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Genèse 5 : la condition humaine

Jean-René Moret∗
23 Mars 2014

Table des matières


1 Introduction 1

2 Texte 2

3 Transition 4

4 Rappel des origines 4

5 Lémék et Noé 6

6 Enoch 8

7 Conclusion 9

1 Introduction
Bonjour, Jean-René, Suisse, 28 Ans, étudiant en Master à la FJC, bien
quelques fois que je viens chez vous.
Timothée a prêché sur Genèse 4 ces précédentes semaines. Je vais conti-
nuer en prêchant sur Genèse 5. Genèse 5 est un passage de généalogie, où
on voit les générations qui se succèdent entre Adam et Noé. Pour nous,
on est souvent un peu perplexes face aux généalogies, cela ne nous dit
pas grand-chose. Mais pour les hébreux, les généalogies permettaient de
connaître sa place dans le peuple de Dieu. Ou dans un cas comme celui
d’aujourd’hui, elles permettent de faire le lien entre différentes étapes de
l’histoire. Les généalogies nous assurent de la continuité entre les différents
personnages, nous assurent que nous vivons bien dans le même monde. De
plus, la généalogie d’aujourd’hui a plusieurs petites mentions qui font le

Plus de prédications sous : www.jrmoret.ch/Predic.html.

1
lien avec ce qui précède et ce qui suit. On verra que ce texte porte un rap-
pel de la création, un rappel de la chute et de la malédiction de l’homme,
[et une anticipation du déluge1 ].

2 Texte
1Voici le livre de la généalogie d’Adam. Le jour où Dieu créa
les humains, il les fit à la ressemblance de Dieu. 2Homme et
femme il les créa, il les bénit et les appela du nom d’« humains »
— Adam — le jour où ils furent créés.

3Adam vécut cent trente ans, puis il engendra un fils à sa


ressemblance, selon son image, et il l’appela du nom de Seth.
4Les jours d’Adam, après qu’il eut engendré Seth, furent de huit
cents ans ; il engendra des fils et des filles.
5La totalité des jours qu’Adam vécut fut de neuf cent trente
ans ; puis il mourut.

6Seth vécut cent cinq ans, puis il engendra Enosh.


7Après la naissance d’Enosh, Seth vécut huit cent sept ans ; il
engendra des fils et des filles.
8La totalité des jours de Seth fut de neuf cent douze ans ; puis
il mourut.

9Enosh vécut quatre-vingt-dix ans, puis il engendra Caïnân.


10Après la naissance de Caïnân, Enosh vécut huit cent quinze
ans ; il engendra des fils et des filles.
11La totalité des jours d’Enosh fut de neuf cent cinq ans ; puis
il mourut.

12Caïnân vécut soixante-dix ans, puis il engendra Mahala-


léel.
13Après la naissance de Mahalaléel, Caïnân vécut huit cent qua-
rante ans ; il engendra des fils et des filles.
14La totalité des jours de Caïnân fut de neuf cent dix ans ; puis
il mourut.
1
Les parties entre crochet n’ont pas été dites en prédication orale, pour des raison de temps et de
difficulté.

2
15Mahalaléel vécut soixante-cinq ans, puis il engendra Yé-
red.
16Après la naissance de Yéred, Mahalaléel vécut huit cent trente
ans ; il engendra des fils et des filles.
17La totalité des jours de Mahalaléel fut de huit cent quatre-
vingt-quinze ans ; puis il mourut.

18Yéred vécut cent soixante-deux ans, puis il engendra Hé-


noch.
19Après la naissance d’Hénoch, Yéred vécut huit cents ans ; il
engendra des fils et des filles.
20La totalité des jours de Yéred fut de neuf cent soixante-deux
ans ; puis il mourut.

21Hénoch vécut soixante-cinq ans, puis il engendra Mathu-


salem.
22Hénoch marcha avec Dieu trois cents ans encore après la nais-
sance de Mathusalem ; il engendra des fils et des filles.
23La totalité des jours d’Hénoch fut de trois cent soixante-cinq
ans. 24Hénoch marcha avec Dieu ; puis il disparut, parce que
Dieu le prit.

25Mathusalem vécut cent quatre-vingt-sept ans, puis il en-


gendra Lémek.
26Après la naissance de Lémek, Mathusalem vécut sept cent
quatre-vingt-deux ans ; il engendra des fils et des filles.
27La totalité des jours de Mathusalem fut de neuf cent soixante-
neuf ans ; puis il mourut.

28Lémek vécut cent quatre-vingt-deux ans, puis il engendra


un fils.
29Il l’appela du nom de Noé, en disant : Celui-ci nous consolera
de notre travail et de la peine de nos mains sur cette terre que
le SEIGNEUR a maudite.
30Après la naissance de Noé, Lémek vécut cinq cent quatre-
vingt-quinze ans ; il engendra des fils et des filles. 31La totalité
des jours de Lémek fut de sept cent soixante-dix-sept ans ; puis

3
il mourut.

32Noé vécut cinq cents ans, puis il engendra Sem, Cham et


Japhet.2

3 Transition
Voilà, 32 versets de généalogie. A priori, ce ne sont pas les versets que
l’on cite le plus souvent. Il semble qu’il n’y ait rien de plus bête : « Untel
vécut un certain nombre d’année, puis il engendra un fil. Après la naissance
de son fils, untel vécut encore bien des années ; il engendra des fils et des
filles. La totalité des jours d’untel fut de tant ; puis il mourut. »Et on
répète.
Mais déjà cela qui ne nous passionne pas dit quelque chose de la condi-
tion humaine. On nait, on a des enfants, on meurt. Comme dit l’ecclé-
siaste : « Une génération s’en va, une génération vient, et la terre subsiste
toujours. ». Voilà dans quoi l’homme est pris depuis qu’il s’est détourné
de Dieu. On nait, on a des enfants, on meurt. Et on peut se demander
"est-ce qu’il n’y a que ça ?".
Mais ce passage ne se réduit pas seulement à cette litanie. Il y a de
cours passages rédigés au début, à la fin et au milieu qui ont des choses
plutôt intéressantes à nous dire. Le texte de la Genèse est un texte très
réfléchi, très construit, et ces petits bouts de texte servent de renvois et
de rappel de plein d’autres choses.
Timothée vous a déjà rendus attentifs au fait que le texte de la genèse
est très riche et très travaillé. un des procédés qui sont à l’œuvre est le
fait d’avoir des renvois à d’autres passage en reprenant les mots-clés de
ces passages. Là où nous on mettrait du bleu souligné qu’on peut cliqué,
les hébreux mettent des rappels de vocabulaires.

4 Rappel des origines


Ainsi, les 2 premiers versets de cette généalogie font écho au récit de
la création de l’homme dans Genèse 1.26-28. Je lis dans genèse 1. après la
lecture : puis je relis le début de genèse 5
2
La Nouvelle Bible Segond. Société Biblique Française, 2002.

4
Dieu dit : Faisons les humains à notre
image, selon notre ressemblance,
pour qu’ils dominent sur les pois-
Voici le livre de la généalogie
sons de la mer, sur les oiseaux du
d’Adam. Le jour où Dieu créa
ciel, sur le bétail, sur toute la terre
les humains, il les fit à la res-
et sur toutes les bestioles qui four-
semblance de Dieu. 2Homme et
millent sur la terre. 27Dieu créa
femme il les créa, il les bénit et
les humains à son image : il les
les appela du nom d’« humains » —
créa à l’image de Dieu ; homme
Adam — le jour où ils furent créés.
et femme il les créa. Dieu les bé-
Adam vécut cent trente ans, puis il
nit ; Dieu leur dit : Soyez féconds,
engendra un fils à sa ressemblance,
multipliez-vous, remplissez la terre et
selon son image, et il l’appela du
soumettez-la. Dominez sur les pois-
nom de Seth.
sons de la mer, sur les oiseaux du
ciel et sur tous les animaux qui four-
millent sur la terre.
Le début de genèse 5 est plus condensé, mais il reprend les éléments
essentiels. Dieu a créé l’humanité, homme et femme. Il les a fait à son
image. Et Dieu a béni les humains.
Cette généalogie nous entraîne dans l’histoire humaine, avec une huma-
nité qui s’est révoltée contre Dieu et qui en subit les conséquences. Mais
au début de cette généalogie, la création de l’homme à l’image de Dieu
est rappelée. La révolte de l’homme n’a pas supprimé ce qui lui vient de
la création, et la bénédiction de Dieu est toujours là, malgré tout.
Le contenu de la bénédiction n’est pas rappelé explicitement dans Ge-
nèse 5. Mais une partie de cette bénédiction était de se multiplier et
de remplir la terre. En engendrant des descendants, les humains accom-
plissent ces paroles de bénédiction.
Le texte souligne encore la ressemblance entre Adam et son fils. Dieu a
créé Adam à sa ressemblance, et Adam a un fils à sa ressemblance. Ainsi
l’image de Dieu en l’homme est transmise et ne disparaît pas. Mais en
même temps, Seth est à l’image d’Adam tel qu’il est devenu par sa révolte.
Il y a encore une ressemblance avec Dieu, mais il y a aussi les conséquences
de la séparation. Peut-être que notre texte souligne cela en disant qu’Adam
est à la ressemblance Dieu, mais que Seth à la ressemblance et selon
l’image d’Adam. Des 2 termes qui disaient la ressemblance entre Dieu et
l’homme en Genèse 1, 1 seul est repris pour la ressemblance entre Adam
et Dieu, mais les 2 reviennent pour la ressemblance entre Seth et Adam.

5
La ressemblance avec Dieu est moins accentuée, mais la ressemblance des
hommes les uns aux autres est davantage soulignée.

5 Lémék et Noé
Sautons maintenant aux versets de la fin du passage. AU verset 29,
Lémék explique pourquoi il donne le nom de Noé à son Fils. Il le fait en
des termes qui rappellent Genèse 3, le moment où Dieu explique à Adam
les conséquences de sa désobéissance.
Je lis dans Genèse 3 les verset 17 à 19 :

Puisque tu as écouté ta femme et que


tu as mangé de l’arbre dont je t’avais
défendu de manger,
la terre sera maudite à cause de
toi ;
c’est avec peine que tu en tireras ta
nourriture
Il l’appela du nom de Noé, en disant :
tous les jours de ta vie.
Celui-ci nous consolera de notre tra-
18Elle fera pousser pour toi des
vail et de la peine de nos mains
épines et des chardons,
sur cette terre que le SEIGNEUR a
et tu mangeras l’herbe de la cam-
maudite.
pagne.
19C’est à la sueur de ton visage que
tu mangeras du pain,
jusqu’à ce que tu retournes à la terre,
puisque c’est d’elle que tu as été pris ;
car tu es poussière,
et tu retourneras à la poussière.
Lémék exprime la douleur de l’existence3 . Le travail de l’homme est
pénible sur la terre. La terre est maudite, l’effort à faire pour en tirer la
nourriture est grand. Dès le départ, l’homme avait mandat de cultiver la
terre, mais parce qu’il s’est détourné de Dieu, cela est devenu difficile. Plus
généralement, cette idée de peine est associée aux difficultés de l’existence.
Le même terme est utilisé pour les douleurs de la femme qui accouche,
3
Voir à ce sujet Bergey, R. Pathologie et guerison spirituelle : La «douleur» et le remede en genese
3. La Revue Réformée 257 (2011).

6
aussi en Genèse 3. Et on peut élargir notre regard. Les relations humaines
ne sont jamais aussi harmonieuses qu’on le voudrait. Nos entreprises sont
toujours exposées au risque d’échouer. Un coup de malchance, la maladie,
les aléas du temps, et tout ce qu’on entreprend est réduit à néant. La vie
sur terre après la chute n’est pas facile, et Lémék l’exprime bien.
Le nom de Noé est proche du verbe Nuahr, qui signifie se reposer, don-
ner du repos. Lémék fait un jeu de mot avec un verbe voisin, nahram, qui
signifie consoler, se repentir, changer d’avis. Lémék exprime son espoir
que Noé, son fils, apporte une solution ou un réconfort face à la difficulté
de l’existence. En cela, il exprime l’espoir des hommes que leur condition
ne sera pas éternellement la même, qu’un repos et une consolation est
possible. Il y a donc dans les paroles e Lémék un rappel de la dure condi-
tion humaine de l’homme sur la terre après la chute, et de son aspiration
à autre chose. L’humanité est consciente que ce qu’elle vit n’est pas ce à
quoi elle était appelée, et elle cherche autre chose.
Mais il y a un peu plus que cela dans les paroles de Lémék si on les
compare à Genèse 3. Dans Genèse 3, Dieu dit que la terre sera maudite à
cause de l’homme, parce qu’il a mangé du fruit défendu. Lémék renverse
l’énoncé : il parle de la terre que Dieu a maudite. Il constate bien dans
sa chair la condition pénible de l’homme, mais il en accuse Dieu. C’est
de la faute de Dieu si l’existence est si dure, dit-il. Lémék dit que son fils
consolera l’humanité de la dureté de son travail. En un sens il n’a pas tort,
Noé appartient à la ligné qui donnera Jésus-Christ, et c’est grâce à Noé
que l’humanité se perpétuera après le déluge. Mais en même temps, Lémék
met son espoir dans son fils, Dieu intervient dans son propos comme source
du problème, mais pas du tout dans la solution. Lémék accuse Dieu, et
cherche en l’homme la solution au problème ; c’est donc encore la révolte
qui s’exprime par là.
[Et j’anticipe un peu, mais au chapitre 6 on voit une réponse aux propos
de Lémék
5Le SEIGNEUR vit que le mal des humains était grand sur
la terre, et que leur cœur ne concevait jamais que des pensées
mauvaises. 6Le SEIGNEUR regretta d’avoir fait les humains
sur la terre, et son cœur fut affligé.
7 Le SEIGNEUR dit : J’effacerai de la terre les humains
que j’ai créés ; j’effacerai depuis les humains jusqu’au bétail, aux
bestioles et aux oiseaux du ciel ; car je regrette de les avoir faits.
8Mais Noé trouva grâce aux yeux du SEIGNEUR. Genèse 6.5-7

7
C’est le verset 6 que je veux souligner : Le SEIGNEUR regretta d’avoir
fait les humains sur la terre, et son cœur fut affligé. Regretter, c’est le
même verbe que "consoler" dans la parole de Lémék, cela exprime une
situation inadéquate et une solution à cette situation. Dieu a le cœur af-
fligé, et c’est la même racine, la même idée que la "peine" dont se plaignait
Lémék. Dieu a "fait" les homme, c’est la même racine que le "travail" cité
plus haut. Il y a donc un parallèle entre la parole de Lémék et l’annonce
du déluge. Lémék se trouve peiné et en accuse Dieu ? Dieu est peiné par
les hommes, leurs mauvaises pensées et leurs mauvaises actions ! Lémék
espère que Noé remédiera à la situation ? Dieu compte y remédier, et Noé
jouera son rôle là-dedans !]
Ainsi ce passage commence par rappeler la bénédiction de Dieu sur
l’homme et ses dons à l’homme. Il finit en soulignant la difficulté de sa
condition sur la terre , avec la tentation d’accuser Dieu et de chercher sa
propre solution. Cela anticipe la réponse de Dieu au chapitre 6. Dans cette
généalogie austère, par le biais des renvois de vocabulaire, l’auteur fait
cohabiter toute la condition humaine : image de Dieu, révolte, succession
des générations, malédiction, travail, peine, espoir.

6 Enoch
Mais au milieu de tout cela, il y a encore un élément qui dépasse la
condition humaine habituelle. Quelque part au milieu de cette longue
chaîne de générations coincée dans le cycle de la naissance et de la mort,
entre la bénédiction et la malédiction apparaît une exception : Enoch.
Voici qu’un homme marche avec Dieu.
On ne sait pas grand-chose d’Enoch, à part qu’il est vraiment agréable
à Dieu. Dieu manifeste son appréciation en prenant Enoch, en le faisant
échapper à la mort. Enoch est un signe que l’humanité est encore im-
portante aux yeux de Dieu, qu’il prend plaisir aux hommes qui l’aiment.
Dieu n’en a pas fini avec l’humanité ! Et puis, si Dieu prend Hénoc, et
que cela est une bénédiction, c’est qu’il y a un autre lieu, au delà de cette
terre maudite. Il y a une réalité de communion avec Dieu qui dépasse
l’expérience de ce monde.

8
7 Conclusion
Le passage d’aujourd’hui est vraiment un passage de liaison. C’est bien
sûr la liaison généalogique entre deux étapes, Adam et Noé. Mais c’est
plus que cela, ce passage remet en lien plusieurs éléments importants :
– La création de l’homme à l’image de Dieu et sa bénédiction
– La malédiction de la terre et la douleur de l’homme
– La tentation de rendre Dieu coupable et de chercher en l’homme
notre salut
– La possibilité d’une vie de communion avec Dieu qui ne se limite pas
à l’horizon présent
Je vous fais là une prédication assez austère. L’espoir est présent dans
ce passage, mais il est encore lointain. Il a été donné à Hénoc de marcher
avec Dieu et d’éviter la mort, mais c’est un seul homme sur des générations
et des générations. Noé assurera la poursuite de l’humanité sur la terre,
mais il ne délivrera pas l’homme de sa condition. Il faudra plus qu’hénoc
et plus que Noé. Il faudra Jésus-Christ, pas seulement un homme qui
marche avec Dieu, mais Dieu qui marche parmi les hommes. Ce passage
et ses allusions a de quoi nous rendre attentif à la condition humaine et à
ses besoins, mais il ne porte pas en lui-même la solution. Pourtant, cette
généalogie est reprise dans la généalogie de Jésus-Christ selon l’évangile
de Luc. Ces noms mystérieux qui nous sont parvenus font déjà partie du
dessein de Dieu pour ramener à lui les hommes égarés.

Références
[1] La Nouvelle Bible Segond. Société Biblique Française, 2002.
[2] Bergey, R. Pathologie et guerison spirituelle : La «douleur» et le remede en genese
3. La Revue Réformée 257 (2011).

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