Desnoyers 2001 (extrait)
Desnoyers 2001 (extrait)
Desnoyers 2001 (extrait)
Révision linguistique :
Hélène Larue
Dépôts légaux :
Bibliothèque nationale du Québec
Bibliothèque nationale du Canada
3e trimestre 2001
ISBN : 2-89470-124-1 (vol.1)
2-89470-123-3 (ensemble)
Les grammaires
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Le troisième sens du mot grammaire est une réalité palpable, un livre par exemple,
qui a pour sujet la grammaire au sens premier (la langue elle-même) et dont la
présentation de la matière découle directement de la façon de concevoir ou de
vouloir enseigner la langue, la grammaire dans son deuxième sens. Dans le
contexte actuel, comme il y a un changement de vision sur la langue, il y a aussi
un changement de traités ou de manuels la décrivant et l’expliquant. Certains de
ces nouveaux ouvrages sont décrits dans la section Bibliographie commentée;
ce sont aussi bien des ouvrages ou des grammaires de référence pour les
enseignants que des ouvrages d’apprentissage (ou grammaires scolaires) pour
les élèves.
Maintenant que nous avons établi dans quels sens du mot grammaire les
changements ont lieu, voyons quelques rumeurs qui circulent à leur propos.
Nous définirons de cette façon les contextes spatiotemporel et intellectuel de ces
changements. À la section 2, nous pousserons plus loin ce dernier aspect, en
fouillant l’esprit des grammaires actuelles.
Fausse rumeur 1 :
C’est une nouveauté québécoise!
D’abord, reconnaissons que la grammaire préconisée depuis septembre 1997
dans le programme de français du secondaire n’est pas NOUVELLE. En effet, en
linguistique théorique, la syntaxe (ou le fonctionnement de la phrase), unité de
base de la langue dans la vision actuelle de l’enseignement du français, est
étudiée depuis les années cinquante. En conséquence, depuis plusieurs années,
dans certains ouvrages de référence – même les plus classiques –, la catégori-
sation des parties de la phrase et la classification des sortes de phrases
s’inspirent des postulats théoriques. Ainsi, déjà en 1986, dans la douzième édition
du Grevisse, les articles étaient reclassés avec les déterminants; les conjonctions
étaient séparées en deux (les subordonnants et les coordonnants actuels); la
catégorie interjection disparaissait au même moment où une catégorie de
phrase naissait, le mot-phrase, qui ressemble à la catégorie phrase non verbale
des grammaires scolaires actuelles. De plus, depuis le début des années 1990,
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le cégep du Vieux Montréal, autant à son centre d’aide en français (CAF) que
dans ses cours de mise à niveau, utilise de façon institutionnalisée une
méthode d’enseignement (Le Mentor : Un guide d’autocorrection de la langue
écrite) qui s’inspire de cette conception de la langue, laquelle a guidé les auteurs
du programme de français du secondaire de 1997. Dans le réseau collégial québé-
cois, d’autres collèges, d’autres professeurs font aussi usage de méthodes de
ce type, sur une base plus personnelle.
Ensuite, la grammaire actuelle n’est pas non plus une affaire LOCALE. Les
premiers ouvrages de référence en didactique du français langue maternelle qui
décrivent et expliquent la langue dans l’esprit de ce qui est préconisé en ce
moment chez nous ont été publiés en Suisse, en France, en Belgique. Ce sont
d’ailleurs ces ouvrages qui ont inspiré les auteurs du programme de français du
secondaire, et leur application pédagogique est maintenant préconisée officiel-
lement par le ministère de l’Éducation du Québec, puis aussi ailleurs dans le
monde, même en dehors de la francophonie : l’Espagne est un exemple, où
l’étude de la langue à l’école se fait par l’étude de la phrase et de ses
syntagmes, soit le groupe du nom, le groupe du verbe, le groupe de l’adjectif,
etc. (Tel était le cas dans le système public espagnol déjà à la fin des années
1980.)
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Pour arriver à donner ces commentaires formateurs, ce ne sont pas tant les éti-
quettes ou la terminologie utilisée qui importent, mais plutôt l’esprit d’analyse à
partir duquel on décrit la langue. Le métalangage (le langage utilisé pour décrire
la langue) doit être économique et « parlant » afin de faire ressortir les grandes
généralisations dans le fonctionnement de la langue. Ainsi, si l’on parle
maintenant de groupe du verbe, c’est qu’il y a aussi un groupe du nom, un
groupe de l’adjectif, un groupe de l’adverbe, un groupe de la préposition; si l’on
parle de phrase subordonnée, c’est qu’elle a la même structure de base que la
phrase principale, que ce soit une phrase à verbe conjugué, infinitive ou partici-
piale; si, pour les fonctions de ces groupes ou de ces phrases, on parle de
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Il est vrai que, mis à part ceux qui fréquenteront les centres d’aide en français
ou qui auront à suivre un cours de mise à niveau, la majorité des cégépiens ne
recevront pas d’enseignement grammatical formel. C’est pourquoi le but de cet
ouvrage n’est pas de nous rendre aptes à monter tout un cours de grammaire
qui serait conforme aux approches actuelles en didactique du français écrit. Par
contre, tout enseignement passe par la langue, et les élèves qui arriveront au
collégial à partir de 2002 apporteront avec eux, graduellement et toujours de
façon plus définitive d’une année à l’autre, un bagage grammatical différent de
celui que nous connaissons bien. Et, lorsque nous voudrons les aider à améliorer
la rédaction de leurs textes, en les corrigeant par exemple, que ces textes aient
pour sujet la littérature, l’histoire, la biologie ou l’aéronautique, nous devrons
parler le même langage grammatical qu’eux, et ce langage découle, tel qu’il a
été vu plus haut, d’une façon différente d’aborder la langue. Le but des quatre
fascicules est donc de nous familiariser avec ce langage grammatical
différent, et ce, à partir de corrections de textes d’élèves, de façon à rendre
plus concrète l’application possible de notre réflexion.
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