Desnoyers 2001 (extrait)

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Données de catalogage avant publication (Canada)

Desnoyers, Annie, 1970-


Les grammaires
Comprend des réf. bibliogr.
ISBN 2-89470-123-3 (série)
ISBN 2-89470-124-1 (v.1)
ISBN 2-89470-125-X (v.2)
ISBN 2-89470-126-8 (v.3)
ISBN 2-89470-127-6 (v.4)

1. Français (Langue) - Grammaires. 2. Français (Langue) - Variation. 3. Français


(Langue) - Phrase. 4. Français (Langue) - Études et enseignement (Collégial). I. Centre
collégial de développement de matériel didactique. II. Titre.
PC2105.D47 2001 445 C2001-941372-6

Responsable de projet au CCDMD :


Michèle Frémont

Graphisme de la page couverture :


Christine Blais

Graphisme des pages intérieures :


Sylvie Pelletier

Révision linguistique :
Hélène Larue

Dépôts légaux :
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
3e trimestre 2001
ISBN : 2-89470-124-1 (vol.1)
2-89470-123-3 (ensemble)

6220, rue Sherbrooke Est


bureau 416
Montréal (Québec)
H1N 1C1

Téléphone : (514) 873-2200


Télécopieur : (514) 864-4908
Site Internet : www.ccdmd.qc.ca/langue
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Le contexte des changements


actuels en grammaire
D’abord et avant tout, pour comprendre ce qui change au juste en grammaire,
commençons par bien définir la notion clé de notre réflexion : la grammaire. En
nous inspirant du Petit Robert, voici comment nous définissons ce mot :

GRAMMAIRE (étymologie : art de lire et d’écrire)

1 (vieilli ou courant) Ensemble des règles à suivre pour


parler et écrire correctement une langue.

(linguistique) Ensemble des structures et des règles qui


permettent de produire tous les énoncés appartenant à
une langue et seulement eux.

2 Étude systématique de ces éléments.

3 Livre, traité, manuel de grammaire.

Le premier sens du mot désigne la langue elle-même : ses éléments, sa


structure, ses règles, son fonctionnement, tout ce qui en fait une entité
autonome et vivante. Dans le contexte actuel des changements en grammaire,
comme nous allons le voir, ce n’est pas du tout la grammaire prise en ce sens
qui change; nous continuerons à enseigner la langue française, quelle que soit
la définition donnée à cette dernière expression. En fait, choisir quelle langue
enseigner exactement relève d’un tout autre débat!

Le deuxième sens du mot grammaire est « l’étude de la langue ». Cette étude


peut se faire dans le cadre d’une théorie : grammaire structurale (Saussure),
v
grammaire générative (Chomsky), grammaire sens-texte (Mel’cuk), grammaire
psychomécanique (Guillaume), etc.; c’est ce qui se fait habituellement en
linguistique théorique dans les universités, et nous y reviendrons dans le fasci-
cule 4. L’étude de la langue peut aussi renvoyer au fait de comprendre sa
langue, pour mieux l’utiliser ensuite; c’est le sens qui nous intéresse tout parti-
culièrement ici. Dans ce cas, une grammaire est une application didactique
d’une ou de plusieurs conceptions ou théories sur la langue, une façon de
décrire et d’expliquer la langue au grand public. Dans le contexte actuel des

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changements en enseignement du français, cette façon d’aborder la langue,


l’esprit dans lequel elle est décrite et expliquée aux élèves, la didactique de la
langue donc, c’est justement cela qui change, et ce sont ces changements que
nous tenterons d’apprivoiser à travers cet ouvrage.

Le troisième sens du mot grammaire est une réalité palpable, un livre par exemple,
qui a pour sujet la grammaire au sens premier (la langue elle-même) et dont la
présentation de la matière découle directement de la façon de concevoir ou de
vouloir enseigner la langue, la grammaire dans son deuxième sens. Dans le
contexte actuel, comme il y a un changement de vision sur la langue, il y a aussi
un changement de traités ou de manuels la décrivant et l’expliquant. Certains de
ces nouveaux ouvrages sont décrits dans la section Bibliographie commentée;
ce sont aussi bien des ouvrages ou des grammaires de référence pour les
enseignants que des ouvrages d’apprentissage (ou grammaires scolaires) pour
les élèves.

Maintenant que nous avons établi dans quels sens du mot grammaire les
changements ont lieu, voyons quelques rumeurs qui circulent à leur propos.
Nous définirons de cette façon les contextes spatiotemporel et intellectuel de ces
changements. À la section 2, nous pousserons plus loin ce dernier aspect, en
fouillant l’esprit des grammaires actuelles.

Fausse rumeur 1 :
C’est une nouveauté québécoise!
D’abord, reconnaissons que la grammaire préconisée depuis septembre 1997
dans le programme de français du secondaire n’est pas NOUVELLE. En effet, en
linguistique théorique, la syntaxe (ou le fonctionnement de la phrase), unité de
base de la langue dans la vision actuelle de l’enseignement du français, est
étudiée depuis les années cinquante. En conséquence, depuis plusieurs années,
dans certains ouvrages de référence – même les plus classiques –, la catégori-
sation des parties de la phrase et la classification des sortes de phrases
s’inspirent des postulats théoriques. Ainsi, déjà en 1986, dans la douzième édition
du Grevisse, les articles étaient reclassés avec les déterminants; les conjonctions
étaient séparées en deux (les subordonnants et les coordonnants actuels); la
catégorie interjection disparaissait au même moment où une catégorie de
phrase naissait, le mot-phrase, qui ressemble à la catégorie phrase non verbale
des grammaires scolaires actuelles. De plus, depuis le début des années 1990,

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le cégep du Vieux Montréal, autant à son centre d’aide en français (CAF) que
dans ses cours de mise à niveau, utilise de façon institutionnalisée une
méthode d’enseignement (Le Mentor : Un guide d’autocorrection de la langue
écrite) qui s’inspire de cette conception de la langue, laquelle a guidé les auteurs
du programme de français du secondaire de 1997. Dans le réseau collégial québé-
cois, d’autres collèges, d’autres professeurs font aussi usage de méthodes de
ce type, sur une base plus personnelle.

Ensuite, la grammaire actuelle n’est pas non plus une affaire LOCALE. Les
premiers ouvrages de référence en didactique du français langue maternelle qui
décrivent et expliquent la langue dans l’esprit de ce qui est préconisé en ce
moment chez nous ont été publiés en Suisse, en France, en Belgique. Ce sont
d’ailleurs ces ouvrages qui ont inspiré les auteurs du programme de français du
secondaire, et leur application pédagogique est maintenant préconisée officiel-
lement par le ministère de l’Éducation du Québec, puis aussi ailleurs dans le
monde, même en dehors de la francophonie : l’Espagne est un exemple, où
l’étude de la langue à l’école se fait par l’étude de la phrase et de ses
syntagmes, soit le groupe du nom, le groupe du verbe, le groupe de l’adjectif,
etc. (Tel était le cas dans le système public espagnol déjà à la fin des années
1980.)

Fausse rumeur 2 : Il y a une grammaire


unique, à prendre ou à laisser!
Non, il n’y a pas UNE seule grammaire actuelle, ni au sens de description de la
langue ni au sens de traité ou de manuel sur la langue. Pour ce qui est de la
description, les grammaires actuelles expliquent la langue dans un cadre
semblable de l’une à l’autre, c’est-à-dire dans un système partant du texte,
passant par la phrase puis par les groupes de mots, et finissant par les mots
et leurs plus petites parties, les flexions; mais il y a quand même des diver-
gences dans certains détails, par exemple le fait de classer ensemble ou non les
participiales ou les infinitives avec et sans sujet propre. Quant aux traités ou aux
manuels de grammaire, ils se présentent aussi avec une organisation de la
matière reflétant la façon actuelle de concevoir la langue, mais, évidemment, ils
contiennent aussi des divergences dans les détails, selon les points de vue des
auteurs.

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Par conséquent, quelqu’un qui chercherait LA grammaire à apprendre une fois


pour toutes ne pourra pas trouver sa mention ici, d’abord parce que le présent
ouvrage n’est pas une entreprise promotionnelle et, surtout, parce que l’adoption
d’un dogme grammatical et l’apprentissage par cœur de règles et de trucs infail-
libles sur la langue sont peu conformes à l’esprit des grammaires actuelles – ce que
nous verrons plus en détail à la section 2. De toutes façons, même en
grammaire classique, nous avons toujours eu le choix entre différents traités ou
manuels, et nous aurions été bien embêtés d’en nommer UN SEUL qui aurait pu
être utilisé dans toute la francophonie!

Fausse rumeur 3 : C’est la terminologie


qui change!
Ce n’est pas la TERMINOLOGIE qui change, mais l’esprit dans lequel on envisage
la langue, dans lequel on la décrit, dans lequel on l’explique aux élèves. Le
français écrit est enseigné à l’école parce que la société considère qu’une
personne scolarisée doit être capable de produire un texte qui correspond à la
situation de communication dans laquelle elle se trouve. Un assez large
consensus existe en ce moment dans le milieu scolaire autour d’une démarche
pédagogique à privilégier pour y arriver : faire travailler les élèves sur leurs propres
textes le plus souvent possible. Cependant, pour que la démarche porte ses
fruits et que les élèves puissent s’améliorer, les commentaires et les corrections
des enseignants à propos de ces textes doivent être davantage formateurs, uni-
formes, systématiques et cohérents. C’est précisément ce que les changements
actuels en grammaire permettent de faire, au moyen, par exemple, d’un
système de codes à inscrire dans la marge des textes, ces codes se rapportant
à des explications et à des processus de correction.

Pour arriver à donner ces commentaires formateurs, ce ne sont pas tant les éti-
quettes ou la terminologie utilisée qui importent, mais plutôt l’esprit d’analyse à
partir duquel on décrit la langue. Le métalangage (le langage utilisé pour décrire
la langue) doit être économique et « parlant » afin de faire ressortir les grandes
généralisations dans le fonctionnement de la langue. Ainsi, si l’on parle
maintenant de groupe du verbe, c’est qu’il y a aussi un groupe du nom, un
groupe de l’adjectif, un groupe de l’adverbe, un groupe de la préposition; si l’on
parle de phrase subordonnée, c’est qu’elle a la même structure de base que la
phrase principale, que ce soit une phrase à verbe conjugué, infinitive ou partici-
piale; si, pour les fonctions de ces groupes ou de ces phrases, on parle de

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compléments de la phrase, du nom, du verbe, de l’adjectif, etc., c’est pour les


mettre en parallèle et simplifier, ceux-ci étant tous des éléments qui complètent,
dans leur groupe respectif, ce qui est dit par le mot principal ou noyau. Par
exemple, prenons les groupes du nom la maison de mon père, la maison pater-
nelle, la maison que mon père a habitée : choisir de nommer complément du
nom la fonction qu’occupent les groupes de mon père, paternelle, que mon père
a habitée, indépendamment de leur catégorie, simplifie les explications. En effet,
en grammaire classique, pour chacune des catégories, il fallait apprendre un
nouveau terme exprimant la fonction (complément du nom, épithète, relative).

La place de la grammaire au collégial


Nous voici donc avec quelques fausses rumeurs en moins à l’esprit, prêts à
découvrir la grammaire qui aura été apprise par les élèves qui franchiront bientôt
les portes du collégial. Mais, pourquoi s’en faire autant avec les grammaires
actuelles s’il n’y a pas de cours de grammaire proprement dits au collégial?
Quelle est la place de la grammaire au collégial? L’enseignement de la
grammaire ne relève-t-il pas plutôt de l’ordre d’enseignement secondaire?

Il est vrai que, mis à part ceux qui fréquenteront les centres d’aide en français
ou qui auront à suivre un cours de mise à niveau, la majorité des cégépiens ne
recevront pas d’enseignement grammatical formel. C’est pourquoi le but de cet
ouvrage n’est pas de nous rendre aptes à monter tout un cours de grammaire
qui serait conforme aux approches actuelles en didactique du français écrit. Par
contre, tout enseignement passe par la langue, et les élèves qui arriveront au
collégial à partir de 2002 apporteront avec eux, graduellement et toujours de
façon plus définitive d’une année à l’autre, un bagage grammatical différent de
celui que nous connaissons bien. Et, lorsque nous voudrons les aider à améliorer
la rédaction de leurs textes, en les corrigeant par exemple, que ces textes aient
pour sujet la littérature, l’histoire, la biologie ou l’aéronautique, nous devrons
parler le même langage grammatical qu’eux, et ce langage découle, tel qu’il a
été vu plus haut, d’une façon différente d’aborder la langue. Le but des quatre
fascicules est donc de nous familiariser avec ce langage grammatical
différent, et ce, à partir de corrections de textes d’élèves, de façon à rendre
plus concrète l’application possible de notre réflexion.

De plus, même s’il n’y a aucun enseignement de la grammaire prévu au


programme officiel du collégial, il faut bien admettre que nous devons en faire
dans certains cas. Évidemment, quand le mot grammaire est pris au sens

Les grammaires

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