Z. S. Harris - L'analyse Du Discours
Z. S. Harris - L'analyse Du Discours
Z. S. Harris - L'analyse Du Discours
Analyse du discours
Zellig Sabbettai Harris, Mme Françoise Dubois-Charlier
Harris Zellig Sabbettai, Dubois-Charlier Françoise. Analyse du discours. In: Langages, 4ᵉ année, n°13, 1969. L'analyse du
discours. pp. 8-45;
doi : https://doi.org/10.3406/lgge.1969.2507
https://www.persee.fr/doc/lgge_0458-726x_1969_num_4_13_2507
ANALYSE DU DISCOURS *
On peut déterminer des schemes définis pour des textes donnés, pour
des individus, des styles ou des thèmes donnés. Dans certains cas on peut
tirer des conclusions formelles du scheme spécifique de distribution des
morphèmes dans un texte. Et il est souvent possible de mettre en évidence
des différences de structure régulières entre les discours tenus par des
personnes différentes, ou dans des styles ou sur des thèmes différents.
Préliminaires
1. — Le problème.
2. Nous considérons que les corrélations entre personnalité et langue ne sont pas
simplement liées aux corrélations entre culture et langue, mais qu'elles en sont un cas
particulier. La raison d'être de ce point de vue est que la plupart des caractéristiques
individuelles d'un énoncé (à distinguer des caractéristiques phonétiques) sont en
corrélation avec les particularités de personnalité qui proviennent de l'expérience de
l'individu dans des situations interpersonnelles conditionnées socialement.
Le paradoxe, ou ce qui semble contre intutif est que la doxa générique est faite d’un ensemble de phrases en principe décousue,
qui ne se cantonne pa sà l’échelle d’un texte, alors que l’analyse du discours vise en principe à étudier des suites de phrases (on
imagine des textes alors). Ces phrases font partie d’une suite mais cette suite n’est pas nécessairement celle prévue par
l’agencement d’un texte particulier ou d’une oeuvre. 11
sible de les obtenir par des méthodes qui, fondamentalement, sont celles
de la linguistique descriptive.
Enfin, on peut quelquefois pousser plus avant l'application de
l'analyse du discours dans des textes particuliers en tirant des renseignements
non seulement de la grammaire de la langue mais aussi d'une analyse
descriptive de l'ensemble, écrit ou parlé, dont le texte fait partie : on peut
considérer cette masse plus vaste de matériau comme le dialecte dans
lequel a été écrit ou dit le texte en question, et on peut dire, comme
précédemment, que toute conclusion distributionnelle vraie pour toutes les
phrases d'une forme donnée dans ce dialecte est vraie aussi de toute phrase
de cette forme dans le texte en question.
La méthode
4. — Nature de la méthode.
(To) et Nous commençons à chauffer après (T3) sont tous trois membres d'une
classe d'équivalence T, tandis que le milieu de V automne (Ex) et la fin du
mois d'octobre (E2) sont membres d'une autre classe d'équivalence E. Il
y a encore une troisième classe d'équivalence E' composée de nous avons
toujours des tas d'ennuis quand et mais il faut bien être prêt quand. Il y a
visiblement un rapport entre E' et E puisque tous deux se rencontrent avec
les deux derniers membres de T. Mais E se trouve après T, tandis que
E' se trouve avant T.
En fonction de ces classes, on peut écrire les cinq phrases du fragment
de texte en six formules (la dernière phrase est double) : TE, TE, TE, TE,
E'T, E'T; on ne peut visiblement pas faire de E et E' une seule classe,
mais on peut dire que, quand l'ordre de E et T est inversé (quand E se
réfléchit dans T), on a E' à la place de E. Si on modifie les membres de E'
pour leur donner la forme qu'ils auraient s'ils suivaient T au lieu de le
précéder, ils deviennent des membres réguliers de E. Par exemple, on
pourrait dire Nous commençons à chauffer avec toujours des tas d'ennuis
mais les premiers froids arrivent si brusquement qu'il faut bien être prêt.
Cette phrase est de la forme TETE. Le nouveau syntagme avec toujours
beaucoup d'ennuis est un membre deE en vertu de son occurrence après T;
appelons le E3; il faut naturellement montrer qu'il est équivalent à Nous
avons toujours des tas d'ennuis, sauf en ce qui concerne sa position inverse
par rapport à T; nous verrons au paragraphe 7.3. à quelles techniques
on fait appel pour établir cette équivalence. De même il faut montrer que
le nouveau syntagme E « mais... si brusquement qu'il faut bien être prêt
(E4) est le réfléchi dans T du syntagme E' mais il faut bien être prêt quand.
Si on peut établir ces deux équivalences, on peut remplacer les deux
syntagmes E' par les syntagmes modifiés qu'on obtient quand on les
met en position E. Nous obtenons par conséquent deux membres de
plus dans E, et la classe E' n'existe plus.
On peut ainsi dresser des classes d'équivalence (comme E) de toutes
les séquences qui ont des environnements équivalents, à l'intérieur du
texte, c'est-à-dire les mêmes classes d'équivalence d'un même côté (avant
ou après). Les éléments (ou séquences d'éléments) qui appartiennent à
la même classe d'équivalence sont dits équivalents les uns aux autres, ou
substituts les uns des autres : nous verrons plus loin (paragraphe 10) que,
par certains côtés (en particulier dans les extensions du texte), on peut les
considérer comme interchangeables ou substituables; dans ce cas la classe
d'équivalence peut aussi s'appeler une classe de substitution.
11 est à remarquer que l'opération consistant à grouper dans une même
classe d'équivalence des formes non identiques, ne repose pas sur le fait
que leurs petites différences de sens sont considérées comme négligeables,
mais sur le fait qu'on les trouve dans des environnements équivalents,
ce qui signifie qu'on les trouve soit dans des environnements identiques
(le milieu de l'automne et la fin du mois d'octobre se rencontrent tous deux
dans l'environnement les feuilles tombent vers), soit dans des environne-
18
Ti Ex T3 E2
5.5. Résumé.
Nous pouvons maintenant avoir un aperçu général de la méthode.
On dira que des éléments (parties de texte — morphèmes ou séquences de
morphèmes) sont équivalents entre eux s'ils se présentent dans
l'environnement d'autres éléments identiques ou équivalents. Tout ensemble
d'éléments équivalents entre eux s'appelle une classe d'équivalence.
6. Les mathématiques, et plus encore la logique, ont déjà établi des ordres de
phrase spécifiques qui sont équivalents. On peut redécouvrir linguistiquement cette
équivalence en trouvant que la distribution de chaque phrase est équivalente à celle
des autres. Mais nous cherchons plutôt ici à découvrir d'autres équivalences que celles
que nous savons déjà faire partie du système.
20
Chaque phrase successive du texte est alors représentée par une séquence
de classes d'équivalence, celles auxquelles ses différentes parties
appartiennent. Nous obtenons ainsi pour tout le texte un tableau à double
entrée, l'axe horizontal représentant les classes d'équivalence contenues
par une seule phrase, l'axe vertical représentant les phrases successives.
Ce n'est pas un tableau des structures de phrase (sujets, verbes, etc.),
mais des schemes d'occurrence des classes d'équivalences dans tout le
texte.
Si les différentes phrases contiennent des classes entièrement
différentes, ce tableau n'a pas d'intérêt; mais ce n'est généralement pas le
cas. Il y a, dans presque tous les textes, des passages où certaines classes
d'équivalence se répètent, dans les phrases successives, en un scheme
caractéristique. Le tableau permet d'étudier ce scheme et on peut en
tirer divers types d'information sur le texte, certaines analyses
structurelles du texte et certaines exégèses sur le texte. Pour les classes
d'équivalence, qui ont été établies distributionnellement, le tableau en montre
la distribution. Pour le texte dans sa totalité, le tableau montre certaines
caractéristiques de structure.
6. — Mode opératoire.
7. Ceci est le texte authentique d'un slogan, que nous avons trouvé sur une carte,
qui selon toute vraisemblance, était accrochée à une bouteille de lotion capillaire. Un
très grand nombre de slogans ont été analysés, car ils offrent un matériau clair et
répétitif qui est relativement facile à manier, au stade où nous en sommes arrivés dans
l'analyse du discours. On a aussi analysé de nombreux autres types de textes — des
fragments de livres scolaires, de conversations, d'essais littéraires, etc., qui feront l'objet
d'une prochaine publication.
21
8. Ceci est même vrai, bien qu'à un moindre degré, dans des textes écrits par ceux
qui respectent les consignes scolaires concernant l'emploi des synonymes pour éviter
les répétitions. Dans ce cas, on trouvera souvent les synonymes dans les mêmes
environnements que le mot originel à ne pas répéter. Au contraire, quand un auteur a
intentionnellement utilisé un mot différent pour exposer une nuance particulière de sens que
ce mot exprime, il y aura souvent une différence correspondante entre les
environnements du synonyme et du mot originel.
22
dire que ces deux séquences sont assez semblables pour être considérées
comme équivalentes. En fait, puisque nous n'opérons pas sur le sens des
morphèmes, le remplacement de they par you pourrait constituer une
différence importante (comme ce serait le cas si tout le texte traitait de la
distinction entre you et they). Telles quelles, ces deux séquences ne seraient
donc pas rapprochées par notre méthode; tout ce que cette méthode
pourrait faire, serait de trier les parties identiques et les parties
différentes. En fait il se trouve cependant qu'un examen un peu plus
approfondi montre que ces deux séquences sont contextuellement identiques
— c'est-à-dire identiques quant à leur environnement pertinent ou
contexte. On verra cela au paragraphe 7.1.
Dans l'élaboration des chaînes d'équivalence, il importe de se
conformer rigoureusement aux exigences formelles de la méthode, ceci constitue
la première garantie; si nous ne faisons jamais d'approximations, si nous
ne négligeons jamais une « petite » différence dans l'environnement, nous
serons assurés que deux membres quelconques d'une même classe
d'équivalence ont au moins un environnement en commun. Si nous voulons
mettre dans une même classe deux éléments alors qu'aucun
environnement de l'un n'est identique à un environnement de l'autre, il nous faudra
ajouter à la méthode un postulat explicite, qui rendra égaux deux
environnements ou neutralisera leur différence.
Il faut enfin examiner, quand on se demande s'il faut inclure ou non
deux éléments dans une même classe d'équivalence, comment
fonctionnerait, dans l'analyse du texte, la classe qui résulterait de cette inclusion,
c'est-à-dire le genre de tableau à double entrée que l'on obtiendrait en
utilisant cette classe : ce facteur doit jouer un rôle, car il y a souvent
plusieurs chaînes d'équivalence possibles qui satisfont à la méthode. Il
ne s'agit pas de considérer des critères externes, comme la longueur de
la chaîne par exemple; il s'agit plutôt de chercher une distribution
systématique des classes, c'est-à-dire d'essayer d'établir en termes de ces
classes un certain fait structurel sur le texte. Autrement dit, nous essayons
de dresser des classes telles qu'elles aient une distribution intéressante
pour notre texte. On pourrait penser que c'est une garantie plutôt
circulaire pour la construction des chaînes d'équivalence; mais cela signifie
simplement que toutes les fois que nous devons décider s'il faut pousser
plus loin une chaîne d'équivalence, nous étudions comment le nouveau
jalon s'inscrira dans notre texte analysé, tel qu'il se présentera une fois
représenté en fonction de cette nouvelle classe. On utilise aussi ce genre
de considération en linguistique descriptive quand on doit décider, par
exemple, jusqu'où aller dans la subdivision d'une séquence phonologique
en morphèmes 9.
6.2. Segmentation.
Dès que nous voyons à peu près quelles classes d'équivalence nou&
voudrions expérimenter dans notre texte, nous le divisons en segments
successifs de manière à avoir, dans chaque segment, des occurrences
semblables des mêmes classes d'équivalences. Si nous avons jusqu'ici les
classes P et W et si nous avons quelques successions de la forme PW,
nous essayons de les diviser en segments contenant chacun exactement un P
et un W. Par exemple, le titre du slogan est représenté par PW. La
première phrase après le titre paraît contenir un P (le mot Millions), mais le
reste de la phrase n'est pas égal à W et ne le contient pas; on laisse
donc la phrase non analysée, et même son P est-il douteux.
L'appartenance d'un élément à une classe particulière dépend
toujours de l'appartenance de son environnement. Les éléments ne se
définissent qu'en fonction de leur environnement. Ainsi donc, il se pourrait
que le Millions de cette phrase ne soit pas le même mot que le Millions
du titre. En linguistique descriptive, deux segments identiques du point
de vue phonologique ne constituent un même morphème que s'ils figurent
dans la même classe de morphèmes : il faudrait probablement considérer
sun (soleil) et son (fils) comme le « même » morphème, au même titre
que table (de bois) et table (de logarithmes); s'ils figurent dans des classes
de morphèmes différentes, comme par exemple sea (mer) et see (voir),
ils ne sont certainement pas le même morphème; et si nous voulons ne pas
faire disparaître le rapport entre (a) table (une table) et (to) table
(tabuler) nous devons distinguer des morphèmes classés et des morphèmes non
classés, et dire que le morphème non classé table figure à la fois dans la
classe N et dans la classe V. De la même façon, si nous rencontrons
Millions deux fois, nous essayons de le considérer comme un « même » mor-
24
7. — Techniques auxiliaires.
comparaison avec / walk, you walk 10; et dans des formes comme both
he and I, la présence de both entraîne toujours celle de and, si bien qu'on
peut considérer both ... and comme un seul élément — et non comme
deux éléments. De la même façon, si dans un texte nous trouvons des
éléments identiques (répétés) ou différents, dont l'un n'apparaît que si
l'autre est présent, nous concluons que ces occurrences ne sont pas
indépendantes l'une de l'autre et nous indiquons leur occurrence combinée
comme un seul élément dans notre représentation du texte.
Pour they prefer X- to any hair tonic they've used nous ne pouvons le
comparer qu'à you too and your whole family will prefer X- to any hair
tonic you've used. Dans les deux cas, ce qui vient avant prefer contient le
mot qui précède 've; nous pouvons donc dire que le mot qui précède 've
n'est pas indépendant ou, plutôt, que le choix de l'un des deux membres
du groupe they /you dépend de celui des deux mots de ce groupe qui se
trouve devant prefer. Si le signe Q représente la répétition du membre
du groupe
U X they \J I/you
\J qui
X se trouve dans ce qui
XXprécède prefer, on a :
they prefer X- to any hair tonic Q've used
You... will prefer X- to any hair tonic Q've used.
Maintenant que nous avons réduit ces énoncés à leurs éléments
indépendants, nous constatons que leurs dernières parties sont devenues
identiques; par conséquent les premières parties des deux phrases se
trouvent dans des environnements identiques, elles sont donc
équivalentes; puisque la première appartenait à la classe P, la seconde you too...
appartient aussi à P u.
Ceci était un type d'occurrence liée; il y en a bien d'autres sortes
qu'il faut étudier; et les enseignements tirés de cette étude sont utiles
à la fois pour l'analyse du discours et pour une linguistique descriptive
plus détaillée.
Les pronoms en offrent un exemple important. Si le slogan avait dit
you... will prefer it, au lieu de you... will prefer X-, nous commencerions
par considérer it comme un nouvel élément, à placer dans une nouvelle
classe d'équivalence. Mais, en fait, l'occurrence de it dépend de
l'occurrence de X- : si le X précédent avait contenu le morphème de pluriel
(X-s), le pronom dans cette phrase aurait été them. D'autres mots du
groupe de it, comme he ou you, ne peuvent figurer tant que X- apparaît
dans la phrase précédente. Il en est de même pour des mots comme
10. Le s fait aussi partie de tous les noms singuliers (The child walk-s, etc.). Ou on
peut également considérer que walks, goes, etc., sont des variantes de walk, go, etc.
après he et les noms singuliers.
11. Avant d'en venir là, il faut effectuer un certain nombre d'autres opérations pour
réduire Four out of fives... say they prefer... à deux séquences PW : Four... say... et they
prefer..., la phrase You... will prefer... étant une troisième séquence PW. Sinon, les mots
say they resteraient, puisque la séquence P (équivalente à millions) est seulement Four
out of five people in a nation wide survey, et puisque la séquence W corrigée (identique
au W de You... will prefer) est seulement prefer X- to any hair tonic Q've used (cf.
paragraphe 9).
27
this /these, who /which, qui dépendent eux aussi de mots particuliers
apparaissant à un autre endroit du texte. Sans faire appel à aucune
connaissance sur la signification de ces pronoms ou sur leur « référence » aux
noms qui les précèdent, nous pouvons conclure, d'après leur distribution
dans le texte, que ce ne sont pas des éléments indépendants : ils contiennent
une partie (discontinue) de l'occurrence du morphème auquel ils sont
correliés.
On rencontre un autre type d'occurrence liée dans des expressions
réciproques comme each other et together qui introduisent dans la langue
certaines des fonctions remplies par les variables dans les expressions
mathématiques — mais avec ce manque de netteté et cette complexité
qui sont caractéristiques de la langue. La phrase Foster and Lorch saw
each other at the same moment est normale; mais enlevez and Lorch, et
tous les anglophones remplaceront immédiatement each other par autre
chose. Autrement dit, nous ne trouvons pas de phrase qui contienne each
other sans contenir soit l'expression and Z, soit un morphème de pluriel
dans le nom correspondant. Et aussi bien nous trouverons la phrase
Electrons and positrons attract each other, mais nous ne trouverons pas
— dans un livre de physique tout au moins — la même phrase avec
omission de and positrons, sauf s'il y a aussi d'autres modifications telles
que le remplacement de attract par repel.
On peut remarquer que les éléments dépendants ont particulièrement
tendance à appartenir, dans leurs différentes occurrences, à des classes
d'équivalence différentes, puisque chaque occurrence appartient à la classe
de l'élément, quel qu'il soit, qui lui est correlié. Si le texte disait : You
will prefer X-, You will prefer it, The survey showed, It showed, la première
occurrence de it appartiendrait à la classe de X-, la seconde à la classe
de survey.
Dans tous ces cas, on peut éliminer les rapports spéciaux
d'occurrence liée entre des éléments particuliers, en faisant simplement de
l'élément dépendant une partie de l'élément auquel il est correlié (dont son
occurrence dépend). Il est bien entendu que, quand nous parlons de
dépendance, l'application que nous en faisons est restreinte au texte
particulier considéré. Il se peut que l'interdépendance entre les pronoms,
ou les mots réciproques, et un quelconque nom voisin se maintienne dans
tous les textes où ces mots apparaissent; mais l'interdépendance entre
les deux occurrences de they ou de you dans notre texte est spécifique
à ce texte; on pourrait trouver ailleurs la phrase they prefer X- to any
hair tonic you've used; mais dans ce texte particulier, nous n'avons pas
cette phrase. C'est pourquoi dans ce texte nous pouvons dire ce que le
second pronom doit être, en considérant le premier.
12. Dans les formules comme A is Xt : AX2, le : indique la fin d'une phrase ou
d'un segment. (On l'utilise de préférence au point qui risquerait d'être confondu avec
le point marquant les fins de phrase dans le texte de l'auteur.)
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concerts were memorable : The concerts (ou They) were recorded in Prades.
Tout ce que cette transformation signifie, c'est qu'on considère MNRj^
comme équivalent de N is M : NRj, parce qu'on trouve bien S2GS3
comme équivalent de C is S2 : CS3, en ce sens que tous deux figurent
dans le texte modifié.
D'une part nous avons éliminé de notre agencement en tableau la
structure de segment spéciale MNRX ou S2CS3 — spéciale parce que
les autres segments sont tous de la forme NR ou CS. D'autre part, nous
avons découvert que M (ou plutôt is M) est membre de la classe R. Mais
surtout nous avons établi qu'une phrase peut être représentée par deux
segments même si elle ne contient pas deux ensembles des classes
d'équivalence voulues. C'est ce qui arrive quand nous pouvons démontrer
qu'une seule classe dans la phrase a ailleurs un rapport indépendant avec
deux autres classes ou éléments. Cette classe est donc répétée une fois
dans chaque segment; et chaque segment marque individuellement le
rapport de cette classe avec l'une des deux autres 13.
Ces difficultés dans la division en segments viennent des rapports
que les classes d'équivalence entretiennent les unes avec les autres. Une
phrase n'est pas simplement l'occurrence simultanée de différents
morphèmes ou séquences; ceux-ci sont généralement liés, les uns aux autres,
par un rapport spécifique, qui peut s'exprimer par un ou plusieurs
morphèmes d'ordre : You wrote Paul et Paul wrote you ne diffèrent que par
l'ordre des morphèmes. Si nous trouvons dans notre texte plusieurs
segments de la forme CS, cela signifie que C est dans un rapport particulier
avec S — celui de se présenter avec S, et devant lui. Puisque nous
n'opérons pas sur le sens, nous ne savons pas ce que c'est que ce rapport, mais
nous prenons soin de représenter le même ordre de morphèmes dans la
phrase par le même ordre de classes dans le segment. Quand maintenant
nous trouvons S2CS3, nous ne savons pas quel est le rapport entre cet
ordre et l'ordre CS, et nous ne pouvons faire aucune comparaison entre
les deux phrases. Il faut donc réorganiser ce S2CS3 inconnu, pour qu'il
contienne les mêmes classes dans le même ordre que d'autres segments
— et, bien entendu, nous devons montrer que la forme remaniée est
équivalente, pour ce texte, à la forme originale. Dans la plupart des cas, la
seule façon d'y arriver est de diviser la phrase inconnue, au moyen de
transformations comme celles que nous avons vues plus haut, en deux ou
plusieurs segments, de façon à ce que les segments obtenus aient une forme
qui se rencontre dans le texte.
De cette manière, nous obtenons un grand nombre de segments de
structure semblable, même dans un texte dont les phrases sont très
différentes les unes des autres.
13. Nous avons considéré ici le cas important de la séquence adjectif + nom
+ verbe, dans laquelle le nom a des rapports indépendants avec l'adjectif et avec le
verbe. On peut représenter l'adjectif, aussi bien que le verbe, comme prédicat du nom.
Nous reviendrons sur cette question au paragraphe 7.3.
31
14. Il est vrai qu'on pourrait soutenir que cette dernière phrase est encore
grammaticale. Mais la grammaire actuelle ne fait pas de distinctions entre les divers membres
d'une classe morphologique. Par conséquent, l'exigence que la phrase B contienne les
mêmes morphèmes que la phrase A sort de la grammaire, au sens courant de ce terme.
33
15. Pour donner un exemple très simple, on peut lire en compagnie de l'informateur la
phrase du texte The memorable concerts were recorded, puis s'arrêter et lui dire de façon
hésitante et interrogative « That is to say, the concerts » (c'est-à-dire, les concerts...)
et attendre qu'il donne la suite.
16. Nous pouvons trouver beaucoup de phrases qui commencent par The concerts
et qui contiennent les deux autres mots, par exemple The concerts were not memorable,
but were neverthless recorded. Ces phrases contiendront divers mots en plus de ceux de la
phrase originelle; mais le seul mot nouveau qui se trouvera dans toutes les phrases de la
forme voulue NMR (ou plutôt dans une sous-classe des phrases NMR) sera une forme
du verbe to be. C'est donc le seul mot nouveau qui soit indispensable quand on opère
le changement pour obtenir cette forme.
34
est unique, tout ce que nous voulons savoir, c'est où le mettre quand nous
disposons nos classes d'équivalence, autrement dit, quel est son rapport
à ces classes. La grammaire nous apprend que dans des phrases de la forme
NV APN l'unité minimale, dont PN est un constituant immédiat, est APN
et que ce APN peut être remplacé par A tout seul 19. Par conséquent, si le
A se trouve être membre d'une de nos classes d'équivalence alors que le
PN ne l'est pas, nous associons le PN à A dans sa colonne d'équivalence
en écrivant APN au lieu de A tout seul comme membre de la classe.
De façon plus générale, le matériau qui n'appartient à aucune classe
d'équivalence, mais qui est lié grammaticalement à un membre d'une classe,
est joint à ce membre pour former un membre élargi de la classe en
question; ainsi self-exiled from Spain est maintenant dans la même classe que
seïf-exiled. Ceci se justifie par le fait que, puisque ce matériau ne se retrouve
nulle part ailleurs dans le texte (ou ne s'y retrouve que dans le même
rapport grammatical à la même classe d'équivalence), son seul effet, quand on
représente le texte par ses classes d'équivalence spécifiques, est
précisément son rapport au membre spécifique auquel il est grammaticalement lié.
On rencontre un cas particulier assez intéressant quand deux membres
de la même classe d'équivalence constituent conjointement l'unité
immédiatement supérieure de leur phrase (c'est-à-dire quand ils sont les
constituants immédiats de cette unité), quand, par exemple, ces deux membres
sont un adjectif suivi d'un nom, avec AN = N. Dans ce cas, nous pouvons
considérer que ces membres constituent à eux deux un seul membre de
leur classe commune et entrent tous deux dans un seul segment. Si nous
les considérions comme deux occurrences de leur classe commune, il nous
faudrait mettre chaque occurrence dans un segment distinct.
Les données grammaticales sont particulièrement utiles quand il
s'agit de reconnaître les particules conjonctives. Il est facile d'identifier
ces morphèmes à partir de la grammaire formelle, tout à fait
indépendamment de leur sens, mais il peut être difficile de les identifier dans
l'analyse purement contextuelle. Leur importance réside dans le fait que
beaucoup de phrases d'un texte peuvent contenir les mêmes classes, à part
quelques mots non classés, souvent situés au début, dont la fonction
grammaticale est de lier ou d'introduire les phrases, et qui n'entrent pas dans
les classes spécifiques qui couvrent la phrase ou le segment. Dans notre
disposition en tableau, nous mettrons ces éléments, en raison de leur
position grammaticale, dans une colonne spéciale au début. Nous pouvons
même aller plus loin et mettre dans cette première colonne tout matériau
qu'on ne peut faire entrer dans aucune des colonnes d'équivalence. Ce
matériau conjonctif n'est pas toujours immédiatement évident;
remarquons qu'on peut analyser beaucoup de phrases de la forme JVV that
N1V1 comme constituées des classes d'équivalence N^, le NV that étant
relégué dans la première colonne; par exemple dans la phrase We are proud
that these concerts were recorded by our engineers, les membres connus des
classes d'équivalence sont concerts et recorded; les mots qui les précèdent
ne se retrouvent pas dans le texte et ne sont liés grammaticalement à aucun
membre d'une classe; bien au contraire, du point de vue grammatical
on peut les remplacer par des adverbes introductifs comme indeed, même si
au sens purement grammatical ils sont en fait le sujet et le verbe
principaux de la phrase.
En plus des rapports grammaticaux des classes grammaticales tout
entières, on peut utiliser des informations concernant le rapport entre
des morphèmes spécifiques ou des sous-classes grammaticales et les classes
grammaticales; on peut par exemple établir que (dans certaines langues)
les verbes intransitifs forment une sous-classe qui ne se trouve jamais
accompagnée d'un objet et qui est équivalente à un verbe transitif
accompagné d'un objet. Dans un texte donné, cela peut nous permettre de mettre
un verbe transitif et son objet dans la même classe qu'un verbe intransitif
ayant une position comparable.
Enfin un grand nombre d'équivalences détaillées s'appliquent à des
morphèmes spécifiques. Les renseignements concernant ces équivalences
ne nous sont pas fournis par la linguistique descriptive, qui traite
généralement de classes entières, mais on peut les obtenir par des méthodes
linguistiques puisqu'ils concernent des occurrences couplées et des
restrictions spéciales — bien que dans la plupart des cas il soit nécessaire
d'étudier ces restrictions en considérant plus d'une phrase à la fois. Supposons,
par exemple, que nous trouvions les mots buy et sell dans un texte. Leurs
environnsments dans ce texte peuvent ne pas se ressembler assez pour nous
permettre de les ranger dans la même classe d'équivalence, en dépit des
avantages que cela pourrait avoir pour l'analyse. Mais si nous examinons
un certain nombre d'autres textes assez courts où ces deux mots figurent,
nous constaterons qu'ils apparaissent souvent dans des environnements qui
se correspondent et que, à certains égards, ce sont des inverses distribu-
tionnels; autrement dit, nous trouvons de nombreuses phrases comme
N-t buys from N2 : N2 sells to Nt (I bought it from him at the best price I could
get, but he still sold it to me with a profit). Si les environnements de buy et
sell dans notre texte sont semblables aux environnements couplés des
autres textes, nous pourrons quand même, en considération de ces
résultats plus généraux, mettre les deux mots dans la même classe
d'équivalence, ou même les analyser comme étant inverses l'un de l'autre.
De cette façon on peut mettre dans une même classe contextuelle
plus de mots qu'il ne serait possible autrement, et on peut faire usage de
ce qui paraît être des liaisons sémantiques spéciales entre des mots (comme
entre buy et sell ou même entre un verbe transitif et la présence d'un
complément d'objet), sans sortir du cadre d'une étude purement formelle
des occurrences. La raison en est qu'il y a un haut degré de corrélation
entre les différences de sens et les différences de distribution linguistique;
et si, dans les limites d'un texte, on ne peut pas montrer les similitudes
39
Résultats
NR2
Les rangées indiquent les classes d'équivalence présentes dans chaque
segment, selon leur ordre (ou un autre rapport) à l'intérieur du segment;
les colonnes indiquent les membres spécifiques de chaque classe présents
dans les segments successifs. Le matériau qui ne rentre dans aucune classe
d'équivalence, mais qui est lié grammaticalement à un membre
spécifique d'une classe entre avec ce membre dans sa colonne, ainsi in Spain
est compris dans le premier S2. Le matériau qui ne rentre dans aucune
classe d'équivalence et qui n'est pas lié grammaticalement à un membre
spécifique d'une classe entre dans une colonne spéciale au début (ici non
représentée), qui se révélera contenir des morphèmes qui lient les phrases
20. Le tableau donné ici représente les phrases suivantes, extraites d'une
chronique concernant des disques récemment sortis : Casals, who is self-exiled from Spain,
stopped performing after the fascist victory... The self-exiled Casals is waiting across the
Pyrenees for the fall of Franco... The memorable concerts were recorded in trades... The
concerts were recorded first on tape. (Les autres phrases analysées en 7.2. ont été inventées
par moi à des fins de comparaison.) Ces phrases ne constituent pas un fragment continu
du texte, ce qui limite très sérieusement la pertinence du tableau à double entrée;
mais cela n'a pas d'importance ici, puisque ce tableau sert seulement à illustrer
l'organisation de ces dispositions.
40
9. — Résultats.
10. — Interprétations.
Les résultats formels obtenus par ce genre d'analyse font plus que
définir la distribution des classes, la structure des segments ou même la
22. Puisque millions of consumers serait un syntagme anglais courant (Pt of P2
= P2), l'emploi de la séquence presque identique millions of consumer devant bottles a
pour effet de donner une première impression que la phrase parle de P; mais quand on
atteint le mot bottles on voit que le sujet de la phrase est B, les mots P n'étant
qu'adjectifs de B.
u
RÉSUMÉ.