IMAGERIE DU PANCREAS
IMAGERIE DU PANCREAS
IMAGERIE DU PANCREAS
Autres ouvrages
Radiologie interventionnelle osseuse et anti-douleur, par B. Kastler. 2022, 416 pages.
Imagerie médicale : Oncologie, par A.M. Shaaban, traduit par G. Dutau. 2022, 1 048 pages.
TEP-TDM en pratique, par C. Bennani-Smires. 2022, 160 pages.
Scanner et IRM ostéo-articulaires en pratique, par A. Blum, P. Teixeira. 2022, 536 pages.
Imagerie cardiaque, par J.-P. Laissy, A. Furber, Société française de radiologie, Société française de cardiologie. 2021, 432 pages.
Échographie en pratique obstétricale, par P. Bourgeot, B. Guérin du Masgenêt, V. Houfflin-Debarge. 2021, 6e éd., 944 pages.
Échographie musculosquelettique, par N. Sans, F. Lapègue, M. Faruch. 2021, 3e éd., 440 pages.
Neuro-imagerie, par A. Osborn, traduit par J.-L. Dietemann. 2021, 1 240 pages.
Imagerie cervicofaciale, par F. Dubrulle, N. Martin-Duverneuil. 2021, 320 pages.
Imagerie pédiatrique, par A.-C. Merrow, traduit par J.-C. Chateil, S. Hanquinet. 2021, 1 256 pages.
Imagerie musculosquelettique traumatique, par D.G. Blankenbaker, K.W. Davis, traduit par M. Runge. 2020, 1 088 pages.
Imagerie abdominale, par M.-P. Federle, S.P. Raman, traduit par N. Badet. 2020, 1 104 pages.
Guide pratique de scanner, par L. Arrivé. 2020, 392 pages.
Imagerie sénologique, par B. Boyer. 2020, 456 pages.
Infiltrations échoguidées en pathologie musculosquelettique, par H. Guerini, J.-L. Drapé. 2019, 2e éd, 280 pages.
Atlas d’anatomie générale et radiologique, par J.-P. Dillenseger. 2019, 2e éd., 320 pages.
Imagerie des urgences, par P. Taourel. 2019, 664 pages.
Syllabus de la SFR
Collection dirigée par Anne Cotten
Imagerie du pancréas
Sous la direction de Mathilde Wagner
Professeur des universités, praticien hospitalier
Service d’imageries spécialisées et des urgences
Groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière – Charles Foix, AP-HP, Paris
Sorbonne Université
Elsevier Masson SAS, 65, rue Camille-Desmoulins, 92442 Issy-les-Moulineaux cedex, France
Les praticiens et chercheurs doivent toujours se baser sur leur propre expérience et connaissances pour évaluer et utiliser toute infor-
mation, méthodes, composés ou expériences décrits ici. Du fait de l’avancement rapide des sciences médicales, en particulier, une véri-
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Tél. 01 44 07 47 70.
Table des matières
V
Table des matières
VI
Table des matières
VIII
Liste des auteurs
Jean-Baptiste Bachet, service d’hépato-gastroentérologie, Guillaume Herpe, service d’imagerie diagnostique et inter-
groupe hospitalier Pitié-Salpêtrière – Charles Foix, Sorbonne ventionnelle, site hospitalier de Poitiers La Milétrie, CHU de
Université, Paris. Poitiers.
Maria Antonietta Bali, hôpital universitaire de Bruxelles Florence Huguet, service d’oncologie radiothérapie, hôpi-
(HUB), hôpital Erasme et institut Jules Bordet, Université tal Tenon, Sorbonne Université, Paris.
libre de Bruxelles (ULB). Valérie Laurent, service de radiologie adultes, hôpitaux de
Brice Bergougnoux, service d’imagerie diagnostique et Brabois, CHRU de Nancy.
interventionnelle, site hospitalier de Poitiers La Milétrie, Alice Le Berre, service de radiodiagnostic et imagerie,
CHU de Poitiers. groupe hospitalier Saint-Joseph, Paris.
Isabelle Boulay-Coletta, service d’imagerie médicale, Maïté Lewin, service de radiologie, hôpital Paul Brousse,
groupe hospitalier Saint-Joseph, Paris. Villejuif, Université Paris Saclay.
Pierre-Quentin Carbillet, service d’imagerie diagnostique Romain L’huillier, service d’imagerie médicale et interven-
et interventionnelle, site hospitalier de Poitiers La Milétrie, tionnelle GHC, hôpital Édouard Herriot, hospices civils de Lyon.
CHU de Poitiers. Arié Licha, service d’imagerie médicale, groupe hospitalier
Antoine Martin-Champetier, service de radiologie et Saint-Joseph, Paris.
imagerie médicale de l’adulte et de l’enfant, hôpital Nord, Olivier Lucidarme, service d’imageries spécialisées et des
CHU de Marseille. urgences, hôpital Pitié-Salpêtrière – Charles Foix, Sorbonne
Kathia Chaumoitre, service de radiologie et imagerie Université, Paris.
médicale de l’adulte et de l’enfant, hôpital Nord, CHU de Laurent Milot, service d’imagerie médicale et intervention-
Marseille. nelle GHC, hôpital Édouard Herriot, hospices civils de Lyon.
Pauline Copin, service d’imagerie hôpital Beaujon, Clichy, Sébastien Mulé, service d’imagerie médicale, hôpitaux
Université Paris-Cité. universitaires Henri Mondor, Créteil, faculté de santé,
Jérôme Cros, service de pathologie, hôpital Beaujon, C lichy, Université Paris Est – Créteil.
Inserm UMR1149, Université Paris-Cité. Anita Paisant, service de radiologie, CHU d’Angers.
Alexandre Delpla, service d’imagerie médicale, groupe Martina Pezzullo, hôpital universitaire de Bruxelles (HUB),
hospitalier Saint-Joseph, Paris. hôpital Erasme et institut Jules Bordet, Université libre de
Mathieu Di Bisceglie, service de radiologie et imagerie Bruxelles (ULB).
médicale de l’adulte et de l’enfant, hôpital Nord, CHU de Frédéric Prat, service d’endoscopie digestive, hôpital
Marseille. Beaujon, Université Paris-Cité, Paris.
Cédric Fauché, service d’imagerie diagnostique et inter- Nicolas Raynaud, service d’imagerie diagnostique et inter-
ventionnelle, site hospitalier de Poitiers La Milétrie, CHU ventionnelle, site hospitalier de Poitiers La Milétrie, CHU
de Poitiers. de Poitiers.
Éric Frampas, service central de radiologie et imagerie Vinciane Rebours, service de pancréatologie et onco
médicale, Hôtel-Dieu, CHU de Nantes. logie digestive, hôpital Beaujon, Clichy, Inserm UMR1149,
Ayoub Guerrab, service d’imagerie diagnostique et inter- Université Paris-Cité.
ventionnelle, site hospitalier de Poitiers La Milétrie, CHU Agnès Rode, service d’imagerie diagnostique et interven-
de Poitiers. tionnelle, hôpital de la Croix-Rousse, hospices civils de Lyon.
Mohamed Amine Haouari, service d’imagerie médicale, Maxime Ronot, service de radiologie, hôpital Beaujon,
groupe hospitalier Saint-Joseph, Paris. Clichy, Université Paris-Cité.
IX
Liste des auteurs
Alain Sauvanet, service de chirurgie hépatobiliaire et pan- Stéphane Velasco, service d’imagerie diagnostique et
créatique, DMU Digest, hôpital Beaujon, Clichy, Université interventionnelle, site hospitalier de Poitiers La Milétrie,
de Paris-Cité. CHU de Poitiers.
Céline Savoye-Collet, département d’imagerie médicale, Mikael Verdalle-Cazes, département d’imagerie médicale,
hôpital Charles Nicolle, CHU de Rouen. hôpital Charles Nicolle, CHU de Rouen.
Christine Silvain, service d’hépatogastroentérologie, site Marie-Pierre Vullierme, service d’imagerie médicale, centre
hospitalier de Poitiers La Milétrie, CHU de Poitiers. hospitalier Annecy genevois (CHANGE), Université Paris-Cité.
Stéphane Silvera, service d’imagerie médicale, groupe Mathilde Wagner, service d’imageries spécialisées et des
hospitalier Saint-Joseph, Paris. urgences, hôpital Pitié-Salpêtrière – Charles Foix, Sorbonne
Jean Pierre Tasu, service d’imagerie diagnostique et Université, Paris.
interven tionnelle, hôpital La Milétrie, CHU de Poitiers, Magaly Zappa, service de radiologie, centre hospitalier de
LaTim, UBO et Inserm 1101, Université de Brest. Cayenne.
Caroline Touloupas, service d’imagerie médicale, groupe Marc Zins, service d’imagerie médicale, groupe hospitalier
hospitalier Saint-Joseph, Paris. Saint-Joseph, Paris.
X
Liste des abréviations
XI
Liste des abréviations
XII
Chapitre 1
Anatomie et embryologie
pancréatique – Variantes
anatomiques1
Anita Paisant, Alice Le Berre
P LA N D U CHA PI T RE
Anatomie modale du pancréas 4 Pancréas annulaire périduodénal 8
Anatomie modale du pancréas du pancréas, il existe une partie qui se prolonge en arrière
des vaisseaux mésentériques appelée uncus du pancréas ;
y l’isthme ou col du pancréas. Il relie la tête et le corps
Glande pancréatique du pancréas. Il est délimité à droite par une ligne passant
Le pancréas est une glande de couleur blanc rosé, lobulé, entre l’artère gastroduodénale en avant et le bord droit
de forme triangulaire à base droite et à sommet oblique en de la veine mésentérique supérieure (VMS) en arrière, à
haut à gauche. Il est situé classiquement en avant des 1re et gauche par une ligne parallèle à la première décrite mais
2e vertèbres lombaires et mesure 18 à 20 cm de long. Cette passant par le bord gauche de la VMS ;
glande est divisée en quatre parties (fig. 1.1) : y le corps. Il est entièrement sus-mésocolique et présente
y la tête. Elle présente des rapports très étroits avec le une forme triangulaire avec trois faces :
duodénum (bloc duodénopancréatique), ce dernier déli- – la face antérosupérieure est recouverte de péritoine
mitant l’échancrure duodénale sur la tête du pancréas. On et séparée de la face postérieure de l’estomac par la
a alors la face postérieure (rétroduodénale) qui est en rap- bourse omentale,
port avec les artères pancréatico-duodénales postérieures – la face postérieure est en contact avec la veine splénique,
et le conduit cholédoque. En second lieu, il y a la partie l’artère mésentérique supérieure et la graisse pararénale,
antérieure (préduodénale), cette dernière recouverte de – la face antéro-inférieure est posée sur le mésocôlon
péritoine sauf au niveau de l’insertion du mésocôlon trans- transverse qui le sépare de l’angle de duodénojéjunal et
verse qui la croise. À la partie inférieure et gauche de la tête des premières anses jéjunales.
VBP
Isthme
AGD
Corps
CPA
PM
CPP
AHP
Queue
VMS
AS
Tête Uncus Projection planaire
A
B C
Fig. 1.1
Anatomie pancréatique modale.
A. Représentation schématique selon une projection planaire axiale. B. Exemple de pancréas normal en TDM (B, vue axiale oblique). C. CPRM –
cholangiopancréatographie par résonance magnétique (MIP 3D, vue coronale oblique). AGD : artère gastro-duodénale ; AS : artère splénique ;
AHP : ampoule hépatopancréatique ; CPA : conduit pancréatique accessoire ; CPP : conduit pancréatique principal ; MIP : maximum intensity
projection ; PM : papille mineure ; VBP : voie biliaire principale ; VMS : veine mésentérique supérieure.
4
1. Anatomie et embryologie pancréatique – Variantes anatomiques
Le corps est séparé de la queue par la boucle de l’artère Tout au long de son trajet, il reçoit les afférences
splénique ; des conduits pancréatiques secondaires. L’un d’eux est
y la queue. Elle peut avoir une forme variable et se dénommé conduit inférieur de la tête et draine l’uncus
situe dans le ligament splénorénal. Elle est entièrement du pancréas, rejoignant le plus souvent le conduit pan-
péritonéalisée. créatique principal mais pouvant également rejoindre
Le pancréas gauche englobe le corps et la queue du le conduit pancréatique accessoire après un court trajet
pancréas. ascendant.
VBP
CPP
PM
AHP
CV
CA
1 2 3 4
Fig. 1.3
Représentation schématique de l’embryologie du pancréas normal, en projection planaire axiale vue « depuis les pieds du patient ».
1 : émergence des ébauches dorsale et ventrale ; 2 : rotation des ébauches ; 3 : fusion des ébauches ; 4 : fusion des conduits. Ébauche dorsale
en jaune ; ébauche ventrale en violet. AHP : ampoule hépatopancréatique (papille majeure) ; CA : conduit pancréatique accessoire ;
CPP : conduit pancréatique principal ; CV : conduit pancréatique ventral ; PM : papille mineure ; VBP : voie biliaire principale.
7
I. Anatomie et techniques d’imagerie
A B C
D
Fig. 1.5
Patient de 44 ans, découverte récente d’un diabète.
L’IRM coupes axiales T2 (A) et T1 à la phase portale (B) et l’échographie (C) montrent l’absence de corps et de queue du pancréas. La CPRM (D)
confirme l’agénésie du pancréas dorsal, montrant un conduit ventral isolé rejoignant la voie biliaire principale à la papille majeure et l’absence
de conduit pancréatique accessoire. La dilatation microkystique des conduits secondaires est en faveur d’une pancréatite chronique céphalique.
et la jonction œsogastrique. Il est la plupart du temps situé graphie par voie endoscopique ou de CPRM) [6]. Elle est
dans la sous-muqueuse, plus rarement dans la musculeuse. définie par la présence d’un anneau de pancréas entourant
Il serait issu soit d’une séparation et d’une migration de
tissu pancréatique lors de la rotation du bourgeon ven-
tral, soit d’une mauvaise différenciation de la muqueuse.
D’autres localisations plus rares ont été rapportées : diverti-
cule de M eckel (fig. 1.6), côlon, appendice, vésicule biliaire,
mésentère (fig. 1.7), médiastin, etc. La découverte est en
général fortuite.
B
Pathologie associée
8
1. Anatomie et embryologie pancréatique – Variantes anatomiques
A B C
Fig. 1.7
Patiente de 42 ans : colo-TDM avec injection pour bilan préopératoire d’une endométriose digestive.
A. Coupe axiale. B. Coupe sagittale. Découverte fortuite d’un pancréas mésentérique (flèche blanche) se drainant via un conduit central
(tête de flèche) dans le jéjunum (flèche noire). La vue coronale (C) montre le pancréas normal et le pancréas ectopique (flèche blanche).
le 2e duodénum [7]. Le conduit est alors annulaire (visua- nisme embryologique est lié à une anomalie de migration
lisé en IRM qui permet d’affirmer le diagnostic) (fig. 1.8). du bourgeon ventral. Une classification en trois types est
Il peut être associé une configuration divisum. Le méca- proposée par Lin [8].
A B
C D
Fig. 1.8
Exemple de pancréas annulaire.
Patiente de 29 ans adressée pour exploration d’angiomes hépatiques. A, B. IRM séquences pondérées T1 dans les plans axial (A) et coronal (B), injectées
à la phase artérielle. C. CPRM 2D. D. Représentation schématique de la configuration ductale. L’IRM abdominale montre fortuitement un anneau
de pancréas (tête de flèche) entourant le 2e duodénum (étoile). Le conduit annulaire est mieux visible sur la CPRM et se draine dans le conduit
pancréatique principal (CPP). Le conduit pancréatique accessoire, probablement rudimentaire, n’est pas visible sur ces images. VBP : voie biliaire principale.
9
I. Anatomie et techniques d’imagerie
VBP
CPA
PM CPP
AHP
VBP
1
Parenchyme encerclant la veine
CPA
PM
CPP
AHP
VBP
2
PM CPP
Parenchyme + conduit ventral AHP
CV
encerclant la veine
3
Fig. 1.9
Embryologie du pancréas annulaire périportal.
Les trois configurations possibles du conduit ventral sont : 1 – fusion ductale modale à droite de la veine (variante divisum possible) ;
2 – fusion ductale à gauche de la veine (conduit pancréatique accessoire plus ou moins visible) ; 3 – forme divisum par défaut de fusion ductale
ventrodorsale.
AHP : ampoule hépatopancréatique ; CPA : conduit pancréatique accessoire ; CPP : conduit pancréatique principal ; PM : papille mineure ;
VBP : voie biliaire principale.
A B
VBP
CPA
PM
CPP
AHP
VP
C
Fig. 1.10
Pancréas annulaire périportal dans sa forme antéportale.
A, B. TDM avec injection, MinIP (minimum intenstiy projection). CPA : conduit pancréatique accessoire ; CPP : conduit pancréatique principal ;
VP : veine porte.
risque peropératoire est un risque de fistule par lésion désignée par le nom « ansa pancréatica » définie par la forme
du conduit principal lorsque celui-ci emprunte un en « S » du conduit pancréatique accessoire qui vient croiser
trajet postérieur à la veine mésentérique. le conduit pancréatique principal en avant (fig. 1.11).
45-60 %
30-45,6% 1-3,6%
4,6 % 1,2%
Fig. 1.11
Variantes ductales d’aval dessinées en vue coronale.
La distinction entre les parenchymes issus des ébauches ventrale et dorsale n’a pas été faite sur ce schéma.
Pourcentages issus de [5,12].
y le type 2 où le conduit ventral est absent ; pression engendre une ectasie focale du conduit
y le type 3, également appelé divisum « incomplet », où pancréatique accessoire dans la lumière duodénale
une fine branche fait communiquer un conduit dorsal appelée santorinocèle (fig. 1.13). Les implications
dominant avec un conduit ventral rudimentaire. cliniques du pancréas divisum sont controversées.
Les études conduites en CPRE (cholangiopancréato-
graphie rétrograde endoscopique) retrouvent une
Pathologie associée fréquence accrue de cette variante chez les patients
présentant une pancréatite [14], mais ces observa-
Le déséquilibre entre les capacités excrétoires de tions ont pu être influencées par un biais recrute-
la papille mineure et la quantité de sucs issus du ment. Les études récentes en CPRM suggèrent que
pancréas dorsal conduit à une augmentation des la plupart des patients porteurs d’un pancréas divi-
pressions à la papille. Dans certains cas, cette hyper- sum seraient en fait asymptomatiques [15].
12
1. Anatomie et embryologie pancréatique – Variantes anatomiques
PM
AHP
A B
Fig. 1.12
Pancréas divisum.
A. Exemple d’un pancréas divisum complet sans communication visible entre le conduit dorsal dominant et le conduit ventral qui est horizontalisé
(CV). B. Exemple de pancréas divisum incomplet (type 3) avec persistance d’une communication ductale ventrodorsale (flèche rouge). Le drainage
du pancréas gauche se fait principalement par la papille mineure (drainage dorsal dominant). AHP : ampoule hépatopancréatique ; CPP : conduit
pancréatique principal ; PM : papille mineure ; TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas.
A B
Fig. 1.13
Patiente de 67 ans suivie pour une tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas corporéale.
L’IRM (A : CPRM, B : coupe axiale en pondération T2) montre un pancréas divisum associé à une santorinocèle (flèche).
Anomalie de la jonction
biliopancréatique
La forme anormale de la jonction biliopancréatique est la
présence d’un conduit commun trop long, étendue sur
15 mm ou plus (fig. 1.14). Sa prévalence est de l’ordre de
1,5 à 3 %. Elle résulte d’une fusion du conduit pancréa-
tique et de la voie biliaire principale en dehors de la paroi
duodénale, possiblement liée à une disposition oblique A B
anormale de l’ébauche pancréatique ventrale [16]. La cou- Fig. 1.14
verture incomplète de l’ampoule par le sphincter hépato Anomalie de la jonction biliopancréatique, dessinée (A)
pancréatique engendre alors un reflux bidirectionnel et et en CPRM en coupe coronale (B).
une stase mêlant sucs pancréatiques et bile.
Pancréas bifide
Le pancréas est bifide correspond à un dédoublement du
conduit pancréatique principal (fig. 1.15). C’est une variante
rare et asymptomatique.
Pathologie associée A B
Fig. 1.16
Variantes des contours du pancréas droit illustrées par des images TDM.
Classification adaptée de [18].
14
1. Anatomie et embryologie pancréatique – Variantes anatomiques
Anomalies graisseuses diffuses les lobules pancréatiques restant visibles entre les travées
graisseuses.
Les modifications graisseuses diffuses du pancréas peuvent
être d’ordre génétique ou métabolique (fig. 1.17). L’invo-
lution adipeuse ou « lipomatose » d’origine génétique Pathologie associée
est rare, associée à des pathologies telles que la muco-
viscidose ou le syndrome de Shwachman-Diamond. Elle L’involution adipeuse d’origine génétique est
est souvent majeure avec une disparition quasi complète associée à une insuffisance pancréatique exocrine.
du parenchyme pancréatique normal. On la distingue de L’involution adipeuse d’origine métabolique est
l’agénésie dorsale par la persistance d’un système duc- associée à une insuffisance pancréatique endo-
tal et la présence d’un effet de masse graisseux en lieu crine (diabète de type 2) et est réversible avec la
et place du pancréas. À l’inverse, l’involution adipeuse perte de poids.
d’origine métabolique est acquise, fréquente, liée à l’âge
et à l’obésité [20]. L’atteinte peut être de degré variable, Anomalies graisseuses focales
Les variantes liées une distribution hétérogène de la graisse
dans la glande pancréatique sont fréquentes. L’involution
graisseuse focale (fig. 1.18A) est associée à l’âge et au ter-
rain métabolique, à l’instar de sa forme diffuse. Elle siège le
plus souvent au versant antérieur de la tête et s’explique
par l’origine embryologique distincte des pancréas ventral
et dorsal. Une épargne graisseuse péricholédocienne y est
souvent associée. Des zones de trappage d’îlots graisseux
péritonéaux (fig. 1.18B) sont parfois observées, résultant
possiblement d’un piégeage de la graisse sur la ligne de
fusion ventrodorsale.
Plus rare, certaines modifications graisseuses du pan-
créas peuvent prendre l’aspect de pseudo-masses et consti-
tuer un piège diagnostique (fig. 1.19). On distingue les rem-
placements graisseux focaux des authentiques lipomes
intrapancréatiques. Les remplacements graisseux focaux
sont localisés en périphérie de la glande, au contact de la
A graisse péritonéale.
Les lipomes pancréatiques sont eux situés en plein
parenchyme. Histologiquement, ces lésions diffèrent des
remplacements graisseux focaux par la présence d’une cap-
sule et de septa conjonctifs internes [21].
Messages à retenir
A B
Fig. 1.18
Anomalies graisseuses focales du pancréas : variantes.
A. Involution graisseuse focale dans le territoire pancréatique ventral. B. Îlots graisseux trappés dans la tête du pancréas.
B
Fig. 1.19
Anomalies graisseuses focales du pancréas.
Deux exemples de remplacement graisseux focaux de découverte fortuite, situés à la partie antérieure de la tête (A) et dans la queue (B),
hétérogènes en TDM avec contingent graisseux hypodense, responsables d’une chute du signal sur la séquence en opposition de phase (out
of phase) comparativement à la séquence en phase (in phase).
17
Chapitre 2
Échographie du pancréas
Olivier Lucidarme
PLAN DU C HAPITRE
Le pancréas normal en échographie 20
Anatomie glandulaire 20
Aspect échographique 20
20
2. Échographie du pancréas
A B
Fig. 2.2
Détails de l’échoanatomie de la tête du pancréas
A. Coupe transversale épigastrique montrant le conduit cholédoque (tête de flèche), le conduit pancréatique principal (flèche) dans sa portion
verticale céphalique qui chemine en parallèle du conduit cholédoque. B. Coupe verticale de la tête du pancréas : les flèches montrent la portion
verticale du conduit pancréatique principal. VCI : veine cave inférieure ; VP : veine porte.
peut parfois se collecter dans la grande tubérosité (plus déclive remplacement complet du parenchyme glandulaire par du
et postérieure) et l’air se collecter dans l’antre. Il faut alors tissu adipeux est possible en cas de mucoviscidose.
remettre le patient debout pour inverser la distribution du y À partir de 60 ans, le pancréas involue, donnant l’aspect
liquide et de l’air. On peut également positionner le patient en de pancréas sénile se traduisant par une atrophie progressive
décubitus latéral droit pour favoriser le passage de l’eau vers le du parenchyme avec une dilatation harmonieuse du conduit
2e duodénum pour mieux délimiter la tête du pancréas. pancréatique principal qui peut atteindre 6 mm de diamètre
La visualisation du pancréas varie selon les études avec au niveau de la tête. Il s’y associe une modification du trajet
une sensibilité autour de 90 % pour la tête mais seulement des collatérales en raison d’une fibrose progressive du paren-
de 50 à 60 % pour le corps et la queue. chyme et une dilatation microkystique des conduits, ce qui
accentue le caractère hyperéchogène du pancréas.
Aspect glandulaire Le conduit pancréatique principal est fin et régulier
sur toute sa longueur. Son diamètre augmente légèrement
L’échostructure glandulaire est finement homogène de la queue vers la tête mais chez un sujet jeune, il n’excède
(plus homogène que le parenchyme hépatique adjacent). pas 2 mm de diamètre (fig. 2.3A). Chez les sujets âgés, l’invo-
Son échogénicité est variable car la glande pancréatique se lution fibroadipeuse de la glande provoque un élargissement
charge en graisse au cours de la vie (fig. 2.3) [1]. du conduit qui peut atteindre 5 à 6 mm de diamètre de
y Le tissu glandulaire est abondant chez l’enfant et l’adulte façon physiologique mais ses parois restent linéaires régulières
jeune, responsable du caractère plus hypoéchogène du et parallèles. En décubitus, le conduit est aplati ; en position
pancréas par rapport au foie. debout, il s’élargit, ce qui témoigne de la souplesse de la glande.
y En vieillissant, le pancréas devient hyperéchogène. Chez Les conduits pancréatiques secondaires et le conduit
l’adulte de 30 à 40 ans, il peut avoir une échogénicité compa pancréatique accessoire ne sont habituellement pas visi
rable ou légèrement supérieure à celle du foie normal (fig. 2.3A). bles à l’état normal.
y Au-delà de la quarantaine, l’échogénicité glandulaire aug- La face antérieure du pancréas est séparée de la paroi
mente de façon diffuse et homogène (fig. 2.3B) et il n’est pas postérieure de l’estomac par la bourse omentale qui est
rare que le pancréas atteigne une échogénicité comparable virtuelle et donc composée de deux feuillets péritonéaux
(fig. 2.3C) ou supérieure à celle de la graisse rétropéritonéale. constituant les parois antérieure et postérieure de la
Dans ce cas, son aspect est plus compact et homogène que bourse accolées. On observe donc le long de la face anté-
la graisse péripancréatique adjacente (fig. 2.3D). Cette trans- rieure du pancréas une fine ligne hypoéchogène régulière
formation graisseuse est un phénomène physiologique qui qui correspond à la couche musculeuse de la paroi posté-
peut être amplifié en cas de diabète ou d’obésité. Il n’est pas rieure de l’estomac additionnée de ses deux feuillets péri-
corrélé à l’apparition d’une insuffisance pancréatique. Un tonéaux (fig. 2.4). Cette ligne hypoéchogène doit être fine
21
I. Anatomie et techniques d’imagerie
A B
C D
Fig. 2.3
Différentes échogénicités du pancréas en fonction de l’âge.
A. Sujet jeune : le pancréas a une échogénicité comparable à celle du parenchyme hépatique. Le conduit pancréatique principal est visible
dans la portion corporéale du pancréas. B. Pancréas plus échogène que le lobe gauche du foie chez une patiente de 40 ans. C. Pancréas
dont l’échogénicité est identique à celle de la graisse avoisinante chez un patient de 60 ans. D. Pancréas dont l’échogénicité est supérieure
à celle de la graisse avoisinante avec une échostructure plus compacte chez un patient de 70 ans.
Flèches : pancréas ; têtes de flèches : conduit pancréatique principal ; flèche longue : voie biliaire principale ; flèche courte :
artère gastroduodénale ; VCI : veine cave inférieure ; VP : veine porte.
et régulière, de 3 à 4 mm d’épaisseur. Un épaississement de d’un score pronostique de gravité qui permet de définir
cette ligne peut signer la présence d’un épanchement dans l’agressivité des moyens thérapeutiques mis en œuvre.
la bourse omentale (fig. 2.5). La place de l’échographie dans la pancréatite aiguë n’est
pas pour autant négligeable et il est important de connaître
ses aspects échographiques ainsi que ceux de ses compli
Le pancréas pathologique cations pour plusieurs raisons :
y en cas de douleurs abdominales aiguës non étiquetées et
en échographie sans orientation biologique, l’échographie est un vrai conti-
nuum de l’examen clinique. Elle permet ainsi d’identifier
Pancréatite aiguë une pancréatite aiguë non suspectée et ses complications ;
C’est avant tout une TDM abdominopelvienne qui doit y l’examen échographique est de toute façon à réaliser car
être effectuée après 72 heures d’évolution lorsque la pan- toute pancréatite aiguë doit être considérée comme d’ori-
créatite est sévère. Cet examen participe à l’établissement gine biliaire jusqu’à preuve du contraire et c’est l ’échographie
22
2. Échographie du pancréas
Fig. 2.5
Aspect typique de pancréatite aiguë de la portion corporéocaudale
Fig. 2.4 du pancréas (flèches) qui apparaît hypertrophiée hypoéchogène
Détails sur la tête, l’isthme et une portion du corps du pancréas hétérogène avec présence d’une collection liquidienne
en coupe épigastrique transverse. péripancréatique probablement dans la bourse omentale (étoile).
En avant se situe l’estomac (E). La bande hypoéchogène délimitée La tête du pancréas apparaît normale (têtes de flèches). AO : aorte ;
par les têtes de flèches, correspond à la paroi postérieure VCI : veine cave inférieure ; VP : veine porte ; VS : veine splénique
de la musculeuse de l’estomac additionnée des deux feuillets
péritonéaux de la bourse omentale qui est ici virtuelle.
caractère nécrotique ou non. Si l’atteinte est localisée à
une portion du pancréas, le diagnostic différentiel avec une
qui est chargée de confirmer ou d’infirmer cette hypothèse tumeur est difficile ;
en recherchant des calculs vésiculaires, voire un empierre- 3. les limites du pancréas sont difficiles à préciser (fig. 2.6) ;
ment cholédocien ; 4. une simple infiltration inflammatoire non collectée de
y en cas de pancréatite gravissime, l’échographie est la graisse péripancréatique peut se traduire par un aspect
souvent le premier examen réalisé au lit du patient en épaissi et hyperéchogène de la graisse péripancréatique.
réanimation. Les collections liquidiennes ou nécrotiques aiguës péri
pancréatiques sont visibles sous la forme de plages
Reconnaissance des signes liquidiennes anéchogènes (cf. fig. 2.5), hypoéchogènes
23
I. Anatomie et techniques d’imagerie
ou de contenu mixte liquidien et échogène (nécrose, sang) dans une glande elle-même hypoéchogène. L’œdème de la
localisées, à contours flous, situées au contact ou à distance pancréatite peut également masquer l’atrophie du paren-
de la glande ; chyme d’amont (signe habituellement retrouvé dans le
5. un simple épanchement liquidien libre à distance peut cancer, cf. chapitre 6). De la même façon, 20 à 40 % des
aussi être observé. tumeurs malignes intracanalaires papillaires et mucineuses
Ces collections sont bien corrélées à celles décrites en du pancréas (TIPMP avec transformation maligne) se
TDM mais la sensibilité de l’échographie à la présence révèlent par une pancréatite aiguë. Pour cette raison, la
des collections le long du rétropéritoine est moindre que découverte d’une formation kystique pancréatique sur
celle de la TDM. De plus, en l’absence de caractérisation l’échographie réalisée en début d’évolution pour recher-
précise du caractère nécrotique ou non de la glande, il est cher une cause biliaire ne doit pas faire évoquer un pseudo-
par conséquent impossible de faire la différence entre des kyste, car celui-ci apparaît secondairement, mais plutôt une
collections liquidiennes aiguës péripancréatiques (CLAP) tumeur kystique.
et des collections aiguës nécrotiques péripancréatiques Par ailleurs, en l’absence d’anomalie des voies biliaires,
(CAN), qui reste du domaine de la TDM [2]. Il n’a pas été l’échographie peut permettre d’identifier des signes
démontré que le caractère hétérogène des collections pou- d’hépatopathie chronique qui, combinées à l’interrogatoire
vait orienter vers l’une ou l’autre [3]. et à l’examen clinique, peuvent être en faveur d’une origine
alcoolique.
Recherche d’une cause Enfin si l’échographie retrouve des signes de pancréa-
L’échographie peut jouer un rôle important dans l’enquête tite chronique calcifiante (cf. infra), on évoque une pous-
étiologique grâce à ses capacités d’études fines des voies sée de pancréatite aiguë sur pancréatite chronique liée à la
biliaires. L’échographie est très supérieure à la TDM pour poursuite de la consommation d’alcool ou à la présence de
identifier des calculs biliaires car leur composition riche calculs dans le conduit pancréatique principal.
en cholestérol peut les rendre invisibles en TDM. En cas
de pancréatite aiguë diagnostiquée cliniquement ou bio Recherche des signes de gravité
logiquement ou de découverte inattendue en échographie, Ce n’est pas à l’échographie d’établir le score de gravité
il faut toujours réaliser une exploration échographique d’une pancréatite aiguë et celle-ci ne peut pas se substi-
attentive de la vésicule et des voies biliaires intra et extra- tuer à la TDM. C’est la TDM qui permet d’identifier la pré-
hépatiques à la recherche de calculs. Même si la voie biliaire sence de nécrose au sein de la glande et qui donc oriente
principale n’est pas toujours explorable jusqu’à la papille, la vers le diagnostic de pancréatite nécrosante ou non selon
vésicule biliaire reste quasiment toujours facilement explo- la classification d’Atlanta 2012 [2] et établit le score CTSI
rable. La découverte de calculs dans sa lumière constitue (computed-tomography severity index) [4].
un argument présomptif fort d’une origine lithiasique de
la pancréatite. Cette exploration doit être effectuée rapide- Recherche des complications
ment car après 48 heures de jeûne, l’absence de vidange de
la vésicule induit la formation de sludge, rendant difficile la La recherche des complications générées par une pancréa-
détection de microcalculs vésiculaires. tite aiguë est le plus souvent du domaine de la TDM mais
La découverte d’une dilatation des voies biliaires extra l’échographie peut tout à fait les identifier : soit lors du bilan
et intrahépatiques associée à une vésicule de grande taille étiologique initial, soit au cours d’une surveillance au lit du
doit faire évoquer de principe la présence d’une tumeur de patient en réanimation. Il faut toujours penser à la possibi-
la tête du pancréas à l’origine d’une pancréatite d’amont, lité de thrombose partielle ou totale de la veine splénique
surtout si ces constatations s’accompagnent de la présence qui longe la face postérieure du pancréas mais aussi de la
d’adénopathies hypoéchogènes à la base du pédicule hépa- veine porte ou de la veine mésentérique supérieure. Cette
tiques (pas toujours faciles à identifier en cas d’infiltration thrombose se traduit à la phase aiguë par la présence d’un
du pédicule par la pancréatite aiguë). Dans ce cas, s’il est thrombus initialement peu échogène, mais dont l’écho
visible, le conduit pancréatique principal peut apparaître génicité augmente avec le temps, le plus souvent bien visible
également dilaté. Cinq à 10 % des adénocarcinomes se en mode B, confirmée par l’absence de flux en doppler.
révèlent ainsi sous la forme d’une pancréatite aiguë. Dans En présence de collection, il faut rechercher la présence
ce cas, la tumeur est le plus souvent invisible à la phase de bulles d’air qui se traduisent par des images hyper
aiguë de la pancréatite car elle est hypoéchogène, noyée échogènes ponctiformes ou étendues, le plus souvent
24
2. Échographie du pancréas
c ollectées à la surface, avec ou sans cône d’ombre posté formes précoces des pancréatites chroniques alcooliques
rieur en fonction de l’importance de ces bulles. C’est le est très difficile, quasiment impossible en échographie.
seul signe fiable de surinfection en échographie comme Les calculs pancréatiques sont un des signes quasi patho-
en TDM car le caractère hétérogène des collections et la gnomoniques de la pancréatite chronique alcoolique. Leur
présence éventuelle de sédiments ne sont pas spécifiques probabilité de survenue est de 33 % à 2 ans, 50 % à 4 ans
d’une surinfection. et 85 % à 15 ans [5‑8]. L’échographie n’est pas le meilleur
Au-delà de 4 semaines, si une collection persiste, on examen pour en faire le diagnostic. La TDM et l’écho
parle alors de pseudo-kyste ou de collection nécrotique endoscopie sont plus sensibles mais il est important de
organisée selon la classification d’Atlanta (fig. 2.7). Les savoir les identifier en échographie, ce d’autant que la mise
pseudo-kystes compliquent plus souvent une pancréatite en évidence fortuite de calculs pancréatiques peut être une
alcoolique que biliaire. circonstance de découverte de la pancréatite chronique,
notamment dans le cas des pancréatites chroniques indo-
Pancréatites chroniques lores ou se révélant par un diabète.
Les calculs apparaissent classiquement comme des
La découverte de signes en faveur d’une pancréatite ponctuations hyperéchogènes avec, pour les plus gros,
chronique en échographie peut être fortuite, à l’occasion un cône d’ombre postérieur et un artefact de scintille-
d’une imagerie de débrouillage effectuée pour des dou- ment (fig. 2.8). Les calculs peuvent parfois se situer dans la
leurs abdominales. Contrairement à la pancréatite aiguë, lumière du conduit principal et être obstructifs, entraînant
l’échographie tient une place moins importante dans la une dilatation du conduit pancréatique principal en amont
recherche étiologique car les pancréatites chroniques n’ont (fig. 2.9) avec une accentuation de l’atrophie parenchyma-
pas une origine lithiasique biliaire. teuse. Cet amincissement du parenchyme glandulaire doit
être surveillé par des examens échographiques réguliers
Reconnaissance des signes en mesurant l’épaisseur glandulaire séparant la lumière du
Le rôle de l’imagerie pour le diagnostic concerne l’identi- conduit principal dilaté de la surface du pancréas. En effet,
fication des lithiases pancréatiques et de l’irrégularité des associé à un calcul obstructif céphalique, il peut conduire
conduits. Ces signes sont faciles à mettre en évidence dans à une perforation du conduit en regard de la zone la plus
les formes évoluées dans lesquelles on observe également fine du parenchyme, habituellement sur la face antérieure
une atrophie glandulaire. En revanche, le diagnostic des de l’isthme dans la bourse omentale. Ces calculs obstructifs
Présence
Oui de nécrose en TDM Non
Infection ?
4 semaines 4 semaines
Oui
Fig. 2.7
Terminologie standardisée issue de la conférence de consensus d’Atlanta en 2012.
25
I. Anatomie et techniques d’imagerie
Fig. 2.12
Fig. 2.11
Constatation d’une dilatation du conduit pancréatique principal
Tumeur hypoéchogène (flèches) développée aux dépens de la tête (têtes de flèches), des voies biliaires intrahépatiques (flèches)
du pancréas, responsable d’une dilatation du conduit pancréatique et de la voie biliaire principale (double flèche).
principal (CPP) en amont associée à une atrophie de la glande Ici, la tumeur n’est pas visible mais une double dilatation des conduits
qui est par ailleurs très hyperéchogène (têtes de flèches). hépatiques et pancréatique fait suspecter un obstacle sur la partie basse
VMS : veine mésentérique supérieure. de la tête du pancréas à proximité du sphincter hépatopancréatique
et donc d’une probable tumeur de la tête du pancréas ou ampullaire.
AMS : artère mésentérique supérieure ; VP : veine porte.
L’échographie est, par ailleurs, le plus souvent l’examen
de 1re intention devant des douleurs abdominales non
étiquetées. y Si la tumeur est isthmique ou corporéale, elle entraîne une
dilatation du conduit pancréatique principal dans la portion
Signes directs corporéocaudale de la glande. L’obstacle à l’écoulement de la
sécrétion exocrine pancréatique consécutive à une sténose
L’adénocarcinome du pancréas est classiquement un
du conduit pancréatique principal, peut également être à
nodule ou une masse très hypoéchogène (cf. fig. 2.11).
l’origine de pancréatites aiguës, dites pancréatites d’amont.
Ainsi, la survenue d’épisode de pancréatite à répétition sur-
Signes indirects tout, si elles sont corporéocaudales, doit faire évoquer une
Ils sont la conséquence d’une sténose ductale consécutive tumeur. Cependant, dans un contexte de pancréatite, l’écho-
à la présence d’une tumeur d’installation progressive. Ces graphie perd son principal avantage : le pancréas devient
signes sont très évocateurs d’adénocarcinome pancréa- hypoéchogène, le contraste avec une éventuelle lésion solide
tique. À l’exception des métastases intrapancréatiques et hypoéchogène diminue et cette dernière n’est plus directe-
des pancréatites focales, les autres lésions n’entraînent que ment visible. Il faut alors savoir répéter les examens d’image-
rarement des signes indirects. rie à distance de l’épisode aigu.
y Si la tumeur est céphalique, elle peut entraîner une sté- Ces signes indirects peuvent être les premiers identifiés lors
nose qui peut atteindre les conduits biliaire et pancréa- d’un examen échographique et doivent faire rechercher une
tique. On retrouve alors une dilatation des voies biliaires lésion hypoéchogène à l’origine de ces signes. La découverte
intra et extrahépatiques associée à une distension de la d’une dilatation du conduit pancréatique principal ou d’une
vésicule (équivalent échographique de l’ictère à grosse dilatation de la voie biliaire principale doit faire rechercher une
vésicule) et/ou une dilatation du conduit pancréatique lésion hypoéchogène de la tête pancréatique. La constatation
principal (fig. 2.12), parfois associée à une atrophie glandu- d’une atrophie isolée corporéocaudale ou caudale doit faire
laire autour du conduit dilaté si l’obstruction s’est installée rechercher une lésion hypoéchogène du corps ou de l’isthme.
sur une longue durée. En échographie abdominale, l’atro- À l’inverse, lorsqu’une lésion focale hypoéchogène est
phie de la glande n’est pas nécessairement objectivable car identifiée, il faut toujours rechercher les signes indirects qui
le pancréas atrophié devient plus échogène (involution sont en faveur du diagnostic d’adénocarcinome. La pré-
graisseuse) et se confond avec la graisse adjacente. La sence de signe direct d’une lésion sans les signes indirects
glande ne devient alors indirectement repérable que par le signe plutôt une lésion non infiltrante ou non compressive
conduit pancréatique qui est dilaté. différente de l’adénocarcinome (ou des métastases).
28
2. Échographie du pancréas
29
I. Anatomie et techniques d’imagerie
la découverte fortuite d’une formation kystique pancréatique Une technique rigoureuse permet l’obtention
au cours d’un examen abdominal, elle peut parfois être uti- de nombreuses informations. Il ne faut pas hési-
lisée comme examen exploratoire de 1re intention devant ter à mettre le patient debout par exemple pour
une image kystique identifiée en TDM, en l’absence de dispo mieux mobiliser le côlon transverse vers le bas et
nibilité immédiate de l’IRM et de l’échoendoscopie. Enfin, si l’air gastrique vers le haut.
pour une lésion bénigne une surveillance est décidée, celle-ci L’étude des vaisseaux constitue les principaux
peut être parfois réalisée par l’échographie transcutanée. repères dans l’étude du pancréas et un temps de
L’incidentalome typique est un kyste unique, rond ou l’examen doit leur être consacré.
ovale, à parois fines, sans bourgeon endoluminal et sans Il ne faut pas se contenter d’obtenir une coupe
communication avec le conduit principal. Il s’agit d’un kyste longitudinale oblique de la partie haute de la tête,
séreux ou d’un kyste simple. Sa taille est en général infé- de l’isthme et du corps du pancréas. Il faut des-
rieure à 1 ou 2 cm. La fréquence de ce kyste augmente net- cendre et explorer la totalité de la tête du pan-
tement avec l’âge, pour atteindre une fréquence d’environ créas et étudier la queue par un abord gauche
20 % au-delà de 70 ans. Sa taille augmente aussi un peu avec transsplénique.
l’âge. Ainsi, devant une image de ce type chez une personne Le diagnostic échographique de pancréatite aiguë
âgée, il est envisageable de ne pas poursuivre les explorations. est facile chez un sujet âgé (la glande est augmentée
En revanche, chez une personne plus jeune, il faut réaliser de taille et hypoéchogène) mais peut être difficile
une IRM avec CPRM afin d’affirmer définitivement que la chez un sujet jeune (la glande est naturellement
lésion est unique, et ne communique pas avec les conduits hypoéchogène) en l’absence de coulées de nécrose.
pancréatiques. L’échographie est nécessaire pour rechercher
En dehors de ce cas simple, toute image kystique supra une cause biliaire à une pancréatite aiguë. Elle
centimétrique, isolée (fig. 2.15) ou multiple, associée ou non doit être organisée rapidement à la recherche
à un conduit pancréatique principal dilaté doit faire l’objet d’une obstruction persistante des voies biliaires,
d’une exploration par IRM avec CPRM à la recherche d’argu- qui peut alors justifier une sphinctérotomie endo
ments en faveur d’une néoplasie mucineuse ou d’une TIPMP. scopique urgente.
Elle permet également de suggérer d’autres
Messages à retenir causes (tumeur, poussée de pancréatite chronique
auto-immune, alcoolisme) à partir de signes indi-
Le pancréas est un organe plat profond pas tou- rects identifiables en échographie.
jours facile à explorer en échographie abdominale À l’occasion de cet examen, les signes de
mais il ne faut pas partir perdant. pancréatite, la présence de collection et la pré-
sence de complications évidentes doivent être
décrits même si l’échographique abdominale n’a
que peu de valeur pour établir un score de sévérité
de la pancréatite dans les premiers jours. En effet, la
différenciation entre une pancréatite œdémateuse
et nécrotique et donc également la différence entre
les CLAP et les CAN n’est pas possible sans l’emploi
de produits de contraste échographique.
En cas de pancréatite chronique et en l’absence
de signes aigus, la réalisation annuelle ou semestrielle
d’une échographie, d’un dosage sanguin des phospha
tases alcalines et d’une hyperglycémie provoquée per
os permettent de dépister la formation de pseudo-
kystes rétentionnels, la survenue d’une dilatation du
Fig. 2.15 conduit pancréatique principal, d’une thrombose
Mise en évidence d’un volumineux kyste sur la tête du pancréas veineuse et d’une hypertension portale segmentaire,
(étoile).
Il est supracentimétrique et a donc fait l’objet d’une exploration l’apparition d’une compression de la voie biliaire
par IRM. Il s’agissait d’une tumeur kystique mucineuse. principale.
30
2. Échographie du pancréas
L’adénocarcinome du pancréas se voit très bien of acute pancreatitis – 2012 : revision of the Atlanta classification and
en échographie ! Il existe un fort contraste entre definitions by international consensus. Gut. 2013 ; 62 : 102‑11.
[3] Rickes S, Uhle C, Kahl S, Kolfenbach S, Monkemuller K, E ffenberger O,
la tumeur (très hypoéchogène) et la glande pan- et al. Echo enhanced ultrasound : a new valid initial imaging
créatique (hyperéchogène à l’âge de survenue du approach for severe acute pancreatitis. Gut. 2006 ; 55 : 74‑8.
cancer). C’est le pancréas qui est parfois difficile à [4] Khanna AK, Meher S, Prakash S, Tiwary SK, Singh U, Srivastava A, et
voir mais pas toujours ! al. Comparison of Ranson, Glasgow, MOSS, SIRS, BISAP, APACHE-II,
CTSI Scores, IL-6, CRP, and Procalcitonin in Predicting Seve-
En cas de visualisation du pancréas, il faut cher- rity, Organ Failure, Pancreatic Necrosis, and Mortality in Acute
cher l’adénocarcinome, cela permet de sauver Pancreatitis. HPB Surg. 2013 ; 2013 : 367581.
des vies (les petites lésions résécables sont peu [5] Bernades P, Belghiti J, Athouel M, Mallardo N, Breil P, Fekete F.
contrastées en TDM). Histoire naturelle de la pancréatite chronique : étude de 120 cas
[Natural history of chronic pancreatitis : A study of 120 cases].
La constatation de signes indirects (atrophie
Gastroenterol Clin Biol. 1983 ; 7 : 8‑13.
glandulaire et dilatation du conduit pancréatique [6] Dancour A, Lévy P, Milan C, Bernades P. [Natural history of non-
principal) doit faire rechercher la lésion hypo alcoholic chronic pancreatitis. Study of 37 cases and comparison
échogène en aval. with 319 cases of alcoholic chronic pancreatitis]. Gastroenterol Clin
Biol. 1993 ; 17 : 915‑24.
La découverte échographique fortuite d’un
[7] Ammann RW. Diagnosis and management of chronic pancreatitis :
kyste unique infracentimétrique du pancréas est current knowledge. Swiss Med Wkly. 2006 ; 136 : 166‑74.
fréquente au-dessus de 65 ans et ne nécessite pas [8] Malka D, Hammel P, Lévy P, Sauvanet A, Ruszniewski P, Belghiti J,
de poursuivre systématiquement les investigations. et al. Splenic complications in chronic pancreatitis : prevalence and
Si le kyste est supracentimétrique, s’il en existe risk factors in a medical-surgical series of 500 patients. Br J Surg.
1998 ; 85 : 1645‑9.
plusieurs ou si le patient est jeune, il faut complé- [9] Moossa AR, Gadd MA. Isolated splenic vein thrombosis. World J
ter systématiquement l’exploration par une IRM. Surg. 1985 ; 9 : 384‑90.
[10] Lévy P, Rusziniewski P, Bernades P. Histoire naturelle de la pancréa-
tite chronique alcoolique. EMC Hépatologie. 2000 : 7‑105-A-10.
[11] Fan Z, Li Y, Yan K, Wu W, Yin S, Yang W, et al. Application of
Références contrast-enhanced ultrasound in the diagnosis of solid pancreatic
lesions – a comparison of conventional ultrasound and contrast-
[1] Sirli R, Sporea I. Ultrasound examination of the normal pancreas. enhanced CT. Eur J Radiol. 2013 ; 82 : 1385‑90.
Med Ultrason. 2010 ; 12 : 62‑5. [12] Takuma K, Kamisawa T, Gopalakrishna R, Hara S, Tabata T, Inaba Y,
[2] Banks PA, Bollen TL, Dervenis C, Gooszen HG, Johnson CD, Sarr MG, et al. Strategy to differentiate autoimmune pancreatitis from pan-
et al. ; Acute Pancreatitis Classification Working Group. C
lassification creas cancer. World J Gastroenterol. 2012 ; 18 : 1015‑20.
31
Chapitre 3
Tomodensitométrie
pancréatique
Sébastien Mulé
PLAN DU C HAPITRE
Technique 34
Protocole d’acquisition 34
Choix du kilovoltage 34
Technique double énergie 35
Méthodes de reconstruction des images 37
Indications 38
Ictère 38
Pancréatite aiguë 39
Pancréatite chronique 40
Tumeur exocrine du pancréas 40
Tumeur endocrine du pancréas 40
La tomodensitométrie (TDM) est la pierre angulaire de y La phase dite pancréatique est acquise entre 35 et
l’exploration du pancréas en imagerie. Elle permet à la fois 50 secondes après l’injection, le plus souvent à 45 secondes,
une analyse précise et exhaustive du parenchyme pan- et est centrée sur la glande pancréatique. La phase pancréa-
créatique et des vaisseaux péripancréatiques. Elle est ainsi tique fournit un rapport contraste sur bruit optimal de la
réalisée pour la détection et l’évaluation de l’extension – glande pancréatique, montrant un rehaussement maximal
notamment vasculaire – des pathologies pancréatiques. du parenchyme pancréatique (fig. 3.1), et des différences
Dans ce chapitre, nous verrons tout d’abord quels sont les d’atténuation plus importantes entre une éventuelle tumeur
prérequis et les paramètres d’un protocole d’exploration hypo atténuante (aspect classique d’un adéno carcinome
du pancréas en TDM. Seront ensuite présentés et analy- pancréatique) et le parenchyme normal d’une part, les
sés l’influence de paramètres tel que la tension du tube à artères d’autre part.
l’émission, et l’apport de nouvelles technologies telles que y Enfin, la phase portale est acquise 70 à 90 secondes après
la TDM double énergie et les méthodes de reconstruction le début de l’injection. L’acquisition doit couvrir les régions
d’images par intelligence artificielle. Sera ensuite détaillé abdominale et pelvienne. L’acquisition à la phase portale
l’aspect normal du pancréas en TDM, avant de présen- permet d’analyser de manière optimale le rehaussement du
ter brièvement les indications de cet examen en pratique parenchyme hépatique ainsi que d’éventuelles collections
clinique, introduisant ainsi les chapitres ultérieurs de cet intra ou péripancréatiques – notamment dans le cadre
ouvrage. d’une pancréatite aiguë.
Une acquisition thoracique doit être réalisée en complé-
ment en cas de processus tumoral pancréatique.
Sur le plan de l’analyse des vaisseaux, l’acquisition au
Technique temps pancréatique permet l’analyse des axes artériels et
d’éventuels contacts avec une lésion pancréatique, ainsi que
Protocole d’acquisition la recherche de variantes artérielles. L’acquisition au temps
L‘exploration en TDM du pancréas doit répondre à des portal permet elle l’analyse du réseau veineux et d’éventuels
critères d’acquisition spécifiques [1]. L’acquisition doit être contacts veineux. L’utilisation de reconstructions multipla-
réalisée en coupes millimétriques ou submillimétriques naires est indispensable lors de la phase d’analyse des images
(0,625 mm ou moins idéalement) de manière à garantir afin d’analyser de manière optimale les contacts vasculaires.
une résolution spatiale optimale. L’ingestion d’un verre Une approche alternative au protocole triphasique a été
d’eau avant le début de l’acquisition est recommandée. proposée afin de limiter l’irradiation du patient : l’utilisation
L’exploration du pancréas requiert une injection de produit d’un bolus fractionné de produit de contraste, permettant
de contraste. En cas de tumeurs du pancréas, l’exploration d’obtenir un rehaussement vasculaire et parenchymateux
TDM doit idéalement être réalisée avant tout geste endo satisfaisant au cours d’une seule et même acquisition [3].
scopique dont la mise en place d’une éventuelle prothèse Ainsi, Brook et al. ont proposé de réaliser une première
biliaire, même en cas d’ictère, de manière à ne pas altérer injection intraveineuse de 100 mL de produit de contraste
l’évaluation diagnostique et le bilan de résécabilité [2]. iodé 70 secondes avant l’acquisition (pour l’obtention
L’obtention d’un rehaussement parenchymateux opti- d’une phase portale), suivie d’une seconde injection de
mal nécessite une injection de produit de contraste à un 40 mL environ 35 secondes après la première (pour l’obten-
débit d’au moins 3‑5 mL/s. La dose d’iode injectée doit être tion d’une phase pancréatique) [3].
adaptée au poids du patient. La dose minimale recomman-
dée est de 0,5 g d’iode/kg. Une concentration supérieure Choix du kilovoltage
ou égale 300 mg d’iode/mL permet d’améliorer la visibilité
des vaisseaux, ainsi que le contraste entre le parenchyme L’utilisation d’un kilovoltage diminué à l’émission permet
normal et d’éventuelles lésions pancréatiques [1]. d’augmenter le contraste dans l’image (fig. 3.2), et ainsi
Trois phases d’acquisition doivent être réalisées lors de de diminuer théoriquement la quantité de produit de
l’exploration du pancréas en TDM : la phase avant injec- contraste iodé nécessaire pour obtenir un même degré
tion, la phase pancréatique et la phase portale (fig. 3.1) [1]. de rehaussement parenchymateux tout en abaissant la
y La phase avant injection permet de mettre en évi- dose délivrée au patient [4]. Ainsi, Marin et al. ont montré
dence la présence de calcifications ou de remaniements qu’une diminution du kilovoltage de 120 à 80 kVp asso-
hémorragiques. ciée à des valeurs de courant élevées (675 mA) permettait
34
3. Tomodensitométrie pancréatique
Fig. 3.1
Aspect TDM normal du pancréas avant injection (à gauche), à la phase pancréatique (au centre) et à la phase portale (à droite).
80 kVp
120 kVp
Fig. 3.2
Images TDM dans le plan axial acquises à 80 et 120 kVp aux phases pancréatique et portale.
Notez le contraste moindre dans les images à 120 kVp par rapport aux images à 80 kVp.
des équipes [8]. Néanmoins, la technologie double éner- y Dans un contexte de suspicion ou de caractérisation de
gie a démontré son intérêt dans la détection des méta tumeur du pancréas, les images sans injection permettent
stases hépatiques hyporehaussées [12,13]. Ainsi, les une évaluation précise du degré de rehaussement paren-
images monochromatiques virtuelles à 40 keV semblent chymateux et tumoral.
offrir une qualité subjective, un contraste lésion/foie et La substitution des images sans injection par des
un rapport contraste sur bruit des métastases hépatiques images sans injection virtuelles obtenues lors d’une
significativement supérieurs à ceux obtenus en imagerie acquisition en double énergie peut présenter plusieurs
polychromatique à 100 ou 120 kVp. Cela s’est traduit dans avantages, notamment une réduction potentielle de la
l’étude de Nagayama et al. par une détectabilité lésion- dose d’exposition aux rayons X et du temps d’acquisi-
nelle supérieure, notamment pour les petites métastases tion. Néanmoins, une telle substitution nécessite au préa-
inférieures à 1 cm [13]. lable une validation clinique précise incluant des analyses
La question de l’acquisition d’une hélice sans injection qualitatives (qualité d’image, visibilité des structures/
dans ce contexte est débattue. Les images obtenues avant anomalies, etc.) et quantitatives (valeurs de densité, rap-
injection sont utiles dans plusieurs indications. ports signal sur bruit et contraste sur bruit, etc.). Plusieurs
y Dans un contexte de pancréatite chronique, elles per- études ont démontré l’intérêt des images sans injection
mettent de mettre en évidence les calcifications parenchy- virtuelles, avec une absence de différence significative
mateuses et/ou ductales. avec les images sans injection réelles en termes de qualité
36
3. Tomodensitométrie pancréatique
Fig. 3.3
Images TDM double énergie dans le plan axial avant injection et aux phases pancréatique (images d’iode, monochromatique virtuelle
à 50 keV et sans injection virtuelle) et portale (images d’iode et monochromatique virtuelle à 50 keV).
d’image [14]. Le niveau de bruit dans les images sans injec- limites majeures pour l’exploration pancréatique est la
tion virtuelles était évalué significativement supérieur par potentielle suppression partielle ou totale de calcifications
rapport aux images sans injection réelles, avec une diffé- parenchymateuses ou ductales [14].
rence absolue restant faible. Les auteurs justifient cette
différence par des paramètres de collimation différents
entre l’acquisition double énergie (14 × 1,2 mm) et simple
Méthodes de reconstruction
énergie (2 × 32 × 6 mm). De plus, l’acquisition avant injec- des images
tion était notamment réalisée avec un kilovoltage élevé Le choix de la technique de reconstruction utilisée
(120 kVp). D’un point de vue quantitatif, Lacroix et al. a également un impact significatif sur la qualité des
ont comparé les densités du parenchyme hépatique et images acquises et sur l’optimisation de la dose d’irra-
de lésions focales hépatiques, et le rapport contraste sur diation. Les méthodes de reconstruction intégrant des
bruit des lésions focales par rapport au parenchyme adja- techniques d’intelligence artificielle, et notamment des
cent obtenus à partir d’images sans injection réelles basses modèles d’apprentissage profond (deep learning), s’im-
doses (80 kVp) et sans injection virtuelles aux temps posent de plus en plus comme les méthodes de choix
artériel tardif et portal [15]. Les images sans injection vir- au détriment des méthodes de reconstruction itérative
tuelles offraient des valeurs de densité comparables au [17,18]. Ces techniques offrent une réduction significa-
niveau du parenchyme hépatique et des lésions focales tive de l’amplitude du bruit dans l’image sans modifier
hépatiques par rapport aux images sans injection réelles, sa texture, permettant une augmentation significative
et une augmentation du rapport contraste sur bruit des du rapport signal sur bruit aux phases pancréatique
lésions focales hépatiques. et portale (fig. 3.4) [17,19,20]. En revanche, l’apport de
L’aspect comparable des valeurs d’atténuation (UH) telles méthodes de reconstruction pour la détectabilité
entre images sans injection virtuelles et réelles a également des lésions pancréatiques et leur bilan d’extension local
été montré au niveau rénal ou musculaire [16]. L’une des reste à démontrer.
37
I. Anatomie et techniques d’imagerie
ASIRV-60
DLIR-H
Fig. 3.4
Images TDM dans le plan axial avant injection et aux phases pancréatique et portale, reconstruites par méthode de reconstruction
itérative (ASIRV-60) et par méthode de reconstruction avec apprentissage profond (DLIR-H).
Noter la diminution nette du bruit dans les images DLIR-H.
21 ans 55 ans
73 ans 80 ans
Fig. 3.5
Évolution de la morphologie du pancréas en fonction de l’âge.
Le pancréas, à contours réguliers et discrètement lobulés chez le sujet jeune, présente des lobulations s’accentuant avec l’âge.
A B C
Fig. 3.6
Images TDM en coupes axiales (A, B) et curviligne (C) en reconstruction MinIP (minimum intensity projection) permettant de visualiser
le conduit pancréatique principal sur tout son trajet.
39
I. Anatomie et techniques d’imagerie
40
3. Tomodensitométrie pancréatique
[14] Mileto A, Mazziotti S, Gaeta M, Bottari A, Zimbaro F, Giardina C, [18] Jensen CT, Liu X, Tamm EP, Chandler AG, Sun J, Morani AC, et al.
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e15‑710.e24. janvier 2013.
41
Chapitre 4
IRM pancréatique
Valérie Laurent
PLAN DU C HAPITRE
Système 1,5 T versus 3 T 44
Préparation du patient 44
Séquences pondérées T2 45
Séquences 2D 45
Séquence 3D 46
Séquences en FSE TE effectif court 47
Sécrétine 47
Séquence FSE avec saturation de la graisse 47
Imagerie de diffusion 47
Étapes de l’interprétation 51
Protocoles raccourcis :
dans quelles situations ? 52
Conclusion 54
La réalisation d’une IRM pancréatique nécessite une tech- Tableau 4.1. Exemple de paramètres d’acquisition
nique d’acquisition dédiée à l’exploration de cet organe sur un système 3 T.
profond et peu volumineux. SSFSE SSFSE FSE 3D FSE 2D SS 3D EG
L’analyse est double : elle porte sur les conduits, pan- TE eff TE eff T2 CPRM EPI T1
créatiques et biliaires, et sur le parenchyme pancréatique. court court FS DWI
Cette exploration permet également visualiser les tissus Plan Axial Coronal Axial Coronal Axial Axial
péripancréatiques.
TE/TR (ms) 90/ 90/Min Min Min/ Min
Les paramètres choisis pour chaque séquence doivent Min 3 500
privilégier la résolution spatiale avec des coupes fines et un
Champ 42 380 30 38 38
petit champ de vue à l’acquisition. Les séquences rapides
de vue
sont choisies car elles présentent l’avantage d’avoir un
excellent rapport signal sur bruit et de permettre de s’af- Épaisseur 5 5 4 1,17 × 0,94 5 2,4
franchir des artefacts de mouvements [1]. de coupe × 1,7
(mm)
Les indications de l’IRM pancréatique sont multiples :
détection/caractérisation de lésions kystiques du pancréas, Direction D/G H/B D/G D/G D/G D/G
détection de masse solide, caractérisation de pancréatite fréquence
chronique, et conséquences des traumatismes pancréatiques. Matrice 448 354 320 × 256 150 352
Si lors d’une exploration hépatique, le parenchyme pan- × 315 × 269 × 96 × 215
créatique est visualisé, les paramètres ne sont pas optimisés, Respiration Apnée Apnée Nav Apnée/nav Libre Apnée
il est alors souvent nécessaire de devoir refaire un examen CPRM : cholangiopancréatographie par résonance magnétique ;
avec des paramètres adaptés à l’analyse du pancréas. D/G : droit/gauche ; DWI : diffusion weighted imaging ; EG ; écho de gradient ;
Dans une grande majorité des cas, la prise en charge des EPI : echo planar imaging ; FS : saturation du signal de la graisse ; FSE : fast spin
pathologies pancréatiques est optimisée par l’interpréta- echo ; H/B : haut/bas ; Nav : avec méthode de navigation ou compensation
respiratoire ; SS : single shot ; SSFSE TE eff : single shot fast spin echo TE effectif ;
tion conjointe de la TDM et de l’IRM.
TE : temps d’écho ; TR : temps de répétition.
Le protocole standard se compose des séquences sui-
vantes [1] :
y coronales SSFSE (single shot fast spin echo) T2 ;
y axiales SSFSE T2 ; linéairement avec la puissance du champ magnétique. Le
y radiaires et axiales SSFSE TE (temps d’écho) effectif long signal est donc meilleur sur un système 3 T comparé à un
(2D CPRM – cholangiopancréatographie par résonance système 1,5 T [2‑5]. La possibilité d’obtenir un signal sur
magnétique) ; bruit plus élevé permet d’augmenter la résolution spatiale
y 3D CPRM (FSE) ; en diminuant l’épaisseur des coupes, capitale pour une
y axiales FSE T2 avec saturation de la graisse avec méthode exploration optimisée du pancréas. Grâce à l’augmentation
de compensation respiratoire ; du signal sur bruit, il est également possible de diminuer le
y axiales diffusion ; temps d’acquisition à paramètres équivalents, ce qui est un
y axiales T1 en phase et en opposition de phase ; atout majeur permettant de s’affranchir ainsi des artefacts
y axiales 3D EG (écho de gradient) T1 avant injection avec de mouvements.
saturation de la graisse ; De même, les séquences après injection bénéficient d’un
y axiales 3D EG T1 après injection avec saturation de la plus haut rapport signal sur bruit à 3 T, capital pour la détec-
graisse ; tion de lésions hyper ou hyporehaussées de petite taille sur
y coronales 3D EG T1 tardif. ces acquisitions.
Les paramètres sont à optimiser en fonction de chaque
système, un exemple de paramètres pour chaque séquence
est disponible dans le tableau 4.1. Préparation du patient
Le patient doit être à jeun 4 à 6 heures avant le début
Système 1,5 T versus 3 T de l’examen afin d’obtenir une distension vésiculaire
adéquate. Le signal du tube digestif peut être annulé
L’exploration du parenchyme pancréatique peut se en faisant boire au patient du jus d’ananas ou de
faire sur un système 1,5 T ou 3 T. Le signal sur bruit varie myrtilles [6].
44
4. IRM pancréatique
Le patient est positionné dans le système pieds en pre- Les séquences rapides ne permettent pas d’avoir une
mier, en décubitus, bras au-dessus de la tête, l’antenne en excellente résolution spatiale, les épaisseurs de coupe
réseau phasé bien centrée sur l’abdomen. sont de l’ordre de 5 mm pour la séquence SSFSE TE
Avant l’installation du patient, il est indispensable de effectif court, et de 20 mm pour la séquence SSFSE TE
bien lui expliquer le déroulement de l’examen et de l’en- effectif long.
traîner aux apnées. En pratique, en salle de préparation, le La séquence SSFSE TE effectif court est réalisée dans
manipulateur en charge de l’examen peut demander au les plans axial et coronal (fig. 4.1 et 4.2). Les acquisitions
patient de gonfler sa cage thoracique, puis de souffler à en SSFSE TE effectif long sont radiaires autour de la voie
3 reprises, puis de tenir une apnée de 20 secondes. Cette biliaire principale et trois coupes sont réalisées en axial
préparation à l’apnée avant l’examen permet au patient de
connaître le déroulement de l’examen et d’améliorer ainsi
la qualité de l’apnée.
Durant les séquences en apnée, il est également néces-
saire que le manipulateur parle sans cesse au patient afin
que celui-ci maintienne bien son apnée pendant le temps
nécessaire.
La préparation du patient avant l’examen et le coaching
durant les apnées sont deux éléments essentiels pour assu-
rer un examen de qualité optimale.
Séquences pondérées T2
Les séquences fortement pondérées T2 permettent de
parfaitement visualiser les conduits pancréaticobiliaires qui
Fig. 4.1
apparaissent en franc hypersignal [1].
Coupe axiale en pondération T2 SSFSE (single shot fast spin echo)
Ce sont des séquences qui peuvent être réalisées soit en à TE effectif court.Visualisation du pancréas en hyposignal (flèches
FSE, soit en SSFSE. épaisses) et du conduit pancréatique principal (flèche fine).
Séquences 2D
Elles sont réalisées en SSFSE. Ce sont des séquences dont
l’acquisition se fait en demi-plan de Fourier, l’autre moitié
étant reconstruite par symétrie en raison des propriétés de
symétrie de l’espace K. Le TR (temps de répétition) est donc
infini car pour une seule impulsion de radiofréquence, la
moitié de l’espace K est codée. Cette technique permet de
faire des acquisitions en apnée et coupe à coupe.
Le contraste obtenu est différent selon le TE effectif :
y avec un TE effectif court (environ 100 ms), on récupère
un contraste parenchymateux ;
y lorsque le TE effectif est long (environ 900 ms), seuls les
conduits pancréaticobiliaires sont objectivés en hypersignal,
le reste de la cavité abdominopelvienne apparaissant en
hyposignal.
Fig. 4.2
Pour cette séquence, afin de pouvoir analyser au mieux
Coupe coronale en pondération T2 SSFSE à TE effectif court.
les conduits biliopancréatiques, on y adjoint une saturation Visualisation du pancréas en hyposignal (flèches épaisses)
de la graisse. et du conduit pancréatique principal (flèche fine).
45
I. Anatomie et techniques d’imagerie
Fig. 4.3
Coupes radiaires autour de la voie biliaire principale en pondération T2 SSFSE à TE effectif long.
Conduit pancréatique principal visualisé sur toute sa longueur : segment céphalique (flèche bleue), segment corporéal (flèche rouge), segment caudal
(flèche jaune).
pour pouvoir analyser l’ensemble du conduit pancréa- Le choix de la technique (avec méthode compensation
tique principal. Ce conduit ne peut souvent pas être ana- respiratoire ou en apnée avec compressed sensing) dépend
lysé sur l’ensemble de son trajet sur une seule coupe ; il du système utilisé et de la possibilité pour le patient de
faut donc être très vigilant sur le positionnement de ces pouvoir maintenir une apnée d’environ 17 secondes.
coupes afin qu’il puisse être analysé de la papille jusqu’à Après l’obtention de ces séquences de cholangio
son segment le plus distal (fig. 4.3). pancréatographie, il est possible d’analyser le calibre des
différents conduits, leur dilatation, la présence d’une éven-
tuelle sténose et le type de sténose, ainsi que d’analyser les
Séquence 3D conduits pancréatiques secondaires. Le calibre normal du
Elle est réalisée en fast spin echo (c’est-à-dire lecture de conduit pancréatique principal est de 3,5 mm au niveau de
plusieurs lignes de l’espace K pour une seule impulsion de la tête, 2,5 mm dans le corps, et 1,5 mm dans le segment
radiofréquence) et elle peut se faire grâce à une méthode caudal. Sur ces séquences, les lésions kystiques sont bien
de compensation respiratoire (ceinture pneumatique visualisées (fig. 4.4 et fig. 4.5).
positionnée sur l’abdomen ou écho navigateur) ou plus
récemment en apnée grâce à la méthode du compressed
sensing [7,8]. La réussite des séquences avec méthode de
compensation respiratoire dépend du cycle respiratoire du
patient et a une durée de 4 à 6 minutes. Compte tenu des
échecs potentiels, la réalisation de cette séquence est deve-
nue possible en apnée grâce au compressed sensing. Cette
technique associée à de l’imagerie parallèle permet de faire
une acquisition parcimonieuse de données dans l’espace K.
Ce codage de l’espace K avec insuffisamment de données
est responsable de bruit dans l’image. Ces images obtenues
subissent de nombreuses itérations successives permettant
de réduire le bruit dans l’image. La durée de l’acquisition
est de 17 secondes (vs 4 à 6 minutes avec une méthode
de compensation respiratoire). L’avantage majeur de cette
technique est la réalisation de coupes fines. Elle offre la pos-
Fig. 4.4
sibilité de reformations multiplanaires, très intéressantes
Coupe axiale en pondération T2 SSFSE à TE effectif court.
pour la recherche d’une communication entre le conduit Lésion kystique du pancréas caudal (flèches bleues) avec présence
pancréatique principal et une éventuelle lésion kystique. d’un niveau (flèches rouges).
46
4. IRM pancréatique
Imagerie de diffusion
Séquences en FSE TE effectif court
Pour rappel, l’imagerie de diffusion permet d’apprécier le
Elles permettent d’analyser le parenchyme pancréatique et mouvement des molécules d’eau extracellulaire. Lorsque ces
l’environnement péripancréatique. molécules ne peuvent plus bouger, cela se manifeste par un
hypersignal sur l’imagerie de diffusion, et par un hyposignal
Sécrétine sur les cartographies d’ADC [9]. Lorsque les mouvements
des molécules d’eau ne sont pas entravés, cela se manifeste
Elle peut être utilisée mais cela ne fait pas partie du par une diminution du signal avec l’augmentation du fac-
protocole standard et n’a pas l’autorisation de mise teur b et un signal élevé sur les cartes d’ADC.
sur le marché en France. Habituellement après injec- Cette séquence est réalisée avec une séquence rapide de
tion de sécrétine, on observe une dilatation du conduit type single shot echo planar (SSEP) avec ou sans méthode
pancréatique principal, suivie d’un retour à la normale de compensation respiratoire, éventuellement en respi-
avec augmentation du signal T2 dans le cadre duodénal ration libre. Sa durée est de 3 minutes environ. Le paren-
rempli des enzymes pancréatiques exocrines. L ’absence chyme pancréatique normal apparaît en discret hyper
de réponse à cette injection ou la persistance de la signal (fig. 4.6).
Fig. 4.6
Coupes axiales en pondération diffusion avec b = 800 s/mm2.
Aspect normal du parenchyme pancréatique (flèches).
47
I. Anatomie et techniques d’imagerie
Le nombre minimum de valeurs de b est de deux, l’une pancréatique, ce qui permet l’obtention d’une meilleure
inférieure à 200 s/mm2 et l’autre plus élevée, à 800 ou définition de la qualité d’image et une détection supérieure
1 000 s/mm2. Habituellement, trois valeurs de b sont obte- des lésions [10].
nues : 50, 500 et 800 ou 1 000 s/mm2.
Lorsque les valeurs de b sont faibles, les lésions liquidiennes
présentent un hypersignal, lié à l’effet T2 shine-through. Imagerie pondérée T1
Lorsqu’on analyse leur signal à des valeurs de b plus élevées,
on observe une diminution de leur signal. Les lésions ayant avec saturation de la graisse
une réduction des molécules d’eau extracellulaires voient
leur signal croître avec l’augmentation de la valeur de b. Il Imagerie pondérée T1
faut systématiquement analyser les cartographies d’ADC qui sans injection
sont générées automatiquement après l’acquisition de cette
séquence. Dans la grande majorité des cas, l’imagerie T1 doit être réali-
Certains constructeurs proposent de réaliser cette sée d’emblée avec saturation de la graisse car il existe peu de
séquence uniquement centrée sur le parenchyme lésions à contingent graisseux. Si ce type de lésion est suspecté,
A B C
Fig. 4.7
Coupes axiales en pondération diffusion avec b = 800 s/mm2.
A . Lésion de type fibreux (adénocarcinome, flèche bleue) en hypersignal . B, C . Parenchyme pancréatique d’amont (flèches rouges) en discret
hypersignal .
48
4. IRM pancréatique
il faut alors réaliser une séquence en pondération T1 de type Les séquences pondérées sont réalisées en écho de
en phase/ en opposition de phase (in phase/out of phase) et gradient T1 avec un spoiler pour supprimer le signal
une séquence sans et avec saturation de la graisse (ou une d’aimantation résiduel transversal. Il est préférable de la
séquence de type Dixon incluant les pondérations : T1 en réaliser en 2D EG avant injection car cela permet de récu-
phase, T1 en opposition de phase, water only et fat only). pérer un maximum de signal [1].
Fig. 4.8
Séquence 3D EG (écho de gradient) en pondération T1 avant injection.
Aspect en hypersignal spontané de l’ensemble du parenchyme pancréatique (flèches) .
Fig. 4.9
Séquence 3D EG en pondération T1 avant injection.
Aspect en hypersignal spontané de l’uncus pancréatique et de façon plus modérée du corps et de la queue du pancréas (flèches rouges) .
La lésion tumorale apparaît en hyposignal (cercle jaune) .
49
I. Anatomie et techniques d’imagerie
Imagerie pondérée T1
après injection
L’étude dynamique du pancréas se fait en 3D EG en pon-
dération T1 à une phase artérielle différée (30‑35 secondes)
(fig. 4.10), une phase portale (70 secondes) (fig. 4.11), puis
une phase de post-équilibre tardif (1 min 20) (fig. 4.12) [1].
Les acronymes sont différents selon les constructeurs : 3D
VIBE (volume interpoled breath hold F GRE), 3D LAVA (liver
Fig. 4.11
acquisition volume acceleration), 3D Thrive (T1 weighted high
Séquence 3D EG en pondération T1 après injection : phase portale.
resolution isotropic volume acceleration). Aspect normal du pancréas.
Les paramètres d’acquisition jouent un rôle fondamen-
tal, il est nécessaire d’avoir un champ centré sur le pancréas
avec des coupes fines. L’épaisseur des coupes doit être
adaptée, de 1 à 2 mm. Il est impératif d’obtenir une excel-
lente résolution spatiale tout en conservant une excellente
résolution en contraste. Le temps d’apnée doit être de 20 à
22 secondes maximum.
L’exploration hépatique ne peut pas être faite dans le
même temps car cela nécessiterait de devoir augmenter
le champ d’exploration et le nombre de coupes, avec pour
conséquence d’accroître l’épaisseur des coupes.
L’injection intraveineuse est faite avec un chélate de
gadolinium extracellulaire, avec un volume de 0,1 mL/kg
Fig. 4.12
Séquence 3D EG en pondération T1 après injection :
phase de post-équilibre tardif.
Régression du rehaussement du parenchyme pancréatique.
Fig. 4.13
Séquence 3D EG en pondération T1 après injection : phase artérielle différée.
Rehaussement du parenchyme pancréatique (flèches rouges) . Lésion tumorale en hyposignal à ce temps d’injection (flèche bleue) .
Remarque
Étapes de l’interprétation
Les séquences de CPRM sont analysées en premier. Le
conduit pancréatique principal doit être visualisé de la
papille jusqu’au segment caudal du pancréas. Cela permet
de rechercher les variantes anatomiques : pancréas dorsal
Fig. 4.14
dominant, pancréas divisum, etc.
Séquence en pondération T2 SSFSE TE effectif court :
L’analyse porte ensuite sur son calibre et la recherche lésion kystique de l’uncus communicante avec le conduit
d’éventuelles sténoses ou d’un arrêt. La seconde étape pancréatique principal.
porte sur la visualisation des conduits secondaires : non
visualisés, dilatés, le cas échéant, sous quelle forme, et
la recherche d’une lésion anormale kystique ou non, et d’arrêt brutal du conduit pancréatique principal, l’ana-
communicante ou non avec le conduit pancréatique lyse de l’arrêt de la sténose sur ces séquences est une
principal (fig. 4.14 et 4.15). Cette communication est par- aide capitale pour faire le diagnostic différentiel entre
fois délicate à affirmer, la séquence 3D est une aide non lésions bénignes et lésions malignes. Par exemple, dans
négligeable pour l’objectiver. En cas de lésion tissulaire, le cas d’un noyau de pancréatite chronique, le conduit
51
I. Anatomie et techniques d’imagerie
Fig. 4.15
Séquences 3D EG en pondération T1 : absence de rehaussement de la lésion correspondant à une tumeur intracanalaire mucineuse
du pancréas.
pancréatique principal est certes sténosé mais avec per- Protocoles raccourcis :
sistance d’une lumière lors de son trajet au sein du noyau
de pancréatite chronique. dans quelles situations ?
Dans un second temps, il faut analyser les séquences
fortement pondérées T2 avec récupération du contraste La découverte de lésions kystiques du pancréas augmente
parenchymateux qui permettent d’objectiver les lésions régulièrement, et le suivi et la prise en charge de ces lésions
tissulaires non visualisées sur les séquences fortement pon- restent incertains. Le risque de malignité est faible mais il
dérées T2 à TE effectif long. existe, ce qui implique la surveillance de ces lésions par une
Si les lésions kystiques sont facilement individuali- IRM tous les 6 à 24 mois selon les recommandations et
sables sur les séquences rapides fortement pondérées ce, pendant une période de 5 à 10 ans [11]. Il est proposé
T2, les lésions tissulaires le sont parfois difficilement. Il depuis quelques années de réduire ce protocole d’acquisi-
faut dans ce cas analyser successivement les séquences tion dans certaines indications : notamment en cas de sur-
fortement pondérées T2 avec récupération du contraste veillance des TIPMP [11‑14], ou de surveillance des patients
parenchymateux, la séquence FSE T2 avec FS, l’imagerie porteurs d’une mutation du gène BRCA [15].
de diffusion et surtout la séquence pondérée T1 avant Dans la majorité des cas, les auteurs proposent de s’af-
injection. franchir de la séquence en FSE T2 avec saturation du signal
Après injection, la recherche d’éléments en faveur de la graisse, et des séquences après injection.
d’une transformation maligne pour les lésions kystiques L’équipe de Macari a été la première à remettre en ques-
est indispensable ; pour les lésions tissulaires ou l’ana- tion la nécessité d’une injection pour le suivi des patients
lyse du parenchyme, cela peut s’avérer plus délicat. Les porteurs d’une TIPMP [11]. Plus récemment, Yoo et al. ont
lésions de type adénocarcinome pancréatique sont de proposé de ne réaliser qu’une séquence de type CPRM en 3D
nature fibreuse, parfois nécrotiques et elles apparaissent en apnée, une séquence en 3D EG en pondération T1 avant
en hyposignal sur la phase artérielle différée, puis se injection, et une séquence en pondération T2 en single shot
rehaussent au cours du temps. Sur les temps porte ou de (tableau 4.2) [13].
post-équilibre tardif, il est parfois difficile de pouvoir les Si l’on compile toutes ces études, pour un total de 869 cas
objectiver, d’où l’importance de la séquence pondérée de TIPMP, aucun faux négatif n’a été observé avec le protocole
T1 avant injection et de la séquence de diffusion. raccourci. Des faux positifs ont été décrits et ont nécessité la
Il faut savoir éliminer les fausses lésions comme la rate réalisation d’une IRM avec injection dans un second temps.
accessoire intrapancréatique, facilement reconnaissable Le protocole pour la surveillance n’est pas bien clari-
car de topographie caudale et de signal équivalent à fié par les consensus internationaux européen et améri-
celui de la rate, notamment sur la séquence de diffusion cain [16] pour la surveillance de ces lésions, qui ne précisent
(fig. 4.16). pas quel protocole doit être réalisé.
52
4. IRM pancréatique
A B
C D
Fig. 4.16
Rate accessoire intrapancréatique.
A. Séquence en pondération T2 FSE TE avec saturation de la graisse : lésion tissulaire de la queue du pancréas (cercle rouge). B. Imagerie de diffusion
(cercle vert) : lésion de signal identique à celui de la rate. C. 3D EG T1 phase artérielle : lésion avec un rehaussement équivalent à celui de la rate
(cercle jaune). D. 3D EG T1 phase de post-équilibre tardif : lésion de même rehaussement que la rate (cercle bleu).
Tableau 4.2. Séquences utilisées dans les différents protocoles raccourcis pour la surveillance des tumeurs intracanalaires
et mucineuses du pancréas.
Protocole 3D EG T1 T2 SSFSE TE eff court T2 FSE FS CPRM DWI
Sans injection Après injection Axial Coronal
STandard X X X X X X X
Yoo et al. [13] X X X X
Kang et al. [18] X X X X
Pozzi-Mucelli et al. [19] X X
Nougaret et al. [20] X X X X
Macari et al. [11] X X X X X
CPRM : cholangiopancréatographie par résonance magnétique ; DWI : diffusion weighted imaging ; EG ; écho de gradient ; FS : saturation du signal de la graisse ;
FSE : fast spin echo ; SSFSE TE eff : single shot fast spin echo temps d’écho effectif.
53
I. Anatomie et techniques d’imagerie
54
4. IRM pancréatique
[17] Lee ES, Kim JH, Yu MH. Diagnosis and surveillance of incidental cystic [19] Pozzi-Mucelli RM, Rinta-Kiikka I, Wünsche K, Laukkarinen J, Labori
pancreatic lesions : 2017 consensus recommendations of the Korean KJ, Ånonsen K, et al. Pancreatic MRI for the surveillance of cystic
Society of abdominal Radiology. Korean J Radiol. 2019 ; 20 : 542‑57. neoplasms : comparison imaging protocol. Eur Radiol. 2017 ; 27 :
[18] Kang HJ, Lee DH, Lee JM, Yoo J, Weiland E, Kim E, et al. Clinical 41‑50.
Feasibility of abbreviated magnetic resonance with breath hold [20] Nougaret S, Reinhold C, Chong J, Escal L, Mercier G, Fabre JM, et al.
3-dimensionnal magnetic resonance cholangiopancreatography Incidental pancreatic Cysts : natural history and diagnosis accuracy
for surveillance of pancreatic intraductal papillary mucinous neo- of a limited serial pancreatic cyst MRI protocol. Eur Radiol. 2014 ;
plasm. Invest Radiol. 2020 ; 55 : 262‑9. 24 : 1020‑9.
55
Chapitre 5
Choix des examens d’imagerie
pour l’exploration du pancréas
Valérie Laurent, Sébastien Mulé
PLAN DU C HAPITRE
En cas d’ictère d’origine mécanique 58
Place de l’échoendoscopie 63
L’étude du pancréas commence habituellement par une la recherche d’un obstacle de type lithiasique isodense à la
imagerie tomodensitométrique [1]. bile sur la TDM ou d’un obstacle tissulaire de petite taille
La TDM présente l’avantage d’avoir une excellente résolu- isodense : petit adénocarcinome du pancréas, cholangio-
tion spatiale (voxels isotropiques submillimétriques) et une carcinome ou pathologie bénigne (fig. 5.1 et 5.2).
résolution en contraste pouvant être optimisée grâce aux Toute lésion kystique responsable d’un ictère doit égale-
innovations technologiques comme l’imagerie spectrale et ment bénéficier d’une IRM afin d’analyser ses contours, ses
au deep learning, que ces techniques soient associées ou non. parois, le signal de son contenu, et une éventuelle commu-
La TDM est donc capitale pour objectiver sur l’acquisition nication avec le conduit pancréatique principal.
avant injection les calcifications, puis pour analyser la lame En cas de lésion très étendue avec localisations à dis-
rétroporte, l’espace rétropancréatique, le hile hépatique et les tance, il n’est pas nécessaire de réaliser une IRM, c’est le
vaisseaux. L’exploration de l’ensemble de la cavité abdomino prélèvement anatomopathologique qui doit être effectué
pelvienne est indispensable pour rechercher des adénopathies, au plus vite.
une carcinomatose ou des lésions secondaires à distance. Les examens TDM et IRM sont à réaliser impérativement
L’IRM, grâce à son excellente résolution en contraste, avant mise en place d’une prothèse biliaire [1]. L’interpré-
peut détecter de petites lésions parfois mal individuali- tation de ces examens après mise en place d’une prothèse
sées en TDM et offre une imagerie des conduits d’excel- est très délicate en raison de l’infiltration périprothétique
lente qualité nécessaire pour différencier les pathologies ou de l’apparition de signes de pancréatite. Après mise en
bénignes des pathologies malignes, et pour confirmer la place d’une prothèse, il n’est plus possible d’analyser le type
nature kystique ou tissulaire d’une lésion. de sténose sur les séquences de CPRM.
Parfois, les deux imageries sont nécessaires au diagnostic
et lors du suivi [2] : la TDM détecte une lésion qui nécessite
d’être caractérisée en IRM, puis le suivi s’effectue, en cas de En cas de découverte
nécessité, uniquement en IRM.
La réalisation de l’une ou l’autre techniques ou des deux, de lésion kystique
selon la situation clinique, ne fait pas l’objet de recomman- en échographie ou en TDM
dations internationales mais plutôt d’avis d’experts.
Toutes les lésions kystiques doivent impérativement
bénéficier d’une IRM pancréatique incluant les séquences
En cas d’ictère d’origine de CPRM afin de pouvoir les caractériser [3]. Le suivi des
lésions ayant un risque de malignité se fait préférentielle-
mécanique ment par IRM [4].
Une origine mécanique est objectivée par une dilatation
des voies biliaires en échographie. Dans cette situation, il est
préférable de commencer par une TDM. La première étape En cas de découverte
consiste à rechercher le siège de l’obstacle et sa nature. d’une lésion tissulaire
L’analyse de l’acquisition sans injection permet d’objecti-
ver d’éventuelles hyperdensités spontanées : calculs (voie hyperrehaussée en TDM
biliaire principale ou conduit pancréatique principal) ou sans ictère
hémorragie au sein d’une lésion pancréatique. Puis la TDM
s’attache à chercher des lésions en différenciant lésions tis- Une IRM doit être réalisée dans les suites notamment afin
sulaires et kystiques. d’éliminer le diagnostic de cystadénome séreux de type
y Si la lésion est tissulaire et présente les caractéristiques « pseudo-tissulaire » ou de suspicion de rate intrapan-
d’un adénocarcinome pancréatique, il n’est pas nécessaire créatique, ces deux lésions ne nécessitant aucune sanction
de réaliser une IRM pancréatique. chirurgicale ni suivi.
y Si la lésion est non métastatique, une IRM hépatique Pour les tumeurs neuroendocrines, il existe deux
doit être réalisée à la recherche de lésions secondaires situations :
hépatiques non visualisées sur la TDM. y lorsque la tumeur est non sécrétante, elle est de découverte
y Si aucun obstacle n’est visualisé, la réalisation d’une IRM tardive et souvent volumineuse, nécrotico-hémorragique et
pancréatique avec séquences de CPRM est indispensable à seule l’anatomopathologie est indispensable, la TDM peut
58
5. Choix des examens d’imagerie pour l’exploration du pancréas
Fig. 5.1
Bilan étiologique d’un ictère nu mécanique chez un homme de 75 ans : TDM à la phase portale.
Absence d’obstacle individualisable. Dilatation de la voie biliaire principale (flèche bleue) jusqu’au niveau de l’ampoule hépatopancréatique.
Variante anatomique avec ampoule située en D3 (flèche orange).
A B C
Fig. 5.2
Même patient que fig. 5.1.
A. CPRM : confirmation de la dilatation de la voie biliaire principale sur toute sa hauteur et des voies biliaires intrahépatiques (flèches bleues).
B. IRM pancréatique, imagerie de diffusion : lésion en discret en hypersignal en regard de l’ampoule (flèche orange). C. IRM pancréatique, séquence
en pondération T1 après injection à la phase portale : prise de contraste en aval de la dilatation sus-jacente : lésion tumorale (flèche jaune).
difficile à faire. La sémiologie des conduits en IRM peut être En cas de pancréatite chronique
d’une grande aide, et il est possible de poursuivre par une
échoendoscopie avec biopsie si nécessaire. Les deux examens sont absolument nécessaires et se
complètent [2].
Dans le cadre d’une pancréatite chronique calcifiante,
En cas de pancréatite aiguë la TDM permet d’objectiver les calcifications ductales
et les conséquences parenchymateuses de la pancréa-
La TDM est l’examen de prédilection pour le diagnostic tite chronique calcifiante. L’IRM permet d’analyser les
positif et l’évaluation de la gravité si besoin [6]. sténoses éventuelles et l’aspect typique du calibre du
S’il existe une suspicion de migration lithiasique, et si conduit pancréatique principal. L’IRM ne peut s’inter
celle-ci n’a pas été confirmée par l’échographie réalisée en préter sans avoir à disposition la TDM dans le même
urgence en 1re intention, une CPRM à la recherche d’un temps (fig. 5.5 et 5.6).
obstacle lithiasique responsable de cet épisode doit être Au-delà des atteintes et complications rencontrées
réalisée. Cet examen doit être fait en urgence en cas d’angio au cours de la pancréatite chronique calcifiante, l’enjeu
cholite associée, en semi-urgence dans les autres cas. majeur de cette pathologie est le diagnostic de cancer.
Chez un patient de plus de 50 ans ayant présenté pour Les spécificités de développement sont un peu diffé-
la première fois un épisode de pancréatite sans étiologie rentes de l’adénocarcinome survenant sur parenchyme
évidente (pas d’intoxication alcoolique, pas de migra- sain, il est d’évolution plus lente, il est également plus
tion lithiasique suspectée), une IRM pancréatique avec difficile à objectiver et à caractériser. Les deux examens
séquences de CPRM doit impérativement être réalisée. sont donc indispensables et doivent être très souvent
Cette IRM s’attache à rechercher une lésion tumorale de répétés.
petite taille, responsable de cet épisode de pancréatite Dans le cadre de toutes les autres étiologies de pan-
aiguë (fig. 5.3 et 5.4). Elle doit être réalisée 4 à 6 semaines créatite chronique : pancréatite du sillon, pancréatite
après l’épisode aigu, puis répétée à 3 mois de l’épisode aigu. auto immune (fig. 5.7 à 5.9), pancréatite chronique
L’évaluation du contenu des collections avant drainage héréditaire, l’IRM permet dans un grand nombre de cas
endoscopique peut nécessiter la réalisation d’une IRM. d’assurer le diagnostic sans avoir recours à une technique
En effet, il est important avant drainage de connaître leur invasive telle que l’échoendoscopie. La sémiologie des
contenu : purement liquidien (en hypersignal T2 homogène conduits biliopancréatiques est capitale en mettant en
et sans rehaussement), ou nécrotico-hémorragique, aisément évidence des sténoses longues fines, centrées de la voie
reconnaissable en raison de leur hypersignal en pondéra- biliaire principale ou du conduit pancréatique principal,
tion T1 avant injection et souvent d’aspect très hétérogène. ou des alternances de calibre (cas de la pancréatite auto-
En cas de complication ductale, notamment de rupture immune). La présence de kystes dans la paroi ou dans le
du conduit pancréatique principal secondaire à l’épisode sillon inter-duodéno-pancréatique est mise en évidence
de pancréatite aiguë, une CPRM doit être réalisée. en IRM [7].
Fig. 5.3
Homme de 65 ans, fumeur, présentant un premier épisode de pancréatite aiguë, sans antécédent.
TDM à la phase artérielle : multiples collections nécrotico-hémorragiques (flèches bleues).
60
5. Choix des examens d’imagerie pour l’exploration du pancréas
A B
C D
Fig. 5.4
Même patient que fig. 5.3.
A. CPRM. B-D. IRM pancréatique : dilatation de la voie biliaire principale (flèche orange) avec arrêt net en cupule (flèche bleue). Obstacle
(flèche jaune) correspondant à un petit adénocarcinome du pancréas responsable de l’épisode de pancréatite aiguë.
Fig. 5.5
Femme de 48 ans, souffrant d’intoxication alcoolique, porteuse d’une pancréatite chronique calcifiante.
TDM : confirmation de la présence de calcifications parenchymateuses diffuses (flèches jaunes), atrophie parenchymateuse, dilatation de la voie
biliaire principale (flèche bleue).
61
I. Anatomie et techniques d’imagerie
A B C
Fig. 5.6
Même patiente que fig. 5.5.
A. CPRM : dilatation modérée de la voie biliaire principale, avec sténose longue, fine, centrée du bas de la voie biliaire principale (flèche orange).
L’aspect de la sténose évoque une étiologie bénigne (remaniements fibro-inflammatoires dans le cadre de la pancréatite chronique calcifiante).
Dilatation du conduit pancréatique principal avec aspect en flammèche des conduits secondaires (typique dans le cadre d’une pancréatite
chronique calcifiante, flèche jaune). B, C. IRM pancréatique : présence de kystes (flèche verte) et rehaussement sur les séquences après injection
(flèche bleue).
Fig. 5.7
Homme de 68 ans.
TDM à la phase post-équilibre tardif après injection de produit de contraste intraveineux : découverte plage hypodense du pancréas
céphalique (flèche orange).
A B C
Fig. 5.8
Même patient que fig. 5.7.
A. CPRM : aspect irrégulier du calibre du conduit pancréatique principal, notamment céphalique sans dilatation du conduit principal d’amont
(flèches orange). B, C. IRM pancréatique, images en pondération T1 avant injection : aspect hétérogène de la glande pancréatique principal,
disparition de l’aspect en hypersignal T1 de l’ensemble du parenchyme pancréatique (flèches jaunes).
62
5. Choix des examens d’imagerie pour l’exploration du pancréas
Fig. 5.9
Même patient que fig. 5.7 et 5.8.
Séquences 3D écho de gradient en pondération T1 après injection à la phase de post-équilibre tardif : rehaussement hétérogène du parenchyme
pancréatique associé à un calibre irrégulier du conduit pancréatique principal. Aspect très évocateur d’une pancréatite auto-immune confirmée
par les biopsies.
63
I. Anatomie et techniques d’imagerie
Tableau 5.1. Résumé du choix des examens d’imagerie pour l’exploration du pancréas.
Indications TDM IRM
Tumeurs solides
Suspicion d’adénocarcinome pancréatique 1re intention 2e intention en l’absence d’obstacle visualisé
en TDM
Suspicion de tumeur neuroendocrine 1re intention 2e intention en cas de tumeur sécrétante
pancréatique
Caractérisation d’une tumeur solide 1re intention 2e intention pour une meilleure
indéterminée caractérisation
Tumeurs kystiques
Caractérisation d’une tumeur kystique 1re intention
indéterminée
Suivi de TIPMP Examen de référence
Suivi de TKM Examen de référence
Pancréatite aiguë Examen de référence, réalisé à 72 heures Réalisée en cas de suspicion de migration
du début des symptômes ou si signes lithiasique (non diagnostiquée en échographie)
de gravité Réalisée en cas de complication ductale
Réalisée à distance si absence d’étiologie
évidente et âge > 50 ans
Pancréatite chronique Réalisée à la recherche de calcifications Réalisée à la recherche de sténoses ductales,
parenchymateuses et ductales, de lésion de lésion suspecte d’adénocarcinome
suspecte d’adénocarcinome
TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas ; TKM : tumeur kystique mucineuse.
64
Chapitre 6
Adénocarcinome pancréatique
P LA N D U CHA PI T RE
Épidémiologie et principales formes Bilan d’extension 83
anatomopathologiques 69
Bilan d’extension locorégionale 83
Épidémiologie 69 TDM pancréatique 83
IRM pancréatique 85
Principales formes anatomopathologiques 70
Point clés du compte rendu 85
Hétérogénéité morphologique 70 Performance de l’imagerie 88
Hétérogénéité génomique 73
Hétérogénéité transcriptomique 74 Bilan d’extension à distance 88
TDM thoraco-abdomino-pelvienne 88
Conclusion 74
IRM hépatique 88
TEP/TDM au 18F-FDG 89
Diagnostic 76
Classifications 90
Diagnostic positif 76
Signes directs 76 Compte rendu type 91
Signes indirects 76
Localisation tumorale 78 Conclusion 92
Signes précoces 78
Problématique de la lésion pancréatique Principes de prise en charge 95
isodense 78
Apport de la TDM double énergie 78 Prise en charge chirurgicale 95
Imagerie par résonance magnétique 78 Principes de la chirurgie 96
Autres examens morphologiques 80 Sélection des patients et préparation à la chirurgie 98
Tumeurs céphaliques 99
Diagnostics différentiels 80 Tumeurs corporéocaudales 102
Pancréatite chronique calcifiante 80 Conclusions 103
Pancréatite auto-immune 80
Thérapies néoadjuvantes ou adjuvantes 104
Conduite à tenir devant une suspicion
Facteurs pronostiques des tumeurs résécables 104
d’adénocarcinome pancréatique 81
Traitements adjuvants 105
études prospectives ont montré une association positive nées du SEER (surveillance, epidemiology, and end results)
entre la consommation de graisses animales et le risque suggèrent qu’il n’y a en fait aucune différence entre eux [13].
d’adénocarcinome pancréatique, ainsi qu’une association De même, les carcinomes colloïdes, qui proviennent souvent
inverse avec la consommation de fruits, légumes et folates. de tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses, ont un
Il n’y a pas d’association cohérente entre supplémentation meilleur pronostic [14]. Les caractéristiques moléculaires de
en vitamine D et risque d’adénocarcinome pancréatique. ces sous-types morphologiques rares ne sont pas encore
Les autres facteurs de risque établis, constitutionnels ou complètement bien établies, surtout pour les sous-types les
non modifiables comprennent des mutations génétiques/ plus rares. Les amplifications de l’oncogène MYC seraient
syndromes familiaux héréditaires ou acquis prédisposant plus fréquentes dans les carcinomes adénosquameux, et le
au cancer, le diabète et la pancréatite chronique. Bien sous-type médullaire (tumeurs peu différenciées avec un pat-
qu’une forte consommation d’alcool soit un facteur de tern de croissance syncytial et une infiltration lymphocytaire
risque connu de pancréatite chronique, les données sont majeure) présenterait un profil MSI (microsatellite instability)
insuffisantes pour étayer son rôle en tant que facteur de plus fréquent et donc peut-être une plus grande sensibilité à
risque indépendant du cancer du pancréas [9‑11]. l’immunothérapie [15,16].
Le sous-type majoritaire, le sous-type ductal, se présente
sous forme de structures glandulaires tumorales plus ou moins
Principales formes compactes au sein d’un stroma fibreux très abondant, sou-
anatomopathologiques vent présenté comme une barrière à la diffusion des chimio-
thérapies. Ce stroma est composé de matrice extracellulaire
L’hétérogénéité des tumeurs pancréatiques commence (collagène, acide hyaluronique, etc.), de vaisseaux, de cellules
par leur nom. En effet, le « cancer du pancréas » com- immunitaires et de fibroblastes associés au cancer (fig. 6.1).
prend plusieurs types histologiques, dont le plus courant L’abondance du stroma est associée au pronostic, les tumeurs
est l’adénocarcinome de type ductal pancréatique, qui est les plus riches en stroma (souvent bien différenciées) ayant
discuté ci-après. Il existe d’autres tumeurs épithéliales du un meilleur pronostic [17]. Ce stroma très abondant, par-
pancréas, comme le carcinome à cellules acineuses ou les fois plus abondant que les cellules tumorales, est également
tumeurs neuroendocrines, qui ont un profil moléculaire et hétérogène, plusieurs études ayant décrit des stromas actifs,
clinique complètement différent et ne doivent donc pas riches en fibroblastes, associés à un mauvais pronostic [18,19].
être confondues avec l’adénocarcinome ductal pancréa- L’abondance du stroma peut d’ailleurs être prédite en IRM de
tique [12]. Ce texte se concentre sur l’hétérogénéité entre diffusion [20]. Même au sein du sous-type majoritaire, l’adéno
les tumeurs aux niveaux histologique et moléculaire et leur carcinome de type ductal, il existe une hétérogénéité consi-
impact sur le pronostic et la réponse au traitement. dérable, notamment en ce qui concerne l’architecture. Ceci
est partiellement évalué par le critère de différenciation histo-
logique. Les tumeurs bien différenciées présentent au moins
Hétérogénéité morphologique 85 % de structures glandulaires, les tumeurs peu différenciées
L’hétérogénéité de l’adénocarcinome pancréatique com- présentent moins de 50 % de structures glandulaires et les
mence sur le plan histologique. La classification de l’OMS décrit tumeurs moyennement différenciées sont inter médiaires
plusieurs sous-types morphologiques d’adénocarcinome (entre 50 et 85 % de structures glandulaires) (fig. 6.2).
pancréatique. La forme la plus fréquente est l’adénocarcinome Kalimuthu et al. ont récemment proposé de regrouper
de type ductal (85 %), suivi du carcinome adénosquameux les différents aspects histologiques en deux grands groupes
(0,4‑10 %), du carcinome colloïde (2‑5 %) et de formes très principaux (fig. 6.3) [21] :
rares (médullaire, hépatoïde, cellule-indépendante, anapla- y un groupe gland-forming, qui combine les tumeurs
sique indifférenciée, cellule géante indifférenciée de type bien différenciées avec une architecture glandulaire ou
osteoclastic-like – toutes < 1 %). L’impact réel de ces sous- micropapillaire ;
types sur le pronostic n’est toujours pas clair et il existe des y un groupe non gland-forming, qui combine toutes les
différences importantes entre les études monocentriques autres tumeurs moins différenciées (solides, cribriformes, etc.).
et les grandes études de registre. Par exemple, les carci- Cette classification a pu être globalement superposée aux
nomes adénosquameux sont réputés avoir un pronostic sous-types moléculaires transcriptomiques (cf. infra), en utili-
plus défavorable que les adénocarcinomes pancréatiques sant un seuil supérieur à 40 % de non gland-forming, permet-
de type ductal sur des études de petite taille, mais les don- tant d’identifier les tumeurs de mauvais pronostic même dans
70
6. Adénocarcinome pancréatique
TUMEUR
Cellules
Stroma
tumorales
Cellules
MEC Vaisseaux CAF
immunes
Fig. 6.1
Adénocarcinome pancréatique et sa composition.
L’adénocarcinome pancréatique comprend d’une part le compartiment tumoral composé de cellules tumorales organisées en structures
glandulaire ou en amas (flèches orange) et le compartiment stromal composé de la matrice extracellulaire (MEC, flèches grises), des vaisseaux
(flèches jaunes), des cellules immunitaires (flèches violettes) et les fibroblastes associés au cancer (CAF) (flèches vert foncé).
> 85 % < 50 %
Structures glandulaires
Fig. 6.2
Critères histologiques de différenciation des adénocarcinomes pancréatiques.
Le pourcentage de cellules tumorales organisées en structures glandulaires conditionne la différenciation de la tumeur. Les tumeurs
bien différenciées présentent plus de 85 % de structures glandulaires (panel de gauche), les tumeurs peu différenciées présentent moins
de 50 % de structures glandulaires (panel de droite) et les tumeurs moyennement différenciées entre 50 et 85 % (panel central).
71
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
B E
Fig. 6.3
Grands patterns architecturaux des adénocarcinomes pancréatiques.
Kalimuthu et al. ont proposé une classification morphologique basée sur l’architecture des tumeurs qui permet de partiellement récapituler
les sous-types moléculaires [21]. Les tumeurs de meilleur pronostic, plutôt du sous-type classique, sont d’architecture gland-forming,
soit papillaire (A) soit glandulaire (B), alors que les tumeurs d’architecture non gland-forming sont de plus mauvais pronostic et plutôt
de sous-type basal-like formant majoritairement des amas de cellules tumorales (C-E).
72
6. Adénocarcinome pancréatique
moïde (squameux) plus ou moins bien différencié (fig. 6.4). fication de GATA6 et les altérations de SMAD4 dans
Lors de cytoponction, ce contingent peut être le seul le sous-type classique [23,24]. Les résultats de l’étude
présent, amenant parfois à un diagnostic de carcinome « Know Your Tumour » (une étude avec un panel de
épidermoïde pancréatique. Il convient bien sûr d’élimi- gènes NGS « ciblables » et une recommandation de
ner une localisation métastatique mais le plus probable traitement si une anomalie était détectée) suggèrent un
est qu’il s’agisse du contingent squameux d’un carcinome intérêt potentiel pour une telle recherche [25]. Sur les
adénosquameux plutôt que d’un hypothétique et excep- 1 082 patients testés, 282 (26 %) se sont avérés présenter
tionnel carcinome épidermoïde pancréatique primitif ; une anomalie moléculaire ciblable. Des données de suivi
y l’adénocarcinome colloïde présente lui aussi un aspect n’étaient disponibles que pour 677 patients, dont 189
histologique singulier (fig. 6.5). Il est quasi systématique- (28 %) présentaient une anomalie moléculaire ciblable
ment associé à une TIPMP de phénotype intestinal et se (50 % d’atteinte d’un gène de la voie de recombinaison
présente sous la forme de vastes plages mucoïdes kystiques homologue). Le groupe « tumeurs présentant des alté-
bordées par des cellules tumorales, comme dans les autres rations moléculaires et une thérapie ciblée appropriée »
localisations digestives colorectales. présentait une survie sans progression (SSP) plus longue.
Les analyses génomiques à haut débit ont permis de
Hétérogénéité génomique définir 4 sous-types [26] :
y le sous-type « génomiquement stable » (20 %) avec
Les quatre gènes les plus fréquemment altérés dans moins de 50 variations structurelles ;
l’adénocarcinome pancréatique, KRAS (90 %), TP53 y le sous-type « localement réarrangé » (30 %) avec des
(60‑70 %), CDKN2A (40‑50 %) et SMAD4 (30‑40 %), événements focaux localisés sur un ou deux chromosomes ;
sont connus depuis longtemps et l’analyse de l’exome y le sous-type « réarrangé » (36 %) avec des lésions
ou du génome entier n’a pas révélé de nouveaux gènes chromosomiques aléatoires généralisées (< 200) ;
drivers majeurs avec des fréquences dépassant 10‑15 %, y le sous-type « instable » avec de grandes variations
confirmant l’importante hétérogénéité mutationnelle structurelles généralisées (> 200).
mais à « basse fréquence » des adénocarcinomes pan- Bien que ces sous-types ne soient pas faciles à identifier
créatiques [22]. Aucun de ces gènes fréquemment dans la pratique courante, ils peuvent avoir une valeur thé-
mutés ne définit individuellement un sous-type clair, rapeutique importante. Par exemple, le sous-type instable
mais certaines anomalies sont plus fréquentes dans cer- est associé à des altérations dans les gènes de la recom-
tains sous-types transcriptomiques (cf. infra), comme binaison homologue et semble être particulièrement sen-
l’amplification de MYC et les altérations de TP53 et sible à la chimiothérapie à base de sel de platine et aux
CDKN2A dans les carcinomes adénosquameux et le inhibiteurs de PARP [26]. Il convient de noter que chez un
sous-type transcriptomique de type basal, ou l’ampli- tiers des patients, aucune mutation dans les gènes de répa-
ration de l’ADN n’a été détectée, suggérant que le dépis-
tage génétique reposant sur le seul séquençage ciblé n’est
pas suffisant. Les deux autres tiers présentaient des muta-
tions germinales ou somatiques dans des gènes connus
pour être associés aux formes familiales d’adénocarcinome
pancréatique, tels que BRCA1/2, PALB2, etc. Malheureuse-
ment, l’analyse histologique de ces formes familiales n’a
pas montré de caractéristiques permettant leur identifica-
tion. L’identification des adénocarcinomes pancréatiques
présentant un déficit de réparation homologue est difficile
en pratique courante. Une approche de séquençage ciblé
de l’ADN serait la méthode la plus appropriée pour les
échantillons fixés au formol et inclus en paraffine (FFPE),
Fig. 6.5 même pour ceux provenant de biopsies par aspiration à
Carcinome pancréatique de type colloïde. l’aiguille fine. Le séquençage du génome entier est la meil-
Tumeur composée de glandes plage de mucus (flèches noires)
bordées par des cellules tumorales adénocarcinomateuses leure technique, mais il reste très coûteux et nécessite des
(encart, flèches grises). compétences bio-informatiques dédiées pour l’analyse.
73
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
Les quatre gènes les plus fréquemment altérés [16] Schlitter AM, Segler A, Steiger K, Michalski CW, Jäger C,
Konukiewitz B, et al. Molecular, morphological and survival
dans l’adénocarcinome pancréatique sont KRAS,
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75
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
Diagnostic
Maïté Lewin
A B
Fig. 6.6
Adénocarcinome du pancréas : signes directs.
La TDM montre une masse hypodense de la queue du pancréas à la phase pancréatique (A) se rehaussant faiblement à la phase portale (B).
76
6. Adénocarcinome pancréatique
A B
Fig. 6.7
Adénocarcinome du pancréas : signes indirects et directs.
La TDM montre à la phase pancréatique, la dilatation de la voie biliaire principale et du conduit pancréatique principal (A, flèches) en amont
d’une masse mal limitée et hypodense de la tête du pancréas (B).
A B C
D E
Fig. 6.8
Adénocarcinome du pancréas : signes indirects et directs en TDM et IRM.
La TDM à la phase portale (A) montre une dilatation du conduit pancréatique principal avec atrophie segmentaire du pancréas
corporéocaudal (têtes de flèches) en amont d’une masse hypodense du corps du pancréas (flèche). La CPRM (B) montre une sténose nette
(flèche) du conduit pancréatique principal. Les séquences pondérées en T1 avec suppression du signal de la graisse (C-E) montrent la lésion
du corps du pancréas en amont de la dilatation ductale en hyposignal T1 (flèche) au temps artériel (C) et qui se rehausse progressivement
au temps portal (D) et tardif (E) en raison de la présence d’une composante fibreuse.
s’associe à une atrophie segmentaire du parenchyme Lorsque la tumeur est responsable d’une pancréatite
pancréatique contrastant avec l’aspect normal du aiguë d’amont ou d’une rupture d’un conduit pancréa-
pancréas en aval de la tumeur, est très évocatrice d’un tique secondaire dilaté, un ou plusieurs pseudo-kystes
cancer du pancréas même lorsque la tumeur n’est pas peuvent se développer en amont de la tumeur. Ce signe
visualisée. n’est observé que dans environ 8 à 10 % des cas [3].
77
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
Fig. 6.9
Adénocarcinome de la tête du pancréas en IRM.
La CPRM (A) montre une dilatation des voies biliaires intra et extra-hépatiques ainsi que du conduit pancréatique principal en amont
d’une double sténose ductale (flèche). La séquence 3D pondérée en T1 avec suppression du signal de la graisse au temps pancréatique
artériel (B) montre une lésion (flèche) de la tête du pancréas en hyposignal par rapport au parenchyme pancréatique adjacent.
A B
Fig. 6.10
Adénocarcinome du pancréas : cas particulier de la lésion isodense.
La TDM (A) montre une dilatation des voies biliaires intra-hépatiques et du conduit pancréatique principal avec un arrêt net dans la région
de la tête du pancréas sans masse parenchymateuse visible (flèche). La séquence de diffusion à b1000 (B) met en évidence la lésion (flèche)
en hypersignal de la tête du pancréas.
apparent (ADC) est inférieur à celui des lésions bénignes Signes indirects
avec cependant un chevauchement important des valeurs
La CPRM permet la détection des anomalies ductales
qui varient en fonction du degré de différentiation tumo-
pancréatiques avec la mise en évidence d’une sténose
rale et de la quantité de fibrose présente. Il est estimé en courte et serrée du conduit pancréatique principal et sa
moyenne à 1,332 × 10‑3 mm2/s [15]. dilatation en amont (cf. fig. 6.8 et 6.9). Cette dilatation du
L’utilisation des produits de contraste spécifique hépa- conduit pancréatique principal peut être associée à une
tique n’améliore pas la détection tumorale avec une dilatation des conduits secondaires pancréatiques.
sensibilité et une spécificité estimées respectivement à 98 La détection de la pancréatite chronique d’amont est à
et 96 % sans différence significative avec la TDM [16]. rechercher en pondération T1 avec suppression du signal
79
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
de la graisse sans injection de produit de contraste en rai- Ces deux entités montrent une lésion hyporehaussée au
son du caractère spontanément très intense du pancréas temps artériel avec un rehaussement progressif au temps
normal en T1. Elle repose sur la présence d’une atrophie portal, et des signes indirects comme une pancréatite obs-
pancréatique et sur la perte de l’hypersignal T1 du pancréas tructive notamment pour les lésions céphaliques (fig. 6.11).
en comparaison avec le pancréas en aval de la tumeur. Cependant, même si le diagnostic définitif repose sur les
résultats de la biopsie par échoendoscopie qui doit être
répétée en cas de négativité, quelques signes morpho
Autres examens morphologiques logiques en TDM et en IRM peuvent orienter le diagnostic.
L’échoendoscopie a pour intérêt principal de réaliser la Le déplacement des calcifications parenchymateuses qui
ponction-biopsie de la lésion et de permettre la confir- sont observées chez environ 60 % des patients avec une
mation pathologique de l’adénocarcinome du pancréas. pancréatite chronique au cours du suivi en imagerie doit
Elle est également indiquée à la recherche d’une masse du faire suspecter un adénocarcinome du pancréas [18]. La
pancréas devant une anomalie ductale pancréatique isolée présence en IRM d’une sténose ductale d’aspect régulier
détectée en TDM ou en IRM. traversant une masse pancréatique sans obstruction com-
Le rôle de la tomographie par émission de positons plète, décrit dans la littérature anglo-saxonne comme le
(TEP) au fluoro-2-déoxy-D-glucose marqué au fluor 18 duct-penetrating sign, oriente vers le diagnostic de pseudo-
(18F-FDG) pour le diagnostic des patients atteints d’adéno tumeur inflammatoire avec une sensibilité de 85 % pour
carcinome du pancréas reste discuté [17]. L’accumulation une spécificité à 96 % [19].
du traceur 18F-FDG est variable au sein de la tumeur et
les lésions inflammatoires non tumorales pancréatiques
peuvent induire des faux positifs.
Pancréatite auto-immune
La pancréatite auto-immune (PAI) est une forme rare de
pancréatite chronique inflammatoire dont deux types sont
Diagnostics différentiels actuellement identifiés :
y la PAI de type 1 (80 % des cas) correspond à la locali-
Pancréatite chronique calcifiante sation pancréatique d’une maladie inflammatoire systé-
mique auto-immune (maladie à IgG4) ;
Le diagnostic différentiel entre un noyau focal de pancréatite y la PAI de type 2 (moins fréquente) est une maladie auto-
chronique et un adénocarcinome du pancréas reste un défi immune qui est associée dans 20 à 30 % des cas à une mala-
majeur en imagerie. L’aspect morphologique est similaire. die inflammatoire chronique de l’intestin.
A B
Fig. 6.11
Adénocarcinome de la tête du pancréas sur pancréatite chronique calcifiante confirmé après biopsie sous échoendoscopie.
La TDM à la phase portale (A) montre les calcifications diffuses du parenchyme pancréatique et la dilatation du conduit pancréatique principal
en amont d’une sténose ductale tumorale. L’IRM en coupe coronale en séquence pondérée en T2 (B) montre une dilatation du conduit
pancréatique principal et des conduits pancréatiques secondaires en amont de la sténose ductale tumorale (flèche).
80
6. Adénocarcinome pancréatique
A B
Fig. 6.12
Pancréatite auto-immune de type 1 (maladie à IgG4).
L’IRM en séquence pondérée T1 avec suppression du signal de la graisse (A) au temps portal montre une tête du pancréas (flèche) augmenté
de taille. La CPRM (B) montre un conduit pancréatique principal d’aspect irrégulier siège de nombreuses sténoses (têtes de flèches).
81
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
TDM pancréatique
Fig. 6.13
Stratégie d’imagerie devant une suspicion d’adénocarcinome pancréatique.
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Bilan d’extension
Mathilde Wagner, Marc Zins
L’adénocarcinome pancréatique est le 2e cancer digestif (> 300 mg d’iode/mL) à haut débit (3‑5 mL/s) et com-
en fréquence et son incidence est en constante augmen- prend 3 phases d’acquisition :
tation. Malgré les progrès thérapeutiques, le pronostic y une acquisition sans injection sur la région abdominale ;
reste sombre. Le seul traitement curatif est la résection y une acquisition à une phase dite « pancréatique », soit
chirurgicale qui n’est possible que dans 10‑25 % des cas environ 45 secondes (35‑50 secondes) après le début de
soit d’emblée, soit après une chimiothérapie dite d’induc- l’injection sur la région abdominale ;
tion. Cette résection étant associée à une morbidité et une y une acquisition à la phase portale (70‑90 secondes
mortalité importantes, évaluées à 50 et 5 % respectivement après le début de l’injection) sur les régions abdominale et
après duodénopancréatectomie céphalique, elle ne doit pelvienne.
être réalisée que si une résection complète (R0) est pos- Idéalement, une ingestion de 2 verres d’eau est préconi-
sible et en l’absence de localisation métastatique. La place sée avant le début des acquisitions. Le respect de ce proto
de l’imagerie est majeure dans la décision. Le bilan initial cole correct est indispensable et la TDM doit être refaite
a pour but de localiser précisément la tumeur, de faire le si le protocole n’a pas été réalisé, cette répétition étant à
bilan d’extension locorégionale et à distance, ainsi que l’origine d’un changement de stade allant jusque dans 50 %
d’identifier des variantes anatomiques/pathologies asso- des cas dans la littérature [1]. En effet, il a été publié que les
ciées qui pourraient modifier la prise en charge. Ce bilan adénocarcinomes pancréatiques étaient mieux visibles et
est indispensable afin d’optimiser le schéma thérapeutique. mieux délimités sur la phase pancréatique (qui est celle qui
manque le plus souvent), permettant ainsi une meilleure
identification de leurs rapports locaux (fig. 6.14).
Bilan d’extension locorégionale En cas de chirurgie envisagée, la TDM doit dater de
moins de 3‑4 semaines avant l’intervention chirurgicale
afin de ne pas passer à côté d’une progression inter
TDM pancréatique
currente [2,3]. La TDM pour bilan d’extension doit impé-
C’est l’examen clé et de référence pour le bilan de l’ex- rativement être réalisée avant tout geste endoscopique
tension locorégionale dont le but est de prédire la possi- (échoendoscopie avec biopsie ± pose de prothèse), afin
bilité d’une résection complète R0. L’examen nécessite de ne pas surestimer l’envahissement locorégional et
une acquisition hélicoïdale en coupes millimétriques et d’éviter une analyse gênée par les artefacts liés à la pré-
une injection d’un produit de contraste iodé concentré sence d’une prothèse (fig. 6.15). En effet, tout geste
83
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
Fig. 6.14
Patient de 63 ans avec adénocarcinome pancréatique céphalique (flèche).
Coupes axiales de TDM pancréatique à la phase parenchymateuse pancréatique (A) et à la phase portale (B). Le contraste entre la tumeur
et le parenchyme pancréatique est plus important sur la phase pancréatique que sur la phase portale et la lésion est ainsi mieux délimitée.
A B
Fig. 6.15
Patient de 64 ans avec adénocarcinome pancréatique céphalique (flèche pleine).
Coupes axiales de TDM pancréatiques à la phase portale réalisées à 15 jours d’intervalle. A. TDM initiale. B. TDM réalisée après échoendoscopie
avec biopsie. La TDM initiale montre une lésion céphalique hypodense sans contact vasculaire, classée résécable selon la classification
NCCN 2022. La TDM après endoscopie montre l’apparition d’une infiltration de la graisse péritumorale (flèches pointillées) en rapport
avec des remaniements inflammatoires, venant au contact des vaisseaux mésentériques et de la veine cave inférieure, qui pourraient faire croire
à tort à une extension locorégionale.
A B
Fig. 6.16
Patiente de 61 ans avec adénocarcinome pancréatique corporéal (flèche).
Coupe axiale de TDM pancréatique à la phase parenchymateuse pancréatique. A. Imagerie conventionnelle. B. Reconstruction monoénergétique
à 40 keV. Le contraste entre la tumeur et le parenchyme pancréatique est plus important sur l’image monoénergétique à 40 keV.
A B
C D
E F
Fig. 6.17
Exemples illustrant l’analyse vasculaire lors du bilan de l’extension locorégionale.
L’analyse de la circonférence du contact nécessite de se positionner perpendiculaire à l’axe du vaisseau. Pour l’étude artérielle, il faut différencier
une atteinte avec contact < 180° (A) d’une atteinte avec contact > 180° (B). Pour l’étude veineuse, il faut différencier une atteinte avec contact
< 180° (C) d’une atteinte avec contact < 180° avec déformation (D) et d’une atteinte avec contact > 180° (E). L’étude de la longueur
de l’atteinte veineuse est également pertinente et nécessite de se mettre dans l’axe de la veine (F). A : artère ; T : tumeur ; V : veine.
86
6. Adénocarcinome pancréatique
A B
Fig. 6.18
Exemples d’envahissement d’organes adjacents, coupes axiales de TDM pancréatique à la phase portale.
A. Patiente de 55 ans présentant un adénocarcinome pancréatique de localisation caudale (flèche blanche) avec envahissement de la surrénale
gauche (flèche noire). B. Patiente de 82 ans présentant un adénocarcinome pancréatique de localisation corporéocaudale (flèche blanche)
avec envahissement de la paroi gastrique (flèche noire).
A B
Fig. 6.19
Patient de 60 ans avec adénocarcinome pancréatique céphalique (flèche pleine).
TDM pancréatique à la phase parenchymateuse pancréatique. Coupe axiale (A), reconstruction MIP (B). Mise en évidence d’une artère
hépatique droite naissant de l’artère mésentérique supérieure (flèche pointillée) cheminant en rétropancréatique, engainée par la tumeur
et de calibre irrégulier.
87
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
Fig. 6.20
Patiente de 75 ans avec adénocarcinome pancréatique céphalique.
TDM préopératoire, acquisition à la phase artérielle, reconstruction sagittale montrant une sténose du tronc cœliaque secondaire
à un ligament arqué (A, flèche) et reconstruction coronale en MIP montrant une dilatation des arcades duodénopancréatiques associées
(B, flèches pointillées).
A B C
D E F
Fig. 6.21
Patient de 78 ans avec adénocarcinome pancréatique céphalique.
A, D. La TDM à la phase portale ne montre pas de lésion hépatique. B, E. L’IRM hépatique, réalisée 2 jours plus tard, met en évidence plusieurs
lésions millimétriques en hypersignal diffusion (flèches blanches). C, F. Une nouvelle IRM, réalisée 15 jours plus tard dans le cadre d’un essai
clinique, confirme le caractère secondaire de ces lésions, certaines ayant augmenté de taille (flèche blanche pointillée) et d’autres étant
apparues notamment en sous-capsulaire (flèches jaunes).
A B
Fig. 6.22
Patiente de 64 ans avec adénocarcinome pancréatique céphalique.
A. La TDM met en évidence un ganglion centimétrique inter-aortico-cave, arrondi, à centre nécrotique (flèche blanche). B. La TEP montre
un hypermétabolisme du ganglion avec SUVmax à 3,94 (flèche noire), confirmant le caractère suspect de localisation secondaire.
90
6. Adénocarcinome pancréatique
A B
Fig. 6.23
Exemples d’adénocarcinomes pancréatiques résécables selon la classification NCCN.
A. Coupe axiale d’une TDM pancréatique à la phase portale montrant une lésion céphalique résécable (flèche blanche) devant
l’absence de contact vasculaire. B. Coupe axiale d’une TDM pancréatique à la phase parenchymateuse pancréatique montrant
une lésion céphalique résécable (flèche blanche) avec contact < 180° avec la veine mésentérique supérieure sans déformation
(flèche bleue).
A B
Fig. 6.24
Exemples d’adénocarcinomes pancréatiques de résécabilité limite selon la classification NCCN.
A. Reconstruction coronale d’une TDM pancréatique à la phase parenchymateuse pancréatique montrant une lésion céphalique de résécabilité
limite (flèche blanche) en raison d’un contact < 180° avec l’artère mésentérique supérieure (flèche rouge). B. Coupe axiale d’une TDM
pancréatique à la phase portale montrant une lésion céphalique de résécabilité limite (flèche noire) en raison d’un contact < 180° avec la veine
mésentérique supérieure avec déformation (flèche bleue).
91
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
C D
Fig. 6.25
Exemples d’adénocarcinomes pancréatiques localement avancés selon la classification NCCN.
A, C. Reconstruction coronale (A) et coupe axiale (C) d’une TDM pancréatique à la phase parenchymateuse pancréatique montrant une lésion
corporéale localement avancée (flèche blanche) en raison d’un engainement circonférentiel du tronc cœliaque et de l’artère hépatique,
avec irrégularité de l’artère hépatique (flèches rouges pleines). Il existe également un contact d’environ 180° avec l’artère mésentérique
supérieure (flèche rouge pointillée). B, D. Reconstruction coronale (B) et coupe axiale (D) d’une TDM pancréatique à la phase portale montrant
une lésion céphalique localement avancée (flèches blanches) en raison d’un engainement avec occlusion longue de la veine mésentérique
supérieure (flèche bleue) avec voies de dérivation (flèches bleues pointillées).
Plusieurs de ces comptes rendus sont disponibles. L’en- ultiplanaires et l’acquisition doit dater moins de
m
cadré 6.1 en propose un exemple. 3‑4 semaines avant une éventuelle résection. Si ce n’est
pas le cas, la TDM doit être répétée. Cette TDM permet
de rechercher des localisations secondaires mais égale-
Conclusion ment de faire un bilan locorégional précis des atteintes
vasculaires qui doivent être décrites avec soin. Idéalement,
La place de l’imagerie en coupes dans le bilan d’extension la lésion doit être classée selon la classification NCCN qui
d’un adénocarcinome pancréatique est majeure et guide peut cependant être faite lors de la réunion de concerta-
la prise en charge thérapeutique (fig. 6.26). Il repose sur la tion pluridisciplinaire. La réalisation d’une IRM hépatique
réalisation d’une TDM pancréatique associée à une TDM est indispensable et systématique pour tout patient avec
thoraco-abdomino-pelvienne. Le protocole d’acquisition un adénocarcinome pancréatique chez qui une chirur-
doit être respecté, les coupes fines doivent être dispo- gie est indiquée ou envisageable en cas de réponse à un
nibles afin de permettre la réalisation de reconstructions traitement initial.
92
6. Adénocarcinome pancréatique
AHC : artère hépatique commune ; AMS : artère mésentérique supérieure ; AS : artère splénique ; CPP : conduit pancréatique principal ; TC : tronc
cœliaque ; VBP : voie biliaire principale ; VMS : veine mésentérique supérieure ; VP : veine porte ; VS : veine splénique.
93
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
Chirurgie d’emblée
Traitement d’induction
± Traitement Chimiothérapie
Folfirinox si possible (3-6 mois)
néoadjuvant Soins de support
± Radiochimiothérapie de clôture
(essai thérapeutique)
Fig. 6.26
Stratégie de prise en charge en imagerie et thérapeutique d’un adénocarcinome pancréatique.
94
6. Adénocarcinome pancréatique
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Principes de la chirurgie
La chirurgie doit être réalisée seulement en vue d’une
résection curative. En effet, plusieurs essais randomisés déjà
anciens ont démontré que la chirurgie de dérivation avait
de moins bons résultats que les dérivations endoscopiques
mais, de plus, une laparotomie non thérapeutique (sans
résection du fait de la découverte d’une extension tumorale
non détectée par l’imagerie préopératoire) est considérée
comme une perte de chance pour le patient car diminuant
son état général, les possibilités de chimiothérapie et donc
la survie à long terme [3]. En conséquence, il est recom-
mandé de disposer d’une imagerie récente (moins d’un
mois), complète et de qualité avant toute intervention.
Le but de l’exérèse d’un adénocarcinome pancréatique
est d’obtenir l’exérèse complète d’une tumeur localisée,
avec des marges de résection saines (R0), définie par une
distance entre les marges de résection et la tumeur supé-
rieure à 1 mm, en raison de son meilleur pronostic avec
une survie médiane comprise entre 30 et 40 mois actuel-
lement [4]. La marge de résection la plus importante en
termes de pronostic est la marge rétrovasculaire (ou lame
rétroporte) : il s’agit de tissu graisseux, lymphatique et grais-
seux situé en arrière de l’axe veineux mésentérico-porte
et venant au contact de l’artère mésentérique supérieure
(AMS) (fig. 6.27 et 6.28). Il n’y a aucun intérêt à réaliser une
exérèse macroscopiquement incomplète (R2), ou l’exé- Fig. 6.28
rèse d’une tumeur « oligométastatique » (faible nombre Principales marges de résection et étendue de l’exérèse
au cours d’une duodénopancréatectomie céphalique.
de métastases hépatiques, péritonéales, ou ganglionnaires La marge plus importante sur le plan pronostique est la lame
inter-aortico-caves), car la survie obtenue est équiva- rétroporte située en arrière de l’axe veineux mésentérico-porte
(flèches bleues) et qui vient au contact (flèches rouges) de l’artère
lente à celle obtenue actuellement après chimiothérapie mésentérique supérieure. La tranche pancréatique (flèches jaunes)
des formes métastatiques avec une médiane d’environ est en avant des vaisseaux.
12 mois [5]. Le plus souvent, l’exérèse est macroscopique- Modifiée d’après © Sastre B. Duodénopancréatectomie céphalique. In Lacaine F,
Sauvanet A. Chirurgie du pancréas et de la rate. Paris : Elsevier-Masson ; 2009.
ment complète mais classée R1 en raison d’une distance Illustrateur : Dominique Duval.
96
6. Adénocarcinome pancréatique
microscopique entre les marges de résection et la tumeur carcinome pancréatique expose à un risque de faux négatif
inférieure à 1 mm, avec alors une survie proche de celle compris entre 5 et 10 % [8]) ;
obtenue avec une marge de 0 mm [6]. Dans la pratique 2. les tumeurs avec extension vasculaire contre-indiquant
clinique, ce résultat imparfait, souvent imprévisible en pré- une résection à visée curative d’emblée ;
opératoire, est toutefois acceptable car il permet dans cer- 3. les tumeurs métastatiques.
tains cas une survie prolongée avec une survie actuarielle à L’extension locorégionale associe l’extension ganglion-
5 ans de 10 à 15 % [6]. naire et l’extension vasculaire. L’extension ganglionnaire est
L’identification des tumeurs accessibles à une résection à présente chez environ 2/3 des patients ayant eu une pan-
visée curative (tumeur localisée, accessible à une résection créatectomie. Elle est associée à une diminution de la survie à
R0 ou à la limite R1) est un élément fondamental de la prise distance mais reste compatible avec une survie à 5 ans [6,9],
en charge de l’adénocarcinome pancréatique, reposant sur sauf si l’extension ganglionnaire atteint les ganglions à dis-
une évaluation multidisciplinaire. Il faut donc savoir récuser : tance, au contact de l’aorte ou de la veine cave (ganglions
1. les patients ayant une lésion bénigne mimant l’adéno latéroaortiques ou interaorticocaves) [5,9]. Ces adénopathies
carcinome pancréatique (environ 5 % des patients opérés métastatiques à distance peuvent être détectées par la TDM
avec le diagnostic d’adénocarcinome ont une lésion bénigne mais avec une faible sensibilité de l’ordre de 60 % [9] ; leur
ne justifiant a posteriori pas de pancréatectomie [7] ; à caractère tumoral peut être affirmé par une hyperfixation
l’inverse, la biopsie sous échoendoscopie d’un adéno sur une TEP au 18F-FDG (fig. 6.29) ou par biopsie-exérèse
Fig. 6.29
Aspect sur une TEP/TDM au 18 FDG d’une adénopathie métastatique latéroaortique gauche (flèche).
En haut : images scintigraphiques ; en bas : images de TDM et de fusion.
97
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
sous laparoscopie. En peropératoire, il faut prélever tout céphalique (DPC) (fig. 6.30). La duodénopancréatectomie
ganglion latéroaortique ou inter-aortico-cave anormal pour totale (DPT) est exceptionnellement réalisée pour adéno-
un examen histologique extemporané et récuser la résec- carcinome céphalique, sauf dans de rares cas de tumeurs
tion si le ganglion est métastatique [9]. L’intérêt d’une ana- intracanalaires avec transformation maligne intéressant
lyse extemporanée systématique de ces ganglions (picking l’ensemble de la glande (fig. 6.31).
ganglionnaire), quel que soit leur aspect macroscopique, La DPC est associée à une mortalité à J90 atteignant
a été rarement évalué [9], et n’est pas encore considéré fréquemment 5 % lorsque le patient est opéré pour un
comme un standard. adénocarcinome, une morbidité précoce de l’ordre de
L’appréciation de l’extension vasculaire repose princi 50 % (dont environ 20‑25 % de fistules pancréatiques qui
palement sur une TDM pancréatique de très bonne qua- prolongent l’hospitalisation) [1] et à un risque de diabète
lité, récente, et faite selon une technique standardisée, de novo d’environ 20 % et d’insuffisance exocrine d’envi-
qui permet de classer la tumeur en tumeur résécable, de ron 50 %. La voie d’abord laparoscopique n’améliore pas
résécabilité limite (borderline), ou localement avancée. les résultats de la DPC [12]. Une sélection des patients est
Plusieurs classifications sont disponibles pour apprécier nécessaire afin de limiter la mortalité opératoire, qui s’élève
l’extension vasculaire et peuvent différer légèrement pour nettement après 75 ou 80 ans, ou en cas de comorbidité
la distinction entre deux catégories. sévère (insuffisance rénale et insuffisance hépatique, car-
La classification la plus récente et la plus utilisée est celle diopathie avec insuffisance cardiaque) [13,14]. Un score
du NCCN (National comprehensive cancer network) [10] en ligne est disponible pour prédire la mortalité à J90 de la
qui distingue les différents stades tumoraux (cf. supra DPC [15]. Malgré la sévérité de la maladie sous-jacente, il
« Bilan d’extension »). n’est pas souhaitable de proposer une DPC chez un patient
y Les tumeurs sont résécables lorsque les axes vasculaires dont la mortalité attendue dépasse 10 % car, en l’absence
artériels (hors artère gastroduodénale et artère splénique) de décès, la morbidité serait certainement importante [13],
et veineux (hors veine splénique) sont à distance de la
lésion, ou lorsqu’il existe un contact veineux sur moins de
180° sans déformation de la veine (veine porte ou veine
mésentérique supérieure).
y Les tumeurs sont de résécabilité limite (borderline) lorsque
les artères « majeures », non résécables (artère hépatique,
tronc cœliaque, AMS), sont au contact de la tumeur sur moins
de 180° de leur circonférence, ou en cas d’envahissement vei-
neux techniquement accessible à une résection en raison de
sa brièveté et de son caractère non occlusif. Un contact avec la
veine cave inférieure (face antérieure) est possible.
y Les tumeurs sont localement avancées quand elles sont
associées à un contact avec une artère majeure sur plus de
180° de leur circonférence ou à un envahissement veineux non
techniquement résécable (extension circonférentielle avec
sténose ou occlusion et hypertension portale segmentaire).
Avant tout projet chirurgical, il faut réaliser une IRM hépa-
tique comportant des séquences de diffusion, afin de diminuer
le taux de laparotomie non thérapeutique, pour découverte
de métastases hépatiques non visibles sur la seule TDM [11].
98
6. Adénocarcinome pancréatique
Attention
Fig. 6.31
Rétablissement de la continuité après duodénopancréatectomie
totale par anastomoses hépatico-jéjunale et duodénojéjunale. Il est très important que le bilan d’imagerie (TDM
© Sastre B. Duodénopancréatectomie céphalique. In Lacaine F, Sauvanet A. thoraco-abdomino-pelvienne et si possible IRM)
Chirurgie du pancréas et de la rate. Paris : Elsevier-Masson ; 2009.
Illustrateur : Dominique Duval. soit fait avant tout geste endoscopique (principa-
lement le drainage biliaire) pour limiter les arté-
facts liés à la prothèse mais surtout les difficultés
aboutissant à une fragilisation du malade, à une diminu- d’interprétation liées à une éventuelle pancréatite
tion de la qualité de vie postopératoire, limitant les pos- – même modérée – liée à la pose de la prothèse
sibilités de chimiothérapie adjuvante et donc la survie du (fig. 6.32).
patient [16].
Les patients doivent être préparés à l’intervention par
une immunonutrition afin de limiter le risque de compli- Tumeurs céphaliques
cations infectieuses et l’équilibration d’un éventuel dia-
bète. Chez les patients ictériques, les indications du drai-
Tumeurs résécables
nage biliaire préopératoire sont sélectives. Le drainage Ces tumeurs peuvent être opérées d’emblée, si néces-
par voie endoscopique (par endoprothèse rétrograde ou saire après traitement de l’ictère et renutrition. La DPC
par cholédoco-duodénostomie sous contrôle échoendo (cf. fig. 6.28) comporte une lymphadénectomie régionale,
scopique) doit être préféré au drainage percutané trans- enlevant les ganglions péripancréatiques et ceux situés au
hépatique qui pourrait augmenter le risque de récidive contact du tronc cœliaque et de l’AMS, homolatéraux à la
sous forme de carcinose péritonéale [17]. Une angiocholite tumeur.
(exceptionnelle dans l’adénocarcinome pancréatique), un La prise en charge postopératoire doit être centrée sur
prurit invalidant et une dénutrition marquée sont des indi- le dépistage et un traitement rapide des complications
cations au drainage biliaire [18]. Un ictère isolé avec une postopératoires (fistule pancréatique et ses conséquences
bilirubinémie inférieure à 250 µmol/L n’augmente pas le telles qu’hémorragie par érosion vasculaire et sepsis, gastro-
risque de complications après DPC [19] et une DPC faite parésie, dénutrition) car elles ont une valeur pronostique
dans un délai rapide est préférable à la mise en place d’une négative, indépendamment de la réalisation ou non d’une
prothèse plastique suivie d’une DPC quelques semaines chimiothérapie adjuvante [16].
plus tard [7,20]. La morbidité sévère après DPC est Malgré cela, 25 à 30 % des patients ne reçoivent pas
augmentée en cas d’ictère avec bilirubinémie supérieure de chimiothérapie adjuvante [1,4]. Histologiquement,
à 300 µmol/L [19] ; un drainage est alors indiqué et l’uti- les adénocarcinomes pancréatiques réséqués d’emblée
99
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
Fig. 6.32
Aspect TDM d’une pancréatite aiguë secondaire à la pose d’une endoprothèse biliaire.
A. La tumeur a un contact avec la veine mésentérique supérieure en regard de l’abouchement de la 1re veine jéjunale (flèche jaune).
B. Après pose de la prothèse, est apparue une densification au contact de la face antérieure veine mésentérique supérieure (flèche rouge).
sont classés T3 en raison de leur taille supérieure à 3 cm artérielle ont donc, lorsqu’elles sont faites en 1re intention,
dans environ 50 % des cas et N+ dans 80 % des cas [1,4], une mortalité élevée, supérieure à 10 %, et un très mauvais
et sont donc des indications claires à une chimiothérapie pronostic carcinologique à distance [22], et doivent donc
adjuvante. Ces points, ainsi que les fréquentes récidives être évitées.
métastatiques parfois précoces observées après résection Pour les pancréatectomies avec résection veineuse,
R0 des tumeurs résécables, sont des arguments en faveur l’ablation de la portion de veine envahie associée à sa
d’un traitement néoadjuvant (chimiothérapie avec ou sans reconstruction (par suture directe, patch latéral ou, plus
radiochimiothérapie), avec des résultats favorables dans les rarement, greffon veineux interposé) (fig. 6.33), est asso-
premiers essais randomisés l’ayant évalué [21]. ciée à une mortalité légèrement plus élevée que celle des
pancréatectomies pour tumeurs résécables d’emblée, à
Tumeurs de résécabilité limite une morbidité postopératoire acceptable, mais à un plus
(borderline) mauvais pronostic en raison de la fréquence plus élevée des
résections R1 [1,23]. En effet, l’extension tumorale veineuse
Ce terme est défini pour la majorité des auteurs par est habituellement associée à une extension tumorale
une extension vasculaire analysée par la TDM. Pour ces dans la lame rétroporte à proximité de l’AMS et du tronc
tumeurs, il est possible de distinguer de façon pragma- cœliaque [1].
tique les tumeurs associées à une extension veineuse Pour les adénocarcinomes avec extension artérielle, il est
isolée (veine mésentérique supérieure, confluent spléno- donc indispensable de traiter les patients en préopératoire
mésaraïque, veine porte) des tumeurs envahissant une par une chimiothérapie systémique, souvent suivie d’une
artère non « sacrifiable » (tronc cœliaque, artère hépa- radio-chimiothérapie, ceci afin de « stériliser » la tumeur
tique, AMS). au contact des axes artériels, ce qui permet une exérèse
Les tumeurs associées à une extension artérielle, telle avec squelettisation artérielle de moindre risque immédiat
que décrite ci-dessus, s’accompagnent le plus souvent et de survie à distance équivalente à celle d’une DPC avec
d’une extension veineuse [1,22]. Leur exérèse est donc résection artérielle [22]. Pour les tumeurs borderline en rai-
complexe puisque nécessitant une double reconstruction. son d’une extension veineuse isolée, il existe de plus en plus
De plus, pour des raisons anatomiques et du fait du mode d’arguments, dont un essai randomisé avec analyse en inten-
d’extension de l’adénocarcinome pancréatique, l’envahis tion de traiter [21], pour réaliser également un traitement
sement artériel est toujours associé à une extension le d’induction cette fois-ci en vue d’améliorer la radicalité de la
long des lymphatiques et des plexus nerveux périartériels, DPC avec résection veineuse, même si celle-ci est technique-
qui favorise elle-même l’extension tumorale au-delà des ment réalisable d’emblée. Une tumeur borderline veineuse
limites de résection. Les pancréatectomies avec résection ne relève donc plus d’une intervention d’emblée [1,21].
100
6. Adénocarcinome pancréatique
1 2 3 4
Fig. 6.33
Résection veineuse au cours d’une duodénopancréatectomie céphalique.
1 : suture latérale longitudinale ; 2 : suture latérale longitudinale avec patch ; 3 : suture transversale ; 4 : greffon veineux interposé.
© Delpero JR. Variantes de la duodénopancréatectomie céphalique. In Lacaine F, Sauvanet A. Chirurgie du pancréas et de la rate. Paris : Elsevier-Masson ; 2009. Illustrateur : Dominique
Duval.
Ce traitement, dit d’induction, a pour but d’obtenir être discutées dans une RCP spécialisée et justifient une
une tumeur résécable avec des marges saines. Les traite- prise en charge dans un centre à haut volume afin de
ments d’induction actuels permettent qu’environ 60 % des limiter le risque de l’intervention [1]. L’adjonction d’une
tumeurs de résécabilité limite deviennent résécables, avec chimiothérapie adjuvante dans ce contexte semble égale-
une survie après résection comparable à celle des tumeurs ment améliorer la survie.
résécables d’emblée et, pour les tumeurs borderline Le terme borderline est également utilisé chez des
veineuses, meilleure que celles obtenues après résection patients ayant une opérabilité limite en raison de leur âge
d’emblée [1,21]. Actuellement, le traitement d’induction et/ou de leurs comorbidités [13] et chez d’autres patients
le mieux validé est l’association Folfirinox (suivie ou non ayant une tumeur suspecte d’être métastatique (nodule
de radiochimiothérapie) qui permet d’obtenir, pour les hépatique non caractérisable, CA 19‑9 sérique > 300 UI/ mL
tumeurs borderline, des taux de résécabilité secondaire de en l’absence d’ictère) [10,26]. Une IRM avec séquences
l’ordre de 60 % [23‑25]. L’appréciation de la résécabilité de diffusion et si possible agent de contraste hépato-
secondaire repose sur un faisceau d’arguments cliniques spécifique [11] ou une cœlioscopie exploratrice peuvent
(disparition des douleurs), biologiques (baisse du taux de aider à poser le diagnostic de maladie métastatique non
CA 19‑9 sérique) et radiologiques (diminution ou du moins décelable par ailleurs. Dans les deux cas, une période de
stabilité du volume tumoral, persistance de façon inchan- chimiothérapie « néoadjuvante » peut être justifiée le
gée, voire diminution de la densification de la graisse autour temps de corriger les comorbidités qui peuvent l’être
des vaisseaux, diminution de la captation du FDG si l’on dis- en vue de l’intervention, ou pour prendre du recul sur la
pose d’une TEP de référence avant traitement) [25]. La réa- maladie pour éviter la chirurgie en présence d’une maladie
lisation d’une radiochimiothérapie peut induire une infil- métastatique occulte.
tration modérée des tissus périvasculaires qui ne doit pas
contre-indiquer la chirurgie [10]. Globalement, il n’existe Tumeurs localement avancées
pas de moyen totalement fiable pour évaluer la réponse Celles-ci, jusqu’à une période récente, ont été considé-
histologique, qui est complète dans environ 15 % des cas, rées comme définitivement non résécables. Toutefois, les
et une exploration chirurgicale avec dissection au contact taux de réponse tumorale actuellement observés avec
des artères, et si nécessaire une histologie extemporanée l’association Folfirinox, éventuellement complétée par
est requise pour affirmer la résécabilité [1,25]. Un élargisse- une radio-chimiothérapie, permettent une résécabilité
ment aux organes de voisinage (côlon droit) est rarement secondaire dans 20‑25 % des cas [2]. La résécabilité n’est
nécessaire. donc appréciée que secondairement, parfois après des
Du fait des difficultés de leurs indications, de leur com- traitements prolongés. Il est souvent difficile d’évaluer la
plexité technique et de leur risque augmenté, les pancréa- réponse tumorale sur la seule imagerie (TDM, IRM, TEP/
tectomies avec résection vasculaire doivent probablement TDM au 18F-FDG, échoendoscopie même avec biopsies).
101
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
Le plus souvent, une bonne évolution clinique (disparition rénale et insuffisance hépatique, cardiopathie avec insuf-
des douleurs et reprise de poids sous chimiothérapie), une fisance cardiaque) [15], si un élargissement aux organes
baisse du CA 19‑9, et une réponse tumorale vue en TDM de voisinage (grande courbure gastrique, angle colique
font décider d’une laparotomie exploratrice qui est la seule gauche, surrénale gauche) est nécessaire. Des scores sont
à pouvoir affirmer la résécabilité [22,25]. disponibles pour prédire la mortalité à J90 de la PG [15].
La chirurgie des adénocarcinomes pancréatiques border- Les adénocarcinomes pancréatiques du pancréas
line et a fortiori localement avancés nécessite une dissec- gauche peuvent être classés en résécable (aucun contact
tion au contact des artères [22], la résection de l’ensemble vasculaire, sauf avec les vaisseaux spléniques), de réséca-
des tissus situés dans la région cœliaque, en particulier des bilité limite (borderline : contact avec la veine mésenté-
lymphatiques et plexus nerveux [6], ce qui induit un risque rique supérieure/veine porte ou avec le tronc cœliaque
de fuite lymphatique, de diarrhée motrice, et majore le sur moins de 180°) ou localement avancé (contact plus
risque de dénutrition en postopératoire. important avec ces derniers vaisseaux ou tout contact avec
le tronc cœliaque ou l’aorte) [10]. Cette classification ne
tient pas compte d’un éventuel envahissement des plans
Tumeurs corporéocaudales postérieurs qui peut nécessiter une extension de la dissec-
Lorsque les tumeurs sont localisées dans le pancréas tion au contact du rein gauche et/ou une surrénalectomie
corporéocaudal, l’intervention est une pancréatectomie gauche (fig. 6.35). Pour les adénocarcinomes pancréatiques
gauche (PG), habituellement avec splénectomie (SPG) borderline ou localement avancés, les résections d’emblée
(fig. 6.34), par laparotomie ou par laparoscopie, avec une sont contre-indiquées étant donné leurs risques immédiats
mortalité à J90 pouvant atteindre 3 ou 4 %, un risque de et la difficulté d’obtenir une résection R0, et un traitement
fistule pancréatique d’environ 20 % et un risque de dia- d’induction est alors recommandé [10]. Un cas particulier
bète [26]. Il est admis que, comparativement à la laparo- est celui de l’adénocarcinome pancréatique envahissant
tomie, la laparoscopie améliore les suites immédiates de le tronc cœliaque, qui peut être traité par PG étendue au
la SPG, et permet des résultats oncologiques comparables tronc cœliaque (intervention d’Appleby modifiée) après
pour des tumeurs équivalentes [26]. traitement d’induction et éventuelle embolisation proxi-
La PG a une mortalité qui s’élève nettement après 75 male des trois branches du tronc cœliaque pour dévelop-
ou 80 ans, ou en cas de comorbidité sévère (insuffisance per la collatéralité en direction du foie et de l’estomac [10].
A B
Fig. 6.34
Pancréatectomie gauche : vues opératoires.
A. Après section de l’isthme pancréatique (suturé côté céphalique) et ligature-section des vaisseaux spléniques. B. En cas de splénectomie
(cas habituel), section des vaisseaux courts gastrospléniques terminant la dévascularisation de la pièce opératoire.
Modifiées d’après © Pradère B, Carrère N. Pancréatectomie gauche. In Lacaine F, Sauvanet A. Chirurgie du pancréas et de la rate. Paris : Elsevier-Masson ; 2009. Illustrateur : Dominique
Duval.
102
6. Adénocarcinome pancréatique
A B
Fig. 6.35
Splénopancréatectomie gauche : représentation de l’étendue de l’exérèse sur une TDM.
A. Limites habituelles (1). B. Extension de l’exérèse à la surrénale gauche (2).
Modifiées d’après © Pradère B, Carrère N. Pancréatectomie gauche. In Lacaine F, Sauvanet A. Chirurgie du pancréas et de la rate. Paris : Elsevier-Masson ; 2009. Illustrateur : Dominique Duval.
valeur inférieure à 1 mm [31,39]. Les chirurgiens doivent (gemcitabine pendant 6 mois) [32,33]. Ces deux régimes
clairement identifier les différentes marges (sillon mésen- ont été directement comparés dans l’essai ESPAC-3 [37].
térique antérieur, postérieur, médial ou supérieur, artère Les résultats oncologiques obtenus étaient strictement
mésentérique supérieure, transsection pancréatique, voie identiques, mais le profil de tolérance était meilleur avec la
biliaire et entérique) sur la pièce de résection, au mieux en gemcitabine, positionnant le 5FU comme une alternative.
les encrant avec des couleurs différentes. À noter que contrairement aux cancers colorectaux, les
Dans la plupart des études, la chimiothérapie adju- protocoles LV5FU2 (bolus de 5FU, puis 5FU continu sur
vante a été efficace dans tous les sous-groupes définis 46 heures) et capécitabine en monothérapie n’ont pas été
par le grade de différenciation, le stade N, le stade T et évalués en adjuvant après résection d’adénocarcinome
la marge de résection [32‑38]. Ainsi, la chimiothérapie pancréatique.
adjuvante est théoriquement indiquée chez tous Les détails de ces essais sont résumés dans le tableau 6.2.
les patients ayant eu une résection à visée curative. La gemcitabine en monothérapie a été le standard
Cependant, une analyse rétrospective récente de la base thérapeutique en adjuvant pendant plus de 10 ans.
de données US national cancer suggère qu’un traitement
adjuvant pourrait ne pas être nécessaire chez les patients Chimiothérapie adjuvante
atteints d’adénocarcinome pancréatique infracentimétri à base de gemcitabine
que (T1aN0 ou T1bN0) [40].
À la suite des résultats obtenus en métastatique, plu-
sieurs essais randomisés ont évalué l’intérêt d’ajouter
Traitements adjuvants un médicament complémentaire à la gemcitabine en
adjuvant.
Chimioradiothérapie (CRT) adjuvante La combinaison erlotinib plus gemcitabine était associée
à une augmentation significative de la survie globale – SG
La CRT adjuvante n’a pas été associée à un bénéfice clinique
(HR [hazard ratio] = 0,82 ; IC 95 % [intervalle de confiance
dans l’essai ESPAC-1 et pourrait même être délétère [32].
à 95 %] : 0,69‑0,99 ; p = 0,038) par rapport à la gemcitabine
Cependant, le protocole de CRT utilisé ne semble pas opti-
seule chez les patients atteints d’adénocarcinome pancréa-
mal aujourd’hui et aucun contrôle de qualité de la CRT n’était
tique avancé mais le bénéfice n’était pas cliniquement per-
prévu dans cet essai. En fait, l’intérêt de la CRT adjuvante est
tinent avec une différence médiane de seulement 14 jours.
discuté dans la littérature et plusieurs études ont rapporté des
Ce protocole n’a pas été considéré comme un standard.
résultats discordants. Dans une méta-analyse de 5 essais ran-
L’ajout d’erlotinib à la gemcitabine n’augmentait pas la
domisés adjuvants, il a été suggéré que les patients avec une
survie sans maladie (SSM) ou la SG dans l’essai adjuvant
résection R1 pourraient bénéficier de la CRT adjuvante [41],
CONKO-005 (cf. tableau 6.2) [34].
mais le taux de résection R1 variait de 17 à 82 % dans les
Deux essais randomisés de phase III ayant évalué
5 essais inclus, soulignant l’hétérogénéité de l’évaluation de la
l’ajout de la capécitabine à la gemcitabine ont rapporté
marge de résection et ne permettant pas de conclure.
une augmentation de la survie sans progression (SSP)
Aujourd’hui, la CRT adjuvante n’est pas recomman-
mais pas de la SG chez les patients avec un adénocarci
dée par les sociétés savantes oncologiques [30,31,39].
nome pancréatique avancé. À la suite de ces résultats,
L’essai RTOG 0848 est en cours pour évaluer le rôle de la
l’essai ESPAC-4 a comparé en adjuvant la combinaison
CRT après la gemcitabine adjuvante (identifiant Clinical-
gemcitabine plus capécitabine (GEMCAP) à la gemci
Trials.gov : NCT01013649). Dans cet essai de phase III, les
tabine seule [38]. Cet essai était positif pour son objec-
patients opérés sans signe de rechute après 5 cycles de
tif principal avec une augmentation significative mais
gemcitabine sont randomisés entre un cycle supplémen-
modeste de la SG et du taux de SG à 5 ans (28,8 vs
taire de chimiothérapie seule ou un cycle supplémentaire
16,3 %, cf. tableau 6.2). Néanmoins, les survies sans réci-
de chimiothérapie suivi d’une CRT. Les résultats sont atten-
dive (SSR) n’étaient pas significativement différentes
dus prochainement.
entre les deux bras malgré une tendance en faveur du
bras GEMCAP (taux de survie à 3 et 5 ans de 23,8 et
Monochimiothérapie adjuvante 18,6 % dans le bras GEMCAP et de 20,9 et 11,9 % dans
Le bénéfice d’une chimiothérapie adjuvante a été démon- le bras gemcitabine, respectivement). Le protocole
tré dans l’essai ESPAC-1 (bolus de 5FU, protocole FUFOL GEMCAP était également associé à un moins bon profil
Mayo, pendant 6 mois), puis dans l’essai CONKO-001 de tolérance (tableau 6.3).
105
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
Tableau 6.2. Principaux résultats des essais adjuvants de phase III après résection d’un adénocarcinome du pancréas [32‑38].
Essai, année Bras Nombre Résection N+ Résection Survie sans maladie HR Survie globale HR
de traitement de patients R1 (%) (%) veineuse (mois) (IC 95 %) (mois) (IC 95 %)
(%) (IC 95 %) (IC 95 %)
ESPAC-1 5FU bolus 147 19 50 ns 15,3 ns 20,1 0,71
2001 (10,5‑19,2) p = 0,02 (16,5‑22,7) (0,55‑0,92)
p = 0,009
Observation 142 16 58 ns 9,4 15,5
(8,4‑15,2) (13,0‑17,7)
CONKO-001 Gem 179 19 70 ns 13,4 0,55 22,8 0,76
2007 (11,6‑15,3) (0,44‑0,69) (18,5- 27,2) (0,61‑0,95)
p < 0,001 p = 0,01
Observation 175 15 71 ns 6,9 20,2
(6,0‑7,5) (17,7‑22,8)
ESPAC-3 5FU bolus 551 35 70 16 14.1 0,96 23,0 0,94
2010 (12,5- 15,3) (0,84‑1,10) (21,1‑25,0) (0,81‑1,08)
p = 0,53 p = 0,39
Gem 537 35 73 13 14,3 23,6
(13,5- 15,6) (21,4‑26,4)
CONKO-005 Gem 217 0 66 ns 11,4 0,94 26,5 ns
2017 (9,2‑13,6) (0,76‑1,15) (22,4‑30,6) p = 0,61
p = 0,26
Gem 219 0 64 ns 11,4 24,5
+ erlotinib (9,6‑13,2) (21,1- 27,8)
ESPAC-4 Gem 366 60 82 17 13,1 0,86 25,5 0,82
2017 (11,6‑15,3) (0,73‑1,02) (22,7‑27,9) (0,68‑0,98)
p = 0,082 p = 0,032
Gem + Cap 364 61 79 11 13,9 28,0
(12,1‑16,6) (23,5‑31,5)
PRODIGE24 Gem 246 45 75 28 12,8 0,66 35,5 0,68
2018 (11,6‑15,2) (0,54‑0,82) (30,1‑40,3) (0,54‑0,85)
p < 0,001 p < 0,001
Folfirinox 247 40 78 22 21,4 53,5
(17,5‑26,7) (43,5‑58,4)
APACT Gem 434 23 72 ns 13,7 0,82 a 37,7 0,80
2019 (0,69‑0,95) (0,68‑0,95)
Gem + Nab 432 24 72 ns 16,6 41,8
p = 0,017 p = 0,009
HR : hazard ratio ; IC 95 % : intervalle de confiance à 95 % ; ns : non spécifié.
5FU bolus : 20 mg/m2 en bolus suivi de 5-fluorouracile 425 mg/m2/j en bolus durant 5 jours consécutifs, tous les 28 jours, pour 6 cycles.
Gem : gemcitabine 1 000 mg/m2 en 30 minutes IV aux jours 1, 8 et 15, un cycle tous les 28 jours, pour 6 cycles.
Gem + erlotinib : gemcitabine 1 000 mg/m2 en 30 minutes IV aux jours 1, 8 et 15 + erlotinib 100 mg/j du jour 1 au jour 28, un cycle tous les 28 jours,
pour 6 cycles.
Gem + Cap : gemcitabine 1 000 mg/m2 aux jours 1, 8 et 15 + capécitabine 1 660 mg/m2/j du jour 1 au jour 21, un cycle tous les 28 jours, pour 6 cycles.
Folfirinox : oxaliplatine 85 mg/m2, acide folinique 400 mg/m2, irinotécan 150 mg/m2 au jour 1, suivi de 5-fluorouracile 2 400 mg/m2 en 46 heures de perfusion
continue, un cycle tous les 14 jours, pour 12 cycles.
Gem + Nab : nab-paclitaxel 125 mg/m2 en 30‑40 minutes IV suivi de gemcitabine 1 000 mg/m2 en 30 minutes IV aux jours 1, 8 et 15, un cycle
tous les 28 jours, pour 6 cycles.
a. Analyse per-investigateur.
Enfin, l’association gemcitabine plus nab-paclitaxel (GEM- versus gemcitabine 18,8 mois (HR = 0,88 ; p = 0,182). En
NAB) a été évaluée en adjuvant dans l’essai de phase III analyse perinvestigateur, la SSM était significativement plus
APACT [36]. L’étude était négative pour son objectif princi longue dans le bras GEMNAB mais le bénéfice était modeste
pal, la SSM en relecture centralisée : GEMNAB 19,4 mois (cf. tableau 6.2). La SG a également été significativement
106
6. Adénocarcinome pancréatique
Tableau 6.3. Principales toxicités de grade 3‑4 dans les essais adjuvants de phase III publiés [32‑38].
Type d’effets secondaires Gemcitabine 5-Fluorouracil Gemcitabine Gemcitabine mFolfirinox1
(bolus) + capécitabine + nab-paclitaxel
Hématologiques (%)
Neutropénie 22‑43 22 38 49 34
Neutropénie fébrile ≤1 ns ns 5 4
Anémie 1‑8 ns 2 15 3
Thrombopénie 1‑6 0 2 ns 1
Non hématologique (%)
Fatigue 2- 6 8 6 10 11
Diarrhée 1‑4 13 5 5 19
Nausée 1‑2.5 3.5 ns ns 5.5
Vomissement 1‑2 3 ns ns 5
Mucite 0 10 ns ns 2.5
Syndrome main pied 0 ns 7 <1
Neuropathie périphérique 15 13
ns : non spécifié.
1. 62,2 % des patients ont reçu des G-CSF (granulocyte-colony stimulating factor during adjuvant treatment).
augmentée dans le bras GEMNAB. Les profils de toxicité à davantage de thrombopénies et d’affections pseudo-
correspondaient à ceux attendus avec significativement plus grippales. Soixante-six pour cent des patients du bras mFol-
de toxicités dans le bras GEMNAB (cf. tableau 6.3). firinox et 79 % de ceux du bras gemcitabine avaient reçu
tous les cycles programmés. La dose-intensité (< 80 % ou
Folfirinox modifié ≥ 80 %) et la durée de traitement (< 6 mois ou ≥ 6 mois)
n’étaient pas corrélées à la survie globale alors que le fait
Le protocole Folfirinox a démontré sa supériorité par rap-
d’avoir reçu l’intégralité des cycles prévus l’était (HR = 0,64 ;
port à la gemcitabine en situation métastatique, puis a
IC 95 % : 0,49‑0,84 ; p = 0,002).
été évalué en adjuvant dans l’essai PRODIGE24 [35]. Pour
améliorer la tolérance, le bolus de 5FU a été supprimé. La
dose d’irinotécan a dû être réduite de 180 à 150 mg/m2 Stratégies néoadjuvantes
(Folfirinox modifié : mFolfirinox) au cours du protocole en – stratégies d’induction
raison d’un taux de diarrhée de grade 3‑4 supérieur à 20 %
à la première analyse intermédiaire prévue. Le mFolfirinox Plusieurs arguments théoriques viennent plaider en faveur
était associé à une augmentation significative de la SSM de la réalisation d’un traitement néoadjuvant pour les can-
(taux à 5 ans : 26,1 vs 19,0 %), de la SG (taux à 5 ans : 43,2 cers du pancréas :
vs 31,4 %) et de la survie sans métastase (cf. tableau 6.2). y la possibilité de délivrer la totalité du schéma théra
Le bénéfice de mFolfirinox a été retrouvé dans tous les peutique à une plus grande proportion de patients. En effet,
sous-groupes prédéfinis. Les taux de neutropénie n’étaient on estime qu’environ 30 à 50 % des patients opérés ne
pas différents entre les deux bras mais 62 % des patients peuvent pas avoir un traitement adjuvant, en raison de
du bras mFolfirinox avaient reçu des facteurs de croissance la survenue de complications postopératoires et du délai
hématopoïétiques (G-CSF : granulocyte-colony stimulating nécessaire pour retrouver un état général compatible avec
factor). Le mFolfirinox était associé à plus de mucite, de ce type de traitement [42] ;
diarrhée, de fatigue, de vomissements et de neuropathie y la possibilité d’une réévaluation préopératoire permet-
(cf. tableau 6.3), mais ces toxicités étaient gérables et aucun tant d’épargner une chirurgie lourde aux patients présen-
décès toxique n’a été signalé. La gemcitabine a été associée tant une progression rapide de la maladie, estimés à 30 % ;
107
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
y la fréquence de l’envahissement des marges, suggérant chez les patients ayant reçu une CRT néoadjuvante après
que la chirurgie seule n’est pas suffisante pour assurer un Folfirinox [47].
contrôle local [43] ; Un essai de phase II-III coréen a fourni des données pros-
y une meilleure radiosensibilité tumorale, l’irradiation pectives [48]. Dans cet essai, 50 patients ayant un adéno
survenant sur des tissus non disséqués et donc mieux carcinome pancréatique borderline ont été randomisés
oxygénés. entre une CRT préopératoire à la dose de 54 Gy avec gemci
tabine concomitante suivie d’une chirurgie, et une chirur-
CRT néoadjuvante ou préopératoire gie d’emblée suivie d’un traitement adjuvant. Le critère de
jugement principal était le taux de SG à 2 ans. Dans le bras
À la fin des années 1990, les résultats de plusieurs essais de avec CRT, 63 % des patients ont eu une résection tumorale
phase II de CRT néoadjuvante ont été publiés. Dans une
versus 78 % dans le bras chirurgie d’emblée. Il n’y avait pas
méta-analyse publiée en 2010, Gillen et al. rapportaient un
de différence en termes de complications postopératoires
taux de résection secondaire après traitement néoadjuvant
entre les deux bras. Chez les patients réséqués, le taux de
de 74 % avec 82 % de résections R0 [44]. La survie médiane
résection R0 était plus élevé dans le bras avec CRT pré
des patients ayant eu une résection tumorale était de
opératoire (82 vs 33 % ; p = 0,01) avec trois réponses histo-
23,3 mois.
logiques complètes (12 %). Il y avait également un nombre
La CRT néoadjuvante a été comparée à la chimio-
inférieur de ganglions lymphatiques envahis dans le bras
thérapie adjuvante dans un essai de phase II randomisé
avec CRT (p = 0,003). Le taux de SG à 2 ans était augmenté
allemand, CONSORT [45]. Cependant, seuls 66 patients
dans le bras avec CRT préopératoire (41 vs 26 %) avec une
ont été inclus sur les 254 prévus. La survie médiane était
SG médiane de 21 versus 12 mois dans le bras chirurgie
de 17,4 mois dans le bras CRT versus 14,4 mois dans le
(HR = 1,97 ; IC 95 % : 1,07‑3,62 ; p = 0,028).
bras chirurgie. Dans le bras CRT, les taux de résection R0
Récemment ont été publiés les résultats définitifs de
et de pN0 étaient plus élevés que dans le bras chirurgie
l’essai de phase III PREOPANC-1 [49]. Dans cette étude
d’emblée.
prospective multicentrique, 246 patients ayant un adéno
carcinome pancréatique résécable ou de résécabilité
Traitement d’induction des lésions limite (environ 45 % de borderline) ont été randomisés
de résécabilité limite (borderline) entre un bras contrôle (chirurgie suivie de 6 cycles de
L’intérêt pour la CRT néoadjuvante a été relancé lors de gemcitabine adjuvante) et un bras expérimental (CRT
l’élaboration de la stratégie de prise en charge des adéno préopératoire à la dose de 36 Gy en 15 fractions avec
carcinomes pancréatiques à la limite de la résécabilité, gemcitabine concomitante, encadrée de 2 cycles de gem-
dits borderline. Ce sont des tumeurs potentiellement citabine, puis chirurgie, puis 4 cycles de gemcitabine adju-
résécables mais avec des risques très élevés de marge R1 vante). L’objectif principal était la SG. Les taux de résection
en raison de l’atteinte vasculaire. Leur prise en charge étaient de 72 versus 61 % (p = 0,058). En revanche, le taux
est mal définie et repose essentiellement sur des séries de résection R0 était plus élevé dans le bras avec CRT pré-
rétrospectives. Compte tenu des risques élevés de résec- opératoire (72 vs 43 % ; p <0,001) et il y avait également
tion incomplète, un traitement d’induction est désormais moins d’envahissement ganglionnaire dans ce bras (35 vs
recommandé [31,39]. La bonne efficacité des régimes 82 % ; p<0,001). Après un suivi médian de 59 mois, la SG
Folfirinox et gemcitabine plus nab-paclitaxel en situa- médiane était de 14,3 mois dans le bras contrôle versus
tion métastatique a conduit à les utiliser en induc- 15,7 mois dans le bras expérimental (HR = 0,73 ; IC 95 % :
tion pour les tumeurs borderline afin d’augmenter les 0,56‑0,96 ; p = 0,025). Les taux de SG à 5 ans étaient de
chances de résection. Dans une méta-analyse publiée en 20,5 versus 6,5 % dans les bras CRT et chirurgie, respec-
2019 ayant inclus 24 études (8 prospectives et 16 rétrospec- tivement. La CRT préopératoire était associée à une aug-
tives) portant sur 313 patients ayant un adénocarcinome mentation de la SSM (HR = 0,70 ; p = 0,009), de la survie
pancréatique borderline traité par Folfirinox en induction, sans récidive locorégionale (HR = 0,57 ; p = 0,004) et de la
le taux de résection était de 68 % avec 84 % de résections survie sans métastase (HR = 0,74 ; p = 0,071). En analyse
R0 [46]. Dans cette nouvelle stratégie thérapeutique de sous-groupes, le bénéfice de la CRT n’était significa-
d’induction, la place de la radiothérapie est discutée. tif que dans le groupe de patients avec adénocarcinome
Des études rétrospectives telles que celle de Pietrasz et pancréatique borderline mais le test d’interaction n’était
al. montrent une augmentation du taux de résection R0 pas significatif (p = 0,56). Ces résultats fournissent une
108
6. Adénocarcinome pancréatique
preuve supplémentaire de l’intérêt de la CRT pré bras B. Seuls 30 % des patients ont reçu la séquence théra
opératoire pour les patients atteints de cancers bor- peutique complète (traitement préopératoire – chirur-
derline. Cependant, son bénéfice est moins évident pour gie – Folfox adjuvant) dans le bras A et 18 % dans le bras B.
les tumeurs résécables d’emblée. Le taux de SG à 18 mois était de 66,4 % dans le bras A et
de 47,3 % dans le bras B (médiane de SG : 31 mois dans le
Traitement néoadjuvant bras A et 17 mois dans le bras B). Les auteurs ont conclu
que le traitement standard était une chimiothérapie néo-
des lésions résécables
adjuvante par Folfirinox sans radiothérapie.
L’étude NEONAX est une étude de phase II randomisée Cependant, ces résultats très décevants ont été très
non comparative ayant évalué la combinaison GEMNAB critiqués et d’autres essais évaluant le bénéfice de la SBRT
en périopératoire chez les patients avec un adénocar- sont toujours en cours. En France, l’essai prospectif PAN-
cinome pancréatique résécable [50]. Le bras contrôle DAS-PRODIGE44 (NCT02676349) pose également la
reposait sur une chirurgie d’emblée suivie de 6 mois de question du rôle de la CRT préopératoire après chimio-
GEMNAB en adjuvant. Le bras expérimental compor- thérapie d’induction. Dans cet essai de phase II randomisé,
tait 2 cycles de GEMNAB en néoadjuvant suivi de la 90 patients avec une tumeur borderline sont randomisés
chirurgie et 4 cycles de GEMNAB en adjuvant. Le critère entre 6 cycles de Folfirinox suivis de chirurgie versus la
de jugement principal était le taux de SSM à 18 mois même chimiothérapie suivie d’une CRT puis une chirurgie.
(H1 = 55 %). Cent dix-huit patients ont été inclus. L’admi- L’objectif principal est le taux de résection R0. Les résultats
nistration de GEMNAB en préopératoire était associée à sont attendus prochainement.
un taux de résection chirurgicale moins important (69,5 Plusieurs autres essais randomisés importants sont en
vs 78,0 %) mais un taux de résection R0 supérieur (88 vs cours :
67 %). Trente (51 %) et 25 patients (42 %) ont pu débuter y l’essai de phase III NorPACT-1 (NCT02919787) pour
la chimiothérapie adjuvante dans les bras néoadjuvant et les adénocarcinomes pancréatiques résécables compare
adjuvant, respectivement. un traitement néoadjuvant par Folfirinox à une chirurgie
Cette étude est négative car aucun des deux bras n’a d’emblée, tous deux suivis par une chimiothérapie adju-
atteint l’objectif de 55 % de SSM à 18 mois. En ITT (inten- vante par gemcitabine et capécitabine ;
tion to treat), la médiane de SSM était de 11,4 mois dans y les résultats de l’essai de phase II randomisé PANACHE01-
le bras néoadjuvant (n = 59) et de 5,9 mois dans le bras PRODIGE48 (NCT02959879) pour les adénocarcinomes
adjuvant (n = 59) pour des taux de SSM à 18 mois de 28,7 pancréatiques résécables comparant une chimiothéra-
et 19,3 %, respectivement. pie néoadjuvante par Folfirinox ou Folfox à une chirurgie
d’emblée suivie d’une chimiothérapie adjuvante sont très
Perspectives pour les lésions résécables attendus ;
d’emblée ou de résécabilité limite y enfin, a débuté l’essai de phase III PREOPANC-2
(NTR7292) comparant un traitement néoadjuvant par
De nombreux autres essais sont en cours pour définir le 4 cycles de Folfirinox à une CRT néoadjuvante avec
meilleur traitement préopératoire qui inclura probable- gemcitabine telle que dans l’essai PREOPANC-1, suivie
ment une chimiothérapie associée à une radiothérapie. d’une chimiothérapie adjuvante par gemcitabine pour les
Une augmentation de dose par radiothérapie stéréo- tumeurs borderline.
taxique (SBRT) est une option intéressante. Cependant, Les résultats de ces essais nous permettront d’optimi-
les résultats de l’essai de phase II randomisé ALLIANCE ser la stratégie thérapeutique pour les patients ayant des
A021501 comparant chez des patients ayant un adéno- adénocarcinomes pancréatiques résécables ou borderline
carcinome pancréatique borderline un traitement préopé- dont le pronostic reste sombre.
ratoire d’induction par Folfirinox avec ou sans SBRT (33 à
50 Gy en 5 fractions) ont été présentés en 2021 [51]. L’objec Traitement d’induction
tif principal était le SG à 18 mois. Cent vingt-six patients
ont été inclus sur les 134 planifiés en raison d’un arrêt pré-
des lésions localement avancées
maturé des inclusions dans le bras B (Folfirinox + SBRT) Longtemps étudiées avec les lésions métastatiques,
lors de l’analyse intermédiaire car le taux de résection R0 les lésions localement avancées font désormais l’objet
était inférieur à 36 %. En effet, 49 % des patients ont eu une d’essais dédiés. La prise en charge des cancers locale-
résection tumorale dans le bras A et seulement 35 % dans le ment avancés repose sur une chimiothérapie première
109
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
d’induction dont le standard reste théoriquement la Dans les lésions de résécabilité limite (border
gemcitabine. Des résultats prometteurs ont été rapportés line), un traitement d’induction est recommandé
avec le Folfirinox et les résultats de l’étude de phase III et comprend une chimiothérapie à base de Folfi
randomisée NEOPAN qui a comparé la gemcitabine au rinox dont le but est d’augmenter le taux de
Folfirinox dans cette indication doivent être rapportés résection R0. La chimioradiothérapie n’est pas
prochainement. La place de la chimioradiothérapie de recommandée en systématique et est en cours
« clôture », après 4 mois de chimiothérapie d’induction d’évaluation.
et en cas de contrôle de la maladie, reste discutée. Dans Dans les lésions localement avancées, la straté-
l’essai LAP07, cette CRT n’était pas associée à un béné- gie est identique à celle des lésions de résécabilité
fice en termes de survie globale par rapport à la poursuite limite. La place de la chimioradiothérapie de clô-
de la chimiothérapie. En revanche, il existait un bénéfice ture reste débattue et la possibilité d’une résection
de la CRT en termes de survie sans progression (9,9 vs secondaire ne concerne que 10 à 20 % maximum
8,4 mois ; HR = 0,78 [IC 95 % : 0,61‑1,01] ; p = 0,055), de des patients.
temps sans traitement (6,1 vs 3,7 mois ; p = 0,017) et de
contrôle locorégional (progression locorégionale 32 vs
46 % ; p = 0,035) [52].
Références
Conclusion Prise en charge chirurgicale
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110
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II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
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L’adénocarcinome du pancréas reste une pathologie cancé- du pancréas ayant, au stade de découverte, un haut risque
reuse parmi les plus létales et sera en 2030 la deuxième cause de marge chirurgicale positive (résection R1) [2‑6]. Le but
de mort par cancer [1]. Bien que la chirurgie d’emblée suivie principal de cette stratégie est d’améliorer le pronostic des
d’une chimiothérapie adjuvante reste le traitement de réfé- patients opérés par une meilleure sélection des candidats à
rence recommandé pour les cancers jugés résécables, la stra- une chirurgie à visée curatrice :
tégie d’un traitement médical premier (appelé néoadjuvant y en identifiant à la phase initiale de la chimiothérapie les
en cas de tumeur résécable, ou d’induction en cas de tumeur patients avec une tumeur agressive devenant rapidement
de résécabilité limite ou localement avancée, comprenant métastatique ;
une chimiothérapie première associée ou non à une radio- y en réduisant le volume tumoral (downsizing) avant
thérapie) s’est progressivement imposée au cours des 15 der- chirurgie pour augmenter le taux de résection à marges
nières années dans la prise en charge des adénocarcinomes microscopiques saines (résection R0) ;
112
6. Adénocarcinome pancréatique
y en diminuant le taux d’envahissement ganglionnaire au a pour principale c onséquence une sous-estimation des
moment de la chirurgie ; résections R1 [15‑17]. Plus précisément, cela explique la
y en permettant le traitement d’une éventuelle maladie contradiction apparente entre le faible taux de résection
micro-métastatique occulte ; R1 après traitement néoadjuvant (estimé de 4 à 30 %) et
y en évaluant la chimio-sensibilité de la tumeur et la tolé- le haut niveau de récidive locale (estimé de 25 à 70 %)
rance au traitement en tant que critères pour le choix encore rapporté [18‑20]. Ainsi, les experts en anatomo-
d’une chirurgie à visée curatrice [7,8]. pathologie pancréatique estiment qu’il est impossible
Il est aussi bien établi que l’imagerie, et en particulier la d’affirmer le caractère complet de l’exérèse tumorale
tomodensitométrie, a d’importantes limites pour évaluer après un traitement néoadjuvant/d’induction [12]. Dans
la réponse au traitement néoadjuvant/d’induction [9‑11]. le futur proche, le principal défi de l’imagerie ne sera plus
Plus spécifiquement, les critères d’envahissement vascu- seulement de pouvoir prédire une chirurgie à marges
laire reposant sur le degré de contiguïté entre la tumeur saines après traitement néoadjuvant/d’induction, mais
et les vaisseaux, qui ont une excellente spécificité avant de pouvoir prédire une réponse pathologique complète,
traitement, ne l’ont plus après traitement néoadjuvant/ élément parfaitement corrélé à une augmentation de la
d’induction, en particulier parce qu’il est impossible de dif- survie sans récidive [21].
férencier avec précision la présence d’un reliquat tumoral
d’une fibrose post-thérapeutique [8]. Encore aujourd’hui, il
n’y a pas de consensus au sein des sociétés savantes d’onco-
logie ou d’imagerie pour proposer une stratégie en imagerie
Évaluation de la réponse
permettant de savoir quelles techniques d’imagerie utiliser tumorale : comment améliorer
et comment les rapporter par un compte rendu structuré la précision de l’imagerie ?
dont le rôle pourrait être d’améliorer la reproductibilité
des décisions prises en réunion de concertation pluridisci-
plinaire. Le but ici est d’exposer les difficultés et les limites Tomodensitométrie
de l’imagerie classique dans l’évaluation de la réponse au Malgré ses limites, la TDM reste le standard de référence
traitement des adénocarcinomes pancréatiques, mais aussi pour évaluer la réponse au traitement après traitement
de proposer des pistes qui permettent d’améliorer la préci- néoadjuvant/d’induction [7,8]. Avant de détailler les diffi-
sion de ces évaluations. cultés de la réévaluation, notre première recommandation
est de veiller à ce que les techniques d’acquisition TDM
soient bien respectées à la fois au moment du diagnostic
Les défis de l’évaluation initial puis au stade de réévaluation. Une TDM pancréa-
tique biphasique est indispensable dans les deux situa-
de la réponse liés à l’étude tions, suivant les recommandations du NCCN (2) ; à cette
anatomopathologique condition, la comparaison entre les examens TDM est
fiable. L’utilisation d’un compte rendu structuré est égale
Le taux de résection R1 (présence de cellules tumorales ment recommandée et a démontré qu’elle améliorait la
à 1 mm ou moins de la marge de résection) en cas de reproductibilité interobservateur [22,23].
tumeur résécable d’emblée reste très élevé dès lors que En pratique clinique, malheureusement, le diagnostic
l’examen anatomopathologique est réalisé de manière initial est assez souvent obtenu au cours d’une TDM abdo-
méticuleuse et standardisée (encrage des marges) [12‑14]. minale simple car le scenario clinique n’est pas toujours
Une caractéristique majeure de l’adénocarcinome pan celui d’une suspicion de tumeur du pancréas et la TDM
créatique est la présence d’un important stroma desmo pancréatique dédiée n’est pas toujours demandée dans les
plastique fibreux dont la conséquence est la dispersion suites, ce qui potentiellement pose des difficultés pour éva-
importante des cellules cancéreuses qui infiltrent ce luer la réponse.
stroma. Cette caractéristique explique pourquoi l’absence Un autre biais technique est la réalisation de la TDM
de cellule cancéreuse dans le millimètre au contact des dif- pancréatique initiale dédiée après la mise en place d’une
férentes marges n’est pas toujours synonyme de résection prothèse biliaire par voie endoscopique, ce qui peut consi-
complète [12]. Cette tendance est encore renforcée par le dérablement gêner l’évaluation de l’atteinte vasculaire en
choix de la stratégie d’un traitement médical premier et augmentant la densification de la graisse périvasculaire du
113
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
fait de l’inflammation pancréatique et en diminuant donc vasculaire mais les effectifs étaient faibles et elles suggé-
la spécificité de la TDM pour établir le diagnostic d’atteinte raient déjà un risque de surestimation du stade T et une
vasculaire [24]. Tout doit donc être fait pour que la TDM baisse de la reproductibilité interobservateur [31‑34].
initiale soit réalisée selon les règles de l’art et sans délai pour Les études suivantes [10,11,20,35] ont largement
permettre une prise en charge optimale et un meilleur suivi démontré que la TDM surestimait l’envahissement
sous traitement. vasculaire au point que certaines équipes préconisent
l’exploration chirurgicale systématique à visée de résec-
Mesure de la taille tumorale tion curatrice chez tous les patients non métastatiques
à l’issue d’un traitement néoadjuvant/d’induction [9].
L’évaluation de la réponse au traitement nécessite de
Le développement de nouvelles chimiothérapies et en
mesurer la taille de la tumeur de façon précise et repro-
particulier l’utilisation du Folfirinox a permis d’obte-
ductible en utilisant RECIST 1.1 (response evaluation
nir des résultats remarquables sur la réduction à la fois
criteria in solid tumors). Cependant, il s’avère que la
des contacts vasculaires et de la taille tumorale [36]. Il
taille tumorale est constamment sous-estimée en TDM
ne faut cependant pas espérer voir une tumeur loca-
lorsque comparée à la pièce de résection [25,26]. Ceci
lement avancée ou de résécabilité limite se transfor-
est secondaire à la présence d’un front en périphérie de
mer en tumeur résécable selon les critères NCCN car
la tumeur hypodense apparaissant parfois discrètement
même en cas de réponse histologique complète, la
hyperdense au temps portal après injection en compa-
fibrose cicatricielle mime un résidu tumoral périvascu-
raison du pancréas normal adjacent, mais étant souvent
laire [37]. D’autres éléments sémiologiques sont donc
isodense au pancréas sain, et donc difficilement discer-
importants à prendre en compte pour suggérer une
nable. Ce phénomène explique probablement en partie
réponse favorable au traitement même en l’absence
la faible reproductibilité des mesures tumorales entre la
de changement de catégorie selon NCCN [37]. Cassi-
mesure initiale rapportée et celle déterminée rétrospecti-
notto et al. ont démontré dans une série de 47 patients
vement par des radiologues experts [27]. L’évaluation de
avec un adénocarcinome pancréatique localement
la taille tumorale est bien sûr limitée en cas de tumeur
avancé qu’une diminution même partielle de l’interface
globalement isodense et ceci justifie pleinement, dans
tumeur/vaisseau était un facteur prédictif indépendant
cette situation, le recours à l’IRM au stade initial et dans le
de chirurgie à marge négative [37]. Cette importante
suivi [8]. Pour améliorer la reproductibilité et la précision
série et d’autres ont également démontré qu’une dimi-
des mesures tumorales, il est nécessaire d’obtenir le meil-
nution de la taille tumorale était aussi prédictive d’une
leur contraste lésionnel possible ; à cet effet, le recours à la
chirurgie R0 à marge saine [37‑40]. Dans l’évaluation
TDM multi-énergie est recommandé en routine par cer-
de la réponse vasculaire au traitement, nous suggérons
tains centres car il a été démontré que les images recons-
de différencier envahissement veineux et artériel car la
truites à un niveau d’énergie approprié (40 à 50 keV) per-
sémiologie TDM diffère [41].
mettent une meilleure détectabilité tumorale, de même
y En cas d’envahissement artériel, le seul signe observé
qu’une meilleure analyse de l’interface entre la tumeur et
est la présence d’une contiguïté (< 180° en cas de
les vaisseaux [28‑30].
lésion de résécabilité limite et > 180° en cas de lésion
localement avancée) entre tumeur et artère principale
Évaluation de l’atteinte vasculaire (artère mésentérique supérieure, tronc cœliaque et
La prédiction d’envahissement vasculaire qui repose artère hépatique). Le rétrécissement de calibre d’une
sur le degré de contiguïté entre tumeur et vaisseaux artère principale ne se voit qu’en cas de tumeur très
a une très bonne précision diagnostique avant traite- localement avancée. Ainsi, le signe à rechercher en
ment mais la perd en cas de stratégie néoadjuvante/ faveur d’une réponse favorable est un moindre degré
d’induction. Ceci est dû à l’impossibilité pour la TDM de contiguïté entre tumeur et artère, ce qui n’est pas
de précisément différencier les reliquats tumoraux péri- aisé à démontrer. Le signe du halo doit être connu car
vasculaires de la fibrose post-thérapeutique associée il aide à prédire une réponse favorable et une chirurgie
à la chimiothérapie ou la radiothérapie [7,8]. Les pre- R0 en cas d’envahissement artériel. Ce signe, initiale-
mières études publiées entre 2001 et 2010 concluaient ment décrit en 2009 par Kim et al., est une infiltration
que la TDM restait performante après traitement hypodense périvasculaire dont la densité est nettement
néoadjuvant/d’induction pour prédire l’envahissement inférieure à celle du tissu tumoral solide adjacent [34].
114
6. Adénocarcinome pancréatique
La présence de ce signe, interprété comme du tissu des éléments plus simples à évaluer et témoigne d’une
non tumoral au contact du vaisseau, permet de pré- réponse clairement favorable au traitement (fig. 6.37).
dire une résection à marge négative avec une grande Deux séries récentes ont démontré en utilisant un
précision [20,34]. index d’envahissement veineux (fondé sur le degré de
y En cas d’envahissement veineux, la plupart des séries déformation, la longueur de l’atteinte sténosante et le
rapportent leurs résultats en évaluant le degré de degré de contiguïté circonférentielle) que l’évaluation
contact entre les veines principales et la tumeur comme veineuse était plus précise que l’évaluation artérielle et
dans l’atteinte artérielle. Cependant, l’atteinte veineuse surtout qu’elle était prédictive de chirurgie R0 en cas de
est souvent associée à une sténose de la veine, à sa défor- diminution de cet index [42,43]. Un compte rendu type
mation (déformation en larme – teardrop), voire à une de l’examen TDM est proposé (encadré 6.2) ; à l’issue de
courte occlusion (fig. 6.36). L’évaluation de la réponse l’évaluation post-traitement néoadjuvant/d’induction
au traitement pour l’atteinte veineuse reposant unique- et, contrairement à ce qui doit être fait au stade initial,
ment sur le degré de contiguïté avec la tumeur est diffi- les tumeurs ne doivent plus être classées en utilisant les
cile et peu reproductible [33]. Cependant, l’observation catégories de la classification NCCN ; seules les modi-
d’une diminution, voire d’une disparation de la sténose, fications morphologiques ou la stabilité doivent être
de la déformation ou d’une courte thrombose fournit notées.
A B
C D
Fig. 6.36
Patiente de 68 ans, bilan et suivi d’un adénocarcinome pancréatique.
Imagerie avant traitement d’induction en TDM au temps pancréatique (A) et en IRM séquence de diffusion (B) retrouvant une masse
hypodense corporéo-isthmique du pancréas, avec déformation du confluent veineux mésentérico-porte, classée de résécabilité limite,
et apparaissant en hypersignal diffusion avec coefficient apparent de diffusion bas. Imagerie après traitement d’induction en TDM
au temps pancréatique (C) et en IRM séquence de diffusion (D), retrouvant une globale stabilité de la masse tumorale et une persistance
de la déformation du confluent veineux mésentérico-porte et de l’hypersignal diffusion avec coefficient apparent de diffusion bas.
Après résection, cette tumeur a été classée pT2N1M0 selon l’UICC, 8e édition 2017. Le CA 19‑9 était à 11 U/mL en prétraitement et négatif
en post-traitement d’induction.
115
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B C
D E F G
Fig. 6.37
Patiente de 79 ans, bilan et suivi d’un adénocarcinome pancréatique.
Imagerie avant traitement d’induction en TDM au temps pancréatique (A, B) retrouvant une masse hypodense de la tête du pancréas, avec sténose
de la veine mésentérique supérieure (VMS) et thrombus au sein de cette dernière . Cette tumeur est classée de résécabilité limite selon la classification
NCCN . Il n’existait pas de contact avec l’artère mésentérique supérieure . L’IRM préthérapeutique ne retrouvait pas de métastases hépatiques .
Imagerie après traitement néoadjuvant en TDM au temps pancréatique (C) retrouvant une diminution de la sténose de la VMS et une régression
du thrombus . Cependant, sur l’IRM après traitement d’induction en séquences de diffusion (D, F) et en séquences T1 avec saturation de la graisse
après injection de chélates de gadolinium (E, G), on retrouve plusieurs métastases hépatiques . La patiente est décédée 6 mois plus tard .
A B
C D
E F
Fig. 6.38
Patient de 50 ans, bilan et suivi d’un adénocarcinome de la tête du pancréas.
Imagerie avant traitement d’induction en TDM au temps pancréatique (A) retrouvant une masse hypodense de la tête du pancréas,
au contact de l’artère mésentérique supérieure sur moins de 180°. En IRM, la lésion est en hypersignal diffusion (B) et avec coefficient
apparent de diffusion diminué (B, image de droite), responsable d’une déformation de la veine mésentérique supérieure en tear-drop
visible sur l’image en pondération T1 après injection (C). Cette tumeur est classée de résécabilité limite selon la classification NCCN.
Imagerie après traitement d’induction en TDM au temps pancréatique retrouvant une nette diminution du contact avec l’artère
mésentérique supérieure (D), une régression du tear drop sign et une diminution du venous burden index (E), ainsi qu’une nette
diminution de la zone de restriction de diffusion en IRM (F). Après résection, ce patient a été classé ypT1aN0R0 selon l’AJCC 2017
(8e édition). Le CA 19‑9 était négatif avant traitement et restait négatif après traitement.
117
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
118
6. Adénocarcinome pancréatique
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II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
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temps pancréatique selon le contexte clinique. Cette acqui- Aspect postopératoire normal
sition est performante pour la détection des complications
artérielles et l’analyse du parenchyme pancréatique [2]. La en imagerie
TDM est toutefois moins performante que l’artériographie
pour détecter la source de l’hémorragie [2,5]. Il est indispensable de bien connaître le type de chirurgie
y L’acquisition abdominopelvienne au temps veineux fait réalisée afin notamment de pouvoir analyser les anasto-
partie de tout examen et permet notamment la détection moses réalisées (fig. 6.39).
des complications thrombotiques et la caractérisation des La duodénopancréatectomie céphalique classique
collections. consiste en une pancréatectomie droite, une résection gas-
Une ingestion orale de produit de contraste iodé hydro trique distale, du pylore, du duodénum et une résection
soluble dilué à 10 % peut être discutée pour favoriser la mise en de la partie basse de la voie biliaire principale. Elle implique
évidence de fistules anastomotiques digestives. Dans l’hypo plusieurs anastomoses permettant le rétablissement de
thèse d’une complication hémorragique ou ischémique, l’in- continuité.
gestion de contraste positif ne doit pas être utilisée. Il y a par ail- y La première est une anastomose pancréatico-jéjunale ou
leurs peu d’intérêt à utiliser un contraste hydrique neutre pour pancréatico-gastrique. En cas d’anastomose pancréatico-
une bonne distension gastrique dans une situation d’urgence. jéjunale, la zone d’anastomose se situe au bord droit
A B
2 Anastomose
biliodigestive
3 Anastomose
gastrojéjunale
1 Anastomose
pancréatico-
jéjunale
C D
Fig. 6.39
Aspect TDM postopératoire après duodénopancréatectomie céphalique (A-C) : coupes axiales au temps portal et schéma des trois
anastomoses (D).
© D : Carole Fumat.
121
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
du pancréas restant en avant de l’artère mésentérique y La troisième anastomose est le plus souvent de type
supérieure. En cas d’anastomose pancréatico-gastrique, la gastrojéjunale. Les agrafes métalliques le long de la suture
zone d’anastomose se situe à la face postérieure de l’esto- gastrique permettent sa localisation.
mac et le pancréas restant se dirige alors vers l’avant. Pour En postopératoire, un œdème peut être vu au niveau
s’aider, le stent habituellement posé dans le conduit pan- des anastomoses et/ou de l’anse montée (fig. 6.41) [1]. Ces
créatique principal permet de suivre la direction et d’iden- aspects peuvent être perturbants. Ainsi, l’anse digestive
tifier le segment digestif, estomac ou jéjunum. montée peut être le siège d’un épaississement pariétal ou
y La deuxième anastomose est biliodigestive. Elle est visua- d’une prise de contraste plus intense en lien avec l’œdème
lisée en regard du hile hépatique en avant de la veine porte pariétal. Des lésions œdémateuses peuvent être visualisées
ou l’on retrouve l’anse montée particulièrement bien iden- au niveau des anastomoses :
tifiée par la présence de valvules conniventes. L’aérobilie y avec le pancréas, conduisant à une dilatation modérée
souvent présente peut aider à suivre la voie biliaire jusqu’à du conduit pancréatique ;
l’anse digestive. La vue coronale est également facilitante y avec les voies biliaires entraînant une dilatation modérée en
(fig. 6.40). intra-hépatique, l’ensemble devant s’améliorer rapidement.
A B C
Fig. 6.40
Aspect TDM postopératoire normal après duodénopancréatectomie céphalique d’une anastomose biliodigestive avec aérobilie (flèches).
A. Coupe axiale sans injection. B. Coupe coronale après injection. C. MinIP (minimum intenstiy projection).
A B
Fig. 6.41
Aspect TDM postopératoire normal précoce après duodénopancréatectomie céphalique.
A. Œdème de l’anastomose pancréatico-jéjunale avec dilatation modérée du conduit pancréatique principal (flèche). B. Infiltration de la graisse
au niveau du site opératoire et œdème de l’anse montée (flèches).
122
6. Adénocarcinome pancréatique
B
Fig. 6.43
Aspect TDM postopératoire précoce après duodénopancréatectomie céphalique.
A. Infiltration péripancréatique (flèche). B. Infiltration de la graisse et ganglions (flèche).
123
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
Par ailleurs, des atélectasies pulmonaires passives sont ce contexte est supérieur à 90 % et le succès clinique, défini
visibles sur les bases pulmonaires, parfois associées à un comme l’absence de récidive de l’hémorragie, de 80 % [11].
épanchement pleural de faible abondance.
Enfin, chez les patients ayant eu une radio-chimiothérapie
néoadjuvante, une stéatose hépatique, un épaississement
de l’antre gastrique, une infiltration de la graisse dans le
faisceau de radiothérapie peuvent également être visualisés
sur l’examen postopératoire.
Sémiologie postopératoire
Complications hémorragiques
Les hémorragies sont fréquentes, concernant jusqu’à 16 % A
des patients, et la mortalité est alors élevée, jusqu’à 50 % [8].
Il peut s’agir d’une hémorragie intraluminale (hématémèse,
méléna, sang dans la sonde nasogastrique), une hémorragie
extra-luminale (sang dans les drains ou par la cicatrice) ou
des troubles hémodynamiques avec déglobulisation.
Il faut séparer les hémorragies précoces, qui proviennent
surtout d’un défaut de ligature artérielle, des hémorragies plus
tardives, qui sont principalement liées à une fistule pancréa-
tique préalable, avec une extravasation d’enzymes protéo
lytiques et lipolytiques érodant la paroi des vaisseaux. L’artère
la plus concernée est le moignon de l’artère gastro-duodénale
(29 %), mais l’artère hépatique propre, l’artère hépatique
commune, le tronc cœliaque et l’artère splénique sont éga- B
lement concernés [5]. La sémiologie dépend de la lésion vas-
culaire. Le pseudo-anévrisme est correctement diagnostiqué
en TDM injectée dans 96 % des cas [9]. Un hématome, dans
le lit chirurgical, mésentérique ou en situation péritonéale est
également retrouvé (fig. 6.44 à 6.46). À noter qu’un ulcère
anastomotique, par exemple gastrojéjunal, peut également
survenir et se compliquer d’une hémorragie digestive.
Pour les hémorragies précoces, le traitement est une
reprise chirurgicale. Pour les hémorragies tardives, le traite
ment est radiologique. Tout comme les complications
hémorragiques dans la pancréatite aiguë grave, les tech-
niques de radiologie interventionnelle permettent un
contrôle rapide du saignement de manière peu invasive
avec un taux de succès clinique satisfaisant et moins de
morbidité et de mortalité que la chirurgie [10]. La tech- C D
nique idéale est encore débattue, mais il semblerait que Fig. 6.44
le stent couvert soit la meilleure option, permettant d’évi- Complication hémorragique post-duodéno-pancréatectomie
ter les récidives hémorragiques, l’ischémie hépatique et la céphalique.
nécrose biliaire. L’inconvénient est la pose de stent dans A. TDM sans injection retrouvant un hématome (étoile). B. TDM
avec injection en coupe axiale au temps artériel retrouvant un pseudo-
des artères souvent tortueuses et de petit calibre. Le succès anévrisme (flèche). C, D. Images MIP mettant en évidence le pseudo-
technique de la prise en charge de l’hémorragie sévère dans anévrisme aux dépens de l’artère mésentérique supérieure (flèches).
124
6. Adénocarcinome pancréatique
A B C D
Fig. 6.45
Complication hémorragique post-spléno-pancréatectomie caudale.
A. TDM sans injection retrouvant un hématome (étoile). B. TDM avec injection en coupe axiale au temps artériel retrouvant une fuite
de contraste (flèche). C. Artériographie confirmant le saignement actif aux dépens du tronc cœliaque (flèche). D. Contrôle artériographique
avec pose de stent couvert.
A B C
Fig. 6.46
Complication hémorragique post-duodéno-pancréatectomie céphalique.
A. TDM avec injection retrouvant un pseudo-anévrisme de l’artère hépatique commune (flèche). B. Artériographie confirmant le diagnostic
(flèche). C. Contrôle artériographique avec pose de stent couvert.
125
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
Fig. 6.48
Coupe axiale au temps portal mettant en évidence en postopératoire de duodénopancréatectomie céphalique un épanchement
mal limité évolutif à J7 se majorant à J14 en faveur d’une fistule pancréatique (flèches).
126
6. Adénocarcinome pancréatique
Fig. 6.49
Coupe axiale sans injection après splénopancréatectomie gauche
retrouvant un épanchement mal limité important à J10 en faveur Fig. 6.50
d’une fistule pancréatique (étoile). Coupe axiale mettant en évidence, après
duodénopancréatectomie céphalique, une collection au contact
de l’anastomose biliaire se majorant compatible avec une fistule
biliaire (flèche).
rétropéritonéale et mésentérique. La nécrose peut être
confondue avec une carcinose péritonéale. Elle est vue sur-
tout chez les patients opérés par cœlioscopie ou robot. Le y La pancréatite postopératoire est un diagnostic diffi-
traitement est symptomatique. cile, d’une part car une augmentation de la lipase san-
y Même si la définition n’est pas consensuelle, le trouble guine est normale en postopératoire, d’autre part car
de la vidange gastrique est une complication très fréquente l’infiltration et les épanchements péripancréatiques
de la duodénopancréatectomie céphalique atteignant sur- peuvent être observés même sans cette complication.
tout les personnes âgées (fig. 6.51). Elle se traduit par une La localisation de ces anomalies en regard du pancréas
dilatation gastrique, avec la nécessité d’une sonde gastrique restant ou dans l’espace pararénal antérieur gauche est
d’aspiration à J10 postopératoire. L’imagerie a surtout évocatrice.
comme rôle d’éliminer une cause mécanique sur l’anse y La stéatose hépatique apparaît à distance et est liée à
jéjunale efférente ou en périgastrique. l’insuffisance pancréatique exocrine.
A B
Fig. 6.51
TDM après duodénopancréatectomie céphalique retrouvant un estomac de stase (étoile) sans sténose de l’anastomose gastrojéjunale (flèche).
127
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
y Les sténoses des anastomoses sont des compli Le dépistage avant l’apparition des symptômes est impor-
cations tardives conduisant à la dilatation progressive tant car ceux-ci sont de mauvais pronostic avec dans ce
du conduit pancréatique principal en cas de sténose cas une atteinte souvent multisite et péritonéale [21]. Une
pancréatique ou de dilatation des voies biliaires en cas récidive envahissant l’anastomose gastrojéjunale et celle de
de sténose biliaire (fig. 6.52). La CPRM peut aider à pré-
ciser le diagnostic.
A B
C D
Fig. 6.53
Patiente de 62 ans opérée d’un cancer du pancréas par duodénopancréatectomie céphalique.
TDM à 5 mois retrouvant l’apparition de métastases hépatiques, d’une infiltration périvasculaire et d’adénopathies (flèches) par comparaison
à la TDM postopératoire à J7.
128
6. Adénocarcinome pancréatique
129
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
[12] Javed AA, Bleich K, Bagante F, He J, Weiss MJ, Wolfgang CL, et al. [18] Bruno O, Brancatelli G, Sauvanet A, Vullierme MP, Barrau V, Vil-
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study Int J Surg. 2017 ; 48 : 116‑21. 273‑82.
A B
C D
Fig. 6.54
Adénocarcinome du corps du pancréas localement avancé, envahissant l’artère hépatique commune : orientation vers une résection en bloc
du pancréas corporéocaudal, du tronc cœliaque et de l’artère hépatique commune (technique d’Appleby modifiée) après préparation artérielle.
A. TDM préopératoire montrant l’engainement tumoral (flèches) de l’origine de l’artère hépatique et de l’artère splénique. B. Cathétérisme
du tronc cœliaque : sténoses proximales de l’artère hépatique commune et de l’artère splénique témoignant de leur envahissement (flèches).
C. Contrôle après embolisation de l’artère gastrique gauche par des coils (tête de flèche), et de l’artère hépatique commune par un plug
de 7 mm de diamètre (flèche). D. Cathétérisme de l’artère mésentérique supérieure montrant la prise de charge de l’artère hépatique
et de ses branches par les arcades pancréatico-duodénales. L’artère gastro-duodénale circule à contre-courant (flèche).
plus longues et la quantité plus importante de matériel et Des réinterventions peuvent être nécessaires, avec
d’aiguilles utilisées, le taux de complications graves n’est pas augmentation du calibre du drain si la fistule tarde à cicatri-
significativement supérieur (9,9 vs 13,9 %). Les ponctions ser. Un drainage prolongé de plusieurs mois sur un drain de
plus centrales en présence de voies biliaires non dilatées gros diamètre prévient la sténose anastomotique pouvant
expliquent sans doute les complications hémorragiques, compliquer à long terme la fistule. Les prothèses couvertes,
qui restent rares (2 %) mais sont rencontrées préférentiel- mises en place et retirées avec un abord percutané après
lement dans ces cas de figure [20]. 6 mois de calibrage, sont en cours d’évaluation.
A B C
Fig. 6.55
À J9 d’une duodénopancréatectomie céphalique compliquée d’une fistule pancréatique, apparition de sang dans les drains avec chute
tensionnelle.
A. TDM à la phase artérielle de l’injection : extravasa (flèche) au sein d’une collection hématique développée au contact de l’artère splénique,
présentant une irrégularité pariétale focale antérieure peu marquée. B. Cathétérisme du tronc cœliaque : déformation focale des contours
de l’artère splénique par un faux anévrisme (flèches) et saignement actif (tête de flèche). C. Contrôle final après embolisation du tiers proximal
de l’artère splénique : arrêt du saignement après mise en place de coils bien impactés (têtes de flèches).
A B
C D E
Fig. 6.56
Chute tensionnelle et apparition d’une hémorragie dans les drains à J7 d’une duodénopancréatectomie céphalique.
TDM réalisée en urgence en phase artérielle (A) : irrégularités pariétales de l’artère splénique proximale (flèches), et en phase tardive (B) : petit
extravasa retardé (flèche) au sein d’une collection contenant quelques images aériques (tête de flèche). C. Cathétérisme du tronc cœliaque
confirmant l’aspect pathologique de l’artère splénique proximale (flèches). D. Rupture artérielle au cours de l’embolisation artérielle splénique.
E. Résultat final satisfaisant après embolisation du segment artériel pathologique par la mise en place compacte de coils (flèches).
135
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
C D
Fig. 6.57
Faux anévrisme.
A. TDM systématique à J7 d’une duodénopancréatectomie céphalique : découverte d’une collection au contact de l’artère hépatique
à parois irrégulières (flèches) : indication de complément d’investigation rapide par artériographie. B. Cathétérisme de l’artère hépatique :
faux anévrisme développé aux dépens du moignon de l’artère gastro-duodénale (tête de flèche). C. Mise en place d’un 1er stent couvert
(flèches) qui masque la fuite, mais qui confirme l’atteinte pariétale étendue de l’artère hépatique commune (tête de flèche), imposant
de prolonger le stenting. D. Résultat final montrant l’absence d’extravasation, la perméabilité conservée de l’artère hépatique
(et un spasme artériel proximal).
A B C D
Fig. 6.58
Faux anévrisme.
Découverte retardée sur une TDM systématique (A : coupe axiale ; B : reconstruction sagittale) à 1 mois d’une duodénopancréatectomie
céphalique d’un faux anévrisme (flèche) développé aux dépens du tronc de l’AMS (artère mésentérique supérieure). La tumeur
avait des rapports étroits avec l’AMS squelettisée pendant la chirurgie. C. Cathétérisme sélectif de l’AMS et opacification en demi-teinte
du faux anévrisme. D. Après mise en place d’un stent couvert, exclusion complète de l’anévrisme et conservation de la perméabilité
de l’AMS.
136
6. Adénocarcinome pancréatique
soulager la douleur, voire de potentialiser les traitements – drainage biliaire percutané en cas de fistule
par immunothérapie en raison des effets immunologiques biliaire.
secondaires au traitement ablatif. Les études publiées En cas de récidive, des neurolyses chimiques
jusqu’à présent sont de petite taille, hétérogènes en termes percutanées peuvent être réalisées pour prendre
d’atteinte tumorale et de protocoles, avec des résultats en charge les douleurs solaires pancréatiques.
variables sur la survie globale et la survie sans progression, Les techniques d’ablation tumorale pancréa-
mais avec parfois un downstaging permettant une c hirurgie tique par électroporation sont encore à l’étude.
secondaire. Mais aucune donnée contrôlée randomisée
n’est actuellement disponible. Parmi les plus encoura-
geantes, la comparaison rétrospective de patients traités Références
par Folfirinox avec et sans ajout d’EI a montré une survie
globale significativement plus longue (17,2 vs 12,4 mois [1] Micames C, Jowell PS, White R, Paulson E, Nelson R, Morse M, et al.
Lower frequency of peritoneal carcinomatosis in patients with
respectivement) après ajout d’EI [28] et, dans une analyse
pancreatic cancer diagnosed by EUS-guided FNA vs. percutaneous
appariée rétrospective de 32 patients traités par EI ou par FNA. Gastrointest Endosc. 2003 ; 58 : 690‑5.
radiothérapie conventionnelle, l’EI a montré une survie glo- [2] Crippa S, Cirocchi R, Partelli S, Petrone MC, Muffatti F, Renzi C, et al.
bale médiane doublée de 21,6 versus 10,6 mois [29]. Systematic review and meta-analysis of metal versus plastic stents
Des essais randomisés sont donc nécessaires en définis- for preoperative biliary drainage in resectable periampullary or pan-
creatic head tumors. Eur J Surg Oncol. 2016 ; 42 : 1278‑85.
sant clairement le sous-groupe de lésions localement avan- [3] Das M, van der Leij C, Katoh M, Benten D, Hendriks BMF,
cées pouvant relever de ce type d’ablation, les résultats Hatzidakis A. CIRSE Standards of Practice on Percutaneous Trans-
des ablations devant être comparés à ceux de la chirurgie hepatic Cholangiography, Biliary Drainage and Stenting. Cardiovasc
après chimiothérapie première et aux traitements par soins Intervent Radiol. 2021 ; 44 : 1499‑509.
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[6] van der Gaag NA, Rauws EAJ, van Eijck CHJ, Bruno MJ, van der Harst E,
La RIA joue un rôle avant et après chirurgie de Kubben FJGM, et al. Preoperative biliary drainage for cancer of the
l’adénocarcinome pancréatique head of the pancreas. N Engl J Med. 2010 ; 362 : 129‑37.
Avant la chirurgie, la RIA peut intervenir à dif- [7] Sauvanet A, Boher JM, Paye F, Bachellier P, Sa Cuhna A, Le Treut YP,
férents niveaux : et al. Severe Jaundice Increases Early Severe Morbidity and
Decreases Long-Term Survival after Pancreaticoduodenectomy for
– les biopsies pancréatiques, indispensables avant
Pancreatic Adenocarcinoma. J Am Coll Surg. 2015 ; 221 : 380‑9.
mise en place de la thérapeutique, sont réalisées [8] Shen Z, Zhang J, Zhao S, Zhou Y, Wang W, Shen B. Preoperative
sous échoendoscopie en 1re intention, l’abord per- biliary drainage of severely obstructive jaundiced patients decreases
cutané est à réserver aux échecs de la ponction overall postoperative complications after pancreaticoduodenec-
tomy : A retrospective and propensity score-matched analysis.
sous échoendoscopie ;
Pancreatology. 2020 ; 20 : 529‑36.
– le drainage biliaire préopératoire, indiqué [9] Cesaretti M, Abdel-Rehim M, Barbier L, Dokmak S, Hammel P,
quand le taux de bilirubine est > 250 µmol/L, doit Sauvanet A. Modified Appleby procedure for borderline resec-
être réalisé par voie endoscopique en 1re intention. table/locally advanced distal pancreatic adenocarcinoma : A major
L’abord percutané n’est réalisé qu’en 2e intention ; procedure for selected patients. J Visc Surg. 2016 ; 153 : 173‑81.
[10] Marichez A, Turrini O, Fernandez B, Garnier J, Lapuyade B, Ewald J,
– l’embolisation de l’artère hépatique commune et al. Does pre-operative embolization of a replaced right hepatic
ou celle de l’artère hépatique droite est parfois artery before pancreaticoduodenectomy for pancreatic adenocar-
nécessaire en préparation à certaines chirurgies cinoma affect postoperative morbidity and R0 resection ? A bi-
pancréatiques. centric French cohort study. HPB (Oxford). 2021 ; 23 : 1683‑91.
[11] Farvacque G, Guilbaud T, Loundou AD, Scemamma U, Berdah SV,
En postopératoire, la RIA joue un rôle majeur Moutardier V, et al. Delayed post-pancreatectomy hemorrhage
dans le traitement des complications, avec and bleeding recurrence after percutaneous endovascular treat-
notamment : ment : risk factors from a bi-centric study of 307 consecutive
– drainage percutané des collections postopéra- patients. Langenbecks Arch Surg. 2021 ; 406 : 1893‑902.
[12] Wente MN, Veit JA, Bassi C, Dervenis C, Fingerhut A, Gouma DJ,
toires (fistules pancréatiques) ; et al. Postpancreatectomy hemorrhage (PPH) : an International
– traitement endovasculaire percutané des compli Study Group of Pancreatic Surgery (ISGPS) definition. Surgery.
cations hémorragiques (faux anévrismes) ; 2007 ; 142 : 20‑5.
138
6. Adénocarcinome pancréatique
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139
Chapitre 7
Tumeurs neuroendocrines
pancréatiques
Romain L’huillier, Laurent Milot
PLAN DU C HAPITRE
Techniques d’imagerie 142
Tomodensitométrie 142
Imagerie par résonance magnétique 145
Médecine nucléaire 145
Échoendoscopie (échographie endoscopique) 148
Stadification 152
Tumeur primitive 153
Adénopathies 153
Métastases hépatiques 154
Autres sites métastatiques 155
Les tumeurs neuroendocrines pancréatiques (TNEP) L’OMS (Organisation mondiale de la santé) distingue
représentent 3 % des tumeurs pancréatiques. Leur inci- les tumeurs neuroendocrines bien différenciées (TNEP)
dence est en augmentation, atteignant actuellement des carcinomes neuroendocrines pancréatiques (CNEP)
0,8/100 000 habitants par an [1]. (encadré 7.1 et tableau 7.1) en fonction de la différencia-
Ces tumeurs sont fréquemment associées à la néoplasie tion et de la prolifération cellulaires [3].
endocrinienne multiple de type 1 (NEM1), à la maladie de Les techniques d’imagerie morphologiques (TDM et
von Hippel-Lindau (vHL), à la neurofibromatose de type 1 IRM) sont habituellement utilisées pour la détection et le
et à la sclérose tubéreuse de Bourneville, même si 95 % des bilan d’extension locorégional alors que les techniques
TNEP sont sporadiques. d’imagerie fonctionnelle sont plus souvent utilisées pour le
On distingue classiquement deux groupes : bilan d’extension à distance. Une approche multimodale
y les tumeurs fonctionnelles (10 à 30 %), souvent de est nécessaire afin de détecter les tumeurs primitives,
petite taille, se manifestant par un syndrome sécrétoire – souvent de très petite taille, et pour identifier l’ensemble
clinique lié à une sécrétion hormonale ; des sites métastatiques afin d’optimiser la prise en charge
y les tumeurs non fonctionnelles, généralement de plus thérapeutique.
grande taille, dont la manifestation clinique est liée à leur
effet de masse [2].
Techniques d’imagerie
142
7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques
de contraste) sur l’abdomen et le pelvis. Le produit de (67‑96 %) et une spécificité de 96 % [5]. Néanmoins,
contraste est injecté avec un débit de 3 à 4 mL/s (100 il existe des différences notables en fonction de la phase
à 130 mL de produit de contraste contenant au moins utilisée pour la détection tumorale : pour l’insulinome,
300 g/L d’iode). L’acquisition doit être effectuée avec une la sensibilité est comprise entre 83 et 88 % pour la phase
épaisseur de coupe inférieure ou égale à 0,675 mm afin artérielle tardive contre 11 à 76 % pour la phase portale
de permettre des reconstructions optimales. Certains (fig. 7.1).
font boire de l’eau juste avant l’installation (250 mL) afin L’émergence de la TDM spectrale est prometteuse
de déplisser les parois duodénales [4], ce qui peut avoir et permet d’augmenter les performances de la TDM
un intérêt en cas de suspicion de gastrinome car cette notamment grâce aux images monochromatiques à
tumeur est fréquemment située dans la paroi duodé- basse énergie (40‑50 keV) qui augmentent la détectabilité
nale. Le protocole d’exploration est présenté dans le du rehaussement tumoral, parfois subtile sur les images
tableau 7.2. acquises avec une TDM conventionnelle (fig. 7.2). Une étude
Les performances globales de la TDM dans la détec- comparant les performances des deux types d’examen pour
tion tumorale sont bonnes avec une sensibilité de 82 % la détection d’insulinome a montré une sensibilité de 97,5 %
A B
C D
Fig. 7.1
Tumeurs neuroendocrines pancréatiques multiples (TNEP) dans le cadre d’une néoplasie endocrinienne multiple de type 1 (insulinome
de grade 1 céphalique et TNEP non fonctionnelle de grade 2 caudale), visibles uniquement en phase artérielle.
Patiente de 35 ans. TDM abdominopelvienne en phase artérielle tardive en coupes axiale (A) et coronale (B) et en phase portale en coupes
axiale (C) et coronale (D). Présence de deux lésions hyperrehaussées en phase artérielle (flèches orange), homogènes, bien limitées, l’une de l’isthme
pancréatique de forme ronde et l’autre de la queue du pancréas de forme ovalaire correspondant respectivement à un insulinome de grade 1
et à une TNEP non fonctionnelle de grade 2. Ces deux lésions sont à peine décelables sur la phase portale (flèches blanches).
143
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
Tableau 7.2. Exemple de protocole d’exploration en TDM conventionnelle d’une masse pancréatique suspecte de TNEP ou CNEP.
Paramètres d’acquisition Valeurs
Tension (keV) 120
Ampérage (mAs) Modulation automatique dans les 3 plans
Durée de rotation (s) 10‑15
Collimation (mm) 0,675
Épaisseur de coupe native (mm) 0,675
Pitch 0,75
Incrément de reconstruction (mm) 0,675
Contraste oral 250‑300 mL d’eau juste avant l’examen
Contraste intraveineux 100‑130 mL de produit de contraste iodé (contenant au moins 300 g/L d’iode) avec un débit entre 3
et 4 mL/s
Phases d’acquisition
Sans injection Couvrant l’abdomen
Artérielle pancréatique (40‑45 s) Couvrant l’abdomen
Portale (70‑90 s) Couvrant l’abdomen et le pelvis
CNEP : carcinome neuroendocrine pancréatique ; keV : kiloélectronvolt ; mAs : milliampère.seconde ; TNEP : tumeur neuroendocrine pancréatique.
A B
C D E
Fig. 7.2
Tumeur neuroendocrine pancréatique multiple (TNEP) non fonctionnelle de grade 1 de découverte fortuite sur TDM spectrale.
Patient de 47 ans. TDM double énergie en phase artérielle tardive et portale en coupes axiales. Lésion (flèches orange) bien limitée, homogène,
de la face antérieure de l’uncus pancréatique, prenant le contraste intensément dès la phase artérielle et discrètement rétentionnelle à la phase
portale. La reconstruction monoénergétique à bas keV, la reconstruction en densité d’iode et en Z effective en phase artérielle permettent
d’augmenter la détectabilité tumorale en améliorant le rapport contraste sur bruit.
144
7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques
pour la TDM spectrale en utilisant la combinaison d’images Tableau 7.3. Exemple de protocole d’exploration en IRM
monochromatiques à basse énergie et de cartographie d’une masse pancréatique suspecte de TNEP ou CNEP.
d’iode contre 68,8 % pour la TDM conventionnelle multi- Préparation
phasique [6]. Jeun obligatoire (≥ 6 heures)
Ingestion d’un verre (250 mL) de jus d’ananas ou de myrtille
(jus riches en manganèse) juste avant l’installation afin de diminuer
Imagerie par résonance magnétique l’hypersignal en séquence pondérée en T2 des liquides digestifs
L’IRM offre une résolution en contraste supérieure à celle Séquences de base
de la TDM et l’utilisation de plusieurs séquences permet Coronale T2 Sans suppression du signal
une meilleure détection tumorale et facilite la caractérisa- de la graisse – SSFSE, à TE 90 ms
tion tumorale.
Axiales T2 – Sans suppression du signal
La sensibilité de l’IRM dans la détection des TNEP est de de la graisse – SSFSE, à TE 90 ms
79 % (54‑100 %) et la spécificité proche de 100 % [5]. – Avec suppression du signal
L’IRM permet également de rechercher simultanément, de la graisse par inversion
au cours du même examen, des métastases ganglionnaires récupération – SSFSE, à TE 120 ms
locorégionales et surtout hépatiques. 3D T1 Dixon 3D écho de gradient – sans
Le protocole d’exploration est présenté dans le suppression du signal de la graisse
tableau 7.3. – imagerie du déplacement
L’IRM doit être réalisée après au moins 6 heures de chimique
jeûne. L’ingestion, juste avant l’examen, d’un liquide aux Axiale diffusion b = 0, 50, 400, 800, 1 000 s/mm2
propriétés paramagnétiques (jus d’ananas, contenant une et cartographie ADC
forte concentration de manganèse, par exemple), permet Cholangiopancréatographie – Coronale oblique 2D en coupes
de diminuer l’hypersignal T2 des liquides digestifs. par résonance magnétique épaisses (10 à 20 mm) à TE long 700
Chez les patients porteurs d’une prédisposition géné- à 800 ms
tique, à haut risque de TNEP, l’IRM offre l’avantage d’être – Coronale oblique 3D à TE long
non irradiante donc répétable pour la surveillance. 700 ms
Par ailleurs, les séquences pondérées en diffusion Séquences dynamiques 3D T1 écho de gradient
pourraient permettre d’appréhender l’agressivité tumorale en sans et après injection avec suppression du signal
distinguant les TNEP de grade 3 de celles de grades 1 et 2 [7]. de produit de contraste de la graisse : sans injection,
L’utilisation de séquences rapides après injection, dites multiartériel (20, 35 et 45 s),
« multi-artérielles », est parfois utile, permettant de ne portal (70 s), tardif (3 et 5 min)
pas passer à côté de la prise de contraste en phase artérielle, Séquences optionnelles
parfois fugace (fig. 7.3). Il est souvent pertinent d’effectuer Axiale T2 en « sang blanc » En cas d’envahissement veineux
une reconstruction en soustraction des séquences pondé- b-SSFP splénique ou mésentérico-porte
rées en T1 après injection en phase artérielle et sans injec- Coronale T2 En cas d’envahissement veineux
tion pour augmenter la détection de la prise de contraste en en « sang blanc » b-SSFP splénique ou mésentérico-porte.
phase artérielle (fig. 7.4). ADC : apparent diffusion coefficient ; b-SSFP : balanced steady state free
precession ; CNEP : carcinome neuroendocrine pancréatique ; SSFSE : single
shot fast spin echo ; TE : temps d’écho ; TNEP : tumeur neuroendocrine
Médecine nucléaire pancréatique.
A B C
D E F
Fig. 7.3
Intérêt de la séquence multiartérielle en IRM dans la détection et caractérisation tumorale.
Patiente de 72 ans. IRM pancréatique avec séquences axiales pondérées en T2 sans suppression du signal de la graisse (B), T1 avec suppression
du signal de la graisse sans injection (A), puis après injection en phase « multi-artérielle » à 20 secondes (D), 35 secondes (E) et 45 secondes
(F) et en phase portale (C) après injection de produit de contraste à base de gadolinium. Lésion tissulaire de 25 mm de l’uncus pancréatique
(flèches orange) en hyposignal T1 (A), hypersignal T2 tissulaire (B), présentant une prise de contraste intense en phase artérielle et discrètement
rétentionnelle en phase portale (C) comparativement au parenchyme pancréatique adjacent. La séquence dite « multi-artérielle » permet
de mieux apprécier la prise en contraste en phase artérielle. Ici, la phase à 35 secondes est celle où il existe le meilleur différentiel de contraste
entre le parenchyme pancréatique et la tumeur. Noter que dans ce cas, le caractère hyperrehaussé est plus difficile à affirmer sur la seule
phase artérielle tardive à 45 secondes (F). Il s’agissait d’une tumeur neuroendocrine pancréatique non fonctionnelle de grade 1.
supplantée depuis plusieurs années par la tomographie (< 1 cm), les carcinomes neuroendocrines peu différenciés
par émission de positons (TEP) utilisant des radio dans lesquels l’expression des récepteurs à la somatostatine
pharmaceutiques combinant un analogue de la somato est faible [8].
statine comme vecteur et le 68Ga comme radio-isotope, Il existe des causes de faux positifs de la TEP [8] : cap-
en raison des meilleures performances diagnostiques pour tation physiologique dans l’uncus (liée à une plus forte
la détection des tumeurs primitives et des lésions à dis- concentration de polypeptide pancréatique), rate acces-
tance tout en minimisant la dose absorbée pour le patient soire intrapancréatique, nodules de splénose, tumeurs
(fig. 7.5). Par rapport à la scintigraphie à l’octréotide, la non endocrines (adénocarcinome mammaire, méla-
TEP 68Ga-analogue de la somatostatine est également nome, lymphome, adénocarcinome prostatique, can-
de réalisation plus facile dans la mesure où l’acquisition a cer bronchopulmonaire non à petites cellules, sarcome,
lieu 1 heure après l’injection contre 4 et 24 heures pour carcinome à cellules claires rénal, carcinome thyroïdien
l’Octréoscan®. différencié).
Parmi les TNEP, l’insulinome occupe une place parti- En plus de l’intérêt diagnostique, l’imagerie des récep-
culière en raison de la faible expression des récepteurs à teurs à la somatostatine, permet de sélectionner les patients
la somatostatine, réduisant de manière très significative la éligibles à la radiothérapie interne vectorisée au 177Lu ou
sensibilité de détection (25 % environ) [8]. Les autres 90Y en fonction de l’intensité d’expression des récepteurs à
A B C D
E F G H
Fig. 7.4
Intérêt de la soustraction entre phase artérielle et acquisition en contraste spontané dans la détection des tumeurs neuroendocrines
pancréatiques (TNEP).
Patient de 35 ans porteur d’une maladie de von Hippel-Lindau. IRM pancréatique avec coupe coronale pondérée en T2 sans suppression
du signal de la graisse (A), coupes axiales pondérées en T2 avec (B) et sans suppression du signal de la graisse (C), coupe axiale pondérée
en diffusion (D, b = 1 000 s/mm2) et coupe axiale pondérée T1 avec suppression du signal de la graisse sans (E) et après injection en phase
artérielle tardive (F). L’image G correspond à une soustraction entre la séquence injectée en phase artérielle et la séquence sans injection. H. TDM
abdominopelvienne après injection de produit de contraste iodé en phase artérielle tardive, coupe axiale. Le pancréas normal est quasiment non
visible (petite zone en hypersignal T1 spontané conservée dans l’uncus pancréatique), siège de très nombreux kystes. Il existe une lésion tissulaire
centimétrique de l’uncus pancréatique (flèches orange) en signal T2 intermédiaire (A-C) (hyposignal par rapport aux nombreux kystes mais en
hypersignal par rapport à la zone de parenchyme pancréatique préservé), hypersignal diffusion (D), hyposignal T1 spontané et présentant un
rehaussement intense en phase artérielle tardive (F). L’analyse du rehaussement en phase artérielle est clairement améliorée par la réalisation
d’une soustraction (G) avec la phase sans injection, permettant de s’affranchir de l’hypersignal T1 spontané du parenchyme pancréatique normal
adjacent. En TDM, la lésion est plus difficilement individualisable (H). Il s’agissait d’une TNEP de grade 1, non fonctionnelle.
A B
C D
Fig. 7.5
Imagerie fonctionnelle des tumeurs neuroendocrines pancréatiques (TNEP).
Patient de 68 ans présentant un tableau d’hypercorticisme ACTH-dépendant (syndrome de Cushing). Lésion caudale pancréatique
de 20 mm (flèches blanches), difficilement décelable sur la TDM abdominopelvienne conventionnelle en phase portale en coupe axiale (A),
non hypermétabolique sur la TEP au 18F-FDG (B) mais très hypermétabolique (flèches orange) sur la TEP aux analogues de la somatostatine
marqués au 68Ga (TEP-Dotatoc) sur les images natives (C) et sur les images fusionnées avec la TDM (D). Il s’agissait une TNEP fonctionnelle
à synthèse d’ACTH, de grade 1. La TEP au 18F-FDG montrait un hypermétabolisme surrénalien lié à la synthèse tumorale ectopique d’ACTH
stimulant la synthèse de glucocorticoïdes et d’androgènes par les glandes surrénales. ACTH : adrenocorticotropic hormone.
A B C D
E F
Fig. 7.6
Échographie endoscopique.
Patient de 45 ans présentant des signes en faveur d’un hypercorticisme ACTH-dépendant adressé pour recherche de tumeurs neuroendocrines
pancréatiques (TNEP) à synthèse d’ACTH. Lésion tissulaire centimétrique caudale pancréatique, difficilement décelée en IRM (A : coupe axiale
pondérée en T2 sans suppression du signal de la graisse, B : coupe axiale pondérée en diffusion, C : coupe axiale pondérée en T1 sans injection,
D : coupe axiale T1 après injection de chélates de gadolinium en phase artérielle – flèches orange), en dehors d’un hypersignal diffusion
marqué. TEP au 18F-DOPA (dihydroxyphénylalanine), fusionnée à une coupe axiale TDM en phase portale (E) retrouvant un hypermétabolisme
très intense de la lésion centimétrique caudale (flèche blanche). L’échographie endoscopique transgastrique (F) retrouve facilement
une lésion ovalaire hypoéchogène de la partie caudale du pancréas. Il s’agissait d’une TNEP fonctionnelle (synthèse d’ACTH) de grade 1.
ACTH : adrenocorticotropic hormone.
dénale, mal évaluée en imagerie en coupes. Cet examen plusieurs centimètres de grand axe. L’ENETS (European
est également recommandé systématiquement chez les NeuroEndocrine Tumors Society) a récemment proposé un
patients porteurs d’une NEM1, en raison de la fréquence compte rendu radiologique standardisé pour l’imagerie des
des gastrinomes, souvent multifocaux. TNEP [12].
L’échoendoscopie (avec ou sans biopsie échoguidée) ne
doit pas être systématique dans les situations où les résultats
ne sont pas susceptibles de faire changer la prise en charge [1].
Tumeurs fonctionnelles
Dans la mesure où elles s’accompagnent d’une sécrétion
hormonale, générant des symptômes systémiques, les
Aspects radiologiques TNEP fonctionnelles sont souvent de petite taille (< 2 cm)
au moment du diagnostic radiologique. Les tumeurs les
L’aspect des TNEP est très variable. Les tumeurs fonction plus fréquentes sont l’insulinome et le gastrinome.
nelles sont généralement de petite taille alors que les y L’insulinome est suspecté en cas d’hypoglycémies orga-
tumeurs non fonctionnelles mesurent le plus souvent niques récidivantes avec augmentation de l’insulinémie.
149
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
y Le gastrinome est suspecté en cas de syndrome de non invasif, leur bonne sensibilité et en raison de la faible
Zollinger-Ellison (ulcère duodénal, œsophagite, diarrhée sensibilité de l’imagerie fonctionnelle des récepteurs de la
sécrétoire, douleurs abdominales) avec augmentation de la somatostatine ou du FDG.
gastrinémie. Une méta-analyse récente a montré la supériorité de
L’aspect classique en TDM est celui d’une lésion bien l’imagerie fonctionnelle des GLP-1R par rapport à l’ima-
limitée, uniformément hyperrehaussée à la phase artérielle. gerie morphologique (TDM conventionnelle et IRM) et
En phase portale, la tumeur apparaît le plus souvent très par rapport à l’imagerie fonctionnelle des récepteurs à la
discrètement plus rehaussée que le parenchyme pancréa- somatostatine pour la détection des insulinomes [13]. Les
tique. Les études ayant évalué les performances de chaque vecteurs liant le GLP-1R sont en cours de développement
phase de la TDM indépendamment dans la détection et ne sont pas disponibles en routine.
tumorale ont montré une plus grande sensibilité de la Des techniques mini-invasives telles que la stimulation
phase artérielle par rapport à la phase portale [4]. Certaines calcique artérielle avec échantillonnage veineux portal sont
tumeurs ne sont visibles que sur l’une des deux phases parfois utilisées en cas d’échec de l’imagerie et de l’écho
après injection. endoscopie, pour localiser la lésion primitive [14].
En IRM, ces lésions apparaissent le plus souvent en Outre la détection et la localisation de la lésion primi-
hyposignal T1 par rapport au parenchyme pancréatique tive, l’imagerie permet de réaliser le bilan d’extension loco-
normalement en hypersignal T1 spontané (attention à la régionale (extension de la tumeur primitive et extension
chute du signal T1 spontané du pancréas en cas de pan- ganglionnaire) ainsi que l’extension à distance.
créatite chronique, surtout en cas de dilatation ductale
secondaire à la tumeur), en hypersignal T2, avec une prise Gastrinome
de contraste marquée en phase artérielle et un isosignal par
Les gastrinomes se présentent différemment des insuli
rapport au parenchyme pancréatique en phase portale ou
nomes. Seulement 25 % sont situés dans le pancréas, le
tardive [4].
reste étant situé dans la paroi duodénale ou les ganglions
Des remaniements kystiques sont possibles, surtout
péripancréatiques. Les localisations gastriques et jéjunales
pour les lésions les plus volumineuses. La composante
sont exceptionnelles.
kystique est parfois majoritaire et la présence d’un bord
Dans l’ensemble, 90 % des tumeurs sont situées dans le
hyperrehaussé, parfois très subtil, peut être très utile pour
« triangle du gastrinome », décrit initialement dans le plan
suggérer le diagnostic de TNEP sur l’imagerie morpho
coronal et délimité en haut par l’abouchement du conduit
logique. Dans ces circonstances, l’imagerie métabolique des
cystique dans la voie biliaire principale, en bas par le genu
récepteurs à la somatostatine est particulièrement utile
inferius et médialement par la jonction isthme/corps
(sauf pour les insulinomes, en raison de la faible concen-
pancréatique (fig. 7.7) [15].
tration en récepteur à la somatostatine ciblés par les molé-
Si les gastrinomes intrapancréatiques sont souvent
cules de synthèse). Les calcifications sont possibles. Les
facilement identifiables car de grande taille (3 à 4 cm), ceux
remaniements nécrotiques ou hémorragiques augmentent
qui se trouvent dans le duodénum sont généralement
avec le volume tumoral.
nichés dans la paroi et de petite taille (< 1 cm), ce qui rend
l’évaluation par l’imagerie en coupes particulièrement diffi-
Insulinome cile. C’est pour cette raison que l’échoendoscopie est spéci-
La connaissance du type tumoral suspecté (par exemple, fiquement utile dans cette indication.
insulinome ou gastrinome) est importante pour gui- En raison de la forte concentration en récepteurs à la
der l’interprétation. L’insulinome est une tumeur intra somatostatine, ces lésions se prêtent aisément à une éva-
pancréatique dans 99 % des cas. Seuls 10 % des cas sont luation en imagerie fonctionnelle.
malins, principalement des tumeurs de taille supérieure Contrairement aux insulinomes, 90 % des gastri-
à 3 cm. Les insulinomes sont généralement de plus petite nomes sont malins et nécessitent donc une évaluation
taille que les autres TNEP fonctionnelles (presque la moitié attentive des sites de dissémination tumorale (adéno-
mesure moins de 1 cm). Les insulinomes peuvent être mul- pathies locorégionales, métastases hépatiques, etc.). Les
tiples, notamment en cas de prédisposition syndromique gastrinomes sont la tumeur neuroendocrine pancréa-
(NEM1 surtout) (cf. fig. 7.1). tique fonctionnelle la plus fréquente dans la NEM1,
La TDM et l’IRM sont souvent utilisés en 1re intention auquel cas ils sont souvent multiples, dans la paroi
pour la détection tumorale en raison de leur caractère duodénale.
150
7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques
A B
C D
Fig. 7.7
Gastrinome duodénal – Triangle du gastrinome.
Patient de 39 ans (A-C) présentant un syndrome de Zollinger-Ellison avec ulcères duodénaux récidivants, diarrhée sécrétoire et œsophagite
avec hypergastrinémie, adressé pour recherche de tumeur neuroendocrine à synthèse de gastrine (gastrinome). TDM abdominopelvienne
après injection de produit de contraste iodé en phase artérielle tardive en coupes axiales (A, C) et avec reconstruction coronale oblique (B).
La lésion primitive (flèches orange) est de très petite taille, dans la paroi du premier duodénum, visible sous la forme de prise de contraste
lenticulaire de 5 mm en phase artérielle. Il existe par ailleurs une volumineuse adénopathie péripancréatique, située en avant du sillon
duodénopancréatique, franchement hyperrehaussée en phase artérielle (flèche blanche). L’adénopathie avait été prise pour une lésion primitive
pancréatique en échographie endoscopique. D. Exploration TDM d’un autre patient porteur d’un gastrinome duodénal, visible comme une
prise de contraste nodulaire dans la paroi du deuxième duodénum (flèche orange). Le triangle orange représente le « triangle du gastrinome »
au sein duquel l’immense majorité des gastrinomes se situe.
Autres TNEP fonctionnelles souvent une dilatation ductale (conduit pancréatique prin-
cipal et/ou voie biliaire principale).
Les autres TNEP fonctionnelles (vipome, glucagonome, Ces tumeurs s’accompagnent dans un quart des cas
somatostatinome, etc.) sont plus rares et sont très souvent d’un thrombus veineux tumoral, qui peut modifier la prise
de haut grade, découvertes au stade métastatique. en charge thérapeutique et oriente vers une tumeur de
plus haut grade.
Tumeurs non fonctionnelles Ces tumeurs présentent des métastases au diagnostic
dans 60 à 80 % des cas, le plus souvent dans les ganglions
Les TNEP non fonctionnelles sont nettement plus fréquentes péripancréatiques, les ganglions rétropéritonéaux ou le foie
et habituellement de plus grande taille. Les symptômes sont (fig. 7.9).
en lien avec l’effet de masse engendré par la tumeur. Ces tumeurs sont habituellement uniques mais elles
Ces tumeurs dites « non fonctionnelles » sécrètent peuvent être multiples en cas de prédisposition syndro-
souvent des hormones, telles que le polypeptide pancréa- mique (cf. fig. 7.1 et 7.8). Il s’agit de la TNEP la plus fréquente
tique, mais sans syndrome sécrétoire clinique apparent. chez les patients porteurs d’une NEM1 ou de la maladie
La présence de remaniements nécrotiques, hémorra- de vHL.
giques et/ou kystiques est plus fréquente (fig. 7.8). La pré- Avec l’utilisation croissante de l’imagerie en coupes, de
sence de calcifications est réputée plus fréquente. Il existe très nombreuses TNEP non fonctionnelles sont découvertes
151
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B C
D E F
Fig. 7.8
Tumeurs neuroendocrines pancréatiques (TNEP) non fonctionnelles multiples dont une avec remaniements kystiques.
Patient de 44 ans présentant une néoplasie endocrinienne multiple de type 1. Deux TNEP non fonctionnelles, l’une, plus volumineuse, du corps
pancréatique (flèches orange) et l’autre, centimétrique de la queue pancréatique (flèches blanches) présentant un aspect différent en imagerie.
La lésion corporéale (de grade 2) présente des remaniements kystiques non rehaussés en TDM en phase portale (A), en hypersignal T2 (B),
sans restriction de la diffusion (E) et non rehaussés après injection de chélates de gadolinium (F). Cette lésion conserve une portion charnue
périphérique rehaussée dès la phase artérielle, évocatrice (C, tête de flèche). La lésion caudale (de grade 1) est quant à elle tout à fait typique
avec un hypersignal T2 tissulaire (B), une restriction de la diffusion (E) et une prise de contraste homogène durant la phase artérielle tardive (C).
Ces deux lésions présentent un hypermétabolisme à l’Octréoscan® (octréotide) (D) renforçant encore le diagnostic présomptif de TNEP.
fortuitement (jusqu’à un tiers des cas). Ces tumeurs peuvent mal limitée aux contours irréguliers, remaniements hémo
bénéficier d’une surveillance si elles répondent à certains rragiques intratumoraux, dilatation ductale pancréatique,
critères (cf. infra « Tumeurs de découverte fortuite : quelle prise de contraste hétérogène (ou en cocarde) en phase
surveillance ? »). artérielle et rehaussement persistent en phase portale,
hypersignal diffusion avec coefficient de diffusion apparent
bas et présence de métastases à distance.
Tumeurs indifférenciées : Si de nombreuses études ont montré la capacité de
carcinomes neuroendocrines l’imagerie de diffusion à distinguer les TNEP de grade 1‑2 de
celles de grade 3, avec un seuil d’ADC inférieur ou égal à 0,95
Il s’agit de lésions agressives, très exceptionnellement × 10–3 mm2/s [17], il n’existe pas de seuil clair dans la littérature
diagnostiquées à un stade localisé. Il existe le plus souvent permettait de distinguer les CNEP des TNEP de grade 3 [4].
une extension locorégionale ganglionnaire et à distance
(foie, poumon, etc.). L’imagerie fonctionnelle des récepteurs
à la somatostatine est souvent mise en défaut et c’est la TEP Stadification
au 18F-FDG qui permet le bilan d’extension à distance.
D’un point de vue morphologique, certains critères Il existe historiquement deux systèmes de stadification : celui
sont associés à une plus grande probabilité de tumeur mal de l’ENETS et celui de l’AJCC-UICC (American Joint Commit-
différenciée en histologie (CNEP) [16] : volumineuse tumeur tee on Cancer – Union for International Cancer Control).
152
7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques
A B C
D E F
Fig. 7.9
Tumeur neuroendocrine pancréatique (TNEP) non fonctionnelle de grade 3 avec métastase hépatique unique.
Patient de 63 ans. IRM pancréatique avec séquences 3D, reconstructions en coupe axiale, pondérées T1 sans (A), et après injection de chélates
de gadolinium en phase artérielle (B) et en phase tardive à 3 minutes (C) avec suppression du signal de la graisse. Coupes axiales pondérée en T2
sans suppression du signal de la graisse (D), diffusion à b = 1 000 s/mm2 (E) et cartographie ADC (F). Masse du corps du pancréas de 40 mm
(flèches orange), en hyposignal T1 spontané, avec un rehaussement hétérogène en phase artérielle (B), hyporehaussée en phase tardive.
Cette lésion présente une franche restriction de la diffusion (E) avec un ADC très bas. Par ailleurs, elle est responsable d’une dilatation du conduit
pancréatique principal (D, tête de flèche) avec pancréatite chronique caudale. Lésion secondaire hépatique (flèches blanches) présentant une prise
de contraste en phase artérielle (B) avec lavage en phase tardive, un hypersignal T2 tissulaire et une restriction de la diffusion.
La 8e version de l’AJCC est le système le plus récent et y L’IRM présente une meilleure résolution en contraste, même
le plus couramment utilisé actuellement (tableau 7.4) [18]. en l’absence d’injection de produit de contraste, notamment
Cette stadification ne concerne que les TNEP, celle des pour la détection des petites tumeurs. Elle permet également
CNEP (tumeurs neuroendocrines pancréatiques mal une évaluation simultanée de l’extension tumorale hépatique
différenciées) repose sur celle des adénocarcinomes avec une sensibilité bien meilleure que la TDM.
pancréatiques. Lorsque la tumeur suspectée (souvent dans le cadre
d’un syndrome sécrétoire clinique) n’est pas détectée par
les techniques d’imagerie morphologique, la détection peut
Tumeur primitive être améliorée par l’imagerie fonctionnelle des récepteurs à
La TDM et l’IRM sont les deux principales modalités de la somatostatine (excepté en cas de suspicion d’insulinome)
l’extension locale de la maladie : détection tumorale, carac- ou par la réalisation d’une échoendoscopie (très utile en cas
tère unique ou multiple, taille (grand axe), envahissement de suspicion d’insulinome souvent de très petite taille et en
du duodénum ou de la voie biliaire principale, envahisse- cas de gastrinome souvent situé dans la paroi duodénale).
ment des organes adjacents et envahissement vasculaire.
L’envahissement de la graisse péripancréatique n’est pas Adénopathies
pris en compte dans la stadification tumorale.
y La TDM présente l’avantage d’une très grande résolution L’évaluation de l’envahissement ganglionnaire en imagerie
spatiale avec possibilité de reconstructions multiplanaires. est difficile. Lorsqu’une chirurgie de résection de la tumeur
153
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B C
D E F
Fig. 7.10
Métastase hépatique avec remaniements kystiques et hémorragiques – Lésion secondaire ganglionnaire de l’espace rétrocrural droit.
Patiente de 71 ans présentant une tumeur neuroendocrine pancréatique de grade 3. IRM hépatique avec coupes axiale pondérée en T2 avec
suppression du signal de la graisse (A), axiale pondérée en diffusion (B) avec cartographie ADC (C), axiale pondérée en T1 sans (D) et après
injection de produit de contraste en phase artérielle (E) et en phase tardive à 3 minutes (F) avec suppression du signal de la graisse. Métastase
hépatique unique du foie droit présentant des remaniements kystiques (têtes de flèches vertes) en hypersignal T2 liquidien, hyposignal T1
spontané, sans rehaussement après injection et sans restriction de la diffusion. Il existe également des remaniements hémorragiques (têtes
de flèches blanches) en hypersignal T1 spontané et hyposignal T2, sans rehaussement après injection. La portion tissulaire de la lésion hépatique
est partiellement hyperrehaussée en phase artérielle (correspondant à la zone en plus franche restriction de la diffusion). Par ailleurs, présence
d’une volumineuse adénopathie de l’espace rétrocrural droit (en arrière du pilier droit du diaphragme) (flèches orange).
155
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B C
D E F
Fig. 7.11
Métastases hépatiques d’insulinome pancréatique avec stéatose périlésionnelle.
Patiente de 29 ans porteuse d’une néoplasie endocrinienne multiple de type 1 opérée d’un insulinome pancréatique caudal, de grade 2,
3 ans auparavant. IRM hépatique, séquence Dixon 3 points avec reconstructions in phase (A), out of phase (B), water only (E), fat only (D),
et échographie hépatique (C, F). Multiples lésions hépatiques (flèches orange) se présentant sous la forme de nodules infracentimétriques
à contenu graisseux (avec chute du signal entre les séquences in phase et out of phase et aspect très hyperéchogène en échographie). Les lésions
correspondent à des plages de stéatose nodulaire périlésionnelle avec au centre de chacune d’elles une métastase millimétrique de l’insulinome
pancréatique opéré. Le caractère périlésionnel/concentrique de la stéatose est mieux visible sur les séquences in phase (A) et fat only (D).
Un antécédent de néphrectomie pour carcinome à Plus rarement, les cystadénomes séreux peuvent
cellules claires (ou bien la présence sur l’examen d’une prendre un aspect hyperrehaussé au temps artériel,
tumeur rénale suspecte de carcinome à cellules claires) doit dans leur forme dite « pseudo-solide », le diagnostic
faire évoquer une métastase pancréatique de carcinome à est alors plus délicat d’autant qu’il s’agit d’une cause de
cellules claires (fig. 7.12). faux positifs de l’imagerie fonctionnelle des analogues
La présence d’une lésion hyperrehaussée de la queue du de la somato statine. La présence d’un signal liquide
pancréas doit toujours faire rechercher des arguments en (les kystes composants le cystadénome pseudo-solide
faveur d’un nodule de rate accessoire intrapancréatique : sont habituellement trop petits pour être individuali-
signal spontané et cinétique de rehaussement parfaite sés en tomodensitométrie) en IRM (séquences T2 et
ment superposables à ceux de la rate (fig. 7.13). En cas séquences de CPRM) ainsi que l’absence de restriction
de doute, notamment lorsque la lésion mesure moins de la diffusion permettent habituellement de redresser le
de 1 cm, une scintigraphie aux globules rouges « fragilisés » diagnostic (fig. 7.14).
marqués au 99mTc habituellement couplée à une TDM Enfin, la présence de télangiectasies intrapancréatiques
permet de confirmer le diagnostic. L’imagerie fonctionnelle dans le cadre d’une maladie de Rendu-Osler peut mimer
des récepteurs à la somatostatine n’est d’aucune aide dans des lésions hyperrehaussées en phase artérielle (fig. 7.15). La
cette situation car il existe un hypermétabolisme normal recherche d’anomalies vasculaires hépatiques ou pulmo-
du parenchyme splénique. naires associées permet de conforter le diagnostic.
156
7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques
A B
C D
Fig. 7.12
Métastases pancréatiques multiples de carcinome à cellules claires rénal.
Patient de 54 ans présentant un carcinome à cellules claires du pôle supérieur du rein gauche (flèches violettes). TDM abdominopelvienne
après injection de produit de contraste iodé en phase artérielle tardive en coupes axiales obliques (A-C) et coronale oblique (D). Deux lésions
tissulaires intrapancréatiques juxta-centimétriques (flèches orange), l’une corporéale, l’autre caudale, présentant une franche et homogène
prise de contraste en phase artérielle par rapport au parenchyme pancréatique adjacent. Troisième lésion intrapancréatique présentant
un rehaussement différent en phase artérielle avec seulement une portion tissulaire périphérique rehaussée au temps artériel et une portion
centrale d’allure kystique (C, tête de flèche blanche).
157
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B C
D E F
Fig. 7.13
Rate accessoire intrapancréatique.
Patient de 39 ans. A. TDM abdominopelvienne après injection de produit de contraste iodé en phase portale, coupe axiale. B-F. IRM
pancréatique avec coupe axiale pondérée en T2 avec suppression du signal de la graisse (B), coupe axiale pondérée en diffusion (C), coupes
axiales pondérées en T1 sans (D) et après injection de chélates de gadolinium en phase artérielle (E) et en phase veineuse à 2 minutes (F),
avec suppression du signal de la graisse. Lésion tissulaire (flèches orange) de la queue du pancréas, présentant exactement les mêmes
caractéristiques en TDM et en IRM que la rate (notamment l’aspect tigré en phase artérielle), correspondant à un nodule de rate accessoire
intrapancréatique.
158
7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques
A B C D
E F G H
Fig. 7.14
Cystadénome séreux pseudo-solide de l’uncus pancréatique.
Patiente de 72 ans. TDM abdominopelvienne en coupes axiales, après injection de produit de contraste iodé en phases artérielle tardive (A)
et portale (B). IRM pancréatique avec coupes axiales pondérées en T1 sans (C) et après injection en phase artérielle (E) avec suppression
du signal de la graisse, coupe coronale pondérée en T1 après injection en phase tardive à 5 minutes (F) avec suppression du signal de la graisse,
cartographie ADC dans le plan axial (D). CPRM 2D coronale oblique en coupe épaisse (G) et coupe axiale pondérée en T2, sans suppression
du signal de la graisse (H). Lésion d’allure tissulaire (flèches orange) de l’uncus pancréatique, prenant le contraste intensément en phase
artérielle, discrètement hétérogène en phase portale, prise pour une tumeur neuroendocrine pancréatique. L’IRM permet de redresser
le diagnostic en montrant une lésion pseudo-solide dont le signal est liquidien en T2, au sein de laquelle il semble exister de petits kystes,
sans restriction de la diffusion.
159
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
C D
Fig. 7.15
Télangiectasies intrapancréatiques dans le cadre d’une maladie de Rendu-Osler.
Patient de 48 ans . TDM abdominopelvienne après injection de produit de contraste iodé en phases artérielle (A) et portale (B) en coupes
axiales . Reconstructions MIP (maximum intensity projection) 13 mm axiales en phases artérielle (C) et portale (D) . Multiples prises de contraste
intrapancréatiques, infracentimétriques (flèches orange), visibles dès le temps artériel et persistant en phase portale correspondant à de simples
télangiectasies intrapancréatiques dans le cadre d’une maladie de Rendu-Osler (télangiectasie hémorragique héréditaire), dont le diagnostic peut
être facilement évoqué devant une augmentation de calibre de l’artère hépatique propre extra-hépatique et devant la présence de malformations
vasculaire intra-hépatiques, ici de topographie sous-capsulaire dans le foie droit (fistules artérioportes, artériohépatiques et portohépatiques) .
Les patients porteurs de la mutation d’ALK1 sont plus à risque d’atteinte pancréatique .
160
7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques
A B C
D E F
Fig. 7.16
Tumeur neuroendocrine pancréatique (TNEP) caudale kystique pure : intérêt de l’imagerie fonctionnelle des récepteurs de la somatostatine
pour le diagnostic différentiel avec une tumeur kystique mucineuse.
Patiente de 54 ans. Découverte fortuite d’une lésion de la face postérieure de la queue du pancréas, de forme ronde, à contours réguliers,
bien limités (flèches orange), de densité liquidienne en TDM, sans rehaussement périphérique, septal ou nodulaire en phase artérielle
tardive (A) ou portale (B). En IRM, cette lésion apparaît liquidienne en T2 (C), en hyposignal T1 spontané (D) et sans rehaussement visible
en phase artérielle (E). Le diagnostic évoqué en 1re intention, compte tenu du sexe, de l’âge, du caractère kystique et de la localisation
sur la face postérieure, était une tumeur kystique mucineuse même si la localisation dans l’extrémité toute caudale du pancréas est atypique,
la tumeur kystique mucineuse étant le plus souvent située à la jonction corps/queue du pancréas. L’imagerie fonctionnelle des récepteurs
à la somatostatine par TEP (Dotatoc), couplée à la TDM, permet de redresser le diagnostic en montrant un hypermétabolisme intense
de la lésion caudale pancréatique (F). Il s’agissait d’une TNEP de grade 1 non fonctionnelle, purement kystique en imagerie.
161
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B C
D E F
Fig. 7.17
Tumeur neuroendocrine pancréatique (TNEP) non fonctionnelle de grade 3 céphalique prise pour un adénocarcinome.
Patiente de 56 ans. Découverte d’une lésion pancréatique céphalique dans un contexte de thrombose veineuse profonde des membres
inférieurs avec embolie pulmonaire ayant nécessité la mise en place d’un filtre cave dans la veine cave inférieure. TDM abdominopelvienne
en coupes axiales, en phase artérielle tardive (A) et tardive à 5 minutes (B) après injection de produit de contraste iodé. IRM pancréatique
avec coupes axiales pondérées en T2 avec suppression du signal de la graisse (C), diffusion (F) et T1 avec suppression du signal de la graisse
sans injection (D) et après injection de produit de contraste en phase artérielle tardive (E). Lésion tissulaire céphalique pancréatique de 23 mm
(flèches orange), plutôt bien limitée, hyporehaussée en phase artérielle tardive (A et E) et rehaussée en phase tardive (B), en hyposignal T2 (C)
et en franc hypersignal diffusion (F). Il n’existe pas de calcification ni d’extension tumorale endovasculaire ou périvasculaire rétropéritonéale.
L’hypothèse principale était celle d’un adénocarcinome pancréatique céphalique devant le caractère hyporehaussé en phase artérielle tardive,
le rehaussement tardif (composante fibreuse), l’absence de calcification, malgré l’absence d’extension rétropéritonéale ou vasculaire. Il s’agissait
sur la pièce opératoire de duodénopancréatectomie céphalique d’une TNEP de grade 3.
162
7. Tumeurs neuroendocrines pancréatiques
A B C
D E F
Fig. 7.18
Carcinome neuroendocrine pancréatique MINEN (néoplasie mixte neuroendocrine – non neuroendocrine) de sous-type acinaire.
Patient de 64 ans. Lésion tissulaire de la queue du pancréas (flèches orange), apparaissant moins rehaussée que le parenchyme pancréatique
normal en phase artérielle tardive en TDM (A) et en IRM (D) ainsi qu’en phase portale en TDM (B) et en IRM (E). Cette lésion est mal limitée ;
il existe une dilatation du conduit pancréatique d’amont bien visible sur la séquence pondérée en T2 avec suppression du signal de la graisse (C).
Il existe par ailleurs un envahissement tumoral de contiguïté de la veine splénique (têtes de flèche blanches). Enfin, la lésion présente
une importante restriction de la diffusion avec une valeur d’ADC de 0,832 mm2/s (F). Il n’existe pas d’extension rétropéritonéale
ou périartérielle. Le caractère hyporehaussé de la lésion et la présence d’un envahissement tumoral endovasculaire de la veine splénique ont fait
évoquer en 1re intention un adénocarcinome à différenciation acineuse.
163
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
164
Chapitre 8
Tumeurs kystiques
pancréatiques
Pauline Copin
PLAN DU C HAPITRE
Sémiologie 166
Collection post-pancréatite 166
Kyste rétentionnel 167
Kyste unique 167
Kystes multiples 178
En raison du vieillissement de la population et du recours peuvent être associées à des collections ou épanchements
grandissant à l’imagerie, la découverte fortuite de lésions purement liquidiens, nommées collections aiguës liqui-
kystiques du pancréas (incidentalomes) est de plus en plus diennes péripancréatiques dans les 4 premières semaines,
fréquente [1]. L’exploration et la surveillance des lésions puis pseudo-kystes pancréatiques au décours. De même,
kystiques du pancréas sont désormais des indications rou- les pancréatites aiguës nécrosantes peuvent être associées
tinières d’imagerie. à des collections nécrotiques aiguës qui deviendront des
Les lésions kystiques pancréatiques forment un large collections de nécrose organisées.
spectre comprenant des entités aux potentiels évolutifs
hétérogènes. Si les collections post-pancréatite repré- Localisation
sentent la grande majorité des lésions kystiques pancréa- Par définition, seules les collections survenues après une
tiques, l’absence d’élément anamnestique en faveur d’une nécrose pancréatique peuvent être intrapancréatiques :
pancréatite aiguë constitue un véritable défi en termes de les pseudo-kystes, comme leur lésion précurseur, sont tou-
diagnostic différentiel. jours péripancréatiques. Les collections de nécrose organi-
Ce chapitre a pour vocation de décrire les différentes sées et collections nécrotiques aiguës peuvent être intra ou
lésions kystiques du pancréas et de proposer une approche péripancréatiques.
diagnostique standardisée en fonction de leurs caractéris- Paroi
tiques sémiologiques (fig. 8.1). En raison des remaniements au pourtour de la suffusion
pancréatique, une paroi fibro-inflammatoire non épithé-
liale se constitue 4 semaines après l’épisode de pancréatite
Sémiologie aiguë. De ce fait, en fonction du degré d’inflammation et de
remaniements fibreux, la paroi du kyste peut initialement
Collection post-pancréatite apparaître fine.
Il s’agit de la lésion kystique pancréatique la plus fréquente Contenu
et c’est pourquoi celle-ci doit toujours être évoquée. Par définition, la collection liquidienne péripancréatique
Selon la conférence d’Atlanta de 2012 [2], une distinc- et le pseudo-kyste contiennent du liquide pur, sans débris
tion importante est faite entre collections purement liqui- interne [3]. Du fait de la nécrose parenchymateuse, les collec-
diennes et collections non liquéfiées (ou nécrotiques). tions nécrotiques aiguës et collections de nécroses organisées
Ainsi, les pancréatites aiguës interstitielles œdémateuses ont un contenu hétérogène partiellement solide non tissulaire.
Cystadénome séreux
macrokystique TPPS
uniloculaire
Cystadénome séreux
mixte
Tumeur
kystique
mucineuse
TNE
kystique
Malformation
lymphatique
Fig. 8.1
Les principales lésions kystiques pancréatiques.
En jaune : les portions tissulaires, de rehaussement intense au temps artériel pour la tumeur neuroendocrine. En rouge : la composante
hémorragique. TNE : tumeur neuroendocrine ; TPPS : tumeur pseudo-papillaire et solide.
166
8. Tumeurs kystiques pancréatiques
Obstacle
ductal
Forme
Forme polylobée
ronde
Face post corps/queue, Femme jeune, Hyper rehaussée Microkyste Communication Forme molle, Calcification
femme, cloisons sang, au temps artériel périphérique CPP, multiples graisse centrale
perpendiculaires portion tissulaire
Collection post- Kyste Tumeur kystique Tumeur pseudo- Tumeur neuro- Cystadénome TIPMP conduit Malformation Cystadénome
pancréatite rétentionnel mucineuse papillaire et solide endocrine séreux uniloculaire secondaire lymphatique séreux
Fig. 8.2
Arbre diagnostique devant une lésion kystique unique.
CPP : conduit pancréatique principal ; TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas.
8. Tumeurs kystiques pancréatiques
A B
Fig. 8.3
Cystadénome séreux microkystique : IRM séquence pondérée T2.
A. La lésion est constituée de multiples petits kystes, tous < 20 mm de diamètre. B. En amont, le conduit pancréatique principal est
discrètement dilaté.
A B
Fig. 8.4
Cystadénome séreux microkystique.
L’accolement des multiples microkystes donne un aspect en rayon de miel sur l’IRM séquence pondérée T2 (A). En TDM après injection
de produit de contraste iodé au temps artériel (B), les fins septa se rehaussent pouvant en imposer pour une lésion tissulaire de type
neuroendocrine.
doucement de taille (4 mm par an en moyenne), avec une les régions axillaire et cervicale. Son développement
croissance plus rapide en cas de forme oligo ou macro est vraisemblablement en lien avec une malformation
kystique et d’âge avancé du patient [6,12]. congénitale du réseau lymphatique responsable d’un
TIPMP des conduits secondaires obstacle au drainage et de développement de lymphan-
Cf. chapitre 9. giectasies [13].
A B
Fig. 8.5
Cystadénome séreux mixte : IRM séquence pondérée T2.
Les macrokystes sont de disposition périphérique. La zone centrale correspond à du tissu fibreux séparant le contingent de très petits kystes
regroupés.
Fig. 8.6
Cystadénome séreux microkystique : IRM séquence pondérée T2 Fig. 8.7
coupe coronale. Cystadénome séreux microkystique : TDM non injectée.
Volumineux cystadénome exophytique de la tête, responsable Le centre de la lésion est siège de calcifications.
d’une dilatation ductale d’amont (astérisque). Noter l’aspect
en rayon de miel du contenu de la lésion, caractéristique des formes
microkystiques.
Contenu
Il renferme un liquide séreux, sérohématique ou parfois
Localisation chyleux. Un niveau liquide – liquide est possible. Les septa
Elle siège préférentiellement vers la queue du pancréas. sont rehaussés. Des calcifications (phlébolithes) au sein des
La malformation lymphatique peut se développer au sein kystes sont parfois visibles.
du parenchyme glandulaire ou être accolée au pancréas Paroi
(fig. 8.8). Elle est fine et régulière.
Forme Conduite thérapeutique
Elle est le plus souvent de forme polylobée, multiloculée, La malformation lymphatique est bénigne mais poten
formée par de multiples kystes en communication les uns tiellement localement compressive. Sa résection chirurgi-
avec les autres. Le kyste est déformé par les structures adja- cale est alors curative mais la récidive locale est fréquente
centes (fig. 8.9). en cas d’exérèse incomplète, voire responsable d’ascite
170
8. Tumeurs kystiques pancréatiques
A B
Fig. 8.8
Malformation lymphatique : IRM séquence pondérée T2, coupes axiale (A) et coronale (B).
Lésion kystique de contours externes polylobés, de point de départ intrapancréatique et de développement exophytique.
A B
Fig. 8.9
Malformation lymphatique : IRM séquence pondérée T2 coupes axiale (A) et coronale (B).
La lésion est « moulée » par les structures digestives adjacentes.
171
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B C
Fig. 8.10
Tumeur kystique mucineuse.
La TDM (A) révèle une tumeur kystique unique ronde uniloculée à développement exopancréatique postérieur à la jonction corps – queue
de la glande pancréatique. Noter la surrénale gauche (astérisque), directement en arrière de la lésion, sans glande pancréatique interposée.
En IRM après injection de produit de contraste (B, séquence pondérée T1 avec saturation du signal de la graisse), la paroi se rehausse.
Sur la séquence pondérée T2 (C), le contenu est liquidien pur en hypersignal homogène.
est caractéristique, ce dernier faisant partie de la définition c ombinaison des deux tous les 6 mois la 1re année, puis
histologique de la tumeur. annuellement en l’absence d’évolution. Chez les patients
En imagerie, sa paroi est épaisse, régulière et rehaussée très âgés et/ou potentiellement non opérables, la surveil-
au temps portal. Des calcifications pariétales fines et arci- lance peut être interrompue [10].
formes sont présentes dans 10 à 15 % des cas. Il n’y a pas de Pour les tumeurs entre 3 et 4 cm, l’attitude peut être dis-
lobulation pariétale. cutée en fonction de l’âge du patient, de son état général et
en cas de son fort désir de se faire opérer.
Contenu
Des septa et cloisons fines endokystiques dont l’attache est Tumeur neuroendocrine kystique
perpendiculaire à la paroi, sans encoche ni lobulation en Les tumeurs neuroendocrines prennent un aspect kystique
regard de celle-ci, sont caractéristiques (fig. 8.11). Parfois, dans environ 20 % des cas. Cet aspect peut être la consé-
un aspect de kystes dans le kyste peut être rencontré. En quence d’une transformation nécrotico-hémorragique
IRM, les loculi présentent parfois des signaux différents d’une volumineuse tumeur neuroendocrine. Ces lésions
en pondération T1, en fonction de leur teneur protéique ont alors tendance à être non fonctionnelles [16]. Un
variable (fig. 8.12). Il n’y a jamais de zone centrale stellaire ni autre sous-type à part entière de tumeur neuroendocrine
de microkystes [7]. kystique est désormais connu. Ces lésions sont plus petites,
bien différenciées, non fonctionnelles et de bas grade
Signes suggestifs de dysplasie (Ki-67 bas) [17].
Une transformation maligne doit être suspectée devant [15] :
y un contenu de signal hétérogène sur la séquence pon-
dérée T2 ;
y un épaississement pariétal ≥ 5 mm ;
y un nodule mural ≥ 9 mm ;
y la présence de septa rehaussés (fig. 8.13).
Conduite thérapeutique
La tumeur kystique mucineuse du pancréas peut se trans-
former en tumeur maligne (cystadénocarcinome) dans 10
à 20 % des cas [9]. Les recommandations européennes pré-
conisent une résection chirurgicale en cas de [10] :
y lésion symptomatique ;
y ou lésion > 4 cm ;
y ou nodule mural rehaussé. Fig. 8.11
En l’absence de ces signes, une surveillance peut Tumeur kystique mucineuse : IRM séquence pondérée T2, plan
coronal.
être instaurée. Les tumeurs de moins de 3 cm doivent Les cloisons s’insèrent de manière perpendiculaire à la paroi, sans
être surveillées par IRM, échoendoscopie ou une encoche ni lobulation en regard.
172
8. Tumeurs kystiques pancréatiques
A B C
Fig. 8.12
Tumeur kystique mucineuse : IRM.
La séquence pondérée T2 (A) montre les cloisons fines endokystiques dont l‘attache est perpendiculaire à la paroi de la lésion. En séquence
pondérée T1 (B), le signal des loculi varie en fonction de leur teneur protéique (têtes de flèches). Après injection de chélates de gadolinium (C),
les septa se rehaussent. L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire a trouvé des foyers de dysplasie de bas grade.
Terrain Contenu
Elle est le plus souvent découverte par hasard au cours de la Lorsque la kystisation d’une tumeur neuroendocrine résulte
6e décennie, un peu plus souvent chez la femme. d’une liquéfaction centrale de son contenu, le liquide est
Localisation sérohématique. Il peut exister une composante tissulaire
Il n’y a pas de différence topographique entre les formes dans 30 % des cas [18]. Dans cette situation, celle-ci est res-
kystique et solide de tumeur neuroendocrine du pancréas : ponsable d’une restriction de diffusion et son rehaussement
leur répartition est ubiquitaire [16]. est similaire à celui de la paroi (fig. 8.15). Il n’y a pas de sep-
tum. Des calcifications sont parfois présentes, ubiquitaires.
Paroi
Elle est épaisse et hyperrehaussée au temps artériel Conduite thérapeutique
(fig. 8.14). Parfois, l’épaississement pariétal est non circonfé- La forme kystique des tumeurs neuroendocrines est moins
rentiel, donnant un aspect de rehaussement périphérique agressive que leur corollaire solide, avec une grande majo-
en croissant [16]. rité de tumeurs de grade I et une survie à 5 ans estimée
A B
Fig. 8.13
Tumeur kystique mucineuse : IRM.
Sur la séquence pondérée T2 (A), la paroi postérieure de la lésion et certaines cloisons sont épaissies (têtes de flèches). Sur la séquence
pondérée T1 après suppression du signal de la graisse et injection de chélates de gadolinium au temps portal (B), une portion tissulaire
nodulaire se rehausse (tête de flèche). L’examen anatomopathologique de la pièce opératoire a trouvé des foyers de dysplasie de haut grade.
173
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
C D
Fig. 8.15
Tumeur neuroendocrine kystique : IRM.
La séquence pondérée T2 (A) montre une lésion solido-kystique de la face antérieure du corps. Sur la séquence pondérée T1 avec suppression
du signal de la graisse et injection de chélates de gadolinium au temps artériel (B), une portion tissulaire se rehausse. Sur la séquence
de diffusion (C) et la cartographie ADC (D), il existe une restriction de la diffusion de la portion tissulaire.
Contenu Cystadénocarcinome
Son contenu est variable, allant d’un aspect purement
Il s’agit de l’évolution maligne d’une tumeur kystique
kystique (exceptionnel, < 1 %) à un aspect solide (lésion
mucineuse. Dans sa forme invasive, son pronostic est le
de petite taille < 3 cm). La TPPS est la plupart du temps
même que celui d’un adénocarcinome pancréatique. Cette
mixte hétérogène avec une composante tissulaire volon-
transformation maligne survient le plus souvent au sein
tiers périphérique et une composante kystique centrale.
de lésions de plus de 4 cm de diamètre, et lorsqu’il y a des
Des remaniements hémorragiques intralésionnels sont
bourgeons tissulaires [10,15,25].
classiques, bien visibles en IRM. Un niveau liquide – liquide
Au début de l’évolution, la lésion apparaît sous la forme
est possible.
d’un kyste dont l’extérieur a une forme ronde car les bour-
Conduite thérapeutique geons tissulaires se développent à l’intérieur du kyste, sur
La TPPS a un potentiel malin avec un taux d’envahisse- le bord interne de paroi, ou sur les cloisons intrakystiques. Il
ment local ou de métastases estimé entre 8 et 20 % [9]. Les s’agit alors de lésions en dysplasie modérée à sévère. Dans les
recommandations européennes posent l’indication chirur- formes invasives, des extensions tissulaires extra-kystiques
gicale pour toutes les TPPS [10]. La survie après chirurgie est peuvent survenir réalisant un aspect extérieur polylobé,
excellente avec une survie à 5 ans rapportée de 94 à 97 %. et un envahissement des vaisseaux (tumeur localement
175
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
C D E
Fig. 8.16
Tumeur pseudo-papillaire et solide de la tête du pancréas.
Sur l’IRM en séquence pondérée T2 (A), la lésion paraît bien limitée. Son contenu est très hétérogène avec des portions kystiques
en hypersignal franc en pondération T2 et des portions tissulaires en hypersignal intermédiaire en pondération T2. La séquence
en pondération T1 avec saturation du signal de la graisse (B) permet de révéler les remaniements hémorragiques (flèche).
Après injection de chélates de gadolinium (C), la partie périphérique de la lésion se rehausse, confirmant sa nature tissulaire.
D, E. Pièce anatomopathologique.
A B
C D
Fig. 8.17
Kyste lymphoépithélial : IRM.
La séquence pondérée T2 (A) montre une lésion solido-kystique de l’uncus. Les débris de kératine apparaissent en franc hyposignal T2
(tête de flèche) et hypersignal T1 (B). Sur la séquence pondérée T1 avec suppression du signal de la graisse et injection de chélates
de gadolinium au temps portal (C), la paroi se rehausse (flèche). Sur la séquence de diffusion (D), il existe une restriction de la diffusion
de la portion kystique.
A B C
Fig. 8.18
Transformation kystique des acini.
Multiples kystes infracentimétriques périphériques disséminés dans la glande pancréatique révélés sur l’IRM en pondération T2 (A). En TDM
(B), le contenu des kystes apparaît calcifié. En cholangiopancréatographie par résonance magnétique (C), noter l’absence de communication
des kystes avec le conduit pancréatique principal qui reste fin et régulier.
à l’aiguille du liquide kystique, une étude de la cinétique de y un kyste vu sur la première TDM d’une pancréatite
rehaussement d’une éventuelle portion solide ou encore aiguë doit être initialement considéré comme une tumeur
l’accès aux techniques dites « à travers l’aiguille » (endo- kystique responsable de la pancréatite.
microscopie confocale). Celles-ci sont toutefois associées à
un niveau de preuve faible, leur utilité clinique nécessitant
d’être validée. Au total, l’exploration d’un kyste > 15 mm
3e étape : diagnostic et conduite
doit permettre : à tenir
– d’identifier les lésions à potentiel malin afin de pou-
Quelle que soit la nature de la lésion, son caractère symp-
voir opérer à temps une tumeur à risque ;
tomatique et/ou obstructif biliaire est en lui-même une
– d’affirmer la bénignité, afin de s’affranchir d’une sur-
indication de prise en charge chirurgicale ou radiologique
veillance longue, coûteuse et anxiogène, voire d’une
interventionnelle.
éventuelle chirurgie à haute morbidité.
En dehors de ce contexte, la démarche diagnostique
y Si la nature de cette lésion reste indéterminée, il est
doit s’efforcer d’émettre une hypothèse afin de pouvoir
recommandé une surveillance biannuelle pendant un an,
classer la lésion en :
puis annuelle.
y lésion inflammatoire ou bénigne sans potentiel
malin : aucune surveillance n’est proposée au patient ;
2e étape : éliminer la collection y lésion bénigne à potentiel évolutif : en fonction de sa
post-pancréatite localisation, sa taille et de l’état général du patient, cette
lésion peut être surveillée ou réséquée ;
La grande fréquence de la collection post-pancréatite y lésion maligne ou à haut risque : une résection chirur-
impose au radiologue, avant tout raisonnement sémio- gicale est proposée.
logique, une enquête anamnestique et radiologique à la Malgré les progrès techniques de la chirurgie pancréa
recherche d’un épisode de pancréatite aiguë ou de signes tique, cette option reste associée à des hauts taux de
de pancréatite chronique. morbimortalité : une lésion pancréatique ne doit être
Du fait de la paroi non épithéliale de la collection, il opérée qu’après optimisation des moyens de caractérisa-
n’existe aucun risque de transformation maligne. Dès lors, tion disponibles [6].
et en fonction de l’évolution de la pancréatite, certaines Trois situations les plus caricaturales peuvent être déga-
lésions ne sont pas surveillées. Il faut donc être très prudent gées de la pratique clinique. La figure 8.19 synthétise les
lors de ce diagnostic et garder à l’esprit trois aphorismes conduites diagnostique et thérapeutique à l’issue du bilan
quasi dogmatiques [11] : par imagerie conventionnelle (TDM et IRM). Nous propo-
y il n’y a pas de collection post-pancréatite sans pancréatite ; sons en plus ici trois « mémos » rapides qui peuvent être
y hors de ce contexte, toute lésion kystique doit être utiles, en particulier dans les réunions de concertations plu-
considérée comme primitive jusqu’à preuve du contraire ; ridisciplinaires (RCP) (encadrés 8.1 à 8.3).
179
180
Collection post- Kyste Tumeur kystique Tumeur pseudo- Tumeur neuro- Cystadénome TIPMP conduit Malformation Cystadénome
pancréatite rétentionnel mucineuse papillaire et solide endocrine séreux uniloculaire secondaire lymphatique séreux
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
Doute dg 68
Surveillance Caractérisation Ga-DOTA Pas de surveillance Critères Pas de surveillance
de fonction de la lésion Échoendoscopie Fukuoka
Doute dg
de l‘évolution obstructive (2017)
de la PA
Asymptomatique, Incidentalome
< 4 cm, sporadique
pas de nodule asymptomatique
mural rehaussé < 2 cm
Échoendoscopie
Fig. 8.19
Arbre de prise en charge diagnostique et thérapeutique après caractérisation de la lésion par imagerie conventionnelle.
dg : diagnostique ; PA : pancréatite aiguë ; TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas.
8. Tumeurs kystiques pancréatiques
181
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
182
8. Tumeurs kystiques pancréatiques
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183
Chapitre 9
Tumeurs intracanalaires
papillaires et mucineuses
du pancréas1
Marie-Pierre Vullierme
P LA N D U CHA PI T RE
Anatomopathologie 186 D’une atteinte des canaux pancréatiques secondaires 193
Cas de la pancréatite chronique 193
Clinique 186
Complications 194
Diagnostic positif 186 Pancréatite aiguë 194
Dilatation du canal principal 186 Fistules 194
Dilatation des canaux secondaires 188
Diagnostic de malignité 194
Échographie 188
Tomodensitométrie 188 Arguments clinicobiologiques 195
1 Contrairement au reste de l’ouvrage et à la demande de l’auteur, ce chapitre utilise l’ancienne nomenclature anatomique pour le terme
conduit (canal).
La tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pan- 6,6 % des séries non chirurgicales et 30 % des séries chirur-
créas (TIPMP) est estimée à environ 6,6 % de la population gicales [7] ;
française [1]. Elle est caractérisée par une production de y TIPMP mixte, la plus fréquente dans les séries chirurgi-
mucus à l’origine d’une dilatation ectasique des canaux cales (40‑72 %) [6].
excréteurs. La sécrétion de mucus par l’épithélium anormal
conduit à épaissir le contenu liquidien des canaux. Ainsi,
l’évacuation n’est pas normale et le contenu canalaire pan- Clinique
créatique stagne. L’imagerie en coupes ne voit que la dilata-
tion canalaire. Elle ne montre en règle pas l’épaississement La fréquence de la TIPMP est estimée à 6,6 % de la popu-
de la muqueuse car celle-ci reste millimétrique le plus sou- lation générale [1]. Les circonstances de découverte sont
vent. Lorsque la muqueuse s’épaissit, des bourgeons intra- fortuites dans 37 à 40 % des cas, mais une douleur de type
canalaires sont visibles, il s’agit de dysplasie de bas ou de « pancréatite » est fréquente, le plus souvent liée à une
haut grade. L’invasion, quand elle existe, est quant à elle atteinte du canal principal et due à l’obstruction canalaire
dans le parenchyme. transitoire par du mucus [8].
Par conséquent, un premier épisode de pancréatite
aiguë sans cause survenant à l’âge de 50 ou 60 ans, sans
Anatomopathologie antécédent, doit faire rechercher une TIPMP.
En pratique, quatre circonstances diagnostiques de
La prolifération tumorale des cellules épithéliales canalaires TIPMP sont décrites :
associe des papilles plus ou moins volumineuses et une y la pancréatite aiguë et notamment la pancréatite aiguë
production de mucus. Le bourgeonnement cellulaire de la récidivante ;
muqueuse anormale peut prendre un aspect d’hyperplasie y l’insuffisance pancréatique exocrine par atrophie ;
simple (adénome), de dysplasie de bas grade et de dysplasie y un cancer du pancréas (8 à 20 % des résections pan-
de haut grade. La TIPMP peut devenir invasive : la tumeur créatiques pour cancer concernent en fait des TIPMP avec
est alors un adénocarcinome. Il existe un continuum lésion- transformation maligne) ;
nel entre ces stades évolutifs [2,3]. y la découverte fortuite par l’imagerie d’une TIPMP
La pancreatic intraepithelial neoplasia (PanIN) est asymptomatique, correspondant le plus souvent à une
une dysplasie associée à la TIPMP (70 %) [4], avec 20 % atteinte isolée des canaux secondaires.
de PanIN-3, responsable de l’adénocarcinome exocrine.
Une étude anatomopathologique avec analyse du
génome des tumeurs a montré des cancers a priori indé- Diagnostic positif
pendants des anomalies canalaires de TIPMP dans 20 %
des cas (survenant à distance des canaux pancréatiques Le diagnostic positif de la maladie repose sur l’imagerie non
pathologiques), de point de départ incertain (TIPMP ou invasive – échographie, TDM, IRM avec cholangiopancréato
pas) dans 34 % des cas et a priori développés sur une graphie par résonance magnétique (CPRM) – et l’imagerie
anomalie canalaire de TIPMP dans 46 % des cas (23 % invasive – échoendoscopie – avec étude de la papille au
GNAS+) [5]. Ainsi, la transformation maligne d’une temps endoscopique de l’examen.
TIPMP peut être soit un cancer parenchymateux, soit
une tumeur développée dans un kyste ou dans le canal
principal.
Dilatation du canal principal
Trois formes macroscopiques de la maladie sont indivi- Elle est sans sténose, jusqu’à la lumière duodénale (atten-
dualisées. Leur pronostic est différent car la transformation tion aux fausses TIPMP par sténose papillaire, fig. 9.1). Si la
maligne est plus fréquente quand le canal pancréatique papille a une communication large avec la lumière duo
principal est atteint [2,3] : dénale (béance papillaire, fig. 9.2), le diagnostic de TIPMP
y TIPMP exclusive du canal pancréatique principal, du canal principal a une bonne spécificité [7].
diffuse ou segmentaire, rare, représentant 14 % des cas Une dilatation supérieure à 5‑6 mm permettrait
dans une série chirurgicale [6,7] ; d’affirmer la TIPMP du canal pancréatique principal
y TIPMP des canaux pancréatiques secondaires, la plus selon les critères des conférences de consensus (fig. 9.3
fréquente dans les séries d’imagerie. Elle s’observe dans près et 9.4) [9,10]. Lorsque la dilatation est segmentaire
186
9. Tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas
A B
Fig. 9.1
Erreur diagnostique, sténose tumorale de la papille, et non TIPMP du canal principal.
A. TDM. Tumeur neuroendocrine de la papille (flèche) vue a posteriori, responsable d’une sténose, avec dilatation du canal pancréatique principal.
L’importante dilatation à plus de 10 mm du canal principal a fait prendre à tort cette atteinte pour une TIPMP avec un risque de transformation
maligne. B. CPRM : l’absence de béance papillaire n’a pas été vue (flèche). Le patient a eu une duodénopancréatectomie céphalique.
A C
Fig. 9.2
TIPMP du canal principal : béance papillaire.
A. TDM coupe axiale : continuité entre la lumière dilatée de la papille et la lumière duodénale (flèche). B. TDM coupe coronale montrant
aussi cette continuité (flèche). C. CPRM : canal principal dilaté se prolongeant sans interruption par la lumière duodénale (flèche). Il n’y a pas
de sténose.
(en particulier entre 4 et 6 mm de diamètre), est au tion est en aval de l’abouchement du canal secondaire
contact d’un canal secondaire dilaté, il n’est pas possible pathologique, la première hypothèse est une dilatation
de déterminer l’origine de la dilatation, celle-ci pouvant passive (fig. 9.5). La muqueuse du canal principal n’est
être liée à une anomalie de la muqueuse du canal prin- alors pas pathologique, le canal principal est une voie
cipal, ou à une TIPMP exclusive d’un canal secondaire de passage pour le mucus. Le diagnostic topographique
responsable d’un écoulement de mucus en aval dans le de la maladie épithéliale est complexe mais nécessaire
canal principal, pour s’évacuer par la papille. Si la dilata- pour guider la chirurgie [11,12].
187
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
Échographie
La sensibilité de l’échographie transcutanée est très faible
A (fig. 9.10A) [13].
Tomodensitométrie
Atteinte du canal principal
Les parois de TIPMP du canal principal sont le plus sou-
vent régulières, les bords du canal dilaté restant parallèles
(fig. 9.10B et cf. 9.2B). Plus le diamètre du canal est impor-
tant, meilleure est la spécificité [14].
Une atteinte du canal principal est associée à une béance
papillaire dans 44 % des cas (cf. fig. 9.2) [7,13].
A B
Fig. 9.4
TIPMP et pancréatite chronique associée : CPRM.
A. TIPMP du canal principal (flèche longue) et d’un canal secondaire céphalique (flèche courte) avec pancréatite chronique obstructive
du canal pancréatique principal corporéocaudal (flèche pointillée). B. Le canal pancréatique principal est irrégulier, tortueux,
(flèches pointillées longues) avec des canaux secondaires dilatés linéaires, tous communicants avec le canal principal, en flammèches,
nombreux (flèches pointillées courtes). À l’opposé, le canal principal de la tête a des parois rectilignes, sans dilatation des canaux secondaires
autour du canal principal, sans aspect de dilatation en flammèche des canaux secondaires (flèche longue).
A B
C D
Fig. 9.6
TIPMP des canaux secondaires.
A. TDM : multiples images kystiques rondes du corps et de la queue du pancréas, certaines débordant vers l’avant. La communication n’est pas
visible. B. IRM coupe axiale pondérée T2 : les images rondes sont liquidiennes, kystiques. Dans la queue du pancréas, un aspect tubulé évoque
des canaux dilatés. C. CPRM 3D montrant la multitude des kystes pancréatiques, certains d’entre eux prenant un aspect tubulé. Le canal
principal n’est pas dilaté. D. CPRM 2D, coupes centrées sur le corps et la tête du pancréas : les communications sont nettement visibles.
Fig. 9.8
Fig. 9.7 TIPMP d’un canal secondaire : IRM pondérée T2, coupe axiale.
TIPMP mixte de plusieurs canaux secondaires céphaliques : Kyste de l’uncus centimétrique avec son canal branché, sur le canal
CPRM. principal (flèche).
Un canal kystique tubulaire et branché se jette dans le canal principal
céphalique. Plusieurs petits canaux de l’uncus, modérément dilaté,
permettent d’affirmer le caractère multiple des kystes. Le canal principal
est dilaté à 6 mm dans le corps, en amont.
190
9. Tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas
A B
Fig. 9.9
TIPMP des canaux secondaires, calcifiée.
Une calcification de l’uncus du pancréas est bien visible en TDM (A, flèche). Elle siège dans un canal secondaire dilaté visible sur l’IRM.
Calcification du kyste de l’uncus bien visible sur l’IRM sous forme de lacune (B, flèche).
A B
C D
Fig. 9.10
TIPMP mixte avec transformation maligne en trois endroits : échographie (A) et TDM avec injection (B-D).
A. Échographie transcutanée sans (à droite) et avec injection de contraste (à gauche). Le bord interne du kyste (flèche) est échogène
spontanément et ne disparaît pas après injection : bourgeon tissulaire vascularisé. B. Bourgeon tissulaire dense occupant la dilatation kystique
du canal principal corporéocaudal qui prend le contraste (flèches), le canal principal mesure plus de 10 mm de diamètre. Localisation secondaire
hépatique associée (flèche courte). C. Bourgeon tissulaire dense dans un canal secondaire isthmique (flèche). D. Bourgeon tissulaire dense
dans le canal principal céphalique (flèche).
191
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B C
Fig. 9.11
TIPMP mixte, avec dysplasie sévère d’un canal secondaire céphalique.
A. TDM montrant un bourgeon dans le fond d’un canal dilaté (flèche). B. CPRM : nombreuses lacunes intracanalaires du canal secondaire
en rapport avec des bourgeons en dysplasie sévère (carcinome in situ) (flèche), avec dilatation du canal pancréatique principal en aval,
jusqu’à la papille qui est ectasique : TIPMP du canal principal en dysplasie modérée. C. IRM diffusion à b800, montrant un hypersignal centré
sur le bourgeon en dysplasie sévère (flèche) décrit en anatomopathologie.
A B
Fig. 9.12
TIPMP d’un canal secondaire de l’uncus, associée à un pseudo-kyste résiduel d’une pancréatite aiguë isthmique et non à une deuxième
dilatation canalaire de TIPMP.
A. CPRM : la dilatation kystique du canal secondaire (flèche pleine) est typique avec un canal communicant la reliant au canal principal.
La lésion kystique de la tête (flèche pointillée) et moins hyperintense en T2, moins liquidienne. B. TDM contemporaine de la CPRM : le canal
dilaté céphalique est homogène à parois régulières (flèche pleine). L’hypodensité isthmique est hétérogène à parois floues (flèche pointillée).
Endoscopie
Duodénoscopie
Elle peut être réalisée au temps endoscopique de l’écho
endoscopie ou lors de la CPRE. Une béance de la papille
avec présence de mucus est observée dans 40 à 60 % des
cas [7]. Ce signe endoscopique est pathognomonique de
la maladie [7].
Échoendoscopie
Fig. 9.13 Elle permet de visualiser la communication entre la lésion
Transformation kystique des acini : coupe axiale d’IRM kystique et le canal pancréatique principal. Elle fait éga-
pondérée T2. lement le diagnostic différentiel entre un bouchon de
Nombreux kystes dont certains sont les plus typiques de petite taille, mucus mobile, flottant, non pédiculé, et un nodule tis-
accolés les uns aux autres, à la périphérie du parenchyme pancréatique
(flèches) : aspect de petits kystes regroupés périphériques. Ils ne sont sulaire, en particulier grâce à l’injection de produit de
pas communicants. Ils contenaient des calcifications sur la TDM. contraste (cf. fig. 9.10) [7].
192
9. Tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas
A B
Fig. 9.14
TIPMP du canal principal avec fistule duodénale et très volumineux bourgeon de TIPMP avec transformation maligne in situ,
résection R0.
A. TDM : fistule duodénale (flèches blanches courtes) et volumineuse masse (« bourgeon » endocanalaire) dans la lumière duodénale
(flèche blanche longue). Le canal principal est dilaté, mesuré à 12 mm (flèche noire). Le parenchyme pancréatique autour est atrophique.
B. CPRM : fistule duodénale (flèches courtes), bourgeon endocanalaire (petite flèche large) dans le canal principal dilaté (grande flèche large).
Volumineuse masse (« bourgeon » endocanalaire) dans la lumière duodénale (flèche longue).
194
9. Tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas
A B
Fig. 9.15
TIPMP du canal pancréatique principal avec transformation maligne, avec fistule large colique.
A. TDM en coupes axiales : la lumière du canal principal est mesurée à 20 mm de diamètre, ce qui est un critère de transformation maligne en
soi (flèche pointillée). Il s’y associe des bourgeons sur la paroi antérieure (flèche courte) témoignant d’une transformation maligne au moins
in situ. Importante dilatation du canal principal caudal qui se prolonge avec la lumière de l’angle colique gauche (flèche longue). B. CPRM :
dilatation du canal pancréatique principal caudal (flèche pointillée), et communication avec la lumière colique (flèche longue).
des canaux secondaires et 46 et 19 % pour la TIPMP du canal Par ailleurs, un nomogramme associant âge, ACE,
pancréatique principal. C’est la présence d’une TIPMP du CA 19‑9, taille du canal pancréatique principal, taille du
canal principal, et non la taille des kystes, qui est associée à kyste et présence d’un nodule mural a été validé [23].
la mortalité par cancer [20,21]. Le suivi de 1 404 patients de
1994 à 2017, au Japon, a montré 68 cancers, 38 développés
sur les canaux de TIPMP et 30 développés à distance [20].
Arguments morphologiques
Avec à 5 ans 3,3 % de malignité, et à 15 ans 10,5 %, les can- Deux tableaux distincts sont associés à la transformation
cers développés sur les canaux pathologiques étaient asso- maligne [18,24,25] :
ciés à la taille du canal principal. En revanche, les cancers 1. masse mal limitée infiltrant le parenchyme hépatique
concomitants parenchymateux étaient indépendants de la et les canaux, tableau similaire à un aspect adénocarcinome
taille du canal principal [20]. parenchymateux ;
Le pronostic de la dysplasie sévère est excellent, grâce à 2. présence de bourgeons tissulaires endoluminaux.
une résection chirurgicale à but préventif [21]. Le pronostic Il existe aussi des signes indirects [9,10,20,21]. Une
des carcinomes invasifs sur TIPMP est identique à celui des étude a montré que pour la détection des lésions inva-
adénocarcinomes du pancréas classique/survenant hors sives, l’IRM et la TDM seraient équivalentes [26]. En pra-
TIPMP [20‑22]. La fréquence respective des deux types tique, si l’IRM est techniquement suboptimale, une TDM
de lésion est variable avec environ 12 à 54 % de dysplasie doit être réalisée. La localisation de la transformation
sévère et 46 à 67 % de carcinomes invasifs [20‑23]. maligne en imagerie en coupes est exacte dans 82 % des
cas [7].
Arguments clinicobiologiques
Signes directs
Plusieurs signes cliniques sont décrits comme associés à la
Masse infiltrante (fig. 9.16)
survenue d’une transformation maligne :
y le diabète, qui témoigne de l’importance de l’atrophie Un aspect de masse tissulaire au contact ou à distance des
du parenchyme et donc de l’évolution particulièrement canaux pancréatiques correspond à un carcinome invasif
longue de la maladie [7], la perte de poids, les douleurs ; dans 81 % des cas [5,18,21]. Dans cette situation, comme
y l’ictère obstructif ; dans l’adénocarcinome, l’extension locale vasculaire déter-
y des facteurs de risque génétiques familiaux. mine la résécabilité de la tumeur. Les métastases viscérales
195
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
Autres signes
Dilatation canalaire
Fig. 9.16
TIPMP avec transformation maligne invasive : TDM. Les signes de transformation maligne sont [9,10] :
Bourgeon tissulaire dans un canal principal dilaté (flèche pleine) y la sténose du canal pancréatique principal, aspect rare
associé à une hypodensité du parenchyme pancréatique adjacent
(flèche pointillée). Cette dernière évoque une invasion en continuité de transformation maligne. L’apparition d’une dilatation
avec la transformation maligne. lors de la surveillance d’une TIPMP est une indication de
surveillance rapprochée (conférence de consensus) ;
sont à rechercher mais rares (8 %). Il s’agit de métastases y une dilatation du canal pancréatique principal de plus
hépatiques hyporehaussées non kystiques ou d’atteinte de 10 mm (spécificité de 92 %) ou avec un bourgeon intra-
secondaire thoracique [18]. canalaire (cf. fig. 9.5) ;
A B
C D
Fig. 9.17
TIPMP d’un canal secondaire de l’uncus avec lacune endoluminale : bouchon muqueux, absence de bourgeon, TIPMP en dysplasie légère.
A. TDM : la dilatation est branchée sur le canal principal, a un contenu endoluminal qui apparaît modérément hyperdense (flèche). B. TDM
après injection : la lacune endoluminale n’apparaît pas hyperdense, absence de rehaussement (flèche). C. IRM pondérée T2 en coupes
axiales : la lacune (flèche), déclive, est bien visible dans le canal secondaire dilaté, à développement rétropancréatique, permettant a priori
une énucléation. D. CPRM : lacune (flèche) dans le canal secondaire dilaté kystique, qui est communicant.
196
9. Tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas
A B
C D E
Fig. 9.19
Carcinome in situ dans un canal secondaire céphalique : bourgeons avec rehaussement.
A. TDM injectée : les bourgeons sont denses, rehaussés, visibles sur les parois du kyste (flèches noires). B. IRM pondérée T2, coupe axiale :
les bourgeons apparaissent sous forme de lacunes entourées de mucus hyperintense (flèche). C. IRM pondérée T1, coupe axiale dans le même
plan : les bourgeons (flèche) apparaissent iso-intenses en T1 entourée du mucus hypo-intense. D. IRM pondérée T1 à la phase veineuse
de l’injection de chélates de gadolinium : le rehaussement des bourgeons est très net (flèche), permettant d’affirmer la nature tissulaire
et d’écarter la possibilité d’un bouchon de mucus déshydraté. E. CPRM : lacunes dans le canal secondaire dilaté (flèches).
197
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
Fig. 9.20
TIPMP mixte avec transformation maligne invasive.
A. CPRM : dilatation de plusieurs canaux secondaires céphaliques et de l’uncus. B. TDM : la transformation maligne invasive survient à distance
des canaux secondaires, en plein parenchyme (flèche courte), forme fréquente de transformation maligne associée à la TIPMP (probablement
par transformation maligne de PanIN-3). Canal principal très modérément dilaté, sans TIPMP dans cette localisation sur la pièce de résection
(flèche longue).
Critères absolus
Pas d’indication Critères relatifs
à haut risque
chirurgicale d’inquiétude
de malignité
Fig. 9.21
Recommandations européennes pour la surveillance des TIPMP.
Cf. tableau 9.1. CA : cancer antigen.
Adapté de [10].
repose sur l’imagerie, alternant la TDM, l’IRM et l’écho rés [9]. Elle clarifie la prise en charge dans de nombreuses
endoscopie. Des études récentes confirment l’égale sensibi- situations. Elle est cependant à l’origine de nombreux faux
lité (94 %) et spécificité (69 %) de la TDM et de l’IRM [25]. positifs et faux négatifs. Il est important de souligner que
La TDM spectrale augmente la sensibilité pour dépister les l’exploration du parenchyme pancréatique à distance des
cancers. Les conférences internationales ont élaboré, avec kystes a été ajoutée dans la conférence européenne [10].
des modifications successives entre 2006 et 2018, une stra- La surveillance proposée est très contraignante quant au
tégie très synthétique comprenant les indications chirurgi- rythme qui peut atteindre celui d’une échoendoscopie tous
cales (tableau 9.1) et la surveillance des patients non opé- les 3 à 6 mois en cas d’anomalie dépistée en TDM ou IRM.
198
9. Tumeurs intracanalaires papillaires et mucineuses du pancréas
Le rythme est adapté à la taille des kystes (semestriel, récidive de la TIPMP avec augmentation du canal prin-
puis annuel, puis tous les 2 ans en cas de stabilité et de cipal et/ou apparition de dilatation des canaux secon-
lésion < 2‑3 cm). Les recommandations internationales et daires, en comparant à l’imagerie préopératoire.
européennes sont de ne pas interrompre la surveillance, Les TIPMP avec transformation maligne récidivent sous
voire de l’intensifier après 5 ans [10,21,27,28]. forme de masse tissulaire, de métastases hépatiques ou de
Des protocoles d’acquisition courts en IRM sans injec- carcinose péritonéale [27].
tion sont en cours d’évaluation mais ne sont pas encore
recommandés. Messages à retenir
Le diagnostic positif se fait le plus souvent par severity, and clinicopathologic correlations. Pancreas. 2010 ; 39 :
IRM avec CPRM. 658‑61.
[9] Tanaka M, Fernández-Del Castillo C, Kamisawa T, Jang JY, Levy P,
L’atteinte du canal pancréatique principal est Ohtsuka T, et al. Revisions of international consensus Fukuoka gui-
diagnostiquée devant une dilatation sans sténose delines for the management of IPMN of the pancreas. Pancreato-
supérieure à 6 mm. logy. 2017 ; 17 : 738‑53.
L’atteinte des canaux secondaires apparaît sous [10] European Study Group on Cystic Tumours of the Pancreas. Euro-
pean evidence-based guidelines on pancreatic cystic neoplasms.
la forme de dilatation tubulaire, kystique ou poly-
Gut. 2018 ; 67 : 789‑804.
lobée, avec communication avec le canal pancréa- [11] Vullierme MP, Giraud-Cohen M, Hammel P, Sauvanet A,
tique principal. La localisation préférentielle est Couvelard A, O’Toole D, et al. Malignant intraductal papillary
l’uncus. mucinous neoplasm of the pancreas : in situ versus invasive carci-
Les complications de la TIPMP incluent les noma surgical resectability. Radiology. 2007 ; 245 : 483‑90.
[12] Kim SH, Lee JM, Lee ES, Baek JH, Kim JH, Han JK, et al. Intraductal
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La transformation maligne doit être suggérée MR cholangiography. Radiology. 2015 ; 274 : 723‑33.
en imagerie en cas de masse tissulaire ou de bour- [13] Waters JA, Schmidt CM, Pinchot JW, White PB, Cummings OW,
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Les indications à une chirurgie pancréatique [14] Crippa S, Pergolini I, Rubini C, Castelli P, Partelli S, Zardini C, et al.
ont été définies lors de conférences de consensus Risk of misdiagnosis and overtreatment in patients with main
(tableau 9.1). pancreatic duct dilatation and suspected combined/main-duct
La surveillance des TIPMP est indiquée et repose intraductal papillary mucinous neoplasms. Surgery. 2016 ; 159 :
1041‑9.
sur une alternance entre imagerie en coupes et [15] Kim SY, Lee JM, Kim SH, Shin KS, Kim YJ, An SK, et al. Macrocystic
échoendoscopie. neoplasms of the pancreas : CT differentiation of serous oligocystic
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200
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201
Chapitre 10
Tumeurs rares
et pseudo-tumeurs du pancréas
Éric Frampas
PLAN DU C HAPITRE
Tumeurs solides 204
Tumeurs épithéliales 204
Tumeurs non épithéliales 207
Bien que dominées par les adénocarcinomes, d’autres pancréatiques. Une prédominance masculine est rappor-
tumeurs, bénignes et malignes, plus rares, peuvent se déve- tée. Dix à 15 % des patients peuvent présenter un tableau
lopper à partir des éléments du tissu pancréatique, péri- d’hypersécrétion lipasémique avec fièvre, arthrites, nodules
pancréatique ou par dissémination. Le terrain, la sémiologie nécrotiques sous cutanés et éosinophilie. Une élévation
en imagerie peuvent apporter des éléments d’orientation du taux de lipase sérique est rencontrée jusque chez 58 %
pour ces lésions dont les fréquences respectives avoisinent des patients et parfois de l’alphafœtoprotéine. De taille
souvent 1‑2 %. Certaines modifications architecturales moyenne autour de 6 cm, ils sont en général bien limités,
anatomiques ou pathologiques peuvent également induire ronds ou ovales, souvent exophytiques, parfois encapsu-
un aspect pseudo-tumoral du tissu pancréatique et engen- lés, de nature solide, hyporehaussés. Des remaniements
drer des actes chirurgicaux non indiqués. La réalisation de nécrotiques ou kystiques peuvent être rencontrés dans les
prélèvements cytologiques reste souvent indispensable à la formes de grande taille. Le retentissement ductal pancréa-
caractérisation. tique est rare (fig. 10.1) [1,2].
B C
Fig. 10.1
Carcinome à cellules acinaires.
A. IRM, image en pondération T2 avec suppression de graisse : lésion (flèche) bien limitée en hypersignal T2 modéré hétérogène. B. IRM, image
en pondération T1 avec suppression de graisse et injection de chélates de gadolinium : masse hyporehaussée avec fine capsule. Absence
d’envahissement vasculaire. C. Autre patient, TDM après injection au temps portal : lésion corporéocaudale hétérogène exophytique (flèche)
avec atteinte hépatique secondaire.
204
10. Tumeurs rares et pseudo-tumeurs du pancréas
A B
Fig. 10.2
Formes atypiques d’adénocarcinomes.
TDM injectées au temps portal. A. Forme colloïde. Pseudo-logettes de mucus au sein de la lésion (flèche). B. Forme adénosquameuse (flèche)
du sillon duodénopancréatique. Infiltration hétérogène avec plages plus hypodenses.
Les carcinomes indifférenciés à cellules géantes ostéo- fant. De développement lent, il s’agit souvent de tumeurs
clastiques sont rarement différenciables. Des plages de de grande taille à la découverte sur des symptômes liés à
rehaussement, de nécrose kystique et des calcifications l’effet de masse.
centrales sont possibles. Classiquement bien limitées, lobulées, à tendance exo-
Les formes adénosquameuses comportent au moins phytique, plutôt hyporehaussées, elles présentent un
30 % de différentiation squameuse. L’atteinte corporéo rehaussement progressif. Un hypersignal T2 relatif de la
caudale semble plus fréquente. Un rehaussement péri tumeur est rapporté en IRM (fig. 10.3). Des formes infil-
phérique lobulé en couronne a été rapporté (cf. fig. 10.2) [4]. trantes plus diffuses existent. Des calcifications sont pos-
sibles, la dilatation du conduit pancréatique principal est
Pancréatoblastome rare [5]. Une extension péripancréatique, une atteinte vas-
Affectant essentiellement l’enfant à âge moyen de culaire et la présence de métastases (hépatiques, pulmo-
5 ans, de rares cas sont présents chez l’adulte. L’expres- naires, osseuses) se rencontrent dans les formes agressives.
sion d’alphafœtoprotéine ou d’ACE (antigène carcino Le traitement reste chirurgical avec un mauvais pronostic
embryonnaire) est plus rare chez l’adulte que chez l’en- chez l’adulte dans les formes non opérables.
A B
Fig. 10.3
Pancréatoblastome.
Coupes axiales en pondération T2 (A) et T1 avec injection de chélates de gadolinium (B). Tumeur en signal hétérogène en T2 et après injection.
205
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
C D
Fig. 10.4
Tumeur pseudo-papillaire et solide.
IRM en coupes axiales. A. Séquence en pondération T2, large lésion hétérogène avec capsule en hyposignal T2 (flèches). B. Séquence
en pondération T1 avec suppression de graisse, contenu hétérogène avec hypersignal hémorragique. C, D. Rehaussement hétérogène
et modéré après injection au temps portal.
206
10. Tumeurs rares et pseudo-tumeurs du pancréas
A B C
D E F
Fig. 10.5
Cystadénome séreux à forme solide.
TDM sans (A) puis après injection au temps artériel (B) et portal (C) : lésion hyperrehaussée bien limitée sans retentissement ductal.
IRM en pondération T2 avec suppression du signal de la graisse (D), en diffusion à b800 (E) et mesure d’ADC (hypersignal T2 franc et valeur
élevée d’ADC = 2,2 × 10‑3 mm2/s), en pondération T1 avec suppression du signal de la graisse et injection de chélates de gadolinium (F).
207
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
r ehaussement modéré homogène en TDM, en hyposignal T1, extrapancréatique est présente chez 60 à 95 % des patients.
en hypersignal T2 modéré à élevé en IRM, sans calcifications La plupart sont hyporehaussées. Les métastases d’origine
en l’absence de traitement préalable (fig. 10.6) [9,10]. Cer- rénale présentent des caractéristiques différentes (possibi-
tains signes peuvent orienter vers ce diagnostic : large masse lité d’intervalle long jusqu’à 32 ans, caractère hyperrehaussé
homogène sans composante nécrotique avec faible retentis- pouvant simuler une tumeur neuroendocrine, bon pronos-
sement ductal, avec engainement ou refoulement vasculaire tic après résection chirurgicale) (fig. 10.7).
sans amputation, avec présence d’adénopathies en dessous
du plan de la veine rénale gauche. Le dosage des LDH (lactate- Lipomes
déshydrogénases) et de la β2-microglobuline présente un
Il s’agit de lésions délimitées par une fine capsule collagène,
intérêt diagnostique et pronostique.
composées de tissu adipeux mature. Il convient de les diffé-
rencier des infiltrations graisseuses plus ou moins limitées du
Métastases pancréas ou de composantes graisseuses au sein d’une lésion
Les plus fréquentes sont issues du cancer du rein (70 %), solide autre. Leur identification repose sur la mise en évidence
du sein, du poumon, colorectal et du mélanome. Dans près du contenu graisseux (hyperéchogénicité en échographie,
de 25 % des cas, les métastases sont découvertes de façon densité négative en TDM, hypersignal sur les séquences sans
synchrone à la lésion primitive, principalement unifocales suppression de graisse et hyposignal sur les séquences avec
(50‑75 %), parfois multifocales ou infiltrantes. Une atteinte suppression de graisse en IRM). La lésion est délimitable et ne
A B
C D
Fig. 10.6
Lymphomes B pancréatiques.
A-C. TDM : lésions hyporehaussées, intra ou péripancréatiques pouvant infiltrer diffusément la glande. Pas ou peu de retentissement vasculaire
ou ductal. D. TEP/TDM au 18FDG : hyperfixation marquée.
208
10. Tumeurs rares et pseudo-tumeurs du pancréas
A B
C D
Fig. 10.7
Métastases.
TDM avec injection : métastases hyperrehaussées d’origine rénale uni, plurifocales ou infiltrantes (A, B) et métastases hyporehaussées d’origine
mélanique (C, D).
s’accompagne pas de retentissement ductal (fig. 10.8). Comme kystique (fig. 10.9). Le risque de transformation maligne,
pour toute lésion lipomateuse, la présence d’une composante faible, doit être suspecté devant une lésion de grande taille
solide, de septa épais, une augmentation de taille doivent faire supérieure à 10 cm, siège de remaniements kystiques.
considérer le diagnostic de liposarcome. Les neurofibromes, associés à la neurofibromatose de
type 1, se développent principalement au niveau de la tête,
Tumeurs nerveuses du cou, du pelvis et des extrémités. L’atteinte abdominale
est plus rare. Il s’agit de lésions bien limitées hypodenses
Elles sont principalement représentées par les schwan- hyporehaussées en TDM dont le signal en IRM varie selon
nomes, provenant des cellules de Schwann des nerfs péri- leur composition myxoïde, en collagène et graisseuse (clas-
phériques. Environ 3 % sont rétropéritonéaux et peuvent siquement en hyposignal T1, hypersignal T2 hétérogène
intéresser les plexus pancréatiques. La localisation préféren- avec possible signe de la cible avec centre en hyposignal
tielle est céphalique (40 %), plus souvent péri qu’intrapan- T2 et périphérie en hypersignal). Des remaniements kys-
créatique. Bien limitées, de croissance lente, elles refoulent tiques peuvent être rencontrés en cas de dégénérescence
ou s’insinuent entre les vaisseaux. L’aspect dépend de myxoïde ou hémorragique [12].
leur composante prédominante, hypercellulaire de type La transformation maligne est rare, estimée à 7‑13 %
Antoni A avec rehaussement après injection, hypocellulaire au cours de la vie, devant être suspectée devant une aug-
de type Antoni B peu rehaussé pouvant être le siège de mentation rapide de taille, des signes nécrotiques ou
remaniements kystiques ou hémorragiques [11]. La taille hémorragiques, la perte du signe de la cible et une invasion
moyenne est de 6 cm, 60 % présentant une composante des structures voisines.
209
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
Fig. 10.8
Lipome pancréatique.
A. TDM : lésion bien limitée de densité graisseuse, homogène sans effet de masse sur l’axe veineux. B. IRM en pondération T2 correspondante
de signal graisseux.
A B
C D
Fig. 10.9
Schwannome caudal.
A. TDM injectée au temps portal : lésion bien limitée faiblement rehaussée. B. IRM en séquence pondérée T2. C, D. IRM en séquences pondérées T1
avant puis après injection de chélates de gadolinium avec saturation du signal de la graisse. Lésion bien limitée siège de remaniements kystiques
avec capsule épaisse et faible rehaussement de la composante intratumorale.
210
10. Tumeurs rares et pseudo-tumeurs du pancréas
A B C D
Fig. 10.10
Tumeur stromale gastro-intestinale pancréatique.
A. TDM après injection, vue coronale. IRM séquences en pondération T1 avec suppression du signal de la graisse (B), T2 (C), T1 avec injection (D).
Lésion bien limitée hyperrehaussée.
A B C
Fig. 10.11
PECome.
TDM sans (A) et après injection aux temps artériel (B) et tardif (C) : lésion bien limitée hyperrehaussée céphalique pancréatique avec lavage
progressif tardif.
211
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
Fig. 10.12
Tumeur desmoïde dans un contexte de polypose adénomateuse familiale.
A. TDM avec injection : lésion infiltrant le mésentère, le pancréas et le rétropéritoine, faiblement rehaussée. B. IRM en pondération T2 : lésion
en hyposignal.
212
10. Tumeurs rares et pseudo-tumeurs du pancréas
A B
C D
Fig. 10.13
Tumeur neuroendocrine kystique.
Lésion kystique pure en pondération T2 avec suppression du signal de la graisse (A) et couronne hyperrehaussée en T1 après injection
de chélates de gadolinium (B). C, D. TEP/IRM au 68Ga-Dotatoc : hyperfixation de la lésion.
à paroi fine, uni ou multiloculée, pouvant contenir selon pouvant se rehausser (fig. 10.14). Une extension à travers les
sa composition tissulaire de la graisse, un niveau liquide – espaces anatomiques, un aspect non tendu se moulant sur
graisse, des calcifications, du tissu endocrine. les structures de voisinage peuvent orienter.
Messages à retenir
214
10. Tumeurs rares et pseudo-tumeurs du pancréas
A B C
D E F
Fig. 10.15
Kystes lymphoépithéliaux.
Patient 1. IRM, séquences en pondération T2 (A), T1 avec suppression du signal de la graisse (B), T1 avec suppression du signal de la graisse
et injection de chélates de gadolinium et soustraction (C). Lésion kystique cloisonnée de signal hétérogène, avec notamment hypersignal T1
spontané non hémorragique, fine prise de contraste pariétale et de la cloison interne. Patient 2. Lésion kystique posée au contact de la portion
caudale, en hypersignal T2 hétérogène (D), sans rehaussement (F), avec forte restriction de la diffusion (E).
215
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
[17] Carr RA, Bletsis P, Roch AM, House MG, Zyromski NJ, Nakeeb A, [19] Nam SJ, Hwang HK, Kim H, Yu JS, Yoon DS, Chung JJ, et al.
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216
Chapitre 11
Incidentalome pancréatique
Mathilde Wagner
PLAN DU C HAPITRE
Lésion semblant kystique ou kystique 218
Lésion infracentimétrique 218
Lésion supracentimétrique 219
Conclusion 223
En raison des progrès de l’imagerie, notamment de l’amélio- doit pas conduire à un excès de prise en charge, pouvant
ration de la résolution spatiale des examens, mais également entraîner une surmorbidité [10].
en raison de l’augmentation de la prescription des examens Quatre situations peuvent être distinguées :
d’imagerie en coupes, la découverte fortuite de lésion pan- y lésion semblant kystique ou kystique ;
créatique est de plus en plus fréquente. Ces lésions de décou- y lésion tissulaire, arrondie, bien limitée ;
verte fortuite sont appelées incidentalomes. Leur fréquence y lésion tissulaire, mal limitée (hyporehaussée) ;
est évaluée à 10 % dans la population générale et ce chiffre y dilatation du conduit pancréatique principal.
atteint 30 % chez les patients de plus de 70 ans [1,2]. L’objectif de ce chapitre est de faire une synthèse de ces
La gamme étiologique des incidentalomes pancréatiques différentes situations et des démarches à suivre. Chacune
est large, et comprend des lésions bénignes et malignes, des lésions sera présentée mais non détaillée car décrites
des lésions kystiques et des lésions tissulaires, au potentiel dans les chapitres dédiés. Les lésions rares ne seront pas
évolutif variable. Cependant, comparativement aux autres décrites.
organes, les incidentalomes pancréatiques comportent
un pourcentage non négligeable de lésions malignes ou à
potentiel malin, motivant la poursuite des investigations Lésion semblant kystique
afin de proposer une prise en charge optimale, mais sans
sur-traitement [3]. ou kystique
Récemment, une étude rétrospective a montré que
les incidentalomes pancréatiques représentaient 30 % des La lésion mise en évidence est donc anéchogène en écho-
indications de pancréatectomie et que 50 % d’entre eux graphie, hypodense en TDM et en hypersignal liquidien
étaient des lésions malignes [4]. Ces chiffres sont cepen- en pondération T2 en IRM. On distingue deux situations,
dant variables dans les différentes séries publiées, avec celles des lésions de taille inférieure à 1‑1,5 mm, et celle des
6‑37 % des pancréatectomies réalisées pour des inciden- lésions de diamètre supérieur à 1‑1,5 mm.
talomes pancréatiques et des lésions malignes retrouvées Même en l’absence de contexte connu, le premier élé-
dans 17‑50 % et prémalignes dans 20‑47 % des lésions ment à rechercher à l’interrogatoire et dans l’histoire du
réséquées [3‑9]. patient est un contexte de pancréatite, afin d’éliminer le
En pratique, ces lésions peuvent être découvertes sur diagnostic de pseudo-kystes/collections post-pancréatite.
une échographie, une TDM ou une IRM. La deuxième anomalie à rechercher est la présence d’un
y La découverte en échographie est la plus rare, le plus obstacle (tumeur, calcul, calcification) en aval de la lésion
souvent sur une échographie abdominale quelle que soit kystique afin d’éliminer un kyste rétentionnel. Dans tous les
l’indication, et concerne généralement des lésions de taille autres cas, la lésion doit être explorée par une IRM pancréa-
moyenne à grande. tique afin d’être caractérisée.
y La découverte en TDM est le contexte le plus fréquent.
En effet, le nombre de prescription de TDM est en constante Lésion infracentimétrique (fig. 11.1)
augmentation. La caractérisation est parfois possible sur la
TDM mais un bilan complémentaire est souvent réalisé. Dans cette situation, le premier objectif de l’IRM est de
y La découverte sur une IRM, non pancréatique, n’est confirmer l’existence d’une lésion. En effet, des îlots grais-
pas rare. Le caractère kystique ou tissulaire est dans ce cas seux de petite taille peuvent être pris à tort pour des micro-
d’emblée connu mais une exploration dédiée est en géné- kystes en TDM. Dans ce cas, la « lésion » est en hypersignal
ral nécessaire. en pondération T1 et T2 sur les acquisitions sans saturation
L’imagerie joue donc un double rôle dans la prise en du signal de la graisse, en hyposignal en pondération T1 et
charge des incidentalomes pancréatiques : tout d’abord, et T2 sur les acquisitions avec saturation du signal de la graisse
par définition, dans la mise en évidence des lésions, puis et sans rehaussement. Ce diagnostic est facile (fig. 11.2).
pour leur caractérisation permettant de guider leur prise Si le caractère kystique est confirmé, deux diagnostics
en charge. En effet, certaines lésions ne nécessitent aucune sont à évoquer dans ce contexte : le kyste simple et la
surveillance, d’autres une surveillance et d’autres une résec- TIPMP des conduits secondaires.
tion chirurgicale. La mise en évidence d’un incidentalome y Le kyste simple est une lésion kystique arrondie,
pancréatique est une opportunité pour une prise en charge bien limitée, non rehaussée, sans communication avec le
précoce de lésion maligne ou à potentiel malin, mais ne conduit pancréatique principal (fig. 11.3).
218
11. Incidentalome pancréatique
IRM
Îlot graisseux
Fig. 11.1
Raisonnement devant une lésion kystique ou semblant kystique < 1,5 mm.
CPP : conduit pancréatique principal ; TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse du pancréas.
y L’atteinte des conduits de secondaires de la TIPMP se uniloculaire mais également la TIPMP des conduits
présente comme une « lésion » kystique, de forme ± tubu- secondaires. Les mêmes arguments que devant une
lée, en communication avec le conduit pancréatique prin- lésion polylobée peuvent aider à différencier ces deux
cipal. L’atteinte est souvent multiple et cet argument est types de lésions.
très en faveur d’une TIPMP des conduits secondaires. – Si la paroi est épaisse, les diagnostics à évoquer sont
la tumeur kystique mucineuse (ex : cystadénome
mucineux), la tumeur neuroendocrine kystique et
Lésion supracentimétrique la tumeur pseudo-papillaire et solide. La tumeur
(cf. fig. 8.2) neuroendocrine kystique a un rehaussement plus pré-
coce, généralement visible dès la phase artérielle, que la
Ici, la gamme diagnostique des lésions kystiques est à évo-
tumeur kystique mucineuse dont la paroi se rehausse à
quer et l’IRM permet d’orienter le diagnostic (cf. chapitre 8).
la phase portale. Une localisation à la face postérieure
Les critères à prendre en compte pour s’orienter sont la
de la jonction corps – queue de la lésion oriente éga-
forme du kyste (rond ou lobulé), la présence de paroi, la
lement vers une tumeur kystique mucineuse. En cas
présence de septa ou de nodules tissulaires, ainsi que le
de doute, avant l’échoendoscopie, une TEP aux ana-
caractère unique ou multiple.
logues de la somatostatine permet de différencier les
y Devant une lésion polylobée, les deux diagnostics à
deux lésions. Enfin, le contexte de femme jeune, la pré-
évoquer sont la TIPMP des conduits secondaires et le
sence d’un contenu hémorragique et d’un contingent
cystadénome séreux dans sa forme classique. Une atteinte
solide sont en faveur d’une tumeur pseudo-papillaire
multifocale ou une dilatation focale d’aval du conduit pan-
et solide.
créatique principal oriente vers une TIPMP des conduits
secondaires, alors que des calcifications centrales sont en
faveur d’un cystadénome séreux. La mise en évidence d’une
communication entre la lésion et le conduit pancréatique Lésion tissulaire, arrondie,
principal permet de trancher mais n’est pas toujours faci- bien limitée (fig. 11.4)
lement visible.
y Devant une lésion ronde, il faut ensuite analyser la paroi. Devant une lésion tissulaire arrondie et bien limitées, trois
– Si la paroi est fine, les diagnostics à évoquer sont étiologies sont à évoquer : tumeur neuroendocrine, rate
le cystadénome séreux dans sa forme macrokystique intrapancréatique et métastase.
219
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
A B
C D
Fig. 11.2
Homme 65 ans avec tumeur du système nerveux central : TDM réalisée pour recherche de lésion primitive.
La TDM (A) met en évidence une hypodensité millimétrique du corps du pancréas. L’IRM montre que cette « formation » est de signal graisseux,
en hypersignal sur la séquence en pondération T1 en phase (B), en hyposignal sur la séquence en pondération T1 water (C) et en hyposignal
sur la séquence en pondération T2 avec saturation du signal de la graisse (D). L’hypodensité en TDM correspond à un îlot graisseux.
y Tumeur neuroendocrine : dans ce contexte, elle est y Métastases intrapancréatiques : leur diagnostic est par-
non fonctionnelle. Elle peut être unique ou multiple et de fois fortuit : soit le cancer primitif n’est pas connu, soit il est
topographie ubiquitaire. Quand elle est de découverte for- connu mais ancien, et l’examen est alors réalisé pour une autre
tuite, elle est le plus souvent de petite taille, bien limitée, raison. Les métastases peuvent être uniques ou multiples. Le
plutôt homogène, et se rehausse dès le temps artériel si diagnostic doit être évoqué si l’on retrouve une lésion primi-
cette acquisition a été réalisée, avec un rehaussement per- tive associée, notamment rénale ou thyroïdienne, ou s’il existe
sistant au temps portal. L’IRM n’est pas indispensable. Le un antécédent de lésion primitive connue pour donner des
diagnostic peut être confirmé par une imagerie métabo- métastases intrapancréatiques (il faut rechercher systémati-
lique aux analogues de la somatostatine. quement s’il existe un antécédent de néphrectomie totale
y Rate intrapancréatique : elle est à évoquer si la lésion ou partielle – les métastases intrapancréatiques d’adéno
est localisée dans le pancréas caudal. L’IRM aide à confir- carcinome rénal pouvant apparaître très tardivement).
mer le diagnostic de rate intrapancréatique car la lésion
a le même signal que la rate sur toutes les séquences
(notamment en cas de fer intrasplénique, présence
d’une chute de signal sur la séquence pondérée T1 en
Lésion tissulaire, hyporehaussée,
phase) et présente une cinétique de rehaussement iden- mal limitée (fig. 11.6)
tique (rehaussement tigré à la phase artérielle notam-
ment) (fig. 11.5). En cas de doute, le diagnostic peut Dans ce contexte, il existe deux situations :
être confirmé par une scintigraphie aux globules rouges y dans le 1er cas, la présence d’une lésion tissulaire est cer-
marqués. taine. Si la lésion est certaine, il s’agit donc probablement
220
11. Incidentalome pancréatique
A B
C D
E
Fig. 11.3
Femme 57 ans avec fractures vertébrales pathologiques : TDM réalisée pour recherche de lésion primitive.
La TDM (A) met en évidence une hypodensité millimétrique du corps du pancréas. L’IRM montre une lésion de signal liquidien kystique
en hypersignal sur les séquences en pondération T2 sans (B) et avec (C) saturation du signal de la graisse, en hyposignal sur la séquence
en pondération T1 avec saturation du signal de la graisse sans rehaussement (D). La cholangiopancréatographie par résonance magnétique
ne montre pas de communication avec le conduit pancréatique principal (E). Il s’agit d’un kyste simple.
d’un adénocarcinome. La prise en charge est alors celle faut alors réaliser une IRM pour confirmer ou infirmer la
de l’adénocarcinome pancréatique (cf. chapitre 6) ; présence d’une lésion. En effet, certaines zones pancréa-
y dans le 2nd cas, la présence d’une lésion est incertaine, tiques sont plus riches que les autres en graisse et peuvent
par exemple il existe une hétérogénéité non caractérisée sembler hétérogènes. À l’inverse, certaines zones sont
d’une zone du pancréas ou une zone plus trophique. Il plus tissulaires et donnent un aspect pseudo-tumoral.
221
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
Localisation caudale
Rehaussement artériel
Densité, signal
Hypersignal T2, DWI
et rehaussement
= ceux de la rate
Tumeur neuroendocrine
Rate intrapancréatique
Fig. 11.4
Raisonnement devant une lésion tissulaire, arrondie, bien limitée.
ATCD : antécédent ; DWI : diffusion weighted imaging.
A B C D
E F G H
Fig. 11.5
Homme 35 ans : TDM réalisée pour bilan de douleurs abdominales.
La TDM (A) montre une lésion tissulaire arrondie rehaussée de la queue du pancréas. L’IRM retrouve une lésion tissulaire ayant le même signal
que la rate sur toutes les séquences, avec notamment la chute de signal sur la séquence en pondération T1 en phase (B), comparativement
à la séquence en pondération T1 en opposition de phase (C). La formation est isosignal comparativement à la rate sur la séquence
en pondération T2 (D). Elle présente un rehaussement similaire à celui de la rate sur toutes les phases (E-H). L’aspect est très évocateur de rate
intrapancréatique.
Certaine Douteuse
Bilan de l’adénocarcinome
Hypertrophie localisée Pancréas hétérogène
(cf. chapitre 6)
Fig. 11.6
Raisonnement devant une lésion tissulaire, mal limitée.
IRM
Fig. 11.7
Raisonnement devant une dilatation du conduit pancréatique principal.
CPP : conduit pancréatique principal ; PCC : pancréatite chronique calficiante ; TIPMP : tumeur intracanalaire papillaire et mucineuse
du pancréas.
223
II. Tumeurs et pseudo-tumeurs
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224
Chapitre 12
Pancréatite aiguë
P LA N D U CHA PI T RE
Diagnostic, bilan et classification d’Atlanta 228 Imagerie par résonance magnétique 233
Échographie 234
Étiologies 228
Conclusion 235
Diagnostic 228
Endoscopie et radiologie interventionnelles 237
Types 228
Traitement des formes précoces 237
Phases 228 Pancréatite biliaire : CPRE et drainage 237
Nutrition entérale assistée par endoscopie 237
Sévérité 229
Traitement des complications tardives 237
Complications locales 229
Complications des collections
Collections pancréatiques et péripancréatiques 229 et de la nécrose pancréatique 237
Complications vasculaires 230 Hémorragie 243
Autres complications 231 Syndrome de déconnexion pancréatique 244
228
12. Pancréatite aiguë
Sévérité
Trois degrés de sévérité (ou gravité) ont été définis lors de
la conférence d’Atlanta 2012 [2] :
y PA peu grave : définie par l’absence de défaillance vis-
cérale et de complication. Elle est classiquement spontané-
ment et rapidement résolutive ; cependant, elle s’aggrave
dans 20 % des cas [4] ;
y PA modérément grave : définie par la présence de
défaillances viscérales transitoires (durant moins de
48 heures) et/ou de complications locales ;
y PA grave : définie par la présence de défaillances viscérales
persistantes (plus de 48 heures) pouvant concerner un ou
plusieurs organes et souvent associées à des complications
Fig. 12.1
locales et systémiques. Quinze à 20 % des PA sont graves et la
Épanchement péripancréatique liquidien homogène
grande majorité sont des pancréatites nécrosantes, bien que sur pancréatite œdémato-interstitielle dans le 1er mois
1 à 3 % des POI puissent être graves [5]. La mortalité est d’au- correspondant à une collection liquidienne aiguë pancréatique.
tant plus importante qu’il s’y associe une infection de nécrose.
Complications locales
La version révisée de la conférence d’Atlanta 2012 a intro-
duit des critères spécifiques pour une description précise
des complications locales que sont les collections, permet-
tant une meilleure compréhension des différents interve-
nants et une prise en charge plus adaptée [6].
Collections pancréatiques
et péripancréatiques
La nouvelle classification différencie d’une part les collec-
tions aiguës (dans les 4 premières semaines après le début Fig. 12.2
de la PA) des collections tardives (après 4 semaines), et Collection liquidienne homogène à paroi fine rétrogastrique
à plus d’un mois d’une pancréatite oœémato-interstitielle
d’autre part les collections compliquant une POI (stricte- correspondant à un pseudo-kyste.
ment liquidiennes) des collections compliquant une pan-
créatite nécrosante (non strictement liquidiennes). On dis-
tingue ainsi quatre types de collections [6] : limitée, avec une paroi fine, régulière et rehaussée (fig. 12.2).
y la CLAP ou collection liquidienne aiguë péripancréa- Son contenu est strictement liquidien, riche en amylase
tique (APFC, acute peripancreatic fluid collection, dans la et lipase en raison de la communication avec le système
terminologie anglophone) : elle se voit dans les 4 premières ductal pancréatique. Le plus souvent, cette communica-
semaines chez les patients présentant une POI et est due tion s’obstrue et le pseudo-kyste disparaît spontanément ;
soit à l’inflammation péripancréatique, soit à la rupture d’un y la CAN ou collection aiguë nécrotique (ANC, acute
conduit pancréatique secondaire. Elle est anatomiquement necrotic collection, dans la terminologie anglophone) : elle
proche du pancréas, n’a pas de paroi visible et se résorbe le se voit dans les 4 premières semaines chez les patients
plus souvent spontanément (fig. 12.1) ; présentant une PN. C’est une collection à contenu mixte
y le pseudo-kyste : la CLAP peut rarement évoluer en liquidien et non liquidien (hémorragie, graisse et/ou graisse
pseudo-kyste après 4 semaines, apparaissant alors sous nécrotique, ce qui la différencie d’une CLAP) et qui peut
forme d’une collection homogène péripancréatique bien s’étendre à distance du pancréas (fig. 12.3). La distinction
229
III. Pancréatites
Fig. 12.3
Épanchement péripancréatique hétérogène s’étendant
à distance du pancréas dans la gouttière pariétocolique gauche
(avec défaut de rehaussement du pancréas en rapport
avec la nécrose pancréatique) dans le 1er mois correspondant
à une collection aiguë nécrotique. Fig. 12.4
Collection à contenu hétérogène et à paroi épaisse au contact
et à distance du pancréas à 1 mois d’une pancréatite aiguë
entre CLAP et CAN peut être difficile, voire impossible la nécrosante correspondant à une nécrose organisée pancréatique.
1re semaine car elles semblent toutes deux liquidiennes,
mais elle est généralement possible plus tardivement. Toute
collection associée à de la nécrose pancréatique doit être
considérée comme une CAN dans cette période précoce ;
y la NOP ou nécrose organisée pancréatique (WON,
walled-off necrosis, dans la terminologie anglophone) : la
CAN évolue en NOP après 4 semaines en développant une
paroi épaisse non épithéliale (fig. 12.4). À noter cependant
qu’en pratique, l’organisation de la collection avec apparition
d’une paroi apparaît souvent avant 4 semaines. L’évolution
est spontanément favorable dans environ 2/3 des cas ; dans
les autres cas, une prise en charge par endoscopie, radiologie
interventionnelle voire chirurgie est nécessaire [7].
Ces quatre types de collections peuvent se surinfecter,
mais c’est principalement le cas de celles contenant de la
nécrose. L’infection est rare la 1re semaine et le risque aug- Fig. 12.5
mente avec l’hospitalisation prolongée. C’est un facteur Collection liquidienne hétérogène sur pancréatite nécrosante
majeur de mortalité et le diagnostic est donc important pour correspondant à une collection aiguë nécrotique contenant
des bulles de gaz faisant suspecter une infection de nécrose.
le traitement et le pronostic, mais n’est pas toujours facile.
L’apparition de bulles de gaz dans la collection (en dehors de
tout geste interventionnel) est évocatrice d’infection, mais bien que ce ne soit pas dans les recommandations, de poser
peut être due à une communication avec l’appareil digestif un drain dans le même temps pour éviter de multiplier les
(fig. 12.5). Le diagnostic est fait par une ponction à l’aiguille abords difficiles.
fine. En raison du risque de surinfection liée au geste, cette
ponction ne doit être réalisée que s’il existe une forte suspi-
cion clinique de surinfection. Les faux négatifs de la ponction Complications vasculaires
représentent moins de 10 % des résultats ; en cas de forte
suspicion et de ponction négative, elle doit être répétée [8]. Elles surviennent dans 25 % des cas de PA [9].
Sur le plan pratique, si la suspicion d’infection est forte et La complication artérielle la plus fréquente est l’ap-
que le geste de ponction est difficile, il est souvent décidé, parition d’un faux anévrisme, dû à l’érosion de la paroi
230
12. Pancréatite aiguë
a rtérielle par les enzymes protéolytiques, qui se développe concerne le plus souvent la veine splénique en raison de
le plus souvent aux dépens des artères splénique, gastro- sa localisation (et peut alors se compliquer d’infarctus splé-
duodénale ou pancréatico-duodénales, les plus fréquem- nique), mais peut également concerner le tronc porte ou
ment au contact de la nécrose pancréatique. Il peut se la veine mésentérique supérieure (fig. 12.7). Elle peut être
révéler par une douleur brutale, une hémorragie digestive, responsable d’une hypertension portale segmentaire avec
une déglobulisation, voire un choc hémorragique, ou plus apparition de voies de dérivation [7].
rarement être découvert sur une TDM de contrôle. Il peut
se rompre dans une collection, dans la cavité péritonéale
ou rétropéritonéale, voire dans le tractus digestif. Le traite-
Autres complications
ment est le plus souvent radiologique (fig. 12.6). D’autres Les plus fréquentes sont digestives (épaississement pariétal,
anomalies artérielles peuvent être retrouvées comme des sténose, perforation colique) (fig. 12.8).
artères de calibre irrégulier, des artères interrompues ou La rupture du conduit pancréatique principal complique
très grêles, et doivent également être recherchées. 40 % des nécroses isthmiques (fig. 12.9). Elle s’accompagne
La thrombose veineuse est due à l’inflammation locale, généralement d’une fuite de liquide pancréatique du frag-
au ralentissement du flux et/ou à la compression ; elle ment distal, avec formation d’un pseudo-kyste ou d’une ascite.
A B C D
Fig. 12.6
Collection de nécrose compliquée d’un faux anévrisme.
A. Collection de nécrose organisée à contenu partiellement spontanément dense sur l’acquisition sans injection correspondant à du sang.
B. Reconstruction MIP en coronal sur l’acquisition au temps artériel précoce montrant un faux anévrisme d’une branche artérielle pancréatique
dorsale. C. Artériographie confirmant le faux anévrisme artériel. D. Contrôle après embolisation en sandwich avec des coils.
231
III. Pancréatites
A B
Fig. 12.9
Rupture du conduit pancréatique principal.
A . Nécrose pancréatique avec interruption parenchymateuse de l’isthme et atrophie du parenchyme en amont . B . Cholangiopancréatographie
par résonance magnétique en coupe épaisse montrant une déconnexion ductale sur la rupture isthmique, le conduit d’aval étant normal
et le conduit d’amont modérément dilaté et irrégulier .
Quelle imagerie La TDM n’est pas nécessaire, comme cela a été souli-
et pour quoi ? gné lors de la dernière conférence de consensus, chez
les patients ayant une PA peu grave dont le diagnostic
a été fait par la clinique et la biologie . En effet, elle
Tomodensitométrie n’améliore pas l’évaluation clinique de la gravité et ne
change pas la prise en charge .
La TDM avec injection de produit de contraste reste l’ima- Pour les patients qui présentent une PA modérément
gerie de référence, du fait de sa disponibilité, de sa grande grave ou grave, la première TDM doit être réalisée 72
précision et de sa facilité de réalisation chez des patients à 96 heures au moins après le début des symptômes .
dans un état souvent grave [10,11]. Il est acquis que l’in- Une TDM de suivi n’est pas recommandée si le score
jection de produit de contraste iodé n’est pas contre- de sévérité tomodensitométrique (CTSI) est < 3 sauf
indiquée mais au contraire indispensable à l’évaluation de si une aggravation clinique apparaît .
Une TDM de suivi est recommandée après 7 à 10 jours
la nécrose [12].
et/ou à la fin de l’hospitalisation si le CTSI initial était
L’examen est réalisé en acquisition volumique après ≥ 3 .
injection intraveineuse de produit de contraste iodé Elle est également utile en l’absence d’amélioration
(1,5 à 2 mL/kg à un débit de 3 à 4 mL/s en fonction du clinique malgré un traitement optimisé, en cas de
poids) au temps portal (70-90 secondes après le début dégradation clinique ou pour guider un drainage
de l’injection) ; l’utilité d’un passage au temps pancréa- radiologique, mais ne doit pas être réalisée de façon
tique lors de la première TDM n’est pas claire dans les systématique .
recommandations qui se contentent d’un « et/ou » [13]. Enfin, dans le cas particulier des patients présentant
Un passage sans injection pour le diagnostic de nécrose une première poussée de PA d’étiologie non alcoo-
lique et non biliaire, la TDM a pour rôle de rechercher
hémorragique ou d’hématome et un temps artériel peut
une autre cause et en particulier une éventuelle néo-
être rajouté, en particulier en cas de douleur brutale et/ou plasie pancréatique .
de déglobulisation. En dehors de ce contexte, le passage
sans injection permet de voir les calculs biliaires et les cal-
cifications parenchymateuses, mais il n’est pas indispen-
sable ; en effet, l’échographie et l’IRM ont une meilleure Le compte rendu de l’examen tomodensitométrique
sensibilité pour dépister les calculs biliaires. La reconstruc- doit comporter [14] :
tion d’un passage sans IV à partir de l’acquisition après y la description les anomalies du parenchyme pancréa-
injection est une bonne option si l’on dispose d’une TDM tique : hypertrophie, délobulation, rehaussement ;
spectrale. y la localisation et l’étendue d’une éventuelle nécrose ;
232
12. Pancréatite aiguë
Fig. 12.12
Pancréatite nécrosante à J5 avec nécrose caudale de moins Fig. 12.14
de 30 % et collection non organisée hétérogène s’étendant Collection hétérogène péripancréatique s’étendant autour de la rate
vers le hile de la rate (collection aiguë nécrotique) avec rehaussement conservé du parenchyme pancréatique
(CTSI – computed-tomography severity index – 5). correspondant à de la nécrose péripancréatique isolée.
L’IRM est utile pour la détection de calculs cholédo- limites principales sont principalement la longueur de l’exa-
ciens (fig. 12.16). Elle permet aussi une meilleure carac- men et la difficulté à réaliser les examens pour des patients
térisation des collections (liquidiennes ou non purement en réanimation avec en particulier l’impossibilité de réaliser
liquidiennes) (fig. 12.17) [11,17]. Elle est également indis- des séquences en apnée.
pensable lorsqu’il existe une suspicion de déconnexion
ductale sur rupture du conduit pancréatique principal
(cf. fig. 12.9B).
Échographie
Elle peut être indiquée lorsqu’il existe une contre- Son intérêt est limité pour le diagnostic positif ou de gra-
indication à l’injection de contraste iodé. Cependant, ses vité car la visualisation du pancréas est gênée par l’iléus
234
12. Pancréatite aiguë
236
12. Pancréatite aiguë
La pancréatite aiguë est une affection fréquente, évoluant contrôlés randomisés multicentriques, repris dans plusieurs
le plus souvent vers une résolution complète sans compli méta-analyses, ont confirmé l’absence de bénéfice de la
cation. Toutefois, les formes plus sévères, surtout liées à la CPRE précoce chez les patients présentant une obstruction
formation de nécrose, exposent à de nombreuses compli- biliaire sans angiocholite associée [3‑7]. Ainsi, il faut retenir
cations, en particulier septiques ou hémorragiques. His- que les seules indications valides de la SE en urgence sont
toriquement, c’est à la chirurgie que revenait la prise en la présence d’une angiocholite (fig. 12.18) ou d’un obstacle
charge de ces complications, mais le traitement a considé- persistant sur les voies biliaires (dans les 72 heures). Bien
rablement évolué vers une approche multidisciplinaire et entendu, la voie endoscopique est privilégiée, mais en cas de
moins invasive, dans laquelle les techniques endoscopiques non-disponibilité, le drainage percutané par voie transhépa-
et radiologiques interventionnelles jouent un rôle central. tique est possible. Il consiste alors à mettre en place un drain
Le texte qui suit a pour objectif de présenter et de dis- biliaire dit « interne-externe » c’est-à-dire franchissant la
cuter les stratégies thérapeutiques actuelles de la pancréa- papille. Notons pour finir qu’aucune étude n’a toutefois uti-
tite aiguë, et en particulier les techniques mini-invasives. La lisé l’échoendoscopie ou l’IRM pour identifier les patients qui
prise en charge médicale et les approches chirurgicales ne pourraient bénéficier d’une SE ou d’un drainage en urgence.
sont pas détaillées. Nous discutons dans un premier temps Il n’est pas impossible qu’un sous-groupe de patients sans
des formes précoces de pancréatite aiguë, puis nous abor- angiocholite mais ayant par exemple un calcul encore
dons la prise en charge des complications plus tardives. enclavé dans la papille soit identifié par ces examens comme
pouvant bénéficier d’une CPRE ou d’un drainage. Des études
visant à évaluer cette stratégie restent souhaitables.
Traitement des formes précoces
Nutrition entérale assistée
Pancréatite biliaire :
par endoscopie
CPRE et drainage
La nutrition entérale peut être réalisée soit par une sonde
Dans les premiers temps d’une pancréatite aiguë, le traite- nasogastrique (posée au lit du patient), soit par une sonde
ment repose principalement sur des mesures médicales. nasojéjunale qui requiert alors une pose par voie endosco-
Toutefois, dans le cas particulier des pancréatites d’origine pique, souvent sous contrôle fluoroscopique. Des études
biliaire, la question du drainage biliaire précoce peut se poser. comparant les deux modes de nutrition entérale ont été
En effet, si l’on considère que la pancréatite biliaire est due conduites et leur méta-analyse n’a montré aucune diffé-
à la migration puis à l’enclavement de calculs en amont de rence en termes de mortalité ou de tolérance, même si les
l’ampoule hépatopancréatique, il semble intéressant de rapi- données sont nuancées par les petits effectifs inclus.
dement éliminer cet obstacle pour prévenir l’aggravation de
la maladie. À partir des années 1980, la cholangiopancréa-
tographie rétrograde endoscopique (CPRE) et la sphincté-
rotomie (SE) ont donc été utilisées en pratique courante Traitement des complications
pour évacuer les calculs de la voie biliaire principale. Cette tardives
pratique a été rapidement confirmée par deux essais contrô-
lés randomisés, l’un du Royaume-Uni et l’autre de Hong Complications des collections
Kong, qui démontraient que la réalisation d’une CPRE ± SE
précoce (c’est-à-dire réalisée dans les 48 à 72 heures suivant et de la nécrose pancréatique
l’admission) était associée à une réduction des complica-
tions par rapport à un traitement médical conservateur [1,2].
Prise en charge des pseudo-kystes
Ces résultats ont été critiqués, certains soulignant le biais Les pseudo-kystes pancréatiques sont des collections liqui-
lié à l’inclusion de patients ayant ou pas une angiocholite. diennes pures (c’est-à-dire dépourvues de débris solides
Et en effet, dans les années qui ont suivi, plusieurs essais ou de nécrose), présentes autour du pancréas au moins
237
III. Pancréatites
A C
Fig. 12.18
Example de cholangiopancréatographie rétrograde par voie endoscopique avec sphinctérotomie chez un patient ayant une pancréatite
aiguë associée à une angiocholite.
A. Cholangiographie mettant en évidence un calcul enclavé dans la distalité de la voie biliaire principale. Canulation de la papille avant (B)
et après la sphinctérotomie (C) : issue du calcul.
4 semaines après le début d’un épisode de pancréatite aiguë. L’endoscopie et le drainage percutané ont également
Ils correspondent le plus souvent à l’évolution d’une collec- été comparés dans de nombreuses études, avec des résul-
tion liquidienne aiguë péripancréatique. Ils sont donc rares. tats plus nuancés [9,10]. Dans la méta-analyse de Szakó
Dans la grande majorité des cas, une attitude conservatrice et al., le drainage endoscopique paraissait supérieur
est suffisante puisque la majorité de ces collections régresse au drainage radiologique pour le risque de récidive du
spontanément sans traitement. Il est toutefois recommandé pseudo-kyste (OR [odds ratio] = 0,23 ; IC 95 % : 0,08‑0,66 ;
de drainer les pseudo-kystes lorsqu’ils persistent plus de 4 à p = 0,006) mais il n’y avait pas de différence concernant la
6 semaines, s’ils sont bien limités, et sont symptomatiques ou mortalité, le taux de succès clinique ou le risque de com-
à l’origine de complications comme un syndrome occlusif plication [8].
ou une compression extrinsèque des voies biliaires. Lorsqu’il En pratique, c’est aujourd’hui l’approche échoendosco-
est indiqué, le drainage des pseudo-kystes peut être réalisé pique qui est réalisée en 1re ligne (fig. 12.19). Le pseudo-
par voie endoscopique, chirurgicale ou radiologique. kyste est alors visualisé à l’aide d’un échoendoscope pour
Le drainage chirurgical (kystogastrostomie ou kysto déterminer la meilleure fenêtre de ponction. Suivant la
jéjunostomie) était le traitement historique mais est localisation de la collection, il est possible de ponctionner
aujourd’hui quasiment abandonné car il présentait de celle-ci à travers la paroi de l’estomac (le plus fréquent)
bons résultats, mais était associé à un taux de complica- ou le duodénum. Le mode doppler peut être utilisé pour
tions atteignant 30 %. Plusieurs essais contrôlés randomi- vérifier l’absence de vaisseaux sur la trajectoire de ponc-
sés et la méta-analyse conduite par Szako et al. qui incluait tion. Cette précaution est particulièrement utile lorsqu’il
15 études ont depuis démontré la supériorité de l’approche existe des voies de dérivation veineuses péripancréa-
endoscopique sur les abords chirurgicaux [8]. tiques possiblement secondaires à une thrombose de la
238
12. Pancréatite aiguë
A B C
D E F
Fig. 12.19
Drainage d’un pseudo-kyste par voie échoendoscopique.
A. Visualisation du pseudo-kyste à l’aide d’un échoendoscope sous la forme d’une lésion anéchogène homogène. On réalise alors une ponction
par voie transpariétale digestive. B. Mise en place d’un fil guide dans le kyste. Le trajet est alors dilaté au ballon (C) pour mettre en place
des prothèses plastiques à double queue-de-cochon (D : vue endoscopique montrant le trajet de ponction ; E : vue endoscopique des prothèses ;
F : correspondance fluoroscopique).
veine splénique. Après la ponction, le trajet est dilaté et/ efficacement la récidive. En revanche, il est recommandé
ou coagulé pour mettre en place une ou deux prothèses de retirer les LAMS dans un délai de 4 semaines pour éviter
plastiques à double queue-de-cochon. Une alternative d’éventuelles complications hémorragiques.
récente aux prothèses à double queue-de-cochon est
offerte par les prothèses métalliques d’appositions lumi- Prise en charge des collections
nale (LAMS : lumen-apposing metal stent). Ces prothèses
de nécrose organisée
sont caractérisées par une armature métallique recouverte
de plastique, comme le sont les prothèses expansives cou- Les collections de nécrose organisée (WON : walled-off
vertes, dont les extrémités sont élargies en collerette pour necrosis) correspondent à des collections encapsulées
permettre l’accolement étanche des parois du kyste et du de nécrose pancréatique ou péripancréatique possédant
tractus digestif. L’avantage théorique des LAMS pour le une paroi bien définie et présentes au moins 4 semaines
drainage des pseudo-kystes est débattu. Une méta-analyse à partir du début d’un épisode de pancréatite aiguë.
n’a pas rapporté un meilleur taux de succès clinique ou un Contrairement aux pseudo-kystes, les collections de
moindre risque d’évènement indésirable avec les LAMS nécrose contiennent par définition un matériel tissulaire
comparés aux prothèses en queue-de-cochon [11]. Cepen- solide. Elles peuvent régresser spontanément, mais égale-
dant, aucune étude randomisée n’existe évaluant le traite- ment devenir compressives ou se surinfecter, expliquant
ment des pseudo-kystes. Une fois en place, les prothèses une large part de la mortalité au-delà des 4 premières
plastiques peuvent être maintenues plusieurs années, voire semaines d’évolution de la maladie. Il est alors nécessaire
indéfiniment, ce qui a également l’avantage de prévenir d’évacuer les séquestres nécrotiques par des méthodes
239
III. Pancréatites
mécaniques. Ces collections peuvent aussi favoriser la endoscopique puis nécrosectomie endoscopique) à une
survenue de complications hémorragiques, motivant des escalade percutanée (drainage radiologique percutané
traitements d’hémostase. suivi d’un drainage par débridement rétropéritonéal vidéo-
assisté) [17]. Cette étude n’a pas montré de différence signifi-
Évacuation de la nécrose : cative en termes de mortalité et de morbidité majeure (43 vs
concept d’escalade thérapeutique 45 %), mais les patients du bras endoscopique étaient hospi-
Le traitement historique de la nécrose pancréatique infec- talisés moins longtemps (53 vs 69 jours ; p = 0,01) et dévelop-
tée était la nécrosectomie par chirurgie ouverte. Cette paient moins de fistules pancréatico-cutanées (5 % vs 38 %) ;
technique était associée à une morbimortalité élevée et à y enfin, l’essai contrôlé randomisé MISER a comparé la
chirurgie mini-invasive (débridement rétropéritonéal par
un risque majeur d’insuffisance pancréatique secondaire
laparoscopie ou par vidéo) à l’escalade endoscopique [18].
[12,13]. Au cours des années 2000 et 2010, le concept d’ap-
Là encore, cet essai n’a montré aucune différence en
proche mini-invasive selon une escalade thérapeutique
termes de mortalité (9 % avec l’escalade endoscopique vs
(minimally invasive step-up approach) s’est progressive-
6 % avec la chirurgie mini-invasive) et de nouvelle défail-
ment imposé, sous l’impulsion notamment des travaux du
lance d’organe (6 vs 9 %), mais l’escalade endoscopique
groupe néerlandais d’étude du pancréas (Dutch pancreati-
permettait de réduire le taux de complications majeures
tis study group). Plusieurs essais randomisés ont progressi-
(12 vs 41 %) et notamment la probabilité de fistule entérale
vement défini les étapes de cette approche :
et pancréatico-cutanée (0 vs 28 %).
y l’étude pivot PANTER (Pancreatitis, necrosectomy versus
step up approach) a démontré la supériorité d’un schéma
d’escalade thérapeutique (drainage percutané suivi de En pratique
débridement rétropéritonéal vidéo-assisté si nécessaire et
éventuellement de nécrosectomie ouverte) sur la nécro- Les stratégies d’escalade sont supérieures à
sectomie chirurgicale ouverte d’emblée [14]. Le critère une approche chirurgicale d’emblée qui doit être
de jugement principal composite qui regroupait le décès évitée.
et les complications sévères était présent chez 40 % des L’escalade endoscopique doit être favorisée en
malades ayant reçu la stratégie d’escalade et 69 % de ceux 1re ligne autant que possible.
ayant eu une chirurgie d’emblée. Le groupe escalade pré- Les approches percutanées doivent être réali-
sentait également moins de morbidité (hernies, apparition sées comme compléments des approches endos-
d’un diabète), et moins de défaillance d’organe. Point très copiques, ou en cas de collection non accessible à
important, le drainage percutané seul (sans nécrosectomie) l’échoendoscopie.
était suffisant pour 35 % des patients du groupe escalade.
Dans la mise à jour à long terme des résultats publiée par
Hollemans et al., les patients du groupe escalade avaient Éléments techniques du drainage percutané
moins d’insuffisance pancréatique exocrine (17 vs 39 % ; Le drainage percutané est réalisé grâce à un guidage écho-
p = 0,047) et une tendance vers moins d’insuffisance pan- graphique ou TDM, selon la localisation et la visibilité des
créatique endocrine (40 vs 63 % ; p = 0,053) [15] ; collections, avec un avantage pour la TDM étant donné la
y l’étude PENGUIN (Pancreatitis endoscopic transgastric fréquente localisation profonde des collections, masquées
vs primary necrosectomy in patients with infected pancrea- par des structures digestives. Les voies d’abord rétropérito-
tic necrosis) a ensuite démontré la supériorité de la nécro- néales sont à favoriser. Elles évitent la cavité péritonéale et
sectomie endoscopique sur la nécrosectomie chirurgicale leurs trajets sont utilisables en cas d’escalade thérapeutique
[16]. La diminution du syndrome inflammatoire était plus pour réaliser un débridement vidéo-assisté ou de courtes
rapide et plus importante après nécrosectomie endosco- lombotomies. En pratique, aucune donnée ne permet de
pique. De même, les taux de décès (20 vs 80 % ; p = 0,03), démontrer la supériorité d’un type de drain (calibre, forme)
de défaillance d’organe (0 vs 50 % ; p = 0,03), et de fistule mais l’usage est de placer les drains de gros calibre (≥ 12 F)
pancréatique (10 vs 70 % ; p = 0,02) étaient plus bas ; pour permettre l’évacuation des fragments de nécrose
y l’essai TENSION (Transluminal endoscopic step-up (fig. 12.20). Il est possible, et souvent nécessaire de réaliser
approach versus minimally invasive surgical step-up approach des interventions complémentaires pour « optimiser » le
in patients with infected pancreatic necrosis) a comparé une drainage, en surcalibrant, en repositionnant les drains, ou
stratégie d’escalade thérapeutique endoscopique (drainage en ajoutant des drains supplémentaires. Une fois en place, il
240
12. Pancréatite aiguë
A B C D
E F G H
Fig. 12.20
Étapes du drainage percutané selon la technique de Seldinger.
Après la ponction à l’aide d’une aiguille cathéter (A), on réalise un prélèvement à visée bactériologique (B). Un fil guide est mis en place
dans la collection (C). Après dilatation du trajet, un drain est mis en place (D), puis fixé à la peau. E-H. Correspondance échographique
et fluoroscopique : on voit la mise en place du guide, puis l’avancée du drain qui s’enroule dans la collection.
est recommandé d’infuser de gros volumes de sérum dans plastiques. Toutefois, un essai randomisé comparant l’effi-
les drains de manière quotidienne (≥ 500 mL, idéalement cacité du drainage transluminal endoscopique avec LAMS
≥ 1 L/j) pour faciliter l’évacuation des séquestres. Dans à des stents plastiques à double queue-de-cochon chez des
notre pratique, nous plaçons souvent un drain de petit patients présentant une nécrose organisée surinfectée et
calibre (10 F) en parallèle des plus gros pour l’infusion du symptomatique n’a pas montré de différence concernant
sérum (drain dit de rinçage, fig. 12.21). Aucune étude ne le nombre total d’interventions réalisées, le succès du trai-
permet toutefois de démontrer le bénéfice clinique d’un tement, les événements cliniques indésirables, les réadmis-
tel rinçage. L’adjonction de fibrinolytiques locaux n’a pas sions et le coût global du traitement. Ainsi, il n’existe pas à
montré de bénéfice et doit être évitée. ce jour de preuve de la supériorité des LAMS sur les tech-
Le taux de complications du drainage percutané est niques plus classiques. Il est donc recommandé de propo-
estimé entre 4 et 12 % dans les études les plus récentes, il est ser soit l’usage des LAMS (avec un retrait systématique des
de 7 % dans notre expérience. Les principales complications prothèses après 4 semaines pour minimiser les risques de
sont hémorragiques (hématome, saignement par le drain), complications), soit celui des stents en plastique à double
suivies des rares perforations digestives et des décharges queue-de-cochon, selon les habitudes et préférences des
bactériémiques. utilisateurs.
A B C
Fig. 12.21
Mise en place d’un drainage percutané d’une collection de nécrose organisée.
A. Collection avant le drainage. B. Drain 18 F de drainage à gauche et drain de plus petit calibre (10 F) mis en parallèle pour le rinçage actif.
C. Résultat après 18 jours de drainage : la collection a diminué de volume
A B
C E F
Fig. 12.22
Drainage et nécrosectomie endoscopique d’une collection de nécrose organisée grâce à la mise en place d’une prothèse d’apposition
luminale.
A. Collection de nécrose pancréatique et péripancréatique avant le drainage. B. Exemple de prothèse déployée montrant la présence d’œillets
à chaque extrémité qui permettent d’accoler la paroi gastrique et la paroi de la collection. C-E. Fluoroscopie : endoscope glissé dans la lumière
de la prothèse (C) et rendu visuel de la cavité (D, E), permettant une extraction progressive de la nécrose. F. Images TDM montrant la prothèse
en place et la diminution de volume de la collection.
242
12. Pancréatite aiguë
Fig. 12.23
Nécrosectomie endoscopique.
À gauche : rendu visuel endoscopique avant le traitement, obtenu grâce à un endoscope glissé dans une prothèse d’apposition luminale.
Au milieu : la cavité est progressivement vidée des débris nécrotiques, visibles en bas. À l’issue de la séance, il reste une cavité à paroi
inflammatoire épaisse.
Fig. 12.24
Exemple de succès du drainage percutané.
La collection de nécrose organisée est située dans la racine du mésentère et dans le rétropéritoine, à distance des structures digestives,
rendant le drainage par voie endoscopique impossible. Un drainage percutané par voie latérale droite précolique a été réalisé. À gauche : TDM
avant drainage. À droite : drain en place et disparition de la collection de nécrose.
A B
C D E
Fig. 12.25
Exemple de drainage percutané d’une collection complexe inter-hépato-gastrique.
Un drainage percutané par voie antérieure a été réalisé. Ponction à l’aiguille cathéter (A) et drain de gros calibre en place (B). C-E. Évolution
temporelle de J1 à J35 avec une diminution progressive du volume de la collection. Ce type de collection nécessite souvent plusieurs
interventions pour replacer, changer, surcalibrer les drains, voire en poser d’autres en complément.
liquide pancréatique conduit alors à la formation de collec- en place indéfiniment, suivant les résultats d’un essai ran-
tions liquidiennes pseudo-kystiques, d’une possible ascite domisé qui a montré un taux de récidive des collections
pancréatique, et à la récidive ou persistance d’une fistule plus faible lorsque les prothèses étaient laissées en place
pancréatico-cutanée ou encore de douleurs pancréatiques (0 vs 38 %) [24]. Dans une revue systématique avec méta-
chroniques (fig. 12.28). analyse publiée par Van Dijk et al. (21 études de cohorte
La fréquence et les conséquences du syndrome sont observationnelles, 583 patients), le taux de succès était de
sous-estimées. Le diagnostic est posé par l’IRM en s’ap- 92 % (IC 95 % : 77‑98 %) pour le drainage transluminal. Le
puyant en particulier sur les séquences de cholangiopan- drainage transluminal endoscopique combiné à la pose
créatographie par résonance magnétique. systématique d’une prothèse sur le conduit pancréatique
n’est pas recommandé, mais une prothèse transpapillaire
Traitement peut être tentée chez les patients présentant une sténose
Il n’existe pas de consensus concernant la prise en charge séquellaire du conduit pancréatique sans déconnexion
de la déconnexion pancréatique. complète. Cependant, le taux de succès clinique de cette
Les stratégies les plus fréquemment utilisées sont le drai- approche semble modeste, autour de 25 % [25]. La chirur-
nage transpapillaire endoscopique, le drainage transluminal gie est recommandée en cas d’échec ou d’impossibilité
endoscopique, ou les techniques chirurgicales. du drainage. Les techniques de reconnexion pancréa-
En pratique, c’est le drainage transluminal endoscopique tique (vers l’estomac ou une anse montée), de description
des collections liquidiennes à l’aide de prothèses en plas- récente, présentent des résultats encourageants. Enfin, une
tique à double queue-de-cochon qui est souvent proposé pancréatectomie gauche est une option raisonnable en cas
en 1re intention, comme dans le cas des pseudo-kystes de douleurs persistantes et d’échec ou d’impossibilité des
discutés plus haut. Ces prothèses peuvent être laissées options précédentes.
245
III. Pancréatites
B C
Fig. 12.26
Exemple de pseudo-anévrisme de l’artère splénique compliquant une pancréatite aiguë nécrosante.
A. TDM réalisée au moment d’un épisode de déglobulisation et de douleur abdominale : pseudo-anévrisme développé dans une collection
de nécrose organisée. B, C. Traitement réalisé par voie endovasculaire : pseudo-anévrisme (B), résultat satisfaisant après embolisation artérielle
tronculaire par des coils (C).
246
12. Pancréatite aiguë
A B
C D
Fig. 12.27
Exemple de pseudo-anévrisme de l’artère gastroduodénale compliquant une pancréatite aiguë nécrosante.
A, B. TDM réalisée au moment d’un épisode de douleur abdominale : pseudo-anévrisme développé dans une collection de nécrose organisée.
C, D. Traitement réalisé par voie endovasculaire : pseudo-anévrisme (C), résultat satisfaisant après embolisation artérielle tronculaire
par des coils (D).
A B
Fig. 12.28
Exemple de déconnexion pancréatique compliquant un épisode de pancréatite aiguë nécrosante.
A. Nécrose pancréatique et péripancréatique atteignant entre autres la région isthmique de manière transfixiante. B. Évolution à 12 mois.
La région de l’isthme est le lieu d’une plage hypodense rétractile. Le pancréas gauche est lobulé et homogène mais présente une dilatation
ductale modérée.
247
III. Pancréatites
248
12. Pancréatite aiguë
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249
Chapitre 13
Pancréatite chronique
PLAN DU C HAPITRE
Pancréatite chronique calcifiante 252
Complications 257
Pseudo-kystes et collections nécrotiques encapsulées 257
Sténose biliaire 257
Complications vasculaires 258
Risque de cancer 258
Pancréatites particulières :
pancréatite auto-immune
et pancréatite paraduodénale 261
Conclusion 268
252
13. Pancréatite chronique
A B
Fig. 13.1
TDM en coupe axiale en contraste spontané (A) et après injection intraveineuse de produit de contraste iodé en phase artérielle (B).
Présence de calcifications de la paroi de l’artère splénique adjacentes au parenchyme pancréatique corporéocaudal correctement
diagnostiquées sur la phase artérielle.
A B
Fig. 13.2
TDM en coupe axiale après injection intraveineuse de produit de contraste iodé en phase veineuse (A) montrant des calcifications
pancréatiques céphaliques en regard d’une lésion hypodense (flèche) et CPRM (cholangiopancréatographie par résonance magnétique)
réalisée en plan coronal (B) confirmant la présence d’une lésion kystique branchée au niveau céphalique et correspondant à une tumeur
intracanalaire papillaire mucineuse.
253
III. Pancréatites
que fluoroscopie, pour guider la lithotripsie extracorporelle La cholangiopancréatographie par résonance magnétique
thérapeutique. (CPRM) montre une très bonne corrélation avec la cholan-
La TDM est la méthode la plus performante pour giopancréatographie rétrograde endoscopique (CPRE) [15]
la détection des calcifications ; plus particulièrement, pour la visualisation des anomalies ductales comme les irré-
l’acquisition en contraste spontané est à préférer pour gularités de calibre du conduit principal, la dilatation des
les microcalcifications qui peuvent être masquées par le conduits secondaires et les déformations kystiques.
rehaussement parenchymateux secondaire à l’injection Toutefois, la sensibilité de la CPRM reste inférieure à
intraveineuse de produit de contraste [9]. celle de la CPRE pour la détection des anomalies subtiles
présentes au stade précoce de la maladie puisque lors de la
CPRM, le système ductal est visualisé en condition physio-
Anomalies ductales logique et pas sous pression comme lors de l’opacification
Les anomalies ductales de la pancréatite chronique ont été rétrograde au cours de la CPRE.
historiquement classées sur la base de descriptions endo L’injection intraveineuse de sécrétine lors de la CPRM
scopiques en types (classification de Cremer : tableau 13.1 surmonte cette limitation diagnostique en augmentant sa
et fig. 13.3) [13] et en degrés de sévérité (classification de sensibilité pour la visualisation du conduit principal dans
Cambridge : tableau 13.2 et fig. 13.4) [14]. son intégralité et des conduits secondaires [16].
La stimulation par sécrétine exogène induit, d’une part,
la sécrétion d’eau et de bicarbonates des cellules exo-
Tableau 13.1. Anomalies ductales selon la classification crines, et d’autre part, l’hypertonie transitoire de l’ampoule
de Cremer. hépatopancréatique. Ces deux phénomènes concomitants
Type I Ectasie des conduits secondaires sans atteinte déterminent une hyperpression ductale (fig. 13.5) qui peut
du calibre du conduit pancréatique principal engendrer l’apparition de conduits secondaires, patho-
Type II Irrégularités focales du conduit pancréatique gnomoniques de la pancréatite chronique au stade débu-
principal et ectasie des conduits secondaires tant [17]. Un parenchymogramme peut également être
Type III Irrégularités diffuses du conduit pancréatique observé et reflète la diminution de compliance du système
principal et ectasie des conduits secondaires ductal comme signe très spécifique, bien que peu sensible,
de pancréatite chronique débutante (fig. 13.6) [17].
Type IV Dilatation des conduits pancréatiques, en amont
d’une sténose céphalique La stimulation par sécrétine exogène permet également
d’obtenir des informations concernant la fonction exocrine
D’après [13].
de la glande en évaluant, avec une approche qualitative ou
quantitative, le degré de remplissage duodénal en fin de
Tableau 13.2. Anomalies ductales selon la classification stimulation [18]. Cependant, pour rappel, la sécrétine n’a
de Cambridge. pas l’autorisation de mise sur le marché en France.
Type I Conduit pancréatique normal
(pancréas normal)
Anomalies parenchymateuses
Type II 1‑2 conduits secondaires et conduit
(anomalies douteuses) principal 2‑4 mm La diminution progressive du volume pancréatique secon-
Type III ≥ 3 conduits secondaires et conduit daire au remplacement du tissu glandulaire par la graisse et
(maladie débutante) principal 2‑4 mm la fibrose représentent les changements parenchymateux
Type IV ≥ 3 conduits secondaires et conduit de la pancréatite chronique.
(maladie modérée) principal > 4 mm Il y a une corrélation avérée entre le volume et les dia-
Type V Comme ci-dessus avec une ou plusieurs mètres antéropostérieurs de la glande ; ces derniers, mesu-
(maladie sévère) anomalies parmi : larges cavités (10 mm), rés dans des localisations anatomiques établies et après
élargissement de la glande (> 2 N), soustraction du diamètre du conduit pancréatique princi-
défauts de remplissage des conduits pal, sont des mesures reproductibles et aisément obtenues
ou calculs, obstruction ou irrégularités sur des coupes axiales (fig. 13.7) [19].
marquées du conduit principal ou Bien que l’épaisseur pancréatique chez les sujets sains
envahissement des structures adjacentes diminue physiologiquement avec l’âge et de manière pré-
© Sarner M, Cotton PB. Classification of pancreatitis. Gut. 1984 ; 25 (7) : 756‑9. dominante dans la partie caudale de la glande, on retient
254
13. Pancréatite chronique
A B
C D
Fig. 13.3
CPRM réalisées en coupes coronales montrant les anomalies ductales selon la classification de Cremer : type I (A), type II (B), type III (C),
type IV (D).
A B C
D E
Fig. 13.4
CPRM réalisées en coupes coronales montrant les anomalies ductales selon la classification de Cambridge : type I (A), type II (B), type III (C),
type IV (D), type V (E).
255
III. Pancréatites
A B
Fig. 13.5
CPRM réalisée en coupes coronales avant (A) et après (B) stimulation du pancréas exocrine par sécrétine exogène.
A. Aspect normal du conduit pancréatique. B. Dilatation marquée et persistante du conduit pancréatique principal et apparition de multiples
conduits secondaires témoignant d’une hyperpression intraductale pathologique suggestive de pancréatite chronique à un stade initial.
A B
Fig. 13.6
CPRM réalisée en coupes coronales avant (A) et après (B) stimulation du pancréas exocrine par sécrétine exogène.
A. Aspect normal du conduit pancréatique. B. Dilatation marquée et persistante du conduit principal et apparition d’un remplissage acinaire
(parenchymogramme) secondaire à l’hyperpression intraductale. Le parenchymogramme est un signe spécifique de pancréatite chronique
débutante.
A B C
Fig. 13.7
IRM en coupe axiale acquise en pondération T2.
Repères anatomiques pour la mesure des diamètres antéropostérieurs au niveau de la tête (A), du corps (B) et de la queue (C).
256
13. Pancréatite chronique
Sténose biliaire
Les remaniements fibro-inflammatoires de la région péri
pancréatique céphalique peuvent engainer la voie biliaire
principale en entraînant l’horizontalisation et la sténose
distale aux caractéristiques bénignes comme l’aspect gra-
Fig. 13.8 duellement effilé et conique de la lumière [24] (fig. 13.10
IRM en coupe axiale acquise en pondération en T1 et 13.11).
avec suppression du signal de la graisse.
Intensité de signal élevée du parenchyme pancréatique corrélée La persistance d’une cholestase anictérique pose l’indi-
à la composition riche en fluides protéiques et ions paramagnétique cation de traitement, souvent constitué par un drainage
dans les structures acinaires. L’intensité de signal du parenchyme endoscopique, via le placement de prothèse endobiliaire,
pancréatique peut être exprimée comme rapport avec le signal
de structures anatomiques adjacentes telles que les muscles et plus rarement chirurgical, en cas d’association avec une
paraspinaux. sténose duodénale.
257
III. Pancréatites
A B C
D E
Fig. 13.9
IRM en coupe axiale acquise en pondération T2 (A), diffusion (b = 1 000 s/m² et cartographie ADC) (B, C), T1 après injection
intraveineuse de produit de contraste extracellulaire en phase veineuse (D), CPRM en coupe coronale (E), chez une patiente présentant
une pancréatite chronique calcifiante d’origine éthylique avec fièvre et syndrome inflammatoire biologique.
Présence de pseudo-kyste à localisation rétrogastrique, sans débris nécrotiques mais montrant une restriction de la diffusion
et un rehaussement de paroi, suggestifs d’une possible surinfection compte tenu du contexte clinicobiologique.
Risque de cancer
L’incidence de l’adénocarcinome pancréatique chez les
Fig. 13.10 patients avec une pancréatite chronique en dehors de
CPRM réalisée en coupe coronale chez un patient de 71 ans la forme héréditaire est estimée entre 1 et 6 %, ce qui ne
présentant de multiples épisodes d’angiocholite sans cholestase. justifie pas une surveillance particulière.
On objective l’horizontalisation de la voie biliaire principale
et la sténose du conduit cholédoque distal effilée, d’allure bénigne, Le diagnostic différentiel entre une pseudo-masse
secondaire aux phénomènes inflammatoires. inflammatoire et une néoplasie reste un défi quelle que soit
la technique d’imagerie, compte tenu de la superposition
des anomalies morphologiques aux deux conditions
Complications vasculaires pathologiques comme la double dilatation des conduits
Les pseudo-anévrismes et les saignements actifs font biliaire et pancréatique en cas de masse céphalique, la sté-
partie des complications artérielles souvent secon- nose du conduit pancréatique principal abrupte et l’infil-
daires aux phénomènes érosifs sur la paroi vasculaire des tration péripancréatique (fig. 13.12) [25].
258
13. Pancréatite chronique
A B C
Fig. 13.11
TDM en coupe coronale après injection intraveineuse de produit de contraste iodé en phase veineuse (A), IRM en coupe axiale acquise
en pondération T2 (B) et CPRM en coupe coronale (C).
Complications de la pancréatite chronique évoluée secondaires à l’engainement fibro-inflammatoire de la région pancréatique céphalique :
volumineux cavernome périportal et anomalies biliaires.
A B
C D
Fig. 13.12
IRM acquise en coupe axiale en pondération T2 (A), diffusion (B) et CPRM en coupe coronale (C, D).
Présence d’une tuméfaction céphalique pancréatique montrant une restriction modérée de la diffusion et associée à une sténose du conduit
pancréatique principal avec dilatation en amont. Stabilité de ces anomalies au suivi à un an signant l’absence de processus évolutif (D).
L’échoendoscopie détient un rôle prépondérant dans histologique. Néanmoins, la probabilité de faux négatifs
ce contexte en raison de la meilleure sensibilité de détec- étant de 5‑10 %, l’indication chirurgicale se pose sur base de
tion des masses de taille inférieure au centimètre et de la l’opérabilité et de la présence de signes évocateurs de néo-
possibilité d’acquérir un échantillon tissulaire pour l’analyse plasie même en l’absence de confirmation histologique [9].
259
III. Pancréatites
260
13. Pancréatite chronique
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enfants et des adolescents. L’ictère nu, pseudo-néoplasique, y une fibrose rétropéritonéale dans 10 % des cas ;
est le mode de révélation le plus fréquent (65 % des cas), en y une thyroïdite de Riedel dans 8 % des cas ;
rapport le plus souvent avec une cholangite sclérosante à y une pneumopathie interstitielle associée à des adéno-
IgG4 associée. Beaucoup plus rarement, la maladie se révèle pathies médiastinales mimant parfois une sarcoïdose, dans
par une pancréatite aiguë (toujours œdémateuse et jamais 8 % des cas ;
sévère selon les critères d’Atlanta), ou par la survenue de y une néphrite tubulo-interstitielle dans 8 % des cas ;
douleurs pancréatiques chroniques invalidantes. Un amai- y des pseudo-tumeurs de l’orbite, du foie, de l’ampoule
grissement peut être observé, lié à l’insuffisance pancréa- hépatopancréatique dans 2 % des cas.
tique exocrine et/ou au diabète présent dans 65 % des En fait, tous les organes peuvent être touchés incluant le
cas [7]. système nerveux central (hypophysite et pachyméningite),
Environ 80 % des maladies à IgG4 présentent une PAI de le système génital (prostatite hypertrophiante), les seins
type 1, la localisation pancréatique étant la plus fréquente, (mastopathie) ou les vaisseaux (vascularite ou aortite).
mais d’autres organes peuvent être touchés, de manière Il est intéressant de noter que l’atteinte abdominale n’est
synchrone ou métachrone. Par ordre de fréquence décrois- pas très fréquente chez les patients atteints d’une maladie
sante, on retrouve [6,8] : à IgG4 localisée au-dessus du diaphragme [9]. Si l’atteinte
y une cholangite sclérosante à IgG4 (65 à 85 % des cas). d’autres organes est un élément en faveur du diagnostic,
Celle-ci peut toucher exclusivement la voie biliaire princi- l’absence d’atteinte d’autres organes n’exclut pas néan-
pale distale ou les voies biliaires extra et intra-hépatiques ; moins une PAI de type 1 [4].
y un syndrome de Mikulicz avec sialadénite hyper Sur le plan biologique, la lipasémie est le plus souvent
trophique et atteinte des glandes lacrymales dans 14 % modérément ou très modérément élevée (50 % des cas).
des cas ; Une cholestase est observée dans 60 à 85 % des cas. Elle est
262
13. Pancréatite chronique
très rarement due à une compression biliaire par la maladie à tort pour une pancréatite aiguë d’origine médicamen-
pancréatique mais témoigne presque toujours d’une cho- teuse [7].
langite à IgG4 associée. Un diabète, insulinorequérant dans Sur le plan biologique, une cholestase peut être obser-
20 % des cas, est observé dans 65 % des cas. Il précède le vée. Environ 25 % des patients ont des niveaux élevés
diagnostic de PAI dans un tiers des cas, est synchrone dans d’IgG4 [13]. Il n’existe pas de test de laboratoire spécifique
50 % des cas et apparaît sous corticothérapie dans 15 % à la PAI de type 2, et l’histopathologie et l’imagerie sont les
des cas [10]. L’insuffisance pancréatique exocrine est plus piliers du diagnostic [6].
rare que dans la pancréatite chronique calcifiante, estimée
à 40 %. Néanmoins, en cas de formes vieillies (présence
de calcifications intraparenchymateuses et/ou de calculs Critères diagnostiques
intracanalaires), ce taux s’élève à 60 % [11]. Pour la PAI de type 1, de très nombreux algorithmes diag
La clé du diagnostic est l’élévation du taux sérique d’IgG4. nostiques ont été publiés ; la Société japonaise de pancréa-
Lorsque le taux est élevé, supérieur à 1,35 g/L, la sensibilité tologie a élaboré les siens en 2002. Ces critères japonais ont
et la spécificité sont respectivement de 75 et 93 % pour la été ensuite révisés en 2006, 2011 et 2013. Les critères HISORt
différencier du cancer du pancréas. Il faut noter que 25 % (pour histologie, imagerie, sérologie, autres organes atteints
des PAI de type 1 sont séronégatives [12]. Avec un seuil de et réponse au traitement) de la Mayo Clinic ont été publiés
2,70 g/L, retenu par le consensus international, la spécifi- en 2006, révisés en 2009 mais il existe également des algo-
cité est de 99 % mais la sensibilité chute à 53 %. D’autres rithmes coréen, italien, asiatique et allemand [8]. Tenant
anticorps ont été rapportés comme étant en faveur du compte de critères anatomopathologiques, cliniques et
diagnostic : les anticorps contre l’anhydrase carbonique, la d’imagerie, ils sont tous assez complexes et ne sont pas
lactoferrine, les anticorps antimitochondriaux (AMA), les détaillés ici. Pour la PAI de type 2, les critères diagnostiques
anticorps anti-muscle lisse (ASMA) et l’antithyroglobuline. sont plus simples et sont présentés figure 13.13 [7].
Récemment, des anticorps contre un peptide homologue
à une séquence d’acides aminés de la protéine de liaison du
plasminogène d’Helicobacter pylori ont été signalés comme Traitement
étant positifs chez les patients atteints de PAI [6].
La plupart des patients atteints de PAI présentent une
remarquable réponse à la prednisone. Il est classique-
Pancréatite auto-immune de type 2 ment recommandé d’utiliser une dose élevée de predni
Contrairement au type 1, les patients atteints de PAI sone (0,6 mg/kg/j) pendant 4 semaines [14,15]. Après
de type 2 ont tendance à être plus jeunes, (l’âge moyen 4 semaines, la réponse doit être évaluée par une évalua-
varie de 30 à 40 ans selon les séries), sans différence de tion clinique, radiologique et sérologique (taux d’IgG4) [8].
sexe [7]. C’est une maladie purement pancréatique révé- Après 4 semaines, la dose est progressivement réduite
lée dans 80 % des cas par une pancréatite aiguë (toujours jusqu’à l’arrêt. Ce traitement est efficace sur la maladie
œdémateuse et jamais sévère) d’allure idiopathique. P arfois, extrapancréatique [14]. En cas de doute sur un cancer
cette pancréatite aiguë évolue sur un mode subaigu sur sous-jacent, un test thérapeutique peut être entrepris pour
plusieurs semaines, conduisant à un amaigrissement signi- 2 semaines avec une réévaluation à la fin de la période de
ficatif. L’ictère et la cholestase non ictérique sont plus rares test [16]. Une IRM de contrôle est classiquement proposée
(15 et 30 % respectivement) que dans la PAI de type 1. à 2 semaines, 3 mois et 6 mois [7].
La PAI de type 2 est fortement associée avec les MICI, En cas de PAI de type 1, les rechutes sont particulière-
principalement la rectocolite hémorragique [4,7]. La pré- ment fréquentes, évaluées à 58 % dans une étude japo-
sence d’une MICI est ainsi un critère diagnostique fort. naise [17], avec 50 % de rechutes à 1 an, 75 % à 2 ans, 90 % à
La PAI de type 2 peut également être associée à d’autres 3 ans [18]. Le taux de rechute n’était que de 31 % dans une
maladies auto-immunes comme un lupus, une cirrhose étude multicentrique occidentale [19]. Le risque de rechute
biliaire primitive ou un syndrome de Sjögren [4]. L’évolu- serait corrélé au taux d’IgG4 (d’autant plus fort que celui-ci
tion spontanée est favorable dans 80 % des cas même en serait initialement élevé, à la lenteur de décroissance du
cas d’évolution subaiguë et la corticothérapie est rarement taux sérique d’IgG4 sérique sous traitement), au caractère
indispensable. Ainsi, la PAI de type 2 est une cause fréquem- diffus de l’atteinte pancréatique, à la présence d’un ictère,
ment méconnue de pancréatites aiguës survenant chez les aux types II, III et IV de la cholangite sclérosante à IgG4 et
patients atteints de MICI, la pancréatite étant parfois prise l’atteinte de plus de deux autres organes [20].
263
III. Pancréatites
Imagerie
Compatible avec une PAI
MICI
ATCD de MICI Pas d’ATCD de MICI
Histologie
Lésion Infiltrat Pas Lésion Infiltrat Pas
granulocytaire granulocytaire de granulocytaire granulocytaire de
épithéliale acinaire biopsie épithéliale acinaire biopsie
PAI de type 2 PAI de type 2 Non PAI de type 2 PAI de type 2 Non
certaine possible diagnostic certaine possible diagnostic
Test
Réponse Réponse Réponse Réponse
thérapeutique
rapide rapide rapide rapide
Fig. 13.13
Critères diagnostiques internationaux d’une pancréatite auto-immune (PAI) de type 2.
ATCD : antécédent ; MICI : maladie inflammatoire chronique de l’intestin .
© Zen Y. Type 2 Autoimmune Pancreatitis : Consensus and Controversies. Gut Liver. 2021 Oct 21.
Lors de la première rechute, la plupart des équipes Une diminution du signal du pancréas est possible,
utilisent les immunosuppresseurs en association ou non celui-ci étant alors identique ou inférieur au signal du foie
avec une corticothérapie. C’est l’azathioprine ou le rituxi- en T1 avec saturation du signal de la graisse (fat-saturation :
mab qui apparaissent dans cette situation comme les FS). Des anomalies de signal de distribution hétérogène ont
meilleurs candidats, permettant d’éviter une nouvelle été décrites [6,22]. Sur le T2 FS, la PAI se présente comme
corticothérapie à forte dose dont les effets délétères ne zone hyperintense, mais cet hypersignal diminue au fur et à
sont pas négligeables sur cette population souvent âgée mesure qu’augmente la fibrose. En diffusion, la PAI apparaît
et diabétique [21]. généralement comme une zone hyperintense. Il existe au
niveau des zones hypodenses ou présentant une anomalie
de signal un élargissement du pancréas qui peut être éva-
Imagerie lué par les critères de Haaga : agrandissement de plus d’une
vertèbre dans la tête du pancréas ou élargissement de plus
Il est important que l’imagerie soit réalisée avant toute de 2/3 de la vertèbre pour le corps et queue [23]. Bien qu’il n’y
procédure de drainage ou de stenting des voies biliaires ait pas de définition stricte des termes « diffus » et « focal »,
[6] avec un protocole adapté au pancréas incluant une les définitions suivantes sont couramment utilisées :
phase sans injection, une phase pancréatique et une y focale : < 1/3 ;
phase tardive . En cas de suspicion de PAI de type 1, il
y segmentaire : > 1/3 à < 2/3 ;
est conseillé de réaliser une TDM explorant des glandes
salivaires à la prostate [6] .
y diffuse : > 2/3.
Plusieurs lésions focales peuvent apparaître simulta-
nément. Le pancréas peut perdre l’aspect lobulé de ces
La PAI se présente sous la forme d’une zone de faible contours, visible en particulier chez les sujets âgés (aspect
densité en raison de l’infiltration par des cellules inflam- dit alors en saucisse) qui est évocateur [6,7].
matoires (lymphocytes et plasmocytes) du parenchyme Après injection, la prise de contraste du paren-
pancréatique. chyme peut présenter un aspect moucheté à la phase
264
13. Pancréatite chronique
pancréatique de l’IRM [6]. Une pseudo-capsule, zone La TEP-FDG et le scintigramme Ga-67 ne sont pas
ressemblant à une bande autour du pancréas visible indispensables mais peuvent montrer une accumulation
parfois aussi bien en TDM et à l’IRM, est une zone inhomogène ou multifocale du traceur et parfois une fixa-
hypodense en TDM, hypo-intense en T2, graduellement tion extrapancréatiques. L’intérêt de la TEP pour les PAI de
rehaussée après injection d’un produit de contraste [24]. type 1 est de réaliser une imagerie corps entier à la recherche
Ce « bord » ressemblant à une capsule correspond à de d’atteintes extrapancréatiques. Elle serait également inté-
la fibrose dense autour des lésions inflammatoires. Sa fré- ressante pour évaluer la réponse au traitement [7].
quence varie selon les études [6,25]. C’est un des signes La cholangiopancréatographie rétrograde endoscopique
spécifiques qui peut différencier la PAI du cancer du pan- (CPRE) montre les mêmes signes que la CPRM qui doit lui
créas [6,25]. Cependant, sa sensibilité est faible lorsque être préférée car non invasive. L’échoendoscopie a l’intérêt
la lésion est petite [22]. La PAI est hyporehaussée sur la de pouvoir cibler les biopsies [6].
phase pancréatique et se rehausse de manière homogène
La figure 13.14 illustre les aspects TDM et IRM de la
sur la phase tardive en r apport avec les lésions de fibrose
pancréatite auto-immune. La figure 13.15 illustre certains
étendue.
aspects de la maladie à IgG4 au niveau abdominal.
Concernant les signes d’atteinte ductale, le conduit
pancréatique principal (CPP) pénètre le plus souvent les
lésions de PAI [26], se rétrécissant à ce niveau « comme Diagnostics différentiels
un glaçon » [27]. Le conduit est en revanche exception-
nellement obstrué [28]. Un rehaussement linéaire le long Les formes diffuses font discuter une pancréatite chro-
du CPP est parfois observé en cas de PAI et est en rapport nique, un lymphome ou une sarcoïdose.
avec une inflammation locale. En cas de PAI, il n’existe que Les formes focales de PAI doivent toujours faire discuter
très rarement une dilatation du CPP (à partir d’un diamètre un éventuel adénocarcinome du pancréas, beaucoup plus
de 3‑5 mm) en amont de la lésion, sauf en cas d’atrophie fréquent. Il faut noter qu’environ 10 % des patients avec
pancréatique associée [6]. un cancer du pancréas peuvent avoir des valeurs élevées
A B C
D E F
Fig. 13.14
Principaux signes en faveur d’une pancréatite auto-immune (images provenant de patients différents).
A. Élargissement du pancréas qui représente plus des 2/3 de la vertèbre et aspect ponctué du pancréas caudal lié à une distribution parcellaire
du parenchyme pancréatique épargné par les lésions inflammatoires (zones hyperintenses mouchetées, flèches). B. Aspect moucheté
du parenchyme après injection de chélates de gadolinium. C, D. Coupes axiales du pancréas sans injection (C) et à la phase portale (D) montrant
un rehaussement homogène du pancréas sans lobulation (flèche) et une pseudo-capsule périphérique réalisant l’aspect en « saucisse » (têtes
de flèches). E. Conduit pancréatique principal siège de sténose (flèches) sans dilatation d’amont (têtes de flèches). F. Prise de contraste des parois
du conduit pancréatique principal (flèches).
265
III. Pancréatites
A B C
Fig. 13.15
Manifestations extrapancréatiques abdominales de la maladie à IgG4 chez un patient de 56 ans.
A. Reconstruction oblique dans le plan du parenchyme pancréatique montrant un pancréas augmenté de taille ayant perdu sa lobulation
physiologique (flèches). B. Coupe axiale montrant une tubulonéphrite bilatérale (têtes de flèches) et une cholangite (flèche). C. Coupe
coronale de CPRM montrant une atteinte du conduit cholédoque distal (flèche) mais également des voies biliaires intrahépatiques en rapport
avec une cholangite à IgG4.
A B C
D E F G
H I
Fig. 13.16
Patient de 19 ans présentant une masse tissulaire de la tête du pancréas (A-G, flèches) correspondant à une forme pseudo-tumorale
de PAI de type 2.
A. Coupe TDM sans injection. B. Coupe axiale après injection au temps pancréatique. C. Coupe axiale au temps tardif à 5 minutes. Noter
le rehaussement hétérogène de la masse au temps pancréatique, plus homogène au temps tardif en faveur d’un processus fibreux. D. Coupe
axiale en pondération T2 montrant un faible hypersignal de la masse. E. Coupe axiale au temps portal montrant un rehaussement plus
faible que le parenchyme normal (étoiles), mais homogène. F, G. Séquence de diffusion. Il existe une nette restriction de la diffusion
(hypersignal à b = 600 s/mm2 [F], et hyposignal sur la cartographie ADC [G]). H. La lésion s’accompagne d’une dilation des voies biliaires
avec une amputation de la partie distale du conduit cholédoque mais le conduit pancréatique principal est non dilaté (têtes de flèches) alors
qu’il semble amputé en regard de la masse (flèche). I. CPRM réalisée après 2 semaines de traitement par prednisone montrant une régression
complète de la compression biliaire (flèches).
Il existe une forte association entre la PPD et l’intoxication L’hyperplasie des glandes duodénales a aussi été associée à
alcoolique et le tabagisme [31,32,34]. L’intoxication alcoo- l’ingestion d’alcool.
lique favorise une diminution du volume du liquide pan- À l’histologie, il existe une fibrose collagénique dense,
créatique qui est également plus visqueux, favorisant une des zones kystiques dépourvues d’épithélium, une hyper-
obstruction luminale des conduits pancréatiques. Il a égale- plasie des glandes duodénales, et une hyperplasie des
ment été montré que l’alcool diminue la concentration de muscles lisses réalisant une myoadénomatose de la paroi
citrate dans le suc pancréatique, facteur causal dans la pré- duodénale [34]. Il n’est pas rare que ces modifications
cipitation de cristaux dans les conduits pancréatiques [35]. fibro-inflammatoires soient centrées sur la papille mineure.
267
III. Pancréatites
Lorsque le pancréas est impliqué, on peut observer des y de la nature « mal définie » du processus inflammatoire.
modifications histologiques identiques à celles de la pan- Une pancréatite aiguë œdémato-interstitielle aiguë peut
créatite chronique calcifiante [36]. parfois être associée. Cependant, à la différence de la PPD,
il existe des collections dans la bourse omentale et/ou les
espaces rétropéritonéaux. Ces collections sont habituelle-
Clinique ment plus volumineuses et disparaissent généralement en
Les patients atteints de PPD sont généralement des quelques semaines [31,39].
hommes dans la 4e ou 5e décennie de vie et sont donc Sur les phases tardives après injection d’un produit de
plus jeunes que la moyenne des patients atteints de pan- contraste, le contingent fibreux montre de manière carac-
créatite chronique alcoolique, dont le pic se situe dans la téristique un rehaussement de contraste retardé [31].
6e décennie. Chez la très grande majorité des patients, il L’atteinte intrinsèque du duodénum est variable,
existe des antécédents d’intoxication alcoolique chro- pouvant présenter un épaississement mural de la paroi
nique et/ou tabagique. Jusqu’à 50 % des patients peuvent médiane, la formation de kystes intramuraux et/ou une
avoir des antécédents de pancréatite aiguë. La présenta- sténose fibrotique secondaire à l’hyperplasie de la glande
tion clinique peut ressembler à celle d’une pancréatite duodénale, à l’œdème et à l’inflammation de la paroi
aiguë. Néanmoins, il n’est pas rare que la présentation interne. Ces lésions peuvent être sténosantes sur la lumière
clinique soit plus chronique, avec des épisodes répétés duodénale. De même, le conduit biliaire commun peut être
de douleurs abdominales associées à une perte de poids, impliqué dans le processus fibro-inflammatoire. À l’image-
mimant un adénocarcinome [31]. Une potentielle sté- rie, les sténoses biliaires dues à la PPD sont typiquement
nose des voies biliaires ou du duodénum peut également longues, progressives, et assez différentes des sténoses asso-
être symptomatique. La biologie est non spécifique [37] ; ciées aux adénocarcinomes pancréatiques.
typiquement, il y a une légère élévation des enzymes pan- Lorsque la PPD s’étend à la tête du pancréas, il peut
créatiques (lipase et amylase) plus ou moins associée à une y avoir une dilatation du CPP. Enfin, les structures
cholestase. vasculaires telles que l’artère gastro-duodénale et ou les
La chirurgie avec une duodénopancréatectomie cépha- arcades pancréatico-duodénales antérosupérieure et/ou
lique (DPC) peut être nécessaire en cas de douleurs chro- postérosupérieure peuvent être piégées par le tissu fibro-
niques ou récurrentes ou de sténose digestive [38]. inflammatoire [37].
La figure 13.17 illustre cette sémiologie.
Il existe de nombreux diagnostics différentiels mais
Imagerie le principal auquel il faut toujours penser est l’adéno
Le diagnostic de PPD est parfois difficile tant la présenta- carcinome pancréatique. Il convient tout d’abord de
tion en imagerie est polymorphe : des lésions kystiques souligner que, comparé à l’adénocarcinome pancréatique,
du sillon duodénopancréatique, un œdème de la paroi la PPD est relativement rare. Si l’incidence réelle de la PPD
duodénale, des lésions fibrosantes, des calcifications
est inconnue, il a été rapporté qu’elle ne représente que
pancréatiques (dans les formes d’évolution chronique) 2 % des résections pancréatiques pour suspicion d’adéno-
sont plus ou moins associés. En dehors de la présence carcinome céphalique [38]. En cas d’adénocarcinome, il y a
constante d’un processus fibro-inflammatoire i mpliquant typiquement un signe de « double canal » avec une courte
la rainure pancréatico-duodénale, l’étendue des lésions sténose du conduit biliaire commun ainsi qu’une dilatation
fibrosantes, le nombre et la taille des kystes et l’impli- en amont du CPP. Une pancréatite chronique atrophiante
cation duodénale sont tous très variables [31,33,36,39]. du corps et de la queue du pancréas est habituelle sans
Une série de Zaheer et al. a montré une atteinte de la calcification. Il n’y a généralement pas de kystes paraduo-
tête du pancréas, du sillon pancréaticoduodénal et du dénaux. L’échoendoscopie avec biopsie guidée doit être
duodénum dans 75 % des cas [40]. Certains auteurs ont proposée en cas de doute à l’imagerie [41].
essayé de sous-typer les différentes formes de PPD sur la
base [31,32,39] :
y de la localisation de la pathologie, la forme pure (prédo- Conclusion
minante dans le sillon) étant moins fréquente que la forme
segmentaire (sillon plus pancréas) ; La PPD et les PAI sont deux formes peu fréquentes de
y du type de pathologie (kystique ou solide) ; pancréatite subaiguë ou chronique.
268
13. Pancréatite chronique
A B C
D E F G
Fig. 13.17
Homme de 81 ans présentant une pancréatite paraduodénale.
A. Coupe axiale au temps portal montrant la présence d’un tissu hypodense (têtes de flèches) par rapport au parenchyme pancréatique.
Noter l’épaississement en regard de la paroi du duodénum. (D : duodénum ; flèche blanche : conduit pancréatique principal ; flèche noire :
conduit cholédoque.) B. Coupe à un temps plus tardif montrant un rehaussement tardif du sillon duodénopancréatique en faveur de lésions
fibreuses. C. Reconstruction coronale au temps pancréatique après injection de produit de contraste montrant un tissu comblant le sillon
duodénopancréatique (astérisque). D. Coupe coronale T2 montrant une lésion kystique de petite taille dans la paroi duodénale (flèche).
E. Coupe axiale en pondération T1 au temps pancréatique. Noter l’hypertrophie des glandes duodénales (tête de flèche) et la présence d’un
kyste dans la paroi duodénale (flèche). F. Coupe axiale en pondération T1 réalisée 3 minutes après l’injection. Noter le rehaussement du sillon
duodénopancréatique (tête de flèche) et la présence de 2 microkystes (flèches). G. Coupe coronale de CPRM : présence d’une sténose serrée
du bas cholédoque et du conduit pancréatique principal (flèches).
Bien que chez certains patients, ces lésions puissent avec perte des lobulations, un aspect en saucisse,
présenter des caractéristiques cliniques et d’imagerie une pseudo-capsule périphérique, une perte de
distinctives, il faut toujours penser à la possibilité d’un l’hypersignal T1 spontané, un aspect moucheté
adénocarcinome pancréatique beaucoup plus fréquent et après injection, des zones de sténose sans dilata-
dont la gravité n’est plus à démontrer. tion d’amont du conduit pancréatique principal.
Des signes d’atteinte extrapancréatique doivent
être recherchés dans le type 1.
Messages à retenir La pancréatite para duodénale se réfère à une
forme de pancréatite chronique localisée dans
Il existe deux types de PAI : l’espace pancréaticoduodénal au niveau des
– le type 1 correspondant à l’atteinte pancréa- 1re et 2e portions du duodénum et la tête du
tique de la maladie aux IgG4 ; pancréas.
– le type 2 associé dans 20‑30 % des cas à une Son origine est multifactorielle.
MICI (rectocolite hémorragique le plus souvent). La présentation en imagerie est polymorphe et
Des critères diagnostiques sont définis dans la associe des lésions kystiques du sillon duodéno-
littérature pour les deux types. pancréatique, un œdème de la paroi duodénale,
Les principaux signes en imagerie en faveur des lésions fibrosantes présentant un rehausse-
d’une PAI sont : un élargissement du pancréas, ment tardif, des calcifications pancréatiques.
269
III. Pancréatites
270
13. Pancréatite chronique
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271
Chapitre 14
Traumatisme pancréatique
Antoine Martin-Champetier, Mathieu Di Bisceglie, Kathia Chaumoitre
PLAN DU C HAPITRE
Mécanisme traumatique
et facteurs pronostiques 276
Complications 280
Fistule (20‑35 %) et abcès pancréatiques (10‑18 %) 280
Pancréatite aiguë post-traumatique (10 %) 281
Pseudo-kyste pancréatique (5 %) 281
Lésion vasculaire 281
Pancréatite chronique 281
276
14. Traumatisme pancréatique
Une acquisition artérielle au temps parenchymateux TDM. Elle doit être réalisée dans les jours suivant le trauma-
pancréatique (35 à 50 secondes après l’injection) peut être tisme sans retarder la prise en charge. Elle présente une sensibi-
réalisée lors des TDM de suivi afin d’optimiser la détection lité de 91 % pour la détection des lésions du conduit pancréa-
des lésions parenchymateuses pancréatiques si ces der- tique principal (97 % pour les lésions céphaliques, isthmiques
nières sont suspectées. et corporéales, 83 % pour les lésions caudales) (fig. 14.1). Elle est
L’analyse dans les trois plans de l’espace est indispen- souvent préférée à la CPRE en 1re intention car non irradiante
sable pour établir avec fiabilité le grade traumatique. et plus facilement disponible. Les séquences de cholangio
En cas de critère de polytraumatisme, une TDM corps pancréatographie par résonance magnétique (CPRM) per-
entier est réalisée. Elle inclut une acquisition sur le crâne en mettent l’analyse du conduit pancréatique distal, non analy-
contraste spontané, une acquisition du cercle artériel du sable en CPRE. Elle peut, en cas de lésion décelée, faire indiquer
cerveau jusqu’à la racine des cuisses au temps artériel déclen- une CPRE à visée de complément diagnostique et guider un
ché à l’arrivée du produit de contraste dans l’aorte, puis une éventuel geste thérapeutique.
acquisition au temps portal sur l’abdomen et le pelvis. Sont classiquement réalisées des séquences morpho
L’utilisation de produit de contraste oral peut être envi- logiques (en pondération T1 et T2), une séquence de dif-
sagée en cas de suspicion de lésion duodénale associée fusion, une séquence de CPRM en 3 dimensions et des
mais reste très rare en urgence en pratique courante. séquences en pondération T1 avec saturation du signal de
L’utilisation de la TDM en double énergie est décrite et la graisse après injection de chélates de gadolinium.
permettrait d’accentuer les différences de rehaussement L’IRM après administration de sécrétine permet d’opti-
entre le parenchyme pancréatique normal et les lésions miser l’analyse du conduit pancréatique et d’objectiver une
traumatiques, d’améliorer l’analyse du conduit pancréatique éventuelle fuite active de liquide pancréatique.
principal et sensibiliserait la détection de lésions vasculaires. Une lésion du conduit pancréatique se présente
comme une interruption focale du conduit associée soit
à une dilatation focale ou diffuse en amont, soit à une
Imagerie par résonance magnétique
communication entre le conduit lésé et des collections intra
L’IRM est la modalité d’imagerie non invasive de choix pour et/ou péripancréatiques. Une cause classique d’erreur diag
l’analyse de l’intégrité du conduit pancréatique principal et nostique est la présence d’un hématome parenchymateux
pour mieux définir les lésions parenchymateuses. Elle est pancréatique réalisant une compression sur le conduit
indiquée chez le patient stable hémodynamiquement chez pancréatique principal, entraînant sa perte de signal
qui des anomalies TDM ont été détectées ou s’il existe une Dans le cadre du suivi des lésions du conduit pancréa-
forte suspicion de lésion pancréatique en l’absence d’anomalie tique, l’IRM reste l’examen de choix.
A B
Fig. 14.1
Lacération pancréatique.
TDM objectivant une lacération de plus de 50 % de l’épaisseur du corps pancréatique faisant redouter une atteinte du conduit pancréatique
principal (A). Complément IRM (B) avec lacération en hypersignal T2 atteignant plus de 50 % de l’épaisseur pancréatique sans atteinte
du conduit pancréatique, situé en arrière (flèche).
277
IV. Autres atteintes
Cholangiopancréatographie Échographie
rétrograde endoscopique Bien que très largement utilisée en 1re intention en popu-
lation pédiatrique, l’échographie présente une sensibilité et
La CPRE reste l’examen de référence pour l’analyse du
une spécificité bien moindres dans la détection de lésions
conduit pancréatique principal. Elle est indiquée chez un
pancréatiques et doit être complétée par TDM et/ou IRM
patient stable chez qui il existe une lésion pancréatique au moindre doute.
ductale confirmée, ou en cas de suspicion forte de lésion La présence d’un épanchement péripancréatique est
du conduit pancréatique non authentifiée en TDM et le principal signe retrouvé. Les signes directs (contusions,
IRM. lacérations et hématomes) sont rares.
Réalisée sous anesthésie générale, elle consiste à cathé-
tériser par voie endoscopique la papille majeure et le
conduit pancréatique principal, puis à injecter du produit Lésions élémentaires
de contraste sous contrôle fluoroscopique. Une lésion du
conduit pancréatique est retenue en cas de terminaison bru-
et classifications
tale du conduit pancréatique principal ou d’extravasation du
produit de contraste. Lésions élémentaires
La CPRE est un examen aussi bien thérapeutique que La TDM peut montrer à la fois des signes directs et indi-
diagnostique. En cas de lésion du conduit, la mise en place rects de lésions pancréatiques.
d’un stent est indiquée. Le retard de traitement d’une Les signes directs correspondent aux contusions, lacéra-
fuite pancréatique de plus de 72 heures après le trau- tions, fractures et hématomes pancréatiques.
matisme initial augmente le taux de complications. Il est y Une contusion apparaît sous forme d’un élargissement
également possible de réaliser un drainage transmural focal ou diffus, mal limité, de la glande pancréatique avec
ou transpapillaire des collections péripancréatiques. hyporehaussement. Elle est considérée comme mineure
La CPRE présente toutefois des risques d’évènements lorsqu’elle touche moins de 25 % du volume pancréatique
indésirables iatrogènes graves (infection, perforation diges- et comme majeure si l’atteinte est plus importante.
tive, pancréatite) et n’est pas toujours réalisable, notam- y Les lacérations et fractures apparaissent comme des images
ment chez le patient instable ou en raison de contraintes linéaires hyporehaussées au sein du parenchyme pancréatique.
anatomiques (diverticule duodénal, œdème ou héma- Une lacération est dite superficielle ou mineure lorsqu’elle
tome duodénal). La réalisation d’une IRM permet alors de touche moins de 25 % de l’épaisseur pancréatique, profonde
discuter les alternatives thérapeutiques (principalement ou majeure lorsqu’elle atteint plus de 25 % de son épaisseur
chirurgicales). (fig. 14.2). Une lacération profonde doit faire suspecter une
A B
Fig. 14.2
Lacération du pancréas distal, atteignant plus de 50 % de l’épaisseur pancréatique (AAST III), associée à un épanchement
péripancréatique visible en TDM (A) et en IRM (B).
278
14. Traumatisme pancréatique
A B
C D
Fig. 14.3
Patient de 30 ans présentant un traumatisme abdominal fermé.
La TDM réalisée initialement ne montre pas de lésion pancréatique (A), mais il existe une infiltration hématique rétropéritonéale (B, étoile)
en arrière de 2e et 3e duodénums. La TDM réalisée à 48 heures du traumatisme objective une infiltration liquidienne péripancréatique (C),
ainsi qu’une lacération du corps pancréatique (AAST III, D, flèche).
rupture du conduit pancréatique principal et faire indiquer le pancréas et la veine splénique (fig. 14.3). Ces ano-
un complément par CPRE et/ou IRM. malies peuvent également siéger autour des vaisseaux
y Une fracture est une lacération transfixiant complète- mésentériques supérieurs, dans les espaces pararénaux
ment la glande pancréatique. Elle survient habituellement antérieur et postérieur ou dans le mésocôlon transverse.
sur le corps ou l’isthme pancréatique. En cas de doute, un dosage répété de la lipasémie peut
y Les hématomes pancréatiques sont des lésions héma- être réalisé.
tiques le plus souvent hétérogènes, parfois spontanément
hyperdenses, au sein ou au contact du parenchyme pan- Classification AAST-OIS
créatique. Ils se localisent dans plus de 90 % des cas entre le (American association for surgery
parenchyme pancréatique et la veine splénique.
Des signes indirects sont fréquemment associés. La
of trauma – Organ injury scale)
présence d’une infiltration ou d’un épanchement péri- La classification AAST des lésions pancréatiques est aujourd’hui
pancréatique est quasi constante en cas de lésion pan- la plus courante. Elle comprend cinq stades et permet la dis-
créatique et d’autant plus spécifique qu’il est situé entre tinction entre les lésions de bas grade (AAST I et II) et celles de
279
IV. Autres atteintes
Tableau 14.1. Score AAST-OIS de traumatisme Tableau 14.2. PIMS – Pancreatic injury mortality score.
pancréatique. Critère PIMS
Grade Lésions Âge
I Contusion mineure (< 25 %) sans lésion du conduit > 55 ans 5
pancréatique principal
Choc à l’admission
Lacération superficielle (< 25 %) sans lésion
du conduit pancréatique principal Oui Oui
Pseudo-kyste pancréatique (5 %)
Les pseudo-kystes sont des collections de densité liqui-
dienne au sein ou au contact du pancréas (fig. 14.6). L’IRM
est indiquée afin d’évaluer l’intégrité du conduit pancréa-
tique principal :
y s’il est intact, un traitement par drainage percutané est
généralement suffisant ;
y s’il est atteint, un traitement endoscopique par stent ou
cicatrisation dirigée sur drain doit être envisagé.
Lésion vasculaire
Fig. 14.4 Les lésions vasculaires peuvent être concomitantes au
Collection liquidienne à parois rehaussées en regard de la queue traumatisme ou secondaires par digestion enzymatique
du pancréas, dans les suites d’un traumatisme pancréatique des parois vasculaires.
AAST III. Elles sont de deux types : les faux anévrismes (images
Diagnostic d’abcès retenu dans le contexte septique.
d’addition artérielles globalement bien limitées et sans
majoration au temps veineux) et les fuites actives (fuites
de produit de contraste au temps artériel se majo-
Pancréatite aiguë rant aux temps veineux et tardif). Elles constituent une
urgence thérapeutique par radiologie interventionnelle
post-traumatique (10 %) ou chirurgie.
Les pancréatites post-traumatiques sont similaires aux
pancréatites d’origine non traumatique, que ce soit en Pancréatite chronique
termes de diagnostic (en dehors des signes directs de
traumatisme), de complications ou de prise en charge La cicatrisation d’une lésion du conduit pancréatique prin-
thérapeutique (fig. 14.5). Elles peuvent être liées au cipal passée inaperçue ou non traitée peut entraîner une
traumatisme en lui-même ou iatrogènes après CPRE et sténose focale et être à l’origine d’une pancréatite chro-
chirurgie. nique obstructive (fig. 14.7). Elle se manifeste à distance
Fig. 14.5
TDM réalisé à J4 d’un traumatisme devant l’apparition d’une hyperlipasémie, objectivant un aspect de pancréatite aiguë avec œdème
et collection liquidienne aiguë péripancréatique.
281
IV. Autres atteintes
Diagnostics différentiels
Fig. 14.6 y Un pancréas se rehaussant de façon intense, dit « pan-
Pseudo-kyste en continuité avec une lacération pancréatique. créas de choc », peut survenir chez le patient instable
hémodynamiquement.
y Des lésions traumatiques duodénales peuvent provo-
quer une infiltration de la graisse péripancréatique.
y Des épanchements péripancréatiques peuvent appa-
raître au cours du suivi d’un patient polytraumatisé (notam-
ment en cas d’épisode hypotensif avec réanimation agres-
sive par hyperhydratation). En l’absence d’argument pour
un traumatisme pancréatique, le diagnostic à retenir est
celui de pseudo-pancréatite.
y Enfin, des séquelles de pancréatite aiguë ou chronique et
des lésions tumorales peuvent mimer des lésions trauma-
tiques. Le contexte, les éléments cliniques, biologiques et
l’IRM permettent de redresser le diagnostic.
y Les lésions de haut grade (III à V de l’AAST) impliquent Le principal facteur pronostique est l’atteinte
toujours un traitement par CPRE ou chirurgie en raison du conduit pancréatique principal.
du risque important de complications. Le traitement L’examen de 1re intention est la TDM avec injec-
repose le plus souvent sur la mise en place d’un stent tion de produit de contraste.
endocanalaire par CPRE. En cas de lésion incluant la L’IRM est l’examen non invasif de référence
papille, d’instabilité hémodynamique et en cas d’échec pour la recherche et la caractérisation des lésions
ou impossibilité du traitement endoscopique, le traite- pancréatiques, et peut être complétée par une
ment chirurgical doit être envisagé par drainage externe CPRE à visée diagnostique et éventuellement
ou pancréatectomie partielle selon le niveau lésionnel. Le thérapeutique.
traitement chirurgical est associé à un haut taux de réus- La prise en charge thérapeutique dépend de la
site (> 90 %) mais une morbimortalité importante (6 à gravité du traumatisme et peut être médicale, endo
9 % de décès). scopique ou chirurgicale.
Si le patient est opéré en urgence (instabilité ou autre
lésion nécessitant une exploration chirurgicale abdo
minale), des drains externes peuvent être mis en place en
prévention d’une fuite de liquide pancréatique. Le traite- Pour en savoir plus
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Terminologie anatomique