que les autres
→ MAIS taux de non-réponse montre que tout le monde n’a pas une opinion. Aussi la question de la
légitimité et de la compétence (Daniel Gaxie Le cens caché) à prononcer une opinion politique.
• Toutes les opinions se valent : toutes les réponses émises sont des opinions équivalentes. À la
différence des sondeurs, les sociologues s’appliquent à creuser les variables.
• Accord sur les questions qui méritent d’être posées : élite impose ses problématiques, les instituts
de sondage ont un rôle central dans la production d’une représentation de ce qu’est l’opinion
publique.

Conditions recueil et fabriques sondages d’opinion : travail de petite main, délégué à des personnes. On
peut améliorer sondages en demandant aux gens s’ils ont opinion sur le sujet et s’ils savent qu’ils vont
changer d’opinion.

C) Produire ses propres données : l’enquête par questionnaires

1] 2 techniques d’échantillonnage

Méthode aléatoire ou probabiliste : choix des personnes au hasard parmi une liste exhaustive de la
population
• Aléatoire simple : éléments choisis aléatoirement, mais il faut des listes fiables, une règle
• Aléatoire stratifié : données plus précises, représentativité est meilleure, on cherche à comparer des
sous-groupes. Population découpée en strates représentant certaines de ses caractéristiques.
• Grappes : individus regroupés en grappes homogènes, sélectionner aléatoirement toute la grappe.

Méthode empirique ou non-probabiliste : pas de liste précise de la pop sur laquelle on veut enquêter.
• échantillons réalisés par quotas.
• échantillon volontaire ou spontané : personnes répondent à une annonce. Souvent personnes
disponibles, ou qui ont un sentiment de compétence forment l’échantillon.
Un Panel (P. Lazarsfeld) consiste à interroger un même échantillon à différentes reprises.

→ Question représentativité : échantillon est représentatif quand il possède la même structure que la
population de référence.
• échantillons probabilistes, si répartition des caractéristiques identique dans population et dans
l’échantillon
• échantillons non-probabilistes jamais représentatifs. Il faut les redresser (coefficients de
redressement) → pondérer les individus pour respecter le poids de chacune des sous-populations.

→ Sondages d’opinions politiques ou intentions de vote ne sont représentatifs d’une population qu’au sens
d’une série de critères comme le souligne O. Martin.

→ Que valent les informations issues d’un échantillon ? Toujours une marge d’erreur et d’incertitude.
*Inférence : opération logique par laquelle on admet une proposition en vertu de sa liaison avec d'autres
propositions déjà tenues pour vraies

2] La construction et la collecte de données

• Construction comprend opérationnalisation et conception des questions :


→ Opérationnalisation : Comment transformer ma problématique de recherches en sous-questions ? Il
s’agit de chercher des indicateurs (ex : le niveau de revenu, le niveau de diplôme).
→ La conception des questions : q° fermée (choix de réponses) ou q° ouverte (l’interrogé avec ses mots) ?
→ 2 risques pour les questions ouvertes : risque de déperdition et perte de qualité.
*perte de qualité : sociologue doit changer mots de l’enquêté pour coder logiciel et obtenir valeurs
numériques. Risque: réponses pas purement les mêmes mais sociologue les range dans la même catégorie.
*risque de déperdition : réponses vagues/contradictoires/lapidaires.

Question de faits ou d’opinions ?


Pour l’opinion, questions concernent représentations, pratiques, croyances. On peut avoir une recherche de
réponses qualitatives. On préfère poser des questions de fait (plus rassurantes)

La désirabilité sociale
ex1/ femme de ménage = idée de se valoriser, cacher aspects dévalorisant de son statut, de ses pratiques.
Ex2/ Si vous votez aux extrêmes, il est plus difficile de l’avouer.
• Termes doivent être accessibles, compréhensibles pour tous
• Termes employés ne doivent pas favoriser une réponse : éviter effet de suggestion, d’imposition de
problématique.
• Réponses doivent être équilibrées : du « très satisfait » au « pas du tout satisfait ».
• Contrecarrer le biais d’acquiescement : éviter les oui/non.
• Travailler ordre des questions : enquêtés évitent de se déjuger au cours de l’enquête et se sentent
implicitement tenus par les premières réponses fournies : effet de halo

L’administration des questionnaires peut passer par 2 formes de passation :


• questionnaires administrés : l’enquêteur lit les questions et coche vos réponses. Sentiment de gêne,
si les questions portent sur les revenus/les pratiques sexuelles…
• questionnaires auto-administrés : questionnaire envoyé. Avantages : plus flexible pour l’enquêté.
Mais le taux de non participation est plus fort, le taux de non réponse aussi

Le sentiment d’incompétence est lié au refus délibéré de réponse. L’enjeu concerne le lieu de passation : on
ne répond pas pareil chez soi ou dans la rue.

C) Analyser des données quantitatives

1]Concevoir des variables

Variables quantitatives : grandeurs quantifiables, mesurables à l’aide d’1 unité. ex/âge en années
Variables qualitatives : reflètent des « qualités » : pratiques, opinions, représentations, attitudes… ex/ être
de gauche, au chômage

Une variable peut comporter plusieurs modalités. Ex/variable sexe = homme/femme. Les variables sont
construites, mais aujourd’hui, il y a aussi la case « non binaire ».

2] Analyser des variables et leurs liens

→ 1 : analyse uni-variée : variable qu’on analyse sans tenir compte des autres ⇒ tri à plat
→ 2 : analyse bi-variée ou multivariée : corrélations entre 2 ou plusieurs variables

Il faut regarder l’influence qu’ont les variables les unes sur les autres
• Variables dépendantes : ce sont les variables qu’on cherche à expliquer
• Variables indépendantes : les variables explicatives

Dans les conventions sociologiques, on va chercher aux variables indépendantes (sexe, âge), une influence
qui explique les variables dépendantes (pratiques consommation, pratiques culturelles).
Paul Clerc « La famille et l’orientation scolaire au niveau de la sixième »

II- Les méthodes qualitatives


Les méthodes qualitatives se sont définies contre la quantophrénie (traduire phénomènes sociaux en
phénomènes mathématiques). Les méthodes qualitatives sont + disposées à étudier les pratiques, les
interactions sociales. Terrain d’enquête = entretiens et l’observation.

A) L’entretien : définitions et démarche

1] Ce qui différencie l’entretien du questionnaire

1. Parole de l’enquêté plus libre : authenticité de la parole.


2. Échantillons sont plus petits : technique « boule de neige » : les 1res personnes enquêtées
fournissent les contacts au sociologue, ce qui comporte des biais mais permet de constituer des
réseaux ou des cartographies mentales.
3. Plus approfondis, plus longs : création d’une relation avec les enquêtés.
4. Objet d’étude différent : au plus près de l’expérience des enquêtés + comprendre sa perception
d’une situation donnée ⇒ décomposer, reconstituer processus (« ficelle » de Becker )

2] Les types d’entretien

3 critères importants avec la question de la directivité :

→ entretien directif/structuré : « grille d’entretien ». Les entretiens se rapprochent des questionnaires.


→ entretien semi-directif: grille de questions avec marge de manœuvre.
→ entretien libre (non-directif) : question libre à l’enquêté, on étudie son cheminement de pensée
→ récits de vie : histoire orale, présents dans travaux de l’école de Chicago. Regarder les « cycles de vie ».
La méthode de l’entretien est beaucoup utilisée dans la sociologie du militantisme par des politistes français
comme J. Siméant et O. Fillieule avec notion de carrière : comment on entre dans le militantisme (1re
phase), comment on y reste (2e phase) et comment on le quitte (3e phase).

→ J. Siméant travaille sur les humanitaires dans les ONG et observe certaines régularités : profils scolaires
moyens, connexion précoce à l’international, profession parents, héros dans famille, militantisme dépolitisé
→ Point de basculement chez les humanitaires :
• Réseaux d’interconnaissances : on passe à l’humanitaire car on connaissait un humanitaire.
• Disponibilité de l’engagement
→ Pourquoi reste-t-on ? (Gaxie) : satisfactions matérielles ou symboliques qui fait qu’on reste engagé.

Bourdieu et « l’illusion biographique » : les récits de vie ne permettraient pas d’accéder aux cycles de vie
parce qu’on isole l’individu de la matrice des relations sociales.

Individuels Collectifs
parole moins contrainte mais face-à-face peut être plus faciles car forme de discussion. Comment
intimidant→ interaction enquêté-enquêtant. enquêtés interagissent entre eux. Pensée résulte
d’un processus de construction via la parole, dans un
contexte social collectif et contradictoire
→ « Focus groups » dans Talking Politics (Gamson) Les classes populaires sont-elles réellement plus
dépendantes des médias ?
Les enquêtés s’appuient sur 3 types de ressources : expérience vécue, bon sens populaire et discours des
médias. Le discours des médias peut être critiqué dans certains cas car vont se référer à d’autres éléments,
ce qui montre que les classes populaires ne sont donc pas « idiotes » ou « passives ». Gamson constate
que « working class » suivent actualité, ne se distancient pas des enjeux politiques importants.

L’entretien doit-il être enregistré ?


Le principe de base est d’enregistrer les entretiens après accord de l’enquêté. Parfsois, enregistrement pas
possible. Mise en place de micros cachés dans milieux très fermés (=q° éthiques, déontologiques). On peut
retranscrire dans carnet pendant ou à posteriori ce qui est dit par l’enquêté ⚠ déperdition de l’information.

3] Les étapes de réalisation d’un entretien


1. Préparation grille d’entretien : trouver max d’infos possible sur les personnes pour éviter questions
factuelles ou malvenues, éviter de poser des questions personnelles au début et effet de halo.
2. Prise de contact et demande d’entretien : présentation de soi et de son enquête + négocier le cadre
de l’entretien.
3. Réalisation de l’entretien « improvisation réglée » Bourdieu : on ne peut pas tout prévoir
4. La transcription de l’entretien demande un très gros travail.
5. L’analyse :
• Qu’est-ce qu’il me dit des choses dont il parle ? (=dimension référentielle, contenu du
discours)
• Qu’est-ce qu’il me dit de ce qu’il en pense ? (=dimension modale, la manière dont
l’individu met en forme son récit)
• Qu’est-ce qu’il me dit de ce qu’il cherche à accomplir comme acte à mon égard ?
(=dimension illocutoire, ce qui entoure l’interaction, on doit noter le décor,
l’habillement, les agissements etc.)
⇒ Analyser l’entretien comme une situation sociale.
6. La fin de l’enquête : On doit s’arrêter à saturation
→ L’entretien suit donc plusieurs règles méthodologiques et implique la réflexivité du chercheur.

B) L’entretien comme relation sociale à analyser

L’entretien est dynamique, relationnel, impersonnel. La relation d’enquête est une relation sociale
(=refléxivité déterminante)
Contexte de l’entretien : comment l’enquêté est habillé, il se comporte. Oublier l’idée qu’il y aurait
entretiens « réussis » et entretiens qui « échouent ». Pas de « bon entretien » !
Pour Bourdieu : exercice de retour sur soi, comprendre la part du sociologue dans l’enquête

Les entretiens qui dérapent

Michel Pialoux : domicile d’un couple d’ouvriers. L’homme est chef d’équipe et la femme, ouvrière. Le mari
est obligé de partir et Pialoux commence une discussion avec l’épouse restée au domicile ⇒ discours très
différent du mari. Quand le mari revient, l’entretien prend la forme d’un entretien collectif. Les époux
rentrent dans une controverse, donnent 2 témoignages ≠ et révèle tensions dans la division du travail. On
sort du discours convenu du mari et on décèle contradiction avec position d’ouvrière de son épouse,
comment ils vivent différemment modernisation des techniques de travail.

Comment faire quand le terrain est fermé ou bloqué ?

• Gérard Mauger : stratégie d’intimidation du sociologue avec des menaces physiques et des insultes
peut être mise en place. Ne pas se mettre dans une situation inconfortable pour l’enquêté afin de
préserver espace intime qui serait dernier refuge ⇒ négociation des conditions de l’entretien.

• Difficultés aussi à travailler avec élites : Muriel Darmon rencontre psychiatres⇒ refus de terrain
• Pinçon-Charlot ont travaillé sur les pratiques de la grande bourgeoisie et l’aristocratie avec extraits
sur les dîners mondains...dont ils n’ont pas les codes, l’hexis.
On peut aussi essayer de trouver un allié, un informateur pour accéder au terrain comme l’observation.

C) L’observation
*observation : mode de recueil de données qui suppose une participation plus ou moins intense du
sociologue à la situation qu’il enquête.

2e grande méthode qualitative : s’immerger dans le quotidien des enquêtés, le sociologue doit se faire
oublier en se faisant accepter comme partie intégrante du paysage.
Particularité de l’observation directe = aucune autre méthode permet de saisir scènes quotidiennes,
relations entre acteurs enquêtés ⇒ repérer les normes trop normalisées.
L’idée est alors d’accéder à des choses cachées dont les acteurs n’ont pas conscience eux-mêmes et des
données que les enquêtés pourraient juger indignes d’être communiqué.

→ Règle fondamentale : le sociologue doit réfléchir aux effets que produit sa présence

1] Une méthode empruntée à l’ethnologie et l’anthropologie

Les sociologues se sont intéressés à l’observation et se sont inspirés en particulier du travail pionnier sur
l’enquête de terrain de B.Malinowski ⇒ observation participante = branche de l’observation directe

→ Il a rompu avec la tradition anthropologique. Malinowski a entrepris 3 longs voyages, à l’origine de son
ouvrage le plus connu : Les Argonautes du Pacifique Occidental (1922). Il estime qu’une culture ne peut
s’étudier qu’à partir du moment où l’enquêteur se mêle à cette culture. Cela doit donc passer par un travail
d’ethnographe (travail d’observation très détaillé) ⇒ journal de bord aide à construire l’analyse.

→ Malinowski = 1er à considérer que l’on ne peut pas faire l’anthropologie des populations sans aller sur
place. Aucun entretien ou questionnaire est suffisant pour restituer l’« l’épaisseur du social »
→ 2e apport du terrain : contact avec enquêtés est meilleur moyen de se débarrasser des préjugés.

Clifford Geertz est à l’origine de la « description dense » : prendre en compte point de vue de différents
acteurs. L’ethnologue est un observateur qui ne peut qu'essayer « de lire par-dessus l'épaule » de la
population étudiée. Il a constitué pour toute une génération d’anthropologues un manifeste de
l’anthropologie « interprétative » et un tournant critique majeur pour la discipline.

Débat sur l’ethnographie : Pour Geertz, c’est un métier. Or, les sociologues l’utilisent comme une méthode.
C’est l’École de Chicago qui va transférer cette méthode d’observation participante dans la boite à outils des
sociologues. Il faut attendre années 1990 en France, pour que la méthode se généralise.

2] Les types d’observation et leurs enjeux

• l’observation directe/indirecte
observation indirecte : travailler sur documents non produits par le chercheur (sources secondaires)
observation directe : présent au moment des événements, engagement physique du chercheur sur place ;
elle est l’outil phare du sociologue (si bien qu’on ne précise même plus directe).

• l’observation participante/non-participante. Quel est le degré d’implication du chercheur ?


⇒ observation non-participante : strict rôle d’observateur extérieur qui n’intervient pas.
⇒ observation participante : sociologue, membre actif de la scène observée, en étant partie prenante.

antPierre Bourdieu parle « d’objectivation participante » : insister sur le fait que le sociologue est pris dans
sa propre étude. Le sociologue doit questionner ses propres croyances + effets de sa présence

→ Olivier Schwartz sur la culture du pauvre = idée d’objectivation de l’observateur.


Terrains plus ouverts que d’autres : l’enjeu est dans la négociation de l’entrée sur le terrain et du maintien
sur ce terrain
Stratégies pour se faire accepter : présentation de soi, hexis corporel, s’associer à un « informateur
privilégié » qui connaît le milieu et fait le lien entre l’enquêteur et l’enquêté…ex/ travaux de Pinçon-Charlot
• l’observation par dépaysement/par distanciation selon Stéphane Beaud et Florence Weber
⇒ dépaysement : enquêter un milieu dont on n’est pas familier de l’objet d’étude.
Martina Avanza sur la Ligue du Nord en Italie et Daniel Bizeul sur le FN en France.
⇒ distanciation : enquêter sur un milieu familier, on est nous-même né de ce milieu. Il faut prendre des
distances, et dénaturaliser un ensemble de normes/pratiques qui semblent aller de soi.
Beaucoup de travaux sur les milieux populaires, comme celui de Nicolas Renahy avec « Les gars du coin »
⚠Selon degré d’implication adopté : risque pour anthropologue français que Olivier de Sardan nomme
« l’encliquage » : idée d’être associé/absorbé au réseau étudié ⇒ emprise du terrain sur l’enquêteur.

• l’observation incognito/à découvert


⇒ à découvert : vous vous déclarez sociologue, enjeux de l’étude présentés + consentement des enquêtés.
⇒ incognito : de manière cachée.
Ex/ Laud Humphreys Le commerce des pissotières: il refuse les « thérapies de conversion » et va mener
l’enquête incognito sur relations sexuelles entre hommes dans les toilettes publiques.
⇒ guetteur (pendant que 2 hommes ont une relation, son rôle est d’avertir en cas de problème)
⇒ voyeur (regarde les pratiques sexuelles ayant lieu) + grille d’observations (tenues, horaires, âge…).
Il va aussi relever les plaques d’immatriculation des enquêtés et fait passer des questionnaires à ces
personnes concernant leurs avis sur différents sujets sociaux.
Relations entre hommes doivent être étudiés en terme de rôle. Ex/ majorité sont hommes mariés
Il établit typologie et identifie 4 grands portraits types :
• « mâles » : personnes mariées, ouvriers, catho qui ne se revendiquent pas une identité gay
• « bisexuels » : mariés, emplois à responsabilités
• « gays » : célibataire et revendiquant une identité gay
• « folles de pissotière » : catho/célibataires ciblant des hommes plus jeunes qu’eux.

Selon Humphreys, les « mâles » sont ceux qui nient le plus leurs pratiques et s’engagent dans « course aux
armements moraux »
Polémique de l’enquête : Humphreys explique qu’il n’a pas omis son statut pour nuire mais pour ne pas
perturber le déroulement de l’enquête. Il a préservé l’anonymat des enquêtés. Question d’éthique ?

• l’observation structurée/ou non


⇒ structurée : rédaction en suivant une « grille d’observation ». systématiser ses objectifs et peut s’adapter
au cours de l’enquête → 2 enjeux fondamentaux : les choix opérés et la rigueur.
Il est aussi important de faire varier les situations et les scènes d’observations. F. Weber fait remarquer ce
que devient le collègue jovial en dehors de son lieu de travail ?

Les étapes de l’observation directe :


1. Le choix du terrain
2. L’entrée dans le milieu (négociations)
3. Les rôles occupés par les acteurs observés
4. Les conditions d’observation
5. La prise de notes
6. La découverte du schéma principal (ce que j’ai appris)
7. Relation avec communauté étudiée après publication ouvrage « restitution résultats de l’enquête »
D) Remarques conclusives sur l’analyse des données empiriques et les risques de surinterprétation

Olivier de Sardan identifie 5 cas de surinterprétation :


1. La réduction à un facteur unique : rabattre toute l’analyse à 1 seul fait.
2. Obsession de cohérence : être tenté de gommer aspérités pour produire modèle explicatif unique.
3. L’inadéquation significative : attribuer sens particulier à gestes/pratiques qui n’ont pas ces
motivations → décalage entre sens donné par chercheur et sens vécu par acteurs.
4. La généralisation abusive : on généralise malgré trop peu d’informations.
5. Le « coup du sens caché » : chercheur cherche à dévoiler sens caché de qqch pour faire le « buzz »

Face à ces biais, quels sont les garde-fous ? Comment les éviter ?
— vérifier les données.
— construction d’un groupe social témoin
— ne pas chercher à cacher l’imperfection de la méthode (aucune n’est parfaite).
— itération (fait de répéter) et l’interprétation : l’idée d’aller-retour entre le terrain et les théories.

Conclusion : Il faut sortir du fétichisme des méthodes, chaque méthode a ses objectifs, permet des choses
et fait obstacles à d’autres. Il faut choisir les méthodes en fonction des questions que l’on se pose.
Comment recueillir le mieux des données ?

Les grands courants contemporains

Introduction : la sociologie après 1945 : institutionnalisation, internalisation, diversification

A) Institutionnalisation

La sociologie lutte pour être reconnue comme discipline au 19e,reconnue surtout après années 1960.

• En France
Les chaires de sociologie sont supprimées par le régime de Vichy en tant que science subversive socialiste.
Les sociologues ont des trajectoires différentes :
• M. Bonnafous et M. Déat participent au gvt de Vichy
• Friedmann entre dans la clandestinité
• Raymond Aron s’exile à Londres.
Seul Maurice Halbwachs poursuit son activité, arrêté en 1944 et déporté à Buchenwald. Beaucoup de décès
de sociologues = Fin école durkheimienne 🡪 sociologie française à reconstruire après 2GM

— 1946 : Institut national de la statistique et des études économiques (INSEE). Stœtzel réanime l’IFOP.

Aucune figure ne s’impose, seulement initiatives individuelles. L’influence du marxisme ne favorise pas la
sociologie, il domine toute la production intellectuelle.

B) Internationalisation

Il faut noter rôle actif de fondations internationales comme l’UNESCO ou fondations philanthropiques
américaines. La sociologie américaine domine, car n’a pas connu la guerre et influence sociologie française.

Nombreuses initiatives dans les pays du tiers-monde dans les années 1960.

C) Diversification

Des méthodes, des paradigmes, développement de différents courants dans les années 1970 . Dû au
contexte : société de consommation, société post-industrielle (chocs pétroliers) au niveau économique, du
point de vue social et politique Mai 1968, anti-guerre du Vietnam, tiers-mondisme, Civil Right
Mouvement 🡪 La socio essaie de penser ces transformations.
Renouveau de courants et effervescence comme 6 grilles de lecture dont :
• Le fonctionnalisme
• L’interactionnisme aux USA avec H. Becker Hoffman
• Le structuralisme constructiviste (ou génétique) de P. Bourdieu
Mais la sociologie apparaît alors fragmentée avec diverses méthodes et courants.
D) Spécialisation

Développement de sous-champs : travail, art, famille, Etat

Chapitre 1 : Les Sociologies américaines

I — Les Fonctionnalismes

Fonctionnalisme = terme inventé par l’anthropologue Bronislaw Malinowski. Il se développe en sociologie


dans les 50’s grâce aux travaux de Talcott Parsons et Robert K. Merton.
Courant qui a dominé la sociologie américaine pendant 20/30 ans. Merton a rendu ce courant + empirique,
courant avec grille de lecture.

*fonctionnalisme : les faits sociaux en particulier les actions sociales sont appréhendées selon la fonction
qu’ils remplissent dans un système plus global → courant holiste

3 grands principes :
1. Société/institution est un système intégré d’éléments interdépendants dans une logique globale
2. Chacun de ces éléments assume une fonction qui contribue au maintien du système
3. Un système social qui fonctionne, se maintient

3 étapes, ou 3 déclinaisons :
• Le fonctionnalisme absolu (Bronislaw Malinowski, Alfred R. Radcliffe Brown)
• Le structuro fonctionnalisme (Talcott Parsons)
• L’analyse fonctionnelle ou le fonctionnalisme « de moyenne portée » (Robert K. Merton)

A) Le Fonctionnalisme absolu des anthropologues Bronislaw Malinoswski et Alfred Radcliffe Brown

Pour Malinowski, les institutions sociales (Etat, famille, école) se perpétuent que parce qu’elles répondent à
des besoins (et maintiennent l’ordre social)
 La culture est un tout indivisible, soit un ensemble cohérent et unifié
 La société est composée d’institutions qui ont pour fonction de satisfaire des besoins :
o Besoins primaires (ex. Manger)
o Besoins dérivés ou culturels (actions politiques, économiques, artistiques)

⇒ La société est envisagée comme un ensemble cohérent, stable, dont chaque élément remplit une
fonction particulière qui est utile à l’équilibre global ⇒ vision organiciste typique du 19e siècle.
Ils ne sont pas étudiés en eux-mêmes mais plutôt la fonction qu’ils remplissent pour le système global.

Il formule 3 postulats :
• Unité fonctionnelle : tout élément est fonctionnel pour le système social tout entier. (=harmonie)
• Fonctionnalisme universel : chaque élément remplit une fct dans le syst. Chacun de ces éléments a
des fonctions adaptatives donc positives, guidées par survie du système
• Nécessité : chaque élément est indispensable au système

Radcliffe nuance ces postulats, pour lui, le postulat le plus important est celui de l’unité fonctionnelle :
Tout élément du système ne remplit pas nécessairement une fonction et des éléments identiques peuvent
remplir une fonction différente.

B) Le structuro-fonctionnalisme : Talcott Parsons

Talcott Parsons (1902-1979) considère que fonctionnalisme est une sociologie conceptuelle. Il revendique
dans « The Social System » une théorie générale de l’action sociale, sans empirisme contre Chicago
1] Une sociologie de l’action sociale

Parsons a été très influencé par Max Weber et prend pour objet d’étude l’action sociale. Comment se
maintient un système social ? Cette sociologie est tournée vers la question de l’intégration, l’ordre, stabilité
d’une société.
Parsons propose une théorie générale de l’action pour expliquer tous les comportements sociaux. Il conçoit
l’action sociale comme un système. L’action ne dépend pas d’un individu mais d’un système large.

Les acteurs ne sont pas uniquement déterminés par des intérêts égoistes et le système ne tient pas par la
soumission à la loi. Les valeurs sont intériorisées à l’échelle individuelle par la socialisation mais aussi
restranscrites à l’échelle sociétale des normes.

D’après lui, pour parler d’action sociale il faut 4 éléments :


• acteur ou agent : individu ou collectivité (groupe, organisation, pays, etc)
• Il faut que l’action ait une finalité, orientée vers un but
• Environnement dont l’acteur maîtrise certaines conditions et pas d’autres
• Règles, normes, valeurs qui motivent, contrôlent actions sociales et structurent la société

🡪 Structuro-fonctionnalisme : structure imposée au spectre de valeurs inconsciente

Le structuralisme est un courant qui s’intéresse aux structures. Elles sont définies comme un ensemble
d’éléments qui forment un système, un tout organisé qui s’impose à ses éléments et qui est capable
d’adaptation et d’autoréglage.

2] Les systèmes d’action sociale

Parsons développe une modélisation du système d’action (schéma AGIL). Toute société est composée de 4
sous-systèmes interdépendants remplissant chacun une fonction. Ils sont classés par leur degré croissant de
complexité, qui contrôle l‘autre (culturel, contrôle social etc).

L’action sociale est guidée et contrôlée par une fonction remplie par chacun.
• biologique : satisfaire besoins biologiques ⇒ biologie. Fonction d'adaptation car l’acteur puise dans
ses ressources pour arriver à satisfaire ses besoins. (A)
• psychique : satisfaire besoins psychologiques ⇒ psychologie. Fonction de poursuite des objectifs. (G)
• social : contrôle les personnalités des acteurs qui le constituent au moyen des normes et des valeurs
sociales par un processus d’intériorisation, de socialisation. Fonction d’intégration = tous les acteurs
intègrent normes permettant au système social de fonctionner, d’intégrer les individus et de
coordonner éléments entre eux. Étudié par les sciences sociales. (I)
• culturel : croyances, symboles qui guident l’action sociale. Étudié par l’anthropologie sociale et
culturelle.Fonction : stabilité du système via la production de valeurs. (L)

En résumé, pour qu'une société stable puisse exister, elle doit s’adapter à son environnement pour assurer
la survie de ses membres, poursuivre les objectifs communs, favoriser l’intégration des membres au groupe
et enfin faire respecter et maintenir les normes et les valeurs culturelles.
⇒ sociologie qui est entièrement tournée vers la question de l’intégration sociale, de l’ordre social, de la
stabilité d’une société

Ex/ étude famille nucléaire américaine : modèle familial des sociétés modernes répond aux exigences de
l’industrialisation ce qui explique qu’il soit :
➢ ouvert : les unions se font sur les décisions individuelles et affectives
➢ multilinéaire : la famille paternelle et maternelle ont le même poids dans l’organisation de la famille
➢ conjugal : la famille s’est réduite sur le noyau familial (parents + enfants)
C) Un fonctionnalisme revisité : Robert K. Merton

Merton vient de Philadelphie. Il veut réconcilier théorie et empirie (social surveys)

1] Contre le fonctionnalisme absolu, l’élaboration de théories « de moyenne portée»

Merton critique excès d’abstraction théorique de Parsons (sa dimension hors sol), souligne apports de la
recherche empirique. Le sociologue doit conserver de la conceptualisation mais doit soumettre cette
conceptualisation à la recherche empirique.

4 fonctions de l’empirisme selon Merton


• sérendipité (=découverte inattendue éveille curiosité du chercheur, le conduit à raccourci imprévu)
• refonte des théories : observation nouvelle de faits (inconnus ou négligés) permet de renouveler
des théories 🡪 suite de la sérendipité
• réorientation : développer nouvelles techniques d’enquête pour récolter de nouvelles données
• clarification : pour analyser les données empiriques, il faut être clair quant aux concepts utilisés
⇒ Merton défend position intermédiaire entre théorie et empirie avec sa théorie de moyenne portée

*moyenne portée : conceptions logiquement reliées entre elles, et d’une portée non pas universelle mais
volontairement limitée

2] Une nouvelle approche de la notion de fonction

Il critique 3 postulats du fonctionnalisme absolu


• Unité fonctionnelle : éléments peuvent être fonctionnels pour certains individus/groupes et
dysfonctionnels pour d’autre
• Fonctionnalisme universel : élément peut être plurifonctionnel ou afonctionnel
• Postulat de nécessité : 2 éléments peuvent occuper même fonction (ex/ socialisation par famille et
l’école) OU même institution peut occuper plusieurs fonctions (ex/ famille : socialisatrice, affective
et économique)

Il précise donc la notion de fonction et différencie fonction manifeste et latente :


*fonction manifeste : action intentionnelle des acteurs et qui sont recherchées pour leurs effets
*fonction latente : produit des effets qui sont réels mais qui ne sont ni recherchés ni perçus par les acteurs

1er ex/ cérémonies de danses de la pluie chez les Hopis du Nouveau Mexique. Fonction manifeste = faire
tomber la pluie. Fonction Latente = renforcer les liens de la communauté dans une période de sécheresse

⚠ pas toujours facile de distinguer fonction manifeste de fonction latente car pas toujours facile de
distinguer de ce qui relève de l’intentionnel ou non et que dans la réalité sociale.

Merton développe théorème de Thomas ou prophétie auto-réalisatrice = « la représentation que l’on se fait
d’une situation, elle contribue à construire cette situation »
« La prophétie auto-réalisatrice est une définition d’abord fausse d’une situation, mais cette définition
erronée suscite un nouveau comportement, qui la rend vraie ».

1er ex/ krach boursier ⇒ propriétaires d’actions pensent que cours de leurs actions va chuter donc vendent
actions pour limiter pertes, ce qui entraîne baisse du cours de l’action et du marché.
2e ex/ « la névrose de l’échec » = étudiant convaincu qu’il ne peut pas réussir à un examen va stresser, se
démoraliser et donc échouer.

⚠ effet positif prophéties auto-réalisatrices→ pour éviter embouteillages, on prend transports en commun
3] Une sociologie des (dés)ajustements sociaux

1er ex/ la frustration relative


• Herbert Hyman : travaille sur la notion de groupe de référence. Il peut être positif ou négatif,
attractif ou répulsif
• Samuel Stouffer : The American Soldier (1949) : soldats de l’armée de l’air plus insatisfaits de leur
statut que ceux de l’armée de terre, insatisfaction contre-intuitive car c’est l’armée de l’air qui a des
augmentations de salaires plus rapides → décalage entre espoirs et réalités de la promotion
professionnelle, on se compare à un groupe de référence ou par rapport à une situation précise

Merton reprend notion de frustration relative et développe notion de socialisation anticipatrice = un


individu intériorise normes et valeurs du grp de réf auquel il souhaite s’intégrer, donc il tend à s’apprécier à
l’avance ces normes et valeurs. Socialisation anticipatrice nécessaire pour rejoindre groupe de réf.
⇒ Lorsque grp de réf et grp d’appartenance ne coïncident pas sur le long terme. ⚠ déviance et anomie.
*anomie : cas où l’individu est confronté à une contradiction entre les objectifs fondés sur les valeurs d’une
société (donc les valeurs légitimes) et les moyens légitimes qu’offre cette société pour atteindre les objectifs
que l’individu s’est fixé.
Les moyens étant déterminés par les normes et par la structure sociale.

Merton montre que la réalité produit tension entre valeurs légitimes et moyens légitimes (= « strain
theory ») qui peut conduire à la déviance.
Ex/société américaine = modèle de réussite fondé sur la réussite individuelle basée sur l’accumulation
monétaire. Les classes pop n’ont pas les moyens d’atteindre la norme légitime de réussite individuelle

Pour Merton, il y a déviance et anomie lorsque individu se concentre que sur les fins en rejetant moyens
légitimes. 5 types de comportements face à la contradiction entre objectifs et moyens.
• Conformisme : individu partage buts et valeurs consacrés par la société, pour les atteindre il ad opte
des moyens légaux
• Innovation : qd un individu cherche des moyens nouveaux pour atteindre ses objectifs
• Ritualisme : renoncer à réussite sociale en rabaissant ses aspirations sociales crainte de déception
• Évasion : individus qui refusent les valeurs communes et vivent en marge du système
• Rébellion : rejet des normes dominantes et cherchent à en instaurer des nouvelles.

APPORTS DE CETTE ANALYSE


➡dysfonctionnements de la société ne résultent pas d'impulsions biologiques ou de pathologies mentales.
➡tous les acteurs ne répondent pas de la même manière au sentiment de frustration

LES CRITIQUES DE L’ANALYSE DE MERTON :


• culturalisme : la déviance n’est pas que chez les classes populaires
• critique adressée par des interactionnistes et par des bourdieusiens (Chamboredon)
• la déviance est ramenée à un conflit personnel

Diffusion des thèses sur des objets politiques :

1er ex/ relations internationales et intégration régionale


David Mitrany développe vision pragmatique de la paix et de la coopération internationale, certaines
actions seraient organisées sur le plan international en fonction de l’humanité et du bien-être commun.
Institutions internationales = vocation technique, créées pour répondre à des besoins spécifiques

2e ex/ Peter M. Blau montre 3 résultats qui montrent dysfonctionnement au sein des bureaucraties :
• culture du rendement peut amener employés des agences pour l’emploi à multiplier rdv avec les
chômeurs au détriment du placement effectif de ces chômeurs
• relations informelles peuvent « huiler » le fonctionnement des bureaucraties
• fonctions latentes des bureaucraties → Comment employés ont en off propos désobligeants sur les
chômeurs, ce qui crée solidarité professionnelle entre les employés

3e ex/postérité de la notion de frustration relative dans la sociologie des mouvements sociaux


Neil Smelser et Tedd Gur : Why Men Rebel? (1970). Lorsqu’un seuil de frustration relative est franchi
collectivement, un mouvement social a toutes les chances de se produire ex/vote aux extrêmes
3 critiques récurrentes adressées aux analyses fonctionnalistes :
• dimension tautologique du raisonnement
*tautologie : proposition vraie quelle que soit la valeur de vérité de ses composants
• Objectivisme : désintérêt des fonctionnalistes pour ce que sont et font acteurs et institutions. On ne
sait rien sur pratique sociale, qui ils sont socialement...
• statisme/conservatisme : thèses fonctionnalistes qui postulent un état d’équilibre du système
• critique de nombreux sociologues : ne pas questionner fondement, légitimité des normes

II – L’interactionnisme

• années 40 : Herbert Blumer et Everett Hughes (parfois désignée comme la 2e école de Chicago)
• années 60-70 : Erving Goffman, Howard Becker

Objet d’étude de l’interactionnisme : social se construit dans interactions sociales + interactions produisent
continuellement le social.
⚠ ne pas étudier interactions mais les considérer comme objet d’analyse spécifique

A) L’interaction comme objet d’étude

Blumer donne une 1re définition de l’interactionnisme symbolique en 1937


(a) les humains agissent à l’égard des choses en fonction de l’image qu’ils s’en font
(b) les choses prennent un sens du fait de l’interaction avec autrui
(c) ces sens sont manipulés et modifiés par l’interprétation que l’acteur leur donne

4 idées importantes
• L’objet d’analyse : interaction entre les choses
• Interaction sociale : coopération entre 2 individus interagissent sans toutefois avoir la même
définition de la situation
• Le social a de l’influence à travers la signification de nos actions et de celles des autres
• Intérêt pour le processus des échanges : social est précaire et instable car repose sur la qualité des
interactions

Anselm Strauss prend l’exemple de l’hôpital : si vous êtes fonctionnaliste vous allez regarder le
fonctionnement de l’hôpital et les fonctions des employés = ordre négocié

B) Everett Hughes : une sociologie des professions entre biographie et interactions

Everett Hughes (1897-1983) travaille sur institutions, sur professions et division du travail.

Voir Men and their Work (1958)

Hughes défend une lecture non-fonctionnaliste des professions en insistant sur 2 points :
• toutes les activités de travail doivent être analysées au plan subjectif = les professions s’inscrivent
dans les processus de construction du soi
• la construction du soi se fait en relation dynamique avec les autres 🡪 idée des interactions

1] une lecture interactionniste de la division du travail


Il faut chercher qui fait quoi par rapport aux autres 🡪 étudier rôles endossés par travailleurs dans une
configuration de travail

Résultats
• différenciation travail prescrit/réel : ce que l’on nous donne à faire VS ce que l’on fait réellement
• division morale du travail : s’intéresse au sens que les acteurs attribuent aux tâches qui leur sont
confiées, il montre que tout type de travailleur a tendance à se consacrer aux tâches les +
prestigieuses et à déléguer celles les moins reconnues (le « dirty work »)
• restaurer ce qu’est le sale boulot pour changer le regard sur ces tâches dévalorisées/stigmatisées
⇒ insiste sur construction identitaire et image professionnelle, qui n’est construite qu’en interaction

2] La notion de carrière : la fabrique des identités professionnelles

Hughes s’intéresse à comment se forment les identités des groupes professionnels (notion de carrière)

*carrière : perspective en évolution au cours de laquelle une personne voit sa vie comme un ensemble et
interprète ses attributs, ses actions et les choses qui lui arrivent.

Hughes souligne que socialisation à l’identité professionnelle de médecin repose sur l’apprentissage de
savoirs technique et scientifique, mais aussi par appropriation d’une culture professionnelle.
Notion de carrière montre 2 autres dimensions importantes du processus :
• phase d’initiation similaire à un rite initiatique à ce qui fait la culture professionnelle
• phase de conversion = individu intériorise une nouvelle conception de soi et du monde, mène
également à la construction d’une identité perso
Ex/ étudiants de médecine : lls s’initient au rôle de soignant et se convertissent à une vision de leur rôle qui
permet d’endosser cette profession ⇒ imprégnation culturelle permet construction de l’identité de médecin
4 étapes :
• séparation du futur professionnel avec monde profane = rupture avec aspects de la culture profane
( ce que l’on a connu avant et qui peut être incompatible, en décalage avec la culture pro)
• le passage à travers le miroir (« psyching out ») = étudiant vit désillusion, désenchantement.
Hughes relève la gêne de facturer/budgéter des actes/des médicaments/des malades
• dédoublement du soi (« self ») = conséquence des 2 premières phases, phase de coexistence entre
ces 2 cultures. Trouver des justifications à rester dans le choix qu’on a pris.
• identification à un rôle professionnel = phase d’acceptation et d’endossement de la culture
professionnelle → implique des dilemmes, des choix (et parfois des renoncements)

NB : notion de carrière permet d’insister sur le fait que c’est un processus continu, chaque étape implique
des nouvelles socialisations.

3] Howard Becker : étiquetage et carrières déviantes

Howard Becker vient de Chicago. Il a eu pour prof Hughes et Blumer.


2 champs d’étude : sociologie du travail et des professions (musiciens de jazz, monde de l’art), question de
la déviance (réponse aux fonctionnalistes)
Sa sociologie de la déviance :
• Socio-interactionniste. La déviance ne s’explique pas par anomie, frustration relative et intégration
sociale.
• Comportement déviant ne conduit pas forcément à l’illégalité comme l’affirme Merton
• Individus peuvent intérioriser normes différentes de celles dominantes 🡪 étude des sous-cultures
Becker développe 2 notions :
• Notion d’étiquetage
• Notion de carrières déviantes

S’appuie sur les travaux d’Edwin Lemert et d’Everett Hughes :


Emprunte à Lemert sa théorie de la désignation (Social Pathology, 1951) = théorie de l’étiquetage = idée
qu’un acte est considéré comme socialement déviant à partir du moment où il est perçu comme tel → idée
de désignation par des acteurs extérieurs. La déviance est une propriété de l’interaction de la personne qui
commet l’acte et de celles qui réagissent à cet acte.

Becker insiste aussi sur la notion de carrières déviantes : il s’intéresse au processus par lequel un individu
devient déviant, comment on adopte et on garde un comportement socialement étiqueté comme
déviant 🡪 interaction entre un individu et son environnement social

a) La labellisation de la déviance par des « entrepreneurs de morale »

Les normes sociales n’existent pas en tant que telles, pour Becker, la société se dote de normes à travers
l’action de certains individus qu’il appelle des « entrepreneurs de morale » 🡪 pour qu’une norme morale
s’impose, il faut qu’il y ait des individus qui sont intéressés par l’application de ces normes et se mobilisent
pour faire reconnaître publiquement la nécessité de ces normes. Becker différencient ceux qui élaborent les
normes de ceux qui les font appliquer ⇒ processus de persuasion, de création d’un intérêt

Becker a travaillé sur « Marijuana Tax » adoptée en 1937 aux USA. Il s’intéresse à la manière dont est
construit un problème public et à la construction d’institutions créées pour les gérer.
Becker montre que l’institution fédérale du bureau des narcotiques va faire de la marijuana comme un
problème public notamment pour justifier son existence et ses missions. Elle a endossé un rôle d’expert
auprès des États fédérés pour qu’ils élaborent une législation restrictive + campagne de sensibilisation
Bureau des narcotiques = entrepreneurs de morale créant comportement déviant par un processus de
labellisation et les contrôlent.

La déviance est une définition sociale issue de l’étiquetage, de la stigmatisation

Constructivisme ≠ positivisme, pas de vérité objective. Chez les constructivistes, les réalités sociales sont les
constructions historiques mais aussi les constructions quotidiennes des acteurs individuels et collectifs

Becker montre comment le processus d’étiquetage est + ou moins aboutit selon les cas, dépend de 2
dimensions : obéissance ou non à la norme, individu perçu comme déviant par les autres ou pas.

Obéissant à la norme Transgressant la norme


Perçu comme déviant Accusé à tort Pleinement déviant
Non perçu comme déviant Conforme Secrètement déviant

b) Comment devient-on et reste-t-on un fumeur de marijuana ?

Dans son ouvrage Outsiders, Becker étudie les « carrières déviantes » à travers les musiciens de jazz.
Notion de carrières déviantes a pour intérêt de penser ensemble les « faits objectifs relevant de la structure
sociale que les changements dans les perspectives, les motivations et les désirs de l’individu ».
Chaque séquence a son propre système de justifications.
Becker affirme qu’il ne suffit pas de fumer de l’herbe pour entamer une carrière déviante, il faut franchir
plusieurs étapes pas franchies de manière systématique. Ex/ si on veut arriver au stade de fumeur de
marijuana, il faut intégrer un groupe de fumeurs, reconnaître et être reconnu par ce groupe.

4 étapes dans la carrière d’un fumeur de marijuana : 3 étapes à l’entrée, 1 étape au maintien :
• apprentissage de la technique = apprivoiser goût et plaisir, passe par conseils de notre entourage
• apprentissage de la perception des effets = identifier sensations et construire sa propre sensibilité
• apprentissage du goût pour effets = phase d’expérience désagréable, nombre fumeurs se réduit
• maintien dans la carrière = l’approvisionnement, le secret, la moralité :déjouer étiquetage comme
pratique déviante → neutraliser les critiques
Apports de l’ouvrage outsiders et de la notion de carrières déviantes :
• les comportements déviants sont socialement construits et sont des définitions sociétales
• comportements qualifiés de déviants doivent être étudiés comme n’importe quel fait social 🡪 pas
de jugement moral
• Romps avec la lecture fonctionnaliste de la déviance 🡪 le passage à l’acte pas toujours motivé de
manière consciente et mécanique, peut être lié à des interactions entre individus et environnement
social. Le passage à l’acte n’est pas non plus irréversible

Critiques : absence de l’étude des caractéristiques et des positions sociales des acteurs déviants

Perspectives et prolongements français


• Fillieule : carrières d’engagement en étudiant les phases successives qui permettent l’engagement
et son maintien et celles qui expliquent le désengagement
• Siméant : humanitaires → causes qui font qu’on s’engage et causes qui font que l’on reste engagé

Sociologie de l’anorexie de Muriel Darmon. Elle reprend la notion de carrière de Becker → point de vue
sociologique sur cette maladie en croisant les perspectives interactionnistes et bourdieusiennes.

Elle identifie 4 étapes dans la carrière d’une anorexique :


• « prise en main » = simple régime pour se prendre en main », faire attention à son allure physique
soucis d’excellence, investissement scolaire + important, de changements vestimentaires
• maintien de l’engagement = travail sur soi et contrôle de soi s’intensifient, techniques de régimes
s’approfondissent → régime de vie avec auto-imposition de normes, de valeurs, de sensations.
• Poursuite de l’engagement malgré alertes et surveillance = point de bascule social et public, corps
en danger, remarqué par son entourage → acteurs vont chercher à remettre dans la norme
dominante. ⚠ Phase de maintien passe par pratiques de dissimulation pour éviter surveillance
• prise en charge hospitalière = accepter de reconnaître le point de vue du corps médical

Muriel Darmon établit ensuite le phénomène de désengagement qui suit 3 phases : le « lâcher prise »,
« s’en remettre à l’hôpital », « se reprendre en main »
Elle interroge conditions sociales de l’anorexie : « que faut-il que les anorexiques soient pour être ce qu’elles
sont ? ».
• l’anorexie ne se répartit pas au hasard dans la pop
• intégration travaux de Bourdieu sur répartition des goûts et dégoûts inégalement répartis
socialement
⇒ effort de distinction sociale dans les pratiques alimentaires.

4] Erving Goffman : la dramaturgie du social

Erving Goffman (1922-1982) étudie les interactions quotidiennes entre un individu étranger et une
communauté locale en Ecosse.
Alice Goffman, Enquête sur une jeunesse dans le ghetto (2020) 🡪 critiques quant à sa déontologie (elle a
assisté à des crimes, accusée d’être complice)
a) L’ordre de l’interaction

• l’ordre social, la société se construit dans l’infinité des interactions 🡪 c’est pcq ces relations nous
paraissent ordinaires qu’il faut les étudier.
• les interactions sont pensées sous 3 angles : représentations théâtrales, rites, jeux
• règle fondamentale pour Goffman : les individus s’efforcent de préserver la « face »

1er aspect : les représentations théâtrales


La vie sociale s’apparente à une scène de théâtre où des individus sont des acteurs qui tiennent des rôles et
se livrent à des représentations face à un public. Pour chaque acteur il y a un appareillage symbolique. Pour
Goffman, acteurs cherchent à maîtriser les impressions.
5 techniques de représentation :
• la réalisation dramatique : dramatisation pour essayer de convaincre son interlocuteur et améliorer
la représentation qu’il donne de lui-même
• l’idéalisation : comportement où l’acteur chercher à donner une image de lui-même valorisante
• la cohérence de l’expression : éviter toute maladresse
• la représentation frauduleuse : techniques de dissimulation d’un aspect (⁓ l’idéalisation)
• la mysticité: se créer un espace où l’interlocuteur ne pourra pas aller
Opposition scène/coulisses ⇒ grandes différences entre image que l’individu montre de lui-même et la
réalité 🡪 l’individu cherche à maintenir la façade.

2e aspect : le jeu
Part active de l’acteur en l’interprétation de la situation 🡪 les acteurs jouent au sens double du terme : idée
de jeu théâtral et idée de jeu stratégique
Question de la distance au rôle = l’acteur ne se confond jamais totalement avec son rôle MAIS pas de
dédoublement

3e aspect : les rites


⇒ nécessaire pour rendre possible une interaction, elles sont la base de l’ordre social. Dans chaque règle, il
y a une part de doute et de vulnérabilité
Il reprend à Durkheim la distinction entre les « règles substantielles » et les « règles cérémonielles » :
*règles substantielles = règles dont le contenu a une importance pour l’ordre social (ex : ne pas voler)
*règles cérémonielles = valeur qu’on accorde à autrui et à soi-même (ex : question de bienséance)

Goffman s’intéresse uniquement à celles cérémonielles : structure toutes les interactions sociales = garder
la face (amour propre, préserver la face des autres = règle de la considération)
Maintenir la face s’apparente à un rituel qui structure toutes les interactions, typologie de rites
➡rites de déférence
• rites de présentation = formes de salutation/compliment/invitation
• rites d’évitement = éviter que la solution devienne conflictuelle/malaisante
➡rites de confirmation = garantir effectivement le rôle de son interlocuteur
➡rites de réparation = après erreur, rattraper choses pour ne pas faire du mal et affecter son identité ou
celle des autres

b) La stigmatisation et ses usages sociaux

Goffman est amené à s’intéresser au non-respect des normes des interactions, notion de déviance dans son
ouvrage Stigmate (1963) qui porte sur les usages sociaux des handicaps.
Il définit la déviance comme Becker, la déviance relève d’un processus d’étiquetage.
⚠pas de valeur immuable, peut changer selon les époque, les espaces et les sociétés. ex/ l’homosexualité
est de moins en moins condamnée en Europe.

3 types de tares :
• monstruosités du corps = stigmates corporels comme le handicap physique
• tares de caractère = tiennent au passé de l’individu ou à sa personnalité. ex/personnes alcooliques
• stigmates tribaux = ce qui peut être transmis de génération en génération. ex/nationalité, religion

Goffman analyse comment stigmatisés gèrent leur stigmate dans interactions avec non stigmatisés. 3 types
de réactions.
• Refus du handicap et dissimulation : refuser de porter des lunettes
• Coopération avec « normaux » (non déviants): accepter d’être étiqueté comme stigmatisé et jouer
le rôle de stigmatisé. Ex/ être handicapé et s’asseoir sur les places prévues.
• Renverser l'image publique du stigmate : changer perception des non déviants de soi-même

Goffman insiste sur le fait que les individus stigmatisés intègrent très tôt le fait qu’ils sont stigmatisés par le
processus de socialisation et cette conscience amène à des effets de transformation de l’identité

c) Asile : aliénation et résistance dans une institution totale

Ouvrage Asylums (1961). Il considère que le système asilaire est une institution totale = « un lieu de
résidence et de travail où un grand nombre d’individus, placés dans la même situation, coupés du monde
extérieur pour une période relativement longue, mènent ensemble une vie recluse dont les modalités sont
explicitement et minutieusement réglées »
Il ajoute à l’aliénation mentale une aliénation sociale, ce qui n’empêche pas les reclus (inmates) de résister.
Concerne aussi prisons, pensionnats, orphelinats, casernes → toute institution totale produit une coupure
radicale entre ceux qui font fonctionner l’institution et ceux que l’institution cible.
L’identité des individus est remodelée/altérée par ces institutions totales.
Ce travail de transformation des identités individuelles repose sur des « techniques de mortification » ex/
on rentre dans un hôpital psychiatrique, il y a une « cérémonie d’admission » qui fonctionne comme des
rites de passage où le malade est dépouillé de son identité civile

Il parle de « carrière morale »


*carrière morale : modifications du système de représentation par lesquelles l’individu prend conscience de
lui-même et appréhende les autres
Il identifie 3 phases de la carrière morale : Entrée de l’hôpital, Séjour, Sortie
Chacune des phases comporte une série de techniques de mortification pour mieux soumettre l’individu à
l’ordre institutionnel.

Phénomène de résistance des malades psychiatriques = il y a une part irréductible qui ne va pas subir cette
aliénation sociale et morale, les malades mentaux ne sont pas totalement démunis face à l’institution, ils
vont essayer d’échapper aux règles. Adaptations secondaires ≠ adaptations primaires.

CONCLUSION
• L’influence considérable de l’Ecole de Chicago (la 2e et la 3e) sur la socio :
importance de faire du terrain
• sous champs sociologie : délinquance, déviance, identité sociale générale → constructions sociales
• La qualité des travaux des sociologues interactionnistes fait que c’est une approche intégrée à la
« culture commune des sociologues » plutôt qu’un courant

CRITIQUES :
• Manque de théorisation
• Chamboredon : est-ce que toutes les interactions de face-à-face obéissent aux mêmes règles
quelques soient les ressources, les capitaux des acteurs ?
• Giddens et Elias : les interactionnistes ne commentent pas assez la genèse des normes sociales
• on ne sait rien des processus d’apprentissage des cadres de l’expérience, des rites étudiés par
Goffman

Chapitre 2 – La sociologie de Pierre Bourdieu

Mettre au jour mécanismes cachés de domination, reproduction des inégalités «Sport de combat », un outil
pour se défendre, pour moins subir des inégalités
Sociologie située : lien entre origine sociale des individus et leurs préférences, pratiques = Agents
(terminologie bourdieusienne) pensent et agissent en fonction de ce qu’ils sont socialement
Pierre Bourdieu défend l’intellectuel collectif ⇒ produire des critiques autonomes et produire « un travail
collectif d’invention politique ».

L’intellectuel collectif : doit remplir d’abord des fonctions négatives en travaillant à produire et à disséminer
des instruments de défense contre la domination symbolique. Mais il peut aussi remplir une fonction
positive, en contribuant à un travail collectif d’invention politique.

Rupture avec Passeron : réflexivité sur les méthodes et l’impact du sociologue, l’illusion statistique sur les
sondages d’opinion et l’illusion biographique.
Positionnement épistémologique = sociologie qu’il qualifie de « constructivisme structuraliste » = dépasser
oppositions classiques ➡ structuralisme = s’intéresse à la structure qui organise les pratiques.

I – Une théorie du monde social

A) Habitus et sens pratique

*habitus : système de dispositions durables acquis par l’individu au cours de la socialisation


*« structure structurée » = on reproduit une structure antérieure à nous
*« structure structurante » = c’est un vécu qui travaille les corps, les actions
*« intériorisation de l’extériorité » = incorporation, structure extérieures à nous
*« extériorisation de l’intériorité » = structures que l’on extériorise quand on vote pour quelqu’un,

5 points à retenir, l’Habitus est composé par :


• schémas de perception, la manière dont on se représente le monde
• schémas intériorisés, incorporés par la socialisation tout au long de notre vie
• durabilité, perdure dans le temps, entre les générations mais il peut y avoir des transformations,
idée de reproduction entre les individus
• variations des habitus entre des fractions de classes. Ex/ les habitus clivés et les transfuges de classe
• liés aux conditions passées
➡ sens pratique: agent et non acteur, il prend la métaphore du joueur de tennis = il s’est tellement entraîné
qu’il ne calcule pas le jeu de manière rationnelle, il a incorporé le bon geste qu’il retranscrit
automatiquement ➡Dispositions acquises qui s’activent dans contextes spécifiques sans véritable calcul.

B) Une théorie de l’espace social : capitaux et stratification sociale

L’espace social (façon dont Bourdieu conçoit la société) est structuré selon 3 dimensions :
1) volume global de capital
2) structure des capitaux
3) évolution dans le temps du volume et de la structure des capitaux

4 types de capital :
(a) capital économique, l’argent, les revenus, le patrimoine
(b) capital culturel: maîtrise de la culture savante, tout ce qui relève des ressources qui permettent
d’apprécier des pratiques ou des goûts liées à cette culture.
« l’état incorporé » dispositions (grandir dans une famille avec un capital culturel)« l’état objectivé » biens
culturels (tableaux, musées…), «l’état institutionnalisé» titres scolaires délivrés par l’État
(c) capital social : relations familiales, professionnelles, amicales
(d) capital symbolique, reconnaissance, notoriété, statut
Bourdieu essaye de repérer comment s’articulent capital éco et capital culturel.

Classes sociales: individus proches dans l’espace social peuvent être regroupés au sein d’une même classe
sociale. Classes sociales identifiées sont « classes sur le papier », classes virtuelles par rapport aux autres
groupes. ⚠ Position à mi chemin entre Marx (conception objective) et Weber (conception nominaliste)
La classe n’existe qu’en tant que « classe mobilisée », construction du groupe
Les classes réelles sont le fruit de lutte de classement : luttes politiques et symboliques qui visent à imposer
une vision légitime des divisions du monde social. On devient un acteur dominant quand c’est nous qui le
décidons et l’imposons (goûts distingués, grandes écoles, normes, enjeux). ⚠ violence symbolique
(=manière dont les dominants invisibilisent les moyens de domination qui sont rendus « naturels »)

3 classes sociales principales : bourgeoisie (classe dominante), petite-bourgeoisie (classe moyenne), classes
populaire (dominées).

*champ : un espace structuré de positions sociales.


Un champ existe lorsqu’il se structure autour d’un enjeu spécifique, lorsqu’il a une certaine autonomie.

On peut distinguer 2 notions :


• « champ de forces » : à un moment, les agents ont un volume de capital différent et inégalement
réparti, donc des positions différentes (dominantes et dominées)
• « champ de luttes » : conflit spécifique à chaque champ, transformer le champ de force initial, les
individus vont chercher à accéder à une position dominante par exemple.
Chaque champ a ses enjeux, ses conflits, lutte de classement : les agents luttent pour acquérir, conserver
capital spécifique à un champ, pour transformer structure du champ, le rapport de force initial.
Ex/haute couture = ce champ s’est transformé, nouvelle génération soutenue par nouvelles classes
bourgeoises, ces maisons développent habits qui correspondent aux pratiques de cette bourgeoisie.

II – Une sociologie de la domination

A) L’école comme instance de reproduction sociale

Thèse : l’école participe à reproduction des inégalités sociales par un discours méritocratique.
➢ Sélection sociale (inégalité d’accès à l’enseignement supérieur en fonction de la classe sociale)
➢ Relégation dans les disciplines jugées les moins prestigieuses (filières générales, technologiques...)
➢ Piétinement ou retard s’explique surtout par capital culturel, les enfants des classes populaires
redoublent ou quittent les classes davantage que les enfants des classes supérieures

C’est le capital culturel qui est discriminant → Les classes supérieures ont un capital culturel plus conforme
à ce qu’attendrait l’école, meilleure maîtrise du langage formel, valorisation culture savante. Tous les
enfants n’ont pas les mêmes ressources ⇒ acculturation de ces enfants doivent faire efforts.
• Les enfants de classes supérieures se caractérisent par des aptitudes de dilettantisme
• Les enfants de classes moyennes investissent le plus l’école, vue comme moyen de s’élever dans la
hiérarchie sociale et vont chercher à se conformer à ce qui est attendu d’eux ⇒ « bonne volonté culturelle ».
• Les classes populaires = forme de fatalisme, auto-censure
Ex/ classes populaires utilisent la photo comme mémoire familial alors que classes moyennes ont font un
outil de distinction sociale. Pour les classes supérieures, œuvre d’art, valorisation de l’intention de l’artiste.

L’école manifeste « indifférence aux différences » : « le concours ne fait que transformer le privilège en
mérite ». Elle entretient l’idéologie du don, puisqu’on le veut, on réussit au mieux. Cela transforme la
hiérarchie sociale en hiérarchie scolaire ⇒ école participe à la reproduction sociale

Pourquoi les classes populaires continuent d’aller à l’école ? Bourdieu développe idée de violence
symbolique. À un moment donné, les dominés consentent à leur domination suite à leur socialisation.

CONCLUSION
Il y a toujours des inégalités scolaires que l’école reproduit et qui se transforment en inégalités sociales. La
massification de l’école ne s’est pas traduite par une démocratisation : non diplômés sont stigmatisés et
rares et les diplômes perdent de leur valeur (entraîne une concurrence plus forte)
SOLUTIONS
- réfuter le fait que si on réussi, c’est parce qu’on a travaillé, déconstruire l’idéologie du don
- enseignants doivent « vendre la mèche », expliquer exigences, techniques de réussite
- adaptation potentielle du système scolaire en fonction du profil des enfants et de leur classe sociale.

Aujourd’hui, on voit un tassement des inégalités mais les inégalités d’accès au supérieur perdurent.
Enquêtes microsociologiques de Stéphane Beaud et de Bernard Lahire. Le 1er reprend l’objectif d’avoir 80 %
de bacheliers en France à partir des années 80, scolarisation dans le secondaire permet de réduire les
chiffres du chômage. Résultat = entrée massive dans le supérieur pour lutter contre le chômage
Une fois diplômé du bac, la fenêtre d’opportunité se referme, les enfants n’accèdent pas à l’enseignement
supérieur car les filières technologiques sont très sélectives.
Pourquoi ces désajustements ?
• Forme familiale de la culture écrite : chèques, laisser des mots sur le réfrigérateur ?
• disposition et conditions économiques
• ordre moral domestique, quel est le rythme de vie ? Facilite apprentissage de règles.
• forme d’exercice de l’autorité familiale
• modes familiaux d’investissements pédagogiques

B) Légitimité culturelle et distinction sociale

1) Homologie entre hiérarchie sociale et hiérarchie culturelle


2) Toutes les pratiques culturelles ne se valent pas
3) Le goût (et les dégoûts) est construit socialement = ce sont les classes dominantes qui ont le pouvoir
d’attribuer de la valeur
4) Le goût n’existe que relationnellement

Grignon et Passeron ont critiqué Bourdieu sur l’imitation. À partir du moment où c’est imité, cela perd de sa
valeur, c’est une vision misérabiliste, culture du pauvre.

APPORTS
1) réflexion épistémologique sur le statut de la sociologie et le raisonnement sociologiquement
2) production de concepts-clés (habitus, capital, champ, violence symbolique) pour dépasser l’opposition
classique entre objectivisme et subjectivisme
3) « révolution symbolique » (Pinto)

CRITIQUES
1) critiqué pour s’approprier les travaux de ses collaborateurs
2) critique de la non-conscience, sociologue omniscient
3) critique du déterminisme, sociologie très fataliste
4) position par rapport à l’histoire et au changement social
5) lecture jugée simpliste de la socialisation selon JC Kaufmann ou Bernard Lahire

CONCLUSION : on a commencé avec Bourdieu et le film documentaire « La sociologie est un sport de


combat » + les débats autour de l’anti-intellectualisme. Nécessité de faire de la sociologie et de bien la faire.
On finit avec Bourdieu : la sociologie est nécessaire car « en même temps qu’elle dénaturalise, la sociologie
défatalise ».

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